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1791, 01, n. 1-5 (1, 8, 15, 22, 29 janvier)
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( No. 1. )
SAMEDI 1 Janvier 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM. MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françaile ; & ar M M
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs,
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Genêve
, eft feul chargé de la partie hillo
rique & politique.
Tous les Livres , fans exception , doivent être
adreffés à M. de la Harpe , rue Guénégaud , n . 245
tous les articles de Poéfie , à M. Bernuin , rue & place
du Théatre Français ; la Mufique , les Cartes , Eftampes
& Avis divers , à M. Framery , rue Neuve des Petits-
Champs , n . 127. Tous les envois doivent être
affranchis.
7
Le prix de l'Abonnement e de 33 liv.
franc de port par tout le oyaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Décembre
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( No. 2. )
SAMEDI 8 Janvier 1791 .
MERCURE
DE FRANCE .
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM . MARMONTEL , DE LA
HABPE & CHAMFORT , tous trois del
l'Académie Françaife ; & par M M
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs.
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Ge
nêve , eft feul chargé de la parcie biltorique
& politique .
Tous les Livres , fans exception , doivent être
adreffés à M. de la Harpe , rue Guénégaud, 2451
tous les articles de Poéfie , a M. Berquin , rus & place
du Théatre Français ; la Mufique , les Cartes Fibampes
& Avis divers , à M. Framery , rue Neave des Petits -j
Champs , no. 127. Tous les enva's doivent ê
affranchis.
Le prix de l' Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume .
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( No. 3. )
SAMEDI 15 Janvier 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM, MARIONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , Tous trois de
P'Académie Françaile ; & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Ge
nêve , et feul chargé de la partie hifto
rique & politique .
Tous les Livros , fans exception , doivent être
adreffés à M. de la Harpe , rue Guénégand , n ° . 24 ;
tons les articles de Poéfie , à M. Berqua , rue & place
du Théatre Français ; la Mufique , les Carres , Eftampes
& Avis divers , a M. Framery , rue Neuve des Petits-
Champs , n . 127. Tous les envois doivent être
affranchis.
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv .
franc de port par tour le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Janvier 1791.
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( No. 4 )
SAMEDI 22 Janvier 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM. MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françaife ; & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Ge
nève , eft feul chargé de la partie hiftotique
& politique.
Tous les Livres , fans exception , doivent êtr
adreffés à M. de la Harpe , rue Guénégaud , n °. 24
tous les articles de Poéfie , à M. Berqua , rue & plac
du Théatre Français ; la Mufique , les Carres , Eftamges
& Avis divers , à M. Framery , rue Neuve des Petits-
Champs , no. 127. Tous les envois doivent être
affranchis.
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franc de port par tous le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Janvier 1791
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1750, lettre A.
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( N °. 5. )
8AMEDI 29 Janvier 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM. MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françaile ; & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs.
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Genêve
, eft feu! chargé de la partie biftorique
& politique.
Tous les Livres , faps exception , doivent étre
adrelles à M. de la Harpe , rue Guérégaud , n° 24
tous les articles de Poéfie , à M. Berquia , rue & placera
du Théatre Français ; la Mufique , les Cartes , Eftampest
& Ayis diversa M. Framery , rue Neuve des Petits-
Champs , n . 127. Tous les envois doivent être
affranchis.
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COURS DES EFFETS PUBLICS. Janvier 1701.
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ;
COMPOSÉ & rédigé, quant à la partie
Littéraire, par MM. MARMONTEL ,
DE LA HARPE & CHAMFORT , tous trois
de l'Académie Françaife ; & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs,
M. MALLET DU PAN , Citoyen de
Geneve , eft feul chargé de la partie Hiftorique
& Politique.
SAMEDI 1. JANVIER 1791 .
A PARIS ;
Au Bureau du MERCURE , Hôtel de Thot ;
rue des Poitevins , Nº. 18.
Avec Privilége du Roi.
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Décembre 1790.
EPITRE
Ver.
L'Eleve de la Nature.
8 Variétés.
37
38
27 Spectacles,
40
29 Notices. 47
Les Déjeunés du Village. 9
Charade , En. Log.
Motifs 37

TERS.
49 Mémoires.
78
Vers. To var étés. 89
Charade, En. Log . 5.2
Notices. 81
Hiftoire, 541
COUPLETS.
Vers à Manan .
Charade , En. Log.
La Bouche de Fer.
EPITRE.
La Raifon & l'Amour,
Aux Manes , &c.
Charade, En. Log.
8 Erreurs des Economistes: 122
86
88
Inftitutions Navales. 124
yo Norices. 127
3.3 Abrégé des Tranſactions. 14❤ 135 Variétés.
138 Spectacles.
139 Notices
144
119
165 7
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard, rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni,
TOASTA
MERCURE
DE FRANCE.
PIECES FUGITIVES
ENVERS ET EN PROSE.
É
TRENNE S.
B.. J... M. b.... S………. , P…………. V✨ q………….. ƒ….. à . M….
A fi vouliez de mon amour
Un peu recevoir pour Étrennes :
De vous n'exige aucun retour ,
Acceptez-les , j'aurai les miennes.
( Par M. de Pré.., Off. au Rég. Col. Gén. Inf.)
A 2
MERCURE
LES DÉJEUNES DU VILLAGE,
I I. DEJEUNÉ.
LE COUVENT ET LE PETIT BOIS.
LORSQUE JORSQUE nous fûmes raffemblés fous le
berceau , autour de la table du thé , notre
jolie petite vieille reprit ainfi ;
Croyez-vous à l'étoile ? oh bien , moi ,
mes amis , j'y crois ; je me flatte même
d'en avoir une , & vous allez tous convenir
que j'ai des raifons pour cela, Elle voulut
donc , mon étoile , que pour mieux me
dépayfer , & mieux dérouter mon jeune
homme ( car il avait effayé pour me voir
tous les moyens qu'inventent l'amour & la
folie ) , mon oncle imaginât de me mener
fans bruit , à l'Abbaye du Pont-aux -Dames ,
où il avait des relations.
L'Abbelle lui donna fa parole que je
ferais inacceffible & invifible à tous les
hommes ; & autant qu'il dépendit d'elle ,
je fus ce qu'elle avait promis, Mon oncle
lui avait confié que j'avais dans la tête
un petit grain de folie amoureufe , dont il
Bayerische
Staatsbibliothek
München
DE FRANCE
fallait me guérir, difait- il , & l'Amour était
ce qu'on appelle la bête noire de l'Abbelle.
Je ne fais pas ce qu'il lui avait fait ; mais
la malheureufe ne pouvait en entendre le
nom fans friffonner. Dieu veuille avoir fon
ame ! Elle me veillait de bien près ; mais
cette vigilance ne me gênait en rien , car
je n'avais ni les moyens ni l'efpérance de
donner de mes nouvelles au feul être à qui
je penfais.
Il fe fera laffé , difais-je , de m'appeler
des yeux ; & défefpérant de me revoir , il
m'aura oubliée. Hélas il a bien fait. Que
ne puis-je auffi l'oublier ! J'avais emporté
avec moi mon unique confolation , la
petite épagneule que je tenais de lui ; &
C'était elle qui recevait mes plaintes . Ce
plaifir me fut envié ; & peu de jours
après mon arrivée , l'Abbeffe me fignifia
qu'il fallait m'en priver. Ni mes prieres
ni mes larmes ne purent la fléchir , & tout
Je Couvent fut témoin de ma défolation.
Ma chere petite Florette allait - on la
noyer , ou l'abandonner aux paffans ?
Heureufement l'une de mes compagnes y
fenfible à ma douleur , me propofa ,
pour l'adoucir , d'envoyer Florette à fa
mere , & de la lui recommander. Elle
é ait de Rofay , petite ville voifine du
Couvent ; & quand fa mere la viendrait
voir , elle m'apporterait ma petite épa
gneule , je la reverrais quelquefois. Ce
A 3
6 MERCURE
fut pour moi un foulagement inexprimable
, & je regarde comme un préfage
le plaifir que j'en rellentis . J'envoyai donc
Florette à la mere de mon amie . La lettre
dont je l'accompagnai vous aurait émus
de pitié. L'Abbeffe elle-même en fut touchée
; car on n'écrivait rien qu'elle ne vît :
telle était la loi du Couvent.
Mademoifelle de Nuify ( c'était le nom
de la jeune perfonne ) était loin de favoir
encore quels droits elle s'était acquis à
ma reconnaiffance ; elle ne fentait pas
le prix de ce tréfor confié à fa mere ; &
quand je parlais de Florette , en foupirant ,
& les larmes aux yeux , elle riait de mon
enfance. Elle était bien heureufe Elle
n'avait rien vu de fa fenêtre qui fit le
tourment de fon coeur.
Vous concevez l'état du mien. Qu'était-il
devenu , ce malheureux jeune homme ?
Que penfait- il de moi ? Y penfait- il encore ?
Combien n'était - il pas à plaindre , s'il
m'aimait toujours ! & combien ne l'étais-je
pas , s'il ne m'aimait plus ! Ces idées
me pourfuivalent , ne me quittaient non
plus dans le fommeil que dans la veille ;
& cependant l'objet de mes inquiétudes
' était qu'à quelques lieues de moi.
Contrôleur des Fermes à Meaux , &
croyant toujours captive chez mon
oncle , il était confumé d'amour , d'ambition
, d'impatience de s'avancer
&
DE FRANCE. *
d'avoir à m'offrir une fortune affez honnete
pour m'obtenir de mes parens.
Un jour enfin , les relations de font
emploi l'ayant appelé à Rofay , & le
trouvant dans l'une de ces fociétés que
forment les petites villes , il voit fur les
genoux de l'une des femmes qui étaient
en cercle , une épagneule toute femblable
à celle qu'il m'avait donnée. La tellemblance
l'intéreffe ; il approche , il careffe
la petite épagneule , il fait l'éloge de fa
beauté , & en la careffant , il reconnaît
le grelot , le collier dont il l'avait parée .
Ah ! Madame , s'écria-t-il avec émotion ,
d'où avez-vous eu cette jolie petite chienne ?
Madame de Nuify ne demandait pas
mieux que de conter fon aventure. Hélas !
dit - elle , c'eft par pitié que je lui ai
accordé l'afile. Une jeune perfonne , compagne
de ma fille , l'avait apportée au
Couvent où elles font enfemble. La regle
ne lui permettait pas de l'y garder. La
pauvre enfant ne favait à qui la confier;.
elle était défolée. Ma fille a le coeur
bon ; elle n'a pu la voir dans cet état
fans s'attendrir fur elle ; & l'une & l'autre
elles m'ont priée de prendre foin de
cet innocent animal , qui , fans moi
ferait délaiffé. Alors , pour rendre fon
récit plus ttoouucchhaanntt , elle fit lire mes
deux lettres ( car je lui en avais écrit
une feconde , pour lui rendre grace de
,
A 4
MERCUREU
l'hofpitalité qu'elle avait bien voulu accorder
à Florette ) , & tout le monde en
fut ému.
Je vous laiffe à imaginer l'impreflion
que firent fur mon jeune amant de fi fenfibles
témoignages du prix que fattachais au
don qu'il m'avait fait. En feignant de
fourire au fentiment naïf dont mes lettres,
étaient remplies , il demanda à les lire
lui-même ; & dans l'excès de fon émotion
, dévorant des yeux ces caracteres
tracés de ma main , adorant cette fignature
, Philippine Oray de Valfan , qu'il
voyait pour la premiere fois , il mourait
d'envie d'y appliquer fes levres. Mais certe
envie fut réprimée par la crainte de fe
trahir.
Il engagea doucement l'entretien avec
Madame de Nuify , lui parla de fa fille ,
lui fit dire tout ce qu'elle favait , & tout
ce qu'il voulait favoir du Couvent où
j'étais captive. Elle fit amplement l'éloge
de la parfaite sûreté dont y jouiffait l'innocence
, de la vigilance de Madame l'Abbeffe
, de fon extrême ſévérité à interdire
tout accès , toute relation du dehors
& le réfultat fut qu'une exacte clôture ,
des murs impénétrables , des grilles même
inacceffibles , & des Tourieres inexorables
me féparaient de lui trifte objet de réflexions
!
J'étais là , il en était sûr ; mais une
DE FRANCE.
tentative imprudente & manquée , foit
pour m'écrire foit pour me voir , allait
me faire enlever de ce Couvent ; & m'éloigner
de lui , fans qu'il pût retrouver
mes traces. C'était un coup du Ciel que
la proximité de fon pofte & de ma demeure
; c'en était un bien plus miraculeux
encore que la rencontre de la petite:
chienne mais plus cette bonne fortune lui
était précieuſe , plus il fallait la ménager.
Avant que d'attaquer la place , il com
mença par en obferver l'enceinte & tous
les alentours. Nulle efpérance d'y péné
trer , nulle efpérance même d'approcher
du parloir. Il découvrit enfin que , des
fermes voifines , de jeunes villageoifes apportaient
an Couvent tantôt des pots de
crême , & tantôt des fleurs ou des fruits ,
que les Penfionnaires achetaient à la grille
Il était blond , je vous l'ai déjà dit , &
n'avait encore fur les joues que ce duvet
qui eft la fleur d'un beau teint . Il ne vit
rien de plus facile , ni de plus sûr à faire,,
que de fe déguifer en payfanne , & de ve--
nir , un clayon fur la tête , & fous le bras:
ane corbeille pleine de bluets & de rofes ,
fe préfenter au parloir du Couvent...
Je m'y rendis avec mes compagnes &
quoique je n'euffe vu Clofan que d'affer
lbin , ces yeux bleus & ces cheveux blonds
me rappelerent fon image. La plus légere
reffemblance aurait fuffi pour attirer mon
As
10 TM ER CURE
attention ; mais plus je l'obfervais , &
plus je me fentais émue. Enfin , tandis
que mes compagnes fe jetaient fur les
fleurs , je fixai mes yeux fur les fiens ; &
un regard d'intelligence fut pour moi un
trait de lumiere. Allons , Mademoiselle ,
achetez -moi de mes bouquets , me dit-il
d'une voix radoucie , en voilà un que
j'ai fait avec foin. Je le pris , & en le
payant , je vis écrit dans cette main qu'il
me tendait Elle eft à vous. Jamais je
n'éprouvai d'émotion pareille. L'impreffion
que fit fur mon coeur l'accent de
cette voix fenfible que j'entendais pour
la premiere fois , le raviffement où j'étais
de voir de près ces traits animés par
l'amour , ces yeux tout pétillans de
flamme , & en même temps la frayeur
que quelqu'une de mes compagnes ou
de nos furveillantes ne s'apperçût de ce
qui fe paffait en lui & en moi - même
enfin tout ce que la joie a de plus vif &
la crainte de plus glaçant , me caufait un
frémiffement qui nous aurait trahis , fi le
fon de la cloche n'eut abrégé la ſcene.
Mes compagnes , heureufement , ne penfaient
pas à moi. Le clayon & la corbeille
eurent un prompt débit ; on ne parla que
de la blonde ; & j'appris qu'elle avait
promis de revenir trois jours après , la
veille de la Fête - Dieu , & d'apporter des
fleurs en abondance pour orner l'églife &
l'autel
DE FRANCE. II
Retirée dans ma cellule , livrée à mes
réflexions , ou , pour mieux dire , abandonnée
au délire de mon amour , j'admirais
cette étoile qui femblait préfider
à notre deſtinée , & nous dominer tous
les deux , lorfqu'en déliant mon bouquet
pour le mettre dans l'eau , je découvris ,
fous le jonc qui nouait les fleurs , un
ruban de papier , où étaient écrits ces
mors : Le Ciel nous aime , ma chere
Philippine il fait des prodiges pour
» nous. Nos ennemis , croyant nous féparer
, nous réuniffent. J'ai un emploi
» à Meaux , qui n'eſt pas éloigné d'ici .
» C'eft à Rofay que j'ai appris en quel
lieu vous étiez cachée. La dureté de
votre Abbelle , en vous privant de la
" perite chienne que vous daignez aimer ,
» femble me l'avoir envoyée pour me
"
ر و ر
découvrir votre afile. L'amour m'a fait
❞ trouver ce moyen de nous voir. Nos
» coeurs nous . font mutuellement connus.
» Nous avons fu que nous nous aimions
" avant de pouvoir nous le dire. Affu-
" rons-nous bien l'un à l'autre une conf-
" tance invariable. Tous les deux orphe-
"-9
lins , tous les deux fans fortune , mais
" tous les deux bien nés , c'en eft affez .
Mon travail & un peu de temps nous
feront un état paifible. Efpérance & cou-
" tage , c'est tout ce qu'il faut à l'amour.
" J'ai befoin de l'une & de l'autre ; ne me
A G
«
12. MERCURE
» refufez pas un mot qui me les donne « .
Et il avait figné , Hippolyte Clofan..
Quelle inhumaine aurait eu le courage
de le lui refufer , ce mot fi défiré ? Je
tâchai cependant d'y entremêler le fentiment
& la raifon. Je lui avouai que
j'étais touchée de la bonté qu'il avait
encore de s'occuper de moi ; mais je l'aceufai
d'imprudence..Je lui expofai le danger
d'un artifice qui me rendrait la fable dus
Couvent , s'il était découvert ; & je finis
par lui confeiller , pour fon repos & pour
par
le mien , d'oublier une infortunée , qui
n'existait que par les bienfaits d'un onclefon
tuteur , & qui devait & voulait en
dépendre . A dire vrai , j'efpérais bien que
mes confeils ne feraient pas fuivis.
Trois jours après , il reparut au milieu
d'une foule de jeunes payfammes ',
qui venaient à l'envi joncher de fleurs l'églife
dur Couvent. Le foin d'en décorer
Fautel fut confié aux Penfionnaires ; &
fous les yeux des Religieufes , nous fumes.
occupées avec les villageoifes , la moitié
de cet Iteureux jour , à faire des bou--
quets , des guirlandes & des feftons .
>
Vous nous voyez d'ici , mon jeune
'Amant & moi àà genoux au pied de
l'autel , vis-à-vis l'un de l'autre , n'étant
plus féparés que par une corbeille où
nous. faifions le choix des. fleurs.. Nos;
DE FRANCE.
*3
;
deux mains voltigeaient fans celle parmi
ces fleurs , fans ofer fe toucher. Envi--
ronnée de témoins , de ma vie je n'ai
été plus inquiete & plus tremblante ; de?
ma vie je n'ai paffe des momens plus
délicieux. J'avais mon billet à donner je
le gliffai fous une rofe ; & dans l'inf
tant il fut faifi avec une adreffe admi
rable. Après cela je fus plus tranquille ,
& je le vis s'en aller content . Nous
étions loin de prévoir l'un & l'autre le
malheur qui nous attendait.
L'envie eft de tous les états . Parmi les
filles du voifinage , la Bouquetiere de
Creffy s'était trop diftinguée par la beauté
de fon offrande , & aufli par un certain
air lefte , élégant & noble , que fes compagnes
n'avaient pas , Elle fut obfervée
avec des yeux jaloux ; & la malignité luis
trouva quelque chofe de fingulier & d'équi
voque. Sa taille, fon air, fon maintien , &
puis les traits , & puis fa voix , & puis ce
blond duvet qui commençait à poindre , tour
cela bien examiné fit naître des foupçons.
Les plus efpiégles lui firent des questions
qu'iléluda bien vite en prenant congé d'elles ;
mais dans leurs entretiens , fa perfonne fur:
détaillée, fi bien que quelques-unes parisient
que la blonde était un galant déguifé. I
Ce bruit paffa jufque dans le Couvent ;;
LAbbeffe en fut inftruite , & l'alarme sy
14 MERCURE
répandit. Vous jugez avec quelle inquiete
curiofité mes compagnes s'en occupaient ,
& comme une foule de jeunes imaginations
cheminaient de conjecture en conjecture ;
Je fis fur moi des efforts inouis pour diflimuler
ma frayeur , & je me rangeai du
côté de celles qui trouvaient la chofe incroyable.
C
Toutes ces jeunes Villageoifes avaient
promis de revenir la veille de l'octave ;
celle de Creily s'y était engagée expreffément
; on l'attendait , & cependant l'Ab
beffe avait fait prendre à Creffy même des
informations redoutables. J'étais défefpérée
de n'avoir à qui me fier pour faire favoir
à Clofan le danger qui nous menaçait.
. +
Il revint , comme il l'avait promis ,
avec une corbeille encore plus magnifique ,
& d'un air plus délibéré. Mais ce jour-là
les Penfionnaires ne fortirent pas hors du
Cloître les Tourieres feules reçurent
les offrandes ; & l'on fit dire aux jeunes
payfannes que Madame l'Abbelle les remercierait
au parloir. Elles s'y rendirent ;
& après avoir fait l'éloge de leur zele ,
l'Abbeffe les congédia. Je refpirais , lorfque
j'appris que celle de Creffy était la
feule qu'on avait retenue , & que l'Abbeffe
l'interrogeait.
D'où êtes-vous ? lui demanda- t- elle d'un
ton de Juge. Il comprit ailément que pour
DE FRANCE.
le démentir on n'attendait que fa réponſe ;
& en effet la blonde de Cretly fe trouvait
n'y être point connue. Il était pris ; il
fallait s'échapper , il fallait me fauver moiniême
; & s'il fe laiffait affaillir de quef
tions , il était perdu ; heureuſement il lui
vint dans l'idée de donner le change à
l'Abbeffe.
-
Je fuis née à Creffy , lui dit- il , Madame;
& j'y ferais encore , fans le malheur qui
m'y eft arrivé , & qui a obligé mes pere
& mere à fe retirer au village de Roife
pour me dérober aux pourfuites d'un raviffeur
qui voulait m'enlever. Vous enlever !
-Oh ! mon dieu oui , Madame ; à l'âge
de feize ans , il n'a tenu qu'à moi d'être
enlevée par un jeune homme de la Cour
qui venait fouvent à Creffy , & qui , pour
me féduire , employait mille rufes ; mais ,
graces au Ciel , je n'ai pas donné dans les
piéges de ce rompeur. Et le voilà qui lui
raconte les tentatives , les attaques , les
artifices du jeune homme' : comme il la
pourfuivait dans les jardins , dans les bofquets
, & avec quelle ardeur i la preffait
d'aller être à Paris une femme de qualité.
Plus il animait fes peintures , plus l'Abbeffe
attentive , émue , inquiete , s'émer
veillait qu'une jeune innocente eût échappé
à la féduction ; & à chaque nouveau
péril , c'étaient de nouvelles alarmes. Le
malheureux , s'écriait-elle !' il était jeune ,
MERCURE
dites vous ; & il était peut-être auffi d'une
figure aimable - Oui , Madame , il était
joli homme , bien fait , bien tourné , j'en
conviens ; mais quoiqu'il fût auffi bien
doux , bien careffant , je ne m'y fiais pas ,
car il y avait dans fa douceur un air derufe
& de malice ; fes yeux fur-tout avaient
quelque chofe de fingulier : tantôt ils étaient
languiffans , & tantôt ils étaient hardis &
brillans comme deux étoiles . C'était alors
qu'il me difait les chofes les plus tendres
& les plus incroyables. Auffi je n'en vou
lais rien croire. Mais plus je répétais qu'il
était un menteur , plus il me jurait le con
traire. Ah ! ma fille , il fallait le fuir.
---
Eh ! Madame , je ne faifais que m'é
chapper de bofquets en bofquets ; mais il
en favait mieux que moi tous les détours
& je le retrouvais fans ceffe. Quelquefois
j'étais hors d'haleine, & fi laffe qu'il fallait
bien me repofer fur le gazon. Sur de
gazon ! Alors c'étaient , des, plaintes &
des foupirs à mes genoux.
A vos ge
noux , ma fille Je lui en faifais la
honte. Il fied bien , lui difais - je , à un
jeune homme de votre qualité d'être aux
pieds d'une payfanne ! Il me répondait que
la beauté était la reine du monde. Enfini .
de colere , il fallait l'obliger à fe relever ; ,
-----
-
j'avais bien de la peine encore à me dés
gager de fes mains.. Plus je le repoutlais ,
plus il baifait les miennes. Quelle audace ,
DE FRANCE. 17
difait l'Abbelle ! Il vous baifait les mains !
-
Et fi vous aviez vu , Madame , quels
regards il me lançait en les baifant ! Ce
n'eft,pas tout. Quoi donc - Le croiriezvous
, Madame ? il eut un jour la hardieffe
de me gliffer au doigt un riche diamant ;
mais moi , le lui jetant at nez : Allez
Monfieur , lui dis - je , nous ne portons
d'anneau que celui qu'un mari nous donne.
Fort bien , ma fille ! & depuis , je l'efpere
, il vous a laiffée en repos ? - Hélas !
non & j'avais encore bien des peines à
effuyer. Mais , imprudente, vous tardiez
bien à avertir vos pere & mere ! - Hélas !
Madame , chaque fois qu'il m'avait défolée ,
il me priait fihumblement de n'en rien dire,
me demandait tant de fois pardon, & d'une
voix fi fuppliante , que je patientais , de peur
de nous en faire un ennemi. A la fin cependant
un jour que le méchant me furprit
feule cueillant des fraifes au bord de la
forêt , le matin , au moment où les oiſeaux
s'éveillent .... Ah ! malheureufe , qu'alliezvous
faire là ? Je vous l'ai dit , Madame
, j'allais cueillir des fraifes . Mais je
m'apperçois qu'il eft tard , & ma mere ferait
en peine. Il eft temps que je m'achemi
ne. Un moment , dit Abbeffe , je veux
du moins favoir...... Vous faurez tout ,
Madame je reviendrai demain , & je vous
conterai le refte. Mais fi je tardais davan
tage , ma mere gronderait , & vous ne
-
18 MERCURE
·
voulez pas que ma mere me gronde. A cest
mots , il lui fit une humble révérence , &
difparut comme un éclair.
Quelle aventure , difait l'Abbeffe ! &
voyez à quoi l'innocence eft expofée dans
le monde en vérité , je tremble encore
pour elle ; & il me tarde d'être à demain
pour voir comment elle a pu s'en tirer.
Le lendemain , elle attendir la Blonde
avec la plus vive impatience ; mais la Blonde
ne revint pas. L'Abbeffe alors ne doutant
plus qu'elle ne fût jouée, en conçut un dépit
mortel. Elle fit faire à Roife les mêmes
perquisitions qu'elle avait fait faire à Creffy.
La réponſe des émiffaires fur qu'ils n'y
avaient trouvé aucune trace de cette Bouquetiere
que fon aventure au Couvent
était la fable de tous les villages voifins ;
& qu'on y était perfuadé que la Blonde
était un blondin. J'étais tremblante ; car
mes compagnes avaient tout entendu &
m'avaient tout appris. Le perfide ! le fcélérat
difait l'Abbeffe , il m'a trompée ,
& avec les menfcnges il a cru m'échapper,
je le rattraperai , & je l'en ferai repentir.
La voilà cherchant dans fa tête quel pouvait
être ce fripon , & qui de nous avait
pu l'attirer. Bientôt ce fut fur moi que fes
idées fe fixerent. Elle me favait dans le
coeur cet amour dont mon oncle lui avait
fait confidence. Elle lui écrivit l'aventure ,
& lui donna le fignalement de ce dangereux
DE FRANCE. 19

féducteur. Mon ' oncle frappé de la reffemblance
, alla bien vite favoir de Bliancour
où il avait placé le jeune Clerc. A Meaux ,
lui dit le Financier. A Meaux ! vous avez
fait une belle oeuvre ! dit mon oncle. C'était
auprès de Meaux que j'avais caché ma pupille.
Il l'a fu , il l'a dénichée ; vous allez
voir, ce qui s'eft paffe ; l'Abbeffe me l'écrit.
Blancour, déjà piqué de la difgrace de
fon fils , le fut bien plus encore de la bévue
qu'ils avaient faite , mon oncle & lui ,
à l'infçu l'un de l'autre , en rapprochant
de moi le rival préféré ; & pour fe délivrer
plus sûrement de fes pourfuites , il réfolut
de le faire enfermer. Le premier Miniftre
était un vieux Prélat qui faifait faire fa
pénitence aux autres pour les petits péchés
de fa jeunelfe ; & notre ennemi avait auprès
de lui plus de crédit qu'il n'en fallait
pour accabler un innocent..
L'audace d'un jeune homme qui , à la
faveur d'une fête , & fous l'apparence du
zele à parer les autels , s'était gliſſé , déguifé
en fille , dans un Couvent , pour y
furprendre une jeune orpheline , qu'il avait
déjà pourſuivie dans la maifon de fon tuteur
cette audace fur préfentée au Cardinal
comme une profanation criminelle au
plus haut degré . Le vieillard fur encore
affez bon pour ne voir que du libertinage
dans ce que les Cafuiftes de fon Confeil
appelaient facrilége ; & quelques années
20 MERCURE
de Saint-Lazare lui parurent un châtiment
affez févere pour une faute dont il trouvait
l'excufe dans les amoureux fouvenirs.
Clofan fe vit donc enlevé , & fut conduir
à Saint-Lazare.
L'Abbeffe n'avait point révélé mon fecret
, & ne m'avait pas même témoigné
qu'elle en fût inftruite ; mais , en préſence
de tout le Couvent , elle annonça que le
téméraire était puni , & nomma la maifon
où il venait d'être enfermé. Au nom de St-
Lazare je pâlis , je frémis , je vis que tous
les yeux étaient fixés fur moi , & que ma
douleur me trahiffait. Eh bien , oui , m'écriai-
je en laiffant échapper mes larmes
je fuis la caufe de font malheur ; mais j'at
tefte le Ciel que j'en fuis la cauſe inno
cente , & qu'il n'y a rien de criminel dans
les intentions de cet infortuné.
Pour vous , Mademoiſelle , vous êtes
innocente, je n'en ai point douré , me dir
L'Abbeffe & la preuve que je le crois ,
c'eft que vous êtes encore ici . Mais ne
prétendez pas juftifier un féducteur impie ,
un profanateur facrilége , puifque vous me
forcez de dire à quel point il eft criminel.
Mes larmes redoublerent ; & malgré la
fierté que j'oppolais à mon humiliation ,
je n'y pus réfifter ; je conjurai l'Abbeffe
d'obtenir de mon oncle qu'il me donnât
un autre afile. Elle me le promit : mais
foit qu'elle eſpérât de me calmer , foit que
DE FRANCE. 27
mon tuteur fe donnât le loifir de m'enfermer
plus sûrement , foit enfin que , pour
me réduire , il voulût laffer men courage ,
on me laiffait gémir & me confumer de
douleur.
*
Ce n'était plus la grille , ce n'étaient
plus les murs de mon Couvent qui me
gênaient ; c'étaient les murs de Saint- La
zare : j'avais fur le coeur tour le poids des
cadenas & des verroux qui enfermaient cé
jeune innocent. C'était là qu'un pouvoit
injufte accablait de rigueur celui dont tout
le crime était devoir trop aimée. Je
le voyais feul , défolé , défefpéré , forçant
peut- être, dans les accès de fa douleur , fes
gardiens à exercer far ' lui leur inflexible
cruauté. A ce tableau fans ceffe préfent à ffiá
penſée , j'inondais mon lit de mes larmes ;
& je rempliffais ma cellule de mes gémif
femens qu'il fallait étouffer, Ma prifon me
devint horrible ; je réfolus de m'en tirer.
J'y réuths au péril de ma vie ; & les cor
deaux du Jardinier , enlevés un foir de fa
cafe , noués en échelons , pendus à ma fe
nêtre , & aux branches d'un arbre dont
les derniers rameaux s'étendaient au delà
des murs , furent le moyen périlleux que
j'employai pour m'évader. Mais échappés
à ce danger , & libre enfin dans la cam→
pagne , ali petit point du jour , qu'allais
je devenir ? c'eft-là l'intérellant.
} J'avais plus d'une fois entendu
parler
122
MERCURE
dans le Couvent d'un vieux Curé du voifinage
, le plus doux , le plus indulgent ,
le plus officieux des hommes. C'était le
Curé de Mareuil. On m'avait fait voir
fon village & quel en était le chemin.
Mon projet fut d'aller me jeter à fes
pieds , lui demander l'afile , & lui confier
la réfolution courageufe que j'avais prife ;
mais il fallait , fans être apperçue , arriver
jufqu'à lui , & je n'en avais plus le
temps. Le travail de mon évafion m'avait
pris les heures de la nuit , & lorfqu'enfin je
me vis libre au delà des murs du Couvent ,
l'aube du jour , en m'éclairant, vint me faifir
d'une frayeur nouvelle. Les gens de la
campagne allaient me voir , & dénoncer
ma fuite ; on allait m'arrêter , me ramener
dans ma prifon. Quelle honte
pour moi quel crime ne me feraiton
pas de m'en être échappée ! malheureufe
ce n'était rien de me revoir captive
; j'allais me voir déshonorée . Mon
courage m'abandonna ; je me mis à pleurer.
En pleurant , j'invoquai le Ciel , je le
pris à témoin de l'innocence de mon
coeur ; & tombant à genoux , je lui recommandai
une pauvre orpheline réduite au
dernier défefpoir,
En faifant ma priere , je remarquai ,
du côté de Quincy , un petit bois affez
touffu , & il me vint dans la penſée de
my cacher juſqu'à la nuit fuivante. J'y
DE FRANCE. 23
trouverai de l'eau , me difais - je à moimême
, & je ſupporterai la faim,
Je m'acheminai vers le bois ; & après
m'y être bien cachée , je reſpirai , aſliſe
fur mon petit paquet , & rendant grace au
Ciel de m'avoir offert ce refuge, Le croiriezvous
? J'éprouvai même un peu de joie d'y
entendre le chant des oifeaux ; & toutes ces
idées de liberté , d'amour & de bonheur ,
que leur voix réveille dans, l'ame , vinrent
plonger la mienne dans une douce rêverie,
Je pris plaifir à voir Jeannot Lapin & fa
famille jouer autour de moi ,
Et faire à l'Aurore leur cour
Parmi le thym & la rofée.
Je ne prévoyais pas que ce ferait pour moi
la caufe d'un des plus terribles dangers qu'à
mon âge l'on pûr courir,
>
Un Garde-chaffe , le fufil fous le bras
traverſe la plaine , & s'avance vers le bois
où j'étais cachée. Jeune & lefte , il allait
d'un pas à m'attraper bien vite , fi j'avais
voulu fuir ; & je n'en avais pas la force,
Epouvantée de fon approche , je m'enfonçai
encore plus avant dans l'épaiffeur du
feuillage , & là je me tins immobile , fans
ofer refpirer. Le rifque d'être atteinte du
plomb morrel ne me vint pas dans la pen-
Tée ; la peur d'être apperçue m'occupait
routez entiéremtb quy
Le chaleur roda quelque temps autous
24
MERCURE
de moi , & tout à coup je le vis qui vifait
droit à mon buiffon. Le coup partit , le
plomb fiffla autour de moi ; & dans un
mouvement de frayeur invincible je fis un
cri. Me voilà trahie.
Le Garde, prefque auffi effrayé que moi
en me voyant , s'écrie , & me deinande
s'il ne m'a point bleffée. Non , grace au
Ciel , lui dis-je. Oui ,
vraiment , grace au
Ciel , me dit- il en fe rallurant. Alors il me
confidéra d'un air furpris & fatisfait. Quel
dommage, dit - il , & quel regret , fi j'avais
tué une fi jolie tourterelle ! Et que fait-elle
dans ce bois ? Y attend-elle fon tourtereau?
Ce ton familier me déplut. Vous voyez ,
lui dis - je , une orpheline que le malheur
pourfuit , & qui tâche de lui échapper.
J'attends ici la nuit. La nuity dit i en
fouriant la nuit , dans un bois , à votre
âge ! & d'où venez-vous ? Dan Couvent
où l'on me retenait captive. Et où avez-.
vous deffem d'aller
Chez un vieillard
qui n'eft pas loin d'ici , & qui me fervita
de père. Quel, eft - il, ce vieillard
connais tout le voifinage. Pardonnez ,
celt mon fecret. Votre fecret , je le
devine , ma belle enfant si c'eft de l'amour.
Tenez, ces aventures de Couvent fe reffonblent
toures. Il y avtoujours de d'amour en
jeu, Oui , je gage que vous avez quelque
amoureux qu'on vous défend de voir , &
que c'est pour cela que vous vous êtes
échappée.
Je
DE FRANCE. 25
échappée. Convenez - en de bonne foi . En
me trouvant ici , vous avez droit , lui disje
, d'imaginer tout ce qu'il vous plaira ;
mais le Ciel m'eft témoin qu'il n'y a dans
ma conduite rien que d'honnête & d'innocent.
-- -
Durant ce dialogue , fes yeux étaient attachés
fur les miens . J'étais affife , il était
debout. Sa contenance était hardie ; & cependant
fon air & fon regard avaient je ne
fais quoi d'inquiet & d'irréfolu : il fe tint
quelque temps immobile & penfif, les deux
mains appuyées fur fon fufil ; & moi
intimidée de fon attention , je gardais
auffi le filence. Quel âge avez - vous ?
me demanda - t - il. Dix - fept ans.
Dix-fept ans ! & vous avez perdu pere, &
mere? -Hélas ! oui. - Etes - vous riche
Non. Moi je fuis à mon aife , je
fuis garçon ; & s'il ne vous fallait qu'un
bon mari..... Je vous fuis obligée ; mais
je n'ai pas deffein de difpofer ainfi de moi :
je vais pour quelque temps encore me retirer
dans un autre Couvent. Bon , les
Couvens rien n'eft fi trifte . Allez , Mademoifelle
, la maifonnette d'un Garde-chafle ,
bon vivant , vaut mille fois mieux , fans !
me vanter , que le plus beau Couvent du :
monde. Et il allait me faire la peinture
de la joyeufe vie que nous y menerions.
J'abrégeai l'entretien en le priant de s'é--
loigner , & de continuer fa chaffe . Moi ,
N°. 1. 1. Janvier 1791 .
er
-
B
26 MERCURE
-
--
dit-il, vous laiffer ici feule jufqu'à la nuit !
cela n'eft pas poffible. Vous êtes , ma foi ,
trop jolie pour être abandonnée . Je ne
vous quitte pas , & ce foir je vous accompagne
. Non , lui dis-je , il faut me laiffer ,
ou je vais m'en aller moi - même , au
rifque d'être prife & remenée dans ma
prifon . Vous avez donc bien peur de
moi ? -Non , mais je fais qu'il ne me convient
pas d'être ici feule avec un homme.
Et qui vous gardera , fi je m'en vais ?
-Le Ciel , qui garde l'innocence. -
Il fera bien ; car pour les jeunes filles
il ne fait pas sûr dans les bois. Et il me
regardait encore avec des yeux plus animés.
Laiffez-moi donc , lui dis - je avec inſtance.
Je vous en ai prié , je vous en conjure à
genoux. Alors il parut prendre fa réfolution
. Vous le voulez , dit - il ? allons , il
faut vous obéir . Mais la journée eft longue ;
Hélas ! non avez -vous de quoi vivre ?
je n'ai rien . Je vais donc vous laiffer le
pain & le vin de mon déjeûner . Je le veux
bien , lui dis -je , fi vous me permettez de
vous payer ce bon office . J'avais tiré ma
bourfe ; mais il eut la nobleffe de refuſer
obſtinément l'argent que je lui préſentais.
Je le remerciai ; & pour derniere grace je
lui demandai le filence. Oh! pour le filence ,
dit - il , en fouriant , il faut me le payer ;
& je n'en veux pas moins que ce petit
coeur d'or qui pend là fur ce joli fein .
---
--
>
DE FRANCE. 27
Je ne faurais m'en détacher , lui dis - je ,
il me vient de ma mere. Il me fait pourtant
bien envie , reprit - il avec des yeux
étincelans ! laiffez-moi du moins le baifer.
Et en difant ces mots , il y portait la main.
Je reculai avec effroi .
En me voyant pâlir, il s'arrêta ; & après
un moment de filence : Mademoiſelle , me
dit-il d'une voix entrecoupée & preſque
éteinte, je fuis jeune , mais je fuis honnête
homme ; oui , je le fuis , & je veux l'être.
Adieu. Ce ne fera pas moi qui abuferai
de l'état où vous êtes. Mais ne couchez
point dans ce bois ; non , croyez- moi , n'y
couchez pas. Je roderai tout à l'entour
jufqu'à la nuit , pour vous garder ; mais ce
fera de loin. Adieu , vous ne me verrez plus .
J'ai réfléchi depuis à la fituation violente
où j'avais vu l'ame de ce jeune homme , à
l'altération de fa voix , au feu qui animait
fon vifage & qui jailliffait de fes yeux ,
au regard fixe & devorant qu'il tenait attaché
fur le petit ceur d'or qui pendait à
mon cou ; & j'ai admiré la réfolution avec
laquelle il s'éloigna de moi , en jetant à
mes pieds fa roquille & fa panetiere.
Bien des héros n'auraient peut-être pas été
fi magnanimes ; & je doute que la continence
de Scipion , dont on a tant parlé ,
fût plus digne d'éloge que celle de mon
Garde-chaffe .
>
Je dinai de fes dons ; & la fatigue de la
B 2
28 MERCURE
nuit m'ayant fait un befoin de quelques
heures de fommeil , je m'y livrai. Enfin la
nuit étant venue , je pris la route de Mareuil.
Nous y arriverons demain ; car j'ai fait
aujourd'hui , dit - elle , une affez longue
courſe : j'ai besoin de me repofer.
( La fuite au 1er . N° . de Février. )
Par M. Marmontel. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LF, mot de là Charade eft Boiſſeau ; celui
LE
de l'Enigme eft Eclair ; celui du Logogriphe
eft Carme , où l'on trouve Arme.
LA
CHARA D E.
A Bergere , pour mon premier ,
Ne fe fert que de mon dernier :
Sans l'amitié , Zélis , la vie eſt mon entier.
( Par M. Lagache fils , d'Amiens . )
ÉNIGM E.
B.. J.. M. b .... S... , J. V... a.... à. T... M.. C...
JEE fuis , mon cher Lecteur , un être imaginaire ;
De tes plus doux plaifirs cependant je fuis mere ;
DE 29 FRANCE.
Je fuis dans tous les coeurs, je charme tous les maux ;
C'est moi qui des mortels adoucis les travaux :
Même au plus malheureux , par ma douce magic ,
Je fais chérir encor & conferver la vie.
Es-tu content , heureux ? j'ajoute à ton bonheur ;
Malheureux , je te fuis jufque dans ton malheur :
Pour toi,dans ces momens , j'étale tous mes charmes ;
Et, prefque malgré toi , viens effuyer tes larmes.
Es-tu loin , cher Lecteur , d'un objet adoré ?
Je préfente à tes yeux mon miroir enchanté;
( Pour un inftant , hélis ! ) je te rends fa préfence ,
Et j'abrege pour toi les langueurs de l'abfence.
Jufqu'ici , cher Lecteur , je ne me montre à toi
Que fous de beaux dehors ; mais prends bien garde
à moi :
Je dois t'en avertir , ma faveur eft douteuse ,
Et je n'offre fouvent qu'une amorce trompeuſe :
Puifqu'il me faut enfin te dire mes fecrets ,
Je ne tiens pas toujours tout ce que je promets.
Mais tel eft mon pouvoir , malgré mes perfidies ,
Que mille fois trompé , cependant tu l'oublies ;
Et tu reviens à moi pour chercher le bonheur .
Que te promet encore une flatteufe erreur.
Pourrais-tu , cher Lecteur , encor me méconnaître ?
Je n'ajoute qu'un trait , un peu trop clair peut- être :
F
B 3
30
MERCURE
Tu dois pour me trouver redoubler ton effort ,
Car je te refterai juſqu'au lit de la mort.
(Par le Ch. de Pré.. , Off. au Régim
Col. Gén. Inf. )
LOGO GRIPHE.
MON chef fe tire de la terre ;
Le refte de mon corps eft caché dans les Cieux.
A ce début , qui femble annoncer un myftere ,
Peut-être en vain, Lecteur, ouvres-tu de grands yeux.
Mais veux-tu me connaître ?
Diviſe mes fix pieds , analyſe mon être :
Tu trouveras d'abord le plus cruel des maux ;
Puis ce qui peſe à la lente vieilleſſe ,
Et mûrit la raifon de la verte jeuneffe ;
Le plus for , le plus vil de tous les animaux ;
Une riviere en France ; une note ; deux villes ,
Dont les noms à trouver ne font pas difficiles ,
Quoiqu'aucune des deux ne foitus ces climats ;
Un bruit dont les poltrons redoutent les éclats ;
Et fi, malgré ces traits , j'échappe à ta penfée ,
Cours au marché , Lecteur , là je fuis expofée.
( Par M. R. A. B. de Montpellier. )
14
DE FRAN
C. E. 31
NOUVELLES
LITTÉRAIRES
.
DE L'INSURRECTION
PARISIENNE ,
& de la prife de la Baftille ; Difcours
hiftorique , prononcé par extrait dans
L'Affemblée Nationale , par M. DUSAULX ,
de l'Académie des Belles-Lettres , l'un
des Électeurs réunis le 14 Juillet 1789 ,
Repréfentant de la Commune de Paris
& l'un des Commiffaires actuels du Comité
de la Baftille.
Il ne s'agit point ici d'une fiction ,
mais d'un fait. Τυν .
A Paris , chez Debure l'aîné , Libraire ,
rue Serpente , Hôtel Ferrand , Nº . 6.
Un Volume in - 8°.
EN prenant pour épigraphe un trait de
Juvénal , M. Dufaulx rappelle à fes Lecteurs
fon plus beau titre de gloire littéraire.
C'eft faire entendre en même temps
de quel il il aura vu les événemens qu'il
raconte ; & ce n'eft pas promettre un
fpectateur froid & infenfible , que d'annoncer
le Traducteur de Juvénal témoin de la
naiffance de notre Liberté .
On le fouvient qu'au mois de Février
B 4
32
MERCURE
dernier , les Vainqueurs de la Baftille furent
préfentés à l'Affemblée Nationale ,
par une députation de Citoyens & de Repréfentans
de la Commune. M. Dufaulx ,
à la tête de cette Députation , prononça ,
par extrait , un Difcours où étaient retracées
les circonftances principales de l'un
des fiéges les plus courts & les plus
mémorables dont l'Hiftoire puiffe conferver
le fouvenir. Il a choifi , pour publier
en entier ce Difcours , le moment où les
Députés de toutes les Gardes Nationales du
Royaume , raffemblés à Paris , vinrent célébrer
l'aniverfaire de cette conquête , par
une Confédération folennelle qui renverfa
toutes les efpérances des anciens amis de
la Baftille.
>
C'est à ces braves Repréfentans de
deux millions de Soldats patriotes , qu'il
dédie fon Ouvrage ; cette dédicace
digne par fa fimplicité d'être offerte à des
hommes libres , eft fignée Dufaulx ,fexagé
naire. Fait pour preffentir nos vertus , il
a jugé , fans doute , que dans une Conftitution
bien réglée , l'âge où commence la
vieilleffe , devait être un titre de plus à
l'intérêt public ; & il ajoute avec un fentiment
bien fait pour augmenter cet intérêt :
" Je compte avec reconnaiffance le nombre
» de mes années , puifqu'elles m'ont fait.
voir enfin ce que j'ai tant défiré , la
Liberté de mon pays ".
"
DE FRANCE.
33
Le Difcours eft précédé d'une notice
abrégée des principaux faits qui ont fignalé
notre infurrection . Cette partie , intitulée
l'uvre des fept jours , préfente le tableau
d'une femaine , qu'on pourra nommer à
jamais la grande Semaine du Peuple Fran-›
çais . Au milieu du récit de la troisieme
journée , l'Auteur s'arrête , & préfente en
peu de mots ce réfumé frappant : » Réfu-
» mons la marche de ces trois jours : le Di-
» manche , infurrection : le Lundi , Milice
Bourgeoife : le Mardi , la Baſtille emportée;
«
22.
& déjà ce jour fert d'époque. O SIECLES !
» ÔMÉMOIRE « ! On pourrait dire qu'aucune
phrafe de l'Hiftoire n'eft auffi pleine
que celle- là.
La Baftille était emportée ; le Defpotifme
était forcé dans fon plus redoutable afile ;
& quelques uns de fes vainqueurs le redoutaient
encore . Ils n'avaient pas craint
de l'attaquer ; ils craignaient d'être nommés
patmi ceux qui l'avaient vaincu . M. de
la Salle , après les avoir embraffés , féli-
" cités , & leur avoir diftribué provifoi-
" rement quelques marques d'honneur ,
1
leur demande leurs noms. Quelques-
" uns , qui avaient eu d'abord plus de bra-
">voure que de caractere , toujours préoc- e
""
*
cupés de l'ancien Defpotifme , & re-
» doutant les fuites de leur conquête
» n'olent pas fe nommer effrayés de leurs ,
» propres exploits , ils fe taifent , ils fet
B s
34
MERCURE
fauvent comme s'ils avaient fait un mauvais
coup ". Ce trait ne pouvait être ni
mieux obfervé ni mieux rendu .
ور
-
33
Parmi les Anecdotes plus ou moins cufieufes
que fourniffent les jours fuivans , on
en remarque une qui eft perfonnelle à l'Auteur,
quoiqu'il ne fe foit pas nommé. Il parle
d'abord de M. Tréfontaine , qui , monté fur
un cheval fuperbe, accompagnait la voiture
du Roi , le jour de fon entrée à Paris.
Le Roi , frappé de la beauté du cheval ,
demanda d'où il venait. De vos écuries ,
Sire ; & j'aurai foin de l'y remettre.
Gardez - le; je vous le donne. L'un de
" nous , continue M. Dufaulx , eut , peu
» de temps après , les plus grandes obligations
à ce digne homme. L'Electeur
» dont il s'agit , chargé par M. le Maire
» de faire tirer l'une de nos Loteries , s'a-
» vifa de pérorer contre cet abus , qu'il
» avait déjà combattu dans un Livre intitulé
: De la paffion du Jeu depuis les
» temps anciens jufqu'à nos jours. L'Ora-
» teur fit affez de fenfation pour que plufieurs
des affliftans allaffent retirer leur
» mife ; ce qui donna de l'humeur à
quelques Buraliftes. Infenfiblement un
grand nombre accoururent. M. de Tréfontaine
, qui était de garde , protégea
l'Electeur , & le tira d'un pas fort dan-
» gereux ". Il y a dans ce récit autant de
bonhommie que de reconnaiffance.
ود
و د
و د
"3
"
DE FRANCE. 35
Le Difcours qui forme le corps de
l'Ouvrage , eft divifé en trois parties ; les
deux premieres contiennent le tableau de
l'infurrection de Paris & de la prife de
la Baftille ; llaa ttrrooiiffiieemmee ,, un coup d'oeil
rapide fur les premiers effets & fur les
fuites de la Révolution . Les faits font ici
rapportés d'une maniere plus oratoire
qu'hiftorique ; un grand nombre font rejetés
dans les Notes. Ils font tous aujourd'hui
prefque également connus ; on les
relit pourtant avec plaifir ; on les lira
long-temps encore tandis que les Français
feront dignes d'être libres , ils aimeront
qu'on leur parle de cette Bastille qui
femblait devoir toujours les empêcher de
le devenir.
* On a cru faire une réflexion auffi fine
que jufte , en obfervant que tous les
gens qui ont pris la Baſtille n'avaient
rien à démêler avec elle , & qu'aucun
d'eux ne courait rifque d'y être jamais renfermé.
Il est vrai qu'à quelques exceptions
près , cet honneur n'était pas réſervé au
Peuple. Mais depuis quand eft - ce la
crainte d'être détenu dans une fortereffe qui
fait qu'on l'affiége ? Le Peuple favait bien
qu'il ne ferait pas mis à la Baftille ; mais
il favait auffi que la Baftille était le Boulevart
du Defpotifme. Or , il était las du
Defpotifme , il était las d'être affiégé ,
menacé , affamé par une armée ; il était
$
B 6
36
MERCURE

las de l'oppreffion , & il n'ignorait pas que
la Baftille fondait la fécurité de fes oppreffeurs
, &: que , fi elle pouvait s'écrouler ,
toutes leurs machinations s'écrouleraient
avec elle. Il le favait , & il marche vers
la Baftille , décidé à la prendre ou à périr.
Parifiens , Provinciaux , Etrangers , tous reçurent,
en même temps comme une commotion
électrique. La foule fe groffilſait à
tous momens de Citoyens de tout âge &
de toutes conditions , Officiers , Soldats .
Pompiers , femmes , Abbés , gens de la
campagne. " On y vit des Guerriers ré-
» cemment arrivés de différens points du
و ر
و ر
93
ود
globe ; quelques - uns de la veille ou
» du jour même , qui avaient combattu
» dans les deux Mondes , & qui avaient
déjà contribué à plufieurs Révolutions .
» Georget revenant de l'Amérique , débarque
à Breft , arrive le matin du 14 à
» Paris ; il apprend qu'on affiége la Baf-
» tille , ne dit rien & y court “. Voudrait
on que ce brave Georger eût examiné
, avant d'y courir , s'il avait quelque
intérêt perfonnel à ce qu'elle fût prife ?
"
Une autre fource intariffable de plaifanteries
que certaines gens fe font ménagée
en parlant de cette expédition qui n'a pourtant
rien de plaifant , fur-tour pour eux ,
c'eft la facilité du fuccès , la reddition
non difputée de la place , la nullité de
la défenfe & l'abſence totale du
DE FRANCE.
37
danger. Mais comment le nommé Bouy
de Valois y reçut - il donc dix coups de
fufil ? Comment Bernard y fut - il foudroyé
de trente deux coups , décharge qu'on crut
devoir attribuer à l'une de ces pieces
chargées à mitraille , qu'on appelait , par
une autre plaifanterie de fi bon goût , les
amufettes du Maréchal de Saxe : Comment
M. Sauberbielle , Chirurgien Major , rapporte-
t- il qu'un Citoyen , qui chargeait en
filence & tirait depuis une heure , avait
reçu , du haut des tours , une balle dans la
capacité ? Mes amis , dit il , je me
meurs mais tenez- bon , Vous la prendrez
«. Et il rendit le dernier . foupir .
Comment enfin , d'après les recherches
exactes & les procès - verbaux des Repréfentans
de la Commune , choifis à cet effet ,
fe trouve-t-il 83 mors fur la place , 15
morts de leurs bleffures , 60 bleffés 13
eftropiés ? Si l'on tirait en l'air , feulement
pour faire peur , comme quelquesuns
l'affurent , fi l'on ne tirait qu'à poudre
, comme d'autres le prétendent , ou
fi enfin l'on ne tirait point du tout , & vous
trouverez des partifans de cette opinion ,
d'où partirent donc ces 171 coups de feu ?
Sans doute on fe défendit mal. Le Gouverneur
avait perdu la tête . Mais foutenir
qu'on affronta fans danger un feu roulant
de plufieurs heures , c'eft l'avoir perdue
prefque autant que lui . Ce fiége , fi impor
38
MERCURE
tant par les fuites , a couté moins de monde
que celui de tant de petites bicoques fans
nom , attaquées fans raifon , & prifes
fans utilité ; cela eft vrai encore , & voilà
ce qui fâche beaucoup de gens : fi du moins
on avait tué quelques milliers de cette canaille
! ... Peu s'en fallut que ces gens fi difficiles
n'euffent de quoi fe fatisfaire. Launay
voyant les portes forcées , les ponts franchis ,
fes troupes refufant de tirer davantage , flottait
dans une irréfolution convulfive. » Tantôt
il veut fe rendre à difcrétion , tantôt
» s'enfevelir fous les débris de la place."
» On le vit tenant une meche enfiam-
» mée , s'élancer vers les poudres , dont
» l'exploſion aurait entraîné la ruine de
"
30
plufieuis milliers d'hommes , aurait détruit
de fond en comble une partie de
» la ville . Qui l'a retenu car il faut
» qu'on le fache. Ce furent Ferrand &
» Bécard , deux de ces hommes dont la
» feule Providence connaît le coeur ; de
" ces rares Citoyens qu'elle tient en ré-
» ferve , & choifit fouvent dans les rangs
» les plus obfcurs , quand elle veut nous
"
garantir de quelque grande calamité .
» Ces deux bas - Officiers , lui préfentant la
» baïonnette , l'écarterent du volcan qu'il
» allait embrafer «. Voilà la fête digne
d'eux , que les amateurs des fiéges meurtriers
ont perdue .
On ne doit jamais chercher à déprécier
DE FRANCE.
39
une bonne action ; & nous fommes plus
loin que perfonne de cette difpofition antimorale.
Nous avouerons pourtant que l'intérêt
perfonnel & le befoin preffant de leur
propre confervation femblent diminuer un
peu le mérite de l'action de ces deux braves,
& que l'oeuvre de la Providence paraît
s'être bornée ici à placer entre le Gouverneur
& les poudres , deux hommes qui aimaient
mieux fe rendre que de fauter en l'air.
Au refte , il faut favoir gré à M. Dufaulx
de citer dans cette occafion , comme dans
mille autres , des noms inconnus & populaires
, & de les dénoncer à Hiftoire . C'eſt
ainu qu'en parlant des premiers Volontaires
qui marcherent à la Baftile , & qui fe conduifirent
avec la plus grande bravoure fous
le feu de la place , il le fait un devoir de
les nommer. Puis il ajoute cette excellente
réflexion , qui peut fervir de regle à tous
nos Ouvrages hiftoriques : Le Lecteur
» Français , avant la Révolution , craignait
» de trouver trop de noms dans l'Hiftoire,
" & il avait raifon ; car le plus fouvent
» ce n'étaient que des noms d'efclaves.
33
Aujourd'hui tout eft changé ; nous nom-
» merons déformais les bons Citoyens , à
l'exemple des Peuples libres. Ouvrez
» Homere & Hérodote , ces pères de la
» Poéfie & de l'Histoire , vous verrez qu'ils
nommaient par nom & par furnom des
phalanges entieres «<.
32
40 MERCURE
Il n'eft prefque perfonne à Paris qui
n'ait été , les jours fuivans , curieux d'entrer
dans la Baftille , & qui , chacun à fa
maniere , chacun felon le degré d'imagination
, de fenfibilité , de philofophię dont
il était pourvu , n'ait éprouvé dans cette
vifte finguliere des fenfations profondes
& nouvelles. Mais elles ne peuvent fans
doute donner qu'une faible idée de celles
qui durent affaillir les Vainqueurs euxmêmes
, entrant tous à la fois dans ce
lieu jufqu'alors fi terrible. Ce moment eſt
décrit dans le Difcours d'une maniere pittorefque,
On y fuit la foule triomphante
fur les plate -formes , au fommet des tours ,
dans la profondeur des cachots , qui , pour
la premiere fois , s'ouvraient à la voix de
l'humanité , de la liberté . Tous les inftru-'
mens de la tyrannie font étalés au grand
jour. De combien de révélations cette victoire
a été l'époque ! Les lieux mêmes ,
leur diftribution intérieure , indice de leur
exécráble deftination , les recherches debarbarie
dont à chaque pas on découvrait
les traces ; & ces papiers , trop tôt mis au
pillage , mais dont les débris , raffemblés
par des mains fideles , ont dévoilé de fi hor
ribles fecrets. Ces papiers , aujourd'hui
foulevés contre les cendres de nos an-
» ciens Defpotes , celles de leurs Miniftres
, & la terreur de nos Satrapes fugi-
" tifs tout cela forme un tableau dont
>
DE FRANCE. 41
le pendant ne fe trouve dans l'Hiftoire
d'aucun autre Peuple , ni dans aucune autre
époque de notre Hiftoire .
Le dernier degré de barbarie n'eſt pas
l'emportement & la fureur. Tandis que
pour être cruel l'homme a befoin d'un
accès de colere , il n'eft point encore parvenu
au plus haut point de cruauté dont
eft fufceptible notre nature , trop perfectible
dans tous les fens. C'eſt lorfqu'il plaifante
avec la victime , & qu'il joint la dérifion
au fupplice , c'eft alors qu'il a atteint
cette affreufe perfection . Les Geofiers qui ,
fous le titre de Gouverneurs , gardaient
dans ce repaire du Defpotifme fes malheureufes
victimes , étaient arrivés à ce
point après lequel ni les Tyrans , ni leurs
Agens les plus féroces n'ont plus rien à
acquérir. Ainfi, par exemple , pour rappeler ,
même dans une cérémonie religieufe , aux
prifonniers qui y étaient admis , la perte
de leur liberté , ils avaient placé dans la
Chapelle un tableau de Saint Pierre auxliens
quand ils lui permettaient de prendre
l'air un inftant , ils appelaient cela les libertés
de la Baftille. Il y avait aufli une
tour de la Liberté ; & dans le fens de
» ces Meffieurs , c'était , à coup sûr , la plus
affreufe . Mais c'eft affez parler de la
Baftille.
"


Après fon Difcours , l'Auteur a placé
dans ce Volume des Confidérations mora42
MERCURE
"
les fur la Révolution de 1789 , & des
Anecdotes & citations , pour tenir lieu de
notes. On lit dans les Confidérations ún
Paragraphe intitulé : De ceux qui ont pref
fenti la Révolution. Aux hommes de génie ,
tels que Montefquicu , Rouffeau & Mably,
qui l'ont prévue & accélérée , on trouve
joint , dans ce Paragraphe , un homme fingulier
qui la prophétifait fans ceffe à ceux
même qu'elle devait renverfer , qui a longtemps
paffé pour un fou fans en être choqué
, que l'on recherchait pour en rire , &
qui a fini par rire à fon tour . » L'Abbé
Petiot , depuis dix ans , profeffait dans
» Patis la doctrine anti-ariftocratique . Aux
» Grands , illeur difait naïvement : - Le
» temps s'approche où vos pareils feront
» contraints d'effacer leurs armoiries , de
» cacher leurs cordons & leurs breloques.
Au reste de la Nobleffe , antique ou
» récente : -Mes amis , le regne des Hauts
» & Puiffans Seigneurs , des Comtes , des
Marquis , des Chevaliers , & même de
» Meffieurs les Secrétaires du Roi , tire à
» fa fin. Vous en reviendrez tous au point
d'où font partis vos peres , à vos noms
» de baptême ; & vos febriquets feront
» bientôt remplacés par le beau nom de
" Citoyen. - Comme cet Abbé n'en voulait
» qu'à la chofe , & nullement aux perfonnes
, comme il avait de la grace , de
l'efprit , & s'exprimait fans amertume , on
"
"
"
יוכ
33
-
DE FRANCE.
43
lui paffait tout ; & même fa maniere
trop extravagante , difait - on , pour tirer
" à conféquence , l'avait mis à la mode «.
Voici l'affabulation de cette efpece d'apologue.
» La plupart des hommes confinés
» dans leurs fpheres étroites , regardent
» comme infenfé celui dont l'oeil perçant
» voit plus loin que les autres ".
Ceci rappelle la Fable de l'Hirondelle &
des petits Oifeaux. La plume de nos grands
Hommes qui , depuis un demi -fiecle , répandait
les lumieres , était comme la main
du Cultivateur femant le grain qui devait un
jour être funefte aux Oifeaux ; l'Abbé , femblable
à l'Hirondelle , avait beau leur dire :
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ?
Un jour viendra , qui n'eft pas loin ,
Que ce qu'elle répand ſera votre ruine.
Il ne fut pas plus écouté qu'elle.
Les oifillons , las de l'entendre ,
Se mirent à jaſer auffi confufément
Que faifaient les Troyens quand la pauvre Caffandre
Ouvrait la bouche feulement.
Il en prit aux uns comme aux autres.
Enfin la morale eft la même .
Nous n'écoutons d'inftincts que ceux qui font les
nôtres ,
Et ne croyons le mal que quand il eft venu .
44
MERCURE
L'Abbé Petiot n'eft pas le feul qui ait
voulu leur rendre ce fervice , & qui en ait
reçu le même falaire . Il eſt fou , était lur
réponſe habituelle aux prédictions de la
fageffe ; & l'on peut dire qu'ils facilitaient :
à la Nation , par leur aveuglement , les
moyens de devenir libre , en même temps
que , par leurs déprédations & leurs vexations
de toute efpece , ils lui en impofaient
le devoir.
Si cer Ouvrage n'ajoute pas beaucoup à
la réputation littéraire de M. Dufaulx , il
doit ajouter , ce qu'il prife fans doute bien
davantage , à fa confidération . Ses preuves
de talent étaient faites , ce font ici fes preuves
de patriotifme ; & fans cette réunion
il n'y a plus déformais , pour les Gens
de Lettres , de véritable eftime publique.
La France libre n'a plus de couronnes que
pour les Ecrivains qui le font : elle n'honore
même véritablement que ceux qui
l'étaient avant elle, ceux qui, parmi tant d'efclaves
& de flatteurs de la Puiffance , fe
tenaient , pour ainfi dire , dans une attitude ,
libre ; ceux enfin qui reffemblent au por
trait qu'a tracé l'Auteur , dans l'une de
les Confidérations morales ( portrait dont
on voit bien qu'il n'a pas cherché loin le
modele ) , & qui peuvent dire avec lui , en
fe repliant fur leur vie entiere : » Qu'il
» eft doux ma'ntenant de n'avoir guere
"
fréquenté que fes égaux ; de n'avoir cu ,
DE FRANCE.
45
"
fous le regne de tant de Defpotes fubal-
» ternes , que les fentimens d'un homme
libre ; de n'avoir pas proféré un feul
" mot , pas écrit une feule ligne que l'on
» voulût rétracter ou effacer aujourd'hui !
» La faveur & fes graces empoisonnées ,
ne font pas venues chercher les hommes
de ce caractere : mais aufli dans ce nou-
» vel ordre de chofes , le blâme ne fau-
» roit les atteindre ; & ceft parce qu'ils
fe font conftamment refpectés, qu'on les
respectera ".
ور
""
13
ן כ
NOTICE S.
L'Ami dés Enfans , par M. Berquin , nouvelle
édition , ornée de 132 Eftampes.
Cette Edition , en 12 Volumes d'environ 350
pages chacun , comprend les 24 Volumes de
Ami des Enfuns , & les 12 Volumes de l'Ami
de l'Adolefcence.
Chacun des 12 Volumes eft orné d'un Frontifpice
repréfentant des jeux d'enfans , & chaque
Drame ou Conte d'une Eflampe qui en retrace
le fujet.
Ces Eftampes , au nombre de 132 pour les 12
Volumes , font gravées par les meilleurs Artistes
de la Capitale , tels que MM. Delaunay , de Longueil
, Ponce, Guttemberg, Delignon , &c On ofe
promettre aux Amateurs de Gravures qu'ils n'en
aucnt pas encore eu de fuite qui foit traitée
avec plus de foin.
46 MERCURE
Les Volumes I , II & III avaient paru il y a
quelque temps. On vient de publier le IVe . Les
fuivans paraîtront de mois en mois. Le prix de
chaque Volume eft de liv . prt fianc par la
Pofte . Chaque Volume fe vend féparément pour
la commodité des enfans .
Il faut avoir foin d'affranchir les lettres & le
port de l'argent , fans quoi ni l'un ni l'autre re
Teraient retirés , & adreffer le tout à M. le Prince ,
Directeur du Bureau de l'Ami des Enfans ,
de l'Univerfité , No. 28 , à Paris .
e
N. B. Les Eftampes fe vendent féparément
pour ceux qui ou les précédente Editions . Il y
aura 12 Livraifons de onze Eftampes chacune . Le
prix de chaque Livraifon eft de 3 liv. Ainfi les
4 premieres Livraifons , compofées de 44 Eftampes
qui paraiflent actuelle rent , fe vendent 121.
On ne les envoie point par la Poſte.
Collection des Mémoires relatifs au Regne de
Louis XV , de Duclos , de Maurepas , Maffillon
du Préfident Hénault , avec les pieces curicufes
du porte-feuille du Maréchal de Richelieu , & c.
On foufcrit pour cet Ouvrage , à Paris , rue
de Condé , N ° . 7 ; & en Province , au Bureau
de la Pofte. On le reçoit , par la Pofte , franc de
port par Cahiers , les 10 , 20 & 30 de chaque
mois , en retirant les dix Livraifons qui paraiffent ,
& c. foulcrivant pour tel nombre qu'on veut de
Livraisons qui font de 25 fous.
Il paraît deux Livraifons de la Vie fecrete du
Maréchal de Richelieu ; c'est l'hiftoire des Boudoirs
de la Cour , de ces Cabinets fecrets ou fe
trouvait fi fouvent la fource des événemens. Dans
DE FRANCE. 47
les trois Livraisons des pieces curieufes du portefeuille
du Maréchal de Richelieu , paraît le détail
de la conduite des affaires de France. C'eft celui
des intrigues de l'ancien Gouvernement. Il paraît
auffi trois Livraiſons des Mémoires de Duclos ,
précédées d'un Difcours préliminaire fur l'ancienne
Conftitution de la Bretagne , avec des
Notes & des Anecdotes de M. Sou avie , qui en
eft l'Editeur . On aura l'avantage de comparer fes
Manufcrits avec deux Volumes de Duclos qu'on
vient de publier. Quant aux Mémoires du Miniftere
du Duc d'Aiguillon , & de fon commandement
en Bretagne , les perfonnages encore
vivans feront à portée de reconnaître comment
ils auraient été peints dans cent ans d'ici , fi la
Révolution n'avait ouvert les porte-feuilles. On y
voit le commencement de la fortune de MM . Le
Noir , Senac de Meilhan , de Crofne , Calonne
& c . le fort de la Famil'e de Louis XV , du Dau→
phin , de la feue Reine , de la Favorite . Tous ces
tableaux ont le droit d'intéreffer toutes les fortes
de Lecteurs . Les Editeurs invitent les Curieux à
vifiter leurs Manufcrits à l'adreffe ci- deffus. La
derniere Livraison qu'ils ont publiée , concerne
le Miniftere du Duc de Choifeul .
2
Voyage en Italie , ou Confidérations fur l'Italie ,
par feu M. Duclos , Hiftoriographe de France ,
Secrétaire Perpétuel de l'Académie Françaife . A
Paris , chez Buiffon , Libr . rue Haute - feuille
Nº. 20.
>
Nous reviendrons fur cet Ouvrage intéreſſant
par fon objet & par le nom de l'Auteur .
48 MERCURE
DE
FRANCE
.
A VIS.
A MM. les Huiffiers des nouveaux Tribunaux.
DISNEMATIN & RAVRIO , Marchands-
Doreurs-Argen: eurs , rue de la Féronnerie , au
Lion d'or , à Paris , ont l'honneur de prévenir
le Public , & notamment MM. les Huifliers des
Tribunaux nouvellement formés , qu'ils tiennent
toutes faites , les petites Chaînes de cel dorées ,
décrétées par l'Affemblée Nationale. Ils en ont
établi un affez grand nombre d'avance , pour
être en état de répondre fur le champ à toutes
les demandes qu'on leur feroit à cet égard.
On continuera toujours de trouver dans leurs
Magafins , en beaux ouvrages dorés & a genté
tout ce qui concerne l'églife & l'appartement.
LE Sr. Delaffon , qui demeure à l'Hôtel du
Pricuré , rue de Breteuil , dans les cours Saint-
Martin , derriere le chaur de l'églife , fous l'arcade
, au ier. fabrique toutes fortes d'Ouvrages
en Paille , Meubles imitans les étoffes , Tableaux ,
Toilettes , Ecrans , & tout ce qu'il y a de plus
galant en ce genre.
Ces Ouvrages , que nous avons vus , nous ont
paru aufli curieux que folides & du meilleur
goût. On en ¡ eut faire de très -jolies Etreni.cs.
ETRENNES.
2. Déjeuné.
TA BL^ E.
31 De l'Infurrection Parif. 31
Charade , En. Logoge 28 Notices. 45

MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 8 JANVIER 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
MES SOUHAITS DE BONNE ANNÉE.
ÉPITR E
A M. ALLARD , Procureur de la Commune
à Poitiers.
EN commençant cette nouvelle Année
Qui des Français doit fixer le bonheur ,
Je n'irai point , banal adulateur ,
Proftituer la premiere journée
Par des Souhaits étrangers à mon coeur :
Non , mon Ami ... ces triftes accolades ,
Ces difcours faux , ces vifites bien fades
Que dès long-temps je ne connaiſſais plus ,"
N°. 2. 8 Janvier 1791 .
C
So
MERCURE
Tous ces ramas d'habitudes mauffades
Sont de la France à jamais diſparus . 、.
C'eft , en effet , une baffeffe extrême ,
C'eft outrager les plus faintes vertus ,
Aux gens qu'on hait de jurer qu'on les aime :
D'ailleurs , ces voeux , par l'ufage reçus ,
Vers un Ami deviennent ſuperflus ,
Car tous les jours on le chérit de même.
Ce n'est donc point reſte de préjugé ,
Ni déférence aujoug de l'étiquette
Dont je m'étais d'avance dégagé ,
Si , de mon coeur , devenu l'interprete ,
Je veux ici tracer ce qu'il fouhaite ....
Ces vains détails font trop minutieux ,
La Liberté veut une autre exiſtence ,
Et des objets de plus haute importance
Au nouvel An appellent tous mes voeux,
J'en fais d'abord pour les Ariftocrates ,
Et les invite à céder aux Décrets
Que leurs efforts n'aboliront jamais ;
Je paffe enfuite aux fougueux Démocrates ,
Et leur répete ; ordre , indulgence , paix.
Je dis aux uns ... ces complots facriléges ,
Que fi fouvent vous avez médités ,
Vous rendront-ils vos rangs , vos priviléges ,
Et tous ces droits trop long- temps regrettés ,
WALIOTHECA
KEGIA
MONAGENSLO
DE FRANCE.
fi
Par vos aïeux , ufurpés fur nos peres ,
Et ces honneurs , ces pompeufes chimeres
Que fans retour les Loix vous ont ôtés ?
Penfiez-vous donc , dans ces temps de lumieres ,
Qu'ayant humé l'air de la Liberté ,
Ce noble élán , tréfor des ames fieres ,
Nous voudrions fur nos têtes altieres
Souffrir encor la fodalité ,
Pour un lapin l'exil ou les galeres ,
Le Livre rouge & la vénalité,
Témoins honteux de nos longues miferes ?
Penfiez-vous donc , vous , nos égaux , nos freres,
Faire toujours le cumul détesté
Des grands emplois civils & militaires ,
Dans vos délits trouver l'impunité ,
Et des Impôts n'être pas tributaires ?
Et vous , Prélats , que je crois fi pieux ,
Efpérez -vous ( eh ! quel efpoir , grands Dieux ! )
Pour maintenir vos nombreux bénéfices ,
Que les Français s'égorgeront entre eux ,
Et confondront vos alarmes factices ,
Et l'attirail de ces vieux artifices
Que vous fuggere un courroux factieux ,
Avec le Culte & l'intérêt des Cieux ? ....
Non , le flambeau de la Philofophie
Et la raiſon nous ont trop éclairés
Pour qu'aujourd'hui nous foyons égarés
€ 2
MERCURE
52
Par vos clameurs & cette hypocrifie
Que vous voilez fous des mafques facrés....
C'est moi , Prélats ! c'eſt moi qui vous convie
Au nom du Ciel ... & vous tous mécontens !
De renoncer à vos reffentimens ....
Votre intérêt , vos devoirs , tout vous crię
De vous montrer enfin obéiffans
Aux Loix qu'en vain votre haine injurie.
Ah ! laiffez-là vos efforts impuiffans !
Suivez du Roi les exemples touchans !
Au bien commun que l'honneur vous rallie ! ., .
Tels font mes veux , tels font mes fentimens ;
Tel eft auffi le cri que la Patrie
Fait malgré vous retentir dans vos fens .
Je dis après , à tous ceux qu'un faux zele
Rend turbulens , durs & perfécuteurs ....
Eh ! Citoyens , que ma voix vous rappelle
La vérité , cette Reine éternelle
Du vrai bonheur , & de l'ordre & des meurs !
Ecoutez-la , car des Amis trompeurs ,
En vous flattant , vous égarent loin d'elle . , .
Ce ne font point l'outrage , les fureurs ,
C'eft la raifon qui ramene les cours .
Vous vous plaignez que des hommes rebelles
Veulent toujours braver les Loix nouvelles ,
Et retarder la Conftitution...
DE
53
FRANCE.
Mais regardez ce que peur l'habitude ,
Le pli puiffant de l'éducation ,
Des préjugés la longue illufion ,
Et le dépit & cette incertitude
D'un changement dans fa condition ....
Croyez auffi qu'il eft dans la nature
De regretter d'utiles revenus :
Je conviendrai qu'ils proviennent d'abus ,
Et qu'il fallait tarir leur fource impure ;
Mais pardonnez à celui qui murmure
Car il fut riche & ne l'eft déjà plus :
Plaignez fon fort , ménagez fa bleffure .
Epargnez-lui des propos indifcrets ,
Et dans ces lieux qu'un nouvel ordre épure ,
Portant par-tout la concorde & la paix ,
Perfuadez .... ne contraignez jamais.
Tu vois , Ami , mon fincere fangage ,
Et dans ce jour tous les voeux que je fais :
Puiffent les Dieux en agréer l'hommage !
Puiffé-je enfuite , en mon humb'e hermitage ,
Vers qui fouvent je tournai mes regrets
Pendant le cours d'un pénible meflage ,
Trouver bientôt , à l'ombre des forêts ,
L'obfcurité , ce premier bien du Sage ,
Er le repos dont rien ne dédommage ! ...
Tel eft l'objet de mes derniers Souhaits .
Peut-être un jour , les enfans de la France ,
( Même les fils de ceux dont l'imprudence
$4
MERCURE
Cherche fans ceffe à renverfer nos Loix )
Honoreront de leur reconnaiſſance`
Les hommes pars qui , preffés à la fois
Entre l'ennui , l'intrigue & la licence ,
Marchant toujours au but avec conftance ,
Vinrent à bout de conquérir leurs droit ,
Dont fe jouaient avec tant d'impudence
Et les Catins & les Agens des Rois ....
Que ces penfers me raviffent d'avance !
Pour un bon coeur combien ils ont d'appas !
Je vois déjà la douce confiance ,
La liberté , l'union & l'aifance
Vivifier nos paifibles climats .
:
Quels temps heureux ! .. mon ame les devance...
Hélas ! plongé dans la nuit du trépas ,
De ces beaux jours je ne jouirai pas ;
Mais jen jouis du moins par lefpérance,
( Par M. F... Faulcon , Député à
Affemble Nationale. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
I E ,mot de la Charade eft Fardeau ; celui
de l'Enigme eft Espérance ; celui du Logogriphe
eft Orange, où l'on trouve Or, Ange,
Rage , Age , Ane, Orne , Ré, Goa , Oran ,
Orage.
DE FRANCE.
CHARADE.
Confeil à Mademoiselle L..... D ....
O toi , qui de mon tout veux goûter les douceurs ;
Toi qui , dans la faifon de plaire ,
De mon fecond dois fentir les ardeurs ,
Aimable Eglé ! que la raifon t'éclaire.
Sur mon premier , en arrêtant ton choix ,
Ne va pas de ton coeur , fi tu l'as feul pour guide ,
Aveuglément fuivre les loix ;
"
Car à mon tout , quand l'amour feul préſide ,
Ce fentiment , par mon dernier ,
S'affaiblit & fouvent expofe
Aux dégoûts que toujours entraîne mon entier ,
Lorfque dansmon premier on ne cherche autre chofe
Que les dehors qui féduifent les yeux ,
Et qui bientôt perdent par l'habitude
Tous leurs attraits flatteurs , mais dangereux.
De mon premier fais ta fecrete étude :
Va , ce n'eft rien que la beauté .
Celui que ton coeur te défigne ,
Malgré les beaux tranfports dont il eſt agité ,
De ta tendreffe n'eſt pas digne ,
S'il n'eft doué de ces rares vertus ,
De ces qualités cftimables
C 4
56
MERCURE
Qu'on recherche toujours , & qui plaiſent bien plus
Lorfque de mon dernier les fougues indomptables
Ont fait place aux devoirs qu'exige mon entier .
C'eft alors que , d'un oeil tranquille ,
A fa jufte valeur il faut s'apprécier :
Mais alors il n'eft pas facile
De trouver dans mon tout un bonheur bien parfait.
N'attends pas que le fort à mon premier te lie ;
Suis ce confeil , ou c'en est fait ,
Tu maudiras mon tout le refte de ta vie.
( Par un Abonné. )
ÉNIGM E.
DAN's les querelles
Les plus cruelles ,
Je fervais le courroux des Rois ;
Je foumettais villes rebelles ,
Mais je ne fervais qu'une fois.
Grace au flambeau de la Philofophie ,
Adieu mon art & mon génie ;
Me voilà réduite aux abois.
( Par M. Verlhác , Inſtituteur de la
Jeuneffe , à Brive. )
DE FRANCE. 57
LOGO GRIPHE.
J'AI fouvent l'art d'occuper les efprits :
ΑΙ
A me connaître on attache un grand prix ;
Après bien des travaux , fouvent on m'abandonne ;
Mais pour toi , cher Lecteur , tu peux me deviner.
Je vais en un inftant mon nom te décliner ;
Avec attention , écoute , je l'ordonne.
L'on dit par-tout , & vraiment je le crois ,
Que de dix pieds mon corps a fait le choix ,
Qu'en me décompofant on les compte fans peine ;
Effaie , & tu verras cet étre dangereux
Que la Fable nous peint fous des traits fort hideux ;
Un fleuve très - voifin des rives de la Seine ;
Le plus large canal du corps ;
Un fruit doux , agréable & commun dans la France ;
Le frein du vice & le vengeur des torts ;
L'endroit qui du théatre a moyenne affluence ;
Un certain animal au cygne reffemblant ;
Un vieux mot dont le fens eft toujours méprifant ;
Ce dont l'homme eft avide à l'âge le plus tendre ;
Enfin ce qu'un Acteur doit avoir foin d'apprendre.
Voici ma tâche faite ; & j'ofe parier
Quetu connais mon nom fans pouvoir me nommer.
( Par François Fournier . )
CS
58
MERCURE
NOUVELLES LITTERAIRES.
DISCOURS DE MARIUS , Plébéien &
Conful, traduit enprofe & en vers français ,
de Sallufte ; fuivi du Difcours d'Etienne
LA BOETIE , ami de Montaigne , fur la
Servitude volontaire , traduit du français
de fon temps en français d'aujourd'hui ;
par l'INGÉNU , Soldat au Régiment de
Navarre.
Contemptor animus & fuperbia , commune
nobilitatis malum , SALLUST.
A Paris , chez les Marchands de Nouyeautés
.
C'est , pour nous fervir d'une expreffion
triviale , battre les gens à terre , que d'écrire
à préfent contre la Nobleffe ; mais ce
Pamphlet qui nous tombe aujourd'hui fous
la main , parut avant l'abolition des
titres , avant qu'il eût été décidé rar PAffemblée
Nationale , comme il l'eft de tout
temps par la raifon , que pour être plus
qu'un autre , il faut valoir mieux que lui,
DE FRANCE. -59
Et notéz bien que ces mots valoir mieux ,
ne font déjà plus équivoque , comme ils
faisaient auparavant en difant qu'un
homme eft bon , qu'il eft médiocre , qu'il
eft excellent , qu'il vaut mieux que tel ou
tel aurre , on ne peut plus entendre que
ce foit par les parchemins , mais feulement
par les qualités. C'eft dommage qu'on ait
détruit cette maniere de comparer les
hommes entre eux. Comme on acquérair
un degré de bonté à chaque degré de
defcendance , il était bien commode pour
un peron , ou pour un fot , perit - fils
d'un Héros ou d'un homme de génie
de fe croire & d'être en effet , d'après
cette acception du mot , de deux degrés
meilleur que fon grand-pere,
Ce Difcours de Marius , que M. l'In
génu auroit pu fe difpenfer de traduite
en vers , & qu'il a même affez faible
ment traduit en profe , a toujours cela de
bon , qu'il rappelle à ceux qui pourraient
l'oublier des rapports frappans entre les
vices des Nobles Romains , & ceux de
nos ci -devant Nobles ; qu'il invite la mámoire
à faire d'autres rapprochemens , &
la raison à en conclure que la Noblefle
héréditaire ayant par-tout fait tant de mat,
c'était , dans notre Nation régénérée , fa
geffe ou plutôt néceffité de la détruire,
L'Auteur de cette Brochure en y inférant
le Difcours de La Boérie , fur la
C 6
6 MERCURE
fervitude volontaire , pouvait auffi s'épar
gner la peine de le traduire en français
moderne , ou devait s'efforcer davantage
d'approcher de l'énergie , de la concifion ,
du tyle nerveux & abondant tout à la fois
qui caractérisent ce Diſcours. Un feul exemple
fuffira pour prouver combien il en eft
refté loin. Le Peuple qui fouffre la tyrannie ,
dit l'ami de Montaigne , eft d'autant plus
vil , d'autant plus méprifable , que pour la
vaincre il n'a nul effort à faire ; il n'a
qu'à ceffer de foutenir & d'alimenter le
Tyran. C'est ce qu'il rend fenfible par
cette comparaiſon : Certes , tout ainfi
» comme le feu d'une petite étincelle
» devient grand , & toujours le renforce ,
» & plus il trouve de bois , & plus il eft près
» d'en brûler ; & fans qu'on y mette de l'eau
» pour l'éteindre , feulement en n'y met-
» tant plus de bois , n'ayant plus que con-
ور
ور
13
fumer , il fe confume foi-même , & de-
» vient fans forme aucune , & n'est plus
» feu pareillement les Tyrans , plus ils
pillent , plus ils exigent , plus ils rument
» & détruifent , plus on leur baille , plus
» on les fert , d'autant plus ils fe forti-
» fient , deviennent toujours plus forts &
plus frais pour anéantir & détruire tout ;
» & fi on ne leur baille rien , fi on ne
» leur obéit point , fans combattre , fans
frapper , ils demeurent nus & défaits ,
& ne font plus rien ; finon que comme
»
و د
DE FRANCE. бл
la racine , n'ayant plus d'humeur & alidevient
une branche feche & ,, ment >
» morte , & c. ".
D'abord cela avait - il befoin d'être traduit
? Ne fuffifait - il pas de rajeunir l'orthographe
, comme on l'a fait ici dans quelques
mots ? Enfuite eft ce bien ainfi qu'on
devait traduire ce paffage ? De même
que de la moindre étincelle peut venir
un incendie , qui devient terrible à mefure
qu'il rencontre plus d'alimens ; cependant
lorsqu'il a tout dévoré , fi l'on ne
prend pas le foin de lui en fournir d'autres
, fe détruit de lui- même , fans y jeter
une feule goutte d'eau pour l'éteindre :
de même les Tyrans , & c . " . Qu'est devenu
ce trait vigoureux du feu qui n'ayant plus
que confumer , fe confume foi-même , qui
devient fans forme aucune , & n'est plus
feu ? Elt-ce donc là traduire ? Oui , comme
on traduit un homme pour lui donner
une voix claire , ou pour le placer au
Sérail.
Si l'on en peut juger par fon Epîre
dédicatoire , fque M. l'Ingénu marche
fans guide , fon allure en devient plus
ferme. Cette Epître eft adreffée aux manes
de Chevert , auffi brave , auffi grand guer
rier que Marius ; comme lui d'une naiffance
obfcure , fait comme lui , comme
Catinat , comme Duguay Trouin , comme
tant d'autres , pour défabufer de la fotte
62 MERCURE
manie des ancêtres . Il y eft parlé dans une
note d'un certain Marquis , dont le billet
d'enterrement eût peut- être porté le titre
de Haut & Puiffant Seigneur. » Quand
ne fera pas , dir l'Auteur , plus haut
» que fa foffe , & plus puiffant qu'un ver ".
On ne ferait pas furpris de trouver ce
ttait dans Young.
33
وو
,
En voici un autre d'autant plus précieux
à recueillir , qu'en blâmant un de nos
grands homines l'eloquent Hiftorien
de la Nature , il le remet à fa place
& le venge , pour ainfi dire , de fa propre
faiblele. Quand il n'aurait pas été
M. le Comte de Buffon , il eut toujours
» été Buffon ; & ce n m , qui reftera tout
feul à la Poftérité , l'élevera toujours
» au deffus de tous les rangs , au deffus
» de tous les titres . Catinat ne voulut pas
» du cordon b'eu ; en vaudrait - il nxieux
» aujourd'hui , & ferait- il plus que Catinat ,
s'il l'eût accepté « ?
23
"
Une réflexion qui fe préfente naturelle ,
ment fur tous ces . prétendus titres d'honneur
, dont certaines gens aiment encore à
offufquer leurs noms , c'eft que lorfqu'un
nom est devenu illuftre, le premier hommage
que lui rend la Poftérisé , cft de le dégager
de tout ce gothique entourage ; elle ne dit
plus Monfieur le Maréchal , ou M. le
Vicomte de Turenne , ni M. le Comte de
Buffon , ni M. de Corneille comme on
DE FRANCE. 63
> >
difait du vivant de ces grands hommes :
fans titre , fans prépofition , fans article ,
elle dit Turenne Buffon , Corneille
comme Céfar , Pline & Sophocle. Ce
qu'il y a donc de plus honorable , c'eſt
d'être appelé tout fimplement par fon
nem , à moins qu'on ne l'ait avili , ou
qu'on ne fe fente incapable de lui donner
น ค antre luftre que toutes ces paruies
étrangeres.
ORIGINE & étendue de la Puiffance
Royale , fuivant les Livres Saints &
la Tradition. 3 Vol. in- 12 . Prix, 6 liv.
10 f. & port franc par la Pofte , 8. liv .
Chez Leclerc , Libraire rue St - Martin
, près celle aux Ours , nº. 2540
ر
CETTE queflion , fi les Rois tiennent
teur autorité du confentement des Peuples
, et depuis long-temps réfolue pour
l'affirmative au tribunal de la raifon ; mais
elle ne l'eft pas de même dans les Chaires
de la Théologie . Elle y eft dibattue par divers
champions , & chacun , felon l'ufage ,
oppofe à fon adverfaire les autorités facrées
qu'il croit les plus favorables à fon parti.
L'Auteur de l'Ouvrage que nous annonçons
, démontre d'une maniere très claire
64
MERCURE
que la raifon eft en ce point très - confor
me à l'Ecriture fainte , & que les Thiologiens
du parti contraire n'ont fait qu'abuter
de quelques paffages mal interprétés ,
notamment de ce que dit le Prophete
Samuel du droit du Roi , & du Chapitre
13 de l'Epître de S. Paul aux Remains.
» L'Ecriture fainte , bien entendue , con-
» damne cette opinion au lieu de l'auto-
» tifer. Elle paraît avoir été inconnue à
" tous les faints Docteurs , à tous les Au-
" teurs Eccléfiaftiques , à tous les Théo-
و ر
logiens & Canonifles , avant la fin du
» feizieme fiecle . C'eft un grand préjugé
» contre elle que d'être d'une date fi récente
"..
L'Auteur avait d'abord déduit tous fes
motifs & raffemblé toutes fes autorités en
un feul volume. Quelques perfonnes ont
paru furprifes qu'il n'eût pas répondu à
diverfes objections familieres aux Théologiens
qui foutiennent le parti oppofé.
C'est pour les fatisfaire qu'il a entrepris
une feconde partie , à laquelle il en a
même ajouté une troifieme où il combat
avec force ces fameux aigumens : Que le
Roi ne tient fa puiffance que de Dieu &
de fon épée ; cet autre adage , fi veut
le Roi , fi veut la Loi , qui contient les
termes précis de la Loi Royale de Rome ;
& enfin cette autre maxime , que le Roi
eft au deffus des Loix . C'eft la doctrine
DE FRANCE. 65
des Romains : Princeps Legibus folutus eft.
Le troifieme volume , qui contient plus de
600 pages , eft employé tout entier à détruire
ces objections . Quant aux premieres ,
il y répond d'une maniere plus courte ,
mais non moins péremptoire. Nous donnerons
une idée de fa maniere par une
feule citation .
Cunérus , Evêque de Lewarde en Frife ,
voulant prouver que les Rois ne tiennent
pas leur autorité du Peuple , raifonne ainfi :
93
» Si le Peuple n'étoit foumis au Prince
" que par fon propre confentement , en
défobéiffant il violerait fa promeffe , &
» le traité fait avec le Souverain . On we
» pourrait pas dire qu'il réfifte à l'ordre de
» Dieu. Or , S. Paul dit que par la défobéiffance
on réfifte proprement & di-
" rectement à l'ordre de Dieu , parce
» que c'est lui qui a établi la Puiffance à
laquelle on réfifte. Ce n'est donc pas
» contre les hommes qu'on le révolte ,
» mais contre Dieu «<.
Rép .
Dieu veut qu'il y ait une
Puiffance ; & c'eft à quoi le borne fon
précepte. Il n'ordonne pas qu'elle foir fur
une tête plutôt que fur l'autre . On ne
viole pas fon Commandement
en la faifant
paffer dans une autre main ... Mais quand
la Puiffance exifte toujours , & change feulement
de fujet , ou qu'il y a une mu66
MERCURE
tation dans la fo me du Gouvernement ,
l'ordre de Dieu n'eft pas viole , parce qu'il
y a toujours une Puiffance publique «
» Je fuppofe un Royaume où il y a ,
comme dans tous les autres , des Tribunaux
établis par le Souverain. Le Peuple y a ,
n'importe à quel titre , l'élection des Juges :
en leur refufant l'obéiffance , dira t- on
qu'il enfreint la convention faite avec
eux , & qu'il ne contrevient pas aux ordres
du Roi ? C'eft précisément l'argument de
Cuérus. La réfiftance aux ordres du Monarque
ferait palpable dans ces cas ; car c'eſt
lui qui a fondé les différens Siéges comme
effentiels au bien de l'Etat , & qui veut
qu'on leur obéiffe ……….
On ne peut
fe révolter contre eux fans déranger cet
orde fans bleffer le Souverain luimême
, fans intervertir le plan qu'il a
dretfé pour la direction de fon pays . L'applica
ion fe fait d'elle- même. Les Peuples
choififfent leur Roi & lui conferent le
pouvoir du Gouvernement . Lorsqu'ils lui
réfiteront , ils ne feront pas coupables
feulement envers lui ; ils le feront auffi
envers Dieu. Pourquoi ? c'eft que Dieu ,
qui leur a laiffé la liberté du choix de tel
ou tel Prince , veur qu'ils en aient un .
Lorfqu'ils ne feront qu'en changer , ils
uferont feulement de leur droit , &c . «
DE FRANCE. 67
PEINTURE DES IDÉES. 1 Vol. in-8 ° . de
200 pages. A Paris , chez Grégoire ,
Libraire , rue du Coq , près le Louvṛe.
C'EST une chofe fort finguliere que cet
Ouvrage , qui fe reproduir nouvellement ,
quoiqu'il foit imprimé depus long-temps .
Cette Peinture des idées n'eft autre chofe
qu'un Traité de Grammaire générale , &
l'Auteur la commence par une definition
qui nous paraît fauffe.
"
" Comme les êtres , dit - il dans fon Avertiffement
, font les objets de nos idées ;
la Grammaire eft la Peinture des idées
en même temps qu'elle eft la Peinture
des êtres. Quand je dis , l'homme eft
faible , je peins l'idée que j'ai de l'hom-
» me , en même temps que je le repréfente
lui-même «
»
ور
*
L'Auteur confond ici le langage avec
la Grammaire qui n'eft que le code des
Loix du langage . Cette phrafe , l'homme
eft faible , fervirait tout aufli bien à peindre
& à communiquer l'idée que j'ai de
l'homme , quand même j'y commettrais
une faute contre la Grammaire ; comme
un tableau n'en repréfente pas moins un
objet , quoiqu'on y remarque des incorrections
de deffein
68 MERCURE
L'Auteur trouve que les anciennes
Grammaires ne peuvent fervir aux premieres
inftructions , qu'elles femblent n'exifter
que pour faire le tourment des jeunes
gens. Voici comme il commence a fience.
»
""
13
1
La Peinture des idées ou la Grammaire
confifte , . dans la connaiffance
» des modeles à peindre ; 2 ° . dans la con-
» naiffance des couleurs ou mors ; 3. dans
l'harmonie des couleurs ou mots « ...
" Les idées étant la repréfentation des
» êtres , on peut dire que les modeles ,
que le langage doit imiter , font tous
» les êtres généralement quelconques ....
» Mais qu'eft-ce qu'un être ? En quoi confifte-
t-il ? Il y a dans l'être trois chofes
parfaitement diftinctes , quoiqu'indivifi-
» bles , fans le concours defquelles rien
» n'existerait ces trois chofes font l'effence,
l'existence & la forme , foit fpirituelle ,
foit matérielle. Il faut entend e ici
» par forme toute qualité ou maniere
» d'exifter ........ L'effence eft ce qu'il y
a dans l'être de plus exquis , de plus
excellent , de plus folide , de plus im-
» portant : c'eft le principe , le fujet de
l'existence & de la forme , & la bafe
fur laquelle repafe l'ordre inhérent de
» toutes les facultés «.
ور
»
"
"
Voilà ce que l'Auteur appelle des définitions
. Nous doutons que cette métaphyfique
, qu'on pourrait qualifier d'un autre
DE FRANCE. 69
nom , foit plus à la portée des jeunes gens ,
que nos Grammaires anciennes .
L'Auteur aime les fimilitudes. Il a emprunté
le langage de la Peinture ;
emprunter moins heureufement encore
celui de la Muſique ,
22
» Les voyelles ne font autre choſe que
" les fons imples & naturels , dont la
férie forme l'étendue de la voix . Or , la
» voix comprend fept fons , elle n'en
comprend pas davantage , & n'en faurait
comprendre moins , puifqu'étant une
harmonie , elle ne peut exifter fans le
nombre harmonique , qui eft irrévocablement
fept ".
""
2
,
Parmi les voyelles , il n'admet point le
fon ou comme tenant de la nature de
PO`& dzPU ( ce qui ne nous eft nullement
démontré ) ; & il les compare aux
note de la mufique qui font diézées ou
bémolées pour employer le même mor ) ; &
cendant il adiner comme Son primitif ,
TOlong & fermé , Fomrigades Grecs , quoiqu'il
convienne que ce grand On'eft qu'un
compofé de deux omicron ou petits O, &
admet aufli l'Eta des Grecs , quoique compofé
de deux petits épfion.
» La raifon de ceci , dit - il , eft que l'é-
» pfilon & l'onicron font deux femi - Sons ,
» comme l'ut & le fa font de demi-tons
» dans la matique ... faur apprendre
à l'Auteur qu'il n'y a point de Son dans la
70 MERCURE 70'
mufique qui foit un demi - ton ; qu'un
d-mi-ton eft un intervalle , & qu'on n'en
peur donner l'idée que par la comparaifon
de deux Sons voilips. Ainfi mi fa . forment
un demi-zon , comme fi ut. Mais ni ut ni
fa ne font deux demi tous . Dans la pratique
, on défigne quelquefois ainfi pour
ab éger , comme par ellipfe , le fi & le
mi ; parce qu'en fous - entend le cas où ils
montent fur la note fupérieure.
Mais c'est trop nous arrêter fur une Méthode
que nous ne croyons pas préférable
aux Méthodes vulgaires , par l'exactitude ,"
la clarté ni la préciſion.
LA Queftion du Divorce difcutée fous
les rapports du Droit naturel , de la
Religion , de l'Hiftoire , de la Morale &
de l'Ordre focial; avec cette Epigraphe :
Jus Divortendi ne efto .
DION. Bal. T. I , p . 718.
A Paris , chez Prevôt , Libraire , rue de
la Harpe ; Defenne , au Palais-Royal.
On trouve la divifion de cet Ouvrage
dans le titre même. Il y a trois parties :
la premiere traite du Divorce fous le rapport
du Droit naturel,
DE FRANCE.
La feconde , du Divorce fous le rapport
de la Religion.
La troiteme , du Divorce fous le rapport
Social , Politique & Moral .
On voit que la feconde , purement théologique
, a un intérêt qui lui eft propre &
particulier , un mérite que l'Ecole eft feule
en état d'apprécier. Mais la premiere & la
troifieme parties , traitées fous le point de
vue philofophique & moral , offrent des
vues dignes d'être offertes aux Légiflateurs.
. Dans le premier Chapitre , l'Auteur fe
propofe cetre queſtion : L'indiffolubilité du
mariage eft-elle de Droit naturel ? Il paraît
prouver très - bien la néceflité de l'indiffolubilité
du mariage , par l'avantage de
toutes les parties intéreffées ; par celui du
pere & de la mere ; par celui des enfans :
c'eft ici que l'Auteur part d'un grand principe
qu'on ne faurait tro fouvent rappeler
; c'eft celui qui conftitue les Loix
qu'on peut vraiment appeler naturelles : la
confervation & la reproduction des efpeces
eft le premier voeu de la Nature ; tout
ce qui eft néceffaire à l'accompliffement
de ce vou , eft une Loi naturelle. Et l'Auteur
démontre jufqu'à l'évidence , qu'il eft
impoffible qu'un être tel que l'homme ,
long - temps faible , fouffrant , dépourvu
de toute reffource , de tout moyen de défenfe
, fubfifte au milieu de ces années de
péril & de langueur , & l'on n'attache à
72 MERCURE
fon berceau & à fon enfance ceux qui
lui ont donné la vie , & à qui ce premier
bienfait impofe le aevoir de la lui conferver.
De cette premiere confidération , l'Auteur
palle à celle de l'intérêt des époux
eux - mêmes . Comme on n'en peut parler
ici qu'en très peu de mots , on fe contentera
de rappeler le principe lumineux &
fécond fur lequel il s'appuie.
Pour qu'un contrat quelconque foit de narure
à être réfilé, il faut que cette réfiliation
puiffe replacer les parties contractantes précifément
dans le méme état où elles étaient
avant de fe Fer : de là la diftinction trèsjufte
des deux efpeces de contrats fondus
dans celui de mariage ; le contrat civil , qui
regle les intérêts pécuniaires , & le contrat
naturel , qui unit les perfonnes. Sans
doute on pour rendre de part & d'autre
ce qu'on a reçur ; & fous le rapport pécu
niale , l'on peut , pour ainfi dire , défin
téreffer Is deux parties. Mais fous le rap→
port perfonnel , fous le rapport moial ,
quelle Puffine peut rendre à une femme
ce qu'elle a perlu Qi lui rendra fa jeuneffe
, fes charmes .... & tous ces avan
tages dont le fouvenir doit lui atacher à
jamais l'époux qui en a cueilli la flear ,
mais qui , fanés & flétris par un premier
hymen , ne peuvent plus conquérir un
Coeur ?
L'Auteur
DE FRA-N CE.
73
L'Auteur confacre un Chapitre intéref--
fant à l'Hiftoire du Divorce chez les
différentes Nations où il fut toléré. Il
montre par combien d'efforts la fagcffe des
Législateurs avait voulu éloigner les Peuples
de ce remede dangereux , par combien de
limites ils avaient eu foin de reftreindre
une liberté qu'ils n'accordaient qu'à regret.
Il peint aufli tous les maux que caufa le
Divorce chez les Peuples qui le connurent.
Cette phrafe feule de Séneque , trèsheureuſement
citée en nous apprenant
les excès dont Rome fut victime , nous
apprend auffi ce que la France aurait à
craindre : Les femmes , dit ce Philofophe ,
font divorce pour fe marier , & elles
fe marient pour faire divorce.
Dans la troifieme Partie , où le Divorce
eft confidéré fous le rapport Social , Politique
& Moral , l'Auteur s'étend fur les
défordres que le Divorce cauferait dans
l'intérieur des familles : quelle fubordination
de la part des enfans & des femmes ;
quels égards de la part des peres & des
époux ; quel foin d'entretenir la paix , de
réprimer l'humeur , de fixer la légéreté &
l'inconftance , fi les uns & les autres pouvaient
fe dire , qu'au premier moment
ces liens qui les uniffent vont être rompus !
Le Chapitre ; , des effets du Divorce fur
la population , réfute les calculs abfurdes
No. 2. 8 Janvier 1791 . D
74 MERCURE
d'un Mémoire fort répandu publié
Londres en 1768 , d'après lefquels il fe
trouverait que , pour avoir été privée du
Divorce , la France devrait être réduite
aujourd'hui à dix millions d'habitans.
L'Auteur prouve très bien auffi que le
Divorce ne diminuerait point le nombre
de ces célibataires corrompus , dont y
aura toujours beaucoup , tant qu'il y aura
de l'égoïsme & de mauvaiſes moeurs.
-
Enfin , dans le Chapitre 8 , on examine
fi la connaillance du caractere national
qu'il importe tant de confulter avant de
faire des Loix , ne ferait pas penfer que
le Peuple Français eft celui de tous les
Peuples à qui le Divorce doit le moins
être permis .
On trouvera dans cette Brochure les
vues que nous venons d'expofer , & beaucoup
d'autres qui ont auffi leur importance
, développées avec clarté & avec
Atendue.
DE FRANCE 75
DISSERTATION fur l'Art de conferver les
Dents , ou Expofé de ce qui est néceſſaire
que chacun connaiffe pour fe les conferver.
Brochure in-8°. ; par M. L..... La-
FORGUE , Dentifle , reçu au Collège de
Chirurgie de Paris. 2e. édition. A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Foffés - Saint-
Germain - des - Prés , dite de l'ancienne
Comédie Française.
-

,
CETTE Differtation a pour but de
faire connaître les caufes qui perdent les
Dents , par la carie & par les maladies des
gencives. L'Auteur fait voir que les médicamens
acides & fpiritueux que l'on
emploie pour éloigner la carie ou l'arrêter
, la caufent au contraire , & ea harenr
les progids ; que ces mêmes méd camens
em loyés pour les maladies des gencives
caufées par la présence du tarte , font de
nul effet ; que pour guérir cette maladie
de laquelle réfultent la mauvaife odeur &
la chute des Dents , il faut faire ôter le
tartre par le Dentiſte , & enfuite y entretenir
la propreté par des moyens fimples
& doux ; tels qu'eft fa poudre végétale ,
approuvée par la Faculté de Médecine de
D 2
H
76 MERCURE
Paris , comme rempliffant parfaitement cet
objet , fans pouvoir nuire d'aucune maniere.
I la vend 3 liv. la boîte. Il termine
par un article fur les cauſes qui
s'oppofert à l'effet des remedes employés
pour guérir les douleurs des Dents ,
fait voir combien il importe pour les conferver
faines , que ces médicamens ſoient
bien choifis & bien appliqués.
-
&
Ce même Chirurgien Dentiſte a un
ken pour attacher les Dents artificielles ,
qui n'eft de métal , ni de foie , ni de
fil ; il eft de la couleur des Dents , &
dès -lors invisible ; ce lien qu'il ne vend
pas , mais qu'il emploie lui-même, eft fin &
folide , & ne contracte aucune odeur.
Cette Differtation & les procédés opératoires
de l'Auteur , nous ont para mériter.
une diftinction particuliere , fur ce que
l'on annonce journellement de relatif à
cette partie. Les fuccès conftans qu'on
obtient par fes principes , font affez connus
pour que nous en indiquions l'Auteur,
DE FRANCE. 77
VARIÉTÉ S.
AUX AUTEURS DU MERCURE,
MESSIEURS ,
>
LE Journal de la Langue Françaife , dont
j'avais lu les différens Cahiers , m'avait laiffé
ane impreffion fi favorable , je l'avais entendu
vanter à un fi grand nombre de Gens de Lettres
, que j'ai cru devoir engager l'Auteur à reprendre
un Ouvrage utile dans tous les temps
plus utile dans ces circonftances où la Langue
peut gagner par la liberté , ou perdre par la
licence ; mais un Journal de ce genre n'a pas ,
comme un Journal de Nouvelles , l'avantage.
d'exciter par fon titre feul la curiosité du Public ;
il ne peut avoir d'attrait qu'en lui - même : il
faut le lire pour l'eftimer ; il faut en lire quelques
Numéros pour défirer de les lire
J'invite donc toutes les perfonnes de la Capitale
& des divers Départemens auxquels notre Langue.
& notre Littérature ne font pas indifférentes
d'envoyer leur adreffe , port franc , & je leur
ferai parvenir les quatre Numéros qui paraîtront en
Janvier. Si elles ne trouvent pas à propos de:
s'abonner , elles ne payeront rien pour les Numéros
reçus ; fi , fatisfaites de l'Ouvrage , elles
défirent de continuer à le recevoir , l'Abonnement:
datera du 1er. Janvier.
J'ai l'honneur d'être , & c.
tous.
KNAPEN fils , Libr-Impr

"
D 3
78
MERCURE
Nota. Cet Ouvrage , très - utile à toutes les
perfonnes qui cultivent la Langue par état , par
goût , ou que le nouvel ordre de chofes appelle
à la cultiver , Profeffeurs publics , Inftituteurs
particuliers , peres de famille furveillant l'éducation
de leurs enfans , Gens de Lettres , Amateurs
, Citoyens deftinés à porter la parole dans
les Affemblées Primaires , Electorales , Légiflatives
, contient un Cahier de 48 pages in- 12 parfemaine.
Dans les 12 dernieres pages , on donnera
non feulement l'extrait des travaux journaliers
de l'Affemblée Nationale , mais encore
le tableau de tous ceux qui ont eu lieu depuis
qu'elle a été conftituée jufqu'au 1er . Janvier
1791 en forte que ce fera un Manuel
commode , clair & complet de Légiſlation Françaife
pour ceux qui recevront le Journal depuis
cette époque.
Le prix de la Soufcription eft de 6 liv. pour
trois mois , 12 liv . pout fix mois , 24 liv. pour
un an , port franc , tant à Paris que dans tous
les Départemens de l'Empire. On s'abonne à
Paris , chez M. Knapen fils , Libraire- Imprimeur
rue St- André- des-Arts , Nº . 1 .
L'argent , les lettres & les paquets doivent être
affranchis.


DE FRANCE.
79
NOTICE S.
De la Conflitution & des Loix, Ouvrage rédigé
par MM. le Chapelier , Beaumetz , Decurt &
Barrere , Députés à l'Aſſemblée Nationale ; Duveyrier
, Commiffaire du Roi près l'un des Tribunaux
de Paris ; Perignon , ancien Repréſentant de la
Commune de Paris ; & Garnier , Avocat.

