→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Nom du fichier
1790, 12, n. 49-52 (4, 11, 18, 25 décembre)
Taille
21.10 Mo
Format
Nombre de pages
505
Source
Année de téléchargement
Texte
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
COMPOSÉ & rédigé, quant à la partie littéraire , par
C
MM. MARMONTEL , DE LA HARPE & CHAM- ~
FORT
> tous trois de l'Académie - Françoife ; &
par MM. FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs :
quant à la partie hiftorique & politique , par
M. MALLET DU PAN , Citoyen de Genève.
SAMEDI 4 DÉCEMBRE 1790 .
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou,
rue des Poitevins , N. 18 .
Avec Privilége du Roi.
N.
PUBLIC LIBRAR
335650T
, A BLE
ASTOR, LENOX mois de
TILDEN FOUNDATIONS
1605
ER S.
Romance.
Epigramme.
Le Franc Breton.
Novembre 1 7 9 0 .
31 Charade, Enig & Logog. 38
4 Confeils aux Souverains. 41
Theatre de la Nation.
Notices .
45
46
PITRE.
Couplets.
Gharade, Enig, Logog.
CHACUN HACUN fon Métier.
Adieux au Barreau .
491
Procès -verbal. 1.7
52 Inconvéniens. 73
55 Notices.
Prones civiques. 932
86 Etalliffemens.
105
Un Vieillard à fa Fille. 87
Couplets.
881
Spectacles.
109
Notices. 116
Charade , Enig. Log.
EPITAPHE
A Mile. Caroline.
Couplets .
121 Effais fur les Maurs. 130
122 Collection . 142
126 Spectacles. 145
154 Charade, Enig, Logeg. 128 Notices.
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard ,
rue des Mathurins , Hôtel de Cluni.
MERCURE
DE FRANCE.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE
AU PORTRAIT DE MON FRÈRE ,
Par M. Ferlus , Profeffeur d'Eloquence.
Oui , le voilà ! c'eft lui-même , c'eſt lui !
Portrait charmant , je revois ton modèle.
Je le revois , c'eft encor mon ami ;
Ce font ces yeux , cette bouche fidèle
Qu'ont fui toujours le menfonge & l'ennui.
Ah ! loin de moi ces faneux perfonnages
Que vend Cochin au Peuple admirateur ;
Les attributs qui chargent leurs images ,
Frappent mes yeux fans attacher mon coeur ;
J'y vois leur gloire & non pas mon bonheur.
Seul déformais embellis ma cellule :
D'un autre objet lé perfide paftel
A 2
MERCURE
Fixoit encor ma tendreffe crédule ;
Tout cède enfin à l'amour fraternel .
Viens retracer à mon ame attendrie
Les fentimens , les vertus , les bienfaits
De mon ami ; qu'ils vivent dans tes traits !
Douce impofture ! il femble qu'il fourie
Au fouvenir des heureux qu'il a faits .
Non , il fourit aux tranfports de fon frère :
De mon bonheur il vient de s'animer.
Portrait chéri , malgré le fort contraire ,
De la distance écartant la barrière ,
Tu joins deux coeurs toujours faits pour s'aimer ;
Que dis-je ? hélas ! vaine & muette image ,
L'illufion me confole un moment ;
Mais revenu de mon enchantement
Tes traits menteurs m'affligent davantage ,
Plus abufé que ce plaintif Amant
Qui crut faifir l'objet de fon hommage ,
Et n'embraffa qu'un perfide nuage ( 1 ) ,
Ainfi toujours nos défirs font trompés.
On fe repaît d'une vaine peinture ;
Les plus heureux font ceux que l'impoſture
Dans fes filets tient mieux enveloppés.
Loin du réel , l'ame fuit & s'élance.
Tous nos projets font un mouvant tableau
( 1 ) Tout le monde connoît la Fable d'Ixion & de la
Nude , qui repréfentoit la Reine des Dieux.
DE FRANCE.
Qui n'a d'attraits que fon invraifemblance ;
Ce faut miroir , où tout fe peint en beau ,
Nous fait quitter le vrai pour l'apparence ,
Et l'erreur feule eft notre jouiffance.
Dans fon Mufée , entouré de fes vers ,
Un pauvre Auteur , bien sûr d'être un génie ,
Voit fon grand nom parcourir l'Univers .
Déjà Vanlo produit fon effigie
Qu'en vingt façons le burin multiplie
De fes Ecrits , où chaque mot eft neuf ,
Didot promet l'édition charmante ;
Et fi la mort efface un des Quarante ,
Il va de droit s'unir aux trènte- neuf.
Que je le plains , fi la vérité perce
Jufqu'à fes yeux ! quel funefte retour
Si la raiſon lui fait voir au grand jour
La vanité de l'eſpoir qui le berce !
Car des humains que le deftin traverſe ,
Il n'en eft pas qui tombe de fi haut
Qu'un Bel- Elprit qui fe retrouve un fot.
Auffi pourquoi , d'une aile téméraire ,
Vouloir franchir les bornes de fa fphère ?"
Dans notre orgueil nous nous efforçons tous
D'atteindre aux biens qui ne font pas pour nous.
Malgré le fort , Cloris veut être belle ,
..... Comte , & .... Auteur ;
L'Abbé Grimaud , difcoureur infidèle ,
A 3
6 MERCURE
Difpute à Fox la palme d'Orateur :
Ne rions pas , & plaignons leur erreur.
Foible Portrait , ainfi mon humeur fombre ,
A ton afpect s'aigrit de plus en plus ;
J'y vois , hélas ! qu'il eft des biens fans nombre
Dont nous n'avons que des traits mal rendus ;
L'objet s'enfuit & nous laiffe fon ombre.
Nous ne voyons que l'ombre des vertus .
La lâcheté fe cache fous le cafque ;
Le froc pieux couvre l'impiété ;
Je crois de loin admirer la beauté ,
En m'approchant, je n'en vois que le mafque.
Les faux-femblans font la Société ;
La politeffe y tient lieu des fervices ;
Le perfiflage eft appelé gaîté ;
Nos amitiés font d'heureux artifices ;
L'amour n'eſt plus , nous avons fes caprices .
On voit par-tout des dehors impofteurs
Subftituer la morgue à la nobleffe ,
Le froid dédain à la délicateſſe ,
A l'honneur vrai l'enflure des honneurs ,
La bienféance à la place des moeurs :
Et le vulgaire , à ces fauffes irages ,
De fes refpects prodigue les tributs !
Pardonnons-lui , ce font autant d'hommages
Qu'il croit porter à l'autel des Vertus .
Un jourle vrai , difipant ces fantômes ,
De fes rayons viendra charmer les hommes ,
DE FRANCE.
Et des Portraits qui l'ont déshonoré ,
Montrer enfin le modèle ſacré.
Puiffe le tien , fenfible à mes prières ,
S'offrir de même à mon coeur agité !
Puiffai-je voir le plus tendre des frères ,
Joignant toujours le fens & la gaîté ,
Les vers légers & les devoirs auftères ,
L'égalité des vertus folitaires
Aux tons divers de la Société ,
Et couronnant des palmes littéraires
Son front brillant de gloire & de ſanté !
Voeux incertains ! pendant que fous ta glace
Rien ne flétrit la fleur de fes beaux jours ,
Que tu le peins tel qu'il parut toujours ,
Plein d'enjoument , & de force & de grace ;
Du fort peut-être éprouvant les rigueurs ,
Pâle de crainte , accablé de fouffrance ,
Entre les bras de fes amis en pleurs ,
Sa foible voix invoque ma préfence.
Cruelle idée ! affreux preffentiment !
Portrait menteur n'abuſe plus mon ame.
Quand je quittai l'ami que je réclame ,
C'étoient ces traits. Qu'eft-il en ce moment ?
Du Temps rapide ignore- t-il l'outrage ?
Dans les longs jours d'un trifte éloignement,
Ce Dieu cruel femble. augmenter fa
rage.
Ah ! c'en eft trop. Je brife le lien
Qui fur ces bords me tient dans les alarmes.
A 4
MERCURE
Mon coeur ardent , uni bientôt au fien ,
De l'amitié goûtera tous les charmes ;
Et , près de lui , fans crainte , fans regret ,
Au feul plaifir je donnerai les larmes.
Dont ma douleur baigne en vain fon Portrait.
VERS
Sur les quatre Ages de l'Homme.
L'HOMME enfant , par fes cris femble prévoir
.fon fort ;
Jeune , d'un föl amour fon coeur eft la victime ;
Bientôt l'ambition va l'entraîner au crime ; 3
L'avarice l'attend aux portes de la mort, st
( Par M. B. de W****
au Château de Bellée. )
DE FRANCE
LES DEJEUNÉS DU VILLAGE ,
où les Aventures de l'innocence.
PREMIER DÉJEUNÉ.
LA E
J'AVOIS pour voifine de campagne unc
perite vieille , d'un naturel aimable & d'une
figure où l'on voyoit encore toutes les
traces de la beauté. Son teint avoit perdu
fa fleur ce n'étoit plus le duvet de la
pêche , mais c'étoit le poli , & même un
peu du vermillon d'une belle poinme d'api
confervée pendant l'hiver. Le jeu de fa
phyfionomie étoit plein de fineffe & de
vivacité ; quelques étincelles de feu jailliffoient
même encore de les yeux lorfqu'ils
s'animoient ; de jeunes femmes lui auroient
envié la douceur & le charme de fon fourire;
& à fon enjouement , à fon défir de
plaire , aux traits de fenfibilité qui lui
échappoient , fur - tout aux graces de fon
efprit & à celles de fes manières , il n'eft
perfonne qui n'eût dit , comune Fontenelle ,
que l'Amour avoit paffé par-lt.
A s
10 MERCURE
Elle s'étoit formé dans fon village une
petite fociété d'amis , qui alloient tous les
matins prendre avec elle du thé au lait
tantôt dans un falon riant , & tantôt en
plein air fous un frais berceau de verdure.
'étois du nombre de ces amis . Elle aimoit
à conter les hiftoires du temps paffé , &
nous aimions fort à l'entendre.
Madame , lui dîmes-nous un jour , tous
vos récits nous enchantent ; mais celui dont
nous felions le plus curieux , ce feroit , il
faut l'avouer , l'hiftoire de votre jeuneffe .
Vous n'êtes pas dégoûtés , nous dit - elle ;
& en effet , fi je voulois , j'aurois bien de
quoi vous amufer. Mais je ne parle jamais
de moi ; & la raifon , c'eft qu'en parlant
de foi , on femble toujours fe flatter , cu
du moins s'épargner foi- même ; & jamais
l'auditeur ne manque de rabattre du bien
& d'ajouter au mal.
-
Nous l'affurâmes tous que nous l'en
croirions for fa foi , & que chacune de fes
paroles feroit prife à la lettre . Quei , ditelle
, jamais vous me ferez tentés de fuppofer
dans mes récits quelques petites réicences
, & d'y fuppléer ? Non, jamais.
-Et tant que je vivrai , vous me garderez
le fecret ? Oui , tant que nous vivrons
nous - mêmes . - Oh , non , dit- élle , ce
feroit trop exiger de vous ; & du moins
dois -je permettre qu'à mon âge vous puiffiez
raconter , chacun à vos amis , ce que
la bonne Madame de Clofan vous aura dit
-
DE FRANCE. II
de fes jeunes folies . Mais je vous avertis
que l'hiftoire en eft un peu longue , que
j'y ferai des paufes , & que nous en avons
pour trois ou quarre Déjeunés. Tant mieux,
lui dîmes- nous ; & après nous avoir veiſé
du thé , elle commença fon récir .
J'étois née riche fans le favoir : mon
père , habile Négociant , avoit péniblement
amaffé de grands biens , enfermés dans ſon
porte-feuille . J'étois encore enfant lorſqu'il
mourut ; je n'avois déjà plus de mère ; &
je reftai , felon l'ufage , à la merci d'un
oncle , mon tuteur , & d'une tante , fon
époufe , tous deux gens dévots , mais avares,
& de mon bien comme du leur. Je n'ai
pas befoin de vous dire qu'étant durs pour
eux - mêmes , en qualité d'avares , ils ne
l'étoient pas moins pour moi.
Leur première penfée fut que , fi je favois
de bonne heure quelle étcit ma fortune
, par cette feule idée , & malgré tous
feurs foins , je ferois un enfant gâté. Cette
prévoyance étoit fage ; mais leur prudence
alla trop loin ; & pour me rendre plus docile
& me tenir plus dépendante , ils me
firent accroire que mes parens ne m'avoient
rien laiffé. De tous les bijoux de ma mère ,
ce petit coeur d'or fut le feul que l'on me
donna. Quant aux biens de mon père , on
eut le même foin de les faire valoir , &
de me les cacher. Ainfi je me croyois un
objet de pitié pour ceux de mes parens qui
1.
A 6
12 MERCURE
me tenoient fous leur tutelle , & il n'en
fur jamais de plus févère ni de plus trifte .
Jufqu'à feize ans , je n'avois prefque vu
le jour que par ma fenêtre. Mais à feize
ans , cette fenêtre me fit voir quelque
chofe qui me fut plus cher que le jour :
un jeune & beau Clerc de Notaire , qui ,
le matin , avec des cheveux blonds de la
plus douce teinte , négligemment relevés
par un peigne & à demi-flortans , prenoir
un moment l'air à la fenêtre , vis à vis de
la mienne , avant que, d'aller à l'étude.
Im ginez-vous Apollon en robe de chambre
d'indienne ; c'étoit mon Clerc , car dès ce
moment il fut le mien ; il l'a été toute fa
vie; & c'eft de lui que je fuis veuve je
vous en préviens , & pour caufe.
En le voyant pour la première fois , rour
ce qui jufqu'alors avoit été confus dans
mon ame & dans ma pensée , les ennuis
de ma folitude , le vague de mes rêveries ,
l'inquiétude qui de la veille me pourfuivoit
dans mon fommeil , tout parut s'éclaircir.
Je crus voir ce qui manquoir à
mon bonheur. Mais l'intervalle de la petite
cour qui nous féparoit l'un de l'autre , étoit
un abime à franchir nos regards au moins
le franchirent.
Sa furprife , fon émotion , le raviffement
que lui caufa ma vue ne fut que trop
fenfible. Il dut s'appercevoir auffi du mouvement
que j'éprouvai , car celui - là fur
involontaire , je n'eus pas le temps d'y
DE FRANCE
13
penſer ; mais je fuis sûre au moins qu'il
fut timide , & mêlé de cette pudeur qui
eft un inftinct pour l'innocence. Ce fut
cette pudeur qui m'avertit que je ne devois
pas me tenir long temps à la fenêtre ,
vis-à- vis d'un jeune homme qui avoit du
plaifir à me voir . Je m'éloignai , je fis
quelques tours dans ma chambre , j'ens l'air
de m'amufer de mes oifeaux ; mais tout
mes mouvemens me ramenoicnt au même
point. J'allois, je revenois , je paffois comme
une ombre , & à chaque détour , j'obſervois
d'un coup d'oeil i l'on étoit occupé
de moi. Mon jeune Clerc , immobile &
ravi , me fuivoit , me parloit des yeux , &
fembloit reprocher aux miens de ne pas
fe fixer fur lui .
Enfin j'eus le courage de me dérober à
fa vue ; mais le refte du jour ne fut pour
moi qu'un rêve , & les feius dont on
m'occupoit ne purent m'en tirer. J'étois
fous les yeux de ma tante , qui fembloit
m'obferver plus attentivement , plus févèrement
que jamais. Pour lui cacher mon
trouble , je voulus lire ; & je ne voyois
dans mon livre que des yeux bleus & des
cheveux blonds . Elle me demanda. compte
de ma lecture ; je ne fus ce que je difois .
Je me plaignis d'un éblouiffement que
j'avois voulu lui cacher , de peur , difoisje
, d'alarmer fa tendreffe , & Digu fait
comme elle étoit tendre !
Le jour me parut long , je défireis la nuit
14
MERCURE
pour être feule avec moi-même , & dans
l'efpérance que le fommeil , favorable à
ma rêverie , ne feroit que la prolonger. Je
l'en priai en me livrant à lui , & il eut
cette complaifance,
de ce
Nous étions dans le mois d'Avril , &
au moment de cette renaiffance
beau retour de jeuneffe que la Nature
hélas auroit bien dû nous accorder ,
comme à ces heureux végétaux ! mais moimême
j'étois dans mon printemps ; & mon
réveil fut ce jour-là auffi matinal que' celui
de l'Aurore . Cependant mon jeune Apollon
avoit été plus diligent que noi. Il m'attendoit
à la fenêtre. En l'y voyant , je ne
fais quoi me dit que c'étoit là un rendezvous.
Je fus confufe de m'y trouver ; mais
je diffimulai mon embarras en feignant de
n'être occupée , comme on dit , que de
l'air du temps. Il furprit cependant quel
qu'un de mes regards , & en me faluant ,
il me fit figne des yeux & du gefte qu'il
faifoit bien beau . Comme il n'y avoit pas
de mal à cela , je lui rendis fon falut , &
d'un figne de tête je convins avec lui qu'il
faifoit beau. J'ai reconnu depuis qu'à l'âge
de feize à dix - huit ans , lorfqu'on eft
d'accord fur un point , on left bientôt fur
tout le refte. J'eus donc tort , & je le
confeffe , de convenir qu'il faifoit beau. :
Content d'avoir engagé avec moi cet entretien
muet , il voulut le pourfuivre. Il
porta fa main fur fon fein , & il exprima
DE FRANCE.
le plaifir de refpirer un air fi pur ! J'eus
l'imprudence de l'imiter encore . Il devint
plus hardi ; & mefurant des yeux l'espace
qui nous féparoit , il parut en gémir & foupirer
avec ardeur. Pour le coup , je l'entendis
bien , ma's je ne l'imitai pas ; & je
me reprochai de lier connoiffance avec un
jeune homme qui me fembloit bien né
allarément , mais dont je ne favois ni l'état
ni même le nom.
Je me tins cloſe quelques matinées.
cherchant à m'occuper , & n'ayant , malgré
moi , qu'une feule & même perfée . Par
quelle fingularité de ma deftinée ce jeune
homme étoit-il venu fe loger vis- à-vis de
moi ! ..... Mais pour cela devois - je me
priver du feul plaifir que j'avois dans la
vie , de l'innocent plaifir de refpirer l'air
du matin , & de jouir des charmes de la
faifon nouvelle Après tout , où étoit le
danger ? Et que m'avoit il fait entendre, ce
jeune homme , dont j'cuffe lieu d'être alarmée?
Il me trouve agréable à voir : cla
eft poffible; dfois je en confultant mon
petit mircir de teiltre. Il défire peut- être
de me voir de plus p.ès ; cela eft naturel
encore ; & je ne vois rien que d'obligeant
dans le regret d'être éloigné de moi . Falloitil
lui laiffer penfer que j'avois peur de lui ?
L'éviter , c'eût été le craindre , & je ne
favois pas pourquoi je l'aurois craint."
Je pris courage ; & le lendemain je me
montrai , tenant à la main une cage que
16. MERCURE
1
ans ,
je pofai fur ma fenêtre , en m'occupant du
foin de donner de l'eau fraîche & du mouron
à mes oifeaux. Il entendit leur chant,
& il en fut charmé ; mais d'un oeil atten
tif & jaloux regardant leur cage ,
il parut
envier leur fort. Comment voyois - je cela
de fi loin Ah ! c'eft qu'à l'âge de feize
pour appercevoir ce qui flatte , on a
de bien bons yeux ! Je me donnois un air
diftrait & difpé ; & pas une nuance des
fentimens que j'infpirois ne m'échappoit :
hi fes inquiétudes , ni fes impatiences , ni
fes reproches imperceptibles quand j'arriyois
trop tard , ni fes timides actions de
graces quand j'avois la bonté de m'occuper
de lui , oh ! rien n'étoit perdu ; & un mois
fe paffa dans cette heureufe intelligence
fans trop de hardieffe de fon côté , fans
trop de complaifance ni de rigueur du mien,
$
Un jour enfin , le premier de Mai , jour
de ma Fête , car je m'appelle Philippine ,
en me levant je vis fur la fenêtre le plus
joli rofier , & le premier , je crois , que le
Printemps eût fait feu ir. A l'inftant il vint
me l'offrir d'un air fi doux & avec tant de
grace , qu'il me fut impoffible de ne pas
P'en remercier. Le petit Calendrier qu'il
tenoit à la main , & dont il baifa refpectueufement
le feuillet où mon nom étoit
imprimé , difoit affez qu'il le favoit ce
nom . J'étois bien moins heureuſe , car je
ne favois pas le fien . Je m'inclinai encore
pour lui marquer qu'il ne fe trompoit pas,
DE FRANCE. 17
& qu'en effet le jour de St. Philippe étoit
ma Fête. Alors je le vis s'animer , preffer
fon coeur de la main droite , la déployer
vers moi avec le gefte de l'offrande , & de
la gauche , en ligne de ferment , prendre
le Ciel à témoin du don qu'il me faifoit.
Je fentis que mon coeur , à moi , battoit
plus fort que de coutume , que la rougeur
me montoit au vifage , & que mes yeux ne
pouvoient plus foutenir fes regards ; je me
couvris le front de mes deux mains , & je
me retirai.
J'ai admiré depuis combien le langage
muet va plus vite que la parole ; car enfin
fi Clofan m'avoit parlé , il eût à peine ofé
paffer , de détours en détours , de l'éloge
de ma beauté à l'aveu de l'impreffiort qu'elle
avoit faite fur fon ame ; & l'on m'avoit bien
avertie de ne jamais prêter l'oreille au langage
trompeur des hommes qui effayeroient de
me flatter. Mais dans l'expreffion du vifage,
comment foupçonner le menfonge ? Comment
imaginer que des yeux attendris &
fupplians nous en impofent?? C'est la bouche
qui trompe , & la nôtre ne difoit rien .
Cependant il étoit bien clair qu'il m'avoit
fait le don de fon coeur , qu'il m'avoit
engagé fa foi ; & fi je continuois de le
voir , je femblois m'engager moi - même.
Seule à mon âge , & fans l'aveu de mes
parens , à leur infçu , avec unjeune inconnu
qui , peut - être , fe jouoit de mon innocence
tout cela me troubleit & j'étois
18 MERCURE
prefque réfolue à fermer ma fenêtre. Une
réflexion affez fage m'y ramena. Je n'ai
me dis- je , accepté de lui que fon bouquer ;
quant à fes autres dons , je ne les ai pas
refufés , mais je ne les ai pas reçus . Et
pourquoi les rebutereis - je , s'ils font dignes
de moi ? C'est peut- être l'époux que le Ciel
me deftine. S'il eft fait pour moi , laiſſonslui
l'espérance de m'obtenir & le temps
de me demander. Il fait bien de qui je
dépends. Soyons avec lui réfervée , mais
s'il me trouve aimable , ne nous en plaignons
pas. Hélas ! j'ai grand befoin de
plaire. Pauvre comme je fuis , qui m'épou
feroit fans m'aimer ? Ce fut par ces raifons
que l'Amour fut me raffurer. Ah ! qu'il est
dangereux , l'Amour , lorsqu'il feint d'être
raifonnable !
T
Avec ce beau plan de conduite , je me
livrai au plaifir de le voir fans plus me
défier, de lui ni de moi-même. Son premier
foin , en s'éveillant , étoit de venir arrofer
mon bouquet. Il en refpiroit le parfum ;
il en comptoit les roles déjà épanouies ; il
me faifoit remarquer celles qui n'étoient
qu'à demi éclofes , & les boutons qui alloient
bientôt s'ouvrir ; il les couvoit des
yeux avec l'air de la volupté ; & moi je
fouriois aux foins qu'il prenoit tous les
jours d'embellir fon hommage ; & tous les
jours , fans, m'en appercevoir, je laiffeis mes
yeux repaffer plus librement , plus fouvent
fur les fiens , & s'y repofer davantage . Un
DE FRANCE. 19
jour que j'oubliois de les en détacher , je
ne fais quelle émotion foudaine ils lui causèrent
; mais il porta fes lèvres fur une de
mes rofes , & il fouffla vers moi le baifer
qu'il lui avoit donné. Vous croyez bien
que je ne laiffai pas cette audace impunie.
Je ne retirai fur le champ , & je réfolus
d'être huit jours fans me montrer. Huit
jours ! ah ! mes amis, quel effort de courage !
Il faut tout dire : en me rendant inviſible
à fes yeux , les miens avoient trouvé le feeret
de le voir encore ; & derrière un
rideau tant foit peu entr'ouvert , je l'obfervois.
Les deux premiers jours , je le vis
arrofer , comme de coutume , mais d'un
air trifte & délaiffé , ce rofier qui fembloit
auffi fe faner de langueur. Après l'avoir
long - temps regardé d'un oeil abattu , &
cent fois inutilement tourné les yeux vers
l'inexorable fenêtre , il s'en alloit comme
un fuppliant rebuté. Mais le troisième
jour , le pauvre exilé fuccomba ; & après
avoir inondé le rofier de fes larmes , après
avoir arraché la rofe fur laquelle fes lèvres
avoient imprimé le baifer qui faifoit fon
crime , il ferma fa fenêtre , & je ne le vis
plus.
A fa place , deux jours après , je vis paroître
un homme noir , une canne à la
main , qui alloit & venoit dans fa chambre.
Ah ! c'eft un Médecin , me dis- je ; il eft
malade , & j'en fuis la caufe Me voilà
défolée , odieufe à moi-même , & m'accu20
MERCURE
fant d'injuftice & de cruauté. Comment remédier
au mal que j'avois fait ? Comment
lui apprendre que j'y étois fenfible ? J'en
trouvai le moyen .
L'homme noir revenoit deux fois le
jour , je guettai le moment où il feroit à
la fenêtre , & d'un air affligé , je lui fis
une révérence. Il me la rendit , fans favoir
qui le faluoit ; & je vis qu'il retournoit
vers fon malade pour lui demander qui
j'étois . Je n'en voulois pas davantage.
Le jeune homme diffimula ; mais fi-tôt
qu'il fut délivré de ce témoin , il fe leva
& vint me voir lui même . Je le trouvai
pâle & changé. Je lui en marquai , je crois
un peu trop mon inquiétude. Il m'expliqua
fon mal en mettant la main fur fon pouls ,
puis fur fon front , puis fur fon coeur ; &
puis ayant regardé le rofier d'un oeil trifte
il fe jette à genoux , & me tendant fes
deux mains jointes , il me demande grace.
Un rocher fe fut attendri . A l'inftant mes
larmes coulèrent , & il me les vit effuyer :
jugez de l'excès de fa joie ! Mais je lui fis
figne d'aller fe repofer ; & pour l'y engager
, je m'éloignai moi - même . Cette vifite
fui fut plus falutaire que celle de fon Médecin
; car peu de jours après il fut convalefcent.
Dès ce moment , il fut auffi timide qu'il
avoit été téméraire. De mon côté , j'étois
craintive & défiante ; car ce baifer foufflé
en l'air , d'une fenêtre à l'autre , m'étoit
DE FRANCE. 21
toujours préfent ; je l'avois fur mes lèvres ;
& je faifois tout mon poffible pour défendre
à mes yeux de m'en attirer un fecond.
L'aurois je auffi cruellement puni ? c'eft
ce que vous ni moi ne favons , grace au
Ciel. Quoi qu'il en foit , mon coeur ne fut
pas mis à cette épreuve ; mais en voici une
plus dangereufe , & à laquelle ma rigueur
ne tint pas.
Je vous l'ai dit , je fortois peu. Un beau
jour cependant il prit envie à mes gardiens
d'aller fe promener au Cours-la - Reine . Un
jeu de boule étoit le feul fpectacle qué
fe permit quelquefois mon tuteur . On palle
là , difoit-il , trois heures plus agréablement
qu'à l'Opéra , & il n'en coute rien . Tandis
qu'il fe donnoit ce plaifir innocent , ma
tante & moi nous fuivions lentement l'ennuyeux
droit - fil des allées , lorfqu'une
femme nous aborde , tenant une petite
chienne , la plus jolie du monde , & me
propofe de l'acheter. J'en fus téntée , &
j'allois demander quel en étoit le prix ; ma
tante , au premier mot , interrompt le
marché , & congédie la Marchande.
Il m'étoit dur de me voir refuſer jufqu'à
l'amufement d'une petite chienne.
Mais pauvre , comme je croyois l'être , je
n'avois pas droit de me plaindre qu'on
voulût me rendre ménagère du peu d'argent
qu'on me donnoit. Je ' pris donc patience
, & me retirai triftement.
Mais en rentrant chez mon tuteur ,
22 MERCURE
quelle fur ma furpriſe de voir s'élancer de
la loge de la Portière ma petite épagneule ,
avec un collier de ruban couleur de roſe
où pendoit un grelot ! Je la prends , je la
baife ; & la Portière , à qui ma tante fait
des queſtions , répond ingénument qu'une
femme du peuple vient de lui apporter ce
petit animal , & lui a dit qu'il étoit à moi .
Ma tante me gronda , & je lui laiſſai
croire qu'en fecret je l'avois payé .
Me voilà donc chez moi , feule avec ma
petite chienne , cherchant un nom à lui
donner , lorfque dans les plis du ruban de
fon petit collier j'apperçois un billet. Je
le déroule , & j'y lis ces mots : Je m'appelle
Florette ; & lui , Hyppolite Clofan . Ah !
c'eft lui , me dis-je , c'est lui qui , fans doute ,
m'ayant fuivie des yeux à la promenade
& m'ayant vu défirer cette petite chienne ,
a voulu m'en faire préfent : je ne me trompois
pas. J'ai fu depuis que le feul louis
d'or qu'il eût en fa puiffance , il l'y avoit
employé. Ce louis d'or en valoit mille .
Le petit billet fut enfermé dans le coeur
d'or que voilà. Il y eft encore , il ne me
quittera jamais. Pour la petite chienne , je
vous laiffe à penfer fi elle eut d'autre lit
que le mien , ou d'autre affictte que la
mienne.
ma
Toute la nuit je ne rêvai qu'à inventer
quelque moyen de marquer nia reconnoiffance
. J'étois aimée , j'en étois sûre ; & je
ne voulois pas qu'on me crût infenfible aux
DE FRANCE. 23
foins d'un amour fi attentif , fi délicat &
fi touchant.
+
Au point du jour , j'étois à ma fenêtre.
Clofan ne parut qu'après moi , & il me vit
tenant mon épagneule contre mon ſein ,
& la baifant avec une tendreffe extrême.
Moitié content & moitié trifte , il nous )
regal doit tour à tour , moi d'abord , & puis
l'épagneule , & d'un air fi paffionné , fi envieux
de fon bonheur , que dans je ne
fais quelle ivreffe , quelle abfence de ma
raifon , je fis une folie . Par malheur j'avois
à la main mon petit miroir de toilette
pour achever d'ajufter mes cheveux ; eh
bien , puifqu'il faut vous le dire , je tournai
la glace du côté du jeune homme , & puis
la retournant vers moi , je la baifai , & je
m'enfuis.
Alors le vifage brûlant & les yeux pleins
de larmes , je tombai comme dans un abîme
de confufion & de douleur. Me voilà , dis-.
je , pour jamais engagée avec ce jeune inconnu.
Je fuis à lui , je ne puis m'en dé- ´
dire. Il m'a vu baifer fon image ; après
cette foibleffe , je fuis déshonorée fi je ne
l'ai pas peur époux ; & dès-lors il fut décidé
que je n'en aurois jamais d'autre.
Pour lui , tandis que je me défolois , il
étoit tranfporté de joie ; & en échange de
mon baifer , il m'en avoit renvoyé mille
que je n'avois point apperçus . Mais je ne
fais quel oil finiftre & mal - faifant les avoit
furpris ; & matante en fut avertię.
24
MERCURE
T
On tint confeil dans la maifon ; & dès
le foir même on me fit changer de loge
ment , fans m'en dire la caufe. Je m'en
doutai ; mais j'obéis fans répliquer un mot ,
de peur de n'accufer moi-même .
Quand je fus feule dans ma prifon , je
peafai à l'étonnement & à Fafiliction ou
feroit mon jeune homme, en ne me voyant
plus paroître & obfervée impitoyablement
, je ne favois à quel Saint me vouer ,
pour lui faire paffer quelques confolations,
lorfque je vis arriver chez mon oncle un
homme de Finance , qu'on difoit protégé
du Cardinal ; premier Miniftre , & qui me
demandoit en mariage pour fon fils . C'étoit
mon jeune Clerc lui même qui lui en
avoit donné l'idée.

Il lui étoit recommandé ; & en ftyle de
protecteur , le Financier avoit daigné lui
dire que , dans l'occafion , il feroit bien
aife de l'obliger. Clofan fe rappela certe
belle promeffe . Défefpéré de ne plus me
voir , inftruit que mon tuteur étoit un riche
avare , perfuadé que j'étois réſervée à quelque
favori de la fortune , & ne voyant
dans fon Etude que des moyens douteux
& lents de s'enrichir , il réfolur de pren
dre la route plus aifée & moins infructueufe
des emplois de Finance ; & il alla prier
fon protecteur de la lui ouvrir. Celui- ci
abufant de la facilité qu'ont tous les fupplians
à confier leurs peines , tira de lui la
confidence du malheureux amour qui caufoit
DE FRANCE. 25
foit fon ambition , voulut favoir le nom
de la jeune perfonne ; & fon protégé lui
dit tout , excepté notre intelligence ; encore
en laita- t- il foupçonner quelque chofe ,
en lui avouant que s'il parvenoit à quelque
emploi confidérable , il avoit lieu de
croire qu'il ne feroit point refufé.
Je penferai à vous lui dit M. de Bliancour
; revenez me voir un de ces matins .
Le jeune homme s'en retourna pénétré de
reconnoiffance. Son protecteureut en effet la
bonté de penfer à lui ; mais il digna auffi
penfer à moi . Il lui avoit entendu dire que
L'étois belle ; il fe doura que je ferois riche ;
il lui fut aifé de favoir quels biens mon
père avoit laiffés ; un oncle avare & fans
enfans , étoit encore une perfpective attrayante
; il crut trouver en moi ce qui
convenoit à fon fils ; & d'abord , pour le
délivrer d'un rival incommode , il envoya
fon protégé Clofan faire en Province fon
noviciat de Financier . Enfuite il vint offic
pour moi , à mon tuteur , le plus fot des
enfans des riches.
Vous jugez quelle différence ; je ne dis
pas pour la figure à Dieu ne plaife que
je compare une maffive ébauche à l'élégance
même de la grace & de la beauté !
Mais pour l'efprit ! ah ! dans un feul regard
, dans un gefte du jeune Clerc, il y avoit
plus de penfées ingénieufes & de fentimens
délicats , que dans toutes les galanteries de
l'infipide Bliancour. Mais quand il auroit
N° . 49. 4 Décembre 1790 .
B
26 MERCURE
7
en l'efprit de Fontenelle , il n'auroit pas
féduir le mien . Je le refufai net ; & je dis
à mon oncle , qu'à dix-fept ans on n'étoit
pas proffée de fe marier. Il eut beau me
vanter la fortune du prétendant , je l'affarai
qu'avec toute fon opulence , cet homme
là ne me plaircir jamais . Il faut donc qu'un
mari plaife à Mademoifelle reprit ma
tante avec humeur ? Oh bien , moi , je
fuis laffe d'être fa furveillante. Elle n'a qu'à
choifir , du mariage ou du couvent. Je préférai
le couvent avec joie , efpérant qu'il
feroit pour moi une moins étroite prifon .
>
Mais en voilà bien affez pour aujourd'hui
, dit-elle. Je viens de vous donner
de petites fcènes de Comédie ; demain le
déjeuné fera plus férieux .
( La fuite au 1er. Nº. de Janvier. )
( Par M, Marmontel. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE motde la Charade eft Vinaigre ; çelui
de l'Enigue eſt Pelotte de neige ; celui du
Logogriphe elt Capucine , où l'on trouve
Capucin.
DE FRANCE. 27
CHARADE.
A M. b.... S... , B. J... d. T… .. M.. C...
ESPRIT , graces , beauté , tout vous eft mon
dernier ;
Heureux qui vous pourroit inſpirer mon premier !
On lui, pardonneroit d'éprouver mon entier .
( Par M. d. P.... , o ... a. R... C... g... i... )
.:

ENIGM E.
OUT paroît renverſé chez moi ;
Le Laquais précède le Maître ,
Le Manant paſſe avant le Roi ,
Le fimple Clerc avant le Prêtre ;
Le Printemps vient après l'Eté ,
Noël avant la Trinité :
C'en eft affez pour me connoître .
( Par M. Lagache fils , d'Amiens.
LOGOGRIPHE.
A Mlle. ***
NEGLIGE chez Zulmis , recherché chez Hortenfe,
Je donne à vos attraits ces charmes féducteurs ,
B 2
28 MERCURE
f
Qui , maîtrisant l'indifférence ,
A vos genoux enchaînent tous les cours.
Jeune Hébé , fi quelque nuage
Me dérobe encore à vos yeux ,
Dans les huit pieds dont j'offre l'affemblage ,
Cherchez mon nom myrieux :
Vous Y trouverez la monture
Du Compagnon d'un fameux Chevalier ;
Une célefte nourriture ;
Un infecte rongeur ; un terme familier ;
Chez vous un être indeftructible ;
Un Miniftre Mahométan ;
Une excavation dont l'effet eft terrible ;
Un vêt.ment finiftre ; un des mois du Printemps ;
L'efpace que Plébus emploie
Four paffer, tour à tour, dans fes douze maifons ;
Une fille d'Atlas' ; des Grecs une monno˚e ;
Un titre prodigué ; l'argus de nos priſons :
Si ce n'eft point affez , je vous préfente encore
Ce qui naît chaque jour fous les pas de l'Aurore.
( Par le même. )
uv naj
DE FRANCE. 29
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MOTIFS ET PLAN D'ÉTABLISSEMENT
dans l'Hôpital de la Salpêtrière , d'un
Séminaire de Médecine pour l'enfignement
des Maladies des femmes , des Accouchemens
, & de la confervation des
enfans , préfenté à l'Affemblée Nationale
par M. ALPHONSE LEROY , Docteur-
Regent , & Profeffeur en la Faculté de
Medecine de Paris . De l'Imprimerie de
Didot fils aîné , rue Pavée-Saint- Andrédes-
Arcs ; & fe trouve à Paris chez
Leclerc , Libraire , quai des Auguftins.
و
CE Pian a paru à nos Légiſlueurs digne
d'une attention réfléchie ; ils en out runvoyé
l'examen aux Comités réunis de
Conftitution , de Mendicité & de Salubrité ;
au premier , fans doute , comme pouvant
entrer dans le plan général de l'inftitution
publique ; au fecond , daprès le local où
il feroit néceffaire de l'établir , au dernier,
comme tenant effentiell.ment à l'Ait de
guérir .
Il aura des ennemis & des contradicteurs
: l'Auteur fort de la route commune ; il
défabafe du fatras des Livres , & fait voir .
les dangers de la routine : il a donc contre
lui l'ignorance & le faux favoir . » La
B 3
30 MERCURE
""
33
ſcience , dit il , eft morte dans les Livres ;
elle ne peut vivre que dans un enfeignement-
pratique. Par lui feul vous ré-
» duirez à l'unité le nombre des Livres ,
» dont la multiplicité doit toujours être
» regardée comme une preuve certaine de
l'ignorance de l'Art « Cette affertion lui
paroît avoir befoin d'un appui . Il le trouve
ns l'exemple des Mathématiques . En
Mathématique , il n'y a qu'un petit nombre
de Livres ; c'eft la plus grande preuve
de la certitade des principes de cette
Science. Enfin il tranche le mot : Jamais
» on ne vit en Médecine plus de Livres ,
& jamais moins de progrès généraux « .
Nous demanderens à M. le Docteur ; fi
c'eft la feule Science à qui cet accident foit
arrivé.
93
23
ود
Voici bien une autre hardieffe . Qu'une
Société nouvelle de Médecine n'annonce
donc pas les volumes nombreux que
chaque année elle enfante comme une
preuve de fon utilité. Ces mailes littéraires
, bonnes pour frapper l'efprit du
vulgaire , nous ont elles valu en Mé-
» decine la découverte d'un feul adage « ?
Il faut avouer que dans ce moment - ci , les
Jurandes d'efprit & de fcience jouent de
malheur. En voilà une qu'on accufe de
trop écrire , d'autres font accufées de n'écrire
pas affez ; toutes d'être inutiles ,
quelques-unes de pis : c'est un orage. Les
unes fe fauveront , les autres non ; & le
DE FRANCE. 3 ་
malheur des naufragées fera peut être
qu'excepté leur équipage & la claffe des
afpirans , elles ne feront plaintes ni regrettées
de perfonne.
Après avoir paffé en revue les d fférentes
caufes qui fe font oppofées jufqu'ici
en France , aux progrès de l'Art des accouchemens
, & nous avoir véritablement ef
frayés par l'apperçu de l'horrible dépopulation
qui en eft la fuite , M. Alphonie Leroy
nous raffure & nous confde en certifint
que la faute en eft tot e entière
aus erreurs de l'Art ; & non à la Maure ,
qui n'avoit point attiche tant de danger's
à la reproduction de l'efpèce humaine. » Il
» cft pourtant , dit - il , une vérité conf-
» tante ; c'eft qu'il ne doit périr aucone
femme dans l'accouchement , & trèse
peu dans les fuites .... La groffetle att
pour la femme une fûreté , & , pour
" ainfi dire, un gage de vie : la Nature , en
" confervant une femme pendant fa grof-
» feffe , n'annonce-t- elle pas la toute puiffance
de l'Art dans l'accouchement &
" dans fes fuites ? Mais en fubftituant le fer
à l'énergie des moyens médicinaux , la
وو
"3
»
و د
"2
» marche de la Nature eft violentée , contrariée
, & forcée de réagir contre ellemême
".
22
70
C'eft en rappelant l'Art aux principes
d'une théorie fans ceffe éclairée par la pratique
, qu'il eft poffible de le remettre d'accord
avec la Nature . La marche indiquée
B 4
32 MERCURE
>
dans le Plan de M. Leroy, paroît extrêmement
propre à faciliter cette réconciliation
qu'il feroit fort à détirer de voir s'étendre
aux auties parties de la Médecine . Le titre
feul annonce dans quel lieu & fous quelle
forme ce Plan devroit être exécuté. Il est
aifé de fentir que pour un pareil enfeignement
, un Hofpice quelconque , cù fe trouvent
réunies un grand nombre de femmes ,
eft le local indifpenfable des leçons. Soit
que dans le nouveau Régie qu'un va
bientôt s'occuper de do ner aux Hôpitaux,
on conferve la Salpêtrière , foit que cette
réunion de femmes le trouve établie dans
un autré Hôpital , le nom du lieu eft indifférent
; c'eft fa nature & la deftination qui
importent.
Il ne faut pas que le titre de Séminaire
effraie ; ce font à la vérité dix - huit mois
de retraits abfolue que Mr. Leroy ex ge
de fes Elèves ; mais quel jeune homme ,
épris de fon Art , craindra de faire ce facrifice
à fon inftruction , à fa fortune , à fa
gloire future , & au bien de l'humanité à
Pour motiver cette condition févère , la
raifon concourt avec les autorités. Formés
dans la retraite , aux moeurs , à l'étude , à la
méditation & à la pratique des principes,
avec quels avantages les Elèves ne fe
préfenteroient - ils pas fur le théatre du
monde ? Comment , au contraire , dans l'âge
bouillant des pallions , fe livreroient - ils
au milieu des attraits de la Capitale , à
des travaux fuivis qui exigent la médita
DE FRANCE. 33
tion la plus profonde ? En Egypte , en
Grèce , c'étoit dans les temps d'Efcul.pe ,
& loin du tumulte , que les Elèves étoient
initiés à l'étude de la Médecine .
Il n'est plus temps de dire avec Molière :
Les Anciens étaient les Anciens , & nous ,
nous fommes les gens d'aujourd'hui. Les
gens que nous allons être peuvent afpirer
à imiter en tour les Anciens . C'eft leur
nullité politique , c'eft leur fervitude volontaire
qui a dégradé les Nations modernes ;
en redevenant libres , elles doivent repreadre
les moears & l'énergie qui fuivent tou
jours la liberté civile ; elles remontent en
quelque forte vers l'Antiquité.
Quel feroit le plan d'inſtruction à fuivre
pour le Maître & pour les Difciples ? C'eft ce
qu'il feroit trop long de détailler ici . Nous
n'indiquerons ici que la forme conftitative
de l'établiffement. Chaque Département
choifiroit au concours , ou d'après une réputation
commencée , un jeune homine
exerçant déjà l'Ait depuis quelque temps.
Peu importeroit que fon titre fût de Médecin
ou de Chirurgien : on ne conſidérereit
en lui que l'aptitude à recevoir & à tran
mettre la Science . Les Elèves demeureroicut
quinze mois ou dix huit au plus dans ce
Séminaire . Il en fortiroit d'habiles Maîtres .
Un Médecin & deux Démonftrateurs , uniquement
livrés aux fonctions de la praique
& de l'enfeignement , ne demanderoient
pas un plus long temps pour les
B S
34 MERCURE
former. Retournés dans leurs Départemens,
ils acheveroient , en opérant , d'acquérir la
perfection de l'Art ; ils mettroient les Sagesfemmes
fur la voie d'une faine pratique , en
les inftruifant des élémens & des principes.
Chaque Département donneroit pour l'Elève
qu'il enverroit à cette Ecole , une fomme
de 1300 livres , i l'Elève ne la fourniffoit
pas lui même ; & il n'y a nul doute
que beaucoup de jeunes Médecins ne vouluffent
fournir cette fomme , bien fûrs
d'en être dédommagés par la confiance publique
qu'ils fe feroient mis en état de mériter.
La maffe provenant de ces quatre-vingttrois
fommes fuffiroit à tous les frais de
l'inftruction & de l'établiffement.
Dans les différens emplois qu'on en
pourroit faire , on aime à trouver celui- ci
qui fait voir que les foins de bienfaifance
ne font pas plus nouveaux à l'Auteur , que
les grands principes & la pratique de fon
Art. Chacune des femmes qui auroit accouché
en préfence des Elèves , recevroit
au fortir de l'Hôpital , une modique fomme
d'argent. » Pendant plufieurs années , ajoute
en note M. Leroy , j'ai donné cette
forte d'inftruction pratique , au profit
des pauvres femmes. Immédiatement
après être accouchées , elles étoient tranfportées
à l'Hôtel - Dieu : en fortant de
I'Hôpital , je leur remettois 12 livres.
Celles qui étoient économes , achetoient
ou du poiffon , ou des fruks , ou des
DE FRANCE. 35
légumes qu'elles revendoient par les
» rues ; & des profits de ce petit capital ,
j'en ai vu plufieurs remonter le ménage
» & nourrir la maifon ".
Il ne borne pas à la France , ni à la
partie blanche de l'efpèce humaine ſes vûes
d'humanité. Dans l'énumération rapide
qu'il fait de l'horrible mortalité qui emporte
un fi grand nombre d'enfans , &
qu'il fait monter à plus des dix-neuf vingtièmes
des enfans trouvés , & à plus de
la moitié de ceux qui font confiés aux
-Nourrices , il compte aufli pour chaque
année dans nos Colonies d'Amérique plus
de trente mille petits négrillons ; & cependant
, felon lui & felon la Nature.
qui ne produit pas exprès pour détruire
l'économie des enfans bien développée
des principas bien établis , & des foins bien
dirigés , pourroient conferver la plus grande
partie de ces générations qui s'engloutiffent.
Il fe propofe d'offrir bientôt aux Affemblées
Coloniales les moyens de préferver
les négrillons du tétanos ou mal de
mâchoire , qui en enlève le plus grand
nombre , peu de jours après leur naillance .
» Je démontrerai , dit- il , les caufes diffé-
» rentes de ce défaftre ; les unes dépen-
» dantes du climat , d'autres de la fituation
» des lieux , d'autres de l'organiſation particulière
de l'efpèce noire , &c . Ap è
avoir expofé ces caufes & beaucoup
d'autres , on verra les foins particuliers
qu'exigent ces fortes d'enfans à leur 93
36
MERCURE
"
naiffance. D'après des expériences heu
reufes qui ont confirmé & agrandi nos
vûes , il fera facile de conclure qu'on
» peut conferver le plus grand nombre
de ces enfans , & par conféquent faire
ceffer ou réduire de beaucoup le trafic
de la traite des Noirs ".
C'est encore ce que ne lui pardonneront
point les partifans intéreffés de cette traite :
fur ces trente mille négrillons , M. Le -t
goy parvenoit à en fauver vingt mille ,
ce feroient d'abord vingt mille Nègres,
de moins que ces Mellieurs pourroient
vendre enfuire ces vingt mille auroient
à leur tour des enfans qu'on ne laifferoit
point mourir du tétanos ; voilà dans quelques
générations le Commerce des Nègres
perdu , fans que nos Colonics manquent
de bras pour la culture , & tout cela parce
qu'un Médecin Philofophe s'eft avifé de
trouver un remède à ce mal qu'il étoit fi
commode & fi utile de regarder comme
incurable. On doit croire qu'il s'oppofefont
de toutes leurs forces à ce projet.
anti-commercial . Pour que nous ayons de
bon fucre & de bon café , il eft clair
qu'il faut non feulement qu'une foule de
nos frères noirs expient leur couleur par
Fefclavage & par des travaux de bêtes de
fomme il faut encore que leurs enfans
meurent du tétanos , afin qu'on foit obligé
de les renouveler fans ceffe , & que des
Marchands d'hommes aillent annuellement
DE

FRANCE.
s'enrichir à dépeupler l'Afrique pour vendre
des cultivateurs à nos Colonies Américaines .
L'ELÈVE de la Nature , nouvelle édition ,
de laquelle on a retranché tout le III
Volume , pour y fubftituer d'autres détails
plus liés au corps de l'Ouvrage. 2 Abl. ·
in- 12. A Genève ; & fe trouve à Paris,
chez Lejay , Libraire , rue de l'Echelle-
Saint Honoré; & à Bordeaux , chez Bergeret
, Libraire.
LA première édition de cet Ouvrage ,.
publié il y a plus de 25 ans , fur alors trèsbien
accueillie. Le développement pros
greif des facultés humaines dans un être
livré à lui - même , féparé long - temps de
route fociété , & qui pale enfuite parmi
fes hommes , étoit une idée très philofo- ,
phique , qui fuffifoit prefque pour affurer,
le fuccès du Livre . L'Auteur a profité dest
critiques qui lur furent faites dans la nou- >
veauté de fon Ouvrage ; il en a fur - tout
retranché les longueurs qu'on lui reprochoit
. De trois Volumes il Pá r'duit ent'
deux , dont l'un eft intitulé , la Solitude
& l'autre , la Société. Il cf ainfi parvenu
à donner à four Livre l'unité de deflein qui
lui manquoit La forme fons laquelle les
fait reparoître baprès que la première édi- !
tion eft épuitée promet fans doute à
celle - ci un encore plus grand que
la precedente. thecm caab 9 ..
49 MERCURE
SPECTACLE S.
THEATRE DE LA NATION .
Nous avions promis de rendre compte
des repréfentations du Siége de Barcelones
de Quinault : mais qui pourroit s'occuper
des Coups de l'Amour & de la Fortune ',
quand nous avons à parler de ceux du
Patriotifme & de la Liberté ?
La Tragédie de Brutus , fi impatiemment
at endue , fut enfin remife au Théatre le
Mercredi 17 du mois dernier. Cette Pièce,
où l'horreur d'un Gouvernement tyrannique
eft exprinée avec tout le feu du génie
de Voltaire dans l'ardente vigueur de fa
jeuneffe , avoit également attiré à fa première
repréfentation ceux dont notre heureufe
Révolution élève les penfées , & ceux
dont elle humilie l'orgueil. L'efpoir de ces
deniers étoit de trouver dans les principes
d'Arons , Ambaffadeur de Porfenna , des
vers favorables aux intérêts de leur Parti ,
& de les faire valoir par de bruyars applaudiffemens.
Il n'est pas douteux qu'ils
n'euffent réuni toutes leurs forces pour
ce projet ; combien ces efpérances furent
trompées ! Leurs premiers battemens de
DE FRANCE. 41
mains furent étouffés par des clameurs fi
fortes & fi nombreuſes , qu'ils curent bientôt
fenti toute leur impuillance. Cette tifte
épreuve de leur féislife devioit bien les
dégoûter pour jamais de pareilles entreprifes
, qui ne peuvent avoit d'autre effet
que de provoquer de condamnables excès ,
dont les témoins ont à gémir comme les
victimes.
Sans doute , fous l'Empire de la Liberté ,
les fuffrages doivent être libres as Théatre .
Mais je le demande à tous crux dont l'ame
eft capable de quelque fentiment , qui pouvoit
s'empêcher de frémir d'indignation ,
en voyant , non des hommes vieillis dans
l'abrutiffement du pouvoir abſolu , mais de
jeunes gens dont le coeur devroit être fi
prompt à s'élever à toute la hauteur de la
Liberté , refter mornes & immobiles aux
expreflions brûlantes du Patriotiſme dont
tous les efprits étoient enflammés autour
d'eux , & tenter enfuite , fons main , quelques
applaudiffemens honteux aux baffes
maximes de la fervitude , que les autres ne
pouvoient fouffrir d'entendre que pour les
charger de leurs mépris ? De quel côté reconnoître
, dans un tel contrafte de fentimens
, ce qu'on a prétendu nous faire croire
durant tant de fiècles , de la noble fierté du
Gentilhomme & de l'abjection du vil Plébéien
?
On ne fut pas moins indigné de voir
42 MERCURE
·
quelques femmes dont la phyfionomie eft
toujours prête à peindre vivement leurs
émotions , montrer la plus froide indifférence
à l'expreffion des fentimers généreux
de l'amour de la Patrie & de l'horreur de
l'esclavage . N'ont elles donc point d'enfans
pour s'enorgueillir de les voir libres ? Outelles
oublié que toutes les Dames Romaines
portèrent un an entier le deuil de
Brutus ?
A certains vers qu'ils s'étoient donnés
pour figual , tous les partifins des anciens
Principes fe levèrent en criant : Vive le
Roi ! Que vouloient ils d ne exprimer par
ces cris ?.... Vive le Roi ! Eh ! ne Lavonsnous
pas crić nous mêmes d'une voix plus
forte & fur-tour plus pure ? Oui , certes
nos cris n'étoient point jetés par le défelpoir
de l'orgueil, de l'ambition ou de l'avarice
: c'étoit l'accour de la reconnoiffance
& de l'amour pour le premier Roi Citoyen.
Mais nous ne l'avons pas fait retentir tout
feul ce nom chéri : pourquoi s'y bornoientils
? La Loi , la Patrie & la Liberté ne fontelles
rien pour eux ? Ces noms facrés ne
font- ils pas devenus inféparables pour tout
François qui fait gloire de l'être ?
Un jeune Citoyen fe leva entre les deux
Pièces , pour demander que le Bufte de
Voltaire fût apporté fur le Théatre & couronné
de lauriers. M. Pieyre , Auteur de
l'eftimable Comédie de l'Ecole des Pères ,
DE FRANCE. 43
profita de cet intervalle pour compofer ces
quatre vers , dont la lecture , adreffée à
l'image de Voltaire , reçut les plus vifs applaudiffemens
:
Les beanrés de Brutus , aujourd'hui mfeux fenties ,
Trouvent enfin leur place au Théatre Français :
Par un Peuple nouveau tu les vois applaudies ;
La feule Liberté manquoit à tes fuccès.
On ht auffi des vers qu'un Grenadier
du cenite , en fentinelle aux Troifièmes ,
avoit fait jeter fur le Théatre. L'Aureur fut
demandé à grands cris . fe montra dans
une Loge , en préfetrant les armes à 1 Afemble
, qui lui témoigna combien elle
tiqt fenfible à l'expreffion de fon civifme.
ر
Les repréſentations fuivantes de Brutus
ont été moins tumultueufes fans
exciter des tranfports moins vifs dans
tous ceux à qui l'amour d'une Conftitution
encore plus favorable à la Liberté que celle
de Rome , infpire déjà les fentimens qui
doivent naître de leur régénération .
Nous ne devons pas oublier qu'à la feconde
repréſentation , le Peintre du Serment
des Horaces & de la Mort de Brutus ,
M. David, dont le Patriotifme eft digne de
fon génie , avoit fait placer fur la Scène un
Bufte de Brutus qu'il a apporté de Rome.
Mille graces lui en foient rendues ! Quoi
de plus augufte & de plus impofant que
44 MERCURE
l'aspect du premier Fondateur, de la Liberté
des Romains , & du Génie immortel qui
a préparé la nôtre par fes Ecrits ! Dans
l'illation de l'enthouſiaſme , il fembloit que
ces deux Grands Hommes étoient à chaque
inftant prêts à s'animer pour recueillir
l'hommage des ne bles fentimens qu'ils élevoient
dans tous les coeurs .
Il feroit bien à fouhaiter que la Tragédie
de Brutus fût repréfentée en ce moment
fur tous les Théatres du Royaume , pour y
échauffer de plus en plus l'efprit patriotique .
Nous défirerions fur-tout qu'elle y fût jouće
avec la franchife , la verve & l'énergie que
M. Vanhove a fait éclater dans le perfonnage
de Brutus , & avec la chaleur & la
fenfibilité qui ont fait diftinguer plus que
jamais heureux talent de M. St- Phal.
THEATRE ITALIEN .
ONN ne peut exiger d'un Auteur dramatique
que ce qu'il a promis , & il feroit
injufte de le juger avec une févérité plus
grande que fa prétention . Celle de M. Davrigny
, en compofant la petite Pièce qu'il
a donnée fous le titre des Portraits , n'a
été , comme il le dit lui- même , que d'érablir
un cadre où un jeune Artiste Italien ,
M. Francefco Parenti , pût déployer fes
DE FRANCE. 45
talens , & de faire reparoître d'une manière
plusintéreffante , une Cantatrice bien juftement
chérie du Public , qui s'en étoit cru
privé pour toujours. Nous ferons donc
d'accord avec l'Auteur , comme avec les
fpectateurs , en paffant légèrement fur le
Poëme , qui eft tiré d'un canevas Italien
de M. Goldoni. Nous obferverons feulement
que le comique de l'original na ffoit
de la figure bizarre d'Arlequin oppoſte à
celle de fon Maître ; & que ce comique
difparoît néceffairement en François . Cet
échange de portraits, en paffant par diverfes
mains , forme tout l'imbroglio de la Pièce ,
& amène le dénouement qui pouvoit , il.
faut l'avouer , venir au commencement
tout aufli bien qu'à la fin . Mais l'intrigue ,
toute légère qu'elle eft , fuffit pour foutenir
l'attention qu'on doit aux beautés muficales
; & c'est tout ce qu'on a voulu .
La mufique offre beaucoup d'airs &
plufieurs duos d'un chant fort agréable , &
dont les accompagnemens font travaillés
avec foin . On y retrouve ce fel de bouf- '
fonnerie attaché à la mélodie même , indépendant
des paroles , mais qui fervent à'
les faire valoir , & dont les Maîtres Italiens
paroiffent feuls poffeder le fecret. On
a diftingué fur - tour le final du premier
Acte. Le défir de plaire à tous les Acteurs
qu'il employoit , a engagé M. Parenti à
multiplier les paffages dans fes airs ; ce
qui les rend d'un caractère trop uniforme ,
46
MERCURE
& répand une forte de monotonie fur tout
F'Ouvrage. Il eft à préfumer que plus
maître de les moyens à l'avenir , il facrifiera
ces confidérations au mérite de l'en-
· femble. C'eft ce qu'on doit attendre de
fon talent , s'il tient tout ce qu'il promet.
Madame Davrigny a furpaffé de beaucoup
L'idée avantageufe qu'on s'étoit faite de fes
progrès pendant l'abfence d'un an qu'elle
a faite à ce Théatre . Loin de perdre des
qualités qu'on lui connoiffoir, elle les a aug→
mentées,& en a même acquis beaucoup d'autres.
Sa voix qui a la même pureté , la
même égalité , la même douceur , une agilité
, une facilité auffi étonnante , a beaucoup
plus detimbre , de volume & d'étendue.
Elle montoit auffi haut qu'il eft permis à
la voix humaine de former des fons appréciables
; mais les cordes graves étoient
molles & foibles ; elle les a cultivées avec
fuccès , les a rendues égales aux autres , tant
pour la force que pour la qualité de ſon , &
elle poſsèle aujourd'hui uneéchelle de vingtdeux
à vingt- trois fons , du fol grave au
fol, ou même au la aigu , étendue qu'aucune
voix en Europe ne furpaffe .
Cette charmante Cantatrice avoit jufqu'ici
donné lidée de ce qu'il y a de plus parfait
du côté de l'exécution ; mais on la défiroit
plus fenfible & plus animée : elle a
empli ce défir ; & la perfection qu'elle avoit
montrée dans la bravoure , elle la montre
aujourd'hui dans le cantabile. Son jeu même,
DE FRANCE. 47
fa diction , fen maintien fur la Scène
ont fingulièrement acquis. On voit dans
cette Pièce que la gaîté ne lui eft point
étrangère , comme on l'avoit cru , & que ,
pour fe livrer aux mouvemens dramatiques
, elle n'aj befoin que d'y être excitée
par la nature de fes rôles .
Le Public a demandé les Auteurs , & ōn
les a nommés. Il a demandé aufli Madame
Davrigny : elle a paru , & a été reçue avec
des applaudiffemens qui juftifient cet éloge.
Nous n'y ajouterons point celui des autres
Acteurs de la Pièce , ni celui de l'excellente
méthode de chant que quelques- uns d'entre
eux commencent à naturalifer fur ce Théa
tre : nous aurons l'occafion d'y revenir.
NOTICES.
Examen rapide d'un Mode d'organisation pour
la Garde Nationale ; par M. T..... Guiraudet.
Brochure de 40 pages . A Paris , chez Lejay fils ,
b. Imp. rue de l'Echelle St-Honoré.
Ce font des vues qui nous paroiffent trèsfaines
& appuyées de raifonnemens très-folides
fur l'état futur de la Garde Nationale , que l'Auteur
diftingue en l'appelant l'Armée de la Conftitution
, de celle qui exifte aujourd'hui provifoirement
, dont il célèbre la bravoure , le patriotifme
& l'utilité , & qu'il appelle l'Armée de la
Révolution . L'Affemblée Nationale s'occupe maintenant
de cet objet ; ce qui recommande forte
ment cette Brochure à l'attention publique.
MERCURE DE FRANCE.
Chocolats divers , de la Fabrique du Sr. Duthu ,
Md. Epicier Droguiſte , rue St- Denis , vis-a-vis
Sainte -Opportune , No. 272 , à Paris .
Les qualités précieufes qui diftinguent le Chocolat
fabriqué par M. Duthu ayant été bien
éprouvées , après avoir reconnu dans fon procédé
le rélultat d'une théorie faine & d'une pratique
sûre , l'annonce en fut inférée , il y a deux ans ,
dans ce Journal . L'expérience a prouvé depuis en
fa faveur , & la confiance dont jouit M. Duthu
pour cet objet , nous engage à renouveler certe
annonce , & à donner la lifte détaillée de fes
Chocolats , avec leur prix . Il eft eflentiel que les
perfonnes qui voudront s'en procurer , s'aflurent
du Numéro de fa ma fon , pour éviter tout abus ,
& qu'elles faffent attention que chaque livre de
Chocolat , première qualité , porte fa fignature à
la main fur la couverture ; ceux de la 2e. & ze .
qualités , portent fon adreffe feulement.
Première qualité.
De Santé , 4 liv. A demi- Vanille ,
--
--- A demi-
1 .
4 1. 10 f.
A une Vanille , 5 livi A deux Vanilles , 6 I.
De Sarté à mi - Sucre , 4 liv. f.
5.
Vanille, 4 liv. 15 f. A une Vanille , 5 liv.
Chocolat gommeux , 6 liv. Sans Sucre , 6
A JEfpagnole , 6 liv.
--
Seconde qualité, vulgairement appelés fins:
De Santé , liv . - A demi-Vanille , 3 liv. 8 f.
- A une Vanille , 3' 1. If [. Sans Sucre , 3 1. 18 f.
Troifième qualité.
De Santé , 2 liv. A demi -Vanille , 2 liv . 8 f.
Aune Vanille , 2 liv. 15 f.
ད་དོག་ TAB L E.
I
CAPITRE O10
Vers.
L'Elève de la Nature. 37
Variétés.
27 Spectacles.
29. Notices .
47
Aco & +
38
Les Déjeunés du Villege. 9
Charade , En. Log.
Motifs.
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
IL
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 18 Novembre 1790 .
L. eſt peu d'états où le principe de limnutabilité
ait été plus long- tems , & plus
religieufement
confervé que dans la Monarchie
Pruffienne. Le feu roi avoit tellement
uni les moindres parties de chaque adminiſtration
, qu'un changement
dans quelques
détails devient important. Le nouveau
règne a amené peu d'idées nouvelles : on a
craint de toucher à l'édifice délicat , con'-
truit fur la bafe de l'expérience
par Frédé
ric II ; mais le tems a pû faire découvrir
des abus dans certaines
inftitutions & a
dicté quelques réformes . Par exemple , pour
mert e plus d'harmonie
dans l'adminiftra
N' . 49. 4 Décembre 1799.
A
( 2 )
tion militaire , le gouvernement vient d'adopter
la réfolution fuivante , communiquée
le 13 au public .
» Le roi ayant refolu d'étendre la fphère d'activité
de fon grand confeil de guerre , ainfi que fes
liaifons & fa connexité immédiates avec fon directoire-
général , vient de l'incorporer à perpétuité
avec le département militaire de ce dernier ,
en lui confervant fa forme ordinaire , & en ordonnant
, qu'il formera dorénavant le huitième
département de fon directoire général , lequel fera
préfidé en fecond par fon , miniftre - d'état M. le
comte von der Schulenburg-Kehnert , qui néanmoins
confervera fa féance & voix délibérative ,
ainui que fon département dans le grand- directoire.
En même temps , S. M. ayant voulu avoir
égard au droit inhérent à l'état militaire de la
monarchie pruffienne , en conformité duquel il ne
peut recevoir des ordres de l'état civila élové
fedit miniftre d'état & préfident de guerre , comte
von der Schulenburg-Kehnert , au grade de lieutenant-
général de cavalerie , en confidération des
fervices militaires , qu'il a rendus à l'état pendant
tout le temps de la guerre de 7 ans . De plus ,
comme les affaires de ce huitième département
feront étroitement liées à celles des 4 premiers
départemens du grand confeil de guerre , le roi
a trouvé bon de nommer membres dudit huitième
département , e lieutenant- colonel , & affeffeur
du deuxième département , M. le baron
de Schrotter , & le major & affeffeur du premier
département M. de Guionneau , en leur accordant
le rang & le titre de confeillers - privés actucis
d'état , de guerre & des domaines , avec féance
& voix délibérative dans le grand- directoire . Sa
( 3 )
majefté a nommé en outre membres du même
huitième département les deux confeillers-privés
des finances MM . de Seegner & Burghoff , en
leur confervant leur pofte refpectif dans le directoire
-général . Conformément à cette difpofition
, ladite incorporation fe fit hier folemnellément
à 10 heures du matin dans la maifon des
princes , en préfence de S. A. R. Mgr. le princehéréditaire
de Pruffle , après que les deux préfidens
du grand confeil de guerre eurent reçu leurs inftructions
des mains de S. M. elle-même . Ce fu
S. Exc . M. le lieutenant- général de Rohdich ,
qui fut chargé de l'acte folemnel de l'inſtallation
des membres , qui compoferont à l'avenir ledit
confeil , & qui les prit à ferment , après la lectare
qui leur fut faite de l'inftruction donnée par
S. M. pour la nouvelle conftitution « .
L'état des négociations avec la Ruffie
étant fubordonné au fort définitifde la campagne
actuelle fur les bords du Danube
à celui des différends de l'Angleterre avec
Efpagne , & au plus ou moins de fermeté
des cabinets intéreffés , il eft encore difficile
d'en fixer le réfultat. Il eft certain cependant
, que la cour de Pétersbourg qui a
daigné abaiffer fa hauteur devant le roi de
Suède , perd chaque jour de fon exigeance
envers les Ottomans . A trois repriſes , elle
a offert des conditions de paix dont la
dûreté a fléchi de mois en mois. On annonce
maintenant que l'ambaffadeur de.
Ruffie à Vienne a reçu du prince Potemkin
, par les mains du major Powalifchin , un
dernier ultimatum pour la conclufion de la
i
A 2
( 4 )
paix. Ces propofitions , ajoute - t on , feront
communiquées aux plénipotentiaires turcs
au congrès de Siztove ; elles conſiſtent dans
les quatre points fuivans.
1º. Il ne fera point queftion de la médiation.
provifoire , ni de la garantie des puiflances maritimes
d'Angleterre & de Hollande 2º . La Ruffic
confervera la Crimée , ainfi qu'Akierman &
Oczakof. 3º . La Ruffie renoncera à la prétention
de la déclaration d'indépendance des provinces
de Moldavie & de Wallachie , à condition
que Chorzim fera démoli ; enfin 4º . la fortereffe
de Bender reftera dans fon état actuel , &
fes fortifications ne pourront jamais être rétablies
par les Turcs.
Sans doute , fi les Ottomans peuvent obtenir
une paix favorable , l'objet principal des
Gours médiatrices fera rempli. Leurs autres
vues peuvent être confomniées par des traités
avec la Porte , qui auroient un effet équivalent
à la garantie que rejette la Ruffie.
,
Les troupes dans les deux Pruffes ſe
rendent aux quartiers d'hiver. Le corps
Poméranien reflera aufli dans la Pruffe
orienta'e à l'exception des dragons
de Lottum , de Gilfa & de Norman qui
retournent à leurs gatnifons ordinaires ,""&
reftent fur le pied de campagne .-- Les troupes
aux environs de Dantzik font fous les ordres
du général de Brunig , dont le quartier général
eft à Stolpe . 80 pièces de canons &
de mortiers , qui ont été tranfportés de la
( 5 )
Silefie à Lawenbourg dans la Fommérelio,
feront placés dans les nouvelles redoutes
à New Farvasher.
Les troupes Ruffes de la Finlande défilent
dans la Livonie , où l'armée fera y
pothétiquement de 30,000 hommes & commandée
par le baron d'Igelstroem ; une autre
armée Ruffe hypothétique de 40,000hommes
fous les ordres du général prince d'Olgorcuki
fe trouvera fur les frontières de Pologne ;
un troisième corps d'armée Ye raffemble
dans le gouvernement de Kiovie ; il fera de
25.000 hommes & fous les ordres du général
Kretschnikow.
Nous avons fuffifamment rejeté l'invention
d'une prétendue alliance du Nord ,
fabriquée par les gazetiers. Nos lettres de
Varfovie en date dus , fourniffent une
nouvelle preuve de la chimère de cete
confédération . Le miniftre du roi & de
la république à la cour de Stockholm , a .
éctit à Varfovie que le roi de Suède lei
avoit déclaré que , nonobftant le traité de
paix conclu avec la Rudie , il confervoit
toujours les mêmes fentimens envers la
Porte Ottomane , la Pruffe & la république
de Pologne , & qu'il fouhaitoit de
conclure avec la république un traité d'alliance
& de commerce qui , avec les traités
qui fubfiftent entre la Suède & la Porte &
cette dernière Fuiffance & la Pruffe , ait
pour objet de renouveller l'équilibre dans
1
A 3
6)
le nord. Le miniftre de Suèle a fait la
même ouverture , & il a eu à ce fujet
une conférence avec la commision des .
affaires étrangères. Nul homme fenfe n'a
pu en effet loupçonner que le roi de Suède
méconnût fes intérêts , jufqu'à renoncer au
plan de cette balance du nord , qui feuie
fait fa fauve- garde , celle de la Pologne ,
de la Porte , de toute l'Allemagne fyptentriqnale.
Un fyftême invoqué par l'expårience
& la raifon ne pouvoit céder à des
confidérations momentanées.
I et hors de doute que la maifon de
Saxe fera portée au trône de Pologne. II
nous reftoit à faire connoître la lettre cir
culaire , adreffée à ce fujet aux palatinats
& diftricts , par les maréchaux de la confédération
polonoife, En voici la traduction :
Meffieurs & frères , après avoir expédié , en
date du 24 feptembre dernier , fuivant l'ordre
des états affemblés , une lettre circulaire pour
demander à la nation fi , dans la vue de prévenir
les interrègnes , elle étoit d'avis de nommer
un fucceffeur au trône , du vivant de notre augufte
roi ; nous venons d'être nouvellement
chargés , par la volonté unanime des mêmes
états , de propofer à tous les palatinats , terres
& diftricts affembiés aux diétines , qui vont avoir,
lieu le 16 novembre prochain , le féréniffime
électeur de Saxe comme candidat au trône de
Pologne , après la plus longue vie du roi rè-"
gnant.
Un ordre de cette importance nous fait re9
)

les grands officiers prirent la même route.
Ceft le 10 que l'empereur a fait fon entrée
folemnelle à Presbourg : le lendemain ,
on a élu le Garde noble de la couronne.
Le 12 , les états fe font affemblés fous la
préfidence de S. M. I. Le couronnement
aura été fait le 15. S. M. ne reviendra
dans cette capitale que le 22.
Toutes les preuves d'affection & de fidé-
Jité de la part des Hongrois , ont fuivi celles
de turbulence & d'agitation qui femb.èrent
menacer l'aurore du nouveau règue . Entre
ces témoignages des fentimens de la Hongie
, il faut diftinguer le choix qu'ont fa't
les étars de l'archiduc Alexandre Léopold,
pour Palatin du royaume. Un revenu de
209,000 florins eft attaché à cette dignité.
Les dépêches qu'a reçu l'ambaffadeur , de
Rufic , annoncent la défaite de l'armée Turque
dans le Cuban par le général Hermann : fuivant
la relation Ruffe , plus de foco Turcs ont été tués
& un grand nombre fait prifonniers ; parmi ces
derniers fe trouve le Sérafquier Battal Bey ; (on
s'eft emparé du camp ennemi. Le même courrier
a aufli apporté la nouvelle que le corps Turc ,
fous les ordres du général Muller , s'eft rendu
maître des fortifications extérieures de Kilia ; lcs
Turcs après s'être défendus avec une fureur incroyable
, ont enfin été contraints de fe retiré au
château , fitué fur une hauteur. Le général Muller
a été blefié dangereufement. Le prince Potemkin
a donné ordre à la flatiile d'avancer jufqu'à Kilia ,
& de chaffer les Efchaiques Turques . La prife de
A S
712 )
On a diftribué à Ratisbonne , & on lit avec
avidité un nouvel imprimé , intitulé : « Examen
Légal des décrets de l'Affemblée nationale de France ,
du 8 & 11 août & du 2 feptembre , confidérés
d'après les principes du droit public général , &
d'après les conventions nationales & traités de
paix entre l'Empire d'Allemagne & la couronne
de France ». Le résultat de cet imprimé eft que
l'empereur & l'Empire n'ont jamais renoncé d'une
manière légale & obligatoire à la Suprématie far
l'Alface , que l'on n'a cédé à la France par les
traités , d'une manière abfolue & illimitée , que
les anciennes pofleflions de la maifon d'Autriche
en Alface ; que , par conféquent , les poffeffions
des autres états de l'empire en Alface n'ont jamais
pu ceffer de faire une propriété d'état de la nation
Germanique , & qu'ainfi , le fuprême droit de
propriété ne pouvoit y être exercé par aucune
puiflance étrangère. Les décrets de l'Afemblée
de France ayant difpofés de ces propriétés , ils
ent porté , felon le publicifte auteur de l'ouvrage ,
une atteinte manifefte aux conventions nationales
exiftant entre l'Empire & la France .
PAYS - BA S.
"
Bruxelles le 26 Novembre 1790.
L'agitation des efprits & la variété des
réfolutions ont été proportionnées depuis
15 jours, à la nature des dangers qui meçoient
du terme fatal , la fouveraineté
congrès. Il règnoit la plus déplorable
on dans le vou refpectif des provindans
les états de Brabant , dans les
و ر
les grands officiers prirent la même route.
Celt le 10 que l'empereur a fait fon entrée
folemnelle à Presbourg : le lendemain ,
on a élu le Garde noble de la couronne.
Le 12 , les états fe font affemblés fous la
préfidence de S. M. I. Le couronnement
aura été fait le 15. S. M. ne reviendra
dans cette capitale que le 22 .
Toutes les preuves d'affection & de fidélité
de la part des Hongrois , ont fuivi celles
de turbulence & d'agitation qui femblérent
menacer l'aurore du nouveau , règue. Entre
ces témoignages des fentimens de la Hongie
, il faut diftinguer le choix qu'ont fait
les états de l'archiduc Alexandre Léopold ,
pour Palatin du royaume . Un revenu de
209,000 florins eft attaché à cette dignité.
Les dépêches qu'a reçu l'ambeffadeur de
Rufie , annoncent la défaite de l'armée Turque
dans le Cuban par le général Hermann : ſuivant
la relation Ruffe , plus de foco Turcs ont été tués
& un grand nombre fit prifonniers ; parmi ces
derniers fe trouve le Sérafquier Battal Beyon
s'eft emparé du camp ennemi . Le même courrier
a auffi apporté la nouvelle que le corps Ture ,
fous les ordres du général Muller , s'eft rendu
maître des fortifications extérieures de Kilia ; les
Turcs après s'être défendus avec une furcur incroyable
, ont enfin été contraints de fe´retiré au
chateau , fituéfur une hauteur . Le général Muller
a été blefé dangereufement. Le prince Poremkin
a donné ordre à la florile d'avancer jufqu'à Kilia ,
& de chaffer les Efchaiques Turques , La priſe de
A S
( 16 )
Kilia facilitera celle de mailon, --La fortereffe
de Braila n'eft pas encore affiégée .
1:4
Le marquis de Lucchesini , miniftre plénipotentiaire
de Pruffe ad congrès , eft parti
d'ici depuis 8 jours pour fe rendre à Siftove.
MM. Murray-Keith & de Haeften ,
miniftres , l'un d'Angleterre , l'autre de
L. H. P. , l'ont fuivi peu de jours après.
Les juifs des états de l'empereur viennent
d'obtenir un nouveau droit . Il leur a été
permis de fe livrer aux études de la jurifprudence
& de fe faire recevoir avocats
dans les divers tribunaux ; on leur a promis
en outre de les avancer à d'autres places ,
s'ils s'en rendent dignes par leur application
& leurs talens.
De Francfort fur-le- Mein , le 21 Novembre.
Des feuilles publiques qui ne mettent
aucun difcernement dans le choix des bruits
qu'elles nomment des nouvelles , ent annoncé
un changement abfolu dans le minière
Pruffien. Selon ces bulletins , le
comte de Hertzberg , difgracié , venoit
d'être remplacé par M. Bifchofswerder ;
le duc de Brunfvick avoit aufli été écarté
, & l'influence du prince Henri redevenoit
prédominante . Les lettres de Berlin ,
du 12 , ne difent pas le mot de cette prétendue
révolution , dont les auteurs nouvelliftes
ont trop anticipé fur le fuccès de
( 11 )
quelques intrigues méprifables contre la
monarchie Prulienne , c'eft-à dire , contre
les deux hommies di choix de Frédéric II,
qui foutiennent la gloire & la puiffance de
l'état depuis a mort de ce heros . M. de
Bifchopwerder, ci devint aide-de camp du
roi actuel , a des qualités perfonelles ; il
n'est pas fans intelligence de la guerre ;
mais où auroit- il pris celle de la politique
extérieure , & qui pourroit penter que le
roi donna un de fes Aides - de-camp pour
fuccefleur à un miniftre honoré trente ans
de la confiance du dernier roi , & formé à
fon école ? M. de Hertzberg & le duc de
Brunswick ne marchoient point for la même
ligne d'intérêt . Quant à l'influence du
Prince Henri , on ne conçoit guère quelle
en frot la nature ; S. A. de four temps
écartée de l'adminiflation n'a pû en contracter
l'habitule , ni ne fauroit la pren le
dens l'âge avancé.
La tranquillité eft entiérement rétablie
à Hildesheim , où il s'étoit élevé quelques
mouvemens. Le magiftrat eft parvenu à
éclairer les bourgeois fur leurs véritables
intérêts ; les griefs feront exam nés fcrupuleufenient
, & redreffés s'is font fondes ier
la juftice . On a connu qu'il valoit mix
s'abandonner à un examen fage & réchi
, qu'aux déforires de l'anarchie .
A 6
7 12 }
On a diftribué à Ratisbonne , & on lit avec
avidité un nouvel imprimé , intitulé : « Examen
légal des décrets de l'Affemblée nationale de France ,
du 8 & 11 août & du 2 Septembre , confidérés
d'après les principes du droit public général , &
d'après les conventions nationales & traités de
paix entre l'Empire d'Allemagne & la couronne
de France . Le réfultat de cet imprimé eft que
l'empereur & l'Empire n'ont jamais renoncé d'une
manière légale & obligatoire à la Suprématie far
l'Alface , que l'on n'a cédé à la France par les
traités , d'une manière abfolue & illimitée , que
les anciennes pofleffions de la maifon d'Autriche
en Alface ; que , par conféquent , les poffeffions
des autres états de l'empire en Alface n'ont jamais
1 pu ceffer de faire une propriété d'état de la nation
Germanique , & qu'ainfi , le fuprême droit de
propriété ne pouvoit y être exercé par aucune
puiflance étrangère. Les décrets de l'Aemblée
de France ayant difpofés de ces propriétés , ils
ent porté , félon le publicifte auteur de l'ouvrage ,
une atteinte manifefte aux conventions nationales
exiftant entre l'Empire & la France .
PAYS - BAS.
Bruxelles le 26 Novembre 1790.
L'agitation des efprits & la variété des
réfolutions ont été proportionnées depuis
15 jours, à la nature des dangers qui meçoient
du terme fatal , la fouveraineté
congrès. Il règnoit la plus déplorable
on dans le voeu refpectif des provindans
les états de Brabant , dans les
( 13 )
chefs , dans le peuple. Dès le 5 , les états
de Tournay & du Tournailis avoient ar
rêté de foufcrire aux conditions offertes
par l'empereur. La Fland e , au contraire ,
manifeftoit le deffein de réfifter. Le congrès
s'étoit même occupé de dreffer , & de repandre
un état nominal du contingent à
fournir par chaque province Belgique pour
la défenſe commune. Dans cette extrémité
cruelle , les Chefs propofoient au congrès le
ferment des Grecs avant la journée des Thermopyles
; les autrès efpéroient traîner la
dernière fcène par des négociations . Le
dernier parti ayant prévalu , quatre députés
, MM. de Grave , Petit Jean , de Boufies
& le comte de Baillet d'Anvers , fe font
sendus à la Haye. I's ont remis le 20 aux
plénipotentiaires , une note , par laquelle ils
demandent une fufpenfion d'armes. Les
miniftres ont repondu en ces termes , le
même jour.
» Lorfque dans notre déclaration du 31 octobre
dernier , il vous fut accordé un terme de vingt- un
jours pour accepter nos propofitions , nous ne
vous avons pas caché que fi vous laiffiez écouler
ce tems fans vous décider , nos fouverains refpectifs
ne fauroient plus garantir votre fort. La réponfe
, Meffieurs , que vous venez de nous remettre
manifefte le defir d'un intervalle ultérieur , pour
que votre nation puiffe pefer , réfléchir & exprimer
fon væú : nous en avons fait par à M. le
(comte de Mercy ; & e'eft à notre grand regret
que ce miniftre s'eft déclaré ne pas pouvoir fe
( 14 )
prêter à un plus long délai. Il ne refte donc aux
provinces belgiques , pour prévenir les fuites fa- ,
cheufes que la marche des troupes impériales ne
peut manquer d'entraîner après elles , en cas de
réfiftance , que d'accepter les offres énoncées,
dans notre fufdite déclaration . Vous vous rappellerez
toujours , MM . , que ce n'eft pas de cette
pièce que datent nos exhortations amicales ; mais
que depuis le 17 ſeptembre dernier , nous n'avons
ceffé de vous les répéter , & que fi vous cuffiez .
voulu profiter de nos bons offices , ce tems auroit,
fuffi pour écarter les calamités dont nous ne fommes
pas actuellement les maîtres de vous garan
tir.
Fait à la Haye , ce 20 novembre 1799 .
Signés , AUCKLAND , le comte DE KELLER
L. P. VAN SPIEGEL.
M. le comte de Mercy n'a pas été moins
inflexible. De nouvelles inflances devoient
être faites le lendemain , & très - inuti ement
, puifque l'armée autrichienne eft
prefque à nos portes en ce moment.
Le général de Bender écrivit le 19
qu'il mettoit fes borres , & qu'il ne les
quitteroit qu'après avoir foumis la Belgique
, puifqu'elle refufoit une foumiffion
volontaire. En conféquence , l'armée Autrichienne
s'eft mife en mouvement du 20
au 22 , en trois colonnes , formant enfemble
plus de 35,000 hommes . La première
a paffé la Meule le 20 à Vifet & aux environs
de Liége ; la feconde a fuivi le lendemain
; & la troifième a traverfé le fleuve
( 15 )
à Andennes pour fe porter fur Namur
El es n'ont rencontré aucune oppofition.
Namur , après quelques coups de canon
-tirés en l'air , s'eft rendu dans la nuit de
hier. Le corps extenué qu'on appelloit l'armée
Belgique , a mis bas les armes ,
brûlé fes uniformes , & s'eft rendu prifonnier
de guerre , fans aucune résistance.
Mons a porté le 25 fes clefs aux autrichiens
qui y font entrés comme dans Namur :
ils font maîtres , fans plus de frais , de
Ruremonde , de Tirlemont , &c . Notre
agonie fonne ; douze mille Autrichiens font
à fix lieues d'ici. Le congrès a cru nous
fauver avant- hier en proclamant fouverain
héréditaire & grand duc de la Belgi
que , l'archiduc Charles , troifieme fils de
SM. I. Cette réfolution contraire à la
Pragmatique Sanction , n'eft plus de faifon ,
& il faudra nous foumettre purement &
fimplement. Heureux , fi l'empereur ratifie
les conditions offertes , après une obftination
de notre part à les refufer , qui a forcé
fon général à nous conquérir. Il ne nous
refte prefque pas un foldat : les royaliſtes ,
fortis de l'oppreffion , fe joignent par- tout
aux Autrichiens , dont l'exacte difcipline &
la modération ont épargné tout mauvais
traitement aux habitans.
( 16 )
FRANC E.
De Paris , le 1er. Décembre.
ASSEMBLÉE NATIONALE,
Préfidence de M. Chaffey.
La féance du matin famedi 20 novembre ,
ayant été omife par inadvertance dans le
dernier jour al , nous allons en rétablir l'extrait
qui comprend des décrets importans .
Du Samedi 20 Novembre.
Après la lecture du procès-verbal , le préfident
a annoncé qu'il avoit reçu une adreffe de
M. Trouard de Riolles , arrêté à Bourgoin
comme prévenu de complots anti-révolutionaires ,
& conduit dans les prifons de l'Abbaye à Paris ,
où il eft détenu depuis quelques mois fans
jugement & fans décrét . Cette malheureuſe victime
des foupçons de la liberté fupplie l'Affemblée
de lui permettre de fe tranfporter à Pontà
- Mouffon , ou dans un appartement à Paris ,
& d'y payer fes gardes . Sa fille étoit à la barre
pour implorer une grace , qu'en relifant la déclaration
des droits de l'homme on croiroit devoir
appeller juftice. M. Duquesnoy a peint la fituation
doulourcufe du prifonnier & appuyé fa
requête. M. Fréteau a obfervé que M. de Riolles
n'eft détenu que par ordre de l'Affemblée , qu'il
ne pouvoit être jugé faute de tribunaux , & a
conclu comme le préopinant. M. Prieur n'a formé
que le voeu d'une prifon falubre . Plus frappé
F
( 17 )
du danger qu'il y auroit à élargir M. de Riolles ,
que des fuites cruelles d'une détention arbitraire ,
inconftitutionnellement prolongée , M. le Chapellier
a propofé que des commiffaires pris dans
l'Affemblée nationale fufient autorités à pourvoir
à ce qu'on donnât au prifonnier un appartement
commode & fain dans les prifons de l'Abbaye,
Deux épreuves ont laiflé la priorité indécife
ntre la pétition de M. Duquesnoy & celle de
M. le Chapellier. M. Moreau de Saint- Méry a
fait à celle-ci l'amendement de fubftituer aux
légiflateurs défignés commiffaires , les adminiftrateurs
de la police de Paris , & la propofition ,
ainfi amendée , eft paflée en décret .
Sur un rapport de M. Barrère de Vieuzac ,
au nom du comité des domaines , l'Affemblée a
autorifé la municipalité de Paris à fe fervir
provifoirement des prifons de Vincennes pour y
faire transférer les prifonniers que les cachots
de Paris ne peuvent plus contenir , & à y faire
en conféquence les réparations néceffaires . On
fait que le roi avoit fait vider & fupprimer cette
prifon d'état .
Il a été vendu , par décrets , des biens nationaux
à différentes municipalités , & l'on a
repris la fuite des articles adoptés fur la contribution
foncière .
Articles additionnels fur la contribution foncière,
TITRE I I.
>
cc Art. XI. La cotisation des maifons fituées
hors des villes , lefquelles feront habitées par
leurs propriétaires & fans valeur locative , fera
faite à raifon de l'étendue du terrein qu'elles
occupent , fi elles n'ont qu'un rez - de- chauffée ;
( 18 )
la cotifation fera double , fi elles ont un étage ,
triple pour deux , & ainfi de fuite pour chaque
étage de plus .
Le terrein fera évalué fur le pied des
meilleures terres labourables de la communauté .
» XII . Quant aux maifons qui auront été
inhabitées pendant toute la durée de l'année
expirante au jour de la confection du rôle ,
elles feront cotifées feulement à raison du terrein
qu'elles occupent , évalué fur le pied des meilleures
terres labourables de la communauté.
» XV. Les mines ne feront évaluées qu'à
raifon de la fuperficie du terrein 'occupé pour
leur exploitation.
» XVI. Il en fera de même pour les carrières.
55
Quant aux carrières , il fera déduit un tiers
fur leur revenu net , en confidération des frais.
.qu'entraînent leur ouverture & leur entretien.
TITRE
V.
Art . VIII . Les receveurs de communauté qui
n'auroient fait aucunes pourfuites pendant trois
années , à compter du jour où le rôle aura été
rendu exécutoire , feront déchus de tous droits .
» XII. Le préfent décret fera inceffamment
porté à l'acceptation du roi ».
De l'impôt on eft revenu à la difcuffion du
tribunal de caflation . M. Broftaret , au fujet de
l'article II , a obfervé que les fréquentes élections
fatiguoient le peuple , qu'il en réfultoit de
grands inconvéniens ; & il a confeillé de faire
élire en même tems les membres du tribunal de
caflation & ceux de la prochaine légiflature . Cet
avis n'a pas profpéré . M. d' André a fortement
infifté fut la néceflité d'éviter que les corps.
( 12 )
électoraux ne s'habituent à fe confidérer comme
indiffolubles ; ce qu'éviteroient bien mieux plufieurs
élections fimultanées que des élections
fucceffives ; mais l'opinant a infifté davantage
fur la néceffité de former le tribunal de callation
immédiatement après les tribunaux de district pour
rendre la conftitution inébranlable . Voici réunis
les articles décrétés la veille & dans cette féance
relativement au tribunal de caffation.
כ כ
time
ذ
» Art . I. Les demandes du renvoi d'un tribunal
à un autre , pour caufe de fufpicion légiles
conflits de juridiction & réglemens de
juges feront portés devant le bureau des requètes
, & jugés définitivement par lui , fans
frais , fur fimples mémoires par forme d'adminiftration
, & à la pluralité des voix .
" II. Les fections du tribunal de caffation ,
foit qu'elles jugent féparément , foit qu'elles fe
réuniffent fuivant les cas fpécifiés , tiendront leurs
féances publiquement.
» III . Les parties pourront par elles - mêmes
on par leurs défenfeurs , plaider , & faire les
obfervations qu'elles jugeront néceffaires à leur
caufe.
IV. Dans toutes les affaires qui feront jugées
au tribunal de caffation , les parties ou leurs
défenfeurs feront également entendus ; mais la
difcuffion fera toujours précédée du rapport par
un des juges , fans qu'il énonce fon opinion ;
les parties ou leurs défenfeurs ne pourront être
Entendus qu'après ce rapport terminé ; il fera
libre aux juges de fe retirer en particulier pour
recueillir les opinions ; ils rentreront dans la falle
d'audience pour prononcer leur jugement ent
public.
ว Cette forme fera celle de tous autres tri720
)
bunaux du royaume , dans toutes les affaires qui
y feront jugées fur rapport.
» V. En matière civile , le délai pour fe
pourvoir en caflation ne fera que de trois mois ,
du jour de la fignification du jugement à per-
Tonne ou domicile , pour tous ceux qui habitent
en France , fans aucune diftinction quelconque ,
& fans que , fous aucun prétexte , il puiffe être
donné des lettres de laps de tems pour fe pourvoir
en caffation .
ל כ
VI. Le délai de trois mois ne commencera
à courir que du jour de Pinſtallation du rribunal
de caffation pour tous les jugemens antérieurs à
la publication du préfent décret , & à l'égard
defquels les délais pour fe pourvoir d'après les
anciennes ordonnances , ne feroient pas actuellement
expirés .
,, VII. L'intitulé du jugement de caffation
portera toujours avec les noms des parties ,
Pobjet de leurs demandes ; & le difpofitif contiendra
le texte de la loi ou des loix fur lef
quelles la décifion fera appuyée..
ود
VIII. Aucune qualification ne fera donnée
aux plaideurs dans l'intitulé des jugemens ; on
n'y inférera que leurs noms patronimiques & de
famille , & celui de leurs fonctions ou de leur
profeffion .
,, IX. Lorfque la caffation aura été prononcée ,
les parties fe retireront au greffe du tribunal
dont le jugement aura été caffé , pour y déterminer
, dans les mêmes formes qui ont été
prefcrites à l'égard des appels , le nouveau tribunal
auquel elles devront comparoître ,
procéderont , favoir , les parties qui auront ob
tenu la caffation , comme il eft prefcrit à l'égard
&c
( 21 )
de l'appellant ; & les autres , comme il eft difpofé
à l'égard des intimés .
ود X. Dans le cas où la procédure aura été
caffée , elle fera recommencée , à partir du
premier acte où les formes n'auront pas été
obfervées ; l'affaire fera plaidée de nouveau dans.
fen entier , & il pourra encore y avoir lieu à
la demande en caflation contre le fecond jugement.
و د
XI. Dans les cas où le jugement feul aura
été caffé , l'affaire fera auffi - tot portée à l'audience
dans le tribunal ordinaire qui avoit d'abord
connu en dernier reffort . Elle у fera plaidée fur
les moyens de droit , fans aucune forme de
procédure , & fans que les parties ou leurs défenfeurs
puiffent plaider fur le point réglé par un
premier jugement ; & fi le nouveau jugement
cft conforme à celui qui a été caffé , il pourra
encore y avoir lieu à la demande en cafflation .
,, Mais lorfque le jugement aura été callé deux
fois , & qu'un troifième tribunal aura, jugé en
dernier reffort , de la même manière que les
deux premiers , la queftion ne pourra plus être
agitée au tribunal de caffation , qu'elle n'ait été
foumife au corps législatif , qui , en
portera un décret déclaratoire de la loi ; & lofque
ce décret aura été fanétionné par le roi , le
tribunal de caffation s'y conformera dans fon
jugement.
ce cas ,
,, XII. Tout jugement du tribunal de caffation
fera imprimé & inferit fur les regiftres du tribunal
dont la décifion aura été conftatée .
""
Н
XIII . Il y aura , près de la cour de caffation
, un commiffaire nommé par le roi , comme
ceux des tribunaux de diſtricts ; fes fonctions
feront du même genre .
( 22 )
,, XIV. Chaque fection de la cour de caffation
fe choifira un préſident de fix en fix mois .
Le préfident pourra être réélu . Quand les fections
fe réuniront , elles feront préfidées par le
plus ancien d'âge , & il n'y aura entre les autres
membres aucune préféance . ور
Forme de élection du tribunal de caffation.
ود Art. I. Huit jours après la publication du
préfent décret , les électeurs des départemens qui
feront défignés par le fort pour concourir à la
formation de la cour de caffation , fe raffembleront
pour élire le fujet qu'ils croiront le plus
propre à remplir une place dans le tribunal de
caffation 32.
Du Lundi 22 Novembre.

