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1790, 08, n. 32-35 (7, 14, 21, 28 août)
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er. 15
( N°. 32. )
SAMEDI Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE
.
Compofé & rédigé, quant à la partie litté
raire , par MM. MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françoife ; & par M. IMBERT
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par
M. MALLET DUPAN , Citoyen de Genève .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume .
COURS DES EFFETS PUBLICS
EFFETSROYAUX, Jeudi 19. Vead. 30. Samedi31.
1140
Actions
Exaprasta. 373
14 Decembre1.
d'avril.L.oRsA
... 1780.90.1785
Lot. d'obre
1.so mull ans
Sans Bulletin,.
Bulletin.
Emp thit 120m²
Borde.
Cafe
compr
femp
De, demi act
1350.60.3370, 66.336
1670. 75 1680.83.1680.
60 so
Juillet
1790.
CHANGES31.
Amft. 12.
Lond. 17.5%
Ham 199
Mad.s 7.04.
Cadix 1560.
Liv. 10st
Gên. 97.
Lyon, 3pPe
Anyonuéres,
1789, lettre.
E. Y. Bard.
( No. 33. )
SAMEDI 14 Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE .
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françoife ; & par M. IMBERT,
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par
M. MALLET DUPAN, Citoyen de Genève.
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS.
EFFETS ROYAUX. Jeudi5.
Vend. 6. Samedi7.
Actions
1770 1775.72
De16esD .....
Emprunt Oct.
Id. Décembre82
Lot. d'Avril.
Lot d'Octobre$44. $ 4445
Emprunt 125ms10..
Id. 80 millions
BullSeatnisn.
Bulletin
Emprunt 120ms.
Bor.Cd.he.,
690.
54
10.10.10.10
10.11
Caille d'Efcompr. 3360.55.3355. 50. 3350..
Do demi- act. 1675 74 1674
EaudPex.
Bo.rV.Ed...
Août 1790
CHANGESdu7.
Amft.$2.
Lond. 17
Ham. 200.
Mad.5 tod
Cadix 151 70.1
LIVA LOS
Gên 974
Lyon.p Pre
Payeurs, Année
1789, lettreE
( No. 34. )
SAMEDI 21 Aout 1790 .
MERCURE
DE FRANCE
.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
par MM. MARMONTEL
, DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
PAcadémie Françoife , & par M. IMBERT,
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique
& politique , par
M. Mallet du Pan , Citoyen de Geneve.
Le prix de Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Aot 1790.
CHANGESdu11.
Amit,$ 24
Lond. 172
Mardiro.
Merc. 11. Jeudi2. Vend,1
Samedi14 Ham, 200 EFFETSROYAUX. Lundi91
1760. 1760. 1755.65.11760..65
Mad..
Cadix. A& ions
Exprunt.
Desembre82
Lot. d'Avril
6999.525..
Lot. d'Odobic. 545.
So Ereprunt 125 m² 10. 10.10 107.11.11.10
Id. To millio:s
Sans Ballerin ....
101110101010
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Empru1n1mt0i
BorCdhe..
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3350.48334450 3340.
De demi- act.1672...
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E.V. Bord
10
315253335.45 3340..25.
1670..71. 1648..70 1660..55 1665. 75. 1670..69.
Gen.
97.
Lyon.p. Ple
CHANGES U14.
Amft. 12
Lond. 27
Ham 201
Mad,g
Cadizin
Liv.. 106.
Gên 98.
Lyon.p.P
Payeurs Année
1780, lerare E.
(
CE
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)
EDI 28 Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE .
rédigé , quant à la partie litté
par MM. MARMONTEL , DK LA
& CHAUFORT , tous trois de
démie Françoife ; & par M. INZERT,
eien Anteur & Editeur : quant à la
hiflorique & politique , par
MALLET DU PAN, Citoyen de Genève.
pik de l'Abonnement eft de 33 liv.
ranc de port par tout le Royaume.
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Sans Bulletin ....10
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Emprunt 120m³.
Borde Ch ...
Caille d'Efcompt. 3310.35. 3350.48.. 3330.25.
Do. demi- act .... 1655..61. 1670. 72. 1670..65
EauxdeP
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Août 1790.
CHANGES du21,
Amft.1
Lord. 261.
Hm. 203.
Mal..15 13ʻod.
Cadix: 11od
Liv. 107.
GED. 992
Leon p. Pe
Hayeurs, Année
1780, lettreF
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
COMPOSÉ &rédigé, quant à la partie littéraire , par
MM. MARMONTEL , DE LA HARPE & CHAMFORT
, tous trois de l'Académie Françoife ; &
par M. IMBERT , ancien Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par M. MALLET
DU PAN, Citoyen de Genève,
SAMEDI 7 AOUT 1790.
A
PARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou;
rue des Poitevins , No. 18 .
Avec Privilége du Roi,
TABLE
Du mois de Juillet 1799 .
LEPère & les trois Fils. 3 ) Charade, Biz & Logog , 30
Vers .
Suite de la Veillée.
VER S.
Le Dépofitaire Gafcon.
Charade, En . Log.
Mémoires.
Mémoire.
EPITRE.
L'Avocat de l'Amour.
Charade , Enig. Log,
Adreffe.
5 Le Defpotifme dévoilé.
491 Lettres.
51 Theatre Itallen .
53 Theatre de la Nation,
56, Théatre de Monfieur,
363
86
و م
93
95
81
971 Eidmens.
101 Obfervations 121
104 Theatre de Monfieur. 131
1051
EPIT PIT.APHE.
Réponse.
Le Mouton & le Buiffon.
Charade, Enig. Log .
Euvres de Cicéron .
Du Maffacre.
133 ] Demetrius.
134 Nouveau Recueil.
136 Théaire Italien.
137 Théatre de la Nation .
139 Théatre de Monfieur,
146
155
158
165
166
167
EPITRE.
Vers.
169 Mémoires. 191
171 Recherches. 196
Charade, Enig. Logog. 174 Memoires . 198
Eloge. 177 Ellai. 200
A Paris , de l'Imprimerie de MOUTARD,
sue des Mathurins , Hôtel de Cluni
PIBLIOTERA
REGIA
MONACENSIS
MERCURE
DE FRANCE.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
DISTIQUE
Au fujet du Bal que nous ont donné nos
Frères d'Armes de Paris , fur les débris
de la Baftille.
AVTVTRREEFFOOIISS dans ces murs la honte de la
France ,
>
On y trouvoit la mort ! aujourd'hui …………. l'on y
danfe .
( Par M. Pafquet , Aide - Major dans
l'Armée Patriotique Bordeloife , &
Député à la Fédération générale. )
ΑΣ
MERCURE
VERS
AM, de DurFORT , proclamé , pour la
troifième fois , Généraliffime des Troupes
Patriotiques Bordeloifes & de plufieurs
Sénéchauffées.
TOUS ous nos eoeurs t'ont nommé ! ... fois toujours
notre Guide ;
Contre fes ennemis défends la Liberté.
Rival de LA FAYETTE , & nouvel Ariftide
Dans notre paisible Cité ,
Grace à tes foins , la gaîté brille .
Ah ! fois bien sûr que , pour jamais ,
LA FAYETTE & DURFORT feront chers aux
Français ;
Mon Général ! ... c'eft un droit de famille.
( Par M. Pafquet , Aide - Major du
Régiment de Sainte - Eulalie, )
DE FRANCE.
3
FABLE DU CHIEN DE PROCRIS ,
Tirée du VII . Livre des Métamorphofes
d'Ovide : c'eft Céphale qui la raconte.
Carmina Laides non intelle&ta priorum
Solverat ingeniis , &c.
LORSQU' @ DIPE , interprète heureux & fccourable
,
Eut pénétré le Sphynx , long temps impénétrable ,
Et qu'oubliant enfia fes détours captieux ,
Ce Monftre , aux pieds du roc , eut péri fous fes
yeux ;
Fléau non moins terrible , une Hyenne ſauvage
Remplit les champs Thébains d'horreur & de ravage
,
Et vengea de Thémis les oracles obfcurs .
La Jeuneffe à l'envi s'affemble hors des murs ;
Un long tiffu de rets , finueux labyrinthe ,
Autour de l'ennemi forme une triple enceinte.
Mais bravant le danger , la bête à nos regards
Franchit d'un faut léger les filets & les dards.
On découple les chiens : elle échappe ; & plus vîte ,
Plus prompte qu'un oifeau , les trompe & les évite.
On demande Lélape ; on l'appelle à grands cris :
C'étoit le nom du chien donné par ma Procris.
A 3
6 MERCURE
Déjà le cou tendu , luttant contre fa chaîne ,
Lélape impatient la fouffroit avec peine .
Il part ; l'oeil fuit , le cherche , & ne le trouve pas.
On devine fa courſe aux traces de ſes pas.
Une pierre à la fronde échappe moins rapide ;
Moins rapide eft le vol d'une flèche Numide .
Il eft une hauteur d'où l'oeil domine au loin ;
Là , de leur courſe agile immobile témoin ,
Je me plais à les voir , avec même vîteffe ,
L'un fans ceffe affaillir , l'autre éviter fans ceffe.
Elle faute , il bondit ; elle tourne il revient :
›
Elle échappe , il la preffe ; on diroit qu'il la tient :
Il ne tient rien fa gueule avide de bleffures ,
:
Redouble dans les airs d'inutiles morfures.
J'ai recours à mon dard ( 1 ) : au moment que més
doigts
Le balancent en l'air , je regarde & je vois
En marbre transformés & Lélape &` fa proie.
Il femble que toujours l'une fuit , l'autre aboie .
Sans doute arbitre alors entre ces deux rivaux ,
En adreſſe , en vigueur , un Dieu les juge égaux.
( Par M. de Saint- Ange. )
(1 ) On fait que ce dard , préfent de Diane , & que
Céphale avoit reçu de Procris , étoit toujours sûr de fes
coups . Ce Livre 7e. , actuellement fini , n'attend pour
être publié qu'un moment plus tranquille & plus favorable
à la Poéfic .
-
, On trouve les 6 premiers chez Moutard , Impr- Libr..
rue des Mathurins ; & chez Valeyre l'aîné , rue de la
Vieille- Bouclerie.
DE FRANCE.
LA V EILLÉ E ,
S. HISTOIRE.
DU temps de la Chevalerie , dit à ſon
tour le Baron de Drifac , avec l'accent de
ſon pays , il n'y avoit pas un Gentilhomme
qui n'eût , au coin de fon feu , quelque
belle aventure , quelque proueffe à raconter.
Ce bon temps eft paflé. Il n'y a plus
de Géans , plus d'Enchanteurs , plus de
Champ-clos ; on n'enlève plus de Princeffe
; que voulez- vous qu'on vous raconte ?
Pour moi , je ne fais que vous dire ; &
en repaffant dans ma mémoire les évènemens
de ma vie , le plus beau jour dont
je me fouvienne , fut celui où en admirant .
les tableaux de nos Peintres dans le Sallon
des Arts , je reçus une croquignole. Quoi !
fur le nez , s'écria Julliette ? Eh oui , Mademoifelle
, fur ce nez- là. Voici le fait .
A l'âge de vingt ans , j'étois arrivé à Paris ,
avec mon patrimoine dans un porte- feuille
très-mince , & la promeffe d'un brevet de
Lieutenant d'Infanterie , fur lequel je fon
dois toutes mes efpérances & mes projets
d'ambition . Le brevet fe faifoit attendre ,
car c'étoit le temps de la guerre , on étoit
friand de dangers , & les emplois vacans
étoient brigués par une foule de jeunes
A 4
$ MERCURE
amans de la gloire : fi bien qu'en attendant
mon tour , je voyois mon petit pécule s'en
aller infenfiblement. Je le ménageois pourtant
bien ! & pour me tenir lieu des plaifirs
ruineux , je m'en faifois d'économiques.
Moitié goût naturel , & moitié calcul
& prudence , je m'avifai d'aimer les
Arts & de fréquenter les Artiſtes . Mes
fpectacles étoient leurs ateliers ; il ne m'en
coutoit rien ; & plus fenfible tous les jours
aux productions du génie , je pouvois en
jouir fans bourfe délier : je trouvois cela
fort commode ! ajoutez , d'abondance , que
parmi les Artiftes , je trouvois des hommes
inftruits , des caractères à l'antique , une
franchiſe que j'aime fort , une fierté que
je ne hais point , de la gaîté , fouvent de
l'efprit , de la verve , & une vivacité d'imagination
qui me rappeloit mon pays.
Celui de tous auquel je m'attachi le plus ,
ce fut Carle Vanloo . Il n'y avoit pas de
meilleur Peintre , il n'y avoit pas de meilleur
homme. Plein de génie & d'ame , il
avoit les moeurs d'un enfant. Il remarqua
mon affiduité ; il fut fenfible aux éloges
naïfs que je donnois à fes Ouvrages ; &
il me prit en amitié. Bientôt il me permit
de l'aller voir chez lui : j'y trouvai le bonheur,
& les plaifirs de l'innocence . Sa femme
avoit la voix d'un roffignol , fa fille l'éclat
d'une rofe ; c'étoit le plus joli printemps
qu'il fût poffible de voir fleurir.
Vous allez en être amoureux , lui dit tout
DE FRANCE. .9
-
bas Dervis. Oh non ! je ne voycis dans
la belle Carline que le chef- d'oeuvre de
fon père fa main étoit promife , & fon
petit coeur engagé ; qu'aurois-je fait de mon
amour ? Non , croyez - moi , l'amour ne
vient pas tout feul & de lui-même ; c'eft toujours
l'efpérance qui l'amène & qui l'introduit.
Et puis , j'avois mon brevet dans ma
tête ; & fi tết qu'il fut expédié , je partis.
Blave jeune homme , me dit Carle dans
nos adieux , vous allez aux coups de fufil ;
j'ai un bon office à vous rendre . Bagieux ,
le plus habile Chirurgien de l'Armée , eft
mon ami intime . Voici une lettre de recommandation
pour vous auprès de lui. Je
la reçus , comme vous croyez bien , avec
une fenfible joie , Bagieux , le jour d'une
bataille , étoit un perfonnage d'une grande
importance ; & bien me prit d'être fon protégé
. Huit jours après mon arrivée , je reçus ,
à l'attaque de Laufeld , deux bleffures ; l'une
à la cuiffe , mais fort légère ; l'autre à l'épaule
droite, & celle-ci valoit la peine qu'un
homine habile y mit la main. Bagieux , à
qui Vanloo avoit recommandé de ne pas
me perdre de vue dans les occafions férieufes
, fut que j'étois bleffé , & accourut
à mon fecours .
Digne ami de mon ami Carle , confidérez
, lui dis - je , que ce bras eft celui dont
je tiens l'épée ; tâchez de me le conferver .
Il leva l'appareil . La balle étoit reftée , & il
fallur la dégager. Je ne veux pas vous en-
A s
10 MERCURE
nuyer de mes douleurs & de fon induftrie ;
l'intéreffant eft de favoir qu'il me guérit ,
& que mon bras fut encore au fervice de
l'Etat & de mes amis.
Enfin la paix m'ayant permis de venir
rendre grace à celui dont la prévoyance
m'avoit peut - être fauvé la vie , je paffois
mes jours avec lui dans l'intimité la plus
douce ; le matin à fon atelier , le foir au
fein de fa famille , & au clavecin de fa
femme , où la belle Carline , inftruite par
fa mère , effayoit fes jeunes talens .
Autour du clavecin , une fociété d'Artiftes
, de Lettrés , de bons Bourgeois amis
de Carle , exprimoient leur raviffement pour
cette nouvelle mufique , dont Madame Vanloo
nous faifoit la première connoître &
fentir les beautés ; & Carle , dans ce cercle,
m'avoit fait diftinguer Pacôme , fon ami
de coeur , dont le jeune fils me fembloit
prodigieufement fenfible à la belle voix de
Carline. Ainfi fe paffoit notre temps.
Cette année- là , le Sallon des Beaux- Arts
fut d'une richeffe admirable ; & mon ami
Vanloo s'y diftingua par la fierté de fa manière
& le brillant de fa couleur. L'envie
n'en fut que plus envenimée contre la gloire
des talens .
J'ai oui dire que la gloire & l'envie étoient
nées le même jour , l'une de l'oeuf d'un aigle
l'autre de l'oeuf d'une vipère ; je le croyois affez
, & je conçois que l'Artifte qui rampe foit
jaloux de celui qui vole. Mais celui qui n'eft
DE FRANCE. II
point Artifte , de quoi , fandis ! peut- il être
envieux ? En fait d'efprit , à la bonne heure ,
chacun y prétend plus ou moins on a
fait en fa vie un Madrigal , une Chufon;
c'en eft affez pour être ennemi de Voltaire .
Montefquieu , après tout , n'a fait que de la
profe ; M. Jourdain en faitaufli . Mais à moins
d'avoir manié le cifeau , le pinceau , comment
peut-on être offufqué de la gloire du
Peintre ou de celle du Statuaire ? C'est qu'il
eft une espèce d'hommes naturellement
ennemis de tout bien. Tout fuccès les afflige
, tout mérite les bleffe ; ils obfcurciroient
le foleil , s'ils pouvoient fouiller fa
iumière.
Entre ces malheureux étoit un Spadaffin
appelé Rudricour , connu dans les Cafés
& dans tous les Spectacles pour un cabaleur
redouté. Il fe piqueit auffi d'être le
fléau des Artiftes ; & tous les jours dans
le Sallon , la lorgnette à la main , il vantoit
avec arrogance ce que dédaignoit tout
le monde , & en revanche il dénigroit ce
ce que l'on admiroit le plus. Il avoit pris
fur-tout en haine ce bon Carle Vanloo , de
tous les hommes le plus modefte , le plus
fenfible à la critique , & à qui un fimple
Ecolier faifoit effacer fon ouvrage , s'il avoit
l'air d'en être mécontent.
Savez - vous , me dit Carle , pourquoi
cet homme - là me pourfuit avec tant de
rage ? Je l'ai vu chez moi l'an paffé , aufli
bas complaifant & louangeur auffi outré ,
A 6
12 MERCURE
qu'il eft acre & mordant critique ; mais en
feignant d'être amoureux de mon talent ,
il l'étoit de ma fille ; & il eut l'infolence
de lui gliffer un jour un billet d'amour
dans la main. La pauvre enfant nous apporta
ce billet , & nous demanda à fa mère
& à moi ce que lui vouloit ce Monfieur ? Je
vis tout fimplement qu'il vouloit la féduire
; & fans daigner me plaindre , je priai
l'Amateur de ne plus mettre les pieds chez
moi. Il ne me l'a point pardonné. Je tâchois
inutilement d'infpirer à Vanloo , pour cette
efpèce de gens- là , tout le mépris qu'elle
mérite. Ah ! me répondoit-il , ce font les
Rudricour qui ont fait mourir de chagrin
le Moine. Cependant comme il avoit pour
lui la voix publique & de brillans fuccès ,
en l'en affurant bien , je calmnois un peu
fes efprits.
Mais un matin que je l'allois voir , je
trouvai le plus beau tableau qu'il eût mis
au Sallon , déchiré par lambeaux , & devant
ce tableau , fa femme & fa fille éplorées.
-
Saifi d'étonnement & de douleur , je
demande à ces fenimes quel eft le furieux
qui a lacéré ce bel ouvrage ? Hélas ! me
dit la mère , c'eſt mon mari . Il eſt donc
fou? Il l'eft de douleur , me dit - elle ,
& il a bien raifon de l'être . Ce malheureux
tableau va peut -être couter la vie à
notre plus ancien ami. Pacôme , vous le
connoiffez ; vous l'avez vu chez moi Ah !
Monfieur de Drifac , un père de famille ,
DE FRANCE. 13
âgé de cinquante ans , a reçu hier dans un
Café le plus cruel affront , pour avoir répondu
à un méchant appelé Rudricour ,
qui décrioit l'ouvrage de mon mari & fon
talent , fans même épargner fa perfonne ,
l'accufant d'un orgueil outré & d'une haine
fourde & baffe pour tous ceux de fon Art
qui valoient mieux que lui . Pacôme avoit
fouffert la critique la plus violente contre
l'ouvrage de fon ami ; mais quand le détracteur
en vint à des injures perfonnelles ,
il le défia de citer un feul fait ni un feul.
témoin qui appuyât cette calomnie. Ce mot
de calomnie bleffa le calomniateur. Tiens ,
le voilà le témoin , dit-il , en menaçant de
frapper le bon-homme ; & celui - ci , au moment
de l'infulte , fe trouvant défarmé
n'en put tirer vengeance ; mais hélas ! depuis
hier au foir fa femme & fes enfans ont
beau vouloir le retenir , il veut mourir ou
fe venger. Son fils veut mourir avant lui.
Ce n'eft pas tout ; mon mari penſe que
c'eſt à lui de venger fon ami ; & dans ce moment
il eft là qui prépare fes piftolets. Plein
d'une fureur fombre , il nous a rebutées ,
fa fille & moi ; il ne veut plus nous voir
que cet affsont ne foit lavé.
>
En écoutant ce funefte récit , Bagieux me
vint dans la penfée. J'allai droit à Vanloo ,
je le forçai de m'ouvrir la porte du cabinet
où il étoit feul enfermé , & lui voyant char
ger fes piftolets Que faites-vous , lui disje
Et ne piyez-vous pas que c'eft à l'in14
MERCURE
--
dignation publique & au mépris que ce vil
garnement doit être abandonné ? Non ,
Monfieur de Drifac , me dit- il , non : fi c'étoit
un lâche , à la bonne heure ; mais puifque
le plus mal- honnête des hommes n'en eft
pas moins ce qu'on appelle parmi vous un
homme de coeur , je faurai s'il en a , & s'il
eft auffi brave qu'il eft infolent & cruel.
Comme il difoit ces mots nous vîmes
Rudricour paffant fous nos fenêtres pour
aller au Sallon , la tête haute , le regard
infultant , le chapeau fur les yeux , une longue
épée au côté. Le voilà , me dit Carle :
à fon retour du Sallon , je l'attends ; vous
me fervirez de témoin.
Je n'avois guère plus de confiance aux
piftolets de Carle , qu'à l'épée du bon Pacôme.
Mais le moyen de retenir un homme
à qui le fang bout dans les veines ! il me
pria de le laiffer fortir , d'un ton à ne plus
me permettre de l'arrêter ; je parus lui céder ,
& me contentai de le fuivre. Mais en fortant
du cabinet , ah quelle fcène ! quel tableau
! & comme il l'auroit peint lui - même !
fa femme , fon aimable fille , l'une à fes
pieds , l'autre à fon cou l'enchaînant de
leurs bras , avec des cris , avec des larmes ,
avec ces mots de la Nature qui tranfpercent
le coeur.... Carle y étoit infenfible . Mon
ami , difoit- il , mon ami eft déshonoré ; il
faut que je le venge ou que je meure ; &
il s'arrachoit de leurs bras. Sa femme tombe
évanouie ; fa foible & tendree afant lui rég
DE FRANCE. 15
fiftoit encore. Elle avoit découvert les piftolets
cachés fous l'habit de fon père , & , oubliant
les frayeurs de fon âge , elle vouloit ,
par un dernier effort , le défarmer. Que faistu
, lui dit-il , ma fille : ils font chargés ;
& fi l'un des deux part , tu vas tuer ton
père ! Elle tomba fans couleur & fans mouvement.
?
,
Oh ça , mon cher Carle , lui dis - je , vous.
penfez en brave homme il n'y a pas
moyen de le diflimuler. Mais vous allez agir
en fanfaron , fi en abordant votre hommeau
fortir du Sallon , vous le provoquez en
public ; car ce fera paroître vouloir qu'on.
vous fépare. Voulez- vous me laiffer vous.
l'amener , fans bruit , en quelque lieu où
vous ferez plus à votre aife ? Fort bien ,
me dit- il avec joie , c'eft ce que je demande .
-Tenez-vous donc tranquille ; & quand
vous nous verrez paffer , vous nous fuivrez.
En attendant , allez fecourir vos deux femmes
; moi , je vais monter au Sallon .
En affet j'y montai , & dans la foule je
vis mon homme , fa lorgnette à l'oeil droit ,
parcourant les tableaux , & parlant des
plus admirables avec un infolent mépris ,
au grand fcandale de trois jeunes Artiftest
qui le fuivoient des yeux , indignés de fon
impudence. Je m'approche & me place auprès
de lui , tant foit peu en arrière , pour
engager le Dialogue. Je lui entends dires
d'un tableau de Vernet : Enluminure d'évantail.
Et moi , je dis : Quelle beauté ! quelle
16 MERCURE
vérité de couleur ! qui jamais a mieux peint
le ciel , l'eau , l'air , & la lumière ? Il me
regarde du haut en bas ; & s'avançant il
dit d'un tableau de Deshaies : C'eft de l'art
fans talent ; & moi : Ce n'eft que du génie.
Il lorgne un tableau de Vien , & dit :
Ouvrage d'Ecolier ; & moi je lui ripofte :
D'Ecolier rival des grands Maîtres . Il dit d'un
Lagrenaie Cela eft froid & maniéré. Oui
dis - je , froid comme l'Albane , maniéré
comme le Corrège. Enfin appercevant le
vide du tableau de Vanloo : Il a bien fait
de l'ôter , dit- il en fouriant , il n'y avoit
rien de fi plat ; & moi : Il a mal fait , il
n'y avoit rien de fi fublime .
Mes répliques l'impatientoient. Il me regarde
fur l'épaule une feconde fois , & dit :
L'importun veifinage que celui d'un for ;
& moi La fâcheufe rencontre que celle
d'un fat ! Alors il fe retourne , & me prenant
pour un Ecolier , il me donne une
croquignole. Je ne remuai point , & fans
faire aucun bruit , je mis mon chapau fur
ma tête. Monfieur , lui dis-je , vous voyez
cette cocarde ? Oui , je la vois . - Eh donc ?
- Eh donc , répliqua- t-il en me contrefaifant.
Meffieurs , dis - je à mes trois Artiſtes
qu'étonnoit ma tranquillité , voulez - vous
venir faire un tour ? Tous les matins avant
dîner , je prends l'air aux Champs Elysées ;
cela me met en appétit . Je m'y promène auffi
quelquefois , dit mon homme ; l'exercice
me fait du bien. A l'inftant je fortis avec
DE FRANCE. 17 "
mes jeunes gens , à qui les yeux pétilloient
de colère.
Eh Vanloo m'attendoit au paffage.
bien ? notre homme ? Il va nous fuivre ;
rendons nous aux Champs Elysées. Chemin
faifant , Vanlos inftruifit les Artiftes
de l'aventure de Pacôme ; mais il ne fut
rien de la mienne ; je les avois priés de n'en
pas dire un mot .
Rudricour ne fe fit pas at endre ; & en
arrivant , nous le vîmes s'avancer par une
autre allée. Mais Pacôme & fon fils , qui
fans doute l'avoient guetté , le fuivoient
à peu de diftance , le chapeau fur la tête
& l'épée au côté , pécaïre ! c'étoit pour la
première fois . Ah ! me dit Carle en les
voyant , délivrez- moi de ces deux hommeslà
, ils vont fe faire tuer. Nous allâmes les
joindre.
Tout beau , Meffieurs , leur dis - je , quand
nous fûmes enfemble . Chacun de nous ici
a fa propre querelle à vider ; car , ne vous
déplaife , je viens d'avoir aufli la mienne ;
& notre commun adverfaire commencera
par moi , fi vous le trouvez bon. - Vous ,
Monfieur , me dit Carle ? vous n'êtes ici
que témoin. Je pénètre votre intention ,
& lens tout ce que je vous dois ; mais n'allez
pas plus loin , & croyez que fans vous
nous faurons laver notre injure . -Votre injure
, fort bien , lui dis je ; mais la mienne ?
-La vôtre ! -Eh oui , ma croquignole . Eftce
vous qui l'avez reçue ? eft- ce vous qui la
BS
MERCURE
vengerez ? Il ne m'entendoit pas . Je lui
expliquai le fait . Il voulut en douter encore
; mais j'avois là mes trois témoins . Ce
n'eft donc pas pour vous , lui dis -je , c'eſt
pour moi que j'ai prié ce galant homme
de venir faire un tour de promenade ; &
puifque c'est moi qui l'invite , c'eſt à moi
de le recevoir. Je ne ferai pas long ; & dans
quelques minutes je vous le livre mort ou
vif.
Rudricour s'impatientoit ; excufez- moi
lui dis- je en l'abordant : j'ai perdu là quelques
minutes ; mais ces Meffieurs me difputoient
la préféance ; il a fallu leur faire
entendre qu'elle m'appartenoir. Ils m'ont
cédé le pas ; maintenant je fuis tout à
vous.
Je vois , dit- il avec un fourire infultant ,
que j'ai plus d'une affaire ce matin ; expédions
la vôtre.
A l'inftant il tira une épée longue d'une
aune. Moi , je tirai auffi ma petite épée ,
encore vierge , car je n'avois jamais dans
ma jeuneſſe badiné qu'avec le fleurer .
Nous commençons par nous efcrimer ,
comme en nous agaçant l'un l'autre. Mais
tout à coup il me détache une botte effroyable
qui alloit me percer d'outre en
outre ; heureufement ma lame fit décliner
la fienne de la ligne de direction ; en même
temps , comme il s'alongcoit , & qu'en
parant je ripoftai , fon oeil droit fe trouvant
au bout de mon épée , s'enfila de luiDE
FRANCE.
19
même. Apparemment la douleur fut vive ,
car il pâlit ; & laiffant tomber fon épée ,
it alla s'appuyer contre un arbre voifin .
Mes amis , qui le crurent mortellement
bleffé , voulurent accourir. Non , leur dis - je ,
il eft plein de vie. Il n'a perdu que fon
mauvais oeil laiffez - moi lui parler , j'ai
encore deux mots à lui dire ; & en relevant
fon épée j'allai à lui . Vous devez en
avoir affez , lui dis - je ; & moi , pour ce
qui me concerne , je fuis content ; mais
voici un brave homme que vous avez gratuitement
& cruellement offenlé. C'eſt à
lui , s'il vous plaît , qu'il faut venir demander
pardon , & mettre à fes pieds votre
épée. A ces mots , il me regarda de fon
ail gauche avec fureur , & répondit qu'il
n'en feroit rien , qu'il étoit fans défenſe ;
que je n'avois qu'à le tuer. Je ne vous
tuerai point , lui dis-je ; mais fi vous refufez
une réparation fi jufte , & cependant
fi douce , de l'outrage le plus fanglant , vous
êtes indigne de voir le jour ; & vous n'avez
qu'à vous mettre en garde , car je vais
vous percer l'autre oeil , & vous mener aux
Quinze-Vingts . Il entendit raifon ; & le bon
Carle & les deux Pacôme, en le voyant dans
ce piteux étar leur rendre fon épée , en
furent émus de pitié. Les trois jeunes Artiftes
n'étoient pas fi compatiffans ; & en
fe rappelant l'oeil dédaigneux de la lorgnette ;
cet oeil- là , difoient- ils , n'infultera plus les
talens : Dieu l'a puni par où il a péché.
20 MERCURE
Voulez- vous , leur dis- je , admirer davantage
l'équité de la Providence ? Apprenez
que ce même bras , qui vient de venger
mon ami Carle & fes amis , c'eſt Carle
qui me l'a fauvé. Je leur contai mon aven
ture de Laufeld ; ils furent charmés de
m'entendre ; & voilà , difoient- ils , comme
un bienfait n'eſt jamais perdu .
En converfant ainfi , nous nous avancions
vers le Louvre , bien contens d'aller confoler
deux familles au défefpoir. Tout à coup
un Garde m'arrête , & me dit de le fuivre;
quelqu'un de loin fans doute avoit vu le
combat , & nous avoit trahis. Ne craignez
rien , me difent les trois jeunes Artifes ,
nous fommes vcs témoins ; & ils m'accompagnèrent
jufqu'à la prifon. Carle & les
deux Pacôme vouloicnt me fuivre aufli ,
quoique plus effrayés que moi . Non , leur
dis -je , gardez - vous bien de vous mêler
dans cette affaire je m'en tirerai ; laillezmoi
, & allez raffurer vos femmes.
Les trois témoins furent ouis ; je fus interrogé
moi-même ; & ne voyant dans tout
cela qu'une infulte , qu'une rencontre , &
qu'un infolent châtié , l'Officier chargé d'en
inftruire , m'affura que le Tribunal ne me
laiffercit pas linguir.
Me voilà donc entre quatre murailles ,
le coeur plein d'une joie que je ne puis
vous exprimer.
gar-
J'avois forcé Pacôme à recevoir & à
der l'épée que Rudricour avoit mife à fes
DE FRANCE. 21
pieds ; c'étoit pour fon honneur un témoi
gnage irréprochable, Carle étoit rendu à ſa
femme & à fa chère enfant. Confolés , déliviés
du plus violent chagrin & des frayeurs
les plus cruelles , ils étoient contens , pleins
de joie , heureux dans les bras l'un de l'autre.
Je voyois tout cela du fond de ma priſon ;
& j'y refpirois l'air le plus fuave , le plus
pur que j'aie refpiré de ma vie,
Ah ! je le crois , dit Juliette ; mais vous
fûtes encore bien plus heureux, je gage , dans
votre prifon , lorfque vous vites arriver deux
familles fi foulagées , & fi ravies de vous
devoir ce qu'elles avoient de plus cher !
Rien n'eft plus vrai , Mademoiſelle ; il
n'y a point de fpectacle raviffant comme
celui - là . Dans le féjour du crime & de
la honte , du remords & de la douleur ,
je me crus dans le Ciel, Figurez- vous que
la tendre Carline m'embraffoit , me baignoit
de larmes , & couvroit mes mains de
baifers. Eh bien , c'étoit le moins touchant
des objets de ma jouiffance. Sa mère ! ah !
les yeux de fa mère ! c'eſt ce qu'il falloit
voir & fon amie ! la femme de Pacôme.
& deux jeunes feurs de fon fils ! il n'y a
point de couleur pour peindre tout cela.
Oh ! bienheureuſe croquignole ! diſois - je
en moi-même, fans toi , je n'aurois jamais
foupçonné cer excès de bonheur ! J'en étois
enivré. Je les embraffois pêle - mêle , & je
pleurois comme un enfant.
Je finis par les raffurer fur ma ſituation ;
22 MERCURE
-
& quand tout fut calmé : Monfieur de Drifac,
me dit Carle, vous avez , j'en fuis fûr ,
follicité une querelle , un affront pour venger
le nôtre.
Mon ami , quand cela feroit ,
vous favez bien , lui dis - je , que ce bras
eft à vous ; ne me l'avez vous pas fauvé ?
Il feroit donc bien jufte que votre bras vous
eût fervi mais j'ai été infulté moi - même ,
fans autre cauſe , je vous le jure , que d'avoir
oppofé le bien au mal , en louant des
talens dont Rudricour parloit avec un infolent
mépris. Au refte , le voilà corrigé ,
je l'efpère ; & s'il regarde encore les ouvrages
des grands Artiftes , ce ne fera plus
du même oeil.
:
Vous pensez bien qu'en me quittant ,
Carle mit tout en mouvement pour me
tirer de là. Il avoit des amis , ils agirent
avec chaleur ; & dès le lendemain , le Maréchal
de N.. me fit venir chez lui. Je lui
contai naïvement tout ce que je viens de
vous dire , hormis le rendez -vous que je
diffimulai.
Vous êtes un brave homme , un véritable
ami , me dit ce généreux vieillard.
Je prendrai foin de vous ; & il me tint
parole je lui dus mon avancement. Mais
ce qui m'a été plus cher que ma fortune
c'eft l'amitié de deux familles qui m'ont
toujours chéri & choyé dans leur fein ; les
uns avec l'affection dont les enfans aiment
leur père ; les autres avec la tendreffe dont
un père aime les enfans.
( Par M. Marmontel. )
DE FRANCE.
23
Explication de la Charade , de l'Enigme ૐ
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Mariage ; celni
de l'Enigme eft Mode ; celui du Logogriphe
eft Tête , où l'on trouve Tete , Et.
CHARADE.
DONNER à l'Etat mon entier ,
. C'eft mettre un grain de mon premier
Dans la gueule de mon dernier.
( Par un Abonné, )
ÉNIG ME.
TOUTE puiffance eft foible à moins que d'être unie ,
A dit l'ingénieux Conteur
Qui ſurpaſſa l'Esclave de Phrygie,
Rien n'eſt plus vrai , croyez-en cet Auteur ;
Telle eft auffi ma maxime chérie ,
Et j'espère m'en trouver bien ...
24
MERCURE
Sans accord je ne ferais rien ,
Et je puis tout par l'harmonie .
Jaloufe de donner un fpectacle impofant
Des noeuds facrés qui font mon exiſtence ,
Sous mes drapeaux j'attends incefamment
Dix mille Citoyens , fameux par leur vaillance ,
Tous amis de la Liberté ,
Tous ennemis de la licence ,
Garans de la prospérité
Et du bonheur qui vont régner en France.
Tremblez , frondeurs durs & pervers ,
Qu'égare un injufte égoïſme !
Du dévouement & du patriotifine ,
Je vas donner l'exemple à l'Univers .
Si revenus de votre inconféquence ,
A mes dignes appuis vous uniffez vos voeux ,
Je vous prends tous fous ma défenſe ;
Je ne veux que vous rendre heureux.
( Par M. Vallois, )
LOGOGRIPHE.
JE fuis un objet déteſté
Par la faine raiſon & par la politique :
Mon
DESFRANCE.
*
Mon nom , qui n'étoit point autrefois ufité ,
Figure fur la fcène , on le trouve énergique ,
Et tous les jours il eft mille fois répété .
Mais comme dans le monde il n'eft aucune chofe
Qui n'ait , comme on dit , qu'un côté ,
Si de mes onze pieds il en étoit ôté
Trois feulement ; alors quelle métamorphoſe !
Il faut , fi l'on me décompose ,
Prendre les fix premiers & mon extrémité ;
On trouve un Grec très- reſpecté
De la favante Antiquité , ´
Célèbre en vers ainfi qu'en profe ,
Et qui fera long - temps cité ;
Et dans ce qui nous eft refté ,
On donne un attribut de l'Enfant de Cithère ;
Après cela , je puis me taire.
Par une Dame. }
No. 32. 7 Août 1795
26 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
VIE de Voltaire , par le Marquis DE
CONDORCET ; fuivie des Mémoires de
Voltaire, écrits par lui- même ; des Tables
des Euvres , &c. De l'Imprimerie de la
Société Littéraire Typographique. Tome
LXXe, de la grande Edition de Voltaire.
CETTE nouvelle Vie de Voltaire , écri
par un homme qui fut fon ami & qui
méritoit de l'être , peut donner lieu d'abord
à une queftion de morale : un ami
doit - il écrire la vie de fon ami ? & les
devoirs de l'amitié peuvent- ils fe concilier
avec ce premier de tous les devoirs de
l'homme public ( & un Hiftorien l'eft ) ,
l'exacte équité : Je réponds : oui , quand la
vérité eft telle qu'en dernier réfultat, compenfation
faite du bien & du mal , le premier
l'emporte infiniment fur le fecond
que les éloges font plus que fuffifans pour
confoler des aveux , & que l'amitié qui
raconte & qui juge , peut jouir de la fatisfaction
légitime de dire à la Poſtérité :
Vous honorerez celui que j'ai célébré .
DE FRANCE. 27
C'eſt affurément ce que peut dire l'Hiftorien
de Voltaire. Il n'a point diſſimulé
les défauts & les torts ; il a fenti qu'il n'en
avoit pas befoin ; il a fu peindre Vokaire
tel qu'il étoit , & s'cft appliqué fur - tout
à repréfenter la toute puiffante influence
qu'il a cue fur l'efprit de fon Siècle ; &
bien loin qu'à cet égard on puiffe lui reprocher
aucune exagération , peut- être n'at-
il pas affez approfondi fa matière ; peutêre
, quoique fon pinceau ne manque pas
de force , cût il pu rendre fes touches plus
vives & plus marquées. Il me femble du
moins qu'il étoit poble de développer
davantage les obligations éternelles que le
genre humain doit avoir à Voltaire. Les
circonstances actuelles en fourniffoient une
belle occafion. Il n'a point vu tout ce qu'il
a fait , mais il a fait tout ce que nous
voyons. Les obfervateurs éclairés , ceux qui
fauront écrire l'Hiftoire , prouveront à
ceux qui favent réfléchir , que le premier
auteur de cette grande révoluion qui étonne
l'Europe , & répand de tout côté l'efpérance
chez les Peuples & l'inquiétude dans
les Cours , c'eft , fans contredit , Voltaire.
C'eft lui qui a fait tomber la première &
la plus formidable barrière du defpotifme ,
le pouvoir religicux & facerdotal. S'il n'eût
pas brifé le joug des Prêtres , jamais on
n'eût brifé celui des Tyrans l'un & l'autre
pefoient enſemble fur nos têtes , & fe tenoient
fi étroitement , que le premier une
B 2
28 MERCURE
fois fecoué , le ſecond devoit l'être bientôt
après. L'efprit humain ne s'arrête pas plus
dans fon indépendance que dans fa fervitude
, & c'eſt Voltaire qui l'a affranchi en
l'accoutumant à juger fous tous les rapports
ceux qui l'afferviffoient. C'eft lui qui a
rendu la raifon populaire , & fi le Peuple
n'eût pas appris à penfer , jamais il ne fe
feroit fervi de la force. C'eſt la pensée des
Sages qui prépare les révolutions politiques
; mais c'est toujours le bras du Peuple
qui les exécute. Il eft vrai que ſa force
peut enfuite devenir dangereufe pour luimême
; & après lui avoir appris à en faire
ufage , il faut lui enſeigner à la foumettre
à la Loi mais ce fecond ouvrage , quoique
difficile encore , n'eft pourtant pas ,
beaucoup près , fi long ni fi pénible que le
premier.
Des efprits fuperficiels ou prévenus ont
affecté de ne voir dans Voltaire qu'un
flatteur de la puiffance , parce qu'il a quelquefois
careffé les Miniftres ou les Grands.
Ils ne s'apperçoivent pas que ces cajoleries
particulières font fins conféquence ; mais
que ce qui eft d'un effet infaillible & univerfel
, c'eft certe haine de la tyrannie en
tout genre , qui refpire dans tout ce qu'il
a écrit ; par-tout il la rend ou odieufe ou
ridicule ; par to til avertit l'homme de
fes droits , & lui dénonce fes oppreffeurs.
Tyrannie des Miniftres , tyrannie des Parlemens
, tyrannie des Commis , tyrannic
DE FRANCE. 29
des Financiers , rien ne lui échappe ; & il
a tant répété au Peuple : Savez- vous quel
eft votre plus grand malheur ? c'est d'être
fot & poltron : Il l'a tant redit de mille
manières , qu'enfin on n'a plus été ni l'un
ni l'autre.
Une foule d'anecdotes particulières acheveroit
de prouver qu'un fentiment qui a
toujours été dominant chez Voltaire , c'eft
l'horreur de l'injuftice & de l'oppreflion ;
mais c'eft précisément cette partie de
l'Hiftoire , ce font ces traits qui peignent
l'homme que l'Auteur de la Vie de Voltaire
a trop négligés. Il écrit en Philofophe,
avec une raifon fupérieure ; il abonde
en réflexions judicieuſes , en réſultats lumineux
; il voit de haut les hommes & les
chofes , les voit bien, & les fait bien voir ;
il va toujours repouffant d'une main sûre
les nombreux préjugés , les erreurs accrédirées
que la paffion mit fi long- temps à la
mode dans tout ce qui regarde Voltaire ;
il fubftitue à leur place des vérités qui n'étoient
fenties que par ceux qui ont bien
connu ce grand homme ; mais on défireroit
, qu'à l'exemple de Plutarque , il eu
quelquefois defcendu aux détails perfonnels
& caractéristiques , & que non content
de bien juger fon héros , il nous eût fait
vivre avec lui. Cette partie importante de
da biographie tient ici trop peu de place ;
elle reste à traiter , & peut - être n'y a- t-il
pas de mal que plufieurs mains puiffent
R
B3
30 MERCURE
toucher à ce grand fujet. Mais d'ailleurs
on égalera dificilement , du moins pour les
idées générales , cet excellent apperçu fur
les écrits & la philofophie de Voltaire.
Quoi de mieux vu , par exemple , & de
mieux exprimé que ce qu'il dit à propos
des reproches d'inconftance & d'ingratitude
que l'on fit à Voltaire , lorfque , malgré
fes liaifons avec le Duc de Choifeul , il
approuva , du moins en partie , les opérations
du Chancelier Maupeou contre les
Parlemens ?
33
20
22
» Les Grands , les gens en place ont
» des intérêts , & rarement des opinions :
» combattre celle qui convient à leurs pro-
» jets actuels , c'eſt , à leurs yeux , ſe dé-
» clarer contre eux . Cet attachement à la
vérité , l'une des plus fortes paffions des
efprits élevés & des ames indépendan-
" tes , n'eft pour eux qu'un fentiment chimérique.
Ils croient qu'un raifonneur ,
un Philofophe n'a , comme eux , que
des opinions du moment , profelle ce
qu'il veut, parce qu'il ne tient fortement
à rien , & doit par conféquent changer
» de principes, fuivant les intérêts pallagers
de fes amis ou de fes bienfaiteurs.
» Ils le regardent comme un homme fait
pour défendre la caufe qu'ils ont embraffée
, & non pour foutenir fes principes
perfonnels ; pour fervir fous eux,
" & non pour juger de la juftice de la
guerre. Auffi le Duc de Choifeul & fes
"
"
9)
DE FRANCE.
"
"
» amis paroiffoient - ils croire que Voltaire
» auroit dû , par refpect pour lui , on tra
» hir ou cacher fes opinions fur des quef
» tions de droit public . Anecdote curieufe
» qui prouve à quel point l'orgueil de la
» grandeur ou de la naiffance peut faire.
» oublier l'indépendance naturelle de l'ef
» prit humain , & l'inégalité des efprits &
» des talens , plus réelle que celle des rangs
& des places ".
23-
Il étoit impoffible que l'Auteur , en appréciant
le génie de Voltaire , ne répétât
pas en fubftance les idées de ceux qui, les
premiers, apprirent à la multitude à rendre
à fes écrits la juftice qu'on s'efforça longtemps
de lui refufer ; ceux- ci meines eurent
un mérite qui étoit à la fois celui de
leur caractère & des circonstances ; ils combattirent
pour le talent en préſence de
l'envie ; ils établirent la vérité : mais l'Auteur
, en s'emparant de leurs réſultats , fait
bien voir qu'ils lui appartiennent auffi ,
& fe les rend propres par la manière de les
préfenter.
%
>
Je me permettrai cependant quelques
réflexions fur les endroits de fon ouvrage,
où mon opinion diffère de la fienne ; ile
font en petit nombre , & le Public inftruit
jugera.
" On peut comparer la Henriade à l'E-
» néide : toutes deux portent l'empreinte
du génie dans tout ce qui a dépendu du
» Poête , & n'ont que les défauts d'un
BA
$2
MERCURE
fujet dont le choix a également été dicté
par l'efprit national . Mais Virgile» ne
voulait que flatter l'orgueil des Romains ,
❞ & Voltaire eut le motif plus noble de
préferver les François du fanatifme , en
» leur retraçant les crimes où il avoit entraîné
leurs ancêtres ".
22
Cette dernière obfervation eft vraie ;
mais la Henriade peut- elle , en effet , foutenir
la comparaiſon avec l'Enéide ? Je ne
le crois pas ; & le jugement qu'en porte
M. de C .... me paroît en total plus phi
lofophique que littéraire . Certainement le
premier mérite dans un Poëme eft d'être
Poëte , foit par l'invention , foit par les
détails ; & fous ces deux afpects , l'Auteur
de l'Enéide eft bien fupérieur à celui de la
Henriade. L'empreinte du génie eft bien
autrement marquée dans l'une que dans
l'autre , & je ne ferois pas étonné qu'un
grand Poëte , que Voltaire lui même , aimât
mieux avoir fait le 2. , le 4. & ·le 6 %.
Livre de l'Enéide que la Henriade entière.
M. de C.... prétend que ce qui manque
à celle-ci eft compenfe par d'autres beautés ,
par un but moral , par une philofophie
profonde & vraie , & c. Je ne le penſe pas :
fans doute ce mérite eft très réel & particulier
à l'Auteur ; mais en poébe , rien ne
peut compenfer le défaut d'imagination ni
d'intérêt ; & quoique Voltaire ait mis le
premier la philofophie fur le Théatre , il
ne feroit pas le plus grand Tragique du
DE FRANCÉ. 33
, monde entier s'il n'eût pas produit de
plas grands effets qu'aucun des Anciens &
des Modernes.
r
L'Auteur a raifon de nous dire quel'é
tude des Sciences agrandir la fphère des
idées poétiques & enrichit les vers de nouvelles
images ; mais devoit - il ajouter
" Sans cette reffource , la poéfie , néceffai-
» rement refferrée dans un cercle étroit ,
» ne feroit plus que l'art de rajeunir avec
adreffe , & en vers harmonieux , des
» idées communes & des peintures épui
» fées « Cela me paroît outré : il eft sûr
que les connoiffances phyfiques font pour
la poésie une richeffe de plus ; mais fans
cette reffource , fon cercle eft encore immenfe
: c'eft celui de Pimagination & dụ
génie , dont on ne peut affigner les bornes
& ce qui le prouve , c'eft que fans le fecours
de la Phyfique , on a produit , dépuis
Voltaire , une foule de beaurés neuves &
du premier ordre , qui font bien loin des
idées communes & des peintures épuifees.
Il prétend que Mérope eft a feule Tragédie
qui foit touchante fans amour : cette
exclufion me paroît injufte ; Iphigénie en
Tauride eft une pièce très touchante , & il
n'y a point d'amour ; on en pourroit même
citer d'autres .
· La Princeffe de Navarre eft , felon lui,
un ouvrage rempli d'une galanterie noble &
touchante. J'avoue qu'il ne m'a point part
sel ; c'est un mélange de férieux & de
Bƒ.
34 MERCURE
comique , qui eft fouvent de mauvais goût,
que Voltaire a lui- & même condamr.é avec
raiſon.
»
L'Auteur des Saifons eft le feul Poëte
François qui ait réuni , comme Voltaire,
l'ame & l'efprit d'un Philofophe ". Cer
éloge eft jufte ; mais devoit- il être exclufifè
A propos des Annales de l'Empire , il`
dit que c'eft le feul des abrégés chronologiques
qu'on puiffe lire de fuite. Je ne crois
pas qu'aucun abrégé chronologique de ce
genre foit fait pour être lu de fuite ; mais
il me femble que celui du Préfident Hainault
peut le lire avec plaifir , quoiqu'il
faille le défier des préjugés qu'il y a répandus.
Il traite de puérile l'hypothèſe de l'Optimifme:
ce mépris eft- il bien philofophique
I eft inconteftable que nous ne
voyons & ne connoiffons qu'une partie du
grand tout , foit en efpace , feit en durée :
nous ne pouvons donc pas en juger le
deffein ; & en admettant l'exiftence néceffaire
d'un ordonnateur fuprême , eft- il déraifonnable
de fuppofer que fon ouvrage ,
dont nous ne faifons qu'une fi petite partie
, peut être le mieux dans l'ordre général:
Non feulement cette idée ne me femble
pas puérile , mais elle me paroît grande
& conféquente. Le malheur qui fe plaint
eft excufable ; mais l'ignorance qui condamne
eft téméraire , & nous fommes encore
plus ignorans que malheureux .
DE FRANCE.
35
"
"
Ce qui fuit eft une bien petite anecdote ,
E quelque chofe eft petic de ce qui regarde
un grand homme ; mais enfin il faut rétablir
la vérité en to:. » Le Père Adam , à
qui fon féjour à Ferney donna une forte
de célébrité , n'étoit pas abfoluinent inu-
» tile à fon hôte ; il jouoit avec lui aux
échecs , & y jouoit avec affez d'adreſſe
» pour cacher quelquefois fa fupériorité «.
Le fait eft vraisemblable , mais je puis affurer
qu'il n'eft pas vrai. Je les ai vu jouer
tous les jours pendant un an , & non feulement
le Père Adam n'y mettoit point de
complaifance , lui qui , dans tout le refte ,
étoit beaucoup plus que complaifant ; mais
je puis attefter qu'il jouoit fouvent avec
humeur , fur-tout quand il perdoit , & qu'il
étoit fort loin de perdre volontairement.
Au contraire , je n'ai jamais vu Voltaire fe
fâcher à ce jeu , & je jouois fouvent avec
lui ; il y mettoit même beaucoup de gaîté ;
& une de les rufes familières étoit de faire
des contes pour vous diftraire quand il
avoit mauvais jeu . Il aimoit beaucoup les
échecs , & fe le reprochoit comme une
perte de temps ; car il faifoit cas du temps.
en raifon de l'emploi qu'il en favoit faire.
93
Paffer deux heures , difoit-il , à remuer'
» de petits morceaux de bois ! on auroit
» fait une fcène pendant ce temps- là «.
Puifque nous en fommes aux anecdotes ,
il s'en trouve une ici qui me paroît extrêmement
hafardée. On prétend que lorſque
B 6
36 MERCURE
Madame de Pompadour voulant jouer le
rôle de dévote , fir engager Voltaire , par le
Duc de la Vallière, à mettre en vers quelques
morceaux de la Rible , elle lui fit entrevoir
l'efpérance d'être Cardinal . Je crois
également improbable , ou qu'on ait imaginé
de pouvoir lui faire elpérer le Chapeau
, ou qu'il ait été affez crédule pour
fe prêter un moment à cette chimère. Il
eut , comme un autre , des accès d'ambition
dans les momens de faveur , il défira
le titre de Confeiller d'Etat , qu'il n'eut
point ; il défira beaucoup plus vivement
d'être employé dans les négociations ; mais
il fuffit de favoir quel étoit l'efprit de notre
Gouvernement , & quelle opinion Pon
avoit de Voltaire pour fentir qu'il n'étoit
guère poffible que l'on fongeât à lui pour
une dignité eccléfiaftique & une dignité fi
éminente. Cette idée eût paru à Versailles
le renversement de toute raifon & le comble
du ridicule. Je n'ai jamais oui parler à
Voltaire ni à aucun. de fes amis de cette
fingulière anecdore du Cardinalat , & je
voudrois bien que l'Auteur nous apprît où
il l'a puifée.
Il me refte à préfenter au Lecteur impartial
deux obſervations importantes : elles.
ne regardent pas Voltaire , mais elles tiennent
à la vraie philofophie , à ces idées.
premières de railon & de juftice qui doivent
être chères à l'Auteur , & qu'il me:
paroît avoir heurtées en deux endroits de
DE FRANCE.
3.7
fon ouvrage. Il ne peut , dit-il , exifter de
Religion naturelle. Je pente , au contraire ,
que pour les hommes raifonnables qui n'ont
pas le bonheur d'étre éclairés des lumières
furnaturelles du Chriftianifine , il ne peut
exifter d'autre Religion que la Religion
naturelle, celle qui confifte dans l'adoration
d'un Dieu rémunérateur & vengeur , dans.
la confcience du jufte & de l'injufte , qui
n'eft que le témoignage intérieur de la raifon
que nous avons reçue de Dieu , & dans
la croyance de l'immortalité du principe
penfant , quel qu'il foit : c'eſt la Religion
qu'ont prêchée tous les Sages depuis Confucius
jufqu'à Voltaire. On peut l'appeler
naturelle , parce qu'elle n'eft fondée que
fur des notions communes à tous les hom-'
mes qui ont été à portée de cultiver leur
raison. Cette même raifon , au contraire ,
contredit évidemment toute Religion révélée,
& cela eft fi vrai , que celle des Chréuiens
, la feule que nous regardions comme
l'ouvrage de Dieu parmi toutes les autres ,
reconnues pour être l'ouvrage des hommes
, commence par exiger pour première
condition le facrifice emier de notre raifong
& ne nous a été donnée que comme une
grace d'en haut , qu'on appelle le don de
La Foi. Les Apôtres eux mêmes appellent
le Chriftianifme , confidéré par les feules
lumières de la raifon , la folie de la Croix ;
& Auguftin ne fait d'autre réponſe aux
Incrédules que de dire : Je crois , parce
38
MERCURE
"
""
» que cela eft abfurde ; je crois , parce que
" cela eft impoffible : Credo, qui abfurdum ;
credo, quia impoffibile " . Ce font les plus
belles paroles de ce grand Saint ; c'eft en
deux mots toute l'effence de notre fainte
Religion. <
C'eft de là que vient auffi la principale
erreur des ennemis du Chriftianifme ils
ne l'ont jugé que par le mal qu'il a fait au
monde pendant 1 fiècles , grace à l'abus
qu'en faifoient fes Miniftres , & is oublioient
que ce n'eft pas felon l'ordre temporel
qu'il falloit apprécier une Religion
toute divine. Ils fe font épuifés en raiſonnemens
& en farcafmes fur les horreurs de
l'Ancien Teftament & fur les mystères du
• Nouveau. C'eſt au Peuple qu'ils s'adreffoient
, parce qu'ils croyoient lui rendre
fervice en lui montrant les Prêtres aulli
ridicules dans leur doctrine qu'odieux &
inconféquens dans leur conduite. Ceux-ci ,
d'un autre côté , donnoient dans le piége ,
& le croyoient intéreffés à tout défendre ,
& obligés de tout expliquer. De part &
d'autre , fi l'on eût été de bonne foi ,- la
difpute fe réduifoit à une feule queſtion ,
qui , une fois réfolue , rendoit toute autre
difcuffion inutile . Dieu a -t-il parlé aux hommes
par la voie de révélation ? La queftion
ainfi pofée , le Philofophe n'avoit qu'un
feul argument à faire. » Dieu n'a point ré-
» vélé de Religion ; car celle que vous pré-
» tendez révéléc eft ignorée ou méconnue
DE FRANCE.
39
"
99
99
30
و
» des trois quarts du genre humain ; & il
répugne également à l'idée que nous
» avons de fa juftice & de fa puiffance ,
qu'il n'ait révélé qu'à quelques uns ce
qui leur étoit néceffaire à tous pour être
fauvés , ou que les moyens lui aient manqué
pour le faire entendre à tous les
» hommes ". La raifon humaine ne connoît
point de réponſe à ce raiſonnement
auquel devoit fe borner toute la difpute
& qui auroit épargné tant de volumes d'injures
& d'ennui. Mais la réponſe du Chrétien
, la feule qui lui convienne & la feule
triomphante , eft celle ci : » Ne voyez vous
» pas que fi la révélation étoit évidente
» il n'y auroit aucun mérite à croire ? ce
» mérite là , c'eft une grace particulière que
" Dieu a faite aux Chrétiens. Il ne doit
"
"
13
و
compte à perfonne de fes dons. Nous ne
" fommes point juges de la Juftice. Mais
» comme nous comptons fur ſa bonté ,
" nous le prions qu'il vous éclaire comme
» il nous a éclairés " . Si les hommes avoient
fu être raisonnables , voilà où le feroit terminée
toute cette controverfe ; & puifqu'ils
commencent enfin à le devenir , il faut efpérer
que déformais elle n'ira pas plus
loin.
C'eft cet argument contre la révélation
que Rouffeau a fi éloquemment développé
par la bouche de fon Vicaire Savoyard ;
& cependant il finit par reconnoître la divinité
de l'Evangile , & par avouer que la
40 MERCURE
mort de Jésus- Chrift eft d'un Dieu. În a
cru voi la dedans une contradiction : cr
s'est écrié , au nom du bon fens , qu'est- ce
que la mort d'un Dieu ? Vraiment il s'agit
bien ici de ton fens ! c'est bien avec
du bon fens qu'on eft Chrétien & fauvé !
Les Saints , les Martyrs faifoient gloire d'être
infenfes aux yeux des hommes , & fages
aux yeux de Dieu . Si Rouleau finit par
profeffer une croyance contraire à fes raifonnemens
, c'eft qu'après avoir écouté fa
raiſon , il a cédé à la foi , fi fupérieure à
la raifon ; c'cft qu'il a eu non feulement
le don du génie , mais ce qui eft bien au
deffus , celui de la Grace.
Mais comme cette Grace devient tous
les jours plus rare , & que fi tout le monde
n'a pas le bonheur d'être croyant , tout le
monde a intérêt à être honnête homme ,
c'cft pour cela que je crois du devoir de
la philofophie , non feulement de ne point
nier la Religion naturelle , mais mê.ne de
la recommander à tous les hommes , parce
qu'elle eft à la portée de tous & bonne à
tous .
Son premier dogme, fi l'on peut appeler
dogme un fentiment , eft d'être jufte envers
tout le monde. M. de C... l'a-t-il été , lorfqu'il
a imprimé ces étranges paroles , à propos
des Turcs Peut-on être injufte envers
une horde de Brigands qui tiennent dans
» les fers un peuple ef lave , à qui leur
avide férocité prodigue les outrages " Sy
""
DE FRANCE. 41
Je n'aime point les Turcs ; mais je fuis
fermement convaincu qu'on peut être injufte
envers eux , qu'on peut l'être envers
des Brigands , par une raifon bien fimple,
c'eft que nous ne fommes pas difpenfés
d'être justes même envers ceux qui ne le
font pas. Je fuis ferptis & affligé qu'un
Philofophe puiffe douter de cette éternelle
vérité , & prêche une doctrine très - propre
à décrier la philofophie , fi l'erreur d'un
feul homme pouvoit décréditer la raifon de
tous: Les Turcs pofsèdent la Grèce par la
conquête ; & perfonne n'ignore que la plupart
des Puiffances n'ont pas eu originairement
d'autre droi . S'enfuit- il qu'on ne
foit pas tenu envers elles à tous les contrats
naturels ou politiques qui fient les Nations t
Que l'Aute juge de fon principe par les
confequences qu'il entraîne : cette épreuve
eft fûre ; car le principe eft faux quand les
conféquences font abfurdes. Il feroit donc
permis à une Puiffance , quand elle fe croiroit
la plus forte , de dire à une autre :
Vous ne poffédez pas légitimement les
Etats que vou- gouvernez depuis des
» fiècles ; vous ne les gouvernez pas felon
» la juftice ; ainfi je vais vous les ôter ";
& cete méme Puiffance , fe faifant tout
à la fois juge & partie , & exécutrice de fes
arrêts confifqueroit à fon profit ce qui
feroit à fa bienféai.ce ! On fent combien
de réponses accablantes on pourroit faire
à ce nouveau code de morale & de poli42
MERCURE
"
13
tique. 1., Si je n'ai pas de droit légitime
fur ce que je poſsède , en as -tu davan-
" tage pour me le prendre ? Cent fois moins
» fans doute , puifque j'ai du moins le
» titre d'une longue poffeffion . 2 ° . Tu ne
» peux avoir que par la force ce que tu veux
m'ôter ; l'évènement de la guerre eſt tou-
» jours douteux ; & tu commences par faire
» un mal certain , un mal horrible , celui
» d'une guerre , qui épuife l'or & le fang
» de tes fujets & des miens , qui fait pés
" rir des millions d'hommes , qui ravage
» & défole vingt provinces ; & depuis quand
» eft il permis de faire un mal certain pour
» un bien incertain , dans la fuppofition
même que je n'accorde pas , que ce que
» tu veux faire foit un bien & une juf-
» tice « ?
2
Quand l'Impératrice de Ruffie a déclaré
la guerre aux Turcs , elle n'a point raifonné
comme l'Auteur de la Vie de Voltaire 3
elle s'eft plainte de l'inobfervation des traités
; elle a réclamé la juftice , & n'a point
prétendu qu'elle en fût difpenfée , même
envers les Turcs . Ce feroit en effet le renverſement
de tout ordre , fi les Puiffances ,
au lieu de fe conduire entre elles fuivant
les loix réciproques qu'elles ont obfervées
de tout temps , fe transformoient tour à
coup en Miffionnaires armés , chargés d'aller
d'un bout du monde à l'autre redreffant les
torts , le fer & le feu dans la main . Nous
ne fommes point obligés de faire le bien
DE FRANCE. 43
qui , par , par fa nature , ne dépend pas de nous ,
ni de réparer le mal dont nous ne rép ndons
par. Chaque Nation a bien aflez à
faire d'établir l'ordre chez elle , fans vouloir
régler les autres de force. Si la maifon
de mon voifin eft mal gouvernée , & que
je puiffe, par de bons avis , y introdui , e un
meilleur régime , je ferai très - louable de
le faire ; mais que penferoit-on de moi , G
j'allois y arranger tout à grands coups de
bâton ? On me trouveroit très- répréhenfible
en bonne police & en bonne philofophie.
La comparaifon peut n'être pas trèsnoble
, mais elle eſt très -jufte ; il ne s'agit
ici que de raifon ; & c'eſt ici que comparaiſon
eft raiſon.
Le ftyle de cet ouvrage eſt élégant , fou
tenu , plus clair , plus nombreux , plus facile
& plus coulant que celui des autres
ouvrages du même Auteur , à qui l'on a
reproché de manquer de cette harmonie
qui appartient à la profe , & de pécher
quelquefois par Pobfcurité & l'embarras des
conftructions. Cependant il règne encore
ici une févérité de ton trop continue &
trop uniforme : on peut y défirer certe va
riété néceffaire dans tous les genres , & que
celui de l'ouvrage comportoit autant qu'au
cun autre.
( D..... )
4+ MERCURE
37
VARIÉ TÉ S.
ESSA1 fur la Faveur populaire , tiré d'un
ancien Auteur Anglais .
UN Cabaretier près d'Iflington ( 1 ) , qui avoit
eu long-temps pour enfeigne un Roi de France ,
an commencement de la dernière guerre , le jeta
à bas & lui fubftitua la Reine d'Hongrie. Sous
l'influence de fa rouge trogne & de fon fceptre
d'or , il continua à vendre de la bière , juſqu'à
ce que la Reine cut perdu la faveur de fes chalans
; alors il l'a changée pour le Roi de Pruffe ,
qui vraisemblablement fera fupplanté à ſon tour
par le premier Grand Homme dont le nom fera
dans le moment l'objet de l'admiration publique.
·
C'est ainsi que les Grands font exposés les uns
après les autres aux ftupides regards de la foule :
en 'avons nous fuffisamment admiré un , on le
retire , & un autre eft mis à fa place ; mais il
ne l'occupe pas long - temps , car le Peuple fe
plaît au changement.
Il faut l'avouer , j'ai une fi petite opinion du
vulgaire , que je fuis toujours tenté de me défier
d'un mérite exalté par fon admiration ; au moins
eft-il bien certain que ces Grands Hommes , quel
quefois affez bonnes gens , qui fe complaifent
dans ces applauiffemens , font gâtés par eux ;
& l'Hiftoire ous apprend aufi que fouvent la
même tête qu'enivroient un jour les cris d'admi-
(1 ) Village proche de Londres,
DE FRANCE. 45
ration de la multitude , le lendemain étoit portée
au haut d'une pique.
Alexandre VI entrant dans une petite ville
que l'ennemi venoit d'évacuer , vit dans la place
publique les Habitans occupés à détacher d'un
gibet une figure de paille faite à fon image ;
d'autres abattoient près de lui la ftatue d'un
Orfini , avec qui il étoit en guerre , afin de mettre
à fa place l'effigie d'Alexandre . Quelqu'un
qui eût moins connu les hommes , eût pu blâmer
l'adulation de ces vils flatteurs ; mais Alexandre
parat content de leur zèle ; & fe tournant
vers Borgia fon fils , lui dit avec le fourire fur
les lèvres » Vides , mi fili , quam leve diferimen
» patibulum inter & ftatuam : Tu vois , mon
fils , le peu d'intervalle qu'il y a du gibet à la
» ftatue . Si les leçons inftruifoient les Grands ,
ceci pourroit leur découvrir fur quels fondemens
fragiles leur gloire eft pofée ; car de même que
le Public accorde fa confiance à ce qui reffemble
au mérite , de même il s'empreffe de perdre ce
qui auroit feulement l'apparence du crime,
La Faveur populaire eft une véritable coquette ;
fes amans ont beaucoup à fouffrir , & finient
encore fouvent par être éconduits pour leur peine.
Mais la véritable gloire reffemble à une femme
fenfée ; ſes admirateurs n'ont pas beſoin d'ufer
de ftratagême ; ils n'éprouvent pas de grandes
inquiétudes , car ils font sûrs d'être récompenfés
à la fin en proportion de leur mérite. Lorfque .
Swift pa oiffoit en public , la populace d'ordinaire
le fuivoit avec de grands cris de joie : » Pette
» foit des fous , difoit-il , tout ce fracas feroic
» bien plus de plaifir à Milord Maire «.
Nous avons vu ces hommes vertueux qui , pendant
leur vie , s'étoient fouftraits à l'oeil du Public
, cités d'ordinaire par la Poftérité comme les
46 MERCURE
hommes vraiment dignes d'admiration & d'éloges .
Pour fortir du chemin battu dans un ſujet auſſi
ufé , je ne vois d'autre moyen que d'avoir recours
plutôt à ma mémoire qu'à mon e prit ; &
au lieu de réflexions , de préfenter une hiftoire.
Un Chinois qui avoit long-temps étudié les
Euvres de Confucius , qui connoiffoit les figures
de 14 mille mots , & qui étoit en état de lire une
grande partie des Livres qu'il trouvoit , un jour
fe mit en tête , de parcourir l'Europe , afin d'obferver
les ufages d'un Peuple qu'il ne croyoit
pas beaucoup inférieur , même à fes compatriotes,
dans l'art de raffiner fur les plaifirs . A fon
arrivée à Amfterdam , fa paffion pour les Lettres
le fit courir d'abord chez un Libraire ; & comme
il favoit quelques mots de Hollandois , il demanda
poliment les Cuvres de l'immortel Xixofon.
Le Libraire lui répondit qu'il n'avoir jamais
entendu parler d'un pareil Livre : » Quoi , réplique
le Chinois furpris , vous n'avez jamais
» entendu parler de ce Poëte immortel cette
lumière des yeux , ce favoir des Rois , certe
rofe de perfection ! Vous ne connoiffez pas non
plus l'immortel Tipfihihi , coufin- germain de
so la Lune ? Non , en vérité , Monfieur , réplique
2 l'autre . Hélas ! s'écrie notre Voyageur , à quoi
» donc a-t-il fervi que l'un ait hâté fa mort , &
"
အ
30
›
que l'autre le foit offert en facrifice au Tar-
» tare ennemi , four acquérir un nom qui n'a
jamais franchi les barrières de la Chine « ?
35
Il n'y a prefque pas un village en Europe , &
pas une Univerfité qui ne foit muni de fes petits
Grands Hommes. Le Chef d'une petite Corporation
qui s'oprofe aux volontés d'un Prince dont
la tyrannie voudroit forcer fes Sujets à épargner
leurs plus beaux habits pour le Dimanche ; le
miférable Pédant qui découvre une propriété inDE
FRANCE. 47
$
connue dans le Polipre , ou qui décrit quelque
membrane négligée dans le fquelette d'une taupe ,
& dont l'efprit , ainfi que le microſcope , n'apperçoit
la Nature qu'en détail ; le Rimeur qui
aligne de foibles vers , & qui s'amufe à peindre
à l'imagination quand il ne devroit parler qu'au
coeur tous s'imaginent également qu'ils marchent
vers l'immortalité , & par derrière ils appellent
la foule pour leur dire de regarder ; la
foule les en croit. Patriotes , Philofophes , Poëtes
font cncenfés chacun à leur tour : » Vit-on ja-
» mais autant de rares mérites ? jamais y cut -il
» un Siècle plus grand que le nôtre ? les géré-
» rations à naître n'en parleront qu'avec étonnement
& admiration « ! C'eft au fon de cette
douce mufique que s'avancent ces importans Pygmées
, faifant grand bruit & s'enflant comme le
bourbier foulevé par l'orage.:
- J'ai déjà vu dans ma vie bien des Généraux
que la foule fuivoit par-tour avec des cris de
joie , qui étoient prônés dans les Gazettes & dans
les Journaux , ces échos de la voix populaire ,
& cependant ils font enfevelis depuis long-temps
dans une jufte obfcurité , & ont à peine laiffé
une épitapke pour les flatter après eux . Il y a
quelques années que la pêche du hareng occu
poit tout Grab- Street ( 1 ) ; c'étoit la converfation
de tous les Cafés , & le refrain de toutes les
chanfons. Nous devions tirer un océan d'or du
fond de la mer ; nous devions approvifionner
toute l'Europe de harengs , & faire le prix arbitrairement.
Maintenant il n'eft plus question de
tout cela. Nous avons pêché bien peu d'or , autant
que je fache ; & nous ne fourniffons point
le Monde de harcngs , comme on s'y préparoit.
( 1 ) Quartier de Londres .
48
MERCURE T
Attendons quelques années encore , & l'on verra
que toutes nos efpérances ne deviendront aufk
que la pêche du hareng.
( Par M. le Prince B ... de G ...)
20
A VIS.
On a mis en vente , Hôtel de Thou , rue des
Poitevins , No. 18 ,
Les Tomes I & II, in-8 ° . , du Voyage en Nubie
& en Abyfinie, jufqu'aux fources du Nil ; par
M. James Bruce ; avec Figures. Prix , 10 liv. bl.
ou br.
Actes paffés à un Congrès des Etats - Unis de
l'Amérique , commencé & tenu dans la ville de
New-Yorck, le Mercredi 4 Mars en l'année 1789 ,
& la 13e. de l'indépendance des Etats-Unis ; traduits
par M. Hubert, Avocat en Parlement. Prix,
2 liv. 8 f. br.
€ Le Bureau de M. d'Hémery, chargé du Recouvrement
des Penfions Militaires , à Paris , rue St-
Lazare , N° . 13 , exifte toujours ; & c'eſt mal à
propos qu'on répand depuis quelque temps dans
Ics Provinces , que M. d'Hémery va le quitter.
Faute à corriger.
Le prix des Questions Académiques , &c . par M.
Aubry , annoncées dans le dernier Mercure , cft de
10 liv. au lieu de 15 liv.
DISTIQUE.
TABLE.
3 | Charade , Enig. Log.
4 Vie de Voltaire.
Variétés.
Vers.
Fable.
La Veillée, 8e. Hiftoire. 61
23
2.5
44
༩
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 14 AOUT 1790 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
IMPROMPTU
A Mme . de M... qui n'a point d'Enfant,
& qui en avoit peint un beau comme
[ Amour.
СЕТ
ET Enfant plaît par fa beauté ,
Mais c'est un Enfaht en, peinture ;
Vous méritez que la Nature
Vous donne la réalité.
( Par M. de V..... ).
N° . 33. 14 Août 1790. C
50 MERCURE
VERS
Contre les Coiffures qui nous cachent la
figure des jolies Femmes.
LISE , pourquoi tous ces apprêts ?
Les pompons , les colifichets
Dont tu compofes ta Coiffure ,
faits 3 Life , pour toi ne font pas
L'Art ne t'embellira jamais
Comme la main de la Nature.
Ce n'eft qu'en lui faifant injure
Que tu nous caches tes attraits
Sous une factice parure .
Laiffe plutôt à ta ceinture
Flotter , fous nos yeux fatisfaits ,
Les boucles de ta chevelure ;
Orne-la de quelques bouquets
Que l'Amour aura tout exprès
Cucillis pour toi fur la verdure.
A ta beauté naïve & pure ,
Un rien donne tant d'agrémens !
Une fleur , un noeud de rubans
Suffit aux Graces pour Coiffure.
Ainfi dans les jeux innocens ,
La jeune & timide Bergère
S'en va guettant fur la fougère
SIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
DE FRANCE. SI
Les premiers boutons du Printemps ;
Un bouquet cueilli dans les champs
Lui fait fi bien ! elle en eft fière.
Cette parure printanière ,
Aux yeux de les tendres Amans ,
Vient embellir fes dix -huit ans ,
Et la leur rendre encor plus chère.
Life , c'eſt la mode à Cythère ,
Une Rofe y fait les honneurs
De la toilette de Glicère ,
Et fur la tête de fa mère ,
L'Amour n'arrange que des fleurs.
Aux preffans déûrs de nos coeurs ,
Life , ceffe d'être contraire ;
Quitte ces voiles impofteurs
Qui dérobent à la lumière
Les attraits les plus féducteurs :
Imite , erois-moi , la Bergère
Dans fa parure & dans les jeux ;
L'Art fut fait pour tromper les yeux ;
C'est la Beauté qui fait nous plaire.
(Par M. Huchet , Avocat. ).
Ca
52
MERCURE
LA CONSOLATION A SOPHIE.
AIR : Du Serin qui te fait envie.
LAA Loi qui détruit la Nobleffe
Devroit-elle vous affliger ?
Ah ! ce n'eft pas vous qu'elle bleſſe ;
Il eft facile d'en juger.
De votre origine célefte
A- t- on douté jufqu'à ce jour ?
Votre joli vilage attefte
Que vous êtes fecur de l'Amour .
DANS vos prés , vos bois & vos plaines ,
VORS vous promenez quelquefois ,
Et de ces fertiles domaines ,
Vous allez perdre tous les droits.
A des Vénus , à des Armides ,
Qu'importent ces droits féodaux
Vous en avez de plus folides
Sur Gnide , Cythère & Paphos.
LES Nobles , qui , foutiens du Trônes
Avoient conquis un beau renom ,
DE FRANCE. 53
Ne porteront plus de couronne
Au deffus de leur écuffon :
On va nous enlever la nôtre ,
Ainfi qu'à tous ces grands Seigneurs ;
Vous garderez toujours la vôtre ,
Comme Reine de tous les coeurs.
( Par Michel de Cubières. )
CONT E.
CE matin un ex-Préfident
De notre défunt Pa lement ,
Au Louvre étoit factionnaire :
Un de fes amis , en paffant ,
Examine le Volontaire ,
Qui , tout bas , lui dit , en riant :
» C'eſt moi-; comme tu me regardes !
» Jadis nous faifions quelquefois
» Des remontrances à nos Rois ,
» Enfin nous leur montons des gardes «.
( Par M. Le Bafier. )
C 3
54
MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade'eſt Million ; celui
de l'Enigme eft Confédération ; celui du
Logogriphe eft Ariftocrate , où l'on trouve
Ariftote , Arc.
CHAR A D E.
1
LE plus fouvent de mon premier,,
Je fers affcz mal mon dernier ,
Quoiqu'il paffe pour mon entier, ¡ .
( Par M. D ... B ... )
ENIG ME.
SOUVENT dans un repas , comme entrée on me
forttj
Et dans un autre fens , je parois au deffert ;
Mais ce n'eft point affez d'être une nourriture ,
Pour les Dames jadis je fus une parure .
Par M. le Vicaire d'Andouville. )
DE FRANCE.
LOGO GRIPHE.
CINQ pieds compofent mon total ,
Et pourtant je marche avec quatre .
Je fuis un puiffant animal ;
Sur la tête on me voit des armes pour me battre,
Au joug on me foumet parfois ;
Avec cet attirail ( cette chofe eft connue ) ,
Tantôt on m'artèle au harnois ,
Tantôt je tire la charrue ;
Mon chef ôté , je fuis un être bien petit ;
Toujours ma couleur et blanchâtre ,
Et même l'on pourroit dire , fans contredit ,
Qu'elle épa'e la neige , & le lis , & l'albâne .
Lecteur , je fuis inanimé ;
Je pourrois toutefois recevoir l'exiftence ,
Pour lors je changerois de rom & de fubflance :
Reftant tel que je fuis , d'une coque enfermé ,
Je fers beaucoup dans les cuifines ;
Mais j'en des trop, tu me devines.
( Cauville , Curé de St-Maixme. >
C 4
156
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LES Inconvéniens du Célibat des Prêtres,
prouvés par des Recherches hiftoriques ;
nouvelle édition revue , corrigée & confidérablement
augmentie. A Paris, chez
Lejay , Impr- Libraire , rue de l'Echelle.
C'EST
M
' EST un de ces Ecrits que le Delpotime
avoit voulu étouffer en 1782 , ce
qui n'empêcha pas que l'édition ne fût.
bientôt épuitée. L'Auteur , certain de la
pureté de fes vûes , & convaincu de l'utilité
de fon Ouvrage , a cru fervir la Société
, les Meurs & la Religion en s'attachant
à le perfectionner ; c'eft ce qu'il a
fait avec beaucoup de foin . Il envifage fon
fujet fous toutes les faces ; il fait l'Hiftoire du
Célibar chez tous les Peuples ; il le con-
Adère dans fes rapports civils moraux
religieux & politiques ; il unit à la Philofophie
l'érudition littéraire & la connoiffance
des antiquités eccléfiaftiques . Sans
doute , & l'Auteur en convient , cet appareil
d'érudition n'étoit pas néceffaite pour
convaincre les efprits éclairés ; mais il refte
encore un grand nombre d'hommes pour
ر
DE FRANCE. $7
qui les faits , les exemples , les témoignages
font d'un plus grand poids que la feule
autorité de la raison . Il en eft d'une piété
timide & fans lumières , qui , confondant
avec le fond de la Religion un objet de
pure difcipline eccléfiaftique , s'effarouchent
d'un changement fubit dans un des points
capitaux de cette difcipline . Il s'agit de
faire fortir ces confciences timorées de
leurs anciennes habitudes ; il faut leur montrer
que l'intérêt de la Religion follicite
ce changement qu'elles redoutoient pour
elle. Plufieurs Chrétiens , véritablement religieux
, cefferont d'être alarmés en voyant
reparoître un ufage qui fut celui des plas
beaux temps de l'Eglife ; & en fuivant dans
une narration hiftorique les motifs politiques
qui les fupprimèrent , ils verront
s'accroître de fiècle en fiècle les défordres
qui réfaltèrent de cette fuppreffion . Alors
tous les amis de la Religion & des moeurs
s'accorderont à demander une réforme
long - temps défirég & devenue néceffaire
en France , principalement depuis la deftrection
des Ordres . Qui ne voit, en effet,
que le mariage des Prêtres eft le feul moyen
de prévenir la tendance à l'efprit de corporation
, fruit des anciennes habitudes du
Clergé Qui ne voit que c'eft le feal moyen
de donner vraiment une Patric aux Prêtres
, de les confondre dans l'unité nationale
, & d'en fure d'utiles inftrumens de
la civilifation d'un grand Peuple ?
C S
$8
MER
CUIR
ES
M. l'Abbé G ..... ( car l'Auteur eft un
Prêtre , aufli irréprochable, par fes moeurs
que diftingué par fon zèle pour la Religion),
M.l'Ab. G..u confiderant le Célibat dans
l'ordre phyfique , montre & prouve par des
exemples qu'il eft fouvent pani par la
perte de la fanté , & l'on a vu de jeunes
Eccléfiaftiques que le Célibat forcé a rendus
abfolument fous. C'elt pour prévenir
une partie de fes dangereux effets qu'on
imagina les jeûnes , les macérations , &c.
les faignées mêmes y furent employées &
quelquefois inutilement : de-là cette foule
d'illutions qui égarèrent l'imagination de
tant de Solitaires ; de - là crs defcriptions
vives & paffionnées de leurs tourmens, de
leurs fonges , qui firent dire plaifamment à
Montagne , que ce qu'il admiroir le plus
dans Saint Jérôme , ce grand Apôtre de la
virginité , c'étoit la force & h˚ continuité
de fe rentations. Nous demandons pa den
à M. l'Ab.G ... plus qu'à nos Lecteurs, de
cette citation trop pru grave . Revenons .
Le Célibar , confidéré dans l'ordre moral
, ne peut être placé parmi les vertus ,
sil eft vrai que la noción commune des
vertus ne donne ce nom qu'aux actions
u iles à la Société. » La continence , dit
Charron , eft une veru fans action &
» fans fruit : c'eft une privation , un nonfaire
, peine fans profit " . Mais il y a
plus . Le Célibat eft nuifible à la Société ;
i eft un attentat contre les moeurs publi-
20
هو
DE FRANCE.
5+
ques ; le Célibat d'un feul néceflite un
double facrifice , & livre au défelpoir ou à
la debauche un des deux coeurs que la Nature
avoit deltinés à s'unir . Aufli obfervet-
on que le Célibat s'accrédite chez toures
les Nations à mefure que les moeurs fe
détériorent. La milanthropie , la dureté de
coeur, l'égoïime , & plufieurs paflions antifociales
decoulent naturellement de la fuite
du mariage , tandis que toutes les affections
douces font l'effet néceffaire d'un lien qui
nous attache plus fortemeat à la S ciété.
Aufli les Peuples qui ont porté le plus
loin l'esprit focial , ne connurent - ils le
Célibat que dans les temps de leur décadence.
A Sparte , il étoit fiétri par les Loix
& par l'opinion . Chez les Athéniens , ce
fur la Secte Epicurienne qui , la première ,
recomanda la vie célibataire à fes Dfciples
; & dans Kome , le Célibat ne fut
que l'effet du luxe & des mauvaises moeurs.
Mais pour le borner au Celibat religieux ,
l'Auteur obferre que chez les Grecs , la
Religion n'appeloit au Célibat que deux
Prêtreffes , celle de Delphes & la Prêtreffe
de Junon. Les autres Vierges qui paroiffoient
dans les cérémonies religieufes , ne
contractoient point un engagement éternel.
A Rome , fix ou fept Vetales furent vouées
à la Virginité , & malgré les honneurs dont
elles étoient comblées , il ne fut pas tou
jours facile de compléter ce nombre . Perfonne
n'ignore que chez les Juifs , la nauk
C4
3 MERCURE
tiplication du genre humain fur un des
préceptes de la Loi . La ftérilité des mariages
y fut en opprobre , & le grand nombre
des enfans une bénédiction . La Tribu
de Lévi , qui préfidoit au culte , ne fut
point foumife à la continence , & Dieu fe.
contente d'exiger que les Prêtres n'époufent
que des Vierges . La Loi nouvelle.
aufli indulgente que l'ancienne , n'ordonne
nulle part le Célibat . On ne trouve dans
I'Evangile prefque aucun témoignage en
faveur de la virginité , & tout attefte au
contraire la prédilection de Jéfus - Chriſt
pour le mariage. Le premier prodige qui
fignale fon avénement , e'eft la fécondité
d'Elifabeth , mère de Saint Jean . Il honore ,
d'un miracle les noces de Cana. Les comparaifons
qui lui font le plus familières
pour défigner le royaume des Cieux ou
lui - même , c'cft tantôt celle d'un époux ,
tantôt celle d'un père de famille . Dans le
feftin , fymbole de la béatitude céleste , on
n'y eſt admis qu'avec la robe suptiale. Le
prix de la prudence des Vierges fages elt
d'être admifes aux neces ; les Vierges folles
en font exclues . On fait que les Apôtres
furent rous mariés , hors Saint Jean . Dans
les Actes qui portent leur nom , on trouve
qu'il n'eft parlé d'aucune Vierge , fi ce n'eft
des quatre filles du Diacre Saint Philippe ;
tandis qu'il eft fouvent fait mention des
veuves ou des autres femmes attachées à
P'Eglife. Que font , contre ces témoignages,
ITU
DE FRANCE. 61
و د
"
les partifans de la virginité ? Ils tourmentent
plufieurs paffages de l'Evangile , pour
en extraire la doctrine qu'ils veulent accréditer.
C'eft ainfi qu'ils en ufent à l'égard
des Epîtres de Saint Paul , tandis que cet
Apôtre dit formellement dans fa première
à Timothée » Il faut qu'un Evêque foit.
» irrépréhenfible , qu'il foit le mari d'une
» feule femme ; il faut que les Diacres
» n'aient qu'une feule époule «. Ici l'Auteur
s'enfonce dans un labyrinthe théologique
pour réfuter l'opinion de quelques Docteurs
, qui donnent à ces paroles un fens allégorique
& forcé . Il fort vainqueur de ce labyrinthe
, & multipliant les preuves , les
autorités , il démontre qu'avant le 4 °. fiècle,
l'abftinence du mariage ne fut preſcrite aux
Prêtres ni par aucune Loi ni par la tradition
. It eft bien vrai que dès le 2 ° . fiècle ,
l'excellence de la virginité devint la doctrine
favorite des nouveaux Chrétiens . Ce
fut l'effet des perfécutions auxquelles ils
étoient expofés , de la crainte habituelle du
martyre , & plus encore de l'opinion qui fe
répandit fur la fin prochaine du monde.
Ce fut alors que s'introduifirent les épreu- ,
ves févères de la pénitence : on remarque
à ce fujet que ce furent des Sectes hérétiques
qui poufsèrent plus loin le rigorifine
; mais il en réfulta que cet efprit fe
répandit même parmi les Orthodoxes , qui
fe crurent obligés de renchérir fur les Hérétiques.
Cependant le Célibat ne fut en
62 MERCURE
core impofé par aucune Loi ; & Tertullien ,
partifan outré de la virginité , en convient luimême
: Prohiberi nuptias nufquam omnino
legimus. Au Concile de Nicée , il fat queftion
d'obliger les laïques mariés à quitter
leurs femmes en devenant Evêques , Prêtres
ou Diacres. Le décret étoit près de
paffer , lorfqu'un vénérable Evêque , qui
avoit paffé fa vie dans le Célibat & dans
les auftérités , s'éleva contre cette innovation
& la fit rejeter. Qui croiroit que ,
malgré cette décifion du Concile de Nicée ,
un Concile de l'Eglife Larine ofa , plufieurs
fiècles après , citer ce même Concile de
Nicée comme ayant interdit le inariage aux
Prêtres ? Et tel étoit en Occident l'ignorance
univerfelle , que les Evêques & les
Prêtres , les plus révoltés de ce nouveau
joug, n'opposèrent point à leurs adverfaires
l'autorité d'une décifion entièrement
contradictoire qui eût accablé leurs antagonistes.
Le mariage continua donc d'être permis
aux Prêtres de l'Eglife d'Orient ; mais la
prééminence de la virginité s'établiffant
dans l'opinion , un grand nombre fit profeffion
du Célibat. Les Ecrits des Saints-
Pères font pleins du récit des défordres
qui en furent la fuite. Ce fut alors qu'on
vit s'accroître de jour en jour le nombre
de ces Vierges connues dans l'Hiftoire
Eccléfiaftique fous le nom d'Agapères , aimées.
La familiarité dans laquelle elles vé-
>
DE FRANCE. 63
.
curent avec les hommes , & fur- tout avec
les Cleres , qui , comme elles , s'étoient
voués au Célibat , achevèrent de le rendre
moins pénible aux uns & aux autres . I
faut favoir que ces Vierges & ces Prêtres
prétendoient , en vivant dans la même
chambre & en couchant dans le même lit,
conferver leur chafteté , & ofoient traiter
de charnels ceux qui avoient la foibleffe de
les foupçonner ; c'est ce que Saint Jérôme
attefte politivement ; Saint Chryfoftôme ,
qui eut cette foiblelle , penfa être chaffe
de fon fiége par leurs intrigues & leurs
clameurs. Ces Vierges fe maintinrent en
poffeffion de leurs priviléges jufqu'au ƒº.
fiècle ; & elles ne difparurent que pour
céder la place aux concubines avouées . Les
moeurs n'étoient guère plus décentes dans
F'Eglife d'Occident , quoique le mariage y
fût encore permis aux Prêtres. Ce ne fut
dans l'année 385 , que le Pape Sirice fit
du Célibat une Loi pour les Evêques , less
Prêtres & les Diacres : fes fucceffeurs l'étendirent
aux Sous -Diacres ; mais cette Loi
n'eut d'effet que pour l'Eglife Latine . On
ne peut la regarder que comme une Loi
locale , puifqu'elle ne fut point portée par
l'Eglife Univerfelle , puifqu'il n'exiftoit
point de fchifme entre l'Eglife Latine &
'Eglife Grecque , puifqu'il fe tenoit de
fréquens Conciles fans que ce point de difcipline
y fût agité . " Au furplus , ajoute
l'Auteur , qui ne fent que cette défenfe
"
que
64
MERCURE
19
"
"
"
23
n'étoit pas au pouvoir de l'Eglife même ?
Qu'est- ce que l'Eglife , finon un Tribu-
» nal inftitué pour maintenir le dépôt de
la Foi , tel qu'il nous a été tranfmis par
Jéfus-Chritt & les Apôtres , un Tribunal
qui eft le gardien & l'interprète des vérités
révélées fans pouvoir en ajouter
" aucune "? Ici l'Auteur combat & anéan-
At tous les vains prétextes dont on s'eft
fervi pour juftifier cette Loi , & nous le
laiffons encore aux prifes avec les Théologiens
. Elle fut un fignal de difcorde dans,
l'Occident ; & les abus qu'elle occafionna,
allèrent toujours croiffant jufqu'au Pontificat
de Grégoire VII , où les défordres
furent pouffés à leur comble. Ce fut ce
Pape qui , dans fon deffein de foumettre à
la Tiare toutes les Couronnes de l'Europe
, fentit le plus combien il importoit
aux fuccès de fon ambition d'ifoler les
Evêques & les Prêtres , & de les rendre
indépendans de leurs Souverains. Mais cette,
Loi du Célibat trouva par- tout des obftacles.
Ce fut principalement en Angleterre
qu'elle éprouva les plus violentes oppofi-.
tions . Le Légat envoyé par Grégoire , don-
Hoit pour raifon du Célibat facerdotal l'indécence
de voir un Prêtre , forti du lit d'une
femme , confacrer le corps de Jésus -Chrift.
Cet argument commençoit à réuffir parmi
le Peuple , lorfqu'un jour où M. le Légat
avoit officié pontificalement , il eut le malheur
de fe laiffer furprendre par les Offi
DE FRANCE. 65
ciers de Police chez une Courtifane de
Londres. Cette mal- adreffe nuifit fingulièrement
à l'objet de la miffion , & ce ne fut
qu'au commencement du 14. fiècle que le
mariage des Prêtres fut entièrement aboli
en Angleterre. Jufqu'à ce moment ils trouvèrent
moyen de garder leurs femmes &
leurs bénéfices . Dans le refte de l'Europe,
ils vinrent quelquefois à bout d'y réufir ;
mais la Loi commune & générale étant le
Célibat , les fcandales fe multiplièrent ; ils,
furent portés à tel point , qu'en certains
Diocèfes , les Evêques accordèrent spécia- ,
lement à leurs Prêtres le droit d'avoir des
Concubines. Un d'eux établit même une
taxe pour ce droit ; & quand les Clercs
refufoient de payer la taxe , fous prétexte
qu'ils renonçoient à ce droit , l'Evêque répondoit
: Qu'ils la payent d'abord , & qu'enfuite
ils aient ou n'aient pas de concubines.
Le Peuple exigea même plus d'une
fois qu'ils en euffent , pour éviter de plus
grands inconvéniens . Tous ces abus étoient
tolérés par les Papes , qui ne croyoient pas
leur puiffance ébranlée par le concubinage
des Prêtres , comme elle l'eût été par leur
mariage. C'est ce qu'on put voir au Concile
de Trente , où tous les Souverains de
l'Europe , à l'exception de Philippe II, Roi
d'Efpagne , follicitèrent un décret pour le
mariage des Prêtres. Le Pape parut ébranlé ,
mais les Cardinaux s'y opposèrent fortement;
& l'un d'eux , qui fut enfuite Sou66
MERCURE
verain Pontife , dit tout haut devant l'Ambaffadeur
de France , qu'il valoit mieux
laiffer périr ce Royaume que de lui adıniniftrer
un pareil remède. Cette décifion
devint celle d'une Allemblée , qui comptoit
dans la ville où elle tenoit fes féances,
1500 concubines pour l'ufage des Pères du
Concile. Le Royaume qu'on vouloit laiffer
périr faute d'un pareil remède , paroît difpofé
à fe l'adminiftrer lui - même , & les
décrets du Concile de Trente , relatifs à la
difcipline , n'étant point admis en France ,
on peut fur ce point revenir à l'ufage de
la primitive Eglife , auffi facilement qu'on
l'a fait fur des objets non moins intéreffans
pour le Clergé : c'est ce que fait entendre
l'Auteur , & fon Ouvrage paroît devoir ne
laiffer aucune inquiétude aux efprits les
plus timides & aux confciences les plus
timorées.
{ C ..... )
LE Décret de l'Aſſemblée Nationale fur¨
les Biens du Clergé , juftifié par fon rapport
avec la nature & les Loix de l'Inftitution
Eccléfiaftique ; par M. l'Abbé
LAMOURETTE
, Docteur en Théologie ,
de l'Académie Royale des Belles-Lettres
d'Arras. Nouvelle édition revue , corrigée
DE FRANCE. 67
& augmentée par l'Auteur. A Paris, chez
Belin , Libr. rue St- Jacques.
LA première édition de cet Ouvrage a
déjà été annoncée dans le Mercure avec le
tribut d'eftime dû aux talens & aux vertueufes
intentions de l'Auteur ; mais un
Ecclefiaftique , qui n'a point regardé la richeffe
du Clergé comme faifant partie de
la Religion Chrétienne , s'expofoit à plufieurs
inimitiés, & a dû encourir beaucoup
de reproches . Son Ouvrage , imprimé fans
fa participation, avoit paru fans nom d'Auteur.
On l'a défié de figner fon nom en
toutes lettres , & M. l'Abbé Lamourette
acceptant le défi , & perfévérant dans fon
opinion , la fortifiée par des preuves &
des raifons nouvelles. Cet Ecrit eft devenu
ainfi un Quvrage nouveau , bien fupérieur
au premier. Mais ce qui nous engage
fur-tout à faire connoître au Public
cette feconde édition , c'eft qu'elle nous
met à portée de lui faire part d'une idée
véritablement patriotique que l'Auteur va
bientôt mettre à exécution . Il fe propoſe
de publier un Cours de Prones Civiques ,
dont l'objet eft de montrer combien l'efprit
de la Religion fe rapporte étroitement
avec celui de la Conftitution , & de donner
aux Pafteurs l'idée de la manière dont ils
doivent aujourd'hui inftruire les Peuples .
Puiffe cette entrepriſe remplir d'une ver68
MERCURE
tueufe émulation les Eccléfiaftiques dignes
de fuivre un fi noble exemple ! c'eſt le
moyen de ramener à l'ordre les Habitans
des campagnes , qui s'en font écartés , plutôt
par ignorance que par mauvaiſe volonté.
C'eft cette ignorance du Peuple qui différera
le retour de la tranquillité publique.
C'eft aux claffes plus inftruites à communiquer
aux autres , & le plus tôt qu'il fe
pourra , la portion de lumières dont elles
font fufceptibles , & fans lefquelles l'ordre
ne peut fe rétablir de long-temps. Ce danger
n'eft point ce qui affligera d'abord certains
ennemis de la Révolution , égarés par
le reffentiment & aveuglés fur leurs intérêts
durables mais quelles que foient les
pertes qu'elle ait pu leur caufer , ceux d'entre
eux qui ne font pas entièrement dépourvus
de raifon, s'appercevront enfin que
de plus longs troubles , nuifibles à tous fans
être utiles à perfonne , compromettent furtout
ceux qui , dans une ruine preſque générale
, ont encore le plus à perdre , c'eftà-
dire , les grands Propriétaires & les cidevant
Privilégiés. Le Cours de Prones
Civiques de M. l'Abbé Lamourette , contiendra
fans doute des inftructions pour
toutes les claffes ; & parmi celles qu'on
nommoit fupérieures, il fe trouve des hommes
qui n'en ont guère moins befoin que
les plus fimples Habitans de la campagne .
( C ....... )
DE FRANCE. 69
BIBLIOTHÈQUE choifte de Contes nouveaux
, ou traduits pour la première fois
des Anciens & des Modernes les plus
célèbres dans le genre agréable , tendre
ou badin & anecdotique ; pour fervir
de fuite aux Bibliothèques de Campagne
, des Romans , à celles dites
Amufantes. 1 Vol. in- 18, jolie édition
portative de 2 à 300 pages chacun , à
2 liv. le Vol. br. , 36 liv. les 15 Vol.
port franc. On en a tiré quelques Exemplaires
in-8 . beau papier , 12 Volum
pour faire fuite aux belles éditions de
Bocace & autres de ce format , 48 liv.
franc de port, & fur papier vélin , 72 l.
A Paris , chez Royez , Libraire , quai
des Auguftins , près le Pont- Neuf.
Ce n'eft point une Soufcription qu'on
annonce , c'eft un Ouvrage complet qu'on
offre à l'empreflement des Lecteurs , toujours
avides des peintures qui leur font connoître
au naturel les moeurs des différens
Peuples; cette manière d'inftruire en amuſant
a beaucoup d'attraits ; mais on a quelquefois
promené fes Lecteurs trop loin & trop
70
MERCURE
long-temps même à travers un chemin feuri
; & les Editeurs ne profiteront pas , pour
l'alonger , du fuccès même de leur entreprife
; ils ont partagé les 15 Volumes de
feur Collection en 4 Parties , qu'ils féparent'
pour en faciliter l'acquifition , & fatisfaire
plus d'Amateurs par les genres différens
qu'ils ont embraffés. Tous les fujets en font
neufs & également intéreſſans dans leur enfemble
; mais ils plairont auffi dans leurs
détails , qu'il nous fuffira d'indiquer & pour
commencer par les Contes Grecs ; on peut dire
qu'il nous refte de l'Antiquité fi peu d'Ouvrages
du genre des Contes, qui foient échappés
aux ravages du temps , que c'eft un véritable
tréfor que ce Recueil : encore , pour
y donner la perfection néceffaire , il a fallu
recourir aux Poëtes , tels qu'Homère, Héfiode
, Mufée , & prendre les épiſodes que
nous fourniffent leurs immortels Ouvrages.
C'est ainsi qu'on trouvera dans cette Collection
, l'Enlèvement d'Hélene , de Colathus
, joli Poëme , dont le fujet galant fert
de bafe au premier de tous les évènemens
confacrés par l'Hiftoire ; la prife de Troie ,
de Triphyodore , cadre agréable & refferré ,
dans lequel fe trouve l'abrégé des grandes
actions chantées par Homère & fes imitateurs
; Léandre & Héro , de Mufée , Aventure
galante revêtue du plus tendre intérêt
, qui a fervi de modèle au joli Poëme
de Phrafine & Mélidore , d'un de nos Poëtes
Erotiques les plus eftimés. Les Aventures
DE FRANCE
71
de Chereas & de Callirhoé , font un Roman
connu , un morceau de Littérature précieux
. On deir favoir infiniment de gré à
l'Homme de Lettres qui l'a réduit de manière
à conferver tout ce qu'il offre de vraiment
intéreffant , & qui par ce moyen l'a
approprié à cette Collection . Les Contes
qui fuivent , vraiment neufs , font tirés d'un
petit Ouvrage connu , publié fous le titre
des Affections de divers Amans. Celui- ci
n'étoit que l'extrait des anciennes Fables
Miléfiennes , fi célèbres dans l'Antiquité , &
dont il ne fubfifte que ces précieux fragmens
le Littérateur qui en a reftitué la
plus grande partie à leur ancienne forme ,
a mis à contribution , avec une fagacité &
une érudition vraiment rares , tout ce que
la Fable & la Poéfie anciennes & la Philologie
lui ont fourni de matériaux pour fe
rapprocher de l'ancien texte perdu , & faire
de chacun de ces tableaux un Ouvrage auffi
complet qu'ils en étoient fufceptibles. Cette
partie de la Collection eft terminée par
' Amour & la Jaloufie , Conte du genre
allégorique , tout- à-fait ingénieux , & par
l'abrégé du Roman de Mélicello , emprunté
à la Littérature Grecque moderne. Ce dernier
morceau a l'avantage d offrir un point
de comparaiſon entre les différentes époques
qui virent fleurir la Littérature parmi le
Peuple le plus poli & le plus galant de
l'Antiquité,
72 MERCURE
Cabinet Bibliographique , rue de la Vieille-
Monnoie , N. 12 , près celle des Lombards.
Ce nouvel Etabliſſement renferme une Collection
prefque complète des titres de tous les
Livres publics depuis quarante ans , avec le nom
des Libraires qui tiennent ces Livres , leur prix
& leur format.
Le Répertoire des anciens Livres n'eft pas
moins complet ; il offre des notions exactes fur
les éditions , leur mérité , très-fouvent far leur prix .
Les perfonnes qui veulent fe former une Bibliothèque
, y trouveront des connoiffances fur
tous les Livres qui traitent des matières auxquelles
elles s'adonnent, & les facilités de fe les procurer.
Efai fur la Réforme des Loix Civiles , par
Victor Chantereyne , Avocat. Brochure in- 8 ° . de
179 pages. A Paris , chez Belin , Libr . rue St-
Jacques Méquignon jeune , au Palais ; & à
Caen , chez Poiffon , Imp-Lib.
Cet Ouvrage , auquel les circonstances prêtent
un nouvel intérêt , mérite l'attention publique
& peut jeter des lamières fur cette matière importante
.
-
>
Déclaration des Droits de l'Homme & du
Citoyen , décrétés par l'Affemblée Nationale , &
acceptés par le Roi . Difcours prononcé par le
Roi à l'Aflemblée Nationale le 4 Février 179
Deux Tableaux faifant pendans , de 24 pouces
de hauteur fur 18 de large , imprimés fur papier
vélin fatiné. Prix , 24 f. chaque. A Paris , chez
Méquignon l'aîné , Libr . rue & près l'Eglife des
Cordeliers..
Ces deux Articles fi intéreffans , font très-bien
exécutés.
VARIÉTÉS.
DE FRANCE. 73
VARIÉ. ? É S.
LETTRE d'un Troubadour, fur Avignon ,
&, par occafion , des Droits du Pape
fur le Comtat.
» Dès que tous ceux qui , dans le Comtat
&dans Avignon, obéiffoient au Pape,
ont délibéré & décidé , à la majorité
des voix, qu'ils ne lui obéiroient plus,
le Pape a perdu tous fes Droits ; &
la fouveraineté, dont il n'avoit que
l'exercice, eft retournée à fà ſource «.
M. GARAT.
PLUS je revois ce beau Comtat , fes plaines
fécondes , fes canaux d'irrigation , fes villes ornées
de fontaines , ceintes de murs parfaitement
entretenus ; fes magnifiques avenues d'ormes &
de peupliers , & ces longs bancs de pierre , placés
de diftance en diftance , pour convier au repos
& fes fuperbes Hôpitaux par - tout multipliés ,
par – tout décorés d'une architecture noble &
fimple, & plus je reconnois que les Romains ,
mê e ceux du 126. fiècle , étoient des hommes
refpectables , lorfque nous n'étions encore que
des Welches grofiers. Tous les Etabliſſemens , tous
les embelliflemens du Comtat annoncent que Les
№º. 33. 14 Août 1790,
-
D
74 MERCURE
Maîtres & leurs Agens ont daigné compter le
People pour quelque chofe .
·
J'ai paffé deux jours dans Avignon ; j'ai admiré
s remparts , fes promenades , fes belles
Juives , mais très-peu les rues , pour la plupart
étroites , tortueufes & mal propres. Les plus
fales , les plus inextricables font celles ou les
Juifs fent parqués comme un vil & dange cux
bétail , qu'on tient la nuit fous la clef, & qu'on
diftingue pendant le jour à des chapeaux ougeâtres
ou à des rubans jaunes qu'on les oblige
de porter , je ne fais pourquoi . En vérité , c'eft
une chofe bien révoltante que de voir ces malheureufes
Tribus bannies de l'inftruction publique
, de l'Agriculture , des Emplois , tandis
qu'on les écrafe d'impôts , qu'on les flétrit par
un coftume particulier , & que nous les obligeons
, comme la vermine , à ne s'engendrer que
dans des cloaques,
Vous défirez des détails particuliers fur cette
ville fameufe : il en eft que vous, trouverez partout
; mais j'en ai de moins communs dont je
vous ferai part à mon retour. Aujourd'hui que
je fuis en pays ennemi , je me bonerai à quelques
apperçus généraux , & au récit d'une converfation
que j'eus hier au foir avec Milord M....
1
La ville d'Avignon ne renferme guère que
25 mille ames ; ma's on y compte avec édification
huit Chapitres , abforbant , comme il ef
jufle , environ ico mille liv. de rente ; trente-fix
Maifons religieufes , riches de roo mille écus ;
fept Confréries de Pénitens , dont l'Arc- en- ciel
a fourni les livrées ; & enfin dix Hôpitaux qui
demandent grace pour tout le refte ,
Je fis connoiffance , à Lille en Comtat , avec
DE FRANCE. 75
Milord M..... Nous parlâmes Littérature & Poliique
, & infenfiblement ia conve.fation pala
de Pope au Pare. Se peut - il , dit Milord ,
que la France ait rendu tant de fois cette belle
Province au Prêtre d Italie ? La Nature vous a
fait don de ce terri.oi : e en l'enclavant dans vcs
poffeffions . Da lleurs , ce pays dépendant d'u
autre Souverain , forme un alile tonjours préfer t
pour les malfaiteurs , pour les Marchands frau
duleux , & pour des légions de files perdues.
Çift une école toujours fervente de ces maximes
Ultramonta nes , qui perpétuent les préjugés
& le faratilme , & les étendent de là fur toute
la France : c'eft une barrière , un page fécdak
pour votre comerce intérieur , qui , par fes
Bureaux , fes dreits & fes hordes . d'Employés ,
anétent & génent toutes vos opérations méris
donales. E fin il eft étonnant que les Avignoncis
ne folicitent pas eux-mêmes leur , réunion.
-B.... Ils en viendront là , Millord , & pute
ét e fous peu en n: méconnoît pas éternellement
fes vials intérêts . La Nature , on ne furait
trop 1: répéter, a incorpssé ce pays à l'Ĺn-
Fice Franços , fans lequel il ne peut fubfifter
& Roe devroit étre la première à 1 : econ
noitre fon inté ét eft nul. Et fon titre , die
Milord en fecoat la tête ? B ... Son titre ?
ne parlons point de cela , Milord . Le titre da
Page for Avignon eft plus légal que celui de
us les Rois conquérans. Vous êtes fùrement
aflez Philofophe pour n'en pas douter. Le Cortat
dt une très belle ferme que les Fapes ont eu à
fort bon marché , j'en conviens ; mais enfin un
contrat de vente , une quittance fout , je peuſe ,
d'affez bons titres . Je parle du premier titre ,
die Milord prefque en fe fàchart : n'kit - ce pas
une excommunication contre le Comte de Touloufet
B... S.it ; mais Jeanne vendit . -
-
-
D. 2
76 MERCURE
密
Mil... Jeanne étoit folle , Jeanne étoit Reine ,
Jeanne étoit mineure . La Souveraineté n'eft- elle·
pas elle - même un obſtacle à l'aliénation ? Les
Etats -Généraux ont-ils confenti - B.... Oh
-
--
---
non vraiment , & j'avoue que cette démarche
a la directement contre leur vera. Mais Jeanne
çut très-bien de Clément VII les 80 mille florins
bien trébuchans d'or de Florence. Mil .....
Mordieu ! c'cft ce prix qui cft d'une medici é
ridicule. Un pareil pays ! tant de belles villes !
tant de fertiles plaires , de vignobles fameux ,
de canaux d'irrigation .... pour 6 à 700 mille
livres cela cft fon. B... Mais vous ignorez
peut -être , Milord, que la Reine ( mineure ) a
fait , par le même acte , doration de la plus
value. Mi!.. Encore plus abfurde. Voila qui
preuve clairement que la léfion étoit connue de
Facheteur. De pareilles précautices font préfumer
La fraude , & décrient néceflairement le marché. .
Au reste , vos Hiftoriens prétendent que cette
fømme n'a jamais été payée . B... Les H foriens
fe trompent , & M , Papon , Hiftorien de
Provence , a retrouvé dans la Bibliothèque dur
Rei de Naples , la quitrance des so mille flor,
―
trat.....
-
.....
-
M.... Papon ne parle qe d'une copie de cet
afte, où il eft dit que l'original a été brûlé. De
pareils archemins ne font valides qu'en Cour
de Rome. B Vous trouvez donc juſte
qu'on dépofsède un Souverain , & qu'un con-
Mil... Un contrar peut il vendre des
homines ? Eft-il plus jufte , à votre avis , qu'une
multitude de Comme çans & d'Agriculteurs foient
privés des avantages que leur donnent le fol &
le climat Les inconvéniens que les Comtadins
éprouvent par le défaut d'émulation & de circu
lation rejaillit fur toutes les autres Provinces.
Le Roi n'ek-il pas le père commun de tous fes
Sujets Plus il y a de facilisé dans les commer
DE FRANCE.. 77
: -
nications , d'union entre les différens . Membres
du Corps politique , d'accord dans les Leix , d'ar
ronditlement dans les Etats , & plus il y aura de
profpérité , d'erdre & de force . Ce pays n'eft
ras peuplé à raifon de fa fertilité les villes y
font mortes , les villages rares , & les bords des
rivières , ailleurs fi couverts de hameaux , font
ici profque déferts ; & cependant que d'hommes
ces contrées pourroient faire naître & nourrir
& multiplier ! ...... B... Vous , rafonnez en
Politique , Milord ; mais daigncz , je vous prie
obferver en Philofophe . Eh ! qu'importe , après
tout , que ce pays- ci puifle renfermer lus d'habitans
Il s'agit de favoir fi cux qui l'habitent
fent heureux. Voyez ces belles moiflons , ces
luzernes qu'on va couper pour la cinquième fuis ,
ces múriers qui alimentent les Ma ufactures de
Nimes & de Lyon , & ces vins généreux de la
Nerte eu de Château-Neuf , que Mgr . le Vice-
Légat préfère au Montepulciano & au Falerne ,
voycz exin ces phyfionomies franches & enjouées
, & ces fumes vives & leftes , au coftune
léger & voluptueux ; tout n'annonce - t-il
pas, au rebour de vos obfervations , Milerdi ,
que c'eft ici une des plus heureufes contrées de
la Terre Mil ... Le bonheur , & l'Inquifition
! L'économie politique & le Gouvernement
Prêtral ! — B .... L'Inquifition n'est ici qu'un
Tibural ridicule & fans fonction. L'opinioni
Françoife invefiit ce pays , & tôt ou tard elle
en fera la conquête : une révolution dans le tourbillon
François entraînera néc.flairement le petit
fatellife Avignonois ; on rembourfera le Pape de
*fes 80 mille ducatons , payés ou non payés , &
les François admettront les Comtadins dans leùr
nouvelle Conftitution . Mil ..... L'an 2440.
➡ B ……… ..' Peut - être avant la fin de ce fiècle ,
- parce que les progrès des lumières préſagent ia-
-3
D 3
78 MERCURE
failliblement ceux de la raifon. Quant aux Inqui
fiteurs, kur règne eft paffé ; il nous faut des Médecins
, des confolateurs , & non des Jongleurs.
& des Me ges . Je vous prédis qu'avant 1800 ,
nous n'aurons en Europe que dis Pasteurs , &.
que les Moines , les Chanoines , les Abbés & les
Monsignors , femblables aux cornes d'Ammon ,
n'auront pas alors un feul analogue vivant. -M ...
Je connois donc bien mal les Prêtres & les Fran
ços. - B ... Milord ,, point- dépigrammes , vous
es fait pour ta fönner. Songez aux Précepteurs
de la Nation que vous feignez de méprifer.
Seroit-il poble que nous luns toujours fans
fruit les Ouvrages des Voltaire , dès Rouſſeau ,
des Mably & des Raynal ? Les principes de ces
Grands Hommes ne fe mentent-ils pas en filence:
depuis un demi - fècle dans tous les efprits ?
L'explofon fera peut-être tardive ; mais elle eſt
inéluctable. Le Defpotfme abattu rugira , le Fanatiſme
démafqué confpirera , hélas ! le teur en
vain ; la Raifon & la Liberté élevant enfin leur
tête , victorieuſe , régneront fur l'Europe affran
chie , & la courage opiniâtre de quelques Sages.
rion phera de tous les Tyrans titrés & mitrés.
Mil... Je pars pour l'Italie , & j'espère que
vous me mettrez au courant des évènemens .
B..... Volontiers , Milord. Les Prophètes que je
viens de vous . citer les ont apperçus des hauteurs
de la Philofophie , & leur vus eft perçante
autant, qu'infaillible
-
Depuis cette époque , j'ai ten ma parole; à
Milord M........;, & je vois pat correfpondance
, que s'il n'eft pas né pour admirer beau-.
coup , il dait sûrement être admiré lui - même
c'eft prefque un autre. Milord Maréchal ; il , a
Miniftre , & n'a quitté fa place, que parce
p'ayant dit-il, perdu la moitié de ſa vertu ,
DE FRANCE. 79
a voulu conferver du moins ce qui lui em
reftoit ( i ).
BERENGER.
SPECTACLES.
ने
THÉATRE I TA EI N..
U
و
NE Pièce Allemande , intitulée le Père
de Famille , avoit fourni la petite Piece des
Epoux réunis , donnée fur ce Théatre avec
fuccès . C'étoit une partie feulement de
fintrigue de l'Ouvrage criginal . C'eft d'une
autre partie du même Ouvrage → que le
même Auteur a tité Louise & Volfan, Comédie
en trois Actes , qui vient de réuffir
auffi . Le fujer eft une méfalliance , combattue
d'abord par le père , qui la défire
enfuite lui - même ; tandis que le jeune
homme , quoiqu'amoureux , délibère s'il
ne facrifiera pas fon amour au défir de
s'avancer. Du naturel dans le ftyle , &
Fintérêt de la fituation ont fait le fuccès.
de cette Pièce ..
On y a vu avec beaucoup de plaifir M..
(1), On attribue, ce mot à M., de Mal….....
80 MERCURE
Michu , dont le talent pour la Comédie
proprement dite étoit bien connu , mais
qu'on n'avoit pas vu depuis long - temps
dans ces fortes de rôles. Madame Saint-
Aubin a joué auffi avec beaucoup d'intérêt
celui de Louife.
THEATRE DE MONSIEUR.
ON
Na donné avec peu de fuccès Il
Cavaliere errante , Opéra comique Italien ,
le premier Ouvrage de ce genre , qu'on
air compofé exprès pour ce Théatre . L'annonce
, un peu faltueule, qui en avoit été
faite , peut avoir contribué à la févérité
drs Spectareurs ; mais il faut avouer auffi
qu'on peut reprocher au Poëme de la
froideur & de la monotonie dans un fujee
qui pouvoit fournir au moins de la gaîté
& des fituations.
Le talent du Compofiteur , Il Signor
Tarchi , célèbre Muficien , n'a pu triompher
de la défaveur du Poëme,
DE FRANCE
GRA URE.
Galerie de Florence & du Palais Pitti.
>
- La sc. Livraison de ce fuperbe Ouvrage faroit
aftue lemert , & ne le cède pas aux autres pour
la beauté de fon exécution : elle cft composée
comme à l'ordinaire , de & Eftampes , dont 3
d'après les Tableaux , une d'après l'Antique , &
de 4 ca ré:s ou pieres gravées , dont Texplicaton
eft dornée de la manière la plus fatisfaifante.
Cet O.vrage eft vraiment digne des Chef- d'oruvres
qu'il tranfinet à la Poftérité ; & fi les Arts
en ont été privés fi long- temps , ils en font dien
dédommagés par la perfection avec laquelle il'eft
exécuté.
Le prix de chaque Livraifon eft de 19 liv. fur
papier vélin faperfin. On fouſe it à Paris , ' ch. z
M. Laco be Edlirour , rue de la Harpe , Nº . 842.
près la place St- Michiel .
Plan giométrique du Champ de Mars , tel qu'il
a été di poté , le 14 Juillet 1790 , pour la înémerable
Confédération de toutes les Troupes &
Gar les Nationa'cs de France ; kvé , cefliré &
gravé avec le plus grand foin . Se trouve à Paris ,
chez Lefelapart , Libr . rac da Roule , Nº. 11
près le Pont-Neuf ; Chéraut , rue Saint- Jacques ;
Journau , Hôtel de la Monnoie ; & Latré , rue St-
Jacques , No. 20.
$2 MERCURE
A VIS.
Etatgénéral de la France , ou la France vivante
& mourante , pour l'année 1791 , par M. Louis-
Charles de Wcquier , ci-devant Comte de Warequier
de Combs , Aide- Major de la première
Divifion aux Gardes Nationales Parifiennes . A
Paris , rue Git-le-Coeur , N °. 18.
L'Auteur de l'Ouvrage dont nous venors de
trasferire le titre , & qui doit apprendre aux Générations
futures pourquoi & coment le Royaume
étoit gouverné avant fa régénérat on , fe
propofe de tracer un rouveau tableau du fondement
de cet Finp're & de l'exiſtence qu'il reçoir .
Cet Ouvrage , qui fera annuel , utile à tous les
Peuples reis par les Loix de l'Empire François ,
à toutes les Municipa ités & Dalrias , &c . contindra
, 1 ° . Ls Dieres qui forment la bafe da
Puvoir ég flatif , da pouvoir ex cutif des Loix.
du Royaune , & c .
2º . La création de tous les Corps Civils &
Militair.s , & c.
3 Le tableau rominatif de tous les Membres
da Cors lég fatif des Maifons du Roi , des
Princes , des Munic palités , d's Diftris , d.s
Corps Mi itaires , tant des Troupes Nationales ,
que de Terre & de Mer , &c.
Les perfonnes intéreliées à la perfection de cet
Ouvrage, font priées d adrefler de fuite , & franc .
de port , à l'Auteur , leurs noms de baptême &
de famille , leur âge , ie lieu de leur raitance
leur état & profeflion , avec la date de leur promotion
à queloue emploi , foit civil cu miltaie ,
& leur fou nifli on pour tel nombre d'examplaires
qu'ils pourront défirer.
DE FRANCE. 83
gue
Grammaire National:, mife à la portée de tout
le monde , enrichie d'un Cours complet de mots
qui manquoient depuis long-temps à notre Lanou
que la Conftirution a néceffités . La
Soulcription en eft ouverte depuis le 1er. Août ,
chez l'Auteur , Boulevart de la Reine , à Verfailles
, No. 25 ; & à Paris , chez Nyon jeune ,
Libraire , place du College des quatre Nations .
L'Auteur engage les perfonnes qui veulent ,
avant que de foufcrire , connoitre & la nature
de l'Ouvrage & le mode de la Soufcription , à
fe procurer une Brochure qu'il a adrefée à l'Affemblée
Nationale , intitulée : Avantage de l'étude
approfondie de la Langue Françoife , &
moyens de la perfectionner , &c, laquelle fe vend
chez lui , & chez tous les Mds. de Nouveautés.
Cette espèce d'adrefle eft d'autant plus néceffaire ,
qu'étant du même format que la Grammaire Nationale
, elle pourra & devra être adaptée à chacun
des cxemplaires. On trouvera aux mêmes
a treffes que ci- deffus , le Manuel des Enfans , du
même Auteur.
Les Auteurs de l'Atlas National de France
ort eu l'honneur de préfenter au Roi & à M. le
Dauphin les quatre Cartes topographiques dés
Départemens du Loiret , de Loir & Cher , de
l'Yonne , & de l'Aube ; Sa Majefté , fatisfaite des
foins que les Auteurs apportent à l'exécution de
cet Ouvrage , leur a témoigné l'intérêt qu'Elle y
prend en l'honorant de fix Souſcriptions .
Ces Cartes font maintenant en vente ; les
Soufcripteurs font priés de les envoyer retirer au
Bureau de l'Atlas National , rue Serpente, No. 15,
au Cabinet Bibliographique , rue de la VieilleMERCURE
DE FRANCE.
Monnoie , N. 12 ; & chez Vignon , rue Dau◄
phine. On y trouve auffi la Carte générale &
celles des Métropoles & Evêchés , au prix de
2 liv. f. Ics Cartes des Départemens d'Eure &
Leire.
S
Le prix de chaque Carte de Département eft
de 2 liv 10 f. enluminée , & de liv. s fous en
papier d'Hollande.
3
On foufcrit auffi chez M. Lienard , Notaire ,
quai Bourbon , Inle St-Louis , près le Pont de la
Tournelle.
LABAT, connu depuis long- temps pour tenir
Dépôt de véritables Veilleufes Angloiles , tirées
de Londres , dont la propriété particulière eft
d'attirer & confommer les mauvaiſes vapeurs de
l'air où elles brûlent .... à 1 liv. 10 f. la boîte
en carton ;
Annonce qu'on a voulu les contrefaire , &
qu'il en a reçu des plaintes de la part de perfonnes
qui les croyoient tirées de fon dépôt. Il pric
ceux qui défireront en faire ufage , de lui écrire ,
& leur en portera. ·
Le Dépôt eft chez M. Labat , Md. -Tapifier ,
tue de la Roquette , Cour des Moulins , Fauxbourg
Saint-Antoine.
TABLE.
M-PROMPTU
Byers.
La Confolation à Sophie.
Conie.
'Charade, Enig, & Log.
49 Les Inconvénien
10 Le Décret.
12 Bibliothèque.
131ariétés.
14 Spectacles.
56
66
69
23
79
靠
MERCURE
DE
FRANCE:
SAMEDI 21
AOUT 1790.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Madame de *** , qui me grondoit de
n'avoir point fait de vers pour elle.
NE me reprochez plus , Madame ,
Te ne favoir pas bien aimer .
Pardonnez à ma fotte flamme
Qui fe déclare fans riser.
Ah ! je vous aime trop fans doute
Pout fuivre l'ennuyeufe route
D'un Amoureux à. Madrigal ;
Ma foi , Pégaſe eſt l'animal
Que je fais monter le plus mal ;
Et fi cela vous eft égal ,
"
N°. 34. 21 Août 1795. E
$6 MERCURE
Je va's continuer , pour cauſe ,
D'être un Amant très- trivial ,
Et de vous adorer en proſe.
Je plains un infipide Amant
Qui s'en va toujours rimaillant ,
Tant en abfence que préfence ;
Qui ne foupire qu'en cadence ;
Qui divife en huit ou dix pieds
Et fon amour & fa tendreffe ;
Qui meurt & fuccombe fans ceffe ,
Quoique bien ferme fur fes pieds.
Il eft clair, tandis qu'on s'efcrive
A ranger quelques mots oifeux ,
Que les chofes n'en vont pas mieux,
On n'aime point tandis qu'on rime,
Moi, je ne fais rien de plus fot
Qu'un Amoureux qui ſe lamente ,
Et cependant vous dit : Je chante ;
Qui fe tue à chercher un mot ,
Au lieu de chercher fon Amante .
On fait bien que dans ce moment
Il n'écrit jamais : Je vous aime ,
Que pour le faire inceflarnment
Rimer avec ardeur extrême.....
Quand j'étois encor tout poudreux ,
Tout bourfoufflé de rhétorique ;
Quand je brûlois des premiers feux
Four certaine beauté ruſtique ;
BIBLIOTHECA
REGIA
MIRAGENS13,
DE FRANCE. $7
3
Alors , au moins tous les matins ,
Il s'échappoit de ma cervelle
Trois ou quatre légers Quatrains
Contre les attraits de ma Belle.
Le foir , je rodois autour d'elle ,
Et je lui gliffois dans la main
Ma miférable Kirielle ;
Je revenois le lendemain
Avec une dofe nouvelle.
Vous fentez bien que le deftin ,
Que le malheur , que l'infortune ,
Que les charmes , que les appas ,
Que le Soleil , même la Lune ,
Au befoin ne me manquaient pas.
La rime ne me coutoit guère :
Parfois ma novice Beauté
( Dont l'efprit n'étoit pas vulgaire )
M'afluroit l'immortalité
Si je peu fuivois la carrière ,
Et dans l'excès de la bonté
Ne me comparoit qu'a Voltaire.
C'étoit de quoi incite à l'envers
Une tête encor bin légère :
Auffi je redoublois de vers ;
Aufli ma bel'e Dul.inée ,
De poéfie affaffinée ,
Se vit réduite à conjarer
Mon Apollon impitoyable ,
E 2
ទ ន MERCURE
De s'arranger à l'amiable ,
Et de la laiffer reſpirer.
Il faut qu'une Beauté refpire :
Alors je fufpendis ma lyre ,
Honteux de mon acharnement ..
Mais dites un mot cependant ;
Je puis facilement encore
Dire en vers que je vous adore ,
Et vous envoyer des faquets
De mes Madrigaux circulaires ;
Car i's vont bien à tous fujets.
En voulez vous deux exemplaires ?
Affusément ils font tous prête.
Vous vous appliquerez , Madame ,
Ce qu'ils renferment de plus beau.
Je ferai relier en veau
Ces témoignages de ma flamme....
Mais je vous vois frémir un peu
De mes offres trop généreufes :
Raffurez-vous , ce n'eft qu'un jeu ,
Et je vais condamner au feu
Toutes mes rimes amoureuſes.
Vous méritez fans contredit
Qu'on vous refpecte davantage ,
Et mon coeur eft le feul ouvrage
Dort je puiffe vous faire hommage
Sans compromettre mon eſprit.
( Par M. Berchoux aîné, )
DE FRANCE. 89
LES DEUX FRÈRES ,
Fable de Saadi.
UN homme pauvre avoit deux fils.
Il mourut. L'aîné quitte auffi -tô: ſa Province ;
Il paroît à la Cour ; il s'y fit des amis ;
Il eut des charges près du Prince.
Le cadet cultiva l'héritage très -mince
Que leur laiffa le père , & vécut fans foucis.
Un jour l'aîné lui dit : Pourquoi ne pas mefuivre?
Ne pas faire ta cour ? avec les biens que j'ai ,
Tu ne ferois pas obligé
De travailler ainfi pour vivre.
Le cadet répondit : Pourquoi
Ne pas t'accoutumer aux peines que je brave ?
Si tu travaillois comme moi ,
Tu ferois exempt d'être Eflave.
( Par M. Franchemont. )
Ꮮ ;
90 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot
E mot de la Charade eft Ferrailleur , celui
de l'Enigme eft Fraife , celui du Logogriphe
eft Bauf, où l'on trouve OEuf.
CHARADE.
ERATO dans les chants dit fouvent mon premier ;
Hippom , Jatony d'une illuftre victoire ,
Pour confacrer fon nom au Temple de Mémoire
Avec célérité courut dans mon dernier :
Animé par la gloire ,
Le Citoyen François compofe mon entier.
( Par M. Cauville. ) :
ÉNIG ME.
JE fuis fous deux afpects aux clamps & dans la
ville ,
Tantôt en mouvement , & tantôt immobile :
Au luxe , à la molleffe , ici je dois le jour ;
moi l'infortune a fixé fon féjour .
Là
pour
DE FRANCE. 91
Dans les champs , je tiens tout de la fimple Nature ;
A la ville , de l'Art je reçois ma parare.
Aux champs, Guillot pour moi brûle des plus beaux
feux ;
Le Marquis dans mes bras à la ville eft heureux.
Là je cours fur les fleurs dont ici l'on me pare .
Dans les champs je commande ; & d'un Maître
bizarre
Je cède dans la ville à tous les mouvemens .
Par-tout je change au gré du temps & du caprice §
Ici , je fuis muette , & fans aucuns taleas ,
Au chant du roffignol , là j'unis mes accens .
Suffit, dit mon Lecteur ; il faut que je finisc.
( Par M. l'Abbé Goffin. )
LOGO GRIPHE
-LAISSE- MOI quatre pieds , j'annonce la douleur ;
Si tu coupes men chef , Lecteur ,
De l'aimable Chloé par-tout je fuis les traces ,.
Par-tout je l'accompagne avec les Jeux , les Graces,
(Par M. Cauville . )
E 4
52 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE à M. le Chevalier de Pange ,
fur la Brochure intitulée
Réflexions fur
la Délation & fur le Comité des Recherches
; par J. P. BRISSOT DE WAR VILLE ,
un des Repréfentans de la Commune de
Paris , Membre du Comité des Recherches.
A Paris, au Bureau du Patriote
François , place du Théatre Italien ;
chez Defenne , Libr. au Palais - Royat ;
Bailly , rue St- Honoré, près la Barrière
des Sergent.
"
ON
&
Na beaucoup murmuré contre le
Comité des Recherches : on n'a pas manqué
de dire que c'étoit une inftitution de tyrannie
qui fouilloit la nailfance de la liberté ,
& à partir de ce texte , rien n'étoit plus
facile que d'établir une faite de lieux communs
de morale & de juftice qui prouvent
ce que perfonne n'ignore , ce que perfonne
ne contefte , & ce qui ne fait rien à la
queſtion .
:
Je ne fçaurois trop le redire : rien n'est
DE FRANCE. 93
plus rare , fur-tout dans des temps de trouble
, qui font ceux de l'efprit de parti , que
de faifir le vrai point de vue des questions
politiques qui divifent néceffairement les
efprits par l'oppofition des intérêts . Ecoutez
les difcuffions de l'Affemblée Nationale ;
fouvent dix ou douze perfonnes ont parlé,
& la queftion n'eft pas encore entamée :
les uns ne le veulent pas , les autres ne
le peuvent pas ; mais auffi telle eſt la force
de la vérité , que lorfqu'enfin elle eft préfentée,
vous voyez ordinairement, par l'inpreffion
qu'elle fair fur le plus grand nombre
, le réfultat qu'elle obtiendra. Les oppofans
redoublent leurs clameurs ; des parleurs
i fidieux cherchent de nouveau à
écarter la queftion & à épaiffir des nuages
autour de la lumière. Vains efforts ! la lumière
a paru , il n'eft plus poflible de
Teb'curci .
Il eſt trifte , par exemple , il est même
honteux , je l'avoue , qu'on ait perdu huit
jours à délibérer fi l'on mettront une déclaration
des droits de l'homme au devant
d'une Légiflation qui n'a d'autre but que
de les confacrer. Il eft trop vrai que cela ne
devoit pas même être mis en délibération :
c'étoit demander fi l'on poferoit les fondemens
avant d'élever l'édifice : mais auffi
ne voyez vous pas que ceux qui s'y oppofoient
auroient voulu que l'édifice ne s'élevât
jamais , & que tous les moyens leur
étoient bons pour empêcher ou du mo.us
Es
94 MERCURE
renpour
retarder le travail ? C'est la marche
qu'ils ont conftamment fuivie juſqu'à ce
jour , & qu'ils fuivront jufqu'au dernier
moment : les paffions & l'intérêt ne fe
dent qu'à la dernière extrémité. Que d'ab
furdités puériles , que de miférables fo
phifmes on débita contre cette déclaration
des droits ? C'eft de la métaphyſique
( difoit- on ) & le Peuple ne l'entendra pas.
-
-
Mais d'abord la métaphyfique , dépouil
lée de fon langage fcientifique , n'est autre
chofe que la raifon eft il bien difficile
d'expliquer les rapports qui lient les hom
mes entre eux , & de les expliquer de manière
à fe rendre intelligible pour tous ? &
puis une déclaration des droits eftelle feulement
pour le Peuple ? elle eft fur - tout
pour ceux qui , chargés d'appliquer les Loix
pofitives , doivent toujours en chercher
Pefprit dans les Loix générales & primitives
dont elles émanent. Mais le Peuple
interprétera mal cette déclaration des droits .
-Et quelle Loi , même particulière , peut
n'être pas d'abord mal interprétée : Elt- ce
une raifon pour ne pas faire des Loix ? Ce
que ce Peuple ne fait pas aujourd'hui , il
le faura demain. Des Légiflateurs travaillentils
pour un jour ? Ce Peuple étoit
ignorant , parce qu'on vouloit qu'il le fût ;
il fera plus inftruit , parce qu'il eft de
l'effence d'une Conftitution libre que le
Peuple foit éclairé . Mais c'eſt précisément
ce que ne vouloient pas les oppofans ; &
DE FRANCE. 95
ce qui leur faifoit le plus de peine , c'étoit
de voir paffer en Loi ce qu'ils étoient aecoutumés
depuis long - temps à traiter de
vaines fpéculations ; c'étoit de voir la Philofophie
, c'est - à - dire tout fimplement la
raiſon , élevée à la dignité de Légiflatrice
& placée fur un trône après avoir été fi
long- temps reléguée dans les Livres .
D'autres ne vouloient - ils pas , pour affoiblir
le danger d'une déclaration des droits
de l'homme , qu'on en fît une de fes devoirs
? Idée profonde ! comme fi dans le
dre politique il y avoit d'autre devoir que
d'obéir aux Loix ! Le refte regarde . les Pic
dicateurs de morale & les Miniftres a b
Religion. Il n'y a point de Loi qui ordonne
de faire du bien ; toutes défendent de faire
du mal , parce que leur objet n'eft pas
la
perfection de l'individu , mais l'ordre général
& la sûreté de tous . Toutes ces vérités
font vieilles comme le monde . Eh
bien ! nous avons vu le temps où il falloir
les répéter fans ceffe à une foule de gens
pour qui elles fembloient toutes neuves
& pour qui peut- être elles le font encore.
Ceux qui aiment à obferver les moyens
& les effets de Féloquence depuis que la
Révolution l'a mife à portée de jouer le
premier rôle parmi nous comme chez les
Anciens , dans ce qui intérelle la chofe
publique , ont remarqué que ce qui avoir
généralement le plus d'effet dans les Al-
E 6
96 MERCURE
femblées , c'étoit la logique & les mouveniens.
Ce font autfi les deux grands caractères
de l'élquence délibérative , qui
n'exifte réellement en France que depuis un
an. La plupart des hommes n'ont guère que
des apperçus vagues : ils font donc trèsfatisfaits
de celui qui leur en donne de
juftes & de précis ; chez eux la vérité n'eſt,
pour ainsi dire , qu'un germe : ils favent
donc beaucoup de gré à celui qui le déve-
Joppe : c'eft l'avantage d'une logique lumineufe.
Mais ce n'eft pas tout. La plupart
des hommes ou s'intéreffent foiblement
à la vérité , ou peuvent même avoir
un intérêt contraire. La vihémence des
mouvemens & l'énergie des expreffions les.
fibjague du moins pour un moment , &
ce moment fafht. Leur affentiment devient
une paffion , . & vous leur arrachez quelquefois
ce que peut être , quelques heures
après , ils ferant fâchés cu furpris d'avoir
cédé ; voilà ce qui fait l'Orateur de la chofe
publique. Tel eft , à mon gré , fans prétendre
ôter rien a grand mérite de plufieurs
autres de nos Repréfentans dont la Révo
lution a mis les talens au grand jour , tel
eft M. de Mirabeau. Il n'a sûrement pas
les avantages extérieurs qui font encore des
acceffoires importans ; mais il et paiffant
en logique , en mouvemens , en expreffions :
il est vraiment éloquent. Ce n'eft pas que j'approuve
l'animofité de fes haines perfonnelles
contre tel ou tel homme ; mais je vois en lui
DE FRANCE. 91
Phomme le plus capable d'entraîner une
grande Affemblée. Comme Ecrivain , il
pourroit épurer davantage fon ftyle ; mais
nous n'avons pas encore fur la diction
l'oreille auffi délicate que les Athéniens ou
même les Romains du temps de Cicéron ,
& nous ne fommes févères , farh correction
& le goût , que le Livre à lɩ main .
Il a de plus un autre avantage très - précieux
, c'eft la préfence d'efprit ; il fe pofsède
lorfqu'il nut les autres , & il lui eft
arrivé rarement de donner prife fur lui en
paffant 1 mefure : en cel , comme en
tout le refte , bien different de tel autre de
nos Députés à qui j'ai entendu donner le
nom de grand Orateur , du moins par un
parti , & qui n'eft en effet qu'un rhéteur
élégant , quand il n'eft pas un déciamateur
emporté ; qui n'attaque jamais de front une
grande queftion , mais qui commence par
dénaturer où écarter le principe , & le jette
enfuite dans 1s acceffoires & les lieux
communs.cù il brille ; qui , prenant l'audace
pour l'énergie , rifque à tout moment
les affertions les plus révolantes , & oublie
que l'Orateur ne fçauroit fe décréditer luimême
fans décréditer fa caufe ; & que
l'obfervation des convenances eſt une des
premières règles de l'art oratoire , d'autant
plus importante que tout le monde en eft
Juge , & que quand vous la violez , vos
adverfaires triomphent & vos partifans rougiffent.
98
MERCURE
Ces réflexions fur la manière de traiter
les grandes queftions publiques , & fur- tour
de les bien pofer , peuvent n'être pas inutiles
non feulement à ceux qui parlent ,
mais auffi à ceux qui écoutent ou qui lifent,
& que l'on cherche continuellement à égarer.
Il n'y a point d'objet qui ne préfente
plufieurs faces , & ils ne fçauroient trop fe
défier de ceux qui n'en confidèreut qu'une.
Il n'y a rien qui n'ait des inconvéniens , &
que par conféquent on ne puiffe attaquer
l'une manière fpécieufe , en ne montrant
les chofes que d'un côté. Le talent de la difcuffion
confifte à les confidérer tous , & à
rapporter le réfultat à ce principe univerfel
, le plus grand bien & le moins de mal
poffible. Si l'on avoit jugé le Comité des
Recherches fous ce point de vue , il n'eût
pas excité tant de réclamations mal fondées.
Il expofe la liberté individuelle : c'eſt un
mal qui en doute ? Il s'enfuit feulement
qu'un pareil établiſſement , s'il étoit durable
& conftitutionnel , feroit très - vicieux
& accuferoit le Gouvernement ; car un
Gouvernement qui aureit befoin pour fa
sûreté d'une autre furveillance que celle des
Loix, & qui ne pourroit le paffer de précautions
extrajudiciaires , feroit très -mauvais.
Mais ce qui ne vaut rien dans un
Gouvernement établi , peut il être utile &
même néceffaire au moment où on travaille
à l'établir ? Ce qui feroit très dangereux
étant permanent , ne peut-il pas être d'une
-
DE FRANCE.
୨୭
utilité & même d'une néceffité momentanée
Voilà la queftion . Ceux qui ont attaqué
le Comité des Recherches , ne l'ont
pas même foupçonnée ; ils n'en ont pas
dit un mot. Cependant hors de- là tout eft
verbiage & lieux communs. En la pofant,
ainfi , elle n'eft pas difficile à réfoudre , fi
on la ramène à ce grand principe qui n'eft
pas contefté : Salus Populi fuprema Lex
efto ; le filut du Peuple eft.la première Loi .
L'exiſtence d'un Comité des Recherches fuppofe
Fexiſtence de dangers qui menacent
l'Etat , d'ennemis qu'il faut rechercher. Et
dans une Révolution telle que celle qui
nous a rendu la liberté , dira- t- on que nous
n'ayons à craindre ni dangers ni ennemis ?
On n'oferoit pas le dire ; ceux mêmes qui
fe font élevés contre le Comité des Recherches
ne l'ont pas dit. Voilà donc d'abord
an fair important , un fait capital qui eft
accordé & convenu . La confequence immédiate
, également inconteftable , c'eft
qu'il importe au falut de l'Etat de découvrir
fes dangers & fes ennemis ; & les
formes ordinaires de nos Tribunaux , tels
qu'ils étoient dans un Gouvernement tranquille
& abfolu , font - elles applicables à
ces recherches que le péril préfent rend
néceffaires ? Non , fans doute. Les formes
légales des pouvoirs municipaux & judiciaires
, tels qu'on travaille à les inftituer ,
ne font pas encore en ueur , & ne conviennent
qu'à un Etat parfaitement orga
1 :0 MERCURE
nifé , & nous ne l'avons pas encore . Qu'eftce
donc que le Comité des Recherches
finon un é:abliffement momentané , une
précaution commandée par le danger , &
qui n'a d'autre but que de nous mettre le
plus tôt poffible en état de nous en paffer
? Sans doute quand la Conſtitution ſera
achevée , que les Loix auront toute leur
force , & le pouvoir exécutif toute fon
action , nous n'aurons plus de crainte
parce que les ennemis de la nouvelle Conftitution
n'auront plus rien à efpérer ; mais
jufque - là il faut veiller fans ceffe , &
quand on n'a pas le temps de camper , il
faut coucher au bivouac.
ر
{
Maintenant y at-il quelque comparaiſon
entre l'inconvénient d'arrêter fins décret
des hommes à qui d'ailleus on laiffe tous
les moyens d'une défenfe publique & légale
, & l'inconvénient de laiffer des ennemis
fecrets travailler contre vous , fans
autre crainte que l'animadverfion des Loix
ordinaires dont l'action cft néceffairement
lente , parce qu'elle fappofe un état de
chofes où le plus grand danger eft d'alarmer
ou de bleffer la liberté individuelle ,
fi chère à tout Citoyen ? Non, fans doute :
on ne peut dans une grande crife politique ,
dans un temps de difcorde & de trouble
faire aucune comparaifon de ces deux inconvéniens
: le principe d'un moindre mal
pour un plus grand bien eft donc obſervé ,
& la queftion eft décidée.
DE FRANCE. 101
Ce que j'ai réduit ici aux formes d'une
démonftration rigoureufe eft contradictoirement
développé dans 11 Lettre de M.
Brifot, lun de nos plus zélés Citoyens , &
qui , réfutant un adverfaire , fe trouve à
portée de détailler les faits & les principes
en détruifant les faufletés & les fophifmos.
On peut juger quel avantage il a fur un
homme qui commence par établir un parallèle
entre les procédés du Comité des
Recherches & l'inquifition de notre ancienne
Police , & qui croit voir une exacte
conformité entre deux chofes fi differentes
, fi ce n'eft pourtant qu'il donne la
préférence à la Police . Un rapprochement
infoutenable dans tous les points , fi
complettement abfurde , marque un étrange
aveuglement , & l'on eft trop heureux d'avoir
à combattre des ennemis fi mal -adroirs;
M. Briffor met dans fa défenfe & dans fon
ftyle la noble chaleur du patriotifme ; &
s'il lui eft facile d'avoir raifon , il lui eft
honorable de l'avoir de cette manière . Son
ouvrage eft d'un efprit qui a bien vu la
chofe publique , & d'une ame qui veut le
bien .
Sur l'article de la Délation , que l'on reproche
aux procédures du Comité des Recherches
, peut-être cût-il mieux fait & fe
feroit - il mis plus à fon aife en écartant
tout-à-fait ce mot odieux de délation , qui
eft ici mal appliqué , & s'en tenant à celui
de dénonciation , qu'il emploie le plus ſou102
MERCURE
vent & qui eft en effet le mot propre . Il
a mieux aimé s'appuyer de l'autorité de
ceux qui ont voulu anoblir le mot de délation
, mais qui n'ont pu le faire qu'en le
dénaturant. Je perfifte à croire que c'eft
donner prife fur foi que de vouloir forcer
l'acception naturelle de ces mors où l'on a
toujours attaché des idées morales d'une
grande importance . Je n'ai pas hésité à
combattre fur ce peint M. de Mirabeau
lui-même , que perfonne n'admire plus que
· moi , quand il a dit que la délation étoit
devenue une vertu. Je fais qu'on peut dé
tourner ainfi oratoirement le fans ordinaire
d'unmot, & que c'eft une figure de diction
qui appartient au talent. Mis dans
des matières fi graves , que tant de gens
font intéreffés à obfcurcir , & où l'abus des
armes furarife & aifément la confufion des
idées , il faut que le talent même ait le
courage de le refufer le mérite des figures ,
dès qu'il peut compromettre la vérité. Les
figures alors font comme ces armes d'or
qui font plutôt une proie pour l'ennemi
qu'une défenfe pour celui qui les porte. La
raifon févère & inflexible eft l'armure de
fer , l'armure impénétrable qu'il faut oppofer
aux ennemis de la liberté. C'étoit le
principe de Démosthène , celui de tous les
Orateurs qui employoit le moins les figures,
& l'himme le plus terrible qui ait jamais
manié la parole.
PERO WYWI મં
M. Baillot paroît être de mon avis dins
DE FRANCE. 103
les caractères que j'ai affignés à la délation
; j'aurois défiré qu'il abandonnât entièrement
le mot comme la chofe. Laiffons
la délation à la tyrannie ; la liberté n'a befoin
que de dénonciateurs.
M. Brillot répond avec beaucoup de rai
fon & de force à M. de Pange , qui prétend
que nous devons être tranquilles , qu'aucun
danger ne nous menace , que toute alarme
eft périle & criminelle même. » On ne vous
croira point, tort dépofe ici contre vous ;
» les mouvemens des Etats qui nous en-
"
tourcnt , des troupes dans la Savoie ,
» des troubles dans la Flandre , qui vont
» être la cauſe d'une guerre dont la cauſe
» peut nous gagner , d'une guerre qui va
fervir de prétexte au raffemblement de
» troupes refpectives , raffemblement tou-
» jours dangereux pour un pays libre , tur
» tout quand il n'eſt pas hors de crife, fur-
» tout quand les Provinces qui avoifinent
» le théatre de la guerre font remplies des
» ennemis du bien public. - La ligue ,
prefque publique , de Puiffances qui ne-
» peuvent avoir pour objet que de nuire
» à nos intérêts , l'affoibliffement & la nullité
de nos Alliés au dedans , l'épuife-
» ment ou l'enfeveliffement de notre nu-
» méraire , le difcrédit complet , les rava-
» ges du papier - monnoie , la décompofi-
"
33
tion de notre armée , l'effroi général de
» tous les états , de toutes les profeflions ,
les mécontentemens de tous ceux que la
1104
MERCURE
"
"
révolution ruine momentanément , l'i-
» gnorance générale qui s'afflige trop de
ces pertes momentanées , & qui ne fait
» pas voir la profpérité dans le lointain ,
» le conflit entre tant d'intérêts qui s'agi-
» tent pour enlever les places dans le nou-
» vel ordre de chofes , & par-deffus tout ,
l'efprit peftilentiel de l'ariftocratie , qui ,
» quoique fans armées , fans plan , fans
» argent , n'en agite pas moins les provin-
» ces ; les écrits incendiaires qu'elle dif-
"
""
""
fémine par-tout ; fa force dans l'Affem-
» blée Nationale , qu'elle cherche à déshonorer
ou à diffoudre ; les efforts qu'elle
emploie pour tromper le meilleur des
» Rois , pour égarer les Peuples , pour ſouf-
» fler la guerre civile au milieu d'un Peu-
» ple qui , appelé par fes lumières & fon
» courage à la liberté , a une foule immenſe
de corrupteurs autour de lui «‹.
Ce tableau eft effrayant ; il eft fidèle ;
mais on peut regretrer que l'Auteur n'en
ait pas montré le revers ; car , fi les bons
Patriotes s'affligent de nos maux & de nos
périls , les mauvais Citoyens font affez
aveugles pour en triompher , con me s'ils
n'y étoient pas expofés eux - mêmes ,
peut être plus que les autres. Il faut que
la Nation fache voir à la fois , & ce qu'elle
a à craindre , & ce qu'elle peur. La mépriſe
fur l'un ou l'autre de ces objets eſt également
dangereufe.
&
On conferve aujourd'hui , j'oſe le dire ,
DE FRANCE.
105
trop de défiance du pouvoir exécutif. On
craint qu'il ne tende à redevenir abfolu :
cela eft impoffible . Tous les genres de
pouvoirs font armés contre le defpotifme
: il ne renaîtra pas , & c'eft une vérité
que je crois générale , que le pouvoir
qu'on vient d'abattre eft celui de
tous qu'il faut craindre le moins. Ce qu'il
faut craindre le plus , c'eft l'excès contraire ,
où naturellement l'efprit humain fe précipite
par fa première impulfion , c'eſt l'infubordination
& l'indépendance qui produifent
& prolongent l'anarchie ; c'eft
l'erreur trop commune qui fait que chacun
croit avoir le droit de gouverner , parce
qu'il a te droit d'être libre. Je l'ai déjà dit
& je le répète c'eft la plus funeſte de
toutes les erreurs ; c'eft précisément quand
tout le monde gouverne que perfonne n'eft
libre. François , gravez bien dans votre
efprit , & méditez fans ceffe cette vérité :
quand vous ferez auffi foumis à la loi , par
reſpect & par devoir , que vous l'étiez
autrefois au defpotifme par crainte ou par
intérêt , alors
:
carious
ferez vraiment
libres
;
car fi l'esclavage' n'et autre chofe que
l'obéiffance à un homme , la liberté n'eft
autre chofe que l'obéiffance à la loi .
Mais il y a cette heureufe différer ce que
l'efclave obéit mieux aux defpotes en
raifon de ce qu'il eft plus vil , & que
l'homme libre obéit mieux à la loi, en raifon
de ce qu'il eft plus grand . C'eft avec le
106 MERCURE
•
fentiment de la plus noble fierté qué l'on
fe courbe devant la loi : ne voyez -vous
pas que c'est un hommage que vous rendez
à la volonté générale , qui eft la vôtre ,
& qu'en lui cbéiffant , ce font vos propres
droits que vous exercez & que vous confacrez
? L'anarchie eft la dernière eſpérance
de vos ennemis ; vous ne pouvez les fervir
mieux qu'en la prolongeant. Montrez leur
l'amour de l'ordre : ils tomberont dans le
découragement.
Ne craignez point la guerre civile : le
Roi feul pouvoir la faire , s'il fe fu éloigné
au moment de la révolution. Aujourd hui
il ne le peut pas , & ce qui vaut mieux
encore , il ne le veut pas le temps
des défiances cft paffe. Louis XVI eft
enchaîné par fes propres vertus , par fa
gloire , par fes. fermens : on ne re ient
pas de fi loin à li face de l'univers on
ne renonce pas a plus beau titre que
jamais mortel ait porté , à celui de Reftaurateur
d'un grand Erat , de Chef d'un
Peuple libre , pour pendre les titres de
parjure & d'ufurpatear ; car un Roi qui
voudroit régner fur 1: s François autrement
qué par la loi , ne ferai plus qu'un tyran
& un ennemi public. François , fuyiz juftes
envers votre Roi , il a été jufte envers
vous. La trahifon & 1 perfidie ne font
pas faites pour un coeur tel que le fien
& l'amour que vous lui témoignez & qu'il
a fi bien mérité vous répond à jamais de lui.
DE FRANCE. 107
Il n'en eft pas de même de la guerre
étrangère : elle eft à craindre. Ce n'est pas
que je croie à ces vains propos que l'on
répète , que la caufe commune des Souverains
doit les armer contre une Nation qui
veut être libre. Les Souverains ne font
jamais caufe commune pour quoi que ce foit ;
ils font trop néceffairement divifés par leurs
intérêts particuliers . L'union de trois Puiffances
pour le démembrement de la Pologne,
n'eft pas une exception à ce principe :
la Pologne étoit fans défenſe , & déjà fous
la main d'une des trois Puiffances copartageantes
, la Ruffie . Encore , combien
de précautions & de défiances réciproques
dans l'exécution de ce partage ! Mais on
ne fe partageroit pas la France comme la
Pologne , & cette idée eft trop extravagante
pour que l'on s'occupe à la r fater.
Mais la France a des ennemis naturels
qui peuvent avoir des reffentimens à ‹ xercer ,
des pertes à revendiquer , & qui peuvent
croire l'occafion favorable. Ce danger n'eft
pas imaginaire. On a dit qu'il n'y avoit
point d'ennemis naturels , point d'alliés
naturels ; que c'étoit des préjugés que la
philofophie alloit détruire, Caft beaucoup
trop préfumer de la philofophie & des
Souverains , & même des Peuples. Il y a
& il y aura long-temps , pour ne pas dire
toujours , des Nations naturellement ennemies
, & ce font celles dont les intérêts
font oppofés. Il y a des Nations natyrel108
MERCURE
a
lement alliées , & ce font celles qui n'ont
rien à fe difputer , ou qui même ont des
intérêts communs. On a paru croire que
la France pouvoit s'ifoler dans l'Europe ,
& n'avoir de guerre qu'autant qu'elle le
voudroit. C'eft encore une fottife . Aucune
Puiffance n'eft affez confidérable pour ne
pouvoir être forcée à la guerre. La meilleure
politique confifte à fe mettre en état
de ne pas craindre la guerre. Mais qui
pourroit nous la faire ? Quelles font les
Puillances que nous pouvons redouter 2
Je ne crois pas que ce foit l'Empereur :
il fe paffera encore du temps ( & nous
n'avons befoin que du temps pour
être en meſure ) avant que Léopold foit
débarraffé des Turcs & des Pruffiens ,
& le fage Léopold , qui gouvernoit la
To cane en Philofophe , doit fentir le
befoin de la paix après une guerre fanglante
& difpendieufe. Il lui faut trente
mille Autrichiens pour reconquérir la feule
province du Brabant , & l'on veut qu'il
tente uhe invafion dans les nôtres ! Il
faudrait qu'il fût bien sûr que l'ambitieux
Praf en n'envahiroit pas le refte de la
Silefie , pendant qu'il feroit en Alface ou
en Lorraine , & que fes fujets de Boheme
& de Hongrie ne lui dennaffent aucune
efpèce d'inquiétede. Les chofes n'en font
pas- là il s'en faut de beaucoup. Je ne
parle pas du traité d'abance que nous
avons avec lui. Je compte les traités pour
rjeni
DE FRANCE.
109
rien ; je n'examine que les ' intérêts ; ce
calcul eft bien plus sûr.
Les Princes Allemands qui ont des poffeffions
en Alface, & qui réclament , dit -on ,
contre la fuppreflion des droits féodaux ,
no fe détermineront pas à agir feuls : il
faut qu'ils foient foutenus par la Prufle.
C'est aujourd'hui une Puillance prépondérante
, accoutumée & difpofée à envahir ;
elle a une armée formidable ; mais fi l'Empereur
doit la craindre , elle doit craindre
aufli l'Empereur : il faudroit donc qu'ils
s'accordaffent ; cela eft poffible , mais peu
probable.
L'Angleterre enfin ? ..... Ici le péril eft
plus prochain ; il eft inftant. L'Angleterre ,
qui depuis cent ans a l'avantage qui nous
manquoir , celui d'avoir un efprit public ,
parce qu'elle a une conftitution , & que
nous n'en avions pas ; l'Angleterre n'a
jamais perdu de vue un moment le projet
d'agrandir la marine & fon commerce
qui font fa puiffance, & toujours à nos
dépens. Elle n'a pas fait , depuis la paix
d'Utrecht , un feul traité où elle n'ait rempli
cer objet , même à la paix qui a terminé
5
guerre d'Amérique , où elle n'a perdu
que ce qu'elle devoit néceflairement perdre,
& a confervé & même augmenté fa
prépond rance dans l'Inde. Elle arme dans
ce moment , & biemot elle aura , dit- on ,
foixante vaiffeaux armés. Elle peut forcer
les Efpagnols , fi nous les abandonnons ,
Nº . 34. 21 Août 1799. F
HO MERCURE
à un traité qui nous feroit très- préjudiciable
, & qui anéantiroit en grande par ie
les avantages que le pacte de famille affere
à notre commerce . Il est toujours dangereux
'de laiffer affiblir fon allié & fortifier fon
ennemi. C'est acheter trop cher une paix
d'un moment ; car fi vous obtenez la paix
en montrant de la foib'effe , dans fix mois
vous aurez la guerre , & vous l'aurez avec
moins de reffources & plus de défavantages.