Cet Ouvrage , propofé par foufcription , & qui
fe recommande affez par le nom de fes Auteurs
& par fon titre , commencera en Janvier 1791 :
il en paraîtra tous les 1 8 , 16 & 24 de chaque
mois un Cahier de deux feuilles de 16 pages
chacune , grand in- 8 °. Le prix de l'Abonnement
pour fix mois et de 12 liv. 10 f. & de 24 liv... -
pour l'année . Ce n'eft plus au Sr. la Jannetierre
mais au Sieur Defenne , Libraire au Palais-
Royal , à Paris , que l'on adreffera , franc de
port, l'argent & les lettres d'avis. Cependant les
perfonnes qui ont déjà foufcrit entre les mains
de M. de la Jannetierre , feront exactement fervies..
Bibliotheque des Villages , pour fervir à l'inf
truction morale & civique des Habitans des
campagnes ; par M. Berquin.
La Soufcription pour dix Volumes , d'environ
100 pages chacun , eft de 6 liv . port franc par la
Pofte.
Il en paraît actuellement cinq Volumes. Il faut
avoir foin d'affranchir les lettres & le port de
l'argent , & adreffer le tout à M. le Prince , au
Bureau de l'Ami des Enfans , rue de l'Univer
fité , Nº . 28 , à Paris.
Ba
MERCURE
Indépendamment
de l'Edition de l'Ami des
Enfans , avec Figures , annoncée dans le Numéro
précédent du Mercure , on trouve toujours à la même adreffe une Edition moins couteufe de cet
Ouvrage , fuivant la note ci-deffous :
L'Ami des Enfans , par M. Berquin ,
24 Volumes.. ..T
...........
2.
161.46
10 4:
L'Ami de l'Adolefcence , par le même ,
12 Volumes , précédé de l'Introduction
familiere à la connaiffance de la Nature ,
3 Volumes ; les 15 Volumes ......
Sandfort & Merton , 7 Volumes ...... s
Le Petit Grandiſſon , s Volumes ....
Lectures pour les Enfans , ou Choix de
petits Contes & Drames , également propres
à les amuſer & à leur infpirer le goût
de la vertu,
4e. édition , Volumes..
S
3
6
12
TOTAL... 41 liv.
Chacun de ces Ouvrages, qui forment enfemble.
56 Volumes , fe vend féparément aux prix marqués
ci-deffus , port franc par la Pofte . Ceux qui
prendront la Collection entiere , ne payeront les
56 Volumes que 36 liv . au lieu de 41 liv. auffi
port franc par la Pofte .
L'Editeur a cru devoir rendre ces Ouvrages de
Facquifition la plus facile , pour prévenir l'effet
d'une contrefaçon qui fe répand dans la Provinces
contrefaçon qui fourmille de fautes , & dans laquelle
on s'eft permis de tronquer au hafard , &
de retrancher même beaucoup de pieces , afin
d'impofer au Public , en lui offrant à plus bas
prix l'Ouvrage ainfi défiguré , quoique fous le
même titre.
DE FRANCE. 8r
De la Deftruction du Régime Féodal , ou Commentaires
fur les nouvelles Loix concernant les
Droits Féodaux & Cenfuels , leur rachat & liquidation
; par M. Garnier , Avocat. 1 Vol . Prix ,
2 liv. io f. br. & 3 liv . rendu franc de port par
la Pofte dans tout le Royaume . A Paris , chez:
l'Auteur , au Bureau de la Pofte, rue de la Limace
près celle des Bourdonnais ; & chez Belin , Libr.
Fue St-Jacques , près St-Yves. Chaque exemplaire
fera figné de l'Auteur .
Ouvrage contenant , 19. le Recueil complet de
tous les Décrets rendus jufqu'à préfent fur les
Droits Féodaux & Cenfuels , les Dixmes inféodées
, la Chaffe , &c. 2 ° . Des Notes enfuite de
chaque Article des Décrets qui expliquent la fignification
des termes peu connus , l'origine des dif
férens Droits , & les motifs qui ont déterminé les
Légiflateurs à les fupprimer ou conferver , indiquent
les moyens de diftinguer plus aifément les
Droits fupprimés fans indemnité , cu fimplement
déclarés rachetables ; facil tent par des exemples
l'intelligence de la Loi , notamment fur les divers
taux du rachat ; rappeilent pour chaque objer
les Loix anciennes & nouvelles qui y ont rapport
en tout ou en partie ; tracent la marche à fuivre
pour les différentes opérations confiées aux Corps
Adminiftratifs & Municipaux , relativement à la
liquidation de diverfes indemnités , à la conferyation
ou fuppreffion de divers Droits , au rachat
des Droits Féodaux & Cenfuels dus à la Nation,
comme propriétaire des Domaines, nationaux , &c.
82 MERCURE C
Gazette des Nouveaux Tribunaux , dont il pa
raîtra une fois la femaine un N°. de 16 pages.
in- 8 ° . Prix , pour Paris , 15 liv . par an , 8 liv..
pour fix mois ; en Province , 16 liv . 10 f. & 9 1 .
au Bureau général de cette Gazette rue des Mathurins
, No. 8.
"C
Elle contiendra l'extrait raifonné des principales
caufes portées devant les Tribunaux de
Paris , & quelquefois ceux de Province ; ceux des
Juges de Paix ; les Tribunaux de Commerce , &
par la fuite les caufes importantes portées devant
la Cour de Caffation & la Haute- Cour Nationale ,
&c. & c. &c.
Pour fatisfaire pleinement les Soufcripteurs , on
Leur fera connaître les Ouvrages nouveaux fur la
Jurifprudence civile & criminelle .
Les Rédacteurs , tous Hommes de Loi , & bientôt
avoués près des Tribunaux , fe feront un devcir
de fournir une confultation gratuite & motivée.
fur toutes les queftions qui leur feront adreflies
par les Souferipteurs , verbalement ou par écrit.
Les jours de grande plaidoirie feron: annen és
d'avance , avec la noin des Orateurs qui devront
perter la parole. On rend a compte des opérations
de l'Asemblée Nationale relatives à la réforme
des Loix civiles , & à celle des Ecoles de
Dioit , & c . & c.
Ce Journal , pour lequel le nom bien connu
des Rédacteurs doit infpirer la plus grande confiance
, eft peut-être le plus néceffaire de tous dans
le moment où nos Loix criminelles & civiles vent
être réformées , & où chaque Citoyen a intérêt
de connaître & pent étudier à fond la nouvelle
Jurifprudence qui s'établit
DE FRANCE. 83
MUSIQUE.
Six Sonates , non difficiles , pour le Clavecin ,
Violon , ab lib. , par Ignace Pleyel. Prix , 7 liv.
4 f. franc de port par-tout le Royaume. A Paris ,
chez M. Porro , Profeffeur & Editeur de Mufique
rue Tiquetonne , N ° . 10.
A VIS
Du Bureau de Correspondance Nationale &
Etrangere , établi rue Neuve-St- Auguflin , à Paris.
On vient de diftribuer à Paris & dans les
Provinces , un Profpectus d'un Bureau de Liquidation
des Offices , dans lequel on lit ces mots :
» Mais fi les Titulaires n'ont point d'amis à Paris ,
» réclameront - ils le ci -devant privilégié Bureau
» Royal de Correfpondance , dont les occupations
font auffi étrangeres à une Liquidation d'Office,
que le prix de fes fervices eft exceffif ? S'adref-
» feront- ils à ces faifeurs de commiffions ,
ל כ
à ces
Agens ou Entrepreneurs
d'Affaires litigieufes
,
» bonnes ou mauvaifes
, &c. & qui n'offrent au-
» cune folidité , &c . &c. « ?
La Compagnie du Bureau de Correfpondance
croit devoir le borner , dans cet Avis , à détruire
l'effet qu'aurait pu produire une affertion auffi
hafardée qu'infidieufe , & laffe au Public le foin
d'en juger les motifs.
Depuis l'origine de cet Etabliffement , il y a
eu un Bureau uniquement destiné aux objets de
Chancellerie & des Parties cafuelles , qui a toujours
été en activité. Le Chef de ce Bureau eft
un des hommes les plus verfés dans cette partie.
34 MERCURE DE FRANCE.
La Compagnie ne fe contente pas de . remettre
des Titres au Comité de Judicature ; elle fournit
en même temps les Etats de liquidation faits
avec le plus grand foin ces Etats , très-intéreffans
pour les Titulaires , en prévenant les erreurs
, facilitent le travail du Comité , & doivent
néceffaitement hâter leur remboursement.
Cet avantage a été fenti par les Bureaux da
Comité , & a déterminé des Membres de l'Af
femblée Nationale à remettre au Bureau de Correfpondance
les Procurations qui leur avaient été
adrefiées.
LE Sr. Labat , le feul connu depuis long - temps
pour tenir le Dépôt des véritables Veilleules Anglaifes
, tirées de Londres , dont la propriété particuliere
eft d'attirer & de confumer les mauvaiſes
vapeurs de l'air où elles brûlent , continue d'en
tenir à i liv . 10 f. la Boîte en carton .
Il donne avis qu'on a voulu les contrefaire ,
& qu'il a reçu des plaintes de différentes perfon
nes qui croyaient en tenir de fon Dépôt. Il prie
celles qui défireront en faire ufage , de lui écrire ,
il leur en portera .
Le Dépôt eft chez le Sr. Labat , Md. Tapiffier ,
rue de la Roquette , Cour des Moulins , F. St-
Antoine , No. 75.
TABLE.
EPITRE.
Charade, Enig . Logog .
Difcours de Marius.
Ori ine.
Peinture des Idées .
631
Variétés .
67 Notices .
4a Queßion du Divorce. 70
55 Differtation. 75
77
79
Per. 195.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 15 JANVIER 1791 .
PIECES FUGITIVES
ENVER'S ET EN PROSE.
VERS
A M. DOUGADOS , ( P. Venance, Capucin )
qui , dans une émeute , avait le premier
couru aux armes , pour arracher à la populace
un homme qu'elle voulait pendre.
Quor ! vous aufli , courageux Cénobite ,
Vous allez , avec un moufquet ,
Sur quelques mécréans répandre l'eau bénite ,
Et vous avez quitté la 'beface d'Hermite
Pour la giberre & le bonnet !
Qu'on vienne , après cela , railler en ma préfence
Les timides fils d'Apollon !
No. 3. 15 Janvier 1791 . E
86 MERCURE
Horace , je l'avoue , était un peu poltron ;
Boileau fuivait de loin'le Héros qu'il encenfe ;
Mais la Grece cut Tyrtée , Efchile , Xénophon ,
Et notre Siecle a vu Frédéric & Venance .
Votre nom va groffir la lifte des Héros :
Cette métamorphofe , ô mon cher Camarade!
que Benferade Eft de celles
Aurait bien dû mettre en Rondeaux.
Pourtant , fi vous daignez n'en croire ,
Vous n'expofcrez point à des dangers nouveaux
Des jours fit chers aux Filles de Mémoire.
Que pour vous l'Hélicon foit le champ de la gloire :
Et lorfque vous verrez de ficres Légions
Sur un monceau de morts difputer la victoire ,
Donnez pour tout fecours des bénédictions,
Ne reffemblez pas à vos Freres
De S. Jacque & de S. François ;
Lents Proceffions autrefois
Etaient des marches militaires
Qui faifaient trembler Henri Trois.
Des drapeaux étaient leurs bannieres ,
Et ces Saints , dans leurs mains guerrieres
Portaient le moufquet & la croix.
Vous avez quitté leur beface ,
Et leur fandale & leur cordon :
Irez-vous prendre leur cuiraſſe ?
Croyez-moi , le fils d'Apollon
Ne doit tenir que la Lyre d'Horace .
Par M. Doreau , Officier. )
BIBLIOTHECA
DE FRANCE.
87
PACTE FÉDÉRATIF
ENTRE
L'HYMEN ET L'AMOUR.
UNjour l'Hymen , laffé de vivre ſolitaire
Voulut affocier l'Amour à fes ennuis
Et crut que fon volage frere
Quitterait pour le fuivre & les Jeux & les Ris.
L'efprit plein de cette chimere ,
Il laiffe fes Autels & ſe rend à Cythere.
Cypris l'accueillit affez bien:
I
Toujours nouveau venu chez elle fit fortune.
» Déeffe , lui dit- il , daigne être mon foutien ;
»Je viens avec ton fils , ceffant toute rancune
Former un éternel lien «
Soudain l'Amour eft mandé par fa Mere.
Hfe-rend auprès d'elle : il y trouve fon frere ;
Le voit , ( qui le croirait ? ) ne le reconnaît pas !
L'Hymen veut l'embraffer ; l'Hymen lui tend le
bras ,
Et , d'un ton fuppliant , lui fait cette priere :
» Amour, ô tendre Amour ! viens ſauver mes Etats,
De leur fein malheureux j'ai vu fuir l'allégreffe
E 2
88
MERCURE
» Mes beaux jours font paffés : les dégoûts , la
» triflefle
"Ont remplacé les jeux qui raiffaient fous mes pas
» Mon flambeau ne rend plus qu'une pâle lumiere ;
» L'encens que l'on me doit brule fur tes Autels ;
» Et mon culte, & mes Loix , que je crus immortels,
N'ont eu qu'un éclat éphémerë.
» Ah ! viens fans différer ; viens embellir ma Cour.
Que les pecuds de l'Hymen foient ferrés, par
V DO DIDI 2307
›› l'Amour «.
Ala ' di mulus !
L'Amour répond Undrive fleurie ,
» Un gazon , des berceaux ſuffiſen't à mes voeux. )
» Ce qui fait mon bohheur ne peut te rendre heu
» reux ARS MEDI
Dans ton Temple fouvent la fombre jalousie
» Vient mêler fes fur cursamoy plus tendres feux.T
» Tu t'abreuves de fiel quand je bois l'ambroific
» Mais: fitu peux : changer , que mes goûts foiene
>> les tiens ;
Nos coeurs feront unis par les plus doux liens «.
-Eh bien , je changerai ; ma,pomelle eft fincere
Allons la cimenter par la foi thu ferment,
Notre bonheur l'exige , & l'Autel nous attend te
Enfin l'aveugle Dieu fuit les pas, de fon frere
Sur leur front était la candeur ;
Et l'on lifait fur leur banniere :
Mortels , notre unión fera votre bonheur,
.1
2
I
DE FRANCE.
Les ailes de l'Amour alarmaient Hyménée.
Il les quitta, non fans
ans regrets!
Car on s'apperçut qu'en fecret
Il maudillait cette journée.it
Rendus au pied d'un fimple Autel ,
Qu'avait élevé la Conftance ,
Ils font le ferment fplennel :
Nousjurons qu'entre nous la plus tendre alliance
» Aux yeux de 1 Univers régnera déformais .
Ace Pacte facré , fi nous manquons jamais ,
» Vénus ! accable-nous du poids de ta vengeance «.
Hélas ! combien d époux , depuis cet heureux jour ,
Croyaient à leurs fermens nos Fédérés fideles !
Quelle était leur erreur ! ... On affure qu'Amour
En partant de l'Autel , fut reprendre fes ailes .
Par M. Pafquet , Aide-Major dans
l'Armée Bordelaife, )
Explication de la Charade , de Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Mariage ; celui
de l'Énigme eft Bombe; celui du Logogriphe
eft Logogriphe , où l'on trouve Ogre, Loire,
Gorge, Poire, Loi, Loge , Oie , Here , Or ,
Rôle E
3
ga MERCURECHARADE
CHACUN redoute mon premier ;
Chacun court après mon dernier ;
Souvent , Lecteur , un Charpentier
Travaille à faire mon entier .
Par M. P. de Quillebeuf. )
NIGM E
JE défolé l'Amour , j'afflige l'amitié .
On dit que l'amitié furvit à ma conſtance ,
Et que le traître Amour décroît plus de moitié
Quandje trompe long-temps fon unique expérance.
Je l'anime parfois ; mais entre deux époux ,
Dans le fein du bonheur fouvent l'Hymen fommeille ;
Hymen qui dorreft nuf ; je furviens , je l'éveille , ´
Et lui prépare ainfi fes momens les plus doux.
Un coche , un cheval , un navire ,
Me prêtent une force & des moyens nouveaux :
Quand ils partent, je nais ; s'ils reviennent, j'expire3
Je produis tour à tour & des biens & des maux ;
Et des réunions , implacable ennemic ,
Je trouve dans la mort une éternelle vie.
( Par un Abonné. }
>
2
DE FRANCE.
LOGOGRIP HE.
E fuis femelle fans ma queue ,
Du genre mafculin je fuis avec ma queue ;
Je tiens mon être fans ma queue
D'un pere qui porte ma queue ,
Et qui , m'ayant faite fans queue ,
Ne fe nomme que par ma queue.
Ami , Lecteur , veux- tu m'avoir fans queue?
La bourſe en main , viens chez mon porte queue;
Vifites-moi, fais-moi parler fans queue ,
Pénetres dans mon fein.... alors avec ma queue ,
Je te dirai combien je vaux fans queue ;
Si je te plais , mon pere avec ma queue ,
Va me monter me régler fans ma queue ;
2
Et chez toi tous les jours tu me verras en queue
Si tu n'es point jaloux , me remonter fans queue.
( Par un Abonné , de Beaumont fur Oife. )
{
E
92 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
113
VUES fur l'Enfeignement public , par M.
LA CEPEDE, Garde du Cabinet d'Hiftoire
Naturelle du Jardin du Roi , & Membre
de plufieurs Academies. Brochure in - 4° .
A Paris , chez Delenne , Libratre
Palais-Royal.
112
CH
ETTE efpece de Plan fommaire eft d'un
Philofophe accoutumé à généralifer fes
idées , à embrailer les objets dans toute
leur étendue ; mais font - ils tous ici placés
dans leur ordre naturel , dans leur jufte
proportion , & fous leur vrai point de vue ?
C'eft ce qu'il faut examiner.
» Je confidere ( dit M. de la Cépede )
'parmi les connaiffances humaines , 1º .
" celles qui font néceffaires à tous les Ci -2
" toyens ; 2 ° . celles qui font utiles ) à tous
" les Citoyens ; 3 ° . celles qui font nécef-
" faires ou utiles à un très- grand nombre
» de Citoyens ; 4° . celles qui font néceffaires
ou utiles à un petit nombre d'in-
" dividus ; 5. enfin celles qui ne font
néceffaires ni utiles qu'à un très - petit
ود
»
1
DE FRANCE.
93
2
23
22 *
22
nombre de membres de la Société. Je
» comprends dans la premiere clatietes
principes de la morale univerfelle , ces
premiers biens de toute Société , ces bafes
* fondées elles- mêmesfur les rapports éternels
des chofes , & fur lefquelles tour
l'édifice focial a été élevé y ces vérités
fublimes auxquelles tout Citoyen eft obligé
de conformer fa conduite , que toutes les
Religions out confaorées , & que la Res
ligión. Chrétienne a revêtues particuliés
rement d'un caractere fi touchant & fi
augufte ; chaque Citoyen , d'ailleursg
doit non feulement favoir lite , écrire 80
» connaître les principales règles de l'A
rithmétique; mais encore ne doit-il pas
être inftruit des principales Loix de fon
→ pays , de celles qui déclarent des droits
imprefcriptibles des hommes , qui affu
rent fon bonheur , fa liberté fa pro
priété , fa vie; qui tracent ffes devoirs , &
quil doit défendre , forfque la confiance
» de fes Concitoyens l'appelle à partager
» les honorables fonctions de la Magiftra
150
20
22
ture ? Aucune de ceslconnhidances në
pegr dévourner du premier, du plus útile
des Arts , de celui de téconder la terre ,
& de ' multiplier , par la culture , tous les
" objets de néceflité ou d'agrément. Si elles
le pouvaient , ill faudraitien garantie les
" campagnes , commedy fléau le plus fu
» nente. L'importance de l'Agriculture eft en
Es
94 MERCURE
» effet fi évidente , que quoiqu'à la rigueur
» tous les Citoyens ne foient pas obligés
» d'en favoir les détails , je place cepen-
» dant au rang des connaiffances néceffaires
à tous , ou , ce qui eft la même chofe
relativement à mon fujet , au rang des
» connaiffances que l'on doit répandre par-
» tout , les diverfes branches de l'économie
» rurale. Je voudrais que les principes de
" cette fcience fi utile fuflent montrés
gratuitement à tous les enfans «. L'Auteur
, par cette même confidération d'utilité
générale , place dans la feconde claffe des
objets dont l'enfeignement doit être gratuit
dans chaque District , les principes du Commerce.
Revenons fur les diverfes parties de
ce Plan.
Les premieres me paraiffent difpofées felon
le voeu de la raifon je n'y comprendrais
pas l'Agriculture & le Commerce. D'abord ,
5.
s'en faut de beaucoup que tout le monde
Loit né pour être Cultivateur ou Commerçant
l'état actuel de nos Sociétés politiques
ne le comporte pas. L'Auteur le fait & le
seconnaît ; il ne devait done pas mettre les
études de ces deux profellions au rang des
chofes de premiere néceffité . De plus , l'Agricukurę
pratique ( & c'eft la véritable ) ne
pent s'apprendre dans les écoles . Un enfant
Bépour être Agriculteur, l'apprend auprès de
fon pere dès qu'il peut manier le hoyau , la
ferpe , le rateau, la faux , le van , &c. Il n'y
DE FRANCE
95.
a pas d'autre moyen de s'en inftruire. Quant
à l'Agriculture théorique , elle n'eft point à
la portée des enfans : elle eft le réſultat
d'une expérience réfléchie; elle fuppofe divers
genres de connaiffances phyfiques ; elle peut
être l'objet des travaux de ce qu'on nomine
aujourd'hui les Sociétés d'Agriculture
propres à favorifer les progrès de ce premier
des Arts ; mais ni la pratique ni la théorie
ne font des objets d'inftruction premiere &
générale. Laiffons à chaque pere , qui deftinera
fon fils à cultiver les champs , laiffons
lui le foin & le détail de cette éducation
pratique ; & laiffons les Savans & les Phyficiens
éclairer quelquefois l'induftrie dn
Payfan. J'en dis autant du Commerce ; c'eft
dans la maifon d'un Commerçant que doivent
étudier ceux qui fe donnent à cette
profeffion. Rien de tout cela n'eft fait pour
les écoles publiques.
M. de la Cepede , yeux enfuite que l'on
profelle , dans chaque Département, toutes
les Sciences exactes , toutes les branches de
la Phyfique , tous les genres de Littérature
, &c. Il le faut fans doute ; mais je ne
penfe pas, comme lui , que ce doive être aux
frais du Gouvernement , c'eft-à- dire gratuiten
ent pour tous les Citoyens : & voici mes
raifons .
Toute dépense publique étant originairenent
à la charge des Peuples , il ne faut
fe permettre que celles qui font d'une né
EG
56 MERCURE
ceffité générale ; & à l'égard de colles dohé
le réſultat ne peut être utile qu'a un certain
nombre d'hommes que la Nature a
doués particulièrement , il convient de s'en'
rapporter à l'aifance générale qu'une bonne
Adminiftration doit procurer avecle temps ,
& aux efforts que chaque particulier eft à
portée de faire en raifon de fes moyens ,
de l'intérêt qu'il met à l'avancement de fes
enfans , & aux efpérances qu'il fonde fur
leur éducation. Ce n'eft guere que dans
l'Univerfité de Paris que l'on a fait juf
qu'ici les frais de l'inftruction publique
dans tous les genres . Il en eft réfulté fans
doute d'heureux effets , & bien des ta'ens
devenus célebres , que la pauvreté eût peutêtre
étouffés , ont dû leur exiftence & leur
développement à cette inftitution bienfaifante.
Mais d'abord , il faut obferver qu'elle
avait lieu dans une Capitale dont la popu
lation eft immenfe , & qui , en raifon de
fes reffources , attire des Provinces prefore
tout ce qui a le défir de s'inftruire. De
plus , ce bienfait du Gouvernement était
mêlé , il faut en convenir , de beaucoup
d'inconvéniens. La plupart des hommes ont
peu d'aptitude aux études de l'efprit , &
l'expérience a fait voir combien il y en avait
pour qui cette facilité de venir dans lest
Colléges étudier des connaiffances étrangeres
à leurs facultés naturelles , n'érait
qu'un piégé & un danger. Ils venaient
DE FRANCE
97
:
y perdre les années de leur jeuneffe , &
fouvent même les efpérances de leur vie
entiere , en contractant l'habitude de l'oifiveté,
qui les dégoûtait des profeffions &
des métiers de leurs peres , où ils auraient
pu avoir les mêmes fuccès que la plupart
de ceux qui les ont embraffés , parce qu'il
y en a pen pour qui ces différens métiers
ne foient d'un exercice facile. C'eft de lat
pouliere des Colléges que depuis long- t
temps s'eft répandue dans une ville telle
que Paris , ouverte à tous les genres de
corruption , cette efpece d'êtres inutiles out
dangereux qui forme la claffe , malheureufement
trop, nombreuſe , des Aventuriers ,
des Chevaliers d'induftrie , des mauvais Ecri
vains , des Valets de Librairie , des Gazetiers!
mercenaires , des Satiriques vendus , &c. &c.
Je fais bien que dans tout état de chofes
il y aura de ces hommes - là ; mais il eft
certain que les études gratuites les ont pro-l
digieufement multipliés , & je ne vois pas
pourquoi le Gouvernement fe mettrait en
frais pour propager cette pernicieufe en- l
geance.
M. de la Cépede ne veut pas , & il a
grande railon , que les études , même les
plus néceffaires , nuifent à celle de l'Agriculture
; mais ne va-t-il pas contre fon but ,
en demandant que dans toutes les parties
de l'Empire on enfeigne gratuitement les
Sciences & les Lettres , qui , de fon aveu
98
MERCURE
ne font pas généralement néceffaires ? Ne
fuffirait-il pas de s'en repofer là-deffus fur
ce que peut produire la claffe de Citoyens
qui a reçu de la fortune les moyens d'une
éducation perfectionnée , ou fur le pouvoir
de la Nature , qui a fi fouvent vaincu les obfracles
de la fortune ?
En général , il faut qu'un bon Gouvernement
encourage tous les genres de connaiffances
; mais il ne faut pas qu'il y appelle
à fes frais toutes les claffes de
Citoyens ; ce ferait une difpendieuſe profufion
de moyens qui aurait beaucoup.
plus d'inconvéniens que d'avantages. C'elt
un faux principe d'imaginer que le Gouvernement
peut & doit faire toute efpece
de bien en plufieurs chofes il lur
fuffit de laiffer faire. Un des grands maux
du Defpotifme était de contrarier fouvent
le bien que pouvait faire d'elle- même
la Nature ou la Société. Un des grands
avantages de la Liberté , c'eft de permettre
à l'une & à l'autre de faire tout le
bien dont elles font capables.
M. de la Cépede propofe quelques vues
générales fur la divifion & la fucceflion
des différentes études dans les Colléges ,
ou dans les Maifons d'éducation qu'on
pourrait leur fubftituer. Je ne le fuivrai
pas dans cet expofé , qui pourrait être , ce
me femble , plus détaillé , plus méthodique ,
plus raifonné j'y renverra le Lecteur.
DE FRANCE. 99
Dans le prochain Numéro , je hafarderai
de propofer auffi quelques idées fuivies fur
l'Enfeignement public , & fur les moyens
que l'on peut préférer. C'eft un tribut.
que tout Citoyen qui penfe doit porter:
dans la contribution des lumieres géné→
rales ; & j'ai peut-être affez réfléchi fur
cette matiere, pour mepermettre d'en parler.
( D...... )
OEUVRES DE Juan Law , Contrôleur-
Général des Finances de France fous le
Regent contenant les principes fur te
Numéraire , le Commerce , le Crédit & les
Banques ; avec
s Notes. 1 Vol. in-8°.
A Paris , chez Buillon , Libraire , rue
Haute-feuille , No. 20.
LES objets traités dans ce Recueil deviennent
de jour en jour d'un intérêt plus
général , & la claffe d'hommes qui s'en
occupent devient auffi plus nombreuſe : cet
Ouvrage ne faurait donc manquer d'être recherché
par ceux qui fe livrent aux péculations
de ce genre. Il eft difficile d'avoir
un meilleur maître que Jean Law. On
conviene maintenant que cet homme qui
a ruiné la France , était doué d'un génie,
à la fois très-profond & très-étendu . Ap100
MERCURE
·
pliqué de bonne heure à certe Science déjà
très avancée en Angleterre par les écrits .
de Locke , Davenant , Child , & plufieurs
autres , Law s'était montré l'éleve & le
rival de ces hommes célebres . Il avait été
devancé en France par cetre réputation ,
& ce fut elle qui lui donna d'abord accès
auprès du Fégent. 11 parait que les fautes"
qui ( perdirent le Syftème , la Banque. &
l'Auteur , étaient toutes contre fes principes
, & même contre fa volonté. Mais on
fait qu'il ne fur , pas long - temps maître
abfolu , qu'il eur fouvent la main forcée ,
& qu'il fut entraîné par-delà fes mefures ;
c'eft ce qui ne , furprendra pas dans une
Cour telle que celle du Régent , gouveiiné
par l'Abbé Dubois.
Quoi qu'il en foit , fon Ouvrage fur le
numéraire & fur la Banque d'Ecoffe , le
principal de ceux qui font contenus dans
ce Volume , s'eft foutenu malgré la cataftrophe
du Syfteme , & a confervé en
Europe la célébrité qu'il obtint à la naiffance
. I eft regardé comme un Livre claf
fique. Il s'en fit à Londres une édition
nouvelle en 1751 , qui donna lieu à plufieurs
traductions Françaifes. La meilleure
eft inférée dans le Livre de M. de Forbonnais
, fur les Finances . Celle qui fe“
trouve dans le Recueil que
us annonçons
,
eft accompagnée de notes très- inftructives,
Le refte du Recueil et compole d'une
DE FRANCE.
funte de Mémoires & de Lettres adreffées
au Régent , Prince rempli , comme on fait ,
d'efprit & de pénétration ; mais qui , étran→
ger à des péculations fi nouvelles pour
lui & même pour la Nation entiere , avait
befoin d'inftruction . Il favait en demander
Il propofair fes doutes à Law : celui - ci
les éclairciffait fur le champ. C'est donc
dans cette fuite de Lettres & de Mémoires,
le Lecteur sinftruira comme le Prince
On conçoit que Law ne négligeair rien pour
être entendu&rendre l'inftruction plus facile.
que
Elle le deviendra encore davantage pour
le Lecteur , par le foin qu'a pris l'Editeut
de mettre à la tête du Recueil un excele
lent Difcours préliminaire , Ouvrage d'une
main habile & exercée fur le crédit &d
fur les Banques. L'Auteur s'eft attache à
être plus fimple encore , plus élémentaire
que Law lui- même . On ne peur que lui
applaudir de vouloir bien defcendre & fe
mettre à la portée du plus grand nombre
de fes Lecteurs ; tous n'ont pas la perfpicacité
du Régent ; & la Science doar on
traite ici , eft trop peu avancée pour qu'on
paiffe négliger d'en rendre les premiers
élémens fimples & faciles. Il obferve qu'à
cet égard nous fommes à cent ans des
Anglais , & il en trouve la preuve dans
plufieurs préjugés encore fubfiftans parmi
nous , & détruits en Angleterre depuis plus
d'un fiece. 3)
L
7
ส .
102 MERCURE
L'Auteur de ce Difcours préliminaire
paraît doué de cet efprit philofophique ,
qui , en approfondiffant fon fujet , indique
rapidement des rapports nouveaux avec
d'autres objets qu'il ne peut ou ne doit
pas approfondir. Il fait ainfi jeter du jour
fur des queftions intéreffantes qu'il fe contente
d'effleurer. C'eft principalement dans
les notes de fon Difcours préliminaire
qu'on trouve plufieurs de ces heureuſes
indications. Nous voudrions pouvoir en
eiter quelques exemples ; mais la plupart
font de nature à ne pouvoir être ifolés.
En voici une qui peut l'être ; & fa fingularité
, qui montre le tour d'efprit de
l'Auteur , la rendra remarquable , & la fera
lire avec plaifir.
On adit & répété fouvent que les fuccès
à la guerre appartiennent à celui qui a
le dernier écu & l'on a eu raifon. Mais
il n'eft pas clair qu'on ait employé les écus
le mieux poffible. Par exemple ,
و د
On entretient en France une armée
qui coute cent millions par an ; c'eſt
» deux milliards pour vingt ans.
39.
» Nous n'avons pas plus de cinq ans de
" guerre chaque vingt ans , & cette guerre ,
en outre , nous met en arriere d'un
» milliard au moins.
"
ور
و د
Voilà donc trois milliards qu'il nous
» en coute pour guerroyer cinq ans . Quel
" en eft le réfultat ? car le fuccès défini
» tif eft incertain.
DE FRANCE. 103
و ر
» Avec bien du bonheur , on peut ef-
" pérer de détruire cent cinquante mille
❞ ennemis par le feu , le fer , l'eau , la
faim , les fatigues , les maladies , & c.
» Ainfi la deftruction directe ou indirecte
» d'un Soldat Allemand , nous coute vingt
» mille livres , fans compter lala perte fur
» notre population , qui n'eft réparée qu'au
bout de vingt -cinq ans.
9
و و
3
و د »Aulieudecetattiraildifpendieux,in-
» commode & dangereux d'une armée
» permanente , ne vaudrait - il pas mieux
" en épargner les frais & acheter l'armée
» ennemie , lorfque l'occafion s'en préfen-
" terait ? Le Chevalier Guillaume Petti
"

eftimait un homme 480 livres fterling.
» C'eft la plus forte évaluation , & ils
" ne font pas tous auffi chers , comme
» on fait . Mais enfin il y aurait encore
» moitié à gagner en finance , & tout en
population ; car pour fon argent on au-
» rait un homme nouveau au lieu que
» dans le fyftême actuel , on perd celui
» qu'on avait , fans profiter de celui qu'on
a détruit fi difpendieufement
و و
F
Cette idée rappelle un trait connu de la
plupart de ceux qui ont eu l'avantage de
vivre avec le célebre Francklin . Il racontait
qu'à fon dernier voyage à Londres , &
peu de temps avant la guerre, il avait mandé
à fes Commettans : » Calculez en confcience
104 MERCURE
ور
» les fommes que peut vous couter la guerre ,
» & envoyez- moi feulement la moitié dé
ces fommes ; je vous promets d'en acquérir
votre indépendance , en achetant
tout le Parlement & le Roi lui-même .
Il eft même vraisemblable que du furplus
je pourrai me faire debonnes rentes ,
pfi vous permettez que j'en difpofe «. C'eſt
dommage que la propofition n'ait pas été
acceptée. Outre l'économie du fang humain
, qu'il faudra bien tôt ou tard comp
ter pour quelque chofe , l'Angleterre & la
France y eulent épargné 5 ou 6 milliards ,
& le fuccès de cette négociation eût fait
prendre un tour nouveau à la Politique
Européenne , qui a grand befoin d'être un
peu rajeunie.
+
( C..... >
**
TABLEAU PITTORESQUE de la Suiffe
i par le Marquis DE LANGLE , Auteur da
Voyage en Eſpagne ; Ouvrage qui a eu
l'honneur d'être brûlé. A Paris , rue Jacob,
vis-à-vis la rue St - Benoît , Fauxbourg
St- Germain , No. 28.
I n'y a plus de Marquis ; & comme
on ne brûlera plus de Livres utiles , il y
a peu de gloire à en avoir fait qui aient
DE FRANCE. 105
éré brûlés. Ce font deux titres d'honneur
que perd M. de Langle ; mais il lui refte
fes Ouvrages. Celui - ci eft peu fufceptible
d'extrait : c'eft, moins un tableau qu'une
galerie , où divers tableaux fe fuccedent fous
les yeux du Lecteur , comme ils fe font
fuccédés devant ceux de l'Auteur pendant
fon voyage
.
Le feul qui ait quelque étendue eft celui
de la fête nationale & patriotique qu'on
célebre tous les ans à Arth , Canton de
Schweitz, en l'honneur de Guillaume Tell ,
libérateur de la Suiffe. Les Français libres
auront aufli annuellement leurs fêtes naticnales
ils peuvent donc aujourd'hui voir un
modele & un objet d'émulation dans ce
qu'ils n'auraientregardé autrefois quecomme
un vain fpectacle. Voici en peu de mots
l'abrégé de cette defcription.
On éleve un théatre au milieu de la
place publique. Un héraut d'armes , d'une
taille gigantefque , & une mufique guer
riere ,précédent le cortége qui s'y rend de
la campagne voifine. Le Génie de l'antique
Helvétie portant d'une main un écu aux
armes des Treize Cantons ; & de Fautre
une lande furmontée du bonnier de la Li
berté , marche le premier , efcorté de deux
guerriers armés de toutes pieces ; & d'une
troupe de pâtres habillés comme dans les ·
Alpes , un bonnet de cuir fur la tête
une lourde maflue fur l'épaule..
106 MERCURE
Vient enfuite le Capitaine des Arbalériers
, à la tête de la troupe vêtue de
verd , & l'arbalete à la main. Ils font
fuivis de Guillaume Tell , de fon fils
des trois libérateurs Stauffacher , Melchtal
& Furft. Après eux , les domeſtiques du
Tyran Grifler , habillés dans le coftume
de leur temps , & portant une pique furmontée
du chapeau de leur Maître ; puis
les Députés des Treize Cantons , précédés
chacun d'un jeune homme qui en déploie
la banniere , & d'un héraut à fa
livrée.
La marche eft fermée par un corps de
vingt Soldats de fix pieds de haut , choifis
parmi les plus beaux hommes du pays.
Le cortége arrivé au théatre , & les
fpectateurs placés fur des bancs élevés en
amphithéatre , aux quatre coins de la place ,
le Génie de l'Helvétie prononce un difcours
éloquent dans fa fimplicité , où il
rappelle aux Suiffes les avantages de la Liberté
; ceux de la pofition & de la fertilité
du pays qu'ils habitent ; ceux de leur
vie laborieufe & frugale , conforme à la
nature de l'homme ; ceux de leur Gouvernement
électif , & de leurs Loix , auxquelles
ils n'obéiffent qu'après les avoir
dictées. Il finit par un de ces traits d'éloquence
locale dont l'effet eft toujours certain.
Environné des lieux où naquit la
Liberté Helvétique , il les défigne au Peuple
1
DE FRANCE. 107
و ر
qui l'écoute » Ici eft le pré folitaire du
Rutli , dont l'ombre religieufe couvrit
» autrefois vos libérateurs , lorfque loin
» de l'oeil vigilant du Tyran , ils jurerent
» de brifer fon joug de fer. Là eſt la
plaine facrée où tomba la fleche falu-
» taire de Hunnemberg. De ce côté eſt
» la chapelle augufte de Guillaume Tell.
» Vous voyez là - bas le champ de bataille
» étroit où Winckhied & tant de vos
généreux ancêtres cimenterent de leur
fang les fondemens de la Liberté naiffante.
Et que vous demandent les manes
de ces Héros ? O mes amisômes
» freres ils vous demandent de fuivre
leurs traces ils vous demandent d'imiter
leur bonne foi , leur noble fimpli
cité , leur mâle courage , &c, «
"
19
Lifez le Difcours entier, S'il eft traduit ,
il y a déjà du mérite à traduire ainfi : s'il
l'eft de mémoire , le mérite augmente ; s'il
eft de l'invention de l'Auteur , il prouve
une ame libre , républicaine , digne , nous
ne dirons plus d'un Romain , d'un Anglais
ou d'un Suiffe , mais d'un Français
régénéré,
Après ce Difcours commence une eſpece
de Drame purement hiftorique , partagé
en cinq actes ou fections , où font
repréſentées fidélement les vexations du
Gouverneur Autrichien , le pacte des
libérateurs , celui des trois premiers Can-
T
108
MERCURE
tons , leur ligue contre l'Autriche , enfin
une Diete nationale où chacun des Treize
Cantons entre dans l'ordre de fa réception
, & jure d'être fidele à la Confédéra
tion générale.
»
ود
13
La Piece finie , le Génie paraît une
feconde fois ; il exhorte encore les Helvétiens
aux bonnes moeurs , aux vertus
civiles & guerrieres , à la concorde & à
la paix. Le cortège fe retire enfuite dans
le même ordre. Le même fpectacle fe
répete pendant trois jours , & chaque
fois un Peuple immenfe accourt des Cantons
voifins. Les peres y menent leurs
enfans , pour leur montrer la vivante
image des grands événemens , des fcenes
patriotiques du temps paffé. Les femmes ,
" meres & Citoyennes , & celles que la
Nature appelle à l'être , s'attendrillent
» à l'idée que leurs maris & leurs enfans
ne dégénéreront point du courage & dé
» l'audace de leurs ancêtres : les vieillards
pleurent de joie ; les jeunes gens fe fen-
» tent animés d'une ardeur nouvelle : un
» attendriflement général fe manifefte chez
les uns par des larmes , chez les autres
par des cris , chez tous par des applau
dilemens confus, &c. «
99
»
"
"
: La peinture de cette pompe nationale ,
dont nous n'avons pu donner qu'une lé
gere idée , fufirait pour engager les amis
de la Liberté à fe procurer cette Brochure ,
сы
SUPPLEMENT a l'article de Paris , & aux Nouvelles
étrangères .
Da jeudi 13 janvier 1791 ;
Nous n'avons pu conftater encore le nombre des curés
de Paris , qui ont prêté , ou foufcrit de prêter le ferment
civique. Les calculs des feuilles publiques à cet égard
reflemblent à toutes les fraudes politiques qui rempliffent
ces archives des faufletés journalières. Les unes nous indiquent
36 curés , d'autres 28 , 20 , 14. Il paroît conftant
que le troisième de ces nombres eft le véritable , en
y comprenant ainfi que nous l'avons dit les curés
extérieurs & les defervans de quelques petites églifes particnlières.
On affure que la réponſe négative du Pape eft
arrivée , & que , fur l'avis unanime du facré college , S. S.
refule fon approbation à la conftitution civile du clergé.
Elle fe fût établie fans ferment ; les infultes dont on accable
les eccléfiaftiques qui refufent , font le vrai moyen de
les rendre plus opiniâtres.
Les commiffaires envoyés en Quercy pour y faire ceffer
les brigandages , & informer contre les dévastateurs qui
faccagent cette province font , dit on deux avocats &
un médecin de la municipalité de Paris . Ordinairement
lorfqu'on veut ramener à l'ordre une multitude égarée ou
ignare , on choifit des hommes dont l'état , le caractère ,
les places même en impofent , & qui peuvent réprimer
le mal par l'opinion : le gouvernement penfe apparemment
que cette routine n'eft plus de faifon . Nous avons vu que
le feul réfultat bien clair de la commiffion envoyée à Nancy
a été de fournir les prétextes d'une ampiftie générale . En
fera- t- il auffi de même en Quercy & à Aix ? Nous nous
permettons de penfer qu'oui. Enfin laffés de l'inaction
de la force publique & du lâche abandon où les laifloient
les corps adminiſtratifs : un nombre de propriétaires du
Quercy, ayant à leur tête M. d'Efquirac , fe font armés
pour la défenfe de leurs foyers , de leurs biens , de leurs
familles ; ils ont fauvé plufieurs maifons , & repouffé les
brigands en diverfes rencontres. Dans l'un de ces combats
M d'Efquirac a été légèrement bleffé à la tête d'un coup
de feu.
( 2 )
La Provence eft toujours livrée à l'oppreffion de l'anarchie.
Un grand nombre de familles , ne trouvant plus de
fûreté à Aix & à Marſeille , ont été forcées de s'expatrier.
L'inquifition la plus violente y étend fa tyrannie fur les
actes les plus indifférens . Dès qu'on lui eft ſuſpect , on
n'eft plus innocent. On décachète les lettres , on emprifonne
, on pourfuit quiconque' eft dénoncé par la faction
dominante . L'ancien commandant général de la garde nationale
de Marſeille , M. Lieutaud , a été , dit - on , arrêté en
mer, & enfermé au fort Saint - Jean avec un de fes amis.
Son crime eft d'avoir voulu fortir du royaume.
Le club monarchique , fermé par la municipalité , doit ſe
rouvrir aujourd'hui où demain.
Lundi 10 janvier. Dix prêtres habitant la paroiffe de Saint-
Sulpice , a la tête defquels le trouvent un abbé Soulavie , édireur
de quelques compilations , & un abbé Poncelin , rédacteur
d'un almanach , après avoir prêté le fetment dimanche
dernier , ont envoyé une adrefle à l'Aflemblée Nationale ,
où ils fe félicitent de voir le triomphe de l'églife primitive,
oubliée depuis mille ans . Les journaux ont préſenté ces
dix eccléfiaftiques comme étant le clergé de Saint- Sulpice ,
lequel néanmoins a fuivi en entier la réfolution de fon
paſteur,
Continuation du décret fur les droits de timbre.

Du Mardi 11 janvier. M. Camus a tenté , dans cette
féance , de faire adjuger , fans examen encore quatre millions
à M. d'Orléans pour la dote non payée de fa tante Elifabeth ,
fille du régent , mariée au prince des Afturies . M. Martineau
a rejeté cette prétention , & fur l'avis de MM. de Tracy
& de la Chèze ; on en a renvoyé l'examen au comité de
liquidation,
:
Suite de la difcuffion fur les jurés ; M. Thouret a répondu
aux objections de M. Tronchet à la demande de
M. l'abbé Maury on a décrété l'impreffion du difcours
de M. Thourer. M. l'abbé Maury a la parole fur cette
queftion , & aujourd'hui , il a annoncé une des plus terribles
objections au plan du comité , favoir que les dépofitions
orales peuplent l'Angleterre de faux témoins.
DE FRANCE. 109
où il y a d'ailleurs , comme dans les autres
Ouvrages de M. de Langle , de l'efprit
du trait , quelquefois un peu d'affectation ,
mais point de déclamations , de longueurs ,
ni d'ennui,
LES HEUREUX MODELES , ou l'Ecole
du Bonheur, Roman traduit de l'Anglais.
2 Volumes petit in- 12. A Paris , chez
Debray, Libraire , au Palais-Royal.
DEPUIS que chaque jour en France
fournit quelques pages à l'Histoire , on
s'y intéreffe beaucoup moins aux Romans.
Il y aura cependant toujours une claffe de
Lecteurs affez nombreufe fur qui ce genre
d'Ouvrage aura des droits, Les femmes
& les jeunes gens aimeront toujours à y
voir , indépendamment de toute révolution
politique , les révolutions & l'hiftoire
du coeur. Les hommes en qui l'irréflexion
habituelle prolonge l'âge de la jeuneffe
& qui fe tiennent étrangers aux affaires
publiques par indifférence , éloignement
ou incapacité ; ceux auffi dont l'efprit actif
fuffit à tout , qui veulent tout voir , tout
connaître , & ne favent fe délaffer d'un
travail que par une lecture ; ceux -là lifent
encore & liront toujours des Romans.
No. 3, 15 Janvier 179 F
110 MERCURE
C'est par les caracteres que fe font principalement
diftingués les Romanciers Anglais.
L'Auteur des Heureux Modeles n'eft
peut être pas un modele en ce genre ;
fes perfonnages , prefque tous également
vertueux , le font à peu près de la même
maniere . Il n'y a , pour contrafter avec
eux , qu'un Chevalier Hairiot , le plus
impertinent Baronnet , & le plus crapuleux
Féodal des trois Royaumes ; paſſant
les jours à chaffer , la nuit à jouer ou à
boire ; Tyran de fes Vaffaux , féducteur de
leurs filles , déprédateur de leurs biens
diffipateur effréné de fa fortune , & n'imaginant
d'autres refources , quand elle eft
entiérement détruite que de fe brûler
fottement la cervelle.
.
Les originaux de cette caricature ne
font pas , dit- on , introuvables en Angleterre
, & ne l'étaient pas dans l'ancienne ,
France, c'est-à-dire dans la France Féodale ,
avant 1789. Il eft vrai que ce portrait
n'eft mis là que pour former op
pofition avec le caractere intéreſſant d'un
bon Seigneur , qui ne connaît d'autre emploi
de fes richeffes que de rendre heureux
fes enfans , les Vaffaux , & tout ce qui l'entoure
; mais comme dans la loterie des
bons Seigneurs les mauvais billets n'étaient
pas rares , on pourra conclure , même en
lifant ce Roman , que n'en déplaife à l'An- ,
gleterre & à fa Chambre haute , il vaut
DE FRAN CE. 111
beaucoup mieux n'avoir plus ni Fiefs , n
Vallaux , ni Seigneurs.
SPECTACLES.
THEATRE DE LA NATION.
LAA LIBERTÉ CONQUISE , ou
le Defpotifme renversé , Drame en 5 Actes
& en profe ; par M. Harny.
Cette Piece , dont le grand fuccès fait
la joie de tous les bons Patriotes , compte
déjà cinq repréſentations depuis le 4 de ce
mois , où elle a été jouée pour la premiere
fois.
Un fujet auffi intéreffant dans les cir-
'conftances actuelles , demandant une analyfe
plus étendue qu'à l'ordinaire , nous
avons mieux aimé remettre de quelques
jours à fatisfaire l'empreffement de nos Lecteurs
, que de leur en offrir une idée incomplette.
Nous en donnerons l'extrait dans le N°.
prochain.
F 2
112 MERCURE
Nous n'avons dans les autres Théatres
aucune production fufceptible d'un long examen.
On repréſente au Théatre Italien , avec
le plus grand fuccès , J.J. Rouffeau àfes derniers
momens. C'eft plutôt un tableau intéreffant
qu'un Ouvrage dramatique. L'Auteur
a peint , dans les derniers momens de
ce grand Philofophe , fon extrême fenfibilité
dont il offre une preuve nouvelle par
un acte de bienfaifance. Il donne à une
pauvre famille dans le befoin la modique
fomme d'une demi - année de fon revenu
qu'il vient de recevoir , & laiffe croire
qu'un autre eft l'auteur de ce bienfair. Tout
ce qui rappelle le nom , les Ouvrages &
l'idée qu'on s'eft faite du caractere de de
grand homme , a droit d'émouvoir vivcment
; auffi a-t- on applaudi une foule de
traits répandus dans cet Ouvrage , qui eſt
de M. Bouilly , Auteur de Pierre le Grand.
Madame Davrigny , ci devant Mile.
Renaud , a donné , pour Pâque prochain ,
fa démiffion à ce Théatre , fur le refus
qui lui a été fait de la part entiere , dont
elle confentait même de ne recevoir que
Trois quarts. Cette perte fera vivement fentie
par tous les Amateurs du Chant ; elle
pourrait être encore plus fâcheufe pour le
Théatre Italien , fi cette Cantatrice éton
nante , en vertu de la Liberté , ne quittait
ce Spectacle que pour en aller embellir un
autre de fes talens .
DE FRANCE. 113
On a donné au Théatre de MONSIEUR
une Comédie fort eftimable, intituléeAlcefte
à la campagne, ou le Mifanthrope corrigé
C'eft fur-tout par un ftyle pur , correct &
brillant que cette Piece eft recommandable.
On y applaudit à un grand nombre de détails
très-heureux & très-agréablement verfifiés .
Elle eft de M. Dumouftiez , Auteur des
Lettres à Emilie , fur la Mythologie.
On a auffi donné fur ce Théatre un
Opéra Italien , la Bella Pefcatrice , qui a
eu peu de fuccès ; & un Opéra-comique
français , de Mr. Beffroy , dit le Coufin
Jacques , intitulé l'Hiftoire Univerfelle. On
a voulu peindre dans cette Piece la manie de
beaucoup de gens qui fe plaignent du fort ,
au lieu de regarder autour d'eux ceux quifont
plus à plaindre encore . Cette idée philofophique
, qui pouvait être plus heureufement
encadrée , offre au moins des couplets fort
joliment tournés .
Ce Théatre vient de reparaître dans une
Salle d'un goût très-neuf & d'un afpect charmant
, rue Feydeau . C'eft-là qu'on pourra
véritablement juger de l'intérêt que le Public
prend à ce Spectacle , des efforts que
l'Adminiſtration eft capable de faire , & des
fuccès qu'on a droit d'en efpérer.
༦༧ .
F3
114 MERCURE
On voit au Théatre du Palais- Royal un
Drame fur le fujet de Calas , que les Amareurs
de ce genre peuvent comparer à celui
du Théatre de la Nation . On trouve dans
le premier des détails plus frappans , peutêtre
parce qu'ils font plus atroces : il ref
tera toujours à celui de M. Laya le mérite
d'être écrit en vers & dans un ftyle plus
foigné. Ce même fujet , traité par plufieurs
Auteurs , doit paraître encore fur d'autres
Théatres.
NOTICE S
Traité Elémentaire , ou Principes de Phyfique ,
Fondés fur les connaiffances les plus certaines ,
tant anciennes que modernes , & confirmés par
T'expérience ; par M. Briffon , de l'Académie des
Sciences , & Profeffeur Royal de Phyfique Expérimentale.
3 Vol . in- 8 ° . avec 46 Pl . Prix , 21 liv.
br. & 24 liv. rel . A Paris , chez Moutard , Libr
Impr. rue des Mathurins , Hôtel de Cluni.
- Le mérite de l'Auteur parle affez en faveur de
l'Ouvrage.
Banquet des Savans, par Athénée , traduit tane
fur les textes imprimés que fur plufieurs manuf
crits ; par M. Lefevre de Villebrune ; cinq Livrai
fons , contenant jufqu'à la re. Partie du Tome
je. , & le 7e. Livre.
DE FRANCE.

( Pour nous , qui ne pouvons plus confulter
qu'une très- petite partie des Auteurs allégués
par Athénée , & qui ne trouvons que dans fon
Livre cent particularités curieufes dont il parle
nous regardons fa compilation comme un tréfor
très-précieux. ) ( BAYLE, Dist. )
Un Vol. in-4°. De l'Imprimerie de MONSIEUR,
On foufcrit chez Lamy , Libraire , quai des Au
guftins , Nº. 26.
Le jugement d'un homme tel que Bayle , rapporté
dans l'épigraphe , fait affez l'éloge de l'Ouvrage
d'Athénée, très-connu des Savans ; mais dont
on n'avait en français qu'une mauvaiſe Traduction
de l'Abbé de Marolles. C'eft donc un véritable fervice
que M. Lefevre de Villebrune rend aux Lettres
& aux Sciences , que de nous en donner une nouvelle.
Cette entreprife , très-difpendieufe par les
foins qu'elle exige & par la magnificence de l'exé
cution , mérite les plus grands encouragemens . "
Chaque Livraiſon eft de 9 livres , excepté la
premiere qui eft de 18 liv. petit in-4 ° fur carre
d'Effonne. Il y en a une autre fur grand raiſin fin
fatiné . Prix , 48 liv. la premiere , & 24 liv . les
autres. La derniere Livraifon fera donnée gratis
aux:perfonnes qui ont foufcrit.
: Tableaux , Statues , Bas- reliefs & Camées de
la Galerie de Florence & du Palais Pitti , deffinés
par M. Wicar , Eleve de M. David , Peintre du
Roi , & gravés fous la direction de M. Lacombe ,
Peintre avec les explications des Antiques , par
M. Mongez l'aîné , de l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles- Lettres , Garde des Antiques
de l'Abbaye Royale de Sainte - Genevieve ,"
TIG MERCURE
imprimées avec les caracteres gravés & fondus par
P. L. Vafflard. 6e. Livraiſon. Prix , 18 liv . grand
in-folio , papier vélin d'Effonne.
On donnera dans le courant de l'année la
Planche gravée du Frontispice.
On ne peut s'adreffer
dorénavant
pour la Soufcription
& la Livraiſon
de cet Ouvrage , qu'à Ma
Lacombe , Peintre , Editeur , rue de la Harpe ,
près la Place St- Michel , N. 84 .
Tout eft magnifique dans cette entrepriſe. Les
objets qu'on veut perpétuer & multiplier par la
Gravure , font , comme on le croit bien , du plus
beau choix . Le Deffinateur & les Graveurs luttent
de talens & de foins pour en rendre l'exécution
parfaite , embellie encore par la beauté des caracteres
& du papier. Rappeler le nom du favant
Antiquaire , de M. Mongez , qui s'eft chargé des
explications , c'eft compléter ce jutte éloge ,
Il en paraît quatre Livraiſons par année , de
trois mois en trois mois , compofées de 4 pages de
texte & 4 pages de gravures , contenant 8 fujets
de format grand in- folio fur papier vélin ſuperfin
, au prix de 18 liv . pour les Soufcripteurs , &c.
de 24 liv. pour ceux qui n'auront pas foufcrit.
Nouveau Dictionnaire portatif des Langues
Françaife & Anglaife , contenant tous les mots
dont l'ufage eft autorifé par les meilleurs Auteurs
& c . par Thomas Nugent . 1 Vol . in-8 ° . oblong ,
rel. à l'Anglaife.Prix , 6 liv. Le même , rel. en z
Vol. 7 liv. 4. A Paris , chez Régent & Bernard,
Libr . quai des Auguftins , N ° . 37
L
On trouve chez les mêmes Libraires un Affor
timent de Livres fur les Mathématiques , l'ArchiDE
FRANCE. 117
tecture , l'Art Militaire , la Phyfique & l'Hiftoire .
Ce Dictionnaire , dont l'édition feule eft nouvelle
, eft connu depuis long-temps par l'extrême
commodité de fon format.
Nouvelle édition de la Bible , ornée de 100
Eftampes , d'après les deffins de M. Mailler ,
4e. Livraison pour laquelle on foufcrit chez M.
Defer de Maifcnneuve , Lib . rue du Foin -St Jacq.
Les Editeurs ne fe ralentiflent pas fur les foies
qu'ils donnent à ce fuperbe Ouvrage. Cette Livraiſon
ne le cede en rien aux précédentes . Celle
qui paraîtra en Février prochain , complétera
le premier Vol . lequel contiendra la Genèfe &
Exode.
སུ།
L'Ancien Teftament , fera orné de deux cents
Eftampes. Le Nouveau , qui comprend avec les
Evangiles , 1s Actes des Apôtres , les Epîtres
& l'Apocalypfe , fera décoré de cent Eftampes,
On ne faurait trop répéter qu'il n'eft pas
d'Ouvrage auffi beau qu'on puifle acquérir avec
plus de facilité , puifqu'il ne paraît qu'une Livraifon
de trois en trois mois , du prix de 12 1 .
& qu'au bout de quelques années on fe trouvera
poffeffeur d'une édition auffi magnifique qu'indifpenfable
pour toutes les bells Bibliotheques .
Auffi , malgré la défaveur que répandent les circonftances
fur toutes les entreprifes Littéraires ou
de Librairie , voyons - nous le fuccès de celles-ci
s'accroître à chaque Livraifon . La lifte des Soufcripteurs
, que les Editeurs ont foin de publier ,
donne la certitude confolante que leurs avances
énormes & leurs foins multipliés ne feront pas
infructueux.
118 MERCURE
GRAVURES.
Déclaration des Droits de l'Homme & du Citoyen
, décrétés par l'Aflemblée Nationale , rédigés
pour l'inftruction de la Jeuneffe , & dédiés à MM.
Bailly & la Fayette ; par M. Jumel l'aîné , Expert-
Ecrivain -Juré- Vérificateur .
Cette Déclaration des Droits eft divifée en articles
dont chacun , de différent caractere d'écriture
, offre un exemple pour les jeunes gens qui
apprennent à fe former la main. Les enfans en
retireront un double avantage , celui d'avoir les
meilleurs principes de l'art de l'Ecriture , & de graver
en même temps dans leur mémoire , ou plutôt
dans leur ame ce tableau de leurs Droits fi propre
à élever leur caractere , à les enflamer de bonne
heure pour la liberté , & celui de leurs devoirs ,
qui leur fera fentir la néceffité de fe fouinettre à
la Loi , Cet Ouvrage peut être utilement donné
pour Etrennes.
Il y en a de deux formats ; l'un , grand in -fol .
fe vend 6 liv. & l'autre , petit in-fol. 4 liv. 10 f.
tous deux avec le portrait de l'Auteur. A Paris ,
chez le Sr. Baflet , Md. d'Eftampes , & Fabricant
de Papiers peints , rue Saint-Jacques , au coin de
celle des Mathurins.
Portrait de J. J. Rouffeau , dédié aux Citoyens
de Genève ; gravé par Ingouf le jeune , d'après
le Bufte. A Paris , chez Defer de Maisonneuve
Libr , rue du Foin- St - Jacques , la porte cochere
' au coin de la rue Bouttebrie.
·
DE FRANCE. 119.
Ce Portrait eft d'une grande reffemblance , d'un
burin ferme , d'une très-belle exécution . Le feul
défaut qu'on puiffe reprendre dans cette Eftampe ,
c'est qu'elle eft dédiée aux Citoyens de Genêve.
La France a plus de droits que Genêve fur le
Portrait de Rouffeau La juftice qu'elle rend depuis
long - temps aux Ecrits de ce Philofophe célebre ,
l'hommage éclatant que l'Affemblée Nationale
vient de rendre à fa mémoire , doivent faire regarder
tout ce qui concerne ce grand Homme
comme la propriété des Français.
MUSIQUE.
Journal d'Ariettes Italiennes des Opéras féricax
& bouffons , des plus célebres Compofiteurs.
1
Ce Journal , qui fe continue toujours avec le
fuccès le plus foutenu & le mieux mérité , eft
compofé , chaque année , de 24 Ariettes , Scenes
on Duos. Pour en rendre l'exécution plus facile
´entre deux ou trois Amateurs , on a joint au chant
& à la Baffe une Partie d'accompagnement pour
un Violon feul , laquelle peut fervir auffi aux perfonnes
qui ont l'habitude de s'accompagner fur le
Clavecin. Toutes les Parties font féparées pour
l'ufage des grands Concerts. On a l'attention de
mettre fous les paroles italiennes des paroles françaifes
qui en font l'imitation , & qui font adaptées
à la mufique. Il paraît une Ariette le 1er, &
le is de chaque mois . Le prix de l'Abonnement
eft de 36 liv. pour Paris , & de 42 liv. pour la
Province , franc de port . Chaque Ariette féparée ,
2 liv. 8 f. les Scenes & Duos , 3 liv. 12 f. On ne
peut s'abonner qu'à Paris, chez le Sr. Bailleux
120 MERCURE DE FRANCE.
Md. de Mufique , rue St - Honoré , vis-à-vis celle
des Bourdonnais , à la Regle d'or.
Les perfonnes de Province pourront envoyer
le prix de leur Abonnement par la Pofte , en affranchiffant
les lettres & l'argent.
On trouve à la même adreffe les nouveaux
Solfeges d'Itali , avec la Baffe , très néceffaires
pour parvenir à la pratique du Chant Italien ;
par Léo , Duranté , Piccinni , Sacchini , Caffaro ,
&c. Prix , 18 liv.
Let Ouvrage fert de fuite aux Solféges de M.
Bailleux , avec la Baffle chiffrée . Prix féparément ,
9 livres ; les deux , 14 liv,
AY IS.
Le 1er. Numéro de la Gazette des nouveaux
Tribunaux , annoncée dans le dernier Mercure ,
paraît , & juftifie pleinement l'idée avantageuſe
que nous en avons donnée. Au lieu du Bureau
indiqué , rue des Mathurins , No. 8 , on s'abonne
chez le Sr. Cuchet , Lib. rue & hôtel Serpente.
TABLE,

Paite Fédératif
ER S. 8, Tableau pittoreſque.
104
87 Les Heureux Modėles. 109
Charade, Enig. Logog.
Vues fui l'enseignement.
uvres de Jean Law.
90
92 |
Spectacles.
111
99 Notices 114
Jer. 109.
م س
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 22 JANVIER 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Au Révérend Pere EUGENE , Capucin , &
Commandant des Volontaires de Dijon ;
par Mme. BELFORT , Actrice de la
Comédie.
ONN voit, mes chers amis, mainte chofe à préſent
Que la Poftérité ne pourra jamais croite :
Nos neveux traiteront de menteur impudent
L'Auteur qui , dans la fuite , écrira notre Hiftoire .
Ainfi , tuez-vous donc , pauvre & trifte Savant,
Faites bien des efforts pour courir à la Gloire :
( Soeur de l'Occafion , on la manque fouvent )
N°. 4. 22 Janvier 1791 . G
122 MERCURE
Vous , mes neveux , d'avance ici je vous conſeille
De croire les récits qu'auront fait vos aïcux.
J'y crois , moi ...... Vous direz : Voyez donc la
merveille
De croire ce qu'on voit... & qu'on voit par Lesyeux!
Hé bien ! mes chers enfans , traitez donc de men,
fonges
Ces temps affreux , d'horreurs & de calamités ;
Que , pour votre repos , ces triftes vérités
A vos yeux prévenus ne femblent que des fonges.
J'ai yu , le croirez -vous ? ... Vous direz : elle ment.
Non, non, je ne ments point , & ceci n'eft pas fable ,
J'ai vu de Saint François un Moine vénérable ,
Capuchon fur le dos , conduire un Régiment.
Eugene , fous le froc , eft aufli refpectable ,
Qu'en tête du canon il paraît redoutable .
Ma tante, oh pour le coup, le trait eft furprenant !
Un Capucin ! ... Ovide , en fes Métamorphofes ,
( Je les connais ) ne mit jamais rien d'approchant.
Mes chers neveux , jugez des effets par les caufes
Et vous n'y verrez rien qui foit fort étonnant.
Je l'ai vu , Pere Eugene..... il mérite ce nom ,
Joindre un fabre à la robe , en main la baïonnette ,
Les attributs de Mars unis au faint cordon
Que fait voeu de porter tout bon Anachorette.
HISLIUTHLIA)

*
1.
DE FRANCE. 721
Fere Eugene , pardonne à nos petits- enfans ,
lis riront d'un récit qui paraît incroyable.
Ah ! fi pour nos malheurs , en ces triſtes inftans ,
La guerre , ce fléau toujours fi redoutable ,
Venait accroître encor l'horreur de nos tourmens ,
Ne t'embarraffe pas que l'avenir en rie.....
Confultant ta vertu , n'écoutant que ton coeur ,
Donne , en bon Capucin , ton ame au Créateur ,
Et donne , en bon Français , ton fang à ta Patrie.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent,
LE mot de la Charade eſt Mortaiſe ; celui
de l'Enigme eft Abfence ; celui du Logogriphe
eft Horloger, où l'on trouve Horloge.
MON
CHARA D E.
Mon premier eft un infecte rongeur ;
Mon dernier eft une fainte montagne ;
Mon tout à plus d'un Traducteur
Fait battre fouvent la campagne.
( Par M. P... de Quillebeuf. )
I
"
G 2
124
MERCURE
ÉNIGME A FLANCS.
Par les flancs , on entend la 2e. & l'avant-derniere
lettre du mot.
JE
E fuis d'un regne avec mes flancs ,
D'un autre regne fans mes flancs ;
Et tendre & douce avec mes flancs ,
Je fuis ferme & dur fans mes flancs ;
Suis je en parure avec mes flancs ?
Je fuis en gueule fans mes flancs ;
Quand l'un m'arrofe avec mes flancs ,
L'autre me trempe fans mes flancs ;
Deffus la tête avec mes flancs ,
Je fuis fous les pieds fans mes ancs ;
Je paffe , hélas ! avec mes flancs ,
Mais je repaffe ſans mes flancs ;
En Rhétorique avec mes flancs ,
Puis à la Barre fans mes flancs ;
Mars me fait naître avec mes flancs ,
Mars me fait briller fans mes flancs ;
Lubin m'enleve avec mes flancs ,
Et puis ... je rougis fans mes flancs .
( Par Mile. Court... )
LOGOGRIPHE
.
JE
E fuis à la fleur de mes ans
Et j'en ai déjà fait plus d'une ,
DE FRANCE. 125
Mais en tout honneur , je m'entends ;
Qu'on m'appelle une belle Brune
Quoique modefte , j'y confens ;
Qu'on m'aime , qu'on me rende hommage ,
Qu'on me.... d'accord ; mais je prétends
Qu'on dife auffi que je fuis fage.
J'offre , Lecteur , un mot nouveau
En matiere Logogriphique ;
Ses huit pieces fur le bureau
Vont exercer votre logique.
La qualité d'un Parvenu ;
Celle d'un efprit de Gascogne ;
Deux notes ; un premier venu ;
Ce que fait faire fans vergogne
Un dépofitaire fripon ;
Le mot qui termine un Ouvrage ;
Un animal têtu , dit- en ;
Celui qui le mene en voyage ;
Deux arbres , dont l'un toujours verd ;
Ce qu'eft un ragoût fans épices ;
Un élément ; un des fept vices ;
Ce qui refte quand tout on perd ;
Une ſubſtance métallique ;
Un poiffon ; & ce qui le fit :
Pour finir , cet objet unique
Qui du Roi partage le lit.
( Par la même. )
G
3
126 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
PRINCIPES fur les Mefures en longueur &
en capacité , fur les Poids & les Monnoies
; dépendans du mouvement des Af
tres principaux & de la grandeur de la
Terre. Ouvrage propre à reformer ou à
rectifier les Poids & les Mefures de la
France & des autres Etats ; préfenté à
Aemblée Nationale par M. BONNE
*** , Ingénieur-Hydrographe de la Marine.
Prix , 2 livres broché , avec ane
Planche.
Dieu , par nembre , poids & mefure ,
Difpofe tout dans la Nature.
Sap. Ch. XI , v . 21 .
A Paris , chez Laurent junior , Impr-
Libr. rue St-Jacques , vis- à-vis celle des
Mathurins ; Defenne , Libr. au Palais-
Royal ; Chabot , Papetier , rue Saint-
Antoine , N. 295 ; ou chez l'Auteur ,
même maison.
LA plus élémentaire des mefores deit
être une ligne droite invariable , de laquelle
dérivent les mefures' des furfaces & celles
des folides : ces dernieres doivent être de
DE FRANCE. 127
la forme la plus avantageufe ; il en eft de
même des poids & des monnoies , qui font
des efpeces de folides , dont les fubdivifions
doivent être affujetties à une loi naturelle
& commode. Il convient que les arrieres.
divifions de ces folides fe reffemblent ; ce
font des fruits de la même efpece .
Dans un même Etat , il ne doit y avoir
qu'une mèfure de chaque genre ; ces mefures
doivent être tellement unies , qu'une
d'entre elles ne puiffe exifter fans indiquer
les autres , & mettre à portée de les retrouver
toutes.
Pour fixer la meſure élémentaire des
longueurs dans cet Ouvrage , on a confidéré
les vîteffes & les temps que le foleil ,
la lune & une étoile emploient pour décrire
l'Equateur ; on a comparé ce produit
à la longueur de la ligne équinoxiale terreire
, & cela a donné la mefure primitive
, qu'on a nommé pied équatorial
lequel à de long 13 pouces ligne 8 points
& du pied-de-roi . Ce pied eft le plus répandu
qui foit fur la terre : il s'eft trouvé
être celui du Roi Philetere ; celui de Macédoine
& de Pologne ; celui des villes de
Padone , Pelaro , Urbino & Baffano ; c'eft
à fort peu près l'ancien pied de Franche-
Comté, celui du Maine - Perche , & le
pied de Bordeaux pour l'arpentage. En le
doublant on forme l'Arfchine de Ruffie ,
la Guefe de Perfe , le Pic de Conftantino-
G
4
1
128
MERCURE
ple. Quatre de ces pieds font à fort pen
près l'Aune de Laval cinq des mêmes
pieds font l'Hexapode des Romains, qui eſt
la Canne de Touloufe , celle de Montauban
, & la Verge de Nozai . Vingt pieds
équatoriaux forment la Perche légale de
France , & c. &c .
>
Le pied équatorial eft , à très-peu près ,
le pendule équinoxial de 36 tierces , la
Coudée du Nilometre en eft les , elle
ferait par -- là le pendule équinoxial de 45
tierces. Ce pied ayant 144 lignes de long ,
le Palme de Poffidonius , dans la feconde
meſure de la Terre , a go de ces lignes ;
le pied Pythique , 100 ; le pied Romain ,
120 ; le pied Grec , 125 ; la Coudée du
Nilometre , 225 ; le Pic de Damas , 256 ;
la Shah-Arfchine de Perfe , 324 , &c. Ainfi
ce pied était auffi très-répandu dans l'Andiquité.
On a traité après cela des mefures de
capacité , tant pour les fubftances feches
que pour les liquides. Le pied cube équatorial
devait être pris naturellement pour
le Medimne ou le Minot des graines : ce
pied eft auffi l'Archérype des liquides ; c'eſt
la Metrete ou l'Amphore ; huit de ces
pieds cubes compofent le tonneau. Toutes
ces mefures fe divifent principalement par
deniers , quarts , huitiemes , feiziemes , & c .
Cette divifion commode n'a point échappé
à la fagacité de la plupart des Inftituteurs
des mefures.
DE FRANCE.
129
La 64. partie du pied cube équatorial
donne la livre pefant , qu'on a nommé
Ponde , lequel pefe 22 onces 7 gros & } ,
poids de marc. Ce Ponde a été divifé en
8 onces , l'once en 8 drachmes , la drachme
en 8 fcrupules , &c. parce que 8 eft le
plus fimple des cubes après l'unité.
Pour faciliter l'intelligence de ces me
fures , on a donné différentes tables de
leurs dimenfions , de leurs capacités , de
leurs fous - divifions , de leurs poids , rapportés
aux mefures actuelles de Paris. Enfuite
on a indiqué un mode de monnoie ,
& de fes fubdivifions les plus naturelles ,
ayant eu foin que chaque piece d'or ou
d'argent fût un vrai poids , & encore qu'il
indiquât conftamment & facilement , avec
la valeur d'une piece , le poids d'or ou
d'argent qui lui eft égal , le métal étant au
titre de la monnoie.
>
On a examiné enfuite les mesures de
Paris , on a vu qu'elles étaient toutes incohérentes
; que les poids & les meſures
de capacité ne dépendaient point des mefures
de longueurs qui y étaient établies ;
que le pied- de-roi même n'a aucun fondeinent
, ou bien il eſt fort altéré.
On a fait voir que la Nature offrait
plufieurs élémens dont on ne pouvait guere
fe fervir , à caufe de leurs variations
pour fixer une mefure fondamentale ,
dont l'effence eft d'être conftante & pré-
GS
130 MERCURE
cife. Le pendule à fecondes , par exemple ,
augmente avec la hauteur du pôle , & l'on
n'en connaît la longueur pour chaque latitude
qu'à un neuvieme de ligne près au
niveau de la mer ; d'ailleurs cette longueur
dépend du nombre conventionnel , 86400
fecondes dans 24 heures , & cette convention
n'eft point univerfelle ; car 45 Viguedies
de l'Inde , 125 minutes Chinoifes , 324
Helakim Judaïques , 1080 de nos fecòndes ,
6480 primes Chaldéennes , &c . défignent
également 18 de nos minutes d'heures ; &
même 360 , un des principaux produifans
de 86400 , eft en quelque forte arbitraire ;
il ne méfure le mouvement d'aucun aftre
en particulier , il vient du nombre de jours
de l'année Egyptienne , qui tient un milieu
entre ceux, de l'année lunaire & ceux de
l'année folaire : ce milieu eft fort peu moindre
que 360.
Le pied équatorial dont il s'agit , eft
folidement fondé ; fon origine fe perd dans
l'obfcurité des fiecles ; elle paraît remonter
au delà du fiége de Troie. Les mefures
que l'on pourrait introduire en France feraient
moins fermement appuyées que
celle - ci ; d'ailleurs elle eft la fource pure .
où l'on a puifé , comme on le dit , la plupart
des mefures anciennes.
DE FRANCE. 131
VARIÉ T É S.
PLAN fommaire d'une Education publique ,
& d'un nouveau Cours d'Etudes.
ON convient affez que le Plan de - notre édu
cation des Colléges eft vicieux fous beaucoup
de rapports il n'eft pas diftribué fuivant les
degrés de néceffité ou d'utilité , fuivant la
porté des diffé ens âges , fuivant le prix
inftimable qu'il faut attacher aux années de
l'adolefcence & de la jeuneffe ; il manque de
parties fentielles ; il donne trop à celles qui le
font mous. On oppoferait vainement à ces repro
:!hes le mérite reconnu de plufieurs des Maî →
tres , la célébrité où font parvenus quelques
éleves . N'étab'iffous jamais rien fur des excès
& voyons fi en confultant la Nature & l'ex
périence ,
nous n'obtiendrons pas des réfuttats
qui remédieraient , autant qu'il eft poffible ,
à la plupart des abus ; & commençons par
convenir qu'on ne devait pas s'attendre à quel
que chofe de mieux fous un Gouvernement
abfolu , qui fe fou :iait fort peu que l'on formât
des hommes & des Citoyens , aflez content
fi l'éducation lui fouraiff it des talens routiniers ,
pour les différentes profeflions de la Société , &
ne permettant même à la Nature de créer des
grands hommes dans les Arts , que fous la condition
qu'ils feraient les décorations d'an Etat
Delpotique , & qu'ils ferviraient à diftraire les
Peuples de leur fervitude , & non pas à les éclairer
fur leurs droits,
G
132 MERCURE
Ce n'eft donc que depuis la Révolution que
Fon peut afpirer en ce genre à un meilleur état
de choles. Ne reprochons rien à ceux qui fe conduifaient
d'après celui qu'ils devaient fuivre ,
contentons-nous de reconnaître que les premiers
élémens de toute éducation , ne devant jufqu'ici
former que des Sujets , doivent être entiérement
refondus , depuis qu'il s'agit de former des hommes
libres.
C'eft une vérité affez reconnue dans la théorie ,
mais qui jufqu'ici ne pouvait pas être affez fentie
, que ce pouvoir prodigieux des premieres.
impreffions données à l'enfance , & leur influence
générale fur le refte de la vie. Nous autres moderres
, nous étions placés fi bas fous ce point
de vue , que nous ne connaiffions guere les
grands exemples de l'afcendant de l'éducation
fur les moeurs publiques , que par les Hiftoires
anciennes , qui , dans ce genre , n'étaient , pour
ainsi dire , à nos yeux , que de beaux Romans..
Nous difputions beaucoup fur les différences
de l'éducation domeftique & de celle des Col
léges. Mais une éducation véritablement publi
que & civique n'était pour nous qu'un rêve *
fpéculatif. C'eft pourtant la feule qui foit puiffante ,
la feule qui foit la premiere bafe d'une Conftitution
légale. Les deux autres ne différaient
jufqu'ici que par la diverfité des abus ; mais les
élémens de l'une & de l'autre étaient les mêmes ;
c'étaient la foumiffion & la crédulité : auffi toutes
les deux n'étaient guere confiées qu'à des Prêtres
; & ils avoient tout fait , quand ils avaient
fait des Sujets & des croyans.
Les chofes font un peu changées : la droiture
des principes , la rectitude des jugemens , & l'énergie
de l'ame , l'amour de la Liberté & de l'ordre ,
DE FRANCE.
133
deux chofes inféparables ( car il n'y a point de
Liberté fans ordre , & point d'ordre fans Liberté
) ; le profond refpect pour la Loi , confervatrice
de la Liberté & de l'ordre ; voilà ce
qu'il faut inculquer dans la tête de tout enfant ,
dès qu'il eft en état de lier enfemble quelques idées ;
voilà ce qui doit fe mêler fans ceffe à toutes
les inftructions élémentaires qui fervent à mûrir
& éclairer fon efprit : c'eft la partie morale de
toute éducation , dont le choix des Maîtres
doit répondre autant qu'il eft poffible , & qu'il
faut affurer par tous les moyens imaginables ;
car c'eſt ainfi que l'Etat aura des hommes. C'eft
auffi cette premiere éducation que je veux confier
à l'Adminiftration publique , qui doit la payer
& la furveiller. Il y a bien peu d'individus qui
ne foient fufceptibles de la recevoir , & d'en profiter
plus ou moins ; c'eft la feule univerfellement
néceffaire quant à celle qui doit nous
donner des Orateurs , des Philofophes , des
Artiftes , elle eft fort importante , fans doute
mais il fuffit que le Gouvernement la protege &
l'encourage. y aura toujours affez de ces.
hommes-là fous le régime de la Loi , puifqu'on
n'en manquait pas fous le joug du Defpotiſme ;
leur génie prendra feulement un autre caractere ;
mais ce qui eft für , c'eft que nous n'aurons jamais.
trop de Citoyens , & que nous ne fçaurions trop
faire pour en avoir .
Je propofe donc que , dans chaque Paroiffe fuffilamment
nombreuſe ( comme on voudra l'arbitrer
) , foit ifolée , foit compoféc de plufieurs.
hameaux , foit faifant partie d'une ville , il y ait
un homme choifi par le Directoire du Département
( car je ne crois pas que les Communes aient les connaiffances
néceflaires pour un pareil choix ) ; que
134
MERCURE
cet homme , dont, les honoraires feront aufh
réglés & payés par le Département , ſoit chargé
de tenir ce que j'appelle les premieres Ecoles.
On n'y entrera pas avant quatre ans révolus
, & les exercices darciont jufqu'à neuf ac- )
complis . Dans les deux premieres années , en
n'apprendra qu'à lire , à écrire , l'arithmétique &
le Catéchisme de la Religion , foit Catholique ,
foit Proteftante : ( les deux communions auront,
chacune leurs Eccles féparées ) . Pendant les trois
autres années , cn continuant toujours à perfectionner
les enfans dans la lecture , l'écriture ,
& l'Arithmétique , on leur apprendra , proportionnellement
au progrès de leur raifon & de
feur mémoire , la Géographie , fur-tout cle
de leur Pays , le Catichijme de Morale & celui,
du Citoyen. Ces deux Ouvrages font encore à
faire ; mais il faut qu'on les falfe , & fûrement
on les fera . C'est dans ce période de trois ans
que la tête des enfars fe fortifie par degrés
qu'ils acquierent des idées , qu'ils s'accoutument
à les lier de manière à en trer des raiſonnemens.
Oa aurat tort de croire que les idées
fuppo e la Morale & la Conftitution , foient
au d flus de cet âge. Il eft en état de les fuivre
& de les comprendre , pourvu qu'on les lui préfente
dans un ordre clair & méthodique , avec
des définitions juftes & préciles , des expreffious
propres , & en obfervant toujours de conduire
l'enfant du plus connu au moins connu, Tout
dépendra , comme on le fent bien , de la maniere
dont ces deux Ouvrages élémentaires feront
compofés , & du talent du Maître pour les
expliquer. S'ils font tels qu'ils doivent être , ils
feront cent fois plus accctibles à l'intelligence
des enfans , que la Métaphyfique de la Grammaire
& de la Syntaxe , l'une des plus abftraites
que
DE FRANCE. 139
& des plus déliées, qu'il puifit y avoir , qui fague
& cmbarraffe fouve it les hommes murs ,
puilqu'ils n'en ont pas encor: uniformé.nent réfolu
toutes les difficultés , & tellement au diffus
de l'âge où l'on met d'ordinaire les rudimens
entre les mains de l'enfance , qu'il eft de fit ,
que ne pouvant s'approprier par le raifonnement
ces principes abftraits , cilene les apprend ja- .
mais que par la répétition machinale des mémes
actes , à force de temps & de mémoire , & que
fouvent encore on arrive à la fin des études ,
fans avoir une conna flance richie de ces premieres
regles qu'on a fi long-temps balbutiées .
Les enfans , au contraire , ont naturellement
la perception des idées de juflice : on peut donc
leur faire en endie & graver dans leur peafte
comme dans leur mémoire les principes de la
Morale & de la Confiitution ; pourvu qu'on fache
les dépouiller du langage trop abftrait , & fartout
qu'on les accoutume à s'attacher à ces idées
de juftice & à en avoir le fentiment , en les
pratiquant à leur égard , & en leur fa faut une
habitude de s'y confimer. C'eft dire affez qu'il
faut bannir de l'éducation ce Defpotiline grottier
qu'on a nommé pédantifine , & y fubftituer une
autorité toujours rafonnée . Les enfans aiment
qu'on raifonne avec eux ; c'eft leur faire croire
qu'ils font déjà ce qu'ils ont toujours envie d'être ,
de grandes perfonnes. Il imperte de les foumettre
à l'obéiffance la plus exacte , mais toujours
en leur démontrant la néc: ffité de les punir fuivant
l'exigence des cas , mais jamais par la force ,
& toujours par des privations , par la honte ,
pas un petit furcroît de travail . Je recommanderai
ici une méthode déjà unitée dans quelques
Penfions , & empruntée des anciens Perfes ; c'eft
136
MERCURE
2.
de faire de temps en temps les enfans juges de leurs
camarades , foit dans le cas d'une querelle , foit
dans le cas d'une faute. On ne faurait croire combien
cette méthode a d'avantage : elle dirige leur
jugement , les habitue à fe faire une haute opinion
de la juftice , à fentir le befoin de la réci
procité des devoirs. Ils fe tromperont quelquefois
, mais ce ne fera pas le plus fouvent ; &
fcit que le Maître applaudiffe à leur fentence
foit qu'il la réforme , il y aura toujours à gagner
pour eux . Et puis combien on élevera ces ames
reuves , combien on leur fera aimer la Liberté ,
quand on leur montrera ces premiers exercices
de leur raifon , comme le prélude des fonctions
qu'ils font tous dans le cas de remplir un jour
en élifant ou jugeant leurs Concitoyens ; quand
on leur dira que , grace au Gouvernement fous
lequel ils font nés , c'eft ainfi qu'ils feront toujours
régis par les regles de l'équité , par la Loi ,
c'eft-à - dire par l'énoncé de la volonté générale ,
convenue & fanctionnée !
Je n'ignore pas que la plupart de ces documens
ont été déjà indiqués , qu'ils font ceux de
tous les bons efprits ; mais apparemment on ne
me fuppofe pas la puérile prétention du nouveau
& de l'extraordinaire , quand il s'agit de l'utile.
Ils entraient dans le plan fommaire que je trace ,
& ne peuvent même avoir d'effet que depuis que
la Conftitution a fait naître un cfprit public ;
car que fervirait- il , je vous prie , d'exercer les
enfans aux idées de juftice , s'il fallait leur dire
que dès qu'ils feront hommes , ils ne feront plus
gouvernés que par le pouvoir arbitraire ?
En leur apprenant la Géographie , on peut ( &
nous avons des livres propres à cet ufage ) confier
à leur mémoire naiffante des traits d'Hif
DE FRANCE. 137
toire à leur portée , relatifs aux , cantons qu'on
leur montrera fur la Carte , fur- tout ceux qui
rappellent le fouvenir des hommes qui ont bien
mérité de leur Pays . Ce feia pour eux un éveil
de curiofité , en attendant l'époque où ils pourront
étudier l'Hiftoire.
Je paffe maintenant à ce que j'appelle les
grandes Ecoles , c'eft- à -dire aux études des Colléges
. Je fuppofe & je défire qu'on les conferve :
je n'ai point la manie de détruire fans néceflité ;
je crois même qu'elle regne trop aujourd'hui.
C'est toujours une néceffité fâcheufe que celle
de détruire ; elle a un inconvénient général qu'on
ne peut nier , c'eft que l'on connaît par expérience
les vices & les avantages de ce qui était , &
qu'on ne peut connaître que par la théorie ce
qui fera. Or , dans tout ce qui dépend de l'action
des hommes , la théorie eft toujours moins
fure que l'expérience. Cette réflexion doit infpirer
une fage réferve : il s'enfuit que la deftruction
eft indifpenfable , feulement lorfque la chofe
eft radicalement vicleufe & incurable , & lorfqu'il
eft démontré par le fit que rien ne peut être pis
que e qui était. C'eft ce qu'1 eft viai de dire de
notre ancienne forme de Gouvernement , univerfellement
mép ifée , quoi qu'on en dife , depuis
que l'Europe était éclairée par les lumieres
que répandaient nos grands Ecrivains , & dont
elle profitait , tandis qu'elles étaient ici repouffées
; c'eft ce qui juftific notre Révolution , &
ce qui doit y attacher les bons efprits qui fe
fouviennent du paffé , évaluent le préfent , & favent
attendre l'avenir. Mais il faut craindre auffi que
dans ce qui ne touche pas directement à la Conftitution
, le défir de tout renverfer ne foit une
prétention ambitieufe & vaine , qui tienne plus
138 . MERCURE
à l'amour du nouveau qu'à la connaiffance du
bon. Il y a des gens qui ne refpirent que ruines ,
afin de donner des plans de conftruction , comme
quelques Architectes ne demandent qu'à abattre
pour rebâtir. Je ne ferais pas furpris que les
gens profonds qui ont demandé fi les Académies
étaient néceffaires , ne vouluffent auffi détruire
les Colleges. Cette maniere d'opiner eſt toujours
faillante , & il pent être auffi de bon air de nous
propofer des Inftitutions Spartiates ; il y a làdeflus
beaucoup de phrafes à faire bien ou mal ;
mais il ne s'agit pas de ce qui eft bon à dire ;
il s'agit de ce qui eft bon à faire. On a vu ,
par ce que j'ai dit ci - deffus , que je n'ignore pas
en quoi peche principalement l'éducation des
Colleges ; mais je crois qu'on peut les conferver
fans danger , en réfermant dans plufieurs parties
le régime des études . Ces vieux Corps que
l'on appelle Univerfités , font fouvent très- ridicules
dans l'Hiftoire ; on les y voit même quelquefois
dangereux par d'abfurdes priviléges ou
l'on reconna fait l'ignorance qui n'avait rien
calculé que le befoin d'inftru&ion Le progrès
des lumieres avait déjà fait tomber en défuétude
ces priviléges extravagars : il n'eft pas à craindre
qu'i's reraiffent. L'efprit de Corps peut fe
faire fentir , mais d'abord il cft cujours fait le
& peu dangereux dans les Ceip fans pouvoir ;
& qui peut douer que le nouvel efprit public ne
fe propage rapidement dans tout ce qui a rapport
à l'inftruction ? Quelques vieilles têtes tiendront
encore quelque temps aux préjugés de leur
robe ; mais c'eft le plus petit nom're ; & toute
la jeunelle ne d mar de qu'à fe fignaler dans des
établiflemens qui auront pris un nouveau caracrere.
D'alleurs , tout pliera néceſſairement ſous-
'Autorité légiflative , & fous l'Adminiftration muDE
FRANCE.
139
nicipale il n'eft donc queftion que de favoir
quel fera , dans les Colléges , le plan d'études
adopté par l'une , & foumis à l'infpection de
l'autre. Voici , ſauf meilleur avis , ce que je pro--
poferais.
Je voudrais que l'on confervât les Universités
établies en France. Toutes font plus ou moins dotées
, foit par l'Etat , foit par des fondations parti-"
culieres . Dans celle de Paris , les Profeffeurs ont
été jufqu'ici payés par le Roi , & dans notre
Conftitution actuelle , ils le feront par la Ville . Je
n'entre point dans le détail de ce qu'on appelle
les bourfes , fondation de bienfaifance dont l'utilité
eft reconnue , & qui affure à beaucoup
de jeunes gens fans fortune une fubfiftance à
peu près gratuite , jufqu'à ce qu'ils foient à
tée de prendre un état . Si l'emploi de ces bourfes
peut être mieux réparti , c'cft ce que je n'ai
pas examiné , & ce qui eft du reffort de la Municipalité.
por:
Je défirerais plufieurs changemens dans la formation
de l'Univerfité de Paris . On fait qu'elle
eft compofée de quatre Nations . Cette divifion
eft ridicule en elle- même , fur-tout aujourd'hui.
Les Picards & les Normands ne font que des Français
, & il cft étrange qu'il y ait une Nation
Allemagne dans l'Univerfité Parifienne . On y
compte aauuli quatre Facultés je ne voudrais pas
plus de Facultés que de Nations. Le Droit &
Ja Médecine doivent , felon moi , former des
Ecoles particulieres , indépendantes des Ecoles
deftinées à l'éducation générale. Je ne fais entrer
dans celles ci que ce que doit cu peut apprendré
tout homme que l'on veut bien élever. S'il veut
être Légifte ou Médecin , c'eft une autre affaire ;
il ne faut y fonger qu'après le cours d'études
regardées comme utiles à tout le monde,
140 MERCURE
J'anéantirais la Faculté de Théologie , & je
ne crois pas qu'on me reproche ici cette fureur
deftructive que j'ai moi - même improuvée . 11
ferait fuperflu de rappeler toute notre Hiftoire pour
montrer que cette Faculté n'a jamais fait que du
mal. Je ne prétends point juger la Sorbonne d'au
jourd'hui par les temps de la Ligue ; je confonds
volontiers fes fautes avec les erreurs du fiecle ;
mais , fans aller fi loin , qu'on fe rappelle feulement
ce qu'elle a fait de nos jours , & l'on
avouera que c'eft ici qu'il faut frapper fur l'efprit
de Corps , parce que cet efprit de Corps
n'était pas jufqu'à ces derniers temps dénué de pouvoir
, & que l'ufage de ce pouvoir a été toujours
abfurde & funefte. Je m'en rapporte à quiconque
a lu , fur la conduite de la Sorbonne dans
ces miférables querelles pour une Conflitution
qui n'était pas celle d'aujourd'hui , & qui a
caufé beaucoup plus de maux , de troubles , de
fcandales que celle que tant de gens croient
acheter trop cher , & cela pendant un fiecle :
ceux qui décrient le plus la tôre , ne fe flatrent
pas fans doute que le mal inévitable qu'elle
a du produite pour un bien incftima , s'étende
jamais auffi loin. Qu'on life donc , s'il cft pofible
, fans indignation ou fans mépris , ce qu'a
fait , pendant ce période , la Faculté de Théologic
, fes pitoyables variations du pour au contre ,
fuivant les intérêts & le crédit ; tantôt l'obftination
la plus folle , tantôt la plus lâche faibleffe !
que l'on vienne enfuite à fes cenfures contre la
Philofophie , à ſes rifibles anathêmes contre nos
meilleurs Ecrivains , contre tous ceux qui ont
éclairé la Nation , à cette impertinente prétention
d'un Corps de Docteurs qui s'arrogeait le droir
de prononcer comme s'il eût été un Concile écuménique
; & quand il ne refterait de tout cela
DE FRANCE. 141
que ce déteftable efprit de controverfe inhérent
aux Ecoles Théologiques , qui ne fert qu'à fauffer
l'intelligence des Etudians pendant cinq ou fix
années , & fous le nom de Bacheliers , de Licenciés
, de Docteurs , fait pulluler des légions de
fanatiques qui agiraient encore auffi mal qu'ils
raiſonnent , s'ils avaient encore autant de puiffance
que d'entêtement ; & l'on concluera que ,
pour faire de bons Prêtres , il ne faut point
avoir une pépiniere d'argumentateurs ; parce qu'il
eft malheureufement dans la nature du for or
gueil humain , que l'on tienne à fon fyllogifme
comme à fon or , à fa place , à fon crédit ,
fur-tout quand ce fyllogifme donne de l'or , des
places & du crédit ; que le métier de difputer
& le droit de décider font , dans l'ordre focial
& politique , des armes très-dangereufes entre les
mains de gens qui parlent toujours au nom de
Dieu , qui fe prétendent infaillibles , & ont la
maladie de voir toujours à côté d'eux l'évidence
comme Pafcal avait celle de voir toujours à côté,
de lui un abîme ,
Certes il eft bien temps que l'on ceffe enfin
de difputer fur une Religion divinement révélée
depuis dix-huit fiecles. Dieu l'a établic ; l'Eglife
en eft la dépofitaire ; elle fubfiftera jufqu'à la
fin des temps ; l'Enfer ne prévaudra point contre
elle Dieu lui-même l'a dit. Il me fein'le qu'en
voilà bien affez , & qu'avec cette affurance on
peut fe paffer des argumens des Docteurs. S'il
s'agit de la converfion des hérétiques , on fait
que ce n'eft point avec des enthymêmes qu'on
en viendra à bout : fi la chofe était poffible par
cette voie , il y a long- temps que tous feraient
orthodoxes; c'eft par de bons exemples & par l'opération
de la grace que cette conversion peut
142
MERCURE
s'effectuer. Les Proteftans prient Dieu tous les
jours pour la converfion des Pap ftes , comme ceuxci
prient pour celle des Proteftans. Il faut bien
que quelque jour ces prieres foient exaucées de
part ou d'autre ; ce fera de notre côté fans doute ;
mais le moyen de hâter le moment de cette
bonne oeuvre , c'est de faire le bien & de ne
plus difputer.
Le catéchifme , qui contient tout ce que l'Eglife
ordonne de croire , fifit a tout fidele : quant
à ceux qui fe deftinent au miniftere de Paf- ·
teurs , les Séminaires fuffifent pour y apprendre
à connaître l'écriture , la tradition , la doctrine
des Peres & des Conciles , & tout ce qui concerne
les fonctions du miniftere ecclefiaftique ;
en un mot , ce qu'on appelle la Théologie pofitive.
Mais il ne faut point que tout le
fatras des fommes théologiques entre laborieufement
dans la tête des jeunes Etudians ,
qu'ils foutiennent faftueufement des Thefes d'erfotifme
, pour le plaifir de difputer entre eux
quand ils n'ont plus à difputer contre perfonne.
Foint de g ades de Théologie c'eſt allez des
Ordres faciés après un examen fuffifant .
:
ni
Je ne devrais pas avoir befoin de dire qu'en
metrant de côté la Théologie , comme inutile &
meine pernicieufe , je fuis loin de vouloir faire
entendre qu'il n'y ait des Théologiens fort eftimables
. J'en connais qui font des hommes fort
fenfés & fort favans ; mais c'eft que leur bon
efprit a réfifté à leurs mauvaifes études ; & ce
n'eft point , comme on fat , fur des exceptions
qu'il faut fe régler. D'ailleurs , défions - nous
toujou ts de la robe , elle gâte trop fouvent l'homme
; ce qu'on a dit de mieux là-deſſus ſe trouve
dans un Auteur qui n'eft pas canonique , il eſt
DE FRANCE.
143
vrai , mais qui ne laiffe pas que d'avoir quel
quefois raifon , Cet Auteur là s'appelle Voltaire.
Tels dans Paris tous ces Docteurs fourrés ,
Pleins d'argumens fous leurs bonnets quarrés ,
Vont gravement vers la Sorbonne antique ,
- Séjour de noife , antre Théologique ,
Où la Difpute & la Confufion
Ónt établi leur facré domicile ,
Et dont jamais n'approcha la Raifon.
Nos Révérends arrivent à la file ;
Ils avaient l'air d'être de fens raffis ;
Chacun paffait pour fage en fon logis.
Oa les prendrait pour des gens fort honnêtes ,
Point querelleurs & point extravagans.
Quelques -uns même étaient de bonnes têtes ;
Ils font tous fous dès qu'ils font fur les bancs.
Eh bien , qu'il n'y ait donc plus de bancs , & ils
feront tous des gens fort honnêtes .
:
Je conferverais la place de Recteur avec tous
les honneurs académiques dont il jouit il n'y a
pas de mal qu'il y ait un Chef des études , &
un Chef dont la place foit honorée ; les jeunes
gens en auront une plus grande idée de ces mêmes
études & de leur importance. Il était fort inutile
qu'il s'appelât Monfeigneur , même dans
l'ancien Régime ; mais il ne le ferait pas autant
qu'il vifitât tous les mois les Colléges , & qu'on lui
préfentât les éleves les plus diftingués en chaque
genic. Il y a un ordre d'idées attachées à chaque
état ; & pour de jeunes Etudians une parole
d'encouragement de M. le Recteur , peut & doir
être un reffort d'émulation.
H
44 MERCURE
Je compoferais le Tribunal du Recteur de deux
Vifiteurs Généraux , élus tous les trois ans dans
les Affemblées de l'Univerfité , & chargés avec
lui de l'infpection des études , pour en rendre
compte aux Commiffaires Municipaux , રàે qui ce
département ferait attribué. J'y joindrais un
Greffier , un Bibliothécaire , un Syndic chargé des
détails d'Adminiftration , & les Principaux des Colléges
tous ces Membres du Tribunal feraient
éligibles de la même maniere & pour le méme
temps , & payés fuivant ce que la Municipalité
voudrait arbitrer.
Je fupprimera's ces fréquentes & inutiles proceffions
, qui ne fervent qu'à donner tous les mois
un jour de congé aux Ecoliers & aux Maîtres. Il y
a beaucoup trop de congés. Deux foirées par femaine,
les Dimanches & les Fêtes doivent fuffire au
délaffement néceffaire dans des études font la diftribution
, telle qu'elle eft depuis long- temps établie ,
ne peut jamais excéder les forces in des Maîtres , ni
des difciples. Il faut abfolument retrancher comme
un abus ces congés extraordinaires , qui reviennent
à tout propos , & ne pas permettre aux
Principaux des Colléges d'en donner , comme
ils font , de leur propre autorité. Une Loi générale
doit être portée à ce fujet , & maintenue
par le Tribunal . Les années d'éducation font
d'un prix qu'on ne fent pas affez ; & un des grands
avantages de cette époque de la vie & de l'iuftitution
publique , c'est l'heureuſe obligation
d'employer le temps , que dans la fuite en prodigue
fi facilement.
Aboliffons , par la même raiſon , l'ufage que j'ai
vu établi dans quelques Colléges , de commencer
les vacances par trois jours entiers de récréation
. Cela n'ek bon à rien car les jeures
gens
DE FRANCE.
145
gens ne peuvent fupporter fi long - temps ni la
fatigue du jeu , ni le poids de l'oifiveté. Réduifons
les congés d'une journée entire à trois ,
dont deux font trop folenne's parmi les écoliers,
pour qu'il foit peffible de les leur ôter , fans
produire peut - être un fouléven ent dans cette
petite République , le Landy & la St. Nicolas ;
ce font de vieilles fondations qu'il faut refpecter.
Ajoutons-y la Fête civique du 14 Juillet. Il cit
bon que l'on s'accoutume de botne heure à folennifer
le jour où la France eit devenue libre.
Je fixe à neuf ans accomplis l'âge où l'on
Feut être adinis aux études des Colléges . Je ne
penfe pas que l'on doive , avant cet âge , commencer
l'étude des largues anciennes . Ce ne
peut être que dans la vûe de fe débarraffer d'enfans
dont on re fait que faire chez foi , qu'on
les envoie à cinq ou fix ars balbutier des termes
de Grammaire & des mots latins en Septieme ,
en Sixieme , en Cinq ieme , en Quatrieme , &
l'on a pu voir ci - defias que j'ai pourvu aux
moyens de les occuper plus utilement jufqu'à neuf
ans . Si je les appelle plus tard à ce genre d'inftruction
, c'eft afin que la durée en fort à la fois
plus courte & mieux remplie. A neuf ans l'en
feut communément entendre les élémens d'une
Syntaxe quelconque , les appliquer par le raifonnement
, & par conféquent y faire des progrès
beaucoup plus rapides & plus faciles ; au
lieu que l'enfance , en parcourant ces échelons qui
fe touchent , depuis la Septieme jufqu'à la Quatrieme
inclufivement , fait en beaucoup de temps
fort peu de chemin , & n'étudiant rien autre
chofe que le Rudiment latin , ne met dans fa
tête que des mots le plus fouvent mal appris,
: N°, 4. 22 Janvier 1791 .
H
146 MERCURE
peu
Ce n'eft pas que je fois , à beaucoup près ,
de l'avis de ceux qui répetent fans réflexion que
le latin n'eft bon à rien ils en jugent par le
de parti qu'en ont tiré le plus fouvent ceux
que nous voyons fortir des Colléges . Mais ils
devraient fonger d'abord que cet inconvénient
peut naître du peu de difpofition na urelle que
beaucoup d'élevés apportent à l'étude d. s Langues
favantes ; & ce n'eit pas par eux qu'il faut juger
de l'importance de cette étude ; enfuite , que le
peu de progrès que la plupart y ont fait , vient
aufli de ce qu'on la leur a fait commencer dans
Fenfance , pour qui catre efpece d'étude abftraite
a naturellement peu d'attrait : j'en ai vu beaucoup
qui ne failaient rien en Troisieme & en
Rhétorique , précisément parce qu'ils avaient cu
tout le temps de fe dégoûter , dans les premieres
claffes , d'un genre de leçons qu'ils ne pouvaient
ni comprendre ni amer. J'en ai vu qui , à douze
ou treize ans , ayant de l'efprit naturel , commençaient
à regretter en Rhétorique , en écoutant
les Auteurs anciens qui commençaient à leur
plaire davantage , de n'être pas à portée de les
entendre bien ; mais le mal était fait ; ils ne
pouvaient plus être au niveau de la claffe , qui ne
fe trouvait jamais que celui d'un petit nombre d'é
coliers diftingués , la plupart redevables de leur
fupériorité à l'avantage de deux ou trois années ,
ce qui , à cette époque , cft très-conſidérable .
Ne jugeons donc de l'utilité du latin , ni par
ceux qu'on en a dégoûtés , en faifant d'un Rudiment
le fléau de leur enfance , ni par ceux qui
n'ont reçu de la Nature aucune aptitude aux
connaiffances littéraires . Voyons les chofes fans
préjugé , & nous conviendrons que cette étude
ne peut pas être féparée d'une éducation libéDE
FRANCE. 147
,
rale & bien entendue. Je ne m'appuierai pas d'un
fait reconnu , qu'il n'a pas exifté parmi les mos
dernes un feul homme du premier ordre dans
les Lettres , dans les Sciences , dans la Magiftrature
, dans le Miniftere Eccléfiaftique, qui n'ait
été un excellent Humaniſte ; laiffons les faics , de
peur que l'on ne chicane fur l'explication & les
conféquences. Examinons les principes. Quel eft
celui fur lequel eft appuyée parmi nous l'étude
des Anciens dans l'éducation ? Sur ce qu'étant les
neilleurs medeles dans les Arts de l'efprit , c'eft
fur eux qu'il convient de fo.mer l'intelligence
& le goût, & de modeler les travaux de la jeuneffe.
Ce principe re fau ait être raifonnable
ment contefté : c'eft celui que fuivaient les
Romaics chez qui tout homme bien élevé
étudiait les Lettres Grecques. Pourquoi les Grecs ',
au contraire , n'étudiaient- ils que leur Langue ?
C'eft qu'avant eux , il n'y avait point de medeles
connus ; ils en ont fervi au monde en
tier ; & il ne s'agit pas ici d'examiner pourquoi
cet honneur , qui devait néceffairement appartenir
à quelque Peuple , a été l'apanage de ce
lui- là ce qui eft de fait , c'eft que tout ce que
nous avons , nous le tenons des Anciens. Dilat-
on que nous fommes devenus affez riches dans
notre Langue pour nous pafer de ce qu'ils ont
produit dans la leur ? Mais d'abord , que gagnerions-
nous donc à nous paffer des richeffes
qui fontfous nos mains ? Pourquoi ne voudrionsnous
connaître que par des traductions , la plupart
très défectueufes , & toutes néceffairement -
inférieures , cette foule d'Ecrivains fameux qui
ont fervi à former les nôtres ? On demande
quelquefois , fans trop favoir ce qu'on dir , à
quoi fert le latin qu'on ne parle plus ? Je
réponds , à former de toute maniere & fous
H 2
148 MERCURE
>
tous les rapports , l'esprit , la raifon , le goût de
la jeuneffe étudiante. Ne dirait- on pas que dans
les études , & fur- tout dans le plan que je propofe
, on n'apprend que des mots en apprenant
le latin , comme un Militaire n'apprend l'allemand
que pour fe faire entendre , quand il fait
la guerre en Allemagne Oubliez - vous qu'en .
ne propofant cette étude qu'à un âge où l'intelligence
commence à fe développer , je mets
entre les mains des jeunes gens les Hiftoriens ,
les Orateurs , les Poëtes Dramatiques , Epiques ,
Satiriques Fabuliftes , &c. les Philofophes
les Erudits de l'ancienac Reme ? & combien
d'idées de toute cfpece , combien de fortes d'inftructions
entrent dans leur tête en même temps
que la connaiffance du latin ! Direz-vous qu'on
en frait autant avec les Auteurs Français ?
Quelle erreur ne fentez - vous pas quelle prodigicufe
différence ? C'eft celle de la fimple lecture
à une étude réfléchie . Ne voyez -vous pas
que les difficultés très grandes du feul langage ,
appellent forcément fur les chofes un degré d'ar
tention dont cet âge eft peu fufceptible par luimême
, fi l'on ne met en jeu que fa mémoire ;
au lieu que celle- ci s'enrichit néceffairement des
efforts néceffaires de l'intelligence ? Examinez
fur l'Hiftoire Grecque & Romaine , un jeune
homme qui ne la connaîtra que par Rollin , &
un autre qui l'aura expliquée dans Tite - Live
& dans Plutarque ; & vous verrez fi le réſultat
des idées & des connaiffances eft le même dans
l'un & dans l'autre.
Je laiffe à part mille autres avantages , fa
quantité d'idées qui naît de la comparaifon des
idiomes & des Ecrivains , & qui eft d'un fi prodigieux
effet pour le développement de l'efprit &
DE FRANCE. 149
du talent ; le mouvement que donne à l'imagination
adolefcente cet enthoufiafme d'admiration
qui ne peut guere naître que par la lecture des
originaux ; les fources fécondes d'imitation qui
ne peuvent être ouvertes qu'à ceux qui connaiffent
ces mêmes originaux ; & l'imitation en ce
genre eft une richeffe de plus pour le talent le
plus riche en lui-même.
Enfin , je ne parle pas des inépuisables jouif-
Lances préparées pour le refte de la vie , & regrettées
tous les jours par ceux qui ne les ont
pas. Je m'en tiens rigoureufement à ce que j'ai
fait voir comme étant ou d'utilité majeure , cù
même de néceffité abfolue ; je n'oferais même
parler de plaifir à ceux qui , pouffés aujourd'hui
dans les extrêmes , s'imaginent que , pour rendre
hommage à la Liberté , il ne faut abfolument
conferver que ce qui eft néceffaire pour être
libre & ne pas mourir de faim.
Je crois en avoir affez dit pour prouver ce
qui n'avait pas befoin de preuves auprès des bons
efprits , que l'étude des Langues anciennes eft
un des élémens principaux d'une éducation pu
blique ; & quand nous n'aurions aujourd'hui
qu'à nous former dans l'Eloquence , devenu le
plus puiffant reffort de notre Légiſlation je
confeillerai toujours à quiconque voudra être
Orateur , de faire connaiffance avec Cicéron &
Démofthene , & dans leur Langue. Cependant , au
lieu de fix ans que l'on emploie d'ordinaire à
cette étude ( Septicme , Sixieme , Cinquieme ,
Quatrieme , Troificme & Seconde) , je la reftreins
,
quatre années que je crois devoir
fuffire , parce que je les place dans une époque
où les anrés
ont plus de valeur. Ce Cours quadriennal
d'Hu
manités
ferait conféqueniment
divifé
en quatre
H 3
I fo MERCURE.
claffes fucceffaves , que j'appellerai tout fimplement
( au lieu des dénominations inverfes ufiiées
dans les Univerfités ) , la Premiere , la Deuxieme
, la Trofieme , la Quatrieme des Humanités.
Dans la Premiere , je donnerais l'explication
combinée des élémens des Langues Latine
& Françaife. Les éleves apprendraient à décliner
& à conjuguer dans les deux Langues , non
pas feulement de mémoire , mais par principe ,
ceft-à -dire qu'on leur développerait les regles
générales de la formation des modes ,
temps , les exceptions , les irrégularités : il en
ferait de même des fyflêmes de conftruction ou
Syntaxe, propres aux deux Langues. On ferait toujours
opérer les éleves par le raisonnement . Cette
année entiere ferait confacrée à la Grammaire
fans aucune explication d'Auteurs ; il fuffirait
des exemples donnés par le Maître , pour accoutumer
les écoliers à appliquer les principes.
La feconde année on pafferait à la traduction
des Auxcurs , en fuivant progreffivement
ceux qu'on a coutume de voir en Sixieme , Cinquie
me & Quatrieme , & obfervant la même
progreffion dans les thèmes. Quelques perfonnes
en ont blâmé l'ufage ; mais c'eft faute de réflexion
. L'expérience démontre que pour bien
pofféder une Langue morte ( & autrement ce
' eft pas la peine de l'apprendre ), il faut s'exercer
à écrire dans cette Langue ; comme pour
bien favoir une Langue vivante , il faut la parler.
La mémoire des mots eft par elle-même trèsfugitive
; on ne peut la fixer que par l'habitude
d'attacher ces mors aux actes de l'intelligence . Dans
la Troifieme & Quatrieme claffes de mon nouveau
Cours , je ferais voir les mêmes Auteurs & j'obferverais
la même marche que dans la Troifieme
& la Seconde de l'ancien. C'eft dans ces deux
DE FRANCE.
131
claffes que l'on commencerait à faire des vers
latins ; il ne s'agit pas de favoir ce qu'Horace
& Virgile penferaient de notre Poéfie latine :
ce qui eft sûr , c'eft qu'il faut avoir fait des
vers latins pour fentir tout le charme & toute
l'harmonie toutes les beautés de Virgile &
d'Horace.
que
Ce n'eft qu'à la derniere année des Humanités
que je propoferais à ceux qui en auraient aſſez
profité pour être déjà paffablement forts fur le
latin , d'y joindre l'étude du grec , qu'ils continueraient
en Rhétorique. Une Langue favante
apprife par principe , donne de grandes facilités
pour en apprendre une autre : je crois donc
ces deux ans fuffi: aient pour le grec , & je le crois
d'autant plus , que ceux qui l'ont appris dans l'Univerfité
, peuvent le fouvenir qu'ils ne l'ont
guere étudié qu'en Seconde & en Rhétorique. Ce
qu'on fait de grec dans les claffes précédentes
eft bien peu de chofe. Mais j'affecterais à l'enfeignement
de cette Langue deux Chaires particulieres
dans chaque College , une pour les Humaniftes
, une pour les Rhétoriciens. Je vois à
ce nouvel arrangement deux avantages : comme
ce n'eft guere que le plus petit nombre des
Etudians qui apprend le grec , le temps qu'on y
donne dans les claffes eft perdu pour le plus
grand nombre ; & de plus , l'étude du grec ferait
beaucoup mieux ,faifie & mieux foignée , en
devenant l'objet unique & particulier de deux
Profeffeurs.
Je n'ai rien à dire fur la maniere d'enfeigner
les Humanités & la Rhétorique : nous avons làdeffus
de bons livres dont chacun peut profiter
fuivant fa portée ; mais en derniere analyſe ,
tout dépendra toujours du talent & du zele des
152
MERCURE
Profeffeurs. Plufieurs de ceux de l'Univer
fité de Paris ont déjà perfectionné à plufieurs
égards la méthode ufitée , fur-tout en Rhétori →
que ; mais ce qui peut devenir plus important
& plus fructueux , c'eft une nouvelle Inftitution
que je propofera inceffamment.
( D ...... )
( La fin au No. prochain. )
SPECTACLES.
THEATRE DE LA NATION.
LA LIBERTÉ CONQUISE , ou le Defpotifme rerverfé
, Drame ens actes & en profe , par M.
Harny.
La Scene fe paffe dans une ville frontiere ,
an moment où les Miniftres font à là veille d'employer
la violence pour diffoudre l'Affemblée
Nationale. Le Gouverneur de la Province , digne
de feconder leurs perfides complots ' , a des intelligences
dans l'armée d'une Puiflance voisine
qu'il veut faire entrer dans le Royaume , fcus
prétexte de l'aider à contenir les Reb.lles , après
avoir éloigné de la fortereffe la plus grande partie
des Soldats Nationaux. Mais ces Rebelles qu'il
vent contenir , ne font encore que des Citoyens
painibles : il travaille , par toute forte de moyens ,
à les aigrir , four les porter à infurrection.
Après avoir voulu leur interdire da liberté des
DE FRANCE.
153
fuffrages dans l'élection d'un Maire dont il redoute
le patriotifimé & la fermeté , il s'emporte
contre ce même Maire qui vient d'être élu ,
malgré fes défenfes , lorfqu'il vient , à la tête du
Corps Municipal , lui demander de pourvoir à la
sûreté de la Province menacée par des Troupes
étrangeres. Il s'indigne de ce qu'on ofe porter
un oeil téméraire fur fon adminiſtration , & il
ofe dire au Peuple , dans les termes les plus infultans
, qu'il n'eft fait que pour obéir aveuglément
à fes Supérieurs.
Cependant la difette des grains commence à
fe faire fentir dans la ville. Le Maire a fait acheter
du blé dans les environs. Cet approvifionnement
fe trouve arrêté . Le Peuple vient s'en plaindre
; on le repouffe avec des menaces : il commence
à s'échauffer.
C'eft alors que le Gouverneur s'applaudit d'avance
du fuccès infaillible de fes projets . Il fe
voit déjà à la tête de l'armée ennemie , qu'il
fait appeler à fon aide , traverfant la France en
Vainqueur , après avoir groffi fes forces de tous
les mécontens qui viendront fe ranger fous fes
drapeaux. Les braves Dauphinois , les généreux
Bretons paycront cher l'exemple qu'ils ont donné
au refte de la Nation . Il réduira les Parifiens
par la famine ; & l'Affemblée Nationale , qu'il
s'obftine toujours à nommer les Etats- Généraux ,
fe diffipera devant lui . Pour commencer
brillantes opérations , il ne s'agit que de foudroyer
la ville du haut de la fortereffe , & de
livrer aux Anglais , dont il mendie auffi les fecours
, une ville maritime pour leur fervir de
sûreté. Rien n'arrête fon ambition ; tout eft juf
tifié dans fon efprit , pourvu que la Nobleffe
reprenne fes anciens priviléges , & le Gouver
ces
154
MERCURE
nement fon pouvoir abfolu. Il attend avec in
patience que les Citoyens fe foient taffemblés
dans la place publique. Il paraît auffi-tôt , leur
commande de fe retirer , & fur leur refus , il
ordonne aux Soldats de les difperfer par la force.
Ce moment eft terrible ; mais ces Soldats fon
des Gardes Françaises , & ils font dignes de ce
nom. Au premier ordre de la charge , ils mettent
bas les armes , & courent fe précipiter dansles
bras de leurs Concitoyens. Le Gouverneur fe
réfugie dans la citadelle ; le Peuple enhardi en
médite l'attaque. Les hommes fort le ferment de fe
facrifier au falut de la Patrie , & les femmes d'élever
leurs enfans pour la liberté. Auffi-tôt les braves labitans
des fauxbourgs fe raffemblent en plus grand
nombre. On fonne le tocfin , on illumine les maifons
; les rues font dépavées , le canon arrive.
Au bruit de ces préparatifs , le Gouverneur revient,
& ne rougit pas de propofer pour articles
de conciliation les conditions les plus humiliantes
de la fervitude . L'indignation éclate dans toutes
les bouches ; elle fe tourne en fureur , lorsqu'on
eft inftruit de l'approche de l'armée ennemie ,
Les uns vont la combattre fous les ordres du
Maire , les autres , commandés par un digne Of
ficier , décoré de la Croix de S. Louis , reftent
pour attaquer le fort avec les Gardes Françaiſes
à leur tête. Le canon , dirigé contre le pont levis,
en brife les chaines . Malgré le feu des Soldats
étrangers , qui tirent du baut des tours , le Peuple
fe précipite dans le fort , s'en empare : & le
drapeau eft emporté par le neveu du Maire , qui
fait en cette jourrée fes premieres armes , & Qui
vient le dépofer dans les bras de fa mere & de
fon oncle , revenu victorieux .
Cette Piece , dont chaque fcene retrace aux
DE FRANCE. ་ 155
habitans de Paris les troubles qui les ont agi
rés , & les dangers qu'ils ont courus , les dédommage
bien de ces fouvenirs douloureux , en leur
rappelant à la fin l'événement mémorable de leur
conquête de la Baftille , qui leur allure l'amour
& la reconnaiffance de tous les Français. !
Il ferait impoffible de peindre les tranſports
d'enthoufiafme que chaque représentation nouvelle
excite dans lame des Spectateurs ; le ferment prêté
fur la Scene eft à l'inftant répété dans toute la
Salle , auffi bien que les éloges donnés à notre
bon Roi , le généreux Reftaurateur de la Liberté
Françaiſe.
Quoique l'Auteur ait péché contre la vérité
hiftorique , en faifant entrer en France des Troupes
ennemies , on lui fait gré de cette fiction , qui
Tert à faire éclater les fentimens dont on ferait
pénétré dans cette circonftance. Elle eft en même
temps bien propre à détourner l'Ariftocrate le plus
fougueux de la feule penfée de cet abominable actentat
, en lui reignant l'exécration univerfelle à
laquelle il dévouerait fon nom. :
Nous n'entreprendrons pas de donner à nos
Lecteurs une idée du fentiment & de la vérité
que les Acteurs de cette Piece ont mis dans leur
jeu. Il faudrait les nommer tous les uns après
les autres en répétant les mêmes éloges ; nous ne
diftinguerons que M. Dorival , pour lui tenir
compte des répugnances qu'il lui a fallu furmonter
en fa chargeant du rôle odieux du Gouver-
& pour l'applaudir de la maniere dont il
neur ,
le remplir .
156 MERCURE DE FRANCE .
NOTICE S.
Suite des Mémoires duMaréchal de Richelieu ,
Ecrits fous les yeux , par J. L. Soulavie . A Paris,
rue de Condé , N ° . 7 , & franc de port dans
tout le Royaume , en remettant aux Di : ecteurs
de la Pofte S liv. Four les quatre Livraifons du
Ve. Volume ( de 400 pages ), avec l'adrefle bien
écrite & la lettre d'avis affranchie . On eft affuré
par-là de l édition originale , & de recevoir gratis ,
en s'adreflant au Bureau , les fupt Chapitres avec
les Cartes que les contrefacteurs ont enlevé de nos
Mén.oires ; ce qui leur perkt de les vendre à
vil prix dans les Provinces .
Nouvel Alranach , petit Atlas National &
général de la France , divifée en fes.33 Départemens
, formant la nouvelle divifion du Reyaume ,
fuivant le Décret de l'Afen blée Nationale
fanctionné par le Roi , le 4 Mars 1790 ; affujettis
aux nouvelles Obfervations de MM . de 1 Académie
Royale des Sciences. Prix , relié en marequin
, 12 liv. A Paris , chez Deínos , Libraire ,
& Ing. Géo . de S. M. Danoife , rue St-Jacques ,
au Globe , Nº. 254.
Faute à corriger dans le Nº. précédent .
Au lieu du Sr. Cuchet , pour l'Abonnement de
la Gazette des nouveaux Tribunaux ; lifez , Mme.
Deffaint , Imp- Libr . rue de la Harpe , près de St-
Côme.
"
TERS.
TABLE .
121 Variétés.
123 Théatre de la Nation. 652
126 Notices, 156
Charade, Enig. Log.
Principes.
Per 135.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 29 JANVIER 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Faits pour être lus à la Comédie après la
repréſentation d'Andromaque , donnée au
profit des incendiés de Limoges.
MESSIEURS , la Révolution
bien changé la Nation.
Etonnante métamorphofe !
Le trop malheureux Plébéien ,
Pendant long-temps compté pour rien ;
Eft, grace au Ciel , devenu quelque chofe.
Un Sénat , de vos droits l'intrépide ſoutien ,
De monftrucux abus tous les jours vous délivre,
No. 5. 19 Janvier 1791 . I
158 MERCURE
Sous l'empire des Loix enfin nous allons vivre
Libres & Citoyens.
وک D'une loyauté fans feconde,
Soyons donc maintenant juftes pour tout le monde,
Même pour les Comédiens .
Quand la mort affiégeait nos portes ,
Quand la Patrie en deuit implorait des fecours ,
Réunis des premiers à vos braves cohortes ,
Its défendaient nos jours.
Lorfqu'aujourd'hui leur modique recette
Appelle fur eux la difette ,
Er leur garde la fort d'Irus ; N
Du pauvre oublié des Créfus ,.
Ils vant foulager les miferes ....
Ah ! s'ils eurent des torts , je ne m'en ſouviens plus.
Les hommes bienfaifans font Citoyens, font freres.
J'applaudis , je leur crie : A vos devoirs rendus ,
Méritez des deftins profperes ;
Ayez l'efprit & lame des Brutus.
Et vous , Cimber ; S : évole , Caffius ,
Revivez dans ce Temple a
Grands hommes ! donnez -nous' l'exemple
Des fublimes vertus
Premier Théatre de la France ,

Reprends toute ta majefté: ; :ol rol
Sois , par une double influence ;
L'Ecole de la Berfalfance , ev .
Et celle de la Liberté..
4 ( Parl Auteur des Lettres de J* B **. )
.I .
AULICTHECA
DE FRANCE. 159
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Verfion ; celui
de l'Enigme eft Fleur ; celui du Logogriphe
eft Fredaine , où l'on trouve Fier, Fin, Ré,
Fa , Alné , Nier , Ane , Anier, Frêne , If,
Fade, Air, Ire, Rien, Fer, Raie, Frai , Reine.
CHARA D E.
*
Mon premier quelquefois s'énonce incongrûment }
Mon fecond , d'un goût agréable ,
Du Financier garnit fouvent la table ;
Mon tout, à mon premier fournit un vêtement.
Par M. Prévet de Moka )
DE
NIGM E.
E ma faveur les Amans font jaloux ;
Des voluptés je fuis le pere ;
L'Amour ou m'obtient ou m'efpere ,
Et je préfide aux rendez - vous .
I 2
160 MERCURE
La Bergere me craint & pourtant me défire :
Contre moi fa pudeur eft un faible rempart ;
Son coeur complice , ou le fimple hafard
La force à partager mon féduifant délire .
Voyez ce couple heureux par mes charmes inſtruit ;
Dans les tranfports il oubliait la Terre ;
Il était fourd aux éclats du tonnerre .
Un tiers furvient , je fuis détruit.
( Par un Abonné. )
LOGOGRIPHE,
METS ETS quatre lettres à mon nom ;
Chez toi , Lecteur , eft ma priſon,
Si tu retranches la premiere ,
Je ne fuis plus qu'un franc oifon ;
Mais n'effaçant que la derniere ,
Qui me fuit a toujours raiſon,
(Par M, Verlhac , Maître- ès-Arts & de
Penfion , à Brive. )
DE FRANCE. 161
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES hiftoriques & pieces authentiques
fur M. de la Fayette , pour fervir
à l'Hiftoire des Révolutions .
( Sublime & erectum ingenium , pulchritudinem
ac fpeciem excelfa, magnæque glotix
vehementius quam cautè appetebat. Mox
mitigavit ratio & ætas : retinuit que, quod
eft difficillimum , ex fapientia modum. ỳ
TAC. AGR.
Un Volume in-8°. de 300 pages . Prix
3 liv. A Paris , chez Letellier , Libraire,
quai des Auguftins .
DIEU feul peut lire dans les coeurs comme
on lit dans un livre ; mais les hommes
peuvent y lire auffi du moins comme ils
lifent dans les opérations de la Nature ,
où l'obfervation exacte de fes mouvemens
paffés donnent des lumieres à peu près
certaines fur fes mouvemens futurs : ainfi
qu'en raffemblant toutes les circonftances
qui accompagnent un événement , en étu-
"
I 3
162 · MERCURE
diant avec foin les rapports qui les lient ,
un homme fage & prudent peur prevoir
en général quelle en fera lice ;
de même en raffemblant les traits épars
d'un caractere , en rapprochant les diverfes
pofitions où il s'eft trouvé , les épreuves
qu'il a fubies fans jamais fe démentir , tout
homme d'un efprit jufte & dégagé de prévention
pourra conjecturer avec une forte
de certitude ce que deviendra ce même caractere
dans la carriere d'événemens qu'il
lui refte à parcourir,
2.
C'eft ce raflemblement de faits puifés
dans la conduite de M. de la Fayette ce
rapprochement de circonftances où fon ame
s'eft développée toute entiere , que l'Auteur
de ces Mémoires a voulu préfenter à
la Nation Françaife comme un miroirfidele
qui garantit le préfent & répond de lavenir.
Celui qui dès fon enfance annonça .
Pamour ardent de la liberté , cette paffion
noble & pure que l'âge augmente encore
loin de l'affaiblir ; celui qui livra fa jeuneffe.
aux fatigues & aux dangers , pour procurer
ce bien ineftimable à une Nation étrangere
; celui qui , pour la rendre à fon pro-
Fre pays , affronta des dangers mille fois plus
grands , hafarda jufqu'à fon honneur , Oll
au moins fa renommée , attachés au fuccès
de la Révolution ; celui-là ne peut plus
lailler aucun doute fur fes véritables fentimens
il n'eft plus maître d'en changer
DE FRANCE. 163
Avant de trahir une fi belle caufe , qu'il
s'eft confacré -lui-même à défendre , il fau→
drait donc qu'il trahit fon propre · coeur.
Eh ! quel ferair fon intérêt dans un fi honteux
renversement de principes Son ambition
, fût- elle démefurée , trouverair - elle
dans quelque autre parti un fort au deffus
du fien Efpérerait - il un plus beau titre
-que celui de défenfeur de la Liberté : Cu
le plus criminel des hommes en ferait encore
le plus abfurde , ou il fentira tour ce
qu'il aurait à perdre enviolant fon ferment .
Les richeffes , les dignités , le Trône même
pourraient- ils le dédommager de l'exécra↔
tion des Peuples qu'il aurait encourue ,
l'opprobre des Nations qui le pourſuivrait
éternellement R.
de
Mais il n'eft pas queftion de l'apologie
de M., de la Fayette ; l'Auteur des Mémoires
que j'antionce , s'eft bien gardé de
la faire elle eft dans fa conduite invariable
, & non dans tout ce qu'on pourrait
dire en fa faveur. L'Editeur s'eft contenté
de recueillir un grand nombre de pieces
qui le concernent. Il femble dire fimplement
au Lecteur : Dans des fituations dif
férentes entre elles , mais ayant prefque
toutes des rapports avec celle où nous nous
trouvons voilà ce que M. de la Fayette
a dit , voilà ce qu'il a penfé , voilà fur-rout
ce qu'il a fait lifez , jugez , voyez ſi ja→
mais le foupçon peut aborder un fembla
ble caractere. I 4
}
164
MERCURE
ל כ
"
"
>>
L'épigraphe , tirée de Tacite , contient
déjà un portrait fort reffemblant à notre
Héros. Le frontifpice de l'Ouvrage en offreun
autre encore plus direct , de la main de
M. Cerutti : M. de la Fayette a exercé
» fon épée & fon ame en Amérique.
Washington & Franklin femblent avoir
trempé fon efprit dans le leur. Il n'a
» jamais fait une faute dans les circonf-
» tances embarraffantes , ni manqué une
» occafion dans les temps favorables. Il a
» cette intrépidité calme que le tumulte
ne déconcerte point , & qui pacifie le
» tumulte. Tant qu'il fe montrera au Peuple
, on foulevera en vain le Peuple
» contre lui " . On en trouve enfuite un
autre par M. de Lu..... car l'Editeur a été
plus jaloux de réunir les opinions des hommes
inftruits & d'accumuler les fuffrages ,
que de fe charger lui - même du foin de
peindre fon Héros .
L'Editeur n'ajoute aucune réflexion aux
morceaux qu'il a recueillis . Il les offre fimplement
au Lecteur comme une fauvegarde
contre la calomnie ; & c'eft ainfi
fans doute , qu'il convenait de défendre un
tel homme.
Ceux dont l'ame pure & honnête ne
s'ouvre point aux accens de la calomnie ,
n'ont befoin que de lire cet Ouvrage pour
connaître M. de la Fayette , & s'attacher
plus fortement à lui. Ceux qui , moins déDE
FRANCE. 165
"
licats , peuvent foupçonner le crime partout
où le crime peut être utile , n'en feront
pas plus difpofés à concevoir des
alarmes. Qu'ils difent ce que le Commandant
général pourrait gagner à une perfidie ;
qu'ils nomment le rang qui pourrait être
le prix d'une lâche trahifon , & qu'ils et
accufent alors , s'ils le veulent , le fils
adoptif de Washington , le premier Auteur
de la Déclaration des Droits de l'Homme ,
l'ami , le protecteur de la Liberté du Peuple
Français.
LA Néceffité du Divorce , Lettre à M.
Marmontel , fur un Article inféré dans le
Mercure du 6 Février 1790. A Paris ,
chez tous les Libraires du Palais-Royal.
L'AUTEUR de cette Lettre paffe fucceffivement
en revue les inconvéniens de
l'indiffolubilité du mariage ; & ceux de la
féparation , que M. Marmontel & tous les
Antagon: ftes du Divorce croient un remede
fuffifant aux unions mal afforties . Il examine
enfuite les inconvéniens & les avantages
du Divorce : il le confidere relativement
à la Religion , & n'y trouve rien
qui lui foit contraire. Puis il démontre
que le fort des enfans eft moins malheureux
I s
166 MERCURE .
par le Divorce qu'il ne l'eft par les mat
vais ménages & par les feparations .. Il n'eft
pas embarralle des fucceflions , qui feraient
réglées en France comme elles le font
chez tous les Peuples où le Divorce a lieu ,
Enfin il établit quelles feraient les caufes
légitimes du Divorce , & les formes d'après
lefquelles il ferait prononcé . Il conclut
contre la poffibilité de laiffer fubfifter dans
notre Conflitution libre une chaîne indif
foluble.
Il ne paraît animé dans toute cette dif
cuílion que par une perfuafion intime. It
ne perd jamais , de vue les égards dus à
l'Homme de Lettres diftingué auquel il a
cru devoir répondre ; & vcici à peu près
la feule perfonnalité qu'il fe permet à fon
égard : " Vous goûtez , Monfieur , dans le
calme & la paix , les douceurs d'un hymen.
» bien afforti. Une époufe honnête , tendre
» & aimable , eft le prix de vos vertus
» comme vous êtes le prix dos fiennes..
» Vous coulez enfemble des jours purs &
» fereins. Vous êtes à l'égard des époux
» malheureux , ce qu'eft le riche à l'égard
» du pauvre. Comment croire à la faim
de l'indigent , quand on a une table cou-
» verte de miers délicats , & c. « ? Il n'y a
dans ces vérités, rien que d'obligeant pour
celui à qui elles font adreffees ; mais peutêtre
donnent-elles , en effet , tout le fecret
de fon opinion fur le Divorce,
DE FRANCE. 167
VARIÉTÉ S.
cb
SUITE du Plan fommaire d'une Education
J.
publique.
3.193
Ar conduit les Eleves depuis neuf ans juſqu'à
quatorze , & les voilà près d'entrer en Philofo
phie; mais avant de roucher à cette partie des
études , qui cxige les réformes les plus contidéra
bles , je crois à propos d'ajouter un mot en réponfe
à ceux qui trouvant tour très - facile à apprenre
, parca quel jamais ils n'ont rien appris ,
demandétent encore pourquoi employer quatre
ans au latin , & répéteront ce que j'ai entenda
plus d'une fois , qu'on peut l'apprendre en ben
moins de temps , en deux ans , par exempled
Je les renverrai d'abord à ce que j'ai dit cideffis
, & qui prouve fans réplique qu'on ap4
prend en même temps beaucoup d'autres chofes
que le latio . Enfuta je leur obferverai qu'i
faut examiner mon Plan dans fon enrier ', "depuis
les premieres Ecoles que j'ouvre à cinq ans
évolus , juu'à la derniere claffe demon cours
que je ferme à dix- fept ans accomplis , & me
faire voir que l'on peut faire un meilleur entploi
& une meilleure diftribution des années de
Fadolefcence , qui , dans tous les cas , doivent re
confacrées à l'inftruction . Enfin je leur répé
drai qu'il n'eft pas vrai qu'on puiffe en deux
ans en favoir autant qu'en fauront les Eleves qui
auront bien employé les qua re agnées de men
cours : & c'eft für eux qu'il faut le régler ; can
1 6
108 MERCURE
une éducation quelconque ne doit fe juger que
fur ceux qui en tirent tout le parti poffible : c'eft
pour eux principalement qu'elle eft faite ; on
doit fuppofer , d'après la nature des chofes humaines
, que le plus grand nombre est toujours
de ceux qui reftent au deffous de ce qu'on peut
faire.
»,
Ceux qui s'imaginent qu'on s'inftruit fi promptement
& fi aifément dans les Langues anciennes
, ne les ont sûrement pas bien étudiées , ou
peut-être en jugent par la facilité infiniment plus
grande que l'on trouve à apprendre les Langues
vivantes. Ils ne fongent pas qu'on les apprend
d'ordinaire dans un âge plus mûr , c'est -à- dire ,
au moins après les études claffiques ; que l'on a
déjà l'avantage de favoir le latin , dont le français
, l'italien , l'anglais ont beaucoup emprunté,
& qui eft Langue-mere par rapport à ces idiomes
modernes ; qu'ils font par eux-mêmes infiniment
moins difficiles , parce que les procédés en font
moins compliqués , moins variés ; qu'ils n'ont
prefque point d'inverfions en profe , beaucoup
moins d'acceptions divertes d'un même mot ;
qu'ils font fans nulle comparáifon plus bernés
& plus ftériles en conjugaifons & en déclinaifons
; enfin , qu'on a l'avantage incalculable de
les apprendre en les parlant encore ajouterai -je
ici qu'un homme qui voudra bien connaître l'italien
& l'anglais , & lire couramment leurs Auteurs
les plus difficiles , ne laiffera pas d'y mettre
du temps , & fur tout aura fein d'en cultiver
la connaiffance par des le& ures habituelles .
fans quoi l'on court rifque d'oublier auffi promp
tement qu'on a pu apprendre : & c'eft ce qui
eft a rivé à bien des gens. Ce n'est donc pas
avec cette légèreté qui nuit même à l'étude des
DE FRANCE. 169
en
Langues vivantes , qu'il convient d'apprendre une
Langue morte , qui doit être regardée par toutes
les raifons ci-defus détaillées , comme un des
fondemens effentiels de l'éducation bien conçue.
Quelques perfonnes n'ont appris le latin qu'après
l'âge des études ; j'oferais affirmer qu'aucune
n'aurait été de la force d'un bon Rhétoricien . Je
viens de lire dans un Almanach , que le jeune
Drouais , Artifte célebre qui a laiflé de fi juftes
regrets , avait appris le latin en trois mois ,
n'y donnant que quelques heures de loifir , &
de maniere à pouvoir lire Tacite. Il eft étrange
d'imprimer avec tant de confiance des chofes i
ridicules. Un pareil fait eft moralement impoflible.
On connaît à peu près les forces de linrelligence
humaine , même dans les exceptions, r
Il y a telle Science , par exemple , les Mathématiques
fimples , où tel homme peut avancer
beaucoup plus vite que tel autre , en raifon
d'une vivacité de conception qui lui fera fair &
enchaîner plufieurs corollaires d'un même principe .
Il n'en eft pas de uême du latin ou du gree
il y a , même pour l'efprit le plus prompt , une
longue fuite de difficultés qu'il ne peut vaincre
qu'en fe les rendant familieres par une lecture '
affidue & réfléchie. On ne devine point le génie
d'une Langue ; il n'y a qu'un moyen de le connaître
, c'eft ( fi l'on peut- harfarder cette expreffion
) de vivre avec lui pour en fuivre les
divers procédés , il faut lire & relire teus les
claffiques & même ceux qui ne le font pas
s'accoutumer à l'ufage différent qu'ils ont fait d
méme idiome ; & ce n'eft qu'en poflédant en ce
genre beaucoup d'objets de comparaifon , que l'en
peut s'aturer de ne pas fe méprendre à l'analogie
, que mille nuances très délicates peuvent
rendre trompeule.
170 MERCURE
J'ai toujours penfé , quant à moi qu'un
homme de fens , qui n'aurait pas l'avantage
d'avoir appris le latin das fa . jeuneffe , & qui
voudrait le mettre en état de lire Horace &
Tacite , avec cette facilité fans laquelle il n'y a
pont de plaifir , ne pourrait pas y employer
moins de deux ans , à cinq ou fix heures de
travail par jour ; & certes il n'aurait pas perdu
fon tems . Mais pourquoi donc ,, me dira -t- on ,
en demander quatre à vos Eleves ? Pour bien des
raifons faciles à concevoir. D'abord , us homme
fait a la têt : plus forte , l'attention plus fourenue ,
la volonté plus décidée . De plus , en apprenant
le latin , c'eft le latin feul qu'il voudrait apprend
e ; & j'ai obfervé que le latin mer dans
la tête des jeunes gens une foule d'autres connaiflances
qu'il importe d'y mettre dans l'âge où l'on
a tout à apprendre , enfin les conceptions du premier
âge font vives , mais ont befoin de la répétition
habituelle pour graver dans la tête
& je conclus par un principe général qu'on ne,
faurait contefter on ne fait bien , très - bien
dans le refte de fa vie , que ce que l'on a bien
appris de bonne heure ; il eft donc néceffaire de
ne rien négliger pour bien apprendre dans la jeu-,
nefe ; & la jeuneffe , en raifon de fa légéreté naturelle
, égale à fa facilité , n'apprend bien qu'en
étudiant beaucoup.
fe
Nous voici parvenus aux deux années de Phis
lofophie : j'en changerais entiérement & le fyftême
& le langage . Plus de cahiers de Logique ,
de Métaphylique , de Morale , en mauvais la
tin ce malheureux latin mal appliqué a perpétué
dans les Ecoles la funefte habitude de parler
fans s'entendre : parlons français ; nous ferons
forcés d'avoir du ens ... Un extrait bien fait de la
Logique de Port-Royal & de l'Art de penfer du
:
DE FRANCE. 171
pere Lamy , fuffirait pour mettre les jeunes gens
au fit des procédés & des regles du raifonnement ;
Pour la Métaphyfique , Locke & Cond llac , les
deux feuls Philofophes chez qui l'on trouve ce
qu'il nous eft poflible de favoir fur l'entendement.
humain , & ce qu'il y a de plus probable fur les
opérations intellectuelles . Pour la Morale , le
Traité des devoirs de Ciceron ; il contient tout. A
l'égard des différentes parties de la Phyfique &
des Mathématiques , nous avons en ce genre beau
coup d'excellens Ouvrages ; c'eft à la fagcffe &
aux lumieres des Profeffeurs à les choir , à les
expl quer aux Ecoliers , en y joignant le fecours,
des expériences. Cette partie de la Philofophic
a fait de fi grands progrès parmi nous , & s'ap
pe maintenant fur des principes & fans, qu'il
n'eft plus perms de revenir aux rêveries de Def
cartes ni à celles des Anciens. Ce qu'il y a de bon;
dans ce hilofophe eft affez connu pour que,
tour Profeffeur inftruit pu ffe apprendre à fes dif
ciples à le féparer de la mauvaiſe Phyſique.
On croit peut-être mes Eleves parvenus au terme
de leurs études , parce qu'ils ont fait leur Philofophie
: point du tout.. Ils ont feize ans . & je termine
le cours que je propofe en confacrant leur
dix - feptieme année à une derniere claffe que l'on
peut rendre très - importante , & que je regarde
comme le complément des études : je l'appellerai
Rhétoriquefupérieurconclaffed Eloquence Française ,
parce qu'elle ne ferait deftinée qu'à former des
Orateurs dans notre Langue , & qu'il n'y ferait
plus queftion du latin , dont je les fuppofe
Leffament inftruits. Si l'on vent apprécier mes
vûes dans cette nouvelle inftitution , que l'on
faffe attention à deux chofès ; d'abord à l'im
pertance pr pondérante que doit acquérir l'éloquence
dans une Conflitution libre ; enfuite à
172 MERCURE

la méthode des Anciens , qui étaient affez éclairés
pour ne féparer jamais la Philofophie de l'éloquence
, & regarder même la premiere comme
la bafe de l'autre il fuffit de lire la Rhétorique
d'Ariftote pour en être convaincu. En
effet , il faut que l'éloquence s'appuie d'abord
fur la raifon ; & concevez quel avantage auront
nos jeunes gens , qui , après avoir eflayé leurs
forces dans une premiere année de Rhétorique ,
à un âge où l'efprit & l'imagination font , pour
ainfi dire , dans leur premiere fleur , reviendront
enfuite à l'Art oratoire , forts de deux ans de
travail & de réflexion , employés à múrir leur
jugement & à étendre leurs idées par les connaiffances
philofophiques ! C'eft véritablement
cette derniere année qui ve former des hommes
pour nos Affemblées délibérantes & adınimftratives
; c'eft-là qu'ils vont faire l'épreuve de ce
qu'ils peuvent être un jour ; c'eft-là que vont
naître des défenfeurs éclairés pour la Liberté &
la Conftitution ; en un mot , c'eft- là que je veux
accoutumer les jeunes gens à penfer & à s'exprimer
& les élever à toute la hauteur de ce
grand talent de la parole , le dominateur naturel
des hommes raffemblés . N'oublions pas furtout
( & c'eft mon dernier motif ) qu'ils font
déjà dans un âge capable de fentir toute l'importance
de cette claffe , & que l'on peut par
conféquent efpérer d'eux tout ce que peut produire
l'émulation & l'envie de parvenir.
Voici quel ferait le plan du travail de cetre
clafle on y lirait les Orateurs Grecs & Latins ,
non plus pour les expliquer ( nos jeunes gens
font au deflus de cela ) , mais pour étudier chez
eux toutes les reffources de l'Art oratoi e , analyfer
tous leurs moyens , développer toutes leurs
beautés , fcruter tous les fecress de leur génie & de
1
·
1
DE FRANCE. 173
leur élocution. On y joindrait , dans le même efprit,
la lecture des Orateurs Français ; ii eft vrai que
celle-là ne pourrait guere fournir jufqu'ici que
des modeles du genre démonftratif & judiciaire ,
que je ne veux pas négliger non plus ; mais
en peu d'années elle nous en donnera auffi du
genre délibératif : on en peut juger far ce qu'une
feute année a déjà produit en ce genre. Je demanderais
à nos Eleves cinq compofitions par femaine ,
d'abord deux dans le genre délibératif ; ſavoir ,
une pour établir une opinion , une autre pour la
combattre ; enfuite deux pour le genre judiciaire ;
favoir , une pour l'attaque , une pour la défenſe ;
enfin une derniere dans le genre de l'éloge , qui
mérite toujours des encouragemens , parce que ,
pour mériter d'avoir de grands homines , c'eft
un titre de plus que de favoir les honorer &
les louer dignement ; ou bien ce ferait le déve
loppement de quelque vérité générale de morale
ou de politique ; ce qui rentre encore dans le
genre démonftratif.
On fent bien qu'il ne s'agirait plus ici de dicter
ce qu'on appelle des matieres d'amplification.
Nous n'avons plus affaire à des enfans. Le Maître
donnerait le fujet , & abandonnerait les difciples
à leur génie : il eft temps de les exercer à
marcher fans guide : ils s'égareront ou temberont
fouvent ; mais c'eſt au Profeffeur à les relever
enfuite , ou à les ramener à la vraic route ,
en leur montrant la caufe de leur chute
de leur égarement. Il faut fur- tout qu'il leur
apprenne à faifir toujours le point de la queftion
, & à la traiter avec une mefure propor
tionnée à la nature des chofes . L'amplification
eft bonne pour des Rhetoriciens novices , dont il
ne s'agit que de tirer ce qu'ils ont d'idées bonnes
ou mauvaiſes fur chaque objet.