On a lu le procès - verbal , & il a été décidé
qu'un rapport fait par M. de Broglie , au nom
du comité militaire , fur l'organifation de l'artillerie
, feroit imprimé , & diftribué avant d'être livré
à la difcuffion . La même décifion a été portée à
l'égard d'un autre rapport de M. Wimpfen , dont
l'objet étoit les retraites des militaires , & la conclufion
que tout militaire de l'armée de terre
depuis le foldat jufqu'à l'adjudant inclufivement ' ,
pourra obtenir fa retraite après trente années de
fervices que chaque année d'embarquement ,
campagne de mer , année de fervice ou de garnifon
hors d'Europe en temps de paix , où chaque
campagne de guerre fera comptée pour deux années
de fervice ordinaire ; qu'il recevra la folde
entière fur le pied de 10 fous par jour , & la
moitié de l'excédant à raifon de fon grade , &
en outre fa part de diverfes maffes fpécifiées ; le
maximum de la retraite de fon grade s'il eſt bleffé
( 23 )
griévemsnt . La difcuffion développera les motifs.
& les proportions de ce projet .
M. de Batz a expofé que le comité de liquidation
s'étoit divifé en autant de fections qu'il y
a de branches dans cette partie ; que la première
s'occupe des dépenfes arriérées de la maifon du
roi & de fes frères ; la feconde de la guerre ; la
troifième de la marine ; la quatrième du département
des finances ; & il a propofé de décréter
que les autres comités remettroient un double de
toute décifion rendue fur leur rapport relative à
la liquidation , au comité voué à cette partie . La
marche indiquée & le décret propolẻ ont été
adoptés fans aucun débat .
Le même rapporteur , s'attachant à la quatrième
divifion , a rendu compte des diverfes fpéculations
auxquelles a fi long- temps donné lieu l'entrepriſe
des eaux de Paris . Après avoir annoncé qu'il
alloit dévoiler les « énornies abus qui ont amené
le dépériffement de nos finances », il a rappellé
un fecours de 20 millions accordé par le gouvernement
à la compagnie des eaux , & que pour
ces vingt millions elle avoit livré les quatre cinquièmes
de fes actions , dont à préfent la valeur
eft nulle quoiqu'elles paroiffent valoir de 1400 à
1500 livres ; puis il a cité au tribunal du corps
légiflatif un arrêt de la chambre des vacations du
parlement de Paris , rendu entre les parties , les
frères Perrier & la compagnie des eaux ; arrêt qui
condamne la compagnie à payer à MM. Perrier ,
entrepreneurs , trois cens actions au taux de
3600 livres , 80 mille livres pour fournitures &
indemnités , & autant pour traitement. M. de
Batz a conclu par un projet de décret , adopté
en ces termes :
2
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
( 24 )
le
rapport de fon comité de liquidation fur l'arrêt
rendu par la chambre des vacations du parlement
de Paris , le 22 , feptembre dernier , décrète :
Art. I. Le préfident de l'Affemblée nationale
fera chargé de dénoncer au roi l'arrêt concerté
entre les MM. Perrier & les adminiftrateurs
de la compagnie des eaux , afin qu'il foit pourvu
à ce que les intérêts de la nation & du tréfor
public n'en fouffrent aucun dommage.
,
?
II. Sera pareillement chargé le préfident de'
l'Affemblée nationale , de demander au roi que
dès -à - préfent , & fans préjudice aux droits des
actionnaires , des abonnés , ou de toutes autres
parties il foit donné les ordres les plus
prompts pour faire rétablig dans la caiffe de la
compagnie des eaux , les fommes qui en ont été
tirées en vertu de l'arrêt du 22 feptembre dernier
& pour faire porter au tréfor public , tant les
fommes rétablies dans ladite caifle , que celles qui
peuvent y être dépofées , & à l'avenir celles
devront y être remifes , pour lefdites fommes y
refter par forme de féqueftre , jufqu'à ce qu'il
en ait été autrement ordonné , toutes oppofitions
tenantes entre les mains de l'adminiſtration du´
tréfor public .
qui
III. » L'Affemblée nationale fe réferve de faire .
rendre telles plaintes qu'il appartiendra , contre
les perfonnes qui ont obtenu ou fait obtenir ,
L'arrêt du 22 feptembre dernier , & fuivre l'exécution
dudit arrêt ; comme auffi contre les auteurs
, fauteurs & adhérens de toutes les mancuvres
par lefquelles on eft parvenu à enlever au
tréfor public les fommos mentionnées dans le
rapport de fon comité de liquidation ; en conféquence
elle lui enjoint expreffément de prendre
tous les renfeiguemens néceffaires à cet égard , &
de
( 25 )
de s'occuper de tous les moyens de faire rentrer
Jefdites fommes dans le tréfor public
32.
M. le préfident a lu la lettre fuivante du
toi :
cc
Je vous prie , M. le préfident , de faire part
à l'Affemblée nationale que , fur la démiffion de
M. l'archevêque de Bordeaux , j'ai fait choix de
M. Duport-du- Tertre pour le remplacer ».
Cette lecture a excité un affez grand nombre
d'applaudiffemens .
Après un rapport fur les droits de contrôle ,
ou d'enregistrement des actes civils & judiciaires ,
& des titres de propriété , M. l'évêque d'Autun
a fait décréter les articles qui fuivent :
Art . Ier. A compter du premier janvier 1791 ,
les droits de contrôle des actes & des exploits
infinuation , centième denier d'immeubles , fcel
des jugemens , tous les droits de greffe , des droits
éfervés fur les procédures lors de la fuppreffion
des offices de tiers référendaires , contrôleurs des
dépens , vérificateurs des défauts , receveurs des
épices & amendes , le fceau des actes des notaires
, le droit de fceau en Lorraine , celui de
bourfe commune des huifiers de Bretagne , les
quatre deniers pour livre du prix des ventes de
meubles , les droits d'amortiffement , de nouvel
acquêt & ufages , feront abolis ..
La formalité de l'infinuation fera donnée aux
actes qui exigent la publicité , ainfi qu'il eft prefcrit
par l'article XXIV du décret de l'Affemblée
nationale , des 6 & 7 ſeptembre 1790 .
II. » Les actes des notaires & les exploits des
huiffiers feront affujettis , dans toute l'étendue du
royaume , un enregistrement , pour affurer leur
exiftence & conftater leur date .
à
» Les actes judiciaires feront foumis à la même
No. 49. 4 Décembre 1790.
B ·
( 26 )
formalité , foit fur la minute, foit fur l'expédition ,
ainfi qu'il fera expliqué en l'article X ci- après.
» Les actes paffés fous fignatures privés y
feront parcillement fujets dans les cas prévus par
l'article XI.
» Enfin le titre de toute propriété ou ufufruit
de biens immeubles réels ou fictifs , fera de même
enregistré.
» A défaut d'actes en forme ou fous fignature
privée , contenant tranflation de nouvelle propriété
, il fera fait enregistrement de la déclaration
que les propriétaires & les ufufruitiers feront
tenus de fournir de la confiftance & de la valeur
de ces immeubles , foit qu'ils les aient recueillis
par fucceflion ou autrement , en vertu des loix
& coutumes , ou par l'échéance des conditions
attachées aux difpofitions éventuelles .
» A raiſon de cette formalité , il fera payé un
droit dont les proportions feront déterminées ciaprès
, fuivant la nature des actes & les objets
des déclarations .
III. » Les actes & les titres de propriété ou
dufufruit foumis à la formalité , feront , pour la
perception du droit d'enregistrement , divifés en
trois claffes.
» La première comprendra les actes dont les
objets ont une valeur déterminée , & dont il réfulte
immédiatement tranſmiſſion , attribution ou obligation
.
" » La feconde claffe . ceux dont les objets ne
feront pas évalués , foit parce que cette évaluation
dépend des circonftances éventuelles , foit
parce qu'il n'y a pas lieu à exiger l'évaluation :
cette claffe comprendra les contrats de mariage ,
les teftamens , les dons mutuels , les difpofitions
de biens à venir & de dernière volonté , même
A
( 27
les difpofitions éventuelles ftipulées par des actes
entre - vifs dont les objets font indéterminés .
La troisième claffe comprendra tous les actes
de formalité ou de précaution , les actes préparatoires
, ceux qui concernent l'introduction ou
l'inftruction des inftances , ceux qui ne contiennent
que l'exécution , le complément ou la confommation
des conventions antérieures , paflées en formed'actes
publics , dont les droits auront été payés fur
le pied de la première claffe , les donations éventuelles
d'objets déterminés , & généralement tous
les actes no compris dans les deux claffes précédentes
, fe réſervant l'Aſſemblée de ftatuer fur
les quittances & autres actes de libération » ,
Du mardi , 23 novembre.
On a repris & achevé la lecture de l'inftruction
fur la contribution foncière , qui a mérité les
fuffrages de l'Afſemblée .
Le comité des finances a été chargé de s'occuper
des fecours à fournir au département du
Cher & du Loir , dont plufieurs parties ont beaucoup
fouffert du débordement de la Loire.
M. de la Rochefoucault - Liancourt a rendu
compte , au nom des comités eccléfiaftiques & de
mendicité , des infurrections arrivées depuis peu
dans la Maifon de la Salpêtrière , & qui avoient
eu pour prétexte un ancien règlement , par lequel
il étoit ftatué qu'on n'accorderoit de douceur aux
gens détenus dans cette Maifon de Force , que
lorfqu'ils montreroient un billet de confeffion.
La municipalité de Paris n'a trouvé d'autre cx-
-pédient pour y rétablir l'ordre , que d'en expulfer
les prêtres , qui tenoient fans doute au règlement.
Un feul eft refté , fes fupérieurs l'ont ful-
B 2
( 28 )
pendu de fes pouvoirs ; il a demandé à l'Affemblée
nationale de nouveaux pouvoirs , & de prendre à
partie le Grand-vicaire . L'Aſſemblée adoptant les
conclufions du rapporteur , a approuvé la conduite
de la municipalité , & renvoyé le prêtre devant
qui il appartiendra .
Dans un rapport fur le remboursement des
brevets de retenue , M. Camus , perfuadé que
la maffe de ces brevets donnoit fon importance
aux moindres détails qui pouvoient fervir à les faire
bien connoître , a cru devoir analyſer les notions
élémentaires même les plus triviales. Il a donc
défini grammaricalement les mots charge , titre ,
office , finance , provifion ; il a dit que la finance
ou le paiement de fommes de deniers , étoient
effentiellement féparables de l'office ; ce qui faute
aux yeux , puifque les offices peuvent évidemment
avoir commencé & finir par exifter fans
vénalité. De furabondantes élucidations ont conduit
le rapporteur à l'expofition des vues , des
intérêts , des combinaifons profondes au moyen
defquelles d'habiles courtifans arrivoient à l'expédient
affez fimple des brevets de retenue , dont
il s'agiffoit uniquement , & qu'il a définis , » Un
acte figné de celui qui a le droit d'accorder
des provifions d'un office , par lequel il s'en-
" gage à ne donner aucunes proviſions à un
nouveau titulaire , fans que celui- ci ait remis
aux mains du titulaire actuel ou à fes ayant-
» cauſes , une fomme ſpécifiée dans le brevet « .
IlTe préfentoit à ce fujet deux fortes de queftions.
Des citoyens font porteurs de ces brevets ;
d'autres , en grand nombre , ont des hypothèques
affectées par privilège fur le montant de ces brevets
. Payera-t-on les brevets au porteur ? Payerat-
on les créanciers ? & , dans le droit politique ,
2
( 29 )
jufqu'à quel point , & fous quelles conditions le
roi pouvoit-il , avant le nouveau régime , gréver
la nation de dettes qu'elle eft obligée de reconnoître
? M. Camus , qui s'eft adreffé ces queltions
, que la probité & la loyauté françoifes
réfoudroient fi vîte , y a répondu par fes principes
en fe demandant : qu'eft- ce qu'un rembourfement
? pour conclure qu'on ne rembourſe point
ce que l'on n'a pas reçu , vérité qui n'empêchera
jamais qu'il ne faille payer ce qu'on doit & rem
plir fes engagemens. La conféquence ultérieure
de l'opinant a été que tout porteur de brevet de
retenue fera remboursé s'il prouve que la nation
a profité de la fomme qu'il veut qu'elle reftitue.
S'écartant néanmoins un peu de l'auftère rigueur
de cette conféquence , le rapporteur & le
comité ont penfé que le tréfor pouvoit ne pas
devoir un remboursement & payer un dédommagement
; que tel qui avoit joui pendant vingt
ans
, ayant tiré de fa charge tout l'avantage moralement
poffible , n'avoit droit de rien recevoir
fur fon brevet de retenue ; que le cas le plus
favorable étoit celui de l'homme qui avoit obtenu
un de ces brevets dans l'année courante ; qu'on
ne lui devoit pas un paiement entier , mais un
fimple fecours , une indemnité modérée ; les porteurs
de brevets ne poffédant par- là aucun titre
contre le tréfor public , l'état ne s'étant point
obligé à payer leurs créanciers . Auffi le projet de
décret , qui a fuivi le rapport , ftatuoit- il qu'il
ne feroit plus accordé de brevets de retenue ; que
les porteurs les remettroient tous au comité de
liquidation, qui leur délivreroit des reconnoiffances
portant liquidation du montant des brevets dont
les fommes auroient été réellement verfées qu
tréfor public ou employées aux dépenfes de l'états
B 3
( 30 )
que quant à ceux qui ne prouveroient que le
remplacement de fommics payées aux prédécefleurs ,
ils recevroient une reconnoiffance de la moitié , fi
le brevet étoit poftérieur au premier novembre
1780 ; que les reconnoiffances décroîtroicnt d'un
vingtième pour chaque année antérieure , de manière
qu'il ne feroit rien dû pour tout brevet plus
ancien que le premier novembre 1769 ; & que les
créances appuyées de lettres - patentes enregistrées
feroient les feules remboursées .
M. d'André & M. de Folleville ont provo
qué la difcuffion fur la partie de ce projet de
décret , où chacun d'eux a vu le point de la queftion.
Le premier , & M. Regnault de Saint-Jean
d'Angely ont réclamé le principe confacré par
l'Affemblée à l'égard des offices de judicature , en
y affimilant les brevets de retenue , & ne confi
dérant , avec la loi , que la bonne-foi commune
à tous les acquéreurs . M. d'André a demandé le
recours contre le prédéceffeur , à qui l'on aura
payé , ce qui étoit détruire la moralité du principe
invoqué. M. Fréteau a combattu la néceffité
des lettres - patentes , en citant 35 à 40
millions fournis à l'état en 1770 , portés dans
les comptes de M. Necker , vérifiés par les comités
, quoique ces créances ne fuffent revêtues
d'aucunes lettres- patentes , & que les fommes
n'aient fervi qu'à des libéralités particulières ; il
a demandé qu'une dette füt auffi facrée que l'autre
, & l'ajournement.
A ces confidérations, M. de Crillon a joint celle
du tort qu'on feroit à M. de Montmorin & à
M. de la Luzerne , appellés au ministère par le
voeu national . M. Chabroud a voulu qu'on payât
en entier ; M. Dubois de Crancé , qu'en rembourfant
les offices de la maiſon du roi , la nation
( 31 )
bénéficiât ces rembourfemens fur la lifte civile ;
M. de Bonnay, qu'on acquittât les brevets payés
de bonne-foi aux prédéceffeurs . L'Affemblée s'eft
partagée entre l'opinion de M. Camus & celle
de M. Chabroud. » On a bien plaidé la caufe
des brevets , a dit M. Merlin , mais non celle
du peuple «. M. Chabroud a répondu que le peuple
feroit fürement d'avis de rembourfer ceux qui
ont payé pour exercer un emploi qu'ils n'ont
plus. Enfin , d'un débat plus confus que
ferré , eft fortie la motion ddee l'ajournement
adoptée par l'Affemblée .
Un des fecrétaires a lu la lettre fuivante de
M. Duport- Dutertre garde- des -fceaux.
M. LE PRESIDENT ,
« Le roi a informé hier l'Affemblée nationale du
choix qu'il a daigné faire de moi pour le Département
de la Juftice
CC
כ כ
En confiant le fceau de l'état à un homme
uniquement connu par fon refpect pour les devoirs
, fon attachement aux principes de la conftitution
, & fon dévouement à la caufe de la liberté ,
S. M. a , pour ainfi dire , fanctionné de nouveau
Farticle fondamental du plus fublime de vos
décrets » .
« Si je n'euffe confulté que mon goût ,' que
mes forces , je me ferois refuſé à cette tâche
effrayante & à ce périlleux honneur ; mais j'ai
cru qu'il feroit d'un mauvais exemple que celui
qui avoit accepté plufieurs fois des marques de la
confiance d'un peuple , ne fe crût pas digne de
celle du roi. Cette réflexion m'a décidé » .
B 4
( 32 )
Jofe auffi , M. le Préfident , invoquer celle
de l'Affemblée nationale , fans laquelle tout bien
deviendroit impoffible aux miniftres du roi , qui
font ceux de la nation , dont ils doivent exécuter
la volonté fouveraine ; ils l'exécutent , car cette
volonté eft la leur , elle eft celle du Roi »2.
« Je fuis avec reſpect , &c . » .
Du mardi , féance du foir.
Parmi les adreffes lues , on a remarqué celle des
habitans de Vezoul , qui demandent que les frontières
ne foient gardées que par des troupes françoiſes
,, que les émigrans foient retenus on rap
pellés par la crainte de la confifcation de leurs
biens ; & qui déclarent que les miniftres , aujourd'hui
déplacés , n'avoient pas fa confiance.
M. Galopin d'Aix a annoncé un moyen de
travailler les cloches en finance , en numéraire ;
le comité des monnoies eft chargé d'en juger. Le
refte de la féance a été rempli par un rapport d
M. Chabroud fur les troubles d'Uzès , Tur leur
origine , leurs détails , les faits , omiflions , écrits
& intentions de ceux qu'il en accufe , & par les
débats nés de ce rapport.
Au nom du comité , & fur la dénonciation du
directoire du département du Gard , M. Chabroud
s'eft cru fondé à comparer les diffentions d'Uzès
au maffacre de Nîmes ; à lier ces événemens ; à y
trouver des caufes communes dans les efforts facriléges
des ennemis de la conftitution pour éveiller
La fuperftition du peuple . Afin d'embraffer la
totalité de ces caufes en les contemplant de plus
baut , il eft remonté au berceau de l'inquifition ,
aux Albigeois qui virent , a -t -il dit , un anneau
'ajouter à la longue chaîne des crimes de la po-
сс
( 33 )
litique enveloppée du manteau de la religion
3. 11
a vù « aujourd'hui & vers la fin du dix- huitième.
fiècle , de méchans confpirateurs cemuer les cendres
des Albigeois , pour reffufciter un incendie
dont ils veulent oppofer les ravagos aux
progiés de la raifon & de la liberté » ; le clergé ,
les moines ardens à propager l'infurrection contre
les loix nouvelles , une municipalité équivoque ,
«j'ai prefque dit , a - t- il repris , émule de celle
de Nimes ; un commandant militaire dont les
intentions étoient fufpectes , une foule d'hoinmes
ignorans & crédules .....
« Je ne fais , a -t - il pourfuivi , qu'elle impulfion
préfidoit aux marches de nos troupes , à la
diftribution des garnifons. Je ne fais comment il
arrivoit que les foldats étoient tourmentés four
leur intelligencé avec les bons citoyens . Je ne
fais comment on leur imputoit à indifcipline les
vaux qu'ils donnoient à l'achèvement de la révolution
.
و د
و د
ف و
وو
و د
сс
A Nimes « les prêtres féduifant les ferviteurs
,, de la patrie , une alliance monftrueufe eft faite
entre la valeur franche & la picufe fraude des
miffionnaires de la révolte ; & des capucins font
devenus les frères d'armes des braves militaires
qu'ils ont abufés . A Uzès , on fuivoit le même
plan , & on comptoit fur les mêmes fuccès » .
On redemande le détachement de Bourgogue , le
miniftre ordonne ; M. de Montaigu , commandant
à Montpellier , n'obéit pas . [ Ce.conimandant
général du département renforçoir pourtant
d'une compagnie la nouvelle garnifon que ,
de l'aveu du rapporteur , il avoit donnée à cette
ville , & le maire d'Uzès lui en faifoit des remercimens
le . 24 août ) . On demande 30 dragons
, nouveau refus,
B.S
( 34 )
" On fème hardiment les alarmes fur la religion
: on voue les proteftans dans des difcours
& dans des libelles. On dit au peuple qu'ils ont
maffacré les catholiques de Nimes , & profané
les lieux faints . On lui peint l'Affemblée nationale
& la conftitution fous des couleurs propres
à l'exciter . On vante la défobéiffance de ces
hommes mandés à la baire , & qui n'y ont pas
paru ; de cette autre municipalité dont on veut
anoblir & imiter la révolte . On livre à la dérifion
de la multitude des décrets qui ne font pas
exécutés . On montre à fon efpoir la rébellion
fure de l'impunité. Les prêtres en donnent l'exemple
: ils font précéder leurs offices d'une fonnerie
plus bruyante , comme pour annoncer au loin
qu'ils ne veulcut pas fe foumettre à la loi ,, .
Trois citoyens font attaqués & bléffés grièvement
à la porte du café fréquenté par les patriotes
; le rapporteur n'a dit ni par qui ni
comment cet acte de violence a été commis . Les
directoires réitérent la demande de 30 dragons
au commandant de Nîmes , à M. l'Espin , qui
répond qu'il n'a pas de pouvoirs , & qu'il faut
s'adreffer au commandant général à Montpellier :
on envoie un courier à celui - ci ; M. de Montaigu
n'accède pas à la réquifition , fous le prétexte
que la garnifon d'Usès eft fuffifante . M.
Chabroud , après avoir prodigué les expreffions
de défaite ridicule , de mauvaiſe volonté , intentions
fufpectes , dangereux exemple , alliance
monftrucufe , a conclu du droit accordé aux
municipalités & aux directoires de réquérir le fecours
de la force publique , que les commandans
doivent obtempérer fans attendre l'ordre de leur
fupérieur , la refponfabilité étant fur la tête des
officiers civils qui requiérent , & que le droit
( 35 )
de réquifition fera nul , tant que les commandants
des troupes de ligne fe permettront un
examen ; & il a propofé de décréter que le
roi fut prié de donner des ordres pour que la
réquifition du directoire reçoive fon exécution
(fans doute à l'égard des 30 dragons ) ; pour
que la tranquillité de la ville d'Uzès foit cfficacement
protégée ; pour que M. de Montaigu
foit pourfuivi , comme ayant défobéi à la loi ,
par le procureur-fyndic du diftrict devant les
tribunaux ordinaires ; & qu'on attende de nouveaux
renfeignemens avant de prononcer fur la
conduite de M. l'Efin . Plufieurs honorables
membres ont demandé que M. Chabroud lût les
pièces juftificatives ; il en a lû quelques - unes.
« Le rapporteur , a dit M. de Murinais , vous
a parlé très éloquemment des albigcois & des
troubles excités à Uzès par leurs defcendans : ce
font les braves qui parlent tous les jours élo-.
quemment à cette tribune , qui excitent des
M. Chabroud ayant exigé l'explication
de ce propos affez clair , M. l'Abbé Maury
s'eft offert à la donner , mais des murmures &
M. le préfident lui ont coupé la parole .
troubles " ...
Après avoir obfervé que M. Chabroud auroit
pû fe difpenfer de fes phrafes fur les albijois ,
M. de Muinais a difculpé M. l'Espin par le
texte de l'ordonnance de 1788 ; & a conclu qu'il
n'y avoit pas lieu à délibérer fur cet article . M.
Barnave n'a vu dans l'amendement que le droit
de juger , d'examiner , de raifonner , accordé
contre les règles du nouvel ordre , à ceux qui
ne doivent qu'obéir : fa théorie d'obéiffance paffive
a paru aux efprits non-prévenus , démentir
-les notions de liberté que l'on établit par la
pratique depuis la révolution ; mais propofam
B 6
( 36 )
un amendement d'une toute autre importance ,
M. Barnave a demandé que les commiffaires de
l'affemblée d'Uzès qui n'ont point obéi au décret
qui les mandoit à la barre , s'y rendent dans
huitaine , ou qu'ils y foient conduits par la force
publique. Les galeries ont prouvé qu'elles applau
diffoient plus volontiers à la févérité qu'à la
clémence .
Le prétendu refus de M. de Montaigu a été
préfenté par M. Malouet comme une explication
motivée , qu'une feconde réquifition n'a pas donné
lieu de traiter de délobéiffance . Il étoit inutile de
vouloir remplacer une garnifon qui ne s'en alloit
pas , & infignifiant de fuppléer un bataillon d'infanterie
par 30 dragons . D'ailleurs , comment des
juges civils & de diftrict feront-ils le procès à un
commandant général , qui a répondu à une réquifition
que l'objet en étoit déjà rempli ? N'eft- il
pas préalable à tout jugement qu'il y ait une peine
prononcée d'avance ? Y en a - t - il pour un tel
délit ? Aucun décret n'a pu affigner aux réquisitions
le droit de difpofer de tel corps déterminé.
Feroit-on le procès à un commandant qui refuferoit
de faire marcher , à la réquifition d'un
directoire , des troupes dont le roi auroit diſpoſé
pour une autre deftination ? Eft-il permis au corps
législatif de donner des ordres d'une exécution
injufte , impoffible ? ... M. Montaigu n'avoit
aucune intention coupable , il n'eft réfulté aucun
événement fâcheux de fes fages obfervations ; je
conclus qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Un membre a penfé réfuter M. Malouet , en
difant que le directoire n'avait point réquis le
remplacement de la garnifon d'Uzès par 30
dragons , mais l'adjonction de ces dragons à la
garnifon. M. l'abbé Maury a donné des déve(
37 )
,
loppemens à l'opinion nerveufe de M. Malouet,
en obfervant qu'on ne condamne pas un accufé
fans l'entendre que la juftice veut que tout
accufé foit jugé par fes pairs ; qu'un juge civil
pourroit faire pendre un commandant militaire
pour telle action digne du bâton de maréchal de
France ; que le rapporteur n'avoit allégué que le
fens de la lettre de M. de Montaigu , que l'homme
équitable pèfe les faits & ne fonde pas les intentions
; qu'un gouverneur de province n'eft poinr.
l'exécuteur fervile & mécanique des volontés d'un
directoire ; que de vertueux commandans ont .
refufé d'obéir lors de la Saint - Barthélemi ; que.
M. de Montaigu n'a point défobéi en faifant ,
fentir à un directoire , ce que la municipalité.
d'Uzès a reconnu , que soo hommes ne devoient
pas être remplacés par 30 dragons , & que ces
dragons étoient fuperflus ; que le directoire n'avoit
eu le droit d'indiquer ni le corps de troupes , ni
le nombre des foldats , les décrets ne l'y autorifant
pas , que cette irrégularité fuffiroit pour
juftifier le commandant ; & la conclufion de l'orateur
a été qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur
le rapport de M. Chabroud.
M. Fréteau a invoqué la queftion préalable &
le renvoi au pouvoir exécutif ; M. Barnave a
répliqué , en répétant les argumens de M. Chabroud.
La difcuffion ayant été fermée , la queftion
préalable de M. Malouet & de M. l'abbé
Maury mife aux voix , étant écartée , & l'amendement
de M. Barnave adopté ; M. de Folleville a
demandé que le commandant ne fut jugé qu'après
avoir été entendu à la barre ; M. Dubois de
Crancé a objecté que les malheureux foldats de
Châteauvieux égarés & jugés n'avoient pas été
entendus à la barre , ce qui étoit préjuger bien
( 38 )


сс
durement M. de Montaigu . « Il faudroit , a dit
alors M. de Mirabeau , décréter que tout citoyen
anra le droit d'être entendu à la barre avant d'être
traduit devant les tribunaux ». Voici le décret qui
eft réfulté de ce débat :
« L'Affemblée nationale , après avoir ouï le
compte que lui a fait rendre fon comité des :
rapports , de l'adrefle du directoire du département
du Gar , du 5 de ce mois , relative à la ville
-d'Uzès ;
133
Décrète que le roi fera prié , 1º . de donner
des ordres pour que la requifition du directoire
de département du Gard ait inceffamment fon
effet , & que la tranquillité de la ville d'Uzès
foit efficacement protégée ;
"" 20. De donner pareillement des ordres afin
que le procès foit fait & parfait felon les loix à
M. de Montaigu , devant le tribunal de diftrict de
Montpellier , pour fa défobéiffance à la loi ;
33 Décrète en outre que le roi fera prié de
donner des ordres pour qu'à défaut par les commiffaires
des affemblées des foi - difant catholiques
de Nîmes & d'Uzès , d'obtempérer , dans le délai
de huit jours après la notification du préfent décret
, à celui du 17 juin dernier qui les mande à
la barre , ils y foient conduits par la force publique
33 °
Du mercredi 24 Novembre.
M. Goffin a rendu compte , au nom du comité
de conftitution , des demandes des départemens
de l'Ain , de la Sarthe & du Var , en réduction
du nombre de leurs diftricts vaux qui , s'ils fe
multiplioient , ne tendroient à rien moins qu'à
recommencer la divifion du royaume . Le comité
"
( 32 )
a fair , à ce fujet , des réflexions da plus grand
intérêt pour le maintien de la paix intérieure &
de la conftitution . Il a jugé que l'opinion aquel'e ,
plus favorable que l'opinion précédente à la réduction
des diftricts , avoit befoin d'être mûrie
par l'expérience ; que l'effectuation du nouvel
ordre de choſes bouleverferoit un autre ordre
encore tout nouveau , occafionneroit des fecouffes
, heurteroit de front l'édifice qui n'eft pas
achevé , diminueroit le refpe&t pour le corps conftituant
, excéderoit le peuple d'élections continuelles
, le décourageroit , augmenteroit la foule
des mécontcus , & nuiroit à la vente des biens
nationaux. De toutes ces confidérations , le rapporteur
a tiré des conféquences diamétralement
oppofées aux principes qui ont été détaillés à
propos de pétitions femblables , ainfi qu'à ceux
dont on étayoit dans le temps , le plan de divifion
générale . Après une légère difcuffion , M. Goffin
ayant adopté un amendement de Buzot qui a
demandé le renvoi de pareilles queftions aux légiflatures
fuivantes , & repréfenté que les mots
quant-à-préfent étoient des germes ou des prétextes
de divifions inteftines , le décret a été émis en ces
termes :
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
le rapport du comité de conftitution , confidérant
que les jufticiables & les adminiftrés des diftricts
des départemens de l'Ain , de la Sarthe & du Var
n'ont pas émis leur vou pour la fuppreffion demandée
de leurs diftricts refpe&ifs ;
ככ
Décrète qu'il n'y a lieu à délibérer fur les
pétitions des adminiftrateurs de ces départemens ;
» Se réferve l'Affemblée nationale de régler
dans un décret particulier par quels , organes &
dans quelle forme les adminiftrés & jufticiables
( 40 )
qui demandoient la réduction de leurs diſtricts ,
pourront manifefter leur voeu & le préfenter aux
légiflatures faivantes » .
On a repris la difcuffion fur les brevets de
retenue , & M. Camus à produit de nouveau fa
dernière rédaction à la fuite d'une differtation
hiftorique , & de définitions qui n'ont apporté
aucun changement à fes principes , auxquels M. de
Jeffé & M. de Toulongeon ont oppofé la bonne
foi & la poffeffion . M. Robert/pierre a voté pour
la fuppreffion des brevets de retenue fans rembourſement
& fans indemnité ; & M. Prieur n'a
pas voulu que M. Robertfpierre raifonnât & fentit
ainfi tout feul. Le rapporteur a vivement infiſté
pour que l'Affemblée confacrât le principe que la
nation ne doit payer que les fommes qu'elle a
reques .
L'amendement propofé , la veille , par M.
d'André , tendant à ce que l'indemnité fut égale
au montant du brevet , ayant été mis aux voix ,
l'épreuve étant douteufe , M. Camus a demandé
qu'il portât fur le troifième article au lieu de
porter fur le fecond ; M. d'André y a confenti ,
& l'on a adopté le fecond article & difcuté le
troifième .
M. de Mirabeau , en annonçant qu'il s'étoit
attaché à réfoudre la difficulté , a reconnu le grand
principe de M. Camus ; mais il a diftingué des
brevets de retenue , 'falaire d'une faveur , cfpèce
de fymonie politique , ( ceux-là ne méritent aucun
égard ) ; & des brevets de retenue qui font de
vrais offices déguifés , quoique M. Camus eût
féparé la finance des offices , des charges , des
titres , des provifions. « Il n'eft perfonne qui ne
fache , a dit M. de Mirabeau , qu'il étoit impoffible
d'exercer une charge de fecrétaire d'état
( 41 )
Pans payer soo mille livres . Quelqu'abfurde
quelqu'illégal que fut un tel ufage , il étoit couvert
par-tout ce qu'il y avoit alors d'autorités
légitimes ; c'eft fous leur empire qu'une foule de
contrats ont été faits en conféquence , avec tous
les caractères de la bonne foi » .
Il a paru jufte à M. Emmery d'accorder une
indemnité au poffeffeur d'un brevet de retenue , à
ces conditions d'en payer le montant à fon prédéceffeur
, & d'en être remboursé par fon fucceffeur.
Une rédaction de M. de Mirabeau n'a
pas d'abord femblé claire , il l'a retouchée , mais
inutilement ; celle de M. Emmery a réuni les
fuffrages , & de courts débats ultérieurs ont completté
les articles décrétés comme nous les tranfcrivons
ici :
« Art. 1º . Il ne fera plus à l'avenir , accordé
aucun brevet de retenue far aucun office , titre
ou charge néceffaire à l'entretien de l'ordre public ;
& les brevets qui auroient été expédiés précédemment
fur lefdites charges , ne mettront aucun
obftacle à l'expédition des provifions de nouveaux
titulaires , fauf aux porteurs des brevets , ou à
leurs créanciers , à fe pourvoir ainfi qu'il va être
dit.
» II. Les fommes portées aux brevets de retenue
qui ont été précédemment accordés , ne
feront remboursées qu'autant qu'il fera juftifié que
lefdites fommes ont été verfées au tréfor public ,
foit par le porteur du brevet de retenue , foit par
les titulaires qui l'ont précédé , ou qu'elles ont été
employées au fervice de l'état.
III. Et néanmoins , ceux qui auront été
pourvus d'offices , ou employés fous la double
condition d'acquitter à leurs précédeffeurs le montant
d'un brevet de retenue , & d'en être rem(
42 )
bourfés à leurtour par leurs fucceffeurs , recevront ;
par forme d'indemnité , le montant exact de la
fomme comprise dans leur brevet de retenue , &
qui l'étoit déjà dans celui de leur prédéceffeur
immédiat.
» IV. A l'égard des porteurs de brevets qui
les ont obtenus fans avoir payé aucune fommè à
leurs prédéceffeurs ; de ceux qui font porteurs de
brevets accordés primitivement & par pur don
à des perfonnes dont ils font héritiers , légataires
ou donataires ; de ceux enfin qui n'ont obtenu
des brevets de retenue qu'à un intervalle de temps
après leurs provifions , & fans rapport auxdites
provifions , ils ne pourront prétendre à aucune
indemnité ; ceux qui auront obtenu des brevets
de retenue d'une fomme plus forte que celle
qu'ils ont payée à leurs prédéceffeurs , ne pourront
prétendre à aucune indemnité pour cet excédent
, mais feulement pour la fomme réellement
payée à leurs prédéceffeurs , & s'il y a lieu , aux
termes de l'article précédent .
» V. Les créanciers dont les privilèges &
hypothèques portant fur des brevets de retenue ,
font autorifés par des lettres- patentes enregistrées
dans les formes qui avoient lieu précédemment
feront remboursés du montant de leur créance
Du jeudi a5 novembre.
2
De deux lettres , écrites au président de l'Affemblée
nationale par M. Martin , préſident du
directoire du département des Bouches du Rhône
, la première demande qu'il foit accordé plus
de temps aux affemblées générales de département
pour le détail & l'arrangement des affaires qu'on
ne fauroit expédier dans le court efpace fixé par
les décrets. Le comité de conftitution a été
( 43 )
chargé de s'occuper des moyens de concilier l'immutabilité
des loix & ces impoffibilités phyfiques
auxquelles on ne s'attendoit pas . La feconde
lettre de M. Martin annonçoit & contenoit une
copie de lettre de M. Pllemand , conful à
Smyrne , adreffée à la chambre de commerce
de Marfcille. M. l'Allemard génit des infultes
réitérées que la cocarde rationale & le pavillon
attirent aux François , de la part de ceux qui ,
de tout temps , refpeétèrent l'antique pavillon de
France.
M. Bouche a répété les mots , malheureufement
inefficaces , de refpect du au pavillon , de
fecours dus aux voyages françois . M. Demeunier
a dit que le miniftre de la marine avoit
remis au comité diplomatique un projet de proclamation
; le comité s'occupera fais délai de ces
mefures infiment importantes pour le commerce
.
Un député Breton a demandé le renouvellement
, par trimestre , d'une partie des membres
du comité de conftitution ; il s'eft plaint de n'y
voir a-peu-près que des avocats ; que les cultivateurs
ne pouvoient s'y faire entendre , & qu'on
avoit en vain follicité la réduction des diftris de
fon département. « On parle beaucoup , a -t-il dit,
du mal qu'ont caufé les inondations ; ais je
vous affure que les avocats nous en font plus
encore ɔ ,
сс
En réponse à l'originale faillie du préopinant ,
M. Demeunier a obfervé que les députés Bretons
avoient déterminé le nombre de leurs diftricts
contre l'avis du comité , que le moyen
d'obtenir un voeu légal étoit que toutes les parties
du royaume dentandaffent ces réductions .
» Si un diftrict , a -t-il ajouté , defire fa fuppref
( 44 )
fion , malgré le décret rendu hier ( qui réſerve
à l'Affemblée nationale de régler la forme de
ces requêtes en réduction à préfenter aux légiflatures
fuivantes ) , il n'eft rien de fi fimple que
de la lui accorder ». Perfonne n'a relevé cette
efpèce d'abrogation d'une loi fi récente.
M. Nérac a lu des nouvelles de la vente de
biens nationaux pour un million 708 mille liv. ,
dans le département de la Gironde . Le maire de
Paris en a notifié d'autres ; mais il n'a pas joint
à fon annonce , comme les Bordelois à la leur ,
l'inftante prière de prendre des mefures , pour
qu'on foit certain que les affignats feront brulés
dans le lieu même de la vente des biens eccléfiaftiques
, afin de détruire le bruit qui fe répand
de l'éternité de ce papier-monnoie.
Délivrée de tant de détails , qui dévorent des
heures précieufes , l'Affemblée a entendu un
rapport curieux de M. Demeunier. Il , a rendu
compte au nom du comité de conftitution , de
la fufpenfion d'un directoire de diftrict , prononcée
par un directoire de département . Les membres
du directoire du diftrict de Corbeil ont été
accufés d'avoir reçu de l'argent pour l'élection
d'un receveur ; l'un d'eux en eft convenu . Sur
cette dénonciation , le directoire du département
de Seine & Oife a informé , verbalifé , recueilli
des preuves , & par un arrêt du ro de ce mois ,
a fufpendu les coupables de leurs fonctions , &
nommé trois adminiftrateurs pour les remplacer.
Les prévenus jugés ont crié à l'incompétence ;
le 15 , le département a confirmé fon arrêté , &
en a référé à l'Affemblée nationale ; le 18 , le
directoire , paralyfé plus qu'il ne croyoit , auroit
recommencé fes opérations , fi le fyndic & le
greffier n'avoient refufé fervice.
( 45 )
Quelqu'intéreffant qu'il ait paru à M. Biauzat
d'accorder faveur aux actes qui manifeftent le
zèle & la juftice des adminiftrateurs de département
, l'Affemblée , adoptant le projet de décret
qu'a préfenté M. Demeunier , a déclaré les
arrêtés du département de Seine & Oife nuls ,
attendu que , la conftitution n'ayant pas encore
déterminé le mode fuivant lequel il fera pourvu
aux befoins de la chofe publique , dans les circonftances
ou fe trouve le directoire du district
de Corbeil , ces arrêtés ont été délibérés fans .
pouvoir ; a fufpendu les membres du directoire ,
ordonné au département de les remplacer provifoirement
, & que les accufés feront pourfuivis
a la diligence du procureur - Syndic du tribunal
du diftrict de Corbeil , où procès leur fera fair
& parfait , ainfi qu'à leurs complices.
Alors on a repris la difcuffion du décret concernant
l'enregistrement des actes , & M. l'évêque
d'Autun a propofé & fait décréter de nouveaux
articles en ces termes :
« Art. IV. Il fera payé ponr l'enregistrement
des actes & titres de propriété ou d'ufufruit de
la première claffe , un droit proportionnel à la
valeur des objets qui y feront défignés .
» Cette perception fuivra chaque férie de 100
liv. exclufivement & fans fraction .
» La quotité en fera graduée par plufieurs
Tections , depuis 5 fols jufqu'à 3 liv. par 100
liv . , conformément au tarif qui fera annexé au
préfent décret .
כ כ
Le droit d'enregistrement des actes de la
feconde claffe fera payé à raifon du .......
du revenu des contractans ou teftateurs , & leur
revenu fera évalué d'après leur cote d'habitation
( 46 )
dans la contribution perfonnelle , fans que le
droit puiffe être moindre de 1 liv. 10 fols .
» Mais dans le cas où un acte de la feconde
claffe ne tranfmettroit que des propriétés immobiliaires
, il fera fait déduction de la fomme
payée pour l'enregistrement de cet acte , fur
celle que le propriétaire acquittera alors de la
déclaration qu'il fera tenu de faire pour raifon
de ces immeubles .
» Le droit d'enregistrement des actes de la
troifième claffe confiftera dans une fomme fixe
pour chaque efpèce depuis 5 fois jufqu'à 12 liv . ,
fuivant le degré d'utilité qui en réfulte , & conformément
aux différentes fections de la troifième
partie du tarif.
» V. Le droit d'enregistrement des actes de la
première claffe fera perçu fur tout ce qui forme
le prix ou la valeur des objets en principal &
acceffoires , favoir :
» Pour les ventes , ceffions à titre onéreux ,
fur le prix exprimé fans fraude , y compris le
capital des redevances & de toutes les charges
dont l'acquéreur eft tenu.
» A l'égard des actes portant tranfmiffion de
propriété ou d'ufufruit à titre gratuit , des partages
, échanges & autres titres qui ne comporteront
pas de prix , & des tranfmiffions opérées
fans actes , le droit d'enregistrement fera réglé ,
pour des propriétés mobilières & les immeubles
fictifs , d'après la déclaration eftimative des parties
; & pour les immeubles réels , d'après la
déclaration que les parties feront pareillement
tenues de faire de ce que ces immeubles païent
de contribution foncière , & dans le rapport du
principe au denier vingt-cinq du revenu defdius
biens .
( 47 )
» Faute de déclaration de prix , ou de l'eftimation
de tous les objets défigrés , le droit d'enregistrement
fera perçu fuivant les différentes
fections de la première claffe auxquelles les actes
& contrats feront applicables fur une évaluation
provifoire de 15,000 liv.
à
» Les contractans auront , pendant une année ,
compter du jour de l'enregistrement , la faculté
de faire leur déclaration de la vraie valeur des .
objets qu'ils auront omis d'efimer ; le droit
fera réduit dans la proportion de cette évaluation
, & l'excident fera reditud , fans que les
contractans puiflent étre dupcates de faire Puftimation
des objets défignés dont la valeur pourroit
donner lieu à un droit qui farpafferoit la
fixation ci-deffus établie .
can) -
" Dans le cas où une déclaration he ca
prendroit pas tous les objets fur kfquels cile
doit s'étendre , ou la véritable valeur , ou la
quotité réelle de l'impofition territoriale , fur tous
les objets défignés , conformément à l'article
précédent , il fera payé deux fois la fomme du
droit fur la valeur des objets omis .
» VII. L'enregistrement preferit par le préfent
décret fe fera , en rappelant fur le regiftre à ce
deftiné , par extrait & dans un même contexte ,
toutes les difpofitions que l'acte contiendra ; la
fomme du droit fera régiée fuivant les différentes
claffes & fections du tarif auxquelles fe rapporte
ront les difpofitions qui ne dériveront pas nécef--
fairement les unes des autres .
» VIII . Tout acte de notaire fera préſenté à
l'enregistrement dans les dix jours qui fuivront
celui de la date , lorfque le notaire réfidera dans
le même lieu où le bureau fera établi , & dans les
vingt jours , lorfqu'il réfidera hors le lieu de l'éta-
-
( 48 )
bliffement du bureau , à l'exception des teftamens ,
qui feront préfentés trois mois au plus tard après
le décès des teftateurs .
» Il fera fait mention de la formalité dans les
expéditions , par tranfcription littérale de la quittance
du receveur ; fi le notaire délivre un acte ,
foit en brevet , foit par expédition , avant qu'il
ait été enregistré , il fera tenu de la reftitution
des droits ainfi qu'elle eft preferite par l'article
fuivant : il fera interdit s'il y a récidive ; & dans
le cas de fauffe mention d'enregistrement , il fera
condamné aux peines prononcées pour le faux
matériel.
Los exploits & actes des huiffiers feront enregiftrés
dans les quatre jours qui fuivront celui
de leur date , foit au bureau de leur réfidence ,
foit au bureau du lieu où les actes auront été
faits .
IX. A défaut d'enregistrement dans les délais.
fixés par l'article précédent , un acte paffé devant
notaire ne pourra valoir que comme un acte lous
fignature privée. Le notaire fera refponfable envers
les parties , des dommages qui pourront réſulter de
l'omiffion ; il fera contraint , fur la demande du
prépofé , à payer -deux fois le montant des droits ,
dont l'une fera à ſa charge , l'autre à celle des
contractans.
د و
1
Cependant l'acte ayant reçu la formalité
omife , acquerra la fixité de la date & l'hypothèque
, à compter du jour de l'enregistrement ;
& en cas de retard du notaire à le faire enregiftrer
fur la demande qui lui en aura été faite
les parties pourront elles - mêmes requérir cet
enregistrement en acquittant une fois le droit
fauf leur recours contre le notaire à qui elles
l'auroient déjà payé , & fauf au préposé à pour-

>
fuivre
49 )
fuivre le notaire pour le fecond droit réſultant de
fa contravention .
» A l'égard des actes d'huiffiers , ils feront nuls
à défaut de la formalité ; les juges n'y auront
aucun égard ; les huifiers feront refponfables
envers les parties des fuites de cette nullité ; ils
feront en outre contraints à payer de leurs deniers
une fomme de dix livres pour chaque exploit qu'ils
auroient omis de faire enregiſtrer , & foumis aux
mêmes peines que les notaires en cas de fauffe
mention d'enregistrement .
X. Les actes judiciaires feront enregistrés fur
les minutes & dans le même délai que les actes
devant notaires , lorfqu'ils contiendront tranfmilion
de biens immeubles réels ou fictifs , ou
lorfque les juges auront prononcé d'après le confentement
des parties , manifefté , foit par leurs,
offres mentionnées dans le jugement , foit par leur
fignature ou celle de leurs procureurs.
Les greffiers qui n'auroient pas reçu des
parties les fommes néceffaires pour fatisfaire aux
droits d'enregistrement , ne feront point tenus
d'en faire l'avance ; mais ils ne pourront délivrer.
aucune expédition defdits actes avant qu'ils aient
été enregiftrés , fous peine d'être contraints à
payer de leurs deniers deux fois le montant des
droits , & dans ce cas , l'acte n'acquerra d'hypothèque
que du jour de l'enregistrement.
כ כ
35
Lorfque les greffiers n'auront pas reçu des
parties la fomme des droits , ils feront tenus de
remettre aux prépofés , dans le délai d'un mois
un extrait certifié des actes mentionnés en la premiere
fection de cet article ; & fur cet extrait
après fix mois du jour de la date de l'acte , lea
parties feront contraintes à payer pareillement
deux fois le montant des droits.
N°. 49. 4 Décembre 1790.
( 50 )
Dans tous les autres cas , les feules expéditions
des actes judiciaires feront foumises à la
formalité avant qu'elles puiffent être délivrées ,
fous la même peine du doublement des droits .
"
» Lorsqu'un acte judiciaire aura été enregistré
fur la minute il en fera fait mention fur les
expéditions qui ne feront fujettes à aucuns nouveaux
droits .
A l'égard des actes dont l'enregistrement n'eft
pas prefcrit fur la minute , chaque expédition
recevra la formalité ; mais fi l'acte eft applicable
à la première claffe , le droit proportionnel ne
fera perçu que fur la première expédition , & pour
les autres , à raison de ce qui eft fixé pour les
actes de la quatrième fection & de la troisième
divifion.
» XI . Les actes fous fignatures privées ,
conféquence defquels il fera formé quelques demandes
principales , incidentes ou en couverture ,
feront enregistrés avant d'être fignifiés ou produits
en juftice pour quelque caufe que ce foit , même
par forme d'exception , & avant qu'il puiffe être
formé en conféquence aucune demande ou action .
Toute pourfuite & fignification faite au préjudice
de cette difpofition fera nulle ; les juges n'auront
ancun égard à la repréſentation des écrits privés ,
& ne pourront rendre aucun jugement qui en
derive , avant que ces actes aient été enregistrés .
Tout acte privé qui contiendra mutation
d'immeubles réels on fictifs , fera fujet à la formalité
dans les fix mois qui fuivront le jour de
fa date ; paffé lequel délai , fi cet acte eſt produit
en juftice ou énoncé dans un acte authentique ,
le prépofé eft autorisé à percevoir le double
droit.
» Augum notaire ou greffier no pourra rece(
58 )
*
voir le dépôt d'un acte privé , à l'exception des
teftamens ; il ne pourra , dans aucun cas , en
délivrer extrait ni copie collationnée , ni paffer
aucun acte ou contrat en conféquence , fans que
l'acte fous fignatare . privée ait été préalablement
enregistré ».
La féance a été terminée par la lecture d'une
lettre de M. de Montmorin , contenant l'état des
armemens faits en exécution de décrets fanctionnés
, & l'annonce qu'en conféquence des conventions
figuées à l'Efcurial entre les cours d'Efpagne
& d'Angleterre ; fa majefté defirant faire celler
les dépenfes extraordinaires , a contre- mandé les
armemens & n'attend que des nouvelles ultérieures
pour ordonner qu'on défarme & que les
chofes rentrent dans l'ordre où elles font en temps
de paix.

Du jeudi , féance du foir.
La lecture da procès-verbal a donné lieu à
une remarque affez vivement pouffée & combattue
. On n'y faifoit aucune mention de l'amendement
de M. de Folleville , portant que
M. de Montaigu feroit mandé à la barre , ni
des fuites de cette demande , ni du décret pour
la mettre aux voix , ni de celui qui l'avoit rejettée
. Il fembloit qu'on eût évité de configner ,
en oppofition , dans la même page , le refus de
citer ce général à la barre , & l'ordre d'y amener
de force les commiffaires de l'Affemblée , que
l'on perfifte à nommer , fans dire pourquoi
les foi-difant catholiques de Nîmes & d'Uzès
comme s'il étoit douteux qu'ils foient catholiques .
Les réclamations de M. de Folleville , à cet
égard , a'ont eu que l'inconvénient de confacrer
l'omion du rédacteur par un décret.
.
C 2
( 52 )
Quelques négocians de Toulouſe dénoncent'
une fabrication de monnoie de billon ordonnée
par le directeur de la monnoie , & en defirent
une fur laquelle fe lifent les noms des douze
cents régénérateurs de la France , probablement
un ou deux fur chaque pièce . Depuis que la
loi eft la volonté générale , chacun s'imagine
que les fonctions légiflatives font d'y fondre fa
volonté particulière . Paffant à des objets plus
dignes de fes momens que l'empreinte du billon ,
P'Affemblée renvoie au comité des finances un
détail des ravages du Rhône dans le département
de l'Ardèche , & donne audience à une
députation de l'affemblée provinciale du nord de
Saint-Domingue , compofée de MM. Auvray ,
Trémondrie , Deftandau , Lemercier , Brard &
Ladebat.
.
M. Auvray, orateur de cette députation , a
protefté de l'inviolable attachement de l'aſſemblée
provinciale à la nation , d'une parfaite feumifhon
aux loix que la fageffe des représentans de
la nation , & celle de fon augufte chef jugeront
néceffaires à la profpérité de la colonie. Il a
dit que de grands dangers avoient déterminé les
commettans à n'écouter que leur zèle , & il a
témoigné la reconnoiffance des colons pour le
décret du 12 octobre.
Ces MM. ont eu les honneurs de la féance .
M. Gérard , député de la province du fud
de Saint- Domingue , foit étonné d'entendre de
foi-difant députés du nord exprimer des voeux
& faire des promefles au nom de la colonie
leur a oppofé les procès- verbaux de onze paroiffes
qui ont révoqué les pouvoirs de cette
députation , & des pièces authentiques qui prou-
2
( 53 "
vent que dix - neuf paroiffes ont défavoué la
prétendue affemblée du nord .
L'étonnement de M. Gérard a caufé la plus
grande furpriſe à M. Barnave, qui , ne pouvant
le concilier avec ce qu'il a nominé le patriotiſme
diftingué du préopinant , a commencé par le
préfenter comme très - mal inftruit ,
& a dit que
c'étoit là des allégations des membres de la
ci-devant affemblée générale de Saint- Marc . La
partie la plus riche , a -t-il ajouté , la plus peuplée
, eft restée conftamment attachée à nos
principes ; même plufieurs des paroiffes citées
nous ont fait parvenir leur rétractation , Repouffant
din toutes les affertions vagues , &
s'en tenant à l'efprit des décrets , il a demandé
que le difcours für imprimé , que le préfident
remît aux députés une lettre de fatisfaction , &
qu'on entendit M. Reynaud , .qu'il a qualifié de
véritable député de la province du nord.
Ces propofitions de M. Barnave font devenues
le texte littéral d'un décret.
M. L'Afnier a enfuite dirigé l'attention de
l'Affemblée fur la franchife du port de Bayonne ,
objet d'un rapport fait par l'honorable membre ,
rapport dont la difcuffion développera fuffifam
ment la fubftance , & qu'a terminé la propofition
de fupprimer le privilége & la franchiſe des
villes de Bayonne , Saint -Jean-de - Luz , & d'une
partie du Labour.
« Je n'entends pas , a dit M. de Mirabeau ,
comment on peut fupprimer la franchiſe d'un
port avant d'avoir abordé le principe général
des franchifes , & avant d'avoir pris un parti
fur la liberté du commerce du tabac . On allégue
C 3
( 54 )
la contrebande ; a- t-on prouvé qu'on ne fauroit
l'arrêter ? Surchargés d'affaires , inftruits par
l'expérience que nous avons des chofes & des
hommes , que trop gouverner eft la plus grande
& la plus mortelle maladie d'un gouvernement ,
ne feroit-il pas poffible & fage qu'en marchant
plus rapidement dans nos travaux , nous laiffaffions
la queftion de la franchiſe de Bayonne
indécife jufqu'à une nouvelle légiflature moins
occupée ?
En écartant de cette queftion le mot impropre
de privilége , M. l'abbé Maury l'a préfentée
de manière à pouvoir être décidée dans
la minute. « Pourquoi avez-vous , a- t -il demandé
, trois ports francs en France ? Parce
qu'ils font voifins de ports étrangers ; Dunkerque
eft près d'Oftende , Bayonne près de la Corogne
& de Saint- Sébastien , Marfcille près de Livourne.
Otez ces franchiſes vous enverrez dans les
ports rivaux tous les vaiffeaux étrangers . On a
voulu fufpendre la franchiſe de Marseille , trente
manufactures ont été tranfportées à Livourne &
y font encore. Les ports de Boulogne , du Havre ,
qui paroiffent plaider leur caufe , plaident celle
des étrangers. Lorfque Dunkerque a changé
fucceffivement de domination , les Efpagnols ,
les François , les Anglois , maintinrent fa franchife
:: vous ne prétendez pas être plus inftruits
que toute l'Europe ».
Au milieu des cris : aux voix, M. Rewbellimplotoit
la parole ; M. l'abbé Maury , en concluant à
ce que la difcuffion fùt fermée , a gaîment ajouté :
Quand M. Rewbell aura parle en faveur des
ports d'Alface ». Perfonne n'a plaint les applau
BC
( 55 )
diffemens , dès qu'il s'y eft mêlé des éclats de
rire.
>
M. Rewbell a oppofé au préopinant le décret
fur le reculement des barrières en difant :
" Ou Bayonne eft dans la France , ou Bayonne
n'eft pas dans la France » . Il a ajouté que fi l'on
confervoit la franchiſe de Bayonne , il la demanderoit
pour le port de Strasbourg ; & n'a
confenti à l'ajournement , que fous la claufe
d'un régime prohibitif pour toute marchandife
étrangète .
Le rapporteur a voulu étayer fon projet de
décret d'une remarque locale , & a dit que
Bayonne étoit enfoncée dans les terres . M. de
Mirabeau , fe joignant aux rieurs plus indulgens
qui demandoient qu'on allât aux voix , a obfervé
qu'il n'y avoit pas jufqu'à la géographie avec le
projet qu'il ne fallût ajourner. Je parle au nom
du comité , a repris M. PAfnier , qui tâchoit
d'expliquer fa penfée . Bayonne eft à une lieue
dans les terres , ce qui rend les verfemens frauduleux
très-faciles fur fes rives . Puis il a féparé
la caufe de Bayonne de celle des autres ports .
M. Rewbell eft revenu à l'ajournement , mais
pur & fimple.
On a fini par adopter cet amendement , & la
queftion principale s'eft trouvée décidée , c'eſtà-
dire , ajournée indéfinitivement.
M. le préfident a annoncé que les commiffaires
nommés pour furveiller la caiffe de l'extraordinaire
étoient MM. de Croix , Camus
Rewbell & la Borde.
C4
( 56 )
Du vendredi 26 novembre.
M. de Caftries a écrit au préfident de l'Af
femblée nationale , que , forcé de s'éloigner de
Paris par des circonftances connues dont il a
été l'innocente victime , & pour ne pas troubler
la tranquillité publique & celle de l'Affemblée ,
il le prie d'obtenir pour lui un congé , & de le
Jui faire paffer à Laufanne. MM. Martineau &
Bouche ont invoqué l'ordre du jour ; un décret
n'en a pas moins accordé le congé .
Il est décerné 30,000 liv . de fecours au département
de Loire & du Cher , & 30,000 liv.
au département du Cher , en réparation des
dégâts caufés par le débordement de la Loire.
Selon l'ordre du jour , on auroit difcuté le
rapport du comité des monncies , mais M. ďAndrẻ
a penfé que le feul moyen d'avancer , le feul
ordre utile étoit de s'occuper d'abord de ce qu'on
avoit commencé. Cette marche judicieufe & trop
peu fuivie , a ramené la difcuffion fur le projet
de décret relatif à l'enregiftrement des actes.
Après des débats affez légers fur le paragraphe
qui foumet à l'enregistrement les actes privés de
mariage , & une remarque de M. Moreau de
Saint- Méry , qui a fait renvoyer au comité
colonial une difpofition concernant les actes
paffés dans les colonies divers articles ont été
décrétés tels que nous les tranfcrirons , avec leur
fuite , la femaine prochaine .
Une lettre de l'affemblée du fud à l'affemblée
Zu nord de Saint -Domingue , & la réponſe de
cette dernière , lucs par M. Moreau de Saint-
Méry, ayant offert l'expreffion des mêmes fentimens
de fraternité , des mêmes principes , &
de leur foumiffion aux décrets , des applaudiffe·
( 57.)
mens réitérés ont manifefté la fatisfaction générale.
Du vendredi , féance du foir.
A l'ouverture de la féance , & comme par
prélude à fon objet principal , on a admis ala
barre une députation du directoire du département
de la Loire inférieure , chargée de dénoncer l'évêque
de Nantes , dont le crime eft d'avoir déclaré
qu'il ne reconnoifloit point l'autorité de
l'Affemblée nationale en matières eccléfiaftiques ,
& qu'il la refpectoit en tout ce qui concerne les
lois civiles & les chofes étrangères à la religion.
Celui qui a fervi d'organe à la députation ,
a dit que plus de deux mille citoyens étoient venus
demander au confeil du département affemblé
, l'arreftation de l'évêque , & qu'il fut conduit
, fous bonne eſcorte , à l'Affemblée nationale
. «Nous vous fupplions , a-t-il repris , de
décréter que M. l'évêque fera pourſuivi pardevant
les tribunaux ; qu'il foit arrêté , & que
le corps électoral procède de fuite à la nomination
d'un nouvel évêque... ; faire juger par les tribunaux
les factieux qui s'élèvent contre VOS
décrets , eft le feul moyen d'affuger notre liberté
».
Les derniers mots de la réponse du préfident
à l'orateur de la députation , en contiennent tout
le fens dégagé d'acceffoires répétés cent fois :
la conduite paffée de l'Affemblée nationale ;
vous répond de fa conduite à venir : la juftice
a dicté fes lois , fa fermeté les maintiendr
Alors M. Voidel , au nom des comités d'aliénation
, eccléfiaftique , des rapports & des
recherches réunis a fait un long rapport ou des
c.s

( 58 )
éloges de la religion ont fervi de préambule à
la dénonciation de tout le clergé de France :
d'abord il a loué l'Aſſemblée d'avoir confacré les
maximes du chriftianifme dans fa déclaration des
droits. Il a enfuite qualifié la nouvelle conftitution
éccléfiaftique de réforme & les droits fpirituels
du pape , de veto ultramontain : il a
reproché à M. l'archevêque de Paris , une abfence
que les plus cruels évènemens avoient motivée.
>
Il a dit aux évêques , perfuadés qu'on ne peut
changer , étendre ou reftreindre leur diocèſe
que dans le cas d'une néceffité abfolue , par des
voies canoniques ou par leur démiffion libre ;
« la néceffité abfolue naît ici de nos loix
& du befoin de la paix ; la loi punira ceux
que la raifon n'aura pû foumettre ; le peuple
excité vous forcera de nous obéir ; votre démiffion
rendra la paix à la France , & vous pro
reftez & vous êtes encore évêques ? » »
Aux réclamations des chapitres , le rapportent
oppofe qu'on leur a fubftitué des vicaires ; à
Pinculpation d'avoir refufé de reconnoître que
la religion catholique eft la religion de l'état ,
il objecte la crainte du fanatifme qu'une religion
de l'état ne fomente ni enAngleterre , ni ailleurs ;
La liberté des opinions religieufes ; les frais da
culte mis au premier rang des dépenses publiques.
il
Dans ce qu'il appèle de la part du clergé
la fubverfion des principes religieux & des idées
fociales , des cris de guerre , de révolte
diftingue , avec fatisfaction , un ou deux chanoines
, un curé maire de Chavignon , prêtre
refpectable & zélé citoyen ; il exalte le patriotime
& la modération des corps adminiſtratifs
1
( 59 )
CC
« qui appèlent à grands cris la vengeance des
loix fur la tête des coupables » ; & pour anéantir
ces déclarations de prêtfes ou d'évêques , foumis
au pouvoir civil , & ne demandant qu'à prouver
leur obéiffance en fe foumettant auffi au pouvoir
fpirituel , M. Voidel s'écrie : « miniftres de la
religion , ceffez de vous envelopper de prétextes ;
avouez votre foibleffe , vous regretez votre antique
opulence ; vous regretez ces prérogatives ,
ces marques de diftinction , tous ces hochets de
la vanité qui dégradoient la maifon du feigneur ;
fongez que la révolution a fait de nous des
hommes ... Défarmez par une prompte foumiffion
, le peuple irrité de votre réſiſtance ». Sa
conclufion a été un projet de décret qui ordonne
aux évêques , aux ci- devant archevêques & aux
curés , de prêter de nouveau le ferment civique ,
s'ils ne veulent être privés de leur traitement ,
déclarés déchus du droit de citoyens ; que le
procès leur foit fait & parfait , & que tous les
titulaires fupprimés , en vertu des déctets , s'ils
continuent à exercer leurs fonctions , dans l'ordre
fpirituel , feront punis comme perturbateurs du
repos public.
M. de Cazales a demandé l'ajournement : M.
d'Eftourmel appuyoit cette motion prudente. M.
Barnave a cru le moindre retard très - dangereux
dans un moment , où felon lui , la révolte fe
manifefte avec tant d'audace : l'amendement a
été rejeté. M. l'évêque de Clermont n'a pas
héfité de défendre , en apôtre d'un dieu de paix ,
la religion qu'il a nommée le feul bien national ,
& de diftinguer les deux autorités . Hué entre
deux orateurs applaudis , il fuccédoit à M. Võidel,
il a eu pour fucceffeur M. de Mirabeau.
« Sans doute , a dit ce dernier , vous appercevez
C 6
( 60 )
but & l'efpérance coupable de cette çabale : elle
efpère , à force de vous fatiguer , que vous
cefferez d'être fages ; qu'après avoir refpecté &
* maintenu la religion , vous en attaquerez tout à
coup les principes , afin que votre chute dans
l'impiété , invite le peuple à la difperfion des
légiflateurs , dont la France attendoit fon bonheur
& fa gloire... On veut faire haïr en vous
les perfécuteurs du chriftianifme : un tel deffein
demande des hommes revêtus du plus augufte
caractère , dont le titre infpire la confiance à ceux
qui refpectent la religion & les loix.... C'eft du
fond du fanctuaire de la loi , qu'on s'élève contre
la loi même ». Après ces annonciations , l'opinant
a taxé le langage de paix & la réfignation
de l'églife dépouillée , de caractère faux & perfide
; il a accufé les prélats qui attendoient la
réponſe du pape , de vouloir « armer la France
catholique contre la France libre » .
ссce Avec quel artifice , a- t-il pourfuivi , ils
appèlent à eux la piété crédule ! déjà ils affectent
de lui préfenter la religion , comme ramenée à
ces jours orageux où elle gémiffoit fous des
empereurs payens : du fein des ' cavernes où la
religion étoit alors forcée de fe retirer , elle fe
tramoit alors un culte & une hiérarchie qui n'embarafſoit
en rien la diftribution des provinces
romaines. Eft-il étonnant qu'alors quelques empereurs
aient laiffé fe régir dans fon invifibilité ,
le facerdoce chrétien ? Alors ces pontifes ne demandoient
à l'autorité que de laiffer repofer ce
glaive qui avoit égorgé tant de fidèles.
20 Vous , les perfécuteurs de la religion ! vous
qui lui avez rendu un fi noble & fi touchant
hommage , dans le plus beau de vos décrets
yous qui confacrez à fon culte une dépense p
( 61 )
blique , dont votre prudence & votre juftice
vous cuffent rendus fiéconomes ! vous qui avez fait
intervenir la religion dans la divifion du royaume,
& qui avez , pour ainfi dire , planté le figne de
la croix fur toutes les limites des départemens ;
vous enfin , qui favez que dieu eft auffi néceffaire
aux hommes que la liberté ! ah ! loin de
vous , tout fyftême qui ôteroit au vice un frein
que les loix ne donnent pas toujours , & qui
'éteindroit le dernier efpoir de la vertu malhaureufe
. En terminant fon difcours , dont
nous fupprimons les perfonnalités , M. de
Mirabeau a propofé de fufpendre les ordicette
propofition a tout - à - coup
changé les applaudiffemens en murmures. M de
Mirabeau & M. Durand de Maillane ont foutenu
que ce projet étoit canonique.
nations :
Si la place nous le permettoit , nous copierions
ici le difcours fage & touchant de M. l'Abbé
de Montefquiou , de qui nous ne citerons , pour
le moment , que ces mots : «c j'approuve ceux
qui difent la vérité , & je voudrois ne voir applaudir
dans cette affemblée que les hommes qui
font purs & fimples comme elle ,, . Il a puifé
les principes du clergé dans le premier concile
cecuménique , celui de Nicée , dans la tradition
& l'ufage conftant de l'églife : les huées l'ont
affailli quand il a dit mon opinion eft done
qu'on fe retire devant le roi pour le fupplier
d'employer les formes légales ; & fi ce décret eft
rejeté , mon dernier voeu eft pour que ce refus
ne vous laiffe jamais d'affreux remords ,,. On
a renvoyé la fuite de la difcuffion au lendemain
( 62 )
Du famedi matin 27 noembre
Sur la rédaction de M. d'André , on a décrété
que les membres des adminiſtrations & des
directoires de diftricts ne pourront à l'avenir être
nommés receveurs de diftricts . Ceux qui auront
été élus jufqu'à ce jour feront tenus d'opter.
Le refte de la féance a été abſorbé par un
long rapport de M. Duport , fur l'organiſation
des jurés nous le ferons connoître lorfqu'il fera
mis en difcuffion.
Du famedi , féance du foir.
En conféquence de l'ajournement d'hier , la
difcuffion fur la dénonciation de l'églife gallicane
au nom du comité des recherches , a été
reprife par M. Péthion .
Il a d'abord affirmé que la théologie étoit à la
religion ce que la chicane eft à la juftice ; que
les décrets fur l'organiſation du clergé ne touchent
nullement à la puiffance fpirituelle ; qu'inftituer
& déposer des évêques & des paſteurs ,
étoient des actes purement civils. Il a crulever
les fcrupules des prélats , des prêtres & des
fidèles , en difant. Il n'appartient à perfonne
d'opiner individuellement où la majorité a parlé ».
Les moyens qu'avoient employés la veille M,
Voidel & M. de Mirabeau , ont amené M.
Péthion à l'adoption du décret du comité.
Efpérant trop légèrement que le clergé feroit
écouté patiemment , à la fuite d'accufations fi
multipliées , M. l'abbé Maury n'a prononcé qu'au
milieu des murmures & d'interruptions perpétuelles
, un difcours dont un rapide extrait ne
donneroit que de foibles idées . -
Vers la fin , M. l'abbé Maury ayant imputé
( 63 )
à M. de Mirabeau d'avoir dit que « chaque
évêque étoit univerfel , & que c'étoit-là une des
quatre propofitions enfeignées par l'églife de
France en 1686 ; M. de Mirabeau lui a donné
le démenti le plus formel , en lui difant : « non ,
je n'ai jamais proféré ces paroles , que tout évêque
fut un évêque univerfel. Ces ridicules paroles
ne font jamais forties que de votre bouche .
Les quatre articles de l'églife gallicane portoient
que les évêques recevoient leur jurifdiction de
Dieu ; que leur caractère étoit divin , & par
conféquent univerfel. J'ai dit que l'effence d'un
tel caractère étoit de n'être point limité. Je n'ai
point dit que l'ordination conférât un caractère
univerfel .
M. l'abbé Maury , s'attachant aux expreffions
de fon adverfaire , a répondu : « je m'engage à
prouver deux propofitions ; que se que M. de
Mirabeau a dit n'eft autre chose que ce que j'ai
dit moi-même , & que ce qu'il a dit n'eft pas
forti d'une bouche ridicule , mais d'une tête abfurde
. Vous dites que le caractère des évêques
eft de droit divin , & conféquemment univerfel;
ce caractère ne leur eft tranfmis que par l'ordination
; elle leur confère donc un caractère univerfel
; & fi les circonfcriptions géographiques
ne peuvent fixer des bornes à un caractère divin ,
l'ordination qui le leur confère les inftitue donc
évêques univerfels » .
cc Si cependant , a ajouté l'orateur dans fa
péroraifon , il falloit répondre à cette partie du
rapport , où , du ton le plus augufte , on. s'eft
permis de cenfurer tous les évêques , tandis que
le corps légiflatif do entourer les pasteurs de
l'églife du refpect le plus profond , nous dirions
qu'il y a autant de lâcheté que d'injuſtice à at(
64 )
taquer des hommes qui ne peuvent répondre que
par la patience ; nous dirions que ce elergé ,
appelé dans cette Affembléc au nom du Dieu de
paix ...... ne devoit pas s'attendre , en venant
prendre place parmi les représentans de la nation ,
à fe voir livré au mépris du peuple dans cette
tribune ; nous dirions que fi nos ennemis ne
trouvent pas notre tombeau affez profond pour
nous croire anéantis ...... Le moment de la vérité
cft venu , vous l'entendrez » .
Votre perfécution nous reconquérera la confidération
publique . Prenez-y garde , il eft dangereux
de faire des martyrs , & de perfécuter
des hommes qui ont une confcience , qui font
difpofés à rendre à Céfar ce qui appartient à
Céfar ; mais auffi de rendre à Dieu ce qui appartient
à Dieu , & qui font prêts à prouver
par leur mort , s'il le faut , que s'ils n'ont pu
fe concilier votre bienveillance , ils favent forcer
votre eftime ».
M. Camus a paraphraſé l'opinion de M. Barnave
fur les dangers de l'ajournement. Il a
avancé que l'Affemblée nationale , comme corps
conftituant , avoit le droit d'admettre ou de
rejetter la Religion catholique , & ne s'étoit fervi
de ce malheureux pouvoir que pour adopter cette
Religion.
M. Camus a déféré la priorité au décret du
comité des recherches . Celui de M. de Mirabeau
lui a paru entraîner de trop grands inconvé
niens . Le ferment civique exigé des confeffeurs ,
gênéroit la confiance dans un acte étranger à la
puiffanee civile ; ôter aux évêques le choix libre
de leurs vicaires , ce feroit rétracter un décret .
A la remarque judicieufe de M. de Cazalès
qu'il n'y avoit pas de procédé plus extraordinaire
( 65 )
que celui de fermer la difcuffion quand un feul
membre a été entendu pour un des partis , le
préfident a répondu que le décret étoit prononcé .
Ainfi s'eft terminée cette mémorable féance , &
le projet a été décrété tel qu'il fuit :
·RC L'affemblée nationale , oui le rapport qui lui
a été fait au nom de fes comités eccléhaftique ,
des rapports , d'aliénation & des, recherches ,
décrète ce qui fuit :
ART . I. Les évêques , ci - devant archevêques,
& les curés confervés en fonctions , feront tenus ,
s'ils ne l'ont pas fait , de prêter le ferment auquel
ils font affujétis par l'article XXXIX du décret du
24 juillet dernier , & réglé par les articles XXI &
XXXVIII de celui du 12 du même mois , concernant
la conſtitution civile du clergé ; en conféquence
, ils jareront , en vertu de ce dernier décret
, de veiller avec foin.fur les fidèles du diocèle
ou de la paroiffe qui leur eft confiée , d'être
fidèles à la nation , à la loi & au roi , & de maintenir
de tout leur pouvoir , la conftitution décrétée
par l'affemblée nationale , & acceptée par le
roi ; favoir , ceux qui font actuellement dans
leurs diocèfes ou leurs cures , dans la huitaine ;
ceux qui font abfens , mais qui font en France ,
dans un mois ; & ceux qui font en pays étrangers ,
dans deux mois , le tout à compter de la publication
du préfent décret.
II. Les vicaires des évêques , les fupérieurs
& directeurs des féminaires , les vicaires dss curés ,
les profeffeurs de féminaires & de colléges , &
tous autres eccléfiaftiques fonctionnaires publics ,
feront , dans le même délai , le ferment de remplir
leurs fonctions avec exactitude , d'être fidèles
à la nation , à la loi & au roi , & de maintenir de
tout-leur pouvoir , la conftitution décrétée par
l'aflemblée nationale & acceptée par le roi.
( 66 )
IM. Le ferment fera prêté un jour de dimanche
, à l'iffue de la meffe ; favoir , par les
évêques , les ci -devant archevêques , leurs vicaires
, les fupèrieurs & directeurs de féminaires ,
dans l'églife épifcopale ; & par les curés , le urs
vicaires , & tous autres eccléfiaftiques fonctionnaires
publics , dans l'églife de leurs paroiffes , &
en préfence du confeil général de la commune &
des fidèles à cet effet , ils feront , par écrit , au
moins deux jours d'avance , leurs déclarations au
greffe de la municipalité , de lear intention de
prêter le ferment , & fe concerteront avec le
maire , pour arrêter le jour.
IV. Ceux defdits évêques , ci -devant arche
vêques , curés , & autres eccléfiaftiques fonctionnaires
publics qui font membres de l'affemblée
nationale , & qui y exercent actuellement leurs
fonctions de députés , prêteront le ferment qui
les concerne refpectivement à l'affemblée nationale
, dans la huitaine du jour anquel la fanétion
du préfent décret aura été annoncée , & dans la
huitaine fuivante , ils enverront un extrait de la
preftation de leur ferment à leur municipalité..
» V. Ceux defdits évêques , ci - devant archevêques
, & autres eccléfiaftiques fonctionnaires
publics qui n'auront pas prêté , dans les délais déterminés
, le ferment qui leur eft refpectivement
prefcrit , feront réputés avoir renoncé à leur
office , & il fera pourvu à leur remplacement
comme en cas de vacance par démiffion , en la
forme du titre fecond du décret du 12 juillet dernier
, concernant la conftitution civile du clergé ,
à l'effet de quoi le maire fera tenu , huitaine après
l'expiration defdits délais , de dénoncer le défaut
de preftation de ferment ; favoir , de la part de
l'évêque , ou ci-devant archevêque , de fes vi(
67 )
saires , des fupérieurs on directeurs de féminaires ,
au procureur général fyndic du département ; &
de celle du curé , de fes vicaites & des autres
eccléfiaftiques fonctionnaires publics , au procureur-
fyndic du district , l'affemblée les rendant
garans & refponfables les uns & les autres de leur
négligence à procurer l'exécution du préfent
décret.
כ כ » VI. Dans le cas où lesdits évêques , ci-devant
archevêques , curés & autres eccléfiaftiques fonc
tionnaires publics , après avoir prêté leur ferment
refpectif, viendroient à y manquer , foit en
refuſant d'obéir aux décrets de l'aſſemblée nationale
, acceptés ou fanctionnés par le roi , foit en
formant ou excitant des oppofitiens à leur exécu
tion , ils feront pourfuivis dans les tribunaux de
district , comme rébelles à la loi , & punis par la
privatiun de leur traitement , & en outre , déclarés
déchus des droits de citoyens actifs , incapables
d'aucune fonction publique : en conféquence , il
fera pourvu à leur remplacement , en la forme
dudit décret du 12 juillet dernier , fauf plus
grandes peines , s'il y échet , fuivant l'exigence
& la gravité des cas.
VII. Ceux defdits évêques , ci-devant archevêques
, curés & autres eccléfiaftiques
fonctionnaires publics confervés en fonctions
& refufant de prêter leur ferment reſpectif, ainfi
que ceux qui ont été fupprimés , les membres
des corps eccléfiaftiques feculiers également fupprimés
, qui s'immifceroient dans aucune de
leurs fonctions publiques , ou dans celles qu'ils
exerçoient encore , feront pourfuivis comme perturbateurs
de l'ordre publie , & punis des mêmes
peines que ci -deffus .
» VIII. Seront de même pourfuivies comme
( 68 )
perturbateurs de l'ordre public , & punies fuivant
la rigueur des loix , toutes perfonnes eccléfiaftiques
ou laïque. qui fe coaliferoient pour combiner
un refus d'obéir aux décrets de l'Affemblée
nationale , actés ou fanctionnés par le roi ,
ou pour former , ou pour exciter des oppofitions
à leur cxécution
D inche. 28. novembre.
Sur la proption de M. Vie llard , l'Affemblée
a rendu un décret relatif à l'élection de
la Municipalité de Montauban , dont les membres
fufpendus refteront exclus .
Un apport de M. Goffin , au nom du comité
de judicature , relatif à la liquidation des :
offices , & dont le but est d'épargner aux officiers
liquidés & à leurs créanciers les frais , qui ne
feront pas néceffaires pour que la liquidation foit
légalement & irrévocablement confommée a
été terminé par un projet de décret adopté en
quinze articles . La femaine fuivante , nous tranfcrirons
la fuite des articles fur le droit d'enregiſtre→
ment , décrétés dans cette féance .
M. Duport du Tertre , qui a fuccédé à
M. l'Archevêque de Bordeaux , eft fimplement
miniftre de la juftice & gardien du
fceau de l'état . L'office de Chancelier &
celui de Garde - des -fceaux font abolis . En
Pologne , en Angleterre , en Suède , &
dans toutes les monarchies mixtes , cet emploi
eft une grande dignité. Sous cette forme
de gouvernement, on n'a pas ciû devoir trop
honorer les fonctions du confervateur en
1691
chef de la loi & du préfident fuprême de
la magiftrature. Chez nous , cet office eft:
redefcendu à fa nature dans les rép bliques
, où le chancelier n'eft qu'un officier
du fecond ordre. Le nouveau ministre de
la justice étoit avocat au parlement , & a
remp'i depuis la révolution , d'importantes
fonctions municipales , entr'autres celle d'adminiftrateur
de la police on le dit âgé
de moins de 40 ans . L'ancien ministère
fut porté aux places l'année dernière , aux
applaudifémens univerfels : ils reçurent les
bommages des écrivains du jour , pour qui'
chaque nouveau dignitaire eft un foleil à
adorer. Nous ne mêlâmes point alors nos
éloges à ce concert de flagorneries , & nous
conferverons aujourd'hui la même circonfpection.
C'eft lorfque des miniftres ont .
paffé , qu'il convient d'arrêter fes regards
fur leur carrière. On doit féliciter aujourd'hui
ceux qui fortent , & non ceux qui.
entrent dans l'adminiſtration ; le poste du
bonheur eſt dans la retraite , fuivant les
circonftances , il eft même quelquefois celui
de l'honneur.
M. bArchevêque de Bordeaux , M. de
St. Prieft & M. Lambert , ont fuivi une
marche uniforme , depuis la motion des
quatre comités à l'Affemblée nationale.
Après avoir en commun offert au roi leur
démiffion , fi elle étoit néceffeire à fon fer
vice , ils ont attendu la volonté ultérieure
(70)
de S. M. M. l'Archevêque de Bordeaux
n'avoit point réitéré , non plus que fes col
lègues , la demande de fa retraite : S. M.
l'a ordonnée , ainfi que le prouve la lettre
fuivante, écrite par le dernier Garde- desfceaux
au président de l'Affemblée nationale
, le 20 novembre 1790.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT ,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en conféquence
d'un ordre du roi , je viens de remettre
en fes mains le fceau de l'état , dont j'étois dépofitaire
.
Je vous prie de vouloir bien en faire part
à l'Affemblée .
Me rendre à ma liberté , c'eft me reftituer
à mes fonctions de député . J'espère que l'Affemblée
trouvera bon qu'avant de m'y livrer , je
prenne quelque repos ; ma fanté en a abfolument
befoin , après une fi longue fuite de travaux.
Je prie , Monfieur le Préfident , d'affurer
l'Affemblée que je ferai toujours prêt à prouver
que dans toutes les circonftances de ma vie , j'ai
conftamment fuivi la voie du devoir & celle de
L'honneur ».
On aura jugé par la lettre antérieure
du même Prélat à l'Affemblée nationale ,
combien peu il étoit alarmé des dénonciations
portées contre lui , & qui font
venues mourir à la barre , & à la tribune
même du corps légiflatif. Après s'être préfenté
de lui- même à l'accufation , M. l'archevêque
de Bordeaux fe retire intact , avec
la gloire d'avoir donné un exemple falu(
71 )
taire de fermeté. Son inftruction aux com
miffaires du roi que nous avons rapportée ,
úvoit été inculpée : le public impartial l'à
jugee digne d'une grande eftime. Elle eut
honoré le Chancelier d'Aguefeau. Nuls
décrets n'ayant fixé pofitivement les fonctions
des commilfaires du roi , il a fallu
les chercher , pour ainfi dire , dans le néant ,
en tracer les limites dél cates , les définir
avec préciſion , les exprimer avec clarté
& pénétrer ces nouveaux officiers du pouvoir
exécutif de la fainteté de la loi & de celle
de leur miniſtère.
M. Lambert n'eft plus contrôleur général
des finances . S. M. à nommé à cette place
M. Valdec de Leffart , maître des .requêtes.
Ce département n'ayant aujourd'hui prefqu'aucun
objet , & pouvant être régi par
un fimple ordonnateur , on dit que celui
de M. de Leffart embraffera les colonies , le
commerce intérieur & extérieur , & c. M. de
Saint-Prieft fera remplacé de même au premier
jour , & à ce qu'on affure , par M.
Blondel , maître des requêtes & intendant
des impofitions:
Les électeurs de Paris nomment fucceffivement
les juges de la capitale . Les préfidens des fix
tribunaux font élus : la pluralité des voix s'eft
déclarée en faveur de MM. Fréteau , Merlin
Duport , Thouret , Target & Treilhard , tous
membres de l'Affemblée nationale , M. Chabroud
a concouru , fans avoir la pluralité. Ces élections .
Pat été faites par savicon fept cent électeurs
( 72 )
Les juges fuivans , nommés jufqu'à ce jour ,.
font MM. Agier, du comité des recherches de la
ville ; Pelletier de Saint-Fargeau , qui a refufé ;
d'Ormeffon , ancien contrôleur -général , & Morel
de Vindé , confeiller aux enquêtes de Paris.
M. François d'Efcars , député de Châtelleraut
à l'Affemblée nationale , nous
a priés de rendre publique la déclaration
fuivante :
» Ayant été obligé de m'abfenter de l'Affemblée
nationale , j'aurois cru món honneur entaché
, fi j'avois gardé le filence - fur le décret
rendu par l'Affemblée nationale , dans l'affaire
des 5 & 6 octobre 1789 , journées affreuſes ,
qui deshonoreront à jamais la nation Françoiſe,
aux yeux de l'Europe , jufqu'à ce que les auteurs
fauteurs & complices des attentats qui y ont été
commis , foient punis , de la manière la plus
éclatante , par les tribunaux défignés pour ca
connoître . En conféquence , j'adhère de coeur
& d'âme cc
au compte rendu par une partie,
des membres de l'affemblée nationale , de leur,
opinion fur le rapport de la procédure du châtelet
, & fur le projet de décrct proposé par
le comité des rapports , & adopté par l'Affemblée
nationale dans la féance du 2 octobre
,, 1790 ,, ; & je déclare que je faifirai avec
empreffement toutes les circonftances qui me
mettront à portée de prouver l'horreur dont mon
coeur eft pénétré , des attentats commis à Verfailles
les 5 & 6 octobre de l'année dernière.?
Ce 25. octobre 17901
و و
و و
و د
""
Signé le comte François d'E SCARS , député
de la noblefe de la fénéchauffée de Châtellerault
MÉMOIRE
En faveur de M. PANCKOUCKE , relatif
aux Journaux dont il eft propriétaire .
M. Panckoucke eft inculpé , attaqué dans
divers pamphlets ; on voudroit lui ravir le feul
bien qu'il défire , l'eftime & l'amour de fes Con--
citoyens ; c'eſt à eux que j'adreffe ces obfervations
:
Propriétaire de différens Journaux où l'on
n'a pas les mêmes principes , fa pofition n'étoit
qu'embarraffante ; elle eft devenue de jour en
jour plus difficile , & enfin cruelle.
Il l'a déjà déclaré plufieurs fois ; eft-il jufte
de le rendre refponfable de tout ce qui s'imprime
dans les Journaux dont il eft propriétaire ?
S'il exiftoit des loix fur les délits de la preffe ,
pourroit-il fe voir inculpé à un tribunal , y être
perfonnellement traduit ?
Dans le régime où nous vivions naguères ,
& déjà fi loin de nous par la foule des évènemens
, l'Auteur , le Libraire , n'étoient pas
même refponfables , puifqu'ils étoient fous
l'égide de la cenfure ; & fi l'on peut citer
quelques exemples du contraire on les a
toujours regardés comme des coups d'autorité
arbitraire , contre lefquels le public s'eft
foulevé. Mais aujourd'hui que nous n'avons
plus de cenfure que la loi , n'eft- ce pas à la loi
feule à prononcer ? & fi les loix , qui doivent
avoir pour objet les délits de la preffe , ne font
A
( 2.)
pas faites , il doit donc y avoir une liberté indéfinie
pour tous.
Certes , c'eft un grand mal que ces délits de
la preffe ; sûrs de l'impunité , l'anarchie jôte à
la preffe fes plus précieux avantages. Dans le
tumulte de toutes les paffions , au milieu de
leurs excès , qui faura dire à quels fignes certains
la juftice & la vérité doivent être reconnues
?
Cependant la liberté indéfinie exifte ; elle eft
générale ; elle ne peut être modifiée que par
les loix. Les vrais amis du bien , les patriotes ,
penfent que leur interrègne eft un grand mal ;
mais ils penfent auffi que la tyrannie de l'arbitraire
, dans quelque parti qu'elle ſe montre ,
eſt encore un mal plus grand.
ou Ou la France cefferoit d'être libre
chaque Auteur , en tout tems , aura le droit d'y
faire un Journal , & de n'en répondre qu'aux
tribunaux. Sa penſée eft à lui ; fon Libraire ne
peut en ordonner à fa volonté. Nous favons que
M. Panckoucke a fouvent exprimé qu'il auroit
défiré que tous les Journaux , dont il eft propriétaire
, fuffent écrits avec la plus grande modération
, & qu'ils ferviffent de modèles aux
autres . La prudence l'exigeoit de la part des
Auteurs ; mais cette prudence a - t-elle pu avoir
lieu dans le trouble de toutes les paffions , &
dans des chocs d'opinions auffi terribles que
ceux que nous venons d'éprouver.
Par les lettres anonymes que M, Panckoucke
a reçues , les écrits incendiaires imprimés contre
lui , les menaces qu'on lui a faites perfonnellement
, il femble qu'on auroit voulu le forcer à
confier à d'autres la rédaction de fes Journaux.
Il a d'abord obfervé qu'il n'en avoit pas le
( 3 )
:
droit. Il exifte des actes folemnels , ' entre lui
& les Auteurs , antérieurs même à la révor
lution il doit les refpecter. Les loix feules
fi les Auteurs de ces Journaux font coupables ,
pourroient donner droit à la caffation de ce ,
actes. S
M. Panckoucke a fenti , dès le commencement
de la révolution , la pofition difficile où
alloient le mettre les Tournaux & Gazettes dont
il étoit chargé . L'Auteur de la Gazette de
France ( M. Fontanelle ) a été menacé dans
fa propre maiſon ; des lettres anonymes , plus
effrayantes les unes que les autres , lui ordonnoient
de rendre libre cette Gazette miniftérielle
qui n'appartient point à M. Panckoucke .
Qu'a fait ce dernier ? pour fatisfaire le public ,
il y a joint un fupplément fous le titre de Gazettin
; l'on y traite de l'Affemblée nationale ,
des nouvelles de France & étrangères qui ne
font pas de nature à entrer dans la Gazette de
France. Ce Gazettin refpire le patriotiſme le
plus pur.
Le Mercure de France mettoit le libraire
dans une pofition encore plus embarraſfante.
Son grand fuccès étoit une forte de crime
aux yeux de ceux qui alloient devenir fes rivaux.
Les moyens les plus vils furent employés
pour lui enlever les foufcriptions ; on chercha
à corrompre fes commis ; on vouloit avoir
les noms des foufcripteurs , comme fi les
noms des foufcripteurs pouvoient les forcer
de foufcrire à des journaux qui ne font pas
de leur goût : voyant qu'on n'y pouvoit parvenir,
on porta l'indignité jufqu'à offrir aux foufcripteurs
de leur donner gratis , pendant trois
mois , le journal qu'on leur offroit , s'ils vou
( 4 )
Joient abandonner le Mercure . Ces efforts ,
en aigriffanr M. Panckouke , lui firent naître
de nouvelles combinaifons. C'eft prefque toujours
l'effet que produit le mal que l'on veut
faire à une tête active , & qui a une grande
habitude des reffources & des affaires. Nonfeulement
le Mercure fut fauvé , mais on
gagna de nouvelles foufcriptions , & dans cette
pofition , M. Panckouke eut le plaifir d'anoncer
au public & aux penfionnaires , qu'il
paieroit les redevances impofées avant la révolution.
Puifque le fort de M. Panckouke
relativement à ces journaux bien loin d'être
changé , étoit amélioré , il lui parut de toute
juftice , dsns cette pofition de ne point
profiter des avantages que lui offroit la révolution
, & qui auroit plongé plus de cent
perfonnes penfionnaires de ces journaux ,
dans le malheur (1 ).
,
M. Panckoucke fit plus ; fidèle à fes prin
cipes , & ne voulant pas qu'on pût lui, attribuer
ceux d'aucun des auteurs des journaux ,
puifqu'il n'avoit point le droit d'être leur cenfeur
, ni de les diriger dans leur compofition ,
ni de rompre les actes paffés avec eux ,
il
(1) Quatre Libraires , dans le deffein d'atténuer
l'action que faifoit M. Panckoucke , ont annoncé ,
dans un Journal , qu'ils offroient de payer les penfions
du Mercure ; fi ces Libraires n'eulent pas
garde l'anonyme , M. P... .. leur auroit démontré
qu'ils prenoient un engagement indifcret : il eût
prouvé au public que leurs offres étant acceptés ,
aucune des penfions fur le Mercure de France ( lequel
ne doit point être confondu avec le Journal Politique
qui lui eft annexé ) n'auroit été payée.
(5 )
connu ,
19
déclara plufieurs fois dans le Mercure & le
Moniteur , qu'il ne pouvoit être refponfable
ni directement ni indirectement d'aucuns des
articles des journaux dont il étoit chargé , &
cette déclaration n'étoit que l'expofition de
ce qui doit être dans tout pays où la liberté
de la preffe eft décrétée , que l'auteur étant
le libraire ne peut être refponfable . Il fit
plus encore ; voulant balancer , & pour ainfi
dire , effacer le mauvais effet que pourroient
produire des principes en oppofition avec
ceux de la majorité , & fe mettre lui -même
à l'abri de tout reproche , il engagea les principaux
penfionnaires du Mercure de France , à fe
charger de fa rédaction . Le civiſme & les opinions
de plufieurs d'entr'eux font trop connus
, pour qu'on puiffe élever le moindre nuage
à leur égard. Il étoit naturel d'ailleurs , M.
Panckoucke confervant les penfions , que les
principaux penfionnaires devinflent fon appui
& en répondiffent aux yeux du public. Cette
nouvelle combinaiſon , en foutenant le Mercure
auroit dû mettre le libraire à l'abri
des torts qui n'ont jamais pu le regarder
; mais elle n'a fervi qu'à augmenter le
déchaînement . C'eft à l'époque du renouvellement
des foufcriptions , époque intéreffante
pour ceux qui déjà convoitent de partager
fes dépouilles , que les clameurs ont été redoublées
, & qu'on a cherché à l'entourer
de craintes & de frayeurs.
,
Nous ne pouvons nous empêcher de l'avouer
cette conduite envers un citoyen eftimable , nous
a paru très- oppofée aux principes de la liberté.
Sous tous les rapports nous ne croyons pas qu'on
ait la plus légere plainte à élever contre
( 6 )
) .
M. Panckoucke . Sacrifier les journaux & gazettes
dont il étoit chargé , même avant la
révolution , auroit été de fa part un facrifice
en pure perte pour la patrie ; il eût perdu
fans aucun fruit cent mille livres qu'il a
a mis dans ces journaux ; les penfions auroient
été expofées ( 2) . Il eût vu vendre à fa
porte ces mêmes ouvrages dont il fe feroit
dépouillé ; & qu'importe que le débit s'en
faffe rue des Poitevins , ou rue Saint - Jacques ,
ou quai des Auguftins ? Il a donc fait , dans
les circonftances délicates où il fe trouvoit , les
feules combinaiſons qui puffent peut-être concilier
à fes intérêts particuliers , une forte
de bienveillance publique , c' eft d'avoir joint à ſes
journaux & gazettes , des journaux abfolument
dans le fens de la révolution : fe croiroiton
en droit de le juger plutôt fur l'un que.
fur l'autre ?
Sa défenſe dans ce moment-ci , eft celle de
toute la librairie & de l'imprimerie ; vouloir
que le libraire réponde des ouvrages qu'il im-
(2 ) Les penfions que paie M. Panckoucke fur
le Mercure , la Gazette , les Journaux politiques,
montent chaque année à plus de 120 000 liv. fans
y comprendre les frais de rédaction, de compofition ,
de manufcrit , de correfpondance &c.
Dans une correfpondance , n°. II. du comité
des penfions avec M. le comte de Montmorin, voici
ce qu'on lit. Lettre de M. de Montmorin « Je dois
cependant rendre juftice à l'honnêteté & au défintéreflement
du lieur Panckoucke , qui loin
» de fe prévaloir des circonftances annonce
hautement la volonté de continuer envers le
département les mêmes rétributions , en receavant
de lui les mêmes fecours » .
c
67 )
prime , lorfque l'auteur eft connu , ' c'eft anéan
tir l'un & l'autre état , c'est établir une nouvelle
légiflation qui n'a jamais eu lieu chez aucun
peuple libre , c'eft remplacer la confiance par
la terreur. Car , qui voudroit traiter avec un
homme de lettres , s'il pouvoit fe dire , je vais
répondre à la loi , au public , des pensées de
cet écrivain, il faut que je fois fon cenfeur , que
je life fon manufcrit , que j'en revoie toutes
les épreuves , & que l'on ne tire aucune feuille
que je n'aie mis ma fignature au bas de chaque
page : quel eft le libraire qui pourroit fe charger
de ce travail ? Quel feroit l'auteur affez
vil pour s'y foumettte ? Ne rappelleroit- il pas
les réglemens de l'ancien régime qui , pendant
tant d'années , ont fait de la librairie & de la
cenfure en France , le plus aviliſſant de tous
les états.
D'après ce que nous venons de dire , il eft
évident qu'il feroit fouverainement injufte de
vouloir rendre un libraire refponfable des ouvrages
qu'il imprime , lorfque l'auteur eft connu,
& que M. Panckoucke , dans la pofition où il
s'eft trouvé , a fait tout ce que l'honneur &
le patriotiſme pouvoient exiger de lui .
Comment , d'ailleurs les libraires auroient - ils
pu avoir une règle fûre de conduite dans ces
temps de trouble & d'anarchie . Lorfque l'Affemblée
nationale a toléré qu'on étalât & vendît
dans le temple même de fes féances , les écrits
les plus horribles , contre fes membres , contre
fes opérations & les perfonnes les plus diftinguées
de l'état ; il femble que cette augufte
Affemblée , par cette infigne tolérance ait
voulu familiarifer le public avec un genre de
liberté inconnue jufqu'à ce jour ; mais qui
و
(68 )
étant enfin modifiée & réglée par là loi , n'ém
recevra qu'une reſtriction bornée, à laquelle on
n'eût pu fe réduire , fi les lois relatives à la
liberté de la preffe avoient été faites dès le
commencement que. cette liberté a été décrétée.
Quant aux fentimens particuliers de M. Panckoucke
& à fon civisme , il les a manifeftés :
dans plufieurs mémoires qu'il a publiés dans le
Mercure , le Moniteur, & dont quelques - uns ont
été diftribués à l'Affemblée nationale , & préfentés
aux comités ( 1 ) .
Ces ouvrages font les feuls dont il ait à répondre
.
Nous finirons cet écrit par une obfervation
qui peut être d'une importante confidération
dans ce moment. Nous favons que le fort de..
plus de huit cent perfonnes eft lié à celui de
M. Panckoucke ; que les malheurs dont la librairie
de Paris & celle de Province font accablés
, rètombent en partie fur lui . Nous favons
encore qu'il n'a pas publié une feule livraiſon
--
---
(1 ) Voici la lifte de ces principaux mémoires.
Avis d'un membre du Tiers- Etat , fur la réunion des
ordres .-- Obfervations à MM. les Eledeurs de la ville de
Paris . Sur l'articleimportant de la votation par ordre
ou par téte.-- Sur la contribution patriotique . -- Sur les
affignats. Sur un figne métallique , repréfentatifdes
affignats. Sur la fuppreffion des chambres fyndicales.
- Sur l'organifation des journaux & papiers - nouvelles.
Sur l'état aduel de l'imprimerie . · Moyen
fimple & facile de mettre la dépenfe au niveau de larecette,
de rétablir la confiance , dedonner un grand cours aux
affignats , de couvrir les befoins extraordinaires de 1790 ,
de faire fur-le-champ reparoitre le numéraire, fans mettre
aucun nouvelimpôt & fans diminuer les capitaux ._--
Adreffé à l'Affemblée nationale.
---
.
( 9 )
de l'Encyclopédie , depuis la révolution , qui
ne lui ait coûté douze à quinze mille livres
d'excédent de dépenfe réelle fur la recettte
qu'il foutient cette entrepriſe honorable
la Nation , avec un courage digne de l'eftime
& de la bienveillance de fes concitoyens ,
qu'on s'efforceroit envain de lui enlever. On
ne fait pas , & nous le tenons de fa propre bouche
, qu'il occupe depuis un an foixante familles
de graveurs & d'imprimeurs en taille douce .
Les infurrections arrivées dans l'imprimerie
ne lui ayant pas permis de publier autant de
volumes de difcours de l'Encyclopédie qu'il
l'auroit défiré , il a été en avant fur les volumes
de planches ; de forte que dans l'espace de
quinze mois , c'eft-à- dire , dans le moment le
plus terrible où s'eft trouvé l'Empire François ,
il a publié autant de figures que dans les huit
années qui ont précédé la révolution ; & par
cette opération , il a foutenu l'Encyclopédie
qui devoit périr , fi l'on n'eût pas continué les
livraiſons.

MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 11 DÉCEMBRE 1790.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Sur la nomination de M. DUPORT DU
TERTRE à la dignité de Garde du
Sceau de l'Etat.
Tor , de tout temps chère à la France ,
Et qui plais à tous les humains ,
Thémis , enfin donc ta balance
Eft remife aux plus dignes mains !
On va revoir cet heureux âge
Des l'Hôpital , des Montholon ,
Ou la fageffe & le courage
Menoient à tout fans un grand nom.
N°. 5o. 11 Décembre 1790. C
So MERCURE
e
UNE Nobleffe trop bizarre
Chez nous eft éteinte aujourd'hui :
DUPORT a reçu la fimarre ,
Elle s'anoblira par lui.
Il n'eſt point à ce rang fublime
Porté par de vils Courtifans ;
Ses vertus , la publique eftime ,
Ont été les feuls partiſans.
JADIS l'Orgueil avec audace
Auroit dit : C'est un Parvenu ;
Mais le Mérite a pris fa place ,
L'Orgueil même en eft convenu.
( Par M. D ***. T******* .
Off. des Grenad. Volout. )
VERS AA
M. BÉRENGE R.
O
Bérenger , que ta Mufe me plaît !
Soit que fur nos remparts , avec un fin ſourire ,
Elle obferve , & des fots crayonne le portrait ;
Soit qu'en nos champs fe cueillant un bouquet ,
Pure comme un beau jour , fraîche comme Zéphire,
Du Printemps qui l'éveille , elle chante l'Empire ;
Soit que plus vive , elle éguiſe le trait
D'un Conte heureux qui nous fait rire.
DE FRANCE.
st
Plaire cft fon art , inftruire eft fon fecret ;
Et l'on croit qu'elle plaît,qu'elle inftruit fans projet.
Et quand fur-tout fon aimable impofture
Da mafque de la Fable embelit la Raifon,
Qui n'aimeroit & ſa grace & fon ton ,
Et fon oubli de la parure ?
C'eft La Fontaine & fon doux abandon ;
C'eft Minerve à Vénus empruntant fa ceinture .
Avec autant de goût , ah ! quand te verra-t- on
De notre Fablier ranimant la culture ,
Purifier fes fucs , rafraîchir ſa verdure ,
A fes rameaux en fleur joindre un nouveau fefton ,
Et de fes fruits dévoilant la Nature ,
Donner l'exemple en donnant la leçon ?
Tel , de nos jours , à l'aîné des Corneilles ,
Son Elève , & déjà ſon fortuné rival ,
Arouet n'a pas rougi de confacrer fes veilles ;
Et même en commentant fes tragiques merveilles,
Devint encore original.
( Par M. M .. ) ....
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEJE mor de la
Charade
eft
Amour
propre ;
celui de
l'Enigme
eft
Dictionnaire
; celui
du
Logogriphe
eft
Maintien
, où l'on
trouve
Ane , Manne, Mite , Tien , Ame , Iman
,
Mine, Mante , Mai, An , Ia , Mine , Ami,
Mátin , Matin.
C 2
52 MERCURE
CHARADE.
AMA BONNE SEUR
Air Des Dettes .
ETRE feuvent fans mon premier
Vers vous ne pouvoir mon dernier ,
C'est ce qui me défole ;
Mon tout par vous me fut promis ;
Loin de vos yeux , dans mes ennuis ,
C'eft lui qui me confole.
( Par le Ch. de P..., . , Off. au Rég,
Colonel Génér, Infanterie,
ÉNIG ME.
APANAGE des ames doyces ,
de François ; Je règne en ce moment fur bien peu
Amante du Repos , étrangère aux excès ,
Je crains par-deffus tout les dangers , les fecouifes ,
Heureux qui me poſsède & cent fois plus heureux
L'amant qui , fatisfait de l'objet de fa flamme
Peut me retrouver dans fes yeux ,
Et me fuppofer dans fon ame !
En certains endroits la Grandeur
De mon nom marche revêtuec ;
Mais pour elle ce nom eft un titre impofleur ;
DE FRANCE. 53
Dans un rang élevé je fuis fi peu connue !
Sans mon fecours confo'atur ,
C'eſt un fardeau qu'une couronne .
Eh ! ne vaut-il micux me porter
pas
dans fou coeur,
Que de porter, fans moi , mon titre fur un Trône ?
( Par M. de la Doué.)
LOGOGRIPHE
EN France , je jouois jadis un triſte rôle ;
Mais on s'occupe à me venger :
Sous mon joug à l'envi chacun vient fe ranger.
Un monftre, à mon aspect, de ces climats s'envole.
J'enferme en mes fept pieds le titre fortuné
Da Peuple généreux qui fous mes Loix refpire ;
Titre par la Nature aux hommes deftiné ;
Un fleuve au bord duquel a fleuri mon Empire ;
Le nom d'un farouche Empereur
Que mes amis doivent maudire ;
Un des noms d'un Royaume où je fuis en horreur ;
Celui d'un fleuve qui l'arrofe .
L'heureufe Nation qui combat pour ma caufe
Aux langueurs de repos ne peut vouer les jours ;
Je contiens cependant deux lieux cù l'on repoſe ,
Dans l'un pour quelque temps , dans l'autre pour
Loujours.
( Par le même, )
C 3
14
MERCURE
I
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de la Sorbonne , dans laquelle
on voit l'influence de la Théologie fur
l'ordrefocial; par M. l'Abbé DU VERNET.
2 Volumes in- 8°. Paris , chez Buiffon ,
Libraire , Hôtel de Coetlofquet , rue
Haute-feuille. Prix , 7 v. 4 f. br. pour
Páris , & 8 liv. 4 f. francs de port pour
tout le Royaume .
ON peut remarquer par les deux lignes
ajoutées au titre de l'Ouvrage , que l'Auteur
a mefuré d'un coup d'oeil toute l'étendue
de fon fujet. Il a fenti que l'hiftoire d'une
corporation feroit d'un intérêt médiocre
qui ne fuffit plus au Public. M. l'Abbé
du Vernet ne pouvoit écrire l'Hiftoire de la
Sorbonne comme Crevier écrivit , il y a so
ans , celle de l'Univerfité ; & la différence
qui fe trouve entre ces deux époques , fe
retrouve auffi entre les deux Auteurs. La
diftance eft meins grande entre l'Univerfité
& la Sorbonne . Ces deux Corps , fouvent alliés
& quelquefois ennemis , ont jeté l'un &
l'autre un grand éclat , ont joui même d'une
autorité très- grande , en des temps d'ignorance
& de fuperftition. Le règne de la
DE FRANCE. 55
>
Sorbonne a duré plus long- temps ; & cela.
devoit être ; c'eft que la fuperftition furvit
à l'ignorance , ou du moins à l'ignorance
groffière ; c'eft que les intérêts de
la Sorbonne , liés immédiatement à ceux
du Clergé , devoient paroître unis à ceux
de la Religion ; c'est que les François , en
fortant de la barbarie , s'attachèrent de
préférence à la Littérature d'agrément , aux
Aits d'imagination , tandis que le Defpotifme
retenoit dans l'enfance la raifon des
Peuples. Il est heureux pour l'humanité
que le Defpotifme n'ait pu foupçonner les
rapports fecrets qui lient enfemble toutes
les connoiffances humaines , conduifent
de l'une à l'autre , développent en tout
fens la raifon applicable à tour , & finiffent
par éclairer d'une lumière égale toutes les
parties de l'entendement. Si ces rapports
euffent été faifis par les Dépofitaires du
pouvoir , il eft probable que les Arts d'agrément,
au lieu d'être encouragés , feroient
devenus odieux aux Tyrans de toute efpèce
, comme l'a quelquefois été la Philofophie.
Alors un Sonnet ou un Madrigal
euffent obtenu les honneurs de la perfécution
comme un fyftême philofophique
; & Voiture ou Sarrazin auroient eu la
deftinée de Bayle & de Defcartes .
,
Mais nous voilà bien loin de la Sorbonne
; pas trop pourtant , puifqu'il s'agit
de perfécution , & qu'en ce genre la Sor
bonne a joué un affez beau rôle . C'eft
C
4
36
MERCURE
ce qu'on verra dans l'Ouvrage de M.
du Vernet. Les folies , les abfurdités ,
les crimes nés de cette fureur d'argumenation
théologique , fe trouvent ralfemblés
fous ce titre Hiftoire de la Sorbonne , à
peu près comme on défigne tout un canton
par le nom de fon chef- lien . Cette manie
des fubtilités fcholaftiques exifta dans une
Antiquité très - reculée. Ce fut la maladie
des anciens Sophistes de la Grèce . Mais
ici fe préfente une fingularité remarquable.
Comment , dans la Grèce libre &
païenne , où la Religion fe mêle it à
toutes les inftitutions politiques , arriva
- t - il que les difputes des Sophiftes ,
fur tant d'objets qui tenoient à tout ,
foient toujours reftées enfevelics dans l'enceinte
des Ecoles , fans influer fur les
affaires publiques , fans occafionner aucun
trouble , fans fe méler aux intrigues de
l'ambition ? Et au contraire , dans cette même
Grèce, foumife au Defpotifme , fous l'empire
d'une Religion dont le Fondateur a
dit : Mon Royaume n'eft pas de ce monde ,
d'une Religion dont la bafe eft l'oubli ou
le mépris des chofes terreftres ; cemment
fe fit - il que les querelles des Sophiſtes
Ghrétiens aient pris fi rapidement une G
redoutable importance , fe foient affociées
aux mouvemens de la Puiffance publique ,
aient influé plus d'une fois fur le fort
des Empereurs & de l'Empire ? Comment
fe forma ce rapport nouveau inconnu à
DE FRANCE. $7
toute l'Antiquité, entre les difputes des Ecoles
, entre les orages des Cours , entre des
vétilleurs & des ambitieux , entre des araignées
qui tiffent leur toile ou fe dévorent
dansun coin, & les aigles, ou fi l'on veut, les
vautours qui fe déchirent dans l'air : L'explication
eft fimple . Les Sophiftes Chrétiens
étoient Prêtres , du moins pour la plupart.
Ce furent eux qui , peu de temps après
la naiffance du Chriftianifme , le chargerent
de plufieurs dogmes métaphyſiques
étrangers à l'Evangile ; dogmes par qui
une Religion de paix devint , en peu d'années
, une Religion de. guerre , dogmes
par qui les Prêtres ramenèrent les Chrétiens
aux intérêts terreftres dont J. C. avoit
voulu les détacher. C'étoit précisément détruire
l'efprit du Chriftianifme : mais c'étoit
le dérruire au profit des Prêtres ; car le
Chriftianifme , ( femblable en ce point à la
royauté , ) n'a jamais eu de plus grands
ennemis que fes propres Miniftres. Mais
ils vouloient remédier au vice radical
qu'ils trouvoient à l'Evangile , celui de
borner aux biens d'en haut l'influence
eccléfiaftique ; les biens d'en- bas ayant
auffi leur valeur. Quelle devoit être , en
cette pofition , le chef- d'oeuvre de l'habileté
facerdotale ? C'étoit de rendre temporelle
la puiffance fpirituelle , accordée
par le Sauveur aux Pafteurs de l'Eglife.
C'eft à quoi l'on parvint en fubftituant
la Théalogie à la Religion , en mettant
CS
-
58 MERCURE
fous la protection de la Foi certaines opinions
métaphysiques , transformées adroi ·
tement , par les Prêtres , en opinions religieufes.
On fent combien l'art des anciens
Sophiftes devoit être utile à cette
opération. Voilà ce qui , dans la Grèce
Chrétienne & dans Alexandrie , reffufcita ,
entretint & accrut le goût des fubtilités
fcholaftiques , inné chez les Grecs , & alors
animé de l'enthouſiaſme d'une Religion
nouvelle. Tant que la Puitfance publique
ne s'en mêla point , le mal ne put être
que local & particulier. Mais Conſtantin
& fes fucceffeurs ayant été contraints
d'entrer dans ces méprifables querelles ,
fous peine d'être foupçonnés d'indifférence
pour la Religion , elles prirent une importance
qui fe répandit jufque fur les
Théologiens , & les rendit redoutables aux
Empereurs. Les mêmes caufes produifirent
le même effet dans l'Occident ; & femblable
à ces maladies qui , plus terribles dans
les climats où elles font tranfplantées que
dans les pays où elles font habituelles , la
Théologie parut avoir réſervé pour l'Eglife
Latine , plus ignorante & plus grolière ,
fes fymptômes les plus effrayans . Ce fut
un des fruits apportés d'Orient en Europe
avec la lèpre , autre conquête des Croifes.
C'eft vers ce temps que brillèrent en France
Abailard , Pierre Lombard , la Porée , &
leurs Difciples , qui , d'après les Grecs modernes,
appliquèrent la Théologie ChréDE
FRANCE. So
tienné les vétilleufes diftinctions imaginées
par les anciens Sophiftes . Cette habitude
d'efcrime fcholaftique fit naître , dans
l'efpace de peu d'années , un grand nom
bre d'Héréfies , dont les noms font enlevelis
avec celui de leurs Auteurs . La feule qui
ait confervé une trifte célébrité , eft celle
des Albigeois , qui entraîna la ruine d'un
Peuple , & fit établir en Languedoc le Tribunal
de l'Inquifition . Il exiftoit en France
plufieurs de ces Écoles plus ou moins fameufes
, lorfqu'un pauvre Prêtre Champenois
, nommé Sorbon , devint le Fondateur
d'une École qui les éclipfa toutes.
Il obtint de Saint Louis , dont la tête étoit
affoiblie par les maladies & les fatigues
de la guerre , un emplacement rue Coupegorge
, où il raffembla des Théolo
giens qui prirent d'abord le titre de pauvres
Maîtres. Ils y fubftituèrent bientôt celui
de fages Maîtres , préférant , comme de
raifon , la fageffe à la pauvreté. En peu
de temps , cette fagelle de tous valut à
plufieurs de magnifiques furnoms ; comme
celui d'Angélique , de Séraphique , d'Invincible
, d'Incomparable. L'Univerfité les
reçut dans fon fin ; & ce n'étoit pas un
petit avantage . Le Chef d'un Corps qui
avoit à fes ordres 30 mille Écoliers , & qui
de plus exerçoit , fût- il Laïc , le droit d'excommunier
, comme le Pape & l'Évêque de
Paris , un tel allié, fi puiffant & fi redoutable
n'étoit pas à dédaigner , & pouvoit appuyer
C.6
60 MERCURE
·
les Decrets des fages Maîtres. Auffi , dès
l'année 1330 , fe trouvèrent ils en état de
condamner un Souverain Pontife . Le Pape
avoit eu le malheur de prêcher que la vifion
des Élus , & les fupplices des méchans
dans l'autre monde , n'étoient qu'imparfaits.
Des fupplices imparfaits ! voilà de
quoi mettre en colère des Théologiens du
quatorzième fiècle , grands amis de la perfection
des fupplices.
Le fcandale fut au comble parmi les Mattres
en Divinité. C'eft un autre nom qu'ils
fe donnoient , pour varier. Ce dernier titre
faifoit merveille pour le Peuple , & annonçoit
qu'ils en favoient fur Dieu tout autant
que le Pape. C'étoit le cél. b e Jean XXII ,
alors dans la plus extrême vieilleſſe . Il n'ignoroit
pas ce que peuvent les haines
théologiques , dont il avoit penſé être la
victime. Il déclara qu'il n'avoit propofé fon
opinion que par manière de difpute. C'étoit
la terminer ; & certes rien n'étoit plus fage.
Ce qu'il y a de curieux , c'eft que le Roi
de France , Philippe de Valois , apparemment
très- verfé dans les difcuffions métaphyfiques
, mettant de l'amour - propre à
Thonneur d'avoir de meilleurs Théologiens
que le Pape , avoit pris parti pour fa troupe
contre la troupe Italienne du Pontife.
Philippe , en lui envoyant la décifion de
fes Docteurs , lui avoit écrit : Nous châ
ierons tous ceux qui penfent comme vous
& nous vous ferons ardre , fi vous ne yous
"
DE FRANCE. 61
révoquez. Pape ou Sacriftain , on ne ſe
fait point ardre à 90 ans ; & Jean XXII
prit le parti de le révoquer , pour mourir
tranquille. C'étoit le bon temps de la Sorbonne
& de l'Univerfité. On fait le rôle
que jouèrent ces deux Corps pendant toutes
les guerres des Anglois , entre les factions
d'Armagnac & de Bourgogne , qui avoient
chacune leurs foldats , leurs Théologiens &
leurs bourreaux. Au milieu de ces horreurs ,
la France avoit ofé , qui le croiroit ? fe
fouftraire un moment au joug pontifical.
Mais le Clergé de ce temps étoit fait
pour cette fervitude étrangère. L'ufage que
firent les Évêques du droit de conférer
les Bénéfices, rével a le Peuple & les Grands.
On aima mieux dépendre d'un Prêtre Italien
, que de voir paffer les Bénéfices à
des Palefreniers & à des Valers . La feconde
tentative ne fut pas plus heureufe ; &
la France n'en tira d'autre avantage , que
d'entendre publier à fon de trompe , qu'on
ne reconnoiffoit plus de Pape . Le Pontificat
en fut quitte pour féduire un certain nombre
de Magiftrats & de Théologiens , ou pour
gagner une des deux factions . Suivant qu'une
de ces factions étoit foible ou triomphante
, on prêchoit , ou on défavouoit la
doctrine de Paffaffinat des Rois . La Serbonne
fourniffoit à tout . C'étoit de fon
fein qu'étoit forti le Docteur Jean Petit ,
Cordelier , grand apôtre de cette doctrine ,
& le Docteur Gerfon , qui obtint la con62
MERCURE
damnation de Petit , & dix ans après fit exhamer
fon cadavre . On fait qu'elle fut un
des premiers Corps qui , après la mort de
Charles VI , reconnut pour Roi de France ,
le Roi d'Angleterre Henri IV .
C'eft dans l'Ouvrage même qu'il faut lire
l'Hiftoire de Jeanne d'Arc , & particuliè
rement le détail de fon procès. L'indignation
qu'excitent fes ennemis & fes Juges
Laïcs , tant Étrangers que François , n'approche
pas de l'horreur qu'infpire la balle
& perfide férocité des Prêtres , & fur-tour
des Docteurs de Sorbonne . Il faut entendre
M. du Vernet lui - même. » Le bûcher de
Jeanne , dit - il , n'étoit pas encore éteint ,
que plufieurs Juges Laïcs défavouèrent cet
attentat. Nous fommes tous perdus & désho
norés d'avoir brûlé une femme innocente ,
s'écria l'un des Affeffeurs du Bailli de Rouen.
Le bourreau lui-même court fe jeter au
pied d'un Confeffeur. Il demande pardon
à Dieu , en verfant un torrent de larmes .
Pendant ce temps , la Sorbonne tendoit
grace au Ciel de la mort de Jeanne. L'Univerfité
prodiguoit les hymnes & les mauvais
vers fur cet évènement , &c. « Laiffons
ces atrocités , & arrivons au moment cù
l'Imprimerie , introduite en France , préparoit
de loin l'inftruction qui devoit adoucir
les moeurs. N'eft - il pas remarquable
que cette invention , deftinée à détruire
un jour le Despotifme & la fuperftition
dans une grande partie de la Terre , ait es
DE FRANCE. 63
pour appuis , à fa naiffance , qui ? Louis XI
& deux Docteurs de Sorbonne ?
Ce fut dans l'enceinte de la Sorbonne
que furent établies les premières preffes.
Il fallut les protéger contre la fureur des
Suppôts fubalternes de l'Univerfité , Parchemiriers
, Copiftes , Relieurs , qui craignoient
de mourir de faim . Il est vrai que
ces preffes fervirent comme elles pouvoient
fervir alors. Elles imprimèrent des légendes
, des livres de dévotion , de forcellerie
, de démonographie. Que faire ? on
débute comme on peut. On commence
par la Fleur des Saints , & on finit par
le Contrat Social. Le fort des Peuples ne put
donc d'abord être amélioré d'une manière
fenfible. Mais il faut confidérer que la
preffe dut refter , & refta en effet entre
les mains de leurs Tyrans ; & le bien
qu'elle devoit produire , fe trouvoit ainſi
reculé jufqu'aux générations fuivantes. Cependant
on peut appercevoir à cette époque
une accélération de mouvement dans
l'efprit humain , qui fe rapporte naturellement
à cette caufe , du moins comme à la
plus puiffante & la plus active. Ce fut alors
qu'on ofa attaquer & rejeter la doctrine d'Ariftote
qui régnoit dans les Écoles depuis
plufieurs fiècles. Bientôt après parut Ramus,
qui , le premier , s'éleva contre le jargonfcholaftique
, contre l'argumentation théologique
, cultiva les Sciences naturelles
autant qu'on le pouvoit alors , brava la
1
64 MERCURE
perfécution , la pauvreté , fut l'ami le plus
courageux , & le bienfaiteur de fes Difciples
, fut appelé aux places & les refufa ;
refufa furtout celle d'Ambaffadeur en
Pologne, où on vouloit l'envoyer pour déterminer
l'élection du Duc d'Anjou , &
dit , en rejetant l'efpoir d'une grande fortune
préfentée à fon ambition : L'Eloquence
n'eft pas mercenaire. C'eft la honte de la
Sorbonne & de l'Univerfité , d'avoir perfécuté
un tel homme , pour avoir été d'une opinion
contraire à la leur fur la prononciation
des mots quisquis & quanquam.
Ce ne feroit pas affez connoître l'efprit
humain , de fe moquer de ceux qui croifoient
que cette dernière querelle a pu ,
1 autant que toute autre être caufe de
Faffaffinat de Ramus dans la journée de
la Saint- Barthélemi .
,
Il ne faut donc pas s'étonner & on retrouve
dans nos guerres de Religion , &
fur tout dans celles de la Ligue , toutes les
fureurs des fiècles précédens. C'étoit l'inf
tant du combat entre l'ignorance abfolue
& la raifon naiffante , mais égarée . La
fuperftition violemment attaquée , mais attaquée
par des ennemis fuperftitieux euxmêmes
, redoubloit d'efforts pour repouffer
fes adverfaires. La Cour de Rome effayoit
de reffufciter les Maximes Ultramontaines
fur le détrônement & fur l'affafli
nat des Rois . Le Chancelier de l'Hôpital
avoit eu bien de la peine à obtenir la ré
DE FRANCE. 65
·
tractation de la Sorbonne fer une Thèle
de cette efpèce ; & quelques Hiftoriens
affurent que cette rétractation ne fut prononcée
que par le Bedcau. Les Papes purent
voir , & vitent en effet par - là , le parti
qu'on pouvoit tirer de la Sorbonne. Auffi
devint elle naturellement le berceau de la
Ligue. Là , dans la chambre du Docteur
Boucher , fe forma le comité fecret d'on
partirent toutes les décifions importantes ,
où fe fabriquèrent les décrets qui dégradèrent
Henri III , qui profcrivirent Henri
IV. Là , furent nommés & choifis les
Seize à qui l'on confioit la furveillance fer
les différens quartiers. Là , fe rendoit le
Duc de Guife , qui ne dédaigna pas même
de paroître publiquement en Sorbonne.,
Ce qui rendoit tous ces Docteurs fi redoutables
, c'est que plufieurs étoient Curés
de Paris . L'exécution du projet devenoit
l'intérêt principal de ceux qui l'avoient
conçu . C'est ainsi que les deflins, de la
France fe balancèrent plufieurs années entre
le Vatican , l'Efcurial & la Sorbonne . Les
Thèles féditieufes ne cefsèrent même pas ,
après que Henri IV eut daigné fe faire abfoudre
à Rome. Le Docteur Rofe , condamné
à l'amende honorable , reçut fon
Arrêt avec une infolence qui montroit à
la fois combien il avoit de partifans dans
fon Corps , & combien ce Corps étoit en-
'core puiffant. Henti IV ne l'ignoroit pas ;
& c'eſt ce qui le juftific d'avoir refuſé de pren66
MERCURE
dre un parti violent , foit contre le S. Siége ,
foit contre les Jéfuites , foit contre les Docteurs
les plus féditieux & les plus coupables.
Il connoiffoit la foiblefle de Rome ; il favoit
que le Pape s'étoit hâté de lui donner l'abfolution
, quand Sa Sainteré avoit cru que
l'on fongeoit à s'en paffer ; il pouvoit
laiffer fubfilter l'Arrêt qui banniffoit les
Jéfuites du Royaume ; on le lui confeilloit ;
on lui parloit d'établir en France un Patriarche.
Les refus du Roi l'ont fait accufer
de foibleffe par plufieurs Hiftoriens. Reproche
injufte ! Henri IV jugeoit l'efprit
de la Nation ; il voyoit que le fanatifme
la dominoit encore ; il favoit que le Peuple
eft cnnemi de la raiſon , juſqu'au moment
où il et allez éclairé pour en devenir
le défenfeur ; que la Sorbonne & les Jéfuites
, autrefois ennemis, s'étoient réconci
liés ; que les Jéfuites , qualifiés par la Sorbonne,
de bâtards, defcélérats & d'infames,
lorfqu'à peine inftitués , ils ne pouvoient
être coupables , avoient été déclarés des
hommes illuftres & refpectables depuis qu'ils
avoient prêché le régicide . Enfin , Henri IV
voyoit que , pour un trop grand nombre
de François , le Pape & le Chriftianifme
étoit une fe le & même idée ; qu'être Chré
tien Apoftolique & non Romain , paroiffeit
alors impoffible. Il n'ofa rifquer une
démarche auffi hafardeufe ; & le poignard
d'un monftre prouva , pour le malheur
des Peuples , que le Roi ne s'étoit point •
DE FRANCE. 07
trompé. Depuis fa mort , ce même efprit
parut plus d'une fois fubfifter encore dans
la Sorbonne ; mais il ne s'y manifefta
plus avec la même audace. C'étoient des
fymptômes équivoques , & qui n'étoient
remarqués que des connoiffeurs . C'étoit
le filence gardé fur le livre de Mariana ,
fur d'auties Ouvrages cù l'on célébroit
Jacques Clément & d'autres affaflins des
Rois ; tandis que ce même Corps condamnnoit
la Sageffe de Charron , livre excellent
que n'ont
n'ont pu faire oublier tant de livres
de Morale écrits depuis cent cinquante
ans. En cette occafion , le Parlement fur
très-fupérieur à la Sorbonne , grace au Préfident
Jeannin , qui , fecondé de quelques
hommes inftruits & lettrés , fauva cette
flétriffure à la mémoire de Charron , ou
plutôt au Parlement lui-même..
Dans cet amas d'acrocités abfurdes , qui
compofent l'Hiftoire de ce temps ; parmi
cette foule de fanatiques , dont les portraits
forment une galerie odieufe , fatigante
pour la vue , les yeux fe repofent avec
plaifir fur l'image d'un homme vertueux
& d'un Prêtre Citoyen . M. l'Abbé du V...
s'eft plu & a dû fe plaire à rappeler un
nom refpectable & prefque oublié . C'eft
celui de Richer , Docteur de Sorbonne , parvenu
au Syndicat perpétuel par fes vertus ,
qui lui artirèrent une longue pe: fécution.
Nous avons parlé des tentatives de la Cour
de Rome , pour remettre les Rois dans fa
68 MERCURE
dépendance , & accréditer de nouveau les
anciennes maximes pontificales : fes efforts
redoublèrent après la mort de Henri IV ,
fous le Gouvernement foible de Marie de
Médicis. Un nouveau Nonce du Pape , Légat
en France , les Cardinaux de Joyeuse &
du Perron , un grand nombre d'Archevêques
& d'Évêques , les Jéfuites , une grande
partie du Clergé féculier & régulier , s'étoient
réunis pour le fuccès d'une confédération
qui tendoit à faire du Royaume
de Louis XIII un pays d'obédience . Un
feul homme brifa certe trame fi habile
ment & fi fortement ourdie; ce fut Richer.
Il eut l'adreffe de faire renouveler à propos
la condamnation de cette doctrine perverfe
, d'empêcher l'admiffion des Jéfuites
dans l'Univerfité , de rallier à lui tous les
bons Citoyens ; enfin il compofa un petit
Livre intitulé de la Puiffance Ecclefiaftique
& Politique, Ouvrage qui anéantifloit les
prétentions Ultramontaines. Richer devint
ès -lors un objet d'horreur pour le Pape
& pour les Cardinaux François dévoués au
Saint- Siége.
Croira-t- on que le Pape ofa méprifer
affez la Cour de France , pour lui faire
demander officiellement qu'on lui livrât
Richer , qu'il vouloir faire juger à Rome
par l'Inquistion ? Creira- t-on qu'il fe tint
à la Cour plufieurs Confeils pour agiter
cette question , & que plufieurs Membres
votèrent pour cette indignité ? N'eft- ce pas
DE FRANCE. 69
une chofe curieufe de voir, au dix - feptième
hècle, un Prêtre François , du Perron , parvenu
aux grandes dignités de fon pays ,
par les graces de la Cour , aller , en qualité
de Cardinal , demander à cette même
Cour , qu'on livrât à un Prince étranger
un Citoyen vertueux , un fajer fidèle , coupable
d'avoir défendu les droits de la Royauté
, les prérogatives de la Couronné &
Finviolabilité de la perfonne des Rois ? Rien
n'étonne après une telle infolence . Mais on
peut s'indigner de voir le Pape haſarder
l'enlèvement de Richer, On s'indigne de
voir cet enlèvement près d'être effectué au
milieu de Paris , par Épernon , couvert
lui -même des bienfaits de Henri II &
de Henri IV. Quel intérêt pouvoit engager
ainfi un François du premier rang à
le déshonorer par une telle baffeffe le
chapeau de Cardinal promis à la Valette ,
fils du Duc d'Epernon. Le Garde des
Sceaux , du Vair , Magiftrat jadis intègre,
fut prié de faire ceffer cette perfécution
à l'égard d'un Citoyen qu'il cftimoit. Sa
réponſe fut que Richer ne devoit pas
être plus fage que le temps, Quel intérêt
dictoit cette lâche réponſe l'espoir du
chapeau qu'ambitionnoit du Vair , déjà
Evêque de Lifeux,
Voyons la fuite ; & continuons d'admirer
les effets du chapeau. Plufieurs années
le paffent , & Richelieu parvient à la toute
puiffance ; Richelieu , cet homme fi haut,
70 MERCURE
par qui l'autorité royale étoit devenue
arbitraice , & qui rapportoit tout à la fplendeur
du Trône ; eh bien ! il fe rend com-.
plice de ceux qui veulent l'avilir ; il s'engage
à obtenir la rétractation de Richer.
Après avoir inutilement employé la féduc-.
tion , il a recours à la violence : quel motif.
l'animoit toujours le chapeau . Cependant
Richelieu étoit déjà Cardinal. Qui ; mais il
avoit la noble ambition d'habiller de rouge ,
comme il l'étoit lui- même,un imbécille frère,
Chartreux jadis , alors décloîtré , & devenu
Archevêque de Lyon , par la grace de fon aîné .
C'eft pour cela qu'il faut faire fa cour au
Pape , dégrader la Couronne de fon Roi ,
faire inviter à dîner chez le Père Jofeph un
vieillard vertueux , défenfeur des droits du
Trône , le faire faifir au fortir de table
par des hommes armés , & lui arracher ,
le poignard fur la gorge , une rétractation
forcée ; foibleffe qui en peu de mois le
conduit au tombeau , accablé de honte &
de remords.
Voyez combien voilà de chofes enchaînées
Et par la barette
amenées
!
La Fontaine.
Obfervons que dans cette infamie du
Père Jofeph , il y avoit encore du chapeau
pour le compte du Moine qui vouloit être.
Cardinal. Telles étoient les caufes fecrètes
& alors ignorées d'une trame ourdie , au
nom de la Religion , par deux hommes >
DE FRANCE. 71
dont l'un , après avoir le matin accepté
la dédicace d'un Livre de dévo :ion , filoit
agiter le foir , dans fa maifon de Ruel ,
une queſtion de galanterie , une thèſe d'amour
; & dont l'autre , Capucin voluptueux ,
dictoit au fein des délices du fiècle , les
Statuts d'un Ordre Religieux très - févère ,
les Annonciades , dont i : étoit le Fondateur.
Il eft inftructif , il eft philofophique de fe
repréſenter ce Cardinal & ce Moine , confidens
& complices en intrigues , en voluptés
, en vengeances facerdotales , en
atrocités miniftérielles , caufant familièrement
à table du fupplice d'Urbain Grandier,
de Marillac , & tutti quanti , des charmes
de Marion de Lorme , de Ninon de Lencios
& tutte quante. Ces deux Prêtres trouvoient
fans doute que tout alloit le mieux
du monde , & far - tout que les François
d'alors étoient de fort bonnes gens.
Le temps n'eft plus de femblable pratique.
Voilà donc comme les Rois étoient fervis
aux temps qu'on voudroit leur faire
regretter , & qu'on leur repréfente comme
la plus brillante époque de leur puiſſance
& de leur grandeur.
Ce qui furprend fans ceffe dans la lecture
de cet Ouvrage , c'eft la protection
& fouvent la faveur royale accordée à des
monftres qui ont prêché le détrônement,
l'affaffinat , l'empoifonnement des Rois .
ܐ7
MERCURE
On en trouve vingt exemples depuis Saint
Thomas d'Aquin , fort attaché à ce dogme
du meurtre des Rois , ju qu'au Jéfuite
Moya , Confeffeur d'Anne d'Autriche.
Celui - ci établiffoit dans un Opufcule
théologique , qu'il étoit permis d'affaffiner
fes ennemis en cachète , quand
on ne pouvoit faire mieux. Et ce monftre
en fut quitte pour voir fon Livre condamné
en Sorbonne ; & il continua de
jouir de fon crédit attaché à fa place , de
calomnier auprès de la Reine fa pénitente
, les honnêtes gens qui détestoient ces
maximes ,& les Ecrivains qui les dévoucient
à l'exécration publique. C'eft ainfi que le
Cardinal du Perron alloit perdre l'Avocat-
Général Servin , en le repréfentant comme
un facilége qui vouloit qu'on violât le
Sacrement de la confeffion , dont le fecret
fait la bafe. Servin , mandé à la Cour ,
répondit aux reproches de la Reine , en
montrant le Directoire des Inquifiteurs , de
1585 , qui contient la forme dont à l'Inquifition
on procède contre les Rois , &
la manière fecrète dont on peut leur ôter
Ta vie. La Cour frémit en lifant ces hor-
& remercia Servin .
reurs ,
Cette conduite de la Sorbonne , fous
le Syndicat de Richer , eft le beau moment
de cette Société , c'eft une époque honorable
pour elle. Elle parut encore s'en fouvenir
en 1664 , lorfqu'elle condamna un
Livre de Jéfuite , qui établisfoit encore
ces
DE FRANCE. 73
ces maximes de fuprématie pontificale . Le
jugement de la Sorbonne déplur au Pape
Alexandre VII. Le Pontife adreffa à Louis
Quatorze un Bref , où il lui demanda in
fuppreffion de ce Décret. Ce Bref , jugé
fcandaleux , fut condamné par le Parlement
; & l'Avocat - Général Talon compofa
un réquifitoire où il paffoit en revue
les excès de Rome , & donnoit une lifte des
Papes qui avoient erré dans la Morale &
dans la Foi. Lauis XIV avoit alors vingtfix
ans. Il auroit pu à cet âge apprendre à
fe défier des Bulles pontificales. Il auroit dû
fe fouvenir de celle - ci quarante ans après ,
lorfque le Saint Siége lui dépêcha la Bulle
Unigenitus , qui bouleverfa fon Royaume ,
& à laquelle il ne put jamais rien comprendre
, comme il l'avoua lui - même en
mourant.
Nous n'irons pas plus loin , & nous
laifferons la Sorbonne dans fa gloire . Après
des Papes condamnés ou protégés , après
des Rois détrônés , dégradés , réintégrés ,
qu'eft- ce , pour un Corps fi célèbre , qu'eftce
que fa querelle avec St Cyran , avec
Arnaud même ? Qu'est- ce que la décifion
de la Sorbonne fur les vifions de Marie
Agreda , Hiftorienne de la Sainte Vierge ,
en huit gros volumes , condamnée à Paris
& canonifée à Rome ? Qu'est - ce que la
tracafferie faite à la mémoire de Deſcartes
, au lieu d'une bonne perfécution qu'il
auroit pu éprouver de fon vivant , mais à
No. 5o. 11 Décembre 1790.
D
74
MERCURE

daquelle il fut échapper par fes amis &
par la volonté connue , feinte ou fimulée ,
de dédier à la Sorbonne fon Livre intitulé
les Méditations ? Nous n'oferons
pas parler avec cette légèreté des querelles
du Janfenifane. Elles ont occupé trop de
grands hommes ; elles ont fait écrire de trop
gros volumes au célèbre Arnaud , homme
de génie , né pour éclairer fon fiècle bien
plus que pour écrire , comme il l'a fait
victorieufement contre M. l'Abbé Picoté.
On rit en fongeant à la célébrité que ces
querelles donnèrent à de certains perfonnages
; c'eft un amufement de voir quel refpect
ils s'attiroient de la part de nos plus
grands Hommes. Racine , couvert de gloire,
& revenu aux illufions du Janféniſme , après
: avoir abjuré celles du Théatre; Racine a écrit
ces mots, l'illuftre Tronfon , le grand Petitpied
( c'étcient des Docteurs de Sorbonne ) :
& l'année fuivante il compofa Athalie. Il y
a place pour tout dans l'homme .
Ce feroit fuppofer à nos Lecteurs un
goût exceffif pour le ridicule , que de leur
offrir le réſultat des décifions de la Sorbonne
, dans les procès portés depuis cent
ans à cet augufte Tribunal ; nous n'en citons
qu'un exemple ; la difpute des Récollets
& des Jéluites , au fujet des Hurons
& des Iroquois , incapables , felon les
Récollets , de comprendre la tranfubftantiation
; & felon la partie adverſe , très - capables
de la bien concevoir , fi les Récollers
DE FRANCE. 75
sy fuffent bien pris : queſtion importante ,
très- bien réfolue par la Sorbonne , en dé
eidant que pour être admis au baptême , il
faut au moins la connoiffance implicite de ce
qu'on reçoit. Rien de plus clair : auffi tout le
monde fut- il content . Même fagacité, même
force de jugement dans la déciſion du procès
des Jéfuites & desDoininicains fur la croyance
religieufe des Chinois ; affaire qui reffortiffoit
évidemment du Tribunal de la Sorbonne
, & dont le fuccès dut inquiéter
vivement la Cour de Pékin . Quant à la
Bulle Unigenitus , on fait que cette Bulle
admife fous Louis XIV , rejetée fous la
Régence, fut admife de nouveau fous Louis
XV , à la farisfaction du Docteur Grand-
Colas , qui fe fit alors un nom immortel .
M. du Vernet s'eft contenté de donner un
court précis de cette grande affaire, n'ignorant
pas que toutes ces merveilles forment
une partie effentielle de l'Hiftoire de
France . On a dit que l'Hiftoire d'Angledans
un certain période , devoit
ére écrite par le Bourreau. Ce même Hiftorien
auroit bien droit à compofer auffi
quelques chapitres dans celle de France ;
mais il faut convenir que pour une grande
moitié de cette Hiftoire , il pourroit remettre
la plume à Rabelais. Il paroît que
telle étoit l'opinion de Rabelais lui - même ,
fi l'on en juge par les allufions fréquentes
aux évènemens dont il étoit le témoin . Mais
fon véritable lot étoit l'Hiftoire de la Sor

terre ,
D 2
76
MERCURE
!
bonne ; auffi montre-t- il un grand refpect
pour les jugemens de ce Corps , & s'en
rapporte- t - il à fes lumières dans les affaires
embarraffantes qui furviennent à Pantagruel.
M. l'Abbé du V..... , moins gai , fans être
moins Philofophe que Rabelais , a mis
heureufement en valeur un grand nombre
de ridicules que fon fujet lui préſentoit
; mais il paroît quelquefois embarraffé
de leur multitude , & l'abondance de biens
lui a peut-être nui vers la fin de fon Ou→
vrage. C'eft que l'Ouvrage devencit moins
fufceptible de variété ; c'eft que depuis la
mort de Louis XIV , l'importance de la
Sorbonne a diminué par degrés , & a fini
par difparoître. On croit voir un fleuve
qui , après des débordemens & des ravages,
finit par fe perdre dans des fables . En
effet, dans l'efpace d'environ quatre- vingts
ans , l'Hiftoire de la Sorbonne n'offre pref
que rien de férieux , fi ce n'eft le don fait
par elle à Louis XIV de toutes les propriétés
de fes fujets. Ceci paffe la raillerie .
Heureufement le Roi ne fe prévalut poins
de cette libéralité , & fe contenta modeftement
de l'Impôt du Dixième : il croyoit
même , avant la confultation , n'avoir pas
le droit d'y prétendre ; mais la Sorbonne
leva fes fcrupules , &fit pécherfon Maître en
confcience.
Cet Ouvrage achevé, il y a plus de quinze
ans , & qui fait beaucoup d'honneur au
talent de M. l'Abbé du V... ; cet Ouvrage
DE FRANCE. 77
encore utile à préfent , eût été d'une utilité
beaucoup plus grande , s'il eût paru
au moment où il fut compofé . Ainfi la
perfécution qui conduifit alors l'Auteur à
la Baftille , lui a dérobé une partie de fa
gloire , & fans doute la plus précieuſe à
fes yeux , celle d'avancer la victoire de la
raifon , & la ruine des préjugés muilibles
à la Société. Il eât déterminé cette victoire
qu'il rend aujourd'hui plus complette.
Il porte les derniers coups à l'ennemi
qu'il auroit alors terraffé. Son Livre
eft l'Abrégé des Annales du fanatiſme , du
moins en France. C'eft l'extrait mortuaire de
la Théologie , rendu public à la renaiffance
du vrai Chriftianifme , de la liberté &
des principes utiles au bonheur des hommes.
Entraînés par les chofes , nous nous
fommes peu occupés du ftyle , quelquefois
pénible & incorrect , mais fouvent
vif , piquant & animé. Plufieurs morceaux
annoncent un élève & un heureux imitateur
de Voltaire , dont M. du V .... a été
'Hiftorien après en avoir été l'ami ( 1 ).
( C ...... )
( 1 ) M. l'Abbé du Vernet va publier une feconde
édition de la Vie de Voltaire . La première
a paru fous un Régime peu favorable à de certains
développemens . Il n'eft pas impoffible que
la cenfure ait gêné l'Auteur , & qu'il fe foit fouvenu
de la Baftille . On pourra comparer les deux
éditions , les deux manières , fes variantes . Riem
n'eft plus propre à former le goût , comme on
dit , & fur- tout le jugement,
i
78
MERCURE
MÉMOIRES fecrets fur les Règnes de
Louis XIV & de Louis XV, par feu M.
DUCLO's , de l'Académie Françoife
Hiftoriographe de France. 2 Vol . in-80
formant 1027 pages , imprimés avec les
caractères de M. Didot. Prix , 9 liv. br.
pour Paris , & 10 liv. franc de port par
tout le Royaume. A Paris , chez Buiffon
Libraire , rue Haute-feuille , No. 10.
L'AUTHENTICITÉ de ces Mémoires n'eft
pas fufpecte. Plufieurs amis particuliers de
M. Duclos , & nombre de Gens de Lettres
favoient depuis long- temps leur existence ;
mais ils penfoient qu'il fe pafferoit un
grand nombre d'années , & peut- être un
demi- fiècle avant qu'on pûr les rendre pu
blics. La Révolution qui a ouvert les prifons
& les Baftilles , ouvre auffi les portefeuilles.
La vérité s'en échappe avant la
mort de ceux qu'elle offenfe. Ce moment
eft , comme on le fait trop , l'époque des
honteufes révélations . Mais depuis ces deux
dernières années , le nombre en eft devenu
fi grand , que ces Mémoires fecrets des
règnes de Louis XIV & de Louis XV
apporteront heureufement plus d'inftruction
que de fcandale. Ils ont pour recommandation
auprès du Public , le nom , la
probité , le talent de l'Auteur. Il eft probable
que cette dernière production de
Duclos lui donnera parmi les Hiſtoriens
DE 79 FRANCE:
une place plus diftinguée que celle où l'a
mis fon Hftoire de Louis XI , objet de
tant de critiques , dont plufieurs ne font
que trop juftes . On connoît le mot du
Chancelier d'Agueffeau far cette Hiftoire
de Louis XI : C'est un Ouvrage compofé aujourd'hui
avec l'érudition d'hier. L'Auteur
des Mémoires fecrets ne méritera point
ce reproche. C'eft le fruit du travail de
plufieurs années ; c'eft le tableau des évè
nemens qui fe font paffés fous les yeux ,
dont il a pénétré les caufes , dont il a en
quelque forte manié les refforts . L'Auteur
a vécu avec la plupart de ceux qu'il a
peints . H les avoit obfervés avec cette fagacité
fine & profonde qu'il a développée
dans les Confidérations fur les moeurs.
C'étoit le vrai caractère de fon efprit. Il
fe retrouve dans les Mémoires fecrets , &
ne pouvoit fe retrouver dans l'Hiftoire de
Louis XI. C'est que l'Auteur s'étoit dépla
cé. Il a écrit les Mémoires de Louis XIV
& de Louis XV avec le talent qu'il tenoit
de la Nature ; & il avoit compofé l'Hiftoire
de Louis XI avec le talent auquel il
prétendoit. Cette différence , en marquant
celle de leur mérite , femble préfager celle
de leur fuccès.
ད Nous nous contentens en ce moment de
dénoncer cet Ouvrage à la curiofité publique ,
en nous réfervant le droit d'y revenir. Il donne
lieu à des réflexions de plus d'un genre , &
c'eft ce qui doit nous obtenir cette permiflion.
( C ... )
MERCURE
VARIÉTÉS.
AUX AUTEURS DU MERCURE
MESSIEURS ,
DANS le Supplément au Journal de Paris ,
du Dimanches Décembre , l'Editeur des Memoires
du Maréchal de Richelieu , y dit qu'il l'eft
auffi des Mémoires de feu M. Duclos , dont il a
paru 96 pages ; que fon édition va jufqu'ep
1770 fans lacune ; qu'il prévient le Public contre
d'autres éditions qui feroient incomplettes , & c.
Puifque cet Editeur eft fi hardi , je le fomme de
dépofer dans le jour aux regards des curieux , fon
manufcrit chez M. Dosfant , Notaire , place du Quai
'de l'Ecole , au coin de la rue de l'Arbre -Sec. Je viens
d'y dépofer le manufcrit original avec les corrections
, changemens & augmentations écrits
de la main même de M. Duclos ; manufcrit fur
lequel j'ai imprimé les véritables Mémoires fecrets
fur Louis XIV & fur Louis XV , que feu
M. Duclos a laiffés. Le Public jugera de la hardieffe
de cet Editeur , & laquelle de nos deux
éditions eft la véritable & la plus complete .
Paris , 7 Décembre 1790.
BUISSON, Libraire , rde
Haute-Feuille , N , 20.
DE FRANCE. 83
huit Portraits fe vend 4 livres. Chaque Gravure
Léparée des niêmes Portraits , 1 liv. montée en
or ou noir & or avec verre blanc , 2 liv . 10 f.
montée en noir uni , auffi en verre blanc , 1 l . 14 f.
Chaque Volume , contenant 200 Portraits , un
Frontifpice & une Lifte imprimée , le tout relié
en marroquin , in-4° . & doré fur tranche , 130 1.
en veau , auffi doré fur tranche , 110 liv.
f
If vend auffi le vrai Portrait de FRANKLIN
deffiné d'après nature en 1789 , gravé depuis fa
mort par Voyez le jeune. La bordure qui entoure
le Médaillon de ce grand Homme eft ingénieufe
. Prix , 3 liv. monté en or ou noir & or
avec verre blanc , 5 liv. 8 f. en noir uni auffi
avec verre blanc , 4 liv , 4 f,
Le Sr. de Jabin fe charge auffi de toutes les
Gravures nouvelles , & en fait des envois en
Province. C'eft vis-à-vis la Coyle des Tuileries
, place du Carroufel , & boutique N° . 4,
que les lettres , l'argent & les foumiffions doivent
être envoyés affranchis.
Je
Modèle de foumiſſion.
demeurant à
promets au Sr.
de Jabin , Editeur de la Collection des Portraits
gravés en taille -douce de MM. les Députés , de
lui prendre cette Collection auffi - tôt qu'il aura
annoncé pouvoir me la livrer , & de lui en payer
le montant fur le pied de 4 livres par chaque
Livraiſon de huit Portraits auffi -tôt la réception ;
( pour les perfonnes de Province ) aufli - tôt la
remife de cette Collection chez M.
demeurant à Paris , rue
eft chargé de la payer.
Nº.
qui
82 MERCURE
La Femme jaloufe , Recueil de Lettres en un
Vol. de 250 pages in- 8 ° . A Paris , chez Henry ,
Libraire , rue Taranne ; & Defenne , au Palais-
Royal.
C'eft un Roman , dont l'intrigue affez fimple ,
eft tiffue par des moyens qui ne font pas toujours
naturels. On y voit des caractères atroces & des
fituations peu vraisemblables. Il y règne cependant
une forte d'intérêt , & nous croyons qu'il
peut amufer les perfonnes affez dégagées des
circonftances préfentes pour s'occuper d'un Roman
qui n'offre ni de nouveaux caractères ni de
nouvelles moeurs.
GRAVURE.
Lɛ Sr. de Jabin , Editeur de la Collection en
Gravure des Portraits de MM . les Députés à
l'Affemblée Nationale , vient de préfenter à cette
augufte Affemblée le premier Volume de fon
Ouvrage , contenant un Frontifpice ingénieux &
200 Portraits , & a eu l'honneur de la féance. Il
a préfenté un pareil Volume au Roi , à la Reine
& au Dauphin. Ledit Sr. de Jabin invite les amis
de la Conftitution qui défirent fe procurer cette
Collection , de vouloir bien envoyer leur fou
miflion le plus tôt poffible. Les Soumiffionnaires
antérieurs au mois de Janvier prochain , qui voudront
jouir des Livraiſons à mesure qu'elles paroiffent
, ne payeront que liv. 12 f. au lieu de
4 liv. par chaque Livraiſon de huit Portraits ,
qui leur feront envoyées , port franc ; & en Prevince
, moyennant un modique arrangement particulier
, auffi pórt franc. Chaque Livraifon de
DE FRANCE. 83
huit Portraits fe vend 4 livres. Chaque Gravure
Léparée des mêmes Portraits , 1 liv. montée en
or ou noir & or avec verre blanc , 2 liv. 10 f.
montée en noir uni , auffi en verre blanc , 1 l . 14 f.
Chaque Volume , contenant 200 Portraits , un
Frontifpice & une Lifte imprimée , le tout relié
en marroquin , in-4° . & doré fur tranche , 130 1.
en veau , auffi doré fur tranche , 110 liv.
If vend auffi le vrai Portrait de FRANKLIN ,
deffiné d'après nature en 1789 , gravé depuis fa
mort par Voyez le jeune. La bordure qui entoure
le Médaillon de ce grand Homme eft ingénieufe.
Prix, 3 liv. monté en or ou noir & or
avec verre blanc , 5 liv. 8 f. en noir uni auffi
avec verre blanc , 4 liv , 4 f,
Le Sr. de Jabin fe charge auffi de toutes les
Gravures nouvelles , & en fait des envois en
Province. C'eft vis-à-vis la Cote des Tuileries
, place du Carroufel , & boutique No. 4,
que les lettres , l'argent & les foumiffions doivent
être envoyés affranchis.
Je
Modèle de foumiſſion .
demeurant à
promets au Sr.
de Jabin , Editeur de la Collection des Portraits
gravés en taille-douce de MM. les Députés , de
lui prendre cette Collection auffi - tôt qu'il aura
annoncé pouvoir me la livrer , & de lui en payer
le montant fur le pied de 4 livres par chaque
Livraison de huit Portraits auffi -tôt la réception ;
( pour les perfonnes de Province ) aufli -tôt la
remife de cette Collection chez M.
demeurant à Paris , rue
eft chargé de la payer.
Nº.
qui
MERCURE DE FRANCE.
Louis XVI, Roi des François , Eftampe faifant
fuite aux Portraits de Henri IV & Sulli , gravés
par Janinet ; & à Michel de l'Hopital & Necker,
gravés par Baillet. A Paris , chez le Sr. Breton ',
Md. d'Ellampes , rue St-Jacques , près celle de la
Parcheminerie , No. 17.
A VIS.
Domaines Nationaux.
On foufcrit au Bureau , rue Saint - Magloire ,
quartier St-Denis , près la rue Salle-au - Comte ,
pour le Tableau de tous les Biens particuliers &
Pomaines Nationaux qui font à vendre.
Ce Tableau paroît deux fois par femaine. On
y donut date de la publication & des adjudications
qui doivent avoir lieu , & la note des
adjudications faites , & des fommes auxquelles les
enchères ont été portées .
Les renfeignemens fur chaque objet annoncé
au Tableau , font communiqués gratuitement aux
Soufcripteurs .
Le prix de la Soufcription eft de 30 liv. pour
l'année , 18 liv. pour fix meis 12 livres pour
trois mois , pour Paris. Pour la Province , 41 liv.
24 liv. & 15 liv. Le tout franc de port.
ERS.
Vers.
TABLE.
49 Mémoires.
50 Variétés.
Charade, En. Lag.
Hiftoire.
52
Notices.
541
78
80
81
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
POLOGNE.
De Varfovie , le 14 Novembre 1790.
LE vice radical de notre Gouvernement
eft l'exclufion qui enlève aux deux tiers
des habitans de la campagne , les priviléges
de la liberté civile ; le plus grand vice après
celui que nous venons d'indiquer , confifte
dans l'inadmiffibilité de tous les Piebéiens à
l'exercice de la liberté politique , & de la
repréfentation nationale. Un Gouvernement
ariftocratique , jaloux de fa confervation
deir avoir la predence de fe corriger luimême
, en ouvrant l'accès du Patriciat aux
citoyens que leurs talens , leurs fervices ,
leur fortune , l'ancienneté de naiffance en
tapprochent naturellement . Quelques états
N°. so . 11 Décembre 1790.
D
( 74)
ariftocratiques , tels que Gênes & Venife ,
n'ont fu parvenir à ce but que par des
aggrégations capricieufes , foudaines &
nombreufes. Il s'offroit à nous un moyen
plus fyftématique , dans la réception fucceffive
à prefcrire par la loi , d'un certain nombre
de familles , au Livre d'or de la République.
En prévenant l'Oligarchie , on
eût entretenu l'émulation , tapproché les
rangs entre les divers Ordres , & fait difparoître
cette exclufion tranchante de tout
ce qui n'eft pas gentilhomme aux priviléges
politiques du citoyen. La diète actuelle ,
en les réfervant à la Nobleffe feule , auroit
dû déterminer un mode légal d'Indigenat
pour les claffes inférieures : on les
eût ainfi fait fortir de l'humiliation où les
retient la nouvelle , comme l'ancienne forme
du Gouvernement . De l'oubli d'une loi
fi importante , il réfulte qu'une foule de
particuliers demandent aujourd'hui à ètre
ennoblis : des banquiers , des négocians , des
artiſtes fe font infcrits dernièrement fur une
lifte préſentée à la diète , en réclamant
l'Indigenat. Cette pétition a été prife ad
deliberandum : l'efprit de fifcalité pourra faire
ce que la fageffe auroit dû ordonner ; comme
la matricule de ces actes de naturalifation
noble fe paye fort cher , fi l'on admet les
requêtes préfentées , cette condefcendance
vaudra 30,000 ducats au tréfor public.
On agite en ce moment de rendre aux
( 75 )
Jésuites l'éducation publique, dégénérée partout
où ces religieux ont été profcrits. Ils
avoient confervé , on le fait , un féminaire
& un collége à Mohilof dans les états
de l'impératrice de Ruffie : il s'agit maintenant
de les réintegrer au milieu de nous :
ils ont publié un mémoire dans lequel , en
écartant toute réclamation de leurs biens
& des fondations en leur faveur , ils
offrent à la République leurs fervices gratuits.
C'eft le 15 octobre que les troupes Ruffes
ont forcé les retranchemens de Kilia. Leur
général de Muller , bleſſé grièvement , eſt
mort fix jours après. 700 Ruffes ont péri
avec lui : plus affoiblis qu'eux encore , ou
moins opiniâtres , les Turcs , malgré la force
de leur garniſon , ont rendu la place par
capitulation , fix jours après l'attaque des retranchemens.
Cet avantage dont la nouvelle
nous arrive de Bender , entraînera probablement
la perte d'Ifmail.

ALLEMAGNE,
De Vienne , le 24 Novembre.
L'Empereur , ainfi que nous l'avons rapporté
, fit , le 10 , fon entrée folemnelle
Presbourg. Le jour même il ouvrit
l'Affemblée des Etats , & y affifta les
jours fuivans. Le diplome inaugural fut
D 2
( 76 )
-
rédigé & fanctionné avant le couronnement.
Cetre augufte cérémonie a eu lieu
le 15 , avec une pompe orientale : l'Empereur
étoit en coftume Hongrois . Avant qu'il
reçût des mains de l'Archevêque primat la
Couronne de Saint Etienne , le Comte
Zichy , faifant les fonctions de Palatin ,
demanda dans la langue nationale , fi les
états adoptoient pour leur roi Léopold , Archiduc
d'Autriche. Après une triple accla
mation , ce Prince fut proclamé Roi , & le
Primat prononça la formule latine , Leopol
dus IIPannoniae Rex, regnorumque multorum
Dominus , univerfis proceribus & populis femper
timenduş . La preftation du ferment ter
mina la cérémonie. Il eft probable que
l'Archiduc Alexandre Léopold , quatrième
fils de S. M. 1. , que les Hongrois ont nommé
leur Palatin , fera fa 1élidence à Bude ,
avec un revenu de 160 - mille florins .
L'Empereur & la Cour ont quitté Presbourg
le 21 , & font de retour en cette capitale.
--
Le dernier Empereur avoit enlevé à notre
Univerfité fa jurifdiction , & une partie de
fs franchifes : elle vient de les recouvrer
en entier par un refcrit du Souverain.
Avant de reprendre la route de Naples ,
LL. MM. SS . fe propofoient de vifiter
Prague; mais ce voyage eft devenu incertain
, par l'avis d'une épidémie meurtrière
qui s'eft manifeftée au quartier des Juifs :
il en périt 30 par jour. La maladie fe dé
( 77 )
clare par des - bubons & tue le fujet en 24
heures. On a fermé toute communication
avec le quartier des Juifs.
De Francfort fur- le Mein , le 28 Novembre.
Avant le choix d'un nouveau chef de
l'Empire , on avoit annoncé de grands changemens
dans la capitulation impériale. Enfuite
, la rumeur publique réduifit ces changemens
à quelques formalités. Nous ferons
des premiers à faire connoître cet acte dont
nous avons une copie : il eft plus important
que jamais ; parce que , depuis la formation
de la ligue Germanique , les devoirs de
l'Empereur ne font plus de fimple forme.
Pour ne pas trop allonger l'article , nous
nous bornerons à rapporter les additions intéreffantes.
131
« Les archevêques & évêques feront maintenus
dans l'étendue actuelle de leurs archevêchés
& êvêchés , ainſi que dans l'exercice de leurs
droits métropolitains & diocéfains --- Aucun état
de l'empire ne pourra être exclu fous aucun prétexte
du droit de féance & de fuffrage. On
ne pourra être reçu état de l'empire qu'autant
qu'on aura juftifié des qualités requifes par la
La conftitution & la forme légale de
gouvernement des villes impériales feront main-
& on ne pourra y faire des changemens
L'empereur ne pourra exercer le
droit de premières prières ( nomination à un bénéfice
) que dans ceux des chapitres où cet uſage
loi. 1--
tenues ,
arbitraires . 111
D3
( 78 )
100
171
106
s'eft confervé légalement. L'empereur ne
pourra céder des fortereffes de l'empire , ni en
établir de nouvelles , fans le confentement des
états . - Le recrutement dans l'empire ne pourra
plus être exercé que par les puiflances qui y ont
des poffeffions confidérables. --- La police de
l'empire , le fyftême monétaire & le réglement
d'exécution feront revifés & perfectionnés. Aucun
membre du confeil aulique ne pourra être démis
de fon emploi que par un jugement légal .
Les fujets d'un état de l'empire , lorsqu'ils feront
en conteſtation avec la chambre des domaines ,
ne pourront paffer les tribunaux provinciaux ,
pour fe pourvoir fur le champ aux tribunaux
fuprêmes de l'empire . Dans les procès entre les
états & leurs fujets , ou entre les villes impériales
& leurs bourgeois , il fera défende aux tribunaux
fuprêmes de donner , fur la demande de l'une
ou l'autre partie , des refcrits que préjugent le
fond de l'affaire . On déterminera à la diète , d'une
manière claire & précife , les cas dans lefquels
on pourra recourir à cette affemblée fédérale ,
ou s'y pourvoir contre les arrêts des tribunaux
fuprêmes de l'empire . Les règlemens établis
dans les capitulations des empereurs Charles VI,
François & Jofeph II , concernant les enfans nés
de mariages difproportionnés dans les états de
l'empire & leur fucceffion , feront étendus aux
enfans provenus de mariages faits à la main
gauche. Un conclufum de l'empire déterminera
les mariages qui feront jugés difproportionnés
ou incompatibles avec le rang de naiflance
de l'une ou l'autre des parties contractantes.
L'empereur tiendra la main à l'exécution ponctuelle
des arrêtés de l'empire , qui renferment
l'acceffion & le confentement de l'empire aux
111
---
( 79 )
traités de Drefde & de Tefchen .--- La jurifdiction
eccléfiaftique du pape fera bornée aux limites
conventionnelles , & les griefs de la nation germanique
, contre les atteintes de la cour de Rome ,
par l'établiffement de fes nonciatures & de leurs
juridictions , feront examinés à la diète.
Un autre acte dont on a parlé très - inexactement
, & publié des copies infidelles , eft
le mémoire adreffé le 10 octobre à l'Em-
Rereur, par le collége Electoral , au fujet des
décrets de l'Affemblée nationale de France ,
fur les droits & poffeffions de divers états de
l'Empire en Alface. Voici une traduction
fidelle de ce document.
ee Votre majefté impériale eft fans doute déjà
faffifamment inftruite que , l'Affemblée nationale
de France s'eft crue autorifée à diffoudre arbitrairement
des droits & jouiffances des biens qui ,
de temps immémorial , ont appartenu à divers
états de l'empire , à leurs vaffaux , fujets , au
clergé , aux membres de la nobleffe immédiate
& aux corporations dépendantes de cette nobleffe ,
tant dans la province d'Alface que dans le duché
de Lorraine & d'autres lieux qui furent jadis les
parties intégrantes de l'empire d'Allemagne.
" Votre majefté impériale daignera dans fa
fageffe , prendre en confidération la combinaiſon
aufli importante que dangéreufe , qu'a fuivi
dans le fait , l'Affemblée nationale des François .
Notre devoir exige de rendre votre majefté impériale
, dès le commencement de fon règne
attentive aux décrets de cette Affemblée nationale
, par lefquels elle n'a pas craint de tranf-
D 4
( 80 )
greffer toutes les conventions & traités de paix ,
conclus entre l'Allemagne & la couronne de
France , & de prendre fur elle , de fruftrer les
états de l'empire , de tous les droits & privilèges
que leur affurent ces conventions .
Ces entrepriſes attentatoires nous forcent
de recourir à votre majefté impériale , & d'invoquer
duement fon affiftance & fa haute protection
. Votre majefté impériale a accepté la
dignité de chef fuprême de l'empire & la capitulation
qui lui a été préfentée par le
College électoral : cette capitulation impofe à
votre majefté impériale , l'obligation de maintenir
de tout fon pouvoir & de toutes les forces ,
les états de l'empire & les corps qui en déperdent
, dans leurs poffeffions & dans la jouiffance
de leur autorité , dignité , droits & privilèges
, tant au dedans de l'empire qu'au dehors.
Nous fupplions en conféquence , votre majefté
impériale , pour les intérêts de tout le corps
Germanique , & particulièrement au nom des états
opprimés , de s'interpofer en leur faveur , le
plus promptement poffible , & d'agir avec toute
l'énergie de fon autorité impériale , pour que les
chofes foient remifes dans l'ordre convenable ,
Si , contre toute attente , cette interpofition reftoit
fans cffet , nous la fupplions de prendre en
délibération , avec les états affemblés à la diète ,
les mefures qu'exige la pofition actuelle des affaires
, & qu'elle permet au chef de l'empire ,
pour faire rendre , au moyen de la force dont
i! a la difpofition , tous les droits & toutes les
poffeffions , fans aucune exccption quelconque ,
avec toutes les jouiffances non perçnes juſqu'à
ce momcht , qui , au mépris des conventions
les plus précifes d'une poffeflion non interrom
( 81 )
ravir aux états de
fujets , aux mempue
& immédiate , ont ofé
fempire , à leurs vaffaux &
bres de la nobleffe immédiate aux corporations
, &c.
"
En rempliffant ce devoir facré , le règne de
votre majesté impériale s'illuftrera de plus en
plus , & en acquérant une gloire immortelle ,
elle répondra aux voeux & aux efpérances de
l'empire ».
ESPAGNE.
De Madrid le 21 Novembre 1790.
Au commencement du mois dernier , le
Préfide d'Oran fur la côte d'Afrique , a
effuyé un tremblement de terre deftructeur
, & les jours fuivans deux attaques
des Maures. Le Gouvernement a rendu
compte de ces événemens , & en ces termes
dans la gazette de la cour du 19 .
une
Des lettres d'Oran , écrites par le brigadier ,
comte de Cumbre-Hermofa , colonel par interim
du régiment d'infanterie de Navarre , nous ont
appris le violent tremblement de terre qu'on y a
éprouvé , la nuit du 8 au octobre dernier , à
heure un quart , & qui s'eft renouvellé par courts
intervalles , jufqu'à vingt fois . Cette irruption a
fait périr un nombre infini de perfonnes : les arfénaux
ont été détruits . Le grand nombre de
bleffés , & la diverfion caufée par les Maures des
frontières ont empêché d'y apporter aucun
fecours . Parmi les victimes de cette affreuse cataftrophe
, fout le chefde la juftice , l'inspecteur
>
DS
1
( 82 )
des brigades des exilés , le commandant - général
de ces places , le brigadier D. Bafile - Gafcon ,
colonel du régiment des Afturies ; dix officiers du
même régiment , & cent cinquante individus de
la troupe , attachés à ce corps ; cinq officiers du
régiment de Lisbonne , & huit foldats du même
corps ; trois officiers du régiment de Navarre &
vingt-fix foldats ; un officier du régiment fixe &
treize autres foldats ; un officier des fufiliers &
fept autres foldats de cette compagnie . Il y a eu
184 bleffés aux régimens de Navarre & des
Afturies , tant officiers que foldats & femmes .
Le calcul le plus modéré porte le nombre des
morts à plus de 2000 .
Les Maures des frontières croyant les circonftances
favorables , fe préfentèrent devant la place ;
& le 15 octobre , ils en attaquèrent tous les forts .
Ils furent néanmoins repouffés avec une perte confidérable
; nous n'eûmes de notre côté que deux
grenadiers bleffés . Les ennemis continuèrent d'augmenter
leur camp en infanterie & en cavalerie ;
& le 21 , ils attaquèrent à l'improvifte toute la
Vigne d'Oran en tête & par les flancs , avec un
nombre infini de Maures qui s'étoient mis en
embufcade la nuit précédente. Le comte de Cumbre-
Hermofa fit auffi - tôt mettre la troupe fous les
armes , & ordonna que les fufiliers qui connofffoient
les lieux , fiffent fortir les Maures des re-
Braites ou fondrières . Cette action fut foutenue
par le feu continuel des canons des châteaux de
Saint-Philippe & de Saint- Grégoire . Les maures ,
foutinrent l'attaque avec obftination , & qui
s'approchèrent jufqu'aux glacis des forts , laifferent
dans leur retraite un grand nombre de bleffs .
Dans la nuit du 25 , on éprouva un autre trem-
Blement de terre , auffi confidérable que celui qui
avoit occafionné la ruine de la ville . La matinée
qui
( 83 )
du 26 , les ennemis difposèrent une attaque du
- côté de la for drière , contre la tour del Nacimiento.
Le feu des deux côtés fut très-vif & dura
quatre heures. Notre artillerie fit un maffacre
terrible. Les Mores furent obligés de fe retirer ,
malgré les efforts étonnans du Bey de Mafcara .
Enfin le matin du 29 , ils regagnèrent leurs habitations
ordinaires avec leur artillerie , en nous
laiffant la gloire d'avoir confervé Oran avec une
poignée d'hommes épuifés de forces.
PAYS- BA S.
De Namur le 4 Décembre.
La contre révolution , ou plutôt le rétabliffement
legal des droits du Prince &
de la Nation , s'opère dans nos provinces
Belgiques , de manière à démontrer la perfide
hypocrifie de ceux qui , dans les troubles
politiques ; s'arrogent le droit de fervir
au peuple d'organes prétendus , & de
confondre les intérêts avec les leurs. Ce
peuple a prouvé qu'il étoit lui -même fous
le joug de fes Demagogues , en refufant
de défendre leur autorité , & en fe foumettant
fans réfifiance aux armes du fouverain.
Le congrès Belgique ni aucun des corps
de l'union n'ayant adhéré le 21 Nov. , à la
déclaration du 14 octobre , le Maréchal de
Bender prit le commandement de l'armée
qui fe mit en marche le 22. La veille , le
D6
( 84 )
congrès ayant imaginé par Mezzo termine ,
de proclamer fouverain héréditaire & grand
duc de la Belgique , l'archiduc Charles , ordonna
le foir même au Général Schonfeld
de notifier cette réſolution au Maréchal de
Bender, & d'invoquer une fufpenfion d'armes.
Le Maréchal répon lit le 23 , que le
maniffle de l'Empereur regloit fes devoirs ,
& qu'il repoufferoit par a force tout ce qui
s'oppoferoit à fon exécution .
L'armée A tichienne formée d'abord en
tro's colonnes , & en uite réunie en deux ,
pafla la Meufe fans oppofition . Les patriotes
abandonnèrent leur poftes fur la rive droite,
& com pencèrent à s'appercevoir qu'ils n'étoient
plus aux jours d'une guerre d'obfervation.
Le 24 au foir , les Autrichiens fe
préfentèrent devant notre place ( Namur) ;
ils en privent poffeffion dans la nuit. Le
Général Schonfeld s'y étoit retiré avec
quelques débris de ce qu'on nommoir l'armée
Belgique on confentit à lui laiffer
la retraite libre avec fes bagages , & il rendit
fans délai la ville & le château , hors
d'état d'être défendus Les Etats de la province
& la bourgeoife fe foumirent par
un acte fans referve , à la fouveraineté de
l'Empereur. L'ordre , la fûreté , la tranquillité
ne furent troublés d'aucune manière.
Pendant que le Maréchal de Bender rétabliffoit
dans notre ville , l'autorité du légitime
fouverain , les députés du Congrès
( 85 )
follicitoient à la Haye de nouveaux délais .
Les Miniftres médiateurs appuyèrent cette
interceffion , contre la teneur même de leurs
engagemens publics . Ces rufes ont été infiuctueules
: M. de Mercy a perfifté avec une
prudente fermeté dans les mefures priles ,
mefures ratifiées & déclarées à l'avance par
les Plénipotentiaires des Cours médiatrices ,
& fur lesquelles la plus évidente politique
ne permettoit plus de revenir, En rejettant
ces demandes infidieufes , M. le comte de
Mercy , a prefcrit au général Autrichien
une conduite humaine & paternelle . Il eft
néceffaire de rapporter la fubftance de ces
inftructions , datées du 22 , pour lleess oppo .
fer aux menfonges burleſques de quelques
marchands de nouvelles.
» Comme vos Inftructions & les miennes, a écrit
M. de Mercy au maréchal de Bender , ne portoient
que fur l'alternative d'entrer dans le Pays
en Ami ou en Ennemi , felon la conduite qu'on y
obferveroit envers l'Armée , & aucunement fur un
Armiſtice , ni fur aucun retard contraire aux opérations
de Votre Excellence ; que d'ailleurs aucun
des Articles , exigés par ladite déclaration , ne
fe trouvoit rempli au fond ni dans la forme , j'ai
cru ne voir dans ces Propofitions qu'un piège tendu
aux Miniftres Conciliateurs & à moi ; & je n'y
donné . ai pas
сс Je fais que tous les bons citoyens des villes,
& prefque tous les habitans des campagnes , attendent
l'armée avec une forte d'impatience , pour
voir ceffer l'anarchie & l'oppreffion de ceux qui
186 )
fe font emparés de l'adminiſtration du pays . Il
eft de la plus grande importance ( votre excellence
le fentira aifément , & elle connoît la volonté
expreffe de l'empereur à cet égard ) qu'on
entre dans le pays avec un oubli total du paffé ;
qu'on ne fe perinette aucune violence ni fur les
perfonnes , ni fur les poffeffions ; que toutes les
mefures tendent à rétablir la confiance , le calme ,
l'ordre & le libre cours de la juſtice ordinaire ;
que l'on fe borne à repouffer l'attaque des gens
armés , à vaincre leur réfiftance , & à les difperfer
, s'il eft poffible , fans effufion de fang.
Il faut traiter avec douceur un peuple égaré. Sa
majefté ne veut règner que par la clémence ; &
l'emploi de fes forces répugnoit à fon coeur magnanime
, s'il s'agiffoit d'autre chofe que de tirer
de l'oppreffion une partie nombreufe de fes fujets ,
& de rétablir la félicité publique fur une bafe
inébranlable . Tâchez , M. le maréchal , d'imprimer
aux braves troupes que vous commandez
les vertus civiques , qui doivent couronner leur
valeur ; que par - tout où l'on fera tranquillement
établi , il ne foit jamais queftion des troubles
paffés ; que tous les ordres & toutes les claffes
jouiffent également de la protection des lois ; &
que les forces militaires ne faffent que leur fervir
d'appui. Sa majefté veut avoir une double obligation
à fon armée , celle de tout le fang qui
ne fera pas verfé , de toutes les propriétés qui
feront refpectées ; & celle des efforts de valeur ,
s'il en faut , pour vaincre une réfiftance opiniâtre
au rétabliffement de fon autorité légitime . Il ne
doit y avoir d'ennemis que ceux qui porteront
les armes contre les troupes , ou qui exciteront
de coupables hoftilités . Les fentimens de refpect
& d'affection que votre excellence a fu fe concilier
dans la province fidèle , où elle a com(
87 )
mandé pendant quatre ans , me font garans de
fes principes. Je la prie d'agréer les affurances
de la haute confideration avec laquelle j'ai l'honneur
d'être , & c. ».
Maître de Namur & de la Province ,
M. de Bender a marché, le 27 , fur le Brabant.
A fon paffage on a fubftitué les armes
du Souverain aux poteaux enrichis du chepeau
de la liberté : les habitans des campagn.s
ont reçu le Maréchal comme leur libérateur.
Les cris de vive Léopold,vive Bender, perçoient
de toutes parts. Quant à l'armée Belgique ,
réduite à trois ou quatre mille défer : eurs de
toutes nations , & quelques volontaires , el e
a fui de Namur à Mons , de Mons à Bruxelles
, & de Bruxelles en Flandres ; elle fembloit
être l'avant - garde des Autrichiens
chargée de faire ouvrir les portes : fondue
en chemin , enclouant une partie de fon
artillerie , écartée avec terreur des lieux où
elle paroiffoit vouloir fe cantonner , il ne
lui reftoit plus que deux chefs étrangers
, MM. de Schonfeld & de Koehler. Le
premier ayant demandé & obtenu fa démiffion
, eft , dit on , paffé en France ,
après avoir failli être arrêté & tué par des
payfans du Hainaut.
A chaque lieue que faifoit l'armée Autrichienne
dans le Brabant , la confufion croifoit à
Bruxelles . Enfin , le peuple a vu qu'il avoit fait
une affez longue épreuve du civifme , de la
vertu, & des talens de fes conducteurs.Suivant
fes moeurs & fa foibleffe d'efprit,il a menacé de
( 88 )
fes fureurs ceux qu'il adoroit il y a un mois.
Les placards injurieux , les imprécation ,
les menaces ont été prodiguées à M. Van
der Noot qui , enfin a pris le parti de s'évader
ainfi que fon collègue M. Van Eupen ,
le Baron d'Hove , & les autres dictateurs de
certe Republique , morte de vieilleffe à fa
naiflance. La démagogie en fuite , & les
Autrichiens aux portes , la multitude a
écouté les citoyens fages , & après quinze
jours de délibérations in tiles , de tergiverfations
impolitiques , & d'illufions abfurdes
, on a fini par où on auroit dû
commencer , on a rendu Bruxelles : le Maréchal
de Bender y eft entré le 2 au matin ,
fans avoir bûlé une cartouche. La troupe
Belgique ne l'avoit pas attendu renvoyée
en Flandres , elle a , fignalé fon départ par le
pillage de fes magalins.
Louvain s'eft foumis avec la même docilité,
ainfi que Mons & les autres villes voisines,
Il ne reste plus qu'à fe préfenter à Anvers ,
dont le Château , fi l'on fonge à le défendre
, tombera à la première décharge
d'artillerie. Le Hainaut a fuivi le fort du
Brabant : Dans peu de jours nous faurons
celui de la Flandres.
Ainfi la promenade de quelques bataillons
Allemands , & de quelques huffards
Hongrois , a rendu à l'Empereur ces fuperbes
provinces , dont les innovations
précipitées & fouvent illégales de Jofep
( 89 )
II commencèrent le foulevement . Des
intrigues étrangères , des factieux , les
circonftances de la guene fur le Danube
, l'inattention du cabinet de Vienne ,
la divifion tunefte , les fautes & la préfom,
tion de fes Agens dans les Pays-
Bas , amenèrent une révolution complette.
En proclamant leur indépendance , fes chefs
crurent s'affeoir fur un trône inébranlable.
Ils ent erinrent le peuple de libe té , & le
peuple crût être libre , parce qu'il ne voyoit
plus les dragons d'Arberg ni mpétueux
d'Alton. Devenus maîtres du pays , fes libérateurs
fuppofés fe divifèrent au partage
des dépouilles deux factions s'élèverent
fur les ruines de l'autorité légitime. Chacune
voulut compofer la fouveraineté d'aprês
fa métaphyfique propre. Chacune
préfenta fes théories , & les défendit avec
cette opiniâtreté qui caractériſe des fectaires ,
bien plus que des hommes dignes de la
lberté. L'union fut déchirée ; la tyrannie
ordinaire de la majorité fe déploya dans
toute fon horreur , & le peuple aveuglé
par les paflions de fes Demagogues , finit
par être la victime de leurs débats , fans
être en état de les comprendre.
Le feul acte raifonnable qu'ait offert
cette commotion d'une année , fur laquelle
une bande de fophiftes incendiaires avoient
fondé de fi belles efpétances , eft celui
qui l'a terminée fans effufion de fang. Il
( 90 )
eft rifible de fe rappeller l'enthouſiaſme
dont cette république fut l'objet à ſon entrée
dans le monde ; on lui prédiſoit une
existence indestructible. I.orfque les Autrichiens
ont été en marche , cent Ecrivains en
délire imprimoient que pas un foldat n'arriveroit
aux Pays Bas . L'armée arrivée , les
mêmes déclamateurs , qui , cependant , n'écrivoient
pas des petites mailons , nous affurèrent
que chaque patriote battroit un
bara l'on de ces mercenaires Allemands, que
la liberté étoit invincible , & que jufqu'aux
enfans mourroient avant de fe rendre. Ce
furent le même langage & le même réfultat ,
lorfque quelques efcadrons de huffards Pruffiens
conquirent cette province de Hollande ,
hériffée de patriotes , & qui , avec fon
tyran Guillaume III , réfifta , néanmoins , à
la puiffance de Louis XIV. Ces deux faits G
récens prouveroient - ils que l'efprit de liberté
exclut l'héroïfme & le courage du défelpoir
? Bien au contraire : un peuple qui ,
à l'exemple des Suiffes & des anciens Bataves
, fe foulevera véritablement par l'énergie
de l'oppreflion , & qui , par conféquent ,
a tout à perdre en retombant dans fa première
fituation , ce peuple qui fe battra par fentiment
, & non par l'effervefcence de quelques
doctrines copiées deLocke & de Roufeau,
ou pour élever un piedeftal à quelques
factieux fubalternes , ce peuple , difons nous ,
renouvellera l'exemple de Sagonte & de
( 91 )
Numance. Ces traits fublimes , font pour
les peuples d'aujourd'hui , ce que les antiques
font pour les Aitiftes : on les admire
& on ne les imite pas , parce que nos motifs
de réſiſtance ne reffemblent plus aux leu : s.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres le 30 Novembre 1790 .
Vendredi dernier , ( 26 ) le Roi s'eft
rendu en grand cortège au Parlement.
Ayant pris place fur fon trône dans la
Chamb.e Haute , dont les membres des
communes , précédés de leur Orateur , occupoient
la barre , S. M a approuvé le
choix que la Chambre des Communes avoit
fait de M. Addington pour la préfider.
Enfuite , ce nouvel Orateur , a prié le Roi,
fuivant l'ufage , de confirmer les priviléges
de la Chambre ; le Chancelier a exprimé
cette confirmation . Nulle cérémonie n'eft
plus folemnelle , plus impofante , que cetre
ouverture des feflions par le Roi en perfonne.
Ce Magiftrat fuprême , ce repréſen
tant héréditaire de la fouveraineté publique,
auquel tous les citoyens doivent obéiffance
, & qui n'obéit qu'à la loi , ce Roi ,
en un mot , qu'on n'appelle ni un délégué
ni un ferviteur de la ration , & qui , felon
la définition de M. Burke , eft Roi parce
qu'il exécute des loix auxquelles il concourt
librement , & non des ordres qu'on
( 92 )
lui impofe , ce monarque , difons nous ,
eft entouré dans l'exercice de fes fonctions
augufles , de toutes les formes du reſpect
& de la foumiflion . Ses affociés au pouvoir
législatif, donnent au peuple l'exemple
de ce refpect , garant de celui que chacun -
doit à la loi & à la contitution.
Les preliminaires terminés , le Roi a prononcé
le difcours fuivant.
« Milords & Meffieurs ,
« C'eſt avec un grand plaifir que je vous arprends
que le différend qui s'étoit élevé entre moi
& la cour d'Efpagne a été heureuſement amené
à une fin amicale .
» J'ai ordonné que les copies des déclarations
entre mon ambaffadeur & le miniftre du roi catholique
& de la convention qui les a fuivies ,
vous fuffent préfentées . Les objets que je me fuis
propofés dans tout le cours de cette négociation ,
ont été d'obtenir une réparation convenable pour
l'acte de violence commis à Noorka , & pour
éloigner à l'avenir les caufes de pareilles difputes ,
ainfi que pour affurer à mes fujets la navigation ,
le commerce & la pêche qui étoient l'objet de cett ›
difcuffion .
» Le zèle & l'efprit public qui ont été manifeftés
par tous mes fujets , les difpofitions & la
conduite de mes alliés , me garantifoient que je
devois m'attendre à l'appui le plus vigoureux &
le plus efficace ; mais aucun événement ne pouvoit
ne donner autant de fatisfaction que celui qui
m'a fait obtenir les objets que j'avois en vue ,
fans que la paix füt interrompue,
( 93 )
"
Depuis la dernière feffion du parlement , on
a affuré la bafe de la pacification de l'Autriche
avec la Porte . J'emploie actuellement ma médiation
, conjointement avec mes alliés pour négocier
un traité définitif entre ces deux puiffances , &
pour m'efforcer de faire finir les diffentions des
Pays-Bas , dont la fituation me concerne ,
par des confidérations d'intérêt national que par
des traités qui m'engagent.
tant
» Une paix féparée s'eft faite entre la Ruffie
& la Suède ; mais la guerre entre la première de
ces puiffances & la Porte continue encore . Les
principes par lefquels je me fuis conduit jufqu'ici
me font defirer d'employer le poids & l'influence
de ce pays pour contribuer au rérabliſſement de
la tranquillité générrle
20.
«Meffieurs de la chambre des Communes.
« J'ai ordonné que les états des dépenses des
derniers armemens & celui des fommes néceffaires.
pour l'année fuivante , vous fuffent préſentés .
Quelque pénible qu'il foit pour moi , dans
tous les temps , de voir accroître les charges publiques
, je fuis perfuadé que vous penſerez comme
moi , que l'étendue de nos préparatifs , a été dictée
par la confidération des circonftances ; & que
vous verrez avec plaifir la preuve flatteufe des
avantages qui résultent des généreux fubfides accordés
depuis la dernière paix pour le ſervice de
la marine. Je me repoſe fur votre zèle & votre
cfprit public pour fournir convenablement aux
moyens de défrayer les dépenfes occafionnées par
cet armement , & pour maintenir toutes les branches
du fervice public fur le pied que la fituation
générale des affaires femble requérir . Je fuis
perfuadé qu'en même-temps vous montrerez votre
( 94 )
détermination de perféverer invariablement dans
le fyftême qui a fi efficacement foutenu & confirmé
le crédit public » .
Milords & Meffieurs ,
« Vous avez obfervé avec peine l'interruption
de la tranquillité de nos poffeffions dans l'Inde ,
en conféquence de l'attaque non provoquée qui
a eu lieu contre un allié de la nation Britannique ;
mais le reſpectable état des forces qui ſe trouvent
dans ce pays -là entre les mains du gouvernement
& la confiance que l'on a au nom Britannique ,
confiance établie parmi les nations de l'Inde par
la conduite du parlement , nous offrent la perfpective
la plus favorable de faire finir ces troubles
promptement avec fuccès .
» Je crois néceffaire de requérir que vous portiez
votre attention fur la province de Quebec , & de
vous recommander de confidérer les réglemens que
les circonftances & la fituation de cette province
femblent demander pour fon gouvernement .
» Je fuis perfuadé que je recevrai dans toutes
les occafions les preuves les plus entières de votre
zèle & de votre attachement affectionné . Cela ne
peut manquer de me donner une fatisfaction particulière
, fur- tout après avoir eu fi récemment
l'occafion de connoître les fentimens de mon
peuple.
» Vous pouvez être affurés que je n'ai rien
plus à coeur que de cultiver une harmonie & une
confiance parfaite entre moi & mon parlement
pour préferver & tranfmettre à la poftérité des
bénédictions ineftimables de notre libre & excellente
conftitution , & pour concourir avec vous
toutes les mesures qui peuvent maintenir les avanà
( 95 )
ages de notre fituation actuelle , & augmenter la
profpérité & le bonheur de mes fidèles fujets ».
Après la retraite du Roi , les Pairs ayant
formé leur affemblée , lord Pawlet a propofé
l'adreffe de remercîment & de félicitations
à S. M. Lord Hardwicke a fecondé
la motion elle alloit paffer à l'unanimité
lorfque Lord Stanhope, par forme, de digreffion
, a entretenu la Chambre du livre de M.
Burke , de celui de M. de Calonne , qu'il
a nommé un libelle contre le Roi d'Angleterre
, & de la révolution de France à laquelle
il a attribué la confervation de la
paix avec l'Espagne. Ce n'étoit pas un compliment
flatteur à adreffer à ceux des Membres
de la légiflature françoife , qui firent
décréter un armement confidérable pour
foutenir leur alliée. Mylord Stanhope pouvoit
tout au plus féliciter les auteurs des
infurrections de Breft , de la réfignation
de l'Espagne aux conditions que l'Angleterre
lui impofe. On s'attendoit que ce
jeune pair propoferoit à fes collégues de
remercier , non pas le Roi ni le ministère ,
mais les révolutionnaires François de l'année
1790. Les éclats de rire ont malheureufement
troublé & interrompu cette harangue
, la plus extraordinaire , & c'eft beaucoup
dire , decelles qu'on a jamais entendues
dans le Parlement Britannique. Perfonne n'a
tenté de lui répondre.
( 96 )
L'adreffe ayant été mife aux voix , elle
a été approuvée nemine contradicente. Aujourd'hui
, les communes prennent la même
délibération .
M. Grenville , l'un des fecrétaires d'Etat ,
frère du Marquis de Buckingham , & parent
de M. Pitt , vient d'être élevé à la pairie ,
& a pris place en cette qualité dans la
Chambre Haute .
Les Diffidens qui forment la Société de
la révolution , publient chaque jour un pamphlet
contre l'ouvrage de M. Burke , qui
n'en eft pas moins à fa quatrième édition .
On en a vendu treize mille exemplaires ;
l'Auteur avoit donné fon manufcrit au Libraire
Dodsley , éditeur de l'Annual Regifter,
auquel M. Burke a travaillé plufieurs années .
On ne refure pas un livre comme le fien , par
des apophtegmes , par des invectives , & de
mauvaiſes plainfanteries . Le feul moyen d'en
dettuire l'effet , eft l'emploi des mêmes
armes , c'est-à- dire d'une difcuffion étendue
qui embraffe le fujet fous tous les rapports.
Les vaiffeaux à défarmer rentrent fucceflivement
dans le baffin . On a alloué
aux matelors la gratification d'un mois de
paye , & très-inceffamment il y aura une.
nouvelle promotion dans la marine.
FRANCE.
( 97 )
FRANC E.
De Paris , le S Décembre.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M. Chaffey.
Suite des articles décrétés fur le droit d'enre
giftrement. Séances du 26 & du 28 Novembre .
PREMIÈRE SECTION.
Actes fujets au droit de 5 fols pour livre .
1º . Les cautionnemens faits & reçus en juftice
pour des fommes déterminées , dans quelques
tribunaux que ce foit.
rece- 2º. Les cautionnemens des tréforiers ,
veurs & commis , pour la fûreté des deniers qui
leur font confiés .
3. Les quittances , les billets , les actes de
temboursement de vente & tous autres actes qui
xpriment des valeurs , mais qui font faits en
exécution ou par remplacement d'actes qui ont
payé le droit proportionnel.
4°. Les marchés pour conftructions , réparations
, entretien , approvfionnemens & fournitu
res , dont le prix doit être payé des deniers du
tréfor public ; ou par les receveurs des diſtricts
& municipalités .
5. Les ventes & adjudications des coupes de
bois nationaux , taillis ou futaies , à raison de ce
qui forme le prix.
6º. Les attermpiemens entre un débiteur &
N°.
50., 11 Décembre 1790.
E
( 98 )
fes créanciers , lorfqu'ils lui feront la remife
d'une partic aliquote du principal de leurs créances
, à raison du montant des fommes que le débiteur
s'oblige ddee payer
.
7°. Les obligations à la groffe aventure & pour
retour de
voyages .
8°. Les contrats d'affurance , à raifon de la
valeur de la prime , & les endoffemens fuits en
conféquence fur le pied de la valeur des objets
abandonnés ; mais en temps de guerre le droit
fur la prime fera de moitié .
9°. Les reconnoiffances & les baux à cheptel de
beftiaux , d'après l'évaluation contenue en l'acte ,
& à défaut , d'après l'eftimation qui fera faite du
prix des beftiaux.
10. Les baux de pâturages , à raiſon du prix
qui fera ftipulé .
« 11 ° . Les expéditions de jugemens des tribunaux
de commerce & de districts , dont il réfultera
condamnation , liquidation , collocation ,
obligation , attribution ou tranſmiſſion de fommes
déterminées & valeurs mobilières , tant en principaux
qu'intérêts & dépends liquides , fans que dans
aucun cas le droit puiffe être moindre de vingt fols .
« A l'égard des jugemens de condamnation &
autres rendus par les tribunaux de diftricts en
matière d'impofition , le droit d'enregistrement
auquel ils feront affujétis ne pourra , dans aucun
as , excéder dix fols .
« 12 ° . Les déclarations que les héritiers , donataires
éventuels & légataires en ligne directe ,
feront tenus de fournir de la valeur entière des
biens immeubles réels ou fictifs qui leur feront
échus en propriété ; il ne fera payé que la moitié defdits
droits pour les déclarations d'ufufruit des mêmes
biens , & il ne fera rien dû pous la réunion de
( 3 )
Fufufruit à la propriété , orfque le droit d'enregiftrement
aura été acquitté fur la valeur entière
du titre de propriété.
SECONDE SECTION.
Actes fujets au droit de dix fols par cent livres .
1º. Les contrats de mariage qui feront paffés
devant notaires & avant la célébration , quelques
conventions que ces actes puillent contenir entre
les futurs époux & leurs pères & mères , à raifon
de toutes les fommes , biens & objets qui y feront
défignés , comme appartenans aux conjoints , ou
leur étant donnés , cédés , ou conftitués en ligne
directe à l'égard des ceflions & donations qui
leur feront faites par des parens collatéraux , ou
par des étrangers , les droits en feront perçus fur
le pied de la quatrième fection ci- après , fi lcs
objets en font préfens & défignés , & fuivant la
feconde claffe s'il s'agit des bien à venir .
« Le droit d'enregistrement de ces contrats ne
pourra être moindre au total de trente fols , &
dans tous les cas , il pourra être réglé fur le
pied , foit de la première , foit de la feconde.
claffe .
сс« 4º . Les cautionnemens & indemnités de fommes
& valeurs déterminées non compris dans la
fection précédente .
« 5º. Les attermoiemens entre un débiteur &
fes créanciers fans remife fur les capitaux .
ec 6°. Les donations , ceffions & tranfmiffions à
titre gratuit d'ufufruit de biens meubles ou immeubles
qui auront lieu par des actes entre - vifs
en ligne directe , autrement que par contrats &
en faveur de mariage , à raifon de la valeur entière
des biens fujets à l'ufufruit ; à l'égard des
E 2
030000
ventes & ceffions titre onéreux des mêmes
ufufruits , les droits en feront payés fur le pied
du prix ftipulé fuivant la quatrième fection ciaprès.
сс
7. Les déclarations que feront tenus de faire
les époux furvivans , des biens mobiliers & immobiliers
dont ils recueilleront l'ufufruit à titre de
donation , droit de viduité ou de tous autres avantages
ufufruitiers accordés , foit par les loix &
coutumes , foit en vertu des clauſes inférées dans
leurs contrats de mariage , par don mutuel ou
par teftament , & le réfultant de ces déclarations
fera payé fur la valeur entière des biens fujets à
l'ufufruit .
« 8 °. Les retraits conventionnels qui feront exercés
dans le délai ftipulé , lorfqu'il n'excédera pas
le terme de douze années , à compter du jour
de la date du contrat d'aliénation .
cc
« 9° . Les fociétés , marchés & traités compofés
de fommes déterminées , & objets mobiliers défignés
& fufceptibles d'évaluation .
« Les inventaires , les partages , les traités de
mariage , & les actes portant tranfmillion de
propriété ou d'ufufruit de biens -immeubles , lorfqu'ils
feront paflés fous fignatures privées , ne
pourront recevoir la formalité , après le délai
de fix mois expiré , qu'en payant deux fois la
fomme des droits , quand même ils feroient préfentés
volontairement ; & trois fois ladite fonime ,
fi l'on en fait ufage , par des actes publics ,
avant d'en avoir requis l'enregistrement .
» Les lettres - de - change tirées de place en
place , & leurs endoffemens , les extraits des
livres des marchands concernant leur commerce,
lorfqu'ils ne contiendront point d'obligation ,
les certificats de vie , les paffe - ports délivrés
( 1011)
par les officiers publics , les mémoires d'avances
& frais , & les extraits des regiftres des naiffances
, mariages & fépultures font exceptés de
cet article .
» XII. Les déclarations des héritiers , légataires
& donataires éventuels de biens immeubles ,
réels ou fictifs , preferites par la quatrième fection
de l'article II du préfent décret , feront
faites , au plus tard , dans les fix mois qui fuivront
le jour de l'événement de la mutation par
décès ou autrement ; & ce délai paffé , les
contribuables feront contraints à payer les droits ,
plus la moitié de la fomme en quoi ils confiftent.
» Ces déclarations feront enregistrées ; favoir ,
pour les immeubles réels , au bureau dans l'arrondiffement
duquel les biens feront fitués ; &
pour les immeubles fictifs , au bureau établi
près le domicile du dernier poffeffeur.
» XIII . Tous les procès - verbaux , délibérations
& autres actes faits & ordonnés par les
corps municipaux & adminiftratifs qui feront
pafés à leurs greffes & fecrétariats , & qui
tendront directement & immédiatement à l'exercice
de l'adminiftration intérieure , feront excmpts
de la formalité & des droits d'enregistrement.
> » XIV. Les notaites feront tenus à peine
d'une fm ne de so liv . pour chaque omiffion ,
d'inferire , jour par jour fur leurs répertoires ,
les actes & contrats qu'ils recevront ,
qui feront délivrés en brevet .
même ceux
,
Les greffiers tier dront , fous les mêmes
obligations , des répertoires de tous les actes
volontaires qu'ils recevront , & de ceux dont il
réfultera tranfiniffion de propriété ou de jouiffance
de biens-immeubles .
E 3
( 102 )
» Les huifiers tiendront pareillement des rêpertoires
de tous les actes & exploits , fous
peine d'une fomme de 10 livres pour chaque
⚫miflion .
» Au moyen de ces difpofitions , les prépofés
ne pourront faire aucune vifite domiciliaire ou
recherche générale dans les dépôts des officiers
publics , qui ne feront tenus que de leur exhiber
leurs répertoires à toute réquifition , & de leur
communiquer feulement les actes paffés dans
Kannée antérieure , à compter du jour où cette
communication fera demandée .
» A l'égard des actes plus anciens , les prépofés
ne pourront en requérir la lecture , qu'en
indiquant leur date & les noms des parties contractances
for ordonnance du juge , & s'ils en
demandent des expéditions , elles leur feront
délivrées , en payant 2 fols 6 den . par chaque
extrait ou rôle d'expédition , outre les frais du
papier timbré.
» XV. Il fera établi des bureaux pour l'enregistrement
des actes & déclarations , & pour