J'entends parler de la générofité angloife.
C'est une chimère d'y compter ; c'eſt une
honte d'enavoir befoin . Ne comptez jamais
dans l'ordre politique fur la générosité d'un
ennemi ; & en légiflation , ne comptez
jamais fur la vertu ( 1 ) ,
*
( 1 ) Ce n'eft pas fans raifon que j'ai mis en
avant cette maxime . Une économie mal- entendue
& un héroïfme toujours aifé en paroles , ont fait
dire à bien des gens qu'il ne falloit pas payer ,
ou du moins qu'il falloit payer très-peu les Offices
Municipaux gardez-vos en bien. L'homme
honnête , éclairé & pauvre , les refuſerait, & vous
établiriez dans les Municipalit's l'ariftocratic des
riches. On facrifie tout à la Patrie par un noble
enthouſiaſme ; mais l'enthoufiafme n'eft jamais
un état habituel ; & un falaire convenable pour
fervir la Patrie n'a rien que de décent & d'honorable.
L'intérêt particulier peut céder un ' moment
à l'intérêt public dans une grande Révolu
tion qui exalte les ames ; mais dans un état de
chofes durable , ténez pour principe de ne jamais
Téparer l'intérét particulier de l'i - térêt général
c'eft un axiome de tous les temps, p
•
ป
DE FRANCE.
Ceux qui mettant tout au pis , & fuppofant
la perte de nos Colonies & la ruine
de notre commerce , qui entraînercit celle
de notre marine , regarderoient cette perte
comme un malheur à peu près étranger à
la France & à fa profpérité intérieure , fe
tromperoient beaucoup. D'abord , pour le
moment préfent ; il n'est pas indifferent de
ruiner trois ou 400 mille perfonnes &
plufieurs villes principales : c'eſt à la fois
un malheur & un danger. Dans une révolation
, ceux qui fouffrent font toujours'
à craindre. De plus , comment fe perfuader
que la France , fituée fur les deux.
mers , ne foit pas naturel enuen: obligée
d'être une Paillance maritime , fous peine
d'être ruinée , écrafée & av.lie ? La liberté
eft une belle chofe ; mais il ne faut pas'
s'imaginer qu'elle tienne lieu de tour ; &'
l'amour de la liberté doit - il nous rendre
intérens fur tout ce qui appartient
à l'exiſtence d'une grande Nation Un
fentiment fait pour nous élever & nous
agrandir doit - il nous reftreindre & nous.
rabailler Quand on cft affez fier pour
vouloir être libre chez fci , il faut l'être
affez pour vouloir au ne pas craindre les
autres. Que faire done ? Deployer tout le
courage & toutes les reffources que doir
toujours avoir une Nation teile que la
nôtre ; montrer que la France eft affez forte
pour élever d'une main l'édifice de la conftution
, & combattre de l'autre ceux qui
F 2
112 MERCURE
oferoient nous troubler dans ce grand ou- ,
vrage; annoncer hautement que nous fommes
incapables d'abandonner nos alliés ,
ce qui feroit nous abandonner nous- mêmes ;
enfin , nous réi gner à tous les efforts , à
tous les facrifices : ceux qui fongeroient
aujourd'hui à y mettre de la mefure , fe-.
roient un bien mauvais calcul . Epargner
quelque chofe aujourd'hui , c'eſt rifquer
tout pour l'avenir. Donnons tout pour
avoir une conftitution ; car , dès que nous:
en aurons une bien affermie , nous aurons
bientôt recouvré tout..
-
Mais une guerre qui met les forces de
l'Etat à la difpofition du pouvoir exécutif
ne menace-t- elle pas la liberté ?
la liberté ? - Il eft.
vrai que nous n'en fommes pas encore à
une époque où nous puiflions être , à cer
égard , au deffus de toutes les alarmes &
de toutes les défiances. Mais pourtant , ne
les pouffons pas trop loin . La vigilance eft
toujours néceffaire ; la défiance eft feuvent
trompeufe : elle ne voit que le pallé , ou-.
blie le préfent & calomnie l'avenir.
D'abord ceux qui tenteroient une contrerévolution
ne feroient pas moins les ennemis
du Roi que de l'Etat ils feroient doublement
criminels & doublement odieux en .
s'appuyant fauffement de fon nom : il eft.
au milieu de nous. I's expoferoient à un
péril imminent tous ceux qui font fufpects
de hair la nouvelle conftitution , ou qui fe
font ouvertement déclarés contre elle. Enfin ,
>
:
DE FRANCE.
I 3
croit- on qu'il fût fi facile de faire oublier
à nos follats & leurs fermers & leurs intérêts
? Avolent-ils beaucoup à fe louer du
régime précédent ? & n'en favent - ils pas
allez pour être convaincus qu'il vaut beau- *
cupmieux pour eux , fous tous les rapports , '
être les foldats de la Nation que les foldats
du Roi ? La féduction ne pourroit jamais
ête que partielle & momentanée. Le plus
grand nombre fera toujours fidèle , & nous
répondra des autres.
Je craindrois beaucoup plus l'anarchie :
on ne peut fe diffimuler que deux chofes
principalement encouragent les ennemis de
la Révolution , indifcipline militaire qui
s'eft manifeftée dans plufieurs ' endroits ,
& le refus de payer les impôts , qui a
troublé plufieurs provinces. Il fuffit de voir
combien les Ariftocrates en triomphent
peur fentir combien les Patrio es doivent
s'en affliger. J'ai peine à concevoir comment
des foldats François ne mettent pas leur
honneur à obéir à la Loi & au Roi , comme
auparavant ils obéiffoient au Roi feul. Quant
au peuple , qui ne voit guère que l'intérêt
du moment , je conçois trop bien comment
il croit gagner ce qu'il ne paye pas. Mais
s'il favoit le mal qu'il fe fait ! Si tous ceux
qui font à portée de lui parler journellement,
les Curés , par exemple , lui répétoient fans
ceffe qu'on ne payant pas ce qu'il doit à
l'Etat , il mer l'Etat dans l'impuillance de
payer ce qu'il doit , & qu'une banqueroute
F3
1741 MERCURE +
peut ébranler une conftitution qui feranécellairement
fon bonheur ! à Paris du
moins il paroît l'avoir compris : mais Paris
eft le centre des lumiè es , & tant de gens
font ce qu'ils peuvent pour empêcher
qu'elles ne fe répandent !
Prefque à l'inftant où M. Briffet juſtifioit .
victorieufement le Comité des Recherches ,
il paroiffuit un rapport rédigé par M. Garan
de Coulon , Membre de ce Comité , &
qui fait également honneur au Comité &
au Rédacteur : il s'agit de la dénonciationd'an
complot attribué à M. de Maillebois.
L'affaire eft maintenant au Châtelet , &
dans tout ce qui eft fait pour être contradictoirement
plaidé , il faut , comme je
l'ai dit ailleurs , attendre l'inftruction &
écouter toutes les parties pour prononcer
un jugement , quoique chacun puiffe , en
fon ame & confcience , pefer les préfomp,
tions & les probabilités morales . Je ne
parle ici de ce rapport que pour faire obferver
la fag ffe , l'intégrité , la modération
qui règnent dans les procédures , & dans
les , interrogatoires. Rien ne reffemble ici
à l'ancienne méthode judiciaue . Rien d'indieux
, rien de dur , rien de defpo ique.
Partout une marche fimp'e , claire , franche
& loyale. On ne tend point de pièges à
l'accufé ( M. Bonne- Savardin ) ; or fe contente
de lui remontrer les contrad Etions.
où il tombe de lui -même , & il n'a nulle
part à combattre que la raifon , la vérité
& fa confcience.
DE FRANCE. fif
Une chofe , à mon gré , manque à ce
rapport. Dans le plan de la conſpiration,
donné par le dénonciateur , il eft dit que
l'on fe propofoit d'engager MM. Mounier
& Lally Tolendal à rédiger un manifefte
pour foulever les provinces au moment où
les troupes étrangères y entreroient. Il étoit
de la justice , ce me fenble , d'obſerver
qu'un pareil deffein de la part des confpirateurs
ne forme non feulement aucune
preuve , mais même aucune préfomption
contre les deux hommes dont ils fe flattoient
d'employer la plume. J'ai penfé comme tous
les bons Citoyens fur la retraite de MM .
Mounier & Lally Telendal : je crois qu'il
n'eft permis , en aucun cas , de quitter le
pofte où la Patrie nous a placés : je regrette
que deux hommes célèbres , qui avoient
montré des talens & des vertus , fe foient
cendamnés à les rendre inutiles . Leurs expofes
ne m'ont point convaincu . Je perfifte
à penfer que les Membres d'une Affemblée
légiflative & conftituante font religieufement
tenus d'y refter , quand même leurs
opinions ne s'accorderoient pas en tout avec
fes décrets . Ne dût en faire du bien à
l'E at qu'un feul jour , la vertu eft là pour
attendre ce jour. Mais , d'un autre côté
je ne fuis nullement de l'avis de ceux qui
regardent comme nos ennemis ceux qui
n'n pas fait tout ce qu'ils devient faire .
C'eft manquer à la fois à l'équité & à la
politique que de fe hâter ainfi de compter
116 MERCURE
parmi les méchans & les pervers ceux qui
n'ont été que foibles ou prévens . Onpeut,
par trop de fenfibilité , ne pas réfitter au
fpectacle des défordres & des crimes inféparables
d'une Révolution violente ; on'
peur, par trop d'amour propie, être bleffé
de n'avoir pu faire prévaloir ton opinion :
mais combattre fa Patrie après l'avoir fervie
; mais fe rendre les vils inftrumens d'en'-
complot abominable , devenir les prédica -1
teurs de la réele & les trompetes de la
guerre civile ! ce font des lâchetés & des '
atrocités don je crois bien incapables des
hommes tels que MM . Meunier & Lally.
Tolenda!.
Une autre faute plus grave , c'eft de
donner comme un motif de dénonciation
que rel homme n'a ceffé de témoigner fa
haine & fon mépris pour l'Affembée Nas
tionale & pour la nouvelle Conftitution .
On ne doit dénoncer ni la kaine ni le mépris
c'est dénoncer les fentimens & les
pentées , que la tyrannie feule veut allujettir
, & que la loi ne domine point. La
lci ne commande qu'aux actions : elle n'a
rien à voir aux difcours ni même aux
écrits , à moins qu'ils n'expriment publiquement
la defobéifice & la révolte , &
dans ce cas feoul , c'eft un délit contre
Fordre public, Celui qui dit à fes concitoyens
: Foulez aux pieds la loi ; abattez
» des rétes que la loi n'a point condam-
13
nées ; frappez les victimes que je vais
DE FRANCE. 117
» vous défigner , & c. '« celti là n'eft coupable
que d'un degré de moins que s'il
faifoit tout ce qu'il veut qu'on faffe. Il eft ,
clair qu'il eft affaffin & perturb teur public
autant qu'il eft en lui de l'être ; il doit
être févèrement puni. La dénonciation
contre des difcours qui ne portent point
ce caractère , eft a bitraire & illégale ; car
elle pourfuit ce que la loi ne défend
point.
Au refte , ce complot imputé à M. de
Maille bois n'eft pas plus fenfé que tous
ceux dont le bercent encere ceux qui ef-›
pèrent une contre - révolution. Cn Y demande
tout fimplement au Roi d : Sardaigne--
25 mille hommes , qui font à peu près tout
ce qu'il a de troupes, & 7 on 8 millions:
que probablement il n'a pas de refte. On
n'oul lie qu'une chofe , c'eft de dire ce
qu'on lui donnera en retour ; car apparen
ment il ne donneroit pas fon argent & fes
troupes pour rien : cette politique n'eft pas
à l'ufage des Souverains. Enfuite on ne
projette rien moins que de faire traverſer
la France à ces 25 mille hommes , pour ve--
nir bloquer Paris & l'amener à réfipifcence.
Sans doute on croyoit que cette armée de
2 mille Piémontois traverferoit la France,
comme les 30 mille Macédoniens d'Alexandre
traverfoient l'Afie. Mais quand ce feroient
, pour me fervir d'une e preffion
plaifante de Voltaire , so mille Alexandres
payés à 4 fous par jour , je crois qu'ils
118, MERCURE
trouveroient encore quelque difficulté fur
leur route.
"
Ce n'en eft pas moins le cas d'appliquer.
la réflexion judicieufe de M. Briffot : Dans ,
» la fureur qui égare l'ariftocratie , vingt
projets fe forment chaque jour : ce font
vingt extravagances , je le veux ; mais ne
" doit- on pas furveiller des fous ? mais un ,
fou ne peut - il pas avec une étincelle
caufer un incendie “?
و ر
هرمع
دو
ود
*
Les bons Citoyens ont remarqué avec
plaifir ce qu'on dit de M. de Montmorin
dans une lettre de Turin , où l'en rend
compte des voeux & des projets de nos ,
ennemis. On voudroit aufli éloigner des .
Affaires Errangères M. de Montmann , -
" dont on ne peut rien efpérer « . Ce témoignage
honorable n'eft pas fufpect. En
effet , il n'y a rien à espérer que de patriotique
de la part d'un Miniftre qui , perfon- ›
nellement attaché au Roi dès fon enfance ,:
ne l'a jamais ni flutté ni trompé , qui cft
attaché à la Patrie & au devoir par prin.ipe :
& par fentimens , & qui eft conduir ent
tour par un jugement sûr & un coeur droit
& incorruptible.
( D ...... )
DE FRA N.C E.
#
Table Alphabétique de l'Hiftoire Univerfelle ,
partie moderne , traduire de l'Anglois par une
Société de Gens de Lettres . Tome rr. eu 121
de l'Ouvrage. A Paris , chez Moutard , Impr-
Libr. de la Reine , rue des Mathurins , Hôtel de
Cluni.
On peut juger de l'utilité de ces Tables par
celles de l'Hiftoire Ancienne , qui forment les
Tomes 37 à 40 de l'Ouvrage.
Les Tables de l'Hiftoire Moderne auront ( 6
Volumes ; favoir , 3 de Table Alphabétique , &
3 de Table Chronologique.
x
La Soufcription de ces 6 Volumes , pour Paris ,
eft de 24 liv. , & pour la Province , de 28 liv.
f. fanc de port par la Poſte. 4
་ .
Le Tome 122 ou Tome 2 de la Table Alphab.
paroîtra le 10 du mois prochain , ainfi que le
Tome 124 cu er. de la Table Chronologique ;
les 3 autres paroîtront avant la fin de l'année.
Les perfonnes qui n'auront pas fonferit , ne
pourront le procurer ces Tables pour aucun prix
parce qu'on ne tire que le nombre arrêté par
MM. les Soufcripteurs,
> MusIQUE.
Journal de Guitare , ou Choix d'Airs nouveaux,
avec accompagnement , 8c.b Cahier Le prix de
la Soufcription pour 12 Cahiers , avec les Etrennes
de Guitare , eft de 18 liv. Chaque Cahier fe
vendra féparément 2 liv. , & les Etrennes 7 liv .
f. A Paris , chez M. Porro , rue Tiquetonne ,
No. 16.
120 ก
MERCURE DE FRANCE.
A VIS .
LE Sr. Hériffen , Arquebufier , rue des Tournelles
, au Mara.s , Nº . 6 , vient inventer un
Reffort de v ture . qu neus parcit digne d'etre
recom a dé a . Public. Lalons parer en fa faveur
MM. le Commillares d'académie des
Scien.es , cha gés d en fa re l'examen .
C. Reffort, int ces Meffieurs , qui eft en C ,
eft composée trei feuiles qui ne font percées
en ancun endroit de leur 1. ngueur , & qui s'attachent
a la voiture par le moyen d'une pride qui
palle dans deux oreilles dont chaque feuille eft
garnie : il y a aufli vers le bout fupérieur de iráque
feuil e deux appendices foudés qui embraffext
les fe les intérieures pour les empecher de galler
de coté. Toutes ces feuilles nous ont paru de bon
acier & bien trempées Pour éprouver le degré -
de force de ce Reffort , nous l'avons foumis aux
épreuves fuivantes «<.
Après le récit de ces épreuves multipliées , qui
ne doivent laiffer aucun doute fur la fuper orié
de ce nouveau Reffort , MM. les Cominiftaires
sajoutent :
» Nous penfons que le Sr. Hériffon eſt un Ar-
Ztifte très-excellent dans la conſtruction des Ref
forts de voitures, & que ceux qui prendrom de fes
Refforts , après toutefois les avoir foumis aux
épreuves ci-deffus , feront sûrs d'en avoir d'excel-
Signés Vaudermonde & Briffon.
Je certifie le préfent extrait conforme à l'originał
& au jugement de l'Acadéinic.
lens «.
Le Marquis de Condorcet.
TABLE.
85 Charade , Enig. Log.
VERS.
Les dexx Frères. 89 Leurs.
..
MERCURE .
DE FRANCE.
SAMEDI 28 AOUT 1790 ..
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
1
QUA TRAIN
SUR LA MORT D'UN BON PÈRE.
Flebilis occidit, HOR.
Mert ! tu nous ravis le père le plus tendre ;
Par fes rares vertus nous comptons nos malheurs.
Comment lui refufer le tribut de nos pleurs ,
Quand ce font les premiers qu'il nous ait fait ré--
pandre ?
( Par M. l'Abbé Dournean. )
N°. 35. 28 Août 1790 M
ANAMI
PEDDADM
122 MERCURE
MORT DE PROCRIS ,
Racontée par Céphale , au 7. Livre des
Métamorphofes d'Ovide.
APPRENE PPRENEZ mes malheurs, ô Prince magnanime !
La fource du bonheur a commencé leur cours .
Qu'eft devenu ce temps de mes premiers amours ,
Où d'une tendre époule , époux tendre & fidèle ,´
Je faifois fon bonheur , & fus heureux par elle ?
Chaque jour plus aimé, chaque jour plus épris ,
Céphale à Vénus même eût préféré Procris ;
Procris à Jupiter cût préféré Céphale.
Dans ces jours de bonheur, quand l'aube matinale
Avoit de monts voifins redoré les fommets ,
J'allois faire la guerre aux hôtes des forêts.
Sans fuite & fans limiers , mon audace facile
Dédaignoit des filets l'attirail inutile ;
Mon dard faifoit ma force . Après de longs travaux ,
Fatigué , je cherchois & l'ombre & le repos.
Au fond de ces bofquets où la fraîcheur refpire ,
J'aimois à recueillir l'halcine du Zéphyre ,
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
DE FRANCE. 123
Et ce frais des vallons , délices des chaffeurs ,
Cent fois, je m'en fouviens, j'implorois fes faveurs ;
Là fouvent je chantois :
Aure ( 1 ) ,
Viens , ô viens aimable
» Viens donner quelque trève au feu qui me dévore.
» Gliffe-toi dans mon fein , paffe jufqu'à mon coeur
"3 Soulage , appaife , éteins ce que j'y lens d'ardeur « .
Infenfé ! je femblais, d'une voix douce & tendre,
Exhaler ces foupirs que l'amour fait entendre :
J'obéiffois au fort . » Toi qui fais mes plaiſirs ,
» Aure , viens, je t'attends, viens calmer mes défirs .
» Tei pour qui je me perds en cette folitude ,
» T'y chercher , t'y trouver eft ma plus douce
» étude «‹.
On m'entendit. On croit qu'appelé tant de fois,
Ce nom d'Aure eft le nom d'une Nymphe des bois ;
Et fur ce faux foupçon un voiſin téméraire
Va conter à Procris mon crime imaginaire .
Que le coeur eft crédale , & fur -tout en amour!
Procris s'évanouit ; fon oeil fe ferne au jour :
I
( 1 ) Aure , en latin Aura , veut dire un vent frais. Ce
nom pouvoit être au fi celui d'une perfonne , tel que le
nom d'Autore , de Flore , &c . C'ck cette équivoque qui
donne lieu à la cataſtrophe ,
G 2
124
MERCURE
Puis , revenue à foi , s'écrie : Infortunée !
Sous quel aftre perfide , ô ciel ! fuis -je donc née ?
Elle accufe ma fei : fa vaine crainte , hélas !
Redoute une chimère , & voit ce qui n'eft pas.
Cependant elle doute , elle fe flatte , eſpère ,
Blâme , à de faux rapports , fa croyance légère ,
Et ne veut pour témoins en croire que fes yeux.
L'aube avoit chaffé l'ombre , & fait blanchir les
cieux.
Je fors , cours dans les bois ; & las d'un long carnage
,
J'invoque , affis au frais , l'air doux qui me foulage.
Aure , viens, tu le peux , viens charmer mcs tra-
» vaux ;
» Viens , je languis «. J'entends à travers les rameaux
Je ne fais quels foupirs répondre à ma parole ,
Je pourfuís, » Hâte-toi , douce fille d'Eole ,
» Je me meurs «. Un rameau qui frémit à l'écart ,
Là m'annonce une proie , & j'y lance mon dard,
C'étoit Procris. Je meurs , & c'eſt toi qui me tue ,
Me dit-elle. A ce cri d'une voix trop connue ?
Je cours, ah ! quel afpect ! je vois, hélas ! fon flanc,
Ses voiles , fes habits tent baignés de fon fang,
DE 125 FRANCE.
Je la vois retirer de ce coeur fi fidèle
Ce dard , ce même dard que j'avois reçu d'elle.
D'un objet fi chéri malheureux affaffin ,
Je la prends , la foutiens , la preffe fur mon fein.
J'arrache fes tiffus pour nouer fa bleſſure .
Je la rappelle au jour , l'embraffe , la conjure
De ne pas me laiffer le crime de fa mort.
Procris pour me parler fait un dernier effort :
Ah ! par les Dieux du Ciel, par ceux de l'Hyménée ,
Par ceux du fombre Erèbe où je fuis entraînée ,
Enfin par cet amour , 'caufe de mon trépas ,
Qui, même quand je meurs, ne m'abandonne pas ,
Promets à ta Procris , que jamais , ô Céphale !
Aure ne fouillera fa couche nuptiale .
Elle dit; & je vois trop tard pour mon malheur ,
Que ce nom a caufé mon crime & fən erreur .
Hélas ! de fes foupço is vainement éclaircie ,
Procris avee fon fang perd un refte de vie.
Je la vois fur mes yeux tourner les yeux mourans,
Et fes derniers foupirs fur fes lèvres errans
Semblent pour fon époux exhaler fa belle ame.
Elle meurt, mais du moins elle emporte ma flamme,
Par M. de St- Ange. )
G ;
126 MERCURE
A Mible. ………….. .....
en lui envoyant une Refe.
Air : Avec les jeux dans le Village , &c .
PRESENTER une Rofe à Flore ,
Ah ! c'est éclairer le Soleil :
Il faudroit un grain d'ellébore
A l'auteur d'un projet pareil ;
Mais quand l'Amour la fait remettre
On doit pardonner de bon coeur ;
Un aveugle feul peut commettre —
Une auffi ridicule erreur.
( Par M. Ravrio. Į
7
ÉPIGRAMME.
-LISE , dont le bruyant caquet
Ne peut fe comparer qu'à celui de l'Agace ;
Life , pour un Sourd & Muet ,
Chez le docte Sicard veut fonder une place :
D'après ce généreux projet ,
Que penfez -vous de Life , inginu Boniface ?
-Qu'elle ne voit point de difgrace
Capable d'inſpirer un plus g and intérêt.
( Par M. l'Abbé Dourneau . )
DE FRANC E. 127
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Milice ; celui
de l'Enigme eft Bergère ; celui du Logogriphe
et Cris , où l'on trouve Ris.
CHARADE , Conte.
COMME un certain Particulier ,
Pour une faute aflez griève ,
Souffroit beaucoup à mon premier ,
Frère Abel , homme fingulier ,
Venoit à paffer par la Grève.
Malgré la pluie & mon dernier,
Avec la gent Parifienne ,
Curieufe autant que Chrétienne ,
D'abord il fe mit à prier ;
Puis d'un ton de doléance ,
Rompant tout à coup le filence :
Hélas ! s'écria -t-il , kélas !
Ce malheureux ne feroit
Fas
Venu , fans doute , à la potence ,
S'il cût joui de l'abondance
Qu'en faifant un pienx métier ,
On trouve toujours dans l'entier .
( Par M. N. D. de Neuville aux Loges. )
G4
128 MERCURE
ÉNIGM E.
Pour la paix & pour l'union ,
Sous les aufpices du Monarque ,
Et fous les miens marche la Nation.
De la Confédération
Je fuis la glorieuſe marque ;
Le François fatisfait me porte avec fierté ;
A ma fuite eft fans différence
Le Comte , le Baron , le Marquis , l'Excellence ;
Par tout on voit parfaite égalité ;
Après moi fuit la Liberté ,
Que fait chérir un Citoyen fidèle ;
Orné de blanc , & de rouge , & de bleu ,
De tous je fuis l'unique voeu ;
Avec le rouge feul je contiens de rebelle ,
Et mon aſpect donne la Loi ,
Non fans répandre un peu d'effroi.
( Cauville , Curé de St- Maixme , )
•
LOGO GRIPH E.
AVEC trois pieds , Lecteur , je fuis vivant ;
Coupe mon chef, & prends-moi par-devant ,
Toujours je fuis fuilla ; puis prends - moi parderrière
,
J'annonce le mépris : voilà mon caractère .
( Pur le même, )
DE FRANCE. 129
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
ESSA 1 fur les Réformes à faire dans
notre Procédure Criminelle , par M. DE
COMEYRAS , Avocat au Parlement , cidevant
l'un des Membres du Comité de
Légiflation. A Paris , chez Defenne ,
Libraire , au Palais- Royal.
LA néceffité d'une réforme dans notre
Jurifprudence Criminelle , éroit fentie depuis
quelques années par les partifans de
l'ancien régime , preſque aufli vivement
qu'elle l'a été depuis la révolution par les
plus grands amis de la liberté , mais plufieurs
obftacles s'oppofoient à cette réforme.
On craignoit fur- tout qu'elle ne devânt le
fignal de beaucoup d'autres moins univerfellement
défirées ; on craignoit fur- tout
que les principes qui s'établiroient néceffairement
dans une difcuflion de cette importance
ne s'appliquaflent trop naturellement
, & comme d'eux- mêmes , à d'autres
objets qui intéreffoient le Gouvernement
d'une manière plus immédiate . On fentoit
gh'une portion confidérable de l'édifice
GS
130
MERCURE
"
focial ne pouvoit fe renverfer & fe reconftrui.
e , fans que l'édifice , d'jà miné
de toutes parts , ne fût ébranlé jufque dans
fes fondemens . Voilà , plus que la maavaife
volonté , ce qui faifoit différer de jour
en jour cette grande & falutaire opération.
Cependant le mal étant devenu tout-à-fait
intolérable , le Gouvernement établit un
Comité pour la réforme de la Jurifprudence
Criminelle . Ce Comité étoit compofé de
fix Avocats au Parlement. M. de Comeyras,
Auteur de cet Ecrit , étoit du nombre , &
Pobjet de fon travail particulier fut de
comparer la Jurifprudence Criminelle d'Angleterre
& celle de France . C'eft ce travail
qu'il offre maintenant au Public. Une partie
des voeux qu'il y formeit fe trouve
remplie par le D'cret de l'Affemblée Nationale
, fur la réformation de quelques
points de la Jurifprudence Criminelle , &
fur tout par l'établiffement des Jurés ;
mais l'Ouvrage fe foutient encore , même
après la deftruction des abus qu'il alléguoit ,
& fans doute il eût été , fous le defpotilme
même , un des plus propres à préparer
cette deftruction . Il eft difficile de préfenter
avec plus de force la réunion de
toures les abfurdités reprochées à notre
Jurifprudence Criminelle . Emprifornement
de l'accufé , quelquefois mis au cachot
refus d'un Confeil pour le défendre quand
il s'agit de fon honreur ou de fa vie ;
tandis qu'en matière civile & pour le plus
•
DE FRANCE. 131
petit intérêt, il en trouve tant qu'il en peut
payer ; ous les avantages accordés à l'accufateur
qui eft libre , qui a le choix du
moment , qui peut raffembler à volonté
tous les moyens , qui ne court que le rifque
léger d'une amende pécuniaire ; la violation
des premières règles de l'équité naturelle
& du bon fens dans les formalités
de l'interrogatoire , de la confrontation , du
récolement ; toutes les précautions prifes
par la Loi pour trouver un coupable ; la
défenfe d'interpeller les témoins ; l'ufage
du Ministère public de donner les conclufions
fans les motiver , comme pour lui
épargner une honte qui pourroit fervir de
frein à fes injuftices ; le droit d'attacher fur
un fiége d'infamie , & de marquer d'une
forte de tache l'accufé non convaincu , &
qu'il faudra peut être renvoyer abſous :
enfin la condamnation de l'accufé à une
majorité de deux voix feulement ; tels
font les ufages & les formes de la Procédure
Criminelle fous laquelle les François
ont vécu plus de deux fiècles ; Procédure
qui reçut une fanction nouvelle en 1670 ,
à l'époque la plus brillante de la Monarchie
, au milieu des victoirés , & ce qui
eft plus remarquable , au moment où le
François , poli fans être civilifé , multiplioit
les chef- d'oeuvres de tous les Arts &
routes les productions du génie. La furpriſe
redouble quand on fonge que cette Ordonnance
de 1670 fut reçue avec les applau
Ꮐ
332 MERCURE
diffemens & les acclamations de la reconnoillance
; qu'elle a obtenu pendant près
de quatre-vingts ans les éleges de plufieurs
Ecrivains célèbres ; que cet ufage fi peu
humain de cundamner un homme à mort
fur une pluralité de deux voix , Montef
quieu l'appelle un ufage divin en l'oppofant
à celui qui , en matière civile , n'exige que
la majorité fimple. Il faut convenir qu'en
parlant ainsi , l'Edivain qui aveit , comme
on le dit , recouvré les titres de l'humanité
& les lui avoit rendus , ne les avoit pas
recouvrés tous , & qu'il laifoit même peu
d'efpérance à ceux qui chercheroient après
lai le refte de ces titres . Mais Montefquicu
payoit ce tribur à l'opinion , que d'ailleurs
il éclairoit de fon génie , & qu'il conduifoit
avec une modération tantôt prudente ,
tantôt timide. C'est à lui-même que nous
fommes, en partie , redevables de ne plus
donner l'épithète de divin à cer uſage barbare
; nous ne la donnons pas même à
l'idée plus raifonnable de ne prononcer une
condamnation à mort que d'après l'unanimité
abfolue. C'eft la Loi qui devoit naturellement
réfulter de la maxime fi faftueufement
établie & fi fréquemment répétée
par les Criminaliftes : Qu'en matière criminelle
on n'acquiefce qu'à l'évidence ,
* & que les Juges ne donnent le nom de
preuves qu'à celles qui font plus claires
que le jour en plein midi . Ona peine
comprendre comment, en partant de ce
33
ود
DE FRANCE. E33
principe, ils ont pu parvenir à créer une
fcrence & des usages , d'après lefquels on
a condamné tant d'accufés fur des proba
bilités trompeufes , & par conféquent
far un peut-être. L'opinion de M. de C ....
eft plus conféquente aux principes des Criminaliftes
, & , ce qui vaut un peu mieux,
à ceux des Philofophes , en établiſſant la
différence qui doit exifter entre les affaires
civiles & les affaires criminelles . Dans les
affaires civiles , il faut, dit-il, que la ma-
» jorité décide «. Cela eft même néceffaire.
Elle eft une règle imparfaire ; mais c'eft la
feule , & pour chaque affaire qui commence
, il faut qu'il y ait un moyen de
la finir. Mais dans les affaires criminelles
il ne peut y avoir de règle que l'unanimité,
& , à la rigueur , l'unanimité même né
prouve pas la vérité d'une accufation . Les
hommes, en quelque nombre qu'ils foient,
peuvent encore fe tromper il faudroir.
donc chercher une règle de décifion plus
parfaite s'il pouvoit en exifter ; mais l'unanimité
étant le dernier degré d'affentiment
qu'on puiffe donner aux preuves humaiil
faut bien s'en contenter. L'Auteur,
en parlant ainu , a prouvé par le raifon-.
nement & les faits.combien cette règle
de l'unanimité étoit infuffifante & défectuenfe
.
par
Tous ces abus & tant d'autres , tous ces.
vices de notre Jurifprudence Criminelle
M. de C...... les rapporte à une feule er-
9
134
MERCURE
"
99
d'en monreur,
à l'opinion où étoit le Législateur en
16 , que la preuve des crimes eft trèsfacile
à obtenir ; opinion que l'Auteur a
combattue & détruite avant que
trer les funeftes conféquences . Mais , paffant
enfuite à des confidérations plus étendues
, il remonte à la fource de cette erreur
, & fait voir que les difpofitions
cruelles de l'Ordonnance de 1670 ne tenoient
pas à une fimple erreur de théorie ;
& qu'elles avoient une caufe bien plus
grave , le mépris pour les hommes : » It
éclate , dit-il , dans la plupart de fes difpofitions
, ainsi que dans les autres Loix
Criminelles publiées par nos derniers
Rois. Apologiftes du pouvoir abfolu
voulez - vous reconnoître les fruits qu'il
" porte , réfléchiffez fur les faits fuivans.
La Nation Françoife , au milieu de fa
plus grande férocité , avoit cependant
confervé à l'accufé tous les droits de
l'homme la mort fimple fuffifoit à l'expiation
des plus grands crimes. La Na-
» tion Françoile devient plus polie & plus
donce , & tout à coup elle invente des
fupplices effrovables ; elle introduit vers
" le même temps le fecret dans la Procé-
» dure ; elle environne l'accufé de piéges
» & de ténèbres. On diroit qu'ayant foif
و د
و د
33
و د
و د
و ز
de fang , les Loix ont voulu fe ménager
» celui de l'innocence pour les temps où
elles manqueroient de coupables. Qui
» est ce qui nous expliquera ce trifte con- 32
DE FRANCE.
135
» trafte de nos moeurs & de nos Loix ?
», une vérité terrible. Les Loix Criminelles
» d'une Nation décroiffent toujours de
» douceur à m:fure qu'elle décroît elle-
» même de liberté : voilà fur- tout ce qui
» eft bien marqué dans notre Hiftoire . On
"
>>
>>
">
"
"
»
pourroit montrer qu'à chaque pas que
" ROS Reis ont fait vers le defpotifme-
» nes Loix en ont auffi fait un vers l'atro-
» cité il falloit bien qu'elles fe miffent.
au niveau du mépris qui entroit dans
l'ame d'un maître pour des efclaves. Je
n'ajouterai qu'un mot ce déplorable
mépris, des Princes dont nous révérons
la mémoire , n'ont pas fu s'en défendre.
» Ce généreux, ce bon Henri qui gémiffoit
» de répandre le fang des François au mi-
» lieu des combats , l'a répandu fans re-
" mords dans des Loix barbares. La France
» lui doit , en grande partie , ce Code.
" tyrannique des chaffes , où de fimples
" fautes de police étoient érigées en crimes
capitaux , où celui qui tuoit un cerf
étoit puni, comme l'eft en d'autres lieux-
» le meurtrier d'un homme. Pourquoi
» faut- il que Henri IV n'ait pas repouffé
" ces Loix fanguinaires puifées dans le
» Code Allemand & dans celui de Guil-
» laume le Bâtard ? Louis XII les avoit rejetées
avec horreur , & Hanri IV étoit
digne de réfifter à la pente qui entraînoit
» nos moeurs vers l'atrocité «. ·
"
">
X
A ce tableau des cruautés de nos Loix
136 MERCURE
Criminelles , M. de C..... oppofe celui dela
Jurifprudence Criminelle Angloiſe ; c'eſt
mettre en contrafte le délire & la raifon ,
la barbaric & l'indulgence ; en un mot ,
la fervitude & la liberté. Nous ne fuivrons
pas l'Auteur dans cette difcuflion fur les Jurés
Anglois, qu'au furplus il n'admire pas en
aveugle , & dont il critique avec difcernement
plufieurs difpofitions. Cette partie du
travail de M. de C ..... n'rt pas fufceptible
d'analyfe , & ce n'eft pas rendre un mauvais
fervice au Lecteur que de le renvoyer
à l'Ouvrage même.
Cet Ecrit eft précédé d'une Préface , dans
laquelle l'Auteur , après avoir protefté de
fon respect pour les Décrets de l'Affemblée
Nationale , ufe du droit & en même temps
remplit le devoir de tout Citoyen , celui
de déclarer ce que fes Décrets ont de défectueux.
J'ai vu avec étonnement , dit il,
qu'une Affemblée fi humaine & fi fage,
» dont l'objet étoit d'adoucir , par fon Dé-
» cret provifoire , le fort des aceufés dans
» tout ce qui ne fubvertit pas l'ordre de
Procédure actuellement établi , n'ait pasporté
les premiers regards fur une des
plus cruelles & des plus inutiles vexa-
» tions que les accufés fubillent. Par l'Or-
95
92
donnance de 1670 , les Juges peuvent
" envoyer les accufés d'un crime capital
» non feulement en priion , mais au cachot
; & ils ufent de ce droit. Pourquoi
» l'Affemblée Nationale le leur a - t - elle
DE FRANCE.
137
" laiffe ? Les cachots ne font bons à rien ;
» leur inftitution eft même contraire au but
"
幂
» des Loix , qui eft de ne punir le coupable
qu'après qu'il eft convaincu : or , les ca-
" chots puniffent d'avance & très - grave-
» ment un aceufé qui n'eft pas encore
convaincu , qui peut-être ne le fera jamais
, & qu'on fera peut- être forcé d'abfoudre.
Pourquoi l'Affemblée Nationale
n'at-elle pas aboli les cachots « ?
ود
»
""
"
"
"
Un autre article de ce même Décret de
l'Affemblée Nationale , porte »» que la con-
» damnation à mort ne pourra être pro-
» noncée par les Juges en dernier reffort
qu'aux quatre cinquièmes des voix . Il
paroît difficile de voir les motifs de cette
difpofition. Si , lorfque le plus grand
» nombre des Juges penfe qu'un accufé
eft coupable , on confent à croire que
la vérité eft toujours dans l'opinion de
» ce plus grand nombre , il faut accorder
» à la fimple majorité , comme l'avoient
fait les Grecs & les Romains , le droit
» de condamner à la mort . Si au contraire
» on regarde comune diaréyx tout crime
» dont une partie des Joges doute , il faut
">
"
"
"3
alors , comme en Angleterre , accorder
à la faule unanimité de droit de condam-
» ner à la mort . Ce n'eft pas la peine de
» s'écarter du Mezzotermine de l'Ordon-
" nance de 1670 , qui avoit exigé deux
» voix de plus pour fe repofer fur un au
33
23
138 MERCURE
" the Mezzotermine c'eft fubftituer un
» arbitraire à un autre arbitraire ; à moins
» pourtant qu'on ne veuille dire que les
quatre cinquièmes des Juges n'auront
jamais tort contre le cinquième qui fera
» d'un avis différent du leur , ce qui feroit
difficile à prouver « .
""
ود
Sans doute l'Affemblée Nationale fe propofe
de revenir fur ceux de fes Décrets
qui ne font que provifeites , & qu'elle - même
a donnés pour tels . Sans doute ce qu'il
peut y avoir de défectueux dans ces Décrets
ne fe retrouvera plus dans le travail
qu'elle prépare fur l'orde judiciaire ; l'adouciffement
du fort des accufés qui réfulre
de ces deux Décrets , n'eft vtaifemblablement
qu'un bienfait provifoire & une
préparation à de nouveaux bienfaits dont
nouvelle Jurifprudence nous fera bientôt
recueillir les fruits.
( C ...... )
DE FRANCE. 139
BIBLIOTHÈQUE choifie de Contes noùveaux
, ou traduits pour la première fois
des Anciens & des Modernes les plus
célèbres dans le genre agréable , tendre
ou badin & anecdotique ; pour fervir
de fuite aux Bibliothèques de Campague
, des Romans , à celles dites Amufantes.
15 Volumes in- 18 , jolie édition
portative de 2 à 300 pages chacun à
2 liv. le Vol. br. , 36 liv . les 15 Vol.
port franc. On en a tiré quelques Exemplaires
in-8° . beau papier , 12 Volum.
pour faire faite aux belles éditions de
Boccace & autres de ce format , « 8 liv.
franc de port, & fur papier vélin , 72 l.
A Paris , chez Royez , Libraire , quai
des Auguftins , près le Pont-Neuf.
›
Les Contes Italiens , 2 Volumes.
PERSONNE n'ignore que le genre du
Conte eft un de ceux où les Italiens ont
le plus excellé . Ce peuple eft naturellement
caufeur. Aufli voyons- nous , dans leur littérature
, à fa neillance , les Contes marcher
de front avec les productions poétiques les
plus ingénieufes ; & les Poemes épiques
140 MERCURE
ou héroïques , fi prodigieufement multipliés
chez eux , ne font , à proprement parler ,
que de longues narrations, embellies de rout
ce que la Poffie a de plus riche , de plus
brillant , & de tous les incidens naturels
ou merveilleux , par une inngination extrêmement
mobile. Le premier des volumes
qui entrent dans cette collection cft compofé
des Nouvelles Antiques , le plus ancien
des Recueils de ce genre connus en Italie ,
& Contemporains des Productions ingénicules
de nos Troubadours , de nos Fabliaux
, & c . On y diftinguera Baligant
Conte dans lequel fe trouve peut être l'original
de Gabrielle de Vergy , qui a fourni
à nos Romanciers & à nos Auteurs de
Théatre un fujet capable d'exercer utilement
leur imagination . Sachetti eft le troisième
des Conteurs qui contribuent à ce Recueil.
Contemporain de Boccace , il n'a peut- être
pas toute la pureté , toute la correction
de ce charmant modèle ; mais il a un caractère
d'originalité qui lai afligne un rang
diftingué dans fon gente . Les Contes intitulés
les trois Confeils, Frère Michel, & le Souper
du Chanoine , font très - plaifans , & ont
l'avantage de peindre , avec affez de naturel ,
les moeurs du fièce où vivoit l'Auteur. Un
feul Conteur moderne , François Soave ,
forme le deuxième volume de cette partie.
Ces Contes , deftinés à la jeuneffe , purs
& modeftes comme il convient à cet âge
renferment des traits extrémement intérefDE
FRANCE. 141
fans & moraux. Ils ont encore l'avantage
de pouvoir guider dans l'explication de la
Langue Italienné ceux qui en font leur
étude , par le foin qu'a pris le Traducteur
de fuivre littéralement l'original , fans rien
faire perdre à la copie de l'élégance & des
formes du ftyle. Cette partie de notre collection
cft due à M. Simon de Troies ( 1 ,
à qui nous avons auffi l'obligation des
Contes Grecs , défignés fous le titre des
Affections de divers Amans , &c.
Les Contes Orientaux , 2 Volumes.
L'imagination fleurie des Orientaux donne
aux productions de leurs climats une phyfionomie
fi particulière , fi différente des
nôtres , que la comparaifon feule y mettroit
un prix infini , quand même l'éclat des
couleurs qui les diftinguent n'y donneroit
pas un charme plus attrayant encore. Dars
ces deux volumes , exécutés par M. Langlès,
Auteur d'une traduction eftimée des Inftituts
Politiques & Militaires de Tamerlan ,
on trouvera un choix confidérable de
Contes, de Fables, de Sentences & de morceaux
de poéfies , tirés d'Auteurs Perfans ,
Arabes , Indiens , dont nous ne connoil-
( 1 ) Auteur d'un Choix de Poésies Erotiques
traduits du Grec , du Latin & de l'Italien , qui a
reçu les plus grands éloges. 2 Vol. 'in- 16,
142 MERCURE
"
fons pas même les noms. La rareté de
ces précieux matériaux , & plus encore
la rareté des Ecrivains capables de communiquer
avec les originaux , indiquent
fuiffainment P'eftime qu'ils méritent. Il
fullit de dire que toutes les pièces , quoique
de peu détendue , laiffent toujours une
idée forte , agréable , vive ou gracicule
dans l'efprit du Lecteur.
Les Contes François, Anglois, &c. 5 Vol.
Une grande variété de fujets , une diverfité
piquante de tableaux , de l'intérêt ,
de l'agrément , de la fraicheur , des idées
morales , des fituations attachantes , de la
vérité , de la légèreté , un goût exquis ,
voilà les principales qualités qui brillent
dans cette partie de notre collection . Un
examen détaillé du titre des pièces dont
elle eft compoffe , juft fieront ce jugement ,
moins encore cependant que la letu e
des Ouvrages eux-mêmes. On verroit dans
Clémence d'Argèles un tableau des haines
féodales , refte des moeurs chevalerefques
de nos enx ; dans le Noble , les effets
d'un préjugé que la raifon , & la révolution
préfente combattent avec avantage. Azeph ,
Oracle des Graces , le Palais des Richeffes
, la Bague d'Hébé , préfentent des
allégories aimables où l'inftructien fe
cache fous le voile de l'illufion . Le fentiment
& la philofophie trouveront un aliDE
FRANCE. 143
ment propre à leur nature , dans les scènes
variées , préſentées fous le nom de Folies
Sentimentales. Qui ne fe rappellera pas le
Diame intéreffant de Nina , & l'Actrice
célèbre qui a fait partager fon délire à tout
Paris , en litant le récit de plufieurs aventures
qui y ont le plus grand rapport , &
dont les évènemens , pour être différens ,
n'en font pas moins la preuve complète de
la foibleffe de notre ame , lorſqu'ele eft
dominée par une violente paffion ? Plufieurs
anecdotes piquantes , dont la plupart font
le fruit d'obſervations faires dans la fociété ,
& leur application à la morale , engageront
à lire le volume intitulé : l'Art de corriger
& de rendre les hommes conftans . Il fuffic
d'annoncer qu'il eft l'Ouvrage de Madame .
la B .... de Vaffe , pour qu'on s'attende à y
rencontrer cette fineffe , cette fagacité , cette
délicateffe , qui font le propre d'un fexe,
fait pour donner à la morale le charme
inexprimable des graces & de la fenfibilité .
Nota. On fépare ce volume , ainfi que
les précédens , à 2 liv. 8 fols le volume
in- 18 , & à 4 liv. l'in - 8° , franc de port ,
broché.
144 MERCURE
HISTOIRE dAngleterre , depuis la première
defcente de Jales Céfar dans cette
Ifle , jufqu'à celle de Guillaume le Conquérant
; écrite fur un plan nouveau par
le Docteur HENRI , l'un des Miniftres
d'Edimbourg. Ouvrage traduit de l'Anglois
par M. B ...... , pouvant fervir
d'Introduction aux Hiftoires de Hume &
des autres Hiftoriens de la Grande-Bretagne.
, Tome II & dernier , in- 4°. A
Paris , chez Nyon l'aîné & fon fils
Libraires , rue du Jardinet.
LA Traduction Françoife du premier
Volume de cet Ouvrage a paru l'année
dernière , & l'homme de Lettres , chargé
d'en rendre compte , a développé au long
les avantages & les défavantages de cette
manière d'écrire l'Hiftoire ; il fuffit donc
de rappeler au Lecteur le plan du Docteur
Henri. Tout l'Ouvrage eft divifé en dix
Livres. Chaque Livre commence & finit à
quelque Révolution remarquable , & contient
l'efquiffe hiftorique de la première de
ces Révolutions & de l'intervalle de temps
qui l'a féparée de la fuivante. Chacun de
ces dix Livres eft uniformément divifé en
fept Chapitres , qui ne continuent pas
le
DE
FRANCE.
145
le fil de l'Hiftoire
fucceffivement de l'un à
l'autre mais tous les fept Chapitres du
même Livre commencent à la même éprque
, embraffent la même période & finiffent
au même temps ; chacun de ces Chapitres
préfentent l'Hiftoire d'un objet particulier
, ainfi qu'il fuit. Par exemple , le
premier Chapitre de chaque Livre contient
I'Hiftoire civile & militaire de la Grande-
Bretagne pendant l'efpace de temps qui eft
le fujer de ce Livre. Le deuxième Chapitre
du même Livre contient l'Hiftoire de la
Religion ou l'Hiftoire
Eccléfiaftique de la
Bretagne pendant le même temps . Le 3 .
Chapitre contient l'Hiftoire de notre Conftitution
, de notre
Gouvernement , de nos
Loix & de nos Cours de Juftice . Le 4°.
renferme l'Hiftoire des Sciences , des Savans
, & des principales maifons deſtinées
à l'étude des Sciences. Le 5º . eft composé
de l'Hiftoire des Arts utiles & agréables.
Le 6. eft employé à donner l'Hiftoire du
Commerce , de la Marine , des Monnoies ,
& du prix des denrées. Enfin le 7 ° . & der
nier Chapitre eſt confacré à l'Hiftoire des
moeurs , des vertus , des vices , des ufages
remarquables, de la Langue , du régime, &
des
divertiffemens de la Grande - Bretagne
pendant le même intervalle . On a ſuivi exac
rement &
régulièrement ce plan , depuis
le
commencement juſqu'à la fin de cet Ouvrage
, de forte que chacun des dix Livres
qu'il contient , peut être regardé comme un
No. 35. 28 Août 1790.
H
746 MERCURE
modèle exact de tous les autres Livres , &
comme un Ouvrage complet en lui -même ,
jufqu'à l'époque où il finit.
Pour rendre ce plan encore plus régulier
& plus uniforme dans routes fes parties ,
l'Auteur a difpofé tous les Chapitres du
même genre , fuivant le même ordre , dans
tous les dix Livres , autant que los fujets
traités dans ces Chapitres l'ont perinis . Par
exemple , les Arts , qui font le fujet du cinquième
Chapitre dans chaque Live, font
rangés l'un après l'autre fucceffivement , fuivant
le même ordre dans tous les cinquièmes
Chapitres , dans tout le cours de l'Ouvrage .
Il en eft de même de toutes les matières auxquelles
l'Auteur affigne un Chapitre og un
Article particulier. Nous n'examinerons pas
fi , comme le prétend le docteur Henri , ce
plan qui agrandit le domaine de l'Hiſtoire ,
ne l'agrandit pas par une forte d'ufurpation
, & fi l'Hiftoire peut fe charger de
tant de détails relatifs à tant d'objets , dont
quelques - uns font prefque étrangers pour
elle. Mais le Livre du fieur Henri n'en fera
pas moins précieux à tous les efprits mérhodiques
, à tous les Lecteurs avides d'inſtruction
, & à ceux dont l'attention n'a pas befoin
d'être réveillée ou foutenue par l'intérêt
d'une narration fuivie. Au défaut de cet inté
rêt, la variété fera un mérite qui le rendra recommandable
à un grand nombre de Lecteurs.
Une Table des Matières , faite avec
le plus grand foin , préfentera à leur paDE
FRANCE. 147
reffe ou à leur curiofité , toutes les richelles
d'une immenfe érudition .
1
Cer Ouvrage a eu en Angleterre le plus
grand fuccès. Voici ce que M. Hume écrivoit
peu de temps avant la mort , fur les
deux premiers Volumes , les feuls dont il
eut connoillance. Le nombre de ceux qui
ont la plus haute eftime pour le premier
Volume de l'Hiftoire du Docteur Henti , clt ,
j'ofe le dire , prefque égal à celui de fes
Lecteurs , en les fuppofant toutefois , juges
compétens d'un Ouvrage de cette nature .
C'est bien fincérement aufi que je crois
pouvoir recommander la lecture de fon
fecond Volume à tout homme curieux de
connoître l'état de la Grande - Bretagne ,
à une époque qui , jufqu'à préfent , a
été regardée comme très ténébreuſe , &
mal décrite par les Hiftoriens , parmi lefquels
il n'en eft pas un feul qu'on puiſſe
dire avoir été bon. On ne fçauroit s'empêcher
d'admirer l'adreffe merveilleuse avec
liquelle le Docteur Henri a fu compofer
un Livre aufli inftructif & auſſi intérellant ,
avec des matériaux qui promettoient fi peu.
Il a élagué tous les ornemens fuperflus ;
& le Lecteur aura peine à trouver dans
notre Langue un Ouvrage qui réuniffe au
même degré de perfection que celui- ci , les
deux plus grandes qualités qu'on puiffe attendre
des Productions littéraires , l'inf
truction.
H 2
14S
MERCURE
Il e inutile de rien ajouter après ee- témoignage
de M. Hume .
L'intervalle qu'embraffe le ſecond Volume
, eft dep is lan 449 juſqu'à l'an
1066 , depuis l'arrivée des Saxens jufqu'à
la defcente de Guillaume , Duc de Normundie.
L'Auteur fair marcher de front
avec l'Hiftoire d'Angleterre celle d'Ecoffe
& du pays de Galles , dont il a découvert
plufieurs monumens curieux ; &
c'eft un des avantages qu'il a fur tous les
Hiftoriens Anglois , qui ne parlent qu'accidentellement
de ces deux contrées.
ر
VARIETÉS.
AUX AUTEURS DU MERCURE.
MESSIEURS
Paris , 18 Août 1790.
Si les caractères d'une action vertueule fout ,
comme je le crois , d'être utile à l'humanité ,
d'être faite fans fafte ni ambition de récompenfe,
il en eft peu qui réuniffent plus éminemment ces
caractères que celle dont les hafards les plus finguliers
ont confervé la trace dans la Lettre dont
j'ai l'honneur de vous donner une copie. J'en
ai cru devoir offrir l'original à la famille de M.
DE FRANCE.
l'Abbé Morellet ; mais fa publicité dans votre
Journal eft le feul prix digne de lui ; elle affermia
cette opinionefi précieuſe aux ames honnêtes
, que la Providence veille fans ceile à la récompense
de la vertu.
·
OF DESMON BLANC ,
Rue & Ifle St-Louis , N°. 19?
LETTRE à M. d'AB A DIE , Gouverneur de la
Baflille, détachée d'un Recueil de Lettres Mi
nifiérielles trouvées à la Baftille .
A Paris , le 21 Juillet 1760.
1.2 28
Je vous prie , Monfieur , de faire donner au
Sr. Abbé Morellet , détenu de l'ordre du Roish
la Baftille , la promenade de la cour intérieure du
Château , tous les jours pendant trois heures ; ch
prenant les précautions ordinaires .
Je fais avec refpect ,
MONSIEUR
:
-1
Votre & c. DE SARTINE.
251
( Exécuté le préfent ordte le 22 Juillet 1760 ,
à l'exception que le prifonnier n'a voulu avoir
qu'une heure par jour par difcrétion , de peur
d'en priver quelque autre prifonnier. )
2
H3
MERCURE
R
VIS.
f
Bibliothèque des Villages , par M. Berquin .
Laliberté veut des hommes & des Citoyens ;
elle njen peut créer que par l'inftruction .
Celle que ja éclame pour les campagnes
n'eft pas compofée de cetre foute de connoiffances
frivales dout on arufe le loifr des villes .
Simple comme les befoins de l'Habitant du village
, proportionnée à fon intelligence , elle
doit furtout parker toujours viveinent à fon
coeur, & toujours jufte à fa railan .
Un petit nombre de connoillances phyfiques
& naturelles pour le tenir en garde contre la
Charlatanerie , pour le préferver ou le guérir de
Jai fparficongi shu
nb Le développement de ces vérités fimples , mais
fécondes , de la morale univerfelle , qui doivent
élever les idées , éparer fs fentimens , fonder
tous les principes , foir de fes actions particuliè
res , foit de fa conduite envers les autres ; C
L'objet & les avantages des conventions fociales
, l'intérêt qu'il a de les obferver fidèlement ,
l'indifpenfable néceffité de travailler à la profpérité
publique pour fon propre bonheur ;
Enfin la Conftitution mife à la portée , le prix
de la liberté dont elle veut le faire jouir , avec
Jes juftes bornes de fon étendue , le zèle pour
les fonctions qui lui feront confiées , le refpec
pour les Loix , & l'amour de la Patric :
·
Tels font les principaux objets que j'embraffe
dans le plan de fon inſtruction , & ſur leſquel
DE FRANCE.
j'ai, tâché de répandre la clarté , l'onction , &
même tous les agrémens qui ont pu s'accorder
avec la fimplicité du langage.
Cette inftruction & utile , & cependant jufqu'à
ce jour fi étrangère aux campagnes , pourroit
y être univerfellement répandue avec autant de
promptitude que de facilité , par la fondacion que
chaque Municipalité nouvelle , animée aujour
d'hui de l'efprit public , feroit dans fon village
de la petite Bibliothèque que je propofe. Un
Exemplaire en feroit déposé chez le Curé de
chaque Paroille , & tous les Volumes partitoient
tour à tour de les rains pour circuler dans toutes
les fermes & dans toutes les chaumières .
( Quoique cet Ouvrage foit généralement def
tiné aux gens de la campagne , il n'en convient
pas moins à la claflè la plus nombreufe des Habitans
des villes. Ils ont tous un égal befoin de
fortir de l'ignorance qui les avilit . Les principes
généraux de morale & d'inftruction civique , ainfi
que la manière de les préfenter , doivent être les
nêmes pour les uns & pour les autres. D'ailleurs
ceux-ci, pour la plupart , étant nés kors du fein
des villes , où ils ne font entrés qu'après leur
première jeuneffe , tout ce qui tient aux habitudes
& aux moeurs champêtres , doublera pour
eux d'intérêt , en réveillant de touchans fouve.
nirs; & ce ne fera pas fans doute ce qui leur
infpirera le moins vivement le goût des fentimens
honnêtes. C'est par ces confidérations que j'enge
MM. les Curés & les Officiers Municipaux
des villes à fe concerter , comme ceux des campagnes
, pour répandre cet Ouvrage parmi le
Peuple confié à la vigilance de leurs foins. )
Une lecture inftructive & touchante , faite par
un père de famille pendant les longues foirées
de l'hiver , au dans ces journées pluvieufes qui
152 MERCURE
fufpendent les travaux ruftiques , rempliroit utilement
fon loifir , & charmeroit les occupations
de fa femme & de fes enfans . Pntre de bons
voifins réunis dans les veillées , auprès du lit des
malades , dans les ateliers de chavité , dans les
falles de convalefcens des Maifons hofpitalières ,
pendant les heures de déiaffement des travaux
publics , ou des vendanges & des moiffons , ele
prendroit la place de ces Hiftoires licencieufes
qui corrompent les coeurs , de ces Contes abfurdes
de fortiléges qui troublent les imaginations ,
de ces propos de médifance & de calonnie qui
sement la difcorde entre les familles , engendrent
les haines , les querelles & les procès , & plus
d'une fois ont occafionné des violences & des`affaffinats.
L'effet naturel d'une heureufe impreffion
reçue à la fois dans toutes les ames , &
fortifiée par fa communication , feroit d'éclairer
les efprits , d'adoucir les moeurs , d'infpirer le
goût de la paix , de l'ordre & de la juftice , de
faire naître la fraternité , la bienfaifance , & le
patriotifime , & d'étendre ainfi l'empire de toutes
les vertus.
Miniftrés d'un Dieu , l'ami du pauvre , vous
dont il emprunte la voix pour parler au coeur de
' Habitant des campagnes , le détourner du vice
& l'arracher à l'ignorance & à l'errer , c'eft à
vous de diriger l'ufage d'un Livre , qui , en infpirant
la confiance & le refpect pour vos fonctions
auguftes , peut préparer le fuccès de vos
leçons.
Et vous , femmes tendres & généreufes , qui ,
non contentes de faire verfer en fecret vos dous
fur l'indigence , allez vous-mêmes vifiter la douleur
dans fa chaumière & lui apporter la confolation
, fouffrez que j'accompagne vos pas pour
yous aider à foutenir la patience & à relever le
DE FRANCE
353
courage du malheureux , & pour lui faire trouver
un adouciflement à fes peines dans le fentiment
même de la reconnoiffance dont je veux.
l'animer pour vos bienfaits .
Vous enfin , qui avez placé votre habitation
ordinaire loin de la corruption des villes , ou
qui fuyez leur tumulte dans les beaux jours de
l'année , pour aller jouir du calme des champs ,
fongez combien il importe au foin de votre
repos de contribuer à répandre au fein des campagnes
une inftruction qui enfeigne à leurs Habitans
les moyens de vivre heureux fans être
jaloux de vos jouiffances , qui leur indique les
biens qu'ils peuvent recueillir du voifinage de
votre féjour , par une heureuſe intelligence entre
la richeffe & le travail , qui leur infpire la honte
de la fraude , le dégoût de la chicane , & furtout
une profonde horreur pour les excès où une
ignorance aveugle les a malheureufement entraînés
dans ces derniers temps.
Le caractère évident d'utilité que préfente cer
Ouvrage , la modicité de fon prix , la confiance
que les pères ont daigné m'accorder pour leurs
enfars , tout me fait efpérer qu'il y aura peu de
Corps Municipaux qui ne s'empreflent de répondre
au veu formé par l'Affemblée Nationale
pour l'inftruction du Peuple. Je m'emprefferai ,
de mon côté , de faire connoître à la fin de chaque
Volume les noms de ceux qui feront entrés
dans ces vûes patriotiques
J'attends auffi le même zèle de la part de
MM. les Curés . Indépendamment des perfonnes
aifées qui le trouvent fur chaque Paroiffe , dans
les Communes même les plus pauvres , il leur
fera aifé de former de petites cetifations volontaire
pour les frais d'un Etabliſſement deſtiné à
Pufage commun & dont la dépenſe eſt aufli
modique.
154
MERCURE
1
J'invite toutes les perfonnes inftruites de l'état
des campagnes , à m'envoyer des Mémoires fur
tout ce qui peut fe rapporter au plan que j'ai
tracé ; je me ferai un devoir de profiter de leurs
lumières ; mais je dois les prévenir que je ne
pu's m'engager à lier une correfpondance qui
me détourneroit de mon travail . Je les prie auffi ›
de vouloir bien affranchir leurs lettres , dont le
nombre m'occafionneroit une dépenfe trop maltipliée
, qui fera peu de chofe pour chacune
d'elles en particulier .
La Bibliothèque des Villages fera compofée de .
dix petits Volumes , d'environ 100 pag. chacun ,
imprimés en beaux caractères , & avec la plus
grande correction .
J'ai cru devoir adopter cette divifion en pla
fieurs Volumes , foit pour favorifer leur circulation
, foit pour offrir un moyen moins difpendieux
de remplacer ceux qui pourroient fe gâter.
ou fe perdre , & d'entretenir ainfi la petite Bibliothèque
toujours complette , foit enfin pour
multiplier dans les mains bienfaifantes la facilité
d'en faire des cadeaux & une cfpèce de prix de
conduite pour les jeunes gens.
Ces dix Volumes paroîtront fucceffivement le,
1er. de chaque mois , à commencer du seŋ. Juillet
1790. ( I en paroît trois actuellement . )
La Soufcription pour ces dix Volumes , ' rendus
port franc par la Pofte dans tous les villages ,
Chaque Volume , féparément ,
12 fous , auffi franc de port.
fera de 6 livres .
-
On peut fouferire à tous les Bureaux de Poſte
avec la précaution d'affranchir les lettres & le
port de l'argent , fans quoi ni l'un ni l'autre ne
feroient retirés , & adreffer le tout à M. le Frice ,
Directeur du Bureau de l'Ami des Enfans , rue de
DE FRANCE. Iff
l'Univerfité , Nº. 28 , à Paris. On trouve à la
même adreffe :
And
L'Ami des Enfans , par M. Berquin ,
24 Volumes .
L'Ami de l'Adolefcence, par le même ,
12 Vol. , précédé de l'Introduction familière
à la connoiffance de la Nature , ;
Vol.; les 15 Volumes , ... .....
161. 4 £
10
}
Sandford & Merton , 7 Vol ........ S
Le Petit Grandiffon , s Vol……………… ..
Lectures pour les Enfans , ou Choix
de petits Contes & Drames , également
propres à les amufer & à leur infpirer le
goût de la vertu , 4c. édit. S Vol.....
Total..
6
4
12
41 liv.
Chacun de ces Ouvrages qui forment enſemble
56 Volumes , fe vend féparément aux prix marqués
ci - deffus , port franc par la Pofte. Ceux qui
prendront la Collection entière , ne payeront les
56 Volumes que 36 liv. au lieu de 41 liv . , augi
Fort franc par la Pofte.
Nota. L'Editeur a cru devoir rendre ces Ouvrages
de l'acquifition la plus facile , pour prévenir
l'effet d'une contrefaçon qui fe répand dans la
Province ; contrefaçon qui fourmille de fautes , &
dans laquelle on s'eft permis de tronquer au hafard
, & de retrancher même beaucoup de pièces ,
afin d'impofer au Public , en lui offrant à plus bas
prix l'Ouvrage ainfi défiguré , quoique fous le
même titre.
MERCURE DE FRANCE .
L'EPOQUE de la Révolution dans le Gouvernement
François , fe a auffi celle où les Arts prendront
ce haut degré qui a donné tant d'éclat aux
Grecs & aux Romains .
Le projet d'un Palais National, que nous nous
empreilons d'annoncer , paroît avoir été conçu
avec ces grandes idées qui conviennent à la dignité
d'une Nation libre.
Parmi les détails immenfes de ce vaſte Plan ,
on en diftingue qui ont une application ingénieufe
& du plus grand intérêt ; tel que de fa re
porter des obélifques far des faifceaux compofés
des 83 Bannières des Départemens , de placer
dans les colonnades qui forment la cour du Palais
, des tables de bronze portant tous les Décrets
de l'Affemblée Nationale & la Conftitution
du Gouvernement , & c. & c .
C'est à regret que nous nous voyons forcés ,
par les bornes de notre Feuille , de ne pas nous
étendre davantage fur les détails de ce vafte
Plan ; mais nous engageons nos Lecteurs à avoir
recours à l'Ouvrage même , ils y trouveront des
Planches gravées & d'une grande perfection.
L'Auteur de ces Projets eft M. Rouſſeau , Architecte
, Infpecteur des Bâtimens du Roi. Prix,
3 liv. A Paris , chez les Mds . de Nouveautés.
QUATRAIN.
Mort de l'rocris.
A Masame
Epigramme.
...
TABL E.
Charade , En. Log.
111 Fa: 129
122 Hiftoire.
144
126 Bibliothèque. 339
148
1271
ibid. Varietés.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 24 Juillet 1799 .
La catastrophe qu'a essuyé , dit-on , l'escadré
légère Suédoise ausortirdu golfe de
Biorko , s'est accréditée par des rapports
multipliés. Un aviso Danois , qui suivoit
la flotte Russe , arrivé le 12 à Copenhague,
á reparlé de cette défaite. M. Fabritius
Capitaine de ce bâtiment , rapporte;
Que , le 3 de ce mois , les deux divisions
de l'escadre des galères Russes , sous les
ordres du Prince de Nassau , ont attaqué l'escadre
des galères Suédoises dans le détroit
de Biorko , et l'ont entièrement détruite ;
une partie des bâtimens Suédois a été brûlée
, et 35 autres se sont rendus au vainqueur.
La grande escadre Suédoise , forte de
No. 32. 7. Août 1790 . A
( 2 )
voiles , a profité d'un ouragan pour se tirer
de la position embarrassante où elle étoit
engagée ; le 5 ,[ elle se trouvoit devant le port
de Sweaborg , et manoeuvrait pour y entrer.
L'escadre Russe qui l'avoit poursuivie , n'en
étoit éloignée que de 2 lieues.
Si les Suédois n'ont pu gagner Swea
borg , il est probable que le Duc de Sudermanie
aura essuyé un nouveau combat
quelques avis de mer l'annoncent
emer
déja , et font perdre à ce Prince plusieurs
vaisseaux de ligne ; mais des nouvelles
plus authentiques nous feront seules discerner
l'exagération de la vérité, On doit
même suspecter encore une partie des
détails racontés par le Patron Danois ,
qui fait monter à 100 galères détruites
où prises la perte des Suédois . On ne
sait encore rien de très- certain sur le
sort du Roi , que diverses lettres néanmoins
s'accordent à dire sain et sauf: il
est vraisemblable , en effet , que ce Prince
aura passé sur la grande flotte , pour se
soustraire au péril que couroit sa flotille.
Comptant sur son courage , encore plus
que sur la prudence , et voulant compenser
la médiocrité de ses forces par la
hardiesse de ses entreprises , ce Monarque
, aussi téméraire que Charles XII,à
préféré de courir les aventures hasardées,
à suivre un plan de campagne réfléchi. IÍ
`s'est renfermé dans le golfe de Wibourg,
pour effrayer les femmes de Pétersbourg,
comme s'il n'avoit eu pas un Ennemi en
( 3 )
mer. Bientôt les Russes ont rassemblé
leurs forces , et les Suédois ont été cloués
dans le golfe , entre une côte ennemie et
une flotte supérieure . Les vivres leur ont
manqué ; il a fullu sortir du défilé : la
houle qui favorisoit la sortie de la grande
escadre , a causé , à ce qu'on croit , la
ruine des galères. Cet événement emraîneroit
, non - seulement une perte immense
d'hommes et de bâtimens , mais, de
plus , il seroit irrémédiable . Les opérations
de terre en Finlande ne pouroient
plus être soutenues , ni la flotte
Suédoise tenir la mer sans danger : les
ports de la Suède et Stockholm en particulier
, resteroient à découvert, et nous ne
sommes qu'au milieu de la saison . Il faut
convenir que les Russes ont mérité cet
avantage par leur habileté à profiter des
fautes de leurs Ennemis.
P, S. Nous venons de recevoir nos
lettres de Stockholm , du 17 : elles
contiennent des éclaircissemens authentiques
qui détruisent la plus grande partie
de la relation Danoise , et y ajoutent
celle d'une action postérieure qui a dissipé
toutes les craintes. Quant au com-
-bat livré à la sortie du golfe de Biorko ,
le récit officiel publié le 13 à Stockholm ,
annonce ce qui suit :
" Par le Courrier arrivé hier de Finlande ,
nous avons reçu la nouvelle fâcheuse que ,
dans un combat qui s'est engagé la nuit da
A ij
( 4
3 au 4 Juillet entre la grande flotte sous les
ordies du Duc de Sudermanie et celle des
Russes , la nôtre a beaucoup souffert , et
qu'un vent défavorable , encore plus que le
canon de l'Ennemi , nous a fait perdre plusieurs
vaisseaux ; on porte leur nombre à 8
ou 10 , mais dont il n'a été pris par l'Ennémi
qu'un seul vaisseau de ligne et une frégate;
les autres ont échoué sur les bas fonds et sur
les rochers , où on les a brúlés , après en avoir
retiré les équipages : 14 vaisseaux de ligne et
les fregates sont déja rentrés dans le port de
Soraborg ; plusieurs autres vaisseaux et bâtimens
y sont attendus. Le Duc de Sudermanie
a éte légèrement blessé à l'épaule.
Nous attendons avec impatience les détails
de cette affaire , ainsi que des nouvelles ultérieures
du Roi , avec la flotte légère qui
a peu souffert ; il s'est retiré à Swensksund ,
où il est arrivé le 4 au soir. »
Les alarmes qu'avoit inspiré ce premier
engagement , ont été détruites par
le Baron de Stiernbald , Aide - de- camp
du Roi , parti le 10 de Swensksund , et
qui , le 16 , a remis à la Reine les nouvelles
suivantes :
"
Apresla retraite de Wibourg , notre flotte
légère a été attaquée à Swensksund , par le
Prince de Nassau , le 9 de ce mois , à 10 hemnes
du matin. Le combat a duré 24 h. La vivacité
du feu ne s'est rallentieque depuis minuit, jusqu'à
deux heures , à cause de l'obscurité. Le
lendemain , vers les 10 heures , la victoire
s'est entièrement décidée pour nous . L'Ennemi
battu a pris la fuite dans le plus grand
désordre. Le Roi commandoit en personne,
ayant sous lui le Lieutenant -Colonel de
( 5 )
Cronstedt. Notre perte e consiste qu'en un
Udemas Fergebor , avec deux chaloupes canonnières
qui ont été coulées à fond. On a cependant
sauvé les équipages. Le nombre des
Officiers et des Soldats taes n'est pas considérable
. En attendant les détails de cette
affaire importante , nous donnons iei un état
des navires Russes , pris ou coulés à fond
d'après la relation signée par M. de Cronstedt
à Swensksund , le 10 de ce mois.
D
Cet état nominatif porte 44 bâtimens
Russes pris , on perdas , savoir ; 15 frégates
de 34 canons , dont 3 prises , et 2 coulées à
15 galères de 18 et 15 canons
To prises , 3 échouées sur les bas fonds , et
2 coulées à fond .
fond;
Trois chebecs de 18 canons , pris.
"
dont
Neuf galiotes de y canons , dont six prises
deux échouées , une brûlée.
Deux batteries flottantes ; une prise, l'autre
échouée.
• Quatre cutters pris.
Quatre chaloupes canonnières échouées.
Outre ces bâtimens , onaenlevéquatre
étendards , dont deux du Régiment de
Kexholm , 110Officiers ,prisonniers , parmi
lesquels le Brig dier de Denischew ,
le Capitaine de pavillon du Prince de
Nassau , et 2000 Soldats ou Matelots.
Une autre lettre de Stockholm , en date
d114 , confirme les détails précédens , et
ajoute ce qui suit sur l'affaire du 3 au 4.
64 le
Un bon vent d'Est s'étant élevé le 3 ,
Duc de Sudermanie en profita pour s'ouvrir
nn passage à travers de l'escadre ennemie
il l'effectua , mais avec perte des vaisseaux.
A iij
( 6 )
suivans : l'Enighet , vaisseau de ligne , sauté;,
la Justice et la Sophi - Mag leleine, idem , pris ;
La Finlande , la Louise Ulrique , l'Oemhet et ,
'Hedvige- Charlotte , échoués et brúlés : en
tout , 7 vaisseaux de ligne . Les frégates per-;
dues sont , la Zémire sautée , le Jaroslaw
pris , et Uplande échouée. On varie dans
l'evaluation du nombre des Solda : s et Mate- ,
lots pris ou péris.
De Berlin , le 23 Juillet.
La grande Armée , sous les ordres im- ,
médiats du Roi , est repartie en deux
divisions , dont l'une est commandée par
le Général de Mollendorf. Le Corps
sous les ordres du Duc Frédéric de
Brunswick est cantonné entre Sagan et
Nauenbourg sur le Bober ; l'avant-garde
est avancée jusqu'au delà de Sprottal .
– L'armée de la basse Silésie a aussi
pris ses cantonnemens. Les Gens d'armes
sont à Zislau ; la plus grande partie des
Régimens qui composent la garnison
de cette Capitale , sont à quatre milles
des frontières de Bohême. Les Hussards
d'Eben sont à Fiedland.
--
Telles sont les dispositions topogra
fiques du moment elles prouvent que
rieu encore n'est définitivement arrêté
au Congrès de Reichenbach . Aux ar
ticles que nous avons rapportés antérieurement
, et sur lesquels on prèsumoit
les Plénipotentiaires d'accord , on
ajoute d'autres préliminaires. La Cour
( 7 )
de Vienne céderoit à la Pologne une
partie de la Gallicie , avec la ville de
Brody ; la Prusse auroit Thorn et Dantzick
; les Turcs céderoient une partie
de la Valachie et de la Servie ; Choczim
et son territoire resteroient aux Autrichiens
; enfin , le Roi de Prusse donneroit
son Suffrage Electoral au Roi Léopold
pour la Couronne Impériale . Ces
prétendus articles n'existent vraisemblablement
encore qu'éventuellement : s'ils
étoient signés , les armées ne resteroient
pas en présence.
De Vienne , le 23 Juillet
:
― ·
Ce fut le 16 qu'en apporta à S. M. A.
la triste nouvelle de la mort du Maréchil
de Laudhon , décédé au quartier
général de Neutischein des suites d'une
strangurie son corps sera transporté à
si terre d'Hadersdorf, où on l'inhumera .
Ce vénérable guerrier meurt à l'âge de
78 ans , et au lit d'honneur , n'ayant jamais
interrompu sa longue et périlleuse
Carrière , et jusqu'au dernier moment
ayant donné au Souverain des preuves
d'un zèle infatigable . Né pauvre , et ayant
servi long- temps et duremént dans les
Troupes légères , M. de Laudhon , malgré
un tempérament très- robuste , avoit
été usé avant le temps , par ce service
toujours pénible , et que le défaut de
ressources rend plus accablant encore.
La grandeur de cette perte a été univer-
A is
( 8 )
sellement sentie dans les circonstances ,
quoique le grand âge et les maladies de
M. de Laudhon nous y eussent préparés
Le Maréchal de Lasey est nommé au
commandement de l'armée en Moravie,
dont le Général Joseph de Colloredo
reste chargé par interim.
>
Le Général de Vins a entamé , en
Bosnie , le siége de Cettin , défendu valeureusement
par les Naturels. Le Gnéral
Bubenhofen s'étant emparé , le 25
Juin , d'une hauteur d'où il commença à
tirer sur la place , les Assiégés firent une
sortie , dans laquelle M. de Bubenhofen
recut un coup de feu fort dangereux . Le
7 de ce mois , la place tenoit toujours ;
un Corps d'Ottomans s'étoit avancé pour
la soutenir.
Les Gardes Nobles ont reçu l'ordre de
se préparer au voyage de Francfort qui
paroît fixé vers la mi - Août . Il paroît que
Je Roi et la Famille Royale ne se rendront
pas.sitôt à Bude. On continue néanmoins
les préparatifs de ce dernier départ . Quoi
que plusieurs Gentillâtres de Hongrie
aient inséré dans les instructions pour le
Diplome inaugural , des articles extravagans
qui réduiroient la condition du Roi
au dessous de celle d'in: Roi de Pologne ,
la Diete ne leur donnera aucune s :ite , et
déja les deux Chambres ont déchiré et
jeté au feu cette imbècille capitulation ,
que des Folliculaires étrangers nous donnoient
comme le voeu de la Nation, L
( 9 )
FRANCE..
De Paris te 4 Août
?
ASSEMBLÉE NATIONALE.
DU LUNDI 26 JUILLET.
Après la lecture du Procès - verbal , M
Malouet a présenté , au nom du Comité de
Fa Marine , un projei de Décret qui accorde
au Ministre de la Marine un million pour la
dépease extraordinaire de l'armement de
Biest , pendant le mois d'Août , et qui fixe
un tarif de reduction , sur le traitement pour
la table des Officiers Généraux et a tres de
Ja Marine . M. Biauzat a contesté la nécessité
de ce traitement , nou d'aprèsses Lumieres ,
il a avoué n'en avoir aucune sur la Marine
mais sur l'autorite d'un Manuserit qui est
sous presse, et dont l'Auteur jage les dépeeses
de la Marine excessives . L'Opinaut
s'est étonne ensuite qu'on donnât une table à
l'Amiral el au Vice -Amiral , et il est étonné
encore des fortunes rapides que fout les Of
ficiers de la Marine , dont plusieurs ont demagnifiques
Maisons de campagne auprès de
Foulon.
44
M. de Biauzat , & repliqué. M. Malouet
pouvoit se dispenser de nous dire qu'il ne con
noit pas la Marine ; son discours nous l'apprenoit
assez. li ne sait donc pas encore
qu'un Amicalet en Vice-Amiral ne uhontent
pas le même vaisseau , et qu'il faut une
iable à chacun d'eus. Quant aux fortunes:
rupides , j'en connois certes bien peu , et à
coup sûr la mienne n'est pas dans ce cas.
痴
Av
( 10 )
M. Camus a fait ensuite son Rapport sur
la création de nouvelles pensions , en remplacement
de celles qu'on supprime . Un
exorde pathétique a précédé l'énoncé des
articles , adoptés presque sans aucune discussion
, parce que la lassitude et l'inutilité
prouvée d'aucune opposition , ferment la
bouche aux plus infatigables.
"
ART. I. Les personnes qui ayant servi
P'Etat , se trouveront dans les cas déja terminés
par les Décrets de l'Assemblée , des
10 et 16 du présent mois , ou dans les cas qui
restent à déterminer d'après les rapports par
ticuliers , relatifs à chaque nature de service ,
obtiendront une pension de la valeur réglée
par lesdits Décrets . S'ils avoient déja une
pension , mais de moindre valeur que celle
que lesdits Décrets leur assurent , la pension
dont ils jouissoient demeurera supprimée , et
elle sera remplacée par la pension plus considérable
qu'ils obtiendront. "
" H. Les Officiers généraux qui , par la
nouvelle organisation de l'armée , ne seront
pas conservés en activité , seront regardés
conime retirés ; et il sera rétabli une pension
en faveur de ceux de ces Officiers qui , ayant
fait deux campagnes de guerre , en quelque
grade et en quelque lieu que ce soit , avoient
précédemment obtenu une pension . »
La pension rétablie ne sera jamais plus
forte que ceile dont on jouissoit . Si la pension
dont on jouissoit , étoit de 2000 liv. ,
ou plus , la nouvelle pension sera de 2000 liv.
pour l'Officier général qui aura fait deux
campagnes de guerre ; elle croîtra de 5co l .,
à raison de chaque campagne de guerre audelà
des deux premières ; mais cet accroissement
ne pourra porter le total au- delà de
( ii )
la somme de 6000 liv . , qui est le maximum
fixé pour les pensions mentionnées au present
article.
30
Ill . Les Oficiers des troupes de ligne
et des troupes de mer qui avoient servi peadant
vingt années dans les troupes de ligne
ou dans les troupes de mer , qui avoient fait
deux campagnes de guerre ou deux expeditions
de me , dans quelque grade que ce
soit , et auxquels leur retraite avoit été accordée
avec une pension , soit par suite des
réformes faites dans la guerre ou dans la
Marine , soit à une époque antérieure aux
Reglemens qui seront mentionnés en l'article
suivant , jouiront d'une nouvelle peasion
créée en leur faveur , laquelle ne pourra
excéder celle dont ils jouissoient , mais pՌoՈurra
Lai être inférieure , ainsi qu'il sera di ra
l'article VII. »
14
IV. Les personnes qui n'étant ni dans
Pun , ni dans Pantre des cas prevus par les
deux articles précédens, auront obtenu , avant
le premier Janvier 1990 , une pension pour
services rendus à l'Etat , dans quelque Des
partement que ce soit , en conformite des
Odonnances et Réglemens faits pour lesdits
Départemens , jouiront d'une nouvelle
pension rétablie en leur faveur , laquelle ne
sera jamais au-dessus de celles dont eil . s
jouissoient précédemment , mais pourra être
au dessous dans les cas prévus par l'art. VII. »
V. Les yeuves ou les enfans des Offciers
tués au service , qui ont obtenu d.s
pensions , en conformité des Ordonnances et
Reglemens faits pour les Départemeus dans
lesquels leurs maris étoient attachés à an
service public , jouiront de nouvelles pensious
rétablies en leur faveur , et pour la même
"
A vi
( 12 )
somme à laquelle elles étoient portées , sous
la condition néanmoins que lesdites pensions
n'excéderont pas la somme de 3000 Îiv. , qui
sera le maximum des pensions rétablies en
faveur des veuves. »
Les veuves de Maréchaux de France
qui avoient obtenu des pensions , jouiront
d'une pension de 5000 liv . , qui sera rétablie
en leur faveur.
" VI: Les anciens Règlemens portés sur
les pensions ayant , à differentes époques ,
soumis des pensions à des réductions , converti
en rentes viagères des arrérages échus
et non payés , suspendu jusqu'à la mort des
pensionnaires d'autres arrérages échus et
non payés , il est déclaré , 1 ° . que la disposition
des articles précédens , qui porte que
les pensions rétablies n'excéderont pas le
montant des pensions anciennes supprimées ,
s'entend du montant desdites pensions , déduction
faite de toutes les retenues qui ont
eu ou dû avoir lieu pendant le cours de
l'année 1789 ; toute exception aux Règlemens
qui établissoient lesdites réductions étant
anéanties. "
И
2°. Que les rentes viagères , créées pour
arrérages échus et non payés , continueront
à être servies aux personnes même dont les
pensions se trouveroient supprimées sans espérance
de rétablissement ; et hors la nourelle
pension aux personnes en faveur des
quelles une nouvelle pension seroit rétablie.
»
00
3°. Que les arrérages échus , non payés
et portés en décompte sur les brevets , seront
compris dans les dettes de l'Etat , et payés
comme telies , tant à ceux dont les pensions
( 13 )
sont supprimées , qu'à ceux qui obtiendront
une nouvelle pension .
"
VII. Les pensions rétablies en vertu des
articles précéders , et dont le maximum n'a
pas été fixé , ne pourront excéder la somme
de 10,000 liv . , si le pensionnaire est actuellement
âgé de moins de soixante-dix ans ;
la somine de 15,000 liv. , s'il est âgé de
soixante- dix à quatre- vingt ans ; et la somme
de 20,000 liv. , s'il est âgé de plus de quatrevingt
ans. Tout ce qui excederoit lesdites
sommes demeurera retranché. »
"E
Ceux qui , ayant servi dans la Marine
et les Colonies , auront atteint leur soixantedixieme
année , jouiront de la même faveur
que les octogénaires.
"
ן כ
Les veuves des Maréchaux de France
qui ont atteint l'âge de soixante-dix ou de
quatre- vingt ans , jouiront de la faveur accordée
à cet âge. "
་་
VIII. Il ne sera jamais rétabli qu'une
seule pension en faveur d'une seule personne ,
quand même elle auroit servi dans plusieurs
Départemens , et quand niême ce dont elle
jouit en pension lui auroit été accordé originairement
en plusieurs articles ; décrété sauf
rédaction .
60
"}
IX. Ceux qui , ayant fait quelqu'action
d'éclat , ou rendu des services dignes d'une
gratification d'après les dispositions des articles
IV et VI , des Décrets du 10 de ce
mois , n'en auroient pas été récompensés , ou
ne l'auroient été que par une pension , qui se
trouveroit supprimée sans espérance de rétablissement
, seront récompensés sur le
fouds de deux millions destinés aux gratifications.
"
. X. Les personnes qui , ayant droit à
( 14 )
une pension ou à une gratification , préféreroient
aux recompenses pecuniaires les
récompenses énoncees dans l'article V du
Décret du 10 de ce mois , en feront la déclaration
, et l'adresseront au Comité des
Pensions , qui en rendra compte au Corps
Legislatif.
"
XI. L'Assemblée Nationale se réserve
de prendre en considération ce qui regarde
les secours accordés aux Patriotes Hollandois
; etjusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur cet
objet , les secours continueront d'être distribues
comme par le passé. "
« XII . Pour subvenir aux besoins pressans
des personnes qui , se trouvant privées des
peasions qu'elles avoient précédemment obt
aues, n'auroient pas de titre suffisant pour
en obtenir de nouvelles , et ne seroient pas
dans le cas d'être renvoyees , soit à la liste
civile , à cause de la nature de leurs services
, soit au Comité de Liquidation , à
cause des indemnités dont elles prétendroient
que leur pension est le remboursement , il
sera fait un fonds de deux millions , réparti
et distribué d'après les règles suivantes :
50 portions de 1,000 liv. , mille portions de
5cc liv. , 4,002 portions de 200 liv. , 1,332
de 150 liv. Les secours de la première classe
ne seront donnés qu'à des personnes mariees
o ayant des enfans ; ceux de la seconde
classe pourront être donnés à des personnes
mariées ou ayant des enfans , ou sexagénaires
; les secours de la troisieme classe seront
distribués à toutes personnes qui y auront
droit, "
K
XIII. Les mémoires présentés dans les
differens Départemens par les personnes qui
ont obtenu des pensions , les décisions ori(
15 )
ginales intervenues sur lesdits mémoires , les
registres et notes qui constatent les services
rendus à l'Etat , ensemble les mémoires que
toutes personnes qui prétendent avoir droit
aux récompenses pécuniaires jugeront à
propos de présenter , seront remis au Comité
des Pensions , qui les examinera et vérifiera ,
ainsi que les memoires qui lui ont été déja
remis . Il sera adjoint au Comité six Membres
pris dans l'Assemblée , et choisis au seratin
en la forme ordinaire , de manière que le
Comité sera à l'avenir composé de dix huit
Membres.
་་
"
XIV. Après l'examen et la vérification
des Etats et pièces énoncées en l'article précédent
, le Comité dressera quatre listes . La
première comprendra les pensions à payer,
sur les fonds de dix millions ordonnés par
l'article 14 du Décret du 16 du présent mois ;
la seconde comprendra les pensions rétablies
par les articles 2 , 3 , 4 , et 5 du présent Décret
; la troisieme liste comprendra les secours
établis par l'article 9 ; la quatrieme
liste comprendra le personnes dignes des
récompenses établies par l'article 5 du Décret
du ro de ce mois , et qui les auront préférées
aux récompenses pécuniaires . Ces listes
seront présentées au Corps Législatif, à l'effet
d'être approuvées ou réformées , et le Décret
qui interviendra sera présenté à la Sanction.
du Roi.
"
XV. Lorsque le Décret porté par le
Corps Législatif , aura été sanctionné par le
Roi , les pensions comprises dans la premiere
liste seront payées sur le fonds qui y est destiné
par l'article 14 du Décret du 16 de cé
mois. A l'égard des pensions et secours compris
dans les seconde et troisième listes , il
( 16 )
sera fait un fonds par addition , catre les
mains des personnes chargées di paiement
des pensions , du montant desdites listes .
"
" Chacune des années suivantes , le fonds
de ces deux listes ne sera fourni que déduc
tion faite des portions dont jouissoient les
personnes qui seront décédées dans le cours
de l'année précédente ; de manière que les
dits fonds diminuent chaque année graduellement
, sans que , sous aucun prétexte , il
y ait lieu au remplacement d'aucune des
personnes qui auront été employées dans les
seconde et troisième listes ."
"
XVI. Les quatre listes seront rendues
publiques par la voie de l'impression , avec
Pexposé sommaire des mot fs pour lesquels
chacun de ceux qui s'y trouveront dénominés
, y aura été compris.
"
"
XVII. Les pensions accord es commenceront
à courir du 1. Janvier 11790 ; mais
sur les arrérages qui reviendront à chacun
pour
l'année 1799 ,
il sera fait imputation
de ce qu'on auroit reçu pour ladite année ,
en exécution du Décret du 16 de ce mois. »
Des Génois avoient offert à la ville de
Paris un prêt de 70 millions pour l'achat des
Biens Nationaux ; 17 millions 500 mille liv.
de cette somme étoient fournis sous cautionnement
en argent comptant ; et 52 millions
et demi en quittances d'arrérages sur
la France , échus ou à échoir. Dans les conjonctures
où nous sommes , on voit que cette
offre obligeante n'étoit pas mal - adroite. M.
d'Allarde, en en faisant aujourd'hui le Rapport
, en a pressé l'acceptation ; mais sans
succès. On a passé à l'ordre du jour , après
avoir entendu M. Demeunier affirmer hardiment
que nous n'avions pas besoin d'argent.
( 17.)
La Séance a été terminée par dix Décrets
qu'a fait rendre M. Merlin , au nom des Comités
d'Agriculture , de Commerce et des
Domaines.
" Art . I. Le Régime Féodal et la Justice
Seigneuriale étant abolis , nul ne purra
dorénavant , à l'un ou l'autre de ces deux
titres , prétendre aucun droit de propriété
ni de voierie sur les chemins publies , rues
et places des Villages , Bourgs ou Villes .
• II. En conséquence , le droit de planter
des arbres , ou de s'approprier les arbres
crús sur les chemins publies , rues et places
de Villages , Bourgs ou Villes , dans les
heux où il étoit attribué aux ci- devant Seigneurs
par les Coutumes , Statuts ou Usages ,
est aboli. »
III. Dans les lieux énoncés dans l'article
précédent , les arbres existans actuellement
sur les chemins publics , rues ou places de
Villages , Bourgs où Villes , continueront
d'être à la disposition des ci -devant Seigneurs
qui en ent été jusqu'à présent réputés
Propriétaires , sans préjudice des droits des
Particuliers qui auroient fait des plantations
vis -à- vis de leurs propriétés , et n'en auroient
pas été légalement dépossédés par les cidevant
Seigneurs.
« IV. Pourront néanmoins les arbres existans
actuellement sur les rues ou chemins
publies , être rachetés par les Propriétaires
riverains , chacun vis - à vis sa propriété , sur
le pied de leur valeur actuelle , d'après l'estination
qui en sera faite par des Experts
nommes par les Parties , sinon d'office par
le Juge , sans qu'en aucun cas cette estima
tion puisse être inférieure du coût de la plantution
des arbres, »
( 118 )
" V. Pourront pareillement être rachetés
par les Communautés d'Habitans , et de la
manière ci - dessus prescrite , les arbres existans
sur les places publiques des Villes ,
Bourgs ou Villages.
ן נ
VI . Les ci - devant Seigneurs pourront
en tout temps abattre et vendre les arbres
dont le rachet ne leur aura pas été offert,
après en avoir averti par affiches , deux mois
à l'avance , les Propriétaires riverains et les
Communautés d'Habitans , qui pourront respectivement
et chacun vis - à - vis sa propriété
ou les places publiques , les racheter dans
ledit délai.
་་
VII. Ne sont compris dans l'article III
ci - dessus , non plus que dans les subséquens ,
les arbres qui pourroient avoir été plantés
par les ci devant Seigneurs sur les fonds
même des riverains, lesquels appartiendront
à ces derniers , en remboursant par eux les
frais de plantation seulement . "
"
. VIII. Ne sont pareillement comprises
dans les articles IV et VI ci- dessus , les
plantations faites , soit dans les avenues
chemins privés et autres terrains apparte
nans aux ci - devant Seigneurs , soit dans les
parties de chemins publics qu'ils pouvoient
avoir achetées des riverains , à l'effet d'agrandir
lesdits chemins et d'y planter ; lesquelles
plantations pourront être conservées
et renouvelées par les Propriétaires desdites
avenues , chemins privés , terrains ou parties
de chemins publics , en se conformant aux
règles établies sur les interva les qui doivent
séparer les arbres plantes d'avec jes heritages
voisins.
"
"}
IX. Il sera tatué par une Loi particu(
19 )
lière sur les arbres plantés le long des chemins
dits Royaur.
#1
X. Les Municipalités ne pourront , à
peine de responsabilité , rien entreprendre
en vertu du présent Décret , que d'apies .
l'autorisation expresse du Directoire de Département
, sur l'avis de celui de District ,
qui sera doanée sur une simple requête et
après communication aux Parties intéressées ,
s'il y en a. »
DU LUNDI 26. SÉANCE DU SOIR.
On aura sans doute observé que les Séances
où l'Assemblee prononce des Jugemens , '
sont livrées au tumulte le plus extrême ; que
Jes Anditeurs des Galeries interviennent.
comme Magistrats dans les Sentences , et
que c'est a milieu du désordre des passions.
que exécute l'Acte le plus réfléchi de la
Puissance publique. La Séance de cette
sagrée a offert un nouvel exemple de ce re-.
doutable inconvénient. Depuis quinze jours ,
on annonçoit le sort de la Municipalité de
Montauban Suivant la voix publique , son
arrêt étoit irrévocablement ( crit , queile que ,
fût sa defense : on jugera par le Rapport
fidèle de la Déliberation , si cette conjecture
étoit fondée ou non .
Le Maire ,un Officier et le Procureur - Syndie
de la Commune de Montauban se sont
présentés à la Barre . Ils avoient à se défendre
de préventions passionnées , et de l'impres
sion du Rapport prononcé l'autre jour par
M. Vieillard , et que le bruit public attri
buoit à M. Ceruti ; Ecrivain Polémique , qui
a tour à tour défendu les systêmes les plus
opposés dans une foule de brochures de cir(
20 )
constance , où depuis un an il a fait de l'espit
sur la Constitution .
Il n'est pas inutile de remarquer qu'avant
la défense de M M. de Montauban , M. Lawye
a demandé et obtenu que leurs Adversaires ,
les Patriotes , fussent présens pour être en
état de répliquer aux assertions des Officiers
Municipaux. C'etoit reconnoître le droit
qu'avoient également ceux - ci de répondre
aux assertions de leurs Accusateurs ; cependant
, nous allons voir que ce droit n'a pas
été reconnu , et qu'on les a privés de la faculté
de répliquer.
M. Lade , Procureur- Syndic de Montanban
, et Citoyen d'un mérite reconnu , a
porté la parole avec beaucoup de mesure ,
de décence et de simplicité .
. Une prévention implacable , a - t - il dit ,
nous a précédés . Forcés d'en respecter les
motifs , nous avons besoin des plus grands
soins pour l'effacer. On nous a jugés rebelles
à la Constitution , nous qui n'existons que
par elle ; on nous a jugés complices des troubles
de notre malheureuse Ville , nous qui
ne vivons que pour son bonheur. On nous
accuse d'être les meurtriers d'un Peuple ,
dont nous avons été les Protecteurs. »
"
Le Public est inondé de calomnies , de
libelles affreux qui nous dechirent , et cependant
nulle Pièce authentique n'a paru
contre nous. S'il en existoit une , ne nous
l'auroit - on pas communiquee? Nos Adver
saires ont tout préparé , ont par tout suscité
contre nous les glaives de l'opinion ; tandis
qu'au no lieu d'une scène affreuse , nous gardions
nos postes avce constance , et ne songions
nullement à prendre des précautions
contre la calomnie. Chaque jour nous rea(
21 ).
dions à l'Assemblée Nationale un compte
exact de notre conduite ; à chaque Courier
, elle étoit informée de la situation de
Montauban et de nos soins pour y entretenir
le calme au péril de nos jours..
"
" C'est moi , Messieurs , c'est moi qui ,
dans cette scène de trouble et de fureur ,
ai désarmé le Peuple : c'est moi qui ai suspendu
et adouci sa fureur contre des Citoyens
qu'il regardoit comme les auteurs de ses
malheurs , et qui lui persuadai de soumettre
sa vengeance à une Procédure. Tout est déposé
dans l'Information . Nous devons la regarder
comme le plus ferme rempart de
notre innocence . Elle s'est cependant faite
avec une lenteur - qui n'annonce que trop
l'ascendant de nos Adversaires.
of
10
La plus grande difficulté de notre défense
est dans le défaut absolu de connoissance
des pièces et des charges . Eh ! comment
les connoîtrions - nous ? elles n'existent
pas. A moins qu'on n'appelle de ce nom des
pièces presque toutes sans signatures , sans
aucun caractère d'authenticité. Il est de
droit naturel que l'accusé connoisse toutes
les charges. Cette maxime , que vous avez
consacrée , est antérieure à toute Loi humaine
; à défaut de répondre à des charges ,
je vais expliquer des faits dont on a voulu
tirer contre nous les inductions les plus
graves. "
On s'est particulièrement attaché à attaquer
l'Ordonnance que nous avons rendue
pour consacrer le principe de la subordination
des Gardes Nationales aux Municipalités
, et que l'Assemblée Nationale a bientôt
confirmée : on a dit que l'Assemblée ne connoissoit
pas alors l'Adresse des Gardes Na-
A
( 22 )
tionales de Montauban , qui demandoient à
faire un Pacte fédératif avec les Villes voisines
; mais nous- mêries nous ne laconnoissions
pas , puisqu'elle n'a paru que le 30 Mars ,
el que notre Ordonnance est du 29.
" A l'Ordonnance du 29 Mars succéda
celle du 13 Avril , rendue également sur
mon réquisitoire . C'est cette Ordonnance qui
est la base de toutes les inculpations dirigées
contre nous . On la presente comme
contraire au Decret par lequel vous avez
ordonné que les Gardes Nationales resteroient
dans le premier régime qu'elles avoient
lors de leur frination , jusqu'à ce que leur
organisation fút décrétée. L'admission des
huit nouvelles Compag- ies dans la Garde
Nationale étoit entièrement consommer ,
avant que le Décret n'arrivat à Montauban
car il n'a été sanctionné que le 30 Avril.
" Pouvoit - il avoir un effet rétroactif?
Quelle étoit d'ailleurs la position de la Municipalité
de Montauban ? Qu'avoit - elle à
opposer au droit naturel qu'a chaque Citoyen
de concourir à la défense publique ?
Dira- t -on que c'étoit un Corps de Volontaires
qui vouloit rester séparé ? Mais le fait dépose
absolument contre cette assertion.
Enfin , si notre Ordonnance étoit juste au
moment où elle a été rendue , pouvoit - elle
cesser de l'être depuis ? Quel devoit être
dans de telles circonstances , le rôle des
Officiers Municipaux ? Celui d'Arbitres et
de Conciliateurs. Eh bien ! nous n'avons pas
cessé de l'être un instant . Nous avons ouvert
des Conferences où des Commissaires furent
nommés. Jamais négociation ne commença
d'une manière plus favorable. Toutes les
esperances s'évanouirent , la négociation es
( 23 )
suya des retards et des embarras , et la fatale
journée du 10 Mai arriva.
"
" Le Commandant de la Garde Nationale
a dit qu'il avoit reçu des pouvoirs pour acquiescer
à tout. Eh ! pourquoi ces offres de
paix ne furent- elles pas apportees en diligence?
" ..
Avant d'entrer dans les détails de l'affreuse
scène du 10 Maí , qu'il nous soit permis
de faire une réflexion générale . Quand on
calcule de sang - froid tout ce que la prudence
auroit pu suggérer dans une scene de
trouble , on est porté à juger les autres
d'après toute la prévoyance et le courage
que l'on se suppose. Mais qui peut se flatter
de conserver , dans une scène où le trouble
éclate de tous les côtés , et s'accroît à chaque
instant , ce sang- froid d'intrépidite qui pourvoit
à tout , qui calme tout! »
"
On reproche aux Officiers Municipaux
de n'avoir pas développé un appareil menacant
contre les femmes attroupees à la porte
des Couvens . Cette mesure étoit évidemment
la pius dangereuse qu'on pût alors employer.
On lui reproche d'avoir délivré des armes
au Peuple. L'Officier Municipal qui les a délivrées
, est un Protestant . On lui reproche
sa lenteur a appeler le Régiment de Languedoc
mais la distance des Casernes à la
Maison Commune est d'une lieuc. Ces dé-
Jais nécessaires étoient un affreux tourment
pour les Municipaux. On leur reproche de
n'avoir pas publié la Loi Martiale ; mais le
Drapeau rouge n'a- t- il pas été arbore ?
>>
" J'énonce ici deux propositions formelles ,
et je les puise dans le propre récit des
Gardes Nationales de Montauban ; l'une ,
que les Officiers Municipaux n'étoient point
( 24 )
dans la Maison Commune au moment où le
tumulte éclata ; l'autre , que les Gardes Nationales
ont commencé l'agression envers
le Peuple. A l'égard du premier fait , il est
dit positivement dans le récit des Gardes
Nationales , que les Officiers Municipaux
se sont transportés à la Maison Commune ,
au moment le plus orageux de la scene , ce
qui dément l'assertion qu'ils y étoient au
commencement. Les preuves de l'hostilité
des Gardes Nationales ne sont pas moins
concluantes. D'abord , ils se sont transportés
armés à la Maison Commune , sans avoir
pris les ordres de la Municipalité , ni l'autorisation
de leur Commandant. Il y a surtout
un fait prouvé , c'est que les coups de
fusil ont été tirés du corps de- garde . Ce
fait est constaté par les Procès- verbaux des
Chirurgiens , qui attestent qu'il y a eu dixhuit
personnes du Peuple blessées . Les Gardes
Nationales avoient donc des munitions , et,
de dessein prémedité , ils étoient donc les
agresseurs. Attribuer ces meurtres , comme
on le fait , à la répercussion des balles contré
le mur, c'est donner l'exemple d'une absurdité
complete. M.de Puy-Montbrun , Commandant
de la Garde Nationale , a lui- même dit , dans
une Lettre signée , que tous les malheurs
étoient dus à cette imprudente jeunesse. "
L'Orateur alloit examiner ensuite les différentes
conclusions du Rapporteur : on l'ainterrompu
par des clameurs , comme s'il man-,
quoit à l'ordre et au respect du Comité ; les
Galeries joignoient leur opposition vocifé
rante à celle d'une partie de l'Assemblée :
cependant , le cri de la justice a préyalu ,
et M. Lade a continué.
Le
( 25
. Le Projet de Décret annulle la Proce
dure faite par le Présidial de Montauban ;
cependant , où sont les motifs de récusation?
On n'en allegue aucun. Les Juges n'étoient
ni parens , ni alliés des Parties : les Adjoints ,
Notables sont Protestans et Catholiques . On
a entendu successivement des témoins des
deux Religions pour mieux s'assurer de la
vérité.
"1
:
T
" En rétablissant la Garde Naljonale sur
l'ancien pied , on expose Montauban au
plus grand danger les nouvelles Compas
gnies ont prêté le Seriment Civique. Comment
tenter de les exelure ? Enfin , la des
titution de Magistrats que le Peuple regarde
comme ses pères , est- elle calculée sur h
prudence? "
L 2
Ce Discours de denx heures étant terminé,
les Accusateurs de la Municipalité firent
lire par l'un d'eux , M. Dounoux , un Mémoire
entièrement analogue par le style et
par les faits , au Rapport du Comité. La
Municipalité y est peinte , non pas comme
coupable de négligence et de partialife ,
mais comme instigatrice de tous les meertres
, comme complice d'une foule de complots
pour désoler le Midi du Royaume.
200
Le mois de Février dernier, a diele Leg
teur du Mémoire , vit éclore à Montauban
un Comité Patriotique , compo de Négocians
et d'Artisans , de jeunes gens pleins
de zèle pour la Constitution. L'ancienne Manicipalité
eut aver ee Comité des relations
pour l'achat des grains qui furent lesla
Ja Ville de Montauban Le moment dles
Elections arriva ; ies Privilégiés se retirent .
On réveibla les prétextes de la Religion. Bles
Protestans furent calomniés , mefaces toas
N° . 32. 7 Août 1790. B
( 26 )
les moyens de séduction furent employés ;
on eut même recours à l'appareil le p'us
menaçant. La nouvelle Municipalité fut elue;
son premier acte fut de demander à la Garde
Nationale les clefs de l'Asenal , qui lui
avoient été confices par l'ancienne Municipalite
; sans doute elle pensoit deja à l'affreux
usage qu'elle en a fait depuis. Nous ne
retracerons point tous les détails de la conduite
de la Municipalité , jusqu'à la fatale
époque du 10 Mai . Tous ces faits ont été
présentés par M. le Rapporteur : nous parlerons
seulement des Assemblées que la Municipalité
autorisoit ; Assemblées séditieuses ,
où chaque mot respiroit la rév‹ Ite et l'audace.
La Municipalite faisoit à Montauban un
Journal des Debats et Décrets , qu'ellefalsifioit
à son gré. Elle changeoit la destination
d'un Octroi appliqué aux pauvres de la
Ville , sans doute afin de les exciter mieux, »
" Quant à la scene du 10 Mai , la populace
attroupée defend d'abord les portes du
Couvent . Elle se renforce par degré, d'armes ,
de piques , de bâtons , et va fondre sur la
Maison Commune , où étoient renfermées
les Gardes Nationales .
"
2
Le sieur Romagnas avertit plusieurs fois
la Municipalité du danger où se trouvent
fes Gardes Nationales . On lui répond qu'il
se plaît à se faire, des -hydres pour les combattre
. Le Peuple se presse davantage autour
de la Commune. Il dépave les rues....
Un des Officiers Municipaux fait signe aux
personnes attroupées de se retirer, en disant :
Voulez- vous nous leuir ici prisonniers comme
on tient le Roi à Paris ? ... Le Commandant
de la Marechaussée offre de faire retirer tout
ce monde , sans faire de mal à personne. On
( 27 )
lui répond qu'on n'a pas besoin de lui . Le
Peuple crioit : Vive le Roi! à bas la Nation!
à bas les Cocardes ! Le Régiment de Languedoc
n'est venu que deux heures et demie
apres la scenc. 11 est faux qu'il ait été tiré
des coups de fusils du Corps - de-Garde ; les
blessures légères qu'ont eues quelques personnes
du Peuple , viennent de la foule et
de la mal-adresse de plusieurs à manier les
armes . "
Le Lecteur a fini par déclarer que , sûrs
de leur innocence , les Patriotes ne craindroient
pas de se constituer prisonniers sous
la sauve- garde de la Loi.
Les applaudissemens tumultueux des Galeries
qui frappoient des mains , des pieds ,
des cannes , et l'approbation éclatante que
le côte gauche a donné à ce Discours , ont
dispensé POrateur et ses Collègues de cette
Formalité. Quoiqu'ils n'eussent apporté aucune
preuve quelconque de leurs assertions ,
ni justifié d'une seule Piece authentique à
leur appui , le Procès a été considéré comme
instruit de reste. MM. Feydel , de Virieu ,
La Chèze et Maury étoient inscrits par le
Président pour parler sur le Décret du Comité
; on leur a constamment fermé la
bouche.m
M. Malouet cependant , a élevé une Motion
incidente . « La gravité des faits qu'on
vient d'imputer sans preuve à la Municipalité
de Montauban , a- t- il dit , et l'acquiescement
que leur silence forcé paroîtroit
y donner, me déterminent à demander que
les Officiers Municipaux soient de nouveau
appelés et interrogés sur les faits principaux
dont on les charge , et qu'ils désavouent .
"
« Je demande la question préalable s'est
Bu
( 28 )
' écrié M. Charles de Lameth. Puis montant à
' la Tribune : « Ce que nous avons à faire est
extrêmement facile ; elaguons tout ce qui
n'est pas de notre ressort. Nous pouvons
prononcer ; mais nous ne devons pas examiner
les détails de cette affaire. L'information
doit être faite par des Juges ; c'est à nous
à les designer, et à suspendre les Officiers Municipaux
de leurs fonctions . Depuis Bordeaux
jusqu'à Dunkerque , depuis Dunkerque jusqu'a
Perpignan , la clameur publique vous
denonce les Officiers Municipaux de Montauban
, et vous indique le jugement qu'il
faut prononcer. Il seroit honteux pour nous
de nous amuser à discuter ; je demande que
l'Assemblée prononce sur le champ.
་ ་
"}
« Je demande moi , a repliqué M. de Cazalès,
comment l'Acte qui prononce qu'il y a lieu
un jugement , ne seroit pas un jugement ?
comment ce n'est pas un jugement que de
suspendre une Municipalité de ses fonctions?
Si vous ne voulez rendre les Officiers publics
victimes du premier dénonciateur , pouvezvous
prononcer une pareille suspension , sans
prendre, connoissance de l'affaire ? J'admire
l'étrange jurisprudence du Préopinant ! l'Assemblée
, selon lui , doit juger sur la clameur
publique. Ce principe mérite d'être
mis en parallele avec celui qu'ils avança
l'autre jour , que les Officiers Municipaux
de Montauban devoient être jugés dans le
-sens de la Révolution. Les préventions les
plus fortes se sont manifestees jusque dans
de sein de cette Assemblée. Le public y a
applaudi avec la plus grande indécence , applaudisseurens
qui portent le caractère de la
férocite , lorsqu'ils sont dirigés contre des
personnes qui se trouvent sous le glaive de la
( 29 )
loi. Quand l'opinion publique a dicté d'avance
votre jugement , il est de votre devoir
, comme il est d'usage dans tous les tribunaux
équitabies , de différer pour donner
aux passions le temps de se calmer , et aux
préventions trop violentes le temps de se
dissiper. ( On crie à l'ordre , aux voix . ) .
"
((
Je demande que ceux qui crient , avancent
quelque chose de raisonnable , de juste
d'humain , en me contredisant. Pas une
seule famille n'a été exilée de Montauban ,
comme le Comité des Rapports l'a prétendu
Quelques individus en sont partis volontairement
, pour attirer de nouvelles calamités sur
leur malheureuse Patrie , pour venir ici intriguer
contre la Municipalité.
" Je suis Citoyen de Montauban : c'est
pour ma Patrie que j'implore la justice de
l'Assemblée. Les Officiers Municipaux sont
l'ouvrage du Peuple qui les a choisis ; ils
jouissent de son estime . Voulez - vous , par
l'effet d'une injuste prévention , les enlever
à sa confiance ? faut- il que des torrens de
sang suivent cette erreur ? faut - il que cette
Ville disparoisse de dessus la surface de la
terre ? Je conclus à l'ajournement , et je
demande que les Membres de la Garde Na
tionale de Montauban soient tenus de remettre
leur discours sur le Bureau , et de
fournir les preuves des faits qu'ils ont avan
cés. Je demande au surplus que l'Assemblée,
prenne connoissance de la procédure commencée
à Montauban. M. le Garde - des-
Sceaux en a l'Extrait . Voilà où sont déposés
la seule instruction , les témoignages et les
preuves. Je finis par un fait qui vous prouvera
la nécessité d'un ajournement et la
crainte des Coupables. "
B iij
( 30 )
M. Feydel , Député du Quercy , sortoit
Jeudi soir de cette salle , portant les pièces
de cette procédure sous le bras . Huit hommes
s'approchèrent de lui , en se disant tout
bas : Il faut les lui enlever , en attendant que
nous puissions mieux faire.. M. Feydel précipita
sa marche ; mais ils suivirent tous ses
mouvemens . et ne le quittèrent que lorsqu'ils
le virent escorté de deux autres Députés
, et d'un Grenadier qu'il rencontra. »
Ce récit , certifié par M. Feydel lvi - même ,
et par MM. de Marinais et Darget témoins ,
sembloit donner lieu à de sérieuses réflexions :
mais M. Barnave les étouffa ; il s'empressa
d'écarter l'attention de cet attentat non exécuté
, et quoi qu'on eût refusé la parole à
ceux qui étoient inscrits pour la prendre , il
Ja prit pour plaider contre la Municipalité
de Montauban et pour rassembler les charges;
à la sixième on perdit patience , et on lui
demanda les preuves.
~:( Aux voix ! aux voix ! s'écria le côté
gauche. Aux preuves reprit M. d'Epresménil
). A ces mots , la majorité se levant à
la fois , força le Président de prononcer ,
qu'iln'y avoit pas lieu à délibérer surla Motion
de M. Malouet, ni sur l'ajournement.
Ces Motions incidentes étant ainsi jugées ,
le Pré-ident alloit ouvrir la discussion sur le
fond de la question , restée intacte; les cris
recommencerent : M. Charles de Lameth fit
décider préalablement que la discussion étoit
fermée , avant d'avoir commencé . Privés de
l'audience , les Officiers Municipaux de Montauban
envoyèrent la déclaration suivante
au Président :
" Nous Maire , Officier Municipal et Procureur
de la Commune de la Ville de Mon(
31 )
tauban , supplions M. le Président de l'Assemblee
Nationale de vouloir bien lui faire
part du désaveu formel que nous faisons des
faits avancés contre nous à la Barre , par
nos adversaires , et du défi que nous leur
donnons d'en produire aucune preuve les
gale. " A Paris, le 26 Juillet , à 11 heures
moins un quart du soir. CIEURAC , Maire ;
MIALARET , LADE Procureur de la Com
mune.
La lecture de cette déclaration , les instances
de M. l'Abbé Maury , les réclamations
, tout fut inutile. L'ajournement , l'in
formation , l'audience , les amendemens , la
discussion même , furent rejetés par la question
préalable , et le Decret du Comité des
Rapports converti en Décret de l'Assemblée,
La plupart des Membres de la Minorité refusèrent
de délibérer : M. de Virieu s'avança
vers le Bureau , et dit : « Ne voulant point
participer à une marche aussi oppressive ,
je déclare que je ne veux pas autoriser
par ma présence le Déeret qui va préva-
"
- loir. "
Le Régiment de Languedoc paroissant
être dévoué au Peuple de Montauban , on
décida de l'eloigner de cette Ville , par une
des dispositions de l'Arrêt que voici :-
" L'Assemblée Nationale , après avoir entenda
son Comité des Rapports , déclare que
l'information commencée devant le Juge de
Montauban , relativement à l'évenement ar
rive dans cette Ville , le 10 Mai dernier ,
demeure comme non- avenue ;
Ordonne que son Président , se retirera
pardevers le Roi , pour supplier Sa Majesté de
donner des ordres , pour que l'ancienne Garde
Nationale Montalbanoise soit établie dans le
B iv
( 32 )
même état qu'clle etoit avant l'Ordonnance
des Officiers Municipaux de ladite Ville ' ,
en date du 6 avril dernier ; laquelle Ordonnance
, ainsi que tout ce qui a été fait en
conséquence , est déclarée comme non - ave-
De , sauf aux Citoyens actifs qui n'étoient
pas de ladite Garde ancienne , à s'y faire
incorporer , conformément au Décret du
12 Juin dernier, ovi
་་ L'Assemblée Nationale décrète , 1 °. qu'il
sera informé devant les Officiers Municipaux,
Par les Juges ordinaires en matière criminelle
à Toulouse , à la diligence de la partie
publique , de tous les événemens arrivés à
Montauban le 10 mai , ainsi que de tous ceux
qui y sont relatifs , tant antérieurs que postérieurs
à ladite époque , les circonstances
et dépendances ; à l'effet de quoi les pièces
déposées au Comité des Rapports seront incessamment
adressées à ladite partie publi
que .
9
>>
" 2 °. Que jusqu'à ce qu'il soit statué sur
ladite information , les Membres du Corps
Municipal de Montauban demeureront suspendus
de leurs fonctions à l'époque de la
notification qui leur sera faite du présent
Decret »
"
3. Que les Administrateurs du Départe,
ment du Lot , ou de son Directoire , commettront
, sur l'avis du Directoire du District
de Montauban , six personnes pour
remplir provisoire ment dans cette Ville , les
fonctions municipales , dout une sera par eux
indiquée pour faire les fonctions de Maire , et
une autre pour remplir celles de Procureur
de la Commune2.. "
"4° . Que la notification du présent Décret
et de la Commission qui sera nommée , sɩ ra
( 33 )
faite au même instant aux Officiers qui composent
la Municipalité de Montauban , par
les Administrateurs du Département ou de
son Directoire .
« L'Assemblée Nationale charge son Président
d'écrire à la troupe de Maréchaussée
à Montauban , pour lui témoigner sa satisfac
tion de la conduite qu'elle a tenue le 10 mai .
Décrete que son Président se retirera
auprès du Roi , pour le prier de substituer
deux Régimens quelconques à celui qui est
à present en garnison dans cette Ville »
<<
DU MARDI 27 JUILLET.
Après la lecture du Procès -verbal de la
veille au soir , M. Feydeb , qui n'avoit pu se
faire entendre , a pris la parole , et a dit :
Votre Décret d'hier ordonne que toutes
les Pièces relatives à l'affaire de Montauban
seront envoyées à la Partie publique. Eh
bien ! Messieurs , je vous préviens que cet .
ordre ne sera pas rempli , parce que depuis
que les Accusateurs de la Municipalité nient .
d'avoin les premiers fait feu sur le Peuple , il
a disparu d'entre les maina de votre Rappor→
teur , une piece essentielle ; savoir, la lettre
des 10 et 11 Mai , signée Peyrozet , et dans
Jaquelle , au travers de plusieurs calomnies
afroces , se trouve l'aveu formel que les Dénonciateurs
de la Municipalité ont tiré les
premiers sur le Peuple sans armes. Le Rapporteur
assure que cette lettre s'est égarée
dans les mains de vos Journalistes ; je demande
que l'apport en soit fait et ordonné .
Cette motion a été appuyée ; personne neľa
contredite ; mais on l'a etouffée par le cri de
l'ordre du jour .
(1
Hier au soir , a poursuivi M. Feydel,
Βι
( 34 )
vous avez entendu M. Charles de Lameth dire
que la Municipalité de Toulouse vous avoit
adressé une Pétition , sans doute à ce qu'il
fût fait justice des Officiers Municipaux de
Montauban. Je demande que cette Pétition
soit aussi adressée à la Partie publique , pour
que la Municipalité de Toulouse se rappelle
qu'elle ne peut être tout à la fois Juge et
Partie accusatrice de celle de Montauban ;
à moins , Messieurs , qu'on ne pense que ce
nouvel ordre de choses ne soit dans le sens
de la Révolution . La Motion a été appuyée ;
on l'a également repoussée par l'ordre du jour,
Le Rédacteur de votre Procès -verbal , a
enfin ajouté M. Feydel , qualifie , à chaque
ligne , les Dénonciateurs de la Municipalité
, de Députés de la Garde Nationale ;
cette qualification n'est pas exacte : ces Députés
ne le sont que d'environ deux cents
Personnes qui se sont retirés de la Garde
Nationale , après avoir provoqué le malheur
du 10 Mai. A cette époque , la Garde Nationale
étoit composée de 1800 hommes , dont
1600 restés fidèles à vos Décrets , et ayant
dans tous les temps voté pour l'admission
des nouvelles Compagnies , forment la majorité
de cette Garde. Elle a envoyé à la Fédération
du 14 Juillet , des Députés autres
que ceux dont on parle dans votre Procèsverbal
; il faut donc changer cette expression,
et dire ; les Députés des Membres retirés de la
Garde Nationale. Cette demande a eu le
même sort que les précédentes.
"
Pendant les observations de M. Feydel ,
différentes rumeurs parcouroient la Salle . On
racontoit qu'une Armée Autrichienne , suivie
d'un train considérable d'artillerie , s'étoit
introduite dans le Département des Ar(
35 )
dennes. D'autres annonçoient des combats
livrés ; la ville de Givet saccagée , etc.......
Bientót M. Dubois de Crancé a fait connoître
l'origine de ces fables , déja recueillies par
les libelles périodiques. Voici , a-t- il dit ;
une lettre du Département des Ardennes ;
elle contient les ordres envoyés par M. de
Bouillé, Commandant de la province , à M. de
Bonnesson , Commandant de Mezières , pour
livrer le passage aux Troupes Autrichiennes ,
qui doivent se rendre dans les Pays - Bas
Ce passage a été accordé par le Roi , sur
la demande de M. le Comte de Mercy , Anibassadeur
de Sa Majesté Apostolique...
Je dois vous rendre compte en même temps ,
que , sur toute l'étendue de ces frontières , il a
couru la semaine dernière des Einissaires
criant auxarmes ! aux ennemis ! l'alarme a été
générale ; les paysans , dans l'obscurité de
la nuit , se prenoient les uns les autres pour
des ennemis , et se seroient massacrés si on
ne leur eut fait reconnoître leur erreur. Quelques-
uns des brigands ont été arrêtés ; mais
on est dans la plus grande inquiétude : la
frontiere est absolument dégarnie de Troupes:
Je demande que le Ministre de la Guerre
soit appelé à la Barre , pour rendre compte
de sa conduite.
"
"
Ces précautions ne suffisent pas , a dit
M. Fréteau ; il faut que nous envoyons des
Commissaires , pour prendre communication
des Traités passés entre la France et la Maison
d'Autriche , et vérifier s'il en existe qui nous
obligent à livrer le passage aux Troupes Autrichiennes.
Comment se peut- il que des rassemblemens
de Troupes étrangères aient été
faits sur nos frontières , sans que l'Assemblée
Nationale en ait été instruite. ? Cette négli-
B vi
( 36 )
gence de la part des Ministres n'est elle pas
une infraction formelle a Décret sur le
droit de paix et de guerre ? .... ”
Notre étati, a ajouté immédiatement
" M. Voidel, du Comité des Recherches ,
" notre état est gritique sans être alarmant.
Le Comité sait , par voies sûres , qu'on assemble
une Armee en Savoie. Les Princes
Allemands s'agitent de toutes parts. Les
Ministres nous doivent sans delai un état
de nos frontières , et de la situation politique
de l'Europe.
и
>>
Vous avez décrété , s'écrie M. Muguet,
qu'aucun Corps de Troupes étrangères ne
pourroit être introduit dans le Royaume
qué par un Décret du Corps législatif , sanctionné
par le Roi, Le Minis re et tous ses
agens doivent être responsables des ordres,
qu'ils ont donnés . »
M. Rembell annonce des insurrections.
fomentées dans l'Armee , en Flandres et à
Strasbourg ; la distribution en Alsace d'un
grand nombre de libelles dans les deux
langues, l'avis répandu d'une fabrique d'Assignats
à Coblentz .
"
Près de Chambéry , atteste M. Chabroud
, il s'est formé un Camp de 13,000
hommes : 6cco Piemontois sout attendus,
Le Ministère choisit ce moment pour retirer
un Régiment de la Garnison de Grenoble,
Le Ministre doit être mandé à la
Barre, Po
Cette série de nouvelles , les unes exagérées
, les autres absolumene controuvées ,
sement une alarme universel'e : elles entraînent
le Décret suivant, d'après l'avis de M.
Fréteau.
་ L'Assemblée Nationale décrète que six
( 37 )
Commissaires nommés sur le champ , se retireront
à l'heure même au Secretariat de
la Guerre , à l'effet de prendre communication
des ordres qui ont été adressés aux Commandans
pour le Roi , de livrer passage aux
Troupes étrangères par les Departemens ,
terres et villes de la domination Françoise ;
mêmeaux Co ; mandans des Corps de Troupes
de ligne d'evacuer les places frontieres du
Royaume , notamment du côté de la Champagne
et des Pays- Bas , à l'effet d'être rendu
compte desdits ordres à l'Assemblée , le
plus tôt possible , ensemble, des mesures qui
peuvent avoir été prises pour la défense et
sureté de la Nation au de hors .
"
>>
Décrète en o tre que lesdits Commis-,
saires se rendront ensuite an Secrétariat des
Affaires étrangères , à l'effet de demander,
au Ministre la communication des nouvelles
qu'il a reçues relativement à la situation politique
des Puissances voisines du Royaume .." ,
M. le Président a nommé sur- le- champ,
les six Commissaires ,: qui sont MM. Dubois,
de Crance , de Menou , d'Elbecq , Fréteau ,
Emmery , d'André.
On a passé ensuite à l'Ordre judiciaire ,
dont on a décrété huit articles en ces termes ,
Ier. Il sera établi en chaque District un
Tribunal, composé de cinq Juges , aupres
duquel il y aura un Officier charge des fonc
tions du ministère- public. Les Suppleans y
seront au nombre de quatre , dont deux au
moins seront pris dans la Ville de l'etablis
sement. "
17 II. Dans les Districts où il se trouvera,
une Ville dont la population excedera 50000
ames, lenombre des Juges du Tribunal de Dis
trict pourra être porte à six Juges , qui se
( 38 )
diviseront en deux Chambres pour les causes
de première instance , et pour l'appel des Jugemens
des Juges de Paix , lorsque le Corps
Législatif l'aura reconnu nécessaire d'après
les instructions des Administrations de Département.
"
30
III. Celui des Juges qui aura été élu le
premier , présidera , et , dans le cas de division
du Tribunal en deux Chambres , les deux
premiers élus seront les deux Présidens .
"
"1
IV. Les Juges de District connoîtront
en première instance de toutes les causes
personnelles , réelles et mixtes , en toutes
inatières , excepté seulement celles qui ont
été déclarées ci - dessus être de la compétence
des Juges de Paix ; les affaires de commerce
dans les Districts où il y aura des Tribunaux
de commerce. »
V. Les Juges de District connoîtront
en première instance et dernier ressort , jusqu'à
la valeur de 1000 liv. en principal , de
toutes affaires personnelles et mobiliaires ,
et des affaires réelles dont l'objet sera de
50 liv. de revenu déterminé , soit en rente ,
soit pour prix de bail .
"
39
"
VI. En toutes matières personnelles ,
réelles ou mixtes , à quelque somme ou va
leur que l'objet de la contestation puisse
monter , les parties seront tenues de déclarer
, an commencement de la procédure , si
elles consentent à être jugées sans appel ;
elles auront encore pendant tout le cours de
l'instruction , la faculté d'en convenir , auquel
cas les Juges de District prononceront
en premier et dernier ressort. »
་་
VII. L'appel des Jugemens des Juges
de Paix , dans le cas où ils y seront sujets ,
sèra porté au Tribunal de District de leur
( 39 )
arrondissement , et jugé en dernier ressort ,
sur simple exploit d'appel.
VIII. Lorsque les Tribunaux de District
connoîtront des appels des Jugemens des
Juges de Paix , et en premiere instance en dernier
ressort , ils jugeront au nombre de trois ;
et dans toutes les autres matières importantes
et en dernier ressort , ils ne pourront juger
en nombre moindre que de quatre.
Titre IV. Des Appels.
"
Art. Ier. Les Juges de District seront
Juges d'appel les uns à l'égard des autres ,
selon les rapports qui seront déterminés dans
les articles suivans. "
"
II. Lorsqu'il y aura appel d'un Jugement
, les Parties pourront convenir d'un
Tribunal entre ceux de tous les Districts du
Royaume , pour lui en déferer la connoissance
, et elles en feront , au Greffe du Trinal
dont il aura été appelé , la déclaration
signée d'elles ou de leurs Procureurs spécialement
fondés . "
Les articles suivans ont été ajournés .
DU MARDI. SÉANCE DU SOIR.
A l'instant où l'on commençoit la Séance
s'est fait entendre de la terrasse des Tuileries
, qui borde la Salle , un tumulte confus
de huees , parmi lesquelles on a distingué
des cris forcenés qui demandoient le renvoi
des Ministres. Ces cris partoient d'un attroupement
formé sous les yeux même de l'Assemblée.
Il s'y est manifesté une grande
agitation ; M. de Liancourt a interpellé le
Président d'envoyer l'Officier de garde
faire cesser ce tumulte . Si on le lais-
" se continuer , a ajouté M. Dupont , nous
n'en serons bientôt plus maîtres. » On a ་
"
40 )
fait sortir un Huissier qui a rapporté la cessation
du désordre.
DU MERCREDI 28 JUILLET.
La Séance d'hier avoit produit une vive
fermentation et les conjectures les plus
sinistres les détails rapportés aujourd'hui
en ont fait tomber une partie ; mais en portant
la défiance sur d'autres objets de crainte.
M. de Montmorin devoit une explication sur
ée qui le concernoit dans les discours d'hier :
il a voulu compléter ses réponses aux six
Commissaires , par la lettre suivante à l'Assemblée
; lettre dont il a été fait lecture..
"
MONSIEUR LE PRÉSIDENT ,
"
Quoique j'aie donné à Messieurs les
Commissaires de l'Assemblee Nationale tous
les éclaircissemens qu'ils m'ont fait l'honneur
de me demander , et quelle que soit
ma confiance dans le rapport qu'ils en feront
à l'Assemblee , j'attache trop d'intérêt
à son opinion pour ne pas lui donner moimême
les explications qu'elle a paru desirer.
་་
La demande qu'a faite au Roi M. le
Comte de Merey , au nom du Souverain qu'il
représente , du passage de quelques Troupes
sur le territoire de France , est conforme
aux usages constamment suivis entre les
denx Puissances , ei naturels, entre deux
Pays voisins , dont les possessions sont entre-,
médées ; elle est fondée sur le Droit publies
et nous sommes tous -mêmes dans le cas de re
quérir le passage pour nos Troupes sur le territoire
Belgique , toutes les fois que nous chan
geons quelques - unes de nos Garnisons , nommément
celles de Philippeville et de Ma-..
riembourg. Un refus auroit été non - scule-.
( 41 )
ment contraire aux formes les plus simples
qui s'observent entre Puissances voisines ,
mais nous auroit exposés au même procédé
en pareille occasion .
་ ་
»
J'observerai de plus que la demande de
M. le Comte de Mercy étoit de pure prévoyance
; qu'il n'a encore passé aucunes .
Troupes sur notre territoire ; que très -vraisemblablement
il n'en passera pas , et que
dans tous les cas il ne pouvoit être question
que d'un petit nombre de gens de guerre.
པ་ ནམ་
>
En priant le Ministre de la Guerre de
prendre les ordres du Roi sur cet objet , j'ai
donc rempli une simple formalité d'usage .
et même de devoir pour le Ministre des
Affaires étrangères , lorsqu'il en est requis
par un Ambassadeur é ni M. de
anger ; ci
la Tour- au- in , ni moi , n'avons dû penser
que le passage incertain d'un petit nombre
de gens de guerre sur quelques points des
extrémités de nos frontières , pût , sous aucun
rapport , être assimilé à une introduction
de Troupes étrangères. "
"( M. de la Tour- du - Pin a informé l'Assemblée
du nombre de Troupes qui garnissent
nos frontières dans cette partie ; il n'y
en a jamais eu autant en temps de paix ,
puisqu'il s'élève à 81 Bataillons et 74 Escadrons
, depuis Bitch jusqu'à Dunkerque , et
à 35 Bataillons et 30 Escadrons depuis Landau
jusqu'aux extrémités de la Franche- Comté ,
Ce nombre de Troupes n'a éprouvé de diminution
que celle de deux Régimens qu'on
emploie momentanément du côte de Lyon.
" J'ai donné connoissance à Messieurs les
Commissaires , des differentes notions qui
me sont parvenues sur ce qui se passe dans
( 42 )
les autres pays qui nous avoisinent ; j'avois
déja communiqué avec plus de détail les
mémes notions à quelques-uns des Membres
du Comité des Recherches de l'Assemblée
Nationale , qui , je n'en doute pas , rendront
témoignage à l'empressement avec lequel je
leur andonné tous les éclaircissemens qu'ils
pouvoient attendre de moi , et avec lequel
j'ai même prévenu leur desir. »
Paris , ce 28 Juillet 1790.
En attendant l'arrivée des Commissaires
auxquels on a renvoyé la lettre du Ministre ;
M. de Cernon a interjeté une demande de
fixer le Chef-lieu du Département du Pas
de Calais à Arras on l'a ainsi décrété.
M.
.
Freteau , l'un des six Commissaires
nommés la veille , est entré , et a rendu
compte du résultat de leurs recherches , et
de leurs conférences avec les Ministres .
1º. Nous avons constaté , a- t- il dit , les.
ordres donnés pour le passage des Troupes
Autrichiennes , et les négociations qui ont
eu lieu à cet effet. Le 3 Juin 1790 , le Baron
de Bender , Major général de Troupes Autrichiennes
, a écrit à M. de Mercy , Ambas
sadeur de Sa Majesté Apostolique en France,
en le priant d'agir auprès de la Cour de
France pour faire augmenter la garnison de
Givet , dont les habitans se mêlent aux insurgens
Belgiques , et ont tenté de reprendre
sur les Autrichiens le Canon enlevé aux
Belges, à l'affaire de Beaurain.
*
Le 12 Juin , M. de Mercy écrivit à cet
effet à M. de Montmorin ; il lui demanda
en même temps , au nom de son Souverain ,
qu'attendu que les Troupes Françoises tra(
43 )
versent le territoire Autrichien pour aller à
Maubeuge , par reciprocité , des détachemens
Autrichiens pussent traverser le tertis
toire François , pour se rendre sur le territoire
Belgique.
Lettre de M. de Montmorin à M. de la
Tour- du -Pin , en date du 27 juin , par laquelle
il invite ce dernier à présenter au
Roi la demande de l'Ambassadeur Autrichien
, ajoutant qu'il la croit conforme à la
réciprocité établie par les Traités subsistans
entre les deux Puissances . Lettre ,
du 17 juillet , de M. de la Tour- du- Pin à
M. de Montmorin. Le Roi a décidé , conformément
à votre avis , que la demande de
M. de Mercy étant fondée sur la réciprocité ,
nn
"
― en date
seroit porté aucun empêchement au
passage des Troupes Autrichiennes , puisque
celles de Sa Majesté passent librement.
Je vous adresse la copie de la lettre
que j'adresse à MM. Bouillé et de Sarlabous.
"
M. de Bouillé a adressé ces mêmes ordres au
Lieutenant de Roi de Thionville , et même.
au Commandant de Verdun , où ils ont occasionné
une grande fermentation : le Peu
ple a arrêté un convoi destiné pour Nancy
dans la crainte qu'il ne fût rencontré par
les
Troupes Autrichiennes.
Nous avons compulsé les Traités : il cons ,
te , par celui de 1769 , confirmé en 1779
que la réciprocité de passage n'est nullement
etablie pour les Troupes Autrichiennes .
( A ces mots une joie subite s'est répandue
dans la Salle , et s'est même manifestée par
quelques applaudissemens . ) L'Article 34 de
ce Traité porte que les Troupes de Sa Ma(
44 )
jesté Très - Chrétienne pourront traverser le
Comté de Beaumont , à condition qu'elles ne
logeront pas sur le territoire de l'Empire ,
qu'elles ne commettront aucun dégât , et que
toutes les dépenses qu'elles feront dans leur
passage seront payées comptant et de gré à
gré.
"
Ce Comté de Beaumont est pour ainsi
dire enclavé dans la France , et pour aller de
Givet à Maubeuge , à Philippeville , à Mariembourg
, il est indispensable dé le traver
ser... Mais il est évident que le Ministre s'est
trompé sur les dispositions de ce Traité , où
qu'il n'en avoit pas connoissance , puisqu'il
a fallu le chercher un jour entier. Ainsi la
réciprocité n'est point établie : quand elle le
seroit les Troupes Autrichiennes n'auroient
1.40 au dejõulu France ; or il étoit impossible
qu'elle ne séjournasssent pas depuis
Givet jusqu'à Verdun .
Ensuite , le Ministre à oublié ou mal entendu
le décret du 28 Février dernier , portant
qu'il ne pourra être introduit dans le
Royaume , ni admis au service de l'Etat ,
aucun Corps de Troupes étrangères , sans
un Décret du Corps législatif , sanctionné
par le Roi.
Les ordres donnés pour l'introduction
d'une armée Autrichienne en France , sont
une erreur des Ministres , qui ne connoissoient
ni les Traités ni vos Décrets.
2º. Sur le troisième objet de notre mission,
concernant la vérification des Garnisons des
frontieres , M. de la Tour-du - Pin nous a
remis le Mémoire explicatif que voici :
« Il a toujours été regardé comme indispensable
, militairement et politiquement ,
( 45 )
1
d'entretenir sur les frontières de l'Alsace ,
des Evêchés et de la Flandre , la majeure
partie des Troupes sur pied , et vous vous
convaincrez facilement , en jetant les yeux
sur l'etat , que malgré les obstacles qu'on a
rencontres , ce principe n'a point été négligé.
"
" 257
La haute Alsace va se trouver , à la
vérité , diminuée de quatre bataillons , mais
l'exécution du Décret rendu à l'occasion des
troubles de Lyon , a déterminé ce mouvement.
Besançon a également fourni deux
bataillons , et l'on a tire de la Franche-
Comté et de la Bourgogne , la Cavalerie
que l'on a juge indispensable d'y faire
marcher. "
་ ་ A l'exception de cette diminution forcée
, toutes les garnisons de l'Alsace , de la
Lorraine , des Evêchés et de la Flandre ,
sont sur le pied de paix le plus fort . Vous
trouverez ainsi depuis Bitche jusqu'à Dunkerque
, 81 bataillons et 74 escadrons ; et
depuis Landau jusqu'au Fort de l'Ecluse ,
35 bataillons et 30 escadrons , y compris les
Troupes destinées pour Lyon. "
"
Sur la frontiere de Champagne , la
crainte d'une insurrection que j'ai dú cher-
«cher à prévenir , m'a engagé à proposer au
Roi de retirer de Charleville le Régiment
de Bercheny ; mais je ne m'y determinai ,
que parce que j'avois des moyens de le remplacer
immédiatement par les Chasseurs de
Picardie : le Décret de l'Assemblée Nationale
qui demandoit une garnison de Cavalerie
pour Haguenau , m³aƒ forcé d'y faire
passer ce dernier Corps .
"
"
D'ailleurs , les villes de Mézières et de
( 46 )
" Charleville ne faisoient , en quelque façon
qu'une seule ville ; j'avois pensé qu'en con,
servant deux bataillons dans la premiere , je
pourrois pendant quelque temps être sans
inquiétude sur cette disposition . »
་་
Cependant , sur les représentations du
Département des Ardennes , je viens d'ex- ·
pédier des ordres pour faire rendre à Charleville
, momentanément , un escadron d'Esterhazy
; et si les circonstances deviennent
plus impérieuses , il sera facile et expédient
d'y faire passer un Régiment de la garnison
de Metz. Ainsi , cette frontière a à peine
perdu deux escadrons , qu'en cinq ou six
jours de marche on peut s'y reporter avec une
augmentation considérable de forces , si elle
devenoit nécessaire .
((
La frontière des Alpes n'a jusqu'ici
jamais attiré l'attention du Gouvernement ;
cependant , les inquiétudes que l'on peut
concevoir dans ce moment , ' ont engagé à y
veiller particulierement , et elle se trouve
actuellement plus garnie de Troupes qu'elle
ne l'est ordinairement en temps de paix. La
Provence et le Dauphiné n'ont pas , depuis
long-temps , réuni 27 bataillons et 6 escadrons
comme aujourd'hui . Les Troupes qui
marchent vers Lyon rapprochent encore des
forces assez nombreuses pour rassurer dans
un premier moment. "
་་ Si , pressé par les instantes sollicitations
du Général Paoli , j'avois proposé de faire
passer en Corse le bataillon de Chasseurs-
Royaux - Corses , c'étoit avec l'intention de
le remplacer en Dauphiné; et le retour d'un
bataillon du Régiment du Maine , que cette
disposition facilitoit , en donnoit un moyen
( 47 )
de plus. Je l'ai mandé dans le temps à fa
Municipalité de Grenoble.
"
L'intérieur du Royaume emporte un plus
grand nombre de Troupes que de coutume .
Vous connoissez parfaitement les troubles
qui se sont elevés dans les Départemens de
la Corrèze , de la Nièvre , de l'Allier et de
l'Aube ; la nécessité de conserver des détachemens
dans ceux de la Seine et Marne ,
de la Seine et l'Oise , et du Loiret , dans la
Normandie ; enfin , tous les autres motifs
qui ont engagé à disperser successivement
une partie de l'Armée . Cette dispersion néan
moins n'occupe encore qu'environ 30 bataillons
et 36 escadions. Nos Cótes n'ont que
leurs garnisons ordinaires , et l'escadre de
Brest a même diminué sensiblement celles
de la Bretagne. "
40
Ces éclaircissemens , a continué M. Fréteau
, accompagnes des pieces justificatives ,
nous ont paru satisfaisans. Passons an troisième
objet , les éclaircissemens à prendre
sur les vues des Puissances Etrangeres : notis
avons recueilli des informations de M. de
-Montmorin , que l'Angleterre continue ses
armemens avec la plus grande activité. 61
vaisseaux de ligne sont prêts à agir ; l'Armée
est augmentée ; toutes les Milices du royaume
sont convoquées ; les Escadres viennent encore
d'être renforcées ; 4 vaisseaux Hollandois
s'y sont joints , et 6 autres doivent s'y
joindre incessamment ; la presse se fait avec
tant d'ardeur que les billets d'exemption
donnés par le Ministre sont considérés comine
nuls. Cependant les négociations du Cabinet
de Saint- James avec celui de Madrid , font
espérer que la paix va se conclure entre ces
( 48 )
deux Puissances , et l'on ne sauroit plus
douter que les propositions raisonnables de
l'Espagne ne soient acceptées. De si grands
arniemens , nous a ajouté le Ministre , ne
peuvent avoir le Nord pour objet . Les vaisseaux
sont trop forts , et il est trop tard pour
passer le Sund. Les dispositions du Ministere
Anglois sur la Révolution de France ,
et ses desseins sur les possessions maritimes
de la Maison de Bourbon , sont trop
connus , pour ne pas donner les plus grandes
inquiétudes , sur-tout lorsqu'ils se manifestent
par un armement qui coûte déja à l'Angleterre
plus de 36 millions . >>
M. de Montmorin nous a dit qu'il n'avoit
pas pu instruire plus tôt l'Assemblee de ces
differentes dispositions , pour ne pas altérer
la sécurité des fêtes de la Fédération ; mais
qu'il se proposoit de lui envoyer incessamment
un Memoire à ce sujet.
« L'Espague ne peut donner d'inquiétudes ,
elle se borne à intercepter la communication
deses Peuples avec la France , et à les premunir
contre l'amour des innovations ; ses
troupes sont encore dans leurs garnisons ordinaires.
Cependant sa flotte est respectable ,
et offre à Cadix une réunion imposante.
"
37
« L'inclination du Roi de Hongrie à la
paix est encore dans l'opinion du Ministre.
Cependant il est à croire que , si le Traité
entre le Roi de Prusse et lui , et les Princes
Allemands qui veulent s'y faire comprendre ,
vient à se consommer , il portera toutes sesforces
contre les Provinces Belgiques. — Les
Princes Allemands se liguent pour soutenir
les droits que leur assure en Alsace le Traité
de
( 49 )
de Westphalie , et pressent le Roi de Hongrie
et les autres Puissances d'assurer la
garantie de leurs Fiefs ; le seul qui avoit
d'abord paru vouloir s'en tenir à l'indemnité
proposée par le Roi , est rentré dans la
ligue. L'Evêque de Spire est à leur tête , et
les excite. Le Clergé et la Noblesse immédiate
d'Alsace se coalisent avec eux ; ils ont
même député à la Diète de Ratisbonne. Les
réfugiés François font entrer de plus en plus
dans leur parti divers Membres de la Confédération
Germanique. "
L'alliance du Roi de Prusse avec l'Angleterre
est connue . Son influence sur la
Hollande est toute puissante ; l'état de ses
Finances et de son Armée le rendent aussi
redoutable que ses liaisons .
"
"},
« Le Roi de Sardaigne a donné ordre aux
Réfugiés François de rentrer dans l'intérieur
de ses Etats. On attribue cette mesure
un projet contre Nice , formé par les Gardes
Nationales de Provence . "
( Ici , M. de Mirabeau l'aîné a interrompa
le Rapporteur , pour assurer que l'ordre de
retraite intimé aux Réfugiés de Nice , prenoit
sa cause dans la plainte du Capitaine
d'ine Tartane Marseilloise qu'ils avoient
insultée . M. de Mirabeau trouvoit ce motif
aussi simple que vraisemblable ; mais d'abord
M. Fréteau a certifié que les Ministres n'avoient
pas parlé de ce fait , et ensuite M.
the Cazalès a prouvé en deux mots l'invraisemblance
de l'explication donnée par M.
de Mirabeau ; car si le Roi de Sardaigne étoit
mécontent des Réfugiés François , il ne les
recevroit pas dans l'intérieur de ses Etats ).
« Le Ministre n'a point ajouté foi au rassemblement
de Troupes que nous lui avons
No. 32. 7 Août 1790. C
( 50 )
*
7
dit se faire à Chambéry ; il paroît qu'il n'en
a aucune connoissance , non plus que du
passage de nos anciens Employés des Fermes
en Savoye.
1
que l'in- convient ant au Brabant , on
discrétion d'un François , sans caractère , a
occasionné un outrage à l'Ecusson de France ,
qu'on a traîné dans les rues de Bruxelles .
Nous avons aussi constaté que notre commerce
sur la Meuse a été intercepté soit par
les Troupes Autrichiennes , soit par les
Troupes Belgiques cantonnées sur les rives . »
« D'après la vérification de tous ces faits ,
vos Commissaires ont rédigé un Projet de
Décret.
r
17
que ,
M. Fréteau omettoit de raconter suivant
le rapport de M. de Montmorin , M. le
Cardinal de Rohan agissoit conjointement
avec l'Evêque de Spire , et travailloit , par
son Envoyé à la Diète de Ratisbonne , à
échauffer les esprits . M. Emmery a rappelé
cette imputation , en demandant que M. de
Rohan fût appelé à la barre .
M. Arthur Dillon a pris la défense - du
Ministre de la guerre , et a soutenu, malgré
de violens murmures , qu'il n'avoit pu sans
injustice , sans manquer à la saine politique ,
refuser le passage aux Troupes Autrichiennes.
Il en a appele à la conscience de chaque
Membre ; en est - il un seul qui ait pu cônfondre
l'introduction de Troupes étrangères ,
interdite par le Décret du 28 Février , avec
fondé
Je passage de quelques Détachemens ,
sur le voisinage et la réciprocité ?
Je suis d'un tout autre avis , a dit M.
d'Aiguillon . Toutes les Puissances voisines
sont liguées contre nous ; elles ont des armemens
considérables ; leurs Troupes campeat
( 51 )
sur nos frontières . Le Ministre des Affaires
Etrangères ne nous instruit pas de faits aussi
alarmans , atiendu , allegue- t il , les fêtes de
la Fédération . Dans le même instant , il
opine à ce qu'on livre le passage aux Troupes
Autrichiennes contre la Lettre des Traités ;
et M. de la Tour- du - Pin , contre vos Décrets
, ordonne aux Commandans des frontières
, et même des places fortes depuis
Givet jusqu'à Verdun , d'ouvrir leurs portes ,
à la seule réquisition des Généraux étrangers
, à tel Corps de Troupes qui se présenteront
, sans exaininer leur nombre , ni leur
destination . Il n'en instruit pas même l'Assemblée
Nationale ; il choisit le moment où
les peuples des frontières sont en alarmes . Je
demande que ces deux Ministres soient improuvés,
et qu'ils soient déclarés personnellement
responsables de tous les ordres qu'ils
pruvent avoir donnés , d'une manière imprudente
où perverse.
""
(f
"
Que la Nation Françoise déploie toute
« son énergie , qu'il soit ordonné des armemens
dans nos ports et sur nos frontières ; qu'il
soit nommé à cet efet un Comité de huit
« personnes chargé de se concerter avec les
Ministres pour nous donner de plus amples
renseignemens sur notre situation avec les
Puissances Etrangères.
"
"
Au lieu de discuter cette Motion qu'arienoit
le Rapport des Commissaires , M. de
Mirabeau l'aine , soit pour la décliner , soit
par un motif de popularité , a jugé convenable
de faire une excursion sur M. le Prince
de Condé.
"
« Il est notoire , a - t- il prétendu , qu'un
Manifeste passe pour avoir été adressé à
plusieurs Municipalités , de la part du ci-
Cif
( 52 )
"
devant Prince de Condé ; Manifeste dénoncé
au Comité des Recherches. Vu les circonstances
, je fais la Motion suivante , en m'interdisant
tous développemens . "
R
་་
« L'Assemblée Nationale considérant qu'il
" est de notoriété publique qu'il a été publié
un Manifeste sous le nom de Louis-Joseph
« Bourbon , dit Condé, ( une voix a crié Condé
« est bien Condé ; c'est un nom de Guerre , )
attendu le suprême intérêt de la patrie , dé-
" crète que Louis - Joseph Bourbon dit Condé ,
« sera tenu de faire , sous trois semaines , le
désaveu authentique et légal de ce mani-
« feste; à défaut de quoi son silence sera réputé
« comme un aveu ; et en conséquence Louis-
Joseph Bourbon dit , Condé , sera déclaré
traître à la Patric ; ses biens confisqués au
profit de ses créanciers , et le reste au
profit des travaux publics , sous l'inspec-
« tion des Directoires de Districts et de Départemens
, ou remis à ses enfans , s'ils se
" présentent pour le recueillir. "
"
"(
"
((
"
"
"
Si l'Accusé désavoue le Manifeste , a
ajouté M. de Mirabeau , que M. d'André ramenoit
à la question , « il aura la plus belle
» occasion de rentrer dans sa Patrie , et de
prêter le serment civique. »
<<
Et moi , s'est écrié M. de Cazalès , attendu
l'intérêt suprême de la Patrie , je demande
qu'on passe au Projet de Décret de
vos Commissaires . Je sais très- peu de gré à
M. de Mirabeau , de ne nous avoir pas donné
les développemens dont il dit que sa Motion
étoit susceptible. Je n'ai nulle connoissance
du Manifeste attribué à M. de Condé , et je
crois que les quatre cinquièmes de l'Assemblée
se trouvent dans le même cas. Il est
inoui d'interpeller ainsi , sur la clameur pu
blique , un Prince du de nos Rois.
sang
N
( 53 )
"
En conséquence je demande l'ajourne-'
• ment jusqu'à ce que le Comité des Recherches
ait prouvé l'existence du Manifeste. "
Toute dénonciation est sûre du premier
instant de faveur : elle flatte les passions ,
elle a l'air d'être inspirée par le vrai zèle ,
et la hardiesse de l'Accusateur en impose au
Vulgaire bien plus que l'invraisemblance de
l'accusation .
(t
On demande à grands cris le Comité des
Recherches ; il arrive dans la personne de
M. Voidel , son Vice - président . Si l'Assemblée
, dit- il , veut attendre six minutes , je lui
communiquerai les bases de ce manifeste ,
jointes à un projet de Contre- révolution . "
«
Pendant qu'un Huissier va chercher le
prétendu Manifeste et la Contre - révolution ,
M. Barnave demande à M. Voidel s'il a
connoissance des projets hostiles de M. Capet
dit Condé. Le Ministre , répond le Chef
des Recherches , nous a en effet communiqué
, par forme de conversation ; « Que M. de
Condé étoit l'homme le plus dangereux pour
la Révolution de France ; qu'il avoit de l'argent
, et qu'il ne savoit pas comment il se
l'étoit procuré.
M. de Lameth , après s'être plaint de n'avoir
pu obtenir du Ministre de la Guerre ,
des armes demandées par un grand nombre
de Municipalités , a fait ajouter au Décret
proposé par M. Fréteau , qu'il seroit fait
une nouvelle fabrication d'armes et de munitions
, et que pour leur livraison aux Municipalités
, le Ministre seroit tenu de se
concerter avec le Comité Militaire . Cet amendement
a été annexé au Décret général qu'on
lira dans l'instant.
La Motion de M. d'Aiguillon remise en
Ciij
( 54 )
délibération par M. Prieur , combattue par
M. de Bonnay et de Castellanne , n'a pas
même soutenu l'épreuve de la question préa
lable.
K
"
Silence , Messieurs ! ont crié en entrant
les Huissiers escortant le Projet de Contre-
révolution , et aussitôt tous les yeux se
sont reportés sur M. Voidel. « Cette dénonciation
, a - t - il dit au milieu du calme le
plus profond , est signée de M. Castillon ,
Commandant de la Garde Nationale de Cette ;
il la tient d'un nommé Georges Combes , Négociant
, absent de Cette en ce moment . Les
Contre- révolutionnaires ont pour eux l'Espagne
qui doit fournir tous les secours nécessaires
, tant en Troupes qu'en Vaisseaux
et en argent ; la Sardaigne qui doit fournir
30,000 hommes , la Prusse 30,000 hommes ,
le Roi de Hongrie 30,000 liv. , les Princes
de l'Empire fournissent leur contingent.
Ils doivent entrer par le Pays de Com- ,
minges ; ils se flattent d'avoir pour eux Toulouse
, Lyon , Montauban , etc. Le Prince
de Condé doit être Généralissime de l'Armée ·
combinée. Pour attirer plus facilement tous
les mécontens François dans son parti , il
DOIT PUBLIER un Manifeste , dans lequel on
promettra que la Noblesse contribuera sansexemption
aux charges pub- iques , que le
Clergé sera moins bien traité que par les Dé.
crets de l'Assemblée Nationale ; les dîmes
entièrement abolies , l'hypothéque le plus sûr
donné aux Assignals , l'argent rendu commun
, une partie de la Garde Nationale conservée
, etc. Ils doivent entrer vers la fin de
ce mois de Juillet , ou au commencement
du mois prochain . "
Cette dénonciation à la Municipalité de
Cette finit par ces mots : Les momens sont
15
( 55 )
précieux ; notre Garde Nationale a besoin
d'armes ; je vous prie d'en référer à l'Assemblée
Nationale , et de nous autoriser à un
emprunt de 15000 liv . pour lui en procurer. »
Ce tissu d'extravagances où l'on fait entrer
60000 Allemands par le Pays de Comminges ;
cet ouvrage d'un affamé qui ambitionne
une aumône en récompense de sa découverte,
cette fable stupide , si bien accueillie par M.
Castillon , étoit suivie d'une belle Délibération
de la Commune de Cette . M. Foùlei alloit
en faire lecture pour compléter , sans
doute , la preuve de ce Chef- d'oeuvre de
Contre - Révolution ; mais l'Assemblée lui
avoit rendu justice , et a refusé d'en entendre
davantage. Un Membre a regardé la demande
des 15000 liv. comme le bout d'oreille,
comme le but de la dénonciation .
" Le Commandant de la Garde Nationale
de Cette , a ajouté M. de Foucault , n'avoit
pas besoin de forger une Dénonciation pour
avoir des armes ; il faut l'autoriser à prendre
ces 15,000 liv . sur les 50,000 qu'à promis
M. de la Borde au Comité des Recherches .
M. de Mirabeau seul insistoit sur la propriété
, la convenance , la justesse de sa Motion
; non ébranlé par l'absurdité du Projet ,
il trouvoit judicieux et prudent de soupçonner
M. le Prince de Condé d'un acte de démence
que M. de Mirabeau n'eût pas osé imputer
son Laquais , de constater ce soupçon par
un Décret , de déclarer le Prince de Condé
traître à l'Etat , s'il ne répondoit pas à la
sommation , et la raison qui , suivant la politique
de M. de Mirabeau , devoit déterminer
l'Assemblée à cet outrage , il la trouvoit dans
les talens militaires de celui qu'il falloit on
trager.
Civ
( 56 )
-
Heureusement pour l'intérêt public , la
Motion perdoit du crédit à chaque minute.
Les opinions s'étoient formées ; les deux
partis , qui composent la majorité , s'étoient
séparés ; le plus nombreux accusoit l'autre de
vouloir éluder la poursuite des Ministres ; les
ennemis de M. de Mirabeau parcouroient les
rangs , et disoient tout haut qu'il existoit un
Projet de faire entrer en France un Chef de
parti ; les plus impétueux s'efforçoient d'écarter
pour le moment , sans la faire rejeter ,
une Motion dans laquelle ils étoient fachés
d'avoir été prévenus , et envioient à son
Auteur la popularité qu'elle pouvoit lui donner.
M. Robespierre a pris la parole et a
culebuté M. de Mirabeau , par des interpellations
très fortes : Comment pou
vons nous délibérer , s'est il écrié , sur un
Manifeste méprisable , que personne ne connoît
? Je demande à M. de Mirabeau pourquoi
, parmi les nombreux ennemis de la
Révolution , il n'aperçoit que M. Louis - Joseph
Bourbon ? S'il falloit un exemple exclusif
, je demande s'il faudroit choisir un
homme que des préjugés , pour ainsi dire
naturels et innés , et tant de puissans intérêts
ont pu indisposer contre la Revolution?
Cet exemple devoit - il être choisi parmi les
ci- devant Princes , et parmi la famille des
Condés ? Je demande que la Motion de M.
de Mirabeau soit écartée ; que l'Assemblée
fixe unjour pour s'occuper des moyens efficaces
de s'opposer aux efforts des Ennemis
de la Révolution en général , et sur- tout
aux manoeuvres de ceux que leur état devoit
y attacher ; que l'abus qu'ils font de l'autorité
qui leur est confiée pour le soutien de
la Constitution , rend plus coupables ;
qui sont chargés de faire exécuter vos Déņ
( 57 )
crets , et qui travaillent à les détruire . Je
fais , en outre , la Motion expresse que les
Représentans de la Nation prennent entre
leurs mains le fil de toutes les opérations qui
intéressent la liberté. »
2
J'appuie d'autant plus la question préalable
, a dit dans un autre sens et très-justement
M. de Cazalès , que si M. de Condé
avoit pu concevoir des projets hostiles contre
la France , la Motion de M. de Mirabeau
seroit le sûr moyen de l'y confirmer. Ce n'est
pas par des interpellations , injurieuses à son
patriotisme , que vous le ferez rentrer sans
danger en France , où il est libre de revenir
quand il lui plaira ; ce n'est pas par des
moyens de rigueur que vous réunirez ceux
que la crainte a dispersés.