174 MERCURET
Ici je veux qu'on leur apprenne quand il convient
de s'étendre & quand il faut le refferrer ;
quand l'abondance eft néceffaire . pour obtenir
unffet par l'accumulation progreffive des moyens
dévelop és ; quand il faut réunir toute : fa for e
dans un feul moyen pour produire une impul
fion rapide , ou· porter à l'adverfaire une at
teinte renverfante. Ainfi je leur donnerais , tantôt
des fujets où il ne faudrait que vinge phrafes
pour frapper un grand coup , tantôt des fujets
où il faudrait parler une demi-heure pour dire
tout ; & je confeillerais au Profefleur d'indis
quer cette différence , jufqu'à ce qu'ils fuffent
en état de l'appercevoir eux-mêmes.

A
Ce n'eft pas tout il eft d'une néceffité ca
pitale de les accoutumer à parler fans préparation
jamais , fans ce talent , un Orateur ne
fera puiffant dans la délibération . C'eft- là où
les Anciens triomphaient , fur tout à Rome.
Nous avons une foule de preuves & de monu
mens qui ne permettent pas d'en douter ; mais
auffi c'était l'étude de toute leur vie , & furtout
un des objets principaux de leur éducation .
La inéthode des Maîtres , à cet effet , était
de rendre continuellement préfentes à l'efprit des
Eleves , toutes les idées générales qui rentrent
ordinairement dans les queftions particulieres .
& c'eft à quoi leor fervait la Philofophic. On
conçoit que ce n'eft que par une habitude rét
déchie que l'on peut acquérir cette facilité de
claffer fur le champ toutes les idées effentielles
qui peuvent s'offrir dans une queftion , & de
les offrir à l'auditoire dans leur ordre naturel ,
de maniere à ne partir jamais d'un point fans
favoir où l'on doit arriver. Enfuite l'exercice de
la parole les accoutumera par degrés à cette raDE
FRANCE. 175
pidité de concept on qui ne permet pas de commencer
u e ph af fans favoir comment on la
finita . Nous fommes encore fi neufs dans cette
partie , qu'il faut bien excufer ajouta'hui ceux
que nous voyons à tout moment prendre la
parole avec une grande affurance , mais fans
favcir ce qu'ils vont dire & s'encarraffant dans
leurs confluctions ; de maniere que pou trouver
la fia , il faut qu'ils reviennent fur le co amencement
: rien n'eft plus désagréable ni plus ridicule
; c'eft l'enfance de l'art de par er ; & pour
neas y laiffer mes Elves , je le habitucrais.
plufieurs fois la femaine à parler d'abondante furun
fajet donné , & à traiter fur le champ une
queftion contradictoirement. Ils apprendraient
dans ces luttes répétées à manier leur langue
avec flexibilité , à trouver facilement l'expreffion
de leur penfée , à difpofer l'une en même temps
qu'ils conçoivent l'autre , à s'affermir , à s'échauf
fer par la confiance de leurs forces acquifes
au lieu de les perdre , comme il arrive trop
fouvent , par la défiance & par l'embarras . Le
Maître doit fur- tout avoir attention à leur faire
fentir que quand on revient fur une phrafe
commencée , c'eft le plus fouvent faute de bien
connaître les reffources de la Langue : c'eft une
obfervation, qu'on peut faire tous les jours , qu'il
n'y a quere de phrafes qu'on ne puiffe finir
convenablement de quelque maniere qu'on
fait commencée , & fouvent l'auditeur inftruit
la terminerait quand le parleur troublé ou incxpérimenté
ne faurait en fortir fans retourner fur
fes pas.
Je n'ai pas befoin d'avertir combien , au milicu
de ces exercices oratoires , il dépendrait du
Profeffeur de former le Citoyen en même temps
876 MERCURE
que l'Orateur ; d'attacher , par le choix des ſujets ,
feur talent & leur ame à la chefe publique ; de les
paffionner pour la Patrie & la Liberté , & d'embrafer
leur éloquence des feux du patriotifme.
Il ne tient qu'à lui de leur infpirer un profond
refpect pour la vérité & la raifen , qui font les
élémens des bonnes loix & les principes des falutaires
réfolutions ; & pour cela le meilleur
moyen , c'eft de leur montrer que l'éloquence
n'eft jamais véritablement grande , véritablement
triomphante , que quand elle eft l'organe de la
vérité & de la juftice ; de leur faire voir combien
c'eſt un talent fecondaire , unc faculté dé
Rhéteur fubalterne de placer d'abord la queftion
fous un faux jour , pour s'étendre enfuite dans un
étalage de lieux communs , qui peuvent être plus ou
moins bien déduits , faire plus ou moins d'illu
fron à l'ignorance , ou farter plus ou moins
refprit de parti , mais qui ne vous affärent qu'une
défaite honteufe , dès que la parole eft donnée
à celui qui fait & veut traiter la queſtion.
Le Profeffear pourrait en donner des exemples ,
établir un point de difcuffion , montrer le peu
qu'aurait à faire celui qui voudrait défendre la
mauvaife caufe ; combien il lui ferait facile de
parlez long - temps , & même avec de l'éclat dans les
détails , fans aller jamais au fait , mais auffi à
quelle confufion il s'expofe , lorfque l'on met au
grand jour fa mauvaife logique ou fa mauvaiſe
foi.
S'il eft permis quelquefois de citer un fait où
l'on eft pour quelque chofe , afin de donner
plus de poids à fes principes , je raconterai à
ce fujet ce qui arriva , il y a quelques années ,
à une féance du Lycée . J'y rendais compte de
la fameufe querelle d'Efchyne & de Démofthenes :
DE FRANCE. 177
j'avais expofé les faits de maniere que l'auditoire
, bien inftruit du fond du procès , ſavait
très-bien que Démofthenes avait toute raiſon ,
qu'il était juftement honoré par fes Conci
toyens , & qu'Efchyne , qui lui difputait la couronne
décernée par les Athéniens , n'était qu'un
calomniateur envieux & mercenaire. Cependant
il avait de l'efprit & di talent : je traduifis d'abord
les morceaux les plus féduifans de fon difcours ; c'eſt
par lui qu'il fallait commencer , puifqu'il parla
le premier. Un de ces morceaux eft fait avec
tant d'artifice , l'Orateur y préfente fi adroitement
un point de vue très -fpécieux en morale & en
politique , que l'affemblée , éblouie un moment &
ne s'appercevant pas que , fi le principe était vrai
& fupérieurement développé , l'application était
abfolument fauffe , témoigna par un murmure
d'inquiétude & enfuite par un filence de
confternation , combien elle craignait qu'Efchyne
n'eût raifon & que Démofthenes n'eût rien à
répondre. Je me hâtai de la raffurer , & lui annonçai
que ce qu'ils croyaient fi terrible pour
Démofthenes , allait lui ménager le plus beau
triomphe. En effet , un moment après , je lus la
réplique de l'Orateur : l'effet qu'elle produifit fut
un tranfport univerfel : on fentit . en écoutant ces
deux hommes l'un après l'autre , qu'il était im
poffible de voir l'un élevé plus haut , ni l'autre
précipité plus bas ; il femblait que le men-
Longe ingénieux eut brillé un moment à leurs
yeux comme l'éclair ; mais que la vérité éloquente
répandit enfuite dans l'affemblée comme
des flots de lumiere ; & l'on dut comprendre
alors , en fe reportant dans l'affemblée d'Athe
nes, que fi , dans un pareil moment, Démofthenes
avait dû monter jufqu'au ciel , fon adverfaire
avait dû être réduit à ne pas lever les yeux.
178 MERCURE
De pareils exemples inftruiraient les jeunes
gens à n'apprécier l'éloquence que par l'ufage
qu'on fait en faire .
Comme cette nouvelle inftitution eft deftinée
par la nature à l'élite des Etudians , cette chang
que je propofe ferait unique , comme celle qui
fut établie à Rome pour Quintilien . Je placerais
la nôtre à perpétuité , au College Royal ; &
c'eft ici le lieu de parler de cet établitlement
fort beau en lui - même , & qui fait honneur à
François Premier fon fondateur , mais qui ,
comme tant d'autres , eft refté fort au deffous de
fa deflisation , par la négligence & les abus attachés
à tout ce qui émane du pouvoir abſolu.
Je commencerais par le réunir à l'Univerfité,
comme étant le complément de l'inftruction pablique
, & j'y adapteras un régime fait pour
rentrer dans le plan qui nous occupe. Ce Col
lége , tel qu'il eft aujourd'hui , n'eft guere qu'une
fone de luxe littéraire qui fait partie. des ornemens
de la capitale ; les chaires , dont plufieurs
font remplies par des hommes d'un grand mé
rite, font plutôt des récompenfes de leurs travaux
qu'un objet d'utilité générale. Tout fe horne à
quelques heures de claffe par femaine ; fou
vent mêmes elles n'ont pas lieu , foit par l'at
fence des Maîtres , foit par le défaut de Difciples
. Il y a des chaires qui me paraiſſent oifeufes
, & qui n'ont été fondées que par des arrangemens
de complaifance entre des gens en place
fans lamieres , & des intrigans fans mérite .
Qui croirai par exemple , qu'une chaire de
Littérature Françaife y ait été fondée de nos
jours , non pas pour quelqu'un de nos plus célebres
Litté ateurs , mais pour M. l'Abbé Aubert ?
Il n'y a pas un homme de fens qui ne fache
DEERAN CIÉ. 179
que fes Fables font d'une extrême médiocrité ,'
que fa Littérature n'était bonne que pour les
Petites - Affiches ; & voila l'homme que l'on a
placé comme Profeffeur de Belles.- Lettres dans
le premier College de la Capitale ! Mais ce
même homme , digne protégé du Miniſtre Saint-
Florentia , le voyant un jour endormi , après
diner , dans fon fallon , dit aux autres Courti-
Lans : Parlez bas , Mejfieurs , ne troublez pas
le fommeil du Jufe. Sur ce propos , digne des
yalets de Narcifle , cn ne pouvait faire moins
de M. l'Abbé Aubert , qu'un Profeffeur au Collége
Royal.
Je ne pense pas qu'une chaire'de Littérature ,
fit- elle bien remplie , ait un objet affez direct
affez marqué , pour en faire une partie de l'enfeignement
public & national. Des differtations ,
littéraires peuvent n'être pas déplacées dans des
affociations particulieres qui ne coutent rien à l'Etat ,
& ne prouvent que la confiance particuliere que
l'on a dans le goût de telle ou telle perfonne."
Mais en général , c'eft dans la lecture des bons
Ecrivains que le Public doit former fon goût.
On aurait tort d'objecter que l'Auteur même de
cet article profeffe la Littérature au Lycée . Quand
il a accepté cette fonction , il n'a fait que lire
fucceflivement à fes Auditeurs les différentes
parties d'une Hiftoire raifonnée de la Littérature
ancienne & moderne , depuis Homere jufqu'à
nos jours ; c'est un Ouvrage qu'il a fait , pouri
ainfi dire , fous leurs yeux & celaême prouve
que ce ne doit pas être l'objet d'un Etabliffement
public & permanent,
J'en dirai autant de la chaire de Péfie latine
du College Royal elle ne peut affurément
être mieux occupée ; c'eft M. l'Abbé de Lille'
*
180 MERCURE
qui en eft le Titulaire ; mais ceux qui n'ont pas
appris dans leur jeuneffe à fentir par eux- mêmes
les beautés de Virgile & d'Horace , iront-ils enfuite
les étudier au College Royal ? J'en demande
pardon à mon confrere : ceux qui aiment les
bons vers français feront bien de lire les fiens
les jeunes verificateurs y trouveront de quoi
Le former le goût ; mais je crois qu'il perdrait
à peu près fon temps à expliquer Virgile & Horace
; auffi n'en a - t-il guere perdu. On fent
que la chaire d'Eloquence latine n'eft pas plus
urile que celle de Poéfie ; ceux qui n'ont pas
appris en Rhétorique à entendre Cicéron , ne l'apprendront
pas au Collège Royal. La Médecine
pratique & l'Anatomie doivent être renvoyées aux
Ecoles de Médecine. Le Droit de la Nature &
des gens doit être profeffé dans les Ecoles des
Légiftes & des Publiciftes : je ne fais ce que c'eft
que le Droit Canon depuis qu'il n'y a plus de
Clergé , ni de jurifdiétion eccléfiaftique , &
que , hors le dogme , tout eft foumis aux loix
de l'Etat. Je n'entends pas davantage ce que
c'eft qu'une chaire d'Hiftoire & de Morale (1 ).
L'Hiftoire ne s'étudie que dans les livres ,
La Morale ne fe profeffe point.
Bornons-nous donc à cette efpece d'enfeigne
ment qui eft accompagnée de démonftrations &
d'expériences , & offre par conféquent des fecours
& des lumieres que tout le monde ne peut
pas fe procurer. La Géométrie , l'Aftronomie
La Mécanique, la Phyfique , la Chimie , PHif
toire Naturelle , voilà ce qui doit être profeffé au
(1 ) M. Garat fait au Lycée , avec un fuccès très- mérité
un Cours d'Hiftoire ; mais il fair dans fon genre , comme
moi dans le mien : il lis un Ouvrage fur l'Histoire .
Collége
DE FRANCE. 181
College Royal , par des hommes d'un mérite
affez fupérieur pour éclairer les travaux & les efforts
de ceux qui cultivent les fciences en leur par
ticulier. Je regarde auffi l'étude approfondie de
la Langue grecque , comme une fcience ; & fans
rien ôter au mérite reconnu de ceux qui l'enfeignent
, je défire qu'on y appelle quelque jour
M. de Villoifon. Les Langues Orientales font
une étude difficile & rare , & que la politique
a rendue néceffaire ; c'eft une raiſon pour la
conferver & la perpétuer.
Mais pour tirer tout le parti poffible de cette
Inflitution dégénérée , & ne la pas rendre illu
foire , ne bornons point les féances à trois
heures par femaine , pendant la moitié de l'année.
Les claffes doivent être ouvertes tous les
matins réguliérement pendant deux heures ; &
pour fuppléer les Profeffeurs en cas de maladie ,
& n'être jamais dans le cas de fruftrer le public ,
il faut adopter , comme dans l'Univerfité , des
Agrégés. Difons un mot de cette Inftitution récente
& de la forme qu'on peut lui donner.
ར་
Le nombre des Agrégés eft borné à foixante.
Il fut le rendre illimité , & fubftituer ce grade
à la maitrife des Arts , dont on a tant abufé.
Autant les examens de celle- ci étaient infuffifans
, autant ceux des Agrégés font féveres
parce que ce titre les met en droit d'afpirer
feuls aux chaires vacantes , & cette efpece de
concours a déjà valu à l'Univerfité d'excellens
fujets. Pour rendre à chaque vacance de chaire ,
le concours moins nombreux & le choix moins
difficile , il ferait bon que les Agrégés fe partageaflent
entre les différens Collèges , & que
chacun d'eux attachât fon grade à telle ou telle
maiſon ; l'élection fe ferait , à la pluralité des
N°. s. 29 Janvier 1791.
K
182 MERCURE
voix , par les Profeffeurs & le Principal : celuin'aurait
que fa voix , comme un autre ; mais
en cas de partage , la fienne aurait la prépondérance.
Dans tous les cas , l'élection doit être
ratifiée par la Municipalité. J'obferverais la même
forme pour le choix d'un Principal dans chaque
College je l'attribuerais aux Profeffeurs. En cas
de partage , le Tribunal du Recteur déciderait .
Pour donner plus de confiftance & plus de vie
au College Royal , j'y admettrais des penfionnaires
, & ce ferait ceux qui , au fortir du , Col
lége , voudraient perfectionner leurs études pat
un travail de quelques années , & préféreraient
l'emploi de ces années précieuſes au dangereux
empreffement d'entrer à dix fept ans dans le
monde.
-
On demandera ce que je fais des Profeffeurs
que je fupprime : rien n'eft moins difficile. Ceux
de cinquieme , quatrieme , troisieme & feconde
, fe trouvent naturellement placés dans mes
quatre claffes d'Humanité. A l'égard de ceux de
fixieme & de feptieme ( ceux -ci ne font pas meme
Profeffeurs ; ce font des Maîtres d'école pay és
par les Ecoliers ) , les premiers auraient la penfon
d'émérites , qui aujourd'hui équivaut à peu
près aux honoraires , & pourraient d'ailleurs ,
comme les Agrégés , le préfenter au concours
pour la premiere & feconde des Humanités. Les
Maîtres de feptieme pourraient être placés dans
les premieres Ecoles.
Si l'on fupprimait des Profeffeurs du Collége
Royal , fuivant les vues que j'indique , il ferait
jufte de leur laiffer leur traitement pendant
toute leur vie. C'eſt un objet de peu de conféquence
pour l'Etat , important pour ceux qui
L'ont acquis par de longs travaux ; & de cette
maniere, perfonne n'aurait à fe plaindre,
DE FRANCE. 183
Le Profeffeur d'Eloquence Françaiſe au Collége
Royal ferait au choix du Confeil général
de la Municipalité : il doit être dicté par la voix
publique . Elle pourra't auffi prendre les Maîtres
des premieres Ecoles ; parmi les plus inftruits
& mieux famés des Maîtres - es - Arts . Les
autres , qu'il ferait d'autant plus dur de foumettre
à un nouvel examen , qu'aucune loi ne
doit avoir d'effet rétroactif , feraient admis
comme Agrégés au concours pour la premiere des
Humanités .
Je regarde comme un point capital que nul
n'ait le droit d'ouvrir une maifon d'éducation
publique , hors celles qui feront légalement au
terifées fous le titre générique d'Ecoles Municipales.
Ce n'eft pas - là gêner la Liberté ; car
la Liberté eft foumife à l'ordre public établi
par la Loi , & n'eft même autre chofe que
l'obéiffance à cet ordre : or l'éducation fait une
partie effentielle de l'ordre public ; & il ne doit
pas être plus permis de fe porter pour Inftitureur
public fans titre & fans examen que d'avoir
une boutique d'Apothicaire , fans avoir
prouvé que l'on connaiffait les drogues ; fans
quoi les individus courraient rifque d'être empoifonnés
au moral comme au phyfique . Quant à
ceux qui ne voudraient pas fubir d'examen , ou
qui n'auraient pas été admis , il leur reftera toujours
la reffource des leçons particulieres que
donnent dans les maifons ceux qui enfeignent
à lire , à écrire , les Mathématiques , la Géographie
, les Langues , &c. Chacun eft maître de
choifir chez foi , à fes rifques & fortunes , le
Précepteur qu'il veut donner à fes enfans. Il
n'en eft pas de même d'un Etabliffement public.
Je lafferais fubfifter le penfionnat dans fes
K 2
184
MERCURE
Colléges , mais feulement en chambre commune ;
ce qu'on appelle les chambres particulieres n'y
doit pas être foulfert , comme trop contraire à
cet efprit d'égalité qu'il eft fi effentiel d'infpirer
de bonne heure aux jeunes gens . Ceux qui ne
voudraient pas mettre leurs enfans en chambre
commune , peuvent leur donner chez eux des
Inftituteurs particuliers , & les envoyer en claffe
au College.
Les chambres communes ont fans doute des
inconvéniens pour les meurs ; mais auffi elles
ont de grands avantages ; & quant aux abus qu'il
faut prévenir , c'eft au Corps Municipal à rédiger
dans fa fageffe un plan général d'adminif
tration intérieure pour toutes les maifons d'éducation
foumises à fa furveillance . L'office des
Vifiteurs généraux ferait de voir fi l'on s'y conforme
exactement ; & fi les Principaux s'appercevaient
dans la pratique d'un vicè réel OLL
d'un mieux poffible , eft à eux a le propofer
au Tribunal du Recteur , qui en référerait à la
Municipalité.
,
Chaque Principal dot difpofer chez lui des
places de Maîtres de chambres communes & de
celles d'adminiftration domeftique Son droit &
fon intérêt s'y trouvent réunis de maniere à faire
préfumer de bons choix. Il ne doit d'ailleurs avoir
aucune autorité fur les Profeffeurs , fi ce n'eft
celle de faire obferver les ftatuts généraux , &
d'en déférer la violation au Tribunal.
on
Je rappellerais les Prix de l'Univerfité à leur
inftitution primitive . On fait que dans l'origine.
n'était admis à y concourir que depuis la
Troifieme jufqu'à la Rhétorique : ce fut lorfque
le Parlement commença à fe mêler des affaires
de l'Univerfité , que les baffes claffes furent apDE
FRANCE.
185
pelées à ce concours c'eft ignorer la proportion
naturelle des chofes : il eft ridicule de couronner
avec tant d'appareil quelques contruc
tions latines. Il faut fans doute de l'émulation
dans tous les grades ; mais les Prix des Colleges
fuffifent aux claffes inférieures , & l'efpoir
d'être un jour choifi dans les fupérieures , pour
compofer à l'Univerfité , eft un motif affez
fort d'encouragement au travail . Pour relever
les récompenfes & les diftinctions , il conviend
à tout âge & en toute chofe , de les clailer
de les mefurer. Dans le nouveau plan ,
Frix de l'Univerfité feraient réfe.vés pour
derniere des Humanités , la Rhéorique &
grande claffe d'Eloquence Françaife . Les Pitz
celle-ci feraient donnés par le Maire de Paris ;
& le premier ferait celui d'Eloquence délibérative.
La diftribution en ferait promulgrée en
frança's. Les autres , proclamés en latin , fera ent
diftribués par le Recteur.
a

$
J'ai lu chez quelqu'un de ces nouveaux Moraliftes
, de ces finges de Rouffeau , qui s'imaginent
atteindre à fa réputation & à ſon éloquence ,
en courant comme lui après les paradoxes , qu'il
n'y avait rien de fi dangereux que ces diftribu
tons de Prix ; qu'elles ne font bonnes qua
donner de l'amour-propre aux enfans , qu'à
accoutumer à vouloir être les premiers , &
Voilà de plaifans Maîtres de morale ! que penf
de font
gens qui en encore à ignorer
que tout le monde fait , qu'il faut un mo
Eile à l'homme , & fur - tout dans le premier âge
pour lui faire aimer le travail & fuir la digipation
? Et ce mobile peut-il être autre choſe
Pamour propre bien dirige ? Ces fub imes rigores
voudraient- ils par hafard l'anéantir dans Thomque
K 3
186 MERCURE
me? Ce projet ferait une belle conception ! Et par où
donc voudraient-ils mener les hommes ! par le
beau idéal , le to naλon de Platon ? Quelles rêveries
! ils voudront être les premiers ! - -
Le grand mal de voul ir faire mi ux que les
autres ! Celui qui ne le veut pas eſt un pauvre
homme ; & celui qui feit de ne le pas vouloir
eft un hypocrite . Mais il vaut mieux
être le premier en fagcffe & en vertu. Qui
en doute ? l'un empêche-t-il l'autre ? En ce cas ,
profcrivez donc les talens ; car l'ufage peut en
être indifféremment bon ou mauvais ; & il en eft
de même de tout ce qui appartient à l'humanité.
Qui doute qu'une bonne éducation ne doive enfeigner
que les talens ne font eftimables que lorfqu'en
les emploie au bien de fes femblables ?
Mais avant d'avoir à faire cette leçon' , il faut
faire naître ces talens qui coutent à acquérir ;
& comment y parviendrez-vous fans l'émulation ,
qui n'eft autre chofe que l'amour - propre bien
entendu Il y a eu dans l'antiquité un petit
Peuple ( les Méthymnéens , je crois ) fi fottement
jaloux , qu'une de fes Loix portait : Si.
quelqu'un veut exceller parmi nous , qu'il aille
exceller ailleurs , Mais auffi l'on ne connaît
ce Peuple que par ce ridicule excès de ſottile &
d'envie.
Remarquez que ces prétendus Philofophes qui
déclament ainfi contre l'amour propre , ne peuvent
pas être mûs par l'amour du vrai & du
bon , puifque leur doctrine y eft évidemment
oppofée par les conféquences ; & qu'il en rẻ-
fulte qu'en voulant paraître au deffus de l'amourpropre
, i's en affichent , un le plus mal entendu
de tous , celni de fe diftinguer par la fingularité
des paradoxes ; ce qui eft toujours fi facile
en comptant peur rien le bon fens.
DE FRANCE. 187
:
Je compte pour beaucoup affurément , & je
mets avant tout les qualités morales auffi vou .
drais-je , aux autres Prix qu'on diftribue dans
les Ecoles , en ajouter un nouveau , celui de
fageffe il ferait donné avant tous les autres ,
dans chaque maiſon feulement ( ce n'eft que là
que l'on peut fe comparer ) , & ce feraient les
Ecoliers eux-mêmes qui , en donnant leur fuffrage
par écrit , le décerneraient à celui de leurs
camarades qui , pendant le cours de l'année , leur
aurait paru le plus docile à fes Maîtres , & le
meilleur , fous tous les rapports , envers fes condifciples.
Je ferais bien étonné s'il arrivait qu'ils
fe trompaffent , & que l'avis du Maître ne fût
pas d'accord avec le leur ; mais dans tous les
cas il faudrait s'en tenir à ce dernier.
Ce Prix , qui aurait , je crois , de très - bons
effets , n'aurait plus lieu dans la grande claffe
d'Eloquence Françaife . Ils doivent tous , à l'âge
de feize à dix -fept ans , être cenfés affez fages
relativement aux claffes précédentes , pour n'avoir
pas befoin d'un Prix de fagcffe.
>
Je pourrais m'étendre fur les détails ; mais il me.
fuffit d'avoir pafé , autant qu'il eft en moi , les
principes généraux fur lefquels je pense qu'on
dot regler l'Infiitution publique , qui fera la
véritable régénération morale néct faire four
affermir la régénération politique ; & c'eft de ce
grand ouvrage que tout bon City.n doit dire :
"
Hoc opus , hoc ftudium parvi properemus & ampli ,
Si Patriæ volumus , fi nobis vivere cari.
HOR.
( D ...... )
188 MERCURE
1
NOTICE S.
Gazette des Tribunaux , ou Journal du temps
préfent.
CET Ouvrage , qui paraît depuis 1775 , n'a
éprouvé que quelques mois d'interruption . La
deftruction des anciens Tribunaux , la nouvelle.
organiſation qui en a été la fuite néceffaire , & la
Révolution ont obligé de fufpendre un Ouvrage
qui ne pouvait fubfifter qu'autant que la Magif- /
trature exercerait paisiblement les importantes.
fonctions. Aujourd hui l'Auteur fe difpofe à con-:
tinuer fa Feuille , mais avec les changemens que
le nouvel ordre des chofes rend indifpenfables ;
elle fera de 16 pages in- 89 . divifée en 3 Parties !
dans la ire, on trouvera toujours la notice d'une
Caufe intéreffante , d'un Mémoire , d'un Plaidoyer
ou d'un Difcours analogue aux circonftances ; la
2e. Partie contiendra les Difcours au Roi , à la
Reine , leurs Réponfes , & un apperçu des difcuffions
, réſultats ou Décrets de l'Affemblée Nationale
; enfin la 3e. aura pour objet de faire
connaître les Livres , les Feuilles éphémeres , les
Profpectus, les Avis , les Brochures , les Tableaux ,
Sculptures , Eftampes ; enfin ce qu'une ville immenfe
peut produire de Nouveautés dans les.
Arts & dans tous les genres de Littérature Françaife
. A l'égard des Questions fur des points de
Droit , de Jurifprudence , &c. & des Réponſes
qui feraient faites par des Jurifconfultes , nous
les donnerons par Supplément , lor que les Parties
intéreffées voudront en fupporter les frais.
Le prix de cette Gazette , que l'on recevra
DE FRANCE. 189
franche de port tous les Jeudis , à compter du 24
Février prochain , fera de 15 liv . pour Paris ›
& 18 liv. pour la Province. Le Bureau eft ouvert
chez M. Mars , Homme ,de Loi , ci-devant Avocat
aux Confeils du Roi , & Confeiller au Confeil
Souverain de Bouillon , rue de la Harpe
N° . 20 , vis-à- vis la rue Serpente. Toutes les
quittances d'Abonnement feront fignées & paraphées
de l'Auteur pour éviter les méprifes ; &
aucunes lettres & aucuns paquets ne feront reçus
s'ils ne font affranchis .
Antiquités Nationales , ou Recueil de Monumens
, pour fervir à l'Hiftoire générale & particuliere
de l'Empire Français , tels que Tom--
beaux , Infcriptions , Statues , Vitraux , Frefques ,
&c. tirés des Abbayes , Monafteres , Châteaux
& autres lieux devenus Domaines Nationaux ;
par Aubin - Lanis Millin préfenté à PAomblée }
Nationale , & favorablement accueilli par elle.
W >
On a donné dans cet Ouvrage la repréfentation
des divers Monumers Nationaux , tels
qu'anciens Châteaux Abbayes , Monafteres ;
enfin de tous ceux qui peuvent retracer les grands
événemens de notre Hiftoire . On y a joint les
figures des Tombeaux , Infcriptions , Vitraux ,
Châtles , Reliques , Vafes de forme extraordinaire
; enfin tout ce qui nous a paru capable
de piquer la curiofité de ceux qui veulent connaître
les détails de notre Hiftoire , devenue une
des principales études des vrais Citoyens . Rien
n'a été négligé pour la repréfertation fidelle des
objets & pour l'exactitude des defcriptions ; tout
a été puifé dans les meilleures fources , & appuyé
fur les autorités les plus refpectables. On a
190 MERCURE
auffi cru devoir numéroter féparément les defcriptions
de chaque lieu , afin que ceux qui le
défireront puiffent les claffer par Départemens.
a
Six Livraiſons formeront un Volume , qui fera
accompagné d'une Table de matieres , & d'une
autre des Auteurs cités. La premiere , compofée
de dix feuilles de texte & de dix Eftampes
été mife au jour le 10 Décembre ; les autres fuivront
exactement de meis en mois . L'Auteur prie
tous les Savans , les Artiftes , enfin tous ceux qui
auraient des confeils ou des renfeignemens à lui
donner , de vouloir bien les lui adreffer francs
de port , au Bureau de la Soufcription ; il les
recevra avec reconnaiſſance .
Le prix de la Soufcription pour l'année , compofée
d'environ 96 feuilles in-4 ° . belle typogra
phie , & de 110 Eftampes , eft de 84 liv. pour
Paris ; & par la Pofte , jufqu'aux frontieres , on
payera 8 liv. de plus. On fera libre de ne payer
que par quartier , fi l'on veut , en payant le
premier d'avance ; ainfi de fuire pour les autres.
On foufcrit à Paris , chez M Drouhin , Edi cur
& propriéta re dudit Ouvrage , rue Saint-Andrédes-
Arts , No. 92 , juſqu'à Pâque ; & à cette
époque , rue Chriftine , N. z . On en tire so ex,
fur papier vélin. Il faut affranchir le port des lettres
& de l'argent. Cette condition eft de rigueur.
GRAVURES.
Portrait de M. l'Abbé Maury.
Les Portraits de ce célebre Député , qui ont par
jufqu'à préfent , & qui ne font qu'en bufte
n'ayant été deffinés que de mémoire , manquent
tous de reffemblance. Celui qu'on annonce iei ,
DE FRANCE. 19
& qui eft peint d'après nature , outre le mérite
d'une reffemblance parfaite , aura de plus l'avan →
tage , par la richeffe des acceffoires & les foins
qu'on apportera à fon exécution , de former une
Eftampe digne d'être placée dans les cabinets
des Amateurs. Elle aura 15 pouces de haut fur
12 de large. Ceux qui auront foufcrit , auront
les premieres Epreuves.
Prix de la Soufcription , 6 liv. rue des Saints-
Peres , No. 63, chez M. Bernard d'Agefci , qui
a peint le Tableau ; ou rue des Francs- Bourgeois ,
près la Comédie Françaife , N ° . 127 , chez M.
Godefroy, Graveur du Roi , des Académies de
Vienne , Londres , Rouen , & c,
que
Carte de la Mer du Sud , dreffée par ordre du
Roi pour l'éducation du Dauphin ; contenant ce
Ï'Auteur a pu raffembler de tous les Voyages
imprimés & manufcrits qui lui ont été communiqués.
Elle renferme au moins 1500 points calculés
par des obfervations Aftronomiques , & s'étend
depuis le 65e. degré de latitude Sud , jufqu'au
78e. Nord , & depuis le 70e. de longitude
Eft , jufqu'au 30e. Ouest.
Le Roi ayant daigné communiquer à l'Auteur
ce qui lui eft connu du Voyage de M. de la
Peyroufe , on y verra les découvertes & la route
de cet infortuné Voyageur , ainfi que les routes
de trente-un autres célebres Marins.
Les 6 feuilles , plus grandes que celles de l'Académie
, ne couteront que le même prix , 24 liv.
pour ceux qui fe feront fait infcrire avant le 1er.
Mai , & le double après cette époque . On livrera
les feuilles à mefure; & le tout fera terminé dans
le courant de 1792. Cette Carte eft gravée par
M. Perrier , dont les talens font bien connus.
192 MERCURE DE FRANCE.
On s'infcrit chez Didot , fils aîné , rue Pavée-
St-André-des-Arts.
L'Hiftoire abrégée de la Mer du Sud paraîtra
dans le cours de cette année. Les 2 premiers Vol .
de plus de 500 pages , feront mis au jour au 1er.
Avril , & le 3e. avec un Atlas de plus de vingt
Cartes , peu de temps après. Chaque Volume ,
ainfi que l'Atlas , coutera 9 liv:
A VIS.
L'Ouvrage intitulé de la Conftitution & des
Loix , rédigé par MM. le Chapelier , Beaumetz ,
de Curt & Barere , Députés à l'Affemblée Nationale
; Pérignon & Garnier , Avocats ; & annoncé
dans le Mercure du 8 Janvier 1791 , ayant
été retardé pour des circonftances particulieres ,
paraîtra le 1er. Février 1791 ; & les 1er. 8 , 16
& 24 de chaque mois , fuivant le Proſpectus. On
foufcrit à Paris , chez Defenne , Libr . au Palais-
Royal , moyennant 25 liv. pour l'année , ou 12 l .
IO L. pour fix mois.
Il paraît des contrefaçons très-fautives de la
Chaumiere Indienne , par M. Bernardin de Saint-
Pierre , ainfi que de Paul & Virginie. On avertit
que les véritables éditions de ces deux Ouvrages
ne fe vendent que chez Didot jeune , quai des
Augunins.
T ERS.
Charade, En. Log.
Mémoires .
TABLE.
57; La néceffité du Divorce.
159ar.étés .
16 Notices.
165
167
188
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
POLOGNE.
De Varfovie , le 9 Décembre 1790.
DANS
ANS le quatrième volume de fes
Euvres Hiftoriques , le feu Roi de Pruffe
nomme les Polonois , lá nation la plus légère
& la plusfrivole de l'Europe. Cejugement
eft bien rigouretix , mais l'hiftoire du Gouvernement
de la République l'a trop fouvent
juftifié. A peine avions nous recouvré
notre indépendance , qu'on travailloit à
nous ménager de nouveaux fujets de trou-
Bles. Mille intrigues , vingt factions principales
ou fubalternes ont concouru à la
Confection de nos nouvelles loix ; ces partis
fe divisent la République , & fi l'union fait
Nº. 1. ter. Janvier 1791. A
*
( 2 )
སསོ
£
fa principale force , il faut convenir qu'elle
eft encore bien foible,
Les Diétines cependant ont été moins
Turbulentes qu'on ne le craignoit. Les
nouveaux Nonces élus feront préfentés le
16 à la Dière . Prefque toutes ces affemblées
électorales fe font accordées à propofer
l'Electeur de Saxe , en qualité de fucceffeur
éventel à la Couronne; mais fous
1 réfèrve des Pata Convinta , & des autres
conditions , conformes aux mandats que
voudra preferire la Diète . Les opinions
ont été très partagées fur ces inftructions
à intimer aux nouveaux Nonces : fi quelquesuns
de ces mandats preva'oient , fûrement
P'Electeur de Saxe refferoit la fucceflion .
On ne fait où des Gazettes ont pris que ,
dans diverfes Diétines , on avoit propolé
le Duc de Brunswick : fa religion feule , à
moins qu'il ne voulut embrailer le catho
licifme , l'écarteroit du Trône. Dans, plufieurs
. Diétines on a déclaré qu'on regar
derpit comme traîtres à la Patrie , quiconque
propoferoit de déférer la fucceffion, à
une autre famille , au refus de l'Electeur
de Saxe. ,
3
& -to . En , Volhnie , où le Général Branicki ,
-l'un des plus anciens & des plus zélés
Partisans de la Rubie , a dirigé les affemanblées
, on affure qu'on a eu l'extravagance
de propofer pour fucceffeur éven(
3))
fuel le Prince Potemkin , ileft oncleodu
Général de Branicki.
9.
i
Une partie des mandats enjoint aux
Nonces de s'oppofer à la conce , on des
lettres de Noble de cet ennobliffement
à prix d'argent , eft en effet bien révoltant
; mais comme chaque diplome fe paye
500 ducats , & celui d'indigenat 000 ducats
, la Diète les, multiplie. Chaque jour
groffilant la lifte des perfonnes de l'érat
civil qui follicitent l'aggrégation fiſcale , on
a décidé de la reftreindre aux individus prefentés
par chaque Nonce. Dans un écrit
récent fur ces ennobliffemens , on reproche
vivement à la Dière , de dépouiller ainfi la
Bourgeoilie de fes membres les plus ailes ,
& de fe faire un revenu dela vanité. L'auteur
voyant dans cetre mefure un coup fúnefte
porté au commerce , à l'induftrie , &
à un grand nombre de familles , eftime
très-juitement , qu'il eût mieux valu donner
à la Bourgeoifie entière une exiſtence
politique , que de la pervertir ainfi par des
brevets l'ancienne , Nobleffe méprifera ces
intrus , qui , épris de leur nouvelle exiſtence ,
-négligeront de cultiver un état utile.
"
7
Le projet de convention entre la République
& la Suède étant rédigé , le Miniftre
de S. M. S. l'a fait paffer à Stockholm.
La dernière paix du Roi de Suède avec la
Ruffie a été fi mal reçue à Conftantinople ,
que M. deHeidenftam , Miniftre Suédois fera
A 2
( 4 )

probablement obligé de quitter cette Caltale
, par les défagrémens qu'il y éprouve.
Il a remis , fans effet , le 27 Septembre
dernier , un Mémoire explicatif au Reis-
Effendi la fubftance de cette note mérite
d'être connue.
Le Roi d'Espagne , y eft- il dit , s'intereffoit
vivement depuis plufieurs mois à rétablir la bonne
harmonie entre la Suède & la Ruffic ; on fit à
-S. M. Suédoife les propofitions les plus avantageufes
relativement à une nouvelle frontière ;
elle répondit qu'elle ne pourroit prêter la main
à rien , à moins qu'au préalable , on ne convint
que la Crimée feroit rendue à la Porte, & que
la paix feroit commune à la Suède & à la Porte.
L'Impératrice de Ruffie fit enfuite connoître au
Roi que , puifque d'autres Puiffances , & particu-
-lièrement la Cour de Berlin s'intéreffoient à la
Porte Ottomane , & que cette intervention ' étôit
accompagnée de beaucoup de difficultés , elle avoit
chargé le Prince Potemkin d'ouvrir avec la Porte
une négociation particulière. Enfin , le Miniftre
de Ruffie fit le 13 Août dernier , au Miniftre
de Suède chargé de fuivre les négociations , la
déclaration formelle que l'Impératrice confentoit
à faire la paix avec la Porte fous les conditions
fuivantes ;
1°. Qu'elle rendroit à la Porte toutes les conquêtes
qu'elle avoit faites fur elle pendant cette
guerre , 2 ° . que la Crimée fera rétablie dans
Fétat d'indépendance , que le traité de Kainardg
fui avoit affurée ; 3 °. que les fortereffès d'Oczakof
& de Bender feront rafees .
Le Roi de Suède , qui avoit eu le malheur de
':( 5 ).
perdre dans la dernière campagne 9 vaiſſeaux de
ligne , qui favoit que la Cour de Berlin s'occu
poit à négocier une paix particulière entre la
Porte & la Cour de Vienne , qui avoit déja
dépensé en frais extraordinaires au - delà de 70
millions de piaftres , & qui ne recevoit point les
fecours , qui lui avoient été promis folemnelle
ment , fe refufa cependant conftamment à accepter
feul la paix que fa nation defiroir vivement
; S. M. infifta pour que les deux articles
fuivans fuffent inférés dans les préliminaires
favoir qu'elle feroit feule médiatrice entre
la Porte & la Ruffie , 2º . & que la Crimée fc-
Loit rendue purement & fimplement ; mais l'lupératrice
s'oppofa à l'infertion de ces articles &
Fejetta entiérement le fecond. Son Miniftre ecpendant
affura le fondé de pouvoirs de guide ,
que fa Souveraine ne refuferoit pas la médiation
du Roi , dès que la paix entre la Ruffie &
la Suède feroit fignée . Quant à la Crimée , ce
Miniftre déclara de nouveau que l'Impératrice
étoit portée à rétablir fon indépendance , que
S. M. avoit toujours rempli fidèlement es
promeffes , & que l'infertion de cet article dans
le traité avec la Suède n'ajouteroit aucune nou
velle force à fa promeffe. Ces déclarations , dont
il eft fait mention dans les actes de négociations ,
ce voeu connu de l'Impératrice pour la paix , &
les ouvertures particulières fatisfaifantes qui ont
été faites au Roi par les Comtes d'Ofterman &
de Besborodko , principaux Miniftres de l'Impératrice
, décidèrent le Roi à faire figner la paix ,
fans infifter davantage fur l'infertion des fufdits
articles. Son objet principal eft qu'à l'avenir la
Ruffie ne pourra plus fe mêler des affaires inté-
Lieures de la Suède , & qu'elle affure à La Porte
A 3
( 6 )
:
une paix durable , dans laquelle il ne fera peint
fit mention du traité d'Abo de 1742 , qui avoit
anéanti les effets d'alliance concluc entre la Porte
& la Suède en 1739 de cette manière , cc
alliance a reçu une nouvelle confiance . » --- Le.
Miniftre de Suède en envoyant fon mémoire au
Reis Effendi , lui a demandé une conférence particulière
, dans laquelle il lui fera connoître plus
particulièrement les motifs qui ont engagé le Roi
fon maitre , à faire fa paix avec la Ruffie.
Le Prince Charles de Radziwill , Palatin
de Wina, eft mort dans les terres , le 22
Nov. A l'avènement du Roi au Trône , ce
Magnat , le plus riche particulier de l'Eu-
Tope , poffédoit 12 à 14 millions de florins
Polonois de revenu . It fe mit à la tête de
la confédération formée contre l'élection du
Roi, & contreles Ruffes qui l'avoient foatenue.
La Famille Czartoriski , l'ayant fait
condamner , les Ruffes fe fervirent enfuite
de fes reffentimens & le firent nommer
Maréchal de la confédération de Radom ,
qui précéda , en 1,66 , la Diète de Varfovie
, où les violences du Prince de Repnin
firent la loi à la République, Le Prince
Radziwill que les Ruffes gardoient à vue
dans fon Hôtel , échappa à leur joug , &
on le vit errer en Europe , après les revers
de la confédération de Bar. Succellivement ,
i féjourna à Francfort , en Bavière , en
Italie , à Conftantinople . Pluheurs de fes
Châteaux où le trouvoit un mobilier im ;
menfe , furent faccages par les Rufles : fes
( 7)
revenus étant féqueftrés, fa principale reffource
fut dans fes douze petites ftatues des Apô- *.
tres , en or malfif , qu'il avoit fouftraites
au pillage de fon Château de Niefwitz . I
fut un des derniers confédérés à rentrer en
Pologne , où il vécut obfcurément jufqu'à
la mort. Quoique fa fortune fut très diminule
, il laiffe un héritage immenſe à fon
petit neveu , fils du Prince Jérome de Radgiwill
; & de la Princefle de la Tour &
Taxis 1).
ALLEMAGNE,
De Francfort fur le Mein , le 24 Decembre!
On eft encore fans nouvelles de l'ouverture
du Congrès de Sziftove , & même
de l'arrivée du Marquis de Luchefini . Trois
mois fe font ainfi écoulés en négociations
pour ce Congrès , avant le raffemblement
des négociateurs . Peut-être même l'approche
des Ruffes , & la prife de Kilia feront-
( 1 ) Le Rédacteur qui vit plufieurs fois le Prince
Charles à Francfort , en 1772 , le queftionnoit
un jour fur les reffources qui pouvoient refter
aux confédérés , & lui avoue qu'il n'en voyoit
aucune . Le Prince lui répondit , que par cette
raiſon , il ne rentreroit pas en Pologne , & il
ajouta , omnia fi perdas , famam fervare memento
.
i
A 4
( 8.)
ils transférer au delà du Danube le lieu de
cette affemblée.
On vient de réimprimer à Berlin le premier
volume , & publier le fecond des Deductions
& Mémoires pour la Cour de Pruffe,
par M. le Comte de Hertzberg. Ce Recueil ,
l'un des plus importans à l'hiftoire de la dexnière
moitié du fiècle , embraffe l'époque
de 1756 à 1789. Les mémorables tranfactions
qui ont eu lieu , & les grands évènemens
auxquels a participé la Monarchie
Pruffienne , pendant cet intervalle , rendent
ce livre bien digne d'attention. On y voit
marcher de concert le génie de Frédéric II,
& celui de fon Miniftre. Peu d'hommes
dans l'efpace des fiècles , ont autant & aufli
utilement travaillé à la fûreté & à la gloire
de leur Patrie. Aux plus vaftes connoiffances,
M. de Hertzberg a joint des études , des méditations
continuelles , & fans l'amour infatigable
du travail qui le diftingue , jamais il
n'eut fuffi aux devoirs immenfes de fa place ,
qu'il a remplis avec la plus étonnante activité.
Tous les Mémoires que renferme ce
Recueil , font écrits avec clarté & préciſion :
les queſtions les plus difficiles y font réfumées
fans longueur. Les écrits pour la paix
de 1756 , fur l'échange projetté de la Bavière
, & fur la ligue Germanique , font
entr'autres des modèles de fimplicité , de
concifion & de logique. M. de Hertzberg a
enrichi cette Collection de deux Traités qui ,
( و )
jufqu'à ce jour n'avoient pas été imprimés ,
& qui font le Traité de paix fait en 1762 ,
entre la Pruffe & la Rulie , & le Tra té d'amitié
conclu en 1761 avec la Porte Ottomane.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres le 24 Décembre 1790 .
Pendant la quinzaine dernière , le Parlement
a traité divers objets , d'un intérêt
trop général pour être paffés fous filence. La
convention avec l'Espagne eft fortie triomphante
des deux Chambres , comme des
négociations.
Lee13 , dans la Chambre haute , Lord Kinnoul,
l'un des nouveaux Pairs , députés pour l'Ecoffe ,
fit la motion de préfenter une adreffe à S. M. ,
pour qu'elle ordonna à fes Miniftres de produire
tous les mémoires refpectifs envoyés à la Cour
d'Espagne , ou reçus d'elle , au fujet du différend
qu'a terminé la convention .
Toute motion , non annoncée d'avance , étant
regardée comme une furprife indigne du Légiflateur
, & par conféquent profcrite par les règles
de la Chambre , on paffa à l'ordre du jour.
Le Duc de Montrofe après avoir développé les
avantages de la convention , & provoqué toutes
les objections qu'on feroit tenté de lui faire ,
propofa une adreffe de remerciement au Roi .
La queftion préalable fur cette motion fut invoquée
& défendue par les antagoniſtes du miniſtère,
A S
༣ །
( 10 )
au nombre defquels fe trouva le Marquis de
Lanfdown. Ce Pair eloquent , qui , depuis fa
retraite du miniftère , étoit refté dans une espèce
de neutralité , Le déclara ouvertement. « Lorique
les Miniftres , dit - il , prennent fur eux les rifques
de la refponfabilité , il eft jufte de leur accorder
une généreufe confiance , & de leur laiffer la
marge néceffaire ; mais ils doivent toutes les
informations requifes au Parlement , qui peut
exiger compte de leur conduite . Nous fommes
donc en droit d'exiger la communication des
papiers fur lefquels ou peut apprécier leurs opérations
) ,
L'Orateur parcourut enfuite la politique Angloife
, dans fes rapports avec les Puiffances du
Nord & du Midi , & y trouva des motifs de cenfurer
l'adminiftration .
Lord Grenville , Secrétaire - d'Etat au département
de l'intérieur , répondit à toutes les critiques
du Préopinant . « Le droit de négocier ,
fans l'intervention du Parlement , dit- il , ce droit
que la Conftitution affure à la Couronne , eft
une des meilleures preuves de l'excellence de nos
Loix. Elles rendent aufli les Miniftres refponfa
bles de leurs opérations : celles - ci font maintenant
publiques ; la Chambre a dans fes mains tous les
papiers qui peuvent être néceffaires à ſon jugement
, & à moins qu'elle ne foupçonne les faits
d'infidélité , ou les Miniftres de malverfation ,
nul motif ne peut la faire infifter fur une demande
, dont elle ne fe diffimule pas l'imprndence
».
La queſtion préalable fut rejettée par 73 voix
contre 30 , c'est - à- dire , à la pluralité de 43 , &
l'adreffe de remerciment au Roi , fût réfolue
fans oppofition
*
( m)
La même queftion fut débattue le lende
main , 14 , dans les Communes. M. Grey fit
la demande des papiers , & la motiva avec
beaucoup d'étendue & d'acrimonie . Trèspeu
de Membres marquans foutinrent cette
motion ; mais elle eut pour defenfeur, l'Hercule
de l'Oppofition , M. Fox. Ce célèbre
Orateur donna de nouvelles preuves de fon
inépuifable fécondité , de fon adreffe à faire
valoir des argumens foibles , à atténuer des
argumens forts , & de la profonde tactique
qui le diftingue . M. Pitt termina le débat
par une réplique décisive . De part & d'autre ,
ce furent les mêmes bafes de raifonnement
déja employées dans la Chambre hautë . 123
voix appuyèrent la demande d'ajournement
qu'avoit formé M. Fox , & 247 la rejettèrent.
Avec cetre fupériorité de 124 fuffrages , M.
Pitt fit paffer l'adreile de remerciment aut
Roi , fans ultérieure oppofition .
Le 15 ce miniftre
préfenta
le tableau
des
dépenfes
extraordinaires
, occafionnées
par l'ar-
!
mement
, & des moyens
d'y
pourvoir
.
Les dépenfes dont il détailla
les différens chefs ,
s'élèvent à .
Elles feront couvertes
d'abord , en retirant de la
banque , & en employant à
l'ufage de la nation , les ..
dividendes non réclamés &
aw défaut de propriétaires' ,
3,133,000 1.
A 6
( 12 )
.
connus , reîtés en dépôt à la
banque.
Cette reffource fournira.. 500,000 1. fter!.
Le furplus à acquiter , montant à 2,600,000 1 .
fterl. fera rempli , juſqu'à extinction , par différentes
taxes additionnelles , dont quelques - unes
cefferont au bout de deux ans , & les autres
au bout de quatre : elles donneront un revenu
annuel de 800,000 liv. fter. , répartis d'après
l'état fuivant :
Taxe additionnelle fur le
fucre.. ·
Idem. Sur les liqueurs ſpi.
ritueufes..
Idem. Sur la dreche.
241,000 1. fter..
236,000
118,000
que
Idem. Aux taxes nommées
, affifed taxes telles
celles fur les fenêtres , les
maitons , les boutiques ,
à.
A
Permiffions de chaffe .
Total ...
100,000
25,000
730,000 1. fter.
Un nouveau règlement pour la perception de
la taxe fur les quittances & lettres de changes
bonifiera cette impofition , de manière à fournir
au-delà des 77,000 liv . fter. , qui completteront
les 800,000 liv. nécetfaires. Après quelques débats
, la chambre décida qu'il lui feroit fait le.
lendemain , rapport des réfolutions qui doivent
mettre le plan de M. Pitt en activité . Elles ont
paffé le 16 en première inftance , c'eft - à - dire
qu'elles ont été admifes à la feconde lecture..
La Chambre haute, atterdant le parti que
prendroient les Communes , à gardé juf(
13 )
conqu'ici
un profond t'ence fur l'impeachment
de M. Haftings. Nous avons dit que
tinuation de ce procès tenoit à une queſtion
politique.
сс
« La diffolution du parlement met - elle fin
ou non à un impéachemcnt , & devient - il néceffaire
de le continuer par fuite de la première
procédure , ou de le recommencer
entier? »
en
M. Burke , qui a porté dans cette affaire ,
une partialité , un emportement , une injuſtice ,
qu'on ne peut attribuer qu'à l'efprit de parti , ou
aux plus opiniâtres préventions , M. Burke a
mis le 17
ce problême en délibération . Il a
établi , & M. Pitt ainfi que l'Orateur M. Addington
, ont peufé comme lui , que la mort du
parlement n'avoit pas tué le procès , & que ,
fans le remettre en queftion , il devoit être pourfuivi
du point où on l'avoit laiffé : Divers exemplesamtérieurs
ont été cités à l'appui de cette opinion.
Prefque tous les jurifconfultes de la chambre ,
& fpécialement M. Hardinge , l'ont combattue .
Sur l'avis de M. Pitt , la difcuffion très- longue
a été ajournée , afin qu'on eût le temps de faire
dans l'hiftoire & les ftatuts , les recherches fuffifantes.
Dans le cours du débat , & par épiſode , divers
membres , tels que M. Baftard ; le colonel
Macleod; le chevalier Youngs , & M. Hardinge
fe font récriés vivement fur l'iniquité d'éternifer
ainfi un procès criminel.
On jugera du fondement de ce reproche
par le réfumé fuivant :
( 14 )
L'accufation a commencé dans les Communes ,
au mois de juin 1785 l'impeachment à été
porté devant les Pairs le 21 mai 1787. Le procès
a été ouvert le 13 février 1788 ,,a duré
pendant les trois feffions fuivantes & a occuppé
31 féances.
De vingt-une charges , quatre feulement ont
été plaidées par les commiffaires de l'impeachment :
l'accufé n'a pu encore faire entendre fes défenfes
ni produire fes témoins.
De vingt- trois queftions incidentelles élevéés
dans le cours du procès , les accufateurs en ont
perdu vingt.
Depuis l'ouverture quarante-trois Pairs ,
juges , font morts , ou ne font plus au Parlement.
A la place de ces derniers , l'Ecoffe a
député fix Pairs nouveaux , le roi en a créé 14 , &
14 autres entrés en majorité , ont pris féance dans
la Chambre haute ; ce qui donne une mutation
de 77 juges dans le tribunal.
On foupçonne M. Pitt d'amufer l'Oppofition
avec cet os ; cela peut être ; mais une
prolongation aulli cruelle , eft une moquerie,
un outrage à la liberté , un infigne
abus du droit d'accufation . Ure procédure .
de 3 ans ! Un Citoyen tenu , depuis 1785 ,
dans les liens d'une accufation ! L'Hiftoire
d'Angleterre n'offre pas
-un
premier
exemple de cette vexation . Le procès de l'infortuné
Strafford, finit en 11 jours. Celui du
Chancellier Lord Macclesfied en 1725 , dura
dix jours.
3..
( is )
ano's 19
PAYS - BAS.,
De Bruxelles le 25 Decembre.
La rapidité de la contre révolution Belgique
n'a donné lieu à aucun évènement
celui de cette foumiflion tranquille & univerfelle
, après des démonſtrations fi viriles , fi
enthoufiaftes , rem lit feul le tableau : il
fuffira à l'Hiftoire . Les troupes Autrichiennes
ne peuvent répondre à toutes les Villes qui les
appellent d'elles mêmes. Six Huffards & dix
Fufiliers prirent, le 11, poffeffion d'Oftende ,
dont le Magiftrat alla recevoir ces feize
hommes , folemnellement.
Ceux à qui ce grand changement laiffe
des regrets , y trouveront de grands adouciffemens
, (fi toutefois ils font raiſonnables)
dans la convention fignée , le 10 décembre ,
à la Haye, entre le Miniftre Plénipotentiaire
de l'Empereur , & ceux d'Angleterre , de
Prufle & des Etats Généraux. 11ft légitime
de douter qu'au milieu de leurs factions , de
leurs fyftêmes divers , de leur politique natu
relle , & de leurs brochures , les Belges fou-
Jevés fe fuffent donnés une meilleure forme
de Gouvernement , que ceile dont l'Empereur
leur affure la fanction . On la trouvera
développée dans cette convention que,
Voici : CC
( 16 )
сс
«Il eft notoire que dans les conventions , fignées
à Reichenbach le 27 Juillet 1790 , & enfuite duement
ratifiées entre S. M. le Roi de Hongrie &
de Bohême , actuellement Empereur des Romains ,
L. M. les Rois de la Grande-Bretagne & de Pruffe,
& LL. HH. PP. les Etats -Généraux des Provinces-
Unies , il a été arrêté , « que la tranquillité &
le bon ordre feroient promptement rétablis dans
fes provinces Belgiques , & que les trois puiffances
alliées concourroient au rétabliſſement de la domination
de S. M. Apoftolique dans ces provinces ,
moyennant l'afſurance de leur ancienne conſtitution
, avec une amnistie plénière , & l'oubli patfait
de ce qui s'eft paflé endant les troubles , le
tout fous la garantie defdites trois puiffances. »
Depuis ce temps les Miniftres des Cours alliées ,
affemblés à la Haye , n'ont ceffé , d'après les inftructions
pofitives de leurs Souverains , & de concert
avec le Plénipotentaire Impérial , d'employer
tous leurs efforts pour porter les provinces Belgiques
à une entière foumiffion , fous les conditions
tipulées ; laquelle foumiffion ne s'eft effectuée
cependant qu'après que les troupes Impériales ont
été employées pour s'en affurer. ,,
" Cefautaire ouvrage étant achevé, quant à fon
fuccès , conformément aux voeux des Puiffances
médiatrices , il ne reftoit , pour l'affermiffement
de l'autorité du légitime Souverain des provinces
Belgiques , pour la sûreté de ces provinces mêmes ,
pour l'intérêt commun des Puiflances refpectives ,
ainfi que pour refferrer entr'elles de plus en
plus les liens de l'amitié & du bon voisinage ,
que d'articuler les points fuivans , dont leurs Miniftres
, en vertu de leurs pleins pouvoirs , joints
en copie aux préfèntes , font convenus d'un plein
accord . »
( xx )
« Art. I. Sa Majefté Impériale , en recevant de
la manière ufitée l'hommage des provinces Belgiques
, leur confirmera à toutes & à chacune les
conftitutions , priviléges & coutumes légitimes ,
dont la jouiffance leur a été affurée , refpectivement
par les actes d'inauguration de l'Empereur
Charles VI , & de l'Impératrice Marie- Thérèſe ,
de glorieufe mémoire .
II. Sa Majefté Impériale confent à ensevelir
dans un parfait oubli tous les excès & défordres ,
commis dans le temps des troubles , & de les comprendre
dans une amniftie générale , qui fera inceffamment
publiée . Et , quoique la déclaration
fignifiée à Francfort le 14 octobre 1990 , ait été
limité cette amniftie à ceux qui , avant le 21 novembre
, auroient pofé les armes , & ceffè l'inftigation
contre l'autorité légitime , Sa Majeſté Imp.
veut bien egalement éteudre fa clémence à tous
& un chacun , en fe réfervant feulement l'exception
d'un très -petit nombre d'individus , qui , par
leur propre faute , fe font mis dans la malheureufe
fituation de ne pas mériter ce pardon général.
Cette exception regardera aufli les perfonnes coupables
de crimes & de délits , qui n'ont point de
rapport aux défordres , dont l'infurrection a été
accompagnée , bien entendu qu'en accordant cette
amniftie Sa Majefté Impériale n'entend pas de
reconnoître ni confirmer ce qui peut s'être fait
pendant les troubles contre les droits & hauteurs
de fon pouvoir fouverain,
сс
III . Sa Majesté Impériale ayant déclaré , lors des
conférences de Reichembach , fa difpofition « d'accorder
aux provinces Belgiques quelques conceffions
ultérieures , qui n'altereroient pas effentiellement
la conftitution , dans le cas où leur foumiffon
précédât l'emploi de la force , » a conſenti
( 18 )
néanmoins , fur les inftances des Cours médiatrices
, malgré les circonstances qui l'ont déterminée
à employer ces mesures extrêmes , d'accorder les
mêmes conceffious , auxquelles elle s'étoit déjà engigée
de fon propre mouvement , pour prix d'une "
foumiffion volontaire , telles qu'elles font contenues
dans une lettre de fon plénipotentiaire aux
Miniftres médiateurs , datée de la Haye le 29 octobre
1790 , & dont le contenu eft exprimé dans
lés articles fuivans :
1º. « Que pour fatisfaire l'opinion fur plufieurs)
points de difcipline en matière Eccléfiaftique , auxquels
la légiflation des Pays-Bas a porté quelques
changemens , fous le dernier règne , dans des vues
dont la pureté a été méconnue , Sa Majefté veut
bien révoquer toutes les Ordonnances concernant
les Séminaires , les Proceffions & quelques autres
pratiques de piété , les Confréries , & c. ; & remettre
tous ces objets fous la direction immédiate des
Evêques , avec tous les pouvoirs qu'ils exerçoient
à la fin du règne de Sa Majefté l'Impératrice Marie-
Thérèfe , ainfi qu'il a déjà été fait dans la province
de Luxemboug , par un édit qu'on publieroit
dans les autres provinces , quoique la plupart des
difpofitions & ordonnances à révoquer n'aient rien)
de contraire au fens le plus ftrict de la conftitution'
des provinces refpectives .
2º, » Sa Majeſté veut bien remettre toutes les
chofes , à l'égard de l'Univerfité de Louvain , fur
le pied où elles étoient à la fin du règne de Sa M.-
jefté l'Impératrice , & nommément la réintégrer
dans le droit de nomination , qu'elle exerçoit fur
certains bénéfices Eccléfiaftiques , en vertu d'un
adult du Saint- Siége Apoftolique , réfervant provifionnellement
les bénéfices de la province de
Luxembourg , jufqu'à ce qu'il puiffe être pris à
( 19 ) .
l'amiable des arrangemens à cet égard : mais
comme il a été reconnu depuis long - temps que le
fyftême des études de la philofophie , du droit &
de la médecine , origcoient une réforme aux Pays-
Bas , &que l'un des premiers devoirs d'un Souveverain
eft de procuter à fes fujets la meilleure
inftruction poffible , Sa Majefté tiendra en furfis
les Ordonnances qui obligent à prendre les degrés
à Louvain , & laiffera fur ce liberté entière , jufqu'à
ce qu'un nouveau fyftême d'études ait pu
être introduit dans ladite Univerfité par des arrangemens
, fur lefquels elle fe concertera avec les
Etats . !
כ כ
3. Comme il feroit impofible de rétablir .
tous les Couvens qui ont été fupprimés fous le dernier
règne , & que ce rétablitlement préfenteroit
plus d'un inconvénient , foit à l'égard des perfonnes
qui en font forties , foit à l'égard des biens
qui en formoient la dotation ; Sa Majesté promet,
de n'employer ni deftiner les revenus de ces
biens qu'à des ufages pieux , les plus analogues,
que poffible aux intentions des fondateurs , &
cela fur les propofitions qui lui feront fites, par
les Etats avec lefquels elle s'entendra , ainfi
qu'avec les Municipalités refpectives , fur tout ce
qui concerne l'adminiftration defdits biens . S. M.
promet de plus de rétablir ou confirmer le réta
bliffement des Abbayes fupprimées , qui avoient
d'ancienneté le droit de députer leurs chefs aux
Etats ».
( La fuite à l'ordinaire prochain ).
I
( 20 )
"
FRANCE.
De Paris , le 23 Décembre.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M. ďAndré.
Du lundi 20 décembre.
M. de Bonnay , en concurrence avec M. d'Aigilon,
avoit emporté la préfidence à la plufalité
abfolue des fuffrages ; mais il a refufé le
fauteuil , & il a été décidé d'élire un autre
préfident à l'iffue de la féance.
M. Lanjuinais , au nom des comités ecclé
faftique & d'aliénation , a obtenu , fans débats ,
un décret qui ordonne que les adminiftrateurs
réferveront des bâtimens ou jardins des monaftères
& des chapitres fupprimés & à vendre , la
partie qui pourroit être néceffaire pour le logement
du curé , & un demi- arpent pour le jardiu
presbytéral , fi cette réferve ne nuit pas à la
vente , & que , dans le cas contraire , il y foit
pourvu aux frais de la nation ..
On eft paffé à l'organiſation du tréfor public .
M. Roederer , chargé par le comité d'impofition
de préfenter des bafes fondamentales , différentes
de celles qu'ont adopté les comités de confti
tution & des finances , s'eft occupé de recherch er
à quel pouvoir on doit en confier Padminiftration .
En attendant la difcuffion ajournée & l'impreffion
décrétée de ce rapport , pour fatisfaire ou tempérer
un peu l'impatience de nos lecteurs , nous
( 21 ).
en citerons des morceaux qui en feront fair
l'efprit , & nous difpenferont d'y revenir.
« Le moment eft venu de répartir les divers
pouvoirs politiques que néceffite un nouveau
fyftême de finances. Sont-ils unis enfemble aux
pouvoirs législatif & exécutif ? L'intérêt de la
conftitution eft- il que les fonctions des finances
fuivent le partage entre le pouvoir législatif &
le pouvoir exécutif ; ou bien ne faut- il pas un
nouveau pouvoir ? ... Nous appelons conftitution
inhérence des pouvoirs néceffaires à la
garantie de l'ordre focial . La finance n'eft point
une néceffité médiate ; car un peuple chez lequel
la propriété ne feroit à perfonne , un peuple qui
affecteroit une portion de territoire à chaque
fonctionnaire public , n'auroit pas befoin de
finances... Le pouvoir de l'impôt doit être un
entrelacement de tous les autres pouvoirs. Cette
théorie n'eft pas nouvelle. Jufqu'à François 1 ,
les finances furent féparées du pouvoir exécutif...
Les tributs étoient votés par les Etais... De nos
jours , l'ancien corps du clergé ne votoit- il pas ,
ne percevoit- il pas lui-même les impofitions ..
Après avoir établi ainfi la théorie , je palle à
la feconde queftion comment convient - il de
départir le pouvoir des finances ? Le veu upanime
de la France a décidé la queftion ; tous Bos
cahiers portent que les finances doivent être
placées hors de l'atteinte du pouvoir exécutif.
Le gouvernement doit toujours être fubordonné
à la fouveraineté nationale,... Vous ne voulez
point d'une milice armée formée des créatures
du gouvernement , & d'un chef nommé par lui ;
il faut donc affajettir l'adminiftration des finances
& la trésorerie publique à des difpofitions parti-
20 ob remotions ,
ر د خ
culières
, ( 2 )}
Les comités de conftitution & des finances
propofoient que l'ordonnateur - général du tréfor
public fut nommé par le roi , qu'il y fit verfer
les contributions ; qu'il réglât la diftribution des
fonds entre les départemens , fuivant la mefute
> décrétée par l'Aflemblée, qu'il terminât les compres
arriérés , & mît en règle fes comptes courans ,
? le tout fous les ordres du toi . Autoriſant ſon
projet de troisième pouvoir , de l'exemple des
pays d'états & du clergé ; qui certainement ne
formoient pas un pouvoir dans la monarchie ,
M. Ræderer a propofé de décréter que les légiflatures
voteront feules les contributions , leur
mode , leur taux , leur répartition ; que les corps
adminiftratifs & les municipalités pourront feules
répartir & percevoir les contributions directes ,
confiées à des receveurs & tréloriers élus ; que
les régiffeurs des contributions indirectes feront
nommés par la légiflature ; que des adminiftrateurs
& un tréforier élus par la législature , à la
fin de chaque feflion & hors de fon fein , auront
feuls la garde du tréfor de l'état , & en feront
refponfables qu'un commiffaire du roi affiftera
aux affemblées de ces administrateurs , & " it'y
s aura que voix confultative... De grands applau
bdiſſemens du côté gauche oft préfagé l'aduption
dé ce nouvel entrelacemens de fouvoirs, RI .
20Camas a demande que ee plan fire communiqué
au comité de conſtitution ?la communication a
été ordonnée & Ac tout ajburné à dix jours
M. Enjabaulien nöm des comités réunis
des finances , d'impofitionesdorfines , a
29fait un fecond rapport für tes apartagés .
"
T
Après avoir teppo le praticies für lequels
portat ton premier support M. Eat-
- trapé sindirectement l'embarras des affaires de M.
d'Orléans , l'attachement de ce Prince aux dix
(( 231)
nouvelles , fa , foumiffion aux réformes , les in
quiétudes de fes créanciers , l'activité de l'adminiftration
de fa maifon , fes dettes héréditaires
montant à plus de deux millions par an , dont
860,000 liv de rentes perpétuelles , & fes rentes.
viagères qui s'élevent , en maffe , à 2,648,238
qu'il doit payer par an. La conclufion de cet
expofe eft une demande en indemnité. Les Commilaires
ont réquis les adminiftrateurs des trois
Apanagiftes de fournir un état fommaire de leur
htuation refpective.
Celui de MONSIEUR préfente , en biens propres
, près d'un million de revenu , mais environ
1,200,000 livres de rentes au denier vingt . M.
d'Artois , avec un actif d'environ 500,000 liv.
de rente , doit plus de deux millions par an ,
fans y comprendre les fommes dont il prétend
que l'Etat s'eft chargé par l'arrangement de 1783 .
M. d'Orléans , riche de près de trois millions
de revenu en biens patrimoniaux , ou tenus en
engagement , annonce un déficit de plus d'un
million neuf cent mille livres. » ( Le trenticme
du déficit de la France au mois de mai 1789. )
Votre comité a été fenfiblement touché de
leur pofition ; il a gémi du fort d'uno foule de
créanciers atrop confians. Mais ces pétitions irréfléchies
follicitent de vous , Meffieurs , ce que
vous n'êtes pas en droit d'accorder. Quelle que
foit la latitude de nos pouvoirs , elle ne va pas
jufqu'à nous autorifer à charger la Nation de dettes
qu'elle n'a pas faites 24,7
Le Voici les élémens de la nouvelle loi.
traitement renfermé dans les juftes bornes , a
dit M. Enjubault , eft attaché à la perfonne &
s'évanouit avec elle ; les enfans y font point
appellés , les veuves n'y ont aucun droit : mais
( 24 )
la veuve d'un citoyen du fang des Rois doit conferver
une partie de l'éclat de la maiſon où elle
~ eſt entrée ; il feroit indécent de réduire des ci-
'toyens de la claffe de ceux dont nous difcutons
les intérêts , à payer des loyers ».
Il a terminé fa differtation par des articles de
décret , dont plufieurs , après de légers débats ,
ont été adoptés tels qu'ils fuivent.
Art. VI. Il fera payé tous les ans , à partir
du mois de janvier prochain , par le tréfor national
, de fix mois en fix mois , à chacun des
Trois apanagiftes , dont les apanages réels font fupprimés
, à titre de remplacement , une rente apanagère
d'un million pour chacun d'eux .
» VII. Après le décès des apanagiftes , les
rentes apanagères , crée par le préfent décret ou
en vertu d'icelai , feront divifées par portions
égales entre tous leurs enfans mâles ou defcendans
par repréfentation en ligne mafculine , fans
aucun droit de primogéniture , à l'exclufion des
filles & de leur repréfentation : ces rentes leur
feront tranfmifes , quittes de toutes charges , dettes
& hypothèques autres que le droit viager dû
aux veuves de leurs prédéceffeurs , auquel ces
rentes pourront être affectées , jufqu'à concurrence
de la moitié d'icelles , & la même divifion
& fous - divifion aura lieu aux mêmes conditions ,
dans tous les degrés & dans toutes les branches
de la ligne mafculine , iffue du premier conceffionnaire
, jufqu'à fon extinction.
» VIII . En cas de défaillance d'une ou de pluheurs
branches mafculines de la ligne apanagée .
la portion de la renté apanagère dévolue à cette
branche , paffera à la branche ou aux branches
mafculines., les plus prochaines ou en parité de
ENL
degré ,
(125 )
).
degré , felon l'ordre des fucceffions qui fera alors
obfervé.
IX. A l'extinction de la postérité mafculiné
du premier conceffionnaire , la rente apanagère
fera éteinte au profit du tréfor national fans
autre affectation que de la moitié d'icelle au
douaire viager, tant qu'il aura cours , fuivant .
la difpofition de l'article VII ; & les filles , en
leur repréfentation , feront exclues dans tous les
cas :
» X. Les fils puînés de France ', leurs enfans
& defcendans , ne pourront, en aucun cas , rien
prétendre ni réclamer à titre héréditaire , dans ,
les biens-meubles & immeubles , relaiffés par le
Roi , la Reine & l'héritier préfomptif de la Couronne
.
XI. Il fera payé à chacun des apanagiftes
frères du Roi , au - deffus de la rente apanagère ,
pendant leur vie feulement , pour l'entretien de
leurs maifons réunies à celles de leurs épouses ,
conjointement & fans diftinction , à partir du
premier janvier prochain ; une penfion ou trajtement
annuel d'un million ; & fi leurs époufes
leur furvivent , elles toucheront , chaque année ,
500,000 livres , pour la même caufe , tant qu'elles
habiteront le royaume & qu'elles feront en
viduité. »
Au milieu de la difcuffion , M. de Foucault
a demandé que l'Affemblée s'occupât de mefures
promptes & févères , pour arrêter les défordres
affreux qui fe commettent dans les départemens
du Lor & de la Dordogne , où plufieurs maifons
bourgeoifes & plus de quinze châteaux ont été
pillés , & incendiés ; trifte nouvelle dont il garantiffoit
l'authenticité . Mais M. de Mirabeau avoit
obtenu la parole pour rendre compte des mefures
No. 1. ter. Janvier 1791. B
( 26 )
provifoires , propofées par les députés du département
des Bouches du Rhône , au fujet des affaffinats
commis par le peuple de la ville d'Aix.
« Les adminiftrateurs de ce département , a dit
M. de Mirabeau , craignent que tous les moyens
ne leur manquent à-la -fois . C'eft fur leur fituation
très critique que nous avons eu à nous
concerter. Un feul point n'a pas réuni l'unani -`
inité des voix , c'eft la propofition de donner
exclufivement la direction de la force nationale
aux commiffaires que le Roi fera prié d'envoyer.
Il faut toujours fuivre une marche impartiale dans
un pays où les citoyens font partialifes n.
« Vous détruirez la refponfabilité des adminiftrateurs
, & la force dont ils ont befoin ,
obfervé M. Démeunier ».
a
« M. l'abbé Maury s'eft récrié contre la lenteur
de ces moyens provifoires , & a blâmé les
adminiftrateurs de n'avoir pas proclamé la loi
martiale , fous le prétexte qu'ils la croyoient
inutile » .
» On a forcé les prifons , a- t-il pourſuivi . Le
peuple a eu le temps de choifir fes victimes . Voilà
donc l'exercice que le peuple fait de ce droit de
fouveraineté qu'on lui perfuade fi fauffement qu'il
peut exercer partiellement ! Voilà comme on le
conduit par des erreurs à des crimes ! .. , Je ne
préjuge pas le fond ; il tient aux perfonnes , &
mes propofitions appartiennent aux principes.....
Puifque les moyens provifoires font très - lents ,
puifque vous ne pouvez montrer votre patriotifine
que par un décret , puifque vous avez fit fouvent
des préambules inutiles , je demande un
préambule énergique contre ces crimes qui défhonorent
la nation ( il s'élève des murmures ) .
Je ne fors pas des bornes des moyens provifoi(
27)
res a repris l'orateur . Un mois s'écoulera , &
vous n'aurez point puni . Il faut cependant que
le peuple fache que vous avez été pénétrés d'horreur
; une prétérition feroit une approbation . Il
faut manifefter que vous ne regardez plus comme
citoyens des individus qui font defcendus de ce
rang à celui de bourreaux.... Les crimes ont été
commis en préfence des adminiftrateurs ; leur devoir
étoit de périr ».
Ces triftes vérités ayant attiré à l'orateur des
farcafmes , des perfonnalités & des plaifanterics ,
il en a invité les auteurs à lui donner leurs avis en
particulier. Infiftant enfuite fur les témoignages
d'horreur qu'exigeoit l'honneur de l'affemblée
il a relevé les mots fecours fuffifans , employés
par M. de Mirabeau : «c quelles font les bornes
de la fuffilance de ces fecours , dans un pays ,
où le peuple , comme fur un tribunál , dévoue
à la potence au gré de fa haine ? Soyez perfuadés
que l'ordre ne fe rétablira que par de grands
exemples ( ici la partie gauche applaudit ) ......
J'entends des ' exemples de juftice confommés par
la loi , & non ces exécutions qui feroient des
crimes , la colère du peuple fût elle jufte ».
CC
de
Les crimes arrivés à Aix font très- grands ,
très - déplorables , a repris M. de Mirabeau ;
c'eft , fans doute , un attentat horrible que
verfer le fang humain . Je n'emploierai point les
reffources oratoires dont on s'eft fervi pour attirer
votre attention, fur un fujet qui de foi- même
appelle affez votre fenfibilité ; je n'oppoſerai point
déclamations à déclamations , mais j'oppoſerai des
faits atténuans à des faits que je ne veux pas
développer . Je vous donnerois la généalogic de
tous les crimes , fi les comités des rapports & des
recherches n'étoient pas chargés de s'en occuper ».
B 2
( 28 )
Pour juftifier l'étonnante inaction des adminiftrateurs
, M. de Mirabeau a peint la violence
d'un peuple excité ce par des aggrefieurs que l'on
» connoîtra & dont plufieurs font déjà connus ».
Quoi qu'il en foit , a- t - il ajouté , on doit s'interdire
dans cette tribune , la chaleur même la
plus jufte .
ود
Ayant enfuite relu la lettre du préfident du
département des Bouches du Rhône , dont nous
avons fait mention la femaine dernière , M. de
Mirabeau a perfifté dans fon projet de décret .
» On accufe le peuple , a dit M. Charles de
Lameth , je le défends . On égare le peuple pour
lui donner des torts , & pour ordonner enfuite
des peines contraires à la liberté & à la conftitution
. Je m'étonne que l'éloquente fenfibilité
de M. l'abbé Maury ne fe foit pas montrée
lorsqu'il a été queftion de l'affaffinat du
maire de Varèfe , & des malheurs de Perpignan .
Le peuple , quand on le pouffe à bout , commet
des crimes : mais ces événemens font des
affaires de poftes , où le peuple a toujours
l'avantage. « En obfervant que les adminiftrateurs
n'étoient point fufpects , pufque la bonne
caufe triomphe », l'opinant a penfé qu'il falloit
fe borner à remercier les grenadiers.
сс
L'Affemblée a décrété que le Roi fera prié
d'envoyer à Aix des troupes de ligne en nombre
fuflifant , & trois commiffaires civils qui , concurremment
avec trois membres des corps adminiftratifs
, requerront la force publique .
Du lundi , féance du foir.
Les électeurs de Rochefort ont nommé pour
juges un membre de l'adminiftration du département
& le procureur-fyndic. Deux lettres du
( 29
comité de conftitution ont déclaré que les membres
de l'adminiftration étoient inéligibles . Malgré le ,
décret & ces deux lettres , le directoire du département
a confirmé les deux élections . M.
Regnault de Saint-Jean - d'Angély a obtenu le
renvoi de cette affaire au comité de conftitution ,
qui doit en rendre compte inceffamment .
M. Camus fait enfuite rendre un décret relatif
au dépôt des nouveaux affignats , & M. la
Jacqueminière foumet à la difcuffion quelques
articles fervant de préliminaire au nouveau bail.
des meffageries . L'opinion de M. Malouet eft
que ces détails , hers de la compétence de l'Af
femblée , appartiennent au pouvoir exécutif , &
que le bail doit être prorogé . M. Regnault
combat cette prorogation , s'oppofe à ce qu'on
s'en remette au pouvoir exécutif , & demande
que le miniftre foit chargé de préfenter un autre
projet de bail. M. Deley d'Agier eft d'avis qu'on
proroge le bail actuel pour avoir le teins d'examiner
cette queftion en grand , & éviter les
indemnités que coûtent les entreprifes mal combinées
. M. Rewbell veut qu'on décrète d'abord
le réglement & le tarif. M. de Cazalès défend
lumineufement la prorogation ; il propofe , &
l'Affemblée adopte le décret fuivant avec un
amendement de M. le Chapelier , qui réduit la ,
prorogation du bail actuel à trois mois.
• « L'Affemblée nationale ordonne à fon comité
de faire , fous huit jours , un rapport relatif à .
l'établiſſement des meffageries , & à la fixation
du tarif; - ce tarif fixé , l'adjudication du bail des
meffageries fera faite par le miniftre des finances
, publiquement & aux enchères , à ceux qui
offriront les conditions les plus propres à affurer .
B 3
( 30 )
le fervice le plus avantageux au tréfor public ,
fauf la ratification du corps légiflatif.
» L'Aſſemblée nationale proroge juſqu'au premier
avril 1791 les baux & fous - baux exiftans ,
la nouvelle compagnie ne devant entrer
jouiffance qu'à cette époque » .
en
On remet en difcuffion la liquidation des
offices miniftériels . M. Letellier propofe , au nowy
des comités de conftitution & de judicature , des
évaluations à faire d'après l'édit de 1771 , & une
indemnité fur les preuves de plus - payé , fauf
différens prélèvemens pour centième denier , & c .
MM. Mougins & Guillaume ont invoqué la
déclaration des droits de l'homme , & prouvé que
l'indemnité n'étoit ui jufte ni prealable , puifque
la clientelle décuploit fouvent le prix des offices .
Cette difcuffion a été ajournée .
Du mardi 21 Décembre.
Il a été décrété que tous créanciers fur offices
miniftériels ne pourront , jufqu'au remboursement
defdits offices , exiger aucun paiement de capitaux
hypothéqués fur le prix d'iceux , ni exercer aucune
pourfuite à raifon de leurfdites créances , fi
ce n'eft pour les intérêts échus ; fauf à eux à
former oppofition au rembourfement dans la
forme indiquée par les décrets du 30 octobre &
du 28 novembre 1790 .
La difcuffion fur les apanages ayant été reprife
, MM. Chaffey & Camus ont réclamé en
faveur de M. d'Orléans , à raifon des améliorations
qu'ils ont dit avoir été faites dans fes
apanages. M. Vernier eft entré dans quelques
détails fur la fituation de M. le comte d'Artois ,
& a combattu le projet de décret de M. Camus .
M. Dubois de Crancé vouloit qu'on n'accordât
( 31 )
rien à M. d'Artois , qu'il n'eût prêté le ferment
civique . M. de Montmorency a obfervé que les
créanciers avoient prêté leur ferment . «. C'eſt
bien la moindre des chofes , a dit M. Camus ,
que quand la nation convient de payer pour M.
a'Artois 900,000 viagères qu'elle ne doit pas,
le roi paie pour fon frère , & fur la lifte civile ,
trois millions de dettes . On a adopté le projet
de M. Camus ; la queftion préalable a écarté la
demande que faifoit M. la Touche , d'accorder
à M. d'Orléans , à titre d'apanage , la partie du
Palais-Royal dont il jouiffoit à titre d'engagement .
Voici les articles décrétés aujourd'hui :
« XII . Il ne fera plus accordé à l'avenir aux
fils ou petits fils de France , aucunes fommes
rentes ou traitemens pécuniaires , diftingués de
l'apanage , pour l'entretien de leurs maiſons &
de celles de leurs épouses , ou fous quelque autre
prétexte que ce foit , fans exclufion néanmoins
des rétributions , gages ou appointemens attachés
aux fonctions publiques dont ils pourront
être revêtus .
» XIII. II fera payé à Monfieur , indépen
damment d'un million de rente apanagère , &
d'un million de traitement , 500,000 liv. par
année , décroiffant de 25,000 liv . par chaque
année , laquelle fomme fera affectée à fes créan
ciers ;
» Il fera payé à M. d'Artois la rente apanagère
d'un million , le traitement d'un million ; &
en outre la nation déclare fe charger , fans tirer
à conféquence , du paiement des rentes viagères
dont le roi a bien voulu permettre l'acquit par
la décifion du décembre 1783 ;
و د »Laquellefommedesoo,ccoliv.accordée
à Monfieur , & le fond annuel des rentes via-
B 4
( 22 )
gères dû par M. d'Artois au mois de décembre
1783 , feront remis tous les ans de fix mois en
fix mois entre les mains d'un féqueftre , duquel
les créanciers toucheront l'équivalent de leur
créance ;
" » Il fera payé à M. d'Orléans outre le million
de rente apanagère , la fomme d'un million
chaque année pendant 20 années , à titre
d'indemnité pour les améliorations faites par fes
auteurs & lui dans les fonds de fon appanage ;
lequel million affecte à fes créanciers , leur fera
payé directement , & fera ledit million confervé
aux créanciers dans le cas même où M. d'Orléans
viendroit à mourir avant l'expiration défdites 20
années.
XIV. Au moyen des formes refpectivement
accordées par l'article précédent , les apa
nagiftes renonceront à toutes demandes en répétition
ou indemnité réfultantes des améliorations ,
réfections ou conftructions nouvelles , faites fur
leurs apanages , defquels il fera fait abandon au
profit de la nation ; ils renonceront à demander
aucunes coupes arriérées dans les bois & forêts
defdits apanages , fauf à eux à pourſuivre
le recouvrement des autres genres de revenus
échus à l'époque du premier janvier 1791 , &
à continuer les coupes & exploitations qu'ils ont
été autorifés à faire par le préfent décret & par
les précédens ; & fans que la préfente difpofition
puifle s'étendre aux domaines engagés , dont ils
auroient exercé le retrait domanial.
» XVII . Les décrets relatifs à la vente des
biens nationaux s'étendront & feront appliqués
à ceux compris dans les apanages fupprimés.
XVIII . Le palais d'Orléans ou du Luxcmbourg
& le Palais -royal font exceptés de la
"
33 )
révocation d'apanage prononcée par le préfent
décret & celui du 13 août dernier les deux
apanagiftes , auxquels . la jouiffance en a été
concédée & les aînés males chefs de leurs
poftérités refpectives , continueront d'en jouir
au même titre & aux mêmes conditions que
jufqu'à ce jour , confirmant les aliénations qui
ont pu être faites , en vertu de lettres - patentes
enregiftrées .
nir
XIX . Il fera avifé aux moyens de fourquand
les circonftances le permettront , ure
habitation convenable à Charles - Philippe de
France , fecond frère du roi , pour lui & les
aînés chef de fa branche , au même titre d'apanage
, à la charge de réverfion au demaine
national , aux cas de droit .
» XX . Les acquifitions faites par les apanagiftes
, dans l'étendue des domaines dont ils.
avoient la jouiffance à titre de retrait des domaines
tenus en ergagement , dans l'étendue
de leurs apanages , continueront d'être réputés
engagemens , & feront à ce titre perpétuellement
rachetables ; les acquifitions par eux faites
à tout autre titre , même de retrait féodal , corfifcation
, commife ou déshérence , leur demeureront
en toute propriété.
» XXI . L'Alèmblée nationale .enjoint aux
gardes chargés de veiller à la confervation des
forêts & bois dépendans des apanages , de continuer
leurs fonctions avec les mêmes émolumens
dont ils feront payés par les receveurs
du diftrict du lieu de la fituation » .
i
Du mardi , féance du foir.
Cette féance a été ouverte par la lecture d'une
lettre de la municipalité de Perpignan , qui an-
B s
( 34 )
nonce que le calme eft rétabli dans cette ville.
M. Barrere , ayant rappellé à l'Aſſemblée qu'elle
a folemnellement décrété que les récompenfes
publiques pourroient devenir le partage des veuves
des hommes qui ont fervi la patrie , a préfenté
une adreffe de la veuve de J. J. Rouffeau ,
qui réclame des fecours dans l'indigence qui la
menace . Il a propofé de décréter une rente viagère
de 600 liv. en faveur de cette veuve .
Se référant à une feuille qu'il a fait imprimer,
M. d'Eymard , député de Forcalquier , a fait
de Rouffeau un éloge dont quelques phrafes
prouvent que M. d'Eymard n'a guère médité cet
éloquent écrivain . « Aujourd'hui , a - t- il dit , que,
grace à vous , il exifte en France un gouvernement
tel que Rouffeau cût defiré de l'avoir
pour juge , c'eft devant ceux - mêmes qui ont
établi ce gouvernement que je follicite ,
avec
confiance , la , réparation due à la mémoire de
J. J. Rouffeau. Oui , j'oſe l'efpérer , dans le
moment où la plus étonnante & la plus complette
des révolutions s'opère en France , par la
feule force de la vérité & de la raifon ; quelle
teconnoiffance ne devez-vous point à celui qui
éclaira la volonté fouveraine de la nation dont
vous êtes les organes ? M. d'Eymard a enfuite
préfenté un projet de décret amendé für la motion
de M. Barnave , & fur les obfervations de
quelques membres ; il a été adopté unanimement
en ces termes :
כ כ
voulant rendre un L'Affemblée nationale
hommage folemnel à la mémoire de J. J. Rouffeau
, & lui donner , dans la perfonne de fa
veuve , un témoignage de la reconnoiffance que
lui doit la Nation françoiſe , a décrété & décrète
ce qui fuit ;
( 35 )
ec Art. I. Il fera élevé à l'auteur d'Emile &
du Contrat focial une ftatue portant cette infcription
La Nation françoife libre , à J. J.
Rouffeau. Sur le piédeſtal fera gravé la deviſe :
vitam impendere vero .
» II. Marie-Thérèfe Levaffeur, veuve de J. J.
Rouffeau , fera nourrie aux dépens de l'état ; &
à cet effet , il lui fera payé annuellement des
fonds du tréfor public , une fomme de douze
cent liv.
De J. J. Rouffeau à 80 citoyens , traînés fanglans
dans une citadelle , & au mépris de toutes
les formes , par ceux de leurs concitoyens dont
ils ne partagent pas les opinions , la tranfition
eft forte. Cependant M. Muguet de Nanthou l'a
ménagée à l'Affemblée , par un rapport précipité
fur l'affaire de Perpignan , dont les victimes
n'ont encore pu faire parvenir leur défenfe . Cette
nouvelle feène d'anarchie formoit un trait bien
étrange de ce gouvernement , établi par J. J.
fur la feule force de la vérité & de la raiſon .
Avant de raconter les faits du 5 décembre ,
M. Muguet a peint la difpofition des efprits , en
homme inftruit des plus fecrettes peafées . Les
mécontens , a-t-il dit , mettoient en ufage tous les
moyens poffibles pour égarer le peuple ; (on n'articule
aucun de ces moyens . ) Des particuliers fe réuniffent
fous le nom de fociété des amis de la
paix ; ce titre eft menfonger . Ils penfoient pouvoir
tromper plus facilement la multitude . « Icı
des déclamations contre les prêtres dont le crime
étoit cc d'ajouter encore aux inquiétudes que cette
fociété infpiroit . ( Pourquoi , nul fait pofitif? )
Les au foir , des habitans des fauxbourgs fe
rendirent à la féance publique des amis de la
conftitution . En fortant , l'un d'eux fut atteint
B 6
(( 36 )
à la jambe par un coup de fufil , tiré d'une mai-
.fon où étoit affemblée la fociété des amis de la
paix . On appelle du fecours , on approche , un
fecond coup de fufil' atteint M. Corré à la cuiffe .
Indignés de cette perfidie. , ( que le récit ne prouve
pas , j les citoyens s'arment , enfoncent les portes .
Plufieurs coups de fufils font tirés de part &
d'autre ; & la preuve que ce fut de part & d'autre
, c'eft que l'obfcurité de la nuit fit qu'aucun
ne porta. On conduifit un grand nombre de
- perfonnes au lieu des féances du département ,
pour les foufiraire à la fureur du peuple. Le
trouble, dura toute la nuit . Le maire & un officier
municipal fe préfentèrent pour ordonner au
régiment de Vermandois de tirer fur le peuple.
Le commandant s'y refufa. On transféra le lendemain
les détenus à la citadelle , fous bonne
escorte. Dans le pillage de la maifon des amis
de la paix , ce bon peuple a respecté un portrait
du Roi ; ) là - deffus répétition d'un mouvement
oratoire affez connu. On a dépofe depuis des
fufils chargés qu'on y a trouvés , comme fi l'on
n'avoit pas pu les y apporter. Deux cens citoyens
demandent la fufpenfion de la municipalité ; le
département fe refuſe à cette demande , & exerce
les fonctions municipales , avec les officiers manicipaux.
Le rapporteur a dit que ces faits étoient tirés
du procès - verbal & de lettres envoyées par le
département , mais que la députation de Perpignan
avoit remis au comité des rapports une
lettre des officiers municipaux , qui donnent une
opinion différente des amis de la paix , qui les
regardent comme de bons citoyens , ne parlent
point de coups de fufils , & imputent le défordre
à de faux bruits d'armes cachées. Toutes les vrai((
37 )
Gu
femblances fe réuniffent en faveur de cette opinion
. Car eft- il raifonnable de fuppofer à 40 .
50 perfonnes réunies dans une mailon , le projet
de provoquer une multitude entière ?
Toutes ces réflexions n'ont point empéché le
rapporteur de fuppofer des affaffinats prémédités
par les amis de la paix , & l'incurfion des amis
de la conftitution bien légitime .
En attendant la vérité , nous tranfcrirons le
décret rendu fur la propofition de M, Muguet :
" L'Affemblée nationale , après avoir ouï fon
comité des rapports , décrète :
و د
1º. Qu'il fera procédé , par-devant les juges
du diftrict , à l'information & au jugement
des auteurs , fauteurs & complices des délits
commis le 3 décembre , circonftances & dépendances
, dans la ville de Perpignan :
2°. Que les perfonnes arrêtées & détenues
à la citadelle , feront remifes en liberté le lendemain
du jour où il arrivera dans cette ville un
régiment que fa majefté fera priée d'y envoyer
inceffamment , à moins qu'il ne foit intervenu
décret contraire ;
3. Qu'il fera informé contre les officiers
municipaux de la même ville , par- devers les
juges du diftrict , fur la conduite qu'ils ont tenue
les décembre , & fur les différens griefs qui ont
été articulés contre eux par le directoire & le
confeil du département des Pyrénées orientales ;
qu'à cet effet , les pièces qui font au comité des
rapports feront envoyées à celui qui exerce à
Perpignan les fonctions d'accufateur public , &
qu'en attendant le jugement qui fera prononcé ,
les fonctions des officiers municipaux feront exercées
par des commiffaires qui , à cet effet , feront
nommés par le département ;
( 38 )
Ordonne que le préfident fe retirera vers
le Roi, pour le prier de faire exécuter le préſent
décret ,,.
Après quelques obfervations de divers membres
fur la fuite du décret relatif aux offices miniftériels
, l'Affemblée a décrété les articles qu'on
va lire :
» Art . I. Les titres des offices de procureurs ,
dans tous les tribunaux du reyaume , feront
remboursés d'après les bafes proportionnelles ; en
conféquence , les évaluations qu'ils ont faites , en
exécution de l'édit de 1771 , feront rectifiées
d'après la divifion fuivante.
II. Les tribunaux de même nature feront
divifés au moins en cinq claffes .
» III . Chacune fera compofée de tribunaux
égaux , autant que faire fe pourra , fous les rapports
combinés de l'étendue , de la population
& du nombre des officiers de leur jurifdiction .
» IV. Cette divifion ainfi formée , l'évaluation
la plus forte des offices de chaque claffe
fera prife pour former une évaluation commune
à tous les officiers de la même claffe .
2 V. Les offices foumis à l'évaluation feront
liquidés fur le pied de l'évaluation commune à
la claffe dans laquelle ils auront été rangés .
ככ » VII. Outre le montant de l'évaluation réglée
par les articles précédens , il fera accordé
une indemnité particulière aux titulaires ou propriétaires
d'offices , qui juftifieront de contrats
ou autres actes authentiques , portant ces offices
& leurs acceffoires à un prix excédant celui de
l'évaluation .
» VIII. Cette indemnité fera déterminée en
raifon du prix auquel les contrats le trouveront
¿
( 39 )
monter , les prélèvemens qui feront réglés par
les articles fuivans.
» IV. L'évaluation rectifiée par les précédens
articles , fera toujours comptée , au moins pour
un tiers du prix total des conttats ; en conféquence
, il fera fait fur chacun d'eux le prélèvement
de cette portion , lors même que l'évaiuation
ne monteroit pas à une fomme équivalente
.
ככ
X. Lorfque l'évaluation rectifiée , ou le
prix du titre fpécifié dans les contrats excéderont
le tiers au local de l'acquifition , il fera fait prélèvement
de la fomme la plus forte à laquelle
l'une ou l'autre des deux fe trouvera monter.
» XI . Le furplus fera payé , par forme d'indemnité
, aux titulaires ou propriétaires d'offices
dont les contrats n'indiqueront l'acquifition d'aucun
rôle , debet ou recouvrement .
» XII . A l'égard des contrats qui énonceroient
l'acquifition de rôles , débets ou recouvremens
il fera fait un fecond prélèvement des fommes
pour lesquelles ils s'y trouveront portées , & le
furplus formera l'indemnité.
XIII. Toutes les fois que les fommes auxquelles
fe montent les rôles , débets & recouvremens
, feront confondues avec le prix du titre
& de la clientelle , fans aucune fpécification particulière
, ils feront réputés former chacun la
moitié du prix reftant des contrats , déduction
faite de ce qui doit appartenir à l'évaluation :
en conféquence , une moitié feulement fera payée
à titre d'indemnité.
» VIII. Dans le cas où les rôles , débets ou
recouvremens fpécifiés dans les contrats équivaudroient
au prix y apporté , déduction faite de
celui ftipulé pour le titre ou réfultant de l'éva
( 40 )
luation rectifiée , il ne fera accordé aucune indemnité.
5 XV. Les offices de greffiers & huiffiers audienciers
foumis à l'évaluation , feront rembourfés
conformément aux décrets des 2 & 6 feptembre
dernier , & les mêmes décrets feront
communs aux commiffaires de police , huiffiers ,
gardes & archers , en ce qui regarde le rembourfement
fur le pied de l'évaluation faite en
' exécution de l'édit de 1771.
כ כ » XVI. Il leur fera payé en outre , à titre
d'indemnité , le fixième du prix porté dans leurs
contrats d'acquifition & autres actes authentiques
, lorfqu'ils pourront en juftifier » .
Du mercredi 22 décembre.
D'après une nouvelle élection , M. d'André
fuccède , dans la préfidence , â M. Péthion ; ces
deux membres font les complimens d'ufage.
Après de légers débats fur le traitement des
vicaires-fupérieurs & des vicaires- directeurs des
féminaires , l'Aſſemblée a fixé le traitement des vicaires-
fupérieurs des féminaires diocéfains à 1000
liv. , & celui des vicaires - directeurs à 800 livres ,
outre la nourriture & le logement . Le prix
des penfions pour les élèves , la fomme à accorder
pour les dépenfes communes des féminaires
& l'établiffement des bourfes ou places gratuites
, feront fixés fur l'avis des directoires .
M. de Noailles a fait , au nom des comités militaire
& de conftitution , un rapport fur l'organfation
conftitutionnelle de la maréchauffée que les
comités nommoient : & Gendarmerie nationale des
départemens », Hla motivéla fuppreffion de diverfes
compagnies qui portoient le nom de maréchauffées
(.41
telles que la compagnie de chaffes & voyages du
Roi , créée en 1772 , fous le titre de « maréchauffée
à la fuite de la cour » ; la compagnie à la
fuite des maréchaux de France ; celle de la conné-.
tablie , la compagnie des monnoies , celle du Clermontois
, appellée du Prince de Condé , qui feront
ou remboursées , ou indemnifées , ou incorporées ;
& la Robe-courte que les comités propofent de
conferver auprès des tribunaux de Paris , fous le
nom de garde judicielle . La totalité de la maréchauffée
eft de 4700 homínes , & coûtoient ,
felon le calcul des comités , 7,600,000 liv . environ
1650 livres par homme , la Robe- courte
exceptée. Les circonftances font defirer que la
maréchauffée foit portée à 7420 hommes ; elle ne
coûtera , dit- on , que 8 millions soo mille livres ,
environ 1420 liv. par homme.
Deux articles ont feuls été l'objet de quelque
difcuffion ; d'abord la dénomination de Gendarmerie
tionale des Départemens , dont on a fupprimé
des Départemens ; ( la fuppreffion du mot
obvie-t-elle à l'inconvénient que peuvent offrir
83 départemens ayant trois par trois leur cavalerie
armée)? le fecord débat a roulé fur la préfentation de
cinq fujets pour chaque place vacante . C'étoit
d'abord au directoire à les préfenter au colonel
qui devoir en choisir un . M. Alexandre Lameth
& M. Buzet ont obtenu que ce feroit au colonel à
piéfenter cinq fujets au directoire qui en choifiroit
un; mode plus conforme à l'efprit démocratique
& moins analogue à la fubordination militaire.
Nous tranfcrirors une autre fois les dix - huit
articles décrétés , qu'un extrait n'abrégeroit que
de très - peu de lignes..
On a accordé un paffe - port à M. de Mira- "
beau , qui a pris un congé pour un mois , &
( 42 )
la féance s'eft terminée par des ventes de biens
nationaux à quelques municipalités .
Du jeudi , 23 décembre.
M, Camus a demandé , avec une furpriſe mêlée
d'impatience , fi le décret du 27 novembre fur
l'oppofition du clergé à fa conftitution civile
étoit fan&tionné ; & la réponſe ayant équivalu
une négative , il a fait la motion que M. le préfident
allât dans la matinée chez le Roi s'informer
de la caufe de ce retard . M. Bouche l'a appuyée ;
M. de Folleville s'y eft oppofé en alléguant le trop
petit nombre des membres préfens . On lui répond
que ce n'eft qu'un décret de difcipline , & le voeu
de M. Camus paffe en décret.
Un projet de loi propofé par M: Tronchet , &
relatif au rachat de certaines rentes foncières ,
relevantes de biens nationaux , a été adopté .
Après un décret particulier coucernant l'empla
cement provifoire des tribunaux & corps adminiftratifs
de Longwy ; M. Voidel a lu une lettre
fignée Les adminiftrateurs compofant le direc
toire du département du Var » , datée de Toulon ,
du 14 décembre , & adreffée au comité des
recherches de l'Affemblée nationale.
Ces adminiftrateurs lui rapportent ce que leur
mande un anonyme , qu'ils défignent ainfi : « La
perfonne de Nice que nous vous avons nommée ,, .
Projets de contre-révolution , à Nice , à Turin ;
trames fecrettes , mouvemens , complots ; nouveau
figne de confédération , une rofette attachée
à la boutonnière : " on la dit l'emblême des hautes
protections dont on fe flatte ,,. Il eſt queſtion d'un
noyau de dix mille hommes . Où font-ils ? où vontils
? Myftères impénétrables . Trois bâtimens chargés
de munitions de guerre font prêts à faire voile
( 43 )
d'un port d'Italie pour Antibes , dès qu'on faura
la nouvelle du fuccès de l'entrepriſe ; & l'on ne
fait ni quel eft ce port , ni quelle eft cette entreprife
. Les ennemis de la conftitution menacent
Entrevaux , place fortifiée & bien pourvue ; le
département des Baffes -Alpes doute de la fidélité
de cette ville . En conféquence de toutes ces certitudes
, les adminiftrateurs ont réquis de M.
Coincy d'envoyer à Digne un détachement du
ségiment de Monfieur. La garnifon d'Antibes eft
renforcée de 300 hommes de la garde nationale
de Graffe & de Saint-Paul ; 300 autres campent ,
en obfervation , fut les bords du Var . " Envoyeznous
, ajoutent-ils , des renforts de troupes de
ligne . Ces gardes nationales font très -braves
mais ne peuvent pas être toujours en activité ;
elles ont quitté leurs foyers , leurs affaires ; il
eft de néceffité urgente de nous mettre dans un
état plus impofant de défenfe... Au nom de la
patrie , fauvez-la des dangers qui l'environnent ,, .
..
A de fi hauts cris d'alarme , M. Voidel a cru
devoir ajouter une anecdote . On lui écrit qu'une
grande quantité de ci - devant gentilshommes de
la ci-devant Auvergne , fe font rendus à Lyon :
la nuit du 10 , à cheval , ayant chacun un
cheval de main ,, ; que lorsqu'ils ont vu que les'
« trois chefs des conjurés avoient été arrêtés , ils
ont rétrogradé avec chacun un feul cheval , de)
manière qu'il eft refté trois cens chevaux fans
maîtres, à Lyon . Le côté gauche & les galeries ont
beaucoup applaudi . Sur la motion de M. Voidel ,
l'Affemblée avoit déjà décrété que le préfident fe
retireroit par-devers le Roi pour lui demander
d'envoyer des troupes à Entrevaux , & qu'on
écriroit une lettre de fatisfaction aux gardes nationales
campés fur les bords du Var ,
i
}
( 44
M. le préfident eft rentré, & a dit avoir
trouvé Sa Majefté avec la Reine ; que le Roi
avoit promis de prendre en confidération le décret
dont on lui parloit , & témoigné fon indignation
de ce que le journal de Paris ( nº . 354 ) avoit
calomnié les intentions de la Reine ; que Sa Majefté
ayant protefté de fon attachement pour la conftitution
, avoit ajouté que s'il lui étoit poffible de
prendre d'autres fentimens , la Reine l'en détourneroit.
Des applaudiffemens réitérés & un décret
ont porté ces paroles dans le procès - verbal de
l'Affemblée .
M. Rabaud de Saint Etienne a préfenté la
faite du projet de décret fur la Maréchauffée ou
la Gendarmerie nationale . Nous placerons ailleurs
ce code de cinquante articles fous trois titres ou
paragraphes.
Du jeudi , féance du fóir.
}
Après la lecture de diverfes adreffes , M. le
Préfident a dit qu'il s'étoit rendu , le matin , chez
le Roi , conformement aux ordres de l'Affemblée
dont il avoit mis le décret fous les yeux de fa
majeſté . Puis il a lu la réponſe du Roi conçue
en ces termes :
En acceptant le Décret fur la conftitution
civile du Clergé , j'ai fait annoncer à l'Affemblée
nationale que je prendrois les mefures convenables
pour en affyrer la pleine & entière exécution
; depuis cet inftant je n'ai ceffé de m'en
occuper . Le décret du 27 novembre n'étant qu'une
fuite de celui du mois de Juillet , il ne peut
refter aucun doute fur mes difpofitions , mais il
m'a paru mériter la plus grande attention dans
fon exécution ; mon refpect pour la religion &
mon defir de voir s'établir la conftitution fans
( 45 )
agitation & fans troubles , m'ont fait redoubler
d'activité dans les mefures que je prenois ; j'en
attends l'effet d'un moment à l'autre , & j'espère
que l'Affemblée nationale s'en rapportera à moi
avec d'autant plus de confiance , que , par fes
décrets , je fuis chargé de l'exécution des loix ,
& qu'en prenant les moyens les plus doux & les
plus furs pour éviter tout ce qui pourroit altérer,.
la tranquillité publique , je fenfe contribuer à
confolider les bafes de la conflitution du royaume
je le répète encore à l'Affemblée , qu'elle
prenne en moi toute la confiance que je méfitec.
: Plufieurs voix ont crié à l'ordre du jour . M.
Camus a pris la parole .
» Cette réponſe , a- t- il dit , comme portant
des marques d'attachement à la conftitution , fera
toujours précieufe . J'ai cependant quelques ob-,
fervations à vous faire « . Selon l'opinant , au
moment où un décret eft rendú , il doit être.
placé au rang des loix . On ignore ou l'auroit
conduit ce début , fi des murmures ne l'avoient,.
induit à borner la queftion à favoir fi le décret
du 27 novembre devoit ou non être mis au nombre
des loix . » Le Roi doit accepter purement,
& fimplement les décrets conftitutionnels ; quant,
aux autres , il eft obligé de dire dans huit jours
s'il les accepte ou s'il les rejette . Voilà le prineipe
! Vous ne pouvez fouffrir un plus long
retard fans compromettre la conftitution ... Elle
eft achevée pour tous les bon citoyens ; elle eſt
dans toute fa vigueur ; mais le retard des décrets
qui tendent à y foumettre , lui porteroit une
attciute mortelle . ... Vous ne pouvez plus le
fouffrir .... Rappelez -vous les diverfes féances
où vous portâtes les derniers coups au defpotif(
46 )
me royal ; depuis , l'autorité légitime du Roi en
-eft devenue plus grande... maintenant veus devez
employer la fermeté... ou renoncer à l'établiffement
de votre conftitution ... Déjà le ferment
décrété de ſe foumettre à la conſtitution
civile du Clergé a été prêté dans plus d'une églife.
Plufieurs prêtres s'y refuſent; l'Evêque de Reims
a répondu qu'il ne pouvoit y adhérer .... Ne
fentez - vous pas les conféquences qui pourroient
fuivre pour le Roi , fi les décrets étoient
exécutés avant la fanction ? cc
כ ל
M. Camus s'eft enfuite élevé contre le Veto*
ultramontain , en affirmant que l'églife ( catholique
) n'a d'autre Souverain- Pontife que J. C.;
ce qui a fait dire par quelqu'un du côte droit
nous demandons de quelle religion eft M. Camus ?
Puifque le Clergé, a- t-il repris , n'a pas le bon
efprit d'adopter les décrets qui le concernent , j'en
propofe un pour le maintien de la religion catholique,
& pour faciliter la vente des biens nationaux
qui ne fe vendent que dans certains départemens ;
c'eft de prier le Roi d'envoyer demain fa réponſe
définitive «.
M. de Toulongeon a penfé qu'il convenoit,
d'accorder au Roi encore un court délai , & en
adoptant la motion de M. Camus , il a demandé
l'ajournement au premier janvier.
L'on vouloit fermer la difcuffion . M. l'Abbé
Maury a obtenu la parole. « M. Camus , a-t- il
dit , demande fi la réponſe du Roi eft fignée ;
fi elle a un caractère de légalité . Sa majefté a
lu fa réponſe au Préfident & la lui a remife
écrite .
La fignature du Roi & celle d'un Miniftre
ont paru indifpenfables à M. Chaffey , qui , a demandé
que le Préfident fùt chercher , fur le
( 47 )
champ , une réponſe fignée , contre -fignée , &
que ce qu'il y a d'erroné dans celle du Roi feit
corrigé . Des clameurs plutôt que des voix ont fait
retentir le côté gauche de ces mots : réponſe ,
féance tenante. Parvenu à fe faire entendre , M.
T'Abbé Maury fe réfervant de difcuter le fond ,
n'a promis , pour l'inftant , que des obſervations
fur les réflexions de M. Chaffey.
Nous ne cherchons , a-t - il dit aucunes
formes dilatoires . Aucun délai ne peut nous convenir.
Qu'entendez vous par ce mot nous ,
demande M. l'Abbé de la Salcette ? » Quoique
mon opinion foit à moi , & que je n'en doive
nul compte à perfonne , à repris M. l'Abbé
Maury , je veux bien répondre , que quand je
dis nous , je n'entends pas M. l'Abbé de la Sal
cettè «. L'opinant reprenant la première idée , a
dit en fubftance ? La forme de la réponſe du
Roi ne doit pas fufpendre votre délibération que
nous fommes empreffés de voir terminer par un
décret. Qu'est- ce qu'une réponſe légale à un meſfage
officiel ? Le Roi n'eft , ni Législateur , ni
partic intégrante de la légiflation .... Je m'explique
, & ne fuis point anti -royalifte .... quand il
s'agit de l'exécution d'un décret conftitutionnel
accepté ou fanctionné , & qu'il dit : j'examinerai .
La refponfabilité ne peut s'exercer fur une opinion.
Rien n'empêche que vous ne délibériez fur
les confidérations que lui a dictées fa fageffe . La
vôtre peut n'en être pas frappée ; la vôtre peut
même en être offenfée ou s'en affranchir . En
preffant encore le Roi de s'expliquer ou d'exé
cuter la conftitntion civile du Clergé, vous n'innoverez
pas , vous ne ferez que ce que vous avez
déjà fait le 5 octobre, «.
»Vous préfentez au Roi une conftitution civile
( 48 )
,
du Clergé , que nous jugeons , nous un objet
purement fpirituel ( nouveaux murmures ) ... Je
demande pardon du mot collectif, nous . J'avois
la maladreffe de me reſſouvenir de la déclaration .
de M. de Clermont , & je croyois pouvoir la
faire revivre ... Le Roi accepte cette conftitution
& l'adreffe au Pape. Cinq mois fe font.
écoulés , & point de lettres - patentes qui y donte..
la forme que reçoivent vos décrets . Vous en demandez
l'exécution immédiate , le Roi vous faits
une réponse dont vous concevez parfaitement
l'efprit . Elle eft officielle , & ne perte pas plus,
le feeau de l'état que le meffage officiel de l'Affemblée.
» Vous êtes impatiens de renverser l'obftacle
qu'on vous oppofe . Je vous obferve que
le terme fatal de la fanction des décrets conftitutionnels
n'eft pas limité avec une grande précifion
, & que la liberté , non des membres de
cette Affemblée , mais du chef de l'Etat , demande
de grandes précautions , parce que tout.
acte de violence deviendroit un acte confervatoire.
A l'égard du recours au Saint - Siège , nous
fommes François , citoyens nous reconnoiffons
l'unité du pouvoir temporel ; mais quand la religion
a été reçue dans l'Etat , elle avoit des
loix' , des droits , un chef; & quelle fera la religion
dominante en France ? cette religion ne fera pas
votre esclave . Elle n'a aucune autorité fur le
temporel , mais elle ne reconnoît pas la puiffance
des hommes cc,
Des interruptions ont coupé l'opinion de M.
l'abbé Maury , qui a fait place à M. Barnave:
La forme a paru à ce dernier devoir être l'unique
objet de délibération ; le fonds étant jugé ,
felon lui , par l'opinion des gens inftruits , par les
décrets
( 49 )
décrets , & par la puiffance de l'affemblée indépendante
& conftituante .
C
cc Il
y auroit
, peut
-être
, une
autre
queſtion
à
examiner
, a-t- il ajouté
, celle
de favoir
, fi le
droit
du corps
conftituant
ne s'étend
pas à tous
les actes
acceffoires
, néceffaires
pour
l'exécution
,
& fi ces actes
compris
dans
le cercle
de ſes travaux
ont befoin
de la fanction
( ce qui feroit
tout
fimplement
fe paffer
de Roi
) ; mais
le moment
n'eft
pas
venu
de s'expliquer
fur cette
queftion
, qui
ne
fera
peut
-être
pas
un doute
quand
l'Aſſemblée
voudra
s'en
occuper
effentiellement
». Pour
le
préfent
l'opinant
s'eft
borné
à délayer
la motion
,
vifiblement
arrêtée
, de M. Camus
, qu'il
falloit
une
réponſe
légale
, fignée
, contre
-fignée
, pour
conftater
la refponfabilité
royale
. F
Se relachant de la rigucur des grands principes ,
M. le Chapellier a demandé qu'on ajournât la
difcuffion lundi . Puis fongeant aux fêtes de
Noël , il a retiré fon amendément . M. Camus a
exigé que le Préfident allât prendre cette ré
ponfe cathégorique demain , & qu'on en délibérât
dans la première féance du matin.
Le décret a été rendu en ces termes :
» L'Affemblée nationale décrète que fon
Préfident fe retirera demain vers le Roi , pour
le prier de donner une réponſe fignée de lui ,
& contrefignée du Miniftre , au Décret du 27
Novembre dernier » .
Du vendredi , 24 décembre.
L
Des départemens , des diſtricts , fous le prétexte
, véritablement très- plaufible , qu'ils ne connoiffent
encore ni l'étendue ni les limites de leur
pouvoir adminiftratif , nomment des députés extraordinaires
, des agens auprès de la légiflature ,
N°, 1. 1er. Janvier 1791 . C
·50 )
Pour obvier à cet abus M. le Chapellier a fait
rendre , ce matin , un Décret qui interdit aux
Directoires de nommer des agens auprès du Roi
& du Corps légiſlatif.
La difcuffion ayant été repriſe fur la Gendarmerie
nationale , on a décrété un grand nombre
d'articles que nous tranfcrirons à la fuite deș
autres .
&
Organe des Commiffaires , chargés de furveiller
la fabrication des affignats , M. Anfon a annoncé
qu'on brûleroit pour un million dans la journée,
« Au premier janvier prochain , a dit M. Anfon ,
aucnne Nation d'Europe ne fera plus au courant
de fes paiemens que la Nation Françoiſe , & c'eſt
au premier janvier qu'elle payera à bureau ouvert,
les effets fufpendus & les effets à terme ; au premier
janvier feront effacées ces traces honteufes
d'une funefte fufpenfion ; tels font les effets du
nouveau numéraire , dont je me félicite d'avoir
propofé , au nom d'un de vos comités , la première
émiflion ». Il a propofé de brûler , avec les mêmes
formes , le papier reftant des affignats fabriqués
& les affignats maculés ; il a voulu lire les procèsverbaux
qui en conftatent les quantités ; mais la
confiance de l'Affemblée l'a difpenfé de cette lecture
, & un décret a fcrupuleufement rempli toutes
les intentions des commiffaires .
M. Duport a préfenté , au nom du Comité de
Jurifprudence criminelle , une nouvelle mefure
pour fufpendre les jugemens prévôraux , qu'on
continue , à ce que prétend M. Duport , malgré
la loi qui les a déjà fufpendus. Il en eft refulté le
décret fuivant :
Après un très-long décret fur le defsèchement
des marais , le Préfident a lu une lettre du Roi ,
J IL
( 51 )
qui annonce la démiffion acceptée de M. Guignard
de Saint-Prieft. M. de Montmorin reſte par interim,
chargé du département de l'intérieur ; les
galeries & le côté gauche ont honoré cette nouvelle
de bruyans applaudiffemens.
Du famedi 25 , jour de Noël , point de féance.
Du dimanche 26.
1
Un règlement de comptabilité , à l'égard du
receveur-général du clergé qui fe mettra en
règle dans le cours de 1791 , & un rapport
fur
l'artillerie ont précédé un autre rapport de M.
de Crillon , fur les travaux du comité central .
Il a divifé en deux fections les objets qui doivent
encore occuper le corps conftituant , avant
le renouvellement de la légiflature : ces objets
font ou conftitutionnels , ou approximatifs de
la conftitution .
La nomenclature des premiers comprend , outre
l'organiſation des jurés qu'on difcute en се
momenr , les travaux relatifs aux impofitions ,
les rapports à faire fur le timbre , fur les hypothèques
, fur le tarif des traites , fur les droits
Le tarif
d'entrée , fur la détermination de la fomme totale
des impofitions , & fans doute encore
fur la répartition de l'impôt territorial entre
tous les départemens .
Viennent enfnite :
La haute cour nationale.
Le code pénal , dans lequel on comprendra
la définition du crime de lèze-nation .
La loi fur la refponfabilité .
L'organisation des gardes nationales .
C₁2
( 52 )
Un projet de loi fur les rapports de l'autorité
civile & militaire .
Le complément de l'organiſation des municipalités
& des corps adminiftratifs.
Un rapport fur diverfes parties du corps conftitutif..
Un plan d'organiſation du miniſtère .
L'organiſation du revenu public.
Un projet de loi fur la régence.
Les bafes de l'éducation nationale .
Trois rapports du comité de mendicité .
Quant à la feconde claffe de travaux ,
porteur n'a pas entrepris de l'énumérer ; mais il
s'eft flatté qu'on pourra y confacrer une partie
des féanees du foir.
"
le
rap-
Reftera enfuite la révifion des décrets ,
principal objet du comité central , & la féparation
des articles conftitutionnels de ceux qu'on
appelle règlementaires .
La difcuffion du plan de M. Duport , concernant
les jurés , a commencé par des objections
d'un député de Bretagne & de M. Robertspierre
à peine entamé , ce débat a été interrompu
par la lecture d'une note qui fpécific vingt- un
décrets fanctionnés par fa majefté , au nombre
defquels fe trouve celui du 29 octobre dernier ,
qui impofe au clergé le ferment d'adhérer à fa
nouvelle conftitution civile , fous peine de fa
ruine.
Le roi a exprimé les motifs de fa fanction ,
& du délai qu'elle a éprouvé dans la lettre fuivante
au préfident.
» Je viens d'accepter le décret du 29 novembre
dernier . En déférant au vou de l'Affemblée
nationale , je fuis bien aife de m'expli(
53 )
quer far les motifs qui m'avoient déterminé à
retarder cette acceptation ; fur ceux qui me déterminent
à la donner en ce moment ; je vais
le faire ouvertement , franchement , comme il
convient à mon caractère. Ce genre de communication
entre l'Affemblée nationale & moi doit
refferrer les liens de cette confiance mutuelle ,
néceffaire au bonheur de la France.
J'ai fait plufieurs fois connoître à l'Affemblée
nationale la difpofition invariable où je fuis d'appuyer
par tous les moyens qui font en moi , la
conftitution que j'ai acceptée , & juré de mainténir
.
Si j'ai tardé à prononcer l'acceptation fur
ce décret , c'est qu'il étoit dans mon coeur de
défirer que les moyens de févérité puffent être
prévenus par ceux de la douceur ; c'eft qu'en
donnant aux efprits le temps de fe calmer , j'ai
dû croire que l'exécution de ce décret s'effectueroit
avec un accord qui ne feroit pas moins agréable à
l'Affemblée qu'à moi ; j'efpérois que ces motifs
de prudence feroient généralement fentis ; måls
puifqu'il s'eft élevé fur mes intentions des doutes
que la droiture connue de mon caractère devoir
éloigner , ma confiance en l'Affemblée nationale
m'engage à accepter..
» Je le repète encore ; il n'eft pas de moyens
plus sûrs , plus propres à calmer les agitations ,
à vaincre toutes les réfiftances que la réciprocité
des fentimens entre l'Affemblée nationale & moi';
elle eft néceffaire ; je la mérite & j'y compte.
Signé , Louis . Et plus bas , DU PORT DU
TERTRE.
( 34 )
(
En lifant , dans le rapport de M. de Cril
Zon , la table des matières , qu'il faut difcuter
& délibérer , avant l'achevement de
la Conftitution ; en tenant compte des
réticences du rapporteur , en obfervant
que , jufqu'ici dans les féances du Corps
légiflatif, ou conftituant , l'exception a
tenu lieu de la règle , & que les affaires
extraordinaires , ou étrangères au pouvoir
de la convention , ont continuellement déplacé
le travail des loix fondamentales , on
ne peut ajourner plaufiblement la fin de
cette légiflature. Le Parlement d'Angleterre
ne finiroit pas dans un an cette férie
de conftructions politiques , que M. de
Crillon nous préfente comme les délaffemens
, de quelques femaines. Il nous pa
roît , d'après l'énumération , qu'on s'oc
cupera du Corps légiflatif, dont les formes
de convocation , de prorogation , ne font
point déterminées , & dont les pouvoirs
font vaguement déterminés dans un amas
de décrets ifolés , fans . qu'on apperçoive
leur concordance , leurs rapports , leur connexité
préciſe avec les autres autorités publiques.
Nous ne préfumens pas que le
Comité veuille léguer à la légiflature prochaine
, la toute - puiffance en vertu de laquelle
le Corps conftituant ordonne un
changement de garnifon , ou la prife de
Corps d'un citoyen , comme il décrète une
( ss )
inflitution conftitutionnelle. Les limites de
la puiffance exécutive , celles des Corps
adminiftratifs ne font pas plus définies ; or,
le légiflateur qui ne fixe pas avec préciſion
& clarté cette ligne de démarcation , audelì
de laquelle chaque pouvoir devient
ufurpateur , bâtit fur le fable une maifon
fans portes ni fenêtres . Il faut donc croire,
nonobftant l'omillion de M. de Crillon
que l'on s'occupera de ce cadre limitatif ,
fans lequel rien ne feroit co- ordonné dans
la machine.
MM. d'Auteuil & de Minitier , attachés
par leur fervice à la maifon de Condé
partirent de Paris , il y a 15 jours , pour
aller rejoindre à Turin le Prince de ce nom.
Auffi- tôt M. de la Fayette expédia deux
Aides- de Camp qui les arrêtèrent à Dole ,
& les ramenèrent à Paris fous l'escorte de
20 chevaux. Cette violation de la liberté
perfonnelle ne pouvoit être juftifiée que par
des indices bien accufateurs . Les voyageurs
ont fait dreffer à Dole procès verbal de
l'inventaire de leurs papiers , dans la crainte
que, chemin faifant , on ne gliffa dans leur
voiture , quelqu'écrit qui pût les rendre
fufpects. Vifites faites , & interrogatoire
fubit devant le Comité des recherches ,
par
on leur a rendu la liberté de reprendre
leur route. Probablement , ce ne fera pas
à leurs dépens: il feroit fort dur qu'on tour-
1
C 4
( 56 )
mentar ainfi les voyageurs , en les ramenant
de 70 lieues , comme des confpirate
is , fans les indemnifer de ce pélérinage
forcé. On dit que M. Voidel leur a déclaré
qu'on pourroit bien les arrêter
aux frontières. Ce propos manque fans
doute de fondement , car , M. Voidel n'a
fürement pas dans fa poche, une Loi qui
rende tous les François prifonniers de
guerre dans le royaume.
Nous perfiftons dans nos doutes fur la confpiration
de Lyon . Lorfque l'on produira les preuves de
ce complot , nous les publierons , & perfonne n'en
relevera plus fortement que nous la baffeffe & le
crime ; mais il y a loin du rapport de M. Voidel a
une procédure :
Nous avons plus d'une fois rappellé que les fuppofitions
de complots , furent de tout temps , &
dans tous les pays , le moyen banal des factions ,
& même des gouvernemens. Le long Parlement
d'Angleterre éventoit des eonfpirations toutes les
femaines. Les petites Républiques d'Italie dans
le moyen âge , Genève , la Suède , la France
pendant les guerres civiles du 16 fiècle ,
nous offrent les mêmes ftratagêmes des factions.
C'en cft affez pour mettre en défiance les citoyens
fages leur pyrrhoniſme eft d'autant mieux fondé
que , toutes les conjurations dont on nous a
entretenu depuis 18 mois , chaque fois qu'on
avoit une hoftilité à entreprendre , ont été enféycles
: dans l'oubli . Après les attentats de
:
6572
Verfailles , on fuppofa un enlevement du Roi
pour le conduire à Metz . Qui nous a montré la
trace , & divulgué les preuves de ce projet ? M. dei
Favras a péri fur l'échauffaud ; quelqu'un a -t-il
découvert un feul des 40,00 hommes , des approvifionnemens
, des chevaux qu'il raffembloit pour
égorger Paris : Qu'eft devenue la conjuration de
Rouen , dont les gazetiers patriotes avoient tous
les fils dans leurs mains ?
Depuis fix mois , M. Bonne-Savardin eft dans "
les fers : nous a-t- on fourni quelques lumières
fur ce vafte complot , qui´embraffoit dix Puiffances
? Je ne parlerai pas de tant de prétendus
criminels de lèze - nation , heureufement moins
fameux , à qui les comités des recherches ont ôté
& rendu la liberté ; mais qui a pénétré la profon
deur des fecrets recelés dans le chapeau de M. de
Riolles & dans fon porte- feuille ? Qui nous a ex- [
pliqué par quels motifs , un citoyen propriétaire
M. Mignot de Buffy , a été enlevé de fa mailon , 1
transféré avec ime effroyable eſcorte , menacé de i
la mort fur la route, enfermé depuis deux mois,
pour avoir eu chez lui quelques fufils, néceffaires
à la défenfe , dans un pays couvert, des ruines de
trente châteaux incendiés ? Quoi, on imprime tout,
on fait tout , on invente chaque jour les fables les
plus infenfées , & pas une preuve de tous ces !
complots n'eft échappée de ces plumes ardentes
qui veillent fur la liberté , en recommandant tous
les matins des oppreſſions !
Ce qu'on voit de plus clair , jafqu'à ce jour ,
dans la confpiration de Lyon , c'est qu'elle a donné
un coup de fouet au patriotifmie endormi de cette
Cs
I
( 58 )
ville , ranimé le crédit bien baiffé de club des amis
de la conftitution , & élevé aux places municipales
les plus ardens de fes affiliés : fon préfident nommé
Viter , médecin de profeffion a été élu maire ; un
M. Bret auffi affilié , eft devenu procureur de la
commune .
( Auffi-tôt qu'une confpiration éclate dans
les Gazettes , leurs éditeurs n'ont plus le
choix des inepties ; aucune fable ridicule ne
leur a échappé: ils ont fait préfenter un pifto
let à M. le Comte d'Artois , par M. d'Autichamp:
ils ont chaffé le Prince de Condé de
cette ville , en l'exilant à Nyon en Suiffe ; ils
ontfait révenir M. le Cte. d'Artois à Paris; &
profcrire à Genève, par le Gouvernement,un
prétendu achat de cent chevaux pour ce Prin
ce: ils ont donnéle Gouvernement de Monsà
M. de Lambefe , placé une armée ennemie à
Nice , affiégé Antibes , armé des frégates
pour le compte des Infurgens. En mêmetems
, ils mettent fous les armes le Nord
de la France , en lui montrant des troupes
Autrichiennes qui s'approchent du Rhin ;
par-tout ils voyent des confpirateurs , des
efcadrons, des boulets rouges , des chevaux .
de remonte, de trames obfcures dont ils ont
le fecret , des complots clandeftins qu'ils connoiffent
à fond. Toutes ces allarmes fe crient
chaque jour dans les rues comme les choux
& les navets,& le bon peuple les reſpire avec
59
l'air méphitique de nos boues. Si nous notons
ces inconcevables récits , c'est pour
caractériser l'efprit du jour , & avertir les
perfonnes crédules , entre les mains defquelles
, ces Feuilles tragiques peuvent
tomber,
Nous l'avons dit la ſemaine dernière , il
eft notoirement faux qu'un feul foldat Autrichien
, ou Allemand ait reçu ordre de
marcher. Eh bien ! on ne défabufera pas
une partie des Parifiens de l'idée que , s'ils
ne courent aux frontières , la France eft
envahie. Si , j'euffe rapporté cette prétendue
approche des Autrichiens , on m'eût
traité de confpirateur , de criminel de lèzenation
dans le fecret. Détrompez - vous le
public ? Piège d' Ariftocrate , propos fufpecs ,
deffein de nous endormir fur le danger. Puis ,
parlons de gouverner les hommes par la
raifon & la vérité .
20
Les confpirateurs Irlandois , c'est- à - dire
les jeunes Sémipariftes , fi violemment emprifonnés
pour une rixe au Champ - de-Mars,
avec la fentinelle qui n'entendoit pas l'Anglois
, ont été jugés le zo de ce mois , pleinement
juftifiés , & remis fur le champ en
liberté , après 15 jours de détention à la
Force. On fe rappelle que le peuple du
Gros-Caillou fut à છે la veille de les pendre,
C6
( 60 )
& que l'arrivée de M. de la Fayette lour
fauva la vie.
Réfléchiffez y ,
promoteurs ,
apologistes de la juftice populare.
On nous a tranfmis , depuis quinze jours ,
la note vivante , relative à la Corfe. Comme
ele peut donner une idée de la fitua
tion des chofes dans cette ifle , elle n'eft
pas inutile à connoître.
"
ce
Différentes lettres , datées de cette Ifle , de
la fin d'octobre & du
commencement de novembre
,
s'accordent dans l'expofé qu'elles font
des
perfécutions exercées contre les Français ou
les anciens
partifans de la France , par ceux
qui , depuis le retour de M. Paoli , fe font
emparés de prefque toute l'autorité civile & militaire
. On répand parmi le peuple , plus crédule
fa qu'il ne Feft ailleurs , parce qu'il eft plus
ifolé , les inquiétudes les plus ridicules & les
fables les plus groffières : ont fait croire que la
publique de Gênes fe ménage dans l'ifle un parti
Pour en faire la conquête , & que déjà elle s'eft
attachée par des brevets des familles confidérables
. Sous ce prétexte , on dirige fon animosite
contre ces familles connues par leur attachement
confrant à la France, & qui ne peuvent
échapper aux plus grands dangers qu'en fe réfugiant
dans les bois .Il fuffit d'être François , pour le voir
exclus des nouvelles places , dépouillé des anciens
emplois , & réduit par toutes fortes de
mauvais procédés , à quitter le pays . »
On cherche
également à femer la défiance
contre le régiment provincial de Corfe , parce que
•les anciens ennemis dé la France qui fe trouvent
১৩
( 61 )
dans le parti dominant , ne peuvent pardonner
à ce corps le zèle avec lequel il fervit cette
puiflance contre eux dans d'autres temps . Leur
défir eft de voir détruire ce régiment que la
raifon autant que la juftice preferit de conferver :
on veut perfuader aux foldats que leur réforme
eſt déjà décidée , afin de les porter à l'indifcipline
ou à la défertion : en attendant , on fe
fert d'eux pour faire arrêter & emprisonner
nombre d'honnêtes citoyens qu'on qualifie de
traîtres ( vittori ), parcequ'ils n'approuvent pas
le defpotifme des nouveaux adminiſtrateurs . On
compte jufqu'à 45 perfonnes arrêtées ainfi dans
le village de Féliceto de Balagna , & que l'on
a conduites à l'Ifle - Rouſſe. »
« Plufieurs attribuent à M. Paoli l'ordre de ces
arreftations ; d'autres penfent que ce font les
tribunaux de districts qui prennent fur eux de
perfécuter les perfonnes connues pour avoir été
autrefois oppofées à ce général , croyant , en
cela , lui être agréables . Mais les gens fenfés
difent que fi ces atteintes à la loi & à la liberté
des citoyens ne convenoient point à M. Paoli,
elles ne fe commettroient point , puifqu'il a affez
de crédit & d'autorité pour les faire ceffer d'un
feul mar. En vain il dit , lorfqu'on fe plaint, à
lui , des torts & des perfécutions de les parti
fans , qu'il n'eft rien , qu'il ne peut rien , qu'il
ne fe mêle de rien ; au fait , il eft tout par fon
influence , & prefque tout par les places , puifqu'il
a été fait a la fois commandant de la Garde
nationale de toute l'ifle , & préfident du direc
toire. On l'attend depuis longtemps à Baftia ,
& fes retards à s'y rendre paroiffent inconce→
vables peut-être fes partifans craiguent- ils que
( 62 )
la Garde nationale de cette ville ne leur foit pas
affez dévouée pour s'en débaraffer on la rebute
de for fervice ; les citoyens excédés ne veulent
plus monter la garde , & l'on annonçoit une
proclamation pour les en difpenfer .
:
» Le 13 novembre , M. Paoli étoit toujours
au couvent des Capucins de Roftino , avec une
compagnie de gens foldés pour fa garde. Il fe
fait escorter par cette troupe , même à la pro
menade elle fait la découverte des lieux où il
doit paffer , ce qui reffemble bien plus à la
défiance d'un delpote , qu'à la fécurité d'un
citoyen qui jouit & veut faire jouir fes concitoyens
d'une conftitution , dont les bafes fout
la liberté & l'égalité.
>> Ceux qui écrivent ces détails marquent qu'ils
n'ofent en dire davantage , le fecret des lettres
n'étant point refpecté dans l'ifle comme il doit
l'être dans toute la monarchie , d'après les décrets
de l'Affemblée nationale » .
Le 6 décembre , c'est -à- dire poftérieu ,
rement au décret par lequel l'Affemblée
nationale a ordonné main levée à toutes
les oppofitions formées contre divers clubs
d'Amis de la Conftitution , 645 citoyens
actifs de Besançon , tous Officiers & Soldats
nationaux , ont figné une adreffe à la munici ད་
palité , par laquelle ils la remercient d'avoir
empêché l'établiſſement du club Jacobite,
conformément à leur pétition du 1 ) feptembre.
Il faut obferver que prefque toat
le Directoire du Département du Doubs
( 663 ) )
eft compofé de Sociétaires dits , Amis de la
Couftitution.
>
C'eft par amour de la paix , difent les
citoyens de Befançon , que le 25 ſeptembre ,
nous vous dénonçames une fociété naiffante qui ,
fe parant du titre impofant d'amis de la conftitution
, ne préfentoit réellement qu'un établiſ
fement deftructeur du bon ordre , fait pour armer
les bons citoyens les uns contre les autres ,
& propre à anéantir cette même conftitution
fous prétexte de la protéger . ' 1 (
#
>
Sur cette pétition , le Corps Municipal
défendit à la fociété de s'affembler ; il paroît
qu'elle a perfifté , & de là la nouvelle
adreffe dont nous venons de parler . Tous
les motifs qu'on y développe , ne nous
paroiffent pas également perfuafifs ; mais
il en eft de très énergiques , dont nous préfenterons
l'extrait .
cc Comment , prétendent les auteurs , pourroit-
on concilier les effets de la liberté , avec
l'existence d'un corps formé de prétendus amis ,
de la conftitution , dans lequel tous les citoyens ,
qui la chériffent & la défendent , ne pourroient'
être admis qu'au moyen de fcrutin & d'épreuves
; avec l'existence d'un corps qui , fans pouvoirs
& fans mandats , pourroient diriger l'opinion
publique , la corrompre , & la faire fervir
à fes propres deffeins ; avec l'exiftence d'un corps
ou des têtes exaltées , s'enivrant de leurs idées"
fantastiques , mettroient les déclamations à la
((64 ))
place de l'éloquence , la fureur à la place de
l'énergie , les émeutes populaires à la place du
bien public : ne feroit-ce pas reporter le peuple'
abufé fous le règne de l'inquifition , & ricer
les citoyens fous l'empire d'un defpotifme d'autant
plus révoltant , que les agens en feroient
inconnus » ?
« Le titre d'amis de la conſtitution eſt fans
doute un beau nom ; mais les mots n'en impofent
plus à perfonne , ce font les chofes que les
fages cherchent & ambitionnent les mots de
liberté & de patriotifme n'ont-ils pas , dans tous
les temps , fervi de prétexte & de voile aux
crimes les plus atroces ! N'eft-ce pas fous le
titre d'Amis du peuple que Marat & les confrères,
ont occafionné , par leurs écrits féditieux , cette
multitude de défordres qui ont fouillé tant de
villes ? N'eft- ce pas dans des affociations femblables
,, que les malheurs des villes de Nîmes
& de Nancy ont pris leurs fources ? N'eft - ce pas
par des affociations de cette effèce , que les
troubles de Breft ont été fucceffivement excités .
& affoupis ! N'eft - ce pas dans des fociétés de
cette nature que les défordres de Lyon ont
d'abord pris leur origine ; & cette ville ayant eu
la foibleffe de laiffer former vingt - quatre clubs
dans fon fein , toutes les nouvelles ne nous annoncent-
elles pas que le choc de ces différentes
fociétés nullement d'accord entre elles , ne peut.
qu'accélérer la perte des . citoyens ,? Faudra- t - il
donc que la ville de Befançon , infenfible à tant
d'exemples , s'expofe à donner à fon tour , à la
France agitée , des fpectacles fanglans .
Ces fociétés ne font autre,chole que les
tous les écrits féditieux , propres à éga-
CC
foyers
de
1
( 65 )
rer le peuple , & à livrer les citoyens à tous les
malheurs qu'entraîne l'infubordination aux loix ,
& l'excès de la licence ; ces fociétés font des
écoles de cabale & d'intrigue , où des gens , fans
autre mérite & talent que celui d'une heureufe
opinion d'eux - mêmes , difpofent à l'avance de
toutes les places de l'empire , les répartiffent
modeftement entre eux , le tout en vuc du bien
de la conftitution dont ils fe difent les amis :
c'eft après des complots formés , qu'ils parcourent
les campagnes pour en impofer à leurs habitans
par tous les preftiges d'un charlatanifme
hypocrite ; c'eft après des complots formés , qu'ils
fe préfentent dans les affemblées publiques , pour
faire tomber , par une multitude de féductions
les voeux des citoyens honnêtes , fur ceux que la
cabale a défignés .
Une confidération du plus grand poids fuffiroit
feule pour empêcher les habitans de cette ville
de laifler former de femblables établiſſemens au
milieu d'elle . Suivant le règlement de ce prétendu
corps , on fait dans fon fein des déronciations
, des difcuffions fur les perfonnes ; &
tout cela fous le fceau du fecret le plus inviolable.
Cette fociété , comme on le voit , eft un vrai
tribunal d'inquifition . C'eft- là que les animofités
& les haines particulières prennent un libre effor ,
toujours fous le mafque du bien public ; c'eft-là
que le citoyen honnête , livré aux calomnies les
plus atroces fe trouve égorgé fans défenſe ;
c'eft - la que le voifin s'arme contre le voisin , le
frére contre le frère , le fils contre le père ;
c'eft-là enfin qu'on rend , dans le fecret , des
fentences de profcriptions , qui finiffent par s'ex
J
2
( 66 )
cutet aux premières émeutes populaires , qui font
la fuite inévitable de ces fortes d'affemblées .
Quel eft le premier effet que produit la certitude
des vexations & des horreurs qui font les
fruits de ces établiffemens ? C'eft de dégoûter
de leurs fonctions les adminiftrateurs honnêtes ,
& de leur faire abandonner la chofe publique .
C'eft de forcer tous les gens opulens à aller
chercher au loin une tranquillité qu'on leur refufe
; c'eft d'engager tous les habitans qui ont
des campagnes à s'y réfugier , pour y trouver la
paix ».
» Si les prétendus amis de la conftitution
font auffi enflammés du bien général qu'ils
l'affurent , qu'ils fe réuniffent aux adminiftrateurs
des établiffemens de charité qu'ils
augmentent les fonds deſtinés aux pauvres ; qu'ils
foulagent les malheureux qu'ils faffent ceffer
l'infortune d'un millier de familles qui fe trouvent
fans reffources ; c'eft alors qu'on croira à la pureté
de leurs vues : mais qu'ils fachent que les
citoyens de Befançon ne fouffriront , dans leurs
murs , d'autres fociétés que celles uniquement
formées pour confoler les indigens , leur procurer
de l'occupation , & apporter enfin un terme
à leur malheur,
Perpétuer le trouble , c'eft perpétuer &
étendre la mifère. Les citoyens de Befançon
démontrent cette vérité , & ils citent unévènement
affreux , en preuve de l'excès
d'indigence où eft plongé le peuple. Le 27
novembre , un père de famille du lieu de
Chalezeule , eloigné d'une lieue de Befançon
, défelpéré de ne pouvoir donner du
( 67 )
pain à fes enfans , n'a trouvé que l'exécrable
reffource de leur ôter la vie.
Malgré leur oppofition au club Jacobite
, les citoyens de Befançon ſe font
bien gardés des fureurs d'Aix & de .
Perpignan. Ils n'ont point enfoncé les
portes du club ; ils n'ont maltraité , enfanglanté
, arrêté , pendu perfonne. Leur réclamation
eft légale , & le contrafte de
leur conduite , doit faire rougir de honte
ceux qui , à ces moyens autorisés par la
loi , fubftituent des effractions & des af-
-faffinats. Sans doute , les citoyens de Befançon
perfifteront dans cette modération .
Le Corps légiflatif a décrété la liberté
des affemblées de Société, à la charge d'obferver
les loix qui régiffent tous les citoyens.
Or , les loix défendent aux affemblées
d'être des foyers de délation ; de
provoquer des outrages à la fûreté & à la
liberté, de foulever les efprits contre l'ordre
public , & d'allumer la fureur populaire
contre les citoyens , foupçonnés de ne pas
partager les opinions de tel ou tel club. Aux
termes du décret & des droits de l'homme ,
toutes les Sociétés font libres dans leurs principes
; mais certes , elle ne le font pas plus
dans leurs actions , que les fimples citoyens.
A Lyon , les clubs des amis de la conftitu
( 68 )
con fe font emparés de la liberté des fuffrages ,
& décident les élections à eux feuls , de forte
que l'affemblée électorale , légitime , n'eſt què
de pure forme. Un journaliſte qui trouve ce
fyftême très-conforme à l'indépendance des opinions
, vient d'apprendre au public qu'il exiftoit
à Lyon 28 clubs patriotiques ; ils fe partagent
en 28 fections ; leurs commiflaires forment
un club central ; on fait un fcrutin dans tous
les clubs des fections ; le club central les 1aſſemble
& les compte : le réſultat fait la règle des
élections.
Voilà le voeu du Peuple , la majorité',
la volonté nationale ! C'eft avec ces artifices
plus dignes d'une faction tyrannique ,
que d'amis de la Conftitution & de la
liberté , qu'on enteni gouverner l'Empire ,
dicter les choix , & porter aux p'aces ceux
qui ré gentent ces affociations.
Le pouvoir des corps adminitratifs eft fi peu
défini fi peu limité & tellement arbitraire
qu'il n'eft pas étonnant, d'apprendre chaque jour
des offenfes de leur part aux droits les plus
fimples de la liberté . Le mois dernier , la municipalité
de Grenoble a condamné à 2000 liv.
d'amende , M. Giroud éditeur des affiches de
Dauphiné , pour avoir inféré dans cette feuille
le mandement de l'évêque de Soiffons . C'eft
reffuciter l'ancien régime dans fa plus grande tétricité
. Et de quel droit , en vertu de quellé
loi, ces municipaux naiffans puniflent- ils l'exer
cice légitime du droit d'imprimer librement ? Le
véritable, tort de M. Giroud eft de rédiger fes
( 69 )
affiches en ami de l'ordre ; d'avoir adopté les
principes de M. Mounier fon compatriote , &
de ne pas écrire dans ce qu'on appelle le fens
de la révolution . Un grand nombre de citoyens
de Grenoble ont marqué leur indignation de
cette fentence , en payant eux-mêmes l'amende
infligée fi defpotiquement à M. Giroud , & en
fe chargeant de fa défenfe ; car cette affaire n'en
reftera pas là.
Tandis que les Municipaux de Grenoble
châtient ainfi un Journaliſte qui
réimprime un mandement , veut on favoir
ce qu'on imprime à Paris , en faveur
de la Conftitution , fans qu'aucune autorité
fonge à intervenir ? M. Robert , affilié au
club des Jacobins , & par conféquent trèsami
de la Conftitution , qu'il a fans doute
avec bien d'autres , juré, 30 ou 40 fois de
maintenir , jufqu'à la dernière goutte de fon
fang , vient de compofer , & vend chez
lui un livre 8°. , intitulé le Républicanifme
adapté à la France. Le patriqte Briffot, auffi
grand jureur , Electeur , Inquifiteur , Délateur,
& le plus zélé ferviteur de la liberté,
quand il s'agit de perfécuter celle d'autrui ,
s'exprime ainfi dans fa feuille périodique ,
n°. 498. au fujet de l'ouvrage de M. Robert.
M. Robert entreprend de prouver qu'aucune
localité n'empêche d'établir la République en
France . Il examine toutes les objections des monarchistes
, & les réfute avec cette chaleur , cette
(170 ).
énergie qui caractérisent une ame fenfible , bien
pénétrée de toute la dignité de l'homme. »