perception des droits qui en réfulteront , dans
toutes les villes où il y a chef-lieu d'adminiftration
ou tribunal de district & en outre ,
dans les cantons où ils feront jugés néceffaires
fur l'avis des diftricts & départemens , fans que
l'arrondiffement d'aucun de ces bureaux puiffe
s'étendre fur aucune paroiffe qui ne feroit pas
du même diftrict .
» Aucun notaire , procureur , greffier ou huifer
ne pourra , à l'avenir , être propofé à l'exercice
de ces emplois.
כ כ
Les receveurs feront tenus de prêter ferment
au tribunal du diftrict dans le reffort duquel le
bureau fera placé. Cette preftation aura lieu fans
( 103 )
autres frais que ceux du timbre de l'expédition
qui en fera délivrée .
»XVI. Les notaires , les greffiers , les huiffiers
& les parties feront tenus de payer les droits dans
tous les cas , ainfi qu'ils font réglés par le préfent
décret & le tarif annexé . Ils ne pourront en atténuer
ni différer le paiement , fous le prétexte
de conteftation fur la quotité , ni pour quelque
caule que ce foit , fauf à fe pourvoir en reftitution
, s'il y a lieu , par - devant les juges conpétens
.
» XVII. Les préposés ne pourront , fous aucun
prétexte , pas même en cas de contravention ,
différer l'enregistrement des actes dont les droits
leur auront été payés conformément à Particle
précédent : ils ne pourront fufpendre ou arrêter
le cours des procédures en retenant aucuns actes
ou exploits ; mais fi un acte , dont il n'y a pas
de minute , ou un exploit contenoit des renfeignemens
dont la trace pût être utile , le prépofé auroit
la faculté d'en tirer une copie & de la faire certifier
conforme à l'original par l'officier qui l'auroit
préfenté , & fur le refus de l'officier il s'en
procurera la collation en forme à ſes frais ; ſauf
répétition en cas de droit , le tout dans les
vingt- quatre heures de la préfentation de l'acte
au bureau .
» XVIII . Toute demande & action tendant.
à un fupplément de droits fur un acte ou contrat,
fera preferite & périmée après le délai d'une
année , à compter du jour de l'enregistrement ;
les parties auront le même délai pour le pourvoir
en reftitution .
» Toute contravention , par omiffion ou infuffifance
d'évaluation dans les déclarations des héritiers
légataires ; & donataires éventuels , fera
E A
( 104 )
pareillement profcrite après le laps de trois années
.
» Enfin toute demande de droits réfultans des
fucceffions directes ou collatérales , pour raifon
de biens meubles ou immeubles réels ou fictifs
échus en propriété ou en ufufruit , par teftamens ,
dont éventuels ou autreinent , fera preferit après
le laps de cinq années à compter du jour de l'ouverture
des droits .
» XIX . Les prépofés à la perception des droits
fur les actes feront , comme par le paffé , la recette
des amendes d'appel , ainfi que de celles qui
ont lieu , ou qui pourront être réglées dans les
cas de caffation , déclinatoire , évocation , infcription
de faux , tierce oppofition , récufation de
juges & requête civile réintégrande . Ils feront
galement chargés du recouvrement des amendes ,
aumônes & de toutes autres peines pécuniaires
prononcées par forme de condamnation pour crimes
& délits , faits de police , contraventions aux
Lèglemens des manufactures & autres.
» XX. Les collecteurs des contributions directes
perfonnelles ou foncières & tous dépoftaires
des rôles defdites contributions feront tenus
de donner cosamunication de ces rôles aux prépofés
à la perception des droits d'enregistrement ,
inême de leur en délivrer des extraits à toute réquifition
fur papier libre & fans frais .
» XXII. L'introduction & l'inftruction des inf
tances relatives à la perception des droits d'enregistrement
, auront lieu par fimples requêtes
ou mémoires , fans aucuns frais autres que ceux
du papier timbré , & des fignifications des jugemens
interlocutoires & définitifs , & fans qu'il foit
néceffaire d'y employer le ministère d'aucuns avo(
105 )
cats ou procureurs dont les écritures n'entreront
point en taxe.
» A l'égard des inftance ci - devant engagées
relativement à la perception des droits du contrôle
des actes & autres droits y joints , elles feront
éteintes & comme non - avenues à compter de
l'exécution du préfent décret ; mais les parties
pourront fe pourvoir de nouveau , tant à charge
qu'à décharge , fous les formes & dans les délais
prefcrits par les articles XVIII , XXI & XXII
du même décret «c.
Du Lundi , 29 novembre.
Le délai accordé aux municipalités relativement
à leurs proc verbaux d'eftimation des biens nationaux
qu'elles defirent acquérir , a été prolongé
jufqu'au premier de Janvier. L'entretien des cifans
abandonnés dont le foin , avant le nouveau
régime , étoit dévolu aux feigneurs hauts -jufticiers,
eft mis , par un décret , à la charge du tréfor
national , maintenant accablé d'unc multitude de
dérenfes particulières , que fupportoient des fociétés
& des établiffemens anéantis .
Après divers décrets de vente de biens nationaux
à des municipalités , M. Fermont a repris
la fuite des articles fur les droits d'enregiftremnt
, ils comprennent plus de 18 fectious : cette
fuperfétation de règlemens nous abforberoit 20
pages , & nous fommes forcés d'en retarder la
tranſcription .
Des prifonniers détenus en vertu d'un jugement
de plus ample informé , dans l'abfence
totale de tribunaux , implorent une liberté
provifoire en s'obligeant à fe préfenter à toute
réquifition . On a fait enfuite lecture d'une lettre
de M. Duportail , miniftre de la guerre , qui
ES
( 106 )
confulte l'Affemblée pour favoir fi les fuppreffions
décrétées par elle , courent du jour du décret
ou du jour de la fanction . Le zele de ce miniftre
pour la conftitution, ou pour les fuppreffions,
lui faifoit oublier le grand principe conftitutionnel
, que , c'eft du moment de la fanction que les
décrets ont force de loi ce principe a dicte la
réponse ; mais la queftion faite par un ferviteur
du foi , a excité des murmures éclatans & multipliés
. Une autre lettre du même miniftre annonce
des ordres donnés pour mettre les places
frontières du nord en état de défenſe , ce qui
exige une dépenfe d'environ quatre millions .
Cette feconde lettre a été renvoyée au comité
militaire.
M. Barnave a fait alors , au nom du comité
colonial , le rapport des troubles de la Martinique
, en les qualifiant , avec raiſon , de maladie
& de contagion politique . Ils remontent , a-t-il
dit , à une ancienne haine entre les planteurs &
la ville de Saint-Pierre , entre les commerçans &
les cultivateurs ; haine accrue dans les mouvemens
occafionnés par la révolution . M. de Damas
a foutenu les habitans . Le jour de la Fête- Dieu ,
les gens de couleur portèrent les armes à la proceffion
; cette nouveauté fit craindre un complot.
Le peuple fe porta contre eux , felon M. Barnave
, à des mouvemens répréhensibles ; il en
périt un grand nombre & trois officiers blancs
qui les commandoient. L'affemblée coloniale de
la Martinique , non encore formée fuivant les
décrets , réquit M. de Damas de détruire le tribunal
prévotal qu'avoit inftitué la municipalité
de Saint-Pierre pour connoître de ces excès , &
de faire punir les coupables; M. de Damas fupprima
le tribunal & la garde , & rétablit les chofes
J
( 107 )
comme elles étoient avant la révolution . Soit
frayeur , foit autres motifs , on lui fit des remercîmens
, on les retracta , on fe plaignit de lui ;
cependant la procédure fe pourfaivoit au Sénéchal.
>
Au mois de novembre , les troupes ayant arboré
le drapeau national , & abandonné M. de
Damas , les prifonniers furent mis en liberté
& l'affemblée coloniale obligée de quitter le
Fort-Royal , fe retira dans une autre partie de
Pifle. » Dans le premier moment , M. de Damas ,
dont nous ne pouvons rapporter la conduite , a
» continué M. Barnave , parce que nous n'avons
» pas de notions exactes , a paru vouloir fe réu-
" nir aux troupes . Après quelques incertitudes ,
» il s'eft fait chef du parti du Taffemblée coloniale
, s'eft joint à elle , aux grenadiers & aux
>> officiers «.
כ כ
Le colonel du régiment de la Martinique , M.
de Chabrol eft devenu chef militaire de Saint-
Pierre , d'une partie du Fort -Royal , de quelques
paroifles & maître des ports . L'affemblée coloniale
joignant des nègres armés aux forces de
M. de Damas , ces troupes ont marché vers le
Fort - Royal ; la ville de Saint- Pierre prétend avoir
été expofée à leurs incurfions . Il y a eu une
action très -vive le 25 feptembre. M. de Chabrol
y a perdu plus de monde que M. de Damas ,
& celui-ci a pris le Fort- Royal . On voit que les
foldats révoltés contre leur général , font là
comme ailleurs , ceux qu'on nomme les patriotes.
Saint-Pierre craignant ou feignant de craindre le
pillage , a eu recours à la Guadeloupe , qui a
envoyé 300 hommes & 20 commiffaites conci
E 6
( 108 )
Jiateurs . La Guadeloupe eft auffi divifée en deux
partis. Quant à Saint -Domingue , le nord & le
fud font calmes , M. Peynier domine dans l'oueſt,
mais l'affemblée générale avoit mis en mou-
→ vement un nombre confidérable d'hommes dangereux
à la chofe publique , ... d'hommes qui
» n'ont rien , ne font rien , & ne peuvent exifter
que dans le défordre «. Il eft inftant de
fubftituer d'autres forces à ce fecours..
A la fuite de réflexions fur les droits attribués
aux affemblées des colonies , & fur leurs difpoitions
effectives ou préfumées , M. Barnave a
lu un projet de décret . M. de Foucault a obfervé
que la volubilité du débit du rapporteut
n'avoit pas laiffé le temps de réflechir affez fur
des objets fi importans ; qu'il valoit mieux ajourner,
imprimer , méditer , que de faire encore
du provifoire ; & il a fuppofé que le comité
pourroit rédiger d'utiles inftructions en quatre
jours. M. Moreau de Saint- Mery a frémi d'un
retard , & a paru affecté d'avoir entendu M.
Barnave traiter M. de Damas de chef de parti.
Le décret a été adopté tel que l'avoit propofé
le rapporteur. Il porte l'envoi à la Martinique
de fix mille hommes , & de quatre vaiſſeaux de
lignes aux ifles françoifes .
Du Mardi 30 Novembre.
>
La lecture du procès - verbal , & de prétendues
nouvelles récentes ont donné à M. Caftelannet
vif regret de n'avoir pas dénoncé M. de
Damas comme coupable des troubles de la Marinique.
Ces forties de M. Caftelannet ont été
écartées par l'ordre du jour.
( 109 )
Cet ordre du jour a fixé l'attention fur un
rapport de M. Goudard , relatif au tarif des
droits à percevoir aux frontières . Il a combattu
le fyftême de ces théorites enthoufiates d'une
liberté fans bornes & fans reffources , à qui te
mot liberté procure des applaudiffemens , & dont
la philantropic feroit des étrangers les manufacturiers
de la France . » Songez , a-t-il dit , que
fi philofophiquement vous avez pu pofer les bafes
de la légiflation de tous les peuples , commercia
lement vous avez , avant tout , à confidérer l'intérêt
national ; c'eft des loix de la France que
vous allez vous occuper , & non de l'Europe
commerçante. Les fautes , dans cette partie , feroient
difficiles à réparer ".
Le rapporteur à enfuite préfenté les élémens
du tarif. Une propofition de M. Malouet tendante
à faire dreffer un état double des droits
perçus fur les marchandifes étrangères , & de ros
marchandifes dans l'étranger , a été repouflée
par le queftion préalable . De grands murmures
fe font élevés lorfque M. l'abbé Moury , parlant
fur cette propofition , & ayant déclaré qu'il
avoit intention d'attaquer le traité de commerce fait
avec l'Angleterre , a demandé qu'il y eûr une
difcuffion fur cet objet . L'Affemblée a ordonné
l'impreffion d'un long difcours de M. Boiflandry
contre l'opinion du conité expofée par M. Godard.
Cedifcours n'eft qu'une répétition de cent
brochures abftraites & oubliées fur la liberté du
commerce , L'on a terminé la féance en adjugeant
des biens nationaux à quelques municipalités
aux claufes du décret du 14 mai dernier.
( 110 )
Du mardi , féance du foir.
Dans l'intention d'affurer le traitement des
prêtres , menacés de l'indigence par la malveillance
des directoires de diftricts & de départetemens
, ou leur lenteur à procéder à l'expédition
des états qui leur ont été demandés , M.
Chaffey a propofé , & l'Aſſemblée a accepté un
décret ainfi conçu :
«L'Aſſemblée nationale , fur le rapport qui lui
a été fait par fon comité eccléfiaftique , décrète
ce qui fuit :
«Art. Ier . Chaque directoire de diſtrict ſera
tenu d'envoyer , avant le 20 décembre prochain ,
au directoire du département , un état par apperçu
, foit des deniers provenans des revenus
des biens nationaux qui pourroient être en caiſſe
au premier janvier 1791 , foit des traitemens ou
penfions qui fe trouveroient payables à la même
époque , au clergé féculier & régulier , y compris
les religieufes & chanoineffes ; chaque directoire
de département enverra enfuite avant le
premier janvier 1791 , l'Affemblée nationale ,
un état général formé fur les états particuliers
qui lui feront envoyés .
e
». II. Chaque directoire de département , par
l'intermédiaire de ceux des diftricts de fon arrondiffement
, tiendra la main à ce que les termes
des traitemens & penfions dûs & échus au premier
janvier 1791 , foient exactement payés ; à
cet effet , lorfqu'une caiffe de diftrict ne fera
pas fuffifamment garnie , & qu'il fe trouvera
ane furabondance dans une ou plufieurs autres ,
il ordonnera des unes dans les autres , les verfemens
qui feront néceffaires. Si dans toutes les
( in )
caiffes des diftricts de fon arrondiffement , il ne
fe trouve pas de fommes fuffifantes pour l'acquittement
des dépenfes de ce genre , à faire
dans le département , il en donnera avis à l'Affemblée
nationale .
» III . Dans les paiemens qui feront à faire
des deniers provenant des biens nationaux , les
directoires de département , fur l'avis de ceux
de diſtrict , ordonneront d'abord celui des traitemens
& penfions , enfuite celui des intérêts
qui feront dûs aux créanciers : quant aux capitaux
, ils n'ordonneront le paiement d'aucuns
fans y être autorifés par l'Affemblée nationale ,
fauf à ufer avec retenue & modération de la
faculté qui leur eft accordée par l'article XXIII
du titre quatrième du décret du 2 octobre dernier.
IV. Si , faute de diligence de la part des
receveurs de ce diftrict , pour recueillir des fermiers
& débiteurs les fommes dues & échues ,
il ne fe trouve pas en caiffe des fommes fuffifantes
pour faire face aux paiemens qui feront à
faire au premier janvier 1791 , lesdits receveurs
ainfi que leurs cautions feront , en vertu de
la refponfabilité prononcée par l'article XXVII
du décret des 6 & 11 Août dernier , contraints
à avancer ce qui manquera fur la recette qu'ils
auroient dû faire.
* כ כ
>
» V, Les directoires de départemens & de
diſtrict font & demeurent chargés de faire exécuter
, & d'exécuter eux-mêmes ponctuellement le
préfent décret , à peine d'être garans & refponfables
avec les receveurs , chacun en ce qui
pourroit les concerner , des négligences & retards
refpectifs.
» VI. Il en fera ufé de même pour les quartiers
d'avril , juillet & octobre de l'année 179r,
( 112 )
& ainfi chaque année fuivante , fauf à en être
autrement ordonné , s'il y a lieu .
» VII. Les directoires de département pour
ront au furplus , fur l'avis de ceux des diftricts ,
ordonner tels paiemens à compte des traitemens
& penfions, qu'ils jugeront à propos , en attendant
la liquidation des unes & des autres , fans
cependant excéder le minimum de ce que chacune
pourra prétendre , & néanmoins il ne fera fait
aucun paiement , ni à compte , ni provifoire ,
ni définitif , à ceux qui n'auront pas fatisfait
aux difpofitions du décret des 6 & 11 août der
nier , ain qu'à celles de l'article XXXIX du
décret du 24 juillet précédent , concernant le
traitement du clergé actuel , duquel l'exécution
a été ordonnéc par le décret du 27 de ce
mois ».
M. Vieillard a rendu compte de l'horrible
événement arrivé à Saint - Jean - d'Angély en
expofant les faits antérieurs au 22 octobre .
2.
Le directoire du département de la Charente
inférieure avoit diffipé , en féptembic , les alarmes
du peuple au fujet des grains ; un fieur Arnaud ,
commandant de la garde nationale de Saint- Jeand'Angély
, s'efforça de les ranimer par des propos
féditieux. Ce M. Arnaud fut mandé par le directoire
; M. Valentin , maire , le détourna de
s'y rendre ; on renvoya l'affaire au district.
Plufieurs paroiffes de la campagne déclarèrent ne
Vouloir plus payer de droits feigneuriaux nonfupprimés
, & qu'elles pendroient les percepteurs.
Le directoire caffa ces déclarations , & fufpendit
de leurs fonctions les officiers municipaux de
Migron , l'un des villages coalifés . Des commiffaires
envoyés avec des troupes fe faifirent , le
21 octobre , du nommé Laplanche , l'un des
·
( 113 )
auteurs des troubles , qui jcuoit , le -3 octobre ,
au bourg de Varèfè , le même rôle qu'un M,
Girault , notaire , jouoit à Migron . Les payfans
Connèrent le tocfin , s'armèrent de bâtons , de
riques , de fufils , affaillirent les commiffaires du
diftrict , & exigèrent qu'on leur rendit l'honnête
homme qui leur donnoit , difoient - ils , de fi
bons confeils . On fit feu fur eux , il en refta
fept fur la place , dont trois morts , & on amena
La lanche. Les habitans de Varèfe fonnèrent le
tocfin , le cri général étoit : Vengeance , point
de diftrict ; ces payfans croyoient que les municipalités
ruinoient le pays.
lis s'affurent de M. Latierce , maire de Varèle ,
& marchent vers Saint- Jean - d'Angély . Le directoire
du difirit fomme la municipalité de cette
ville de prendre des mesures contre l'infurrection .
A onze heures du matin on y favoit toutes ces
nouvelles , à fix heures du foir aucune meſure
n'étoit prife. On accufe M. Valentin , le maire ,
de s'y être refufé . A quatre heures de l'aprèsdinée
, les deux fils de M. Latierce arrivent &
peignent le danger de leur père ; trois effeiers
municipaux font députés , fans armes ni eſcorte ,
à Varèle , & reviennent , à huit heures , dire que
Laplanche n'eft pas élargi à fix heures du
matin , dix mille hommes affiégeront la ville.
On décide que les chaffeurs bretons rentreront ,
fous les armes , dans le quartier , & que la garde
nationale reftera dans le bureau municipal . Le 22 ,
à neuf heures , le tambour fe fait entendre. Les
officiers municipaux , en écharpe , vont haranguer
les révoltés attroupés au nombre de près de 1600
hommes , ayant à leur tête des commandans , des
municipaux , des curés & des drapeaux . Il fallut
rendre Laplanche à midi ; on le couronna de
( 114 )
laurier , on le promena en triomphe. Il devoit
être échangé contre la perfonne de M. Latierce ,
maire de Varèfe ; ces forcenés ne tinrent point
compte de leur promeffe. En vain M. Isambard,
curé de Taillant , fe jetta feul au milieu d'eux ,
leur arracha ce vénérable magiftrat , le porta
fur fon dos dans une maifon voifine en parant
tous les coups ; l'infortuné maire y fut maffacré.
Enfin la loi martiale eft proclamée , l'attroupement
fe diflipe , des commiffaires du diſtrict ,
Tuivis de détachemens de troupes & de gardes
nationales , rétabliffent le calme. Laplanche &
vingt -fix complices de l'affafinat de M. Latie ce
font conduits dans les prifous du département .
Le directoire a rétabli les officiers municipaux de
Migron . La paix règne dans les campagnes , mais
non dans Saint-Jean d'Angély . Il femble , a dit
le rapporteur , que la municipalité ne voie pas
d'un bon oeil , dans la même ville , une autorité
fupérieure à la fienne . Déjà la violence avoit
préfidé à l'élection de fes municipaux . Vous les
aviez caffés , ils ont été réélus , & le parti oppofé
a nommé les membres du diftrict. Au mois de
juin dernier , vous décrétâtes que juftice feroit
rendue aux citoyens que la municipalité avoit
défarmés fans motif, & qu'on formeroit une
nouvelle garde nationale ; le décret n'a pas été
exécuté .
Ayant récapitulé les torts de cette municipalité
faits , omiffions , foupçons , en finiffant , M. Vieillard
a obfervé que ces événemens n'ont jamais du
fervir de prétexte, à ce qu'on osât dire dans la
tribune que plufieurs paroiffes de la Saintonge
avoient refufé de payer les impôts , puiſqu'il ne
s'agiffoit que de droits feigneuriaux & de dîmes ;
deux refus qui ne s'entre- excluènt pas bien në(
ITS )
ceffairement chez des féditieux qui égorgent un
maire. Ce rapport a été terminé par un projet
de décret en dix articles , dont le principal ordonne
la fuite de l'information contre les coupables
pardevant le tribunal de la Rochelle .
Sur le compte rendu par M. de Broglie , des
demandes de la municipalité de Toulouſe en faveur
de M. Perès , confeiller , & de M. de Maniban ',
préfident du parlement de Toulouſe , qui ont
déclaré n'avoir pris aucune part aux arrêtés des
25 & 27 fptembre , un décret a ordonné que le
premier fera mis en liberté , & que le fecond
confervera la fienne . Ce rapport , qui pouvoit
être fait en douze lignes , eft devenu un long
recueil d'apostrophes à M. de Saint - Prieft , &
d'imprécations contre les magiftrats de Touloufe.
L'arrêté a été qualifié de forfait par M. de Broglie.
Ce jeune militaire a nommé leur fuite un fecond
forfait leur féjour en Efpagne , un troisième
forfait . De forte qu'à ne confulter que le jugement
de M. de Broglie , le délit du parlement
de Touloufe furpaffe celui de Ravaillac & de
Defrues.
Du mercredi 1er décembre .
A l'ouverture , M. Duport a fait rendre un
décret qui attribue à un tribunal provifoire , formé
des juges nommés par les électeurs de Paris , le
jugement des caufes criminelles venues par appel
au ci-devant parlement.
Ce décret a été fuivi d'une difpofition adoptée
fur l'avis de M. Chaffey , & en vertu de laquelle
les proteftans d'Alface confervent la propriété de
( 116 )
leurs biens eccléfiaftiques . Ceux des catholiques
également garantis par les traités les plus folemnels
, font feuls adjugés à la nation.
L'Affemblée revenant à l'ordre du jour , M.
Begouën a réfuté M. de Boislandry , ou la liberté
plénière d'importation & d'exportation , par la
plupart des argumens qu'on a dès long - tems
oppofés aux économiftes . M. de Boislanary avoit
confeilié de détruire les barrières , & d'accorder
un encouragement de trois millions aux manufactures
qui en fouffriroient. « Trois millions ,
s'eft écrié M. Begouën , pour foutenir nos manufactures
contre le débordement des manufactures
étrangères je n'ai pu m'abstenir de vous propofer
de couvrir en même tems la France d'atteliers
de charité pour y fuppléer. M. de Boif
Landry ne porte qu'à huit millions le produit
des traites ; le comité le porte à vingt - un millions
; remplira -t-on ce vide par un impôt direct
& perfonnel , le plus mauvais de tous les genres
d'impôts ? »
A la fuite de fages confidérations fur les
avantages d'un régime prudemment prohibitif,
l'opinant a demandé que trois commiflaires du
comité d'agriculture & de commerce , & trois
du comité des impofitions , examinaffent de nouveau
le tarif d'après ces principes confacrés , &
le remiffent fous les yeux de l'Affenbléc. M.
Demeunier, infiftant fur les mêmes idées , a auffi
combattu les thèmes des économistes , & le
projet qu'il a préfenté a été décrété en ces
termes :
1º. On écartera par une prohibition abſolue
( 11 )
quelques-unes des productions & des marchandifes
étrangères.
» 1º. On convertira en droits , qui n'excéderont
pas 25 pour cent , quelques - unes des
productions & les marchandifes étrangères dont
I entrée dans le royaume a été défendue juſqu'à
préfent , ou toutes autres qu'on ne croiroit pas
devoir permettre en franchife , ou écarter par
une prohibition abfoluc.
» 3 °. Le comité d'agriculture & de commerce ,
après s'être concerté avec celui des impofitions ,
préfentera , dans le plus court délai pofiible , un
projet de tarif des do uanes , rédigé d'après ces
bafes ".
Le comité de conftitution a fait décréter que
les juges de paix n'attendront pas l'inftallation
des tribunaux de diftrict pour entrer en fonction ,
& que les tribunaux de diftrict tiendront lieu
des juges de paix qui ne feront pas encore
ommés .
Du jeudi , 2 novembre .
Dans la féance d'hier , on entendit le rapport ,
véritablement curieux , des menus frais de la fecrétairerie
de l'Affemblée nationale . M. Salomon
chargé de ce relevé , en préfenta les parties effentielles
; en voici le fommaire :
Frais de deux cents quatre- vingt- huit
commis , huiffiers , valets , &c.
Bougies en cinq mois.
Bois , par an.
• 479,770 1.
28,945 i
24,000
( 118 )
Papier , par an. 709536
TOTAL.
5947251
Il eft en Europe des états fouverains dont le
revenu & la dépenfe publique n'excèdent pas cette
fomme.
Le rapporteur a en beau colorer cette dépense ,
en lui oppofant celle d'autrefois ; quoiqu'il ait
avancé qu'un feul département miniftériel coûtoit
d'avantage , comme cette affertion fans preuves
ne trouvoit pas créance , & que fùr-elle vraie ,
elle n'exclut pas la néceffité de l'économie dans
les objets où l'économie eft néceffaire , on a
demandé une réduction de ces dépenses , & fpécialement
celle de divers comités . Celui de falubrité
a paru devoir être facrifié. Depuis qu'il
exifte , a dit M. la Chèze , il meurt plus de monde
qu'auparavant . Nous ne favons cc qu'il deviendra ,
mais on lui tâtera le pouls dans huit jours , termo
de l'ajournement .
A la lecture du procès- verbal , M. Dupont s'eft
permis , contre une partie du décret de la veille
fur le régime prohibitif , des objections qui tendoient
à réfondre entièrement ce décret au bout
de quelques heures ; mais l'ordre du jour a ſervi
de réponse à ces objections . Il a de nouveau été
fufpendu par l'expofé de débats furvenus entre le
directoire du département de la Somme & les
officiers municipaux de Doulens ; affaire particulière
qui a donné lieu à l'Aflemblée , d'exiger
du comité de conftitution qu'il lui faffe inceffamment
fon rapport , fur les différens délits dont les
unicipalités & les corps adminiftratifs peuvent fe
119
)
rendre coupables , & fur les punitions qu'on devra
leur infliger fuivant les circonftances .
M. de Broglie a fait , au nom du comité militaire
, un rapport fur l'organifation du corps de
l'artillerie . Il a loué l'Affemblée d'avoir appellé à
fon fecours cc l'expérience , ce guide certain des
fages légiilateurs » , de s'étre perfuadée qu'il n'appartenoit
c qu'au temps & à la feule évidence
d'amener lentement & fucceffivement des changemens
démontrés utiles » . D'après ce début , on a
prévu que le rapporteur ne propoſeroit ni une
régénération totale , ni des innovations bien confidérables
dans cette partie de l'armée , qui doit
fa fupérioritéfur les établiffemens du même genre ,
en Europe , aux inftitutions de M. de Gribeauval.
L'ordonnance de 1776 a dirigé le comité dans le
projet de décret qu'a lu M. de Broglie , & que
I'Afemblée a adopté.
Le corps de l'artillerie aura , dorénavant ,
neuf infpecteurs généraux , & fera compofé
en 1791 , de 9566 hommes officiers compris
.
>
Du militaire on eft paffé à la finance . M. le
Brun a repris fon rapport des diverfes parties de
la dépenfe publique , & a fait décréter la fuppreffion
de plufieurs indemnités , formant une
lifte de plus de quatre-vingt articles , où il s'en
trouve de 95 , de 3 , de 400 livres ; d'autres de
100,000 , de 200,000 , de 500,000 livres ; indemnités
accordées aux frères du roi , à M.
d'Orléans , à divers feigneurs , à des provinces ,
à des villes , à des particuliers , pour traitemens
fupprimés , droits rachetés , cédés ou éteints , refte
( 120 )
dû à raifon d'une réfiliation de traité , réparations
de dommages , ou autres motifs énoncés ; le tout
montant à environ deux millions d'économic pour
l'état , dont portion eft renvoyée à la lifte civile
l'article , par exemple , de M. d'Orléans offre
12,000 livres , à l'égard defquelles on s'en remet
à la munificence royale.
Une lettre de M. Bailly a rendu compte de
l'adjudication de dix maifons nationales , & annoncé
que 73 immeubles vendus jufqu'à ce jour ,
eftimés 1,285,000 livres ont été vendus
2,596,000 livres.
>
Du jeudi , féance du foir.
A la fuite de quelques adreffes , M. Coroller
a renouvellé , au nom des habitans d'Henncbond
, l'hommage à la patrie , de feize paires
de boucles , de deux petites croix , d'un cercle
& d'un anneau d'argent , & d'une quittance- de
320 liv. d'appointemens , le tout configné par
lui dans la caiffe du comité des dons patriotiques
, dès le mois de mai dernier cette mu
nificence lui a fourni l'occafion d'offrir à l'Affemblée
, avec énumération patriotique , l'adhé
fion refpectueufe de fes commettans aux décrets
rendus & aux décrets à venir.
• Ces détails , & plufieurs autres analogues
foutenus de l'éloquence de M. Coroller ,
ont été applaudis à plufieurs reprifes , & l'on a
renvoyé le tout au comité de conftitution , pour
qu'il en faffe un honorable rapport .
Une députation des maîtres perruquiers de
Paris s'eft préfentée à la barre : quoique leur
pétition
( 121 )
pétition n'cût rien de militaire , ils étoient tous
en uniforme : l'orateur s'eft plaint de ce que la
communauté payoit toujours les redevances attachées
à fes priviléges , fans jouir des avantages
qu'elle avoit fi chèrement payés , parce qu'une
foule de garçons perruquiers s'établiffoient de
toute part ils ont porté la finance de leurs
charges , pour la France , entière , à vingt- deux
millions , & ce qu'ils paient annuellement au
tréfor public , à raifon de ces charges , à 270
mille livres leur adreffe a été renvoyée aux
Comités de finances & de conftitution.
Aux dix-neuf perruquiers députés , a fuccédé
à la barre une députation de Bretons , du département
de Morbihan , qui a demandé la ſuppreffion
d'une forte de droit , nommé chez eux ,
Domaine congéable ; fur la motion de M. le
Chapelier , cette pétition a été renvoyée aux
Comités féodal , de conftitution & des domaines .
L'ordre du jour appelloit M. Tronchet à pourfuivre
un rapport
fur le rachat des rentes inféodées
; les articles qu'il a propofés ont paffé en
décrets , prefque fans difcuffion ; nous ſommes
forcés d'en remettre la tranſcription à une autre
femaine .
Du vendredi 3 décembre.
Organe du Comité de conftitution , M. Camus
a rappelé à l'Affemblée , que le 23 octobre,
la queſtion fi les biens des féminaires - collège ,
des collèges , des hôpitaux , des établiſſemens
d'étude , de retraite ou de charité publique , feroient
vendus comme les autres biens naționaux ,
avoit été ajournée : il n'a excepté de la vente
que celles de ces maifons dans lesquelles les retraites
, les études , l'hofpitalité ou les autres
No. 5o. 11 Décembre 1790. F *
( 122 )
deftinations indiquées par le décret d'ajournement
, étoient publiquement & notoirement exercées
le 2 novembre 1789. Ainfi l'humanité fera
privée à perpétuité du fecours que des circonftances
locales & paffagères auront empêché ces
charitables inftitutions de lui rendre , à l'époque .
défignée. L'avis de M. Camus eft devenu le
texte d'un décret.
Le régiffeur général des domaines de Lorraine.
eft hors d'état de verfer aucuns fonds au tréfor
public , parce que la fuppreffion des droits féodaux
, a mis les fermiers dans l'impuiffance de
payer. Un décret rendu fur la propofition de M.
Vernier, a réfilié pour la fin de cette année les
baux à ferme , qui ne comprennent que des droits
fupprimés , fans autre indemnité que la reftitution
des pots-de- vin & des fermages payés d'avance
au prorata de la non-jouiffance : quant
aux fermiers qui ont pris à bail des droits fupprimés
avec des droits non-fupprimés , ils ne
pourront demander de reftitution qu'en proportion
des droits dont ils cefferont de jouir , fe
foumettront à l'eftimation des affemblées adminiftratives
, & ne devront s'adreſſer qu'aux départemens
ou à leur directoire , dont les arrêtés
feront exécutés provifoirement & nonobftant toutes
oppofitions.
L'ordre du jour fi fouvent éloigné par tant
d'objets étrangers à la légiflation , qui font du
corps conftituant un vrai bureau d'adminiftration
univerfelle , appelloit un rapport du comité
d'impofition fur la queftion , fi l'impôt atteindra
les rentes payées par l'état ; & à la manière
dont la propofition affirmative a été accueillie ,
on a bien vu qu'elle touchoit à l'un des puiſfang
mobiles de la révolution .
( 123 )
M. Roederer, rapporteur , a peint les défenfeurs
& les adverfaires de cette motion , comme fe
fondant également fur des principes que l'Affemblée
doit refpecter , quoique diamétralement oppofés
l'exemption d'impôts cft un privilège
& les privilèges font abolis. D'un autre côté
on a mis les dettes de l'état fous la garantie
de la loyauté françaiſe. Tout le réduit à favoir
lequel de ces principes eft applicable à l'efpèce
préfente : or l'avis du comité eft , qu'il n'y a
lieu à délibérer fur la propofition d'impoſer les
rentes. Le rapporteur a appuyé cet avis en rappelant
le décret du 27 août 1789 , qui ftatue qu'il
ne fera fait ce aucune retenue ni réduction quelconque
fur aucune portion de la dette publique
».
Évaluant à 193 millions les rentes que l'état
acquittera en 1792 , & à 64 millions , les rentes
déclarées partie de la dette exigible , & qui , les
titres ne pouvant être vérifiés que fucceffivement ,
recevront en 1791 , des extinctions fucceffives ,
il a dit que le produit de l'impôt fur les rentes
ne peut excéder 10 à 12 millions . Enfuite il a
expliqué les motifs qui déterminérent le décret
du 27 août 1789 , dont le but immédiat étoit
de tranquillifer les rentiers & de favorifer un
emprunt de 80 millions. Il a reproduit des paffages
du difcours que fit alors M. l'évêque d'Autun
; retracé les alarmes des créanciers , & les
principes & les fuccès de cet orateur des capitaliftes
, qui « démontra invinciblement , a -t-il dit ,
que tout impôt fur les rentes feroit une violation
de la foi publique ». M. Raderer à ajouté que
plufieurs membres proteftèrent d'après le voeu de
leurs cahiers , qui ne vouloient pas que les créanciers
fuffent affranchis de l'impôt , & ila
F2
( 124 )
trouvé que ces oppofitions ne firent que « confirmer
davantage l'intention de l'Affemblée nationale
»
D'ailleurs , plufieurs de ces rentes ont été
créées avec cette exemption dans le titre même
de l'emprunt : rien ne reffemble moins à un
privilège. C'eft une ftipulation entre deux patties
contractantes . L'état qui emprunte , fait un
acte de particulier. Beaucoup d'étrangers ont de
ces rentes , l'impôt ne doit pas les atteindre ,
& les régnicoles ne peuvent être traités plus mal
que des étrangers .
Le rapporteur a fini par entrevoir l'inſtant , où la
fage organiſation de la force publique mettra la nation
àmême de faire un plus grand bénéfice que celui
qu'on propofe, en ouvrant des emprunrs à quatre
pour cent pour rembourfer les anciens , malgré
toutes les réfolutions de ne plus emprunter.
M. Duport a repréfenté que c'étoit déjà porter
quelque atteinte à la confiance publique , que
d'ouvrir une difcuffion fur une queſtion fi folennellement
décidée par l'Aſſemblée ; & il a demandé
la question préalable fans difcuffion . Des murmures
& l'impatience d'aller aux voix auroient
interrompu la délibération , fi le préfident n'eût
obtenu du filence & remis fur le tapis l'objet à
difcuter. M. Lavenue s'eft juſtement étonné
qu'on fe hâtât fi fort de prononcer fur une propofition
dont il étoit l'auteur , qu'il n'avoit communiquée
à perfonne , & que celui même qui ſe
chargeoit de la rapporter , écartoit par des motions
incidentes .
M. Fréteau a foutenu l'opinion de M. Duport,
& à cependant relevé une erreur de M. Ræderer,
qui avoit comparé les engagemens de l'état à
ceux des citoyens entre eux .
( 125 )
' י כ כ
\
J'appuie la motion de M. Duport , a dit
M. de Mirabeau ; & je n'ai que très - peu de
raifons à ajouter aux confidérations des deux
préopinans. Il en eft une fur-tout que je dois
oppofer à la remarque que l'on a faite , en difant
qu'il étoit bien étrange qu'on voulût repouffer
une fi grande queftion par la queftion
préalable. On a prétendu que nous pourrions
égarer cette Affemblée par les mots généraux de
foi publique , de refpect envers nos engagemens ,
d'inviolabilité de nos décrets ; on a mis en parallèle
la néceffité..... La néceffité , meffieurs !
c'eft le cri de ralliement des brigans que la néceffité
. Je ne crois pas que M. Lavenue lui- même
fe refufe à déclarer qu'il penfe que j'aie éludé
Ja queftion ; je ne cherche point à l'éluder
mais ce feroit un grand fcandale pour la nation
& pour l'Europe entière , qu'après trois décrets
rendus dans toute la folemnité de cette Affemblée
, nous remiffions en queftion une femblable
propofition , dans un moment où tout eft calme,
ou les finances n'offrent de toutes parts que des
fymptômes de profpérité , où le crédit renaît
évidemment ..... dans un moment enfin où nous
avons porté le flambeau de la vérité & de la
probité nationales dans l'adminiftration de nos
finances. Je livre cette propofition à tout le mépris
qu'elle mérite , & je demande la queftion
préalable ».
L'horreur de l'opinant pour la néceffité , pour
le cri des brigans , pour les fcandales , & fa prodigalité
de mépris , l'avoient visiblement entraîné
hors des termes précis de la difficulté principale ;
car il s'agiffoit de l'examen & de l'application
réfléchie d'un grand principe , & non d'en empêcher
l'examen & l'application . Le préfident y
F 3
( 126 )
ramené les efprits . M. Lavenue a demandé a
être entendu ; on s'y eft oppofé : il a cependant
pris la parole , en s'étonnant d'avoir à difcuter
avec les repréfentans des capitaliſtes , tandis qu'il
s'efforçoit d'expofer fes idées aux repréfentans
de la nation . De toutes les manières de l'interrompre
, M. Demeuniers a préféré l'expédient
de lui propofer de réfuter un projet de décret ,
qui confiftoit à mettre de nouveau la dette fousla
fauve-garde de la loyauté françoife , & à déclarer
qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer .
M. Lavenue , en réduifant la queftion à ſes
plus fumples termes , a recherché fi les rentes de
capitaux placés fur l'état doivent , ainſi que
toutes les propriétés , contribuer proportionnellement
aux dépenfes publiques. Pour prouver
qu'il ne doit point y avoir « une claffe privilégée
qui , fous l'égide de la force publique , dévore ,
au fein de l'égoïfme & des immunités , les fruits
de nos campagnes moiffonnées par l'impôt ».
Il a cité la déclaration des droits de l'homme ,
l'article IX des mémorables arrêtés du 4 août ,
enfin l'article de la conftitution , qui dit que
toutes les impofitions & charges de l'état feront
fupportées par tous proportionnellement à leurs
biens & à leurs revenus .
L'opinant alors alloit lire un projet de décret,
quand M. Lapoule a demandé qu'on délibérât
fans défemparer. Cette motion a été mife aux
voix. Deux épreuves ont induit le préfident a
prononcer contre l'ajournement ; mais de nombreufes
réclamations fe font élevées , & le préfident
auroit eu beaucoup de peine à éluder
Pappel nominal , fi M. Barnave , qui opine
fouvent pour tout fon côté , n'eût dit que l'on
setiroit la motion , parce qu'une opinion , fondée
1.( 127 )
gagner
fur la juftice & fur la loyauté , ne pouvoit que.
à la coctinuation des débats.
La difcuffion a été renvoyée à la féance prochaine
.
Du Samedi , 4 décembre.

Le département de Seine & Oife , dans lequel
eft fituée la ville de Verfailles , paie un peu
cher fa prospérité future ; quarante -un milie
pauvres s'y font préfentés , la pèle en main ,
aux adminiftrateurs , & leur ont demandé du
travail . M. Vernier , organe du Comité des
finances a propofé de faire à ce département
une avance de 125 mille livres ; mais une pareille
avance accordée aux 83 départemens , feroit
une fomme de 11,375,000 livres , & fecourroit
peu tant de malheureux , que le vuide
des aumônes de 1 religion le renversement
d'une infinité de fortunes , la fuite de tant de
gens ailés laiflent fans reffources . M. Martineau
a jugé des deffè.hemens , des défrichemens , des
replantations de bois , de grands travaux préférables
à des aumônes d'un écu par tête . Il a réclamé
les lumières des départemens fur cet objet
, & s'en eft promis , quoi qu'il en puifle
coûter , une augmentation réelle & prochaine
des richeffes nationales .
>
M. Prieur a craint qu'un fecours donné à ce
département ne fut du plus dangereux exemple ;
il l'a borné à 80 mille livres , dont un tiers feroit
fourni par les propriétaires aifés. M. Rewbell , a
déploré le fort des propriétaires . A des travaux
voués , en pure perte , à remuer la terre ou à
faire des routes inutiles , M. le Couteulx auroit
fubftitué des manufactures propres à accroître
( 128 )
les richeffes commerciales ; s'il eût auffi procuré
le débit des ouvrages de ces manufactures ! M.
Barnave a tiré l'Aйemblée de cette perplexité
en rédigeant un décret qui charge les Comités
des finances , d'agriculture , de commerce & de
mendicité , de préfenter des vues , des idées , &
qui alloue une avance de so mille liv. au département
de Seine & Oife.
On eft paffé à la difcuffion de la propofition
d'impofer les rentes fur l'état , & M. Lavenue
a repris fon difcours interrompu hier par la demante
de lire fon projet de décret , & par les
obftacles oppofts à coite lecture .
?
Ayant récapitulé fommairement les vérités qu'il
avoit expofées , que les rentes étoient des propriétés
, que la conftitution impofoit toutes les
propriétés , jufqu'aux terres ftériles ; il a diſtingué
des rentes déja diminuées par des retenues
d'autres acquifes après la réduction des capitaux
réfultées de celles des intérêts , & des rentes demeurées
entières . Il a penfé que la retenue devoit
être remplacée par un impôt conftitutionnel ,
au taux de la contribution foncière , & que tant
pour cent , dans les rentes viagères , repréſen-
Lant l'intérêt , & tant pour cent , en rembourſement
annuel en extinction du capital , il ne falloit
pas impofer le remboursement.
M. Lavenue ; celui des deux côtés qui occupe les
preffes nationales a réclamé l'ordre du jour ,
l'Affemblée a fuivi cette impulfion .
« Je vais , a dit M. Barnave , examiner la
queftion brièvement & fans acceffoire : la rendre
claire , c'eft la décider .... On doit impofer les
rentiers , mais on ne doit pas impofer les rentes ».
Des murmures ont porté l'opinant à proteſter
que ce n'étoit pas un jeu de mots , & pour ke
( 129 )
démontrer , il a fait une différence radicale , entre
l'impôt perfonnel , prix de la fureté de la perfonne
, & l'impôt réel , prix de la protection
accordée à la propriété : « or , a - t - il dit , le
propriétaire de rentes ne doit point payer la
protection de la loi , parce qu'elle lui eft garantie
par fon contrat. La nation ne peut faire
payer une fûreté qu'elle a promife .
L'orateur a divagué enfuite fur les effets du
crédit , fur les coups que le crédit reçoit des
retenues . « Si vous adoptez le fyftême qui vous
eft propofé , vous faites tout le mal de l'ancien
régime. Vous aurez établi la liberté , mais vous
n'aurez rien fait pour la fortune nationale . Autant
Vous devez attendre d'avantages de l'opération
hardie & fage qui va déterminer une émiſſion
confidérabie d'affignats , autant vous anéantiriez
toutes ces efpérances par un décret qui fruftreroit
vos créanciers d'une portion de ce que vous leur
devez... La réputation politique de la France
s'établit déjà dans les nations étrangères , & elle
a pu dévancer un bien- être très-prochain ; mais
fi le projet de décret propofé étoit adopté , cette
réputation politique feroit immédiatentent remplacée
chez tous les peuples , non par Popinion
de votre mauvaise foi , mais par celle de votre
-ignorance .... Vous verriez bientôt crouler für
Vous ces édifices financiers que vous avez établis
fur des bafes fi folides ; vous les verrriez tomber
fur vous pour votre propre honte & pour votre
grande douleur ; je le dis hautement , honte &
défaftre pour l'Assemblée nationale . Les ennemis
de la révolution l'attendent.... » . Après toutes
ces raifons applaudies , M. Barnave a lu um
projet de décret.
M. Fréreau a objecté à M. Lavende que lett
FS
( 130 )
qu'on impofa les rentes , tous les magiftrats , fi
dénigrés aujourd'hui , défapprouvèrent cet attentat
contre le crédit & la foi publique .
M. Morel a demandé que tout françois régnicole
fùt tenu de déclarer les rentes qui lui font
dues par l'état , & impofé d'après fa déclaration .
sc Cet amendement , a dit M. de Mirabeau ,
prouve que ceux qui l'appuient n'entendent pas
le moins du monde le fens de la queſtion 22.
M. Legrand a redouté les fraudes , les ventes
fimulées à des étrangers . La néceffité des précautions
n'a pas paru à M. Toulongeon devoir
écarter un amendement qui rentroit dans les
principes annoncés par M. Barnave. Effrayé d'une
inquifition deftructive de tout commerce , de
toute liberté , M. Demeunier a invoqué la
queftion préalable fur l'amendement trop direct
de M. Morel. M. de Mirabeau n'y a vu qu'une
fubtilité pour impofer les rentes d'une autre
manière. Il a obfervé que la nation , fouveraine
quand elle impofe , jufte quand elle fait fupporter
à tous les citoyens des charges proportionnées à
leurs facultés , eft brigande & volcufe quand elle
emprunte & ne paie pas. Il a dit que c'étoit
- rouvrir la difcuffion , & fe difpofoit à y rentrer.
Le préfident lui a objecté qu'elle étoit fermée.
Moi qui ne fubtilift jamais , a répondu l'apimant
, je déclare que je ne puis entrer dans une
difcuffion fans difcuter ; & fi l'on veut faire
ceffer cette fcandaleuſe délibération , je demande
que l'on mette aux voix la queftion préalable ».
« Il faut , a dit M. de Foucault , que chacun
paie à proportion de fon revenu. Je fus chargé
par mes commettans de demander que les intérêts
foient réduits au taux de la loi , &que les rentes
foient foumifes au même impôt que les biens(
131 )
les
fonds . Vous avez décrété que les biens du clergé
appartiennent à la nation ; puis , qu'ils étoient à
fa difpofition ... je ne veux pas de termes auffi
louches ; mais je veux que l'on déclare
que
rentiers ne pourront fe fouftraire à l'impôt. ».
M. Ræderer a trouvé qu'on avoit pris des
moyens sûrs d'atteindre les capitaliſtes dans
leurs dépenfes . « Je demande , a dit M. de
Murinais , l'ajournement à une affemblée légiflative
féante à vingt -cinq lieues de Paris ».
сс
Tous les amendemens rejettés on met ]
aux voix le projet de M. Barnave . Le
préfident affirme qu'il eft adopté. Tout le
côté droit réclame l'appel nominal. L'épreuve eft
recommencée. M. Durget veut qu'on change un
mot , fon amendement eft repouffé. Donnant la
forme ironique d'un décret à l'énoncé exagéré de
celui qu'il prévoit , M. de Murinais demande que
l'Affemblée décide que les créanciers de l'état ne
paieront rien , & que l'impôt fera fupporté par
le malheureux propriétaire de terres . M. de Folleville
defire que le tarif du comité atteigne la
capitale qui va furcharger le royaume. M. Raderer
juftifie d'avance le tarif par les principes de
l'Aſſemblée . M. Madier auroit voulu que les
capitaliftes rentiers s'abftinffent d'opiner dans leur
propre caufe. Nous ne peindrons pas ici la confufion
de tous ces débats . Enfin le projet de
décret de M. Barnave a été adopté en eestermes
:
« L'Affemblée nationale , fe référant à fes
décrets en date des ........ qui confacrent fes
principes invariables fur la foi publique , & à
l'intention qu'elle a toujours manifeftée de faire
contribuer les créanciers de l'état comme citoyens
dans l'impôt perfonnel en proportion de toutes
F 6
( 132 )
leurs facultés , décrète qu'il n'y a pas lieu à dé
libérer fur la motioa qui lui a été faite , tendante
à établir une impofition particulière fur les
rentes dues par l'état »,
2
Du dimanche & décembre . $
M. Alexandre Lameth & M. Péthion de Villeneuve
, fon fucceffeur au fauteuil de la préfidence
, ont exprimé leur zèle inaltérable pour la
révolution , & le font loués mutuellement , felon
Fufage.
Chargés d'examiner la lettre du miniftre de la
guerre , relative au beſoin de 4 millions pour la
réparation des places frontières , les comités miliaire
& diplomatique l'ont approuvée . M. Bureau
de Puzy eſt entré , à ce fujet , dans de grands détails
fur les difpofitions politiques des puiffances.
voifines , & fur l'état peu confolant de nos fortereffes
; mais il y a moins de dégradation réelle
que de dégradation apparente ; car fuivant M. de
Puzy, on ne doit pas juger la valeur intrinsèque
des fortereffes d'après de légères excoriations , qui
'affectent que l'épiderme de leurs remparts »
Les 4 millions font accordés , & le décret ordonne
que le ministre de la guerre rendra compte.
de mois en mois , à l'Affemblée , de l'emploi de
ces fonds.
M. de Mirabeau a fair imprimer une conftitution
monétaire , dont les bafes different de celles
du comité des monnoies ; le rapporteur de ce comité
, M. Cuffy a propofé de nommer , pour
arbitre , un nouveau comité , compofé de tous les
membres qui ont été préfidens , comme fi le faueuil
donnoit des connoiffances fur les monnoies.
Il a fait une propofition plus férieufe , celle d'une
-fuite de questions , où M. Bouche n'a vu qu'un
( 133 )
labyrinthe pour l'Affemblée , & de fauffes mefuresqui
rempliroient la France de billon étranger.
M. Duport a diftingué la légiflation , de l'adminiftration
des monnoies , & a prié l'Affemblée de
pourvoir à celle-ci , que met en défaut la fuppreffion
des cours non remplacées . M. de Virieu a
appuyé cette motion , du befoin de réparer & de
prévenir des pertes immenfes . L'Affemblée a
chargé fon comité de répondre , jeudi prochain ,
aux queftions fuivantes : 1 °. quelle eft la forte de
petite monnoie dont il feroit convenable d'ordonner
la fabrication ; 2° . fabriquera-t -on du billon ,
une monnoie rouge , une monnoie d'argent à bas
titres admettra-t -on la propofition décimale ?
M. de Carnon a rendu compte de la fituation du
tréfor public. Il y avoit , hier au foir , a -t-il dit
2,244,000 liv . en or , 9,475,000 liv. en argent ,
11,374,000 liv. en affignats , & 6,592,000 liv .
en effets.
Revenant à organifation de la force publique
, M. Rabaud de Saint- Etienne , organe
du comité de conftitution , a fait précéder cette
organifation de quelques articles conſtitutionnels ,
qui font autant de théorèmes métaphyfiques . Le
premier de ces axiomes par lefquels le comité veut
en venir aux gardes nationales , porte la force
publique , confidérée d'une manière générale , eft
La réunion desforces de touts les citoyens .
Après avoir patiemment écouté les articles fubféquens
, M. de Montlofier s'eft plaint qu'on organifoit
un corps fans y mettre une ame ; il n'a
vu dans ces mobiles , qu'une force publique Lans
principe de vie.
сс
« Ce n'eft point , a-t-il ajouté, par des prineipes
métaphyfques qu'on organife une force publique.
Il ne s'agit pas de mettre dans une confti(
134
)
tution , des lignes . J'aimerois donc à voir en tête
de ces principes , que le roi cft chef fuprême de la
force publique. J'entends dire que cette propofition
eft aristocratique , je me fais gloire de cette
ariftocratic . Vous ne pouvez pas éluder cette propofition
, fans commettre un crime envers la nation
, qui vous a ordonné de refpecter le gouvernement
monarchique . Vous-mêmes , vous avez
paru le refpecter dans un temps où vous n'étiež
ni aui forts ni auffi puiffans que vous l'êtes aujourd'hui
c'eft que la puifiance corrompt les
hommes au lieu de les améliorer . Je demande qu'on
impofe , pour pénitence , au comité de conftitution
, de préfenter , un nouveau projet , dont
l'article que j'ai propofé foit le fordement . »
M. Brillat-Savarin a jugé les objections prématurées
, parce que , dans l'ordre des chofes , il
faut favoir fi on aura une armée , avant de lui
donner un chef. Mais n'eft-ce point dénaturer la
queftion , de méconnoître que , dans l'ordre actuel
des chofes , le chef de l'armée future eft déjà
conftitutionnellement défigné ? Il s'agit donc plutôt
de donner une armée au chef fuprême de la
force publique organifée , que de donner un chef
à cette force."
ce M. de Montlofier a calomnié le Comité &
l'Affemblée nationale ! s'eft écrié M. Demeunier .
D'après les principes que vous avez déjà manifeftés
, & fuivant les propofitions que votre Comité
doit vous faire , le roi aura une autorité telle que
la conftitution le veut . »
Sans examiner les fondemens du nouvel édifice
, fondemens plus profonds . qu'ils ne le paroiffent
, M. de Foucault s'attaquant aux premières
affifes extérieures , á repréfenté les quatrième
& cinquième difpofitions comme propres à
135 )

nous faire perdre la liberté après laquelle nous
courons tous , comme une véritable confcription
militaire , inftitution defpotique , rejetée par
l'Aſſemblée . Il a dit que tout citoyen doit s'armer
quand la patrie eft en danger , mais que tout citoyen
ne doit pas être un foldat dépendant continuellement
d'un officier .
M. de la Fayotte a promis que , lorsqu'on en
feroit à difcuter ces difpofitions , on calmeroit les
inquiétudes du préopinant fur la liberté publique ;
mais que la première difpofition étoit trop fimple
& trop claire pour qu'on dût balancer à la mettre
aux voix.
M. Malouet a puiffamment infifté fur le principe
de M. de Montlozier , & requis qu'on
ajoutât à l'article propofé , fous l'autorité du chef
de la Nation ."
M. le Chapelier a repouffé cet amendement ,
en obfervant que le comité vouloit divifer les
gardes nationales par diftricts , fous des commandans
féparés . « Voilà l'ancien régime du Mexique
& du Pérou , s'eft écrié M. de Folleville : nous
aurons autant de petits Caciques que de capitaines
de diftricts. Je demande que les milices foient
foumifes à l'autorité conſtitutionnelle du roi » .
» Ceux qui réclament l'autorité du roi n'en
veulent point , a crié M. du Quesnoy : ce font
des confpirateurs , a ajouté M. Lavie » ; le roi ,
fuivant M. Muguet de Nanthou , ne doit pas être
le chef du pouvoir armé . Ces propos font préfager
le fort la queftion.
En vain , M. de Montlozier a-t- il réclamé
fouvent & ufurpé quelquefois la parole ; la difcuffion
étoit fermée. L'Affemblée écartant
ainfi d'impuiffantes objections , & continuant
toujours d'adopter des articles , s'eft trouvée , à
( 136 )
la fin de la féance , avoir dcrété ce qui fuit on
TITRE Fr. De la force publique en général."
1º, La force publique , confidérée d'une ma→
nière générale , eft la réunion des forces de tous
les citoyens.
2º, L'armée eft une force habituelle , extraite
de la force publique , & deftinée à agir contre
les ennemis du dehors.
3°. Les corps armés pour le fervice de l'in
térieur font une force habituelle , extraite de la
force publique , & effentiellement deſtinée à agir
contre les perturbateurs de l'ordre & de la
paix.
4°. Ceux-là feuls jouiront du droit de citoyens
actifs , qui , réuniffant d'ailleurs les conditions
prefcrites , auront pris l'engagement de rétablir
l'ordre au- dedaus , quand ils en feront légalement
requis , & de l'armée , pour la défente de
la liberté de la patrie.
5. Nulle force armée ne peut exercer le droit
de délibérer ; la force armée eft effentiellement ;
obéiffante .
6. Les citoyens ne pourront exercer le droit
de fuffrage dans aucune des affemblées politiques
, s'ils font armés , ou feulement vêtus d'un
uniforme.
70. Les citoyens ne pourront refufer le fervice
dont ils feront requis légalement.
8°. Les citoyens ne peuvent exercer aucun
acte de la force publique établie par la confti-
` tution , ' fans avoir été requis.
9. Les citoyens actifs & leurs enfans mâles ,
âgés de dix-huit ans , déclareront folemnellement
la réfolution de remplir au befoin ces devoirs
en s'infcrivant fur les regiftres à ce deſtinés.
( 137 )
10. L'organiſation de la garde nationale n'eſt
que le plan d'après lequel les citoyens doivent
fe raffembler , fe former & agir , lorfqu'ils feront
requis de faire leur ſervice .
11. Les citoyens requis de défendre la chofe
publique , & armés en vertu de cette requifien
s'occupant des exercices qui feront
inftitués , porteront le nom de gardes natiomales
.
12°. Comme il n'y a qu'une feule nation , il
n'y a qu'une feule garde nationale pour tout le
royaume , foumife au même régime , à la même
difcipline & au même uniforme.
Quoiqu'en ayent dit les gazetiers , le Roi
n'a point encore fanctionné le décret qui
met le clergé de France dans l'alternative
du martyre ou de la foumiffion . S. M. a
expédié un courier à Rome , & l'on préfume
avec fondement, qu'il po te au Saint -Siége
lexpofé des circonftances , & la deman le
de fon affentiment. Malgré l'afirmation
tranchante de ceux qui prophétiſent la
réponse de la cour de Rome , les hom
mes fenfés font moins clairvoyans. Tout
dépend de l'importance qu'attachera le Pape
à prévenir ce qu'on appelle un fchifme
c'est-à-dire à conferver un lien , aujourd'hui
purement de forme , avec l'églife Gallicane,
Tous les Evêques députés à l'Affemblée
nationale , le 30 octobre , à l'exception de
M. d'Autun , & de M. de Lydda Evêque inpartibus
, ont adhéré à l'expofition des prin(
138 )
:
cipes fur la conftitution du clergé. Les Evêques
abfens ont joint leur adhésion à cette
profeffion de foi elle a été partagée publiquement
par la très grande pluralité des
Métropolitains. Après avoir lû cet expofé
de principes , on eft bien furpris , fi on peut
l'être de quelque chofe , des qualifications
violentes qu'il a reçues : c'eft d'un bout
à l'autre l'ouvrage le plus modéré : à
moins que la liberté conftitutionnelle , &
la liberté naturelle , exiftent pour tout le
monde , fauf pour le Clergé de France ,
il est d'unefévérité peu conforme aux temps ,
de traiter de crime & de révolte la declaration
de fentimens que fait une claffe de
citoyens , fur l'ordre de chofes abfolument
nouveau , auquel on le force de fa foa
mettre. Sans examiner les queftions que difcutent
les Evêques , ( examen qui feroit
indécent de la part d'un calvinifte ) , les
hommes de bonne - toi , à quelle religion
qu'ils appartiennent , respecteront toujours
des fcrupules fondés fur la perfuafion , &
fur une loi de 12 fiècles . Les canons & la
doctrine de l'églife ayant prononcé que le
mode d'élection des Métropolitains & des
C rés , ainfi que la limitation des diocèles ,
ne pourroient être changés fans l'autorité
d'un concile oecuménique , ou d'un concile
national , ou enfin du Saint - Siége j
il s'enfuit que le Clergé actuel ne fe
regarderoit plus comme Catholique ,
( 139 )

s'il juroit d'exécuter des formes contraires
aux dogmes que fa confecration lui
ordonna de refpecter. La déciſion d'un concile
, ou celle du Pape , peuvent leules , aux
yeux de fes Membres , les délier de cette
obligation de leur état.
Il est toujours digne de la puiffance publique
& peut être impérieux dans les jours
de troubles , de raffurer les confciences au
lieu de les brifer , de compofer avec les fcrupules
, de refpecter l'empire des opinions, lorfqueletems
leur a imprimé un grand caractère
de fainteté , & fur tout de ne jamais placer
les hommes entre la néceffité du parjure , ou
celle de la ruine & de l'échaffaud . La mo
rale réprouve ces extrêmes autant que la
politique.
Voltaire a dit un mor fenfé , en parlant
des habitans de nos Provinces méridionales
; la talérance & la circonfpection font les
feules brides qui puiffent bien conduire cette
Nation des anciens Vifigots. Les dernières
horreurs de Nîmes , provoquées , exécu
tées par des paflions qu'on auroit dû croire
reintes , & dont on ne peut plus mainte
nant révoquer en doute l'énormité , atteſtent
de nouveau la fageffe de ce confeil.
Avant l'année dernière , les deux Religions
fratern foient dans le midi . Seroit- il prudent
d'accroître les reffentimens qui ont fuccédé
à cette harmonie , & d'opprimer qui que ce
foit Seroit il prudent de laiffer impuni le
( 140 )
maffacre de 300 citoyens égorgés à Nîmes ,
comme des agneaux à la boucherie ? Ces
affaffinats ont feuls produit la réunion & les
réfolutions de Jalès , fur lefquels on a débité
tant de fables de contre révolution , Il eſt
de fait que le comité féant à Jalès , & préfidé
par M. le Chevalier de Baftide , a été indignement
calomnié ; qu'il n'a jamais eu uue
idée contraire aux loix nouvelles , & qu'au
lieu de s'armer contr'elles , il n'a été conduit ,
dans fes délibérations , que par le motifde
rétablir la paix à Nîmes , & d'en faire pu
nir les fanguinaires perturbateurs . On a
profcrit ce Comité comme rebelle ; on l'a
livré aux tribunaux : les commiffaires des
Catholiques de Nîmes & d'Uzès ont eu
le même fort. Le dernier rapport de M.
Chabroud concernant cette dernière ville ,
vient d'y exciter le plus grand mécontentemen
. Croit on ramener les efprits par la
terreur & par des fentences criminelles : Tout
au contraire preferit impérieufement la
modération.
On annonce en ce moment divers évènement
qui augmentent la force de cette vérité. Plufieurs
kettres de la Haute- Provence , de Graffe en part
ticulier , parlent d'une commotion , dont la fup
preffion de l'évêché & du chapitre a été la caufe
occafionnelle. Le peuple , dit-on , a forcé les
officiers municipaux à donner leur démiffion ; il
en a élu de nouveaux , en écartant la robinocratie.
M. de Gars a été élu maire . On parloit
ouvertement de caffer de même le directoire du
( 141 )
diftrict , & de réinftaller dans leurs fonctions l'évêque
& fon chapitre. Les mêmes mouvemens , à
ce qu'on ajoute , ont eu lieu à Sifteron , à Seenez
, à Vence , à Brignolles . Arles , dont le fiège,
l'un des plus anciens du royaume , eſt auſſi ſupprimé
, eft loin d'être tranquille .
A ces nouvelles , dans lesquelles il peut y avoir
de l'exagération , nous ajouterons celle très- répandue
, depuis quelques jours , d'un arrêté de
la ville de Mendes en Gévaudan , imité par plufieurs
autres villes du même département . Cet
arrêté , dont il circule des copies , eft une réfo
lution de demander que l'Affemblée nationale ſe
tienne dans une ville au centre du royaume ;
que la procédure fur les attentats du 5 & du 6
octobre , foit faite & parfaite , & que nul prétexte
d'inviolabilité ne puiffe fauver les coupables .
Cette adrefe , a ce qu'on affure , apportée par
des députés extraordinaires , doit être imprimée
aujourd'hui .
Les Electeurs de Paris procédent lentement
à la nomination des juges. Depuis la
dernière lifte que nous avons donnée , on
a élu à ces nouvelles magiftratures , MM.
Oudart du Comité des recherches , Bigot
dé Preamenu avocat , Garran de Coulon , du
Comité des recherches , Minier , l'un des
= adminiftrateurs de la commune , Recolène
avocat, Vermeil , de la Vigne , d' Augy avocats
, Clément de Blavette , ci- devant confeiller
au parlement , & Hérault de Sechelles ,
ancien avocat général. Trois membres de
certe inftitution que le filence des loix a
produite au fein de la municipalité , & qui'
( 142 )
n'a dû fa confervation qu'à la prépondérance
d'une fe le voix , font déja au nombre de nos
juges. On le fouvient que MM. Agier &
Garran répandoient desfactums contre MM.
Augeard & de Befenval , depuis déclarés
innocens , avant même qu'il fuffent décrétés
, & que dans ces plaidoyers qui ranimoient
la fureur populaire contre les
accufés dans les fers , l'un & l'autre de
ces avocats manifeftèrent des princi , es incompatibles
avec la liberté individuelle.
M. Garran a aufli plaidé par imprimés contre
M. de St. Prieft , & c'est lui qui nous
apprit , fur la foi d'un délateur , que ce
Minifte avoit promis de couper les têtes
des patriotes avec un damas rapporté de
Conftantinople. Ce propos qu'on eut , tout
au plus , ofé attribuer à un cocher ivre, étoit
une preuve démonftrative contre M. de St.
Prief , dans le mémoire de fon accufateur.
Au nombre des fingularités de notre
époque , il faut ranger l'enthoufiafme qu'a
excité la repriſe de la Tragédie de Brutus
par Voltaire. Ce grand poëte , dont l'intention
n'étoit pas équivoque , y avoit établi
les maximes de la liberté républicaine ,
en oppofition à celles de la monarchie.
L'hiftoire nous peint fon Héros , ce Conful
Brutus , comme l'ariftocrate le plus déter
miné , & toute la pièce n'eft qu'un plaidoyer
de l'aristocratie patricienne contre la
royauté. Des hommes , auxquels le nom
( 143 )
de Sénat donnoit des convulfions de fureur
au mois de Septembre 1789 , ont couvert
d'applaudiffemens les tirades en l'honneur
du Sénat le plus defpotique ; car telle fut
celui de Rome depuis l'exil de Tarquin ,
jufqu'à la retraite fur le Mont-Sacré .
Le tre au Rédacteur.
» Je viens d'être averti , Monfieur , que dans
un ouvrage intitulé de la Conftitution Monétaire ,
fous le nom de M. de Mirabeau , je fuis cité &
nommé pag. 117 & fuivantes , comme ayant été
confulté par M. de Calonne fur fon opération
monétaire. On entre dans des détails de mes
calculs & même de mes opérations de fonte des
louis d'or .
neur
» Je certifie à la France entière , fur mon hon-
, que je n'ai eu aucune correfpondance avec
M. de Calonne fur fon opération qu'il eft même
le feul miniftre des finances avec lequel je n'aie
en aucune relation fur les monnoies , pendant
36 ans que j'ai été infpccteur général des monnoies
; enfin , que j'étois cette année à ma cam-
-pagne , & que j'en arrivai la veille de la publication
de la déclaration fur l'or , d'où j'en reçus
la première connoiffance ..
Je vous prie , Monfieur , de vouloir bien ,
en faveur de la vérité , inférer ma lettre dans
votre journal. J'ai l'honneur d'être très refpectueuſemens
votre très-humble & très- obéiffant
ferviteur »>.
>
FORTBONNAIS.
Paris , le 2 décembre 1790.
1
MERCURE
DE FRANCE .
SAMEDI 18 DÉCEMBRE 1790.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
COUPLET
une Américaine, qui eft venue en France
pour chercher fa fille, & quife plaignoit
de nos climats.
AIR : Avec les jeux dans le Village.
DEE votre Ife , fenfible mère ,
Oubliez le féjour heureux ;
Vous venez dans notre hémiſphère
Chercher l'objet de tous vos veux ;
Près d'une fille fi chérie
Vous retrouverez vos climats
Une mère eft dans fa Patrie
Quand fon enfant eft dans les bras.
( Par M. de Jaure, )
1.51 . 18 Décembre 17901
866 MERCURE
VERS à Maman , jolie femme ( 1 ) de
23 ans , qui m'appeloit fon fils.
JE ferois vraiment votre fils
Si d'Amour j'avois la figure :
Vous avez les yeux de Cypris ,
Son corfage , fon coloris ;
- Vous avez fur tout fa ceinture :
Et de l'Amour j'a feulement
La tendrelle & le fentiment.
Cet Enfant vous a donné l'être a
De l'Univers on le dit maître ;
Le pla fir eft fon élément,
Et le bonheur eft fon partage :
Mon partage eft bien différent .
Jadis fa mère étoit volage :
Quand on eft belle, il eft permis
D'être inconftante , à mon avis.
Cet avis paroîtrait peu fage
Au mortel le premier heureux
Dont , avec un fourire aimable ,
Vous reçûtes les tendres voeux :
L'Egoifme eft impitoyable ,
L'Hymen en eft le fot enfant ...
Parlons d'un ton plus raisonnable..
De bonne foi
( 1 ) Madame Be .....
3
quoi ! vous , Maman !
12
DE FRANCE. 81.
Moi votre fils ! Oh ! non ,
Madame ;
J'ai pour vous , au fond de mon ame ,
Des fentimens tous différens ;
J'aime d'une amour fans égale ;
Mais la tendreffe filiale
N'eft point celle que je reffens .
Celle dont vous êtes l'image
La Déeffe de la Beauté ,
Avoit autrefois accepté
י
D'un beau Berger le tendre
hommage :
Ce Berger c'étoit Adonis ;
Il cheifit Vénus pour la mère ;
Vénus l'adopta pour fon fils ;
Elle brillanta fa carrière ,
Elle lui montra l'art de plaire ;
Sous vous il l'eût bien mieux appris.
Il fut plus beau que moi , Madame ,
Et partant il fut plus heureux ;
Mais étoit - il plus amoureux ?
Ah nôn , il n'avoit pas mon ame ! '
De ce Berger , j'ai cependant
La timidité , la jeunelle :
De Vénus , ma belle Maman ,
Il n'eft pas bien affarément
D'avoir tout , hormis la tendrefle .
Ce Rouleau que vous aimez tant >
Avoit une mère charmante ;
Mais fa Maman fut fon Amante ;
E 2
8S MERGURE
N'en dirai - je jamais autant ?
Je vous renonce pour ma mère ,
Si je ne puis pas vous charmer :
Mais vous avez le don de plaire ,
Je possède celui d'aimer ;
L'ua fans l'autre eft , peu néceffaire :
Faifons un troc entre nous deux ,
Et tous deux nous ferons heureux.
Par M. Feraporte. ),
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade cft Souvenir ; celui
de l'Enigme eft Sérénité ( titre du Doge de
Gênes ) ; celui du Logogriphe et Liberté ,
où l'on trouve Libre , Tibre, Tibère , Ibère ,
Ebre , Lit , Bière.
CHARADE.
A la fête de fon Village ,
Lucas fe plaît à vider mon premier ;
Dans un briliant feftin on peut voir mon dernier ›
Et , cher Lecteur , dans ce moment , je gage
Que fous les yeux vous avez mon entier.
( Par M. Lagache fils, d'Amiens. )
DE FRANCE. $9
ÉNIG ME.
MES pareils quelquefois naiflent dans un feftin ;
Je fuis parfois galant & parfois fatirique ;
Et pour dire le vrai , fans craindre de réplique ,
Etant deux jours à naître on change mon deftin.
- Par M. Prevoft. )
LOGO GRIPHE.
JE marche für cinq pieds dans l'ordre naturel :
Le croiriez -vous , Lecteur ? je fuis univerfel .
Dans mon cercle moral j'occupe peu d'efpace ;
Au phyfique , il me faut une plus grande place :
L'oeil du Savant ne peut me mefurer.;
Mais le Sage eft content de favoir m'admirer.
Prenez deux , quatre & cinq , je fuis ce que l'on
chante ;
Otez le trois , je fuis chofe changeante ;
' Et fans mon chef , une chofe coulante ;
Quatre , cinq , ua , deux , trois , fuivant le mot
écrit ,
Vous marqueront un très-mauvais efprit ;
Quatre , deux , un & cinq difent ce qu'on contemple
Soit à Paris , à Rome , ou fur le haut d'un Temple.
( Bar M. Verlhac , de Brive. )
E 3
go MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LA BOUCHE DE FER.
Linguæ centum funt, oculi centum , oraque centum,
Ferrea vox .
A Paris , chez Buiffon , Libraire , rue
Haute - feuille.
C'EST le titre d'un Journal patriotique
& fraternel : Epigraphe' fignifie que ceux
qui le compofent ont sent langues , cent
yeux , cent bouches & une voix de fer.
C'eft beaucoup.
ر
On demandera d'abord pourquoi ce titre
de Bouche de Fer ? Il rappelle celle de Venife
, où l'on jette toutes les délations fecrètes
contre l'Adminiftration & contre les
Citoyens. Ce rapprochement n'étoit ni favorable
ni attirant. Les Auteurs eux- mêmes
nous apprennent que dans une Affemblée
du Cercle Social , qui dirige leur Journal ,
on s'eft élevé contre cette dénomination.
Les uns défiroient Bouche d'Or ; d'autres ,
Bouche de Vérité ; d'autres , Bouche du PeuDE
FRANCE. gt
"}
ple Franc ; d'autres , Bouche des Francs ; &
d'autres, Bouche Françoife . Tous ces titres
étoient fort beaux ; mais celui que nous annonçons
a prévalu ; on nous en dicla raiſon :
C'étoit le nom de la Bouche des an-
» ciens Interprètes de la Nature «. Qu'estce
que ces anciens Interprètes de la Nature
? Et pourquoi avoient- ils une Bouche
de Fer? Cela paroît d'abord un mystère
à nous autres ignorans ; mais tout s'écl ircit
avec le temps , & nous verrons que
cela eft clair &fimple , comme tout le refte.
Quel eft l'objet de ce Journal ? C'eit la
Confédération univerfelle des Amis de la
Vérité ; univerfelle dans la force du terme ,
car elle embraffe tout l'Univers ; il ne s'agit
de rien moins que de la régénération du
genre humain. Peut - être trouvera - t- on le
projet vafte ; c'eft notre faure , c'eft que
nous fommes petits , c'est que dans nos
idées étroites , nous comptons pour beaucoup
ce petit globe qui eft à peine quelque
chofe. Si , par exemple, il s'agiffoit de
porter la LUMIÈRE du Cercle Social dans
tous les Mondes , c'eft alors que l'entreprife
pourroit être vafte ; encore ne le feroit-
elle pas trop pour le génie ; & comme
dit fort bien la Bouche de Fer , il fuffic
de VOULOIR ( en lettres majufcules ) ; elles
font fort multipliées dans ce Journal , &
fouvent fur des mots qui femblent n'avoir
aucun fens ; mais alors ce font les lettres
E 4
92
MERCURE
majufcules qui en ont un ce font des
types , des figures , c'eft tout dire,
Nous avons une Société des Amis de
la Conftitution ; & tous les bons Citoyens
doivent & peuvent être amis de la Conftitution
, car on fait ce que c'eft . Mais
eft-il bien facile de fe confédérer comme
amis de la vérité , fur- tout d'un bout du
Monde à l'autre ? Il faudroit pour cela
que l'on fûr d'accord fur ce qu'on appelle
Vérité ; & je ne connois guère que la
vérité mathématique qui ait cet avantage .
Il y a eu , dit- on , des Affemblées de cinq
à fix mille perfonnes au Cercle Social. Si
tous ces gens là s'accordoient fur la vérité
politique & morale feulement , ce devoit
être une Affemblée très - édifiante & unique
dans fon efpèce.
Mais toutes ces objections , comme j'ai
eu foin d'en avertir , ne font au fond que
foibleffe & ignorance : on va tout àl'heure,
nous le prouver. J'ai connu beaucoup un
homme qui n'a pas laiffé que de faire un
moment quelque bruit dans le Monde : il
prétendoit aufli qu'il n'y avoit rien d'impoffible,
que vouLOIR EST TOUT ; & il le difoit
fortement & longuement , & en grande
compagnie. Je lui demandai s'il connoilfoit
des moyens de prévenir ces épouvantables
ouragans qui caufent fréquemment
de fi affreux ravages dans le nouveau
Monde , & quelquefois dans l'ancien . Je
croyois bonnement l'embarraffer un peu .
DE FRANCE. 93
>
2
Point du tout : il me répondit avec un
grand férieux , qu'il ne doutoit pas que ces
moyens n'exiftaffent ; qu'il ne s'agilloir que
de les chercher ; & que , fi l'on vouloit commencer
par le nommer Ordonnateur des 32
vents , avec un traitement de vingt mille
livres , il fe faifoit fort de réuffir à rendre
les ouragans beaucoup plus rares , & que
fes fuccesfeursen titre d'effice parviendroient
fans doute à les faire ceffer entiérement.
On voit que fi mon homme étoit un peu
fou , il n'étoit pas tout-à-fait fi for. Daus
l'enthoufiafme qui l'échauffoit , & pour
prouver que l'on pouvoit tout faire , il
vouloit d'abord aller fe battre tout nu
& avec un fabre bien aflé contre un
monftrueux ours blanc que l'on mentroit
alors à la Foire . Il s'indignoit que perfonne
n'eût encore eu le courage de défier corps
à corps ce formidable animal . On fe mit à
rire; il s'emporta tellement , qu'une femme
qui étoit préfente , & qui s'intéreffoit beaucoup
à lui , crut tour de bon qu'il alloit
partir fur le champ pour attaquer fon ours,
comme Don Quichotte fes lions ; & croyant
le voir déjà dévoré , elle fe mit à pleurer
à chaudes larmes. Cet incident calina un
peu notre Paladin , fans quoi l'on ne peut
répondre de ce qui feroit arrivé à l'ours ;
mais pour les ouragans , il n'en voulut
rien rabattre. Malheureufement il mourut
quelques années après , de fes projets &
de fes fatigues, au moment où il voyageoit,
ES
94 "MERCURE ·
payé par le Gouvernement , & ayant un
traitement de plus de cent mille livres
( ceci n'eft pas une plaifanterie ) , pour réformer
la France. Il étoit fuivi de quatre
Secrétaires , & les occupoit fi bien , que
toutes les tables des auberges fuffifoient à
peine à fes papiers & à fes écritures . C'étoit
un fingulier perfonnage , qui , comme on
voit , ne manquoit pas de confiance , encore
moins d'activité , qui avoit un peu
de ce qu'on appelle efprit pas le lens
commun , qui faifoit fort aifément & fort
médiocrement de petits vers , & qui , s'il
cût vécu , auroit pu aller floin , n'eût été
peut -être la Révolution.
Ce léger épifode peut paroître, je l'avoue,
d'autant plus déplacé, que j'ai parlé d'une ef
pèce de vifionnaire , & que fans doute cela
n'a rien de commun avec la Bouche de Fer.
On en va juger par la manière dont elle
nous développe fon plan .
» La lumière eft encore cachée dans les
ténèbres , & les ténèbres ne l'ont poing
comprife . Ses rayons épars étoient comme
au pillage chacun vouloit avoir le fien ,
au lieu de les réunir & d'en former un
autre flambeau du Monde. Une poignée
» d'hommes , Amis de la Vérité , le réunirent
leur Cercle Social s'occupa d'abord
de forcer l'attention : ils jetèrent un
» fi grand jour au fein de ces ténèbres ,
» que vingt - quatre millions d'hommes
» ont enfin fenti que , faute d'examen ,
DE
9 '
FRANCE.
""
tout est préjugé , même la vérité. Une
poignée d'hommes ont purgé les étables
» d'Augias , pour y placer les fuperbes
» courfiers du Soleil , les précurfeurs de
و ر
la lumière. Elle eft encore à L'ORIENT
» à fon AURORE ; mais déjà chancelle de
» toutes parts un vieil échafaudage qui
» cache un édifice antique. Le Soleil de
» la raifon paroîtra dans fa gloire , & l'U-
» nivers , infenfiblement éclairé de la lu-
» mière créatrice , verra un nouveau Monde
" fortir du chaos , égal au néant . Mais
» avant tout il faut que la parole foit
» entendue , la parole qui a tout fait ;
» nous voulons dire la voix de la Vérité ,
» celle qui n'eft point fujerte ax frivoles
interprétations des hommes. Cette parole
eft h pure & fi FRANCHE , que les Sages
» de l'ancien Monde l'appeloient à la
» fois la Lumière , la Vie , la CRÉATION ,
» la Voix du Peuple , la Voix de Dieu
و د
33
fouvent la Divinité même , Souffle célefte
, qui a donné une ame à tout ce
» qui refpire «.
22
Voilà le Platonifme tout pur : fi nous
ne voyons pas bien à quoi le Platonifme
peut ici nous être bon , c'eft apparemment
notre faute. Écoutons toujours.
""
و ر
C'est encore du fein du Cercle Social
que partirent les premières idées de la
néceflité d'armer tous les Citoyens pour
» empêcher les guerres civiles , la perte
"
E 6
95
MERCURE
» d'un Roi Citoyen , & de l'Affemblée au-
» gufte des Envoyés du Peuple Franc ". "
Ce font là de nouvelles inſtructions pour
l'Hiftoire. Nous ne favions pas , quand tous
les habitans de Paris coururent aux armes ,
quand on courut enlever les fufils des
Invalides le matin , & prendre la Baftille
le foir , quand toute la France , au fignal
donné par la Capitale , fut en armes dans
le même moment ; nous ne favions pas
que tout cela fût parti du Cercle Social.
On pourroit avec quelque vraisemblance
en trouver les caufes dans les difpofitions
des efprits , progreffivement préparés par
les circonstances & les évènemens ; mais
fans doute il vaut mieux croire que le
Cercle Social a tout fait , avant même que
l'on sûr qu'il exiftât un Cercle Social.
Aujourd hei le Cercle Social s'occupe
» de nouvelles confédérations partielles ;
» mais fi l'amour de la vérité 3 comme
» on n'en peut douter , n'eft pas éteint
» dans tous les cours de ces Écrivains Patriotes
qui ont fauvé l'Empire , tout eft
confommé. Car qui pourroit réfifter à
» la confédération des Écrivains généreux
qui vont former le Directoire du Cercle
» Social « ?
"
99
Qu'on vienne à préfent nous parler de
contre-révolution : tout eft confommé , &
rien ne peut refifter au Directoire du Cercle
"ocial. Il faut avouer que cela eft raffamais
ce n'eft encore rien ; il ne
ა.
ram
>
1
DE FRANCE. 97
s'agit encore que de nous : voici qui eft
pour le Monde entier.
"
"
"2 Bientôt , au lieu des mille & une
» Principautés Orientales , nous aurons un
» Orient national dans chaque Empire.
» La feule inftitution de cet Orient pré-
" pare & confirme la naiffance éternelle
» d'un Gouvernement national , le grand
» objet de toute bonne Police . Avant de
" pouvoir arriver à l'établiffement , d'un
» Orient national , dont le grade confti-
» tutionnel annonce l'inftitution civique ,
» il ne faut pas oublier le grade conftitu-
» tionnel , qui ne peut avoir de principe
élémentaire , de principe indeftructible ,
» s'il n'eft pas UNIVERSEL , Commun à tous
» les Peuples , à tous les hommes , & facile
» pour tous dans tous les
temps ".
و ر
Apportez-y chacun un rayon de lumière .
"
Rappelez - vous , hommes Francs , qu'en
» ces mêmes lieux vos pères ont promis
» d'être libres , au nom de la Nature " ,
( PAR- ISIS ) .
Comment en un plomb vil l'or pur s'efl- il changé?
33
» Voilà ce que vous découvrirez fans
peine , fi vous êtes les amis de la vérité ,
» fi vous n'avez pas une trop grande démangeaifon
de jouir .... Que votre an-
» cien grade Parifien s'épure , qu'il forme
" entre vos mains , confacrées à la juſtice ,
"
58
MERCURE
" un grade conflitutionnel, le grade univer
fel des Nations . »
» Et moi auffi , je me connoiffois à
peine , que je me fentis né pour le bonheur
du genre humain. J'ai auffi une
» voix éternelle , une puiffance créatrice.
» Je dis auili au Soleil : ÉCLAIRE , le Monde
fera éclairé «. ,
و د
ל כ
Tout ignorans que nous fommes , nous
tous qui n'avons pas vu la lumière de l'Orient
, nous devinons pourtant que ceci
eft allégorique , mais même , allégoriquement
parlant , cela eft encore très - beau ,
de pouvoir dire : Je dirai au Soleil: éclaire ,
- le Monde fera éclairé. Il faut être bien sûr
de fon fait , & cela eft fier. Mais pour
parfer ainfi , il faut avoir une voix éternelle ,
une puiflance créatrice.
I reftoit à nous apprendre le mystère
du grade confitutionnel , & le moyen de le
propager & de lui donner une bafe fédéra
tive. Ceci (aous dit - on) eft de la plus grande
fimplicité. Voyons donc.
و د
,
Vingt- quatre millions d'hommes ont
» un commerce fraternel de fignes allégoriques
pars & inaltérables ... Toutes
les Sociétés patriotiques & franches
une fois affiliées au Cercle Social , recevront
partiellement & graduellement ,
par les livraifons de la Bouche de Fer ,
» les fignes fraternels d'exécution pour l'application
pratique des principes élémen
» taires & conftitutionnels. Ils y font déjà
93.
DE FRANCE.
༡༡
pour les réfléchiffeurs ; mais vraisemblablement
nous en multiplierons la force
» & la lumière , ce qui nous coutera tout
» au plus quelques gravures allégoriques
» & quelques petits Contes de Féerie ".
Il faudroit être bien difficile , pour n'être
pas frappé d'admiration : qu'eft ce donc ,
bon Dieu ! que cette Bouche de Fer , qui
régénère le genre humain avec quelques
gravures allégoriques & quelques petits
Contes de Féerie ? Et pourtant les Auteurs
nous affurent qu'ils ne font pas forciers.
Devons- nous les en croire ? Je me tais :
pour moi , il nie femble que je ne m'y
ferois pas. Je demande aux Lecteurs qui
ne font pas plus fins que moi , ce qu'ils
en penfent , & fur-tout s'ils peuvent hire
fans une forte de frayeur religieufe le
paffage fuivant. ( J'obferve que tout ce qui
eft tranferit ici en italique , l'eft d'après
le texte original ).
La bouche des Invisibles eft une inf-
» titution dont l'origine fe perd dans la
" nuit des temps , religienfement confa-
" crée dans les myftères de l'ancien Monde.
Les premiers Bienfaiteurs du genre humain
, voulant tout guérir , fentirent le
" befoin de tout connoître : de là l'invention
de la Bouche des Invifibles , pour
» révéler des mystères , ceux de la Na-
» ture & des Gouvernemens , recueillir
les tréfors de l'expérience , & prononcer
» des oracles ".
33.
100 MERCURE
Eh bien , Lecteurs , qu'en dites - vous
Voilà des gens qui , depuis le commencement
du Monde , ont trouvé le moyen
de tout connoître par l'invention de la
Bouche des Invifibles , de révéler les myftères
de la Nature & des Gouvernemens
& de prononcer des oracles. Si ce n'eft
pas-là de la forcellerie , qu'est - ce que c'eſt
donc? Et remarquez que , jufqu'à ce moment
, ils ont tour gardé pour eux , qu'ils
n'ont point encore révélé de myfières , ni
prononcé d'oracles. Affurément c'eft malice
pure.
J'ai tort j'apperçais des vers : c'eſt la
langue des oracles ; & fans doute nous allons,
en trouver ...... Oui , ce ne fauroit être
autre chofe il eft impoffible d'y comprendre
un mot ; mais la Bouche de Fer
a eu foin de nous avertir que la doctrine
n'eft pas entendue le plus fouvent , même
des initiés ; elle n'eft que pour un trèspetit
nombre. Jugez donc fi nous en fommes
loin , nous qui ne fommes pas même
initiés . Mais on nons promer que le jour
des manifeftations & de la réfurrection ' des
morts eft proche; & c'eft alors que tout le
monde comprendra les vers que vous allez
lire ils font d'un ftyle étrangement
neuf ; mais ce n'eft pas de cela qu'il eft
queſtion :
Le ftyle n'y fait rien ;
Si c'eft un ftyle franc , il fera toujours bien. *
DE FRANCE: 101
Savez-vous ce que veut dire le mot franc ,
qui revient à toutes les lignes de la Bouche
de Fer ? N'allez pas croire que cela veuille
dire François rien moins , je vous jure.
Qu'eft- ce donc que ce mot fignifie ? Ma foi ,
je n'en fais encore rien ; mais qu'importe ?
Écoutons.
I.
Rien ne fera fortir l'Univers de fes gonds.
L'Océan indigné dans fes gouffres profonds ,
Que la terre & les cieux lui fervent de ceinture ;
S'irrite en fes efforts pour fecouer fes fers ,
Et rouler fa prifon dans le vague des airs .
Mais le pacte éternel , la loi de la Nature ,
Le ramène toujours foumis à fes deflins :
Voilà des vérités qu'on touche de fes mains.
2.
Penfoient-ils, ces Tyrans, que leur colère immonde
Ereindroit, dans le fang des bienfaiteurs du Monde,
Cet éternel efprit , ce feu toujours vainqueur ,
Qui fait vivre la pierre, & qui lui donne un coeur ,
Qui parle dans les vents , dans la foudre qui gronde ?
3.
Plus pur que l'argent-vif, il defcend au tombeau.
( Ainfi de l'Univers difparoît le flambeau . )
Quand la tombe a caché fa mortelle dépouille ,
Peux-tu penfer qu'un ver le dévore & le fouille ?
102 MERCURE
Un ver pent-il fouiller un rayon du Soleil ?
L'efprit fert & connoîr que c'eft - là fon réveil.
Derai , c'est toujours vivre . Existence immortelle !
Quand le père du Jour par les rayons l'appelle ,
Il laufe d'un veux tronc les débris difperfés ;
Et tous les élémens à l'infant font forcés
De recueillir fon MOI dans une peau nouvelle.
S'il eft permis de deviner quelque chofe
de ce ftyle divin , il y a là je ne fais quoi
qui reffemble à la métempfycofe ; mais
ferci - ce la peine de faire des vers fi extraordinaires
pour y envelopper de fi vieilles
idées ? Non , cela n'eft pas probable. Tout
ceci , fans doute , comme je l'ai déjà dit ,
eft type &figure. Continuons.
Il a fon ceil pour voir , l'oreille pour ouir ;
Un mouvement vital , perpétuel , unique ,
Circule dans fon fang pour aimer , pour jouir ,
Pour enrichir fes nerfs d'une force électrique
Et s'aviver des feux de la chaleur publique ,
Pour CRÉER.Le fens-tu qui partage fes feux ,
Toujours l'oeil de Faveugle, & le pied du boiteux ?
5.
?
Sûr desfe retrouver au coeur de la Nature ,"
Mourir n'est rien pour lui : c'eft changer de figure ;
C'eft connoître & fentir qu'il change chaque jour ;
Qu'il ceffe d'être enfant , qu'il arrive à l'amour ;
DE FRANCE. 103
Et fi de la Nature ure roue eft l'emblême ,
Dans fa forme diverfe il eft toujours le même.
6.
La Nature a fes loix , fa récompenfe , un plan.
Tu vis par fes bienfaits , dit- elle , & c'est l'aiman
Qui rappelle un efprit , s'il eft pur , à la vie.
L'ingratitude glace un mal- veillant génie ,
Qui retombe aux lieux bas dans fon obfcurité.
As-tu le fentiment de ton éternité ?
C'eſt avoir fait un pas immenfe en ta carrière ;
Tu peux alors créer , conquérir la lumière .
7:
Repouffe des lauriers qui feroient teints de fang ;
Veux-tu forcer ton frère à vouloir être FRANC ?
Laiffe au reptile impur fon venin & fa rage.
DEVIENS DIEU : FEternel t'a fait à ſon image,
8.
N'as-tu pas dans ton coeur un miroir éternel ,
Ou ton ESPRIT peut voir le code fraternel ?
C'eft du marbre , dis- ta , que rien ne fertiliſe.
Change la pierre en homme , & bâtis ton églife.
9.
Une langue de FEU , celle des NATIONS ,
Que LA NATURE emploie AUX RÉVÉLATIONS ,
Peut arrêter les pas d'une tourbe inſenſée ,
Et fous un front de marbre enfermer la pensée.
T
304
MERCURE
10.
S'ÊTRE VU , c'eft vouloir embellir tous fes traits,
Une fois éclairé , l'on ne s'éteint jama's.
Afcenfion CÉLESTE ! on monte , on s'angélife.
L'efprit divinifé SE CONÇOIT , s'éternife .
Il monte vers les cieux , par les cieux aimanté.
L'homme eft Dieu : CONNOIS- TOI ; Dicu , c'eft la
vérité.
ENVO I.
CERCLE DU PEUPLE FRANC , verfe d'une main sûre
Dans les fombres climats tes rayons lumineux ;
Répands-y tes bienfaits , l'amour , fes nobles feux ,
La fainte MAJESTÉ des loix de la Nature ;
Et ta BOUCHE DE FER , dont la voix eft fi pure,
Sera LE LIVRE D'OR de nos derniers neveux.
Ces deux derniers vers paroiffent affez
clairs , & pourtant je ne les comprends pas
plus que le refte ; & certes il faut être illu
miné & initié tout au moins , pour concevoir
que la Bouche de Fer foit le Livre
d'or de nos derniers neveux . Cette pièce
s'appelle Hymne à la Vérité. Si la vérité
du Cercle Social eft du même genre que
Hymne , il faut avoir le diable au corps
pour être du nombre des Amis de la Vé
rité, comme l'avoit l'Auteur , à coup sûr,
quand il a enfanté ces vers beaucoup plus
que fublimes. J'ai confervé avec le plus
DE FRANCE. 105
grand fcrupule les petites capitales , les
italiques , les points , les tirets , imag naat
qu'il pouvoit y avoir dans ces caractères
hieroglyphiques quelque veitu fecrette
qui pouvoit me mettre en état d'entendre,
cette poéle , la plus furnaturelle qu'on
ait produite , depuis la Sbile de Cumes.
& la feue Prêtreffe de Delphes . J'avoue
à ma honte , que je n'ai encore rien
compris , & par conféquent je fuis loin
d'être aimanté, ou angélifé , & je retombe ,
comme dit l'Auteur , aux lieux bas dans
mon obfcurité.
Revenons à la profe : elle deviendra
peut-être plus claire : elle eft au moins de
plus en plus curieufe. Une réponſe du
Cercle Social à une lettre d'Allemagne ,
commence ainfi Ennemis irréconciliables'
du menfonge & des ténèbres de la tyrannie
, nous envoyons du fond du coeur
UN RAYON A LA LUMIERE , & aux Bardes
de Mona ,
des chants confacrés par les
PREMIERS Interprètes de la Nature,
Tout ce que nous autres profanes pou
vons comprendre à ce langage , c'est qu'envoyer
un rayon à la lumière , c'eft précisé
ment , comme dit le proverbe , porter de
l'eau à la rivière .
" Abandonnez un inftant , fi vous ne
" pouvez le faire pour toujours , ces efpé-
" rances menſongères qui ont enfin donné
" une définition à l'incompréhensible riens
Occupez- vous d'abord des chofes de ce
106
MERCURE