D
Louis-Joseph Bourbon , a repris M. de Mirabeau
, a été principalement l'objet de mon
animadversion , 1 ° . parce que ses talens militaires
le rendent redoutable ; 2 ° . parce que
l'Assemblée étoit alors occupée des mouvemens
extérieurs . Il étoit naturel de vous dénoncer
celui qui est , ou qui doit être à la
tête d'une armée , destinée , dit - on , à fondre
sur nous. M. Robespierre ne s'est pas rappelé
que M. de Montmorin , qu'il choisit objet
de ses reproches , désigne Louis- Joseph
Bourbon , comme l'homme le plus dangereux
pour la Révolution . L'Assemblée Nationale
a sans doute le droit , bientôt peut - être
aura -t- elle le devoir de déclarer si les Ministres
ont la confiance de la Nation ; mais
elle ne peut les improuver , saus relâcher tous
les liens de la subordination .
"C
pour
Si je voulois porter sur les Décrets de
l'Assemblée Nationale , a dit M. de Saint-
Fargeau , dont l'opinion publique fait toute
Cy
( 58 )
la force , la défaveur et le discrédit qui accompagnent
une délibération peu réfléchie ,
je vous proposerois d'adopter la décision du
Préopinant , sur la simple dénonciation d'un
Manifeste qui ne nous a pas même été lu .
Coriolan aigri par les Romains , se retira
chez les Volsques , et ilen obtint des secours
qui mirent sa Patrie à deux doigts de sa
perte .... Ce ne sera pas chez les Volsques
que Louis- Joseph de Bourbon prendra sa retraite
; mais les Peuples puissans sont gouvernés
par des Bourbons . Voilà l'hospitalité
qui l'attend ; et je ne veux pas lui prêter
l'intérêt que ses malheurs même lui donneroient
, lorsqu'il se présenteroit devant ses
propres parens , tout couvert des blessures
morales que lui auroient fait vos Décrets . Je
pense que nous devons au plus tôt nous occuper
de l'ensemble des dangers dont la France
est environnée . Sur la Motion présente , je
ne suis d'avis ni de la question préalable , ni
de l'ajournement , mais je demande que l'on
passe à l'ordie du jour.
Cette opinion est devenue presque géné
rale , et l'Assemblée a décidé de passer à l'or
dre du jour.
DU JEUDI 29 JUILLET.
Il n'est personne qui , à la lecture des
détails de la Séance d'hier , ne soit tenté de
considérer la France comme enveloppée d'une
Conspiration universelle contre sa liberté ,
et les Puissances Etrangères comme ébranlant
leurs Armées de toutes parts pour opérer
parmi nous ce qu'on appelle une contre-
Révolution. Si la méfiance est la mère de la
sureté , les fausses alarmes qui provoquent
de fausses mesures , sont , en Politique comme
( 59 )
en Guerre , le plus dangereux service que
puisse rendre un zèle mal eclairé. Les affaires
extérieures traitées en public , prennent bientot
un mouvement peu mesuré : les soupçons
qui devroient rester secrets , ( car, comment
les vérifier , lorsqu'on avertit ses Ennemia
qu'on les surveille , et de quelle maniere on
les surveille ) ; les soupçons deviennent des
faits positifs , et les craintes des réalités :
les têtes s'échauffent et se perdent. On accuse
sans ménagement , on conjecture sans vraisemblance
, on dirige sa marche avec le ban
deau de la prévention . Chacun se pique
d'imaginer des faits , et personne de les
examiner. La multitude s'empare ensuite de
ces nuages ; elle les electrise , elle en forme
une tempête : l'opinion , animée par la terreur
, s'altere et ne se redresse plus pour
écarter des desseins ennemis , on heurte
ouvertement des Puissances qu'une fermeté
prudente suffiroit à déconcerter, et dont un
choc devenu public compromet Phonneur ,
et quelquefois la sureté . On les invite à des
projets en les leur supposant ; en précipitant
soi-même ses précautions , on accelere les
leurs ; l'inquiétude s'empare de tous les Cabinets
, et dans cet état des choses , une
étincelle suffit à allumer la guerre .
Ce n'est pas moi qui dit ces vérités ; c'est
l'histoire , c'est l'expérience . Le tableau présenté
dans le Rapport de M. Fréteau sur
l'autorité de M. de Montmorin , méritoit sans
doute l'attention et la défiance de l'Assemblée.
Il est impossible de ne pas se demander
, comment un motif aussi foible que celui
tiré des Fêtes de la Fédération , a pu déterminer
ce Ministre à garder le silence sur
des révélations si urgentes ?
1
Cvj
( 60 )
Quant à la dénonciation de M. le Prince.
de Condé , que M. Voidel a attribuée à M. de
Montmorin , on assure qu'elle n'a pas été
exactement rendue , et qu'on a traduit une
hypothèse en allégation positive ; mais , jusqu'ici
, M. de Montmorin n'a ni désavoué ni
éclairci cette conversation ; le Rapport de
M. Voidel reste donc dans toute sa force.
Il est sans doute permis de s'étonner que ,
dans une conférence de cette nature dans
des conjonctures pareilles , un Ministre ne
fixe pas ses paroles sur le papier , et qu'il
s'expose aux inexactitudes souvent involontaires
des redites.
Le reproche fait au même Ministre quant
au passage éventuel de quelques Autrichiens,
sur une langue de terre qui sépare le territoire
des deux Fuissances , a été suffisamment
réfuté par la Lettre de M. de Montmorin.
Il n'étoit point en ceci Ministre
Ordonnateur : c'est au Chef du Département
de la Guerre , qui a pris les ordres du
Roi , à en répondre ; mais de quoi répondroit-
il ? de s'être conformé à un usage universel
, au principe éternel du Droit des
Gens concernant le transitus innoxius , à une
réci procité parfaitement évidente ? Si le
Traité , cité par M. Fréteau , stipule pour
la France seule la liberté du passage ,
e'est qu'elle en a besoin tous les jours ,
c'est qu'elle ne peut en être privée sans inconvénient
, c'est qu'il étoit de son intérét
de fixer un mode , auquel elle étoit obligée
d'e recourir très -fréquemment , et pour se
ds penser d'une requisition à chaque changement
de garnison . En un mot , la France a
le besoin ordinaire du passage ; l'Autriche
n'en a besoin qu'extraordinairement : à la
( 61 )
première , il falloit donc une stipulation formelle
; à la seconde , le simple usage entre
Voisins et Alliés , et le principe reconnu
du Droit des Gens.
Toute évidente que nous semble cette
vérité , on ne sauroit blâmer ceux qui pensent
que , dans nos conjonctures , les Ministres
de nos jours eussent consulté la prudence,
en informant l'Assemblée de la demande de
M. le Comte de Mercy , en évitant ainsi de
compromettre le nom du Roi , qui reste
compromis , et en allant au- devant de l'interprétation
véritablemeut forcée , qu'on a
donnée au Décret contre l'introduction de
Troupes Etrangères.
En jetant un oeil calme sur la masse des
dangers , dont quelques Oráteurs ont circonrenu
la France , on rétrécit beaucoup le
champ de ce microscope.
En effet , à quel Politique persuader que
le Roi de Hongrie disputant la paix avec le
Roi de Prusse , ayant à tranquilliser la Hongrie
, un Etat tout neuf à administrer , les
plus belles Provinces de son Empire à réduire
, les plaies de la guerre à refermer
songe à des contre- Révolutions Françoises ?
Que le Roide Prusse , encore plus étranger
à nous , dont le Cabinet s'est jusqu'ici jugé
invulnérable aux coups du fanatisme politique
et aux séductions de ses Propagateurs ,
préoccupé autour de lui des intérêts les plus
sérieux , et ne voulant de la France ni pour
amie , ni pour ennemie , va envoyor ses
Hussards se combiner avec MM. de Maillebois
, de Bonne , et autres Conspirateurs dé
cette force ?
Que le Roi de Sardaigne avec 30 mille
hommes au plus , et 30 millions de revenu ,
( 62 )
ira livrér ses Etats à une invasion inévitable ,
pour en faire une dans le Royaume ? Les
armemens de ce Prince sont très - exagérés
( nous en parlerons ineessamment ) ; ils n'ont
pas eu d'autre motifque le maintien de l'ordre
en Savoie , le dessein de prévenir une con
trebande ouverte , et celui de préserver les
Villes et les Campagnes , des Séducteurs
étrangers , qui venoient y prêcher publique,
ment la révolte , comme ils l'ont fait à Chambéry
et à Montmélian.
De cette universalité de conjurations , on
n'en voit réellement qu'une qui puisse faire
naître des alarmes , c'est celle des Flottes
Britanniques , faisant vcile dans le mystère ,
et menaçant , si , comme on le pense , les
differends avec l'Espagne sont conciliés , nos
Colonies et notre Commerce , qui l'intéressent
beaucoup plus que nos Decrets Constitutionnels.
Je ne parle pas ici des Princes Allemands ,
dont une négociation peut assoupir les démarches
, et qui ne souleveront surement les
principales Puissances d'Allemagne que
dans le cas où le maintien du Traité de
Westphalie trouveroit une Ennemie dans la
France , qui l'a garanti.
Redouter une Croisade des Puissances
Etrangères contre la Constitution actuelle ,
et des Armées destinées à la détruire , c'est ,
il nous semble , placer mal- adroitement sa
prévoyance. Les Conjurés à craindre , les
Conjurés qui , en menaçant l'Europe entière ,
peuvent la soulever en effet , ce sont les
Prédicateurs d'insurrections , cesFolliculaires
qui insultent tous les Souverains , ces Clubs
et leurs Ecrivains , qui tiennent école d'anarchie
, enseignent l'art des calamités publi
( 63 )
le
ques , dispersent leurs Agens sur la face
des Empires , pour y porter le trouble ,
meurtre , la misère et la guerre civile , au
nom de la Philosophie ; ce sont ces sophistes
incendiaires qui excitent les Peuples , non à
invoquer avec modération le redressement.
des abus , le perfectionnement des Lois , la
réforme des usages oppressifs ou humilians ,
les limitations de l'Autorité arbitraire , et
les droits imprescriptibles de la liberté ci- ›
vile ; mais à détruire toutes les Autorités ,
à proscrire les Souverains , à placer le des- >
potisme dans la multitude , à considérer
toutes les institutions existantes comme devant
être le jouet de la force et de la séduction
; à bouleverser la Société pour la régé
nérer , et à y parvenir par la violence , en
effaçant , le sabre à la main , toute distinction
parmi les hommes , toute inégalité de
naissance , d'état et de fortunes , toute su→
bordination aux Lois qui n'ont pas été dictées
par la multitude .
Oh! certes , il ne faut pas douter que ces
Projets de soulever par- tout les Peuples , et
de corrompre les Armées , ne forcent bientôt,
toutes les Puissances à de redoutables précautions
les moyens d'exécution dont on
les menace justifieront leur résistance ; car
le Souverain le plus juste et le plus desintéressé
aura le même intérêt que le Despote ,
à prévenir la ruine de sen Pays , les brigandages
, les assassinats , la dissolution de tous
les liens , et l'oubli de tous les devoirs . Voilà
les seuls et véritables motifs de crainte que :
nous pouvons entretenir , et personne n'osera
dire que nous ne sommes pas maîtres de les
dissiper.
L'étendue nécessaire des Séances précé(
64 )
denfes nous réduit au sommaire de celle- ci
et des suivantes , qui présentent moins d'intérêt
.
M. le Garde - des- Sceaux a envoyé à l'Assemblée
un Mémoire de M. le Bailli de
Virieu , Ministre de Malthe , et qui , au nom
de son Ordre , réclame contre le Décret du
3 Juillet , par lequel il est statué que , les
sommes provenans du rachat des Droits Féodaux
appartenant à l'Ordre de Malthe , seront
versées provisoirement dans les Caisses
de l'Extraordinaire .
M. Camus s'est plaint de ces réclamations ,
qui traversoient sans cesse la marche de l'Assemblée.
On ne doit jamais réclamer avec
M. Camus ; la seule vertu dont il permet
l'exercice est la résignation muette : au
reste , la note de Malthe lui a fourni l'occasion
de faire un grand pas , et de demander
que le Comité de Constitution , auquel
se joindroient deux Membres de quatre
autres Comités examinent tout ce qui
concerne les Ordres de Malthe , de Saint-
Louis , du Mont- Carmel et Saint - Lazare
de Saint - Michel et du Saint- Esprit. L'Assemblée
l'a ainsi décrété , et nous allons voir
incessamment ces Ordres vigoureusement
travaillés , et peut-être anéantis.
Après cette décision , M. Fréteau est parti
d'un Traité de limites fait en 1769 entre la
France et le Roi de Sardaigne , pour demander
la formation d'un Comite de douze Membres
, qui examineroit tous nos Traités , et
toutes nos Affaires Etrangères , pour en rendre
compte à l'Assemblee , qui pourvoira à la
sureté de l'Etat.
Sur l'observation de M. Regnaud de Saint-
Jean d'Angely, l'Assemblée a trouvé ineons(
65 )
се
"
titutionnelle la seconde partie de cette Motion
, qui enleveroit au Roi l'initiative. On
s'est borné à décréter la nomination d'un
Comité de six Membres , chargés de prendre
connoissance des Traités existans entre la
France et les Puissances Etrangères , et
« des engagemens respectifs qui en résultent ,
pour en rendre compte à l'Assemblée , au
moment où elle le demandera . »
fe
*
"
"(
On a ensuite décrété , presque sans discussion
, le Projet sur les Assignats , présenté
le 25 par M. le Coulteux. 1º . Les Assignats
seront échangés contre les Billets de
Caisse d'Escompte , à compter du to Août
"' prochain ; 2º. il ne sera délivré et échangé
« que 10 mille Assignats par jour , de 1000 liv .
de 300 et de 200 liv . On constatera la brúa
lure des Billets qui seront échangés pour
des Assignats . "
it
"
"
་ ་
" T
"
3°. Les sommes qui devront être fournies
« au Trésor Public , continueront à lui être
délivrées en Billets de Caisse servant de
promesse d'Assignats , sur l'autorisation
successive de l'Assemblée Nationale , jusqu'à
la concurrence de 95 millions , laquelle
somme avec celle de 170 millions ,
précédemment versée par la Caisse d'Escompte
, et celle de 135 millions qui a été
" successivement fournie par ladite Caisse ,
complètera celle des 400 millions , montant
total des Assignats qui ont été destinés
au service des années 1789 et 1790 ,
" et qui éteindront en totalité les dettes de
la Nation envers la Caisse d'Escompte.
"
$4
12
M. Alexandre de Lameth a fait lecture du
Plan Militaire du Ministre de la Guerre ,
qui demande une Armée active en temps de
paix de 150 mille hommes , et de 100 mille
( 66 )
auxiliaires . Le Rapporteur a ensuite comparé
ce Plan avec celui du Comité, qui s'en
écarte peu ; mais qui réduit à 50 mille en
temps de paix , le nombre des auxiliaires.
L'Assemblée Coloniale de Saint - Domingue
a pris un Arrêté , par lequel elle déclare
qu'elle ne reconnoîtra d'autres principes
constitutifs de la Colonie , que ceux décrétés
dans son sein et sanctionnés par le Roi , c'est,
à-dire , sans aucun concours de l'Assemblée .
Nationale. On voit que c'est-là précisément
la marche que suivirent les Insurgens de
l'Amérique Angloise : ils refusoient de reconnoître
la Suprématie du Parlement ; on
leur déclara la guerre pour les y forcer . M.
Barnave a aujourd'hui justifié les principes
du Parlement Anglois , en écartant même la
lecture de l'Arrêté de Saint- Domingue ; lecture
que sollicitoit M. de Cocherel. Les Assemblées
Provinciales de la Colonie ne partagent
point , dit -on , les sentimens de l'Assemblée
générale .
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR.
A l'évasion de M. de Bonne - Savardin
quelqu'un aura pu croire que ce prisonnier
et les complices de sa fuite , étoient montés
en voiture en sortant de l'Abbaye , pour
gagner sans délai les frontières du Royaume.
Point du tout cet étrange Conspirateur
est resté froidement aux environs de Paris ;
il est ensuite parti de Paris même ; et son
signalement donné , il a parcouru la route
de Châlons - sur- Marne , où il a été arrêté ,
dans la voiture et la compagnie de M. l'Abbé
de Barmond , Député de Paris à l'Assemblée
Nationale . Cette nouvelle à été annoncée ce
soir par M. le Président ; les Secrétaires
( 67 )
ont fait lecture du Procès- verbal. Voici les
faits :
« M. Mestre , Capitaine de la Garde Nationale
, avoit eu vent de la retraite de M.-
de Bonne dans une maison de campagne ,
à sept lienes de Paris . Des soupçons s'étant
répandus , M. de Bonne fut obligé de quitter
cette solitude ; il demanda un asile à M.
l'Abbé de Barmond , qui le fit venir dans sa
maison , vieille rue du Temple. Plusieurs
jours s'écoulèrent dans le plus grand secret ;
cependant l'arrivée de l'inconnu avoit fait
naître dans ce voisinage les mêmes soupçons.
M. Mestre et M. Julien , Aide de Camp de
M. de la Fayette , en furent avertis par un
quidam , qu'on croit être domestique de M.
de Barmond ; mais pendant qu'ils se munissoient
de pouvoirs , M. l'Abbé de Barmondpartit
en chaise de poste , emmenant avec
lui M. de Bonne et M. Eggs , Fédéré , Député
par la Garde Nationale d'Obernheim.
Les Aides de Camp suivirent la voiture ,
qu'ils rencontrèrent sur le chemin de Châlons
-sur - Marne. M. Julien prit les devans ,
et pria le Maître de Poste de Châlons de
ne point donner de chevaux jusqu'à ce qu'il
eût averti la Municipalité. Sur ce refus de
fournir des chevaux , les trois voyageurs s'acheminent
vers l'Hôtel - de - Ville , pour en
porter leurs plaintes ; mais , au milieu de
leur route , un détachement de la Garde
Nationale les enveloppa , et les escorta jusqu'à
l'Hôtel - de - Ville. Perquisition sévère
fut faite de leurs papiers ; on ne leur trouva
que denx paquets , l'un contenant trois volumes
d'une Histoire de Voyage , le second
de lettres à M. le Cardinal de Rohan , dont
M. Eggs étoit porteur.
port
"
)
( 68 )
ས .
"
་
"
་་
u
"
La lecture du procès-verbal d'arrestation
a été précédée d'une lettre de M. l'Abbé
de Barmond. C'est à la seule sensibilité ,
dit- il , que M. de Bonne a dû cet asyle ,
qu'il m'avoit demandé jusqu'à Strasbourg
seulement. Il n'étoit plus entre les mains
du Comité des Recherches. Le Procureur
de la Commune avoit fait sa dénonciation
" au Châtelet : il n'étoit pas encore au Châtelet
, puisque le Procureur de la Com-
'mune n'avoit pas conclu à le décréter . J'ai
été touché de son sort : qui ne l'eût pas été
« à ma place ? Je déclare sur mon honneur,
que je n'avois pas connu M. de Bonne
« avant qu'il s'adressât à moi pour cet objet.
" . Il est dans cette affaire mille détails dont
« une Lettre n'est pas susceptible . Je supplie
l'Assemblée de me mander auprès d'elle . "
Il faut en convenir ; ces raisons de M. de
Barmond ne l'excusent guères ; elles étoient
peu propres à désarmer l'Assemblée , justement
irritée de voir un de ses Membres
soustraire un Prisonnier à la justice des Lois.
Quant à M. Eggs , il paroît constant que le
hasard seul l'avoit jeté dans cette Compagnie ;
qu'il n'étoit instruit de rien , et ne connoissoit
pas M. de Bonne.
44
7
Le Décret à prendre sur cette affaire a
occasionné une foule de débats , de proposions
violentes fort applaudies , de propositions
modérées , rejetées avec emportement.
En vain , M. l'Abbé d'Eymar a
observé que M. Eggs , absolument étranger
à cette évasion , avoit obtenu , à sa seule
sollicitation une place dans la voiture de
M. de Barmond ; qu'on pouvoit s'assurer de
sa personne , mais qu'il ne méritoit pas d'être
traduit comme criminel , dans les prisons
( 69 )
de l'Abbaye ; qu'à l'egard de M. de Barmond,
il suffisoit de le mander à la Barre.
Un Décret combiné de M. Barnave a prévalu
sur toutes les observations , et a été
adopté en ces termes :
"
Le Sieur de Barmona , Député à l'Assemblée
Nationale , et les Sieurs Eggs et
Bonne- Savardin seront conduits séparément ,
et par les Gardes Nationales , pour être , les
Sieurs Eggs et Bonne - Savardin , déposés séparément
dans les prisons de Paris , et le
Sieur de Barmond dans sa maison , jusqu'à
ce qu'après l'avoir entendu , il ait été statué
à son égard par l'Assemblée Nationale. »
« Le Sieur de Riolles , détenu à Lyon ,
sera conduit dans les prisons de Paris , également
par les Gardes Nationales , et les
pieces saisies sur lui seront apportées au
Comité des Recherches . "
DU VENDREDI 30 JUILLET.
Un décret rendu sur la proposition de M.
Merlin , député de Douay , ordonne aux Etats
du Cambrésis de cesser dès ce moment toutes
fonctions , et de remettre leur inventaire au
Directoire du Département du Nord.
L'on a décrété immédiatement après l'inventaire
des Capucins de la rue Saint Honoré,
les mêmes qui , avant qu'il fût question de
la propriété des biens ecclésiastiques, avoient
déja partagé leur cloître , et cédé leur jardin
aux besoins de l'Assemblée. Il leur est ordonné
de déloger sur le champ , pour faire
place aux Archives Nationales .
M. de Menou a annoncé la révocation des
ordres donnés par les Ministres pour le passage
des Troupes Autrichiennes.
L'on est entré ensuite en discussion sur le
( 70 )
plan d'Organisation Militaire arrêté au Conseil
du Roi , et soumis à l'Assemblée par le
Comité Militaire , qui y a ajoute ses observations
, Le Conseil du Roi et le Comité
s'accordent à fixer à 250,000 hommes le pied
de guerre.
"
Ces 250,000 hommes paroissent au Ministre
devoir être composés de 40,000 hommes de
Cavalerie , 14,000 d'Artillerie , et 160,000
d'Infanterie , et 36, coo de réserve : total ,
250,000. « Je ne pense pas , ajoute - t - il ,
que le nombre d'hommes à cheval et d'Artilleurs
puisse être réduit au - delà du
quart , pendant la paix . Quant à l'Infanterie
, elle peut être réduite dans une proportion
double de la Cavalerie. D'après ces
principes , une armée de 250,000 hommes
pourra supporter une réduction de 10,000
hommes de Cavalerie , de 4,000 hommes
d'Artillerie , de 50,000 d'Infanterie , de 36,000
de réserve total , 100,000 hommes ; ce qui
laissera l'armée , en temps de paix , à 15c , 000
hommes ; mais il faudra que 100,000 hommes.
d'auxiliaires soient toujours prêts à y être incorporés
au moment de la guerre .
D
Le Comité Militaire propose 153,849
hommes ; différence légère qui résulte de celle
qu'il établit dans la formation intérieure du
Corps de l'armée .
"
Aujourd'hui , l'on a mis ce plan en discussion.
M. de Froment a combattu , en
homme du métier l'établissement des
Troupes auxiliaires ; Corps qui pouvant être
payés pendant 20 années sans faire de service
, offroient une dépense considérable et
inutile , qui enleveroient à l'armée active
tous ses Soldats au bout de 6 ans de service ,
pour lui rendre des hommes vieux , inexercés ,
indisciplinés , qui chargeroient l'Etat de
( 71 )
l'entretien de leur famille pendant la guerre ,
ou ne pourroient fournir que des Blauchisseurs
, des Tailleurs , des Vivandiers , et des
hommes infectés de cet esprit mercantille ,
qu'offrent tous les Soldats mariés . Il a
cherche ensuite à établir qu'une armée de
150,000 hommes , avec le secours des Gardes
Nationales , seroit la plus redoutable qu'il
fút possible de former.
M. de Bouthillier s'est opposé ensuite à
tout projet d'incorporation , dont il a développé
lumineusement les inconvéniens . Il a
pressé avec non moins de force le respect
de l'iniative réservée au Roi , et qui proserit
tout Plan définitif arrêté par l'Assemblée.
M. de Beauharnois le jeune a discouru
ensuite longuement , en faveur d'une réduction
de l'armée à 120,000 hommes ; la Liberté
et les Gardes Nationales tiendront lieu
d'une défense plus considérable .
M. d'Ambly a fait succéder à cette harangue
les observations d'un homme expérimenté
:
"
Autant de fois qu'un Militaire parlera ,
autant il vous sera présenté de systêmes différens.
Parlons pendant huit jours , ce sera
toujours la même chose. Il faut donc se dé
cider pour un plan , je dis pour celui du
Comité , ou pour celui du Ministre , ou pour
celui de M. Bouthilier , que j'adopte . Le Rapporteur
du Comité Militaire a présenté un
plan artistement travaillé : il est entré dans
beaucoup de détails ; mais il n'a pas tout
dit. Vous savez que toutes les Puissances
voisines sont prêtes à entrer en campagne ;
et c'est le moment que vous prenez pour proposer
des incorporations ! Pourquoi toujours
nous proposer du Prussien ? nous sommes(
72 )
à
nous bien trouvés d'avoir été à leur école ?
Je suis persuadé qu'une armée de 200,000
hommes ne coûteroit pas plus que celle que
propose le Comité , et ne tourmenteroit ni
les Soldats , ni les Officiers . Le Comité pense
qu'il faut mettre les Maréchaux de camp
la tête d'un régiment : ces Messieurs seroient
inamovibles , tant qu'ils ne seroient pas desfitués
en vertu d'un jugement . Et que deviendroit
le pouvoir du Roi ? Une vingtaine
de Maréchaux de camp jeunes , ambitieux ,
peut- être intrigans , pourroient devenir dan
gereux. Voulez - vous que le Roi , à l'entrée
d'une campagne , soit obligé de laisser le
commandement à un Officier inepte ? Le
Comité propose 124 Officiers généraux ; pour
le coup en voila assez pour commander l'armée
de Darius . Ces Messieurs coûteroient
au moins 2,180000 liv . J'espère que vous
prierez le Roi d'employer peu d'Officiers
généraux : une vieille expérience m'a appris
qu'il étoit salutaire de ne pas en employer
beaucoup . Au reste , tel plan que vous adoptiez
, défiez- vous des innovations brillantes ;
elles seroient de la plus haute imprudence en
ce moment.
DU SAMEDI 31 JUILLET.
Avant l'ordre du jour , M. Camus a fait
décréter sept articles nouveaux sur les Pensions
de retraite ; l'espace nous manque pour
les transcrire aujourd'hui. En substance, ils
déterminent que , soit dans le service de
terre , soit dans les Emplois Civils , aucune
pension ne sera accordée avant 30 ans de
service ; chaque campagne de guerre , et
chaque année de service ou de garnison hors
d'Europe
( 73 )
d'Europe sera comptée pour deux ans . Dans
la Marine , le terme sera de 29 ans.
Immédiatement après , sur le rapport de
M. Révillière de Lépaux, on a décrété en
VD articles les Pensions des Artistes et des
Gens de lettres , qui sont mieux traités qué
les Militaires , au moins pour la quotité ,
car un Savant pourra obtenir une pension
de 10,000 liv. , tandis qu'un Lieutenant-
Général crible de blessures ne pourra atteindre
au- delà de 6000 liv . Nous rapporterous
dans huit jours ces differens Décrets .
L'Assemblée revenue à l'organisation Militaire
M. de Noailles a réfuté les raisonnemens
de M. de Beauharnois , tirés du
despotisme , de la Liberté , de la Constitution
, du civisme , etc. Il a ensuite fait
adopter les deux articles qui suivent :
་་
Art . I. L'armée active sera composée en
Officiers , Sous Officiers et Soldats , de
150 , à 154,000 hommes . "
" L'armée active sera divisée dans les
différentes armes en comprenant les Offi
wciers et Sous - Officiers , savoir : pour l'Infanterie
, de 110,000 à 112,000 hommes ;
pour la Cavalerie , de 30,000 à 31,500
hommes ; pour le Génie et l'Artillerie , de
10,000 à 10,500 hommes.
18
On alloit passer à la composition de l'Infanterie
Suisse , lorsque M. Bureau de Pusy
a réclamé contre cette atteinte à la compétence
du Pouvoir exécutif. Il a considére
cette organisation de détails comme étrangère
aux fonctions de l'Assemblée , qui devoit
se contenter d'avoir assis les bases .
Est- ce dans l'instant , a- t- il ajouté , où
tous les ressorts de l'ordre social sont relâchés
et détendus , où l'anarchie qui s'attache à
Nº. 32. 7 Août 1790. D
1
( 74 )
1
t
toutes les parties du régime politique
semble détruire particulierement cette discipline
et cette subordination de l'armée , qui
fait seule la sureté d'un Empire ? Est- ce dans
cet instant qu'on propose d'atténuer l'autorité
du Dépositaire suprême du Pouvoir exécutif,
et que l'on prive un Royaume agité ,
de la protection la plus imposante qu'il puisse
avoir ?
On a rappelé M. de Pusy à l'ordre ; on
'pouvoit le rappeler plus justement au Décret
, qui a attribué aux Législatures le droit
de fixer le nombre d'individus de chaque
grade ; Décret dont l'Opinant lui- même
dicta la rédaction définitive.
On a fini par confirmer la composition
actuelle de l'Infanterie Suisse , et par en
décréter les appointemens de chaque grade ,
ainsi que ceux de l'Infanterie Françoise.
Nous donnerons ces Décrets la semaine suivante.
DU SAMEDI 31. SÉANCE DU SOIR.
Une Députation de la Garde Nationale
de Montpellier et d'Agde , venoit d'être entendue
, et de réclamer contre la fausseté
du plan ridicule de Contre-Révolution dénoncé
par le Commandant National de
Cette , lorsque M. Malouet est monté à la
Tribune , et a demandé la parole. Beaucoup
de Membres du côté gauche s'y sont opposés
, en invoquant l'ordre du jour : « Nous
sommes un grand nombre , s'est écrié M.
de Virieu , qui demandons la parole pour
- M. Malouet ! J'ai une dénonciation à
faire , a ajouté ce dernier. Envoyez là à la
police , a-t- on crié du côté gauche. Inébranlable
malgré les clameurs pour le forcer an
"
"D
2
( 75 )
silence , M. Malouet s'est fait entendre , et
a dit :
« L'ordre du jour le plus pressant pour
les Représentans de la Nation , c'est de prévenir
de grands crimes , c'est d'en apprendre
les causes et les auteurs . Sans doute vouś
frémiriez , Messieurs , si vous aviez la certitude
qu'en cet instant , un ou plusieurs scélérats
travaillent à faire arrêter le Roi ,
emprisonner la Famille Royale , à mettre aux
fers les principaux Magistrats , les Chefs de
la Milice , et demandent la mort de cinq ou
six cents personnes. Hé bien ! Messieurs , c'est
sous vos yeux , c'est à votre porte , que ces
projets atroces se développent , que ces instructions
sanguinaires se distribuent au Peu
ple , qu'on l'appelle aux armes , qu'on l'excite
à la fureur. Voici l'imprimé que je vous
dénonce ; il est signé Marat. "
( Ici se sont fait entendre des éclats de
rire).
"
car ,
Je ne pense pas que ce soit du sein de
l'Assemblée Législative , que s'élève une
voix insultante aux malheurs publics ;
c'est le
renversement des Lois que je
vous annonce ; c'est la Liberté qui périt , et
la Constitution avec elle , si de tels attentats
restent impunis. Et c'est déja , Messieurs ,
un signe trop certain de l'anarchie où nous
vivons , que la triste habitude de la supporter
sans effroi , et la nécessité de solliciter
avec instance votre attention sur le péril
Quoi ! Messieurs , tandis
l'un de ces Ecrivains criminels menace la que
tête chère et sacrée du Chef Suprême de
l'Etat , et invite une partie de la Nation a
massacrer l'autre , son digne émule , Camille
Desmoulins , répand de la Capitale aux extré
Dü
commun . ―
( 76 )
mités les plus reculées de l'Empire , ses perfides
conseils et sa doctrine de sang. Celuici
a choisi l'époque mémorable du 14 Juillet ,
pour faire du Roi et de la Royauté , un
objet de scandale et de mépris : ce spectacle
touchant d'amour et de fidelité encore présent
à nos coeurs attendris , cette union intime
des François et de leur Roi , ne lui
rappelle que l'insolence du Trône et du fau
teuil exécutif, et par une allusion barbare
de la marche des Fedérés au triomphe de
Paul Emile , il félicite les Romains d'avoir
yu enchaîné à la suite du Consul , le Roi
de Macédoine , les mains liées derrière le dos ,
les matins qui avoient signé tant de Lettresde-
cache il traite d'esclaves et d'hommes
corrompus ceux qui révèrent dans la personne
du Monarque la majesté de la Nation .
Doutez - vous donc , Messieurs , que cet excès
d'audace n'épouvante les hommes foibles ,
et ne leur fasse craindre d'être signalés
comnie les partisans du Despotisme , s'ils
defendent , s'ils chérissent l'Autorité Royale
Constitutionnelle , qui peut seule défendre
dans un Empire immense , la Liberté et la
Loi contre les entreprises des factieux . "
29
( ,
Ce n'est pas tout ; les prétendus amis
la Liberté la veulent sans Lois , et surfout
sans impôts ; ils excitent le Peuple à
n'en pas payer , c'est - à dire , qu'ils invitent
Je Peuple à détruire votre ouvrage , et à le
détruire avec d'effroyables déchiremens . « Les
Romains , dit Desmoulins , étoient fondés
a se réjouir , en entendant crier pendant
la marche triomphale de Paul Emile : Le
Peuple Romain ne payera plus d'impôts, plus
de gabelles ,plus de taille,plus decapitation
Voilà les rapprochemens qu'il ose indi-
་ ་
903
(
quer , entre la fête fedérale et celle du
triomphe de Pair! Emile ; voilà les conseils
et les instructions que ces als du Peuple
Jai prodiguent
. -Ainsi , quand ils auront
fait égorger tous ceux qu'ils lui présentent
comme ennemis des nouvelles Lois , ils lui
présenteront encore comme des tyrans , ceux
qui pensest , comme nous , que le salut
public dépend de l'obéissance aux Lois , et
de la perception des împôts . W
je Avant de venir à vous Messients ; ie ,"
nie suis adressé aux Ministres des Lois je
Jeur ai porté ers coupables Ecrits , et , comme
Représentant de la Nation , je leur en ai
demandé vengeance non à raison des
injues qui me sont personnelles ; qui pourroit
croire que pour mon propre comple
j'eusse distingué Camille Desmoulins de ceux
de son espèce , donuje dédaigné depuis longtemps
les outrage ? mais ils m'ont servi de
texte pour provogner le Ministère public et
la sévérité des Lois , sur ces Feuilles sanglantes
qui renouvellent parmi nous les tables
de proscription . » 92
41
"
Que vous dirai -je de l'impression que
m'ont fait la douleur , Peffroi et l'embarras
des Magistrats ? J'ai tr sur leur visage , j'ai
vu dans leurs discours , Pimpuissance des
Lois . « Hatez - vous , leur ai -je dit , de nous
en donner la preuve , et d'avertir la Nation
du danger qui la menace ! Parlez !
étendez un crêpe funebre sur le Sanctuaire
de la Justice ! l'impuissance des Lois peut
seule justifier celle de vos efforts pour les
défendre. Vous devez' périr avant elles ;
• vous devez vous offrir les premiers aux
poignards de la tyrannie .
14
#
>>
Messieurs , vous dévoiler d'aussi grands
Di
( 78 )
g maux, c'est y remédier. Vous ne souffrirez
pas que des forcenés calomnient la Liberté ,
la Constitution. Vous ne souffrirez pas que
eette Constitution , qui nous assure un Roi
et un Gouvernement Monarchique , ne puisse
les défendre .
LO
>>
Quoi ! nous n'aurions déclaré les droits
de l'homme , que pour en constater parmi
nous la violation ! L'humanité , l'égalité , la
justice seroient dans vos Décrets , et la férocité
dans nos moeurs ? L'Europe épouvantée
pourroit croire que les principes et les moeurs
de Camille Desmoulins appartiennent à des
François ! Ah ! qu'ils vous soient enfin connus
les véritables ennemis du bien public ; les
voilà ! leur plume , leurs mains sont ensanglantées
! Que les bons Citoyens se rallient
coutre les pervers : ceux - ci ne seront jamais
les amis de la Liberté , qui n'aura jamais
pour ennemis que les scélérats ! Pourriezvous
done vous y méprendre , laisser en paix
eeux dont le crime est l'aliment , et diriger
votre sollicitude sur ceux que des dissentimens
séparent de vos opinions , qui souffreut
, mais qui obéissent , et qui distinguent
dans la Loi même qu'ils improuvent , le caractère
sacré qu'ils doivent respecter? Ah !
celui - là est criminel , qui , dans quelque
systême et pour quelque cause que ce soit ,
trouble l'ordre public et porte une main
parricide dans le sein de la Patrie. Mais
qu'ils discutent nos Lois , qu'ils censurent
nos opinions , les Citoyens , les hommes
libres de cet Empire , qu'ils apprécient .
qu'ils chérissent et défendent la Liberté ,
compagne inséparable de l'ordre et de la
justice.
»
- -
Je vais vous lire , Messieurs , le dernier
( 79 )
paragraphe de la Feuille de Marat , intitulée :
C'en est fait de nous , et la mettre sur le
Bureau. Quant au dernier Numéro des Révolutions
de France et de Brabant , je déclare
l'avoir remis avant - hier à M. le Procureur
du Roi.
14
C
"
M
40
"
10
"
Citoyens de tout âge et de tout rang ,
les mesures prises par l'Assemblée Natio-
- nale ne sauroient vous empêcher de périr :
c'en est fait de vous pour toujours , si vous
- ne courez aux armes , si vous ne retrouvez
- cette valeur héroïque , qui , le 14 Juillet
et le 5 Octobre , sauvèrent deux fois la
France. Volez à Saint- Cloud , s'il en est
" encore temps , ramenez le Roi et le Dauphin
dans vos murs : tenez - les sous bonne
garde , et qu'ils vous répondent des évènemens
renfermez l'Autrichienne et son
« beau- frère , qu'ils ne puissent plus conspirer
; saisissez- vous de tous les Ministres
et de leurs Commis ; mettez - les aux fers .
Assurez-vous du Chef de la Municipalité
et des Lieutenans de Maire : gardez à vue
" le Général ; arrêtez l'Etat- Major ; enlevez
le parc d'artillerie de la rue Verte ; chiparez
-vous de tous les magasins et moulins
à poudre ; que les canons soient répartis
entre tous les Districts ; que tous
les Districts se rétablissent et restent à
jamais permanens ; qu'ils fassent révoquer
les funestes Décrets . Courez , courez , s'il
en est encore temps , ou bientôt de nombreuses
legions ennemies fondront sur vous :
bientôt vous verrez les Ordres Privilegi
- se relever ; le Despotisme , l'affreux Despotisme
reparoîtra plus formidable que
jamais.
"
10
0
"
#
"
"
"
་་
40
*
M
"
Cinq à six cents têtes abattues vous au-
Div
( 80 )
a
* roient assuré repos , liberté et bonheur .
Une fausse humanité , a retenų vos bras et
suspendu vos coups ; elle va coûter la vie
à des millions de vos frères. Que vos énnemis
triomphent un instant , et le sang
coulera à grands flots : ils vous égorgeront
sans pitié , ils éventreront vos femmes , et
« pour éteindre à jamais parmi vous l'amour
de la liberté , leurs mains sanguinaires
chercheront le coeur dans les entrailles de
vos enfans. "
་་
14
"
"
teurs .
"
Voici le Projet de Décret que j'ai l'hon.
neur de vous proposer ;, il remplira Jes , intentions
de ceux qui veulent comprendre
dans la même condamnation tous les libelles
atroces , quel qu'en soit l'objet et les Au
bing
J'Assemblée Nationale , sur la dénonciation
qui lui a été faite par un de ses
« Membres , de l'Imprimé ayant pour titre :
C'en est fait de nous , et du No. 34 des
Révolutions de France et de Brabant , a
décrété que le Procureur du Roi au Châ
telet de Paris seroit mandé , Séance tenante
, et qu'il lui seroit donné ordre de
poursuivre comme criminels de lèzé - Nation
, les Auteurs , Imprimeurs , et Colporteurs
des Ecrits qui excitent le Peuple
à l'insurrection contre les Lois , à l'effusion
du sang , et au renversement de la
Constitution.
E
すぐ
"
"
*t
" "
Des applaudissemens nombreux ont suivi
ce Discours , l'un des plus éloquens , des plus
écessaires , qui soient sortis de la Tribune. La
grande Majorité de l'Assemblée restoit dans
une consternation d'horreur . Personne ne rioit
plus ; l'énergie de M. Malouet avoit opéré un
effet profond ; lé Décret proposé a été adopté
( 81 )
littéralement ; M. le Procureur du Roi au
Châtelet a paru à la Barre ; on lui a lu le
Décret dont il a promis l'exécution .
M. d'André a été nommé Président par
318 voix ; M. Camus en a eu 140 , et M.
de Cazalès 66. Les nouveaux Secrétaires sont :
MM. Kyspotter , de Cernon et Alquier
DU DIMANCHE 7º . AOUT.
M. Rabaud a demandé qu'on enveloppât
dans la poursuite des Libelles , décrétée hier ,
tous lesEcrits qui inviteroient les Princes Etran
gers à faire des invasions dans le Royaume.
Un pareil crime mérite , en effet , toute la
sévérité des lois ; mais en adoptant très-justęment
cette disposition , l'Assemblée peut -etre
auroit pu adopter une rédaction qui fût moins
susceptible d'arbitraire.
M. Rabaud est allé plus loin ; il a demandé
que dans l'examen des Ecrits coupables , on
admit un Juré ; précaution sans laquelle les
Juges seroient des Inquisiteurs ..
Peu de Personnes ont aperçu ceife conformité.
M. Garat l'aîné a fait observer qué
quoique l'institution des Jurés fût décrétce,
Ja procédure d'après laquelle ils devront agir
ne l'étoit pas , et qu'ainsi , il falloit suivre
pour les délits atroces dénoncés hier , la
marche ordinaire de procéder. "
M. Dubois de Crancé a opiné à renfermer
l'application du Décret exclusivement aux
deux Ecrits dénoncés par M. Malouet. La
question préalable a rejeté cet amendement
ainsi que le dernier de M. Rahand. Alors ,
M. Dubois a demande une Séance pour dénoncer
spécialement les Ecrits incendiaires
dont il nommeroit les Auteurs : elle lui
été accordéee pour Lundi soir.
Dv
( 82 )
M. le Président aà fait lecture d'une lettre
des Vainqueurs de la Bastille , qui invitent
au service qu'on doit célébrer pour leurs
Camarades morts au Siége de la Bastille ,
les bons Citoyens , et notamment les Ecrivains
Patriotes , tels que MM. Carra , Garat , Desmoulins
, Brissoi dit Iarville , Loustalot, etc.
Uu bulletin de la santé du Roi , incommodé
d'une fluxion , étant arrivé dans le moment,
l'Assemblée a décrété d'envoyer une Députation
à S. Cloud. Aussitôt , M. Robespierre
en a demandé une pour la cérémonie funebre
des Vainqueurs de la Bastille. On a remarqué
que l'Assemblée ne pouvoit se trouver
assise à côté de gens qu'elle avoit ordonné
de poursuivre ; M. de la Chèze a ajouté que
lorsqu'on invitoit l'Assemblée à une Cérémonie
on venoit le faire à la Barre ; enfin
M. Duport a remarqué qu'il s'élevoit des
difficultés entre la Garde Nationale et les
Vainqueurs de la Bastille , que l'Assemblée
devoit elle même ordonner ce service , et
qu'en attendant , il falloit surseoir au service
projeté. Cet avis a été décrété.
"
Les Membres du Comité Diplomatique ,
institué Jeudi , sont MM. Fréteau , de Mirabeau
l'aîné , du Châtelet , Barnave , de Menou
et d'André. Les concurrens ont été MM.
. Malouet , Begouen Alexandre Lameth ,
Dupont , Maury et Sieyes.
Nota. Le Journal des Débats et Décrets ,
rédigé par un Député à l'Assemblée Na
tionale , nous a induits en erreur , ainsi que
le Public , à l'occasion du rapport fait par
M. de Broglio, le 13 Juillet , au sujet du refus
de payer les dimes et champarts dans les Districts
de Montargis , Nemours , etc. La Mu(~
83 )
•
:
nicipalité de Montargis a réclamé contre
cette annonce ; cette ville n'a point de cham-
'parts à payer bien loin d'avoir connivé au
refus qu'ont fait d'autres Paroisses de se mettre
en règle , ou d'avoir négligé leur devoir ,
les Officiers Municipaux s'en sont acquittés
avec zèle , en adressant aux Municipalités du
District, uue Exhortation ferme et fraternelle
de faire rentrer leurs habitans dans le
devoir. Cette Adressse , très -sage , est du 24
Juillet. Nous en citerons un passage, confirmatif
des manoeuvres criminelles , par lesquelles
on cherche depuis si long -temps à égarer
le Peuple
་་
Il n'y a sortes de moyens , disent MM.
de Montargis , qui n'aient été mis en usage
pour tromper le Peuple ; des papiers incendiaires
, des propos plus incendiaires encore
distribués par-tout ; de fausses interprétations
des Decrets , des autorités encore plus fausses.
pour les appuyer ; et le Peuple , qui ne connoît
pas ses vrais intérêts , de se laisser entraîner
à des désordres affreux dont il gémit
ensuite , et dont il est même la première victime
"
L'indisposition de Sa Majesté n'a été
que passagère ; c'étoit une fluxion causée
par une douleur de dents , accompagnée
d'un abcès à la gencive et de quelques mou
vemens de fièvre. Cette incommodité
ayant retenu le Roi à St. Cloud , qui croira
qu'on a hurlé dans Paris des Feuilles
atroces, où l'on accusoit les Ministres de
détenir Sa Majesté !
Nos lettres d'Angleterre du 30 Juillet ,
D vj=
( 84 )
nous apportent l'information positive que la
paix est enfin signée avec l'Espagne : cette
Puissance consent à désavouer la saisie des
bâtimens Anglois , à les restituer ,
en indemniser les Armateurs ; la navigation
de la mer du Sud restera libre
( P'Espagne ne disputoit pas cette liberté
) ; et quant à la propriété de la baie et
des côtes de Nootka , chacune des Puissances
se réserve les droits qu'elle pense lui appar
tenir. A ces clauses authentiques on ajoute ,
mais ceci est moins certain , que le Traité
renferme un article séparé , contenant la
promesse d'un Traité de Commerce entre
les deux Nations . Les Armemens de l'Angleterre
restent done aujourd'hui sans but ,
et , à moins qu'on n'en ait de cachés , il
est à croire que les flottes vont rentrer dans
le bassin. L'opinion à Londres est néanmoins
que le Gouvernement conservera une
escadre d'observation .
Le jour même que cette nouvelle importante
arrivoit à Paris ( Lundi dernier )
M. de Montmorrin a enfin communiqué à
l'Assemblée Nationale les démaudes de la
Cour de Madrid sur l'exécution du Pacte de
Famille. Elles sont exposées dans une lettre
de M. l'Ambassadeur d'Espagne , en date
du 7 Juin : ce Ministre Ministrerreeqquuiieerrtt ,, au nom de
son Souverain , une détermination trèsprompte
, et des mesures si actives , si
claires , si positives qu'elle écartent tout
sujet de méfiance ; autrement , S. M. T. C.
ne devra pas être surprise que l'Espagne
cherche d'autres Amis et d'autres Alliés .
**
Ces lettres ont été renvoyées par l'Assemblée
, au nouveau Comité, Diplomatique
: la paix en fera- t- elle tomber l'ob(
85 )
jet , et la Cour d'Espagne insistera - t - elle
sur une explication cathégorique au sujet
du Pacte de Famille ? Dans l'inter-
-yalle qui s'est écoulé depuis sa requisition
, n'aura - t - elle pas préparé de nouvelles
Alliances ? Ces divers problêmes
ne tarderont pas à être éclaircis .
Les Fédérés ont soutenu , jusqu'au moment
de leur départ , le caractère de sagesse
, d'amour de l'ordre , de loyauté
Françoise qu'ils ont manifesté : ils remportent
l'approbation de tous les Partis ,
si l'on en excepte celle d'une classe qui ,
animée d'un esprit de Contre- Révolu
sion , voudroit faire disparoître le
Gouvernement Monarchique , consacré
par la Constitution , et le respect de la
Royauté que la Loi Fondamentale a proclamée
sacrés et inviolable. Sans doute ,
c'est une erreur insigne d'espérer qu'on
amenera jamais la Nation à ce renversement:
qu'on en juge par le Discours suivant
qu'a adressé au Roi M. Lorbeau
fils , à la tête des Fédérés du Département
des deux Sèvres en Poitou .
Votre Majesté voit des Patriotes ardens.
qui ont volé du sein de leurs foyers , pour
se rallier à la Constitution que vous avez
bien voulu accepter , et qui accomplit tous
vos voeux et les nôtres , puisqu'elle raffermit
à la fois votre Puissance suprême , et la
Liberté de la France . Heureux d'avoir été
choisis pour assister à ce grand Pacte de famille
, qui , en réunissant tous les Fran86
)
çois , rappelle l'époque où notre bon Roi a
dit qu'il ne faisoit qu'un avec sa Nation . Nous
venons au nom du Département des deux
Sèvres , jurer à V. M. que vous n'avez pas
d'enfans plus fidèles , plus brúlans de verser
pour vous jusqu'à la dernière goutte de leur
sang. Nous n'avons pas besoin de rappeler à
votre coeur , qu'un Peuple immense attendra
impatiemment l'honneur de vous posséder
tour à tour dans chaque Province. Venez ,
accompagné de votre Epouse chérie , entourée
de votre auguste Famille , et sur tout
du Dauphin , l'espérance de la Nation venez
, SIRE , comme vous nous l'avez promis ,
visiter jusqu'au toit rustique du simple Laboureur.
Après les orages de la Révolution ,
venez comme un Dieu consolateur , rendre
par votre heureuse présence la paix et le bonheur
à votre Peuple. "
Dans le Discours qu'adressa à la Reine,
le 18 Juillet , M. de Launay d'Angers ,
au nom des Gardes Nationales du Département
de Maine et Loire , on a surtout
remarqué la phrase suivante :
es Dans nos Départemens , MADAME , nous
ne connoissions que la grandeur de votre
courage , et l'énergie de votre ame. Mais ,
depuis que le Palais des Rois est ouvert aux
Peuples , depuis que V. M. s'est rapprochée
de nous , vous nous avez montré des vertus
privées qui vous élèvent encore au dessus
du Trône. n
A peine les Fédérés ont - ils abandonné la
Capitale , qu'il s'y est déclaré une grande
fermentation . Les premiers essais avoient été
tentés les 15 et 16 Juillet au Palais Royal ;
des Ecrits incendiaires prescriveient au
( 87 )
Peuple de se mettre en mouvement. Cette
entreprise échoua ; elle s'est ranimée , le 27 ,
à l'occasion du rapport sur le passage éventuel
de quelques détachemens Autrichiens ,
qn'on représentoit comme l'invasion d'une
armée Autrichienne dans le Royaume . Des
attroupemens qu'il ne faut appeler , ni le
Peuple , ni la Nation , se formèrent aux Tuileries
et au Palais - Royal , les Motions recommencèrent
, les hommes de sang reparurent
avec leurs tablettes de proscription ;
d'abord , on vota dans ces groupes le renvoi
des Ministres , ensuite leur détention ; on
finit par menacer de les égorger. Des Ministres
, les proscripteurs passèrent à la
Reine , à la Famille Royale , aux Chefs de
Ja Milice , de la Municipalité , aux Membres.
de l'Assemblée Législative , et aux Citoyens
qui révèrent encon la Royauté et la Monarchie,
telles qu'elles sont établies par la Consti
tution . Les lieux publics retentirent de déclamations
incendiaires ; jusqu'à la porte de
l'Assemblée , des Factieux répandoient ,
erioient à haute voix des exhortations imprimées
de pendre les Ministres Le Vendredi ,
l'effervescence changea d'objet au Palais-
Royal , où l'on poursuivit les . Facteurs de
ces Usuriers qui , profitant de la détresse'
générale , vendent l'argent à un prix exhorbitant
; un Marchand Bonnetier ne fut
sauvé de la Lanterne que par les efforts de
la Garde Nationale. Ce premier mouvement
rendra peut - être les Vendeurs d'argent moins
exigeans ; mais si ces poursuites violentes et
illégales continuoient , elles feroient disparoître
jusqu'au dernier écu . Tout ce qui peut
égarer le Peuple et l'enflammer , a été mis
en usage ; chaque jour on crioit dans les
( 88 )
rues des Feuilles chargées de listes de conspirations
9 des Affiches atroces secondoient
les pamphlets . Heureusement , la
masse du Peuple n'a pu être ébrantée , et
M. de la Fayette , servi par le zèle de la
Garde Nationale , a maintenu la sureté. Dans
le Préambule de l'ordre donné aux Troupes
de Paris , ce Commandant général n'a pas
dissimulé qu'on employoit de coupables ma
noeuvres et un argent corrupteur , pour agiter
la Capitale. Dimanche dernier , on arrêta
plusieurs Orateurs incendiai es au Palais-
Royal.
4
Ceux qui ont la prétention de conduire
par la raison , la multitude qu'on n'a conduite
et qu'on ne conduirajamais , même
par le raisonnement devroient attendre
qu'ellefût éclairée , avant de s'en remettre
à ses lumières. Par tout où le Peuple a le
sens droit , et où on laisse dormir ses passions
, ses mouvemensspontanéssont peu
redoutables ; mais lorsque des Factieux ou
des Flatteurs s'emparent de sa crédulité ,
et le conduisent à braver les lois , il faut
bien que la force publique se déploie . Cu
a été obligé d'y recourir à Lyon . Le 27
2000 Ouvriers , suivis d'une grande multitude
, menacérent de nouveau l'Hôtelde-
Ville , l'Arsenal et le, Magasin à pou
dre. La Municipalité ordonna des dişpositions
viriles pour les repousser ;
plusieurs des séditieux furent tucs
ou blessés . Les Bourgeois armés , le
Guet et le Régiment Suisse de Son.
nenberg ont sauvé la Ville. Les Suisses ,
9
( 89 )
sur lesquels la Populace à tiré , ont cu
aussi quelques hommes tués et blessés.
La Loi Martiale a été proclamée en grand
appareil : la sédition est appaisée ; mais
on n'avoit pas encore osé rétablir les
barrières. Nombre de brigands nationaux
et étrangers , qui accourent aux
lieux out regne l'anarchie , comme les
tigres au passage des Voyageurs , ont été
arrêtés : nous desirons qu'on entire des lumières
sur les Moteurs de cés' insurrections
qui parcourent le Royaume. — On
a répandu aussi en Lorraine , le bruit des
armées de Faucheurs de grains : l'alarme
a été universelle en divers lieux , et lon
assure que divers Châteaux , entr'autres"
celui de M. d'Hoffelize , ont été dévastés.
-
M. Necker a envoyé Lundi à l'Assemblée
Nationale un nouveau Mémoire ,
où il repousse les nouvelles imputations
que lui ont fait M. Camus et d'autres.
On y voit combien ce Ministre est affec
té de sa situation , que ses vrais amis lui
auroient bien prédite , il y a un an .
( Nous rapporterons ce Mémoire la Semaine
suivante. )
M. Necker confirme la juste réclamation
de Madame de la Marck , contre M. Camus ,
qui s'est permis d'affirmer à l'Assemblée
Nationale, que cette Dame avoit reçu 120,0007.
au mois de Janvier , parce qu'on lui avoit ôté
son logement aux Tuileries , et qu'on avoit
fait porter cette somme sur le Garde - Meuble
pour dépayser. Madame de la Marck prouve ,
( 90 )
et le fait est indubitable , qu'elle a reçu
30,000 liv. sur une somme de 120,000 liv.
dont le restant lui sera payé par dix mille
livres chaque année , pendant neuf ans , pour
le prix évalué sur rapport d'Experts , et fort
au- dessous de la valeur réelle , des meubles ,
marbres , glaces , boiseries , etc. qu'elle a
cédés à S. M. , lorsque le Roi a repris son
appartement. Madame de la Marck a 71 ans ;
si elle meurt avant l'entier payement des
120,000 liv. en neuf ans , ses héritiers ne
peuvent rien reclamer. » Ainsi , dit - elle , on
ne pensera pas sans doute que le Roi ait
fait un marché onereux. Il est louable sans
doute , ajoute - t -elle , de dénoncer les abus ;
mais n'est- on pas bien reprehensible, quand,
• pour rechercher des applaudissemens , on
* se permet d'outrager la vérité ? »
L'affreux événement qui , à la suite de
l'enlèvement des Forts de Marseille , a
coûté la vie au Chevalier de Bausset
victime de l'honneur et de son devoir, a
été , comme tous les faits de ce genre ,
défiguré dans ces Catalogues de Mensonges
, qu'on appelle des Papiers pu
blics. La Municipalité de Marseille a fait
rompre les scellés , et visiter les papiers
de cet infortuné Citoyen , dans l'espérance
, trompée , d'y trouver des correspondances
coupables . M. de Bausset ne
l'étoit que d'obéissance à ses devoirs : il
marcha avec fermeté à la mort où on le
conduisoit , en le traînant à l'Hôtel - de-
Ville ; pas une plainte n'a été formée
contre lui depuis sa catastrophe , et
( 91 )
nul Tribunal n'a encore puni ses assas
sins. On doit à sa mémoire de consigner
fidèlement les dernières circonstances
de sa vie honorable , et dans ce
but , nous allons transcrire une Relation
fidèle qui nous a été adressée par sa
famille .
"
La Municipalité , de concert avec la
Garde , n'attendoit que le départ des Régimens
en garnison dans la ville , pour tenter
de s'emparer des Forts. Le 30 Avril au matin
, celui de Notre-Dame de la Garde fut
surpris par une troupe embusquée pendant
la nuit , qui , à la pointe du jour , s'empara
brusquement du pout - levis , baissé sans précaution.
"
La prise de ce Fort étoit l'avant- coureur
certain du dessein de s'emparer de la Citadelle
Saint- Nicolas et du Fort Saint- Jean ,
tous deux susceptibles de faire une longue
défense , sur-tout celui de Saint - Nicolas ,
qui , par ces trois enceintes de remparts
bâtis sur le roc et se dominant , ne pouvoit
être pris qu'après une tranchée ouverte .
་ ་
"2
Le Chevalier de Bausset , chargé des
détails de la Majorité du Fort Saint - Jean
sous M. de Calvet , qui y commandoit en
chef, se transporte à la Citadelle Saint- Nicolas
, dès qu'il sut la surprise de Notre-
Dame de la Garde ; il y fut pour combiner ,
avec M. de la Roque , qui y commandoit ,
leurs projets mutuels de défense , en cas d'attaque
, et leur conduite vis- à- vis de la Municipalité
: il fut déterminé qu'on enverroit un
Courier au Marquis de Miran , Commandant
dans la Province , alors à Aix , pour lui
rendre compte de la situation des choses
( 92 )
et,lui demander ses ordres relativement aux
prétentions que la Municipalité pourroit elever
sur la garde des Forts. Ii fut encore résolu
d'écrire au Maire de la ville , pour le
prier de vouloir bien suspendre toute sommation'
d'introduire une Troupe étrangere
à la garnison dans leurs places jusqu'au lendemain
, qu'ils devoient recevoir les ordres
du Commandant de la Province . Ces deux
derniers points exécutés , le Chevalier de
Bausset vetourne à son Fort , conjointement
avec MM . de Sommis , Officier du Genie , et
de Userlier , Officier d'Artilleric , attachés
au service de la Place : ils formèrent toutes
les dispositions nécessaires pour la mettre
en état de defense .
A midi , on avoit vu du Fort St. Jean une
troupe considérable de Gardes Nationales
armes , se présenter devant la porte de la
Citadelle de Saint - Nicolas , et les rues aboutissant
à ses remparts.
A deux heures , on reçut une réquisisition
de la Municipalité , pour recevoir la
Garde Nationale dans le Fort : il fut répondu
qu'on ne pouvoit pas accepter cette proposition
; qu'on attendoit des ordres prochains
de M. le Marquis de Miran , et qu'on
prioit la Municipalité d'attendre sa repon e
avant de faire aucune autre démarche.
"
>>
Deux heures après , semblable réquisition
d'une maniere plus menaçante ; même
réponse , en y ajoutant que si la Municipalité
ne vouloit pas accorder le delai demandé,
elle seroit responsable des événemens
malheureux qu'attireroit la juste defense de
la Place.
"
2
A cinq heures , on yit du Fort Saint-
Jean , avec le plus grand étonnement , les
( 93 )
Gardes Nationales entrer dans la Citadelle
de Saint - Nicolas , tambour battant , Enseignes
déployées ; ce qui prouva que cette
Citadelle avoit ouvert ses portes , sans avoir
été seulement insultée . Le Fort Saint- Jean
n'étoit alors entouré que par quelques Sentinelles
Nationales postées sur les glacis . ""
((
A sept heures du soir , le Maire , suivi
de plusieurs Officièrs Municipaux et Notables
, se présenta à la barrière du Fort ,
demandant à y entrer pour parler à M. de
Calvet , Commandant en premier. Le Chevalier
de Bausset fit introduire cette Troupe
municipale dans la Place , avec les précautions
ordinaires pour que Personne autre n'y
pénétrât ; et ces Messieurs furent trouver M.
de Calvet , dans une des salles de son logement
, où M.de Maire lui fit part de la capitulation
de la Citadelle , en le sommant
de remettre le Fort aux Gardes Nationales
aux mêmes conditions .
" Pendant ce temps, leChevalier de Baus
set , qui avoit lieu de craindre que M. de
Calve ne suivit l'exemple du Conimandant
de la Citadelle , crut devoir assembler un
Conseil de guerre composé des Chefs de
l'Artillerie , du Génie et des Troupes de la
Garnison' , afin que sa décision fút un préservatif
et un obstacle pour M. de Calvet
contre les insinuations de la Municipalité.
Il fut unanimement décidé dans ce Conseil
, que l'on ne pouvoit recevoir aucune
Troupe étrangère à la garnison dans la Place ,
sans en avoir reçu l'ordre du Commandant
de la Province ; que l'on prieroit la Municipalité
de vouloir bien attendre ces ordres ,
qui arriveroient incessamment : il fut ensuite
résolu qu'en cas de refus de cette prière , le
( 94 )
Fort ne pouvant être pris ni escaladé , la
valeur des Troupes de la Garni on répondant
au zèle des Officiers , il falloit le défendre
, s'il étoit attaqué. Le résultat de ce
Conseil , ainsi que le Procès-verbal , dont on
tire tous les détails de cette Relation , est
revêtu de la signature originale de dix Officiers
Majors. "
<< Le Chevalier de Bausset fat porter ce
résultat unanime à M. de Calvet , devant le
Maire , afin que ce Commandant y lût la
règle inviolable de ses devoirs ; le Maire ne
voulut accorder aucun délai , et il somma M.
de Calvet comme Commandant , de donner
ses ordres pour faire entrer la Garde Nationale.
"
"
Sur quoi le Chevalier de Bausset dit
qu'il retournoit à son poste joindre sa Garnison
, déclarant hautement qu'il n'adhére
roit , ni ne signeroit aucun article contraire
à la décision du Conseil ; il ne voulut prendre
nulle connoissance de la capitulation reçue
par la Citadelle de Saint - Nicolas , ni de
celle qui pourroit être acceptée par M. de
Calvet.
" A huit heures et demie du soir on vit
entrer dans la Place une troupe de la Garde
Nationale , dont le Chevalier de Bausset n'a
pas su le nombre , n'ayant voulu s'entacher,
d'aucune manière , de ce qui auroit quelque
rapport à la reddition du Fort. »
" Le Chevalier de Bausset , indigné de
cette reddition à laquelle il s'étoit opposé
autant qu'il avoit été en son pouvoir , ne
voulut plus dès -lors prendre part à aucun
service de la Place , et retourna à son logement
. »>
Il resta par prudence chez lui , parce
( 95 )
que ses amis l'avertirent qu'il courroit les
plus grands dangers , s'il se montroit dans la
Ville ; on lui conseilloit même d'en sortir ;
ii s'y refusa , parce que sa retraite , dans une
pareille circonstance , lui parut trop ressembler
à une évasion lâche et honteuse ; certain
de n'avoir empli que ses devoirs envers la
Patrie et le Roi , à qui seuls cette Place appartient
, pour la garde de laquelle les Officiers
, à qui elle avoit été confiée , ne devoient
reconnoître d'autres ordres que ceux émanés
du Roi , Chef suprême de l'Armée , sur laquelle
par conséquent la Municipalité n'a
aucune autorité à exercer , puisque les Lois
anciennes ou nouvelles n'attribuent aux
Municipalités aucun pouvoir sur les Places
Militaires , le Chevalier de Bausset attendit
tranquillement son sort. »
Il rendoit compte , chaque jour , à sa
famille , de sa conduite et de ses sentimens:
il en a rendu un compte exact au Ministre
de la Guerre.
"
3
Le 2 de Mai , qui a été le jour de son
massacre , il écrivit encore à son frère une
lettre remplie d'amitié pour lui , et d'une
fermeté tranquille et héroïque sur la mort
dont il étoit menacé.
En effet , le 2 de Mai , à une heure
après - midi , on vint lui demander en tumulte
les clefs du Magasin à poudre , qu'il ne vou;
lat pas donner , parce que les Ordonnances
ne le lui permettoient pas , et qu'il pouvoit
même en résulter des inconvéniens pour la
sureté de la Ville ; mais la Municipalité lui
fit dire de venir à l'Hôtel - de -Ville rendre
compte de ses motifs , pour s'être opposé à
ce que le Fort fût livré à la Garde Nationale ,
et de son refus de donner les clefs du Magasin
à poudre.
20
( 96 )
Il est bien évident que cette réquisition de
la Municipalité livroit eet Officier à une mo: t
certaine , en l'obligeant à traverser la Ville. "
Cependant , il ne balança pas à sortie
du Fort pour se rendre à l'Hôtel - de -Ville ;
il étoit entouré de quelques Gardes Nationales
: dès qu'il fut sorti du Fort Saint- Jean ,
il entendit des cris de mort , et il vit que l'on
se disposoit à attenter à sa vie. Il voulut se
dérober à ses assassins , en cherchant un asyle
dans la première maison qui s'offrit à ses regards
; on l'en arracha avec furie ; un Soldat
de la Milice Nationalelle perça d'un coup de
bayonnette, et d'autres Soldats le fusillerent .
On fit essu er à son cadavre des outrages
dont les details devroient faire frémir les
aines les plus atroces ; il est mort en héros ,
victime de son honneur et de ses devoirs
f Les ordres du Commandant de la Province
a riverent reu après la reddition des
Forteils onepleinentent justifié la conduite
du Chevalier de Bausset ; ces ordres defendoient
aux Commandans de la Citadelle S.
Nicolas et du Fort S. Jeus , de consentir
aux demandes de la Municipalité , et leur
Senjoignoient de résister , par tous les moyens
en leur pouvoir , à toute attaque hostile. »
ས་ ཟླ
SPSPM. Bailly a été réélu Maire
Lamdi dernier . Malgré les Libellistes qui
lui reprochoient d'être poli ; malgré un
pamphlet de M. Brissot , dit Warville ,
distribué Dimanche dans les Carrefours ,
et qui appeloit à la Mairie M. Camus
le célèbre Historien de l'Astronomie a
été confirmé dans sa place , par l'im
-ménse pluralité de 12,557 suffrages sur
14,000 Votans.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES
.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 30 Juillet 1790 .
AVANT sa mort , le Feld - Maréchal
de Laudhon appela auprès de lui les
Officiers Généraux de l'armée , et les
principaux de l'Etat-Major : en leur faisant
ses derniers adieux , il leur recommanda
l'attachement à leurs devoirs , la
fidélité envers leur Souverain , et le zèle
du service. L'armée entière a pleuré ce
Guerrier , dont la simplicité , la valeur
et l'intelligence avoient mérité au plus
haut degré la confiance et l'amour du
Soldat. Le Roi a été très-affecté de cette
perte , et a témoigné ses regrets et son
estine pour M. de Laudhon , en assurant
à sa Veuve une pension de 4000
N°. 33. 14 Août 1793. E
( 98 )
florins , outre les revenus dont jouissoit
le Feld-Maréchal en qualité de Grand
Croix de l'Ordre Militaire de Marie- Thé
rèse. Lorsque la Baronne de Laudhon
a rendu les marques riches de cet
Ordre , S. M. lui a fait présent d'une
somme de 30 mille florins . Ces récompenses
trés-justes étoient encore nécessaires
, car le désintéressement de M. de
Laudhon mauvais courtisan , ne lui
avoit jamais permis de s'occuper de sa
fortune. Son nom restera au Régiment
d'Infanterie dont il étoit Propriétaire , et
dont le Roi a nommé Colonel en second
le Baron de Laudhon , Neveu et Aidede-
camp du Feld-Maréchal .
?
Le Mausolée , qui sera placé à Haddersdorf,
sur le tombeau du Maréchal
de Eaudhon , a été fait de son vivant ;
il supporte la statue de ce Héros , tenant
'à la main un livre ouvert, sur lequel se
trouve l'inscription suivante choisie par
M. de Laudhon lui- même : Commemoratio
mortis optima philosophia .
Nous ne pouvons rien encore assurer
de certain touchant le résultat des Conférences
de Reichenbach. Depuis l'arrivée
de deux Courriers , le 19 , dont l'un
descendit chez M. de Podewills , Ministre
de Prusse , le bruit s'est répandu
que les préliminaires entre les deux
Cours ayant été signés le 1er . du mois ,
qu'on en a renvoyé d'ici la ratification
à M. de Spielman , et que ce Plénipo(
( 99 )
1
tentiaire será incessamment de retour .
Les articles convenus ont toujours pour
objet, suivant les mêmes rumeurs , la cession
de 480 lieues carrées en Gallicie à
la Pologue ; celle de Thorn et Dantzick ,
à la Prusse , et les limites fixées par la
paix de Passarowitz . On veut encore ,
qu'à la réception de ces nouvelles Sa
Maj . A. ait ordonné de détacher de l'armée
de Bohême et de Moravie , 20 bataillons
et to escadrons pour les Pays-
Bas. Jusqu'ici, néanmoins , on ne voit
aucun fondement solide de ces divers
rapports. Quoique l'opinion de la signature
des préliminaires soit assez géné
rale , on pense que les articles arrêtés
entre les deux Cours trouvent des obstacles
ailleurs , et sur-tout en Pologne
où la cession de Thorn et Dantzick soulève
encore les esprits . La Russie ne verroit
pas d'un oeil plus satisfait cet aban-
' don , qui assureroit à la Prusse une si
grande influence sur la Baltique . Quelques
Personnes instruites présument
qu'en conséquence de ces difficultés , le
Cabinet de Berlin a renoncé à cette de-
'mande , et que les préliminaires ont un
autre objet. Découvrir la vérité au mílicu
de ces variations et de ces conjectures
, c'est une grande tâche , et nous ne
l'entreprendrions pas sans abuser probablement
de la confiance des Lecteurs .
C
D'autres vont plus loin , et pénètreat
que ce Congrès de Reichenbach servira
E
;
( 100 )
S
de fondement à la nouvelle politique de
l'Europe, comme le Traité de Westphalie
l'a fait jusqu'à ce jour. Ils devinent
qu'on y agitera des intérêts universels et
des revendications étrangères. Il y a sans
doute apparence que les Révélateurs de
ces mystères assistent eux- mêmes au
Congrès, puisqu'ils en publient les opérations.
Un Adjudant du Général de Vins a apporté
, le 23 , la nouvelle que la forteresse
de Cettin a été emportée d'assant le 20 de
ce mois. Beaucoup de Turcs ont péri ; 500
ont été faits prisonniers ; le reste s'est sauvé.
On a trouvé dans la place une grande provision
de poudre , de plomb et de boulets.
La prise de cette place facilitera celle de
Kladussa et de Sturlies.
Un Officier Russe est arrivé ici , le 19 ,
venant de la Moldavie , comme Courrier, avec
l'avis que l'Armée Russe est en mouvement ,
et que le Corps du Général Suva on a joint
l'Armée du Prince de Cobourg , qui marche
sur Brailow.
Le Roi a nommé l'Archiduc François
Ministre des Conférences , et ses deux
fils puînés Conseillers Auliques. L'Archiduc
François a pris Séance au Conseil
, le 20 de ce mois.
Il n'est pas aussi certain , malgré des
affirmations positives , que le Roi ait cédé
le Grand Duché de Toscane à son
second fils l'Archiduc Ferdinand, L'acte
de cession , envoyé à Naples , est , dit- on,
signé également de l'Archiduc François.
( 101 )
En appesantissant le joug des Paysans,
quelques Gentilshommes , ainsi que nous
l'avons rapporté , avoient manifesté le
dessein de secouer celui du Roi dans
les articles de Capitulation , ilsexigeoient ,
entr'autres , que ce Prince résidât en
Hongrie , et qu'on abolît toutes les Ordonnances
de Joseph II , Roi illegiti
me , puisqu'il ne s'étoit pas fait couronner.
Ce n'est pas la première fois qu'on
a yu ainsi l'esprit d'indépendance s'allier
à l'amour de la tyrannic . Liberté pour
nous ; servitude pour autrui voilà la
devise de tous les Charlatans politiques.
Ces propositions ayant trouvé la plusgrande
résistance dans la Diète , et les
débats ne finissant point , S. M. fit déclarer
aux Hongrois qu'obligée vraisemblablement
de se rendre à Francfort le
mois prochain , et ne pouvant prévoir
l'issue de leurs délibérations , Elle renoncoit
à se faire couronner cette année.
Il paroît que cette déclaration a été
efficace. La Députation de 47 Membres
qui rédige l'ensemble des projets délibé
rés par les quatre Députations particulières
, a pressé son travail ; et déja la
Diete a nommé des Députés qui viennent
supplier le Roi de suspendre son
voyage à Francfort , et de se faire couronner
à Bude . En conséquence , le bruit
s renouvelie que cette cérémonie aura
lieu vers le 20 d'Août.
Ei
( 102 )
De Francfort sur le Mein , le 4 Août.
Les divers Ambassadeurs Electoraux
arrivent ici successivement : le Nonce du
Pape , venant de Vienne , est ici avec sa
suite , depuis quelques jours. L'époque
de l'Election est encore incertaine : notre ,
Magistrat a demandé qu'elle fût remise :
après la Foire de Septembre .— En sa
qualité de Vicaire de l'Empire , l'Elec- :
teur de Saxe a conféré la dignité de Comte :
du St. Empire au Baron de Loben , son
second Ambassadeur à la Diète d'Election
.
Nous avançâmes , le mois dernier , que le
sort de Liege et celui des Pays - Bas Autrchiens
dépendroient de l'issue du Congrès
de Reichenbach. Cette conjecture semble
confirmée par l'absence totale d'événemens
dans ces deux Contrées si menacées . L'Armée
des Cercles , rassemblée presqu'en entier,
s'est bornée jusqu'ici à assujettir au serment
de fidélité envers le Prince de Liége , et
d'obeissance aux Décrets de la Chambre
Impériale , les Villes de Maseyck , de Stockem
et quelques autres Districts du Conté
de Looz. Les Liégeois prétendent que ce
Serment a été extorqué d'autre part , on
assure que les Habitans s'y sont prêtés trèsvolontairement
, et qu'en genéral le Plat-Pays
épouse assez froidement les intérêts de Liége.
Cette Ville annonce dans les Gazettes , que
son Armee est de 36 mille hommes des
avis de Mastricht réduisent ce nombre à
8 mille Volontaires au plus , qui ne sont
:
( 103 )
même pas permanens sous les Drapeaux,
Quoi qu'il en soit de ces rapports contradictoires
, la Chambre Impériale continue
à fulminer des Décrets , et Liége à achever
sa révolution : dernierement ,
elle a élu sa
Municipalité , d'apres un nouveau plan qui.
se rapproche à quelques égards des Lois
Françoises. Mille Votaus seulement , ou.
Citoyens actifs ont concouru à cette Election ,
passablement Aristocratique, puisqu'elle est
exclusivement l'ouvrage de la 45° . partie
environ des Habitans males de la Ville.
er
P. S. Nos Lettres de Berlin , en date
du 29 Juillet , et celles de Vienne du
1ºr. dé ce mois , annoncent positivement
la signature d'une Convention préliminaire
entre les Cours de Prusse et de
Vienne , définitivement arrêtée à Reichenbach
, le 25 du mois dernier. Les
articles seront connus dans peu de jours ;
l'Armistice entre l'Autriche et la Porte
est déterminé . Divers Courriers particuliers
ont confirmé cette grande nouvelle
.
La poste des Pays- Bas nous apporte
en ce moment l'avis dun autre événe-,
ment. Les Troupes Belgiques , cantonnées
dans le Duché de Limbourg , ont
été enveloppées , le 3 , par les Autrichiens
, à Sprimont , à trois lieues
d'Herve ; une partie est restée sur le
champ de bataille ; le Village a été forcé ;
canons , fourgons , tentes , bagages , tout
est resté aux mains des Autrichiens , ainsi
E iv
( 104 )
19
qu'un nombre de Prisonniers . Comme
les actions précédentes , ceilc- ci a été
une déroute . Les Belges ont évacué le
Limbourg, et au départ des Lettres ,
les Autrichiens allaient occuper Herve.
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 6 Août.
Le nouveau Parlement qui de voit se
rassembler le 10 de ce mois , vient d'être
prorogé par le Roi , en son Conseil, au
12 Octobre prochain . Le grand nombre
en a induit que la guerre avec l'Espagre
étoit inévitable ; et le petit nombre , qu'l
existoit des négociations entamées , que
l'espace de deux mois termineroit , et
dont on communiqueroit alors le résultat
au Parlement .
( Ce dernier avis est le plus juste , puisque
le différend avec l'Espagne est , si
non définitivement arrêté dans toutes
ses parties , du moins éludé par la transicion
que nous avons rapportée la Semaine
dernière , ct dont le 3 on n'avoit
encore nulle connoissance à Londres . )
Au milieu des raisonnemens et des
spéculations en l'air, les funds ont haussé
, sans que les armemens aient encore
discontinué aucun ordre de les suspendre
, de rallentir la presse , de faire rentrer
les vaisseaux , n'est encore sorti de
Amirauté . Milord Howe est à Spithéad
( 105 )
avec l'escadre qui doit se réunir à celle
de Torbay ; il paroît qu'on attend l'arrivée
d'un Courrier de Madrid , pour lui
envover ses derniers ordres.
L Oracle prétend qu'à l'issue d'un Conseil
tenu hier , on a expédié l'ordre de
faire passer huit vaisseaux de ligne de
64 canons , et quatre frégates dans la
Baltique , pour secourir le Roi de Suède.”“
Ce Papier public est le seul à donner
cette prétendue information , que se nature
et sa célérité rendent également
suspecte.
La grande flotte de Torbay une fois réunie ,
seroit forte de 53 navires , dont 32 vaisseaux
de ligne. Le total des vaisseaux de ligne en
Commission est de 53 , outre sept vaisseaux
de 50 canons ; 66 frégates et 64 sloops . Les
stations extérieures sont comprises dans ce
dénombrement.
De l'état général de la Marine Britannique
en ce moment , il résulte qu'elle
est composée de 154 vaisseaux de ligne ,
dont 9 en construction , 5 de 100 canons ,
et 19 de 98 ; 19 de 50 ; 133 frégates et
102 sloops . Total , 418. Plus d'un tiers de
ces bâtimens a été reconstruit à neuf , ou
construit depuis la dernière guerre ; 44 vaisseanx
de ligne sont de ce dernier nombre.
Le total de la sette publique , rachetée
au rer. de ce mois , est de 5,997,900 1 .
sterl .
L'élection des 16 Pairs d'Ecosse à la
Chambre Haute du Parlement s'est faite
Ev
( 106 )
à Edimbourg : 13 Candidats qui ont
réuni la supériorité des voix , sont déclarés
élus les trois autres places sont
disputées entre cinq Pairs , qui chacun,
ont eu 33 suffrages. Milord Stormont a
eu le plus de voix : il en a réuni 42 .
L'Ecosse , l'Angleterre et l'Europe entière
ont perdu dernièrement le célèbre
Adam Smith , Auteur de la Théorie
des Sentimens moraux , et du fameux
ouvrage de la Richesse des Nations
dont les trois premiers livres seront ételnellement
classés , dans ce petit nombre
de productions qui attestent les lumières
d'un siècle , et le génie de la Philosophie .
M. Adam Smith s'occupoit d'une Hitoire
de la Philosophie , dont les matériaux
étoient , dit- on , très-avancés ( 1 ) .
(1 ) Un des Hommes de Lettres les plus
capables d'un Ouvrage distingué , M. l'Ablé
Morellet, avoit traduit la Richesse des Nations
, avec des notes . Pas un Libraire de
Paris n'a voulu se charger de ce travail précieux.
On sent qu'un Ouvrage de ce genre
ne pouvoit être traduit utilement , que par
un Auteur digne lui- même de faire un Ecrit
utile , et qui , à la connoissance de l'Anglois ,
joignit celle des Matieres traitées par son
Original.
( 107 )
FRANCE.
De Paris , le 11 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE .
Décret sur les Pensions de retraite , du Samedi
31 Juillet.
Art. I. Le nombre d'années de service
nécessaire dans les Troupes de ligne , pour
obtenir une pension , sera de trente années
de service effectif ; mais pour déterminer le
montant de la pension , il sera ajouté à
ces années de service , les années résultantes
des campagnes de guerre , d'embarquement ,
de service ou de garnison hors de l'Europe ,
d'après les proportions suivantes :
Chaque campagne de guerre , et chaque
année de service où de garnison hors de
l'Europe , sera comptée pour deux ans. "
en
Chaque année d'embarquement
temps de paix , sera comptée pour 18 mois.
Ce calcul aura lieu dans quelque grade que
les campagnes et les années de service ou
d'embarquement aient été faites , dans le
grade de Soldats , comme dans tout autre. ▪
II. Tous Officiers , soit Etrangers , soit
François , employés dans les Troupes de
ligne Françoises ou étrangères au service
de l'Etat , de quelque arme et de quelque
grade qu'ils soient , seront traités pour leur
pension , sur le pied de l'Infanterie Françoise.
Tous les Officiers d'un même grade ,
quoique de classe différente , même simplement
commissionnés , mais en activite ,
E vj
( 108 )
seront pensionnés également sur le pied de
ceux de la première classe. "
44
III. On n'obtiendra la pension attachée
à un grade , qu'autant qu'on l'aura occupé
pendant deux ans entiers ; à moins que pendant
le cours desdites deux années , on n'ait
reçu quelques blessures qui mettent hors
d'état de servir.
40
"}
IV. Le nombre d'années de service nécessaire
dans la Marine , pour obtenir une
pension , sera de 25 années de service effectif ;
et pour fixer le montant de la pension , il
sera ajouté à ces années de service ,
les
années résultantes des campagnes de guerre ,
embarquemens , service en garnison hors de
Europe , dans les mêmes proportions qui
ont été fixées par l'article I pour les Troupes
de terre ; ce calcul aura lieu , qu'elle qu'ait
été la classe ou le grade dans lesquels on
ait commencé à servir ; mais l'on n'aura la
pension attachée au grade , qu'après l'avoir
occupe pendant deux ans , ainsi qu'il est dit
dans l'article III . »
« V. Le taux de la pension qu'on obtiendra
, après avoir servi l'Etat dans les Emplois
civils pendant trente années effectives ,
sera réglé sur le traitement qu'on avoit dans
le dernier emploi , pourvu qu'on l'ait occupé
pendant trois années entières.
"
"
Les années de service qu'on auroit remplies
das des Emplois civils hors de l'Europe
, seront comptées pour deux années
lorsque les trente années de service effectif
seront d'ailleurs completes. "
40
Les pensions qui etoient établies sur la
Caisse de l'ancienne administration du
Clergé , seront payées sur cette même Caisse
pour les six premiers mois de la présente
( 109 )
année , sur le pied néanmoins de 600 liv.
au plus pour l'année entière , conformément
au Décret du 16 de ce mois. »
40 VI. Nonobstant l'article.... du Décret
du.... relatif aux enfans des Officiers tués
à la guerre , les enfans du Général Montcalm
, tué à la bataille de Quebec , au lieu
de la somme de 3000 liv . seulement qu'ils
devroient se partager entre eux , aux termes
dudit article , toucheront 1000 liv . chacun .
L'Assemblée Nationale autorise les Commissaires
par elle nommés pour la distribution
des nouvelles pensions , à exprimer dans
le brevet de 1000 liv . qui sera délivré à
chacun desdits enfans , que cette exception
a été décrétée par l'Assemblée Nationale
comme une preuve de sa vénération pour la
mémoire d'un Officier aussi distingué par
ses talens et son humanité , que par sa bravoure
et ses services éclatans. »
"
1
VII. Les pensions accordées aux Familles
d'Assas et de Chumbord , de Montcalm ,
et au Général Luckner , seront conservées
en leur entier , nonobstant ies dispositions
des articles précédens qui pourroient y être
contraires ; à l'égard des autres exceptions
qui ont été ou seroient proposées , elles seront
renvoyées au Comité des Pensions , qui
en fera le Rapport à l'Assemblée. »
Décret sur les Pensions des Artistes et des
Gens de Lettres. Même date.
"
« Art. I. Les Artistes , les Savans, les
Gens de Lettres , ceux qui auront fait une
grande découverte propre à soulager l'Humanité
, à éclairer les Hommes , ou à perfectionner
les Arts utiles , auront part aux
récompenses nationales , d'après les règles
générales adoptées par les Décrets des 10
( 110 )
et 16 du présent mois , et les règles particulieres
qui seront énoncées ci après.
<<
"
Celui qui aura sacrifié ou son tems ou
sa fortune ou sa santé à des voyages longs
et périlleux , à des recherches utiles à l'économie
publique ou au progrès des Sciences
et des Arts , pourra obtenir une gratification
proportionnée à l'importance de ses découvertes
et à l'étendue de ses travaux ; et s'il
périssoit dans le cours de son entreprise ,
sa femme et ses enfans seront traités de la
même manière que la veuve et les enfans des
hommes morts au service de l'Etat .
"
"
« III. Les encouragemers qui pourroient
être accordés aux personnes qui s'appliquent
à des recherches , à des découvertes et à
des travaux utiles , ne seront point donnés
à raison d'une somme annuelle , mais seulement
à raison des progrès effectifs de ces
travaux ; et la récompense qu'ils pourroient
mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur
travail sera entiérement achevé , ou lorsqu'ils
auront atteint un âge qui ne leur permettra
plus de les continuer.
"}
IV. Il pourra néanmoins être accordé
des gratifications annuelles , soit aux jeunes
élèves que l'on enverra chez l'étranger pour
se perfectionner dans les Arts et dans les
Sciences , soit à ceux que l'on feroit voyager
pour recueillir des connoissances utiles à
F'Etat.
V. Les pensions destinées à récompenser
les personnes ci - dessus désignées , seront
divisées en trois classes . "
་་
La première , celle des pensions dont
le maximum sera de 3000 liv .
44
»
La deuxième , eelle des pensions qui
CE
excéderont 3000 liv ,, et dont le maximum
ne pourra s'élever au- dessus de 6oco liv . »
La troisième classe comprendra les
pensions au- dessus de 6000 , jusqu'au maximum
de 10,000 liv. fixé par les précédens
Décrets. >>
« VI. Le genre du travail , les occupa
tions habituelles de celui qui méritera d'être
récompensé , détermineront classe où it
convient de le placer , et la qualité de ses
services fixera le montant de sa pension
de manière néanmoins qu'il ne puisse atteindre
le maximum de la classe où il aura
été placé , que conformément aux règles
d'accroissement déterminées par les articles
XIX et XX des Décrets du 16 du présent
(meis. »
Décret sur les Régimens Suisses . Même date .
Art. I. Il ne sera rien innové à l'égard
des Régimens Suisses ; en conséquence , ils
seront de 973 hommes , formant deux bataillons.
Chaque Régiment sera commandé
par un Colonel , un Lieutenant - Colonel , un
Major.
K II. Les deux bataillons seront chacun
de 9 compagnies ; une de Grenadiers , 8 de
Fusiliers ; chaque compagnie de Grenadiers
sera de 40 Grenadiers , 4 Appointés , 1
Tambour , 4 Caporaux , 2 Sergens , 1 Fourrier;
en total , 52 hommes commandés par
1 Capitaine , I Lieutenant , 1 Sous - Lieutenant.
Chaque compagnie de Fusiliers sera
de 37 Fusiliers , 6 Appointés , 1 Tambour ,
6 Caporaux , 3 Sergens , 1 Fourrier ; au total ,
54 hommes , commandés par 1 Capitaine.
1 Lieutenant , I Sous - Lieutenant . "
" HI. Le nombre des Officiers et Soldats
sera ainsi , pour les 11 Régimens Suisses ;
( 112 )
•
1 Colonels , 11 Lieutenans -Colonels , 11
Majors , 22 Aides- Majors , 22 Sous Aides-
Majors , 44 Purtes - drapeaux , 11 Quartiers-
Maîtres , 198 Capitaines , 198 Lieutenans ,
198 Sous - Lieutenans , 11 Tambours - Majors ,
44 Prévôts , 198 Fourriers , 572 Sergens ,
1144 Caporaux , 1144 Appointés ; 7216 Grenadiers
ou Fusiliers , 374 Tambours .
31
« IV. Le Colonel aura 12000 liv . d'appointemens
par année , le Lieutenant- Co-
Jonel , 3000 liv.; le Major , 6600 liv.; les
Aides - Majors , 1800 liv.; les Sous-Aides-
Majors , 1200 liv . les Portes - drapeaux
600 liv.; les Quartiers - Maîtres , 1200 liv.;
les Capitaines de Grenadiers auront 68c2 liv .;
les Capitaines de Fusiliers de la première
classe , 8400 liv.; ceux de la deuxième classe
7800 liv . Les Lieutenans de Grenadiers auront
1560 liv. ; les Lieutenans de Fusiliers ,
1440 liv.; les Sous -Lieutenans de Grenadiers
, 1200 liv.; les Sous Lieutenans de
Fusiliers , 1152 liv. "
" Les Tambours - Majors auront 655 liv. ;
les Prévôts , 775 liv .; les Fourriers , Sergens
, Caporaux , Appointes , Tambours et
Grenadiers auront 307 liv.; les Fourriers ,
Sergens , Caporaux , Appointés , Tambours
et Fusiliers auront 295 liv.
44
"}
V. En conséquence , la dépense d'un
Régiment d'infanterie Suisse sera , toute
masse comprise , de 515,799 liv .; et pour
les 11 Régimens Suisses , de 5,673,789 Îiv . :
et en comprenant 20,000 liv. accordees en
supplément aux Régimens d'Ernestet Steiner ,
la dépense sera en total de 5,693,789 liv. »
Décrits sur les appointemens de l'infanterie
Françoise. Même dute.
66 VI. Le Colonel aura 6000 liv . d'appoin(
113 )
temens par année ; les deux premiers lientenans
- Colonels auront 4200 liv.; les deux
seconds Lieutenans - Colonels , 3600 liv .; ies
Quartiers Maîtres , 1400 liv.; les Adjudans-
Majors , 1200 liv .; les Capitaines de la première
classe auront 2700 liv.; ceux de la
seconde , 2400 liv.; ceux de la troisième ,
2200 liv.; ceux de la quatrième , 1700 liv.;
et ceux de la cinquième , 1500 liv.; les
Lieutenans amont icoo liv. ; les Sous-
Lieutenans , 800 liv.; les Adjudans auront
668 liv.; les Tambours - Majors , 443 liv.;
les Caporaux- Tambours , 335 liv .; les Musiciens
, 353 liv.; les Sergens - Majors des
Grenadiers auront 480 liv. "
Mémoire adressé à l'Assemblée Nationale
le 1er Août 1790 , par le Premier Ministre
des Finances.
"
MESSIEURS
Deux allégations d'un Membre de l'Assemblée
Nationale , à la Séance de Dimanche
dernier , exigent , m'assure- t- on , m'assure - t- on , un éclaircissement
de ma part.
"
ן כ
J'ai fait remettre , a t- on dit , des fonds
à M. le Comte d'Artois , sans autorisation de
la part de l'Assemblée Nationale , et je dois
être tenu de rembourser cette avance de mes
propres deniers. »
Je n'ai rien à redire au choix entendu de
ce reproche ; il étoit bien du nombre de ceux
qui peuvent faire impression , aussi l'a - t - on
publié par-tout avec des intentions malveillantes
; on a tâché de persuader que je fournissois
obscurément des fonds à M. le Comte
d'Artois , et malgré l'invraisemblance et la
fausseté d'une pareille insinuation , l'on a
égarépourun moment une portion du Peuple,
et on lui a inspiré de la défiance sur les prin(
114 )
cipes éprouvés de son ami le plus ancien et
le plus fidèle.
"
Je ne dis rien de plus ; je dois réprimer les
sentimens qui pesent sur mon coeur , afin de
donner ici tranquillement les éclaircissemens .
les plus simples . "
"( L'Assemblée a connoissance d'un engagement
pris par le Roi , à la fin de l'année
1783 , pourl'acquit des dettes de M. le Comte
d'Artois , à raison de 1,600,090 liv . par an ,
jusques et compris 1791 .
"
"
Cette disposition ponctuellement exécutée
depuis 1784 , se trouve dans les Etats
instructifs fournis aux Notables en 1787 ; le
Bon du Roi qui constate l'engagement de
S. M. , fait partie des pièces imprimées par
ordre du Comité des Pensions . »
20
Le payement de l'année 1789 avoit été
exécuté à l'avance en assignations sur le
Domaine , peu de temps avant ma rentrée
dans le Ministère , au mois d'Août 1788. »
" Ces assignations à un an de terme , ayant'
été comprises dans la suspension des rembour
semens , ordonnée vers la fin de l'administration
de M. l'Archevêque de Sens , on me
pressa d'echanger ces assignatious contre des
valeurs actives , et je me defendis d'une exception
à la Loi générale. »
On me demanda d'autant plus tôt le
payement de l'année 1790 , et j'aurois pu ,
sans faveur nouvelle , y consentir dès l'année
derniere,puisque le payement de l'année 1789
avoit été fait à l'avance-au milieu de 1783. "
J'opposai encore à cette sollicitation ,
la situation des Finances et l'importance du
maintien ou plutót du retour aux règles. "
« Enfin , apres m'être défendu d'aucun
échange de valeurs eu 1788 , et d'aucun
( 115 )
payement en 1789 , arrivé en 1790 , je plaçai
les 1,600,000 liv. destinées à l'acquittement
des dettes de M. le Comte d'Artois , dans'
l'aperçu des dépenses des huit derniers mois
de cette année ; et en formant ensuite l'Etat
particulier des payemens à faire pendant le
cours de Juillet , j'y compris un premier àcompte
de 200,000 liv. sur la susdite soame
de 1,600,000 liv. »
16 Ce dernier état a été remis au Comité '
des Finances au commencement du mois qui
vient de finir ; et le tableau spéculatif des
dépenses des huit derniers mois de cette
année , où la somme entière des 1,600,000 l .
se trouve portée , je l'ai présenté moi- même ,
an mois de Mai , à l'Assemblée Nationale , et
il a été rendu public ensuite par la vore de
l'impression. "
Tous les Comités de l'Assemblée Nationale
, celui des Pensions , celui de Liquidation
, celui des Finances , enfin chacun des
Membres individuels de l'Assemblée Nationale
ont donc été instruits que les 1,600,000l . ,
suite de l'engagement formel contracté par
le Roi envers les Créanciers de M. le Comte
d'Artois , étoient portées sur l'état des dépenses
des huit derniers mois de cette année.'
Nalle objection , nulle critique , nulle observation
n'a été faite de la part de personne ,
et c'est au moment où l'on croit que le
payement du premier à compte doit avoir
ea son exécution , qu'un Membre de l'Assemblée
Nationale propose d'intenter une
action contre moi pour raison de ce payement.
»
« Maintenant , et l'on ne s'y attend pas
sans doute , maintenant je finis par dire
qu'aucun à compte encore n'a été fourni ,
( 116 )
qu'aucun payement n'a eu lieu sur les
1,600,000 liv. comprises dans l'état spécu-
Jatif des dépenses des huit derniers mois de
l'année , et sur lesquelles je viens de fixer
l'attention de l'Assemblée Nationale ; ainsi
la dénonciation dirigée contre moi , se trouve
encore , dans le fait , entierement erronée. »
"
J'atteste de plus , que , non pas seulement
dans ces derniers temps , mais dans
tout l'intervalle qui s'est écoulé depuis mon
retour à l'administration des Finances , il
n'a été payé au Trésor de M. le Comte
d'Artois , que les sommes fixées pour l'entretien
de sa maison et les fonds destinés
aux 900,000 liv . de rentes viagères que le
Roi , dans l'année 1783 , s'est obligé d'acquitter
, rentes qui font partie des interêts
à la charge de l'Etat , comme on l'a vu
dans les comptes généraux des revenus et
des dépenses fixes de 1787 , 1788 et 1789 ,
et dans tous ceux qui ont eu lien postérieu
rement pour faire connoître les besoins de
P'Etat. Je puis ajouter que j'ai reculé d'un
semestre le payement de ces rentes , parce
qu'en proportion des autres engagemens dé
ce genre , il étoit trop avancé. »
J'annonce encore que pendant l'intervalle
du mois d'Avril´au mois de Juillet
de cette année , les fonds destinés aux dépenses
de la Maison de M. le Comte d'Artois
, ont été diminués de trois à quaire
cent mille livres , pour se rapprocher des dispositions
générales que vous aviez arrêtées . »
Je viens au second reproche du même
censeur; on en fait aussi beaucoup de bruit ,
et il m'est aisé d'y répondre .
་
"
(Ici le Ministre expose le fait qui concerne
Madame de la Marck , tel que nous l'avons
( 117 )
rapporté , d'après la déclaration même de
celle Dame ).
"
Entraine par ces reflexions générales ,
je demande instamment à l'Assemb¹ e Natio
nale de vouloir bien se faire rendre compte
des demarches inutiles faites jusqu'à présent
par son Comité des Finances , pour obtenir
une explication sur une prétendue réticence
de 600 millions , aperçue dans ines comptes ;
car l'offre d'en donner la preure , quoique
faite par une personne inconnue , a fixé l'attention
du Public , du moment où une pareille
offre a été acceptée par l'Assemblée
Nationale . Je vous prie encore , Messieurs ,
d'exiger du Comité qu'il porte cette affaire
à son dernier terme ; car il seroit disposé ,
je le crois , à se contenter de réponses vagues
et déclinatoires , tant il sait bien qu'a la suite
de ses travaux et de ses recherches , il est
plus en état que personne de decouvrir mes
fantes de calcul , s'il en existe réellement . »
"
Que n'est- il possible de soumettre également
à un examen toutes les assertions
calomnieuses , répandues avec profusion dans
les infames libelles dont , jusqu'à ces deiniers
temps , j'avois ignore l'horrible puissance
! »
Je me trouve , je l'avoue , et chaque
jour davantage , péniblement attristé ; et
puisque , par le cours de vos deliberations ,
je suis maintenant inutile à la chose publique,
et que mes forces s'affaisent sous le travail ,
les inquiétudes et les épreuves de tout genre ,
j'aspire à trouver le repos , et à m'eloigner
pour toujours du monde et des affaires . Je
desire donc avec ardeur de connoître promp
tement , si,
d'ancune part , part , on a quelque
reproche à me faire ; si le Comité des Fi(
118 )
Y
nances en particulier , occupé de l'examen
du compte que vous m'avez demandé , y
trouve quelque chose à reprendre ; et certain
que je suis de ne m'être jaunais distrait un
moment du bien public et de la rigide observation
de mes devoirs , je ne crains point
d'étre appelé à toutes les preuves que les
Représentans de la Nation jugeront nécessaires
. "
DU LUNDI 2 AOUT.
M. Vernier, du Comité des Finances , a fait
un Rapport sur le dernier Mémoire de M.
Necker; Rapport dont nous ne decouvrons
d'autre but déterminé que celui de rassurer
les Peuples sur les besoins publics , et de
justifier M. Necker des imputations dirigées
contre la comptabilité de ce Ministre.
M. Peritier a donc assure qu'avant la convocation
de l'Assemblée , les impositions
annuelles montoient à 750 millions , sans y
comprendre le logement des gens de guerre,
Pimpót occasionnel de la contrebande , qu'il
estimé à 6 millions , les frais incalculables
d'un recouvrement auquel on empiryoit 209
mille hommies , plus chers que l'Armée de
terre ; que malgre cette perception , le Trésor
public éprouvoit chaque année un déficit de
50 millions . Il a ajouté que , malgré la dette
viagère contractée pour solder le Clergé dé
pouillé , malgré le remboursement des Offices
et le payement des nouveaux Officiers de
Justice , l'état en général se trouvera soulagé
d'environ 200 milions . Il porte les retards
éprouvés par la Ferme générale à 15
millions pour 1789 , à 25 millions pour 1790 ;
le deficit sur la Ferme du tabac , les entrées
de Paris et du Piat - pays , à 2,500,000 liv.
L'impót pour le remplacement de la Ga(
119 )
belle , des droits sur les cuirs et autres , n'est
pas même réparti , ni par conséquent susceptible
de perception . La Contribution Patriotique
n'est pas encore rentrée. Le De
cre qui accorde deux millions pour la mendicité
nécessite l'emission de nouveaux
fonds ... En général , la situation n'est pas
si alarmante qu'on l'a pensé : il ne s'agit
que de suppléer , par des avances , un peu
cheres à la vérité , à des payemens retardes . "
Le Rapporteur a rendu justice à l'intégrité
de M. Necker , et l'a declaré inexpugnable
sur l'article de la comptabilité.
On ne peut , suivant M. Fernier , faire à
ce Ministre d'autre reproche ( il mérite d'être
remarqué ) , que d'avoir voulu se conduire
par l'expérience , au lieu de s'élever à la
hauteur des conceptions nouvelles de l'Assemblée.
Un individu nommé M. Colmar,
avoit pris , à la face du Corps Législatif ,
l'engagement de prouver une réticence de
600 millions de la part de M. Necker : on
a invité ce Particulier à fournir ses preuves
et à se rendre au Comité ; il n'a point répondu.
3
-
2
Tout flatteur qu'étoit ce Rapport , on lui
a disputé l'honneur de l'impression . Un
Membre a nié que la somme des charges
publiques ne s'élevât à l'avenir qu'à 540 millions
, et a regarde comme très - dangereux ,
de présenter ainsi publiquement des esperances
hypothétiques . M. Camus s'est également
opposé , par d'autres motifs , à l'impression
du Rapport : on est universeliement
convenu de la différer , en passant à l'ordre
du jour , c'est -à- dire , à l'Organisation Militaire
.
Le Ministre de la Guerre , le Comité , et d'a(
120 )
près eux , M. deNoailles, avoient adopté le systême
d'incorporation , soit le doublement et le
tiercement des régimens. M. de Sinetti, etaprès
Jui , M. du Châtelet , ont combattu ce Projet.
Le dernier de ces deux Opinans a développé
avec sagacité toutes les raisons qui militoient
contre cette nouveauté , l'expérience , l'utilité
de ne pas rendre trop considérables des
Corps qu'on est souvent appelé à envoyer
dans les Colonies , et qu'il faudroit morceler,
le danger effrayant de semer le trouble dans
l'Armée , et enfin les circonstances qui rendroient
aujourd'hui cette discorde , extrê
mement funeste . M. de Broglie a répliqué
sans succès à M. du Châtelet , dont la longue
expérience l'a emporté sur la jeunesse de
son Contradicteur. Il a été décrété que le's
incorporations n'auroient pas lieu.
La Séance a été terminée par la lecture
d'un envoi de M. de Montmorin , dont nous
avons rapporté l'objet la semaine dernière :
il renfermoit une Lettre de M. l'Ambassadeur
d'Espagne à ce Ministre , en date du
7 Juin , une Lettre de M. Firtz - Herbert à
M. le Comte de Florida - Blanca , concernant
les demandes de la Cour de Londres , et la
Réponse du Cabinet de Madrid. Ces differentes
Pièces ont été renvoyées au Comité
Diplomatique elles perdent leur intérêt
depuis l'accommodement des deux Cours de
Madrid et de Saint - James ; mais il importe
de recueillir le dernier paragraphe de la lettre
de M. l'Ambassadeur d'Espagne à M. de
Montmorin .
K
Elle me charge d'ajouter encore que ,
dit M. le Comte de Fernand -Nugnez , l'etat
actuel de cette affaire imprévue exige une
détermination
21
ព
détermination ( res - prompte , et que les meshres
que la Cour de France prendra pour
venir a son . sec urs soient si actives.
D d'autres amis et d autre
Si
者
claires , et si positives , qu'elles évitent jus
qu'au moindre sujet de méfiance ; autrement
, Sa Majesté Très- Chrétienne ne devra
surprise que l'Espagne cherche
alliés parmi toutes
sans en excepter
aucune de celles avec qui elle puisse compaucumbe
ter toujours en cas de besoin . Le lien du
sang et l'amitié personnelle qui unit nos
deux Souverains , et sur - tout les intérêts
réciproques qui existent entre les deux Nations
unies par la nature , seront toujours
ménagés dans tout arrangement nouveau ,
autant que les circonstances pourront le
permettre
les Puissances
de
l'Europe
,
comp-
1
DU LUNDI SEANCE DU SOIR.
a
Elle étoit réservée à M. Dubois de Crance .
gab Dimanche , la demanda par extraordi
pare , et pour dénoncer des Ecrits coupables.
On
On avoit imbu le Public que l'atmos- phere étincelleroit d'éclairs et de foudres :
+
n'a été que brûlant ; s'il se refroidit quel ,
quefois , ce n'est pas lorsque l'Esprit de
parti se trouve exalté par l'objet même de
la délibération.
Plusieurs incidens ont préparé les dispositions
générales , avant que M. de Crancé
Fut abordé la Tribune . Et d'abord on a fait
lecture d'une Lettre écrite à l'Assemblée par
M. de Moustier , Ministre de France auprès
des Etats -Unis . Il dénonce la Compagnie
du Scioto , comme excitant des émigrations
en Amérique , par des promesses trompeuses
qui compromettent la fortune des Citoyens
et la population du Royaume.
Nº. 33. 14 Acút 1799. F
( 122 )
12
Il étoit assez nouveau de voir un Agent
du Roi auprès d'une Puissance Etrangère
écrire pour affaires de sa place , non au Roi ,
de quiil tient sa commission , mais au Corps
Législatif. On n'a donné aucune attention
à cette nouveauté : M. l'Abbé Gouttes en a
proposé une bien autrement extraordinaire :
il a demandé une violation formelle de la
faculté Loco-motivo , garantie par la Déclaration
des Droits de l'Homme et une Loi
Constitutionnelle qui défendît aux Francois
d'émigrer.
267
Le Comité des Recherches étant aujourd'hui
le grand Pouvoir de l'Etat , d'ardens
Investigateurs ont requis qu'on lui renvoyât
la dénonciation . TUSEh
q 200
Les nouveaux
habitans du Scioto ne sont des
Aristocrates
, crioient les uns.
que
bien ! mandez-les à la Barre , répliquoient les autres : Occupez-vous du bonheur , et de la sureté de chaque Citoyen , a dit
plus sérieusement
M. de Murinais , renon- cez à toutes les innovations
inutiles , qui
font le malheur de plusieurs
cent mille individus , et qui souvent répétées , jet- « teront enfin la Nation entière dans le
deuil . Réprimez
fortement
le brigandage
qui désole le Royaume , et personne n'aura
envie de le quitter.
a
К
"
"
.
M. de Biauzat a raisonné aussi contre
l'émigration ; enfin M. l'Abbé Grégoire a
dénoncé des Transfuges de la Lorraine et
du Pays Messin, qui vont , dit-il , se faire
tuer à la tête des Armées Autrichiennes.
Malheureux , s'est- il écrié , vous avez la
bassesse de quitter la France et la Liberté ,
pour devenir les vils suppôts da despob
nuits'on
" tisme !
་་ ;།
.0 .
( 123)
Ce compliment de M. Grégoire à la Monarchie
Autrichienne , n'ebranloit pas les
Auditeurs .
M. Alexandre de Lameth les a consolés
de ces pertes nécessaires au succès de la
Révolution , et a conduit l'Assemblée à l'ordre
du jour.
Malheureusement , le premier objet de
Pordre du jour n'étoit pas plus consolant.
Une Lettre du Ministre de la Marine annonce
les détails d'une nouvelle insurrection
qui a éclaté le 3 Juin au Fort Saint - Pierre
de la Martinique , contre les gens de couleur
libres , dont 7 ont été pendus par le Peuple ,
et les autres maltraités.
Les excès auroient été au comble , s'ils
n'eussent été réprimés par l'activité de M.
de Damas , Gouverneur de l'Isle , et par la
bonne contenance des Troupes.
Pressé par ses Co - Députés , et par
des nouvelles
affligeantes arrivées de Nemours , M.
de Noailles a demandé l'agrément de l'Assemblée
pour aller dans cette Ville , où il
espère devenir le pacificateur du Département.
A la suite de ces préliminaires , on a présenté
l'hommage que faisoit M. Marat d'un
Plan de Législation Criminelle. On a regardé
cet Ecrit comme le contre - poison des crimes
auxquels l'Auteur exhortoit le Peuple dans
ses autres ouvrages .
Son Collègue , M. Camille Desmoulins , a ensuite
paru sur la scène. On a fait lecture
d'une Adresse de sa façon contre le Décret
rendu Samedi soir , sur la dénonciation de
M. Malouet.
་ ་
Je demande , dit le Pétitionnaire , d'être
traité comme tous les autres Citoyens ; que
Fij
( 124 )
la dénonciation soit renvoyée à l'examen du
Comité des Rapports ; qu'il lise le Numéro
dénoncé , que je dépose sur le Bureau ; et
que je ne sais pas livré à la malignité d'un
seul homme , avec lequel je suis en Procès
criminel . Si P'Assemblée ne jugeoit pas à
propos de suspendre l'exécution de son
Décret , je demanderois de prendre à partie
mon Dénonciateur inviolable , qui ne peut
être mon Juge . Le Décret me renvoie au
Châtelet : il est impossible que l'Assemblée
me traduise devant un Tribunal que je lui
dénonce depuis six mois comme criminel de
lèze-Nation ; il est impossible qu'elle me
traduise devant un Tribunal contre lequel
je plaide une récusation , sans juger la récusation
, c'est - à - dire , sans exercer le Pouvoir
Judiciaire qu'elle s'est interdit . »
L'extrémité de la gauche de la Salle a
prodigué ses applaudissemens à la dialectique
et à l'éloquence de M. Desmoulins ,
dont l'humanité , le respect pour les Lois ,
et le patriotisme , avoient déja trouvé , ainsi
que M. Marat , de zélés défenseurs hors de
Ja Salle.
་་
M. Malouei a pris la parole. « Je ne crains ,
a- t-il dit , ni certaines menaces , ni certains
applaudissemens . Au moment où j'entrois
dans l'Assemblée Samedi soir , à l'entrée
même de ce Sanctuaire des Lois , on m'a
présenté l'Ecrit intitulé C'en est fait de nous ;
je vous l'ai apporté , je vous l'ai lu , et vous
en avez tous frémi d'horreur. Depuis le Décret
que vous avez prononcé , seroit- il devenu
douteux que c'est un crime et un des plus
grands d'inviter le Peuple à l'insurrection ,
à l'effusion du sang , au renversement de
tous les Pouvoirs établis ? Dans quelle so(
125 )
:
go
Y
ciété , dans quelle horde même sauvage et
barbare , de tels attentats pourroient - ils rester
impunis ? Si de tels hommes trouvent ici des
défenseurs , que ces defenseurs se lèvent , et
je les dénonce eux - mêmes. Camille Desmoulins
veut récuser et moi , son dénonciateur
et le Châtelet , son Tribunal. Je le conçois
c'est ce que tous les coupables voudroient
faire il est vrai , j'avois déja intenté un
Procès devant le Châtelet à Camille Desmoulins
; mais dans ce Procès , mon intérêt
personnel est bien le moindre ; là , comme
ici , c'est de délit contre la Nation que je
l'ai accusé . Camille Desmoulins est-il ´innocent?
Il se justifiera . Est -il coupable? Tous
les Tribunaux le puniroient. Puisqu'il veut
qu'on lise son Numéro , je vais le fire : Camille
Desmoulius osera- t - il le justifier ?
Oui, je l'ose , a crié des Tribunes une voix qui
étoit celle de Camille Desmoulins .
On pouvoit s'étonner peuque celui qui , depuis
un an , dirige alternativement le glaive des
bourreaux sur les têtes qu'il lui plaît de désigner,
et qui , chaque semaine , appelle la Nation
au mépris du Roi , de la Royaúté , et des
Lois Constitutives de la Monarchie ; on devoit
s'étonner peu , disens - nous , qu'un telhomme
osát justifier ce qu'il a bien osé écrire , Cependant
, cet outrage à l'Assemblée en a
soulevé la grande Majorité ; elle s'est levée
avec indignation , requérant le Président
de faire arrêter l'Offenseur : l'extrémité
gauche , au contraire , a réclamé la délibération
en la présence de Camille Desmoulins
à la Barre.
M. Robespierre , son ami , a pris sa défense
et demandé à faire une réflexion pour l'humanité
, et sur l'indiscrétion d'un homme sen-
Fi
( 126 )
sible , a- t-il dit , accusé de crime envers la
Nation , qu'il a toujours cru défendre . Pendant
qu'on péroroit sur cette arrestation , le
Président , qui l'avoit ordonnée , a annoncé
qu'elle n'avoit pu s'exécater , parce que M.
Desmoulins s'étoit enfui. Il sortit de la Salle ,.
où il rentra et séjourna ensuite jusqu'à la
fin .
41
"
>>
Pendant ce tumulte , on avoit perdu de
vue la dénonciation promise par M. Dubois de
Crance , qui a bientôt fourni le sujet d'une
seconde surprise presque générale . Avant
d'arriver àson objet , et pour se ménager une
transition favorable , il a commencé le tableau
des horreurs de la Presse : " Chaque
jour , a -t- il dit , voir éclore une foule de
Pamphlets criminels ; les Ecrits raisonnables
ne se débitent plus , on ne vend que
les calomnies. Deux partis se font une
guerre implacable , et le plus foible est con--
tent de sa défaite , pourvu qu'il puisse entraîner
l'autre dans sa chute. Le pauvre Peuple
égaré , est le jouet des factions , et la
victime de tous les complots. Je demande ,
pourquoi le Châtelet ne poursuit pas les
Actes des Apôtres , la Gazette de Paris , ta
Protestation des Chapitres , etc. ? Je demande
pourquoi il a gardé le silence quand on a
publié la Passion de Louis XVI , et le Manifeste
du Prince de Condé ? Si la Loi pour
réprimer ces Libelles n'existe pas , vous avez
donc , par votre Décret de Samedi , livré
deux Auteurs à l'arbitraire ; si elle existe ,
par quelle fatalité a- t- on choisi ces deux
écrits plutôt que tant d'autres plus dangereux
? Il existe , par exemple , un Libelle ,
objet principal de ma Motion , revêtu d'un
caractère authentique , et intitulé : Rapport
( 127 )
fait au Comité des Recherches de la ville de
Paris , concernant M. de S. Priest, de Maillebois
Bonne-Savardin , etc. Ce Libelle , répandu
avec profusion dans les Départemens ,
peut porter à des excès un peuple armé. Je
demande donc que le Comité des Recherches
soit mandé à la Barre pour nous donner
son aveu ou son désaveu du Libelle , et
dans le premier cas , qu'il soit ordonné au
Procureur du Roi de poursuivre les personnes
légalement dénoncées , et que le Président
se retire pardevers le Roi , pour lui déclarer
que l'Assemblée Nationale ne peut
plus correspondre avec un Ministre aussi
grievement inculpé. "
Cette dénonciation fictive , en mettant en
eause à la fois le Comité des Recherches "
et M. de Saint - Priest , a trompé l'attente de.
son Auteur. L'auditoire est resté muet ,
indifférent
, et nombre de voix ont réclamé la
question préalable.
46
Je m'y oppose , a dit , d'un ton sévère ,
M. Démeunier : Si le Ministre est coupable,
il faut qu'il porte sa tête sur l'échaffaud ;
mais vouloir qu'un Ministre soit suspendu
de ses fonctions , avant d'être jugé , avant
même d'être légalement accusé , c'est vouloir
faire marcher la peine avant la convic
tion : ce procédé n'est pas Constitutionnel.
Je ne vois dans cette dénonciation qu'une
représaille du Décret très raisonnable de
Samedi.
"
:
"
Nous sommes entourés d'intrigues et de
factions dans le péril certain où se trouve
le Royaume , l'Assemblée Nationale doit
craindre à chaque pas d'autoriser des forfaits;
l'on médite de bouleverser la Capitale et l'Empire
: j'ouvrirai volontiers , s'il le faut , ma poi-
Fiv
( 128 )
trine au fer des factieux , et je dirai la vérité :
puissai - je être la seule victimse ! Marchons
avec prudence , en nous bornant à indiquer
an jour pour entendre le Comité des Recherches
. "
Revenant à la dénonciation des écrits incendlaires
, M. de Biauzat a demandé justice , je
ne sais de quel Pamphlet ignoré , répandu en
Auvergne.Prenant ensuite à partie le Châtelét
armé, a -t- il dit, d'un glaive à deux tranchans,
il a dénoncé ce Tribunal , qui demeurot
dans l'inaction , sans poursuivre M. de S. Priest
et auquel il falloit substituer une Cour légale
, qui jugeât les crimes de leze - Nailon :
On ne prévoyoit pas de terme à cette réciprocité
de dénonciations . Toutes les autorités
alloient se dénoncer mutuellement : la
droite alloit accuser la gauche , et la gauche
accuser la droite . Déja les deux Partis se
reprochoient leurs fautes , et s'imputoient
l'origine de tous les désordres . Les esprits
s'embrasoient ; la confusion étoit extrême :
on a demandé la rupture de la Séance.
Alors , M Péthion se hâte de dénoncer le
Décret même de Samedi dernier ; surpris ,
à l'entendre , pour anéantir la liberté de la
Presse , et pour fermer la bouche à tous les
Ecrivains Patriotes.
Que tous les bons Citoyens , crie M.
Collin , fassent le serment avec moi de pas
ser la nuit dans cette Salle . »
10 Avez- vous entendu donner à votre Déeret
un effet rétroactif , ajoute M. Pethion?
A combien d'inquisitions d'injustices , de
vexations , ne livrez - vous pas ceux qui ont
écrit sur les affaires publiques , et qui vous
ont tant servi dans la Révolution ? il n'y a
pas plus de raison pour dénoncer tel écrit
plutôt que tel autre , pour s'arrêter à telle
( 129 )
ou telle époque . Il ne faut pas se persuader
qu'une révolution soit un état de calme . Il
est louable , dans l'insurrection générale d'un
grand Peuple , de favoriser cette insurrection.
Vous- mêmes l'avez approuvée ; vous
l'avez favorisée par vos Decrets. Et yous
feriez aujourd'hui poursuivre comme criminels
ces mêmes Ecrivains auxquels vous devez
le salut de la France ? Je demande ,
1 ° qu'il ne soit fait aucune poursuite contre
les personnes qui ont écrit jusqu'à ce jour
sur les affaires publiques ; 2 ° . Que le Décret
de Samedi dernier ne soit exécutoire que
lorsque vous aurez défini les Crimes de lèze-
Nation , arrêté des Lois contre la calomnie ,
et etabli la procédure par Jurés.
L'étrange doctrine de ce discours , ap
plaudie par ses . Auteurs , fut d'abord rejetée
avec indignation par les deux tiers de
l'Assemblee . M. de Bonnay , craignant le
ravage de ces nouveaux prine pes , qu'on articuloit
nettement , et pour la premiére fois
dans la Tribune , invoqua les suffrages sur
le champ. D'autres cherchoient à expliquer
pourquoi on s'élevoit contre les effets rétroactifs
, dans une occasion où ils n'étoient
nullement applicables , tandis qu'on les avoit
appliqués si violemment à l'affaire de M. de
Besenval et de tant d'autres ; ils demandoient
pourquoi cette faveur qui exceptoit
deux criminels des poursuites de Lèze - Nation;
tandis qu'on laissoit subsister contre tous
autres Parbitraire de ces délits ?
M.,Malouct fit un nouvel effort pour l'intérét
de la liberté et de la sureté publique ,
en présentant une explication , qui surement
n'eût rencontré de contradicteurs dans alle
cune République.
130 )
Tout Ecrit , observa t- il , qui ne présente
qu'une opinion sur les Personnes ou
sur les choses , ne peut être réputé un crime'
que par le despotisme. Tout Ecrit qui
conseille un acte coupable ne peut être toléré
ou défendu que par des complices . "
"
-
C'est dans cet esprit , et pour répondre
à toutes les fausses interprétations du Décret
du 31 Juillet , que je propose les articles suivans
non comine une Loi complete contre
la licence de la presse , mais comme une
Loi provisoire pour en assurer la liberté et
en réprimer les abus les plus dangereux. »
"
I. Nul ne pourra être poursuivi au nom
du Roi ou du Corps Législatif à raison de
ses opinions prononcées ou imprimées sur les
Personnes publiques ou privées , sauf à celles
qui seroient injuriées ou calomniées à se
procurer , par les voies légales , la réparation
qui leur seroit due.
K
"
II. Si les injures ou calomnies s'adressent
à la Personne sacrée du Roi , la réparation
et la punition en sera poursuivie au nom de
la Nation.Si les injures ou calomnies s'adressent
au Corps Législatif , la réparation
et la punition en seront poursuivis au nom
du Roi. "
་ ་
III. Il est libre à tout Citoyen de s'expliquer
verbalement , ou par la voie de l'impression
, sur les actes du Corps Législatif
et sur les actes du Pouvoir exécutif , de
qualifier les abus d'autorité , de les publier
et de s'en plaindre ; mais celui qui aura conseillé
ou formellement provoqué la résistance
aux Lois , ou toute espèce de violence , attroupement
et voie de fait contre leur exécution
, contre les Magistrats , Administrateurs
et Représentans de la Nation , à raison
( 131 )
de leurs fonctions , opinions ou jugemens ,
será poursuivi comme criminel de Leze-
Nation. "
-
Si les Ecrivains , ajouta- t -il , qui excitent
le Peuple à exterminer , à mettre à la
lanterne , ne sont pas ranges dans la clase
des assassins , il n'y a plus ni Liberté , ni
Lois , ni moeurs sociales ; la Constitution
décrétée n'est plus qu'une formule oratoire ,
et le droit du plus fort devient la véritable
Constitution. Celui qui calomnie et diffame
un Citoyen à raison de ses opinions.
politiques , peut n'être qu'un lâche et un
fou ; mais tous ces Patriotes exterminateurs
qui ont consacré l'usage de la lanterne et
des poignards dans toutes les parties du
Royaume , sont les véritables assassins des
Beausset , des Voisins , des Belsunces , et de
deux cents autres ; s'il existoit un pays dont
la Constitution les protégeât , ils suffiroient
pour exterminer cette Constitution. "
18 ou Ou la Révolution est consommée
elle ne l'est pas dans le premier cas , on
ne peut trop se hâter de faire jouir tous les
François des bienfaits de la Liberté , dont
ils ne connoissent encore que les orages :
toutes les mesures devroienttendre à éteindre ,
à calmer les inimitiés , à rendre supportable
les réformes par la douceur et la sécurité
de l'état de Citoyen . Si , au contraire ,
ou croit encore de puissans Ennemis à la
Révolution , quelle insigne folie, quel étrange
aveuglement que celui qui fait compter au
nombre des appuis de la bonne cause , les
libellistes , les assassins , les insurrections ,
les violences de toute espèce ! Qu'avez- vous
à répondre aux hommes vertueux qui nous
diront : Si ce sont là les élémens de la Ré-
--
F vj
( 132 )
volution , j'en ai horreur ; rendez- là pare ,
je l'aimerai . - Quoi ! il suffira de se dire
Ecrivain Patriote , Citoyen Patriote , pour
que le plus épouvantable cinisme , la plus
grossière férocité obtienne des applaudisse ,
mens et des défenseurs ! »
"
---
Il est un autre genre d'Ecrits contre lesquels
la Liberté de ce moment - ci voudroit
fort diriger toute la sévérité de l'ancienne
inquisition ; ce sont ceux où l'on s'explique
librement sur les inconvénieus ou les imperfections
de la Constitution. Le patriotisme
exterminateur n'entend pas que la Liberte
s'étende sur cette partie de notre horison
politique , mais cette démence ne peut être
consacrée par une Loi nous devons tous
fidélité et obéissance à celles sanctionnées
et promulguées , et nous devons ensuite concourir
par nos efforts et nos lumières , t
faire corriger celles qui sont défectueuses ;
ce qui ne permet pas seulement , mais commande
à tout Citoyen instruit , le plus libre
examen de la nouvelle Constitution . Ceux
qui professentdes maximes contraires peuvent
avoir sur les lèvres , mais non pas dans le
coeur, le sentiment de la liberté et du patriotisme.
Ah ! les François rougiront de célébrer
la vertu sous l'emblême des furies .
"
"3
Que dis- je ? les François ! il en est peu
désormais dont l'ivresse se prolonge ; ils se
réveillent au bruit de nos débats ; le tumulte
de nos Séances calme les Spectateurs , et
bientôt dans le sein des familles , on nous
demandera compte du trouble qui les agite
et des maux qui les menacent : on confrontera
les Ecrits odieux que j'ai dénoncés , leur fumeste
influence , et tout ce qui vient d'être
allégué pour leur défense ; et si quelque
Manlius ouvert de crimes venoit nous dire:
( 133 )
J'ai sauvé le Capitole , on se souviendra de
la roche Tarpeienne . Qu'on ne se flatte pas
de rendre toujours impuissante la voix des
gens de bien ; il ne faut peut - être que
quelques nouveaux outrages , quelques crimes
de plus dirigés contre eux , pour leur donner
un empire irrésistible , et pour rallier à eux
tous les hommes honnêtes qui veulent la
liberté , mais qui détestent l'anarchie que
nous assure de plus en plus l'impunité des
scélérats .
"3
Ces salataires vérités , dont le triomphe
tardif ' en sera pas moins sûr , ne firent aucune
impression , La pluralité refusa de se
rendre à une application aussi raisonnable
des Lois de tous les Peuples libres et policés ;
MM. Garat Paîné et Dupont tentèrent vainement
de se faire entendre ; Pacharnement
redoubla : Nous ne quitterons pas la Salle
que nous ne l'ayons emporté , cria de nouveau
M. Coutin. Il étoit minuit : un appel
nominal eût consumé deux heures ; enfin ,
au milieu du tumulte , on passa en Décret
l'avis de M. Camus.
"
L'Assemblée Nationale décrète qu'il ne
pourra être intenté aucune action ni dirigé
aucune poursuite , pour les Ecrits qui ont
été publiés jusqu'à ce jour sur les affaires
publiques , sauf néanmoins contre un Ecrit
intitulé C'en est fait de nous. Et cependant
l'Assemblée Nationale , justement indignée.
de la licence des Ecrivains , dans ces derniers
temps , charge son Comité de Constitution
et de Jurisprudence Criminel'e réunis ,
de lui proposer un mode d'exécution du
Décret du 31 Juillet dernier. »
DU MARDI 3 Aoust.
Les témoins de la Séance d'hier au soir ,
( 134 )
l'ont été qu'au milieu du désordre et du tumulte
, les trois quarts des Députés ignorerent
même le Décret qu'ils avoient rendu .
En consequence , ce matin , MM . Malouet ,
de Folleville , Dupont , & c . ont remontré què
le Décret devoit intimer aux Comités de
Constitution et de Legislation criminelle ,
de présenter le travail dans le plus bref délai
; ils avoient ainsi entendu voter cette
disposition , et si l'Assemblée l'avoit omise ,
il importoit de l'ajouter au procès - verbal ....
Nombre d'exemples autorisoient de semblables
additions . M. Dupont alloit en prouver la
necessité des brouhahas , des cris forcenés
ont repoussé toutes ses tentatives pour prendre
la parole : ses réflexions qu'on refusoit d'écouter
, n'étoient pas , disoit - on , à l'ordie
du jour.
"
"
entie-
M. de Macaye , au nom du Comité des
Recherches , a fait le rapport des troubles
du Département du Loiret ,
tenus par un Ecrit incendiaire , ințitulé
Réponse des Officiers Municipaux des Paroisses
de Campagne du Gâtinois , au Département
du Loiret. Autant voler , dit l'Auteur
, que payer les champarts et les droits
féodaux . Tous les moyens imaginables sont
employés pour exciter le Peuple à la révolte ,
et le préparer aux brigandages. Il faut
pendre ,, y est- il dit , non seulement ceux
qui percevront les champarts et les droits
féodaux , mais encore ceux qui les paieront.
Une potence a été dressée à cet effet dans
la Paroisse de Joui. Celui qui l'a dressée ,
interrogé sur ses motifs , a répondu qu'il
obéissoit à la Municipalité , dont la volonté
expresse étoit de faire pendre tous ceux qui
acquitteront les droits de champart. Le Raporteur
a proposé un projet de Decret.
"
( 135 )
M. Dupont est enfin parvenu à se faire.
entendre , et à donner l'énergique Commentaire
des plaintes patriotiques que M. Malouet,
et plusieurs autres n'ont cessé d'élever
inutilement depuis six mois , sur l'affreuse
anarchie qui s'aggrave de jour en jour.
Je demande , a dit M. Dupont , que le
Décret du Comité des Recherches , contre
les désordres du Gâtinois , soit rendu general
. Comment oserez- vous poursuivre le libelle
exécrable qu'on vous dénonce aujour
d'hui , après le Décret que vous avez rendu
hier ? L'insurrection a peut- être commencé
votre ouvrage , la paix seule peut le terminer,
l'impunité le détruira . L'art d'exciter
à la révolte s'est prodigieusement rafiné ,
et se perfectionne chaque jour . Je vous aurois
exposé hier , avant votre Décret , les
progrès de cet art effroyable , si j'eusse obtenu
la parole ; je l'aurois fait ce matin si
on ne me l'eût ôtée. Je ne serai pas moins
courageux que le vertueux Démeuniers , qui
vous a dit hier qu'en vous déclarant la vérité
, il ouvroit peut - être sa poitrine au fer
des factieux , et puisqu'on a feint de ne pas
l'entendre , parce qu'on l'entendoit trop bien ,
je serai plus clair.
« Vous avez vu croître l'habileté à répandre
des Motions d'assassinats , à former des
groupes , par le secours de cinq ou six personnes
seulement , qui se dispersent ensuite
dans d'autres groupes , où , par des calomnies
, par des récits infidèles , par l'intervention
supposée de quelques personnages illustres
, ils égarent un Peuple crédule qu'à l'avance
des écrits affreux animent à la cruauté.
Vous avez vu , il y a peu de jours , sous les
murs de cette salle , un exemple du désor(
136 )
•
dre que peuvent occasiouner quelques scélérats
audacieux et payes. Il se fomentoit
une émeute pour obtenir le renvoi des Miistres.
Ce ne sont qu'une quarantaine de
Citoyens , vous a -t- on dit ; il est vrai que
peut- être n'en avoit- il coûté que 40 écus.
J'ai entendu ce soir même , au Palais Royal ,
au milieu d'un groupe de furieux , un Chef
subalterne de ces scélérats se vante haute
voix de la menace qu'ils ont faite à vos Huissiers.
Peu s'en est fallu qu'en effet les têtes
des proscrits ne fussent coupées sur la terrasse
des Tuilleries , et qu'on ne soit ensuite
venu vous les présenter à la barre . J'ai les
preuves certaines que le projet en a été formé,
et que l'activité de M. de la Fayette et
le zèle de la Garde Nationale l'ont seuls
fait avorter, ".
44
Un nouveau degré de scélératesse et
de noirceur a été déployé. Des Brigands ont
été apostés dans le Palais Royal ; on a ameuté
le Peuple contre les marchands d'argent , et
contre de Pauvres Commissionnaires ? Quels
étoient les exécuteurs de ces violences? des
personnes qui n'avoient pas de billets , qui
n'ont peut être jamais possédé 200 liv . ea
leur vie. La lanterne , dont les Avocats - généraux
soutiennent tant l'homme qui s'en
est declaré le Procureur général , la lanterne
a été descendue . Quel étoit ce projet qu'on
eût exécuté sans l'activité de la Garde Nationale?
On vouloit faire resserrer l'argent
par la crainte , pour discréditer les assignats,
pour vous forcer à grever le Peuple de nouveaux
impôts , et à le rendre plus facile à
soulever. On vouloit forcer , par la crainte,
quelque porteur d'argent , quelque malheu
reux , vivant de ce commerce , à déclarer qu'il
( 137 )
le tenoit de quelque personnage distingué
sur lequel on vouloit faire tomber la fureur
populaire. Il n'en a coûté que cent écus pour
faire assassiner , à votre arrivée à Paris , à
la porte de votre salle , le malheureux Boulanger
Francois ; on vouloit vous intimider
en vous faisant voir la puissance de ceux qui
savent remuer le peuple . Avec cette nou
velle mécanique , il n'en coûtera bientôt
que six francs pour faire assassiner le Citoyen
le plus honnête et le plus distingué,
Ces factieux osent s'appeler les Amis de la
Constitution ? Ils blasphement ce nom : ils
l'usurpent ; ils en sont indignes , ”
K
Voilà ce que j'avois à vous dire hier au
soir , quand on moniroit tant d'ardeur à
absoudre un homme qui vous crioit : oui ,je
lose. Oui , il osera tout , et vous serez victimes
de votre confiance. Je demande qu'il
ne soit fait aucune grace aux moteurs des
insurrections , quels qu'ils soient : enlevez aux
Factieux l'arme des Libelles ; et que , samedi
soir , vos Comités vous présentent les moyens
d'exécuter votre Décret du 31 Juillet ."
"
De justes applaudissemens ont suivi ce Discours
, et sa conclusion , rejetée avec fureur
une heure auparavant , a été décrétée . Voici
la résolution arrêtée , quant aux brigandages
du ' Gâtinois .
(6
16
16
16
L'Assemblée Nationale , sur le rapport
de son Comité des Recherches , décrète
que son Président se retirera dans le jour
pardevers le Roi , pour supplier Sa Majestá
de donner les ordres les plus précis et les
plus prompts , pour que dans toute l'étendue
du Royaume , et particulierement dans
le Département du Loiret , les Tribunanx
poursuivent et punissent avec toute la sé
( 138 )
14
- vérité des lois , tous ceux qui , au mépris
des Décrets de l'Assemblée Nationale , et
des droits sacrés de la propriété , s'opposent
« de quelque manière que ce soit , par violences,
menaces ou autrement, au payement
des dimes , du champart et autres droits
ci-devant seigneuriaux , qui n'ont pas été
supprimés sans indemnité.
"
"
"
M. Chabreux a repris la discussion sur
l'Ordre judiciaire , et fait décréter les articles
suivans :
་ ་
IV. Le Directoire de chaque District
proposera un tableau des sept Tribunaux les
plus voisins du District , lequel tableau sera
rapporté à l'Assemblée Nationale , revu par
elle et arrêté , et ensuite déposé au Greffe et
affiché dans l'auditoire .
K
มุ
V. L'un des sept Tribunaux au moins sera
choisi hors du Département.
*
"
VI. Lorsqu'il n'y aura que deux parties ,
Pappelant pourra exclure péremptoirement ,
et sans qu'il puisse en donner aucuns motifs,
trois des sept Tribunaux composant le tableau
.
"
"
VII. Il sera libre à l'intimé de proposer
une semblable exclusion de trois des Tribunaux
composant le tableau.
"
VIII. S'il y a plusieurs appelans ou plu
sieurs intimés consorts, ou qui aient eu en preniere
instance les mêmes défenseurs , ils seront
respectivement tenus de se réunir et de
s'accorder , ainsi qu'ils aviseront , pour proposer
leurs exclusions .
IX. Lorsqu'il y aura eu en première instance
trois parties ayant des intérêtsopposes,
et défendues séparément , chacune d'elles
pourra exclure seulement deux des sept Tribunaux
du tableau ; si le nombre des parties
est au-dessus de cinq jusqu'à six , chacune
( 139 )
d'elles exclura seulement l'un des sept Tribunaux
; et lorsqu'il y aura plus de six parties
, l'Appelant s'adressera au Directoire du
District qui fera un tableau de supplément
d'autant de nouveaux Tribunaux de Districts
les plus voisins , qu'il y aura de parties audessus
du nombre. »
"
X. L'Appelant proposera dans son acte'
d'Appel l'exclusion qui lui est permise , et
les autres parties seront tenues de proposer
leurs exclusions par acte au Greffe , signé
d'elles ou de leurs Procureurs , spécialement
fondés , dans la huitaine franche , après la
signification qui leur aura été faite de l'appel;
et à l'égard de celles dont le domicile
sera à la distance de plus de vingt lieues ,
le délai sera augmenté d'un jour pour dix
lieues ."
" XI . Aucunes exclusions ne seront reçues
de la part de l'Appelant après l'acte d'appel,
ni de la part des autres Parties, après le délai
prescrit dans l'article précédent. »
་་
XII. Lorsque les Parties auront proposé
leurs exclusions , si des sept Tribunaux du
tableau il n'en reste qu'un qui n'ait pas été
exclu , la connoissance de l'appel lui sera dévolue.
"
"
XIII . Si les Parties négligent d'user de
leur faculté d'exclure en tout ou en partie ,
ou si , eu égard au nombre des Parties , les
exclusions n'atteignent pas six des sept Tribunaux
du tableau , le choix de l'un des
Tribunaux non - exclus appartiendra à celle
des Parties qui ajournera la première au Tribunal
d'appel ; et en cas de concours de date,
l'ajournement de l'Appelant prévaudra. »
DU MARDI . SÉANCE DU SØER.
On s'est occupé d'un Libelle contre M.
( 140 )
Alexandre de Lameth ; Libelle auquel on a
décerné l'honneur du renvoi au Comité de
Recherches ; honneur que ni M. Malouet, ni
tant d'auties Députés vertueux , journellement
assassinés dans les Ecrits les plus
atroces , n'ont pu faire accorder jusqu'ici aux
imposteurs qui tiennent la plume au milieu
de nous.
Le Comité des Recherches , qui paroît aujourd'hui
étendre sa competence à toutes les
contraventions , désordres et troubles du
Royaume , a fait rendre un Décret qui attribue
au Présidial de Carcassonne la poursuite
d'une émeute survenué le 16 Juillet au
village de Perautier.
A la fin de la Séance , M. Chassey a fait
décréter les articles additionnels suivans , sur
le traitement du Clergé.
ART. I. Le traitement des Vicaires des
Villes , pour la présente année , sera , outre
leur casuel , de la même somme qu'ils sont.
en usage de recevoir , et dans le cas où cette
somme réunie à leur casuel , ne leur produiroit
pas celle de 700 liv. , ce qui s'en manquera
leur sera payé dans les six premiers
mois de l'année 1791. "
II. La diminution des revenus attachés
aux Bénéfices , qui proviendra de l'augmentation
rappelée dans l'article XXIV du Dé- ´
cret des Portions congrues, faites en faveur
des Curés , jusqu'à concurrence de 500 liv. ; :
et en faveur des Vicaires , jusqu'à concurrence
de 350 liv . , ainsi que la diminution qui résultera
des droits supprimés sans indemnité ,
seront l'une et l'autre supportées , tant par
les Pensionnaires d'un Bénéfice non tombé
aux Economats , que par le Titulaire , pre(
140)
portionnellement à la quotité de ce que chacun
retiroit dudit Bénefice. 00
HI. La réduction qui sera faite par le
retranchement des droits supprimés sans indemnité
, ne pourra , de même que celle résultant
de l'augmentation ci - dessus des Portions
congrues , opérer la diminution du traitement
des Titulaires actuels , ni des Pensions
au dessous du minimum fixé pour
chaque espèce de Bénéfice. "
"
2
IV. Les Evêques et les Curés qui auroient
été pourvus , à compter du 1. Janvier
1790 , jusqu'au jour de la publication du Décret
du 12 Juillet dernier , sur l'organisation
du Clergé , n'auront d'autre traitement que
celui attribué à chaque espèce d'office , par
ledit Décret. »
V. A l'égard des Titulaires des autres
espèces de Bénéfices de collation laïcale , qui
auroient été pourvus dans le même intervalle
de temps , autrement que par voie de permutation
des Bénéfices quails possédoient
avant le 1. Juin 1790 , ils n'auront d'autre
traitement que celui fixé par l'article X du
Décret du 24 Juillet dernier , sans que le
maximum puisse s'élever au- delà de 2000 l:;
quant à ceux qui auroient été pourvus pendant
ledit temps , par voie de permutation
de Bénéfices du genre ci-dessus , qu'ils possédoient
avant le 1. Janvier 1790 , le maximum
de leur traitement pourra s'élever , suivant
l'article X du même Décret , à la somme
de 6000 liv. "
1
VI. -Les Bénéficiers , dont les revenus
anciens auroient pu augmenter , en conséquence
d'unions légitimes et consommées
mais dont l'effet est suspendu en tout ou en
partie , par la jouissance viagère des Titu(
142 )
laires dont les Benéfices ont été supprimés
ou réunis , recevront , au décès desdits Titulaires
, une augmentation de traitement proportionnée
à ladite jouissanee , sans que cette
augmentation- puisse porter le maximum audelà
du taux déterminé pour chaque espèce
de Bénéfice. "
Du MERCREDI 4 AOUT.
Les habitans de Noyon , Saint - Quentin ,
Chauny , Ham et Paroisses circonvoisines ,
refusant de payer les Octrois dont la continuation
est ardonnée : un Décret rendu de
T'avis du Comité des Financés , a renouvelé
l'injonction de payer.
C'est M. Thouret qui , aujourd'hui , a exposé
et défendu la suite du travail sur
l'Ordre judiciaire : il s'agissoit des Appels.
Le Comité de Constitution n'accordoit ,
pour la signification de l'appel , que trois
semaines , à compter de huitaine de la prononciation
du Jugement.
" Cet article , a dit M. Thouret , s'annonce
bien favorablement , car il diminue les
appels nous le devons au génie de M.
l'Abbé Syeyes. "
Aux voix ! s'est - on écrié aussitôt , et la
délibération commencée par assis et levé ,
annonçoit la majorité en faveur de l'article ,
lorsque des remarques de M. Dufraisse en
faveur de toutes les personnes éloignées du
Tribunal ou absentes de leur Patrie pour
un service publie , ont arrêté cet empressement
irréfléchi , et fait prolonger le délai
de deux mois. Voici le Décret adopté :
44 Aucun appel de Jugement contradictoire
ne pourra être signifié , ni avant le
délai de huitaine , à compter du jour du
( 143 )
Jugement , ni après l'expiration des trois
mois , à dater du jour de la signification du
Jugement à personne ou à domicile. "
"
મે .
La rédaction des Jugemens , tant sur
l'appel qu'en première instance , contiendra
quatre parties distinctes ; dans la premiere ,
les noms et les qualités des Parties seront
énoncés , dans la seconde , les questions de
fait et droit qui constituent le Proces , seront
posées avec précision ; dans la troisième , le
résultat des faits reconnus ou constatés par
l'instruction , sera exprimé , et le texte de
la Loi qui aura déterminé le Jugement , sera
copié ; la quatrième contiendra le dispositif
du Jugement.
"
La nomination des Juges par les Elec
teurs de tout un Département , sembloit au
Comité de Constitution réunir les avantages ,
1º. de les rendre Jugés immédiats de tous
les Justiciables de leur Département ; 2°. de
donner moins de force à l'intrigue , en confiant
les Elections à des Corps Electoraux
plus nombreux. L'embarras de ces rassemblemens
d'Electeurs , la dépense d'une Assemblée
de 700 personnes , séante jusqu'à
l'enregistrement de l'acceptation de chacun
des Elus , ont paru à l'Assemblée des inconvéniens
majeurs , et seront toujours ceux du
systéme électif , tel qu'il a été adopté.
་
Forme des Elections.
Art. Ir. Pour procéder à la nomination
des Juges de District , les Electeurs du District
, convoqués par le Procureur-Syndic ,
nommeront les Juges du Tribunal du District
au scrutin individuel et à la pluralité
absolue des suffrages : ils se réuniront à cet
effet , dans la Ville qui sera désignée pour
(144 )
PElection ,ད et au jour qui aura été désigné
et publié par le Procureur-Syndic du Dis
trict , quinze jours d'avance.
" II. Lorsqu'il s'agira de renouveler les .
Juges après le terme de six ans , les Electeurs
seront convoqués quatre mois avant
l'expiration de la sixième année ; de manière
que toutes les Elections puissent être faites ,'
et les Procès-verbaux présentés au Roi , deux
mois avant la fin de cette sixième année . »
III. Si , par quelque événement que cè
puisse être , le renouvellemeat des Juges
d'un Tribunal se trouvoit retardé au- delà
de six ans , les Juges en exercice seront
tenus de continuer leurs fonctions , jusqu'à'
ce que leurs successeurs puissent entrer en
乾
activité. »
"(
au SC) 95 est
•Installation des Juges.
Jinj
sb I
Art . 1. Lorsque les Juges élus auront
reçu les Lettres Patentes du Roi , ils seront
installés en la forme suivante :
་་
X
« II . Le lembres du Conseil général de
la Commune du lieu où le Tribunal sera
établi , se rendront à la Salle d'Audience et
y occuperont le Siége ,
26
, ce Ill. Les Juges introduits dans l'intérieur
du Parquet , prêteront à la Nation et
au Roi , devant les Membres du Conseil
général de la Commune , pour ce délégués
par la Constitution , et en présence de la
Commune assistante , le serment de maintenir
de tout leur pouvoir, la Constitution du
Royaume , d'être fidèles à la Nation ; à la
Loi et au Roi, et de remplir avec exactitude
et impartialité , lesfonctions de leurs offices.
a IV. Après ce serment prêté , les Membres
du Conseil général de la Commune ,
descendus
I
( 145 )
descendus dans le Parquet , installeront , et
au nom du Peuple , prononceront pour lui
l'engagement de porter au Tribunal et à ses
Jugemens , le respect et l'obéissance que tout
Citoyen doit à la Loi et à ses Organes. "
" V. Les Officiers du Ministere public
seront reçus , et prêteront serment devant
les Juges , avant d'être admis à l'exercice
de leurs fonctions.
"
"}
VI. Les Juges de Paix seront tenus ,
avant de commencer l'exercice de leurs fonctions
, de prêter , devant le Conseil- général
de la Commune , le même serment que les
autres Juges .
"
Arrivé aux fonctions du Ministère public
M. Thouret a manifesté des opinions , qu'il
ne seroit pas difficile de combattre , en les
confrontant avec les principes de la Constitution
, tels qu'ils furent décidés à Versailles
, il y a un an.
"
Vous avez décrété , a -t- il dit , qu'au
Roi appartenoit le choix des Officiers du
Ministère public ; mais vous ne lui avez délégué
ce Ministère que sous la réserve nécessaire
de l'approprier à la Constitution . De
ce que l'accusation publique en a toujours
fait partie , on ne sauroit prétendre que
ette attribution lui soit essentielle. L'accusation
publique , est un droit national ;
celui qui l'exerce est nécessairement l'homme
du Peuple , le Fonctionnaire public le plus
redoutable . S'il est nommé par la Ministré ,
toutes les plaintes seront à la seule disposi
tion du Ministre et des Courtisans . »
Si tel est l'avis de M. Thouret , il auroit
bien dû en établir les fondemens ; car , tout
ce qu'il affirme reste à prouver , et il ne se
persuade pas sans doute que son autorité
No. 33. 14 Août 1790. G
( 146 )
puisse effacer entièrement celle des Nations
les plus éclairées .
La poursuite des délits publics a par-tout
été la fonetion du Ministére public ; or , par
un Décret Constitutionnel , le Ministere
public a été élevé au-dessus de toutes les influences
populaires. Ces Officiers ont été
rendus indépendans du Peuple par la nomination
du Roi ; indépendans du Roi par l'inamovibilité
de leurs charges.
M. Thouret , en rendant ce Décret vraiment
illusoire par son nouveau Projet , a
argumenté de l'abus des poursuites que pourroient
se permettre le Roi et ses Ministres ;
mais par le même raisonnement , il faudroit
supprimer et les Ministres , et le Roi , et toute
autorité ; car il n'en est aucune qui ne puisse
entraîner des inconvéniens . On retrouve ici
le caractère de la politique de M. Thouret ,
qui , au lieu d'opposer à des Pouvoirs nécessaires
, des barrieres qui préviennent leurs
abus , s'est étudié à les énerver entièrement
, pour les empêcher d'être dangereux.
M. Chabroud s'est élevé contre cette innovation
, et avec lui , l'Assemblée a invoqué et
décidé l'ajournement de la question à Lundi.
La nomination des Greffiers a occupé le
reste de la Séance .
"« Les Greffiers seront nommés à vie au
scrutin , à la majorité absolue des voix , par
les Juges , qui leur délivreront une commission
, et recevront leur serment. Ils seront
nommés à vie , et ne pourront être destitués
que pour cause de prévarications jugées . Ils
ne pourront être ni parens , ni alliés au troisième
degré des juges qui les nommeront. "
DU JEUDI 5 AOUST .
M. Flandre de Brunville , Procureur du
( 147ressé à l'Assemblée Roi au Châtelet , a adressé à l'Assemblée
une Lettre dans laquelle il se plaint de l'inculpation
faite contre le Tribunal dont il
est Membre , et contre lui personnellement,
par M. Biauzat dans la Séance de Lundi
soir ; il expose qu'aussitôt que le Comité des
Recherches lui eut dénoncé l'évasion de M.
Bonne- Savardin , il rendit plainte ; que plusieurs
témoins ont été entendus , et qu'il poursuit
l'information contre MM. de Maillebois
et de Saint -Priest. On résout d'insérer cette
Lettre dans le Procès - verbal .
Le Décret concernant les Greffiers des
Tribunaux , dont le premier article fut délibéré
hier , a été aujourd'hui consommé par
trois articles nouveaux .
"
« Art. II. Il y aura pour chaque Tribunal
« un Greffier qui sera tenu de présenter aux
Juges , et de faire admettre au Serment
un ou plusieurs Commis , âgés de 25 ans ,
« qui le remplacéront en cas d'empêchement
légitime , et des faits desquels il
sera responsable.
"
К
C (
"
»
III. Les Greffiers seront tenus de donner
un cautionnement de 12,000 liv. en immeubles
, qui sera reçu par les Juges. "
IV. Le Secrétaire Greffier , que le Juge "
de Paix pourra commettre , prêtera Ser-
" ment devant lui , et sera dispensé de tout
- cautionnement ; il sera de même inamovible.
»
M. Thouret a développé ensuite les avantages
des Bureaux de Paix , formés d'Assesseurs
que s'adjoindra le Juge de Paix , dans
les affaires qui surpasseront cette compétence
: " Institution bienfaisante , a dit le
Rapporteur, qui en sera en même temps une
de Jurisprudence charitable , où les Pauvres
Gij
( 148 )
et trouveront des lumières , des Conseils
des défenseurs gratuits . Les Bureaux de Paix
seront placés au-devant des Tribunaux , pour
calmer ceux que la passion y conduit , pour
leur présenter les dangers que cette passion
leur dérobe , pour leur offrir des moyens de
conciliation qu'ils ne saisiroient pas euxmêmes.
Il faut que personne ne puisse entrer
dans le temple de la justice Mtigieuse , sans
avoir passé auparavant dans le temple de
la concorde . »
Ces idées brillantes et spécieuses , analysées
par MM. Brillat- Savarin et Lanjuinais ,
ont présenté des résultats bien différens.
Suivant ces Juriconsultes , le Procès- verbal
de ce Bureau faisant foi en justice , anéantit
les fonctions des Juges de District , La Partie
est dépossédée du droit d'exposer le fait . Le
Juge ne suffira plus au grand nombre des
affaires ; il sera obligé de négliger ses affaires
domestiques . Où trouver des Citoyens
assez zéles pour se dévouer gratuitement à
un pareil service ? Qui sera plus favorable
au débiteur négligent ou de mauvaise foi ,
que ce delai accordé à la conciliation ? 11
A ces objections , M. Chabroud a répliqué
qu'on conserveroit l'usage des saisies provisoires
; que l'instruction se feroit promptement
et avec simplicité ; que le Juge termineroit
à l'amiable les différends , sans y
consacrer beaucoup de momens , et avec la
satisfaction d'être le conciliateur et l'arbitre
des honnêtes gens .
De l'institution des Bureaux de Paix , on
a passé à celle des Tribunaux de Famille .
Le Comité proposoit de ne soumettre les
enfans à cette autorité domestique , que jusqu'à
l'âge de vingt ans exclusivement ; c'étoit
( 149 )
avancer de cinq ans l'époque de la majorité.
Une grande partie de l'Assemblée a deraandé
la question préalable , qu'a détourné M. le
Chapelier , en proposant le terme intermédiaire
de vingt - un ans.
La question posée en ces termes : La cessation
du pouvoir du Tribunal de Famille
sera-t- ellefixée à vingt- un ans ? est démeurée
indécise dans la délibération par assis et
levé ; soumise à un appel nominal , elle a
été décidée à l'affirmative , par une majorité
de 358 voix contre 313.
( Nous donnerons les Décrets la Semaine
suivante . ) .
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR .
Des brigands qui , en Bretagne , ont dévasté
des héritages , violé les propriétés ,
brûlé des maisons , étoient dans les liens
d'une Procédure criminelle : ce soir , M. le
Chapelier a fait rendre une amnistie en leur
faveur , parce que , a - t - il dit, ils ont été
égarés par de faux Décrets ; mais , qui a
fabriqué ces faux Décrets , et pourquoi la
poursuite ne subsiste - t - elle pas contre ces
Faussaires atroces ? Quelques Membres ont
demandé dérisoirement une amnistie géné
rale pour tous les brigands du Royaume :
on n'a décrété que l'exception en faveur de
ceux de la Bretagne , en laissant néanmoins
la voie civile ouverte aux Parties lésée.
contre les dévastateurs .
Quiconque a perdu un emploi sous l'ancien
Gouvernement , est persuadé que le Despo
tisme seul l'en a privé , et que l'Assemblée
Nationale doit le lui rendre. On voit , par
exemple , en ce moment , un Employé de
'Hopital de Brest , réclamer contre la ty-
Giüi
( 150 )
LVA rannie de le Maréchal de Castries , quile
priva de sa place . Sans doute nombre de
ces destitutions furent injustes et arbitraires ;
mais il est absurde qu'un Médecin ou un
Commis , prétende au privilége de l'inamovibilité
dans des places qui étoient à la révocation
libre du Ministre. Le cas qui a
occupé ce soir l'Assemblée , étoit d'un autre
genre , c'est la destitution de M. de Moreton
Chabrillant, à qui M. de Brienne ôta le Régiment
de la Fere , dont il étoit Colonel.
M. de Menou a , non pas rapporté , au nom
du Comité Militaire , mais plaidé la cause de
M. de Moreton , en concluant à ce que l'Assemblée
lui restituât ses fonctions. C'étoit
attribuer au Corps Législatif le droit de
nommer aux Régimens. Aussi divers Membres
, et spécialement M. l'Abbé Maury, ontcombattu
cette demande avec des armes
victorieuses. Le jour , a dit ce dernier ,
où l'Assemblée nommera un Colonel
j'invite tous les bons Citoyens à quitter le
Royaume ; car , nous serons alors sous le
Despotisme le plus intolérable . » La discussion
est devenue très - chaude , et les avis ne
se sont rapprochés que pour rejeter la Motion
de M. de Menou , et adopter celle quisuit
:
00
"
Le Président se retirera devers le Roi ,
pour le supplier de faire prononcer , par un
Conseil de guerre , composé suivant les Ordonnances
, sur la réclaination du sieur Moreton
, contre sa destitution du 24 Juin
1788 .
»
DU VENDREDI 6 AOUT.
Pour laver du reproche d'exagération ,
ceux qui peignent la France comme livrée
( 151 )
depuis un an , à une anarchie universelle ,
il suffit de lire les Séances de l'Assemblée
Nationale. Il en est bien peu qui ne renferment
la nouvelle ou le rapport de quelque
insurrection , de quelque désordre , de quelque
excès. Celle d'aujourd'hui fournit encore
des pages à ce recueil . A l'ouverture , on a
fait lecture d'une Lettre du Ministre de la
Marine , dont voici l'extrait :
"
Paris , ce 5 Août 1790.
J'ai informé l'Assemblée Nationale , le
25 Juillet , de l'esprit d'insubordination et
d'indiscipline des Troupes de toutes les Colonies
, et du parti que prennent les Chefsde
renvoyer en France les Sujets suspects . "
J'ai rendu compte au Roi , et je suis charged'instruire
l'Assemblée des insurrections qui
ont lieu dans la Marine , même dans des
Mers éloignées. Des considérations importantes
avoient engagé le Roi à ne pas faire
ármer encore les Escadres pour les stations
du Levant et de l'Occident. MM. Cuy et'
Ponterès m'ont écrit qu'ils étoient forcés
par les équipages de quitter , l'un la station'
du Levant , l'autre celle des Isles sous le
Vent , pour revenir en France . Le retour
des deux stations est d'autant plus fâcheux ,
que 35 vaisseaux de guerre Espagnols , et 50
vaisseaux Anglois se trouvent actuellement,
en commission. Cette circonstance , l'intérêt
de nos possessions dans le golfe du Mexique ,'
la conservation de nos bâtimens et leur défense
contre les Corsaires , nécessitent le
remplacement des stations . Il est même à
propos que la force qui sera déployée soit
telle , que notre foiblesse n'engage pas les
autres Puissances à insulter notre Pavillon.