« J'ai entendu des hommes qui ſe croient éclairés
lui faire un crime de ce qu'ils appelloient fa hardieffe
, l'appeller incendiaire , féditieux . Mais fi
la déclaration des droits n'eft pas un fimple jeu
de mots il est évident , d'un côté , que le citoyen
a le droit d'énoncer toutes les opinions ; &
que , de l'autre , le peuple étant le feul fouverain ,
peut quand il lui plaît changer la forme de fon
gouvernement. Les François ont donc le droit
d'abolir chez eux la monarchie , ou de ne pas
la donner à titre d'hérédité , &c.; mais s'ils ont
ce droit , un auteur a donc auffi celui de leur
prouver qu'ils doivent le faire , quand il lui
eft démontré que beaucoup d'avantages font
attachés à cette abolition . M. Robert n'a donc
fait qu'exercer un droit légitime en écrivant ſur
ce fujet important . »כ כ
--
» Je défire , dit M. Robert , que ma patrie
devienne une république ; mais je ne fuis ni
fanguinaire ni incendiaire , car je défite également
que ce ne foit ni par force , ni pár violence que
l'on faffe defcendre du trône celui qui l'occupera
à cette heureufe époque ; je veux que cela fe
faffe par une loi conftitutionnelle ; & , de même
que l'on a dit à Louis XVI , placez- vous là,
qu'on dife à Louis XVII ou XVIII , defcendez,
parce que nous ne voulons pas de Roi ; redevenez
citoyen , redevenez membre du fouverain.
V
do
( 71 )
Lettre au Rédacteur.
Paris le 24 décembre.
MONSIEUR ,
cc Mon nom a paru à la tête d'un journal des
amis de la conftitution monarchique , où j'ai
plufieurs amis , & dont je fuis membre. Je ne
puis répondre à la confiance dont elle voudroit
m'honorer , en me chargeant de la rédaction de
fon journal. Je continuerai d'y fournir des articles
qui feront toujours fignés de mon nom . Les
réflexions préliminaires & l'extrait de Quintius.
Capitolinus étoient de moi dans le premier numéro
qui a paru le 18 décembre » .
FONTANE S.
P. S. Il eft faux que trois perfonnes
ayent été pendues à Aix , depuis le meurtre
de MM. Pafcalis , de la Roquette , &
Guiraman . On nous avait auffi trompés ,
en faifant de M. Pafcalis le défenfeur de
Madame de Mirabeau dans fon procès
avac fon mari elle avoit pour Avocat M.
Portalis . Nous relevons cette erreur fans
délai , dans la crainte d'être foupçonnés
de partager les conjectures odieuſes ,
que des perfonnes , emportées par l'eſprit
( 72 )
de parti , ont répandues fur le crime d'Aix.
Nous n'ignorons pas à qui il faut en attribuer
la principale gloire , & la juftice nous commande
de détruire les calomnies qu'on a
lemées , à cet égard , dans le Public.
Les Numéros fortis de la Loterie Royale
de France , du premier décembre 1790 ,
font : 47 , 89 , 56 , 50 , 78.
Les Numéros fortis de la Loterie Roya'e
de France , du feize décembre 1790 , font :
39 , 74, 14 , 63 , 57.
ر ذ
*
MEX ROV
C
खे
1
9
A VIS.
>
Nous fommes redevables à nos abonnés de la
dernière partie du tableau de l'Europe , publié
au mois de juillet dernier. Cette feconde partie
qui comprend la Révolution de France a pris
un grand accroiffement par la fucceffion des évènemens
des raifons décifives nous forcent à retarder
encore la publication de ce travail , qui fera ,
en temps convenable , délivré aux foufcripteurs.
Le réfumé de l'hiftoire du reste de l'Europe en
1789 , paroîtra au mois de février : le public
aura l'indulgence de ' fentir que , dans les circonftances
& le lieu où j'écris , avec une tâche
auffi épineule que celle qui m'eft impofée chaque
femaine , j'ai befoin de loifir & de tranquillité
pour rendre des morceaux de ce genre dignes
d'être lûs.
Nous avions également annoncé divers autres
articles reftés en arrière ; ils trouveront un jour
leur , place que les conjonctures leur ont fait
perdre : il n'échappe à perfonne , qu'au moment
où nous vivons , nul ne peut répondre de ce qu'il
lui fera poffible d'imprimer dans 24 heures.
Divers abonnés ont réclamé divers décrets que
nous n'avons pû tranfcrire : nous les prions de
confidérer que le code univerfel des décrets furpaffant
dix fois l'étendue annuelle de ce journal ,
on ne pourroit les y enregistrer tous , même
en fupprimant les difcuffions de l'Affemblée nationales
, les articles de France , & la politique
étrangère. Le feul code pénal de la Marine , ou
celui de l'aliénation des biens nationaux , cut
abforbé quatre ou cinq de nos cahiers . Plufieurs
No. 2. 8 Janvier 1791. D
( 74 )
décrets n'ont abfolument qu'un objet le cal ou
perfonnel , fans intérêt pour la généralité du
royaume ; d'autres font des règlemens de formes
; une troifième claffe de loix ne renferme
que des applications circonftancielles de décrets
fondamentaux . Au milieu de cette abondance, nous
fommes fortement obligés de nous en tenir à la
tranfcription littérale des décrets Conftitutionels ,
ou d'une application univerfelle , & à rapporter
feulement en fubftance , une partie de cette foule
de referits particuliers qui émanent chaque jour
du corps conftituant .
Aucun décret important & d'un intérêt général
, n'a été ni ne fera omis . Quant aux reproche
d'altération que nous ont fait des calomniateurs
, il ne vant pas une réponſe . Ainfi qu'à
tous les autres journaux , il a pu nous échaper
des erreurs ; on en trouve même dans les procèsverbaux
de l'Affemblée ; mais nous avons conftamment
rectifié ces inexactitudes , lorfqu'elles
nous ont été connues.
Quant à la table des décrets qui nous a été
demandée à diverfes reprifes , elle formera pluficurs
feuilles d'impreffion , & un objet de dépenfe
très - confidérable . Ces détails ne font point
de la compétence du Rédacteur : il fent la néceffité
d'une parcille table , & il ne doute pas qu'à
cet égard , le propriétaire ne rempliffe le voeu
des foufcripteurs , moyennant une légère augmentation
du prix d'abonnement.
Pour tout ce qui regarde l'abonnement & l'expédition
de ce Journal , il faut s'adreffer au Sieur
GUTH, Directeur de ce Journal , Hôtel de Thou ,
tue des Poitevins .
MERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
POLOGNE.
De Varfovie, le 16 Décembre.
EN attendant le fort des intrigues de
la Ruffie, & de fes créatures , pour nous
rattacher aux chaînes que nous avons bri- .
fées , la République fe lie fucceffivement par
des Traités , qui mettront un frein aux entreprises
de cette Puiffance dominatrice . Aux
Traités d'alliance qui nous uniffent à la
Pruffe & à la Suède , il faudra joindre bientôt
celui que M. le Comte Potocki , notre
Ambaffadeur à
Conftantinople , vient d'arrêter
au nom de la
République avec l
Porte Ottomane : voici les
principaux
cles apportés ici , le 7 , par un Co'arier
extraordinaire.
ci
D 2
( 76 )
1
1º. Les deux Puiffances fe garantiffent réciproquementleurs
poffeffions refpectives , fur le pied ou
elles fe trouveront à la fin de la guerre , entre la
Porte & la Ruffie 2° . Elles fe donneront des
fecours mutuels , le cafus foederis ; ( cette ftipulation
ne regarde pas la guerre actuelle ; ) la Porte
promet à la République 40,000 hommes de Troupes
auxiliaires , & la République 20 & quelques
mille à la Porte : ce fecours pourra être converti
en argent. Les cas de fecours font expreffément
ftipulés , & l'on défigne les deux Cours Impériales
comme les Puiffances contre lefquelles l'alliance eſt
dirigée . 3 ° . La Porte accorde à la République ,
quant au commerce & à la navigation , tous les
avantages dont jouiffent , dans l'Empire Ottoman
les Nations les plus favorifées . 4°. Les fujets de la
République pourront naviguer fur la mer Noire
avec 40 bâtimens ; ils fe ferviront du pavillon
Turc , depuis Akiermen jufqu'à Conftantinople ,
& du pavillon Polonois depuis ce port jufques
dans l'Archipel . 5º . Il réfidera toujours un Ambaffadeur
de la République à Conftantinople , qui
aura le même rang & les mêmes honneurs que
l'Ambaffadeur de France.
On préfume la fenfation qu'a produit
la connoiffance de ces articles ; le parti
Ruffe va redoubler d'efforts pour prévenir
la conclufion de ce Traité , qui réaliferoit .
une ligue propre à affurer au moins pour
quelques années , la tranquillité du Nord,
& du Levant.
La Comteffe Oginska , douairière , "eft :
morte ici le 3 de ce mois , dans la 919.
( 77 )
année de fon âge . Cette Dame étoit douée
d'une force extraordinaire : elle rouloit &
dérouloit des afficttes d'argent , rompoit en
deux des écus & même des pièces de grofchca;
a 18 ans elle affifta à Diefde au Caroufel
de Dames , qu'Augufte III donna à l'occafion
de fon mariage avec l'Archiducheffe
Jofephine , & elle remporta le premier
prix.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 20 Décembre.
LL. MM. Siciliennes prolongeront leurs
féjour ici jufqu'au milieu du carnaval , &
ſe rendront enfuite à Venife . Le Roi de
Naples paroît avoir terminé fes courfes : on
-ne s'occupera plus que des amuſemens
d'hiver , fur lefquels la paix & la tranquille
réduction des Pays - Bas répandront plus
de gaîté.
L'Adminiftration intérieure occupe autant
le Gouvernement que les affaires du dehors.
Parmi les dernières difpofitions du Souverain
, on remarque celle qui a rendu aux
Etats de Milan l'ancienne prérogative d'avoir
un Député permanent auprès de l'Empereur.
S. M. I. a aufli accordé au Duché de
Mantoue le rétabliffement de fon Gouverneur
particulier , & a diminué de 160,000
florins les impofitions de cette Province.
D 3
( 78 )

Les Etats de Hongrie viennent d'accorder ,
fous l'agrément du Roi , l'indigenat ou la naturalifation
, à plufieurs étrangers , comme un témoignage
de l'eftime & de la reconnoiffance des
Hongrois . Ces étrangers , attachés au fervice
Impérial , font le Maréchal Prince de Cobourg ,
pour lequel on demandera auffi au Roi une terre
dans le Royaume , le Lieutenant-Général , Prince
de Waldek , le Comte de Boro , le Baron de
Gemmingen , le Baron de Mitrowski , le Baron
de Born , le Marquis de Manfredini , le Conte
de Wartensleben , les deux Comtes de Lamberg ,
le Comte de la Motte , le Baron Dureville , le
Baron de Mefni , le Baron de Feschenberg , le
Baron de Werkheim ; le Baron de Kulmer , le
Comte de Petezzi, le Comte de Chamare , le Baron
de Bonazzi , le Baron de Bruder , le Comte de
Stokhammer , le Baron deWenkheim & le Comte
de Kotulinski .
Les villes de Carlftadt , Pofega , Temeſvar &
Therefianople , qui avoient été déclarées précédemment
Villes libres & royales , ont été enregiftrées
dans la matricule par ordre des Etats .
Les négociations ont commence à Sziftove
, le 27 Septembre : elles ont augmenté
d'activité depuis l'arrivée des Minitres
d'Angleterre & de Hollande , & du Député
Hongrois , Comte François d'Efterhazy.
Szittove , ville affez bien bâtie & dans
une belle situation en Bulgarie , a abondaniment
de vivres & peut fuffire aux prinċipales
commodités des Plénipotentiaires ; ce
qui leur manque eft fourni de Rudj k. On
eft fans nouvelles préciles des deffeins du
( 79 )
·
Grand- Vifir , jufqu'ici ftoïque fpectateur
des mouvemens des Ruffes : fuivant quelques
avis , il lui refte 80 mille hommes fous
les armes , avec lefquels il penfe d'aller audevant
des Ruffes. Ce projet eft plus que
douteux . En attendant que cet Ottoman
en exécute un quelconque , les Ruffes continuent
à s'affurer des divers bras du
Danube , en remontant de l'embouchure
à Ifmail. Ils fe font emparés de Toulezi ,
de l'ifle volfine , & d'aczi , ce qui facilitera
l'attaque d'Ifmail . Dans ces expéditions
, nombre de chaloupes & de petits
bâtimens Turcs ont été brûlés ou pris.
Le Prince Potemkin dans les dépêches du
23 Novembre , & d : 4 Décembre , rehauffe
ave: la pompe du ftyle oriental ces petits
faits , qui peuvent acquérir de l'importance
par leurs fuites , & dont les relations am ·
plifiées fourniffent des pages aux Gazettes.
De Francfort-fur- le-Mein , le 31 Décembre.
La liberté théorique & exécutive à laquelle
on invite les Nations , depuis quelque
tems , n'eft autre chofe que le DROIT
DU PLUS FORT. Elle confifte à reprélenter
la volonté générale par celle de quelques
chefs populaires qui , attachant à leurs
opinions ou à leurs intérêts une partie de
la multitude , avec les bras de celle- ci emportent
les délibérations , & fous peine de -
D 4
( 80 )
la vie , font taire les oppofitions . On pille
le plus foible , on brûle ſa maiſon , on le
profcrit , on le pend , cela fe nomme le
civifme de la liberté. Quiconque ne fléchit
pas ; quiconque défend fa demeure , fa
vie , fes droits perfonne's , ceux de fa
confcience confacrés par la loi , eft rébel'e
à la liberté , mauvais citoyen , ennemi du
peuple , efclave des tyrans . Il y a loin fans
doute de cette anarchie fauvage , de cet
état de guerie inteftine , à l'émanation libre ,
légale & paisible de la volonté publique ,
dont Rouleau a fait la bafe du contrat
focial. Le contrat focial d'aujourd'hui eft
contenu dans la devife des Démagogues :
liberté , honneurs & profits pour nous feuls ;
oppreffion pour tout le refte.
Ainfi que les autres genres de defpotifme ,
lorfque celui - ci perd l'appui de la force ,
lorfqu'une, violence fupérieure lui enlève la
Souveraineté , il n'a plus même le privilége
de fe plaindre ; il a fait la loi qui le
punit , & telle eft l'hiftoire de Liége en ce
moment.
Le fordide intérêt des tripots de Spa
a été l'origine des troubles de cette Principauté.
Des réclamations politiques naquirent
de cette querelle : plufieurs de ces
demandes parurent légitimes aux yeux de la
Loi & de la raifen : elles augmentèrent bientôt
en nombre & en énergie , d'un côté
par la roideur du Prince , de l'autre par
( 81 )
C
les deffeins manifeftés du parti populaire .
Bientôt las de négocier , & même fans attendre
un déni de juftice des Tribuna.x
de l'Empire , Juges naturels de ces conteftations
, is forcèrent l'Evêque & fon
Chapitre , à main armée , de confentir à
leurs demandes. Le Prince , les Chanoines ,
beaucoup de Nobles , & nombre de citoyens
cherchèrent leur sûreté dans l'exil : ils appellèrent
de ces voles de fait à la Chambre Ïmpériale
. Ce Tribunal , au lieu de procéder
en arbitre , décida en Souvera'n : il ordonna
l'exécution de la Sentence aux Cercles du
-Bas-Rhin & de Weftphalie.
Le Roi de Pruffe prit le rôle qu'auroit dû
prendre la Chambre Impériale , d'exécuter
il devint méd ateur ; fi balance pencha vifiblement
en faveur de la Cité de Liége
dont plufieurs droits étoient légitimes ; mais
qui en avoit atténué la force par la violence
& l'illégalité de fes démarches . Un des
Chefs de cette infurrection étoit
depuis long tems dévoué à la Cour de
- Berlin : cette Puiffance avoit fenti de tout
tems l'importance d'avoir des intelligences
à Liége , & de s'y former un parti , furtout
depuis que l'Electorat de Cologne étoit
paffé à la Maifon d'Autriche.
Enivrés de cette protection , les Liégeois
traitèrent , avec le plus infultant mépris , les
séclamations de leur Prince , les Décrets
DS
·
·
( 82 )
de la Chambre Impériale , & les réfolutions
du Directoire des deux Cercles .
Au lieu de réfléchir fur leur pofition, ils l'aggravèrent
par toute efpèce d'innovations fondamentales
dans l'économie politique du
pays , fans confulter même leurEvêque : ils le
détrônèrent de fait , & fe donnèrent un Régent
dans la perfonne d'un Prélat François
, affez mal confeillé pour aller prendre
des mains de la populace careffée , une
coutonne qui devoit écraler fa réputation .
Singes enthoufiaftes des inftitutions Françoifes
, les infurgens de Liége te hâtèrent
de démolir la maifon parce qu'elle avoit
quelques gouttières , & d'en bâtir une nouvelle
à la face de l'Empire Germanique &
des troupes d'exécution . Leurs mémoires ,
leur récès étoient autant de déclarations de
guerre. Le Collége Electoral ayant délibéré
fur les moyens de terminer ces troubles ,
fes propofitions , modifiées par M. Dohm ,
firent éclater une fedition . Au lieu de la
déférence que le Miniftre Plénipotentiaire
avoit droit d'efpérer à tant de titres , on
l'obligea en quelque forte de quitter la ville.
Les Pays voilins fe couvroient de Liégeois
expatriés par les menaces & le defpotifme
de la faction dominante ; le peuple égaré
par elle fe livroit chaque jour à des excès ;
ni la sûreté ni la propriété ne furent refpectées
: on continua à braver l'Empire , & à
perfévérer dans une opiniâtre réfiance. Les
troupes exécutrices , à - peu près immobiles
( 83 )
pendant leur féjour dans la Principauté , en
avoient , cependant , conftamment ménagé
les habitans elles fembloient garder les
frontières de ce petit Etat , plutôt que tendre
à le foumettre. Leur inactivité , la décifion
des El cteurs , les exhortations de la
Pruffe , la certitude morale d'une prochaine
foumiffion forcée , n'ébranlèrent point la
faction de Liége. Elle déclara à la face de
l'Europe qu'elle vouloit vaincre ou mourir.
Pendant cette convulfion d'amour propre,
on pilloit les maifons au nom de la liberté.
Les Etats étoient vifiblem : nt fous
le jong des Municipaux , & les hommes
fages parmi ces derniers , tyrannités par
quelques Demagogues & par la crainte de
la populace. Tout dépériffoit , le commerce
, les affaires , les fabriques , les revenus
publics. Plus de deux mois s'éroient
écoulés depuis la féparation des Electeurs ;
Liége perfitoit dans fes prétentions . Enfin
la fcène a fini par le dénouement que nous
avions prévu , & annoncé à nos Lecteurs ,
tandis que les Emiflaires des Liégeois rempliffo
ent les gazettes de forfanteries & de
déclamations .
Le Roi de Pruffe , avions nous dit , ne
protégera point contre l'Empire même ,
une faction à laquelle il a fourni tous les
moyens d'accommodement utile. Il a bien
voulu défendre leurs libertés ; mais il ne
s'armera point pour leur indépendance.
D 6 .
( 84 )
L'inutilité des efforts de fon Miniftre ; &
les brigandages impunément exercés dans
la Principauté, ont déterminé fa défection ;
car il pouvoit foutenir un Peuple attaché
à fa liberté , & non des pi lards & des
oppreffeurs.
Les loix de l'Empire , fes intérêts , ſes
devoirs ne lui permettoient plus de s'affocier
à quelques Bourgeois de Liége , pour
combattie avec eux les décifions & les
armées du Co ps Germanique . Telle étoit ,
néanmoins , la poſition où le réduilot la
trifte résistance des Liégeois : ils l'accufent
aujourd'hui de trahifon ; l'Empire l'en eût
accufé à bien plus jufte titre, & cette imputation
dans la bouche d'une faction battue
par fa mauvaiſe conduite , eft feulement
une preuve de fon ingratitude.
La foumiffion du Brabant fut une nouvelle
leçon pour elle ; mais Liége donnoit
des leçons & n'en recevoit point. En coplant
dans fes manifeftes quelques lieux
communs de la rhétorique des gazettes
Françoiles , elle fe croyoit invincible . A
toutes fes fautes qui combloient le malheur
du pays , en accélérant l'inftant de
fa réduction , elle en avoit joint une ' qui
prouve l'efpèce des cerveaux qui la gouvernoient.
Ses Chefs avoient follicité
Pappui de la France , contre le Corps:
Germanique. Cette feule démarche auroit
tuffi à provoquer la fin du jeu.
( 85 )
L'Empereur ne pouvoit y refter indifférent
, du moment où l'Empire l'invoqueroit.
Les Liégeois ont volontairement amené
cette invocation ; en attaquant ouvertement
les troupes exécutrices , hors du territoire
de leur cité. Il étoit temps de faire
ceffer les fureurs auxquelles fe livroit le
Peuple. Pour y parvenir efficacement &
fans retour , la Chambre Impériale de
Wetzlar à requis l'exécution de l'Empereur
, comme membre de l'ancien cercle
de Bourgogne ; il s'eft chargé de cette
expédition. Par ordre du Maréchal de Bender
, le Baron d'Alvinzi qui commande le
corps d'Autrichiens cantonné dans le Linbourg
& la partie limitrophe du Brabant , a
not fié le 23 aux Etats & à la Municipalité
de Liége , que l'intention de l'Empereur
étoit de faire entrer un Corps de troupes
dans la ville & le pays , pour y rétablir
l'ordre & la tranquillité. Les Etats étoient
déjà prévenus de cette réfolution par une
lett e de leur Agent à Wetzlar. Is ont
écrit au Maréchal de Bender pour l'affrer
de la confiance refpectueufe qu'ils met
toient dans la juftice & la magnanimité de
Empereur , & pour demander que les
trompes Aurichiennes entrent feules , fans
celles de Electeurs , & qu'elles fe bornent
à occuper les portes & les fauxbourgs.
Cette lettre a été portée à Bruxelles
par une députation même des Etats . Le
( 86 )
Maréchal de Bender y a fait une réponſe
fatisfaitante , en fe taifant , néanmoins , fur
la condition relative aux troupes Electorales.
Quant aux formes de la foumiſſion ,
& à fon étendue , M. d'Alvinzi les a preſcrites
en ces termes , dans une note aux
Etats.
Son excellence , le feld maréchal baron d'Alvinzy
, a l'honneur de réquérir de ces Mefheurs
: i
1º. De faire retirer les garnifons de Saint-
Trond , Tongres , Vifé & autres villes du pays
de Liége.
2º. De faire défarmer tous militaires bourgeois
, avant l'arrivée des troupes impériales
nommément à Liége , Verviers & autres où il
y en a.
}
3 °. De donner des ordres précis & féveres à
Vifé & ailleurs pour la réception des troupes de
l'Empire.
4°. D'arranger les quartiers dans les faubourgs ,
dans les maifons convenables , en laiffant les
troupes impériales par bataillons ou divifions ,
& la cavalerie par efcadron , & qu'à la citadelle
on y règle les quartiers à temps pour deux divifions
.
5 °. De faire arranger à temps une garde fur
chaque place pour une divifion , puiſqu'il s'agira
de placer dans la ville trois divifions pour les
gardes .
6°. Que ces meffieurs faffent préparer à chaque
porte de la ville , une chambre pour un officier ,
& place pour vingt hommes.
7°. Que les membres des magiftrats deſtinés
à s'affocier à la troupe impériale foient nommés
( 87 )
1
à temps , & joints avant l'arrivée des troupes a
Liége.
8°. Que les armoiries y introduites & affichées ,
les cocardes & autres fignes foient ôtés avant
l'arrivée des troupes impériales .
9° . Que la défenſe la plus rigoureuſe foit
publiée , pour qu'il ne fe tire ni coups de fufil
ni de piftolet , qui pourroient attirer des fuites
fâcheufes , dès que la troupe croira avoir à fe
venger & qu'on ne pourra la contenir.
10. Meffieurs des Etats & des magiftrats font
au furplus priés de prendre toutes les précautions
poffibles pour affurer le calme & la tranquillité
publique.
Acum , Louvain , ce 25 décembre 1790 .
Signé B. ALVINZY . général.
Quelqu'humiliantes que foient ces formalités
, fur - tout celle du défarmement
général , les Etats & les Municipaux y ont
adhéré fans ultérieure referve ; leur foumiffion
auffi prompte que complette a été
communiquée au Peuple , en l'exhortant
à l'imiter avec la même docilité.
Dans une adrefle du Corps Municipal
aux Citoyens , ces Magiftrats après avoir
loué leurs fervices & leurs efforts , invitent
le Peuple à Se repofer fur la justice de fes
réclamations , à fe tranquillifer fur leur
Jort futur . Il faut convenir que ce langage
eft peu confolant , apres celui qu'on tenoit
il y a fix femaines . Quand on peut te réfigner
ainfi aux évènemens , il est bien peu
noble d'attendre l'extrémité qui vous ré·
(· 88 )
duit à cette humiliation. Jamais il n'ỷ eat
de honte , ajoutent ils , de céder à la néceffité;
montrez vous dignes de la liberté qui
vous échappe , & qu'aucun excès ne déshonore
ces derniers momens . Sans doute , la
honte n'eft pas de céder à la néceffité ;
mais la faute impardonnable confifte à s'y
être réduit . Sans doute , il feroit extravagant
de prolonger le malheur d'un Peuple
cruellement égaré , en le condamnant à
une réfiftance inutile ; mais lorfqu'on fert
cette vérité , on doit regretter de l'avoir
méconnue , en annonçant dix fois à toute
l'Europe qu'on verferoit jufqu'à la dernière
goitre de fon fang. Dans nos temps modernes
, ces phrafes doivent être ré'ervées
pour une ode : elles décelent des
cap tans plutôt que des hommes libres , &
lorfqu'on a envie de mourir , on ne le publie
pas à fon de trompe lorfque le danger eft
éloigné.
On fait qu'il exifte encore un defcendant de
la famille de Gonzague - Caftillione , qui forme
des prétentions fur le duché de Mantoue & la
feigneurie de Bozzolo , que l'Empereur Jofeph I
donna à fa famille comme des fiefs ouverts.
On avoit traité de cette affaite en 1711 & 1741 ;
il en a été de nouveau queftion à la dernière
Dière électorale . Le roi de Pruffe & l'électeur
de Mayence s'intéreffent vivement à ce defcendant
, le prince Aloys de Gonzagus.
S. M. Pruffienne a chargé fes ambaffadeurs.
à la Diète de remettre cette affaire fur le bureau
( 89 )
& de demander la reftitution des fiefs en faveur
du Prince , que l'empereur Jofeph 11 avoit
réintégré en 1773 dans fes droits & dignités .
Le Collège électoral a délibéré fur cette réclamation
, & arrêté d'adreffer à ce fujet une lettre
collégiale à S. M. Pruffienne . --- Les pays réclamés
font des fiefs de l'Empire ; ils ont été
ôtés à la famille de Gonzague pour caufe de
félonie : mais d'un côté , la capitulation impériale
interdifoit à l'empereur Jofeph I de s'en faifir ,
& de les incorporer aux Etats héréditaires ; de
l'autre , elle porte expreffément que la félome
commife par un Prince , ne peut priver de leurs
droits fes agnats innocens . --- Le prince Aloys
de Gonzague , qui a vécu fucceffivement dans
plufieurs villes principales de l'Europe , y a laiffé
le fouvenir des qualités les plus eftimables
jointes à beaucoup d'efprit & d'inſtruction .
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 31 Décembre 1790.
Le Parlement a pris vacances le 29 ,
& s'eft ajourné au premier de Février. Ses
derniers actes ont été dans la Chambre-
Haute , la paffation de la taxe additionnelle
fur la Drèche , & dans la Chambre des
Communes fa décifion fur la pourſuite de
l'impeachment contre M. Haftings. L'importance
de la queftion conftitutionnelle dont
dépendoit cette réfolution , mériteroit une
longue analyfe. Trois féances ont été confacrées
à cette difcuffion ; les meilleurs ora(
90 )
}
teurs de la Chambre ont été entendus ; toutes
les faces du problême confidérées , toutes
les objections mûrement développées &
combartues. Bien rarement , les aflemblées
politiques s'élevent à cette froide folidité
de la raifon & de la dialectique : elles n'y
parviennent jamais lorsqu'elles font nombreufes
, & que l'efprit néceffaire d'oppofition
y dégénère en emportemens factieux.
Dans cette lutte de trois jours , la difcuffion
s'eft foutenue fur la ligne invariable de la
dignité, de la politeffe , des ménagemens ,
& du fang froid , qui feuls font relpecter les
affemblées politiques. On cherchoit moins
à fe combattre qu'à s'éclairer , & en défendant
fon avis , chacun paroiffoir plutôt
demander des inftructions que d'en donner.
Le célèbre Avocat Erskine ( 1 ) a foutenu
avec beaucoup d'étendue , de connoiffances
& d'habileté , que la diffolution du Parlemeat
mettoit fin à l'impéachment. En Angleterre
, les Membres du Corps légiſlatif
n'infultent point à la mémoire de leurs
ayeux ; ils n'ont pas la préfomption de
penfer , que jufqu'à eux , le genre humain
a été plongé dans les ténèbres , & qu'il
eft refervé à leur ſcience de créer la lumière.
( 1 ) M. Erskine n'eft point le défenfeur de M.
-Haftings , ainfi que l'ont imprimé les feuilles
de Paris.
( 91 )
}
Loin de méprifer l'Hiftoire , les ufages , les
exemples antérieurs , ils en font la matière
-de leur examen , le principe des délibérations,
& les titres de leurs droits. Ils oppofent
cette lageffe des fièces & les décrets confacrés
, à la vanité des raifonnemens , dont
l'incertitude & la mobilite font le fléau des
Etats bien conftirués. J
Quel eft le privilège des communes dans le
cas en difcuffion ? Pour s'en affurer , on a eu
1 recours aux exemples , à l'autorité des précédens
, qui , a moins de choquer la raifon , font
la règle & la lumière du Parlement. M. Efkine
a expliqué contradictoirement la pratique antérieure
, citée par les adverfaires ; il a prétendu
que les exemples fur lefquels ils fe fondoient ,
n'étoient point applicables à l'impeachment ac-
-tuel. -
cc
C.D
J'invoque , a-t- il dit , la candeur & l'impartialité
de la chambre . Eft- ce un indigne favori
du roi , un miniftre prévaricateur que nous
avons à pourſuivre ? Non , c'eſt un citoyen , qui ,
aux yeux de beaucoup d'hommes diftingués par
leur pénétration & leur juftice , paroît être pour-
-fuivi pour les plus grands efforts de zèle & de
talent , en faveur de fa patrie.
Plufieurs des accufateurs de M. Haftings ,
a ajoûté M. Erskine , ci - devant membres des
communes & aujourd'hui pairs du royaume , font
devenus fes juges . Ils font au nombre de trenteneuf
: l'accufé étoit condamné par cette majorité
de trente-neuf voix , ne feroit- il pas fondé
à fe récier contre l'illégalité d'une pareille fentence?
»
Prefque tous les gens de loi , le Maître des
( 92 )
rôles , le Procureur général , le Solliciteur général
, ont partagé l'opinion de M. Erskine.
2 "
A peu près tout le refte de la chambre , compofée
les derniers jours du débat , de 163 membres
ont adhéré à la motion de M. Burke
que l'impeachment fubfiftoit , malgré la diffolution
du Parlement. M. Pitt a dévelopé trèshabilement
les motifs prépondérans qui devoient
entraîner la décifion . Il a rétabli l'autorité des
exemples antérieurs & la force de leur application
: il a démontré que , s'il étoit jamais reçu ,
que la diffolution du Parlement anéantit un
impeachement commencé , la couronne auroit
ainfi un moyen de fauver ceux de fes agens
que pourfuivroient les communes. Il a confidéré
le Parlement comme ne mourant jamais , &
comme une cour de records ( d'enregistrement ) ,
où les affaires entamées fe terminent , fans égard
à la fucceffion des perfonnes qui les compofent.
MM. Fox, Dundas , Burke , ont non moins
avantageufement prouvé la légalité de cette opinion
tous fe font accordés à ne confidérer ici
que le droit des communes , & un point de
conftitution , fans rien préjuger contre l'innocence
de l'accufé 143. voix contre 30 ont confacré
cette doctrine .
Le bruit s'eft répandu , & fe foutient
même depuis quelques jours , qu'au Printems
, fi la paix n'eft pas rétablie entre la
Ruffie & la Porte Ottomane , nous enverrons
deux e cadres , l'une dans la Baltique ,
l'autre dans l'Archipel. La première , dit on ,
aura 16 à 20 vaiffeaux de ligne : on nomme
même les bâtimens definés à cette expédi93
)
tion , & Mylord Hood en qualité de Commandant
de cette efcadre. Plufieurs vraifemblances
accréditent cette rumeur ; car on ne
laiffera pas sûrement la Ruffie faire la
loi à fes ennemis , de la bienveillance
defquels nous espérons de grands avantages
.
:
On a reffenti le 23 dans toute l'ifle , un ouragan
comparable par fa violence , à ceux qui
défolent les Antilles heureufement il n'a duré
qu'une heure. Des toits entiers ont été enlevés ,
des arbres déracinés , & une infinité de bateaux
brifés ou jettés à terre , fur les bords de la Tamife.
L'horifon étoit embrafé dans toute fon
étendue ; les éclairs fe fuccédoient fans intervalles ;
la foudre a éclaté dans une infinité de lieux ;
elle a tué plufieurs matelots , fendu , brifé des'
mats fur plufieurs vaiffeaux de guerre , à Deal
& à Portsmouth : cet ouragan , a parcouru
avec les mêmes caractères & dans le même
temps , une partie de la Baffe Allemagne on
l'a effuyé à Hambourg , à Brême , à Hanovre ,
à Brandebourg , à Berlin.
PAYS - BA S.
De Bruxelles le 1er. Janvier.
M. le Comte de Metternich , Miniſtre
Plénipotentiaire de l'Empereur auprès des
cercles du Bas- Rhin & de Weftphalie , eſt
toujours défigné comme devant occuper
le Ministère en chef des provinces Belgiques
on l'attendoit même ici au premier
( 94 )
jour , mais il eft probable qu'avant d'éntrer
en fonctions , il fera employé à Liége ,
où dix mille Autrichiens vont rétablit la
fûreté , & les droits de l'Empire . M. de
Metternich , par fes qualités perfonnelles ,
promet une heureufe iflue à cette million ,
dont la modération & la juſtice de l'Empereur
adouciront la rigueur. Il fera
peut--être moins facile d'a ' oucir les eſprits
à Liége , qu'il ne l'a été de les ramener ici .
Cependant , comme on y eft aufli laffé de
l'anarchie , de la di corde , & du pouvoir
de quelques Chefs , on peut efpérer que
l'exécution rigoureufe des décrets de Wetzlar
, fera place à une vé irable pacification.
Dans tous les cas , on penche à croire
que le Prince - Evêque , ne reprendra le
Gouvernement que pour: fe donner un
Coadjuteur. Le public élève un des Archiducs
à cette dignite ; jamais circonftance
ne fut plus favorable à ce deffein , s'il exifte
réellement .
La vigilance de notre Gouvernement ne
laiffera pas reffufciter au milieu de nous ,
le germe de nouveaux malheurs. Il n'ignore
pas que des intrigans , à l'aide de leurs
Emilaires , tenteront de nouveau de brouil-.
ler ici les intérêts , & d'entretenir des étincelles
d'infurrection ; mais ces tifons feront
promptement étoffés , & ceux, qui les
lancent courront le rifque d'en voir jetrer
chez eux. Le meilleur préfervatif contre
( 95 )
cette perfidie , eft dans la bonté des loix
qui nous régiront . On va en connoître la'
nature , en lifant la fin de la convention'
fignée à la Haye , & dont il nous reſte à
tranfcrire la dernière partie .
Fin de la Convention relative aux Provinces
Belgiques.
Sa Majesté , ſe repofant fur le patriotifie
& la valeur , qui de tous temps ont fait voler la
nation à la gloire & à la défenſe de la patrie , veut,
bien prendre l'engagement le plus pofitif que
jamais , & en aucun temps il ne fera queſtion de
confcription militaire , ni directement ni indirectement
; elle promet auffi de ne jamais lever de milices
ou recrues forcées , autrement que du confentement
des Etats , au cas qu'il s'en agifle .
כ כ
5°. » Mettant également fa confiance dans
l'amour de la nation , & dans fes généreux efforts
pour le foutien de la monarchie , & fe flattant
qu'après les préfens troubles elle & fes fucceffeurs
en éprouveront les mêmes marques que les Princes
, fes prédéceffeurs , & fpécialement feue S. M.
l'Impératrice Marie - Thérèfe , en ont éprouvé
en cent occafions , Sa Majefté s'engage à ne jamais
lever aucun impôt fur le peuple , à quelque titre
que ce puiffe être , fans l'aveu & le confentement ,
des Etats .
6º. » Sa Majefté déclare inamovibles tous les
emplois de Juges des Confeils fupérieurs de Juſtice ,
& confirmera irrévocablement ce que les conftitutions
refpectives & la Jurifprudence de chaque
province ont établi fur ce point.
7°. » Quoique le diplôme accordé par l'Empereur
Charles VI , aux tribunaux fupérieurs , pour
( 96 )
la préfentation d'un terne , en cas de vacance de
quelqu'une des places dans lefdits corps refpectifs ,
ne falle aucunement partie de la conftitution , &
ait été juſqu'ici révocable à volonté , Sa Majeſté ,
déférant aux voeux exprimés ci-devant parles Etats
les tribunaux , veut bien remettre irrévocablement
ce diplôme en vigueur , & en faire un
point conftitutionnel .
& par
8°. " Quoique
dans les conftitutions
& priviléges
de la plupart des provinces
, il ne foit rien
exprimé , touchant la faculté confultative
des Etats
& tribunaux fur les loix à publier , Sa Majeſté ſe
propofe d'entendre
& confulter
les Etats & les tribunaux
refpectifs , toutes les fois qu'il s'agira de
quelque loi nouvelle & générale ; & Sa Majefté
fe propofe même d'entendre
auffi les Etats fur les
changemens
effentiels , qui pourroient
être faits
aux tarifs fubfiftans
pour les douanes.
9º. » Sa Majesté s'entendra encore avec les
Etats fur les moyens de faire paffer , par les voies
ordinaires de la légiflation , les Ordonnances pénales
en matière de Donanes , & d'en arrèter la connoiffance
à une délégation du tribunal fupérieur
dans chaque province.
10. » Comme il eft effentiel que l'on ait confiance
dans les formes du Gouvernement , Sa Majefté
rétablira l'organiſation du gouvernement &
de la chambre des comptes , fur le pied qui fubfiftoit
fous le règne de feue l'Impératrice- Reine ,
nommément en ce qui concerne les confeils- d'état,
privé & des finances , fe réfervant néanmoins le
droit incontestable d'y faire les changemens , que
les circonstances pourroient rendre néceffaires ; en
quoi elle s'appliquera toujours à confulter le voeu
public , fans jamais s'écarter du rapport qu'il peut
y '
97 )
3
y avoir entre l'organiſation du gouvernement &
de la conftitution » .
сс 11º. « Le Commandant - Général des Troupes
& le Miniftre-Plénipotentiaire feront remis refpectivement
fous les ordres & la dépendance des Gouverneurs
- Généraux. Les Gouverneurs Militaires
en Brabant , prêteront le ferment accoutumé entre
les mains des Gouverneurs- Généraux ; & , Sa Ma-:
jefté efpérant que , lorfque les troubles actuels
feront appaifés , il n'exiftera plus aucun prétexte
qui puiffe en faire renaître de nouveaux , ſeul &
unique cas où l'emploi des forces militaires envers
& contre tous , devient indifpenfable " pour lei
maintien de l'ordre public & l'exécution des loix ; :
elle veut bien établir comme règle immuable , que
du moment où tout fera rentré dans un ordre & ;
& un calme parfait , le Militaire ne fera jamais :
employé contre les citoyens que pour foutenir
les décrets du Juge , & à la réquifition des Tribunaux
& des Magiftrats .
12 °. « L'adininiftration de la juftice civile &
criminelle étant un des objets , qui intéreЛlent plus
effentiellement le droit facré des peuples à la lí
berté & à la propriété légales , & fa 'Maj . ſe propofant
d'établir plus que jamais entre elle & les
représentans du peuple un concert parfait fur tout
ce qui pourroit tendre à la profpérité & à la fûre- :
té publiques , elle promet d'entendre les états fur
les changemens ou réformes , qu'il pourroit y
avoir à faire , relativement aux règles & formes
établies pour l'adminiſtration de la juftice ; & elle
s'engage à ne rien altérer à l'ordre des jurisdictions
, fans concert avec les états , & fans leur
aveu préalables . »
-13 ° Comme il eft impoffible de déterminer
toujours un fens tellement clair à la lettre des
N°. 2. 8 Janvier 1791. E
*
( 98 )
ftipulations conftitutionnelles , que , par la fuite
des tems & des circonstances , il ne ſe préſente
jamais des cas douteux , fujets à des interprétations
difficiles , & que jufqu'ici il n'a pas été
affez prévu ni réglé , quelle devroit être en pareil
cas la voie décifive à l'amiable , pour prévenir
toute aigreur entre le prince & fes peuples ;
fa Maj . promet , que , dans tous les cas où il y
auroit des doutes ou des difficultés fur l'efprit
ou le fens de quelque article de conftitution de
l'une ou de l'autre province , il fera nommé des
commiffaires par fa Majefté , & que les états de
la province , que la difficulté concernera ,
nommeront de leur côté , pour s'expliquer &
s'entendre enſemble , s'il eft poffible ; qu'il fera
rendu compte à fa Majefté elle - même du réfultat
de ces conférences ; & que , dans le cas où
les difficultés ne pourroient pas être applanies
par la voye des commiffaires , fa Majefté d'un
côté , & les états de l'autre , nommeront en nombre
égal quelques perfonnes impartiales , diſpenfées
en formes à cet effet de tout ferment obftatif,
& que fa Majefté ainfi que les états s'en
remettront à la décifion de ces arbitres . »
en
IV. Leurs Maj . les Rois de la Grande - Brétagne
& de Pruffe , & L. H. P. les Etats-Généraux
des Provinces-Unies garantiront , de la manière
la plus folemnelle , à fa Majesté Impériale
& fes auguftes héritiers & fucceffeurs , la fouveraineté
des provinces belgiques , maintenant réunies
fous fa domination , pour ne compafer qu'un
feul , indivifible , inaliénable & incommuable domaine
, qui fera inféparable des états de la maifon
d'Autriche en Allemagne , & gouverné felon
les conftitutions , privilèges & coûtumes légitimes
, exprimés dans les articles I. & III. ci-def(
99 )
fus ; comme les puiffances fus-mentionnées garan
tiront également la confervation & pleine jouïffance
des conftitutions , privilèges & coûtumes
légitimes , exprimés dans ces mêmes articles .
V. Les ratifications de la préfente convention ,
expédiées en bonne & duë forme feront changées
entre les hautes parties contractantes dans l'efpace
de deux mois , ou plutôt fi faire ſe peut , à
pter du jour de la fignature .
com-
Enfoi de quoi nous fouffignés miniftres - plenipotentiaires
avons fignés la préfente convention ,
& y avons appofé les cachets de nos armes.
Fait à la Haye le 10. décembre 1790,
( Signé ) Le Comte de MERCY - ARGENTEAU
, fub fpe rati ( L. S, ) AUCKLAND
, ( L. S. ) Le Comte DE KELLER ,
( L. S. ) VAN DE SPIEGEL , ( L. S. )
Les miniftres- plénipotentiaires font convenus
d'annexer au préfent acte la lettre , citée à l'article
III , & dont , pour la plus grande clarté
on n'a inféré dans le dit article que les points
de conceffion .
Fait &figné à la Haye , le 10. décembre 1790.
(Signé ) Le Comte DE MERCY - ARGEN
TEAU. AUCKLAND. Le Comte DI
KELLER. VAN DE SPIEGEL.
FRANCE.
De Paris , le s- Janvier.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M. d'André.
La totalité du Décret qui concerne la
E 2
( 100 )
Gendarmerie nationale , abſorberoit feul plus
de la moitié de ce Journal : nous fommes
forcés d'en réduire l'extrait à l'annonce des
différens titres , à analyſer fa compofition
générale , & à rapporter tex uellement les
articles qui déterminent les fonctions de ce
Corps,
-
Ci - devant Maréchauffée , il prendra déformais
le nom de Gendarmerie nationale ,
& fera porté au nombre de 7166 hommes ,
non compris une augmentation pour le Département
de Paris & les deux qui l'avoifinent.
Il y aura par trois Départemens une
divifion de Gendarmerie nationale , une
feule de ces divifions comprendra , quatre
Départemens . Le titre II a pour objet la
Formation & l'avancement. Tit . III , Ordre
intérieur. Tit. IV , Treitemens. Tit. V , Divifion
attachée aux Départemens de Paris ,
Tit. VI . Suppreffions & changemens. Tit. VII ,
Formation du nouvel ordre. Tit. VIII , Des
fonctions de la Gendarmerie nationale. Voici
ce Titre. en entier. A ?
Art . I. Les fonctions effentielles & ordinaires
de la gendarmerie nationale des départemens
font :
1º . De faire les marchés , tournées , courfes
& patrouilles dans tous les lieux des arrondiffemens
refpectifs , de les faire conftater fur leurs
feuilles de fervice par les maires & en leur
abfence , par un autre officier municipal , à peine
de fufpenfion de traitemens .
"
De 'recueillir & prendre tous les renfeigne(
IOI )
mens poffibles fur les crimes & délits publics .
3°. De rechercher & de pourfuivre les malfaiteurs
.
4°, De faifir toutes perfonnes furprifes e
flagrant délit , ou pourfuivies par la clameur
publique , quelles qu'elles puiffent être , fans aucune
diftinction .
5º . De faifir tous gens trouvés porteurs d'effets
volés , d'armes enfanglantées ," faiſant préfumer
le crime.
6º. De faifir les brigands , voleurs & afſaſfins
attroupés .
les
7° . De faifir les dévastateurs de bois ,
chaffeurs mafqués , les contrebandiers armés ,
lorfque les délinquans de ces trois derniers
genres feront pris fur le fait .
8. De diffiper les révoltes & attroupemens
féditieux , & d'en avertir les officiers municipaux
.
9°. De faifir tous ceux qui feront trouvés
exerçant des voies de fait ou violences contre la
fureté des perfonnes ou des propriétés , coutre
la libre circulation des fubfiftances , contre les
porteurs de contraintes pour deniers publics ou
d'ordonnance de juftice.
10. De prendre , à l'égard des mendians &
vagabonds fans aveu , les précautions de fûreté
ptefcrites par les anciens réglemens , qui feront
exécutés jufqu'a ce qu'il en ait été autrement
ordonné.
11 ° . De preffer des procès - verbaux de l'état
de tous les cadavres trouvés fur les chemins
dans les campagnes , ou retirés de l'eau ; à l'effet,
de quoi l'officier de maréchauffée le plus voifin
fra averti , & tenu de fe tranfporter en perfenne
fur le lieu . Il en fera de même à l'égard
E 3
( 102 )
de ceux qui feront morts d'une mort non natųrelle
ou fufpecte.
12°. De dreffer pareillement des procès-verbaux
des incendies effractions , affaffinats &
autres crimes qui laiffent des traces après eux.
"
13 °. De dreffer de même procès - verbal des
déclarations qui leur feront faites par les habitans
, voifins & autres qui feront en état de
leur fournir des preuves & renfeignemens fur
les crimes , les auteurs & complices .
14°. De citer les témoins devant les officiers
de police.
15° . De fe tenir à portée des grands raffemblemens
d'hommes , tels que foires , marchés ,
fêtes & cérémonies .
16. D'éfcorter les deniers publics & convois,
& faire la conduite des prifonniers qu condamnés
, de brigade en brigade .
17º . De faire le fervice dont la maréchauffée
eft actuellement chargée , en ce qui concerne
l'armée , les foldats & toutes les parties militaires
, conformément aux réglemens , tant qu'il
n'en fera pas ordonné autrement.
18°. De remplir toutes les fonctions qui leur
feront attribuées par le décret concernant la procédure
par jurés .
19. Ils font au furplus autorifés à repouffer
par la force les violences & voies de fait qui
feroient employées contre eux dans l'exercice des
fonctions qui leur feront confiées par la loi.
II. Les fonctions mentionnées en l'article précédent
feront habituellement exercées par la gendarmerie
nationale , fans qu'il foir beſoin d'aucune
requifition particulière .
III. Les fignalemens des brigans , voleurs ,
affaffins , perturbateurs du repos public , & ceux
( 103 )
des perfonnes contre lefquelles il fera intervenu
mandat d'amener ou mandat d'arreftation , feront
délivrés à la maréchauffée , & tranfmis de brigade
en brigade , ou autrement.
IV. Hors les cas exprimés dans l'article Ier . ,
la gendarmerie nationale ne pourra faifir aucun
citoyen domicilié , fans un mandat ſpécial de
juftice.
V. Elle ne pourra jamais faifir un citoyen dans
fa propre maifon , fi ce n'eft en vertu d'un
mandat d'arrêter , émané des officiers de police ,
ou d'une ordonnance du juge du district ; auquel
cas elle accompagnera , fi elle en eft requife ,
l'huiffier porteur de cette ordonnance , à peine ,
en cas de contravention au préfent article & au
précédent , de prifon , pour la première fois ,
contre le chef de brigade , & de deftitution pour
la feconde fois , fans préjudice des dommages &
intérêts.
VI. Ceux qui , fe foumettant à l'autorité de
la loi , confentiront à obéir volontairement aux
ordres de la juftice , feront accompagnés & conduits
, portant au bras un auban aux couleurs
de la nation.
VII. Il eft exprefféinent défendu à tous , &
en particulier aux dépofitaires de la force publique
, de faire aux perfonnes arrêtées aucuns
mauvais traitemens ni outrages , même d'employer
contr'elles aucune violence , fi ce n'eft en
cas de réfiftance ou de rébellion , en préférant
néanmoins toutes les mesures néceffaires
pour
s'affurer d'elles ; le tout à peine , contre les officiers
, fous-officiers , gendarmes qui manqueront
à ce devoir , d'être condamnés à la prifon pour
la première fois , & fufpendus de toute fonction
pour la feconde , par voie de diſcipline ; faute
E
4
( 104 )
de quoi les officiers fupérieurs demeureront refponfables
, fans préjudice des dommages & intérêts
; & les coupables feront réprimés par les
tribunaux de diftrict .
VIII . Tous procès- verbaux de corps de délit ,
de capture , d'arreftation , feront dépofés au
greffe du tribunal de diftrict ; il en fera envoyé
extrait , avec tous les renfeignemens néceffaires,
au lieutenant-colonel de la gendarmerie natiomale
, & l'enregistrement en fera fait à ſon
greffe ; celui - ci en rendra compte au colonel de
divifion .
IX. Le fecrétaire- greffier de la gendarmerie
nationale fera tenu , peine d'en demeurer refponfable
, de donner avis des captures & détentions
à la municipalité du lieu du domicile , ou
à défaut de domicile , du lieu de la naiſſance du
détenu ou prifonnier.
"
X. La lettre qui fera écrite à cet effet par le
fecrétaire - greffier de la gendarmerie nationale
fera tranferite fur fon regiftre , vifée par le
Hieutenant - colonel , & chargée à la pofte , ou
tranfmife de brigade en brigade ; le fecrétairegreffier
aura foin de fe procurer la preuve de ces
Précautions.
XI. En toute occafion , les officiers , fous-officiers
& cavaliers de la maréchanflée & gendarmerie
nationale , prêtéront fur le champ la
main-forte qui leur fera demandée par requifition
légale ; ils exécuteront les requifitions qui
leur feront adreflées par les commiffaires du
Roi près les tribunaux , feulement lorsqu'il s'agira
d'exécution des jugemens & ordonnances de
jultice .
XII. L'extrait des procès - verbaux & les notes
des opérations relatives aux difpofitions de l'arfios
ticle précédent , feront pareillement envoyés au
heutenant - colonel de la maréchauffée , qui en
fera lire l'enregistrement à fon fecrétariat , &
qui en rendra compte au colonel .
XIII. Le fervice de la gendarmerie nationale
eft effentiellement deftiné à la fureté des campagnes
& néanmoins il n'eft rien innové ?
quant à préfent en ce qui concerne le fervice
qu'elle fait actuellement dans quelques - unes des
villes du royaume.
XIV. La gendarmerie nationale prêtera au
furplus , même dans l'intérieur des villes , toute
main-forte dont elle fera légalement requife.
XV. La gendarmerie nationale des départemens
fera chargée de tranfmettre aux municipalités
des campagnes , & aux citoyens qui les
compofent , les avis & inftructions des adminif
trations & directoires de département & de diftrict
, ainfi que les inftructions décrétées par le
corps législatif , ou rédigées par les ordres .
Le Titre IX & dernier contient les formales
des Commiflions.
Du lundi 27 décembre.
Au nom du comité militaire , M. Alexandre
de Beauharnais a préfenté un projet de décret
fur le remplacement des régimens du Roi & de
Meftre- de- Camp , licenciés . L'intention de l'Affemblée
ayant été , a dit le rapporteur , qu'on
ne jugeât ni les officiers ni les foldats , le comité
n'a pu propofer une exclusion légale.
« C'est donc , a-t-il pourfuivi , dans le choix
qui fera fait d'un infpecteur- général patriote &
éclairé , que vous devez fonder vos eſpérances
fur la bonne compofition des deux nouveaux
régimens ».
сс
Es
( 106 )
M. du Châtelet a demandé que la rédaction
du décret établît du moins une parité entre les
officiers & fous - officiers des régimens licenciés
& ceux des régimens réformés ;
enforte que
ceux d'entre les premiers qui ne pourroient continuer
leur fervice , confervaffent l'activité , le
droit aux récompenfes , au remplacement à leur
tour , & leur traitement. Il s'eft appuyé fur
l'efprit du décret de licenciement , qui n'avoit
pu être de les priver d'un état acquis par de
longs fervices , & fur la déclaration des droits ,
qui porte qu'aucun citoyen ne fera compromis
dans fon honneur ni deftitué de fon emploi fans
un jugement préalable & légal . Après avoir peint
le courage des officiers des deux régimens licenciés
, l'héroïque perfévérance de ces infortunés
difperfés depuis plus de quatre mois dans de
mauvais quartiers , fans aucune communication
entre eux , fans autre fociété que ces mêmes
foldats dont le repentir feul a pu leur faire
oublier les outrages ; après avoir rappelé qu'aucun
n'a demandé de congé , qu'aucun ne s'eft permis un
feul jour d'abfence , que tous ont facrifié leurs
intérêts les plus chers aux devoirs les plus rigonmalgré
l'incertitude la plus cruelle fur
leur fort ; M. du Châtelet n'a vu fon équitable
amendement adopté que fous la clauſe fi vague :
>>S'ils font jugés fufceptibles de remplacement. » Le
décret a été rendu tel qu'il fuit :
,
Art . Ier . Il fera créé deux nouveaux régi
mens un d'infanterie de deux bataillons , & un
régiment de cavalerie de trois efcadrons .
,
II . Ces deux régimens prendront chacun dans
Farmée & dans leur arme , le rang du jour de
leur création .
» III . Les places d'officiers & fous- officiers
( 107 )
dans les deux régimens , nouvellement créés ,
feront données aux officiers & fous -officiers des
régimens d'infanterie & de cavalerie qui auront
fubi la réforme en conféquence de la nouvelle
formation ; & aux officiers , fous - officiers &
foldats des deux régimens dernièrement licenciés
, qui feront jugés fufceptibles d'obtenir leur
remplacement .
IV. Les officiers & fous- officiers des deux
régimens licenciés , qui , jugés fufceptibles de
remplacement , n'auront pas obtenu de place dans
les deux nouveaux régimens , conferveront leurs
droits aux remplacemens , & feront fufceptibles
de récompenfes militaires , fuivant les règles
établies par les décrets de l'Affemblée nationale .
Alors s'eft ouverte une fcène préparée par la
fanction du dernier décret qui impofe aux eccléfiaftiques
un ferment de foumiffion . M. l'abbé
Grégoire , fuivi de cinquante - un eccléfiaftiques
partis enfemble du côté gauche, de la falle , s'eft
préfenté à la tribune , d'où il a proteſté que. lui
& fes collègues continueroient d'honorer le Sacerdoce
par leurs moeurs , & qu'ils feroient ,
s'il le falloit , les martyrs de cette Religion divine .
Mais l'Affemblée n'avoit jamais voulu porter la
moindre atteinte à la hiérarchie & à l'autorité
fpirituelle du Chef de l'Eglife ; elle reconnoît que
tous ces objets font hors de fon domaine ; le
titre feul de conftitution civile du clergé le prouve
fuffifamment. « Toutes ces confidérations levant
les fcrupules de M. l'abbé Grégoire , il a prêté
le ferment civique & juré de maintenir de fon
pouvoir les décrets rélatifs au clergé. Sa harangue
& le ferment répété par ceux qui l'accompa
gnoient ont été couverts des applaudiffemens du
côté gauche & des galeries,
E 6
( 108 ).*
M. de la Salcette , ex - chanoine , & M. Expuky ,
nommé par le peuple évêque du département de
Finisterre , mais qui n'a encore aucune inftitution
canonique , ont imité cet exemple ..
M. Tridon , curé de Rongères , député du
département de l'Allier , s'eft préfenté à la tribune
, & a prêté ferment dans les termes fuivans :
MESSIEURS Y
« J'ai prêté , fans reftriction , le ferment civique
, je n'hésite pas à le réitérer .
Comme citoyen françois , je jure d'être
fidèle à la Nation , à la Loi & au Roi , & de
maintenir de tout mon pouvoir la conftitution
décrétée par l'Affemblée nationale , & acceptéc
- par le Roi.
» Comme Pafteur de l'Eglife , je jure de
veiller avec foin fur les Fidèles dans la paroiffe
qui m'eft confiée .
» Et comme chrétien fermément attaché à la
foi catholique , je déclare qu'en ce qui concerne
le régime fpirituel de l'Eglife , je ne reconnois
d'autorité compétente que celle du Saint- Siége &
des Evêques ».
M. le Préfident ayant obſervé que le ferment
n'étoit pas dans les termes décrétés , l'opinant
lui a répondu qu'il exprimoit fa foumiffion entière
à l'autorité de l'Affemblée nationale . Il eſt deſcendu
de la tribune , & il a dépofé fur le bureau la
formule de fon ferment fignée de lui ; un des
fecrétaires l'a reçue .
Rompant le cours des fermens & des réflexions
qu'ils faifoient naître , M. Camus s'eft préfenté
armé de dix-neuf articles fur les mandats de la
caiffe de l'extraordinaire , articles décrétés fans
dispute,
( 109 )
L'ordre du jour ayant ramené l'Affemblée à
la difcuffion fur les jurés , M. Mougins de
·Roquefort a combattu le plan du comité , en
débutant par obferver que M. Duport avoit
tout vu en philofophe & rien en magiftrat .
M. Mougins a d'abord payé un jufte tribut
d'hommage aux véritables jurifconfultes qui ,
fous Louis le Grand & dans le beau fiècle du
vrai génie , rédigèrent avec tant de maturité
l'ordonnance criminelle . Ne préfente - t - elle pas
a -t- il dit , à quelques réformes près , un enfemble
de vues , une unité de principes capables de
raffurer la fociété entière rélativement à la pròtection
de l'innocence & à la découverte du
crime ? Il a loué l'Affemblée d'avoir opéré ces
réformes , en accordant un confeil à l'accufé ,
en ordonnant la publicité des procédures , en
aboliffant la torture ( c'eft le Roi & non l'AIfemblée
qui l'avoit abolie ) ; & en profcrivant
cece fiége honteux dont l'infàmic ofa , dit-il ,
dérober l'ufage à la pitié qui le créa ».
J
Peignant enfuite les dangers du fyftême métaphyfique
de M. Duport , les finuofités d'une
procédure où il faudroit parcourir cinq tribunaux
avant d'avoir une décifion définitive , tribunal
de gendarmes , juges de paix , petit & grand
jurés , diftrict ; ce feroit , a - t -il dit , donner
un brever d'impunité à tous les malveillans du
royaume , & retarder injuftement le triomphe de
l'innocence . Il s'eft élevé contre le droit ac-
-cordé à un cavalier de matéchauffée , ou à un
juge de paix de lancer un décret de prife -de-
.corps...
( 110 )
Venant à l'article qui porte que tout fe fera
verbalement , M. Mougins a rétracé les injuſtices
qui réfulteroient de dépofitions non écrites . Enfin,
il a conclu à rejetter le plan du comité , à adopter ,
dans chaque diſtrict, l'inftitution des jurés en ufage ,
a-t-il dit , chez les Romains , dix à douze citoyens
nommés pour une année , dont l'accusé
récuferoit une partie , & le juge appliqueroit la
loi . Cette opinion a été vivement applaudie .
M. Roberfpierre a péroré longuement fur la
néceffité de ne point affocier les officiers de la
maréchauffée aux juges de paix. La féance a
fini par des ventes de biens nationaux.
Du mardi 28 décembre.
Après la lecture du procès -verbal , trois eccléfiaftiques
, MM. Labarthe , Taillerand & Montjallard
, ont prêté le ferment civique avec les
acceffoires que ce ferment a fucceffivement acquis
depuis le 4 février ; & l'ordre du jour a ramené
la difcuffion fur les jurés .
M. Prugnon a pofé ces queftions : 1° . Le
juge de paix aura -t-il le droit de décerner un
mandat d'amener & d'envoyer à la maiſon
d'arrêts , dans tous les cas , un homme domicilié
ou non ? 2º. Les dépofitions devront- elles
être écrites ou non ? A la première il applique
le principe effentiel à tout code criminel , que
l'homme ne s'eft mis en fociété que pour affurer
fa liberté & fa vie ; or le comité propofe d'accorder
le droit de difpofer , fans refponfabilité ,
de la réputation & de la liberté des citoyens .
( i ) Г
M. Prugnon a oppofé à ceux qui alléguoient , enl'ignorant
, l'exemple de l'Angleterre , que les juges
de paix n'y avoient aucune analogie aux nôtres
qu'ils ne font pas falariés , que leur juriſdiction eft
plus étendue , qu'ils font choifis par les hommes les
plus diftingués par leurs lumières & par leurs
vertus , & qu'ils doivent avoir au moins cent
louis de rente ; de forte qu'ils ont à craindre de
compromettre leur réputation & leur fortune qui
fert de garantie. Ajoutons que ces juges ne font
ni les créatures ni les jouets d'une multitude
enivrée de maximes anarchiques.
Après avoir propofé la tachygraphie dans
les caufes criminelles , M. Prugnon a cité
l'exemple de Calas , celui de la fille Salmon
, répété les maximes du grand Dumoulin
à des avocats pour qui rien n'eft grand que
leurs idées d'hier, rappelé Paſcal à nos infpirés , &
fini par demander au comité : « Ek ! Meffieurs ,
êtes-vous réellement déterminés à faire pendre
des hommes fur parole » ?
a
Bornant les fonctions de l'officier de maréchauffée
à la fimple exécution du mandat de
l'officier de Police , M. Rey a reproché au plan
du comité un autre défaut que le defpotifme
militaire , celui d'empêcher la révifion de la procédure
, & de promettre l'impunité aux faux
témoins & aux juges prevaricateurs. M. Reyayant
avancé que les anciens magiftrats permettoient
la communication des charges , M. Freteau a
cru devoir à fon caractère de juge de déclarer
que le fait étoit faux. « J'ai failli , a- t- il dit être
chaffé du Parlement de Paris , pour avoir pris
connoiffance des charges d'une procédure ». M.
( 112 )
Goupil s'eft cité lui-même en exemple du fait
allégué par M. Rey & nié par M: Fréteau qui
s'eft appuyé d'un article de l'ordonnance . L'epinant
a demandé en faveur des accufés , les
deux dégrés de jurifdiction qui exiftoient avant
qu'on ait tout détruit , que les tribunaux reçoivent
les procédures des jurés , & qu'il y ait
huit jours d'intervalle entre les dépofitions &
jle récollement , & entre le recollement des té
moins & le prononcé des jurés .

M. Thouret a défendu le plan du comité ,
en écartant les difficultés au lieu de les réfoudre .
Il craint dans cette , difcuffion les préjugés d'habitude
, la précipitation . Il n'y a felon lui , ni
facilité ni sûreté , non pas pour les accufés
innocens , mais pour un travail de quatre mois ,
fi l'on traite ainfi confufément , prématurément ,
les parties très -diverfes d'une bonne inftitution
de jurés. Toutes les objections ont été pulvérifées
dans des conférences où l'on a confulté de
favans jurifconfultes Anglais qui font venus à
Paris & qu'on ne nomme pas ; enfin , on a modifié
les principes naturels en conféquence du
caractère national ; alors M. Thouret , a propofé
, fuivant la tactique éprouvée dès comités ,
un premier pas à faire fans s'occuper du fecond ,
un fecond indépendant des autres . Il s'agira d'abord
de divifer la police de sûreté & la justice
criminelle . Si quelqu'un contredit cette propofition
, c'eſt à cet unique point qu'il faut réduire
le débat fi perfonne ne le contredit , voilà un
premier décret à rendre. Le travail deviendra
clair , facile , expéditif, S'engageant , à répondre
aux objections fucceflives , il a propofé une
( 113 )
longue férie de queftions bien abftraites , qu'il
n'a pas développées , & revenu à fa theſe générale
de la néceflité d'une police expéditive ,
févère , énergique , néceffité plus urgente fous
une conftitution libre que fous un defpote , at-
il dit , parce que , dans le pays libre , tout
eriminel forfait à la conftitution , il a conclu à
mettre au voix , fi la police feroit féparée de la
juftice .
.M. Duport a lu le premier article ; M. Roberfpierre
s'eft répété ; M. Duport a vu dans la
concurrence des officiers de maréchauffée & des
juges de paix , un moyen d'éviter la partialité
un moyen de célérité , & nul danger , puifque
T'arreftation n'auroit lieu que pour deux fois
vingt - quatre heures , & que le jugement s'enfuivroit
; il a foutenu , contre l'expérience actuelle
, que les hommes s'anncbliffent par l'importance
de leurs fonctions , & a laiffé les inconvéniens
à lever aux légiflatures moins orageufes.
M. Pérhion s'eft mis à la hauteur de
M. Roberfierre , qui , bientôt après , a voulu
fubftituer le procurcur - fyndic de la conmure à
T'officier de maréchauflée , parce que , felon lui ,
les municipalités font les reprélentans les plus
immédiats du peuple , qui eft auffi repréfenté
par les corps ék coraux , par fes adminiftrateurs,
par fes lég flateurs , ce qui le met tout en repréfentation
, vraie théorie du cahos civil & politique
.
M. de Beaumetz a vu des idées fauffes fe
mêler par-tout à l'idée d'arreftation , la néceflité
d'effrayer enfin les brigans , de nouvelles fonctions
attribuées aux juges de paix , une concurrence
indifpenfable à établir , le danger d:
( 114 )
recourir aux municipalités fi nombreuses , qui
gafpilleroient entr'elles toute la force publique ,
le danger de créer un lieutenant de police dans
chaque canton , ce qui en feroit quatre à cinq
mille ; il a conclu à plus de méditation & au
renvoi de l'article au comité .
Sa motion , préfentée fous un nouveau jour
par M. Fréteau , a été adoptée , & l'on a décrété
préalablement les articles qui fuivent :
Fonctions particulières de l'officier de police.
ce Art. Ier. Tous ceux qui auront connoiffance
d'un meurtre ou d'une mort dont la caufe
eft inconnue & fufpecte , feront tenus d'en donner
avis fur le champ à la police , dans la perfonne
de l'officier de police du lieu , ou à fon
défaut , du plus voifin , lequel fe rendra incontinent
fur les lieux .
» II . Dans les cas énoncés dans l'article précédent
, l'inhumation du mort ne pourra être
faite qu'après que l'officier de police fe fera
rendu fur les lieux , affifté d'un chirurgien ou
gens de l'art , & aura dreffé un procès - verbal
détaillé de l'état du cadavre & de toutes les circonftances
en préfence de deux notables au
moins , qui figneront l'acte avec lui .
II. L'officier de police , affifté de notables ,
entendra les parens , amis , voifins ou domeftique
du decédé , ou ceux qui fe font trouvés en
fa compagnie avant fon décès ; il tiendra note
fur le champ de leurs déclarations , & les interpellera
de les figner , ou de déclarer s'ils pe le
favent faire .
» IV. L'officier de police pourra défendre que
qui que ce foit forte de la maifon , ou s'éloigne
( 115 )
du licu dans lequel le mort aura été trouvé , &
ce jufqu'à la clôture du procès- verbal & des déclarations
.
» V. L'officier de police fera faifir fur le
champ celui ou ceux qui feront prévenus d'avoir
été les auteurs ou complices du meurtre ; & après
les avoir entendus , il pourra les faire conduire
à la maifon d'arrêt du tribunal de diftri&t.
A la fin de la féance , M. Maffieu , curé de
Sergy , précepteur de MM. de Lameth , & concurrent
malheureux pour le fiège de Verſailles ,
s'eft joint au ferment prêté hier par 60 de ſes
confrères.
Du mardi , féance du foir.
Une adreffe des amis de la conftitution de Clermant-
Ferrand , intime de nouveaux mandats impératifs
à l'Affemblée nationale , en lui fignifiant
que pour faire ceffer les juftes alarmes que les
mouvemens des contre- révolutionnaires répandent
dans les Départemens , il faut organiſer bien
vite la haute- cour & fournir des armes aux
bons citoyens . Les membres de cette fociété colégiflative
de Clermont- Ferrand , dont M. Biauzat
a lu les décrets & cautionné le zèle civique &
pur, ont fait ferment de foutenir la conftitution
contre les anti- révolutionnaires , & d'être , au
befoin , martyrs de la liberté .
>
Après avoir obtenu la fufpenfion du centième
denier , dû par les Perruquiers , inquiets fur le
fort de leurs offices , qui coûteront des millions
à l'Etat , fi l'on veut les rembourfer , M. le Brun
a préfenté & fait décréter le titre II de l'organi
fation des ponts & chauffées .
Au nom du comité des rapports , M. Malès a
( 116 )
rendu compte des évènemens arrivés à Pamierś .
Il cu la bonne- foi de prévenir l'Affemblée que
bes manoeuvres fanatiques & les contre -révolu
tionnaires n'y ont cu aucune part , c'eft la lutte
de l'orgueil contre l'égalité , ou peut-être de
l'orgueil de l'égalité contre des individus effentiellement
& de tout temps inégaux ; enfin , la
haine , a-t -il dit , & des paffions privées ont caufé
le mal . M. d'Armaing , humilié de n'avoir pas
été admis au comité permanent , fi l'on en croit
le rapporteur , gagna par fa popularité les fuffrages
, à - peu - près unanimes , de fes concitoyens ,
qui l'élevèrent à la place de Maire. Alors le Procureur
du Roi , & ce M. d'Armaing , accufent ,
décrètent ceux dont ce dernier veut fe venger.
Ne pouvant difpofer du Directoire du District ,
ni de la Garde nationale , qui lui refufoit tout
fervice , il s'entend avec le Directoire du Département
, qui , violant les formes conftitutionnelles
, lui envoie des Brigades de Maréchauffée .
Un Capitaine des Gardes nationales , accufé d'affaffinat
prémédité , fit compris dans des informations
antérieures , eft décrété , pourſuivi ,
garroté fur un cheval par la Maréchauffée . Le
peuple , que la fouveraineté rend juge de fes
magiftrats , & qui fait que l'infurrection eft fon
devoir , & que la loi et la volonté s'oppose à
l'enlèvement du Capitaine . Deux Cavaliers de
la Maréchauffée font tués fur le champ , un
autre eft mort depuis de fes bleffures ; quelques
perfonnes ont été bleffées , & la Maréchauffée
a été forcée de quitter la ville. M. Malès a reftreint
la compétence de l'Affeinblée à l'examen
de la violation des formes par le Directoire da
Département & par le Maire , & il a propofé un
décret en conféquence.
( 017 )
M. Bergaffe Laziroule a préfenté de tout autres
faits . Le Département , peuplé de Cultivateurs
& de Négocians , qui ne fe mêlent pas de
légiflation , eft celui du Royaume où l'on connoit
le moins l'ingénieufe , mais fi fatale diftinction
de démocrates ou patriotes , & d'aristocrates
; Pamiers , ville privilégiée , offrit feule ce
fpectacle le plus hideux ; mais quoiqu'elle foit
divifée en deux factions , M. Bergaffe penfe ,
& les faits qu'il a promis de prouver authentiquement
, atteftent affez que les vrais patriotesn'y
font , d'aucun côté , parmi ceux qui ne voient :
la liberté que dans l'impunité de la violence.
Plufieurs membres ont témoigné défirer un nouveau
rapport. M. de Cazalès a excité d'étranges
murmures , en demandant que ce nouveaurapport
fnt l'ouvrage , non du même comité , mais de
quatre commiffaires , nommés par l'Affemblée .
Un député de Pamiers a cru démontrer que le
récit de M. Bergaffe ne méritoit aucune confiance,
en difant que ce récit étoit tiré d'une information
faite avec une collufion manifeſte , « par un juge
qui eft un Boucher d'Argis , & cent fois plus
boucker encore ». Il ne s'agiffoit , felon ce membre
, que de favoir fi le Directoire pouvoit déférer
une dictature abfolue au Maire , & fi le Maire-
Dictateur avoit pu faire égorger les citoyens par
fes jániffaires. Le même député de Pamiers fub-,
ftituant le farcafme & les plaifanteries les moins,
decentes à la fumple vérité qu'on auroit du cher
cher à connoître par un rapport motivé , avant de
tien prononcer , s'eft égayé aux dépens des Adminiftrateurs
du Département qu'il a claffés & qualifiés
, à la manière , d'après l'idée qu'il a prétendu
donner de leur plus ou moins de patriotifme . Ce
Lugulier, orateur , qui fe démeroit dans , la tri(
118 )
bune , en finiffant chaque ligne par une imprécation
contre les aristocrates , fe nomme M. Vatier.
CC
Relevant l'inhumanité de ces fignaux de difcorde ,
& de profcription, M. de Cazalès a dit que l'Affemblée
devoit une égale juftice à tous les citoyens ,
foit qu'ils fe nomment patriotes , & applaudiffent
à la conftitution , foit qu'ils la trouvent vicieuſe.
Ce Quoi ! des plaifanteries , s'eft - il écrié , & il
s'agit de trois meurtres à punir , de rétablir la
sûreté dans une Ville où elle eft horriblement
troublée , & c'eft un citoyen de cette Ville qui
s'exprime avec cette inconcevable légéreté ! » Sa
motion renouvellée a été rejettée , comme on s'y
attendoit ; & le décret , conforme aux conclufions
du rapporteur , a improuvé les arrêtés du Directoire
du Département , fur la réquifition du feul
Maire , & fans l'avis préalable du Diſtrict , a
déclaré ces arrêtés nuls , a ordonné au Directoire
de ne plus s'écarter des formes conftitutionnelles ,
fufpendu les fonctions du Maire jufqu'après le
jugement , & l'a renvoyé devant le tribunal de
Diftrict de Toulouſe , auquel jurifdiction eft attri
buée à cet effet.
Du mercredi , 29 décembre.
Après un rapport de M. Lebrun , l'Aſſemblée
a rendu un Décret fur la forme de la reconſtitution
des rentes perpétuelles . Enfuite on a adopté
deux projets de décrets préfentés par M. Fermond
, au nom du Comité de la Marine : le
premier fupprime le Confeil de la Marine au
1er janvier 1791 , atnfi que les places de Directeurs
& d'Intendans des bureaux de la Marine ,
fauf aux titulaires à fervir avec les qualités & le
traitement qui feront déterminés par l'organiſation