Monde ; car il vous faut néceffairement
commencer par-là «. Pour cette fois , voilà
deux lignes écrites en Langue vulgaire : j'en
fuis fi content , que je me refigne à ne rien
entendre aux espérances menfongères qui
ont donné une definition à l'incompréhenfi
ble rien . Mais ce qui me pique , c'eft que
la phraſe ſuivante me rejette dans mes ténèbres.
» Ce grade conftitutionnel , qui eft
émané de la Sogeffe fuprême , nous au-
" tres ii le connoillons tous «. Vous êtes
bien heureux , Meflieurs : il y a une heure
que vous m'en parlez , & je prends Dieu
à témoin que je ne fais pas encore ce que
c'eft , & que je meurs d'envie de le favoir!
Au nom de Dieu , qu'est - ce que le grade
conftitutionnel? Le grandjour des Deftinées
annoncé par les anciens Sages , & confacré
par eux & les Tyrans eux - mêmes
qui ne s'en doutoient pas , eft la bonne
" nouvelle jufqu'ici inconnue aux Defpotes
» & aux efclaves : qu'ils la connoiffent !
" Mais prenez garde ; avant de réalifer

39
"
l'unité ( confédération univerfelle , qui
≫rendra certe Conflitution immuable com-
» me le paffé ) , il faut avoir conftitué votre
" Section nationale par trois grands jours
préparatoires. Tout eft obfcurité , myftère
, abîme dans la Nature «. Oui , &
fur- tout dans la Bouche de Fer.
""
Et fur le front dé l'homme , il eft
» écrit MYSTERE «. Ce devroit être auffi
l'infcription de la Bouche de Fer."
DE FRANCE. 107
و ر
33
Mais , quant à nous , ce n'eſt pas encore
là l'invifible travail de nos Architectes
".
Je ne fais pas quel eft ce travail; mais
pour invifible , j'avoue qu'il l'eft ; n'en
foyons pas furpris : tout ceci n'eſt autre
chofe que la Franc- Maçonnerie, toute pure ,
comme on a pu s'en douter ; & les myftères
, nous dit - on , ne feront manifefiés
que lorfque le genre humain fera entiè
rement régénéré. Nous avons encore quelque
temps à attendre : c'eft dommage . En
attendant , M. l'Abbé Fauchet , Procureur
Général du Cercle Social , nous préfente
des motifs de confiance dans un difcours
dont on peut juger par ce morceau.
و د
ور » L'immenfité de la Nature va de Dieu
" à Dieu , fans paffer par le néant , qui
» n'eft un paffage que pour l'abfurdité ;
» mais l'abfurdité infinie eft une grande
و د
penſée pour les efprits communs ; ils s'y
» attachent comme à une prodigieufe dé-
» couverte.".
Si la première phrafe eft un peu obf
cure , en raifon de fa fublimité , il faut
avouer que la feconde eft d'une vérité
frappante , & que l'application. faute aux
yeux ceci n'eft plus un mystère,
1
» Les périodes , les fucceffions , les
» ruines , les rénovations , les détériora-
" tions nouvelles , enfin la régénération
totale de l'ordre , préfentés dans de
" frappans emblêmes & de rians tableaux ,

}
18
MERCURE
n
ور
pouffent les imaginations à leurs dernièics
limites , & là elles enfantent ,
» ou des penfés divines , ou dés iées
épouvantab es. Les effets peu connus de
quelques combinaifons artificielles , quel-
» ques fecies dérobés par des génies rares
» à la Nature , donnent une apparence
magique , qui poutle les uns à une fuperftition
pleine de duperie , & les autres
» à une préfomprion pleine d'audace . Dans
و د
les fphères très- élevée de la Maçonne-.
» rie , il doit donc y avoir des perceptions
» d'une lumière vive pour les intelligences
» fupérieures , & des fentimens d'une ar
» deur fuprême pour les grandes ames ;
» il doit y avoir a fi des appréhenfions
» remplies de fauffes lueurs pour les ef-
» prits moindres , & des mouvemens d'une
» extrême violence pour les imaginations
" mal réglées ".
"
Ce doit être une belle chofe que cetté
Maçonnerie. Il y a , comme on le voit
par cet expofé , de quoi vivre pour tout
le monde. Ce qui pourroit nous laiffer
quelque doute , c'eft que M. l'Abbé Fauchet
avoue lui-même, un moment après , qu'il
n'eft pas initié dans les fecrets de la Maçonnerie.
Il en parle pourtant en hemme
qui en connoît tout le fin ; & s'il n'eft
pas initié , affurément perfonne n'en est
plus digne.
Au reste , le fystême de régénération
politique , annoncé par M. l'Abbé Faucher,
oft
DE FRANCE. ICO
eft infiniment moral : il ne s'agit que de
réunir tous les humains par l'amour. Ce
fyftême n'eft pas nouveau ; c'est tout fimplement
celui de l'Evangile. Mais fi l'Évangile
, en établiffant le Chriftianifme dans
une partie du Monde , n'a pu depuis dixhuit
fiècles réunir encore le genre humain
par l'amour, fi même ce prodige ne nous
eft promis qu'à la confommation desfiècles
n'y a- t- il pas un peu de préfomption à le
flatter le Cercle Social, qui n'eft pas ,
après tout , aufli divin que l'Évangile , fera
ce que l'Évangile n'a pu faire ?
que
Il y a plus les Auteurs de la Bouche
de Fer ne font pas là - deffus bien d'accord
entre eux , ou avec eux- mêmes ; car après
de très -longs difcours , qui n'ont d'autre
but que de nous prouver qu'il faut renouveler
& régir le genre humain par l'amour
que l'amour est tout , &c. ils nous difent ailleurs
ces propres paroles : Soyez humains
" fenfibles , généreux , aimez- vous les uns
» les autres , & vous ferez heureux : ces
» belles maximes font bonnés pour les cloí-
" tres, & quelques tribunes où l'on cherche
plus à étaler de pompeufes déclama-
» tions , qu'à être utile ",
Autre petite contradiction : on nous
offre , dans le No. 9 , l'Évangile comme la
vraie Religion, faite pour le genre humain ;
& dans le N°. 9 , on nous dit : « Religion
, Monarchie , Évangile , Églife. Que
» veulent dire toutes ces paroles étrangères
N° .. 51. 18 Décembre 1799. F
1
11.10 MERCURE
»
"
à notre idiome ? Je vois là des TÉNÈBRES,
" Qu'on parle de Religion & d'Evangile
» à qui l'on voudra , les Amis de la Vérité
» ne s'en offenferont pas, pourvu qu'on en
parle en grec ou en arabe à des esclaves
de bonne compofition , il nimporte ;
» mais ils comptent ici fur la chaleur na-
>> tive du coeur humain & fur le fens
» droit des hommes fenfés qui veulent
être libres en vérité. Quant à nous ,
❞ autant qu'il nous fera poffible de le faire,
» nous ferons toujours en forte de nous
» fervir de mots intelligibles ( qui ek-ce
» qui s'en feroit douté?),& nous parlerons
avec franchife de la bonne nouvelle &
de la fraternité univerfelle «
"
des ténèbres fo
Si l'on confulte le fens apparent de
ce paragraphe , toute la différence entre
ceux qui annoncent l'Evangile & ceux
qui annoncent la bonne nouvelle , c'eft
que les uns fe fervent d'un mot gret fran
cifé , & les autres de deux mots françois
dérivés du latin. Mais comme il n'y a pas
a de quoi fe formalifer , ni de quoi voir.
les deux mots font
également intelligibles , même pour l'enfant
qui a lu fon catéchifme , comme
on ne peut pas , pour peu de choſe ,
renvoyer la Religion & l'Evangile à ceux
qui parlent en grec ou en arabe à des ef
claves de bonne compofition , il faut encore
qu'il y ait là-dedans quelque fens caché;
& c'eft encore ua type & une figure.
DE FRANCE.
Quoi qu'il en foit , on nous fait un long
commentaire fur la bonne nouvelle , & il
fe trouve à la fin que c'eft la certitude
phyfique & morale d'une vie éternelle , &
la connoiffance des moyens de s'en offurer.
On nous dit en propres termes : » Tour
" en parle , tout l'indique , rien n'eft plus
confolant , & je vois là une bonne nou-
» velle. L'Ami de la Vérité s'y tient «.
Cela n'eft fûrement pas forcier ; car cela
eft très- chrétien.
ןכ
Autre petite contradiction : vous avez
vu que Meffieurs du Cercle Social , foc-.
ceffeurs des premiers Interprètes de la Nature
, avoient une voix éternelle , qu'ik
pouvoient dire , que le Monde foit éclai
ré, & que le Monde le feroit : qu'ils étoient
faits pour révéler des myflères & prononcer
des oracles ; & pour tout cela , il faut
qu'ils foient au moins des Prophètes. Point
du tout ils ont la bonne foi de nous avertir
qu'il ne faut pas croire que ce qu'ils
expriment foit toujours la vérité. « Ce fcroit
une erreur bien grande , bien dangereufe.
Nous avons bien la confcience
» que nous dirons toujours ce que nous
» croirons la vérité ; mais avec tout cela ,
» nous pourrions nous tromper long-temp:» .
L'aveu eft ingénu & modefte ; mais c'eſt
tomber de haut . J'ai ' peur que cet article
ne foit d'un faux frère.
"
I eft temps de parler férieuſement. Si
l'on s'eft permis le ton de la plaifanterie fur
F 2
112 MERCURE
·
un Ouvrage périodique , dont la bizarretie
ne permettoit guère qu'en en parlât au
trement , ce n'eft pas pour jerer la moin
dre défaveur fur les intentions des Auteurs
de ce Journal , ni fur les aflemblées du
Cercle Social , qui certainement n'ont d'autre
but que le bien public. Tout au contraire
: c'eft avec joie que je faifis ici l'occafion
de rendre juftice au mérite perfonnel
& au patriotifme très- recommandable
de deux excellens Ciroyens , M. l'Abbé
Faucher & M. deBonneville , qui rédigent ce
fingulier Journal , intitulé la Bouche de Fer.
Tous deux , en qualité d'Électeurs , ont
rendu de grands fervices à la chofe publi
que , dans les temps les plus critiques de la
Révolution . Les procès- verbaux de l'Hôtel
de Ville , fi bien rédigés par MM . Bailly &
du Veyrier , en rendent un témoignage
irrécufable. On trouve même dans ces
procès -verbaux un très-beau difcours prononcé
par M. de Bonneville ; dans une des
affemblées des Électeurs ; & ceux qui le
liront feront un peu étonnés que le même
homme qui vient de nous débiter ( il faut
bien dire le mot ) tant de rêveries , ait parlé
avec tant de raifon , de courage & d'éloquence
: c'eft qu'au moment du péril , il
ne voyoit que la Patrie , & n'étoit que
Citoyen , & que depuis , quand il a voulu
faire un Journal, il a cru devoir prendre le
ton d'illuminé , qui lui eft affez naturel , &
qui lui a paru fufceptible d'un grand effer,
DE FRANCE.
Voilà tout le mystère de la Bouche de Fer
M. l'Abbé Faucher a joint fon enthoufiafme
d'amour, de morale & d'apoftolat aux illuminations
maçonniques de M. de Bonneville
, & de-la, toutes les folies que l'on
vient de lire. On auroit tort d'imaginer
qu'elles trouvent des approbateurs ni des
dapes parmi les bons Citoyens qui ne fe
raffemblent au Cercle Social que comme
à un rendez vous de bons Patriotes. Je le
répète : c'eſt à ce titre que M. de Bonne
ville & M. l'Abbé Fauchet méritent la reconnoiffance
& les hommages de tous les
amis de la Conftitution . Mais puifqu'ils
font amis de la vérité , qu'ils ne s'offenfent
pas de celle que je me crois obligé
de leur dire , dans ce même efprit civique
dont ils font animés , & qu'ils doivent
préférér à tout , s'ils font conféquens dans
leurs principes .
Il n'eft pas permis à des hommes fenfés
de mêler à des objets auffi férieux que
notre liberté & notre Conftitution , le langige
puérilement mystérieux de la Maçonneiie
. C'eft expofer au ridicule ce qu'il
ya de plus refpectable & de plus facré ;
& parmi les ennemis de la Révolution
il en eft qui ont plus d'efprit qu'il n'en
faut pour faifir ce ridicule , & pour en
profiter. C'est même pour leur ôter cette
arme des mains , que l'on a jugé à propos
de leur faire voir que les gens honnêtes
& de bon fens , qui n'ont d'autre
>
F 3
114 MERCURE
intérêt que la chofe publique , font les
premiers à improuver ceux qui la décro
ditent comme Écrivains , même après l'avoir
bien fervie comme Citoyens ; & que les
Gens de Lettres qu'on appelle Démocrates
( parce qu'il faut bien que chacun ait un
nom de parti , fans quoi l'on ne fe reconnoîtroit
pas ) , favent fe moquer de ce que
eft ridicule dans leur parti , tout auffi bien
que les plaifans en titre d'office du parti
ariftocratique.
Je dirai à M. de Bonneville, s'il me permet
de troubler un moment l'extafe contemplative
où il paroît être habituellement , &
s'il lui eft poffible de difcendre des fphères
élevées qu'il habité , pour écouter un profane
qui n'eft que Citoyen , je li dirai :
Qu'est-ce que c'est qu'un Orient national &
un grade conftitutionnel, une lumière & des
ténèbres , & une bonne nouvelle qui eft au
fond de la Bouche de Fer , & cette Bouche
de Fer qui fait fans ceffe la demande &
la réponse qu'cft- ce que tout ce jargon
myftique a de commun avec les grands
objets qui doivent vous occuper , fi vous
voulez continuer à être utile à votre fatrie
, que vous avez d'abord fi bien fervie?
Oferiez - vous parler ce ridicule langage
dans l'Affemblée Nationale , ou dans la
Société des Amis de la Conflitution ? N'enrendez-
vous pas d'ici les éclats de rire qui
vous pourfuivroient ? Croyez -vous que les
méditations d'un Citoyen , qui examine
DE FRANCE. 115
des problêmes politiques , d'où dépend le
fort d'une grande Nation , doivent reffembler
au délire extatique d'un Fakir qui
cherche la lumière célefte au bout de fon
nez ?
Je dirai à M. l'Abbé Faucher : En laiffant
à part votre ftyle & votre goût , dont
je ne veux pas faire ici la critique , parce
qu'il s'agit d'autre choſe , vous avez montré
du talent dans plufieurs morceaux de vos
Ouvrages ; & même dans ce mystérieux fatras
de votre Bouche de Fer , il y a un
morceau fur l'esclavage des Noirs , plein
d'énergie & de véhémence , que je citerois
, fi cet article n'étoit pas déjà trop
long. Eh bien , comment un homme de
votre mérite a -t- il pu parler de Voltaire
avec un accent de mépris i indécent & fi
déplacé , parce qu'il a dit que les mystères
des Francs - Maçons étoientfort plats ? » Il en
parloit ( dites-vous ) comme de tous les
myftères de la Nature & de la Divinité,
que perfonne ne connut jamais moins , &
qu'il fembloit raillerpar dépit de ne pas les
entendre ". Vous êtes vous bien entendu
vous - même ? Je vous crois trop d'efprit
pour être dupe , & trop d'honnêteté pour
être charlatan, Cependant , pour tenir ce
langage devant une affemblée d'hommes
raifonnables , il femble qu'il ait fallu être
bun ou l'autre. Parlons un peu raiſon :
que voulez- vous dire ici avec vos myfte
res ? Ce ne font pas fans doute ceux de
ود
13
33
F4
116 MERCURE
la Religion Chrétienne : on les croit quand
on a de la foi ; on ne les comprend pas
quand on a du bon fens ; car ils font incompréhenfibles
, par cela même qu'ils
fent mystères. Voltaire avoit tort de s'en
moquer , mais non de ne pas les comprendre.
Laillons donc là les mystères de
la Religion , dont fûrement vous ne
voulez pas pailer . Qu'eft- ce que ces myf
tères de la Nature & de la Divinité , que
perfonne ne connut moins que Voltaire ?
Dans le langage de la Philofophie , le feul
que vous puifliez parler ici , on appelle
myftères les premiers principes des chofés ;
& cette même Philofophie nous apprend
qu'ils nous font à jamais & néceffairement
inconnus. Nous avons conçu la néceffité
de l'exiſtence d'une caufe première ; fans
qu'il nous foit poffible d'avoir une idéc
de fon effence , parce qu'elle eft néceſſairement
infinie , & que notre intelligence
eft très finie ; nous prononçons les mots de
Dieu , de création , d'ame , d'éternité ,
fans qu'il nous fuit paffible de comprendre
, même par l'imagination , ni Dieu ,
ni l'ame ni la création , ni l'éternité.
Que fignifie donc ce que vous dites , que
Voltaire connoiffoit moins que perfonne ce
que perfonne ne pourra jamais connoître?
Il est évident que vous avez dit une chofe
qui n'a pas de fens.
و
+
Appelez - vous mystères , par une expreffion
figurée , les phénomènes phyfi
DE FRANCE. 117
ques particuliers qui font acceffibles à
nos recherches ? Alors vous auriez dit feulement
que Volaire n'étoit pas très-favant
en Phyfique , ce qui ne feroit pas une
grande découverte , ni un grand repioche
; car il en favoit encore beaucoup
plus qu'un grand Poëte n'eft obligé d'en
favoir.
Que fignifie cette afociation que vous
faire des myftères de la Maçonnerie & de
ceux de la Nature & de la Divinité? Vons
'reprochez à Voltaire d'avoir parlé des
uns comme des autr s , de les avok raillés
par dépty mais d'abord , Voltaire n'a jamais
rail les mytères de la Nature &
de la Divinité. Il s'eft répandu là- teffus ,
comme tous les Philofophes , en conjectures
qui n'aboutiffent jamais qu'à un
fceptici me inévitable dans une ignorance
invincible. Vous vous plaignez qu'il ait
trouvé les mystères de la Maçonnerie fore
plats. Mais c'eft qu'il vouloit dire tour
fimplement qu'il n'y avoit point de myf
tères de Maçonnerie , & qu'il n'a pas
même voulu dire les prétendus myftères ,
sûr que tout le monde l'entendroit. Eft-ce
que vous prétendriez nous perfuader que
les Maçons ont réellement des myfières ?
On le croiroit au ton dont vous en parlez ,
& à cette affociation que je viens de remarquer.
Ecoutez ; ceci feroit frt : voudriez-
vous nous dire féria fement que les
Maçons font des adeptes , des iliuminés ,
FS
118 MERGURE
C
que les grades maçonniques donnent des
connoiffances que les autres hommes ne
fauroient avoir ? Le fiècle de notre Révo
lution est un peu trop férieux pour que
l'on puiffe entendre fans tire une pareille
affertion. Je n'ai pas l'honneur d'être Maçon
, ni ne me foucie de l'être ; mais j'ai
connu nombre de Francs -Maçons , les plus
honnêtes gens du monde ; & fi ces genslà
étoient forciers , le diable n'eft pas fin.
Je vous demande pardon de cette plaifanterie.
Il eft difficile de s'en défendre en
pareille matière. Mais comme vous paroiffez
très-férieux , je me hâte de le redevenir,
& je vais m'expliquer de bonne foi.
Il n'eft pas néceffaire de prendre un
ton d'infpiré pour nous apprendre ce
que tout le monde fair , que chez tous
les Peuples éclairés de l'An iquité , il y a
cu des initiations à ce qu'on appeloit des
myftères , & que ces mystères n'étoient
autre chofe, qu'une connoiffance plus épurée
des principales notions morales &
religieufes , dégagées des fuperftitions populaires
; qu'ils fe rapportoient tous à
l'idée d'un Dieu rémunérateur & vengeur ,
d'une juftice éternelle , de
qui apperçoit le vrai & cete lumière
qu'en appelle la
raifon , de ce fentiment inime du jufte
& de l'injufte , qu'on appelle confcience ,
&c. Que dans des temps plus modernes ,
les mêmes principes aient réuni des hommes
raifoniables , & que l'objet de cette
DE FRANCE: 159
7
-
réunion ait été de fe dérober , autant qu'il
étoit poffible , au joug des préjugés ; qu'ils
aient inventé , pour fe reconnoître & pour
correfpondre entre eux , des figncs de fraternité;
que l'imagination, qui le mêle de
tout , y ait joint des emblêmes , des noms
fymboliques , des cérémonies allégoriques
& figuratives ; tout cela eft très- limple &
tès concevable ; & ce qui l'eft encore
plus , c'eft qu'on ait fini , quand la mode
& la curiofité ont attiré la multitude
par le jeu frivole des épreuves , qui , de
l'aveu même des Maçons , a été pouffé
jufqu'à la puérilité ; & c'eft là fans contredit
ce que Voltaire appeloit des myflères
fort plats : voilà tout ce qu'un homme
fenlé , Maçon ou non Maçon , peut croire
de la Maçonnerie ; & comme le réſulta :
de ces affemblées n'a jamais été qu'un
divertiffement de Société , ou même des
actions de bienfaifance , on ne peut qu'en
avoir bonne opinion ; mais fi par hafard
vous prétendiez , à titre de Maçon , en
favoir plus que nous fur les principes des
chofes , alors il faudroit bien vous renvoyer
aux Martiniftes , aux Somnambulifies ,
aux Convulfioniftes , à tous les iftes , qui
logent , comme on fait , dans le voifinage
des Petites maiſons .
, ر
Je ne releverai
pas le reite
de votre
injurieufe
diatribe
contre
Voltaire
que
vous
avez
jugé
fur des apperçus
bien
vulgaires
& bien
fuperficiels
; cela
me mene-
F 6
120 MERCURE !
roit trop loin , & je ne veux pas anticiper
ici fur ce que je me réferve de dire
ailleurs. Je me contenterai de vous affurer ,
& quiconque l'a bien connu vous àgureracomme
moi , que la Révolution & la Liberté
n'auroient point eu de plus chaud
partifan que ce même homme que vous
appelez Ariftocrate , & que tout ce qu'on
auroit eu à craindre , c'eft qu'il ne mourut
de joie le jour de la prife de la Baſtilie.
"
S'il eft vrai que tout illuminé foit incurable
, je préfume aifément à quoi je dois
m'attendre. Ce n'eft pas à de la colère ,
elle eft trop au deffous de ceux qui fe difent
les traditionnaires antiqués , les confer
vateurs des idées primitives , qui ont
de grandes notions fur l'Architecte univerfel
, de grandes penfees fur les droits les
être intellectuels , qui regardent l'homme
comme un Dieu , & font élevés , nobles
& fublimes. Quand on eft fûr d'être tout
cela , on eft au deffus de toute atteinte ;
& tout ce qui peut m'arriver avec des
hommes de cette force , c'eft de leur infpirer
un grand mépris & une grande pitié.
Je m'y réſigne d'avance de tout mon coeur.
Je me tiens pour averti d'avance par
cette note : » Qu'ils font petits , ces petits
» écrivaffiers , qui trouvent barbare une
langue univerfelle , la langue de la Fé-
» dération antique d'une grande partie du
» genre humain « ! La vérité eft que je ne
trouve point la langue de la Maçonnerie bar-
"
33
DE FRANCE. 12f
bare ; que je la trouve feulement déplacée
& très inintelligible , quand on l'applique
à des idées politiques. S'il n'en faut pas
davantage pour être un écrivaffier , pour
être petit , très - pett , je fuis obligé de
prendre la note pour moi. Je pourrois
même , à titre d'écrivallier , trouver fouvent
un peu barbare le ftyle de la Bouche de
Fer , indépendamment du galimatias maçonique
je pourrois avouer que je n'entends
pas ce que c'est que la tyrannie
qu'on voit , comme fondue en dedans , répandre
une larme fur fa difformité, & que
je n'entends pas davantage quantité de
phrafes du même goût ; mais je n'ai pas
même voulu parler du ftyle. Chacun écrit
comme ilpeut les Auteurs de la Bouche de
Fer ne font pett - être pas les maîtres d'é rire
autrement ; mais ils peuvent au moins
( & c'est tout ce que j'aurois voulu leur
faire comprendre ) ne pas affecter l'empha
e poph tique , dans des matières qui
ne demandent que du bon fens ; ne pas
fubftituer à la réalité des droits de l homme
Pillufion des hieroglyphes , & au folide
pouvoir de h raifon les frivolités myſtiques
; ne pas faire du titre de Citoyen un
grade d'illuminé , de la Liberté une énigme ,
& de la Conftitution une Apocalypfe.
( D ....... )
N. B. Je reçois en ce moment le nº. 17.
On nous dit que cet Ouvrage eft vraiment
122 MERCURE
éternel ; que le Ccrele Social deviendra
bientôt le rendez- vous de l'Univers , &c.
Je fais qu'il eft de mode aujourd'hui de
fe louer outre mefure. Mais je demande
à tous les bons efprits , qui comprent´encore
les convenances pour quelque chofe ,
fi de pareilles expreflions , pleines d'une
fi folle jactance , font le langage des amis
de la vérité, ou une affiche de charlatan ?
ERREURS des Economiftes fur l'Impót, &
nouveau Mode de perception qui remédie
à l'un des principaux vices de l'Impót
prétendu direct ; par M. T. GUIRAUDET,
Député extraordinaire de la ville d'Alais
à l'Affemblée Nationale.
Il y a de quoi être effrayé des crites
commis par les gens de bien & par les
Gouvernemens honnêter.
Cahier du Bailliage de Nemours.
Prix , 1 liv. 10 f. A Paris , chez tous
Les Marchands de Nouveautés.
M. Guiraudet , dans cette Brochure , fait
hommage à fa Patrie de fes lumières & de
fes idées fur l'Impôt. Il combat à cet égard
les principes des Economistes ; mais comme
A
DE FRANCE. 123
c'est d'après leur fyftême que l'Affemblée
Nationale en a décrété les bafes , il ne
refte plus à l'Auteur » qu'à propofer une
"
fimple méthode de perception , applica-
» blé , à l'inſtant même , à tout Impôt en
» fomme déterminée . Ce n'est pas à
nors qu'il convient d'examiner cette Méthode
, encore mcins de prononcer dans
un débat auffi important . Nous nous contenterons
de faire remarquer, parmi les excellentes
chofes qui nous ont frappés dans
cette Bro.hure , la définition exacte des
mots direct & indirect appliqués à l'Impôr ,
& dont on a corrompu depuis la fignification.
"
Les Economistes » ont appelé Impôt
direct tout Impôt affis immédiatement fur
» les fonds territoriaux .... ; & indirects
» ceux qui ne font payés fur ces fonds que
" par des voies indirectes «. ( Diftinction
fordée fur l'autorité d'un des plus habiles
Partifans du Syftême , M. Dupont de Nemours
. )
" A peine cette diftinction fine & théorique
fut - elle connue , que le Public , toujours
preflé de réaliser des abftractions, appliqua
cette divifion aux Impôts exiftans ;
mais au lieu d'appeler, avec les Economistes ,
Impôts directs ceux qui portent directe-.
ment fur la terre , il défigne ainfi ceux dont
le produit parle des mains du contribuable,
directement & fans intermédiaire , dans
celles du percepteur,comme la Capitation ,
124
MERCURE
&c..... On appela , au contraire , Impôts
indirects ceux qui n'arrivent du contribuable
au percepteur qu'indirectement & par
un intermédiaire ; 1 : Marchand de vin , par
exemple , qui avance l'Impôt en gros , &
à qui le confommateur le rembourſe en
détail , &o. "
» Les Economites s'apperçurent bien
que l'on fauffoit leurs principes & leur
Langue ; mais ils furent obligés de céder
au torrent de la volonté générale , & d'appeler
direct l'Impôt qu'ils favoient bien
n'être pas direct : mais ils réfervèrent tout
lodie x du mot indirect pour le feul Impôt
fur les confommations , afin de frapper plus
sûrement d'anathême l'impofition qu'ils regardoient
comme la plus défaftreuſe de
toutes ".
INSTITUTIONS Navales , ou premières
Vues fur les Claffes & l'Adminiftrat on
de la France , confidérée dans fes rapports
maritimes ; par M. DE KERSAINT , Chef
de Divifion des Armées Navales.
Les confidérations du paſſé doivent nous
fervir à bien ordonner le préfent.
Duport, de l'Etablif, de l'Ordre judiciaire
1 Vol. in-8°. de 108 pag. A Paris , chez
DE FRANCE.
125
Garnery , Libr, rue Serpenté , No. 175
& Defenne , au Palais-Royal.
LES Obfervations de M. de Kerfaint ,
fondées fur fes longs fervices à la mer , fur
fes lumières & fon expérience généralement
reconnues , font d'autant plus précieufes que
la matière qu'il traite n'eft pas à la portée
d'un grand nombre de perfonnes , & qu'on
ne fauroit trop éclaircir un objet d'une
auffi haute importance. Fortement attaché
aux principes de la Conftitution , il en faît
une application continuelle à la folution
des queftions les plus épineufes de la Marine
. M. de Kerfaint a déjà écrit , en 1788,
un Ouvrage intitulé le Bon Sens ; en Janvier
1789 , le Rubicon ; & précédemment
ane Lettre en réponſe à M. Alexandre Lameth
(1 ) : il a répandu dans ces divers Ouvrages
, qui ont récédé la Révolution , des
vûes qui fe font trouvées d'accord avec les
principes de liberté adoptés par l'Allemblée
Nationale , & qui font devenues des
Loix.
Dans ce nouvel Ouvrage , où l'Auteur
attaque fans ménagement les préjugés , la
vanité , les intérêts de ceux qui font en
(1) Le patriotifme de M. de Kerfaint , prouvé
par ces Ecrits , vient de l'élever à la place de
Préfident des Electeurs.
126 MERCURE
C
13
poffeffion de gouverner la Marine actuelle;
il ne fe diffimule pas qu'il excitera contre
lui toutes ces paffions qu'il a bleffées ; mais
fupérieur à ces confidérations perfonnelles ,
il fe met avec courage fous la fauve-garde
de la Nation. Il annonce d'ailleurs le plus
parfait défintére ffement. L'amour du bien
public eft tout ce qui le touche , & il finit
fon Adreffe aux Repréfentans de la Nation,
par leur dire : Fier de m'alfocier à des
travaux qui feront long - temps l'éton-
» nement & l'admiration des hommes ,
fi vous adoptez ce Plan, j'oferai deman-
» der à ceux dont il condamne les préju
gés ou renverfe les efpérances , fi je m'y
» fuis ménagé quelque faveur , & fi quel
» que autre intérêt que celui de la Nation
» fe fait fentir dans mes opinions , je me
» déclare d'avance indigne & de l'eftime
de mes Concitoyens , & de votre alli
29
" tance ".
DE FRANCE. 127
NOTICE S.
Bibliothèque de l'Homme public , ou Analyfe
des principaux Cuvrages far la Politique en général
, la Légiflation , les Finances , la Police ,
l'Agriculture & la Commerce en particulier , &
fur le Droit naturel & public ; par M. de Condorcet
, Secrétaire perpétuel de l'Académie des
Sciences , &c. M. le Chapelier , Député à l'Affemblée
Nationale , & autres Gens de Lettres .
Il paroît de cet Ouvrage d'x Volumes , qui
contiennent la Politique d'Ariftote , la République
de Bodin ; les Mémoires du Duc de Sulli fur le
Commerce ; les Difcours de Machiavel fur la
première Décade de Tire-Live , & fon Prince ; les
Elais Politiques de Hume ; le Gouvernement
civil de Lecke ; les Maximes politiques de Guichardin
; l'état & fuccès des affaires de France
par du Hallant ; un Txtrait de plufieurs Ouvra
ges fu la Population en général , & en particu-
Her fur celle de la France ; les Recherches fur
la nature & les caufes de la richeffe des Nations ,
de Smith ; la République de Platon ; l'Utopie de
Thomas Morus ; le Traité de la Politique de
France ; les Maximes politiques de Bacon ; l'Efprit
des Loix de Montefquieu ; les Loix de Platon
; une Differtation philofophique & politiq c
de M. de Condorcet fur une Queftion du plus
grand intérêt ; la Politique naturelle , Ouvrage
qui femble avoir dirigé l'Affemblée Nationale
dans la plupart de fes Décrets ; l'Autorité de
Montefquieu dans la Révolution préfente ; le
Junius Brutus François , ou de l'Autorité du
Prince fur le Feuple, & du Peuple fur le Prince ,
Ouvrage rare la Légiflation de Mably ; les

128 MERCURE
D.fcours d'Agrippa & de Mécène à Augafie ,
extraits du, Grec de Dion Caffius ; l'Ami des
Hommes de M. de Mirabeau ; un Traité biflorique
& économique des Communcs ; les Ouvrages
politiques de Milord Bolinbroke ; la Répu
blique des Philofophes , Ouvrage auribué à
Fontenelle le Traité philofophique des Loix
naturelles de Richard Cumberland , & le Droit
de la Nature & des Gens par le Baron de Puffendorff.
Nous reviendrons fur cet Ouvrage , qui
mérite une attention particulière .

Il paroît chaque mois un Volume de cette
Bibliothèque ; le prix de la Soufcription eft de
32 liv. pour un an , 17 liv . pour fix mois , &
9 liv. pour trois mois , franc de port par la Pofte.
A Paris , chez Buffon , Libraire , rue Hautefeuille
, N ° . 20 ; & chez tous les principaux
Libraires & les Directeurs des Poftes du Royaume
& de l'Europe.
Projet de Légiflation civile ; dans lequel on fe
propofe de fubftituer un Code général & fimple
aux Coutumes nombreufes & contradictoires qui
régiffent les diverfes Contrées de la France . Dédié
à l'Affemblée Nationale ; par M. Phelippeaux ,
Avocat au Préfidial du Mans. Brochure in- 8 ° . de
80 pages. A Paris , chez Cuffac , Libraire , au
Pa'a's - Royal.
Le titre de cet Ouvrage en indique affez le
but. 11 eft probable que la réforme de notre
Code civil , préparée par l'Affemblée Nationale ,
fera l'une des premières & des plus intéreffantes
occupations de la prochaine Législature . On ne
fauroit trop multiplier les connoiffances néceffaires
pour y coopérer.
DE FRANCE. 129
Tableau Conftitutionnel , Chronologique &
Analytique des Séances les plus importantes de
l'Aflemblée Nationale , depuis le 3 Mai 179 ,
julqu'au 15 Octobre fuivant ; premier fémettre .
Ce Tableau comprend le réfumé des Séances les
plus importantes de cette Affemblée . On a rapporté
en entier les Décrets conftitutionnels , &
upe Emple analyfe des Décrets réglementaires.
L'Auteur fe propofe de continuer cet Ouvrage ,
qui paroîtra de même en grands Tableaux divifés
par fémeftres, A Paris , chez Defenne , Libr . au
Palais Royal ; & chez l'Auteur , rue Sainte -Marguerite
, F. S. G. Nº. 57.
Mandement & Inftruction Paftorale de Mgr .
l'Evêque de Saint-Claude , adreffés au Clergé de
fon Diocèfe , pour annoncer la tenue du Synode ,
& rappeler aux Pafteurs leurs principaux devoirs
envers la Religion. 2e. édition. A Paris , chez la
veuve Defaint , Imp- Libr . rue de la Harpe , près
Si-Côme ; Leclerc , Libr, rue Saint - Martin , près
celle aux Outs.
Dans cette déclamation un peu longue , on
trouve la douceur & l'onction q conviennent
un Miniftre des Autels, M. de Chabot accufe ,
comme le raifon , la Philofophie de l'état de
dépériflement où la Religion lui paroît êtrę ; mais
il en accufe auffi les moeurs du Clergé dont il
reconnoît la dépravation. Aufli regarde - t - il
comme la punition de fes déréglemens le Décret
qui , fuivant les expreffions , dépouille les Eccléhaft
ques de leurs biens. Cependant il les invite
à la réfignation ; & fi ce n'eft peut-être le titre
de Mgr . confervé dans le titre , il ne paroît regretter
aucun des biens de ce monde .
130 MERCURE
L'Illuftre deflinée des Bourbons , ou Anecdotes
intéreffantes des Princes de l'augufte Maifon de
Bourbon , en France , en Espagne & en Italie ,
depuis l'année 1256 jufqu'à nos jours Ouvrage,
dédié à la Nation . 4 Vol . in- 12 ' de 500 pages
chacun . A Paris , chez Defer de Mailonneuve ,
Libr . rue du Foin St-Jacques , No. 11.
On eft un peu éronné de voir ce titre -emphatique
, & qui fembleroit tenir de l'ancien
Régime , fubftitué , en 1795 , à celui de l'Ame
des Bourbons qu'il portoit d'abord , en 1783 ,
lorfque les deux premiers Volumes furent publiés.
On s'en étenre encore plus , lorfque l'intention
annoncée de l'Auteur n'a été que de célébrer les
actes de valeur & de bonté de la plupart des
Membres de cette Famille. La definée des Bourbons
cft illuftre en ce qu'ils occupent plufieurs
Trônes de l'Europe ; mais ce n'eft pas de cela
qu'il s'agit ; c'eft l'Hiftoire particulière de chacun
des Princes de cette Maifon : & fous ce point
de vue , cet Ouvrage, écrit avec intérêt , & dont
les deux premiers Volumes ont déjà réuffi , doit :
être accueilli d'une manière favorable .
Les Intrigues amoureufes des Rois de France ;
depuis Charlemagne jufqu'à Henri IV inclufivement
, & celles des perfonnes les plus confidébles
qui ont vécu fous leur rèyne ; avec le détail
exact des Anecdotes fingulières auxquelles
elles ont donné lieu , & des évènemens fâcherr
qu'elles ont produits . Le tout copié fidèlement
fur un Manufcrit authentique , trouvé au moment
de la Révolution . Brochure in-12 . A Paris ,
chez Brunet , Libr . rue de Marivaux , près le
Théatre Italien.
DE FRANCE IZL
9
Ce petir Recueil , qu'on nous donne comme
nouveau, quoique le fiyle en paroiffe affez ancien
, n'est qu'ua compte fommaire non pas
tant des Intrigues , que des Maîtreffes de nos Rois.
Il y a peu de faits qui ne foient bien connus ;
mais l'Auteur les préfente d'une manière fort
libre & affez originale. Les moeurs de différens
fiècles y font peintes d'un trait rapide & avec
précifion.
MUSIQUE.
Abonnement de Harpe , ou Recuci périodique ,
compofé d'Ouvertures , Pors - pourris , Morceaux
détachés de Sonates , Airs variés , Ariettes &
Chanfons choifies , avec accompagnement , &c.;
par MM. F... Petrini , De la Manicre & De la'
Planque , re. Année. Il en paroît tous les mois
in Cahier de 10 a 12 Planches , pour lefquels
on foufcrit à Paris , chez Naderman , Maître
&kuthier , Facteur de Harpe , rue d'Argenteuil ,
Butte St-Roch , Nº. 16.
Le prix de la Soufcription eft de 24 liv. port
anc ; chaque Cahier , 3 liv.
Deux Trios pour Harpe , Violon & Alto ; par
B. Carden. Euv. 9e . Prix ,, 7 liv. 4 f. A Paris ,
hez le même que c - deffus. ( Les OEuvres de M.
1. B. Cardon doivent être diftingués de ceux de
fon père. )
Symphonie pour 2 Violons , Alto , Baſſe , Baffon ,
Hautbois & 2 Cers ; par M. d'Affignies , Off.
tu Rég. de Vintimille. Prix , 4 liv. 4 f. A Parts ,
shez le même.
132 MERCURE DE FRANCE.
7
A VIS.
Le Sr. Chaumont , Maître Perruquier , honoré
de l'Approbation de l'Académie Royale des
Sciences pour des découvertes avantageufes dans
fon Art , continue , avec fuccès , de faire des
nouveaux Toupets fans tiffu , dont les bordures
font très-fines , lefquelles étant faites toures en
cheveux naiſſans fur le bord du front , femblent
fortir naturellement de la tête comme la chevelure,
la mieux plantée .
Il fait tenir fes Toupets folidement par l
moyen de fa Pommade attractive , laquelle n'a
aucun inconvénient. Elle fe vend 3 liv. le bâton
de deux onces.
Les perfonnes de Province qui voudront l'honorer
de leur confiance , pourront envoyer un
modèle de leur front découpé en papier , avec
un échantillon de la couleur de leurs chevet .
Elles font aufli priées d'affranchir leurs lettres.
Sa demeure eft rue des Poulics , à droite par
celle St-Honoré , No. 4 , à Paris.
TA BL E.
85 Erreurs des Economistes. 123
OUPLETS.
Vers à Maman.
Inftitutions Navales.
Charade , En. Log.
La Bouche de Fer.
88
Notices.
୨୦
124
127
MERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 30 Novembre.
A SON retour , le 20 , l'Empereur ,
accompagné de la Reine de Naples & du
refte de la famille , a fait une entrée folemnelle
en cette capitale. Les troupes &
la bourgeoisie étoient fous les armes.; S. M.
a paffé fous deux arcs de triomphe , & reçu
les complimens de la Magiftrature . Un peuple
immenſe a témoigné fes fentimens au
Souverain , par des acclamations réitérées.
Le Roi de Naples & trois des Archiducs
font allés de Presbourg , a Feldsperg ,
terre appartenante au Prince de Lichteinf-
Le nouveau Palatin de Hongrie
l'Archiduc Léopold , eft refté à Presbourg ;
.N . 51. 18 Décembre 1790.
--
tein. ---
G
·( 146 )
ce Prince eft âgé de 19 ans. L'Impératrice
n'eft pas encore entièrement, rétablie de fa
dernière indifpofition ; on foupçonne une
groffeffe , qui rendroit cette Princeffe mè.e
de fon quinzième enfant.
On ne connoît que partiellement les
articles accordés aux Hengrois par S. M. I.;
mais voici les principaux.
Tous ceux qui fe font expatriés , & qui ent
perdu leurs biens à caufe de leur atrachement à
l'ancien fyftême , feront rappellés & réintégrés
dans leurs poffeffions. Les non- catholiques jouiront
de tous les droits civils , & de l'exercice libre de
leur culte , La petite nobleffe fera déchargée de
certains impôts onéreux , qui feront répartis entre
les magnats. La repréfentation des villes à la
diète fera perfectionnée . Les non-nobles pourront
être avancés aux fecrétaireries royales ; & s'ils fe
rendent dignes d'avancement , ils feront ennoblis
gratuitement.
De Francfort fur-le-Mein , les Décembre.
La prife confirmée de Kilia & la deftruction
des Saïques Turques fur le Danube,
rendent les Ruffes maîtres de l'embouchure
de ce fleuve. Ifmail ne peut leur réfifter
long- tems : le Grand- Vifir perd ainfi uns
de les plus importantes communications ,
& les approvifionnemens qu'il recevoit par
le Danube. Il ne reste plus aux Ottomans
fur la côte occidentale de la mer Noire ,
jufqu'à Conftantinople , d'autre port que
( 147 )
Varna, Quelques nouvelliftes qui font les
docteurs , ont imaginé que les Ottomans
étoient maintenant enfermés , & leurs derrières
coupés d'avec Conftantinople. Lorfqu'on
écrit une gazette , il faudroit au moins
favoir les élémens de la Géographie. Les
Turcs campes à Siliftria en Bulgarie fur la
rive droite du Danube , ont leurs communications
par terré abfolument libres ; celle de
Varha par mer leur refte toute entière . Il s'en
faut que leur pofition actuelle foit aufli
fâcheufe qu'elle le fut dans la guerre de
1769. Aujourd'hui, les Ruffes n'ont pas encore
palle le Danube; il eft peu probable qu'ils
tentent ce paffage , avant la prife de Brailow
& d'Ifmail. Or, dans la guerre précédente, dès
1771 ils avoient franchi le Danube : maîtres de
Kilia , d'Ifmail, de Braïlow , 'de Giurgiowa ,
ils pénétrèrent en Bulgarie , pendant la même
campagne. Celle de 1772 , après la rupture
du Congrès de Bucharest , revit le Maréchal
de Romanzof au-delà des rives méridionales
du Danube à deux reprifes , &
infructueulement , il affiégea Siliftrie. Ce
grand Capitaine étoit aidé dans fes operations,
regardées comme le chef- d'oeuvre de
l'art, par les plus braves Officiers , entr'autres
par l'ingénieux Colonel Lloyd , Anglois
de naillance, & par le Général Weifmann .
Cependant la campagne fur perdue , & l'on
ne fit aucun pas dans la Bulgarie : on manqua
' abſolument une tentative fur Varna.
G 2
( 148 )
En 1774 , feulement, M. de Romanzofpar
vint à exécuter la grande idée de couper la
communication de Varna & de Siliftrie ; mais
malgré tant d'actions brillantes & d'avantages
fignalés , lorfque la paix fe fit , les Ruffes n'avoient
pas pénétré au - delà de Siliftrie qui tenoit
encore. Ajoutons que les Turcs avoient
perdu leur armée navale & la Grèce pref
qu'entière , que les Ruffes avoient conquis
la Moldavie & la Valachie , dont la reftitution
eft maintenant affurée aux Ottomans
par la convention de Reichenbach.
Nous fommes entrés dans ces détails hiftoriques
, pour montrer l'ignorance de
ceux qui , à la prife de Kilia, ont rendu
les Rulles maîtres de Conftantinople. Il fau
droit au moins encore une campagne trèsmalheureufe
, pour mettre les Turcs dans
la détrelle où ils furent en 1774, pour éta
blir en Bulgarie leurs ennemis , qui auroient
enfuite à franchir les défilés prefqu'impénétrables
du Mont Hémus .
Les négociations entamées entre les Cours
de Suède & de Pétersbourg , ne font nullement
relatives à une alliance : elles ont pour
objet , fuivant les meilleurs avis du Nord ,
1. la détermination des frontières refpectives
en Finlande ; 2 ° . une déclaration
de la Ruffie , qu'elle s'engage à ne
plus intervenir d'aucune manière dans les
affaires intérieures de la Suède ; la Cour de
Danemarck devant accéder à certe déclara(
149 )
tion ; 3. des modifications dans les traités
qui fubfiftent entre la Suède & d'autres
Puiffances , en ce qu'ils peuvent avoir d'offen.
fivement hoftile à la Ruffie ; 4 °, une convention
de commerce entre les deux Etats .
Il eft à préfumer que les troubles de Liége
finiront à l'amiable , & qu'en s'affurant des
droits eflentie's qu'ils avoient recouvré
à force ouverte , les Liégeois conferveront
leur liberté , leur fang & leur pays ,
par une con defcendance néceffaire aux conclufions
modifiées , prifes à Francfo: t ; mais
cet arrangement fera- t il de durée ? Nous
fommes loin de le croie : à moins cu'il ne
for garanti d'une manière efficace , il eft à
craindre qu'on ne voye bientôt renaître de
nouveaux troubles. Après tout ce qui s'eft
paffe , & en fe rappellant les prétent ons
de l'Evêque , & les maximes régénératrices
des Liégeois , on ne peut guère entrevoir
une harmonie entre ces deux pouvoirs , ni
celle des trois Ordres de l'Etat .
Les troupes de Trèves , au nombre de 800
hommes , qui étoient à Matfeik , font revenues ,
il y a quelques jours , à Coblentz . Les troupes
palatines font auffi retournées à Manheim , avec
l'artillerie & les charriots munitionnaires ; les
derniers 400 hommes , qu'on a fait paffer dans
la principauté de Liège , y reftcnt jufqu'à nouvel ,
ordre.
Au réfumé général que nous avons donné
de la pacifique entrée des Autrichiens dans les
G3
'( 150 )
A
Provinces Belgiques , nous allons joindre
quelques détails authentiques , qu'on a eu
la bonté de nous mander de Bruxelles en
date du
сс
S..
« Pour vous faire , Monfieur , une relation
pofitive & véridique de ce qui s'eft paffé dans
nos provinces , il faut remonter jufqu'au jeudi 18-
du mois de novembre. Ce jour , M. H. C. N.
Vander Noot , miniftre plénipotentiaire du peuple
brabançon , partit de cette ville avec tout l'appareil
d'un général d'armée , pour fe rendre à
Namur , lieu où les principaux chefs de l'armée
belgique fe trouvoient raffemblés . Le famedi'
fuivant , dès le matin , il fe tranfporta dans les
divers camps , ainſi qu'aux avant- poftes de l'armée ,
& y donna les ordres , afin qu'elle eût à fe replier
fur Namur. Ce célèbre Démagogue étoit
alors efcorté par fes gardes -du- corps , plufieursofficiers
fupérieurs , & quelques cavaliers ; en tout
au nombre de trente .
Le même jour vers les huit heures du foir ,
les troupes belgiques levèrent leurs camps , ou
plutôt les abandonnèrent , y laiffant l'artillerie
qui défendoit le paffage de la meufe , leurs
tentes , leurs bagages , & la plupart leurs propres
effets ; ils fe fivèrent vers Namur , avec toute
la confufion d'une armée en déroute . Le lendemain
matin , dimanche , les troupes de S. M.
r'Empereur ayant paffé la meuſe , vinrent occuper
le même terrein qu'occupoient la veille les pa-,
triotes , & y reftèrent tranquilles jufqu'au mercredi
fuivant 24, en attendant fans doute qu'elles
fuffent en affez grand nombre pour marcher
vers Namur . Pendant ce tems , M. Van der Noot
amufoit le peuple de Namur , le faifoit armer,

& difpofoit tout pour une vigoureuſe réſiſtance r
mais il ne crut pas devoir être préfent à l'approche
des troupes impériales ; auffi eut- il foin
de partir de Namur le mercredi 24 , pour fe
rendre à Bruxelles où fa préfence étoit trèsnéceffaire
. Vers les quatre heures après- midi de
ce jour , S. E. lefeld maréchal de Bender , à la
tête des troupes autrichiennes , fit fommer la ville.
de fe rendre ; alors quelques fanatiques qui occupoient
le château , eurent la hardieffe de faire
tirer quelques coups de canon fur les Autrichiens .
Le général les fit fommer de mettre bas les armes ,
ou qu'il alloit faire tirer à boulets rouges fur la
ville & y envoyer des bombes . Ces menaces firent
le plus grand effet , la confternation fut générale ,
on crin fauve qui pear ; ( 1 ) on fe difpofa à
mettre bas les armes , & à porter les clefs de la
ville au général . Vers les neuf heures du foir ,
les troupes
de S. M. y entrèrent avec tout l'ordre
& la tranquillité poffible ; tandis que l'armée .
patriote en fortoit dans la plus grande confufion ,
sacheminant en diligence vers Louvain , Mons
& Bruxelles , emmenant avec elle quelques pièces,
de canon ,
quelques bagages , & force de char-"
riots chargés de femmes , de malades & de bleſſés .
Le jeudi matin 25 , nous vîmes arriver ici les
triftes débris de l'armée , qui avoient marché toute
la nuit , la plupart fans bas & fans fouliers :
cette débacle a duré huit jours . A la première
apparution de ce défordre le mécontentement commença
à éclater , & l'on difoit hautement , pour
(1) Ce cri étoit fi en ufage dans l'armée patriotique
, qu'ils n'ont jamais été au feu fans s'en
fervir.
G4
( 152 )
La première fois , que nous étions vendus & livrés.
Le vendredi & jours fuivans , M. Van der Noot
fe rendit à l'hôtel-de - ville , où les Etats & les
Doyens étoient affemblés ; il leur affirma qu'il
n'avoit point de part à ce qui venoit de ſe
pafler à Namur ; qu'il ne confentiroit jamais que
le Brabant rentrât fous la domination de l'Empereur
; que , d'ailleurs , il attendoit des troupes
que la Hollande lui avoit promifes , & qui , fans
doute , étoient déjà en marche ; que la Flandre
faifoit avancer quinze mille hommes ; qu'on
alloit raffembler les débris de l'armée , & que
toutes ces forces réunies alloient marcher vers
Namur , pour en chaffer les Autrichiens ; enfin
qu'on armeroit le peuple , & qu'on fe battroit
tant qu'il refereit un feul homme. Il ajouta
qu'une partie de l'armée s'étoit retirée vers Louvain
, four empêcher l'entrée dé la colonne autrichienne
qui s'acheminoit de la province de
Limbourg vers cette ville ; il eut même l'imprudence
d'y faire marcher quelques volontaires
de la Flandre. Il dit que le général Kæler s'étoit
retiré fur Mons avec fept mille hommes , & qu'il
étoit impoffible aux Autrichiens de pénétrer jamais
dans le Hainaut , la Flandre & le Brabant. Ce
fut avec ces contes abfurdes qu'il amufa le peuple;
& pour mettre le comble à l'impofture , le diimanche
28 il fit nommer quatre nouveaux généraux
. Le lundi 29 il avoit regagné toute la
confiance des fanatiques , & on les vit fortir avec
urprife de l'abattement où ils étoient plongés les
jours précédens. Le mardi 30 , le grand pénitencier
Van Eupen , fecrétaire d'état , fe décida à
chercher fon falut dans la fuite , tandis que
Van der Noot , pour conferver fa tête , répandoit
l'argent à pleines mains à la populace . Çe
>,
( 153 )
ne fut que le mercredi 1er de ce mois qu'il fe
décida à fortir de Bruxelles , fous prétexte d'alles
yifiter les avant - poftes , affurant toujours qu'on
ne devoit rien craindre , que les Autrichiens ne
rentreroient jamais . Il faut croire qu'il s'eft
trompé de, chemin , car nous ne l'avons plus
revu . Dans l'après- dinée du même jour , nous
vimes rentrer le refte de l'armée pattiotique ,
toujours avec le même défordre & la même confufion
; & le jeudi matin 2 du courant , tous ces
malheureux fe font retirés vers Gand , manquant
de tout , & répandant par-tout la defolation .
Le même jour vers les dix heures du matin ,
l'avant -garde des Autrichiens , compofée de 200
huffards , s'eft préfentée à une des portes de la
ville , dite celle de Namur ; douze hommes &
un officier fe font portés fur la Place- Royale ,
y ont été reçus par d'honnêtes citoyens , qui ,
à leur apparution , ont crié , Vive Léopold ! A
midi toute l'avant -garde a pris pofte fur la même
place , & s'eft emparée de toutes les portes de la
ville. A deux heures , un bataillon de grenadiers
eft venu s'y mettre en bataille . Les jours fuivans ,
les troupes font entrées en grand nombre , &
dans le plus grand ordre. Il eft paffé par nos
murs près de vingt mille hommies , qui fe font
déjà répandus dans différentes villes . Nous venons
d'apprendre que Gand s'eft rendue fans réfiftance ,
& que les patriotes font alles s'éclipfer dans la
Flandre occidentale » .
ils
"
P. S. Le général Bender eft feulement arrivé
ici le dimanche on diroit qu'il y a fix mois
que les troupes font rentrées dans le pays , par
l'ordre qui y règne.
( 154 ) )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 8 Décembre 1750.
L'adreffe de remerciement au Roi n'a .
pas éprouvé plus de contradictions dans la
Chambre des Communes , qu'elle n'en avoit :
effuyés dans celle des Pairs . M. Mainwaring
l'a propofée , le 30 du mois dernier ; elle a
été appuyée par M. Cartw ; aucun Membre
n'en a même atténué les motifs. Le feul M.
Fox dévelopa quelques obfervations géné
rales fur le difcours de M. Carew , qui avoit
amplifié l'éloge de la politique du Miniſtère:
dans le cours de fes remarques , ce célèbre
orateur réfuta la crainte abfurde de voir la
France intervenir dans les troubles des Pays-
Bas pour y fander fa domination . « Rien ,
» dit- il , n'autorife ce foupçon ; & la fitua
tion actuelle de la France , fur laquelle
»je ne dois pas m'étendre , n'eft nullement
» calculée de manière à troubler la paix de
» l'Europe ».
Dans la même féance du
30 , M. Burke rappela que la Chambre des
Pairs ne s'étoit point encore occupée de
reprendre le procès de M. Haftings , qu'il ne
la foupçonnoit pas de vouloir ainfi la terminer
incognito, & que les Communes devoient être)
attentives à cet oubli.L'òrateur de la Chambre.
& M. Pitt raffurèrent le préopinant , en lui
répondant qu'il n'exiftoit aucune différence
55
-
( 155 )
d'opinions entre les deux Chambres fur la
néceflité de finir ce procès ; ma's qu'il pourroit
y en avoir fur la forme , & qu'il ne
falloit pas précipiter cette difcuffion. Les
Pairs , en effet , n'ont point encore fait mention
de cet objet : la queftion eft de favoir fi ,
Une nouvelle Chambre des Communes peut
poursuivre, un impeachment commencé fous
le Parlement antérieur , fans traiter de nouveau
la queſtion fondamentale , y a t-il, ou
non , lieu à un impeachment contre M. Haftings
? On annonce un difcours du Chancelier
fur cette matière : perfonne n'eft plus
en état d'en connoître & d'en réfoudre les
difficultés légales.

Les premières féances d'une feffion font
peu inté effantes : elles ne fervent qu'à indiquer
les premiers fujets de délibération ,
qu'à préparer , pour ainfi dire , un ordre de
matières , & à réfoudre quelques affaxes de
forme. Les dernières féances nous offrent
peu d'objets dignes de curiofité.
Le 13 , il fe fera un appel général des Membres
de la Chambre des Communes , appel
demandé par M. Fox , qui , ce jour - là , difcutera
probablement la convention avec l'Efpagne
, & la conduite des Miniftres dans
leur politique extérieure . Il fera amené à cet
examen par celui de l'état des dépenses du
dernier armement , & des moyens d'y fub-
G 6
( 156 )
venir , que M. Fitt foumettra aux Communes
dans cette féance du 13 .
Le 6 , la Chambre s'étant formée en Comité
des fubfides , M. Hopkins , l'un des
lords de l'amirauté , a propofé de former
l'établiſſement de paix dans l'année cousante
, par 24,000 hommes , tant matelots
que foldats de Marine. Habituellement ,
pendant la paix , cet état n'eft compolé.
que de 18,000 matelos , & de 3,860 foldats
de marine. Cette année on aura 19,200
matelots , & 4,800 foldats de marine.
M. Hopkins a motivé cette augmentation ,
par la néceffité d'entretenir complettement
équipés , outre les vaiffeaux garde- côtes ,
dont le nombre n'eft pas encore fixé , dix
vaiffeaux de ligne prêts au premier beſoir.
Les fix vai feaux que l'Amiral Cornish a corduit
aux Antilles , & dont l'époque du retour
eft incertaine , ne font pas compris dans cette
énumération . On a ordonné le rapport de la
motion de M. Hopkins , qu'on peut regarder
comme un bill déja décrété . Il faut obferver
ici que ces mefures du Gouvernement
lui appartiennent exclufivement , qu'il n'a
befoin du concours des Communes ,
pour déterminer , comme il lui plaît , le
nombre d'hommes & de vaiffeaux à employer
; que les Communes n'ont aucun
décret à rendre pour fixer cette quantité ,
mais qu'elles font en droit d'en contrôler.
la nature , avant d'accorder les fubfides
pas
( 157 )
qui doivent mettre cette force en activité.
Le Roi la détermine , le Parlement la paye :
ainfi s'exerce la prérogative invariablement
diftincte des deux autorités , qui n'empiètent
jamais far leur département refpectif.
La décifion de l'Amirauté fur le nombre
des vaifleaux à garder en commiffion , juf-
= tifie les conjectures que nous avions expofees
, en faifant preffentir , avec quelque
certitude , que le défarmement ne feroit
point complet. Inceffamment , nous développerons
les motifs probables de cette
melure , en examinant la convention concue
avec l'Espagne , & qui a été ratifiée .
le 28 octobre à Madrid , & échangée , le
22 novembre à l'Efcurial.
Les états détaillés des frais du dernier
armement ont été remis fur le bureau des
Communes tout compris , ils paroiffent:
monter à trois millions fterlings , qui trèsprobablement
feront acquités par un emprunt
, dont la forme n'eft pas connue
encore.
Le Comte d'Elgin , Pair d'Ecoffe , qui
a fait une partie de fon éducation à Paris , &
qui joint beaucoup de connoiffances à beaucoup
de fageffe , vient d'être nommé par
le Roi , Ambaffadeur extraordinaire à
Vienne , pour complimenter l'Empereur
fur fon élection. On annonce d'autres mouvemens
dans le corps diplomatique. M.
Elliot , dit on , ne retournant pas en Dan(
158 )
nemarck , fera envoyé aux Etats Unis. On
parle ali du retour du Chevalier Ainslie,.
notre Miniftre à Conftantinople ; mais rien
encore n'est moins certain que ces muta
tions.
PAYS- BAS.
De Bruxelles le 10 Décembre.
Après la reddition tranquille des pro-.
vinces Belgiques , peu de gens penferont
qu'en aucun temps elles euffent été en état .
de faire réliftance. Nous ne fommes plus:
au 16. fiècle ; mais , en retardant l'entrée
des Autrichiens , vraisemblablement le congrès
avoit mis fon efpoir dans quelques
intrigues , & dans quelques fecours indirects
de l'étranger. On recrutoit pour lui ,
à Paris même , on nous attefte qu'il avoit
reçu des fubfides : la Pruffe & l'Angleterre
eullent peut- être defiré un genre de pacification
, qui leur laifsât un parti actif au
milica de nous . Ces motifs fecrets expliquent
les inftances réitérées du congrès ,
pour obtenir à la Haye un armistice , &
une prolongation du terme fatal . La judicieufe
fermeté de M. le Comte de Mercy
a déconcerté ces deffeins , & le Baron de
Bender a merveilleufement fecondé l'Ambaffadeur
, en juſtifiant ſa réſiſtance .
Il n'eft pas inutile de faire connoître la
(( 159 ))
déclaration comminatoire que les Plénipotentiaires
des trois puiffances méd'atrices
, adrefsèrent le zo novembre à M. de'
Mercy. En voici la teneur.
A la Haie , le 20 novembre.
сс
cc Votre excellence fe rappellera aifément , que
du moment où nous avons eu l'honneur d'entamer
avec elle les conférences qui devoient avoir
pour but la conciliation des affaires Belgiques
en vertu de la médiation propofée pour cet effet
par nos fouverains refpectifs , il a été posé pour
bafe invariable : qu'on n'auroit recours aux
voies de la force que dans le feul cas ou l'efpérance
du falutaire effet des exhortations des puiffances
médiatrices feroit fruftrée » : principe que ,
fa majefté impériale s'étoit déjà prefcrit antérieurement
elle-même , ainfi qu'il paroît par la
déclaration remife le 20 août 1790 , à L. H. P.
les états - généraux par monfeigneur le baron de
Buol. Pour balancer cet engagement & afin
d'empêcher que les Belges n'abufaffent des voies
de la douceur pour trainer en longueur un accomodement
équitable , nous fommes convenus
d'un autre côté , de leur fixer un terme avant
l'expiration duquel , ils feroient obligés de prendre
leur décifion .
7
» C'eft en conféquence de ces principes , &
d'accord avec votre excellence elle -même , que
nous avons arrêté notre derniére déclaration du
21 octobre , dans laquelle il eft dit en termes
exprès qu'il ne tiendroit qu'à la nation Belgique
de voir rétablir la conftitution légitime
: сс
( 160 )
telle qu'elle exiftoit en fa plus grande pureté ,
avant le commencement du dernier règne , ainfi
que tous fes privilèges religieux & civils , avec
un oubli parfait de tout ce qui s'eft paffé pendant
les troubles : mais que pour obtenir ces
conceflions , c'étoit aux repréſentans de la nation
à moyenner promptement les conditions "qui les '
conduiroient à remplir ce but ; & qu'on ne
pourroit leur donner qu'un terme de 21 jours ,
à compter de la date de la déclaration .
» Ces mêmes repréſentans de la nation Belgique
, affemblés à Bruxelles fous la denomination
d'états-généraux , viennent d'envoyer à la
Haie 4 députés chargés de demander un temps
fuffifant pour que la nation puiffe péfer , refléchir
& exprimer fes voeux.
Nous avons confidéré cette démarche comme
un premier pas vers un accommodement , également
convenable à la dignité du fouverain &
à la fureté des fujets . C'eft dans ce point de
vue que nous avons communiqué à votre excellénce
, les ouvertures des députés Belgiques , &
nous avons appris à notre grand étonnement,
qu'elle fe refufoit abfolument à tout délai ultérieur
, malgré les moyens que nous avons pro
pofés pour lever les difficultés qui fembloient s'y
oppofer , malgré l'engagement que les députés
ont pris formellement & par écrit : que dès que
l'armiftice feroit conclu , on affembleroit fans
délai les états des différentes provinces en étatsgénéraux
, lefquels enverroient également fans,
délai , vers nous des députés , chargés d'entamer
des conférences à l'effet de mettre fin aux troubles
qui agitent le pays . Votre excellence nous
a dit à cette occafion qu'elle envifageoit notre
intervention comme ayant forti fon plein effet ,
( 161 )
& que dans tous les cas les troupes impériales
avoient été deftinées à s'avancer dans le pays ,
ou comme amies , ou comme ennemies , felon
qu'elles auroient rencontré ou la ſoumiſſion , ou
la réfiftance .
» Votre excellence nous permettra de lui obferver
combien ces mefures & ces deffeins nous
paroiffent contraires aux principes que nous avons
cru pouvoir adopter depuis l'ouverture de la négociation
, & dont nous avons cru monfeigneur
le comte , trouver le fûr dans le caractère
garant
de loyauté & d'humanité qui diftingue fi éminemment
votre augufte maître . Nous ne faurions
nous perfuader , & votre excellence en y réféchiffant
mûrement fe l'imaginera tout auffi
peu , que les chofes en foient venues à un terme
extrême , qui puiffe eu qui doive confeiller l'emploi
de la force militaire , comme l'unique moyen
de ramener la nation Belgique vers fon louverain.
Par cette raifon nous ne pouvons ni ne voulons
être confés avoir donné lieu ou coopéré en aucune
manière , à la détermination que votre excellence
laiffe entrevoir
aujourd'hui
; & nous réfervons
en conféquence
à nos fouverains
ref- pectifs telles mesures qu'ils jugeront
convenables & analogues
aux circonftances
préfentes
& futures
.
Signé AUCKLAND ; le comte de KELLER ; van
de SPIEGEL .
Si la crainte d'un carnage a dicté cette
déclaration , l'humanité des médiateurs doit
être maintenant parfaitement raffurée . A fi
peu de distance de nous , & auffi bien informés
qu'ils ont dû l'être , leurs alarmes
font difficiles à concevoir. On entend bien
( 151 )
moins encore , comment après avoir eux.
mêmes fixé à 20 jours le terme péremptoire
de l'armiftice , & laiffé , par conféquent ,
le temps fuffifant à la réflexion , les Plénipotentiaires
retractoient cette décision ,
comme contraire aux principes. Il n'exiſtoit
d'autres principes , que leurs engagemens
pofitits , & en s'en écartant , nulle raifon pour
qu'un premier délai n'eut pas été fuivi de
dix autres .
Depuis la fuite des patriotes , notre capitale
eft auffi tranquille , que fi le calme
n'y avoit jamais été troublé. Les affaires
& les amufem ns ont repris leur cours.
C'eft fans éprouver aucune réfiftance , que
le Maréchal de Binder a défarmé les habitans
, fait pofer les cocardes , & completté
les mesures néceffaires à la tranquillité. Une
des plus importantes confiftoit à prévenir .
les excès des royaliftes , qui , en fortant
d'une indigne oppreffion , pouvoient tenter
de devenir opprefleurs. A la première vio-
-lence , on a reprimé & puni les coupables.
Nous aurons ici 4 mille hommes de garnifon
pendant l'hiver : 36 mille autres feront can-,
tonnés dans les autres villes principales :
on annonce que M. de Bender fera Gouverneur
par interim , & Commandant - Gé- '
néral jufqu'au mois de mars 1791.
MM. Van der Noot , Van Eupen , &
autres chefs fe font fauvés en Hollande ,
& ont d'abord gagné Berg- op-Zom. On
( 163 )
préfume qu'ils pafferont en Angleterre. Calomniés
, depuis qu'ils font malheureux ,
on les accufe d'avoir vendu le pays . aux
Autrichiens. Les patriotes fe confolent par
ces fables, contre leurs chefs , de l'abandon
qu'ils ont fait de leur propre caufe. Cette
impuration eft abfurde & fauffe : les Autrichiens
n'avoient pas befoin d'acheter ces
hommes , qui fe feroient vendus fuirement
à bon marché , car l'Empereur ni perfonne,
ne pouvoit perdre fon argent à conquérir
ainfi un pays , où il fuffifoit de fe préfenter
en force fuffifante. On eft encore faus
nouvelles du Général Kahler , qui , feul
a tenu ferme jufqu'au bout , fans abandonner
fa malheureufe armée.
FRANC E.
De Paris , le 15 Décembre.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M, Pethion
Suite du décret fur les droits d'enregistremens
commencé au Journal précédent.
TROISIÈME SECTION.
Actes fujets au droit de quinge fols par cent livrés .
1º. Les contrats , tranfactions , fentences
arbitrales , promeses de payer , conftitutions de
( 164 )
rentes perpétuelles & viagères , arrêtés de compres
& autres actes qui contiendront obligation de
fommes déterminées fans libéralité , & fans que
l'obligation foit le prix de la tranfiniffion d'aucuns
objets mobiliers ou immobiliers .
55
2º. Les baux à ferme ou à loyer d'une feule
année , à raison de ce qui en forme le prix .
3. Les donations mutuelles & conventions
réciproques de libéralité d'objets mobiliers déterminés
, à l'exception de celles entre maris &
femmes , en raifon de toutes les fommes & de la
valeur des biens qui y feront compris , & lors.
de l'évènement il ne fera dû aucuns droits .
» A l'égard des donations mutuelles & des dons
éventuels qui ne comprendront que des biens immeubles
déterminés , les droits en feront payés fur
le pied de la quatrième fection des actes fimples ,,
fans préjudice des déclarations qui feront à fournir
, & des droits proportionnels à payer lorfque
ces donations auront leur effet .
» 4° . Les traités de mariage paffes fous fignatures
privées , qui feront préfentés à l'enregiftrement
dans le délai de fix mois après leur date , &
ceux feront paffés devant Notaires aprés la célébration
, à raifon des formes , biens & objets àppartenans
aux conjoints , ou qui leur feront conftitués
en ligne directe , fans préjudice des droits
réfultans des autres difpofitions » ,
QUATRIÈME SECTION.
Actes fujets au droit de vingt fols par cent livres .
. 1°, Les actes & procès - verbaux contenant vente ,
ceffion & adjudication de biens meubles , coupes
de bois taillis & futaies , autres que celles mentionnées
en la première fection , & de tous au-
(
( 165 )
tres objets mobiliers , foit que ces ventes foient
faires à l'enchère , par autorité de juſtice ou autrement
, à raison de tout ce qui en formera le
prix .
2º . Les actes , contrats , partages & tranſactions
paffés devant les officiers publics qui contiendront ,
entre co-proprétaires , ceflion & tranſport de biens
immeubles , réels ou fictifs , à raifon du prix
de ce qui fera tranfporté aux ceffionnaires.
3. Les ventes , ceffions , donations , démiffions
& tranfmiffions de propriété de biens immeubles
, préels on fictifs , & les donations de fommes
& objets mobiliers qui auront lieu par des actes
entre-vifs en ligne directe autrement que par
contrats de mariage.
>
4°. Les échanges de biens immeubles entre
quelques perfonnes que ce foit , à-raifon de la valeur
des deux parts , fous la déduction des fommcs
ftipulées pour retour ou plus value , dont le droit
fera acquitté comme en vente.
5. Les engagemens & contrats pignoratifs
ftipulés jufqu'à douze années inclufivement , en
proportion du montant des créances ,
1
» 6º. Les contrats & jugemens portant délaiſſement
, déguerpiffement , renvoi & rentrée en poffeffion
de biens immobiliers , faute de paiement
de la rentrée ou d'exécution de claufes du premier
contrat ; & dans le cas où le contrat antérieur
été jugé radicalement nul , comme dans celui
où il n'auroit pas été exécuté , foit par la rentrée
effective de l'acquéreur en jouiffance , foit par le
paiement du tout ou partie du prix , les droits ne
feront payés que fur le pied de la quatrième feetion
des actes de la troifième claffe.
» 7° . Les déclarations que feront tenus de fournir
dans les délais prefcrits par l'article XII du
( 166 )
décret ples héritiers , légataires & donataires éventuels
, autres qu'en ligue directe , oncic & neves,
mari & femme , 30 fols ; entre frères & Locurs jesqu'au
quatrième degré exclufivement , 40. fols
pour tous les collatéraux & étrangers , des biens -
immeubles , réels ou fictifs , qui leur feront échus
en ufufruit , dont les droits feront payés à raifon
de la valeur entière de ces biens ; & fi par la fuite
ils réuniffent la propriété à l'ufufruit , à quelque
titre que ce fait , les droits ne feroat payés que
fur l'eftimation ou le prix de la nue propriété.
» A l'égard des ventes & ceffions , à titre oné
reux , des mêmes ufufruits & des baux à vie , les
droits en feront payés , favoir , pour les ventes
& ceffions , à raison du prix ftipulé , & pour les
baux à vie , fur le pied du capital au deni r dix de
la redevance & fuivant la fixième fection ciaprès.
389. Les déclarations oque feront terus dè
fournir les furvivans des époux de tous los biens
immobiliers qui leur feront tranfmised propriété
par donation & libéralité à titrés de peprifes , de
rétention ou autrement , & des capitaux de ren
tes , penfions fammes & objets mobiliers qui
qui leur feront échus à titre gratuit ; en vertu de
leurs contrats de mariage , teftamens ou autres
difpofitions , fauf à déduire fur des droids ce qui
ayra été papé par le furvivant lors de l'enregiftre
ment des contrats ou teftamensɔɔoleruj
ulaq sich to bib er
CINQUIÈMES DE TO`N.
Actes fujets ou drait de 30 fots par 100 livres.
PA
7
do
3
cef
2
tres
te
les
de » 1 °. Les actes , foit entre vifs ou à caufe de
mort , contenant dons ou legs de fommies déterminées
& de valeurs imobilières défignées & fufcepi
( 167)
&
tibles d'eftimation , fauf à faire diftraction des
fommes & objets compris dans des legs & difpofitions
auxquels il aura été fait renonciation à temps
utile & par acte en forme.
» 2 ° . Les déclarations que feront tenus de faire
les donataires & légataires éventuels des fommes
ou autres objets mobiliers qu'ils auront recueillis
par le décès des donateurs , ou par l'évènement
des autres conditions prévues , en vertu d'actes &
contrats dont le droit d'enregistrement n'aura été
payé que fur le pied des actes fimples , conformé
ment à l'article 33 du Décret.
» Sont exceptées les donations mutuelles , les
dons & gains de furvie entre maris & femmes ,
& les difpofitions en ligne directe dont les droits
font réglés par les précédentes fections.
" 3. Les baux de nourriture des enfans mineurs
, ceux à ferme ou à loyer au -deffus d'une
année , jufqu'a douze inclufivement , & les fousbaux
, les fubrogations , ceffions , & rétroceffions
defdits baux . à raifon du prix de la location
annuelle .
SIXIÈME
}
SECTIO . N.
Actes fujets aux droits de 40 fois par v
» Les ventes , adjudication ,
ceffious , les licitations portaesedeniconon i
tres que les co-propriétaires , e domatous
vifs ou à caufe de mort , de Dist - st
réels ou fictifs , autres que pak dhe krypy
frère & foeur , oncle & neveAZ
les déclarations de commons a
de même nature faites après to fix micas de je
des acquifitions , les engage seu pair chă
pignoratifs au- deffus de douze armies , kes brus
( '168 )
å rente & ceux au-deffus de trente ans , & toutes
les mutations de biens-immeubles opérées par
fucceffion, teftament , don éventuel , & à quelque
titre que ce foit , fous la feule exception des ef
pèces prévues par les fections précédentes , &
dont les droits font taxés dans des proportions
inferieures .
» Lorfque le vendeur ou donateur fe réſervera
l'ufufruit , le droit fera acquitté fur la valeur
entière de l'immeuble ; mais il ne fera dû aucun
nouveau droit pour la réunion de l'ufufruit à là
propriété .
Dans le cas ou la vente comprendroit des
biens-meubles & immeubles , le droit fera perçu
fur le tout , ainfi qu'il eft réglé par la préfente
fection , s'il n'eft fait une defcription détaillée des
objets mobiliers , foit dans l'acte , foit Un
par
état annexé , & s'il n'en eft ftipulé un prix particulier
«c.
SEPTIÈME SECTION.
Actes fujets au droit de 3 liv. par 100 liv.
» Les baux à ferme ou à loyer au- deffus de
douze années jufqu'à trente inclufivement.
»Les mêmes droits feront payés pour les fousbaux
, fubrogations , ceffions & rétroceffions defdits
baux , s'ils doivent durer encore plus de douze
années.
>
» A l'égard des contre- lettres qui feront paffées
, foit fur des baux , foit fur d'autres actes
& contrats , les droits en feront perçus à raiſon
des effets qui en réfulteront ; favoir :
Sur le pied de la quatrième fection des actes
fimples , lorfqu'il s'agira feulement de réduire ou
de
( 169 )
de modifier les conventions ftipulées par des actes
antérieurs qui auront été enregistrés ;
le Et à raifon du triple des droits fixés par
préfent tarif, fur toutes les fommes & valeurs
que la contre-lettre ajoutera aux conventions an
térieurement arrêtées par des actes en forme ;
, د
Pour tous les actes de la première claffe
dont les fommes & valeurs n'excéderont pas so
livres , il ne fera perçu que la moitié du droit
fixé pour 100 livres dans chaque divifione .
SECONDE CLASS E.
Ates dont le droit eft réglé en raison du revenu
évalué d'après la quote d'habitation dans la
contribution perfonnelle des contractans .
39
3
1º. Les teftamens & actes de la dernière
volonté , lorfqu'ils contiendront inftitution d'héritier
, legs univerfels de biens- meubles ou im-⠀
meubles , ou partage de biens entre les héritiers
préfomptifs fans tranfmiflion ni acceptation , à¨
raifon d'un feul droit pour chaque teftateur ou
inftituant , en quelque nombre que foient les héritiers
ou légataires .
» Dans le cas où le teftateur auroit fait plufieurs
teftamens ou codiciles , les droits de la
feconde claffe ne feront perçus que fur l'un de
ces actes ; ils feront réglés pour les autres en
raifon de la quatrième ſection des actes de troi- ?
fième claffe .
» Seront réputés legs univerfels ceux qui s'étendront
fur la totalité des biens du teftateur
meubles ou immeubles , ou fur un genre de biens
propres , acquets ou conquets.
Seront réputés legs particuliers & fujets aux
Nº, §1 . 18 Décembre 1790 .
H
( 170 )
droits des actes de la première claffe , fur les
déclarations eftimatives , ceux qui comprendront
des objets défignés par leur efpèce ou leur fituation
, quand même la confiftance ou la quantité
n'en feroient pas déterminées ; tels que les legs
de la totalité des livres , linges & habits , armes
uftenfiles du teftateur , des meubles garniffant
une chambre ou une maiſon & autres femblables.
» 2°. Les donations éventuelles d'objets déterminés
, les rappels à fucceffion , promeffes de
garder fucceffion , les inftitutions contractuelles ,
& autres difpofitions de biens à venir contenues
dans des actes entre- vifs .
3. Les fubftitutions & les exhérédations ,
foit qu'elles foient faites par acte entre -vifs ou
à caufe de mort .
"
» 4°. Les contrats de mariage dont le droit .
n'aura pas été réglé fur le montant des conftitutions
dotales , conformément à l'option réfervée
la feconde fection des actes de la prepar
mière claffe .
-5° . Les dons mutuels entre maris & femmes.
» Dans tous les cas ci -deffus exprimés , il
fera fait déclaration du montant de la quote d'habitation
dans la contribution perfonnelle des
contractans , ou des perfonnes dont l'impofition
devra fervir & fixer les droits d'après les rôles
qui auront immédiatement précédé la date des
actes entre vifs , & la préfentation au bureau
des actes de dernière volonté , à l'effet d'établir
la perception conformément au préfent tarif ;
faute de cette déclaration , il fera perçu provifoirement
une fomme de 100 livres ; mais les
parties auront alors la faculté de juftifier de la
femme de ladite contribution pendant une année,
( 171 )
à compter du jour de l'enregistrement . Les droits '
feront réduits en conféquence , & l'excédent fera
reftitué , fans que l'on puiffe être diſpenſé de
payer le fupplément qui feroit demandé par le
prépofé , en vertu defdits rôles , dans le cas où
len réfulteroit un droit qui furpafferoit la perception
provisoire ci - deffus établie.
» Les actes de cette feconde claffe qui feront
paffés par des perfonnes non impofées à la contribution
perfonnelle à caufe de la modicité de
leurs facultés , ne feront fujets qu'au droit de
trente fols .
le
( La fuite à l'ordinaire prochain. )
Dans la féance du jeudi foir , 11 décembre ;
M. de Broglie fit , au nom du comité militaire
rapport d'une affaire qui nous échappa dans le
temps. M. de Keating , major titulaire du régiment
infanterie Irlandoife de Walsh , reconnu
par les miniftres eux - mêmes , pour un officier
qui a toujours exactement & honorablement rempli
fes devoirs , fut néanmoins deftitué en 1788
par M. de Brienne , miniftre de la guerre , fans
jugement & fans accufation.
M. de Broglie obferva que , tous les membres
du comité militaire n'avoient été d'opinion contraire
les uns aux autres , que fur le point de
favoir de quelle manière on pourroit réparer cette
injuſtice . Le comité , ainfi que l'Affemblée , étant
convenus unanimement que perfonne n'avoit
été mieux fondé que M. Keating a prétendre
une réparation , après plufieurs débats
on rendit le décret ſuivant :
« L'Aſſemblée nationale , après avoir entendu
fon comité militaire , relativement à la deftitution
illégale de M. de Keating , major titulaines
H2
( 172 )
du régiment d'infanterie Irlandoife de Walsh ,
décrète que fon préfident fe retirera par devers
le roi , à l'effet de lui expofer que la juftice &
la loi ont été violées à l'égard de M. de Keating,
major titulaire du régiment infanterie Irlandoife
de Walsh ; & pour le fupplier de donner les
ordres néceffaires pour qu'il foit fait droit fur
les plaintes de cet officier » .
Du lundi 6 Décembre.
L'Affemblée venoit d'entendre un rapport de
M. de Curt fur quelques dépenfes de la marine ,
lorfque , s'occupant de mettre tout le royaume
fur le pied de guerre , M. Rabaud de Saint-
Etienne eft revenu à fon organiſation de ce qu'il
appelle encore la force publique , malgré l'évidente
inexactitude de fa définition puffée en décret,
où il a donné cette dénomination à la force nationale
, qui ne peut être , dans la vérité rigoureufe
, ni une armée , ni une force publique ;
à moins que la France affimilée à un camp de
Tartares , n'abjure l'agriculture , les arts fédentaires
, les fciences , repos , bonheur , richeſſe ,
les lumières de tant de fiècles , les fentimens
fociables , enfin l'exiftence d'un grand peuple
police. !
Les préliminaires abftrus que M. Rabaud a
nommés des articles conftitutionnels , n'avoient
effuyé qu'une ou deux objections , fur deux points
qui fe confondent ; les droits de la monarchie ,
violés par l'oubli du nom du roi , & la liberté
du peuple menacée d'une confcription générale.
Senfible à ces çontradictions , M. Rabaud a
laiffé tranſpirer un peu d'humeur en parlant
aujourd'hui des obftacles qui mettront , a -t - il
dit , quelque intervalle entre « la déclaration
( 173 )
"
des principes & l'organiſation definitive des gardes
nationales ».
Dans l'intention de récompenfer les citoyens
non-actifs qui ont fervi comme gardes nationales
& pour prévenir les impreffions que ces premiers
articles pourroient faire fur « certains efprits ,
& les opérations précipitécs que l'impatience
pourroit occafionner en certains lieux » . M.
Rabaut a demandé qu'il fut décrété :
1 °. Que les citoyens non - actifs qui , durant
le cours de la révolution , ont fait le fervice de
gardes nationales , pourroient être autorisés à en
remplir les fonctions , felon les réglemens qui
feront ftatués à cet égard.
2 Que les citoyens qui font actuellement les
fonctions de gardes nationales , continueront le
fervice dont ils feront réquis ; & qu'il ne fera
rien innové , d'après le préfent décret , dans la
compofition de gardes nationales , jufqu'à ce que
l'organitation générale ait été déterminée .
De ces deux articles , M. d'André a trouvé le
premier nuifible , & le fecond une répétition
d'anciens décrets qui ne peut que jetter des doutes
fur leur efficacité. Quant au premier , « dans
beaucoup d'endroits , a - t - il dit , des citoyens
non-actifs fe font armés , & ont excité des
troubles ; le décret qu'on vous propoſe fembleroit
autorifer tous ces mauvais fujets , trèsdangereux
à la tranquillité publique , à être confervés
dans la garde nationale » ,
M. Rabaud a répondu à ces raifons , par la
crainte des « interprétations infidieufes de fes
principes généraux , jugés fans qu'on ait attendu
les exceptions » ; & par des promeffes de nouveaux
articles & de féglemens qui pourvoiront
£
H 3
( 174 )
à tout. L'Affemblée a adopté , de confiance , ces
deux articles .
Le même rapporteur a fait également adopter
les nouvelles difpofitions fuivantes :
« V. Nul corps armé ne peut exercer le droit
de délibérer.
» La force armée eft effentiellement obéifſaute .
». VI. Les citoyens ne pourront exercer le
droit de fuffrage dans aucune des affemblées politiques
, s'ils font armés ou feulement vétus
d'uniforme .
2
» VII. Les citoyens ne pourront exercer aucun
acte de la force publique établie par la conftitution
, fans en avoir été requis ; mais forfque
l'ordre public troublé , ou la patrie en péril
demanderont l'emploi de la force publique , les
citoyens ne pourront refufer le fervice dont ils
feront requis légalement.
» Les citoyens armés ou prêts à s'armer pour
la chofe publique ou pour la défenſe de la liberté
& de la patrie , ne forment point un corps
militaire ».
Comme la difcuffion n'apporte d'ordinaire
aucun obftacle aux motions prédeftinées à devenir
des loix , il feroit à defirer que toutes les féances
offriffent la même célérité que celle- ci , dans l'expédition
d'un grand nombre de décrets par affis
& levé , fans le moindre débat . M. Camus n'a eu
befoin que d'obfervations très - rapides pour faire
accepter trente- deux articles prefqu'à mesure qu'il
les lifoit . Ils concernent la caiffe de l'extraordis
naire .
Cette caiffe , compofée des fonds qui ne
proviennent pas des contributions ordinaires , &
deftinée à l'acquittement des dettes de l'état , fera
féparée du tréfor public. Elle ne paierà que les
( 175 )
dettes non-conftituées & les fecours au tréfor ,
fur des décrets . Son fervice fera divifé en adminiſtration
& trésorerie . Elle fera provifoirement
entre les mains d'un commiffaire nommé par le
roi , qui ne paiera que fur décret fanctionné.
Les fommes à verfer dans cette caiffe font le
produit des ventes ou intérêts des domaines nationaux
, de l'évaluation des dîmes , de la contribution
patriotique , les reftans des décimes du
clergé.
M. de la Rochefoucault a préfenté le réſultat
des travaux du comité des impofitions , & des
décrets relatifs aux moyens de payer les dépenfès
publiques , D'après les calculs du comité des
finances , 60 millions formeront , en 1791 , la
fomme de toutes les dépenfes qu'il eft poffible
de prévoir. Il eût été difficile de faifir à la voléc
tous les élémens de cet apperçu repréſentatif :
mais l'impreffion a été décrétée , & la difcuffion
en vérifiera toutes les parties .
En attendant , nous dirons qu'on n'y à porté
la contribution fonciere qu'à 300 millions , au
lieu de 358 millions que le comité efpère . Les
murmures de l'oppofition n'ont rien dérangé à
cette arithmétique. L'impôt perfonnel n'y entre
que pour 67 millions , le droit d'enregistrement
pour 40 millions . Les entrées des villes , fans
compter les contributions analogues qui doivent
fubvenir aux dépenfes de quarante mille &
quelques municipalités , produiront net 24 millions
; les forêts nationales 20 millions ; enfin
tout fera payé on aura fupprimé les loteries ,
les droits fur le tabac , fur les boiffons , & la nation
paiera , de moins , près de 180 millions , puifqu'elle
en payoit 738 fous l'ancien régime ,
comme on pourroit le croire par l'état qu'on a lu ;
A 4
( 176 )
at auquel peu de perfonnes inftruites ont paru
Jonner créance .
M. de Folleville s'eft permis des obfervations ;
M. Ræderer a jugé qu'il feroit prématuré de les
réfuter , parce qu'elles étoient prématurées. On
a décrété qu'à compter du 1er janvier prochain ,
la vente des eaux -de- vie cefferoit d'être exclufive
au profit de l'état dans la ci-devant province de
Bretagne , fauf le paiement des droits .
Une députation du confeil général du département
du Pas - de - Calais , admife à la barre , a dit que
d'une extrémité à l'autre de ce département les
grains font arrêtés ; qu'il en eft de même dans
celui du nord que la loi martiale n'a produit
aucun bon effet ; que les alarmes vont croiffant;
que le nombre des pauvres eft fi confidérable ,
que dans plufieurs villes il cft du tiers de la
population. C'eft à trav is de tant de calamités ,
que l'Affemblée a renvoyé au comité des rapports
l'adreffe du département du Pas-de - Calais,
Du lundi , féance du foir.
A la fuite de plufieurs adreffes , on a lu une
lettre de M. le cardinal de Rohan au procureurfyndic
du département du Bas-Rhin , où ce prélat
déclare qu'il ne peut établir la nouvelle conftitution
civile du clergé dans fon diocèfe , & protefte
de fa conftante foumiffion aux faints canons
& à la difcipline de l'églife . L'Aflemblée vend
quelques biens nationaux , & l'on paſſe à l'ordre
du jour , à un long rapport de la malheureuſe
affaire de Nancy .