Giv
( 152 )
Le Comité de la Marine annonce que son
travail est presque terminé. Qu'il me soit
permis d'engager l'Assemblée à s'en occuper
incessamment. Le seul frein des Lois peut
contenir des hommes rassemblés en grand
nombre dans un petit espace. Substituez ,
sans délai , un régime nouveau , fût-il inparfait
, à celui qui s'anéantit.
39
Les Députés de Saint - Domingue ayant ,
comme on le sait , dénoncé M. de la Luzerne ,
ils lui refusent aujourd'hui la communication
entière des Fièces qu'ils ont remises au
Comité des Rapports. Cette prétention a
paru injuste , et sur le Rapport de M. de
Broglic , l'Assemblée a ordonné la communication
entière , et autorisé le Ministre dénoncé
à prendre des copies en forme.
M. Barrère de Vieuzac , à la suite d'une
dissertation sur le droit d'Aubaine , a proposé
la suppression de ce droit : elle a été
décrétée en deux articles .
1°. Le droit d'Aubaine et celui de Détraction
sont abolis pour toujours. 2° Toutes
procédures , poursuites et recherches qui
auroient ces droits pour objets , sont éteintes . "
Sur une autre proposition du même Rapporteur
, touchant la conservation des forêts ;
on a décrété que ,
"
1. Les grandes masses des bois et forêts
Nationales sont et demeurent exceptées de
la vente et aliénation des Biens Nationaux ,
ordonnée par les Décrets des 14 Mai et 26
Juin derniers.
-46
>>
2º. Toutes les parties de Bois Nationaux
éparses , absolument isolées et éloignées de
mille toises des autres bois d'une grande
étendue , et qui ne seront pas nécessaires
pour garantir les bords des fleuves , torrens
( 153 )
et rivières , pourront être vendues et aliénées
, pourvu qu'elles n'excèdent point la
contenance de cent arpens , mesure d'ordonnance
, sauf à prendre l'avis des Assemblées
de Département pour la vente des
parties de bois dont la contenance excederoit
celle de cent arpens . "
3 ° . L'Assemblée Nationale charge les
cinq Comités réunis de lui présenter incessamment
le plan d'un nouveau régime et
administration des bois , et de réforme de
la Législation des forêts , dont elle reconnoît
l'urgente et indispensable nécessité . »
M. de la Rochefoucault a lu ensuite , au
nom du Comité de Liquidation , un Projet
de Décret sur la vente à la Municipalité de
Paris , des Biens Nationaux. Divers Membres
se sont plaints qu'on n'eût pas joint au Projet
un état estimauf : M. Malouet a demandé
qu'on renvoyât à six Commissaires nommés
par le Pouvoir exécutif , les détails de cette
vente. Quoique cette Motion ait été appuyée ,
l'Assemblée a simplement déclaré vendre
à la Commune de Paris les Biens ci - dessus
mentionnés , aux charges , clauses et conditions
portées par le Décret du 14 Mai dernier
, et pour le prix de 1,849,303 liv. 17 sols. "
"L
Au commencement de la Séance , le Ministre
de la Guerre avoit demandé l'Audience
: il est venu en personne au moment
où les Décrets précédens venoient d'être rendus
, et il a fait lecture d'un Mémoire plus
affligeant qu'extraordinaire , portant en substance
:
"
Je m'occupois , suivant les ordres de l'Assemblée
, de présenter de nouveaux projets
d'organisation Militaire , sur les bases que
l'Assemblée a décrétées ; mais Sa Majesté
Go
( 154 )
convaincue que le retour, de l'ordre et de
la discipline doit precéder tous les changemens
dans l'organisation de l'armée , m'a
chargé de venir vous rendre compte de l'exces
eff ayant d'insubordination , où je ne
sais quel génie ennemi de cet empire entretient
les Soldats. Chaque courrier, en confirmant
les nouvelles les plus tristes , en annonce
de plus tristes encore. La succession
des jours n'apporte au meilleur des Rois que
des nouvelles qui déchirent son coeur. J'ai
déjà eu occasion de vous parler de ces Comités
d'Officiers et de Soldats , où se discutent
tous les objets de discipline et de
finance .
་་
"}
Chaque jour voit multiplier ces étranges
Sénats . Là , s'est résolue la détention du
Lieutenant - Colonel du Régiment de Poitou
; là , le Régiment de Royal- Champagne
a pris la coupable résolution de refuser de
reconnoître un Officier que le Roi venoit de
nommer. C'est de - là que partent ces pétition
scandaleuses qui nous sont sans cesse
présentées. Mon cabinet est souvent rempli
de Soldats qui viennent m'intimer les délibérations
prises dans leur Comité ; aujourd'hui
ce n'est plus un Corps particulier , ce
sont sept Régimens à Strasbourg qui se réunissent
ainsi en Comité , et y prennent les
délibérations les plus inquiétantes . Représentans
des François , hâ ez - vous d'opposer
la masse de leurs volontés à ce torrent débordé
, qui bientôt ne pourra plus recevoir
de digue. La nature des choses exige que le
Soldat privé de toute volonté ne connoisse
que celle de ses Chefs . Il faut que , semblables
aux corps physiques , ils n'agissent
que dans le temps , dans le sens et selon la
( 155 )
4
force qui leur est imprimée: Sans cette loi
inviolable , vous n'aurez qu'une arinée inutile
au dehors , et dangereuse au dedans .
Des réclamations pécuniaires sont sur- tout
l'objet de ces délibérations séditieuses . Le
Roi n'a pu croire qu'on lui parloit de Soldats
François , quand on lui a appris l'insur
rection de la garnison de Metz , et tout ce
qu'elle a osé se permettre. Les masses des
Régimens , ce dépôt sacré qui fournit aux
dépensés les plus nécessaires des différens
Corps , ces masses ont été consommées par
des prodigalités inouies , ou violées même
Ouvertement. "
"( Il ne s'agit pas seulement de rétablir la
discipline , il faut la recréer. Au milieu des
lenteurs inséparables d'un systême de régénération
tel que celui qui vous a été confié ,
on ne peut point espérer d'avoir aussi promptement
que le besoin l'exige , un nouveau
Code de Lois pénales pour PArmée . Eu
attendant , faites revivre celui qui subsistoit
et qui seul peut nous sauver des plus grands
désordres . Le Soldat n'a ni Juges , ni Lois ;
rendez-lui l'un et l'autre . »
Cette lecture a paru consterner ceux - là
même à qui les désordres ne paroissent que
l'exercice nécessaire d'une Liberté naissante .
Le Président a témoigné à M. de la Tourdu-
Pin la douleur profonde de l'Assemblée.
Après lui , M. Emmery a confirmé les récits
du Ministre il a tenté d'en expliquer les
causes par le mécontentement des Soldats ,
et imaginé d'y remédier par huit articles
convertis en Décret.
« Art . Ier Les Lois et Ordonnances Militaires
, actuellement existantes , seront ega-
G vj
( 156 )
lement obtenues et suivies jusqu'à la promulgation
très- prochaine de celles qui doi
vent être le résultat des travaux de l'Assemblée
Nationale sur cette partie
II. Excepté le Conseil d'Administration ,
toutes autres associations , délibérations établies
dans les Régimens , cesseront , sous
quelque forme et dénomination que ce soit ,
immediatement après la publication du présent
Décret.
K
III. Le Roi sera supplié de nommer
des Inspecteurs extraordinaires , choisis parmi
les Officiers- Généraux pour , en présence du
Commandant de chaque Corps , du dernier
Capitaine , du premier Lieutenant , du premier
Sous - Lieutenant , du premier et du
dernier Sergent ou Maréchal - des - Logis , du
premier et du dernier Caporal ou Brigadier ,
et de quatre Soldats du Régiment nommés ,
ainsi qu'il va être dit , procéder à la vérification
des comptes de chaque Régiment
depu's six ans , et faire droit sur toutes
plaintes qui pourront être portées- relativement
à l'administration des deniers et à la
comptabilité ; à l'effet de quoi , il sera tiré
au sort un Soldat par Compagnie parmi ceux
sachant lire et écrire , et ayant deux ans de
service ; et parmi ceux que le sort aura désignés
, il en sera ensuite tiré quatre pour
assister à cette vérification , de laquelle sera
dressé Proces - verbal , dont copie sera envoyée
au Ministre de la Guerre. »
"
IV. Il ne pourra désormais être expédié
de cartouche jaune ou infamante à aucun
Soldat , qu'après une Procédure instruite ,
et en vertu diun Jugement prononcé selon
les formes usitées dans l'Armée pour l'ins(
157 )
truction des Procédures Criminelles , et la
punition des crimes militaires . »
to
V. Les cartouches jaunes , expédiées
jusqu'à présent , à compter du 1er Mai 1789 ,
sans l'observation de ces formes rigoureuses ,
n'emportent ni note , ni flétrissure , au préjudice
de ceux qui ont été congédiés avec
de semblables cartouches . »
VI. Les Officiers doivent traiter les Soldats
avec justice , et avoir pour eux les égards
qui leur sont expressément recommandes par
les Ordonnances , à peine de punition . Les
Soldats , de leur côté , doivent respect et
obéissance absolue à leurs Officiers et Sous-
Officiers , et ceux qui s'en écarteront , seront
punis selon la rigueur des Ordonnances.
»
"«
VII. A compter de la publication du
présent Décret , il sera informé de toute
nouvelle sédition , de tout mouvement concerté
dans les Garnisons ou dans les Corps
contre l'ordre , et au préjudice de la discipline
militaire ; le Procès sera fait et parfait
aux instigateurs , auteurs , fauteurs et participes
de ces séditions et mouvemens , et
par le Jugement à intervenir , ils seront déclarés
déchus pour jamais du titre de Citoyen
actif, traîtres à la Patrie , infames , indignes
de porter les armes , et chassés de leurs
Corps ; ils pourront même être condamnés
à des peines afflictives ou infamantes , conformément
aux Ordonnances.
D
« VIII . Il est libre à tout Officier , Sous-
Officier et Soldat , de faire parvenir directement
ses plaintes aux Superieurs , au Ministre
, à l'Assemblée Nationale , sans avoir
besoin de l'attache ou permission d'aucune
( 158 )
autorité intermédiaire ; mais il n'est permis
sous aucun prétexte , dans les affaires qui
n'intéressent que la police intérieure des
Corps , la discipline militaire , et l'ordre du
service , d'appeler l'intervention , soit des
Municipalités , soit des autres Corps Administratifs
, lesquels n'ont d'action sur les
Troupes de ligne que par les réquisitions
qu'ils peuvent faire à leurs Chefs ou Commandans.
"}
DU SAMEDI 7 Aoust.
Hier au soir , dans une Séance extraordinaire
, M. Chassey fit décréter 27 articles
additionnels sur le Traitement du Clergé ,
toujours relatif aux formes d'après lesquelles
les Directoires des Districts , devront consommer
sa dépouille , avant de livrer à ses
Membres leur pécule actuel . Le Rapporteur
a cru justifier la dureté de ces articles compliqués
, en disant qu'il falloit bien que la
Nation tienne ses engagemens.
46
И
M
Le Décret rendu hier matin , pour prévenir
les désordres de l'Armée , a été suivi ce
matin d'un dernier article , par lequel l'Assemblee
improuve la conduite des Sous-
Officiers et Cavaliers du Régiment de
Royal Champagne qui , depuis long-
" temps , et notamment le 2 de ce mois ,
se sont permis les actes d'insubordination
les plus répréhensibles . Le Roi sera supplié
dans le cas où ils ne rentreroient pas dans
le devoir , d'employer des moyens efficaces
d'arrêter le désordre , et d'en faire punir
sévèrement les auteurs , fauteurs , etc. »
M. Mougins de Roquefort a demandé et
obtenu dans cette Séance , pour les Habitans
de Cabris en Provence , coupables de
+
་ ་
4
*
( 159 )
violences et de dégâts contre les propriétés
de leur Seigneur , une amnistie pareille à
celle qu'on a accordée aux perturbateurs de
la Bretagne.
L'examen du plan d'organisation du Trésor
public , proposé par le Comité des Finances ,
déja plusieurs fois écarté par un ajournement
, l'a été définitivement aujourd'hui ,
jusqu'à l'établissement des règles de comptabilité
, de la perception des impots , du
payement des rentes , etc. M. le Brun , à la
suite d'un rapport analytique des vues du
Comité sur l'administration générale des
revenus publics , a fait ensuite décréter en
cinq articles , differentes réductions sur les
dépenses des Bureaux.
L'attentat des 5 et 6 Octobre 1789 a été
considéré par Europe entiere , comme le
plus grand Crime du siècle . M. Mounier en
ayant révelé les effroyables circonstances ,
il s'eleva un cri public contre l'impunité de
ces forfaits ; la Commune de Paris les dénonça
et provoqua les enquêtes du Châtelet.
Cette immense et terrible procédure étant
achevée , une Députation du Tribunal s'est
présentée à la Barre ; M. soucher d'Argis ,
portant la parole , a dit en substance :
84
MESSIEURS ,
Nous venons enfin déchirer le voile qui
couvroit une Procédure , malheureusement
trop célèbre . Ils vont être connus , ces secrets
pleins d'horreurs : ils vont être révélés ,
ces forfaits qui ont souillé le Palais de nos
Rois. Devions- nous le prévoir lorsque vous
nous avez confié la fonction de poursuivre
les crimes qui attaqueroient la Liberté naissante,
quenous serions l'objet des plus atroces
( 160 )
calomnies ? Nous les braverons , nous ne cesseros
de remplir nos devoirs. Tant d'efforts
dirigés contre nous annoncent assez ce que
les ennemis du bien public ont craint d'une
Procédure qui doit tout éclairer. Ont - ils pu
croire qu'ils intimideroient , par tant de
menaces violentes et répétées , des Magistrats
qui ont su résister an Despotisme
Ministériel ? Plus forts aujourd'hui de toute
l'énergie que donne aux Citoyens la Liberté
que nous avons recouvrée , ils ne craindront
aucun danger pour l'affermir et la séparer
de la licence .
" Dans cette Procédure , à laquelle nous
avons été provoqués par le Comité des Recherches
de la Commune de Paris , et par
le Procureur- Syndic de la Commune , nous
devions distinguer les Citoyens qui n'ont
été guidés que par l'enthousiasme de la Liberté
, de ces hommes coupables qui , sous
le masque du civisme , ont égaré la multitude
, pour la rendre complice de leurs crimes.
Quelle a été notre douleur , lorsque nous
avons reconnu parmi les Accusés deux Membres
de cette auguste Assemblée ! Ah ! sans
doute , ils s'empresseront de descendre dans
l'arène , et de solliciter la poursuite d'une
Procédure dont le complément , nous devons
l'espérer , mettra au jour leur innocence.
3D
Nous venons déposer sur le Bureau de
l'Assemblée toute la Procédure . Nous sommes
redevables d'une grande partie des
Pièces à votre Comité des Recherches qui ,
d'après votre Décret , a dû nous en donner
communication . C'est à regret que nous nous
plaignons du Comité des Recherches de la
ville de Paris , qui nous a constainment re→
fusé celles qu'il a entre les mains . "
( 161 )
Ce Discours prononcé , M. Boucher Argis
a remis là procédure scellée sur le Bureau ,
et à peine étoit - il retiré , que M. de Mirabeau
l'aîné a demandé la parole . M. l'Abbé
Gouttes l'a obtenue le premier , pour demander
un Comité chargé d'examiner cette malheureuse
affaire .
Bientôt M. de Mirabeau l'aîné qui , sans
doute ignoroit qu'il étoit impliqué dans la´
procédure , et qu'en qualité d'Accusé , il
pouvoit laisser à d'autres la défense du privilége
d'inviolabilité , est monté à la Tribune
.
"
Notre marche est tracée , a - t - il dit ;
les principes sont déja consacrés ; l'Assemblée
Nationale ne peut être ni accusateur ,
ni Juge ; une seule chose la concerne , c'est
de connoître les charges qui , après 10 mois,
conduisent à inculper deux de ses Membres.
Tel est l'esprit de la loi de notre inviolabilité
Assemblée Nationale a voulu qu'aucun
de ses Membres ne fût mis en cause sans
qu'elle eût elle -meme jugé s'il y a lieu à
action , à accusation ! Je ne sais sous quel
rapport on parle de Décrets qu'il faut tenir
secrets. On insinue la proposition d'un renvoi
à un autre Tribunal. Certes , il seroit
commode , qu'après dix mois d'une procédure
secrete ; qu'après avoir employé dix
mois à multiplier , à répandre les soupçons ,
les inquiétudes , les alarmes , les terreurs
contre de bons ou de mauvais Citoyens , le
Tribunal , dont l'histoire sera peut - être nécessaire
à la parfaite instruction de cette affaire,
cessât d'être en cause , et rentrât dans une
modeste obscurité. Je propose de décréter
que le Comité des Recherches de l'Assemblée
Nationale lui fera le rapport des char(
162 )
ges qui concernent quelques - uns des Représentans
de la Nation , s'il en existe , dans la
procédure remise par le Châtelet de Paris ,
sur les événemens des 5 et 6 octobre 1789 ,
à l'effet qu'il soit décrété sur ledit rapport ,
s'il y a lieu à accusation . Voilà le seul Décret
qui soit réellement dans vos principes . "
M.l'Abbé Maury a succédé à M. de Mirabeau
, et a dit :
" Je me bornerai à discuter devant vous
les principes du Préopinant ; ils tiennent
à l'ordre public ; il s'agit de déterminer la
manière de concilier les intérêts de la Liberté
et de la Justice. Il s'agit d'établir en
quoi consiste l'inviolabilité des Représentans
de la Nation »
་་
J'observe avec regret que dans deux de
vos Décrets ; l'Assemblée a paru s'écarter
des premiers principes de l'ordre public . Vous
avez décrété , au sujet du défaut de paiement
d'une dette en matière civile , que les Députés
n'étoient pas inviolables. C'est sur-tout
en matière civile qu'il , seroit vrai , que pendant
toute la durée de leur mission , aucune
action civile ne devoit autoriser à porter atteinte
à leur liberté. Par un second Décret,
rendu au sujet de M. de Lautrec , vous avez
dit que les Membres du Corps Législatif
ne pouvoient être décrétés , avant qu'il eût été
décidé par le Corps législatif: s'il y avoit lieu
à accusation . Vous vous êtes écartés des véritables
principes ; en voici la preuve . Jamais
la mission honorable que le Peuple vous a
confiée n'a mis ses Représentans à l'abri des
poursuites légitimes , pourquoi voudrionsnous
être hors de l'atteinte des Lois dont le
glaive est suspendu sur la tête de tous les
Citoyens ? celui qui veut que la Loi le pro(
163 )
}
tège , doit être soumis à la loi. Quelle face
presenteroit la France , si 1200 Citoyens pouvoient
refuser de répondre à la loi ? nous
deviendrions la terreur de nos Concitoyens ,
dont nous devons êrre l'espérance et la lumière
. Nul homme , dans la Société , ne doit
pouvoir se soustraire à la Justice . La Justice
est instituée pour sévir , non seulement.contre
le foible , contre le pauvre , mais encore
contre le Puissant . Le Décret relatif à M.
Lautrec ne sauroit être regardé comme un
Décret constitutionnel , mais comme rendu
dans une circonstance donnée . Tout le monde
sait qu'en ce moment il s'agit d'un crime de
lèze -Nation , de haute trahison . "
"
9:
« Vous avez décrété que la procédure seroit
secrète jusqu'à la comparution de l'accusé
; si le paquet remis par le Châtelet , est
ouvert dans l'Assemblée , ou au Comité ,
vons renversez cette base constitutionnelle.
Que deviendroit la justice , si les Juges que
vous avez reconnus mériter votre confiance ,
en étoient privés au moment où il faut lancer
les Décrets ? Deux de nos Collègues sont aecusés
; ce seroit compromettre étrangement,
l'honneur de cette Assemblée que de vouloir .
lui faire prendre pour deux de ses Membres ,
des précautions refusées aux autres Citoyens ..
Honorez l'autorité ordinaire de la Loi :
c'est elle que je réclame en ce moment . Les
Anglois , qui se connoissent en Constitution.
et en Liberté , n'ont jamais demandé de
sauf conduits pour leurs Représentans . Tout
Citoyen a droit dese plaindre contre un Lord;
le Juge de paix délivre un Warant , expédie
un millimus et lance un Décret que le Parlement
approuve , car il aime les lois et la
Liberté ; que l'Assemblée Nationale renvoie
"
1
( 164 )
donc la procédure , qu'elle en ordonne la
poursuite , en déclarant qu'aux yeux de la
Loi tous les hommes sont égaux , enfin , je
demande subsidiairement que l'Assemblée
ordonne au Comité des Recherches dela Commune
de Paris de remettre au Châtelet tous
les documens qui seront jugés nécessaires .
"
"
M. Péthion de Villeneuve a commencé par
s'étonner de l'éclat qu'on donnoit à une
affaire que le Public croyoit assoupie , et des
circonstances dans lesquelles on la réveilloit .
Votre Décret , sur M. de Lautrec , a- t- il
ajouté , est un Décret réellement constitutionnel
, un Décret général par lequel vous
vous réservez de déclarer s'il y a lieu à accusation
contre un de vos Membres ; vous ne
faites là qu'exercer les fonctions d'un Grand
Juré , et le Grand Juré existe dans tout Etat
libre. Quand vous aurez décrété le mode de
la procédure par Jurés , ces formes seront
suivies pour tous les Citoyens ; pourquoi ne
le seroient- elles pas aujourd'hui pour les
Membres du Corps législatif ? Le Préepinant
vous a dit que le Parlement d'Angleterre
soumettoit ses Membres au libre cours
de la justice ; Il s'est trompé ; car il faut que
le Grand Juré les ait déclarés jugeables. Je
crois qu'il est bien plus raisonnable , plus conforme
à l'esprit de la loi de l'inviolabilité, que
l'Assemblée Nationale exerce elle - même
cette fonction . J'adopte la Motion de M. de
Mirabeau l'aîné.
"
Je ne répondrai pas , a répliqué M. de
Cazales , aux principes du Préopinant , à ses
réflexions sur les Jurés , à la proposition d'établir
aujourd'hui un régime particulier pour un
délit antérieur à la création de ce régime .
On a dit que le Décret rendu au sujet de
( 165 )
M. Lautrec est constitutionnel ; tout annonce,
au contraire , qu'il est de circonstance . Il
porte que le Comité présentera incessamment
unprojet de Loi sur la grande question de l'inviolabilité
des Représentans de la Nation ;
il n'est pas un Membre de cette Assemblée
qui , gémissant sur un de ses Collègues , victime
d'une accusation évidemment injuste ,
ait pensé s'autoriser du Décret auquel il a
concouru avec_empressement , pour soustraire
aux loix les auteurs et les compliccs
d'un attentat déplorable , qui à souillé la
Révolution , qui pèse sur la Nation Françoise
, qui sera son éternel déshonneur . ( De
violens murmures s'étant élevés du côté gauche
. ) Oui , je le répète , a repris l'Orateur ,
qui pèse sur la Nation toute entière , qui sera
à jamais son éternel déshonneur. »
40 Si les Auteurs d'un forfait abominable ,
dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder
le pardon , ne sont découverts et
punis , que dira la France , que dira l'Europe
entière ? L'asyle des Rois a été violé ,
les marches du Trône ensanglantées , ses
défenseurs égorgés ; d'infames assassins ont
mis en péril les jours de la fille de Maris-
Thérèse , de la Reine des François. ( Ici des
voix furieuses ont crié , les François n'ont
point de Reine ! et le nom de Marie- Thérèse
a excité les murmures des mémes Personnes . )
Oui , de la fille de Marie - Thérèse , de cette
femmedont lenom survivra à ceux des infames
Conspirateurs du 5 Octobre. Ils étoient Députés,
ils étoient François , ils étoient hommes ,
et ils se sont souillés de ces attentats . Si vous
adoptiez la Motion qu'on vous propose , si
vous déballiez publiquement la procédure ,
vous verriez disparoître les coupables ou les
( 166 )
preuves ; le crime seul resteroit ; il resteroit
toujours plus odieux , car il seroit sans vengeance.
Quel étrange privilége s'arrogeroient
donc les Représentans de la Nation ? Laloi
frapperoit sur toutes les têtes , et ils s'élèveroient
au- dessus de la loi ! C'est donc au
nom de la justice , votre premier devoir ; de
l'honneur , votre premier intérêt ; de la liberté
qui ne peut exister , si un seul Citoyen
n'est pas soumis à la loi , que je vous engage,
que je vous presse , que je vous conjure de
décréter la Motion de M. l'Abbé Maury . Je
demande donc le renvoi de cette procédure
au Châtelet ; je demande qu'il lui soit enjoint
de la poursuivre , en lui prescrivant
d'y mettre ce courage qui doit l'honorer , et
le rendre à jamais célèbre dans l'Histoire . "
M. le Chapelier a fait revivre la doctrine
de M. Péthion , en insistant sur le danger
de laisser les Députés en butte à des informations
légèrement faites. ( Celle- ci , dit- on ,
renferme près de 200 dépositions . ) Il a représenté
avec évidence l'autorité du Décret
rendu le 26 Juin , et la nécessité de son application
dans le cas actuel .
"
La suite du débat est devenue très - désordonnée.
M. Malouet paroît à la Tribune ;
on l'y fait rester muet par le cri ordinaire ,
la discussion estfermée. On fait lecture du
Décret du 26 Juin ; ensuite celle des différentes
Motions : on invoque la priorité pour
celle de M. de Mirabeau ; les débats se renouvellent.
« Pour trancher court , s'écrie
M. d'Ambly , ouvrez le paquet. » M. Broustaret
prend la parole ; M. Bouchotte suit M.
Broustaret. La priorité est accordée à la
Motion de M. de Mirabeau : décision bientôt
suivie d'un grand nombre d'amendemens.
( 167 )
" Le Châtelet , dit M. Malouet , a représenté
la nécessite de prendre des précautions ,
pour que la procédure ne soit pas connue ,
avant que les Décrets prononcés contre des
Personnes étrangères à l'Assemblée soient
exécutés, Vous n'avez nulle vérification à
faire sur ces Dècrets , et vous devez ordonner
qu'il leur soit donné suite. »
<<
Il faut changer dans la Motion le mot
événement en celui attentat. Il faut que la
lecture des charges soit faite dans l'Assemblée
, que les Séances du soir y soient uniquement
consacrées , et que l'on ferme les
portes des Tribunes . ( Ici les Tribunes ont
poussé les hauts cris . ) On ne doit pas renvoyer
à un Comité ; l'Assemblée entière a
le droit de connoître les charges , et comme
j'ai la certitude que plusieurs Membres
ont été entendus comme témoins , je
demande qu'ils assistent seulement comuie
spectateurs .
"
La question préalable ! la question préalable
sur tous les amendemens ! crient de
concert divers Membres de la gauche. M.
Durget et M. de Murinais justifient au contraire
la nécessité de
amendemens . « Puisque
vous rendez des Décrets de circonstances ,
ajoute M. de Foucault, je demande qu'on
institue un Comité de
circonstance.s » Du
milieu des clameurs pour aller aux voix ,
M. de Virieu , vingt fois repoussé , perce le
tumulte et dit :
« L'honneur de nos
Commettans exige
impérieusement qu'il ne reste aucun nuage
sur cet exécrable attentat. Quand le Châtelet
, en Corps , déclare qu'on lui refuse
des Pièces dont l'existence est certaine , on
nous dit que c'est blesser la délicatesse des
( 168 )
Membres du Comité des Recherches de la
Ville , que de mander ce Comité pour lui
ordonner de délivrer ces Pièces ! Depuis quand
y a - t - il de la délicatesse à refuser à la Loi ,
les moyens de punir le crime ou de proc'amer
l'innocence ? Pourquoi , si depuis la
dénonciation faite par ce Comité même ,
il est survenu de nouveaux documens , ne
pas exiger qu'ils soient remis au Châtelet ?
J'appuie fortement l'amendement qui a été
présenté à cet égard . »
Tandis que M. Raderer redemande la
question préalable , MM. Madier , Dufraize ,
de Cazalès , reclament qu'avant l'ouverture
du paquet , on ordonne l'exécution des Décrets
lancés contre des Personnes étrangères
à l'Assemblée . Sans cela , disent- ils , le
Corps Législatif se rend coupable d'une
atrocité . Enfin , cet amendement est admis
à une grande Majorité , ainsi que celui renouvelé
par M. de Firieu , et le Décret final
est rendu en ces termes :
((
"
"
L'Assemblée Nationale décrète , conformément
à son Décret du 26 Juin dernier ,
que sou Comité des Rapports lui rendra
compte des charges qui concernent les Représentans
de la Nation , s'il en existe dans
la Procédure faite par le Châtelet sur les
événemens du 6 Octobre dernier , à l'effet
qu'il soit déclaré sur ledit rapport s'il y a
lieu à l'accusation . Décrète en outre que
deux Commissaires du Châtelet seront appelés
à assister à l'ouverture du paquet
déposé par les Magistrats de ce Tribunal ,
et à l'inventaire des Pièces qui y sont contenues.
"
"
De plus , que le Comité des Recherches
de
( 169 )
de la Ville de Paris sera tenu de remettre
sans délai , entre les mains du Procureur du
Roi du Châtelet , pour servir en tant que de
besoin à la poursuite de la Procédure , tous
les Documens et Pièces qui peuvent y être
relatif. "
u Enfin , l'Assemblée Nationale déclare
qu'elle n'entend point arrêter le cours de la
Procédure à l'égard des autres Accusés et
Décretés.
Dans le cours des débats , M. Durget avoit
observé que , pour déclarer jugeables les
deux Députés accusés , il suffisoit de connoître
le corps du délit , et l'exposé sommaire
des charges , et d'appeler à cet effet
le Procureur du Roi à la Barre. Qui le croiroit
? Cette opinion modérée qui , sans infirmer
le Décret du 26 Juin , concilioit les
droits de la Justice avec ceux de l'inviolabilité
, fut reçue par des huées . Tant il est
difficile dans les grandes Assemblées , agitées
par l'esprit de parti , de faire entendre
le langage d'une raison calme.
M. Péthion a prétendu qu'un des Préopinans
s'étoit trompé en citant l'usage du
Parlement d'Angleterre ; mais il est évident
que M. Péthion s'est trompé lui - même. Il
n'avoit qu'à ouvrir Blackstone , L. 1 , ch. 2 ,
p. 166 et 167 , où ce savant Jurisconsulte
Anglois , traite du Privilége du Parlement.
Ce Privilége d'inviolabilité , dit - il , ne
s'étend à aucun des cas qui emportent
prise- de-corps , tels que la Haute Trahison ,
la Félonie , les Offenses à la paix publique.
No. 33. 14 Août 1790. H
"
"
«
( 170
"(
"
"(
« On a vu , il y a peu d'années , les deux
Chambres prononcer que l'Auteur et le
Promulgateur de Libelles séditieux , n'avoient
aucun droit au Privilége. Aussi ,
dans tous les cas criminels qui entraînent
« prise - de- corps , ce Privilége se réduit au
droit qu'ont l'une et l'autre Chambre , d'être
immédiatement informées de l'emprison-
" nement ou de la détention d'un de leurs
« Membres , et des motifs qui les ont fait
"
"
"
" arrêter . »
Il est très - remarquable que ces décisions
légales aient été rendues par les deux Cham-,
bres , depuis l'époque de la Liberté publique ,
sous Guillaume III et les règnes subséquens.
Elies prouvent le respect que doit la Justice
au Corps Législatif, et celui que le Corps
-Législatif doit à la Justice. Les Représentans
de la Nation ne doivent pas être livrés
à des détentions vexatoires ; mais le Parlement
ne souffre pas un Privilége qui lui assureroit
l'impunité. Quant au Grand- Juré ,
dont a parlé M. Péthion , on se garde bien
de le choisir dans le Parlement . Il est nommé
- par le Schérif , Officier Royal , et composé
d'hommes indépendans , dégagés de toute
affection quelconque pour ou contre l'Accusé.
Le Grand- Juré remplit précisément la
fonction que vient de faire le Châtelet , en
rédigeant une information préalable , avant
de decréter. Ainsi , les mêmes formalités ont
eu lieu ici , mais par des Tribunaux differens
dans leur composition .
Il est clair au surplus , que le Décret du
26 Juin decidoit le débat : ce Décret est
général , et l'on ne pouvoit en contester légitimement
l'application ; mais c'est une
question bien importante à la Liberté ,
( 171 )
que celle de savoir , si un Corps dont aucune
autorité quelconque ne limite , ne balance
, n'arrête le pouvoir , peut sans danger ,
être investi du Privilége de préjuger lui même
les accusations portées contre l'un de ses
Membres . Si une Majorité factieuse venoit
à dominer dans l'Assemblée , si cette Faction
dominante tentoit de subvertir les Lois ,
la sureté , la liberté publique et particulière ,
elle pourroit ainsi assurer l'impunité de tous
les crimes , se constituer en Aristocratie oppressive
, et ne laisser à la Nation aucun
moyen moral de la contenir .
La Séance n'ayant été levée qu'à quatre
heures après - midi , il n'y a point eu de
Séance du soir.
DU DIMANCHE 8 AOUT.
Cette Séance , fort sèche , a été remplie
par un Rapport de M. de Noailles , qui a
annoncé le retour de l'ordre dans le District
de Nemours : on espère le même calme
dans le Département du Loiret.
Par un Décret rendu , à la demande de
M. Necker et du Comité des Finances , qui ,
sur les 95 millions restans d'Assignats dis
ponibles , autorise le Trésor public à percevoir
40 millions.
Par un Décret en sept articles , que nous
transcrirons dans huit jours , et qui , en rendant
forcée la Contribution Patriotique , en
abandonne la taxation et le mode de perception
aux Municipalités , avec renvoi des
réclamations aux Directoires de Districts.
"
Le Public n'a pas été long-temps dans
Hij
( 172 )
l'incertitude sur les noms des deux Députés
impliqués dans la Procédure du
Châtelet. On les désignoit à haute voix
pendant la Séance même ; tous les doutes
ont été levés lorsqu'on a eu connoissance
, par les Feuilles publiques , de
l'Arrêté suivant du Châtelet , daté des
5 et 6 Août 1790.
" Le Châtelet de Paris s'est assemblé ces
jours derniers , pour entendre le Rapport de
l'information de l'affaire des 5 et 6 Octobre
1789. Par jugement en dernier ressort , il a
été ordonné que les informations seront continuées
, et cependant que le nommé,Nicolas,"
connu sous la désignation de l'homme à la
grande barbe , la demoiselle Théroigne de
Méricourt,, le nommé Armand , la nommée
Louise- Renée Leduc , et le nommé Blangey,
seront pris au corps ; que plusieurs quidams
( au nombre de treize , dont plusieurs étoient
habillés en femme ) seroient également pris
au corps ; comme aussi que MM . Louis-Philippe
- Joseph d'Orléans et Mirabeau l'aîné ,
Députés à l'Assemblée Nationale , paroissant
être dans le cas d'être décrétés , des expédi
tions des informations seroient portées à
l'Assemblée Nationale , conformément au
Décret du 26 Juin dernier , sanctionné par
le Roi , pour par Elle prendre tel parti que
bon lui semblera . "
C'est par suite de cet Arrêt qu'une Députation
du Tribunal s'est présentée
Samedi à la Barre de l'Assemblée . Cette
Procédure doit être très - volumineuse .
vu legrand nombre de dépositions qu'elle
( 173 )
renferme . Mlle . Théroigne de Méri
court, si fameuse par la finesse de ses distinctions
sur les Pouvoirs , ne sera pas
appréhendée, s'il est vrai , comme on le débite
, qu'elle soit passée à Londres. Quelle
alliance pour elle et les autres Décrétés ,
que celle de cet Antropophage , surnommé
Coupe -tête ! surnom qui est sans
doute le plus honorable possible , après
celui de Procureur- Général de la Lanterne.
Au précis , en quelques lignes , que
nous avons donné la semaine dernière
du Mémoire à consulter et de la Consultation
pour M. de St. Priest , nous
devons ajouter des développemens essentiels.
и Le Ministre remarque d'abord comme
un exemple mémorable des vicissitudes humaines
, qu'au mois de Juillet 1789 , il fut
compris par l'Assemblée Nationale dans le
nombre de ces Ministres , dont elle déclara
solennellement qu'ils emportoient avec eux
P'estime de la Nation et ses regrets , et qu'au
mois de Juillet 1790 , il est dénoncé comme
l'ennemi de l'Assemblée Nationale et un
conspirateur contre la liberté du Peuple. »
Quelles actions ont pu produire un pa
reil contraste ? Il est impossible de le deviner
, même en se rappelant les divers
reproches faits à M. de St. Priest , ou plutôt
les divers actes d'une persécution qui a commencé
en Septembre dernier. Le Public doit
retenir cette époque ; elle a été celle où
se préparoient de terribles projets ; l'Histoire
Hii
( 174 )
}
·
l'attend avec son burin . M. de St. Priest fut
alors dénoncé à son District ; bientôt justifié
, il en reçut des marques d'estime honorables.
En Octobre , il fut dénoncé à l'Assemblée
Nationale pour une prétendue réponse
faite à des femmes du Peuple de
Paris , alors à Versailles ; il éclaircit les faits ,
la dénonciation fut renvoyée au Comité des
Rapports ; elle y est restée . Même sort
d'une troisième dénonciation à l'occasion.
des troubles de Marseille , où l'on accuse
M. de St. Priest d'être réfractaire aux Décrets
de l'Assemblée . Le 2 Juin , il prouva
à l'Assemblée Nationale qu'il s'étoit , au
contraire , littéralement conformé à ses Décrets.
"
-
Le peu de succès de ces attaques a
décidé ses Eunemis à celle d'aujourd'hui.
Nous en avons rapporté l'objet . L'Accusation ,
n'a d'autre base , si l'on peut donner ce nom
à des hypothèses , qu'un livre de raison où
M. de Bonne tenoit le Journal de ses actions.
On lui a aussi trouvé un Ecrit où il paroissoit
se rendre compte d'une conversation
qu'il avoit eue , le 5 Décembre , avec un particulier
qu'il appelle Farcy. Or , le même
jour , il rendit visite à M. de Saint- Priest ,
a ce que porte le livre de raison. Le
Comité a fait ce rapprochement , et en a
conclu que MM . de St. Priest et Farcy
étoient la même personne. La conversation
paroît indiquer que Farcy n'étoit pas éloigné
d'un projet de Contre- Révolution ; donc ,
M. de St. Priest est complice ou coupable
de ce Projet. "
."
Cette dénonciation , qu'on auroit eu
peine à hasarder aux temps des Bastilles et
des Richelieu , a été portée à la veille de
( 175 )
la Fédération du 14 Juillet ( le 9 ) , quoique
l'interrogatoire de M. de Bonne eût été clos
le 4 Juin. En conséquence , dès le 13 , des
Libelles atroces furent semés dans les lieux
publics contre M. de St. Priest. On y ex- .
citoit les Fédérés à demander au Champde
- Mars le renvoi de tous les Ministres :
Si je ne suis pas devenu à cette époque ,
observe M. de St. Priest , la victime d'une
multitude abusée , si la plus imposante
Fête n'a pas été souillée d'un attentat ,
ce n'est pas la faute du Comité des Re- .
" cherches . "
"C
"
"
་་
Quant aupremier Chefd'Accusation , concernant
ce prétendu mépris du Ministre pour
l'Assemblée Nationale et ses Décrets ; par
quel fuit le Comité appuie t -il cette Allégation
vague ? par aucun quelconque. I
n'articule rien , n'explique rien , ni temps ,
nilieu , ni occasion , ni circonstances . Toutes
les Lois , tous les Tribunaux repoussent
cette forme perfide de dénonciation arbitraire
, qui autorise l'Accusé à demander : .
« Si on se seroit permis de traiter un simple.
Citoyen avec une injustice plus révol- ,
་ ་
" tante. »
Le second Chef porte sur une marche non
moins illégale, non moins contraire aux droits
de la Liberté personnelle , et aux principes
de la Jurisprudence criminelle . On a vu
quelles étoient la nature , et les preuves de cette ,
Accusation . En supposant qu'une conversation
secrète puisse devenir la matière d'un
Procès criminel ; en supposant que la conversation
de M. de Bonne et de son Interlocuteur
prouve un projet de Contre- Revolution
, quel sera cet Interlocuteur ? M. de
H iv
( 176 )
1
St. Priest est- il l'individu Farcy ? cette recherche
doit trancher la question.
D'abord , rien au monde dans la conversation
ne désigne M. de S. Priest : il n'y est
ni nommé , ni indiqué ; pas un mot qui fasse
reconnoître ou sa personne , ou sa place .
Oubliez un moment que le Comité des
Recherches vient d'afficher arbitrairement
le nom de ce Ministre ; personne de bonne
foi ne supposera à la lecture de cette conversation
, qu'un Ministre quelconque ,
M. de S. Priest , particulièrement , en étoit
l'interlocuteur.
Ou
M. de Bonne a subi cinq interrogatoires ,
en se refusant à toutes les instances du
Comité pour lui faire déclarer l'identité des
nom de Farcy avec celui du Ministre . Pressé
par un dernier Interrogatoire , il a au contraire
, assuré qu'il croyoit M. de S. Priest
trop peu disposé à être l'Apôtre d'une Contre-
Révolution , pour avoir hasardé de lui nommer
M. de Maillebois comme chef de l'entreprise.
Ainsi , le Prisonnier non - seulement
n'accuse pas M. de S. Priest ; mais il le justifie.
Cet Interrogatoire d'ailleurs n'est point
un acte légal , et ne seroit pas admissible ,
puisqu'il a été pris par des hommes qu'aucune
loi n'avoue.
Quant aux preuves tirées des pièces écrites
, elles se réduisent ainsi que nous l'avons
dit , au livre de raison de M. de Bonne ;
mais de ce que cet Officier sera allé les 5 et 6
décembre chez M. de S. Priest , en résultet
-il , d'abord , qu'il l'a trouvé chez lui , et
la visite du 6 n'induit - elle pas à crore , en
effet , que M. de Bonne ne put voir M. de
S. Priest le 5 ? En résulte - t -il nécessairement
que M. de Bonne n'a vu ce jour - là ,
( 177 )
que M. de S. Priest ? N'avoit-il pas même
des raisons de ne pas inscrire la visite faite
à Farcy ? C'est néanmoins en admettant
to ites ces suppositions comme des faits , que
le Comité , affirme et dénonce que
le nom
de Farcy étoit celui de S. Priest? Les Conseils
de cet Accusé établissent fort bien que cette
dénonciation est contraire à la Loi , qui
demande des preuves et non des conjectures.
Puisqu'il croyoit pouvoir dénoncer aux Tribunaux
la conversation du 5 décembre , le
Comité devoit leur dénoncer une personne
inconnue , un Quidam , ou même le nominé
Farcy. La procédure auroit apporté , ou non ,
la preuve que ce Quidam étoit M. de S. Priest.
Peu importe à ce Ministre la nature du
Dialogue dénoncé , et qui lui est absolument
étranger ; mais on se demande si c'est au
règne de la liberté , au règne des lois , et
par des hommes qui s'annoncent comme les
Vengeurs de la tyrannie , qu'une conversation
privée et secrète peut être dénoncée
aux Tribunaux ? Où en serions -nous , Grand
Dieu si chaque . Citoyen voyoit l'oeil du
despotime ouvert , et son glaive levé sur les
discours tenus dans l'intimité ? Qui osera
désormais répondre à une question , énoncer
une conjecture , si , la bonne foi ou l'indiscretion
allant propager cette confidence
elle devient la proie d'une Inquisition ménaçante
, et se transforme en Crime d'Etat ?
Cette pratique n'a jamais servi que des
Oppresseurs : elle a ete flétrie par tous les
Publicistes , par tous les Codes . L'Histoire
et l'Opinion ont marqué leur horreur de
la conduite de ce Richelieu , qui fit périr
De Thou , pour n'avoir pas révelé une Conversation
, une Conversation néanmoins où
Hy
( 178 )
ce Martyr avoit appris l'existence d'un
complot réel .
Que chaque François considère le péril de
sa situation. Voilà un discours secret , vague ,
susceptible de mille interprétations , de mille
applications , devenu la base de l'Accusation
criminelle la plus redoutable ; car elle place
l'Accusé entre le fer de la Justice et celui
des Assassins . Et où est la preuve de
la fidelité avec laquelle cet entretien a été
transcrit? M. de Bonne lui - même oseroit - il
en répondre? Où est l'homme assez teméraire
pour garantir que, sa mémoire l'aura préservé
des altérations et des inexactitudes , presque
inévitables dans le recit d'une conversation
fugitive ? Serions -nous done ramenes , par
la raison des extrêmes , à ces jours , décrits
par Tacite , où les Romain pâlissant à la
vue des delateurs , n'o - oient avoir ni un parent
ni un ami , et étoient traînés à l'échaffaud
pour un soupçon de Tibere
, pour
une parole on un regard ?
Et que de forces ne donne pas à ce sentiment
d'offroi , la nature même de l'entretien
denoncé. Plusieurs Feuilles publiques l'ont
transcrit Il faut être un Sphinx pour y
découvrir un projet de Contre- révolution ,
On y voit même que Furey évite de répondre
aux questions de M. de Bonne ; que
Interlocuteurs n'y disent pas un mot de relatifau
Projet attribue ensuite à M. de Maille .
bois ; on y voit des craintes sur l'avenir ; on
y parle du dessein qu'à S. M. d'aller , au
Printems prochain , visiter les Provinces. On
pourroit égorger juridiquement trois ou qua
tre millions de François , si tous ceux à qui
il a pu échapper des conjectures ou des es-
"
:
les
( 179 )
pérances folles étoient connus du Comité des
Recherches.
Sans doute , sa Mission l'autorise à veiller
attentivement sur les complots contre la
Constitution : il doit la remplir avec zèle et
activité ; mais plus ses fonctions sont importantes
, plus elles menacent la liberté personnelle
, plus il doit redoubler de précautions
dans la recherche de la vérité , et dans
la manifestation de ses conjectures . Jusqu'ici
il n'a encore accusé qu'un seul homme dont
les Tribunaux aient désavoué l'innocence .
Les prisons ont été pleines de ses victimes :
elles en sont sorties , après une procédure
publique , et justifiées. Où est la Conspiration
effective dont , jusqu'à ce jour , il ait
préservé l'Etat ? Et que d'innocens ont tremblé
sous ses dénonciations ? Il est chargé de
poursuivre un crime indéfini , un crime irrémissible
et le plus grand de tous ; mais l'estil
de livrer les Citoyens à la fureur publique , et
aux Tribunaux , sur des soupçons envenimés
par la haine de parti? L'Angleterre a entouré
les Accusés de précautions extraordinaires
dans les cas de Haute trahison ; elle
a proportionné leurs moyens de sureté à la
grandeur et à la nature du péril : les maximes
contraires prévaudroient donc au milieu
de nous , pour servir de commentaire à la
Déclaration des Droits!
Le Comite des Recherches se permet un
usage qui devroit éveiller l'attention du Législateur.
Il se permet de publier les pièces ,
les fraguens d'une procédure , avant que le
juge en ait connoissance , et qu'il ait prononcé
un Décret . Ii va plus loin , il prend
à partie ceux qu'il denonce , et plaide contre
eux par Mémoires , avec la passion la
H vj
( 180 )
plus marquée , et avant même que l'information
juridique ait commencé. Ainsi , il
établit une prévention furieuse contre l'Accusé
, et lorsque le Juge est forcé de l'absoudre
, il trouve les esprits infectés de haine
contre le Prevenu , et celui- ci condamné à
la Clameur publique , mot commode et nouveau
, par lequel on entend justifier les Arrêts
de la multitude , et qui signifie diffamation.
Il est superflu de montrer combien cette
pratique est funeste à l'ordre public , à la
sureté des Prévenus , à l'impartiale distribution
de la Justice . Elle est proscrite partout
: elle l'est en France par les Décrets de
P'Assemblée Nationale . Celui des 8 et 9 octobie
1789 , sur la Réformation de la Jurisprudence
criminelle , interdit aux Juges la
révélation de la procédure , jusqu'après les
Décrets. Ce qui est défendu aux Magistrats ,
F'est à plus forte raison à un Comité quin'est
pas Tribunal.
Il n'est pas Tribunal , et néanmoins nous
le voyons chaque jour en prendre les fonctions
Il poursuit , il fait arrêter , il interroge
les Citoyens : il va plus loin qu'aucune
Cour de Justice , car il appréhende sans informations
ni Décrets , comme on l'a vu
dans l'affaire de Mesdames de Jumilhac , de
Thomassin et de Vassart. Or , on se demande
, où est le titre de ces attributions ?
L'Assemblée Nationale , en créant dans
son sein un Comité des Recherches , le 28
Juillet 1789 , en détermina la compétence.
Il la limita aux fonctions de voir , d'entendre
et de recevoir des Informations , pour en
rendre compte à l'Assemblée. Le Corps Législatifne
lui a donc pas donné le droit d'in(
181 )
former lui - même , de mettre aux arrêts , d'enlever
des Citoyens , de les interroger , et
d'agir comme un Tribunal . Si l'on eût voulu
l'instituer en Tribunal , on l'auroit fait par
une Loi , portée à la Sanction du Roi : jamais
le Roi n'a sanctionné la création du
Comite des Recherches.
Quant à celui de la Commune de Paris ,
la Loi ne le reconuoît pas aucune Loi ne
l'a institué. Il n'existe que par la volonté de
la Municipalité provisoire : nul Décret de
l'Assemblée n'autorise cette Délégation extraordinaire
, que la Commune de Paris a
investie du droit de dénoncer , de saisir ,
d'interroger les Prévenus , et de rassembler
les pièces et preuves qui pourroient former
un Corps d'accusation . D'où il résulte que ce
Comité a des pouvoirs que l'Assemblée Nationale
a refusés au sien , des pouvoirs qui
n'appartiennent qu'aux Tribunaux , des pouvoirs
formellement contraires à l'article VII
de la Déclaration des Droits . « Nul ne peut
« être accusé , arrêté , ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi , et selon les
" formes qu'elle a prescrites. " Aucune Loi
n'a prescrit les formes , ni autorise les procédés
du Comité des Recherches de la Ville :
au contraire , la Loi en a exclusivement investi
les Tribunaux : donc l'existence de ce
Comité est incompatible avec la Liberté et
la Déclaration des Droits . Il est non moins
illegal, qu'il étende son action sur le reste du
Royaume , et qu'il fasse enlever des Citoyens
à 150 lieues de Paris : chaque Municipalité ,
a le droit de former aussi son Comite ; ainsi.
il existeroit en France 44 mille Inquisitions ,
faisant extrajudiciairement l'office de Magistrats.
Est - il un seul homme libre qui
་ ་
( 182 )
puisse soutenir une semblable pensée , une
pareille subversion de l'Ordre constitutif?
Induira- t -on de ces réflexions , qu'aucun
Corps , en temps de troubles et de
dissentions civiles , ne doit veiller particulièrement
à la sureté de l'Etat et des
Citoyens? Cette institution ne dénoncet-
elle pas la foiblesse des Lois , l'insuffisance
de la Force publique , l'inaction
de la Police suprême ? Peu de questions
sont aussi délicates dans un Etat libre ;
mais , en reconnoissant l'utilité d'un Corps
concentré , dont les recherches pénètrent
les Projets funestes à la Constitution ,
toujours reste - t- il évident que ce Corps
doit être institué par le Législateur , limité
dans sa compétence , enchaîné par
des instructions légales et des règles positives
, réduit à sa fonction primitive
d'Enquêteur et de Dénonciateur , et responsable
à la Loi comme aux Citoyens ,
de ses abus d'autorité. Sans ces précautions
, il faudra regretter les Lettres- decachet
, les Commissions, et les Chambres
étoilées.
Je réserve pour le Numéro suivant ,
l'examen d'un nouveau Pamplet que le
sieur Brissot , Membre du Comité de
Ja Ville , a publié , au ram ce sa Société
, sous le titre de Projet de Contre-
Révolution par les Somnambulistes,
ou Rapport de l'affaire de MM. d'Hozier
et Petit-Jean. Jamais l'outrage à
( 183 )
la liberté personnelle et à celle des Opinions
Religieuses n'a été poussé plus
loin , que dans cette Brochure imprimée
contre des Accusés , qu'on n'a pas même
osé dénoncer aux Tribunaux . Nous révélerons
seulement , et pour apprécier
le degré d'autorité que mérite l'Auteur
de ce Rapport , que le même hommequi
traite aujourd'hui de fourberie , de
conspiration , de démence , les rêveries
des I'luminés , a lui-même plusieurs fois
consulté la semnambule de M. Bergasse;
qu'en 1786 , dans un Examen critique
des Voyages de M. de Châtelus , il
reprocha à cet Ecrivain , avec tout l'emportement
du pédantisme , de s'être moqué
de l'inspiration des Quakers , et qu'il
écrivit ces lignes étranges , pag . 48 , 49 et
suivantes.
"(
་ ་
"(
"
"
"
"
Illumination , grace intérieure , extase ,
tous ces mots peignent l'état spirituel de
l'homme , absorbé dans ure profonde wéditation
sur ses rapports avec Dieu où les
« homines . N'avez vous jamais éprouvé cet
état ? Je vous plains : c'est le dernier
degré de la volupté……………. L'illumination
des Quakers n'est autre chose que cet
ÉTAT DE LUMIERE où l'on arrive pour la
meditation : ils ne prêchent point qu'ils
ne soient inspirés par elle……´ ……. Debeaux
esprits ont tres ingénieusement plaisanté
« sur cet etat d'illumination ; mais que prou-
« vent les sarcasmes ?.... Vous ne trouverez
pas un seul argument approfondi con re les
Illuminés. M. le Comte de Mirabeau plai-`'
" sante sur le somnanbulisme de M. Lavater ;
"
་་
"
་་
( 184 )
mais s'il a raison , je vois cinq fripons ici ,
le Docteur , sa femme , et trois Medecins
qui ont attesté les faits ..... Fénelon étoit
« illuminé ……..la physionomie de l'Illuminé
« est un Electrisateur puissant qu'il se regarde
dans une glace , il se lit , il se voit
dans ses yeux comme dans son ame . »
"
44
Je citerois dix pages de cette force :
Comparez maintenant cette doctrine
avec les Imprécations du Rapport contre
les Illuminés. Je n'ai certes avec eux
aucune espèce de relation , et on ne me
soupçonnera pas de tenir à leurs opinions
, qui me paroissent de véritables
rêveries : l'intérêt de la liberté personnelle
m'anime seul. Par cette raison , je
me garderai de répondre une ligne aux
atrocités que le sieur Brissot m'adresse
dans sa Feuille journalière , qui sue le
sang. Je l'abandonne à ses remords s'il
en est susceptible ; mais qui croira qu'au
milieu de ses invectives , il cse me menacer
du Comité des Recherches ! Ah ! que
de précautions à prendre contre l'autorité
, puisqu'à peine introduit dans ses
fonctions , les hommes qui s'élevoient
contre elle avec le plus de fureur, sont capable
de pareils excès . Eh bien je déclare
à cet Inquisiteur menaçant , qu'en tout
tems j'ai été , et je serai prêt à porter
mes actions , mes écrits , mes discours.
et mes pensées , devant les Tribunaux :
je ne recuse pas même celui qu'il compromet
par ses délations , et qui sans
( 185 )
doute , est bien éloigné d'approuver les
excès de ce Folliculaire calomnieux.
Le jour même 31 Juillet , que nous
éelairons le Public sur l'imputation faite
à M. Mounier , au sujet du Projet de
M. de Bonne il nous écrivoit de
Genève en ces termes.
་་
,
" Je viens de lire , Monsieur , un imprimé
ayant pour titre , Rapport fuit au Comité
des Recherches de la Municipalité de Paris ,
tendant à dénoncer MM. Maillebois , Bonne
Savardin et Guignard Saint Priest . »
"
Il est dit dans le rapport , que M. de
Bonne Savardin convient dans son interrogatoire
, de m'avoir vu , lors de son premier
voyage à Turin . Le Rédacteur auroit été
plus exact , s'il eût bien voulu , au lieu de
ces expressions , employer celle - ci , après son
retour de Turin ; car dans l'interrogatoire
qui se trouve à la suite du rapport , M. de
Bonne soutient ne m'avoir vu qu'en revenant
de Turin à son passage à Grenoble , dans la
maison du mari de sa nièce .
H
גנ
Il est aussi plusieurs fois question , soit
dans le rapport , soit dans les pièces justifieativee
, d'une lettre que M. de Bonne a été
chargé de me remettre , de la part d'un
Membre de l'Assemblée Nationale , et qu'il
avoue lui même avoir déchirée au moment
où il a été arrêté au pont de Beauvoisin ,
de crainte de me compromettre . Enfin , on
comptoit sur M. de L lly- Tolendal et sur
mo , pour faire un manifeste , s'il faut en
cruire la dénonciation faite le Mars par
le Secrétaire de M. de Maillebois , et quelques
lettres anonymes. On comptoit bien
24
( 186 )
aussi , d'après les mêmes autorités , sur 25
mille hommes , et sur six millions du Roi
de Sardaigne ( quoique ce Prince n'ait pas
en ce moment 25 mille hommes ) , sur la ville
de Lyon , et sur les Troupes des frontières.
((
"}
Quelques explications me paroissent suffisantes
, pour détruire auprès des honnêtes
gens , toutes les inductions que cet imprimé
pourroit faire naître contre moi : ces
explications seront courtes , parce que je
n'aime point à me justifier. Je n'aurai garde
de répondre à ce qu'ont déja dit sur ce sujet
les Auteurs de certaines Feuilles , qui peuvent
continuer tout à leur aise , la tâche
qu'on leur a prescrite. Je tiens à honneur
toutes leurs injures , et je ne me croirois
outrage que par leurs éloges .
"(
"
Je déclare que je connois peu M. Bonne
Savardin , que je connois beaucoup plus sa
famille , et que je l'ai rencontré sur la fin
du mois de Mars à Grenoble , dans une
maison où j'allois fréqueniment . Je lui entendis
annoncer qu'il se rendoit a Paris. II .
me paroît fort simple , que lorsqu'il a voulu
revenir aux Echelles , sa patrie , qui n'est pas
éloignée de Grenoble de plus de cinq lieues ,
il se soit chargé de m'apporter une lettre
d'un Député. J'observe que cette lettre a été
écrite le 27 Avril , plus d'un mois après la
dénonciation du plan attribué à M. de Maillebois
, et qu'ainsi elle ne sauroit y avoir
aucun rapport.
" Si quelqu'un a réellement eu le dessein
de nous engager , M. de Lally et moi , à faire
un manifeste fondé sur la déclaration du
23 Juin , il est évident qu'il n'a point compris
nos opinions . Un pareil projet étoit trop
absurde , trop contraire aux principes que je
( 187 )
n'ai cessé de professer , pour que , s'il m'eût
été communiqué , j'eusse été capable d'y
prendre la moindre part. Tous ceux qui sont
en état de me juger , savent que je n'ai jamais
rien dit , rien écrit sur la Révolution ,
qui ne soit contraire à la représentation par
Ördres , et conséquemment opposé à la
Constitution qui seroit résultée de la Déclaration
du 23 Juin . Ce que je dois garantir ,
par exemple , c'est que les partisans de cette
Déclaration , seroient bien surpris eux -mêmes ,
qu'on pût me soupçonner d'avoir voulu la
défendre .... Je dois espérer que vous voudrez
bien insérer cette lettre dans votre
Journal. »
Genève , le 31 Juillet 1790 .
Signé , MOUNIER .
Le petit nombre de Citoyens Actifs
qui a concouru aux Elections Municipales
de Paris , résulte - t - il de l'émigration
, ou de l'indifférence ? L'une et
l'autre de ces causes ont contribué à
cette disette de Votans : un Décret de
l'Assemblée Nationale qui imposoit aux
Electeurs la condition d'être inscrit dans
la Garde Nationale , les a encore dimi-,
nués. La semaine dernière , on a révoqué
ce Décret dérogatoire de la Loi
générale , mais les Assemblées n'en sont
pas devenues plus nombreuses. Par un
état détaillé qui nous a été communiqué
, et dressé sur des approximations
très- plausibles , il paroît qu'à peine
existe- til dans le Royaume 2 millions
( 188 )
de Citoyens Actifs . On voit donc à quoi
se réduit l'égalité des droits , et combien
pour l'établir , il iraporte d'appeler
à l'exercice des droits politiques , les
indigens et même les femmes , comme
l'a prouvé M. de Condorcet dans une
dissertation ad hoc.
Le Maire de Grenoble ayant donné
sa démission , 215 Citoyens Actifs , sur
397 Votans , ont élevé M. Barnave à
cette place. La grande pluralité des
Citoyens s'est absentée de l'Election ;
les 367 Votans qui y ont concouru for
mant au plus la sixième partie des
Citoyens Actifs .
La lettre suivante qu'on nous adresse
du Comtat , et dans la fidélité de laquelle
on peut se confier , confirmera celle de
nos récits sur les derniers événemens de
cette contrée , et le mépris que méritent
les impostures des Feuilles publiques.
Carpentras , ce 26 Juillet 1790.
" Les Municipaux d'Avignon ne pouvant
trouver des complices dans les Membres
de l'Assemblée Représentative du Comté-
Venaissin , ont cherché à opérer une défection
partielle des différentes Villes et Municipalités
de cette Province. Leurs émissaires
étoient répandus de toute part ; vrais évangélistes
de discorde ils ont tenté de faire
verser le sang , et y ont malheureusement
réussi dans la petite Ville du Thor. Un
2
( 189 )
détachement des Milices Avignonoises s'y
rendit dans l'intention de troubler l'Election
Municipale , pour seconder la Minorité. Le
Peuple voulut s'opposer à ce dessein ; on tira
sur lui , et animé par la vengeance , il se
saisit du Chef de la Minorité , et le mit à
mort. Quelques autres Personnes ont été tuées
ou blessées . Un plus grand nombre auroit
sans doute péri , si les Milices ou Gardes
Comtadines ne fussent pas arrivées , et
n'eussent mis l'ordre. Le rassemblement de
ces Gardes fit naître l'idée d'en profiter pour
détruire la tyrannie sous laquelle gémissoit
depuis quelques mois Cavaillon , seconde
ville de la Province. Un ancien Soldat de
la Marine s'y étoit fait Colonel d'une Troupe
appelée la légion des Cavares ; et , appuyé
du Peuple nombreux de la campagne qu'il
avoit séduit , il exerçoit une autorité despotique.
Craignant de la perdre par les mêmes
moyens qu'il l'avoit usurpée , il crut devoir
répandre la terreur , en faisant élever une
potence , et courir des listes de proscription .
Cette potecee remplissoit un espace considérable
en face de la Maison - Commune .
Tous les ouvriers avoient été forcés , sous
peine de la prison , d'y enfoncer huit énormes
crochets , et les autres Citoyens de toucher
cet infame gibet , autour duquel on avoit
fait promener la Musique Militaire. Le Tyran
étoit en correspondance avec les Municipaux
d'Avignon ; ceux- ci même se montroient dans
la Ville , et y encourageoient ouvertement
leurs partisans . Le Rédacteur du Courrier
d'Avignon , le Sieur Tournal , annonce avec
des expressions dignes des Cannibales , et
avec cet accent de la joie , qui ne peut sor-
3,
tir
que d'une ame atroce , l'érection de cette
( 190 )
affreuse potence. Par- là le bruit s'en répandit
rapidement , et excita un tel sentiment d'indignation
, que les Milices Comtadines volèrent
de par- tout , et plusieurs même , satis
être commandées , à Cavaillon . Elles s'y portèrent
successivement au nombre d'environ
11000 hommes. Les premières étoient deja entrées
dans la Ville , y avoient fait abattre les
gibets , et les Commissaires conciliateurs de
L'Assemblée représentative avoient rétabli
l'ordre. Le peuple leur désigna l'auteur de ces
maux , et les obligea à le faire arrêter . En
conséquence , il fut saisi et livré au Pouvoir
Judiciaire. Toute cette expédition se fit sans
le moindre trouble , sans effusion de sang ;
enfin , il y régna une discipline admirable ,
et une harmonie dont les Troupes réglées
n'offrent pas toujours l'exemple . Sur ces
entrefaites , le vertueux Maire d'Orange ,
M. d'Aymard , offrit sa médiation , sans laquelle
les Milices du Comtat se seroient
toutes ainsi portées à Avignon pour y venger
l'humanité si cruellement outragée , et y
éteindre un foyer perpétuel de discorde. Les
Municipaux font tous leurs efforts pour entretenir
la fermentation populaire . Le Curé
d'une Paroisse de cette Ville trahit son Ministère
de paix , au point de les seconder ouvertement.
Ces jours derniers , l'Hôtel de
Crillon courut grand risque d'être brûlé ;
on préparoit déja les torches et les fagots ;
des Milices étrangères sont logées et nourries
aux dépens des Particuliers , et sous prétexte
de veiller à la sureté publique , on ruine
les Citoyens , absens et présens , de cette malheureuse
Cité , auparavant si fortunée et si
tranquille . Voilà , Monsieur , des faits cer
tains que des Folliculaires imposteurs cher(
1913 )
"
cheront en vain à déguiser ou à dissimuler ;
ils font pleuvoir sur l'Assemblée représentative
du Comté Venaissin , une grêle d'injures ,
et semblent avoir concerte entre eux un
systême suivi de calomnies. Ils représentent
cette Assemblée , qui suit en tout les Décrets
de celle de France , et voudroient seulement
les faire adopter sans commotion ,
et en gardant une fidélité inviolable à son
bienfaisant Souverain ; ils représentent
dis - je , cette Assemblée comme un nid , un
foyer , un cratère d'aristocratie , un sabbat
aristocratique , etc. Votre Journal est l'asyle
de la vérité , et vous en êtes le zélé , le courageux
et l'énergique défenseur ; je vous
prie donc de donner une place à ma Lettre ,
consacrée à révéler cette auguste vérité aux
Personnes que le fanatisme politique , ou
la rage des partis n'ont pas entierement aveuglés
.
* En attendant que le Comité pour l'affaire
d'Avignon fasse son rapport à l'Assemblée
, les Prisonniers gémissent toujours
dans les fers , et sont entassés les
uns sur les autres à Orange . Le sage
Maire de cette Ville a écrit à cet égard
les lettres les plus fortes et les plus touchantes
à l'Assemblée Nationale . « L'hu-
<< manité se soulève , dit-il , en voyant
<< l'innocence reconnue gémir dans la
captivité , et les droits de l'homme aus-
<<< si indécemment violés. Accoutumés à
<< voir nos lettres à l'Assemblée Natio-
« nale sans réponse , nous ne nous re-
<<
( 192 )
<< buterons pas , et elle recevra au moins
<< deux fois par semaine une de nos Epi-
<< tres. >>>
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 2 Août
1790 , sont : 46,66 , 90 , 57 , 87 .
1
#t
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 Août 1790.
f
Si la guerre actuelle des Russes et des
Suédois n'entraîne que des pertes mu-b
tuelles , et nulles conquêtes respectives ,
elle fixera du moins Popinion publique
sur le Roi de Suède . Bien peu de Princes
ont montré plus
d'intrépidité person- ,
nelle , plus de courage d'esprit, d'activité ,
dans l'emploi des ressources , de fermeté
dans les revers. Depuis l'origine de 'ceite :
guerre , le caractère du Roi ne s'est pas
démenti , et si l'on peut lei reprochér
de compter trop sur la fortime , et de
braver quelquefvis les obstacles au lieu
de les mesurer , on ne voit pas sans.
étonnement le rôle hardi qu'il joue de-
No. 34 21 Août 1790. I.
( 194 )
puis trois ans. Qu'auroit- il d me fait à
la tête d'une armée et d'une flotte supérieures
? Sa dernière victoire du 9 Juillet
ne répare pas les pertes du 3 ; mais
elle les fait partager à l'Ennemi ; elle a
ranimé la confiance des Troupes er de la
Nation ; elle a enlevé aux Russes la plupart
des fruits qu'ils attendoient de leur
premier avantage . Celui du Roi de Suède
a été plus considérable que ne l'avoient
annoncé les premiers rapports , ainsi
qu'on le verra par l'extrait suivant de la
Relation officielle de la journée du 9 .
« Le 8 Juillet , l'on aperçut divers bâtimens
de la flottille Russe sous Aspo . Le
Roi alla reconnoître l'Ennemi avec le Lieutenant
- Colonel Cronstadt , Commandant de
la flottille , arrivée de Pomeranie à Swenksund.
Le 9 , les bâtimens Russes s'avancèrent
vers les Scheeren ; et le signal fut
donné à notre flottille de se mettre en ordre
de bataille. Le Corps de bataille fut confié
aux ordres du Lieutenant-Colonel de Stedingk;
l'aile droite à ceux du Lieutenant-
Colonel de Torning ; l'aile gauche au Lieutenant-
Colonel Hjemstierna. A 9 heures du ,
matin , l'Ennemi avoit deja formé sa ligne ,,
et porta' sur le Promontoire de Musalo. Notre
aile droite alla à sa rencontre , et la canonnade
s'ouvrit. Le Roi montoit la galère le"
Seraphin , et donna l'ordre pour l'attaque
générale. L'Ennemi se porta toujours en
avant , en faisant le feu le plus violent . Nost
deux ailes y répondirent avec tant de vivacité
, qu'à midi l'Ennemi replia sa gauche.
Nos ailes furent renforcées par les divi(
195 )
..
sions postées dans les détroits , et l'action se,
continua avec la plus grande vigueur . La ligne
ennemie fut également renforcée par plu
sieurs bâtimens , et son aile gauche se porta
de nouveau en avant, Vers les 4 heures ,
quelques - unes des plus grosses galeres ennemies
furent mises hors de ligne , et baissèrent
Pavillon , quelques - unes échouerent; d'autres,
furent prises . A 6 heures , le feu prit à notre
bâtiment Udema, qui ensuite coula bas . Un
chebec ennemi périt pareillement ; sur quoi
ceux qui étoient plus petits se retirerent.
Les plus gros continuèrent le feu jusqu'à
10 heures , lorsqu'ils mirent à la voile ;
quelques- uns touchèrent sur la côte , et amenerent
. L'obscurité de la nuit mit fin à la
canpnnade à 11 heures. L'on transporta les
Prisonniers , et prit possession des bâtimens.
qui s'étoient rendus. Le 10 Juillet , à
deux heures et demie du matin , la canonnade
recommença. Une frégate Russe se
rendit peu apres ; et successivement l'on
s'empara de plusieurs autres bâtimens ennemis
plus petits. L'Ennemi se replia de tous
cotés , et brûla lui - même tous ses bâtimens .
échoués. On le poursuivit jusqu'à 10 heures,
du matin. Les bâtimens que nous avons pris
sont au nombre de quarante- cinq. Du chebec
ennemi qui a coulé bas , l'on a pu sauver
qu'un Officier et un Chirurgien ; l'on
、ni
-
7461
ne sauroit fixer avec , certitude le nombre des
bâtimens que l'Ennemi a lui -même brûlés ;
on en a vu une grande quantité de débris ;
nous avons brûlé nous - mêmes six de ceux
qui étoient échoués, L'on ne sauroit nonplus
dire avec précision le nombre dès Pri- í
sonniers ; l'on sait seulement qu'il monte
environ a 4500 hommes , et qu'il s
s'y trouve
1 i
( 195 )
210 Officiers. Notre perte consiste en 1:1
bâtiment nommé l'Udema- Ingeber, 3 cha-
Joupes canonnieres , et 2 jolles. Les Officiers
que nous avons perdus , sont le Capitaine
Baron Duben et 5 enseignes , outre 2 Officers
des Troupes de terre. Sur la flottille
il y a eu 3 Capitaines et 7 Enseignes bles
ses , et 2 Officiers des Troupes de terre .
Nous avons pris 4 Drapeaux , quelques Etendaris
, 2 mortiers de fonte de 40 livres
3 obusiers de 6 , 4 canons de 24 , 4 de 6 , et
de 3 liv. 4
911
Le Prince de Nassau, s'est retiré ,
avec les débris de sa flottille , à Fridé--
ricshamm , d'où on lui a fait passer de
Cronstadt quelques renforts : il se proposoit
, le 13 , de remettre en mer. La
grande escadre Russe croisoit encore à
cette date devant Sweaborg. L'on s'attendoit
généralement à une action nouvelle.
Aujourd'hui , abandonnée de sou
Allié , la Russie doit opter entre la paix ,
ou la nécessité de faire face avec des
finances et des armées épuisées , à toutes
les forces des Ottomans , des Suédois , et
probablement de leurs Alliés ...
De Vienne , le 6 hoût.
C'est le 27 ausoir , quele Prince de Reuss
et le Baron de Spielman, Plénipotentiai
rès de S.M.A. , et le ComtedeHertzberg,
Ministre d'Etat du Roi de Prusse , signérent
à Reichenbach les préliminaires de
la paix. Cet acte consiste en une décla-'
>
1
}
( 197 )
ration et contre-déclaration , dont on ne
connoît encore que les principaux articles.
Il est certain que les Poionois s'étant
roidis contre aucune cession nouvelle
, la Prusse a abandonné ses prétentions
sur Dantzick , Thorn , et la Starostie
de Dybow. D'après cette renonciation
, et conformément au systême permanent
de Frédéric le Grand , son Successeur
, a exigé le maintien de l'équi
libre , et le sacrifice de notre part à tout
agrandissement nouveau. Il a donc fallu
renoncer aux conquêtes faites sur les
Turcs. Nos Plénipotentiaires ont insisté
sur la conservation d'Orsowa , sur la démolition
des ouvrages de Belgrade , et
sur la fixation des limites de la Croatie ,
au delà de l'Unna . Ces différens points
semblent n'être pas accordés , à l'exception
du dernier sur lequel notre Cour
pourra s'entendre avec la Porte. L'Armistice
entre les Troupes de cette Puissance
et les nôtres sera proclamée sans
délai , et la paix définitive conclue sous
la médiation des trois Cours de Londres,
de Berlin et de la Haye. Les mêmes Puissances
interviendront aussi dans la réconciliation
des Pays-bas avec leur Souverain
.
Cette transaction , au premier coupd'oeil
, si onéreuse à la Maison d'Autriche,
résulte à la fois de la politique et de la
nécessité. Il n'est pas vrai , comme
l'affirment des Gazetiers ,' que nos
I iij
( 198 )
7:
caisses fussent vides , et nos armées rui-
Hées . Quoique trois campagnes et les ma-
Tadies aient obligé le Gouvernement à
de nouvelles levées très- considérables :
nous n'en avons pas moins 150,000 hommés
de vieilles Troupes , excellentes ,
sous les Drapeaux . Malgré les dépenses
énormes de la guerre , il s'en faut bien
que nous fussions au dernier terme des
fessources. Les revenus publics ordinaires
et extraordinaires ont été payés
sans interruption : l'Empereur a laissé
un trésor important ; son Successeur y
a joint ses économies considérables.
כ
Mis en rejetant cette fausse idée d'épuisement
, il est certain que la perte de
Laudhon et de plusieurs Officiers Gencraux
expérimentés , morts ou tués pendant
la guerre , nous donnoient un désavantage
marqué. La Prusse compte , au
moins quatre Généraux d'élite , dont la
réputation est fixée . Ses Troupes entroient
toutes neuves en campagne : les
finances de leur Souverain sont dans le
meilleur ordre , et pouvoient au besoin
etre grossies par les ressources d'un Trẻ-
sor de 150 millions d'écus. La Prusse
étoit sûre d'Alliés puissans nous n'en
avions pas un : la France ne compte plus
pour nous , et la Russie est trop embarrassée
de sa propre defense . Le Roi
૫-
roit donc eu à soutenir la ligue la plus
formidable , plus de 600 mille Soldats à
combattre , et à la fin de deux campagnes
( 199 )
Heût peut-être difficilement acheté la
paix aux conditions même qu'il vient
d'accepter : nous ne faisons pas entrer
dans cette balance les Pays - Bas , dont la
guerre eût consommé la perte , et auxquels
les Alliés eussent très-probablement
donné un autre maître . Si à ces
différentes considérations , on ajoute
celle du caractère sage et pacifique de
S. M. A.; l'improbation qu'il a manifes,
tée de cette guerre inconsidérée aux Ot--
tomans , guerre où la Russie entraîna
l'Empereur , et dont ce Prince a expié
cruellement la faute , on se persuadera
qu'en en perdant les fruits pour conser
ver la paix de l'Allemagne , le Roia montré
autant de sagesse que de prévoyance.
L'administration intérieure de ses
Etats , dont quelques parties ne sont pas
exemptes de l'agitation qui accompagne
un nouveau règne , sous lequel on a à reclamer
contre les abus du précédent , exigeoit
encore du Monarque ce retour de
la tranquillité extérieure. Les Etats de
Bohême, ceux de la Moravie , de la Gallicie
, ontformé des demandes : elles seront
écoutées et jugées avec plus de maturité,
au milieu du calme,
Quant à la Hongrie, il y règne toujours
beaucoup de fermentation , sur les motifs
de laquelle le Public se méprend , et for
me des conjectures chimériques.
La Noblesse Hongroise jouissoit autrefois
degrands priviléges ; ils furent diminués suc-
1 iv
( 200 )
cessivement par les Souverains ; Joseph II
leur a porté les derniers et les plus grands
coups. Jusqu'à lui le Peuple n'étoit rien ; il
le releva , et lui fit connoître ses droits; mais
en travaillant pour lui , il mécontenta la
Noblesse , qui ne vit dans les opérations du
Monarque , que le desir de se rendre plus
independant et plus absolu. Il est incontestable
, néanmoins , que le Peuple Hongrois
lui doit infiniment : il le sait , et cette connoissance
l'enhardit à résister aux prétentions
des Nobles. On est porté à croire que les
dissentions actuelles de ce royaume résultent
d'une lutte entre la Noblesse , le Peuple et le
Monarque. Si la première exagère ses prérogatives
aux dépens de celles du Prince et du
Peuple , il s'opérera entre ces derniers une
coalition salutaire , qui changeroit absolument
tout le régime de cet Etat . Il est certain
qu'une révolution quelconque le menace ;
en attendant qu'elle s'effectue , voici quel
ques observations sur ce Royaume. Le pouvoir
du Roi est circonscrit par les Lois ; le
temps l'a successivement étendu. Comme en
Angleterre , il existe toujours en Hongrie
deux Partis , celui de la Cour et celui de
POpposition ; le premier a été prépondérant
depuis la mort de Charles VI. La Cour a
attiré les Seigneurs auprès d'elle , et les a
com.bles d'honneurs ; tous les Evêques lui
sont dévoués. Les Régimens Hongrois sont
dispersés dans les autres Etats de la Maison
d'Autriche , et on les a remplacés en Hongrie
par des Régimens Allemands ; les plus
grandes prérogatives dont jouissent les Nobles
, leur furent concédées par le Roi An
dré II: Ce Prince les exempta de toutes contributions
, et les rendit eu quelque maniere
( 201 )
Souverains dans leurs terres ; ils ne peuvent
être arrêtés sans être entendus et juges préalablement;
si l'une ou Pautre de leurs prérogatives
sont lésées , ils peuvent s'opposer
publiquement à Pinfraction . On conçoit bien
que ces étonnans priviléges ont été fort cir
conscrits ; aujourd'hui on demande leur réta
blissement , et on se propose aussi de modé
rer les revenus royaux qui en 1770 s'élevoient
déja à la somme de 18,004,153 florins.
La Diéte fort divisée n'a point encore
achevé son travail : ses Députés ne sont
pas arrivés encore , et tout présage que
la cérémonie du Couronnement sera
différée .
Dans la vue de prévenir les vexations
qui pourroient entraîner des mécontentemens
sérieux , le Gouvernement vient
d'adresser des Lettres circulaires à tous
les grands Propriétaires et à leurs Agens,
en les exhortant à la modération envers
leurs Vassaux , et à s'abstenir de tous
moyens violens ,
Par un autre Rescrit du 12 de ce móis , la
Cour a révoqué le Decret du 1. Mars 1787 ,
en vertu duquel les Propriétaires de biens
fonds , qui séjourneroient en Pays étrangers ,
sans mission du Gouvernement , étoient assu
jettis à payer les impositions doubles ; elle
doune en même tems aux Etrangers qui voudront
aequerir des biens dans les Etats he--
reditaires, l'assurance qu'ils ne subiront an
cune charge nouvelle.
De Francfortsur le Mein, le 12 Août.
L'ouverture de la Diéte d'Election qui
Ιν
202 )
15:
donnera us Chef à l'Empire n'est pas
éloignée , et on la fixe au milieu de ce
mois. Le succès des conférences de Reichenbach
lève toutes les difficultés et
tous les retards. Cet événement a fait une
vive sensation dans l'Allemagne entière.
Frédéric II ressuscité seroit peut- être
étonné de voir son Successeur ' devenir ,
sans tirer l'épée , l'arbitre du Nord , du
Levant et de l'Allemagne. Tel est aujourd'hui
l'emploi de cette Monarchie ,
que des Déclamateurs impétueux , ense.
velissoient dans le tombeau de son dernier
Roi , dont ils avoient si judicieusement
prophétisé la prompte décadence , et
qu'ils nous réprésentoient comme effacée
désormais de la balance politique.
Ils avoient aussi prédit la même chose
de l'Angleterre , après la perte de l'Ame
rique . Rien ne prouve mieux la yanite
des raisonnemens . Il est vrai que perso
ne ne présumoit que la France tomberoit
deux ans entiers dans une profonde
nullité politique , qu'elle détacheroit ses
intérêts de ceux de ses Alliés , qu'elle les
abandonneroit tous successivement
qu'elle n'obtiendroit pas même d'ère adnise
parmi les Médiateurs des querelles
del'Europe, et qu'elle laisseroit's'élever
une hauteur menaçante , ce Colosse de
la Prusse , de l'Angleterre et de la Hollande
higuées contre elle dès sa formation . Il est
aisé d'apercevoir que cette Alliance , en
dictant maintenant des Lois, va amener
( 203 )
à son système la plupart des Puissances
de l'Europe , qui ne trouvent plus entre
elles aucun point de réunion ,
On a formé près de Canstadt up
Camp de 3000 hommes des Troupes du
Cercle de Souabe , qui doivent joindre
l'Armée d'exécution dans le pays de
Liège , dès qu'elles auront passé la revue.
Ce renfort sera utile , pour ne pas dire
nécessaire à cette Armée d'exécution ,
qui jusqu'ici n'a rien exécuté . Cependant
, elle s'est mise en mouvement sur
trois colonnes , dont deux marchent
vers Hasselt , pour en former , dit-on,
le siége , et la troisième à Bilsen . Les
Liégeois paroissent très- disposés à faire
face ; il y a eu déja quelques canonnades
,, et une rencontre de patrouilles..
Le dernier échec qu'ont essayé le 3 , les
Troupes Belgiques dans le Duché de Limbourg
, a été non moins honteux que les
précedens, Un foible détachement de 100
Autrichiens , commandé par M. d'Aspres ,
Capitaine au Régiment de Ligne , se porta
pendant la nuit, de Sprimont à Olue , villlage
du Limbourg , auprès duquel étoit
campé un Corps de 600 Belges ceux qi
dormojent encore , que les Autrichiens pér
netroient dans leur camp on se leva , on
battit la génerale , on s'arma dans le plus
grand désordre ; M. ďA pres , avec sa brave
petite Troupe , essuya un feu d'une heure ;
mais s'étant rendu maître du canon des
Belges, il le pointa lui - même surd'Ennemi ,
I vj
( 204 )
qui se dispersa , laissant ses bagages , son
artillerie , ses munitions et le pays , à la
discretion des Autrichiens. Le même soir ,
ils firent leur entrée à Herve , où ils furent
reçus , ainsi que dans la campagne , comme
des libérateurs . Par- tout le Peuple les accabla
de bénédictions , en leur offrant tous
ses secours : les Bourguemestres et les Habitans
de Herve , alleient à let r rencontre
au son des cloches , et chantèrent le Te Doum :
on abattit le Lion Belgique , bientôt remplacé
par l'Aigle Imperiale Ces sentimens
du Peuple prouvent à quel point on abuse
de son nom , en prétextant ses droits et ses
inté: ês , pour le faire servir aux vues de
quelques Factieux.
Malheureusement les Autrichiens en
si petit nombre n'ont pas reçu de renforts;
près de 3000 H bitans, Paysans ou
Bourgeois , d'Herve et des environs
étoient venus armés jurer foi et hom
mage au Roi Léopold , et protester
contre le Manifeste de leurs Etats ; en
attendant des secours militaires , celui
de cette Milice paroissoit suffisant aux
Autrichiens ; ils se sont trompés. Les
Belges désespérés de leur défaite , et
enragés de la conduite des Habitans du
Limbourg , sont revenus , le 8 , au
non bre de 2000 hommes , sous les
ordres de leur Commandant de Schiplacken,
Après des efforts de rage , après
avoir eu grand non bre de morts et de
blessés , ils ont obligé le foible peloton
d'Autrichiens, à se retirer sans grande
( 205 )
perte ; ensuite ils ont emporté Herve , ou
ils se sont conduits avec une férocité dont
ce malheureux pays n'avoit pas encore vu
d'exemple ; ils ont saccagé une partie de
la Ville , forcé , pillé , brûlé les maisons ,
et exercé toute leurbarbarie sur des Paysans
, sur des Bourgeois dont tout le crime
étoit de s'être réjouis de rentrer sous les
Lois de leur légitime Souverain , et d'avoir
concouru au rétablissement de son Autorité
dans la Province. On ne connoît pas
encore tous les détails de cette catas
trophe qui ne restera pas impunie ;
car indubitablement les Autrichiens ne
tarderont pas à revenir en forces dans
le Limbourg. Le coeur signe en yogant
cette riche et industrieuse Province.
dont les Etats ont si cruellement compron
is la sureté , l'opulence , le bon
heur , partager les calamités d'une querelle
à laquelle leur vou et leur intérêt
les rendoient absolument Etrangers ;
puis , que des Sophistes célèbrent de leur
Cabinet , les charmes de la guerre civile.
FRANC E.
De Paris , le 18 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE .
Décret sur les Bureaux de Paix et les Tribu
naux de Famille , rendu le Jeudi 5 Août .
« Art. [*, Dans toutes les matières qui
( 236 )
excéderont la compétence du Juge de Paix ,
ce Juge et ses Assesseurs formeront un Bu
reau de Paix et de Conciliation , "
II. Aucune action ne sera recue au çivil
devant les Juges de District , entre Parties
qui seront toutes domiciliées dans le ressort
du même Juge de Paix , soit à la Ville , soit
à la Campagne , si le Demandeur n'a pas
donné , en tête de son exploit , copie du
Bureau
certificat du de Paix , constatant
que sa Partie a éte inutilement appelee à
ce Bureau , ou qu'il a employé sans fruit sa
médiation. "
་་ III. Dans le cas où les deux Parties.comparoîtront
devant le Bureau , il dressera un
Proces-verbal sommaire de leurs dires, aveux
et denegation , sur les points de fait , lequel
Proces -verbal sera signé des Parties , ou ; à
leur requête , il sera fait mention de leur
refus de signer. "
"
IV. En chaque Ville où il y aura des
Juges de District , le Corps Municipal formera
un Bureau de Paix , composé de six
Membres choisis pour deux ans parmi les
Citoyens recommandables par leur patriatisme
et leur probité , dont deux au moins
seront Hommes de Loi. >>
V. Aucune action au Civil ne sera reçue
entre Parties domiciliées dans les ressorts de
differens Juges de Paix , si le Demandeur
n'a pas donne copie du certificat du Bureau
de Paix du District , ainsi qu'il est dit dans
l'article II ci dessus , et si les Parties comparoissoient
, il sera de même dresse Procesverbal
sommaire , par le Bureau , de leurs
dires , aveux ou dénégations sur les points
de fait. Ce Procès-verbal sera signé des
Parties. "
( 207 )
"
VI. L'appel des Jugemens des Juges de
District ne sera pas reçu , si l'Appelant n'a
pas signifie copie du certificat du Bureau de
Paix du District , constatant que sa Partie
adverse a été inutilement appelée devant ce
Bureau , pour être conciliee sur l'appel , qu
qu'il a employé sans fruit sa mediation . "
"
VII. Le Bureau de Paix du District
sera en même temps Bureau de Jurisprudence
charitable , charge d'examiner les affaires
des pauvres qui s'y présenteront , de leur
donner des conseils , et de defendre on faire
defendre leurs causes .
་་
1
VIII. Le service qui sera fait par les
Hommes de Loi dans les Bureaux de Paix
et de Jurisprudence charitable , leur vaudra
d'exercice public des fonctions de leur état
auprès des Juges , et le temps en sera complé
pour l'éligibilité aux places de Juges.
""
IX. Tout Appelant dont Pappel serą
jugé mal fonde , sera condamne eenn
amende de 9 liv. , pour un appel du Jugement
des Juges de Paix , et de 60 liv. pour
un appel des Juges de District , sans que cette
amende puisse être remise , ni moderee , sous
aucun prétexte. »
༣་་་་
Elle aura également lieu contre les Intimés
, qui auront refuse de paroître devant
le Bureau de Paix , lorsque le Jugement sera
réforme ; et elle sera double contre ceux
qui , ayant appelé sans s'être présentés au
Bureau de Paix et en avoir obtenule certificat ,
seront , par cette raison , jugés non- recevables.
"
、,
" X. Le produit de ces amendes , ver é
dans la Caisse de chaque District , sera employé
au service des Bureaux de Jurispr
dence charitable,
»
( 208 ) .
. XI. Aucune femme ne pourra se pourvoir
en justice contre son mari , aucun mari
contre sa feinme , aucun fils ou petit - fils
contre son père ou son aïeul , aucun frère
'contre son frère , aucun neveu contre sun
oncle , aucun pupille contre son luteur
pendant trois ans , depuis la tutelle finie
et réciproquement , qu'après avoir nommé
des parens pour arbitres , devant lesquels
ils éclairciront leur differend , et qui , après
les avoir entendus , et avoir pris les connois-,
sances nécessaires , rendront une decision
motivée . "
་་
XII. Si un père ou une mère , ou un
tuteur a des sujets de mécontentement on
d'alarmes très- graves sur la conduite d'un
enfant ou d'un pupille , dont il ne puisse
plus réprimer les écarts , il pourra en porter
sa plainte au Tribunal domestique de la
famille assemblée , au nombre de huit parens
les plus proches , ou de six au moins , s'il
n'est possible d'en réunir un plus grand
nombre . "
. XIII. Le Tribunal de famille , après
avoir vérifié les sujets de plainte , pourra
arrêter que l'enfaut ou pupille , s'il est âgé
de moins de 21 ans , sera renfermé pendant
un temps qui ne pourra exceder celui d'une
année , dans les cas les pins graves. •
"
DU DIMANCHE 8 AOust.
Décret sur la Contribution Patriotique.
་
Art. I. Le Conseil général de la Commune
verifiera toutes les declarations qui
auront été faites pour la Contribution Patriotique
, a l'effet d'approuver ce les qui lui paroitront
conformes à la vérité , et de recti(
209 )
fier celles qui seront notoirement infidèles ;
dans le cas où les Contribuables auront négligé
de faire leur déclaration , le Conseil
Général de la Commune sera chargé d'y
suppléer par une taxe d'office , qu'il fera en
son ame et conscience , et il sera tenu dė,
donner sommairement les motifs de l'augmentation
qu'il prononcera. Les Directoires
de District seront en droit de verifier et rectifier
les déclarations d'une Communauté
entière , s'il y a lieu .
τ
"
II. Le Corps Municipal avértira , dans
le plus court delai possible , les parties iutéressées
, de la nouvelle taxation à laquelle
elles auront été assnjéties . "
"
III. Tout Citoyen qui , dans quinzaine
du jour de l'avertissement fait par le Corps
Municipal , ne se sera pas présenté à la Municipalité
pour y opposer ses moyens de dé
fenses , sera censé avoir accepté , sans réclamation
, la nouvelle cotisation faite par le
Conseil Général de la Commune , et cette
cotisation sera mise en recouvrement sur le
role de la Contribution Patriotique. "
IV . Dans le cas de réclamations , le
Directoire du District prendra connoissance
de l'affaire , et la renverra' dans huitaine ,
avec son avis , au Directoire du Département
, qui statuera définitivement . »
« V. Les Officiers Municipaux , autorisés
par le Décret du 27 Mars , à imposer ceux
qui , domiciliés ou absens du Royaume
et jouissant de plus de 400 liv. de revenu ,
n'auront pas fait la déclaration prescrite par
le Décret du 6 Octobre , concernant la Contribution
Patriotique , seront tens de procéder
de suite à ladite imposition , et le Conseil
Général de la Commune sera temu pareils
( 210 )
Jement de rectifier les déclarations notoirement
infideles , et de terminer l'une et l'autre
opération dans le délai de quinze jours , pour
les Villes au - dessous de 20 mille ames , et
d'un mois pour les Villes dont la population
excede ce nombre , à compter de la publication
du présent Décret ; faute de quoi , les
Officiers Municipaux demeureront respon
sables de retard qui résulteroit dans le recon
yrement de ladite Contribution , d'après les
roles qui en seront faits d'office par les Dis
Jectoires de District ; et à cet effet , les Départemens
veilleront à ce que , dans chaque
District , il soit nommé deux Commissaires
pour achever ladite imposition dans les Municipalités
en retard.
. VI. Les héritiers de ceux décédés après
avoir fait leur déclaration , seront tenus de
payer aux échéances le montant desdites dé
clarations , sauf à obtenir décharge ou mo
dération sur la Contribution qui étoit due
sur le montant des emplois , places ou pens
sions dont jouissoient les Déclarans , confor
mément à l'article II du Decret du 27 Mars
dernier. "
:
"
VII. En cas de concurrence entre les
créanciers d'un débiteur et le Receveur de
la Contribution Patriotique , elle sera payée
par suite et avec même privilége que les
autres impositions. →
› DU LUNDI 9 Aour.
Il n'est aucune opinion extraordinaire ,
aucune nouveauté irréfléchie , aucun système
proscrit par l'expérience des Nations et par
la sagesse des meilleurs Publicistes , qui ne
revive maintenant , et qu'on ne s'efforce d'amalgamer
à la Constitution . Dans ce nombre
( (.211 )
est l'idée imaginée par le Comité , d'attribuerl'Accusation
publique à un Juge , nommé
annuellement par les Membres du même
Tribunal. La discussion de cette monstruosité
commença la semaine entière ; elle a
encore occupé , sans être achevée , une grande
partie de la Séance d'aujourd'hui . On a yu
naître hypotheses sur hypotheses : dans ces
defis d'imagination , MM. Brevet de Beaujour
, Mougins, Barrère de Firuzac , Saint-
Fargeau , chacun en proposant un mode différent
, ont use toutes les ressources de la
parole, démontrer que l'Accusation publique
ne devoit point appartenir à un Officier
Royal. La plupart ont souter que cette
fonction ne seroit bien exercee que par l'Hom
me du Peuple , nommé par le Peuple . Ainsi ,
Je Chef suprême de l'execution des Lois , de
pourra pas en denoncer la violation , et un au-
Tre Pouvoir que le sien sura seul , dans tous les
eas , le droit de juger și ce te violation mérite
ou non l'attention de la Justice. Dans les débats
subséquens , M. Fréteau a observé que
le Roi seroit le seul Citoyen du Royaume ,
privé de la faculté de rendre plainte contre
Finfraction des Lois.
4
Lorsque les bases de la Constitution furent
discutees et décrétées l'année derniere , on
admit presque universellement le principe
de toute liberte politigne dans une grande
Monarchie , celui de la division rigoureuse
du Pouvoir legislatif et du Pouvoir exécutif,
et l'unite d'exécution suprême dans les mains
du Roi ; mais depuis l'erection de ces bases ,
les événemens ont amené d'autres maximes.
Nous avons vu le Corps legislatif admis à
concourir à des fonctions executives ; les
Corps Administratifs en partagent , et de
+
་ ་་་
( 212 )
très -importantes , avec le Roi ; enfin , l'on
crée une nouvelle Puissance active , celle du
Peuple . On luia livré le Pouvoir judiciaire ,
on va lui livrer l'Accusation publique , et la
Justice se rendra au nom de celui des Pouvoirs
publics , qui s'y trouve le plus complètement
étranger. Jamais ce système de
Democratie ne fut plus développé qu'il ne
P'a été aujourd'hui dans les Discours de
MM. Brevet de Beaujour et de Saint- Fargeau :
le premier à appelé nettement la Constitution
Françoise une Démocratie Royale . 700
Députés au moins étoient loin de croire , il
y a un an , qu'on entendroit cette appellation
dans la Tribune , et qu'on en réaliseroit
Papplication . Ses Inventeurs ont déduit aujourd'hui
un systême de Gouvernement veritablement
neuf. Suivant eux , le Peuple doit
se donner autant de Représentans directs et
divers dans l'exercice des fonctions exécutives
, qu'il existe de Départemens de la
force publique. Il peut déléguer à´aulant
de Commissions ou de Mandataires amovibles
, les portions de Gouvernement qu'il
juge pouvoir exercer par tui même. Ainsi ,
le principe de l'indivisibilité de la Puissance
exécutive , auquel sont attaches la Constitution
Monarchique , l'empire inébranlable des
Lois , Pintérêt de la Liberté et la paix publiqué
, se trouve renversé.
Quant à l'office d'Accusateur public , on
nous a ramené à Athènes , à Sparte et à
Rome, pour nous démontrer la nécessité de
l'attribuer au Peuple. Tous ces exemples
néanmoins , confirment l'imprudence et le
danger de cette attribution , Quiconque a
la moindre connoissance de l'Histoire des
anciennes Républiques , sait que le Poavoir
( 213 )
et
judiciaire y étoit le fléau de l'innocence ,
qu'il s'exerçoit avec autant de partialité
que de barbarie . Par un sophisme de la
Demagogie , on confondit perpétuellement le
pouvoir du Peuple avec la Liberté : on rendit
lé Peuple Accusateur , et comme à Athènes ,
quelquefois Juge en même temps . Il en résulta
qu'aucun coupable accrédité auprès de
la multitude , ne fut puni , et que les plus
vertueux Citoyens succombèrent sous des
accusations infames. Tour à tour les Factions
se firent une guerre de dénonciations
et de jugemens populaires : ciles s'étudierent .
à se calomnier aupres du Peuple , à lui dieter.
des accusations , et à s'assurer de l'impunité.
L'Accusation publique entre les mains d'un
Monarque absolu est un moyen d'oppressien
de plus. Dans une Monarchie libre , où
le pouvoir du Pince est limité par ceux du
Corps Législatif et du Peuple , l'avantage de laisser à ses
Officiers
l'Accusation
publi- ,
que , avoit paru jusqu'ici l'emporter évidem
ment sur les inconvéniens. La sécurité des
Citoyens doit résulter de la confiance pu-!
blique en ce Ministère ; or , comment obtiendra
-t- il cette confiance , s'il n'est pas - sou
tenu par l'opinion de son impartialité et de
sa puissance , et par le respect qui s'attache
à une Autorité visible et supreme ? Nul Citoyen
, quelque opulent , quelque accrédité ,
qu'il soit , ne peut se flatter d'échapper aux
poursuites du Dépositaire, de toute la forces
publique , et de la Majesté Nationale : Sa
dignité éleve le Prince si fort au - dessus
des autres Citoyens , qu'aucun de leurs intérêts
, aucune de leurs passions , ne peut
déconcerter sa vigilance , ni modifier son
impartialité dans tous les points de l'Em-.
༔
( 214 )
pire , il présente une Autorité unique , partout
egalement sacrée , également puissane ,
également inébranlable ; et lorsqu'il accuse
c'est l'Ordre public , c'est la Société entière
qui accuse par sa bouche : acte solennel qui
en imprimant le respect , annonce la pui .
sance de la Loi , et détruit tout espoir d'inpunité.
Ces salutaires effets résulterônt - ils des
Accusations privées , ou de cette cohue d'Accusateurs
publics , nommés , non par la Nation
en Corps , mais par chaque petite division
de la Société ? Ne voit - on pas ici l'influence
des intérêts personnels , des passions .
des rivalités , des inimitiés privées , diriger
les dénonciations et les poursuites ? Où est,
l'innocent qui sera en sûreté contre un en
némi puissant ? Où est le Démagogue întrigant
, le Chef de Parti , le Corrupteur audacieux
, le Flatteur du Peuple , qui n'intimi ,
dera pas Accusateur ? Supposons deux ou
plusieurs Factions divisant l'Empire , les
Departemens , les Districts , les Municipalites
( supposition nécessaire , car tel sera
notre etaf habituel ) , le Ministere public
osera-t-il être impartial , là où il aura à redouter
les vengeances d'un Parti menaçant ?
L'institution des Grands-Jules ne préviendra
pas le mal ; car ce Tribunal participera
des mêmes craintes , et d'ailleurs , s'il est
appele à former legalement l'Accusation , '
dans une infinite de cas , et ce seront les
plus importans , le premier mouvement devra
lai venir de l'Arcisateur public.
T
-M. Breve de Beaujour, a rassemble les ar
gumens les plus spécieux contre l'opinion
contraire. Dans un Discours tråvaille , dont
on a ordonné l'impression , il s'est étudié à'
( 215 )
prouver, 1°. la comptabilité de la liberté
des Accusations avec la Monarchie : il est
remonté au Contrat social , au berceau de la
Société , aux Grecs et aux Romains , pour
démontrer que l'Accusation publique étoit
un droit primitif et indestructible du Citoyen ?
il en a exalte les avantages chez les Romains
; mais au roman de cette citation , il
suffit d'opposer le tableau qu'à présenté l'Ora
teur. des précautions extraordinaires et des
peines atroces , par lesquelles Rome cut
inutilement prévenir les Accusations calumnieuses.
Certes , une institution qui oblige
le Législateur à prendre de telles mesures
à prononcer la Loi du talion , à faire garder'
le Dénonciateur à vue , étoit une coutume'
bien dangereuse et bien méprisable . La sévérité
cruelle de ces Lois en atteste l'insuf.
fisance , et les vices affreux de l'Accusation
publique chez les Romains .
Tant qu'il y aura une Loi au- dessus du
Prince , a dit M. de Beaujour , la liberté d's
Accusations ne sera d'aucun danger pour l'innocence.
Voilà une belle phrase de rheto ”
rique , qui appartient au siècle de Louis XIV;
mais où sera la Loi au-dessus du Peuple et'
de ses Corrupteurs ? Et que m'importe de'
n'avoir rien à redouter du Prince , si centí
tyrans particuliers vont m'opprimer d'Accusations,
contrelesquelles la Loi ne'm'offre aucum
secours.ba :
11
L'Orateur a renversédans sa seconde partie ,
l'édifice qu'il avoit posé dans la première
en prononçant que nos moeurs étoient trop
mauvaises pour autoriser la belle Loi de la
liberté des Accusations...
Mais il est rentré dans ses opinions précedentes
, en déférant aux Délégués du Peuple ,
( 216 )
Fexercice de l'Accusation publique , qu'il
refusoit au Peuple même et au Roi. Ici , il
a invoqué l'autorité de M. Thouret en faveur
du principe , admirable suivant lui , et anarchique
suivant nous , que le Peuple ne doit pas
abandonner àson Représentant héréditaire , ce
qu'il peut confier d'exécution à des Représen
tans de son choix. Principe fecond en guerres
intestines , en bouleversemens populaires
en anéantissement de toute tranquillité et
de toute force publiques.
cuser ,
M. de Beaumetz a présenté un autre systême
; il a rendu aux Citoyens la faculté d'aset
ses deux motifs ont été tirés de
nos mours actuelles , qu'il a jugées très - dignes
de la Liberté , et de l'exemple des Anglois .
Peu de personnes , à ce que je pense , se
persuaderont que les moeurs d'un temps de
Révolutions et de discorde , et où nous avons
été jetés sans passage intermédiaire , sans .
préparations , soient favorables à la liberté des
Accusations . Quant à l'Autorité des Anglois ,
l'Opinant a confondu le droit de dénoncer
avec celui d'accuser.
Tout Citoyen en Angleterre peut et doit
dénoncer un crime ; mais excepté dans les
cas où il est Partie poursuivante , il n'usurpe
jamais l'Office d'Accusateur public , réservé
au Procureur Général , au Shériff , à d'autres
Officiers publics et au Grand Juré. 3. 4.
En concinant à donner ce droit à tout
Citoyen actif , M. de Beaumetz néanmoins
prévoyant le cas où les Particuliers ne denonceroient
pas les délits , en chargeoit alors
un Commissaire du Roi , aupres de chaque
Tribunal de District.
M. de St. Fargeau a ensuite délayé les opinions
( 217 )
nions de M. de Beaujour , et a conclu comme
lui. Un troisième systéme est sorti de la
Tribune , d'où M. Barrère de Vieusac a sérieusement
proposé d'etablir des Censeurs.
publics nommés par le Peuple dans chaque
District , et de les investir du droit de provoquer
la poursuite. Il a appelé l'exercice
de ce Ministère gratuit , le despotisme de la
vertu , et conclu qu'il ne manquoit pas autre
chose à la plus belle Constitution de l'Univers.
M. Brillat- Savarin est descendu de cette
sublimité , vers la question même , et s'est
contenté d'être sensé.
"
Lorsque l'ordre social est troublé , a- t - il
dit , le Pouvoir exécutif, qui est chargé de
maintenir , de protéger cet ordre , a le droit
d'en poursuivre les perturbateurs , puisque
cette poursuite n'est autre chose que l'exécution
de la Loi. Pour fonder l'accusation
individuelle, on cite les Grecs et les Romains ;
mais on a oublié de vous dire qu'Aristide et
Scipion en furent les victimes . On assure que
la Nation a un grand intérêt à ne pas se.
dessaisir de ce droit ; mais on en pourroit
dire autant de toutes les parties du Gouver -s
nement déléguées au Roi , L'accusation publique
confiée au Procureur du Roi , mais
tempérée par les Jurés , est sans aucun danger
; on exagère tous les inconvéniens , on
multiplie les difficultés . Songez que l'inconvénient
le plus à craindre , est celui de placer
dans votre Constitution un Pouvoir executif.
qui n'aura rien à exécuter , et aussi impuissant
pour s'opposer au mal que pour coopérer au
bien.
La discussion a été ajournée au lendemain.
Avant qu'elle commençât , on avoit dénoncé
deux faits à l'Assemblée . L'insurrection du
N°. 34. 21 Août 1790. K
( 218 )
1
Clermontois a été occasionnée par de fausses
alarmes sur l'entrée des Troupes Autrichiennes
dans le Royaume . 30 mille Gardes
Nationales se sont rassemblées près de Stenai ,
où l'on a arrêté un Officier des Chasseurs
de Flandres , porteur de 23 exemplaires
d'un Libelle où l'on exhorte les Soldats à
déposer leurs Officiers .
L'autre fait a été communiqué par M. de
Montmorin. La Municipalité de St. Aubin
en Lorraine a arrêté un Courrier porteur d'un
paquet adressé à M. d'Ogny : il contenoit plusieurs
dépêches venant de Vienne , dont trois
en chiffres , l'une à M. de Montmorin , l'autre
à M. le Comte de Florida- Blanca , Ministre
du Roi d'Espagne , et la troisième à l'Ambassadeur
de ce Prince à Paris. M. de Montmorin
a réclamé contre cet attentat au secret›
de la poste et au Droit des Gens . M. l'Abbé
Maury a demandé que la Municipalité assez
hardie pour se permettre une semblable violation
de la foi publique. fût déposée ; mais
l'on s'est borné à ordonner au Comité des
Recherches de faire demain le rapport de
cet incident.
DU MARDI 10 AOUT.
Chaque jour , nous l'avons dit , apporte
quelque nouvelle preuve d'anarchie. M.
l'Abbé Gouttes a fait le Rapport d'une insurrection
recente à Schélestadt. On a sonné
le tocsin , battu la générale , forcé , dit - on ,
l'Arsenal. Le Commissaire du Roi a élé
obligé de fuir et de se retirer à Strasbourg-
Des potences ont été dressées autour d'une
table , sur laquelle le Maire faisoit signer
une espèce de Capitulation . Differentes Factions
déchirent cette Ville comme tant d'au(
219 )
tres , et les mêmes désordres menacent Haguenau
, Saverne , la moitié de l'Alsace.
Tant de Décrets rendus sont absolument
impuissans ; le Peuple ne redoute plus la
Puissance exécutive , réduite à l'impuissance ,
et qu'on l'a instruit à mépriser. Nonobstant
la gravité des faits , on a ajourné à Jeudi
soir le compte que doit en rendre le Comité
des Rapports.
De nouveaux emprunts , de nouvelles impositious
, sollicités par différentes Municipalités
, ont été décrétés sur l'avis du Comité
des Finances .
L'ordre du jour a amené un Rapport du
Comité de la Marine , au nom duquel M.
Malouet a fait passer un Décret , entièrement
calqué sur celui rendu il y a huit
jours , pour rétablir la subordination dans
l'Armée de terre .
"
'
Votre Comité des Recherches , a dit ensuite
M. de Sillery , a examiné les plaintes qui
vous ont été portées par M. de Montmorin
au sujet de la saisie et de l'ouverture d'un
paquet de Dépêches par la Municipalité de
Saint- Aubin . Tout le pays étoit en alarmes.
La Municipalité a cru devoir se servir des
précautions employées par la France entière
dans les premiers temps de la Révolution ,
celle d'arrêter tous les Voyageurs sans passeports
. Le Courrier extraordinaire venant ,
sans passe - port , de Strasbourg , lui a paru
suspect ; elle a ouvert l'enveloppe du paquet
adressé à M. d'Ogny; étonnée d'y trouver
des Dépêches Ministérielles , elle en fit l'ouverture
; elle comptoit par - là sauver son
Pays , que des Emissaires avoient
nacé d'une invasion . Quelle fut sa surprise
et sa frayeur , quand elle vit une écriture en
me-
Kij
( 220 )
chiffres ? Ces caractères se présentèrent à ses
yeux comme des caractères de sang ; elle y
lut l'arrivée des ennemis . Le Comité néanmoins
, a pensé que vous deviez improuver
la conduite de la Municipalité , par un
Décret dont j'apporte le projet. »
« S'il étoit permis à chaque Municipalité,
a dit M. Malouet , de juger des cas où les
Lois ne doivent pas être respectées , ces
Lois seroient bientôt toutes subverties. La
Municipalité de Saint - Aubin a violé les Lois
les plus respectables , le secret des Lettres ,
la foi publique , le droit des gens. Vous devez
à l'ordre public un exemple de sévérité ;
vous en avez donné dans bien d'autres circonstances
moins importantes , où vous n'aviez
pas même la certitude des delits. Je
demande que la Municipalité soit mandée
à la Barre , et suspendue de ses fonctions.
" Peut- on douter , s'est écrié M. Gossin ,
que les inquiétudes de la Municipalité ne
fussent fondées ? Des Ecrits incendiaires
avoient été répandus dans toute l'Alsace ;
30,000 Gardes Nationales s'étoient rendues
dans l'espace de 24 heures , à Stenai , pour
combattre l'Armée Autrichienne.
Ces allégations pouvoient tout au plus
servir d'excuses à l'arrestation du Courrier.
En observant qu'ils n'avoient pu autoriser
la Municipalité à ouvrir le paquet , bien
moins encore à décacheter les Dépêches ,
M. Martineau a proposé que le Décret commençât
par l'exposition du principe de l'inviolabilité
des Lettres , et à fait adopter la
rédaction suivante :
" L'Assemblée Nationale , après avoir enendu
le Rapport de son Comité des Recherhes
, décrète qu'elle improuve la conduite.
( 221 )
de la Municipalité de Saint- Aubin , pour
avoir ouvert un paquet adressé à M. d'Ogny,
Intendant - général des Postes , et plus encore
, pour avoir ouvert ceux adressés au
Ministre des Affaires Etrangères , et aux
Ministres de la Cour de Madrid. Elle charge
son Président de se retirer pardevers le Roi ,
pour le prier de donner les ordres nécessaires
afin que le Courrier , porteur de ces
paquets , soit mis en liberté , et pour que le
Ministre du Roi soit chargé de témoigner à
M. l'Ambassadeur d'Espagne , les regrets
de l'Assemblée de l'ouverture de ses paquets.
>>
En reprenant aujourd'hui la discussion
sur l'Accusation publique , M. Prugnon l'a
considerée comme une fonction essentielle
du Ministère public. Les Officiers de ce
Ministère doivent être institués au nom de
la Société entiere , par son Chef Suprême ;
consacrés inamovibles , doués d'une grande
énergie , d'un caractere imposant , d'un courage
élevé au- dessus de toutes les considérations
particulieres . Quel caractère auroit
cet Accusateur public qui ne seroit pas sûr
du lendemain ? Supposez - le dans le cas d'avoir
à accuser un homme puissant , qui ait
une grande influence sur les suffrages du
canton ; fouillez le coeur humain , et voyez
s'il accusera ...... Sous prétexte d'obéir à
l'opinion publique , il cédera à tous les mouvemens
populaires . L'accusation d'un crime
particulier doit évidemment être réservée à
l'individu personnellement lésé ; celle d'un
crime qui n'interesseroit que le District
doit évidemment appartenir à un Officier
nonimé par le District ; mais les crimes publics
intéressent la Société entière ; ce n'est
Kiy
( 222 )
donc qu'au Représentant de la Société entière
à le choisir .
M. Loys a défendu les mêmes principes ;
mais nul ne l'a fait avec plus d'avantage et
de talent que M. Chabroud. Il a d'abord
démontré l'absurdité du systême monstrueux
du Comité ; il lui a reproché de subvertir
lui- même le Décret qui a constitué les Officiers
du Ministère public et leurs fonctions.
Passant ensuite aux principaux points de la
question : « Je ne pense pas , a - t- il dit , que
l'Accusation publique doive être exclusivement
abandonnée à chaque Citoyen ; ils s'en
reposeroient les uns sur les autres , et l'Accusation
ne seroit pas faite . Je ne crois pas davantage
que l'Accusateur public doive être
nommé par les Citoyens . Le Peuple ne peut
accuser lui - même , car il vengeroit ainsi luimême
son injure , et l'Accusation publique
deviendroit entre ses mains l'exercice de la
force. Le Juge ne seroit plus libre dans sen
opinion , ni ne pourroit résister à la volonté
du Peuple accusateur ; celui - ci seroit donc
alors réellement Juge et Partie. Il faut donc
que cette fonction d'accuser soit déléguée.
Elle ne peut être qu'à une puissante et
nouvelle Magistrature , que vous investirez
de l'autorite nécessaire ; ou à cette grande
Magistrature du Ministère public déja existante
, déja consacrée par les habitudes et
le respect des Peuples . Hors de cette alternative
, je ne vois que foiblesse , qu'insuffisance
de moyens , qu'impunité de délits
commis par le Peuple contre l'ordre public .
La Constitution a déja consacré cette Magistrature
: pouvons-nous penser à lui donner
une rivale , et à dénaturer ainsi le Gouvernement
Monarchique? L'Officiernommé dans
(.223 )
un District ne seroit - il pas le jouet du Peuple
qui l'auroit élu , l'instrument plutôt que le
vengeur des injustices populaires , et àbandonné
contre la multitude à son propre courage
?... Chaque portion du Peuple doit
être soumise , comme les individus , aux Lois
générales du Royaume. Connoîtra - t - on le
frein de la Loi , quand les rênes seront tenues
par l'homme impuissant que le Peuple
pourra faire et défaire ?
Ces objections terribles , et puisées dans
une connoissance très -juste du caractere de
l'homme , s'appliquoient avec la même
force au systême adopté pour la nomination
des Juges . Aussi le côté gauche a paru mécontent
de leur développement ; aussi M.
Duport leur a-t - il opposé les principes de
cette Loi même , qui a abandonné au Peuple
le choix et la réélection des Juges.
"C
Il est absolument faux , a- t- il dit , que ,
de ce que le Roi est chargé de faire exécuter
la Loi , il s'ensuive que le droit d'Accusation
publique doive lui être délégué ; car on pourroit
conclure du même principe que tous les
actes de la Justice devroient être exercés
par ses Officiers , même la prononciation
du Jugement. Quel fléau qu'un Accusateur
public , qui croiroit de son devoir d'être
l'instrument passif du Pouvoir qui l'auroit
nommé ! ... Je propose qu'en ôtant au Commissaire
du Roi le pouvoir d'accuser , on
charge les Comités de Constitution et de
Jurisprudence , de présenter les formes de -
l'Accusation publique. "
M. l'Abbé Maury a développé à peu près
les mêmes principes que M. Chabroud ; mais
sans être écouté avec la même attention .
Quand le Peuple accuse par lui -même ,
Kiv
( 224 )
a - t - il dit , il se fait justice lui - même , et
exerce la violence ; quand il accuse par l'organe
d'un Représentant , il devient Juge :
quand c'est son Representant qui accuse , il
épouse sa cause , son opinion , et se livre à
des préventions qu il est impossible de réprimer.
L'Accusation injuste devient alors
le crime de la Nation entière . Les plus
grands hommes de l'Antiquité ont été les
victimes de cette influence d'un Accusateur
sur l'esprit des Peuples . Les Annales des
Peuples modernes sont également souillées
de ces exemples , et la mort de Barneveld
fera à jamais l'opprobie des Hollandois de
son temps. "
"
Pourquoi se défier toujours du Roi et
d'une partie de la Nation ? Pourquoi , pour
des craintes chimériques , s'exposer au dan
ger de rendre le Roi étranger à la Constitution
? Le célebre Hume a sagement observé
qu'une defiance outrée du Pouvoir exécutif
est la source des calamités d'un Etat libre ,
et qu'elle le conduit de l'anarchie à la tyrannie.
Je pense que les Officiers du Ministere
public seront Citoyens , que s'ils ne
l'étoient pas , la surveillance de la Nation ,
celle des Juges du Tribunal suffiroient pour
empêcher tout abus. Si le Procureur du Roi
néglige de requérir , le Tribunel lui nommera
un Substitut d'office ; si sa réquisition
est injuste , le Tribunal ne l'écoutera pas .
Lorsque vous avez des Juges populaires et
des Jurés , qui prononceront s'il y a lieu à
P'Accusation , quel danger pouvez - vous redouter?
Dans le Projet du Comité , les Juges
étant Accusateurs , le Peuple ne verroit
dans ses Magistrats que des ennemis ; les
540 Tribunaux seroient autant de Comités
( 225 )
des Recherches ; et c'est à un Peuple libre ,
qu'on ose les proposer !
גנ
Le Rapporteur du Comité , M. Thouret ,
a pris les fonctions d'Avocat - Général , pour
résumer la discussion , et la présenter , le dernier
, sous l'aspect le plus favorable à sa
propre opinion. Ce Plaidoyer n'a été qu'une
déclamation populaire contre le pouvoir
exécutif; déclamation où il étoit impossible
de reconnoître M. Thouret des mois d'Août
et de Septembre 1789 , M. Thouret dont en
moins d'un an , les opinions ont passé presque
d'un pôle à l'autre . « Sans être Accusateurs
, a-t-il prétendu , les Commissaires du
Roi auront assez de fonctions à remplir ; il
leur restera celles , 1º. d'être les Régulateurs
de tous les actes de la Justice ; 2 ° . de maintenir
l'exécution des Lois , de prévenir les
erreurs judiciaires , qui multiplieroient les
appels , d'exécuter les Jugemens , de surveiller
la discipline des Tribunaux , et la
régularité de leur service . L'Accusation publique
est au contraire une fonction vraiment
populaire , que le Peuple peut exercer
par des Représentans électifs ; ne seroit- ce
pas un cercle vicieux , que de la déléguer au
Roi , pour qu'il la subdéléguât aux protégés
des Ministres. Le Pouvoir exécutif ne doit
agir que pour prêter la force publique au
Juge contre tel ou tel individu ; mais ce
n'est pas à lui à désigner cet individu , par
cela même qu'il est revêtu de la force publique
; il ne doit pas plus atteindre le Citoyen
par l'Accusation que par le Jugement ,
ni chercher s'il est coupable , plutôt que de
le juger tel . »
Ces subtilités , appuyées de tous les lieux
communs contre l'Autorité exécutive , ayant
Ky
( 226 )*
"
excité de grands murmures , « Je m'aperçois
, a continué M. Thouret , que l'opposi
tion des Préopinans vient de leur zèle pour
la prérogative Royale ; je suis persuadé que
les mêmes personnes voudront aussi mettre
à la disposition du Pouvoir exécutif la Chambre
de Cassation , pour le rendre ainsi Juge
et Partie.
K
"} I
Le Juge et le Juré ne garantissent que,
la bonté des Jugemens ; ils ne peuvent empêcher
les vexations , les désagrémens , qu'un
Accusataur public peut faire éprouver à un
Citoyen , avant l'intervention des Jurés . Des
que le Pouvoir ministériel peut attaquer le
Citoyen dans ses foyers , il n'y a plus de
sécurité domestique , il n'y a plus de véritable
liberté. L'Accusation Ministérielle est,
après les Lettres - de - cachet , le plus sûr instrument
du Despotisme. Je ne vois au- dessus
que la décapitation sans Procès . ".
M. Thouret a fini par adopter et proposer
Ja Motion de M. Duport : que l'Accusation
publique ne pourra être exercée par les Commissaires
du Roi , et que les Comités de Constitution
et de Jurisprudence Criminelle réunis
présenteront incessamment le mode dont elle
sera exercée.
La première épreuve de délibération a
été douteuse ; à la seconde , le Président a
prononcé la Majorité en faveur de la rédaction
précédente : on a réclamé l'appel nominal
: le trouble et les cris sont survenus ;
enfin , le Décret de M. Duport a été résolu .
DU MARDI. SÉANCE Du soir.
A la suite de quelques Adresses , on a fait
lecture d'une Lettre de M. Lambert, Contróleur-
Général des Finances , qui instruit
( 227 )
l'Assemblée de nouvelles insurrections , à
main armée , contre la perception des taxes
publiques . Les Municipalités d'Argenteuil
et de Poissy sont accusées de conniver en ce
moment aurefus de payer les impôts directs.
On a renvoyé cette information au Comité
des Finances , qui à chaque cas de cette
nature , est obligé de faire prononcer un
Décret particulier. Hier , on en vit un nouvel
exemple ; l'Assemblée fut obligée de rappeler
comminatoirement ses Lois aux Habitans
de Noyon , qui persistent à ne payer ni
les Aides , ni les entrées .
Une Députation du Régiment de Languedoc
a paru à la Barre , pour se plaindre des
motifs injurieux d'après lesquels on avoit
ordonné le déplacement de ce Régiment.
en garnison à Montauban. L'Officier qui
portoit la parole , s'est exprimé avec une noble
fierté , et sans s'écarter un moment de la
mesure , il a su allier le respect dû à l'Assemblée
, à la fermeté que donne le sentiment
d'une réclamation juste . Des applaudissemens
presque unanimes ayant suivi ce
discours , MM. de Foucault et de Cazalès
en ont demandé l'impression . Aussitôt , l'opposition
a éclaté , et a réclamé l'ordre du jour.
Le Comité des Recherches de Paris étoit à
la Barre , et sa présence , dont on savoit
l'objet , augmentoit l'échauffement. M. de
Foucault et beaucoup d'autres ont insisté,
sur leur Motion ; le côté gauche l'a repoussee
par un chorus de clameurs. Quelques
Membres ont voulu parler ; des hurlemens
effroyables ont rempli la Salle et percé jusqu'au
milieu des Tuileries. Le côté droit est
rentré dans le silence , sa Motion dans l'oubli ,
et la Salle dans le calme.
J
K vj
( 228 )
On imprime tous les jours que ces tumultes
caractérisent la liberté ; qu'il n'y a rien de
si républicain que d'arracher la parole à
force de cris , et de rendre ainsi muette la
moitié de l'Assemblée. On imprime que les
intérêts Nationaux doivent être ainsi agités ,
non dans la balance de la réflexion , mais
dans les épanchemens de la colère , et que
pour assurer aux Lois le caractère de la
raison , il faut les rendre au milieu des scandales
de l'esprit de parti . C'est puissamment
raisonner. Il a paru étrange néanmoins qu'on
refusat l'impression d'un Discours rempli des
- sentimens les plus recommandables , tandis
qu'on avoit accordé cet honneur à la harangue
des Députés d'un Régiment , sorti de
toutes les règles de la discipline.
L'Orateur du Comité des Recherches a
ensuite exposé sa profession de foi sur les
erimes des 5 et 6 Octobre , et il résulte de .
sa harangue que bientôt le seul coupable à
poursuivre sera le Châtelet. Un Parti a prodigué
des transports d'approbation aux inculpations
lancées contre ce Tribunal , que
l'Assemblée elle - même a investi du Ministère
le plus imposant , et dont le véritable
crime est de ne pas envoyer à la potence
tous les Accusés qu'on lui dénonce.
"
Quelques mois après la dénonciation
du Comité des Recherches , a dit le Harangueur
, il nous a sollicité de lui dénoncer une
série de faits additionnels , quoique ces faits
nous parussent plutôt dignes d'éloges que
d'une poursuite eriminelle. Bientôt le bruit
se répandit que le Châtelet étoit un instrument
de parti , qu'il faisoit le Procès à la
Révolution et au Peuple de Paris. La Majorité
des Districts s'élevoit contre lui. Nous dé(
229 )
clarons, que nous n'avons jamais dénoncé ,
ni entendu dénoncer au Châ elet d'autres
faits que ceux qui se sont passés la matinée
du 6 Octobre dans le Château de Versailles .
Nous n'avons plus aucune pièce qui y soit
relative. Il ne nous reste que des déclarations
indifférentes , et que nous aurions délivrées
au Châtelet s'il les avoit spécifiées . "
Ce discours méritoit sans doute plus d'une
observation . M. l'Abbé Maury s'est présenté
à la Tribune ; il y a été accueilli par un
tumulte effrayant.
"
Je me suis déja exprimé , a - t - il dit , surles
malheureux évènemens du 5 et du 6 Octobre
avec une modération qui doit m'inspirer'
quelque confiance. Il n'appartient nià mon caractère
de Ministre de la Religion . A cesmots ,
des éclats de rire et des huées partent du
côté gauche. L'Orateur indigné quitte la
Tribune et avec lui tout le côté droit
menace de quitter la Salle. 300 voix réelament
à la fois contre cet attentat au caractère
d'un Représentant de la Nation , et
au respect de l'Assemblée . Les Spectateurs
joignent leurs huées à celles des Membres
de la gauche , et le scandale est porté au
comble. Après avoir employé ses efforts à
ramener l'ordre , le Président prie M. l'Abbé
Maury de reprendre la parole ; mais cet
Orateur refuse d'exposer la liberté d'opiner
à de nouveaux affronts .
«
Ce n'est ni par orgueil , ni par humeur ,
dit- il énergiquement , que je refuse de remonter
à la Tribune ; le caractère d'un Représentant
de la Nation est si respectable ,
que je ne veux plus le compromettre dans
cette Assemblée . Les principes que j'expose
sont compromis par la malveillance conti(
235 )
nuelle que l'on me témoigne , et les Personnes
sont sacrifiées à cause du zèle même
que je mets à les défendre . Si cette malveillance
vient de l'Assemblée , je dois me
taire ; si c'est des Spectateurs , je ne dois
pas parler devant eux , sur lesquels l'Assemblée
n'a pas assez d'empire pour les retenir
dans le respect. »
Après une heure de désordre , a été introduite
une Députation de soi- disant Représentans
de la Commune de Paris . Elle a
retracé les pertes qu'essuyoit la Capitale
depuis la Révolution , la misère de ses habitans
etc.; et a demandé que l'Assemblée
diminuât momentanément la masse excessive
des Octrois.
"
Cette pétition troublée par de fréquens
murmures , a réveillé la colère de M. Camus.
A ses yeux , toutes les plaintes sont
criminelles , et quiconque réclame , est un
mauvais Citoyen , qui cherche à égarer le
Peuple. Paris , a - t -il dit , ne paie pas plus
que les Provinces. Le Trésor public paie
" sa Garde Nationale ; il est déchargé de la
« Gabelle : on cherche à capter les suffrages
« au moment des Elections . Paris sera la plus
" florissante Cité de l'Univers . 11 possédera
« le Roi et l'Assemblée : les Etrangers arriveront
en foule pour admirer la sagesse
de vos Décrets . La Petition a été écartee
par l'Ordre du jour.
И 33
DU MERCREDI 11 AOUT.
On sait que depuis le moment de sa création
le Comité des Recherches est demeuré
ehargé de surveiller la circulation intérieure
des grains , et d'en empêcher l'exportation .
L'activité de son intervention frappoit de
( 231 )
disette le Duché de Bouillon , accoutumé
à s'approvisionner sur le Marché de Sedan.
Les réclamations réitérées de ce Duché ont
été accueillies par un Décret , qui autorise le
Département des Ardennes à lui fournir les
bleds nécessaires à son approvisionnement.
Le même Comité a fait ensuite , par l'or-,
gane de M. Rousselet , le rapport de l'arres
tation , à Stenai , de M. de Meslay , Capitaine
au Régiment de Flandres. Depuis le bruit
absurde des Projets combinés des Puissances
voisines , tous les Départemens des frontières
sont sur pied. Les Gardes Nationales battent
la campagne ; malheur au Voyageur impru
dent qui se présente sans passeport ; il est
devalisé , au nom de la Liberté , et appréhendé
au Corps par le premier Chef de patrouille
, qui le prétend muni d'un projet
de contre - Révolution. Des plaintes multipliées
arrivent journellement contre ce nouveau
genre de vexations. Le cas rapporté aujourd'hui
avoit du moins un objet. Le 5 Août ,
M. de Meslay a été arrêté dans le Département
de la Meuse , accompagné d'un Chasseur
de son Régiment .L'on a ouvert son portemanteau
, et fait la visite de tous ses Papiers,
parmi lesquels se sont trouvés 23 Exemplaires
d'une lettre supposée de M. Alexandre
de Lameth à l'Armée. Ce Libelle est connu;
il a couru Paris : on l'a déja dénoncé . Le Rapporteur
l'a presenté comme tendant à toulever
les Troupes ; mais il paroit avoir claiment
le but opposé. En citant , faussement
ou non , de prétendus moyens employés à
égarer et à corrompre les Régimens , il sem
ble plutôt les prémunir de ces séductions .
...Une correspondance fietive , dans laquelle
un Chef de conspiration témoigne manifes(
232 )
tement le dessein de détruire l'Armée , pour
parvenir plus surement à l'exécution de ses
projets ; peut- elle en effet avoir été publiée
dans un autre but , que dans celui de faire
connoître aux Troupes , l'illusion des promesses
répandues dans l'Armée ? Mais des
personnes sont désignées ; un Membre de
P'Assemblée Nationale est supposé l'auteur de
de la lettre. Ici commence la calomnie , elle
est digne de punition .
M. de Meslay est détenu à Stenai ; à l'interrogatoire
, il a affirmé n'avoir acheté ces
exemplaires que par commisération pour le
Libraire , et n'en avoir distribué aucun . Le
Rapporteur a conclu à faire instruire le
Procès du Prisonnier , et relâcher le Chasseur
qui l'accompagnoit.
MM. de Noailles , Alexandre de Lameth
se sont lavés de l'imputation calomnieuse
qui leur a été faite , et l'on a décrété de prier
le Roi de faire instruire le Procès de M. de
Meslay par les Officiers du Bailliage de
Sedan , où il sera transféré , et de faire
élargir le sieur le Blanc arrêté avec lui.
Revenant à l'Organisation judiciaire , M.
Thouret , a fait rendre les Décrets suivans.
15 Art. It . Les Officiers du Ministère public
sont Agens du Ponvoir executif auprès
des Tribunaux : leurs fonctions consistent à
faire observer , dans les jugemens à rendre ,
les lois qui intéressent l'ordre général , et à
faire exécuter les jugemens rendus. Ils porteront
le nom de Commissaires du Roi.
>>
II Au civil , les actions précédemment
confices aux Procureurs du Roi , cu n'existant
plus , ou étant attribuées aux Corps
administratifs ou Municipaux , les Commis(
233 )
saires du Roi exerceront leur ministère , nom
par voie d'action , mais seulement par celle
de réquisition dans les Procès , dont les Juges
auront été saisis .
" III. Ils seront entendus dans toutes les
causes des mineurs , des pupilles , des interdits
, des femmes mariées , et dans celles
où les propriétés et droits , soit de la Nat'on
, soit d'une Commune , seront intéressés .
Ils sont chargés en outre de veiller pour les
absens indéfendus . »
" IV. Les Commissaires du Roi ne seront
point accusateurs publics ; mais ils seront
entendus sur toutes les accusations intentées
et poursuivies suivant le mode que l'Assemblee
Nationale se réserve de déterminer. Ils
réquerront pendant le cours de l'instruction ,
pour la régularité des formes , et avant le
jugement , pour l'application de la loi. »
V. Les Commissaires du Roi , chargés
de tenir la main à l'exécution des jugemens
poursuivront d'office cette exécution dans
toutes les dispositions qui intéresseront l'ordre
public , et en ce qui concernera les particuliers
, ils pourront , sur la demande qui
leur en sera faite , soit enjoindre aux Huissiers
de prêter leur ministère , soit ordonner
les ouvertures de portes , soit requérir mainforte
, lorsqu'elle sera nécessaire. "
VI. Le Commissaire du Roi en chaque
District veillera au maintien de la discipline
dans le Tribunal , suivant le mode que l'Assemblée
déterminera.
" VII . Aucun des Commissaires du Roi
ne pourra être Membre des Corps administratifs
, ni des Directoires , ni des Corps Municipaux.
ג נ
( 234 )
Article additionnel au Décret sur les Tribunaux
de Famille.
" XIV . L'arrêté de la Famille ne pourra
être exécuté qu'après avoir été présenté au
Président du Tribunal de District , qui en
ordonnera ou refusera l'exécution , ou en tempérera
les dispositions , après avoir entendu
I'Officier du Ministère public chargé de vérifier
, sans forme de procès , les motifs qui
auront déterminé la Famille.
"
20
Des Juges en matière de Commerce.
ART . I. Il sera établi un Tribunal de
Commerce dans les Villes où l'Administration
de Département jugeant cet établissement
nécessaire , en formera la demande . »
« II . Ce Tribunal connoîtra de toutes les
affaires de Commerce , tant de terre que
de mer , sans distinction . »
« III . Il sera fait un Règlement particulier
pour déterminer d'une manière précise l'étendue
et les limites de la compétence des
Juges de Commerce . »
" IV. Ces Juges prononceront en dernier
ressort sur toutes les demandes dont l'objet
n'excèdera pas la valeur de mille liv . : tous
leurs Jugemens seront exécutoires par provision
, en donnant caution , nonobstant l'appel
, à quelque somme ou valeur que les condamnations
puissent monter. »
" V. La contrainte par corps continuera
d'avoir lieu pour l'exécution de tous leurs
Jugemens. S'il survient des contestations sur
la validité des emprisonnemens , elles seront
portées devant eux , et les Jugemens qu'ils
rendront sur cet objet seront de même executés
par provision , en donnant caution ,
nonobstant l'appel . »
( 235 ) 1
" VI. Les Juges de Commerce , établi dans
une des villes d'un District , connoîtront des
affaires de Commerce dans toute l'étendue
du District. "
" VII. Chaque Tribunal de Commerce sera
compose de cinq Juges. Ils ne pourront rendre
aucun Jugement , s'ils ne sont au nombre
de trois au moins . "
" VIII. Les Juges de Commerce seront
élus dans l'Assemblée des Négocians , Banquiers
, Marchands , Manufacturiers , Armateurs
et Capitaines de Navire de la ville où
le Tribunal sera établi . »
" IX . Cette Assemblée sera convoquée huit
jours en avant , par affiches et à cri public '
la première fois par les Juges- Consuls actuellement
en exercice , dans les lieux où il
y en a d'établis , et par les Officiers Municipaux
, dans ceux où il se fera un établissement
nouveau . » –
"
X. Nul ne pourra être élu Juge d'un
Tribunal de Commerce , s'il n'a résidé et
fait Commerce au moins depuis cinq ans dans
la ville où le Tribunal sera établi et s'il n'a
trente ans accomplis. Il faudra être âgé de
trente- cinq ; et avoir fait le Commerce depuis
dix ans pour être Président .
"
" XI. L'élection sera faite au scrutin individuel
et à la pluralité absolue des suffrages
; et lorsqu'il s'agira d'élire un Président
, l'objet spécial de cette Election sera
annoncé avant d'aller au scrutin . »
« XII. Les Juges du Tribunal de Commerce
seront deux ans en exercice ; le Président
sera renouvelé par une Election particuliere
tous les deux ans ; les autres Juges
le seront tous les ans par moitié . La première
fois , les deux Juges qui auront eu
( 236 )
le moins de voix , sortiront de fonctions , à
l'expiration de la première année ; les autres
sortiront ensuite à tour d'ancienneté .
"
>>
XIII. Dans les Districts où il n'y aura
pas de Juges de Commerce , les Juges du
District connoîtront de toutes les matières
de Commerce , et les jugeront dans la même
forme que les Juges de Commerce. Leurs
Jugemens seront de même sans appel , jusqu'à
la somme de 1000 livres , exécutoires
nonobstant l'appel , en donnant caution audessus
de 1000 livres , et produisant dans
tous les cas la contrainte par corps .
((
"}
XIV. L'appel des Juridictions consulaires
se fera dans les mêmes Tribunaux que
pour les autres matières , et sera soumis aux
mêmes formes .
"(
"
DesJuges en matière de Police.
Art. Ier . Les Corps Municipaux veilleront
et tiendront la main , dans l'étendue de
chaque Municipalité , à l'exécution des Lois
et des Règlemens de Police , et connoîtront
du contentieux auquel cette exécution pourra
donner lieu .
- " II. Le Procureur de la Commune poursuivra
d'office les contraventions aux Lois
et aux Règlemens de Police ; et cependant
chaque Citoyen qui en ressentira un tort ou
un danger personnel , pourra intenter l'action
en son nom . 30
III. Les objets de Police confiés à la
vigilance et à l'autorité des Corps Municipaux
, sont :
"D
« 1 °. Tout ce qui intéresse la sureté et la
commodité du passage dans les rues , quais ,
places et voies publiques ; ce qui comprend
le nétoiement , l'illumination , l'enlèvement
( 237 )
des encombremens , la démolition ou la réparation
des bâtimens menaçant ruine , l'interdiction
de rien exposer aux fenêtres ou
autres parties des bâtimens , qui puisse nuire
par sa chute , et celle de rien jeter qui puisse
blesser ou endommager les passans , ou
causer des exhalaisons nuisibles. "
" 2°. Le soin de réprimer et de punir les
delits contre la tranquillité publique , tels
que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement
dans les rues , le tumulte excité
dans les lieux d'assemblées publiques , les
bruits et attroupemens nocturnes qui troublent
le repos des Citoyens. »
« 3°. Le maintien du bon ordre dans les
endroits où il se fait de grands rassemblemens
d'hommes , tels que les foires , marchés
, réjouissances et cérémonies publiques ;
églises , spectacles , jeux , cafés et autres
lieux publics.
"
>>
4°. L'inspection sur la fidélité du débit
des denrées de première nécessité , qui se
vendent au poids , à l'aune ou à la mesure ,
et sur la salubrité des comestibles exposés
en vente publique.
>>"
2
5°. Le soin de prévenir par des précautions
convenables , et celui de faire cesser
par la distribution des secours nécessaires
les accidens et fléaux calamiteux , tels que
les incendies , les épidémies , les épizooties ,
en provoquant , dans ces deux derniers cas ,
l'autorité des Administrateurs de Département
et de District . "
6°. Le soin d'obvier ou de remédier aux
événemens fâcheux qui pourroient être occasionnés
par les insensés ou les furieux laissés
en liberté , et par la divagation des animaux
malfaisans ou féroces. "
( 238 )
IV. Les Spectacles publics ne pourront
étre permis et autorisés que par les Officiers
Municipaux . Ceux des Entrepreneurs et Directeurs
actuels qui ont obtenu des autorisations
, soit des Gouverneurs des anciennes
Provinces , soit de toute autre manière , se
pourvoiront devant les Officiers Municipaux ,
quiconfirmeront leurjouissance pour le temps
qui reste à courir , à charge d'une redevance
en faveur des pauvres.
»
" V. Les contraventions au fait de la Police
ne pourront être punies que de l'une
de ces deux peines , ou de la condamnation
à une amende pécuniaire , ou de l'emprisonnement
, par forme de correction , pour un
temps qui ne pourra excéder huit jours pour
les villes , et trois jours pour les campagnes ,
dans les cas les plus graves.
*
"
VI. Tous les Jugemens en matière de
Police seront exécutés par provision , nonobstant
l'appel , et sans y préjudicier. L'appel
en sera porté aux Tribunaux de District . »
" VII . Les Officiers Municipaux sont spécialement
chargés de dissiper les attroupemens
et émeutes populaires , conformément
aux dispositions de la Loi Martiale , et responsables
de leur négligence dans cette partie
de leur service.
"
DU MERCREDI , SÉANCE DU SOIR.
On a vu , il y a quelques semaines , la
Municipalité de Toulouse , priver de sa
liberté , et poursuivre M. de Lautrec sur la
délation de deux Scélérats , dont le seul dire
eût suffi à des Juges de Village pour réprouver
cette imposture.
M. Varin a rapporté l'affaire ; l'Assemblée
a solennellement décrété qu'il n'y
( 239 )
avoit lieu à aucune accusation contre M. de
Lautrec , et que le rapport qui le justifie seroit
imprimé.
Par un
1
nouveau Décret , rendu sur une
sentence civile du Bailliage de Caux , contre
la Municipalité de Saint- Maclou , l'Assemblée
a de nouveau soustrait les Munipalités
à la juridiction des Tribunaux.
M. Chassey a fait adopter de nouveaux
articles sur le paiement du Clergé . Nous
transcrirons par la suite , cette foule de Décrets
qui forme un Code aussi gros que les
Instituts , et plus volumineux que les Lois
réunies de divers Etats.
DU JEUDI 72 AQUST .
Une lettre de M. d'Ogny a instruit l'Assemblée
, d'une nouvelle violation du secret
des lettres par la Municipalité de Balan ,
dans le Département de la Meuse , et des
violences exercées contre le Messager de
Stenai ; cet événement , sur lequel on pouvoit
prononcer sur le champ , et qui sollicitoit
instamment un Décret général et sévère
, a été renvoyé au Comité des Recherches.
L'Institution judiciaire étant à l'ordre du
jour , la discussion a eu pour objet le Tribunal
de Cassation .
Le Comité de Constitution proposoit d'établir
ce Tribunal à Paris , et de lui donner
six Chambres de Correspondance dans
les Provinces pour recevoir les requêtes en
cassation , en faire l'instruction apres qu'elles
auroient été admises par le Tribunal central ,
et lui envoyer leur avis. Ces Chambres d'arrondissement
devoient en outre decider des
requêtes civiles , des prises à partie , des ré(
240 ).
cusations. Le Comité vouloit par cette combinaison
réunir les avantages de l'unité du
Tribunal , et de la proximité de la Justice
pour tous les Justiciables .
L'objet de la Cassation a objecté
M. Gossin , n'est que de rectifier ce qui
seroit contraire à la Loi , et de renvoyer.
le Procès à un autre Tribunal ; il est donc
très -inutile qu'elle soit poursuivie par les
Parties intéressées ; elle n'exige ni leur présence
, ni leur intervention. Les Chambres
Sessionnaires répandues dans les Provinces
seroient donc sans objet , et ne tendroient
qu'à compliquer la machine ; il faudroit en.
effet aller de la Chambre de Correspondance
au Tribunal de Paris , pour l'admission de
la requête , revenir à celle - ci pour l'instruction
, et retourner à Paris pour le jugement.
A l'égard des prises à parties , elle peuvent
être renvoyées aux Tribunaux de Districts ;
il en est de même des récusations . Je conclus
que ces Chambres sont inutiles , et nuiroient
à l'unité de la justice de Cassation .
« Je voudrois , a ajouté M. Prugnon , que
les Juges de Cassation effrayassent l'injustice
des autres Juges , qu'ils eussent un caractère
imposant , au moins dans la perspective
. Les heureux effets de cette optique
d'opinion disparoîtroient , si les portions du
Tribunal étoient éparses sur la surface du
Royaume ; il devroit être placé dans une
région à part , où il ne connût et ne respirât
que la Loi.
"
MM. Fermont et Duport amplifioient con-,
tradictoirement toutes ces idées ; l'un parloit
de l'unité du balancier , l'autre de la
multiplicité nécessaire des rouages. M. Duport
( 241 ).
port faisoit consister l'unité Monarchique dans
le Tribunal de Cassation ; ce sera , disoit-il ,
le Chef Suprême de la Justice ; il doit être
indivisible.
Sous le rapport d'Inspecteurs des Juges
de Districts , M. Thourt soutenoit que les
Tribunaux de Correspondance étoient d'une
nécessité indispensable , pour corriger les
inconvéniens de la suppression du second
degré de Juridiction ; sous le rapport de
Jurisconsultes , ces Juges stationnaires lui
paroissoient propres , par leurs consultations,
à éclairer les Plaideurs , à rendre l'accès du
Tribunal de Cassation plus facile , et en
même temps à diminuer le nombre de ces
affaires.
L'Assemblée en a décidé autrement , et
sur la Motion de M. Prugnon , adoptee à
une très - grande Majorité, il a été décreté
que le Tribunal de Cassation sera unique et
sédentaire auprès du Corps Législatif. - Ce
Décret ayant fait écrouler le reste du Plan
du Comité de Constitution , on a été obligé
de lever la Séance.
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR.
Un Député de Provence a informé l'Assemblée
d'une nouvelle conspiration contre
l'Etat : c'est aujourd'hui l'Espagne qui a son
tour de rôle un imbécille écrit à Antibes ,
que cette Puissance arme , et menace les
côtes du Languedoc et de la Provence.
L'Assemblée n'a pu soutenir la lecture de
ces extravagances , et a renvoyé la Lettre
Provençale au Ministre des Affaires Etrangères
.
Le Conseil de Ville de la Capitale a désavoué
la Pétition lue Mardi soir à la Barre ,
No. 34. 21 Août 1790.
L
( 242 )
par quelques Citoyens , et tendante à obtenir
la diminution des Impôts sur les consommations
. Le Conseil de Ville n'y a pris aucune` .
part directe ou indirecte , et s'éleve contre
son irrégularité , dans un Arrêté dont il a
été fait lecture .
Do VENDREDI 13 AOUT.
M. le Brun a continué le Rapport des réductions
et suppressions, dans différentes
parties de la dépense publique . Il a proposé
de supprimer, et l'Assemblee l'a ainsi décrété
, le Bailli de Versailles , un Tradeteur
de Gazettes Etrangères pour les Finances
, le Directeur de la Poste aux Lettres
de Versailles , une fourniture d'Almanachs
faite par la veuve Hérissant à divers Bureaux
, etc. La dépense de ces articles réunis
s'elevoit à 127,372 liv . Un second Decret
supprime les inspecteurs - généraux et quelques
autres emplois de l'Hotel des Monnoies.
M. Bailly a paru ensuite à la Tribune ,
et après avoir désavoué la démarche faite
Mardi soir par des Représentans de la Commune
, il a exposé la détresse du Trésor de
l'Hotel-de -Ville , épuisé par les dépenses
extraordinaires , et par la diminution d'un
tiers des Octrois . Sur sa demande , l'Assem
blee lui a accordé 351,813 liv . qui lui étoient
dues par le Trésor public , sur l'emprunt de
trente millions fait par le Roi pour l'achat
des maisons à abattre sur les ponts.
M. Anjubaud de la Reche a fait , au nom
des trois Comités réunis des Finances , des
Impositions et des Domaines , un Rapport
sur la suppression des apanages .
Apres en avoir exposé l'Histoire , il a pro(
243 )
fessé qu'en s'emparant du patrimoine de ses
Rois , la Nation devoi: à leurs enfans pain - s
un revenu digne de leur sang ; qu'elle pouvoit
, à l'exemple de tout autre débiteur ,
s'acquitter de cette dette , de la maniere la
plus convenable pour elle , et qu'un traitement
pecuniaire aun el , méritoit la preférence
; car de grandes propriétés territoriales ,
toujours accompagnees d'une grande puisfavoriseroient
lambition et les vues
sance ,
d'independance.
Le premier art. du Décret proposé interdit
toute concession future d'apanages : personne
ne l'a contredit : mais cette Loi aura -t - elle
un effet retroactif, et supprimera t - on les
apanages existans ? Cette question décidée
affirmativement par le Rapporteur , a été
développee par M. de Bengy de Puyvallée ,
Depute du Berry , dans un Discours neurri
de faits et de raisonnemens , et où l'Orateur
a montre autant d'érudition que de justesse
d'esprit . Il a établi d'abord , que les Princes
avoient en leur faveur le titre et la possession
, parce que par le droit et par le
fait , la Nation leur a garanti la jouissance
de leurs apanages ; ensuite , qu'en examinant
la question relativement aux Lois qu'on veut
établir , les principes de la justice et des
considérations politiques s'opposent à l'aliénation
des apanages. En conséquence , il a
proposé d'en laisser la jouissance aux Enfans
de France , jusqu'à l'extinction de la postérité
masculine du Prince premier apanagiste.
Nous regrettons de manquer d'espace pour
transcrire cette Opinion . L'Orateur y a
semé des vorités frappantes , sur l'abus des
maximes rétroactives qui tendent à renverser
tout Ordre social , sur l'abus non moins ty-
Li
( 244 )
rannique de sacrifier le bien particulier an
bien public , lorsqu'il ne s'agit point de
Lois générales qui frappent indistinctement
tous les Citoyens , enfin sur les dangersde
ce systême qui , prétextant que , jusqu'ici
les Rois n'ont été que des Législateurs
provisoires , tend à briser tous les liens de
la Société , et au mépris de toutes les conventions.
7
Personne n'a entrepris de réfuter M. de
Puyvallée. On a murmuré , et victorieusement
invoqué la question préalable.
M. de la Touche , après un éloge de M.
d'Orléans , fort applaudi des Galeries et
d'une partie du côté gauche , a lu un Mémoire
, dans lequel il évaluoit les revenus de
ce Prince à 4,000,000 . Une fortune aussi
considérable , a - t - il dit , possédée depuis
long- temps , devoit paroître un gage assuré
pour les préteurs ; aussi y a - t - il eu plusieurs
emprunts faits pour le paiement des dettes
de la succession échue ; emprunts dont l'intérêt
excéderoit de beaucoup le revenu que
le Comité propose de donner. Je demanderai
la Nation , en réduisant la rente apaque
nagée des Princes à un million , se charge
des dettes du fea Duc d'Orléans , et qu'elle
nomme des Commissaires auxquels je me
joindrois , pour concilier les intérêts de la
Nation et ceux de cette Maison .
་་ Dans un Etat comme le nôtre , s'est
écrié M. Canus , il ne peut y avoir que deux
personnes , le Roi et le Peuple . L'Héritier
présomptif de la Couronne pourroit seul en
être excepté; mais il ne fait qu'un avec le
Roi. A quoi peut servir une grande repré
sentation , une grande fortune , si ce n'est à
rejeter le Peuple dans la misère , à répandre
( 245 )
dans toutes les classes de la Société l'amour
du luxe , à renchérir les marchandises ? Ce
qui doit résulter de la Constitution , c'est
Pégalité . Je propose de réduire les Princes
à un seul traitement , et d'en fixer le montant
, parce qu'il ne doit plus y avoir ni
écurie angloise , ni écurie extraordinaire ,
ni maison militaire pour un Particulier. »
Malgré sa sévérité , néanmoins M. Camus
a été généreux , car il a opiné à laisser aux
Princes le moyen de subsister avec aisance .
M. l'Abbé Maury a fortement appuyé
l'ajournement de ces questions . Quant aux
dettes , a- t- il ajouté , dont M. d'Orléans a été
chargé en acceptant la succession de son père ,
Mademoiselle de Montpensier , de qui viennent
ces biens , leur assigna une hypothèque
territoriale. Quant aux Charges des maisons
des Princes , l'Assemblée a décidé que la
Nation paieroit les charges de la Maison du
Roi et des Princes. La dignité de la Nation
est attachée à la splendeur de la maison régnante
, qui en montant sur le trône , possédoit
un cinquième des propriétés territoriales
du Royaume. Je demande que l'Assemblée
prenne en considération le mémoire lu par
le Chancelier de M. d'Orléans.
་ Lorsqu'on nous a enlevé nos droits féodaux
, a dit M. d'Ambly , cela ne nous a pas
empêchés de payer les dettes de nos pères.
"
M. Dufraisse a appuyé la demande en
ajournement , et a remarqué que l'Assemblée
auroit à examiner le Testament du
Cardinal de Richelieu , par lequel le Palais-
Royal doit appartenir à l'Heritier Présomptif
de la Couronne.
La révocation absolue des Apanages a été
décrétéé. Nous donnerons dans huit jours la
Lij
( 246 )
totalité des Articles , dont plusieurs ont été
ajournés. Par le sixieme , les fils puînés de
France , leurs enfans et descendans ne pour-.
100t , en aucun cas , rien pretendre ni iécamer
à titre héréditaire dans les biens.
meubles ou immeubles laissés par le Roi , la
Reine , et l'Héritier présomptif de la Cou-,
ronne. Ce Décret semble oter à ces trois .
Personnes publiques , le droit naturel" d'avoir
un patrimoine , et à leurs Parens celui :
d'en hériter. Ainsi la Famille Royale seroit
privée des droits les plus ordinaires , les plus
sacrés du Citoyen.
M. de Broglie a terminé la Séance par le
rapport de la pétition du Régiment de Lan-,
guedoc , et a fait adopter une résolution ,
Har laquelle l'Assemblée declare que l'honneur
du Régiment de Languedoc n'a pu être
compromis par le Décret du 26 Juillet ; qu'il ,
n'y a lieu à délibérer sur sa Pétition ; que
sa conduite a toujours été irréprochable ,
et que le Président ira supplier le Roi de .
faire remplacer ce Régiment à Montauban
par deux autres Régimens.
Inutilement M. Malouet a- t - il proposé ,
de s'en remettre simplement à la sagesse du
Pouvoir exécutif, et inutilement encore M ..
de Foucault a-t - il représenté qu'en s'emparant
ainsi de tous les détails du Po.voir exé- ,
cutif , l'Assemblée changeoit le Gouverne-,
ment Monarchique en Démocratie absolue .
DU SAMEDI 14 Aðust.
De nouvelles réductions sur les dépenses
du Trésor public , relatives à quelques travaux
littéraires , à l'Imprimerie Royale , et
à l'Administration de l'ancienne Compagnie ,
des Indes , ont précédé la lecture qu'a faite
M. le Coulteux , d'un Réglement de Police .
( 247 )
sur l'échange des Assignats . Il a fait reconnoitre
bons et valablės des assignats de 300l .
auxquels le mot cent , dans le millesime ,
manque par une méprise inconcevable du
Graveur Au lieu de mi! sept cent quatrevingt-
dix , on ne lit sur ces billets que mil
sept quatre-vingt dix.
M. Dupont a lu ensuite , au nom du
Comité des Finances , un Mémoire sur le
remplacement non encore effectué de la Gabelle.
On a ordonné l'impression de ce Projet
sans en entamer la discussion .
DU SAMEDI, SÉANCE DU SVIR.
M. le Président a annoncé une Adresse du
Châtelet , qui répond aux imputations faites
à ce Tribunal par le Comité des Recherches
de la Ville . Il tire sa justification de l'Arrêté
même du Comité des Recherches en date
du mois de novembre , Arrêté par lequel le
Comité requeroit le Procureur du Roi d'iaformer
, non pas seulement sur les crinies
commis dans le Château de Versailles , mais
sur ceux du 6 octobre , d'en poursuivre les
auteurs , fauteurs , complices et adhérens ,
etc. Qu'a fait le Châtelet ? Il a entendu un
petit nombre de témoins produits par le Coinité
des Recherches : au défaut des autres
que le Comité devoit produire , il a entendu
ceux que les premiers avoient indiqués.
Leurs dépositions désignerent les mêmes
personnes comme coupables des attentats
des 5 et 6 octobre ; elles lierent , par un fil
nécessaire à l'éclaircissement de la procedure,
les événemens des deux journées . D'apres
cela , comment le Châtelet , pour avoir donne
à cette procédure le titre d'information contre
les attentats des 5 ct 6 octobre , peut-il
Liv
( 248 )
être accusé de faire le Procès à la Ré, ólution?
Le Secrétaire achevoit l'Adresse , et commenço't
la lecture d'une pièce justificative ,
lorsque des voix furieuses ont demandé le renvoi
au Comité des Rapports : « Comment ! s'est
écrié M. Dufraisse , après avoir entendu et accueilli
par des applaudissemens le Comité des
Recherches, pourriez- vous refuser d'entendre
Je Chatelet? On est donc intéressé à laisser im
punis les crimes qui ont souillé les premiers
pas de notre Revolution ; mais je vous annonce
que cette impunité même la couvrira , ainsi
queses auteurs , d'un opprobre éternel . Qui
peut désirer ici le secret , si ce n'est celui
que sa conscience accuse ?
Nonobstant toutes ces considérations
l'Adresse , sans être achevée , a été envoyée
dans les cartons du Comité des Rapports.
M. de Crillon l'aîné , après avoir annoncé que
les procès-verbaux remis au Comite Militaire
par les Soldats du Régiment de Poitou , relativement
à l'insurrection de ce Regiment ,
. étoient conformes à ceux des Officiers , a fait
passer le Décret suivant :
at
"
*
"
les
L'Assemblée Nationale improuve la conduite
insubordonnée des Soldats du Régi-
" ment de Poitou Infanterie ,
ainsi que
violences dont ils se sont rendus coupables
contre le sieur de Bévi , leur Lieutenant-
Colonel ; décrète que si ledit sieur de Beri
n'est pas deja en pleine liberté , il doit y
" être mis immédiatement ; que les huit billets
• qu'il a été forcé de signer jusqu'à la concur
" rence de 40,000 l . , sont nuis , incapables de
' bliger , et de produire aucune action
contre lui ; que ceux qui les ont reçus de
lui , seront tenus de les rendre , où d'en
"
"
"
( 249 )
représenter la valeur, ou de déclarer la
disposition qu'ils en ont faite , le tout
dans 24 heures , et sous peine de prison ;
" saufles réclamations légitimes qui pourront
" être légalement faites, soit au Lieutenant-
Colonel , soit aux autres Officiers du Régi-
« ment , en exécution de l'art. 3 du Décret
• du 6 de ce mois.