( 119 )
de ce Département. Le fecond décret accorde
100,000 liv. à employer à Cherbourg aux objets
de néceflité indifpenfable .
L'Affemblée devant régler inceffamment ce
qui regarde l'adminiftration des fabriques des
glifes a décrété quc les chofes demeureront
dans l'état où elles êtoient au premier octobre
dernier , fauf l'exécution des décrets du 23 dudit
mois & du 10 décembre ; & elle a autorité provifoirement
le confeil municipal de la ville de
Paris à fixer le prix des chaifes des églifes & les
indemnités dues raifon de la réduction du prix .
L'ordre du jour a ramené la difcuffion für ce
que , par un pléonafme , on appelle aujourd'hui :
police de fûreté. Sans entrer dans le détail minutieux
des amendemens propofés , nous obferverons
feulement qu'en adoptant l'un des articles ,
l'Affemblée s'eft trouvée décréter l'application
d'une loi conftitutionnelle qu'elle n'avoit pas encore
faite , & l'activité d'un établiſſement qui
n'étoit pas encore fondé , pas même projetté . Selon
l'article , le prévenu fera mis en arreſtation
jufqu'à ce que le juré ait prononcé s'il y a lieu
à l'accufation ; & le juré d'accufation n'avoit été
ni admis , ni difcuté , ni propofé. M. Mougins
de Roquefort & d'autres en ont averti le corps
légiflatif ; & ce qu'on fuppofoit décrété , on l'a
mis aux voix. M. Lemercier ne concevoit pas
que la queftion de favoir fi le juré d'accufation
auroit lieu , fût problématique dans l'Affemblée.
Il a foutenu que la néceffité de cet établiſſement ,
qui demandoit au moins qu'on y fongeât , & un
décret , étoit juftifiée par la raiſon , par l'intérêt
de la liberté , par des loix conftitutionnelles
, & par la propre expérience de l'Affemblée.
Il a rappelé l'affaire de M. de Lau(
129)
trec, en obfervant qu'alors l'Affemblée faifoit les
fonctions du juré d'accufation. Un décret a confacré
le principe ; & tous les articles ont été adoptés,
comme ils fuivent :
» VI. En cas qu'ils ne puiffent être faifis furle-
champ , l'othicier de police donnera un mandat
d'amener pour les faire comparoître devant lui.
» VII. Dans le cas de meurtre ou de mort
dont la caufe eft inconnue & fufpecte , s'il y a
indice de crime , l'officier de police fera perfonnellement
tenu de faire les premières pourfuites ,
fans attendre aucune réquifition , & fans y préjudicier.
» VIII. Lorfque le Juge de Paix du canton ,
aura été averti dans les cas ci- deffus , il fera également
tenu de s'y tranfporter aufli- tôt , & de
procéder dans la forme qui vient d'être pref- .
crite, cc . 1
TITRE IV.
Du flagrant-délit..
t
Art. 1. Eorfqu'un officier de police apprendra
qu'il fe commet un délit grave dans un lieu ,
ou que la tranquillité publique y aura été violemment
troublée , il fera tenu de s'y tranfporter
auftôt , d'y 'dreffer procès - verbal détaillé
du corps du dénit , quel qu'il foit ; & de toutes
fes circonftantes enfin de tout ce qui peut fervir ?
à conviction ou à décharge.
H. En cas de figrant- délit , eu fur la clemeur
publique , l'officier de police fera faifir &
amenere devant les prévenus , fans attendre
les déclarations des témoins ; & fi les prévenus )
ne peuvent être faifis il délivrera un mandat
d'amener pour les Lite comparoltre devant lui .
Tout dépositaite de la forte publique ,!
&
( 121 )
f
& même tout citoyen fera tenu de s'employer
pour faifir un homme trouvé en flagrant -délit
ou poutfuivi par la clameur publique comme
coupable d'un délit , & l'amener devant l'officier
de police le plus voifin.
IV. Tout homme fortement foupçonné d'être
coupable d'un délit déjà dénoncé , comme dans
le cas où on le trouveroit faifi d'effets volés O
d'inftrumens fervant à faire préfumier qu'il eft
auteur du délit , fera amené devant l'officier de
police , par tout dépofitaire de la force publique ,
& même par tout citoyen , fauf à ce dernier à
être refponfable de leur méchanceté .
כ כ
V. L'officier de police recevra les éclairciffemens
donnés par les prévenus , & s'il les trouve
fuffifans pour détruire les inculpations formées
contre eux , il ordonnera qu'ils foient remis furle-
champ en liberté.
» VI. Si le prévenu n'a pas détruit les inculpations
, il en fera ufé à fon égard ainfi qu'il
fera ftatué ci- après.
1
TITRE V.
De la dénonciation du tort perfonnel ou de la
plainte,
1)
Tout particulier qui fe prétendra léfé par le
délit d'un autre particulier , pourra porter Les
plaintes devant l'officier de police.
כ כ
II . La dénonciation du tort perfonnel , on
la plainte , pourra être rédigée par la partie , qu
fon fondé de procuration spéciale, ou par l'offcier
de Police , s'il en cit requis .
33
ce
III. La plainte, fera fignée à chaque page,
& datée par l'officier de police ; elle fera égale
ment fignée & affirmée par celui qui l'aura faite ,
No. 2. 8 Janvier 179 F
"
( 122 )
·
ou par fon fondé de procuration spéciale ; elle
fera mentionné & annexée à la plainte . Il fera
fait mention expreffe de leur fignature ,
leur déclaration de ne favoir figner , à peine de
nullité.
ou de
» IV. Celui qui aura porté plainte aura 24
heures pour s'en défifter , auquel cas elle fera
biffée , & ne pourra être anéantie que huitaine
après ; à moins que l'officier de police , pour l'intérêt
public , n'ait jugé convenable de la prendre
pour dénonciation.
» V. L'officier de police qui aura reçu la
plainte , tiendra également note de la déclaration
fommaire des témoins produits par l'auteur de
cette plainte. Il fera tenu auffi d'ordonner que
les perfonnes & les lieux feront vifités , & qu'il
en fera dreffé procès -verbal toutes les fois qu'il
'agira d'un , délit dont les traces peuvent être
conftatées .
» VI . Dans le cas où l'officier de police qui
a reçu la plainte eft celui du lieu du délit ; il
pourra , d'après les charges , délivrer un mandat
d'amener contre le prévenu , pour l'obliger à
comparoître , & de lui fournir des éclairciffemens
fur le fait qu'on lui impute.
» VII . Néanmoins , en vertu du mandat d'emener
, le prévenu ne pourra être contraint à
venir , que s'il eft trouvé dans les deux jours de la
date du mandat , à quelque distance que ce puiffe
être ; ou paffé les deux jours , autant qu'il fera
trouvé dans la diftance de dix lieues du domicile
de l'officier qui l'a figné..
30
VIII . Si , après les deux jours , le prévenu
eft trouvé au-delà de dix lieues , il en fera
donné avis à l'officier de police qui a figné le
mandat ; & le prévenu fera gardé à vue , & mis
e arrestation de l'officier de police , jufqu'à ce
( 123 )
que le Juré ait prononcé s'il y a lieu ou non à
accufation à fon égard.
» IX . Pour cet effet , quatie jours après la
délivrance du mandat d'amener , fi le prévenu
n'a pas comparu devant l'officier qui l'a figné ;
-celui-ci enverra copie de la plainte , & les déclarations
des témoins , au greffe du tribunal de
diſtrict , pour y être procédé , ainſi qu'il ſera prefcrit
ci-après .
» X. Si néanmoins le prévenu eft trouvé ſaiſi
des effets volés , ou d'inftrumens fervant à faire
préfumer qu'il eft l'auteur du délit , il fera amené
fur-le-champ devant l'officier de police qui aura
figné le mandat d'amener , quels que foient la
ditance & le délai dans lefquels il aura été
faifi.
» XI. Dans le cas ou l'officier de Police quia reçu
la plainte n'eſt pas celui du lieu du délit , mais
feulement celui de la réfidence habituelle ou momentanée
du prévenu , il pourra toujours donner
un mandat d'amener devant lui ; & après les
quatre jours , fi le prévenu n'eft pas comparu ou
amené , l'affaire avec toutes les pièces fera également
renvoyée au Greffe du Tribunal de District
du lieu du délit.
ככ
XII. Enfin , dans le cas où l'Officier de
Police qui a reçu la plainte n'eft ni celui du lieu
du délit , ni celui de la réfidence du prévenu , il
fera tenu de renvoyer l'affaire avec toutes les
pièces devant l'officier de police du licu du délit ,
pour qu'il foit déterminé par celui - ci s'il y a lieu
ou non à délivrer le mandat d'amener.
» XIII. Lorfque le prévenu comparaîtra pardevant
l'officier de Police , il fera cxaminé
fur-le-champ , ou au plus tard dans les vingtquatre
heures ; & s'il réfulte des éclairciffemens
F 2
( 124 )`
qu'il n'y a aucun fujet d'inculpation contre lui ,
l'Officier de Police le remettra en liberté .
» XIV. Lorfque le prévenu ne donnera pas
des éclairciffemens fuffifans pour détruire les inculpations
, alors fi le délit eft de nature à mériter
peine afflictive , l'Officier de Police , foit celui du
lieu du delit , foit celui de la résidence du prévenu
, délivrera un mandat d'arrêt pour faire
conduire à la maifon d'arrêt du district du lieu
du délit .
» XV. Si le délit eft de nature à mériter une
peine infamante , le prévenu fera également envoyé
à la maifon d'arrêt ; à moins qu'il ne fourniffe
caution fufifante de fe représenter lorsqu'il
en fera befoin , auquel cas il fera laiſſé à la garde
de fes amis qui l'auront cautionné.
XVI. Si le délit n'eft pas de nature à mériter
peine afflictive ni infamiante , le prévenu ne
pourra être conduit à la maifon d'arrêt ; mais
celui qui a porté plainte à la police , fera renvoyé
à fe pourvoir par la voie civile . L'Aflemblée
Nationale fe réserve de régler ce qui concerne les
mendiants & vagabonds , & les punitions correctionnelles
qui pourroient être prononcées par
l'Officier de Police .
» XVII . Le refus de l'Officier de Police de
délivrer un mandat d'amener ou un mandat d'arrét
contre un prévenu , n'étant qu'une décifion
provifoire de la Police , celui qui a porté fa plainte ,
pourra fe pourvoir ultérieurement , ainfi qu'il fera
preferit ci- après .
TITRE V I.
De la dénonciation civique.
» Art. I. Tout homme qui aura été témoin
( 125 )
d'un attentat , foit contre la liberté & la vie d'un
autre homme , foit contre la füreté publique ou
individuelle , fera tenu d'en donner aufli-tôt avis
à l'Officier de Police du lieu du délit .
» II . L'Officier de Police demandera au dénonciateur
s'il eft prêt ou non à figner & affirmer fa
dénonciation ; & s'il veut donner caution de la
poursuivre .
>
» III . Si le dénonciateur figne fa dénonciation
l'affirme & donne caution de la pourfuivre , le
Juge fera tenu d'ordonner aux témoins qu'il indiquera
, de venir faire devant lui leur déclaration
.
» IV. Sur cette déclaration , le dénonciateur
pourra demander à l'Officier de Police un mandat
d'amener le prévenu .
» V. Il fera obfervé à l'égard de la dénonciation
civique ce qui eft porté dans les articles
IV , V , VII , VIII , IX , X du titre de la
dénonciation du tort perfonnel , ou de la plainte ,
comme ci-devant.
» VI Si les éclairciffemens donnés par le prévenu
ne détruifent pas l'inculpation , l'Officier de
police fera teau d'envoyer le prévenu à la maifon
d'arrêt ; ou de le recevoir à caution , ou le
renvoyer à fins civiles , fi le délit n'eft pas de
nature à emporter peine afflictive .
» VII. Si les éclairciflemens donnés détruifent
l'inculpation , l'Officier de Police renverra le dénoncé
en liberté , fauf au dénonciateur à fe fourvoir
devant le Juré , à préfenter fon accufation
ainfi qu'il fera preferit plus bas , & fauf au dénoncé
à fe pourvoir en dommages & intérets .
» VIII. Si le dénonciateur refufe de figner &
d'affirmer fa dénonciation , ou s'il ne donne Pas
caution de la poursuivre , l'Officier de police ne
1
F 3
( 126 )
fera pas tenu d'y avoir égard ; il pourra néanmoins
, d'offices , prendre connoiffance des faits ,
entendre les témoins , & , s'il y a lieu , mander
le prévenu , & l'envoyer à la maifon d'arrêt ,
fauf , dans ce cas , à en être perfonnellement refponfable
, s'il eft prouvé qu'il ait agi avec •
méchanceté ».
Du jeudi 30 Décembre.
La mifère publique & les fecours urgens qu'elle
réclame , ont dicté , dans cette féance , la première
difpofition de l'Affemblée . Jufqu'à l'organifation
du département de Paris , les fonctions
adminiftratives concernant les travaux publics &
atteliers de charité , font attribués à la municipalité
de Paris qui tiendra , pour cet objet , un
compte particulier.
Autre décret provifoire . En attendant une loi
définitive fur les entrées & les octrois des villes >
les recettes & dépenfes continueront à l'égard de
la ville de Paris comme en 1790.
Enfuite , M. Camus a annoncé que , le lendemain
, on mettroit en circulation les affignats
de so liv ; que près d'un million d'affignats rentrés
par les ventes de biens qui ont ceffé d'être nationaux
, feront biffés , annullés & brûlés quand
le million fera complet » ; qu'il y a dans la caiffe
de l'extraordinaire « cent millions d'affignats en
nature » qui ferviront au paiement de janvier ;
qu'ainfi les porteurs de créances liquidées « recevront
leur argent auffi -tôt qu'ils fe prefenteront » ;
& qu'à compter du 4 janvier , les coupons d'affignats
feront échangés contre des écus .
Organe des comités d'aliénation & de judica-
M. Audier Maffillon , a préſenté un projet
de décret , en X articles , contenant les formalités
ure ,
( 127 )
1
que devront obferver ceux des propriétaires
d'offices fupprimés qui voudront acquérir des
biens nationaux , pour la moitié ſeulement de la
finance préfumée , fur le récépiffé de leurs pièces.
Ces mesures prévues ont paffé en décret . On a
repris la difcuffion fur les jurés .
Nous efquifferons rapidemenr la fubftance de
la difcuffion à laquelle ont donné lieu les articles
ajournés & modifiés , touchant la concurrence des
officiers de Maréchauffée avec les juges de paix ,
pour les cas d'arreftation ou de mandats d'arrêt.
Les mêmes adverfaires des comités fe font
armés des mêmes argumens ; le lecteur nommera
d'avance M. Pethion & M. Roberspierre , en fe
rappellant ce qui a précédé. En vain M. de Beaumetz
a-t-il cru les diffuader , en nommant ſupplé
ment ce qu'on avoit d'abord nommé concurrence;
en vain les a-t- il invités à tranſporter leur imagination
dans les campagnes , à examiner les
choix qu'on y a faits , les reftes d'infurrection ; à
confidérer que la Maréchauffée , devenue Gendarmerie
nationale , n'auroit plus qu'un pouvoir
délégué par la conftitution . En vain , leur a-t-il
dit , nous avons befoin d'une force publique ,
auffi puifiante contre nos ennemis intérieurs , que
d'une armée pour en impofer à nos ennemis extérieurs
, qui ne font pas plus redoutables pour
nous . M. Péthiqn a prévu que la Gendarmerie
nationale finiroit par exercer tous les pouvoirs
de la police. M. Roberfpierre a craint qu'on n'eût
à reprocher à la conftitution d'avoir , à l'égard de
la liberté civile , furpaffé l'injuftice & l'arbi
traire de l'ancien régime qu'elle a détruit.
M. Frétear a cité un article de l'Ordonnance
de 1670 , qui attribue aux cavaliers de Maré-
F 4
( 128 )
chauffée le droit d'arrêter pour flagrant délit >
hors des villes où ils font leur réfidence . Lè
mandat d'amener & le mandat d'arrêt ont paru
à M. la Chefe remplacer , fous d'autres mots , les
anciennes citations , affignations , & le décret de
prife de corps ; & il a prétendu que les cahiers ;
auxquels on ne forge plus , demandent qu'on
n'accorde pas à un feal officier le droit de décerdes
décrets de prife de corps . M. Duport a déve.
loppé ces premières reifens fans les renforcer:
M. Thouret a fait valoir , pour les articles &
contre les prévenus , l'intérêt de la conftitution ,
ou des conftituans , & la néceflité de s'armer
contre les brigands , après avoir vaincu les def
potes.
cc
Lorfqu'une grande Nation , a -t- il dit , reçoit
la fecoufle d'une révolution qui doit la régénérer ,
mais qui la change dans toutes les parties , tout
ce qu'elle renfermoit de brigands contenus jufqu'alors
, mêle fes défordres & fes excès à l'heureufe
impulfion qui l'anime , & retarde l'époque
de fa tranquillité . Si votre conftitution ne rétablit
pas l'ordre troublé dans cet inftant , vous
n'avez qu'un volume de loix ..... Songez , Meffeurs
, que vous n'avez fait votre travail important
fur l'organiſation de la Gendarmerie nationale
, que dans la vue qui excite aujourd'hui vos
allarmes . Vous avez décrété que les officiers
feroient diftribués par canton , & vous les avez
multipliés en conféquence ; mais il eft fur-tour
des cas où l'autorité du Juge de paix a befoin
de l'appui le plus puiffant ; c'eft lorsque les brigands
commettent leurs défordres fous la conduite
d'un chef redoutable ; lorfque le délit qu'il
s'agit de punir eft favorifé par une opinion locale ,
( 129 )
que partage peut- être le Juge de paix ; c'eſt lorfque
le peuple s'orpofe à la levée des impôts ; c'eft
lo fqu'il s'agit d'étouffer des mouvemens populai
res... Cette difpofition , néceflitée par Tinftant
préfent , n'eft que provifoine , & fera réformée
par la légiature fuivante , fi les incovéniens
en font démontré . Enfin , a -t - il ajouté
votre conftitution eft déshonorée , fi le rétablif
fement de l'ordre public n'eft pas fon propre
ouvrage » .
La difcution ayant été fermée , on a adopté
les difpofitions fuivantes :
сс
TITRE Ier.
Art. I. « Il y aura dans chaqque
District plufieurs
fonctionnaires publics , chargés des mêmes
fonctious , concurremment avec les Juges de paix ;
cette concurrence eft provifoirement déléguée dé
la manière qui va être preferite ailleurs , toutefois
que dans les Villes , aux Capitaines & aux
Lieutenans de la Gendarmerie nationale , fauf aux
Légiflatures à modifier cette délégation lorfqu'elles
le trouveront néceffaire .
II. » Toutes les fois qu'en vertu du décret fur
les fonetics de la Gendarmerie nationale , les
Gendarmes auront faifi des délinquans , ils pour
ront les incner , foit devant l'Officier de Gendarmerie
, foit devant le Juge de paix qui , s'il
y a lieu , délivrera le mandat d'arrêt.
III .
ככ
Lorfque , dans le cas de figrant délit ,
& dans ceux qui laiffent des traces permanentes ,
telles que meurtres , affaffinats , incendies , vols
avec effraction , les Officiers de la Gendarmerie
FS
( 130 )
nationale fe feront tranfportés fur les lieux pour
conftater le délit , ils pourront , s'il y a lieu , délivrer
le mandat d'amener ou le mandat d'arrêt.
IV. » L'Officier de Gendarmerie , foit celui du
Diſtrict où le délit a été commis , ou du Diſtrict
où réfide l'accufé , pourra recevoir les plaintes
& dénonciations , & dans ce cas dreffer les prccès
-verbaux , recevoir les déclarations , pourra
délivrer le mandat d'amener , mais feulement
devant le Juge de paix de fa réfidence , lequel ,
s'il y a lieu , délivrera le mandat d'arrêt qui fera
figné auffi de l'Officier de Gendarmerie .
TITRE II.
Du mandat d'amener , & du mandat d'arrêt.
Art. Ier. « Tout Officier de police aura droit ,
dans les cas déterminés ci -après , de donner un
erdre pour faire comparoître devant lui les prévenus
de crime ou de délit ; cet ordre s'appellera
mandat a'amener.
y
II . » Le mandat d'amener fera figné de l'Officier
de police , & fcellé de fon fceau ; le prévenu
fera nommé ou défigné le plus clairement qu'il
fera poffible ; il fera exécutoire par-tout le Royaume
, aux conditions prefcrites par les articles IX
& X du titre V , & copie en fera laiffé à celui
qui eſt défigné dans le mandat .
III. » Le mandat d'amener contiendra l'ordre
d'amener l'inculpé devant l'Officier de police ,
& de le conduire d'abord , s'il le demande , devant
la Municipalité du lieu où il fera trouvé.
IV. » Le porteur du mandat d'amener fera
ienu de demander d'abord à l'inculpé s'il entend
obéir au mandat . Si celui- ci répond qu'il eft prêt
( 131 )
d'obéir , de ce moment ; & s'il obéit , il fera fous
la protection de la loi , & il ne pourra être ufé
envers lui d'aucune menace ou violence quelconque
, fous peine contre ceux qui s'en rendroient
coupables , d'être pourfuivis criminellement .
V. » Aucun citoyen ne peut refufer de venir
rendre compte aux Officiers de police des faits
qu'on lui ineulpe , & s'il néglige ce devoir , il ſe
rend coupable de défobéiflance envers la loi .
VI. Si l'inculpé refufe d'obéir , ou fi , après
avoir déclaré qu'il eft prêt d'obéir , il tente de
s'évader , le porteur du mandat d'amener pourra
employer la force pour le contraindre ; mais il
fera tenu d'en ufer avec modération & humanité.
VII. Le porteur du mandat d'amener conduira
d'abord l'inculpé , s'il le demande , devant le
Maire , ou à fon défaut , un autre Officier Municipal
du lieu où il a été trouvé , & dans ce cas il
préfentera le mandat à cet Officier , & le fera vifer
par lui.
VIII. Si l'Officier de Police , devant qui l'inculpé
eft amené , trouve après l'avoir entendu
qu'il y a lieu à le pourfuivre criminellement , il
donnera ordre qu'il foit envoyé à la maifon d'arrêt
du tribunal de District : cet ordre s'appellera mandat
d'arret.
IX. » Le mandat d'arrêt fera également figné
& fcellé de l'Officier de Police , lequel tiendra
regiftre de tous ceux qu'il délivrera ; il fera remis
à celui qui doit conduire le prévenu en la maiſon
d'arrêt , & copie en fera laiffée à ce dernier.
X. » Le mandat d'arrêt contiendra le nom du
prévenu & fon domicile , s'il l'a déclaré , ainfi que
le fujet de l'arreftation , faute de quoi le gardien
F 6
( 1324)`
de la maison d'arret ne pourra le recevoir , fous
peine d'être pourfuivi comme coupable de détention
arbitraire ,
XI. » Aucun dépofitaire de la force publique
ne pourra entrer dans la maifon d'un citoyen ,
pour quelque motif que ce foit , fans un mandat
de Police cu ordonnance de Juftice ».
M. le Préfident a annoncé l'heure des obsèques
de M. l'Archevêque de Vierne . On a propoſé d'y
envoyer une députation de douze membres ; cette
motion n'a eu aucune fuite . En un an on a
oublié que le Prélat , en faveur duquel on follicitoit
cet égard , fat porté à la préfidence par
acclamations des communes & du clergé diffident ,
à la tête duquel il s'étoit réuni au tiers - état .
Du jeudi , Séance du foir.
Les femmes de la halle de Paris , introduites à
la barre , y ont prononcée une harangue c'céronienne
, dans le langage apprêté d'un rhéteur ;
langage qui ne vaut pas celui que les députés
auroient pu tenir naturellement, & Nous faififfons ,
ont - elles dit , l'occafion du renouvellement de
l'année pour nous acquitter de nos devoirs envers
l'augufte affemblée des repréfentans de la France ,
dont nous avons l'honneur de faire partie : nos
coeurs embrâfés du feu divin de la liberté... re
font pas des efclaves ... mais des ames libres qui ,
d'abondance de coeur , vous jurent un éternel
dévouement.... Peuple François ! Fais fuccéder la
joie à cette morne trifteffe qui t'accable depuis
tant d'années.... Bientôt tu vas recueillir les fruits
de notre fainte conftitution . C'eft au courage de
ces braves députés , de ces prudens légiflateurs , &
à leur défintéreffement épuré , que tu dois ta féli(
433 )
cité ; & vous départemens de cet empire , au
retour de vos repréſentans , décernés les honneurs
du triomphe à ces vainqueurs de l'orgucil ; ils les
méritent à jufte titre . Pour nous , après avoir eu
le bonheur de pofféder dans notre ville des têtes
auffi chères , nous en conferverons le fouvenir
jufqu'au tombeau , & ne cefferons de former l'es
voeux les plus ardens pour la confervation de vos
précieux jours . M. le préfident a répondu à ces
femmes on leur a déféré les honneurs de la
féance , & l'impreffion des deux difcours a été
décrétée .
Une députation de la Martinique s'eft préfentée .
L'orateur a fait le procès au Gouverneur , célébré
les patriotes , & raconté les événemens de l'île
en député d'un parti . Ce que nous vous demandons
avec inftance , aujourd'hui , a- t - il ajouté , c'eft
l'exécution de vos promeffes , c'est un nouveau
gouverneur , des commiffaires , de torces , & les
nouvelles inftructions qui doivent organifer les
colonies . Le préfident a répondu à l'orateur & la
députation a eu les honneurs de la féance .
M. de Boufflers a fait , au nom du comité
d'agriculture & de commerce , un rapport concernant
les inventeurs de nouvelles découvertes
en tout genre d'induftrie , fuivi d'un projet de
décret , en dix-huit articles , que l'affemblée a
adopté après une légère difcuffion . Toute décou
verte y eft déclarée propriété de fon auteur ; il fera
délivré des patentes pour en affurer la jouiffance
temporaire , patentes en parchemin , fcellées du
fceau national , enregistrées dans les fécrétariats
des directoires de tous les départemens . Ces patentes
feront pour 5 pour 10 ou pour 15 ans
& le corps légiflatif les renouvellera feut s'il y a
lieu . Le décret articule cinq cas où l'inventeur
( 134 )
fera déchu de fa patente , & qui en rendront le
droit fingulièrement précaire & fujet à bien des
chicanes : defcription infuffifante des moyens d'exécution,
moyen fecret réfervé , plagiat d'un moyen
divulgué en langue étrangère , retard de plus deux
années à mettre l'objet en activité , & patente
obtenue pour le même objet dans l'étranger. Dailleurs
, les priviléges d'inventions avec lettresparentes
déjà enregistrées font maintenus ; les
autres feront convertis en nouvelles patentes ; &
le comité préfentera à l'affemblée un plan qui
fixera le prix des patentes & réglera tous les détails.
Du Vendredi 31 Décembre.
Il a été décidé que trente membres iront en
députation vers le roi pour la cérémonie du jour
de l'an ; & M. le préfident a choifi les premiers
arrivés .
M. Hurault , curé de Broyes , après avoir dit au
corps légiflatif: « bien afluré, felon que vous l'avez
tant de fois répété , qu'il n'a jamais été & ne fera
jamais dans votre intention de toucher en rien
au fpirituel en réglant la conftitution civile du clergé
, a prêté le ferment exigé par le décret du
27 novembre , & fept autres curés l'ont prêté de
même au milieu des applaudiffemens.
M. Ramel Nougaret a fait lecture d'un long
préambule de décret , & de douze articles ajoutés
à l'énorme collection de ceux qui concernent
les conditions & termes des ventes de biens nationaux
. Le délai accordé , après d'autres , par le
décret du 29 novembre , aux municipalités pour
leurs défiguations , aliénations , &c . eft prorogé
jufqu'au premier mars prochain , & les facultés
données aux adjudicataires pour le payement , par
l'article V du titre III , du décret du 14 mai
( 135)
1790 , prolongées auffi , pourvu que la première
féance d'enchère ait eu lieu avant le 15 mai 1791 .
L'affemblée dérogeant à cet égard au décret du
3 novembre.
L'organisation des tribunaux ayant fait ceffer
les fonctions judiciaires de la municipalité de Touloufe
, le décret du 26 juillet dernier qui attr
bue à cette municipalité l'information relative aux
troubles de Montauban , ne fauroit plus avoir
une exécution conftitutionnelle ; un décret ordonne
que ladite information fera continuée devant
le tribunal de diftrict de Toulouſe.
Portant la parole pour le comité de constitution ,
M. Fermond a propofé & fait décréter plufieurs
articles fur les diverfes profeffions maritimes :
On fait que les rentes fe payent à l'hôtel -deville
de Paris , felon l'ordre alphabétique des premières
lettres des noms ou des claffes d'objets ;
M. Anfon a dénoncé comme prefque barbare
l'ufage de ne payer qu'à la lettre L , avec les
établiffemens publies , monafteres , &c. , les rentes
qui fe perçoivent au nom des curés ou des municipalités
pour les pauvres. Des motifs infiniment
meilleurs que les déclamations du rapporteur fur
le nom technique de pauvre , & fur cette barbarie
ont induit le comité de mendicité à demander
& l'affemblée à décréter que les paycurs des
rentes acquitteront dès le mois de janvier 1791 .
toutes les rentes de l'année 1790 , employées
dans les états au profit des pauvres . La fomme entière
ne va pas à 500,000 livres , & ne pouvoit ui
ne pourra déranger le calcul des fonds à faire.
M. de Montmorin a mis fous les yeux de l'affemblée
les noms des miniftres , agens , & des
fecrétaires des miniftres de France dans pays étran
gers qui ont prêté le ferment civique.
( 136 )
Du vendredi , féance du foir.
,
;
On a lu quelques adreffes entre autres
une du département de l'Ardêche , qui dénonce
une déclaration de M. l'archevêque de Vienne ,
& qu'on a renvoyée au comité des recherches
& une du département des Bouches du Rhône ,
où l'on prie l'Aflemblée nationale de déclarer le
comtat partie de l'empire Français. « La ligué
ennemie , difent ces promoteurs de conquêtes légiflatives
, cherche à étouffer la voix des fentimens
de ce peuple ; mais nous craignons que le
réveil du patriotifine ne foit terrible ... & nous
prions l'Affemblée de prendre auffi - tôt un parti
définitif. L'Affemblée n'a donné aucune attention
à ce manifefte d'ufurpation ».
Du famedi 1. janvier 1791 .
M. le préfident a dit que , conformément aux
ordres de l'Affemblée , il s'étoit rehdu la veille
auprès du Roi , à la tête de la députation . On
a fait lecture des difcours qu'il a adreffés à leurs
Majeftés & à M. le dauphin , & des réponses du
roi & de la reine : voici ces deux réponſes .
Réponse du Roi.
MESSIEURS >
« Je recevrai toujours avec fenfibilité l'affurance
des furinens de l'affemblée nationale pour
moi. Ceux que vous venez de m'exprimer en
fon nom , font parfaitement conformes à mes
vaux les plus chers : c'est par la confiance &
le concert qui doivent régner entr'elle & moi ,
que nous parviendrons à achever & à confolider
le grand ouvrage de la conftitution du Royaume.
( 137 )
53
Agiffons donc tous dans un même efprit
avec une feule ame , & réuniffons tous nos efforts
pour ramener la paix & l'ordre dont nous avons
tant befoin , & pour prévenir les malheurs qui
viennent d'affliger plufieurs parties du royaume ,
& dont mon coeur eft encore déchiré .
» Tous mes voeux tendent à affurer le bonheur
du peuple & la profpérité de l'état , fans lesquels ,
comme vous avez bien voulu me le dire , je ne
faurois être heureux » .
Réponse de la Reine.
« Je fuis très - touchée , Meffieurs , des fentimens
de l'Aflemblée nationale ; quand mon fils
fera en âge d'y répondre ; il exprimera lui- même
ce que je ne ceffe de lui infpiter , le refpect pour
les loix & le défir de contribuer au bonheur des
peuples ».
L'Affemblée a décrété l'infertion des difcours
& des réponses dans le procès - verbal .
Une lettre de l'affemblée électorale du département
de Paris au préfident , manifefte une oppofition
de vues entre ce corps électoral & là
municipalité de la capitale , au fujet du fiège des
fix tribunaux qu'un décret a placés d'abord chacun
dans fon diftria . La municipalité follicitoit la
réunion de ces tribunaux ; les électeurs jugent
aujourd'hui cette réunion très- inconftitutionnelle ,
& demandent une décifien . Or , c'eft le jugement
des électeurs à cet égard qui paroît à M. Brillat-
Savarin une violation des principes conftitution
nels . « Si tous les corps électoraux , a - t- il dit trèsjudicieulement
, s'arrogeoient de femblables prérogatives
, il n'y auroit plus d'ordre public . Lé
corps des électeurs n'eft point une affèmblée délibérante
».
( 138 )
Selon M. Bouche , l'inftallation des tribunaux ,
ne regardoit que les municipalités , le décret en
fixoit les fiéges dans les diftricts ; il falloit paffer
à l'ordre du jour. On a propofé le renvoi au
comité de conftitution . M. Regnault invoquoit la
queftion préalable . «Tous les citoyens , a dit
M. Goupil , ont le droit de faire des pétitions .
Cela n'eft vrai que des citoyens qui ne font pas
réunis pour élire , a répondu M. de Folleville en
infiftant fur la motion de M. Bouche qu'on a
adoptée.
Après cette difcuffion , & fur le rapport de M.
Wimpfen , au nom du comité militaire , l'Affemblée
a rendu le décret fuivant :
ce L'Aſſemblée nationale , avoir avoir entendu
fon comité militaire , décrète ce qui fuit :
» Art. 1er . A l'avenir la décoration militaire
fera accordée aux officiers de toutes les armes &
de tous les grades à 24 années de fervices révolues
, & les années feront comptées conformément
aux difpofitions de l'article premier du
titre II des décrets des 10 , 16 , 23 & 26 juillet
1790 .
» II. Les années de fervice comme foldats &
comme fous-officier , compteront comme celles
d'officier.
» III. Les officiers qui auroient pris leur retraite
, & ceux qui auroient été réformés faus
avoir obtenu la décoration militaire , pourront en
former la demande , & font déclarés fufceptibles
de l'obtenir , s'ils ont fervi le temps déterminé par
les articles précédens ,, .
Il est étonnant qu'un comité militaire n'ait pas
apperçu que les fervices des officiers étant de
nature différente de ceux des foldats & fousofficiers
, il falloit conferver la même différence
( 139 )
dans les récompenfes . Si jamais on peut formes
une armée fur le modèle d'une fociété de Quakers
, ce décret contribuera à ce phénomène.
M. Fermond , procureur , offre une fuite de
39 articles relatifs à l'avancement des gens de
mer , tant en paie qu'en grade. On les dècrète
de confiance . M. de Crillon le jeune , préfente
enfuite , àu nom du comité central , un projet
de décret .
» Le placement que nous avons donné aux
objets qui entrent dans les opérations effentielles
d'un corps conftituant , a dit en fubftance M.
de Crillan , peut offrir quelques erreurs ; mais
elles ne font le fruit d'aucune prévention . Il y
auroit un grand inconvénient à difcuter Fordre
dans lequel doivent paffer tous ces objets ; vous
êtes placés entre deux écneils , la perte du temps
& une marche incertaine ............. Il eft d'une
néceflité indifpenfable , fi vous adoptez ce plan ,
que vous preniez l'engagement formel de convoquer
la légiflature , non pas à jour nommé
( un tel engagement feroit l'imprudence la plus
dangereufe , ) mais dans l'intervalle qui exiftera
entre la fin de vos travaux & la revifion des objets
conftitutionnels ....... C'eft ainfi que difparoîtra
cette calomnic que vous voulez vous per
pétuer , en vous propofant un cercle de travaux
interminables......... Nous ne vous dirons pas :
Vous avez besoin de repos ; vos affaires , vcs
familles languiffent après vous ; mais vous êtes
légiflateurs , & nous vous diront que l'intérêt
public le demande » .
M. Dumetz & M. Teilhard ont rappellé le
travail fur l'ordre de Malthe , & M. Moreau
l'organiſation des Colonies , parmi les objets à
raiter fecondairement . M. de Tracy a objecté
( 140 )
l'impoffibilité de fixer une époque avec certitude .
Cette impoffibilité a fait craindre à M. Charles
de Lameth que les ennemis du bien public në
tiraffent d'un engagement inconfidéré des motifs
de reprocher à l'Aflemblée de tomber en contradiction
. M. le Chapelier, a fimplement dit que
les pertes de temps ne venoient que du défut
d'ordre ; que ce décret rétablilfoit l'ordre , & n'étoit
qu'une fuite des autres décrets . Malgré
tous les efforts de M. de Lameth , les articles
fuivans ont été décrétés :
« L'Affemblée nationale décrète ,
» 1 °. Qu'elle s'occupera fans interruption ,
dans fes féances du matin , des objets fuivans :
» Les jurés .
» Les impofitions .
» Haute- cour nationale.
כ כ
Changemens dans le Code pénal , & loi fur
la refponfabilité .
» Gardes nationales & auxiliaires .
Organiſation de la marine .
» Loi qui détermine les rapports de l'autorité
civile .
55 Complément de l'organiſation des municipalités
& corps adminiftratifs .
» De l'organiſation du pouvoir législatif.
» Du pouvoir exécutif.
» Du ministère .
و د
Organifation du tréfor national.
» De la comptabilité .
Loi fur la régence .
» Bafe de l'éducation nationale .
33 Rapport conftitutionnel fur la mer.dicité.
» Sur l'ordre de Malthe .
Sur les ordres de chevalerie .
» Loi fur les fucceffions .
( 141 )
» Démarcation de la jurifdiction éccléfiaftique
.
35
Et que , lorfqu'elle les aura terminés , la
légiflature prochaine fera convoquée .
2 °. Qu'elle traitera dans fes féances du foir ,
dans l'ordre qui lui a été fourni par fon comité
central , les objets compris dans la deuxième
fection .
ככ
3. Qu'elle ordonne à fes différens comités
de préparer leurs rapports , pour qu'ils puiflent
lui être faits dans l'ordre de travail adopté » .
Du dimanche , 2 janvier.
Hier , M. de Crillon avoit préſenté & fait
adopter un ordre de travail , pour les matières
conftitutionnelles . Ce n'eft pas le tout ; une
feconde fection volumineufe , dont il eut été trop
long de tranfcrire même la nomenclature , annotoi
les rapports dont une multitude de comités
devoient compte au corps légiflatif. Dans cette
effrayante maffe d'objets qui promet ou la difcuffion
la plus fuperficielle , ou des féances éternelles ,
on diftingue , en particulier , une foule de revendications
& de controverfes domaniales , qui
conftitucront une efpèce de chambre ardente
contre un grand nombre de ceffionaires . On
fi : remonter les recherches jufqu'au règne de
Louis XIV .
Aujourd'hui , prefqu'à l'ouverture , M. de la
Fayette a abordé la tribune , pour indiquer une
omiffion du comité central . Il a demandé qu'il
ajouta à fes travaux celui de la diſtinction à établir
entre le pouvoir conftituart & le pouvoir
légiflatif ; diftinction qu'il falloit placer fous la
garde des loix conftitutionnelles . Quelques pèr-
Tonnes ont beaucoup admiré la pénétration de
( 142 )
M. de la Fayette , dont la remarque a été convertie
en décret .
Le fond de cette obfervation eft jufte ; mais
fon application nous femble abfolument frivole .
Qui pourra empêcher , malgré les décisions du
comité central , la légiflature prochaine , de s'au
torifer de l'exemple de celle d'aujourd'hui , & de
Le transformer en corps conftituant quand il lui
plaira? Ne fera-t- elle pas parfaitement fondée à dire
que la nation légalement affemblée , n'ayant
point ratifié l'ouvrage de la convention actuelle ,
fortie chaque jour des limites d'un corps conftituant
, c'eft à elle qu'appartient cette réviſion &
ce droit de ratifier ? Aucune loi pourra- t- elle empêcher
la nation de déférer ce pouvoir à la prochaine
législature ? Ces barrières de fable paroiffent
des jeux d'enfans , à quiconque à la plus legère
notion de la démocratie , & de l'efprit de fes
inftitutions.
Quelques curés ayant prêté le ferment exigé
des eccléfiaftiques fonctionnaires publics , M.
l'évêque de Clermont a paru à la tribune. Il avoit
commencé à protefter de fa foumiffion à la puiffence
civile , & de l'impoffibilité où le mettoit fa
conſcience d'en reconnoître le pouvoir abfolu dans
les matières canoniques ; foudain , il a été interrompu
par une explofion de huées , de cris &
même de menaces . M. Treilhard interprête de ces
difpofitions , les a rendues à M. l'évêque de Clermont
, avec toute la dureté , toute l'amertume
que fe permet rarement un vainqueur en voyant
fon ennemi à terre . Il a fini par demander qu'on
interpellât M. l'évêque de Clermont , de dire s'il
entendoit ou non prêter le ferment . Cette contrainte
a excité un tumulte violent entre les deux
( 143 )
côtés de la falle : le prélat y a mis fin , en déclarant
que fa confcience lui défendoit ce ferment ,
& qu'il ne le prêteroit pas . Enfuite , il a voulu
dépofer fon difcours fur le bureau ; on a refufé
de le recevoir.
Voilà tout ce que nous dirons fur cette ſcène ,
où l'on a vu reffufciter ces combats fi cruels entre
les devoirs de la confcience & les ordres de l'autorité
, entre la crainte du parjure , & celle du
châtiment . Dans le cours du tumulte , un opinant
du côté gauche a crié que c'étoit un crime de lèzenation
de difcuter les loix conftitutionnelles . Le
légifte qui le décidoit ainfi, avoit apparemment été
élevé à l'école du Divan de Conftantinople.
Le refte de la féance a eu pour objet de nouveaux
articles décrétés fur les jurés . Nous les
rapporterons avec leur fuite dans huit jours .
Il s'étoit formé ici depuis quelques femaines
, un nouveau club fous le titre de Société
des Amis de la Conftitution Monarchique.
M. de Clermont - Tonnerre , Député à l'Affemblée
Nationale paffoit pour avoir prinpalement
contribué à cette affociation ; elle
comptoit déjà près de 300 Membres ; un
grand nombre de Citoyens alloient s'y
réunir. Elle n'avoit affiché d'autres principes
que ceux de la Conftiturion même , par laquelle
le Gouvernemen : François eſt déclaré
Monarchique fur tous les autres points ,
permis à chaque membre de profeffer telles
( 144 )
.?
9
opinions qui ne contredi oient pas les maximes
fondamentales , les points de loi qui
faifoient la doctrine propre de la Société.
Son Directoire , par furcroît de prudence
, avoit cru.devoir prévenir le Maile
& le Commandant Général de Paris de cet .
établiffement légitime . Sans do te , cette
Société n'avoit aucun befoin de cette de-
: marche de déférence , puifque ni le Maire ,
-ni , le Commandant Général , ni la Municipalité
n'ont le droit d'interdire des Sociétés
autorilées par le Légiflateur. Bientôt les Folliculaires
entreprirent l'Affemblée Monarchique
, fuivant l'ufage , ils l'accablèrent d'hor
reurs , & de calomnies , ils exprimèrent leur
ha ne invétérée pour fa doctrine , en défignant
les Membres de la Société par le
fobriquet d'impudens Monarchiens.
Au fignal de cette nuée de feriblers , les
tif du Palais-Royal dénonça le club , & la
phalanges fe ranimèrent , quelques batteurs
du pavé de Paris, menagèrent d'immoler les
Monarchites aux Jacobins.
0
Pendant qu'on préparoit cette explosion ,
une imprudence , louable dans fes motifs ,
Y máis que
la réflexion ne peut excufer, lui a fair p
¡ * མ
un autre caractère. La Société
avoit formé une caiffe de contribution vofontaire
, pour fecourir les indigens. Par
maladreffe qui fembloit provoquer les
2 -caloninies , elle arreta le 18 Décembre
d'employer
( 145 )
d'employer fes deniers à procurer des dif
tributions de pain au prix d'un fou & demi
la livre , aux pauvres les plus néceffiteux des
différentes fections . Dénoncée fur le champ,
comme méditant de corrompre le Peuple
& de l'exciter contre les boulangers , elle
réduifit fes actes de bienfaifance à une di !-
tribution gratuite de pain , aix pauvres
recommandés par leurs fections reſpectives.
Cette modification fut inutile ; le prétexte
étoit trouvé, & les accufateurs n'étoient
pas gens à s'en deffaifir fi facilement Les dénonciations
pafsèrent de la Place Vendôme
à l'Obſervatoire ; l'orage alloit éclater.
Ayant appris que l'on projettoit d'attaquer
le club , plufieurs de fes Membres avertirent
le Maire & M. de la Fayette du deffein
de cet attentat. Le même jour 28 , un
Capitaine de la Garde Nationale vint fignifier
au fieur Lafalle, propriétaire du Panthéon
où s'affembloit le club , que les rendez
-vous du Palais Royal auxquels il entendoit
fe joindre , viendroient en force le
foir même pour diffoudre le club Monarchique.
D'après cette menace , le propriétaire
allarmé refufa la porte aux Membres
de la Société qui ſe réfugièrent dans un
autre lieu . Là , ils furent inftruits par leur
Directoire , d'un arrêté de la Municipalité ,
qui ordonne à la Société de difcontinuer
fes féances , jufqu'à ce qu'il ait plû à M. Ca-
N°. 2. 8 Janvier 1791 . G
( 146 )
hier , Procureur Subftitut de la Commune ,
d'inftruire le procès du club , d'après une
dénonciation de la fection de l'Oratoire. Le
Directoire , en donnant l'exemple de la foumillion
à cet ordre ir.égulier , a oppofé la
fermeté néceffa re à fes accufateurs. « Il a
» fignifié au Maire de Paris qu'ils alloient
» demander communication de la dénoncia-
» tion qui les ourrage,& qu'ils pourſuivroient
par tous les moyens légaux , la réparation
» de tant de vexations , la punition de fes ca-
» lomniateurs & la révocation d'un ordre qui
» ne peut fubfifter dans un pays libre «<
Je ne fuis point membre de cette Société ;
elle a même profeffé dans quelques- uns de
fes Journaux divers fentimens que je fuis loin
de partager; mais il fuffit de connoître l'expofé
des faits ,pour enêtre révolté. C'eft bien là ,fans
doute , le caractères des fact ons , qui ne
brifent le joug que pour l'impofer ellesmêmes
: ainfi fe vérifie ce fait configné dans
chaque page de l'hiftoire , qu'à l'amour de
l'indépendance extrême , fuccède toujours
le defpotifme de la domination . Très-peu ,
infiniment peu d'hommes ont le fentiment
de la liberté : ceux-là favent en limiter les
droits , en la refpectant dans leurs femblables
; ils n'en font pas un vain objet de babil
ou de théatre , ni une contorfion de la
tyrannie. Le projet d'attaquer le club par
violence , méritoit l'animadverfion de la
( 147 )
Municipalité, qui , non feulement , n'a point
prêté main-forte à la Société menacée ; mais
qui s'eft hâtée de la profcrire , fans l'avoir
même entendue. C'eft une violation manifelte
de la Loi : on ne peut la juftifier qu'en
prouvant le danger imminent où le club
monarchique mettoit la tranquillité publique
. Nulle autorité n'exercera cer légitimement
une dictature auffi arbitraire . Pourquoi
ne pas réprimer les perturbateurs d'une
affemblée légitime ? La Municipalité doit
protection à tous les Citoyens , & où en
fommes nous , s'il fuffit d'être menacé par
les clameurs de quelques malveillans , pour
encourir une profcription , au lieu de la
fauve - garde que la Police publique eft
tenue par ferment de donner même aux
coupables ?
Eft-ce-li la marche de la Loi ? Q reconnoî
ra une apparence de liberté dans une
ville où , avant toute information , on ordonne
ainfi la clôture d'une Société paifible
? Eût- elle commis quelque faute , la juftice
prefcrivoit de pourfuivre les coupables
& de les punir , mais fans violer l'existence
mê ne de l'Affemblée .
Celle - ci n'eft cependant pas diffoute ,
ainsi que l'ont annoncée triomphalement les
Gazettes prétendues patriotiques . Certes , il
feroit étrange, qu'il fût défendu à Paris, & fous
les yeux du Roi & de l'Affemblée nationale
G 2
( 148 )
de profeffer l'attachement au Gouvernement
Monarchique conftitutionnel. Il paroîtroit
étrange - qu'on ne pût aimer les loix , & qu'il
fût interdit aux citoyens de fe réunir ailleurs
que fous les enfeignes d'une fociété dominatrice.
Cette atteinte à la liberté du Club
monarchique , prouve impérieuſem.nt la
néceffité de ſon établiſſement. Il en juſtifie
les motifs , très - bien exposés en ces termes
par un des Membres de la Société , dans.
un difcours rendu public.
« Si la conftitution , décrétée par l'Aſſemblée
nationale , dit l'auteur , & acceptée par le Roi ,
eſt la loi des François , & fi chacun lui doit foumiſſion
, il eſt évident que toute déſohéitſance à
ette loi , que toute tentative pour lui réfifter o
pour l'enfreindre , répugne au but comme aux
principes de la fociété que nous formons.
» En profeffant que le gouvernement françois
et monarchique , certainement chacun de
Lous peut varier fur le plus ou moins d'étendue
qu'il croit utile d'accorder à la prérogative royale :
mais libres dans la manifeftation de ces opinions ,
aucun ne peut cependant propofer à la fociété
une mcfure ou une démarche qui tende , par des
moyens illégaux , à faire triompher l'avis qu'il
avoit adopté ».
Que l'on ne croie pas que ce foit manquer de
refpect à la loi que d'en examiner les difpofitions ,
& de la difcuter librement . La loi n'cft que la
volonté générale ; elle fe forme par l'opinion ,
quoiqu'elle ne fe déclare que par le pouvoir légiflatif
: la loi faite & déclarée doit s'exécutor
( 149 ).
exactemeat ; mais les légiflatures , la nation , les
individus doivent la fuivre & la ſurveiller dans
fon exécution , en reconnoître les bons ou mauvais
effets ; & c'èft ainfi qu'elle tend fans ceffe
à acquérir une nouvelle force , fi elle eft bonne ;
à s'améliorer , fi clle eft imparfaite ; à être révo
quée , fi elle eft totalement mauvaiſe, Ces vérités
font inconteftables , la conftitution françoife
les a déclarées ; mais aucun philoſophe , acun
homme digne d'être libre , ne les a jamais
méconnues .
,
19
..Déjà l'on s'efforce de nous rendre fufpects .
& c'eft fur notre but que l'on cherche à attirer
la méfiance . On fe demande , ou on feint de fe
demander : « Qui font- ils que veulent- ils ? Ils
fe difent les amis de la conftitution monarchique :
fi par ce nom ils en défignent une autre que celle
que nous avons décrétée , ce font des rebelles ;
s'ils ne défignent que la conftitution décrétée ,
pourquoi veulent- ils la defendre , tandis que perfonne
ne l'attaque ? Pourquoi veulent- ils fur- tout ,
défendre fa qualité de monarchique , que perfonne
ne lui conteſte , & que nous lui reconnoiffons
comme eux ? » A cela notre réponſe eft fimple
c'eft précisément ce titre , cette qualité de conftitution
monarchique , que nous prétendons que la
nôtre ne doit jamais perdte ; fur cela , notre docrrine
eft invariable , & nos fujets d'inquiétude ne
font malheureuſement que trop réels . L'opinion ,
eft devenue la reine du monde , & cela eft jufte ;
eh bien , c'eft dans l'opinion , c'eſt par des opinions
, que l'on attaque , que l'on mine la confti .
tution monarchique ; les attaques font trop réitérées
, la mine eft trop bien conduite , pour ne
pas reconnoître un fyftême fuivi , une faction
b
· G 3
( 150 ).
32
puiffante , & des hommes auff dangereux par
feur conftance , que par la perfidie de leurs vues .
Quel Fouvoir magique auroit coal fé contre la
monarchie & contre le monarque , cette maffe.
d'écrivains qui pullule autour du club dominateur
qui l'accueille dans ſon ſein , dont il a fait
les appuis & les artifans de fa renommée ? Pourquoi
la voix qui profère le plus d'injures contre
le roi , qui profeffe le républicaniſme le plus
eutré , eft - clie en même-temps celle qui nous
erie le plus haut : « Les Jacobins font patriotes
» & les ennemis des Jacobins font ceux de la révolution
? » Pourquoi dans tous les lieux où s'étend
influence Jacobite affecte- t-on de provoquer des
repréſentations de Brutus ? Pourquoi l'a-t-on fit
réimprimer & colporter dans les rues de Paris ,
comme une pièce nouvelle ? La liberté romaine
eft- elle celle à laquelle on prétend nous conduire ?
Et quand même la France ne feroit pas géogra
phiquement monarchique , Lous XVI nous a- t-il
donné le droit de lui appliquer les reproches
qu'avoient mérité les Tarquins ? & ,
vous faites applaudir par des hommes gagés ,
lorfque
lorfque vous appuyez vous-même , par votre préfence
, de vos
applaudiffemens , ces applications
impies , je vous le demande , ne juftifiez-vous
pas nos alarmes , & pouvez -vous dire encore que
l'on n'attaque pas la monarchie ?.
Le but de notre fociété nous eft donc indiqué
fuffifamment par les dangers & les obftacles
qui nous en fépatent : nous voulons défendre la
conftitution monarchique ; mais de plus , nous
voulons favorifer , appeller de tous nos moyens ,
le retour de la paix , le retour de l'ordre public ,
l'exécution de la loi ».

t
( 151 )
વિ
Diverfes fociétés femblables s'étant formées
dans le Royaume à Grenoble en
particulier ; on les a calomniées , menacées ,
diffoutes en vertu de la liberté . Qu'on
daigne l'obferver , ces actes que les derniers
Miniftres de l'ancien Gouvernement ofoient
à peine fe permettre, ont été exécutés , comme
par enchantement , dans le même inftant.
Ce concert indique une favante tactique
, & pour juftifier ces clôtures a bitraires
, on nous a inondés de projets de con
tre révolution . A Aix , par exemple , on
fait femblant de uis le meurtre de trois.de .
fes Citoyens , dont les têtes defiguréesportées
au bout d'une pique , en préfence
d'une Municipalité , d'un Directoire , d'une
nombreufe Garde , ont à peine affaffié la
fureur des affaffins , on fait ſemblant, difonsnous
, de croire à une confpiration tramée
par les victimes. On les calomnie après les
avoir égorgées : nous avons rapporté la femaine
dernière des particularités certa nes ,
& effrayantes de cet évènement , ſuivi d'emprifonnemens
, d'inquifitions , de vexations
qui ont fait déferter la ville à quiconque
pouvoit craindre d'y avoir un ennemi.
Les dernières lettres que nous avons
regnes du Quercy , confirment l'énormité
des br gandages , exercés le mois de nier
dans cette province . Un grand nombre de
châteaux & de maiſons ont été violés , fac- ,
( 152 )
cagés ou livrés aux flâmes . Ces actes de
civisme poroiffoient à la claffe du Peuple
qui les exécute fous les ordres de que!-
ques fourbes , des applications très- légitimes
de la liberté , qui confifte maintenant à
vouloir tout ce qu'on peut , & à pouvoir tout ce
qu'on veut. Dans la lettre que nous rapportâmes
le 18 Décembre , touchant les violences
du Quercy, on imputoit au détachement du
régiment de Languedoc enfermé dans l'églife
de Gourdon, d'avoir capitulé. Cette affertion
n'eft pas exacte , comme on le verra par
la lettre fuivante. Elle renferme les partícularités
authentiques des événemens qui
ptécédèrent le fac de Gourdon , & juftifie
la conduite du détachement & de fon
Chef.
сс
Le 28 dcéembre 1790..
MONSIEUR,
Cinquante- fix grenadiers & 44 fufiliers
commandés par M. le chevalier de Saint Sauveur,
capitatne du même régiment , avoient été envoyés
à Gourdon pour y maintenir l'ordre &
faire arracher les mais & les potences , qui étoient ,
quoi qu'on en dife , les fignaux de l'infurrection.
Les exécutions fe paffèrent fans trouble dans les
villages voifins , pendant les premiers jours ;..
mais le 3 de ce mois le détachement s'étant
transporté à celui de Saint - Germain , apperçut
en y arrivant , un peuple immenfe & armé : le
commandant fait arrêter la troupe & dépêche
( 153 )
un cavalier de maréchauffée à la municipalité ,
pour qu'elle eût à faire rentrer ce peuple dans
le devoir : plufieurs officiers municipaux vinrent
parler à M. de Saint Sauveur , & commencent
par l'affurer que fa préfence avoit foulevé les
habitans . Il leur montra la réquifition du diftrict
de Gourdon , qui lui enjoint de réclamer le drapeau
rouge , dans les lieux où l'on ne voudroit
pas le foumettre à la loi ; & il ajouta qu'il ne
pouvoit s'empêcher d'exécuter fes ordres : les officiers
municipaux , après une conférence affez
Jongue , donnèrent eux-mêmes une autre réquifition
au détachement , afin qu'il eût à fe reirer
; en le rendant de plus , refponfable des .
évènemens , & en proteftant que tout rentreroit
dans le calme après fon départ. Ces promeffes
fe trouvèrent bientôt illufoires : la troupe eut
à peine fait deux cens pas , que les coups de
fufil & les pierres fondirent fur elle : le commandant
l'arrêta auffi-tôt ; la forme en bataille ,
& défendit expreffément à fes foldats de tirer :
cette contenance ferme en impofa , le penple fit
femblant de fe retiver , mais dèfque le détachement
fut en marche , nouvelle attaque : M. le
chevalier de Saint-sauveur ne put parvenir à
Gourdon qu'après avoir exécuté plufieurs fois la
même
manoeuvre .
A fon arrivée , il trouva la ville dans le plus
grand défordre ; la garde nationale avoit pris
les armes , la loi martiale avoit été proclamée :
il fut de fuite le former en bataille fur la place ,
& attendit vainement les ordres de la municipalité.
On ne tarda pas à appercevoir les révoltés
, qui étorent alors près de cinq mille , &
qui s'avançoient de manière à annoncer qu'ils
1
( 154 )
ne venoient pas pour remettre la paix : le commandant
du détachement voyant qu'il ne recevoit
aucun ordre du corps adminiftratif , n'eut
d'autre parti à prendre que de fe retirer dans
Féglife il étoit trois heures du foir) ; le peuple
s'y préfenta d'abord , & provoqua les foldats
de toutes les manières : le, fieur Lina leur chef,
parla à M. le chevalier de Saint Sauveur , &
ofa même lui propofer de fe rendre le cri de
l'indignation fut fa feule réponſe , & celle de
fes braves compagnons , qui tous avoient réfolu
la défenfe la plus terrible , s'ils étoient attaqués.
Pendant la nuit de nombreux émiffaires tentèrent
tous les moyens de féduction pour féparer
les foldats de leurs officiers , & pour qu'ils leur
fuffent livrés ils s'étoient déjà flattés dans la
ville , de promener leurs têtes au haut des piques ;
mais leurs atroces efpérances demeurèrent fans
effet. Ces valeureux foldats renouvellèrent fouvent
à leurs officiers , le ferment de mourir avec
eux , plutôt que
de fe couvrir de pareils forfaits
.
Enfin , le lendemain à onze heures du matin ,
le grefier de la commune qui n'avoit point pris .
la fuite , dreffa un ordre de départ , qu'il fit
figner à deux municipaux , dont il connoifloit
fans doute l'afyle caché , & l'apporta à M. de
Saint Sauveur , qui le mit à exécution fur le
champ.
Il est bon d'obferver que ces prétendus patriotes
n'ont pas manqué de s'emparer de tous
les effets appartenants aux officiers & foldats ,
effets qu'ils avoient dans leurs logements .
( 155 )
Ce récit eft confirmé par le rapport
même du Directoire , qui certifie ne pouvoir
donner trop d'éloges à la conduite
de M. de St. Sauveur.
Ce n'eft pas en Quercy feul que les propriétés
font menacées , ou attaquées. Dernièrement
un attentat de ce genre dans le
diftrict de Vefoul en Franche Comté , a
produit un acte d'intrépidité , plus mémorable
, fans doute , que tant de lâchetés
célébrées par les Journaux fous le nom
d'héroïfme. Le trait que nous allons citer
cft certain.
Les habitans du village d'Auxon , département
de la Haute- Saône , ravageant les bois d'autrui ,
avoient été dénoncés par les gardes . Furieux dé
ce rapport , & voulant à la fois s'affurer de leur
vengeance & de l'impunité , ils fe portèrent au
château d'Auxon , uniquement habité par Madame
de Raigecourt , âgée de 80 ans , & par Par Mile.
de Montlezun , fa nièce , âgée de 12 ans.
Ayant appris le danger du château menacé
d'incendie , Mlle . Bureau de Pufy , foeur du député
de ce nom , part de Pufy , éloigné d'Auxon
de demi-licue , armée d'un fufil à deux coups ,
& accompagnée de ſon jardinier , armé également.
Un fecours de dix dragons , envoyé de Yefoul à
Auxon , avoit été repouffé par les payfans trèsnombreux
qui entouroient le château . Mlle . de
Pufy y entre par une porte du jardin : elle fait
armer cinq domeftiques , paroît fur le mur de
la terraffe , & tâche de ramener cette trompe de
furieux , qui travailloient à forcer la porte bar71569
ricadée. Remontrances inutiles . Un payfas ,
Occupé à couper la porte à coups de hache , tire
un piftolet de fa poche , & le dirige fur Mlle.
de Puzy , qui , à l'inftant , le frappe de denx
balles dans la poitrine : fes compagnons de brigandage
vont faire feu à leur tour . L'intrépide
gardienne du château ordonne une décharge à ſa
petite troupe ; cinq affaillans font tués , & deux
femmes bleffées . Les incendiaires difparurent ,
après avoir été avertis par l'héroïne , qu'elle
brûleroit elle - même leurs maiſons , s'ils étoient
affez extravagans pour incendier le château de
leur ci -devant feigneur , qui les a comblés de
bienfaits . En même- temps elle dépêcha fon fidele
jardinier à Vefoul , pour demander du fecours .
150 chaffeurs de Franche - Comté étant arrivés ,
& le calme rétabli , Mlle. de Pufy reprit le lendemain
à fept heures du matin la route de Pufy,
fous la garde de fon fufil & de fon jardinier.
Je ne doute point que , fi ce trait vient à la
connoiffance de quelques publiciftes , qui feroient
des profeffeurs diftingués parmi les antropophages
de la nouvelle Zélande , ils ne prouvent philofophiquement
& métaphifiquement , que Mile. de
Puzy eft la feule coupable , & qu'elle mérite au
moins une lanterne .
Les Numéros fortis de la Loterie Royale
de France , du premier Janvier 1791 , font:
57 , 88 , 7 , 4 , 72.
Faute de nouvelles intéreffantes le Supplement
ne paroîtra que la femaine prochaine.
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
IL
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 30 Décembre.
Left furvenu à l'Empereur , depuis quelques
jours , une indifpofition qui n'a rien
d'inquiétant . Un peu de fièvre a précédé
une éruption , qui n'eft autre chofe que la
peute verole volante , dans quelques jours
S. M. I. reparoî ra en public.
L'archiduc François , le Maréchal de
Bender , le General de Clairfait & le Général
de Vins ont été reçus , le 19 de ce.
mois , Grand Croix de l'Ordre Militaire.
de Marie- Thérèſe . Les Généraux de Beaulieu ,,
de Spleny & de Karaczay ont été nommés
commandans ; 56 petites Croix ont été
diftribuées en même tems.
Nº. 3 , 15 Janvier 1791 .
H
71569
ricadée. Remontrances inutiles . Un payfan ,
occupé à couper la porte à coups de hache , tire
un pistolet de fa poche , & le dirige fur Mlle .
de Puzy , qui , à l'inftant , le frappe de denx
balles dans la poitrine : fes compagnons de brigandage
vont faire feu à leur tour . L'intrépide
gardienne du château ordonne une décharge à fa
petite troupe ; cinq affaillans font tués , & deux
femmes bleffées. Les incendiaires difparurent ,
après avoir été avertis par l'héroïne , qu'elle
brûleroit elle - même leurs maifons , s'ils étoient
affez extravagans pour incendier le château de
leur ci- devant feigneur , qui les a comblés de
bienfaits. En même-temps elle dépêcha fon fidele
jardinier à Vefoul , pour demander du fecours.
150 chaffeurs de Franche- Comté étant arrivés ,
& le calme rétabli , Mlle. de Pufy reprit le lendemain
à fept heures du matin la route de Pufy,
fous la garde de fon fufil & de fon jardinier.
Je ne doute point que , fi ce trait vient à la
connoiffance de quelques publiciftes , qui feroient
des profeffeurs diftingués parmi les antropophages
de la nouvelle Zélande , ils ne prouvent philofophiquement
& métaphifiquement , que Mlle. de
Puzy eft la feule coupable , & qu'elle mérite au
moins une lanterne.
Les Numéros fortis de la Loterie Royale
de France , du premier Janvier 1791 , font :
57 , 88 , 7 , 4 , 72.
Faute de nouvelles intéreffantes le Supplement
ne paroîtra que la femaine prochaine.
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 30 Décembre.
IL eft furvenu à l'Empereur , depuis quelques
jours , une indifpofition qui n'a ren
d'inquiétant. Un peu de fièvre a précédé
une éruption , qui n'eft autre chose que la
petite virole volante ; dans quelques jours
S. M. I. reparoî ra em public.
L'archiduc François , le Maréchal de .
Bender , le Général de Clairfait & le Général
de Vins ont été reçus , le 19 de ce
mois , Grand Croix de l'Ordre Miliaire.
de Marie-Thérèſe . Les Généraux de Beaulieu ,
de Spleny & de Karaczay ont été nommés
commandans ; 56 petites Croix ont été
diftribuées en même tems.
Nº. 3 , 15 Janvier 1791 .
H
( 158- )
On fait que l'Empereur a accordé aux
Juifs dans tous les Etats héréditaires , la
permiflion de fe vouer aux études , de
prendre les degrés aux Univerfités , & de
fe faire recevoir Avocats aux Tribunaux . En
conféquence de cette permiflion , le 7 de
ce mois à l'Univerfité de Prague , le fieur
Raphael Joel , jait de Bohême , après avoir
fubi l'examen de la Faculté en Droit , a
été créé Docteur.
De Francfort fur- le - Mein , le 7 Janvier.
Les Etats de l'Empire , qui ont des poffeflions
en France , continuent à fe donner
beaucoup de mouvement auprès de la
Diète. On ne fait encore le parti qu'elle
prendra. On penfe généralement qu'il n'eft
guères poffible de trouver des équivalens
convenables ; car comment indemnifer des
Princes qui poffédoient des terres où ils
exerçoient la pleîne fupériorité territoriale ?
Quel équivalent peut - on offrir à l'Archevêque
de Trèves auquel on a ôté les
Evêchés qui conftituoient fon Eglife Métropolitaine
? On affure que le Collége
Electoral a fait à l'Empereur des propofitions
qui font encore un fecret , & dont
on attend la manifeftation avec impatience.
Les différends qui fubfiftoient depuis quelques
années entre le Magiftrat & la Bouroifie
d'Aix- la - Chapelle , vont être ter(
159 ).
minés par les Commiffaires de l'Empire
chargés de ce travail; M. Dohmy a principalement
contribue : auffi - tôt que ce plan
de conftitution municipale fera achevé , on
le foumettra à la révifion de la Chambre Impériale
; après quoi les Commiffaires fe
1épareront.
On écrit de Munich que l'électeur Palatin a
profcrit de nouveau dans fes états les affemblées
de la fecte des illuminés . Son refcript eft du i
novembre dernier , & renferme 10 articles . Les
membres de cette fecte feront poursuivis criminellement
, & tous les employés au ſervice de
S. A. E. font tenus d'affirmer , par ferment , qu'ils
ne font pas de cette fociété ou d'une fociété qui
profeffe de femblables principes , & que jamais ils
n'y entreront.
Le décret de la Chambre Impériale de
Wetzlar , qui , le 20 décembre dernier , a
appellé le Cercle de Bourgogne à l'exécution
des décrets précédens contre Liége ,
eft un requifitoire adreffé au Gouvernement
général des Pays - Bas Autrichiens. En vertu
de la convention de 1548 , on y requiert
fon concours avec les deux Cercles de l'Empire
déjà chargés de ce devoir , afin de rétablir
à Liége l'ordre & la tranquillité , que
le Corps Germanique eft très - férieufement
décidé à ne pas laiffer troubler impunément.
Dans ce réquifitoire , il n'eft fait aucune
mention quelconque de la France. On ne
peut douter qu'il n'eût été concerté entre
H 2
( 160 )
les deux Cours principales d'Allemagne &.
le College Electoral ; mais l'on a porté un
faux jugement , en induifant de cette invocation
du Souverain des Pays - Bas , le projet
de rétablir l'ancien Cercle de Bourgogne :
fi ce projet exifte , il n'eft certainement point .
public .
On prétend , non fans vraifemblance , que
les principaux auteurs des troubles de Liége ,
ne confervant plus l'efpoir d'en profiter , ont
pris la fuite , & fe font réfugiés en France
& en Hollande. Une défection fi honteufe
à l'heure du danger devroit fuffire à éclairer
le peuple , fur le véritable but de l'infurrec
tion opiniâtre dans laquelle on l'a fait per
filter. Des chefs vraiment patriotes , défintéreffés
, & irréprochables , auroient au contraire
fenti combien il importoit de
ne pas abandonner le peuple à lui -même ,"
de le foutenir contre l'abattement , & des
défendre fes droits jufqu'au moment où
l'Empire les aura fixés définitivement . Telle
eût été la conduite de gens chez qui l'orgueil
de parti & le défefpoir d'une ambition
trompée n'auroient pas dénaturé l'a- !
mour de la patrie. Les Etats de la Princi-"
pauté fuivent une autre marche. Ils ont réi
téré leur refpectueufe foumiflion , écrit à '
l'Empereur en lui envoyant des députés ,
au Roi de Pruffe , au Préſident de la Chambre
Impériale , & même à leur Prince - Evêque.
Dans toutes ces lettres , il règne unel
( 161 )
adulation de l'Empereur , une docilité à fes
volontés , une affectation de le confidérer ,
de le choifir comme le feul arbitre de leur
fort , qui dénotent ou la plus grande terreur
des troupes impériales , ou le deffein puérile
de repouffer en quelque forte l'autorité de
l'Empire , en s'abattant humblement devant
celle de fon chef. Ces flagorneries font d'une
politique peu éclairée ; car elles n'induiront
pas plus l'Empereur à protéger les demandes
qu'on jugera exagérées , qu'elles n'ont entraîné
la Pruffe à les foutenir.
Dans les inftructions remifes aux députés
des Etats qui fe rendent à Liége , on fe borne
à réclamer trois points.
1º. Le pouvoir abfolu donné au peuple
de faire les loix par fes reprefentans ; ce qui
ne fera fùrement pas accordé ; l'Evêque de
vant librement concourir à la légiflation .
2 ° . Le droit du peuple de nommer fes repréfentans
& fes chefs . Le peuple eft fondé
à réclamer la libre nomination de fes repréfentans
; mais il n'obtiendra point de nommer
les repréfentans des deux premiers Ordres , ni
l'anéantiffement des formes de l'affemblée .
Quant aux chefs , fi on entend par là les
officiers municipaux , il faudra d'abord régler
leur compétence ; dernièrement ils avoient
enlevé à l'Evêque profque toutes fes fonċtions
civiles .
·
3 °. L'égalité abfolue des contributions
H 3
( 162 )
publiques : elle eft trop légitime pour être
refufée.
Le trois de ce mois , les Autrichiens
m'étoient pas encore entrés à Liége.
Il vient de paroître à Hambourg un ouvrage
affez exact , fur l'équilibre politique des états de
l'Europe ; en voici quelques relevés .
La population des états de Brunfwick - Lunebourg
s'élève à 900,000 ames ; les revenus fant
de millions de rixdalers ; les troupes au
nombre de 24,000 hommes ; le gouvernement uſe.
de la plus grande prudence ; il laiffe intacts les
privilèges des diverfes provinces , & abandonne afix
états le foi de leur adminiftration .
Le Dannemarck a deux millions d'habitans ;
fes revenus montent à 7 millions de rixdalers ;
fes forces de terre à 75,000 hommes ; & à 30
vaiffeaux de ligne fes forces de mer.
La Grande- Bretagne & l'Irlande offrent une
population de 12 millions d'habitans ; les revenus
publics font de 114 millions de rixdalers ; les forces
de terre s'élèvent à 60,000 hommes , les forces
de mer à 110 vaiffeaux de ligne .
Les Provinces - Unies ont une population de
2 millions & demi d'habitans ; les revenus publics
font de 15 millions de rixdalers ; les forces de
terre peuvent s'élever à 40,000 hommes , & les
forces maritimes à 40 vaifcaux de ligne.
Les Etats héréditaires d'Autriche renferment une
population de 20 millions d'ames ; les revenus font
de 60 millions de rixdalers ; l'état militaire
s'élève à 300,000 hommes .
La Pologne renferme 9 millions d'habitans ; la
dière actuelle s'occupe des revenus publics & de
Lon état militaire .
( 163 )
Le Portugal offre une population de 3 millions
250,000 habitans ; fes revenus montent à
18 millions de rixdalers ; fes forces de terre à
30,000 hommes , & à 10 vaiffeaux de ligne fes
forces maritimes .
La population des états du Roi de Pruffe eft
de 6 millions d'habitans ; les revenus s'élèvent à
25 millions de rixdalers ; l'armée eft de 210,000
hommes.
La Ruffie renferme une population de 22 millions
d'habitans ; fes revenus s'élèvent à 40 millions
de rixdalers ; fes forces de terre font de
350,000 hommes , celles de mer de 40 vaiffeaux
de ligne.
La Saxe électorale renferme une population de
2 millions d'habitans ; fes revenus font de 7 millions
500,000 rixdalers ; fon état militaire eft de
30,000 hommes.
La Suède renferme 3 millions d'habitans ; les
revenus font de 7 millions & demi de rixdalers ;
les forces de terre montent à 50,000 hommes
& à 30 vaiffeaux de ligne celles de mer.
L'Espagne compte une population de 11 millions
d'habitans ; les revenus publics font de 60
millions de rixdalers ; fes forces de terre font de
100,000 hommes , & de 70 vaiffeaux de ligne
fes forces maritimes .
Les Deux Siciles renferment une population de
6 millions d'habitans ; les revenus s'élèvent à 7
millions & demi de rixdalers ; l'état militaire
eft de 30,000 hommes .
Les états du Roi de Sardaigne renferment une
population de 3 millions 250,000 hahitans ; les
revenus publics montent à 6 millions de rixdalers
; l'état militaire eft de 30,000 hommes.
H4
( 164 )
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le 8 Janvier.
D'après la dernière promotion de l'Empereur
, le Maréchal de Bender , le Général
de Beaulieu & plufieurs autres Officiers
ont été décorés ici , le premier de ce
mois , de l'Ordre de Marie Thérèfe ;
une foule immenſe a affifté à cette cérémonie
, & fait retentir les airs de fes vivat.
La garnifon de notre Ville eft actuellement
de fix mille hommes , & doit être portée
incefiamment à neuf mille. Malgré les
dénombremens infidèles de quelques Gazetiers
françois , nous pouvons certifier , fur
les meilleures informations , que l'armée autrichienne
, employée en ce moment dans
les Pays - Bas , s'élève à 54 mille hommes.
Derniérement elle a été augmentée par le
corps d'Odonnelli , & par les derniers eſcadrons
de Wurmfer , de Haddick & d'autres
régimens reftés en arrière. On affure qu'au
printemps il arrive a encore 15 à 20 mille
hommes fous la conduite du général de
Clairfait ; mais nous ignorons s'ils ferviront
de renfort à l'armée actuelle , ou s'ils feront
deftinés à la remplacer. Les conjectures font
telles , & les avis fufpects fi moltipliés , qu'il
eft impoflible de former une opinion certaine
fur l'avenir.
( 165 )
Suivant des renfeignemens que l'on dit
exacts , la révolution des Pays - Bas & la
guerrè qu'elle a entraînée , ont coûté
100 millions & environ 18 mille hommes
aux infurgens. Un gouvernement excellent,
& une félicité bien fupérieure à celle
dont on jouiffo t , euflent à peine compenfé
cette énorme confommation . Voilà certes
un effai politique bien cher : les charlatans ,
qui remuent les nations pour leur procurer
le bonheur hypothétique de loix , dont aucune
expérience antérieure n'a conftaté les
effets , devroient du moins procéder à cette
renovation avec plus de prudence , d'humanité
& d'économie. Entotalité , les Autrichiens
ont perdu depuis le premier Janvier
1790, environ 800 hommes, fans compter
les déferteurs.
Le 5 , nos troupes n'étoient pas encore
entrées à Liége , dont elles ne font éloignées
que de trois ou quatre lieues . La réfignation
abfolue de cette Ville qui a fuivi
la feu e annonce de l'approche des Autrichiens
, rend moins néceffaire l'exécution
fubite des premières dfpofitions . M. le
Comte de Metternich fe concerte avec le
Directoire des deux Cercles du Bas Rhin &
de Weftphalie , avant d'effectuer la paci- ·
fication définitive de la Principauté.
HS
( 166 )
FRANCE.
De Paris , le 12 Janvier.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Prefidence de M. d'André.
Articlesfur la procédure par Jurés , décrétés dimanche
2 janvier.
TITRE PREMIER
De la procédure devant le Tribunal de District , &
dejuré d'accufation .
Art. I. Il fera défigné dans chaque tribunal de
diftrict un juge pour remplir , dans les matières
criminelles , les fonctions qui vont être défignées .
En cas d'abfence ou d'empêchement , ce fera celui
qui le fuivra dans l'ordre du tableau .
II. Ce juge s'appellera directeur du juré; il fera
pris à tour de rôle , tous les fix mois , parmi les
Membres compofant le tribunal de diftrict , le
préfident excepté .
III. Celui qui , fur le mandat d'arrêt d'un
officier de police , aura fait au gardien de la maifon
d'arrêt , remife du prévenu , en prendra
reconnoiffance : il remettra les pièces au greffier
du tribunal , & en prendra pareillement reconnoiffance
: il rapporrera à l'officier de police ces
deux actes vifés dans le jour par le directeur du
juré .
IV. Auffitôt après avoir délivré fon vifa', ou
au plus tard dans les vingt- quatre heures , le
directeur du juré entendra le prévenu , & exami(
167 )
nera les pièces remifes , pour vérifier fi l'inculpation
eft de nature à être préfentée au juré .
V. Aucun acte d'accufation ne pourra être
préfenté au juré , que pour un délit emportant
peine afflictive ou infamante.
VI . Dans le cas où il n'y a point de partie
plaignante ou dénonciatrice , foit préfente cu
non , fi le directeur du juré trouve , par la nature
du délit , que l'accufation ne doit pas être préfentée
au juré , il affemblera , dans les vingt - quatre
heures , le tribunal , lequel prononcera fur cette
queftion après avoir entendu le commiffaire
du roi.
VII . Si dans le même cas il trouve que , .par
la nature du délit , l'accufation doit étre préfentée
au juré ; ou fi , contre fon opinion , le tribunal
l'a décidé ainfi , il dreffera l'acte d'accufation .
VIII. Dans le cas où il y a une partie plaignante
ou dénonciatrice , le directeur du juré ne
pourra i dreffer l'acte d'accufation , mi porter
au tribunal la queftion mentionnée en l'article
VI , fi ce n'eft après deux jours révolus depuis
la remiſe du prévenu en la maifon d'arrêt , ou
des pièces au greffe du tribunal ; mais ce délai
paffé fans que la partie ait comparu , il fera tenu
d'agir ainfi qu'il eft prefcrit par les articles précédens.
IX. Lorfqu'il y aura une partie plaignante ou
dénonciatrice , & qu'elle fe préfentera au directeur
du juré par elle -même ou par un fondé de
procuration fpeciale dans le fufdit délai de deux
jours , l'acte d'accufation fera dreffé de concert
avec elle.
X. Si le directeur du juré & la partie ne peuvent
s'accorder fur les faits , foit fur la nature de l'ac-
H
( 168 )
2
cufation , chacun d'eux pourra rédiger féparément
un acte d'accufation .
XI . Si le directeur du juré ne trouve pas le délit
de nature à être préfenté au juré , la partie
pourra néanmoins dreffer feule fon acte d'accufation
.
XII. Les actes d'accufation feront toujours
communiqués au commiffaire du roi avant d'être
préfentés au juré ; fi le commiffaire du roi trouve
que , d'après la loi , le délit eft de nature à mériter
peine afflictive ou infamante , il exprimera fon
adhéſion par ces mots : la loi autorife . Au cas
contraire , il exprimera fon oppofition par ceuxci
: la loi défend. Dans ce dernier cas , la queſtion
pourra être portée au tribunal de dictrict , qui la
décidera dans vingt- quatre heures .
Dans tous les cas où le corps du délit aura pu
être conftaté par un procès-verbal , il fera joint à
l'acte d'accufation , pour être préfenté conjointement
devant lejuré , à peine de nullité .
XIV . L'acte d'accufation contiendra le fait &
toutes les circonftances ; celui ou ceux qui en font
J'objet y feront clairement défigués ; la nature du
délit y fera déterminée auffi précisément qu'il fera
poffible .
XV. Dans tous les cas ci - deſſus énoncés , s'il
réfulte un acte d'accufation , le directeur du juré
fera affembler les jurés dans la forme qui fera déterminée
au titre X.
XVI. Les jurés étant affemblés aujour indiqué ,
le directeur du juré leur fera prêter d'abord , en
préfence du commiffaire du roi , le ferment
fuivant :
כ כ
Citoyens , vous juez & promettez d'examiner
avec attention les témoins & les pièces qui
yous feront préfentés , & d'en garder le ſecret :
( 169 )
ne
vous vous expliquerez avec loyauté fur l'acte
d'accufation qui va vous être remis , vous
fuivrez ni les mouvemens de la haine & de la
méchanceté , ni ceux de la crainte ou de l'affection
».
XVII. Le directeur du juré expofera aux jurés
l'objet de l'accufation , & leur expliquera avec
clarté & fimplicité les fonctions qu'ils ont à remplir
; les pièces de la procédure leur feront remifes
, à l'exception de la déclaration fommaire des
témoins , enfuite ils fe retireront feuls dans leur
chambre.
Cet article eft ajourné.
XVIII. Le plus ancien d'âge fera leur chef ,
les préfidera , & fera charge de recueillir les
voix.
XIX . Les jurés liront d'abord les pièces ; ils
entendront enfuite les témoins qui feront produits
, ainfi que la partie plaignante ou dénonciatrice
, fi elle eft préfente , ils délibéreront entr'eux
. Cet article eft ajourné ) .
XX. S'ils trouvent que l'accufation doit être
admife , ils mettront au bas de l'acte cette formule
affirmative : La déclaration du juré eft :
oui , il y a lieu. S'ils trouvent que l'accufation
ne doit pas être admife , ils mettront au bas de
l'acte cette formule négative : La déclaration du
juré eft : non, il n'y a pas lieu .
XXI. Dans le cas mentionné en l'article X ,
où le directeur du juré & la partie plaignante ou
dénonciatrice auroient prétenté chacun un acte
d'accufation différent , les jurés détermineront celle
des deux accufations qui doit avoir lieu, en mettant
au bas de l'acte la formule affirmative , & au
bas de l'autre acte , la formule négative ; & fi
aucune des deux accufations ne leur paroît de(
170 )
voir être admife , ils mettront la formule négative
au bas des deux actes .
:
XXII . S'ils eftiment qu'il y a lieu à une accufation
, mais différente de celle qui eft portée
dans l'acte ou les actes d'accufation , ils mettront
au bas La déclaration du juré eft :' il n'y a pas
lieu à la préfente accufation . Dans ce cas , le
directeur du juré fera entendre devant lui les
témoins , à l'effet de dreffer un nouvel acte d'accufation
dans la forme preferite ci - deffus .
XXIII . Dans tous les cas , les déclarations des
jurés feront fignées par leurs chefs & remifes par
lui , en leur préfence , au directeur du juré , lequel
en dreffera un acte .
XXIV . Le nombre de huit jurés fera abfolumont
néceffaire pour former un juré d'accufation ,
& la majorité des fuffrages pour déterminer qu'il
y a lieu à une accufation .
XXV . Si les jurés prononcent qu'il n'y a pas
lieu à l'accufation , le prévenu fera mis en liberté,
& ne pourra plus être pourfuivi à raifon du
même fait , à moins que , fur de nouvelles charges
, il ne foit préſenté un nouvel acte d'accufation
.
XXVI. Lorſque le juré d'accufation aura déclaré
qu'il y a lieu à accufation , le directeur du
juré rendra fur-le-champ une ordonnance de
prife de corps contre l'accufé , d'après laquelle
s'il n'eft pas déjà arrêté , il ſera ſaifi en quelque
licu qu'il foit trouvé , & amené devant le tribunal
criminel.
XXVII . Le nom de l'accufé , ainfi . que fa
défignation & fon domicile , s'il eft connu , feront
marqués précisément dans l'ordonnance de priſe
de corps ; elle contiendra en outre la copie de
l'acte d'accufation , ainsi que l'ordre de conduire
·( 171 )
directement l'accufé ca la maifon de juftice du
tribunal criminel.
XXVIH. S'il n'échoit pas peine afflictive , mais
infamante , & que le prévenu n'ait pas été déjà
reçu a caution , le directoire ou juré rendra contre
lui une ordonnance de prife de corps , fauf à l'accufé
à demander fa liberté , laquelle lui fera
accordée en donnant caution .
XXIX. Si au contraire le prévenu a déjà été
reçu à caution , l'ordonnance contiendra feulement
l'injonction à l'accufé de comparaître à tous les
actes de la procédure , & d'élire domicile dans le
lieu du tribunal , criminel , le tout à peine d'y
être contraint par corps .
XXX . Dans tous les cas , il fera donné copie à
l'accufé , tant de l'ordonnance de prife de corps ,
ou à l'effet de fe repréfenter , que de l'acte d'accufation.
XXXI . D'après l'ordonnance de prife de corps ,
fi l'accufé ne peut pas être faifi , l'on procédera
contre lui , ainfi qu'il fera dit au titre des contumaces.
XXXII. Lorsque le juré d'accufation aura déclaré
qu'il n'y a pas lieu à accufation , le directeur
du juré en donnera avis à l'officier de police qui
a délivré le mandat d'amener , afin que dans le
cas mentionné dans l'article VIII du titre V de
la police , il faffe ceffer fur- le-champ toute pourfuite
ou détention du prévenu.
La féance eft levée à trois heures & demie .
Du lundi , 3 janvier.
Sur 361 votans pour l'élection d'un préfideat ,
M. de Mirabeau a réuni 178 voix , & M. Em-
・mery 1775 ni l'un ni l'autre n'ayant obtenu la
( 172 )
majorité abfolue ( de 181 ) , il a été décidé qu'on
procéderoit à une nouvelle élection .
Nous avons omis la femaine dernière de
rapporter que, le mercredi 29 décembre, M. l'évêque
d'Autun avoit prêté le ferment exigé des fonctionnaires
publics , & que le dimanche fuivant ,
2 , ce prélat avoit eu pour imitateur M. de
Lydda , évêque in partibus , & fuffragant du
prince , évêque de Bâlc. M. Lavie , co - député de
ce prélat , a obfervé que le difcours , dont il avoit
fait précéder fon ferment , la veille , paffoit pour
une reftriction ; en conféquence , il la interpellé
de déclarer fidèlement s'il entendoit avoir prêté
un ferment pur & fimple . Après un peu d'hésitation
, M. l'évêque in partibus a motivé fon
préambule par l'exemple de M. l'abbé Grégoire ,
& fur le deffein de perfuader aux cccléfiaftiques
de fa province que , l'intention de l'Affemblée n'a
pas été de bleffer les droits fpirituels de l'églife :
Puis réparant une omiffion qu'il s'eft reprochée ,
en fa qualité de fonctionnaire public , il a juré de
remplir fidèlement fes devoirs civiques . Vingtdeux
autres eccléfiaftiques ont fuivi M. l'évêque
de Lydda ; mais comme on le verra par la fuite ,
ils ont décliné ce ferment qu'ils n'avoient entendu
prêter qu'avec des limites."
L'ordre du jour a amené la difcuffion fur la formation
des tribunaux criminels . Il s'agiffoit d'abord
de n'en établir qu'un par département .
M. Sancy a foutenu que cetre propofition étoit
oppofée à l'un des décrets fur l'ordre judiciaire ,
qui profcrit l'ambulance des juges ; que ce mode
bleffoit le premier caractère de la juftice criminelle
, la prompte expédition ; qu'il enhardiroit le
crime par l'impunité , par la difficulté de tranfpor-,
ter les témoins ; entraîneroit des frais énormes , de
( 173 )
taxes , de déplacemens , de nouveaux officiers à
créer , & dénaturcroit les fonctions prévues de
tant de juges élus . Sa conclufion a été que chaque
tribunal de diftrict eût à - la - fois la connoiffance des
affaires civiles & criminelles . Mais M. Chabroud
a dirigé l'attention de l'Affemblée fur cette autre
queftion : Les procédures feront-elles verbales ou
écrites ? M. Prugnon a vigoureufement combattu
le projet du comité , qui les veut toutes verbales
.
сс
Erigerez - vous en principes , a-t-il dit , qu'il
n'eft pas néceffaire que le crime foit prouvé ?
Franchirez-vous ce grand pas ? C'eſt au tribunal
des conjectures que fe porteront l'honneur & la
vie des citoyens vos jurés en feront les arbitres .
Comment combiner de tête une première dépofition
avec une trentième , avec une centième ?
Quand vous auriez à m'offrir une conftellation
d'excellens jurés pour chaque département , encore
tremblerois -je fur le fort d'accufés , jugés
d'après de feules preuves , des dépofitions empreintes
dans l'air : dans des preuves écrites , l'accufé
fera juridiquement affaffiné . Certes Montefquieu
eût refufé à ce prix les fonctions de juré : ceux
qui les accepteroient fe montreroient par cela
même indignes de les remplir .
» En Angleterre , les jurés ne font qu'autorifer
le prononcé du juge ; s'ils fe refufoient à l'évidence,
il peut leur fubftituer d'autres jurés ; mais
ici le juge n'eft entre leurs mains qu'un inftrument
paffif ».
Voilà où le comité vous a conduit , & il appelle
cela protéger la liberté , M. Duport , au
mois d'avril , veus fait décréter fes jurés au criminel.
Je prétendis alors qu'avant de les adopter ,
il falloit en connoître l'organiſation ; ma propofi(
174 )
tion fut rejettée ; on nous dit : il faut d'abord
décréter le principe . Maintenant on en tire cette
conféquence qu'il ne peut y avoir de preuves
écrites , parce que les jurés ne fauroient les combiner.
Telle eft la conftante manière dont on
vous fait procéder ; on met un principe en avant ,
fans vous dire où il vous menera ; quatre mois
après on vous foutiendra que pour être fidèle au
principe décrété , vous devez adopter tel article ;
l'article eft combattu , mais un membre du comité
, bien préparé , bien armé , parlera le dernier
, & l'on ira vîte aux voix ... L'expérience a
fubftitué l'écriture aux dépofitions non rédigées
que toléroient d'anciennes loix . Où eft le mortel
qui pourroit juger fur des témoignages non
écrits , l'affaire du 6 octobre , & tant d'autres ?...
Veut-on nous reporter dans la pofition où nous
étions avant l'invention de l'écriture ? ce n'eft
point avancer c'eft reculer ; c'eft appeller la
barbarie. Quel effai terrible on vous propofe !
Conjurer contre les vérités établies ! détrôner la
raifon publique ! Il faut que , depuis l'Hôpital
tous les législateurs aient déliré ....... Sur quel
homme de génie pourrez -vous vous appuyer ?
>
A ces raifons , qu'un extrait rapide affoiblit ,
M. Chabroud a oppofé les axiômes du comité ,
que l'inftitution des jurés ne fympathife pas avec
les dépofitions par écrit , que l'écriture n'eft pas
néceffaire là , où la mémoire des chofes eft inutile ;
qu'un témoignage peut être plus facilement altéré
s'il paffe par la filière de la rédaction ; que l'erreur
naît de ce qu'on applique le principe aux
anciens tribunaux & non aux jurés ... Ici un fecrétaire
a interrompu la difcuffion .
C'étoit pour obferver qu'un eccléfiaftique avoit
ajouté à fon ferment écrit qu'il fe conformoit au
( 175 )
fentiment de M. l'évêque de Lydda . L'eccléfiaftique
a voulu s'expliquer , M. Treilhard a repouffé
toute forte de reftriction , même d'explication ,
& fa volonté eft paffée en décret .
M. l'abbé Bourdon a dénoncé un imprimé ,
portant formule du ferment prononcé par M. l'évêque
de Clermont. Il circuloit une autre édition
du même imprimé , où l'on lifoit propofé au
lieu de prononcé. Le dénonciateur a demandé
que les eccléfiaftiques fonctionnaires qui adhéroient
à ce ferment , déclaraffent fi leur intention
étoit d'ufer de reftriction mentale . Le rédacteur
du procès-verbal , M. Sancy, a dit que le ferment
n'avoit été ni prononcé ni propofé ; affertion peu
exacte , puifque c'étoit celui que M. l'évêque de
Clermont auroit prononcé la veille , fi l'on ne
l'eût empêché de parler , & qu'il avoit dépofé fur
le bureau. Mais la motion tendoit à un but plus
grave ; elle a fourni à M. Charles de Lameth
l'occafion de propofer , d'inviter les eccléfiaftiques
à ceffer une réfiftance coupable , en leur annonçant
que fi demain ils n'ont pas prêté le ferment ,
ils ne feront plus fonctionnaires publics. « Il faut
faire de vos forces une fage légiflature les ennemis
de la conftitution , les prêtres , nommément
trouveront toujours affez de fanatiques , affez
de malheureufes victimes de leur fureur , fans
que vous les favorifiez par votre foibleffe » .
>
» Autant je refpecte l'Affemblée , a répondu
pofément M. l'évêque de Clermont , auffi peu je
crains les farcaſmes » . Ce prélat a dit avoir
mis le mot propofé dans l'imprimé , & l'a juſtifié
par le récit vrai des faits de la veille ; le ferment
étoit réellement propofé , puifqu'on en avoit obftinément
refufé l'émiflion orale & le dépôt. Mettant
en doute que l'Affemblée pût employer un
( 176 )
moyen coactif , pour obtenir un ferment de fes
membres , il a répété que fa confcience s'oppofoit
à celui qu'on exigeeit , mais que n'ayant pas
donné , & ne voulant pas donner fa démiffion , il
ne fe regarderoit jamais commé dépoffédé .
M. Barnave traitant ces diftinctions de fimple
théorie , a affirmé qu'il ne s'agiffoit point d'un
ferment forcé il a propofé de décréter que le terme
aux eccléfiaftiques , pour jurer , expireroit le
lendemain à une heure . M. de Bois - Rouvraye
annonce qu'une proclamation de la municipalité
étend la néceffité du ferment aux eccléfiaftiques
non fonctionnaires , & les déclarent perturbuteurs
du repos public s'ils s'y refufent . On a applaudi à
cet acte illégal , auffi contraire aux décrets fanctionnés
qu'à la juftice & à l'humanité .
,
Après avoir repréfenté à la majorité que les
évêques n'avoient cherché qu'à mettre d'accord
leur confcience & la loi ; que s'ils euffent voulu
oppofer de la réfiftance ils auroient pris une
toute autre marche' ; qu'ils attendoient la décifion
du chef fuprême de l'églife , qui probablement
accéderoit aux décrets ; « enfin , Meffieurs , a dit
M. de Cazalès , propofez - leur des chofes faiſables
& ils les feront auffi - tôt . Il feroit injufte de leur
refuſer un délai dans lequel ils trouvent le moyen
de concilier la religion & Phonneur avec ce que
vous leur propofez. Ce n'eft point aux reprélentans
du peuple François à mettre des citoyens
dans l'alternative d'être impies ou rebelles , coupables
ou déshonorés » .
On n'a réfuté l'orateur que par de violens
murmures . M. Dillon , curé , a pris ces vérités
de tous les temps pour une offenſe faite aux
eccléfiaftiques , qu'aucun fcrupule n'avoit empêhés
de prêter le ferment exigé . Plufieurs voix
( 177 )
t
}
ont demandé que M. de Cazales fut rappellé à
l'ordre , « pour avoir parlé avec indécence d'une
loi & de quelques membres de l'Affemblée . M. de
Cazalès a répondu que , ceux qui avoient juré
felon leur confcience , n'avoient manqué ni à la
loi ni à leur honneur .
M. Charles de Lameth a fommé le préfident
de mettre plus d'exactitude & de folemnité à,
conferver le refpect dû à l'Affemblée . Le préfident
l'a remercié de fa leçon , & s'eft excufé en
alléguant la crainte d'exercer ou fon propre defpo
tifme où celui de trente à quarante membres , en
rappellant un opinant à l'ordre fans décret préalable.
Cette réponſe a autant hororé la fermeté
que l'impartiale équité de M. d'André.
» M. de Cazalès a juftifié fa phrafe inculpée , &-
la cenfure ayant été levée , il eft revenu à proules
évêques n'avoient pas eu l'intention
de caufer du trouble dans le royaume , & qu'ils
fe feroient conduits bien différemment s'ils l'avoient
ver que
eue .
7
» Les moyens d'exécuter la contre - révolution , à
dit M. Charles de Lameth , ne font pas à l'ordre
du jour. « Il eft certain , a pourfuivi M. de ,
Cazales ,, que les miniftres du culte ont de nombreux
ennemis , qu'on a voulu les rendre odieux
aux peuples , & qu'ils feroient les premières victimes
du trouble , fi une guerre civilè ou religieufe
fe déclaroit ; c'eft fur le clergé que fe
porteroit toute la fureur du peuple ( le , côté
gauche murmure ) ... L'Affemblée , fi elle agit.
avec rigucur , deftitucra peut- être foixante ou
quatre-vingt de fes membres » ( on entend , dans
la partie gauche , ces mots répétés par quelques
Voix: tant mieux , & d'autres membres applaudiffent
). Comme il cft refté dans mon ame
ce
.
178 )
quelque honneur & quelque fenfibilité , a continué
M. de Cazalès ; comme je fuis für que le fentiment
qu'on vient d'exprimer n'eft pas celui de la
majorité ; comme je perfifte à croire que l'Affemblée
, en exigeant ce ferment , n'a pas eu l'intention
de deftituer les évêques ; comme on a partagé
l'indignation que m'ont fait reffentir les infolentes
clameurs que je viens d'entendre , je crois que
vous accorderez un nouveau délai . Je conjure
donc l'Affemblée , au nom de fa bonté , de fa
fa fageffe , de fa prudence de ne pas adopter la
motion de M. Barnave
>
En répétant qu'il n'eft pas queftion de voies
de rigueur que l'Affemblée en feroit défolée
en rappellant « les vertus patriotiques & religieufes
de M. l'évêque de Clermont , M. Deſmeuniers
a propofé que celui qui , « trompé par
des fcrupules , fe refuſeroit au ferment , donnât fa
démiffion .
сс
M. Dufraiffe , M. de Virieu , & d'autres n'ont
pu fe faire entendre ; un ajournement à huit jour s
a été repouflé par la préalable ; la motion de
M. Barnavé , proteftant , a décidé du fort des
chefs & d'une partie des membres de l'églife Gallicane
, & il a été décrété que le délai , donné aux
eccléfiaftiques fonctionnaires publics , pour prêter
le ferment , expireroit le lendemain à une heure.
Du mardi 4 janvier.
A la lecture du procès - verbal , M. Bouche
s'eft oppofé à ce qu'on fit mention du ferment
de M. l'Evêque de Clermont , & l'ordre du
jour a confirmé cette motion .
J
Le préfident annonce que M. Emmery lui
fuccède au fauteuil . Le nouveau préſident a voté
des remercimens à M. d'André ; mais un décrét ,
( 179 )
follicite par M. d'Elbecq , a ftatué, fur-le-champ ,
qu'à l'avenir il n'y auroit plus ni complimens
ni remercimens .
M. l'abbé Malartic , ayant déclaré que la
veille il n'avoit entendu prêter qu'un ferment
restrictif , il a été décrété qu'on jureroit
déformais fans préambule. Là - deffus
> M.
Malartic eft allé au bureau , & a rayé fon
nom de la lifte des fignataires . Un docteur de
Sorbonne , curé de Château- Thierry, M. Thirial,
alloit parler ; le préfident l'a fommé de jurer , en
lui fignifiant la loi du moment : cet Eccléfiaftique
eft defcendu de la tribune & a refufé le ferment.
Trois autres l'ont prêté pur & fimple ; enfuite
on a repris la difcuffion fur les procédures écrites
ou verbales .
Etayé de tous les motifs moraux civils &
judiciaires qu'avoient développés les antagoniſtes
des Comités , M. Rey a propofé de décréter que
les dépofitions feront rédigées & fignées par les
trois plus anciens d'âge des jurés , & par les témoins
& l'accufé ; que les témoins entendus devant
le jury d'accufation pourront l'être encore
devant le jury de jugement , & les fecondes dépofitions
écrites fi elles diffèrent effentiellement
des premières ; & que l'accufateur public & l'accufé
auront le droit de faire mentionner fominairement
ce qui fera dit entre les témoins &
l'accufé .
M. Defmeuniers a répondu aux objections
en difant qu'il fera libre à l'accufé de faire conftater
, par un Officier public, fon alibi & toute
dépofition à fa décharge ; & il a fini par inviter
les préopinans à examiner s'il feroit poffible de
foumettre des jurés non -payés & fouvent déplaces,
aux lenteurs d'une procédure écrite,
( 180 )
Réproduifant fous d'autres mots les argumens
déjà ufés contre les preuves orales uniques, M.
Roberspierre a conclu de l'exiftence & de la né- ,
ceffité des règles pour l'évaluation légale des preuves
, qu'il faut un moyen de conftater que ces
règles ont été fuivies ; qu'il faut réunir la con--
fiance qu'on leur doit , à celle que mérite la
conviction intime du juge . Il-a cité le trait connu
du juré Anglois qui , coupable du crime , fauva,
l'accufé en n'oppofant que fa voix aux autres
jurés ; & la conclufion de M. Roberspierre a
été que les dépofitions feront écrites , & que la
condamnation n'aura lieu que fur les preuves
légales réunies à la conviction intime des juges .

Le rapporteur des Comités ; M : Duport a
fupplié l'Affemblée de ne pas hâter fa décifion
& ſes motifs ont été qu'elle a décrété les jurés
au criminel , que les Comités s'étoient occupés
pendant quatre mois de cette belle inftitution ,
qu'ils avoient unanimement penfé qu'avec des
preaves écrites il n'y auroit plus de jurés ; qu'elle
détruiroit fon propre ouvrage & donneroit un
exemple d'inconféquence & de foiblefle en mon-,
trant qu'elle a voulu établir des jurés & qu'elle,
n'y a pu réaffir . Il n'a vu que les mêmes objections
& les mêmes individus qui étoient encore
contre l'inftitution des jurés en propofant des me-,
fures incompatibles avec leur existence. L'Amé- ,
rique & l'Angleterre lui ont fourni fes modèles ,
& après quelques farcafmes adreffés aux détracteurs
de fa métaphyfique, il a invoqué les preuves,
légales & les preuves orales , les a comparées
a jugé les premières abfurdes , ridicules , dangéreufes
, & a proteſté qu'à cet égard une vaine
démonftration d'humanité ne l'égareroit pas ,
attendu que les preuves légales étoient un brevet
d'impunité

"
(( 181 )
d'impunité donné à tous les fcélérats . On voit
que les mêmes expreffions fervent pour & contre
dans cet étrange débat,
!
» Nous ne voulons , a-t-il infifté , que des
preuves morales , nous en laiffons l'appréciation
à de fimples citoyens pris au hafard , récufables
en grand nombre à des jurés . Une preuve écrite
re leur convient pas. Elle n'eft qu'une image
fantaftique . Comme on abafe des mots fi jamais
on n'avoit entendu parler de dépofitions
écrites , comme on trouveroit ce projet métaphy
fique , ridicule , bifarre ! La combinaifon des deux
fortes de preuves eft impoffible. Il faut écrire
tout ou tien. Des jurés fe diroient en fuivant
la dépofition écrite , nous ne courons aucun rifque
, fi nous nous en écartons , on pourra nous
calomnier . L'orateur a trouvé que Montefquieu ,
en parlant des témoins en France & en Angle
terre , n'a fait qu'effleurer, ce fujet ; quant a la
révifion , impraticable fi l'on n'écrit rien , il propofe
l'expédient de recommencer les interrogatoires
. A la néceffité d'entendre des dépolitions
de mourans & de partans , il a répondu que la
confrontation validoit feule ces témoignages ;
mais il n'a rien fubftitué aux témoignages oublies
de perfonnes mortes ou parties avant la révision ,
s'il y a lieu,
»
M. Goupil a réduit la queftion à ces termes ;
un accufé pourra-t-il être jugé , condamné , mis
à mort fur des preuves dont il ne fubfiftera aucun
veftige ? Ce fyftême eft , felon lui , d'autant
plus abominable que les injuftices qu'il produira
ne craindront pas le grand jour. Plus de
réparation de réhabilitation , de poursuite de
émoins calomniateurs , de jurés ou de juges
prevaricateurs ; l'innocent exécuté , la terre cou-
N°, 3. 15 Janvier 1791.
I
(( 782 ))
vrira feurs bévues , leurs crimes . On a ' cité les´
jurés Anglois ils ne condamnent qu'à l'unanimité
, ici il fuffira de 8 ou to fir 12 ? Si le
Werdict ne porte pås fur des preuves légales , le
juge Anglois peut ordonner un nouveau juré
nos jurés ferent infaillibles , leurs jugemens - ir-
Tévocables. On ne copie que le défaut de l'inftitution
qu'on prétend imiter , les dépofitions nonécrites
.. ce
Il étoit une heure & demiè , on a demandé
M. Goupil fes conclufions ; un décret lui a permis
de continuer jufqu'à deux heures .
Cette dernière époque de la féance a amené
un fpectacle , dont chaque détail paffera à l'Hiftoire
, & où l'on a revu l'exemple que les moeurs
& l'efprit dufiècle fembloch avoir à jamais
enfévéli , des combats de la confcience avec l'in
térêt perfonnel , & de ces ititérèts humains fa
crifiés à la force de la conviction malgré Pen
pire de la terrear! De
M. l'Abbé Grégoire prenant la parole au nom
de la religion , de l'amour de la patrie & de la
paix , & proteftant de l'union fraternelle & du
refpect inviolable qui l'attachent aux Curés fes
confrères & à fes vénérables Tupérieurs les Eveques
, a répété que l'Affemblée n'avoir jamais
entendu toucher au fpirituel , & l'a prouvé en
obfervant que cette déclaration étoit toujours applaudie.
Pour que le ferment effrayar plus fes
confciences timorées , il a dit que l'Affemblée
n'exigeoit pas l'alentiment intérieur. Cettë doëtrine
craordinaire qui autoriferoit le parjure
avant été interrompue par de violens murmures,
M.Gire a expliqué fa propofition , en difant,
en fubfiance ; 'qu'on pouvait juter d'obéir & gar
der chacun for opinion ! 2m 1 2002
* 1
((2183 )

1
M de Mirabeau à trouvé du louche dans
l'énonce & s'eft chargé de l'éclaircir. Il a établi
que l'Affemblée n'ayant aucun empire fur les
-confciences , a feulement voulu déclarer l'incompatibilité
de telle fonction & du refus de rel ferments
que ce refus n'avoit que l'effet d'une fimple
démillion volontaire .
כ כ
Sne
les
ferois point , a-t-il ajouté , monté à
la tribune pour donner cette, explication , fi on
ne lifoit murs des carrefours une affiche
inconftitutionnelle , inique , on y déclare perturbateurs
du repos public les ecclefiaftiques qui
ne prêteront pas le ferment décrété. L'Affemblée
n'a jamais pu permettre une telle affiche . Celui
qui dit je ne peux prêter le ferment, & je donne
ma démiílion , n'eft certainement pas coupable.
C'est donc par une étrange erreur que ces affiches
ont été placardées . La force publique doit la
réparer c
On a vu que hier , M. de Boifronvraye avoit
dénoncé ce faux incompréhenfible , & qu'on avoit
accueilli cette notification par des applaudiffemens
. Elle a été aujourd'hui plus efficace par la
bouche de M. de Mirabeau , dota
M. Bailly , Maire de Paris , a rendu compte
' des faits relatifs à cette affiche placardee le dimanche
avant le jour , avec profufion ; & jufques
dans l'intérieur même des églifes. Il a dir que
le dimanche au foir on lui en avoir apporté un
exemplaire , que le préambule l'avoit frappé ,
afflige , le décret lanctionné ne contenant pas les
mots : perturbateurs du renos public : J'ai mandé
a-t-il dit , Ta mit hemie , le Secrétaire fef
s'fier , m'a répondu que ce préambule étoit
dans l'expédition de la loi remifel la municipa-
2licé. Je fuis allé chez Me Garde- du- Sceau s
ג י
1 2
( 184 )
régalement frappé & affligé , il a penfé que l'erreur
Javoit été commile dans le bureau du renvoi des
décrets ; il a corrigé l'expédition de la loi , &
-Fon a fait placer d'autres affiches précisémene
-fur les premières . On a mis tout le zèle pollible
pour réparer un faux , dont les effets pouvoient
être très-fâcheux « .
M. Malouet a demandé qu'on mformât de cette
"prevarication . Sans s'oppofer aux mesures à prendre
relativement à une erreur , felon lui , déjà fuffifamment
réparée , M. Barnave a fait remarquer
à l'Affemblée qué , le délai accordé aux eccléfiaftiques
étoit expiré , & que pour exécuter la loi ,
pour donner une impulfion centrale aux corps
adminiſtratifs , il falloit interpeller les eccléfiaftiques
préfens s'ils vouloient ou non prêter le ferment.
M. Barnave , & d'après l'éclairciffement de
M. Grégoire & de M. de Mirabeau , a voulu que
le Préfident fe retirât par-devers le Roi , & qu'il
deinandât de prendre les mcfures néceffaires pour
-rareiter à exécution le décret du 27 novem-
Bre.
сс
M. Lucas a propofé un appel nominal infcrit
en trois colonnes , les abfens , ceux qui jureroient ,
& ceux qui refuferoient . «J'invoque la queftion
préalable , a repris M. de Mirabeau , fur cet
ainendeinent. If eft impoffible de prévoir par
un décret , qu'il y aura des refufans . Peut - on
fuppofer , après les explications amples , les invitations
charitables que vous venez d'entendre ,
que des miniftres de paix veulent fecouer fur leur
Patrie les torches de la difcorde ? »
M. l'abbé Maury veut le faire entendre, fur la
motion de M. Barnave ; des cris de fureur réi¬
térés le chaiſent de la tribune. « Frappez , mais
( 185 )
écouter , crie-t- il à fes adverſaires. On frappe 3
mais l'on ne m'écoute pas .
M. Camus demande que le dire de M. Gré
goire foit inféré dans le procès- verbal ; un prêtre.
jure dans le fens de ce dernier . « L'explication
donnée par M. Grégoire & développée par M. az
Mirabeau , s'écrie M. Duval d'Espéménil , oftun
monument de mauvaiſe foi je demande à le
prouver ». La majorité brûle d'aller aux voix . It
eft impoffible , il feroit faftidieux de rendre exactement
les demi-phrafes , qui s'entre- coupent dans
un débat dont rien au monde ne donne lidéc.
Point d'explication ... Pourquoi a - t-on admis celle
de M. l'abbé Grégoire ? ... Ni préambule , nà
reftriétios ... Confulecz l'Affemblée... Il n'y a pas
leu à la confulter... Jurez , jurez... Que l'imagination
forme de tous ces mots & de mille autres
que l'austérité de l'hiftoire ne lui permettroit pas
de recueillir , l'image d'un vacarme inexprishable .
La motion de M , Camus eft retirée ; M. Barnave.
diviſe la Genne ; on en décrète la première partie .
M. de Mirabeau réfume ſon commentaire es ces
termes : « La puiflance civile ne pouvant exiger
de chaque citoyen que la foumiffion à la loi ,
& de chaque fonctionnaire public que le ferment
d'exécuter & de faire exécuter les loix en ce qui
le concerne l'Affemblée nationale p'a entendu
par fon décret du 27 novembre , qu'affuter l'exé,
curion des loix , laiffant entière liberté d'opinion
& de confcience qui ne peut être ravie a per
fonne p
L'on commence l'appel nominal , & à cet
inftant les hurlemens de la multitude raffem¬
blée dans les Thuileries , percent la falle .
A la lanterne ceux qui refuferont ! Ce cri
13
( 186 )
de mort n'intimide aucan Eccléfiaftique : il Forthe
même leur réfiftance .
-Voulez - vous entendre , demande alors M.
de Cazales , les cris qu'on pouffe autour de cette..
Affemblée ? Que M. le maire aille donc faire
ceffori ce défordre , & taire ces brigands
ajoute M. de la Galiffonnière » . Vous entendez
adit M. Dufraffe du Chey , ces fcélérats ,
falariés par des factieux . Ils ont entouré l'enceinte
de votre Affemblée , toutes les fois qu'il s'agifloit
de porter atteinte à la Monarchie , ou à la Religion.
Vous entendez leurs cris pour parvenir à
gêner la liberté des fuffrages . Je déclare que l'Affemblée
n'eft pas libre , & je proteſte , tant en
mon nom , qu'en celui de mes Commettans
M. François de Beauharnais a proteſté .
fur le bureau contre une délibération prife
dans le défordre , & il a demandé que fi l'on ne
vouloit pas entendre les miniftres de la religion ,
Affemblée le comportât avec la déconce due aux
malheurs de ceux qu'on vouloir intimider . M. de
Marinais a fommé le préfident de lever la féance.
1 Aux ordres de ce chef , be calme étoit revenu,
On a fait l'appel , & M. l'évêque d'Agen a pris
la parole avec une douceur & une fermeté évan
géliques .
Ce prélat a répété l'article IV & l'article V du
décret , & terminé ainfi fa courte déclaration
Je ne donus aucun regret à ma place , aucun
regret à ma fortune ; j'en donnerois à la perte de
votre eftime que je veux mériter. Je vous prie
donc d'agréer le témoignage de la peine quel je
reffens de ne pouvoir prêter le ferment » .
M. Fournèr, curé, collègue de M. l'évêque d'Agen,
& appellé enfuite, a dit qu'il le faifoit gloire d'ad
( 187 )
hérer aux fentimens de fon évêque , qu'il fuivroit
par- tout , comme Laurent fuivit le Pape Sixte au
fupplice . M. le Clerc , curé de la Cambe , député
d'Alençon , a déclaré qu'enfant de l'églife catholique
& romaine , il ne préteroit point le ferment
demande. Des clameurs , & des huées fe mêloient
à ces refus. Le préfident n'a plus permis que ces
deux formules jure
Je ou je refufe. « C'eft
une tyrannie , s'eft écrié M. de Foucault . Les
Empereurs qui perfecutoient les martyrs , leur
laifoient prononcer le nom de Dieu , & proférer
des témoignages de leur fidélité à la religion ».
L'appelnominal fe faifoit fans nul decret qui
l'eût ordonné , & de la feule autorité du préfident.
M. Bonnay l'a obfervé, & revenant aux
dangers dont
effet
des affiches menaçoit les cccléfiaftiques
qui ne prêteroient pas le ferment , il a
propofé un appel collectif & l'infcription de ceux
qui auroient juré. C'étoit abréger le travail & la
lifte. La motion appuyée par M. Chaffey a triomphé
de la préalable , & le préfident a relù la formule.
Un curé jure , en adoptant le fentiment de l'Af
fen blée, qui a dit n'avoir pas entendu toucher au
fpirituel. Le préfident avance qu'elle l'a décrété
dans toutes les circonftances . M. de Cazalès infifte
pour qu'on le déclare pofitivement , & ajoute
qu'il n'y auroit alors aucun inconvénient à
adopter le ferment de M. Pévêque de Clermont .
La difficulté étoit à nud , mis M. de Mirabeau .
l'a bien vite enveloppée d'une diftir ction entre
as voulu toucher, & n'a pas touché au fpirituc)
; & il a fourenu la vérité de la dernière de ces
oux manières de s'exprimer suis il a dit qu'il n'y
avoit plus de difficulté , car l'opération étoit con-
I
$
1882)
fommée , Il n'y auroit , a- t-il ajouté , que « celleci
; les diffidens appellent fpirituel ce que l'Affemblée
appelle temporel. M. l'abbé Maury &
M. de Cazalès demandent en vain la parole. M.
at Mirabean leur protefte qu'il ne vife pas à un
évêché ; il demande une nouvelle interpellation ,
& qu'on décrète la feconde partie de la motion
de M. Barnave. Il eft décidé que M. l'abbé Maury
ne fera pas entendu .
Avant cette difcuffion , M. l'évêque de Poitiers
avoit dit , dans la tribune : « Pai 70 ans , j'en ai
Raffé 35 dans l'épifcopat , où j'ai fait tout le bien
que je pouvois faire . Accablé d'années & d'infitmités
, je ne veux pas déshonorer ma vicilleffe , je
né veux pas prêter le ferment ; je prendrai mon
fört en patience » . Ce vieillard a été comblé des
marques de la vénération des membres du côté
droit , & livré aux huées des galeries .
Une dernière fommation ne portant plus à la
sribune aucun eccléfiaftique , & tous perfiftant dans
leur refus , on a lu la loi dictée par M. Barnave
; M. l'abbé Maury a demandé que le décret
ne fut exécutoire que dans foixante ans. L'article
mis aux voix , le côté droit ne prenant plus de
part à la délibération , a été décrété , à une grande
majorité , en ces termes
L'Affeinblée nationale charge fon préfident
de fe retirer devers le Roi , de lui remettre les
extraits des procès - verbaux des féances depuis le
26 décembre , & de le prier de donner des ordres
pour la prompe & entière exécution du décret du
24 novembre , envers les membres de l'affemblée
ecclcftiques fonctionnaires publics , qui n'ont
pas prété le ferment preferit par ledit décret , fauf
à ceux qui feroient retenus hors de l'Aſſemblée ,
( 189 ) )
par maladie ou abfence légitime , à faire valoir
leur excufe en faifant ou en envoyant leur ferment
dans le délai de quinzaine
De bruyans applaudiffemens ont terminé cette
féance , dont l'effet étoit très-probablement inat- 1
tendu , par ceux-là même qui en avoient efpéré
le plus de fruit.
* Du mercredi 5 janvier.
M. le préfident a lu la lettre fuivante de M. le
garde-des -fceaux :
τις
M. LE PRESIDENT ,
>
1..(*-
J'ai été inftrait de l'effet qu'avoit predme
dans l'Affemblée nationale la lecture du titre mis
en tête de la loi du 27 novembre dernier , & les
motions auxquelles cette facheufe erreur avoit
donné licu. Je m'attendois à cet effet's je prévoyois
une dénonciation ; & je n'aurois pas éré
furpris que le corps légiflatif, juftement allarme,
eft pris fur- le-champ des mictures févères ; il ne
T'a point fait , & j'ofe troire que je dois cetté
marque de bonté à fa jufte confiance dans la
droiture de mes fentimens ; mais il ne m'eft pas
permis d'attendre que des explications me fofent
demandées je prie l'Aflemblée nationale de
trouver bon que je lui rende compte du fait dans
topte fa fimplicité,
J
» J'ai trouvé , en arrivant an miniſtère , établi
à la chancellerie , un bureau d'envoi des
décrets , qui n'étoit encore monté qu'imparfaite
ment , & cont je n'ai pas encore perfectionné
Torganiſation Par placé à la tête de ce buṛcau
dopt le travail elt prefque mécanique , un hom
EL 31.1
( 1901)
me que je connois depuis long-temps ," parfaite .
ment fur , d'une intelligence très - fupérieure
celle néceffaire pour ce genre d'occupation , &
dont le caractère d'efprit eft principalement la
netteté & la jufteffe. L'Affemblée nationale fentra
aifément qu'au milieu de cette immenfité
d'affaires , dont le département de la juftice eft
chargé , il m'eft impoffible de me livrer aux
détails de l'envoi & de l'expédition des loix , &
que je dois me borner à une furveillance. géné- à
Fale. L'intitulé des loix eft ordinairement donné
par la feuille qui enveloppe les décrets préfentés
à la fanction par M. le préfident .
A
-
» Le titre de celle du 27 novembre , porté
fur la feuille étoit très convenable : j'ai dû
croire & j'ai cru qu'on n'en avoit pas fubftitué
d'autre dans mes bureaux , cette llooii aa été imprimée
, expédiée , envoyée , fans qu'il me fut venu
à la penfée que fon titre dût me caufer un violent
chagrin , de cruelles inquiétudes , & je n'ai
été inftruit de la faute commife que par M. le
maire de Paris , qui , frappé de l'effet que pouvoit
produire l'intitulé inexact & impolitique de
ce décret , eft venu me trouver à minuit & deni ,
dans la nuit du dimanche au lundi, & s'eft concerté
avec moi fur les moyens de remédier au
mal . ,Nous avons renvoyé fur le champ chez
l'Imprimeur , pour réimprimer le titre , avec ordre
de couvrir le lendemain les premiers placards
de ceux de cette feconde édition : j'en ai fait
faire fur le champ une autre à l'Imprimerie
royale ; elle eft déjà partie pour les Provinces
& les ordres font donnés par- tout , pour que les
premiers exemplaires , foient retirés & renvoyés .
La plus grande activité a été employée pour affurer
le fuccès de cette mefure : voila le fait dans
-
( 191 )
31
*
toute fa pureté . Je ne me permettrai
qu'une réflexion
: je crois je crois qu'il fera évident pour tout le monde qu'il s'agit ici d'une erreur , & d'une er reur de bureau. Je n'ignore pas cependant
que
j'en fuis refponfable
, & Pattendrai
avec autant de réfignation
que de fermeté , ce qu'il plaira à Affemblée
de cononcer dans fa fagefie je ne refufe pas de devenir le premier exemple de la refponfabilité
miniftérielle
; je m'en confolerois
; puifque cet exemple pourroit être utile à mos pays
Je m'en confolerois
, car ma confcience
eft
pure , & mon Honneur n'eft point compromis
mais ce dont je ne me confolerois
pas , c'eft que cette erreur , échappée à l'on des employés de mes bureaux , causât le moindre défordre , don→ nât lieu à quelques excès . Ceux des membres de cette Aflemblée
dont j'ai l'honneur d'être connu
perfonnellement
, favent jufqu'à quel point ce
mon coeur ; & s'il en étoit ,
fentiment
elt dan a
ce que je ne crois pás , qui fuffent difpofés à mé prêter des intentions
coupables , je les prierois de confiderer
qu'on ne m'a jamais accufé d'être ami du trouble & du défordre , & que fi quelque
chote a pu me faire remarquer
, forfque j'exer cois des fonctions
auffi importantes
que délicates , ceft le mélange conftant de la modération
avec
la fermeté .
Je fuis , & c.
Signé , DUPORT 5 ,
1
nie
My Malouet a cru que la loi avoit été falfifiée ;
on lui a répondu que l'erreur n'étoit que dans le
titre. La fe font bornées toutes les recherches
au fujet d'un placard atrocement injufte , dong
furcur populaire s'eft nourrie pendant une jour
136
( 192 )
e , & qui courtproblablement dans les provinces ..
M. d'André propofe & l'Affemblée décrète que la
lettre du garde du fceau fera inférée au procèsverbal
, imprimée & envoyée aux corps admi-
Filtratifs , & qu'on ne mettra plus de fommaire
à la tête des loix , mais feulement un titre énonciatif
de leur objet . On a vu que le titre était
très-convenable ; ce décret n'abyie donc point à
de nouvelles affiches erronées & criminelles.
Un eccléfiaftique affermenté prelle l'exécution
du décret fulminé contre ceux qui n'ont pas juré..
M. Pabbé Gouttes chaffant de TAffemblée tous
Les évêques députés , demande que le préfident
prie le Roi de fire exécuter la loi de la réfidence
des évêques ; M. d'André s'oppofe à cette
démarche abfurde , & confent à ce que le garde
des fceaux foit mandé à la barre pour rendre compte
de l'exécution de la lei fur la réfidence , dont
il auroit répondu comme d'un faux commis dans
fes bureaux. On paſſe à l'ordre du jour qui n'eft
retarde que par des rétractations de ferment , &
par l'action d'un eccléfiaftique rétractant , qui ayant
dépofé fon ferment fur le bureau , s'eft plaint que
le fecrétaire le lui avoit jeté au vifage ; il a
demandé la
La
clamatiounition
de cette voie de fait
mais
n'a eu aucune fuite. M. Goupil
a repris fon difcours fur la queftion de favoir
fi les dépofitions des témoins feront écrites ou
Lon ..
Réfamant ce qu'il avoit dir , M. Goupil eft
echvenu qu'en Angleterre les dépofitions faites
devant des jurés n'étoient pas écrites ; mais il a
dit aut que cet abus donnoit aux écrivains
Anglais l'occafion de dire que la procédure par
jures offre de très grandes imperfections. Ce
-
193
)
1
peuple religieufement attache aux anciens ufages
a conferve celui - ci depuis le temps où l'on ne
favoit pas écrire . Combien de correctifs n'y at
- il pas mis ? L'unanimité requife , le droit du
juge d'ordonner un autre jury , la liberté qu'a
l'accufé de fe défendre jufqu'au dernier moment.
Vos jurés prononceront comme le factum , huit ,
voix fuffiront fur douze ; vos juges ne feront ,
que de vains fimulacres ; on vous propofe de
décréter que l'accufe foit traduit devant le juré
du jugement vingt- quatre heures après l'audition
des témoins & que fi le juré le déclare coupa
ble , on interdife au condamné de plaider pour
obtenir la révifion du jugement ; c'eft ne lui,
donner un confeil que pour quelques heures .....
Quoi ! vous faites écrire des contrats de vente
& vous refufericz fur-le - champ , dites- vous. I
faudroit donc que dans quinze minutes un homme
fut acculé , condamné , pendus vous avez un
grand goût pour les expéditions promptes . Et
les témoins abfens & cent témoins dans une
affaire ? Dépoferont ils à tout inftant ? Les jurës
auront-ils affez de mémoire pour tout retenir ?
Admettre les preuves écrites , c'eft renoncer aux
jurés ! Lubterfuge , fin de non-recevoir indigne de
la gravité de la matière, Je pourrois vous objecter
qu'un de vos décrets fanctionnés , preferit que les
témoignages feront écrits devant un juge & des
adfefleurs . Les preuves légales font établies en
faveur de l'accule ; il faut qu'on les écrive.
Champion du plan des comités , M. de Beaumerz
a commencé par obferver que les lumières
n'étoient pas également répandues . Les jurés
feront des cisoyens enlevés à leurs affaires & non
Bayés qui ne pourront fieger affez long - temps
pour méditer des procédures écrites . Vous for
a
( 194 )
cerez , a-t- il dit , la nation à déléguer un pouvoir
qu'elle pouvoit exercer elle-même ( comme fi le
juré d'un quart-heure n'exerçoit pas un pouvoir'
délégué pour ce quart d'heure ) . Un témoin
s'obitine dans fa dépofition parce qu'elle eft écrite . "
C'eft fur l'intime conviction de l'homme probe
qu'eft fondé le jugement par jurés . On a prétendu
que cette inftitution étoit empruntée de
peuples à peine fortis de la barbaric, Pourquoi les'
peuples parvenus au plus haut degré de civilifation
, ne fe rapprocheroient -ils pas de la naturé ?
On fe plaint de l'irrévocabilité de leur jugement.
Si cette objection étoit bonne , il faudroit déférer'
aux juges la décifion du fait , & notre inftitution'
feroit très - inutile . Je conclus donc à ce que le'
plan des comités foit adopté entièrement.
Ce projet foutenu de tant de paradoxes , a été,
combattu victorieufement par M. Tronchet, à qui
l'écriture a paru indifpenfable ; & qui l'a prouvé
par quelques faits . Deux témoins accufent un
homme d'un meurtre & difent le lui avoir vu
commettre au clair de la lune ; ils s'accordent ,
il cft condamné. Au moment du fupplice , on'
confulte Talmanach , il n'y avoit point de lune ce
foir- là . Retranchez les écritures , ees deux faux
téntoins feront impunis , s'ils nient leur dire : Un
autre innocent eft condamné , trois mois après en
découvre que les témoins étoient ailleurs & n'ont
pu le voir les dépofitions orales ne font plus
préfentes. Le juge ofera- t - il affirmer qu'il ne s'eft
pas trompé d'un mot... L'audition féparée des
témoins a de grands avantages , la fera- t - on fans
écrire s'il y a de nombreux témoins ?. Vos jetés¹
fe ficront fur l'écriture & n'écouteront plis !'Svons
avez fi peu de confiance en vor jutes , tévoquéz
le decree qui en ordonne Pétabilement. Quarſ
( 195 )
à l'influence de la conviction fur les preuves lé
gales , vous avez jugé M. de Toulouse - Lautrec
en pelant fon caractère connu & rinvraifem- ”
blance de l'accufation ; voila l'unique manière de
juger les hommes ; & celui qui , dans ce cas ; )
auroit dit comme juge , je penfe d'une façon ;*
comme homme , je penfe d'une autre auroit été
un imbécille ou un fripon .. .. M. Tronchet a
conclu à ce que l'inftruction de la précédure criminelle
fut publique , écrite , & remife aux
jurés. 25
2
On a décrété l'impreffion de fon difcours fonvent
applaudi. Le préfident a mis aux voix la
motion de fermer la difcuffion ; M. Fréteal lui
a obfervé qu'on n'avoit ordonné l'impreffion dé
l'opinion de M. Tronchet que pour la mieux connoître
, & non pour décider avant de la lire Læ
queftion a été ajournée à lundi b 2
Du jeudi 6 janvier .
212 90
201
2010.03
q in an enLTI
Cette féance a commencé par l'édifiante lecture
d'une adreffe fignée , a-t- on dit , de divers
curés de diftricts voifins de Paris , qui proteſtenri
contre les fcrupules de la majorité du clergé , &
jurent une entière adhéſion aux décrets.
M. le préfident a lu enfuite une lettre d'un
éccléfiaftique de Paris , nommé Barou , qui dér
clare que fi la religion éroit fpirituelle , il ne
feroit pas prêtre , que l'exercice n'en appartiendroit
qu'aux anges . Il offre fon ferment civique
en conféquence de ce raifonnement , qu'il a écrit
pour l'ibftruction des fidèles , en attendant que
fon patriotifme le rende fonctionnaire public .
Cette lecture a été fuivie de celle d'une lettre
( 196 )
de remerciment , fignée Marie-Thérèfe le Valeur
veuve de J. J. Rouffeau .
On avoit cublié de mettre dans le décret
concernant le traitement des religieufes , un
amendement adopté , mais écrit à part ; M. a'kf
tournel l'a fait ajoûter en ces termes : « les chas
noineffes qui fe marieront demeureront privées
de leur traitement » .
On a renvoyé au comité des recherches
une dénonciation de lettres anonymes & circu
laires , que le département de Seine & Oife &}
M. Camus attribuent au clergé.
M. Vieillard a lu au nom da comité de jur
dicature , un tableau de la liquidation des offices
fupprimés dans divers bailliages , qu'aux termes
Vagues de fon rapport , on auroit d'abord pris
pour l'état de liquidation de tous les parlemens
& autres cours fupérieures cu il manquoit à
peine un très- petit nombre d'individus . Le total
´s'élève , felon le tableau , à 13,268,155 liv. II
a demandé que pour favorifer la circulation du
numéraire en affignats , & les ventes des biens
nationaux , le comité fut autorisé à délivrer des
reconnoiffances de titres d'offices . M. Malouet , &
apiès lui M. d'André & M. Dumetę ont obſervě
qu'il feroit inconftitutionnel de rendre les comites
refponfables , & que la liquidation exigeoit neceflairement
une refponfabilité. L'Affemblée adeptant
la motion de M. Matouer , a renvoyé l'état
de liquidation au commiffaire du Poi , chargé de
ette partie , pour être par lui arrêté fous la refponfabilité,
& préfenté enfuite par le comité de
judicature a la délibération de l'Allemblée .
M. d'Auchy fait un rapport fur les meffage(
197 )
ries ; nous tranfcrirons ailleurs les articles décrétés.
Le préfident a annoncé des lettres de feize ou
vingt curés , membres de l'Affemblée , qui retractent
leur ferment , fi l'on ne l'admet dans le
fens de M. l'évêque de Ciermont . Quelqu'un ,
par un farcafme d'excellent gout , a demandé le
renvoi de ces lettres au comité d'aliénation . M.
Birnave a décidé qu'il n'en falloit plus recevoir
de pareilles , & que les eccléfiaftiques fonctionnaires
publics , qui veulent rétracter leur ferment , n'ont
qu'à s'adreffer à leur municipalité , & y donner
leur démiffion . Enfuite M. le curé de Scrgy a
tâché de conquérir la parole , pour dénoncer un
fait concernant MM. les curés de Paris qu'il pré
tend être travaillés . « Oui , mais dans un drôle
de fens , a dit M. de Montlauzier . Cet opinant
& plufieurs autres ont demandé qu'il fut permis
de répliquer à M. Barnave ; on a refufé de les
entendre, & l'opinion de M. Barnave eft devenue
bien-vite un décret .
7
Du vendredi , 7 janvier...
Des femi-prébendés de la cathédrale de Paris
ont proteſté , par écrit , contre un imprimé des
chanoines de cette ville , & des applaudiflemens
ont porté la proteftation dans le procès -verbal.
Quelques journaux l'ont attribuée , avec leur
véracité ordinaire , à plufieurs chanoines.
M. de Montmorin annonce à l'Affemblée le ferment
civique de M. de la Luzerne , ambafladeus
de France en Angleterre.
71
* - L'univerfité de Paris & les quarante-huit fections
de la capitale demandent à être admifes à la barre
par députations ; la première pour faire hommage
( 1981)
au corps législatif d'une adhéfion au décret du 271
novembre , que l'on fait n'avoir été votée que ›
par une partie d'une feule des facultés , & les
fections , pour offrir des )preuves de faits contre &
les miniftres remplacés depuis long-temps. L'Aft
femblée décide enfin que déformais elle ne recei
vr. à la barre que les corps , adminiftratifs.i
M. d'Auchy a lu la fuite des articles du règlement
des metlageries . Nous réfumerons ici tousi
ceux qu'on a décrétés .
Tous droits de meflageries , par terre & par
eau , feront abolis , à compter du premier avril ,..
fauf indemnités s'il y a lieu , & feront partie de
la ferme générale des mefingeries . Le fervice fe
continuera le bail déterminera les nouvelles !
routes à fervir. Après le premier octobre 1792,1
les futurs fermiers n'emploieront que des diligences
légères , cominodes , dont aucune ne pourra por
ter plus de huit quintaux de bagages , y compris
celui des voyageurs . Ils devront prendre , à la fin
de mars 1791 , les voitures , chevaux , uftenfiles .
des anciens , fur cftimation de gré à gré , ou par
experts , & payer comptant . Les maisons de Paris
& dépendances feront comprifes dans le nouveau
bail ne pourront diminuer le nombre des départs
& retours fixés ; on adreffera les demandes en ,
indemnités au bureau de liquidation ; les futurs
fermiers n'y prétendront , pour quelque caufe que
ce foit. Ils fourniront un cautionnement de doux,
millions , & fe conformeront au décret du 12
novembre , relativement aux tréforiers de diftrict.
Le prix du bail fera payé au tréfor public , pat
garantie & d'avance. Le bail commencera au premier
avril 1791 & finira au 31 décembre 1797.6
Les places fe paicront , dans les diligences, 12 fousq