Portant la parole , au nom des comités militaire
, des rapports & des recherches réunis
M. Brulard de Sillery a débuté par avancer que
l'opinion publique n'étoit pas encore fixée ſur les
( 177 )
caufes de ce fatal événement : c'étoit promettre de
dévoiler ces cauſes , tandis que le but unique du
rapport , a été très -évidemment d'empêcher qu'on
ne les approfondit. On a prévu d'abord dans
quel fens il feroit fait , lorfque l'orateur s'eft
écrié : « Le fang a déjà coulé ; la nation eft
irritée : citoyens , réfléchiffez qu'au point où nous
fommes arrivés , aucune puiffance ne peut déranger
l'ordre immuable que la nation vient
d'établir elle-même ; qu'il fercit infenfé au parti
qui s'oppose à la volonté générale , d'efpérer recouvrir
de chaînes la nation généreuse qui vient
de s'en dégager ; & qu'à l'époque où nous fommes ,
il faut ou nous vaincre ou obéir » .
Nous paffons au travers d'un dédale de lieux
communs fans application au ſujet , pour trouver
quelques faits noyés dans cet océan de paroles ,
Au lieu de chercher & de voir dans les événemens
mêmes les principes évidens de la révolte
de Nancy , M. de Siltery eft remonté aux fources
de la révolution générale du royaume . Il a découvert
la caufe des défordres de trois régimens
rebelles , dans la diverfité des opinions , dans le
reffentiment des citoyens privilégiés , dans la conduite
des officiers , du régiment du roi , régiment
privilégié dans la divifion entre les officiers &
lės foldats dont les uns défapprovoient & les autres
béniffoient & profeffoient hautement la révolution
. Il n'exiſte , à la vérité de plaintes que contre
peu d'officiers , & leurs accufateurs font des gens
déshonorés , défavoués on chaffés de leur corps ;
mais fi l'on en croit le rapporteur , le caractère
le plus dangereux , an moment d'une révolution ,
eft celui de l'homme qui n'en manifefte aucun.
Les officiers prudens & réfervés devinrent égale-
HS
( 178 )
ment fufpects aux foldats. M. de Sillery a profité
de cette occafion pour parler à ces derniers ,
non de fubordination & de difcipline , mais d'égalité
, de liberté ; il les a tous faits juges des ordres
qu'ils reçoivent ; puis prêchant aux officiers l'obéiffance
, la réfignation , la nullité , il leur a recomman
déd'imiter le chef fuprême de l'armée . Eft-il
forcé d'avouer que les foldats, fe ſont révoltés ?
« C'eſt avec douleur , dit- il , que nous fommes
obligés de convenir que ces mêmes foldats , dont
nous aurions cité le patriotifme pour exemple , ſe
font rendus coupables en l'exagérant ».
cc

« Ces infortunés foldats n'ignoroient pas les
manoeuvres criminelles des ennemis du bien public
; il entendoient fouvent autour d'eux les
mêmes propos , qui tant de fois ont mérité votre
improbation ; ils avoient juré de défendre la
conftitution ; ils la croyoient en danger , &
d'erreurs en erreurs , ils fe font précipités dans
l'abîme .... Nous devons rappeller aux foldats
qu'ils font les défenfeurs de la patrie … qu'ils fe
rappellent l'esclavage d'où nous les avons tirés....
Avec quels tranfporrs je ferois votre éloge ! &
quelle tâche pénible je remplis ! .... Infortunés
camarades ! mon devoir m'oblige de rendre compte
de vos attentats ; mais je dois en même temps
mettre fous les yeux de l'Affemblée nationale , les
fautes capitales de ceux qui devoient vous guider
& vous donner des confeils »
Il eftimpoffible d'après le rapport même , de désouvrir
ces fautes capitales. Rien de précis , pas
un fait péremptoire d'articulé. Aucun officier du
Meftre- de-Camp n'a encouru nominalement les
seproches de M. de Silkry . Il n'accufe les off
ciers Suiffes de Château- Vieux que d'avoiɛ condamné
aux courroies deux foldats fauteurs de
( 179 )
fédition. A cet égard , les officiers ont dû fe
conduire d'après leur code militaire national , &
non d'après les pamphlets qui courrent les rues
de Paris . Quant aux officiers du régiment du roi ,
à l'exception d'une ancienne étourderie , encore
mal prouvée , de trois d'entr'eux dans l'adolefcence
, M. de Sillery n'a cité de ce corps que
deux traits dignes de mémoire , le dévouement du
généreux Défilles , & celui de M. de Bouthillier ,
gé de 16 ans , fils du député de ce nom à
'Affemblée nationale : ce jeune homme grievement
bleffé , alloit être portés à l'hôpital ; » non ,
» dit- il , fi je dois mourir qu'on me porte fous les
drapeaux du régiment «.
- -
En poursuivant le narré de M. de Sillery ,
nous rencontrons la férie de faits fuivans : «Au
mois d'août , la divifion éclata ; le régiment du
roi demanda des comptes , les officiers avancèrent
une fomme de 150 mille livres ; ils eurent la
foibleffe de céder à la crainte ». Cet exemple
entraîna les régimens, de Meftre de Camp ,
cavalerie , & Château Vieux , Suiffes . Deux
foldats de celui - ci furent demander les comptes
au major , un confeil de guerre de leurs officiers
les condamna à paffer par les courroies ; de fait
porta le mal à fon comble. Le peuple fe déclara
pour les foldats ; mais les citoyens reconnoiffent
que ces troupes ne commirent pas le plus léger
excès . Le décret du 16 , arrivé le 19 , fut envoyé
dans les chambres des foldats , & non proclamé.
Il faillit à caufer les plus grands défordres , la
garde nationale interpofá fa médiation , les trois
régimens proteftèrent de leur faumiffion . Le régiment
du roi envoya huit députés à Paris , ils
y furent arrêtés . M. de Malfeigne vint à Nancy
pour entendre les comptes de Château Vieux' ;
H 3
( 180 )
un article qu'il ne voulut pas décider troubla le
calme. Les foldats s'opposèrent à fa fortie de la
caferne , il fe fit jour avec fon épée , en bleſſa
deux ; le lendemain ils refusèrent de quitter
Nancy ».
« Alors fe répandirent des bruits de contre-
Lévolution que n'accrédita que trop , affirme le
rapporteur , la conduite de tous les chefs . Un
aide-de-camp de M. de la Fayette , qui fe trouvoit
à Nancy , raffemble une grande partie des gardes
nationales du département ; les papiers publics
invitent à fe défier des officiers généraux ; les
citoyens demandent l'affemblée des fections , la
municipalité s'y refufe ; M. de Malfeigne fuit ;
citoyens , foldats , tous courent à la pourfuite ;
les carabiniers défendent le général : les foldats
du régiment du roi jettent M. de Noue , leur
ancien commandant , dans un cachot plufieurs
officiers font bleffés ; le peuple s'arme de tout
ce qu'il trouve à l'arfenal , & la municipalité fait
diftribuer des cartouches . On reconduit M. de
Malfeigne à Nancy , où il eft mis en prifon .
Cependant M. de Bouillé s'approchoit pour faire
exécuter le décret du 16. Deux députés , l'un membre
de la municipalité , & l'autre du directoire du
département , vont au devant de lui à Toul ; il leur
remer , le 30 , la proclamation qui ne fut publiée
que le premier août , le lendemain de la fatale
journée. Le 3 , lettre de de M. de Bouillé qui
ordonne que les généraux lui foient rendus , &
que les troupes mettent bas les armes ; nouveaux
députés au camp , qui fe contentent d'envoyer
fés conditions par écrit. MM. de Noue & de
Malfeigne font rendus , les trois régimens fortent
de la ville ; tout-à- coup le tambour invite , par
ordre des officiers municipaux , ceux qui connoif-
C
( 181 )
fent le fervice de l'artillerie , à fe rendre aux
poftes où font les canons . Alors les mots de perfidie
& de trahiſon fe font entendre ; la municipalité
ordonne aux gardes nationales de fe retirer
; il n'eft plus temps ; l'avant- garde de M. de
Bouillé eft accueillie par une décharge , le combat
s'engage & la ville devient le théâtre d'une fcène
d'horreurs & de plufieurs traits d'héroïſme .
Après trois heures de combat , M. de Bouillé
parvient à rétablir le calme ; les régimens obéiffent
, fortent ; la municipalité lui offre une dictature
abfolue : il refufe & la rappelle au devoir.
L'état de la ville , à ce moment , étoit affreux ,
continue le rapporteur , dont nous abrégeons le
récit : « tous les fignes extérieurs du patriotifme
étoient profcrits & foulés aux pieds . La municipalité
avoit défarmé la garde nationale , & les
tribunaux parurent vouloir faire le procès à la
révolution . Tous les amis reconnus de la conftitution
furent traités comme fauteurs des défordres
; ces bons citoyens , dont tout le crime
étoit de l'être , fe virent pourfuivis , décrétés ;
on dirigea principalement les coups contre le
club des amis de la conftitution ; on ofa même
employer contre lui les formes vieillies du defpotifme
& de l'autorité arbitraire. L'arrivée des
commiffaires a rétabli l'ordre & ranimé le patriotifine
"..
Ce rapport , où l'on n'a recherché ni fi les
inculpations faites aux foi - difant amis de la conftitution
font fondées , ni quels étoient les boute-feux
qui excitoient les foldats & le peuple , qui rempliffoient
les papiers publics de calomnies ; s'il n'y
avoit pas dans les troupes de faux foldats , dans la
ville de faux tambours ; fi des mains perfides
ne femoient pas l'argent ; où les formes judi(
182 )
ciaires font nommées celles du defpotifme ; ce
rapport , difons - nous , eft aux grandes phrafes .
près , un extrait fervile du rapport des commiffaires
envoyés à Nancy, & où l'on eft fâché de
rencontrer autant d'on dit , de peut - être , on
fourfonne , & trop d'infinuations au lieu de
faits.
M. de Sillery a terminé fon mémoire par de
juftes louanges des gardes nationales , qui ont
bravé la mort pour faire exécuter la loi , par
un filence prefque complet à l'égard de M. de
Bouillé , & par un blâme général répandu fur
une grande partie de la ville de Nancy , fur la
municipalité , für les citoyens , fur les foldats ,
fur les officiers , fur tous , excepté feulement les
amis de la conftitution . Sa conclufion a été un
projet de décret , où , confidérant que la cataftrophe
arrivée à Nancy , сс n'eft la fuite
que
funefte des erreurs dans lesquelles des citoyens
de toutes les claffes ont été entraînés par la diverfité
de leurs opinions , voulant enfévelir dans
Poubli un évènement auffi défaftreux » , l'Affemblée
décrète qu'il ne fera donné aucune fuite à
la procédure commencée au bailliage ; que les
décrécés feront mis en liberté , les régimens du
Poi & de Meftre-de- camp_licenciés ; que le foldat
recevra trois mois de folde & un congé abfolu
, ainsi que l'ufage le prefcrit ; que le comité
militaire rendra compte , dans un court délai ,
des moyens de remplacer ceux des officiers , fousofficiers
& foldats qui vont fe trouver fans emploi
; que le Roi fera prié de négocier immédiatement
avec les cantons Suiffes , pour obtenir
la grace des 41 foldats de Château- vieux cordamnés
aux galères , & de 71 renvoyés à la
juftice de leurs corps ; que l'Affemblée nationale
;
32 ( 183 )
approuve le zèle de la municipalité de Metz , le
civifme des gardes nationales de Metz , & le zèle
patriotique des citoyens de Paris , commiffaires
du Roi & de leurs amis leurs fecrétaires , pour
le fuccès de l'importante commiffion de rétablir la
paix à Nancy. Des applaudiffemens ont fermé la
féance.
Du mardi 7 décembre.
M. l'abbé Gouttes ayant propofé un décret
relatif aux dettes du clergé & aux dîmes inféodées
, il les renvoyoit à vérifier au comité de liquidation
: « Il eft établi pour la liquidation de
F'arriéré , a dit M. d'André ; je m'étonne qu'il
demande une nouvelle attribution . En multipliant
fes travaux manuels & fes calculs , nous
perpétuerons auffi notre existence . Je demande
qu'il foit établi , pour la liquidation de la 'dette ,
un bureau particulier » .
Si vous aviez confié la liquidation au pouvoir
exécutif , a dit M. Duquesnoy , elle feroit
déjà faite. Quatre notaires de Paris feroient plus
propres à liquider des charges , que tous les comités
poffibles . Vous ne devez pas adminiftrer,
mais contrôler les adminiftrateurs ; car fi vous
adminiftrez , qui vous contrôlera ? ...... Il n'y a
pas encore un titre de liquidé. Je demande que
vos comités vous préfentent un mode d'organifation
d'un bureau de finances ».
L'Affemblée décrète que deux commiffaires de
chacun des comités des finances , de judicature ,
des penfions & de liquidation , auxquels feront
adjoints les commiffafres déjà nommés , s'affembleront
jeudi, prochain , & lui préfenteront fous
huitaine l'organisation des bureaux néceſſaires
( 184 )
·
Pour toutes les opérations de finances dérivées
de l'exécution des divers décrets .
Alors M. Fermond , parlant au nom du co-
• mité des impofitions , en a offert les nouveaux
travaux fur la contribution qu'on avoit nommée
jufqu'ici perfonnelle , & qu'il veut déformais
appeller mobiliaire. Il a propofé de rejetter la
pétition de la ville de Paris , qui demande expreffément
qu'on modifie plufieurs articles concernant
cette contribution perfonnelle ou mobiliaire
...
»Le comité vous a déjà proposé le taux de
douze deniers pour livre , a dit le rapporteur ;
vous ajournâtes la queftion de cette taxation ,
& décrétâtes feulement que l'on impoferoit fur
le pied d'un certain nombre de deniers pour liv .
Nous avons publié un tarif; on nous a objecté
qu'il étoit trop fort. Les députés de Paris & le
confeil général de la commune ont fait imprimer
des mémoires , dans lefquels ils foutiennent que
la contribution cft arbitraire . Nous ne diffimulens
pas les inconvéniens ; mais toute loi a
les fiens. Point de loi particulière en faveur de
Paris. On nous reproche d'impofer le pauvre
plus que le riche. Dans le tarif que nous vous
préfenterons , nous fuppofons un revenu de 500
livres à celui qui paiera 100 livres de loyer , &
un revenu de 5,000 livres à celui qui paiera
1000 liv . Ainfi nous vous propofons une évaluation
décuple pour le riche. ( Mais le befoin
d'un loyer de 1000 liv. eft bien loin de fuppofer
toujours à Paris un revenu décuple , &
Joo liv. d'impôt mobiliaire , fans compter les
autres , peuvent paroître un taux exorbitant. )
Après avoir réfuté de la forte , & ce nous femble
bien foiblement , le mémoire de la ville de
1
( 185 )
Paris , M. Fermond a fu un projet de décret ,
qui fera difcuté jeudi .
in-
M. Régnault de Saint - Jean - d'Argély s'eft
plaint de Finaction abfolue du comité central ,
chargé , par an décret , depuis plus d'un mois
de préfenter dans huitaine le tableau de ce qui
refte à faire , & la revifion de ce qu'on a fait .
Il a demandé les motifs d'un fi furprenant retard.
Appuyant cette motion , M. d'André ,
fatigable dans fon utile vigilance , a demandé
qu'a l'iffue de la féance , il fut nommé fix commiffaires
de l'Affemblée , qui fe rendroient aux
comités pour s'y faire remettre l'état des travaux
achevés & de ceux qui restent à faire , & qu'ils
en rendiffent compte dans la huitaine . Sa pétition
eft paffée en décret .
M. Alexandre Beauharnois a fait accepter , au
nom du comité militaire , fur l'organisation du
I corps du génie , un décret , en dix- huit articles ,
très-peu différent de celui qui a déjà été rendu
fur l'organifation du corps de l'artillerie .
Du mardi , féance du foir.
Après avoir rendu compte de l'adreffe du
confeil-général du département du Pas- de- Calais ;
lue à la barre le jour précédent , M.
Voidel
y a vu plufieurs faits directement contraires aux
décrets fur les grains ; & fur fa propofition ,
l'Affemblée a décrété que la loi du 29 août &
les articles III & IV de celle du 18 ſeptembre
1789 , fur la libre circulation intérieure des grains
& des farines feront exécutés dans les dix
lieues frontières , pour les tranſports par les
canaux & rivières , lorfque les chargemens excéderont
trente quintaux ; & que les acquits à
caution feront pris & vifés dans les municipa-
>
( 186 )
lités de la route des dix lieues de frontières , &
par le port de Dunkerque , pour l'intérieur du
royaume qu'au furplus , le roi fera prié de
donner des ordres pour informer contre les auteurs
& fauteurs des émeutes qui ont eu lieu
dans les départemens du nord & du Pas de
Calais.
L'ordre du jour a ramené l'affaire de Nancy.
Prenant le premier la parole , M. du Châtelet
a témoigné la plus vive affliction des fautes du
régiment du roi , qu'il a commandé pendant
vingt années , qui avoit toujours offert l'union
la plus parfaite entre les officiers & les foldats ,
qui ne formoit qu'une grande famille . Comment
donc , s'eft demandé l'opinant , l'efprit d'infubordination
l'a-t- il égaré ? Ne cherchons pas la
caufe de ce malheureux effet dans des circonftances
particulières à la ville de Nancy , ni dans
le détail des faits qui vous ont été préſentés ;
mais dans l'aveu des foldats les plus coupables :
ils conviennent qu'ils étoient bien traités par
leurs officiers , qu'ils ont voulu effayer d'une
liberté dont de perfides infinuations leur faifoient
méconnoître les juftes bornes. M. du Châtelet a remarqué
qu'il n'y avoit point cu de voie de fait commife
par les officiers ; que le feul témoin qui alt
dépofé contre un officier , étoit détenu dans les prifons
de Nancy , comme un ardent inftigateur
des troubles de la ville, Quant aux jeunes officiers
accufés d'avoir infulté des bourgeois , le
plus âgé n'avoit pas dix - huit ans ; ils furent mis
aux arrêts & renvoyés dans leur famille . M. du
Châtelet n'a pas réclamé l'indulgence pour eux
comme le rapporteur , mais un jugement & juftice
d'ailleurs , la conduite des officiers lui a
paru fans reproche : ils ont puni légitime(
187 )
ment des coupables , oppofé la patience aux
outrages , & enfin demandé leur démiffion. Je
ne vous ferai point , a - t- il ajouté , obferver les
conféquences fâcheufes que pourroit avoir le
décret qu'on vous propofe , fi vous prononciez
fur le régiment du roi fans parler de celui de
Château -vieux : fi quelques forcenés donnèrent
le fignal du carnage , plufieurs foldats obéiflans
fortirent de la ville fous la conduite de leurs
officiers & n'y rentrèrent que pour ſe caferner
& attendre de nouveaux ordres ; le licenciement
confondroit les innocens & les coupables , il ne
peut conftitutionnellement être ordonné que par
le roi ; & les foldats à qui l'on veut accorder
une gratification de trois mois de paie , ont reçu
cinquante fois plus qu'il ne leur étoit dû. Sa
conclufion a été de prier le roi d'affembler une
cour martiale , qui jugera felon les formes conftitutionnelles
, & de s'en rapporter au chef fuprême
de l'armée , pour ce qui concerne les trois
régimens .

M. l'abbé Grégoire appléant une cour martiale
, a reproché au rapporteur une prodigalité
de mots & d'éloges qui embrouilloient les faits ,
& a dénoncé dans la conduite de M. de Bouillé,
une précipitation qui a fait verfer le fang des
citoyens. Ce dénigrement a mérité des applaudiffemens
à l'opinaut , qui , pourfuivant fa cenfure
des généraux & de l'armée , s'eft écrié :
comment les foldats n'auroient-ils pas été égarés
, quand leurs camarades Suiffes étoient paflés
aux courroies pour avoir demandé des comptes ,
quand M. de Malfeigne parloit à des militaires.
avec une brutalité prefque barbare ; quand on
diftribuoit des cartouches infamantes ? On parloit
de contre-révolution ; M. de Bouillé avoit ap(
188 )
3
porté des lenteurs à la preſtation de fon fermont
civique , & M. de Bouillé commandoit . Le patriotiſme
d'une fociété refpectée avoit été dénoncé ;
des troupes arrivoient les foldats en les attaquant
cont cru fervir leur patrie ... On a raffemblé
beaucoup de nuages fur l'affaire de Nancy;
on reconnoît affez cependant l'effet de fourdes
& perfides machinations »... On fera furpris que
dans la crainte qu'un jugement ne dévoilât les
premiers moteurs de ces perfides machinations ,
M. Grégoire ait adopté cependant le projet de
décret qui étouffe la procédure .
$
» J'attendois ainfi que vous , a dit M. de Noailles,
un rapport qui , mettant la vérité dans tout fon
jour , pût ramener une folide paix dans cette
malheureufe ville , où le nombre des victimes
furpaffe tant celui des coupables ; une paix à
laquelle fes citoyens ont le droit de prétendre ;
un rapport qui vous mît à même de donner un
grand exemple , en plaçant la févérité fous l'é
gide de la juftice , & en reconnoiffant deux claffes
diftinctes , les coupables & les innocens ; un
rapport qui vous indiquât les crimes à punir ,
pour prévenir à jamais le retour de pareils malheurs.
Celui qui a été chargé du rapport que
vous entendites hier , s'eft laiffé entrainer à fon
heureuſe facilité ; nous y avons fouvent cherché
des faits & n'avons trouvé que des formes oratoires
; notre éloquence fera la vérité ».
L'orateur a rapidement examiné la conduite
de la municipalité , celle du département , des
foldats , des officiers , des généraux , en citant
toujours le rapport des commiffaires du roi : il
n'a parlé favorablement que des citoyens de
Nancy , contre lefquels s'inftruit une procédure
criminelle : cependant a affirmé que du
( 189 )
ment où l'infurrection eft devenue générale ,
'y a plus de reproches à faire aux officiers ;
répété que la municipalité avoit voulu déférer
1. de Bouillé une autorité dictatoriale , &
on auroit peut être à reprocher à M. de
illé , d'avoir laiffé parvenir l'avant garde
fa colonne trop près du pofte qui gardoit
crée de la ville , & de l'avoir ainfi compro-
= contre fa propre intention : il a penfé que
de la Fayette avoit outrepaffé les bornes de
fonctions , en envoyant aux gardes natios
des départemens de la Meurthe & de la
felle , l'ordre de fe foumettre aux injonctions
général , pour obéir aux décrets .
De ces obſervations , M. de Noailles a conclu
le rapport eft infuffifant , que du parti qu'on
ndra dépend le deftin de la France , & qu'un
ment trop vague auroit de terribles dangers :
demandé un nouveau rapport , & un projet
décret qui , n'établiffant pas la néceffité de
dulgence fur la notoriété des crimes , fût
5 conforme aux principes.
M. de Cazalès à fuccédé à M. de Noailles .
fulte , a - t- il dit , de la maffe des faits qui vous
été rapportés , pour tout homme en qui l'ef
de parti n'a pas entièrement égaré la raiſon
é le crime de la municipalité de Nancy , eft
voir été craintive & foible ; que le corps
officiers du régiment du Roi , de Châteaueux
& de Meftre- de - Camp a été irréprochable...
En réfulte que rien ne fauroit excufer les cries
des foldats , ni ces hommes affreux qui
t excité , payé peut- être une infurrection , qui ,
s la fermeté héroïque de M. de Bouillé.... (de
olens murmures & les cris des tribunes, ont coupé
Parole à l'orateur ; il s'eft plaint de ce
( 190 )
qu'on ne l'écoutoit pas en filence ; M. le préfident
a rappelé les galeries au refpect dû à l'Affemblée
) . Une infurrection , a repris M. de Cazalès
, qui , fans la fermeté héroïque de M. de
Bouillé , fans le courage , au- deffus de tout éloge ;
de la garde nationale , eût répandu le meurtre
& le pillage fur toute la furface de l'empire ».
le
» On vous a parlé des privilèges , comme s'il
y avoit quelque relation entre les privilèges des
officiers du régiment du roi , & les crimes des
foldats : le rapporteur a blamé la fermeté de M.
de Noue , & l'expreffion de brigandage dont
s'étoit fervi cet officier... Quel est donc l'homme
qui peut excufer des foldats qui ont àffaffiné
leurs officiers , & pillé la caiffe du régiment ?
Ce n'eft pas fans fcandale que j'ai vu
rapporteur chercher à perfuader que des foldats
coupables de pareils excès , que des foldats
qui faifoient retentir ce yil cri : de l'argent ,
de l'argent , ont éte égarés par le patriotifme :
fi c'eft-là du patriotifme , l'application très -neuve
de ce mot m'explique pourquoi , dans la lifte des
patriotes , on trouve les noms de tous les agioteurs
, de tous les ufuriers de Paris , de toutes ces
fangfues du peuple qui s'en difent aujourd'hui les
défenfeurs ; pourquoi au premier rang des partifans
de cette prétendue liberté , fe font placés des hommes
, connus pour avoir facrifié leurs principes ,
leur moralité , leur naiffance & leur rang dans la
fociété , au vil amour de l'argent .
» Je m'attacherai aux deux difpofitions principales
du projet de décret , & j'eſſayerai d'en
démontrer la fouveraine injuftice : la première
eft le licenciement du régiment du roi & de
celui de Meftre - de - Camp . Tout prouve que
les officiers , irréprochables , ont donné l'exem(
191 )
ple difficile de fe laiffer outrager fans fe dé
fendre , & que les crimes des foldats font
incxcufables ; & ce font eux qu'on vous propofe
de récompenfer de trois mois de folde ,
tandis que les foldats qui ont achevé leur fervice
, qui au bout de huit ans obtiennent un
congé honorable , ne reçoivent que leur maffe
& l'argent néceffaire pour fe rendre à leur domicile
!

» La feconde difpofition annulleroit la procédure
dont l'inftruction eft commencée par le
bailliage de Nancy , commencée en vertu d'un
décret de l'Affemblée , fanctionné par le roi .
Etrange contradiction ! Je pourrois dire que s'il
fut fage & jufte d'en ordonner l'inftruction , il
eft maintenant injufte & impolitique de l'annuller
; je pourrois n'attribuer cette mefure qu'à l'efprit
de parti , qu'à la crainte de voir jaillir une lumière
redoutable : mais je néglige ces moyens , & je
rapppèle l'Affemblée aux premières idees de juftice .
Refufer d'inftruire une procédure fur un délit
public , c'eft un déni de juftice , & l'annuller
c'eft un acte de defpotifme : car s'il eft vrai que le
but de toute inftitution fociale , foit une protection
égale de l'honneur & des propriétés de tous
les citoyens , comment feroit-il poffible de jetter
run voile fur des crimes avérés , & que l'oubli le
plus profond enveloppât à la fois l'innocent & le
coupable ?... Tous les citoyens de Nancy , les
foldats innocens de ces coupables régimens , tous
pices individus entachés d'une accufation vague ,
ont le droit de vous dire : je demande que l'Afſemblée
nationale me faffe rendre justice ; qu'elle
n'accorde d'être jugé ; je demande que perfonne
ne puiffe me confondre avec des fcélérats & leurs
complices, Si quelqu'un vous tenoit ce langage ,
( 192 )
fon honorable réclamation feroit- elle rejettée -
Ich bien ! je la fais , moi , au nom des officiers ,
des foldats , en celui des citoyens de Nancy.
Et dans quel tems vous propofe - t-on de détruire
la trace de ces crimes ?
» C'eft dans un moment où la nation eft divifée
en deux partis qui s'accufent mutuellement
des défaftres dont nous gémiffons. La nation inquiète
attend l'occafion d'en difcerner les vrais auteurs.
Cette occafion eft trouvée : ceux- là feuls font
criminels , ceux -là feuls font des hommes exécrables
qui ont confeillé , fomenté , excité les crimes
commis à Nancy. Que la nation entière les
connoiffe , & les juge par les émiffaires qu'ils
avoient envoyés la lumière la plus vive doit
être portée dans cette oeuvre de ténèbres & d'iniquité.
Quoi vous fupprimeriez la procédure
commencée ! qu'il me foit permis de rappeler
aux Bretons qui fiègent dans cette Affemblée ,
quelle fut leur jufte indignation quand le feu .
roi fit enlever des greffes du parlement de Paris ,
la procédure dirigée contre le duc d'Aiguillon :
leur indignation fut jufte , la France la partagea ;.
& il n'y eut pas un bon citoyen qui ne fut
profondément affligé de voir le vertueux de la .
Chalotais , refter fous le coup d'une accufation
calomnieufe , quand le coupable d'Aiguillon jouiffoit
en paix de fes exactions .
» L'acte d'autorité qu'on vous propoſe eft non
moins odieux . Ce qui étoit injufte autre fois, feroitil
devenu légitime ?
Je veudrois cependant allier la justice avec.
la clémence. Que la procédure foit achevée
fauf à furfeoir à l'exécution . Alors je monterai
à cette tribune , je prierai l'Affemblé de porter
an
( 194 )
aux pieds du roi , qui feul a droit de faire grâce..
(ici les murmures ont affailli l'orateur , Tans le
réduire à fléchir ) . Je prierai l'Affemblée de
demander au roi la grâce de prefque tous les
coupables ... je dis prefque tous ; peut- être trouverez
-vous difficile de pardonner à ceux qui
avoient rempli la ville de Nancy d'aventuriers ,
d'hommes fans veu ; de pardonner aux hommes
pervers qui ont armé les citoyens les uns contre
les autres ; de pardonner aux affaffins du héros
de Nancy , de ce jeune Défilles , dont l'action
immortelle honore & le fiècle & l'ordre dans le
quel il étoit né .
яс
On ne fauroit peindre le tumulte qui a
fuivi ces paroles . M. Barnave lui - même ,
pouvant parvenir à fe faire écouter , M. de
Cazals a follicité l'attention de l'Affemblée
Pour celui qui l'avoit interrompu . Afin de caractérifer
le difcours du préopinant , M. Barnave
lui a imputé de remuer les cendres des
morts pour foulager la haîne d'un parti ennemi
de la révolution ; il l'a accufé d'avoir voulu déchirer
le coeur d'un homme qui n'a d'autres torts
que de différer avec lui de principes ; il lui a
prodigué les mots de malignité , de rafinement
de cruauté , & comblant la meſure , il lui a reproché
d'avoir infulté l'humanité , en faifant une
gloire & une vertu de diftinctions & de privilèges ,
qui pour la gloire de la nation & de l'humanité
, font heureufement détruits » : abrégeant
enfin ces qualifications , M. Barnave s'eft reftreint
à réquérir que , M. de Cazalès fût rappellé
à l'ordre , & que le procès-verbal portât ces deux
motifs pour avoir manqué à fon collègue
& pour avoir manqué à l'Affemblée » .
сс
:
La piété filiale portoit M. d'Aiguillon a følli-
N°. 51. 18 Décembre 1799.
Σ
1
1
(· 194⋅)
citer une juftice éclatante des injures & des ca-
Lomnies notoires de M. de Cazales ; mais il a
réfléchi que l'opinion & les principes de ce membre
du côté droit avoient peu d'influence fur
l'Affemblée & très - conféquemment fur la Nation.
Cette penfée ayant été fort applaudie des galeries
, M. d'Aiguillon a trouvé que tant d'hommages
vengeoient affez & lui & la mémoire de
fon père. M. de Cazalés a protefté fur fon
honneur , au milieu des murmures indéfiniſſables
, excités par le mot honneur , qu'il n'avoit
pas eu le deffein de défobliger M. d'Aiguillon ;
qu'il ne vouloit , en citant ce fait , qu'inviter
l'Affemblée à ne point commettre un acte généralement
confidéré comme l'effet du defpotiline ;
cc qu'après l'avoir cité , il en avoit cu du regret ,
parce qu'il n'aimoit à défobliger perfonne , pas
5 même M. d'Aiguillon ».
сс
сс A la manière dont M. Barnave a empoifonné
ce que j'ai dit , a continué l'orateur , je
demande que Í'Affemblée décide dans lequel de
nos deux difcours a cxifté le ton de l'efprit de
parti , le ton de la faction. Je defirerois que
l'Affemblée déterminât la nature du refpect qu'on
lui doit. Avec l'amour effréné de la liberté ,
nous ignorons celle qui doit régner dans les
corps délibérans . On doit pouvoir y fronder la
majorité ; l'invetiver même. Apprenez que chez
un peuple plus expérimenté que vous dans la
fcience de la liberté , on attaque les opinions
& les décrets . « Jamais , difoit Charles Fox ,
il n'y aura d'alliance entre l'oppofition & la
majorité , parce qu'il ne peut y en avoir entre
l'injuftice & la probité. Et nous auffi ,
fommes le parti de l'oppofition . Que la Nation
fache que nos principes ne font pas les vôtres ,
nous
( 195 )

qu'ils ne feront jamais les vêtres , que , foumis
à vos loix comme citoyens , nous avons
voté contre elles comme légiflateurs . Il n'y
a pas de liberté quand l'oppofition n'a pas
la liberté de la parole. Le parti de l'oppofition
eft toujours le parti du peuple. ( Les murmures
redoublent . ) Oui , meflieurs , quelle que foit
l'autorité dominante , qu'on la nomme defpote ,
Roi , Sénat , Aflemblée nationale , le parti de
l'oppofition est toujours celui des hommes les plus
indépendans , il eft le défenfeur du peuple. Sans
cela , qui apprendroit au peuple fi une majorité
infidèle ou corrompue le trahit ? Apprenez , legiflateurs
d'un jour , que c'est ce parti qui conferve
la liberté publique . Si vos décrets font
juftes , l'oppofition ne pouflera que de vaines
clamenrs ; s'ils ne font pas juftes , ce parti , qui
tendra fans ceffé à éclairer la Nasion , deviendra
la majorité de la Nation , & alors il fera bien
près d'ètre la majorité de l'Affemblée………………. ( Iciles
éclats de rire du côté gauche & des galeries
ont couvert la voix de l'orateur , qui , recoinmandant
fes prophéties au tems > a fini Par ces
mots ) : foit que l'Affemblée décrète ce qui
lui eft propofé , foit qu'elle paffe à l'ordre du
jour , je prie le parti de l'oppofition de garder le
plus profond filence . J'ai parlé d'après ma confcience
. Toute punition eft douce pour l'homme
de bien qui la fubit en faifant fon devoir.
Toujours bleffé du nom d'ordre , M. Barnave
'y a conftamment vu les droits de l'humanité
violés , & une profanation du fanctuaire des loix
conftitutionnelles ; il a fur-tout bien compté que la
délicateffe de l'Affemblée ne démentiroit pas la
fenne ,
I 2
( 196 )
Si je voulois parler la Lingue de M. Barnave
, a repris M. de Canales , fi je voulois
répondre aux miférables argutics dont il s'eft
fervi , je lui dirois que perfonne ne conteftoit
l'existence de l'ordre de la nobleffe à l'époque où
M. Defilles eft né ; mais fa futile accufation ne
Vaut pas l'honneur d'une réponse . Je plains
l'Affemblée nationale d'avoir dans fon fein des
membres qui la troublent pour des cauſes aufli
légères , des membres qui l'expofent au ridicule
de juger gravement , fi ce n'eft pas une attaque
contre les loix conftitutionnelles de l'Etat , que
de dire que l'action de M. Defilles honore Odre
dans lequel il eft ré .
Au refte , je prie de nouveau l'oppofition de
ne point me défendre une injuſtice de plus ne
fervira qu'à faire reffortir l'oppreffion fous laquelle
nous n'avons ceffé de gémir ».
M. Alexandre Lameth a accafé le préopinant
de s'ériger en chef de parti , qui otdonne
à fes foldats de faire filence ; d'attribuer
à une cafte des vertus qui appartiennent
à tous les citoyens ; d'avoir dit que la nation
décidera bientôt entre les deux partis , & fait
entendre que celui des amis de la révolution
s'affoibhiffoit dans l'Affemblée , le tout pour ra-
Dimer l'efpérance des mauvais citoyens ......
Quels font ces mauvais citoyens , a demandé
M. de Cazalès ?
• « Ce font , a ajouté M. Alexandre Lameth,
ceux qui font des proteftations , qui voudroient
créer des factions & fe mettre à leur tête ; ce
font ceux -là qu'il faut décourager....... Il y a
des vertus dans un parti , quand il s'oppofe au
defpotifme , aux progrès de l'autorité royale ».
Et en croyant qu'il n'y a de defpotifme au
( 197 )
monde que l'autorité des rois , l'Opinant a
fortement appuyé la motion de M. Barnave.
M. de Clermont- Tonnerre a pris la parole .
« Je ne fuis pas le feul , a -t- il dit , qui ait
fouffert , comme homme & comme citoyen , de
la longue & fcandaleufe difcuffion que vous venez
d'entendre. J'ai des raifons perfonnelles
de m'affecter de ce qui a été dit dans cette tribune
; mais je ne parle pas pour les hommes
c'eft pour les principes . Il n'y a pas de liberté
dans cette Affembléc , fi l'on ne peut y rappeller
les torts , les crimes même d'un individu . La
conduite publique , la mémoire de tous les hommes
appartient à chaque opinant . Il s'agiffoit
d'un délit public ; on a cru pouvoir le préfenter
comine le moyen d'une opinion ; doit-on , j'en
appelle à la confcicrce de M. Barnave , punit
celui qui l'a cité ? Je ne crois pas qu'on puiffe
rappeller un membre à l'ordre pour cela. On a
bien outragé , dans cte tribune , la gloire
d'Henri IV , & celui qui l'a fait , n'a pas été
rappelé à l'ordre ».
La feconde partie de la mation de M. Barnave
a été décrétée . M. de Cezalès reprenant fon
opinion fur le rapport de l'affaire de Nancy , &
Le voyant interrompu prefqu'à chaque fyll.be , a
dit :
e que l'Affemblée déclare qu'elle ne veut
entendre aucun des membres du côté droit ; ordonnez
, on vous cbéira : ordonnez , ou écontez
». Il a conclu à ce que la procédure flit
continuée jufqu'a l'exécution , & que les foldats
ne reçuflent qu'un fecours pour le rendre chez
eux .
M. Prignon a témoigné les plus grandes
frayeurs de cette procédure , & felon lui , pour
avoir la paix , il fut laiffet les brouillons im
13
( 198 )
punis , & couvrir la loi d'un voile . M, de Cril
lon le jeune a dit qu'avant d'écrire aux gardes
nationales de Lorraine , M. de la Fayette avoit
confulté les comités des recherches , des rapports
& militaire . M. de Noailles a propofé de réduire
le régiment du Roi à deux bataillons , d'en changer
l'uniferme , le nom , de l'appeller le 2 ; me.
régiment ; M. Emmery de laiffer vierge la queftion
de favoir fi nous devions négocier avec les
cantons Suiffes au fujet des Suiffes à notre folde;
M. de Virieu , que , par refpect pour les loix
monarchiques , les difpofitions du licenciement
foient renvoyées au Roi ; plufieurs voix ont
demandé qu'on révoquât les éloges décrétés ; le
réfultat de tous ces debats a été un décret conçu
en ces termes :
« L'Affemblée nationale , fur le rapport qui
lui a été fait au nom de fes comités militaire ,
des rapports & des recherches , décrète ce qui
fuit :
» Art. It . L'Affemblée nationale abolit toutes
les procédures commentées , tant en exécution
de fon décret du 16 Août , qu'à l'occafion des
évènemens qui ont eu lieu dans la ville de Nancy
, le 31 du même mois : en conféquence , tous
citoyens & foldats détenus dans les prifons , cn
vettu des décrets décernés par les juges de Nanou
autrement à raifon defdits évènements ,
feront remis en liberté imméement après la
publication du préfent décret .
cy ,
ל כ » II. Charge fon président de fe retirer pardevers
le Roi , pour prier fa majefté de donner
des ordres à l'effet du licenciernent des régimens
du Roi & de Meftre-de-camp.
25
III . Elle charge fon comité militaire de lui
préfenter fes vues , dans le plus ceurt délai , fur
( 199 )
les moyens de remplacer ceux des officiers , fousofficiers
, foldats , cavaliers & vétérans des régimens
du Roi & de Meftre-de-camp , qui , par
leur conduite & leurs fervices , feroient jugés
fufceptibles de remplacement.
› IV. L'Aſſemblée nationale , inftruite que
les membres de la municipalité de Nancy , qui
exiftoit à l'époque du mois d'août , ne font pas
ceux qui compofoient l'ancienne municipalité , fe
borne à révoquer l'approbation qu'elle avoit
donnée à l'ancienne municipalité ; révoque également
Fapprobation qu'elle avoit donnée au
directoire de département de la Meurthe ; elle
approuve le zèle & le courage énergique que la
municipalité de Metz & les gardes nationales de
Metz , Toul & Pont-à- Moufion ont montré
pour l'exécution de la loi dans l'affaire de Naney
, ainfi que dans les autres occafions où l'ordre
public a exigé leur intervention :
» Elle approuve particuliérement les principes
d'égalité conflitutionnelle & de fraternité civique ,
d'après lefquels la garde nationale de Metz a
refufé la décoration deftinée à un de fes membres
>>.
Du mercredi 8 Décembre.
Sur la propofition de M. Treilhard , au nom
du comité eccléfiaftique , l'Affemblée a décrété
que les nominations & collations de bénéfices
faites depuis l'époque du décret qui fufpend toute
nomination ; font nulles , encore que le décret
fur la conftitution civile du Clergé n'ait pas été
publié dans les paroifles , ou les lieux dans lesquels
ces nominations ou collations pourroient avoir été
faites . Elle decrète auffi que les religieux Convers
& foeurs Converfes auront voix en chapitre
I 4
( 200 )
pour l'élection des fupérieurs & fupérieures dans
les couvens qui feront confervés.
,
A la fuite d'un rapport motivé , M. Malouet
a propofé & fait accepter un décret qui maintient
provifoirement les lois , ftatuts , réglemens de
Police & procédés de pêche en ufage à Marſeille ,
autres que ceux du 29 Décembre 1786 , & du
9 mars 1787 ; confirme les anciennes loix qui
défendent la pêche aux boeufs ; maintient les conventions
fubfiftantes entre la France & PEſpagne
au fujet des pêcheurs Catalans ; les foumet
& antres à la jurifdiction des Prud'hommes
Pinfcription au bureau des claffes , à la contribution
dite de la demi-part ; permet que l'équi
page des bateaux fous pavilion François ou Efpagnol
, foit compofé de moitié François , moitié
Efenols ; autoriffe les pêcheurs Catalans domiciliés
à Marseille , à jouir de tous les avantages
communs aux pêcheurs François , pour l'étendage
des files , pour les élections aux places de .
Prud'hommes , aux mêmes conditions ; ordonne
qu'an officier municipal & le procureur-fyndic
affiteront aux délibérations pour les comptes &
dettes , que les conteftations pour l'élection feront
foumifes au directoire du diftrict , & en dernière
infrance , à celui du département . Nul ne fervira
hors de la rade qu'il habite . Le Roi fera prié de
concerter avec la cour d'Espagne les moyens
d'attacher au fervice naval de l'une & de l'autre
nation les gens de mer François & Efpagnols
domiciliés ou ftationnaires fur les côtes de France
on d'Efpagne. La ville de Caffis & tous les
ports qui en feront la demande feront admis à
jouir d'une jarifdiction de Prud'hommes , fur les
côtes de la Méditerrannée ,
( 201 )
Du jeudi , 9 décembre.
Après la lecture du procès- verbal , on a dif--
féminé quelques tribunaux de commerce & jugesde-
paix enfuite M. de Cuffy a lu , au nom du
comité des monnoies , un rapport & un projet
de décret qui rét or doit aux queftions ajournées
à cette féance fur la fabrication de nouvelles
efpèces , leur matière , leur titre , leur divifion .
Les improvifateurs n'étant pas fuffifamment préparés
, un nouvel ajournement , réfultat de quelques
débats pour s'affurer qu'on manquoit d'idées
claires , fera répéter , famedi prochain , cette leçture
dont le temps s'eft trouvé confumé en pure
perte . Mais l'importance de l'objet exige que l'on
médite le rapport imprimé.
M. Fermont a rappelé les bafes du tarif pour
la contribution perfonnelle aujourd'hui mobiliaire ..
Le premier article de fon projet de décret a été
adopté tel qu'il fuit :
39 Art. I. Les loyers au-deffous de 100 liv .
feront préfumés être de la moitié du revenu du
contribuable .
Ceux de 100 2 500 1. du tiers.
Ceux de rco
à 1,000 du
quart.
Ceux de 1,000 à 1,500 du cinquième. "
Ceux de
1,500
à 2,000 du cinq . & d.
Ceux de 2,000 à 2,500 du fixim . & d .
Ceux de 2,500 à 3,000 du fixièm : & d .
Ceux de 3,000
à 3,500
du feptième .
Ceux de 3,500
à 4,000 *
du fept . & d.'
Ceux de 4,000 à 5,000 du huitième .
Ecux de 5,000 à
*
6,000 du huit & d.
Ceux de 6,000 à 7,000
du neuvième .
Ceux de 7,000 8,000 du neuv, & d.
( 202 )
8,000 à 9,000 du dixième . Ceux de
Ceux de 9,000 à 10,000
Ceux de 10,000 à 11,000
Ceux de 11,000 à 12,000
du dixièm . & d.
du onzième.
du onz . & d.
Ceux de 12,000 & au - deffus , du douzième .
La difcuffion s'eft engagée fur le fecond article
. M. de Folleville a demandé qu'on ne laiffât
point indéfinie & arbitraire la quotité de cette
contribution ; qu'au fou pour livre fufceptible
comme on l'entend , d'être augmenté dans le befoin
, on fubftituât le quinzième fixe du revenu
préfumé fuivant ce tarif. M. Duport a objecté
que cet impôt eft une fubvention fixée immuablement
à 60 millions ; que ce que chacun en
devra , ne fera ni le quinzième , ní le vingtième ,"
mais fa part proportionnelle relativement au nombre
des contribuables pour que le total monte
à 60 millions . Si le fou pour livre étoit infuffifant
, on l'augmenteroit ; s'il donnoit trop , il
faudroit le diminuer ; ce n'eft qu'un taux approximatif.
M. Camus a penfé que les effrayeroit gratuitement
le peuple , & a préféré les fous pour livre
variables.Le choc de ces opinions plutôt jettées qu'établies
, tenoit bien moins de la difcuffion que du
tumulte . On a mis aux voix la priorité , plufieurs
épreuves ont laiffé des doutes , on a demandé
l'appel nominal ; & du fein des orages qui n'éclairciffent
jamais rien en légiflature délibérative ,
eft forti un ajournement au lendemain & la
féance a été levée .
Du jeudi , féance du foir.
e
ג
Une députation d'ouvriers de Paris eft venue.
sévéler aux législateurs les canfes , fans donte
( 203 )
ignorées , de l'extrême rareté du numéraire ; ce
font les accaparemens d'or & d'argent que font"
les aristocrates . Il faut fouvcht rappeler au peuple
que ce mot , d'une application abfurde dans le fens
qu'une ftupide férocité lui donne , n'a pas encore
perdu l'efficace d'un cri de fang & d'un
ferment d'anarchie. Par ce préambule , l'orateur
vouloit demander une caiffe où l'on pût échanger
des affignats contre de l'argent . Le préfident a , trèsà-
propos , loué le peuple de la patience héroïque
avec laquelle il fupporte , depuis fi long- tems ,
fes oppreffeurs. Il ne s'agit plus que d'avoir de
l'argent au pair des affignats .
On a écouté enfuite un rapport fur le mode de
la reftitution décrétée le 10 juillet dernier , des
biens , jadis confifqués , des non- catholiques expatriés
fous Louis XIV.
que
M. Barrere de Vieuzac a eu le malheur de réciter
une longue déclamation fur des faits
perfonne n'ignore , & fur des vérités traitées par
nos meilleurs écrivains . Il étoit difficile que
M. Barrere pût faire oublier Voltaire , Raynal
Rulhiere , dont il a gâté l'éloquence . Son rapport
paroît emprunté d'un fermon de Saurin.
Pour conclufion , M. Barrere de Vieuzac , dont
on ne peut trop applaudir les intentions , a propofé
& fait adopter un long décret qui fixe cette
reftitution d'environ deux millions , & dont voici
la fubftance :
Les héritiers ou ayans- droit des religionnaires .
fugitifs font appelés à recueillir les biens qui
fe trouvent actuellement dans les mains des fer
miers prépofés à leur régie ( le total du reverat.
en monte à 110 mille livres ) . Ils fe pourvoiront
par fimple requête en main-levée , dans le
16
( 204 )
délai de trois ans , devant le tribunal du diftri&t
ou font ces biens , en produifant leurs titres ou
complettant leurs preuves par enquêtes , même
de commune renommée . Tous documens leur
feront communiqués , copie ou extrait fans frais.
Ils n'entreront en poffeffion qu'après fignification
faite aux régiffeurs & fermiers , à la charge de
remboursement préalable des frais de culture &
ferences , & des fommes que les adjudicataires.
juttifieront avoir payées aux adjudicataires précédens
; d'entretenir les baux des locataires des
biens adjugés à titre de location , ou de s'en
libérer par compenfation de frais évalués. Ils
auront droit de réclamer le prix des bois coupés.
fur ces biens depuis le 10 juillet dernier , à dire
d'experts accordés ou pris d'office , & les rentes
conftituées par le gouvernement de deniers provenant
des biens confifqués & vendus . Tout prétendant
droit à la propriété des biens dont la mainlevée
aura été accordée en vertu du préfent décret
, fera tenu de fe préfenter dans le délai de
cinq années , à compter de la priſe de poffeffion ;
će délai courra , même contre les mineurs , fans
efpoir de reftitution , & les fruits ne feront répétés
que du jour de la demande. Les portions ou revenus
defdits biens confifqués , accordées alors
aux dénonciateurs , feront foumis à la même régie ,
compter du 1er janvier 1791. Les dons où ceffons
a titres gratuits defdits biens , font révoqués
fans reftitution de fruits , & ne vaudra la preferirtion
de 30 ans qu'en faveur des fucceffeurs ,
itre univerfel , des donataires ou ceffionnaires.
Les tiers-acquéreurs & fucceffeurs ne pourront
être inquiétés en aucun cas . Sera dreffe un tableau
defdits biens , enregistré & affiché dans
haque diftrict . Le délai de trois années expiré ,
à
à
( 205 )
les biens non -réclamés feront vendus , leur prix
placé & reftitué fans intérêt aux ayans - caufe , à
toute époque , fur titres . Le régiffeur - général consinuera
de recevoir jufqu'à la main - levée . Toutes
perfonnes nées d'un François ou d'une Françoiſe
expatriés pour caufe de religion , font déclarées
naturels François , s'ils fe fixent en France &
prêtent le ferment civique. Les fils de famille
fous puiflance doivent avoir le confentement de
leur père , mère , aïeul ou aïcule .
Du vendredi 10 décembre.
A la fuite de ventes de biens nationaux
M. Vernier a fait décréter que l'adminiſtration
préfentera un état général des dépenfes extraordinaires
néceffitées par les dégats des inondations ,
& qu'ainfi toutes demandes fur cet objet feront
adreffées par les directoires au pouvoir exécutif.
Un autre décret ftatue que les porteurs de
brevets de penfions fur lefquels font portés les
décomptes des anciens arrérages dus , remettront
leurs brevets aux bureaux de liquidation qui fcront
établis , pour en recevoir des reconnoiffances,
des décomptes payables aux époques qui feront
inceffamment déterminées .

M. Chaffey a préfenté , au nom de l'infatigable
comité eccléfiaftique , de nouveaux articles additionnels
au volumineux code relatif aux dépouilles
& air traitement , déjà mal payé , du clergé. Après
la lecture & l'adoption de ces articles , M. l'abbé
Bonnefoi a représenté que les articles IV & V
anéantiffoient abfolument les revenus des collégiales
, qui n'ont que des fondations & des dîmes
chargées de portions congues : les trois quarts
( 206 )
des collégiales font dans ce cas. L'obfervation a
été renvoyée & recommandée à l'humanité da
comité eccléfiaftique , qui s'eft manifeftée par l'addition
de quelques mots à l'article IV , que nous
imprimerons en italique . Le décret entier eft conçu
en ces termes :
« L'Aſſemblée nationale , inftruite des difficultés
élevées fur l'exécution de quelques- uns des articles
de fon décret du 24 juillet dernier , concernant le
traitement du clergé actuel , ouï le rapport de fon
comité eccléfiaftique , décrète ce qui fuit :
,
» Art . Ier . Dans les chapitres ou autres corps
dans lefquels la réfidence étoit de rigueur , &
dans lefquels , quand on ne réfidoit pas , les
abfens pourvus d'autres bénéfices places ou
emplois eccléfiaftiques exigeant réſidence , ne
participoient en aucune manière au revenu , ou
lorfqu'ils n'y avoient qu'une part moindre que
celle des préfens , lefdits abfens ne pourront ,
lors de la liquidation de leur traitement , porter
dans l'état de leur revenu eccléfiaftique aucunes
parties des revenus defdits chapitres ου bien ils
ne pourront y porter que celle dont ils jouiffoient ,
le furplus devant être divifé entre les préfens
fuivant la règle ou l'ufage obfervé dans lefdits
chapitres.
>
» II. Lorfqu'un eccléfiaftique fe trouvera titu→
laire de plufieurs bénéfices , fi les revenus de l'un
d'eux étoient abforbés par les augmentations ac-.
cordées aux curés & aux vicaires qui étoient à
portion congrue , & dont la déduction doit être
faite fur fes revenus , il ne pourra , fous prétexte
d'abandon de ce bénéfice , s'exempter de cette
déduction fur la totalité de fes revenus eccléfia
( 207 )
tiques , lui demeurant néanmoins réservé le minimum
fixé par les précédens décrets de l'Affem
blée .
» III . Dans la déduction à faire des charges.
en exécution de l'article XXIV du décret du 24
juillet dernier , on fuivra les règles ci- après :
». 1 ° . On ne déduira pas les décimes qui étoient
impofées avant l'année 1790 , ni les impofitious
mifes pour les derniers fix mois de l'année 1789
& pour l'année 1790 , ni aucunes autres impofitions
mifes ou à mettre .
» 2 °. On ne déduira pas les réparations locatives
des logemens des évêques & des curés , dont ils
font reftés chargés .