"
9 Ces dispositions , de pure discipline et
sur-tout la désignation de la peine , ont paru
à plusieurs Membres , être du ressort du pouvoir
exécutif : leurs observations sont demeurées
sans effet.
"
Sur le Rapport des troubles arrivés le 29
à Ingrande , petite ville frontière de Bretague
, où le Peuple soutenu d'une troupe
de Mariniers, a renversé le bureau des Trai
tes , pille les bateaux saisis pour contrebande
, et forcé , par des violences , les Officiers
Municipaux de renvoyer les Troupes .
il a été rendu un Décret pour faire informer
, juger en dernier ressort par le Présidial
d'Angers , contre les auteurs , fauteurs
de cette insurrectieu , et pour prescrire à la
Municipalité de veilier particulièrement à
la perception des droits de Traite , du soin
de laquelle elle demandoit à être déchargée.
L'on a entendu ensuite un très - long Rapport
de M. Henri de Longuève contre la conduite
des Officiers Municipaux de Schélestat ,
accusés de tous les désordres , de toutes les
vexations , même des assassinats commis
dans cette Ville.
La première Election de la Municipalité
avoit fait naître des contestations ; ceux qui
réclamèrent l'observation des Décrets furent
emprisonnés , et condamnés à être pendus ,
lorsqu'un Décret du 8 Juin leur fit rendre la
Lo
( 250 )
"
Iberte , cassa les Municipaux , les manda à
la Barre , et ordonna une nouvelle Election .
Le sieur Herremberger , Maine , qui se trouvoit
alors à Paris , au lieu d'appeler ses Collègues
, retourna à Schelestat . Il répandit
que le Décret n'etoit que pour la forine ; il
donna des bals , des festins , et à l'aide d'un
Parti très nombreux , se fit réelire , ainsi
que tous les Municipaux , excepté celui dont
l'Assemblée avoit approuvé la conduite. Ce
n'est qu'après leur réelection qu'ils se rendirent
à l'Assemblée Nationale , où ils présentèrent
un Mémoire que le Comité des
Rapports accusé de faux. De retour à Schélestat
, ils y excitèrent de nouveaux troubles ;
ils exercerent des violences contre leurs
adversaires , firent dresser des potences ,
provoquèrent l'insurrection des Troupes. Ils
attirerent à eux celles qu'on envoya de Neubrisack
et la majorité de la Garde Nationale
; l'Arsenal fut forcé ; les armes prises ,
le tocsin sonné ; les femmes et le Peuple
crioient point de Magistrats , ni de Commissaires.
On enferma dans un bataillon carré
Je Parti opposé , et on lui fit signer pardevant
Notane une Capitulation ; le Commissaire
du Roi ayant été forcé de sortir de la
Ville , à peine fut - il dehors , qu'on le coucha
en joue , ainsi que le Commandant de
la place ; on les obligea de signer un Procèsverbal
tissu de fausselés . Ces faits , attestés
par les Commissaires du Roi , par le Directoire
du Département du Haut - Rhin , et
par celui du District de Bennfeldt , ont
doone lieu à un Décret qui ordonne l'information
pardevant la Municipalité de Strasbourg
, pour être les Auteurs des troubles
et violences , et leurs complices , poursuivis
( 251 )
et jugés à la figueur des Ordonnances . Défense
au Maire de Schélestat et autres OMciers
Municipaux , d'exercer aucune fonction
publique , jusqu'au jugement des contestations
par le Directoire du Département du
Bas - Rhin , eic.
DU DIMANCHE 15 Aour.
M. de la Luzerne a instruit l'Assemblée que
la Municipalité , et la Garde Nationale de
P'Orient , venoient de s'opposer à l'extraction
des poudres nécessaires à l'armement de
trois vaisseaux et de trois frégates ; le Directoire
du Département est entré dans leurs
vues , et , malgré les ordres du Roi , l'armement
n'a point eu lieu.
A Toulon , le Corps Electoral a prétendu
forcer le Commandant de la Marine , M. de
Glandèves , à délivrer au Peuple les armes
de l'Arsenal , nécessaires à l'armement .
Sur les réquisitions de MM . Goupil et Malouet,
l'Assemblée a improuvé ces excès , qui
se multiplient avec les Decrets pour les prévenir
, et fait défense aux Corps Administratifs
de porter obstacle à aucune des inesures
ordonnées par le Pouvoir exécutif.
M. Malouet s'est ensuite présenté à la Tribune
, en réclamant , au nom de M. l'Abbé
Rayna ! son ami , contre le Décret de prisede-
corps sous lequel gémit ce célèbre Ecrivain
, depuis 1781 , et qui le prive encore
des droits de Citoyen actif. L'Opinant a
proposé une formule de Décret , et a reçu
de grands applaudissemens.
1
Is n'ont pas cependant été unanimes.
Divers Ecclésiastiques , entre autres M. l'Evêque
de Clermont , a rappelé les principes
attentatoires à la Religion même naturelle ,
•
L vj
( 252 )
et au Sacerdoce , que contenoit l'Histoirs
Philosophique des deux Indes. M. Dufraisse
s'est également opposé au Décret , en demandant,
ou l'apport de la Procédure , ou le renvoi
au futur Tribunal de Cassation . Quelques
autres ont desiré qu'on retranchât du préambule
l'eloge de M. l'Abbé Raynal ; enfin
le Décret contre ce Nestor de la Littérature
a été déclaré nul et non avenu , comme attentatoire
aux droits naturels , inaliénables et
imprescriptibles de l'homme.
"
Il va résulter de l'énoncé de ce motif, des
milliers de réclamations , contre tous les
Décrets ou Jugemens rendus depuis 30 ans ,
et qui paroîtront aux coupables n'être pas
conformes aux Droits de l'homme .
La Séance a été terminée par un long
Décret relatif à la forme du paiement des
rentes sur le Clergé ; nous le transcrirons la
semaine suivante.
M. de Cazalès est hors de danger ;
du second coup de son Adversaire il
avoit été blessé à la tête ; heureusement
son chapeau et sa position empêchèrent
le coup d'être mortel. S'il a reçu pendant
sa maladie des preuves touchantes
et très nombreuses d'estime et d'attachement
, il a été aussi l'objet du déchaî
nement le plus féroce. Nous avons entendu
regretter que son accident ne
fût pas mortel , et l'on n'a pas craint
de citer avec éloge le propos répété
dans plusieurs lieux publics , au milieu
des attroupemens , que si M. de Caza
( 253 )
lès eût tué M. Barnave , on l'auroit
massacré lui-même. La fausse nouvelle
de sa mort fut reçue par ces Cannibales
avec une vive alégresse. Nous l'avons
dit , et après en avoir été vingt ans les
témoins , il n'est pas de sentiment honnête
, pas de principe de mórale , pas
d'affection naturelle que le fanatisme pclitique
n'empoisonne et ne dénature . Il
change en tigres ceux qui sont nés grossiers
et inhumains ; il pervertit les Nations
géréreuses , et les accoutume aux
inclinations féroces les moins compatibles
avec leur caractère . Tel est
aujourd'hui l'esprit de justice qu'on
a inculqué à la multitude ; quiconque
ne pense pas comme ses Adulateurs estdigne
de mort , et celui qui en fera
l'observation sera , ainsi que nous , affiché
dans les Libelles sanguinaires où chaque
matin le Peuple lit de nouveaux Arrêts
de proscription , comme un vil esclave ,
un fauteur du despotisme , un Aristocrate
désespéré. Voilà le cercle que parcourt
maintenant la liberté en France.
Nous avons rendu très- succinctement les
scènes effrayantes qui ont eu lieu à Metz le
7 de ce mois. Une grande partie des Regimens
avoient auparavant réclamé des commies
énormes sur la masse ; les fonds de la Caisse
Extraordinaire des Guerres servirent à ces libéralités.
Ensuite le 7 , 150 anciens Miliciens ,
imitant l'exemple des Regimens , se porterent
à l'Intendance , pour demander le décompte
( 254 )
de leur solde depuis 1775. Aidés de la multitude
, ils en arracherent M. Depont ,
vieillard respectable , travaillé de la pierre ,
dont il devoit se faire operer le surlendemain
après l'avoir comblé d'indignités , de
mauvais traitemens , et menacé d'un supplice
immediat , on lui extorqua un biliet
de mille louis . Sur la requisition de la Municipalité
, la Garde Nationale se mit en
marche , et enfin arracha M. Depont aux
mains de ses bourreaux . Sans elle , M. de
Bouillé le fils , qui courut le plus grand
danger , péri soit : plusieurs autres Personnes
furent egalement maltraitées . On arbora le
Drapeau rouge ; le canon fut b : aqué devant
l'Hotel - de-Ville , et les Municipaux eurent
le courage de declarer nul et de nulle valeur
le billet arraché à l'Intendant. Le lendemain
, les alarmes recommencèrent : cette
fois , c'étoit une armée de brigands qui ,
disoit -on , brúloient les moissons . Nous avons
d ja parlé , il y a trois semaines , du renouvellement
de ces terreurs artistement combinées
, et qu'on a sur- tout repandues avec
activité dans les Provinces Septentrionales ,
au moment où l'on a également affecté d'annoncer
une prétendue invasion des Allemands
dans le Royaume. De ces bruits artificieux ,
dont il n'est pas difficile de pénétrer le
motif, a résulté l'armement presque universel
des Habitans dans les Provinces frontieres
.
De tous les traits qui caractérisent
l'esprit actuel d'une partie des Rég: -
mens , il n'en est pas de plus curieux
que celui- ci . Autrefois , c'étoient les Of
ficiers , ou le Gouvernement qui accor(
255 )
doient des Amnisties ; aujourd'hui , ce
sont les Soldats qui en accordent aux
Officiers. Le 10 Juillet , les Bas - Officiers
et soldats du Régiment de Vexin ren- .
dirent à Marseille, une Proclamation imprimée
, dont voici l'extrait .
" Les Lois de la nouvelle Constitution
marquent dans tous les esprits leur eternel .
ascendant. Le civisme , triumphant par l'heroisme
François , est le sentiment determiné
qui entraîne le sacrifice irrrévocable des
vains titres qu'à leur honte avoient consentis
nos Peres. C'est un vice essentiel dans la
législation autique, d'avoir promulgué des intérêts
opposés et des classes désunies dans
un mêrae Peuple . Ainsi le despotisme , abativ ,
ya rougir de son existence passée devant les
vertus glorieuses du patriotisme , et l'égalité
est conquise. Nous , qui avons eu sujet
d'abhorrer le régime militaire de ce siecle
et les suppóts de la tyrannie , nous allons
incliner délicieusement vers le retour tardif
de la liberté. Nous mêlons à nos sermens uné
amnistie généralement sincere à l'égard de
Pautorité opprimante Un amour mutuel dans
Je desir de l'ordre va s'établir entre les grades
; l'Officier chérira le Soldat , et celui- ci
honorera son Superieur ; de là règneia
cette harmonie héroïque qui est le chefd'oeuvre
de la régenération . Chers Concitoyens
, généreuse Nation de Marseilie ! les
Drapeaux de votre Armée sont les nôtres ;
que
2
e nous serions charmés d'y pouvoir toujours
adapter nos rangs !
Au bas de cette Proclamation signée
Desarts , Président de l'Assemblée , M.
( 256 )
Alleon , Officier Municipal de Marseille, `
avoit ajouté : Nous adhérons aux sentimens
patriotiques énoncés dans la
présente. Ce 10 Juillet 1790 .
Le Journal de l'Assemblée Nationale
nous offre chaque semaine une liste
de désordres ; ici , refus de payer les
impôts ; ailleurs, des Régimens débandés ;
plus loin , des Municipalités aux prises
avec le Peuple , ou connivant à ses
excès. Dernièrement à Aix , une partie
de la multitude s'efforça de sauver l'assassin
de M. d'Albertus ; le Bourreaut
tremblant abandonna le Criminel , qui
şauta de l'échafaud ; mais le Régiment
de Lyonnois l'enveloppa , tint ferme
et l'exécution s'est faite . Que penser de
l'égarement d'un Peuple poussé au point
d'arracher des assassins au supplice !
Nous avions vu l'année dernière celui
de Versailles sauver aussi un parricide .
Chaque Courrier apporte la nouvelle
de nouveaux troubles ou de nouveaux
crimes. On nous mande ce qui suit ,
dans une lettre du Forez , en date du 7
de ce mois.
"
La Ville de Saint-Etienne en Forez , à
l'exemple de Paris , de Lyon , de Marseille ,
de Valence , etc. , vient encore d'être le
théâtre d'une scène horrible. Le nommé
Berthéad , Commis aux Aides , un des plus
honnêtes hommes du inonde , et généralement
reconnu pour tel , faisoit un petit commerce
en grains. Le 4 de ce mois , il venoit
,
( 257 )
;
´d'en acheter quelques mesures , dix sous au
dessus du prix courant : une femme va le dé- `
noncer à la populace , qui se souleve de tous
eotes , et qui le saisit . On aloit le pendre
Sas autre formalité , lorsque M. Néron ,
Maire de la Ville , accourat et vint à bout ,
pour le moment , de l'arracher d'entre les
main de ces furieux . Ii le conduisit en prison
, en promettant de lui faire son proces .
Mais les forcenés devenus plus nombreux et
plus enrages , enfoncèrent les portes , malgré
la Garde Nationale , se ressaisirent de ce
pauvre malheureux , et le maltraiterent impitoyablement
au milieu de la piace publi - `
que M. le Maire et beau se mettre à genoux
Pour demander qu'on sursit au moins jusques
au lendemain ; l'infortuné Berthéad eut beau
leur offrir toute sa fortune , qui pouvoit valoir
14 à 15 mille francs ; les prieres , les
larmes , rien ne fut capable d'appaiser ces
furieux . Il lui refuse ent même le temps
d'achever sa confession . Ils se jettèrent sur
lui comme des bêtes feroces et l'assommèrent ,
les uns à coups de bâtons , les autres à coups
de marteaux : on vit une femme lui enfoncer
un clou dans la tête pour l'achever. La rage de
ces Cannibales n'étoit pas encore assouvie ,
elle vouloit encore le lendemain immoler un
Boulanger deVuibenoite, Abbaye des Beruar
dins, à quelques pas de S. Etienne , qui s'étoit
avisé de blâmer les actes de liberté populaire :
quelques - uns de ces scélérats le saisirent
et alloient l'accrocher à un arbre , si la
Garde Nationale ne le leur eût arraché. Que
de réflexions à faire sur ce délire populaire ! "
Les premiers bruits d'une Armée qui
se rassembloit en Savoie , sont venus
( 258 )
du Dauphiné. L'on sera étonné sans
doute de connoître l'une des principales
sources de cette fable, propagée , comme
tant d'autres, avec l'intention de maintenir
l'effervescence du Peuple , de l'inquiéter
par des alarmes continuelles ,
et de prolonger ainsi des calamités publiques
, sous prétexte de préserver le
Royaume et la Constitution . Un malheureux
s'avisa le mois dernier d'écrire
de Chambery la lettre suivante à un
Maître d'école de la Tour- du- Pin.
Chambery , le 5 Juillet 1799.
On a dit vrai à votre Municipalité ;
Assemblée des ARISTOCRATES François
s'est tenue tout l'hiver chez M.
de Mont- Saint Jean ; ils tenoient de plus.
des Comités secrets , tantôt chez M. de Lusiguan
, tantôt chez M. de Miran , et tantôt
à Francin , chez M. Seguier , fils. On suit
très-bien que leur sujet de déliberation n'étoit
et n'est autre que la Contre-Revolution . Les
Politiques de ce pays croient fermement
qu'ils vont la tenter d'ici au 20 de ce mois ;
tout les confirme dans leur croyance ; ils
´croient d'ailleurs à la coalition des Puissances
étrangeres . Les Troupes que le Roi de Sardaigue
envoie en Savoie , des tentes au nombre
de buit cents , y sont déja arrivées , de même
que quantité de poudre , tant en bails qu'en
cartouches ; la quantité de cartouches est
considerable , il s'en fait journellement un
grand nombre à Turin ; il est aussi arrivé
des caisses de boulets de canons ; on fait un´
entrepot de poudre à Miollan , et un ici au
( 259 )
t
Château ; on a porté de plus dans ce lieu ,
nocturnement, les fusils qui etoient ici dans
la Maison de Ville , et une bonne partie de
la poudre qui y étoit en magasin . Aux premiers
jours il doit arriver , dans cette Ville ,
deux colliers de l'Armée avec deux Régimens ,
et on assure que la Suisse fournit six mille
kommes à notre Roi , qui seront soudoyés
·par celui d'Espagne ; on sait qu'il est parti
pour Genève des tentes . Tous ces envois faits.
le plus secrètement possible , et le passage.
continuel des ARISTOCRATES François , tant
pour le Piémont que pour la Suisse , les fondent
dans leur croyance. Un fait qu'ils viennent
d'apprendre les y décide. Le voici : le
30 Juin passé , il est arrivé en cetre ville un
ARISTOCRATE François , portant l'uniforme
de la Garde Nationale , de taille d'environ,
cinq pieds deux pouces , le teint un peu coupe-
rosé et le nez aquilin , assez bien fait
d'ailleurs le corps un peu ramassé , lequel
descendit aussitôt chez un des plus enrages
ARISTOCRATES réfugiés en cette Vile , qui,
le reçut dans la pièce la plus secrète de soa
appartement , où , après beaucoup de précautions
, le prétendu Garde - National lui dit :
enfin , me voici : ce n'est qu'à la faveur de
cet habit que j'ai pu traverser la France ;
tout va bien ; je suis porteur de lettres déci
sives pour les Princes qui sont à Turin , et ),
nous avons un gros Parti en France , et sur-v
tout dans le Dauphiné ; nous pouvons comp
ter au moins sur un bon tiers. La Personne
qui s'étoit glissée secrètement dans un petit
réduit attenant à la pièce où ils étoient , n'a
pu en entendre davantage ; vous pouvez y
ajouter foi. Si vous êtes bon Patriole , hâtez-
Vous done d'apprendre tous ces faits , que'
( 260 )
vous pouvez assurer à votre Municipalité ,
la Sociéte Philanthropique de Grenoble ,
comme encore à M. de la Fayette , pour se
préparer incessamment à leur défense. Je
me croirois trop heureux si , par la connoissance
que je vous donne de ces faits , j'eus
une foible part pour epargner le sang de
mes freres , de mes Concitoyens , et concourir
au maintien de la Constitution de la
France et à son parachevement. Avertissez
aussi vos Journalistes de publier ces faits , etc.
M
Le Maître d'école fit passer cette
belle dépêche au Departement de l'Isère
assemblé à Moirans , et sur l'autorité
de ce Magister et de son Correspondant
, on la livrée à l'impression. Ce
résumé de propos de taverne , et de
sottises de gens ivres , a servi de fondement
à tous les contes portés à l'Assemblée
Nationale , et commentés par les
Journalistes. Nous prenons sur nous ,
d'après des informations authentiques ,
d'affirmer que ce tissu de bêtises en est
un des plus insignes faussetés ; que du
Mont Cenis aux frontières du Valais ,
Te Roi de Sardaigne n'a pas 3000 hommes ;
que dans toute la Savoie il ne s'est pas
fait l'ombre d'un préparatif hostile ; et
que , si l'on a changé les cantonnemens de
quelques Détachemens , pour les porter
vers la Frontière , ce mouvement qui n'a
pas augmenté d'un Soldat le nombre des
Troupes réparties en Savoie , n'a eu
d'autre but que de maintenir la tranquil(
261 )
lité contre des Perturbateurs étrangers .
Le Décret du 19 Juin , qui dégrade la
Noblesse , a eu des défenseurs dans cette
classe d'Ecrivains dont la morale se reduit
à ce fameux axiome : Mon bien d'abord , et
puis le mal d'autrui. L'egalité des droits sans
cesse réclamée par les hommes les plus injustes
et les plus arrogans envers leurs égaux ;
l'intérêt de la liberté hypocritement invoqué
par des Tyrans , dont l'igtolerance , l'inhumanité
et le fanatisme , surpassent en exces ceux
du despotisme , dont nous espérions vainement
être delivrés pour toujours ; telles ont
éte les bases de ces déclamations , auxquelles ,
il faut l'avouer , on n'a guères repondu que
par d'autres lieux communs. La Noblesse
etoit une proprieté , dont un grand nombre
de Citoyens jouissoient depuis des siècles :
si quelques Courtisans , quelques Annoblis
sans titre , quelques Favoris sans mérite ,
avoient usurpé cette decoration les trois
quarts desGentilshommes dans les Provinces ,
avoient acquis ce patrimoine aux dépens du
sang et de la fortune de leurs Peres . On
avoit bien ve des Etats Démocratiques proscrire
l'institution de la Noblesse , inconnue
parmi eux ; d'autres , exclure les Nobles du
Gouvernement ; mais jusqu'a nous , nul ne
s'étoit avisé encore de les dégrader , ni d'étendre
ainsi la puissance des Lois sur les
siècles passés . Le même principe de l'égalité
rigoureuse , proscrit aussi toutes récompenses
à l'avenir , et toutes distinctions ; il proscrit
Ja subordination des Fils à leurs Pères , des
Femmes à leurs Maris , des Domestiques à
leurs Maitres , l'inégalité des costumes , de
l'éducation , et sur - tout celle des Fortunes
qui nécessairement entraîne toutes les au-
2
( 262 )
tres . Déja , pour effacer ces taches qui nous
déshonorent encore , on a proposé l'égalité
civique entre les deux sexes , et une defense
aux Enfans de prendre le nom de leurs Peres ;
ce qui perpétue l'Aristocratie de Famille.
L'Assemblée Nationale s'étant pres
crit de ne recevoir aucunes Protestations
, celles des Députés Nobles contre
le Décret du 19 Juin n'ont pas été admises.
C'est encore là une grande question ,
décidée , comme tant d'autres , sans le
moindre examen , que ce droit de protes
ter. Il est sans doute contraire à tous principes
, de l'exercer relativement aux Lois
générales , dont l'objet embrasse l'univer
salité des Citoyens ; mais peut- il être ,
a- t- il été jamais interdit nulle part à telle
classe particulière de Citoyens , dont les
intérêts ou les propriétés sont privativement
lésées par une Délibération ? Ensuite
, le droit de protester , interdit à la
minorité d'un Corps Législatif, peut - il
l'être aux Membres d'un Corps Constituant
, dont des instructions positives ont
enchaîné la volonté ? Nous laisserons à
d'autres l'examen de ces questions toutes
neuves , en remplissant le voeu d'une par
tie des Membres qui n'ont pas cru devoir
adhérer au Décret du 19 Juin , et qui
nous ont priés de faire connoître leur
démarche à leurs Commettans. Ne pouvant
transcrire ces Protestations metivées
qui ont été déposées chez wn Officier
( 263 )
public , nous indiquerons les signatures
de celles qu'on nous a fait parvenir .
MM. François d'Escars , Député de Châtellerault
, le 21 Juin ; le Comte de Culant
et le Marquis de St. Simon , Députés d'Angoumois
, le 26 Juin ; le Comte de Ludres ,
le Comte de Toustaint de Menonville , Députés
de Lorraine , le 24 Juin ; le Marquis
de Foucauli-Lardimalie , Député du Perigord
, le 22 Juin ; le Comte de Pannetier,
Député du Couserans , le 23 Juin ; le Comte
de Faucigny- Lucinge , Député de Bresse , le
22 Juin ; M. de Levi- Mirepoix et le Marquis
de Beauharnois , Députés de Paris , le 20
Juin ; le Marquis de Digoine du Palais , Député
de l'Autunois ; de Paroy , Député de
Provins ; de Vaudreuil , Député de Castelnaudary
; de Juigné , de Beaudrap et de la
Villarmois , Députes du Cotentin ; les Députés
du Berry , auxquels s'est joint depuis
M. Heurtault de Lamerville absent , et l'un
d'entre eux , par la lettre suivante à ses Commettans
.
"
MESSIEURS ,
J'étois absent de l'Assemblée Nationale ,
par un Congé , lorsque le Décret qui tend
le Décret
rendu . Si j'avois été présent à la Séance ,
j'aurois exprimé la même opinion que mes
Collègues ont eue pour enipêcher que le
Décret ne passât. En toute occasion , j'ai été ,
et je serai fidèle au Serment que j'ai prononcé
devant vous ; Citoyen , autant que Gentilhomme
, j'ai détendu constamment ,
esprit de par , et je defendrai jusqu'à la
mort vos justes droits. "
sans
( 204 )
M. le Baron de Landenberg, Député de
la Basse Alsace , auquel le Directoire de la
Noblesse immédiate de cette Province a
écrit la Lettre qui suit :
Ce
u
A Strasbourg, ce 9 Juillet 1790.
Monsieur et cher Confrère ,
Nous devons les plus grands éloges à la
conduite vraiment noble et touchante que
vous avez tenue dans la Séance du 19 du
mois dernier. Vous avez bien rendu justice
à nos sentimens , et vous nous avez prévenus
en protestant en notre nom contre les dispositions
d'un Décret qui porte abolition de
la Noblesse hereditaire , des Titres et des
distinctions . Nous avons peine à nous persuader
que cette abolition puisse concerner
une Noblesse qui a apporte avec elle ses
titres , ses distinctions , et qui ne les tient nullement
de la France , à laquelle elle s'est don
née, sous la foi des Traites qui les lui garantissent.
Nous croyons que la déclaration solennelle
que vous avez faite devant les Re
présentans de la Nation , de ne pouvoir y
acquiescer , nous dispense d'une protestation
en forme ; rendez notre Lettre publique
par la voie de l'impression . Elle suppléera
à toute protestation ultérieure.
"
« Les Directeurs et Assesseurs du Directoire
du Corps de la Noblesse immédiate de la
Basse-Alsace. »
Les Numéros sortis au Tirage de ta
Loterie Royale de France , le 16 Août
1790 , sunt : 65,62 , 77 , 88 , 8.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE
De Vienne , le 12 Août 1790 .
LA Cour a fait publier dans sa Gazette
officielle , la signature de la Convention
de Reichenbach, qui est aujourd'hui
ratifiée . M. de Spielman est de
retour depuis le 2. L'impression chagrine
qu'a produit cette pacification ,
diminue de jour en jour dans l'esprit des
hommes réfléchis , et l'on ne sauroit
blâmer 1 : Souverain d'avoir rendu la
paix à ses Etats , puisqu'assurément ce
n'est pas lui qui les en avoit privés . On
peut se rappeler que l'on dut aussi la
paix de Teschen à l'intervention combinée
du Roi actuel et de son auguste
Mère.
N°. 35. 28 Août 1790. M
t
( 206 )
Le Comte de Lusi , ancien Ministre
de Prusse à la Cour de Londres , a séjourné
ici , d'où il est parti le 3 pour
Bucharest. Les Plénipotentiaires de la
paix définitive avec la Porte , sont actuel .
lement réunis dans cette capitale de la Valachie
, où l'on n'est pas encore certain de
voirM. de Bulgakof, Ministre de Russie.
L'Impératrice maintenant livrée à ses
seules ressources , ne peut encore avoir
fait connoître ses intentions. Elle pliera
vraisemblablement ses ressentimens ,
ses projets , et les hauteurs de son Cabinet
à la nécessité , nécessité qui deviendra
très-impérieuse , si la Prusse et ses
Alliés veulent , comme ils l'ont déclaré ,
ne point pacifier à demi le Nord et le
Levant.
L'état de la Hongrie correspond au
caractère des têtes inflammables du pays :
il y existe presque autant de factions
que de Comitats , deux partis entre les
Magnats , des différens entre l'Ordre
Equestre et les Magnats , des Villes avec
les uns et les autres ; des Paysans avec tous;
des Catholiques, des Grecs, des Protestans
entr'eux ; des Transylvains contre les
Hongrois , etc. Ces derniers ont demandé
à la Cour d'être autorisés en vertu d'un
ancien droit , à envoyer des Plénipotentiaires
à Bucharest , pour y traiter avec la
Porte. En réponse, le Gouvernement leur
a envoyé la convention de Reichenbach
( 267 )
De Francfort sur le Mein , le 21 Août.
Les Belges n'ont pas conservé longtemps
le pays de Limbourg où ils étoient
rentrés le 8. Deux mille d'entr'eux conduits
par M. Fraye de Schipplacken ,
furent long- temps repoussés par 150 intrépides
Autrichiens sous les ordres de
M. le Capitaine d'Aspre. Ce foible détachement,
après la plus vigoureuse défense
, se retira avec peu de perte. Les
Belges entrèrent dans Herve : maîtres de
cette Ville et des environs , ils y signalèrent
leur présence par d'exécrables
barbaries : des maisons furent pillées, des
Bourgeois tués sur leurs domiciles , des
Paysans massacrés dans leurs maisons
incendiées. Les Limbourgeois expioient
´ainsi l'alégresse avec laquelle ils avoient
vu chasser ces prétendus défenseurs de
la liberté; mais ceux- ci n'ont pu se maintenir
à Herve au delà de quatre jours . Ils
n'ont pas même attendu 500 Autrichiens
qui sont arrivés le 13 ; car dès le 12 ils
avoient évacué Herve et le Limbourg .
Voilà donc l'autorité du Roi de Hongrie
solidement rétablie dans cette fertile et
riche Province , où ses Soldats ont été
reçus comme des libérateurs . Aujourd'hui
, les Autrichiens qui sont au moins
1500 dans le Limbourg , pourront passer
la Meuse près de Liège , et tourner la
colonne d'Ennemis qui se trouve sur les
Mig
( 268 )
rives de ce fleuve. Elle a recu de nouveaux
échecs à Gône , à Haltines , à Sorlière
, et s'affoiblit de jour en jour par ces
pentes réitérées et par la défection . Les
artifices du Congrès qui cherche à soutenir
les espérances ruinées de la multitude
, par des lettres apocryphes et des
relations infidèles , sont une preuve assez
forte du délabrement total de ses ressources
et de l'opinion qu'il en a luimême.
Il ne lui reste qu'à négocier par
l'entremise de la Prusse , de la Hollande ,
et de l'Angleterre ; mais , certes , ces
Puissances ne pourront leur obtenir de
meilleures conditions que celles que leur
offrit Léopoldà son avènement , et qu'ils
rejetèrent avec tant de présomption.
Le mouvement des Troupes Exécutrices
dans le Pays de Liège , n'a encore
été suivi d'aucune entreprise , d'aucune
action importante . Le 9 , près de Sutendal,
il y eut une rencontre entre un
poste avancé de l'Armée des Cercles et
celle des Liégeois ; chacun s'en attribue
l'avantage , qui consiste à avoir tué ou
blessé quelques hommes. Les Gazettes
ont raconté ce petit fait , à peu près
comme on raconta la bataille de Fontenoi.
Le célèbre Professeur Basedow , si
connu en Allemagne par ses Ouvrages
élémentaires sur l'Education publique ,
est mort à Dessau , âgé de 66 ans.
( 269 )
$
ITALIE.
De Rome , le 3 Août.
Le Gouvernement de Naples a fait sortir
des Etats du Roi plusieurs François , auxquels
on attribue des indiscrétions et des
Ecrits quiles ont fait soupçonner, dit- on ,
d'être des Propagateurs de discorde et d'anarchie.
Tous les Souverains se mettent
en garde contre les Apôtres d'une docrine
·qui, au lieu d'une liberté sage , calculée sur
le naturel , les moeurs , l'état physique
et civil des Peuples , les invite à des
révoltes sanguinaires , à renverser toute
autorité , et à briser par la violence
tous les liens , tous les droits , tous les
rapports , pour refaire les Nations . Nous
ignorons encore si le Gouvernement de
Naples a fait un acte de prudence ou
de défiance outrée , et d'injustice ; mais
l'on est ici très attentif aux démarches des
Prêtres politiques qu'on pourroit nous
envoyer de l'Etranger..
Sa Sainteté vient de faire remettre aux
Ambassadeurs des Puissances Etrangères
un Mémoire relatif au soulèvement d'Avignon
. En voici la teneur :
रा
*
Les maximes d'indépendance et de liberté
effrénée , qu'inspirent et propagent avec fureur
les ennemis de la Religion , de la Souveraineté
et de la tranquillité publique , ont
porté la Ville d'Avignon aux plus énormes
M iij
( 270 )
attentats et à la plus exécrable perfidie. Ce
Peuple qui , depuis des siècles , jouissoit du
Gouvernement modéré du Siege Apostolique
, s'est laissé séduire et entraîner aux
témérités et folies d'un petit nombre de séditieux
; et , au milieu du tumulte et de l'anarchie
, il a fini par eclater en rebellion ouverte.
Cependant toute occasion et prétexte
de plainte et de trouble avoit été prévenue
par les traits de la généreuse bienfaisance
de Sa Sainteté envers ses Sujets abusés ,
soit en leur fournissant d'abondantes provisions
de grains de ses propres deniers , soit
en ordonnant le redressement des griefs , en
facilitant l'administration de la Justice , et
les invitant paternellement à indiquer les
défauts et les abus qui s'étoient introduits
dans la Législation , pour y faire les réformes
et améliorations nécessaires. Toutes
ces sollicitudes du bienfaisant Pontife, toutes
cos condescendances , au lieu de produire
les sentimens de la réconnoissance et de la
modération , n'ont fait que les rendre encore
plus hardis et plus insolens ; et accumulant
chaque jour delits sur délits , excès sur excès ;
après avoir renversé et détruit l'antique systême
de la Magistrature et des Tribunaux,
suborné et dissous la milice , envahi les droits
de la Souveraineté et du Sanctuaire , insulté
et offensé les Représentans du Pontife et
ses Ministres , répandu des estampes injurieuses
à la Puissance Suprême , foulé aux
pieds et violé tout ce qui est sacré et profane
, infideles et parjures , ils sont venus à
leur but , et ont mis le sceau à leurs infames
desseins :: car , le 12 et 13 du mois de Juin
passé , ils ont trempé les mains dans le sang
de leurs Concitoyens , abattu les armes et
les enseignes du Pontife régnant , leur unique
( 271 )
Souverain , y substituant tumultueusement
celles du Roi Très- Chrétien , dont la justice
connue , la religion et le respect pour
le Siége Apostolique , sont un sûr garant
que , bien loin de favoriser cet inique projet,
il ne laissera pas impuni eet indigne attentat
. Enfin , ils ont obligé . M. Cazoli , Vice-
Légat , à abandonner la ville et le territoire
d'Avignon.
"
D
Tel est en précis le résultat de la révolte
et de la révolution des Avignonnois ,
que le Cardinal , Secrétaire d'Etat , est
chargé , de la part du Saint Père , de communiquer
à V. E. afin qu'elle ait la complaisance
d'en informer sa Cour , dans la
ferme confiance qu'elle prendra le parti qui
Convient à l'importance d'une cause commune
à tous les Souverains , et à l'amitié
particulière que Sa Majesté professe pour la
personne sacrée de Sa Sainteté
"♪
Sa Sainteté pouvoit ajouter avec rai
son , que cette révolte n'outrageoit pas
moins le droit des Peuples que celui des
Souverains ; car quelle violence plus insigne
, quel attentat plus criminel sur la
Nation , que d'en usurper le vau , et de
changer la forme du Gouvernement légal
par des assassinats . J. J. Rousseau
avoit deviné cet événement et d'autres.
pareils , lorsqu'il a dit dans le Contrat
Social, queles Usurpateurs et les Factieux
amenoient ou choisissoient toujours
des temps de troubles , pour faire passer
à la faveur de l'effroi public , des Lois destructives
que le Peuple n'adopteroit jamais
de sang froid .. »
M iọ
( 272 )
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 20 Août.
#
"Nous avons affirmé la semaine dernière
, et depuis un mois fait pressentir
que la Convention avec l'Espagne n'ameneroit
aucun désarmement . En même
temps , nous avons attribué d'après l'opinion
des Personnes qui peuvent faire
autorité , la continuation de cet appareil
menaçant au desir qu'a l'Angleterre
d'amener l'Espagne à un Traité de commerce
, et peut- être à une Alliance . La
première partie de nos assertions est déja
complètement vérifiée , Aucun ordre de
discontinuer la presse , primes toujours
allouées , par proclamation , aux Matelots
de bonne volonté , assiduité des travaux
dans les Chantiers , nouveaux Bâtimens
de guerre mis en commission . De plus ,
l'Amiral Howe dont la longue station à
Spithéad sembloit promettre de l'incer
titude , a appareillé le 12 , et le 13 au
matin il s'est réuni dans la rade de Torbay
à l'escadre de l'Amiral Barrington . Cette
flotte qui , le 15 n'avoit pas encore mis
à la voile , est composée de 31 vaisseaux
de ligne , outre les frégates , sloops et
brûlots . En voici l'état authentique.
Amir. HowE.
Le Queen Charlotte 110 can . C. Am. GoWER
Cap . CURTIS.
Le RoyalGeorge . 110. Amir. BARRINGTON.
( 273 )
Le Victory
Le London .
Tro. Vic. Am. Lord Hoop .
98. V. Am. ALEX . HOOD .
Princesse Royale.98. Cont. Am . HOTHAM.
L'Impregnable... 98. C. Am. BICKERTON .
Le Barfleur.. 98. Contr. Amir. JERVIS...
Formidable
Valiant.
98. Gibraltar ....... 80 .
74. Duc de CLARENCE .
Alcide . 74. Arrogant ... .74.
Bedford 74. Bellona .
.74.
Bombay Castle ..
Carnatic ..
74. Brunswick .
•
74.
74. Colossus . · 74 .
Courageux.
Cumberland .
Egmont ...
Illustrious
Marlborough .
74. Culloden
.
.74.
74. Edgar.... ·74.
74. Hannibal.
74.
74. Magnificent .74.
... 74. Orion .... .74.
Saturn .
Director.
74. Vengeance . .74.
64. Roebuck . 44 .
Hebé . .38.
Crescent .
La Prudente
Fury ..
38. Latona .
36. La Nymphe.... 36.
36. Orestes brig..... 18.
16. Spitfire ( brûlot ) . 16.
14 Tisiphone ( ditto ) .
Plusieurs frégates , sloops et cutters doivent
joindre cette flotte , au débouquement de
la Manche. Chaque vaisseau a des provisions
pour 4 mois.
On se presse d'achever à Plymouth l'équipement
du Royal Sovereign de 110 can . , du
Prince de 98 , du Captain et du Swifsture
de 74, et du Nassau de 64. •
A Porstmouth , on équipe le Duke de
98 can. le St George de 98 , et le Canada
de 74 Sept vaisseaux de ligne sont restés
à Spithéad.
Mille raisonnemens suivent les escadres
, pour pénétrer leur destination ,
Με
( 274 )
les plans du Cabinet , les motifs de ces
Armemens. Rien de plus vain que ces
conjectures contradictoires ; elles se rapportent
, d'ailleurs , à peu près toutes
à l'opinion que nous avons citée en commencant.
Suivant le bruit général , l'escadre
Espagnole , forte de 33 vaisseaux
de ligne , a fait voile de Cadix pour la
Baie de Biscaye.
Le Diary assure que de cinq Officiers
Anglois embarqués sur l'escadre Russe ,
quatre ont péri dans le dernier combat
avec les Suédois .
Dans le nombre des nouveaux Membres
du Parlement , on compte un des plus
riches Particuliers d'Europe , M. Muilman
Chiswell élu pour Aldborough dans
le Comtéd'Yorck . Ce Particulier possède
un million et demi Sterling de fortune ,
et vient d'hériter de 400 mille liv . ster .
å Amsterdam . Il n'a qu'une fille mariée
' au Chevalier Francis Vincent.
FRANCE.
De Paris , le 18 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Décre & sur les Apanages , rendu le Vendredi
13 Août.
* ART. I. Il ne sera concédé à l'avenir aucun
Apanage réel ; les Fils puinés de Fiance
seront élevés et entretenus aux dépens de la
Liste civile , jusqu'à ce qu'ils se marient , ou
qu'ils aient atteint l'âge de vingt - cinq ans
( 275 )
1
accomplis alors il leur sera assigné , sur le
Trésor National , des rentes apanagères ,
dont la quotité sera déterminée , à chaque
époque , par la Législature en activité. "
10 II. Toutes concessions d'Apanages , antérieures
à ce jour , sont et demeurent révoquées
par le présent Décret. Défenses sont
faites aux Princes apanagistes , à leurs Officiers
, Agens ou Régisseurs , de se maintenir
ou continuer de s'immiscer dans la jouissance
des biens et droits compris auxdites
concessions , au - delà des termes qui vont
être fixés les articles suivans .
par
"
III. La présente révocation aura son effet
à l'instant meine de la publication du
présent Décret , pour tous les droits ci- devant
dits régaliens , ou qui participent de la
nature de l'Impôt , comme droits d'Aides et
autres y joints , contrôle , insinuation , centieme
denier , droits de nomination et de
casualité des Offices , amendes , confiscations
, Greffes et Sceaux et tous autres
droits semblables , dont les Concessionnaires
jouissent à titre d'Apanage , d'engagement ,.
d'abonnement ou de concession gratuite , sur
quelques objets ou territoires qu'ils les exer
cent. »
10
2.
IV. Les droits utiles , mentionnés dans
l'article précédent , seront à l'instant même
réunis aux Finances Nationales , et dès- lors.
ils seront administrés , régis et perçus selon
leur nature , par les Commis , Agens et Préposés
de Compagnies établies par l'Adminis
tration actuelle , dans la même forme , et à
la charge de la même comptabilitéque ceux .
dont la perception , régie et administration ,
leur est respectivement confiée. »
» V. Les Apanagistes continueront de
Mavi
( 276 )
jouir des domaines et droits fonciers , compris
dans leurs Apanages , jusqu'au mois de
Janvier 1791 ; ils pourront même faire couper
et exploiter à leur profit , dans les délais
ordinaires , les portions de bois et futaies
duement aménagées , et dont les coupes
étoient affectées à l'année présente par leurs
Lettres de concession , et par les évaluations
faites en conséquence ; en se conformant par
eux aux Procès - verbaux d'aménagement , et
aux Ordonnances et Réglemens intervenus
sur le fait des Eaux et Forêts ..
Les articles VI , VII et VIII ajournés.
ex
IX. Les Fils puinés de France , et leurs
enfans et descendans ne pourront en aucun
cas , rien prétendre ni réclamer à titre héréditaire
dans les biens -meubles , ou immeubles
laissés par le Roi , la Reine et l'Héritier
présomptif de la Couronne.
"
"
X. Les baux à ferme ou à loyer des
Domaines et droits réels , compris aux Apanages
supprimés , ayant une date antérieure
de six mois au moins au présent Décret ,
seront exécutés selon leur forme et teneur ;
mais les fermages et loyers seront payés à
l'avenir aux Trésoriers des Districts de la
situation des objets compris en iceux , déduction
faite de ce qui sera dû à l'Apanagiste
sur l'année courante , d'après la disposition de
l'art. V. "
"
XI. Les biens et objets réels non affermés
, ou qui l'auront été depuis six
mois , seront régis et administrés comme les
Biens Nationaux retirés des mains des Ecclésiastiques.
>>
. XII. Les Décrets relatifs à la vente des
Biens Nationaux , s'étendront et seront ap277
pliqués à ceux compris dans les Apanages
supprimés,
Les articles XIII et XIV ajournés .
"(
XV. Les acquisitions faites par les
Princes Apanagistes dans l'étendue des Domaines
dont ils avoient la jouissance à titre
deretrait des Domaines, tenus en engagement
dans l'étendue de leurs Apanages , continueront
à être réputés engagemens , et seront à
ce titre perpétuellement incommutables . »
Nous n'avons fait qu'indiquer dans le
dernier Numéro , la Motion de M. Malouet
en faveur de M. l'Abbé Raynal. - Les ju
gemens divers qu'on en a porté , les applaudissemens
et les reproches prodigués à M.
Malouet , nous ont paru mériter quelques
réflexions ; car dans les actions publiques ,
il n'y a rien d'indifférent, et lorsque les dif
férens Partis s'occupent à les traduire dans
leur langue , à les juger dans leur esprit ,
il est bien permis à la froide raison d'avoir
aussi son avis.
En suivant toutes les opinions de M.
Malouet et sa conduite dans l'Assemblée
on voit qu'il s'est dirigé constamment sur
la ligne , hors de laquelle le véritable amour
de la liberté n'est plus que fanatisme du
hypocrisie. Avant la Révolution , il étoit
déja pénétré de la nécessité de ramener
la France à une Constitution libre , sans
dépasser les bornes que le Gouvernement
convenable à une grande Nation , et l'expérience
de tous les siècles assignent à la
la liberté politique. Ces principes inflexibles
ont dû rendre M. Malouet odieux
tous ceux qui veulent la liberté sans con(
278 )
dition et sans mesure , c'est-à- dire , qui ne
savent ce qu'ils veulent , car ils arrivent
ainsi au despotisme ou à l'anarchie. — D'un
autre côté , les ressentimens , les justes
plaintes du parti opprimé ont dû exagérer
quelquefois les oppositions aux mesures et aux
principes dominans. Ceux qui y résistent toujours
ont trouvé dans M. Malouet un homme
qui y résistoit souvent , mais qui n'a jamais
pris l'engagement d'être d'un autre avis que
le sien.
Ancien ami de M. l'Abbé Raynal , M..
Malouet a été chargé par cet Ecrivain de
solliciter la révocation de son Décret. Il
s'en est occupé 18 mois , en employant les
voies et les formes légales ; il a dû trouver les
Magistrats inflexibles , tant que la demande
de M. l'Abbé Raynal ne se concilieroit pas
avec ces formes , consacrées par la Loi ; on
a exigé le désaveu des erreurs de l'Histoire
Philosophique et Politique. M. Malouet ne
pouvoit y consentir sans l'autorisation de
son ami d'un autre côté , ses principes
contre la licence de la presse lui permettoientils
de prendre la défense de l'Abbé Raynał,
decrété de prise de Corps , en désaprouvant
ses erreurs ?
Sans doute , en regrettant de trouver au:
milieu de tant de vérités importantes , semées.
dans l'Histoire du Commerce , des amplifications
, des exagérations dangereuses , des
dogmes essentiels au bonheur de la Société
Ouvertement attaqués , on n'appellera pas
Libelle un Ouvrage en dix volumes , dont
les intentions et le mérite balancent les
excès. Ainsi , le reproche de contradiction fait
à M. Malouet est évidemment injuste ; personne
assurément n'associera l'Histoire Phi(
279 )
losophique , aux brochures et aux Feuilles
actuelles de Paris. M. Malouet a peut- être
trop accordé à l'amitié dans le préambule
de sa Motion , où il a tracé l'éloge de l'Histoire
du Commerce ; plût à Dieu qu'on n'eût
pas d'erreurs plus graves à reprocher aux
Hommes publics de tous Partis ! Au reste
M. Malouet s'étoit bien gardé de demander
à l'Assemblée de casser l'Arrêt du Parlement
de Paris , ni de consacrer ainsipar son suffrage,
la confusion si dangereuse des pouvoirs.
Il réduisoit le Décret à une prière de l'Assem
blée à S. M. , d'ordonner que la procédure
et le Décret contre M. l'Abbé Raynal restassent
sans exécution , et comme non-avenus.
DU LUNDI 16 AOUT.
Après les complimens de M. Dupont , nouveau
Président , et de son Prédécesseur , on
s'est occupé de l'Ordre Judiciaire . M. Thouret
- a pressé la nécessité de mettre les Tribunaux
sur pied dans six semaines , et pour
cela , d'aller rapidement à la conclusion de
ce travail , le plus important , le plus digne
d'une lente discussion , et d'ouvrir incessamment
les Elections . Mais d'abord où seront
placés les Tribunaux ? M. Gossin , a dit M.
Thouret , est prêt à faire le rapport de cette
fixation. Quant à la conclusion de l'In titution
Judiciaire elle se trouvera dans
quelques articles additionnels , et entre
autres dans ceux qui établissent la Justice
arbitrale. M. Thouret a proposé et fait recevoir
ces différentes dispositions.
2
Des Juges Arbitres.
Art. I. L'arbitrage étant le moyen le
plus raisonnable de terminer les contestations
entre les Citoyens , les Législatures ne pour(
280 )
ront faire aucunes dispositions qui ten droient
à diminuer , soit la faveur , soit l'efficacité
des compromis .
"
II. Toutes Personnes ayant le libre exercice
de leurs droits et de leurs actions , pourront
nommer un ou plusieurs Arbitres , pour
prononcer sur leurs intérêts privés , dans tous
les cas et en toutes les matières , sans exceptions.
44
"
III. Les compromis qui ne fixeront aucun
délai dans lequel les Arbitres devront
prononcer , , et ceux dont le délai sera expiré,
seront néanmoins valables , et auront
feur exécution jusqu'à ce qu'une des Parties
´ait fait signifier aux Arbitres qu'elle ne veut
plus tenir à l'arbitrage , »
IV. Il ne sera point permis d'appeler
des Sentences arbitrales , à moins que les
Parties ne se soient expressément réservé ,
par le compromis , la faculté d'appeler. »
V. Les Parties qui conviendront de se
réserver l'appel , seront tenues de convenir
également , par le compromis , d'un Tribunal
entre tous ceux du Royaume auquel l'appel
sera déféré , faute de quoi l'appel ne sera pas
reçu . "
"
VI. Les Sentences arbitrales , dont il n'y
aura pas d'appel , seront rendues exécutoires
par une simple Ordonnance du Juge de District
, qui sera tenu de la donner en bas ou
en marge de l'expédition qui lui sera présentée..".
"
VII. Dans le cas où un Juge de Paix
sera valablement empêché , il sera remplacé
par un Assesseur. n
On a ajouté l'article suivant au Titre des
Juges- Consuls :
"
Dans les affaires qui seront portées aux
( 28г )
Tribunaux de Commerce , les Parties auront
la faculté de consentir à être jugées sans
appel , auquel cas les Juges de Commerce
prononceront en premier et en dernier ressort.
"
Enfin , d'autres Statuts additionnels ont
été décrétés en ces termes :
"
1º. Les articles décrétés jusqu'à présent
sur l'Organisation Judiciaire , seront présentés
à l'acceptation du Roi ; il sera supplie
d'en faire faire incessamment l'envoi aux
Corps Administratifs , aux Municipalités et
aux Tribunaux .
2º. Aussitôt que les Directoires de Dé
partement les auront reçus , ils les feront
publier , et les enverront sans retard aux Directoires
de Districts. ",
3. En chaque District le Procureur-
Syndic convoquera les Electeurs dans la huitaine
de la réception des Décrets , et indiquera
le jour pour l'Election , de manière
qu'il y ait au moins huit jours francs entre le
jour de la convocation et celui de l'Assemblée
des Electeurs . "
"
4° . L'Assemblée Nationale se réserve
de distinguer dans les articles ci - dessus
les dispositions qui sont constitutionnelles
de celles qui ne sont que réglementaires.
Les avantages de la Justice arbitrale sont
connus ; ils ont été sentis par la plupart des
Législateurs ; mais une coutume bien supé,
rieure en excellens effets , est celle qu'aucune
Loi ne peut déterminer , qui résulte des
moeurs , et qui consiste dans l'intervention
du Juge lui - même , comme Juge d'Equité ,
pour opérer des transactions entre les Parties.
Un de mes Compatriotes , aux lumières , à
( 282 )
*
"
la sagacité et aux vertus duquel je saisis
cette occasion de rendre justice , M. Naville ,
ancien Procureur- Général de la République
de Genève , a développé avec autant de préeision
que de justesse , les bienfaits de cet
usage L'erreur des Institutions judiciaires
, observe - t-il , a été de créer des
Tribunaux pour juger, et uniquement pour
jager. Ils devoient être créés pour transiger
, et ne prononcer des Sentences qu'apres
avoir essayé vainement tous les moyens
de rapprocher les Parties, et de les accorder
- entr'elles.
#
*
"
»
L'autorité d'un Juge a bien plus de force
que celle d'un Arbitre , etle Plaideur acharné
qui aura repoussé toute conciliation ou tout
arbitrage , avant de paroître devant les Tribunaux
, sera plus facilement désarmé en
présence du Juge , duquel dépend sa condamnation.
*
"
Cette coutume admirable qui honore les
Tribunaux de Genève a une influence si
salutaire , que sur 35 mille individus ressortissans
à leur Juridiction , on ne juge par
appel , année commune , que TREIZE PROCÈS
excédans 472 liv. tournois , et UN SEUL excédant
944 liv. Cette heureuse disette se
manifeste cependant dans une Villeopulente ,
une Ville de Commerce , où les affaires , et
par conséquent les contestations sont extrêmement
multipliées.
་་
L'ouvrage de M. Naville qui me fournit
ce résultat , est intitulé : Etat civil de Genève ;
il renferme des rapprochemens curieux , et
des vérités dignes de méditation . On y voit
que dans la République entiere , peuplée de
35000. ames , il ne se trouve que 30 Individus
, Avocats , Procureurs , Greffiers , Huis(
283 )
·
siers , etc. , occupés à suivre et expédier les
Procès. Tous les frais quelconques des Procès
qui s'élèvent annuellement , montent au plus
à 25000 tournois ; aussi l'Avocat le plus
occupé disoit - il que son travail annuel lui
fournissoit les moyens de tenir table ouverte
de the pour ses amis.
M. Naville a dressé avec exactitude des
tables de comparaison entre la population
de Genève et celle de Londres , Paris et
Naples , ainsi que du nombre proportionnel
de Procès , de Gens de Loi , et de frais processifs
et de Justice , que devroient supporter
ces trois dernières Villes , dans le rapport
de leur population avec celle de Genève. Il
résulte de ce tableau de proportions , que,
toutes les dépenses de procès entre les Habitans
de Paris ne devroient s'élever annuellement
qu'à 430,000 liv . , et pour le Royaume
entier qu'à 18,000,000 . L'Abbé de S. Pierre
avoit proposé une réforme de la Jurispru
dence civile , qui eût économisé , par an ,
soixante et treize millions sur les Procès.
Qu'on juge , par cette réduction , de la
somme totale à laquelle s'élève la dépense
générale pour cet objet. En Angleterre , le
seul Procès célèbre des Familles Hamilton
et de Douglas a coûté plus de frais , que tous
les Procès réunis de la République de Genève
, en vingt années .
L'inestimable bonheur des Genevois à cet
égard dérive de l'esprit public , de l'intégrité
et du patriotisme des Tribunaux , du caractère
d'ordre et de raison qui caractérise les
Habitans , et de la belle simplicité des Lois
Civiles. On n'en compte que trois cents
soirante ; encore plusieurs sont en désuetude.
Comparez cette modération avec la
1
( 284 )
manie de légisférer qui a saisi toute l'Europe .
La France a plus de Codes divers que Genève
n'a de paragraphes de Lois . L'Angleterre
peut se féliciter d'une Bibliothèque de Jurisprudence
civile , tellement simplifiée, que
son seal Répertoire excède trente volumes
in -folio .
La diminution des délits est un autre bienfait
de la simplicité des Lois civiles . En 36 ans
( du.Janvier 1754 au 1. Novembre 1789 ) ,
on n'a exécuté capitalement à Genève que
treize malfaiteurs , dont trois seulement
étoient Génevois .
Ces Actes de Justice non contentieuse , ces
procédés conciliatoires du Magistrat , composent
presqu'en entier l'Administration de
la Justice civile à Genève ; ils sont rendus
et enregistréspar l'intervention seule du Juge
conciliateur , sans Notaires , sans émolumens ,
sans témoins , sans formalités . Je me suis
é'endu sur les effets de cette Institution ,
parce qu'elle seroit applicable à tous les pays ;
pais l'on sent qu'elle est incompatible avec
celle des Jurés au Civil , que Genève peut se
feliciter de n'avoir jamais admis .
Dans le même ouvrage que j'ai cité , M.
Nacille expose une vérité bien importante et
bien méconnue ; c'est que si les Lois politiques
sont les premieres dans l'ordre naturel
d'une bonne Législation , 's Lois civiles
sont les plus essentielles au bonheur du plus
grand nombre. L'Angleterre , qui jouit des
meilleures Lois politiques , est désolee par
le désordre de ses Lois civiles. Je n'hesite
donc pas à penser avec M. Naville , que le
travail d'une philosophie éclairée sur les
Lois civiles , seroit un bienfait bien plus précieux
pour l'humanité ', que toutes les re(
285 )
cherches métaphysiques des Publicistes , pour
compliquer les Lois politiques.
Ce fut au travers de ces résolutions législatiyes
sur les Arbitres , que MM. Regnier et Prugnon
annoncèrent le péril de Nancy et la 16-
volte dela garnison de cette ville . On chargea,
ainsi que nous l'avons dit la semaine precedente,
les trois Comités Militaire , des Rapports et
des Recherches de s'assembler sur le champ ,
et de dresser un Rapport. Vers la fin de la
Séance , M. Emmery vint en rendre compte ,
et interrompit la lecture d'une Notice des
dépenses Académiques par M. le Brun . Cet
événement portoit un caractère qui ne permettoit
plus l'excuse ordinaire de l'égarement,
des mal entendus , d'un excès de zèle , du beau
feu de la liberté qui embrasoit des Soldats Citoyens.
Ces pretextes tant de fois allégués
pour justifier des désordres injustifiables ,
n'auroient pas trouvé grace aux yeux de l'Assemblée.
M. Emmery invoqua sa séverité ,
et elle prouva son respect pour l'ordre public
, en décrétant ce qui suit .
* L'Assemblée Nationale , après avoir entendu
le rapport qui lui a été fait au nom de
ses trois Comités Militaire , des Recherches
et des Rapports , réunis , indignée de l'insubordination
continue dans la garnison de
Nancy, par les Régimens du Roi , Infanterie,
de Mestre - de - Camp , Cavalerie , et de Châteauvieux
, Suisse , depuis et au mépris du
Décret du 6 de ce mois , quoiqu'il renfermât
des dispositions propres à leur assurer la
justice qu'ils pouvoient réclamer par des
voies légitimes ; convaincue que le respect
pour la Loi , et la soumission qu'elle commande
aux ordres du Chef Suprême de l'Ar(
286 )
•
mée , ainsi que des Officiers , et aux règles de
la discipline militaire , sont les caractères essentiels
, comme les premiers devoirs des Soldats
Citoyens ; et que ceux qui s'écartent de
ces devoirs au préjudice de leurs sermens
sont des ennemis publics dont la licence menace
ouvertement la véritable liberté et la
Constitution ; Considérant combien il importe
de réprimer avec sévérité de semblables excès
, et de donner promptement un exemple
tel , qu'il puisse tranquilliser les bons Citoyens
, satisfaire à la juste indignation des
braves Militaires qui ont vu avec horreur la
conduite de leurs indignes camarades , enfin ,
éclairer et retenir par une terreur salutaire ,
ceux que l'erreur ou la foiblesse a fait condescendre
aux suggestions d'hommes criminels ,
les premiers et principaux auteurs de ces désordres
;
" A décrété et décrète d'une voix unanime,
que la violation à main armée , par les Troupes
, des Décrets de l'Assemblée Nationale ,
sanctionnés par le Roi , étant un crime de
Lèse-Nation au premier Chef, ceux qui ont
excite la rébellion de la garnison de Nancy ,
doivent être poursuivis , et punis comme coupables
de ce crime , à la requête du ministère
public , devant les Tribunaux chargés par les
Décrets , de la poursuite , instruction et punition
de semblables crimes et délits ; "
"
Que ceux qui , ayant pris part à la rébellion
de quelque manière que ce soit , n'auront
pas , dans les vingt- quatre heures , à
compter de la publication du présent Décret ,
déclaré à leurs Chefs respectifs , même par
écrit , si ces Chefs l'exigent , qu'ils reconnoissent
leur erreur et s'en repentent , seront également
, après ce délai écoulé , poursuivis et
( 287 )
punis comme fauteurs et participes du crime
de Lese- Nation . »
"
Que le Président de l'Assemblée Nationale
se retirera immédiatement pardevers le Roi ,
pour le supplier de prendre les mesures les
plus efficaces pour l'entière et parfaite exécution
du présent Décret ; en conséquence ,
d'ordonner , 1 °. à son .Procureur au Bailliage
de Nancy de rendre plainte contre
toutes Personnes de quelque rang , quelque
état et condition qu'elles soient , soupçonnées
d'avoir été instigateurs , fauteurs ou
participes de la rébellion qui a eu lieu
dans la garnison de Nancy , depuis la Proclamation
des Décrets des 6 et 7 de ce mois ;
2º. aux Juges du Bailliage de Nancy , de
procéder sur ladite plainte , conformément
aux Décrets précédemment rendus concernant
l'instruction et le jugement des crimes
de Lèse-Nation ; d'ordonner pareillement
à la Municipalité et aux Gardes Nationales
de Nancy , ainsi qu'au Commandant Militaire
de cette place , de faire , chacun en
ce qui les concerne , les dispositions nécessaires
, et qui seront en leur pouvoir , pour
s'assurer des coupables et les livrer à la
justice ; même d'ordonner le rassemblement
et l'intervention d'une force militaire , tirée
des garnisons et des Gardes Nationales du
Département de la Meurthe et de tous les
Départemens voisins , pour agir conformément
aux ordres de tel Officier qu'il plaira
à Sa Majesté commettre , à l'effet d'appuyer
l'exécution du présent Décret , de
faire en sorte que force reste à justice , et
que la Liberté et la sureté des Citoyens
soient efficacement protégées contre qui-
Conque chercheroit à y porter atteinte; à
( 288 )
l'effet de quoi cet Officier général sera spécialement
autorisé à casser et licencier les
Régimens de la garnison de Nancy , dans
le cas où ils ne rentreroient pas immédiatement
dans l'ordre , ou s'ils tentoient d'opposer
la moindre résistance au châtiment
des principaux coupables . "
DU LUNDI. SÉANCE DU SOIR.
Une nouvelle sortie de M. Bouche contre M.
le Garde- des - Sceaux , au sujet de quelques
Décrets prétendus non expédiés , a ouvert
la Séance. Elle étoit peu nombreuse ; M. Blin
a assuré qu'aussitôt que 200 Membres seroient
réunis , il manderoit M. le Garde - des - Sceaux
à la Barre il n'en a rien fait , et il en a été
de cette plainte , comme de tant d'autres
précédentes sur le même objet ; le Président
à été chargé d'écrire à M. le Garde - des-
Sceaux.
:
On a chargé le Comité des Rapports , des
pieces relatives à la tyrannie exercée contre
un Gentilhomme , arrêté , garotté , jeté dans
un cachot , sous le prétexte digne du
douzième siècle , qu'il empoisonnoit les fontaines
.
M. de Champagny a fait , au nom du .
Comité de la Marine , le rapport du Code
pénal à observer sur les flottes , escadres , etc.
Ce Code très -considérable passeroit les
bornes de notre Journal ; nous en réunirons
incessamment les articles dans un Supplé-
-
ment.
DU MARDI 17 AOUST.
Nonobstant les Décrets de l'Assemblée
Nationale , le Peuple de Carcassonne et des
environs
( 289 )
I
environs continuoit de s'opposer à la cireu-"
lation des grains , et de maltraiter ceux qu'on
lui désignoit comme accapareurs . Sur le Rapport
du Comité des Recherches , il est aujourd'hui
intervenu un Décret , qui ordonne
la poursuite des auteurs de ces troubles , et
qui , en prohibant de nouveau l'exportation
à l'Etranger , prescrit des formalités pour
la circulation intérieure.
M. Gossin a , de suite , commencé son ,
Rapport sur l'emplacement des Tribunaux .
Invitant l'Assemblée à prévenir par des déeisions
promptes , la discorde , et les troubles
qu'a produits le premier partage du
Royaume , il a fait l'aveu remarquable
que , la confiance du Corps Législatif dans
les Assemblées Electorales , n'a pas été
par- toût justifiée . L'intérêt particulier a
presque généralement étouffé l'esprit ,public .
L'on a successivement décrété , d'après
l'avis du Rapporteur , l'emplacement d'une
quarantaine de Tribunaux , qui tous , avec
quelques réserves , se rapportent aux chefslieux
de Districts .
Ces Décrets ont été interrompus par la
lecture d'une Lettre de M. l'Abbé Perratin
de Barmond , qui annonçoit son arrivée à
Paris , en demandant l'heure et le lieu où
il seroit admis . L'heure a été fixée à demain
deux heures. Quant au choix de la place où
il seroit reçu , il n'a été décidé qu'après de
longues et âpres contestations .
et
M. Voidel, Vice - Président du Comité des
Recherches , mettoit l'Accusé au secret ,
Je faisoit amener aux portes de la Salle
par la Garde Nationale , à la Tribune par
les Huissiers , et reconduire chez lui par la
première escorte . Cette propositiou de mettre
No. 35. 28 Août 1790, N
↓
('290 )
au secret un Prévenu , Membre de l'Assemblée
, avant d'avoir été entendu , a paru plus
conforme à l'esprit d'un Comité des Recherches
, qu'à celui des Représentans de la Nation
. Plusieurs d'entre eux plaçoient M. de
Barmond à la Barre. M. de Frondeville l'a
élevé à la Tribune .
" Il n'y a contre lui , a- t- il observé , ni.
accusation , ni Décret ; l'Assemblée même
a tellement reconnu , d'après son arrestation ,
son caractère de Député , qu'elle n'a pas
souffert son emprisonnement , comme celui
des deux personnes arrêtées avec lui : M. de
Toulouse-Lautrec , décrété , M. de Mirabeau
le jeune , accusé , ont été entendus de la Tribune
.
"
"
M. Regnault a aisément détruit ces analogies
, puisque l'Assemblée avoit aur préalable
remis en liberté MM. de Lautrec
et de Mirabeau. Au contraire , M. l'Abbé
de Barmond est en état d'arrestation ":
il n'est pas libre ; on ne peut lui appliquer
le privilége d'inviolabilité. De ce principe ,
il a conclu à regret à ce que M. de Barmond
parût à la Barre.
" Est- ce à votre Tribune , a ajouté M.
Goupil , que doit parler un homme entouré
de Gardes ? Est - ce dans l'intérieur de votre
Salle des Gardes doivent être introque
duits ? ... "
L'Opinant s'étant enroué , n'a pu terminer
sa déduction , déja fatiguée par de nombreuses
clameurs .
M. de Mirabeau Paîné a distingué ensuite
l'arrestation , du Décret de prise-de - corps.
S'il étoit décrété , M. de Burmond devroit être
en prison : il est arrêté , et doit paroître à
Ja Barre. Vainement M. de Folleville a di(
291 )
visé et subdivisé les divers. genres d'arrestation
, en considérant celle de M. de Burmond
comme une simple arrestation de police
. Cette distinction plus subtile que juste ,
n'a point été admise , et au bruit des applaudissemens
, tant d'une partie de l'Assemblée
que des Tribunes , on a décidé que M. de
Barmond seroit entendu à la Barre. M. de
Foucault s'est soulevé contre ces témoignages
inhumains d'approbation , que le Président a
réprimés.
Ce point décrété , M. de Noailles a fait
la lecture du nouveau Plan d'Organisation
Militaire , envoyé par M. de la Tour- du-
Pin. Le Comité abjurant enfin son premier
systême de travail , et écartant tous les détails
qui eussent fait de l'Assembl e Nationale
une Ecole Militaire , plutôt qu'une Assemblée
de Législateurs , s'est borné à confronter
ce Plan avec les articles de la Constitution
, et à le rédiger en Décret. Après
quelques débats sur le nombre d'Officiersgénéraux
, que plusieurs Membres ont tenté
de réduire de 94 à 24 , il en a fait passer le
premier article en ces termes .
""
I. L'Armée sera composée , à commencer
du 1er Janvier 1791 , de 150,848 hommes ,
tant Officiers que Soldats , dont 10,131 d'Artilierie
et du Génie , le nombre des Officiers-
Généraux employés ne pourra excéder 94 ;
l'Assemblée Nationale se réserve de statuer
sir le nombre d'Adjudans , sur celui d'Aidesde
- Camp , et sur le nombre des Commissaires
des Guerres qui doivent être , en , activité
pendant l'année 1791 .
Ici M. le Président a fait lire le Mémoire
suivant , adressé à l'Assemblée de la part
15
Nij
( 292 )
du Roi par M. Necker , et contenant des
observations sur les Décrets relatifs aux
Pensions.
ст
MESSIEURS ,
Le Roi est informé qu'une infinité de
Particuliers vivent dans une cruelle incertitude
, en attendant la détermination qui
sera prise à l'égard des graces dont ils jouissent
sur le Trésor de l'Etat , et Sa Majesté
ne voulant pas prolonger cette situation pénible
, en introduisant de nouvelles discussions
, s'est déterminée à sanctionner le Décret
general que vous lui avez présenté , relatif
aux Pensions ; elle croit cependant que
plusieurs dispositions de cette Loi , exigeroient
une modification de votre part ; et ,
conformément aux intentions de Sa Majesté ,
je vais vous donner connoissance des réflexions
qui ont fixé son attention . »
Sa Majesté est sensiblement affectée des
privations auxquelles un grand nombre de
Citoyens vont être soumis par l'effet de vos
Réglemens ; mais Elle vois tout ce qu'exigent
les circonstances , et pleine de confiance
dans vos motifs , Elle a jugé convenable de
s'en remettre à votre sagesse .
" Cependant Elle vous engage à considérer
que la règle de vingt- cinq et trente ans de
service , pour avoir droit à une Pension ,
devient sévère quand elle est rétroactive .
Les mêmes dispositions ne paroissent pas
applicables au passé et à l'avenir : on se
prépare à son sort quand on le connoît à
l'avance , et quand on est encore le maître
de choisir sa route ; mais , lorsque la vie est
avancée , lorsque la stabilité d'une récompense
modique a été la condition d'un éta(
293 )
blissement , d'un mariage , du genre d'édu
cation de ses enfans , la destruction totale
de cette récompense , en raison d'une Loi
. nouvelle , cette destruction qui vous fait
déchoir d'un état paisible pour tomber ,
avec ce qu'on aime le plus , dans une grande
détresse , devient un genre de malheur digne
de toute l'attention de ceux qui sont les
Représentans des intérêts et des sentimens
de la Communauté Nationale .
"
Vous avez été occupés , Messieurs , de
ces considérations , lorsque vous avez décrété
une distribution de deux millions de pensions
, divisées en petites parties depuis 150
liv jusqu'à 1000 liv . ; mais Sa Majesté a remariqué
que vous n'aviez soumis cette distribution
à aucune règle ; et , quoique le Comité
des Pensions ait adopté des mesures
sages pour la division de son travail , it ne
résultera pas moins de l'immensité des demandes
, qu'un très - petit nombre de personnes
deviendront le centre de toutes les
sollicitations , et les dispensateurs véritables
du plus grand nombre des graces . Sa Majesté
vous donne à réfléchir si cet ascendant , si
ee pouvoir remis à quelques Députés de
PAssemblée Nationale , n'est pas contraire
aux principes constitutionnels que vous avez
adoptés .
"
Indépendamment des fonds , dont l'emploi
doit être fait en pensions , vous réservez
annuellement une somme de deux millions
pour être répartie en gratifications extraor
dinaires .
་་
,,
Cette somme , vous la destinez , et aux
récompenses des services rendus , et aux indemnités
des dommages soufferts , et au
soulagement des personnes qui peuvent être
Niij
( 294 )
dans le besoin ; mais on ne voit pas comment
une limite fixe et positive , peut être
appliquée également et aux actes de justice
et aux dispositions de bienfaisance. »
" Vous voulez de plus qu'aucune partie
des gratifications ne puisse être accordée
sans le consentement des Législatures ; mais
une telle condition établie et maintenue dans
tonte l'étendue de sa restriction , acheveroit
d'affaiblir le Gouvernemeut , puisqu'on le
verroit dans l'impuissance d'accorder , de
son chef , le plus petit encouragement aux
Agens de tout genre qu'il est obligé d'employer
pour le service public.
"
»
Un article du Décret autorise , à la vérité
, le Pouvoir exécutif à donner provisoirement
quelques gratifications dans les cas
urgens ; mais un encouragement utile et
même nécessaire ne peut pas toujours être
compris visiblement dans les cas urgens , et
ce seroit au moins un sujet continuel de
doute et de controverse. D'ailleurs , vous
ajoutez pour condition , que si les motifs
d'une gratification accordée , ne sont pas
approuvés par la Législature , le Ministre
qui aura contresigné la décision , sera tenu
d'en verser le montant au Trésor public. Une
telle condition , qui fait dépendre le bien de
P'Etat , de la disposition d'un Ministre à
compromettre sa fortune , présente surement
des inconvéniens ; je ne sais même quel
homme délicat voudroit , à ce prix , accepter.
une récompense . Il est des liens utiles et
raisonnables , il en est d'autres qui arrêtent
toute espèce d'action , et c'est d'une juste
mesure que dépend le mouvement régulier
de l'administration publique "
Je croirois donc que , sans déroger vi
( 295 )
à la Loi générale de responsabilité de la part
des Ministres , ni à la disposition qui oblige
de rendre compte de toutes les dépenses
-sans distinction , une distribution annuelle
sen gratifications d'une somme précise divisée
entre les divers Départemens , devroit être
-remise à la sagesse du Roi.
"
Toutes les précautions que peut inspirer
à l'Assemblée Nationale un esprit de prudence
, paroîtroient de cette manière exactement
remplies , en même - temps que la
diguité d'une Loi Nationale seroit parfaitement
conservée . »
*
3 En général , Messieurs , oserois - je le
dire ? vous laissez le Roi trop à l'écart dans
la distribution des récompenses . Sans doute
celles décernées à Marlborough et à Chathampar
les Représentans du Peuple Anglois ,
recurent de ce vou national un plus grand
éclat ; car une munificence rare et splendide ,
dont chaque siècle donne à peine un ou deux
exemples , est une pompe de plus ajoutée
" aux grandes actions ; mais de modiques gratifications
, le plus souvent accordées à des
travaux obseurs , et néanmoins utiles , ne
doivent pas être dispensées par une Assemblée
nombreuse ; car les récompenses attribuées
à de pareils services , ne peuvent jamais
être déterminées par un mouvement
général ; et dès que leur distribution devroit
être constamment précédée d'une discussion
publique , d'une discussion qui , dans son
libre cours , atteint également et les actions ,
et les personnes , ceux qui auroient droit à
ces récompenses hésiteroient peut - être à les
rechercher ; cependant il faut qu'il existe
des encouragemens , il faut qu'on les desire ,
et il importe à l'Etat que leur concession
N iv
( 296 )
soit réglée de la maniere la plus propre à
en, maintenir la valeur ; et peut- être que ,
par ce motif , il est des graces dont la Nation
doit confier la distribution à son Representant
héréditaire , à celui qui , par sa haute
dignité , son rang unique et son élévation
suprême , ajoute un prix d'opinion aux moindres
dons pécuniaires , quand il en est le
dipensateur. "
"
Cette dernière idée que je viens de tracer ,
ce n'est point au nom du Roi que je la présente
; mais Sa Majesté m'a ordonné expressément
de vous faire connoitre qu'Elle a
éprouvé un moment de peine , en voyant
reunie dans un même article de votre Décret
, l'interdiction aux Pensionnaires de
PEtat , de recevoir une pension des Puissances
Etrangères , et la défense d'en recevoir
aucune sur la Liste Civile. Ce rapproehement
aura surement échappé à votre attention
, car votre sentiment vous dira toujours
que c'est avec les bienfaits de la Patrie
que ceux du Roi doivent être confondus.
Enfin , Messieurs , le Roi n'a pas vu
avec indifférence , qu'après l'avoir engagé à
fixer lui - même les fonds nécessaires à la dépense
de sa Maison , après avoir donné à sa
proposition un acquiescement absolu , et
apres avoir accompagné cet acquiescement
de tout ce qui pouvoit le rendre affectueux
et touchant , vous mettiez cependant à la
charge de la Liste Civile une somme considérable
d'anciennes pensions. Le Roi se
bornera toujours , dans tout ce qui lui est
personnel , à l'expression d'un simple sentiment
ainsi , j'obéis aux ordres de S. M. ,
en n'insistant pas sur l'observation que je
viens de faire ; mais Elle m'a autorisé à vous
( 297 )
informer , ou à vous rappeler , qu'une grande
partie des pensions , dont jouissent les personnes
qui ont rempli des places dans sa
Maison , ou dans celle de son Aïeul , ont,
été accordées pour des services politiques ou
militaires , et pour d'autres encore rendus
en qualité de Commandans des Provinces .
ou de Commissaires aux Assemblées des Pays
d'Etats ; ainsi , même dans la rigueur du
principe établi par votre Décret , et en rejetant
sur la Liste Civile toutes les pensions
inscrites sous le titre de Maison du Roi , il
y auroit encore un examen à faire et de
justes distinctions à déterminer . »
"
« Le Roi , Messieurs , vous invite à prendre
en considération les diverses réflexions contenues
dans ce Mémoire . "
Si l'on se rappelle combien l'opinion de
M. Necker , fléchissant sur les premiers principes
, contribua à faire adopter la Sanction
suspensive ; si l'on réfléchit aux effets qu'il
attribua à cette prérogative , illusoire jusqu'ici
, on s'étonnera de voir aujourd'hui ce
Ministre substituer à cette forme des observations
après coup , et exposer ainsi le Roi
à un refus humiliant. L'Assemblée ne pouvoit
déférer à une marche aussi contraire à
toutes les règles , ni intervertir celle de la
Loi. En lisant ce Mémoire , on regrettera
amèrement qu'il n'ait pas précédé là
Sanction tout prétexte d'en rejeter l'exaen
disparoissoit . Il n'est pas moins digne
de surprise que nul Membre de la Minorité
n'ait saisi dans le temps , la plus importante
des considérations présentées par M.
Necker , contre un ordre de choses qui place
dans l'Assemblée , ou plutôt dans les mains
de quelques Commissaires de son choix , la
No
( 298 )
distribution des graces et des récompenses.
De quel affreux danger cet usage ne menace-
-il pas une Constitution représentative ?
Indépendamment du vice de la forme
ce Mémoire offensoit trop de passions pour
étre écouté tranquillement. On l'a fréquem.
ment interrompu par des éclats d'improbation
, et lorsque M. le Président a tenté de
prescrire le silence , M. Boutidou s'est écrié
que , rien n'obligeait à entendre ces insolences
Ministérielles. L'orgueit, le respect des règles
et l'animosité concoururent à soulever un
grand nombre de voix pour réclamer l'ordre
du jour , ce qui équivaloit à regarder le Mémoire
comme non avenu . Le Parti opposé ,
compo é de tous ceux qu'avoit mécontentés
le Décret sur les Pensions , ou qui pensoient
devoir s'attacher moins à une irrégularité ,
qu'aux égards dus à S. M. , invoquèrent le
renvoi au Comité des Pensions .
M. le Président cumula ces deux Motions
opposées , en présentant la délibération en
ces termes : « Renverra- t- on au Comité des
Pensions, et passera - t - on à l'ordre du jour ? »
Le vacarme qui régnoit dans le côté gauche
ne lui ayant permis d'entendre que la dernière
phrase , il se leva pour approuver , ainsi
que le côté droit. En conséquence , le Pré-
' sident prononça le Décret. La gauche s'appercevant
alors de sa méprise , poussa les
hauts cris , accusa M. Dupont de malversation
, de haute trahison ; on l'appela à la
Barre , il exposa les faits."
"«
Renouvelez donc l'épreuve , lui criat-
on ; mettez aux voix si l'on passera purement
et simplement à l'ordre du jour. » « La
manière dont j'ai posé la question , répliqua
le Président , me paroît la meilleure , parce
( 299 )
1
и
"
que je la crois plus conforme au voeu de
la majorité. » ( Non s'écria- t - on avec fureur. )
Qu'on se tienne dans le silence et dans le
respect ; il ne convient pas à la Minorité ,
qui prétend n'avoir pas entendu , de faire
la loi à la Majorité qui a entendu . » Les yeux
de M. Dupont le trompoient , car une Majorité
évidente , le sommoit de remettre le
Décret en délibération .
Je ne vois , ajouta- t- il , d'autre parti à
prendre , que de mettre aux voix s'il y a eu ,
ou non , un Décret de rendu.... " « Il y a un
Décret surpris , s'écrient 300 voix , et vous
en surpendrez encore... ! « Le President insiste
; les clameurs redoublent. Il eût été
tout simple de décider qu'il n'y avoit point
de Décret , puisque le Décret résulte nouseulement
de la prononciation simple du
President , mais encore de l'assentiment des
Délibérans .
Au milieu des clameurs et des offenses ,
M. Madier observa que l'Assemblée avoit
très - bien distingué dans le Mémoire , les
réflexions du Roi d'avec celles du Ministre.
Passer à l'ordre du jour , ajouta - t - il , seroit
un refus formel et injurieux des propositions
du Roi. En Angleterre , où certes on aime
la liberté , le Parlement délibère sur les demandes
du Prince.
Dans un Gouvernement libre , répliqua
M. Barnave , en Angleterre par exemple.
rien ne peut - être présenté au nom du Roi ,
parce que le respect dú à sa personne influeroit
sur les délibérations. Tous les actes
du Roi doivent être contre signés et censés
conseillés par le Ministre responsable . Vous
ne devez donc apercevoir dans le Mémoire
que des observations ministérielles , observa
N vi
( 300 )
tions dans lesquelles on vous propose de modifier
des Decrets sanctionnés. Vous ne
pouvez les prendre en considération , sans
prejuger que le Corps législatif pourra dans
la même Session retracter ses Décrets ( 1 ) .
ม
Je demande , a répondu M. de Virieu ,
avec autant d'empressement que le Préop:-
nant , le maintien des Decrets constitutionnels
: l'un de ces Decrets porte expressément
que le Roi pourra envoyer des Messages au
Corps legislatif. Le Préopinant , en vous citant
l'Angleterre , a confondu la faculté de
proposer avec l'initiative des Lois. C'est
pour conserver aux Membres du Corps
nom ,
-
(1 ) M. Barnave , nous l'avons plus d'une fois
remarqué, ne connoit aucunement la Constitution
Angloise. Illa cite ici à faux , et inexactement
. D'abord , les Ministres du Roi siégent
toujours au Parlement , et peuvent , en leur
lui faire entendre telles observations
qu'ils jugent convenables . Ensuite , ils sont´
Fes porteurs immediats des Messages du Roi ,
sur lesquels jamais le Parlement n'a refusé
de délibérer. Il y a plus ; la chambre suspend ,
sur le champ , toute autre délibération pour
s'occuper de celie-là. Par le même respect
pour le Représentant de la Souveraineté ,
pour le Gardien de la Loi et de la liberté, le
Parlement ne lui envoie jamais d'Adresse
ni de demande , sans , au préalable , s'être
enquis , en forme du jour et de l'heure où
il plaira à S. M. de les recevoir. C'est par
ces formalités essentielles , que l'on rend
vénérable la puissance de la Loi , en entourant
du respect public son Magistrat suprême.
$
( 301 )
+
gislatif le droit exclusif de cette initiative ,
que je demande le renvoi du Message du
Roi au Comité des Pensions. Sans vous faire
revenir sur vos Décrets , ces propositions
peuvent faire la matière d'articles additionels
qui en corrigent la rigueur .
M. Duport a rappelé le Décret rendu l'année
dernière dans les affreuses circonstances
du mois d'Octobre. Il porte que l'acceptation
ou la sanction du Roi serà pure et simple
; d'où il est évident que la démarche de
M. Necker violoit les formes , et qu'il devoit
envoyer son Mémoire avant l'émission de la
sanction du Roi.
་་
On a demandé de plus fort les voix sur la
Motion de passer à l'ordre du jour. « Je ne
puis , répétoit le Président , sortir de ce point
unique : Y a- t- il où n'y a - t- il pas eu un
Décret ? Le trouble augmentoit. MM Muguet,
Lameth, Prieur, Boutidou, etc.apostrophoient
successivement le Président pour le sommer
de mettre aux voix leur demande de priorité.
M. Dupont persistant , l'orage a redoublé.
Vingt Personnes , M. Camus à leur tête , ont
entoure le bureau , en menaçant le Président
de la Barre , ou de l'inscription dans
Je Procès-verbal . Il s'est couvert, sans étouffer
l'incendie ; enfin on a cédé à un milieu ,
proposé par M. de Bonnay , et qui consistoit
à décider la priorité de l'une ou de
l'autre des opinions contraires . Celle de passer
à l'ordre du jour a prévalu et la Séance a été
levée .
DU MARDI. SÉANCE DU SOIR.
Les premiers instans de la Séance ont été
donnés à une Députation du Département
de Finisterre , dont le compliment a ren
( 302 )
"
chéri sur ceux que les Poètereaux du dernier
siècle adressoient aux Ministres de
Louis XIV. Si le soleil , a dit l'Orateur ,
rencontroit dans sa course des mortels assez
téméraires pour blasphemer contre ses influences
bienfaisantes , il n'arrêteroit pas sa
course ; faités de même, Messieurs . » Nonobstant
cette belle comparaison , dérobée à
M. le Franc de Pompignan , l'Assemblée a
rejeté une dénonciation des Deputés de Finisterre
, contre le Colonel de Rouergue ,
qui a renvoyé 60 Soldats . Les Départemens
n'ont pas le droit de s'immiscer dans la police
des Régimens.
M. le Chapelier a proposé un objet de
Délibération plus important ; il a rendu un
compte très - long de la Pétition des Protestans
d'Alsace en faveur de leurs immunités.
Peut- être a - t - il laissé percer , dans l'appui
qu'il a donné à une demande tres - légitime ,
quelque prévention pour les Pétitionnaires , et
la prudence impose une grande impartialité,
en traitant des intérêts aussi délicats , relativement
à une Province où subsistent trois
Religions différentes , avec égalité de droits .
M. l'Abbé Aymar a invoqué , en la rappelant
, la Loi de l'alternat qui règue en Alsace
; mais ses reflexions n'ont pu entamer
le Décret du Comité , adopté en ces termes
:
" Les Protestans des deux ' Confessions
d'Augsbourg et Helvétique , habitans d'Alsace,
continueront de jouir des mêmes droits ,
liberté et avantages dont ils ont joui et ont
droit de jouir , et que les atteintes qui pourroient
y avoiretéportées , seront considérées
comme nulles et non- avenues. "
. Sur la Pétition des Villes de Colmar ,
303 )
Wissembourg et Landau , relativement aux
Elections pour les places Municipales , administratives
et judiciaires , il n'y a lieu à
délibérer. "
M. de Sillery a terminé la Séance par la
lecture d'une Lettre pastorale de M. l'Evêque
de Toulon , dénoncée par la Municipalité
de cette Ville. On regrète de voir dans cette
lettre , à côté des vérités les plus frappantes
sur la situation actuelle de la France , des
phrases telles que celles - ci : « Couvrez- vous ,
à la voix du Prophète , de sang et de poussière
. "3
Nous ne craignons ni vos lois ni vos me
naces ; usurpateurs de nos biens , l'Eglise
vous frappera d'anathème , etc. » On exhorte
le Peuple à renoncer à la liberte usurpée ;
on préconise la puissance divine des Rois.
La Municipalité de Toulon à fait , de sa
propre autorité , séquestrer les revenus de
son Evêque . Le Comité des Recherches
proposoit de le mander à la Barre . M. Duquesnoi
l'a fait traduire devant les Juges or
dinaires de Toulon , et séquestrer ses revenus
jusqu'à ce qu'il soit rentré en France , et qu'il
ait prêté le serment civique.
M. le Curé de St. Nicolas du Chardonneret ,
qui avoit rétracté sa signature à la déclaration
d'une partie de l'Assemblée au mois de mai,
s'est déclaré tellement touché de la Lettré
Pastorale de M. l'Evêque de Toulon , qu'il
rendoit sa signature à l'Acte , pour lequel
il avoit essuyé lui - même de très - vives persécutions.
DU MERCREDI 18 AOUT.
Les premières heures de la Séance , données
au jugement des contestations sur l'emplace(
304 )
ment des Tribunaux , ont offert le spectacle
des débats les plus bizarres et les plus
tumultueux. Chaque Député regardant le
Tribunal comme la propriété de sa ville ,
faisoit de cette prévention un Procès , exagéroit
les avantages de son pays , en comptoit
tête par tête la population , toisoit les distances
, convertissoit les sentiers en grandes routes
, les Eglises en Palais de Justice , et chargeoit
la Tribune de Procès - verbaux : ensuite
on déprécioit les avantages de la ville rivale,
on alloit jusqu'a lui reprocher le défaut de
lumières ; les Députés de celle - ci crioient à
la calomnie , menaçoient l'Orateur ; les 540
Districts entouroienida Tribune . M. Gossin ,
Rapporteur du Comité , qui portoit leur destin
dans sa poche , canton par canton , comptoit
pour les Juges , leurs Suppléans , les
Administrateurs , les Municipaux , les Notables
, les Procureurs Syndics , Procureurs
du Roi , les Jurés , les Tribunaux de paix ,
les Tribunaux de commerce au moins 160
sujets à renouveler tous les deux ans par
District ; il vouloit éviter les déplacemens
du plus grand nombre . Son avis prévalut dans
presque toutes les décisions.
A
Celui de M. de la Tour- du - Pin forma seul ,
également, la suite des Décrets sur l'Organi ;
sation Militaire . A peine trouva- t - on une
centaine de Délibérans sur cette matière ,
qui éprouva peu de discussion .
II. Les Troupes étrangères qui feront
partie du nombre ci- dessus , et qui seront à
la solde de la Nation , ne pourront pas ,
sans un Décret du Corps Législatif , sanctionné
par le Roi , excéder le nombre de
26,000 hommes.
04
17
III. Le nombre d'individus de chaque
( 305 )
1
grade et dans chaque arme sera déterminé
ainsi qu'il est expliqué en l'état n ° . 1 du Ministre
de la Guerre , sans y comprendre
Artillerie et le Génie sur lesquels il sera
fait un rapport particulier , et sauf les changemens
que les circonstances pourroient
exiger dans les Corps de l'Armée . »
IV. Le Ministre proposera les changemens
qui pourroient avoir lieu dans l'Armée ,
dans des notes particulières qu'il adressera
au Corps Législatif.
"
V. Les appointeinens et soldes seront
fixés pour chaque grade , à compter , ainsi
qu'il est dit dans l'état n ° . 2 du Ministre de
la Guerre. "
VI. Les Régimens Suisses et Grisons
conserveront jusqu'au renouvellement de
leur capitulation , les appointemens et solde
dont ils jouissoient en vertu d'icelle. »
་་
VII. Les Officiers , Sous - Officiers et
Soldats , qui , par l'effet de la nouvelle format
on eprouveroient une reduction sur leur
traitement actuel , le conserveront jusqu'à
ce qu'ils en obtiennent un équivalent . En
attendant , ils seront payés du supplement
sur des états particuliers dans la forme prescrite
par les Ordonnances. "
"
VIII. Les Carabiniers seront rendus à
leur destination primitive de Grenadiers de
la Cavalerie ; en consequence , ils se remonteront
dans les Troupes à cheval , ou de
sujets ayant fait au moins un congé dans
lesdites Troupes , et ils jouiront d'un sol de.
haute paie , comme les Grenadiers en jouissent
dans l'Infanterie . "
"
IX. Les appointemens et solde réglés
par l'article IV seront payés par le Trésor
( 306
public sur des revues en raison du nombre
des jours dont chaque mois est composé. "
X. Indépendamment de la solde réglée
par l'article IV , il sera fourni à chaque Soldat
présent au drapeau , on détaché pour le
service , conformément au Décret du 24 Juin ,
une ration de pain de munition du poids de
24 onces ; laquelle ration fera partie de la
somme del'homme present , sans que l'homme
absent des drapeanx puisse y rien prétendre. "
XI. Il sera fourni des rations de fourrage
aux chevaux des Officiers , suivant le détail
ei -après , savoir ; Infanterie , à chaque Colonel
, deux rations ; à chaque Lieutenant-
Colonel , une ration : Troupes à cheval , à
chaque Colonel , trois rations ; à chaque Lieutenant
- Colonel et Capitaine , deux rations :
Troupes légères , à chaque Lieutenant - Colonel
, deux rations . ›
"
"
XII. Les paiemens qui seront faits en
vertu des articles précédens , ne devant avoir
lieu qu'à l'effectif, il sera constaté tous les
trois mois par des revues des Commissaires
des Guerres dans la forme qui sera prescrite
par les Ordonnances.
"
"
XIII. Pour subvenir aux dépenses du
recrutement , rengagement , remonte , habil .
lement , équipement , armement ; frais de
bureau et autres d'administration , il sera
payé à chaque Régiment une somme pour
homme au complet pour former la masse
générale , suivant ce qui sera fait par un
travail particulier. "
"
XIV. Il sera également formé des masses
pour subvenir aux dépenses des vivres , fourrages
, hôpitaux , frais et campement , dont
les fonds seront faits au Département de la
Guerre , sur le pied du compte de l'Armée.
( 307 )
Toutes les masses , non compris celle du
linge et chaussure , sont destinées aux besoins
collectifs de tous les Corps , et appar
tiennent à la Nation . En conséquence nul
individu n'aura le droit ni d'en demander
compte , ainsi qu'il a été réglé par le Décret
du...... Les Corps en compteront avec le
Ministre de la Guerre , et celui - ci avec la
personne chargée par le Corps Législatif
d'en prendre connoissance. »
"
XV. Les fonds affectés , tant aux travaux
de l'Artillerie qu'à ceux du Génie pour
l'année 1791 , seront provisoirement fixés a
5,400,000 liv. dont la répartition sera faitę
par le Ministre de la Guerre . »
"(
XVI, Il sera pareillement affecté pour
les premiers mois de ladite année , et provisoirement
, un fonds de 1,500,000 liv. pour
les frais du Bureau du Ministre , les frais
d'impression , les Ordonnances de convois
et d'escorte , des fonds de la guerre et autres .
frais de toute espèce ; mais cette somme ne
sera définitivement réglée , qu'après avoir pris
une connoissance exacte , des sommes affectées
à chaque objet distrait , et les tableaux
y relatifs serontrendus publics sur le champ . »
M. de Froment , qui a plus d'une fois
donné des preuves de son expérience , jointe
à une grande justesse d'esprit , a désapprouvé
l'institution des deux Adjudans-Majors par
Régimens , qui rétabliroit , sous une autre
dénomination , les Aides-Majors et Sous-
Aides- Majors il a représenté les inconvé
niens qui étoient résultés de l'intelligence
même , et du zèle de ces Officiers sur lesquels
on se reposoit trop dans les Régimens
pour tous les objets d'instruction , d'où il
arrivoit que les Officiers des Compagnies ,
( 308 )
•
et même les Officiers Supérieurs , n'acquéroient
presque jamais le talent de dresser et
de former eux-mêmes leurs Troupes . I a
'démontré que l'usage qu'on prétendoit faire
de ces Adjudans, Majors , comme Officiers
Directeurs dans les manoeuvres , pouvoit être
rempli par les Adjudens ordinaires ; qu'on
attachoit trop d'importance au jalonnage
des points de vue , en creant pour cet objet
deux Officiers par Régiment , que l'on paieroit
trop cher deux jalonneurs , dont les
Adjudans ordinaires pouvoient faire les fonctions
, et qui pouvoient même être remplacés
par les premiers Sous - Officiers de serrefile ;
qu'enfin , il falloit s'en tenir à ce que preserivoit
l'Ordonnance de 1776. Sur ce moyen
de diriger la marche et l'alignement des
Troupes , et qui convenoit mieux pour les
mouvemens à la guerre , que la minutieuse
Ordonnance de 1783 , qui avoit indiqué
P'usage des Officiers Directeurs : on a applaudi
aux principes développés par M. de
Froment, et cependant on a adopté les Adjudans
-Majors dans l'ensemble du Plan proposé.
"A la suite des Décrets Militaires , une Lettre
du Ministre a informé l'Assemblée de l'emprisonnemeut
de huit Grenadiers , arrivés à Paris ,
et se disant Députés du Régiment du Roi.
Une Lettre de Montauban annonçoit la
fermentation inquiétante qu'excite dans le
Peuple , l'ordre du départ du Régiment de
Languedoc. Deux cents Signataires demandoient
avec instances et au nom de la paix
publique , la suspension de ce départ . Ón a
répondu qu'il n'y avoit pas lieu à déliberet .
On a refusé pareillement la lecture d'un
état envoyé par M. de Saint- Priest , des Do(
309 )
1
•
maines que le Roi veut conserver ; et d'un
Proces verbal qui rendoit compte des degats
commis par les Braconniers dans les plaisirs
de S. M.
En attendant l'arrivée de M. l'Abbé de Bar
monton a entendu un Rapport , ou plutôt le
préambule du travail du Comité des impositions
, lu par M. de la Rochefoucault. On a décrété
l'mpression de ce Rapport diffus , et qui
donnera lieu à d'importantes observations .
La circulation des grains a été arrêtée près,
de S. Jean- d'Angely ; les greniers d'un marchand
de grains ont été pillés par des Brigands
, le marchand a été maltraité , et presque
pendu . On a informé contre les auteurs de
ces désordres , plusieurs paysans sont arrêtés ;
le marchaud demande une réparation des
vols qui l'ont ruiné . Le Comité des Rapports ,
par l'organe de M. Huot , proposoit de dé--
clarer l'affaire non - avenue , et d'annuller la
procédure . Un sentiment presqu'unanime .
d'indignation a renvoyé le Rapporteur de la
Tribune. M. Duquesnoy , en particulier , a
fortement réclamé contre ces prétextes éternels
d'égurement populaire , de séduction ,,
de fausse entente des Décrets ; prétextes,
avec lesquels on justifieroit tous les crimes..
A la suite de ces décisions , M. l'Abbé de
Barmond est arrivé. On n'eût pas employé
de plus grandes précautions contre le Criminel
le plus important et le plus audacieux .,
Les avenues de la Salle garnies de Soidats ;
la Garde doublée , deux . Huissiers à la Barre ,
tel étoit le cortège au milieu duquel M, de
Barmond a été introduit : l'Assemblée a
écouté en silence son exposé .
Il a d'abord raconté qu'en passant sur le
Boulevard , le Peuple s'étoit attroupe , et
( 310 )
avoit arrêté ses chevaux avec violences , apparemment
dans la crainte qu'il ne s'évadât .
Sur l'assurance qu'il venoit à l'Assemblée , et
sur l'offre de s'y rendre à pied , la multitude
s'est calmée ; mais de nouveaux pelotons s'étant
formés , la Garde Nationale les a dissipés .
Je ne me dissimule pas , a- t- il dit ensuite
, la difficulté de ma position . Elle seroit
embarrassante pour un homme coupable
; elle n'est que pénible pour un homme
déja justifié par un premier jugement , par
celui de sa conscience. Vous m'avez demandé
compte de ma conduite . Je vais vous ouvrir
mon ame toute entière. Une démarche extraordinaire
et sans doute imprudente m'a
mis à la merci de ces hommes qui répandent
les alarmes , les terreurs , chez un Peuple
trop facile à émouvoir , de ces hommes dont
on peut dire , comme des despotes :
Dès qu'on leur est suspect , on n'est plus innocent.
"
L'intrigue n'a jamais souillé mes pas.
Je n'ai à offrir qu'une vie simple et pure
qui n'a jamais été agitée que par les malheurs
des autres. Vous connoissez le procès-verbal
de la Municipalité de Châlons. Je n'aurois
plus rien à ajouter , si ce procès - verbal ne
contenoit que ce qui m'en a été lu. Mais
quel a été mon étonnement , lorsque j'ai lu
dans ce procès- verbal imprimé , au- dessous
des signatures , une declaration du sieur
Julien , qui renferme une délation d'un domestique.
J'accuse formellement M. Julien
de ce secret qu'il a demandé lui - même
d'un secret qui , pendant trois semaines , m'
livré sans défense à tous les poignards de l
calomnie ; d'un secret inconciliable avec 1
franchise de votre nouvelle procédure , Cett
( 3 )
"
déclaration est fausse dans toutes ses parties :
voici celle que je crois devoir lui opposer. "
Le Vendredi 16 Juillet , à six heures
du matin , un particulier se présenta chez
moi dans un grand désordre . Je me nomme
a - t- il dit , Bonne - Savardin. Je lui demandai
quel rapport il pouvoit y avoir entre lui et
moi? Le plus sacré de tous , me réponditil
, celui qui est entre un homme sensible et
un innocent poursuivi et persécuté. Mes dénonciateurs
sont payés , a- t- il ajouté ; je me
suis évadé de prison ; je vous demande un
asyle. "
L'affaire du sieur Bonne étoit alors peu
connue , je n'en savois autre chose que sa
première arrestation . Frappé à la fois de la
crainte de me compromettre et du desir
de lui donner un asyle , je répondis à ses
vives instances , que me demandez - vous ? Je
suis Député. Je cherchois tous les titres qui
m'élevoient au -dessus de moi - même ; car
pour moi j'étois deja vaincu . Je cédai enfin ,
je lui promis un asyle dans ma maison de
campagne. Il fut convenu que nous nous y
rendrions le lendemain : nous nous donnâmes
rendez - vous pour le lendemain à quelque
distance de la barrière . »
Je renvoyai mon domestique. Nous descendîmes
à pied dans la campagne . Les inquiétudes
augmentoient à chaque pas. Il regrettoit
sa fuite , il regrettoit le danger qu'il me
faisoit partager . Le domestique qui m'a dénoncé
m'a vu partir seul et revenirensuite avee
quelqu'un. Voilà ce qui a donné lieu à sa
déposition , à laquelle je puis bien opposer
une déclaration simple et sincère. Nous arrivâmes
enfin , J'indiquai à M. de Bonne un
endigit secret où il devoit rester dans tout
( 312 )
le mystère que demandoit sa situation. Les
jours ,se succedoient ainsi ; je revenois souvent
à Paris . A peine avois -je le tenips de
voir mon prisonnier.
་་ J'entendois souvent dire dans la Société
que le sicur de Bonne avoit trouvé moyen
de s'evader par les intrigues d'un homme
puissant , et je m'étonnois que l'homme puis-:
sant qui l'auroit fait évader , ne trouvât pas
de moyen de protéger sa retraite . Je m'indignois
contre cette calomnie ; vingt fois
je fus tenté de declarer que j'avois chez moi
le sieur Bonne de Savardin , pour faire tomber
une calomnie aussi dangereuse. Je voyois
cependant ariver le moment où je serois
forcé de l'abandonner. Mon projet étoit
d'alier aux Eaux . Ce voyage qui a paru con-'
certé pour favoriser la fuite de M. Savardin ,
deviendra moins suspect , quand on saura'
ce qui me le readoit nécessaire . Témoin te
la journée du 6 Octobre , elle m'avoit telle-"
ment affecté , que ma sante se dérangea su-'
bitement. Il est peu de Membres de cette
Assemblée qui n'aient pu remarquer le chan
gement qui paroissoit en moi : on me conseilla
les eaux ; j'obtins un passe-port , l'Assemblée
parut mecontente de la quantité
de passe ports qui venoient de se distribuer ;
je sacrifiai le mjen je suivis avec assiduité
les Séances de l'Assemblée .
Il s'agissoit alors des biens du Clergé ,
et quoique je n'eusse rien à défendre , ne
possédant aucun Bénéfice , j'attachai le plus
vif intérêt à plaider la cause d'un Corps
auquel j'étois attaché. Ma maladie cédaˆà
mon obstinat on , ou plutôt elle se porta
dans mon sang. Les eaux me devinrent absolument
( 313 )
solument indispensables ; cependant l'Assemblée
ayant paru voir avec peine que les
Députés se dispo assent à partir à la veille
du jour de la Fédération , je sacrifiai encore
une fois mon passe port. Le 23 , mon nom
fut inscrit sur le registre des Députés absens
; ce fut les larmes aux yeux , que j'annonçois
au sieur Bonne cette nouvelle , où
il ne vit qu'un motif d'espoir. Il me proposa
de me charger de lui , j'y consentis.
" Je ne voulois dans aucun cas le transporter
hors des frontières du Royaume ; je
voulois seulement le mettre à portee de
chercher l'asyle qui lui conviendroit. J'imposai
d'ailleurs pour condition , d'attendre
si le Châtelet ne lanceroit pas contre lui un
Décret. Le Châtelet ordonna une information
, mais il ne le décréta pas même d'assigné
pour être ouï . Je cédai donc , le sentiment
l'emporta sur la prudence . Que ceux -là
me condamnent avec une implacable sévérité,
qui n'ont jamais connu les vives et puissantes
émotions. Pour moi , je suis encore incertain
si je dois me repentir d'y avoit cédé. On
m'oppose la procédure commencée par le
Comité des Recherches : quelle est donc la
nature de cette Commission combinée , qui ,
sans être un Tribunal , rend des Arrêts ,"
informe dans le silence , arrêté sans décréter ,
retient trois mois sans ecrouer , porte partout
l'inquisition et -la terreur , signale ses
victimes , et peut interdire le feu et l'eau à
tous ceux qui ont frappé ses regards inquiets ?
Quel est ce Tribunal qui reçoit , qui salarie
la déposition des domestiques , qui leur
fait un crime de ne pas trahir ? Oui , je serai
le premier à apprendre aux François à se
soustraire à la tyrannie de cet odieux Tri-
Nº . 35. 28 Août 1790 .
1
( 314 )
bunal . Je donne le defi le plus formel , que
Fon me prouve que j'aie jamais reçu aucune
lettre de l'etranger , à moins qu'on n'entende
parler d'une lettre timbrée de Londres , arrivée
à Châlons , et que les Directeurs des ·
Postes ont eux- mêmes reconnue pour être
venue de Paris. J'aurois voulu me taire sur
cette infame manoeuvre , inais mon devoir
est de la dénoncer ; mon frère l'a déja déposée
au Comité des Recherches. » ,
" Pour confondre pleinement mes adversaires
, je vous prie , Messieurs , de faire
mettre le scellé sur tous mes Papiers dans
ma maison de Paris. Qu'on examine tout et
l'on verra que le soin continuel de ma vie
a été de chercher des malheureux , et le
plaisir de ma jeunesse de les soulager ; on
y verra qu'il n'est aucune prison dans le
Royaume , que je n'aie visitée , aucun cachot
où je ne sois descendu . J'ai parmi vous ,
Messieurs , quelques témoius , quelques co•
opérateurs de ces actes que je me rappelle
avec tant de plaisir. J'invoque ici leur témoignage.
On a dit que mon affaire étoit
liée avec celle des 5 et 6 octobre. Oui , Messieurs
, elle a avec elle un rapport. J'ai donné
l'hospitalité à de malheureux Gardes - du-
Corps poursuivis par la fureur populaire.
J'ai encore donné un asile à un Membre de
de cette Assemblée , qui avoit lieu de craindre
l'effet des préventions formées contre lui.
Ma maison étoit le temple de l'infortune.
C'étoit-là mon culte , ma religion : en est - il
une seule qui n'ait pas ses fanatiques ?
« J'ai souvent entendu parler de contrerévolution
, et je n'y ai jamais vu que des
chimères, qu'une agitation continuelle de(
315
voit naturellement présenter à tous les esprits.
"
"1
Je demande la liberté provisoire pour
moi, mais je croirai n'avoir rien obtenu , si
je n'obtiens aussi celle du sieur Eggs. Il est
moins coupable que moi , et j'ai connu toute
la pureté de son patriotisme . "
Ce discours prononcé , M. le Président a
dit à M. Barmond : « On va , Monsieur
vous conduire dans une Salle d'attente . L'Assemblée
vous appellera pour vous faire connoître
sa décision .
M. Voidel de qui l'on attendoit un Rapport
, s'est contenté de parler de sa sensibilité
, et d'ajouter qu'en qualité de Membre
du Comité des Recherches , et d'après l'interrogatoire
de M. de Bonne Savardin , il
étoit chargé de demander à l'Assemblée
qu'elle autorisât son Comité à interroger
M. Perrotin , où qu'elle nommât une commission
à cet effet . Cette proposition déja rejetée
dans uné Séance précédente , a excité
des murmures presque unanimes d'improbation
.
M. l'Abbé Maury a pris la parole. « Ce
n'est point , a - t-il dit , la sensiblilité ni
l'humanité , qui doivent être les guides du
Législateur : il ne doit consulter que la raison
et la justice . Le principe général , reconnu
en Angleterre , est qu'il n'y a point
de liberté pour un Peuple , chez lequel il
existe des prisons ex légales . Il n'y a en Angletterre
qu'une prison dans chaque Comté.
Londres est la seule ville où l'immensité de
la population a forcé d'en établir plusieurs ;
mais tout Angiois croiroit la liberté détruite,
s'il voyoit un seul Citoyen emprisonné , sans
pouvoir réclamer la loi d'Habeas corpus, M.
Oü
( 316 )
Bonne- Savardin éloit enfermé depuis trois
mois ; sa détention peut - elle être regardee
comine légale ? celui qui auroit favorise so 80
évasion pourroit- il être regardé comme crimiuel
? l'Abbaye n'est point ne prison , c'est
une Bastille , une Charte privée , et cela est
si vrai , qu'aucun Juge ne peut l'ouvrir. ni
la fermer. Quelle est donc l'autorité qui a
pulégitimer cette détention , prolongée pendant
trois mois , sans Décret ? En blamant M.
de Barmond , vous consacreritz une lésion
scandaleuse des droits de la liberté ; car si
la prison n'est pas légale , le Prisonnier a
légitimement use des moyens d'en sortir , et
nul n'est coupable de lui avoir donné asyle.
Je demande que l'Assemblée agisse avec un
respect égal pour la loi et pour l'humanité ,
qu'elle ordonne au dénonciateur de se faire
connoître , et de prouver sa dénonciation ;
que M. de Barmendobtienne justice , et n'ait
pas la honte de recevoir une grace ; qu'il ne
soit pas exposé à la fureur d'un peuple égaré ;
qu'il soit gardé jusqu'à ce que vous puissiez
proclamer les preuves évidentes de son innocence
, et que l'affaire soit renvoyée à tel
Tribunal qu'il vous plaira de désigner.
"
M. Duport, élevé avec M. l'Abbé de Barmond
, son Collegue dans la Magistrature ,
et son Co- Député , a attesté tous les faits relatifs
à la conduite antérieure du Prévenu ,
comme Magistrat et comme homme privé ,
faits qui donnoient une connoissance parfaite
de son caractère . « J'affirme , a - t- il dit ,
qu'il a toujours été le Juge le plus intact ,
le Magistrat le plus ardent à poursuivre les
abus; qu'il a donné les plus grands exemples
de ce patriotisme , dont l'exercice étoit alors
presque entièrement concentré dans les Mem
"
( 317 )
, bres du Parlement lors même qu'aucun
genre de recompense n'y étoit attaché : de-*
puis que la différence d'opinions nous a séparés
, j'ai toujours reconnu en luj un excel-'
lent Citoyen. Il est accusé aujourd'hui ,'
d'avoir favorisé l'évasion de M. Bonne- Savardin
; je crois que cette évasion ne peutêtre
regardée comme un crime , puisque les
formalités de l'emprisonnement n'avoient pas.
été observées. La seule question qui doit
Vous occuper est celle - ci. Votre Collègue
est-il coupable d'imprudence ou de complicité
? A- t-il eu connoissance du Projet de
Contre-Révolution attribué à M. de Savardin,
avant l'arrestation de ce dernier ? Car après
cette arrestation , il ne pouvoit plus avoir de
complice.
M. Duport a accumulé toutes les circons-"
tances , toutes les probabilités qui l'autorisoient
à conclure que M. de Barmond ne pouvoit
être présumé complice de M. de Savardin.
Il parloit depuis près d'une heure ; la
partie gauche a crié , aux conclusions. « Je
nevoisjusqu'ici , dans notre Collègue accusé,
a - t - il ajouté , qu'un homme repréhensible
d'avoir avec une trop grande facilité ,
regardé comme innocent celui que la voix
publique condamnoit. Je demande que , sur
sa parole d'honneur , il soit mis provisoirement
en liberté. »
" Ce n'est point , a répondu M. Barnave,
par des sentimens , mais par des faits que
l'Assemblée doit se déterminer. Or les faits
que vient de vous exposer M. Perrotin sont
absolument les mêmes que ceux contenus
dans le Procès-verbal de la Municipalité de
Châlons. Vous seriez donc inconséquens , si
Vous révoquiez tout de suite le Décret qui
O iij
( 318 )
l'a mis en état
d'arrestation . Vous compromettriez
la sureté ; car , que diroit le Peuple ,
en voyant que vous le rendez libre , avant
d'avoir entendu le Comité des Recherches ,
et l'instruction de l'affaire ? Je demande
que vous attendiez le Rapport de votre Comité
, et que M. de Barmond reste jusqueslà
en état d'arrestation.
40
Lorsqu'un Consul Romain , qui avoit
bien mérité de la Patrie , a dit M. l'Abbé de
Montesquiou , dut être jugé , tous les Citoyens
se portèrent en habits de deuil sur la place
publique . ( Des murmures , des cris de fermer
la discussion , interrompent l'Opinant :
l'Assemblée lui rend la parole . ).
"
Puisque l'Assemblée , a - t- il ajouté , témoigne
le désir de m'entendre , je vais entrer
dans les détails de cette affaire... "
A ces mots , un tumulte affieux s'élève du
côté gauche.
M. l'Abbé de Montesquiou quitte la Tribune
; arrivé au milieu de la Salle , il entend
redoubler les cris de fureur ; il s'adresse
au Président. J'invoque votre fermeté , et
celle de la Majorité pure de l'Assemblée ,
pour en imposer à une société de Décemvirs,
qui ose dire publiquement : « Nous sommes
le plus petit nombre , mais nous ferons plus
« de bruit que la Majorité , et nous lui ferons
la Loi.
"
" >>
La moitié de l'Assemblée applaudit ; l'extrémité
gauche se livre aux plus violentes
expressions du ressentiment. M. Prieur s'empare
de la Tribune , et se constitue dénonciateur
de M. de Montesquiou. Un grand
nombre de voix rappellent ce dernier à la
Tribune ; il reste inflexible et quitte la Salle.
( 319 )
Alors M. de Bonnay observe que l'Assemblée
doit ses momens à l'Accusé , qui attend sa
décision. D'un avis unanime , on reprend
l'ordre du jour.
M. de Frondeville , interrompu à la première
phrase , obtient enfin silence. « L'article
VII de la Déclaration des Droits , dit- il ,
porte que , nul homme ne pourra être détenu
que dans les cas déterminés par la Loi , et
suivant les formes qu'elle a prescrites . Quelles'
sont ces formes ? Il n'en est qu'une seule ,
c'est le Décret du Juge. Je demande pourquoi
votre Collègue , sans être décrété , sans
-être accusé , est entouré de satellites ? Avezvous
le droit de l'en environner ?….. On me
dira qu'il a été arrêté en flagrant délit . Quel
est le prisonnier dont il est accusé d'avoir
favorisé l'évasion ? Un homme envers lequel
les Lois de la Liberté ont été violées comme
dans la personne de M. de BARMOND. Il n'a
fui qu'après avoir attendu la prononciation
de Châtelet , prononciation qui ne l'a pas
même décrété d'assigné pour être ouï. Son
arrestation étoit contraire à vos propres Décrets.
Une autorité illégale et arbitraile
l'a arraché à ses foyers. Ceux qui sollicitent
, exécutent et font exécuter des ordres
arbitraires , doivent être punis ; tel est le
langage de vos propres Lois ( article 8 de
la Déclaration des Droits ) . Punissez doac
ceux qui ont détenu arbitrairement , pendant
trois mois , M. Bonne de Savardin , si vous
ne voulez être le complice de leur tyrannie....
Sous quelle autorité légitime ces
Comités des Recherches exercent - ils leurs
fonctions? Quel Décret a établi- celui de
Paris ? Ils se sont constitués de leur
propre
O iv.
320 )
1
autorité ; de leur propre autorité ils commettent
tous les jours des vexations . C'est
un Arsenal où la vengeance trouve des
armes , pour répandre la discorde et la terteur
dans les familles les plus innocentes....
Est- ce une mauvaise action que d'avoir remis
les Lois à leur place , d'avoir arraché un
Citoyen à cette tyrannie ? Voilà le Tribunal
qui poursuit M. de Barmond , et sur l'accusation
duquel il est retenu chez lui au secret ,
tandis que les assassins de nos Princes parcourent
tranquillement les rues de Paris , et
siégent peut- être parmi nous .... "
ser em-
A ces derniers mots , me explosion ,
blable au tonnerre , souleva le côté gauche.
400 bras tendus menaçoient M. de Frondeville.
On l'appeloit à là Barre ; mais il étoit
auxprises avec M. de Mirabeau. M. Bouthidow.
assis auprès de M. d'Orléans , s'élance aussi
furieux à la Tribune ; mais il est assailli par
des Membres du côté droit. Les apostrophes
les plus outrageantes sont à haute voix
adressées à M. de Mirabeau , qui dédaigne
de s'en venger. Les injures past d'une
aile à l'autre , et la Salle retentit d'imprécations
réciproques .
M. le Président se couvre. M. de Frondeville
dégagé par M. de Faucigny , saute à la
Barre. M. Perdrie observe que nul Député
ne doit être privé de son caractère avant
un Décret , et qu'en attendant , M. de Frondeville
doit se justifier à la Tribune ; il y
remonte en effet , et la Majorité décide qu'il
y sera entendu .
« Je déposerai sur le Bureau , dit - il , mon
Discours écrit et signé ; l'Assemblée me jugera.
Je n'ai point exprimé d'assertion , je
n'ai prononcé qu'une phrase hypothétique.
( 321 )
Je n'ai dit que ce que vous a dit le Châtelet
lui -même. »
Oui , s'écrient à la fois nombre de Députés
du côté droit ; deux de vos Membres
sont accusés par un Tribunal légal , et déja
jugés dans le cas d'être décrétes ; cependant
ils montent à la Tribune , ils sont libres
tandis qu'on appelle à la Barre celui qui
dit la simple vérité, et qu'on emprisonne dans
sa maison celui qui est évidemment inno-
Je demande , ajoute M. de Folleville
, qu'on vote des remerciemens à M. de
Frondeville , pour avoir dit peut-étre. "
cent. "
Ces sarcasmes portoient au comible la fureur
du Parti opposé ; il fut décidé que M.
de Frondeville seroit censuré. Un grand noubre
de Députés du côté droit signerent le
Discours de M. de Frondeville , et demandèrent
à être compris dans la censure. M.
de Montlauzier monté à la Tribune dit qu'il
adhéroit de coeur et d'esprit au Discours de
M. de Frondeville , et qu'il demandoit aussi
à être cepsuré……………… « Je demande , dit M,
Bouche , que l'Assemblée decrète que l'honorable
Membre n'en vaut pas la peine .
་་
»
C'est en personnalites de cette élégance ,
qu'on se battit une heure entière , et c'est
du milieu de ces fureurs , que le Législateur
procédant comme Magistrat , rendit la Sentence
suivante , d'apres l'opinion de M. Barnave.
". L'Assemblée Nationale charge son Comité
des Recherches de l'examen des differentes
Pièces qui lui ont été remises , relativement
à M. l'Abbé Perrotin , dit de Barmond
, pour lui rendre compte Lundi prochain
à midi desdites Pieces , ainsi que de
toutes les instructions qui pourroient lui
O
( 322 )
être parvenues sur la même affaire ; et cependant
décrète que le sieur Perrotin demeurera
au même état d'arrestation , conformément
au Décret précédemment rendu ,
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
»
DU JEUDI 19 Aoust .
Le Secrétaire Rédacteur du Procès - verbal
de la veille , y ayant rapporté les conclusions
de tous ceux qui avoient opiné sur
l'affaire de M. de Barmond , avoit écarté de
la liste M. l'Abbé de Montesquiou . M. Malouet
a vainement réclamé contre l'omission
d'un fait aussi grave , que celui du refus
d'entendre le defenseur du Député accusé ;
MM. Reubell et Prieur ont prétendu que
pour l'honneur même de M. l'Abbé de Montesquiou
, il falloit passer à l'ordre du jour ;
l'on s'est empressé d'y passer.
Le Comité des Recherches attribuant à
l'Assemblee le droit d'ouvrir les prisons , à
des Accusés entre les mains des Juges , et
dans les liens d'une Procédure , a proposé
l'élargissement de deux Dragons de Lorraine
, prévenus d'avoir suscité l'insurrection.
de ce Régiment. L'Assemblée a connu mieux
que le Comité des Recherches , les limites
de sa puissance , et a décrété qu'il n'y avoit
pas lien à délibérer.
Tout le reste de la Séance a été consacré
à MM. Gossin et de Champagny. Le premier
a fait placer dans les chefs - lieux de
leurs Districts respectifs plusieurs centaines
de Tribunaux ; le second a fait adopter une
nombreuse serie d'articles du Code pénal
et provisoire de la Marine.
( 323 )
DU VENDREDI 20 40UST.),
Suivant l'ordre du jour , M. Gossin a continué
ses rapports sur l'emplacement des
Tribunaux , et M. le Brun a repris les siens
sur les dépenses des Académies . M. Lanjuinais
qui , plusieurs fois s'est élevé contre ces
Etablissemens privilégiés , a tenté aujourd'hui
de prouver que nos Académies n'étoient
que desfoyers d'aristocratie littéraire , qu'elles
ne devoient pas être à la charge du Trésor
public , que les Académies Etrangères ,
quoique livrées à elles -mêmes , fleurissoient
commeles nôtres ; qu'enfin , les secours d'en.
couragemens étoient les seuls auxquels elles
pussent prétendre. Sur les observations ultérieures
de MM . Grégoire, Lépaux, le Camus,
l'on a accordé provisoirement , et pour celle
année , 25,217 liv. à l'Académie Françoise ;
43,908 livres à celle des Inscriptions et
Belles -Lettres ; et 93,458 liv . à l'Acadé
mie des Sciences . La Société Royale de
Médecine conservera la somme qui lui est
affectée. On a de plus chargé ces divers Corps
de présenter dans un mois , le projet de leur
nouvelle Constitution . La partie du rapport
de M. le Brun , qui concernoit les dépenses
du Jardin du Roi , l'Ecole de Botanique ,
de Chimie et d'Histoire Naturelle , a été
ajournée.
Hier au soir , l'Assemblée apprit un nouveau
crime de la multitude. à Toulon , par
la communication que lui donna M. de la
Luzerne des lettres officielles de M. de Clandevès
, Commandant actuel de la Marine
dans ce Port , et du Procès - verbal de la Municipalité
, qui confirmoit l'assassinat de M.
de Castellet , Commandant en second . Le
O vj
( 324 )
manque de fonds qui faisoit craindre la
Suspension du paiement des Ouvriers de
l'Arsenal , a été le prétexte de cet attentat.
M. de Castellet , neveu de M. de Suffren ,
venoit de prêter le Se ment Civique ; il étoit
à l'Hôtel- de - Ville ; les Ouvriers furieux s'y
portent , menacent M. de Castellet , le forcent
à quitter la Ville , le poursuivent , le trouvent
dans une taverne où il s'étoit caché ,
le maltraitent , le trainent dans la boue ,
le blessent , et alloient le pendre , lorsque
deux Grenadiers de Barrois l'arracherent
sanglant de la mains , et le portèrent
à l'Hôpita' andevès termine
que peut faire
contre des
de Liberté
,
tin un Projet
sa Lettre , en de andant
un Commandant sans for
hommes qui , égar · par le
commettoient des rocités.
M. Malouet a pro osé ce m
de Décret , rédigé p. les tre Comités des
Recherches , des Rapp de la Marine ,
qui rend la Sénéchaussée de Toulon juge en
dernier ressort des anteurs et complices de
cet attentat , et charge le Président d'écrire
une Lettre de satisfaction à la Municipalité et
à la Garde Nationale , qui a arrêté plusieurs
assassins , et enfin aux deux braves Grenadiers
dont le courage a sauvé M. de Castellet.
A l'occasion de ce projet de Décret , M.-.
de Mirabeau l'aîné a pris la parole pour de-.
mander le licenciement de l'Armée , au 20
du mois prochain , comme remède général
et nécessaire : « Il n'est plus temps , a -t-il
dit , de guérir plaie à plaie. Entre les causes
qui ont subverti la subordination militaire ,
j'en vois deux principales ; l'impulsion des
Chefs , qui d'abord a tendu à detraquer les
Corps , en un sens , et l'impulsion de l'esprit
( 325 )
9
du moment , qui a reagi avec une action
terrible. Si vous faites des Décrets particuliers
à chaque insurrection particulière , sur
des récits qui vous parviennent à travers le,
prise des passions vous ne ferez rien
d'efficace. Je vais lire un projet de Décret
qui développera ma théorie , et fera voir à
ceux qui professent des opinions diverses ,
que si je leur suis également désagréable en
ce moment , c'est que je tiens un juste
milieu."
Ce Décret en ordonnant au 20 Septembre
le licenciement de l'Arniée , en fixe la récréation
au moment où les Décrets sur l'organisation
Militaire seront terminés , et en
attribuant à la diversité des opinions poli
tiques des Officiers et des Soldats , les désordres
actuels , il soumet chaque individu
de la nouvelle creation , à un Serment tellement
précis et déterminé , qu'il exciue toute
diversité de principes et de sentimens ; une
Adresse à l'Armée doit développer les devoirs
qu'imposera ce Serment , et servir de préservatif
contre les interprétations que des
gens grossiers et enthousiastes ont tirées de
la Déclaration des Droits : « Il est temps à
ajouté l'Auteur , de faire UNE DÉCLARATION
DES DEVOIRS .
Cet aveuremarquable mérite d'être retenu.
Il est donc vrai qu'on a pu abuser de cette Declaration
des Droits , comme le pressentirent
à Versailles taut de bons esprits ! il est donc
vrai qu'une Déclaration des devoirs est nécessaire
, quoiqu'on l'ait repoussée à Versailles
avec emportement , malgré l'éloquence prophétique
de M: Redon ! Que de crimes et de
desastreseût épargné M. de Mirabeau, s'il avoit
fait , il y a un an, l'aveu qu'on vient de lire !
Ce plan , facile sur le papier , où disparoit
"
( 326 )
l'intervalle effrayant du licenciement à la
recréation , a reçu des applaudissemens . Personne
n'a demandé comment cette opération
changeroit l'esprit de l'Armée , et à quoi
serviroit un nouveau Serment , après tant de
Sermens aussitôt violés que jurés . Quel abus
plus dangereux que celui de ces prestations
religieuses , sans cesse renouvelées dans un
instant où tous les principes religieux sont
affoiblis.
M. d'André a ramené l'Assemblée au
Projet dé Décret de M. Malouet , qui a été
adopté.
M. de Mirabeau avoit annoncé en preuve
de l'action et la réaction , auxquelles il attribuoit
l'indiscipline , une Lettre adressée à
M. Dubois Crancé par le Commandant
de la Garde Nationale d'Hesdin. On a
exigé la lecture de cette relation , qui accuse
les Officiers du Régiment de Royal - Champagne
de l'insurrection de ce Régiment .
Ceite histoire est le pendant des récits du
dîner des Gardes du-Corps , qui préparèrent
la catastrophe du mois d'Octobre : « Les
Officiers de Royal - Champagne , dit le Narrateur
, au lien de suivre pour leur repas de
réprésailles , l'exemple de la Garde Nationale
, qui avoit invité tout le monde , a
écarté les Sous - Officiers et les Cavaliers ;
ils ont seulement donne 6 liv . par Chambre .
A ce diner , tous les coeurs furent glacés par
une froide étiquette , et le regret de l'absence
des Cavaliers. Les Officiers chantèrent
des couplets , qui renfermoient des
allusions contre les Représentans de la
Nation et contre la Garde Nationale : Laissez
vos pompons et vos armes.... Il n'y a rien
de bon du côté gauche que le coeur, etc. I's
( 327 )
éludèrent de porter la santé de la Nation ,
ils crièrent vive le Roi. Ils firent avant le
dîner la réception d'un Sou -Officier , détesté
par-tout le Régiment. A 9 heures , comme
on se disposoit å danser , 30 Cavaliers , avee
des chandelles dans leurs mains , firent
quelques tours sur la place. Ils paroissoient
n'avoir eu d'autre intention que celle de
s'amuser. Les Officiers ont prétendu qu'on
leur en vouloit. Etoit- ce aux Officiers qui
avoient fourni aux frais de la boisson , de se
plaindre de ses effets ?
La suite de cette relation attribue les
progrès de l'insub rd nation du Regiment
de Royal - Champagne , à l'arrivée des Troupes
étrangères requises par la Municipalité , et
à une Lettre de M. de Fournez , Colonel ,
Membre de l'Assemblée Nationale , qui avoit
prevenu qu'un Décret devoit casser ce Ré
giment.
•
M. de Fournez a sur- le- champ repoussé
cette imputation , et ce récit , dont il a dénonce
l'inexactitude, en demandant , ce qu'il
a obtenu , que la Lettre fût renvoyée au
Comité Militaire.
Sur l'avis de MM. Alexandre de Lameth
et de Noailles , la première partie de la
Motion de M. de Mirabeau a été renvoyée
à l'examen du même Comité , chargé aussi
de rédiger l'Adresse à l'Armée.
DU SAMEDI 21 ДOUST,
MM. Gossin et de Champagny se sont partagés
les premières heures de la Séance , pour
faire placer une trentaine de Tribunaux , et
faire ajouter au Code pénal de la Marine
plusieurs articles additionnels .
Tout le reste de la Séance a été sacrifié au
( 328 ) )
désordre et au scandair , par l'inconduite de
plusieurs Membres du Côté droit , dont personne
ne relevera les torts inexcusables , avec
plus de sincérité que nous. Le premier de
ces toris a été un offense à la loi et au Corps
Législatif , par M. de Frondeville. Censuré
l'autre jour , et il faut le dire , sans applau-,
dir à ses expressions , censuré très - légèrement,
puisqu'il repétoit ce que le Châtelet .
avoit déclaré douze jours auparavant , il s'est
permis de livrer publiquemant au mépris et.
au ridicule , le Décret et l'Assemblée . M. ,
Goupil l'a instruite en ces termes de l'offense
de M. de Frondeville.
"
Il a été distribué ce matin , gratuitement
, a- t-il dit , et ensuite vendu un pamphlet
intitulé : Discours prononcé par M. le.
Président de Frondeville à l'Assemblée Nationale
, dans l'affaire de M. l'Abbé de Barmond,
et pour lequel il a été censuré ; avec
l'épigraphe Dai veniam corvis , vexat.censura
columbas, Ce discours est suivi d'un
avant -propos , dont la première phrase porte:
Ceux qui prendront la peine de lire mon discours
, devineroient difficilement pourquoi je
le fuis imprimer , si je ne me hátois de leur
apprendre , qu'il a été honoré de la censure de
l'Assemblée Naționale.
M. Goupil n'a pas eu de peine à déterminer
le blâme que méritoit cette publicafion
, et il a demandé si M. de Frondeville
s'en avouoit l'Auteur. Sur l'affirmative de ce
dernier , l'Opinant a conclu à ce que , sous
la forme de punition correctionnelie , il fut
condamné à huit jours de prison.
De très -violens murmures ont éclaté du
Côté droit ; il avoient déja dix fois interrompu
M. Goupil. M. de Bonnay à cherchẻ
( 329 )
à concilier les aris en attenuant la peine
proposée par le Préopinant . M. Ale andre de
Lameth a citéle Parlement d'Anglterre , qui
pour un sen.biahle delit , eût envove l'on de
ses Membres à la Tour de Londres. M. l'Abbé
Maury a insisté sur le vice effectif des formes
violées par la Motion sévère , de M. Goupit,
sur le refus positif qu'avoit fait l'Assemblée ,
il y a deux mois , d'insérer la peine de prison
dans son Réglement , et sur ce que le Régle-,
ment n'ordonnoit aucune peine contre l'un
de ses Membres , pour une faute commise ,
hors de la Salle. Enfin , il a nié que le Parlement
d'Angleterre eût jamais envoyé un de
ses Membres à la Tour ; et qu'il pût jamais
exercer ce droit , si ce n'est pour le crime
de haute trahison.
L'Orateur se trompoit évidemment : chacune
des deux Chambres du Parlement , le Chancelier
dans l'une et l'Orateur des Communes
dans l'autre , ont le droit incontestable d'envoyer
à la Tour un Membre rébelle à la discipline
du Corps , à l'autorité de leurs Présidens
, et au respect qui leur est du . Il est vrai
que ce droit s'exerce toujours avec une scru
puleuse équité , et qu'il se borne à des délits
graduls ou à des récidives . L'Histoire fournit
plusieurs exemples de cette police. Nous
ne citerons que celui du Membre des Conmunes
, envoyé à la Tour sous George I,
pour avoir dit que le Discours du Roi étoit
propre au climat d'Hanovre , non à celui de
l'Angleterre .
M. Péthion a relevé avec raison cette erreur
du Préopinant , et a conclu comme M.
Goupil
་ ་
C'est à la Nation seule , a dit M. de
Foucault , à juger des cas où la censure de
2
( 335 )
la majorité est honorable ou infamante.
MM. de Bouville et Malouet demandoient
qu'attendu le défaut d'une loi antérieure ,
l'Assemblée se contentât de blâmer M. de
Frondeville , et de déclarer qu'à l'avenir une
pareille faute seroit punie de tant de jours
d'arrêts ; ce qui sans compromettre les principes
, laissoit à la Motion de M. Goupil
l'effet et la force qu'on pouvoir désirer. M.
de Bonnay s'est range à cette opinion ,
qu'avouoit l'esprit d'équité , et qui malhe
reusement , a été loin de prendre faveur. »
Interpellé par quelques Membres de rétracter
son libelle , M. de Fondeville a déclare
qu'il n'avoit point eu l'intention d'outrager
l'Assemblée .
Je demande à combattre M. Malouet ,
a dit M. Barnave . L'Assemblée a décrété
par une loi générale , qu'elle exerceroit la
police sur ses Membres ; elie s'est réservée
d'examiner les cas qu'elle ne pouvoit prévoir ,
et d'y appliquer la peine la plus convenable
aux circonstances ; elle a déja plusieurs fois
prononcé des censures , sans que le réglement
fit mention de cette peine .... Certe ,
pour le Membre qui déclare et qui persiste
à déclarer qu'il s'honore de la censure de
l'Assemblée , la prison est la peine la plus
douce .... ་་
A ces mots haîneux M. de Faucigny s'é-
Jance au milieu de la Salle , en s'écriant : Pour
le coup , ceci annonce une guerre ouverte de la
Majorité contre la Minorité ; nous n'avons
plus qu'un moyen , c'est de tomber le sabre
à la main sur ces guillards - là....
Qu'on se représente le soulèvement de surprise
et d'indignation qu'a excité une menace
pareille , faite à la Majorité du Corps
législatif !
( 331 )
M. Barnave a repris son opinion interrom-.
pue , dont l'animosité avoit occasionné l'inexcusable
emportement de M. de Faucigny : il
a requis le Président de donner des ordrespour
s'assurer de la personne du délinquant ,
qui de lui - même , est descendu à la barre .
M. de Frondeville , a deinandé avec instance
la parole . Messieurs , a- t - il dit , je me
suis cru coupable , et très - coupable , des
que j'ai vu la terrible imprudence à laquelle
j'avois donné lieu ; je m'accuse aux yeux du
public , je m'accuse aux yeux de l'Assemblee.
Je suis la seule cause de ce
mouvement d'une tête exaltée ; que la punition
tombe sur moi seul. »
Ce discours , prononcé avec onction , a
fait revenir M. Goupil à des sentimens plus
modérés ; il a commué la peine de prison en
huit jours d'arrêts ; après quelques debats
d'amendemens on a prononcé :
L'Assemblée Nationale , après avoir entendu
la lecture du Paragraphe d'un imprimé
ayant pour titre : Discours prononcé par
le Président de Frondeville à l'Assemblée
Nationale , dans l'affaire de M. Barmond , et
pour lequel il est censuré. »
-Et après que M. Lambert , dit Frondeville
, a fait l'aveu qu'il étoit l'Auteur dudit
ouvrage , ainsi que de l'avant - propos ; qu'il
l'avoit fait imprimer , que même il l'avoit
fait distribuer dans la Salle , sans avoir fait
aucune autre distribution , déclare que M.
Lambert a manqué gravement de respect envers
l'Assemblée Nationale ; en conséquence,
décrète que , par forme de punition correctionnelle
, M, Lambert se rendra aux arrêts
et les tiendra pendant huit jours dans sa
maison. "
M. de Faucigny attendoit la parole , il la
( 332 )
sollicitoit à la Barre , tandis que M. Goupil
faisoit à son sujet une amplification ridicale !
sur les lois de Solon , sur le parricide , etc . M. de
Mirabeau brúloit aussi de parler. M. T'Abbé
Maurylui a fourni l'occasion de le faire avec
un avantage complet.
"
"(
M. de Mirabeau demandoit la parole .
Je demande , a dit M. l'Abbé Maury , que
TOpinant déclare s'il est vrai qu'il vient de:
dire : Allez avertir le Peuple » Tous les Membres
de l'un et de l'autre Parti , voisins de
la Tribune , contre laquelle M. de Mirabeau
étoit appuyé, l'ont justifié d'avance , en
niant formellement le fait : Je ne m'abaisserai
pas , a -t- il dit , à répondre à une telle
inculpation , jusqu'à ce que l'Assemblée l'ait
élevée jusqu'à moi , en m'ordonnant d'y ré-
` pondre ; jusque-là je croirai avoir assez dit,
en noinmant mon accusateur et en me nommant.
J'atteste les Membres qui entourent
la Tribune , que je ne me suis occupé depuis
une heure que des moyens de reinédier
à tout ce qui venoit de se passer. Je voulois
observer qu'il étoit très important à la
sureté de MM, de Frondeville et de Faucigny
qu'ils fussent mis en état d'arrestation . "
Monté de la Barre à la Tribune , puisqu'il
n'étoit pas jugé , M. de Faucigny at
dit :
. Je désavoue franchement le mouvement
qui m'a égaré . Je n'y étois plus ; la vivacité
m'a emporté à un point excessif. Mais ce
propos pourra être interprété ; crainte d'exciter
du trouble , je ne le répéterai point ,
même dans le sens où je l'ai entendu , et
dans lequel il pourroit ne pas paroître aussi
coupable . Je suis prêt à subir une peine , et
à me soumettre à tous vos Décrets .
"
( 333 )
Plusieurs Membres ont cherché à excuser
l'emportement d'un homme connu par sa
vivacité naturelle ; d'autres , se sont formalisés
avec raison de l'expression d'am nde honorable,
employée par M. de Bonnay. M. de
Faucigny la desavoué en se glorifiant d'ailleurs
d'avouer ses torts.
M. Charles de Lameth est venu aigrir l'incident
, en s'efforçant de rejeter le propos
sur les liaisons de M. de Faucigny. Le Président
l'a rappelé à l'ordre. Il a protesté de
son estime pour M. de Faucigny , et afin de
lui en donner une preuve , il a pressé la
Motion , de son ami M. Barnave , qui envoyoit
M. de Faucigny en prison .
Différentes Motions plus modérées se sont
élévées , et enfin la grande Majorité s'est
réunie à celle de M. Dubois de Crancé.
" L'Assemblée Nationale , ayant égard aux
excuses et déclarations de M. de Paucigny ,
lui remet la peine qu'elle lui auroit infligée. n
Ainsi a fini une scène affligeante , où le
côté droit a montré bien peu de politique
en défendant des torts prouvés , dont il devoit
au contraire exiger lui- même la réparation
. Il avoit devant lui l'exemple du
côté gauche , qui , lorsque M. Blin s'avisa ,
il y a quelques mois , d'insulter l'Armée ,
requit hautemeut qu'il fût livré à l'ordre .
Quand on ne sait pas sacrifier à ses devoirs ,
et à l'intérêt même de son Parti , des considérations
de confraternité , on n'en est pas
même aux élémens de la tactique des délibérations.
Sans doute la Minorité a de trop
fréquentes occasions de réclamer contre l'oppression;
mais on n'opprime point celui qui
est répréhensible , et M. de Frondeville l'étoit.
L'emportement est toujours mal-adroit , et
( 334 )
souvent injaste ; il gâte les meilleures causes ,
et il aggrave les mauvaises.
DU SAMEDI. SÉANCE DU- SUIR.
Des Députés du Département de Seine et
d'Oise sont venus denoncer le soi - disant
grand Parc de Fersailles , le gibier , les propriétés
violées , les Gardes- Chasses tirant à
balle sur les Municipalites ( c'e t- à- dire ,
peut- être sur les braconniers ) , plongeant
les Citoyens dans les cachots , traitant les
hommes comme des bêtes fauves . Il suffit
de rapporter ces figures pour les faire apprécier
: lorsque les desordres dont on se plaint ,
et que le style de cette Adresse ne rend
guère croyables , scront vérifiés , nous en
ferons mention .
Une Adresse d'un autre genre , et que
nous nous empressons de distinguer , est celle
de M. de Rivérieux , Colonel du Régiment
d'Artillerie de Metz , qui , au nom de son
Corps , jure une fidelité parfaite aux devoirs
militaires. Ce Régiment est digne d'un pareil
serment , car il ne l'a jamais faussé , et
sa conduite , au milieu des désordres de la
Garnison de Metz , a été une preuve écla
tante de sa sagesse.
Sur la Motion de M. Malouet , l'Assemblée
a autorisé le Trésor public à faire
passer 214,000 liv. à Toulon , pour le paiement
des Ouvriers de l'Arsenal.
DU DIMANCHE 22 AOUST.
La République de Genève , et les Génevois
Propriétaires de Domaines dans le Pays
de Gex , ayant éprouvé des vexations dans
le transport de leurs récoltes et de leurs
grains , l'Assemblée a maintenu les Géne(
335 )
vois dans le droit de transit dont ils ont
joui jusqu'à présent dans le Pays de Gex ,
pour le transport de leurs grains , lequel continuera
d'avoir lieu comme par le passe , sauf
au Directoire du District à prendre les précautions
convenables contre les abus .
Depuis le mois de Janvier , le Comité de
Constitution fait attendre une Loi sur la
licence de la presse : il l'a promit dans deux
jours , il y a trois semaines , et à chaque
heure , la sureté publique et particulière
est livrée aux brigands , dont la plume inyoque
l'assassinat. L'ordre du jour indiquoit
un Rapport sur cet objet : M. d'André
tenant à la main un nouvean libelle exécrable
, a sommé le Comité de déclarer s'il
étoit prêt. M. le Chapelier a répondu négativement
, en ajoutant qu'on ne pouvoit former
une Loi contre les crimes de la presse ,
avant l'institution des Jurés . Par le même
motif, on devroit aussi proclamer l'impunité
de tous les délits . M. le Chapelier a
ensuite autorisé toute espèce d'Ecrits , excepté
les ouvrages incendiaires. En ce cas ,
on ne conçoit pas qu'il ait fallu sept mois
au Comité , pour former une Loi sur ce
principe , qui donne un libre cours à la calomnie.
Enfin , l'honorable Membre a promis
que , dans peu de jours , le travail seroit
prêt.
M. d'André peu satisfait 9 a demandé
qu'un Comité nommé exprès , s'occupât de
cette rédaction , d'autant plus urgente que
les insurrections militaires , les troubles ,
les
soulèvemens parcouroient le Royaume . Il a
fini par rendre compte d'un nouveau libelle
du sieur Marat , qui exhorte le Peuple à
placer 800 potences dans les Tuileries.
( 336 )
M. Malouet tenoit aussi ce mandement
en crime , et en a lu le principal passage.
Tci , dit l'Auteur , je vois la Nation se soulever
contre cei infernal projet de licencier
l'Armée. Si les Noirs et les Ministres gangrénés
et archi-gangrénés sont assez hardis pour
le faire passer, Citoyens , élevez huit cents
potences , pendez-y tous ces traitres , et à
leur tête l'infame RIQUETTI l'aîné, M. Malouet
demandoit que le Maire de Paris reçût
ordre , d'arrêter cet Architecte de gibets.
D'autres invoquoient l'arrestation de l'Imprimeur.
L'Imprimeur du Palais des atrocités
, a dit M. Regnault , se cache dans
l'ombre ; mais ce sont les infames Colporteurs
qui viennent crier et vendre ces horreurs
à votre porte qu'il faut arrêter. »
M. de Mirabeau l'aîné a pris la parole
pour invoquer le mépris de l'As emblée sur
ces extravagances d'homme ivre , où d'ailleurs
il étoit seul nommé. On y désigne les
Noirs , a-t-il ajouté , il faut donc renvoyer
le Libelle au Châtelet du Sénégal . Continuant
ensuite cette plaisanterie , si ingénieuse , si
décente , si convenable dans la bouche d'un
Législateur, il a denoncé comme libelle
comme libelle fameux , Libellus famosus , le
Requisitoire du Procureur du Roi au Châtelet
, sur l'affaire éternellement fameuse et
diffamante du 6 Octobre.
On ne peut qu'admirer la générosité de
M. de Mirabeau , et son désinteressement.
Ila paru cependant bien gratuit, car , Dieut
merci , jusqu'à ce jour , les Prédicateurs
d'assassinats et de proscription , l'ont déshonoré
de leur protection et de leurs éloges ;
il n'a pas beaucoup à redouter l'instant d'humeur
qu'ils viennent de montrer contre lui.
Quant
?
( 337 )
Quant à la sortie contre le Procureur du Roi ,
les amis de l'Opinant l'ont applaudie ; le reste
de l'Assemblée a murmuré. On n'en a pas
moins ,suivant l'osage constant, adopté sa Motion
de passer à l'ordre du jour. Il en sera de
même probablement , de toutes les plaintes
de ce genre , et nous osons prédire que , si
jamais l'Assemblée eut réprimer cette licence
par une Loi , la licence sera plus forte ,
qu'elle.
Les Habitans du Béarn ayant envoyé au
Roi une Adresse , par laquelle , en rappelant
qu'ils ont renoncé à leurs priviléges sur l'invitation
du Roi , ils demandent instamment
qu'il conserve an abre de ses propriétés ,
le Château de Pau , berceau de Henri IV ;
MM. Robespierre et Charles de Lameth se
sont disputés la gloire de reprendre aigrement
ce témoignage d'affection si naturel
et si legitime. Ils se sont plaints de ce que .
les Béarnois s'adressoient au Roi , en présence
du Corps Législatif, et ils ont invoqué
l'ordre du jour. M. de Viricu a fait
tomber ces observations chagrines , et adopter
le renvoi au Comité des Domaines.
M. de la Blache a terminé la Séance par
la lecture de quelques articles sur les Postes ,
qu'on a décrétés sans discussion .
Paris est infesté, et les prisons sont pleines
de voleurs. A deu réprises , il y a 15
jours , des attroupemens de la multitude
voulurent réitérer les atroces exécutions
du mois de Mai , sur des coupables qu'on
conduisoit au Châtelet. On a remarqué
dans ces attroupemens une foule d'in-
N° . 35. 28 Août 1799 . P
( 333 )
1
dividus sans propriété , des méndians ,
des gens sans domicile. Ce n'est donc
pas la crainte d'être volés qui arme cette
classe d'hommes contre les voleurs , et
qui les rend si actifs à devenir bourreaux
, avant le jugement . Le Corps
Municipal a rendu des Proclamations
très fortes contre ce nouveau genre d'attentats
; mais il suffit d'en connoître le
prétexte , pour en pénétrer le but. Le
prétexte est que , le Châtelet ne juge
point de voleurs , ou les libère. Le but
est d'animer la multitude contre ce Tribunal
, que nous avons vu incalpé à la
Barre même de l'Assemblée par le Comité
des Recherches de la Ville , de
vouloirfaire le Procès à la Révolution
et au Peuple de Paris . Ce Tribunal ,
comme on l'a vu , n'a pas eu beaucoup
de peine à repousser cette imputation :
il l'a fait par le Réquisitoire même du
Procureur du Roi , conforme à l'Arrêté
du Comité des Recherches du 23 Ncvembre.
A cette époque , celui - ci nommoit
les horreurs du 6 Octobre , un
forfait exécrable , digne de la douleur
et de l'indignation des bons Citoyens,
ouvrage de bandits POUSSÉS PAR DES
MANOEUVRES CLANDESTINES . Il jugeoit
que ces attentats imprimeroient au
nom François et à l'honneur de la
Capitale , une tache ineffaçable , s'ils
restoient sans poursuite. Il en dénoncoit
non - seulement les auteurs , mais
( 339 )
encore les fauteurs et complices , et
tous ceux qui , par des promesses ou
dons d'argent , ou par d'autres manoeuvres
, les ont excités ou provoqués .
Qu'on rapproche maintenant cette décision
, de la dernière diatribe du Comité
contre le Châtelet . Ce Tribunal a
rendu publique sa dernière Adresse à
l'Assemblée Nationale. Il en résulte , ct
je pense qu'il n'existe pas un hɔmme
droit ou de bon sens , qui n'adopte co
résultat , que pour découvrir les manoeuvres
, les dons d'argent et les ins
tigations qui provoquèrent les forfaits
du 6 Octobre , il a fallu informer str
les jours précédens . Quoi qu'il en soit,
la démarche du Comité , la doctrine
publiée par tous les Ecrivains dont les
Feuilles sont le miroir des assemblées ,
où on leur dicte les pensées dont ils doivent
entretenir la multitude ; la nature
de cette doctrine , qui consiste à ne
trouver de coupables , au mois d'Octobre
que les Gardes- du- Corps , à réduire à
un délit très - ordinaire et simplement
présumé , l'invasion du Palais d'un Roi
inviolable , le massacre de ses serviteurs
dans ses appartemens , le péril d'une
Princesse , épouse du Monarque , soeur
et fille de Souverains , échappant au
travers des meurtres , au fer sanglant
des assassins ; l'indulgence des Motionnaires
et de certaines Sociétés pour ces
attentats , les discours même qu'on a
Pig
( 340 )
entendus à l'Assemblée Nationale , tout
annonce que ce Procès n'aura pas la
moindre suite . Nous en avons été profondément
persuadés dans tous les temps ;
mais l'oubli de la Justice sera un trait
de plus dans le tableau des Tacites futurs
; ils auront beau rester impunis ,
ces crimes dont l'intérêt national et celui
de la liberté invoquoient une vengeance
éclatante , ils resteront ineffaçables , jusqu'àla
dernière postérité its sont déia
jugés irrémissiblement au Tribunal des
Nations.
Il s'est établi dans le Royaume près de
60 sociétés dites des Amis de la Constitution
, correspondantes avec celle de
Paris . En quelques lieux , ces Clubs font
les fonctions de Comités de Recherches ,
d'Inspecteurs des Municipalitités, d'Inquisiteurs
des sentimens des Citoyens.
Plusieurs Municipalités les ont jugés
incompatibles avec la Constitution , et
plus dangereux pour elle que toutes les
armées de Piémontois , d'Autrichiens ,
d'Allemands , d'Espagnols , de Napolitains
, qui nous assiégent dans le fumier
des Feuilles publiques. Le 17 Juillet
la Municipalité de Dax a fait fermer la
société des Amis de la Constitution
comme contraire à la Loi et à la tranquillité
publique . Voici en quels termes
M. Cazenave , Procureur de Commune
a caractérisé cette Association .
Une Société semblab'e est un attentat à
( 341 )
la souveraineté du Peuple , et dont le Peuple
demande la proscription ; d'ailleurs la Loi
nouvelle laisse au Penple , seul , le droit de
nommer tous les Membres des différens Corps
établis par la Loi ; et ici , c'est au contraire
une petite portion d'individus qui , par la
plus coupable aristocratie , s'arrogent le droit
impératif de juger le Peuple , en écartant
de cette Société les Citoyens honnêtes qui
ne lui conviennent pas , pour s'environner
de ceux qui lui sont dévoués , ou par intérêt ,
ou par ignorance ; ceux qui seroient refusés
traînent après eux une espèce de tache infamante
, puisque les refuser , c'est leur dire
qu'ils ne sont pas amis de la Constitution ,
et que leur serment de lui être fidèle est un
parjude ; ce refus pourroit même exposerleur
vie , dans des momens de fermentation
où leurs ennemis cachés ne manqueroicut
pas de leur faire ce reproche. "
en vile ,
M. de Clermont Tonnerre à publié
des Réflexions sur le Rapport
du Comité des Recherches dans l'af
faire de MM. d'Hosier et Petit-Jean.
Cet Ecrit remplit le but que nous avions
et mieux que ne nous l'aurions
fait . Son épigraphe , tirée des Mémoires.
de Retz , indique l'opinion à prendre,
de ce Rapport. Et par ce moy 'n nous,
mimes l'abomination dans le ridicule.
M. de Clermont- Tonnerre qualifie de
libelle l'ouvrage de M. Brissot , et il
démontre la justesse de cette qualifica
tion : il démontre encore qu'on ne peut
se jouer avec plus de légèreté de la liberté
des Citoyens , et il présente sur
Pi
( 342 )
l'institution des Comités des Recherches ,
les considérations que nous avions aussi
développées .
L'oppression qu'a encourue Madame
de Jumilhac , est le principal objet de
l'ex men de M. de Clermont-Tonnerre ;
il y développe les faits que nous indiquâmes
rapidement le mois pass?.
Croira-t-on que cette violence exercée
contre une Dame respectable , cet enlèvement
militaire , cette charte privée
à Paris , ces interrogatoires humilians ,
ont eu pour motif l'écrit dicté par une
Somnambule à Madame de Jumilhac ,
sans que le Comité ait eu connoissance
de cet Ecrit , sans qu'il ait daigné même
le rechercher! Il n'a donc jamais constaté
le contenu de ce papier , dont il
a fait un crime , et qui même dans les
suppositions du Comité , étoit certes
très-innocent : « Le Comité , dit M.
de Clermont-Tonnerre , n'a ni condamné
, ni abrous Madame de Jumilhac
, il a simplement retiré l'ordre
* vexatoire qui la retenoit en charte
privée ; il à seulement cessé de l'inquiéter,
et dans cette bizarre affaire ,
« dont tous les détails rappellent le Jurisprudence
des Lettres de Cachet ,
<< on a successivement dit à une Citoyenne
, vous étiez libre , soyez pri-
« sonnière : vous étiez prisonnière ,
« vous êtes libre , sans que le nom de
* la Loi ait été une seulefois prononcé . »
«
«
ㅊ
<<
( 343 )
Heureusement , cette persécution , cet
indigne Rapport n'ont pu enlever à Madame
de Jumilhae influence de ses
vertus. Son retour en Périgord a été un
triomphe voici le détail conforme à la
vérité , qu'en a présenté le Rédacteur de
la Feuille de Limoges.
"t La joie a été universelle dans ce paysci
, et dans les environs , lorsque nous avons
app : is que Mons`eur et Mádazie de Ju milhac
etoient de retour chez eux , depuis Jeudi
dernier , et que cette vertueuse Dame avoit
été aussi- tôt justifiée que soupçonnée , et
libre de revenir parmi nous. Tous les habitans
de la Paroisse et du voisinage se sont
empressés d'aller à sa rencontre , pour
lui
témoigner la joie que leur causoit son retour.
Le Bataillon de la Garde Nationale de Jumiihac
a été l'attendre , avec le Drapeau ,
jusqu'à une lieue de son habitation , et l'a
accompagnée depuis cet endroit : Les voisins
, les femmes , les enfans couvroient le
chemin , et se sont réunis ensuite dans la
cour du Château ; les uns pleuroient de joie ,
d'autres baisoient les vêtemens de Madame
de Jumilhac , les autres serroient les mains
de son vertueux Epoux , et cherchoient à
leur exprimer par le témoignage de leur
amitié et de leur intérêt , combien leur absence
leur avoit causé de douleur. Des Discours
, des Couplets , ont occupé cette intéressante
soirée , elle a été terminée par un
feu de joie , et l'expression pure et vraie des
sentimens qu'un chacun a témoigné à M. et
à Madame de Jumilhac , ont été la juste
récompense du patriotisme , des vertus et
de la bienfaisance dont ils ont toujours fait
profession. »
( 344 )
M. Imbert - Colomès , livré , à Lyon ,
au mois de Février dernier , comme le
mérite , le vrai patriotisme , la sagesse ,
le sont par- tout aujourd'hui, à la merci
des séducteurs de la multitude , n'est
point rentré dans sa Patrie depuis cette
époque si fatale à Lyon . Il à résidé à
Bourg en Bresse , où les regrets de tous
lcs Citoyens honnêtes l'ont suivi . Arrivé.
à Paris , il nous a adressé la lettre suivante
.
e
Paris , ce 17 Août 1799 .
MONSIEUR ,
J'ai lu dans une Feuille intitulée l'Observateur
, No. 8 , en date du 29 Juillet .
pas é l'article ci- après. "
K
་་
*
་་
Le fameux M. Imbert , ci devant Echevin
à Lyon , dont je racontai l'histoire
« lamentable dans mon No. 86 , est remonté
sur l'eau. C'est lui qui a excite les troubles
actuels de Lyon . I'va , vient , court dans
les rues , disant : Mes amis , la liberté
consiste à ne point payer d'impôts , et à
piller son prochain. Ecoutez mes leçons ,
et suivez mon exemple. On prétend qu'il
n'est pas encore lanterné , ec. "
24
"
•
་ ་
" Pour vous prouver , Monsieur , combien
l'Auteur de cette Feuille a été trompé , j'ai
l'honneur de vous envoyer copie certifiée
d'une Lettre que MM . les Officiers Municipaux
de la Ville de Lyon in'ont fait l'honneur
de m'écrire le 10 de ce mois. Je vous
remets aussi copie de la Lettre que j'ai
adressée à M. Fydel, Auteur de l'Observateur.
J'ose me flatter qu'il s'empressera
à se rétracter. Mais comme ma justification
( 345 )
ne sauroit être trop publique , pour dissiper
entièrement l'impression qu'une imputation
aussi grave a pu faire sur mon compte auprès
des personnes qui ne me connoissent
que de nom , je vous prie très - instamment ,
Monsieur , de vouloir bien faire mention
dans votre Journal de l'article de la susdite
Feuille , et de la Lettre de MM. les Officiers
Municipaux . Comment est - il possible
qu'on suppose que je soulève ce même Peuple
dont j'ai failli à étre la victime le 7 Février
dernier , et dont l'égarement sur mon compte
m'a forcé , depuis cette époque jusqu'à ce
jour , à vivre exilé d'une Patrie que je chéris ,
séparé de ma famille et de mes amis? J'ai
P'honneur d'être , etc. "
IMBERT COLOMÈS..