( 199 )
à
fous par lieue de 2,283 toifes ; ces diligences!
feront 25 30 lieues par jour , deux par heure
( des foumiffionnair sont offert d'en mettre le
prix à 10 fous . ) Le port des bagages & marchandifes
fera de 25 liv . par quintal pour cent liènes 3
les papiers de procédures ou d'affaires paicront
le double. Chaque voyageur aura is liv . pefant
franches.
L'ordre du jour a ramené fur le tapis la monnoie
de billon , reffource mefquine , plus ruineufe
en longs rapports qu'elle ne peut être utile au
commerce anéanti . On n'a décrété que l'impreffion
d'un nouveau inémoire & l'ajournement .
Pour ranimer les efprits , M. Charles de Lemeth
a dénoncé l'abfence d'un curé non affermenté,
qui a quitté l'Affemblée fans demander un congé ,
& le départ de M. la Place , curé du bailliage de
Péronne . Il n'a pas héfité de leur prêter de mauvaifes
intentions , & n'en a donné aucune preuve.
Sa conclufion a été de prendre des informations :
fur l'illégalité de ces abfences , & d'ordonner aux .
deux curés de revenir ou d'envoyer leur démif
hion , Alors M. Royer , curé de Franche - Comté ,
fameux par fon zèle contre la majorité des ecclé
fiaftiques de l'Affemblée , a fait une dénonciation ,
bien plus extraordinaire .
Il a porté plainte contre fon confeffeur qui )
après lui avoir demandé hier , au tribunal de la,
pénitence , s'il avoit prêté le ferment refusé par
la prefque unanimité des évêques de France , &
fur une réponse affirmative , n'a voulu mi l'ab-,
foudre ni l'entendre. Le pénitent éconduit , a
très - pofitivement afluré qu'en prêtant ic ferment',,
il avoit été guidé par fon honneur & par fa
confcience & qu'il rendoit le confeſſeur & tous
ર.
)
!(200 )
les évêques refponfables des fures qu'auroir le
refus de l'entendre en confeffion .
AM . de Murinais a demandé que la dénonciation
fùt inférée dans le procès-verbal . On ne l'a
pas renvoyée au comité des recherches .
ronne ,
y a
Dédaignant de répondre à cet étrange appe!,
da for intérieur aux opinions du jour , M. l'abbé
Maury n'a pris la parole que pour prouver qu'a
Fégard de M. la Place , curé de bailliage de Pé-
M. Charles de Lameth avoit tort , quant
au fait & quant au droit. Ce curé eft allé célé
brer les faints offices dans fa paroifle , comme it
été pour toutes les fêtes folemnelles ; la doufa
modération font connues : « Je détiretois
, a dit l'orateur , que dans cette Affembiée
on ne fe permit plus de dénoncer les intentions
que perfonne ne peut connoître » . A l'égard du
droit , il a établi que chacun des membres n'eft
refponfable qu'envers les commettans ; qu'en
rendantla nation libre , il ne faut pas que les repréfentans
foient les derniers efclaves , & que l'Affemblée
n'a de droit fur eux que dans fon fein.
ceur ,
2
Les principes ont changé avec les mots , &
M. de Mirabeau n'a furpris qui que ce foit , en
difant du con de l'afurance : « Je ne répondrat
point aux fophifmes du préopinant , qui n'a cofléd'invoquer
la mision donnée par des bailliages ,
comme" fi l'abfurde divifion par bailliages fubfittoit
encore comme fi nous avions d'autres
commettans que la nation ». Une réflexion nous
échappe , & nous ne ferons pas les feuls qui l'au
ront faite comment arrive-t- il qu'une nouvelles
démarcation diocéfaine ne touche en rien au (pi
rituel , lorfqu'une fimple divifion imprévue de
bailliages en diftricts opère de fi prodigicux chan
( 201 )

temens dans l'effence même des droits & des
devoirs de commettans & de mandataires affer
mentés ?
M. de Mirabeau appuie de fon autorité la
motion de M. de Lameth , & joignant à des
bruits notoires , des indications vagues de faits
-qu'il dénonceroit , dit-il , s'il ne craignoit de faire
plus de bruit que de bien , il parle encore dos
manoeuvres des prêtres , de leur fcandaleufe opulence
, pèle leurs deffeins ; & de peur que le penple
ne vienne à manquer des fecours de cette
fainte religion , fi néceffaire pour le confoler , il fe
hâte de préparer de nouveaux miniftres aux autels,
«puifque ceux qui les deffervoient menaçent de les
déferter , & marchandent le prix auquel il faut leur
payer laparole de Dieu . Aertions que nous laifferons
à d'autres le foin de caractériſer . Sa conclufion
a été un projet de décret , qui déroge à une loi
conftitutionnelle fanctionnée , pour faciliter les
élections d'eccléfiaftiques aux places qui vont
vaquer ; décret où l'on a même ajouté une forte
de prime en faveur des moines qui , après avoir
violé leurs voeux , voudront courir des vicariats ,
des cures ou des évêchés. }
M. Rewbell defiroit qu'on leur confervât leur
traitement ; mais il les bornoit aux places, de
cutés & de vicaires . M. de Mirabeau a trouvé
que ce feroit leur infliger une peine . M. Barnave
lui-même n'a pu s'empêcher d'obferver que c'étoit
leur offrir une tentation indigne de l'Affemblée.
De pareils débats exigeant le développement de
grands principes qui lui ſembloient n'avoir pas été
abordés , M. l'abbé Maury a déclaré ne prendre
aucune part à la délibération ; tout le côté droit
l'avimité .
Pour confoler le peuple de l'abandon que fait
( 202 )
M. Labbé Maury , je demande , a dit M. Charles
de Lumeih, qu'on adjoigne au comité eccléfiaftique
MM. Fréteau & Cimus , dout chacun révère
la piété folide & éclairée ……….. Adjoignez-y. MM .
Barnave & Rabaud de Saint -Etienne , a dit M. de
: Montlofter .
Un membre du côté gauche a propofé de dormer
des penfions de retraite aux eccléfiaftiques que
Je refus du ferment privera de leurs places . « Non ,
noq ; nous ne voulons rien , fe font écries unznimement
tous ceux du côté droit .
כ כ
Les pauvres qu'ils ont nourris les nourriront ,
a dit M. de Montlozier! Les évèques chailés de
leurs palais feront accueillis dans fes chaumières .
Si on leur ôte la croix d'or , ils en prendront une
de bois. C'eft une croix de bois qui a fauvé le
monde . »
! Il cft aifé de voir ce qu'ils veulent , ” obferve
à ce fujet un député journaliſte , que nous enterons
pour un exemple de la bonne foi , de la tolérance
& de l'humanité philofophiques. & Its veu
lent paroître comme des hommes qu'on dépouille ,
comme des apôtres qu'on perfécute ; ils le flattent
qu'un air de perfécution leur rendroit cette pull-
"Lance fondée für les erreurs du peuple , &
enfuite ces richeffes , objet de tous leurs
regrets ,, Le noble procédé que d'empoifonner
jufqu'au défitérellement de fa victime résignée ,
& de la pourfuivre même fous la chaumière du
pauvre , dans l'espoir généreux de l'en chaffer !
Le beau talent que celui de deviner des intentions
honteufes dans un facrifice fait à la confcience ,
à la fortune , à la faculté même d'exifter décem
ment dans la fociété
1
M. Alquier a propofé de charger les comités
eccléfiaftique & de conftitution de rédiger une
I
E
(( 203 )
1
inftruction paftorale , qui ferve de correctif aux
mandemens des évêques , & qui ramène le clergé
à ce qu'on nomme les inftitutions de fon divin
fondateur. La queſtion préalable a écarté une motion
de M. de Foucault , qui vouloit que , de
crainte de médifance , on déclarât les mémbres
de l'Affemblée inéligibles aux places d'évêques ;
& le décret préfenté par M. de Mirabeau a été
adopté en ces termes :
ל כ
L'Affemblée nationale décrète :
ou
» 1 ° . Que relativement aux vacances des évêchés
qui pourront avoir lieu dans l'année 1791 ,
tout françois , prêtre , actuellement curé ,
ayant été fonctionnaire public pendant cinq ans ,
fera éligible dans quelque département que ce
fait.
2 °. Que relativement aux vacances des cures
durant la même année , les curés feront choifis
parmi tous les françois prêtres depuis cinq ans ,
dans quelque département que ce foit.
3 °. Que les évêques qui , durant la même
année , feront dans le cas de choifir des vicaires ,
pourront les prendre parmi tous les françois prêtres
depuis cinq ans .
DOR 404Que les curés qui , durant la même année
, feront dans le cas de chorfir des vicaires ,
pourront les prendre parnus tous les prêtres fran
2. Que tout religieux ou eccléfiaftique penfionné
, déjà pourvu des vicariat ou de curd , ou
qui yfera porté par choix ou par élection dans le
cours de l'année 1791 , confervera la moitié de
La penfion indépendamment de fon traitement.
16° Que foecomité eccléfiaftique llui préfener
dans le plus colgart délai , un projet d'inftruos į
: epig
( 204 )
tion fur la conftitution civile du clergé , pour êtré
adreffée aux directoires de départemens , avec
ordre de la publier inceffamment dans toute l'én
tendue de leur territoire .
גכ
7°. Que le préfent décret fera porté dans le
jour à la fanction du roi ».
Aucun membre du côté droit n'y a participé .
Le Miniftre de la marine a annoncé , par deux
lettres, que le défarmement n'étant pas encore achevé
, la dépense de mois s'élèveroit à 1,844,237 1 .;
& que celle de l'envoi des Commiffaires & des
troupes dans les colonies , monteroit à 8,791,7491
13 f. 4 deniers .
Du famedi , 8 janvier .
M. d'Eftagnol a prié l'Affemblée d'ajouter au
décret de la veille , rélatif aux Ecclefiaftiques ,
an article qui conferve le tiers du traitemenr
aux Curés rotirés dans la huitaine après le délai
préfcrit pour le ferment ; mais M. Bouche na
pas voulu qu'ils reçuffent des mains du Légilateur
le falaire de leur défobéiffance ; & il a regretté
qu'an n'cit pas adopté la motion fage ,
felon lui , de ne donner aux Evêques & aux Cu-
-rés , qui fè retireroient , aucun traitement " Ou
tout au plus les moyens d'avoir du pain. On
-paffe à l'ordre du jour , qui n'eft retardé que par
la lecture d'adreffes de municipaux enchantés de
leurs Cutés , dont Fun , entre autres , à promis
d'enfeigner à fes quailles tous les décrets de
Affemblée comme l'évangile de la raifon & le
code du bonheur nationali » . :
co
Sur la propofition de M. de Falleville , ament
dée par M. d'Auchy , un article additionnel eft
jouit , en ces termes , aut réglement desnicfl
gèries :
gères Les fermiers pourront établir des voitures
"
extraordinaires , & en régler le prix de gré à gré .
Un grand nombre de paroifles , que dellervoient
des chapelains & des bénéficiers , réduits à quitter
leurs fonctions , n'ont plus que le curé & fon
vicaire pour célébrer l'office. On appréhende de
l'effet que ce manque abfolu de folemnité pour
roit produire fur le peuple encore fi éloigné de
fentir le prix de la nudité du culte philofophique.
Le comité eccléfiaftique a été chargé de préfenter
inceffamment . Ton plan d'organifation des
eglifes paroilliales , & en lui a renvoyé la mo
tion d'autorifer , en attendant , les ci-devant titu
laires & bénéficiers perpétuels fupprimés , à reprendre
leurs fonctions à titre de deffervans.
C
Le -même comité , & celui des finances , out
propofé , par l'organe de M. Vernier, de décréter
que les corps adminiftratifs fixeront l'impofition
des Eccléfiaftiques féculiers dans la proportion
qui fuir , d'après leur penfion ou traitement ;
au vingtième pour 1200 liv . & au- deffous ; an
dixhuitième pour 1800 liv. & au - deffous , an
quinzième de cette fomme à - 2400 liv. , au douzième
pour toutes les autres ;
le tout pourl'année
1790 fans titer à conféquence quant à l'avenir ;
le moins payé ne devant pas être exigé de ceux
qui ont fatisfait à l'impôt , & le fur- taux étant
à déduire fur l'année prochaine. M. la Villeaux-
Bois a obfervé que ce projet violeroit la lai
[ ɔde régalité ; qu'un prêtre , célibataire par létat ,
ayant 1200 liv . de penfion , no paycroit ainsi que
-60 liv. , & que le père de famille , avec la même
fomme de revenu , payeroit go-écus en vingtième
& impofitions acceffoires . Mais le décret a été
adopté.
*
Nº 3. r5 Fanvier ~ £791. ¹
1
( 206 )
¡
Le directoire du Département de la Gironde ,
fe méprenant fur le fens du décret des 19 juillet ,
22 ſeptembre & 22 décembre derniers , a par
une proclamation du 30 décembre , fait ceffer
la perception des droits & octrois que ces décrets
avoient prorogés . Sa proclamation a été déclarée
nulle , & l'on a prié le Roi de faire exécuter les
loix fi mal entendues.
M. Ræderer , ayant obtenu la parole au nom
du comité d'impofition , a lû un rapport fur le
droit de Timbre , droit compris , pour une partie
de fon ancienne acception , dans quelques- unes
des difpofitions que l'Affemblée a déjà decrétées
fous le titre de droits d'enrégiftrement . Il a parlé
des Anglois , des Hollandois , & la conféquence
prévue & modefte de fes citations a été que le
comité avoit fuivi de meilleurs principes que ces
deux nations. Une très -fuperficielle difcuffion de
certains articles n'a retardé que de peu d'inftans
l'adoption d'un impôt, qui n'aguère épouvantoit
toute la France, On a rejetté un amendement de
M. le Couteulx fur les lettres- de - change . Les
journaux & papiers publics ne feront pas encore
timbrés , vû que plufieurs d'entr'eux , a dit le
rapporteur , font très- utiles aux progrès des lumières.
Nous tranfcrirous dans huit jours la totalité
de ce Décret.
Séance du famedi foir.
Les premiers momens ont été confumés en
lecture , d'adreffes à la fuite defquelles M. Dumouchel
, député de Paris à l'affemblée , & recteur
de l'univerfité a récité à la barre une
harangue au nom de fa compagnie. M. Dumouchel
, protégé de M. l'archevêque de Paris .
en avoit fuivi les opinions , & le fort du clergé ,
( 207 )
B
lorfque les crimes du mois d'octobre 1789 , &
la tranflation de l'affemblée nationale à Paris ,
perfuadèrent divers membres qu'il étoit plus
sûr de s'attacher au char de la fortune . Peu
après , M. Dumouchel entra dans le fens de la
majorité il eft venu ce foir lui rendre un hommage
folemnel. ce Avant la révolution , a -t-il
dit , nos élèves alloient fe confondre dans la
foule des opprimés & des oppreffeurs » . Aujourd'hui
, ceux qui fuivront l'exemple de M.
le recteur , ne courront pas le rifque de refter
parmi les opprimés . Une très - petite partie de
l'univerfité a concouru à cette démarche , ainfi
qu'à l'adreffe qui l'avoit précédée .
On n'a pas oublié cette fable atroce , inventée
par des fcélérats , adoptée & commentée par les
Feuilles publiques , accueillie par le Comité des
recherches , & qui depuis trois mois prive de
leur liberté M. de Buffi & plufieurs autres
enlevés commé lui au mépris de toutes les règles
de la juftice & de la raiſon. On fe rappelle la
croyance que donnoient les fanatiques à ces 40
mille hommes fous les ordres de M. d'Autichamp
, qui devoient enlever de Paris le roi ,
faciliter l'entrée de M. le comte d'Artois & de
M. le prince de Condé ; opérer enfin une contrerévolution
dont M. de Buffi étoit l'agent fecret.
On connoît les mefures tyranniques qu'enfanta
cette délation calomnieufe d'une municipalité , fur
l'impofture d'un fauffaire .
D'après les inftances du frère de M. de Buffi ,
M. Voidel a fait aujourd'hui le rapport de cette
affaire ; il a été forcé de rendre un hommage
complet à l'innocence de fes prifonniers , & à
demander qu'on les remût en liberté . L'affemblée
K 2
"
( 208 )
·
mis fin à l'oppreflion fous laquelle ils gémiffoient
, par le décret fuivant.
,
cc L'anemblée nationale , après avoir entendu
le rapport qui lui a été fait au nom de fon comité
des recherches , décrète que le roi fera prié
de donner des ordres , afin que les fieurs Mignor ,
dit de Bufli ; Duboft , dit de Curieux ; Mouzy,
Girier , dit des Fontagnes , Chanu , Laupré
Servan , Palet frères ; Boric & Beffe , dit la
Montagne; actuellement détenus aux prifons de
T'abbaye Saint- Germain -des -Prés , foient mis en
liberté , & que tous leurs effets leur foient refpectivement
rendus fous leurs décharges . «
Du dimanche 9 janvier.
1
>
Quelques fpeculateurs ont préfenté úne adreſſe
par laquelle ils follicitent l'approbation de
Paffemblée en faveur du projet qu'ils
ont formé , d'une caiffe où ils échangeroient
les affignats de o liv . contre leurs propres
billets de confiance , de la valeur de 648
12 liv . M. Malouet a fort bien remarqué que
ce projet ne pouvoit être Fobjet d'une délibération
, puifqu'il étoit libre à tout particulier de
de mettre de confiance , ' s'ils ont affez de crédit
pour les faire reecvoir D'après l'avis de l'opimant
, on eft paffé à l'ordre du jour.
L'évêque d'Orléans & fon clergé: proposent de
rédaire à fix les 25 paroifles de la ville & de
fes fauxbourgs. M. Larjainais a rendu compte
de tette exécution des décrets , & célébré le civilme
de Févêque d'Orléans , dont le plan a
été confaeré par un décrèt fpécial.
Le- refte de la féante a produit , différens décrets
rendus fur l'avis du comité de liquidation ,
l'une de ses réfolutions a pour objet les brevets.
2-
( 209 )
de retenue. On deftine trois millions par mois
au paiement de ceux qui portent indemnité , &
un intérêt, de cinq pour cent jufqu'au rembour
fement parfait .
CC >
Ces , décisions ont entraîné un débat entre
M. l'abbé Maury & M. Defneuniers. La pre-.
mière jugeoit infiniment trop difpendieux d'expédier
, comme on le fait , cinquante mille cxemplaires
de tout décret quelconque . Jamais
a-t-il dit très - fenfément , vous ne ferez confidérer
comme une loi générale du royaume , un règle
ment qui ne concerne qu'une vilies Faut-il dé
penfer 36 mille francs pour un décret; qui autorife
une municipalité à emprunter dix mille liv. ? »
M. Defmeuniers s'eft arme d'un décret anté
rieur, & n'a pas fait grace à la nation d'une loi, qui
ordonneroit de changer un ruiffèau en canal dans
un village. Il a affuré que l'envoi de chaque
décret ne coûtoit que cent piftoles . M. l'abbé
Maury a fait fentir ailément l'impoffibilité de
cette prétendue économie . Le comité des finances:
a éré chargé de s'occuper d'un projet de décret
Nulle féance de l'Aſſemblée Nationale
n'a été rendue par les Journaliſtes , avec
plus d'infidélité , de reticences , & de
collufion , que celle du 4 où le Clergé fuc
appellé à prêter le nouveau ferment civi
que . Ces Folliculaires ont également trompé
le public fur le nombre d'Eccléfiaftiques,
qui ont fouferit à cette obligarion, 81 ok
82 leulement y avoient adhéré ; 28 ne
Tayant fait que reftrictivement , fe font se
K 3
( 210 )
tractés le mardi , le mercredi & le jeudi.
Reftent donc cinquante à cinquante - cinq
affermentés , à la tête defquels fe trouvent
MM. les Evêques d'Autun & de Lydda ,
dont la confcience s'eft heureufement trouvée
d'accord avec leur intérêt temporel.
125 Evêques ont adhéré à l'expofition des
principes du Clergé , rédigée par M. l'Archevêque
d'Aix ; on a vu que M. l'Evêque
d'Orléans a fuivi l'exemple de MM. d'Autun
& de Lydda.
La preftation du ferment par les Curés
& autres fonctionnaires publics avoit
d'abord été fixée à dimanche dernier ;
mais dans l'efpoir d'un plus grand nombre
d'adhérens , la Municipalité a remis de huit
jours cette cérémonie . Des 64 Curés
qui deffervent Paris & fa banlieue ecclfiaftique,
16 ou 20 ont figné l'engagement
de jurer , & l'ont rempli dimanche dernier.
Le Curé de St. Euftache , confeffeur du
Roi , eft dans ce nombre , ainſi que ceux
des plufieurs petites paroiffes du dedans
& du dehors. On fuppofe bien , fans que
nous le difions , que M. Desbois , Curé de
St. André-des -Arts , a été un des plus empreffés
à féparer fon voeu de celui du corps
épifcopal. Parmi les Paſteurs , qui jufqu'ici
ont perfifté dans le facrifice de leurs places
à leur confcience , on diftingue les Curés
de St. Sulpice & de St. Roch, de St. Paul ,
de Ste. Marguerite, &c. c'est- à- dire les Chefs
( 211 )
des paroiffes les plus confidérables , fi l'on
en excepte celle de St. Euftache. Beaucoup
de voix s'élevent avec fureur contre le
refus de ces Pafteurs ; mais il fuffira de les
nommer , pour garantir des atteintes du
fanatifme calomniateur , les vertus Evangéliques
, les moeurs exemplaires , l'infatigable
bienfaifance dont ils étoient les modèles.
Tel eft , cependant , l'efprit du temps ,
& le caractère des hommes qui , en toute
occafion , ont formé les mouvemens de la
capitale , que dimanche , M. le Curé de
St. Sulpice a encouru l'añathême , lancé
les jours précédens fur les Eccléfiaftiques
timorés , par cette nuée de feuilles fanguinaires
, qui nous vendent matin & foir
des poignards & des poifons . Après avoir
fait le Sermon , fans y mêler une fyllabe
relative à la circonftance , ce vénérable Pafteur
venoit d'expofer le détail des fecours
de charité donnés ou à laiffer aux pauvres
; lui-même fe trouvoit fur cet état pour
18. mille livres de fon patrimoine , engagées ,
verfées dans la caiffe des pauvres & remifes
aux Commiffaires du Diſtrict . Croira-t on
qu'immédiatement après cette annonce
faite pour attirer au Curé des bénédictions
, & à l'inſtant où il defcendoit de la
chaire , uue voix connue & tonnante a
crié de la nef, le ferment , le ferment. Nombre
d'échos ont répété ces mots : la foule
K 4
( 21:21)
rempliffoit l'églife : M. le Curé a voulu
prendre la parole , fans pouvoir percer le
tumulte. A bas ! le ferment ! à la lanterne
! ces cris inhumains répétés en:
préfence des Autels , fe mêloient , à ceux
de la douleur & de Beffroi. Les femmes ,
au moins celles à qui le vice n'a pas ôté
toute pudeur , les pauvres , les vrais paroiliens
fondoient en larmes . Defcendu de :
la chaire ,, M. le Curé , entours d'une
grande partie de fon Clergé , des Officiers.
Municipaux , & des Grenadiers , réunis pour
le garantir de toute infulte , & Ini ouvrir
le paffage , a été conduit à la factie :
il y eft entré après avoir vu un piftolet :
près de fa tête , reçu un coup de poing, &
une main le faifir aux cheveux. Nous ne
difons rien qu'après des informations avé
rées. Dans cet affreux tumulte plufieurs
perfonnes ont été renversées & meurtries.
Des affiches atroces avoient été placardées
dans plufieurs Eglifes , entr'autres à Saint-
Paul , où , ainfi qu'à Saint - Roch & à Saint-
Germain- FAuxerrois, le même fſcandale s'ent :
manitefté.
La postérité comprendra facilement l'expropriation
du Clergé , la réduction de fes .
revenus , l'abolition de fes privilèges , les
changemens opérés dans fa difcipline : les
efprits fe partage ont dans 5 ans , comme
aujourd'hui , fur la néce lite, fur l'utilité te
cette réforme ; mais ce qu'on n'envilagera
( 203 )
I
I
qu'avec un tremblement d'indignation , c'eft :
l'impitoyable acharnement qui perfécute
les membres de cet Ordre infortuné. Ils
éveillent la compaffion même des impies ;
les étrangers n'apprennent qu'avec horreur
les menaces dont on les accable depuis
20 mois. Eft il concevable , que nos moeurs
efféminées foient aufli cruelles ? qu'à l'inf
tant ou des jongleurs barbouillent leurs
tréteaux des mots de vertu , de tolérance ,
d'humanité , de liberté , on ne foit pas
fatisfait de la ruine du Clergé , de fon
aviliffement , de la perte de fes honneurs ,
de fon crédit ; qu'en jouiffant de ſes dépouilles
, on le traîne chaque jour dans
l'ignominie des outrages ; que des fcétérats
ofent parler fans ceffe d'affaffiner au
premier murmure , ceux dont la nation vient
d'hériter ? Elle repouffera l'opprobre dont
veulent la fouiller des efprits infernaux ,
& en défendant les droits de la conftitution
, elle ne fouffiira pas qu'on continue à
opprimer les citoyens , dont la fortune fort
aujourd'hui à fa libération.
Ceux qui , chaque jour , appellent_fur
les Eccléfiaftiques la fureur publique , font
précifément les Ecrivains , qui lorsqu'ils
étoient fous le joug , réclamoient le plus
hautement la tolérance . A les entendre , lel
Clergé eft non- feulement tenu à tous les
facrifices ; ils lui interdifent d'en mur
murer. Leur difpute- t on le plus léger at
KS
I
( 214 )
tribut , font-ils menacés d'un décret qui
entame le moins du monde leur fortune ?
Ils crient à la tyrannie , aux droits de l'homme
, à la propriété. Parmi ces vautours
qui , non contens de dévorer leur proye ,
aiment à la déchirer de leurs griffes , on
voit avec horreur d'anciens vampires de la
nation , des ufuriers , & tout le cortège de
l'agiotage.
Ecoutez ces échos , à qui les Folliculaires
dictent chaque jour , les imprécations
à lancer contre les Prêtres ; ils détendent la
caufe du chriftianifme primitif; ils veulent
rendre la religion à fa pureté ; c'eſt la
liberté religieufe qu'ils brûlent d'affurer au
genre humain. Joignant ainfi l'hypocrifie
à l'inhumanité , ils commandent defpotiquement
aux confciences des Eccléfiaftiques
, & leur laiffent le choix ou d'outrages
meurtriers , ou de brifer leurs fcrupules.
Et c'est à une époque où les principes religieux
ont fait place au fcepticiſme le plus
aveugle , ou tel énergumène qui a pris fon
fymbole dans lefyftéme de la nature, menace
de la lanterne , l'Evêque qui ne lui facrifiera
pas les opinions , que l'on prétend , fous
peine de diffamation & de dangers , forcer
un ferment que le Légiflateur a laiſſé libre !
H manquoit un phénomène à notre fiècle ,
celui de l'athéifme perfécuteur : Nous en
devrons la gloire aux précepteurs qui fe
chargent maintenant de l'éducation de l'Univers.
( (2150 ))
$
}
Tout ce que les abus de la religion & les
vices de quelques- uns de fes Miniftres , ont
produit autrefois de crimes & de malheurs
publics , eft imputé au Clergé d'aujourd'hui ,
comme on impute au Souverain le plus
fage , les attentats des Princes tyranniques.
Jamais analogie ne fut plus calomnieufe.
Lorfqu'on proclama , il y a trois ans ,
la tolérance des Proteftans , le Clergé de
France imita le fage exemple du Monarque.
Les Réformés équitables reconnoîtront
que , dans les Diocèfes où ils étoient nombreux
, les Evêques portoient l'efprit de
ſupport & de fraternité , au degré néceffaire
pour effacer parmi le peuple les dernières
iraçes du fanatifme. A un bien petit nombre
d'exceptions près , les véritables Paf-1
teurs de l'églife , Evêques & Curés ,
avoient des moeurs conformes à leur état.
Je doute qu'on citât deux Prélats nommés
depuis l'avènement du Roi au Trône , auxquels
on pût reprocher l'oubli de leurs
devoirs. Le plus grand nombre pratiquoit
des vertus exemplaires. On remarquera que
c'eft préciſement au moment où ces vertus
venoient de fe déployer avec le plus d'héroïfme
, après l'hiver affreux de 1788 à
1789 , à la fuite des largeffes immenfes de
la charité épifcopale , qu'on a armé contre
les Evêques ce même peuple , qui devoit
arrofer leurs genoux des larmes de la
reconnoiffance. Il eft inutile , en particulier ,
K6
( 216 )
de rappeller tout ce que les pauvres dûrent
pendant cette calamité , à M. l'Archevêque
de Paris , & quelle a été fa récompenfe. La
Municipalité n'eut pas dérogé à fa dignité ,
en rappellant au peuple ces bienfaits , dont
le fouvenir eût été peut- être plus efficace que.
les phrafes d'une proclamation.
Veut-on confidérer la conduite du Clergé
depuis l'ouverture des Etats - Généraux 7-
Aux premiers débats , on le vit tendre.
aux moyens de conciliation : quoiqu'on lui
repréfentat les deffeins dont il étoit ménacé ,
il fe réunit fans conditions fous l'unique.
fauve garde de cette adjuration des Com-.
qui du nom du Dieu de paix,
jurerent à la face du Ciel & de la France , de
refpecter fes propriétés.
munes *
Le Clergé n'eut certainement , aucune
part aux imprudences du Gouvernement ,
aux mois de Juin & de Juillet . Au mois .
d'Août on lui enleva la dixme ; il fe réfigna
à ce facrifice , après avoir répréſenté fes
titres & fes défentes. Dans les difcuffions
qui préparerent fa ruine , il n'employa d'autres
armes que celles d'une partie au procès,
qui foutient une propriété difputée. Le
Droit naturel affuroit au moins aux Ecclé-:
fiaftiques , le trifte privilège defedéfendre, de
la même manière qu'ils étoient attaqués :
leur caractère de députés fortifioit la légitimité
de leur oppoſition, fl'on peut donner
ce nom à un debat contradictoire fur une :
( 217 :) !
poffeffion de huit fiècles. Ils offrirent les
plus grands facrifices , celui même de la
génération actuelle des titulaires : ils les
avoient offerts à Verfailles dès le mois
d'Aoûr , ainsi que leur confentement à
toutes les réformes qu'on jugeroit nécef-;
faires. Leurs biens enlevés , ils n'ont pas
même élevé la voix far leur traite
ment.
-
A quelle , prétention ont ils réduire
leurs réclamations Hs ont follicité le
concours des deux Puiffances dans les innovations
de discipline arrêtées par le Légiflateur.
Or , quelqu'un mit il jamais en
doute dans l'Eglife Catholique la néceffité
de ce concours ? n'éxiftoit -il pas dans la
primitive Eglife , à l'efprit de laquelle des
railleurs rendent aujourd'hui un hommage
dérifoire ? Que dis-je ? les proteftans même
ont confacré cette doctrine. Faut- il rappeller
les maximes & l'Ordonnance Eccléfiaftique :
de Calvin & celles des Prefbiteriens d'Ecoffe .
qui préparerent l'échaffaud de Charles I, pour :
le punir d'avoir tenté d'introduire parmieux
un changement de liturgie , malgré le
væru de leur Affemblée fynodale ? Chef?
fuprême de l'Eglife Anglicane , le Roi:
d'Angleterre & fon Parlement , ont- ils jamais
innové dans la difcipline , fans concerter
ces changemens avec l'Affemblée du
Clergé Je doute qu'on trouvât une Eglife
Proteftante , où ce dogme du droit conful(
218 )
tatif des fynodes fur la difcipl' ne que voudroit
introduire le Pouvoir civil , ne foit pas
conlacré Cuvrez les Ecrits des Reformateurs
, vous y trouverez les preuves de cette
affertion. Bayle , Calvinifte , reprochoit
aux Proteſtans I ulage ambigu qu'ils "faifoit
de leur doctrine ». Voici votre ailt.nguo ,
leur dit- il dans fon Avis aux Refugiés.
» Les Rois dépendent- ils de Dieu feul, vous
» demande-t- on ? C'eft felon , répondez-
» vous : Sil s'agit de diffamer les Papes
nous l'affirmons. S'il s'agit d'exclure
» du trône quelque Prince defagréable aux
» Proteftans , nous le nions »..
Mais , il ne s'agilloit point aujourd'hui de
l'indépendance des Rois & des nations :
elle n'eut jamais de plus zélés défenteurs que
l'Eglife Gallicane. Aucun de fes Membres
n'eft affez abfurde , pour difputer au fouverain
la pleine puiſſance fur les objets temporels
. La queftion agitée confiftoit donc à
favoir fi , dans aucune communion Chretienne
, l'autorité civile doit rég er la ditcipline
rccléhaftique fans contulter l'Eglife ?
Cependant , d'ignorans Ecrivains parlent
fans ceffe de ce démêle , dont is ne connoiffent
pas même les élém- ns , comme
des attentats de Grégoire- le Grand , ou de
Sixte-Quint fur le temporel des fouverains ?
Ils reflufcitent tout ce qu'à écrit Voltaire
contre ces ufurpations de la Puillance Eccléfiaftique
, & ils l'appliquent à la conteſta- .
( 219 )
mblée
tion du Clergé avec l'Affemblée nationale.
Sans prétendre juger celle ci , & en gardant
le filence fur la nature de ſes opérations
, on apperçoit combien il eut été
facile de prévenir cette difcorde , & les
mefures violentes auxquelles on a été conduit.
Le Clergé eut ratifié lui même l'abandon
de fes biens & fa conftitution Civile ,
fi on ne l'avoit exclus de toute participation
au jugement de ces facrifices , & compromis
fa foi avec fon contentement . Dira- t -on
qu'il eût perfifté dans fon oppofition , &
rendu cette déférence infructueute ? Alors
le temps feroit venu de déployer les reffources
extrêmes de l'autorité.
Le ferment qu'on vient d'impoſer aux
Fonctionnaires publics , eft une de ces mefures
auxquelles bien peu de Legiſlateurs
fages ont eu recours. Les trois plus exécrables
tyrans dont les noms ayent fouillé les
pages de l'hiftoire , Henri VIII , Philippe II
& Marie , fon épouſe , la prodiguèrent fans
pitié. Le premier , & Marie enfuite , tourmentèrent
les eccléfiaftiques par des fermens :
ils les forçoient de fe parjurer , de mentir
devant Dieu , ou de renoncer à leurs places ,
& fouvent d'aller au fupplice . L'Aflemblée
nationale eft très éloignée de vouloir imiter
cette tyrannie ; mais les fanatiques abulent
de fes décrets pour s'autorifer à l'exercer .
Ils devouent à l'exécration publique , ils
( 220 ) )
interdifent le feu & l'eau , ils repréfentent
comme des traitres à la Conſtitution , ceux
des eccléfiaftiques qui refuſeront de jurer.
Combien il étoit aifé de prévoir cet affreux
déchaînement ! & quel fpectacle que celui
de cette contrainte populaire , impofée à
des actes dont l'impiété a fait le jouer de
la perverfité ! Les plus ardens miffionnaires
de ce ferment civique , n'ont jamais en leur
vie tourné un inftant leur penſée vers la
Divinité , & s'ils la refpectoient , ils frémiroient
de forcer par la terreur , ce con
trat dont l'Eternel eft le vengeur & le
garant.
Nous avons fait obferver plus d'une fois ,
l'emploi que l'on fait aujourd'hui de la lan--
gue comme des excès du defpotime : le fujet
qui a amené les reflexions précédentes nous
en fournit un nouvel exemple. Quelques
Députés , & après eux , les motionnaires , les
écrivains polémiques , les journaliſtés, dé
noncent les eccléfiaftiques nonjureurs , com- i
me des rebelles ; leur refiftance comme un
crime de lèfe nation , leurs expoſés comme
des libelles. Les agens de l'ancien régime
nommoient également rebelles ceux qui réclamoient
contre, l'autorité ; quiconque s'a- '
vifoit de contred re une loi ou de fe plaindre
d'oppreffion étoit affiche incendiaire. Louvois
, le Tellier & la Vrillière out ligué
leurs formules à quelques rhéteurs & aux'
périodiftes.
( 221 )
"
Et où appercevoir cette rebellion , & ce
prétendu fanatifme ? Quoi! on eft rebelle .
en refufant un ferment contre les opinions ,
& on founietrant en même temps , toutes fes
actions extérieures à la loi ? Est - il un feul
des écrits publiés par les Evêques où l'on ait
prêché la révolte contre la conftitution ?
Tous , fans en excepter un feul, ent fait de
lear obéiffance civile la profeflion la plus
énergique.
» Quelle que foit , Kopinion individuelle
> fur les avantages en les inconvéniens de
» tells loi , dir M. l'Evêque d'Alais , dans
» une lettre à un Curé , où refpire l'efprit.de )
» fageffe & de modération , » tous les ci-
>> toyens doivent une foumiffion extérieure
» à tout ce qui porte les caractères aparens,
» de la loi , & le privilége le plus honorable .
» des eccléfiaftiques eft de donner l'exémple
d'obéir a
ɔɔ
Tous les Evêques ont tenu le même langage.
Prétend on leur interdire les gémif-
Imens, & fammes nous revenus au temps ,
de Tibère , où les pleurs étoient un crime de
lèfe majefté? Que fignifient ces expreffions
répét es de réf ſtance , & de révolte ? La loi légitime
lasteae refiftence que fe foit permis.
le Cle mes les droits inaliénables de fhomme
four legitimée avant la loi . Elle confile
a appeller les droits , à difcuter fes
titres , à répondre à fes adverfaires , à maintenir
la liberté de fes opinions , à repré(
222 )
fenter les injuftices dont on croit avoir à
fe plaindre , & à s'interdire de concourir
à l'exécution d'une Loi que la conſcience
défaprouve , comme à s'interdire d'y défobéir.
Le fait même répond à ces calomnies.
Où le Clergé a-t- il prêché la révolte contre
la conftitution ? Quels bras a - t- il armés ?
quel ami de la Révolution eft tombé fous
le fer de fes miffionnaires? Un feul Eccléfiaftique
a t - il été trouvé , jugé coupable de
ces crimes ? qu'elles font ces manoeuvres
qu'on leur reproche ? Les prifons fans ceffe
ouvertes des Comités des Recherches ren- :
ferment- elles des Prêtres perturbateurs ? Si
cette claffe entière de Citoyens à échappé à
la furveillance de cet effrayant Tribunal ,
fi tant de delations infames confignées dans
les Feuilles publiques , n'ont pas amené la
recherche & la preuve d'une émeute ,
d'une égratignure , dont on puiffe accufer
le fanatifme religieux , que deviennent
cès imputations dont les preffes du menfonge
inondent le Royaume ?

L'emportement frénétique qui menace
le Clergé , nous a dicté ces réflexions :
elles n'ont d'autre but que de ramener
les efprits à l'humanité , à la douceur , &
à cette tolérance , dont à chaque inftant ,
l'ivreffe générale abbat le fimulacre. Laiffons
une fois en paix les fcrupules & les
opinions que les tribunaux puniffent les
( 223 )
actions contraires à la loi , & veillent fur
ceux qui tenteroient d'en troubler l'exercice
; mais que la tyrannie, populaire leur
laiffe fon fceptre dégoutant de fang.
Le plus für moyen de conduire les eccléfiaftiques
au ferment exigé , c'eft de leur
faire aimer le Gouvernement qui leur en
impoſe la condition. Et ne doit pas , au
moins , quelque reſpect au malheur ! n'en
doit-on pas à des hommes , qui , fans replique
ont confondu les reproches calomnieux
de mondanité , d'avarice , de faſte ,
en renonçant volontairement même aux
débris de leur exiſtence , en donnant un
exemple de renoncement ; fi honteux pour
de prétendus Patriotes , qui chériffent dans
la révolution les places & la fortune dont
elle les a dotés .
La Municipalité , l'ordre public , & le
peuple de la capitale , viennent de faire
une perte prefque irréparable dans la perfonne
de M. de Vauxvilliers. Cet Adminiftrateur
au zèle duquel Paris a dû fes
approvifionnemens dans les jours critiques
de l'année dernière , a donné fa démiflion
& renvoyé fon écharpe , à la fuite de circonftances
, & par des motifs dont nous
ne parlerons pas en ce moment . L'appli
cation , l'intelligence , l'infatigable activité
& le vrai patriotifme auroient diftingué
M. de Vauxvilliers de la foule de ces Of
ficiers éphémères , dont une baffe popula(
224 )
rité fait le feul talent comme le feul mérite
; mais il joignoit à ces qualités , des
vertus bien plus rares , une probité courageufe
, un caractère ferme , une haine .
inflexible pour les fcélérats politiques. Plus
d'une fois on l'a vu en impofer à la multitude
furieufe , par cette contenance de la
vertu, qui ne s'intimide , nir de la mort ,
ni des menfonges de l'opinion. La pofiérité
faura que M. de Vauvilliers follicita
avec éloquence la fuppreffion de ce Comité
des Recherches de la ville , dont la ténébreuſe
ſévérité n'a jufqu'ici atteint que des
innocens. Pénétré des études de l'antiquité,
cet Adminiftrateur femble en avoir le caractère;
mais il avoit un grand tort aux
yeux de notre fiècle , celui d'être religieux..
A la conférence qu'eut dernièrement le
Roi avec les Administrateurs des. fubfiftances
, S. M. témoigna à M. de Vauxvilliers
l'estime qtil avoit pour fes fervices.
& pour fa perfonne..
Lorfque nous, rendimes compte du rapport de
M. Chabroud , fur la procédure du châteler , &
du difcours de M. de Mirabeau , nous amon
çames que M. Mounier ne garderoit pas le
Gience . Il vient de parler, de lever les derniers voiles,
de ces horribles attentats , dans un ouvrage de
350 pages , fous le titre d'appel au Tribunal de
l'opinion publique , du rapport de M. Chabroad ,
&c. & nouveaux éclairciffèmens fur les crimes du
s & du 6 Octobre 1789. Ce livre fixera l'opinion .
de l'Europe & de l'Hiftoire. Ce n'eft point is un.
( 225 )
t
ל כ
écrit anonyme ; fon auteur a été au centre des
mouvemens , il en a fcruté les acteurs , il prédoit
l'Affemblée nationale dans ces momens dépletables
qu'il caractériſe en difant que : » lorfque la
» juſtice & la raiſon auront repris leurs droits , les
» François compteront ces jours , chaque année ,
au nombre des jours malheureux , & les deftineront
à un deuil général , à des expiations fo-
» lemnelles »», 'Non- ſeulement M. Mounier a analyfé
la procédure , & la confronte par- tout au rapport
de M. Chabrowd qui reſte écralé fous cette
vérification ; mais il porte encore la même lumière
fur les défenſes de MM . d'Orléans & de Mirabeau
. Aux preuves tirées des témoignages , à la
force des raifonnemens , il a réuni un grand nomibre
de détails intéreffans & d'anecdotes inconnues,
qui ne permettent plus de doutes à tout Lecteur
impartial .
On fait que les avocats de M. le duc d'Orléans
ont appellé , dans leur mémoite , le départ
de M. Mounier un acte de lâcheté qui l'a dés-
"honoré. « Dans quel temps fommes - nous done ,
grand dieu ! s'écrie Fauteur , où M. le duc
a Orléans & les avocats qui lui ont vendu leur
plume , ofent prononcer fur Phonneur ! Et n'a-t-il
pas craint un parallèle entre fa fuite en Angleterre
, & mon retour en Dauphiné ? » M. Mou-
Hier fait enfuite de parallèle,
Les amis de M. Mirabeau & lui - même ont
fouvent célébré les invariables principes de ce député.
M. Mounier penfe , au contraire , que M.
Mirabeau n'a ni n'eut jamais , depuis l'ouverture
de l'Affemblée , un feul principe : ille prouve ,
non par des raifonnemens , mais par le rapproche-
'ment des diverfés opinions de M. de Mirabeau ,
felon les circonſtances : c'eſt un' recueil de contta(
226 )
dictions ; il eft fidèlement extrait des Journaux
même de M. de Mirabeau & de ceux de l'Affemblée
nationale,
Je ne me ferois jamais attendu , dit l'Auteur
vers la fin , qué M. Chabroud pût me regarder
comme un fauteur de l'efclavage , & lui - même
fe compter au nombre des amis de la liberté. Je
connois M. Chabroud ; il eft député du Dauphiné ;
il étoit membre des Etats dont j'avois été nommé
Secrétaire par les affemblées de la province. Dans
le temps où des Miniftres infenfés avoient conçu
cet abfurde projet de Cour Plénière , auffi contraire
à la liberté du peuple qu'à l'autorité du
Roi , il étoit en Dauphiné un des foutiens de
leur defpotifme : il étoit à la tête d'un parti ,
qui , dirigé par l'influence miniftérielle , cherchoit
à rendre vains tous les efforts des bons citoyens.
Quand il les vit triompher , il ne pût réfifter
au defir de partager leur fuccès. Il fe foumit au
parti le plus fort , devint membre des Etats , & fucceffivement
fut député aux Etats - Généraux , ou ,
fidèle à fon caractère , il a long -temps gardé le
filence , afin de reconnoître avec plus de certitude le
fyftême qui prévaudroit , fi ce n'eft pas ainfi que
M. Chabroud s'eft conduit en Dauphiné , dites
lui de faire attefter le contraire par les autres
députés de cette province , & s'il obtient d'eux
une réponſe favorable , je me charge d'y répondre
cer
Dans ce livre , écrit avec la mâle fimplicité ,
& la candeur qui caractériſent l'ame de M. Mounier,
il annonce un autre ouvrage plus confidérable
, & que nous favons être déjà très- avancé :
il a pour titre & pour objet << la Recherche
des caufes qui ont empêché les François de
» devenir libres , & des moyens qui leur reftent
» pour acquérir la liberté »..
(( 227 )
EX
གས་
Dans fon dernier rapport fur l'injufte
détention de M. Mignat de Buffy , que de
fots gazetiers s'obſtinent à nommer M. de
Bourbon Buffet , M. Voidel a énoncé un
- nouveau dogme de notre liberté moderne.
Pour foulager fa confcience des trois mois
de détention illégale au fecret , précédée
d'un enlevement éclatant & de la plus
dangereuſe tranſlation , qu'il a fait fubir , à
M. de Buffy , il trouve que cet empriſon
nement eft une expiation de l'imprudence
qu'eut M. de Buffy , d'avoir chez lui quel
ques fufils & quelques uniformes verds ,
dans une province couverte des cendres
de châteaux incendiés . Ainfi , l'imprudence
eft maintenant un délit criminel puniffable
par trois mois de prifon . Les droits de
l'homme ont confacré la réſiſtance à l'injuftice
& à l'oppreſſion ; mais , fuivant le
Comité des Recherches , les précautions de
réfiftance aux brigands & aux incendiaires
ne font pas légitimes. C'eft au moment où
le Quercy eft éclairé des torches des fcélérats
, où les Municipalités fléchiffent indignement
devant eux , où la force publique
ne peut protéger que ceux qui n'ont
pas befoin de protection , qu'on hafarde
cette théorie à la tribune de l'Affemblée
nationale. M. de Buffy a été victime de
deux fauffaires & de la coupable légéreté
d'une Municipalité : ces fauffaires ni cette
Municipalité ne font l'objet d'aucune recherche.
((-228 ) )
"
Les gazetiers ont fait revenir à Paris
M. le Comte d'Artois , enfuite des enfans.
Ils avoient mé blé Chantilly pour la réception
de M. le Prince de Condé ; ils ont
nreublé le Temple pour celle du Frère de
S. M. Chaque jour , ils rapportent des lettres
de Turin , de Chambery , de Milan ,
fabriquées dans les Clubs de Paris , ou par
des efpions qui volent leurs gages , Tous
les matins on nous donne ces bulletins
comme l'hiftoire fecrète des Princes. Le
Roi de Sardaigne donne - t - il un confeil
à fon gentre ? Le jour même , il charge
fon Secrétaire d'Etat d'en inftruire les nouvellistes
de Paris . Les couriers qui vont
viennent , écrivent furde devant de leurs
bonnets le contenu de leurs dépêches , enforte
que les compilateurs- des fottifes courantes
, puiffent les tranfcrire fans fe tromper.
4
Destout ce fatras débité depuis trois femaines
, il n'y a de vrai qu'un voyage de
M. le Comte d'Artois , qui , après un court
féjour à Venife , doit , dit- on,, paffer en
Allemagne le refte de l'hiver. On affure que
-M. le Prince de Condé fera le même voyage.
'MM. Foreft , Curé d'Uffel en Limousin , Pel
Megrin , Curé de Sommerecourt, Rouffel , Curé de
Blariugham , Simon , Curé de Woël , Breuvart ,
Curé de Douay , & Méchin , Curé de Brains , tous .
Députés , & qui d'abord avoient prêté un ferment
imitatif , kont retiré par leurs lettres au Préſident
stde l'Affembléernationale : lettres que le défaut
-ad'efpace nons empêchede tranferire aujourd'hui .
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE
POLOGNE.
De Varfovie, le 27 Décembre.
LA Diète actuelle , renforcée par de nouveaux
Nonces élus dans les dernières affemblées
comitiales , s'eft rouverte le 16 de ce
mois. Les nouveaux Députés ont accédé à
l'acte de confédération générale ; après quoi
on a vérifié les pouvoirs. Dans la féance
du 20 on a commencé les délibérations
fur la forme du Gouvernement.
Trois Corps Ruffes confidérables ont
ouvert le fiége d'Imaïlow , bloqué fur le
Danube par la flotille de l'Amiral Ribas.
On n'apprend point que cette opérarion
ait décidé le Grand- Vifir à aucun mouvement
s'il perfifte dans fon inaction , If
No. 4:22 Janvier 1791, L
( 230 )
:
maïl fera enlevé avant la fin de la campagne
; mais cette conquête pourra être trèsmeurtrière.
Ces revers de la Porte ne femblent
avoir produit aucun changement dans
les difpofitions de cette Puiffance & de fes
Alliés le Congrès de Sziftove eft en pleine
activité ; l'on parle de nouvelles propofitions
du Prince Potemkin. En attendant le fort
de ces négociations , celle de notre Ambaffadeur
à Conftantinople a amené le
Traité d'Alliance dont nous avons extrait
la fubftance , & que nous allons maintenant
tranſcrire en entier.
que
Comme les événemens , fur-tout depuis l'épo
de l'alliance entre les cours de Vienne & de
Pétersbourg , ont pleinement juftifié que les intérêts
de la Porte Ottomanne & de la République
de Pologne font dans une intime liaiſon ; comme
la moindre atteinte portée aux intérêts de l'une
de ces puiffances affecte également ceux de l'autre
, ainfi que l'expérience l'attefte ſuffiſamment ,
la Porte & la République ont jugé convenable
de confirmer les conventions fubfiftantes d'après
la teneur du traité de Carlowitz , & pour leur
fûreté & leur confervation communes , d'affermir
leurs liaiſons par un nouveau traité . A ces
caufes , les Miniftres refpectifs chargés de pouvoirs
à cet effet font convenus des articles fuivans
:
1º. L'amitié entre la Porte Ottomanne & la
République de Pologne fera perpétuelle , & leur
alliance aura pour objet l'intégrité de leurs états
refpectifs , leur bien- être & leur fûreté mutuelle ,
la liberté , la fouveraineté , l'indépendance de
( 231 )
la République , & l'éloignement de toute influence
étrangère fur les droits de fouveraineté . Par conféquent
, fi la maiſon d'Autriche & la Ruffie enfemble
, ou l'une ou l'autre de ces puiffances
féparément , déclarèrent la guerre à la Porte Ottomanne
, à la République de Pologne & aux
cours alliées de la Porte , ou bien fi elles intervenoient
dans les affaires , les intérêts , les droits
& les poffeflions de leurs états refpectifs , les
deux puiffances contractantes s'engagent dans ces
cas à s'affifter & à fe défendre réciproquement.
20. A l'égard de l'intégrité ou de la défenſe
de l'une ou de l'autre des puiffances contractantes
, on fuivra plutôt l'effence ou la nature de
ce traité , que fa forme ; ainfi le Cafus fæderis
aura lieu , non-feulement lorfque l'une ou l'autre
des deux puiffances contractantes feroit attaquée
par la Ruffie ou par la maifon d'Autriche , mais
auffi lorfque l'une ou l'autre de ces dernières
puiffances feroit des préparatifs hoftiles , ordonneroit
des levées extraordinaires de recrues , &
menaceroit ainfi d'une attaque , &c . Dans ce cas ,
on commencera d'abord à employer les bons offices
pour les faire ceffer , & s'ils reftent fans
effet , on fe donnera le fecours convenu trois
mois après qu'il aura été requis par la puiſſance
attaquée ou menacée de l'être , & ce fecours
confiftera en troupes pour les employer à en faire
une diverſion dans le pays ennemi , ou bien en
argent.
la
3 °. Quant à l'affiftance avec des troupes ,
Porte Ottomanne & la République s'engagent à
s'aider , favoir ; la Porte avec 30,000 hommes
de cavalerie fur la réquifition de la République ,
& la République à la réquifition de la Porte avec
20,000 hommes , moitié cavalerie & moitié in-
L 2
( 232 )
fanterie ; on fournira en outre l'artillerie néceffaire
à ces troupes . Si l'une ou l'autre des parties
contractantes avoit befoin d'un fecours plus confidérable
, la Porte l'augmentera jufqu'à 45,000
hommes de cavalerie , & fournira en même temps
une augmentation proportionnée d'artillerie ; la
République portera de fon côté l'augmentation
fur le même principe de proportion . Dans le cas
où le nombre de ces troupes ne feroit point fuffifant
, les deux puiffances contractantes s'affifteront
de toutes leurs forces. Si la puiffance menacée
préféroit l'argent aux troupes , il lui fera
payé par an 20,000 ducats d'Hollande pour 10,000
hommes d'infanterie & 26,666 ducats four autant
d'hommes de cavalerie ; ce fecours en argent
fera fourni par mois s'il eft réquis ainfi .
4°. Les deux parties contractantes fe garantiffent
réciproquement les poffeffions qu'elles auront
après le rétabliſſement de la paix , ainfi que
leurs droits refpectifs de fouveraineté.
1º. Les ftipulations relatives au commerce
& le traité de Carlowiz conclu en 1699 , feront
fuivis & exécutés comme s'ils étoient inférés dans
le préſent traité .
6°. Pour l'avantage de commerce & pour entretenir
l'amitié , la République aura conftamment
un Miniftre auprès de la Porte ; les
fujets de la République jouiront dans ces états
de la Porte Ottomanne de toutes les prérogatives
dont y jouiffent les nations les plus favorifées .
telles que l'Angleterre & la France .
7°. Tout ce qui fera arrêté entre les deux parties
contractantes par des actes féparés fera exécuté &
regardé comme faifant partie du préfent traité.
8°. La Porte Ottomane & la République consourront
lors de la pacification , à tout ce qui
>
( 233 )
peut accroître le bien des deux nations . Le Roi
de Pruffe & les puiffances maritimes ferons
requis de garantir la préfente alliance.
9°. Ce traité fera ratifié à Conftantinople dans
trois mois ou plutôt s'il eft poffible .
On a ajouté à ce traité plufieurs articles fecrets .
FRANCE.
De Paris , le 19 Janvier.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M. Emmery.
Du lundi , 10 janvier.
Après la lecture du procès - verbal l'Affemblée
a décrété que les porteurs de créances fur l'Etat
dont le remboursement eft ordonné , feront payés
des intérêts defdites créances , dans le cas où ces
intérêts n'auroient pas cours d'ailleurs , du moment
où ils auront préfenté leurs titres au Bureau
de liquidation , jufqu'au moment où le rang dans
lequel le paiement doit s'effectuer , fera arrivé.
M. l'abbé de Marolles a dénoncé une inftruction
paftorale de M. l'Evêque de Strasbourg ,
« ouvrage , a -t- il dit , auffi méprifable que fon
autcur » . La décence de ces expreffions a trouvé
des approbateurs : telle eft la noble fierté de
ftyle qui convient à des ames élevées par la
liberté. L'on a renvoyé l'inftruction au Comité
des Recherches .
Oubliant trop que le fuccès des décrets conftitutionnels
ne devroit jamais paroître tenir à des adhefions
individuelles , toujours fufpectes lorf-
L 3
( 234 )
1
qu'elles font fuperflues & qui confument un temps
précieux , le Préfident n'a pas dédaigné de lire
une adreffe de quelques eccléfiaftiques non-fonctionnaires
publics , fe difant réfidans dans l'arrondiffement
de la Paroiffe de Saint - Sulpice de
Paris , fignée , Soulavie leur envoyé ; ils appellent
la nouvelle couftitution du Clergé le
triomphe de la religion primitive ; la majorité
des Evêques & des Curés du royaume : nos frères
feparés ; les Décrets de l'Affemblée : l'appui des
premiers canons .
On a repris la difcuffion fur l'impôt du timbre .
M. Ræderer auroit bien voulu démontrer que ce
nouvel impôt , ajouté à celui de l'enregistrement
où font englobés tant d'objets qu'embraffe ailleurs
le droit du timbre , offriroit un grand bénéfice
aux citoyens ; attendu que la munificence du
Comité fupprimoit le parchemin & doubloit le
nombre des lignes , des mots , des fyllables qui
pourront entrer dans une page . Selon M. Moreau ,
les gages des Commis -compteurs de lignes & de
fyllabes , abforberoient le produit . M. Lanjuinais
a vu des difficultés à déterminer le nombre des fyllabes
; certains mots en ont , en effet , arbitrairement
une de plus ou de moins & 300 liv.
d'amende pour une contravention grammaticale
feroient une punition bien cruelle . Auffi M. Caf
tellanet la bornoit- il à 30 liv .
>
Le comité ayant trouvé très-immorale la difpofition
qui , dans l'impôt du timbre confenti par
les notables , prononçoit la nullité des lettres- dechange
non-timbrées , a imaginé , pour y fuppléer
, l'expédient de faire partager l'amende entre
le tireur & les endoffeurs , pour intéreffer
ceux- ci à dénoncer la fraude . M. le Couteulx a
demandé que les lettres- de- change venant de
( 235 )
l'étranger ne fuffent point affujetties au droit du
timbre , & a cité l'exemple de l'Angleterre queles
repréſentations du commerce ont forcé d'abroger
cette difpofition qui nuifoit à tout ,
tardoit les expéditions d'un courier , & c. L'article
n'en a pas moins été adopté. Nous allons tranfcrire
de fuite les premières parties de ce Décret.
PREMIÈRE PARTIE.
re-
« Art. I. A compter du premier avril prochain
, la formule fera abolie , les timbres maintenant
en ufage feront fupprimés , les papiers ou
parchemins qui s'en trouveroient marqués , ne
pourront être employés qu'après avoir été contre
-timbrés du timbre qui fera ci - après établi ,
& il fera libre à tout particulier qui en feroit
pourvu , de les rapporter dans trois mois , à compter
du jour de la publication du préfent décret ,
à la Régie qui lui en rendra le prix.
« II. A compter de la même époque , & dans
toute l'étendue du Royaume , la régie de la formalité
de l'enregistrement fournira exclufivement ,
& au profit du Tréfor public , pour tous les actes
qui feront ci-après indiqués , des papiers marqués
de nouveaux timbres , & dont les prix feront
déterminés par le tarif annexé au préfent décret .
» III. Seront écrites fur papier timbré ,
« 1 °. Toutes les minutes & les expéditions
d'actes qui , foit en minute , foit en expédition ,
dans tous les cas , ou dans quelque cas feulement
, font foumis à la formalité de l'enregistrement
, en vertu du décret du 5 décembre dernier,
2º. Les minutes & copies fignifiées des jugemens
des Juges de Paix , & les minutes des actes
de procedure & inftruction des inftances .
>
3 °. Les regiftres des Municipalités pour tout
L. 4
( 236 )
3
de qui concernera leurs affaires , & fera étranger
aux fonctions publiques qui leur font déléguées
par les loix ; les regiftres des univerfités , ficuttés
, colleges , hôpitaux , fabriques ; ceux des vieaires
, curés , évêques , métropolitains ; ceux da
adminiftratears , Cyndics , marguilliers , fabriciens ;
ie eveurs des droits & des revenus des villes &
hôpitaux ; ceux des notaires , huifiers & autres
efficiers ministériels , greffiers & concierges des
prifons & autres lieux de détention ; ceux des
Courtiers , agens- de - change , & de toute perfonne
ou corps revêtu d'un caractère public , & obligés
, par les règlemens , à tenir des regiftres .
ос
4° Les expéditions , extraits , copies certifécs
de tous les regiftres mentionnés en la fection
precédente , & qui feront delivrées à des parriculiers
; & en outre , les lettres & commiffions
de chancellerie , les expéditions , extraits & copies
de regiftres , procès- verbaux , delibérations des
corps adminiftratifs & des municipalités , ainfi que
les certificats , paffe - ports & autres actes , ou
pièces formant titre à l'avantage ou à la décharge
de quelque particulier .
כ כ
le
5. Les quittances de rentes payées par
Tréfor public , celles des droits d'entrée & fortie
du Royaume , celles des droits des villes & de
toute contribution indirecte.
6 °. Les regiftres des négocians , marchands ,
artifans , fabricans , banquiers , commiffionnaires ,
entrepreneurs de travaux , fournitures & fervices
publics ou particuliers , agens d'affaires , directeurs
& fyndics de collèges de créanciers , & tous regiftres
prefcrits par les loix du commerce .
37°. Les lettres -de- change , même celles qui
feroient titrées par feconde , troifième , & duplicata
; billets à ordre ou au porteur , mandats 2
( 237 )
I
I
refcriptions , & généralement tous les écrits portant
promeffe ou mandement de payer des fommes
determinées , & qui circulent dans le commerce
, même les endoffemens & acceptations de
pareils effets venant de l'étranger , lefquels feront
préfentés au timbre ou au vifa dans la première
Place de France où elles devront être endoffées ,
& payeront feulement la moitié du droit impofé
fur les effets de même valeur faits en France.
« IV. Les lettres de voiture fous feing-privé ,
les comptes des fabricans , négocians & banquiers
entr'eux ; les factures ou lettres qui en tiendront
lieu , des fabricans , marchands , commiffionnaires
& autres. ; les mémoires d'ouvriers , marchands
fourniffeurs , entrepreneurs ; les extraits de livres ,
ou de correfpondance , feront affujettis au timbre
ou au vifa , dans le cas feulement où ils ont
fervi de titre à quelque demande ou action en
juftice , ou feront . produits par forme ou pour
moyens d'exception , ou autrement .
Сс
«V. Les papiers deftinés à des lettres- de - change
ou autres mandemens de payer , aux quittances
comptables & autres fournies pour rentes payées.
par le Tréfor public , aux quittances des droits
d'entrée & des octrois des villes & autres contributions
indirectes , feront marqués de timbres
d'un format propre à leur deſtination , dont les
prix feront fixés par le tarif.
» Il fera libre d'ufer pour tout autre acte , regiftre
, pièce ou écriture affujettie au timbre de
papier , de telle dimenfion que l'on voudra . Les
bureaux de la Régie feront pourvus de papiers.
de divers formats , dont les prx feront déterminés
par le tarif.
« A l'égard des papiers deftinés aux expéditions
de tous les actes civils paffés en forme
( 238 )
authentique , à celles des jugemens des Tribunaux
& aux autres actes expédiés en breve
ils feront marqués de timbres particuliers , &
feront payés au double de papiers de pareil format
, deſtinés à des minutes ou à des actes fous
feing- privé.
VI. Les particuliers qui voudront fe fervir
de parchemin ou d'un autre papier que celui de
la Régie , pourront le faire timbrer avant de s'en
fervir. Il y fera appofé un timbre extraordinaire
, relatif à la claffe & à la nature des actes
auxquels ce papier ou parchemin ſera deſtiné.
Il fera payé pour le timbre extraordinaire le
même prix que pour le papier de la Régie de
même deſtination & de même mefure ; fi les papiers
préfentés au timbre font de dimenfions differentes
de celles de la Régie , le timbre en fera payé
au prix du format fupérieur .
VII. Les papiers employés à des expéditions
ne pourront contenir , compenfation faite d'une
feuille à l'autre , plus de lignes par page qu'il ne
va être déterminé , favoir :
» Par page de petit papier , 20 lignes .
Par page de papier moyen , 27 lignes .
» Par page de grand papier , 30lignes.
VIII. Le papier ou parchemin timbré qui
aura été employé pour minute ou expédition , ne
pourra plusfervir quand mêmeune autre minute ou
expédition auroit été commencée .
२२
L'empreinte du timbre ne pourra être couverte
d'écriture ni altérée ,
» Il ne pourra être fair ni expédié deux actes
à la fuite l'un de l'autre fur la même feuille
nonobftant tous ufages & règlemens contraires ,
à l'exception des actes de ratification , d'autres
actes paffés en l'abfence des Parties , des quittances
( 239 )
de ventes , de directions , de créanciers de rembourſement
, de contrats de conftitution ou obligation
, des inventaires , procès- verbaux & autres
actes qui ne peuvent être confommés dans un feul
jour & dans la même vacation.
» Les Huiffiers ne pourront mettre deux fignifications
ou exploits d'affignation & autres actes
fur une même feuille de papier timbré , cependant
ils pourront donner en tête l'exploit , &
écrire fur les fentences ou jugemens les premières
fignifications des pièces .
IX. Les expéditions des actes civils & judiciaires
qui feront délivrées , à compter du premier
Avril , dans les lieux où la formule n'étoit
pas établie ne pourront être faites que fur
timbré .
papier
X. Les perfonnes , Corps ou Con.munauté
dont les regiftres font affujettis au timbre par le
préfent Décret , feront tenues , dans les trois mois
qui fuivront fa publication , de faire timbrer à
l'extraordinaire , ou marquer d'un viſą , toutes les
feuilles qui , à l'expiration de ce terme , n'auront
pas fervi.
» XI. Moyennant le paiement du droit de
timbre & des amendes qui feront ci -après dérerminées
, felon les cas , tout acte , expédition ou
écrit affujetis à être fait fur papier timbré , &
qui ne le feroit pas , ou le feroit fur papier marqué
d'un timbre différent de celui qui lui eft propre
, pourra être marqué à l'extraordinaire ou
vifé .
}
» XII . Tout Officier ou fonctionnaire public
qui , dans la minute ou l'expédition de quelque
acte civil ou judiciaire , aura commis une contravention
au préfent Décret , fera refponfable en
dommages - intérêts envers les parties , & fera
L 6
( 240 )
condamné à une amende de 100 livres pour la
première fois , & à une amende de 300 livres
en cas de récidive .
» XIII. Tout particulier qui ne fe fera pas fervi
de papier timbré pour les actes privés , regiftres ,
pièces & écritures qui y feront affujetis , & autres
que les lettres-de change & mandement de payer
dont il fera fait mention dans l'article fuivant ,
fera condamné à 30 livres d'amende , & fera
tenu d'acquitter cette amende , de faire timbrer
ou vifer ces pièces , actes ou écritures , & de
payer le droit de timbre avant de pouvoir en
faire ufage en Juftice , à peine de nullité de
toute procédure , & de tout jugement & exécu →
tion qui pourroient avoir lieu en conféquence.
» XIV. Les porteurs de lettres - de - change &
autres mandemens de payer , non marqués du
timbre auquel ils font affujetis , ne pourront les
endoffer qu'après les avoir fait timbrer à l'extraor
dinaire , oa vifer..
» Les tireurs , endoffeurs & accepteurs de
fettres - de- change & mandemens de payer fait en
Erance & non - timbrés du timbre auquel ils font
affujetis , les endoffeurs & accepteurs de pareils
effets venant de l'Etranger , feront condamnés
folidairement au paiement du droit & à l'amende
du dixième du montant de ces ecfffets..
» Le droit de timbre & moitié de l'amende du
dixième feront fupportés , pour les effets tirés de
France , par le tireur ; le furplus de l'amende ,
par l'accepteur & les endoffeurs domiciliés en
France ; & pour les effets tirés de l'Etranger la
néceffité de l'amende & le droit du timbre par le
premier accepteur domicilié en France ; l'autre
moitié par l'endoffeur , à peine de ........ Ces
( 241 )
effets ne pourront être reçus à l'enregistrement ,
à peine de o liv . d'amende , ni produits en
juftice , à peine de nullité de toute procédure
& de tout jugement & exécution qui pourroient
avoir eu lieu en conféquence .
x
» Les porteurs de pareils effets qui les feront
timbrer à l'extraordinaire ou vifer , feront l'avance
du droit & de l'amende , & auront leur
recours contre les tireurs , accepteurs & endoffeuis
.
» XV. Les prépofés de la régie ne pourront , à
peine de so liv . d'amende , admettre à l'enregiftrement
des expéditions d'actes judiciaires , fi elles.
ne fout dans les formes réglées par le préfent
Décret.
ad-
» Ils ne pourront , fous la même peine
mettre à l'enregiftrement aucun exploit , fignification
, & autres actes de pourfuite , faites en
exécution d'expéditions délivrées par les Notaires ,
fi ces expéditions ne font repréfentées , & ne font
dans les formes prefcrites.
?
Ils ne pourront , fous la même peine , enregiftrer
aucun des actes , pièces ou écritures foumifes
au timbre , s'il n'eft timbré du timbre auquel
il eft affujetti , & s'il y a plusieurs actes
écrits fur une même feuille , ou que cette feuille
ait déja fervi..
» Ils ne pourront enfin , & toujours fous les
mêmes peines de so liv . d'amende , admettre à la
formalité de l'enregistrement les protets de lettresde-
change & mandemens de payer , que fur la
repréfentation de ces effets en bonne forme .
» XVI. Aucun Huiffier ni Officier ministériel
ne pourra faire de fignifications , pourfuites &
exécutions , en vertu d'expéditions informes , tant
d'actes civils , que d'actes judiciaires , ni protets
( 242 )
exploits ou fignifications pour raifon d'effets ,
actes , titres , pièces , écritures , fous - fignature
privée , affujettis au timbre, & qui ne feroient pas
marqués de celui auquel ils font affujettis ; & en
cas de contravention , il fera condamné en fo liv.
d'amende pour la première fois , & soo liv. d'amende
pour la feconde , & pour la troisième fois ,
fi elle eft commiſe dans la même année , en 500 liv .
& à l'interdiction pour un an en cas de récidive
& fera tenu des dommages-intérêts des parties
pour raifon des nullités prononcées par le préfent
Déeret ,
30 XVII . Aucun Juge ou Officier public ne
pourra coter & parapher les regiftres affujettis au
timbre par le préfent Décret , fi les feuilles n'en
font timbrées , & ce , à peine de 500 liv . d'amende
pour chaque contravention , & de 1000
liv. , & interdiction pour un an , en cas de récidive.
2 ›
» XVIII. Les Juges n'auront aucun égard aux
effets de commerce actes pièces , écritures
régiftres & extraits d'iceux foumis au timbre par
les articles précédens , sils ne font écrits fur papier
marqué du timbre auquel ils font affujétis ,
ils ne pourront rendre de jugement fur ces actes
à peine de nullité de leurs jugemens , de toutes
pourfuites & fignifications faites en conféquence .
Les Commiffaires du Roi , près des Tribunaux ,
veilleront à l'exécution du préfent Décret.
» XIX. Scront exceptées des difpofitions du
préfent Décret , les quittances fous fignatures
privées , entre particuliers , de créances au- deffous
de 25 liv. & au-deffus , lefquelles pourront être
fur papier non timbré ; mais il ne pourra être
doané plufieurs quittances fur une même feuille
de papier timbré , pour à- compte d'une feule &
( 243 )
1
même créance , ou d'un feul terme de fermage ou
loyer au-deffus de 25 liv . 7 fois.
Les quittances qui feront données fur
une même feuille de papier timbré , n'auront
pas plus d'effet fur papier non timbré que fi elles
étoient fur papier libre , & les particuliers qui
voudront faire ufage defdites quittances , feront
affujétis aux mêmes peines que pour les actes écrits
fur papier non timbré .
Seront pareillement exceptées les copies des
pièces de procédure criminelle , qui , aux termes
de l'article XIV . des Décrets des 8 , 9 Octobre
doivent être délivrées fans frais & fur papier non
timbré à l'accufé,
2
» XX. La régie fera afficher , dans chaque
bureau de timbre , le préfent Décret , avec le tarif
joint & l'empreinte des différens timbres qui feront
en uſage , à peine de 100 liv . d'amende pour
chaque contravention.
» XXI. L'Affemblée nationale charge fes Comité
de Conftitution , de Jurifprudence criminelle
& des Contributions publiques , de rédiger un,
projet de Décret concernant les peines à affliger
aux contrefacteurs de faux timbres & faux papiers ,
& à ceux qui feroient commerce de papier timbré ,
fans y avoir été autorisés par la régie».
A la fin d'une lecture rapide du tarif , M. de
Delay d'Agier a obfervé que le plan d'impôt &
de perception offert par le Comité pour 1791 ,
loin d'etablir l'équilibre tant promis , & fi défirable
en rempliffant le déficit de 50 à 60 millions
, que les Etats - Généraux étoient appelés à
combler , principal motif de leur convocation
premier objet de leurs mandats , ne laifferoit
au contraire , à la France étonnée , que la
< certitude fi dangereufe de voir l'Affemblée na(
244 )
tionale adopter un déficit réel entre la recette.
» & la dépense , de plus de cent millions , même
en impofant fur les terres l'effrayante taxe de
» 300 millions « .
En homme affuré des réſultats d'un calcul fait.
à tête repofée & non d'après les allégations de
Téloquence populaire , M. de Delay d'Agiér
s'eft chargé de prouver cette afferrion dans toute
la rigueur des termes , & de montrer
1°. Que le tableau du Comité offre l'anéantiffement
de 59 millions de capitaux . Contribution
patriotique 35 millions ; dette de l'Améri
que 4 millions ; vente des tabacs & fels en magafin
, 20 millions , total 59 millions .
2°. Que le Comité commet une erreur de
29 millions fur les évaluations de certains articles
du tableau. Sur le droit d'enregistrement ,
7 millions ; fur les douanes , 12 millions ; , fur
les forêts , 10 millions ; total 29 millions .
3°. Que les dépenfes de la mendicité , oubliées
dans ce tableau , ajoutoient à ces déficit , 15
autres millions ..
Ce qui porte le déficit annoncé à 103 mil
lions.
La conclufion de M. de Delay a été de demander
l'ajournement du tarif du timbre & des
droits de licence , jufqu'après une difcuffion pluslucide
fur l'ensemble , au vrai , des befoins &
des reffources . Il eft effentiel , a - t - il dit , de ne
plus marcher à l'aveugle , car fi vous n'admettiez
aucun impôt indirect fur les confommations ,
vous feriez également obligés d'écrafer les terres
& de forcer ce tarif.
Perfuadé que l'enſemble fe forme de lui -même
des détails traités ifolément , M. de la Rochefou
( 245 )
ault a objecté que le tyftême de M. de Delay
s'oppofoit à la marche des travaux de l'Affemblée
; qu'on avoit décrété que le droit du timbre
fe percevroit dès le rer. avril , que la fabrication
demandoit au moins deux mois ; que plus
en retarderoit la décifion , plus la perception feroit
retardée . M. Barnave a penlé qu'un retard fereit
naître des inquiétudes , que le peuple fuppoferit
à l'Affemblée l'intention de furcharger le timbre
du non-produit des autres impôts . Il s'eft plaint
de la lenteur du Comité à préfenter des plans ,
& en particulier fur le tabac ; il a demandé
qu'on délibérât d'abord fur le tarif du timbre
& qu'immédiatement après l'on s'occupât de la
difcuffion du plan général & de la fubdivifion
du tout.
2
M. de Folleville a propofé de foumettre au
timbre divers effets , comme les actions de la
Caille d'efcompte . Pour difculper le Comité , M.
Ræderer a dit que les plans retardés avoient été
ajournés après les autres travaux fur l'impofition ;
ce qui donne aux délibérations du Corps législatif
une forme circulaire affez étrange. Quelqu'un a
rappellé les 12 millions des loteries , & fe flattant
de couvrir le vice de leur fource par la pureté.
de l'application , on y trouvoit un fupplément
de fecours , que réclameroit peut- être le Comité
de mendicité or ce fupplément n'entre pas dans.
le calcul arrêté ; c'étoit donc, 3. anéantir encore les
12 millions . M. de Liancourt a traité la propofition
de très -dangereux fophifme en morale .
::
Les vues philofophiques n'éclairciffant guèreles
matières de finance , on a lu le procès - verbal
du ferment civique du Curé de Fontenai en
Gâtinois , qui a protefté contre les proteſtations
( 246 )
de l'Eglife Gallicane , & finit par des voeux pour
la fanté des Reſtaurateurs de la nation françoife.
L'Affemblée en ordonne l'inſertion au pro
cès - verbal. Une lettre annonce d'autres preuves ,
que la caiffe de l'extraordinaire a fait , la ſemaine
dernière , pour 9 millions de remboursemens. ,
La motion de M. de Delay , amendée par M.
Barnave a été décrétée , & l'on a vendu quelques
biens nationaux .
Du mardi , 11 janvier.
Hier un décret accorda des intérêts aux créanciers
qui devroient attendre leur tour pour être
payés à la caiffe de l'extraordinaire , & M. Camus
appelloit cela payer à bureau ouvert . M. Rewbell
a remarqué , aujourd'hui , que la nation ne feroit.
pas fûre de fe libérer en adoptant cette meſure ,
& qu'il pourroit fort bien s'écouler deux ans entre
la préfentation des créances & ce payement à bureau
ouvert ; M. Camus a fait un léger changement
à fa rédaction & l'Affemblée l'a décrétée ,
Au non du Comité de conftitution , M. Goffin
a fait incorporer des communautés dans tel diftrict
, en les détachant de tel autre , & diftribuer
des juges de paix & des tribunaux de commerce.
Sur la motion de M. Camus , il a été décrété
que le tréfor public payeroit aux eccléfiaftiques
détenus dans les maifons de fûreté & de charité ,
& à ceux qui font enfermés ou âgés de 70 ans ,
les mêmes penfions qui leur étoient adjugées fur
la caiffe des décimes , fans articuler le montant
des penfions.
Le même rapporteur, organe des Comités concertés
des finances & de liquidation , a formé
une réclamation pour M. d'Orléans , & voici
( 247 )
les faits qu'il a produits . En 1721 , Mademoifelle
Louife - Elifabeth d'Orléans , fille du Régent
, époufa le Prince des Afturies , que l'abjuration
du Roi fon père appella au trône d'Efpagne
& qui mourut Roi bientôt après . Par
le contrat de mariage Louis XV avoit conftitué
en dot à la Princeffe 500,000 écus d'or
payables en trois termes , enforte que le payement
devoit être achevé un an après la célébration du
mariage. En 1724 , cette Princeffe , veuve ,
revint en France . Louis XV donna des lettres
patentes pour la liquidation de ces 500,000 écus
d'or , évalués à 4,158,850 liv . Elles ordonnèrent
que ladite Reine Douairière füt payée annuellement
de la fomme de 207,942 livres 10 foas ,
intérêt du capital au denier vingt . M. d'Orléans
réclame ce capital comme ayant hérité de la
Reine d'Espagne . M. Camus a obſervé que fi le
payement ftipulé par le contrat n'avoit pas été
confommé dans l'année , » c'eft parce qu'on ne
pouvoit pas forcer Louis XV à le faire cc. Mais
à préfent l'état des chofes eft bien changé . On
a décrété que les dettes exigibles feront payées ,
on a des fonds en affignats , il ne s'agit que de
déclarer la dette exigible. M. Camus , fi impitoyable
lorsqu'il a fallu difputer aux penfionnaires
de l'Etat le prix de leurs fervices , M. Camus
qui renvoyoit à la charité de fa famille , un
Officier octogénaire couvert de bleffures , a conclu
à ce que la nation payât à M. d'Orléans ,
4,158,850 liv . , de mois en mois , en quatre paye→
mens égaux à compter du premier janvier 1791 .
Ce n'est pas de ces créances qui peuvent , felon
M. Rewbell , traîner encore deux années .
M. de Folleville a demandé pour les créanciers
le temps de former leurs oppofitions . M. Mar
( 248 )
tineau a foutenu qu'il n'appartenoit pas à l'Affemblée
de faire des liquidations , qu'elle n'avoit
voulu fe charger d'aucune refponfabilité ; & il
a defiré que le rapport fùt renvoyé au bureau
de liquidation . Je ne vois pas pourquoi , répondoit
M. Camus , on y renverroit la créance de
M. d'Orléans déjà liquidée par l'autorité qui
exerçoit alors le pouvoir légiflatif ; pouvoir que
le même M. Camus a tenu fi fouvent comme
illégitime & nul en s'entourant de malheureux ,
en leur enlevant le prix de longs fervices . M.
de Tracy a dit que le Régent avoit doté fa fille
aux dépens de la nation , & à la décharge du
Duc de Chartres ; qu'ainfi la maifon a'Orléans
réclamoit une fomme qu'elle devoit payer , que
d'ailleurs M. d'Orléans ayant mis cet article en
ligne de compe-lorfqu'on difcutit fon apanage ,
Affemblée avoit probablement fait entrer cette
confidération dans l'indemnité décrétée .
Le trop fameux Livre Rouge entravoit la gé
nérofité de M. Camus ; mais la fouplefe de fa
logique alloit le tirer de gêne . Il a faifi des
différences effentielles entre les dons fecrets de
la faveur , ( comme s'il n'en avoit fupprimé que
de fecrets , ) & un engagement contracté par le
» Roi « . Mais tant d'autres engagemens ont été
rumpus ! mais la maifon d'Orléans n'auroit pas
hérité des enfans de la Reine Douairière d'Espagne
fi cette Princefle en avoit eus . Ce ne font pas
ceux au profit defquels elle a fait une renonciation
à fa part de leur héritage , a dit M. Martineau ,
qui peuvent réclamer le payement d'une dot
dont ils n'étoient pas appellés à profiter. L'Affemblée
a ajourné le projet de décret , & l'a renvoyé
au bureau de liquidation . L'on a repris .
La difcuflion fur les dépofitions écrires ou orales .
( 249 )
Nous doutons que nos lecteurs euffent la patience
de nous fuivre dans ce cours monotone
d'argumens & de fophifmes , que le flux & le
reflux d'une délibération contradictoire ont fi fouvent
réproduits fans y rien changer . M. Dumetz a
fuppofé que de part & d'autre on étoit convenu
que les preuves écrites & les preuves légales
étoient une groffière abfurdité qui ne devoit
» plus fouiller notre jurifprudence criminelle « .
Qu'elles ne fauroient jamais être l'objet d'une
refponfabilité qu'elles confumeroient un temps
précieux ; que c'étoit une trifte confolation pour
l'innocent pendu que la punition des faux
témoins , & c.
,
Si l'inftitution de jurés périffoit en fortant de
nos mains a dit M. Thouret , nous tomberions
dans le mépris de l'Europe entière ; or cette inftitution
ne peut fubfifter un an avec les procédures
écrites , qui détruifent ou corrompent la
conviction morale. Le fervice des jurés manquera
comme celui des adjoints eft prêt à manquer.
Des citoyens occupés , non-payés , n'ont pas let
temps de lire. Quand M. Tronchet allègue le
fait des procédures écrites , il admet des Parlemens
, des Tournelles ; on n'a pas encore écrit
devant & pour des jurés ; le fait d'où il tire fa
conféquence n'exifte donc pas . Si vous payez des
jurés , leur moralité fera perdue . L'orateur a cité
Blakftone , le mémoire de M. Dupaty pour Simarre
, Bradier & Lardoife , au fujer des deux
confciences des juges , & a fini par ne voir le
criterium de la vérité que dans la conviction de
jurés pris au hafard pour lefquels on ne fait
aucune écriture , parce qu'ils repréfentent le peuple
. La foibleffe de fa poitrine l'a forcé de remettre
la fuite de fon opinion au lendemain.
( 250 )
M. l'abbé Maury a voté l'impreffion de ce
difcours , comme un commencement de preuve ,
que dans le dix -huitième fiècle , on ne doit juger
de matières importantes que fur des preuves
écrites & méditées . Il a obfervé que les dépofitions
orales multiplioient les faux témoins en Angleterre
; qu'il ne falloit pas fe laiffer féduire par
des maximes philofophiques qui tendent à une
perfection idéale ; & il s'eft engagé à réſulter
victorieufement ce qu'avoit dit le rapporteur.
Se bornant à une fimple queftion d'ordre , M.
Tronchet a relevé l'imputation qu'on lui a faite ,
de vouloir , en fecret , détruire l'inftitution des
jurés ; il n'a vu dans cette imputation que des
phrafes auffi infidieufes que malhonnêtes »,
les murmares du côté gauche ne l'ont pas juftifiée.
Quelques voix du côté droit s'étoient écriées
lors de la citation de la penſée de M. Tronchet :
ל כ
Si vos jurés font de tels hommes , il faut ré-
» tracter le décret qui les inftitue «e : il a raifon.
Dans la crainte d'un projet d'enlever la déciſion
de l'Affembléc fur un fujet fi grave , il a conclu
à l'impreffion préalable du difcours de M. Thourer.
Sa propofition a été adoptée .
Le Préfident a demandé qu'il fût permis à la
nommée Marie Umbert , âgée de 34 ans , foldat
ou dragon depuis fa 15. année , de fe préfenter
le foir à la barre ; & des ventes de biens nationaux
ont terminé la féance .
Du mardi , féance du foir.
De longs momens ont été employés à lire des
complimens , ou les formules oratoires d'eccléfiaftiques
inconnus , qui informent l'Affemblée
de leur déféreuce au ferment civique . Une par(
251 )
tie des fpectateurs a applaudi à chacune de ces
adhéfions , au nombre defquelles M. Thibault ,
curé de Souppes , a compté celles des curés de
Némours .
M. Moreau de Saint-Méry a propofé de décréter
que les objets qui intérefferont immédiatement
les Colonies, ne feront préfentés que par le comité
colonial , & que les autres comités en conféreront
avec lui. La queftion préalable a délivré MM .
Roberfpierre & Péthion des frayeurs qu'ils avoient
conçues du defpotifme du comité central , auquel
ce dernier imputoit tous les troubles des Colonies
. A la vérité M. Moreau lui a répondu que
fi l'on avoit fuivi les principes du préopinant ,
on n'auroit plus à délibérer fur les Colonies françoifes.
L'ordre du jour étoit un projet de fabrication
de monnoies. Un rapport de M. Balzais - Courmenil
a donné lieu à M. l'abbé Maury d'expofer
quelques idées fugitives , mais faines , qui tendoient
à détourner l'Affemblée d'une délibération
où l'on alloit l'engager , avant qu'elle cût des
lumières fuffifantes : il a repréſenté le danger
d'adopter partiellement un nouveau fyftême monétaire
, le peu d'efficace d'une fabrication de 25
millions , l'imprudence de tout effai en ces matiè
res , l'erreur du calcul de ceux qui defirent de
multiplier les pièces de cuivre ou le billon , comme
étant la monnoie du pauvre , le vice de tout
billon , les inconvéniens qu'il y auroit à fupprimet
actuellement celui qui exifte , l'inutilité du
changement de l'infcription , la difficulté d'en
compofer de bonnes & de laconiques en langue
Françoife . Sa conclufion a été que les nouvelles
pièces fuffent au même titre , de la même forme
& de meine valeur que la monnoie exiftante ;
12520
que le billon fut confervé & non augmenté ; &
qu'enfin le fyftême monétaire foit renvoyé à une
légiflature qui aura plus de temps à y confacrer.
On n'en a pas moins rendu un décret fuivant le
rapport de M. Balzois - Courmenil : décret dont
les principaux articles font :
« L'Aflemblée nationale , après avoir entendu
fes comités des monnoies & de finances réunis , &
fans rien préjuger fur les principes du fyftême
monétaire qu'elle fe réſerve de prendre en grande
confidération , a décrété ce qui fuit :
сс
Qu'il fera inceffamment fabriqué use menue
monnoie d'argent jufqu'à concurrence de quinze
millions ,
« Cette monnoie fera divifée en pièces de 30 L
& de 15 f. , & il en fera fait pour fept millions
cinq cens mille livres de chaque efpèce .
Il fera fabriqué de la monnoie de cuivre de
12 , 6 & 3 deniers ; il fera : inceffamment fabriqué
pour un million , enfuite pour cent mille livres
par mois ; & la fabrication fera continuée ou fufpendue
par le décret de l'Affemblée nationale
fuivant les befoins de chaque département .
Pour accélérer l'exécution du préfent décret ,
les cloches des églifes fupprimées feront inceffamment
vendues à l'enchère.
Les journaux prétendus patriotiques , qui ont
rendu compte de cette féance , ont difcrettement
évité de parler d'un fait , dont la fingularité n'échappera
point aux hiftoriens de notre époque.
L'Affemblée nationale avoit ajourné & fait imprimer
le projet d'un de fes comités , qui en aboliffant
l'inégalité des partages , & en prononçant
fur les fucceffions ab inteftat , détruit la coutume
de Normandie. Ce projet de loi civile affecte tous
Les héritages , toutes les familles de cette province ,
donr
( 253 )
dont la belle agriculture , les riches fermes , les ,
grands atteliers , doivent en grande partic leur .
profpérité à l'indivifion des héritages . Que l'inno
vation du comité eût ou non des inconvéniens ,
il étoit du devoir des députés d'en inftruire leurs
commettans , de porter à leur examen ce projet
qui aurait pour eux des effets inappréciables , &
de recueillir leur voeu à cet égard. Cette démarche
des députés étoit pour eux d'autant plus obligatoire
, qu'il ne s'agit ici ni d'une loi politique ,
ni d'une loi générale , & que fon influence frappe
fpécialement les contrées régies par la coutume
de Normandie. Plufieurs députés du ci - devant
bailliage de Coutances avoient , en conféquence ,
follicité le voeu de leurs mandataires , par une
lettre écrite avec la fageffe & la circonfpection
les plus remarquables . Nombre de communautés
les ont remerciés de cette attention , & fenti
l'importance de la loi projettée ; mais le club des
amis de la conftitution de Valogne , auquel s'eft
joint enfuite celui de Coutances , le font jettés
entre les comettans & leurs députés : ils ont délibéré
, pris des arrêtés , écrit des injures aux
députés , les ont déclarés rebelles à l'Affemblée ;
ont traité leur lettre de libelle , & ont fini par décréter
que l'on dénonceroit la lettre & fes auteurs
au club des Jacobins , & à toutes fes fociétés affiliées
, aux feuilles patriotiques , & à l'Aſſembléc
nationale. En même-temps on a tenté d'exciter
les payfans contre le château de M. de Baudrap ,
l'un des députés , qui , fe trouvant par congé
en Normandie , s'étoit chargé de la lettre de fes
Collègues.
*
ré-
Aujourd'hui , l'un de ces derniers , M. Achard
de Bonvouloir eft monté à la tribune , pour
pondre à cette dénonciation qui est un délit con-
No. 4. 22 Janvier 1791. M
( 254 )
tre les droits de la nation , contre la liberté du
peuple , & contre celle des opinions . A ſon tour ,
M. de Bonvouloir a dénoncé cet attentat des prétendus
amis de la conftitution , comme un outrage
à l'inviolabilité des repréfentans de la nation
diffamés dans les libelles patriotiques de ces clubs,
& livrés par eux à la fureur du peuple , dans '
l'exercice légitime de leurs devoirs.
сс

Quel eft , a -t- il dit , cet étrange pouvoir
judiciaire qui s'élève parmi nous ? S'inftituant
lui-même , jugeant fans information , proclamant
fes fentences , donnant l'ordre à fes exécuteurs
d'un bout du royaume à l'autre ? Quelle est cette
étrange conjuration de citoyens fans titre , accufant,
dénonçant d'autres citoyens , & les dévouant
à la vengeance irréfléchie du peuple ? «e
Une pareille queftion méritoit fans doute toute
l'attention du corps législatif. Eſt - ce une de nos
coutumes conftitutionnelles , que cette ufurpation
odieufe de quelques fociétés privées , qui défendent
aux repréſentans du peuple de le confulter
fur une loi à faire ? Quel monstrueux , quel
exécrable gouvernement feroit celui où des clubs
difpoferoient ainfi des volontés , violeroient les
premiers droits de la nation , s'érigeroient en
juges & en législateurs , & fous peine de profcription
civique , défendroient au peuple & à fes
députés d'avoir fur la légiflation à venir , d'au
tres opinions que celles de ces tyrann ques fociétés
?
Nonobftant ces confidérations , 8 par des motifs
qu'il feroit bien fuperflu d'énoncer , la parole
a été ravie à M. de Bonvouloir par des cris
redoublés de l'ordre du jour . On a renvoyé là
dénonciation au comité des rapports;
( 255 )
Du mercredi 12 janvier
>
,
Le premier des juges du tribunal de diftri&t
de Goneffe , féant à Montmorency , ayant fait
annoncer , au fon du tambour , fa première au
dience , par un ordre figné de lui : Gobert préfident
, la municipalité de Montmorency a vu dans
cet ordre , & dans la fignature , deux attentats
contre la conftitution . Elle a cité . M. Gobert ,
pour voir dire que défenfes lui font faites de fe
permettre de pareilles annonces à l'avenir &, de
prendre la qualité inconſtitutionnelle de Preſident,
& pour fe voir condamner à une amende , pour
contravention aux règlemens municipaux . Par
une autre difpofition , l'amende a été remiſe comme
la première fois. Cette ordonnance a été publiée ,
affichée & fignifiée au tribunal . Une fentence du
tribunal du diftrict , fur les conclufions du commiffaire
du Roi , l'a caffée comme inconftitution
nelle , & le procureur de la commune a été afligné
pour le voir faire des défenfes de donner de
pareils réquifitoires. M. Vieillard a rapporté au
corps législatif cette ridicule affaire , que le département
auroit pu terminer , & qui prouve come
bien peu la conftitution eft intelligible , même
pour les élus du peuple, qu'il en a établi les inftrumens.
L'Affemblée nationale a déclaré l'ordonnance
de la municipalité, nulle & attentatoire au
reſpect dû aux tribunaux ; & lui enjoint de ne
pas s'opposer au jugement qui annulle fon ordonnance
, & de le publier & afficher.
A la fuite de très - légères explications , données
par M. Roederer , au fujet du timbre , on a décrété
les articles fuivans :
1
M 2
( 255 )
ec
Article additionnel à l'article III.
« Les actions qui feront formées pour des entrepriſes
de commerce & de banque , les feuilles ,
reconnoiffance ou quittances fur lesquelles feront
payés les dividendes de femblables actions , même
de celles qui exiftent maintenant , tels que les
dividendes des actions de la compagnie des Indes
& de la caiffe d'efcompte. »
2
Article additionnel à l'article VI.
Si les papiers préfentés au timbre excèdent le
plus grand papier de la régie , le prix du timbre
fera de 20 fous , à moins qu'ils ne foient deſtinés
pour l'expédition ; & en ce cas le prix fera du
double.
TARIF.
La feuille de petit papier de
9 pouces fur 14 , feuille ouverte
.
Demi-feuille de même format.
- Feuille de papier moyen , de
11 pouces fur 16 .
Feuille de grand papier , de
14 pouces fur 17 .
Grand regiftre de 17 pouces
fur 21 . ..
Le très-grand registre de 21
pouces fur- 27. •
Ces feuilles feront marquées
d'un contre-timbre.
Lettres de change & quittances
comptables , & des rentes fur
le tréfor public , de 400 liv. &
1. 4 f. d.
2
8
10
Is
( 257 )
81
au-deffous .
De
ment.
400 à 800 liv . inclufive-
De 800 à 1200 1. inclufivement.
Au-deffus de 1200 1. indéfiniment..
Papier d'expédition , le double
du prix du papier de minute
de même format.
Quittances des droits d'entrée
& d'octrois des villes & contributions
indirectes.
I
S
10
I
M. Thouret a repris fon difcours de la veille
contre les procédures écrites & les preuves légales.
Il a foutenu que les moyens de conftater
les faux témoignages , étoient imma.quables avec
les preuves fimplement orales . Des murmures l'ont
averti de cet écart de dialectique. On lui a de-
-mandé comment il lés réconnoîtroit ? -- Ils auront
dépofé : ils le nieront , lui a - t -on répliqué.
Il a continué de réfuter M. Tronchet ; voici la
fubftance de fes raifons. « Le faux témoignage
découvert plufieurs mois après le jugement , ne
pourra être puni ! Pourquoi non ? Les jurés fe
reflouviendront des faits , micux que fi l'on avoit
tout écrit ; ils auront tout raconté à leur famille ,
à leurs voifins . M. l'avocat Thouret fuppofe les
jurés incapables de méditer des preuves écrites ,
& affez pénétrans pour fonder les replis de l'ame
d'un fcélérat ; il veut qu'on juge de la vie ou
de la mort fur leur mémoire , fur leur babil ,
tout fera dénaturé. « J'efpère , a- t- il dit , qu'il
ne refte plus aucun prétexte pris de ces objec
sions , pour attaquer notre plan ». On nous imoù
M 3
( 258 )
pute la dangereufe doctrine de l'impunité des
faux témoins ; nous avons un article qui ordonne
de les renvoyer au juré du diftrict .
« Je vous fupplie de donner une grande attention
à l'hypothèfe fuivante. Je fuppofe qu'un
accufé ait formé un plan de défenfe , par lequel
il eft für d'amener les témoins à opérer la juftification
; je fuppofe que , conférant avec fon
confeil , il lui faffe part de fon plan & des efpérances
qu'il en a conçues ; que le confeil convienne
que le plan eft bon , & lui dife : il eft
vrai que vous êtes fûr de prouver votre innocence
, mais non de faire punir les faux témoins
& fi vous vouliez les inftruire à l'avance , vous
pourriez plus aifémeut les porter à ſe rétracter .--
N'entendez-vous pas auffi-tôt l'accufé répondres:
«gardons-nous bien de donner conviction ; c'eft
mon innocence qu'il faut démontrer avant tout...
Occupons-nous donc d'abord du falut de l'acculé,
& pour cela ne le foumettons pas à l'examen
d'une preuve légale , dont j'ai démontré l'abfurdité
».
» La feconde objection de M. Tronchet , pourfait
l'orateur , eft prife de ce que les preuves
orales ne laiffent pas la facilité de la réviſion
contre une condamnation déterminée par une
erreur de fait. -- Cette objection tient au fyftême
général des jurés , & particulièrement à une queftion
que l'Affemblée n'a pas encore déterminée :
elle en difcutera les principes quand il en fera
temps ; dans ce moment il feroit trop long d'entrer
dans des détails . Je dirai feulement que le
jugement par jurés étant le jugement du pays ,
celui du peuple même , il eft infiniment plus
refpectable ; que la fûreté des accufés repofe plus
fürement fur la méthode de procéder devant eux,
( 259 )
C
2 1G
TOAR
les
qui fera adoptée , que fur les moyens de relèvement
&c. ". ,
« Je n'ai pas été peu furpris hier d'entendre
dire , à la fin de la féance , qu'il n'y avoit pas
de pays où y eût plus de faux témoins qu'en
Angleterre . Il s'enfuivroit de deux chofes l'une ,
ou qu'il n'y a pas de pays où l'on puniffe plus
l'innocent , ou qu'il n'y en a pas un où les dépofitions
des faux témoins embarraffent moins
le Juge , Cependant , il n'y a pas de pays où les
exécutions foient moins communes qu'en Angledeux
raifons bien fimples ; par "
mière eft que les témoins font entendus publiquement
, & qu'ils font foumis ainfi devant tous à
un examen très - détaillé ; la feconde eft que la
liberté de la conviction morale laiffe la faculté de
de ne pas faire entrer les témoins fufpects dans
les charges qui condamnent l'accusé ».
terre la
Pre-
Quant à la refponfabilité , la nature du juré
l'exclut . Pour la révifion après la mort , felon
M. Thouret , le procès - verbal de l'accufation
fuffit à tout. La complication' des procédures ne
l'embarraffe pas davantage . Nait- elle du genre
des crimes elle ne demande qu'un règlement
que le comité promet . Vient-elle du nombre des
accufés ? L'expérience répond : ce qu'on fait, à
côté de nous on peut le faire chez nous .. Réfulte-
t-elle du vice des écritures ? Les dépofitions
purement crales la font difparoître . Ou M.
Tronchet veut que les écritures foient la règle
des jurés , ou il veut qu'ils ne fuivent que leur
conviction morale . Dans le premier cas , comment
oient- ils feulement que tel égard que de
raifon , comme il le propofe ? Dans le fecond
cas, à quoi ferviroient elles ? Puifque perfonne
ne contefte l'excellence de l'inftitution que vous
M
4

ec
( 235 )
Article additionnel à l'article III.
« Les actions qui feront formées pour des entreprifes
de commerce & de banque , les feuilles ,
reconnoiffance ou quittances fur lefquelles feront
payés les dividendes de femblables actions , même
de celles qui exiftent maintenant , tels que les
dividendes des actions de la compagnie des Indes
& de la caiffe d'efcompte . »
Article additionnel à l'article VI.
« Si les papiers préfentés au timbre excèdent le
plus grand papier de la régie , le prix du timbre
fera de 20 fous , à moins qu'ils ne foient deftinés
pour l'expédition ; & en ce cas le prix fera du
double.
TARIF.
La feuille de petit papier de
9 pouces fur 14 , feuille ouverte
.
Demi-feuille de même format.
-Feuille de papier moyen , de
11 pouces fur 16 .
Feuille de grand papier , de
14 pouces fur 17 .

Grand registre de 17 pouces
fur 21.
Le très -grand regiſtre de 21
pouces fur 27.
Ces feuilles feront marquées
d'un contre -timbre.
Lettres de change & quittances
comptables , & des rentes fur
le tréfor public , de 400 liv. &
1. 4 f. d.
8
10
( 257 )
au-deffous.
De 400 à 800 liv . inclufivement.
De 800 à 1200 l . inclufivement.
Au-deffus de 1200 1. indéfiniment..
Papier d'expédition , le double
du prix du papier de minute
de même format.
Quittances des droits d'entrée
& d'octrois des villes & contributions
indirectes .
11
10
I
M. Thouret a repris fon difcours de la veille
contre les procédures écrites & les preuves légales.
Il a foutenu que les moyens de conftater
les faux témoignages , étoient imma..quables avec
les preuves fimplement orales . Des murmures l'ont
averti de cet écart de dialectique . On lui a demandé
comment il lés réconnoîtroit ? -- Ils auront
dépofé : ils le nieront , lui a - t - on répliqué .
Il a continué de réfuter M. Tronchet ; voici la
fubftance de fes raifons . « Le faux témoignage
découvert plufieurs mois après le jugement , ne
pourra être puni ! Pourquoi non ? Les jurés fe
reflouviendront des faits , micux que fi l'on avoit
tout écrit ; ils auront tout raconté à leur famille ,
à leurs voisins . M. l'avocat Thouret fuppofe les
jurés incapables de méditer des preuves écrites ,
& affez pénétrans pour fonder les replis de l'ame
d'un fcélérat ; il veut qu'on juge de la vie ou
de la mort fur leur mémoire , für leur babil , où
tout fera dénaturé . « J'efpère , a - t - il dit , qu'il
ne refte plus aucun prétexte pris de ces objec
sions , pour attaquer notre plan ». On nous im-
M 3
( 258)
pute la dangereufe doctrine de l'impunité des
faux témoins ; nous avons un article qui ordonne
de les renvoyer au juré du diftrict.
« Je vous fupplie de donner une grande attention
à l'hypothèſe fuivante . Je fuppofe qu'un
accufé ait formé un plan de défenfe , par lequel
il eft für d'amener les témoins à opérer fa juftification
; je fuppofe que , conférant avec fon
confeil , il lui faffe part de fon plan & des cfpérances
qu'il en a conçues ; que le confeil convienne
que le plan eft bon , & lui dife : il eft
vrai que vous êtes für de prouver votre innocence
, mais non de faire punir les faux témoins ,
& fi vous vouliez les inſtruire à l'avance , vous
pourriez plus aifémeut les porter à ſe rétracter, --
N'entendez -vous pas aufli-tôt l'accufé répondre
gardons - nous bien de donner conviction ; c'eft
mon innocence qu'il faut démontrer avant tout...
Occupons- nous donc d'abord du falut de l'acculé,
& pour cela ne le foumettons pas à l'examen
d'une preuve légale , dont j'ai démontré l'abfurdité
».
сс
» La feconde objection de M. Tronchet , pourfuit
l'orateur , eft prife de ce que les preuves
orales ne laillent pas la ficilité de la révifion
contre une condamnation déterminée par une
erreur de fait . -- Cette objection tient au fyftême
général des jurés , & particulièrement à une queftion
que l'Affemblée n'a pas encore déterminée :
elle en difcutera les principes quand il en fera
temps ; dans ce moment il feroit trop long d'entrer
dans des détails . Je dirai feulement que le
jugement par jurés étant le jugement du pays ,
celui du peuple même , il cft infiniment plus
refpectable ; que la fureté des acculés repofe plus
fürement fur la méthode de procéder devant eux ,
6 259 1
Sub
23
qui fera adoptée , que fur les moyens de relèvement
, & c.
« Je n'ai pas été peu furpris hier d'entendre
dire , à la fin de la féance , qu'il n'y avoit pas
de pays où y eût plus de faux témoins qu'en
Angleterre. Il s'enfuivroit de deux chofes l'une,
ou qu'il n'y a pas de pays où l'on puniffe plus
l'innocent , ou qu'il n'y en a pas un où les dépofitions
des faux témoins embarraffent moins
le Juge . Cependant , il n'y a pas de pays où les
exécutions foient moins communes qu'en Angleterre
, par deux raifons bien fimples ; la Première
eft que les témoins font entendus publiquement
, & qu'ils font foumis ainfi devant tous à
un examen très - détaillé ; la feconde eft que la
liberté de la conviction morale laiffe la faculté de
de ne pas faire entrer les témoins fufpects dans
les charges qui condamnent l'accusé ».
Quant à la refponfabilité , la nature du juré
l'exclut. Pour la révifion après la mort , felon
M. Thouret , le procès - verbal de l'accufation
fuffit à tout . La complication' des procédures ne
l'embarraffe pas davantage . Nait - elle du genre
des crimes ? elle ne demande qu'un règlement
que le comité promet . Vient- elle du nombre des
accufés ? L'expérience répond : ce qu'on fait, à
côté de nous on peut le faire chez nous .. Réfulte-
t -elle du vice des écritures ? Les dépofitions
purement crales la font difparoître . Ou M.
Tronchet veut que les écritures foient la règle
des jurés , ou il veut qu'ils ne fuivent que leur
conviction morale . Dans le premier cas , comment
1: 0 ient -ils feulement que tel égard que de
raifon , comme il le propofe ? Dans le fecond
cas, à quor ferviroient elles ? Puifque perfonne
ne contefte l'excellence de l'inftitution que vous
M
4
( 260 )
avez décrétée , vous devez adopter les moyens
de l'exécuter , repouffer ce qui la détruiroit ; point
de procédure écrite ».
« Néanmoins le comité fe prête à des reftrictions
prifes dans les délibérations de l'Affentblée
, afin de faciliter le paffage d'un ordre
ancien à un nouvel ordre fans fecouffe trop violente
». Les premières dépofitions pourront donc
être reçues devant les officiers de police , qui
en feront un fommaire exact & précis , en préfence
des témoins ... Les dépofitions à charge
feront diftinguées , dans ce fommaire , de celles
qui feront fignifiantes ( mais fouvent un mot
qui paroît d'abord infignifiant , devient une bafe
de preuve ) . Elles ne feront pour les jurés que
des renfeignemens qui dirigeront leur attention ,
fans l'aflervir ; elles fuffiront pour intimider les
émoins . »
L'orateur a terminé ce long enchaînement de
raifonnemens , en indiquant l'analogie intime des
jurés , tels qu'ils les conçoit , & dégagés de
toute forme ancienne qui les dégraderoit , avec
le maintien de la liberté publique , avec les
fentimens d'une fraternité civique ; a voyons
fur-tout , a-t-il ajouté , de la hauteur d'où notre
conftitution nous place au- deffus de l'Angleterre ,
quelle honte ce feroit pour nous d'avoir infructueufement
tenté d'imiter l'avantage le plus
précieux dont les Anglois fe glorifient ! qui peut
nous arrêter ?... Ce n'eft point dans cette circonftance
, que des confidérations puffillanimes
peuvent prévaloir fur nous : votre délibération
dans cette importante matière , confondra vos
calomniateurs . ( M. Thouret voyoit les Anglois
detrop haut , pour diftinguer les différences qui fe
trouvent entre les jurés & les leurs . ) Sa conclufion
( 261 )
a été couverte d'applaudiffemens , & la difcuffion
prorogée à lundi .
Une lettre de M. Amelot a annoncé que la
contribution patriotique n'a produit jufqu'ici que
29 millions .
Du jeudi 13 janvier .
M. Alexandre de Bauharnois , au nom du
comité militaire , a propofé de décréter que les
officiers , fous -officiers & foldats qui feront réformés
lors de la prochaine organiſation , recevront
leurs appointemens & folde fur l'ancien
pied , jufqu'au jour de la réforme effective , &
que les employés de l'artillerie & du génie continueront
d'être payés , jufqu'à ce qu'il ait été
ftatué fur leur confervation . M. d'André obfervoit
judicieufement que tant qu'il n'y a pas de
réforme , il eft tout fimple qu'il n'y ait perfonne
de réformé ; fon obfervation n'a point empêché
qu'on n'adoptât le décret qu'elle fuppofoit inutile.
On eft paffé à la lecture du projet d'inftruction
fur la contribution inobiliaire . M. Fermont a lu
ce travail du comité d'impofition .
Cette lecture achevée , M. de Champagny a
fait un rapport fur l'organiſation de la marine :
il est entré dans des détails où fon auditoire a dû
trouver une infinité d'idées nouvelles. Le fuppo
fant inftruit de l'hiftoire de la marine Françoife
il a établi les relations & les différences qui exiftent
entre la marine marchande & la marine
guerrière , qu'on ne nomme plus royale ; la tactique
favante & profonde , néceffaire à la marine
guerrière , eft un art différent de la navigation
à laquelle fe borne la marine marchande . Il faut
un corps nombreux , fubfiftant pendant la paix ,
qui s'exerce à ces pénibles travaux , des élèves ,
MS
#
·( 262 )
des motifs d'émulation ; M. de Champagny en a
conclu que la marine militaire doit être l'élite de
la marine marchande .
cc
"
Craiguez , difoient les contradicteurs de ce
projet , craignez de porter dans la navigation
commerçante cet efprit militaire fi dangereux
( fur-tout en France ) en ceux qui ne font pas
appellés à la défenfe de la patrie. Craignez , d'un
autre côté , d'affoiblir dans les autres cet efprit
militaire qui doit les animer . Ces réflexions
n'ont pu frapper votre comité , pénétré des fages
maximes que vous avez déclarées » . Le comité
a donc penfé que les capitaines de vaiffeaux marchands
devoient être appelés à fervir comme enfeignes
dans la marine guerrière . On établira un
concours , on claffera parmi les afpirans , au
grade de licntenant , ceux qui fe feront diftingués
par quelque fervice d'éclat . Les marins
Vieilliffent promptement
, le comité a fixé des
récompenfes pour ceux qui ne pourront plus
avancer. On a applaudi ce rapport , & l'impreffion
en a été décrétée.
Des armées de terre & de mer , le corps conf
situant eft paffé fubitement aux paroifles de Paris ,
pour homologuer un décret de la municipalité.
Un procès -verbal du 11 janvier conftate la réquifition
des municipaux à l'archevêché & l'abſence
de l'archevêque. Par une délibération , prife le
lendemain 12 , fans plus de délai , la municipa
lité , faifant provisoirement les fonctions de diftrict
& de département , a procédé à la circonfcription
géographique de la paroifle cathédrale ,
& y a incorporé plufieurs paroiffes , qu'en fa qualité
de pouvoir provifoire elle a fupprimées à perpétuité.
M. l'abbé Maury a préfenté , au milieu des
( 263 )
clameurs , quelques obfervations critiques fur
cette opération n'ayant pas même été écoutées ,
elles font reflées fans effet , & l'on a confirmé
les décifions de la municipalité .
Du jeudi , féance du foir.
Des adreffes ont confumé beaucoup de temps
comme à l'ordinaire ; c'étoient des fermens da
-quelques Curés & de Vicaires de campagne.
Les fous- Officiers & Soldats du régiment de
Touraine , en garnifon à Montauban , ont écrit
à l'Affemblée afin de diffiper les doutes qu'on
tâchoit de répandre fur leur patriotisme. L'impreffion
de leur lettre a été décrétée . Avant de
la connoître , perfonne ne pouvoit douter du genre
de patriotisme qui anime les auteurs de l'adreffe :
ils font prouvé par les faits . Au furplus , ils retirent
leur eftime à M. Faydel , Député très-eftimable
du Quercy , en lui reprochant de les avoir
fauffement accufé . Tout le monde fait que M.
Faydel n'eft pas un accufateur téméraire , &
qu'il peut fe paffer de l'approbation des Soldats
de Touraine .
Une députation des Invalides de la marine ,
admife à la Barre , a célébré la conftitution , demandé
, une augmentation de folde , & la permiffion
pout ceux d'entr'eux qui n'ont ni famille
ni fortune , de fe retirer dans les hôpitaux narienaux
auxquels ils abandonneroient portion de
leur paye. Ils ont reçu des promefles & les honneurs
de la féance .
M. de Menou a propofé d'accorder des indemnités
au freur Tribert de Poitiers , perfécuté ,
ruiné , profcrit par la populace , comme acca
pareur de grains , tandis que fes fonds & fes
foins fournifloient des fubfiftances à fon départe-
M 6
( 264 )
ment & à celui de Paris . M. Chabroud a demandé
le renvoi de l'affaire au pouvoir exécutif.
Sur l'amendement de M. Regnault , qui a obfervé
que le pouvoir exécutif n'a pas d'argent , le décret
y a renvoyé la vérification des faits , &
ordonné qu'il en fera rendu compte fous quinzaine
à l'Aſſemblée qui accordera les fonds s'il
en faut.
Dans un long rapport fait au nom du Comité
de conftitution , fur la pétition des auteurs
dramatiques , M. le Chapelier a offert
en hommage à la gravité de l'Affemblée , fuivant
fes propres expreffions , les principes du
droit naturel qu'a tout citoyen François d'élever
& d'ouvrir des théâtres . Nous ne pouvons nous
engager à citer tout ce qu'il a débité de jurifprudence
philofophique contre les privilèges des
Comédiens François , contre la tyrannie de leur
réglement léonins , contre l'abfurdité du titre
qu'ils ont pris de Théâtre de la nation , contre
leurs procédés connus pour faire tomber dans les
règles , les pièces modernes qui , comme on fait,
ne tomberoient jamais fans rufe ; contre le def
potifme fletriffant , fous lequel les Corneilles , les
Racines , les Molières , &c. créérent leurs chefsd'oeuvre
que la liberté auroient rendus bien fupérieurs
, ainfi qu'on en peut juger par les fruits
qui nuiffent déjà fous fon heureuſe influence .
Selon M. le Chapelier, la perfection de l'art théatral
tient à la concurrence , & la confervation des
moeurs fera fuffifamment affurée par l'mfpection
municipale. Les fpectacles doivent donner des
Jeçons de civisme . Il efpère qu'un règlement
Lage dirigera cette partie de l'éducation publique .
Voudroit-on qu'il exiftât encore un lieu où les
auteurs fufflent forcés d'aller porter & foumettre
( 265 )
leurs productions : Voudroit - on que celui qui
parleroit avec énergie , de la liberté & de la haine
des tyrans , fût forcé d'effacer ces maximes facrées
, fi les troupes privilégiées ne vouloient pas
les proférer « Le projet de décret que Forateur.
a lu , fuppléera à tout ce que nous fommes obligés
d'omettre de fa harangue.
сс
M. Madier a invoqué la queftion préalable.
M. de Mirabeau s'eft engagé à répondre aux
objections . On a fait une feconde lecture de cette
loi conftitutionnelle . M. de Folleville vouloit
qu'on allât aux voix fur chaque article ; mais
M. de Mirabeau a foutenu que le décret étoit
indivifiblement un .
Prenant alors la parole , M. l'abbé Maury a
débuté par déclarer que les eccléfiaftiques fe regardoient
comme très- incompétens fur ces matières
. On demandoit qu'il fût rappellé à l'ordre ,
il s'eft fait honneur de cette incompétence , &
a dit que fes collégues & lui ne prenoient aucune
part à la délibération . » Pardonnez ce fcrupule
( des éclats de rire l'ont interrompu )...
" Pardonnez - le dans un jour où vous avez bien
55
voulu rendre un décret contre les fcrupules «c.
L'unique obfervation à laquelle M. l'abbé Maury
s'eft borné , c'est que le Comité de conftitution
s'occupant d'un objet qui lui paroiffoit étranger ,
propofe une difpofition générale & promet un
règlement inconnu .
Il y avoit autrefois dans le royaume , a-t-it
dit ; mais c'étoit dans un temps où nous étions
barbares , comme fous le règne de Louis XIV ,
il y avoit un cenfeur prépofé par le Gouvernement
pour juger des pièces de théatre , parce
qu'on croyoit qu'elles importoient infiniment aux
bonnes moeurs .... J'avertis , enfin qu'il pourroit
( 266 )
être dangereux pour les auteurs de la conftitution
, d'autorifer les auteurs dramatiques à la
jouer fur le théatre... En promettant un règlement
qui n'existe plus , vous laiffez à tous les
auteurs la faculté d'outrager impunément la religion
, les moeurs , le Gouvernement ; & c'est
précisément parce qu'on voudroit que les crimes
ne fuffert pas impunis , qu'il importe de prévenir
les écarts de l'imagination... Examinez s'il
eft poffible de laiffer la compofition des pièces
fans aucune police . Pour tout le reſte , je n'ai
rien a dire ; nous ne prenons point de part à
la délibération «.
M. de Mirabeau s'eft étendu avec humcur
fur les obfervations du préopinant.
Plus gai que M. de Mirabeau , M. de Folleville
a peint l'Affemblée , malgré fa renonciation
folemnelle aux conquêtes , ajoutant à la conquête.
de la Baftille , à la conquête des biens du Clergé ,
la conquête des biens du théatre de la Nation ,
puifqu'elle fupprimoit la propriété des Comédiens
fans leur donner l'indemnite préalable qu'affure
la fameufe déclaration des droits .
M. Loys
a craint
que
les
tapageurs
des
fpectacles
n'empêchaffent
l'officier
municipal
d'aller
réquérir
la
garde
placée
à
l'extérieur
;
M.
Raberspierre
vouloit
pour
toute
police
l'opinion
publique
. Le
décret
propofé
par
M.
le
Chapelier
,
a
été
adopté
en
ces
termes
:
L'Affemblée Netionale , oui le Rapport de fon
Comité de Conftitution , décrète ce qui fuit : .
» Art . I. Tout Citoyen pourra élever un théatre
public & y faire repréfenter des pièces de tout
genre , en faifant , préalablement à l'établiffement ,
la déclaration à la Municipalité.
II. Les Ouvrages des Auteurs morts depuis
( 267 )
cinq ans & plus fort une propriété publique , &
peuvent , nonobftant tous anciens priviléges qui
font abolis , être repréfentés fur tous les théaties
indiftin&tement.
» III. Les Ouvrages des Auteurs vivans ne
pourront être reprefentés fur aucun théatre public ,
dans toute l'étendue de la France , fans le confentement
formel & par écrit des Auteurs , fous
peine de confifcation du produit total des repréfentations
au profit des Auteurs .
1
» IV . La difpofition de l'article III s'applique
aux Ouvrages déjà repréſentés , quelque foient les
anciens Réglemens ; néanmoins les actes qui
auroient été paflés entre des Comédiens & des
Auteurs vivans ou des Auteurs morts depuis moins
de cinq ans feront exécutés .
» V. Les héritiers ou les ceffionnaires des Auteurs
feront propriétaires de leurs Ouvrages
durant l'efpace de cinq années après la mort des
Auteurs
ر
» VI . Les entrepreneurs ou les Membres des
différens théatres feront , à raison de leur état ,
fous l'infpection des Municipalités ; ils ne rece
vront des ordres que des Officiers Municipaux
qui ne pourront pas arrêter ni défendre la repré
fentation d'un Pièce , fauf la refponfabilité des
Auteurs & des Comédiens , & qui ne pourront
rien enjoindre que conformément anx Loix & aux
Réglemens de Police , Réglemens fur lefquels le
Comité de Conftitution dreffera inceffamment un
projet d'instruction , provifoirement les anciens
Régiemens de Police feront exécutés .
VII. Il n'y aura aux Spectacles qu'une Garde
extérieure dont les Troupes de ligne ne feront
point chargées , fi ce n'eft dans le cas où les
( 268 )
Officiers Municipaux leur en feroient la requi
fition formelle .
Ily aura toujours un ou plufieurs Officiers
civils dans l'intérieur des Salles , & la Garde n'y
entrera que dans le cas où la fûreté publique feroit
compromife , & fur la requifition formelle de
l'Officier de Police , lequel le conformera aux
Loix & Règlemens de Police.
Tout Citoyen fera tenu d'obéir provifoirement
à l'Officier Civil.
Du vendredi , 14 janvier.
L'Affemblée a ordonné , par un décret , à fon
comité des finances , de comprendre dans l'état
des dépenfes publiques , la penfion viagère de
6000 livres accordée par le Roi au célèbre géomêtre
, M. de Lagrange . Cet acte de juſtice &
de difcernement éclairée a mérité des applaudiffemens
, cette fois bien mérités par le modefte
homme de génic & par l'Affemblée qui ca
étoient les objets .
>
On eft enfuite revenu à la marine .
M. de Vaudreuil a oppofé au projet de réunir
les deux marines guerrière & marchande , la
diverfité d'efprit & de principes qui dirigent le
commerçant & le militaire ; les fpéculations mercantiles
de l'un qui ne fait que conduire un magafin
d'un pays à un autre , & l'émulation de
gloire qui doit feule animer le guerrier ; le danger
de combiner deux mobiles incompatibles dont le
mélange porteroit plus à fuir l'ennemi qu'à le
vaincre.
M. le chevalier de la Coudraye , officier de
marine , ainfi que M. de Vaudreuil , & à fon
exemple retiré du comité , a pris la parole , &
dit :
( 269 )
21
* Si vous attachez de l'importance à conferver
à la France me marine militaire , j'invoque
toute votre attention . Un fecond motif me la
fait réclamer. Vous êtes dans l'habitude d'accorder
à vos comités une confiance prefque entière.
Cet ufage en général louable ne peut avoir
licu ici fans danger. C'eft que votre comité de
marine ne compte que deux hommes de mer
dans fon fein , & que tous deux , j'ofe l'avancer
, reprouvent certainement le plan qu'on vous
propofe. Qui de vous n'aura remarqué en effet
les différences frappantes entre le préambule du
rapporteur & les conclufions du rapport ? C'eft
que des hommes de loi , des hommes de commerce
& de comptabilité , quelques grandes que
foient d'ailleurs leurs lumières , ne connoiffent
pas , tranchons le mot , c'eft qu'ils font & ne
peuvent être que très - complettement ignorans
fur un mode d'organiſation militaire , car c'eft
d'une organiſation militaire appropriée à la marine
qu'il s'agit ici . C'eft que votre comité, livré
à des demi- notions fur la marine militaire , n'a
pas même cu recours à des officiers militaires ;
c'eft que , circonfcrit par des homates intéreffés ,
il n'a pu remplir convenablement la miffion que
vous lui aviez confiée , & que le plan qu'il
vous préfente eft en effet auffi mal combiné
défaftreux.
que
Je ne fuis à la tribune , Meffieurs , que pour
vous dire la vérité. Mon devoir eft de l'annoncer
avec franchiſe , c'eft le votre d'écouter fans
préjugé . Je vous rappelle encore que votre attention
doit être d'autant plus grande , que l'objet
a plus d'importance , & qu'il eft étranger à la
plus grande partie des juges .
Le plan que vous préfente votre comité fur
( 266 )
être dangereux pour les anteurs de la conftitu
tion , d'autorifer les auteurs dramatiques à la
jouer fur le théatre ... En promettant un règlement
qui n'existe plus , vous laiffez à tous les
auteurs la faculté d'outrager impunément la religion
, les moeurs , le Gouvernement ; & c'est
précisément parce qu'on voudroit que les crimes
ne fuffent pis impunis , qu'il importe de prévenir
les écarts de l'imagination ... Examinez s'il
eft poffible de laiffer la compofition des pièces
fans aucune police . Pour tout le reſte , je n'ai
rien a dire ; nous ne prenons point de part à
la délibération «.
M. de Mirabeau s'eft étendu avec humcur
fur les obfervations du préopinant.
Plus gai que M. de Mirabeau , M. de Folleville
a peint l'Affemblée , malgré la renonciation
folemnelle aux conquêtes , ajoutant à la conquéte
de la Baftille , à la conquête des biens du Clergé ,
la conquête des biens du théatre de la Nation ,
puifqu'elle fupprimoit la propriété des Comédiens
fans leur donner l'indemnite préalable qu'affute
la fameufe déclaration des droits.
M. Loys a craint que les tapageurs des fpectacles
n'empêchaffent l'officier municipal d'aller
réquérir la garde placée à l'extérieur ; M. Raberspierre
vouloit pour toute police l'opinion publique.
Le décret propofé par M. le Chapelier,
a été adopté en ces termes :
L'Affemblée Nationale , oui le Rapport de fon
Comité de Conftitution , dicrète ce qui fuit :
» Art. I. Tout Choyen pourra élever un theatre
public & y faire repréfenter des pièces de tout
genre , en faifant , préalablement à l'établifiement ,
la déclaration à la Municipalité.
» II. Les Ouvrages des Auteurs morts depuis
( 267 )
3
cinq ans & plus font une propriété publique , &
peuvent , nonobftant tous anciens priviléges qui
font abolis , être repréfentés für tous les théaties
indiftin&tement.
» III. Les Ouvrages des Auteurs vivans ne
pourront être reprefentés fur aucun théatre public ,
dans toute l'étendue de la France , fans le confentement
formel & par écrit des Auteurs , fous
peine de confifcation du produit total des repréfentations
au profit des Auteurs .
1
» IV. La difpofition de l'article III s'applique
aux Ouvrages déjà repréſentés , quelque foient les
anciens Reglemens ; néanmoins les actes qui
auroient été paflés entre des Comédiens & des
Auteurs vivans ou des Auteurs morts depuis moins
de cinq ans feront exécutés.
» V. Les héritiers ou les ceffionnaires des Auteurs
feront propriétaires de leurs Ouvrages
durant l'efpace de cinq années après la mort des
Auteurs
ر
,
>
» VI . Les entrepreneurs ou les Membres des
différens théatres feront , à raifon de leur état
fous l'infpection des Municipalités ; ils ne recevront
des ordres que des Officiers Municipaux
qui ne pourront pas arrêter ni défendre la repré
fentation d'un Pièce , fauf la refponfabilité des
Auteurs & des Comédiens , & qui ne pourront
rien enjoindre que conformément aux Loix & aux
Réglemens de Police , Réglemens fur lesquels le
Comité de Conſtitution dreffera inceffamment un
projet d'instruction , provifoirement les anciens
Réglemens de Police feront exécutés .
VII. Il n'y aura aux Spectacles qu'une Garde
extérieure dont les Troupes de ligne ne feront
point chargées , fi ce n'eft dans le cas où les
"
( 268 )
*
Officiers Municipaux leur en feroient la requifition
formelle .
Il y aura toujours un ou plufieurs Officiers
civils dans l'intérieur des Salles , & la Garde n'y
entrera que dans le cas où la fûreté publique feroit
compromife , & fur la requifition formelle de
l'Officier de Police , lequel fe conformera aux
Loix & Règlemens de Police.
Tout Citoyen fera tenu d'obéir proviſoirement
à l'Officier Civil.
Du vendredi , 14 janvier.
L'Affemblée a ordonné , par un décret , à fon
comité des finances , de comprendre dans l'état
des dépenfes publiques , la penfion viagère de
6000 livres accordée par le Roi au célèbre géomêtre
, M. de Lagrange . Cet acte de juftice &
de difcernement éclairée a mérité des applaudiffemens
, cette fois bien mérités par le modefte
homme de génie , & par l'Affemblée qui en
étoient les objets .
¿ On eft enfuite revenu à la marine .
M. de Vaudreuil a oppofé au projet de réunir
les deux marines guerrière & marchande , la
diverfité d'efprit & de principes qui dirigent le
commerçant & le militaire ; les fpéculations mercantiles
de l'un qui ne fait que conduire un magafin
d'un pays à un autre , & l'émulation de
gloire qui doit feule animer le guerrier ; le danger
de combiner deux mobiles incompatibles dont le
mélange porteroit plus à fuir l'ennemi qu'à le
vaincre.
M. le chevalier de la Coudraye , officier de
marine , ainfi que M. de Vaudreuil , & à fon
exemple retiré du comité , a pris la parole , &
dit :
( 269 )
* Si vous attachez de l'importance à conferver
à la France me marine militaire , j'invoque
toute votre attention . Un fecond motif me la
fait réclamer. Vous êtes dans l'habitude d'accorder
à vos comités une confiance prefque entière.
Cet ufage en général louable ne peut avoir
lieu ici fans danger. C'eft que votre comité de
marine ne compte que deux hommes de mer
dans fon fein , & que tous deux , j'oſe l'avancer
, reprouvent certainement le plan qu'on vous
propofe. Qui de vous n'aura remarqué en effet
les différences frappantes entre le préambule du
rapporteur & les conclufions du rapport ? C'eft
que des hommes de loi , des hommes de commerce
& de comptabilité , quelques grandes que
foient d'ailleurs leurs lumières , ne connoiffent
pas , tranchons le mot , c'eft qu'ils font & ne
peuvent être que très - complettement ignorans
fur un mode d'organiſation militaire , car c'eft
d'une organifation militaire appropriée à la marine
qu'il s'agit ici . C'eft que votre comité, livré
à des demi- notions fur la marine militaire , n'a
pas même cu recours à des officiers militaires
c'eft que , circonfcrit par des homates intéreffés ,
il n'a pu remplir convenablement la miffion que
vous lui aviez confiée , & que le plan qu'il
vous préfente eft en effet auffi mal combiné que
défaftreux.
;
Je ne fuis à la tribune , Meffieurs , que pour
vous dire la vérité. Mon devoir eft de l'annoncer
avec franchiſe , c'eft le votre d'écouter fans
préjugé. Je vous rappelle encore que votre attention
doit être d'autant plus grande , que l'objet
a plus d'importance , & qu'il eft étranger à la
plus grande partie des juges .
Le plan que vous préfente votre comité fur
( 270 )
&
Jorganifation du corps militaire de la marine eft
fi nouveau , il eft tellement éloigné des ufages
& des loix de toutes les nations maritimes , qu'il
eft difficile d'en faifir l'efprit & le but , qu'il feroit
auffi long que pénible de la difcuter dans
toutes les parties . Mais un objet y domine ; il
femble même que tout tende vers ce point
foit uniquement difpofé pour en faciliter l'exéction.
Je veux parler de l'adjonction affez intime
qui y eft propofé entre la marine commerçante
& la marine militaire . Il réfulteroit du
plan du comité que tout officier de la marine du
commerce auroit de plein droit un grade acquis
fur les vaiffeaux de guerre , & que cinq mille
cinq cens cinquante capitaines - marchands formeroient
cinq mille cinq cens cinquante officiers
toujours prêts pour la guerre & pour le fervice
des vaiffeaux de l'état.
Votre rapporteur cependant a très -bien établi
hier qu'il exiftoit une différence effentielle entre
la navigation marchande & une navigation militaire.
Il a dit , avec une grande force de vérité ,
que la première ne donnoit aucune inftruction
pour la guere & pour les évolutions , & malgré
cela il a conclu , fans doute parce qu'il a
conclu d'après les idées d'autrui , à admettre dans
la marine militaire les officiers formés par le
commerce , comme fi d'une école reconnue mauvaife
on pouvoit jamais attendre des fujets bons
& inftruits . Ainfi c'eft le projet en lui - même
qu'il faut examiner ; c'eft principalement ce concours
de la navigation marchande & de la marine
militaire que je dois difcuter . Et d'ab rd
qu'eft- ce qu'une marine marchande , & qu'eftce
qu'une marine militaire ? La première a pour
but le commerce ; la feconde a pour but la
( 271 )
Les guerre. agens du commerce partent d'un
port, & ont pour objet principal & unique d'arriver
à des magafins fitués dans un autre port
les agens militaires ont pour deftination les croifières
, les découvertes , les combats , l'art de
chaffer , de joindre , d'aborder ou d'éviter un
vaiffeau . Leur bâtiment , toujours en activité ,
eft leur feule demeure , leur feule habitation
pendant toute la durée de la campagne. Le navire
de commerce navigue feul & s'ifole pour
fon intérêt même ; les bâtimens de guerre fe
réuniffent en armée , les officiers fe forment aux
évolutions & à l'action de combiner les mou̟-
vemens , de préfenter un enfemble qui multiplie
les forces & les moyens . Le navire de commerce
eft entièrement étranger à l'art de la guerre. Le
petit nombre des hommes de fon équipage l'oblige
à des furcroîts de précaution contre les futcroits
du vent , dont le réſultat n'eft que trop
fouvent de faire contracter des habitudes timides ;
le bâtiment de guerre , pour tirer toute la part
poffible des circonftances & de fes forces , attend
toujours l'évenement , détermine fes opérations
fur l'inftant préfent , & cette école feule forme
à la précifion , à là hardieffe , des manoeuvres
qui conftituent le talent.
Voilà , Meffieurs , quelques traits principaux qui
diftinguent la navigation du bâtiment de guerre
de celle du navire de commerce . Et peut - on
dire dès-lors que ceux qui les exercent profeffent
le même métier ? D'autres que des marins
ont de la peine à concevoir l'énorme avantage
donne l'habitude de navipour
l'inftruction que
guer en efcadres & avec ordre. Cependant l'expérience
journalière le prouve , lorsque la guerre
néceffite la réunion des navires marchands en
1
( 272 )
convoi , il n'eft point d'embarras plus grand
pour le commandant chargé de l'efco : ter que celui
de tenir fes navires réunis . La follicitude
continuelle néceffaire pour fe conferver , l'inquiétude
des abordages , agiffent avec tant de force
fur des hommes peu exercés à naviguer en com-
'pagnie , qu'elles l'emportent fur la crainte même
de tomber au pouvoir de l'ennemi . Il faut des
frégates ou autres petits bâtimens de guerre fur
les ailes & à la queue des convois , pour forcer
au rapprochement . Auffi ce mélange propofé
de la marine militaire & de la marine commerçante
n'a- t- il lieu chez aucune nation de l'Europe.
Auffi les Anglois défignent même ces deux profeffions
par des dénominations différentes . Chez eux ,
comme en France , l'état a fçu diftinguer & s'ap
proprier un Cook ; mais jamais un commandanr
de navire marchand n'a cu l'idée qu'on fût jetter
les yeux fur lui , d'après une difpofition générale ,
pour être employé comme officier fur les vaiffeaux
de guerre. Il s'y croit auffi étranger qu'an
commandement de troupes dans une armée, La
guerre de mer & le commerce de mer font des
profeffions qui fe touchent fans doute par quelques
points , mais ce n'eſt que dans l'enfance de
la navigation qu'on a pu les confondre . Depuis
que la manoeuvre des grands vaiffeaux & la tactique
des armées font devenues une ſcience , &
une fcience difficile , tous les peuples de l'Europe
ont penfé qu'ils ne pouvoient confier leurs
·forces navales qu'à des hommes qui euffent fait
une étude particulière de l'art de la guerre fur
mer , qui euffent l'habitude de commander à des
équipages nombreux , de mettre en action des
vaiffeaux plus difficiles à mouvoir à raiſon même
de leurs maffes , & d'entretenir la difcipline mi
( 275 )
litaire . Les matelots même ne fe perfectionnent.
que fur les vaiffeaux de guerre ; ce n'eſt que
fur les vaiffeaux de guerre que fe forment des
maîtres d'équipage capables de diriger fept cens.
hommes , & des maîtres- canonniers chargés d'un
immenfe détail d'artillerie.
Plufieurs fois on a écrit , on a imprimé en
faveur de la marine marchande , qu'elle avoit
fourni de grands hommes de mer , & on s'eft
particulièrement plu à citer à ce fujet M. du
Guay -Trouin . Sans doute M. du Guay-Trouin
fut homme de mer & guerrier illuftre ; fans
doute il honora fa patrie , & plus que perfonne ,
je m'en fuis convaincu en lifant fes mémoires ,
en étudiant fes actions , en écoutant de la bouche
de ceux qui l'ont connu des anecdotes de fa´
vie privée bien caractéristiques de fon génie &
de fon courage . Mais gardez-vous , Meffieurs ,
fur la foi d'écrivains légers , plus foucieux d'arranger
des phrafes avec éloquence que de tranfmettre
la vérité ; gardez-vous de confondre la
marine marchande & la marine corfaire . M. du
Guay-Trouin ne navigua jamais fur aucun bâtiment
de commerce ; ce fut fur des corfaires qu'il
fit fon apprentiffage , & dès fa première campagne ,
il vit des abordages & il y concourut avec gloire.
Cette marine de corfaires , qui fut très- florifſance
vers la fin du fiècle dernier , pouvoit en effet former
aux actions de guerre & à la diſciplíne militaire
, dans ces temps où l'art de manoeuvrer visà-
vis de l'ennemi étoit inconnu ou négligé. Mais
la marine marchande ne préſenta jamais ces avantages.
Des fpéculations de commerce en font l'unique
bafe ; fes traversées fur mer ne donnent aucune
expérience. Les négocians cherchent bien plus
des commerçans habiles que des navigateurs ex(
274 )
périmentés , pour leur confier leurs navires & leur
fortune. Une feule campagne fur un vaiffeau de
guerre exige plus de mouillages , plus de manceuvres
, donne plus de pratique que plufieurs campagnes
pour le commerce . Cette école de la marine
corfaire elle- même n'existe plus ; elle a difparn
de nos jours , lorfque les nations ont mis de
grandes armées fur mer ; lorfque l'on a créé &
perfectionné la tactique navale , lorfque la courfe
a été faite par des frégates , & que l'armement des
grandes efcadres n'a laiffé que très - peu de matelots
aux armateurs particuliers . Auffi les dernières
guerres n'ont-elles produit prefqu'aucun capitaine
corfaire diftingué , ni en Angleterre ni en France .
Je ne connois pas un feul exemple où un corfaire
ait enlevé un bâtiment de guerre de fa force La
caufe n'en eft pas fans doute dans le défaut ni
même dans l'infériorité du courage , mais dans la
différence d'inftruction & de tactique , dans ce
fentiment intérieur qui avertit l'équipage corfaire
que le bâtiment de guerre manoeuvre mieux & obtiendroit
l'avantage
.