3º. On ne déduira par les diminutions qui
pourroient furvenir par vérufté ou cas fortuits.
» 4°. On ne déduira pas la dépenfe des fondations
& obits dont les béneficiers ou les corps
faifoient eux -mêmes le fervice dans les églifes non
paroiffiales , & à raifon duquel fervice ils jouiffoient
des biens affectés auxdites fondations &
obits , les revenus defquels biens ils porteront
dans l'état de leurs revenus eccléfiaftiques .
» On déduira :
" 1 °. Ce que les corps ou bénéficiers
payoient su fourniffoient
pour le fervice des fondations
o
obits qu'ils n'acquictoient
pas, eux mêmes , foit . dans leurs églifes , foit dans d'autres .
"
-
2º. Ce que les fabriques avoient droit d'exiger
pour le fervice paroiflial ou pour tout autre
fervice , tant fur biens affectés auxdites fondations ,
& obits , que fur d'autres biens .
לכ
3º . La fourniture des ornemens , des vafes
facrés ; les frais d'entretien du bas - cheur , des:
( 208 )
muficiens & organiftes , & toutes autres dépenfes
du cuke vis -a- vis des corps ou bénéficiers qui y
étoient affujettis ;
כ כ
24° . Les portions congrues des curés & des
vicaires , à railou de 1200 liv . pour les premiers ,
& 70 liv . pour les feconds , fauf l'exécution de
l'article XXV du décret du 24 juillet dernier ,
& de l'article III du décret du 3 acût fuivant ;
5. Les penfions affectées fur les bénéfices ;
» 6° . Les intérêts des fommes dûcs en particulier
par les corps ou les bénéficiers , à raifon
de leurs bénéfices , enfemble les rentes conftituées
foncières , ci-devant feigneuriales & autres ,
même les droits cafuels ;
כ כ
כ כ
7. Les réparations d'entretien des bâtimens ,
autres que celles locatives , à l'égard des logemens
des évêques & des curés ;
28 °. Les réparations auffi d'entretien des
églifes , choar , cancel , clocher , & autres édifices
religieux que fupportoient les corps ou les
bénéficiers , foit à raison des dimes , foit à raiſon
d'autres biens , fans déroger aux précédens décrets
qui les difpenfent de celles auxquelles ils auroient
été obligés pour des dégradations arrivées avant
le premier janvier 1790 .
9. La déduction pour les réparations fera
réglée dans la proportion du vingtième du revenu
des dines ou des biens fur lefquels il y avoit une
action pour le paiement defdites réparations .
» IV. Lors de la liquidation du traitement
des curés , n'entreront point dans la maffe de
leurs revenus eccléfiaftiques , les produits des biens
affectés à l'acquit du fervice maintenu provifoirement
par l'article XXIV du titre premier du
décret du 12 juillet dernier , concernant la conftitution
civile du clergé , des fondations des mefles ,
( 209 )
& autres fervices établis dans les églifes paroiffiales
non réunies légalement aux autres biens de la cure ;
conformément audit article , les curés & les prêtres
attachés aux égliſes paroifliales fans être pourvus
de leurs places en titre perpétuel de bénéfices ,
continueroin d'acquitter lefdites fondations & autres
fervices ; ils en recevront les émolumens les
curés & les vicaires qui feront ces fervices , les
recevront outre leur traitement ; les biens feront
adminiftrés comme par le paffé , le tout provi
foirement , & lefdies biens ne feront pas vendus
quant- à-préfent , fauf l'exécution des articles III
& XXV du décret du 24 juillet dernier .
פ כ
:
» V. De même les membres des chapitres ou
d'autres corps , afnf que les bénéficiers non curés ,
ne porterons point dins la maffe de leurs revenus
eccléfiaftiques , les produits des biens affectés aux
fondations des meiles & obits établis dans les
églifes paroifiales , foit qu'ils les acquittaffert
eux- mêmes ou non il fera pourvu à la continuation
deldits ſervices , s'il y a lieu , conformément
à l'article XXV du titre Ier du décret du
12 juillet dernier concernant la conftitution
civile du clergé & les biens affectés aux fondations
des meffes & autres fervices établis dans
les églifes paroiffi.les , & pour les paroiffes , feront
adminiftrés par les fabriques , à la charge d'en
rendre compte , conformément à l'article XIII du
titre et du décret du 23 février dernier .
2
» VI . Dans les chapitres ou autres corps ,
dans
lefquels il étoit de règle ou d'ufage de former
fous le nom de menfe capitulaire , ou fous toute
autre dénomination , use partic diftincte & féparée
des revenus , & qui avoit une deſtination particuhère
, cette menfe n'entrera point dans la mafle
des revenus individuels ou communs , furla quelle
( 210 )
les traitemens feront liquidés . Les fommes dans
cette menfe ne pourront être touchées par les
membres de corps , les dépenfes aflignées fur
eette menfe ne feront pas déduites .
» VII. Les membres des chapitres ou autres
corps qui avoient , à raifon de places amovibles,
telles que celles de tréforier , prévôt ou autres
une rétribution particuliere , ne pourront la porter
dans la maffe de leurs revenus individuels ; le
montant en fera réparti fur tous les membres.
» VIII . Dans les chapitres ou autres corps
dans fefquels les revenus étoient perçus en com
mun & enfuite partagés , il en fera fait une malle
commune dont il en fera affigné une portion à
chaque membre , fur laquelle fon traitement individuel
fera liquidé.
,, IX . Suivant les difpofitions de l'art . XXII
du décret du 25 juillet dernier , les baux courans
& exécutés en 1790 , ferviront , fans remonter
aux précédens , de règles pour fixer le montant
des revenus .
39 X. Néanmoins , les fommes promifes , ou
payées à titre de pot- de-vin , ou de telle autre
manière , feront ajoutées au prix du bail , lorfqu'il
fera établi qu'elles en faifoient partic , foit
par des actes d'une date certaine , antérieure au
2 novembre dernier , foit de toute autre manière
, pour les fommes promifes & encore dùes ,
& que les fermiers auront déclaré devoir , pour
fatisfaire à l'article XXXVII des décrets des 6 &
11 août dernier .
"" XI. Lorfqu'il n'y aura point de bail aux
termes de l'article IX ci- deffus , il fera formé
une année commune de 14 , en déduifant les
deux où les denrées auront été au plus haut prix ,
& les deux dans lesquelles elles auront été au plus
( 211 )
bas , fur l'état qui en fera fourni , lequel fera
vérifié d'après les comptes de régie , d'après les
renfeignemens qu'en pourra fe procurer en prenant
les obfervations des municipalités , ou autrement.
XII. Les baux des biens nationaux paffés à
des bénéficiers fupprimés pour darer pendant leur
vie bénéficiaire , font & demeurent réfiliés à
compter du premier janvier 1790 , fauf le paiement
de l'occupation de la même année 1790 ,
& l'exécution de l'article XXVI du décret du 14
juillet dernier 5.
La difcuffion fur la contribution perfonnelle a
ramené les mêmes opinions , les mêmes débats , le
même tumulte , la même crainte de faire déferter
Es villes , les mêmes efforts pour rapprocher cette
contribution de celle qui exigera du propriétaire
près d'un cinquième de fon revenu . Il n'y a eu
d'antre nouveauté que la propofition de M. Darnaudat
, d'un dix-huitième an befoin . Epreuves
doutcufes , appel nominal invoqué par le côté
droit , & rendu fuperflu par l'expédient de ce
dix-huitième , appuyé de l'autorité de M. Barnave.
Cet article fecond a été décrété tel qu'il
fuit :
fol
« Art. II. La partie de la contribution qui
formera la cote des revenus mobiliaires , fera du
pour livre de leur montant , préfumé fuivant
l'article précédent ; & dans le cas d'impuiffance.
du produit des diverfes cotes fixes de la contribution
perfonnelle , pour former la cotifation
générale de la communauté , le furplus fera réparti
fur la cote des revenus mobiliaires , juſqu'à
concurrence du dix-huitième , & enfuite fut la
cete d'habitation »,
( 212 ) .
Du Samedi 11 Décembre.
M. de Cernon avoit préfenté l'autre jour l'état
proffère du tréfor public. D'après de fi belles
efpérances , oa fe flattoit d'éviter les fecours
extraordinaires : la recette s'accroiffeit tellement ,
fuivant M. de Cernon , que jamais on ne vit
une plus grande abondance. C'eit donc avec un
grand étonnement qu'on a entendu aujourd'hui
ce même membre du comité des Finances, expofer
que les dépenfes de ce mois font de 68 millions ,
la recette de 23 , & qu'il fallut conféquemment
45 millions d'extraordinaire pour arriver au pair.
Le rapporteur , il cft vrai , a ajouté qu'on avoit
encaiflé 13 millions de numéraire ; qu'ils feroient
baiffer le prix . de l'argent que les befoms du
tréfor tenoient très-élevé , & qu'ainfi , malgré un
befoin de 45 millions , il étoit bon de thefaurifer.
Un décret a ordonné que la caiffe de l'extracre
dinaire fournira au tréfor public 45 millions en
affigeats pour le mois de décembre.
On a repris la fuite du projet de décret rela
tif à la contribution mobiliaire . Il n'y a guère cu
de débats un peu marqués que fur l'article VI ,
qui porte que le revenu foncier de tout proprié
taire fera évalué , pour 1791 , d'après fa contribution
foncière de 1790 , & que daus les provin
ces ou cette forte de contribution n'avoit pas
licu , on s'en remettroit aux déclarations des propriétaires
, certifiées par la municipalité ou font
les biens,
M. de Folleville vouloit qu'on retardât les
rôles de la contribution foncière . M. Fermond
a cru que ce retard feroit dangereux , qu'il fufffoit
qu'un contribuable dit je payois tant de
taille , tant de vingtième ; donc mon revera ch
( 213 )
35 .
de tant . « Dans les pays de taille mixte , a objecé
M. le Grand , l'évaluation propofée par le
comité cft impoffible ; ce renversement des cores
, certe anxiété qu'une évaluation variable &
fautive jette dans l'efprit des contribuables , font
pernicieufes . Le retard d'un trimestre n'a point
d'inconvénient Celui de faux frais inutiles pour
les municipalités , a répliqué M. Fermont ; &
l'affiette eft retardée , tout le fyftême de la contribution
manquera. « Vous perdriez la contribution
mobiliaire de 1791 , a ajouté M. d'André.
Prenez Penfemble des bafes de votre comité ;
il vous propofe cinq colonnes dans les rôles : le
vingtiême du revenu préfumé par le loyer , la
contribution de citoyen actif, la taxe des domeftiques
, chevaux , &c. , la contribution foncière ;
& une cinquième colonne , la cote d'habitation ,
qui fervira de fupplément à toutes les autres
contributions , il faut donc commencer par les
établir toutes ɔɔ̃.
L'expéditive préalable écarte les objections ,
l'article VI eft adopté fous une nouvelle rédaction
de M. Fermond , & les autres n'éprouvent aucune
difficulté. Voici tous ceux qu'on a décrétés .
Art. III. « La partie de la contribution , qui
forme la cote d'habitation , fera du 300 du
revenu préſumé , fuivant les difpofitions précédentes.
IV. Les manouvriers & artifans feront cotifés
dans la feconde claſſe , immédiatement inférieure
à celle où leur loyer les auroit placés.
» Il en fera de même des marchands qui auront
des boutiques ouvertes , & à l'égard des commis
& employés à appointemens fixes dans différens
bureaux , ou chez des banquiers , négocians , &c.
pourvu que leur loyer n'excède pas ; favor .
( 214 )
Pour Paris , 1200 liv. , 850 liv . dans les villes
de foixante mille ames , soo liv. dans celles de
trente à foixante mille ames , 400 liv. dans celles
de vingt à trente mille ames , 200 liv . dans celles
dix à vingt mille ames , & 100 liv . pour les villes
au-deffous de dix mille ames .
» Au
moyen
de ces réductions
, les uns & les
autres ne pourront
réclamer
celles accordées
par
Jes articles décrétés
pour les pères de famille.
V. » Nul ne fera taxé à la contribution perfonnelle
qu'au lieu de fa principale habitation ; &
fera confidérée comme habitation principale , celle
dont le loyer fera le plus cher ; en conféquence ,
tout citoyen qui aura plufieurs habitations , fera
tenu de les déclarer à chacune des municipalités
où elles feront fituées , celle , dans laquelle il fera
impofé , & de juftifier du paiement dans les fix
mois : fi , au furplus , il a des domeftiques & des
chevaux dans différentes habitations , chaque
municipalité taxera , dans fon rôle , ceux qui
féjourneront habituellement dans fon territoire .
VI. » Pour l'année 1791 , la déduction à raifon
du revenu foncier , qui doit être accordée
fur la cote des facultés mobilières , fera évaluée
d'après la contribution foncière qu'il aura
-payée en 1790 ; & quant aux parties du royaume
qui n'étoient pas affujetties aux contributions
foncières , on recevra la déclaration des proprié
-taires , pourvu qu'ils l'aient communiquée à la
-municipalité , de la fituation des biens , & fait
certifier par elle.
VII. » Le percepteur fera tenu de compter ,
dans les délais preferits , foit en argent , foit en
ordonnances de décharge & modération , foit en
juftifiant de l'infolvabilité des contribuables dans
la forme qui fera preferite pour 1791 .
( 215 )
Le refe de la féance a été rempli par un rapport
de M. le Brun , fur l'organifation du tréfor
public , dont la difcuffion eft ajournée .
Du famedi 11 , féance du foir.
>
On fe rappelle l'infurrection d'une partie du
régiment de Royal Champagne à Heldin. Les
officiers furent défobéis , la ville troublée la
municipalité en alarmes. Les uns & les autres
demandèrent de concert à M. de la Tour-du-Pin ,
de licencier les cavaliers féditieux, Le miniftre
n'ofant prendre fur lui cette mefure , conſulta
l'Affemblée & le comité militaire . L'Affemblée
loua la municipalité d'Hefdin , improuva la conduite
des foldats , & autorifa le roi à prendre les
mefures convenables au rétabliſſement de la difcipline
. Fort de cette approbation , le miniftre
envoie à Hefdin un infpecteur général ; la municipalité
fatisfaite fait affembler le régiment fur la
place ; 36 cavaliers font congédiés avec des cartouches
blanches depuis leur éloignement , le
calme s'affermit dans la ville , & la fubordination
dans le régiment . Les cavaliers renvoyés ne
fe tinrent pas pour battus : ils recoururent à
l'Affemblée nationale . On décida d'envoyer fur
les lieux deux commiffaires d'information ; S. M.
nomma pour remplir cette fonction , les préfidens
des départemens voifins leur procès - verbal a
confirmé les allégations de la municipalité & des
officicis.
:
Mais , pendant leur enquête , les cavaliers
renvoyés travailloient à Paris : la fection de
Mauconfeil les prit fous fa protection ; ils publièrent
un mémoire , d'où il réfultoit , fuivant
les us auxquels us fommes habitués depuis
un an , que victimes de leur civifme , ils étoient
( 215 )
facrifiés à l'ariftocratie des officiers & des muaicipaux
. Toute autorité eſt aujourd'hui une ariſtoeratie
, & quiconque s'en fert à maintenir l'ordre
& la fûreté , eft un ennemi de la révolution .
a
M. Salles , médecin de Lorraine , ayant fait
ee foir le rapport de cette affaire militaire , il
pris pour guide exclufif le mémoire & les maximes
des foldats : il a prononcé un jugement en conféquence.
Suivant le rapporteur , tout le monde
cft repréhensible , & perfonne ne doit être crû,
excepté les 36 cavaliers . Croira -t -on aux plaintes
des officiers ? Ce font , aux yeux de M. Salles ,
des aristocrates qui tyrannifent des foldats patriotes
? Croira - t - on la municipalité d'Hefdin ?
ariftocrate encore. L'ancien miniftre de la guerre?
tyran , ariftocrate , refractaire aux décrets ? Les
deux commiffaires du roi ? ariftocrates qui en
impofent dans leur procès- verbal.
Après avoir anéanti toutes les pièces juſtificatives
, M. Salles y a fubftitué fon opinion , &
il a propofé de blamer M. de la Tour-du- Pin ,
la municipalité , & de récompenfer les 36 victimes
du defpotifme miniftériel , en les plaçant
dans le corps de la marêchauffée .
M. du Châtelet a remarqué qu'il fuffifoit d'avoir
un grade pour être condamné fans rémiffion mi
preuves , par une partie de l'Affemblée , & que
cette étrange partialité offenfoit , néanmoins , &
la déclaration des droits , & l'équité naturelle, Il
a conclu par invoquer la queftion préalable
contre le rapport.
M. de Murinais a demandé fi le corps conftuant
étoit une cour martiale , & où il puifoit
le droit de rendre des jugemens militaires ? Quant
au miniftre de la guerre , s'il étoit blâmable ,
tout le comité militaire l'étoit avec lui. M. de
Murinais
( 217 )
Marinais a opiné à renvoyer les foldats à un
confeil de guerre M. de Noailles a adopté cet
avis ; il eft deveau celui de l'Aſſemblée .
Du Dimanche , 12 décembre.
Pour l'indemnifer d'une penfion de 22,000 liv .
le confeil avoit concédé à madame de Coaflin le
bail à vie d'un domaine alors royal. Aujourd'hui
l'Affeablée a repris le domaine ; madame de
Coafin pourra aller débattre fa penfion par
devant le comité ad hoc.
MM. de Cuffy , d'Autun & de Mirabeau ont
differté contradictoirement fur la fabrication
de la petite monnoie & du billon . Cette difculfion
n'a eu d'autre effet , pour aujourd'hui , que
de faire décréter l'impreffion du difcours de M.
de Mirabeau , où les uns ont trouvé des lumières ,
les autres un tiffu d'erreurs & de paradoxes.
Hier au foir , le miniftre de la guerre avoit
inftruit l'Affemblée que les patriotes Brabançons ,
difperfés par les Autrichiens , inondoient le dé
partement du Nord , & y commettoient des brigandages
à main armée . On a décrété , fur le
rapport de M. Merlin , que tout foldat étranger
eût à porter à la municipalité chez laquelle il fe
trouvoit , fes armes qui lui feront payées . Les
corps adminiftratifs ont ordre de veiller à la tranquillité
publique , & de requérir au befoin les
gardes nationales & les troupes de ligne .
Encore une municipalité condamnée ; celle de
Douai accufée par le département du Nord d'avoir
pris des délibérations propres à retarder la vente
des biens du clergé on l'a improuvée par décret .
En même-temps , on a prefque légitimé fa conduite
; elle avoit motivé fes réſolutions par l'af-
Nº. 51. 18 Décembre 1790. K
( 218 )
freufe pauvreté du peuple que la ruire du clergé
laiffe fans reffources . L'Affemblée a chargé fon
comit de mendicité de trouver les moyens de
fecourir les indigens.
Les fpectacles deviennent aujourd'hui
inabordables ; comme jes Sociétés où fe
mêlent des différences d'opinions : On ne
va plus y chercher un délaffement ; ce font
des foupiraux à l'incandefcence des efprits.
:
Vendredi dernier , on donnoit à l'Opéra Iphigénie
en Aulide. A moment du choeur chantons,
célébrons notre Reine , il s'éleva des applaudiffemens
& des bravo enthoufiaftes on fit recommencer
le choeur ; pluheurs voix s'y oppofèrent
: on infiſta ; M. Lainez , qui chantoit le
rôlé d'Achille , eut l'indifcrétion de fe rendre arbitre
du différend , en difant ; « meffieurs , je
crois que tout bon François doit aimer le Roi
& la Reine . Enfuite , il reprit le choeur , au
milieu des applaudiflemens & de coups de fif
flets mêlés aux apoftrophes . Non contens de
cette première fcène , des jeunes gens la complettèrent
, en jettant fur le théâtre une couronne
de laurier , aux pieds de M. Lainez. Cette incartade
ranima la fureur des oppofans ; la falle
retentit de menaces & d'invectives ; cependant
l'orage permit d'achever la repréſentation . La
querelle , fi l'on peut donner ce nom à un tumulte
effroyable , n'étoit que remife . Dimanche
dernier , lorfque M. Lainez parut , dans Jephte ,
les cris furieux , les reproches fanglans partirent
ne tous les coins du parterre , bien peuplé . L'acfe
retira , après avoir attendu quelques mi
( 319 )
nutes la fin de ce vacarme dont il étoit l'objet .
La fureur fe tourna alors contre les loges &
l'amphithéâtre , remplis de femmes & dejeunes gens,
auxquels on adreffa les propos les plus outrageans :
quelques voix leur ordonnèrent même de fortir
de la falic . M. Lainez ayant reparu , le bruit
recommença , & il n'obtint grace qu'en fe déclarant
bon citoyen , & en foulant aux pieds , aprês
l'avoir déchirée la couronne qui avoit failli
être pour lui celle du martyre, A la fortie du
fpectacle , plufieurs femmes furent injuriées ; les
huées & les menaces accompagnèrent à leurs voitures
les fpectateurs & fpectatrices qu'on ſoupçonnoit
complices de la fcène du vendredi.
·
Perfonne de raifonnable ne juftifiera ces
excès ; mais on ne fauroit trop fortement
blâmer les étourdis qui y ont donné lieu
par une provocation fi déplacée. Ils compromettent
à la fois & une Perfonne augufte
, & leurs parens , & eux- mêmes ils
réveillent des pallions qu'on croit très - fauffement
éteintes , parce qu'elles dorment par
intervalles ; ils deviennent de véritables pertunbateurs.
On ne fauroit trop exhorter les
perfonnes fages à s'abfenter des fp . &acles ,
& à laiffer le tort de leur Fcence à ceux
qui y exercent la fouvera neté . Nul n'eft
affuré en y entrant , d'en fortir fan & fauf!
Je connois un très - refpectable Député à
l'Affemblée nationale , qui manqua , il y a
peu de jours , de devenir l'objet d'un outrage
, parce qu'il plut à quelques régulateurs
de lui attribuer un coup de fiflet ,
K 2
( 220 )
parti des troifièmes ou quatrièmes, loges.
La pétition de la ville de Mendes , que
nous avons annoncée la femaine dernière ,
a été adoptée par toutes les Municipalités
& Districts du Département de la Lozêre ,
& par le Département lui-même : elle eſt
publique , & a pour objers , 1 ° . la nonémillion
des allignats dans le Département.
2º. La punition des crimes des 5 & 6
octobre. 3 °. La diminution des impôts.
4. La fixation des légiflatures fuivantes
dans une autre ville que Paris.
On fait qu'il exifte en Angleterre , en
Amérique , en Suiffe , à Genève , dans tous
les Etats libres , même fous les gouvernemens
modérés , autant de coteries civiles
ou politiques qu'il exifte d'opinions diverſes.
Jamais les Whigs à Londres n'imaginèrent
d'excommunier les clubs des Torys ; les
uns & les autres , ainfi que l'autorité publique
, laiffent differter ou déraiſonner en
paix , les fectateurs de toutes les croyances
politiques imaginables .
Cette tolérance mutuelle eft le vrai figne ,
eft le gage de la liberté. On peut regar
der comme livré à un defpotifme quelconque
, tout pays où ce droit de manifefter
en commun des fentimens , permis par
la morale , reçoit une atteinte. Dites alors
que la contrée attaquée d'un pareil fléau eft
fans efprit public , que le patriotisme n'y
eft qu'hypocrifie , que l'indépendance ,
( 221 )
fuivant la règle invariable des extrêmes ,
y a déia fait place à l'amour de la domination
, & que l'injuftice y enfante la
crainte des réfiftances.
Nous arriverions inceffamment à cette
nouvelle calamité , fi le droit d'affocier fes
penfées fur la chofe publique étoit réfervé
à certains uniformes , & fi une cafte privilégiée
, à l'aide d'intitulations populaires ,
pouvoit former à fon gré les rendez - vous
de fociété , à tous ceux qui ne s'enroleroient
pas fous fes étendarts . Cette violation
des loix n'eft pas fans exemple : dans
plufieurs villes & à diverfes repriſes , on
a entouré de dangers & dénoncé à la fureur
publique , divers clubs étrangers à
celui qui a piis le nom des amis de la
conftitution. Les démarches trop actives de
quelques-uns de ces derniers ayant paru
menacer la tranquillité publique , les mu
nicipalités de leur reffort les ont prohibés .
Le danger très - évident de leur exiſtence
ou des actes coupables pouvoient feuls
juftifier cette prohibition : l'Aflemblée nationale
en les faifant rouvrir , leur a
de houveau & irrém fiblement enlevé la
prérogative de troubier les autres affo
ciations .
Il s'en faut que tous les citoyens foient
attachés à la conſtitution , à la manière de
ceux qui s'en difent les amis par excellence .
ly a plus d'une demeure dans la maifon
K
3.
( 224 )
& d'imprimer librement , fauf à répondre de l'abus
de cette liberté , dans les cas déterminés par la
loi , f droits de l'homme , art. XI .
» Soumife aux loix fans lefquelles il ne fauroit
y avoir de véritable paix , la fociété ne
négligera rien pour en recommander l'obſervation
encore plus par fes exemples que par
Les préceptes , lors même que quelquesunes
de leurs difpofitions contrarieroient les intérêts
des individus , ou que leurs rapports avec
le bien général pourroient être conteftés par une
raifon éclairée ; parce que l'homme de bien fait
qu'il vaut encore mieux obéir à des loix qu'il
défaprouve , que d'exciter des troubles en courant
après une perfection chimérique.
» Fidèles à la conftitution qui appele tous &
chacun des individus de la fociété au fervice de
la patrie , ennemis autant par caractère que par
principes de cet efprit inquifitorial , & de ce
zèle convertiffeur qui pourfuit l'homme paifible
jufques dans le fanctuaire de fa famille , & dans
l'intimité de fa confiance ; les amis de la paix fe
garderont bien d'égarer l'opinion du peuple fur
le compte d'aucune claffe de citoyens , foit par
des difcours emphatiques débités fur des treteaux,
vrais fiéges des chartans qui les occuppent , foit
par des liftes de profcription qui tendent à éloigner
des emplois civils les perfonnes les plus dignes
de la confiance publique , les plus propres à les
remplir avec honneur. On ne les verra donc
point fouiller leurs regiftres par des notes infamantes
contre ceux qu'une injufte prévention
a intérêt de perfécuter , fe permettre ces motions
incendiaires qu'enfance l'aveugle phrénéſie ,
ces délations perfides qui ne fauroient trouver
d'apologiſtes que parmi les fectateurs de Machin(
225 )
vel , ni ces calomnics atroces deftinées à créer
chaque jour des phantômes abfurdes de contrerévolution
qui n'exiftent la plupart du temps
que dans l'imagination déréglée de ceux qui ont
intérêt de perpétuer les troubles . Tous ces moyens
déteftables qu'on chercheroit envain de couvrir
du prétexte fpécieux du bien public , n'occuperont
jamais nos délibérations , que pour y être
voués à l'exécration , perfuadés qu'une bonne
caufe ne peut fe foutenir que par des procédés
louables.
ou
» On nous dénonce comme les ennemis de la
conftitution , parce que , pour en faire mieux
gouter les effets , nous croyons devoir préférer
les voies douces & perfuafives aux moyens violens
& oppreffifs par lefquels l'ardent profélytifine
voudroit comprimer toutes les volontés
n'éclairer les efprits qu'à la lueur d'un feu dévorant
; amis de la paix , amis de la conftitution :
ces mots ne font - ils pas fynonimes ? Que feroit
la conftitution fi elle ne conduifoit à la paix ?
Et qui pourroit fe promettre une paix durable
fans une bonne conftitution ? C'est pour le
maintien de la paix qu'on fe réunit de toutes
parts . Qu'importe la diverfité des noms file
même objet nous raffemble , & s'il n'y a entre
nous d'autre différence dans les moyens , que
selle qui naît de la différence des caractères? »
Les menaces & les invectives ont déjà
été prodiguées à cette Société ; fans doute ,
la Municipalité , & la Garde nationale qui
eft celle des prérogatives du citoyen , ne
fouffriront pas qu'au mépris du décret le
plus récent & le plus formel , quiq e ce foit
ofe attenter fur la liberté d'une affemblée
légitime. I en exifle dans les mêmes
( 224 )
L
& d'imprimer librement , lauf à répondre de l'abus
de cette liberté , dans les cas déterminés par la
loi , droits de l'homme , art . XI ] .
» Soumife aux loix fans lefquelles il ne fauroit
y avoir de véritable paix , la fociété ne
négligera rien pour en recommander l'obfervation
encore plus par fes exemples que par
Les préceptes , lors même que quelquesunes
de leurs difpofitions contrarieroient les intérêts
des individus , ou que leurs rapports avec
le bien général pourroient être conteftés par une
raifon éclairée ; parce que l'homme de bien fait
qu'il vaut encore mieux obéir à des loix qu'il
défaprouve , que d'exciter des troubles en courant
après une perfection chimérique.
» Fidèles à la conftitution qui appele tous &
chacun des individus de la fociété au fervice de
la patrie , ennemis autant par caractère que par
principes de cet efprit inquifitorial , & de ce
zèle convertiffeur qui pourfuit l'homme paiſible
jufques dans le fanctuaire de fa famille , & dans
l'intimité de fa confiance ; les amis de la paix fe
garderont bien d'égarer l'opinion du peuple fur
le compte d'aucune claffe de citoyens , foit par
des difcours emphatiques débités fur des treteaux ,
vrais fiéges des chartans qui les occuppent , foit
par des liftes de profcription qui tendent à éloigner
des emplois civils les perfonnes les plus dignes
de la confiance publique , les plus propres à les
remplir avec honneur. On ne les verra donc
point fouiller leurs regiftres par des notes infumantes
contre ceux qu'une injufte prévention
a intérêt de perfécuter , fe permettre ces motions
incendiaires qu'enfante l'aveugle phrénéfie ,
ces délations perfides qui ne Tauroient trouver
d'apologistes que parmi les fectateurs de Machia(
225 )
vel , ni ces calomnics atroces deftinées à créer
chaque jour des phantômes abfurdes de contrerévolution
qui n'exiftent la plupart du temps
que dans l'imagination déréglée de ceux qui ont
intérêt de perpétuer les troubles . Tous ces moyens
déteftables qu'on chercheroit envain de couvrir
du prétexte fpécieux du bien public , n'occuperont
jamais nos délibérations , que pour y être
voués à l'exécration , perfuadés qu'une bonne
caufe ne peut fe foutenir que par des procédés
louables .
ou
» On nous dénonce comme les ennemis de la
conftitution , parce que , pour en faire mieux
gouter les effets , nous croyons devoir préférer
les voies douces & perfuafives aux moyens violens
& oppreflifs par lefquels l'ardent profély tifine
voudroit comprimer toutes les volontés ,
n'éclairer les efprits qu'à la lueur d'un feu dévorant
; amis de la paix , amis de la conftitution :
ces mots ne font-ils pas fyronimes ? Que feroit
la conftitution fi elle ne conduifoit à la paix ?
Et qui pourroit fe promettre une paix durable
fans une bonne conftitution ? C'est pour le
maintien de la paix qu'on fe réunit de toutes
parts . Qu'importe la diverfité des noms file
même objet nous raffemble , & s'il n'y a entre
nous d'autre différence dans les moyens , que
selle qui naît de la différence des caractères? »
Les menaces & les invectives ont déjà
été prodiguées à cette Société ; fans doute ,
la Municipalité , & la Garde nationale qui
eft celle des prérogatives du citoyen , ne
fouffriront pas qu'au mépris du décret le
plus récent & le plus formel , quiq e ce foit
ofe attenter fur la liberté d'une affemblée
légitime. I en exifte dans les mêmes
( 226 )
principes à Perpignan & en d'autres lieux :
on doit defirer qu'elles deviennent générales .
Pour la dernière nomination d'Officiers
Municipaux à Limoges , qui renferme plus
de 20 mille ames , il re s'eft raffèmblé que
150 Electeurs, A Grenoble, dont M. Barnave
a abdiqué la Mairie , feulement 406 votans
ont concouru à l'élection de M. Izoard
fon fucceffear : Cette ville , néanmoins ,
compte 200 citoyens actifs. Ce n'eft done
plus la volonté générale , ni même la majorité
qui décide des choix : une défertion
femblable aux premiers inftans de la révolution
, annonce ou une indifférence contre
nature , ou l'effroi que les Affemblées Electorales
caufent aux citoyens paifibles .
Avant hier lundi , Aflemblée Nationale
fut inftruite d'un nouveau foulevemennt
des payfans d'un diftrict du Quercy. Le
refus d'acquitter les rentes feigneuriales.
payables jufqu'au rachat , a été l'origine
de ces excès On a arboré des mais , & dreffé
des potences en figne de liberté, c'eſt à- dire,
pour y attasher ceux qui tenteroient de réclamer
leurs propriétés , & de faire valoir les décrets
du Corps législatif fur la perception
des droits féodaux, Ces menaces furieules
ayant obligé divers propriétaires d'invoquer
la force publique , l'infurrection eft
arrivée au comble. Sous la conduite d'un
nommé Linar, Commandant d'un Corps de
gardes nationales , 4 à 5,000 payfans font
entrés dans la ville de Gourdon , Chefieu
( 227 )
de diftrict , ont impofé la loi au directoire
& à la troupe réglée , dévasté nombre de
mailons , & commis dans les environs d'atroces
brigandages . Voici en quels termes
on en parle dans la lettre fuivante qui nous
a été communiquée.
De Belves en Périgord , le 7 décembre.
« Encore de nouveaux événemens , monfieur ,
l'efprit d'io furrection agite nos malheureux payfans ;
le défordre nous environne , & les flammes des
châteaux éclairent des fcènes d'horreur.
no
» Dans ma dernière lettte je vous ai parlé d'un
détachement de cent foldats du régiment de Languedoc
, qu'on a fait venir de Gourdon ( ville du
Quercy ) , pour arracher les potences & les fignes
d'infurrection des environs , & pour en arrêter
les auteurs. Quelques - uns de ces malheureux
qu'on avoit capturés out excité une foule de
paroiffes à la vengeance. Gourdon a été bientôt
rempli d'une foule innombrable de payfans armés
de faulx & de fufils ; on en porte le nombre à
plus de dix mille ( 1 ) . Ils ont fait rencogner le
détachement dans l'églife , & après vingt- quatre .
heures ce détachement, a capitulé , on n'a voulu
le laiffer fortic qu'après avoir été inftruit du nom
de ceux qui l'avoient demandé . On a nommé
M. de Fontange , M. Hébray , &c. La foule s'eft
portée chez eux , & leurs maifons ont été détruites
& démolies en entier . On les a cherchés
pour les pendre , mais ils avoient décampés , ainfi
que plufieurs autres gentilshommes ou bourgeois
fufpectés,
» Cet événement a fait foulever d'autres patoiffes
. Le prétexte du paiement des rentes a armé
(1) De 4500 fuivant le rapport fait , le 13 ,
à l'Affemblée nationale.
( 228 )
-
toutes les campagnes . On a brûlé le château du
Repaire , appartenant au comte de Beaumont ,
celui de M. de Durfourt Léobard à Salviat , &
plufieurs autres . Le château de St. Plainport ,
celui de M. de Clairmout Toucheboeuf , font
peut-être attaqués dans ce moment : il n'eft pas
poffible de vous dire à quel point eft porté l'effroi
général . Cette contagion n'a pas gagné , Dieu
merci , le côté de Sainte Alvère , ni encore aucune
des municipalités de notre diftri&t . Il y a aujou
d'hui ici une affemblée générale pour aviser aux
moyens d'empêcher le mal de gagner ; mais il
fera difficile d'armer les payfans pour conferver
les rentes , & moins encore pour les faire payer...
Les malheureux foldats ont été obligés de capituler
; & que pouvoient faire cent hommes contre
tant de monde ? Certainement , ces excès feront
dénoncés à l'Affemblée nationale ; mais il faut une
force majeure pour conferver la vie & les propriétés
aux citoyens ».
Je dém'ns le bruit répandu , & les contes de
certaines Feuilles publiques , fuivant lesquels
j'abandonne la rédaction de ce Journal. Je
n'y ai jamais fongé , & je n'y fongerai que ,
dans le cas où la liberté de la Preffe feroit
violée , foit par une loi , foit par quelqu'attentat
de l'anarchie. Je m'empreffe de raffurer à
cet égard un grand nombre de Soufcripteurs ,
qui m'ontfait l'honneur de m'écrireà ce sujet:
ils peuvent être convaincus , que, fi je quittois ce
travail , ils en feroient inftruitsfur le champ ,
ainfi que des difpofitions d'inviolabilité , par
lefquelles je m'afurerois la faculté de remplir
leur attente.
MALLET DU PAN.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 25 DÉCEMBRE 1790.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE
A Mademoiſelle D ***. M****.
EH quoi ! vous n'avez pas vingt ans ,
Et vous trouvez inexcufable
Qu'on vous prêche de temps en temps
De n'être pas fira fonnable ?
L'efprit altier , le froid bon fens ,
Arrangent de beaux argumens.
Sur le projet fou d'être fage :
Mais le coeur un peu moins fauvage
Blâme ces efforts impuiffans ,
Et tôt ou tard s'en dédommage .
Les aimables égaremens
Doivent être votre apanage ;
No. 52. 25 Décembre 1790.
G
134
MERCURE
Car fans cux , toujours le bel âge
Deviendroit l'âge d.s teur nens.
Et que faire , hélas ! de la vie ,
Si l'on ne fait pas en jouir ?
Quand une rofe épanouie ,
Sous votre main vient de s'offiir ,
Faut - il , fans ofer la cueillir ,
Attendre qu'elle foit , flétrie ?
Mais je ne veux point en fermons
Venir rhabiller au Parnaffe
Les intéreffantes leçons
Et de Salomon & d'Horace ,
Je n'ai point leur art enchanteur ;
Puis , qu'eſt-il befoin que j'étale
Tous les préceptes du bonheur ,
Quand la Nature en votre coeur
A gravé la même morale ?
Suivez donc fes confeils fecrets
Ofez mériter fes bienfaits ;
Mais fi l'amour vous effarouche ,
Abjurez l'amour pour jamais :
Que la feule amitié vous touche.
L'amitié , faite pour vos goûts ,
Et plus délicate , plus tendre
Que cet amour fi craint de vous ,
Et pourra bien mieux vous apprendre
Combien le fentiment eft doax ,
Joycufe , fière de vos chaines ,
DE FRANCE.
135
Elle remplira vos loisirs ;
Vos volontés feront les fiennes ;
Et fi malgré tous fes défis ,
Vous prévoyez encor des peines ,
Elle faura les rendre vaines ,
Et vous les changer en plaifirs.
( Par M. C... )
LA RAISON ET L'AMOUR ,
ALLEGORIE.
LA Raifon cheminoit un jour
( Modeftement c'eft fon ufage ) ;
En pompeux & lefte équipage ,
Ce jour-là voyageoit l'Amour.
On connoît affez fon cfcorte :
1 étoit précédé par les Jeux & les Ris ;
Les Défirs le fuivcient pour lui prêter main-forte,
i par Indifférence il fe trouvoit furpris.
Tous les Mertels à fa puiffance
Rendoient hommage & payoient leur tribut.
Enfin il s'arrêta chez la coquette Hortence ;
Avec tranfport , avec reconnoiffance ,
Vous jugez bien qu'on le reçut .
La Raifen , dont la marche eft lente
Une heure ou deux après l'Amour ,
G
136 MERCURE
Arrive autfi dans le féjour
Qu'habitoit la jeune imprudente .
Elle frappe : on a court.-th quoi ! c'eft la Raifon ?
Dit Hortence ; en honneur ... la bonne...
Je voudrois bien pouvoir en ma maiſon
Vous donner gîte ... mais . .. Cela s'entend ,
in gnonne !
-
Vous avez un Hôte charmant
Qui vous occupe ; & , pour l'inſtant ,
Il ne vous refte point de place ;
Je fens que je vous embarraffe ,
Ainfi je me retire. Adieu ! la mère , adieu !
-
Dame Raifon , foignant d'abandonner ce lieu ,
Refte à la porte. Eh mais , la vieille folle ,
-
Dit en riant le Dieu frivole ,
Choififfoit à ravir fon tempss !
Et puis de folâtrer , & de rire aux dépens
De la refpectable Déeffe.
Près d'Hortence , d'abord , l'Amour flatte & careſſe,
Infpire le tendre défir ,
Le couronne par le plaifir ;
Mais bientôt il fe fait connoître :
Ce n'eft plus un Dicu féduifant ,
Refpectueux , foumis ; c'eft un injufte Maître
Qui parle én Souverain & commande en Tyran.
La Belle enfin défefpérée ,
Appelle à fon fecours , s'enfuit toute éplorée.
La Raifon revient à ſes cris.
DE FRANCE. 137
Qu'avez - vous , chère enfant je fuis ſenſible &
tendre :
Qui peut donc à ce point alarmer vos efprits ?
-Hélas ! c'eft lui. -- - Qui ? — Lui. Je commence
à comprendre .
Comment ! l'Amour chez vous fait déjà le lutin !
J'ai prévu ce qui vous arrive :
Dès long-temps je connois l'humeur de ce mutin.
Mais modérez une douleur ſi vive ;
Entrous , & n'ayez plus d'effroi .
- Que voulez-vous ? Hortence eft ſous ma loi ,
Cria l'Amour Ici , vous n'avez rien à faire .
Seriez-vous affez téméraire
Pour me la difputer ? Croyez -moi , filez doux.
Afon aide auffi-tôt il appelle fa fuite.
Mais quel dut être fon courroux !
Les Ris , les Jeux , tout avoit pris la fuite
Quand la Raifon aveit paru.
L'Amour , honteux & confondu ,
Ne pouvoit défendre la proie ;
A la Raifon il fallut la céder .
Hortence , à ce qu'on dit , le vit partir fans joie ,
Et pour l'ingrat encor vouloit intercéder.
( Par M. de Limoges , de pl. Acad. )
G3
138 MERCURE
Aux Manes du nouveau D'ASSAS.
Pour le falut public , & pour tes ennemis ,
Tu meurs , jeune Héros , innocente victime ;
L'inexorable Mort t'arrache donc le prix
De ton dévouement magnanime !
O généreux DÉSILLE , ombre chère & fublime !
Si l'Amitié , muette en fes douleurs ,
Ne peut honorer ta mémoire
Que par des fanglots & des pleurs ,,
Pardonne-lui : rien ne manque à ta gloire ;
L'Humanité , l'Amour & la Nature en deuil ,
Les regrets de LOUIS feront de ton cercueil
Un monument éternel dans l'Histoire.
( Par M. Michel , Chaffeur - Volontaire
de la Section de l'Arfenal. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LLE mot de la Charade eſt Brochure ;
celui de l'Enigme eft Im-promptu ; celui du
Logogriphe eft Monde, où l'on trouve Ode,
Mode , Onde, Démon , Dâme.
DE FRANCE. 139
CHARADE.
MON fecond & mon tout font faits de mon
JE
• premier ,
Et leur unique difference
Ne confifte que dans une anfe.
( Par M. Gaillard , D. M. à Ri... eu. )
JEV
ÉNIGM
E viens fans qu'on y penfe ;
Je meurs en ma naiffance ;
Et celui qui me fuit
N'arrive point fans bruit.
E.
( Par M. Guérin , à Valenfolle. )
LOGO GRIPHE.
E fers le Dieu de paix , Lecteur , avec ma tête ;
C'eft le Dicu des combats que je fers fans matête ;
Je fuis trifte à préfent , penfif avec mà tête ;
Je fuis , plus que jamais , brillante fans ma tête ;
L'on m'évite , on me fuit , Lecteur , avec ma tête ;
Chacun me veut avoir , me porter fans ma tête ;
La Conftitution je hais avec ma tête ;
La Conffitution , je la défends fans tête ;
Un décret me détruit , hélas ! avec ma tête ;
Et ce fage décret , je le foutiens fans tête.
( Par M. Juhel , Membre de la Société
Patriotique de Loches. )
G 4
140
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ABRÉGÉ des Tranfactions Philofophi
ques de la Société Royale de Londres ,
Ouvrage traduit de l'Anglois , par une
Société de Savans , & réligé par ordre
de matières , fous la direction de M.
GIBELIN , Docteur en Médecine , Membre.
de la Société Médicale de Londres , &c.
A Paris , chez Buiffon , Libraire , rue
Haute- Feuille. Il en paroît déjà 10
volumes in - 8 ° . avec des planches ; 4 liv.
of chacun broché , pour Paris &
sliv. franc de port par la Pofte.
33 DANS
ر
ANS une Société civilifée , dit le cé-
» lèbre Smith ( 1 ) , il faut à chaque inftant ,
» pour une foule de befoins , le concours
d'une foule de perſonnes “.
23
Cette vérité , confirmée par l'expérience
journalière , avoit été fortement fentie en
Angleterre par plufieurs hommes du premier
mérite , lorfqu'ils fe proposèrent de
donner naiffance à la fameufe Société dont
( (1 ) Recherches fur la nature & les caufes de
la richeffe des Nations.
DE FRANCE. 140
On publie les Mémoires. Ils avoient apperçu
que fans le concours mutuel de:
toutes les Sciences naturelles , le Commerce
& Agriculture ne pouvoient faire
que des progrès auffi lents qu'équivoques ,
parce que tout devoit alors le réduire aux
tâtonnemens d'une routine aveugle . Combien
, même de nos jours , n'a - t-on pas
encore à lutter contre la routine & les
préjugés dans prefque toutes les parties
des Sciences , & fur tout de l'Agriculture ,
faute de connoître au jufte la nature des
matières qu'on pourroit mieux employer,
& les moyens que les Arts fourniffent
pour exécuter les opérations les plus fimples
& les plus utiles ! On ne veut pas
fentir que c'eft en étudiant la Nature
qu'on peut fe mettre en état de connoître
les degrés de fon énergie & de fes
reffources fpontanées , prefque toujours.
fupérieures à celles de l'homine .
Il falloit le courage des hommes célèbres
dont on préfente ici les Mémoires en françois
, pour lutter non feulement contre l'ignorance
& les préjugés , mais même contre
les temps orageux de plufieurs règnes , &
donner enfin à leur Société la ftabilité &
la fplendeur qu'elle a aujourd'hui.
On fent de quelle utilité il eft pour nos
Lecteurs de trouver rangées par claffe
toutes les matières qui ont rapport au
même objet , ou s'en rapprochent par
quelque analogie.. Malgré la difficulté de
G. S
142 MERCURE
l'entreprife , & le travail prefque rebu
tant auquel M. Gibelin & fes coopérateurs
ont dû fe livrer pour ramener à
un ordre , pour ainfi dire , fyftématique des
détails analogues , du foixante - quinzième
volume au premier, &c. on doit dire à leur
éloge , que leurs rapprochemens & la faite
de leurs extraits ne laiffent rien à défirer , en
conféquence du plan qu'ils ont fuivi .
Mais dans la foule de matières que
préfente l'immenfe collection originale , il
en eft de peu d'importance , & qui fortent
néceffairement de l'enfemble fyftématique
particulier à cet Abrégé. M. Gibelin &
Les coopérateurs fe font alors contentés
de reprendre de ces matières ce qui s'y
trouve de particulier , ou d'indiquer feulement
les tomes & le n° . où fe trouvent
ces petits articles dans l'original.
On aura donc , dans les onze claffes déterminées
par M. Gibelin , tout ce que la
Société Royale de Londres a produir jufqu'à
nos jours dans fa vafte Collection ,
pour les progrès des Lettres , des Sciences
fpéculatives & pratiques , & de l'Agriculture
; en un mot , pour la perfection de
la raifon humaine .
Voici ce qui a été publié jufqu'ici des
différentes claffes de cet important Abrégé
: Volcans , Tremblemens de terre par
tout le Globe , Curiofités naturelles , Evènemens
extraordinaires , Fofiles , Pétrifications
, Zoologie ou les Quadrupèdes ,
DE FRANCE. 143
Oifeaux , Amphibies , Piffons , Vers , Infec
tes ; la Botanique proprement dire , qui
préfente le catalogue de 2550 eſpèces de
Plantes , & nombre d'Oblervations fur
plufieurs Plantes rares ; l'Agriculture , le
Jardinage , l'Economie rurale & tour ce qui
ya rapport ; la Phyfique expérimentale ,
la Phyfique animale & l'Anatomie , la Matière
médicale & la Pharmacie , qui comprend
tout ce qui eft tiré des règnes végétal
& animal ; l'Antiquité , c'est - à - dire
les anciens caractè es numériques des Phéniciens
, des Indiens ; Dates anciennes
Géographie ancienne , Infcriptions Gec
ques , Romaines , &c.; Monumens religieux
, Etrufques , Egyptiens , & c . Médailles
, Beaux- Arts ou Monumens militaires
; Mélanges de monumens ; Moeurs ,
Coutumes , Ufages ; Métaphyfique du langage
; Hiftoire des Langues ; Hiftoire Lit-'
téraire ; Deffeins , Peintures , Architecture
; Mufique , Inventions , Machines ;
Mélanges ou Généralités fur les Voyages ;
Voyages au fud & au nord de l'Europe ,
en Afie , dans l'Inde , aux Iles de l'Alie
auf Japon , en Chine , à Ceylan , en Afrique
, en Amérique ; Annuités ; Probabilités
fur la Vie.
La réunion de tant d'objets divers , qui
tous le rapportent à un même, but , l'étude
de la Nature , ne peut former qu'un
enfemble infiniment précieux.
G 6
144
MERCURE
VARIÉTÉ S.
AM. DE LA HARPE , fur un Article
du Mercure précédent.
EN
-
·
N vérité , Monfieur , j'ai pitié de votre profonde
ignorance. Vous paroillez bien l'avouer
dans votre Article fur la Bouche de Fer , mais
c'eft ironiquement , & vous en donnez pourtant
des preuves très férieufes. Vous êtes fur cet
objet inepte , j'ofe le dire , à peu près autant
que Voltaire. Je dis inepte , par oppofition avec
adepte vous voyez que c'eft le mot propre.
Tous deux , comme des Colin Maillard , le
bandeau fur les yeux , vous avez touché du doigt
la vérité que vous vouliez attraper , & vous
n'avez pas eu l'adreffe de la faifir . Vous , par
exemple , Monfieur , vous avez apperçu que le
Cercle Social étoit une Inftitution Maçonique;
& parce que vous ne connoiffez pas les myftères
de la Maçonnerie , vous en avez conclu quelle
n'avoit point de mystères , ou que fes mystères
& ceux de la Bouche de Fer étoient ridicules.
Pour moi , Monfieur , qui , dans ma jeuneffe ,
me fuis un peu occupé des Initiations anciennes
, & qui fuis un échappé des initiations
modernes , permettez -moi de vous inftruire , &
de mettre devant vos yeux deffillés ce que ma
mémoire pourra me rappeler de ces fublimes
découvertes . Je vous offre un petit peloton qui
pourra vous conduire , au moins un bout de
DE FRANC E. 145
chemin , dans l'inextricable labyrinthe de tout
ce que la Métaphyfique a de plus merveilleux
& de plus divin.
Sachez donc , Monfieur , que depuis les anciens
Brachmanes de l'Inde , & les anciens Mages
d'Egypte , & les anciens Prêtres d'fis , de Cybelle
, de Cérès , de la bonne Déefle , & les anciens
Bardes de Mona , & les anciens Druïdes ,
jufqu'aux Arrifans modernes de la place Maubert
, il y a toujours eu des aflociations myf
télieufes , où l'on n'étoit admis qu'après des
épreuves plus cu moins rigoureufes. Si vous , &
beaucoup d'autres , n'avez vu dans ces Inftiutions
modernes que des rapprochemens de Société
pour faire des repas ou des actes de bienfaisance
, c'eft qu'en effet la plupart des initiés
eux-mêmes n'y connoiffent pas autre chofe . On
leur pré ente bien un fonds d'allégorie , dont les
accefloires fe développent de grade en grades
mais ils n'en ont que les types , & attrape qui
peut. C'eft à chacun d'eux à i aginer ce qui
peut être caché fous ces emblêmes . Les vrais
adeptes font ceux qui ont faifi le véritable fens
de ces myftères. C'eft pour eux que la lumière
a fait place aux ténèbres ; ce font eux qui pofsèdent
la vérité.
-
-
Mais , me direz-vous , la vérité eft fi belle
pourquoi ne pas la rendre publique ? C'eft
que tous les hommes ne font pas dignes de
l'entendre. En ce cas , pourquoi multiplier le
nombre des initiés ? C'eft qu'il feroit bon que
la vérité fût univerfelle , & qu'en la préfentant
à tous par le fecours de la parole , elle n'eft
pourtant connue que par ceux qui font intelligens.
C'est encore parce que beaucoup de gens.
ont vu comme vous , dans ces affeciations , des
146 MERCURE
1
parties de plaifir , & que cela leur a fuffi. Les
Romains , du temps des Céfars , en avoient fait
des parties de débauche. Une dernière raifon
d'augmenter le nombre des initiés , c'eft le défir
de bien garder le fecret. Vous conviendrez qu'en
le difant à tout le monde , il n'y aura plus per-
-fonne qui puiffe l'apprendre à d'autres.
La vérité eft que ce fecret communiqué par
la parole , mais par une parole mystérieufe , n'en
refte pas moins caché , puifqu'il n'eft compris
que par les plus intelligens . Je vais pourtant
vous le préfenter dépouillé de tout emblême , &
je le puis fans rifque cette vérité eft fi fublime
, fi extraordinaire , que ceux même devant
qui je l'expoſerai nue , ne la reconnoîtront pas.
Montez donc avec moi fur la cime la plus ardue
de la Métaphyfique.
Le Monde eft un grand animal qui vit & fe
meut au moyen d'une ame univerielle qui le .
remplit dans toutes fes parties : cette ame eft
Dieu , la Nature , tout ce que vous voudrez .
Tous les êtres ifolés dont les corps font une
partie de ce grand Tout ( Пay , le Dieu des
Anciens ), font auffi également remplis d'une portion
de cette ame univerfelle. Notre ame eft
donc une émanation de la grande ame. Celle des
animaux qui n'ont point la parole , étant moins
confidérable , eft auffi moins parfaite ; car plus
la portion cft grande , & plus grande et l'intelligence.
Cette portion diminue par une chaîne
non interrompue , depuis les Anges ou Elprits
aériens , dont l'émanation eft la plus volumineufe
, jufqu'au polype qui paffe pour l'intermé
diaire entre l'animal & la plante , & depuis le
polype jufqu'au caillou qui végète encore , tout
infenfible qu'il paroît.
DE FRANCE 147
Plus les ames fe rapprochent , s'uniffent , fe
confondent , plus la portion d'intelligence s'augmente
; cela eft clair. Voilà pourquoi il feroit
avantageux que tous les hommes , qui , comme
vous voyez bien , font frères , puifqu'ils ne font
que des fractions du grand Tout , communiqua
fent entre eux d'un bout de l'Univers à l'autre ,
& augmentaflent leur puiffance en reflerrant les
liens de la fraternité. Quand un homme nuit à
un autre , c'eſt comme fi votre main arrachoit
votre oeil , & comme fi votre dent mordoit votre
bras ; le grand animal en eft de même offenſé
dans fon enfemble.
Demanderez-vous comment l'ame univerfelle ,
étant un être ſpirituel, peut être ainfi divifible ? Je
vous demanderai à mon tour, comment la lumière,
qui n'eft pas matérielle non plus , fe divife pourtant
en une infinité de rayons ? Ne dites pas que
la lumière foit matérielle ; qu'elle foit perceptible
au moins à un de nos fens , puifqu'on la
voit ; car on ne voit pas la lumière : feulement
elle fe répand fur les corps , & c'est par elle
que l'on voit. Si vous demandez , avec les Matérialistes
, comment un être fpirituel peut remplir
un être matériel & agir fur lui ; je vous
répondrai , que le feu , qui n'eft pas plus matériel
que la lumière , remplit les corps & agit fur
eux quand il eft mis en action. Si vous me dites
que le feu eft matériel , puifqu'il brûle ; je vous
dirai qu'il ne brûle point ; feulement par fon action
il modifie les corps de manière à les rendre
brûlans . Mais cela eft contraire aux plus fimples
notions de la Phyfique. Oui , de la vôtre..
Mais qu'est- ce que votre Phyfique ? c'eſt comme
vatre Théologie.
-
Vous ne comprenez pas encore comment des
êtres ifolés , qui n'ont aucun rapport fenfible l'un
148 MERCURE
&
à l'autre , peuvent être parties intégrantes Fun
feul être qui eft l'Univers , qui eft la Nature ,
qui eft Dieu Sav z - vous ce que c'est qu'un
ver folitaire ? C'eft , au moins à ce qu'on dit ,
un grand animal ng de plufieurs aunes ,
compofé d'une infinité d autres petits êtres qui
ont une vie à part , & dont la vie ou l'animation
particulère est pourtant dépendante de la
vie du grand ver. On peut tuer quelques - uns
de ces petits animaux , fans nuire aux autres
portions & fans détruire le tout ; mais on ne
pourroit quer le grand animal , fans porter aufli
la mort dans les autres parties animées qui le
compofent.
Voilà le Systême du Monde , que Voltaire avoir
entrevu , dont il parle dans plufieurs endroits de
fes Ouvrages , & dont il n'a pas fa faire l'applica
tion ; voila ce qu'enfeignoient les Prêtres d'Ifis ,
& Ifis eft la Nature : voilà ce qui eft également
caché dans les fables allégoriques des Francs-
Maçons. Je n'ai pas befoin , Monfieur , d'aider
votre imagination pour tirer toutes les conféquences
de cette doctrine . Je vais feu ement reprendre
de bout en bout votre Article , & vous
expliquer ce qui a pu vous embarraffer.
1º. Vous demandez ce que c'étoit que les
anciens Interprètes de la. Nature. C'étoient les
Hyérophantes , les Prêtres cha gés de développer
aux initiés le Syfiême phyfique & métaphyfique
du Monde , car les mystères embraffoient ces
deux branches , témoins les mots allégoriques de
grand Architele de l'Univers , &c.
2º. Vous vous moquez un peu de l'étendue
qu'on veut donner à la régénération univerfelle ,
& de ce qu'il fuffit de vouloir. Vous devez
comprendre maintenant que plus les ames , por
DE FRANCE. 149
"
tions de l'ame universelle , fe réuniront en grand
nombre , plus elles renfermeront de cette puiffance
immenfe & créatrice , &c .... Si tous les
hommes avoient la lumière & vouloient , il n'y
a pas de raifon pour que leur pouvoir ne s'étendît
pas par - delà la fphère terreftre , & que
bientôt toutes les créatures animées dans tous
les Mondes , ne fe confondiffent pas en un feul
& même Dieu .
3 °. Vous vous étonnez de voir ici le Platonifme
, & peut-être auffi , quoique vous ne le
difiez pas , de trouver dans le ftyle beaucoup
d'allufions aux Livres faints . Eft -ce que vous ne
favez pas que Platon nous a tranfmis une partie
des mêmes myftères que je viens de vous
expliquer ? Voilà pourquoi vous autres Profanes
trouvez fouvent de l'obfcurité dans fen langage
fymbolique. Ce même langage fymbolique étoit
celui des Hébreux , de qui vient cette doctrine
qu'ils avoient puifée chez les Indiens , les Chaldéens
, les Egyptiens , &c.
4° . C'eft encore du Cercle Social que partirent
les premières idées , &c . Vous n'entendez
rien à cela , parce que vous ne favez pas ce
que c'est que le Cercle Social , qu'il ne faut pas
borner à une Société nouvellement établie au
Cirque. L'homme eft libre , puifqu'il eft une'
fraction de l'effence divine , & que la réunion
des hommes eft Dieu. Ceux dont les efprits
élevés au diffus de la matière ont fenti l'amour
de cette liberté , ks Gens de Lettres , ou plutôt
les vrais Philofophes , ont excité les autres à la
conquérir Leurs efforts réunis ont formé le
Cercle Social ; Cercle , comme emblême de
éternité ; Social , puifqu'il intéreffe la Société
des honames.
1.50 MERCURE
5°. Dans vos petites idées , vous attachez un
grand prix à la Révolution actuelle , feulement
par des vûes politiques ; vous ne fentcz pas que
fon plus grand mérite eft de laifler aux efprits
la liberté de fe rapprocher ; & delà , au moyen
de confédérations particles , d'arriver à la confédération
univerfelle . C'eft alors que tout fera
conformé. Les courre- révolutions qui retardereient
ce progrès , ne sont que de petits accidens
infenfibles dans la marche générale de l'Univers.
6. Vous êtes arréré encore par le mot
Orient national. Vous avez que l'Orient , terme
familier à la Maçaneric franche , eft le lieu où
nait la lumière : conciucz. Ce paragraphe vous
donne la clé de tout . Les taitiés font divifés pár
grades, en taifon de leurs connoiffances . Le grade
conflitationnel cft celui cu feront élevés tous les
hommes quand ils ferent tous éclairés ; alors le
Gouvernement éternel fera univerfel. Si chacun
apporte un rayon de lumière , il s'en formera un
faifceau qui éclairera l'Univers , & c. ( Par- Ifis )
ancien nom de Paris , veut dire : Selon la Nature.
Vous qui favez le gree , vous auriez bien dân
fentir cela.
7. Vous avez pris pour le langage de l'or
gueil ces expreflions : J'ai aufi une voix étendue,
une puittance créatrice , & :. Neft - c-ce pas ainfi
que paloient les anciens Prophètes qui n'étoient
que des initiés ? Vetre voix , votte verbs , votre
Aoyos n'eft - il pas éternel comme votre ame ,
qui eft une partie de Pare de la Nature ? &
le foleil ne vous obéira -t-il pas , lorique votre
ame , jointe par la volonté à toutes les autres
ames , fera Dieu ? Ainfi cela n'est donc pas allégorique.
8. Tout le refte s'explique : la Bouche de Fer ,
DE FRANCÈ.
15i
en répandant la lumière fur 24 millions d'hemmes
par le moyen de la parole , facilitera les
moyens de la confédération univerfelle , & c'est
alors que l'homme fera tout-puiffant ; car , encore
une fois , fa puiffance s'accroît en raifon de
fa réunion. Relifez tout ce qui vous a palu
obfcur , & vous y verrez maintenant la lumière .
9 ° . Vous héfitez fur le mot franc , & cependant
vous avez ſenti plus loin qu'il étoit queftion
de Maçonnerie franche. Vous prétendez que
cela ne veut pas dire François , & vous avez
raifon ; mais François veut dire franc. C'eft l'ancienne
dénomination de ce Peuple , & voilà
pourquoi c'eſt par lui que doit commencer la
confédération univerfelle . Vous demanderez
pourquoi au mot Franc on n'a pas ajouté celui
de Maçon ; c'eft qu'il faut que vous fachiez que
la Maçonnerie franche a pour principal objet le
SyRême physique du Monde , ce qui eft bien peu
de chefe en comparaison du Syflême métaphyfique
dont il s'agit ici.
10 °. Vous êtes , ou vous devez être maintenant
en état de comprendre les vers , & de voir
qu'il n'y eft pas queftion de métemplycofe , mais
de la réunion des ames particles à l'ame univer
felle, Il n'y a que le mot angelifé qui puiffe vons
arrêter , car il m'arrête un peu moi - même. Je
crois me rappeler pourtant , qu'à la mort notre
ame , avant de fe réunir au Tout , le revêt de
la nature fpirituelle des Anges , de ces êtres
aériens qui , ayant une portion plus grande & plus
libre de l'ame univerfelle , approchent- davantage
de la perfection.
11 °. Vous faites une mauvaiſe plaifanterie bien
gratnite fur l'idée d'envoyer un rayon à la lumière
, lorfqu'on vous a dit que chacun devoit
152 MERCURE
apporter fon rayon au faifceau commun.
-Le
grand jour des destinées eft celui où tous les
hommes feront éclairés , & par conféquent toutpuillans.
12. Il y a dans la fin de la Lettre d'Allemagne
un mot de bonne nouvelle qui vous a fait
faire ailleurs une étrange méprife : j'y reviendrai.
Mais voyez en paflant que M. l'Abbé Fauchet
n'eft pas en contradiction lorfqu'il explique la
Franc- Maçonnerie fans y être initié. La Franc-
Maçonnerie pure étoit autrefois concentrée dans
diverfes affociations éparfes de quelques perfonnes.
Aujourd'hui qu'elle s'élève à de plus hautes
conceptions , on veut en faire une confédération
univerfelle , dans laquelle les mystères ne feront
enveloppés que d'un langage fymbolique entendra
qui pourra . Cela vaudra toujours mieux
qu'un fecret qu'on difoit à tout le monde , chacun
féparément.
13. Je vais vous expliquer de même les autres
prétendues contradictions. Quand on vous dit
que les hommes doivent fe réunir par l'amour ,
on vous parle de l'amour univerfel qui doit rapprocher
toutes les ames. Quant à l'amour par
tiel du prochain , qui eft auffi une bonne chofe ,
ce n'eft qu'une idée ´étroite , bonne
pour
cloîtres , mais qui refferre trop une grande idée.
Quand on vous dit que l'Evangile eft la vraie
Religion , &c. & enfuite » Religion , Monar-
-
les
chie , Evangile , Egl fe , que veulent dire toutes
» ces paroles étrangères à notre idiome « ? Vous
croyez qu'on fe contred t , parce que vous no
favez pas ce que c'eft que l'Evangile . Vous ap
pekz de ce nom un Livre hiftorique & philofo-,
phique , qui contient , de quatre manières différentes
, la vie & les maximies d'un grand ProDE
FRANCE. 163
phète ; mais quel rapport peut avoir le met
bonne nouvelle , qui eft , comme vous favez , la
traduction de celui d'Evangite , avec une Hiftoire
& un Code de morale ? Il faut que vous
fachiez que Jéfus étoit un initié , qui , comme
Moiſe , Brama & d'autres , eft venu apporter la
vraie doctrine , laquelle n'eft point du tout la
Religion Chrétienne . Cette Religion a été défi
gurée , parce que fon Fondateur n'a point été
compris des Nations ; il n'en a pas moins apporté
cette bonne nouvelle , qui eft la doctrine
que je vous ai expliquée . C'eft ainfi que l'Evangile
eft la vraie Religion . Mais cette fuite de
dogmes que vous avez recueillie dans les quatre
Hiftoires , que vous avez de même nommées
Evangile , & dont vous avez composé la Religion
Chrétienne , n'a que faire avec le Systême fublime
que je vous ai développé . Eh ! comment
feroit-il queftion de cette Religion , de ce culte ,
ou de tout autre , devant un Syftême de métaphyfique
& de morale auffi pur & auffi fublime ?
C'eft celui-là feul qui eft la vérité. On reproche
ici à l'Evangile d'avoir trep obfcurci la
vraie doctrine. Voilà pourquoi toute votre critique
fur ce paffage eft vide de fens.
--
Tout votre tort dans le refte , Monfieur , eſt
d'avoir circonfcrit l'idée de Cercle Social dans
l'affociation qui s'eit établie au Cirque ; tandis
qu'il embraffè la réunion des efprits de tout l'Univers
, & que l'affociation n'eft qu'un moyen
partiel d'y parvenir ; d'avoir également donné
une importance trop grande à la Révolution ,
qui n'eft qu'un mouvement politique , regardé
par les initiés feulement comme un moyen favorable
de propager la lumière dans tout le
Monde , à l'aide , de la confédération d'un grand
Peuple & de la Liberté. Vous êtes maintenant
154 MERCURE
1
&
en érat de rect fier ce que vous adreffez à M.
l'Abbé Fauthor . & fur Voltaire , & fur la Maçonnorie
franci , & fer les initiations anciennes ,
où on se parloit point , comme l'a dit Voltaire ,
vous le répétz , d'un Dieu rémunératou
& vengeur au moins dans ceux des myftères
quen appeloit grands ) ; mais d'une ame
univerfille qui animoit le Monde en total , &
qui le partageont pour animer des êtres ifclés ,
liq els fe réun foient enfuite à la grande ame.
C'elt un Syftême de Déilme ou de Matérialife ,
fi vous voulez , ou plutôt il tient des deux natures
mas enfin c'eft la doctrine de toutes les
initiations anciennes & modernes , enveloppée
d'un voile nyftique plus ou moins épais.
Je ferai fort aife , Monfieur , fi j'ai pu diffiper
vos ténèbres ; porter dans votre ame un
rayon de la lumière éternelle , & la mettre à
portée de conn ître un jour la vérité. Il s'en
faut de beaucoup que j'en fache affez pour accomplir
cette bonne cavre ; mais je vous en
aurai donné au moins la première bonne nouvelle
, & il ne tiendra qu'à vous déformais , en
vous réusiffant par l'amour à d'autres émanations
céleftes , d'acquérir une male de clarté capable
de vous convaincre tout-à -fait. C'eſt ce
que je vous fouhaite.... ( PAR-ISIS. )
RÉPONSE à la Lettre précédente.
1
JE ue fais , trop , Monfieur , fi mon ignorançe
dit remercier votre fcience de toutes les
belles chofes que vous voulez bien me révéler.
Malgré toute la gravité que vous affectez , vous
avez l'air de vous moquer tout bas de ce que
vous profeílez tout haut. Cela n'eft pas rare en
2 .
DE FRANCE. 155
foi-même , & pour mon compte , je vous le pardonne.
Mais vos frères vous le pardonneront-ils ?
Ne vous moquez-vous pas auffi de moi , quand
vous me dites avec un ton doctoral : Sachez donc ,
Monfieur , que depuis les anciens Brachmanes ,
&c. il y a toujours eu des affociations , & c . Eh !
mais , Monfieur , tout ignorant que je fuis ,
je le favois fort bien , & je l'avois dit dans
T'article fur lequel vous me faites l'honneur de
m'adreffer vos leçons. J'en dis autant de votre
grand animal , & de l'ame univerfelle , &c . En
vérité , Monfieur , tout cela eft vieux comme le
Monde. C'eft le mens agitat molem de Virgile , & ,
vous favez que tout fon VIe. Livre eft regardé
par les Savans comme un expolé des myitères
d'Elcufis. Vous m'obſervez à propos de ces myfteres,
que j'ai tort d'y comprendre l'idée d'un Dieu
rémunérateur & vengeur. Je vous demande bien
pardon , Monfieur , mais elle faifoit partie de
tous les anciens myftères . Cela n'eft pas révoqué
en doute. Tous admettoient des expiations farules,.
dont celles que fubiffoient les initiés n'étoient
que l'emblême ; & fans vouloir m'enfoncer daas
l'éradition , je me contenterai de vous renvoyer
encore à ce même Virgile , d'autant qu'il est
toujours plus agréable de citer des vers que de
la profe.
Ergo exercentur poenis , veterumque malorum
Supplicia expendunt .....
Quifque fuos patimur manes : exinde per amplum
Mittimur Elyfium , & pauci læta arva tenemus ;
7 Donec longa dies perfecto temporis orbe ,
Concretam exemit labem , parumque reliquit
Æthereum fenfum , atque aurai fimplicis ignem.
Voilà bien le Purgatoire , qui , comme vous
116 MERCURE

voyez , n'eft pas nouveau. Voilà le fyftême des
ames épurées par des punitions paffagères ,
allant enfuite animer de nouveaux corps , ce
qui est tout juste la métemplycofe. J'ignore s'il a
plu à la Maçonnerie de retrancher cette partie de
la doct ine des premiers interprètes de la Nature,
dont ils font les Traditionnaires ; mais il n'en eft
pas moins certain qu'elle exiftoit , & qu'elle a fait,
fous différens noms , le tour du Monde .
com-
Vous vous donnez bien de la peine pour m'expliquer
le grand animal , par la comparaifon du
ver folitaire , compofé d'une infinité de petits
vers qui ont une vie à part , &c. Grand merci ,
Monfieur ; tout cela eft auffi clair que la futftance
univerfelie de Spinofa , que je ne
prends pas plus qu'il ne la comptenoit lui - même .
Mais il étoit de bonne foi , & je parierois que
vous voulez rire . Moi. , qui parle férieufement ,
je gage que vous friez bien fâché que je vous
crufle capable de comprendre un mot de ce que
vous me dites .
Vous me reprochez , par exemple , de m'être
moqué de la régnération univerfelle , & du
grand VOULOIR , &c. Et voici comment vous
m'éclairez. Vous devez comprendre que plus
» les ames , portions de l'ame univerfelle , fe
réuniront en grand nombre , plus elles renfermeront
de cette puillance immenfe &
» créatrice , &c. Si tous les hommes avoient la
» lumière & vouloient , il n'y a pas de raiſon
pour que leur pouvoir ne s'étendît pas pardelà
la fphère terreftre , & que bientôt toutes
les créatures animées dans tous les Mondes ne
» fe confondiffent en un feul & même Dieu «.
7
Moi , Monfieur , je dois comprendre cela ! ....
Je le comprendrai quand vous m'aurez appris
ce
DE FRANCE. 157
c que c'eft qu'avoir la lumière vous ne pouflez
pas vos bontés jufque - là ; car apparemment
vous ne prétendez pas m'avoir donné la lumière ,
en m'apprenant que le Monde eft un grand animal.
Je veus dirai encore , dans le langage de
vos initiés : Je vois-là des ténèbres .
Vous voulez que je trouve tout fimple que
les premières idées de la néceffité de s'armer, foient
parties du Cercle Social . J'avoue que j'étois porté
à croire que ces idées -là étoient parties , un
peu plus vraisemblablement , du fpectacle d'une
armée placée auprès de l'Affemblée Légiflative .
Dans mes petites idées , ces deux chofes me paroiffoient
un peu plus lécs & plus conféquentes
que le Cercle Social & la Révolution . La-deflus
vous m'apprenez que l'homme eft libre , puif
qu'il est une fraction de l'effence divine ,
que la réunion des hommes eft Dieu. Je ne fais
ce que c'eft qué la fratlion d'une effence ,
encore moins comment la réunion des hommes
eft Dieu ; mais foit , je le veux bien . Je vous
répondrai comme Matta , quand M. de Senantes
vouloit à toute force lui prouver que les
Allobroges étoient venus en Piémont , fous le
Confulat de la Ligué : Mais que diable cela fait-il?
يف
» Ce font dites-vous ) les Gens de Lettres ,
les vrais Philofophes qui ont excité les autres
» à conquérir la Liberté « . Je le fais bien ;
c'eft la penfée des Sages qui feule a pu préparer
une pareille Révolution & c'eft le bras du
Peuple qui l'a exécutée . Mais qu'est-ce que le
Cercle Social peut avoir à faire à tout cela ?
"
Les trois quarts de la France ignorent même
qu'il exifte à Paris un Cercle Social & ure
Bouche de Fer. Vous croyez que tout mon_to't
eft de circonfcrire l'idée de ce Cercle dans l'Af-
No. 52 25 Décembre 1790. H
158
MERCURE
femblie du Cirque , tandis qu'il embraffe tout .
Univers. Qui, je fais que c'eft fa prétention :
ils l'ont affez magnifiquement annoncée , & c'eft
pour cela que je prends la lib.rté d'en rire.
Mon autre tort est d'attacher de l'importance à
notre Révolution , qui n'est pour ces Meffieurs
qu'un petit évènement , un incidert partiel , &c.
Je m'étois encore apperçu de cette différence
entre eux & moi , & mon dernier tort , dont
je ne me corrigerai pas , eft encore d'en rite.
Vous m'aflurez que le foleil m'obéira ,
quand mon ame , jointe par la volonté à toutes
les autres ames , fera Dieu. Je n'ai point des
prétentions & hautes . Je me tiens fort heureux ,
moi chétif , d'ètre bre , graces à la Révolution.
Je trouve que le foleil va fort bien tout feul ,
fans que je m'en mele. Je n'ai point d'ordres
à lui donner. Il me femble qu'il fuit affez exactement
les ordres éternels de l'intelligence fuprême
; & pourvu que fur la terre je n'obéiffe
qu'à Deu & à la Loi , je ne me foucie point
du tout que les cieux m'obéiffent. Que voulezvous
chacun a fon ambition. Voilà la mienne
; & ces Milieurs auront beau prêcher , elle
n'ira jamais jufqu'au foleil je le trouve trop
loin de moi.
Vous allez me trouver auffi bien loin d'eux
& de vous , puifque , malgré les de ces commentaires
dont vous appuyez leurs fublimes leçons ,
je m'obtine à reller dans mes ténèbres. Faites
grate , Monfieur , à mon ignorance ; je ne ferai
jamais qu'un profane ; & comme Saxcho afferoit,
malgré D. Quichotte , que jamais on ne pourroit
faire une Reine de fa femme , Thérèle Pança ,
je vous jure auffi que jama's on ne pourra , de
quelque manière qu'on s'y prenne , faire de mo¡
DE FRANCE. 159
un Dieu , ni même rien qui en appreche. Ces
Meffieurs de la Bouche de Fer nous difent
( No. 29 ) , qu'un génie impériffable leur a dir
d'une voix éternelle : Vous êtes des Dieux. Grand
bien leur faffe : quant à moi , je re uis que mt
profterner devant eux aufli firicufement que
vant le père éternel des Petites- Wa.fors , dont je
crois qu'ils procèdent en droite ligne.
J'ai l'honneur d'étre , &c.
( D ...... )
de-
SPECTACLE S.
ILy a longtemps que nous n'avons entretenu
nos Lecteurs de Spectacles. Les Théatics
qu'on appeloit grands , loifque les
petits te repréfectoient que des farces indignes
de quelque attention , n'ont point
donné d'Ouvrage fufceptible d'un examen
détaillé. On voit bien far notre premier
Théatre Lyrique , nommé l'Opéra , un
fuperbe Baller pantomine , intitulé Pfyché,
de la compofition de M. Gardel ; mais nous
ne pouvons parler que de fon fuccès &
de fon mérite , tous deux très - difüngués.
Il faut voir une Pantonime pour la ben
juger toute analyfe en détruit l'effet.
Nous nous contenterons de dire que celleci
réunit tout ce qui peut charmer les yeux
& intéreffer l'ame ; que la difpofition dú
H 2
160 MERCURE
fujet , les tableaux charmans que le Maître
de Ballet y a introduits , que les idées ingénienfes
du Machinifte , l'habileté du Décorateur
, le talent prodigieux des Exécuttans
, tout concourt à en faire le plus
beau Spectacle du Monde . Nous ajouterons
, pour couronner cet éloge , que
MM . Noverre & d'Auberval ont traité
Le même fujet , & que M. Girdel a eu
' art difficile de le traiter après eux , d'une
manière également intéreffante , mais fans
leur reflembler.
On a donné fur le Théatre de la Nation
un pait Ouvrage plein d'intérêt
fous le titre du Tombeau de Defilles . C'eft
un hommage rendu à la mémoire de ce
Jeune Héros que la France pleure encore.
L'Auteur , M. Desfontaines , a eu l'adreffe
de faire entrer dans fon plan le repentir du
Régiment de Chireauvieux , & une action
particulière très - cou re , mais fort attachanre
, & qui lie toutes les parties de ce
tableau. C'eft encore un Ouvrage qu'il faut
voir , & qui ne fe prête pas à l'analyſe.
Quelques fuccès ou médiocres ou entièrement
nuls , fur le Théatre Italien &
fur celui de Monfieur , nous difpenfent
égalentent de nous y arrêter. Mais fontce
les feuls Théatres de Paris où l'on puiffe
trouver des Ouvrages de mérite ? Celui du
Palais - Royal, autrefois le Théatre des Variétés
, qui prend chaque jour de nouvelles for
DE FRANCE. 161
ces , commence à recueillir le prix de fes
efforts , & offre déjà des Ouvrages où l'on
découvre un vrai talen . Le dernier qu'on
y a repréfenté , cft une Pièce en cinq Actes
en vers , intitulle le Point d'Honneur. Elle
eft de M. Patrat , connu par d'autres Cuvrages
de mérite. Le but philofophique de
ce fujer , fur tout la manière dont il eft
traité , le rendent très - fort de rotre compétence
, & nous croyons que nos Lecteurs
neus faurent gré de leur en expifer
le plan.
La Sène fe paffe dans l'une de nos Colonies
en Amérique . Le Commandant de la
Place a une fille charmante, ainée de S. Mery,
Officier plein de courage , de vertus , des qualités
les plus diflingrées , mais fans fortune
& fans protection . Il n'et encore que Licutenant
, & ne prévoit pas méme les moyens
de s'avancer. Le Commandant l'eflime infiniment
, mais un peu trop attaché à fes préjugés
, il ne peut confentir à en faire fon
gendre, à moins qu'il ne foit au moins Capitaine.
Il lui reproche aufli , non pas de manquer
de courage , mais d'ère trop endurant
fur le Point d'honneur , trop patient avec
fe- camarades . Ce Commandant eft , comme
l'on voit , meilleur Militaire que Philofophe.
S. Mery a un jeune ami , Darneval ,
d'un caractère tout oppofé au ficn . Il eft ben,
fenfible , généreux , mais bouillant , emporté
, querelleur, & fe faifant chaque jour
13
162 MERCURE
des affaires. Pirmi ces perfonnages eft un
Efpagnol au fervice de France , Officier
dans le même Régiment , homme lâche ,
fourbe , diflimulé , nommé Alvar. Il ek
amoureux de Mirza , fille du Commandant .
Il a demande en mariage. Elle le refufe
honnêtement en lui nommant le choix de
fon coeur. C'en eft affez pour exciter fa
jaloufie , & l'exciter à employer tous les
moyens de perdi e cet heureux rival.
Dans le moment cù S. Mery reçoit d'une
main inconnue un préfent confidérable , où
le Miniftre , à qui l'on a fait connoître fa
de nice action , Pen récompenfe en hui
envoyant la croix & un brevet de Capitame
, où rien par conféquent ne s'oppofe
plus à fon mariage avec Mirza , le
felirat d'Alvar , par une calomnie , fufcite
contre lui l'imprudente fureur de Darneval
, qui infule fon ami de la manière la
plus grave. Il faut fe battre. En vain le
jeune homme reconnoît a faute , s'offre
à la réparer de toutes manières , & en
ebtient le pardon ; en vain S. Mery fent
combien il feroit barbare d'abufer de fa
fupéré pour déchirer le fein de fon
jeune élève , qu'il chérit fi tendrement ;
aucune conciliation n'eft admi'e . Leurs careapades
les fuient , & le Commandart luiime
fait entendre à S Mery , qu'il ne
peut donner fa fille à un homme ta hé.
Ces deux amis , qui facrifieroient leur vie
DE FRANCE. 163.
l'un pour l'autre , font prêts à fortir pour
s'entr'égorger. Pour rendre leur fituation
plus cruelle , Mirza , qui ne fait rien de
cette aventure , vient apprendre que c'cft
à Darneval que S. Mery doit le préfent
qu'il a reçu & les follicitations auprès du
Miniftre , qui lui ont valu tant de bienfaits.
Ce trait & quelques lieux communs
contre les duels , débités par Mirza , &
qu'elle a puiſés dans l'Héloïfe , décident entièrement
S. Mery. Il bravera tout , & facrifiera
fon amsus même , plutôt que d'attaquer
les jours de fon bienfaiteur. Une
nouvelle - action contre l'ennemi , où il a
le bonheur de fauver le Commandant de
la place , concilie tout. Alvar eft pani , &
S. Mery devient heureux par l'amour &
l'amitié .
Cette Pièce et remplie d'intérêt , &
les fituations en font enchaînes avec beaucoup
d'art ; les caractères habilement
traces & bien foutenus . Celui d'Alvar , trop
gratuitement atroce à la première repréfentation
, a excité quelques murmures.
Il a été fort adouci aux repréfentations
fuivantes . Le ftyle offre quelques négligences
faciles à corriger ; mais on y trouve
aulli de très- beaux vers & un grand nombre
de morceaux bien faits. On pourroit
reprocher à cet Ouvrage de ne pas remplir
fon but , celui d'attaquer le préjugé
contre les duels . S. Mery ett dans un cas
164 MERCURE
d'exception qui ne prouve rien contre la
loi générale. Mais ce défaut ne touche en
rien au mérite Dramatique . C'en eft un
plus fenfible que d'avoir mis la difcuffion
contre les duels dans la bouche d'une
fen.me ; & au lieu de lui avoir fait parler
le langage du fentiment qui lui étoit propre
, de l'avoir jetée dans des abftractions
métaphyfiques , que fon sèxe & la fitua
tion repouilent également. Ma'gré cela ,
cet Ouvrage doit réuffit. Il a pour lui l'opinion
des Gens de Lettres , qui finir toujours
à la longue par être l'opinion générale.
› pour
Il faut convenir que tous les Acteurs
n'y montrent pas un talent égal . Nous
ne ferons pas l'éloge des uns , pour ne
pas affliger inutilement les autres . On ne
peut fe diffimuler que ce Théatre
ebrenic la confiance que le Public paroît
difpofé à lui accorder , a befoin de fe renforcer
du côté de l'exécution . Les talens
précieux qu'on y voit en appellent d'autres
qui les fecondent. On doit rout attendre du
zèle & de l'intelligence des Entrepreneurs.
Ce qu'ils ont fait pour élever ce Theatre
au point où il eft , denne lieu d'efpérer
qu'ils ne négligeront rien de ce qui leur
refte à faire.
ON a donné Samedi dernier , fur le
Théatre de la Nation , la première repréfentation
de Calas , Drame enj Actes &
DE 168 FRANCE.
en vers , par M. Laya , Aureur des Dangers
de l'Opinion. Nous nous empreffons d'annoncer
fon fuccès . Nous reviendrons fur
cet Ouvrage dans le cours de fes repréfen
tations.
NOTICE S.
ON mettra en vente , le Mardi 4 Janvier 1791 ,
Hôtel de Thou , rue des Poitevins, N ° . 18, la 42e.
Livraifon de l'Encyclopédie par ordre de matières.
Cette Livraiſon eft compofée du Tome X ,
première Partie , de la Jurifprudence , Police &
Municipalité ; du Tome IV , première Partie , de
la Logiques Métaphyfique & Morale ; & du Tome
VIII des Planches.
Le prix de cette Livraiſon eft de 34 liv . 10 f
en feuilles , & de 34 liv. br.
Savoir , le Volume de Planches ..... 24 1.
Un demi-Volume de Difcours .....
Un , idem,
5 1. 10 f.
3 1.
La Brochure des trois Volumes .... 1 1. 1of.
Total..... 34 liv.
Nous perdons 10 fous fur la brochure du Vol.
de Planches. C'est par une méprife de notre part ,
fur laquelle nous avons eu la délicateffe de ne
point revenir , que le prix de ces Volumes de Pl.
à été établi dans le Prospectus au même taux que
celui des Volumes de Difcours.
Le port de chaque Livraiſon eft au compte des
Soufcripteurs .
166 MERCURE
On vient de mettre en vente , chez Moutard ,
Libraire - Impr. rue des Mathurins , les Ouvrages
fuivans :
Hfoire de la Décadence & de la Chute de
l'Empire Romain , traduite de l'Anglois de Gibbon.
Tome XI . in - 8 ° . Prix , 5 1. br . & 6 1. rel .
Če Volume renferme les évènemens d'un fiècle ,
depuis la reforme des Loix Romaines par Juftinien,
en 527, juſqu'à la mort de Cofroës, en 628.
La fute fous preffe. L'Ouvrage aura 18 Vol..
Tables Alphab. & Chronol. de l'Hift. Univ.
Tomes CXXI , CXXII & CXXIII , in-8º.
Ces Tables contiendront en tout fix Volumes,
Les Tomes CXXI & CXXII forment la Table
Alphabétique des 80 Vol. de l'Hift. moderne. Le
Tome CXXIII eft le premier de la Table Chron.
Les Tomes CXXIV , CXXV & CXXVI , fin de
l'Ouvrage , paroîtront d'ici au mois d'Avril 1791 ,
On foufirit pour ces fix Vol. moyennant 241 .
franc de port à Paris , & 18 liv. 4 f. franc de port
pour la Province.
M. d'Arnaud Auteur des Délaffemens & de
la Suite des Epreuves du Sentiment , nous prie
d'avertir le Public de ne pas confondre ces deux
Ouvrages pour le prix . La foufcription pour
chacun eft de 21 liv. port franc , ce qui fait 42 1.
pour les deux. On foufcrit aufli chez lui pour une
nouvelle édition du Comte de Comminge , Drame ,
tel qu'il eft repréfenté fur le Théatre de la Nation
. Prix , 36 f. Ces dernières Productions paroîtront
dans le courant de Janvier & Février
prochains. S'adrefer cul-de-fac Saint-Dominique ,
Ѻ. 8 , quartier du Luxembourg. Les quittances
DE FRANCE. 167
ne feront fignées que de M. d'Arnaud. On aura
foin d'affranchir les lettres .
Almanach. Collection complette des Roman es
d'Eftelle , par M. de Florian , de l'Académie
Françoife , mifes en mufique par les plus célèbres
Compofiteurs molernes , & faifant fuite aux
Trois Mufes réunies . qui fe vendent féparément ,
4 liv. 1o fous. A Paris , chez Defnos , Ingénieur-
Geographe , & Libraire de Sa Majeſté Danoiſe ,
rue St-Jacques , No. 254.
Le Sicur Defnos préviet MM. les Libraires ,
Marchands d'Eftampes & Bijoutiers des villes de
France & des pays Etrangers , qu'il vient de
mettre en vente vingt - quatre Almanachs pour
Année 1791 , qui , réunis à fa Collection , la
complètent à cent , y compris ceux de Géographie
& d'Hiftoire . Ces Almasachs , pour n'être pas
confondus avec les autres , feront compofés de 96
pages d'impreflion , de Clanfons , Ariettes , Vaudevilles
, Romances ; ils feront enrichis de douze
Jolies Gravures , à côté defquelles les Chanfons
analogues feront gravées en taille-douce ,
avec
pertes & gains , & en ftylet pour écrire , qui en
fait la fermeture , relié en maroquin , du prix de
4 liv. 10 f. pour Paris , & de 5 liv . pour la Province
, rendu franc d port. Ceux qui défiteront
s'en procurer , n'auront qu'à les défigner par leurs
Numéros , fous lefquels ils fe trouvent dans le
Catalogue qui fe diftribue gratuitement.
Ledit Libraire affure aux Commerçans une remife
honnête fur le prix ; il donnera en fus , à
ceux qui en prendront 12 , le 132. gratis . Les lettres
non affranchies ne feront pas reçues .
168 MERCURE DE FRANCE. ›
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
Monfieur , nous avons annoncé , en Septembre ,
notre édition de Duclos , nous en avons publié
la première Livraifon le 30 Novembre; M. Buiflen
nous preffe , dans votre N° . 50 , de porter nos
Manufcrits chez fon Notaire , tandis que , depuis
quatre mois , nous les mont : ons dans nos Bureaux
, rue de Condé , N ° . 7. Ces Manufcrits ,
qui s'impriment au profit des parens de Duclos ,
démontrent que l'Ouvrage , imprimé chez M.
Buiflon , manque des Articles de Maurepas , la
Vrillière , &c. On n'y trouve pas la fameufe affaire
de la Chalotais , dans laquelle Duclos fut
employé par la Cour , ni les guerres de 1733 &
1740. Il y a , Tome II , page 396 , une lacune
depuis 1729 jufqu'en 1759 ; l'affaffinat de Damiens
, pivot d'une partie de cet Ouvrage que
Duclos affcte de citer ( Tome II , page 440 ) ,
a été enlevé de ces Volumes. M. Buiflon ne public
donc que des lanbeaux de Duclos , Ducks
lui - même l'attefte , & le Livre imprimé chez
Buiffon en donne les preuves. Nous ne répendrons
pas aux injures que ce Libraire fe permet
contre M. Sculave , l'un de nous : il nous futht
d'avoir prouvé au Public l'authenticité de notre
Manufcrit.
Nous fommes , & c. les Editeurs de la Collection
des Mémoires relatifs au règne de Louis XV.
EPITRE
TABL E.
133 Abrégé des Tanfactions. 140
Variétés. La Raifon & l'Amour. 235
' Aux Manes , & c.
138 Spectacles.
Charaie, Eg. Log. 139 Notices .
144
159
165
MERCURE
C
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
A
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 10 Décembre.
L'EXCEPTION .du Roi de Naples qui
fait un voyage en Bohême , toute la Famille
Impériale eft réunie en cette réfidence .
--- On attend avec impatience & fans inquiétude
des nouvelles des Pays Bas , dont la
foumiffion diffipera le dernier des nombreux
nuages qui menaçoient l'Etat à l'avènement
de S. M. I. à la Couronne. A la mort
de Jofeph II , la Monarchie offroit de
toutes parts des inquiétudes ou des dangers
: maintenanr toutes les Provinces font
paifibles & raffurées ; la Hongrie n'a point
démenti fa fidélité ; la Tranfylvanie jouiffant
de fa Diète propre , a redoublé d'at-
Nº. 52. 25 Décembre 1790. L
( 230 )
tachement pour fon Souverain ; les mécontentemens
ont ceffé avec leurs caules dans les
autre Etats hét éditaires ; tels ont été les fruits
de la fage politique qui a déterminé l'Empereur
à la convention de Reichenbach.
Dernièrement , il y est une grande conférence
des Miniftres dans l'appartement de
l'Empereur ; le Baron de Hagen , Prélident
du Confeil Aulique de l'Empire y fut appellé.
Il a percé , fans qu'on puiffe , néanmoins
, l'annoncer avec certitude , que cette
conférence avoit eu pour objets l'affaire de
Liége , & celle des Princes Allemands poffeffeurs
de Fiefs en France. Un plan de conduite
à cet égard eft , dit on , arrêté , ainſi
qu'une fuite de melures pour le mettre en
exécution .
Le Comité de la Diète de Hongrie
n'ayant pû s'accorder dans la rédaction
du projet de Loi , relatif aux Proteftans
du Royaume , les trois Religions dans les
Etats ont prié l'Empereur de régler luimême
ces difpofitions par un Décret . Cette
Loi intérellante a paru ; tous les ordres de
la Diète l'ont acceptée à la prefqu’unanimité
elle renferme 17 articles dont voici
la fubflance :
1º . Les traités de Vienne & de Ling des années
1608 & 1647 ferviront de bafe conftitutionnelle
& réglémentaire , pour tout ce qui
concerne l'état de Religion des Proteftans
d'Hongrie. En conféquence , tous les referits &
( 231 )
réglémens qui y fent contraires , feront nuls &
regardés comme non - avenus , & l'exercice libre
du culte avec églifes , clochers , cloches , écoles ,
eimetières , fera permis généralement aux Evangéliftes
Luthériens & Reformés comme aux Catholiques.
2 ° . La diftinction qui avoit eu lieu
jufqu'à préfent , entre le culte public & le culte
privé , ceffera entièrement , & il fera permis
aux Evangéliques de faire conftruire des églifes
avec ou fans clochers , dans les endroits annexés
ou affiliés à leurs anciennes églifes , ou par- tout
ailleurs où ils le jugeront néceffaire , & d'y établir
des miniftres , des presbytères & des écoles .
Cependant , avant de faire ces établiffemens ,
une commiffion , compofée de membres des trois
Religions vérifiera le nombre des familles , &
examinera les facultés des contribuables . Le
feigneur foncier fera tenu d'affigner les emplacemens
néceffaires pour l'églife , le presbytère &
l'école . 3 ° . Les Evangéliques ne pourront plus
être obligés , fous aucun prétexte quelconque ,
d'affifter aux meffes & aux proceflions des Catholiques
. 4° . Les Evangéliques des deux Confeflions
d'Augsbourg & Helvétique ne feront foumis
quant aux matières religieufes , qu'aux fculs prépofés
de leur religion . 5. Il fera permis aux
Evangéliques de nommer à leurs écoles & claffes ,
des précepteurs , profeffeurs & recteurs ; d'en
augmenter ou diminuer le nombre , & d'établir
même de hautes écoles , après en avoir demandé
& obtenu l'agrément du Roi ; les étudians évangéliques
pourront fans obftacle fe rendre & faire
leurs études aux univerfités étrangères ; les livres
de fymbole & d'autres écrits théologiques des
évangéliques pourront être imprimés dans le
royaume. 6°. Les Evangéliques feront déchargés
L 2
( 234 )
s'il étoit réel. Le dernier Empereur , il eft
vrai , fit ma: cher au milieu de l hiver , une
armée dans le Brabant , au moment de la
querelle avec les Hollandois fur l'Eſcant ;
mais , fans une néceflité auili preffante , faiton
voyager ainfi des troupes dans cette faifon
? Qui peut appercevoir cette néceffité ?
Nous n'avons connoiffance d'aucunes lettres
réquifitoriales pour le paffage de cette
armée , ni du lieu de fon départ , ni du nom
des régimens qui la compoſent. Ainſi , tout
nous perfuade que cette annonce eft au
moins prématurée , & que , probablement ,
on confond des ordres provifionnels , avec
leur exécution fubite. Au refte , on ne
sévoque pas en doute l'existence des deffeins
concertés entre le Chef & les principaux
Membres de l'Empire , pour en
affurer la tranquillité & les droits, fans offenfer
ceux de perfonne..
L'attente publique fe porte encore ſur ſe
problême de favoir , quelle part active prendra
Empereur dans les troubles de Liége ,
& fi une partie de l'armée de Brabant qui
occupe les deux rives de la Meufe , ſe réunira
aux troupes exécutrices. Quoiqu'en dife le
parti le plus fort à Liége , cette Principauté
eft dans une complette anarchie. On n'entend
plus parler des articles arrêtés par le
CollegeElectoral.Suivant l'éternelle règle des
factions , celle qui gouverne Liége , après
avoir intéreflé les amis de la vraie liberté ,
( 235 )
par des réclamations qui fembloient fon
dées fur des droits & fur l'intérêt général , a
marché de prétentions en prétentions ; elle a
établi fes volontés par la force, & à l'abri des
maximes fubverfives de l'ordre focial , qu'elle
a empruntées de quelques brouillons modernes
, elle exerce la toute puiffance. Droits
de l'Evêque , droits de l'Empire , droits des
deux premiers Ordres , doivent céder aux
fiens . Elle a formé une Municipalité d'après
un amphigouri de formes , de l'invention
'd'un Gazetier : l'on eft feu difpofé à croire
qu'elle ait en fa faveur la majorité du peuple,
lorfqu'on fait qu'à l'élection de cette Municipalité
, au lieu de 20 ou 30 mille citoyens
actifs , qui devolent y concourir , il ne s'eft
préfenté que 1005 votans.
Il importoit fur tout aux Chefs de cette
infurrection , de la rendre excufable par le
maintien févère de l'ordre & des Loix ; mais
en divers lieux , les excès , les perfécutions ,
les violences ont fignalé ce nouveau régime.
Dernièrement , on a pillé le Château de
Seroulle près de Verviers , & attaqué dans
fa maifon , M. l'Abbé Duval Piran , ancien
Bibliothécaire du Roi de Pruffe. A Liége
même on violé & dévafté des maifons
le 13 de ce mois. Ces brigandages
vont faire perire aux Infurgens ,
le dernier appui qui leur reftoit , celui de la
Cour de Berlin. M. Dohm qui avoit tra
vaillé à leur affurer une liberté légitime, vient
L 4
( 236 )
de reconnoître la néceffité de mettre enfin
un terme à la licence . Le premier de ce
mois , il a écrit la lettre fuivante aux Municipaux
de Verviers.
Co
Aix-la- Chapelle , le 1er . décembre 1790 .
Meffieurs , dans le moment même où vous
me donnez les affurances les plus pofitives de
votre zèle à maintenir l'ordre , j'apprends que
l'on a pillé le château de Peroulle de la manière
la plus barbare ; que la populace qui s'eft rendue
coupable de ces excès étoit conduite par
deux membres de votre municipalité , & munie
de deux canons de votre ville , dont vous lui
avez permis de s'emparer . J'apprends en outre ,
que M. l'abbé du Val- Pirau , que je vous avois
particulièrement recommandé , & qui a les armes
du 1ci fur fa poite , a été lui-même attaqué
dans fa maifon ; que l'on a tiré des coups de .
fufil for lui , brifé fes fenêtres , bleffé fa nièca
& tué fon chien. Si M. du Pel-Pirau n'étoit pas
venu lui-même chercher ici un afyle contre les
brigands & les affaflins qui l'ont chaffé de chez
lui , je regardereis comme incroyables des faits
fi atroces & fi manifeftement contradictoires à
tout ce que vous m'avez écrit . Le temps n'eſt
pas encore venn d'examiner & de punir de telles
horreurs , mais il viendra , & l'honneur même
du roi mon maître y eft trop intéreffé , pour
que les coupables auteurs & fauteurs de çes
excès reftent impunis .
La retraite de quelques détachemens de
troupes Palatines & de Mayence , avoit fait
croire , très fauffement , à la diffolution de
( 237 )
f'armée d'exécution. Au nombre de plufierrs
mille hommes , cette armée fous les ordres
du Général d'Hatzfeld , étoit cantonnée à
Mafeyck, d'où traverfant une partie du Limbourg
, elle s'eft approchée de Liége : le 9 ,
une colonne de 500 hommes entra à Vifé
fur la Meufe ( à trois lieues de Liége ) & y
rétablit l'ancienne Magiftrature . Cette opération
fe fit avec beaucoup de douceur & de
difcipline; perfonne ne futmolefté. Dès qu'on
fut inftruit à Liége de cet évènement , on
fonna le tocfin , on arma pêle- mêle tous les
habitans : un parti très-nombreux de volontaires
alla le lendemain fa re une reconnoiffance
, efcarmoucha avec une patrouille , &
ramena quelques prifonniers. Le 10 , cettepię
mière colonne des troupes exécutrices , eft allée
joindre à demi -lieue de Vifé , fur le terrifoire
du Limbourg , l'autre corps des mémes
forces qui s'avançoit avec l'artillerie . Peutêtre
ont-elles deflein de tenter une attaque
fur Liége même , qui , vu les circonftances
actuelles , feroit bien mal confeillée , fi elle
attend les dernières extrémités : la conditioni
en deviendroit bien plus fâcheute , ce feroie
verfer du fang pour acheter des calamités .
On pourroit regarder les conducteurs de
cette infurrection , comme attaqués de vertige
, s'il eft vrai , ainfi qu'on le rapporte
qu'ils ont porté plainte au Général Bender
du paffage des troupes ex cutrices fur le rer4
Litoire de l'Empereur , & deman é cur
IS
( 238 )
mêmes le paffage. Le paffage demandé au
Chef de l'Empire , pour aller combattre les
troupes de l'Empire , & celui du Frère de
1 Empereur !
Le Baron de Schonau , Grand'Croix &
Receveur-Géné al de l'Ordre de Malte en
Allemagne , a porré le 23 Novembre , à
l'Electeur de Trèves , une lettre du Grand-
Maitre avec une Bulle qui confère à S. A. E.
la Grand Croix & le protectorat de l'Ordre
en Allemagne.
PAYS- BA S.
De Bruxelles , le 18 Décembre,
C'eft le 6 , que fix mille Impériaux ont
achevé l'occupation du Brabant , en entrant
dans la ville & le château d'Anvers. On leur
a porté les clefs ainfi qu'ailleurs : Les deux
Flandre orientale & occidentale , le Tour
naifis & fa capitale , Ruremonde & la Guel ·
dre Autrichienne , ont envoyés leur foun.if
fion dans le même temps. Ainfi , M. de
Bender fai o't l'hiftoire exacte de nos provinces
en ce moment , en écrivant le 7 રે
M. le comte de Mercy; « la guerre eft finie ,
»l'armée parrotique a difparu ; il n'eft refté
pas une on bre de cette fureur qui auroit
» bier tôt changé ce pays en défert ,,. A la
requête des F amands , le Feld Maréchal a
accorde une amniftie aux militaires qui
pendant la révolution , avoient abandonné
les drapeaux de l'Empereur ; à l'exception ,
( 239 )
néanmoins , du gén al- major Gavaux & de
Ingénieur Lami , dont on inftruir le procès
a Luxembourg , & qu'on accufe davoir
livré , traitreufement , le château & la garnifon
d'Anvers aux patriotes .
On n'eft pas certain encore de la retraite
qu'ont choii , MM. Van der Noot , Van
Eupen , Vaa der Hagen , chef des volontaires
de Bruxelles , le Baron d'Hove , &
autres principaux ouvriers de la révolution ,
Leur règne a reffemblé à celui de Théodore
Roi de Corfe , & il eft tel lieu de l'Europe
où ils pourroient , anfi que cet aventurier ,
dans le rôle que lui a prêté Vo'taire , fe
trcu er réunis avec d'autres fouverains detrônés
comme eux , après avoir porté le
fobriquet hypocrite de libérateurs du peuple.
Quant à l'armée patriotique , licenciée par
le fait , fes débris congédies fe font préci
pités au delà des frontières de France , dont
ils ont inondé les villes & les campagnes.
Très peu fe font jettes en Hol ande , dont
les garnjfons voisines avoient été renforcées ,
& dont on avoit eu foin de leur fermer
l'accès.
Cette contre révolution prefqu'incroyable
par fa nature & fa promptitude , chez
un Peuple qu'on avoit monté fur les deux
refforts les plus élaftiques de la folie humaine
, le fanatifme politique & le fanatifme
religieux , prouve combien il eut été
facile , dans le temps , de prévenir le fou
L 6
( 240 )
7
levement général ; mais ce qu'elle démontre
encore plus viſiblement , c'eſt la pefanreur
du joug de l'anarchie , & de l'empire
de ces tyrans popula res , qui , le malque
fur le vifage , la faude dans la bouche ,
fe faifant un rempart de la frénéfie des
dernières claffes du peuple , brifent les gouvernemens
pour gouverner eux - mêmes ,
féduifent les efprits par des loix populaires ,
en fe refervant le privilége d'y défobéir ; ne
permettent l'exercice de la liberté qu'à leurs
créatures , & font trembler tout le refte
fous leur autorité ufurpéc . On fe rappelle
les indignes horreurs exercées contre les
royal ftes : la tyrannie s'attaqua enſuite aux
Vonckiftes , dont les plans plus conféquens ,
renfermoient plufieurs idées politiques judicieufes
, & auxquels on n'a pu reprocher
que deux torts , le premier d'avoir méconnu
que , le principe de l'indépendance des
provinces Belgiques mettoit en danger &
renverferoit bientôt la révolution ; le fecond
, d'avoir fi promptement jetté une
pomme de difcorde au milieu de la confufion
d'un ordre di nouveau. Les implacables
Demagogues du Brabant ne leur
pardonnèrent pas ce diffentiment d'opinion
: chaque femaine enfantoit quelque fuppofition
de complots , pour fournir un prétexte
de tyrannie : on calomnioit les oppofans
, & on les opprimoit d'après ces calomnies.
On les accabla d'outrages les fu
( 241 )
zeurs de l'inquifition , les emprifonnemens
arbitraires , les deftitutions , les exils , les
meurtres , tel'e fut la récompenfe des fervices
qu'ils avoient rendus à la révolutior .
En parcourant les provinces Belgiques ,
avant l'arrivée des Autrichiens , on n'y entendoit
que des bénédictions données à
M. Van der Noot , que le langage du dévouement
au maintien de l'indépendance ,
& d'une foumillon enthoufafte aux volontés
des chefs . Eh bien ! de ces fanfa
ronnades & de cette adhéſion fans réſerve ,
il n'en eft pas refté veftige , du moment
où une force fupérieure a rendu au grand
nombre la liberté de manifefter fes opinions
. Les factieux citoient fans relâche le
voeu du peuple , & le peuple a tendu les
bras à fon légitime Souverain . Grande leçon
que l'hiftoire nous a déjà préfentée ,
toutes les fois que le noble intérêt de la lberté
n'a pas été fervi par des hommes
vertueux , qu'on a voulu fonder fon règne
par des crimes , & l'affermir par l'oppref
fion.
L'Empereur donne en ce moment un
exemple bien différent. Au lieu de répandre
la confternation , fes troupes ont fait revivre
la tranquillité , pour tous indiftinctement
, & quelques jours de terreur ont fait
place fans délai à ceux de la confiance.
Perfonne n'a été puni , ni inquiété : point de
recherches , point de tyrannie retroactive
point de fureurs atroces à la fuite du triom(
242 ) .
phe. Tele eft la différence de conduite
entre un Souverain age , & une faction :
ce le ci ne domine que pour exercer des
vengeances ; plus impitoyable que le plus
impi oyable tyran , elle s'entoure d'inquifiteurs
& de bourreaux , foupçonneufe comme
le crime , elle ne fait délarmer fes adverfaires
que par des cruautés ; & ne pardonne
qu'à ceux qu'elle méprife.
Au lieu d'imiter les exemples de févérité
injufte , & les perfécutions auxquelles ont
été livrés les patriotes Hollandois , après
l'invafion des Pruffiens , le Gouvernement
Autrichien a imité la douceur & la magnanimité
que montra le Roi de Suède en
1772. L'harmonie fera bien plus difficile à
rétablir entre les divers partis de révolution ,
naires , qu'entre la nation & le fouverain .
M. le Comte de Mercy a tracé de nouvelles
inftructions d'humanité & de vé
ritable politique , dans une lettre écrite le
6 au Maréchal de Bender. En voici la
fubftance.
« Je n'ai pas besoin de dire à V. Exc . , écrit
M. de Mercy , que , là même où il manquercit
encore quelque chofe pour donner à la foumiffion le
degré d'authenticité conftitutionnelle , qu'elle doit
recevoir des repréſentans de la nation , il faut
écarter jufqu'à la poffibilité de l'idée d'une conquête
, dont fa majefté ne voudroit exercer les
triftes droits envers fes fujers . Vous pouvez ,
Monfieur le maréchal , contracter au nom de fa
majefté dans tous les cas particuliers , dans toutes
3
( 243 )
les occafions générales , l'engagement le plus
folemnel , « qu'elle ne veut régner que par les
loix & par les conftitutions des provinces refpectives
; qu'il n'y a pas de bornes à fa clémence ;
que , bien loin de vouloir reftreindre les priviléges
généraux ou particuliers , elle fe propofe de
marquer chaque année de fon règne par quelque
nouveaubienfait ». L'empereur répugne fi peu à fe
lier enyers fes fujets , relativement à ce qui peut
affurer la liberté & la propriété , que fa majefté
continuera d'inviter les trois cours alliées ,
lefquelles je me fuis concerté ici fur tout ce qui s'eft
fait , pour procurer l'effet de l'intérêt qu'elles
prennent ces provinces , ainfi que tout le corps
Germanique , à garantir avec elle la conftitution
& les privilèges , qui en font partie .
à
avec
Et , puifque. votre excellence eft parvenue fi
heureufement à prévenir toutes fuites fâcheufes
de l'entrée de l'armée , qui eft fous fes ordres ,
il ne refte plus qu'à cimenter la paix publique
par toutes les mesures les plus propres à rétablir
la confiance. Qu'il n'y ait donc plus qu'un feut
parti , formé de tous les bons citoyens ligués
fans exception d'ordres ni de claffes , contre les
malveillans ; que tous les efforts du gouvernement
, qui fera inceffamment établi , tendent à
ramener plutôt qu'à réprimer ce qu'il peur refter
de mécontens fque toute dénomination , 5
diftinction de parti difparoiffent , & que ces belles.
contrées offrent à l'univers le tableau des biens
infinis attachés à une bonne organifation fo
ciale ».
toute
Il paroît que M. le Comte de Metternich ef
deſtiné à occuper le pofte de Miniftre Plénipoton
tiaire de l'Empereur aux Pays- Bas ,
( 244 )
FRANC E.
De Paris , le 22 Décembre.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Préfidence de M. Péthion,
Suite du décret fur les droits d'enregistremens

TROISIEME CLASSE.
PREMIÈRE SECTIO N.
Actes fujets au droit fixe de 5 fous.
1º . Les lettres de voiture paffées devant les
Officiers publics : à raifon d'un droit par chaque
perfonne à qui les envois feront adreflés.
» 2 ° . Les engagemens de matelots ' , gens de
mer & d'équipage , & les quittances de leurs
falaires qu'ils donneront aux Armateurs à leur
retour de voyages à raifon d'un droit pour chaque
engagement ou quittance , & fans égard aux
fonimes qui feront défignées dans ces actes .
לכ
» 3 ° . Chaque exploit ou fignification qui aura
pour objet le recouvrement des contributions directes
ou indirectes ; même des contributions locales
, & toutes les contraventions aux règlemens
généraux de police ou d'impôt , tant en action
qu'en défenfe , fuivant les principes qui feront
expofés ci-après à la troifième fection , relativement
aux drois d'enregistrement des exploits .
( 245 )
SECONDE SECTION.
Adles fujets au droit fixe de 10 fous.
19. Les procès - verbaux de délits & contraven
tions aux règlemens généraux de police ou d'impofition
, lefquels feront enregiferés , à peine de
nullité , dans les quatre jours qui fuivront celui
de leur date , & avant qu'aucun huiffier puiſſe
en faire la fignification.
+
» Si la fignification eft faite par le procès- verbal
& dans le même contexte il ne fera perçu que le
droit réglé par la préfente fection , tant pour le
procès-verbal , que pour la fignification à un feul
délinquant ; & s'il y a plufieurs délinquans , les
droits de fignifications faites au fecond & aux fuivans
feront perçus , outre celui du procès-verbal,
ainfi qu'ils font réglés par la précédente fection .
» 2 ° . Les consciffemens ou reconnoiffances de
chargement par mer , à aifon d'un droit par chaque
perfonne à qui les envois feront adrchés .
» 3 ° . Les extraits ou copies collationnés d'actes
& contrats par les officiers publics , à raison d'un
droit par chaque pièce .
4° . Les expéditions des jugemens qui feront
rendus en matière de contributions , délits & contraventions
.
Les jugemens préparatoires ou définitifs rendus
en matière criminelle , fur la pourfuite du
miniftère public , fans partie civile , & les expéditions
qui en feront délivrées , feront exempts
de la formalité ou du droit d'enregistrement.
( 246 )
က
TROISIÈME SECTIO N.
Actes fujets au droit fixe de 15 fols .
2º. Les quittances du rachat de droits féodaux
, conformément à l'article 54 du Décret de
l'Affemblée nationale du 3 Mai 1790 .
2º. Les premières ventes des Domaines nationaux
, ainfi qu'il fera réglé par l'Affemblée
Rationale , en conféquence de fon Décret du 29
Juin 1790 .
3 ° . Les exploits & fignifications des Huifiers
& autres ayant droit de faire des notifications en
forme , tant en matière civile que criminelle
à l'exception des exploits défignés dans la première
fection ci-deffus , & de ceux qui contiennent déclaration
d'appel , dont les droits feront réglés par
les fections fuivantes.
כ כ
Les exploit ne feront fujets qu'à un feul
enregistrement ; mais le droit fera perçu par chaque
perfonne requérante ou à qui la fignification
fera faite , fans qu'il puiffe être perçu plus de cinq
droits fur un exploit ou procès -verbal fait dans un
feul jour & pour le même fait .
" Les co-propriétaires & cohéritiers , les parens
réunis pour donner leur avis , les débiteurs ou
créanciers affociés ou folidaires , les féqueftres ,
les experts & les témoins ne feront comptés que
pour une feule perfonne , foit en demandant , foit
en défendant .
Les exploits & fignifications qui feront faits
à la requête du miniftère public , fans jonction de
partie civile , foit par les Huiffiers , foit par les
brigadiers & cavaliers de Maréchauffées & autres
dépofitaires de la force publique , pour la pourfuire
des crimes & délits , feront enregistrés gratis.
( 247 )
QUATRIÈME SECTION.
Actes fujets au droit fixe de vingt fous .
» Les actes & contrats qui ne contiendront que
des difpofitions préparatoires & de pure formalité ,
tels que les procurations , les compromis & nomi
nations d'experts ou arbitres , les fimples décharges ,
les procès -verbaux autres que ceux défignés en la
feconde fection , les déclarations & confentemens
purs & fimples , les actes de notoriété , affirmations
, certificats , atteftations , oppofitions , proteftations
, ratifications d'actes en forme , les abftentions
& renonciations à communauté , fucceffion
ou legs , les délivrances de legs , les actes de
refpe& ou femmations refpectueufes , quel que foit
l'officier public qui en fera notification , les défifte→
mens des demandes ou d'appel avant le jugement .
les réfilimers de marchés & de toute efpèce de
conventions avant que l'acquéreur foit entré en
jouiffance ou en paiment du prix de l'acquisition
& les déclarations de commande & d'ami faites
dans les fix mois qui fuivront les ventes & adjudications,
en vertu de réſerves expreffément ftipulées
Par les contrats & jugemens , & aux mêmes conditions
que l'acquifition .
,
20. Les quittances de fommes déterminées
mêmes les quittances bannales , motivées pour ac
quit d'obligations , dont le droit aura été payé fur
le pied des actes de la première claffe ; & dans le
cas contraire le droit fera acquitté , pour l'acte
de libération fur le taux de la troisième fection des
droits proportionnels ; les titres nouvels , les rembourfeinens
de rentes , les actes de prife de poffeffion
, les dépôts & confignations chez les officiers
publics , & généralement tous les actes & contrats
( 248 )
qui ne contiendront que l'exécution , le complètement
& la confommation de contrats antérieurs
& immédiats foumis à la formalité , fans qu'il
intervienne aucunes perſonnes défiutéreffées dans
les premières conventions ; neanmoins les droits
des actes ci- deflus énoncés ne pourront excéder
ceux qui auront été perçus fur les contrats
précédens auxquels ils auront rapport .
» Les actes paflés devant Notaires , antérieurement
au premier Janvier 1791 , dans les licux où
le contrôle n'étoit pas établi , feront cenfés avoir
reçu la formalité .
3 °. Les dons éventuels d'objets déterminés , &
les donations matuelles qui ne comprendront que
des biens immeubles préfens & défignés .
כ כ
4°. Les actes qui opéreront la réunion de l'ufufruit
à une propriété dont le droit aura été acquitté
fur la valeur entière de l'objet.
5. Les actes refaits pour nullité ou autres
caufes , fans aucuns changemens qui ajoutent aux
objets des conventions ou leur valeur .
6°. L'enregistrement de formalité des donations
entre- vifs , lorfqu'il fera requis dans les bureaux
d'fférens de ceux où les contrats auront été
enregistrés pour la perception .
7°. Les expéditions des jugemens & autres
actes judiciaires paffés aux greffes ou à l'audience ,
qui font fimplement préparatoires , de formalité
ou d'inftruction , excepté ceux des Paix qui font
déclarés exempts de tous droits d'enregistrement ,
& ceux des Tribunaux de Diftrict en matière de
contributions qui font défignés dans la feconde fection
.
» 8 °. Les fecondes expéditions des jugemens des
tribunaux de Diſtrict , lorsque les premières auront
acquitté le droit proportionnel.
( 249 )
כ כ » 9. Enfin tous les actes civils & judiciaires qui
ne pourront recevoir d'application pofitive à aucunes
des autres claffes ou fections du préſent tarif.
CINQUIÈME SECTION.
Actes fujets au droit fixe de 40 fols .
» Les expéditions des judiciaires , portant nomination
de tuteurs & curateurs , commiffaires , directeurs
ou fequeftres , appofition & reconnoiffance
de fcellés pour chaque vacation , clôture d'inventaire
, celles des jugemens qui donnent acte d'ap
pel , d'affirmation , acquiefcement , oppofition ,
affemblée de parens ou d'habitans , autoriſation ,
qui ordonnent qu'il fera procédé à partage , vente ,
licitation , inventaire , portant reconnoiffance ou
maintien d'hypothèque , converfion d'oppofition
en faific , débouté d'appel ou d'oppofition , décharge
de demande , déclinatoire , publication
judiciaire de donation , entérinement de lettres ,
de procès-verbaux & rapports , fans qu'il en réfulte
partage effectif ou mutation ; enfin ceux
qui portent main- levée d'eppofition ou de faifie ,
maintenue en poffeffion , nantiſſement , foumiffion
& exécution dejugement , les acceptations de fucceffion
& de legs qui n'ont pas une valeur déter
minée , à raifon d'un droit pour chaque legs où
fucceflion , & généralement tous les actes & jugemens
définitifs des Tribunaux de Diftricts , rendus
contradictoirement ou par défaut , en première
inftance , & qui ne font pas applicables à la première
claffe .
Les mêmes droits feront payés pour ceux des
actes ci-deffus préfignés qui pourront être palés
devant Notaires .
( 250 )
SIXIÈME SECTION.
Actes fujets au droit fixe de 6 livres .
1º. Les tranfactions en matière criminelle
pour excès , injures & mauvais traitemens , lorfqu'elles
ne contiendront aucune ftipulation de
dommages - intérêts ou de dépens liquides , qui
donnent lieu à des droits proportionnels plus
confidérables .
» 2º. Les indemnités dont l'objet n'eft pas
eftimé.