Copie de la Lettre écrite par MM. les Officiers
Municipaux de la Ville de Lyon à M. Imbert-
Colomès en date du 10 Août 1790.
"
MONSIEUR ,
Nous avons reçu la Lettre que vous
nous avez fait l'honneur de nous écrire le 6
de ce mois , par laquelle vous réclamez notre
témoignage , relativement à l'imputation
que renferme contre vous le N° . 8 du tom. 2
de l'Observateur. Cette imputation est d'autant
plus étrange , qu'independamment de
ee que vous ne pouvez être présumé capable
d'un fait semblable à celui qui vous est impuré
, votre absence de cette Ville depuis
le commencement de cette année , est d'ene
telle notoriété , que notre attestation ne
sauroit la rendre plus authentique , cependant
, Monsieur , nous nous empressons de
déclarer , ainsi que vous le desirez , que depuis
plus de six mois vous n'êtes point venu
en cette Ville. Soyez assuré , Monsieur ,
( 346 )
3
que nous sommes aussi indignés que vous
d'une calomnie qui est d'une atrocité vraiment
révoltante , et que nous prenons un
vif intérêt à votre position . Nous avons
l'honneur d'être avec un respectueux attachement
,
Les Maire et Officiers Municipaux de la
Ville de Lyons.
(L'original est déposé chez M. Mouny ,
Notaire , grande rue Saint - Martin ) .
Copie de la Lettre écrite par M. Imbert-
Colomès à M. Feydel , Rédacteur de l'Observateur.
"
MONSIEUR ,
J'ai lu dans votre Feaille No. 8 , intitulée
l'Observateur , en date du 29 Jui :let ,
l'article ci apres :
Le Fameux M. Imbert etc.
« Pour vous prouver , Monsieur , combien
Vous avez été trompé ; je vous envoie- ci
joint copie certifiée d'une lettre que Messieurs
les Officiers Municipaux de la Ville de Lyon
m'ont fait l'honneur de m'écrire , en date du
10 de ce mois , dont j'ai déposé l'original
chez M. Mouny , Notaire , Grand'rue Saint-
Martin. J'espere , Monsieur , que d'après un
témoignage aussi authentique , vous voudrez
bien faire insérer dans votre prochain N ° . le
susdit article de votre Feuille N° . 8 , la lettre
de MM. les Officiers Municipaux , et
votre rétractation du susdit article. Mais ,
comme , lorsque vous avez inséré dans votre
Journal une note aussi infamante sur le
compte d'un Citoyen irréprochable , vous
vous êtes sans doute muni d'une déclaration
signée du Dénonciateur , j'ose exiger de votre
honnêteté , Monsieur , que vous le nomme(
347 )
rez parce qu'il est important de faire connoitre
de pareils Calomniateurs . J'ai l'hon.
neur d'être , etc.
Signé, IMBERT - COLOMÈS .
A Paris , ce 16 Août 1780
Tous les Papiers publics ont rapporté
dans le temps que M. de Rossel , ancien Capitaine
de vaisseaux du Roi , avoit été chargé
par S. M. de peindre dix - huit combats
livres sur mer pendant la dernière guerre.
Cette entreprise est déja fort avancée ; l'Auteur
y réunit au talent de la peinture , une
connoissance exacte de la Manoeuvre , de la
Tactique Navale et des effets variés dont
l'expérience d'un Marin peut seule rendre
le secret. M. de Rossel a fait graver ces Tableaux
précieux : nous annonçâmes la souscription
dans le temps . Il a deja paru deux
Estampes , dont l'une représente le combat
naval livré le 18 Décembre 1779 , par M. le
Comte de la Motte- Piquet , Chef d'Escadre ;
et l'autre , le combat naval livré le 21 Juillet
1781 , par M. de la Pérouse , Capitaine de
vaisseaux. Ces deux Estampes dédiées au
Roi , ont été gravées par M. Dequevauvilliers
, connu par de très - bons ouvrage
en ce genre , et renommé sur tout par un
talent supérieur pour rendre les ciels.
Les autres parties ne sont pas traitées avec
moins d'intelligence. Les eaux , les vaisseaux ,
leur manoeuvre , et la fumée qu'on remarque
particulièrement dans le combat de M. de
la Pérouse , produisent le plus grand effet.
Nous devons ajouter que dans celui de M.
le Comte de la Motte - Piquet , il se trouve un
accessoire qui offre un très - grand intérêt .
Comme ce combat fut livré en vue du Fort(
348 )
Royal de la Martinique , l'Auteur a profité
de cette position pour representer les fort -
fications qui regnent le long de la côte. Tout
y est en mouvement : ce sont des Canonniers
qui traînent des mortiers , des canons , des
boulets ; des compagnies de Soldats qui
marchent ; un groupe de spectateurs , tant
hommes que femines , et dont les attitudes
sont très-variées.
"
"1
Le bas de chaque Estampe est orné
d'allégories très - bien entendues , et d'un
précis historique , simple et exact de chaquè
combat.
"
"
« L'exécution parfaite de ces deux Estampes
, leur mérite une place dans le Cabinet
de chaque Amateur : elles sont de la même
grandeur que les Marines de Vernet , et se
vendent 18 liv . chaque à Paris , chez Mérigot
jeune , Libraire , quai des Augustins , et
chez Desenne , Libraire , au Palais - Royal .
L'année prochaine paroîtront , à la même
époque , deux autres Estampes , l'une représentant
le combat de la Surveillante , par
M. du Couëdic , et l'autre , celui de la Junon ,
par M. le Vicomte de Baumont, »
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles
étrangères .
1.
Dujeudi 26 Août 1790.
LAconvention de Reichenbach , dont les détails font encore
très-imparfaitement connus , a été ratifiée le 5. Depuis ce
moment , la diffocation des armées a été ordonnée une
partie des troupes pruffiennes a rétrogradé vers Breſlau , où
le roi devoit féjourner quelque temps. Quant à l'armée Autrichienne
, vingt bataillons & autant d'efcadrons paffent dans
les Pays-bas prefque toute la cavalerie de ce corps eft hongroife
ou efclavonne ; les huffards de Barco & de Lovenher y
Ton compris.
Ces forces , jointes à celles qui fè trouvent déjà dans le duché
de Luxembourg, & auxquels viennent de fe joindre huit
cents Bambergeois, feroient fans doute plus que fuffifantes pour
réduire un pays livré aux plus horribles diffenfions , dont les
reflources font prefque entièrement épuisées , & qui ne compte
ni un régiment sûr , ni un chef renommé. Au défaut du fecours
de la Pruffe , de la Hollande & de l'Angleterre , qui leur
manquent , les infurgens des Pays -bas comptent , dit- on , fur
un appui caché & inattendu . Cet appui , s'il fe montre , ne
fera que prolonger les calamités de ces provinces . On va
s'occuper définitivement de leur fort , dans un congrès qui
s'ouvrira inceffamment à la Haye & où fe rendront des miniftres
, des rois de Hongrie , de Pruffe & d'Angleterre. Le premier
de ces fouverains à nommé à cette million , M. le comte
de Mercy , fon ambaffadeur en France , qui partira inceffamment.
Il eft douloureux de penfer que nous fommés encore
totalement écartés de cette tranfaction , qui intéreffe fi puiffamment
nos frontières. C'eft une obligation de plus que
nous avons aux politiques formés par la déclaration des
drois , & qui nous ont perfuadés de méprifer nos alliés , pour
cajoler nos ennemis qui fe moquent de ces avances,
La diète d'éledion s'eft ouverte le 11 de ce mois à Francfort.
On ne préfume pas que l'empereur foit couronné avant
le mois d'octobre .
La tranquillité de Metz n'a pas été de longue durée . Le régiment
de Merz a voulu s'emparer de la caiffe militaire :
M. de Bouillé s'eft préfenté ; les officiers l'environnoient : il
leur a dit , l'épée à la main qu'ils pafferoient fur fon corps
avant d'arriver à la caiffe » . Les grenadiers ont chargé leurs
armes& l'ont couché en jo ue : Tirez , leur a- t-dit. Son intrépidité
,
сс
les adéfarmés. Le régiment de Condé , commandé par M. François
de Jaucourt, a refufé de marcher au fecours du général
même fur l'ordre de la municipalité . Les officiers ont livré
22000 liv . aux foldats , pour prévenir de plus grands malheurs.
Ces dangers renaiffans , contre lefquels il n'y a ni loi , ni autorité
, ni fecours à employer , ont enfin , fuivant un bruit au-.
quel nous ne donnons pas créance entière , déterminé M. de
Bouillé , à quitter Metz , & à fe retirer à Forbach , dans le duché
des Deux -Ponts ..
Lundi 23. M. Voidel , au nom du comité des recherches , a
fait à l'Affemblée nationale le rapport de l'affaire de M. de
Barmond . Après avoir confeffé qu'il n'exiftoit entre ce député
& M. Bonne-Savardin , aucune trace quelconque de complicité
, il a foutenu que M. de Barmond étoit délinquant pour
s'être prêté à la fuite d'un homme accufé de lèze-nation
& il a colu à continuer provifoirement fon arreſtation.
Dans le cours de la difcuffion , d'abord affez paifible , M. l'abbé
Maury parla avec une grande puiffance de logique , d'énergie
de melure & opina à mettre l'accufé en liberté , fous l'obli
gation de fe préfenter s'il étoit requis , & à la continuation
de la procédure . Cette motion avoit obtenu la priorité , lorſque
MM. Dumetz & Camus employèrent les grandes armes
de l'arfenal populaire , le peuple en danger , la liberté menacée
, un confpirateur arraché de prifon , &c. Les galeries
fecondèrent cette diverfion par des applaudiffemens d'ivreffe ;
le pleuple placé fur la terraffe & dans le jardin correfpondit
à ces acclamations , & fur cet arrêt de la multitude , la délibération
changea fubitement de face. On décréta qu'il y avoit
lieu à l'accufation contre M. de Barmond , relativement à
l'évafion & à la fuire de M. Bonne -Savardin. Le côté droit refufa
de prendre aucune part à cette délibération .
Mardi 24. On a décrété quelques nouveaux articles fur les
poftes & meflageries. M. Tronchet a cominencé le rapport de
l'affaire d'Avignon , qui probablement fera renvoyée au pouvoir
exécutif.
Mercredi 25. On a établi un juge de paix dans chaque fection
de la capitale , & exclu les eccléfiaftiques des fonctions
judiciaires.
Le comité diplomatique a rapporté la difcuffion fur le pacte
de famille, qu'il propofe de convertir en pacte national , & dont
il opine à remplir provifoirement les engagemens , en armant
trente-deux vaiſſeaux de ligne .
M. de Broglie a annoncé la réfipifcence du régiment du
Roi , & M. de la Tour- du -Pin l'infurrection du régiment de
la Reine cavalerie , qui a enfermé fon colonel , après šta avoir
fait figner un bon de trente mille livres.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles étrangères.
Le jeude s août 1790 .
Pour répondre au vou de la plupart de nos foufcripteurs , nous leur
donnerons , comme autrefois , un fupplément additionnel , tel que celuici,
qui contiendra la fubftance des décrets , & les nouvelles des trois ou
quatre premiers jours de la jemaine , lorsqu'elles n'auront pu entrer,
dans le corps même du journal.
LA féance de l'Affemblée nationale , lundi foir , a été toute
: en action on s'attendoit à un combat de dénonciations refpectives
; on a été trompé . Le feul M. Dubois de Crancé , qui
avoit demandé la féance , a dénoncé le rapport du comité des
recherches , concernant MM. de Bonne , Maillebois & Saint-
Pricft . Ou ce rapport eft un libelle , a-t-il dit , ou le miniftre
inculpé doit perdre la confiance de la nation , & fút -il inno-
» cent , l'Aflemblée doit ceffer de communiquer avec lui » . Cette
motion a excité les rires des uns , les murmures des autres , &
l'improbation de la grande majorité. On eft pallé à l'ordre
du jour.
ес
Camille- Defmoulins a préfenté requête au corps législatif,
contre le décret de famedi foir 31. Cette pétition a donné lieu
à une fcène & à un tumulte que nous rapporterons ici dans
huit jours , & qui a fini par un décret qui fufpend toute pourfuite
contte les écrits publics , fauf contre celui du fieur Marat,
intitulé c'en eft fait de nous , & qui charge les comités de
conftitution & de jurifprudence de propofer , fous huitaine ,
un mode d'exécution de décret du 31 juillet .
Mardi 3 , on a décrété quelques nouveaux articles de l'organifation
judiciaire. La féance du foir s'eft écoulée en motions
fans fuite , & en lecture de nouveaux articles explicatifs fur le
traitement du clergé , adoptés fur le rapport de M. Chaffey.
Mercredi 4 , on a pourfuivi l'organiſation judiciaire : les juges
feront nommés par les électeurs de diftricts , & inftallés par le
confeil général de la commune , au nom du peuple. Les juges
nommeront les greffiers du tribunal.
L'efpace nous a manqué pour continuer cette ſemaine l'ana❤
lyfe du rapport du comité des recherches contre le chevalier
de Bonne , &c. M. de Saint-Prieft vient d'y répondre , pour ce
qui le concerne , par un mémoire à conſulter , & une confultation
fignée de MM, de Sèze , Laget-Bardelin & Ferrey. Ce
mémoire , fimple & précis , & écrit avec la dignité d'un homme
fupérieur à l'accufation , prouve , ainfi que la confultation ,
l'abus d'autorité que s'eft permis le comité , & la légèreté de
fa dénonciation.
Il lui a plu d'accufer arbitrairement M. de Saint- Prieft de
haine &de mépris pour l'Aſſemblée nationale & fes décrets . L'ac
cufé obrve, & tous les publiciftes , & tous les amis de la
Liberté obferveront avec lui , « qu'on n'eft pas libre de dénoncer
» auxtribunaux , contre l'honneur d'un citoyen , des allégations
>> feulement ou des conjedures , & qu'on ne peut leur dénon-
» cer que des faits » . Or, le comité ne cite aucun fait : il
n'articule rien ; il n'explique rien ; il fe renferme dans un
reproche abfolument vague , & il appelle cela fournir des
moyens à l'accusé de faire éclater fon innocence avec plus de
facilité . Cette méthode tyrannique de dénoncer eft profcrite
par toutes les loix , dans tous les pays , notamment par l'ordonnance
de 1670 , & par les loix romaines. Tout légiflateur ,
tout tribunal qui a confervé quelque pudeurs a exigé , avant
de l'admettre , une dénonciation circonftanciée .
Le projet qu'a fermé le comité d'expofer M. de Saint- Prieſt
à la fureur publique , en le préfentant comme complice de
MM. de Bonne & de Maillebois , eft encore plus extraordinaire
& plus irrégulier ; le mémoire & la confultation prouvent,
jufqu'à l'évidence , que cette dénonciation n'eft appuyée d'aucune
preuve , qu'elle ne porte même fur aucune baſe , qu'elle
eft abfolument contraire à la loi.
Le comité a trouvé , dans les papiers de M. de Bonne , ur
écrit qui renferme le précis , vrai ou faux , d'une converfatio
qu'a eu le priſonnier le , décembre avec un nommé Farcy . Eh
bien ! contre toute juftice , toute liberté ; contre les empereurs
romains, qui , dans leur tyrannie , n'osèrent pas étendre aux
paroles les crimes de lefe-majefté ; contre Montefquieu , contre
l'autorité de tous les fiêcles & de tous les peuples , le comité
établit qu'en France , une converfation eft un crime de lèfenation
; enfuite il incrimine , il commente ce prétendu difcours
tenu fans témoin ; enfin , il l'impute à M. de Saint - Prieft : &
fur quelles preuves ? Parce que dans le livre de raifon , authentiqne
ou non , de M. de Bonne , cet accufé a noté que les
& décembre , il avoit été chez M. de Saint - Prieft : or , il a
écrit auffi que le même jour , il avoit vu le nommé Farcy, avec
lequel il avoit eu la converfation citée : d'où le comité conclut
l'identité de Farcy & de Saint- Prieft . Voilà toutes fes preuves
& tous fes raifonnemens. M. de Bonne a vu M. de Saint- Prieſt
le 5 : donc argumente le comité , il n'a vu ni pu voir que
M. de Saint-Prieft : puifqu'il a converfé avec ce dernier , il eft
impoffible qu'il ait converfé le même jour avec Farcy. Vainement
M. de Bonne peut n'avoir pas même rencontré le
miniftre chez lui ; vainement a-t-il perfifté dans cinq interrogatoires,
les plus fuggeftifs , que l'on doit fe rappeller que
M. de Saint-Prieft fût Findividu fous le nom de Farcy , avec
lequel il a converfé , il connoifloit au miniftre des fentimens
trop oppofés à une contre - révolution , pour lui faire une
femblable ouverture ; vainement le caractère , les vertus , la
place même de M. de Saint Prieft , repouflent cette imputation,
le comité devine que ce miniftre eft Farcy , parce qué
M. de Bonne lui a fait une vifite ; & au lieu de dénoncer
ce Farcy quel qui foit , que lui indiquoient les pièces du procès,
il pourfuit M. de Saint - Prieft , fans que la plus légere preuve
l'autorife à le confondre avec Farcy. Nous entrerons dans de
plus grands détails la femaine fuivante .
SUPPLEMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles étrangères.
Le jeudi 12 août 1790.
Pour répondre au voeu de la plupart de nos foufcripteurs , nous leur
donnerons , comme autrefois , un fupplément additionnel ,
tel que celuici,
qui contiendra la fubftance des décrets , & les nouvelles des trois ou
quatre premiers jours de la femaine , lorsqu'elles n'auront pu entrær
dans le corps même du journal.
ENFIN , la cour de Londres a reçu & fait publier les , la décla-“
ation & la centre- déclaration dont elle eft convenue avec l'Efne.
L'une & l'autre ont été fignées à Madrid le 24 juillet : elles font
Formes à ce que nous en avons annoncé . Le fecrétaire d'état a fur
estamp fait paffer cette nouvelle au lord- maire , pour la répandre
lans la cité , & le jour même , les trois pour cent confolidés , qui,
toient à 75 , font montés à 78 : les autres fonds publics à proporon.
Chacun remarque à Londres , comme nous l'avons fait ici
cette convention laifle indécis le principal article du différent ,
voir la poffeffion de la baie & des côtes de Nootka , & qu'on ne
eut par conféquent , la regarder que comme un préliminaire . A la
te du 7 , aucun ordre de déſarmement n'étoit encore donné : le
ou avoit méme encore mis en committion le Duke , de 98 canons ;
x ordonné aux va ffeaux le Tremendous : le Warrior , le Majestic , la
Défenfe & l'Hector , tous de 74 canons , de defcendre la Tamile &
de fe rendre de Chatham à Portſmouth . L'opinion prefque générale
eft que le défarmement fera feulement partiel , & que la fituation
des chofes dans la Baltique , ainfi que dans le refte de l'Europe ,
exige cette précaution .
:
La convention préliminaire fignée le 25 juillet à Reichenbath , eſt
analogue à celle qui vient de différer une rupture entre l'Eſpagne &
l'Angleterre ce n'eft point un traité de paix , on a feulement figné
des bafes de pacification , qui ne font en aucune manière , les abfurdes
inventions qu'on aura pu lire dans les feuilles de Paris , Voici la vérité.
Les chofes feront remifes entre les deux cours de Vienne & de Berlin ,
en l'état où elles étoient avant leurs diffentimens . -- Le roi de Hongrie
reftituera les conquêtes faites fnt les Turcs ; mais les fortifications de
Belgrade feront démolies : l'armîftice aura lieu fans délai , en attendant
la paix définitive entre la Porte & la maifon d'Autriche : cette
paix fera traitée par la médiation , & ajoute t-on , fous la garantie
de la Pruffe , de l'Angleterre & de la Hollande. -- Ces trois puiffances
concourront par leur influence à la foumiffion des Pays Bas , à
Deur légitime ſouverain : on ajoute ici un article en faveur des intérêts
(2)
Commerciaux de l'Angleterre aux Pays-Bas . Telle eft la fubftance
des articles connus ; files négociations embraffent un plus grand nombre
d'objets , ils ne font du moins pas ftipulés dans la convention
préliminaire.
Les folliculaires de Paris ne fachant plus quel'e fable nouvelle imaginer
, ont inventé que le roi d'Angleterre étoit retombé malade .
Nous pouvons garantir que ce prince ce porte mieux que ſes aſſaſſins
périodiques , qu'il n'a point été malade , & qu'il a tenu conftamment
fon lever à Saint- James , & affifté à tous les confeils.
Chaque courier apporte la nouvelle de l'infurrection de quelque
régimens . Celui du Roi à Nancy a enfin fubi le fort commun , & après
avoir été long-temps travaillé , il a comme les autres , refufé d'obéir
à fes officiers.
La garnifon de Bitche a dépofé les fiens : une partie de celle de
Merz s'eft livrée aux plus grands défordres : elle a forcé M. Dopont ,
intendant de la généralité , à figner en leur faveur le bon d'une
fomme confidérable , à prendre fur le tréforier. On a publié la loi
martiale , & il fe répand que M. de Bouillé , après avoir courru
de grands dangers , a quittéMetz , Ce dernier fait ne nous eft pas conftaté .
On avu par le mémoire qu'a lu vendredi à l'Affemblée nationale le miniftre
de la guerre , les progrès effrayans de ce déford e de l'armée. Nous
ferons moins témérairesque des journaliſtes dans l'ivreffe , qui ont hafardé
de prononcer fur la caufe de ces foulévemens . Ils les a.tribuent à une manoeuvre
favante de l'ariftocratie expirante , qui veut nous guérir de la
liberté par fes excès . Certes , voilà des aristocrates bien favans , qui
fe font tuer comme MM . de Beauffet & de Voifins , chaffer des
régimens , infulter , défobéir par les fo'dats foulevés contrr eux.
Puifqu'ils ont aflez d'empire pour porter l'armée à violer fes devoirs
& fes fermens , on les trouvera bien fots de n'avoir pas employé
cet empire à fe faire feconder par les foldats , aulieu de s'en rendie
Jes victimes. C'est bien ici le cas d'appliquer l'axiome , l'auteur du
crime eft celui à qui il profite. Au refte , les mêmes journaliſtes nous
avoient déjà affirmé avec une rare bonne foi , que le clergé & la
nobleffe faifoient brûler leurs cháteaux , piller leurs propriétés ,
anéantir leurs titres , & maffacrer leurs pères & leurs frères , pour
nuire à la liberté.
Il n'eft befoin d'accufer perfonne pour rendre raiſon de la
licence d'une partie des régimens : elle n'a pas d'autre cauſe
que la licence univerlelle . On a dit & redit au foldat qu'il
étoit citoyen , & que chaque citoyen étoit fouverain ; qu'on
ne devoit obéir qu'à la loi qu'on avoit faite , ni reconnoître
d'autres chefs que ceux qu'on a élus foi -même ; que la difcipline
révoltoit les droits de l'homme ; qu'un foldat étoit
( 3 )
l'égal de fon officier ; enfin , que tous les officiers étant
ariftocrates , il falloit fe liguer contr'eux , pour le maintien
de la conftitution . Les foldats mettent ces maximes en application
, & il faut ou tolérer leurs excès , ou révoquer les
maximes,
Hier matin , MM. de Cazalès & Barnave fe font battus au
piftolet : le premier a été bleffé à la tête , affez dangereusement.
Leur querelle a pris naiflance dans l'Affemblée.
Lundi , on a continué , fans la terminer , la difcuffion fur
la queftion fi les gens du roi feroient chargés de l'accufation
publique ?
Mardi 10 , après de longs difcours , une foible majorité a
décidé que les gens du roi ne feroient pas chargés de l'accufation
publique . La forme fera déterminée par les comités de
conftitution & de juriſprudence .
:
La féance de mardi foir n'a été remarquable que par fon
tumulte . Une députation du régiment de Languedoc s'eft
préfentée l'un de fes membres a prononcé un difcours mâle
& foigné , pour repréfenter les inconvéniens qu'encourroit le
décret , par lequel il eft ordonné au régiment de quitter Montauban
.
Un harangueur u comité des recherches de la ville eft venu
enfuite affirmer qu'il avoit remis au châtelec les pièces en fa
poffeffion , relatives aux forfaits du 6 octobre. Il à ajouté que
l'on imputoit au châtelet defaire le procès à la révolution , ce qui
équivaut à dire quel'invafion armée dupalais du roi , fes gardes
égorgés , fes appartemens fouillés de fang , la reine échappant
au fer des affaffins , &c. & c . tous ces attentats contre la loi fondamentale
qui a décrété la perfonne du roi ſacrée & inviolable ,
& contre les droits de citoyen , ne peuvent être recherchés ,
fans faire le procès à la révolution .
Du mercredi 11 , on a décrété le titre VII de l'ordre judiciaire ,
traitant du miniſtère public.
Les officiers du miniftère public font déclarés agens du
pouvoir exécutif auprès des juges ; leurs fonctions confiftent à
faire obferver dans les jugemens a rendre les loix qui inté
reffent l'ordre général , & àfaire exécuter les jugemens rendus ;
ils porteront le nom de commiſſaires du roi .
Dans les matières criminelles , les commiffaires du roi ne
feront point accufateurs ; ils feront entendus fur toutes les
( 4 )
1
accufations intentées & pourfuivies fuivant le mode qui
fera déterminé. Ils requerront pendant le cours de l'inftruction
, pour la régularité des formes ; & avant le jugements
pour l'application de la loi.
Les commiffaires du roi feront chargés de tenir la main à
l'exécution des jugemens.
Aucun d'eux ne pourra être membre des corps adminiftratifs
, ni des directoires , ni des corps municipaux.
Un nouvel article fur les tribunaux de famille & l'inftitution
de ceux de commerce , ont rempli le refte de la féance .
LIVRES NOUVEAUX.
LE bonheur de la
France , par l'Abbé cidevant
Dom de Vienne ,
Auteur de la Pétition du
Citoyen & du Cri de
la Raifon. A Paris , chez
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, n°. 17.
Ordonnance du Roi
du premier Jain 1776 ,
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des Troupes d'Infanterie
, adopté par le Comité
militaire & M. le
Commandant Général
pour le fervice de la
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Inconvéniens du Droit
d'aineffe ; Ouvrage dans
lequel on démontre que
toute diftinétion entre
les enfans d'une même
famille entraîne une
|| foule de maux politi
ques , moraux & phyfiques
; & Décifion de
MM . les Docteurs de
la Maifon & Société
Royale de Navarre , fur
la primogéniture ; par
M. Lanthenas , D. M.
de la Société des Amis
des Noirs de Paris . A
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Du Mariage des Chrétiens
ou la Loi fur
l'Etat civil des non-
Catholiques en France ,
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Religion & de la Politique
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Le prix de l'abonnement eft de trente- trois liv.
franc de port, tant pour Paris que pour la Province.
Il faut affranchir le port de Largent & de
la lettre , & joindre à cette dermare le reçu du
Directeur des Poftes. On foufera Hotel de Thou,
rue des Poitevins. On s'adreffera fieur GUTN
Directeur du Bureau du Mercure
LIVRES NOUVEAUX.
BIBLIOTHÈQUE de 3 mois , & pour Paris ,
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port. L'argent & les lettres
d'avis feront adreflés ,
francs de port , à Paris ,
chez Buiffon , Libraire
rue Haute feuille , hôtel
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On foufcrit aufli chez
tous les Libraires & Directeurs
des Poftes du
Royaume & de l'Etranger.
A compter du tome
IV, chaque volume fera
compofé de 264 à 272
pages.
l'Homme public , ou
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principaux Ouvrages
François & Etrangers ,
fur la Politique en général
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Finances , la Police ,
l'Agriculture , & le Com
merce en particulier , &
fur le Droit naturel &
public; par M. le Marquis
de Condorcet , Secrétaire
Perpétuel de l'Académie
des Sciences , l'un
des Quarante de l'Académie
Francoife , de la
Société Royale de Londres
; M. de Peyffonel L'Explofion , au profit
ancien Conful général des pauvres du Diftrict
de France à Smirne , & c. des Enfans -Trouvés . A
M. le Chapelier , Dé- Paris , chez Deuné , Liputé
de l'Affemblée Na- braire au Palais- Royal ,
tionale , & autres Gens paffage du Perron , visde
Lettres. Il paroît cha- à- vis la rue Vivienne.
que mois un volume de
cer Ouvrage , formant
environ 200 pages in 8.
Le prix de l'abonnement
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Obfervations fur le
Rapport de M. Martineau
, par M. l'Abbé
Baudin . A Paris , de
l'Imprimerie de la Société
typographique
Collége des Cholets ,
près la rue Saint-Jacques.
De l'Infurrection Pa- r
rifienne & de la Pafe
de la Baftille , Difcours
hiftorique , prononcé
par extrait dans l'Affem
blée Nationale ; par M.
Dufaulx , de l'Académie
des Belles- Lettres , l'un
des Electeurs réunis le
14 Juiller 1789 , Repréfentant
de la Commune
de Paris , & l'un des
Commillaires actuels du
Comité de la Baftille ,
in- 8 . A Paris , chez Debure
l'aîné , hotel Ferrand
, rue Serpente
n° . 6.
Le Supplice des cloches
, ou Epitre amicale ,
écrire , en 1783 à la
Dame des Filles Saint-
Thomas , & autres Pièces
; par M. de la Place.
A Paris , chez les
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Difcours fur l'érude
de la Langue Angloife ,
par Mademoiſelle Scott
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n°. 63 ; & J. R. Lottin ,
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vince. Il fa
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bonnement eft de trente-trois liv
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chir le port de l'argent & de
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es. On fouferit Hotel de Thon ,
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reau du Mercure
LIVRES NOUVEAUX.
non-
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parties de l'Angleterre
& particulièreiment
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tagnes & fur les lacs de
Cumberland & duWeft
moreland ,
terre , extraires des Commenai
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précédées d'un Difcours
fur les principales difpofitions
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& fur l'abolition
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Oble
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de Salisbury , & Curé Paris , chez Maradan
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-Arts , hôtel de Châde
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Cours & les Procédures
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Marquis de Bouthillier ,
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Royal , galeries de bois
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la Faculté de Médecine
de Paris. A Paris , chez
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Confeils aux Souverains
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vince Il faut affranchir le port de l'argent &
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TABLEAU railonné chez Théophile Barrois ,
de la nouvelle Divifion Libraire ,
économico - politique de Auguftins.
la France , d'après les
quai des
Ordonnances de 1776
Hallenfratz , Ingénieur ,
&c. &c. A Paris , chez
Gaume junior , Liire
, quai des Augufins
, n . 35 .
2
Dictionnaire Tartare-
Mantchou - François
compofé d'après un Dic-
Mantchou-
Manuel militaire de
bafes phyfiques fur lefl'Infanterie , Cavalerie
quelles cette Divifion & Artillerie nationales ,
eft établie; par M. Men ou Commentaire des
telle. Prix , 12 fous. A
Paris , chez l'Auteur , & de 1778 ; par M.
rue de Seine , n . 27 ,
chez Vignon le père,
rue Dauphine , vis- à- vis
elle d'Anjou , nº. 27 ;
& Vignon le his page
du Saumon , no. 48.
Carte phyfique de la
France , fur laquelle on
diftingué par une * tionnaire
es noms des objets qui Chinois ; par M. Amyor,
ppartiennent à la nou Miffionnaire à Pékin
elle Divifion de ce rédigé & publié avec des
Royaume. Prix , 1 liv. additions & l'Alphabet
10 f. par
e même. A de cette Langue , par
Paris , chez les mêmes. L. Langlès , Officier des
Traduction fibre des Maréchaux de France
Odes d'Horace , en vers 2 vel. in-4. A Paris ,
François , fuivie de imprime par Fr. Ambr.
notes hiftoriques & cri- Didot l'aîné , avec les
tiques , 2 vol. in- 8 . Prix , caractères gravés par
12 liv, broché , && eenn Firmin Didot fon fecond
papier vélin 24 lives. fils ; fe vend à Paris
A Orléans , de l'Impri- chez Nyon l'aîné , Limerie
de Jacob l'aîné ; | braire , rue du Jardinet
& fe trouve à Paris , Née de la Rochelle
Libraire , rue du Harepoix
, près du pont St
Michel; Théophile Bar
rois le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins ; &
à Lyon , chez Pieftre &
de la Mollière , Lib.
rue Saint-Dominique .
Adreffe aux Gens de
bien du Languedoc ,
pour être communiquée
à l'Affemblée Natio
nale , & aux bons Fran
cois qui s'intereffent
aux affaires préfentes.
Sur quoi ? ... Par qui ?
A Paris , chez les Marchands
de Nouveautés .
Le prix de l
franc de port ,
vince Il fautaftent eft de trente-trois liv
la lettre &
Directeur des
rue des Poite
Directeur du B
our Paris que pour la Pro
le port de l'argent & de
cette derint le recu du
fouferit Hotel de Thou,
adreffera
( N°. 32. )
SAMEDI Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE
.
Compofé & rédigé, quant à la partie litté
raire , par MM. MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françoife ; & par M. IMBERT
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par
M. MALLET DUPAN , Citoyen de Genève .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume .
COURS DES EFFETS PUBLICS
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1670. 75 1680.83.1680.
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1790.
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1789, lettre.
E. Y. Bard.
( No. 33. )
SAMEDI 14 Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE .
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
raire , par MM MARMONTEL , DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
l'Académie Françoife ; & par M. IMBERT,
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par
M. MALLET DUPAN, Citoyen de Genève.
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Id. Décembre82
Lot. d'Avril.
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Do demi- act. 1675 74 1674
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Août 1790
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Amft.$2.
Lond. 17
Ham. 200.
Mad.5 tod
Cadix 151 70.1
LIVA LOS
Gên 974
Lyon.p Pre
Payeurs, Année
1789, lettreE
( No. 34. )
SAMEDI 21 Aout 1790 .
MERCURE
DE FRANCE
.
Compofé & rédigé , quant à la partie litté
par MM. MARMONTEL
, DE LA
HARPE & CHAMFORT , tous trois de
PAcadémie Françoife , & par M. IMBERT,
ancien Auteur & Editeur : quant à la
partie hiftorique
& politique , par
M. Mallet du Pan , Citoyen de Geneve.
Le prix de Abonnement eft de 33 liv.
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Amit,$ 24
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Mardiro.
Merc. 11. Jeudi2. Vend,1
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De demi- act.1672...
EauxdeP...
E.V. Bord
10
315253335.45 3340..25.
1670..71. 1648..70 1660..55 1665. 75. 1670..69.
Gen.
97.
Lyon.p. Ple
CHANGES U14.
Amft. 12
Lond. 27
Ham 201
Mad,g
Cadizin
Liv.. 106.
Gên 98.
Lyon.p.P
Payeurs Année
1780, lerare E.
(
CE
')
)
EDI 28 Août 1790 .
MERCURE
DE FRANCE .
rédigé , quant à la partie litté
par MM. MARMONTEL , DK LA
& CHAUFORT , tous trois de
démie Françoife ; & par M. INZERT,
eien Anteur & Editeur : quant à la
hiflorique & politique , par
MALLET DU PAN, Citoyen de Genève.
pik de l'Abonnement eft de 33 liv.
ranc de port par tout le Royaume.
PEUCFBOFLUDEIRETCSSSS.
EFFETSRSOaJYVmeA2eeu1Un1dzd.Xd9iio1...
ion&As.
Des
117774015.7..67570005...
EmpruOnft
14. Décembre82.
d'AvLroitl.
Let. d'O& obre..
548
S
104
58.
370. 379
700.
..55.55.00..
Emprunt 115m. 11.10. 10.10, 10
So millions..
Sans Bulletin ....10
Bulletin .....
Emprunt 120m³.
Borde Ch ...
Caille d'Efcompt. 3310.35. 3350.48.. 3330.25.
Do. demi- act .... 1655..61. 1670. 72. 1670..65
EauxdeP
EV Bord.
Août 1790.
CHANGES du21,
Amft.1
Lord. 261.
Hm. 203.
Mal..15 13ʻod.
Cadix: 11od
Liv. 107.
GED. 992
Leon p. Pe
Hayeurs, Année
1780, lettreF
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
COMPOSÉ &rédigé, quant à la partie littéraire , par
MM. MARMONTEL , DE LA HARPE & CHAMFORT
, tous trois de l'Académie Françoife ; &
par M. IMBERT , ancien Editeur : quant à la
partie hiftorique & politique , par M. MALLET
DU PAN, Citoyen de Genève,
SAMEDI 7 AOUT 1790.
A
PARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou;
rue des Poitevins , No. 18 .
Avec Privilége du Roi,
TABLE
Du mois de Juillet 1799 .
LEPère & les trois Fils. 3 ) Charade, Biz & Logog , 30
Vers .
Suite de la Veillée.
VER S.
Le Dépofitaire Gafcon.
Charade, En . Log.
Mémoires.
Mémoire.
EPITRE.
L'Avocat de l'Amour.
Charade , Enig. Log,
Adreffe.
5 Le Defpotifme dévoilé.
491 Lettres.
51 Theatre Itallen .
53 Theatre de la Nation,
56, Théatre de Monfieur,
363
86
و م
93
95
81
971 Eidmens.
101 Obfervations 121
104 Theatre de Monfieur. 131
1051
EPIT PIT.APHE.
Réponse.
Le Mouton & le Buiffon.
Charade, Enig. Log .
Euvres de Cicéron .
Du Maffacre.
133 ] Demetrius.
134 Nouveau Recueil.
136 Théaire Italien.
137 Théatre de la Nation .
139 Théatre de Monfieur,
146
155
158
165
166
167
EPITRE.
Vers.
169 Mémoires. 191
171 Recherches. 196
Charade, Enig. Logog. 174 Memoires . 198
Eloge. 177 Ellai. 200
A Paris , de l'Imprimerie de MOUTARD,
sue des Mathurins , Hôtel de Cluni
PIBLIOTERA
REGIA
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MERCURE
DE FRANCE.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
DISTIQUE
Au fujet du Bal que nous ont donné nos
Frères d'Armes de Paris , fur les débris
de la Baftille.
AVTVTRREEFFOOIISS dans ces murs la honte de la
France ,
>
On y trouvoit la mort ! aujourd'hui …………. l'on y
danfe .
( Par M. Pafquet , Aide - Major dans
l'Armée Patriotique Bordeloife , &
Député à la Fédération générale. )
ΑΣ
MERCURE
VERS
AM, de DurFORT , proclamé , pour la
troifième fois , Généraliffime des Troupes
Patriotiques Bordeloifes & de plufieurs
Sénéchauffées.
TOUS ous nos eoeurs t'ont nommé ! ... fois toujours
notre Guide ;
Contre fes ennemis défends la Liberté.
Rival de LA FAYETTE , & nouvel Ariftide
Dans notre paisible Cité ,
Grace à tes foins , la gaîté brille .
Ah ! fois bien sûr que , pour jamais ,
LA FAYETTE & DURFORT feront chers aux
Français ;
Mon Général ! ... c'eft un droit de famille.
( Par M. Pafquet , Aide - Major du
Régiment de Sainte - Eulalie, )
DE FRANCE.
3
FABLE DU CHIEN DE PROCRIS ,
Tirée du VII . Livre des Métamorphofes
d'Ovide : c'eft Céphale qui la raconte.
Carmina Laides non intelle&ta priorum
Solverat ingeniis , &c.
LORSQU' @ DIPE , interprète heureux & fccourable
,
Eut pénétré le Sphynx , long temps impénétrable ,
Et qu'oubliant enfia fes détours captieux ,
Ce Monftre , aux pieds du roc , eut péri fous fes
yeux ;
Fléau non moins terrible , une Hyenne ſauvage
Remplit les champs Thébains d'horreur & de ravage
,
Et vengea de Thémis les oracles obfcurs .
La Jeuneffe à l'envi s'affemble hors des murs ;
Un long tiffu de rets , finueux labyrinthe ,
Autour de l'ennemi forme une triple enceinte.
Mais bravant le danger , la bête à nos regards
Franchit d'un faut léger les filets & les dards.
On découple les chiens : elle échappe ; & plus vîte ,
Plus prompte qu'un oifeau , les trompe & les évite.
On demande Lélape ; on l'appelle à grands cris :
C'étoit le nom du chien donné par ma Procris.
A 3
6 MERCURE
Déjà le cou tendu , luttant contre fa chaîne ,
Lélape impatient la fouffroit avec peine .
Il part ; l'oeil fuit , le cherche , & ne le trouve pas.
On devine fa courſe aux traces de ſes pas.
Une pierre à la fronde échappe moins rapide ;
Moins rapide eft le vol d'une flèche Numide .
Il eft une hauteur d'où l'oeil domine au loin ;
Là , de leur courſe agile immobile témoin ,
Je me plais à les voir , avec même vîteffe ,
L'un fans ceffe affaillir , l'autre éviter fans ceffe.
Elle faute , il bondit ; elle tourne il revient :
›
Elle échappe , il la preffe ; on diroit qu'il la tient :
Il ne tient rien fa gueule avide de bleffures ,
:
Redouble dans les airs d'inutiles morfures.
J'ai recours à mon dard ( 1 ) : au moment que més
doigts
Le balancent en l'air , je regarde & je vois
En marbre transformés & Lélape &` fa proie.
Il femble que toujours l'une fuit , l'autre aboie .
Sans doute arbitre alors entre ces deux rivaux ,
En adreſſe , en vigueur , un Dieu les juge égaux.
( Par M. de Saint- Ange. )
(1 ) On fait que ce dard , préfent de Diane , & que
Céphale avoit reçu de Procris , étoit toujours sûr de fes
coups . Ce Livre 7e. , actuellement fini , n'attend pour
être publié qu'un moment plus tranquille & plus favorable
à la Poéfic .
-
, On trouve les 6 premiers chez Moutard , Impr- Libr..
rue des Mathurins ; & chez Valeyre l'aîné , rue de la
Vieille- Bouclerie.
DE FRANCE.
LA V EILLÉ E ,
S. HISTOIRE.
DU temps de la Chevalerie , dit à ſon
tour le Baron de Drifac , avec l'accent de
ſon pays , il n'y avoit pas un Gentilhomme
qui n'eût , au coin de fon feu , quelque
belle aventure , quelque proueffe à raconter.
Ce bon temps eft paflé. Il n'y a plus
de Géans , plus d'Enchanteurs , plus de
Champ-clos ; on n'enlève plus de Princeffe
; que voulez- vous qu'on vous raconte ?
Pour moi , je ne fais que vous dire ; &
en repaffant dans ma mémoire les évènemens
de ma vie , le plus beau jour dont
je me fouvienne , fut celui où en admirant .
les tableaux de nos Peintres dans le Sallon
des Arts , je reçus une croquignole. Quoi !
fur le nez , s'écria Julliette ? Eh oui , Mademoifelle
, fur ce nez- là. Voici le fait .
A l'âge de vingt ans , j'étois arrivé à Paris ,
avec mon patrimoine dans un porte- feuille
très-mince , & la promeffe d'un brevet de
Lieutenant d'Infanterie , fur lequel je fon
dois toutes mes efpérances & mes projets
d'ambition . Le brevet fe faifoit attendre ,
car c'étoit le temps de la guerre , on étoit
friand de dangers , & les emplois vacans
étoient brigués par une foule de jeunes
A 4
$ MERCURE
amans de la gloire : fi bien qu'en attendant
mon tour , je voyois mon petit pécule s'en
aller infenfiblement. Je le ménageois pourtant
bien ! & pour me tenir lieu des plaifirs
ruineux , je m'en faifois d'économiques.
Moitié goût naturel , & moitié calcul
& prudence , je m'avifai d'aimer les
Arts & de fréquenter les Artiſtes . Mes
fpectacles étoient leurs ateliers ; il ne m'en
coutoit rien ; & plus fenfible tous les jours
aux productions du génie , je pouvois en
jouir fans bourfe délier : je trouvois cela
fort commode ! ajoutez , d'abondance , que
parmi les Artiftes , je trouvois des hommes
inftruits , des caractères à l'antique , une
franchiſe que j'aime fort , une fierté que
je ne hais point , de la gaîté , fouvent de
l'efprit , de la verve , & une vivacité d'imagination
qui me rappeloit mon pays.
Celui de tous auquel je m'attachi le plus ,
ce fut Carle Vanloo . Il n'y avoit pas de
meilleur Peintre , il n'y avoit pas de meilleur
homme. Plein de génie & d'ame , il
avoit les moeurs d'un enfant. Il remarqua
mon affiduité ; il fut fenfible aux éloges
naïfs que je donnois à fes Ouvrages ; &
il me prit en amitié. Bientôt il me permit
de l'aller voir chez lui : j'y trouvai le bonheur,
& les plaifirs de l'innocence . Sa femme
avoit la voix d'un roffignol , fa fille l'éclat
d'une rofe ; c'étoit le plus joli printemps
qu'il fût poffible de voir fleurir.
Vous allez en être amoureux , lui dit tout
DE FRANCE. .9
-
bas Dervis. Oh non ! je ne voycis dans
la belle Carline que le chef- d'oeuvre de
fon père fa main étoit promife , & fon
petit coeur engagé ; qu'aurois-je fait de mon
amour ? Non , croyez - moi , l'amour ne
vient pas tout feul & de lui-même ; c'eft toujours
l'efpérance qui l'amène & qui l'introduit.
Et puis , j'avois mon brevet dans ma
tête ; & fi tết qu'il fut expédié , je partis.
Blave jeune homme , me dit Carle dans
nos adieux , vous allez aux coups de fufil ;
j'ai un bon office à vous rendre . Bagieux ,
le plus habile Chirurgien de l'Armée , eft
mon ami intime . Voici une lettre de recommandation
pour vous auprès de lui. Je
la reçus , comme vous croyez bien , avec
une fenfible joie , Bagieux , le jour d'une
bataille , étoit un perfonnage d'une grande
importance ; & bien me prit d'être fon protégé
. Huit jours après mon arrivée , je reçus ,
à l'attaque de Laufeld , deux bleffures ; l'une
à la cuiffe , mais fort légère ; l'autre à l'épaule
droite, & celle-ci valoit la peine qu'un
homine habile y mit la main. Bagieux , à
qui Vanloo avoit recommandé de ne pas
me perdre de vue dans les occafions férieufes
, fut que j'étois bleffé , & accourut
à mon fecours .
Digne ami de mon ami Carle , confidérez
, lui dis - je , que ce bras eft celui dont
je tiens l'épée ; tâchez de me le conferver .
Il leva l'appareil . La balle étoit reftée , & il
fallur la dégager. Je ne veux pas vous en-
A s
10 MERCURE
nuyer de mes douleurs & de fon induftrie ;
l'intéreffant eft de favoir qu'il me guérit ,
& que mon bras fut encore au fervice de
l'Etat & de mes amis.
Enfin la paix m'ayant permis de venir
rendre grace à celui dont la prévoyance
m'avoit peut - être fauvé la vie , je paffois
mes jours avec lui dans l'intimité la plus
douce ; le matin à fon atelier , le foir au
fein de fa famille , & au clavecin de fa
femme , où la belle Carline , inftruite par
fa mère , effayoit fes jeunes talens .
Autour du clavecin , une fociété d'Artiftes
, de Lettrés , de bons Bourgeois amis
de Carle , exprimoient leur raviffement pour
cette nouvelle mufique , dont Madame Vanloo
nous faifoit la première connoître &
fentir les beautés ; & Carle , dans ce cercle,
m'avoit fait diftinguer Pacôme , fon ami
de coeur , dont le jeune fils me fembloit
prodigieufement fenfible à la belle voix de
Carline. Ainfi fe paffoit notre temps.
Cette année- là , le Sallon des Beaux- Arts
fut d'une richeffe admirable ; & mon ami
Vanloo s'y diftingua par la fierté de fa manière
& le brillant de fa couleur. L'envie
n'en fut que plus envenimée contre la gloire
des talens .
J'ai oui dire que la gloire & l'envie étoient
nées le même jour , l'une de l'oeuf d'un aigle
l'autre de l'oeuf d'une vipère ; je le croyois affez
, & je conçois que l'Artifte qui rampe foit
jaloux de celui qui vole. Mais celui qui n'eft
DE FRANCE. II
point Artifte , de quoi , fandis ! peut- il être
envieux ? En fait d'efprit , à la bonne heure ,
chacun y prétend plus ou moins on a
fait en fa vie un Madrigal , une Chufon;
c'en eft affez pour être ennemi de Voltaire .
Montefquieu , après tout , n'a fait que de la
profe ; M. Jourdain en faitaufli . Mais à moins
d'avoir manié le cifeau , le pinceau , comment
peut-on être offufqué de la gloire du
Peintre ou de celle du Statuaire ? C'est qu'il
eft une espèce d'hommes naturellement
ennemis de tout bien. Tout fuccès les afflige
, tout mérite les bleffe ; ils obfcurciroient
le foleil , s'ils pouvoient fouiller fa
iumière.
Entre ces malheureux étoit un Spadaffin
appelé Rudricour , connu dans les Cafés
& dans tous les Spectacles pour un cabaleur
redouté. Il fe piqueit auffi d'être le
fléau des Artiftes ; & tous les jours dans
le Sallon , la lorgnette à la main , il vantoit
avec arrogance ce que dédaignoit tout
le monde , & en revanche il dénigroit ce
ce que l'on admiroit le plus. Il avoit pris
fur-tout en haine ce bon Carle Vanloo , de
tous les hommes le plus modefte , le plus
fenfible à la critique , & à qui un fimple
Ecolier faifoit effacer fon ouvrage , s'il avoit
l'air d'en être mécontent.
Savez - vous , me dit Carle , pourquoi
cet homme - là me pourfuit avec tant de
rage ? Je l'ai vu chez moi l'an paffé , aufli
bas complaifant & louangeur auffi outré ,
A 6
12 MERCURE
qu'il eft acre & mordant critique ; mais en
feignant d'être amoureux de mon talent ,
il l'étoit de ma fille ; & il eut l'infolence
de lui gliffer un jour un billet d'amour
dans la main. La pauvre enfant nous apporta
ce billet , & nous demanda à fa mère
& à moi ce que lui vouloit ce Monfieur ? Je
vis tout fimplement qu'il vouloit la féduire
; & fans daigner me plaindre , je priai
l'Amateur de ne plus mettre les pieds chez
moi. Il ne me l'a point pardonné. Je tâchois
inutilement d'infpirer à Vanloo , pour cette
efpèce de gens- là , tout le mépris qu'elle
mérite. Ah ! me répondoit-il , ce font les
Rudricour qui ont fait mourir de chagrin
le Moine. Cependant comme il avoit pour
lui la voix publique & de brillans fuccès ,
en l'en affurant bien , je calmnois un peu
fes efprits.
Mais un matin que je l'allois voir , je
trouvai le plus beau tableau qu'il eût mis
au Sallon , déchiré par lambeaux , & devant
ce tableau , fa femme & fa fille éplorées.
-
Saifi d'étonnement & de douleur , je
demande à ces fenimes quel eft le furieux
qui a lacéré ce bel ouvrage ? Hélas ! me
dit la mère , c'eſt mon mari . Il eſt donc
fou? Il l'eft de douleur , me dit - elle ,
& il a bien raifon de l'être . Ce malheureux
tableau va peut -être couter la vie à
notre plus ancien ami. Pacôme , vous le
connoiffez ; vous l'avez vu chez moi Ah !
Monfieur de Drifac , un père de famille ,
DE FRANCE. 13
âgé de cinquante ans , a reçu hier dans un
Café le plus cruel affront , pour avoir répondu
à un méchant appelé Rudricour ,
qui décrioit l'ouvrage de mon mari & fon
talent , fans même épargner fa perfonne ,
l'accufant d'un orgueil outré & d'une haine
fourde & baffe pour tous ceux de fon Art
qui valoient mieux que lui . Pacôme avoit
fouffert la critique la plus violente contre
l'ouvrage de fon ami ; mais quand le détracteur
en vint à des injures perfonnelles ,
il le défia de citer un feul fait ni un feul.
témoin qui appuyât cette calomnie. Ce mot
de calomnie bleffa le calomniateur. Tiens ,
le voilà le témoin , dit-il , en menaçant de
frapper le bon-homme ; & celui - ci , au moment
de l'infulte , fe trouvant défarmé
n'en put tirer vengeance ; mais hélas ! depuis
hier au foir fa femme & fes enfans ont
beau vouloir le retenir , il veut mourir ou
fe venger. Son fils veut mourir avant lui.
Ce n'eft pas tout ; mon mari penſe que
c'eſt à lui de venger fon ami ; & dans ce moment
il eft là qui prépare fes piftolets. Plein
d'une fureur fombre , il nous a rebutées ,
fa fille & moi ; il ne veut plus nous voir
que cet affsont ne foit lavé.
>
En écoutant ce funefte récit , Bagieux me
vint dans la penfée. J'allai droit à Vanloo ,
je le forçai de m'ouvrir la porte du cabinet
où il étoit feul enfermé , & lui voyant char
ger fes piftolets Que faites-vous , lui disje
Et ne piyez-vous pas que c'eft à l'in14
MERCURE
--
dignation publique & au mépris que ce vil
garnement doit être abandonné ? Non ,
Monfieur de Drifac , me dit- il , non : fi c'étoit
un lâche , à la bonne heure ; mais puifque
le plus mal- honnête des hommes n'en eft
pas moins ce qu'on appelle parmi vous un
homme de coeur , je faurai s'il en a , & s'il
eft auffi brave qu'il eft infolent & cruel.
Comme il difoit ces mots nous vîmes
Rudricour paffant fous nos fenêtres pour
aller au Sallon , la tête haute , le regard
infultant , le chapeau fur les yeux , une longue
épée au côté. Le voilà , me dit Carle :
à fon retour du Sallon , je l'attends ; vous
me fervirez de témoin.
Je n'avois guère plus de confiance aux
piftolets de Carle , qu'à l'épée du bon Pacôme.
Mais le moyen de retenir un homme
à qui le fang bout dans les veines ! il me
pria de le laiffer fortir , d'un ton à ne plus
me permettre de l'arrêter ; je parus lui céder ,
& me contentai de le fuivre. Mais en fortant
du cabinet , ah quelle fcène ! quel tableau
! & comme il l'auroit peint lui - même !
fa femme , fon aimable fille , l'une à fes
pieds , l'autre à fon cou l'enchaînant de
leurs bras , avec des cris , avec des larmes ,
avec ces mots de la Nature qui tranfpercent
le coeur.... Carle y étoit infenfible . Mon
ami , difoit- il , mon ami eft déshonoré ; il
faut que je le venge ou que je meure ; &
il s'arrachoit de leurs bras. Sa femme tombe
évanouie ; fa foible & tendree afant lui rég
DE FRANCE. 15
fiftoit encore. Elle avoit découvert les piftolets
cachés fous l'habit de fon père , & , oubliant
les frayeurs de fon âge , elle vouloit ,
par un dernier effort , le défarmer. Que faistu
, lui dit-il , ma fille : ils font chargés ;
& fi l'un des deux part , tu vas tuer ton
père ! Elle tomba fans couleur & fans mouvement.
?
,
Oh ça , mon cher Carle , lui dis - je , vous.
penfez en brave homme il n'y a pas
moyen de le diflimuler. Mais vous allez agir
en fanfaron , fi en abordant votre hommeau
fortir du Sallon , vous le provoquez en
public ; car ce fera paroître vouloir qu'on.
vous fépare. Voulez- vous me laiffer vous.
l'amener , fans bruit , en quelque lieu où
vous ferez plus à votre aife ? Fort bien ,
me dit- il avec joie , c'eft ce que je demande .
-Tenez-vous donc tranquille ; & quand
vous nous verrez paffer , vous nous fuivrez.
En attendant , allez fecourir vos deux femmes
; moi , je vais monter au Sallon .
En affet j'y montai , & dans la foule je
vis mon homme , fa lorgnette à l'oeil droit ,
parcourant les tableaux , & parlant des
plus admirables avec un infolent mépris ,
au grand fcandale de trois jeunes Artiftest
qui le fuivoient des yeux , indignés de fon
impudence. Je m'approche & me place auprès
de lui , tant foit peu en arrière , pour
engager le Dialogue. Je lui entends dires
d'un tableau de Vernet : Enluminure d'évantail.
Et moi , je dis : Quelle beauté ! quelle
16 MERCURE
vérité de couleur ! qui jamais a mieux peint
le ciel , l'eau , l'air , & la lumière ? Il me
regarde du haut en bas ; & s'avançant il
dit d'un tableau de Deshaies : C'eft de l'art
fans talent ; & moi : Ce n'eft que du génie.
Il lorgne un tableau de Vien , & dit :
Ouvrage d'Ecolier ; & moi je lui ripofte :
D'Ecolier rival des grands Maîtres . Il dit d'un
Lagrenaie Cela eft froid & maniéré. Oui
dis - je , froid comme l'Albane , maniéré
comme le Corrège. Enfin appercevant le
vide du tableau de Vanloo : Il a bien fait
de l'ôter , dit- il en fouriant , il n'y avoit
rien de fi plat ; & moi : Il a mal fait , il
n'y avoit rien de fi fublime .
Mes répliques l'impatientoient. Il me regarde
fur l'épaule une feconde fois , & dit :
L'importun veifinage que celui d'un for ;
& moi La fâcheufe rencontre que celle
d'un fat ! Alors il fe retourne , & me prenant
pour un Ecolier , il me donne une
croquignole. Je ne remuai point , & fans
faire aucun bruit , je mis mon chapau fur
ma tête. Monfieur , lui dis-je , vous voyez
cette cocarde ? Oui , je la vois . - Eh donc ?
- Eh donc , répliqua- t-il en me contrefaifant.
Meffieurs , dis - je à mes trois Artiſtes
qu'étonnoit ma tranquillité , voulez - vous
venir faire un tour ? Tous les matins avant
dîner , je prends l'air aux Champs Elysées ;
cela me met en appétit . Je m'y promène auffi
quelquefois , dit mon homme ; l'exercice
me fait du bien. A l'inftant je fortis avec
DE FRANCE. 17 "
mes jeunes gens , à qui les yeux pétilloient
de colère.
Eh Vanloo m'attendoit au paffage.
bien ? notre homme ? Il va nous fuivre ;
rendons nous aux Champs Elysées. Chemin
faifant , Vanlos inftruifit les Artiftes
de l'aventure de Pacôme ; mais il ne fut
rien de la mienne ; je les avois priés de n'en
pas dire un mot .
Rudricour ne fe fit pas at endre ; & en
arrivant , nous le vîmes s'avancer par une
autre allée. Mais Pacôme & fon fils , qui
fans doute l'avoient guetté , le fuivoient
à peu de diftance , le chapeau fur la tête
& l'épée au côté , pécaïre ! c'étoit pour la
première fois . Ah ! me dit Carle en les
voyant , délivrez- moi de ces deux hommeslà
, ils vont fe faire tuer. Nous allâmes les
joindre.
Tout beau , Meffieurs , leur dis - je , quand
nous fûmes enfemble . Chacun de nous ici
a fa propre querelle à vider ; car , ne vous
déplaife , je viens d'avoir aufli la mienne ;
& notre commun adverfaire commencera
par moi , fi vous le trouvez bon. - Vous ,
Monfieur , me dit Carle ? vous n'êtes ici
que témoin. Je pénètre votre intention ,
& lens tout ce que je vous dois ; mais n'allez
pas plus loin , & croyez que fans vous
nous faurons laver notre injure . -Votre injure
, fort bien , lui dis je ; mais la mienne ?
-La vôtre ! -Eh oui , ma croquignole . Eftce
vous qui l'avez reçue ? eft- ce vous qui la
BS
MERCURE
vengerez ? Il ne m'entendoit pas . Je lui
expliquai le fait . Il voulut en douter encore
; mais j'avois là mes trois témoins . Ce
n'eft donc pas pour vous , lui dis -je , c'eſt
pour moi que j'ai prié ce galant homme
de venir faire un tour de promenade ; &
puifque c'est moi qui l'invite , c'eſt à moi
de le recevoir. Je ne ferai pas long ; & dans
quelques minutes je vous le livre mort ou
vif.
Rudricour s'impatientoit ; excufez- moi
lui dis- je en l'abordant : j'ai perdu là quelques
minutes ; mais ces Meffieurs me difputoient
la préféance ; il a fallu leur faire
entendre qu'elle m'appartenoir. Ils m'ont
cédé le pas ; maintenant je fuis tout à
vous.
Je vois , dit- il avec un fourire infultant ,
que j'ai plus d'une affaire ce matin ; expédions
la vôtre.
A l'inftant il tira une épée longue d'une
aune. Moi , je tirai auffi ma petite épée ,
encore vierge , car je n'avois jamais dans
ma jeuneſſe badiné qu'avec le fleurer .
Nous commençons par nous efcrimer ,
comme en nous agaçant l'un l'autre. Mais
tout à coup il me détache une botte effroyable
qui alloit me percer d'outre en
outre ; heureufement ma lame fit décliner
la fienne de la ligne de direction ; en même
temps , comme il s'alongcoit , & qu'en
parant je ripoftai , fon oeil droit fe trouvant
au bout de mon épée , s'enfila de luiDE
FRANCE.
19
même. Apparemment la douleur fut vive ,
car il pâlit ; & laiffant tomber fon épée ,
it alla s'appuyer contre un arbre voifin .
Mes amis , qui le crurent mortellement
bleffé , voulurent accourir. Non , leur dis - je ,
il eft plein de vie. Il n'a perdu que fon
mauvais oeil laiffez - moi lui parler , j'ai
encore deux mots à lui dire ; & en relevant
fon épée j'allai à lui . Vous devez en
avoir affez , lui dis - je ; & moi , pour ce
qui me concerne , je fuis content ; mais
voici un brave homme que vous avez gratuitement
& cruellement offenlé. C'eſt à
lui , s'il vous plaît , qu'il faut venir demander
pardon , & mettre à fes pieds votre
épée. A ces mots , il me regarda de fon
ail gauche avec fureur , & répondit qu'il
n'en feroit rien , qu'il étoit fans défenſe ;
que je n'avois qu'à le tuer. Je ne vous
tuerai point , lui dis-je ; mais fi vous refufez
une réparation fi jufte , & cependant
fi douce , de l'outrage le plus fanglant , vous
êtes indigne de voir le jour ; & vous n'avez
qu'à vous mettre en garde , car je vais
vous percer l'autre oeil , & vous mener aux
Quinze-Vingts . Il entendit raifon ; & le bon
Carle & les deux Pacôme, en le voyant dans
ce piteux étar leur rendre fon épée , en
furent émus de pitié. Les trois jeunes Artiftes
n'étoient pas fi compatiffans ; & en
fe rappelant l'oeil dédaigneux de la lorgnette ;
cet oeil- là , difoient- ils , n'infultera plus les
talens : Dieu l'a puni par où il a péché.
20 MERCURE
Voulez- vous , leur dis- je , admirer davantage
l'équité de la Providence ? Apprenez
que ce même bras , qui vient de venger
mon ami Carle & fes amis , c'eſt Carle
qui me l'a fauvé. Je leur contai mon aven
ture de Laufeld ; ils furent charmés de
m'entendre ; & voilà , difoient- ils , comme
un bienfait n'eſt jamais perdu .
En converfant ainfi , nous nous avancions
vers le Louvre , bien contens d'aller confoler
deux familles au défefpoir. Tout à coup
un Garde m'arrête , & me dit de le fuivre;
quelqu'un de loin fans doute avoit vu le
combat , & nous avoit trahis. Ne craignez
rien , me difent les trois jeunes Artifes ,
nous fommes vcs témoins ; & ils m'accompagnèrent
jufqu'à la prifon. Carle & les
deux Pacôme vouloicnt me fuivre aufli ,
quoique plus effrayés que moi . Non , leur
dis -je , gardez - vous bien de vous mêler
dans cette affaire je m'en tirerai ; laillezmoi
, & allez raffurer vos femmes.
Les trois témoins furent ouis ; je fus interrogé
moi-même ; & ne voyant dans tout
cela qu'une infulte , qu'une rencontre , &
qu'un infolent châtié , l'Officier chargé d'en
inftruire , m'affura que le Tribunal ne me
laiffercit pas linguir.
Me voilà donc entre quatre murailles ,
le coeur plein d'une joie que je ne puis
vous exprimer.
gar-
J'avois forcé Pacôme à recevoir & à
der l'épée que Rudricour avoit mife à fes
DE FRANCE. 21
pieds ; c'étoit pour fon honneur un témoi
gnage irréprochable, Carle étoit rendu à ſa
femme & à fa chère enfant. Confolés , déliviés
du plus violent chagrin & des frayeurs
les plus cruelles , ils étoient contens , pleins
de joie , heureux dans les bras l'un de l'autre.
Je voyois tout cela du fond de ma priſon ;
& j'y refpirois l'air le plus fuave , le plus
pur que j'aie refpiré de ma vie,
Ah ! je le crois , dit Juliette ; mais vous
fûtes encore bien plus heureux, je gage , dans
votre prifon , lorfque vous vites arriver deux
familles fi foulagées , & fi ravies de vous
devoir ce qu'elles avoient de plus cher !
Rien n'eft plus vrai , Mademoiſelle ; il
n'y a point de fpectacle raviffant comme
celui - là . Dans le féjour du crime & de
la honte , du remords & de la douleur ,
je me crus dans le Ciel, Figurez- vous que
la tendre Carline m'embraffoit , me baignoit
de larmes , & couvroit mes mains de
baifers. Eh bien , c'étoit le moins touchant
des objets de ma jouiffance. Sa mère ! ah !
les yeux de fa mère ! c'eſt ce qu'il falloit
voir & fon amie ! la femme de Pacôme.
& deux jeunes feurs de fon fils ! il n'y a
point de couleur pour peindre tout cela.
Oh ! bienheureuſe croquignole ! diſois - je
en moi-même, fans toi , je n'aurois jamais
foupçonné cer excès de bonheur ! J'en étois
enivré. Je les embraffois pêle - mêle , & je
pleurois comme un enfant.
Je finis par les raffurer fur ma ſituation ;
22 MERCURE
-
& quand tout fut calmé : Monfieur de Drifac,
me dit Carle, vous avez , j'en fuis fûr ,
follicité une querelle , un affront pour venger
le nôtre.
Mon ami , quand cela feroit ,
vous favez bien , lui dis - je , que ce bras
eft à vous ; ne me l'avez vous pas fauvé ?
Il feroit donc bien jufte que votre bras vous
eût fervi mais j'ai été infulté moi - même ,
fans autre cauſe , je vous le jure , que d'avoir
oppofé le bien au mal , en louant des
talens dont Rudricour parloit avec un infolent
mépris. Au refte , le voilà corrigé ,
je l'efpère ; & s'il regarde encore les ouvrages
des grands Artiftes , ce ne fera plus
du même oeil.
:
Vous pensez bien qu'en me quittant ,
Carle mit tout en mouvement pour me
tirer de là. Il avoit des amis , ils agirent
avec chaleur ; & dès le lendemain , le Maréchal
de N.. me fit venir chez lui. Je lui
contai naïvement tout ce que je viens de
vous dire , hormis le rendez -vous que je
diffimulai.
Vous êtes un brave homme , un véritable
ami , me dit ce généreux vieillard.
Je prendrai foin de vous ; & il me tint
parole je lui dus mon avancement. Mais
ce qui m'a été plus cher que ma fortune
c'eft l'amitié de deux familles qui m'ont
toujours chéri & choyé dans leur fein ; les
uns avec l'affection dont les enfans aiment
leur père ; les autres avec la tendreffe dont
un père aime les enfans.
( Par M. Marmontel. )
DE FRANCE.
23
Explication de la Charade , de l'Enigme ૐ
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Mariage ; celni
de l'Enigme eft Mode ; celui du Logogriphe
eft Tête , où l'on trouve Tete , Et.
CHARADE.
DONNER à l'Etat mon entier ,
. C'eft mettre un grain de mon premier
Dans la gueule de mon dernier.
( Par un Abonné, )
ÉNIG ME.
TOUTE puiffance eft foible à moins que d'être unie ,
A dit l'ingénieux Conteur
Qui ſurpaſſa l'Esclave de Phrygie,
Rien n'eſt plus vrai , croyez-en cet Auteur ;
Telle eft auffi ma maxime chérie ,
Et j'espère m'en trouver bien ...
24
MERCURE
Sans accord je ne ferais rien ,
Et je puis tout par l'harmonie .
Jaloufe de donner un fpectacle impofant
Des noeuds facrés qui font mon exiſtence ,
Sous mes drapeaux j'attends incefamment
Dix mille Citoyens , fameux par leur vaillance ,
Tous amis de la Liberté ,
Tous ennemis de la licence ,
Garans de la prospérité
Et du bonheur qui vont régner en France.
Tremblez , frondeurs durs & pervers ,
Qu'égare un injufte égoïſme !
Du dévouement & du patriotifine ,
Je vas donner l'exemple à l'Univers .
Si revenus de votre inconféquence ,
A mes dignes appuis vous uniffez vos voeux ,
Je vous prends tous fous ma défenſe ;
Je ne veux que vous rendre heureux.
( Par M. Vallois, )
LOGOGRIPHE.
JE fuis un objet déteſté
Par la faine raiſon & par la politique :
Mon
DESFRANCE.
*
Mon nom , qui n'étoit point autrefois ufité ,
Figure fur la fcène , on le trouve énergique ,
Et tous les jours il eft mille fois répété .
Mais comme dans le monde il n'eft aucune chofe
Qui n'ait , comme on dit , qu'un côté ,
Si de mes onze pieds il en étoit ôté
Trois feulement ; alors quelle métamorphoſe !
Il faut , fi l'on me décompose ,
Prendre les fix premiers & mon extrémité ;
On trouve un Grec très- reſpecté
De la favante Antiquité , ´
Célèbre en vers ainfi qu'en profe ,
Et qui fera long - temps cité ;
Et dans ce qui nous eft refté ,
On donne un attribut de l'Enfant de Cithère ;
Après cela , je puis me taire.
Par une Dame. }
No. 32. 7 Août 1795
26 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
VIE de Voltaire , par le Marquis DE
CONDORCET ; fuivie des Mémoires de
Voltaire, écrits par lui- même ; des Tables
des Euvres , &c. De l'Imprimerie de la
Société Littéraire Typographique. Tome
LXXe, de la grande Edition de Voltaire.
CETTE nouvelle Vie de Voltaire , écri
par un homme qui fut fon ami & qui
méritoit de l'être , peut donner lieu d'abord
à une queftion de morale : un ami
doit - il écrire la vie de fon ami ? & les
devoirs de l'amitié peuvent- ils fe concilier
avec ce premier de tous les devoirs de
l'homme public ( & un Hiftorien l'eft ) ,
l'exacte équité : Je réponds : oui , quand la
vérité eft telle qu'en dernier réfultat, compenfation
faite du bien & du mal , le premier
l'emporte infiniment fur le fecond
que les éloges font plus que fuffifans pour
confoler des aveux , & que l'amitié qui
raconte & qui juge , peut jouir de la fatisfaction
légitime de dire à la Poſtérité :
Vous honorerez celui que j'ai célébré .
DE FRANCE. 27
C'eſt affurément ce que peut dire l'Hiftorien
de Voltaire. Il n'a point diſſimulé
les défauts & les torts ; il a fenti qu'il n'en
avoit pas befoin ; il a fu peindre Vokaire
tel qu'il étoit , & s'cft appliqué fur - tout
à repréfenter la toute puiffante influence
qu'il a cue fur l'efprit de fon Siècle ; &
bien loin qu'à cet égard on puiffe lui reprocher
aucune exagération , peut- être n'at-
il pas affez approfondi fa matière ; peutêre
, quoique fon pinceau ne manque pas
de force , cût il pu rendre fes touches plus
vives & plus marquées. Il me femble du
moins qu'il étoit poble de développer
davantage les obligations éternelles que le
genre humain doit avoir à Voltaire. Les
circonstances actuelles en fourniffoient une
belle occafion. Il n'a point vu tout ce qu'il
a fait , mais il a fait tout ce que nous
voyons. Les obfervateurs éclairés , ceux qui
fauront écrire l'Hiftoire , prouveront à
ceux qui favent réfléchir , que le premier
auteur de cette grande révoluion qui étonne
l'Europe , & répand de tout côté l'efpérance
chez les Peuples & l'inquiétude dans
les Cours , c'eft , fans contredit , Voltaire.
C'eft lui qui a fait tomber la première &
la plus formidable barrière du defpotifme ,
le pouvoir religicux & facerdotal. S'il n'eût
pas brifé le joug des Prêtres , jamais on
n'eût brifé celui des Tyrans l'un & l'autre
pefoient enſemble fur nos têtes , & fe tenoient
fi étroitement , que le premier une
B 2
28 MERCURE
fois fecoué , le ſecond devoit l'être bientôt
après. L'efprit humain ne s'arrête pas plus
dans fon indépendance que dans fa fervitude
, & c'eſt Voltaire qui l'a affranchi en
l'accoutumant à juger fous tous les rapports
ceux qui l'afferviffoient. C'eft lui qui a
rendu la raifon populaire , & fi le Peuple
n'eût pas appris à penfer , jamais il ne fe
feroit fervi de la force. C'eſt la pensée des
Sages qui prépare les révolutions politiques
; mais c'est toujours le bras du Peuple
qui les exécute. Il eft vrai que ſa force
peut enfuite devenir dangereufe pour luimême
; & après lui avoir appris à en faire
ufage , il faut lui enſeigner à la foumettre
à la Loi mais ce fecond ouvrage , quoique
difficile encore , n'eft pourtant pas ,
beaucoup près , fi long ni fi pénible que le
premier.
Des efprits fuperficiels ou prévenus ont
affecté de ne voir dans Voltaire qu'un
flatteur de la puiffance , parce qu'il a quelquefois
careffé les Miniftres ou les Grands.
Ils ne s'apperçoivent pas que ces cajoleries
particulières font fins conféquence ; mais
que ce qui eft d'un effet infaillible & univerfel
, c'eft certe haine de la tyrannie en
tout genre , qui refpire dans tout ce qu'il
a écrit ; par-tout il la rend ou odieufe ou
ridicule ; par to til avertit l'homme de
fes droits , & lui dénonce fes oppreffeurs.
Tyrannie des Miniftres , tyrannie des Parlemens
, tyrannie des Commis , tyrannic
DE FRANCE. 29
des Financiers , rien ne lui échappe ; & il
a tant répété au Peuple : Savez- vous quel
eft votre plus grand malheur ? c'est d'être
fot & poltron : Il l'a tant redit de mille
manières , qu'enfin on n'a plus été ni l'un
ni l'autre.
Une foule d'anecdotes particulières acheveroit
de prouver qu'un fentiment qui a
toujours été dominant chez Voltaire , c'eft
l'horreur de l'injuftice & de l'oppreflion ;
mais c'eft précisément cette partie de
l'Hiftoire , ce font ces traits qui peignent
l'homme que l'Auteur de la Vie de Voltaire
a trop négligés. Il écrit en Philofophe,
avec une raifon fupérieure ; il abonde
en réflexions judicieuſes , en réſultats lumineux
; il voit de haut les hommes & les
chofes , les voit bien, & les fait bien voir ;
il va toujours repouffant d'une main sûre
les nombreux préjugés , les erreurs accrédirées
que la paffion mit fi long- temps à la
mode dans tout ce qui regarde Voltaire ;
il fubftitue à leur place des vérités qui n'étoient
fenties que par ceux qui ont bien
connu ce grand homme ; mais on défireroit
, qu'à l'exemple de Plutarque , il eu
quelquefois defcendu aux détails perfonnels
& caractéristiques , & que non content
de bien juger fon héros , il nous eût fait
vivre avec lui. Cette partie importante de
da biographie tient ici trop peu de place ;
elle reste à traiter , & peut - être n'y a- t-il
pas de mal que plufieurs mains puiffent
R
B3
30 MERCURE
toucher à ce grand fujet. Mais d'ailleurs
on égalera dificilement , du moins pour les
idées générales , cet excellent apperçu fur
les écrits & la philofophie de Voltaire.
Quoi de mieux vu , par exemple , & de
mieux exprimé que ce qu'il dit à propos
des reproches d'inconftance & d'ingratitude
que l'on fit à Voltaire , lorfque , malgré
fes liaifons avec le Duc de Choifeul , il
approuva , du moins en partie , les opérations
du Chancelier Maupeou contre les
Parlemens ?
33
20
22
» Les Grands , les gens en place ont
» des intérêts , & rarement des opinions :
» combattre celle qui convient à leurs pro-
» jets actuels , c'eſt , à leurs yeux , ſe dé-
» clarer contre eux . Cet attachement à la
vérité , l'une des plus fortes paffions des
efprits élevés & des ames indépendan-
" tes , n'eft pour eux qu'un fentiment chimérique.
Ils croient qu'un raifonneur ,
un Philofophe n'a , comme eux , que
des opinions du moment , profelle ce
qu'il veut, parce qu'il ne tient fortement
à rien , & doit par conféquent changer
» de principes, fuivant les intérêts pallagers
de fes amis ou de fes bienfaiteurs.
» Ils le regardent comme un homme fait
pour défendre la caufe qu'ils ont embraffée
, & non pour foutenir fes principes
perfonnels ; pour fervir fous eux,
" & non pour juger de la juftice de la
guerre. Auffi le Duc de Choifeul & fes
"
"
9)
DE FRANCE.
"
"
» amis paroiffoient - ils croire que Voltaire
» auroit dû , par refpect pour lui , on tra
» hir ou cacher fes opinions fur des quef
» tions de droit public . Anecdote curieufe
» qui prouve à quel point l'orgueil de la
» grandeur ou de la naiffance peut faire.
» oublier l'indépendance naturelle de l'ef
» prit humain , & l'inégalité des efprits &
» des talens , plus réelle que celle des rangs
& des places ".
23-
Il étoit impoffible que l'Auteur , en appréciant
le génie de Voltaire , ne répétât
pas en fubftance les idées de ceux qui, les
premiers, apprirent à la multitude à rendre
à fes écrits la juftice qu'on s'efforça longtemps
de lui refufer ; ceux- ci meines eurent
un mérite qui étoit à la fois celui de
leur caractère & des circonstances ; ils combattirent
pour le talent en préſence de
l'envie ; ils établirent la vérité : mais l'Auteur
, en s'emparant de leurs réſultats , fait
bien voir qu'ils lui appartiennent auffi ,
& fe les rend propres par la manière de les
préfenter.
%
>
Je me permettrai cependant quelques
réflexions fur les endroits de fon ouvrage,
où mon opinion diffère de la fienne ; ile
font en petit nombre , & le Public inftruit
jugera.
" On peut comparer la Henriade à l'E-
» néide : toutes deux portent l'empreinte
du génie dans tout ce qui a dépendu du
» Poête , & n'ont que les défauts d'un
BA
$2
MERCURE
fujet dont le choix a également été dicté
par l'efprit national . Mais Virgile» ne
voulait que flatter l'orgueil des Romains ,
❞ & Voltaire eut le motif plus noble de
préferver les François du fanatifme , en
» leur retraçant les crimes où il avoit entraîné
leurs ancêtres ".
22
Cette dernière obfervation eft vraie ;
mais la Henriade peut- elle , en effet , foutenir
la comparaiſon avec l'Enéide ? Je ne
le crois pas ; & le jugement qu'en porte
M. de C .... me paroît en total plus phi
lofophique que littéraire . Certainement le
premier mérite dans un Poëme eft d'être
Poëte , foit par l'invention , foit par les
détails ; & fous ces deux afpects , l'Auteur
de l'Enéide eft bien fupérieur à celui de la
Henriade. L'empreinte du génie eft bien
autrement marquée dans l'une que dans
l'autre , & je ne ferois pas étonné qu'un
grand Poëte , que Voltaire lui même , aimât
mieux avoir fait le 2. , le 4. & ·le 6 %.
Livre de l'Enéide que la Henriade entière.
M. de C.... prétend que ce qui manque
à celle-ci eft compenfe par d'autres beautés ,
par un but moral , par une philofophie
profonde & vraie , & c. Je ne le penſe pas :
fans doute ce mérite eft très réel & particulier
à l'Auteur ; mais en poébe , rien ne
peut compenfer le défaut d'imagination ni
d'intérêt ; & quoique Voltaire ait mis le
premier la philofophie fur le Théatre , il
ne feroit pas le plus grand Tragique du
DE FRANCÉ. 33
, monde entier s'il n'eût pas produit de
plas grands effets qu'aucun des Anciens &
des Modernes.
r
L'Auteur a raifon de nous dire quel'é
tude des Sciences agrandir la fphère des
idées poétiques & enrichit les vers de nouvelles
images ; mais devoit - il ajouter
" Sans cette reffource , la poéfie , néceffai-
» rement refferrée dans un cercle étroit ,
» ne feroit plus que l'art de rajeunir avec
adreffe , & en vers harmonieux , des
» idées communes & des peintures épui
» fées « Cela me paroît outré : il eft sûr
que les connoiffances phyfiques font pour
la poésie une richeffe de plus ; mais fans
cette reffource , fon cercle eft encore immenfe
: c'eft celui de Pimagination & dụ
génie , dont on ne peut affigner les bornes
& ce qui le prouve , c'eft que fans le fecours
de la Phyfique , on a produit , dépuis
Voltaire , une foule de beaurés neuves &
du premier ordre , qui font bien loin des
idées communes & des peintures épuifees.
Il prétend que Mérope eft a feule Tragédie
qui foit touchante fans amour : cette
exclufion me paroît injufte ; Iphigénie en
Tauride eft une pièce très touchante , & il
n'y a point d'amour ; on en pourroit même
citer d'autres .
· La Princeffe de Navarre eft , felon lui,
un ouvrage rempli d'une galanterie noble &
touchante. J'avoue qu'il ne m'a point part
sel ; c'est un mélange de férieux & de
Bƒ.
34 MERCURE
comique , qui eft fouvent de mauvais goût,
que Voltaire a lui- & même condamr.é avec
raiſon.
»
L'Auteur des Saifons eft le feul Poëte
François qui ait réuni , comme Voltaire,
l'ame & l'efprit d'un Philofophe ". Cer
éloge eft jufte ; mais devoit- il être exclufifè
A propos des Annales de l'Empire , il`
dit que c'eft le feul des abrégés chronologiques
qu'on puiffe lire de fuite. Je ne crois
pas qu'aucun abrégé chronologique de ce
genre foit fait pour être lu de fuite ; mais
il me femble que celui du Préfident Hainault
peut le lire avec plaifir , quoiqu'il
faille le défier des préjugés qu'il y a répandus.
Il traite de puérile l'hypothèſe de l'Optimifme:
ce mépris eft- il bien philofophique
I eft inconteftable que nous ne
voyons & ne connoiffons qu'une partie du
grand tout , foit en efpace , feit en durée :
nous ne pouvons donc pas en juger le
deffein ; & en admettant l'exiftence néceffaire
d'un ordonnateur fuprême , eft- il déraifonnable
de fuppofer que fon ouvrage ,
dont nous ne faifons qu'une fi petite partie
, peut être le mieux dans l'ordre général:
Non feulement cette idée ne me femble
pas puérile , mais elle me paroît grande
& conféquente. Le malheur qui fe plaint
eft excufable ; mais l'ignorance qui condamne
eft téméraire , & nous fommes encore
plus ignorans que malheureux .
DE FRANCE.
35
"
"
Ce qui fuit eft une bien petite anecdote ,
E quelque chofe eft petic de ce qui regarde
un grand homme ; mais enfin il faut rétablir
la vérité en to:. » Le Père Adam , à
qui fon féjour à Ferney donna une forte
de célébrité , n'étoit pas abfoluinent inu-
» tile à fon hôte ; il jouoit avec lui aux
échecs , & y jouoit avec affez d'adreſſe
» pour cacher quelquefois fa fupériorité «.
Le fait eft vraisemblable , mais je puis affurer
qu'il n'eft pas vrai. Je les ai vu jouer
tous les jours pendant un an , & non feulement
le Père Adam n'y mettoit point de
complaifance , lui qui , dans tout le refte ,
étoit beaucoup plus que complaifant ; mais
je puis attefter qu'il jouoit fouvent avec
humeur , fur-tout quand il perdoit , & qu'il
étoit fort loin de perdre volontairement.
Au contraire , je n'ai jamais vu Voltaire fe
fâcher à ce jeu , & je jouois fouvent avec
lui ; il y mettoit même beaucoup de gaîté ;
& une de les rufes familières étoit de faire
des contes pour vous diftraire quand il
avoit mauvais jeu . Il aimoit beaucoup les
échecs , & fe le reprochoit comme une
perte de temps ; car il faifoit cas du temps.
en raifon de l'emploi qu'il en favoit faire.
93
Paffer deux heures , difoit-il , à remuer'
» de petits morceaux de bois ! on auroit
» fait une fcène pendant ce temps- là «.
Puifque nous en fommes aux anecdotes ,
il s'en trouve une ici qui me paroît extrêmement
hafardée. On prétend que lorſque
B 6
36 MERCURE
Madame de Pompadour voulant jouer le
rôle de dévote , fir engager Voltaire , par le
Duc de la Vallière, à mettre en vers quelques
morceaux de la Rible , elle lui fit entrevoir
l'efpérance d'être Cardinal . Je crois
également improbable , ou qu'on ait imaginé
de pouvoir lui faire elpérer le Chapeau
, ou qu'il ait été affez crédule pour
fe prêter un moment à cette chimère. Il
eut , comme un autre , des accès d'ambition
dans les momens de faveur , il défira
le titre de Confeiller d'Etat , qu'il n'eut
point ; il défira beaucoup plus vivement
d'être employé dans les négociations ; mais
il fuffit de favoir quel étoit l'efprit de notre
Gouvernement , & quelle opinion Pon
avoit de Voltaire pour fentir qu'il n'étoit
guère poffible que l'on fongeât à lui pour
une dignité eccléfiaftique & une dignité fi
éminente. Cette idée eût paru à Versailles
le renversement de toute raifon & le comble
du ridicule. Je n'ai jamais oui parler à
Voltaire ni à aucun. de fes amis de cette
fingulière anecdore du Cardinalat , & je
voudrois bien que l'Auteur nous apprît où
il l'a puifée.
Il me refte à préfenter au Lecteur impartial
deux obſervations importantes : elles.
ne regardent pas Voltaire , mais elles tiennent
à la vraie philofophie , à ces idées.
premières de railon & de juftice qui doivent
être chères à l'Auteur , & qu'il me:
paroît avoir heurtées en deux endroits de
DE FRANCE.
3.7
fon ouvrage. Il ne peut , dit-il , exifter de
Religion naturelle. Je pente , au contraire ,
que pour les hommes raifonnables qui n'ont
pas le bonheur d'étre éclairés des lumières
furnaturelles du Chriftianifine , il ne peut
exifter d'autre Religion que la Religion
naturelle, celle qui confifte dans l'adoration
d'un Dieu rémunérateur & vengeur , dans.
la confcience du jufte & de l'injufte , qui
n'eft que le témoignage intérieur de la raifon
que nous avons reçue de Dieu , & dans
la croyance de l'immortalité du principe
penfant , quel qu'il foit : c'eſt la Religion
qu'ont prêchée tous les Sages depuis Confucius
jufqu'à Voltaire. On peut l'appeler
naturelle , parce qu'elle n'eft fondée que
fur des notions communes à tous les hom-'
mes qui ont été à portée de cultiver leur
raison. Cette même raifon , au contraire ,
contredit évidemment toute Religion révélée,
& cela eft fi vrai , que celle des Chréuiens
, la feule que nous regardions comme
l'ouvrage de Dieu parmi toutes les autres ,
reconnues pour être l'ouvrage des hommes
, commence par exiger pour première
condition le facrifice emier de notre raifong
& ne nous a été donnée que comme une
grace d'en haut , qu'on appelle le don de
La Foi. Les Apôtres eux mêmes appellent
le Chriftianifme , confidéré par les feules
lumières de la raifon , la folie de la Croix ;
& Auguftin ne fait d'autre réponſe aux
Incrédules que de dire : Je crois , parce
38
MERCURE
"
""
» que cela eft abfurde ; je crois , parce que
" cela eft impoffible : Credo, qui abfurdum ;
credo, quia impoffibile " . Ce font les plus
belles paroles de ce grand Saint ; c'eft en
deux mots toute l'effence de notre fainte
Religion. <
C'eft de là que vient auffi la principale
erreur des ennemis du Chriftianifme ils
ne l'ont jugé que par le mal qu'il a fait au
monde pendant 1 fiècles , grace à l'abus
qu'en faifoient fes Miniftres , & is oublioient
que ce n'eft pas felon l'ordre temporel
qu'il falloit apprécier une Religion
toute divine. Ils fe font épuifés en raiſonnemens
& en farcafmes fur les horreurs de
l'Ancien Teftament & fur les mystères du
• Nouveau. C'eſt au Peuple qu'ils s'adreffoient
, parce qu'ils croyoient lui rendre
fervice en lui montrant les Prêtres aulli
ridicules dans leur doctrine qu'odieux &
inconféquens dans leur conduite. Ceux-ci ,
d'un autre côté , donnoient dans le piége ,
& le croyoient intéreffés à tout défendre ,
& obligés de tout expliquer. De part &
d'autre , fi l'on eût été de bonne foi ,- la
difpute fe réduifoit à une feule queſtion ,
qui , une fois réfolue , rendoit toute autre
difcuffion inutile . Dieu a -t-il parlé aux hommes
par la voie de révélation ? La queftion
ainfi pofée , le Philofophe n'avoit qu'un
feul argument à faire. » Dieu n'a point ré-
» vélé de Religion ; car celle que vous pré-
» tendez révéléc eft ignorée ou méconnue
DE FRANCE.
39
"
99
99
30
و
» des trois quarts du genre humain ; & il
répugne également à l'idée que nous
» avons de fa juftice & de fa puiffance ,
qu'il n'ait révélé qu'à quelques uns ce
qui leur étoit néceffaire à tous pour être
fauvés , ou que les moyens lui aient manqué
pour le faire entendre à tous les
» hommes ". La raifon humaine ne connoît
point de réponſe à ce raiſonnement
auquel devoit fe borner toute la difpute
& qui auroit épargné tant de volumes d'injures
& d'ennui. Mais la réponſe du Chrétien
, la feule qui lui convienne & la feule
triomphante , eft celle ci : » Ne voyez vous
» pas que fi la révélation étoit évidente
» il n'y auroit aucun mérite à croire ? ce
» mérite là , c'eft une grace particulière que
" Dieu a faite aux Chrétiens. Il ne doit
"
"
13
و
compte à perfonne de fes dons. Nous ne
" fommes point juges de la Juftice. Mais
» comme nous comptons fur ſa bonté ,
" nous le prions qu'il vous éclaire comme
» il nous a éclairés " . Si les hommes avoient
fu être raisonnables , voilà où le feroit terminée
toute cette controverfe ; & puifqu'ils
commencent enfin à le devenir , il faut efpérer
que déformais elle n'ira pas plus
loin.
C'eft cet argument contre la révélation
que Rouffeau a fi éloquemment développé
par la bouche de fon Vicaire Savoyard ;
& cependant il finit par reconnoître la divinité
de l'Evangile , & par avouer que la
40 MERCURE
mort de Jésus- Chrift eft d'un Dieu. În a
cru voi la dedans une contradiction : cr
s'est écrié , au nom du bon fens , qu'est- ce
que la mort d'un Dieu ? Vraiment il s'agit
bien ici de ton fens ! c'est bien avec
du bon fens qu'on eft Chrétien & fauvé !
Les Saints , les Martyrs faifoient gloire d'être
infenfes aux yeux des hommes , & fages
aux yeux de Dieu . Si Rouleau finit par
profeffer une croyance contraire à fes raifonnemens
, c'eft qu'après avoir écouté fa
raiſon , il a cédé à la foi , fi fupérieure à
la raifon ; c'cft qu'il a eu non feulement
le don du génie , mais ce qui eft bien au
deffus , celui de la Grace.
Mais comme cette Grace devient tous
les jours plus rare , & que fi tout le monde
n'a pas le bonheur d'être croyant , tout le
monde a intérêt à être honnête homme ,
c'cft pour cela que je crois du devoir de
la philofophie , non feulement de ne point
nier la Religion naturelle , mais mê.ne de
la recommander à tous les hommes , parce
qu'elle eft à la portée de tous & bonne à
tous .
Son premier dogme, fi l'on peut appeler
dogme un fentiment , eft d'être jufte envers
tout le monde. M. de C... l'a-t-il été , lorfqu'il
a imprimé ces étranges paroles , à propos
des Turcs Peut-on être injufte envers
une horde de Brigands qui tiennent dans
» les fers un peuple ef lave , à qui leur
avide férocité prodigue les outrages " Sy
""
DE FRANCE. 41
Je n'aime point les Turcs ; mais je fuis
fermement convaincu qu'on peut être injufte
envers eux , qu'on peut l'être envers
des Brigands , par une raifon bien fimple,
c'eft que nous ne fommes pas difpenfés
d'être justes même envers ceux qui ne le
font pas. Je fuis ferptis & affligé qu'un
Philofophe puiffe douter de cette éternelle
vérité , & prêche une doctrine très - propre
à décrier la philofophie , fi l'erreur d'un
feul homme pouvoit décréditer la raifon de
tous: Les Turcs pofsèdent la Grèce par la
conquête ; & perfonne n'ignore que la plupart
des Puiffances n'ont pas eu originairement
d'autre droi . S'enfuit- il qu'on ne
foit pas tenu envers elles à tous les contrats
naturels ou politiques qui fient les Nations t
Que l'Aute juge de fon principe par les
confequences qu'il entraîne : cette épreuve
eft fûre ; car le principe eft faux quand les
conféquences font abfurdes. Il feroit donc
permis à une Puiffance , quand elle fe croiroit
la plus forte , de dire à une autre :
Vous ne poffédez pas légitimement les
Etats que vou- gouvernez depuis des
» fiècles ; vous ne les gouvernez pas felon
» la juftice ; ainfi je vais vous les ôter ";
& cete méme Puiffance , fe faifant tout
à la fois juge & partie , & exécutrice de fes
arrêts confifqueroit à fon profit ce qui
feroit à fa bienféai.ce ! On fent combien
de réponses accablantes on pourroit faire
à ce nouveau code de morale & de poli42
MERCURE
"
13
tique. 1., Si je n'ai pas de droit légitime
fur ce que je poſsède , en as -tu davan-
" tage pour me le prendre ? Cent fois moins
» fans doute , puifque j'ai du moins le
» titre d'une longue poffeffion . 2 ° . Tu ne
» peux avoir que par la force ce que tu veux
m'ôter ; l'évènement de la guerre eſt tou-
» jours douteux ; & tu commences par faire
» un mal certain , un mal horrible , celui
» d'une guerre , qui épuife l'or & le fang
» de tes fujets & des miens , qui fait pés
" rir des millions d'hommes , qui ravage
» & défole vingt provinces ; & depuis quand
» eft il permis de faire un mal certain pour
» un bien incertain , dans la fuppofition
même que je n'accorde pas , que ce que
» tu veux faire foit un bien & une juf-
» tice « ?
2
Quand l'Impératrice de Ruffie a déclaré
la guerre aux Turcs , elle n'a point raifonné
comme l'Auteur de la Vie de Voltaire 3
elle s'eft plainte de l'inobfervation des traités
; elle a réclamé la juftice , & n'a point
prétendu qu'elle en fût difpenfée , même
envers les Turcs . Ce feroit en effet le renverſement
de tout ordre , fi les Puiffances ,
au lieu de fe conduire entre elles fuivant
les loix réciproques qu'elles ont obfervées
de tout temps , fe transformoient tour à
coup en Miffionnaires armés , chargés d'aller
d'un bout du monde à l'autre redreffant les
torts , le fer & le feu dans la main . Nous
ne fommes point obligés de faire le bien
DE FRANCE. 43
qui , par , par fa nature , ne dépend pas de nous ,
ni de réparer le mal dont nous ne rép ndons
par. Chaque Nation a bien aflez à
faire d'établir l'ordre chez elle , fans vouloir
régler les autres de force. Si la maifon
de mon voifin eft mal gouvernée , & que
je puiffe, par de bons avis , y introdui , e un
meilleur régime , je ferai très - louable de
le faire ; mais que penferoit-on de moi , G
j'allois y arranger tout à grands coups de
bâton ? On me trouveroit très- répréhenfible
en bonne police & en bonne philofophie.
La comparaifon peut n'être pas trèsnoble
, mais elle eſt très -jufte ; il ne s'agit
ici que de raifon ; & c'eſt ici que comparaiſon
eft raiſon.
Le ftyle de cet ouvrage eſt élégant , fou
tenu , plus clair , plus nombreux , plus facile
& plus coulant que celui des autres
ouvrages du même Auteur , à qui l'on a
reproché de manquer de cette harmonie
qui appartient à la profe , & de pécher
quelquefois par Pobfcurité & l'embarras des
conftructions. Cependant il règne encore
ici une févérité de ton trop continue &
trop uniforme : on peut y défirer certe va
riété néceffaire dans tous les genres , & que
celui de l'ouvrage comportoit autant qu'au
cun autre.
( D..... )
4+ MERCURE
37
VARIÉ TÉ S.
ESSA1 fur la Faveur populaire , tiré d'un
ancien Auteur Anglais .
UN Cabaretier près d'Iflington ( 1 ) , qui avoit
eu long-temps pour enfeigne un Roi de France ,
an commencement de la dernière guerre , le jeta
à bas & lui fubftitua la Reine d'Hongrie. Sous
l'influence de fa rouge trogne & de fon fceptre
d'or , il continua à vendre de la bière , juſqu'à
ce que la Reine cut perdu la faveur de fes chalans
; alors il l'a changée pour le Roi de Pruffe ,
qui vraisemblablement fera fupplanté à ſon tour
par le premier Grand Homme dont le nom fera
dans le moment l'objet de l'admiration publique.
·
C'est ainsi que les Grands font exposés les uns
après les autres aux ftupides regards de la foule :
en 'avons nous fuffisamment admiré un , on le
retire , & un autre eft mis à fa place ; mais il
ne l'occupe pas long - temps , car le Peuple fe
plaît au changement.
Il faut l'avouer , j'ai une fi petite opinion du
vulgaire , que je fuis toujours tenté de me défier
d'un mérite exalté par fon admiration ; au moins
eft-il bien certain que ces Grands Hommes , quel
quefois affez bonnes gens , qui fe complaifent
dans ces applauiffemens , font gâtés par eux ;
& l'Hiftoire ous apprend aufi que fouvent la
même tête qu'enivroient un jour les cris d'admi-
(1 ) Village proche de Londres,
DE FRANCE. 45
ration de la multitude , le lendemain étoit portée
au haut d'une pique.
Alexandre VI entrant dans une petite ville
que l'ennemi venoit d'évacuer , vit dans la place
publique les Habitans occupés à détacher d'un
gibet une figure de paille faite à fon image ;
d'autres abattoient près de lui la ftatue d'un
Orfini , avec qui il étoit en guerre , afin de mettre
à fa place l'effigie d'Alexandre . Quelqu'un
qui eût moins connu les hommes , eût pu blâmer
l'adulation de ces vils flatteurs ; mais Alexandre
parat content de leur zèle ; & fe tournant
vers Borgia fon fils , lui dit avec le fourire fur
les lèvres » Vides , mi fili , quam leve diferimen
» patibulum inter & ftatuam : Tu vois , mon
fils , le peu d'intervalle qu'il y a du gibet à la
» ftatue . Si les leçons inftruifoient les Grands ,
ceci pourroit leur découvrir fur quels fondemens
fragiles leur gloire eft pofée ; car de même que
le Public accorde fa confiance à ce qui reffemble
au mérite , de même il s'empreffe de perdre ce
qui auroit feulement l'apparence du crime,
La Faveur populaire eft une véritable coquette ;
fes amans ont beaucoup à fouffrir , & finient
encore fouvent par être éconduits pour leur peine.
Mais la véritable gloire reffemble à une femme
fenfée ; ſes admirateurs n'ont pas beſoin d'ufer
de ftratagême ; ils n'éprouvent pas de grandes
inquiétudes , car ils font sûrs d'être récompenfés
à la fin en proportion de leur mérite. Lorfque .
Swift pa oiffoit en public , la populace d'ordinaire
le fuivoit avec de grands cris de joie : » Pette
» foit des fous , difoit-il , tout ce fracas feroic
» bien plus de plaifir à Milord Maire «.
Nous avons vu ces hommes vertueux qui , pendant
leur vie , s'étoient fouftraits à l'oeil du Public
, cités d'ordinaire par la Poftérité comme les
46 MERCURE
hommes vraiment dignes d'admiration & d'éloges .
Pour fortir du chemin battu dans un ſujet auſſi
ufé , je ne vois d'autre moyen que d'avoir recours
plutôt à ma mémoire qu'à mon e prit ; &
au lieu de réflexions , de préfenter une hiftoire.
Un Chinois qui avoit long-temps étudié les
Euvres de Confucius , qui connoiffoit les figures
de 14 mille mots , & qui étoit en état de lire une
grande partie des Livres qu'il trouvoit , un jour
fe mit en tête , de parcourir l'Europe , afin d'obferver
les ufages d'un Peuple qu'il ne croyoit
pas beaucoup inférieur , même à fes compatriotes,
dans l'art de raffiner fur les plaifirs . A fon
arrivée à Amfterdam , fa paffion pour les Lettres
le fit courir d'abord chez un Libraire ; & comme
il favoit quelques mots de Hollandois , il demanda
poliment les Cuvres de l'immortel Xixofon.
Le Libraire lui répondit qu'il n'avoir jamais
entendu parler d'un pareil Livre : » Quoi , réplique
le Chinois furpris , vous n'avez jamais
» entendu parler de ce Poëte immortel cette
lumière des yeux , ce favoir des Rois , certe
rofe de perfection ! Vous ne connoiffez pas non
plus l'immortel Tipfihihi , coufin- germain de
so la Lune ? Non , en vérité , Monfieur , réplique
2 l'autre . Hélas ! s'écrie notre Voyageur , à quoi
» donc a-t-il fervi que l'un ait hâté fa mort , &
"
အ
30
›
que l'autre le foit offert en facrifice au Tar-
» tare ennemi , four acquérir un nom qui n'a
jamais franchi les barrières de la Chine « ?
35
Il n'y a prefque pas un village en Europe , &
pas une Univerfité qui ne foit muni de fes petits
Grands Hommes. Le Chef d'une petite Corporation
qui s'oprofe aux volontés d'un Prince dont
la tyrannie voudroit forcer fes Sujets à épargner
leurs plus beaux habits pour le Dimanche ; le
miférable Pédant qui découvre une propriété inDE
FRANCE. 47
$
connue dans le Polipre , ou qui décrit quelque
membrane négligée dans le fquelette d'une taupe ,
& dont l'efprit , ainfi que le microſcope , n'apperçoit
la Nature qu'en détail ; le Rimeur qui
aligne de foibles vers , & qui s'amufe à peindre
à l'imagination quand il ne devroit parler qu'au
coeur tous s'imaginent également qu'ils marchent
vers l'immortalité , & par derrière ils appellent
la foule pour leur dire de regarder ; la
foule les en croit. Patriotes , Philofophes , Poëtes
font cncenfés chacun à leur tour : » Vit-on ja-
» mais autant de rares mérites ? jamais y cut -il
» un Siècle plus grand que le nôtre ? les géré-
» rations à naître n'en parleront qu'avec étonnement
& admiration « ! C'eft au fon de cette
douce mufique que s'avancent ces importans Pygmées
, faifant grand bruit & s'enflant comme le
bourbier foulevé par l'orage.:
- J'ai déjà vu dans ma vie bien des Généraux
que la foule fuivoit par-tour avec des cris de
joie , qui étoient prônés dans les Gazettes & dans
les Journaux , ces échos de la voix populaire ,
& cependant ils font enfevelis depuis long-temps
dans une jufte obfcurité , & ont à peine laiffé
une épitapke pour les flatter après eux . Il y a
quelques années que la pêche du hareng occu
poit tout Grab- Street ( 1 ) ; c'étoit la converfation
de tous les Cafés , & le refrain de toutes les
chanfons. Nous devions tirer un océan d'or du
fond de la mer ; nous devions approvifionner
toute l'Europe de harengs , & faire le prix arbitrairement.
Maintenant il n'eft plus question de
tout cela. Nous avons pêché bien peu d'or , autant
que je fache ; & nous ne fourniffons point
le Monde de harcngs , comme on s'y préparoit.
( 1 ) Quartier de Londres .
48
MERCURE T
Attendons quelques années encore , & l'on verra
que toutes nos efpérances ne deviendront aufk
que la pêche du hareng.
( Par M. le Prince B ... de G ...)
20
A VIS.
On a mis en vente , Hôtel de Thou , rue des
Poitevins , No. 18 ,
Les Tomes I & II, in-8 ° . , du Voyage en Nubie
& en Abyfinie, jufqu'aux fources du Nil ; par
M. James Bruce ; avec Figures. Prix , 10 liv. bl.
ou br.
Actes paffés à un Congrès des Etats - Unis de
l'Amérique , commencé & tenu dans la ville de
New-Yorck, le Mercredi 4 Mars en l'année 1789 ,
& la 13e. de l'indépendance des Etats-Unis ; traduits
par M. Hubert, Avocat en Parlement. Prix,
2 liv. 8 f. br.
€ Le Bureau de M. d'Hémery, chargé du Recouvrement
des Penfions Militaires , à Paris , rue St-
Lazare , N° . 13 , exifte toujours ; & c'eſt mal à
propos qu'on répand depuis quelque temps dans
Ics Provinces , que M. d'Hémery va le quitter.
Faute à corriger.
Le prix des Questions Académiques , &c . par M.
Aubry , annoncées dans le dernier Mercure , cft de
10 liv. au lieu de 15 liv.
DISTIQUE.
TABLE.
3 | Charade , Enig. Log.
4 Vie de Voltaire.
Variétés.
Vers.
Fable.
La Veillée, 8e. Hiftoire. 61
23
2.5
44
༩
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 14 AOUT 1790 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
IMPROMPTU
A Mme . de M... qui n'a point d'Enfant,
& qui en avoit peint un beau comme
[ Amour.
СЕТ
ET Enfant plaît par fa beauté ,
Mais c'est un Enfaht en, peinture ;
Vous méritez que la Nature
Vous donne la réalité.
( Par M. de V..... ).
N° . 33. 14 Août 1790. C
50 MERCURE
VERS
Contre les Coiffures qui nous cachent la
figure des jolies Femmes.
LISE , pourquoi tous ces apprêts ?
Les pompons , les colifichets
Dont tu compofes ta Coiffure ,
faits 3 Life , pour toi ne font pas
L'Art ne t'embellira jamais
Comme la main de la Nature.
Ce n'eft qu'en lui faifant injure
Que tu nous caches tes attraits
Sous une factice parure .
Laiffe plutôt à ta ceinture
Flotter , fous nos yeux fatisfaits ,
Les boucles de ta chevelure ;
Orne-la de quelques bouquets
Que l'Amour aura tout exprès
Cucillis pour toi fur la verdure.
A ta beauté naïve & pure ,
Un rien donne tant d'agrémens !
Une fleur , un noeud de rubans
Suffit aux Graces pour Coiffure.
Ainfi dans les jeux innocens ,
La jeune & timide Bergère
S'en va guettant fur la fougère
SIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
DE FRANCE. SI
Les premiers boutons du Printemps ;
Un bouquet cueilli dans les champs
Lui fait fi bien ! elle en eft fière.
Cette parure printanière ,
Aux yeux de les tendres Amans ,
Vient embellir fes dix -huit ans ,
Et la leur rendre encor plus chère.
Life , c'eſt la mode à Cythère ,
Une Rofe y fait les honneurs
De la toilette de Glicère ,
Et fur la tête de fa mère ,
L'Amour n'arrange que des fleurs.
Aux preffans déûrs de nos coeurs ,
Life , ceffe d'être contraire ;
Quitte ces voiles impofteurs
Qui dérobent à la lumière
Les attraits les plus féducteurs :
Imite , erois-moi , la Bergère
Dans fa parure & dans les jeux ;
L'Art fut fait pour tromper les yeux ;
C'est la Beauté qui fait nous plaire.
(Par M. Huchet , Avocat. ).
Ca
52
MERCURE
LA CONSOLATION A SOPHIE.
AIR : Du Serin qui te fait envie.
LAA Loi qui détruit la Nobleffe
Devroit-elle vous affliger ?
Ah ! ce n'eft pas vous qu'elle bleſſe ;
Il eft facile d'en juger.
De votre origine célefte
A- t- on douté jufqu'à ce jour ?
Votre joli vilage attefte
Que vous êtes fecur de l'Amour .
DANS vos prés , vos bois & vos plaines ,
VORS vous promenez quelquefois ,
Et de ces fertiles domaines ,
Vous allez perdre tous les droits.
A des Vénus , à des Armides ,
Qu'importent ces droits féodaux
Vous en avez de plus folides
Sur Gnide , Cythère & Paphos.
LES Nobles , qui , foutiens du Trônes
Avoient conquis un beau renom ,
DE FRANCE. 53
Ne porteront plus de couronne
Au deffus de leur écuffon :
On va nous enlever la nôtre ,
Ainfi qu'à tous ces grands Seigneurs ;
Vous garderez toujours la vôtre ,
Comme Reine de tous les coeurs.
( Par Michel de Cubières. )
CONT E.
CE matin un ex-Préfident
De notre défunt Pa lement ,
Au Louvre étoit factionnaire :
Un de fes amis , en paffant ,
Examine le Volontaire ,
Qui , tout bas , lui dit , en riant :
» C'eſt moi-; comme tu me regardes !
» Jadis nous faifions quelquefois
» Des remontrances à nos Rois ,
» Enfin nous leur montons des gardes «.
( Par M. Le Bafier. )
C 3
54
MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade'eſt Million ; celui
de l'Enigme eft Confédération ; celui du
Logogriphe eft Ariftocrate , où l'on trouve
Ariftote , Arc.
CHAR A D E.
1
LE plus fouvent de mon premier,,
Je fers affcz mal mon dernier ,
Quoiqu'il paffe pour mon entier, ¡ .
( Par M. D ... B ... )
ENIG ME.
SOUVENT dans un repas , comme entrée on me
forttj
Et dans un autre fens , je parois au deffert ;
Mais ce n'eft point affez d'être une nourriture ,
Pour les Dames jadis je fus une parure .
Par M. le Vicaire d'Andouville. )
DE FRANCE.
LOGO GRIPHE.
CINQ pieds compofent mon total ,
Et pourtant je marche avec quatre .
Je fuis un puiffant animal ;
Sur la tête on me voit des armes pour me battre,
Au joug on me foumet parfois ;
Avec cet attirail ( cette chofe eft connue ) ,
Tantôt on m'artèle au harnois ,
Tantôt je tire la charrue ;
Mon chef ôté , je fuis un être bien petit ;
Toujours ma couleur et blanchâtre ,
Et même l'on pourroit dire , fans contredit ,
Qu'elle épa'e la neige , & le lis , & l'albâne .
Lecteur , je fuis inanimé ;
Je pourrois toutefois recevoir l'exiftence ,
Pour lors je changerois de rom & de fubflance :
Reftant tel que je fuis , d'une coque enfermé ,
Je fers beaucoup dans les cuifines ;
Mais j'en des trop, tu me devines.
( Cauville , Curé de St-Maixme. >
C 4
156
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LES Inconvéniens du Célibat des Prêtres,
prouvés par des Recherches hiftoriques ;
nouvelle édition revue , corrigée & confidérablement
augmentie. A Paris, chez
Lejay , Impr- Libraire , rue de l'Echelle.
C'EST
M
' EST un de ces Ecrits que le Delpotime
avoit voulu étouffer en 1782 , ce
qui n'empêcha pas que l'édition ne fût.
bientôt épuitée. L'Auteur , certain de la
pureté de fes vûes , & convaincu de l'utilité
de fon Ouvrage , a cru fervir la Société
, les Meurs & la Religion en s'attachant
à le perfectionner ; c'eft ce qu'il a
fait avec beaucoup de foin . Il envifage fon
fujet fous toutes les faces ; il fait l'Hiftoire du
Célibar chez tous les Peuples ; il le con-
Adère dans fes rapports civils moraux
religieux & politiques ; il unit à la Philofophie
l'érudition littéraire & la connoiffance
des antiquités eccléfiaftiques . Sans
doute , & l'Auteur en convient , cet appareil
d'érudition n'étoit pas néceffaite pour
convaincre les efprits éclairés ; mais il refte
encore un grand nombre d'hommes pour
ر
DE FRANCE. $7
qui les faits , les exemples , les témoignages
font d'un plus grand poids que la feule
autorité de la raison . Il en eft d'une piété
timide & fans lumières , qui , confondant
avec le fond de la Religion un objet de
pure difcipline eccléfiaftique , s'effarouchent
d'un changement fubit dans un des points
capitaux de cette difcipline . Il s'agit de
faire fortir ces confciences timorées de
leurs anciennes habitudes ; il faut leur montrer
que l'intérêt de la Religion follicite
ce changement qu'elles redoutoient pour
elle. Plufieurs Chrétiens , véritablement religieux
, cefferont d'être alarmés en voyant
reparoître un ufage qui fut celui des plas
beaux temps de l'Eglife ; & en fuivant dans
une narration hiftorique les motifs politiques
qui les fupprimèrent , ils verront
s'accroître de fiècle en fiècle les défordres
qui réfaltèrent de cette fuppreffion . Alors
tous les amis de la Religion & des moeurs
s'accorderont à demander une réforme
long - temps défirég & devenue néceffaire
en France , principalement depuis la deftrection
des Ordres . Qui ne voit, en effet,
que le mariage des Prêtres eft le feul moyen
de prévenir la tendance à l'efprit de corporation
, fruit des anciennes habitudes du
Clergé Qui ne voit que c'eft le feal moyen
de donner vraiment une Patric aux Prêtres
, de les confondre dans l'unité nationale
, & d'en fure d'utiles inftrumens de
la civilifation d'un grand Peuple ?
C S
$8
MER
CUIR
ES
M. l'Abbé G ..... ( car l'Auteur eft un
Prêtre , aufli irréprochable, par fes moeurs
que diftingué par fon zèle pour la Religion),
M.l'Ab. G..u confiderant le Célibat dans
l'ordre phyfique , montre & prouve par des
exemples qu'il eft fouvent pani par la
perte de la fanté , & l'on a vu de jeunes
Eccléfiaftiques que le Célibat forcé a rendus
abfolument fous. C'elt pour prévenir
une partie de fes dangereux effets qu'on
imagina les jeûnes , les macérations , &c.
les faignées mêmes y furent employées &
quelquefois inutilement : de-là cette foule
d'illutions qui égarèrent l'imagination de
tant de Solitaires ; de - là crs defcriptions
vives & paffionnées de leurs tourmens, de
leurs fonges , qui firent dire plaifamment à
Montagne , que ce qu'il admiroir le plus
dans Saint Jérôme , ce grand Apôtre de la
virginité , c'étoit la force & h˚ continuité
de fe rentations. Nous demandons pa den
à M. l'Ab.G ... plus qu'à nos Lecteurs, de
cette citation trop pru grave . Revenons .
Le Célibar , confidéré dans l'ordre moral
, ne peut être placé parmi les vertus ,
sil eft vrai que la noción commune des
vertus ne donne ce nom qu'aux actions
u iles à la Société. » La continence , dit
Charron , eft une veru fans action &
» fans fruit : c'eft une privation , un nonfaire
, peine fans profit " . Mais il y a
plus . Le Célibat eft nuifible à la Société ;
i eft un attentat contre les moeurs publi-
20
هو
DE FRANCE.
5+
ques ; le Célibat d'un feul néceflite un
double facrifice , & livre au défelpoir ou à
la debauche un des deux coeurs que la Nature
avoit deltinés à s'unir . Aufli obfervet-
on que le Célibat s'accrédite chez toures
les Nations à mefure que les moeurs fe
détériorent. La milanthropie , la dureté de
coeur, l'égoïime , & plufieurs paflions antifociales
decoulent naturellement de la fuite
du mariage , tandis que toutes les affections
douces font l'effet néceffaire d'un lien qui
nous attache plus fortemeat à la S ciété.
Aufli les Peuples qui ont porté le plus
loin l'esprit focial , ne connurent - ils le
Célibat que dans les temps de leur décadence.
A Sparte , il étoit fiétri par les Loix
& par l'opinion . Chez les Athéniens , ce
fur la Secte Epicurienne qui , la première ,
recomanda la vie célibataire à fes Dfciples
; & dans Kome , le Célibat ne fut
que l'effet du luxe & des mauvaises moeurs.
Mais pour le borner au Celibat religieux ,
l'Auteur obferre que chez les Grecs , la
Religion n'appeloit au Célibat que deux
Prêtreffes , celle de Delphes & la Prêtreffe
de Junon. Les autres Vierges qui paroiffoient
dans les cérémonies religieufes , ne
contractoient point un engagement éternel.
A Rome , fix ou fept Vetales furent vouées
à la Virginité , & malgré les honneurs dont
elles étoient comblées , il ne fut pas tou
jours facile de compléter ce nombre . Perfonne
n'ignore que chez les Juifs , la nauk
C4
3 MERCURE
tiplication du genre humain fur un des
préceptes de la Loi . La ftérilité des mariages
y fut en opprobre , & le grand nombre
des enfans une bénédiction . La Tribu
de Lévi , qui préfidoit au culte , ne fut
point foumife à la continence , & Dieu fe.
contente d'exiger que les Prêtres n'époufent
que des Vierges . La Loi nouvelle.
aufli indulgente que l'ancienne , n'ordonne
nulle part le Célibat . On ne trouve dans
I'Evangile prefque aucun témoignage en
faveur de la virginité , & tout attefte au
contraire la prédilection de Jéfus - Chriſt
pour le mariage. Le premier prodige qui
fignale fon avénement , e'eft la fécondité
d'Elifabeth , mère de Saint Jean . Il honore ,
d'un miracle les noces de Cana. Les comparaifons
qui lui font le plus familières
pour défigner le royaume des Cieux ou
lui - même , c'cft tantôt celle d'un époux ,
tantôt celle d'un père de famille . Dans le
feftin , fymbole de la béatitude céleste , on
n'y eſt admis qu'avec la robe suptiale. Le
prix de la prudence des Vierges fages elt
d'être admifes aux neces ; les Vierges folles
en font exclues . On fait que les Apôtres
furent rous mariés , hors Saint Jean . Dans
les Actes qui portent leur nom , on trouve
qu'il n'eft parlé d'aucune Vierge , fi ce n'eft
des quatre filles du Diacre Saint Philippe ;
tandis qu'il eft fouvent fait mention des
veuves ou des autres femmes attachées à
P'Eglife. Que font , contre ces témoignages,
ITU
DE FRANCE. 61
و د
"
les partifans de la virginité ? Ils tourmentent
plufieurs paffages de l'Evangile , pour
en extraire la doctrine qu'ils veulent accréditer.
C'eft ainfi qu'ils en ufent à l'égard
des Epîtres de Saint Paul , tandis que cet
Apôtre dit formellement dans fa première
à Timothée » Il faut qu'un Evêque foit.
» irrépréhenfible , qu'il foit le mari d'une
» feule femme ; il faut que les Diacres
» n'aient qu'une feule époule «. Ici l'Auteur
s'enfonce dans un labyrinthe théologique
pour réfuter l'opinion de quelques Docteurs
, qui donnent à ces paroles un fens allégorique
& forcé . Il fort vainqueur de ce labyrinthe
, & multipliant les preuves , les
autorités , il démontre qu'avant le 4 °. fiècle,
l'abftinence du mariage ne fut preſcrite aux
Prêtres ni par aucune Loi ni par la tradition
. It eft bien vrai que dès le 2 ° . fiècle ,
l'excellence de la virginité devint la doctrine
favorite des nouveaux Chrétiens . Ce
fut l'effet des perfécutions auxquelles ils
étoient expofés , de la crainte habituelle du
martyre , & plus encore de l'opinion qui fe
répandit fur la fin prochaine du monde.
Ce fut alors que s'introduifirent les épreu- ,
ves févères de la pénitence : on remarque
à ce fujet que ce furent des Sectes hérétiques
qui poufsèrent plus loin le rigorifine
; mais il en réfulta que cet efprit fe
répandit même parmi les Orthodoxes , qui
fe crurent obligés de renchérir fur les Hérétiques.
Cependant le Célibat ne fut en
62 MERCURE
core impofé par aucune Loi ; & Tertullien ,
partifan outré de la virginité , en convient luimême
: Prohiberi nuptias nufquam omnino
legimus. Au Concile de Nicée , il fat queftion
d'obliger les laïques mariés à quitter
leurs femmes en devenant Evêques , Prêtres
ou Diacres. Le décret étoit près de
paffer , lorfqu'un vénérable Evêque , qui
avoit paffé fa vie dans le Célibat & dans
les auftérités , s'éleva contre cette innovation
& la fit rejeter. Qui croiroit que ,
malgré cette décifion du Concile de Nicée ,
un Concile de l'Eglife Larine ofa , plufieurs
fiècles après , citer ce même Concile de
Nicée comme ayant interdit le inariage aux
Prêtres ? Et tel étoit en Occident l'ignorance
univerfelle , que les Evêques & les
Prêtres , les plus révoltés de ce nouveau
joug, n'opposèrent point à leurs adverfaires
l'autorité d'une décifion entièrement
contradictoire qui eût accablé leurs antagonistes.
Le mariage continua donc d'être permis
aux Prêtres de l'Eglife d'Orient ; mais la
prééminence de la virginité s'établiffant
dans l'opinion , un grand nombre fit profeffion
du Célibat. Les Ecrits des Saints-
Pères font pleins du récit des défordres
qui en furent la fuite. Ce fut alors qu'on
vit s'accroître de jour en jour le nombre
de ces Vierges connues dans l'Hiftoire
Eccléfiaftique fous le nom d'Agapères , aimées.
La familiarité dans laquelle elles vé-
>
DE FRANCE. 63
.
curent avec les hommes , & fur- tout avec
les Cleres , qui , comme elles , s'étoient
voués au Célibat , achevèrent de le rendre
moins pénible aux uns & aux autres . I
faut favoir que ces Vierges & ces Prêtres
prétendoient , en vivant dans la même
chambre & en couchant dans le même lit,
conferver leur chafteté , & ofoient traiter
de charnels ceux qui avoient la foibleffe de
les foupçonner ; c'est ce que Saint Jérôme
attefte politivement ; Saint Chryfoftôme ,
qui eut cette foiblelle , penfa être chaffe
de fon fiége par leurs intrigues & leurs
clameurs. Ces Vierges fe maintinrent en
poffeffion de leurs priviléges jufqu'au ƒº.
fiècle ; & elles ne difparurent que pour
céder la place aux concubines avouées . Les
moeurs n'étoient guère plus décentes dans
F'Eglife d'Occident , quoique le mariage y
fût encore permis aux Prêtres. Ce ne fut
dans l'année 385 , que le Pape Sirice fit
du Célibat une Loi pour les Evêques , less
Prêtres & les Diacres : fes fucceffeurs l'étendirent
aux Sous -Diacres ; mais cette Loi
n'eut d'effet que pour l'Eglife Latine . On
ne peut la regarder que comme une Loi
locale , puifqu'elle ne fut point portée par
l'Eglife Univerfelle , puifqu'il n'exiftoit
point de fchifme entre l'Eglife Latine &
'Eglife Grecque , puifqu'il fe tenoit de
fréquens Conciles fans que ce point de difcipline
y fût agité . " Au furplus , ajoute
l'Auteur , qui ne fent que cette défenfe
"
que
64
MERCURE
19
"
"
"
23
n'étoit pas au pouvoir de l'Eglife même ?
Qu'est- ce que l'Eglife , finon un Tribu-
» nal inftitué pour maintenir le dépôt de
la Foi , tel qu'il nous a été tranfmis par
Jéfus-Chritt & les Apôtres , un Tribunal
qui eft le gardien & l'interprète des vérités
révélées fans pouvoir en ajouter
" aucune "? Ici l'Auteur combat & anéan-
At tous les vains prétextes dont on s'eft
fervi pour juftifier cette Loi , & nous le
laiffons encore aux prifes avec les Théologiens
. Elle fut un fignal de difcorde dans,
l'Occident ; & les abus qu'elle occafionna,
allèrent toujours croiffant jufqu'au Pontificat
de Grégoire VII , où les défordres
furent pouffés à leur comble. Ce fut ce
Pape qui , dans fon deffein de foumettre à
la Tiare toutes les Couronnes de l'Europe
, fentit le plus combien il importoit
aux fuccès de fon ambition d'ifoler les
Evêques & les Prêtres , & de les rendre
indépendans de leurs Souverains. Mais cette,
Loi du Célibat trouva par- tout des obftacles.
Ce fut principalement en Angleterre
qu'elle éprouva les plus violentes oppofi-.
tions . Le Légat envoyé par Grégoire , don-
Hoit pour raifon du Célibat facerdotal l'indécence
de voir un Prêtre , forti du lit d'une
femme , confacrer le corps de Jésus -Chrift.
Cet argument commençoit à réuffir parmi
le Peuple , lorfqu'un jour où M. le Légat
avoit officié pontificalement , il eut le malheur
de fe laiffer furprendre par les Offi
DE FRANCE. 65
ciers de Police chez une Courtifane de
Londres. Cette mal- adreffe nuifit fingulièrement
à l'objet de la miffion , & ce ne fut
qu'au commencement du 14. fiècle que le
mariage des Prêtres fut entièrement aboli
en Angleterre. Jufqu'à ce moment ils trouvèrent
moyen de garder leurs femmes &
leurs bénéfices . Dans le refte de l'Europe,
ils vinrent quelquefois à bout d'y réufir ;
mais la Loi commune & générale étant le
Célibat , les fcandales fe multiplièrent ; ils,
furent portés à tel point , qu'en certains
Diocèfes , les Evêques accordèrent spécia- ,
lement à leurs Prêtres le droit d'avoir des
Concubines. Un d'eux établit même une
taxe pour ce droit ; & quand les Clercs
refufoient de payer la taxe , fous prétexte
qu'ils renonçoient à ce droit , l'Evêque répondoit
: Qu'ils la payent d'abord , & qu'enfuite
ils aient ou n'aient pas de concubines.
Le Peuple exigea même plus d'une
fois qu'ils en euffent , pour éviter de plus
grands inconvéniens . Tous ces abus étoient
tolérés par les Papes , qui ne croyoient pas
leur puiffance ébranlée par le concubinage
des Prêtres , comme elle l'eût été par leur
mariage. C'est ce qu'on put voir au Concile
de Trente , où tous les Souverains de
l'Europe , à l'exception de Philippe II, Roi
d'Efpagne , follicitèrent un décret pour le
mariage des Prêtres. Le Pape parut ébranlé ,
mais les Cardinaux s'y opposèrent fortement;
& l'un d'eux , qui fut enfuite Sou66
MERCURE
verain Pontife , dit tout haut devant l'Ambaffadeur
de France , qu'il valoit mieux
laiffer périr ce Royaume que de lui adıniniftrer
un pareil remède. Cette décifion
devint celle d'une Allemblée , qui comptoit
dans la ville où elle tenoit fes féances,
1500 concubines pour l'ufage des Pères du
Concile. Le Royaume qu'on vouloit laiffer
périr faute d'un pareil remède , paroît difpofé
à fe l'adminiftrer lui - même , & les
décrets du Concile de Trente , relatifs à la
difcipline , n'étant point admis en France ,
on peut fur ce point revenir à l'ufage de
la primitive Eglife , auffi facilement qu'on
l'a fait fur des objets non moins intéreffans
pour le Clergé : c'est ce que fait entendre
l'Auteur , & fon Ouvrage paroît devoir ne
laiffer aucune inquiétude aux efprits les
plus timides & aux confciences les plus
timorées.
{ C ..... )
LE Décret de l'Aſſemblée Nationale fur¨
les Biens du Clergé , juftifié par fon rapport
avec la nature & les Loix de l'Inftitution
Eccléfiaftique ; par M. l'Abbé
LAMOURETTE
, Docteur en Théologie ,
de l'Académie Royale des Belles-Lettres
d'Arras. Nouvelle édition revue , corrigée
DE FRANCE. 67
& augmentée par l'Auteur. A Paris, chez
Belin , Libr. rue St- Jacques.
LA première édition de cet Ouvrage a
déjà été annoncée dans le Mercure avec le
tribut d'eftime dû aux talens & aux vertueufes
intentions de l'Auteur ; mais un
Ecclefiaftique , qui n'a point regardé la richeffe
du Clergé comme faifant partie de
la Religion Chrétienne , s'expofoit à plufieurs
inimitiés, & a dû encourir beaucoup
de reproches . Son Ouvrage , imprimé fans
fa participation, avoit paru fans nom d'Auteur.
On l'a défié de figner fon nom en
toutes lettres , & M. l'Abbé Lamourette
acceptant le défi , & perfévérant dans fon
opinion , la fortifiée par des preuves &
des raifons nouvelles. Cet Ecrit eft devenu
ainfi un Quvrage nouveau , bien fupérieur
au premier. Mais ce qui nous engage
fur-tout à faire connoître au Public
cette feconde édition , c'eft qu'elle nous
met à portée de lui faire part d'une idée
véritablement patriotique que l'Auteur va
bientôt mettre à exécution . Il fe propoſe
de publier un Cours de Prones Civiques ,
dont l'objet eft de montrer combien l'efprit
de la Religion fe rapporte étroitement
avec celui de la Conftitution , & de donner
aux Pafteurs l'idée de la manière dont ils
doivent aujourd'hui inftruire les Peuples .
Puiffe cette entrepriſe remplir d'une ver68
MERCURE
tueufe émulation les Eccléfiaftiques dignes
de fuivre un fi noble exemple ! c'eſt le
moyen de ramener à l'ordre les Habitans
des campagnes , qui s'en font écartés , plutôt
par ignorance que par mauvaiſe volonté.
C'eft cette ignorance du Peuple qui différera
le retour de la tranquillité publique.
C'eft aux claffes plus inftruites à communiquer
aux autres , & le plus tôt qu'il fe
pourra , la portion de lumières dont elles
font fufceptibles , & fans lefquelles l'ordre
ne peut fe rétablir de long-temps. Ce danger
n'eft point ce qui affligera d'abord certains
ennemis de la Révolution , égarés par
le reffentiment & aveuglés fur leurs intérêts
durables mais quelles que foient les
pertes qu'elle ait pu leur caufer , ceux d'entre
eux qui ne font pas entièrement dépourvus
de raifon, s'appercevront enfin que
de plus longs troubles , nuifibles à tous fans
être utiles à perfonne , compromettent furtout
ceux qui , dans une ruine preſque générale
, ont encore le plus à perdre , c'eftà-
dire , les grands Propriétaires & les cidevant
Privilégiés. Le Cours de Prones
Civiques de M. l'Abbé Lamourette , contiendra
fans doute des inftructions pour
toutes les claffes ; & parmi celles qu'on
nommoit fupérieures, il fe trouve des hommes
qui n'en ont guère moins befoin que
les plus fimples Habitans de la campagne .
( C ....... )
DE FRANCE. 69
BIBLIOTHÈQUE choifte de Contes nouveaux
, ou traduits pour la première fois
des Anciens & des Modernes les plus
célèbres dans le genre agréable , tendre
ou badin & anecdotique ; pour fervir
de fuite aux Bibliothèques de Campagne
, des Romans , à celles dites
Amufantes. 1 Vol. in- 18, jolie édition
portative de 2 à 300 pages chacun , à
2 liv. le Vol. br. , 36 liv. les 15 Vol.
port franc. On en a tiré quelques Exemplaires
in-8 . beau papier , 12 Volum
pour faire fuite aux belles éditions de
Bocace & autres de ce format , 48 liv.
franc de port, & fur papier vélin , 72 l.
A Paris , chez Royez , Libraire , quai
des Auguftins , près le Pont- Neuf.
Ce n'eft point une Soufcription qu'on
annonce , c'eft un Ouvrage complet qu'on
offre à l'empreflement des Lecteurs , toujours
avides des peintures qui leur font connoître
au naturel les moeurs des différens
Peuples; cette manière d'inftruire en amuſant
a beaucoup d'attraits ; mais on a quelquefois
promené fes Lecteurs trop loin & trop
70
MERCURE
long-temps même à travers un chemin feuri
; & les Editeurs ne profiteront pas , pour
l'alonger , du fuccès même de leur entreprife
; ils ont partagé les 15 Volumes de
feur Collection en 4 Parties , qu'ils féparent'
pour en faciliter l'acquifition , & fatisfaire
plus d'Amateurs par les genres différens
qu'ils ont embraffés. Tous les fujets en font
neufs & également intéreſſans dans leur enfemble
; mais ils plairont auffi dans leurs
détails , qu'il nous fuffira d'indiquer & pour
commencer par les Contes Grecs ; on peut dire
qu'il nous refte de l'Antiquité fi peu d'Ouvrages
du genre des Contes, qui foient échappés
aux ravages du temps , que c'eft un véritable
tréfor que ce Recueil : encore , pour
y donner la perfection néceffaire , il a fallu
recourir aux Poëtes , tels qu'Homère, Héfiode
, Mufée , & prendre les épiſodes que
nous fourniffent leurs immortels Ouvrages.
C'est ainsi qu'on trouvera dans cette Collection
, l'Enlèvement d'Hélene , de Colathus
, joli Poëme , dont le fujet galant fert
de bafe au premier de tous les évènemens
confacrés par l'Hiftoire ; la prife de Troie ,
de Triphyodore , cadre agréable & refferré ,
dans lequel fe trouve l'abrégé des grandes
actions chantées par Homère & fes imitateurs
; Léandre & Héro , de Mufée , Aventure
galante revêtue du plus tendre intérêt
, qui a fervi de modèle au joli Poëme
de Phrafine & Mélidore , d'un de nos Poëtes
Erotiques les plus eftimés. Les Aventures
DE FRANCE
71
de Chereas & de Callirhoé , font un Roman
connu , un morceau de Littérature précieux
. On deir favoir infiniment de gré à
l'Homme de Lettres qui l'a réduit de manière
à conferver tout ce qu'il offre de vraiment
intéreffant , & qui par ce moyen l'a
approprié à cette Collection . Les Contes
qui fuivent , vraiment neufs , font tirés d'un
petit Ouvrage connu , publié fous le titre
des Affections de divers Amans. Celui- ci
n'étoit que l'extrait des anciennes Fables
Miléfiennes , fi célèbres dans l'Antiquité , &
dont il ne fubfifte que ces précieux fragmens
le Littérateur qui en a reftitué la
plus grande partie à leur ancienne forme ,
a mis à contribution , avec une fagacité &
une érudition vraiment rares , tout ce que
la Fable & la Poéfie anciennes & la Philologie
lui ont fourni de matériaux pour fe
rapprocher de l'ancien texte perdu , & faire
de chacun de ces tableaux un Ouvrage auffi
complet qu'ils en étoient fufceptibles. Cette
partie de la Collection eft terminée par
' Amour & la Jaloufie , Conte du genre
allégorique , tout- à-fait ingénieux , & par
l'abrégé du Roman de Mélicello , emprunté
à la Littérature Grecque moderne. Ce dernier
morceau a l'avantage d offrir un point
de comparaiſon entre les différentes époques
qui virent fleurir la Littérature parmi le
Peuple le plus poli & le plus galant de
l'Antiquité,
72 MERCURE
Cabinet Bibliographique , rue de la Vieille-
Monnoie , N. 12 , près celle des Lombards.
Ce nouvel Etabliſſement renferme une Collection
prefque complète des titres de tous les
Livres publics depuis quarante ans , avec le nom
des Libraires qui tiennent ces Livres , leur prix
& leur format.
Le Répertoire des anciens Livres n'eft pas
moins complet ; il offre des notions exactes fur
les éditions , leur mérité , très-fouvent far leur prix .
Les perfonnes qui veulent fe former une Bibliothèque
, y trouveront des connoiffances fur
tous les Livres qui traitent des matières auxquelles
elles s'adonnent, & les facilités de fe les procurer.
Efai fur la Réforme des Loix Civiles , par
Victor Chantereyne , Avocat. Brochure in- 8 ° . de
179 pages. A Paris , chez Belin , Libr . rue St-
Jacques Méquignon jeune , au Palais ; & à
Caen , chez Poiffon , Imp-Lib.
Cet Ouvrage , auquel les circonstances prêtent
un nouvel intérêt , mérite l'attention publique
& peut jeter des lamières fur cette matière importante
.
-
>
Déclaration des Droits de l'Homme & du
Citoyen , décrétés par l'Affemblée Nationale , &
acceptés par le Roi . Difcours prononcé par le
Roi à l'Aflemblée Nationale le 4 Février 179
Deux Tableaux faifant pendans , de 24 pouces
de hauteur fur 18 de large , imprimés fur papier
vélin fatiné. Prix , 24 f. chaque. A Paris , chez
Méquignon l'aîné , Libr . rue & près l'Eglife des
Cordeliers..
Ces deux Articles fi intéreffans , font très-bien
exécutés.
VARIÉTÉS.
DE FRANCE. 73
VARIÉ. ? É S.
LETTRE d'un Troubadour, fur Avignon ,
&, par occafion , des Droits du Pape
fur le Comtat.
» Dès que tous ceux qui , dans le Comtat
&dans Avignon, obéiffoient au Pape,
ont délibéré & décidé , à la majorité
des voix, qu'ils ne lui obéiroient plus,
le Pape a perdu tous fes Droits ; &
la fouveraineté, dont il n'avoit que
l'exercice, eft retournée à fà ſource «.
M. GARAT.
PLUS je revois ce beau Comtat , fes plaines
fécondes , fes canaux d'irrigation , fes villes ornées
de fontaines , ceintes de murs parfaitement
entretenus ; fes magnifiques avenues d'ormes &
de peupliers , & ces longs bancs de pierre , placés
de diftance en diftance , pour convier au repos
& fes fuperbes Hôpitaux par - tout multipliés ,
par – tout décorés d'une architecture noble &
fimple, & plus je reconnois que les Romains ,
mê e ceux du 126. fiècle , étoient des hommes
refpectables , lorfque nous n'étions encore que
des Welches grofiers. Tous les Etabliſſemens , tous
les embelliflemens du Comtat annoncent que Les
№º. 33. 14 Août 1790,
-
D
74 MERCURE
Maîtres & leurs Agens ont daigné compter le
People pour quelque chofe .
·
J'ai paffé deux jours dans Avignon ; j'ai admiré
s remparts , fes promenades , fes belles
Juives , mais très-peu les rues , pour la plupart
étroites , tortueufes & mal propres. Les plus
fales , les plus inextricables font celles ou les
Juifs fent parqués comme un vil & dange cux
bétail , qu'on tient la nuit fous la clef, & qu'on
diftingue pendant le jour à des chapeaux ougeâtres
ou à des rubans jaunes qu'on les oblige
de porter , je ne fais pourquoi . En vérité , c'eft
une chofe bien révoltante que de voir ces malheureufes
Tribus bannies de l'inftruction publique
, de l'Agriculture , des Emplois , tandis
qu'on les écrafe d'impôts , qu'on les flétrit par
un coftume particulier , & que nous les obligeons
, comme la vermine , à ne s'engendrer que
dans des cloaques,
Vous défirez des détails particuliers fur cette
ville fameufe : il en eft que vous, trouverez partout
; mais j'en ai de moins communs dont je
vous ferai part à mon retour. Aujourd'hui que
je fuis en pays ennemi , je me bonerai à quelques
apperçus généraux , & au récit d'une converfation
que j'eus hier au foir avec Milord M....
1
La ville d'Avignon ne renferme guère que
25 mille ames ; ma's on y compte avec édification
huit Chapitres , abforbant , comme il ef
jufle , environ ico mille liv. de rente ; trente-fix
Maifons religieufes , riches de roo mille écus ;
fept Confréries de Pénitens , dont l'Arc- en- ciel
a fourni les livrées ; & enfin dix Hôpitaux qui
demandent grace pour tout le refte ,
Je fis connoiffance , à Lille en Comtat , avec
DE FRANCE. 75
Milord M..... Nous parlâmes Littérature & Poliique
, & infenfiblement ia conve.fation pala
de Pope au Pare. Se peut - il , dit Milord ,
que la France ait rendu tant de fois cette belle
Province au Prêtre d Italie ? La Nature vous a
fait don de ce terri.oi : e en l'enclavant dans vcs
poffeffions . Da lleurs , ce pays dépendant d'u
autre Souverain , forme un alile tonjours préfer t
pour les malfaiteurs , pour les Marchands frau
duleux , & pour des légions de files perdues.
Çift une école toujours fervente de ces maximes
Ultramonta nes , qui perpétuent les préjugés
& le faratilme , & les étendent de là fur toute
la France : c'eft une barrière , un page fécdak
pour votre comerce intérieur , qui , par fes
Bureaux , fes dreits & fes hordes . d'Employés ,
anétent & génent toutes vos opérations méris
donales. E fin il eft étonnant que les Avignoncis
ne folicitent pas eux-mêmes leur , réunion.
-B.... Ils en viendront là , Millord , & pute
ét e fous peu en n: méconnoît pas éternellement
fes vials intérêts . La Nature , on ne furait
trop 1: répéter, a incorpssé ce pays à l'Ĺn-
Fice Franços , fans lequel il ne peut fubfifter
& Roe devroit étre la première à 1 : econ
noitre fon inté ét eft nul. Et fon titre , die
Milord en fecoat la tête ? B ... Son titre ?
ne parlons point de cela , Milord . Le titre da
Page for Avignon eft plus légal que celui de
us les Rois conquérans. Vous êtes fùrement
aflez Philofophe pour n'en pas douter. Le Cortat
dt une très belle ferme que les Fapes ont eu à
fort bon marché , j'en conviens ; mais enfin un
contrat de vente , une quittance fout , je peuſe ,
d'affez bons titres . Je parle du premier titre ,
die Milord prefque en fe fàchart : n'kit - ce pas
une excommunication contre le Comte de Touloufet
B... S.it ; mais Jeanne vendit . -
-
-
D. 2
76 MERCURE
密
Mil... Jeanne étoit folle , Jeanne étoit Reine ,
Jeanne étoit mineure . La Souveraineté n'eft- elle·
pas elle - même un obſtacle à l'aliénation ? Les
Etats -Généraux ont-ils confenti - B.... Oh
-
--
---
non vraiment , & j'avoue que cette démarche
a la directement contre leur vera. Mais Jeanne
çut très-bien de Clément VII les 80 mille florins
bien trébuchans d'or de Florence. Mil .....
Mordieu ! c'cft ce prix qui cft d'une medici é
ridicule. Un pareil pays ! tant de belles villes !
tant de fertiles plaires , de vignobles fameux ,
de canaux d'irrigation .... pour 6 à 700 mille
livres cela cft fon. B... Mais vous ignorez
peut -être , Milord, que la Reine ( mineure ) a
fait , par le même acte , doration de la plus
value. Mi!.. Encore plus abfurde. Voila qui
preuve clairement que la léfion étoit connue de
Facheteur. De pareilles précautices font préfumer
La fraude , & décrient néceflairement le marché. .
Au reste , vos Hiftoriens prétendent que cette
fømme n'a jamais été payée . B... Les H foriens
fe trompent , & M , Papon , Hiftorien de
Provence , a retrouvé dans la Bibliothèque dur
Rei de Naples , la quitrance des so mille flor,
―
trat.....
-
.....
-
M.... Papon ne parle qe d'une copie de cet
afte, où il eft dit que l'original a été brûlé. De
pareils archemins ne font valides qu'en Cour
de Rome. B Vous trouvez donc juſte
qu'on dépofsède un Souverain , & qu'un con-
Mil... Un contrar peut il vendre des
homines ? Eft-il plus jufte , à votre avis , qu'une
multitude de Comme çans & d'Agriculteurs foient
privés des avantages que leur donnent le fol &
le climat Les inconvéniens que les Comtadins
éprouvent par le défaut d'émulation & de circu
lation rejaillit fur toutes les autres Provinces.
Le Roi n'ek-il pas le père commun de tous fes
Sujets Plus il y a de facilisé dans les commer
DE FRANCE.. 77
: -
nications , d'union entre les différens . Membres
du Corps politique , d'accord dans les Leix , d'ar
ronditlement dans les Etats , & plus il y aura de
profpérité , d'erdre & de force . Ce pays n'eft
ras peuplé à raifon de fa fertilité les villes y
font mortes , les villages rares , & les bords des
rivières , ailleurs fi couverts de hameaux , font
ici profque déferts ; & cependant que d'hommes
ces contrées pourroient faire naître & nourrir
& multiplier ! ...... B... Vous , rafonnez en
Politique , Milord ; mais daigncz , je vous prie
obferver en Philofophe . Eh ! qu'importe , après
tout , que ce pays- ci puifle renfermer lus d'habitans
Il s'agit de favoir fi cux qui l'habitent
fent heureux. Voyez ces belles moiflons , ces
luzernes qu'on va couper pour la cinquième fuis ,
ces múriers qui alimentent les Ma ufactures de
Nimes & de Lyon , & ces vins généreux de la
Nerte eu de Château-Neuf , que Mgr . le Vice-
Légat préfère au Montepulciano & au Falerne ,
voycz exin ces phyfionomies franches & enjouées
, & ces fumes vives & leftes , au coftune
léger & voluptueux ; tout n'annonce - t-il
pas, au rebour de vos obfervations , Milerdi ,
que c'eft ici une des plus heureufes contrées de
la Terre Mil ... Le bonheur , & l'Inquifition
! L'économie politique & le Gouvernement
Prêtral ! — B .... L'Inquifition n'est ici qu'un
Tibural ridicule & fans fonction. L'opinioni
Françoife invefiit ce pays , & tôt ou tard elle
en fera la conquête : une révolution dans le tourbillon
François entraînera néc.flairement le petit
fatellife Avignonois ; on rembourfera le Pape de
*fes 80 mille ducatons , payés ou non payés , &
les François admettront les Comtadins dans leùr
nouvelle Conftitution . Mil ..... L'an 2440.
➡ B ……… ..' Peut - être avant la fin de ce fiècle ,
- parce que les progrès des lumières préſagent ia-
-3
D 3
78 MERCURE
failliblement ceux de la raifon. Quant aux Inqui
fiteurs, kur règne eft paffé ; il nous faut des Médecins
, des confolateurs , & non des Jongleurs.
& des Me ges . Je vous prédis qu'avant 1800 ,
nous n'aurons en Europe que dis Pasteurs , &.
que les Moines , les Chanoines , les Abbés & les
Monsignors , femblables aux cornes d'Ammon ,
n'auront pas alors un feul analogue vivant. -M ...
Je connois donc bien mal les Prêtres & les Fran
ços. - B ... Milord ,, point- dépigrammes , vous
es fait pour ta fönner. Songez aux Précepteurs
de la Nation que vous feignez de méprifer.
Seroit-il poble que nous luns toujours fans
fruit les Ouvrages des Voltaire , dès Rouſſeau ,
des Mably & des Raynal ? Les principes de ces
Grands Hommes ne fe mentent-ils pas en filence:
depuis un demi - fècle dans tous les efprits ?
L'explofon fera peut-être tardive ; mais elle eſt
inéluctable. Le Defpotfme abattu rugira , le Fanatiſme
démafqué confpirera , hélas ! le teur en
vain ; la Raifon & la Liberté élevant enfin leur
tête , victorieuſe , régneront fur l'Europe affran
chie , & la courage opiniâtre de quelques Sages.
rion phera de tous les Tyrans titrés & mitrés.
Mil... Je pars pour l'Italie , & j'espère que
vous me mettrez au courant des évènemens .
B..... Volontiers , Milord. Les Prophètes que je
viens de vous . citer les ont apperçus des hauteurs
de la Philofophie , & leur vus eft perçante
autant, qu'infaillible
-
Depuis cette époque , j'ai ten ma parole; à
Milord M........;, & je vois pat correfpondance
, que s'il n'eft pas né pour admirer beau-.
coup , il dait sûrement être admiré lui - même
c'eft prefque un autre. Milord Maréchal ; il , a
Miniftre , & n'a quitté fa place, que parce
p'ayant dit-il, perdu la moitié de ſa vertu ,
DE FRANCE. 79
a voulu conferver du moins ce qui lui em
reftoit ( i ).
BERENGER.
SPECTACLES.
ने
THÉATRE I TA EI N..
U
و
NE Pièce Allemande , intitulée le Père
de Famille , avoit fourni la petite Piece des
Epoux réunis , donnée fur ce Théatre avec
fuccès . C'étoit une partie feulement de
fintrigue de l'Ouvrage criginal . C'eft d'une
autre partie du même Ouvrage → que le
même Auteur a tité Louise & Volfan, Comédie
en trois Actes , qui vient de réuffir
auffi . Le fujer eft une méfalliance , combattue
d'abord par le père , qui la défire
enfuite lui - même ; tandis que le jeune
homme , quoiqu'amoureux , délibère s'il
ne facrifiera pas fon amour au défir de
s'avancer. Du naturel dans le ftyle , &
Fintérêt de la fituation ont fait le fuccès.
de cette Pièce ..
On y a vu avec beaucoup de plaifir M..
(1), On attribue, ce mot à M., de Mal….....
80 MERCURE
Michu , dont le talent pour la Comédie
proprement dite étoit bien connu , mais
qu'on n'avoit pas vu depuis long - temps
dans ces fortes de rôles. Madame Saint-
Aubin a joué auffi avec beaucoup d'intérêt
celui de Louife.
THEATRE DE MONSIEUR.
ON
Na donné avec peu de fuccès Il
Cavaliere errante , Opéra comique Italien ,
le premier Ouvrage de ce genre , qu'on
air compofé exprès pour ce Théatre . L'annonce
, un peu faltueule, qui en avoit été
faite , peut avoir contribué à la févérité
drs Spectareurs ; mais il faut avouer auffi
qu'on peut reprocher au Poëme de la
froideur & de la monotonie dans un fujee
qui pouvoit fournir au moins de la gaîté
& des fituations.
Le talent du Compofiteur , Il Signor
Tarchi , célèbre Muficien , n'a pu triompher
de la défaveur du Poëme,
DE FRANCE
GRA URE.
Galerie de Florence & du Palais Pitti.
>
- La sc. Livraison de ce fuperbe Ouvrage faroit
aftue lemert , & ne le cède pas aux autres pour
la beauté de fon exécution : elle cft composée
comme à l'ordinaire , de & Eftampes , dont 3
d'après les Tableaux , une d'après l'Antique , &
de 4 ca ré:s ou pieres gravées , dont Texplicaton
eft dornée de la manière la plus fatisfaifante.
Cet O.vrage eft vraiment digne des Chef- d'oruvres
qu'il tranfinet à la Poftérité ; & fi les Arts
en ont été privés fi long- temps , ils en font dien
dédommagés par la perfection avec laquelle il'eft
exécuté.
Le prix de chaque Livraifon eft de 19 liv. fur
papier vélin faperfin. On fouſe it à Paris , ' ch. z
M. Laco be Edlirour , rue de la Harpe , Nº . 842.
près la place St- Michiel .
Plan giométrique du Champ de Mars , tel qu'il
a été di poté , le 14 Juillet 1790 , pour la înémerable
Confédération de toutes les Troupes &
Gar les Nationa'cs de France ; kvé , cefliré &
gravé avec le plus grand foin . Se trouve à Paris ,
chez Lefelapart , Libr . rac da Roule , Nº. 11
près le Pont-Neuf ; Chéraut , rue Saint- Jacques ;
Journau , Hôtel de la Monnoie ; & Latré , rue St-
Jacques , No. 20.
$2 MERCURE
A VIS.
Etatgénéral de la France , ou la France vivante
& mourante , pour l'année 1791 , par M. Louis-
Charles de Wcquier , ci-devant Comte de Warequier
de Combs , Aide- Major de la première
Divifion aux Gardes Nationales Parifiennes . A
Paris , rue Git-le-Coeur , N °. 18.
L'Auteur de l'Ouvrage dont nous venors de
trasferire le titre , & qui doit apprendre aux Générations
futures pourquoi & coment le Royaume
étoit gouverné avant fa régénérat on , fe
propofe de tracer un rouveau tableau du fondement
de cet Finp're & de l'exiſtence qu'il reçoir .
Cet Ouvrage , qui fera annuel , utile à tous les
Peuples reis par les Loix de l'Empire François ,
à toutes les Municipa ités & Dalrias , &c . contindra
, 1 ° . Ls Dieres qui forment la bafe da
Puvoir ég flatif , da pouvoir ex cutif des Loix.
du Royaune , & c .
2º . La création de tous les Corps Civils &
Militair.s , & c.
3 Le tableau rominatif de tous les Membres
da Cors lég fatif des Maifons du Roi , des
Princes , des Munic palités , d's Diftris , d.s
Corps Mi itaires , tant des Troupes Nationales ,
que de Terre & de Mer , &c.
Les perfonnes intéreliées à la perfection de cet
Ouvrage, font priées d adrefler de fuite , & franc .
de port , à l'Auteur , leurs noms de baptême &
de famille , leur âge , ie lieu de leur raitance
leur état & profeflion , avec la date de leur promotion
à queloue emploi , foit civil cu miltaie ,
& leur fou nifli on pour tel nombre d'examplaires
qu'ils pourront défirer.
DE FRANCE. 83
gue
Grammaire National:, mife à la portée de tout
le monde , enrichie d'un Cours complet de mots
qui manquoient depuis long-temps à notre Lanou
que la Conftirution a néceffités . La
Soulcription en eft ouverte depuis le 1er. Août ,
chez l'Auteur , Boulevart de la Reine , à Verfailles
, No. 25 ; & à Paris , chez Nyon jeune ,
Libraire , place du College des quatre Nations .
L'Auteur engage les perfonnes qui veulent ,
avant que de foufcrire , connoitre & la nature
de l'Ouvrage & le mode de la Soufcription , à
fe procurer une Brochure qu'il a adrefée à l'Affemblée
Nationale , intitulée : Avantage de l'étude
approfondie de la Langue Françoife , &
moyens de la perfectionner , &c, laquelle fe vend
chez lui , & chez tous les Mds. de Nouveautés.
Cette espèce d'adrefle eft d'autant plus néceffaire ,
qu'étant du même format que la Grammaire Nationale
, elle pourra & devra être adaptée à chacun
des cxemplaires. On trouvera aux mêmes
a treffes que ci- deffus , le Manuel des Enfans , du
même Auteur.
Les Auteurs de l'Atlas National de France
ort eu l'honneur de préfenter au Roi & à M. le
Dauphin les quatre Cartes topographiques dés
Départemens du Loiret , de Loir & Cher , de
l'Yonne , & de l'Aube ; Sa Majefté , fatisfaite des
foins que les Auteurs apportent à l'exécution de
cet Ouvrage , leur a témoigné l'intérêt qu'Elle y
prend en l'honorant de fix Souſcriptions .
Ces Cartes font maintenant en vente ; les
Soufcripteurs font priés de les envoyer retirer au
Bureau de l'Atlas National , rue Serpente, No. 15,
au Cabinet Bibliographique , rue de la VieilleMERCURE
DE FRANCE.
Monnoie , N. 12 ; & chez Vignon , rue Dau◄
phine. On y trouve auffi la Carte générale &
celles des Métropoles & Evêchés , au prix de
2 liv. f. Ics Cartes des Départemens d'Eure &
Leire.
S
Le prix de chaque Carte de Département eft
de 2 liv 10 f. enluminée , & de liv. s fous en
papier d'Hollande.
3
On foufcrit auffi chez M. Lienard , Notaire ,
quai Bourbon , Inle St-Louis , près le Pont de la
Tournelle.
LABAT, connu depuis long- temps pour tenir
Dépôt de véritables Veilleufes Angloiles , tirées
de Londres , dont la propriété particulière eft
d'attirer & confommer les mauvaiſes vapeurs de
l'air où elles brûlent .... à 1 liv. 10 f. la boîte
en carton ;
Annonce qu'on a voulu les contrefaire , &
qu'il en a reçu des plaintes de la part de perfonnes
qui les croyoient tirées de fon dépôt. Il pric
ceux qui défireront en faire ufage , de lui écrire ,
& leur en portera. ·
Le Dépôt eft chez M. Labat , Md. -Tapifier ,
tue de la Roquette , Cour des Moulins , Fauxbourg
Saint-Antoine.
TABLE.
M-PROMPTU
Byers.
La Confolation à Sophie.
Conie.
'Charade, Enig, & Log.
49 Les Inconvénien
10 Le Décret.
12 Bibliothèque.
131ariétés.
14 Spectacles.
56
66
69
23
79
靠
MERCURE
DE
FRANCE:
SAMEDI 21
AOUT 1790.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Madame de *** , qui me grondoit de
n'avoir point fait de vers pour elle.
NE me reprochez plus , Madame ,
Te ne favoir pas bien aimer .
Pardonnez à ma fotte flamme
Qui fe déclare fans riser.
Ah ! je vous aime trop fans doute
Pout fuivre l'ennuyeufe route
D'un Amoureux à. Madrigal ;
Ma foi , Pégaſe eſt l'animal
Que je fais monter le plus mal ;
Et fi cela vous eft égal ,
"
N°. 34. 21 Août 1795. E
$6 MERCURE
Je va's continuer , pour cauſe ,
D'être un Amant très- trivial ,
Et de vous adorer en proſe.
Je plains un infipide Amant
Qui s'en va toujours rimaillant ,
Tant en abfence que préfence ;
Qui ne foupire qu'en cadence ;
Qui divife en huit ou dix pieds
Et fon amour & fa tendreffe ;
Qui meurt & fuccombe fans ceffe ,
Quoique bien ferme fur fes pieds.
Il eft clair, tandis qu'on s'efcrive
A ranger quelques mots oifeux ,
Que les chofes n'en vont pas mieux,
On n'aime point tandis qu'on rime,
Moi, je ne fais rien de plus fot
Qu'un Amoureux qui ſe lamente ,
Et cependant vous dit : Je chante ;
Qui fe tue à chercher un mot ,
Au lieu de chercher fon Amante .
On fait bien que dans ce moment
Il n'écrit jamais : Je vous aime ,
Que pour le faire inceflarnment
Rimer avec ardeur extrême.....
Quand j'étois encor tout poudreux ,
Tout bourfoufflé de rhétorique ;
Quand je brûlois des premiers feux
Four certaine beauté ruſtique ;
BIBLIOTHECA
REGIA
MIRAGENS13,
DE FRANCE. $7
3
Alors , au moins tous les matins ,
Il s'échappoit de ma cervelle
Trois ou quatre légers Quatrains
Contre les attraits de ma Belle.
Le foir , je rodois autour d'elle ,
Et je lui gliffois dans la main
Ma miférable Kirielle ;
Je revenois le lendemain
Avec une dofe nouvelle.
Vous fentez bien que le deftin ,
Que le malheur , que l'infortune ,
Que les charmes , que les appas ,
Que le Soleil , même la Lune ,
Au befoin ne me manquaient pas.