( La fuite de ce Difcours à l'ordinaire prochain. )
A ces orateurs a fuccédé M. de Sillery , dont
la théorie a combattu celle des préopinans . Il a
peint la manière formant un feul corps , & s'eft
promis de vrais prodiges de cette réunion. Son
difcours a été couvert d'applaudiffemens ; on cût
dit que les galeries étoient pleines d'afpirans au
grade d'amiral,
M. Malouet , membre du comité a parlé en
ces termes :
L'organisation de la marine ne doit être confidérée
, par le corps législatif , que fous le rapport
de l'intérêt général. Nous devons éviter d'adopter
( 275)
des idées abfolument neuves dont l'expérience ne
garantit pas la fageffe. Dans tous les tems , un
intervalle immenfe féparoit la marine militaire &
la marine marchande. Lorfque , dans les anciennes
guerres , on appeloit les officiers de la
marine marchande en qualité d'officiers auxiliaires
, il en réfultoit l'inconvénient très-grave
que les fous-lieutenans des vaiffeaux de guerre,
reftoient fans avancement . Cette injuftice eft révol
tante. La marine marchande n'eft pas habituée
aux manoeuvres militaires. La profeflion du commerce
eft abfolument étrangere au métier de la
guerre . Sur les vaiffeaux d'Alexandre comme
fur ceux de Louis XIV , on a diftingué les hom
mes qui compofoient l'équipage & la garnifon.
Les premiers font des marins , les feconds , des
gens de guerre : ces deux profeffions n'avoient
jamais rien de commun. Je fuis cependant loin
de penfer que le navigateur foit entièrement
étranger à l'art de la guerre , & qu'il y ait moins
de courage à affronter la tempête qu'à aborder un
vaiffeau ennemi . Mais il faut convenir auffi que
les manoeuvres militaires exigent une très - giande
habitude. Il ne s'agit plus , comme autrefois
d'éloigner la marine marchande des grades & des
honneurs , mais de n'accorder les récompenfes
militaires qu'à ceux qui auront fervi fur les vaiffeaux
de l'Etat. Que l'on fuppofe un vaiffeau de
guerre monté par des hommes de mer ,
qui n'au
roient aucune habitude des manoeuvres militaires ,
dont le chef n'auroit jamais commandé des évolutions
militaires , feroit- il poffible , avec la plus
grande intrépidité , de ne pas tomber fous les
coups des ennemis ? La marine militaire &
la marine commerçante font deux inſtitutions
différentes . L'une & l'autre eft néceffaire ; mais
.....
( 276 )
a ne fauroit , fans injuftice , placer au premier
rang de la marine militaire les officiers marchands ,
& priver ainfi de leur avancement les marins uniquement
dévoué au fervices de l'Etat . Croyezvous
que l'efprit militaire puiffe s'abaifler à ce
point , & que l'officier militaire puiffe fe mettie
dans la dépendance d'un armateur ? Eft-il de la
dignité de la nation de mettre ces officiers fous,
l'autorité d'un prépofé particulier ? Quoi de plus
avantageux pour les négocians de n'avoir autun
fervice public à faire pendant la paix , & de trouver
de l'emploi fur les vaiffeaux de l'Etat
quand la guerre a fufpendu leur commerce !
Le brevet d'officier militaire ne peut être donné
qu'à ceux qui fervent en cette qualité ſur les vaiffeaux
de l'Etat. Corrigeons les abus ; mais ne
nous écartons pas des principes appuyés par l'expérience
. Le corps de la marine militaire ne doit
plus être privilégié , tout citoyen doit y être
admiffible , mais en paffant par tous les grades.
Il ne faut pas d'officier marchand s'il n'a
fervi dans les grades inférieurs de la marine militaire
. Je demande que l'Affemblée décrete
avant toute autre difcuffion , qu'il y aura un
corps militaire de la marine entretenu aux dépens
de l'Etat , & compofé d'afpirans , de lieutenans ,
de capitaines de vaiffeaux , d'amiraux , de contreamiraux
, &c.

On a décrété l'impreffion des opinions de M.
Malouet & de M. de Sillery , en ajournant la
difcuffion .
De la marine paffant aux finances , l'attention
de l'Affemblée s'eft attachée au rapport qu'a fait
M. le Brun des viciffitudes du tréfor public. M.
Anfon qui n'étoit pas hier au comité , a taxé
M. le Brun de parler au nom du comité fans
l'avoir
( 277 )
l'avoir confulté . Le rapporteur s'eft peremptotrement
juftifié , & a fermé la bouche à fon détracteur
. Sa conclufion , peu fufceptible d'être
ajournée , a produit un décret qui ordonne que
lá caiffe de l'extraordinaire verfera au tréfor public
60 millions , pour fubvenir aux befoins du
mois de janvier 1791 .

que
Ce rapport eft un ouvrage aufli rempli d'idées
de calculs ; M. le Brun y a porté le courage
de la vérité , vertu fi rare dans nos jours où
elle eft fi néceffaire . Dans fa première partie ,
il a tracé , d'après les réſultats du comité , l'état
détaillé de la recette très -probable & de la dépenfe
très- certaine des trois premiers mois de cette année.
La balance exige pour le tréfor public un fecours
extraordinaire de 208 millions , favoir 60,521,000
liv. pour le mois de janvier , 73,295,000 liv . en
février , & 73,702,000 livres en mars . Dans la
feconde partie , M. le Bruna expoſé ſes réflexions
individuelles fur les impofitions , en critiquant plufieurs
bafes du nouveau fyftême , & fpécialement
la contribution perfonnelle.
L'orateur a éloquemment infifté ſur cette inal
térable vérité que , fans gouvernement , fans pouvoir
central , fans ordre public , fans paix , fans
fûreté , fans fécurité , point de finances , point
de crédit , point de reftauration folide . La févérité
de ces maximes éternelles , contraftant avec les
Aatteries, par lefquelles les adreffes , les folliculaires,,
& les rhéteurs populaires effayent de déshonorer
l'Affemblée , M. le Brun a reçu quelques marques.
d'improbation , & on s'eft refufé à l'impreflion
de fon rapport . Si l'auteur le rend public , nous
le ferons connoître plus au long : c'eft un nouveau
titre à l'eftime qu'a déjà acquife M. le
N°. 4, 22 Janvier 1791. N
( 278 )
Brun , connu depuis long - temps , comme l'un des
meilleurs , des plus corrects , des plus mâles écrivains
de notre fiècle .
Familiarifés à la marche des délibérations de
l'Aſſemblée , nos lecteurs ne feront pas furpris de
paffer du tréfor au Comité eccléfiaftique . Ce Coinité
étoit chargé de préfenter une adrefle , une
véritable inftruction paftorale , fur la conftitution
civile du Clergé. Ayant appris que M. de Mirabeau
avoit un travail tout prêt fur cette matière ,
il a décidé unanimement que ce travail rempliroit
l'objet du Décret.
A moins d'avoir fous les yeux le mandement
philofophique de M. de Mirabeau à tous les eccléfiaftiques
& fidèles de France , il eft impoffible
d'apprécier les raifonnemens vraiment amphigouriques
de l'auteur . Il nous faut du temps pour le
comprendre , & fi nous y parvenons , nous tâcherons
, la femaine fuivante , de le rendre intelligible
à nos Lecteurs . Les candidats - amiraux des
galeries font devenus , tout-à- coup , autant de
docteurs en théologie , pour applaudir cette inftruction
.
Elle finiffoit par une tirade fanglante contre le
Clergé , oul'Auteur le repréfente fous les traits dont
on s'eft fervi pour peindre Alexandre VI , le
Cardinal de Loraine & le Cardinal Dubois .
On a refufé d'entendre M. l'abbé Maury ; on
a battu des mains lorfque l'impatience l'á fair
fortir de la falle . M. Camus s'eft écrié qu'on
ne pouvoit entendre ce fcandale de fang-froid ,
& a demandé l'ajournement . En général , à travers
le plus affreux tumulte , on a trouvé beaucoup
d'amertume dans la bulle conciliatoire du
ouveau Patriarche féculier des Gaules. » Puifque
( 279 )
>
l'Affemblée n'approuve pas mon adreffe , a dit
M. de Mirabeau , non- feulement une réforme
mais une réfacture eft néceflaire ; cependant
j'attefte qu'elle ne contient pas un mot dont je
ne réponde fur mon honneur & fur ma tête.
M. de Folleville a demandé la divifion de cette
dernière motion . L'inftruction a été renvoyée au
Comité. La plupart des eccléfiaftiques étoient fortis
avant la fin du mandement de M. de Mirabeau.
Du famedi , 15 janvier..
Quels que foient les promoteurs ,
connus , de nos calamités locales , il n'eſt aucune
contrée aufli féconde que la Provence , en délations
& accufations du crime encore indéfini de
lèfe -nation . M. d'André a fait décréter qu'après
les interrogatoires des accufés , détenus dans les
prifons d'Aix , de Marſeille , de Toulon , & autres
villes , pour crimes de lèze- nation , les procédures
feront envoyées au comité des recherches ,
& qu'il fera furfis au jugement , jufqu'à ce que ,
fur for rapport , l'Affemblée nationale ait ordonné
ce qu'il appartiendra .
cachés ou
On a renvoyé au même comité un mandement ,
portant le nom de M. l'archevêque de Paris , &
& une inftruction de M. l'Evêque de Boulogne ;
& aux comités des colonies & de la marine réu→
nis , plufienis imprimés arrivés récemment de la
Martinique , & relatifs à l'affreufe fituation de
cette colonie .
On a repris la difcuffion fur l'organiſation de
la marine. M. de la Galiffonnière a foutenu la
néceffité d'une féparation fortement prononcée
entre les deux marines , dont l'une a pour encou
ragement des vues de commerce , & l'autre l'hon-
N 2
( 280 )
neur. « S'il eft effentiel , a dit l'honorable membre
, que l'opinion publique flétrifle l'officier des
troupes de terre , qui fe livre à des spéculations
mercantiles ; il l'eft encore plus que cette opinion
maîtriſe l'officier de marine , expofé à des
tentations fi fréquentes & fi délicates , parce que
la nature de fon fervice ne peut lui offrir la
même perſpective de fortune que les opérations
de la marine marchande » . Il a craint que fi l'on
ne diftinguoit pas les deux marines , des officiers
marchands qui monteroient des vaiffeaux de
guerre , ne les rempliffent de marchandiſes , au
point d'embarraffer les batteries & d'empêcher
le fervice : il a confidéré le fyftême du comité
comme l'impraticable réſultat d'un travail d'ef
prits novateurs , profcrit à la fois par la raifon
& par l'expérience . L'état qui n'auroit pour officiers
de marine que des Officiers marchands
feroit fans armée navale , puifque l'officier marchand
, de retour dans le port , ne s'occupe que
d'opérations lucratives & commerciales .
,
Sa conclufion a été un projet de décret conftitutionnel
qui affureroit à la nation une marine
militaire , entrenue aux frais de l'état , où le Roi ,
chef fuprême de l'armée navale , auroit le choix
d'un certain nombre d'emplois , la nomination &
la deftitution des commandans des flottes , des
efcadres , de tous bâtimens de guerre , & où tous
les citoyens feroient fufceptibles d'avancement
d'après des loix fixes .
M. Malouet a demandé qu'avant de délibérer
fur l'organiſation générale , on décrétât qu'il y
aura un corps de marine militaire entretenue aux
dépens de l'état .
S'attachant d'abord à juftifier le comité du
( 281 )
reproche d'ignorance , quelques membres ne Mi
avoient pas épargné , M. Fermont , ci- devant
procureur , & aujourd'hui l'un des législateurs de
la marine a dit qu'une loi qui n'admettoit aucune
diftinction entre des citoyens égaux qui
exercent la même profeffion , ne prouvoit pas
l'ignorance de ceux dont elle étoit le projet il
s'eft plaint que les marins avoient fui le comité .
Selon lui , la marine doit être régénéréc , & il a
conclu qu'on devoit décréter provifoirement une
marine nationale .
::
M. Voidel, en votant l'ajournement , a grondé
l'Affemblée de fon apathie , tandis que Léopold
& les Princes Allemands arment avec célérité . Il
vouloit que le comité militaire rendit compre
inceffamment d'un travail fur les troupes auxiliaires.
MM. de Sittery & Lavie ont appuyé l'ajournement
fur ce que le plan du comité de la marine
déplaifoit aux deux parties intéreffées . Des commerçans
& des armateurs de divers ports de mer
ont effectivement fait de vives repréſentations .
L'opinion de M.de la Coudraye étoit de former un
autre comité compofé de marins inftruits ; il a
propofé de même d'invoquer les lumières , fur la
marine , de MM. de Lameth , de Noailles & de la
Fayette , parce qu'ayant été en Amérique , ils connoiffoient
le mouvement militaire d'un vaiffeau .
M. Fermont a défiré deux comités pour les deux
opinions. M. Biauzat s'eft plaint qu'une main
invifible eût éconduit du comité M. de Kerfuint
connu par de bons ouvrages fur cette matière.
M. Barnave a demandé une adjonction de fix
membres. Les comités peu nombreux font toujours
plus actifs , a dit M. le Chapelier . Dans
les comités , comme dans toutes les affemblées &
N 3
( 282 )
.
corporations , quelques membres s'emparent de
tout , dirigent tout , font tout , a obſervé M. Charles
de Lameth, & l'on en a cru fon expérience ; on
a décrété les fix adjoints , qui ne devront pas.
êrre membres d'aucun autre comité .
Au nom du comité des domaines , M. Geoffroy
a fait le rapport de l'affaire du Clermontois , donné
au grand Condé en 1648 , fous la minorité de
Louis XIV , que Condé perdit en 1654 , pour
s'être ligué avec l'Efpagne contre fa patrie , qu'il
recouvra en 1659 par une claufe du traité des.
Pyrenées , & dont le roi acheta les droits régaliens
pour 600,000 liv . de rente en 1784. Cette affaire
eft ajournée à la féance du foir.
On a renvoyé au comité des rapporis une lettre
du département des Pyrenées orientales , contenant
des doutes à éclaircir fur le décret relatifaux troubles
de Perpignan ; & au comité des finances .
la motion très - applaudie , de M. Foucaule
de s'occuper d'un moyen d'aflurer à la pofte .
les affignats , dont un fi grand nombre eft ,
fouftrait journellement des paquets qui les ren- :
ferment.
d'.
Du famedi , feance du foir.
Deur décrets ont déjà été rendus fur le bouton
uniforme des gardes nationales . Quelques fabricans
s'étant plaints que le dernier de ces ftatuts
mettoit hors d'ufage les premiers boutons fabriqués
, une troifième loi a prononcé aujourd'hui
que les nouveaux boutons ne pourroient circuler
qu'au 14 juillet prochain .
L'ordre du jour ayant appellé la difcuffion au
rapport fur le Clermontois , M. l'abbé Maury
a défendu l'hiſtoire & les titres à la main , les
( 283 )
droits de M. le Prince de Condé. En accordant
le principe de l'inaliénabilité du domaine , il a
prouvé qu'au moment de la ceffion , le Clermontois
n'étoit point une domaine de la couronne.
Il fut affuré au grand Condé par trois
traités fucceffifs , & fut la récompenfe des plus
mémorables fervices , de trois victoires fanglantes ,
de trois provinces conquifes , de la France fauvée.
Si ces titres ne fuffiient pas à M. Geoffroy
avocat , & rapporteur de cette affaire , faut-il
plaindre ou féliciter la nation , dont un Praticien
arbitre ainfi la reconnoiffance , & dédaigne à
ce point la fûreté ? M. l'Abbé Maury a demandé
l'ajournement ; motion à laquelle s'eft joint M.
de Clermont- Lodève , qui a follicité l'adjonction
du Comité diplomatique à celui des domaines ,
pour l'examen de la donation . Cette opinion
dont M. de Clermont - Lodève a développé les
motifs avec autant de folidité , que de clarté &
de fang- froid , a entraîné celle de l'Aſſemblée ,
qui a prononcé l'ajournement & le renvoi aux
deux Comités , malgré les efforts de M. le
rapporteur , qui a puifé fes autorités dans Rebolet
l'un des plus miférables Hiftoriens du
règne de Louis XIV.
Du dimanche , 16 janvier.
Quelques articles additionnels au décret fur
la Gendarmerie nationale ont précédé la lecture
d'une lettre du Miniftre de la guerre au Préfident
. M. du Portail prévient l'Affemblée qu'il
eft informé par un Officier du régiment de Soif
fonnois , arrivé avec des dépêches , qu'une partie
de ce corps a été féduite à Avignon . 75 foldats ,
joints à cinq dragons de Penthièvre , ſe font
N 4
( 284 )
réunis à la garde nationale d'Avignon pour aller
attaquer . Carpentras. La lettre du Miniftre eft
écrite avec une retenue qui annonce un homme
tremblant de fe compromettre par l'annonce d'une
mauvaiſe nouvelle fon Souverain .
M. Charles de Lameth a effayé de prévenir
les mefures de l'Affemblée , en élevant des doutes
fur les caufes de cet évènement. M. de la Tour
Maubourg, Colonel du régiment de Soifonnois ,
a repliqué , au nom des trois Comités diplomatique
, des rapports , & d'Avignon , & il a conftaté
les faits. Le 9 , la garde nationale d'Avignon
a entraîné les foldats de Soiffonnois de leurs
cafernes au cabaret ils fe font répandus dans
la ville , ont danfé en public , & donné tous les
fignes d'infurrection. Le Lieutenant Colonel allarmé
, a voulu avec de grandes difficultés raffembler
le régiment. A l'appel , il s'eft trouvé beaucoup
d'abfens les détachemens envoyés pour
les ramener ont été infultés & menacés par la
populace & la garde nationale. Les Officiers Mu -`
nicipaux ont plaidé la caufe des déferteurs ; il - a'
falla retirer l'ordre de les faire rentrer de force
dans leurs quartiers . Le foir à dix heures
:
foldats & dragons font partis avec leurs em
bancheurs pour faire le fiège de Carpentras .
Depuis ce départ , le régiment eft à- peu - près prifonnier
dans Avignon , les Officiers font livrés
aux infultés du peuple , menacés , & réfolus de
périr plutôt que de manquer à leur devoir.
M. de la Tour Maubourg , a demandé , de
concert avec les trois Comités , la retraite du régiment
de Soiffonnois . L'Affemblée a décrété
qu'il quitteroit fur-le-champ Avignon , ainfi que
la compagnie des dragons de Penthièvre. Plufieurs,
( 285 )
membres du côté gauche , MM . Soupilleau ,
Muguet, Bouche ont inutilement crié contre cette
difpofition. M. Bouche s'intéreffoir à la compagnie
de Penthièvre , qui , felon lui , eft dans
le fens de la révolution : il a dénigré les fen- ,
timens des Officiers de Soiffonnois ; mais ; fon
efpoir de conferver à fes protégés l'appui d'un
régiment en défordre , a été complettement
fruftré .
Dimanche dernier , le Corps Municipal
a renouvellé dans les Eglifes la cérémonie
de la preftation du ferment pour les Fccléfiaftiques
; un feul Curé d'une petite paroifle
s'eft joint aux 16 ou 17 premiers qui
ont rempli cette formalité. Le Curé de
Saint- Germain l'Auxerrois eft au nombre
des refufans. Tous les Eccléfiaftiques des
Communautés nombreufes de Saint Sulpice
, de Saint - Paul , de Sainte - Marguerire
, de Saint - Roch ont imité leurs
Paſteurs , dont on eft obligé de garder
les maifons. Il s'éleva affez de tumulte à
St. Roch , des imprécations , des menaces
contre le Curé des témoins oculaires
nous ont affuré avoir vu répandre de l'argent
dans l'Eglife même. Des lecteurs anr-
Bulans établiffent tous les foirs leurs tréteaux
en divers lieux , entr'autres dans le
paffage de Saint- Germain - l'Auxerrois , &
ils lifent en public aux amateurs des bro-
NS
( 286 )
chures meurtrières contre le Clergé. Il eft
étonnant que la police ignore que la li-,
berté des opinions ne s'étend pas dans
un pays où l'on porre quelque reſpect à
la fûreté publique , jufqu'à catéchifer le
meurtre dans les rues.
--
M. de Calonne , que les Folliculaires ont
tenu caché quatre jours à Genève , n'y a
pas féjourné quatre heures : il eft paffe en
Suiffe , où M. le Prince de Condé eft arrivé
, avec une fuire nombreufe , par la
rive orientale du lac qu'il a traverſé. Ce
Prince fera quelque féjour à Berne d'où
l'on préfume qu'il fe rendra en Allemagne ,
ainfi que M. le Comte d'Artois actuelle
ment à Veniſe. Le Confeil fouverain
de Berne ayant atteint & convaincu M.
de Perigny de difcours & démarches tendans
à fémer la fédition parmi les habitans
de la République , a été banni de la Suiffe
entière. Il restera en prifon , jufqu'à ce que
les Valaifans chez lefquels il eft accufé
d'avoir porté le trouble , décident ou non
de le réclamer. On préfume qu'ils l'abandonneront
à fa deftinée , & à la fentence
de Berne.
Nous avons annoncé la femaine dernière
la retraite de M. de Vauxvilliers , fans en
dire l'occafion & les motifs : Ils méritent
d'être connus , & l'on en trouvera l'expofé
dans la note fuivante.
( 287 )
ce Le mercredis janvier , à fix heures du foir ,
le corps municipal a ouvert fa féance par la lifte
des commiffaires qui devoient aller recevoir le
dimanche fuivant le ferment des eccléfiaftiques .
Après quelques difcuffions fur les convenances.
entre les commiffaires , par rapport aux lieux &
aux adjoints de leur miffion , la lifte a été mife
aux voix & adoptée . Le nom de M. de Vauxvilliers
n'y étoit point , & plufieurs autres noms
d'officiers municipaux ou de notables ne s'y
trouvoient pas non plus. Différens rapports ont
été préfentés enfuite au corps municipal . Vers
les neuf heures , M. de Vauxvilliers en a fait
un fur le rétabliſſement de la navigation des
rivières d'Effône & d'Etampes. Le rapport fini ,
comme il ouvroit la porte pour fortir , M. Ga¬
hier , fubftitut du procureur de la commune , l'a
requis de demeurer , fa préfence étant , difoit - il,
néceffaire à ce qu'il alloit dire . M. de Vauxvil
liers s'eft remis en place . M. Cahier a dit qu'il
avoit remarqué , avec inquiétude , que le nom
de M. de Vauxvilliers n'étoit pas fur la lifte ;
pourquoi il requeroit que M. de Vauxvilliers
expliquât cette omiffion , déclarât fes fentimens
à cet égard , & que M. le maire interpellât M.
de Vauxvilliers de répondre à fa demande . M.
le maire a obéi , & M. de Vauxvilliers a répondu
qu'il avoit defiré n'être point chargé de
cette miffion , en ajoutant que tout le confeil
favoit , ce qu'il avoit déclaré tout haut , qu'il
étoit fur le point de donner fa démiffion » ,
« Cette réponſe ne fuffifant point à M. Cahier
, il a repris fon interpellation & exigé une
réponſe pofitive à fa demande . Alors M. de
Vauxvilliers a répondu : « je demande acte au
сс
N 6
( 288 )
corps municipal de ce que , fous la loi de la liberté
, fous le régime d'une conftitution qui
déclare le droit de fenfer , de parler & d'écrire ,
imprefcriptiblement inhérent à l'homme , contre
les termes textuels d'un décret qui défend que
perfonne puiffe être inquietté ni recherché pour
fes opinions religieufes , tant que leur manifeftation
ne trouble point l'ordre public ; lorfque
je n'ai manifefté mon opinion ni publiquement ,
ni officiellement , ni de parole , ni par écrit , M.
le fubftitur convertit fon ministère en un miniftère
d'inquifition , four fonder l'intime de ma
confcience , & chercher au fond de mon coeur
le fecret fur lequel l'Affemblée nationale lui a
défendu de porter un regard téméraire » ..
: «
ce M. le fubftitut a infifté avec plufieurs membres
du corps municipal , & M. de Vauxvilliers
a repris j'infifte fur l'acte que j'ai déjà demandé
. Je déclare que je me tairois , fi je n'étois
pas provoqué ; que je ne réponds que parce que
Fy fuis contraint. Je demande acte de ce que
je ne parle que pour donner à mes concitoyens
l'exemple du refpect pour l'autorité légale , lors
même qu'elle abuſe de fon pouvoir en violant
la loi , & puifqu'on m'y force , je déclare que
cette miffion répugne à ma confcience , & que ,
comme aucune loi ne peut me contraindre à garder
ma place , je donne ma démiffion & je me
retire » . Après quelques expreffions peu mefurécs
, on a voulu forcer M. de Vauxvilliers a
répondre par oui ou par non s'il vouloit que
fon nom fût infcrit fur la lifte. Il a répondu
qu'on n'avoit pas droit de lui preferire les termes
de fa réponse ; qu'il s'étoit expliqué , & qu'il
foit des droits de l'homme en quittant fa place
",
( 289 )
& en fe retirant ; il eft forti. Le foir même
il a envoyé au conſeil général fa démiſſion qui
a été acceptée ».
go
Nous avons fufpendu de revenir aux der
nières atrocités qui ont fouillé la Ville d'Aix ,,
jufqu'au moment où des informations dignes
de confiance nous permettroient de
fixer l'opinion publique fur les caufes & les
circonftances de ce crime populaire . Plufieurs
relations authentiques que nous avons
reçues nous autorifent à déchirer le voile
dont on a voulu couvrir ces attentats , fur
lefquels le filence feroit n tort , puiſqu'à
l'aide d'une hiftoire calomnieufe on n'a pas
craint de les juftifier , de les vanter même ,
& de faire ainfi un nouvel outrage à la morale
, à l'ordre focial , aux victimes & à la
verité. Nous publions , & on peut lire
avec confiance , la lettre fuivante dont on
nous a garanti les allegations . Elle eft du 4
Janvier.
MONSIEUR ,
Comme il est très-effentiel de faire connoître
la vérité , afin que chacun puiffe juger des faits
& des horreurs qui fe font commifes dans cette
ville , faits que la méchanceté a déjà dénaturés
je vous envoie les notes ci- jointes , pour donner
un démenti formel à ceux qui ont ofé annoncer
des imputations révoltantes par leur infigne
fauffeté.
( 290 )
» Dans le journal de Paris du 20 décembre
1789 , no. 354 , le rédacteur donne un détail
auffi infidèle qu'abfurde . Perfonne mieux que
moi , ne peut rendre compte de tout ce qui s'eft
paffé dans ces malheureufes journées , puifque
j'ai été préfent à tout & ai tout vu .
» Le journal de Paris dit qu'on aranblé
dans une falle , tous ceux qui compofoient le
nouveau club qui s'étoit formé fous le nom des
amis du roi & du clergé ; premier fait faux.
Ce ne fut que le famedi 11 dore , que
cinq citoyens honnêtes le préferent à la municipalité
pour leur donner à examiner le profpectus
d'un nouveau club , fous le titre de défenfeurs
de la religion , des perfonnes & des propriétés
, & ils annoncèrent qu'ils avoient le projet
de s'affembier publiquement au premier jour.
Les principaux points de cet établiſſement
étoient de protéger les perfonnes & les propriétés
, en cas d'elles fuflent attaquées injuftement
, de s'unir à cet et à la municipalité ,
pour lui donner main-forte en cas de befoin &
de trouble ( 1 ) ; & out qu'il ne feroit fait
ne motion fur les affaires publiques , ni pour
nu contre la nouvelle conftitution .
(1 ) Ce qui avoit donné l'idée de former cer
établiffement , c'est qu'un certain abbé Rive ,
qui eft à la tête du club anti - politique , ou des
payfans , ne ceffoit de les exciter & de leur
faire faire des motions extraordinaires contre
l'avocat Pafcalis , au point de demander fo
arreftation & la tête ,
( 291 )

Il eft faux que jamais perfonne ait imaginé
d'arborer la cocarde blanche ; & ce qui le prouve ,
c'eft que dès le famedi 11 , dans la nuit , on a
fait les recherches les plus févères , & au moment
où l'on s'y attendoit le moins , dans prefque, toutes
les boutiques des marchands , pour vérifier s'il y
avoit des cocardes blanches ; on n'a pas pu venir
à bout d'en trouver une feule : mais ce n'étoit
là que le prétexte & le fignal.
Le journaliſte parle enfuite de la promenade
des députations des deux clubs des amis de la
conftitution & des anti-politiques ou des payfans ,
& dit qu'elles furent infultées. Voici les faits
que l'on ne pourra conteſter ;
A trois heures après midi , du dimanche 12 ,
une députation des amis de la conftitution pafla
au milieu du cours , très-tranquillement , pour aller
propoſer réunion & coalition avec ceux du club
anti- politique à quatre heures cette première
députation repaffa à la petite allée du cours
du côté des caffés ; elle étoit accompagnée d'une
députation des payfans , qui alloient au premier
club , certifier la réunion & la coalition ; ces deux
députations en paffant devant le caffé , dit de
Cafati , cherchèrent difpure à un des garçons
caffé qui étoit fur la porte , fous le prétexte qu'il
avoit fiffle , ce qui le trouva fi faux , qu'on ne
put ni le lui prouver , ni hafarder même de
l'arrêter mais on vouloit ameuter le peuple &
on y réuffit , parce que cette difpute attira déjà
beaucoup du monde qui ne défempara plus .
:
du
A cinq heures & demie les deux députations
repafferent enfemble devant les caffés du haut
du cours ou de la bourgeoifie , & y chantèrent
fa-ira ; ils huèrent enfulte le cercle dit de l'Af
( 292 )
Jociation , qui eft celui où s'affembloit le plus
fréquemment la nobleffe . Le temps étoit trèsfroid
, & on défie de prouver qu'il y eût un feul
être a cette heure- là devant cette maiſon , dont
toutes les fenêtres étoient fermées .
Les députations huérent enfuite le café dit
de Cafati , où fe raffembloient ces prétendus
êtres qui devoient former le nouveau club. Elles
paffèrent enfuite devant le cercle qui fe trouve
encore plus bas en defcendant le cours ou fe
raffembloient ordinairement les nobles d'un certain
âge , & les traitèrent comme les autres , c'eſtà-
dire avec des huées .
Ces députations étoient déjà au-deffous des
maifons du couvent des Auguftins , ce qui fait
au moins 400 pas de diftance , toujours en defcendant
au bas du cours , lorfque je vis , de mes
propres yeux , la lueur de deux coups de fufils
qui furent tirés du milieu du cours , vis-à- vis
fe premier cercle : dans le moment on cria aux
armes , & une grête de pierres tomba fur les
portes & fenêtres de ce même cercle qui eft au
haut du cours : dans ce moment les officiers &
autres qui fe trouvoient dans le cercle , ou auprès
du feu , ou autour des tables de jeu , fentant
que fi on venoit à enfoncer les portes , ils feroient
égorgés , firent ouvrir , tout - à - coup , les
deux battans de la poite ; fe ferrant enfemble
ils fortirent du cercle , & fe voyant affaillis de
coups de fabres , pierres , piftolets , firent une
décharge des leurs & fe fervirent de leurs épées ,
pour s'ouvrir un chemin à travers la foule immenfe
du peuple ameuté , & au milieu duquel
étoient certaines perfonnes qui l'excitoient au
carnage. Il étoit alors fix heures.
T
( 293 )
Les officiers & autres fe retirèrent au corpsde-
garde militaire , place des Carmelites ; ils
prirent quelques foldats pour les escorter jufqu'au
quartier , & il eft de toute fauffeté qu'il y eût
alors un feul officier fait prifonnier ; car le premier
officier traduit , a été M. de Eroffard , qui
fut traîné par les grenadiers , les chaînes au col ,
aux mains & aux pieds , & il n'a été arrêté que
le 17 , à Roquevaire.
« Ce fait dément la fauffeté de l'inculpation.
que l'on débite contre les officiers , qui ont
voulu , dit - on , exciter les foldats à entrer dans
la ville .
Il eft de toute faufleté encore que les adminiftrateurs
ayent parcourus la ville ce foir là . Dans la nuit
du dimanche 12 au lundi 13 , on intima , il
eft vrai , l'ordre au régiment de Lyonnois de
partir à trois heures du matin , ce qui fut exécuté
avec le plus grand ordre & fans aucune efpèce
de réfiftance des foldats ; mais avec quel
étonnement apprendra-t-on , que les deux bataillons
de Lyonnois étant arrivés , l'un à Roquevaire
& l'autre à Lambefc , diftant de huit lieues
& de côtés oppofés , l'étape & le logement fe
trouvèrent prêts dans les deux endroits ? car
l'on avoit été prévenu dès le famedi au foir.
11 , à Roquevaire , que le premier bataillon
de Lyonnois y arriveroit . Il eft vrai que l'adminiftration
envoya à Marfeille , pour faire venir
à Aix 450 Suiffes du régiment d'Ernft , & 6co.
gardes nationales : les Suiffes arrivèrent effectivement
le lundi à midi , & furent logés au
quartier qui eft une enceinte confidérable , cloſe
de murailles , & au milieu de laquelle eft le corps
des cazernes , dont une partic a été prise pour
( 294 )
fervir de prifons royales . Mais dans la matinée
du lundi on avoit eu foin de faire enlever du
quartier toutes les munitions de guerre qui avoient
été à la difpofition du régiment de Lyonnois , &
on ne voulut jamais en délivrer la moindre partie
aux Suiffes , malgré leurs inftances & leur
réclamation .
Il n'eft pas hors de propos d'obferver que , le
tapage ayant commencé avec une fermentation
incroyable , dès le dimanche au foir , on ne
fonna point le tocfin , on ne battit point la générale
, on ne requit point la totalité de la garde
nationale , qui eft cependant de près de quatre
mille hommes , & il n'y en avoit pas deux cens
en infurrection ; mais on laiffa commander qui
le voulut. On ne penfa point à publier la loi
martiale , à faire fortir le drapeau rouge ; & fi
jamais il a été une occafion où la prudence,
exigeoit cette mefure , c'eft bien celle où ont dif
paru l'ordre , la police , la fubordination : ainfi
on allègue fauffement que les adminiftrateurs
avoient fait toutes les difpofitions qui étoient en
leur pouvoir , pour la sûreté de la ville & furniers
, traduits aux prifons du quar
tout des
tier, dont la garde fut confiée aux Suiffes , dés
leur arrivée .
Ces deux prifonniers , Meffieurs Pafcalis &
la Roquette , n'ont point été enlevés par le peuple ;
mais remis au peuple , par un ordre figné de trois
officiers municipaux : l'ordre exifte ; le geolier fe
fut laiffé égorger plutôt que de les livrer fans
ordre . Les municipaux étoient au quartier des
450 Suiffes , dont le commandant demanda à
plufieurs repriſes ce qu'il avoit à faire ; ils lui
répondirent qu'ils n'avoient qu'à fe tenir tran-.
( 295 )
quilles , que cela ne les regardoit pas , & qu'ils
n'avoient rien à faire .
M. de Guiraman , chevalier de Saint-Louis ,
vieillard âgé de foixante & dix- huit ans avoit
été arrêté le mardi matin 14 , dans une maifon
de campagne , diftante, de trois lieues , ou
il s'étoit réfugié , ne pouvant aller plus
avant attendu qu'il avoit été bleffé dans le
fallon même du cercle , d'une balle à la cuiffe.
On fut inftruit de fon arreſtation avant dix
heures du matin , & qu'une eſcorte de vingt
hommes feulement , l'amenoient fur une charette
où on l'avoit attaché comme un patient fur la
roue.
2.
Pour arriver à la ville , il fallut paffer devant
le quartier des Suiffes ou font les prifons. Aucun
ordre ne fut donné pour la sûreté de ce priſonnier
, qui entra à Aiz avec fon eſcorte , à quatre
heures du foir ; fans aucune formalité , il f
traduit au cours & pendu à un arbre ; mais avec
quelle cruauté !

Et quelle réfiftance , quelle force a-t-on op- \
pofées à ces horreurs ? car de l'exécution des
malheureux Pafcalis & la Roquette , au inat
facre du chevalier de Gaiman , il s'eft écoulé
au moins fix heures d'intervalle . L'arreſtation &
traduction de ce dernier , devoient au moins
prévenir ce nouveau maffacre ; mais une inimitié
particulière , mais une penfion viagère que
lui faifoit.... mais .... mais.... non ; il y a des
horreurs qu'il répugne de divulguer tout le
public les fait & les connoît. Voilà , monfieur ,!
des faits que toute l'Europe doit connoître pourjuger
les coupables .
Une circonftance bien extraordinaire , c'est que
2
( 296 )
nombre des perfonnes qui ont des relations à Paris
, ont reçu des lettres à la date du 13 de-
-cembre écrites de Paris , où l'on ne parle que des
terreurs , que leur occafionnent les bruits répandus
dans la capitale , de nouvelles fcènes de
fang prêtes à éclater en Provence , & notamment
à Aix. Ces lettres , qui , fi on le veut , feront
communiquées dans la procédure , font du 13 ,
écrites de Paris ; & c'eft précisément les 12 , 13
& 14 que fe commettoient en Provence toutes
ces abominations.
On aura foin de vous faire paffer fucceffivement
les éclairciffemens les plus vrais , les plus exacts, fur
tous les faits qui feront rapportés dans ces Feuilles
infidelles , dictées par la partialité & l'infamie de
ceux qui ont tramé cette infernale tragédie , &c . &c .
Aux détails que renferme la lettre précédente
, nous joindrons plufieurs faits importans
, uniformément atteftés par divers
correfpondans , tous témoins oculaires ,
:
- Il eft avéré que le club , dont la naiffance a
amené tant d'énormités , fe formoit fous le titre
de défenfeurs de la religion , des perfonnes & des
propriétés. Le but de fes membres étoit de donner
main-forté à la municipalité en cas de troubles
tels font les termes même du profpectus .
Quatre députés avoient le 11 décembre , informé
le corps municipal de cette afſociation ,
lui en communiquant l'objet & les fouhaits : plus
de 600 citoyens de tout état , formoient déjà
la lifte du club : ce fut le lendemain même ,.. dimanche
12 , qu'éclata la mine deſtinée à la fubverfion.
en
A la tête du club anti- politique , réuni ce
( 297 )
jour même à celui des amis de la conftitution ,
Le trouvoit un abbé Rive , qui , depuis 15 jours
dictoit des motions atroces , entr'autres contre la
vie de M. Pafcalis . La provocation faite aux caffés
du Cours , les deux coups de fufil tirés & qui
femblent avoir été le fignal des affaillans , l'attaque
du café de Guion , la fortie des officiers
& autres perfonnes qui , à la veille d'être
égorgées , s'ouvritent le paffage en tirant leurs
épées & quelques coups de piftolet , font confirmés
par toutes les relations que nous avons
eues entre les mains .
Il feroit difficile de décider s'il y avoit ou non
poffibilité de proclamer la loi martiale ; il feroit
peut- être injufte d'accufer les corps adminiſtratifs
de ne l'avoir pas fait : mais comment expliquer la
défenſe qu'ils intimèrent au commandant du régiment
de Lyonnois de fortir du quartier avec
La troupe ?
M. de la Roquette fut arrêté dans fon lit , la
nuit du dimanche au lundi . La municipalité le
fit d'abord traduire ainfi que M. Pafcalis , aux
prifons royaux , dans l'efpoir qu'ils y feroient
plus en sûreté . Dans le trajet on les faifoit arrêter
fous chaque lanterne, Quatre cens cinquante
foldats Suiffes du régiment d'Ernft , & un bataillon
de la garde nationale de Marſeille , fort
de 8 à 9 cens hommes , arrivèrent à Aix le
même jour , lundi 13 décembre . Les premiers fe
rendirent au quartier Saint-Jean , hors de la
ville.
Le lendemain , mardi 14 , la multitude impatiente
de voir punir les deux prifonniers fe porta
aux cafernes ; M. de Diesbach , qui commandoit
les Suiffes , fit demander des ordres ; il n'en obtint
L
( 298 )
par
aucun . Quelques officiers municipaux , en écharpe ,
fe rendirent aux cafernes , où régnoit la plus horrible
fermentation parmi le peuple amenté : on leur
laiffa percer la foule jufqu'à la porte des priſons ,
& la on les força à figner l'ordre au geolier de livrer
les deux victimes . Cet ordre , qui enjoignoit
de les conduire à la Maiſon commune , étoit dans
le fait une fentence de mort arrachée fûrement
l'effroi de l'encourir foi - même. Les prifonniers
furent immédiatement traînés - au cours à travers
une foule immenfe , & pendus chacun devant la
porte de leur maison . M. Pafcal's ayant demandé
un confeffeur , fes bourreaux le lui refufèrent , en
difant que cette mode appartenoit à l'ancien régime
. Des bandits en uniformes & fans uniformes
qui avoient fuivi le bataillon de la garde nationale
de Marfcille , placèrent la tête du martyr au bout
d'une pique , & l'emportèrent jufqu'au Pin , où
une compagnie de grenadiers nationaux , qui venoient
à Aix , leur arrachèrent. cette dépouille fanglante
, & la firent inhumer .
M. de Guiraman , bleffé griévement à l'attaque
du café , s'étoit réfugié à la campagne , où un
payfan le trahit & le livra . On eut la cruauté de
faire paffer ce vieillard fous les cadavres fufpendus
des deux premières victimes, Cer officier eft le ſeul
qui pouvoit avoir fourni un prétexte à cette rage ,
par l'inconfidération de fes difcours , qu'on lui
avoit plus d'une fois & inutilement reprochés .
On ne rendra qu'imparfaitement le tableau qui
fuccéda à ces fcènes d'horreur . La confternation
& l'effroi repandus dans toutes les maifons , les
familles renfermées , les poites barricadées ,
nul
In'ofant les ouvrir même pour aller à la fontaine ;
les fenêtres clofes au milieu du jour 3
gens
( 299 )
armés fouillant toutes les maifons fufpectes ; vinge
appartemens de citoyens profcrits mirs fous le fcellé;
des emprisonnemens arbitraires chaque jour ; M.
Mignard , beau- père de M. d'André , manqué
d'un quart-d'heure ; MM. Dubreuil , d'Arbaud ,
Armand , tous les fondateurs du club profcrit ,
toutes les relations intimes de M. Pafculis recherchées
dans chaque domicile où l'on pouvoit les
croire renfermés .
L'état du dehors étoit auffi affreux. Les villes ,
les villages voifins entrent en infurrection ; les
chemins fe couvrent de payfans qui faififfent les
fugitifs , & les pourfuivent même dans les forêts .
Les valets de campagne arrêtent leurs maîtres ;
MM. de Beaulieu , de Saint - Martin & d'Etienne
font enlevés de leurs campagnes & menacés de la
mort . M. Lange de St. Suff en , ancien lieutenant-.
eriminel de la fénéchauffée , eft ainfi arrêté par les
payfans , conduit au Pertuis ; on lui paffe la corde
au cou ; le courage du Maire & de quelques bourgeois
l'arrache au fupplice . Les châteaux & les bafrides
du voifinage font fouillés par des bandes de
gardes nationales , & les propriétaires menacés.
De toutes ces recherches vexatoires , on n'a rapporté
ni un feul fufil , ni une livre de poudre :
jufqu'aux maufolées des anciens comtes de Provence
ont été l'objet de cette inquifition .
La fermentation ayant gagné les communautés
de la montagne , les châteaux d'Eiragues & de
Gravaifon ont été dévaftés , les jardins , les arbres
arrachés.
Le régiment de Lyonnois dont la fage conduite
avoit jufqu'à ce jour mérité des éloges , a livré
onze de fes officiers , conduits enchaînés dans les
prifons d'Aix : c'eft peindre d'un trait l'état de
( 300 )
défordre où ce Corps égaré cit maintenant plongé.
Le bataillon de la garde nationale de Marſeille n'a
mérité aucun reproche : au contraire ; il étoit bien
compofé, & déterminé à maintenir l'ordre & à réprimer
le crime , fron l'avoit employé ; mais il n'a
jamais été requis , non plus que le bataillon d'Ernst
M. de iiesbach quile commandoit , nous a mandé
très-pofitivement ce fait , en nous confirmant ce
qu'on aura déjà vû , que les prifons n'ont point
été forcées , que malgré leurs démarches pour être
employés , les Suiffes ont été laiffés dans l'inaction ,'
& qu'aucune force militaire ne fut préſente au déchirant
fpectacle du fupplice des deux infortunés
prifonniers.
Une proclamation des corps adminiſtratifs , qui
défend les arreſtations , les vexations , les fouilles ,
les cris à la lanterne , a ramené quelque tranquillité
à Aix depuis le 20 décembre : un nombre
très-confidérable de citoyens en ont profité pour
fuir cet affreux féjour du 23 au 27 , on avoit,
délivré plus de deux mille paffeports : des rues
entières reftent inhabitées . Croiroit-on que dans
cet état de défolation , les fpectacles font ouverts ,
le club des amis de la conftitution a fait
donner une repréfentation au profit des clubiftes
pauvres , & envoyé des billets de premières loges
dins les maifons , afin de faire ainfi contribuer
ceux qui auroient abſenté la comédie ?
&
que
-
ancien
Il est très certain que M. Lieutaud ,
général de la garde nationale de Marſeille , cor-,
refpondant affidé de M. de Mirabeau , & qui ,.
ayant participé aux premiers troubles de Marfeille
, étoit devenu un idole populaire , expie,
maintenant cette faveur dans une prifon . Dépofé
de fon commandement depuis quelque tems ,
par
( 301 )
ou
par l'inconftance de l'amour du peuple & par la
fécondité des intrigues qui la dirigent , il s'étoit
embarqué fur une felouque Catalanne ; le vent
força le bâtiment de relâcher à Bandols ,
il fut arrêté & conduit à Toulon , d'où , à
la requête de Marfeille , il a été amené enchaîné
dans cette dernière ville . Pendant fon règne , il
avoit tenté d'épurer la garde nationale , de la
rendre utile à l'ordre public , & de rétablir
une police fûre . Voilà les caufes de fon infortune
actuelle il n'en a pas fallu davantage pour le
rendre fufpect.
:
Nous devions des détails exacts ; nous
venons de les donner avec étendue : ils
caractériſent cette épouvantable cataftrophe.
Le Quercy vient de nous en offrir une nouvelle.
Nous avions inexactement défigné
trois Commiffaires envoyés dans cette province
, parmi lesquels un médecin. Ce Médecin
M. Lafiffe, Officier Municipal de Paris,
eft l'un des trois Commiffaires paffés à
Aix. Le Quercy n'en a que deux , MM.
Godard & Robin. Le premier nous eft perfonnellement
connu par des talens & des
qualités très - eftimables ; nous le plaignons
d'avoir été chargé d'une miffion prefque
inexécutable par les moyens qu'on a employés.
Ces Commiffaires ont rendu le 1er.
de ce mois , à leur arrivée à Cahors , une
proclamation affectueufe , dont le ftyle feroit
très-convenable pour un Peuple fou
N°, 4. 22 Janvier 1791. O
( 302 )
levé contre des abus d'autorité , & duquel
le langage de la loi & de la raifon peut
être entendu ; mais le fera- t- il d'un ramas
d'incendiaires & de brigands ? En blâmant
l'énormité des défordres , les Commiflaires
raffurent ces dévastateurs contre l'emploi
de la force , ils leur parlent de la Nation
qui vient au-devant d'eux ; ils les conjurent
de fe jetter dans leurs bras ; ils exhortent
les citoyens à ne plus fonger à s'attaquer
ni à fe défendre. Eh ! qui donc défendra
les propriétaires , s'ils ne fe défendent euxmêmes
L'abandon où on les a laiffés , la
lâcheté ou la connivence des Corps adminiftratifs
, la barbarie avec laquelle on
a chaffé de Cahors , ceux qui fortant de
leurs maifons en flâmes , venoient y chercher
un afyle , avoient déterminé la réunion
de plufieurs citoyens pour leur propre
défenfe : ils firent en ces termes la déclaration
de leur deffein à la Municipalité du
Lauzerte , le 17 décembre.
« Nous fouffignés , informés dubrigandage qui
fe font commis , il y a quelques jours , aux environ
de Gourdon & de Cahors , que même en
ce moment les environs de Moncuq font la proie
des brigands qui dévaltent les propriétés , pillent
& démoliffent les châteaux & maifons particujères
, & répandent dans le pays une terreur univerfelle
; nous donnons avis à Meffieurs les officiers
municipaux de Lauzerte que , nous nous
réuniflons pour marcher contre ces brigands &
( 303 )
protéger les propriétés de tout individu qu'ils
oferoient attaquer , & dans la crainte que cette
démarche puiffe être interprêtée d'une manière
défavorable , & qu'on nous fufpecte de nous vouloir
oppofer à quelques- uns des décrets de l'Affemblée
nationale , nous déclarons à Meffieurs les
officiers municipaux , qu'en prenant les armes
nous n'avons d'autre motif que l'intérêt général
& la fûreté des propriétés ; que nous ferons toujours
prêts a voler au fecours de tout individu qui
feroit attaqué , que fur l'invitation , foit du diftrict
, foit des différentes municipalités qui le
compofent , nous marchons avec plaifir à leurs
fecours , & que dès l'inftant où la tranquillité
publique fera rétablie , nous féparons & nous
quitterons les armes .
Nous prions Meffieurs les officiers munici
paux de communiquer la préfente déclaration aux
autres municipalités des environs , afin qu'elles ne
puiffent pas fe méprendre fur le vrai but de notre
union momentanée. Nous la prions également
d'engager tous les bons citoyens de Lauzerte de
fe joindre , afin d'en impofer plus fûrement à tous
ceux qui voudroient troubler l'ordre & la tranquillité
publique , & nous efpérons que leur
exemple décidera les habitans des campagnes à
s'unir à nous dans les mêmes vues .
Signés , D'ESCAYRAC , VARILLAC , POCH
PEYROUX , DE BEAUCAIRE , BONNÁL , CROY ,
ROZET , LE BOMEDE , POLAGRUE , CHATELAU ,
DE BOISSIÈRES , LA DUGUIRE , BOISSIÈRES fils ,
Chevalier DE BONNAL ; fait au Château du
Caftel , le 17 décembre 1790 .
O 2
( 304 )
Après quelques efcarmouches avec les brigands ,
M. d'Efqueyrac , légèrement bleffé , trahi dans
fon efpoir de réveiller enfin la force publique ,
& livré ainfi que les propriétaires à la merci de
nombreuſes bandes de tigres , s'étoit retiré dans
fon château , où il fut bientôt menacé. La province
couverte de ruines , des maifons fumantes
ne lui offrant aucun afyle , il s'évada pour paſſer
en Languedoc. Le 7 , il arriva à Bazet accom→
pagné d'un ami, chez le comte de Clarac, Maréchalde-
Camp & fon parent . Deux domestiques dont
l'un de fa fuite , étant reftés en arrière , ils furent
arrêtés eux & leurs chevaux après avoir paffé le
Tarn , par une troupe de gens armés . Inutilement
M. de Clarac les réclama , foit auprès de la milice
nationale , foit auprès de la municipalité . Bientôt
fa maifon fut entourée & bloquée . Le lendemain
, il ne fut plus poffible de douter d'un
projet de violence. M. de Clarac raffuré Far le
sémoignage de fa confcience , & comptant trop
fur l'autorité de fes bienfaits , fe préfenta à la
multitude foulevée par des inftigateurs . Les officiers
municipaux , la garde nationale étoient préfens.
Il leur parla du ton le plus affectueux , &
rentra chez lui fans rien obtenir. Dans l'aprèsmidi
, la municipalité l'invita à defcendre ; il
defcendit avec confiance , très - furpris , néanmoins
de voir ce corps civil efcorté d'une
troupe nombreuſe & formidable . M. d'Efqueyrac
pour diffiper leurs foupçons leur ouvrit fon portefeuille
. Toutes ces démarches pacifiques furent
infructueuses : enveloppé de gens armés , M. de
Clarac remonta dans fon appartement , & perfonnellement
menacé , il redefcendit avec fon
Eufil qu'il laiffa dans le veftibule & un piftoler
>
( 305 )
#
de poche dans fa main droite . Auffi- tôt le fieur
Planchon , officier de la garde nationale , fit faire
un demi cercle à fa troupe ; M. de Clarac fur
* affailli de plufieurs coups de fufil qui , heureufe
ment , ne l'atteignirent pas . On à répandu que
dans la mêlée , le fieur Planchon avoit été légè
rement bleffé à l'épaule : fi cela eft , cet accident
aura inconteftablement été l'effet de la maladreffe
de fes tireurs. Il faut être fou pour imaginer
que M. de Clarac ait fait ufage d'un piftolet
de poche pour fe défendre contre une muk
titude d'ennemis armés & furieux . Renfermé avec
fes deux hôtes , il tenta en vain par les fenêtres
de nouveaux moyens de perfuafion : il jetta de
l'argent en abondance ; on prit fon argent , &
on le remercia par des coups de fufil redoublés .
Les cris de mort & les hurlemens annoncèrent le
dernier acte . Bientôt le feu eft mis aux quatre
coins du château ; mais avec tant de rage que la
populace & la garde alloient couper les bois , les
charmilles du parc pour alimenter l'incendie . Le
malheureux marquis d'Efqueyrac ayant tenté de
s'échapper au travers de ce brafier , cinq coups
de fufil l'étendirent mort fur la place . M. de
Clarac & fon dernier hôte cherchent leur falut
dans un fouterrein voûté ; l'inftant d'après , la
maifon embrâfée s'engloutit fur eux ; ils reftent
à demi étouffés fous ces décombres , par la pouffière
& la fumée , juſques dans la matinée du
dimanche 9.
Quelques ames compatiffantes avoient couru à
Toulouſe & autres lieux. De Toulouſe on envoie
à ces infortunés le Procureur fyndic du département
. Heureufement d'autres villes moins
confiantes firent paffer de la garde nationale .
0 3
( 306 )
Celle - ci artacha M. de Clarac & fon compagnon
de la fournaife où ils alloient expirer .
Bientôt on les livre à des humiliations plus
affreufes que la mort : au travers des bayonnettes
, des menaces & des outrages de la multitude
, on les traîne dans les prifons de Touloufe.
L'accufateur public a l'inconcevable courage
de dénoncer & de faire pourfuivre M. de Clarac ,
pour ce prétendu coup de piftolet , qu'il affirme
fur fa religion & fur fon honneur n'être jamais
parti de fa main . Cet accufateur public va faire
entendre en témoignage les propres affaffins de
M. de Clarac , les raviffeurs de fes effets , les
' incendiaires de fon château ; & fon miniftere refte
inactif à la vue de ces forfaits .
Le récit fidèle que nous venons d'en
tracer , eft extrait d'une lettre du 12 , revêtue
des plus refpectables fignatures. Qu'on nous
étourdiffe maintenant de pé: oraifons philofophiques
fur les droits de l'homme . Quels
droits , bon dieu ! & quelle liberté que celle
qu'on entend fonder fur de pareils crimes !
Et où eft donc l'empire , l'exiſtence de
cette conftitution qui doit affurer aux ch
toyens la fûreté & la propriété ? Et c'eft
ainsi qu'en exécutent les décrets , qu'en rempliffent
l'objet , ceux que la loi & leur
ferment ont chargé de la maintenir ! On
jure fans ceffe de la défendre contre les
Autrichiens & des confpirateurs imaginaires
, & le privilège de la fouler aux pieds
par les crimes les plus atroces eft le feul
( 307 )
qui foit refpecté. On ne reconnoîtra pas
la nation dans ces tragédies , qui fe renouvellent
fans guerre civile , & plus affreufes
qu'elle. La nation n'eft pas un ramas d'hommes
pervers ou effrénés , qui font de la révolution
une guerre de fcélérats contre
les gens de bien & de ceux qui n'ont
rien contre les propriétaires ; mais la nation
indignée le plaindra qu'on la rende
complice de ces abominations , en leur
affurant l'impunité par des amnifties , par
des procédures étouffées , par des rapports
artificieux .
Lettre de M, Forêt , curé d'Uffel en Limousin,
député à l'Affembléc nationale , à M. le Préfident
, du 5 janvier 1791 .
› Monfieur le Préfident puifqu'il n'eft pas
poffible d'avoir la parole ce matin , & d'être entendu
à la tribune , je vous prie d'être l'organe
de mon voeu auprès de l'Affemblée . Elle voudra
bien fe rappeller que je n'ai prêté mon ferment
que conféquemment & conformément au principe
énoncé deux fois par M. l'évêque de Lydda ,
& deux fois reconnu & applaudi par elle fur l'autorité
& la jurifdiction fpirituelle de l'églife , &
fur l'intention de l'Affemblée de n'y porter jamais
aucune atteinte. Comme je n'ai prêté mon ferment
que fous la foi & fous la garantie de ce
principe , & que l'Affemblée le retire , & ne veut
pas qu'il en foit fait mention dans fon procèsverbal
, je déclare , monfieur le préfident , que
( 308 )

je retire mon ferment ; & je vous prie , monfieur
le préfident , de faire infcrire mon nom
dans la glorieufe lifte de mes confrères , qui
mieux que moi ont rendu , dès le principe ,
plus de juftice à l'Affemblée ; car je vous avoue
que , dans les applaudiffemens réitérés qu'on a
donnés ici chaque fois que ce principe y a été
énoncé , j'ai cru voir de la part de l'Aſſemblée
un fentiment franc & ouvert.
Je fuis avec refpect , &c.

FOREST.
Autre lettre au Préſident de l'Aſſemblée nationale.
en
ec Monfieur le Préfident , nous prêtâmes les
ferment ' ordonné le trois du préfent mois
déclarant à l'Affemblée nationale , que conformément
à fes principes ( qu'elle ne vouloit point
toucher au fpirituel , mais que fes décrets ne
regardoient que les objets civils & politiques :)
nous n'y comprenons que ces objets temporels
& civils , & nullement les fpirituels , l'Affemblée
a reçu notre ferment ; mais fon refus d'affurer
dans fon procès-verbal le fens dans lequel
nous le faifions , & ce qui ſe paſſa dans la féance
du quatre , ne nous permettent pas de tenir un
ferment qui pourroit induire en erreur. Nous
vous prions donc , M. le Préfident , de faire
agréer à l'Affemblée nationale la rétractation que
nous faifons , & d'en faire faire mention dans
le procès-verbal. Nous fommes avec un profond
refpect , & c .
"
Signés PELLEGRIN , curé de Saumerecourt
député de Bar ; ROUSSEL , curé de Blaremghem ,
député du nord ; BREUVART ; curé de S. Pierre
de Douay , département du nord.
( 309 )
M. Ducuzeau de Cheuevières , ci - devant
piocureur au parlement de Paris , vient de
publier un profpectus , dont l'objet eft de procurer
à toutes perfonnes les moyens de fe faire
repréſenter â Paris pour toutes fortes d'affaires
& au prix le plus modéré. Nul n'a mieux mérité
que M. Ducluzeau la confiance publique , néceffaire
à fon projet : il s'en forme tous les jours
d'analogues ; & dans cette concurrence , nous ne
craignons pas de dire que perfonne n'a plus de
titres que M. Ducluzeau. Sa probité , fon expérience
, fon activité l'ont diftingué dans l'exercice
de fa profeffion , & les intérêts des particuliers
ne fauroient être mieux placés qu'entre
fes mains. Voici les objets principaux qu'embraffera
fon agence , détaillés par lui-même dans
fon profpectus.
PREMIÈRE CLASS E.
Je me chargerai de procuration pour toutes
perfonnes,
10. Pour la geftion & l'adminiſtration de tottes
fortes de biens , fitués à Paris ou ès environs ,
louer des maifons ou hôtels , en faire payer les
loyers , & remplir les différentes fonctions d'un
homme d'affaires .
2. D'agence pour toutes les affaires de corps
ou communautés.
3°. De l'agence de quelques directions que ce
foit , pour des corps entiers de créanciers ou de
pouvoirs particuliers , pour prendre connoiffance
de ces affaires .
4°. De toutes tutelles & curatelles.
On pourra convenir , pour ces fortes d'affaires ,
( 310 )
c'une fomme fixe par an , prendre d'autres arrangemens
, que j'accepterai toujours à des prix modérés
.
SECONDE
4
CLA. S S E.
1º . Pour pourſuivre la rentrée de toutes eſpèces
de créances .
2º. De recueillir toutes fucceffions , legs ou
donations .
3. D'obtenir toutes reftitutions de biens.
4° . De recevoir toutes eſpèces de rentes , pénfions
, gratifications , indemnités , gages & autres
traitemens & revenus nouvellement échus ou arriérés.
5°. De pourfuivre les liquidations de tous offices.
& autres créances - dûcs par l'état , de quelque
nature qu'elles foient .
6. De me charger & ftipuler les droits des
religionnaires fugitifs , autorifés à rentrer dans la
poffeffion des biens dont leurs ancêtres ont été
privés , examiner leurs titres , & leur procurer
toute fatisfaftion .
7°. De faire préfenter & folliciter tous placets .
& mémoires.
Pour ce qui concerne les rentes & antrés articles
, dont les rétributions ordinaires des receveurs
font connues , je m'y conformerai exactement
.
A l'égard des créances particulières , plus difficultueufes
, je ne réclamerat qu'un pour cent
jufqu'à 10,000 livres , & un demi pour cent audeffus
de cette fomme , où ce qui fera fixé par
des conventions particulières ; & à défaut de paiement
, par infolvabilité ou autrement , je me
contenterai de 9 livres pour toute rétribuzion .
( 311 )
TROISIÈME CLASS
19. Je me chargerai de toutes fortes de commiffions
fimples & fans fuite .
2º. D'acheter ou vendre toutes eſpèces d'immeubles
, & tous effets royaux , ainfi que toutes
fortes de marchandiſes , meubles & effets
moyennant le droit de remife que l'on voudra
fixer .
>
3 °. De faire des abonnemens , foufcriptions ,
annonces de toute eſpèce dans les journaux , &
toutes autres choſes ſemblables .
"
Je me contenterai , pour ces fortes de commiffions
, aux prix que l'on voudra fixer , & de
24 fols pour chaque lettre que l'on me demandera
en réponſe.
« Comme toute ma vie a été employée à
l'étude & à l'application des loix , qu'un ouvrage
que je fais fur cette partie , & que je ne peux
encore faire paroître , me rendra , je l'efpère ,
toujours utile à mes concitoyens , je ne cellerai
jamais de les aider de mes confeils , & de les
défendre toutes les fois que j'en aurai occafion ».
On trouve chez tous les directeurs des poftes
le profpectus détaillé de cet établiſſement.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , du 17 janvier 1790 ,
font: 51 , 23 , 85 , 78 , 59.

MERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
"
POLOG N. E.
De Varfovie , le 4 Janvier.
LE
projet d'une ligue qui maintienne la
balance dans le fyftême politique du Nord ,
eft réfulté des entreprifes renaiffantes de la
Ruffie. Lorsqu'on l'a vue maitrifer la Pologne
& la Courlande , dominer dans les
Confeils du Danemarck travailler en
Suède à la réfurrection de l'anarchie , harceler
les Ottomans de prétentions continuelles
, manifefter le deffein de régner à
Conftantinople , allier à fon ambition le
dernier Empereur , qui , long-temps , ainfi
que fon augufte mère , avoit redouté les
progrès de cette Puiffance dominatrice
& l'affoibliffement des Turcs ; lorfque
No. 5. 29 Janvier 1798 .
Р
( 314 )
1
8
ceux-ci , abandonnes de la France , leur
plus fidèle alliée , & dont ils étoient des
amis très -utiles , ont offert une proie plus
facile à l'ambition de la Ruffie ; lorfque le
Nord , le Levant de l'Europe , l'Allemagne
même ont eu à craindre manifeftement le
joug dont le Cabinet de Pétersbourg accabloit
déja une partie de ces contrées ,
il a bien fallu fonger à placer des barrières
contre cette politique conquérante.
Le foin de leur fûreté a réveillé & réuni
les Puiffances intéreffées : malgré les efforts
de tout genre employés à déforganiſer
cette liaiſon , elle s'eft foutenue , parce
qu'elle eft l'ouvrage de la néceflité. Le feul
Roi de Suède a femblé jufqu'ici s'écarter
des principes qu'il avoit pofés luimême,
& fur lefquels il fonda les motifs
de fes derniers armemens contre la
Buffie , & le repos de fes Etats . Mais ce
Prince eft trop éclairé pour facrifier à
des confidérations momentanées , un fyftême
dont la folidité porte fur la nature
même des chofes , & fur un demi-fiècle
de faits uniformes. Si des mesurés dé-.
fenfives qu'ont adopté de concert, la Pruffe,
l'Angleterre , la Hollande , la Pologne &
la Porte , ces Puiffances paffoient à des
projets dangereux ; fi en réprimant l'ambition
effrénée de la Ruffie , elles conce-.
voient celle de dominer à leur tour , il fe
formeroitors inévitablement une ligue
( 315 )
oppofée , qui raffermiroit la balance menacée.
Le monde entier ne fe foutient que
par des contreforces , & par-tout où il
n'y a pas équilibre , la fûreté , la paix ,
l'indépendance reftent en péril.
L'intérêt de la République eft tellement
lié au fort des négociations actuelles du
Congrès de Sziftove , qu'elle a demandé
d'y avoir un Plénipotentiaire , finon avec
voix délibérative , du moins en qualité
d'affiftant. Elle s'étoit adreffée dans ce but
à la Cour de Berlin , qui répondit en ces
termes le 30 Octobre dernier.
« Le Roi voulant donner à la féréniffime répyblique
de Pologne de nouvelles preuves de fon
amitié , ne balance pas un inftant , de fon côté ,
à confentir à ce qu'un député de la nation Polenoife
fut admis au congrès de pacification , &
S. M. eft prête d'employer fes bons offices pour
déterminer à cette admiflion fes alliés , ainfi que
la cour de Vienne & la Porte Ottomane . Dans
cette vue , elle fera parvenir les ordres nécefaires
au marquis de Luchefini , fon miniftre pléni-
Potentiaire au congrès , ainfi qu'au baron de Jacobi
, fon envoyé à la cour de Vienne . Mais le
Roi & la république de Pologne reconnoîtront en
même-temps qu'il fera néceflaire , qu'ils fallent
de leur côté des demandes directes pour cet obje
auprès de la cour de Vienne & de la Porte Ottemane
, qui font les parties principales , & que le
député Polonois ne puiffe coopérer en rien à la
conclufion du traité , attendu que la république
n'a pris aucune part ni à la guerre de ces palances
, ni aux négociations qui ont eu licu jufqu'à
P 2
( 316 )
préfent . Ce député n'afliftera au congrès que
comme obfervateur & comme chargé des intérêts
de la république , lorfqu'à la conclufion du traité
il fera queftion de déterminer les fonctions & le
commerce avec les puiflunces veifines . Au reſte ,
la république de Pologne pourra accéder à la
garantie du traité , ainfi qu'à l'alliance & au fyftéme
de fédération que le Roi fe propose d'établir,
de concert avec fes alliés & la Porte Ottomane
pour la confervation de l'équilibre politique dans
l'Eft & dans le Nord ».
,
On fent toute l'importance qu'acquiert
dans ces conjonctures le Traité arrêté , &
non figné encore , entre la République &
la Porte Ottomane. Nous en avons tranfcrit
les points fondamentaux ; mais il nous
refte à faire connoître les articles fecrets et
Separes.
Articles féparés du Traité d'Alliance entre la
Pologne & la Porte.
Art. I. Comme la Ruffie s'eft emparée des
Poffeffions de la Porte & de la Pologne tandis
que la porte continuera à agir avec toutes fes
forces contre la Ruffie , & que le Roi de Pruffe
attaquera de fon côté la Ruffie , la Pologne pourfuivra
, de concert avec le Roi de Pruffe
& la Porte de toutes fes, forces la Guerre contre
la Ruffic .
II . Les Puiffance - Belligérentes fe communiqueront
réciproquement leurs Plans d'opérations
Militaires , ainfi que la direction de leurs Corps
de Troupes ; ce dont la Pruffe & la Porte--Ottomane
font aufli convenues. Les deux Parties(
317 )
Contractantes n'accepteront ni fufpenfion d'Armes
, ni Paix , fans f'avoir préalablement communiqué
à Sa Majefté Prufienne , & fans que ce
Monarque y accède ; mais elles continueront la
Guerre fans interruption , jusqu'à ce qu'elles obtiennent
enfin une fatisfaction complette , & permanunte
pour les Parties- Contractantes , le Roi
de Pruffe y compris : A ce défaut les deux Puiffances
ne cefferont de faire la Guerre.
III. Le Roi de Pruffe , comme Allié de la
Porte & de la Pologne , fera invité par les Parties-
Contractantes a l'acceffion des ftipulations
préfentes. Les deux Parties- Contractantes.communiqueront
en conféquence ce Traité , après fa
fignature , au Miniftre Pruffien réfident ici.
les.
Articles fecrets du Traité de Commerce.
Art. I. La République de Pologne étant Voifine
, Amie & Allié de la Porte -Ottoniane
Polonois pourront voir so . Navires Marchands
de leur Nation , qui jouiront de la Navigation
libre fur la Mer - Noire , fur la Mer- Blanche &
fur le Boryfthène . Le port du plus grand des dits
Navires n'excédera pas 10. mille Kiftoz ( 225 .
Kiftoz font 152. muids de Berlin ) de Grains, où
d'autres Productions ; leur longueur n'ira pas audelà
de 20. piques . ( La pique équivant à une
aune de Berlin )
II. Les Navires Polonois porteront , dans la
Mer - Noire , jufqu'au Détroit & à la Ville de
Conftantinople le Pavillon Turc ; mais , en
partant pour la Mer - Blanche , ils arboreront
celui de leur propre Nation .
>
-
III. La Porte Ottomane & la Pologne fe font
conformées au Traité de Carlowitz , en réglant
Ics ftipulations convenues à l'égard des objets
néceffaires' , qui font relatifs au Commerce & à
P3
( 318 )
la Navigation . Aucun Bacha , Commandant , ou
Officier de Douane ne pourra agir contre ofs conditions
. On n'exigera des Negocians Polonois
d'autres frais que les Droits de Douane qu'ils
payeront dans l'Empire Ottoman , fuivant le
Traité de Carlowitz , pour les Marchandes exportées
, ainfi que pour les Marchandiſes non prohibées
, qui feront importées. On fe procurera des
Paffeports pour les Marchandifes , qui , par terre
qu par mer , pafferont dans l'empire Ottoman ou
en Pologne, II fera permis de louer des Magafins
dans les Places propres au Commerce. Loin de
caufer le moindre préjudice aux Polonois , la Juftice
la plus prompte leur fera rendue . Enfin , tis
jouiront ,, quant au Commerce , de tous les avan
tages quelconques des Nations les plus favorisées;
ce qui aura réciproquement lieu à l'égard des Sujets
Ottomans .
Ces Conventions feront tenuespour inférées dans
le Traité d'Alliance & de Commerce.
Différens bruits avoient annoncé préma
turément la reddition d'Ifmail. Cette place
n'a été prife que le 22 Décembre . ( nom
veau ftyle) Nous avions conjecturé que e
fiége feroit fangiant ; l'évènement a juftifié
cette opinion . Au 15 Décembre , les Ruffes
avolent inutilement foudroyé la place d'une
nombreufe artillerie : la garnifon pleine de ,
courage détruifit une de leurs principales .
batteries fur une Ifle du Danube , elle,
fu des forties meurtrières dans lesquelles
les Ruffes perdirent nombre de foldats &
d'Officiers , parmi lefquels un François
romaré M. de Botfmidan qui fervoit aur
fiége comme volontaire , avec M. de Lan(
319 )
geron fon parent. Les Généraux Ruffes qui
emploient les hommes comme des cailloux ,
& auxquels il importe peu que le mafiacre
foit plus ou moins confidérable, ont
décidé délivrer l'affaut en fix endroits différens.
Les Turcsfe font défendus avec la plus
héroïque opiniâtreté : une partie de la garnifon
a péri fur le rempart , & a fait acheter
aux Ruffes , cruellement cher , ce nouvel
avantage . Quatre Officiers Généraux , MM.
de Lafcy , Meknob , Ribeaupierre & Bcf-.
borodki font bleffés ; les affiégeans ont
aufli perdu les Généraux Jakowski
& Budberg , tués . Cela n'empêchera pas
qu'à la première relation , nous ne lifrons
que le fiége leur a coûté 10 morts &
quelques bieffés.Tous ces triomphes avancent
peu la paix , & ne fervent que foiblement
aux grands deffeins de la Ruffie.
M. de Romanzof prit Ifmaïl en 1770 , &
il a fallu quatre campagnes pour amener
la paix , fans que les Ruffes euffent pénétré
dans l'intérieur de la Bulgarie. La
garnifon Ottomane étoit forte de 8 à 10
mille homines. Le Général de Suvarof
commandoit les affiégeans.
Les premières féances de la diète ont
préfenté peu d'objets intéreſfans . Dans celle
du 13 , on difcuta la motion d'impofer aux
fénateurs & aux nonces un ferment , pår
lequel ils s'engageroient à maintenir la conftitution,
& à n'accepter ni préfens ni graces
P
4
( 320 )
des puiffances étrangères. 130 Membres eu-,
rent la fageffe de repoufler cet abus du nom
de la Divinité , abus qui favorife excluſivement
les hypocrites & les lâches. Pour jurer
le maintien de la conftitution , il faut qu'elle
foit faite , & éprouvée ; car quelle trahifon
publique plus infigne dans un repréſentant
du peuple que de jurer par anticipation,
de défendre des inftitutions ' dont l'effet
hypothétique peut entraîner le malheur de
l'Etat ? On a fenti , d'ailleurs , que ce ferment
étoit inutile pour les gens d'honneur
au-deffus de la corruption , & que les ames
vénales en mépriferoient la fainteté. L'opinion
contraire n'a eu que 109 fuffrages.--
Dans le même féance , on toucha à la
queftion de la liberté de la preffe , à l'occafion
d'une nouvelle feuille périodique.
Ce papier public intitulé gazettà naradow a
y obia ( gazette nationale et étrangère ) doit
rendre compte des débats de la diète , &
juger les opinions & les opinans , ainfi
que cela fe pratique en Angleterre , &
dans tous Etat repréfentatif où le peuple
ne peut apprécier la conduite de fes repréfentans
, que par l'affiftance de preffes
libres . Quelques Membres allarmés de cette
cenfure néceffaire , s'oppofèrent vivenient
à fa publication ; ils étoient d'avis que la
diète devroit uniquement autorifer & protéger
les écrivains ferviles, qui tromperoient
la nation par des menfonges rampars en
fayeur de la légiflature. Heureufement ,
( 321 )
le plus grand nombre des opinions rejetta
cette doctrine d'efclaves & de coupables
ufurpateurs ; il prouva que.chacun d'eux
devoit être jugé auffi févèrement que tout
homme public , & que la furveillance des
loix devoit fe reftreindre à réprimer la caloninie
, & à prohiber les écrits qui mettroient
en danger la tranquillité publique
& la fûreté particulière . La nouvelle gazette
eft dit- on , favorable au parti dominant
& au fyftême de la cour de Berlin :
peut-être même cette confidération a plus
influé que toute autre fur la liberté laiffée
à cette Feuille. On jugera de la pureté des
motifs de fes protecteurs , par l'indépendance
qu'ils aflureront également aux Gazettes
qui leur feront défavorables .
De Francfort -fur-le- Mein , le 18 Janvier.
L'affaire de Liège a entraîné prefque autant
d'écritures que la paix de Weftphalie .
On eft fuffoque fous des morceaux de
refcrits , de recès , de mémoires , de déclarations
, d'adreffes , d'ordonnances . On
formeroit un volume in-folio de toutes les
papéraffes publiées à fon de trompe & affi..
chées par la feule Municipalité , qui a fait
à fes Commettans les plus longs comme
les plus triftes adieux. L'hiftoire ne peut
fe charger de ce fatras nous nous
bornerons à quelques pièces effentielles.
L'une des plus remarquables eft la lettre de
PS
( 322 )

l'Empereur au Prince-Evêque ; on y découvre
les vrais fentimens de ce Monarque
fur l'infurrection Liégeoife , fur les
droits de la fouveraineté , fur les devoirs.
d'un Chef de l'Empire.
2
La lettre de votre Alteffe , en date du 10
courant nous donne des preuves fincères de
l'intérêt qu'elle prend à la foumiffion que viennent
de nous faire nos provinces Belgiques . Si
nous avons eu la fatisfaction de rendre graces
au Très-Haut de cet heureux évènement , rous
n'avons pas moins de douleur de voir que la
principauté de Liège , n'a pas encore eu un femblable
fuccès. La situation fâcheufe dans laquelle
votre Alteffe fe trouve jufqu'à préfent , par la
fédition de fes fujets , ainfi qu'il eft plus amplement
contenu dans ladite lettre , eft également
notoire , & il eft hors de doute que l'on doit
adminiftrer les fecours les plus prompts à un
fouverain territoriel , contre lequel fes fujets fe
révoltent d'une telle manière .
" A quel effet votre Alteffe implore notre
protection & notre fecours , tant en qualité de
chef fuprême de l'Empire , que comme co- état
& directeur du cercle de Bourgogne ; nous fom
mes très -intentionnés de faire en cela tout ce
qui eft conforme aux loix de l'Empire , notre
devoir impérial & les promeffes folemnelles que
nous avons faites par notre capitulation , exigent
que nous accordions notre protection impériale
a tout état de l'Empire , pour obliger fes fujets
à préter l'obéiffance due à leur fouverain territoriel.
» A quel effet notre chambre impériale a déjà
fait émaner divers mandemens par ordre fuprê(
323 )
me , & on y infifte ultérieurement à ce qu'elle
effectue en tel cas , ce que les conftitutións de
l'Empire demandent ; non- feulement nous nous
empreffons d'exécuter tout ce que l'on peut exiger
d'un Empereur vigilant pour le falut de l'Empire
, mais nous fommes de même prêt à y concourir
très-volontiers pour tout ce que l'on peut
légalement attendre d'un co-état de l'Empire &
d'un directeur du cercle , pour le bien public , la
tranquillité du voisinage & la confervation d'un
co-état de l'Empire.
Votre Alteffe pourra être très- perfuadée de
cette & de notre fincère & légale intention. Du
refte , nous fommes , &c.
» Donné à Vienne , le 24 décembre 1790 ».
Nous ne tranferirons pas les épitres des
Etats & de la Municipalité de Liège au
Roi de Pruffe , à la Chambre Impériale ,
aux Electeurs , au Directoire , à l'Evêque.
Ces formules de foumiflion n'ont pas même
le caractère de dignité modefte qui convient
à la foiblefle & au malheur.
Loin que les délais furvenus entre l'annonce
de l'arrivée , & Farrivée même des
troupes Autrichiennes & Exécutrices , aient
relevé cette cité de fon abattement , ils
fe font prolongés fans modifications. On s'eft
bercé de quelques illufions , on a feint de
vouloir rénſter à quelques facrifices , & on
les a tous confommés.
Nous avons rappellé que les peuples
modernes ne mouroient plus pour la liberté.
Ils n'ont plus en effet le mobile
P 6
( 324 )
qui produifit chez les anciens des exemples
d'un héroïque défefpoir. Sûrs , en cas de
défaite , d'être littéralement fubjugués
traînés en efclavage eux & leurs familles ,
lorfqu'ils échapoient à la cruauté du vainqueur
, ou du tyran ; perdant à la fois leur liberté
perfonnelle & politique , & toutes
leurs propriétés devenant celles du plus
fort , la crainte de la mort ne pouvoit
amollir une réfiftance , à laquelle des intérêts
auffi chers que la vie étoient attachés.
Par les mêmes motifs , un peuple
vraiment opprimé , des Bataves livrés aux
bourreaux d'un Duc d'Albe , des Suiffes
horriblement tyrannifés par des Gouverneurs
Autrichiens , eurent le courage qu'inf
pirent la fouffrance & le defir de s'en délivrer.
-- IIll y a loin de ces grands & nobles
intérêts , à celui de quelques combinaiſons
métaphyfiques fur le plus ou moins de
pouvoirs qu'on affurera aux Chefs de parti
qui fauront le plus habilement s'emparer
de celui du peuple ; lequel , fuivant l'expreffion
très -jufte de Delolme , n'a jamais eu
de puiffance active que pour la laiffer
ufurper.
Deux jours avant l'entrée des Autrichiens
, le Confeil Municipal de Liège
affura les habitans qu'il refferoit inébranlable
dans fon pofte , & qu'il juroit de ne
jamais fe détacher de la chofe publique .
Etre libres ou mourir ; difoit-il dans cette
( 325 )
}
oraifon funèbre , eft vôtre dévife . Vos Magiftrats
l'ontfous les yeux. Vous ferez libres ›
quand on vous rendra justice. Toute cette
rhétorique embrouillée n'a pas empêché
les Autrichiens de pénétrer intacts dans la
ville , d'en occuper tous les poftes , de faire
pofer uniformes , armes , cocardes , & de
détrôner en une heure tant de Souverains
d'une année . Le Major Baron d'Afpre a
précédé à Liège le Maréchal Baron de
Keuhll, chargé de l'expédition à la place
du Général Alvinzi tombé malade . Il a
intimé au Corps Municipal de faire publier
l'avertiffement fuivant.
Sa Majefté Impériale & Royale Apoftolique ,
ayant été requise par la fuprême chambre impériale
de Wetzlacı , en date du 20 décembre dernier
, par fes Lettres Réquifitorielles adréffées à
fon Gouvernement - Général des Pays- Bas , d'affifter
de fes troupes les féréniffimes princes ,
Occupés de l'exécution des fentences émanées
fucceffivement contre les infurgens liégois , &
ayant , en vertu de cette réquifition , pris la réfolution
de faire marcher un corps troupes fous
mes ordres, pour faire, conjointement avec les parties
y intéreffés jufqu'à préfent , ladite Exécution,
tous les habitans du Pays de Liége & Comté de
Looz en général , & chacun en particulier , font
avertis par la préſente :
de
1º. La plus exacte difcipline fera obſervée
& aucun bourgeois ou habitant ne fera moleſté
par des voies de fait ; la force ne fera employée
que lorfque la réfiftance la provoquera .
2º. Tous les habitans doivent s'empreffer
( 326 )
4
و
de quitter , en vertu des ordonnances & manifeftes
émanés ci -devant , de la part de la Commiffion
impériale , les uniformes écharpes cocardes
foi-difant Patriotiques , enfin toutes ces marques
de l'infurrection , & à plus forte raifon fe garder
de paroître en Armes de tels fignes ne pouvant
donner que le deffein de perfifter dans des fentimens
que ma miffion porte de réprimer .
:
Donné au Quartier- Général , à Tirlemont , le
11 janvier 1790.
(figne) CHARLES , Baron DE KEUHLL , cheva
lier de l'ordre royal & militaire de Marie - Therefe
, Feld-Maréchal- Lieutenant des armées de
Sa MajeftéImpériale Royale apoftolique , colonel
Propriétaire d'un Régiment d'infanterie àfon
Service , Commandant en Chefdes Troapes Exé
Icutrices réunies .
Cette proclamation fut publiée , en difant
qu'on cédoit à l'impérieufe néceffité
des circonstances. Le peuple refta immobile
; les Autrichiens , au nombre de fix
mille , prirent poffeffion de la ville , &
fe poftèrent dans les principales places , au
Palais , aux Poftes , à l'Hôtel - de- Ville . Les
troupes exécutrices ont été réparties dans
le voifinage de la Capitale. Dès le lendemain
, 13 , M. de Waffeige , Tréfoncier ,
& Miniftre Plénipotentiaire du Prince-
Evêque , a rendu une déclaration , dont '
les paffages fuivans feront connoître l'ef
prit & le but.
» Au moment où la juftice & les lois repren
( 327 )
nent leur empire , il m'eft bien doux de pouvoir
vous annoncer que la clémence de votre prince
ne vous laiffe rien à crainde de leur jufte .
rigueur ».
Tant de peines , de maux & de calamités ou
vous à plongés un paffager égarement , l'affligent
trop pour qu'il puifle penfer à les aggraver par
des châtimens qu'on pu feuls mériter quelques
méchans qui vous ont égarés
כ כ
Rendre & affurer à chacun de nous , au prince
comme au fujet,, au fujet comme au prince , fon
repos , fon bien & fon état , voilà le but unique
des jugemens ; voilà de fait , Concitoyens ,
l'égalité de droit dont nous jouiflions depuis tant .
de fiècles , cette égalité que des têtes échauffées
ou mal organifées ont fi inal faife . & qu'elles
ont détruite en fe vantant de l'avoir imagi-
7
néc .
» Laiffons à la loi à laquelle nous fommes tous
foumis , innocens , fouffrans ou coupables , let
foin d'achever le rétabliffement public qui lui eft:
confié . Evitons de toutes parts les voies de fait
que la loi profcrit »..
La plupart des Officiers Municipaux qui ,
deux jours auparavant , avoient folemnellement
promis au peuple de tenir fermes
& de ne pas abandonner la chofe publique
, ont pris la fuite à l'arrivée des Autrichiens
, & fe font retirés , foit en France ,
foit à Wefel. L'ancienne Magiftrature ex-,
pulfée par les voies de fait du mois d'Août.
1789 , a été provifoirement réintégrée
17 , par les Commiffaires directóriaux .
M. Dohm ne s'eft point encore préfenté.
le
( 328 )
Les divers actes , comnie on le voit ,
font l'exécution des décrets de Wetzlar &
des premières délibérations du Collége
Electoral . Ils ne s'accordent guères avec
le plan particulier de M. Dohm. Auffi ,
a-t-on repandu une lettre de ce Miniftre
au Général Bender , par laquelle il le requiert
, le 13 , de fufpendre toute exécution
ultérieure , jufqu'a l'arrivée de nouveaux
ordres de la Cour de Vienne , & conformément
à la dernière convention arrêtée
par les Electeurs. Cette lettre dont l'authenticité
probable n'eft pas généralement admife
, fut publiée à Liége avec affectation ,
avant de parvenir à M. de Bender. Le Feld-
Maréchal en a formellement nié la réception
& l'a déclarée pfeudonyme par un
billet du 15 affiché le lendemain . Deux
jours après , les Gazettes ont imprimé une
autre miffive du Baron de Senfft , Réfi
dent de Pruffe à Liége , qui déclare avoir
remis la lettre de M. Dohm au Général
Keuhll pour M. de Bender. Il eft encore
difficile de démêler ou la friponnerie des
inventeurs fi cette correfpondance eft fictive
, ou l'imbroglio de ces artifices fi elle
a exifté. Comment la Cour de Berlin auroit-
elle tardé trois femaines à manifefter
fon oppofition ? Comment l'expédition de
Liége fe feroit -elle opérée à fon infu , &
fans avoir été préalablement concertée avecles
principales puiffances du Cercle de
( 329 )
Weftphalie & du Bas -Rhin ? Que réfulteroit-
il de cette diffention ? En fort peu
'de temps ces queftions ne feront plus un
problême .
Il refte fans doute aux Puiffances Exécutrices
de grands devoirs à remplir : elles ne peuvent
occuper Liége poury aider en parti a opprimer
l'autre , pour feconder des vengeances ,
pour y ravir au peuple des droits légitimes.
Elles ont enlevé aux Chefs d'une faction le
pouvoir de dominer feuls : elles rétabliſſent
par leur préfence la liberté du parti écrafé ;
leur principalbut doit être maintenant d'afiurer
cette liberté à tous les intérêts , à toutes les
opinions : après avoir défarmé la violence, on
ne l'employera pas en faveur du Prince- Evêque
, on ne punira point ceux dont les
fentimens lui étoient contraires , & qui
n'ont été coupables d'aucun attentat . Enfin
, on fera taire le droit de la force
de toutes pats , on procédera équitablement
à examiner les différends , & à les
concilier par un arbitrage. Si l'on fuivoit
un autre plan , l'Etat ne pourroit efpérer
aucune ftabilité dans les loix , le Prince-
Evêque aucune tranquillité , le peuple aucuns
dédomagemens de l'humiliation où
la conduite inconfidérée & les paflions de
fes démagogues le plongent en ce moment.
Les vrais patriotes , loin de fer décourager
,
doivent concourir à amener les chofes
une tranſaction amiable , qui fans doute
( 330 )
exigera des facrifices , mais des facrifices
moins funeftes que les fureurs des factions
& les défordres de l'anarchie.
On ne doit ajouter aucune foi aux nienfonges
dont quelques fugitifs défefpérés
rempliffent les Gazettes. Les agens qu'ils
emploient à ce miniftère aflurent , par
exemple , que le Tréfoncier de Waffeige
et entré à Liége le fabre à la main , que
les Officiers Autrichiens font des efcrocs
qui volent les montres & les auberges ;
qu'on affaffine les patriotes dans les rues ,
qu'on multiplie les exécutions fanguinaires ,
&c. Ces impertinentes abfurdités que recueillent
les Feuilles publiques pourl'amu
fement des fervantes de cabaret , désho
norent la bonne foi de ceux qui les dic
tent. Les mécontens fentiront qu'après avoir
refufé de fe défendre , c'eft un trifte dédom
magement de calomnier dans les Gazettes
ceux avec lefquels on n'a pas ofé fe battre.
Les lenteurs éternelles , les formalités
fans nombre , les chocs multipliés qu'a
éprouvé dans l'Empire ce démêlé de Liége,
nous donne l'image de toutes les opérations
qui exigent le concours de plufieurs Membres
du Corps Germanique ou de l'Empire
entier. On peut donc calculer la valeur des
craintes oudes cfpérances,fondées fur fon in
tervention dans les réclamations des Princes
Allemands , léfés par quelques Décrets
P'Affemblée nationale de France. Avant
( 331 )
B
qu'un foldat foit en marche pour cette
daufe , on aura travfé le dédale des con
fultations , récès , négociations , formalités ,
orpofitions de la Diète de Ratisbonne.
L'exécution de fes Décrets rencontreroit erfuite
des difficultés , dont l'affaire de Liége
nous préfente le modèle. Cependant , il
et à croire qu'ineellamment la Diète
a loptera une marche quelconque . Les
inftances deviennent plus vives , plus
nombreuſes , elles font appuyées opiniâtrément
par divers Electeurs . Celui de
Mayence a fait connoître fes fentimens
dans une réponſe motivée à M. le Cardinal
de Rohan, dont il approuve les démarches.
On remarque , en particulier , le
paragrafe fuivant dans cette lettre rendue
publique , & qu'on attribue à M. le Baron
d'Alberg, Coadjuteur de Mayence , & l'un
des hommes les plus éclairés de l'Allemagne.
a Une feule remarque , que je ne puis laiffer
paffer entièrement tous filence ; c'eft que la mo
dération qui a accompagné les démarches de V.
A. E. , la même empêchée d'aller aufli loin :
qu'elle auroit pu comme Frince de l'empire ,
elle eût été fondée d'obferver que le corps ger
manique de reconnoît pas même de fouveraineté
étrangère dans les terres de l'évêché de Strasbourg,
qui vraiment n'en ont jamais été démembrées
& que des convenrions particulières des évêquest
n'en ont pu détacher légalement fans fon confentement
, ou une ratification expreffe de ces
( 332 )
conventions dans les traités fubfequens . Mais j'ai
vu que V. A. E. s'étoit moins attachée à difcuer
les titres de fes prérogatives & de les polfions
temporelles , qu'à défendre l'état de la religion
& du gouvernement éccléfiaftique fixé &
ganti dans la paix de Munfter , dont l'autorité
ne peut être couteftée en France , à moins d'invider
le titre primitif de la poeflion de l'Alface
par les Rois très - chrétiens » .
En conformité des principes de cette
lettre , Piecteur de Mayence à fait remettre
à S. M. T. C. , par fon Miniftre à Paris ,
fes réclamations pofitives en qualité de
Métropolitain de l'Alface .
Il eft encore certain que l'Empereur luimême
a déja tenté une première démarche
après du Roi de France , par une lettre
dont l'authenticité ne peut être mife en
doute , & que les gazettes de l'Empire ont
tranfcrite en latin & en allemand : en voici
la traduction françoife.
Si V. M. n'ignore pas avec quelle fincérité
nous defirons cultiver la paix avec tout le monde
, principalement avec nos voifins , & combien
nous fommes particuliérement attachés à V. M.
notre alliée & à fon royaume. C'est cet attachement
qui , d'après notre penchant à confolider
l'harmonie entre l'empire germanique & la
' nation françoife , nous porte à expofer inceffamment
à V. M. ce dont à notre avénement à
l'empire , le collège électoral entier nous a prié
inftamment. Dès le mois d'août de l'année dernière
, l'Affemblée nationale avoit rendu des décrets
par lesquels un affez grand nombre de
( 333 )
membres de notre empire fe plaignent d'être confidérablement
léfés contre la teneur des traités
publics. Actuellement le collège électoral defire
ardemment le redreffement de ces griefs .
» Il fera notoire & connu à V. M. ce qui a
été ftipulé par la paix de Munfter , & par d'autres
traités fubfequens entre notre empire & le
royaume de France , par rapport à certaines places
d'Alface & de Lorraine , cédées fous la réferve
expreffe des droits des évêques & métropolitains
, ainfi que des commendes , biens , revenus
& droits poffédés par des membres de notre
empire.
Il feroit contraire à la fainteté des traités de
paix que votre illuftre nation aura toujours à
coeur de refpecter , de renverser les barrières pofées
par ces pacifications & réſerves . Quant aux
jurifdictions non tranfportées par les empereurs
nos prédéceffeurs & par l'empire au royaume de
France , mais appartenant à la fuprématie de l'empereur
& de l'empire ; V. M. ne peut ignorer
qu'il n'appartient à perfonne de transférer à une
nation étrangère fur fes poffeffions un droit de
fuprématie , lequel n'appartient qu'à l'empire
& à l'empereur.
לכ
Ces différens points examinés d'après les
regles de droit & d'équité , réfaltent également
des follicitations du collège électoral uni aux divers
membres de l'empire , qui fe plaignent d'être
léfés ; & c'eft pour cet effet que nous reconmandons
principalement à V. M. que les décrets
de l'affemblée n'atteignent pas l'empire &
fes membres .
ود
Que pour cela , il faut que tout ce qui a
été innové à la fuite des décrets nationaux ,
depuis le mois d'août de l'année dernière , foit
( 334 )
rétabli dans l'ancien état , quant à ce qui regarde
notre empire & les membres , & que tous les
ordres de notre empire connoiffent combien les
difpofitions de V. M. pour notre empire font
amicales , & combien font refpectés les traités
fubfiftant entre fa nation & notre empire.
و د
L'équité de V. M. & de l'illuftre nation
françoife , notre très - chère amic , ne nous permet
pas de douter que la réponſe que nous follicitons
ne foit pleinement conforme à nos defirs.
Autli-tôt que nous l'aurons obtenue , nous nous
emprefferoas d'en faire part à tous les ordres de
notre empire , comme un témoignage nouveau
du bon voilinage , lui fouhaitant toutes fortes
de profpérités »,
A Vienne , ce 14 décembre 1790 .
Les Princes & Etats du Cercle de Franconie
ont récemment adreffé à la diète ,
une lettre au fujet des décrets de l'Affemblée
nationale de France , concernant les
poffeffions & les droits des Membres de
l'Empire dans ce royaume. Cette lettre portée
à la dictature le 28 décembre dernier
eft fur-tout relative aux poffeffions de l'Ordre
Teutonique dans l'Alface & la Lorraine
, à celles du Prince de Lowenfteir-
Wertheim dans ces deux provinces , & à
celles du Prince de Hohenlohe - Bartenftein
dans la province d'Alface.
PAYS- B A S.
De Bruxelles le 22 Janvier.
Le rétabliſſement parfait de la tranquil
lité nous prive heureufement d'évènemens
dignes d'être rapportés. Des changemens
( 335 )
de garnifon , les difpofitions prifes pour
affermir l'ordre & la paix , des plaintes
amères contre les Etats , la réforme du
Confeil Souverain de Brabant & de la Magiftrature
de cette ville , font les feuls faits
qui occupent l'attention.
Depuis quelques jours , on a répandu
dans cette ville & la province , un écrit
en forme de fupplique à l'Empereur. Cette
pétition qu'on dit formée par un grand
nombre de fignataires , eft anonyme & fans.
date. A la fuite du tableau énergique &
fidèle de l'ufurpation des Etats , de leur
tyrannie , de leurs violences , de leurs dilapidations
fous le règne de la révolution ,
prie l'Empereur de reformer la compofition
de cette affemblée , de convoquer
la nation pourchoisir des Repréfentans dignes
de fa confiance et de celle du Prince , de
faire pourſuivre & punir les ci - devant
tyrans de la province , d'expulfer des Tribunaux
ceux qui s'y font intrus en dépouillant
les titulaires fans forme de procès
, & c.
Que cette pétition exifte ou non , for
objet forme le voeu plus ou moins déclaré
d'un grand nombre de Citoyens. La
compofition des Etats de Brabant , que
nous développâmes il y a un an eft
monftrueufe par fon inégalité il feroit
jufte & raifonnable de la réformer fur
d'autres proportions ; mais cette réforme
dans les conjonctures actuelles , ne tendroit-
"
( 336 )
elle pas à ramener des diffentions ? Quant
aux Trrbunaux , le voeu des pétitionnaires
eft rempli . Le 14 , la Magiftrature a été
changée à la fatisfaction générale. M. Goffin
penfionnaire de la ville , qui avoit occupé
la place de l'eftimable M. Vanfchel à la
rentrée de Van der Noot dans le pays , les
frères de ce Chef , & M. Hugo Ainman
ont été renvoyés aux huées de la multitude.
La même réforme s'eft opérée le 17
dans le Confeil Souverain de Brabant. A
leur fortie , on les a accablés de reproches
& de malédictions. Quelques perruquiers
s'étant emparés d'eux , & les ayant poudrés ,
ont fini par leur jetter la houppe au vifage ;
un fpectateur a crié qu'il ne falloit pas
les aveugler , car ils n'avoient jamais vu
clair. Tel eft le mépris où font tombés
ces révolutionnaires que le peuple adoroit
il y a un an. Il eft parti des troupes pour
Louvain & d'autres villes dont l'on doit
auffi changer la magiftrature.
LL. AA. RR. nos Gouverneurs- Genéraux
font attendus au commencement de
Février 60 de leurs chevaux , & une
partie de leurs bagages font arrivés . M.
le Comte de Merci - Argenteau fait par
interim les fonctions de Miniftre Plénipotentiaire
; il eft chéri , refpecté , confidéré
comme le libérateur du pays. Le Maréchal
de Bender & le Baron de Beaulieu jouiffent
de la même eftime.
FRANCE
FRANCE.
De Paris , le 26 Janvier.
ASSEMBLÉE NATIONALL
Préfidence de M. l'abbé Grégoire.
Suite de l'opinion de M. de la Coudraye
Député du Poitou fur l'organisation de
la Maring ;féance du vendredi 14 Janvier.
Je ne fais , fi vous regarderez comme un préjugé
l'opinion fi généralement reçue que l'amour
du gain & celui de la gloire ne peuvent que
difficilement s'affocier ? Les nations maritimes , cependant
ont eu foin de défendre rigoureufement
aux officiers de leurs vaiffeaux de guerre toute
fpéculation , toute affociation de commerce . Ce
n'eft point entièrement la crainte de furcharger
les vaiffeaux deftinés au combat qui a dicté cette
loi le plus fouvent en effet, on eft obligé de
prendre enleft , au retour des voyages , fort audelà
du port des pacotilles que les officiers pourroient
faire . Ce n'eft point non plus précifément
par l'inquiétude de
voir les vaiffeaux prolonger
leur féjour dans les rades. Plufieurs d'ailleurs
ont cru voir que vis-à-vis de l'ennemi un Capitaine
qui auroit à défendre la propriété , auroit
un motif four doubler fa réfiftance & fes efforts,
& ils ont compté cette circonstance pour un avan
tage . Mais ce que l'on a c'eft l'effet moral. Il eftprouvéant fur- tout ,
que t'officier de guerre
No. 5. 29 Janvier 1791. Q
( 338 )
>
1 que
doit être uniquement occupé de gloire pour ac
quérir toute l'énergie dont il eft fufcceptible . Il
eft certain l'intérêt & le commerce ne peuvent
qu'affoiblir ce fentiment . Et vous ne craindriez
point de mêler fur vos vaiffeaux de guerre deux
claffes d'officiers auffi diftinctes ? Et vous ne craindriez
point d'y introduire le goût du commerce ?
Vous perfuaderiez - vous de bonne- foi que les
uns ne fe rappelleroient jamais leur premier état ,
leurs premières habitudes ; & que les autres foient
conftamment infenfibles à l'exemple ?
:
En admettant comme officiers dans la marine
militaire les capitaines des navires marchands
ne croyez pas que ce feroit conftamment les plus
inftruits & les plus capables qui rechercheroient
ces commiffions. Je m'appuie ici de l'expérience
& des faits parmi les officiers auxiliaires qui
ont fervi dans la dernière guerre , on trouveroir
bien peu de capitaines du commerce qui euffent
commandé plufieurs bâtimens pour le long cours. --
Ceux qui avoient la confiance des négocians préférerent
de continuer la navigation marchande.
Vos décrets , en faifant jouir tous les états d'une
égale confidération, ne peuvent que fortifier ce fentiment
. Les capitaines marchands incertains d'être
employés dans leurs ports feroient donc vraiſemblablement
les feuls qui rechercheroient les embarquemens
fur les vaiffeaux de guerre , mais les
capitaines jouiffant d'une réputation acquife dans
les places de commerce n'abandonneroient pas
leur profeffion lucrative pour obtenir un grade
inférieur dans la Marine .
Je dis un grade inférieur , & je ne penfe pas
avoir à prévenir la propofition que l'on pourroit
faire de laiffer ces officiers du commerce concourir
aux commandemens & à des grades fú(
339 )
périeurs avec les officiers militaires , en leur permettant
toutefois de continuer leur trafic pendant
la paix , & en ne les appellant au ſervice
que pendant la guerre. En effet ces difpofitions
feroient tout-à-la- fois fouverainement impolitiques
& fouverainemeat injuftes . Parce que ,
on le répète , l'école de la marine marchande
eft mauvaiſe pour les fonctions militaires , impropre
à former au commandement & au fervice
des vaiffcaux de ligne. Parce qu'un tel ordre
détruiroit l'émulation des officiers de l'Etat , &
affoibliroit ce defir ardent de gloire qui eft le
premier mobile des grandes actions . Parce qu'il
feroit rebutant pour des militaires qui ne partageroient
point avec les officiers de commerce
le bénéfice de leur profeffion , de partager avec
eux des grades & des commandemens qui forment
la première & prefque l'unique récompenſe de
leurs fonctions & de leurs peines.
>
Ne nous égarons donc point , Meffieurs , dans
l'importante difcufion qui nous eft foumiſe . Si
quelque chofe peut encore foutenir l'Etat , fi
quelque chofe peut guérir fes plaies profondes ,
c'eft du commerce maritime qu'il faut l'attendre.
Mais que faut-il au commerce pour lui donner
tout fon effor ? Il lui faut liberté & protection ,
c'est-à-dire en d'autres termes une marine militaire
puiffante pour le protéger. Il faut des vaiffeaux
de guerre nombreux & bien entretenus : il
faut pour le conduire des officiers inftruits , uniquement
occupés de toutes les parties de la ſcience
navale , uniquement jaloux de réputation & d'honneurs
. Laiffons le marchand & le militaire chacun
dans leurs fonctions refpectives & diftinctes .
Loin de nous les vues trompeufes & les idées
cxagérées de l'intérêt perfonnel . La France à le
Q 2
( 340 )
Corps de marine le plus inftruit de l'Europe ,
n'allez pas le rendre le plus ignorant en délaiffant
les écoles particulières de la marine militaire
, qui ne peuvent être remplacées par la
navigation routinière du commerce. Vous avez
ouvert la carrière de la guerre à tous les états ,
ceux pour qui elle étoit fermée n'ont plus à fe
plaindre & tout votre devoir eft rempli. Votre
comité fans doute a voulu le bien mais il
a vu l'inftruction & des reffources où elles ne
font pas . Sans doute le plan qu'il a donné lui,
a ére dicté par le patriotifme , mais il indique
combien les hommes de mer font rares dans fon
fein ; mais il confirme une opinion qu'une longue
expérience m'a donnée , c'eft que des marins feuls
peuvent raisonnablement parler de marine , & en
rédiger les loix .
>
Je dois , Meffieurs , vous faire remarquer qu'il
D'en eft point dans le fervice de mer comme
dans celui de terre , où l'on peut fans inconvénient
exiger moins de talens dans les fubalternes .
Le fervice dans les vaiffeaux eft continuel &
fans interruption , dans tous les temps , la nuit
comme le jour. Il a donc fallu partager ce fervice
en gardes ou quarts , & les confier fucceffivement´
aux lieutenans , ou autres officiers qui furveillent les
Signaux , exécutent les évolutions , & exercent une
autorité & des fonctions qui , s'il étoit poffible , ne
devroient appartenir qu'au capitaine. Leur inexa
titude , leur inexpérience peuvent avoir à chaque
inftant les fuites les plus funeftes : elles peuvent
caufer des féparations , des abordages , des dématemens
, contre l'ordre de l'armée, & préparer des
défaites . I importe donc , it importe effentiellement
que tous les officiers de vaiffeau fans
exception ayent reçu toute l'éducation convenade
à leur ára; & à leur fervice ; qu'ils ayent
( 341 )
été formés dans la meilleure , dans la feule école ,
celle de la navigation fur les vaiffeaux de guerre.
( La fin dans huit jours . ):
M. Barcau , Prêtre inconnu, qui a envoy
fon ferment a l'Affemblée nationale le 6
Janvier , nous a priés de faire connoître la
véritable verfion de fa lettre au Préfident.
La voici :
» M. LE PRESIDENT ,
Je ne fuis ni fonctionnaire public , ni même
penfionné , mais Eccléfiaftique citoyen . Je dois
donc payer ma dette , & faire un acquit de ma
confcience ; car j'ai aufi la mienne qui me tourmente
& me dicte impérienfement de la fatisfaire
, en prêtant mon ferment. Je ne peux plus
réfifter au besoin de mon coeur , fut- tout depuis
que j'ai plus profondement médité l'Evangile
où fon divin auteur me commande par - tour
Funion & la concorde , & n'afpire qu'à former
un peuple de frères ; & fi la religion ne me
prefcrivoit pas la foumiflion aux lois , elle ne
feroit que l'ouvrage des hommes «
BAREAU , prêtre de la Section de Bondy.
Du lundi , 17 janvier.
La lecture du procès verbal a donné à M.
Bouche l'occafion d'honorer des témoignages de
fon cftime , les fentimens diftingués de pur patratifme
des foldats du régiment de Soiffonnois
qui , fourds aux ordres de leurs fupérieurs
violant toute difcipline & livrés publiquement
1
Q 3
( 342 )
la débauche , fe font joints aux brigands partis
d'Avignon , pour porter la terreur & le meurtre
dans les villes du Comtat demeurées fidèles à
leur Souverain. L'apologifte de ces défordres
devoit être naturellement le détracteur de l'innocence
; il a cru pouvoir rendre les Officiers
refponfables de ces horreurs , en hafardant que',
dès leur arrivée , ils fe fout rendus odieux au
peuple Avignonois . A quelle partie du peuple ?
Eft-ce aux factieux aux brigands ? Par quels
motifs ? pour avoir voulu retenir dans le devoir,
des forcenés. L'éloge des foldats coupables , &
la cenfure des Officiers expofés aux plus grands
dangers , n'ont été accueillis qu'avec indignation ,
même du côté gauche.

2
On a repris la difcuffion fur les preuves écrites
ou orales. M. Rey a répété ce qu'avoit dit M.
Tronchet. M. Péthion de Villeneuve a jugé que
M. Tronchet propofoit ce une combinaifon de
» principes , affemblage des deux fyftêmes , une
tranfaction entre la vérité & l'erreur ; que M.
» Thouret l'avoit combattu avec beaucoup de
to force en s'éloignant pourtant de la ligne droite
tracée par le Comité ; mais qu'ils font d'aecord
fur un principe fondamental : ils veulent
que le juré ne prononce que d'après les combinaifons
de l'efprit ». Ces expreffions ont
mené l'opinant droit «à ce noeud , à ce centre
» où la difficulté eft de favoir l'écriture eſt
utile , & compatible avec la conviction morale ».
--3
cc Il m'eft démontré , a-t-il dit , que l'écriture
a'tère d'abord & étouffe enfuite la conviction
morale. Vous aurez , felon M. Tronchet , deux
moyens , au lieu d'un ; mais fi l'un détruit
l'autre , vous n'en aurez encore qu'un. L'Orateur
n'a d'ailleurs employé pour combattre M.
( 343 )
Tronchet que les moyens de M. Thouret , la
perte du temps des Jurés , la crainte des temoins
de varier fi l'on écrit , la révifion devenne un
appel , les Jurés avllis , ennuyés , humiliés , découragés
Le civifme enfante des prodiges ,
mais la continuité des prodiges eft contre la nature
des chofes » ,
Quant aux faux témoins , il y en a moins qu'on
ne penfe ; les anciens Tribunaux en puniffoient fort
peu , & ces faux témoins écrivoient leurs dépofitions
, argument de plus contre l'écriture . On a dit
qu'ils font nombreux en Angleterre ; ce fait eft
démenti . Comment ? par un relevé ? Non.
par l'évidence . La plupart y font à la décharge
de l'accufé ; donc il y en a peu , donc il ne
font pas dangereux à la fociété ! Pour la révi
fion provoquée par quelque fait extraordinaire ,
cette circonftance réduit à rien la néceffité des
dépofitions écrites .
M. l'abbé Maury a pris la parole à-peu- près
en ces termes ; En me difpefant à parler fur
la queftion qui eft foumife maintenant à vo
tre délibération , je me fuis rappelé que l'on
demandoit à un Magiftrat fi le ministère de
Juge étoit difficile à remplir ? Il n'eft rien de
plus facile , répondit - il , que de décider une
queftion quand elle fe préfente au Tribunal ;
mais il n'eft rien de plus mal aifé , quand les
Avocats ont parlé. Or , Meffieurs , comme je
fuis profondément convaincu qu'il ne faut pas
être fi favant pour faire des loix , parce que ce
n'eft pas l'érudition , mais le bon fens qui les
dicte , je vais vous préfenter quelques réflexions
bien fimples . On vous dit que l'utilité de vos
Jurés & la procédure orale font juftifiés par
l'exemple des Anglois ; mais il s'agit ici de
Q4
( 344 )
,
profcrire l'écriture dont l'origine fe perd cher
nous dans la nuit des temps , qui fut toujours
en ufage , que même les fucceffeurs de Charle
magne crurent néceffaire d'introduire dans les
cauſes civiles . On ne la point profane en Angleterre
on il feroit queftion , au contraire ,
de l'établir au criminel , fi ce peuple qui inftitua
fes Jurés lorfque perfonne ne favoit écrire , ne
zedontoit jufqu'au plus léger changement dans
fes anciennes coutumes pour lefquelles on connoît
fa vénération . D'ailleurs , vos Jurés ne
reflemblent point aux Jurés Anglois . Leur ju
aice eft ambulante. Douze grands Juges difpofent
de l'honneur & de la vie de leurs concitoyens
; ils ont des appointemens très - conſidérables
( près de 10,000 francs ) , fort nommes
par le Roi amovibles & révocables felon la vo
lonté du Roi, Auflì la condamnation d'an accufé
eft- elie , en Angleterre , fuivant Fexpreffion d'ua
grand Jurifconfulte , un fyllogifme. La lei , dit- il ,
fait la majeures celui qui eft coupable de tel
erime , doit fubir telle peine ; le Juré fait la
mineure un tel eft coupable de tel crime ; & le
Juge déduit la conféquence done un tel doit
fubir telle peine ».
"
:
:
e
les
Des Jurés dépendans , appelés rarement à
ees fonctions le plus fouvent étrangères pour
Cnx jugeront arbitrairement & en Pair
dépofitions ne font pas écrites . Le même fait fe
voit & fe raconte fi diverfement ! Comment comparer
les récits fans écrire ? C'eſt un malheur d'être
obligé de recourir à des témoins , mais A veus
les affranchiffez de toute refponfabilité , ce feront
ou les fléaux de l'accufé ou fes complices.
L'évidence démontre fi peu que les faux témoins ' ,
ne font pas communs en Angleterre , qu'il e
( 345 )
de fait attefté par tous les voyageurs que le faux
sémoignage y eft un état , peut-être même le
plus nombreux état dans les grandes villes . Il
en eft ainfi chez les Turcs ou rien ne s'écrit .
Nous donnera- t-on pour le chef- d'oeuvre du
fiècle des lumières , une inftitution calquée fur ce
que purent faire dans leur temps , les premiers
héritiers des loix Saxones & le defpote des Arabes
ignorans ? Sans écriture , point de réhabilitation .
L'opinion publique eft aujourd'hui un nouveau
tribunal qui veut juger de tout, Comment fe
fixcra-t-elle fi vous ne conftatez pas les faits
d'une manière pofitive . Sans examiner , par
exemple , Calas eft innocent ou coupable , je
rappelerai que c'eft l'opinion publique de Touloufe
qui entraîna les Juges . Quelle barrière
oppoferez-vous à l'opinion publique . Comment
le Juge fe défendra- t-il contre le flot de l'opi
nion populaire ? Vous lui ôrez la feule arme
qu'il puiffe oppofer à l'erreur... On vous parle
de la fupériorité des preuves morales fur les
preuves légales . Je ne crains pas de dire que
plufieurs orateurs ne fe font pas entendus quand
ils en ont parlé, L'obfcurité des expreffions a
feule prolongé ces débats . Les dépofitions écrites
empêcheront- elles la vérité de le montrer dans un
auffi grand jour ? je maintiens au contraire , qu'on
la découvrira moins bien , qu'elle n'aura plus
d'unité. , fi vous livrez à toutes les opinions
confufes & paffagères des membres du Juré , la
dépofition faite en fa préfence. »
Des Juges , des témoins , paffant aux fcélérats
, M. l'abbé Maury les a peint entretenant
des relations d'un bout du Royaume à l'autre ;
qu'un homme révèle un crime commis loin dr
eu qu'il habite , comment ferez-vous le rap-
Q $
( 346 )
prochement précieux qui affure la punition da
criminel ? Cominent comparerez - vous la dépofition
du premier dénonciateur avec celle des habitans
du lieu où le crime aura été commis ? ...
Si vos Jurés plaignoient leur temps , quelles
confciences ! quels Jurés ! Ne les calomnions pas ,
ne les expofons pas à fe tromper , ne leur ten-
2 dous pas des piéges , ne leur refufons aucun
moyen de redrefler leur erreur... Vous ne pouvez
vous diffimuler que les meilleurs efprits font
effrayés des procédures verbales . Cédez à de
juftes craintes. Les preuves orales anéantiroient
l'inftitution des Jurés . On vous parle d'économie
de temps , nous vous offrons des confidérations
d'humanité. Il eft effentiel de perpétuer les
motifs de la condamnation d'un accufé afin que
s'il a fuccombé à la calomnie , on puiffe confondre
le calomniateur »
Le préfident a nommé les fix commiffaires ,
adjoints au comité de la marine ; ce font MM .
Charles de Lameth , Biauzat , de la Galiffonnière,
de Sillery , de la Fayette & de Menonville. M. de
Lameth a demandé à être remplacé , comme incompétent
dans cette matière.
`Intraitable ennemi des procédures écrites & des
preuves légales , partifan des preuves orales , &
de ces fortes de révifions , auxquelles les preuves
orales fuffifent , M. Chabroud a péroré & conclu
pour l'admiffion du fyftême de M. Thouret.
En effayant de s'en rapprocher , fans altérer les
Principes , M. Tronchet a relevé trois erreurs dans
la nouvelle propofition du comité : 1º . rédaction
vicieufe du témoignage devant un feul - juge ;
2. l'écriture feftreinte à cette rédaction ; 3 °.
communication refufée aux jurés . Une rédaction
fecrette ne donne lieu à aucune des contradictions
( 347 )
>
néceffaires à l'effor de la vérité. Il n'eft pas moins ,
utile d'écrire la fubftance des débats que les dépo
fitions , & l'ordre & la dignité du jugement rendent
tout cela facile . La révision dépend du corps
entier des charges & des débats ; fouvent un mot
y décide de tout. Qu'exige cette conviction morale
qu'on oppofe à l'écriture ? attention , intelligence
& mémoire. L'écriture y fert évidemment .
Pureté du coeur ; l'écriture n'y nuit pas . La fenfibilité
feroit un guide infidèle fi la froide raifon
ne l'éclairoit , ne la dirigeoit ; & il eft des fcélérats
qui favent emprunter l'accent , l'air , & juſqu'à
l'embarras de l'innocence . L'un des moyens
conviction eft infuffifant fans l'autre. Que répondrez-
vous aux jurés , dont la confcience implorera
ce double fecours ? Eft- un feul de vous
qui ne frémiffe de porter un jugement , s'il ne
voit des preuves écrites , & qui ne refufe même
de le prononcer ? M. Tronchet a fini par un projet
de décret conforme ces vues , & dont la
fuite de la difcuffion ramènera les parties ou réfutées
ou adoptées .
Du mardi 18 janvier.
Après la lecture du procès - verbal , & d'une
note miniftérielle qui annonce le ferment civique
du conful François & de l'ambaffadeur à Lisbonne,
M. Emmery a cédé le fauteuil à M. l'abbé Gre
goire , élu préfident .
M. de Beaudrap , député de Coutances , étant
allé par congé , paffer quelques femaines au fein
du fa famille , les amis de la conftitution de Cherbourg
, ont écrit à l'Affemblée nationale , pour le
prier de le rappeller. Si l'on en eût cru M. l'abbé
Gouttes , leur demande accueillie auroit été ren-
Q ō
( ) ( ) 348 ) 348
vyée au comité des recherches ; mais M. Goupit
jugeant que toutes les raifons de rappel que pouvoit
contenir la lettre étoient déjà trouvées , fans.
qu'il fut befoin de recherches , a propofé qu'on la
renvoyât à M. de Beaudrap , & fa motion a été
fuivie.
L'on a repris la difcuffion fur les dépofitions
écrites ou orales . Quelques lecteurs fe plaindront
peut - être de la longue durée de ce débat ; mais
ce feroit en méconnoître l'importance.
сс

25M. Prugnon a donné de nouveaux développemens
à l'opinion que nous avons citée de lui fut
ce fujer. On feroit tenté de croire , a-t -il dit ,
que les partifans des dépofitions verbales n'ont
jamais vu que des procédures toutes faites . M.
Tronchet , M. Thouret , le comité , fe combattent,
fe rapprochent , tranfigent ; point d'accord aux.
dépens des principes . Qu'on écrive tout ou rien .
Un principe & une jolie femme touchent à leur
défaite dès qu'on les voit foiblir . Il faut renoncer
aux jurés, nous dit le comité , fi les dépofitions
font écrites ; fi l'on ne veut pas écrire les dépoffions
, je renonce aux jurés .. Quoi ! fi le temps,
peut fauver l'innocent de l'échafaud ou la fociété
du poignard des affaffins , vos jurés plaindront le
temps ..... On reconnoît les raifons que M..Prugnon
revêtoit des formes , originales , que prenment
naturellement toutes fes idées .
Failant fuccéder de nouveaux apperçus aux
redites de MM. Charier & Goupil de Préfein ,
M. Tronchet a follicité la permiffion d'ajouter
une confidération , prife de l'avantage qu'affure
à des co-accufés le droir de fe défendre conjointement.
M. de Saint- Fargeau a réfumé s
opinions pour & contre , & indiqué leurs points
de rapprochement , en homme qui en avoit une ;.
( 349 )
Ta célébré la bonne- foi , l'abnégation d'amourpropre
des deux partis , les facrifices de MM
Tronchet , Thouret & du comité. Puis obfervant
qu'il y avoit un pas de fait , en ce qu'on avoit
reconnu qu'il étoit impoffible que la totalité de
Pinftruction fût écrire , il a réduit l'avis de M.
Tronchet à trois additions au projet du comité
1º . lecture aux témoins de leurs dépofitions devant
le juré d'accufation & celui du jugement ;
2º. procès- verbal abrégé du débat , après qu'il
aura cu lieu verbalement ; remife aux jurés , lorfqu'ils
le requerront , des dépofitions écrites & du
Frocès- verbal fuccinct ou fommaire du débat.
&
2:
en.
La première ne lui a paru qu'un véritable récolement;
il a dit que cette difpofition , qui en avoit
les inconvéniens fans en avoir les avantages , puifqu'elle
lieroit le témoin à fon impofture , ne pou
voit entrer dans un auff bon efprit que celui de
M. Tronchet. La feconde lui a offert de nombreufes
difficultés , des débats fur la rédaction
d'un débat. Et qui prononcera ? Le juré d'accufation
& juré du jugement préfentent de grands
moyens d'incompétence. Pour la troisième
embraffant dans le fommaire des débats l'enfemble
du procès , le comité fupplée à cette meſureș .
Toute autre méthode ramèneroit le fyftême des
preuves légales . M. de Saint-Fargeau a donc
rejetté ces trois additions ; & quoique les jurés
François n'ayent aucune analogie avec les jurés
Anglois , il n'en a pas moins rappelé que les avantages
du juré en Angleterre our triomphe du
temps & des révolutions . On a décreté l'impreffian
de ce difcours & fermé la difcuffion ..
Les projets de décret de M. Tronchet & du
comité ayant été lus , quelques membres ont
-demandé la priorité pour celui du comité ; M.
( 350 )
Garat l'aîné l'a demandée pour le premier projet
de M. Tronchet..
M. l'abbé Maury a vu "dans le premier article
du projet du comité , de grands vices de
rédaction , & fur- tout une obfcurité qui néceffiteroit
bientôt de longs commentaires , & il a
propofé la rédaction fuivante : « les dépofitions
feront écrites comme par le paflé ». Mais M.
de la Fayette a vivement réclamé la première
propofition du comité , qui feule , felon lui , peut
conferver la pureté & l'effence d'une inftitution
à laquelle l'Angleterre devoit une des foldes
bafes de fa liberté, nonobftant les vices defa conftitution
, & que la plus heureufe expérience a
également confacrée parmi les Américains . 11 a
invoqué la queftion préalable fur ce nouvel article
propofé par le comité . On a fort applaudi ces
quatre phrafes de M. de la Fayette , qui n'apprenoient
rien de nouveau à perfonne , fauf le
vice de la conftitution Angloife,
M. Garat l'amé eft monté à la tribune , poar
s'opposer à la motion du préopinant . On lui a
crié de propofer fon amendement . Il a réclamé
la liberté de metiver fon avis comme on en avoit
donné la liberté à M. de la Fayette ; après de
fréquentes interruptions , il a demandé que les
témoins dictaffent eux- mêmes leurs dépofitions ,
feul moyen d'en conferver la moralité & le
caractère .
« Le comité ne s'eft point diffimulé , a dit M.
Defmeuniers, qu'il y avoit de grands inconvéniens
attachés à fon premier article ; mais ils font balancés
par deux avantages , foibles , fans doute
relativement à l'inftitution conftitutionnelle des
jurés , mais utiles & peut - être néceffaires dans cet
inftant . Les grands mouvemens de la révolution,
( 354 )
1
ont enlevé les efprits a ce flegme , fi néceffaire
dans les jugeme . par jurés ... Les efprits ont
befoin d'être guidés , d'être animés par degrés à
la pureté de cette inftitution ».
De violentes clameurs fe font oppofées à ce
que
que M. Barnave répondit à M. Defmeuniers , &
de longs murmures à ce que M. Garat l'aîné
réfutât le peu de mots qu'on avoit entendus de
de M. Barnave. Un décret a permis à M. Garat
de parler. « M. Barnave obferve , a -t - il dit ,
que les dépofitions écrites ne feront point des
pièces probantes , & que par conféquent elles
feront inutiles pour la révifion ... Elles fourniront
des renfeignemens très- fürs , dont on pourra
fe fervir pour motiver la demande en réhabilitation
. Voilà une première réponſe qui convainc
d'abfurdité la première obfervation de M. Barnave.
Il obferve enfuite que fi l'on enchaîne
les témoins par des dépofitions écrites , ils ne
2-pourront pas varier. Certainement M. Barnave
ignore quel étoit le fort des dépofitions écrites
dans l'ancienne loi . Elle avoit plus d'humanité
qu'on ne le penfe ; elle permettoit au témoin
une variation prefque abfolue , foit dans le récolement
foit dans la confrontation ... Elle la lui
laiffera encore pour le falut de l'innocent , &
pour le falut de la fociété. M. Barnave penfe
que les jurés s'en tiendront aux dépofitions
écrites , en déduit l'adoption du fyftême des
preuves légales ; & il convient néanmoins que
le débat captivera , déterminera les ' jurés ; ils
s'en rapporteront donc plus aux débats qu'aux
écritures ... J'ai démontré que les obfervations
de M. Barnave étoient contraires à la logique
coutumière ».