3°. Les fignifications & déclarations d'appel
au Tribunal de District , des fentences rendues par
les Juges de Paix.
SEPTIME SECTION.
Actes fujets au droit fixe de 6 livres.
» 1 ° . Les abonnemens de biens pour être
vendus en direction , les contrats d'union & de
direction de créanciers , les actes & jugemens
portant émancipation , bénéfice d'âge ou d'inventaire
, & refcifion , en quelque nombre que foient
les impétrans.
» 20. Les fociétés & traités dont les objets ne
feront pas fufceptibles d'évaluation , & les actes
qui en ftipulent la diffolution , & les inventaires
de titres & papiers lorfqu'ils feront féparés de l'inventaire
du mobilier de la fucceffion ou de l'abfent
, & qu'ils enverront les titres concernant la
propriété des immeubles .
"
3 ° . Les fignifications & déclarations d'appel
de jugemens des Tribunaux de Diftri&s .
» 4° . Les expéditions des jugemens définitifs
rendus fur appel , & dont les objets ne feront ni
Liquidés ni évalués.
( 251 )
HUITIEME SECTION
Actes fujets au droit fixe de 12 livres.
» 1º. Les actes & les expéditions des jugemens
portant interdiction , féparation de biens
entre mari & femme , & fauf conduit ou furféance
.
» 2 °. Le premier acte portant notification de
secours au Tribunal de Caffation.
NEUVIÈME SECTION.
Il ne fera payé que la moitié des droits fixés
par le préfent tarif , tant fur les actes de la première
, que fur ceux de la feconde & de la troifième
claffe , pour tout ce qui appartiendra , &
fera délivré , adjugé ou donné par ventes , donations
ou libéralités , 197 , tranfactions & jugemens
en faveur des hôpitaux , écoles d'inftruction
& d'éducation & autres és bliffemens publics de
bienfaifance .
» L'Affemblée Nationale fe réſerve , au furplus
, de ftatuer fur la fixation des droits qui
feront payés pour les acquifitions , a quelque
titre que ce foit , de biens immeubles réels ou fic
tifs qui pourront être faites par les hôpitaux ,
colléges académics & autres établiffemens
permanens , & fur les formalités qui feront néceffaires
pour autorifer ces acquifitions.
, ,
Du lundi 13 décembre.
Quelques détails fort peu intéreffans ont occupé
les premiers momens de la féance , après quoi
on a rouvert la difcuffion fur la fabrication propofée
d'une certaine quantité de monnaie de
billon . Les débags n'ayant prouvé que le befoin
( 252 )
de ces lumières qui ne naiffent pas des débats ,
la difceffion interrompue par le défaut de connoiffances
& d'idées , a été ajournée à mercredi,
Si l'on y revient trop fouvent , la nation aura
payé bien cher une fi miſérable reſſource .
Alors M. Dinochau , organe des comités de
conftitution & de judicature , a lu un long rapport
fur la fuppreflion & le remplacement des
officiers miniftériels , dans le nombre defquels il
n'a pas compris les procureurs au grand confeil ,
aux parlemens , aux confeils fupérieurs ,
tribunaux d'exception ; tous , dans fon ſtyle ,
inftrumentaires fubordonnés , fupprimés par le
fait de l'anéantiffement de ces jurifdictions ; mais
il a invoqué , de plus , la fuppreffion des procureurs
des bailliages royaux , des fénéchauffées
royales , & les huilliers royaux . Il a donné pour
raifons de cette fuppreffion : 1º, le décret du 24
mars 1790 , portant que l'ordre judiciaire fera
reconftitué en entier : «c Or , en faifant cette
reconftitution intégrale , a dit l'orateur , vous ne
pouvez laiffer fubfifter aucune partie de l'ancien
édifice 33. 20. L'incohérence de tribunaux compofés
de juges non- vénaux , non- héréditaires , &
d'officiers miniftériels , avec une finance ; 3 ° . que
le code devant être totalement changé , les procédures
fimplifiées , fous le régime futur , fans
doute très-prochain , cette foule d'officiers n'auroient
pas de quoi vivre ; qu'ainfi une fauffe
commifération n'auroit fait que fufpendre une
fuppreffion inévitable ; 4° . que le régime féodal
étant aboli , les matières eccléfiaftiques anéautics
pour jamais , le nombre des officiers étoit trop
fort ; 5. que les parties ayant recouvré le droit
naturel de fe défendre elles - mêmes , & l'Affemblée
ayant inftitué des juges de paix , des bureaux
de
( 253 )
de paix , il n'y aura plus de chicane ; la fource
des procès eft tarie ; 6°. que la divifion dr
royaume a difperfé les clientelles locales entre
trois ou quatre jurifdictions ; que les officiers
oilifs préféreront leur fuppreffion , avec le rembourſement
, à la détreffe qui les menace . « Enfin ,
a-t-il ajouté , l'opinion publique , qui maîtrife
les événemens , ne vous permet plus de balancer
».
Toutes ces raiſons ont conduit M. Dinochau
à propofer un projet de décret , auffi péu favorablement
accueilli que le rapport.
M. Dinochau avoit jugé que la première
queftion à examiner étoit celle- ci : les officiers
miniftériels feront ils fupprimés ? oui ou non .
M. l'abbé Bourdon a demandé qu'avant tout , le
comité préfentât un apperçu de la fonime à laquelle
peut monter le rembourfement .
сс
Dans un difcours très - étendu fans prolixité ,
M. Guillaume a réfuté le rapport du comité , qui
tendoit à réduire à la mendicité plus de cinquante
mille familles honnêtes . Il a confidéré les offices
miniftériels comme des propriétés confacrées par
la foi publique. « Quels font donc , a-t-il dit ,
vos principes fur les propriétés ? Ne voulez - vous
plus qu'elles foient refpectées » ? Il a pulvérifé
la théorie de M. Dinochau , par des idées claires ,
vraies & pratiques ; il a cité un fait , qui feul
bat en ruine le rapport , & par les maximes de
l'Affemblée , & par la conduite du coníité : « Lors
des difcuffions fur l'organiſation judiciaire , l'Affemblée
a formellement témoigné de l'éloignement
pour la fuppreffion de ces offices , & même fur
des réponfes faites par le comité de conftitution ,
plufieurs perfonnes ont acquis des offices miniftériels
, & obtenu des provifions » . M. Guillaume
No. 52. 2.5 Decembre 1799.
M
( 254 )
a conclu à la confervation des officiers , & au
remboursement de ceux qui voudroient ſe retirer .
M. Vieillard s'eft préſenté à deux heures pour
rendre compte d'une affaire très - preflée , d'une
lettre apportée au comité des rapports & non au
pouvoir exécutif , par un courier extraordinaire
des adminiſtrateurs du département du Lot. Cette
lettre , datée de Cahors , du 7 décembre , contient
le récit de l'inſurrection des payſans du diſtrict
de Gourdon , qui , refuſant de payer les droits
feigneuriaux non-ſupprimés , ont planté des potences
pour y Fendre les percepteurs , le font
réunis au nombre de près de cinq mille fous un
chef nommé. Linar , qui traite la municipalité
fur le pied de conquête , commande , promet ,
ouvre les prifons , ordonne ou tolère le pillage ;
dont l'armée met à prix la tête des adminiſtrateurs
, dévafte les maiſons , les châteaux ; qui
écrit fes exploits au département , vante fon
patriotifme comme tant d'autres , & appelle les
infurgens : Mes frères d'armes . Quand les mots
& la force remplacent les principes , les mêmes
mots s'appliquent arbitrairement à tout. Ce Linar
aura lu que l'infurrection eft le plus faint des
devoirs , & que la nation exerce la fouveraineté .
Le département expoſe les mesures qu'il a prifes ,
& M. Vieillard propoſe un décret qui confifte
à ordonner une information devant le diſtric
de Gourdon , & à prier le roi d'envoyer des
troupes .
M. Legrand a obfervé que les juges de Gourdon
feroient juges & parties , puifque ce font leurs
biens qu'on a pillés . « Il faut prévoir les erreurs
que vous pourriez commettre , a eu la noble
franchife de dire M. de Murinais , avec la modération
de ne s'étayer que d'un feul exemple.
1
( 255 )
Il faut vous empêcher vous - mêmes de tomber
dans la faute que vous avez déja commiſe à
Fégard de Nancy ; il faut déclarer que l'infor
mation une fois commencée ne pourra jamais
être annullée ; & fera continuée jufqu'à parfait
jugement. C'est ainsi que le peuple français
prendra confiancé en vous , en voyant que vous
marchez d'un pas ferme à la punition des coupables
».
M. Lucas a loué les bonnes difpofitions des
payfans , & demandé l'envoi de commiflaires civils .
M. Prieur n'a imputé ces malheurs qu'à l'erreur
de ces bonnes gens ( armés de faulx , attroupés ,
révoltés , qui s'exercent au pillage par diſtraction ,
par l'effet tout fimple d'une erreur civique. ) M.
d'André a repréfenté que des commiffaires ne
riendroient pas lieu de l'information qui devoit
être faite contre les coupables . L'Aſſemblée a
décrété que fon préfident le retireroit à l'inftant
pardevers le roi , pour le prier d'envoyer des
commiffaires & des troupes ; au furplus , que
l'on informeroit contre les coupables.
Du mardi 14 décembre,
M. de Wimpfen a fait , au nom du comité
militaire , un rapport relatif aux retraites des foldats
, rapport dont les conclufions out paflé en
décret.
Enfuite on a repris la difcuffion fur les offices
miniftériels .
» L'inviolable loi de la propriété , a dit M.
Prugnon , vous fait un devoir de conferver ces
offices ; l'intérêt public vous y engage. Quels motifs
pourroient vous obliger à entourer la ſtatue.
de la liberté de cent mille malheureux ? Rappe
dans enfuite la deftruction des antiques tribunaux » :
M 2
1256 )
ce font , a-t -il ajouté , les catacombes de la révolution
; hâtez-vous d'en fermer les portes . Les
officiers miniftériels peuvent s'attacher aux nouveaux
tribunaux . Il faut qu'il existe un être entre
le plaideur & le juge. Tout homme , dans fa
propre caufe , eft fufpect ou peut s'abufer . Si les
droits de la liberté exigent qu'il puifle le défendre
par lui-même , l'intéret public , qui parle encore
plus haut , exige que cette défenfe foit dégale ;
elle ne le fera que par l'accompliſſement des formics..
Confierez- vous l'intérêt du citoyen à des
hommes fans titres , & qui ne fourniront aucune
garantic ? Bientôt des hordes de felliciteurs entoureroient
les tribunaux & fufpendroient la confiance
du plaideur ignorant : de mauvais officiers
miniftériels déshonoreront les tribunaux. Nous
vous prions , procureurs , difoit Montefquieu ,
de nous laiffer notre probité & de nous conferver
notre honneur. Ne faut- il pas que ces officiers
répondent par la finance de leurs offices , des
titres , des fommes qu'on eft obligé de laiffer
entre leurs mains ? Quel recours le plaideur abufé
pourroit- il exercer contre des hommes fans propriété
? Il n'eft pas queftion ici de vénalité , mais
de garantie ..... Toute fuppreffion qui n'eſt pas
conftitutionnelle , devient , par cela feul , néceffairement
inconftitutionnelle , difoit le comité de
conftitution le 7 janvier dernier ; & il ſe hâtoit
d'ajouter que fon intention n'étoit donc pas de
fupprimer les offices miniftériels... Comment eft
elle devenue inconftitutionnelle au mois de décembre
, cette exiſtence qui étoit dans le voeu de
la conftitution au mois de janvier? ค
L'orateur a fini en préfentant le tableau des
malheurs qui fuivroient une fuppreffion , qui ne
feroit faite qu'après que toutes les places de l'ad(
257 )
miniftration feroient données ; & il a conclu à ce
que la queftion préalable repoufsât le projet du
comité.
M. Roberfpierre a accefé le comité de vouloir
rétablir les priviléges dans la partie la plus facrée
de la conftitution , & a blâmé le mode d'élection
des faturs hommes de loi . « Ne voyez -vous pas ,
a-t-il dir , par quelles viles intrigues , par quelles
baffes complaifances , les hommes les plus médiocres
, & fouvent les moins purs , les moins intègres
, réufliront à capter les fuffrages... tandis que
le génie libre , indépendant , dédaignera de femblables
moyens ? ... Que fera-ce que ce concours ?
un affaut de mémoire..... Ne vous attendez pas
à voir ces habiles jurifconfultes , ces orateurs pro
fonds & éloquens qui honoroient l'ancien barreau,
fe foumettre à un pareil concours..... Ainfi vous
dénaturez , vous dégradez des fonctions précieufes
à l'humanité , effentiellement liées aux progrès
de l'efprit public , au triomphe de la liberté ,
ainfi vous fermez cette école de vertus civiques ,
où les talens & le mérite apprendroient , en plaidant
la caufe du citoyen devant les juges , à dé
fendre un jour celle du peuple parmi les légif
lateurs..... »
Je conclus , & je me borne à établir ce
principe qui doit être l'objet actuel de vos délibérations
& de votre premier décret : tout citoyen
a le droit de défendre fes intérêts , en juftice ,
foit par lui-même , foit par celui à qui il voudra
donner fa confiance » ..
M. de Landine a parlé le langage de la raifon ,
qui , fans emphaſe, & fans enthoufiafme à froid ,
prête, fon ministère à la liberté légiflattice a
appellé que la finalice des offices a bénéficié à
cut & soffrait van gage aux plaideurs & aux
M. 3
( 258 )
loix. M. Thouret a vu que jufqu'ici la régénération
de l'ordre judiciaire n'exiftoit encore que
fous le rapport politique de la nation . Il a
foutenu que , pour remplir le voeu national , il
falloit fupprimer les corporations en titre d'offices
, les procureurs qu'il a nommés « des manipulateurs
privilégiés & ignorans ; leurs offices
ont pour objets les produits attachés à leurs
fonctions ; fi la nation garde les finances , il faut
qu'elle laiffe les produits. Chacun de vos décrets
offrira donc une indemnité à payer aux procureurs
». Enfuite il a répété , fous d'autres formes
les argumens de M. Biauzat , & fini par prouver ,
felon lui , que l'intérêt des officiers miniftériels
eft d'être fupprimés.
D'autres membres ont prolongé la difcuffion
fans la rendre plus inftructive . M. Chabroad &
M. Tronchet ont parlé pour la confervation des
officiers ministériels , en faifaut de nouvelles applications
des réflexions déjà faites . On alloit
mettre aux voix la propofition de M. Thouret,
quand la demande inopinée & l'adoption foudaine
de l'ajournement a laiffé aux divers ' partis
l'efpérance de nouveaux débats .
Du mardi , féance du foir.
On a dénoncé à l'Affemblée un mandement ,
que la tolérance philofophique qualifie incendiaire
, mandement publié par S. A. E. l'archevêque
de Trèves , dans la partie Françoife de fa
jurifdiction métropolitaine . Cette dénonciation a
été jointe à tant d'autres du même genre.
L'ordre du jour appelloit M. le Brun à foumettre
à la délibération les articles ajournés du projet
de décret , relatif aux ponts & chauffées . Le fecond
portoit qu'il continueroit d'y avoir un adminiſtra
( 259 )
teur à la tête de ce corps . M. le Grand a demandé
la fuppreffion de la place de directeur - général ,
que remplit fi dignement M. de la Milliere ; la
divifion du royaume entre quatre inspecteursgénéraux
au lieu de huit , & l'appel de ces infpecteurs
au confeil d'adminiftration . M. l'abbé
Gouttes a appuyé cet avis . M. de Sérent & M.
Alexandre de Beauharnais ont infifté fur la néceffité
d'une adminiftration centrale , & invoqué la
queftion préalable contre l'opinion de M. le Grand,
à qui M. Fermond & M. Goupil ont fervi d'auxiliaires.
сс
« Il ne s'agit pas , a obfervé M. le Brun , de
créer un miniftre des ponts & chauffées ; mais vous
ne pouvez priver le roi , chef & furveillant de
cette adminiftration , de la faculté d'établir un
iutermédiaire entre fon miniftre & les ponts &
chauffées 55. Refteroit- il au monarque une feule
branche d'adminiſtration , où l'on eût encore befoin
de fonger à lui difputer le droit d'agir , de
choifir, d'établir ?
Après beaucoup de débats , qu'ailleurs on nommeroit
du tumulte , l'Affemblée a décrété , fur la
propofition de M. Emmery, l'ajournement de la
queftion de cette fuppreffion , jufqu'au moment
où l'on s'occupera de l'organiſation du miniſtère ;
ainfi fe confume le tems en ajournant des queftions
ajournées.
Une Députation du Corps électoral du
Département de Paris a été admife à la
Barre. M. de Kerfaint , Préfident des Electeurs
, a dit , avec autant de nobleſſe que
de fimplicité , que le Corps électoral avoit
rempli fes devoirs , & que les trente Juges
M 44
( 260 )
étoientélus. Là fe bornoit , à ce qu'il femble,
le véritable objet de la députation ;
mais , M. de Kerfaint a annoncé qu'un de
fes Collègies dans l'électorat , alloit lire
une adreffe au nom des Electeurs . Ce
Collègue de M. de Kerfaint étoit M.
Larive , acteur du théatre François.
Il faut être jufte ; ce Comédien confidéré
par les moeurs autant par fes talens ,
qui n'eût rien perdu de fa gloire à refufer
le rôle extraordinaire dont il s'eft
chargé , n'a fait que prononcer la harangue.
Dès les premières lignes , la recherche ,
les antithefes , l'enflure vide ont décelé
l'Auteur : elle appartient à M. Cerutti
, maintenant Secrétaire du Corps des
Electeurs de Paris.
Les principaux traits de cette adreſſe
fuffront à la curiofité de nos Lecteurs :
on la trouve entière dans les compilations
de ces folliculaires , dont le génie confifte
à ramaffer & à céléb: er des adreffes.
» En reitituant au peuple François , a
» dit M. Larive , dans leur intégrité pri-
» mordiale , les titres originels qu'il avoit
» perdus dans les fiècles de l'ignorance ,
» vous lui avez rendu le premier droit du
» Souverain , celui d'élire fes Magiftrats <<
Certe phrafe eft imitée de l'éloge ingénieux
& connu du Préfident de Montef
quieu. Le genre humain , a-t on dit , avoit
perdu fes droits ; Montefquieu les a re(
265 )
trouvés & les lui a rendus . Voilà l'expreffion
du talent & d'un efprit juſte.
» M. Cerutti annonce enfuite que les
» Magiftrats ne feront plus les mendians
de la faveur , ni les candidats de la fortune
; ils feront les nobles concurrens de
→ l'eftimé , ou les cliens honorables de la
renommée.
Nous avons pris , continue til , l'élite
de Juges , dans l'élite des Francois a..
Cependant, on' choifira encore mieux même
que l'élite, lorfqu'on compofera le Directoire
; que M. Cerutti pomme le SENAT
d'adminiſtration : Il ne faut , fuivantÏOrateur,
que des hommes intègres dans
les Tribunaux ; max
il faut des citoyens
intrepides dans l'adminiftr.tion
כ כ
97
Quant aux Pafteurs , a dit M. Larive
en prétence de tous les Evêques Membres
du Corps légiflatif , nous regarde-
Tons tout Pontife qui fera contraire ou
Sinfidè e au ferment national , comme traas
Riffant le Dieu qu'il
5 qu'il enfeigne. annonce
, & le peuple
le favez , MM. des
55 pro ellationsScandaleufes , errent dans tous
les diocèles , pour y foulever la piété crédule.
Nous manifeftons la pureté de
nós opin ons religieufes , pour annoncer
5 que nous ne cho firons que des Palteurs
so dignes de la nation & des Autels, & que
toute elect on contraire nous paroîtron
One apoftafie ricordi ..
55
29304,2201387 251
MS
e
( 262 )
+
M. Cerutti donne enfuite des mandats
aux légiflatures futures & à la nation .
» Nous voulons , a-t-il dit à l'Affemblée , que
» vos fucceffeurs vous reffemblent : Nous
» voulons qu'ils joignent l'étendue des lu-
> mières à l'étendue d'un courage indomptable
, & qu'ils y affocient une retenue
magnanime qui fe borne à défendre la
» conſtitution , & qui n'afpire point à l'é-
2 branler «.
L'étendue des lumières , un courage indomptable
, une retenue magnanime , c'eſt
beaucoup demander , & beaucoup attendre.
A peine dans l'efpace de fix mille
ans , trouve-t-on dix hommes qui ayent
réuni ces qualités . M. Cerutti qui croit aux
miracles, comme on le voit par un paffage
de fon adreffe , a fans doute un fecret pour
reffufciter les Héros des temps fabuleux.
» Dans l'efpérance d'opérer une contre révolution
, ajoute-t-il , quel eft le dernier
efpoir des malyeillans ? c'eft d'amener une
révis
prématurée & orageufe de la conf
titution , & de faire ainfi retrograder la
France vers l'abime d'où elle eft à peine
fortie ce
L'ancien régime tenoit le même langage.
Happelloit malveillans tous ceux qui vou
loient foumettre les loix à la raifon publique.
Quelle malveillance peut- il exifter
à rappeller à la nation le droit inaliénable
qu'ont toutes les nations libres , de con(
263 )
firmer l'ouvrage du Corps conftituant ?
Ece deffervir la liberté , que propofer
à la France , plus enivrée , qu'éclairée ,
par le paflage brufque du Gouvernement
abfolu à l'application fans borner des droits
de l'homme , de confidérer avec maturité
le travail rapide de quelques mois , rédigé
contre la teneur même des premières inftructions
nationales ? Quelle malveillance
à vouloir imiter le peuple le plus libre de
la terre , les Américains - Unis , qui ont
rectifié & ratifié les décrets de leur Convention
Cette révision ne feroit point
prématurée , puiſque , fi la conftitution eft
bonne , on ne fauroit trop fe hâter de la
confolider par la fanction nationale , régulièrement
& für- tout librement énoncée .
Si elle eft vicieufe , il importe fouverainement
de la corriger , avant que fes inconvéniens
ayent aggravé les maux publics.
M. Cerutti prononce que tout autre fyftême
que celui de la conftitution françoife ,
eft un abime. J'en fais mon compliment
de condoléance à Platon , à Ariftote , à Cicéron
, à Solon , à Tacite , à Selden , à
Bodin à Montefquieu , à Francklin , à
Adams , à Hume , à Ferguson , & autres
fots de cette nature , qui depuis l'exiſtence
du genre humain , ont voulu l'endormir
fur l'abime. Ce précipice étoit un lit de
rofes pour M. Cerutti , lorfqu'au mois de
M
( 264 )
feptembre 1789 , il ornoit de Concetti les
principes de M. Mounier , qui faifoit aufli
retrograder la France vers l'abime ; mais qui
paro foit le plus fort à cette époque.
ן כ
François , le fecret des loix eft dans le
» temps. ( C'eft M. Cerutti qui parle ) François
attendez avec une tranquille conf
>> tance , que l'oracle des années vous re-
ן כ
vèle , & les biens & les maux , cachés
» dans nos nouvelles inftitutions. La fé-
» licité des empires dépend de la ſtabilité
>> & de la bonté de leurs loix. Les nôtres.
font dignes d'étre éternelles ..... Un . état-
>> conftitué comme la France , eft doué
→ de l'immortalitéfociale.... Vous aviez éternifé
le trône , la légiflature , la monar-
» chie, le chriftianifme : ce ne font pas là
> vos feuls bienfaits , vosfeuls miracles : vous
>>avez éternifé le crédit public , &c. &c, «
Tout efprit fage applaudira à la jufteſſe
du confeil par où commence cette tirade ,.
-mais M. Cerutti s'ête le droit de le donner..
Si le fecret des loix eft dans le temps, pourquoi
les déïfie-t il à leur naiffance ? Si loracle
des années doit feul révéler les biens &
les maux de nos inftitutions , cominent aujourd'hui
les déclarer miraculeufes & imr
páriffables ? Le plus rare des miracles eft
alliance du jugement avec l'éloquence ;
ainfit, fans s'arrêter aux inconféquences de
My Cerutti , on remarquera encore ici la
conformité de fes maximes avec les pream
(( 2651)
bules de l'ancien Gouvernement . Chaque
Miniftre en rendant un édit , & en profcivant
le livre où l'on en critiquoir les
difpofitions , réclamoit afli la ftabilité des
Loix , la félicité des Empires , & la tranquille
conftance des citoyens. A Dieu ne
plaife que je blâme cette prudence des
Peuples je les y ai cent fois , & bien inutilement
, rappellés. C'eſt à ceux qui n'ont
ceffé d'oppoler cette éternelle vérité à l'amour
effréné des innovations , aux renverſemens
précipités , & à la vanité de la
politique métaphysique, qu'il appartient de
dire que , le fecret des loix eft dans le
temps , & que de la Gabilité des bonnes.
loix dépend la félicité des Empires ; mais
pour defirer des inftitutions ftables , il faut
être affuré de leur fageffe , & comment
F'être avant l'épreuve des années ? comment
l'être dans un pays , où le poifon de la
calomnie & le fer de l'oppreffion , menaceroient
à tout inftant , le premier qui ofe
raifonnerfur les loix nouvelles le premier qui,
s'écartant de la foule des adulateurs , ne jetre
point un groffier encens fur l'autel mobile
de l'opinion , qui compte avec fa conſcience.
& avec fa raifon , avant de ſe profterner
devant l'idole des nouveautés , & qui laiffe
le vulgaire fare l'a othéofe des fragiles:
oeuvres de la foibleffe humaine ? Comment
Fêtre au milieu de cent mille rouages qui
retentiffent de frottement ? Comment l'êtree
( 266 )
là , où l'on appelle féditieux & malveillans ,
ceux qui foumettent une conftitution auſſi
neuve que nouvelle , au creuſet de la ré-
Hexion publique ?
Sans doute , la réviſion feroit orageuſe:
il fuffiroit aux citoyens vertueux d'avoir à
craindre pour cette cenfure de nos loix ,
la moitié des malheurs qu'a entraîné leur
confection , pour en redouter le projet. Sans
doute , il faut attendre avec une tranquille
réfignation les oracles du temps , & fe confoler
des calamités de l'anarchie , par la
perfua fion quelle amènera bientôt fon terme.
J'ajoute encore, que la raifon la plus
révoltée contre la Conftitution , ordonne
de s'y foumettre. Si elle étoit exécutée , fi
Les principes n'étoient pas continuellement
& impunément violés ; fi elle affuroit une
fauve-garde à la fûreté , à la liberté , à la
propriété de tous les citoyens ; fi le premier
fcélérat qui oferoit porter la torche dans la
demeure d'un père de famille , ou le plonger
dans un cachot par une délation calomnieufe
, étoit fûr d'un échaffaud après le
crime , tous les intérêts devroient embraffer
la Conftitution , comme la dernière planche
de tous les naufrages.
Promettez la paix , la fûreté, la tolérance;
& faites-les refpecter ; voilà le feul moyen
de produire cette patience defirée , qui eft
toujours une vertu, même dans l'oppreffion.
M. Cerutti a placé le mobile de cette paix
( 267 )
:
intérieure dans la transformation de tous les
Soldats en Citoyens & de tous les Citoyens en
Soldats il nous félicite de ce que chaque famille
fera une fortereſſe , & chaque hameau
an mur d'airain impénétrable au fer des confpirateurs,
Quelle paix ! jufte ciel ! & quelle
félicité que celle d'une Nation , dont de
femblables images feroient le bonheur , &
de telles précautions la fûreté !
L'Orateur ayant enfuite enchaîné le mé→
chanifme ministériel de la politique , & les
confpirations de la guerre , a fini par un
parallèle de l'Amérique Angloife avec la
France.
« La première , a-t -il dit , n'avoit à combattre
que des armées ; la feconde avoit
» à détruire un long amas de préjugés , &
» un long rempart de priviléges à démolir.
Nous avons terraffé un defpoti me do-
» minant dans nos murs ; dans un élan
>> fublime , nous avons franchi d'un feul
pas l'intervalle immenfe de l'efclavage à
» la liberté , nous avons détrêné en un jour
cent mille tyrans ; enfin , fi l'Amérique
a devancé la France , la France a furpaffé
» l'Amérique , l'une a eu la fupériorité d'un
grand exemple, & vous avez donné à
»l'autre la fupériorité d'une légiflation plus
accomplie ».
On peut réduire à des élémens plus fimples
, le calcul comparatif de ces deux conquêtes.
Pour acquérir l'indépendance , ( car
( 268 ))
elle éto't libré auparavant) l'Amérique a livré
dix batailles , perdu cent mille hommes , &
dépensé un milliard . Heureufement • &
grace au caractère du Roi , ceux qui jouillent
de la liberté en France , Font payée
beaucoup moins cher. Je ne fais , & bien
d'autres avec mor , laquelle des deux légiflarious
de France & d'Amérique eft la plus
accomplie mais ce que perfonne n'ignore ,
c'eft qu'après avoir commencé , comme
nous , par engloutir tous les pouvoirs dans
les mains des affemblées populaires , les
Américains en ont retiré tous ceux qui
étoient néceffaires à la formation d'une
balance dans la conftitution , at contrôle
du corps législatif , & à la prérogativé:
très considérable de leur Préfident. Vainement
, à la derniète convention , les antifédéralistes
épuisèrent- ils toutes les maximés:
populaires que nous avons adoptées ; la
rai on éclairée de la grande pluralite fixa.
la Conftitution fur d'autres baſes , & depuis
on s'est encore , fur divers poifits impostans ,
rapproché du Gouvernement Britanniqué.
5. Mepermetera ton de citer ici un pallage
d'un écrivain politique très - eftimé dans
fon pays & en Europe , quoique petit être
fort méprifable aux yeux de M. Cerutti,.
parce qu'il n'aime pas les miracles légiflat
rifs. Cet écrivain , M.Sheridan , en développant
les caufes qui pervertirent le Gou
vernement de Suede, au lieu de le réformed
à la mort de Charles XII , dit :
( 269 )
» Il s'agiffoit de former une nou
velle Conftitution , dont l'objet fut
» de rendre immédiatement là liberté à un
" peuple , accoutumé depuis long - tems à
» une foumiffion fervile. De pareilles vues
exigeo ent de la part de ceux qui fe char-
> geoient de l'office de Légiflateurs, les plus
grands talens , une expérience & une profondeur
de connoillances que peu d'hom-
>> mes poſsèdent.
גכ
>>
» La liberté n'eft pas une plante qui
» croiffe tout- à-coup . Or l'expérience feule
enfeigne les moyens de la défendre &
>> de la cultivet. Envain donc établira - t-on
» chez un Peuple , une forme de Gouver-
» nement qu'on croira deftinée à le rendre.
libre, s'il n'eft préparé à la recevoir. L'har-
» monie d'où dépendra fa ftabilité , ne peut
» réfulter que de l'accord du génie du
peuple avec la nature du Gouvernement
libre qu'on lui donne. Sheridan Hift . de
» la Révol. de Suède. p. 176 «.
M. Cerutti eft moins pufillanime , moins
rampant que M. Sheridan , car fon adreffe
finit par ces mots .
ג כ
Defcartes difoit , donnez moi de la
» marière & du mouvement , & je crée
» un monde. Il droit aujourd'hui ; donnez-
» ..oi des hommes & la conftitution Fran-
» çoife , & je crée une nation « .
Quoiqu'inventeur des tourbillons , je
( 270 )
doute que Defcartes eut penfe & parlé comme
M. Cerutti.
En fe représentant l'Hôpital , Coligny
Henri IV , Catinat , Fénelon , d'Agueffeau ,
Montefquieu & J. J. Roufeau , Membres
du Corps législatif de France , on demandera
qu'elle eut été leur opinion à l'ouie
de ce difcours ? Quant à nous , obligés
feulement de rapporter la fenfation du moment
, nous dirons que cette adreſſe , vifiblement
imitée de l'adreffe aux François ,
a reçu de très grands applaudiffemens ,
que le Préfident y a répondu en peu de
mots, & que les Députés ont eu l'honneur
de la féance.
Après cette audience on a traité des ponts &
chauffées , M. Bureau de Pufy propofant dés
articles additionnnels en forme d'amendement au
projet du comité des finances , a cu en vue de
concilier les intérêts de l'agriculture & du commerce
avec la défenſe de l'état , dans ce qui
concerne les routes , canaux , ponts , levées , ports
& autres travaux relatifs à la défenſe militaire ,
qu'il met fous la furveillance des officiers du
corps du génie. Ses propofitions , renvoyées à
l'examen des comités compétens , quelques arti
cles feulement ont été décrétés : ils confirment
l'existence d'une adminiſtration centrale de cette
partie. ~
Du mercredi 15 décembre.
Plufieurs villes fe plaignent que le nombre des
pauvres augmente , & que les moyens de fecouss
diminuent . L'infuffifance des revenue des hôpitaux
( 271 )
de Rouen pour la foule des malheureux qui s'y
préfentent , eft , pour cette année , de plus de
250 mille livres . M. le Couteulx a demandé que
les droits perçus à l'entrée de cette ville , nominés
droits réservés , & qui devroient finir le 31 décembre
, foient continués & provifoirement appliqués
auxdits hôpitaux , en attendant un réglement
général fur la mendicité . L'Affemblée ordonne
que les receveurs de ces droits en remettront les
fonds à la municipalité , & celle - ci aux tréforiers
des hôpitaux , à la charge d'en rendre compte au
directoire du département.
La demande de rendre les difpofitions communes
à toutes les villes du royaume , fuggérée
à un autre membre par le cri perçant de la misère
univerfelle , a été renvoyée aux comités . L'ordre
du jour a reproduit la difcuffion fur les officiers
miniftériels.
M. Dinochau a repréfenté une férie , de queftions.
M. Renault de Saint- Jean- d'Angély voyant
une ligne de démarcation très- profonde entre les
procureurs , les huiffiers , & les notaires , a dit
que tout homme avoit le droit de choifir fon
défenfeur comme fon médecin , que les procès font
les maladies des fortunes , comme la fiévre eft la
maladie des perfonnes ; qu'il faut exclure les
charlatans en procédure comme en médecine .
D'après ces principes , il a renvoyé aux décrets
fur l'éducation nationale , le mode d'examen qu'on
devra fubir avant d'être homme de loi ; & il lit
huit articles où il fupprime les procureurs , les
rembourfe fur l'évaluation de 1771 ; leur alloue
une indemnité , dont moitié feulement s'ils continuent
leurs fonctions ; confond celles des avocats
& celles des procureurs , & les aftreint à la même
taxe.
( 272 )
M. le Grand' s'eft borné à quatre queſtions
Les fupprimera - t - on ? Les employera- t - on ? Y
aura-t- il un tableau ? Simplifiera -t-on les formes ?
M. de Mirabeau lit un projet de décret en XVII
articles. Il fupprime les procureurs , fufpend l'ana,
thème fur les notaires , charge exclufivement des
hommes de loi de l'inftruction des procès , admer
des défenfeurs officieux gratuits , préfère les offi
ciers fupprimés pour les fonctions d'hommes , de
loi ; leur accorde un mois pour fe décider , promet
remboursement & indemnités aux diffidens , attache
les autres à tel tribunal par un lien indiffoluble ,
réduit le grand nombre par la voie du fort
ajoute au petit nombre par l'élection . La queſtion
préalable écarte ce projet que M. le Chapellier
trouve plus défavantageux que celui du comité ,
tant pour les officiers que pour le public.
:
Ce dernier opinant avoit aufli fa férie de quef
tions , à laquelle M. Dinochau a encore fait
fuccéder la henne. Au milieu de tant d'opinions
diverfes , on a d'abord décidé qu'il ne s'agiffoit
pas des notaires . Les débats ont enfuite recommencé
des motions rebattues fe froiffent encore
fous d'autres formes. Chaque tribunal aura- t- il
tant d'avoués ? Adoptera- t-on la liberté indéfinie ?
Le plan du comité eft repouffé ; enfin , dans une
mer de paroles , furnage l'expédient de divifer.
L'office & l'officier font féparés , comme le rentier
& fans rente avoient été féparés pour l'unpôt
Temblée décrète, que : &
« 1 ° . La vénalité & l'hérédité des offices mit
niftériels ou de poftulation près des tribunaux ,
font fupprimés.
2. Il y aura des officiers ' publics pour les
citations , fignification & exécution des juge
mens ».
1
( 273 )
Du jeudi 16 décembre.
Après la lecture d'un projet de décret , préſenté
par M. Camus , fur l'organiſation d'un bureau
de liquidation , on eft rentré dans la difcuffion
relative aux officiers miniftériels , qui a déjà
dévoré plus de temps qu'il a fallu pour abolir la
féodalité , la nobleſſe , la magiftrature , & tous
les privilèges des provinces ; il n'eſt pas difficile
de pénétrer le motif de longs débats.
Y aura-t-il , près des tribunaux , des avoués ,
chargés de l'inftruction des procès ? Tel étoit le
fujet de la difcuffion . M, le Grand étayoit l'affirmative
d'un projet de décret portant un tableau
d'infcription , d'où les officiers fupprimés ne
feroient pas exclus .
-M. Froncheta prié l'Affemblée de ne point livrer le
peuple aux charlatans judiciaires qui trafiqueroient
de fa crudulité. Il a dit à ceux dont l'ignorance
ne doute de rien , & trouve facile de répondre
à l'objection tirée de la néceffité d'une sûre communication
des pièces : répondez-y donc . Sans
déplacement , un greffier n'aura pas l'oeil à tout ;
le déplacement amenera des infidélités . M. Tronchet
a fini par gémir du cahos où nous plongeroit
la fuppreffion d'officiers avoués , & à fait
rendre le décret fuivant fur les conclufions unanimement
adoptées .
« L'Affemblée nationale décrète qu'il y aura ,
auprès des tribunaux de diftricts , des officiers
miniftériels ou avoués dont la fonction fera exclufivement
de repréfenterles parties , d'être chargés
& refponfables des pièces & des titres des parties ,
& de faire les actes de forme néceffaires pour la
régularité de la procédure ; & mettre l'affaire en
ét 3. ces avoués pourront même défendre les
( 274 )
parties , foit verbalement , foit par écrit , pourvu
qu'ils y foient expreffément autorifés par les parties
, lefquelles auront toujours le droit de fe
défendre elles -mêmes verbalement ou par écrit ,
ou d'employer le miniſtère d'un défenfeur officieux
pour leur défenſe , ſoit verbale , foit par éccit »
A
cc
M. de Liancourt a prouvé , au nom de quatre
comités reunis , qu'en attendant l'avenir , il falloit
pourvoir au manque d'ouvrage par une aumône générale
de 15 millions , faite à tous les atteliers de
charité du royaune : fur fon rapport , l'Affemblée ,
aux termes du décret , « empreffée de faire jouir
dès-à-préfent cette claffe intéreffante des avantages
que la conftitution affure à tous les citoyens
» ; ordonne qu'il fera accordé fur les fonds
du tréfor public , is millions , dont la fomme
de 640,000 livres fera répartie entre les 83 départemens
, à raifon de 80,000 liv. pour chacun ,
payables , 40,000 liv . le 10 janvier , 20,000 liv .
le 10 février , & 20,000 liv . le 10 mars .
Le reste du décret charge les directoires de
prendre des renseignemens & des mesures , de
dreffer des plans & des devis , de motiver le
& de les envoyer au miniftre des Finances ,
dont le rapport mettra l'Affemblée à même d'ordonner
des comptes , s'il y a lieu , & de répartir
les 836,000 liv. reftant des 15 millions accordés.
tout ,
Du jeudi , féance du foir.
Après la lecture de plufieurs adreffes , M. Pafcal
Grimaud , profeffeur de théologie , admis à
la barre , a lu une adreffe de fes ci - devant
confrères , les chanoines de Saint-Pierre de Clermont-
Ferrand , où ils fe font empreffes , avant
leur féparation , de rendre juftice , difent- ils , aur
décrets fur l'organiſation civile du clergé. On a
( 275 )
+ déféré à M. Grimaud les honneurs de la féance .
Elle a été terminée par quelques articles décrétés
fans débats fur les ponts & chauffées .
Du vendredi 17 décem're.
M. d'Allarde a demandé , au nom du comité
des finances , au receveur général du clergé , un
compte de la recette & de la dépenfe des décimes ,
& la fomme de 460,000 liv . dont ce receveur
s'eft déclaré dépofitaire , en lui paffant celle de
131,519 liv . à lui adjugée pour frais de comptabilité.
Les propofitions , un peu changées , de
M. d'Allarde, font devenues un nouveau décret .
M. de Kinfon payera les 460,000 liv . On lui
donnera quittance de 131,519 liv . dont il a fourni
la valeur , en une quittance actuellement exigible
de pareille fomme , & la caiffe de l'extraordinaire
lui en rembourfera le montant.
On a repris la longue difcuffion fur les offices
miniftériels . Le nombre en fera-t-il fixe ? Subiront-
ils un examen ? Qui le fera & comment ?
Nos procureurs & avocats fupprimés auront - ils la
préférence ? Ces queſtions de M. Dinauchau ont
excité de vifs débats , non fur le fond des idées ,
mais fur leur ordre numérique ; & pour terminer,
il a été décidé qu'on débuteroit par la dernière.
Un projet de M. Guillaume a bientôt fait place,
dans l'attention de l'Aſſemblée , à un autre trèscontraire
, préfenté par M. Prieur , à qui il a paru
fuffire que les avoués fuffent probes & capables.
M. Chabroud a penfé qu'un nombre exceflif
d'avoués feroit très-dangereux , que les avocats
étant aux procureurs comme cent à vingt , les
276 )
admettre également , ce feroit trop multiplier les
avoués , d'autant plus que beaucoup d'avocats
très -éclairés n'étoient pas affez inftruits des formes.
Sa conclufion qui rentroit dans celle de
M. Guillaume , a été d'admettre les procureurs
aux fonctions d'avoués , & de réferver aux avocats
« les honorables fonctions de défenfeurs
officicux , les feules qu'ils aient jamais voulu
remplir dans les tribunaux ; » ce qui explique le
mot gratuit par le mot honoraire .
,
Tirant l'efprit des décrets à rendre , d'un premier
décret rendu , M. Regnault a dit qu'on
égareroit la confiance du peuple ou qu'on y
porteroit une atteinte formelle fi on la circonfcrivoit
dans les procureurs à l'exclufion des avocats...
La difcuffion eft enfin fermée , & la priorité
déférée à l'opinion de M. Prieur , à fa dernière
, à la concurrence illimitée .
Une feconde lecture a donné à M. Prugnon le
tems d'obferver que les procureurs font les défenfeurs
des parties , que les avocats au confei
font de plus les défenfeurs de la loi , que le
reffort de ce tribunal reſte le même , que la compétence
n'en eft pas augmentée , qu'il n'y a donc
aucune raifon de confondre les avocats au confeil
avec tous les prétendans à la qualité d'avoués .
Cette motion eft ajournée. Le fond du projet
mis aux voix alloit difparoître fous les amendemens
, quand reffaififfant le fil des idées , cent
fois rompu dans un tumulte fi dominant que
l'ennui même ne l'arrêtoit pas , l'Affemblée ,
ajournant tout le refte , a décrété les deux artices
fuivans :
« Art . Ier . Les ci - devant juges des cours fupérieures
& juges royaux , les avocats & procureurs
du roi , leurs fubftituts , les juges & procureurs
fiscaux
( 277 )
Afcaut des ci-devant juftices feigneuriales , gradués
avant le 4 août 1789 , les ci-devant procu
4 reurs en parlemens , cours des aides , préfi
diaux , bailliages , fénéchauffées , prévôtés , &
autres fiéges royaux fupprimés ; les ci - devant
avocats infcrits fur les tableaux dans les lieux où
ils étoient en ufage , ou exerçant publiquement
près les fiéges ci- deffus défignés , feront admis
de droit à remplir près les tribunaux de diſtrict
où ils jugeront à propos de fe fixer , les fonctions
d'avoués , en fe faifant préalablement infcrire au
greffe defdits tribunaux.
II. » L'Affemblée nationale fe réferve de déterminer
les règles , d'après lefquelles les citoyens
pourront être par la fuite admis aux fonctions
d'avoués ».
Du famedi 18 décembre.
M. de Riolles , détenu , depuis plufieurs mois ,
dans les prifons de l'Abbaye , fans décret judiciaire
, fans tribunal auquel il puiffe demander
la liberté ou la mort , fans qu'on fache s'il eft
criminel , ni quel est fon crime , réclame contre
l'oppreffion , & demande à être jugé par le tribunal
provifoire des Dix , formé à Paris , & à
la diligence de l'officier chargé de la pourſuite
des procès criminels . L'Affemblée a décrété cette
pétition , en refufant la même grace à M.
Bonne-Savardin , qui , décrété de prife - de- corps
pour crime de lèze -nation , ne peut être jugé que
par la cour nationale .
En vain M. d'André propofoit -il de mettre le
plan de ce tribunal à l'ordre de lundi .
6C
Nous avons plus befoin de contribution que
de la haute cour nationale , ont obfervé MM.
Martineau & Loïs.
N °. 52. 25 Décembre 1990. N
( 278 )
On alu tous les decrets rendus concernant le ra
chat des rentes foncières , & une diofition additionnelle
a borné à 15 fols le droit d'enregistrement
impofé aux quittances de rentes créées ou devenues
ci -devant non - rachetables . Les frais feront
à la charge de celui qui fera le rachat .
M. Camus a annoncé que plus de 400,000 liv .
d'affignats rentrés par la vente des biens nationaux
ont été brûlés avec les formalités ordonnées.
M. Alexandre Lameth a fait décréter que
le roi fera prié de faire délivrer 10,000 fulls
des arfenaux pour l'armement des gardes nationales
, & que la diftribution en fera concertée
entre le comité militaire & le miniftre de la guerre,
& arrêtée par l'Affemblée .
On eft revenu aux officiers miniftériels , & l'on
a décrété les articles fuivans :
« III. Les juges , avocats & procureurs- fiſcaux
des ci- devant juftices feigneuriales reffortiflant
nuement aux cours fupérieures , les avocats gra
dués avant le 4 août 1789 , & les procureurs en
titre d'offices ou pourvus par provifions , ayant
exercé près defdites juftices , feront admis à
exercer les fonctions d'avoués près des nouveaux
tribunaux .
» IV. Aucun avoué ne pourra en même-tems
exercer les fonctions auprès de plufieurs tribunaux ,
à moins qu'ils ne foient établis dans la même ville ,
& il fera tenu de réfider dans la ville où fera
le tribunal .
» V. Les huiffiers - prifeurs de Paris , & les
haiffiers de la prévôté fubfifteront provifoirement
jufqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ;
néanmoins lefdits huilliers ne pourront exercer leurs
fonctions que dans l'étendue du département ,
( 279 )
tous droits de fuite demeurant dès - a - préfent
fupprimés...
VI. Pourront les huiffiers qui feront attachés
aux tribunaux de diftrict établis dans la ville
de Paris , exercer leurs fonctions dans toute
l'étendue du département de Paris .
» VII. Tous les officiers miniftériels font
autorifés à pourfuivre leurs recouvremens en
quelques lieux que les parties foient domiciliées.
pardevant le tribunal du diftrict dans le reffort
duquel étoit établi le chef-lieu de l'ancien tribunal
où ces officiers miniftériels exerçoient leurs
fonctions.
Quant au nombre des avoués , comme ce n'eft
qu'à l'expérience & non au génie à le fixer , on
en a laiflé le foin aux légiflatures prochaines . Le
remboursement ou l'indemnité dont la déclaration
des droits fait un préalable néceffaire de toute
atteinte portée à la propriété du citoyen , ne
forme ici qu'une queftion fecondaire qu'on a
renvoyée à l'une des féances du foir.
Du famedi 18 , feance du foir.
Après la lecture de quelques adreffes , M. de
Mirabeau , prenant la parole , a donné connoiffance
d'une lettre du préfident du département
des Bouches du Rhône , dont voici la ſubſtance
& les expreflions.
!
ce Les ennemis de la révolution n'ont jamais
ceflé d'intriguer dans cette ville ( Aix ) , pour
la readre difficile ou finiftre , fur -tout depuis la
fuppreffion des parlemens. Depuis huit jours , ils
avoient formé le projet de fe rallier en club ,
dont le nom feul annonçoit le danger : ils de--
voient le nommer amis du Roi , du clergé , de
la nobleſſe . Il exifte deux autres clubs , l'un ›
N 2
( 280 )
amis de la conftitution , l'autre fous le nom
des anti- politiques . Les amis du Roi annonçoient
qu'ils mettroient la cocarde blanche avant - hier
dimanche . Les deux autres clubs fe réunirent &
jurèrent de maintenir la foi due à leur ferment
civique. Une de leurs députations , paſſant le 10
au foir devant un café , où des amis du Roi
étoient réunis avec des officiers du régiment de
Lyonnois , il s'éleva des huées : plufieurs individus
fortirent du café , & attaquèrent les patriotes
à coups de piftolets & l'épée à la main .
Il y eut des bleffures ; aucune n'eft dangereuſe .
Les corps adminiſtratifs fe raffemblèrent : quatre
officiers du régiment de Lyonnois furent arrêtés
& conduits à la maiſon commune . »
» D'autres officiers firent prendre les armes au
régiment , & fe propofoient , fuivant le rapport
fait à l'adminiftration , de venir délivrer leurs camarades
. L'adminiftration fit partir le régiment ,
qui fe rendit dans diverfes garnifons : les grenadiers
avoient refufé de marcher fans en être
requis ; les citoyens volèrent aux armes , & vinrent
demander juftice des attentats commis contre
eux. Ils n'inculpèrent qu'un feul des officiers
arrêtés ».
Le régiment parti , l'adminiſtration fit venir
de Marſeille un bataillion du régiment d'Ernst ,
Suifle , & 400 gardes nationales ; ce fecours arriva
le 13. Le regiment de Lyonnois fe rendit à
fa deftination en bon ordre ».
» La paix fe feroit rétablie , fi le fieur Pafcalis,
avocat , qui avoit infulté la Nation , par un
difcours incendiaire , prononcé le 27 ſeptembre
à la barre du parlement , n'avoit été arrêté &
conduit aux prifons . Le peuple , le confidérant
comme la cheville ouvrière de la trame qu'on
.
( 281 )
croit avoir été ourdie contre les patriotes , de
manda fa tête . Aujourd'hui les cris ont redoublé ;
la prifon , gardée par des détachemens du régiment
d'Ernft & des gardes nationales , a été
forcée »,
Ici la dernière ſcène de cette horrible tragédie .
Le préfident narrateur avoue que MM . Paſcalis ,
la Roquette, Confeiller au Parlement, & Guiraman,
Chevalier de Saint-Louis , arrachés des prifons ,
ont été pendus à des arbres par la populace , en
préfence des adminiftrateurs , des municipaux en
écharpe & de leurs forces militaires immobiles.
Le préfident prétend que fon coeur eft déchiré ,
malgré les deffeins infernaux dont la voix publique
accufe ces individus & plufieurs autres.
Dans des circonstances fi pénibles , a dir M.
de Mirabeau , les corps adminiftratifs ont befoin
de vos mefures provifoires , pour reprendre leur
énergie & leur prudence ».
* сс
» Je demande que les députés des trois départemens
de Provence s'affemblent , & vous
préfentent un projet de décret , en attendant le
rapport des comités des recherches & des rapports .
L'Affemblée l'a ainfi décrété » .
Immédiatement après , a paru à la tribune M.
Voidel , du comité des recherches , & qui , au
nom de ce comité , a fait le rapport d'une confpiration
tramée à Lyon , c'eft--d re des motifs
de l'arrestation de trois citoyens , MM. Guillin de
Pougelon , avocat diftingué , Terraffe & d'Ffcars,
deux jeunes officiers , dont l'un , M. d'Eſcars ,
que 22 ans. Ces motifs font fondés fur
les dénonciations de quatre délateurs Monnet,
Berthet , David & Charot , qui , fe difant confidens
des accufés , & incités par eux à favorifer
leur complot , révèlent ces entretiens à la muni
n'a
,
N
3 .
( 282 )
palité . C'eft , comme on le voit , le pendant
de l'hiftoire de M. de Lautrec , qui avoit aufli
offert des facs d'or aux deux fcélérats qui le dénoncèrent
à la municipalité de Touloufe , & dont
le crime , pour l'encouragement de leurs parcils ;
n'a pas même été recherché .
Dans fon préambule , M. Voidel parcourt
Turin , Nice , Antibes ; il voit une coalition
des réfugiés François , M. de Calonne à Turin ,
en liaifon intime , à ce qu'il dit , avec M. le
comte d'Artcis & les deux autres princes de la
maifon de Bourbon ; ce qui l'autorife à s'écrier :
tout est découvert . Voici le précis exact
des découvertes de M. Voidel , c'eſt - à - dire des
récits des quatre délateurs Lyonnois .
Ils accufent d'abord MM . Defears & Terraffe
de leur avoir fait diftribuer des libelles contre
l'Affemblée nationale , tels que le voeu d'un
François , adreffe cux Provinces , l'ouvrage de
M. de Calonne, & c . Ils ajoutent qu'ils faifoient des
engagemens & donnoient de l'argent à tous ceux
qui vouloient fe ranger de leur parti ; qu'ils cherchoient
à leur perfuader que la ville de Lyon
alloit devenir le centre & la capitale du royaume
; que les manufactures alloient reprendre leur
vigueur ; que le commerce alloit refleurir's que
lè Roi trouveroit le moyen de s'échapper de
Paris , & qu'il entraîneroit avec lui l'Affemblée
nationale , inféparable de fa majesté , & que la
conftitution iroit toujours fon train . Ils fondoient
beaucoup d'efpérances fur M. de la Chapelle ; en
parlant de lui , ils le traitoient toujours d'ami
la Chapelic. » Mes amis , difoient-ils à leurs profélytes
, attendez le retour des princes , ferveznous
bien ; le roi & les princes vous récompenferont
généreufement. La ville de Lyon eft
an ne peut mieux bâtie pour fervir de cai283
)
tes .
-
tale les réverbères de cette ville éclairent auffi
bien que ceux de Paris . Vous n'êtes pas les feuls
qui vous enrôliez pour la bonne caufe ; la lifte
que nous pouvons vous montrer eft innombrable.
Le peuple demande le renvoi du régiment
de la Marck ; mais ne craignez rien : M. de la Cbapelle
anéantira ces efforts & étouffera ces plain-
Rendez vous dans les cabarets'; foulevez
le peuple ; faites lui entendre qu'on cherche à le
faire mourir de faim ; encouragez - le à s'affembler
fur la place des Terreaux , pour demander
qu'on le délivre de l'oppreffion ; exhortez le à
s'adreffer à la municipalité : fi la municipalité në
veut lui rendre juftice , qu'il s'adreffe au diftriét,
au directoire du département même , s'il le faut ;
qu'il demande à grands cris M. de la Chapelle
pour fon général , & alors vous marcherez tous
avec du canon : faites marcher avec vous autant
de femmes que vous le pourrez ; craignez
pas le drapeau rouge. Que le peuple demande
les princes , nous aurons 3000 hommes pour
aller les chercher. Le même jour l'infurrection
éclatera dans toute la France. Il faut que l'affaire
éclate ici lundi , & c . & c.
Au furplus , les délateurs difent avoir reçu ,
P'un so louis , l'autre 4 , & le troisième 2 :
David eft le feul qu'on ait oublié .
M. Voidel a terminé fa relation par quelques
remarques , & par un projet de décret qui ordonne
la tranflation à Paris des trois prifonniers ,
& de fufpendre le paiement des penfions ou traitemens
aux François émigrans qui ne rentrerons
pas dans le royaume dans un mois .
Il étoit fans doute difficile de difcuter fubitement
un rapport fi chargé de détails , & e
prendre une opinion fur une lecture fi fugitive.
NA
( 284 )
M. l'abbé Mayet , député de Lyon , a le premier
pris la parole , pour avertir que deux des
dénonciateurs de M. Guillin étoient récufables ;
l'un , ayant tenté , il y a trois mois , de foulever
le peuple & encoura un décret de prife-de- corps ;
l'autre , pour avoir été attaché à M. Guillin ,
dans fa qualité de juge des comtes de Lyon.
L'opinant a demandé , qu'en conféquence , il fut
furfis à la tranflation des prifonniers , jufqu'à ce
qu'il y eut contr'eux des charges moins fufpectes
.
« Au commencement de la féance , a dit M.
l'abbé Maury , on vous a inftruit que trois de
vos concitoyens venoient d'être pendus à Aix par
le peuple ; pas un des affaffins n'a été arrêté , &
au même inftant , M. Voidel vous propofe
d'ordonner à tous les fugitifs de rentrer
France » !
en
Des murmures ayant interrompu l'orateur ; » Qui
de vous , a - t - il repris , ofera affurer ma vie ?
Trois citoyens d'Aix font pendus ; perfonne
n'eft arrêté , & l'on vous propofe de traîner en
prifon trois particuliers , accufés de complets imaginaires
, & contre lefquels il n'y a que des dépofitions
ifolées. Les accufés auroient- ils été affez
abfurdes pour fe confier à de pareils témoins ? Je
demande par amendement , que ces derniers foient
transférés à Paris en même-temps que les accufés .
Eft- ce une preuve qu'une dénonciation ? du moins
eft-il de rigueur que le dénonciateur foit confronté
à l'accufé . L'interrogatoire de Lyon a été
fait par les officiers municipaux qui ne font pas
juges , il l'a été en charte privée contre la teneur
de vos décrets. Rappellez - vous l'exemple inftructif
de M. de Lautrec.
Cet amendement ayant été rejetté , M. de
Cazalès a parlé fur le fond du projet de décret .
( 285 )
» Ce n'eft point une chofe facile , a- t-il dit ;
que de déterminer avec précifion jufqu'à quel
point l'intérêt public peut porter un corps législatif
à entreprendre fur les libertés particulières ;
puifqu'il eft conftant , comme on l'a dit fouvent ,
que la liberté publique n'eft autre chofe que le
réfultat des libertés individuelles . Toute fociété
a droit d'impofer à des falariés les conditions qu'il
lui plaît ; mais une fociété quelconque , quand
elle a totalement changé fa conftitution , a délié
tous les citoyens des devoirs qu'ils avoient contractés
envers la patrie alors , chacun eft en
droit de dire , je ne veux pas de votre conftitution
; rendez -moi ma propriété , & je m'expatrie.
Il n'eft point d'homme conféquent qui puiffe nier
ce principe. Tout citoyen François qui aura confenti
aux loix , eft criminel quand il les violera ;
mais tout citoyen François eft maître de dire :
votre conftitution ne me plaît pas ; elle n'eft pas
celle que je voulois quoique conforme à la
volonté générale , elle n'eft pas conforme à ma
volonté particulière , & pour que je fois libre ,
je dois pouvoir quitter cette conftitution qui ne
me convient plus.
"
Rappellez -vous l'indignation que reffentit la
France lorfque l'on confifquoit les biens des Reli
gionnaires fugitifs . Voici le principe : tout
don , falaire ou penfion que l'on reçoit de la
nation , oblige de fe foumettre à la volontéSitenérale
, mais vous ne pouvez , fans oublier tous
les principes de juftice & de liberté , avoir le
droit de retrancher ce qui peut avoir été donné
en compenſation de propriété. Il eft certain , par
exemple , que les princes du fang royal n'ont
point un falaire de la nation , mais une compen-
Lation de leur patrimoine ; car on ne foutiendra
NS
( 286 )
5
pas , fans doute , que les princes m'euffent rien
en propriété. Si l'intérêt de la nation a pu déterminer
à n'accorder que des apanages médiocres ,
il n'en est pas moins vrai que ce n'est point une.
munificence de la nation : l'apanage n'eft donc
autre chofe qu'une compenfation dans laquelle le
marché n'a pas même été fait à l'avantage des
apanagiftes. Il eft certain dès-lors que les apanages
doivent être placés fous les mêmes loix
que les propriétés particulières . Eh ! d'ailleurs ,
nul de vous peut - il répondre à cette queſtion :
Les princes feront ils en sûreté dans le
royaume » ?
-
M. de la Fayette a jugé le décret très-preffant :
il a affuré que , quoique les projets des ennemis
de la nation ne fuffent pas mieux conçus que
leurs fyftêmes politiques , les défordres qu'ils
excitoient dans le royaume , & les allarmes qu'ils
produifent , provoquoient la furveillance & la
févérité du corps légiflatif. Cependant l'opinant
s'eft tranquillifé , en fe rappellant que trois mil-
Hons de citoyens armés défendent la liberté ;
mais le décret contre les émigrans ne lui en
pas paru moins néceffaire .
MM. de Virieu , Charles de Lameth & de
Mirabeau ont prolongé la difcuffion , qui a fini
par le décret fuivant :
Art. Ier. Elle charge fon préfident de fe retirer
dans le jour auprès du roi , pour le prier de
donner les ordres néceffaires , afin que les fieurs
Guillin , Décars & Terraffe foient transférés fous
bonne & sûre garde , du château de Pierre-Encife,
où ils font actuellement détenus , dans les prifons
de Paris .
22 II. La municipalité de Lyon enverra inceffamment
au comité des recherches de l'Affemblée
( 287 )
nationale tous les renfeignemens qu'elle aura en
fon pouvoir , fur la conjuration dont le trouvent
prévenus lefdits fieurs Guillin , Decars & Terraffe,
enfemble leurs papiers .
5. III . Le procès fera fait à ces particuliers par
la haute- cour nationale , chargée de la connoiffance
des crimes de lèfe - nation , ou par tel autre
tribunal provifoire que l'Aſſemblée nationale jugera
convenable .
IV . Le roi fera prié de remplacer le fieur
la Chapelle , commandant les troupes de ligne à
Lyon , & de donner les ordres néceffaires pour
que la garnifon actuelle de cette ville foit remplacée
par un ou plufieurs françois , fuivant le
befoin des circonstances.
» V. Décrète que tous françois , fonctionnaires
publics ou recevant des pensions & traitemens
quelconques de l'Etat , qui ne feroient pas préfens
& réfidens en France , ou qui ne feroient pas on
pays étranger en vertu d'une miflion expreffe du
gouvernement , feront tenus d'y revenir , un mois
après la publication du préfent décret , pour y
prêter le ferment civique ; & faute par eux de
le faire dans ledit délai , ils feront déchus , par
ce feul fait , de leur grade , & privés de leurs
penfions & traitemens 2.
Du dimanche 19 décembre.
Prefqu'à l'ouverture , M. d'André a demandé
la parole ce qu'il avoit à dire , & ce qu'il a
dit , a du arıacher des larmes à ceux que la fréquence
des crimes , n'a pas encore habitués
aux fcènes de fang qui fe fuccèdent dans le
royaume.
Meffieurs , a dit M, d'André , dans le moment
actuel , mon coeur eft en proie à la douleur la
N 6
( 288 )
plus déchirante ; pardonnez -moi les expreffions
d'un homme qui ne peut vous tenir que le
langage de la plainte & de la fenfibilité . M.
Pafchalis étoit mon ami , mon fecond pere , & il
n'eft plus ; je lui dois le peu de talens que j'ai
montré dans cette augufte aflemblée , cet efprit
de liberté & de fermeté qui ont caractérisé toutes
mes opinions ; je lui dois fans doute l'honneur
de fiéger parmi vous ; fes foins bienfaifans &
paternels m'avoient formé le coeur & l'efprit ; je
lui dois fur-tout le préfent d'une femme dont la
poffeffion fait le bonheur de ma vie , & que je
chérirai toujours. Il avoit le coeur droit & les
vues les plus pures ; il a eu le malheur de
prendre part à l'affaire du parlement d'Aix ; il a
exprimé fes opinions avec une force que les circonftances
feules pouvoient faire taxer d'inconfidération
. Son courage a multiplié fes ennemis
& dès ce moment il n'y a plus eu de bonheur
pour lui. »
>
»Je connoiffois fa pénible fituation ; je lui ai
écrit je le devois à l'amitié , à la reconnoiffance.
Ma lettre ne contenoit que les fentimens que j'ai
manifeftés au milieu de vous ; j'y ai parlé avec
ma franchife ordinaire , du ton de fuprématie
qu'affectoient certains départemens , & du trouble
affligeant qui régnoit au milieu de vous. Cette
lettre , Meffieurs , a été trouvée dans les papiers
de M. Pafchalis ; on l'a renvoyée au comité des
recherches , & on en a répandu des copies avec
une profufion fcandaleufe . >>
Fei M. d'André a lu cette lettre , il l'a interprêtée
; elle n'avoit pas befoin de cette apologie.
L'Affemblée a décrété qu'elle refteroit au comité
des recherches.
Un décret provifoire , fur la confervation des
C
( 289 )
forêts , & un rapport fur les poftes & meffage .
ries , dont la difcuffion a été ajournée à demain
one abforbé le refte de la féance .
Il n'eft aucun homme en qui le fentiment
de la liberté , de la juftice naturelle , de
l'humanité la plus vulgaire n'eft pas éteint ,
qui n'ait palpité d'horreur & d'effioi , en
apprenant le nouveau forfait qui vient de
fouiller à Aix la fin de cette année , dont
chaque mois a été marqué par de femblables
atrocités , toutes impunies .
Des Ecrivains qui penient apparemment
que le droit de la révolution eft de nous
transformer en bêtes féroces , & que fon
fort juftifie tous les crimes , ont imprimé
que M. Pafcalis n'ayant pu s'élever à la
hauteur de la révolution , on lui avoit donné
une leçon utile , exemple i.rrible pour les ennemis
de la conftitution . Un autre a affuré
que M. Pafcalis s'étoit lui- même dénoncé au
Peuple parfa haine pour la révolution . Certes
, le fupplice de cet infortuné eſt peutêtre
plus doux , que celui d'être condamné
à lire de fi froides horreurs , & de fonger
quelles fe trouvent dans des feuilles qui
fe vantent de leur modération , & de leur
zèle pour les loix . Quel Peuple , fut- il le
plus humain , réfifteroit à cette morale ,
faite pour étouffer en lui jufqu'à l'instinct
de la fenfibilité animale ! Voilà les larmes
( 290 )
que des Prédicateurs de philofophie donnent
à des familles en deuil ; voilà les bonnes
actions qu'ils invitent la multitude à renouveller.
Nous n'avons pas encore de lettres particulières
d'Aix. I orfqu'on aura entendu
les opprimés , probablement les caufes &
les circonftances de l'affreux évènement du
12 , feront mieux éclaircies. Il s'en faut
qu'on puiffe trouver cette lumière dans la
lettre du Préfident du département , qu'à
lû M. de Mirabeau à l'Affemblée nationale ;.
quoique ces lectures de lettres adreffées au
Préfident fe faffen: tou ours parun Secrétaire.
Dès les premières pages , on y découvre
le langage de la pallion & de l'efprit de
parti. Les ennemis de la révolution , n'ont
ceffé d'intriguer dans cette ville , pour la rendre
difficile ou finiftre. Voilà le début d'un
honime , qui vient annoncer le crime perpétré
fur trois de ces prétendus ennemis
de la révolution ! J'interroge ici ceux qui
connoiffent le coeur humain . En faut - il
d'avantage pour ébranler la confiance d'un
Lecteur de fang froid ? Quels étoient es
intrigues ? le Préfident les paffe fous filence ,
& c'eft par une femblable reticence qu'il fe
hafarde à charger la mémoire de trois citoyens
affaffinés fous fes yeux !
Mais je me trompe ; s'il n'a pu articuler
une feule plainte légitime une
feule intrigue des trois victimes , il
les confond avec tous les citoyens de
( 291 )
leur o, inion , & ceux-ci , il les accufe de
divers délits .
Le premier eft d'avoir formé le projet.
d'un Club; ce Club n'étoit donc pas encore,
formé de s'être propofé de fe nommer.
les Amis du Roi & du Clergé leur
titre n'étoit donc encore qu'un pro..
jet comme le Club lui - même : Ce Club
à former & ce titre à prendre , annonçoient ,
fuivant le Préfident , un raffemblement dangereux.
Ce feroit donc fur une annonce ,
& une affiche incertaine , que les trois martyrs
auroient été pro ciits ! I's faifoient
ombrage aux deux Clubs patriotiques : on
le croit fans peine , mais jufqu'ici , il n'exifte
pas de loi qui prononce peine de mort contre
les Sociétés qui déplaifent aux Clubs pa ,
triotiques. Ils annonçoient qu'ils mettroient
la cocarde blanche , avant hier dimanche. Toujours
des annonces & des proje's fans exécution
, ce qui autorife au moins les doutes
fur leur existence. La preuve évidente de
la fauffeté de l'annonce , c'eft que les Amis
du Roi ne prirent la cocarde blanche ni
le dimanche , ni un autre jour. J
Qui a conftaté les circonftances de la querelle
du café ? qui a été entendu , qui a dépofé
font- ce ceux qu'on traînoit dans les
prifons , font - ce les citoyens du nombre
defquels trois ont été pendus par la populace
les jours fuivans ? .
Quelques Officiers arment le régiment
( 292 )
pour venir fondre iur la Maifon commune ,
& à la première injonction de la Ma fon commune,
le régiment fort de la ville pa fiblement
& en bon ordre. Si le premier mouvement a
été aufli dangereux qu'on le débite , comment
expliquer la docilité du départ ?
Qui a arrêté & emprisonné M. Pafcalis ?
le Fréfident garde le filence fur les auteurs
de ce premier attentat. C'eft à la clameur
de Haro , & d'après l'opinion ſemée parmi
le Peuple , d'une trame qu'on croyoit ourdie
contre les Patriotes , qu'on a demandé la tête
de ce refpectable jurifconfulte. Les prifons
ont été enfoncées , fans qu'une garde nombreufe
les défendit : fans réfiftance, on a laiffé
la populace arracher fes victimes de cet afyle ,
& les exécuter de fes mains féroces ,
préfence de 800 foldats , qui ont juré à la
face de Dieu & de la Patrie , de défendre
la vie des citoyens ; en préfence d'Adminiftrateurs
, de Municipaux en écharpe ,
qui ont prêté le même ferment , & à qui
des fauvages qui ne jurent point , euffent
donné en pareille circonftance , le courage
de l'humanité .
en
On a vu qu'après avoir raconté cette
tragédie , le Préfident a l'ame fi déchirée
, qu'il finit par imputer à trois de fes
concitoyens expirés fous fes yeux , & prefqu'entre
fes mains débiles , des deffeins infernaux
dont parle la voix publique.
( 293 )
Cette imputation rappelle la fable des
animaux malades de la pefte.
Tous les gens querelleurs , jufqu'aux fimples .
mâtins ,
Au dire de chacun étoient de petit faints .
L'âne furvient :
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue .
Hare fur le baudet .
Ainfi , lorfqu'on eut tué & mangé M. de
Belfunce à Caen , on l'accufa d'avoir ordonné
des violences à fon régiment ; ainfi , lorſqu'on
maffacia les gardes du corps à Verſailles , on eut
foin de répandre qu'ils avoient changé de cocardes
, tiré les premiers , prémédité une confpiration
; ainfi , la municipalité de Valence trouva
fort heureuſement dans la poche de M. de Voifins
, maffacré au milieu d'elle , une lettre ſufpecte
, anonyme & fans date , que ce commandant
, menacé depuis plufieurs jours , avoit eu
la précaution de prendre fur lui , afin qu'on ne
manquât pas de la faifir en cas d'événement ;
ainfi , M. de Beauffet , égorgé à Marseille , avoit
voulu faire fauter le fort confié à ſa défenſe ;
ainfi M. de Rully , affaffiné en Corfe , étoit
coupable d'avoir ci-devant médité de faire feu
fur le peuple de Baftia ; ainfi , tous les propriétaires
, pillés & incendiés , méritoient leur fort ,
pour avoir tenté de défendre leurs maifons &
leurs familles contre la torche des brigands ;
ainfi , les catholiques , tués à Nîmes comme des
bêtes fauves dans un parc , étoient dignes de mort
conftitutionnelle , pour avoir fait une adreffe inconftitutionnelle
à l'Affemblée nationale.

( 294 )
Nous ofons préfumer qu'il en fera de même
de la caraftrophe d'Aix. Pour accréditer cet të
conjoncture , il fuffit de lire la lettre du préfident
, & de jetter un coup- d'al fur ies
bourreaux & les victimes. M. Pafcalis, jurifconfulte
du premier ordre , adminiftrateur
diftingué, avocat plin de talens & de vertus ,
avoit remporté l'eftime univerfelle ar cinquante
ans de fervices honorab es . C'eft lui
qui défendit madaine de Mirabeau dans fon
procès en féparation contre fon mari . Eclairé
fur les abus , courageux à les combattre , il
n'avoit pas attendu la révolution pour montrer
ce courage mé rifable que donnent la
force & la puillance. N'étant po'nt fait pour
prendre les opinions de perfonne , il avoit
montré la fermeté & la droiture de fon
caractère , en faisant tout haut fa profeflion
de foi. Contraire en plufieurs points aux
préjugés du jour , elle lui avoit fait d'implacables
ennemis ; des rivalités per onnelles
& des reffentimens empoifonnèrent encore
ces inimitiés politiques. Qu'on blâme ou
qu'on approuve fa proteftation à la tête des
avocats , & à la barre du Parlement , on
fera forcé de convenir que rarement lancien
defpotifme ofa févir contre les actes
de cette nature , fi fouvent répétés , & que
le régime de la liberté ne peut avoir plus de
droits que le defpotifme.
M. Pafcalis , & tous autres devoient être libres
de manifefter leurs opinions; ils l'étoi.nt
4
( 295 )
de fe réunir en Sociétés . Le Légiflateur leur
avoit affuré , ainfi qu'à tous les citoyens ,
le droit de s'affembler , quelles que foient
les opinions d'un club , les tyrans feuls
ufurperont le pouvoir d'en troubler la manifeftation
privée , & jufqu'à ce qu'ils fe
foien: rendis coupables par des actes contraires
à l'ordre pub ic aux lo'x , l'anterité
leur doit liberté & protection. C'étoit
donc un crime à Aix de prendre le titre
d'amis du Roi? Car je ne crois nuliement
qu'on eût fongé à celui d'amis du Clergé.
Le préfident indique clairement que la
jaloufe intolérance du club des amis de
la Conftitution , ne put fupporter d'autre
affemblée que la fienne , d autres opinions
que fa doctrine propre.
On pourra apprécier l'efprit qui anime ee Club
patriotique d'Aix , par fa conduite envers le Comtat
Venaiffin . L'Affemblée repréfentative de ce
pays indépendant , eft certainement aufli légitime
que l'Affemblée nationale de France . Elle
s'eft formée librement , légalement ; elle jouit de
la confiance de fes concitoyens ; le Pape l'a tacitement
approuvée ; elle correfpond avec le Légat
de S. S. & fe fût- elle écartée , à cet égard , de
fes devoirs envers S. S. , ce ne feroit pas aux
protecteurs de la faction qui ravage Avignon , à
difputer la légitimité de l'Affemblée de Carpentras
. Elle a adopté les décrets François qu'elle
a crus convenables à l'intérêt de fes commettans :
Peut-être même a - t - elle étendu inconfidérément
cette imitation ; elle mérite la conſidération de
( 296 )
:
l'Europe par fon attachement à un Prince qui
n'a jamais abufé de fes droits , & par fa fermeté
à défendre le voeu de la contrée , qui , libre de
dettes & d'impôts , refufe l'honneur de partager
le fardeau de nos tributs & de nos engagemens.
Eh bien , la fociété , dite conftitutionnelle
d'Aix , a déclaré à cette légiflature indépendante
, à cette Puiffance étrangère , une guerre
plus affreufe que celle des ennemis les plus acharmés
les prétendus amis de la conftitution traitent
depuis fix mois l'Affemblée de Carpentras
comme un ramas de fujets rebelles : ils la profcrivent
en Souverains. Le 26 août , ils firent
brûler par arrêté , fur le perron de leur
falle , le manifefte des repréfentans du Comté
Venaiffin , où l'Affemblée de Carpentras , repouffant
les infâmes calomnies des Avignonnais , juftifioit
fa conduite , & témoignoit les plus grands
égards pour la France & fes Législateurs . Les
brûleurs d'Aix déclarèrent le Manifefte , inconftitutionnel:
le Manifefte d'un Etat étranger inconf
titutionnel ! ils le livrèrent aux flâmes , fans vouboir
même en achever la lecture .

Quelques féditieux , gagés pour livrer le Comtat
aux horreurs où Avignon eft plongé , ayant
ouvertement tenté d'allumer l'incendie , l'Affemblée
de Carpentras a eu la fageffe , comme le
droit , de s'en affurer. Les faits étoient de notoriété
publique deux de ces faétieux le font réfu
giés à Aix , afyle des perturbateurs du Comtat .
Aufli-tôt le Club a délibéré d'écrire à cette hor
rible Affemblée. « Si vous ne révoquez vos infames
profcriptions , mandent ces Tuteurs des
Nations au Corps légiflatif du Comtat , ce fi
vous ne jurez , foi de François sûreté & fecours
aux profcriss , une fainte « coalition va faire dif-
сс
( 297 )
paroître de la furface du globe des monftres qui
la fouillent. » Voilà nos dernières intentions , »
Par un arrêté de la veille , 6 décembre , le
même Club dénonçant de nouveau cet aflemblage
monftrueux d'indépendances , d'hypocrie ,
( Affemblée de Carpentras ) lui fignifie que fa
patience eft laffée , & que le Comtat provoque
la punition de tant d'excès . En conféquence , le
Club ordonne au Corps législatif du Comtat de
retirer les troupes de Vaifon , ville de fa domination
; & il décrète de communiquer fon indignation
à la garde nationale d'Aix , & à toutes les
fociétés patriotiques.
Ces différens décrets du Club d'Aix font enregiftrés
dans le Courier d'Avignon , nos 209 , 295,
297 , par le Rédactcur Sabin Tournal , correfpondant
privilégié du Club d'Aix , chef des bourreaux
qui égorgèrent au mois de juin MM. de Rochegu
de , d'Aulan , d'Auffray , &c. , & le plus burlesque
comme le plus effronté des impofteurs qui fouillent
aujourd'hui l'art de tenir la plume . Če Gazetier
a joint dans fa feuille , aux actes de fouveraineté
du Club d'Aix , les lettres d'envois de fon
préfident Emmeric .
Se perfuadera-t -on , maintenant , que des
hommes qui ofent traiter dans ce ftyle les
repréſentans d'un peuple étranger , auront
été plus indulgens envers leurs compatriotes ,
accufés de faire fchifme avec le club La
conduite de celui ci envers le Comtat , ne
dénonce- t- elle pas des têtes trop embrasées
pour ne pas confumer tout ce qui les touche ,
& ne jette- t- elle pas une lumière déplorable
( 298 )
fr la tragédie d'Aix , que des efprits ano .
dins nomment un malheur ?
La formation prochaine du club des amis du
Roi paroît fi clairement avoir amené ce dernier
crime , qu'au même inftant on profcrivoit , en
divers lieux , les fociétés analogues , établies fous
le nom des amis de la paix & de la monarchie .
Avant leur naiffance , avant même qu'on connût
leur doctrine , les journaux les ont livrées à
l'anathême. Nous dimes la femaine dernière ,
que déjà on tâchoit d'exciter le peuple contre
celle de Limoges . A l'inftant où nous écrivions ,
la fociété de Perpignan fuccomboit fous la violence
d'une multitude effrénée. Pendant la journée
du 5 , le bas peuple & une partie de la garde
nationale , avoit danſé la furandoule dans les
rues , avec le cri de mort a les ariftocrates à
la lanterne. » Vainement la municipalité proclama
à deux reprifes l'interdiction de ce jeu menaçant.
Vers les dix heures du foir , les amis de
la paix raffemblés dans leur club , & n'ayant
pour défenfes contre le danger prévu dans la
journée,que leurs piftolets de poche & leurs épées ,
furent infultés on repoufla les affaillans : ils
revinrent en force ; les amis de la paix fe défendirent
. La multitude ferma le pallage à la
municipalité ; elle enfonça les portes du club , en
jetta les meubles par les fenêtres ; plufieurs des
citoyens réunis en furent atrachés , on en faifit
divers autres le lendemain , & au nombre de
quatre-vingt , on les traîna meurtris & enfanglantés
à la citadelle . Point de loi martiale , pas
un mouvement ordonné aux troubles pour réprimer
ces excès . Puis on nous parle de loix ,
de liberté , de conftitution ! Il n'y a certes m
299 )
loix , ni conftitution , ni autorité , ni fûreté , ni
fociété civile , là où au mépris des actes les
plus folemnels du légiflateur , la violence impu
nie de quelques hommes difpofe , avec cette audace
, des privilèges les plus facrés des citoyens .
Voilà où nous ont conduits ceux qui ne voient
& ne veulent dans la Révolution qu'un exécrable
état de guerre permanente , qui , au fanatifme
perfécuteur des opinions religieufes , fubftituent
la perfécution des opinions politiques , & n'ont
feint de jurer le maintien des droits de l'homme ,
que pour les immoler impunément.
Si les Municipalités ne protégent pas
efficacement ces fociétés légitimes , que
l'Affemblée nationale a formellement confacrées
le mois dernier ; fi les Gardes nationales
défobeiffent à ce décret , en refufant
leur fecours aux citoyens qui y réuniffent
leurs opinions , fi l'anarchie en un mot eft
plus forte que la loi , l'humanité du Législateur
doit lui en dicter promptement une
a tre , qui défende toutes les Affemblées
de fociété, étrangères au club des Jacobins.
Du moins , perfonne ne fera plus trompé
par l'illufion des droits de l'homme , ni par
une confiance fallacieufe dans les forces de
l'autorité protectrice : chacun cherchera fa
fauve garde , ou dans l'exil fi la loi lui
déplaît , ou dans la fo'itude.
En lifant attentivement le rapport de M.
Voidel , fur ce qu'il a intitulé confpiration de
Lyon , on y découvre clairement l'un de ces
( 300 )
deux réfultets , ou que les accufés font d'imbéciles
intrigans , ou leurs délateurs d'infignes
fourbes . Ce ne feroit ni la première ni la dernière
fois , que des impofteurs auroient ainfi
profité des circonftances : l'exemple de M. de
Lautrec eft trop récent pour qu'il foit oublié. Que
cette manoeuvre fut tombée fur un fimple citoyen
, non couvert de l'inviolabilité , il gémiroit
encore , comme tant d'autres , dans les prifons de
l'Abbaye , en attendant un tribunal .
Si le complot a eu quelque réalité , les moyens
en font fi vils & fi criminels , qu'il feroit difficile
d'en plaindre les auteurs . Coriompre le peuple
, le foulever , le faire fervir à une contrerévolution
, font des manoeuvres dignes de Cartouche
; elles déshonoreroient la caufe la plus
jufte ; elles méritent toute la vengeance des loix . On
connoît affez mes opinions fur divers points de la
Conftitution , pour penfer que j'en crois la réforme
néceffaire,& plus ou moins prompte; mais je partage
avec tous les citoyens fages , l'horreur & le mépris
qu'infpirent des confpirations clandeftines , des
projets de fang , des intrigues honteufes , dont
le fuccès mettroit le fceau à nos calamités . Plus
ces manoeuvres font viles , moins on doit
donner légèrement créance aux accufations de ce
genre , qui , de tout temps , furent l'arme des
factions . Il eft peu aifé d'appercevoir aucune
certitude dans les aventures ifolées , quelquefois
contradictoires , & fur divers points démenties
par le fait , qu'ont rapporté les quatre
délateurs Lyonnois . Ils en impofent certainement ,
ou les accufés en impofoient , lorfqu'ils faifoient
intervenir le Roi , les princes & M. la Chapelle
dans ce complot . Ce dernier s'eft tellement juftifié
, qu'on n'a pas ofé le faire arrêter, Pourquoi
( 101 )
ne l'eft-il pas , fi les délateurs ont dit vrai ? Leurs
enfonges fur cet article ne mettent - i's pas tout
homme fenfé en défiance contre leur récit ? Et
quel complot ? De placer le fiège d'une contrerévolution
dans une ville ouverte , fans être für
ni du commandant , ni des troupes de ligne . A,
qui perfuadera-t-on que les princes auroient em-,
ployé des jeunes gens fans expérience , on des agens
affezftupides pour fe confier ainfi fans détour , aux'
premiers venus , pendant deux mois entiers , fans
foupçonner an moment leur perfidie ? Eh ! a
peine accorderoit-on une femblable confiance à
Les propres enfans ; & les confpirateurs Lyonnois
l'accordoient à des gens gratifiés de deux & quatre
louis d'or !
On apperçoit cépendant une conjecture raisonnable
dans ce rapport : elle confifte à penser qu'on a
pu travailler en effet à gagner le peuple pour
l'élection de M. Guillin à la mairie ; que les
deux officiers , apparemment têtes brûlantes
donné quelques pamphlets imprimés contre l'Affemblée
nationale , qu'ils ont pu manifefter le
voeu ardent d'un changement , & s'ériger en prophêtes
de lavenir .
ont
Au nombre des preuves de ce complet ,
on a compté une pétition que les confpirateurs
fuppofés devoient préfenter à la Municipalité
, pour offrir un afyle aux émigraps.
Un M. Bret , fubftitut du procureur de la
communede Lyon , apréfenté au corps municipal
, un requifitoire, où il cite cette adreffe .
Quelques gazettes ont tranfcrit ce requifitoire.
ampoulé , devant lequel les Catilinaires font
N°. 52. 25 Décmbre 1790.
( 302 )
une élegie amoureufe. Voilà , certes , une
belle confpiration que de faire vivre Lyon ,
périffante de misère , & où trente mille malheureux
font fans pain , par le fejour des
François , que la lanterne , les profcriptions ,
la foibleffe des Municipalités, & des dangers
prouvés par des catastrophes renaiffantes ont
chaffé dans l'Etranger !
La partie du décret au fujet des fonctionnaires
publics émigrans , eft rigoureufe ,
fans être injufte. Quant à celle qui concerne
les penfionnaires , comment la concilier
avec ces droits de l'homme qui , ſi authen- .
iquement , affurent à chacun fa faculté locomotive?
On répond que la raifon d'Etat , le
danger public , les circonftances , exigent
cette dérogation : en ce cas , nous fommes
revenus au point du cercle d'où nous étions -
fortis. Au lieu de ces décrets de circonftance
applicables feulement à quelques
individus , ne feroit- il pas plus conforme à
la juftice générale , & à la dignité du Légis--
lateur , d'imiter la fufpenfion de l'Habeas
corpus en Angleterre , en mettant tout le
Royaume fous l'interdiction momentanée '
des droits de l'homme ? Ne paroîra - t - il
pas également plus légal , au lieu d'accufer
fans ceffe vaguement , & fans citer aucunes
preuves , les Princes & les abfens de travailler
contre l'Etat , de raffembler les titres
de conviction qui pourroient exifter contre
eux, & s'ils font coupables , de les faire
( 303 )
juger par contumace ? Jufqu'à ce qu'on
ait adopté ce moyen , le feul qu'avoue la
justice , quel homme de bonne foi mettra
en 'doute l'innocence des Princes & des
refugiés ?
:
MM. de Rofambo & Chabroud ont refufé leur
élection à la place de juges les derniers de cès
magiftrats nomanés , font MM. Gorguereau
cavocat ; Biauzat de l'Affemble nationale , l'Hé
ritier & Matel , confeillers au châtelet ; Alix &
Mouricault , avocats.
Le fait dont on va lire les détails a occupé
l'Affemblée nationale ; ma's les feuilles
publiques l'ont défiguré. Nous jugeons nécellaire
de le faire connoître , en publiant
la lettre fuivante qui nous fut adreffee
le 20 Novembre , de Villeneuve St. Georges.
« Les enthoufiaftes fe figurent que les abus
font pour jamais extirpés . Voici un fait authentique
, qui peut mettre les hommes froids &
mpartiaux à portée de fixer leur opinion à cer
égard:
Le jour de la tenue de l'affemblée électorale
qui a eu lieu , il y a une quinzaine de jours ,
pour l'élection des juges du diſtrict de Corbeil
il a été fait une dénonciation à cette affemblée ,
contre les membres du directoire de ce diftrict ,
accufes d'avoir , prefqu'en entrant dans leurs
fonctions , vendu à prix d'argent , la place de
tréforier da difiriet . Un boucher d'Arpajon ,
( M. Sauvegrain ) , membre de ce directoire ,
taxé par un autre boucher , ( M. Legros ) , ¿leceur
du canton de Villeneuve St. Georges , cft
02
( 304 )
convenu en pleine affemblée d'avoir donné es
louis d'or à M. Tiercelin , adminiftrateur , qui
n'a pas défavoué l'avoir reçu . M. Berthou , curé
de Crône , préſident de l'affemblée électorale ,
homme de mérite , & qui n'a été exclus du directoire
. que parce qu'il étoit digne d'y occuper
la première place , a fait inférer cette dénonciation
dans le procès- verbal ; le procureur fyndic ,
a été chargé d'en inftruire le département , qui
a envoyé deux commiffaires pour informer de
sette prévarication ,
» Il est arrivé , le même jour , dans le même
endroit un autre événement qui n'eft pas moins
-curieux , pour ceux qui veulent favoir , combien ,
:& comment nous fommes libres . Les électcuts
avoient défigné pour remplir une des places de
juge du diftrict , un avocat réfident à Villeneuve
St. Georges , homme auftère , également ami de
la liberté , ennemi de la licence , & qui , fous
l'ancien régime avoit donné des preuves d'un
Courage , qu'il n'étoit pas toujours bon alors
de manifefter . Des forcédés à qui ce choix déplaifoit
, ont excité , une quarantaine de vaga-
-bonds & de femmes à aller crier fous les fenêtres
de l'affemblée électorale , qu'ils ne vouloient pas
que ce citoyen fut élu . Les électeurs effrayés par
ce bruit n'ont ofé contrarier l'arrêt que cette
vermine venoit de leur dieter : Le préfident , ( le
curé de Crône ) , a vainement obfervé à ces
factieux , qu'une affemblée repréfentative de 90
communes & par conféquent de plus de 100 mille
ames ne devoit pas être maîtrisé par une quarantaine
de perfonnes fans qualités ; il a même
effayé de mettre en délibération , de requérir la force
militaire pour diffiper cet attroupement ; mais
Faflemblée électorale qui craignoit le defpotiſme
( ༣༠༨ )
Energique de cette troupe heurlante , a préféré
de fe foumettre à l'ordre qu'elle venoit de lui
infinuer.
ce
Lettre au Rédacteur,
Flavigny en Bourgogne , le 12 décembre 1790.
Quelque invraisemblable , Monfieur , que
foit une contre-révolution , on affecte d'y croire ,
pour avoir un prétexte de vexer la nobleffe..
Une apparition de M. d'Albert de Rios au
château de Lentilly , a occafionné une recherche
chez M. de Virieu. Un mauvais fujet à répandu
qu'il étoit arrivé dans le château un convoi
d'armes. Si toutes les municipalités fe conduifoient
aufli fagement que celle de Lentilly , les
fabricateurs de mauvaiſes nouvelles feroient plus
rares , vous en allez juger par la lettre de cette
municipalité à toutes celles des environs ».
Lentilly , le 16 novembre 1790 .
MESSIEURS >
ce Sur le bruit qui s'étoit répandu ici les jours
paflés , qu'il étoit arrivé chez M. de Viricu une
voiture d'armes à feu , nous avons cru devoir
faire une recherche exacte dans cette maifon ,
& nous avons reconnu qu'elle ne contenoit que
quelques fufils de chaffe .
» Voulant découvrir l'auteur de la calomnie
qui s'eft répandue dans les environs , nous avons
queftionné nombre de nos habitans qui en avoient
connoiffance , & nos recherches nous ont amenés
à ne pas pouvoir douter que le nommé Pierre
01
( 306 )
Sirot , journalier de cette communauté , étoit
l'inventeur de cette nouvelle. En punition , nous
T'avons condamné à vous porter lui-même notre
préfente lettre , afin de vous faire connoître
l'impofteur & l'impofture que nous defirons détruire.
Nous vous prions de vouloir bien lui
donner un reçu qui nous prouvera qu'il a fubi
la peine infligée , &c. » .
« Les mêmes recherches ont été faites au
château de Ménetraux , chez M. le baron de
Vichy, & à oclui de Fralois, chez. M. de Lafeuillée,
vieillard refpectable & infirme. Madame de la
Feuillée , malade depuis quelque tems , venoit
d'apprendre la nouvelle de la mort d'une bellefour
qu'elle aimoit . Une voiture de vin , arrivée
de nuit à un cabaretier voifin du château , für
le canevas fur lequel on avoit brodé l'hiftoire
d'un projet de contre- révolution . On a fouillé
fecrétaires & commodes four ca trouver les
preuves , on a même dérangé les lits foupçonnés
de receler des armes. Les emigrans qui n'igno-~
rent pas les vexations que leurs frères éprouvent ,
me le prefferont pas de venir s'y expofer ; cependant
on demande qu'ils y foient forcés , fous
peine de confifcation . Ah ! que l'on affure leur
vie & leur tranquillité : l'amour de la patrie les
y ramenera bien plus sûrement que les décrets.
Je crois , Monfieur , qu'il eft utile que le
public fois inftruit de ces détails , pour le tranquillifer
fur les faux bruits que l'on fait courir ,
pour l'animer contre des citoyens refpectables &
pailibles , qui n'oppofent à la violation de tous
les droits de l'homme , que la patience & la régnation
, & c. .
Le Vicomte DE CHASTENAX.
7307
1
Nous penfons avec M. de Châtenay, qu'autant
le plus grand nomb e de émigrans
semprefferoit de revenir en France , fi la
liberte y triompho t de la 1 cence , & ks
Joix , du delpotifme populaire ; a tant le
retour interminable des vio en es tend à
les éloignér. 15 châteaux & 40 ma fons
bourgeoifes viennent d'être brû és dans
le Quercy : lundi dernier , M. de Foucault
Taffirma a l'Affemblée nationale , & quoique
cette nouvelle excitât des éclats de rire dans
les galeries , perfonne ne la contredit.
La fuite des Magiftrats de la Chambre
des Vacations de Toulouſe , a donné lieu
à un arrêté de la Municipalité de cette ville ,
qui leur reproche , dans les termes les plus
violens , d'avoir trahi leur parole'd honneur.
On trouve a quelques éclairciffemens à ce
fujet dans la lettre fuivante , que nous reçûmes
de Touloufe le mois dernier.
A Toulouse , le 27 Novembre 1790..
« Voici , Monfieur , les détails que vous me
demandez touchant l'exécution des décrets rendus
par l'Affemblée nationale , contre la chambre des
vacations du parlement de Toulouſe ».
Les officiers de cette chambre avoient reçu
ta nouvelle & une copie du premier décret , deux
jours avant que la municipalité en fut informée.
( 308 )
Décidés à fe préfenter volontairement devant la
haute chambre où la caufe étoit envoyée , ils
l'étoient auffi à ne fe pas laiffer arrêter & conduite
comme des criminels , expofés à toute forte
d'outrages , & peut- être à être maffaciés par la
populace , que ce fpectacle auroit attirée fur
tous les points de leur route ».
כ כ
on
» Lorfque la municipalité s'affembla pour délibérer
fur les moyens d'exécuter le décret ,
favoit qu'elle rejetteroit toute idée de violence ,
& fe borneroit à demander à chacun de ces magiftrats
fa parole d'honneur de fe présenter volontairement
».
» La délibération fut connue avant que l'affemblée
municipale fe féparât ; ce ne fut que le
lendemain qu'un greffier de la maiſon - de - ville
alla la leur communiquer , & leur demander s'ils
vouloient s'y conformer ».
Ils y confentirent ;, & je vous prie de remarquer
, Monfieur, qu'ils étoient alors en pleine
liberté , maîtres d'en profiter , fans avoir à craindre
aucun obftacle ; plufieurs même étoient à la
campagne , & on attendit leur retour pour leur
porter la propofition de la municipalité ; de forte
qu'il y eut un engagement mutuel , ſavoir de la
part de la municipalité , de s'en rapporter à leur
parole , & de la part des officiers du parlement
de juftifier la confiance qu'on leur témoignois
ב כ
» Cette conduite de la municipalité a été improuvée
par l'Affemblée nationale . Un fecond
décret , ordonnant que la contrainte par corps
feroit rigoureufement exercée , a rompu la convention
qui aveit été faite ; dès lors ces meffieurs
fe font trouvés dans le même état de liberté que
lex qu'ils donnérent leur parole ; & comme avant
་ ( ༣༠༡ །
$
de la donner is pouvoient fuir , fans compromettre
leur délicateffe , ils l'ont pu également ,
lorfque cette parole leur a été rendue .
Mais , dira -t- on , pourquoi fuir , pourquoi
ne pas aller plaider une fi belle caufe , & faire
triompher les principes qui ont dicté leurs arrêtés
»?
ל כ
Ils ont fui , parce que la haute chambre
qui doit les juger n'existe pas encore , & ne pent
être formée de long- temps ; & que cependant il
n'eft pas jufte qu'ils foient dans les fers avant
: qu'il ait été jngé qu'il y a lieu à la prise de
corps » .
» On a parlé d'un tribunal provifoire , qui
pourroit être bientôt formé ; mais ce tribunal
feroit une de ces commiffions dont ils ne peurroient
pas seconnoître la compétence ».
Dans l'afile qu'ils ont choifi , ils attendront
la formation de la haute cour nationale ; & que
la force publique , qui fe rétablira fans doute ,
Teur garantifie la fureté qu'aucun pouvoir ne
leur promettre actuellement , ni fur la route
ni dans la capitale , où il faudroit qu'ils fe
rendiffent ».
Là ils feront juger fi la füreté individuelle
a pu être violéé en leurs perfonnes , & s'ils ont
pu être arrêtés autrement qu'en vertu d'un acte
émané du pouvoir judiciaire »,
Quelques officiers de la garde nationale de
Tinchebray , département de l'Orne en Normandie
, nous ont adreffés des plaintes , des injures
& un procès- verbal , au fujet d'une lettre
de Bayeux , inférée dans ce journal le mois dernier
, & dont l'écrivain racontoit l'attaque , l'incendie
& le pillage du château de M. Thoury.
de la Corderie. Ils ne conteftent pas la certitude
( 310 )
:
de ce forfait ; ils en témoignent lear douleur . His
ont inutilement travaillé à le prévenir ; ils ont
fait reftituer pour dix mille liv . de meubles &
d'effets volés : mais ils nous imputent , ainfi
qu'à l'écrivain de la lettre , d'avoir attribué ce
nouveau crime , digne d'une horde de foldars
d'Attila , à la garde nationale de Tinchebray .
Nous n'avons qu'un mot à répondre , c'eft de
renvoyer les réclamans à la lettre même , où il
n'elt pas même fait mention des gardes nationales.
On y dit que ces horreurs ont été commifes
par des habitans de Frefnes , de Tinchebray &
autres lieux voifins : le procès - verbal des offciers
qui nous écrivent porte qu'une multitude
innombrable d'inconnus a forcé , faccagé & brulé
le château ces inconnus , qui certes n'étoient
pas tombés des nues comme une armée de fauterelles
, ne font autre chofe que les habitans
des lieux & du voifinage . Les officiers avouent
s'être retirés , avec leurs foldats , au moment
du défaftre , par l'impuiffanec où ils crurent être
d'en arrêter le cours. L'auteur de la lettre ne
les accule point d'y avoir participé ; & quand il
l'auroit fait , nous n'aurions jamais foupçonné .
des officiers d'un pareil oubli de leurs fermens
de leurs devoirs , de toutes les loix divines &
humaines. Ils nous fomment de leur nommer
l'auteur de la lettre de Bayeux ; c'eft ce que nous
ne ferons point , parce que nous ne fommes pas
maîtres du fecret de fon nem qu'il nous a
confié ; mais s'il le faut , nous publierons , avec
leurs fignatures , deux autres lettres écrites de
Vire & de Bayeux , fur lesquelles on ne nous
a demandé aucune réticence , & qui confirment,
avec des détails encore plus horribles , ceux qu'a
nous avoit mandés antérieurement.
2
( 311 )
P.S. Il fe répand depuis hier, que la populace
d'Aix a de nouveau pendu trois citoyens
, artifans de profeffion , l'un ganter,
le fecond maçon , & le troifième charpen
tier. Nous aimons à croire que cette nouvelle
eft fans fondement ; mais ce que nous
pouvons affurer , d'après les informations ,
qu'on vient de nous tranfmettre , c'eft que
le club profcrit à Aix devoit fe former fous
le titre d'amis du Roi & du Peuple : il exiſte
à Montpellier une fociété fous le même titre .
On n'a donc fuppofé celui d'amis du Clergé,
quepar erreur, ou our colorer les trois afla!inass.
De plus , M. Pafchalis abfent d'Aix étoit
certainement bien étranger aux rixes du café ;
c'eft à la campagne , à fix lieues de la ville ,
qu'on a attenté à fa liberté , & qu'on s'eft
rendu maître de fa perfonne , pour difpofer
enfuite de fa vie.
Sans ordonner aucune information contre
les coupables , l'Affemblée nationale a décrété
lundi de prier le Roi d'envoyer des
Commiffaites civils à Aix & des troupes ,
pour le rétabliſſement de la tranquillité. M.
l'Abbé Maury s'eft recrié contre la douceur
de ce Décret . M. Charles de Lameth , a jugé
qu'il n'y avoit pas même à délibérer fur les
Léois meurtres d'Aix .
AVIS.
Nous prevenons de nouveau nos Soufcripteurs de
ne point être étonnés fi de tems à autre ils reçoivent
ce Journal un courier plus tard ; des circonftances
impoffibles à prévoir & à prévenir occafionnent
ces retards involontaires . Nous recevons
également des plaintes bien fondées de quelques
autres Soufcripteurs , fur le défaut d'exactitude ,
quoique MM les Commis des poftes de Paris ainfi
que ceux de notre burcau ne négligent ni qèle ni aitention
, la nature même de cette expédition occafionne
des erreurs inévitables . Il eft vrai que
quelques Abonnés de trois ou quatre Villes du
royaume fe plaignent conftamment de ne point recevoir
leurs numéros ou de les recevoir coupés &lus.
Comme nous fommes certains de notre exactitude,
il faut qu'ily ait une négligence coupable pour ne
rien dire de plus de la part de quelques employés
fubalternes de ces Villes qui occafionne cette irrégularité
puniffable. MM. les Abonnés voudront,
bien s'adreffer a MM. les Directeurs des poftes &
leur porter leurs plaintes à cet égard.
Nous recommandons auffi aux perfonnes qui
foufcrivent de donner leurs noms & adreffes écrits li
fiblement, de bien diftinguer le lieu de leur demeure ,
le nom du bureau des poftes ; quant aux anciers
abonnés qui renouvellent , ils voudront bien nous
faire paffer une des adreffes imprimées qui enveloppent
leur Journal. Le prix de l'abonnement eft de
33 liv. & on ne fouferit que pour l'année ertière
.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le