La rime ne me coutoit guère :
Parfois ma novice Beauté
( Dont l'efprit n'étoit pas vulgaire )
M'afluroit l'immortalité
Si je peu fuivois la carrière ,
Et dans l'excès de la bonté
Ne me comparoit qu'a Voltaire.
C'étoit de quoi incite à l'envers
Une tête encor bin légère :
Auffi je redoublois de vers ;
Aufli ma bel'e Dul.inée ,
De poéfie affaffinée ,
Se vit réduite à conjarer
Mon Apollon impitoyable ,
E 2
ទ ន MERCURE
De s'arranger à l'amiable ,
Et de la laiffer reſpirer.
Il faut qu'une Beauté refpire :
Alors je fufpendis ma lyre ,
Honteux de mon acharnement ..
Mais dites un mot cependant ;
Je puis facilement encore
Dire en vers que je vous adore ,
Et vous envoyer des faquets
De mes Madrigaux circulaires ;
Car i's vont bien à tous fujets.
En voulez vous deux exemplaires ?
Affusément ils font tous prête.
Vous vous appliquerez , Madame ,
Ce qu'ils renferment de plus beau.
Je ferai relier en veau
Ces témoignages de ma flamme....
Mais je vous vois frémir un peu
De mes offres trop généreufes :
Raffurez-vous , ce n'eft qu'un jeu ,
Et je vais condamner au feu
Toutes mes rimes amoureuſes.
Vous méritez fans contredit
Qu'on vous refpecte davantage ,
Et mon coeur eft le feul ouvrage
Dort je puiffe vous faire hommage
Sans compromettre mon eſprit.
( Par M. Berchoux aîné, )
DE FRANCE. 89
LES DEUX FRÈRES ,
Fable de Saadi.
UN homme pauvre avoit deux fils.
Il mourut. L'aîné quitte auffi -tô: ſa Province ;
Il paroît à la Cour ; il s'y fit des amis ;
Il eut des charges près du Prince.
Le cadet cultiva l'héritage très -mince
Que leur laiffa le père , & vécut fans foucis.
Un jour l'aîné lui dit : Pourquoi ne pas mefuivre?
Ne pas faire ta cour ? avec les biens que j'ai ,
Tu ne ferois pas obligé
De travailler ainfi pour vivre.
Le cadet répondit : Pourquoi
Ne pas t'accoutumer aux peines que je brave ?
Si tu travaillois comme moi ,
Tu ferois exempt d'être Eflave.
( Par M. Franchemont. )
Ꮮ ;
90 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot
E mot de la Charade eft Ferrailleur , celui
de l'Enigme eft Fraife , celui du Logogriphe
eft Bauf, où l'on trouve OEuf.
CHARADE.
ERATO dans les chants dit fouvent mon premier ;
Hippom , Jatony d'une illuftre victoire ,
Pour confacrer fon nom au Temple de Mémoire
Avec célérité courut dans mon dernier :
Animé par la gloire ,
Le Citoyen François compofe mon entier.
( Par M. Cauville. ) :
ÉNIG ME.
JE fuis fous deux afpects aux clamps & dans la
ville ,
Tantôt en mouvement , & tantôt immobile :
Au luxe , à la molleffe , ici je dois le jour ;
moi l'infortune a fixé fon féjour .
Là
pour
DE FRANCE. 91
Dans les champs , je tiens tout de la fimple Nature ;
A la ville , de l'Art je reçois ma parare.
Aux champs, Guillot pour moi brûle des plus beaux
feux ;
Le Marquis dans mes bras à la ville eft heureux.
Là je cours fur les fleurs dont ici l'on me pare .
Dans les champs je commande ; & d'un Maître
bizarre
Je cède dans la ville à tous les mouvemens .
Par-tout je change au gré du temps & du caprice §
Ici , je fuis muette , & fans aucuns taleas ,
Au chant du roffignol , là j'unis mes accens .
Suffit, dit mon Lecteur ; il faut que je finisc.
( Par M. l'Abbé Goffin. )
LOGO GRIPHE
-LAISSE- MOI quatre pieds , j'annonce la douleur ;
Si tu coupes men chef , Lecteur ,
De l'aimable Chloé par-tout je fuis les traces ,.
Par-tout je l'accompagne avec les Jeux , les Graces,
(Par M. Cauville . )
E 4
52 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE à M. le Chevalier de Pange ,
fur la Brochure intitulée
Réflexions fur
la Délation & fur le Comité des Recherches
; par J. P. BRISSOT DE WAR VILLE ,
un des Repréfentans de la Commune de
Paris , Membre du Comité des Recherches.
A Paris, au Bureau du Patriote
François , place du Théatre Italien ;
chez Defenne , Libr. au Palais - Royat ;
Bailly , rue St- Honoré, près la Barrière
des Sergent.
"
ON
&
Na beaucoup murmuré contre le
Comité des Recherches : on n'a pas manqué
de dire que c'étoit une inftitution de tyrannie
qui fouilloit la nailfance de la liberté ,
& à partir de ce texte , rien n'étoit plus
facile que d'établir une faite de lieux communs
de morale & de juftice qui prouvent
ce que perfonne n'ignore , ce que perfonne
ne contefte , & ce qui ne fait rien à la
queſtion .
:
Je ne fçaurois trop le redire : rien n'est
DE FRANCE. 93
plus rare , fur-tout dans des temps de trouble
, qui font ceux de l'efprit de parti , que
de faifir le vrai point de vue des questions
politiques qui divifent néceffairement les
efprits par l'oppofition des intérêts . Ecoutez
les difcuffions de l'Affemblée Nationale ;
fouvent dix ou douze perfonnes ont parlé,
& la queftion n'eft pas encore entamée :
les uns ne le veulent pas , les autres ne
le peuvent pas ; mais auffi telle eſt la force
de la vérité , que lorfqu'enfin elle eft préfentée,
vous voyez ordinairement, par l'inpreffion
qu'elle fair fur le plus grand nombre
, le réfultat qu'elle obtiendra. Les oppofans
redoublent leurs clameurs ; des parleurs
i fidieux cherchent de nouveau à
écarter la queftion & à épaiffir des nuages
autour de la lumière. Vains efforts ! la lumière
a paru , il n'eft plus poflible de
Teb'curci .
Il eſt trifte , par exemple , il est même
honteux , je l'avoue , qu'on ait perdu huit
jours à délibérer fi l'on mettront une déclaration
des droits de l'homme au devant
d'une Légiflation qui n'a d'autre but que
de les confacrer. Il eft trop vrai que cela ne
devoit pas même être mis en délibération :
c'étoit demander fi l'on poferoit les fondemens
avant d'élever l'édifice : mais auffi
ne voyez vous pas que ceux qui s'y oppofoient
auroient voulu que l'édifice ne s'élevât
jamais , & que tous les moyens leur
étoient bons pour empêcher ou du mo.us
Es
94 MERCURE
renpour
retarder le travail ? C'est la marche
qu'ils ont conftamment fuivie juſqu'à ce
jour , & qu'ils fuivront jufqu'au dernier
moment : les paffions & l'intérêt ne fe
dent qu'à la dernière extrémité. Que d'ab
furdités puériles , que de miférables fo
phifmes on débita contre cette déclaration
des droits ? C'eft de la métaphyſique
( difoit- on ) & le Peuple ne l'entendra pas.
-
-
Mais d'abord la métaphyfique , dépouil
lée de fon langage fcientifique , n'est autre
chofe que la raifon eft il bien difficile
d'expliquer les rapports qui lient les hom
mes entre eux , & de les expliquer de manière
à fe rendre intelligible pour tous ? &
puis une déclaration des droits eftelle feulement
pour le Peuple ? elle eft fur - tout
pour ceux qui , chargés d'appliquer les Loix
pofitives , doivent toujours en chercher
Pefprit dans les Loix générales & primitives
dont elles émanent. Mais le Peuple
interprétera mal cette déclaration des droits .
-Et quelle Loi , même particulière , peut
n'être pas d'abord mal interprétée : Elt- ce
une raifon pour ne pas faire des Loix ? Ce
que ce Peuple ne fait pas aujourd'hui , il
le faura demain. Des Légiflateurs travaillentils
pour un jour ? Ce Peuple étoit
ignorant , parce qu'on vouloit qu'il le fût ;
il fera plus inftruit , parce qu'il eft de
l'effence d'une Conftitution libre que le
Peuple foit éclairé . Mais c'eſt précisément
ce que ne vouloient pas les oppofans ; &
DE FRANCE. 95
ce qui leur faifoit le plus de peine , c'étoit
de voir paffer en Loi ce qu'ils étoient aecoutumés
depuis long - temps à traiter de
vaines fpéculations ; c'étoit de voir la Philofophie
, c'est - à - dire tout fimplement la
raiſon , élevée à la dignité de Légiflatrice
& placée fur un trône après avoir été fi
long- temps reléguée dans les Livres .
D'autres ne vouloient - ils pas , pour affoiblir
le danger d'une déclaration des droits
de l'homme , qu'on en fît une de fes devoirs
? Idée profonde ! comme fi dans le
dre politique il y avoit d'autre devoir que
d'obéir aux Loix ! Le refte regarde . les Pic
dicateurs de morale & les Miniftres a b
Religion. Il n'y a point de Loi qui ordonne
de faire du bien ; toutes défendent de faire
du mal , parce que leur objet n'eft pas
la
perfection de l'individu , mais l'ordre général
& la sûreté de tous . Toutes ces vérités
font vieilles comme le monde . Eh
bien ! nous avons vu le temps où il falloir
les répéter fans ceffe à une foule de gens
pour qui elles fembloient toutes neuves
& pour qui peut- être elles le font encore.
Ceux qui aiment à obferver les moyens
& les effets de Féloquence depuis que la
Révolution l'a mife à portée de jouer le
premier rôle parmi nous comme chez les
Anciens , dans ce qui intérelle la chofe
publique , ont remarqué que ce qui avoir
généralement le plus d'effet dans les Al-
E 6
96 MERCURE
femblées , c'étoit la logique & les mouveniens.
Ce font autfi les deux grands caractères
de l'élquence délibérative , qui
n'exifte réellement en France que depuis un
an. La plupart des hommes n'ont guère que
des apperçus vagues : ils font donc trèsfatisfaits
de celui qui leur en donne de
juftes & de précis ; chez eux la vérité n'eſt,
pour ainsi dire , qu'un germe : ils favent
donc beaucoup de gré à celui qui le déve-
Joppe : c'eft l'avantage d'une logique lumineufe.
Mais ce n'eft pas tout. La plupart
des hommes ou s'intéreffent foiblement
à la vérité , ou peuvent même avoir
un intérêt contraire. La vihémence des
mouvemens & l'énergie des expreffions les.
fibjague du moins pour un moment , &
ce moment fafht. Leur affentiment devient
une paffion , . & vous leur arrachez quelquefois
ce que peut être , quelques heures
après , ils ferant fâchés cu furpris d'avoir
cédé ; voilà ce qui fait l'Orateur de la chofe
publique. Tel eft , à mon gré , fans prétendre
ôter rien a grand mérite de plufieurs
autres de nos Repréfentans dont la Révo
lution a mis les talens au grand jour , tel
eft M. de Mirabeau. Il n'a sûrement pas
les avantages extérieurs qui font encore des
acceffoires importans ; mais il et paiffant
en logique , en mouvemens , en expreffions :
il est vraiment éloquent. Ce n'eft pas que j'approuve
l'animofité de fes haines perfonnelles
contre tel ou tel homme ; mais je vois en lui
DE FRANCE. 91
Phomme le plus capable d'entraîner une
grande Affemblée. Comme Ecrivain , il
pourroit épurer davantage fon ftyle ; mais
nous n'avons pas encore fur la diction
l'oreille auffi délicate que les Athéniens ou
même les Romains du temps de Cicéron ,
& nous ne fommes févères , farh correction
& le goût , que le Livre à lɩ main .
Il a de plus un autre avantage très - précieux
, c'eft la préfence d'efprit ; il fe pofsède
lorfqu'il nut les autres , & il lui eft
arrivé rarement de donner prife fur lui en
paffant 1 mefure : en cel , comme en
tout le refte , bien different de tel autre de
nos Députés à qui j'ai entendu donner le
nom de grand Orateur , du moins par un
parti , & qui n'eft en effet qu'un rhéteur
élégant , quand il n'eft pas un déciamateur
emporté ; qui n'attaque jamais de front une
grande queftion , mais qui commence par
dénaturer où écarter le principe , & le jette
enfuite dans 1s acceffoires & les lieux
communs.cù il brille ; qui , prenant l'audace
pour l'énergie , rifque à tout moment
les affertions les plus révolantes , & oublie
que l'Orateur ne fçauroit fe décréditer luimême
fans décréditer fa caufe ; & que
l'obfervation des convenances eſt une des
premières règles de l'art oratoire , d'autant
plus importante que tout le monde en eft
Juge , & que quand vous la violez , vos
adverfaires triomphent & vos partifans rougiffent.
98
MERCURE
Ces réflexions fur la manière de traiter
les grandes queftions publiques , & fur- tour
de les bien pofer , peuvent n'être pas inutiles
non feulement à ceux qui parlent ,
mais auffi à ceux qui écoutent ou qui lifent,
& que l'on cherche continuellement à égarer.
Il n'y a point d'objet qui ne préfente
plufieurs faces , & ils ne fçauroient trop fe
défier de ceux qui n'en confidèreut qu'une.
Il n'y a rien qui n'ait des inconvéniens , &
que par conféquent on ne puiffe attaquer
l'une manière fpécieufe , en ne montrant
les chofes que d'un côté. Le talent de la difcuffion
confifte à les confidérer tous , & à
rapporter le réfultat à ce principe univerfel
, le plus grand bien & le moins de mal
poffible. Si l'on avoit jugé le Comité des
Recherches fous ce point de vue , il n'eût
pas excité tant de réclamations mal fondées.
Il expofe la liberté individuelle : c'eſt un
mal qui en doute ? Il s'enfuit feulement
qu'un pareil établiſſement , s'il étoit durable
& conftitutionnel , feroit très - vicieux
& accuferoit le Gouvernement ; car un
Gouvernement qui aureit befoin pour fa
sûreté d'une autre furveillance que celle des
Loix, & qui ne pourroit le paffer de précautions
extrajudiciaires , feroit très -mauvais.
Mais ce qui ne vaut rien dans un
Gouvernement établi , peut il être utile &
même néceffaire au moment où on travaille
à l'établir ? Ce qui feroit très dangereux
étant permanent , ne peut-il pas être d'une
-
DE FRANCE.
୨୭
utilité & même d'une néceffité momentanée
Voilà la queftion . Ceux qui ont attaqué
le Comité des Recherches , ne l'ont
pas même foupçonnée ; ils n'en ont pas
dit un mot. Cependant hors de- là tout eft
verbiage & lieux communs. En la pofant,
ainfi , elle n'eft pas difficile à réfoudre , fi
on la ramène à ce grand principe qui n'eft
pas contefté : Salus Populi fuprema Lex
efto ; le filut du Peuple eft.la première Loi .
L'exiſtence d'un Comité des Recherches fuppofe
Fexiſtence de dangers qui menacent
l'Etat , d'ennemis qu'il faut rechercher. Et
dans une Révolution telle que celle qui
nous a rendu la liberté , dira- t- on que nous
n'ayons à craindre ni dangers ni ennemis ?
On n'oferoit pas le dire ; ceux mêmes qui
fe font élevés contre le Comité des Recherches
ne l'ont pas dit. Voilà donc d'abord
an fair important , un fait capital qui eft
accordé & convenu . La confequence immédiate
, également inconteftable , c'eft
qu'il importe au falut de l'Etat de découvrir
fes dangers & fes ennemis ; & les
formes ordinaires de nos Tribunaux , tels
qu'ils étoient dans un Gouvernement tranquille
& abfolu , font - elles applicables à
ces recherches que le péril préfent rend
néceffaires ? Non , fans doute. Les formes
légales des pouvoirs municipaux & judiciaires
, tels qu'on travaille à les inftituer ,
ne font pas encore en ueur , & ne conviennent
qu'à un Etat parfaitement orga
1 :0 MERCURE
nifé , & nous ne l'avons pas encore . Qu'eftce
donc que le Comité des Recherches
finon un é:abliffement momentané , une
précaution commandée par le danger , &
qui n'a d'autre but que de nous mettre le
plus tôt poffible en état de nous en paffer
? Sans doute quand la Conſtitution ſera
achevée , que les Loix auront toute leur
force , & le pouvoir exécutif toute fon
action , nous n'aurons plus de crainte
parce que les ennemis de la nouvelle Conftitution
n'auront plus rien à efpérer ; mais
jufque - là il faut veiller fans ceffe , &
quand on n'a pas le temps de camper , il
faut coucher au bivouac.
ر
{
Maintenant y at-il quelque comparaiſon
entre l'inconvénient d'arrêter fins décret
des hommes à qui d'ailleus on laiffe tous
les moyens d'une défenfe publique & légale
, & l'inconvénient de laiffer des ennemis
fecrets travailler contre vous , fans
autre crainte que l'animadverfion des Loix
ordinaires dont l'action cft néceffairement
lente , parce qu'elle fappofe un état de
chofes où le plus grand danger eft d'alarmer
ou de bleffer la liberté individuelle ,
fi chère à tout Citoyen ? Non, fans doute :
on ne peut dans une grande crife politique ,
dans un temps de difcorde & de trouble
faire aucune comparaifon de ces deux inconvéniens
: le principe d'un moindre mal
pour un plus grand bien eft donc obſervé ,
& la queftion eft décidée.
DE FRANCE. 101
Ce que j'ai réduit ici aux formes d'une
démonftration rigoureufe eft contradictoirement
développé dans 11 Lettre de M.
Brifot, lun de nos plus zélés Citoyens , &
qui , réfutant un adverfaire , fe trouve à
portée de détailler les faits & les principes
en détruifant les faufletés & les fophifmos.
On peut juger quel avantage il a fur un
homme qui commence par établir un parallèle
entre les procédés du Comité des
Recherches & l'inquifition de notre ancienne
Police , & qui croit voir une exacte
conformité entre deux chofes fi differentes
, fi ce n'eft pourtant qu'il donne la
préférence à la Police . Un rapprochement
infoutenable dans tous les points , fi
complettement abfurde , marque un étrange
aveuglement , & l'on eft trop heureux d'avoir
à combattre des ennemis fi mal -adroirs;
M. Briffor met dans fa défenfe & dans fon
ftyle la noble chaleur du patriotifme ; &
s'il lui eft facile d'avoir raifon , il lui eft
honorable de l'avoir de cette manière . Son
ouvrage eft d'un efprit qui a bien vu la
chofe publique , & d'une ame qui veut le
bien .
Sur l'article de la Délation , que l'on reproche
aux procédures du Comité des Recherches
, peut-être cût-il mieux fait & fe
feroit - il mis plus à fon aife en écartant
tout-à-fait ce mot odieux de délation , qui
eft ici mal appliqué , & s'en tenant à celui
de dénonciation , qu'il emploie le plus ſou102
MERCURE
vent & qui eft en effet le mot propre . Il
a mieux aimé s'appuyer de l'autorité de
ceux qui ont voulu anoblir le mot de délation
, mais qui n'ont pu le faire qu'en le
dénaturant. Je perfifte à croire que c'eft
donner prife fur foi que de vouloir forcer
l'acception naturelle de ces mors où l'on a
toujours attaché des idées morales d'une
grande importance . Je n'ai pas hésité à
combattre fur ce peint M. de Mirabeau
lui-même , que perfonne n'admire plus que
· moi , quand il a dit que la délation étoit
devenue une vertu. Je fais qu'on peut dé
tourner ainfi oratoirement le fans ordinaire
d'unmot, & que c'eft une figure de diction
qui appartient au talent. Mis dans
des matières fi graves , que tant de gens
font intéreffés à obfcurcir , & où l'abus des
armes furarife & aifément la confufion des
idées , il faut que le talent même ait le
courage de le refufer le mérite des figures ,
dès qu'il peut compromettre la vérité. Les
figures alors font comme ces armes d'or
qui font plutôt une proie pour l'ennemi
qu'une défenfe pour celui qui les porte. La
raifon févère & inflexible eft l'armure de
fer , l'armure impénétrable qu'il faut oppofer
aux ennemis de la liberté. C'étoit le
principe de Démosthène , celui de tous les
Orateurs qui employoit le moins les figures,
& l'himme le plus terrible qui ait jamais
manié la parole.
PERO WYWI મં
M. Baillot paroît être de mon avis dins
DE FRANCE. 103
les caractères que j'ai affignés à la délation
; j'aurois défiré qu'il abandonnât entièrement
le mot comme la chofe. Laiffons
la délation à la tyrannie ; la liberté n'a befoin
que de dénonciateurs.
M. Brillot répond avec beaucoup de rai
fon & de force à M. de Pange , qui prétend
que nous devons être tranquilles , qu'aucun
danger ne nous menace , que toute alarme
eft périle & criminelle même. » On ne vous
croira point, tort dépofe ici contre vous ;
» les mouvemens des Etats qui nous en-
"
tourcnt , des troupes dans la Savoie ,
» des troubles dans la Flandre , qui vont
» être la cauſe d'une guerre dont la cauſe
» peut nous gagner , d'une guerre qui va
fervir de prétexte au raffemblement de
» troupes refpectives , raffemblement tou-
» jours dangereux pour un pays libre , tur
» tout quand il n'eſt pas hors de crife, fur-
» tout quand les Provinces qui avoifinent
» le théatre de la guerre font remplies des
» ennemis du bien public. - La ligue ,
prefque publique , de Puiffances qui ne-
» peuvent avoir pour objet que de nuire
» à nos intérêts , l'affoibliffement & la nullité
de nos Alliés au dedans , l'épuife-
» ment ou l'enfeveliffement de notre nu-
» méraire , le difcrédit complet , les rava-
» ges du papier - monnoie , la décompofi-
"
33
tion de notre armée , l'effroi général de
» tous les états , de toutes les profeflions ,
les mécontentemens de tous ceux que la
1104
MERCURE
"
"
révolution ruine momentanément , l'i-
» gnorance générale qui s'afflige trop de
ces pertes momentanées , & qui ne fait
» pas voir la profpérité dans le lointain ,
» le conflit entre tant d'intérêts qui s'agi-
» tent pour enlever les places dans le nou-
» vel ordre de chofes , & par-deffus tout ,
l'efprit peftilentiel de l'ariftocratie , qui ,
» quoique fans armées , fans plan , fans
» argent , n'en agite pas moins les provin-
» ces ; les écrits incendiaires qu'elle dif-
"
""
""
fémine par-tout ; fa force dans l'Affem-
» blée Nationale , qu'elle cherche à déshonorer
ou à diffoudre ; les efforts qu'elle
emploie pour tromper le meilleur des
» Rois , pour égarer les Peuples , pour ſouf-
» fler la guerre civile au milieu d'un Peu-
» ple qui , appelé par fes lumières & fon
» courage à la liberté , a une foule immenſe
de corrupteurs autour de lui «‹.
Ce tableau eft effrayant ; il eft fidèle ;
mais on peut regretrer que l'Auteur n'en
ait pas montré le revers ; car , fi les bons
Patriotes s'affligent de nos maux & de nos
périls , les mauvais Citoyens font affez
aveugles pour en triompher , con me s'ils
n'y étoient pas expofés eux - mêmes ,
peut être plus que les autres. Il faut que
la Nation fache voir à la fois , & ce qu'elle
a à craindre , & ce qu'elle peur. La mépriſe
fur l'un ou l'autre de ces objets eſt également
dangereufe.
&
On conferve aujourd'hui , j'oſe le dire ,
DE FRANCE.
105
trop de défiance du pouvoir exécutif. On
craint qu'il ne tende à redevenir abfolu :
cela eft impoffible . Tous les genres de
pouvoirs font armés contre le defpotifme
: il ne renaîtra pas , & c'eft une vérité
que je crois générale , que le pouvoir
qu'on vient d'abattre eft celui de
tous qu'il faut craindre le moins. Ce qu'il
faut craindre le plus , c'eft l'excès contraire ,
où naturellement l'efprit humain fe précipite
par fa première impulfion , c'eſt l'infubordination
& l'indépendance qui produifent
& prolongent l'anarchie ; c'eft
l'erreur trop commune qui fait que chacun
croit avoir le droit de gouverner , parce
qu'il a te droit d'être libre. Je l'ai déjà dit
& je le répète c'eft la plus funeſte de
toutes les erreurs ; c'eft précisément quand
tout le monde gouverne que perfonne n'eft
libre. François , gravez bien dans votre
efprit , & méditez fans ceffe cette vérité :
quand vous ferez auffi foumis à la loi , par
reſpect & par devoir , que vous l'étiez
autrefois au defpotifme par crainte ou par
intérêt , alors
:
carious
ferez vraiment
libres
;
car fi l'esclavage' n'et autre chofe que
l'obéiffance à un homme , la liberté n'eft
autre chofe que l'obéiffance à la loi .
Mais il y a cette heureufe différer ce que
l'efclave obéit mieux aux defpotes en
raifon de ce qu'il eft plus vil , & que
l'homme libre obéit mieux à la loi, en raifon
de ce qu'il eft plus grand . C'eft avec le
106 MERCURE
•
fentiment de la plus noble fierté qué l'on
fe courbe devant la loi : ne voyez -vous
pas que c'est un hommage que vous rendez
à la volonté générale , qui eft la vôtre ,
& qu'en lui cbéiffant , ce font vos propres
droits que vous exercez & que vous confacrez
? L'anarchie eft la dernière eſpérance
de vos ennemis ; vous ne pouvez les fervir
mieux qu'en la prolongeant. Montrez leur
l'amour de l'ordre : ils tomberont dans le
découragement.
Ne craignez point la guerre civile : le
Roi feul pouvoir la faire , s'il fe fu éloigné
au moment de la révolution. Aujourd hui
il ne le peut pas , & ce qui vaut mieux
encore , il ne le veut pas le temps
des défiances cft paffe. Louis XVI eft
enchaîné par fes propres vertus , par fa
gloire , par fes. fermens : on ne re ient
pas de fi loin à li face de l'univers on
ne renonce pas a plus beau titre que
jamais mortel ait porté , à celui de Reftaurateur
d'un grand Erat , de Chef d'un
Peuple libre , pour pendre les titres de
parjure & d'ufurpatear ; car un Roi qui
voudroit régner fur 1: s François autrement
qué par la loi , ne ferai plus qu'un tyran
& un ennemi public. François , fuyiz juftes
envers votre Roi , il a été jufte envers
vous. La trahifon & 1 perfidie ne font
pas faites pour un coeur tel que le fien
& l'amour que vous lui témoignez & qu'il
a fi bien mérité vous répond à jamais de lui.
DE FRANCE. 107
Il n'en eft pas de même de la guerre
étrangère : elle eft à craindre. Ce n'est pas
que je croie à ces vains propos que l'on
répète , que la caufe commune des Souverains
doit les armer contre une Nation qui
veut être libre. Les Souverains ne font
jamais caufe commune pour quoi que ce foit ;
ils font trop néceffairement divifés par leurs
intérêts particuliers . L'union de trois Puiffances
pour le démembrement de la Pologne,
n'eft pas une exception à ce principe :
la Pologne étoit fans défenſe , & déjà fous
la main d'une des trois Puiffances copartageantes
, la Ruffie . Encore , combien
de précautions & de défiances réciproques
dans l'exécution de ce partage ! Mais on
ne fe partageroit pas la France comme la
Pologne , & cette idée eft trop extravagante
pour que l'on s'occupe à la r fater.
Mais la France a des ennemis naturels
qui peuvent avoir des reffentimens à ‹ xercer ,
des pertes à revendiquer , & qui peuvent
croire l'occafion favorable. Ce danger n'eft
pas imaginaire. On a dit qu'il n'y avoit
point d'ennemis naturels , point d'alliés
naturels ; que c'étoit des préjugés que la
philofophie alloit détruire, Caft beaucoup
trop préfumer de la philofophie & des
Souverains , & même des Peuples. Il y a
& il y aura long-temps , pour ne pas dire
toujours , des Nations naturellement ennemies
, & ce font celles dont les intérêts
font oppofés. Il y a des Nations natyrel108
MERCURE
a
lement alliées , & ce font celles qui n'ont
rien à fe difputer , ou qui même ont des
intérêts communs. On a paru croire que
la France pouvoit s'ifoler dans l'Europe ,
& n'avoir de guerre qu'autant qu'elle le
voudroit. C'eft encore une fottife . Aucune
Puiffance n'eft affez confidérable pour ne
pouvoir être forcée à la guerre. La meilleure
politique confifte à fe mettre en état
de ne pas craindre la guerre. Mais qui
pourroit nous la faire ? Quelles font les
Puillances que nous pouvons redouter 2
Je ne crois pas que ce foit l'Empereur :
il fe paffera encore du temps ( & nous
n'avons befoin que du temps pour
être en meſure ) avant que Léopold foit
débarraffé des Turcs & des Pruffiens ,
& le fage Léopold , qui gouvernoit la
To cane en Philofophe , doit fentir le
befoin de la paix après une guerre fanglante
& difpendieufe. Il lui faut trente
mille Autrichiens pour reconquérir la feule
province du Brabant , & l'on veut qu'il
tente uhe invafion dans les nôtres ! Il
faudrait qu'il fût bien sûr que l'ambitieux
Praf en n'envahiroit pas le refte de la
Silefie , pendant qu'il feroit en Alface ou
en Lorraine , & que fes fujets de Boheme
& de Hongrie ne lui dennaffent aucune
efpèce d'inquiétede. Les chofes n'en font
pas- là il s'en faut de beaucoup. Je ne
parle pas du traité d'abance que nous
avons avec lui. Je compte les traités pour
rjeni
DE FRANCE.
109
rien ; je n'examine que les ' intérêts ; ce
calcul eft bien plus sûr.
Les Princes Allemands qui ont des poffeffions
en Alface, & qui réclament , dit -on ,
contre la fuppreflion des droits féodaux ,
no fe détermineront pas à agir feuls : il
faut qu'ils foient foutenus par la Prufle.
C'est aujourd'hui une Puillance prépondérante
, accoutumée & difpofée à envahir ;
elle a une armée formidable ; mais fi l'Empereur
doit la craindre , elle doit craindre
aufli l'Empereur : il faudroit donc qu'ils
s'accordaffent ; cela eft poffible , mais peu
probable.
L'Angleterre enfin ? ..... Ici le péril eft
plus prochain ; il eft inftant. L'Angleterre ,
qui depuis cent ans a l'avantage qui nous
manquoir , celui d'avoir un efprit public ,
parce qu'elle a une conftitution , & que
nous n'en avions pas ; l'Angleterre n'a
jamais perdu de vue un moment le projet
d'agrandir la marine & fon commerce
qui font fa puiffance, & toujours à nos
dépens. Elle n'a pas fait , depuis la paix
d'Utrecht , un feul traité où elle n'ait rempli
cer objet , même à la paix qui a terminé
5
guerre d'Amérique , où elle n'a perdu
que ce qu'elle devoit néceflairement perdre,
& a confervé & même augmenté fa
prépond rance dans l'Inde. Elle arme dans
ce moment , & biemot elle aura , dit- on ,
foixante vaiffeaux armés. Elle peut forcer
les Efpagnols , fi nous les abandonnons ,
Nº . 34. 21 Août 1799. F
HO MERCURE
à un traité qui nous feroit très- préjudiciable
, & qui anéantiroit en grande par ie
les avantages que le pacte de famille affere
à notre commerce . Il est toujours dangereux
'de laiffer affiblir fon allié & fortifier fon
ennemi. C'est acheter trop cher une paix
d'un moment ; car fi vous obtenez la paix
en montrant de la foib'effe , dans fix mois
vous aurez la guerre , & vous l'aurez avec
moins de reffources & plus de défavantages.
J'entends parler de la générofité angloife.
C'est une chimère d'y compter ; c'eſt une
honte d'enavoir befoin . Ne comptez jamais
dans l'ordre politique fur la générosité d'un
ennemi ; & en légiflation , ne comptez
jamais fur la vertu ( 1 ) ,
*
( 1 ) Ce n'eft pas fans raifon que j'ai mis en
avant cette maxime . Une économie mal- entendue
& un héroïfme toujours aifé en paroles , ont fait
dire à bien des gens qu'il ne falloit pas payer ,
ou du moins qu'il falloit payer très-peu les Offices
Municipaux gardez-vos en bien. L'homme
honnête , éclairé & pauvre , les refuſerait, & vous
établiriez dans les Municipalit's l'ariftocratic des
riches. On facrifie tout à la Patrie par un noble
enthouſiaſme ; mais l'enthoufiafme n'eft jamais
un état habituel ; & un falaire convenable pour
fervir la Patrie n'a rien que de décent & d'honorable.
L'intérêt particulier peut céder un ' moment
à l'intérêt public dans une grande Révolu
tion qui exalte les ames ; mais dans un état de
chofes durable , ténez pour principe de ne jamais
Téparer l'intérét particulier de l'i - térêt général
c'eft un axiome de tous les temps, p
•
ป
DE FRANCE.
Ceux qui mettant tout au pis , & fuppofant
la perte de nos Colonies & la ruine
de notre commerce , qui entraînercit celle
de notre marine , regarderoient cette perte
comme un malheur à peu près étranger à
la France & à fa profpérité intérieure , fe
tromperoient beaucoup. D'abord , pour le
moment préfent ; il n'est pas indifferent de
ruiner trois ou 400 mille perfonnes &
plufieurs villes principales : c'eſt à la fois
un malheur & un danger. Dans une révolation
, ceux qui fouffrent font toujours'
à craindre. De plus , comment fe perfuader
que la France , fituée fur les deux.
mers , ne foit pas naturel enuen: obligée
d'être une Paillance maritime , fous peine
d'être ruinée , écrafée & av.lie ? La liberté
eft une belle chofe ; mais il ne faut pas'
s'imaginer qu'elle tienne lieu de tour ; &'
l'amour de la liberté doit - il nous rendre
intérens fur tout ce qui appartient
à l'exiſtence d'une grande Nation Un
fentiment fait pour nous élever & nous
agrandir doit - il nous reftreindre & nous.
rabailler Quand on cft affez fier pour
vouloir être libre chez fci , il faut l'être
affez pour vouloir au ne pas craindre les
autres. Que faire done ? Deployer tout le
courage & toutes les reffources que doir
toujours avoir une Nation teile que la
nôtre ; montrer que la France eft affez forte
pour élever d'une main l'édifice de la conftution
, & combattre de l'autre ceux qui
F 2
112 MERCURE
oferoient nous troubler dans ce grand ou- ,
vrage; annoncer hautement que nous fommes
incapables d'abandonner nos alliés ,
ce qui feroit nous abandonner nous- mêmes ;
enfin , nous réi gner à tous les efforts , à
tous les facrifices : ceux qui fongeroient
aujourd'hui à y mettre de la mefure , fe-.
roient un bien mauvais calcul . Epargner
quelque chofe aujourd'hui , c'eſt rifquer
tout pour l'avenir. Donnons tout pour
avoir une conftitution ; car , dès que nous:
en aurons une bien affermie , nous aurons
bientôt recouvré tout..
-
Mais une guerre qui met les forces de
l'Etat à la difpofition du pouvoir exécutif
ne menace-t- elle pas la liberté ?
la liberté ? - Il eft.
vrai que nous n'en fommes pas encore à
une époque où nous puiflions être , à cer
égard , au deffus de toutes les alarmes &
de toutes les défiances. Mais pourtant , ne
les pouffons pas trop loin . La vigilance eft
toujours néceffaire ; la défiance eft feuvent
trompeufe : elle ne voit que le pallé , ou-.
blie le préfent & calomnie l'avenir.
D'abord ceux qui tenteroient une contrerévolution
ne feroient pas moins les ennemis
du Roi que de l'Etat ils feroient doublement
criminels & doublement odieux en .
s'appuyant fauffement de fon nom : il eft.
au milieu de nous. I's expoferoient à un
péril imminent tous ceux qui font fufpects
de hair la nouvelle conftitution , ou qui fe
font ouvertement déclarés contre elle. Enfin ,
>
:
DE FRANCE.
I 3
croit- on qu'il fût fi facile de faire oublier
à nos follats & leurs fermers & leurs intérêts
? Avolent-ils beaucoup à fe louer du
régime précédent ? & n'en favent - ils pas
allez pour être convaincus qu'il vaut beau- *
cupmieux pour eux , fous tous les rapports , '
être les foldats de la Nation que les foldats
du Roi ? La féduction ne pourroit jamais
ête que partielle & momentanée. Le plus
grand nombre fera toujours fidèle , & nous
répondra des autres.
Je craindrois beaucoup plus l'anarchie :
on ne peut fe diffimuler que deux chofes
principalement encouragent les ennemis de
la Révolution , indifcipline militaire qui
s'eft manifeftée dans plufieurs ' endroits ,
& le refus de payer les impôts , qui a
troublé plufieurs provinces. Il fuffit de voir
combien les Ariftocrates en triomphent
peur fentir combien les Patrio es doivent
s'en affliger. J'ai peine à concevoir comment
des foldats François ne mettent pas leur
honneur à obéir à la Loi & au Roi , comme
auparavant ils obéiffoient au Roi feul. Quant
au peuple , qui ne voit guère que l'intérêt
du moment , je conçois trop bien comment
il croit gagner ce qu'il ne paye pas. Mais
s'il favoit le mal qu'il fe fait ! Si tous ceux
qui font à portée de lui parler journellement,
les Curés , par exemple , lui répétoient fans
ceffe qu'on ne payant pas ce qu'il doit à
l'Etat , il mer l'Etat dans l'impuillance de
payer ce qu'il doit , & qu'une banqueroute
F3
1741 MERCURE +
peut ébranler une conftitution qui feranécellairement
fon bonheur ! à Paris du
moins il paroît l'avoir compris : mais Paris
eft le centre des lumiè es , & tant de gens
font ce qu'ils peuvent pour empêcher
qu'elles ne fe répandent !
Prefque à l'inftant où M. Briffet juſtifioit .
victorieufement le Comité des Recherches ,
il paroiffuit un rapport rédigé par M. Garan
de Coulon , Membre de ce Comité , &
qui fait également honneur au Comité &
au Rédacteur : il s'agit de la dénonciationd'an
complot attribué à M. de Maillebois.
L'affaire eft maintenant au Châtelet , &
dans tout ce qui eft fait pour être contradictoirement
plaidé , il faut , comme je
l'ai dit ailleurs , attendre l'inftruction &
écouter toutes les parties pour prononcer
un jugement , quoique chacun puiffe , en
fon ame & confcience , pefer les préfomp,
tions & les probabilités morales . Je ne
parle ici de ce rapport que pour faire obferver
la fag ffe , l'intégrité , la modération
qui règnent dans les procédures , & dans
les , interrogatoires. Rien ne reffemble ici
à l'ancienne méthode judiciaue . Rien d'indieux
, rien de dur , rien de defpo ique.
Partout une marche fimp'e , claire , franche
& loyale. On ne tend point de pièges à
l'accufé ( M. Bonne- Savardin ) ; or fe contente
de lui remontrer les contrad Etions.
où il tombe de lui -même , & il n'a nulle
part à combattre que la raifon , la vérité
& fa confcience.
DE FRANCE. fif
Une chofe , à mon gré , manque à ce
rapport. Dans le plan de la conſpiration,
donné par le dénonciateur , il eft dit que
l'on fe propofoit d'engager MM. Mounier
& Lally Tolendal à rédiger un manifefte
pour foulever les provinces au moment où
les troupes étrangères y entreroient. Il étoit
de la justice , ce me fenble , d'obſerver
qu'un pareil deffein de la part des confpirateurs
ne forme non feulement aucune
preuve , mais même aucune préfomption
contre les deux hommes dont ils fe flattoient
d'employer la plume. J'ai penfé comme tous
les bons Citoyens fur la retraite de MM .
Mounier & Lally Telendal : je crois qu'il
n'eft permis , en aucun cas , de quitter le
pofte où la Patrie nous a placés : je regrette
que deux hommes célèbres , qui avoient
montré des talens & des vertus , fe foient
cendamnés à les rendre inutiles . Leurs expofes
ne m'ont point convaincu . Je perfifte
à penfer que les Membres d'une Affemblée
légiflative & conftituante font religieufement
tenus d'y refter , quand même leurs
opinions ne s'accorderoient pas en tout avec
fes décrets . Ne dût en faire du bien à
l'E at qu'un feul jour , la vertu eft là pour
attendre ce jour. Mais , d'un autre côté
je ne fuis nullement de l'avis de ceux qui
regardent comme nos ennemis ceux qui
n'n pas fait tout ce qu'ils devient faire .
C'eft manquer à la fois à l'équité & à la
politique que de fe hâter ainfi de compter
116 MERCURE
parmi les méchans & les pervers ceux qui
n'ont été que foibles ou prévens . Onpeut,
par trop de fenfibilité , ne pas réfitter au
fpectacle des défordres & des crimes inféparables
d'une Révolution violente ; on'
peur, par trop d'amour propie, être bleffé
de n'avoir pu faire prévaloir ton opinion :
mais combattre fa Patrie après l'avoir fervie
; mais fe rendre les vils inftrumens d'en'-
complot abominable , devenir les prédica -1
teurs de la réele & les trompetes de la
guerre civile ! ce font des lâchetés & des '
atrocités don je crois bien incapables des
hommes tels que MM . Meunier & Lally.
Tolenda!.
Une autre faute plus grave , c'eft de
donner comme un motif de dénonciation
que rel homme n'a ceffé de témoigner fa
haine & fon mépris pour l'Affembée Nas
tionale & pour la nouvelle Conftitution .
On ne doit dénoncer ni la kaine ni le mépris
c'est dénoncer les fentimens & les
pentées , que la tyrannie feule veut allujettir
, & que la loi ne domine point. La
lci ne commande qu'aux actions : elle n'a
rien à voir aux difcours ni même aux
écrits , à moins qu'ils n'expriment publiquement
la defobéifice & la révolte , &
dans ce cas feoul , c'eft un délit contre
Fordre public, Celui qui dit à fes concitoyens
: Foulez aux pieds la loi ; abattez
» des rétes que la loi n'a point condam-
13
nées ; frappez les victimes que je vais
DE FRANCE. 117
» vous défigner , & c. '« celti là n'eft coupable
que d'un degré de moins que s'il
faifoit tout ce qu'il veut qu'on faffe. Il eft ,
clair qu'il eft affaffin & perturb teur public
autant qu'il eft en lui de l'être ; il doit
être févèrement puni. La dénonciation
contre des difcours qui ne portent point
ce caractère , eft a bitraire & illégale ; car
elle pourfuit ce que la loi ne défend
point.
Au refte , ce complot imputé à M. de
Maille bois n'eft pas plus fenfé que tous
ceux dont le bercent encere ceux qui ef-›
pèrent une contre - révolution. Cn Y demande
tout fimplement au Roi d : Sardaigne--
25 mille hommes , qui font à peu près tout
ce qu'il a de troupes, & 7 on 8 millions:
que probablement il n'a pas de refte. On
n'oul lie qu'une chofe , c'eft de dire ce
qu'on lui donnera en retour ; car apparen
ment il ne donneroit pas fon argent & fes
troupes pour rien : cette politique n'eft pas
à l'ufage des Souverains. Enfuite on ne
projette rien moins que de faire traverſer
la France à ces 25 mille hommes , pour ve--
nir bloquer Paris & l'amener à réfipifcence.
Sans doute on croyoit que cette armée de
2 mille Piémontois traverferoit la France,
comme les 30 mille Macédoniens d'Alexandre
traverfoient l'Afie. Mais quand ce feroient
, pour me fervir d'une e preffion
plaifante de Voltaire , so mille Alexandres
payés à 4 fous par jour , je crois qu'ils
118, MERCURE
trouveroient encore quelque difficulté fur
leur route.
"
Ce n'en eft pas moins le cas d'appliquer.
la réflexion judicieufe de M. Briffot : Dans ,
» la fureur qui égare l'ariftocratie , vingt
projets fe forment chaque jour : ce font
vingt extravagances , je le veux ; mais ne
" doit- on pas furveiller des fous ? mais un ,
fou ne peut - il pas avec une étincelle
caufer un incendie “?
و ر
هرمع
دو
ود
*
Les bons Citoyens ont remarqué avec
plaifir ce qu'on dit de M. de Montmorin
dans une lettre de Turin , où l'en rend
compte des voeux & des projets de nos ,
ennemis. On voudroit aufli éloigner des .
Affaires Errangères M. de Montmann , -
" dont on ne peut rien efpérer « . Ce témoignage
honorable n'eft pas fufpect. En
effet , il n'y a rien à espérer que de patriotique
de la part d'un Miniftre qui , perfon- ›
nellement attaché au Roi dès fon enfance ,:
ne l'a jamais ni flutté ni trompé , qui cft
attaché à la Patrie & au devoir par prin.ipe :
& par fentimens , & qui eft conduir ent
tour par un jugement sûr & un coeur droit
& incorruptible.
( D ...... )
DE FRA N.C E.
#
Table Alphabétique de l'Hiftoire Univerfelle ,
partie moderne , traduire de l'Anglois par une
Société de Gens de Lettres . Tome rr. eu 121
de l'Ouvrage. A Paris , chez Moutard , Impr-
Libr. de la Reine , rue des Mathurins , Hôtel de
Cluni.
On peut juger de l'utilité de ces Tables par
celles de l'Hiftoire Ancienne , qui forment les
Tomes 37 à 40 de l'Ouvrage.
Les Tables de l'Hiftoire Moderne auront ( 6
Volumes ; favoir , 3 de Table Alphabétique , &
3 de Table Chronologique.
x
La Soufcription de ces 6 Volumes , pour Paris ,
eft de 24 liv. , & pour la Province , de 28 liv.
f. fanc de port par la Poſte. 4
་ .
Le Tome 122 ou Tome 2 de la Table Alphab.
paroîtra le 10 du mois prochain , ainfi que le
Tome 124 cu er. de la Table Chronologique ;
les 3 autres paroîtront avant la fin de l'année.
Les perfonnes qui n'auront pas fonferit , ne
pourront le procurer ces Tables pour aucun prix
parce qu'on ne tire que le nombre arrêté par
MM. les Soufcripteurs,
> MusIQUE.
Journal de Guitare , ou Choix d'Airs nouveaux,
avec accompagnement , 8c.b Cahier Le prix de
la Soufcription pour 12 Cahiers , avec les Etrennes
de Guitare , eft de 18 liv. Chaque Cahier fe
vendra féparément 2 liv. , & les Etrennes 7 liv .
f. A Paris , chez M. Porro , rue Tiquetonne ,
No. 16.
120 ก
MERCURE DE FRANCE.
A VIS .
LE Sr. Hériffen , Arquebufier , rue des Tournelles
, au Mara.s , Nº . 6 , vient inventer un
Reffort de v ture . qu neus parcit digne d'etre
recom a dé a . Public. Lalons parer en fa faveur
MM. le Commillares d'académie des
Scien.es , cha gés d en fa re l'examen .
C. Reffort, int ces Meffieurs , qui eft en C ,
eft composée trei feuiles qui ne font percées
en ancun endroit de leur 1. ngueur , & qui s'attachent
a la voiture par le moyen d'une pride qui
palle dans deux oreilles dont chaque feuille eft
garnie : il y a aufli vers le bout fupérieur de iráque
feuil e deux appendices foudés qui embraffext
les fe les intérieures pour les empecher de galler
de coté. Toutes ces feuilles nous ont paru de bon
acier & bien trempées Pour éprouver le degré -
de force de ce Reffort , nous l'avons foumis aux
épreuves fuivantes «<.
Après le récit de ces épreuves multipliées , qui
ne doivent laiffer aucun doute fur la fuper orié
de ce nouveau Reffort , MM. les Cominiftaires
sajoutent :
» Nous penfons que le Sr. Hériffon eſt un Ar-
Ztifte très-excellent dans la conſtruction des Ref
forts de voitures, & que ceux qui prendrom de fes
Refforts , après toutefois les avoir foumis aux
épreuves ci-deffus , feront sûrs d'en avoir d'excel-
Signés Vaudermonde & Briffon.
Je certifie le préfent extrait conforme à l'originał
& au jugement de l'Acadéinic.
lens «.
Le Marquis de Condorcet.
TABLE.
85 Charade , Enig. Log.
VERS.
Les dexx Frères. 89 Leurs.
..
MERCURE .
DE FRANCE.
SAMEDI 28 AOUT 1790 ..
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
1
QUA TRAIN
SUR LA MORT D'UN BON PÈRE.
Flebilis occidit, HOR.
Mert ! tu nous ravis le père le plus tendre ;
Par fes rares vertus nous comptons nos malheurs.
Comment lui refufer le tribut de nos pleurs ,
Quand ce font les premiers qu'il nous ait fait ré--
pandre ?
( Par M. l'Abbé Dournean. )
N°. 35. 28 Août 1790 M
ANAMI
PEDDADM
122 MERCURE
MORT DE PROCRIS ,
Racontée par Céphale , au 7. Livre des
Métamorphofes d'Ovide.
APPRENE PPRENEZ mes malheurs, ô Prince magnanime !
La fource du bonheur a commencé leur cours .
Qu'eft devenu ce temps de mes premiers amours ,
Où d'une tendre époule , époux tendre & fidèle ,´
Je faifois fon bonheur , & fus heureux par elle ?
Chaque jour plus aimé, chaque jour plus épris ,
Céphale à Vénus même eût préféré Procris ;
Procris à Jupiter cût préféré Céphale.
Dans ces jours de bonheur, quand l'aube matinale
Avoit de monts voifins redoré les fommets ,
J'allois faire la guerre aux hôtes des forêts.
Sans fuite & fans limiers , mon audace facile
Dédaignoit des filets l'attirail inutile ;
Mon dard faifoit ma force . Après de longs travaux ,
Fatigué , je cherchois & l'ombre & le repos.
Au fond de ces bofquets où la fraîcheur refpire ,
J'aimois à recueillir l'halcine du Zéphyre ,
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
DE FRANCE. 123
Et ce frais des vallons , délices des chaffeurs ,
Cent fois, je m'en fouviens, j'implorois fes faveurs ;
Là fouvent je chantois :
Aure ( 1 ) ,
Viens , ô viens aimable
» Viens donner quelque trève au feu qui me dévore.
» Gliffe-toi dans mon fein , paffe jufqu'à mon coeur
"3 Soulage , appaife , éteins ce que j'y lens d'ardeur « .
Infenfé ! je femblais, d'une voix douce & tendre,
Exhaler ces foupirs que l'amour fait entendre :
J'obéiffois au fort . » Toi qui fais mes plaiſirs ,
» Aure , viens, je t'attends, viens calmer mes défirs .
» Tei pour qui je me perds en cette folitude ,
» T'y chercher , t'y trouver eft ma plus douce
» étude «‹.
On m'entendit. On croit qu'appelé tant de fois,
Ce nom d'Aure eft le nom d'une Nymphe des bois ;
Et fur ce faux foupçon un voiſin téméraire
Va conter à Procris mon crime imaginaire .
Que le coeur eft crédale , & fur -tout en amour!
Procris s'évanouit ; fon oeil fe ferne au jour :
I
( 1 ) Aure , en latin Aura , veut dire un vent frais. Ce
nom pouvoit être au fi celui d'une perfonne , tel que le
nom d'Autore , de Flore , &c . C'ck cette équivoque qui
donne lieu à la cataſtrophe ,
G 2
124
MERCURE
Puis , revenue à foi , s'écrie : Infortunée !
Sous quel aftre perfide , ô ciel ! fuis -je donc née ?
Elle accufe ma fei : fa vaine crainte , hélas !
Redoute une chimère , & voit ce qui n'eft pas.
Cependant elle doute , elle fe flatte , eſpère ,
Blâme , à de faux rapports , fa croyance légère ,
Et ne veut pour témoins en croire que fes yeux.
L'aube avoit chaffé l'ombre , & fait blanchir les
cieux.
Je fors , cours dans les bois ; & las d'un long carnage
,
J'invoque , affis au frais , l'air doux qui me foulage.
Aure , viens, tu le peux , viens charmer mcs tra-
» vaux ;
» Viens , je languis «. J'entends à travers les rameaux
Je ne fais quels foupirs répondre à ma parole ,
Je pourfuís, » Hâte-toi , douce fille d'Eole ,
» Je me meurs «. Un rameau qui frémit à l'écart ,
Là m'annonce une proie , & j'y lance mon dard,
C'étoit Procris. Je meurs , & c'eſt toi qui me tue ,
Me dit-elle. A ce cri d'une voix trop connue ?
Je cours, ah ! quel afpect ! je vois, hélas ! fon flanc,
Ses voiles , fes habits tent baignés de fon fang,
DE 125 FRANCE.
Je la vois retirer de ce coeur fi fidèle
Ce dard , ce même dard que j'avois reçu d'elle.
D'un objet fi chéri malheureux affaffin ,
Je la prends , la foutiens , la preffe fur mon fein.
J'arrache fes tiffus pour nouer fa bleſſure .
Je la rappelle au jour , l'embraffe , la conjure
De ne pas me laiffer le crime de fa mort.
Procris pour me parler fait un dernier effort :
Ah ! par les Dieux du Ciel, par ceux de l'Hyménée ,
Par ceux du fombre Erèbe où je fuis entraînée ,
Enfin par cet amour , 'caufe de mon trépas ,
Qui, même quand je meurs, ne m'abandonne pas ,
Promets à ta Procris , que jamais , ô Céphale !
Aure ne fouillera fa couche nuptiale .
Elle dit; & je vois trop tard pour mon malheur ,
Que ce nom a caufé mon crime & fən erreur .
Hélas ! de fes foupço is vainement éclaircie ,
Procris avee fon fang perd un refte de vie.
Je la vois fur mes yeux tourner les yeux mourans,
Et fes derniers foupirs fur fes lèvres errans
Semblent pour fon époux exhaler fa belle ame.
Elle meurt, mais du moins elle emporte ma flamme,
Par M. de St- Ange. )
G ;
126 MERCURE
A Mible. ………….. .....
en lui envoyant une Refe.
Air : Avec les jeux dans le Village , &c .
PRESENTER une Rofe à Flore ,
Ah ! c'est éclairer le Soleil :
Il faudroit un grain d'ellébore
A l'auteur d'un projet pareil ;
Mais quand l'Amour la fait remettre
On doit pardonner de bon coeur ;
Un aveugle feul peut commettre —
Une auffi ridicule erreur.
( Par M. Ravrio. Į
7
ÉPIGRAMME.
-LISE , dont le bruyant caquet
Ne peut fe comparer qu'à celui de l'Agace ;
Life , pour un Sourd & Muet ,
Chez le docte Sicard veut fonder une place :
D'après ce généreux projet ,
Que penfez -vous de Life , inginu Boniface ?
-Qu'elle ne voit point de difgrace
Capable d'inſpirer un plus g and intérêt.
( Par M. l'Abbé Dourneau . )
DE FRANC E. 127
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Milice ; celui
de l'Enigme eft Bergère ; celui du Logogriphe
et Cris , où l'on trouve Ris.
CHARADE , Conte.
COMME un certain Particulier ,
Pour une faute aflez griève ,
Souffroit beaucoup à mon premier ,
Frère Abel , homme fingulier ,
Venoit à paffer par la Grève.
Malgré la pluie & mon dernier,
Avec la gent Parifienne ,
Curieufe autant que Chrétienne ,
D'abord il fe mit à prier ;
Puis d'un ton de doléance ,
Rompant tout à coup le filence :
Hélas ! s'écria -t-il , kélas !
Ce malheureux ne feroit
Fas
Venu , fans doute , à la potence ,
S'il cût joui de l'abondance
Qu'en faifant un pienx métier ,
On trouve toujours dans l'entier .
( Par M. N. D. de Neuville aux Loges. )
G4
128 MERCURE
ÉNIGM E.
Pour la paix & pour l'union ,
Sous les aufpices du Monarque ,
Et fous les miens marche la Nation.
De la Confédération
Je fuis la glorieuſe marque ;
Le François fatisfait me porte avec fierté ;
A ma fuite eft fans différence
Le Comte , le Baron , le Marquis , l'Excellence ;
Par tout on voit parfaite égalité ;
Après moi fuit la Liberté ,
Que fait chérir un Citoyen fidèle ;
Orné de blanc , & de rouge , & de bleu ,
De tous je fuis l'unique voeu ;
Avec le rouge feul je contiens de rebelle ,
Et mon aſpect donne la Loi ,
Non fans répandre un peu d'effroi.
( Cauville , Curé de St- Maixme , )
•
LOGO GRIPH E.
AVEC trois pieds , Lecteur , je fuis vivant ;
Coupe mon chef, & prends-moi par-devant ,
Toujours je fuis fuilla ; puis prends - moi parderrière
,
J'annonce le mépris : voilà mon caractère .
( Pur le même, )
DE FRANCE. 129
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
ESSA 1 fur les Réformes à faire dans
notre Procédure Criminelle , par M. DE
COMEYRAS , Avocat au Parlement , cidevant
l'un des Membres du Comité de
Légiflation. A Paris , chez Defenne ,
Libraire , au Palais- Royal.
LA néceffité d'une réforme dans notre
Jurifprudence Criminelle , éroit fentie depuis
quelques années par les partifans de
l'ancien régime , preſque aufli vivement
qu'elle l'a été depuis la révolution par les
plus grands amis de la liberté , mais plufieurs
obftacles s'oppofoient à cette réforme.
On craignoit fur- tout qu'elle ne devânt le
fignal de beaucoup d'autres moins univerfellement
défirées ; on craignoit fur- tout
que les principes qui s'établiroient néceffairement
dans une difcuflion de cette importance
ne s'appliquaflent trop naturellement
, & comme d'eux- mêmes , à d'autres
objets qui intéreffoient le Gouvernement
d'une manière plus immédiate . On fentoit
gh'une portion confidérable de l'édifice
GS
130
MERCURE
"
focial ne pouvoit fe renverfer & fe reconftrui.
e , fans que l'édifice , d'jà miné
de toutes parts , ne fût ébranlé jufque dans
fes fondemens . Voilà , plus que la maavaife
volonté , ce qui faifoit différer de jour
en jour cette grande & falutaire opération.
Cependant le mal étant devenu tout-à-fait
intolérable , le Gouvernement établit un
Comité pour la réforme de la Jurifprudence
Criminelle . Ce Comité étoit compofé de
fix Avocats au Parlement. M. de Comeyras,
Auteur de cet Ecrit , étoit du nombre , &
Pobjet de fon travail particulier fut de
comparer la Jurifprudence Criminelle d'Angleterre
& celle de France . C'eft ce travail
qu'il offre maintenant au Public. Une partie
des voeux qu'il y formeit fe trouve
remplie par le D'cret de l'Affemblée Nationale
, fur la réformation de quelques
points de la Jurifprudence Criminelle , &
fur tout par l'établiffement des Jurés ;
mais l'Ouvrage fe foutient encore , même
après la deftruction des abus qu'il alléguoit ,
& fans doute il eût été , fous le defpotilme
même , un des plus propres à préparer
cette deftruction . Il eft difficile de préfenter
avec plus de force la réunion de
toures les abfurdités reprochées à notre
Jurifprudence Criminelle . Emprifornement
de l'accufé , quelquefois mis au cachot
refus d'un Confeil pour le défendre quand
il s'agit de fon honreur ou de fa vie ;
tandis qu'en matière civile & pour le plus
•
DE FRANCE. 131
petit intérêt, il en trouve tant qu'il en peut
payer ; ous les avantages accordés à l'accufateur
qui eft libre , qui a le choix du
moment , qui peut raffembler à volonté
tous les moyens , qui ne court que le rifque
léger d'une amende pécuniaire ; la violation
des premières règles de l'équité naturelle
& du bon fens dans les formalités
de l'interrogatoire , de la confrontation , du
récolement ; toutes les précautions prifes
par la Loi pour trouver un coupable ; la
défenfe d'interpeller les témoins ; l'ufage
du Ministère public de donner les conclufions
fans les motiver , comme pour lui
épargner une honte qui pourroit fervir de
frein à fes injuftices ; le droit d'attacher fur
un fiége d'infamie , & de marquer d'une
forte de tache l'accufé non convaincu , &
qu'il faudra peut être renvoyer abſous :
enfin la condamnation de l'accufé à une
majorité de deux voix feulement ; tels
font les ufages & les formes de la Procédure
Criminelle fous laquelle les François
ont vécu plus de deux fiècles ; Procédure
qui reçut une fanction nouvelle en 1670 ,
à l'époque la plus brillante de la Monarchie
, au milieu des victoirés , & ce qui
eft plus remarquable , au moment où le
François , poli fans être civilifé , multiplioit
les chef- d'oeuvres de tous les Arts &
routes les productions du génie. La furpriſe
redouble quand on fonge que cette Ordonnance
de 1670 fut reçue avec les applau
Ꮐ
332 MERCURE
diffemens & les acclamations de la reconnoillance
; qu'elle a obtenu pendant près
de quatre-vingts ans les éleges de plufieurs
Ecrivains célèbres ; que cet ufage fi peu
humain de cundamner un homme à mort
fur une pluralité de deux voix , Montef
quieu l'appelle un ufage divin en l'oppofant
à celui qui , en matière civile , n'exige que
la majorité fimple. Il faut convenir qu'en
parlant ainsi , l'Edivain qui aveit , comme
on le dit , recouvré les titres de l'humanité
& les lui avoit rendus , ne les avoit pas
recouvrés tous , & qu'il laifoit même peu
d'efpérance à ceux qui chercheroient après
lai le refte de ces titres . Mais Montefquicu
payoit ce tribur à l'opinion , que d'ailleurs
il éclairoit de fon génie , & qu'il conduifoit
avec une modération tantôt prudente ,
tantôt timide. C'est à lui-même que nous
fommes, en partie , redevables de ne plus
donner l'épithète de divin à cer uſage barbare
; nous ne la donnons pas même à
l'idée plus raifonnable de ne prononcer une
condamnation à mort que d'après l'unanimité
abfolue. C'eft la Loi qui devoit naturellement
réfulter de la maxime fi faftueufement
établie & fi fréquemment répétée
par les Criminaliftes : Qu'en matière criminelle
on n'acquiefce qu'à l'évidence ,
* & que les Juges ne donnent le nom de
preuves qu'à celles qui font plus claires
que le jour en plein midi . Ona peine
comprendre comment, en partant de ce
33
ود
DE FRANCE. E33
principe, ils ont pu parvenir à créer une
fcrence & des usages , d'après lefquels on
a condamné tant d'accufés fur des proba
bilités trompeufes , & par conféquent
far un peut-être. L'opinion de M. de C ....
eft plus conféquente aux principes des Criminaliftes
, & , ce qui vaut un peu mieux,
à ceux des Philofophes , en établiſſant la
différence qui doit exifter entre les affaires
civiles & les affaires criminelles . Dans les
affaires civiles , il faut, dit-il, que la ma-
» jorité décide «. Cela eft même néceffaire.
Elle eft une règle imparfaire ; mais c'eft la
feule , & pour chaque affaire qui commence
, il faut qu'il y ait un moyen de
la finir. Mais dans les affaires criminelles
il ne peut y avoir de règle que l'unanimité,
& , à la rigueur , l'unanimité même né
prouve pas la vérité d'une accufation . Les
hommes, en quelque nombre qu'ils foient,
peuvent encore fe tromper il faudroir.
donc chercher une règle de décifion plus
parfaite s'il pouvoit en exifter ; mais l'unanimité
étant le dernier degré d'affentiment
qu'on puiffe donner aux preuves humaiil
faut bien s'en contenter. L'Auteur,
en parlant ainu , a prouvé par le raifon-.
nement & les faits.combien cette règle
de l'unanimité étoit infuffifante & défectuenfe
.
par
Tous ces abus & tant d'autres , tous ces.
vices de notre Jurifprudence Criminelle
M. de C...... les rapporte à une feule er-
9
134
MERCURE
"
99
d'en monreur,
à l'opinion où étoit le Législateur en
16 , que la preuve des crimes eft trèsfacile
à obtenir ; opinion que l'Auteur a
combattue & détruite avant que
trer les funeftes conféquences . Mais , paffant
enfuite à des confidérations plus étendues
, il remonte à la fource de cette erreur
, & fait voir que les difpofitions
cruelles de l'Ordonnance de 1670 ne tenoient
pas à une fimple erreur de théorie ;
& qu'elles avoient une caufe bien plus
grave , le mépris pour les hommes : » It
éclate , dit-il , dans la plupart de fes difpofitions
, ainsi que dans les autres Loix
Criminelles publiées par nos derniers
Rois. Apologiftes du pouvoir abfolu
voulez - vous reconnoître les fruits qu'il
" porte , réfléchiffez fur les faits fuivans.
La Nation Françoife , au milieu de fa
plus grande férocité , avoit cependant
confervé à l'accufé tous les droits de
l'homme la mort fimple fuffifoit à l'expiation
des plus grands crimes. La Na-
» tion Françoile devient plus polie & plus
donce , & tout à coup elle invente des
fupplices effrovables ; elle introduit vers
" le même temps le fecret dans la Procé-
» dure ; elle environne l'accufé de piéges
» & de ténèbres. On diroit qu'ayant foif
و د
و د
33
و د
و د
و ز
de fang , les Loix ont voulu fe ménager
» celui de l'innocence pour les temps où
elles manqueroient de coupables. Qui
» est ce qui nous expliquera ce trifte con- 32
DE FRANCE.
135
» trafte de nos moeurs & de nos Loix ?
», une vérité terrible. Les Loix Criminelles
» d'une Nation décroiffent toujours de
» douceur à m:fure qu'elle décroît elle-
» même de liberté : voilà fur- tout ce qui
» eft bien marqué dans notre Hiftoire . On
"
>>
>>
">
"
"
»
pourroit montrer qu'à chaque pas que
" ROS Reis ont fait vers le defpotifme-
» nes Loix en ont auffi fait un vers l'atro-
» cité il falloit bien qu'elles fe miffent.
au niveau du mépris qui entroit dans
l'ame d'un maître pour des efclaves. Je
n'ajouterai qu'un mot ce déplorable
mépris, des Princes dont nous révérons
la mémoire , n'ont pas fu s'en défendre.
» Ce généreux, ce bon Henri qui gémiffoit
» de répandre le fang des François au mi-
» lieu des combats , l'a répandu fans re-
" mords dans des Loix barbares. La France
» lui doit , en grande partie , ce Code.
" tyrannique des chaffes , où de fimples
" fautes de police étoient érigées en crimes
capitaux , où celui qui tuoit un cerf
étoit puni, comme l'eft en d'autres lieux-
» le meurtrier d'un homme. Pourquoi
» faut- il que Henri IV n'ait pas repouffé
" ces Loix fanguinaires puifées dans le
» Code Allemand & dans celui de Guil-
» laume le Bâtard ? Louis XII les avoit rejetées
avec horreur , & Hanri IV étoit
digne de réfifter à la pente qui entraînoit
» nos moeurs vers l'atrocité «. ·
"
">
X
A ce tableau des cruautés de nos Loix
136 MERCURE
Criminelles , M. de C..... oppofe celui dela
Jurifprudence Criminelle Angloiſe ; c'eſt
mettre en contrafte le délire & la raifon ,
la barbaric & l'indulgence ; en un mot ,
la fervitude & la liberté. Nous ne fuivrons
pas l'Auteur dans cette difcuflion fur les Jurés
Anglois, qu'au furplus il n'admire pas en
aveugle , & dont il critique avec difcernement
plufieurs difpofitions. Cette partie du
travail de M. de C ..... n'rt pas fufceptible
d'analyfe , & ce n'eft pas rendre un mauvais
fervice au Lecteur que de le renvoyer
à l'Ouvrage même.
Cet Ecrit eft précédé d'une Préface , dans
laquelle l'Auteur , après avoir protefté de
fon respect pour les Décrets de l'Affemblée
Nationale , ufe du droit & en même temps
remplit le devoir de tout Citoyen , celui
de déclarer ce que fes Décrets ont de défectueux.
J'ai vu avec étonnement , dit il,
qu'une Affemblée fi humaine & fi fage,
» dont l'objet étoit d'adoucir , par fon Dé-
» cret provifoire , le fort des aceufés dans
» tout ce qui ne fubvertit pas l'ordre de
Procédure actuellement établi , n'ait pasporté
les premiers regards fur une des
plus cruelles & des plus inutiles vexa-
» tions que les accufés fubillent. Par l'Or-
95
92
donnance de 1670 , les Juges peuvent
" envoyer les accufés d'un crime capital
» non feulement en priion , mais au cachot
; & ils ufent de ce droit. Pourquoi
» l'Affemblée Nationale le leur a - t - elle
DE FRANCE.
137
" laiffe ? Les cachots ne font bons à rien ;
» leur inftitution eft même contraire au but
"
幂
» des Loix , qui eft de ne punir le coupable
qu'après qu'il eft convaincu : or , les ca-
" chots puniffent d'avance & très - grave-
» ment un aceufé qui n'eft pas encore
convaincu , qui peut-être ne le fera jamais
, & qu'on fera peut- être forcé d'abfoudre.
Pourquoi l'Affemblée Nationale
n'at-elle pas aboli les cachots « ?
ود
»
""
"
"
"
Un autre article de ce même Décret de
l'Affemblée Nationale , porte »» que la con-
» damnation à mort ne pourra être pro-
» noncée par les Juges en dernier reffort
qu'aux quatre cinquièmes des voix . Il
paroît difficile de voir les motifs de cette
difpofition. Si , lorfque le plus grand
» nombre des Juges penfe qu'un accufé
eft coupable , on confent à croire que
la vérité eft toujours dans l'opinion de
» ce plus grand nombre , il faut accorder
» à la fimple majorité , comme l'avoient
fait les Grecs & les Romains , le droit
» de condamner à la mort . Si au contraire
» on regarde comune diaréyx tout crime
» dont une partie des Joges doute , il faut
">
"
"
"3
alors , comme en Angleterre , accorder
à la faule unanimité de droit de condam-
» ner à la mort . Ce n'eft pas la peine de
» s'écarter du Mezzotermine de l'Ordon-
" nance de 1670 , qui avoit exigé deux
» voix de plus pour fe repofer fur un au
33
23
138 MERCURE
" the Mezzotermine c'eft fubftituer un
» arbitraire à un autre arbitraire ; à moins
» pourtant qu'on ne veuille dire que les
quatre cinquièmes des Juges n'auront
jamais tort contre le cinquième qui fera
» d'un avis différent du leur , ce qui feroit
difficile à prouver « .
""
ود
Sans doute l'Affemblée Nationale fe propofe
de revenir fur ceux de fes Décrets
qui ne font que provifeites , & qu'elle - même
a donnés pour tels . Sans doute ce qu'il
peut y avoir de défectueux dans ces Décrets
ne fe retrouvera plus dans le travail
qu'elle prépare fur l'orde judiciaire ; l'adouciffement
du fort des accufés qui réfulre
de ces deux Décrets , n'eft vtaifemblablement
qu'un bienfait provifoire & une
préparation à de nouveaux bienfaits dont
nouvelle Jurifprudence nous fera bientôt
recueillir les fruits.
( C ...... )
DE FRANCE. 139
BIBLIOTHÈQUE choifie de Contes noùveaux
, ou traduits pour la première fois
des Anciens & des Modernes les plus
célèbres dans le genre agréable , tendre
ou badin & anecdotique ; pour fervir
de fuite aux Bibliothèques de Campague
, des Romans , à celles dites Amufantes.
15 Volumes in- 18 , jolie édition
portative de 2 à 300 pages chacun à
2 liv. le Vol. br. , 36 liv . les 15 Vol.
port franc. On en a tiré quelques Exemplaires
in-8° . beau papier , 12 Volum.
pour faire faite aux belles éditions de
Boccace & autres de ce format , « 8 liv.
franc de port, & fur papier vélin , 72 l.
A Paris , chez Royez , Libraire , quai
des Auguftins , près le Pont-Neuf.
›
Les Contes Italiens , 2 Volumes.
PERSONNE n'ignore que le genre du
Conte eft un de ceux où les Italiens ont
le plus excellé . Ce peuple eft naturellement
caufeur. Aufli voyons- nous , dans leur littérature
, à fa neillance , les Contes marcher
de front avec les productions poétiques les
plus ingénieufes ; & les Poemes épiques
140 MERCURE
ou héroïques , fi prodigieufement multipliés
chez eux , ne font , à proprement parler ,
que de longues narrations, embellies de rout
ce que la Poffie a de plus riche , de plus
brillant , & de tous les incidens naturels
ou merveilleux , par une inngination extrêmement
mobile. Le premier des volumes
qui entrent dans cette collection cft compofé
des Nouvelles Antiques , le plus ancien
des Recueils de ce genre connus en Italie ,
& Contemporains des Productions ingénicules
de nos Troubadours , de nos Fabliaux
, & c . On y diftinguera Baligant
Conte dans lequel fe trouve peut être l'original
de Gabrielle de Vergy , qui a fourni
à nos Romanciers & à nos Auteurs de
Théatre un fujet capable d'exercer utilement
leur imagination . Sachetti eft le troisième
des Conteurs qui contribuent à ce Recueil.
Contemporain de Boccace , il n'a peut- être
pas toute la pureté , toute la correction
de ce charmant modèle ; mais il a un caractère
d'originalité qui lai afligne un rang
diftingué dans fon gente . Les Contes intitulés
les trois Confeils, Frère Michel, & le Souper
du Chanoine , font très - plaifans , & ont
l'avantage de peindre , avec affez de naturel ,
les moeurs du fièce où vivoit l'Auteur. Un
feul Conteur moderne , François Soave ,
forme le deuxième volume de cette partie.
Ces Contes , deftinés à la jeuneffe , purs
& modeftes comme il convient à cet âge
renferment des traits extrémement intérefDE
FRANCE. 141
fans & moraux. Ils ont encore l'avantage
de pouvoir guider dans l'explication de la
Langue Italienné ceux qui en font leur
étude , par le foin qu'a pris le Traducteur
de fuivre littéralement l'original , fans rien
faire perdre à la copie de l'élégance & des
formes du ftyle. Cette partie de notre collection
cft due à M. Simon de Troies ( 1 ,
à qui nous avons auffi l'obligation des
Contes Grecs , défignés fous le titre des
Affections de divers Amans , &c.
Les Contes Orientaux , 2 Volumes.
L'imagination fleurie des Orientaux donne
aux productions de leurs climats une phyfionomie
fi particulière , fi différente des
nôtres , que la comparaifon feule y mettroit
un prix infini , quand même l'éclat des
couleurs qui les diftinguent n'y donneroit
pas un charme plus attrayant encore. Dars
ces deux volumes , exécutés par M. Langlès,
Auteur d'une traduction eftimée des Inftituts
Politiques & Militaires de Tamerlan ,
on trouvera un choix confidérable de
Contes, de Fables, de Sentences & de morceaux
de poéfies , tirés d'Auteurs Perfans ,
Arabes , Indiens , dont nous ne connoil-
( 1 ) Auteur d'un Choix de Poésies Erotiques
traduits du Grec , du Latin & de l'Italien , qui a
reçu les plus grands éloges. 2 Vol. 'in- 16,
142 MERCURE
"
fons pas même les noms. La rareté de
ces précieux matériaux , & plus encore
la rareté des Ecrivains capables de communiquer
avec les originaux , indiquent
fuiffainment P'eftime qu'ils méritent. Il
fullit de dire que toutes les pièces , quoique
de peu détendue , laiffent toujours une
idée forte , agréable , vive ou gracicule
dans l'efprit du Lecteur.
Les Contes François, Anglois, &c. 5 Vol.
Une grande variété de fujets , une diverfité
piquante de tableaux , de l'intérêt ,
de l'agrément , de la fraicheur , des idées
morales , des fituations attachantes , de la
vérité , de la légèreté , un goût exquis ,
voilà les principales qualités qui brillent
dans cette partie de notre collection . Un
examen détaillé du titre des pièces dont
elle eft compoffe , juft fieront ce jugement ,
moins encore cependant que la letu e
des Ouvrages eux-mêmes. On verroit dans
Clémence d'Argèles un tableau des haines
féodales , refte des moeurs chevalerefques
de nos enx ; dans le Noble , les effets
d'un préjugé que la raifon , & la révolution
préfente combattent avec avantage. Azeph ,
Oracle des Graces , le Palais des Richeffes
, la Bague d'Hébé , préfentent des
allégories aimables où l'inftructien fe
cache fous le voile de l'illufion . Le fentiment
& la philofophie trouveront un aliDE
FRANCE. 143
ment propre à leur nature , dans les scènes
variées , préſentées fous le nom de Folies
Sentimentales. Qui ne fe rappellera pas le
Diame intéreffant de Nina , & l'Actrice
célèbre qui a fait partager fon délire à tout
Paris , en litant le récit de plufieurs aventures
qui y ont le plus grand rapport , &
dont les évènemens , pour être différens ,
n'en font pas moins la preuve complète de
la foibleffe de notre ame , lorſqu'ele eft
dominée par une violente paffion ? Plufieurs
anecdotes piquantes , dont la plupart font
le fruit d'obſervations faires dans la fociété ,
& leur application à la morale , engageront
à lire le volume intitulé : l'Art de corriger
& de rendre les hommes conftans . Il fuffic
d'annoncer qu'il eft l'Ouvrage de Madame .
la B .... de Vaffe , pour qu'on s'attende à y
rencontrer cette fineffe , cette fagacité , cette
délicateffe , qui font le propre d'un fexe,
fait pour donner à la morale le charme
inexprimable des graces & de la fenfibilité .
Nota. On fépare ce volume , ainfi que
les précédens , à 2 liv. 8 fols le volume
in- 18 , & à 4 liv. l'in - 8° , franc de port ,
broché.
144 MERCURE
HISTOIRE dAngleterre , depuis la première
defcente de Jales Céfar dans cette
Ifle , jufqu'à celle de Guillaume le Conquérant
; écrite fur un plan nouveau par
le Docteur HENRI , l'un des Miniftres
d'Edimbourg. Ouvrage traduit de l'Anglois
par M. B ...... , pouvant fervir
d'Introduction aux Hiftoires de Hume &
des autres Hiftoriens de la Grande-Bretagne.
, Tome II & dernier , in- 4°. A
Paris , chez Nyon l'aîné & fon fils
Libraires , rue du Jardinet.
LA Traduction Françoife du premier
Volume de cet Ouvrage a paru l'année
dernière , & l'homme de Lettres , chargé
d'en rendre compte , a développé au long
les avantages & les défavantages de cette
manière d'écrire l'Hiftoire ; il fuffit donc
de rappeler au Lecteur le plan du Docteur
Henri. Tout l'Ouvrage eft divifé en dix
Livres. Chaque Livre commence & finit à
quelque Révolution remarquable , & contient
l'efquiffe hiftorique de la première de
ces Révolutions & de l'intervalle de temps
qui l'a féparée de la fuivante. Chacun de
ces dix Livres eft uniformément divifé en
fept Chapitres , qui ne continuent pas
le
DE
FRANCE.
145
le fil de l'Hiftoire
fucceffivement de l'un à
l'autre mais tous les fept Chapitres du
même Livre commencent à la même éprque
, embraffent la même période & finiffent
au même temps ; chacun de ces Chapitres
préfentent l'Hiftoire d'un objet particulier
, ainfi qu'il fuit. Par exemple , le
premier Chapitre de chaque Livre contient
I'Hiftoire civile & militaire de la Grande-
Bretagne pendant l'efpace de temps qui eft
le fujer de ce Livre. Le deuxième Chapitre
du même Livre contient l'Hiftoire de la
Religion ou l'Hiftoire
Eccléfiaftique de la
Bretagne pendant le même temps . Le 3 .
Chapitre contient l'Hiftoire de notre Conftitution
, de notre
Gouvernement , de nos
Loix & de nos Cours de Juftice . Le 4°.
renferme l'Hiftoire des Sciences , des Savans
, & des principales maifons deſtinées
à l'étude des Sciences. Le 5º . eft composé
de l'Hiftoire des Arts utiles & agréables.
Le 6. eft employé à donner l'Hiftoire du
Commerce , de la Marine , des Monnoies ,
& du prix des denrées. Enfin le 7 ° . & der
nier Chapitre eſt confacré à l'Hiftoire des
moeurs , des vertus , des vices , des ufages
remarquables, de la Langue , du régime, &
des
divertiffemens de la Grande - Bretagne
pendant le même intervalle . On a ſuivi exac
rement &
régulièrement ce plan , depuis
le
commencement juſqu'à la fin de cet Ouvrage
, de forte que chacun des dix Livres
qu'il contient , peut être regardé comme un
No. 35. 28 Août 1790.
H
746 MERCURE
modèle exact de tous les autres Livres , &
comme un Ouvrage complet en lui -même ,
jufqu'à l'époque où il finit.
Pour rendre ce plan encore plus régulier
& plus uniforme dans routes fes parties ,
l'Auteur a difpofé tous les Chapitres du
même genre , fuivant le même ordre , dans
tous les dix Livres , autant que los fujets
traités dans ces Chapitres l'ont perinis . Par
exemple , les Arts , qui font le fujet du cinquième
Chapitre dans chaque Live, font
rangés l'un après l'autre fucceffivement , fuivant
le même ordre dans tous les cinquièmes
Chapitres , dans tout le cours de l'Ouvrage .
Il en eft de même de toutes les matières auxquelles
l'Auteur affigne un Chapitre og un
Article particulier. Nous n'examinerons pas
fi , comme le prétend le docteur Henri , ce
plan qui agrandit le domaine de l'Hiſtoire ,
ne l'agrandit pas par une forte d'ufurpation
, & fi l'Hiftoire peut fe charger de
tant de détails relatifs à tant d'objets , dont
quelques - uns font prefque étrangers pour
elle. Mais le Livre du fieur Henri n'en fera
pas moins précieux à tous les efprits mérhodiques
, à tous les Lecteurs avides d'inſtruction
, & à ceux dont l'attention n'a pas befoin
d'être réveillée ou foutenue par l'intérêt
d'une narration fuivie. Au défaut de cet inté
rêt, la variété fera un mérite qui le rendra recommandable
à un grand nombre de Lecteurs.
Une Table des Matières , faite avec
le plus grand foin , préfentera à leur paDE
FRANCE. 147
reffe ou à leur curiofité , toutes les richelles
d'une immenfe érudition .
1
Cer Ouvrage a eu en Angleterre le plus
grand fuccès. Voici ce que M. Hume écrivoit
peu de temps avant la mort , fur les
deux premiers Volumes , les feuls dont il
eut connoillance. Le nombre de ceux qui
ont la plus haute eftime pour le premier
Volume de l'Hiftoire du Docteur Henti , clt ,
j'ofe le dire , prefque égal à celui de fes
Lecteurs , en les fuppofant toutefois , juges
compétens d'un Ouvrage de cette nature .
C'est bien fincérement aufi que je crois
pouvoir recommander la lecture de fon
fecond Volume à tout homme curieux de
connoître l'état de la Grande - Bretagne ,
à une époque qui , jufqu'à préfent , a
été regardée comme très ténébreuſe , &
mal décrite par les Hiftoriens , parmi lefquels
il n'en eft pas un feul qu'on puiſſe
dire avoir été bon. On ne fçauroit s'empêcher
d'admirer l'adreffe merveilleuse avec
liquelle le Docteur Henri a fu compofer
un Livre aufli inftructif & auſſi intérellant ,
avec des matériaux qui promettoient fi peu.
Il a élagué tous les ornemens fuperflus ;
& le Lecteur aura peine à trouver dans
notre Langue un Ouvrage qui réuniffe au
même degré de perfection que celui- ci , les
deux plus grandes qualités qu'on puiffe attendre
des Productions littéraires , l'inf
truction.
H 2
14S
MERCURE
Il e inutile de rien ajouter après ee- témoignage
de M. Hume .
L'intervalle qu'embraffe le ſecond Volume
, eft dep is lan 449 juſqu'à l'an
1066 , depuis l'arrivée des Saxens jufqu'à
la defcente de Guillaume , Duc de Normundie.
L'Auteur fair marcher de front
avec l'Hiftoire d'Angleterre celle d'Ecoffe
& du pays de Galles , dont il a découvert
plufieurs monumens curieux ; &
c'eft un des avantages qu'il a fur tous les
Hiftoriens Anglois , qui ne parlent qu'accidentellement
de ces deux contrées.
ر
VARIETÉS.
AUX AUTEURS DU MERCURE.
MESSIEURS
Paris , 18 Août 1790.
Si les caractères d'une action vertueule fout ,
comme je le crois , d'être utile à l'humanité ,
d'être faite fans fafte ni ambition de récompenfe,
il en eft peu qui réuniffent plus éminemment ces
caractères que celle dont les hafards les plus finguliers
ont confervé la trace dans la Lettre dont
j'ai l'honneur de vous donner une copie. J'en
ai cru devoir offrir l'original à la famille de M.
DE FRANCE.
l'Abbé Morellet ; mais fa publicité dans votre
Journal eft le feul prix digne de lui ; elle affermia
cette opinionefi précieuſe aux ames honnêtes
, que la Providence veille fans ceile à la récompense
de la vertu.
·
OF DESMON BLANC ,
Rue & Ifle St-Louis , N°. 19?
LETTRE à M. d'AB A DIE , Gouverneur de la
Baflille, détachée d'un Recueil de Lettres Mi
nifiérielles trouvées à la Baftille .
A Paris , le 21 Juillet 1760.
1.2 28
Je vous prie , Monfieur , de faire donner au
Sr. Abbé Morellet , détenu de l'ordre du Roish
la Baftille , la promenade de la cour intérieure du
Château , tous les jours pendant trois heures ; ch
prenant les précautions ordinaires .
Je fais avec refpect ,
MONSIEUR
:
-1
Votre & c. DE SARTINE.
251
( Exécuté le préfent ordte le 22 Juillet 1760 ,
à l'exception que le prifonnier n'a voulu avoir
qu'une heure par jour par difcrétion , de peur
d'en priver quelque autre prifonnier. )
2
H3
MERCURE
R
VIS.
f
Bibliothèque des Villages , par M. Berquin .
Laliberté veut des hommes & des Citoyens ;
elle njen peut créer que par l'inftruction .
Celle que ja éclame pour les campagnes
n'eft pas compofée de cetre foute de connoiffances
frivales dout on arufe le loifr des villes .
Simple comme les befoins de l'Habitant du village
, proportionnée à fon intelligence , elle
doit furtout parker toujours viveinent à fon
coeur, & toujours jufte à fa railan .
Un petit nombre de connoillances phyfiques
& naturelles pour le tenir en garde contre la
Charlatanerie , pour le préferver ou le guérir de
Jai fparficongi shu
nb Le développement de ces vérités fimples , mais
fécondes , de la morale univerfelle , qui doivent
élever les idées , éparer fs fentimens , fonder
tous les principes , foir de fes actions particuliè
res , foit de fa conduite envers les autres ; C
L'objet & les avantages des conventions fociales
, l'intérêt qu'il a de les obferver fidèlement ,
l'indifpenfable néceffité de travailler à la profpérité
publique pour fon propre bonheur ;
Enfin la Conftitution mife à la portée , le prix
de la liberté dont elle veut le faire jouir , avec
Jes juftes bornes de fon étendue , le zèle pour
les fonctions qui lui feront confiées , le refpec
pour les Loix , & l'amour de la Patric :
·
Tels font les principaux objets que j'embraffe
dans le plan de fon inſtruction , & ſur leſquel
DE FRANCE.
j'ai, tâché de répandre la clarté , l'onction , &
même tous les agrémens qui ont pu s'accorder
avec la fimplicité du langage.
Cette inftruction & utile , & cependant jufqu'à
ce jour fi étrangère aux campagnes , pourroit
y être univerfellement répandue avec autant de
promptitude que de facilité , par la fondacion que
chaque Municipalité nouvelle , animée aujour
d'hui de l'efprit public , feroit dans fon village
de la petite Bibliothèque que je propofe. Un
Exemplaire en feroit déposé chez le Curé de
chaque Paroille , & tous les Volumes partitoient
tour à tour de les rains pour circuler dans toutes
les fermes & dans toutes les chaumières .
( Quoique cet Ouvrage foit généralement def
tiné aux gens de la campagne , il n'en convient
pas moins à la claflè la plus nombreufe des Habitans
des villes. Ils ont tous un égal befoin de
fortir de l'ignorance qui les avilit . Les principes
généraux de morale & d'inftruction civique , ainfi
que la manière de les préfenter , doivent être les
nêmes pour les uns & pour les autres. D'ailleurs
ceux-ci, pour la plupart , étant nés kors du fein
des villes , où ils ne font entrés qu'après leur
première jeuneffe , tout ce qui tient aux habitudes
& aux moeurs champêtres , doublera pour
eux d'intérêt , en réveillant de touchans fouve.
nirs; & ce ne fera pas fans doute ce qui leur
infpirera le moins vivement le goût des fentimens
honnêtes. C'est par ces confidérations que j'enge
MM. les Curés & les Officiers Municipaux
des villes à fe concerter , comme ceux des campagnes
, pour répandre cet Ouvrage parmi le
Peuple confié à la vigilance de leurs foins. )
Une lecture inftructive & touchante , faite par
un père de famille pendant les longues foirées
de l'hiver , au dans ces journées pluvieufes qui
152 MERCURE
fufpendent les travaux ruftiques , rempliroit utilement
fon loifir , & charmeroit les occupations
de fa femme & de fes enfans . Pntre de bons
voifins réunis dans les veillées , auprès du lit des
malades , dans les ateliers de chavité , dans les
falles de convalefcens des Maifons hofpitalières ,
pendant les heures de déiaffement des travaux
publics , ou des vendanges & des moiffons , ele
prendroit la place de ces Hiftoires licencieufes
qui corrompent les coeurs , de ces Contes abfurdes
de fortiléges qui troublent les imaginations ,
de ces propos de médifance & de calonnie qui
sement la difcorde entre les familles , engendrent
les haines , les querelles & les procès , & plus
d'une fois ont occafionné des violences & des`affaffinats.
L'effet naturel d'une heureufe impreffion
reçue à la fois dans toutes les ames , &
fortifiée par fa communication , feroit d'éclairer
les efprits , d'adoucir les moeurs , d'infpirer le
goût de la paix , de l'ordre & de la juftice , de
faire naître la fraternité , la bienfaifance , & le
patriotifime , & d'étendre ainfi l'empire de toutes
les vertus.
Miniftrés d'un Dieu , l'ami du pauvre , vous
dont il emprunte la voix pour parler au coeur de
' Habitant des campagnes , le détourner du vice
& l'arracher à l'ignorance & à l'errer , c'eft à
vous de diriger l'ufage d'un Livre , qui , en infpirant
la confiance & le refpect pour vos fonctions
auguftes , peut préparer le fuccès de vos
leçons.
Et vous , femmes tendres & généreufes , qui ,
non contentes de faire verfer en fecret vos dous
fur l'indigence , allez vous-mêmes vifiter la douleur
dans fa chaumière & lui apporter la confolation
, fouffrez que j'accompagne vos pas pour
yous aider à foutenir la patience & à relever le
DE FRANCE
353
courage du malheureux , & pour lui faire trouver
un adouciflement à fes peines dans le fentiment
même de la reconnoiffance dont je veux.
l'animer pour vos bienfaits .
Vous enfin , qui avez placé votre habitation
ordinaire loin de la corruption des villes , ou
qui fuyez leur tumulte dans les beaux jours de
l'année , pour aller jouir du calme des champs ,
fongez combien il importe au foin de votre
repos de contribuer à répandre au fein des campagnes
une inftruction qui enfeigne à leurs Habitans
les moyens de vivre heureux fans être
jaloux de vos jouiffances , qui leur indique les
biens qu'ils peuvent recueillir du voifinage de
votre féjour , par une heureuſe intelligence entre
la richeffe & le travail , qui leur infpire la honte
de la fraude , le dégoût de la chicane , & furtout
une profonde horreur pour les excès où une
ignorance aveugle les a malheureufement entraînés
dans ces derniers temps.
Le caractère évident d'utilité que préfente cer
Ouvrage , la modicité de fon prix , la confiance
que les pères ont daigné m'accorder pour leurs
enfars , tout me fait efpérer qu'il y aura peu de
Corps Municipaux qui ne s'empreflent de répondre
au veu formé par l'Affemblée Nationale
pour l'inftruction du Peuple. Je m'emprefferai ,
de mon côté , de faire connoître à la fin de chaque
Volume les noms de ceux qui feront entrés
dans ces vûes patriotiques
J'attends auffi le même zèle de la part de
MM. les Curés . Indépendamment des perfonnes
aifées qui le trouvent fur chaque Paroiffe , dans
les Communes même les plus pauvres , il leur
fera aifé de former de petites cetifations volontaire
pour les frais d'un Etabliſſement deſtiné à
Pufage commun & dont la dépenſe eſt aufli
modique.
154
MERCURE
1
J'invite toutes les perfonnes inftruites de l'état
des campagnes , à m'envoyer des Mémoires fur
tout ce qui peut fe rapporter au plan que j'ai
tracé ; je me ferai un devoir de profiter de leurs
lumières ; mais je dois les prévenir que je ne
pu's m'engager à lier une correfpondance qui
me détourneroit de mon travail . Je les prie auffi ›
de vouloir bien affranchir leurs lettres , dont le
nombre m'occafionneroit une dépenfe trop maltipliée
, qui fera peu de chofe pour chacune
d'elles en particulier .
La Bibliothèque des Villages fera compofée de .
dix petits Volumes , d'environ 100 pag. chacun ,
imprimés en beaux caractères , & avec la plus
grande correction .
J'ai cru devoir adopter cette divifion en pla
fieurs Volumes , foit pour favorifer leur circulation
, foit pour offrir un moyen moins difpendieux
de remplacer ceux qui pourroient fe gâter.
ou fe perdre , & d'entretenir ainfi la petite Bibliothèque
toujours complette , foit enfin pour
multiplier dans les mains bienfaifantes la facilité
d'en faire des cadeaux & une cfpèce de prix de
conduite pour les jeunes gens.
Ces dix Volumes paroîtront fucceffivement le,
1er. de chaque mois , à commencer du seŋ. Juillet
1790. ( I en paroît trois actuellement . )
La Soufcription pour ces dix Volumes , ' rendus
port franc par la Pofte dans tous les villages ,
Chaque Volume , féparément ,
12 fous , auffi franc de port.
fera de 6 livres .
-
On peut fouferire à tous les Bureaux de Poſte
avec la précaution d'affranchir les lettres & le
port de l'argent , fans quoi ni l'un ni l'autre ne
feroient retirés , & adreffer le tout à M. le Frice ,
Directeur du Bureau de l'Ami des Enfans , rue de
DE FRANCE. Iff
l'Univerfité , Nº. 28 , à Paris. On trouve à la
même adreffe :
And
L'Ami des Enfans , par M. Berquin ,
24 Volumes .
L'Ami de l'Adolefcence, par le même ,
12 Vol. , précédé de l'Introduction familière
à la connoiffance de la Nature , ;
Vol.; les 15 Volumes , ... .....
161. 4 £
10
}
Sandford & Merton , 7 Vol ........ S
Le Petit Grandiffon , s Vol……………… ..
Lectures pour les Enfans , ou Choix
de petits Contes & Drames , également
propres à les amufer & à leur infpirer le
goût de la vertu , 4c. édit. S Vol.....
Total..
6
4
12
41 liv.
Chacun de ces Ouvrages qui forment enſemble
56 Volumes , fe vend féparément aux prix marqués
ci - deffus , port franc par la Pofte. Ceux qui
prendront la Collection entière , ne payeront les
56 Volumes que 36 liv. au lieu de 41 liv . , augi
Fort franc par la Pofte.
Nota. L'Editeur a cru devoir rendre ces Ouvrages
de l'acquifition la plus facile , pour prévenir
l'effet d'une contrefaçon qui fe répand dans la
Province ; contrefaçon qui fourmille de fautes , &
dans laquelle on s'eft permis de tronquer au hafard
, & de retrancher même beaucoup de pièces ,
afin d'impofer au Public , en lui offrant à plus bas
prix l'Ouvrage ainfi défiguré , quoique fous le
même titre.
MERCURE DE FRANCE .
L'EPOQUE de la Révolution dans le Gouvernement
François , fe a auffi celle où les Arts prendront
ce haut degré qui a donné tant d'éclat aux
Grecs & aux Romains .
Le projet d'un Palais National, que nous nous
empreilons d'annoncer , paroît avoir été conçu
avec ces grandes idées qui conviennent à la dignité
d'une Nation libre.
Parmi les détails immenfes de ce vaſte Plan ,
on en diftingue qui ont une application ingénieufe
& du plus grand intérêt ; tel que de fa re
porter des obélifques far des faifceaux compofés
des 83 Bannières des Départemens , de placer
dans les colonnades qui forment la cour du Palais
, des tables de bronze portant tous les Décrets
de l'Affemblée Nationale & la Conftitution
du Gouvernement , & c. & c .
C'est à regret que nous nous voyons forcés ,
par les bornes de notre Feuille , de ne pas nous
étendre davantage fur les détails de ce vafte
Plan ; mais nous engageons nos Lecteurs à avoir
recours à l'Ouvrage même , ils y trouveront des
Planches gravées & d'une grande perfection.
L'Auteur de ces Projets eft M. Rouſſeau , Architecte
, Infpecteur des Bâtimens du Roi. Prix,
3 liv. A Paris , chez les Mds . de Nouveautés.
QUATRAIN.
Mort de l'rocris.
A Masame
Epigramme.
...
TABL E.
Charade , En. Log.
111 Fa: 129
122 Hiftoire.
144
126 Bibliothèque. 339
148
1271
ibid. Varietés.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 24 Juillet 1799 .
La catastrophe qu'a essuyé , dit-on , l'escadré
légère Suédoise ausortirdu golfe de
Biorko , s'est accréditée par des rapports
multipliés. Un aviso Danois , qui suivoit
la flotte Russe , arrivé le 12 à Copenhague,
á reparlé de cette défaite. M. Fabritius
Capitaine de ce bâtiment , rapporte;
Que , le 3 de ce mois , les deux divisions
de l'escadre des galères Russes , sous les
ordres du Prince de Nassau , ont attaqué l'escadre
des galères Suédoises dans le détroit
de Biorko , et l'ont entièrement détruite ;
une partie des bâtimens Suédois a été brûlée
, et 35 autres se sont rendus au vainqueur.
La grande escadre Suédoise , forte de
No. 32. 7. Août 1790 . A
( 2 )
voiles , a profité d'un ouragan pour se tirer
de la position embarrassante où elle étoit
engagée ; le 5 ,[ elle se trouvoit devant le port
de Sweaborg , et manoeuvrait pour y entrer.
L'escadre Russe qui l'avoit poursuivie , n'en
étoit éloignée que de 2 lieues.
Si les Suédois n'ont pu gagner Swea
borg , il est probable que le Duc de Sudermanie
aura essuyé un nouveau combat
quelques avis de mer l'annoncent
emer
déja , et font perdre à ce Prince plusieurs
vaisseaux de ligne ; mais des nouvelles
plus authentiques nous feront seules discerner
l'exagération de la vérité, On doit
même suspecter encore une partie des
détails racontés par le Patron Danois ,
qui fait monter à 100 galères détruites
où prises la perte des Suédois . On ne
sait encore rien de très- certain sur le
sort du Roi , que diverses lettres néanmoins
s'accordent à dire sain et sauf: il
est vraisemblable , en effet , que ce Prince
aura passé sur la grande flotte , pour se
soustraire au péril que couroit sa flotille.
Comptant sur son courage , encore plus
que sur la prudence , et voulant compenser
la médiocrité de ses forces par la
hardiesse de ses entreprises , ce Monarque
, aussi téméraire que Charles XII,à
préféré de courir les aventures hasardées,
à suivre un plan de campagne réfléchi. IÍ
`s'est renfermé dans le golfe de Wibourg,
pour effrayer les femmes de Pétersbourg,
comme s'il n'avoit eu pas un Ennemi en
( 3 )
mer. Bientôt les Russes ont rassemblé
leurs forces , et les Suédois ont été cloués
dans le golfe , entre une côte ennemie et
une flotte supérieure . Les vivres leur ont
manqué ; il a fullu sortir du défilé : la
houle qui favorisoit la sortie de la grande
escadre , a causé , à ce qu'on croit , la
ruine des galères. Cet événement emraîneroit
, non - seulement une perte immense
d'hommes et de bâtimens , mais, de
plus , il seroit irrémédiable . Les opérations
de terre en Finlande ne pouroient
plus être soutenues , ni la flotte
Suédoise tenir la mer sans danger : les
ports de la Suède et Stockholm en particulier
, resteroient à découvert, et nous ne
sommes qu'au milieu de la saison . Il faut
convenir que les Russes ont mérité cet
avantage par leur habileté à profiter des
fautes de leurs Ennemis.
P, S. Nous venons de recevoir nos
lettres de Stockholm , du 17 : elles
contiennent des éclaircissemens authentiques
qui détruisent la plus grande partie
de la relation Danoise , et y ajoutent
celle d'une action postérieure qui a dissipé
toutes les craintes. Quant au com-
-bat livré à la sortie du golfe de Biorko ,
le récit officiel publié le 13 à Stockholm ,
annonce ce qui suit :
" Par le Courrier arrivé hier de Finlande ,
nous avons reçu la nouvelle fâcheuse que ,
dans un combat qui s'est engagé la nuit da
A ij
( 4
3 au 4 Juillet entre la grande flotte sous les
ordies du Duc de Sudermanie et celle des
Russes , la nôtre a beaucoup souffert , et
qu'un vent défavorable , encore plus que le
canon de l'Ennemi , nous a fait perdre plusieurs
vaisseaux ; on porte leur nombre à 8
ou 10 , mais dont il n'a été pris par l'Ennémi
qu'un seul vaisseau de ligne et une frégate;
les autres ont échoué sur les bas fonds et sur
les rochers , où on les a brúlés , après en avoir
retiré les équipages : 14 vaisseaux de ligne et
les fregates sont déja rentrés dans le port de
Soraborg ; plusieurs autres vaisseaux et bâtimens
y sont attendus. Le Duc de Sudermanie
a éte légèrement blessé à l'épaule.
Nous attendons avec impatience les détails
de cette affaire , ainsi que des nouvelles ultérieures
du Roi , avec la flotte légère qui
a peu souffert ; il s'est retiré à Swensksund ,
où il est arrivé le 4 au soir. »
Les alarmes qu'avoit inspiré ce premier
engagement , ont été détruites par
le Baron de Stiernbald , Aide - de- camp
du Roi , parti le 10 de Swensksund , et
qui , le 16 , a remis à la Reine les nouvelles
suivantes :
"
Apresla retraite de Wibourg , notre flotte
légère a été attaquée à Swensksund , par le
Prince de Nassau , le 9 de ce mois , à 10 hemnes
du matin. Le combat a duré 24 h. La vivacité
du feu ne s'est rallentieque depuis minuit, jusqu'à
deux heures , à cause de l'obscurité. Le
lendemain , vers les 10 heures , la victoire
s'est entièrement décidée pour nous . L'Ennemi
battu a pris la fuite dans le plus grand
désordre. Le Roi commandoit en personne,
ayant sous lui le Lieutenant -Colonel de
( 5 )
Cronstedt. Notre perte e consiste qu'en un
Udemas Fergebor , avec deux chaloupes canonnières
qui ont été coulées à fond. On a cependant
sauvé les équipages. Le nombre des
Officiers et des Soldats taes n'est pas considérable
. En attendant les détails de cette
affaire importante , nous donnons iei un état
des navires Russes , pris ou coulés à fond
d'après la relation signée par M. de Cronstedt
à Swensksund , le 10 de ce mois.
D
Cet état nominatif porte 44 bâtimens
Russes pris , on perdas , savoir ; 15 frégates
de 34 canons , dont 3 prises , et 2 coulées à
15 galères de 18 et 15 canons
To prises , 3 échouées sur les bas fonds , et
2 coulées à fond .
fond;
Trois chebecs de 18 canons , pris.
"
dont
Neuf galiotes de y canons , dont six prises
deux échouées , une brûlée.
Deux batteries flottantes ; une prise, l'autre
échouée.
• Quatre cutters pris.
Quatre chaloupes canonnières échouées.
Outre ces bâtimens , onaenlevéquatre
étendards , dont deux du Régiment de
Kexholm , 110Officiers ,prisonniers , parmi
lesquels le Brig dier de Denischew ,
le Capitaine de pavillon du Prince de
Nassau , et 2000 Soldats ou Matelots.
Une autre lettre de Stockholm , en date
d114 , confirme les détails précédens , et
ajoute ce qui suit sur l'affaire du 3 au 4.
64 le
Un bon vent d'Est s'étant élevé le 3 ,
Duc de Sudermanie en profita pour s'ouvrir
nn passage à travers de l'escadre ennemie
il l'effectua , mais avec perte des vaisseaux.
A iij
( 6 )
suivans : l'Enighet , vaisseau de ligne , sauté;,
la Justice et la Sophi - Mag leleine, idem , pris ;
La Finlande , la Louise Ulrique , l'Oemhet et ,
'Hedvige- Charlotte , échoués et brúlés : en
tout , 7 vaisseaux de ligne . Les frégates per-;
dues sont , la Zémire sautée , le Jaroslaw
pris , et Uplande échouée. On varie dans
l'evaluation du nombre des Solda : s et Mate- ,
lots pris ou péris.
De Berlin , le 23 Juillet.
La grande Armée , sous les ordres im- ,
médiats du Roi , est repartie en deux
divisions , dont l'une est commandée par
le Général de Mollendorf. Le Corps
sous les ordres du Duc Frédéric de
Brunswick est cantonné entre Sagan et
Nauenbourg sur le Bober ; l'avant-garde
est avancée jusqu'au delà de Sprottal .
– L'armée de la basse Silésie a aussi
pris ses cantonnemens. Les Gens d'armes
sont à Zislau ; la plus grande partie des
Régimens qui composent la garnison
de cette Capitale , sont à quatre milles
des frontières de Bohême. Les Hussards
d'Eben sont à Fiedland.
--
Telles sont les dispositions topogra
fiques du moment elles prouvent que
rieu encore n'est définitivement arrêté
au Congrès de Reichenbach . Aux ar
ticles que nous avons rapportés antérieurement
, et sur lesquels on prèsumoit
les Plénipotentiaires d'accord , on
ajoute d'autres préliminaires. La Cour
( 7 )
de Vienne céderoit à la Pologne une
partie de la Gallicie , avec la ville de
Brody ; la Prusse auroit Thorn et Dantzick
; les Turcs céderoient une partie
de la Valachie et de la Servie ; Choczim
et son territoire resteroient aux Autrichiens
; enfin , le Roi de Prusse donneroit
son Suffrage Electoral au Roi Léopold
pour la Couronne Impériale . Ces
prétendus articles n'existent vraisemblablement
encore qu'éventuellement : s'ils
étoient signés , les armées ne resteroient
pas en présence.
De Vienne , le 23 Juillet
:
― ·
Ce fut le 16 qu'en apporta à S. M. A.
la triste nouvelle de la mort du Maréchil
de Laudhon , décédé au quartier
général de Neutischein des suites d'une
strangurie son corps sera transporté à
si terre d'Hadersdorf, où on l'inhumera .
Ce vénérable guerrier meurt à l'âge de
78 ans , et au lit d'honneur , n'ayant jamais
interrompu sa longue et périlleuse
Carrière , et jusqu'au dernier moment
ayant donné au Souverain des preuves
d'un zèle infatigable . Né pauvre , et ayant
servi long- temps et duremént dans les
Troupes légères , M. de Laudhon , malgré
un tempérament très- robuste , avoit
été usé avant le temps , par ce service
toujours pénible , et que le défaut de
ressources rend plus accablant encore.
La grandeur de cette perte a été univer-
A is
( 8 )
sellement sentie dans les circonstances ,
quoique le grand âge et les maladies de
M. de Laudhon nous y eussent préparés
Le Maréchal de Lasey est nommé au
commandement de l'armée en Moravie,
dont le Général Joseph de Colloredo
reste chargé par interim.
>
Le Général de Vins a entamé , en
Bosnie , le siége de Cettin , défendu valeureusement
par les Naturels. Le Gnéral
Bubenhofen s'étant emparé , le 25
Juin , d'une hauteur d'où il commença à
tirer sur la place , les Assiégés firent une
sortie , dans laquelle M. de Bubenhofen
recut un coup de feu fort dangereux . Le
7 de ce mois , la place tenoit toujours ;
un Corps d'Ottomans s'étoit avancé pour
la soutenir.
Les Gardes Nobles ont reçu l'ordre de
se préparer au voyage de Francfort qui
paroît fixé vers la mi - Août . Il paroît que
Je Roi et la Famille Royale ne se rendront
pas.sitôt à Bude. On continue néanmoins
les préparatifs de ce dernier départ . Quoi
que plusieurs Gentillâtres de Hongrie
aient inséré dans les instructions pour le
Diplome inaugural , des articles extravagans
qui réduiroient la condition du Roi
au dessous de celle d'in: Roi de Pologne ,
la Diete ne leur donnera aucune s :ite , et
déja les deux Chambres ont déchiré et
jeté au feu cette imbècille capitulation ,
que des Folliculaires étrangers nous donnoient
comme le voeu de la Nation, L
( 9 )
FRANCE..
De Paris te 4 Août
?
ASSEMBLÉE NATIONALE.
DU LUNDI 26 JUILLET.
Après la lecture du Procès - verbal , M
Malouet a présenté , au nom du Comité de
Fa Marine , un projei de Décret qui accorde
au Ministre de la Marine un million pour la
dépease extraordinaire de l'armement de
Biest , pendant le mois d'Août , et qui fixe
un tarif de reduction , sur le traitement pour
la table des Officiers Généraux et a tres de
Ja Marine . M. Biauzat a contesté la nécessité
de ce traitement , nou d'aprèsses Lumieres ,
il a avoué n'en avoir aucune sur la Marine
mais sur l'autorite d'un Manuserit qui est
sous presse, et dont l'Auteur jage les dépeeses
de la Marine excessives . L'Opinaut
s'est étonne ensuite qu'on donnât une table à
l'Amiral el au Vice -Amiral , et il est étonné
encore des fortunes rapides que fout les Of
ficiers de la Marine , dont plusieurs ont demagnifiques
Maisons de campagne auprès de
Foulon.
44
M. de Biauzat , & repliqué. M. Malouet
pouvoit se dispenser de nous dire qu'il ne con
noit pas la Marine ; son discours nous l'apprenoit
assez. li ne sait donc pas encore
qu'un Amicalet en Vice-Amiral ne uhontent
pas le même vaisseau , et qu'il faut une
iable à chacun d'eus. Quant aux fortunes:
rupides , j'en connois certes bien peu , et à
coup sûr la mienne n'est pas dans ce cas.
痴
Av
( 10 )
M. Camus a fait ensuite son Rapport sur
la création de nouvelles pensions , en remplacement
de celles qu'on supprime . Un
exorde pathétique a précédé l'énoncé des
articles , adoptés presque sans aucune discussion
, parce que la lassitude et l'inutilité
prouvée d'aucune opposition , ferment la
bouche aux plus infatigables.
"
ART. I. Les personnes qui ayant servi
P'Etat , se trouveront dans les cas déja terminés
par les Décrets de l'Assemblée , des
10 et 16 du présent mois , ou dans les cas qui
restent à déterminer d'après les rapports par
ticuliers , relatifs à chaque nature de service ,
obtiendront une pension de la valeur réglée
par lesdits Décrets . S'ils avoient déja une
pension , mais de moindre valeur que celle
que lesdits Décrets leur assurent , la pension
dont ils jouissoient demeurera supprimée , et
elle sera remplacée par la pension plus considérable
qu'ils obtiendront. "
" H. Les Officiers généraux qui , par la
nouvelle organisation de l'armée , ne seront
pas conservés en activité , seront regardés
conime retirés ; et il sera rétabli une pension
en faveur de ceux de ces Officiers qui , ayant
fait deux campagnes de guerre , en quelque
grade et en quelque lieu que ce soit , avoient
précédemment obtenu une pension . »
La pension rétablie ne sera jamais plus
forte que ceile dont on jouissoit . Si la pension
dont on jouissoit , étoit de 2000 liv. ,
ou plus , la nouvelle pension sera de 2000 liv.
pour l'Officier général qui aura fait deux
campagnes de guerre ; elle croîtra de 5co l .,
à raison de chaque campagne de guerre audelà
des deux premières ; mais cet accroissement
ne pourra porter le total au- delà de
( ii )
la somme de 6000 liv . , qui est le maximum
fixé pour les pensions mentionnées au present
article.
30
Ill . Les Oficiers des troupes de ligne
et des troupes de mer qui avoient servi peadant
vingt années dans les troupes de ligne
ou dans les troupes de mer , qui avoient fait
deux campagnes de guerre ou deux expeditions
de me , dans quelque grade que ce
soit , et auxquels leur retraite avoit été accordée
avec une pension , soit par suite des
réformes faites dans la guerre ou dans la
Marine , soit à une époque antérieure aux
Reglemens qui seront mentionnés en l'article
suivant , jouiront d'une nouvelle peasion
créée en leur faveur , laquelle ne pourra
excéder celle dont ils jouissoient , mais pՌoՈurra
Lai être inférieure , ainsi qu'il sera di ra
l'article VII. »
14
IV. Les personnes qui n'étant ni dans
Pun , ni dans Pantre des cas prevus par les
deux articles précédens, auront obtenu , avant
le premier Janvier 1990 , une pension pour
services rendus à l'Etat , dans quelque Des
partement que ce soit , en conformite des
Odonnances et Réglemens faits pour lesdits
Départemens , jouiront d'une nouvelle
pension rétablie en leur faveur , laquelle ne
sera jamais au-dessus de celles dont eil . s
jouissoient précédemment , mais pourra être
au dessous dans les cas prévus par l'art. VII. »
V. Les yeuves ou les enfans des Offciers
tués au service , qui ont obtenu d.s
pensions , en conformité des Ordonnances et
Reglemens faits pour les Départemeus dans
lesquels leurs maris étoient attachés à an
service public , jouiront de nouvelles pensious
rétablies en leur faveur , et pour la même
"
A vi
( 12 )
somme à laquelle elles étoient portées , sous
la condition néanmoins que lesdites pensions
n'excéderont pas la somme de 3000 Îiv. , qui
sera le maximum des pensions rétablies en
faveur des veuves. »
Les veuves de Maréchaux de France
qui avoient obtenu des pensions , jouiront
d'une pension de 5000 liv . , qui sera rétablie
en leur faveur.
" VI: Les anciens Règlemens portés sur
les pensions ayant , à differentes époques ,
soumis des pensions à des réductions , converti
en rentes viagères des arrérages échus
et non payés , suspendu jusqu'à la mort des
pensionnaires d'autres arrérages échus et
non payés , il est déclaré , 1 ° . que la disposition
des articles précédens , qui porte que
les pensions rétablies n'excéderont pas le
montant des pensions anciennes supprimées ,
s'entend du montant desdites pensions , déduction
faite de toutes les retenues qui ont
eu ou dû avoir lieu pendant le cours de
l'année 1789 ; toute exception aux Règlemens
qui établissoient lesdites réductions étant
anéanties. "
И
2°. Que les rentes viagères , créées pour
arrérages échus et non payés , continueront
à être servies aux personnes même dont les
pensions se trouveroient supprimées sans espérance
de rétablissement ; et hors la nourelle
pension aux personnes en faveur des
quelles une nouvelle pension seroit rétablie.
»
00
3°. Que les arrérages échus , non payés
et portés en décompte sur les brevets , seront
compris dans les dettes de l'Etat , et payés
comme telies , tant à ceux dont les pensions
( 13 )
sont supprimées , qu'à ceux qui obtiendront
une nouvelle pension .
"
VII. Les pensions rétablies en vertu des
articles précéders , et dont le maximum n'a
pas été fixé , ne pourront excéder la somme
de 10,000 liv . , si le pensionnaire est actuellement
âgé de moins de soixante-dix ans ;
la somine de 15,000 liv. , s'il est âgé de
soixante- dix à quatre- vingt ans ; et la somme
de 20,000 liv. , s'il est âgé de plus de quatrevingt
ans. Tout ce qui excederoit lesdites
sommes demeurera retranché. »
"E
Ceux qui , ayant servi dans la Marine
et les Colonies , auront atteint leur soixantedixieme
année , jouiront de la même faveur
que les octogénaires.
"
ן כ
Les veuves des Maréchaux de France
qui ont atteint l'âge de soixante-dix ou de
quatre- vingt ans , jouiront de la faveur accordée
à cet âge. "
་་
VIII. Il ne sera jamais rétabli qu'une
seule pension en faveur d'une seule personne ,
quand même elle auroit servi dans plusieurs
Départemens , et quand niême ce dont elle
jouit en pension lui auroit été accordé originairement
en plusieurs articles ; décrété sauf
rédaction .
60
"}
IX. Ceux qui , ayant fait quelqu'action
d'éclat , ou rendu des services dignes d'une
gratification d'après les dispositions des articles
IV et VI , des Décrets du 10 de ce
mois , n'en auroient pas été récompensés , ou
ne l'auroient été que par une pension , qui se
trouveroit supprimée sans espérance de rétablissement
, seront récompensés sur le
fouds de deux millions destinés aux gratifications.
"
. X. Les personnes qui , ayant droit à
( 14 )
une pension ou à une gratification , préféreroient
aux recompenses pecuniaires les
récompenses énoncees dans l'article V du
Décret du 10 de ce mois , en feront la déclaration
, et l'adresseront au Comité des
Pensions , qui en rendra compte au Corps
Legislatif.
"
XI. L'Assemblée Nationale se réserve
de prendre en considération ce qui regarde
les secours accordés aux Patriotes Hollandois
; etjusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur cet
objet , les secours continueront d'être distribues
comme par le passé. "
« XII . Pour subvenir aux besoins pressans
des personnes qui , se trouvant privées des
peasions qu'elles avoient précédemment obt
aues, n'auroient pas de titre suffisant pour
en obtenir de nouvelles , et ne seroient pas
dans le cas d'être renvoyees , soit à la liste
civile , à cause de la nature de leurs services
, soit au Comité de Liquidation , à
cause des indemnités dont elles prétendroient
que leur pension est le remboursement , il
sera fait un fonds de deux millions , réparti
et distribué d'après les règles suivantes :
50 portions de 1,000 liv. , mille portions de
5cc liv. , 4,002 portions de 200 liv. , 1,332
de 150 liv. Les secours de la première classe
ne seront donnés qu'à des personnes mariees
o ayant des enfans ; ceux de la seconde
classe pourront être donnés à des personnes
mariées ou ayant des enfans , ou sexagénaires
; les secours de la troisieme classe seront
distribués à toutes personnes qui y auront
droit, "
K
XIII. Les mémoires présentés dans les
differens Départemens par les personnes qui
ont obtenu des pensions , les décisions ori(
15 )
ginales intervenues sur lesdits mémoires , les
registres et notes qui constatent les services
rendus à l'Etat , ensemble les mémoires que
toutes personnes qui prétendent avoir droit
aux récompenses pécuniaires jugeront à
propos de présenter , seront remis au Comité
des Pensions , qui les examinera et vérifiera ,
ainsi que les memoires qui lui ont été déja
remis . Il sera adjoint au Comité six Membres
pris dans l'Assemblée , et choisis au seratin
en la forme ordinaire , de manière que le
Comité sera à l'avenir composé de dix huit
Membres.
་་
"
XIV. Après l'examen et la vérification
des Etats et pièces énoncées en l'article précédent
, le Comité dressera quatre listes . La
première comprendra les pensions à payer,
sur les fonds de dix millions ordonnés par
l'article 14 du Décret du 16 du présent mois ;
la seconde comprendra les pensions rétablies
par les articles 2 , 3 , 4 , et 5 du présent Décret
; la troisieme liste comprendra les secours
établis par l'article 9 ; la quatrieme
liste comprendra le personnes dignes des
récompenses établies par l'article 5 du Décret
du ro de ce mois , et qui les auront préférées
aux récompenses pécuniaires . Ces listes
seront présentées au Corps Législatif, à l'effet
d'être approuvées ou réformées , et le Décret
qui interviendra sera présenté à la Sanction.
du Roi.
"
XV. Lorsque le Décret porté par le
Corps Législatif , aura été sanctionné par le
Roi , les pensions comprises dans la premiere
liste seront payées sur le fonds qui y est destiné
par l'article 14 du Décret du 16 de cé
mois. A l'égard des pensions et secours compris
dans les seconde et troisième listes , il
( 16 )
sera fait un fonds par addition , catre les
mains des personnes chargées di paiement
des pensions , du montant desdites listes .
"
" Chacune des années suivantes , le fonds
de ces deux listes ne sera fourni que déduc
tion faite des portions dont jouissoient les
personnes qui seront décédées dans le cours
de l'année précédente ; de manière que les
dits fonds diminuent chaque année graduellement
, sans que , sous aucun prétexte , il
y ait lieu au remplacement d'aucune des
personnes qui auront été employées dans les
seconde et troisième listes ."
"
XVI. Les quatre listes seront rendues
publiques par la voie de l'impression , avec
Pexposé sommaire des mot fs pour lesquels
chacun de ceux qui s'y trouveront dénominés
, y aura été compris.
"
"
XVII. Les pensions accord es commenceront
à courir du 1. Janvier 11790 ; mais
sur les arrérages qui reviendront à chacun
pour
l'année 1799 ,
il sera fait imputation
de ce qu'on auroit reçu pour ladite année ,
en exécution du Décret du 16 de ce mois. »
Des Génois avoient offert à la ville de
Paris un prêt de 70 millions pour l'achat des
Biens Nationaux ; 17 millions 500 mille liv.
de cette somme étoient fournis sous cautionnement
en argent comptant ; et 52 millions
et demi en quittances d'arrérages sur
la France , échus ou à échoir. Dans les conjonctures
où nous sommes , on voit que cette
offre obligeante n'étoit pas mal - adroite. M.
d'Allarde, en en faisant aujourd'hui le Rapport
, en a pressé l'acceptation ; mais sans
succès. On a passé à l'ordre du jour , après
avoir entendu M. Demeunier affirmer hardiment
que nous n'avions pas besoin d'argent.
( 17.)
La Séance a été terminée par dix Décrets
qu'a fait rendre M. Merlin , au nom des Comités
d'Agriculture , de Commerce et des
Domaines.
" Art . I. Le Régime Féodal et la Justice
Seigneuriale étant abolis , nul ne purra
dorénavant , à l'un ou l'autre de ces deux
titres , prétendre aucun droit de propriété
ni de voierie sur les chemins publies , rues
et places des Villages , Bourgs ou Villes .
• II. En conséquence , le droit de planter
des arbres , ou de s'approprier les arbres
crús sur les chemins publies , rues et places
de Villages , Bourgs ou Villes , dans les
heux où il étoit attribué aux ci- devant Seigneurs
par les Coutumes , Statuts ou Usages ,
est aboli. »
III. Dans les lieux énoncés dans l'article
précédent , les arbres existans actuellement
sur les chemins publics , rues ou places de
Villages , Bourgs où Villes , continueront
d'être à la disposition des ci -devant Seigneurs
qui en ent été jusqu'à présent réputés
Propriétaires , sans préjudice des droits des
Particuliers qui auroient fait des plantations
vis -à- vis de leurs propriétés , et n'en auroient
pas été légalement dépossédés par les cidevant
Seigneurs.
« IV. Pourront néanmoins les arbres existans
actuellement sur les rues ou chemins
publies , être rachetés par les Propriétaires
riverains , chacun vis - à vis sa propriété , sur
le pied de leur valeur actuelle , d'après l'estination
qui en sera faite par des Experts
nommes par les Parties , sinon d'office par
le Juge , sans qu'en aucun cas cette estima
tion puisse être inférieure du coût de la plantution
des arbres, »
( 118 )
" V. Pourront pareillement être rachetés
par les Communautés d'Habitans , et de la
manière ci - dessus prescrite , les arbres existans
sur les places publiques des Villes ,
Bourgs ou Villages.
ן נ
VI . Les ci - devant Seigneurs pourront
en tout temps abattre et vendre les arbres
dont le rachet ne leur aura pas été offert,
après en avoir averti par affiches , deux mois
à l'avance , les Propriétaires riverains et les
Communautés d'Habitans , qui pourront respectivement
et chacun vis - à - vis sa propriété
ou les places publiques , les racheter dans
ledit délai.
་་
VII. Ne sont compris dans l'article III
ci - dessus , non plus que dans les subséquens ,
les arbres qui pourroient avoir été plantés
par les ci devant Seigneurs sur les fonds
même des riverains, lesquels appartiendront
à ces derniers , en remboursant par eux les
frais de plantation seulement . "
"
. VIII. Ne sont pareillement comprises
dans les articles IV et VI ci- dessus , les
plantations faites , soit dans les avenues
chemins privés et autres terrains apparte
nans aux ci - devant Seigneurs , soit dans les
parties de chemins publics qu'ils pouvoient
avoir achetées des riverains , à l'effet d'agrandir
lesdits chemins et d'y planter ; lesquelles
plantations pourront être conservées
et renouvelées par les Propriétaires desdites
avenues , chemins privés , terrains ou parties
de chemins publics , en se conformant aux
règles établies sur les interva les qui doivent
séparer les arbres plantes d'avec jes heritages
voisins.
"
"}
IX. Il sera tatué par une Loi particu(
19 )
lière sur les arbres plantés le long des chemins
dits Royaur.
#1
X. Les Municipalités ne pourront , à
peine de responsabilité , rien entreprendre
en vertu du présent Décret , que d'apies .
l'autorisation expresse du Directoire de Département
, sur l'avis de celui de District ,
qui sera doanée sur une simple requête et
après communication aux Parties intéressées ,
s'il y en a. »
DU LUNDI 26. SÉANCE DU SOIR.
On aura sans doute observé que les Séances
où l'Assemblee prononce des Jugemens , '
sont livrées au tumulte le plus extrême ; que
Jes Anditeurs des Galeries interviennent.
comme Magistrats dans les Sentences , et
que c'est a milieu du désordre des passions.
que exécute l'Acte le plus réfléchi de la
Puissance publique. La Séance de cette
sagrée a offert un nouvel exemple de ce re-.
doutable inconvénient. Depuis quinze jours ,
on annonçoit le sort de la Municipalité de
Montauban Suivant la voix publique , son
arrêt étoit irrévocablement ( crit , queile que ,
fût sa defense : on jugera par le Rapport
fidèle de la Déliberation , si cette conjecture
étoit fondée ou non .
Le Maire ,un Officier et le Procureur - Syndie
de la Commune de Montauban se sont
présentés à la Barre . Ils avoient à se défendre
de préventions passionnées , et de l'impres
sion du Rapport prononcé l'autre jour par
M. Vieillard , et que le bruit public attri
buoit à M. Ceruti ; Ecrivain Polémique , qui
a tour à tour défendu les systêmes les plus
opposés dans une foule de brochures de cir(
20 )
constance , où depuis un an il a fait de l'espit
sur la Constitution .
Il n'est pas inutile de remarquer qu'avant
la défense de M M. de Montauban , M. Lawye
a demandé et obtenu que leurs Adversaires ,
les Patriotes , fussent présens pour être en
état de répliquer aux assertions des Officiers
Municipaux. C'etoit reconnoître le droit
qu'avoient également ceux - ci de répondre
aux assertions de leurs Accusateurs ; cependant
, nous allons voir que ce droit n'a pas
été reconnu , et qu'on les a privés de la faculté
de répliquer.
M. Lade , Procureur- Syndic de Montanban
, et Citoyen d'un mérite reconnu , a
porté la parole avec beaucoup de mesure ,
de décence et de simplicité .
. Une prévention implacable , a - t - il dit ,
nous a précédés . Forcés d'en respecter les
motifs , nous avons besoin des plus grands
soins pour l'effacer. On nous a jugés rebelles
à la Constitution , nous qui n'existons que
par elle ; on nous a jugés complices des troubles
de notre malheureuse Ville , nous qui
ne vivons que pour son bonheur. On nous
accuse d'être les meurtriers d'un Peuple ,
dont nous avons été les Protecteurs. »
"
Le Public est inondé de calomnies , de
libelles affreux qui nous dechirent , et cependant
nulle Pièce authentique n'a paru
contre nous. S'il en existoit une , ne nous
l'auroit - on pas communiquee? Nos Adver
saires ont tout préparé , ont par tout suscité
contre nous les glaives de l'opinion ; tandis
qu'au no lieu d'une scène affreuse , nous gardions
nos postes avce constance , et ne songions
nullement à prendre des précautions
contre la calomnie. Chaque jour nous rea(
21 ).
dions à l'Assemblée Nationale un compte
exact de notre conduite ; à chaque Courier
, elle étoit informée de la situation de
Montauban et de nos soins pour y entretenir
le calme au péril de nos jours..
"
" C'est moi , Messieurs , c'est moi qui ,
dans cette scène de trouble et de fureur ,
ai désarmé le Peuple : c'est moi qui ai suspendu
et adouci sa fureur contre des Citoyens
qu'il regardoit comme les auteurs de ses
malheurs , et qui lui persuadai de soumettre
sa vengeance à une Procédure. Tout est déposé
dans l'Information . Nous devons la regarder
comme le plus ferme rempart de
notre innocence . Elle s'est cependant faite
avec une lenteur - qui n'annonce que trop
l'ascendant de nos Adversaires.
of
10
La plus grande difficulté de notre défense
est dans le défaut absolu de connoissance
des pièces et des charges . Eh ! comment
les connoîtrions - nous ? elles n'existent
pas. A moins qu'on n'appelle de ce nom des
pièces presque toutes sans signatures , sans
aucun caractère d'authenticité. Il est de
droit naturel que l'accusé connoisse toutes
les charges. Cette maxime , que vous avez
consacrée , est antérieure à toute Loi humaine
; à défaut de répondre à des charges ,
je vais expliquer des faits dont on a voulu
tirer contre nous les inductions les plus
graves. "
On s'est particulièrement attaché à attaquer
l'Ordonnance que nous avons rendue
pour consacrer le principe de la subordination
des Gardes Nationales aux Municipalités
, et que l'Assemblée Nationale a bientôt
confirmée : on a dit que l'Assemblée ne connoissoit
pas alors l'Adresse des Gardes Na-
A
( 22 )
tionales de Montauban , qui demandoient à
faire un Pacte fédératif avec les Villes voisines
; mais nous- mêries nous ne laconnoissions
pas , puisqu'elle n'a paru que le 30 Mars ,
el que notre Ordonnance est du 29.
" A l'Ordonnance du 29 Mars succéda
celle du 13 Avril , rendue également sur
mon réquisitoire . C'est cette Ordonnance qui
est la base de toutes les inculpations dirigées
contre nous . On la presente comme
contraire au Decret par lequel vous avez
ordonné que les Gardes Nationales resteroient
dans le premier régime qu'elles avoient
lors de leur frination , jusqu'à ce que leur
organisation fút décrétée. L'admission des
huit nouvelles Compag- ies dans la Garde
Nationale étoit entièrement consommer ,
avant que le Décret n'arrivat à Montauban
car il n'a été sanctionné que le 30 Avril.
" Pouvoit - il avoir un effet rétroactif?
Quelle étoit d'ailleurs la position de la Municipalité
de Montauban ? Qu'avoit - elle à
opposer au droit naturel qu'a chaque Citoyen
de concourir à la défense publique ?
Dira- t -on que c'étoit un Corps de Volontaires
qui vouloit rester séparé ? Mais le fait dépose
absolument contre cette assertion.
Enfin , si notre Ordonnance étoit juste au
moment où elle a été rendue , pouvoit - elle
cesser de l'être depuis ? Quel devoit être
dans de telles circonstances , le rôle des
Officiers Municipaux ? Celui d'Arbitres et
de Conciliateurs. Eh bien ! nous n'avons pas
cessé de l'être un instant . Nous avons ouvert
des Conferences où des Commissaires furent
nommés. Jamais négociation ne commença
d'une manière plus favorable. Toutes les
esperances s'évanouirent , la négociation es
( 23 )
suya des retards et des embarras , et la fatale
journée du 10 Mai arriva.
"
" Le Commandant de la Garde Nationale
a dit qu'il avoit reçu des pouvoirs pour acquiescer
à tout. Eh ! pourquoi ces offres de
paix ne furent- elles pas apportees en diligence?
" ..
Avant d'entrer dans les détails de l'affreuse
scène du 10 Maí , qu'il nous soit permis
de faire une réflexion générale . Quand on
calcule de sang - froid tout ce que la prudence
auroit pu suggérer dans une scene de
trouble , on est porté à juger les autres
d'après toute la prévoyance et le courage
que l'on se suppose. Mais qui peut se flatter
de conserver , dans une scène où le trouble
éclate de tous les côtés , et s'accroît à chaque
instant , ce sang- froid d'intrépidite qui pourvoit
à tout , qui calme tout! »
"
On reproche aux Officiers Municipaux
de n'avoir pas développé un appareil menacant
contre les femmes attroupees à la porte
des Couvens . Cette mesure étoit évidemment
la pius dangereuse qu'on pût alors employer.
On lui reproche d'avoir délivré des armes
au Peuple. L'Officier Municipal qui les a délivrées
, est un Protestant . On lui reproche
sa lenteur a appeler le Régiment de Languedoc
mais la distance des Casernes à la
Maison Commune est d'une lieuc. Ces dé-
Jais nécessaires étoient un affreux tourment
pour les Municipaux. On leur reproche de
n'avoir pas publié la Loi Martiale ; mais le
Drapeau rouge n'a- t- il pas été arbore ?
>>
" J'énonce ici deux propositions formelles ,
et je les puise dans le propre récit des
Gardes Nationales de Montauban ; l'une ,
que les Officiers Municipaux n'étoient point
( 24 )
dans la Maison Commune au moment où le
tumulte éclata ; l'autre , que les Gardes Nationales
ont commencé l'agression envers
le Peuple. A l'égard du premier fait , il est
dit positivement dans le récit des Gardes
Nationales , que les Officiers Municipaux
se sont transportés à la Maison Commune ,
au moment le plus orageux de la scene , ce
qui dément l'assertion qu'ils y étoient au
commencement. Les preuves de l'hostilité
des Gardes Nationales ne sont pas moins
concluantes. D'abord , ils se sont transportés
armés à la Maison Commune , sans avoir
pris les ordres de la Municipalité , ni l'autorisation
de leur Commandant. Il y a surtout
un fait prouvé , c'est que les coups de
fusil ont été tirés du corps de- garde . Ce
fait est constaté par les Procès- verbaux des
Chirurgiens , qui attestent qu'il y a eu dixhuit
personnes du Peuple blessées . Les Gardes
Nationales avoient donc des munitions , et,
de dessein prémedité , ils étoient donc les
agresseurs. Attribuer ces meurtres , comme
on le fait , à la répercussion des balles contré
le mur, c'est donner l'exemple d'une absurdité
complete. M.de Puy-Montbrun , Commandant
de la Garde Nationale , a lui- même dit , dans
une Lettre signée , que tous les malheurs
étoient dus à cette imprudente jeunesse. "
L'Orateur alloit examiner ensuite les différentes
conclusions du Rapporteur : on l'ainterrompu
par des clameurs , comme s'il man-,
quoit à l'ordre et au respect du Comité ; les
Galeries joignoient leur opposition vocifé
rante à celle d'une partie de l'Assemblée :
cependant , le cri de la justice a préyalu ,
et M. Lade a continué.
Le
( 25
. Le Projet de Décret annulle la Proce
dure faite par le Présidial de Montauban ;
cependant , où sont les motifs de récusation?
On n'en allegue aucun. Les Juges n'étoient
ni parens , ni alliés des Parties : les Adjoints ,
Notables sont Protestans et Catholiques . On
a entendu successivement des témoins des
deux Religions pour mieux s'assurer de la
vérité.
"1
:
T
" En rétablissant la Garde Naljonale sur
l'ancien pied , on expose Montauban au
plus grand danger les nouvelles Compas
gnies ont prêté le Seriment Civique. Comment
tenter de les exelure ? Enfin , la des
titution de Magistrats que le Peuple regarde
comme ses pères , est- elle calculée sur h
prudence? "
L 2
Ce Discours de denx heures étant terminé,
les Accusateurs de la Municipalité firent
lire par l'un d'eux , M. Dounoux , un Mémoire
entièrement analogue par le style et
par les faits , au Rapport du Comité. La
Municipalité y est peinte , non pas comme
coupable de négligence et de partialife ,
mais comme instigatrice de tous les meertres
, comme complice d'une foule de complots
pour désoler le Midi du Royaume.
200
Le mois de Février dernier, a diele Leg
teur du Mémoire , vit éclore à Montauban
un Comité Patriotique , compo de Négocians
et d'Artisans , de jeunes gens pleins
de zèle pour la Constitution. L'ancienne Manicipalité
eut aver ee Comité des relations
pour l'achat des grains qui furent lesla
Ja Ville de Montauban Le moment dles
Elections arriva ; ies Privilégiés se retirent .
On réveibla les prétextes de la Religion. Bles
Protestans furent calomniés , mefaces toas
N° . 32. 7 Août 1790. B
( 26 )
les moyens de séduction furent employés ;
on eut même recours à l'appareil le p'us
menaçant. La nouvelle Municipalité fut elue;
son premier acte fut de demander à la Garde
Nationale les clefs de l'Asenal , qui lui
avoient été confices par l'ancienne Municipalite
; sans doute elle pensoit deja à l'affreux
usage qu'elle en a fait depuis. Nous ne
retracerons point tous les détails de la conduite
de la Municipalité , jusqu'à la fatale
époque du 10 Mai . Tous ces faits ont été
présentés par M. le Rapporteur : nous parlerons
seulement des Assemblées que la Municipalité
autorisoit ; Assemblées séditieuses ,
où chaque mot respiroit la rév‹ Ite et l'audace.
La Municipalite faisoit à Montauban un
Journal des Debats et Décrets , qu'ellefalsifioit
à son gré. Elle changeoit la destination
d'un Octroi appliqué aux pauvres de la
Ville , sans doute afin de les exciter mieux, »
" Quant à la scene du 10 Mai , la populace
attroupée defend d'abord les portes du
Couvent . Elle se renforce par degré, d'armes ,
de piques , de bâtons , et va fondre sur la
Maison Commune , où étoient renfermées
les Gardes Nationales .
"
2
Le sieur Romagnas avertit plusieurs fois
la Municipalité du danger où se trouvent
fes Gardes Nationales . On lui répond qu'il
se plaît à se faire, des -hydres pour les combattre
. Le Peuple se presse davantage autour
de la Commune. Il dépave les rues....
Un des Officiers Municipaux fait signe aux
personnes attroupées de se retirer, en disant :
Voulez- vous nous leuir ici prisonniers comme
on tient le Roi à Paris ? ... Le Commandant
de la Marechaussée offre de faire retirer tout
ce monde , sans faire de mal à personne. On
( 27 )
lui répond qu'on n'a pas besoin de lui . Le
Peuple crioit : Vive le Roi! à bas la Nation!
à bas les Cocardes ! Le Régiment de Languedoc
n'est venu que deux heures et demie
apres la scenc. 11 est faux qu'il ait été tiré
des coups de fusils du Corps - de-Garde ; les
blessures légères qu'ont eues quelques personnes
du Peuple , viennent de la foule et
de la mal-adresse de plusieurs à manier les
armes . "
Le Lecteur a fini par déclarer que , sûrs
de leur innocence , les Patriotes ne craindroient
pas de se constituer prisonniers sous
la sauve- garde de la Loi.
Les applaudissemens tumultueux des Galeries
qui frappoient des mains , des pieds ,
des cannes , et l'approbation éclatante que
le côte gauche a donné à ce Discours , ont
dispensé POrateur et ses Collègues de cette
Formalité. Quoiqu'ils n'eussent apporté aucune
preuve quelconque de leurs assertions ,
ni justifié d'une seule Piece authentique à
leur appui , le Procès a été considéré comme
instruit de reste. MM. Feydel , de Virieu ,
La Chèze et Maury étoient inscrits par le
Président pour parler sur le Décret du Comité
; on leur a constamment fermé la
bouche.m
M. Malouet cependant , a élevé une Motion
incidente . « La gravité des faits qu'on
vient d'imputer sans preuve à la Municipalité
de Montauban , a- t- il dit , et l'acquiescement
que leur silence forcé paroîtroit
y donner, me déterminent à demander que
les Officiers Municipaux soient de nouveau
appelés et interrogés sur les faits principaux
dont on les charge , et qu'ils désavouent .
"
« Je demande la question préalable s'est
Bu
( 28 )
' écrié M. Charles de Lameth. Puis montant à
' la Tribune : « Ce que nous avons à faire est
extrêmement facile ; elaguons tout ce qui
n'est pas de notre ressort. Nous pouvons
prononcer ; mais nous ne devons pas examiner
les détails de cette affaire. L'information
doit être faite par des Juges ; c'est à nous
à les designer, et à suspendre les Officiers Municipaux
de leurs fonctions . Depuis Bordeaux
jusqu'à Dunkerque , depuis Dunkerque jusqu'a
Perpignan , la clameur publique vous
denonce les Officiers Municipaux de Montauban
, et vous indique le jugement qu'il
faut prononcer. Il seroit honteux pour nous
de nous amuser à discuter ; je demande que
l'Assemblée prononce sur le champ.
་ ་
"}
« Je demande moi , a repliqué M. de Cazalès,
comment l'Acte qui prononce qu'il y a lieu
un jugement , ne seroit pas un jugement ?
comment ce n'est pas un jugement que de
suspendre une Municipalité de ses fonctions?
Si vous ne voulez rendre les Officiers publics
victimes du premier dénonciateur , pouvezvous
prononcer une pareille suspension , sans
prendre, connoissance de l'affaire ? J'admire
l'étrange jurisprudence du Préopinant ! l'Assemblée
, selon lui , doit juger sur la clameur
publique. Ce principe mérite d'être
mis en parallele avec celui qu'ils avança
l'autre jour , que les Officiers Municipaux
de Montauban devoient être jugés dans le
-sens de la Révolution. Les préventions les
plus fortes se sont manifestees jusque dans
de sein de cette Assemblée. Le public y a
applaudi avec la plus grande indécence , applaudisseurens
qui portent le caractère de la
férocite , lorsqu'ils sont dirigés contre des
personnes qui se trouvent sous le glaive de la
( 29 )
loi. Quand l'opinion publique a dicté d'avance
votre jugement , il est de votre devoir
, comme il est d'usage dans tous les tribunaux
équitabies , de différer pour donner
aux passions le temps de se calmer , et aux
préventions trop violentes le temps de se
dissiper. ( On crie à l'ordre , aux voix . ) .
"
((
Je demande que ceux qui crient , avancent
quelque chose de raisonnable , de juste
d'humain , en me contredisant. Pas une
seule famille n'a été exilée de Montauban ,
comme le Comité des Rapports l'a prétendu
Quelques individus en sont partis volontairement
, pour attirer de nouvelles calamités sur
leur malheureuse Patrie , pour venir ici intriguer
contre la Municipalité.
" Je suis Citoyen de Montauban : c'est
pour ma Patrie que j'implore la justice de
l'Assemblée. Les Officiers Municipaux sont
l'ouvrage du Peuple qui les a choisis ; ils
jouissent de son estime . Voulez - vous , par
l'effet d'une injuste prévention , les enlever
à sa confiance ? faut- il que des torrens de
sang suivent cette erreur ? faut - il que cette
Ville disparoisse de dessus la surface de la
terre ? Je conclus à l'ajournement , et je
demande que les Membres de la Garde Na
tionale de Montauban soient tenus de remettre
leur discours sur le Bureau , et de
fournir les preuves des faits qu'ils ont avan
cés. Je demande au surplus que l'Assemblée,
prenne connoissance de la procédure commencée
à Montauban. M. le Garde - des-
Sceaux en a l'Extrait . Voilà où sont déposés
la seule instruction , les témoignages et les
preuves. Je finis par un fait qui vous prouvera
la nécessité d'un ajournement et la
crainte des Coupables. "
B iij
( 30 )
M. Feydel , Député du Quercy , sortoit
Jeudi soir de cette salle , portant les pièces
de cette procédure sous le bras . Huit hommes
s'approchèrent de lui , en se disant tout
bas : Il faut les lui enlever , en attendant que
nous puissions mieux faire.. M. Feydel précipita
sa marche ; mais ils suivirent tous ses
mouvemens . et ne le quittèrent que lorsqu'ils
le virent escorté de deux autres Députés
, et d'un Grenadier qu'il rencontra. »
Ce récit , certifié par M. Feydel lvi - même ,
et par MM. de Marinais et Darget témoins ,
sembloit donner lieu à de sérieuses réflexions :
mais M. Barnave les étouffa ; il s'empressa
d'écarter l'attention de cet attentat non exécuté
, et quoi qu'on eût refusé la parole à
ceux qui étoient inscrits pour la prendre , il
Ja prit pour plaider contre la Municipalité
de Montauban et pour rassembler les charges;
à la sixième on perdit patience , et on lui
demanda les preuves.
~:( Aux voix ! aux voix ! s'écria le côté
gauche. Aux preuves reprit M. d'Epresménil
). A ces mots , la majorité se levant à
la fois , força le Président de prononcer ,
qu'iln'y avoit pas lieu à délibérer surla Motion
de M. Malouet, ni sur l'ajournement.
Ces Motions incidentes étant ainsi jugées ,
le Pré-ident alloit ouvrir la discussion sur le
fond de la question , restée intacte; les cris
recommencerent : M. Charles de Lameth fit
décider préalablement que la discussion étoit
fermée , avant d'avoir commencé . Privés de
l'audience , les Officiers Municipaux de Montauban
envoyèrent la déclaration suivante
au Président :
" Nous Maire , Officier Municipal et Procureur
de la Commune de la Ville de Mon(
31 )
tauban , supplions M. le Président de l'Assemblee
Nationale de vouloir bien lui faire
part du désaveu formel que nous faisons des
faits avancés contre nous à la Barre , par
nos adversaires , et du défi que nous leur
donnons d'en produire aucune preuve les
gale. " A Paris, le 26 Juillet , à 11 heures
moins un quart du soir. CIEURAC , Maire ;
MIALARET , LADE Procureur de la Com
mune.
La lecture de cette déclaration , les instances
de M. l'Abbé Maury , les réclamations
, tout fut inutile. L'ajournement , l'in
formation , l'audience , les amendemens , la
discussion même , furent rejetés par la question
préalable , et le Decret du Comité des
Rapports converti en Décret de l'Assemblée,
La plupart des Membres de la Minorité refusèrent
de délibérer : M. de Virieu s'avança
vers le Bureau , et dit : « Ne voulant point
participer à une marche aussi oppressive ,
je déclare que je ne veux pas autoriser
par ma présence le Déeret qui va préva-
"
- loir. "
Le Régiment de Languedoc paroissant
être dévoué au Peuple de Montauban , on
décida de l'eloigner de cette Ville , par une
des dispositions de l'Arrêt que voici :-
" L'Assemblée Nationale , après avoir entenda
son Comité des Rapports , déclare que
l'information commencée devant le Juge de
Montauban , relativement à l'évenement ar
rive dans cette Ville , le 10 Mai dernier ,
demeure comme non- avenue ;
Ordonne que son Président , se retirera
pardevers le Roi , pour supplier Sa Majesté de
donner des ordres , pour que l'ancienne Garde
Nationale Montalbanoise soit établie dans le
B iv
( 32 )
même état qu'clle etoit avant l'Ordonnance
des Officiers Municipaux de ladite Ville ' ,
en date du 6 avril dernier ; laquelle Ordonnance
, ainsi que tout ce qui a été fait en
conséquence , est déclarée comme non - ave-
De , sauf aux Citoyens actifs qui n'étoient
pas de ladite Garde ancienne , à s'y faire
incorporer , conformément au Décret du
12 Juin dernier, ovi
་་ L'Assemblée Nationale décrète , 1 °. qu'il
sera informé devant les Officiers Municipaux,
Par les Juges ordinaires en matière criminelle
à Toulouse , à la diligence de la partie
publique , de tous les événemens arrivés à
Montauban le 10 mai , ainsi que de tous ceux
qui y sont relatifs , tant antérieurs que postérieurs
à ladite époque , les circonstances
et dépendances ; à l'effet de quoi les pièces
déposées au Comité des Rapports seront incessamment
adressées à ladite partie publi
que .
9
>>
" 2 °. Que jusqu'à ce qu'il soit statué sur
ladite information , les Membres du Corps
Municipal de Montauban demeureront suspendus
de leurs fonctions à l'époque de la
notification qui leur sera faite du présent
Decret »
"
3. Que les Administrateurs du Départe,
ment du Lot , ou de son Directoire , commettront
, sur l'avis du Directoire du District
de Montauban , six personnes pour
remplir provisoire ment dans cette Ville , les
fonctions municipales , dout une sera par eux
indiquée pour faire les fonctions de Maire , et
une autre pour remplir celles de Procureur
de la Commune2.. "
"4° . Que la notification du présent Décret
et de la Commission qui sera nommée , sɩ ra
( 33 )
faite au même instant aux Officiers qui composent
la Municipalité de Montauban , par
les Administrateurs du Département ou de
son Directoire .
« L'Assemblée Nationale charge son Président
d'écrire à la troupe de Maréchaussée
à Montauban , pour lui témoigner sa satisfac
tion de la conduite qu'elle a tenue le 10 mai .
Décrete que son Président se retirera
auprès du Roi , pour le prier de substituer
deux Régimens quelconques à celui qui est
à present en garnison dans cette Ville »
<<
DU MARDI 27 JUILLET.
Après la lecture du Procès -verbal de la
veille au soir , M. Feydeb , qui n'avoit pu se
faire entendre , a pris la parole , et a dit :
Votre Décret d'hier ordonne que toutes
les Pièces relatives à l'affaire de Montauban
seront envoyées à la Partie publique. Eh
bien ! Messieurs , je vous préviens que cet .
ordre ne sera pas rempli , parce que depuis
que les Accusateurs de la Municipalité nient .
d'avoin les premiers fait feu sur le Peuple , il
a disparu d'entre les maina de votre Rappor→
teur , une piece essentielle ; savoir, la lettre
des 10 et 11 Mai , signée Peyrozet , et dans
Jaquelle , au travers de plusieurs calomnies
afroces , se trouve l'aveu formel que les Dénonciateurs
de la Municipalité ont tiré les
premiers sur le Peuple sans armes. Le Rapporteur
assure que cette lettre s'est égarée
dans les mains de vos Journalistes ; je demande
que l'apport en soit fait et ordonné .
Cette motion a été appuyée ; personne neľa
contredite ; mais on l'a etouffée par le cri de
l'ordre du jour .
(1
Hier au soir , a poursuivi M. Feydel,
Βι
( 34 )
vous avez entendu M. Charles de Lameth dire
que la Municipalité de Toulouse vous avoit
adressé une Pétition , sans doute à ce qu'il
fût fait justice des Officiers Municipaux de
Montauban. Je demande que cette Pétition
soit aussi adressée à la Partie publique , pour
que la Municipalité de Toulouse se rappelle
qu'elle ne peut être tout à la fois Juge et
Partie accusatrice de celle de Montauban ;
à moins , Messieurs , qu'on ne pense que ce
nouvel ordre de choses ne soit dans le sens
de la Révolution . La Motion a été appuyée ;
on l'a également repoussée par l'ordre du jour,
Le Rédacteur de votre Procès -verbal , a
enfin ajouté M. Feydel , qualifie , à chaque
ligne , les Dénonciateurs de la Municipalité
, de Députés de la Garde Nationale ;
cette qualification n'est pas exacte : ces Députés
ne le sont que d'environ deux cents
Personnes qui se sont retirés de la Garde
Nationale , après avoir provoqué le malheur
du 10 Mai. A cette époque , la Garde Nationale
étoit composée de 1800 hommes , dont
1600 restés fidèles à vos Décrets , et ayant
dans tous les temps voté pour l'admission
des nouvelles Compagnies , forment la majorité
de cette Garde. Elle a envoyé à la Fédération
du 14 Juillet , des Députés autres
que ceux dont on parle dans votre Procèsverbal
; il faut donc changer cette expression,
et dire ; les Députés des Membres retirés de la
Garde Nationale. Cette demande a eu le
même sort que les précédentes.
"
Pendant les observations de M. Feydel ,
différentes rumeurs parcouroient la Salle . On
racontoit qu'une Armée Autrichienne , suivie
d'un train considérable d'artillerie , s'étoit
introduite dans le Département des Ar(
35 )
dennes. D'autres annonçoient des combats
livrés ; la ville de Givet saccagée , etc.......
Bientót M. Dubois de Crancé a fait connoître
l'origine de ces fables , déja recueillies par
les libelles périodiques. Voici , a-t- il dit ;
une lettre du Département des Ardennes ;
elle contient les ordres envoyés par M. de
Bouillé, Commandant de la province , à M. de
Bonnesson , Commandant de Mezières , pour
livrer le passage aux Troupes Autrichiennes ,
qui doivent se rendre dans les Pays - Bas
Ce passage a été accordé par le Roi , sur
la demande de M. le Comte de Mercy , Anibassadeur
de Sa Majesté Apostolique...
Je dois vous rendre compte en même temps ,
que , sur toute l'étendue de ces frontières , il a
couru la semaine dernière des Einissaires
criant auxarmes ! aux ennemis ! l'alarme a été
générale ; les paysans , dans l'obscurité de
la nuit , se prenoient les uns les autres pour
des ennemis , et se seroient massacrés si on
ne leur eut fait reconnoître leur erreur. Quelques-
uns des brigands ont été arrêtés ; mais
on est dans la plus grande inquiétude : la
frontiere est absolument dégarnie de Troupes:
Je demande que le Ministre de la Guerre
soit appelé à la Barre , pour rendre compte
de sa conduite.
"
"
Ces précautions ne suffisent pas , a dit
M. Fréteau ; il faut que nous envoyons des
Commissaires , pour prendre communication
des Traités passés entre la France et la Maison
d'Autriche , et vérifier s'il en existe qui nous
obligent à livrer le passage aux Troupes Autrichiennes.
Comment se peut- il que des rassemblemens
de Troupes étrangères aient été
faits sur nos frontières , sans que l'Assemblée
Nationale en ait été instruite. ? Cette négli-
B vi
( 36 )
gence de la part des Ministres n'est elle pas
une infraction formelle a Décret sur le
droit de paix et de guerre ? .... ”
Notre étati, a ajouté immédiatement
" M. Voidel, du Comité des Recherches ,
" notre état est gritique sans être alarmant.
Le Comité sait , par voies sûres , qu'on assemble
une Armee en Savoie. Les Princes
Allemands s'agitent de toutes parts. Les
Ministres nous doivent sans delai un état
de nos frontières , et de la situation politique
de l'Europe.
и
>>
Vous avez décrété , s'écrie M. Muguet,
qu'aucun Corps de Troupes étrangères ne
pourroit être introduit dans le Royaume
qué par un Décret du Corps législatif , sanctionné
par le Roi, Le Minis re et tous ses
agens doivent être responsables des ordres,
qu'ils ont donnés . »
M. Rembell annonce des insurrections.
fomentées dans l'Armee , en Flandres et à
Strasbourg ; la distribution en Alsace d'un
grand nombre de libelles dans les deux
langues, l'avis répandu d'une fabrique d'Assignats
à Coblentz .
"
Près de Chambéry , atteste M. Chabroud
, il s'est formé un Camp de 13,000
hommes : 6cco Piemontois sout attendus,
Le Ministère choisit ce moment pour retirer
un Régiment de la Garnison de Grenoble,
Le Ministre doit être mandé à la
Barre, Po
Cette série de nouvelles , les unes exagérées
, les autres absolumene controuvées ,
sement une alarme universel'e : elles entraînent
le Décret suivant, d'après l'avis de M.
Fréteau.
་ L'Assemblée Nationale décrète que six
( 37 )
Commissaires nommés sur le champ , se retireront
à l'heure même au Secretariat de
la Guerre , à l'effet de prendre communication
des ordres qui ont été adressés aux Commandans
pour le Roi , de livrer passage aux
Troupes étrangères par les Departemens ,
terres et villes de la domination Françoise ;
mêmeaux Co ; mandans des Corps de Troupes
de ligne d'evacuer les places frontieres du
Royaume , notamment du côté de la Champagne
et des Pays- Bas , à l'effet d'être rendu
compte desdits ordres à l'Assemblée , le
plus tôt possible , ensemble, des mesures qui
peuvent avoir été prises pour la défense et
sureté de la Nation au de hors .
"
>>
Décrète en o tre que lesdits Commis-,
saires se rendront ensuite an Secrétariat des
Affaires étrangères , à l'effet de demander,
au Ministre la communication des nouvelles
qu'il a reçues relativement à la situation politique
des Puissances voisines du Royaume .." ,
M. le Président a nommé sur- le- champ,
les six Commissaires ,: qui sont MM. Dubois,
de Crance , de Menou , d'Elbecq , Fréteau ,
Emmery , d'André.
On a passé ensuite à l'Ordre judiciaire ,
dont on a décrété huit articles en ces termes ,
Ier. Il sera établi en chaque District un
Tribunal, composé de cinq Juges , aupres
duquel il y aura un Officier charge des fonc
tions du ministère- public. Les Suppleans y
seront au nombre de quatre , dont deux au
moins seront pris dans la Ville de l'etablis
sement. "
17 II. Dans les Districts où il se trouvera,
une Ville dont la population excedera 50000
ames, lenombre des Juges du Tribunal de Dis
trict pourra être porte à six Juges , qui se
( 38 )
diviseront en deux Chambres pour les causes
de première instance , et pour l'appel des Jugemens
des Juges de Paix , lorsque le Corps
Législatif l'aura reconnu nécessaire d'après
les instructions des Administrations de Département.
"
30
III. Celui des Juges qui aura été élu le
premier , présidera , et , dans le cas de division
du Tribunal en deux Chambres , les deux
premiers élus seront les deux Présidens .
"
"1
IV. Les Juges de District connoîtront
en première instance de toutes les causes
personnelles , réelles et mixtes , en toutes
inatières , excepté seulement celles qui ont
été déclarées ci - dessus être de la compétence
des Juges de Paix ; les affaires de commerce
dans les Districts où il y aura des Tribunaux
de commerce. »
V. Les Juges de District connoîtront
en première instance et dernier ressort , jusqu'à
la valeur de 1000 liv. en principal , de
toutes affaires personnelles et mobiliaires ,
et des affaires réelles dont l'objet sera de
50 liv. de revenu déterminé , soit en rente ,
soit pour prix de bail .