L'orateur a rappellé l'ordre des questions.
( 352 )
M. Charles de Lameth vouloit Y fubftituer um
tout autre ordre qui ramenoit la motion de M.
de la Fayette ; ce qui , felon M. le Chapelier ,
renverfoit ce qu'on avoit décrété; la propofition de
M. de la Fayette n'étant pas conforme « à la
tactique de délibération qui avoit été fuivie jufqu'à
ce moment par l'Afemblée ». M. le Charelier
ayant provoqué la question préalable fur
fur tous les amendemens , le premier article de
la dernière rédaction de M. Tronchet , mis aux
voix , a été adopté en ces termes :
« Les dépofitions des témoins feront faites &
reçues par écrit , favoir : devant les officiers de
police , pour ceux des témoins qui y feront produits
; & devant le directeur du juré d'accufation
, pour les témoins qui n'ayant pas comparu
devant l'officier de police , feront amenés d'abord
devant le juré d'accufation ».
Du mardi , féance du foir.
M. Fermont a pris la parole pour dénoncer
an prétendu bref du Pape , portant que S. S..
a répondu au roi , que l'Affemblée a outrepaffé
fes pouvoirs , & qui déclare fchifmatiques ceux qui
ont prêté ou qui prêteront le ferment . Une voix
a crié : bravo . M. Binugat vouloir qu'on recherchât
quel étoit le membre qui approuvoit cet
anathême ; fa plainte n'a pas cu de fuite : M.
Fermont , tenant cette pièce pour fauſſe , a demandé
que la France apprit enfin comment l'Affemblée
voit de femblables imprimés , que le
préfident fut chargé d'écrire une lettre de fatiffaction
au département de l'Ille- & - Villaine , qui
a pris des mefures pour en arrêter la diftribution
& en punir les auteurs , & que le prétendu
bref füt livré au comité des recherches .
( 353 )
feroit également jufte , a obfervé un autre
Membre , de rechercher les auteurs d'un bref
en fens contraire , qu'on n'a pas fait circuler avec
moins de profufion dans les départemens , avant
celui que l'on déñonce .
M. Bianzar a ajouté à la motion de M. Fermont
, que le Roi foit prie de donner l'ordre
d'informer contre ceux qui font & répandent
de pareils imprimés .
M. Malouet adoptant la propofition , a conjuré
l'Affemblée de ne point prendre de melures
partielles , qui n'obvieroient jamais aux malheurs
refultans de la licence de la preffe . Vous ne pouvez
décemment ni raifonnablement , a - t- il dit ,
ordonner une information contre un feul délit
particulier , & en laiffer mille impunis . Ne vous
le disimulez pas ; les excès du moment font dus
à la licence de la preffe . Vous avez promis une
loi fur cet important objet ... Des éclats de rire
des huées , un vacarme honteux couvroicnt la voix
de M. Malouet. Plufieurs voix du côté gauche
ont fait à la majorité , l'outrage de reprocher à
Forateur , que c'ctoit pour la centième fois qu'il
répétoit cette motion . Il a répondu par l'engagement
formel de la renouveller jufqu'à ce qu'on
ait la juftice de l'entendre, « Je dis donc , a-t - il
pourfuivi , que fi la difcorde continue à régner
dans le royaume , fr la licence de la preffe n'eft
pas réprimée , vous verrez bientôt les honnêtes
gens abandonner la France , & vous entendrez
maudire la révolution par tous ceux qui feront
contraints d'y demeurer. Je conclus à ce qual
foit informé contre les auteurs de tout libelle
incendiaire , & à ce que , pour arrêter la fi
cence de la preffe , votre comité foit chargé de
( 354 )
vous préfenter inceflamment un projet de loi générale
».
و
M. Barnave s'eft . flatté de prouver que M.
Malouet s'écartoit de la queftion , & que les
lois conftitutionnelles fur les limites d'imprimer
devoient être retardées : « l'opinion , a-t- il dit ,
fe forme journellement d'avantage à cet égard ;
elle fe répand fur les perfonnes publiques avec
la plus grande latitude : il doit être permis de
tout dire de tout imprimer fur les hommes
publics qui repouſſent toujours la calomnie par
leur conduite, & par la liberté d'actions & d'opinions
qu'ils confervent ». Envain M. Malouet
a-t- il judicieufement répliqué qu'il n'y a rien
de commun cutre les hommes publics jugés par
des folliculaires , & d'horribles écrits qui commandent
ou juſtifient tous les matins l'affaffinat
& l'incendie le bruit n'a ceffé que lorfque la
motion de M. Fermont a été décrétée avec l'ar
mendement de M. Biauzat , & l'on s'eft trouvé
naturellement à l'ordre du jour .
M. Rouffillon a fait un rapport fur la compagnie
du Sénégal , nommée d'abord compagnie
d'Afrique , enfuite compagnie de la Guyane ,
qui , en 1772 embarqua , dit- il , feize prêtres pour
baptifer des nègres , & des pêles pour ramaffer
l'or , n'eut que de la gomme , & perdit 300,000
livres ; acheta depuis des noirs , ne s'enrichiffant
pas à les catéchifer, & perdit 100,000 livres ;
obtint un privilége exclufifau Sénégal , en offrant
d'y payer les trais d'adminiſtration , & le 11
janvier 1789 , demanda au Roi la concurrence
de commerce fur les côtes , moyennant une
augmentation de paiement des dépenfes d'adminiltration
: cette compagnie eft dénoncée au nom
( 355 )
des députés extraordinaires du commerce. Le défaut
de notions fûres a empêché le comité d'a-
& de commerce de fe déterminer ré-
Tativement à la quotité de l'indemnité : grâce au
décret proposé par M. Rouillon , amendé par
M. Malouet & adopté fans difcuffion intéreffanie ,
le commerce du Sénégal & les titres d'indemnité
feront foumis à l'examen des comités des finances ,
de marine & de commerce , pour être enfuite
ftatué par l'Affemblée nationale fur l'avis du
miniftre de la marine , & d'après le compte que
rendront du tout , lefdits comités .
On a décrété trois articles d'un projet de loi ,
relative aux dîmes inféodées , que M. de Folleville
a propofé , & la fuite en a été ajournée .
Du mercredi 19 janvier.
Le préfident a fait lire une lettre qui lui a été
adreffée de Carpentras , & qu'on a renvoyée aux
comités diplomatique & d'Avignon . En voici la
tencur :
M. LE PRÉSIDENT,
ee Pénétrés d'une vive douleur , plongés dans
les alarmes , & entourés de périls , nous venons
dépofer dans le fein de l'Affemblée que vous préfidez
, nos preffantes rél m.tions fur le traitement
inoui que nous éprouvons à l'aurore de la
liberté , dont l'Afemblée nationale fait jouir la
France ; au fein même de cette France , fi chère
à nos coeurs , uous fommes opprimés ; & fous le
prétexte fpécieux de nous rendre libres , on veut
nous affervir , on veut rompre tous les liens fociaux
, on veut nous livrer à la fureur d'une faction
ennemie de tout ordre & de rotre propre
tranquillité ; votre décret fur la ville d'Avignon
( 356 )
mous faifoit efpérer le calme , & il eft devenu
pour nous un moment d'orage.
Une troupe de brigans fortis des murs d'Avignon
avec de l'artillerie , & accompagnée d'une
partie des foldats indifciplinés de Soiffonnois &
de Penthièvre , ont pris & faccagés la ville de
Cavaillon le 10 de ce mois ; en retournant , ils
ont également pillé le bourg de Caumont , &
menacent de faire éprouver le même fort à tous
les lieux de cette province & de cet Etat .
Les machinations les plus infernales , les entreprifes
les plus odieufes , & les calomnies les
plus atroces font employées contre nous ; la voix
d'un peuple innocent a droit de fe faire entendre
au milieu de votre Affemblée. Permertez , M.
le préfident , que nous empruntions votre organe
pour y porter nos inftances & nos fupplications ;
ne laiffez point périr ce même peuple , qui s'honore
d'être François fous une domination étrangère
, qui s'enorgueillit d'être libre d'après ves
foix & fous votre égide.
Je fuis avec refpect , & c.
M. LE PRESIDENT ,
Signé , CHRISTICT , préfident
M. de Leffart a demandé de nouveaux fond's
pour les dépôts de mendicité: Quelques dévé
loppemens que donnoit à ce fujet M. de Liancourt
, ont paru à M. Duquesnoy ne devoir pas
précéder le rapport. La lettre de M. de Leffart
a été renvoyée au comité de mendicité .
Dans un rapport fur les mefures propres à
affurer l'envoi des affignats par la pofte , M.-
Vernier a prouvé que tous ces moyens étoient
impraticables ou inefficaces. Endoker les affig
( 357 )
1
nats , faire cfcorter les couriers de gardes nationales
, couper l'affignat en deux parties & les
confier à deux couriers différens , tels font les
moyens inventés par le comité . M. Vernier s'étant
rappelle qu'autrefois les meflageries tranſportoient
beaucoup d'argent , il a conclu de prier l'Affemblée
d'autorifer le comité des finances à prendre
des renfeignemens auprès des directeurs des
Deflageries. On eft paffé à l'ordre du jour.
L'annonce du ferment civique de deux curés ;
des affiches de ventes de biens nationaux , & un
décret qui tranfporte d'un département à l'autre
une paroiffe de l'Auvergne , ont conduit lentement
le corps légiflatif à la difcuffion des jurés,
oui fe font en partie reproduits , fous le nom
d'amendemens , les élémens des difcuffions que
nous aurions tant fouhaité de pouvoir abréger
dans l'expofé des féances précédentes.
Après ce que vous allez décréter , a dit M.
Malouet , vous devez vous hâter de déclarer
quelles feront les qualités néceffaires au juré.
Car s'il n'eft pas formé de propriétaires , il y
de quoi frémir . M. Duport a répondu que l'Af
femblée examineroit fi la qualité de propriétaire
étoit feule compatible avec l'honnêteté de l'ame
& les lumières de l'efprit .
Les articles fuivans ont été décrétés :
II. Les nouveaux témoins que l'accufateur
voudra produire encore devant le juré du juge
ment , ainfi que les témoins que l'accufe produira
à cette époque de la procédure , feront entendus ,
& leurs dépofitions écrites devant un des juges du
tribunal criminel , le tout fans préjudice des nouveaux
témoins que l'accusé pourra faire entendre
par la fuite.
» III. L'examen des témoins & le débat feront
( 358 )
faits enfuite devant le juré , de vive voix & fans
écrit ».
On a fait lecture d'une lettre du miniftre de
la guerre , qui fe juftifie péremptoirement du reproche
de n'avoir pas envoyé un régiment à Perpignan.
Après avoir expofé les ordres qu'il a
donnés , M. du Portail ajoute ces phrafes trèsremarquables
.
ce D'abord la quantité que nous avons de
troupes de ligne eft beaucoup au- deffous de ce
qu'exigeroient les befoins & les defirs de chaque
département , fur- tout de ceux de la partie méridionale
de la France ; je dois d'ailleurs vous
faire connoître les obftacles que j'éprouve fouvent
à leurs mouvemens : tantôt ce font les
régimens qui eux mêmes laiffent entrevoir un
efprit de réfiftance qu'il faut craindre de mettre
à l'épreuve ; tantôt des municipalités , des corps
adminiſtratifs , annoncent qu'ils ne laiſſeront pas
partir les régimens qu'ils pofsèdent , ou qu'ils ne
recevront pas tel autre qu'ils favent leur être
deftiné ; quelquefois ils veulent arrêter en tout
ou en partie , ceux qui paflent fur leur territoire.
Je ne donnerai pas plus d'étendue au tableau
des contrariétés que je peux éprouver dans cette
parte de mon adminiſtration ; il pourroit plaire
aux ennemis de la conftitution qui croiroient y
trouver des moyens de la calomnier , & de prouver
l'impoffibilité de fon établiffement ; ils me
Lauroient gré de juftifier ainfi leurs vaines déclamations
, mais je rejette leurs perfides applaudiffemens
, & dois détruire leurs coupables efpérances.
» Sans doute il y a encore des difficultés à
vaincre ; beaucoup d'individus , même quelques
( 359 )
1
corps adminiftratifs n'ont point encore parfaitement
compris les décrets , ou ils fe croient trop
aifément difpenfés , par des circonftances particulières
, de s'y conformer exactement ; mais jo
vois dans tous de bonnes intentions , de la bonnefoi
, du zèle , du patriotiſme ; auffi les inconvéniens
que j'ai expolés diminuent - ils tous les jours ;
je l'éprouve depuis que je fuis dans la place qui
m'eft confiée ; les réfiftances s'affoibliſſent , les
prétentions exagérées fe relâchent , chacun.commence
à connoître fes devoirs en même temps
que fes droits ; & malgré les voeux impies des
ennemis de la patrie , l'ordie fe rétablira , &
nous verrons bientôt , j'espère , la conftitution
dégagée de toutes entraves , s'acheminer
majefté vers fon entier accompliffement » .
-
avec
Quelques perfonnes , à la lecture de ces paragraphes
, ont été furpriſes qu'un miniftre du Roi
eût choifi , pour exprimer le zèle qu'il doit aux
loix de l'Etat , les termes injurieux que l'on par!
donne à la plume de quelques folliculaires ferviles
; qu'un miniftre du Roi empruntât le langage
des agens fubalternes de certains chefs de
parti , & qu'il déclarât impies & perfides ceux
qui découvrent des inconvéniens dans nos loix
nouvelles. Mais ce ftyle inufité dans un homme
en place a fort bien réuffi auprès des galeries ,
qui l'ont honoré de leurs applaudiffemens.
Du jeudi , 20 janvier.
On a annoncé la démiffion de M. l'évêque de
Troyes , dont le nevcu portoit le titre de coadjuteur
, & a déjà pris poffeffion. Un membre a cru
que depuis l'établiffement des élections , les coad
juteurs d'évêques étoient déchus de toute préten(
360 )
1
tion aux évêchés , & a demandé , ca conféquence ,
la convocation des électeurs du département pour
nommer un nouvel évêque. Mais M. Treilhard
a rappellé que les eccléfiaftiques étant maintenus
dans tous leurs droits aux titres confervés , le
coadjuteur ca exercice fuccède légitimement, au
fiége épifcopal non-fupprimé ; & fur la propofition
de M. Treilhard & de M. Renaud , L'Affemblée
cft paffée à l'ordre du jour.
C'étoit le projet de décret que M. Camus avoit
In la veille fur les formalités du vifa requis par
les décrets du 7 novembre & du 16 décembre
relatifs , l'un aux fonds d'avance ou cautionnement
non- comptables , & l'autre aux rentiers du clergé,
pour admettre ces différentes créances en paiement
de domaines nationaux . Une des difpofitions propofées
admettant les fermiers- généraux à donner
partie de leur fonds d'avance , M. Cernon a obfervé
que la plupart de ces cautionnemens font
la propriété de quatre à cinq mille familles dont
le décret détruiroit l'hypothèque ; & il a demandé
1°. que l'intérêt entier leur en foit payé juſqu'au
parfait remboursement , puifque cet intérêt appartient
aux créanciers ; 2°.. que les reconnoiffances
foient admifes dans les adjudications pour
leur valeur entière , fi les fermiers juftifient de
la propriété de leur cautionnement,
Un réglement en XIV articles a été décrété
fur ces principes..
Par cinq autres articles rélatifs à l'exécution du
décret du 16 décembre dernier , qui déclare la
dette conftituée du clergé amortie en ce qui en
appartenoit à des corps ou communautés éccléfiaftiques
,
* ,
( 361 )
fiaftiques , l'Affemblée a décrété que les contrats
de rentes fur le clergé remis aux municipalités ou
aux directoires , les contrats fur les aides & gabelles
ou fur toute autre partie des revenus de
l'état , billets de loterie , actions , tous effets de
femblable nature , en nom ou au porteur , qui
fe feront trouvés ou fe trouveront lors des inyentaires
ou de toutes autres opérations concernant
les biens dont jouifloient lefdits corps ou
communautés , feront envoyés , fans délai , à la
caiffe de l'extraordinaire , pour y être eftampés ,
anoullés & brûlés en préfence de commiffaires .
Le remboursement ou l'extinction des effets rembourfables
appartenant à des établiſſemens dont la
vente a été ajournée par le décret du 23 octobre
dernier , feront fufpendus & les intérêts payés.
auxdits établiffemens . Les créances fur le clergé
par contrats des emprunts de 1780 & 1782 ne
feront rembourfables que dans le cours de cette
année 1791 , & la rente continuera d'en être
payée comme par le paffé.,
M. Maloueta follicité de l'humanité de l'Afemblée
l'élargiffement de M. Granet , jeune avocat
de mérite , détenu à Aix , dans un cachot , comme
accufé d'avoir été lié d'attachement à M. Pafealis,
& privéde toutes communications , « Le comité des
recherches , a obfervé M. Voidel , n'a effectivement
trouvé dans les pièces qu'il a reçues à ce
fujet , rien de concluant contre cet accufé ; mais
l'Affemblée ayant ordonné une information , il
faut en attendre l'iffue. » M. Mougins a repréfenté
la rigueur avec laquelle on interdifoit toute
communication à M. Granet. « Perfonne n'eft
plus que moi convaincu de fon innocence , a dit
M. d'André. Puifqu'il fe fait des informations à
Aix , à Toulon , à Marfeille , fur une prétendue
No. 5. 29 Janvier 1791. R
N°.
( 362 )
confpiration qui devoit avoir . Ifeu e mois dernier
, il eft de l'intérêt même des accufés d'at
tendre un jugement pour s'en prendre à leurs
dénonciateurs. Mais ces prifonniers font traités
inhumainement , on leur refufe des confcils ; je
demande le comité fafle ce foir un rapport
que
fur le traitement qu'il convient de faire aux
accufés ». M. Voicel vouloit que lé préfident
écrivit à tous les corps adminiftratifs pour leur
rappeller la déclaration des droits. Un membre
s'eft étonné de voir que , prefque aucun décret
ne foit exécuté fans d'autres décrets d'exécution .
Les commiffaires du Roi , a remarqué M. Fréteau
, n'ont pas encore toute l'autorité qu'il leur
faudroit pour que les Toix fuffent exécutées ; &
il a conclu , ainfi que M. Chabroud , à prier le
Roi d'ordonner la vérification des plaintes , & que
les prifonniers foient traités avec l'humanité com
mandée par
loi . M. Rewbell a defiré que la rédaction
du décret n'inculpât ni les tribunaux ni
les adminiſtrateurs ; la propofition de M. Fréteau
& Chabroud a été textuellement décrétée , & l'on
t rentré dans la difcuflion des jurés .
Rapporteur des comités de conftitution & de
judicature , M. Duport a pofé la queftion :
fera-t-il établi un tribunal criminel près de chaque
département ? Il a appuyé l'affirmative de la
crainte de trop fubdivifer l'action de l'opinion
publique de trop multiplier les accufateurs
publics , d'affoiblir leur caractère , de les rendre
moins étrangers aux affections locales , de mettre
une difproportion fenfible entre le nombre des
juges au criminel , leurs fonctions , le nombre des
crimes , les moyens de s'inftruire par l'expérience ,
Ja dignité néceffaire à ces tribunaux , en portaut
550 les lieux où la liberté , l'honneur & la vie
des citoyens font mis en délibération .
à
( 363 )
M. Brillat - Savarin a oppofé à la métaplayfique
des comités , les inconvéniens & les frais du
déplacement de juges dont on privera les diftricts
d'où ils partiront , de jurés qu'on ne paiera pas ,
des témoins , des accufés . On vous propoſe , 2-
t- il ajouté , d'appeller aux fonctions de jurés tous
ceux qui paieront 10 livres d'impofition ; mais il
eft des cantons où elles ne fuppofent que 60 liv ,
de revenu. Obligerez-vous de pareils jurés à fe
déplacer à leurs dépens ? Or , il y a tel département
qui néceffiteroit un voyage de fo à 60 lieues .
L'éloignement du tribunal feroit une véritable taxe
fur la probité. En plaçant un tribunal criminel
dans chaque département , croyez - vous , de
bonne- foi , remplir la parole que vous avez donnée
au peuple de rapprocher de lui la juſtice , de ne
le faire juger que par des juges qu'il aura nommé ?
Dans l'ancien régime , il n'y avoit que les plaideurs
qui éprouvaffènt Finconvénient de l'élognement
; les tribunaux étoient affez rapprochés.
Aujourd'hui tout citoyen fera juré , & l'on ne veut
qu'un tribunal criminel par département ! Je demande
qu'il en foit établi un pour un ou pour
deux diftricts .
>
La forme des affifes anglaises en matière criminelle
, a paru à M. Mougins préférable an
plan des comités qui ne peut qu'apporter dans les
procédures une lenteur funefte à l'innocent au
criminel , à la vérité , au repos & à la dignité
des juges appellés momentanément au tribunal
criminel du département . Les loix Romaines
fixoient à un terme court & précis à l'expédition
des caufes criminelles .
M. Barrère de Vieuzac a foutenu l'article des
comités & combattu les objections des préopinans
qu'il a traitée de légers inconvéniens . Selon
R 2
( 364 )
ނ
lui , le déplacement eft une confidération fauffe ,
puifque le juré de jugement , fuivant les comités
, ne peut fe former dans le lieu où le crime
a été commis , & qu'ainfi , dans tous les cas , il
faut que les témoins fe déplacent . Quant au rapprochement
de la juftice des jufticiables , on ne
peut l'invoquer contre un chef-lieu de département
toujours affez rapproché des diſtricts . L'in→
térêt de l'accufé eft d'avoir un tribunal incorruptible
& éclairé . Une juftice locale eft paffionnée
, une juftice lointaine eft mal inftruite ; les
proportions d'un département offrent un fage
milieu entre ces extrêmes. Il n'y a pas de danger
à multiplier les tribunaux civils. Mais les tribunaux
criminels ont befoin de cette dignité qui
réfifte au choc des paffions .
M. Chabraud a demandé qu'on établît au befoin
jufqu'à trois tribunaux criminels dans un
département. M. le Chapelier a obfervé que ce
ne doit pas être le chef- lieu , mais le lieu central
des départemens qu'on préférera pour les tribunaux
criminels. La queftion préalable , invoquée
par M. d'André , fur ces deux motions & fur
celle de M. de Deley d'Agier , qui vouloit deux
tribunaux par département , & les amendemens
écartés , l'Affemblée a décrété les articles préfen-
M. Duport en ces termes :
tés
par
CC
TITRE I I.
Formation du tribunal criminel.
Art . Ier . Il fera établi un tribunal criminel
pour chaque département.
» II. Ce tribunal fera compofé d'un président
nommé par les électeurs du département , & de
trois juges pris , chacun tous les trois mois &
( 365 )
par tour , dans les tribunaux de diſtrict , le préfident
excepté , de telle forte que le jugement
ne pourra être rendu qu'à quatre juges .
III. Il y aura près du tribunal criminel un
accufateur public , également nommé par les électeurs
du département .
» IV. Un commiffaire du Roi fera toujours
de fervice près du tribunal criminel.
» V. Il y aura près du tribunal criminel un
greffier nommé également par les électeurs du
département.
» VI. L'accufateur public fera nommé la première
fois pour quatre ans , & fix pour les fuivanres.
» Le préfident pour fix ans ; il pourra être
réélu , & le greffier fera à vie ».
Du jeudi , féance du foir,
Les Français de Chandernagor ont chaffé
le commiffaire du Roi , le gouverneur , fe
font emparé des magafins royaux , ont détruit
l'ancienne adminiftration pour en former de leur
propre autorité , une nouvelle plus conforme aux
principes dominans . M. Monneron , député de nos
colonies dans l'Inde , a coinmuniqué les détails
de cette infurrection à l'Affemblée nationale . M.
Barnave en a demandé le renvoi au comité des
affaires de l'Inde : ce comité n'exiftoit pas . Il
auroit défiré qu'on en rommât un fous le titre
de comité afiatique : quelle partie habitée du globe
'avoit pas droit de réclamer un comité , après
la création de celui d'Avignon ? Mais le comité
colonial a paru devoir fuffire , & l'on y a adjoint
M. Monneron député très - éclairé dans ces
matières pour que quelqu'un y connût les
Indes.
>
R 3.
( 366 )
Un membre du directoire de Rochefort , M.
Rondeau , avoit donné fa démiffion le 21 feptembre
; le décret qui déclare nulle l'élection de
tout membre de directoire à la place de juge ,
me fut enregistré à Saintes , chef lieu du dépar
tement , que le, 27 ; les électeurs ont nommé M.
Rondeau juge du nouveau tribunal de Rochefor
hulle plainte ne s'eft élevée contre fon
ection. Les comités de conftitution & des rapports
demandent qu'elle foit annullée , & leur
demande devient auffi -tôt un décret , malgré tous
fes éloges que fait M. Mercier de l'Elu , comme
du citoyen le plus recommandable .
Au nom du comité des rapports , M. de Brogle
a rendu compte de ce qui s'eft paffé à Straf
bourg , à l'occasion du ferment , que le clergé
de cette ville a refufé de prêter. Le peuple , felon
le rapporteur , ne s'eft permis ni excès , ni indécence
, ni tumulte dans les églifes ; mais à
Fifiue de la metle , plus de deux mille citoyens
fe font affemblés , ont choifi un préfident , &
ont délibéré de demander l'exécution du traité de
Weftphalic , charte de leurs vrais droits ; & que
T'Affemblée nationale ne touchât en rien aux
églifes & paroilles du département . Ces pétitions
rédigées font couvertes de fignatures ; M. de
Broglie a dit , fans le prouver , qu'on les mendioit
, que même on y joignoit des fignatures
de femmes & d'enfans , ce qui eft peu vraifemblable
de la part de plus de deux mille citoyens
emblés avec cette régularité. Les lettres du 17 ,
du directoire & de la municipalité qui donnent
ces renseignemens , expriment de plus vives inquiétudes
, que celles qu'infpireroient des adhéfions
furprifes à des enfans & à des femmes
Conformément aux défirs des correfpondans al
( 367 )

larmés & aux conclufions du comité , l'Affemblée
a , par un décret , fupplié fa majeſté d'envoyer
inc famment trois commiffaires dans les départemens
du haut & du bus Rhin , qui fe rendront
directement à Strasbourg , « à l'effet de
procurer par tous les moyens de prudence & de
perfuafion » l'exécution des décrets fanétionnés ,
de rétablir la tranquillité publique , de réquérir
le fecours des troupes de ligne & des gardes
nationales , mêmes des départemens voisins ; de
prendre les informations & faire toutes les proclamations
qu'ils croiront utiles.
Du vendredi 21 janvier.
Affligé de voir les baftilles de la liberté fe
remplir de prétendus coutre- révolutionnaires ,
dont on fait beaucoup de bruit , & qu'on ne juge
pas , M. d'André a propofé de fixer à mardi la
lecture d'un projet , que M. Rabaud de Saint-
Etienne & lui ont conçu de l'établiffement provifoire
d'un tribunal , pour le jugement des crimes de
lèfe-nation. Sans doute le code , d'après lequel
ce tribunal devra juger , précédera l'inſtallation .
L'ajournement a été fixé à mardi , quoiqu'on récla
mât un plus long délai au nom du comité de conftitution
, dont cette lecture devancera où fuppléera
le rapport .
Tous ceux qui ont été traînés à Paris , à l'occafion
ou fous le prétexte de l'accufation , fi calomnieufement
intentée contre M. de Buffy , feront ,
en vertu d'un décret de ce jour , défrayés par la
nation jufqu'à leur domicile. Ils font fortis de
Pabbaye fans avoir un écu . Leur arreftation
leur tranfport , leur détention coûtent à la nation
8 à 9000 liv.
>
M. Rabaud de Saint-Etienne a fait au nom du
R
4
( 368 )
comité de conftitution , un rapport au fujet d'une
fentence du Châtelet , qui condamne les entrepreneurs
du théâtre de Monfieur à payer une
Tomme à la demoiselle Montanfier , directrice
d'un autre fpectacle , & à la lui payer fans caution
de la part de ladite demoifelle , quoiqu'ils
aient offert , aux termes de l'ordonnance de 1667 ,
fuivant le
rapporteur de dépofer la fomme.
M. Rabauda vu dans cette fentence une ufurpation
de pouvoir que fe permet le Châtelet ,
qui , dans quatre jours ceffera d'exifter ; il y a
mème vu , des yeux de la charité évangélique ,
une vengeance , en fuppofant que le Châtelet
avoit pu
fe reconnoître dans le rôle de Mélitus,
d'une plate comédie de circonftance , intitulée : le
proces de Socrate , qu'on a jouée fur le théâtre de
Monfieur ; allufion indirecte au procès fait à la
révolution & au patriotifme par ce tribunal
lors de l'information fur les forfaits des 5 & 6
octobre 1790.
Ce trait de fatyre amère a excité de violens
murmures . M. Martineau demandoit que M. Rabaud
fat rappellé à l'ordre , & a obſervé , ainfi
que M. Freteau , combien il feroit dangereux
que le corps légiflatif réunit tous les pouvoirs &
fur-tout celui de juger . Ils ont appris à M. Rabaud
ou à fes parties , que l'ordonnance de 1667
permet , dans plufieurs cas , de rendre des fentences
exécutoires fans donner caution . On eft paffé à l'ordre
du jour , à la difcuffion fur les jurés , divers ,
-articles que nous donnerons avec leur fuite , ont
été décrétés .
M. Chaffey a préfenté l'adreffe ou l'inftruction
( fur la conftitution du clergé ) adoptée
par les quatre comités eccléfiaftique , d'aliénation,
des rapports & des recherches . Une pareille pièce
( 369 )
n'eft pas fafceptible d'extrait ; un mot peut être
une héréfie en ces matières . Nous en tranfcrirons
ailleurs une expédition authentique . L'affemblée
y dit qu'elle n'auroit pas voulu répondre aux
calomnies que l'on répand fans ceffe contre elle ,
fi elle n'avoit pas du aux peuples l'explication
de fes iutentions de fes principes & du motif
de fes décrets. L'Aff :mblée a placé au premier
rang des dépenfes publiques , les frais da
culte ; elle a refpecté le dogmes , affuré l'enſeignement.
Elle fait qu'elle ne peut attenter à l'autorité
fpirituelle de l'églife ; elle fait que Dieu
même a établi la religion , & qu'aucune puiflance
humaine n'a de droits fur elle ; mais elle a jugé
convenable de faire une nouvelle diftribution des
paroiffed & des diocèfes , frappée du contrafte de
certains pafteurs furchargés d'un troupeau nombreux
, & d'autres dont les fonctions étoient trop
bornées ; que Jésus- Chrift a dit à fes difclples :
allez & prêchez par toure la terre , & ne leur a
pas dit vous ferez les maitres de donner des bornes
aux lieux où vous prêcherez.
1 M. l'abbé Maury a obtenu la parole .
-
Il a obfervé en fubftance , que les principes fe
rapprochoient , pour la théorie ; qu'il n'étoit plus
queftion que de s'affurer avec candeur , que les
conféquences en fuffent tiréés de bonne foi;
de favoir fi les confciences doivent adhérer à
la conftitution civile du clerge , fur le fimple
aveu que l'Affemblée ne peut avoir porté atteinte
à l'autorité fpirituelle ; fi l'on doit y accéder ou
en jugeant le fait ou en s'en tenant à l'énoncé
des intentions démenties par le fait : « Or , meffieurs
, je crois pouvoir le déclarer fans qu'aucun
de mes collègues me contredife , il me paroît
plus clair que la lumière du jour , que , contre
RS
( 370
votre intention , vous avez touché à la puiffance
fpirituelle de l'églife ». On ne décrira pas ici le
bruit des galeries & du côté gauche.
M. de Tracy a objecté à l'opinant la pureté des
intentions de l'Affemblée , la foumiffion due par
tout citoyen aux loix fanctionnées par le Roi.
M. Regnault a prétendu que M. l'abbé Maury
avoit adopté d'abord les principes de l'adreffe ,
en cédant à l'impulfion de fa confcience , & vouloit
qu'il fe bornât à l'admettre ou à la rejetter.
: сс
Si on difcute l'adreffe pour la correction du
ftyle , a dit M. Madier , elle doit être renvoyée
à l'académie Françoife'; fi c'eft pour les principes
, on doit permettre à M. l'abbé Maury de
l'examiner , ou bien il faut l'adopter de confiance
comme tant d'autres » . Cette faillie a fufpendu
les murmures , & M. l'abbé Maury a repris la
parole Interprêre de milliers de citoyens
malheureux , qui défendent , au péril de leur vie ,
les vérités qui leur ont été tranfmifes ... je vous
parle en leur nom , au moment où il y a déjà
eu des martyrs dans le royaume ... » . On
lui a crié de les nommer ; il a voulu réfumer
la queftion : un vacarme horrible , des cris
redoublés : à l'ordre , aux voix , l'ont forcé d'abandonner
la tribune , couvert des applaudiffemens
de tout le côté droit , qui a déclaré ne prendre
aucune part à la délibération . L'adreffe a été adoptée
, ainfi que le décret qui l'accompagne , conçu
en ces termes :
CC
L'Affemblée nationale décrète que l'inftruction
fur la conftitution civile du clergé , lue dans
la féance de ce jour , fera envoyée fans délai aux
corps adminiftratif, pour l'adreffer aux municipalités
, & qu'elle fera fans retardement lue un jour
de dimanche, à l'iffue de la meffe paroiffiale, par
( 371 )
le curé ou un vicaire , & à leur défaut , par fo
maire ou le premier officier municipal . Elle charge
fon préfident de fe retirer dans le jour devers le
Roi , pour le prier d'accorder fa fanction au préfent
déeret , & de donner les ordres les plus pofitifs
pour le plus prompte expédition & exécu
tion ".
Du famedi 22 janvier.
Fort peu de Membres fe trouvant dans la falle, à
l'ouverture de la féance , & faute d'autre matières ,
la matinée à été à peu- près exclufivement abſorbée
par la lecture de nouveaux articles fur les Jurés.
Un feul de ces ftatuts a occafionné quelque dif
cuffion . Nous les joindrons aux précédens , la ſemaine
fuivante .
Du famedi , féance du foir.
Sur le rapport de M. Vernier , l'affemblée a
accordé 34000 liv . au département de Lille &
Vilaine , pour réparer les accidens furvenus aux
digues de Dol . Quelques articles additionnels
au code pénal de la marine & la lecture d'un
long rapport de M. Goudard , fur le tarif des
traites ont rempli la féance . Lorfque ce rapport
fera mis en difcuffion , nous le feront connoître .
Du dimanche 23 janvier.
M. le Clerc de Buffon , fils de l'illuftre naturalifte
, du fublime écrivain de ce nom , ne s'eft
pas crû en droit de porter le nom de fon père ,
fans un décret du corps conftituant : il a requis
la permiflion de ne pas outrager la mémoire de
M. de Buffon , en fe débaptifant. On a applaudi
à ce fentiment , & blâmé cette démarche trop
fervile ; M. Regnault la implicitement improu-
R.6
( 372 )
vée en faifant paffer l'ordre du jour , par le motif
que l'aflemblée n'a jamais entendu interdire à
aucun citoyen de prendre un furnom.
M. de la Borde a fait un rapport fur la caufe
de l'extraordinaire , & fur la diftribution des
petits affignats devenu l'objet d'un monopole .
Le rapporteur a propofé d'adjoindre quatre
collègues aux commiffaires , chargés de la fignature
de ces petits affignats , pour qu'il puiffe
en être diftribué au moins quinze mille chaque
jour. Pour détruire entièrement cet abus , M.
Laborde a demandé encore qu'il ne foit délivré
à la caiffe de l'extraordinaire aucun affignat de
50 , 60 , 70 , 80 & 90 liv . en échange des
billets de la caiffe d'efcompte ou des promeffes
d'affignats , & que ces échanges foient faits en
affignats de soo liv. pour les billets & promeffes
de mille livres , & en affignats de première fabrication
de deux cers ou trois cens livres , pour
les billets au - deffous de mille livres. Ces différentes
propofitions ont été décrétées .
500
Un projet de décret préfenté par M. Demeunier,
a excisé des débats très - vifs . Ce député de Paris
vouloit favoriler la capitale d'une exception
relative aux tribunaux ; plufieurs membres ont
invoqué des loix générales , & le projet a été
ajourné , fauf le premier article qui concerne l'emplacement
des tribunaux deParis, & qu'on a décréré .
La féance a fini par l'adoption de quelques
nouveaux articles de la procédure par Jurés . Nous
les joindrons dans huit jours à ceux que nous
avons laiffés en arrière.
L'Affemblée nationale , dars fa dernière
( 373 )
1
iaftruction décrétée fur la conftitution civile
du clergé , ayant autorifé les eccléfaftiques
qui refufent le ferment , à continuer
leurs fonctions jufqu'a leur rempla
cenient , a condamné par cela même , les
procédés tumultuaires , les voies de fait
Icandaleufes , arbitrairement exercés contre
divers Curés officians , par quelques individus
apoftés ad hoc , & que les Journaliftes
nomment le Peuple , comment
nomment Souverain le premier ramas de
féditieux qui s'élève contre l'ordre public.
On a cité deux Curés affaffinés en chaire ,
l'un aux Grandes Loges & l'autre à Langres
; mais aucun avis authentique ne confirme
cette atrocité qui paroît une fiction.
On eft encore fans nouvelles certaines de
l'effet du ferment dans les provinces éloi
gnées. En Bretagne , la prefque totalité
des fonctionnaires publics l'a rejetté . Ple
Geurs Curés en d'autres lieux , ont prêté
le ferment de M. l'Evêque de Clermont ,
& les Municipalités l'ont reçu. Aucun
Evêque , fauf celui , qui depuis long-temps
s'eftdéclaré contre fes collègues à l'Affemblée
nationale , n'a foufcrit encore à la formule. "
M. de Mirabeau, dit -on, a pofé l'uniforme
prefqu'au moment oùil venoit de l'endoffer :
il n'a point monté la garde au château
des Thuileries , où 200 militaires avoient
décidé de fe rendre ce jour- là. De Commandant
de bataillon , ce Député eft de(
374 )
venu immédiatement Adminiftrateur du iniſtra
Département de Paris , par les fuffrages
de la puiffance Electorale. Lorfque le tableau
de ce Directoire fera complet , no us
défignerons les autres Membres qui le
compofent .
Le Comité des recherches de l'Affemblée
nationale fut crée pour recueillir des
informations & veiller fur les fubfiftances.
C'eſt à cette fonction que fe bornèrent les
premiers Membres de ce bureau , préfidés
par M. l'Evêque de Chartres . Ils avoient
reçu divers avis indicatifs de la confpiration
exécutée les 5 & 6 octobre 1789 ; on s'empreffa
de les congédier peu de jours après.
cette catastrophe , & de leur donner des
fucceffeurs. MM. Goupil, Charles de Lameht,
Gouttes, &c. faifoient parti de ce fecond
Comité qui , de fa propre autorité , paffa
bientôt les limites de fon inftitution . On
n'a pas oublié qu'une dénonciation ca-
Jomnieufe contre M. Malouet , échappée à
deux Membres de cette commiffion , faillit
la renverfer , & en procura le renouvellement.
M. de Foucault préfida ce troifième
Comité , qu'on fe hâta de changer fix fe
maines après. Malgré les règlemens , le
Comité fuivant s'eft perpétué depuis plus
de neuf mois : il eft devenu , dans toute
la rigueur du terme , un véritable tribunal
d'inquifition. Il reçoit , provoque des dé
ations , entretient des émiffaires , expédie
#
( 375 )
des ordres arbitraires de violer les domiciles
, d'ouvrir les lettres , d'enlever , d'emprifonner
les Citoyens. La Baftille & les
autres prifons illégales n'ont pas renfermé
depuis l'avènement du Roi , autant de malheureux
, qu'il en eft tombé depuis un an
fous les lettres de cachet des Comités des
recherches . Celui de l'Affemblée étend
fon autorité dans tout l'Empire ; à fa voix
les adminiſtrations dociles s'emparent des
Citoyens : il eft plus redouté cent fois &
fûrement mieux obéi que le Roi lui-même.
Le Comité des Recherches de la ville
à été renouvellé dernièrement , quoique le
Confeil de la Commune n'ait aucun droit
d'ériger un pareil Tribunal , qu'il empiéte
fur la prérogative du Légiflateur , & qu'il
nous donne le fpectacle d'Officiers de Po
lice Municipale exerçant fans décrets , les
fonctions les plus redoutables que la tyrannie
ait jamais confié à fes Agens.
Différentes Municipalités ., & un nombre
de Clubs , dits d'amis de la Conflitu
tion , ont aufli leurs Comités des Recherches
leur bureau de délation , leur jurifdiction
accufatrice .
Ce fyftême monftrueux d'inquifition
combinée , eft la violation de toutes les
loix. La déclaration des droits des hommes
, & avant-elle , le Code de tous les
Peuples libres , ont prononcé que « nul ne
peut être accufé , arrêté , ni détenu , que
( 376 )
-44
» dans les cas déterminés par la loi , &
» felon les formes qu'elle a prefcrites. Ceux
» qui follicitent, expédient , exécutent ou
» font exécuter des ordres arbitraires doi-
» vent être punis. Nul Corps , nul in-
» dividu ne peut exercer d'autorité qui
» n'émane expreffément du Souverain «.
On voit donc que les Comités des Recherches
, appartiendroient plus raifonnablement
à la Conſtitution des Ottomans , qu'à
celle des François. On les juftifie par la
raifon d'Etat & par les circonftances ; c'eft
abfoudre d'un mot les attentats des Gouvernemens
abfolus , auxquels l'utilité réelle
ou prétendue fert également de prétexte.
Nous répéterons une vérité de notoriété
publique. Ces Comités s'affermiffent
fans loi , & jufqu'ici , ils n'ont emprifonné
que des innocens. Ils ont nui à la Conftitution
, plus que les chimériques complots
fur lefquels ils affeyent leur autorité.
Ils fourniffent des motifs de calomnier res
loix ; pas un homme de fens ne croira
au regne de la liberté , fous celui d'une
inftitution pareille. La latitude indéfinie
de fes pouvoirs multiplie les dangers autour
de chaque famille , elle provoque
des abus affreux , elle naturalife les moeurs
des efclaves , elle fert d'inftrument à tou es
les vengeances , elle enlève au Citoyen la
fécurité, fans laquelle , fuivant la remarqué
de l'illuftre Montefquieu , il n'y a point de
Liberté.
( 377 )
L'opinion a détruit l'anc'en Gouvernement.
Prétendroit - on fonder le nouveau
fur la terreur ?
Dans cette hypothèfe , les Comités des
Recherches font des établiffemens précieux.
Mais quel aveu que celui de l'impuiffance
où feroient les auteurs de la révolution
de la foutenir par les feules armés légitimes
, celles de la loi , de la raifon , & de
l'épreuve de fes bienfaits !
1 eft inoui , fi telle eft l'opinion des
factieux , qu'ils n'ayent pas du moins tranf
formé cette inquifition défordonnée , en
Tribunal légal , conftitué , limité , inveſti
par le Légiflateur. Lorfque les décrets auront
fixé la compétence de cette Cour étoilée
, fes Membres feront tenus à la refponfabilité
; les opprimés pourront les appeller
en compte, & l'on ne verra plus dans un
Etat que l'on dit libre , une autorité illégitime
, arbitraire , & irrécherchable , menacer
à tout inftant la fûreté individuelle,
Si jamais ce Tribunal régulier d'inquifition
eft confacré , on fe gardera bien de
le compofer d'hommes inconnus ; car plus
leur Ministère fera effrayant & dangereux ,.
plus il importé aux Citoyens de connoître
les füretés que promettent le caractère &
la conduite des Inquifiteurs. Les trois perfonnages
qui en rempliffent les fonctions
à Vénife , font des Sénateus éprouvés par
une longue carrière publique , par une fuite
( 378 )
d'actions qui garantiffent au Peuple le
bon ufage de ce pouvoir tyrannique ; la
moindre tache fur fa vie , la nioindre incertitude
fur fon caractère , écartent irrémi
fiblement un candidat. Aucun Electeur
ne confieroit fa tête & fa liberté à des
hommes , que l'âge & l'exercice de la magiftrature,
pendant longues années , n'auroient
pas percé à jour. Auffi , lorfqu'on nomme
un Inquifiteur d'Etat , dans toutes les claffes
& dans toutes les provinces de la République
, chacun frit ce qu'il a a efpérer ou
à craindre du nouveau Triumvir. Enfin
cette terrible Magiftrature , néceffaire peutêtre
dans une ville , où la fituation phyfique
interdit l'ufage de toute force armée
, ne dure que trois mois dans les mêmes
mains.
Avons nous cette caution éprouvée des
Membres du Comité des Recherches ? Qui,
dans le royaume , a jamais entendu parler
de M. Cochon ou de M. Raffron ?
Je m'attends bien que les folliculaires
refuteront ces réflexions , en criant à l'aristocrate
& au confpirateur ! car ces vils fou
tiens du crime & de la tyrannie , n'ont pas
d'autre logique que celle du bourreau de
D. Carlos . Eh bien ! nous allons leur oppofer
une autorité irrécufable , celle d'un membre
du Comité des recherches. M. de Macaye
, député de Labour , a écrit au préfident
la lettre Guivante, qu'ona vainement cherché

( 379 )
à étouffer, & fur laquelle les journaliſtes ont
gardé un filence prudent : elle fut diftribuée
jeudi dernier imprimée à tous les députés .
» Monfieur le Préfident , je vous prie de faire
agréer à l'Affemblée Nationale la démiffion de ma
place de Membre du Comité des Recherches. Le
pouvoir inquifitorial que ce Comité a été dans
le cas d'exercer , a fi généralement déplu , qu'il
ne fauroit être profitable à la Choſe publique .
En fuppofant que fon inftitution ait pu être
néceffaire dans des temps de troubles & de confufion
, où tous les Tribunaux de Juſtice étoient
paralyfés , fa fuppreffion n'en deviendroit pas
moins indifpenfable , dans ce moment plus calme ,
fans doute , où les nouveaux Tribunaux viennent
d'être mis en activité.
D'après ces réflexions , M. le Préfident , je me
permets d'obferver à l'Affemblée qu'elle feroit un
acte vraiment conftitutionnel & conforme aux
Principes de la Liberté , en fupprimant ce Comité,
qui pourroit étre fuppléé par celui des
Rapports , quant à la partie utile des fubfiftances
unique but de fon établiffement. Je crois également
devoir informer l'Aſſemblée d'un Arrêté fait
au Comité , le 17 Novembre dernier , & dont
voici mot pour mot la teneur :
" Cejourd'hui 17 Novembre 1790 , le Comité
» a arrêté que les lettres & paquets adreffé au-
» dit Comité ne feront ouverts que par le
» Préfident , vice -Préfident & Secrétaire , & a
» défendu au Secrétaire - Commis de donner
communication d'aucune pièce à d'autres qu'aux
Membres du Comité , fans une délibération
expreffe qui l'y autoriſe . Ainfi figné CHARLES.
COCHON , Secrétaire ; CHARLES VOIDEL
» vice-Préfident ».
ככ
( 380 )
43
Il réfulte de cet Arrêté , que ceux qui l'ont
fait ont reftreint aux Préfident , vice-Prèfident
& Secrétaire , la connoiffance d'affaire confiées
par l'Aflemblée Nationale à la totalité des
Membres du Comité ; d'où il fuit que le Préfident
, vice- Préfident & Secrétaire , font feuls
arbitres de toutes les opérations du Comité &
peuvent prendre entre eux des délibérations que
la majorité pourroit improuver. Quant à moi ,
M. le Préfident , j'avoue que depuis cet Arrêté ,
auquel je n'ai pris aucune part , je me fuis abftenu
de paroître au Comité , par la crainte de
me voir imputer ees fautes dont j'aurois ignoré
les caufes & l'origine aufli je déclare n'avoir
participé en rien à l'affertion de MM. de Mentier
& d'Auteuil, ni aux autres entrepriſes faites
depuis cette époque au nom du Comité . Je dois
ajouter que M. de Pardieu , notre Préfident ,
ayant auffi quitté le Comité , MM . Voidel ,
vice- Préfident , & Cochon , Secrétaire , font les
dépofitaires des fecrets & de tout le pouvoir
confiés au Comité. Il n'eft point de Citoyen
qui ne doive trembler de voir concentrer entre
deux individus , une autorité illimité & auffi
arbitraire. L'Affemblé ordonnera dans fa fageffe
ce qu'elle jugera convenable ; quant à moi , je
tois avoir, fatisfait à mon devoir en lui donnant
cet avertiffement .
Je fuis avec refpect , &c.
MACAYE , Député de Labour.
Le Préfident , M. Grégoire , a diffimulé
cette lettre , ces confidérations , ce fait mémorable
de la converfion , fans décret , d'un
comité du Corps légiflatif en triumvirat
fuprême. Certes , une pareille dénonciation
eft d'une autre importance que celle des
( 381 )
mandemens de quelques Evêques , fi pompeufement
accufés d'avoir rempli ce que ,
depuis l'exiſtence de la Religion chrétienne,
leurs prédécefleurs ont confidéré comme
leur devoir.
Le journal de Paris a publié une note anonyme
& fans date , où l'on nous accufe d'avoir
jugé prefque inexécutable par les moyens employés
jufqu'ici , le rétabliffement de l'ordre & de la
tranquillité dans le Quercy . L'annotateur ajoute
fiérement que la miffion eft exécutée , parce que
les commiffaires ont reçu le ferment civique des
habitans propofé par un bon citoyen . Si ce bon
citoyen & l'annotateur du journal ont compté fur
le ferment civique pour préferver les vies , les
hréitages , 1s propriétés , ils devroient nous apprendre
, pourquoi tant de fermens civiques accumulés
jufqu'ici , n'ont abouti dans le Quercy
& ailleurs , qu'à des brigandages dignes de Tartares
débandés . Oh ! je ne fuis pas du nombre de
ceux qui croient à cette influence furnaturelle du
ferment , fur des hommes qu'on a pervertis par des
principes , juftement nommés les crimes de l'efprit ,
qu'on a habitués à la plus affreufe licence , & encouragés
. par l'impunité . Mais fans m'arrêter à
cet étrange moyen de pacification , je démontrerai
par les faits , le genre de calme qui régnoit
dans le Quercy au commencement de janvier. 1
Il faut compter beaucoup fur la confiance du
public dans une gazette , pour affirmer hardiment
que tout eft pacifié , à l'inſtant où Fon recevoit à
Paris la nouvelle des inexprimables horreurs commifes
chez le comte de Clarac , & de l'affaffinat
de , M. d'Efqueyrac fur les Contières même du
Quercy , d'où il étoit obligé de fuir pour fa
sûreté . C'eft du Quercy que font partis les mif(
382 )
fionnaires de fang & de ravage , à l'inftigation
defquels ces nouveaux crimes ont été perpétués.
Au même temps , le château de Bagat près de
Moncup a été attaqué , démoli , avec collufion
de la municipalité qui a refufé de requérir un
piquet de Royal - Pologne de la meilleure volonté.
Au même- temps , l'abbaye d'Efpagnhac , à
trois lieues de Figeac , a été attaqué par une foule
de payfans féditieux , qui, après avoir tiré nombre
de coups de fufil , ont forcé , par capitulation
l'abbeffe & fes religieufes , à leur compter 4000l.
pour les frais d'un procès qu'elles gagnèrent il y
a 20 ans : ils ont exigé encore qu'on leur reftituât
les rentes qu'avoit perçu le monastère.
L'abbeffe , fans argent , obtint deux jours de
repi , pendant lequel on lui envoya un détachement
du régiment de Languedoc .
Ces faits ont eu lieu du 6 au 15 janvier , date
préfumée de la note du journal de Paris , ou
l'écrivain annonce que le 17 , les commiffaires
ſe rendront à Lauzerte , pour achever d'y réta
blir la concorde . Je ne doute pas que les brigands
pacifiés ne remercient les commiffaires ; mais les
propriétaires fe joiguent-ils à cet acte de reconnoiffance
? J'entends fort bien qu'en laiffant les
incendiaires & les voleurs jouir paifiblement du
fruit de leurs crimes , on les aura tranquillifés .
Mais les commiffaires en ont- ils affuré la punition
, ont-ils rétabli la perception légitime des
rentes , ont - ils procuré des dommagenens aux
victimes , ont- ils fait reftituer les vols commis
dans plufieurs châteaux , à M. de Beaumont , par
exemple , fon mobilier , fon linge , fa vaiffelle ,
fon argent , pris diftribués lots par lots la
municipalité & la garde nationale préfentes , entre
les incendiaires du château du Repaire ?
( 383 )
Lorfque la justice fera ainfi fatisfaite &
l'ordre public vengé , j'annoncerai le retour
de la juftice & de l'ordre public.
Un autre critique a combattu la réalité
des brigandages du Quercy par le filence
des Miniftres . Ce filence eft en effet trèsétonnant
, fi quelque chofe étonne aujour
d'hui ; mais il eft facile de trouver la raifon
de cette difcrétion. Les nouveaux Miniftres
ne veulent pas encourir les torts &
la deſtinée de leurs prédéceffeurs , affez mal
adroits pour affliger l'Affemblée nationale
du tableau des défordres publics , & pour invoquer
fa toute puiffance en faveur des vic
times des fureurs populaires. D'ailleurs , le
ministère d'aujourd'hui pour le moins auffi
nul que le précédent , penfe fans doute
qu'ils ne doivent fortir de l'obfcurité , que
pour adreffer des félicitations a la majorité
de l'Aflemblée nationale.
Le 18 , M. de Clarac nous a fait parvenir
de Touloufe , où il gémiffoit encore
fous le plus inique emprifonnement , une
relation confirmative de chacun des détails
que nous avons préfentés la femaine dernière.
Toutes les circonftances de notre
rapport font avérées : nous les oppofons
aux criminelles infidélités des folliculaires ,
qui en ont impofé dans ces paperaffes pu
bliques de la capitale & des provinces , où
les fcélérats trouvent habituellement des
défenfeurs.
( 384 )
M. de Clarac n'avoit pour arme qu'un
piſtolet carabiné , d'environ 7 pouces de
longueur , & chargé d'une balle. Il ne redefcendit
qu'à la réquifition de la Municipalité
, préfente fans écharpe , entourée de
Gardes nationales & de populace des deux
fexes . Il fut affailli de coups de feu par un
mouvement auffi rapide que la pènfée.
L'incendie du château s'exécuta de même
en un clin-d'oeil : il n'en refte que les cendres
. La fable du piftolet tiré eft détruite
fans retour, par le fieur Planchon lui-même ,
commandant de la Garde nationale , & feul
bleffé dans cette horrible journée. Il a dépofé
qu'il l'avoit été avec du plomb : or , le piftolet
carabiné-viffé ne pouvoit être chargé qu'à
balle : il a été atteint par- devant , & au moment
, fuivant fon aveu , qu'il tournoit le
dos à M. de Clarae , en donnant des ordres
à fa troupe. Nous garantiffons perfonnellement
tous ces faits : ainfi , les journalif
tes & les tribuns doivent rayer leur apo
logie de ce nouveau forfait . On ne penſe
pas fans horreur que M. de Clarac en
eft feul puni , que des bras de fon ami
égorgé , & des ruines de fa demeure , il
a été traîné aux prifons de Toulouſe , aux
hurlemens d'allégreffe de fes affaffins. Voilà
de quelle manière des hommes enyvrés de
leur autorité novice , font régner la juſtice
& la liberté ! Voilà l'application qu'ils font
des droits de l'homme.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles
étrangères.
Du jeudi 20 janvier 1791 .
NONOBSTA

ONOBSTANT les prophéties des gazettes , leurs commentaires
fur les intentions de l'empereur , & leurs traités avec
la cour de Berlin , les Autrichiens ont pris poffeffion de Liège
le 12 de ce mois. Les troupes exécutrices les ont fuivis le lendemain
un grand nombre d'exilés font rentrés en mêmetemps.
Le prince - évêque va reprendre la demeure & fes
fonctions. Cette révolution n'a jufqu'ici coûté ni un pétard ,
i une égratignure. On a dit que les chefs de la faction
i- devant dominante , ont abandonné la partie & le pays ,
On aura preffenti les évènemens que devoit entraîner la
coalition d'une partie des foldats débandés de Soiffonnois
avec les brigands qui , depuis fix mois , menacent le Comtat.
Partis le 9 d'Avignon , au nombre de deux ou trois mille
avec trois piéces de canon , ils ne font pas allés à Carpentras ,
où ils avoient à craindre de la réfiſtance ; cette horde a attaqué
& forcé Cavaillon , où elle a commis toutes les atrocités
qu'on devoit attendre de pareils exécuteurs. Les malheureux
habitans de cette ville , après avoir épuifé leurs foibles reffources
de défenſe , ont vu leurs foyers devenir le théâtre du
carnage & d'un faccagement nombre de maiſons ont été
pillées , & leurs habitans maffecrés chez eux. On ajoute à
ces faits certains que les bandits , chargés de cette boucherie
, ont pendu le maire & égorgé même des malades à l'hôpital
. Nous n'affirmerons pas encore ces deux dernières particularités
; mais elles nous paroiffent très- vraisemblables.
Voilà le fruit de cet envoi de troupes Françoiles à Avignon
dont nos foldats citoyens font devenus les coupables auxiliai
res. Il eft affreux que des François fervent ainfi d'inftrumens
à des bourreaux étangers , contre d'autres étrangers. La hardieffe
de cet attentat , contre la foi publique & le droit des
gens , éveillera fans doute la prudence endormie de certains
petits Etats qui nous avoifinent , & qu'on travaille dans le
Tens d'Avignon ; mais on ne peut douter que l'Aflemblé
nationale ne puniffe enfin les forfaits de cette ville criminell
en lui retirant toute protection,
( 2 )
M. de Mirabeau a été nommé commandant du bataillon
de la Garde nationale de Paris , attaché a la fection de la
Grange Batelière. Ce grade l'attache au fervice du Roi & de
la Reme , loiqu'il montera la garde aux Thuileries . On a
cherché à pénétrer le but de cette_nomination ; mais les
conjectures ne font pas de notre reffort .
On avoit fauffement annoncé l'arrivée d'un bref négatif
du Pape . Depuis , on a tout auffi fauflement répandu que ce
bref , reçu par S. M. , approuvoit la conf :ution civile du
Clergé . Nous fommes certains que , hier , on étoit encore
fans réponſe de S. S.: il eft même probable qu'elle ne précédera
pas la fin de ce mois.
MM. de Folleville , de Mirabeau & Grégoire , curé , avoient
concouru pour la préfidence : le fecond fcrutin a écarté pour
la quatrième fois M. deMirabeau. L'élection fina le eftreftée à
M. Grégoire. Les nouveaux fecrétaires font MM . Voidel, Gondart
& Labbé Jaquemart. Ce dernier ayant refufé le ferment ,
quelques voix ont tenté de faire un titre de ce refus contre fon
élection ; mais cette oppofition n'a point été adoptée par l'Af
femblée.
undi 17. Suite de la difcuffion fur la procédure non écrite ,
décidée par le comité . MM. Rey , l'abbé Maury & Tronchet
ont combattu cette décifion , défendue par MM. Péthion &
Chabroud.
Mardi 18. Débat fur la même queftion entre MM. Prugnon
, l'abbé Charier , Goupil , Garat l'aîné , la Fayette ,
Barnave. Décrété que les dépofitions feront faites & reçues
par écrit devant l'officier de police & le jury d'accufation.
Prefque toute la féance du foir a été confumée par une difcuffion
fort âpre fur la liberté de la preffe , à l'occafion d'un
miférable & obfcur libelle , publié fous le titre de Bref du
Pape , dont on a décrété de poursuivre l'auteur inconnu .
Du mercredi 19. Lettre de l'affemblée repréfentative de
Carpentras , qui inftruit le préfident du faccagement de Cavaillon
, & réclame affiftance ou du moins neutralité contre
les brigands raffemblés à Avignon .
Nouveaux débats fur la queſtion de favoir , fi dans la
difcuffion des témoignages par-devant les jurés , l'accufé &
fes confeils pourront demander acte par écrit des affertions
émoins, Décidé que ces procès-verbaux ne ferontpas écrits .
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux nouvelles
étrangères.
Dujeudi 27 janvier 1791.
Nous n'avons pas en le temps d'extraire encore les diffé
rentes informations que nous avons reçues du comt at Ve→
naiffin & d'Avignon : elles font unanimes à repréſenter
l'expédition de Cavaillon , comme parfaitement conforme
aux moeurs & aux principes de fes initigateurs. Les fcélérats
qui , dans cette ville ont porté le fer & le feu , n'ont perdu
qu'un feul homme. On ne pouvoit leur oppofer que des
portes fermées ; ils les ont brifées : les maifons faccagées
leurs habitans maffacrés , une femme enceinte jettée par
la fenêtre , le curé de la cathédrale fufillé , des enfans égorgés
fans miféricorde , M. de Roftang , commandant de la garde
de Cavaillon , affaffiné après la reddition de la ville , le pillage
exécuté par les mains fanglantes des envahiffeurs , tels ont
été fommairement les triomphes des illuftres protégés de M.
Bouche , des généreux alliés de la république des amis de la
conftitution d'Aix & de celle du département des Bouches
du Rhône. On dit qu'à la veille d'éprouver de femblables
atrocités , la populace de Carpentras à forcé l'Affemblée légiflative
d'arborer les armes de France . Nous aurons dans
huit jours des détails certains à publier fur ces divers évè
nemens.
Nos lettres de Montauban , en date du 14 , affurent que
les commiffaires du Roi envoyés en Quercy , & affiliés l'un
& l'autre au club des Jacobins de Paris , font très-bien accueillis
des clubs patriotiques de la province . Celui de Montauban
avoit infifté fur le renvoi du régiment de Royal-
Pologne , affez éclairé pour n avoir embraffé d'autre parti
que celui de la loi , affez fage pour s'être garanti de la corruption
, ayant borné les fonctions à prévenir les violences
& les défordres , & conféquemment réputé aristocrate . Le
miniftre de la guerre a déféré aux volontés du club & de la
Municipalité provifoire de Montauban. Le 13 au foir , Royal-
Pologne reçut ordre de partir. Mille citoyens , & tous ceux
qui ont quelque chofe à perdre ont fui ou fe préparoient
à fuir. C'eft le régiment de Touraine qui va gouverner la
ville avec le club.
( 2 )
Lundi foir , le village de la Chapelle entre Paris & S. Denis ,
a été le théâtre d'un combat entre une partie de fes habitans
qu'on dit être contrebandiers , ou complices de contrebande
& un détachement de Chaffeurs nationaux. Ceux-ci avoient été
requis & conduits par un commis à la barrière , pour faifir des
marchandifes en fraude . La querelle s'eft engagée ; il y a eu
affez de morts & de bleffés des deux côtés. Nous n'avons pû
difcerner à qui appartenoit le tort de l'agreffion ; il n'y a de
réel que le malheur qui en eft réfulté . Si le commis a ordonné
une vifite domiciliaire , fans y être autorisé par le Maire
du licu , il est très- repréhenfible.
Cet accident qui a prodigieufement échauffé le peuple des
quartiers circonvoifins , a été repréfenté le lendemain , comme
un complot d'ariftocrates , un maffacre prémédité par les
ennemis de la révolution , enfin , comme un prélude de contre-
révolution . Plus de la moitié du peuple eft convaincu ,
fur la foi des libelliftes , que cinquante abbés déguifés en foldats
s'étoient joints aux chaffeurs. Le journal des Jacobins ,
rédigé par M. de la Clotz , avertit à ce fujet tous les départemens
de fe tenir en garde contre les ennemis. Nº³ . 8.
Lundi 24. L'Affemblée nationale a décrété quelques articles
du tarif des traites . Cet objet a occupé prefque toute la féance .
Mardi 25. On a rejetté une pétition des fections de Paris ,
qui demandent , contre la lettre d'un décret formel , d'être
admife à la barre par députation , pour énoncer les titres de
leur accufation contre les anciens miniftres . Suite d'articles
décrétés fur le tarif des traites .
Dans la léance du foir , rapport relatif à un jugement du
tribunal d'Amiens. Un difcours de M. l'abbé Maury a donné
lieu à une fortie de M. Barnave , proteftant contre le clergé
de France & contre le club monarchique , qu'il a peints fous
les plus noires couleurs . Ces qualifications ont amené un des
plus extrêmes tumultes qui aient encore troublé les féances .
Mercredi 26. Décrété la vacance des évêchés & cures des
fonctionnaires publics refufart le ferment , & ordre aux
départemens de les remplacer , conformément aux précédens
décrets.
P. S. M. l'abbé de Fontenai , qui a rédigé jufqu'à préfent
le journal général de France , vient de l'abandonner , & de
publier le profpectus d'un journal géneral , qui commencera
au premier janvier. Les talens de l'auteur , fa modération ,
fes connoiffances font connues , & lui mériteront la confiance
du public . On fouferit à Paris , chez M. Landelle , rue Saint-
Benoît , fauxbourg Saint- Germain , nº . 41 .
CODE
JUDICIAIRE ,
CONTENANT
Tous les Décrets relatifs au nouvel Ordre
Judiciaire , conférés entre eux , et disposés
méthodiquement suivant l'ordre des matières
; avec les Avis et Eclaircissemens donnés
par le Comité de Constitution , en réponse
aux diverses questions qui lui ont été proposées
sur le sens et l'exécution des mêmes
Décrets contenant aussi plusieurs Formules
de Jugemens et autres Actes judiciaires , dans
un style approprié à l'esprit de la nouvelle
Organisation de la Justice.
Volume de 350 à 400 pages , petit in- 8 ° . portatif, qui
paraîtra sur la fin de janvier prochain 1791 .
Prix, 2 liv . 70 sous ; et 3 liv . envoyé franc de port.
On peut souscrire dès à présent pour cet Ouvrage ,
de la manière indiquée ci - contre. ( Les Personnes
qui n'auront point souscrit d'avance , le paieront 51. )
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JUSTICE DE PAIX , avec plusieurs
Augmentations , en 112 pages .
Prix, 20 sous ; et 24 sous envoyé franc de port.
SUITE DU CODE DE LA JUSTICE
DE PAIX , concernant les Scellés , Tutelles
et Curatelles , en 80 pages .
Prix , 15 sou ;s et 20 sous envoyéfranc de port.
CODE MUNICIPAL ,
OU
BRÉVIAIRE
DES OFFICIERS MUNICIPAUX ,
CONTENANT ·
Tous les Décrets relatifs aux Élections et aux
Fonctions , de toute nature , des Officiers Municipaux
; lesdits Décrets disposés méthodiquement
suivant l'ordre des matières , et accompagnés de
Notes explicatives du Texte , avec les Avis donnés
par les divers Comités de l'Assemblée Nationale ,
en interprétation des mêmes Décrets :
SUIVIS
D'UN FORMULAIRE de toutes les espèces de Délibérations ,
Proclamations , Procès- verbaux d'Assemblées , d'Elections ,
de Visites , Estimations , Marchés , Adjudications , Rapports ,
Requisitoires , Jugemens , Avis , Adresses , et de tous autres
Actes de la compétence des Officiers Municipaux.
CET Ouvrage , actuellement sous presse , paraîtra au plus
tard dans le courant de février prochain 1791 , et formera un
fort Volume in-8°. d'au moins 600 pages.
On peut souscrire dès à présent pour cet Ouvrage , moyennant
liv. 10 sous ; et les Souscripteurs le recevront broché ,
franc de port , dans tout le Royaume , dès qu'il paraîtra .
(Ceux qui n'auront point souscrit d'avance , le paieront 6 liv. )
Les Personnes qui voudront souscrire , sont priées d'adresser
directement leurs demandes et le prix de leur souscription , par
la voie de tous les Bureaux de Poste du Royaume ( en affranchissant
le port de l'argent et des lettres ) , à l'EDITEUR même ,
assez connu déja par ses Ouvrages en ce genre , pour qu'on
puisse prendre confiance dans l'annonce de celui - ci . On lui
adressera les Lettres d'Avis avec les Rescriptions des Directeurs
de Poste , à l'adresse suivante :´
"
" A Monsieur L'ÉDITEUR du Code Municipal ,
PLACE DAUPHINE , N° . 11 , A PARIS . ”
On peut également souscrire chez lui , tous les jours et à
toute heure .
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COLLECTION des Mé-1 Planches ; broc. 21 1.
moires du regne de rel . 24 1. A Paris , chez
Louis XV , de Duclos , Moutard , Libraire- Imde
Maffillon , du Pré- primeur , rue des Mathu
fident Hénault , derins Sorbonne , n . 12 ,
Maurepas , du Duc d'Ai- chez lequel on trouve
guillon , des freres Paris , aufli la Table alphabé-
&c. avec la Vie fecrete tique & la Table chro-
Ju Maréchal de Riche- nologique de l'Histoire
lieu , & les Pieces curieufes
de fes porte
feuilles , &c. 25 vol.
in- 8°. de 405 pages ,
qu'on public peridi
univerfelle , traduite de
l'Anglais. 6 vol . in-8 °.
cu les Tomes 121
126 de l'Ouvrage.
La foufcription pour
quement par Livraifons, ces fix volumes eft de
24 liv. pour Paris , &
28 liv . 41, francs de
En fou crivant , on délivre
les rois premiers.
volumes ; les autres paraîtront
d'ici au premier
Avril 1791 .
le 10 , le 20 c le 30
du mois. A Paris , cu
Pen s'abonne , rue de port pone la Province.
Condé , nº. 7 , pour
tel nombre de Livraifons
qu'on vent , & qu'on
reçoit , frnc de port ,
par la foule voie de la
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le Cahier , en s'abonnant
, pour la Province ,
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Traité élimentaire ,
ou Principes de Phy
fique confirmés par l'expérience
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de l'Acad. des Sciences.
3 vol. in- 8 ° . avec 46
Figures de l'Hiftoire
de France , gravées d'après,
les delins & fous
la direction de M. Mereau
le jeune , Dellinarent
& Graveur du Cabinet
du Roi , & de fon
Académie Royale de
Peinture & d : Sculpture.
A Paris , chez l'Auteur
rue du Coq - Saint- Ho(
376 )
» dans les cas déterminés par la loi , &
» felon les formes qu'elle a prefcrites. Ceux
qui follicitent, expédient, exécutent ou
» font exécuter des ordres arbitraires doi-
» vent être punis. Nul Corps , nul in-
» dividu ne peut exercer d'autorité qui
» n'émane expreffément du Souverain «.
On voit donc que les Comités des Recherches
, appartiendroient plus raifonnablement
à la Conſtitution des Ottomans , qu'à
celle des François. On les juftifie par la
raifon d'Etat & par les circonftances ; c'eft
abfoudre d'un mot les attentats des Gouvernemens
abfolus , auxquels l'utilité réelle
ou prétendue fert également de prétexte.
Nous répéterons une vérité de notoriété
publique. Ces Comités s'affermiffent
fans loi , & jufqu'ici , ils n'ont emprifonné
que des innocens. Ils ont nui à la Conftitution
, plus que les chimériques complots
fur lefquels ils affeyent leur autorité.
Ils fourniffent des motifs de calomnier res
loix ; pas un homme de fens ne croira
au regne de la liberté , fous celui d'une
inftitution pareille. La latitude indéfinie
de fes pouvoirs multiplie les dangers autour
de chaque famille , elle provoque
des abus affreux , elle naturalife les moeurs
des efclaves , elle fert d'inftrument à tou es
les vengeances , elle enlève au Citoyen la
fécurité , fans laquelle , fuivant la remarqué
de l'illuftre Montefquicu, il n'y a point de
Iberté.
( 377
L'opinion a détruit l'anc'en Gouvernement
. Prétendroit - on fonder le nouveau
fur la terreur ?
Dans cette hypothèfe , les Comités des
Recherches font des établiſſemens précieux.
Mais quel aveu que celui de l'impuiffance
où feroient les auteurs de la révolution
de la foutenir par les feules armés légitimes
, celles de la loi , de la raifón , & de
l'épreuve de fes bienfaits !
Il eft inoui , fi telle eft l'opinion des
factieux , qu'ils n'ayent pas du moins tranf
forné cette inquifition défordonnée , en
Tribunal légal , conftitué , limité , inveſti
par le Légiflateur. Lorfque les décrets auront
fixé la compétence de cette Cour étoi
lée , fes Membres feront tenus à la refponfabilité
; les opprimés pourront les appeller
en compte, & l'on ne verra plus dans un
Etat que l'on dit libre , une autorité illégitime
, arbitraire , & irrécherchable , menacer
à tout inftant la fûreté individuelle,
Si jamais ce Tribunal régulier d'inquifition
eft confacré , on fe gardera bien de
le compofer d'hommes inconnus ; car plus
leur Ministère fera effrayant & dangereux ,.
plus il importé aux Citoyens de connoître
les furetés que promettent le caractère &
la conduite des Inquifiteurs. Les trois perfonnages
qui en rempliffent les fonctions
à Vénife , font des Sénateus éprouvés par
une longue carrière publique , par une fuite
( 378 )
d'actions qui garantiflent au Peuple le
bon ufage de ce pouvoir tyrannique ; la
moindre tache fur fa vie , la noindre incertitude
fur fon caractère , écartent irrémi
fiblement un candidat. Aucun Electeur
ne confieroit fa tête & fa liberté à des
hommes , que l'âge & l'exercice de la magiftrature
, pendant longues années , n'auroient
pas percé à jour. Auffi , lorfqu'on nomme
un Inquifiteur d'Etat , dans toutes les claffes
& dans toutes les provinces de la République
, chacun frit ce qu'il a a efpérer on
à craindre du nouveau Triumvir. Enfin
cette terrible Magiftrature , néceflaire peutêtre
dans une ville , où la fituation phyfique
interdit l'ufage de toute force armée
, ne dure que trois mois dans les mêmes
mains .
Avons nous cette caution éprouvée des
Membres du Comité des Recherches ? Qui,
dans le royaume , a jamais entendu parler
de M. Cochon ou de M. Raffron ?
Je m'attends bien que les folliculaires
refuteront ces réflexions , en criant à l'arifocrate
& au confpirateur car ces vils fou
tiens du crime & de la tyrannie , n'ont pas
d'autre logique que celle du bourreau de
D. Carlos. Eh bien ! nous allons leur oppofer
une autorité irrécufable , celle d'un membre
du Comité des recherches . M. de Macaye
, député de Labour , a écrit au préfident
La lettre ivante, qu'ona vainement cherché
( 379 )
4
à étouffer, & fur laquelle les journaliſtes one
gardé un filence prudent : elle fut diftribuée
jeudi dernier imprimée à tous les députés .
» Monfieur le Préſident , je vous prie de faire
agréer à l'Affemblée Nationale la démiffion de ma
place de Membre du Comité des Recherches. Le
pouvoir inquifitorial que ce Comité a été dans
le cas d'exercer , a fi généralement déplu , qu'il
ne fauroit être profitable à la Chofe publique ."
En fuppofant que fon inftitution ait pu être
néceffaire dans des temps de troubles & de confufion
, où tous les Tribunaux de Juſtice étoieng
paralyfés , fa fuppreffion n'en deviendroit pas
moins indifpenfable , dans ce moment plus calme ,
fans doute , où les nouveaux Tribunaux viennent
d'être mis en activité.
D'après ces réflexions , M. le Préfident , je me
permets d'obferver à l'Affemblée qu'elle feroit un
acte vraiment conftitutionnel & conforme aux
principes de la Liberté , en fupprimant ce Comité
, qui pourroit étre fuppléé par celui des
Rapports , quant à la partie utile des fubfiftances
unique but de fon établiffement . Je crois également
devoir informer l'Affemblée d'un Arrêté fait
au Comité , le 17 Novembre dernier , & dont
voici mot pour mot la teneur :
לכ
>
Cejourd'hui 17 Novembre 1790 , le Comité
» a arrêté que les lettres & paquets adreffé au-
» dit Comité , ne feront ouverts que par le
» Préfident , vice- Préfident & Secrétaire , & a
» défendu au Secrétaire - Commis de donner
communication d'aucune pièce à d'autres qu'aux
Membres du Comité , fans une délibération
expreffe qui l'y autorife . Ainfi figné CHARLES
» COCHON , Secrétaire ; CHARLES VOIDEL
vice-Préfident ».
( 380 )
Il réfulte de cet Arrêté , que ceux qui l'ont
fait ont reftreint aux Préfident , vice-Prèfident
& Secrétaire , la connoiffance d'affaire confices
par l'Allemblée Nationale à la totalité des
Membres du Comité ; d'où il fuit que le Préfident
, vice-Préfident & Secrétaire , font feuls
arbitres de toutes les opérations du Comité &
peuvent prendre entre eux des délibérations que
la majorité pourroit improuver. Quant à moi ,
M. le Préfident , j'avoue que depuis cet Arrêté ,
auquel je n'ai pris aucune part , je me fuis abftenu
de paroître au Comité , par la crainte de
me voir imputer ces fautes dont j'aurois ignoré
les caufes & l'origine aufli je déclare n'avoir
participé en rien à l'affertion de MM . de Mentier
& d'Auteu'l , ni aux autres entreprifes faites
depuis cette époque au nom du Comité. Je dois
ajouter que M. de Pardieu , notre Préfident ,
ayant auffi quitté le Comité , MM . Voidel ,
vice-Préfident , & Cochon , Secrétaire , font les
dépofitaires des fecrets & de tout le pouvoir
confiés au Comité . Il n'eft point de Citoyen
qui ne doive trembler de voir concentrer entre
deux individus , une autorité illimité & auth
arbitraire. L'Affemblé ordonnera dans fa fageffe
ce qu'elle jugera convenable ; quant à moi , je
rois avoir, fatisfait à mon devoir en lui donnent
cet avertiffement.
Je fuis avec refpect , &c.
MACAYE , Député de Labour.
Le Préfident , M. Grégoire , a diflimulé
cette lettre , ces confidérations , ce fait ré
morable de la converfion , fans décret , d'un
comité du Corps légiflatif en triumvirat
fuprême. Certes , une pareille dénonciation
eft d'une autre importance que celle des
( 381 )
mandemens de quelques Evêques , fi pompeufement
accufés d'avoir rempli ce que ,
depuis l'exiſtence de la Religion chrétienne,
leurs prédécaffeurs ont confidéré comme
leur devoir.
les
Le journal de Paris a publié une note anonyme
& fans date , où l'on nous accuſe d'avoir
jugé prefque inexécutable parles moyens employés
jufqu'ici , le rétabliffement de l'ordre & de la
tranquillité dans le Quercy. L'annotateur ajoute
fiérement que la million eft exécutée , parce que
les commiffaires ont reçu le ferment civique des
habitans propofé par un bon citoyen. Si ce bon
citoyen & l'annotateur du journal ont compté fur
le ferment civique pour préferver les vies ,
hréitages , 1s propriétés , ils devroient nous apprendre
, pourquoi tant de fermens civiques accumulés
jufqu'ici , n'ont abouti dans le Quercy
& ailleurs , qu'à des brigandages dignes de Tartares
débandés . Oh ! je ne fuis pas du nombre de
ceux qui croient à cette influence furnaturelle du
ferment , fur des hommes qu'on a pervertis par des
principes , juftement nommés les crimes de l'efprit,
qu'on a habitués à la plus affreufe licence , & encouragés.
par l'impunité . Mais fans m'arrêter à
cet étrange moyen de pacification , je démontrerai
par les faits , le genre de calme qui régnoit
dans le Quercy au commencement de janvier. 1
Il faut compter beaucoup fur la confiance du
public dans une gazette , pour affirmer hardiment
que tout eft pacifié , à l'inſtant où Fon recevoit à
Paris la nouvelle des inexprimables horreurs commifes
chez le comte de Clarac , & de l'affaffinat
de , M. d'Efqueyrac fur les fontières même du
Quercy , d'où il étoit obligé de fuir pour fa
sûreté. C'eft du Quercy que font partis les mif(
382 )
fionnaires de fang & de ravage , à l'inftigation
defquels ces nouveaux crimes ont été perpétués.
Au même temps , le château de Bagat près de
Moncup a été attaqué , démoli , avec collufion
de la municipalité qui a refufé de requérir un
piquet de Royal - Pologne de la meilleure volonté.
Au même-temps , l'abbaye d'Eſpagnhac , à
trois lieues de Figeac , a été attaqué par une foule
de payfans féditieux , qui , après avoir tiré nombre
de coups de fufil , ont forcé , par capitulation
l'abbeffe & fes religieufes , à leur compter 4000l .
pour les frais d'un procès qu'elles gagnèrent il y
a 20 ans : ils ont exigé encore qu'on leur reftituât
les rentes qu'avoit perçu le monastère.
L'abbeffe , fans argent , obtint deux jours de
repi , pendant lequel on lui envoya un détachement
du régiment de Languedoc.
Ces faits ont eu lieu du 6 au 15 janvier , date
préfumée de la note du journal de Paris , ou
l'écrivain annonce que le 17 , les commiffures
ſe rendront à Lauzerte , pour achever d'y réta
blir la concorde. Je ne doute pas que les brigands
pacifiés ne remercient les commiilaires ; mats ies
propriétaires fe joiguent- ils à cet acte de reconnoillance
? J'entends fort bien qu'en laillant les
incendiaires & les voleurs jouir paifiblement du
fruit de leurs crimes , on les anta tranquillifes.
Mais les commiffaires en ont- ils ailuré la punition
, ont- ils rétabli la perception légitime des
rentes , ont ils procuré des dommagemens aux
victimes , ont- ils fait reftituer les vols commis
dans plufieurs châteaux , à M. de Beaumont , pat
exemple , fon mobilier , fon linge , fa vaistelle ,
fon argent , pris diftribués lots par lots , la
municipalité & la garde nationale préfentes , entre
les incendiaires du château du Repaire ?
( 383 )
Lorfque la justice fera ainfi fatisfaite &
Fordre public vengé , j'annoncerai le retour
de la juftice & de l'ordre public.
Un autre critique a combattu la réalité
des brigandages du Quercy par le filence
des Miniftres . Ce filence eft en effet trèsétonnant
, fi quelque chofe étonne aujourd'hui
; mais il eft facile de trouver la raifon
de cette difcrétion . Les nouveaux Miniftres
ne veulent pas encourir les torts &
la deſtinée de leurs prédéceffeurs , affez mal
adroits pour affliger l'Affemblée nationale
du tableau des défordres publics, & pour invoquer
fa toute puiffance en faveur des vic
times des fureurs populaires. D'ailleurs , le
ministère d'aujourd'hui pour le moins auffi
nul que le précédent , penfe fans doute
qu'ils ne doivent fortir de l'obfcurité , que
pour adreffer des félicitations a la majorité
de l'Aflemblée nationale .
Le 18 , M. de Clarac nous a fait parvenir
de Touloufe , où il gémiffoit encore
fous le plus inique emprifonnement , une
relation confirmative de chacun des détails
que nous avons préfentés la femaine dernière
. Toutes les circonftances de notre
rapport font avérées : nous les oppofons
aux criminelles infidélités des folliculaires ,
qui en ont impofé dans ces paperaffes pu
bliques de la capitale & des provinces , où
les fcélérats trouvent habituellement des
défenfeurs.
( 384 )
M. de Clarac n'avoit pour arme qu'un
piſtolet carabiné , d'environ 7 pouces de
longueur , & chargé d'une balle . Il ne redefcendit
qu'à la réquifition de la Municipalité
, préfente fans écharpe , entourée de
Gardes nationales & de populace des deux
fexes. Il fut affailli de coups de feu par un
mouvement auffi rapide que la penfée.
L'incendie du château s'exécuta de même
en un clin-d'oeil : il n'en refte que les cendres.
La fable du piftolet tiré eft détruite
fans retour, par le fieur Planchon lui - même ,
commandant de la Garde nationale , & feul
bleffé dans cette horrible journée. Il a dépofé
qu'il l'avoit été avec du plomb : or , le piftolet
carabiné-viffé ne pouvoit être chargé qu'à
balle : il a été atteint par-devant , & au moment
, fuivant fon aveu , qu'il tournoit le
dos à M. de Clarae , en donnant des ordres
à fa troupe. Nous garantiffons perfonnellement
tous ces faits : ainfi , les journalif
tes & les tribuns doivent rayer leur apologie
de ce nouveau forfait. On ne perfe
pas fans horreur que M. de Clarac en
eft feul puni , que des bras de fon ami
égorgé , & des ruines de fa demeure , il
a été traîné aux prifons de Toulouſe , aux
hurlemens d'allégreffe de fes affaffins. Voilà
de quelle manière des hommes enyvrés de
leur autorité novice , font régner la justice
& la liberté ! Voilà l'application qu'ils font
des droits de l'homme.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles
étrangères .
Du jeudi 20 janvier 1791 .
NONOBSTA
८.
ONOBSTANT les prophéties des gazettes , leurs commentaires
fur les intentions de l'empereur , & leurs traités avec
la cour de Berlin , les Autrichiens ont pris poffeffion de Liège
le 12 de ce mois. Les troupes exécutrices les ont fuivis le lendemain
un grand nombre d'exilés font rentrés en mêmetemps.
Le prince - évêque va reprendre la demeure & fes
fonctions. Cette révolution n'a jufqu'ici coûté ni un pétatd ,
1 une égratignure. On a dit que les chefs de la faction ;
1 - devant dominante , ont abandonné la partie & le pays.
On aura preffenti les évènemens que devoit entraîner la
coalition d'une partie des foldats débandés de Soiffonnois
avec les brigands qui , depuis fix mois , menacent le Comtat.
= Partis le d'Avignon , au nombre de deux ou trois mille
avec trois piéces de canon , ils ne font pas allés à Carpentras ,
où ils avoient à craindre de la réſiſtance ; cette horde a attaqué
& forcé Cavaillon , où elle a commis toutes les atrocités
qu'on devoit attendre de pareils exécuteurs. Les malheureux
habitans de cette ville , après avoir épuifé leurs foibles reffources
de défenſe , ont vu leurs foyers devenir le théâtre du
carnage & d'un faccagement : nombre de maiſons ont été
pillées , & leurs habitans maffacrés chez eux. On ajoute à
ces faits certains que les bandits , chargés de cette boucherie
, ont pendu le maire & égorgé même des malades à l'hôpital
. Nous n'affirmerons pas encore ces deux dernières particularités
; mais elles nous paroiffent très - vraisemblables.
Voilà le fruit de cet envoi de troupes Françoiles à Avignon
dont nos foldats citoyens font devenus les coupables auxiliai
res. Il eft affreux que des François fervent ainfi d'inftrumens
à des bourreaux étangers , contre d'autres étrangers. La hardieffe
de cet attentat , contre la foi publique & le droit des
gens , éveillera fans doute la prudence endormie de certains
perits Etats qui nous avoifinent , & qu'on travaille dans le
Tens d'Avignon ; mais on ne peut douter que l'Aflemblée
nationale ne puniffe enfin les forfaits de cette ville criminelle ,
en lui retirant toute protection,
( 2 )
M. de Mirabeau a été nommé commandant du bataillon
de la Garde nationale de Paris , attaché a la fection de la
Grange Bateliere . Ce grade attache au fervice du Roi x
la Reme , loiqu'il montera la garde aux Thuileries . On a
cherché à pénétrer le but de cette nomination ; mais les
conjectures ne font pas de notre reffort .
On avoit fauffement annoncé l'arrivée d'un bref négant
du Pape. Depuis , on a tout aufli fautlement répandu qué cc.
bref , reçu par S. M. , approuvoit la conftution civile e
Clergé. Nous fommes certains que , hier , on étoit crcote
fans réponſe de S. S.: il eft même probable qu'elle ne precedera
pas la fin de ce mois.
MM . de Folleville , de Mirabeau & Grégoire , curé , avoient
concouru pour la préfidence : le fecond fcrutin a écarté pour
la quatrième fois M. deMirabeau. L'élection fina le cftreftes a
M. Grégoire. Les nouveaux fecrétaires font MM . Voidel, Ger
dart & Labbé Jaquemart. Ce dernier ayant refufé le ferner,
quelques voix ont tenté de faire un titre de ce refus contre fo
élection ; mais cette oppofition n'a point été adoptée par l'A.-
femblée .
undi 17. Suite de la difcuffion fur la procédure non écrite ,
décidée par le comité . MM. Rey , l'abbe Maury & Trona :
ont combáttu cette décifion , défendue par MM. Pernion sc
Chabroud.
Mardi 18. Débat fur la même queftion entre MM. P- 2-
gnon , l'abbé Charier , Goupil , Garat l'aîné , la Fyeze
Barnave. Décrété que les dépofitions feront faites & reques
par écrit devant l'officier de police & le jury d'acculation .
Prefque toute la féance du foir a été confumée par ure
cuffion fort âpre fur la liberté de la preffe , a l'occa on d
miférable & obfcur libelle , publié fous le titre de Braf
Pape , dont on a décrété de poursuivre l'auteur inconau,
Du mercredi 19. Lettre de l'affemblée repréſentative è
Carpentras , qui inftruit le président du faccagement de Cat
vaillon , & réclame afliftance ou du moins neutralité coat.t
les brigands raffemblés à Avignon .
Nouveaux débats fur la question de favoir , fi dans 12
difcuffion des témoignages par - devant les piés , Pacure &
fes confeils pourront demander acte par écrit des affertio´s
des témoins. Décidé que ces procès -verbaux ne ferontpas ce..ts.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux nouvelles
3
Nous n'a
étrangères.
Dujeudi 27janvier 1791.
ous n'avons pas en le temps d'extraire encore les diffé
rentes informations que nous avons reçues du comt at Ve →
naiffin & d'Avignon : elles font unanimes à repréſenter
l'expédition de Cavaillon , comme parfaitement conforme
aux moeurs & aux principes de fes initigateurs. Les fcélérats
qui , dans cette ville ont porté le fer & le feu , n'ont perdu
qu'un feul homme . On ne pouvoit leur oppofer que des
portes fermées ; ils les ont brifées : les maifons faccagées
leurs habitans maffacrés , une femme enceinte jettée par
la fenêtre , le curé de la cathédrale fufillé , des enfans égorgés
fans miféricorde , M. de Roftang , commandant de la garde
de Cavaillon , affaffiné après la reddition de la ville , le pillage
exécuté par les mains fanglantes des envahiffeurs , tels ont
été fommairement les triomphes des illuftres protégés de M.
Bouche , des généreux alliés de la république des amis de la
conftitution d'Aix & de celle du département des Bouches
du Rhône . On dit qu'à la veille d'éprouver de femblables
atrocités , la populace de Carpentras a forcé l'Affemblée légiflative
d'arborer les armes de France. Nous aurons dans
huit jours des détails certains à publier fur ces divers évè
nemens.
Nos lettres de Montauban , en date du 14 , affurent que
les commiffaires du Roi envoyés en Quercy , & affiliés l'un
& l'autre au club des Jacobins de Paris , font très-bien accueillis
des clubs patriotiques de la province . Celui de Montauban
avoit infifté fur le renvoi du régiment de Royal-
Pologne , affez éclairé pour n avoir embraffé d'autre parti
que celui de la loi , affez fage pour s'être garanti de la corruption
, ayant borné les fonctions à prévenir les violences,
& les défordres , & conféquemment réputé aristocrate . Le
miniftre de la guerre a déféré aux volontés du club & de la
Municipalité provifoire de Montauban. Le 13 au foir , Royal-
Pologne reçut ordre de partir. Mille citoyens , & tous ceux
qui ont quelque chofe à perdre ont fui ou fe préparoient
à fuir. C'eft le régiment de Touraine qui va gouverner la
ville avec le club.
( 2 )
Lundi foir , le village de la Chapelle entre Paris & S. Denis ,
a été le théâtre d'un combat entre une partie de fes habitans
qu'on dit être contrebandiers , ou complices de contrebande ,
& un détachement de Chaffeurs nationaux . Ceux- ci avoient été
requis & conduits par un commis à la barrière , pour failir des
marchandiſes en fraude. La querelle s'eft engagée ; il y a cu
affez de morts & de bleffés des deux côtés. Nous n'avons pu
difcerner à qui appartenoit le tort de l'agreffion ; il n'y a ce
réel que le malheur qui en eft réfulté. Si le commis a crdonné
une vifite domiciliaire , fans y être autorifé par le Maile
du licu , il est très- repréhenfible.
Cet accident qui a prodigieufement échauffé le peuple des
quartiers circonvoifins , a été repréfenté le lendemain , comme
un complot d'ariftocrates , un affacre prémédité par les
ennemis de la révolution , enfin , comme un prélude de contre-
révolution . Plus de la moitié du peuple cft convaincu ,
fur la foi des libelliftes , que cinquante abbés déguilés en foldats
s'étoient joints aux chaffeurs . Le journal des Jacobins
rédigé par M. de la Clotz , avertit à ce fujet tous les départemens
de fe tenir en garde contre les ennemis . N° . 8.
Lundi 24. L'Affemblée nationale a décrété quelques articles
du tarif des traites . Cet objet a occupé prefque toute la feance.
Mardi 25. On a rejetté une pétition des fections de Paris ,
qui demandent , contre la lettre d'un décret formel , d'ère
admife à la barre par députation , pour énoncer les titres de
leur accufation contre les anciens miniftres. Saite d'articas
décrétés fur le tarif des traites .
Dans la féance du foir , rapport relatif à un jugement du
tribunal d'Amiens . Un difcours de M. l'abbé Maury a cenré
lieu à une fortie de M. Barnave , proteftant contre le clergé
de France & contre le club monarchique , qu'il a peints to is
les plus noires couleurs . Ces qualifications ont amené un des
plus extrêmes tumultes qui aient encore troublé les féances.
Mercredi 26. Décrété la vacance des évêchés & cures des
fonctionnaires publics refufait le ferment , & ordre aux
départemens de les remplacer , conformément aux précédens
décrets.
P. S. M. l'abbé de Fontenai , qui a rédigé juſqu'à prélong
le journal général de France , vient de l'abandonner , & de
publier le profpectus d'un journal géneral , qui commencera
au premier janvier . Les talens de l'auteur , la mode anon ,
fes connoillances font connues , & lui mériteront la co.fiance
du public . On fouferit à Paris , chez M. Landeile , tue Samt-
Benoît , fauxbourg Saint- Germain , nº. 41 .
CODE
JUDICIAIRE ,
CONTENANT
Tous les Décrets relatifs au nouvel Ordre
Judiciaire , conférés entre eux , et disposés
méthodiquement suivant l'ordre des matières
; avec les Avis et Éclaircissemens donnés
par le Comité de Constitution , en réponse
aux diverses questions qui lui ont été proposées
sur le sens et l'exécution des mêmes
Décrets contenant aussi plusieurs Formules
de Jugemens et autres Actes judiciaires , dans
un style approprié à l'esprit de la nouvelle
Organisation de la Justice .
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et Curatelles , en 80 pages .
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DES OFFICIERS MUNICIPAUX ,
CONTENANT
Tous les Décrets relatifs aux Élections et aux
Fonctions , de toute nature , des Officiers Municipaux
; lesdits Décrets disposés méthodiquement
suivant l'ordre des matières , et accompagnés de
Notes explicatives du Texte , avec les Avis donnés
par les divers Comités de l'Assemblée Nationale ,
en interprétation des mêmes Décrets :
SUIVIS
D'UN FORMULAIRE de toutes les espèces de Délibérations ,
Proclamations , Procès- verbaux d'Assemblées , d'Flections ,
de Visites , Estimations , Marchés , Adjudications , Rapports ,
Requisitoires , Jugemens , Avis , Adresses , et de tous autres
Actes de la compétence des Officiers Municipaux.
СЕТT Ouvrage , actuellement sous presse , paraîtra au plus
tard dans le courant de février prochain 1791 , et formera un
fort Volume in- 8 ° . d'au moins 600 pages.
On peut souscrire dès à présent pour cet Ouvrage , movennant
4 liv. 10 sous ; et les Souscripteurs le recevront broche ,
franc de port , dans tout le Royaume , dès qu'il paraitra.
(Ceux qui n'auront point souscrit d'avance , le paieront 6 liv.7
Les Personnes qui voudront souscrire , sont priees d'adresser
directement leurs demandes et le prix de leur souscription , par
la voie de tous les Bureaux de Poste du Royaume en aff
chissant le port de l'argent et des lettres ) , à l'EDITEUR même ,
assez connu deja par ses Ouvrages en ce genre , pour qu'en
puisse prendre confiance dans l'annonce de ce'ui ei . On ha
adressera les Lettres d'Avis avec les Rescriptions des Directeurs
de Poste , à l'adresse suivante :
"
" A Monsieur L'ÉDITEUR du Code Municipal,
PLACE DAUPHINE , N° . 11 , A PARIS . "
On peut également souscrire chez lui , tous les jours et à
Oute heure .
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les Finances , la Police ,
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Saorce en particulier ,
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& public. Par MM. de
Condorcet, le Chapellier,
Député de l'Allemblée
Nationale , && aauuttrreess
Gens de Lettres. Tome
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Traité d'Agriculture ,
concernant la maniere
de cultiver fans feu
les Plantes étrangeres
dans le nouveau châffis
phyfique de M. Maller
venteur , avec la defcriprion
de ce nouveau
chaflis ; augmenté de
plus des deux tiers , &
de deux
de hes
vées en raille- douce
pour en
truction , dans laquelle
grafaciliter
la
conflofquet
, rue Haute- il fera démontré les
moyens de rendre les
panneaux
en bois auffi
folides que s'ils étaient
faits de fer. 1 vol. in- 4°.
I
fegille , no. 20.
Hiftoire du très - honorable
Docteur Cartelford
, pere, du Lord-
Vicomte de Cherington , Prix , 24 liv. A Paris
contenant une Defcription
ingénue , vraie
& naïve du Gouvernechez
Laurens jeune
Imprimeur Libraire
rue Saint- Jacques , vis
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disieme. A Paris , chez pour en faciliter la conf-
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feuille , n°. 20.
Hiftoire du très honorable
Docteur Cartelford
, pere du Lord-
Vicomte de Cherington ,
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>
criprion de ce nouveau
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plus des deux tiers , &
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deux
Planches
moyens de rendre les
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Mai 1790 , devant MM .
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Pyrénées , par M. l'Abbé
Torné , Prédicateur ordinaire
du Roi. A Tarbes
; & à Paris , chez
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La Déclaration des
Droits de l'Homme &
du Citoyen , mife à la
portée de tout le monde
, & compofée
for
les vrais principes de
la Société . A Paris , chez
Baudouin , Imprimeur
de l'Affemblée Nationale
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Jacques , n° . 31 .
Sermon patriotique ,
prêché dans l'Eglife de Prêtre de l'Oratoire. A
Saint-Germain-des-Prés , Paris , chez Leclerc,
le Dimanche de Quafi-
22 Avril
1790 ; par M. l'Abbé
Calling Vicaire de la
Paroille de Saint-Louis
en l'Ifle , Membre de
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& ci-devant
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Martin près la cue
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tionale, dédiée à la Confédération
. A Paris , chez
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Saint-Jacques, 0-27
Le prix de l'abonnement eft de trente-trois li
franc de port , tant pour Paris que pour le Pro
vince Il faut affranchir le port de l'argent &
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& joindre à cette dernière le reg
Les Foftes. On fouferis Hôtel de Thou
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Nouveau Plan de
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franc de port, tant pour Paris que pour la Province.
Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lettre , & joindre à cette dernière le recu du
Directeur des Peftes. On fouferit Hôtel de Theu ,
rue des Poitevins . On s'adreffera au fieur GUTH ,
Directeur du Rareau du Mercure.


Schul
( 380 )
Il résulte de cet Arrêté , que ceux qui l'ont
fait ont reftreint aux Préfident , vice-Prèfident
& Secrétaire , la connoiffance d'affaire confiées
par l'Allemblée Nationale à la totalité des
Membres du Comité ; d'où il fuit que le Prefident
, vice-Préfident & Secrétaire , font feuls
arbitres de toutes les opérations du Comité &
peuvent prendre entre eux des délibérations que
la majorité pourroit improuver . Quant à moi ,
M. le Préfident , j'avoue que depuis cet Arrêté ,
auquel je n'ai pris aucune part , je me fuis abftenu
de paroître au Comité , par la crainte de
me voir imputer ces fautes dont j'aurois ignoré
les caufes & l'origine : aufli je déclare n'avoir
participé en rien à l'affertion de MM . de Mentier
& d'Auteul , ni aux autres entreprises faites
depuis cette époque au nom du Comité . Je dois
ajouter que M. de Pardieu , notre Piéfident
ayant auffi quitté le Comité , MM. Voidel .
vice-Préfident , & Cochon , Secrétaire , font les
dépofitaires des fecrets & de tout le pouvoir
confiés au Comité. Il n'eft point de Citoyen
qui ne doive trembler de voir concentrer entre
deux individus , une autorité illimité & aufli
arbitraire . L'Affemblé ordonnera dans fa fageffe
ce qu'elle jugera convenable ; quant à moi , je
tois avoir fatisfait à mon devoir en lui donn
cet avertiffement .
Je fuis avec refpect , &c.
MACAYE , Député de Labour.
Le Préfident , M. Grégoire , a diflimulé
cette lettre , ces confidérations , ce fait mé
morable de la converfion , fans décret , d'un
comité du Corps législatif en triumvirat
fuprême. Certes , une pareille dénonciation
eft d'une autre importance que celle des
( 381 )
mandemens de quelques Evêques , fi pompeufement
accufés d'avoir rempli ce que ,
depuis l'existence de la Religion chrétienne,
leurs prédécaffeurs ont confidéré comme
leur devoir.
Le journal de Paris a publié une note anonyme
& fans date , où l'on nous accufe d'avoir
jugé prefque inexécutable par les moyens employés
jufqu'ici , le rétabliffement de l'ordre & de la
tranquillité dans le Quercy. L'annotateur ajoute
fiérement que la miffion eft exécutée , parce que
les commilaires ont reçu le ferment civique des
habitans propofé par un bon citoyen . Si ce bon
citoyen & l'annotateur du journal ont compré fur
le ferment civique pour préferver les vies , les
hréitages , 1s propriétés , ils devroient nous apprendre
, pourquoi tant de fermens civiques accumulés
jufqu'ici , n'ont abouti dans le Quercy
& ailleurs , qu'à des brigandages dignes de Tartares
débandés. Oh ! je ne fuis pas du nombre de
ceux qui croient à cette influence furnaturelle du
ferment , fur des hommes qu'on a pervertis par des
principes , juftement nommés les crimes de l'efprit ,
qu'on a habitués à la plus affreufe licence , & ene
couragés. par l'impunité . Mais fans m'arrêter à
cet étrange moyen de pacification , je démontrerai
par les faits , le genre de calme qui régnoit
dans le Quercy au commencement de janvier . 1
Il faut compter beaucoup fur la confiance du
public dans une gazette , pour affirmer hardiment
que tout eft pacifié , à l'inſtant où l'on recevoit à
Paris la nouvelle des inexprimables horreurs commifes
chez le comte de Clarac , & de l'affaffinat
de , M. d'Efqueyrac fur les ontières même du
Quercy , d'où il étoit obligé de fuir pour fa
sûreté. C'eft du Quercy que font partis les mif(
382 )
fionnaires de fang & de ravage , à l'inftigation
defquels ces nouveaux crimes ont été perpétués.
Au même temps , le château de Bagat près de
Moncup a été attaqué , démoli , avec collufion
de la municipalité qui a refufé de requérir un
piquet de Royal - Pologne de la meilleure volonté,
Au même-temps , l'abbaye d'Eſpagnhac ,
trois lieues de Figeac , a été attaqué par une foule
de payfans féditieux , qui , après avoir tiré nombre
de coups de fufil , ont forcé , par capitulation
l'abbeffe & fes religieufes , à leur compter 4000 l .
pour les frais d'un procès qu'elles gagnèrent il y
a 20 ans : ils ont exigé encore qu'on leur reftituât
les rentes qu'avoit perçu le monastère.
L'abbeffe , fans argent , obtint deux jours de
repi , pendant lequel on lui envoya un détachement
du régiment de Languedoc.
Ces faits ont eu lieu du 6 au 15 janvier , date
préfumée de la note du journal de Paris , ou
l'écrivain annonce que le 17 , les commiffares
fe rendront à Lauzerte , pour achever d'y rétablir
la concorde. Je ne doute pas que les brigands
pacifiés ne remercient les commilaires ; mais ics
propriétaires fe joiguent- ils à cet acte de reconnoillance
? J'entends fort bien qu'en laiffant les
incendiaires & les voleurs jouir paifiblement da
fruit de leurs crimes , on les aura tranquillifes.
Mais les commiflaires en ont- ils atluré la punition
, ont-ils rétabli la perception légitime des
rentes , ont ils procuré des dommagemens aux
victimes , ont- ils fait reftituer les vols commis
dans plufieurs châteaux , à M. de Beaumont , pat
exemple , fon mobilier , fon linge , fa vaiftelle ,
fon argent , pris diftribués lots par lots , la
municipalité & la garde nationale préfentes , entre
les incendiaires du château du Repaire ?
( 383 )
Lorfque la justice fera ainfi fatisfaite &
Fordre public vengé , j'annoncerai le retour
de la juftice & de l'ordre public.
Un autre critique a combattu la réalité
des brigandages du Quercy par le filence
des Miniftres . Ce filence eft en effet trèsétonnant
, fi quelque chofe étonne aujour
d'hui ; mais il eft facile de trouver la raifon
de cette difcrétion. Les nouveaux Miniftres
ne veulent pas encourir les torts &
la deftinée de leurs prédéceffeurs , affez mal
adroits pour affliger l'Affemblée nationale
du tableau des défordres publics , & pour invoquer
fa toute puiffance en faveur des vic
times des fureurs populaires . D'ailleurs , le
ministère d'aujourd'hui pour le moins auffi
nul que le précédent , penfe fans doute
qu'ils ne doivent fortir de l'obfcurité , que
pour adreffer des félicitations a la majorité
de l'Aflemblée nationale.
Le 18 , M. de Clarac nous a fait parvenir
de Touloufe , où il gémiffoit encore
fous le plus inique emprifonnement , une
relation confirmative de chacun des détails
que nous avons préfentés la femaine dernière.
Toutes les circonftances de notre
rapport font avérées : nous les oppofons
aux criminelles infidélités des folliculaires ,
qui en ont impofé dans ces paperaffes pu
bliques de la capitale & des provinces , où
les fcélérats trouvent habituellement des
défenfeurs,
1
#
( 384 )
M. de Clarac n'avoit pour arme qu'un
piftolet carabiné , d'environ 7 pouces de
Longueur, & chargé
d'une
balle
. Il
ne
re
defcendit qu'à la réquifition de la Municipalité
, préfente fans écharpe , entourée de
Gardes nationales & de populace des deux
fexes. Il fut affailli de coups de feu par un
mouvement auffi rapide que la penfee.
L'incendie du château s'exécuta de même
en un clin-d'oeil : il n'en refte que les cendres.
La fable du piftolet tiré eft détruite
fans retour, par le fieur Planchon lui-même ,
commandant de la Garde nationale , & feul
bleffé dans cette horriblejournée. Il a dépofé
qu'il l'avoit été avec du plomb : or , le piftolet
carabiné-viffé ne pouvoit être chargé qu'à
balle : il a été atteint par-devant , & au moment
, fuivant fon aveu , qu'il tournoit le
dos à M. de Clarae , en donnant des ordres
à fa troupe. Nous garantiffons perfonnellement
tous ces faits : ainfi , les journaliftes
& les tribuns doivent rayer leur apologie
de ce nouveau forfait. On ne penfe
pas fans horreur que M. de Clarac en
eft feul puni , que des bras de fon ami
égorgé , & des ruines de fa demeure , il
a été traîné aux prifons de Toulouſe , aux
hurlemens d'allégreffe de fes affaffins , Voilà
de quelle manière des hommes enyvrés de
leur autorité novice , font régner la justice
& la liberté ! Voilà l'application qu'ils font
des droits de l'homme.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles
NONOBSTAN
étrangères.
Du jeudi 20 janvier 1791.
ONOBSTANT les prophéties des gazettes , leurs commentaires
fur les intentions de l'empereur , & leurs traités avec
la cour de Berlin , les Autrichiens ont pris poffeffion de Liège
le 12 de ce mois. Les troupes exécutrices les ont fuivis le lendemain
un grand nombre d'exilés font rentrés en mêmetemps
. Le prince - évêque va reprendre la demeure & fes
fonctions. Cette révolution n'a jufqu'ici coûté ni un pétard ,
i une égratignure. On a dit que les chefs de la faction ,
1 - devant dominante , ont abandonné la partie & le pays,
On aura preffenti les évènemens que devoit entraîner la
coalition d'une partie des foldats débandés de Soiffonnois
avec les brigands qui , depuis fix mois , menacent le Comtat.
Partis le 9 d'Avignon , au nombre de deux ou trois mille
avec trois piéces de canon , ils ne font pas allés à Carpentras ,
où ils avoient à craindre de la réfiftance ; cette horde a attaqué
& forcé Cavaillon , où elle a commis toutes les atrocités
qu'on devoit attendre de pareils exécuteurs. Les malheureux
habitans de cette ville , après avoir épuifé leurs foibles reffources
de défenſe , ont vu leurs foyers devenir le théâtre du
carnage & d'un faccagement : nombre de maiſons ont été
pillées , & leurs habitans maffacrés chez eux. On ajoute à
ces faits certains que les bandits , chargés de cette boucherie
, ont pendu le maire & égorgé même des malades à l'hôpital
. Nous n'affirmerons pas encore ces deux dernières particularités
; mais elles nous paroiffent très - vraisemblables.
Voilà le fruit de cet envoi de troupes Françoifes à Avignon ,
dont nos foldats citoyens font devenus les coupables auxiliai
res. Il eſt affreux que des François fervent ainfi d'inftrumens
à des bourreaux étangers , contre d'autres étrangers . La hardieffe
de cet attentat , contre la foi publique & le droit des
gens , éveillera fans doute la prudence endormie de certains
perits Etats qui nous avoiſinent , & qu'on travaille dans le
Tens d'Avignon ; mais on ne peut douter que l'Aflemblée
nationale ne puniffe enfin les forfaits de cette ville criminelle ,
en lui retirant toute protection,
( 2 )
M. de Mirabeau a été nommé commandant du bataillon
de la Garde nationale de Paris , attaché a la fection de la
Grange Batelière. Ce grade l'attache au fervice du Roi & de
la Reme , loiqu'il montera la garde aux Thuileries. On a
cherché a pénétrer le but de cette nomination ; mais les
conjectures ne font pas de notre reffort .
On avoit fauffement annoncé l'arrivée d'un bref négati
du Pape . Depuis , on a tout aufli fautlement répandu que cei
bref , reçu par S. M. , approuvoit la constution civile du
Clergé . Nous fommes certains que , hier , on étoit encore
fans réponse de S. S.: il eft même probable qu'elle ne précédera
pas la fin de ce mois.
MM. de Folleville , de Mirabeau & Grégoire , curé , avoient
concouru pour la préfidence : le fecond fcrutin a écarté pour
la quatrième fois M. de Mirabeau. L'élection fina le citreffée a
M. Grégoire. Les nouveaux fecrétaires font MM . Voidel, Gor- 1
dart & Labbé Jaquemart. Ce dernier ayant refufé le fermeat ,
quelques voix ont tenté de faire un titre de ce refus contre fon
élection ; mais cette oppetition n'a point été adoptée par l'A:-
femblée .
undi 17. Suite de la difcuffion fur la procédure non écrite ,
décidée par le comité . MM . Rey , l'abbe Maury & Tron
ont combattu cette décifion , defendue par MM. Pethion &
Chabroud.
Mardi 18. Débat fur la même queftion entre MM. P₁₂-
gnon , l'abbé Charier , Goupil , Garat l'aîné , la Fayeze
Barnave. Décrété que les dépofitions feront faites & regad
par écrit devant l'officier de police & le jury d'acculation.
Prefque toute la féance du foir a été confumée par ure
coflion fort âpre fur la liberté de la preffe , a l'occasɔn 4°
miférable & obfcur libelle , publié fous le titre de Braf
Pape , dont on a décrété de pourfuivre l'auteur inconau."
Du mercredi 19. Lettre de l'affemblée repréfentative &
Carpentras , qui inftruit le préfident du faccagement de Ca
vaillon , & réclame afliftance ou du moins neutralité conce
les brigands taflemblés a Avignon.
Nouveaux débats fur la question de favoir , fi dans
difcuffion des témoignages par - devant les ju.és , l'arca e
fes confeils pourront demander acte par écrit des aff
des témoins. Décidé que ces procès -verbaux ne ferentpas co….d.
SUPPLEMENT à l'article de Paris & aux nouvelles
1
étrangères .
Du jeudi 27janvier 1791.
Nous n'avoris pas en le temps d'extraire encore les diffé
rentes informations que nous avons reçues du comt at Ve →
naiffin & d'Avignon : elles font unanimes à repréſenter
l'expédition de Cavaillon , comme parfaitement conforme
aux moeurs & aux principes de fes initigateurs. Les fcélérats
qui , dans cette ville ont porté le fer & le feu , n'ont perdu
qu'un feul homme. On ne pouvoit leur oppofer que des
portes fermées ; ils les ont brifées : les maifons faccagées
feurs habitans maffacrés , une femme enceinte jettée par
la fenêtre , le curé de la cathédrale fufillé , des enfans égorgés
fans miféricorde , M. de Roftang , commandant de la garde
de Cavaillon , affaffiné après la reddition de la ville , le pillage
exécuté par les mains fanglantes des envahiffeurs , tels ont
été fommairement les triomphes des illuftres protégés de M.
Bouche , des généreux alliés de la république des amis de la
conftitution d'Aix & de celle du département des Bouches
du Rhône. On dit qu'à la veille d'éprouver de femblables
atrocités , la populace de Carpentras à forcé l'Affemblée lé
giflative d'arborer les armes de France. Nous aurons dans
huit jours des détails certains à publier fur ces divers évè
nemens.
Nos lettres de Montauban , en date du 14 , affurent que
les commiffaires du Roi envoyés en Quercy , & affiliés l'un
& l'autre au club des Jacobins de Paris , font très-bien accueillis
des clubs patriotiques de la province . Celui de Montauban
avoit infifté fur le renvoi du régiment de Royal-
Pologne , affez éclairé pour n avoir embraffé d'autre parti
que celui de la loi , affez fage pour s'être garanti de la corruption
, ayant borné fes fonctions à prévenir les violences,
& les défordres , & conféquemment réputé aristocrate . Le
miniftre de la guerre a déféré aux volontés du club & de la
Municipalité provifoire de Montauban. Le 13 au foir , Royal-
Pologne reçut ordre de partir. Mille citoyens , & tous ceux
qui ont quelque chofe à perdre ont fui ou fe préparoient
à fuir. C'eft le régiment de Touraine qui va gouverner la
ville avec le club.
( 2 )
Lundi foir , le village de la Chapelle entre Paris & S. Denis ,
a été le théâtre d'un combat entre une partie de fes habitans
qu'on dit être contrebandiers , ou complices de contrebande ,
& un détachement de Chaffeurs nationaux . Ceux- ci avoient été
requis & conduits par un commis à la barrière , pour failir des
marchandifes en fraude . La querelle s'eft engagée ; il y a cu
affez de morts & de bleffés des deux côtés . Nous n'avons pu
difcerner à qui appartenoit le tort de l'agreffion ; il n'y a ce
réel que le malheur qui en eft réfulté. Si le commis a ordonné
une vifite domiciliaire , fans y être autorisé par le Maire
du licu , il est très - repréhensible .
Cet accident qui a prodigieufement échauffé le peuple des
quartiers circonvoifins , a été repréfenté le lendemain , comme
un complot d'ariftocrates , un maffacre prémédité par les
ennemis de la révolution , enfin , comme un prélude de contre-
révolution . Plus de la moitié du peuple eft convaincu
fur la foi des libelliftes , que cinquante abbés déguités en foldats
s'étoient joints aux challeurs. Le journal des Jacobins ,
rédigé par M. de la Clotz , avertit à ce fujet tous les departemens
de fe tenir en garde contre les ennemis . N° . 8.
Lundi 24. L'Affemblée nationale a décrété quelques articles
du tarif des traites . Cet objet a occupé prefque toute la feance.
Mardi 25. On a rejetté une pétition des fections de Paris ,
qui demandent , contre la lettre d'un décret formel , d'ère
admife à la barre par députation , pour énoncer les titres de
leur accufation contre les anciens miniftres . Suite d'arucics
décrétés fur le tarif des traites.
Dans la féance du foir , rapport relatif à un jugement du
tribunal d'Amiens . Un difcours de M. l'abbé Maury a denné
lieu à une fortie de M. Barnave , proteftant contre le clergé
de France & contre le club monarchique , qu'il a peints tous
les plus noires couleurs . Ces qualifications ont ameré un des
plus extrêmes tumultes qui aient encore troublé les féances.
Mercredi 26. Décrété la vacance des évêchés & cures des
fonctionnaires publics refufait le ferment , & ordre aux
départemens de les remplacer , conformément aux précédens
décrets.
P. S. M. l'abbé de Fontenai , qui a rédigé jufqu'à préfent
le journal général de France , vient de l'abandonner , & de
publier le profpeétus d'un journal géneral , qui commencera
au premier janvier . Les talens de l'auteur , fa mode anion ,
fes connoillances font connues , & lui mériteront la co . fiance
du public . On fouferit à Paris , chez M. Landelle , rue Same-
Benoît , fauxbourg Saint- Germain , nº. 41 .
CODE
JUDICIAIRE ,
CONTENANT
Tous les Décrets relatifs au nouvel Ordre
Judiciaire , conférés entre eux , et disposés
méthodiquement suivant l'ordre des matières
; avec les Avis et Éclaircissemens donnés
par le Comité de Constitution , en réponse
aux diverses questions qui lui ont été proposées
sur le sens et l'exécution des mêmes
Décrets contenant aussi plusieurs Formules
de Jugemens et autres Actes judiciaires , dans
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Tous les Décrets relatifs aux Élections et aux
Fonctions , de toute nature , des Officiers Municipaux
; lesdits Décrets disposés méthodiquement
suivant l'ordre des matières , et accompagnés de
Notes explicatives du Texte , avec les Avis donnés
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en interprétation des mêmes Décrets :
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Lib. rae Haute-feuille.
Le
P
è l'abonnement
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de
trente
-trois
li
franc
, tant
pour
Paris
que
pour
la
Pro
• affranchir
le
port
de
l'argent
&
de
indre
à
cette
dernière
le
reçu
do
Pofies
. On
fouferit
Hôtel
de
Thon vince. ▲
la lettre
Directe
rue des Ftevins On s'atreffera va fieur GUTIE !
Directeur a Bureau du Me cure.
LIVRES NOUVEAUX.
GRANDOR , oule Héros
Abylin , Hiftoire hé
ment & des Meeurs
actuelles du Portugal ;
traduite de l'Anglais fur to -politique ; 2 vol.
in envoyé du
2. Prix , G liv. broc. l'original
de
Portugal à Londres , en
1778 , après la mort du
Capitaine Muller ; avec
Figures. 2 vol . in - 12 .
A Paris , rue Jacob ,
vis- à -vis celle Saint-
Benoit.
A Treves ; & fe trouve
à Paris , chez les Marchands
de Nouveautés.
Bibliotheque
'Homme public , cu
Analyfe raifonnée des
principaux Ouvrages
Français & Étrangers , Traité d'Agriculture ,
fr la Politique en gé concernant la maniere
néral , la Légiflation , de cultiver fans feu
les Finances , la Police , les Plantes étrangeres
l'Agriculture & le Com- dans le nouveau châffis
Saorce en particulier , phyfique de M. Maller
& fur le Droit natareiventeur , avec la def-
& public. Par MM . de criprion de ce nouveau
Condorcet, le Chapellier, châfiis ; augmenté de
Dépé de l'Aflemblée plus des deux tiers , &
Nationale , & autres de deux Planches gra-
Gens de Lettrer. Tomevées en raille- douce
ditieme. A Paris , chez pour en faciliter la conf-
Bifon , hotel de Cottruction , dans laquelle
lofquet , rue Haute- il fera démontré les
ferille , n°. 20.
Hiftoire du très - honorable
Docteur Cartelford
, pere du Lord-
Vicomte de Cherington ,
contenant une Defcription
ingénue ,
vraie
& naïve du Gouvernemoyens
de rendre les
panneaux en bois auffi
folides que s'ils étaient
faits de fér. 1 vol . in- 4°.
Prix , 24 liv. A Paris ,
chez Laurens jeune
Imprimeur - Libraire
rue Saint- Jacques , vis.
à - vis celle des Math M. Lefevre de Villerins
, n° 37 ; & chez
M. Béraud Négociant ,
rue Saint- Honoré , près
du paffage Saint- Roch ,
n° . 272.
OEuvres d'Athénée ,
ou Banquet des Savans ,
traduites du Grec , par
& brune ; tolfieme
quat ieme Livraifons
contenant le fecond vol.
& lcs Livres IV ,
V & VI.
On fouferit chez M.
Lamy , Libraice , quai
des Auguftins.
Le prix de l'abonnemens eft de trente trois la
franc de port , tant pear dars que pour la Pro
vince Il faut affianchir le port de l'argent & de
la lettre, & joindre à cette dernière le rec
Directeur des Pales. On foufonis Hotel de Thou,
rue des Poitevins. On s'adreifera au fiur Guan ,
Directeur du Bureau de Mercure .
LIVRES NOUVEAUX.
VOYAGE à la Cole Carrices & des Mines ,
feptentrionaledi Comte & fur les regles de
d'Antrim en Irlande , leur cxploitation , par
& à 1lle de Zaghey , M. Purgol. In- 8°. Chez
life
contenant Hiftoire na- Fronllé , Libraire , quaí
torelle de fe prodec
tions velcasiques , &
plufieurs Oblervations
far les Antiquités &
Mours de ce pays ; par
M. Hamilton , Membre
du Collège de la Trinité
à Dublin ; traduit de
des Auguftins , près la
ne Pavée , n 39
Tableau pittorefque
de la Suille ; par M.
le Marquis de Langle ,
AAuutteeuurr du Voyage en
Elpagne ; Ouvrage qui
a en l'Anglais. In - 8 °. Pix , brûlé, neur déire
3 liv. broche. A Paris ,
chez Cacher , Libraire ,
rue & hôtel Serpente.
Le Géographe National
, ou la France
divifée en Départemens
In 8. A Pars ,
rue Jacob , vis à vis la
rue Saint Ben ir , n° . 28.
Les Révolutions de
France , ou la Liberté ,
oëme national en dix
Chants , avee des Notes
un
& en Diftricts . fuivantles qui renfermerecis
Décrets de l'Affemblée hiftorique de la Révo-
Nationale ; par M. lution , & d'autres détails
Bouchefeiche , Maître- intéreflans ; Ouvrage déès-
Arts & de Penfion en
l'Univerfité de PPaariiss..
A Paris , chez l'Auteur ,
rue des Foffés- Saint-
Jacques , no. 7 , près
l'Etrapade.
Mémoire qui contient
les principes de l'Adminiftration
politique
Sur la propriété des
dié à M. Bailly , Maire
de Paris ; par M. Seryeis.
In- 8°. Prix , 3 liv . 12 f.
broché, Chez Guillot
rue ddeess Bernardins ,
vis- à vis Saint- Nicolasdu
Chardonner.
Étrennes fentimentales
, ou choix de Profe
& de Poéfie propres à
qual és du litaires du Général
Falife , chez
& à Paris
Marchands de
Lid tradut par un
Ofier Fia cai A Paris,
chez FEditeur , rue Co
quillire , n . 7 &
ophi de la chez Barrois l'aine, Lis
gue
mo
rir des Mé braire quai des Autiques
& mi gultins , n°. 19.
de l'abonnement eft de trente- trois liv.
franc port, tant pour Paris que pour la Pro
vince faut iffranchir le port de l'argent & de
& joindre à cette dernière le reçu da
Directeur des Poftes . On fouferit Hôtel de Thou
rue des Poitevins. On s'adreffera au fleur Guru
Directeur du Bureau du Mercure.
la
LIVRES NOUVEAUX.
TABLEAU des biens | tabliffement , en faveur
à vendre , rue Saint- des Soufcripteurs . On
Magloire , près la rue
Salle - au-Comte , quartier
Saint-Denis.
Cet Etabliffement offre
l'enfemble de tous les
bens particuliers qui
font à vendre , & réunir
, fur chaque objet ,
tous les renfeignemens
qui peuvent déterminer
le choix des Acquéreurs .
Les Tableaux , qui s'im
priment & paraiffent
ux fois par femaine ,
font deftinés à faire
paffer cet enfemble fous
les yeux de ceux qui
défirent faire leurs recherches
en particulier ;
ils préfentent également
le détail des Domaines
nationaux dont on pour
fuit les publications
dans les différens Départemers&
Diftricts du
Royaume ; & les états ,
affiches & autres pieces
que l'on veut conftater ,
d'après les Tableaux ,
font communiqués gratis
dans le Bureau particulier
ouvert, dans l'E
foufcrit au Bureau. Prix ,
30 liv. pour l'année ,
18 liv. pour fix mois ,
& 12 liv. pour trois
mois ; pour la Province,
42 liv. 24 liv. & 15 liv.
franc de port.
Eloge de la Conftitution
Françaife , prononcé
à Tarbes , le 24
Mai 1790 , devant MM.
les Electeurs & les
Gardes nationales du
Département desHautes-
Pyrénées , par M. l'Abbé
Torné , Prédicateur ordinaire
du Roi. A Tarbes
; & à Paris , chez
les Marchands de Nouveautés
La Déclaration des
Droits de l'Homme &
du Citoyen , mife à la
portée de tout le mon
de , & compofée fur
les vrais principes de
la Société . A Paris , chez.
Baudouin , Imprimeur
de l'Affemblée Nationale
, rue du Foin Saint-
Jacques , n° . 31 .
Sermon patriotique
prêché dans l'Eglife de | Prêtre de l'Oratoire. A
Saint-Germain- des- Prés
le Dimanche de Quafiinodo
22 Avril
1790 ; par M. l'Abbé
Caffing Vicaire de la
Paris , chez Leclerc,
Libraire , rue Saint
Martin près la rue
aux Ours.
Clovis Tragedie na
fédération . A Paris , chez
ci- devant
Belin , Libraire , tue
Saint-Jacques, n.27.
Paroille de Saint- Louistionale, dédiée à la Conen
l'ille , Membre de
plufieurs Sociétés Litté
raires
Le prix de l'abonnement eft de trente- trois liv
franc de port , tant pour Paris que pour la Pro
vince Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lete joindre à cette dernière le recu du
Les Poftes. On fouferis Hotel de Thou
evins, On s'adreffera au ficur Guru
au Bureau du Mercure .
Dir
ruc
Di
LIVRES NOUVEAUX .
LES Droits & les Devoirs
d'un People libre ,
ou le Triomphe de la
Liberté Françai e ; in 8 °.
Chez les Marchands de
Nouveautés.
Eflais politiques &
philofophiques fur ce
qu'on appelle les trois
Ordres de la France ;
broc. in- 8°. A Paris, chez
Defenne , Libraire , aux
Des premiers prinipes
du tyttême Social
appliqués à la Révolution
actuelle . A Nice ;
& le trouve à Paris ,
chez Guerbaert , Imprimeur
- Libraire , Porte-
Saint Jacques , & au
Pont Neuf ,
Brochure in- 8 °.
Confidérations politiques
& religieufes
11° 19.
ecarcades
du Palais- Royal. fur le Célibat
Des Genres poécléfiaftique brochure
tiques, Poëme ; avec des
Notes & Obfervarios s
fur ce Poëme ; brochure
in- 8 °. Chez Barrois
l'aîné , quai des Au
guftins.
Pot pourri national
ou Matériaux pour fervir
à l'Hiftoire de la Révolution
; dédié à M. Servan
, par un ami de
la Liberté, A Paris , chez
les Marchands de Nou
veautés.
Hiftoire de l'établif
fement du Célibat ecclefiaftique
; bro here
in- 8°. Prix , 15 f. Chez
Froulé , Libraire , quai
des Auguflins , n°. 39.
in- 8°. Chez Barois
l'aîné , quai des Auguf
tins n . 19.
Nouvelles
Recherches
fur la Fievre puer per les
par M. Doubler
, Médecin
de la Faculté
de
Paris , & de la Société
Royale
de Meutpellier
publices
par ordre duRci;
in- 12 . Chez Méquignon
l'aîné
Libraire , rue
des Cordeliers
pres
les Ecole
de Chirurgi
Nouveau Plan de
conftitution pour la
Médecine en France
préfenté à l'Affen blée
Nationale , par la Société
Koyale de Méde
10-4 de 200 p. vol. in S formant 140
Vie privée du Maréchal
de Richelieu , con
tenant fes amours &
intrigues , & tout ce qui
a rapport au divers rôles
qua joué cet homme
célebre pendant plus de
quatre-vingts ans ; trois
pages , imprimés fur ca
racteres de Didet. Prix
13 liv. of breche
peur Faris , & liv
franc de port par to
le Royaume. A Paris
chez Baillon , Libere
rue Haure feuille
Le prix de l'abonnement eft de tren e trois li
franc de port, tant pour Paris que pour la Pro
vince. Il fast affranchir le port de Largent &
la lettre , & joindre à cette dernière le rec
Directeur des Peffes. On fouferit Hotel de The
rue des Poitevins On s'adreffera
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le