"
39
"
VI. En toutes matières personnelles ,
réelles ou mixtes , à quelque somme ou va
leur que l'objet de la contestation puisse
monter , les parties seront tenues de déclarer
, an commencement de la procédure , si
elles consentent à être jugées sans appel ;
elles auront encore pendant tout le cours de
l'instruction , la faculté d'en convenir , auquel
cas les Juges de District prononceront
en premier et dernier ressort. »
་་
VII. L'appel des Jugemens des Juges
de Paix , dans le cas où ils y seront sujets ,
sèra porté au Tribunal de District de leur
( 39 )
arrondissement , et jugé en dernier ressort ,
sur simple exploit d'appel.
VIII. Lorsque les Tribunaux de District
connoîtront des appels des Jugemens des
Juges de Paix , et en premiere instance en dernier
ressort , ils jugeront au nombre de trois ;
et dans toutes les autres matières importantes
et en dernier ressort , ils ne pourront juger
en nombre moindre que de quatre.
Titre IV. Des Appels.
"
Art. Ier. Les Juges de District seront
Juges d'appel les uns à l'égard des autres ,
selon les rapports qui seront déterminés dans
les articles suivans. "
"
II. Lorsqu'il y aura appel d'un Jugement
, les Parties pourront convenir d'un
Tribunal entre ceux de tous les Districts du
Royaume , pour lui en déferer la connoissance
, et elles en feront , au Greffe du Trinal
dont il aura été appelé , la déclaration
signée d'elles ou de leurs Procureurs spécialement
fondés . "
Les articles suivans ont été ajournés .
DU MARDI. SÉANCE DU SOIR.
A l'instant où l'on commençoit la Séance
s'est fait entendre de la terrasse des Tuileries
, qui borde la Salle , un tumulte confus
de huees , parmi lesquelles on a distingué
des cris forcenés qui demandoient le renvoi
des Ministres. Ces cris partoient d'un attroupement
formé sous les yeux même de l'Assemblée.
Il s'y est manifesté une grande
agitation ; M. de Liancourt a interpellé le
Président d'envoyer l'Officier de garde
faire cesser ce tumulte . Si on le lais-
" se continuer , a ajouté M. Dupont , nous
n'en serons bientôt plus maîtres. » On a ་
"
40 )
fait sortir un Huissier qui a rapporté la cessation
du désordre.
DU MERCREDI 28 JUILLET.
La Séance d'hier avoit produit une vive
fermentation et les conjectures les plus
sinistres les détails rapportés aujourd'hui
en ont fait tomber une partie ; mais en portant
la défiance sur d'autres objets de crainte.
M. de Montmorin devoit une explication sur
ée qui le concernoit dans les discours d'hier :
il a voulu compléter ses réponses aux six
Commissaires , par la lettre suivante à l'Assemblée
; lettre dont il a été fait lecture..
"
MONSIEUR LE PRÉSIDENT ,
"
Quoique j'aie donné à Messieurs les
Commissaires de l'Assemblee Nationale tous
les éclaircissemens qu'ils m'ont fait l'honneur
de me demander , et quelle que soit
ma confiance dans le rapport qu'ils en feront
à l'Assemblee , j'attache trop d'intérêt
à son opinion pour ne pas lui donner moimême
les explications qu'elle a paru desirer.
་་
La demande qu'a faite au Roi M. le
Comte de Merey , au nom du Souverain qu'il
représente , du passage de quelques Troupes
sur le territoire de France , est conforme
aux usages constamment suivis entre les
denx Puissances , ei naturels, entre deux
Pays voisins , dont les possessions sont entre-,
médées ; elle est fondée sur le Droit publies
et nous sommes tous -mêmes dans le cas de re
quérir le passage pour nos Troupes sur le territoire
Belgique , toutes les fois que nous chan
geons quelques - unes de nos Garnisons , nommément
celles de Philippeville et de Ma-..
riembourg. Un refus auroit été non - scule-.
( 41 )
ment contraire aux formes les plus simples
qui s'observent entre Puissances voisines ,
mais nous auroit exposés au même procédé
en pareille occasion .
་ ་
»
J'observerai de plus que la demande de
M. le Comte de Mercy étoit de pure prévoyance
; qu'il n'a encore passé aucunes .
Troupes sur notre territoire ; que très -vraisemblablement
il n'en passera pas , et que
dans tous les cas il ne pouvoit être question
que d'un petit nombre de gens de guerre.
པ་ ནམ་
>
En priant le Ministre de la Guerre de
prendre les ordres du Roi sur cet objet , j'ai
donc rempli une simple formalité d'usage .
et même de devoir pour le Ministre des
Affaires étrangères , lorsqu'il en est requis
par un Ambassadeur é ni M. de
anger ; ci
la Tour- au- in , ni moi , n'avons dû penser
que le passage incertain d'un petit nombre
de gens de guerre sur quelques points des
extrémités de nos frontières , pût , sous aucun
rapport , être assimilé à une introduction
de Troupes étrangères. "
"( M. de la Tour- du - Pin a informé l'Assemblée
du nombre de Troupes qui garnissent
nos frontières dans cette partie ; il n'y
en a jamais eu autant en temps de paix ,
puisqu'il s'élève à 81 Bataillons et 74 Escadrons
, depuis Bitch jusqu'à Dunkerque , et
à 35 Bataillons et 30 Escadrons depuis Landau
jusqu'aux extrémités de la Franche- Comté ,
Ce nombre de Troupes n'a éprouvé de diminution
que celle de deux Régimens qu'on
emploie momentanément du côte de Lyon.
" J'ai donné connoissance à Messieurs les
Commissaires , des differentes notions qui
me sont parvenues sur ce qui se passe dans
( 42 )
les autres pays qui nous avoisinent ; j'avois
déja communiqué avec plus de détail les
mémes notions à quelques-uns des Membres
du Comité des Recherches de l'Assemblée
Nationale , qui , je n'en doute pas , rendront
témoignage à l'empressement avec lequel je
leur andonné tous les éclaircissemens qu'ils
pouvoient attendre de moi , et avec lequel
j'ai même prévenu leur desir. »
Paris , ce 28 Juillet 1790.
En attendant l'arrivée des Commissaires
auxquels on a renvoyé la lettre du Ministre ;
M. de Cernon a interjeté une demande de
fixer le Chef-lieu du Département du Pas
de Calais à Arras on l'a ainsi décrété.
M.
.
Freteau , l'un des six Commissaires
nommés la veille , est entré , et a rendu
compte du résultat de leurs recherches , et
de leurs conférences avec les Ministres .
1º. Nous avons constaté , a- t- il dit , les.
ordres donnés pour le passage des Troupes
Autrichiennes , et les négociations qui ont
eu lieu à cet effet. Le 3 Juin 1790 , le Baron
de Bender , Major général de Troupes Autrichiennes
, a écrit à M. de Mercy , Ambas
sadeur de Sa Majesté Apostolique en France,
en le priant d'agir auprès de la Cour de
France pour faire augmenter la garnison de
Givet , dont les habitans se mêlent aux insurgens
Belgiques , et ont tenté de reprendre
sur les Autrichiens le Canon enlevé aux
Belges, à l'affaire de Beaurain.
*
Le 12 Juin , M. de Mercy écrivit à cet
effet à M. de Montmorin ; il lui demanda
en même temps , au nom de son Souverain ,
qu'attendu que les Troupes Françoises tra(
43 )
versent le territoire Autrichien pour aller à
Maubeuge , par reciprocité , des détachemens
Autrichiens pussent traverser le tertis
toire François , pour se rendre sur le territoire
Belgique.
Lettre de M. de Montmorin à M. de la
Tour- du -Pin , en date du 27 juin , par laquelle
il invite ce dernier à présenter au
Roi la demande de l'Ambassadeur Autrichien
, ajoutant qu'il la croit conforme à la
réciprocité établie par les Traités subsistans
entre les deux Puissances . Lettre ,
du 17 juillet , de M. de la Tour- du- Pin à
M. de Montmorin. Le Roi a décidé , conformément
à votre avis , que la demande de
M. de Mercy étant fondée sur la réciprocité ,
nn
"
― en date
seroit porté aucun empêchement au
passage des Troupes Autrichiennes , puisque
celles de Sa Majesté passent librement.
Je vous adresse la copie de la lettre
que j'adresse à MM. Bouillé et de Sarlabous.
"
M. de Bouillé a adressé ces mêmes ordres au
Lieutenant de Roi de Thionville , et même.
au Commandant de Verdun , où ils ont occasionné
une grande fermentation : le Peu
ple a arrêté un convoi destiné pour Nancy
dans la crainte qu'il ne fût rencontré par
les
Troupes Autrichiennes.
Nous avons compulsé les Traités : il cons ,
te , par celui de 1769 , confirmé en 1779
que la réciprocité de passage n'est nullement
etablie pour les Troupes Autrichiennes .
( A ces mots une joie subite s'est répandue
dans la Salle , et s'est même manifestée par
quelques applaudissemens . ) L'Article 34 de
ce Traité porte que les Troupes de Sa Ma(
44 )
jesté Très - Chrétienne pourront traverser le
Comté de Beaumont , à condition qu'elles ne
logeront pas sur le territoire de l'Empire ,
qu'elles ne commettront aucun dégât , et que
toutes les dépenses qu'elles feront dans leur
passage seront payées comptant et de gré à
gré.
"
Ce Comté de Beaumont est pour ainsi
dire enclavé dans la France , et pour aller de
Givet à Maubeuge , à Philippeville , à Mariembourg
, il est indispensable dé le traver
ser... Mais il est évident que le Ministre s'est
trompé sur les dispositions de ce Traité , où
qu'il n'en avoit pas connoissance , puisqu'il
a fallu le chercher un jour entier. Ainsi la
réciprocité n'est point établie : quand elle le
seroit les Troupes Autrichiennes n'auroient
1.40 au dejõulu France ; or il étoit impossible
qu'elle ne séjournasssent pas depuis
Givet jusqu'à Verdun .
Ensuite , le Ministre à oublié ou mal entendu
le décret du 28 Février dernier , portant
qu'il ne pourra être introduit dans le
Royaume , ni admis au service de l'Etat ,
aucun Corps de Troupes étrangères , sans
un Décret du Corps législatif , sanctionné
par le Roi.
Les ordres donnés pour l'introduction
d'une armée Autrichienne en France , sont
une erreur des Ministres , qui ne connoissoient
ni les Traités ni vos Décrets.
2º. Sur le troisième objet de notre mission,
concernant la vérification des Garnisons des
frontieres , M. de la Tour-du - Pin nous a
remis le Mémoire explicatif que voici :
« Il a toujours été regardé comme indispensable
, militairement et politiquement ,
( 45 )
1
d'entretenir sur les frontières de l'Alsace ,
des Evêchés et de la Flandre , la majeure
partie des Troupes sur pied , et vous vous
convaincrez facilement , en jetant les yeux
sur l'etat , que malgré les obstacles qu'on a
rencontres , ce principe n'a point été négligé.
"
" 257
La haute Alsace va se trouver , à la
vérité , diminuée de quatre bataillons , mais
l'exécution du Décret rendu à l'occasion des
troubles de Lyon , a déterminé ce mouvement.
Besançon a également fourni deux
bataillons , et l'on a tire de la Franche-
Comté et de la Bourgogne , la Cavalerie
que l'on a juge indispensable d'y faire
marcher. "
་ ་ A l'exception de cette diminution forcée
, toutes les garnisons de l'Alsace , de la
Lorraine , des Evêchés et de la Flandre ,
sont sur le pied de paix le plus fort . Vous
trouverez ainsi depuis Bitche jusqu'à Dunkerque
, 81 bataillons et 74 escadrons ; et
depuis Landau jusqu'au Fort de l'Ecluse ,
35 bataillons et 30 escadrons , y compris les
Troupes destinées pour Lyon. "
"
Sur la frontiere de Champagne , la
crainte d'une insurrection que j'ai dú cher-
«cher à prévenir , m'a engagé à proposer au
Roi de retirer de Charleville le Régiment
de Bercheny ; mais je ne m'y determinai ,
que parce que j'avois des moyens de le remplacer
immédiatement par les Chasseurs de
Picardie : le Décret de l'Assemblée Nationale
qui demandoit une garnison de Cavalerie
pour Haguenau , m³aƒ forcé d'y faire
passer ce dernier Corps .
"
"
D'ailleurs , les villes de Mézières et de
( 46 )
" Charleville ne faisoient , en quelque façon
qu'une seule ville ; j'avois pensé qu'en con,
servant deux bataillons dans la premiere , je
pourrois pendant quelque temps être sans
inquiétude sur cette disposition . »
་་
Cependant , sur les représentations du
Département des Ardennes , je viens d'ex- ·
pédier des ordres pour faire rendre à Charleville
, momentanément , un escadron d'Esterhazy
; et si les circonstances deviennent
plus impérieuses , il sera facile et expédient
d'y faire passer un Régiment de la garnison
de Metz. Ainsi , cette frontière a à peine
perdu deux escadrons , qu'en cinq ou six
jours de marche on peut s'y reporter avec une
augmentation considérable de forces , si elle
devenoit nécessaire .
((
La frontière des Alpes n'a jusqu'ici
jamais attiré l'attention du Gouvernement ;
cependant , les inquiétudes que l'on peut
concevoir dans ce moment , ' ont engagé à y
veiller particulierement , et elle se trouve
actuellement plus garnie de Troupes qu'elle
ne l'est ordinairement en temps de paix. La
Provence et le Dauphiné n'ont pas , depuis
long-temps , réuni 27 bataillons et 6 escadrons
comme aujourd'hui . Les Troupes qui
marchent vers Lyon rapprochent encore des
forces assez nombreuses pour rassurer dans
un premier moment. "
་་ Si , pressé par les instantes sollicitations
du Général Paoli , j'avois proposé de faire
passer en Corse le bataillon de Chasseurs-
Royaux - Corses , c'étoit avec l'intention de
le remplacer en Dauphiné; et le retour d'un
bataillon du Régiment du Maine , que cette
disposition facilitoit , en donnoit un moyen
( 47 )
de plus. Je l'ai mandé dans le temps à fa
Municipalité de Grenoble.
"
L'intérieur du Royaume emporte un plus
grand nombre de Troupes que de coutume .
Vous connoissez parfaitement les troubles
qui se sont elevés dans les Départemens de
la Corrèze , de la Nièvre , de l'Allier et de
l'Aube ; la nécessité de conserver des détachemens
dans ceux de la Seine et Marne ,
de la Seine et l'Oise , et du Loiret , dans la
Normandie ; enfin , tous les autres motifs
qui ont engagé à disperser successivement
une partie de l'Armée . Cette dispersion néan
moins n'occupe encore qu'environ 30 bataillons
et 36 escadions. Nos Cótes n'ont que
leurs garnisons ordinaires , et l'escadre de
Brest a même diminué sensiblement celles
de la Bretagne. "
40
Ces éclaircissemens , a continué M. Fréteau
, accompagnes des pieces justificatives ,
nous ont paru satisfaisans. Passons an troisième
objet , les éclaircissemens à prendre
sur les vues des Puissances Etrangeres : notis
avons recueilli des informations de M. de
-Montmorin , que l'Angleterre continue ses
armemens avec la plus grande activité. 61
vaisseaux de ligne sont prêts à agir ; l'Armée
est augmentée ; toutes les Milices du royaume
sont convoquées ; les Escadres viennent encore
d'être renforcées ; 4 vaisseaux Hollandois
s'y sont joints , et 6 autres doivent s'y
joindre incessamment ; la presse se fait avec
tant d'ardeur que les billets d'exemption
donnés par le Ministre sont considérés comine
nuls. Cependant les négociations du Cabinet
de Saint- James avec celui de Madrid , font
espérer que la paix va se conclure entre ces
( 48 )
deux Puissances , et l'on ne sauroit plus
douter que les propositions raisonnables de
l'Espagne ne soient acceptées. De si grands
arniemens , nous a ajouté le Ministre , ne
peuvent avoir le Nord pour objet . Les vaisseaux
sont trop forts , et il est trop tard pour
passer le Sund. Les dispositions du Ministere
Anglois sur la Révolution de France ,
et ses desseins sur les possessions maritimes
de la Maison de Bourbon , sont trop
connus , pour ne pas donner les plus grandes
inquiétudes , sur-tout lorsqu'ils se manifestent
par un armement qui coûte déja à l'Angleterre
plus de 36 millions . >>
M. de Montmorin nous a dit qu'il n'avoit
pas pu instruire plus tôt l'Assemblee de ces
differentes dispositions , pour ne pas altérer
la sécurité des fêtes de la Fédération ; mais
qu'il se proposoit de lui envoyer incessamment
un Memoire à ce sujet.
« L'Espague ne peut donner d'inquiétudes ,
elle se borne à intercepter la communication
deses Peuples avec la France , et à les premunir
contre l'amour des innovations ; ses
troupes sont encore dans leurs garnisons ordinaires.
Cependant sa flotte est respectable ,
et offre à Cadix une réunion imposante.
"
37
« L'inclination du Roi de Hongrie à la
paix est encore dans l'opinion du Ministre.
Cependant il est à croire que , si le Traité
entre le Roi de Prusse et lui , et les Princes
Allemands qui veulent s'y faire comprendre ,
vient à se consommer , il portera toutes sesforces
contre les Provinces Belgiques. — Les
Princes Allemands se liguent pour soutenir
les droits que leur assure en Alsace le Traité
de
( 49 )
de Westphalie , et pressent le Roi de Hongrie
et les autres Puissances d'assurer la
garantie de leurs Fiefs ; le seul qui avoit
d'abord paru vouloir s'en tenir à l'indemnité
proposée par le Roi , est rentré dans la
ligue. L'Evêque de Spire est à leur tête , et
les excite. Le Clergé et la Noblesse immédiate
d'Alsace se coalisent avec eux ; ils ont
même député à la Diète de Ratisbonne. Les
réfugiés François font entrer de plus en plus
dans leur parti divers Membres de la Confédération
Germanique. "
L'alliance du Roi de Prusse avec l'Angleterre
est connue . Son influence sur la
Hollande est toute puissante ; l'état de ses
Finances et de son Armée le rendent aussi
redoutable que ses liaisons .
"
"},
« Le Roi de Sardaigne a donné ordre aux
Réfugiés François de rentrer dans l'intérieur
de ses Etats. On attribue cette mesure
un projet contre Nice , formé par les Gardes
Nationales de Provence . "
( Ici , M. de Mirabeau l'aîné a interrompa
le Rapporteur , pour assurer que l'ordre de
retraite intimé aux Réfugiés de Nice , prenoit
sa cause dans la plainte du Capitaine
d'ine Tartane Marseilloise qu'ils avoient
insultée . M. de Mirabeau trouvoit ce motif
aussi simple que vraisemblable ; mais d'abord
M. Fréteau a certifié que les Ministres n'avoient
pas parlé de ce fait , et ensuite M.
the Cazalès a prouvé en deux mots l'invraisemblance
de l'explication donnée par M.
de Mirabeau ; car si le Roi de Sardaigne étoit
mécontent des Réfugiés François , il ne les
recevroit pas dans l'intérieur de ses Etats ).
« Le Ministre n'a point ajouté foi au rassemblement
de Troupes que nous lui avons
No. 32. 7 Août 1790. C
( 50 )
*
7
dit se faire à Chambéry ; il paroît qu'il n'en
a aucune connoissance , non plus que du
passage de nos anciens Employés des Fermes
en Savoye.
1
que l'in- convient ant au Brabant , on
discrétion d'un François , sans caractère , a
occasionné un outrage à l'Ecusson de France ,
qu'on a traîné dans les rues de Bruxelles .
Nous avons aussi constaté que notre commerce
sur la Meuse a été intercepté soit par
les Troupes Autrichiennes , soit par les
Troupes Belgiques cantonnées sur les rives . »
« D'après la vérification de tous ces faits ,
vos Commissaires ont rédigé un Projet de
Décret.
r
17
que ,
M. Fréteau omettoit de raconter suivant
le rapport de M. de Montmorin , M. le
Cardinal de Rohan agissoit conjointement
avec l'Evêque de Spire , et travailloit , par
son Envoyé à la Diète de Ratisbonne , à
échauffer les esprits . M. Emmery a rappelé
cette imputation , en demandant que M. de
Rohan fût appelé à la barre .
M. Arthur Dillon a pris la défense - du
Ministre de la guerre , et a soutenu, malgré
de violens murmures , qu'il n'avoit pu sans
injustice , sans manquer à la saine politique ,
refuser le passage aux Troupes Autrichiennes.
Il en a appele à la conscience de chaque
Membre ; en est - il un seul qui ait pu cônfondre
l'introduction de Troupes étrangères ,
interdite par le Décret du 28 Février , avec
fondé
Je passage de quelques Détachemens ,
sur le voisinage et la réciprocité ?
Je suis d'un tout autre avis , a dit M.
d'Aiguillon . Toutes les Puissances voisines
sont liguées contre nous ; elles ont des armemens
considérables ; leurs Troupes campeat
( 51 )
sur nos frontières . Le Ministre des Affaires
Etrangères ne nous instruit pas de faits aussi
alarmans , atiendu , allegue- t il , les fêtes de
la Fédération . Dans le même instant , il
opine à ce qu'on livre le passage aux Troupes
Autrichiennes contre la Lettre des Traités ;
et M. de la Tour- du - Pin , contre vos Décrets
, ordonne aux Commandans des frontières
, et même des places fortes depuis
Givet jusqu'à Verdun , d'ouvrir leurs portes ,
à la seule réquisition des Généraux étrangers
, à tel Corps de Troupes qui se présenteront
, sans exaininer leur nombre , ni leur
destination . Il n'en instruit pas même l'Assemblée
Nationale ; il choisit le moment où
les peuples des frontières sont en alarmes . Je
demande que ces deux Ministres soient improuvés,
et qu'ils soient déclarés personnellement
responsables de tous les ordres qu'ils
pruvent avoir donnés , d'une manière imprudente
où perverse.
""
(f
"
Que la Nation Françoise déploie toute
« son énergie , qu'il soit ordonné des armemens
dans nos ports et sur nos frontières ; qu'il
soit nommé à cet efet un Comité de huit
« personnes chargé de se concerter avec les
Ministres pour nous donner de plus amples
renseignemens sur notre situation avec les
Puissances Etrangères.
"
"
Au lieu de discuter cette Motion qu'arienoit
le Rapport des Commissaires , M. de
Mirabeau l'aine , soit pour la décliner , soit
par un motif de popularité , a jugé convenable
de faire une excursion sur M. le Prince
de Condé.
"
« Il est notoire , a - t- il prétendu , qu'un
Manifeste passe pour avoir été adressé à
plusieurs Municipalités , de la part du ci-
Cif
( 52 )
"
devant Prince de Condé ; Manifeste dénoncé
au Comité des Recherches. Vu les circonstances
, je fais la Motion suivante , en m'interdisant
tous développemens . "
R
་་
« L'Assemblée Nationale considérant qu'il
" est de notoriété publique qu'il a été publié
un Manifeste sous le nom de Louis-Joseph
« Bourbon , dit Condé, ( une voix a crié Condé
« est bien Condé ; c'est un nom de Guerre , )
attendu le suprême intérêt de la patrie , dé-
" crète que Louis - Joseph Bourbon dit Condé ,
« sera tenu de faire , sous trois semaines , le
désaveu authentique et légal de ce mani-
« feste; à défaut de quoi son silence sera réputé
« comme un aveu ; et en conséquence Louis-
Joseph Bourbon dit , Condé , sera déclaré
traître à la Patric ; ses biens confisqués au
profit de ses créanciers , et le reste au
profit des travaux publics , sous l'inspec-
« tion des Directoires de Districts et de Départemens
, ou remis à ses enfans , s'ils se
" présentent pour le recueillir. "
"
"(
"
((
"
"
"
Si l'Accusé désavoue le Manifeste , a
ajouté M. de Mirabeau , que M. d'André ramenoit
à la question , « il aura la plus belle
» occasion de rentrer dans sa Patrie , et de
prêter le serment civique. »
<<
Et moi , s'est écrié M. de Cazalès , attendu
l'intérêt suprême de la Patrie , je demande
qu'on passe au Projet de Décret de
vos Commissaires . Je sais très- peu de gré à
M. de Mirabeau , de ne nous avoir pas donné
les développemens dont il dit que sa Motion
étoit susceptible. Je n'ai nulle connoissance
du Manifeste attribué à M. de Condé , et je
crois que les quatre cinquièmes de l'Assemblée
se trouvent dans le même cas. Il est
inoui d'interpeller ainsi , sur la clameur pu
blique , un Prince du de nos Rois.
sang
N
( 53 )
"
En conséquence je demande l'ajourne-'
• ment jusqu'à ce que le Comité des Recherches
ait prouvé l'existence du Manifeste. "
Toute dénonciation est sûre du premier
instant de faveur : elle flatte les passions ,
elle a l'air d'être inspirée par le vrai zèle ,
et la hardiesse de l'Accusateur en impose au
Vulgaire bien plus que l'invraisemblance de
l'accusation .
(t
On demande à grands cris le Comité des
Recherches ; il arrive dans la personne de
M. Voidel , son Vice - président . Si l'Assemblée
, dit- il , veut attendre six minutes , je lui
communiquerai les bases de ce manifeste ,
jointes à un projet de Contre- révolution . "
«
Pendant qu'un Huissier va chercher le
prétendu Manifeste et la Contre - révolution ,
M. Barnave demande à M. Voidel s'il a
connoissance des projets hostiles de M. Capet
dit Condé. Le Ministre , répond le Chef
des Recherches , nous a en effet communiqué
, par forme de conversation ; « Que M. de
Condé étoit l'homme le plus dangereux pour
la Révolution de France ; qu'il avoit de l'argent
, et qu'il ne savoit pas comment il se
l'étoit procuré.
M. de Lameth , après s'être plaint de n'avoir
pu obtenir du Ministre de la Guerre ,
des armes demandées par un grand nombre
de Municipalités , a fait ajouter au Décret
proposé par M. Fréteau , qu'il seroit fait
une nouvelle fabrication d'armes et de munitions
, et que pour leur livraison aux Municipalités
, le Ministre seroit tenu de se
concerter avec le Comité Militaire . Cet amendement
a été annexé au Décret général qu'on
lira dans l'instant.
La Motion de M. d'Aiguillon remise en
Ciij
( 54 )
délibération par M. Prieur , combattue par
M. de Bonnay et de Castellanne , n'a pas
même soutenu l'épreuve de la question préa
lable.
K
"
Silence , Messieurs ! ont crié en entrant
les Huissiers escortant le Projet de Contre-
révolution , et aussitôt tous les yeux se
sont reportés sur M. Voidel. « Cette dénonciation
, a - t - il dit au milieu du calme le
plus profond , est signée de M. Castillon ,
Commandant de la Garde Nationale de Cette ;
il la tient d'un nommé Georges Combes , Négociant
, absent de Cette en ce moment . Les
Contre- révolutionnaires ont pour eux l'Espagne
qui doit fournir tous les secours nécessaires
, tant en Troupes qu'en Vaisseaux
et en argent ; la Sardaigne qui doit fournir
30,000 hommes , la Prusse 30,000 hommes ,
le Roi de Hongrie 30,000 liv. , les Princes
de l'Empire fournissent leur contingent.
Ils doivent entrer par le Pays de Com- ,
minges ; ils se flattent d'avoir pour eux Toulouse
, Lyon , Montauban , etc. Le Prince
de Condé doit être Généralissime de l'Armée ·
combinée. Pour attirer plus facilement tous
les mécontens François dans son parti , il
DOIT PUBLIER un Manifeste , dans lequel on
promettra que la Noblesse contribuera sansexemption
aux charges pub- iques , que le
Clergé sera moins bien traité que par les Dé.
crets de l'Assemblée Nationale ; les dîmes
entièrement abolies , l'hypothéque le plus sûr
donné aux Assignals , l'argent rendu commun
, une partie de la Garde Nationale conservée
, etc. Ils doivent entrer vers la fin de
ce mois de Juillet , ou au commencement
du mois prochain . "
Cette dénonciation à la Municipalité de
Cette finit par ces mots : Les momens sont
15
( 55 )
précieux ; notre Garde Nationale a besoin
d'armes ; je vous prie d'en référer à l'Assemblée
Nationale , et de nous autoriser à un
emprunt de 15000 liv . pour lui en procurer. »
Ce tissu d'extravagances où l'on fait entrer
60000 Allemands par le Pays de Comminges ;
cet ouvrage d'un affamé qui ambitionne
une aumône en récompense de sa découverte,
cette fable stupide , si bien accueillie par M.
Castillon , étoit suivie d'une belle Délibération
de la Commune de Cette . M. Foùlei alloit
en faire lecture pour compléter , sans
doute , la preuve de ce Chef- d'oeuvre de
Contre - Révolution ; mais l'Assemblée lui
avoit rendu justice , et a refusé d'en entendre
davantage. Un Membre a regardé la demande
des 15000 liv. comme le bout d'oreille,
comme le but de la dénonciation .
" Le Commandant de la Garde Nationale
de Cette , a ajouté M. de Foucault , n'avoit
pas besoin de forger une Dénonciation pour
avoir des armes ; il faut l'autoriser à prendre
ces 15,000 liv . sur les 50,000 qu'à promis
M. de la Borde au Comité des Recherches .
M. de Mirabeau seul insistoit sur la propriété
, la convenance , la justesse de sa Motion
; non ébranlé par l'absurdité du Projet ,
il trouvoit judicieux et prudent de soupçonner
M. le Prince de Condé d'un acte de démence
que M. de Mirabeau n'eût pas osé imputer
son Laquais , de constater ce soupçon par
un Décret , de déclarer le Prince de Condé
traître à l'Etat , s'il ne répondoit pas à la
sommation , et la raison qui , suivant la politique
de M. de Mirabeau , devoit déterminer
l'Assemblée à cet outrage , il la trouvoit dans
les talens militaires de celui qu'il falloit on
trager.
Civ
( 56 )
-
Heureusement pour l'intérêt public , la
Motion perdoit du crédit à chaque minute.
Les opinions s'étoient formées ; les deux
partis , qui composent la majorité , s'étoient
séparés ; le plus nombreux accusoit l'autre de
vouloir éluder la poursuite des Ministres ; les
ennemis de M. de Mirabeau parcouroient les
rangs , et disoient tout haut qu'il existoit un
Projet de faire entrer en France un Chef de
parti ; les plus impétueux s'efforçoient d'écarter
pour le moment , sans la faire rejeter ,
une Motion dans laquelle ils étoient fachés
d'avoir été prévenus , et envioient à son
Auteur la popularité qu'elle pouvoit lui donner.
M. Robespierre a pris la parole et a
culebuté M. de Mirabeau , par des interpellations
très fortes : Comment pou
vons nous délibérer , s'est il écrié , sur un
Manifeste méprisable , que personne ne connoît
? Je demande à M. de Mirabeau pourquoi
, parmi les nombreux ennemis de la
Révolution , il n'aperçoit que M. Louis - Joseph
Bourbon ? S'il falloit un exemple exclusif
, je demande s'il faudroit choisir un
homme que des préjugés , pour ainsi dire
naturels et innés , et tant de puissans intérêts
ont pu indisposer contre la Revolution?
Cet exemple devoit - il être choisi parmi les
ci- devant Princes , et parmi la famille des
Condés ? Je demande que la Motion de M.
de Mirabeau soit écartée ; que l'Assemblée
fixe unjour pour s'occuper des moyens efficaces
de s'opposer aux efforts des Ennemis
de la Révolution en général , et sur- tout
aux manoeuvres de ceux que leur état devoit
y attacher ; que l'abus qu'ils font de l'autorité
qui leur est confiée pour le soutien de
la Constitution , rend plus coupables ;
qui sont chargés de faire exécuter vos Déņ
( 57 )
crets , et qui travaillent à les détruire . Je
fais , en outre , la Motion expresse que les
Représentans de la Nation prennent entre
leurs mains le fil de toutes les opérations qui
intéressent la liberté. »
2
J'appuie d'autant plus la question préalable
, a dit dans un autre sens et très-justement
M. de Cazalès , que si M. de Condé
avoit pu concevoir des projets hostiles contre
la France , la Motion de M. de Mirabeau
seroit le sûr moyen de l'y confirmer. Ce n'est
pas par des interpellations , injurieuses à son
patriotisme , que vous le ferez rentrer sans
danger en France , où il est libre de revenir
quand il lui plaira ; ce n'est pas par des
moyens de rigueur que vous réunirez ceux
que la crainte a dispersés.
D
Louis-Joseph Bourbon , a repris M. de Mirabeau
, a été principalement l'objet de mon
animadversion , 1 ° . parce que ses talens militaires
le rendent redoutable ; 2 ° . parce que
l'Assemblée étoit alors occupée des mouvemens
extérieurs . Il étoit naturel de vous dénoncer
celui qui est , ou qui doit être à la
tête d'une armée , destinée , dit - on , à fondre
sur nous. M. Robespierre ne s'est pas rappelé
que M. de Montmorin , qu'il choisit objet
de ses reproches , désigne Louis- Joseph
Bourbon , comme l'homme le plus dangereux
pour la Révolution . L'Assemblée Nationale
a sans doute le droit , bientôt peut - être
aura -t- elle le devoir de déclarer si les Ministres
ont la confiance de la Nation ; mais
elle ne peut les improuver , saus relâcher tous
les liens de la subordination .
"C
pour
Si je voulois porter sur les Décrets de
l'Assemblée Nationale , a dit M. de Saint-
Fargeau , dont l'opinion publique fait toute
Cy
( 58 )
la force , la défaveur et le discrédit qui accompagnent
une délibération peu réfléchie ,
je vous proposerois d'adopter la décision du
Préopinant , sur la simple dénonciation d'un
Manifeste qui ne nous a pas même été lu .
Coriolan aigri par les Romains , se retira
chez les Volsques , et ilen obtint des secours
qui mirent sa Patrie à deux doigts de sa
perte .... Ce ne sera pas chez les Volsques
que Louis- Joseph de Bourbon prendra sa retraite
; mais les Peuples puissans sont gouvernés
par des Bourbons . Voilà l'hospitalité
qui l'attend ; et je ne veux pas lui prêter
l'intérêt que ses malheurs même lui donneroient
, lorsqu'il se présenteroit devant ses
propres parens , tout couvert des blessures
morales que lui auroient fait vos Décrets . Je
pense que nous devons au plus tôt nous occuper
de l'ensemble des dangers dont la France
est environnée . Sur la Motion présente , je
ne suis d'avis ni de la question préalable , ni
de l'ajournement , mais je demande que l'on
passe à l'ordie du jour.
Cette opinion est devenue presque géné
rale , et l'Assemblée a décidé de passer à l'or
dre du jour.
DU JEUDI 29 JUILLET.
Il n'est personne qui , à la lecture des
détails de la Séance d'hier , ne soit tenté de
considérer la France comme enveloppée d'une
Conspiration universelle contre sa liberté ,
et les Puissances Etrangères comme ébranlant
leurs Armées de toutes parts pour opérer
parmi nous ce qu'on appelle une contre-
Révolution. Si la méfiance est la mère de la
sureté , les fausses alarmes qui provoquent
de fausses mesures , sont , en Politique comme
( 59 )
en Guerre , le plus dangereux service que
puisse rendre un zèle mal eclairé. Les affaires
extérieures traitées en public , prennent bientot
un mouvement peu mesuré : les soupçons
qui devroient rester secrets , ( car, comment
les vérifier , lorsqu'on avertit ses Ennemia
qu'on les surveille , et de quelle maniere on
les surveille ) ; les soupçons deviennent des
faits positifs , et les craintes des réalités :
les têtes s'échauffent et se perdent. On accuse
sans ménagement , on conjecture sans vraisemblance
, on dirige sa marche avec le ban
deau de la prévention . Chacun se pique
d'imaginer des faits , et personne de les
examiner. La multitude s'empare ensuite de
ces nuages ; elle les electrise , elle en forme
une tempête : l'opinion , animée par la terreur
, s'altere et ne se redresse plus pour
écarter des desseins ennemis , on heurte
ouvertement des Puissances qu'une fermeté
prudente suffiroit à déconcerter, et dont un
choc devenu public compromet Phonneur ,
et quelquefois la sureté . On les invite à des
projets en les leur supposant ; en précipitant
soi-même ses précautions , on accelere les
leurs ; l'inquiétude s'empare de tous les Cabinets
, et dans cet état des choses , une
étincelle suffit à allumer la guerre .
Ce n'est pas moi qui dit ces vérités ; c'est
l'histoire , c'est l'expérience . Le tableau présenté
dans le Rapport de M. Fréteau sur
l'autorité de M. de Montmorin , méritoit sans
doute l'attention et la défiance de l'Assemblée.
Il est impossible de ne pas se demander
, comment un motif aussi foible que celui
tiré des Fêtes de la Fédération , a pu déterminer
ce Ministre à garder le silence sur
des révélations si urgentes ?
1
Cvj
( 60 )
Quant à la dénonciation de M. le Prince.
de Condé , que M. Voidel a attribuée à M. de
Montmorin , on assure qu'elle n'a pas été
exactement rendue , et qu'on a traduit une
hypothèse en allégation positive ; mais , jusqu'ici
, M. de Montmorin n'a ni désavoué ni
éclairci cette conversation ; le Rapport de
M. Voidel reste donc dans toute sa force.
Il est sans doute permis de s'étonner que ,
dans une conférence de cette nature dans
des conjonctures pareilles , un Ministre ne
fixe pas ses paroles sur le papier , et qu'il
s'expose aux inexactitudes souvent involontaires
des redites.
Le reproche fait au même Ministre quant
au passage éventuel de quelques Autrichiens,
sur une langue de terre qui sépare le territoire
des deux Fuissances , a été suffisamment
réfuté par la Lettre de M. de Montmorin.
Il n'étoit point en ceci Ministre
Ordonnateur : c'est au Chef du Département
de la Guerre , qui a pris les ordres du
Roi , à en répondre ; mais de quoi répondroit-
il ? de s'être conformé à un usage universel
, au principe éternel du Droit des
Gens concernant le transitus innoxius , à une
réci procité parfaitement évidente ? Si le
Traité , cité par M. Fréteau , stipule pour
la France seule la liberté du passage ,
e'est qu'elle en a besoin tous les jours ,
c'est qu'elle ne peut en être privée sans inconvénient
, c'est qu'il étoit de son intérét
de fixer un mode , auquel elle étoit obligée
d'e recourir très -fréquemment , et pour se
ds penser d'une requisition à chaque changement
de garnison . En un mot , la France a
le besoin ordinaire du passage ; l'Autriche
n'en a besoin qu'extraordinairement : à la
( 61 )
première , il falloit donc une stipulation formelle
; à la seconde , le simple usage entre
Voisins et Alliés , et le principe reconnu
du Droit des Gens.
Toute évidente que nous semble cette
vérité , on ne sauroit blâmer ceux qui pensent
que , dans nos conjonctures , les Ministres
de nos jours eussent consulté la prudence,
en informant l'Assemblée de la demande de
M. le Comte de Mercy , en évitant ainsi de
compromettre le nom du Roi , qui reste
compromis , et en allant au- devant de l'interprétation
véritablemeut forcée , qu'on a
donnée au Décret contre l'introduction de
Troupes Etrangères.
En jetant un oeil calme sur la masse des
dangers , dont quelques Oráteurs ont circonrenu
la France , on rétrécit beaucoup le
champ de ce microscope.
En effet , à quel Politique persuader que
le Roi de Hongrie disputant la paix avec le
Roi de Prusse , ayant à tranquilliser la Hongrie
, un Etat tout neuf à administrer , les
plus belles Provinces de son Empire à réduire
, les plaies de la guerre à refermer
songe à des contre- Révolutions Françoises ?
Que le Roide Prusse , encore plus étranger
à nous , dont le Cabinet s'est jusqu'ici jugé
invulnérable aux coups du fanatisme politique
et aux séductions de ses Propagateurs ,
préoccupé autour de lui des intérêts les plus
sérieux , et ne voulant de la France ni pour
amie , ni pour ennemie , va envoyor ses
Hussards se combiner avec MM. de Maillebois
, de Bonne , et autres Conspirateurs dé
cette force ?
Que le Roi de Sardaigne avec 30 mille
hommes au plus , et 30 millions de revenu ,
( 62 )
ira livrér ses Etats à une invasion inévitable ,
pour en faire une dans le Royaume ? Les
armemens de ce Prince sont très - exagérés
( nous en parlerons ineessamment ) ; ils n'ont
pas eu d'autre motifque le maintien de l'ordre
en Savoie , le dessein de prévenir une con
trebande ouverte , et celui de préserver les
Villes et les Campagnes , des Séducteurs
étrangers , qui venoient y prêcher publique,
ment la révolte , comme ils l'ont fait à Chambéry
et à Montmélian.
De cette universalité de conjurations , on
n'en voit réellement qu'une qui puisse faire
naître des alarmes , c'est celle des Flottes
Britanniques , faisant vcile dans le mystère ,
et menaçant , si , comme on le pense , les
differends avec l'Espagne sont conciliés , nos
Colonies et notre Commerce , qui l'intéressent
beaucoup plus que nos Decrets Constitutionnels.
Je ne parle pas ici des Princes Allemands ,
dont une négociation peut assoupir les démarches
, et qui ne souleveront surement les
principales Puissances d'Allemagne que
dans le cas où le maintien du Traité de
Westphalie trouveroit une Ennemie dans la
France , qui l'a garanti.
Redouter une Croisade des Puissances
Etrangères contre la Constitution actuelle ,
et des Armées destinées à la détruire , c'est ,
il nous semble , placer mal- adroitement sa
prévoyance. Les Conjurés à craindre , les
Conjurés qui , en menaçant l'Europe entière ,
peuvent la soulever en effet , ce sont les
Prédicateurs d'insurrections , cesFolliculaires
qui insultent tous les Souverains , ces Clubs
et leurs Ecrivains , qui tiennent école d'anarchie
, enseignent l'art des calamités publi
( 63 )
le
ques , dispersent leurs Agens sur la face
des Empires , pour y porter le trouble ,
meurtre , la misère et la guerre civile , au
nom de la Philosophie ; ce sont ces sophistes
incendiaires qui excitent les Peuples , non à
invoquer avec modération le redressement.
des abus , le perfectionnement des Lois , la
réforme des usages oppressifs ou humilians ,
les limitations de l'Autorité arbitraire , et
les droits imprescriptibles de la liberté ci- ›
vile ; mais à détruire toutes les Autorités ,
à proscrire les Souverains , à placer le des- >
potisme dans la multitude , à considérer
toutes les institutions existantes comme devant
être le jouet de la force et de la séduction
; à bouleverser la Société pour la régé
nérer , et à y parvenir par la violence , en
effaçant , le sabre à la main , toute distinction
parmi les hommes , toute inégalité de
naissance , d'état et de fortunes , toute su→
bordination aux Lois qui n'ont pas été dictées
par la multitude .
Oh! certes , il ne faut pas douter que ces
Projets de soulever par- tout les Peuples , et
de corrompre les Armées , ne forcent bientôt,
toutes les Puissances à de redoutables précautions
les moyens d'exécution dont on
les menace justifieront leur résistance ; car
le Souverain le plus juste et le plus desintéressé
aura le même intérêt que le Despote ,
à prévenir la ruine de sen Pays , les brigandages
, les assassinats , la dissolution de tous
les liens , et l'oubli de tous les devoirs . Voilà
les seuls et véritables motifs de crainte que :
nous pouvons entretenir , et personne n'osera
dire que nous ne sommes pas maîtres de les
dissiper.
L'étendue nécessaire des Séances précé(
64 )
denfes nous réduit au sommaire de celle- ci
et des suivantes , qui présentent moins d'intérêt
.
M. le Garde - des- Sceaux a envoyé à l'Assemblée
un Mémoire de M. le Bailli de
Virieu , Ministre de Malthe , et qui , au nom
de son Ordre , réclame contre le Décret du
3 Juillet , par lequel il est statué que , les
sommes provenans du rachat des Droits Féodaux
appartenant à l'Ordre de Malthe , seront
versées provisoirement dans les Caisses
de l'Extraordinaire .
M. Camus s'est plaint de ces réclamations ,
qui traversoient sans cesse la marche de l'Assemblée.
On ne doit jamais réclamer avec
M. Camus ; la seule vertu dont il permet
l'exercice est la résignation muette : au
reste , la note de Malthe lui a fourni l'occasion
de faire un grand pas , et de demander
que le Comité de Constitution , auquel
se joindroient deux Membres de quatre
autres Comités examinent tout ce qui
concerne les Ordres de Malthe , de Saint-
Louis , du Mont- Carmel et Saint - Lazare
de Saint - Michel et du Saint- Esprit. L'Assemblée
l'a ainsi décrété , et nous allons voir
incessamment ces Ordres vigoureusement
travaillés , et peut-être anéantis.
Après cette décision , M. Fréteau est parti
d'un Traité de limites fait en 1769 entre la
France et le Roi de Sardaigne , pour demander
la formation d'un Comite de douze Membres
, qui examineroit tous nos Traités , et
toutes nos Affaires Etrangères , pour en rendre
compte à l'Assemblee , qui pourvoira à la
sureté de l'Etat.
Sur l'observation de M. Regnaud de Saint-
Jean d'Angely, l'Assemblée a trouvé ineons(
65 )
се
"
titutionnelle la seconde partie de cette Motion
, qui enleveroit au Roi l'initiative. On
s'est borné à décréter la nomination d'un
Comité de six Membres , chargés de prendre
connoissance des Traités existans entre la
France et les Puissances Etrangères , et
« des engagemens respectifs qui en résultent ,
pour en rendre compte à l'Assemblée , au
moment où elle le demandera . »
fe
*
"
"(
On a ensuite décrété , presque sans discussion
, le Projet sur les Assignats , présenté
le 25 par M. le Coulteux. 1º . Les Assignats
seront échangés contre les Billets de
Caisse d'Escompte , à compter du to Août
"' prochain ; 2º. il ne sera délivré et échangé
« que 10 mille Assignats par jour , de 1000 liv .
de 300 et de 200 liv . On constatera la brúa
lure des Billets qui seront échangés pour
des Assignats . "
it
"
"
་ ་
" T
"
3°. Les sommes qui devront être fournies
« au Trésor Public , continueront à lui être
délivrées en Billets de Caisse servant de
promesse d'Assignats , sur l'autorisation
successive de l'Assemblée Nationale , jusqu'à
la concurrence de 95 millions , laquelle
somme avec celle de 170 millions ,
précédemment versée par la Caisse d'Escompte
, et celle de 135 millions qui a été
" successivement fournie par ladite Caisse ,
complètera celle des 400 millions , montant
total des Assignats qui ont été destinés
au service des années 1789 et 1790 ,
" et qui éteindront en totalité les dettes de
la Nation envers la Caisse d'Escompte.
"
$4
12
M. Alexandre de Lameth a fait lecture du
Plan Militaire du Ministre de la Guerre ,
qui demande une Armée active en temps de
paix de 150 mille hommes , et de 100 mille
( 66 )
auxiliaires . Le Rapporteur a ensuite comparé
ce Plan avec celui du Comité, qui s'en
écarte peu ; mais qui réduit à 50 mille en
temps de paix , le nombre des auxiliaires.
L'Assemblée Coloniale de Saint - Domingue
a pris un Arrêté , par lequel elle déclare
qu'elle ne reconnoîtra d'autres principes
constitutifs de la Colonie , que ceux décrétés
dans son sein et sanctionnés par le Roi , c'est,
à-dire , sans aucun concours de l'Assemblée .
Nationale. On voit que c'est-là précisément
la marche que suivirent les Insurgens de
l'Amérique Angloise : ils refusoient de reconnoître
la Suprématie du Parlement ; on
leur déclara la guerre pour les y forcer . M.
Barnave a aujourd'hui justifié les principes
du Parlement Anglois , en écartant même la
lecture de l'Arrêté de Saint- Domingue ; lecture
que sollicitoit M. de Cocherel. Les Assemblées
Provinciales de la Colonie ne partagent
point , dit -on , les sentimens de l'Assemblée
générale .
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR.
A l'évasion de M. de Bonne - Savardin
quelqu'un aura pu croire que ce prisonnier
et les complices de sa fuite , étoient montés
en voiture en sortant de l'Abbaye , pour
gagner sans délai les frontières du Royaume.
Point du tout cet étrange Conspirateur
est resté froidement aux environs de Paris ;
il est ensuite parti de Paris même ; et son
signalement donné , il a parcouru la route
de Châlons - sur- Marne , où il a été arrêté ,
dans la voiture et la compagnie de M. l'Abbé
de Barmond , Député de Paris à l'Assemblée
Nationale . Cette nouvelle à été annoncée ce
soir par M. le Président ; les Secrétaires
( 67 )
ont fait lecture du Procès- verbal. Voici les
faits :
« M. Mestre , Capitaine de la Garde Nationale
, avoit eu vent de la retraite de M.-
de Bonne dans une maison de campagne ,
à sept lienes de Paris . Des soupçons s'étant
répandus , M. de Bonne fut obligé de quitter
cette solitude ; il demanda un asile à M.
l'Abbé de Barmond , qui le fit venir dans sa
maison , vieille rue du Temple. Plusieurs
jours s'écoulèrent dans le plus grand secret ;
cependant l'arrivée de l'inconnu avoit fait
naître dans ce voisinage les mêmes soupçons.
M. Mestre et M. Julien , Aide de Camp de
M. de la Fayette , en furent avertis par un
quidam , qu'on croit être domestique de M.
de Barmond ; mais pendant qu'ils se munissoient
de pouvoirs , M. l'Abbé de Barmondpartit
en chaise de poste , emmenant avec
lui M. de Bonne et M. Eggs , Fédéré , Député
par la Garde Nationale d'Obernheim.
Les Aides de Camp suivirent la voiture ,
qu'ils rencontrèrent sur le chemin de Châlons
-sur - Marne. M. Julien prit les devans ,
et pria le Maître de Poste de Châlons de
ne point donner de chevaux jusqu'à ce qu'il
eût averti la Municipalité. Sur ce refus de
fournir des chevaux , les trois voyageurs s'acheminent
vers l'Hôtel - de - Ville , pour en
porter leurs plaintes ; mais , au milieu de
leur route , un détachement de la Garde
Nationale les enveloppa , et les escorta jusqu'à
l'Hôtel - de - Ville. Perquisition sévère
fut faite de leurs papiers ; on ne leur trouva
que denx paquets , l'un contenant trois volumes
d'une Histoire de Voyage , le second
de lettres à M. le Cardinal de Rohan , dont
M. Eggs étoit porteur.
port
"
)
( 68 )
ས .
"
་
"
་་
u
"
La lecture du procès-verbal d'arrestation
a été précédée d'une lettre de M. l'Abbé
de Barmond. C'est à la seule sensibilité ,
dit- il , que M. de Bonne a dû cet asyle ,
qu'il m'avoit demandé jusqu'à Strasbourg
seulement. Il n'étoit plus entre les mains
du Comité des Recherches. Le Procureur
de la Commune avoit fait sa dénonciation
" au Châtelet : il n'étoit pas encore au Châtelet
, puisque le Procureur de la Com-
'mune n'avoit pas conclu à le décréter . J'ai
été touché de son sort : qui ne l'eût pas été
« à ma place ? Je déclare sur mon honneur,
que je n'avois pas connu M. de Bonne
« avant qu'il s'adressât à moi pour cet objet.
" . Il est dans cette affaire mille détails dont
« une Lettre n'est pas susceptible . Je supplie
l'Assemblée de me mander auprès d'elle . "
Il faut en convenir ; ces raisons de M. de
Barmond ne l'excusent guères ; elles étoient
peu propres à désarmer l'Assemblée , justement
irritée de voir un de ses Membres
soustraire un Prisonnier à la justice des Lois.
Quant à M. Eggs , il paroît constant que le
hasard seul l'avoit jeté dans cette Compagnie ;
qu'il n'étoit instruit de rien , et ne connoissoit
pas M. de Bonne.
44
7
Le Décret à prendre sur cette affaire a
occasionné une foule de débats , de proposions
violentes fort applaudies , de propositions
modérées , rejetées avec emportement.
En vain , M. l'Abbé d'Eymar a
observé que M. Eggs , absolument étranger
à cette évasion , avoit obtenu , à sa seule
sollicitation une place dans la voiture de
M. de Barmond ; qu'on pouvoit s'assurer de
sa personne , mais qu'il ne méritoit pas d'être
traduit comme criminel , dans les prisons
( 69 )
de l'Abbaye ; qu'à l'egard de M. de Barmond,
il suffisoit de le mander à la Barre.
Un Décret combiné de M. Barnave a prévalu
sur toutes les observations , et a été
adopté en ces termes :
"
Le Sieur de Barmona , Député à l'Assemblée
Nationale , et les Sieurs Eggs et
Bonne- Savardin seront conduits séparément ,
et par les Gardes Nationales , pour être , les
Sieurs Eggs et Bonne - Savardin , déposés séparément
dans les prisons de Paris , et le
Sieur de Barmond dans sa maison , jusqu'à
ce qu'après l'avoir entendu , il ait été statué
à son égard par l'Assemblée Nationale. »
« Le Sieur de Riolles , détenu à Lyon ,
sera conduit dans les prisons de Paris , également
par les Gardes Nationales , et les
pieces saisies sur lui seront apportées au
Comité des Recherches . "
DU VENDREDI 30 JUILLET.
Un décret rendu sur la proposition de M.
Merlin , député de Douay , ordonne aux Etats
du Cambrésis de cesser dès ce moment toutes
fonctions , et de remettre leur inventaire au
Directoire du Département du Nord.
L'on a décrété immédiatement après l'inventaire
des Capucins de la rue Saint Honoré,
les mêmes qui , avant qu'il fût question de
la propriété des biens ecclésiastiques, avoient
déja partagé leur cloître , et cédé leur jardin
aux besoins de l'Assemblée. Il leur est ordonné
de déloger sur le champ , pour faire
place aux Archives Nationales .
M. de Menou a annoncé la révocation des
ordres donnés par les Ministres pour le passage
des Troupes Autrichiennes.
L'on est entré ensuite en discussion sur le
( 70 )
plan d'Organisation Militaire arrêté au Conseil
du Roi , et soumis à l'Assemblée par le
Comité Militaire , qui y a ajoute ses observations
, Le Conseil du Roi et le Comité
s'accordent à fixer à 250,000 hommes le pied
de guerre.
"
Ces 250,000 hommes paroissent au Ministre
devoir être composés de 40,000 hommes de
Cavalerie , 14,000 d'Artillerie , et 160,000
d'Infanterie , et 36, coo de réserve : total ,
250,000. « Je ne pense pas , ajoute - t - il ,
que le nombre d'hommes à cheval et d'Artilleurs
puisse être réduit au - delà du
quart , pendant la paix . Quant à l'Infanterie
, elle peut être réduite dans une proportion
double de la Cavalerie. D'après ces
principes , une armée de 250,000 hommes
pourra supporter une réduction de 10,000
hommes de Cavalerie , de 4,000 hommes
d'Artillerie , de 50,000 d'Infanterie , de 36,000
de réserve total , 100,000 hommes ; ce qui
laissera l'armée , en temps de paix , à 15c , 000
hommes ; mais il faudra que 100,000 hommes.
d'auxiliaires soient toujours prêts à y être incorporés
au moment de la guerre .
D
Le Comité Militaire propose 153,849
hommes ; différence légère qui résulte de celle
qu'il établit dans la formation intérieure du
Corps de l'armée .
"
Aujourd'hui , l'on a mis ce plan en discussion.
M. de Froment a combattu , en
homme du métier l'établissement des
Troupes auxiliaires ; Corps qui pouvant être
payés pendant 20 années sans faire de service
, offroient une dépense considérable et
inutile , qui enleveroient à l'armée active
tous ses Soldats au bout de 6 ans de service ,
pour lui rendre des hommes vieux , inexercés ,
indisciplinés , qui chargeroient l'Etat de
( 71 )
l'entretien de leur famille pendant la guerre ,
ou ne pourroient fournir que des Blauchisseurs
, des Tailleurs , des Vivandiers , et des
hommes infectés de cet esprit mercantille ,
qu'offrent tous les Soldats mariés . Il a
cherche ensuite à établir qu'une armée de
150,000 hommes , avec le secours des Gardes
Nationales , seroit la plus redoutable qu'il
fút possible de former.
M. de Bouthillier s'est opposé ensuite à
tout projet d'incorporation , dont il a développé
lumineusement les inconvéniens . Il a
pressé avec non moins de force le respect
de l'iniative réservée au Roi , et qui proserit
tout Plan définitif arrêté par l'Assemblée.
M. de Beauharnois le jeune a discouru
ensuite longuement , en faveur d'une réduction
de l'armée à 120,000 hommes ; la Liberté
et les Gardes Nationales tiendront lieu
d'une défense plus considérable .
M. d'Ambly a fait succéder à cette harangue
les observations d'un homme expérimenté
:
"
Autant de fois qu'un Militaire parlera ,
autant il vous sera présenté de systêmes différens.
Parlons pendant huit jours , ce sera
toujours la même chose. Il faut donc se dé
cider pour un plan , je dis pour celui du
Comité , ou pour celui du Ministre , ou pour
celui de M. Bouthilier , que j'adopte . Le Rapporteur
du Comité Militaire a présenté un
plan artistement travaillé : il est entré dans
beaucoup de détails ; mais il n'a pas tout
dit. Vous savez que toutes les Puissances
voisines sont prêtes à entrer en campagne ;
et c'est le moment que vous prenez pour proposer
des incorporations ! Pourquoi toujours
nous proposer du Prussien ? nous sommes(
72 )
à
nous bien trouvés d'avoir été à leur école ?
Je suis persuadé qu'une armée de 200,000
hommes ne coûteroit pas plus que celle que
propose le Comité , et ne tourmenteroit ni
les Soldats , ni les Officiers . Le Comité pense
qu'il faut mettre les Maréchaux de camp
la tête d'un régiment : ces Messieurs seroient
inamovibles , tant qu'ils ne seroient pas desfitués
en vertu d'un jugement . Et que deviendroit
le pouvoir du Roi ? Une vingtaine
de Maréchaux de camp jeunes , ambitieux ,
peut- être intrigans , pourroient devenir dan
gereux. Voulez - vous que le Roi , à l'entrée
d'une campagne , soit obligé de laisser le
commandement à un Officier inepte ? Le
Comité propose 124 Officiers généraux ; pour
le coup en voila assez pour commander l'armée
de Darius . Ces Messieurs coûteroient
au moins 2,180000 liv . J'espère que vous
prierez le Roi d'employer peu d'Officiers
généraux : une vieille expérience m'a appris
qu'il étoit salutaire de ne pas en employer
beaucoup . Au reste , tel plan que vous adoptiez
, défiez- vous des innovations brillantes ;
elles seroient de la plus haute imprudence en
ce moment.
DU SAMEDI 31 JUILLET.
Avant l'ordre du jour , M. Camus a fait
décréter sept articles nouveaux sur les Pensions
de retraite ; l'espace nous manque pour
les transcrire aujourd'hui. En substance, ils
déterminent que , soit dans le service de
terre , soit dans les Emplois Civils , aucune
pension ne sera accordée avant 30 ans de
service ; chaque campagne de guerre , et
chaque année de service ou de garnison hors
d'Europe
( 73 )
d'Europe sera comptée pour deux ans . Dans
la Marine , le terme sera de 29 ans.
Immédiatement après , sur le rapport de
M. Révillière de Lépaux, on a décrété en
VD articles les Pensions des Artistes et des
Gens de lettres , qui sont mieux traités qué
les Militaires , au moins pour la quotité ,
car un Savant pourra obtenir une pension
de 10,000 liv. , tandis qu'un Lieutenant-
Général crible de blessures ne pourra atteindre
au- delà de 6000 liv . Nous rapporterous
dans huit jours ces differens Décrets .
L'Assemblée revenue à l'organisation Militaire
M. de Noailles a réfuté les raisonnemens
de M. de Beauharnois , tirés du
despotisme , de la Liberté , de la Constitution
, du civisme , etc. Il a ensuite fait
adopter les deux articles qui suivent :
་་
Art . I. L'armée active sera composée en
Officiers , Sous Officiers et Soldats , de
150 , à 154,000 hommes . "
" L'armée active sera divisée dans les
différentes armes en comprenant les Offi
wciers et Sous - Officiers , savoir : pour l'Infanterie
, de 110,000 à 112,000 hommes ;
pour la Cavalerie , de 30,000 à 31,500
hommes ; pour le Génie et l'Artillerie , de
10,000 à 10,500 hommes.
18
On alloit passer à la composition de l'Infanterie
Suisse , lorsque M. Bureau de Pusy
a réclamé contre cette atteinte à la compétence
du Pouvoir exécutif. Il a considére
cette organisation de détails comme étrangère
aux fonctions de l'Assemblée , qui devoit
se contenter d'avoir assis les bases .
Est- ce dans l'instant , a- t- il ajouté , où
tous les ressorts de l'ordre social sont relâchés
et détendus , où l'anarchie qui s'attache à
Nº. 32. 7 Août 1790. D
1
( 74 )
1
t
toutes les parties du régime politique
semble détruire particulierement cette discipline
et cette subordination de l'armée , qui
fait seule la sureté d'un Empire ? Est- ce dans
cet instant qu'on propose d'atténuer l'autorité
du Dépositaire suprême du Pouvoir exécutif,
et que l'on prive un Royaume agité ,
de la protection la plus imposante qu'il puisse
avoir ?
On a rappelé M. de Pusy à l'ordre ; on
'pouvoit le rappeler plus justement au Décret
, qui a attribué aux Législatures le droit
de fixer le nombre d'individus de chaque
grade ; Décret dont l'Opinant lui- même
dicta la rédaction définitive.
On a fini par confirmer la composition
actuelle de l'Infanterie Suisse , et par en
décréter les appointemens de chaque grade ,
ainsi que ceux de l'Infanterie Françoise.
Nous donnerons ces Décrets la semaine suivante.
DU SAMEDI 31. SÉANCE DU SOIR.
Une Députation de la Garde Nationale
de Montpellier et d'Agde , venoit d'être entendue
, et de réclamer contre la fausseté
du plan ridicule de Contre-Révolution dénoncé
par le Commandant National de
Cette , lorsque M. Malouet est monté à la
Tribune , et a demandé la parole. Beaucoup
de Membres du côté gauche s'y sont opposés
, en invoquant l'ordre du jour : « Nous
sommes un grand nombre , s'est écrié M.
de Virieu , qui demandons la parole pour
- M. Malouet ! J'ai une dénonciation à
faire , a ajouté ce dernier. Envoyez là à la
police , a-t- on crié du côté gauche. Inébranlable
malgré les clameurs pour le forcer an
"
"D
2
( 75 )
silence , M. Malouet s'est fait entendre , et
a dit :
« L'ordre du jour le plus pressant pour
les Représentans de la Nation , c'est de prévenir
de grands crimes , c'est d'en apprendre
les causes et les auteurs . Sans doute vouś
frémiriez , Messieurs , si vous aviez la certitude
qu'en cet instant , un ou plusieurs scélérats
travaillent à faire arrêter le Roi ,
emprisonner la Famille Royale , à mettre aux
fers les principaux Magistrats , les Chefs de
la Milice , et demandent la mort de cinq ou
six cents personnes. Hé bien ! Messieurs , c'est
sous vos yeux , c'est à votre porte , que ces
projets atroces se développent , que ces instructions
sanguinaires se distribuent au Peu
ple , qu'on l'appelle aux armes , qu'on l'excite
à la fureur. Voici l'imprimé que je vous
dénonce ; il est signé Marat. "
( Ici se sont fait entendre des éclats de
rire).
"
car ,
Je ne pense pas que ce soit du sein de
l'Assemblée Législative , que s'élève une
voix insultante aux malheurs publics ;
c'est le
renversement des Lois que je
vous annonce ; c'est la Liberté qui périt , et
la Constitution avec elle , si de tels attentats
restent impunis. Et c'est déja , Messieurs ,
un signe trop certain de l'anarchie où nous
vivons , que la triste habitude de la supporter
sans effroi , et la nécessité de solliciter
avec instance votre attention sur le péril
Quoi ! Messieurs , tandis
l'un de ces Ecrivains criminels menace la que
tête chère et sacrée du Chef Suprême de
l'Etat , et invite une partie de la Nation a
massacrer l'autre , son digne émule , Camille
Desmoulins , répand de la Capitale aux extré
Dü
commun . ―
( 76 )
mités les plus reculées de l'Empire , ses perfides
conseils et sa doctrine de sang. Celuici
a choisi l'époque mémorable du 14 Juillet ,
pour faire du Roi et de la Royauté , un
objet de scandale et de mépris : ce spectacle
touchant d'amour et de fidelité encore présent
à nos coeurs attendris , cette union intime
des François et de leur Roi , ne lui
rappelle que l'insolence du Trône et du fau
teuil exécutif, et par une allusion barbare
de la marche des Fedérés au triomphe de
Paul Emile , il félicite les Romains d'avoir
yu enchaîné à la suite du Consul , le Roi
de Macédoine , les mains liées derrière le dos ,
les matins qui avoient signé tant de Lettresde-
cache il traite d'esclaves et d'hommes
corrompus ceux qui révèrent dans la personne
du Monarque la majesté de la Nation .
Doutez - vous donc , Messieurs , que cet excès
d'audace n'épouvante les hommes foibles ,
et ne leur fasse craindre d'être signalés
comnie les partisans du Despotisme , s'ils
defendent , s'ils chérissent l'Autorité Royale
Constitutionnelle , qui peut seule défendre
dans un Empire immense , la Liberté et la
Loi contre les entreprises des factieux . "
29
( ,
Ce n'est pas tout ; les prétendus amis
la Liberté la veulent sans Lois , et surfout
sans impôts ; ils excitent le Peuple à
n'en pas payer , c'est - à dire , qu'ils invitent
Je Peuple à détruire votre ouvrage , et à le
détruire avec d'effroyables déchiremens . « Les
Romains , dit Desmoulins , étoient fondés
a se réjouir , en entendant crier pendant
la marche triomphale de Paul Emile : Le
Peuple Romain ne payera plus d'impôts, plus
de gabelles ,plus de taille,plus decapitation
Voilà les rapprochemens qu'il ose indi-
་ ་
903
(
quer , entre la fête fedérale et celle du
triomphe de Pair! Emile ; voilà les conseils
et les instructions que ces als du Peuple
Jai prodiguent
. -Ainsi , quand ils auront
fait égorger tous ceux qu'ils lui présentent
comme ennemis des nouvelles Lois , ils lui
présenteront encore comme des tyrans , ceux
qui pensest , comme nous , que le salut
public dépend de l'obéissance aux Lois , et
de la perception des împôts . W
je Avant de venir à vous Messients ; ie ,"
nie suis adressé aux Ministres des Lois je
Jeur ai porté ers coupables Ecrits , et , comme
Représentant de la Nation , je leur en ai
demandé vengeance non à raison des
injues qui me sont personnelles ; qui pourroit
croire que pour mon propre comple
j'eusse distingué Camille Desmoulins de ceux
de son espèce , donuje dédaigné depuis longtemps
les outrage ? mais ils m'ont servi de
texte pour provogner le Ministère public et
la sévérité des Lois , sur ces Feuilles sanglantes
qui renouvellent parmi nous les tables
de proscription . » 92
41
"
Que vous dirai -je de l'impression que
m'ont fait la douleur , Peffroi et l'embarras
des Magistrats ? J'ai tr sur leur visage , j'ai
vu dans leurs discours , Pimpuissance des
Lois . « Hatez - vous , leur ai -je dit , de nous
en donner la preuve , et d'avertir la Nation
du danger qui la menace ! Parlez !
étendez un crêpe funebre sur le Sanctuaire
de la Justice ! l'impuissance des Lois peut
seule justifier celle de vos efforts pour les
défendre. Vous devez' périr avant elles ;
• vous devez vous offrir les premiers aux
poignards de la tyrannie .
14
#
>>
Messieurs , vous dévoiler d'aussi grands
Di
( 78 )
g maux, c'est y remédier. Vous ne souffrirez
pas que des forcenés calomnient la Liberté ,
la Constitution. Vous ne souffrirez pas que
eette Constitution , qui nous assure un Roi
et un Gouvernement Monarchique , ne puisse
les défendre .
LO
>>
Quoi ! nous n'aurions déclaré les droits
de l'homme , que pour en constater parmi
nous la violation ! L'humanité , l'égalité , la
justice seroient dans vos Décrets , et la férocité
dans nos moeurs ? L'Europe épouvantée
pourroit croire que les principes et les moeurs
de Camille Desmoulins appartiennent à des
François ! Ah ! qu'ils vous soient enfin connus
les véritables ennemis du bien public ; les
voilà ! leur plume , leurs mains sont ensanglantées
! Que les bons Citoyens se rallient
coutre les pervers : ceux - ci ne seront jamais
les amis de la Liberté , qui n'aura jamais
pour ennemis que les scélérats ! Pourriezvous
done vous y méprendre , laisser en paix
eeux dont le crime est l'aliment , et diriger
votre sollicitude sur ceux que des dissentimens
séparent de vos opinions , qui souffreut
, mais qui obéissent , et qui distinguent
dans la Loi même qu'ils improuvent , le caractère
sacré qu'ils doivent respecter? Ah !
celui - là est criminel , qui , dans quelque
systême et pour quelque cause que ce soit ,
trouble l'ordre public et porte une main
parricide dans le sein de la Patrie. Mais
qu'ils discutent nos Lois , qu'ils censurent
nos opinions , les Citoyens , les hommes
libres de cet Empire , qu'ils apprécient .
qu'ils chérissent et défendent la Liberté ,
compagne inséparable de l'ordre et de la
justice.
»
- -
Je vais vous lire , Messieurs , le dernier
( 79 )
paragraphe de la Feuille de Marat , intitulée :
C'en est fait de nous , et la mettre sur le
Bureau. Quant au dernier Numéro des Révolutions
de France et de Brabant , je déclare
l'avoir remis avant - hier à M. le Procureur
du Roi.
14
C
"
M
40
"
10
"
Citoyens de tout âge et de tout rang ,
les mesures prises par l'Assemblée Natio-
- nale ne sauroient vous empêcher de périr :
c'en est fait de vous pour toujours , si vous
- ne courez aux armes , si vous ne retrouvez
- cette valeur héroïque , qui , le 14 Juillet
et le 5 Octobre , sauvèrent deux fois la
France. Volez à Saint- Cloud , s'il en est
" encore temps , ramenez le Roi et le Dauphin
dans vos murs : tenez - les sous bonne
garde , et qu'ils vous répondent des évènemens
renfermez l'Autrichienne et son
« beau- frère , qu'ils ne puissent plus conspirer
; saisissez- vous de tous les Ministres
et de leurs Commis ; mettez - les aux fers .
Assurez-vous du Chef de la Municipalité
et des Lieutenans de Maire : gardez à vue
" le Général ; arrêtez l'Etat- Major ; enlevez
le parc d'artillerie de la rue Verte ; chiparez
-vous de tous les magasins et moulins
à poudre ; que les canons soient répartis
entre tous les Districts ; que tous
les Districts se rétablissent et restent à
jamais permanens ; qu'ils fassent révoquer
les funestes Décrets . Courez , courez , s'il
en est encore temps , ou bientôt de nombreuses
legions ennemies fondront sur vous :
bientôt vous verrez les Ordres Privilegi
- se relever ; le Despotisme , l'affreux Despotisme
reparoîtra plus formidable que
jamais.
"
10
0
"
#
"
"
"
་་
40
*
M
"
Cinq à six cents têtes abattues vous au-
Div
( 80 )
a
* roient assuré repos , liberté et bonheur .
Une fausse humanité , a retenų vos bras et
suspendu vos coups ; elle va coûter la vie
à des millions de vos frères. Que vos énnemis
triomphent un instant , et le sang
coulera à grands flots : ils vous égorgeront
sans pitié , ils éventreront vos femmes , et
« pour éteindre à jamais parmi vous l'amour
de la liberté , leurs mains sanguinaires
chercheront le coeur dans les entrailles de
vos enfans. "
་་
14
"
"
teurs .
"
Voici le Projet de Décret que j'ai l'hon.
neur de vous proposer ;, il remplira Jes , intentions
de ceux qui veulent comprendre
dans la même condamnation tous les libelles
atroces , quel qu'en soit l'objet et les Au
bing
J'Assemblée Nationale , sur la dénonciation
qui lui a été faite par un de ses
« Membres , de l'Imprimé ayant pour titre :
C'en est fait de nous , et du No. 34 des
Révolutions de France et de Brabant , a
décrété que le Procureur du Roi au Châ
telet de Paris seroit mandé , Séance tenante
, et qu'il lui seroit donné ordre de
poursuivre comme criminels de lèzé - Nation
, les Auteurs , Imprimeurs , et Colporteurs
des Ecrits qui excitent le Peuple
à l'insurrection contre les Lois , à l'effusion
du sang , et au renversement de la
Constitution.
E
すぐ
"
"
*t
" "
Des applaudissemens nombreux ont suivi
ce Discours , l'un des plus éloquens , des plus
écessaires , qui soient sortis de la Tribune. La
grande Majorité de l'Assemblée restoit dans
une consternation d'horreur . Personne ne rioit
plus ; l'énergie de M. Malouet avoit opéré un
effet profond ; lé Décret proposé a été adopté
( 81 )
littéralement ; M. le Procureur du Roi au
Châtelet a paru à la Barre ; on lui a lu le
Décret dont il a promis l'exécution .
M. d'André a été nommé Président par
318 voix ; M. Camus en a eu 140 , et M.
de Cazalès 66. Les nouveaux Secrétaires sont :
MM. Kyspotter , de Cernon et Alquier
DU DIMANCHE 7º . AOUT.
M. Rabaud a demandé qu'on enveloppât
dans la poursuite des Libelles , décrétée hier ,
tous lesEcrits qui inviteroient les Princes Etran
gers à faire des invasions dans le Royaume.
Un pareil crime mérite , en effet , toute la
sévérité des lois ; mais en adoptant très-justęment
cette disposition , l'Assemblée peut -etre
auroit pu adopter une rédaction qui fût moins
susceptible d'arbitraire.
M. Rabaud est allé plus loin ; il a demandé
que dans l'examen des Ecrits coupables , on
admit un Juré ; précaution sans laquelle les
Juges seroient des Inquisiteurs ..
Peu de Personnes ont aperçu ceife conformité.
M. Garat l'aîné a fait observer qué
quoique l'institution des Jurés fût décrétce,
Ja procédure d'après laquelle ils devront agir
ne l'étoit pas , et qu'ainsi , il falloit suivre
pour les délits atroces dénoncés hier , la
marche ordinaire de procéder. "
M. Dubois de Crancé a opiné à renfermer
l'application du Décret exclusivement aux
deux Ecrits dénoncés par M. Malouet. La
question préalable a rejeté cet amendement
ainsi que le dernier de M. Rahand. Alors ,
M. Dubois a demande une Séance pour dénoncer
spécialement les Ecrits incendiaires
dont il nommeroit les Auteurs : elle lui
été accordéee pour Lundi soir.
Dv
( 82 )
M. le Président aà fait lecture d'une lettre
des Vainqueurs de la Bastille , qui invitent
au service qu'on doit célébrer pour leurs
Camarades morts au Siége de la Bastille ,
les bons Citoyens , et notamment les Ecrivains
Patriotes , tels que MM. Carra , Garat , Desmoulins
, Brissoi dit Iarville , Loustalot, etc.
Uu bulletin de la santé du Roi , incommodé
d'une fluxion , étant arrivé dans le moment,
l'Assemblée a décrété d'envoyer une Députation
à S. Cloud. Aussitôt , M. Robespierre
en a demandé une pour la cérémonie funebre
des Vainqueurs de la Bastille. On a remarqué
que l'Assemblée ne pouvoit se trouver
assise à côté de gens qu'elle avoit ordonné
de poursuivre ; M. de la Chèze a ajouté que
lorsqu'on invitoit l'Assemblée à une Cérémonie
on venoit le faire à la Barre ; enfin
M. Duport a remarqué qu'il s'élevoit des
difficultés entre la Garde Nationale et les
Vainqueurs de la Bastille , que l'Assemblée
devoit elle même ordonner ce service , et
qu'en attendant , il falloit surseoir au service
projeté. Cet avis a été décrété.
"
Les Membres du Comité Diplomatique ,
institué Jeudi , sont MM. Fréteau , de Mirabeau
l'aîné , du Châtelet , Barnave , de Menou
et d'André. Les concurrens ont été MM.
. Malouet , Begouen Alexandre Lameth ,
Dupont , Maury et Sieyes.
Nota. Le Journal des Débats et Décrets ,
rédigé par un Député à l'Assemblée Na
tionale , nous a induits en erreur , ainsi que
le Public , à l'occasion du rapport fait par
M. de Broglio, le 13 Juillet , au sujet du refus
de payer les dimes et champarts dans les Districts
de Montargis , Nemours , etc. La Mu(~
83 )
•
:
nicipalité de Montargis a réclamé contre
cette annonce ; cette ville n'a point de cham-
'parts à payer bien loin d'avoir connivé au
refus qu'ont fait d'autres Paroisses de se mettre
en règle , ou d'avoir négligé leur devoir ,
les Officiers Municipaux s'en sont acquittés
avec zèle , en adressant aux Municipalités du
District, uue Exhortation ferme et fraternelle
de faire rentrer leurs habitans dans le
devoir. Cette Adressse , très -sage , est du 24
Juillet. Nous en citerons un passage, confirmatif
des manoeuvres criminelles , par lesquelles
on cherche depuis si long -temps à égarer
le Peuple
་་
Il n'y a sortes de moyens , disent MM.
de Montargis , qui n'aient été mis en usage
pour tromper le Peuple ; des papiers incendiaires
, des propos plus incendiaires encore
distribués par-tout ; de fausses interprétations
des Decrets , des autorités encore plus fausses.
pour les appuyer ; et le Peuple , qui ne connoît
pas ses vrais intérêts , de se laisser entraîner
à des désordres affreux dont il gémit
ensuite , et dont il est même la première victime
"
L'indisposition de Sa Majesté n'a été
que passagère ; c'étoit une fluxion causée
par une douleur de dents , accompagnée
d'un abcès à la gencive et de quelques mou
vemens de fièvre. Cette incommodité
ayant retenu le Roi à St. Cloud , qui croira
qu'on a hurlé dans Paris des Feuilles
atroces, où l'on accusoit les Ministres de
détenir Sa Majesté !
Nos lettres d'Angleterre du 30 Juillet ,
D vj=
( 84 )
nous apportent l'information positive que la
paix est enfin signée avec l'Espagne : cette
Puissance consent à désavouer la saisie des
bâtimens Anglois , à les restituer ,
en indemniser les Armateurs ; la navigation
de la mer du Sud restera libre
( P'Espagne ne disputoit pas cette liberté
) ; et quant à la propriété de la baie et
des côtes de Nootka , chacune des Puissances
se réserve les droits qu'elle pense lui appar
tenir. A ces clauses authentiques on ajoute ,
mais ceci est moins certain , que le Traité
renferme un article séparé , contenant la
promesse d'un Traité de Commerce entre
les deux Nations . Les Armemens de l'Angleterre
restent done aujourd'hui sans but ,
et , à moins qu'on n'en ait de cachés , il
est à croire que les flottes vont rentrer dans
le bassin. L'opinion à Londres est néanmoins
que le Gouvernement conservera une
escadre d'observation .
Le jour même que cette nouvelle importante
arrivoit à Paris ( Lundi dernier )
M. de Montmorrin a enfin communiqué à
l'Assemblée Nationale les démaudes de la
Cour de Madrid sur l'exécution du Pacte de
Famille. Elles sont exposées dans une lettre
de M. l'Ambassadeur d'Espagne , en date
du 7 Juin : ce Ministre Ministrerreeqquuiieerrtt ,, au nom de
son Souverain , une détermination trèsprompte
, et des mesures si actives , si
claires , si positives qu'elle écartent tout
sujet de méfiance ; autrement , S. M. T. C.
ne devra pas être surprise que l'Espagne
cherche d'autres Amis et d'autres Alliés .
**
Ces lettres ont été renvoyées par l'Assemblée
, au nouveau Comité, Diplomatique
: la paix en fera- t- elle tomber l'ob(
85 )
jet , et la Cour d'Espagne insistera - t - elle
sur une explication cathégorique au sujet
du Pacte de Famille ? Dans l'inter-
-yalle qui s'est écoulé depuis sa requisition
, n'aura - t - elle pas préparé de nouvelles
Alliances ? Ces divers problêmes
ne tarderont pas à être éclaircis .
Les Fédérés ont soutenu , jusqu'au moment
de leur départ , le caractère de sagesse
, d'amour de l'ordre , de loyauté
Françoise qu'ils ont manifesté : ils remportent
l'approbation de tous les Partis ,
si l'on en excepte celle d'une classe qui ,
animée d'un esprit de Contre- Révolu
sion , voudroit faire disparoître le
Gouvernement Monarchique , consacré
par la Constitution , et le respect de la
Royauté que la Loi Fondamentale a proclamée
sacrés et inviolable. Sans doute ,
c'est une erreur insigne d'espérer qu'on
amenera jamais la Nation à ce renversement:
qu'on en juge par le Discours suivant
qu'a adressé au Roi M. Lorbeau
fils , à la tête des Fédérés du Département
des deux Sèvres en Poitou .
Votre Majesté voit des Patriotes ardens.
qui ont volé du sein de leurs foyers , pour
se rallier à la Constitution que vous avez
bien voulu accepter , et qui accomplit tous
vos voeux et les nôtres , puisqu'elle raffermit
à la fois votre Puissance suprême , et la
Liberté de la France . Heureux d'avoir été
choisis pour assister à ce grand Pacte de famille
, qui , en réunissant tous les Fran86
)
çois , rappelle l'époque où notre bon Roi a
dit qu'il ne faisoit qu'un avec sa Nation . Nous
venons au nom du Département des deux
Sèvres , jurer à V. M. que vous n'avez pas
d'enfans plus fidèles , plus brúlans de verser
pour vous jusqu'à la dernière goutte de leur
sang. Nous n'avons pas besoin de rappeler à
votre coeur , qu'un Peuple immense attendra
impatiemment l'honneur de vous posséder
tour à tour dans chaque Province. Venez ,
accompagné de votre Epouse chérie , entourée
de votre auguste Famille , et sur tout
du Dauphin , l'espérance de la Nation venez
, SIRE , comme vous nous l'avez promis ,
visiter jusqu'au toit rustique du simple Laboureur.
Après les orages de la Révolution ,
venez comme un Dieu consolateur , rendre
par votre heureuse présence la paix et le bonheur
à votre Peuple. "
Dans le Discours qu'adressa à la Reine,
le 18 Juillet , M. de Launay d'Angers ,
au nom des Gardes Nationales du Département
de Maine et Loire , on a surtout
remarqué la phrase suivante :
es Dans nos Départemens , MADAME , nous
ne connoissions que la grandeur de votre
courage , et l'énergie de votre ame. Mais ,
depuis que le Palais des Rois est ouvert aux
Peuples , depuis que V. M. s'est rapprochée
de nous , vous nous avez montré des vertus
privées qui vous élèvent encore au dessus
du Trône. n
A peine les Fédérés ont - ils abandonné la
Capitale , qu'il s'y est déclaré une grande
fermentation . Les premiers essais avoient été
tentés les 15 et 16 Juillet au Palais Royal ;
des Ecrits incendiaires prescriveient au
( 87 )
Peuple de se mettre en mouvement. Cette
entreprise échoua ; elle s'est ranimée , le 27 ,
à l'occasion du rapport sur le passage éventuel
de quelques détachemens Autrichiens ,
qn'on représentoit comme l'invasion d'une
armée Autrichienne dans le Royaume . Des
attroupemens qu'il ne faut appeler , ni le
Peuple , ni la Nation , se formèrent aux Tuileries
et au Palais - Royal , les Motions recommencèrent
, les hommes de sang reparurent
avec leurs tablettes de proscription ;
d'abord , on vota dans ces groupes le renvoi
des Ministres , ensuite leur détention ; on
finit par menacer de les égorger. Des Ministres
, les proscripteurs passèrent à la
Reine , à la Famille Royale , aux Chefs de
Ja Milice , de la Municipalité , aux Membres.
de l'Assemblée Législative , et aux Citoyens
qui révèrent encon la Royauté et la Monarchie,
telles qu'elles sont établies par la Consti
tution . Les lieux publics retentirent de déclamations
incendiaires ; jusqu'à la porte de
l'Assemblée , des Factieux répandoient ,
erioient à haute voix des exhortations imprimées
de pendre les Ministres Le Vendredi ,
l'effervescence changea d'objet au Palais-
Royal , où l'on poursuivit les . Facteurs de
ces Usuriers qui , profitant de la détresse'
générale , vendent l'argent à un prix exhorbitant
; un Marchand Bonnetier ne fut
sauvé de la Lanterne que par les efforts de
la Garde Nationale. Ce premier mouvement
rendra peut - être les Vendeurs d'argent moins
exigeans ; mais si ces poursuites violentes et
illégales continuoient , elles feroient disparoître
jusqu'au dernier écu . Tout ce qui peut
égarer le Peuple et l'enflammer , a été mis
en usage ; chaque jour on crioit dans les
( 88 )
rues des Feuilles chargées de listes de conspirations
9 des Affiches atroces secondoient
les pamphlets . Heureusement , la
masse du Peuple n'a pu être ébrantée , et
M. de la Fayette , servi par le zèle de la
Garde Nationale , a maintenu la sureté. Dans
le Préambule de l'ordre donné aux Troupes
de Paris , ce Commandant général n'a pas
dissimulé qu'on employoit de coupables ma
noeuvres et un argent corrupteur , pour agiter
la Capitale. Dimanche dernier , on arrêta
plusieurs Orateurs incendiai es au Palais-
Royal.
4
Ceux qui ont la prétention de conduire
par la raison , la multitude qu'on n'a conduite
et qu'on ne conduirajamais , même
par le raisonnement devroient attendre
qu'ellefût éclairée , avant de s'en remettre
à ses lumières. Par tout où le Peuple a le
sens droit , et où on laisse dormir ses passions
, ses mouvemensspontanéssont peu
redoutables ; mais lorsque des Factieux ou
des Flatteurs s'emparent de sa crédulité ,
et le conduisent à braver les lois , il faut
bien que la force publique se déploie . Cu
a été obligé d'y recourir à Lyon . Le 27
2000 Ouvriers , suivis d'une grande multitude
, menacérent de nouveau l'Hôtelde-
Ville , l'Arsenal et le, Magasin à pou
dre. La Municipalité ordonna des dişpositions
viriles pour les repousser ;
plusieurs des séditieux furent tucs
ou blessés . Les Bourgeois armés , le
Guet et le Régiment Suisse de Son.
nenberg ont sauvé la Ville. Les Suisses ,
9
( 89 )
sur lesquels la Populace à tiré , ont cu
aussi quelques hommes tués et blessés.
La Loi Martiale a été proclamée en grand
appareil : la sédition est appaisée ; mais
on n'avoit pas encore osé rétablir les
barrières. Nombre de brigands nationaux
et étrangers , qui accourent aux
lieux out regne l'anarchie , comme les
tigres au passage des Voyageurs , ont été
arrêtés : nous desirons qu'on entire des lumières
sur les Moteurs de cés' insurrections
qui parcourent le Royaume. — On
a répandu aussi en Lorraine , le bruit des
armées de Faucheurs de grains : l'alarme
a été universelle en divers lieux , et lon
assure que divers Châteaux , entr'autres"
celui de M. d'Hoffelize , ont été dévastés.
-
M. Necker a envoyé Lundi à l'Assemblée
Nationale un nouveau Mémoire ,
où il repousse les nouvelles imputations
que lui ont fait M. Camus et d'autres.
On y voit combien ce Ministre est affec
té de sa situation , que ses vrais amis lui
auroient bien prédite , il y a un an .
( Nous rapporterons ce Mémoire la Semaine
suivante. )
M. Necker confirme la juste réclamation
de Madame de la Marck , contre M. Camus ,
qui s'est permis d'affirmer à l'Assemblée
Nationale, que cette Dame avoit reçu 120,0007.
au mois de Janvier , parce qu'on lui avoit ôté
son logement aux Tuileries , et qu'on avoit
fait porter cette somme sur le Garde - Meuble
pour dépayser. Madame de la Marck prouve ,
( 90 )
et le fait est indubitable , qu'elle a reçu
30,000 liv. sur une somme de 120,000 liv.
dont le restant lui sera payé par dix mille
livres chaque année , pendant neuf ans , pour
le prix évalué sur rapport d'Experts , et fort
au- dessous de la valeur réelle , des meubles ,
marbres , glaces , boiseries , etc. qu'elle a
cédés à S. M. , lorsque le Roi a repris son
appartement. Madame de la Marck a 71 ans ;
si elle meurt avant l'entier payement des
120,000 liv. en neuf ans , ses héritiers ne
peuvent rien reclamer. » Ainsi , dit - elle , on
ne pensera pas sans doute que le Roi ait
fait un marché onereux. Il est louable sans
doute , ajoute - t -elle , de dénoncer les abus ;
mais n'est- on pas bien reprehensible, quand,
• pour rechercher des applaudissemens , on
* se permet d'outrager la vérité ? »
L'affreux événement qui , à la suite de
l'enlèvement des Forts de Marseille , a
coûté la vie au Chevalier de Bausset
victime de l'honneur et de son devoir, a
été , comme tous les faits de ce genre ,
défiguré dans ces Catalogues de Mensonges
, qu'on appelle des Papiers pu
blics. La Municipalité de Marseille a fait
rompre les scellés , et visiter les papiers
de cet infortuné Citoyen , dans l'espérance
, trompée , d'y trouver des correspondances
coupables . M. de Bausset ne
l'étoit que d'obéissance à ses devoirs : il
marcha avec fermeté à la mort où on le
conduisoit , en le traînant à l'Hôtel - de-
Ville ; pas une plainte n'a été formée
contre lui depuis sa catastrophe , et
( 91 )
nul Tribunal n'a encore puni ses assas
sins. On doit à sa mémoire de consigner
fidèlement les dernières circonstances
de sa vie honorable , et dans ce
but , nous allons transcrire une Relation
fidèle qui nous a été adressée par sa
famille .
"
La Municipalité , de concert avec la
Garde , n'attendoit que le départ des Régimens
en garnison dans la ville , pour tenter
de s'emparer des Forts. Le 30 Avril au matin
, celui de Notre-Dame de la Garde fut
surpris par une troupe embusquée pendant
la nuit , qui , à la pointe du jour , s'empara
brusquement du pout - levis , baissé sans précaution.
"
La prise de ce Fort étoit l'avant- coureur
certain du dessein de s'emparer de la Citadelle
Saint- Nicolas et du Fort Saint- Jean ,
tous deux susceptibles de faire une longue
défense , sur-tout celui de Saint - Nicolas ,
qui , par ces trois enceintes de remparts
bâtis sur le roc et se dominant , ne pouvoit
être pris qu'après une tranchée ouverte .
་ ་
"2
Le Chevalier de Bausset , chargé des
détails de la Majorité du Fort Saint - Jean
sous M. de Calvet , qui y commandoit en
chef, se transporte à la Citadelle Saint- Nicolas
, dès qu'il sut la surprise de Notre-
Dame de la Garde ; il y fut pour combiner ,
avec M. de la Roque , qui y commandoit ,
leurs projets mutuels de défense , en cas d'attaque
, et leur conduite vis- à- vis de la Municipalité
: il fut déterminé qu'on enverroit un
Courier au Marquis de Miran , Commandant
dans la Province , alors à Aix , pour lui
rendre compte de la situation des choses
( 92 )
et,lui demander ses ordres relativement aux
prétentions que la Municipalité pourroit elever
sur la garde des Forts. Ii fut encore résolu
d'écrire au Maire de la ville , pour le
prier de vouloir bien suspendre toute sommation'
d'introduire une Troupe étrangere
à la garnison dans leurs places jusqu'au lendemain
, qu'ils devoient recevoir les ordres
du Commandant de la Province . Ces deux
derniers points exécutés , le Chevalier de
Bausset vetourne à son Fort , conjointement
avec MM . de Sommis , Officier du Genie , et
de Userlier , Officier d'Artilleric , attachés
au service de la Place : ils formèrent toutes
les dispositions nécessaires pour la mettre
en état de defense .
A midi , on avoit vu du Fort St. Jean une
troupe considérable de Gardes Nationales
armes , se présenter devant la porte de la
Citadelle de Saint - Nicolas , et les rues aboutissant
à ses remparts.
A deux heures , on reçut une réquisisition
de la Municipalité , pour recevoir la
Garde Nationale dans le Fort : il fut répondu
qu'on ne pouvoit pas accepter cette proposition
; qu'on attendoit des ordres prochains
de M. le Marquis de Miran , et qu'on
prioit la Municipalité d'attendre sa repon e
avant de faire aucune autre démarche.
"
>>
Deux heures après , semblable réquisition
d'une maniere plus menaçante ; même
réponse , en y ajoutant que si la Municipalité
ne vouloit pas accorder le delai demandé,
elle seroit responsable des événemens
malheureux qu'attireroit la juste defense de
la Place.
"
2
A cinq heures , on yit du Fort Saint-
Jean , avec le plus grand étonnement , les
( 93 )
Gardes Nationales entrer dans la Citadelle
de Saint - Nicolas , tambour battant , Enseignes
déployées ; ce qui prouva que cette
Citadelle avoit ouvert ses portes , sans avoir
été seulement insultée . Le Fort Saint- Jean
n'étoit alors entouré que par quelques Sentinelles
Nationales postées sur les glacis . ""
((
A sept heures du soir , le Maire , suivi
de plusieurs Officièrs Municipaux et Notables
, se présenta à la barrière du Fort ,
demandant à y entrer pour parler à M. de
Calvet , Commandant en premier. Le Chevalier
de Bausset fit introduire cette Troupe
municipale dans la Place , avec les précautions
ordinaires pour que Personne autre n'y
pénétrât ; et ces Messieurs furent trouver M.
de Calvet , dans une des salles de son logement
, où M.de Maire lui fit part de la capitulation
de la Citadelle , en le sommant
de remettre le Fort aux Gardes Nationales
aux mêmes conditions .
" Pendant ce temps, leChevalier de Baus
set , qui avoit lieu de craindre que M. de
Calve ne suivit l'exemple du Conimandant
de la Citadelle , crut devoir assembler un
Conseil de guerre composé des Chefs de
l'Artillerie , du Génie et des Troupes de la
Garnison' , afin que sa décision fút un préservatif
et un obstacle pour M. de Calvet
contre les insinuations de la Municipalité.
Il fut unanimement décidé dans ce Conseil
, que l'on ne pouvoit recevoir aucune
Troupe étrangère à la garnison dans la Place ,
sans en avoir reçu l'ordre du Commandant
de la Province ; que l'on prieroit la Municipalité
de vouloir bien attendre ces ordres ,
qui arriveroient incessamment : il fut ensuite
résolu qu'en cas de refus de cette prière , le
( 94 )
Fort ne pouvant être pris ni escaladé , la
valeur des Troupes de la Garni on répondant
au zèle des Officiers , il falloit le défendre
, s'il étoit attaqué. Le résultat de ce
Conseil , ainsi que le Procès-verbal , dont on
tire tous les détails de cette Relation , est
revêtu de la signature originale de dix Officiers
Majors. "
<< Le Chevalier de Bausset fat porter ce
résultat unanime à M. de Calvet , devant le
Maire , afin que ce Commandant y lût la
règle inviolable de ses devoirs ; le Maire ne
voulut accorder aucun délai , et il somma M.
de Calvet comme Commandant , de donner
ses ordres pour faire entrer la Garde Nationale.
"
"
Sur quoi le Chevalier de Bausset dit
qu'il retournoit à son poste joindre sa Garnison
, déclarant hautement qu'il n'adhére
roit , ni ne signeroit aucun article contraire
à la décision du Conseil ; il ne voulut prendre
nulle connoissance de la capitulation reçue
par la Citadelle de Saint - Nicolas , ni de
celle qui pourroit être acceptée par M. de
Calvet.
" A huit heures et demie du soir on vit
entrer dans la Place une troupe de la Garde
Nationale , dont le Chevalier de Bausset n'a
pas su le nombre , n'ayant voulu s'entacher,
d'aucune manière , de ce qui auroit quelque
rapport à la reddition du Fort. »
" Le Chevalier de Bausset , indigné de
cette reddition à laquelle il s'étoit opposé
autant qu'il avoit été en son pouvoir , ne
voulut plus dès -lors prendre part à aucun
service de la Place , et retourna à son logement
. »>
Il resta par prudence chez lui , parce
( 95 )
que ses amis l'avertirent qu'il courroit les
plus grands dangers , s'il se montroit dans la
Ville ; on lui conseilloit même d'en sortir ;
ii s'y refusa , parce que sa retraite , dans une
pareille circonstance , lui parut trop ressembler
à une évasion lâche et honteuse ; certain
de n'avoir empli que ses devoirs envers la
Patrie et le Roi , à qui seuls cette Place appartient
, pour la garde de laquelle les Officiers
, à qui elle avoit été confiée , ne devoient
reconnoître d'autres ordres que ceux émanés
du Roi , Chef suprême de l'Armée , sur laquelle
par conséquent la Municipalité n'a
aucune autorité à exercer , puisque les Lois
anciennes ou nouvelles n'attribuent aux
Municipalités aucun pouvoir sur les Places
Militaires , le Chevalier de Bausset attendit
tranquillement son sort. »
Il rendoit compte , chaque jour , à sa
famille , de sa conduite et de ses sentimens:
il en a rendu un compte exact au Ministre
de la Guerre.
"
3
Le 2 de Mai , qui a été le jour de son
massacre , il écrivit encore à son frère une
lettre remplie d'amitié pour lui , et d'une
fermeté tranquille et héroïque sur la mort
dont il étoit menacé.
En effet , le 2 de Mai , à une heure
après - midi , on vint lui demander en tumulte
les clefs du Magasin à poudre , qu'il ne vou;
lat pas donner , parce que les Ordonnances
ne le lui permettoient pas , et qu'il pouvoit
même en résulter des inconvéniens pour la
sureté de la Ville ; mais la Municipalité lui
fit dire de venir à l'Hôtel - de -Ville rendre
compte de ses motifs , pour s'être opposé à
ce que le Fort fût livré à la Garde Nationale ,
et de son refus de donner les clefs du Magasin
à poudre.
20
( 96 )
Il est bien évident que cette réquisition de
la Municipalité livroit eet Officier à une mo: t
certaine , en l'obligeant à traverser la Ville. "
Cependant , il ne balança pas à sortie
du Fort pour se rendre à l'Hôtel - de -Ville ;
il étoit entouré de quelques Gardes Nationales
: dès qu'il fut sorti du Fort Saint- Jean ,
il entendit des cris de mort , et il vit que l'on
se disposoit à attenter à sa vie. Il voulut se
dérober à ses assassins , en cherchant un asyle
dans la première maison qui s'offrit à ses regards
; on l'en arracha avec furie ; un Soldat
de la Milice Nationalelle perça d'un coup de
bayonnette, et d'autres Soldats le fusillerent .
On fit essu er à son cadavre des outrages
dont les details devroient faire frémir les
aines les plus atroces ; il est mort en héros ,
victime de son honneur et de ses devoirs
f Les ordres du Commandant de la Province
a riverent reu après la reddition des
Forteils onepleinentent justifié la conduite
du Chevalier de Bausset ; ces ordres defendoient
aux Commandans de la Citadelle S.
Nicolas et du Fort S. Jeus , de consentir
aux demandes de la Municipalité , et leur
Senjoignoient de résister , par tous les moyens
en leur pouvoir , à toute attaque hostile. »
ས་ ཟླ
SPSPM. Bailly a été réélu Maire
Lamdi dernier . Malgré les Libellistes qui
lui reprochoient d'être poli ; malgré un
pamphlet de M. Brissot , dit Warville ,
distribué Dimanche dans les Carrefours ,
et qui appeloit à la Mairie M. Camus
le célèbre Historien de l'Astronomie a
été confirmé dans sa place , par l'im
-ménse pluralité de 12,557 suffrages sur
14,000 Votans.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES
.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 30 Juillet 1790 .
AVANT sa mort , le Feld - Maréchal
de Laudhon appela auprès de lui les
Officiers Généraux de l'armée , et les
principaux de l'Etat-Major : en leur faisant
ses derniers adieux , il leur recommanda
l'attachement à leurs devoirs , la
fidélité envers leur Souverain , et le zèle
du service. L'armée entière a pleuré ce
Guerrier , dont la simplicité , la valeur
et l'intelligence avoient mérité au plus
haut degré la confiance et l'amour du
Soldat. Le Roi a été très-affecté de cette
perte , et a témoigné ses regrets et son
estine pour M. de Laudhon , en assurant
à sa Veuve une pension de 4000
N°. 33. 14 Août 1793. E
( 98 )
florins , outre les revenus dont jouissoit
le Feld-Maréchal en qualité de Grand
Croix de l'Ordre Militaire de Marie- Thé
rèse. Lorsque la Baronne de Laudhon
a rendu les marques riches de cet
Ordre , S. M. lui a fait présent d'une
somme de 30 mille florins . Ces récompenses
trés-justes étoient encore nécessaires
, car le désintéressement de M. de
Laudhon mauvais courtisan , ne lui
avoit jamais permis de s'occuper de sa
fortune. Son nom restera au Régiment
d'Infanterie dont il étoit Propriétaire , et
dont le Roi a nommé Colonel en second
le Baron de Laudhon , Neveu et Aidede-
camp du Feld-Maréchal .
?
Le Mausolée , qui sera placé à Haddersdorf,
sur le tombeau du Maréchal
de Eaudhon , a été fait de son vivant ;
il supporte la statue de ce Héros , tenant
'à la main un livre ouvert, sur lequel se
trouve l'inscription suivante choisie par
M. de Laudhon lui- même : Commemoratio
mortis optima philosophia .
Nous ne pouvons rien encore assurer
de certain touchant le résultat des Conférences
de Reichenbach. Depuis l'arrivée
de deux Courriers , le 19 , dont l'un
descendit chez M. de Podewills , Ministre
de Prusse , le bruit s'est répandu
que les préliminaires entre les deux
Cours ayant été signés le 1er . du mois ,
qu'on en a renvoyé d'ici la ratification
à M. de Spielman , et que ce Plénipo(
( 99 )
1
tentiaire será incessamment de retour .
Les articles convenus ont toujours pour
objet, suivant les mêmes rumeurs , la cession
de 480 lieues carrées en Gallicie à
la Pologue ; celle de Thorn et Dantzick ,
à la Prusse , et les limites fixées par la
paix de Passarowitz . On veut encore ,
qu'à la réception de ces nouvelles Sa
Maj . A. ait ordonné de détacher de l'armée
de Bohême et de Moravie , 20 bataillons
et to escadrons pour les Pays-
Bas. Jusqu'ici, néanmoins , on ne voit
aucun fondement solide de ces divers
rapports. Quoique l'opinion de la signature
des préliminaires soit assez géné
rale , on pense que les articles arrêtés
entre les deux Cours trouvent des obstacles
ailleurs , et sur-tout en Pologne
où la cession de Thorn et Dantzick soulève
encore les esprits . La Russie ne verroit
pas d'un oeil plus satisfait cet aban-
' don , qui assureroit à la Prusse une si
grande influence sur la Baltique . Quelques
Personnes instruites présument
qu'en conséquence de ces difficultés , le
Cabinet de Berlin a renoncé à cette de-
'mande , et que les préliminaires ont un
autre objet. Découvrir la vérité au mílicu
de ces variations et de ces conjectures
, c'est une grande tâche , et nous ne
l'entreprendrions pas sans abuser probablement
de la confiance des Lecteurs .
C
D'autres vont plus loin , et pénètreat
que ce Congrès de Reichenbach servira
E
;
( 100 )
S
de fondement à la nouvelle politique de
l'Europe, comme le Traité de Westphalie
l'a fait jusqu'à ce jour. Ils devinent
qu'on y agitera des intérêts universels et
des revendications étrangères. Il y a sans
doute apparence que les Révélateurs de
ces mystères assistent eux- mêmes au
Congrès, puisqu'ils en publient les opérations.
Un Adjudant du Général de Vins a apporté
, le 23 , la nouvelle que la forteresse
de Cettin a été emportée d'assant le 20 de
ce mois. Beaucoup de Turcs ont péri ; 500
ont été faits prisonniers ; le reste s'est sauvé.
On a trouvé dans la place une grande provision
de poudre , de plomb et de boulets.
La prise de cette place facilitera celle de
Kladussa et de Sturlies.
Un Officier Russe est arrivé ici , le 19 ,
venant de la Moldavie , comme Courrier, avec
l'avis que l'Armée Russe est en mouvement ,
et que le Corps du Général Suva on a joint
l'Armée du Prince de Cobourg , qui marche
sur Brailow.
Le Roi a nommé l'Archiduc François
Ministre des Conférences , et ses deux
fils puînés Conseillers Auliques. L'Archiduc
François a pris Séance au Conseil
, le 20 de ce mois.
Il n'est pas aussi certain , malgré des
affirmations positives , que le Roi ait cédé
le Grand Duché de Toscane à son
second fils l'Archiduc Ferdinand, L'acte
de cession , envoyé à Naples , est , dit- on,
signé également de l'Archiduc François.
( 101 )
En appesantissant le joug des Paysans,
quelques Gentilshommes , ainsi que nous
l'avons rapporté , avoient manifesté le
dessein de secouer celui du Roi dans
les articles de Capitulation , ilsexigeoient ,
entr'autres , que ce Prince résidât en
Hongrie , et qu'on abolît toutes les Ordonnances
de Joseph II , Roi illegiti
me , puisqu'il ne s'étoit pas fait couronner.
Ce n'est pas la première fois qu'on
a yu ainsi l'esprit d'indépendance s'allier
à l'amour de la tyrannic . Liberté pour
nous ; servitude pour autrui voilà la
devise de tous les Charlatans politiques.
Ces propositions ayant trouvé la plusgrande
résistance dans la Diète , et les
débats ne finissant point , S. M. fit déclarer
aux Hongrois qu'obligée vraisemblablement
de se rendre à Francfort le
mois prochain , et ne pouvant prévoir
l'issue de leurs délibérations , Elle renoncoit
à se faire couronner cette année.
Il paroît que cette déclaration a été
efficace. La Députation de 47 Membres
qui rédige l'ensemble des projets délibé
rés par les quatre Députations particulières
, a pressé son travail ; et déja la
Diete a nommé des Députés qui viennent
supplier le Roi de suspendre son
voyage à Francfort , et de se faire couronner
à Bude . En conséquence , le bruit
s renouvelie que cette cérémonie aura
lieu vers le 20 d'Août.
Ei
( 102 )
De Francfort sur le Mein , le 4 Août.
Les divers Ambassadeurs Electoraux
arrivent ici successivement : le Nonce du
Pape , venant de Vienne , est ici avec sa
suite , depuis quelques jours. L'époque
de l'Election est encore incertaine : notre ,
Magistrat a demandé qu'elle fût remise :
après la Foire de Septembre .— En sa
qualité de Vicaire de l'Empire , l'Elec- :
teur de Saxe a conféré la dignité de Comte :
du St. Empire au Baron de Loben , son
second Ambassadeur à la Diète d'Election
.
Nous avançâmes , le mois dernier , que le
sort de Liege et celui des Pays - Bas Autrchiens
dépendroient de l'issue du Congrès
de Reichenbach. Cette conjecture semble
confirmée par l'absence totale d'événemens
dans ces deux Contrées si menacées . L'Armée
des Cercles , rassemblée presqu'en entier,
s'est bornée jusqu'ici à assujettir au serment
de fidélité envers le Prince de Liége , et
d'obeissance aux Décrets de la Chambre
Impériale , les Villes de Maseyck , de Stockem
et quelques autres Districts du Conté
de Looz. Les Liégeois prétendent que ce
Serment a été extorqué d'autre part , on
assure que les Habitans s'y sont prêtés trèsvolontairement
, et qu'en genéral le Plat-Pays
épouse assez froidement les intérêts de Liége.
Cette Ville annonce dans les Gazettes , que
son Armee est de 36 mille hommes des
avis de Mastricht réduisent ce nombre à
8 mille Volontaires au plus , qui ne sont
:
( 103 )
même pas permanens sous les Drapeaux,
Quoi qu'il en soit de ces rapports contradictoires
, la Chambre Impériale continue
à fulminer des Décrets , et Liége à achever
sa révolution : dernierement ,
elle a élu sa
Municipalité , d'apres un nouveau plan qui.
se rapproche à quelques égards des Lois
Françoises. Mille Votaus seulement , ou.
Citoyens actifs ont concouru à cette Election ,
passablement Aristocratique, puisqu'elle est
exclusivement l'ouvrage de la 45° . partie
environ des Habitans males de la Ville.
er
P. S. Nos Lettres de Berlin , en date
du 29 Juillet , et celles de Vienne du
1ºr. dé ce mois , annoncent positivement
la signature d'une Convention préliminaire
entre les Cours de Prusse et de
Vienne , définitivement arrêtée à Reichenbach
, le 25 du mois dernier. Les
articles seront connus dans peu de jours ;
l'Armistice entre l'Autriche et la Porte
est déterminé . Divers Courriers particuliers
ont confirmé cette grande nouvelle
.
La poste des Pays- Bas nous apporte
en ce moment l'avis dun autre événe-,
ment. Les Troupes Belgiques , cantonnées
dans le Duché de Limbourg , ont
été enveloppées , le 3 , par les Autrichiens
, à Sprimont , à trois lieues
d'Herve ; une partie est restée sur le
champ de bataille ; le Village a été forcé ;
canons , fourgons , tentes , bagages , tout
est resté aux mains des Autrichiens , ainsi
E iv
( 104 )
19
qu'un nombre de Prisonniers . Comme
les actions précédentes , ceilc- ci a été
une déroute . Les Belges ont évacué le
Limbourg, et au départ des Lettres ,
les Autrichiens allaient occuper Herve.
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 6 Août.
Le nouveau Parlement qui de voit se
rassembler le 10 de ce mois , vient d'être
prorogé par le Roi , en son Conseil, au
12 Octobre prochain . Le grand nombre
en a induit que la guerre avec l'Espagre
étoit inévitable ; et le petit nombre , qu'l
existoit des négociations entamées , que
l'espace de deux mois termineroit , et
dont on communiqueroit alors le résultat
au Parlement .
( Ce dernier avis est le plus juste , puisque
le différend avec l'Espagne est , si
non définitivement arrêté dans toutes
ses parties , du moins éludé par la transicion
que nous avons rapportée la Semaine
dernière , ct dont le 3 on n'avoit
encore nulle connoissance à Londres . )
Au milieu des raisonnemens et des
spéculations en l'air, les funds ont haussé
, sans que les armemens aient encore
discontinué aucun ordre de les suspendre
, de rallentir la presse , de faire rentrer
les vaisseaux , n'est encore sorti de
Amirauté . Milord Howe est à Spithéad
( 105 )
avec l'escadre qui doit se réunir à celle
de Torbay ; il paroît qu'on attend l'arrivée
d'un Courrier de Madrid , pour lui
envover ses derniers ordres.
L Oracle prétend qu'à l'issue d'un Conseil
tenu hier , on a expédié l'ordre de
faire passer huit vaisseaux de ligne de
64 canons , et quatre frégates dans la
Baltique , pour secourir le Roi de Suède.”“
Ce Papier public est le seul à donner
cette prétendue information , que se nature
et sa célérité rendent également
suspecte.
La grande flotte de Torbay une fois réunie ,
seroit forte de 53 navires , dont 32 vaisseaux
de ligne. Le total des vaisseaux de ligne en
Commission est de 53 , outre sept vaisseaux
de 50 canons ; 66 frégates et 64 sloops . Les
stations extérieures sont comprises dans ce
dénombrement.
De l'état général de la Marine Britannique
en ce moment , il résulte qu'elle
est composée de 154 vaisseaux de ligne ,
dont 9 en construction , 5 de 100 canons ,
et 19 de 98 ; 19 de 50 ; 133 frégates et
102 sloops . Total , 418. Plus d'un tiers de
ces bâtimens a été reconstruit à neuf , ou
construit depuis la dernière guerre ; 44 vaisseanx
de ligne sont de ce dernier nombre.
Le total de la sette publique , rachetée
au rer. de ce mois , est de 5,997,900 1 .
sterl .
L'élection des 16 Pairs d'Ecosse à la
Chambre Haute du Parlement s'est faite
Ev
( 106 )
à Edimbourg : 13 Candidats qui ont
réuni la supériorité des voix , sont déclarés
élus les trois autres places sont
disputées entre cinq Pairs , qui chacun,
ont eu 33 suffrages. Milord Stormont a
eu le plus de voix : il en a réuni 42 .
L'Ecosse , l'Angleterre et l'Europe entière
ont perdu dernièrement le célèbre
Adam Smith , Auteur de la Théorie
des Sentimens moraux , et du fameux
ouvrage de la Richesse des Nations
dont les trois premiers livres seront ételnellement
classés , dans ce petit nombre
de productions qui attestent les lumières
d'un siècle , et le génie de la Philosophie .
M. Adam Smith s'occupoit d'une Hitoire
de la Philosophie , dont les matériaux
étoient , dit- on , très-avancés ( 1 ) .
(1 ) Un des Hommes de Lettres les plus
capables d'un Ouvrage distingué , M. l'Ablé
Morellet, avoit traduit la Richesse des Nations
, avec des notes . Pas un Libraire de
Paris n'a voulu se charger de ce travail précieux.
On sent qu'un Ouvrage de ce genre
ne pouvoit être traduit utilement , que par
un Auteur digne lui- même de faire un Ecrit
utile , et qui , à la connoissance de l'Anglois ,
joignit celle des Matieres traitées par son
Original.
( 107 )
FRANCE.
De Paris , le 11 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE .
Décret sur les Pensions de retraite , du Samedi
31 Juillet.
Art. I. Le nombre d'années de service
nécessaire dans les Troupes de ligne , pour
obtenir une pension , sera de trente années
de service effectif ; mais pour déterminer le
montant de la pension , il sera ajouté à
ces années de service , les années résultantes
des campagnes de guerre , d'embarquement ,
de service ou de garnison hors de l'Europe ,
d'après les proportions suivantes :
Chaque campagne de guerre , et chaque
année de service où de garnison hors de
l'Europe , sera comptée pour deux ans. "
en
Chaque année d'embarquement
temps de paix , sera comptée pour 18 mois.
Ce calcul aura lieu dans quelque grade que
les campagnes et les années de service ou
d'embarquement aient été faites , dans le
grade de Soldats , comme dans tout autre. ▪
II. Tous Officiers , soit Etrangers , soit
François , employés dans les Troupes de
ligne Françoises ou étrangères au service
de l'Etat , de quelque arme et de quelque
grade qu'ils soient , seront traités pour leur
pension , sur le pied de l'Infanterie Françoise.
Tous les Officiers d'un même grade ,
quoique de classe différente , même simplement
commissionnés , mais en activite ,
E vj
( 108 )
seront pensionnés également sur le pied de
ceux de la première classe. "
44
III. On n'obtiendra la pension attachée
à un grade , qu'autant qu'on l'aura occupé
pendant deux ans entiers ; à moins que pendant
le cours desdites deux années , on n'ait
reçu quelques blessures qui mettent hors
d'état de servir.
40
"}
IV. Le nombre d'années de service nécessaire
dans la Marine , pour obtenir une
pension , sera de 25 années de service effectif ;
et pour fixer le montant de la pension , il
sera ajouté à ces années de service ,
les
années résultantes des campagnes de guerre ,
embarquemens , service en garnison hors de
Europe , dans les mêmes proportions qui
ont été fixées par l'article I pour les Troupes
de terre ; ce calcul aura lieu , qu'elle qu'ait
été la classe ou le grade dans lesquels on
ait commencé à servir ; mais l'on n'aura la
pension attachée au grade , qu'après l'avoir
occupe pendant deux ans , ainsi qu'il est dit
dans l'article III . »
« V. Le taux de la pension qu'on obtiendra
, après avoir servi l'Etat dans les Emplois
civils pendant trente années effectives ,
sera réglé sur le traitement qu'on avoit dans
le dernier emploi , pourvu qu'on l'ait occupé
pendant trois années entières.
"
"
Les années de service qu'on auroit remplies
das des Emplois civils hors de l'Europe
, seront comptées pour deux années
lorsque les trente années de service effectif
seront d'ailleurs completes. "
40
Les pensions qui etoient établies sur la
Caisse de l'ancienne administration du
Clergé , seront payées sur cette même Caisse
pour les six premiers mois de la présente
( 109 )
année , sur le pied néanmoins de 600 liv.
au plus pour l'année entière , conformément
au Décret du 16 de ce mois. »
40 VI. Nonobstant l'article.... du Décret
du.... relatif aux enfans des Officiers tués
à la guerre , les enfans du Général Montcalm
, tué à la bataille de Quebec , au lieu
de la somme de 3000 liv . seulement qu'ils
devroient se partager entre eux , aux termes
dudit article , toucheront 1000 liv . chacun .
L'Assemblée Nationale autorise les Commissaires
par elle nommés pour la distribution
des nouvelles pensions , à exprimer dans
le brevet de 1000 liv . qui sera délivré à
chacun desdits enfans , que cette exception
a été décrétée par l'Assemblée Nationale
comme une preuve de sa vénération pour la
mémoire d'un Officier aussi distingué par
ses talens et son humanité , que par sa bravoure
et ses services éclatans. »
"
1
VII. Les pensions accordées aux Familles
d'Assas et de Chumbord , de Montcalm ,
et au Général Luckner , seront conservées
en leur entier , nonobstant ies dispositions
des articles précédens qui pourroient y être
contraires ; à l'égard des autres exceptions
qui ont été ou seroient proposées , elles seront
renvoyées au Comité des Pensions , qui
en fera le Rapport à l'Assemblée. »
Décret sur les Pensions des Artistes et des
Gens de Lettres. Même date.
"
« Art. I. Les Artistes , les Savans, les
Gens de Lettres , ceux qui auront fait une
grande découverte propre à soulager l'Humanité
, à éclairer les Hommes , ou à perfectionner
les Arts utiles , auront part aux
récompenses nationales , d'après les règles
générales adoptées par les Décrets des 10
( 110 )
et 16 du présent mois , et les règles particulieres
qui seront énoncées ci après.
<<
"
Celui qui aura sacrifié ou son tems ou
sa fortune ou sa santé à des voyages longs
et périlleux , à des recherches utiles à l'économie
publique ou au progrès des Sciences
et des Arts , pourra obtenir une gratification
proportionnée à l'importance de ses découvertes
et à l'étendue de ses travaux ; et s'il
périssoit dans le cours de son entreprise ,
sa femme et ses enfans seront traités de la
même manière que la veuve et les enfans des
hommes morts au service de l'Etat .
"
"
« III. Les encouragemers qui pourroient
être accordés aux personnes qui s'appliquent
à des recherches , à des découvertes et à
des travaux utiles , ne seront point donnés
à raison d'une somme annuelle , mais seulement
à raison des progrès effectifs de ces
travaux ; et la récompense qu'ils pourroient
mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur
travail sera entiérement achevé , ou lorsqu'ils
auront atteint un âge qui ne leur permettra
plus de les continuer.
"}
IV. Il pourra néanmoins être accordé
des gratifications annuelles , soit aux jeunes
élèves que l'on enverra chez l'étranger pour
se perfectionner dans les Arts et dans les
Sciences , soit à ceux que l'on feroit voyager
pour recueillir des connoissances utiles à
F'Etat.
V. Les pensions destinées à récompenser
les personnes ci - dessus désignées , seront
divisées en trois classes . "
་་
La première , celle des pensions dont
le maximum sera de 3000 liv .
44
»
La deuxième , eelle des pensions qui
CE
excéderont 3000 liv ,, et dont le maximum
ne pourra s'élever au- dessus de 6oco liv . »
La troisième classe comprendra les
pensions au- dessus de 6000 , jusqu'au maximum
de 10,000 liv. fixé par les précédens
Décrets. >>
« VI. Le genre du travail , les occupa
tions habituelles de celui qui méritera d'être
récompensé , détermineront classe où it
convient de le placer , et la qualité de ses
services fixera le montant de sa pension
de manière néanmoins qu'il ne puisse atteindre
le maximum de la classe où il aura
été placé , que conformément aux règles
d'accroissement déterminées par les articles
XIX et XX des Décrets du 16 du présent
(meis. »
Décret sur les Régimens Suisses . Même date .
Art. I. Il ne sera rien innové à l'égard
des Régimens Suisses ; en conséquence , ils
seront de 973 hommes , formant deux bataillons.
Chaque Régiment sera commandé
par un Colonel , un Lieutenant - Colonel , un
Major.
K II. Les deux bataillons seront chacun
de 9 compagnies ; une de Grenadiers , 8 de
Fusiliers ; chaque compagnie de Grenadiers
sera de 40 Grenadiers , 4 Appointés , 1
Tambour , 4 Caporaux , 2 Sergens , 1 Fourrier;
en total , 52 hommes commandés par
1 Capitaine , I Lieutenant , 1 Sous - Lieutenant.
Chaque compagnie de Fusiliers sera
de 37 Fusiliers , 6 Appointés , 1 Tambour ,
6 Caporaux , 3 Sergens , 1 Fourrier ; au total ,
54 hommes , commandés par 1 Capitaine.
1 Lieutenant , I Sous - Lieutenant . "
" HI. Le nombre des Officiers et Soldats
sera ainsi , pour les 11 Régimens Suisses ;
( 112 )
•
1 Colonels , 11 Lieutenans -Colonels , 11
Majors , 22 Aides- Majors , 22 Sous Aides-
Majors , 44 Purtes - drapeaux , 11 Quartiers-
Maîtres , 198 Capitaines , 198 Lieutenans ,
198 Sous - Lieutenans , 11 Tambours - Majors ,
44 Prévôts , 198 Fourriers , 572 Sergens ,
1144 Caporaux , 1144 Appointés ; 7216 Grenadiers
ou Fusiliers , 374 Tambours .
31
« IV. Le Colonel aura 12000 liv . d'appointemens
par année , le Lieutenant- Co-
Jonel , 3000 liv.; le Major , 6600 liv.; les
Aides - Majors , 1800 liv.; les Sous-Aides-
Majors , 1200 liv . les Portes - drapeaux
600 liv.; les Quartiers - Maîtres , 1200 liv.;
les Capitaines de Grenadiers auront 68c2 liv .;
les Capitaines de Fusiliers de la première
classe , 8400 liv.; ceux de la deuxième classe
7800 liv . Les Lieutenans de Grenadiers auront
1560 liv. ; les Lieutenans de Fusiliers ,
1440 liv.; les Sous -Lieutenans de Grenadiers
, 1200 liv.; les Sous Lieutenans de
Fusiliers , 1152 liv. "
" Les Tambours - Majors auront 655 liv. ;
les Prévôts , 775 liv .; les Fourriers , Sergens
, Caporaux , Appointes , Tambours et
Grenadiers auront 307 liv.; les Fourriers ,
Sergens , Caporaux , Appointés , Tambours
et Fusiliers auront 295 liv.
44
"}
V. En conséquence , la dépense d'un
Régiment d'infanterie Suisse sera , toute
masse comprise , de 515,799 liv .; et pour
les 11 Régimens Suisses , de 5,673,789 Îiv . :
et en comprenant 20,000 liv. accordees en
supplément aux Régimens d'Ernestet Steiner ,
la dépense sera en total de 5,693,789 liv. »
Décrits sur les appointemens de l'infanterie
Françoise. Même dute.
66 VI. Le Colonel aura 6000 liv . d'appoin(
113 )
temens par année ; les deux premiers lientenans
- Colonels auront 4200 liv.; les deux
seconds Lieutenans - Colonels , 3600 liv .; ies
Quartiers Maîtres , 1400 liv.; les Adjudans-
Majors , 1200 liv .; les Capitaines de la première
classe auront 2700 liv.; ceux de la
seconde , 2400 liv.; ceux de la troisième ,
2200 liv.; ceux de la quatrième , 1700 liv.;
et ceux de la cinquième , 1500 liv.; les
Lieutenans amont icoo liv. ; les Sous-
Lieutenans , 800 liv.; les Adjudans auront
668 liv.; les Tambours - Majors , 443 liv.;
les Caporaux- Tambours , 335 liv .; les Musiciens
, 353 liv.; les Sergens - Majors des
Grenadiers auront 480 liv. "
Mémoire adressé à l'Assemblée Nationale
le 1er Août 1790 , par le Premier Ministre
des Finances.
"
MESSIEURS
Deux allégations d'un Membre de l'Assemblée
Nationale , à la Séance de Dimanche
dernier , exigent , m'assure- t- on , m'assure - t- on , un éclaircissement
de ma part.
"
ן כ
J'ai fait remettre , a t- on dit , des fonds
à M. le Comte d'Artois , sans autorisation de
la part de l'Assemblée Nationale , et je dois
être tenu de rembourser cette avance de mes
propres deniers. »
Je n'ai rien à redire au choix entendu de
ce reproche ; il étoit bien du nombre de ceux
qui peuvent faire impression , aussi l'a - t - on
publié par-tout avec des intentions malveillantes
; on a tâché de persuader que je fournissois
obscurément des fonds à M. le Comte
d'Artois , et malgré l'invraisemblance et la
fausseté d'une pareille insinuation , l'on a
égarépourun moment une portion du Peuple,
et on lui a inspiré de la défiance sur les prin(
114 )
cipes éprouvés de son ami le plus ancien et
le plus fidèle.
"
Je ne dis rien de plus ; je dois réprimer les
sentimens qui pesent sur mon coeur , afin de
donner ici tranquillement les éclaircissemens .
les plus simples . "
"( L'Assemblée a connoissance d'un engagement
pris par le Roi , à la fin de l'année
1783 , pourl'acquit des dettes de M. le Comte
d'Artois , à raison de 1,600,090 liv . par an ,
jusques et compris 1791 .
"
"
Cette disposition ponctuellement exécutée
depuis 1784 , se trouve dans les Etats
instructifs fournis aux Notables en 1787 ; le
Bon du Roi qui constate l'engagement de
S. M. , fait partie des pièces imprimées par
ordre du Comité des Pensions . »
20
Le payement de l'année 1789 avoit été
exécuté à l'avance en assignations sur le
Domaine , peu de temps avant ma rentrée
dans le Ministère , au mois d'Août 1788. »
" Ces assignations à un an de terme , ayant'
été comprises dans la suspension des rembour
semens , ordonnée vers la fin de l'administration
de M. l'Archevêque de Sens , on me
pressa d'echanger ces assignatious contre des
valeurs actives , et je me defendis d'une exception
à la Loi générale. »
On me demanda d'autant plus tôt le
payement de l'année 1790 , et j'aurois pu ,
sans faveur nouvelle , y consentir dès l'année
derniere,puisque le payement de l'année 1789
avoit été fait à l'avance-au milieu de 1783. "
J'opposai encore à cette sollicitation ,
la situation des Finances et l'importance du
maintien ou plutót du retour aux règles. "
« Enfin , apres m'être défendu d'aucun
échange de valeurs eu 1788 , et d'aucun
( 115 )
payement en 1789 , arrivé en 1790 , je plaçai
les 1,600,000 liv. destinées à l'acquittement
des dettes de M. le Comte d'Artois , dans'
l'aperçu des dépenses des huit derniers mois
de cette année ; et en formant ensuite l'Etat
particulier des payemens à faire pendant le
cours de Juillet , j'y compris un premier àcompte
de 200,000 liv. sur la susdite soame
de 1,600,000 liv. »
16 Ce dernier état a été remis au Comité '
des Finances au commencement du mois qui
vient de finir ; et le tableau spéculatif des
dépenses des huit derniers mois de cette
année , où la somme entière des 1,600,000 l .
se trouve portée , je l'ai présenté moi- même ,
an mois de Mai , à l'Assemblée Nationale , et
il a été rendu public ensuite par la vore de
l'impression. "
Tous les Comités de l'Assemblée Nationale
, celui des Pensions , celui de Liquidation
, celui des Finances , enfin chacun des
Membres individuels de l'Assemblée Nationale
ont donc été instruits que les 1,600,000l . ,
suite de l'engagement formel contracté par
le Roi envers les Créanciers de M. le Comte
d'Artois , étoient portées sur l'état des dépenses
des huit derniers mois de cette année.'
Nalle objection , nulle critique , nulle observation
n'a été faite de la part de personne ,
et c'est au moment où l'on croit que le
payement du premier à compte doit avoir
ea son exécution , qu'un Membre de l'Assemblée
Nationale propose d'intenter une
action contre moi pour raison de ce payement.
»
« Maintenant , et l'on ne s'y attend pas
sans doute , maintenant je finis par dire
qu'aucun à compte encore n'a été fourni ,
( 116 )
qu'aucun payement n'a eu lieu sur les
1,600,000 liv. comprises dans l'état spécu-
Jatif des dépenses des huit derniers mois de
l'année , et sur lesquelles je viens de fixer
l'attention de l'Assemblée Nationale ; ainsi
la dénonciation dirigée contre moi , se trouve
encore , dans le fait , entierement erronée. »
"
J'atteste de plus , que , non pas seulement
dans ces derniers temps , mais dans
tout l'intervalle qui s'est écoulé depuis mon
retour à l'administration des Finances , il
n'a été payé au Trésor de M. le Comte
d'Artois , que les sommes fixées pour l'entretien
de sa maison et les fonds destinés
aux 900,000 liv . de rentes viagères que le
Roi , dans l'année 1783 , s'est obligé d'acquitter
, rentes qui font partie des interêts
à la charge de l'Etat , comme on l'a vu
dans les comptes généraux des revenus et
des dépenses fixes de 1787 , 1788 et 1789 ,
et dans tous ceux qui ont eu lien postérieu
rement pour faire connoître les besoins de
P'Etat. Je puis ajouter que j'ai reculé d'un
semestre le payement de ces rentes , parce
qu'en proportion des autres engagemens dé
ce genre , il étoit trop avancé. »
J'annonce encore que pendant l'intervalle
du mois d'Avril´au mois de Juillet
de cette année , les fonds destinés aux dépenses
de la Maison de M. le Comte d'Artois
, ont été diminués de trois à quaire
cent mille livres , pour se rapprocher des dispositions
générales que vous aviez arrêtées . »
Je viens au second reproche du même
censeur; on en fait aussi beaucoup de bruit ,
et il m'est aisé d'y répondre .
་
"
(Ici le Ministre expose le fait qui concerne
Madame de la Marck , tel que nous l'avons
( 117 )
rapporté , d'après la déclaration même de
celle Dame ).
"
Entraine par ces reflexions générales ,
je demande instamment à l'Assemb¹ e Natio
nale de vouloir bien se faire rendre compte
des demarches inutiles faites jusqu'à présent
par son Comité des Finances , pour obtenir
une explication sur une prétendue réticence
de 600 millions , aperçue dans ines comptes ;
car l'offre d'en donner la preure , quoique
faite par une personne inconnue , a fixé l'attention
du Public , du moment où une pareille
offre a été acceptée par l'Assemblée
Nationale . Je vous prie encore , Messieurs ,
d'exiger du Comité qu'il porte cette affaire
à son dernier terme ; car il seroit disposé ,
je le crois , à se contenter de réponses vagues
et déclinatoires , tant il sait bien qu'a la suite
de ses travaux et de ses recherches , il est
plus en état que personne de decouvrir mes
fantes de calcul , s'il en existe réellement . »
"
Que n'est- il possible de soumettre également
à un examen toutes les assertions
calomnieuses , répandues avec profusion dans
les infames libelles dont , jusqu'à ces deiniers
temps , j'avois ignore l'horrible puissance
! »
Je me trouve , je l'avoue , et chaque
jour davantage , péniblement attristé ; et
puisque , par le cours de vos deliberations ,
je suis maintenant inutile à la chose publique,
et que mes forces s'affaisent sous le travail ,
les inquiétudes et les épreuves de tout genre ,
j'aspire à trouver le repos , et à m'eloigner
pour toujours du monde et des affaires . Je
desire donc avec ardeur de connoître promp
tement , si,
d'ancune part , part , on a quelque
reproche à me faire ; si le Comité des Fi(
118 )
Y
nances en particulier , occupé de l'examen
du compte que vous m'avez demandé , y
trouve quelque chose à reprendre ; et certain
que je suis de ne m'être jaunais distrait un
moment du bien public et de la rigide observation
de mes devoirs , je ne crains point
d'étre appelé à toutes les preuves que les
Représentans de la Nation jugeront nécessaires
. "
DU LUNDI 2 AOUT.
M. Vernier, du Comité des Finances , a fait
un Rapport sur le dernier Mémoire de M.
Necker; Rapport dont nous ne decouvrons
d'autre but déterminé que celui de rassurer
les Peuples sur les besoins publics , et de
justifier M. Necker des imputations dirigées
contre la comptabilité de ce Ministre.
M. Peritier a donc assure qu'avant la convocation
de l'Assemblée , les impositions
annuelles montoient à 750 millions , sans y
comprendre le logement des gens de guerre,
Pimpót occasionnel de la contrebande , qu'il
estimé à 6 millions , les frais incalculables
d'un recouvrement auquel on empiryoit 209
mille hommies , plus chers que l'Armée de
terre ; que malgre cette perception , le Trésor
public éprouvoit chaque année un déficit de
50 millions . Il a ajouté que , malgré la dette
viagère contractée pour solder le Clergé dé
pouillé , malgré le remboursement des Offices
et le payement des nouveaux Officiers de
Justice , l'état en général se trouvera soulagé
d'environ 200 milions . Il porte les retards
éprouvés par la Ferme générale à 15
millions pour 1789 , à 25 millions pour 1790 ;
le deficit sur la Ferme du tabac , les entrées
de Paris et du Piat - pays , à 2,500,000 liv.
L'impót pour le remplacement de la Ga(
119 )
belle , des droits sur les cuirs et autres , n'est
pas même réparti , ni par conséquent susceptible
de perception . La Contribution Patriotique
n'est pas encore rentrée. Le De
cre qui accorde deux millions pour la mendicité
nécessite l'emission de nouveaux
fonds ... En général , la situation n'est pas
si alarmante qu'on l'a pensé : il ne s'agit
que de suppléer , par des avances , un peu
cheres à la vérité , à des payemens retardes . "
Le Rapporteur a rendu justice à l'intégrité
de M. Necker , et l'a declaré inexpugnable
sur l'article de la comptabilité.
On ne peut , suivant M. Fernier , faire à
ce Ministre d'autre reproche ( il mérite d'être
remarqué ) , que d'avoir voulu se conduire
par l'expérience , au lieu de s'élever à la
hauteur des conceptions nouvelles de l'Assemblée.
Un individu nommé M. Colmar,
avoit pris , à la face du Corps Législatif ,
l'engagement de prouver une réticence de
600 millions de la part de M. Necker : on
a invité ce Particulier à fournir ses preuves
et à se rendre au Comité ; il n'a point répondu.
3
-
2
Tout flatteur qu'étoit ce Rapport , on lui
a disputé l'honneur de l'impression . Un
Membre a nié que la somme des charges
publiques ne s'élevât à l'avenir qu'à 540 millions
, et a regarde comme très - dangereux ,
de présenter ainsi publiquement des esperances
hypothétiques . M. Camus s'est également
opposé , par d'autres motifs , à l'impression
du Rapport : on est universeliement
convenu de la différer , en passant à l'ordre
du jour , c'est -à- dire , à l'Organisation Militaire
.
Le Ministre de la Guerre , le Comité , et d'a(
120 )
près eux , M. deNoailles, avoient adopté le systême
d'incorporation , soit le doublement et le
tiercement des régimens. M. de Sinetti, etaprès
Jui , M. du Châtelet , ont combattu ce Projet.
Le dernier de ces deux Opinans a développé
avec sagacité toutes les raisons qui militoient
contre cette nouveauté , l'expérience , l'utilité
de ne pas rendre trop considérables des
Corps qu'on est souvent appelé à envoyer
dans les Colonies , et qu'il faudroit morceler,
le danger effrayant de semer le trouble dans
l'Armée , et enfin les circonstances qui rendroient
aujourd'hui cette discorde , extrê
mement funeste . M. de Broglie a répliqué
sans succès à M. du Châtelet , dont la longue
expérience l'a emporté sur la jeunesse de
son Contradicteur. Il a été décrété que le's
incorporations n'auroient pas lieu.
La Séance a été terminée par la lecture
d'un envoi de M. de Montmorin , dont nous
avons rapporté l'objet la semaine dernière :
il renfermoit une Lettre de M. l'Ambassadeur
d'Espagne à ce Ministre , en date du
7 Juin , une Lettre de M. Firtz - Herbert à
M. le Comte de Florida - Blanca , concernant
les demandes de la Cour de Londres , et la
Réponse du Cabinet de Madrid. Ces differentes
Pièces ont été renvoyées au Comité
Diplomatique elles perdent leur intérêt
depuis l'accommodement des deux Cours de
Madrid et de Saint - James ; mais il importe
de recueillir le dernier paragraphe de la lettre
de M. l'Ambassadeur d'Espagne à M. de
Montmorin .
K
Elle me charge d'ajouter encore que ,
dit M. le Comte de Fernand -Nugnez , l'etat
actuel de cette affaire imprévue exige une
détermination
21
ព
détermination ( res - prompte , et que les meshres
que la Cour de France prendra pour
venir a son . sec urs soient si actives.
D d'autres amis et d autre
Si
者
claires , et si positives , qu'elles évitent jus
qu'au moindre sujet de méfiance ; autrement
, Sa Majesté Très- Chrétienne ne devra
surprise que l'Espagne cherche
alliés parmi toutes
sans en excepter
aucune de celles avec qui elle puisse compaucumbe
ter toujours en cas de besoin . Le lien du
sang et l'amitié personnelle qui unit nos
deux Souverains , et sur - tout les intérêts
réciproques qui existent entre les deux Nations
unies par la nature , seront toujours
ménagés dans tout arrangement nouveau ,
autant que les circonstances pourront le
permettre
les Puissances
de
l'Europe
,
comp-
1
DU LUNDI SEANCE DU SOIR.
a
Elle étoit réservée à M. Dubois de Crance .
gab Dimanche , la demanda par extraordi
pare , et pour dénoncer des Ecrits coupables.
On
On avoit imbu le Public que l'atmos- phere étincelleroit d'éclairs et de foudres :
+
n'a été que brûlant ; s'il se refroidit quel ,
quefois , ce n'est pas lorsque l'Esprit de
parti se trouve exalté par l'objet même de
la délibération.
Plusieurs incidens ont préparé les dispositions
générales , avant que M. de Crancé
Fut abordé la Tribune . Et d'abord on a fait
lecture d'une Lettre écrite à l'Assemblée par
M. de Moustier , Ministre de France auprès
des Etats -Unis . Il dénonce la Compagnie
du Scioto , comme excitant des émigrations
en Amérique , par des promesses trompeuses
qui compromettent la fortune des Citoyens
et la population du Royaume.
Nº. 33. 14 Acút 1799. F
( 122 )
12
Il étoit assez nouveau de voir un Agent
du Roi auprès d'une Puissance Etrangère
écrire pour affaires de sa place , non au Roi ,
de quiil tient sa commission , mais au Corps
Législatif. On n'a donné aucune attention
à cette nouveauté : M. l'Abbé Gouttes en a
proposé une bien autrement extraordinaire :
il a demandé une violation formelle de la
faculté Loco-motivo , garantie par la Déclaration
des Droits de l'Homme et une Loi
Constitutionnelle qui défendît aux Francois
d'émigrer.
267
Le Comité des Recherches étant aujourd'hui
le grand Pouvoir de l'Etat , d'ardens
Investigateurs ont requis qu'on lui renvoyât
la dénonciation . TUSEh
q 200
Les nouveaux
habitans du Scioto ne sont des
Aristocrates
, crioient les uns.
que
bien ! mandez-les à la Barre , répliquoient les autres : Occupez-vous du bonheur , et de la sureté de chaque Citoyen , a dit
plus sérieusement
M. de Murinais , renon- cez à toutes les innovations
inutiles , qui
font le malheur de plusieurs
cent mille individus , et qui souvent répétées , jet- « teront enfin la Nation entière dans le
deuil . Réprimez
fortement
le brigandage
qui désole le Royaume , et personne n'aura
envie de le quitter.
a
К
"
"
.
M. de Biauzat a raisonné aussi contre
l'émigration ; enfin M. l'Abbé Grégoire a
dénoncé des Transfuges de la Lorraine et
du Pays Messin, qui vont , dit-il , se faire
tuer à la tête des Armées Autrichiennes.
Malheureux , s'est- il écrié , vous avez la
bassesse de quitter la France et la Liberté ,
pour devenir les vils suppôts da despob
nuits'on
" tisme !
་་ ;།
.0 .
( 123)
Ce compliment de M. Grégoire à la Monarchie
Autrichienne , n'ebranloit pas les
Auditeurs .
M. Alexandre de Lameth les a consolés
de ces pertes nécessaires au succès de la
Révolution , et a conduit l'Assemblée à l'ordre
du jour.
Malheureusement , le premier objet de
Pordre du jour n'étoit pas plus consolant.
Une Lettre du Ministre de la Marine annonce
les détails d'une nouvelle insurrection
qui a éclaté le 3 Juin au Fort Saint - Pierre
de la Martinique , contre les gens de couleur
libres , dont 7 ont été pendus par le Peuple ,
et les autres maltraités.
Les excès auroient été au comble , s'ils
n'eussent été réprimés par l'activité de M.
de Damas , Gouverneur de l'Isle , et par la
bonne contenance des Troupes.
Pressé par ses Co - Députés , et par
des nouvelles
affligeantes arrivées de Nemours , M.
de Noailles a demandé l'agrément de l'Assemblée
pour aller dans cette Ville , où il
espère devenir le pacificateur du Département.
A la suite de ces préliminaires , on a présenté
l'hommage que faisoit M. Marat d'un
Plan de Législation Criminelle. On a regardé
cet Ecrit comme le contre - poison des crimes
auxquels l'Auteur exhortoit le Peuple dans
ses autres ouvrages .
Son Collègue , M. Camille Desmoulins , a ensuite
paru sur la scène. On a fait lecture
d'une Adresse de sa façon contre le Décret
rendu Samedi soir , sur la dénonciation de
M. Malouet.
་ ་
Je demande , dit le Pétitionnaire , d'être
traité comme tous les autres Citoyens ; que
Fij
( 124 )
la dénonciation soit renvoyée à l'examen du
Comité des Rapports ; qu'il lise le Numéro
dénoncé , que je dépose sur le Bureau ; et
que je ne sais pas livré à la malignité d'un
seul homme , avec lequel je suis en Procès
criminel . Si P'Assemblée ne jugeoit pas à
propos de suspendre l'exécution de son
Décret , je demanderois de prendre à partie
mon Dénonciateur inviolable , qui ne peut
être mon Juge . Le Décret me renvoie au
Châtelet : il est impossible que l'Assemblée
me traduise devant un Tribunal que je lui
dénonce depuis six mois comme criminel de
lèze-Nation ; il est impossible qu'elle me
traduise devant un Tribunal contre lequel
je plaide une récusation , sans juger la récusation
, c'est - à - dire , sans exercer le Pouvoir
Judiciaire qu'elle s'est interdit . »
L'extrémité de la gauche de la Salle a
prodigué ses applaudissemens à la dialectique
et à l'éloquence de M. Desmoulins ,
dont l'humanité , le respect pour les Lois ,
et le patriotisme , avoient déja trouvé , ainsi
que M. Marat , de zélés défenseurs hors de
Ja Salle.
་་
M. Malouei a pris la parole. « Je ne crains ,
a- t-il dit , ni certaines menaces , ni certains
applaudissemens . Au moment où j'entrois
dans l'Assemblée Samedi soir , à l'entrée
même de ce Sanctuaire des Lois , on m'a
présenté l'Ecrit intitulé C'en est fait de nous ;
je vous l'ai apporté , je vous l'ai lu , et vous
en avez tous frémi d'horreur. Depuis le Décret
que vous avez prononcé , seroit- il devenu
douteux que c'est un crime et un des plus
grands d'inviter le Peuple à l'insurrection ,
à l'effusion du sang , au renversement de
tous les Pouvoirs établis ? Dans quelle so(
125 )
:
go
Y
ciété , dans quelle horde même sauvage et
barbare , de tels attentats pourroient - ils rester
impunis ? Si de tels hommes trouvent ici des
défenseurs , que ces defenseurs se lèvent , et
je les dénonce eux - mêmes. Camille Desmoulins
veut récuser et moi , son dénonciateur
et le Châtelet , son Tribunal. Je le conçois
c'est ce que tous les coupables voudroient
faire il est vrai , j'avois déja intenté un
Procès devant le Châtelet à Camille Desmoulins
; mais dans ce Procès , mon intérêt
personnel est bien le moindre ; là , comme
ici , c'est de délit contre la Nation que je
l'ai accusé . Camille Desmoulins est-il ´innocent?
Il se justifiera . Est -il coupable? Tous
les Tribunaux le puniroient. Puisqu'il veut
qu'on lise son Numéro , je vais le fire : Camille
Desmoulius osera- t - il le justifier ?
Oui, je l'ose , a crié des Tribunes une voix qui
étoit celle de Camille Desmoulins .
On pouvoit s'étonner peuque celui qui , depuis
un an , dirige alternativement le glaive des
bourreaux sur les têtes qu'il lui plaît de désigner,
et qui , chaque semaine , appelle la Nation
au mépris du Roi , de la Royaúté , et des
Lois Constitutives de la Monarchie ; on devoit
s'étonner peu , disens - nous , qu'un telhomme
osát justifier ce qu'il a bien osé écrire , Cependant
, cet outrage à l'Assemblée en a
soulevé la grande Majorité ; elle s'est levée
avec indignation , requérant le Président
de faire arrêter l'Offenseur : l'extrémité
gauche , au contraire , a réclamé la délibération
en la présence de Camille Desmoulins
à la Barre.
M. Robespierre , son ami , a pris sa défense
et demandé à faire une réflexion pour l'humanité
, et sur l'indiscrétion d'un homme sen-
Fi
( 126 )
sible , a- t-il dit , accusé de crime envers la
Nation , qu'il a toujours cru défendre . Pendant
qu'on péroroit sur cette arrestation , le
Président , qui l'avoit ordonnée , a annoncé
qu'elle n'avoit pu s'exécater , parce que M.
Desmoulins s'étoit enfui. Il sortit de la Salle ,.
où il rentra et séjourna ensuite jusqu'à la
fin .
41
"
>>
Pendant ce tumulte , on avoit perdu de
vue la dénonciation promise par M. Dubois de
Crance , qui a bientôt fourni le sujet d'une
seconde surprise presque générale . Avant
d'arriver àson objet , et pour se ménager une
transition favorable , il a commencé le tableau
des horreurs de la Presse : " Chaque
jour , a -t- il dit , voir éclore une foule de
Pamphlets criminels ; les Ecrits raisonnables
ne se débitent plus , on ne vend que
les calomnies. Deux partis se font une
guerre implacable , et le plus foible est con--
tent de sa défaite , pourvu qu'il puisse entraîner
l'autre dans sa chute. Le pauvre Peuple
égaré , est le jouet des factions , et la
victime de tous les complots. Je demande ,
pourquoi le Châtelet ne poursuit pas les
Actes des Apôtres , la Gazette de Paris , ta
Protestation des Chapitres , etc. ? Je demande
pourquoi il a gardé le silence quand on a
publié la Passion de Louis XVI , et le Manifeste
du Prince de Condé ? Si la Loi pour
réprimer ces Libelles n'existe pas , vous avez
donc , par votre Décret de Samedi , livré
deux Auteurs à l'arbitraire ; si elle existe ,
par quelle fatalité a- t- on choisi ces deux
écrits plutôt que tant d'autres plus dangereux
? Il existe , par exemple , un Libelle ,
objet principal de ma Motion , revêtu d'un
caractère authentique , et intitulé : Rapport
( 127 )
fait au Comité des Recherches de la ville de
Paris , concernant M. de S. Priest, de Maillebois
Bonne-Savardin , etc. Ce Libelle , répandu
avec profusion dans les Départemens ,
peut porter à des excès un peuple armé. Je
demande donc que le Comité des Recherches
soit mandé à la Barre pour nous donner
son aveu ou son désaveu du Libelle , et
dans le premier cas , qu'il soit ordonné au
Procureur du Roi de poursuivre les personnes
légalement dénoncées , et que le Président
se retire pardevers le Roi , pour lui déclarer
que l'Assemblée Nationale ne peut
plus correspondre avec un Ministre aussi
grievement inculpé. "
Cette dénonciation fictive , en mettant en
eause à la fois le Comité des Recherches "
et M. de Saint - Priest , a trompé l'attente de.
son Auteur. L'auditoire est resté muet ,
indifférent
, et nombre de voix ont réclamé la
question préalable.
46
Je m'y oppose , a dit , d'un ton sévère ,
M. Démeunier : Si le Ministre est coupable,
il faut qu'il porte sa tête sur l'échaffaud ;
mais vouloir qu'un Ministre soit suspendu
de ses fonctions , avant d'être jugé , avant
même d'être légalement accusé , c'est vouloir
faire marcher la peine avant la convic
tion : ce procédé n'est pas Constitutionnel.
Je ne vois dans cette dénonciation qu'une
représaille du Décret très raisonnable de
Samedi.
"
:
"
Nous sommes entourés d'intrigues et de
factions dans le péril certain où se trouve
le Royaume , l'Assemblée Nationale doit
craindre à chaque pas d'autoriser des forfaits;
l'on médite de bouleverser la Capitale et l'Empire
: j'ouvrirai volontiers , s'il le faut , ma poi-
Fiv
( 128 )
trine au fer des factieux , et je dirai la vérité :
puissai - je être la seule victimse ! Marchons
avec prudence , en nous bornant à indiquer
an jour pour entendre le Comité des Recherches
. "
Revenant à la dénonciation des écrits incendlaires
, M. de Biauzat a demandé justice , je
ne sais de quel Pamphlet ignoré , répandu en
Auvergne.Prenant ensuite à partie le Châtelét
armé, a -t- il dit, d'un glaive à deux tranchans,
il a dénoncé ce Tribunal , qui demeurot
dans l'inaction , sans poursuivre M. de S. Priest
et auquel il falloit substituer une Cour légale
, qui jugeât les crimes de leze - Nailon :
On ne prévoyoit pas de terme à cette réciprocité
de dénonciations . Toutes les autorités
alloient se dénoncer mutuellement : la
droite alloit accuser la gauche , et la gauche
accuser la droite . Déja les deux Partis se
reprochoient leurs fautes , et s'imputoient
l'origine de tous les désordres . Les esprits
s'embrasoient ; la confusion étoit extrême :
on a demandé la rupture de la Séance.
Alors , M Péthion se hâte de dénoncer le
Décret même de Samedi dernier ; surpris ,
à l'entendre , pour anéantir la liberté de la
Presse , et pour fermer la bouche à tous les
Ecrivains Patriotes.
Que tous les bons Citoyens , crie M.
Collin , fassent le serment avec moi de pas
ser la nuit dans cette Salle . »
10 Avez- vous entendu donner à votre Déeret
un effet rétroactif , ajoute M. Pethion?
A combien d'inquisitions d'injustices , de
vexations , ne livrez - vous pas ceux qui ont
écrit sur les affaires publiques , et qui vous
ont tant servi dans la Révolution ? il n'y a
pas plus de raison pour dénoncer tel écrit
plutôt que tel autre , pour s'arrêter à telle
( 129 )
ou telle époque . Il ne faut pas se persuader
qu'une révolution soit un état de calme . Il
est louable , dans l'insurrection générale d'un
grand Peuple , de favoriser cette insurrection.
Vous- mêmes l'avez approuvée ; vous
l'avez favorisée par vos Decrets. Et yous
feriez aujourd'hui poursuivre comme criminels
ces mêmes Ecrivains auxquels vous devez
le salut de la France ? Je demande ,
1 ° qu'il ne soit fait aucune poursuite contre
les personnes qui ont écrit jusqu'à ce jour
sur les affaires publiques ; 2 ° . Que le Décret
de Samedi dernier ne soit exécutoire que
lorsque vous aurez défini les Crimes de lèze-
Nation , arrêté des Lois contre la calomnie ,
et etabli la procédure par Jurés.
L'étrange doctrine de ce discours , ap
plaudie par ses . Auteurs , fut d'abord rejetée
avec indignation par les deux tiers de
l'Assemblee . M. de Bonnay , craignant le
ravage de ces nouveaux prine pes , qu'on articuloit
nettement , et pour la premiére fois
dans la Tribune , invoqua les suffrages sur
le champ. D'autres cherchoient à expliquer
pourquoi on s'élevoit contre les effets rétroactifs
, dans une occasion où ils n'étoient
nullement applicables , tandis qu'on les avoit
appliqués si violemment à l'affaire de M. de
Besenval et de tant d'autres ; ils demandoient
pourquoi cette faveur qui exceptoit
deux criminels des poursuites de Lèze - Nation;
tandis qu'on laissoit subsister contre tous
autres Parbitraire de ces délits ?
M.,Malouct fit un nouvel effort pour l'intérét
de la liberté et de la sureté publique ,
en présentant une explication , qui surement
n'eût rencontré de contradicteurs dans alle
cune République.
130 )
Tout Ecrit , observa t- il , qui ne présente
qu'une opinion sur les Personnes ou
sur les choses , ne peut être réputé un crime'
que par le despotisme. Tout Ecrit qui
conseille un acte coupable ne peut être toléré
ou défendu que par des complices . "
"
-
C'est dans cet esprit , et pour répondre
à toutes les fausses interprétations du Décret
du 31 Juillet , que je propose les articles suivans
non comine une Loi complete contre
la licence de la presse , mais comme une
Loi provisoire pour en assurer la liberté et
en réprimer les abus les plus dangereux. »
"
I. Nul ne pourra être poursuivi au nom
du Roi ou du Corps Législatif à raison de
ses opinions prononcées ou imprimées sur les
Personnes publiques ou privées , sauf à celles
qui seroient injuriées ou calomniées à se
procurer , par les voies légales , la réparation
qui leur seroit due.
K
"
II. Si les injures ou calomnies s'adressent
à la Personne sacrée du Roi , la réparation
et la punition en sera poursuivie au nom de
la Nation.Si les injures ou calomnies s'adressent
au Corps Législatif , la réparation
et la punition en seront poursuivis au nom
du Roi. "
་ ་
III. Il est libre à tout Citoyen de s'expliquer
verbalement , ou par la voie de l'impression
, sur les actes du Corps Législatif
et sur les actes du Pouvoir exécutif , de
qualifier les abus d'autorité , de les publier
et de s'en plaindre ; mais celui qui aura conseillé
ou formellement provoqué la résistance
aux Lois , ou toute espèce de violence , attroupement
et voie de fait contre leur exécution
, contre les Magistrats , Administrateurs
et Représentans de la Nation , à raison
( 131 )
de leurs fonctions , opinions ou jugemens ,
será poursuivi comme criminel de Leze-
Nation. "
-
Si les Ecrivains , ajouta- t -il , qui excitent
le Peuple à exterminer , à mettre à la
lanterne , ne sont pas ranges dans la clase
des assassins , il n'y a plus ni Liberté , ni
Lois , ni moeurs sociales ; la Constitution
décrétée n'est plus qu'une formule oratoire ,
et le droit du plus fort devient la véritable
Constitution. Celui qui calomnie et diffame
un Citoyen à raison de ses opinions.
politiques , peut n'être qu'un lâche et un
fou ; mais tous ces Patriotes exterminateurs
qui ont consacré l'usage de la lanterne et
des poignards dans toutes les parties du
Royaume , sont les véritables assassins des
Beausset , des Voisins , des Belsunces , et de
deux cents autres ; s'il existoit un pays dont
la Constitution les protégeât , ils suffiroient
pour exterminer cette Constitution. "
18 ou Ou la Révolution est consommée
elle ne l'est pas dans le premier cas , on
ne peut trop se hâter de faire jouir tous les
François des bienfaits de la Liberté , dont
ils ne connoissent encore que les orages :
toutes les mesures devroienttendre à éteindre ,
à calmer les inimitiés , à rendre supportable
les réformes par la douceur et la sécurité
de l'état de Citoyen . Si , au contraire ,
ou croit encore de puissans Ennemis à la
Révolution , quelle insigne folie, quel étrange
aveuglement que celui qui fait compter au
nombre des appuis de la bonne cause , les
libellistes , les assassins , les insurrections ,
les violences de toute espèce ! Qu'avez- vous
à répondre aux hommes vertueux qui nous
diront : Si ce sont là les élémens de la Ré-
--
F vj
( 132 )
volution , j'en ai horreur ; rendez- là pare ,
je l'aimerai . - Quoi ! il suffira de se dire
Ecrivain Patriote , Citoyen Patriote , pour
que le plus épouvantable cinisme , la plus
grossière férocité obtienne des applaudisse ,
mens et des défenseurs ! »
"
---
Il est un autre genre d'Ecrits contre lesquels
la Liberté de ce moment - ci voudroit
fort diriger toute la sévérité de l'ancienne
inquisition ; ce sont ceux où l'on s'explique
librement sur les inconvénieus ou les imperfections
de la Constitution. Le patriotisme
exterminateur n'entend pas que la Liberte
s'étende sur cette partie de notre horison
politique , mais cette démence ne peut être
consacrée par une Loi nous devons tous
fidélité et obéissance à celles sanctionnées
et promulguées , et nous devons ensuite concourir
par nos efforts et nos lumières , t
faire corriger celles qui sont défectueuses ;
ce qui ne permet pas seulement , mais commande
à tout Citoyen instruit , le plus libre
examen de la nouvelle Constitution . Ceux
qui professentdes maximes contraires peuvent
avoir sur les lèvres , mais non pas dans le
coeur, le sentiment de la liberté et du patriotisme.
Ah ! les François rougiront de célébrer
la vertu sous l'emblême des furies .
"
"3
Que dis- je ? les François ! il en est peu
désormais dont l'ivresse se prolonge ; ils se
réveillent au bruit de nos débats ; le tumulte
de nos Séances calme les Spectateurs , et
bientôt dans le sein des familles , on nous
demandera compte du trouble qui les agite
et des maux qui les menacent : on confrontera
les Ecrits odieux que j'ai dénoncés , leur fumeste
influence , et tout ce qui vient d'être
allégué pour leur défense ; et si quelque
Manlius ouvert de crimes venoit nous dire:
( 133 )
J'ai sauvé le Capitole , on se souviendra de
la roche Tarpeienne . Qu'on ne se flatte pas
de rendre toujours impuissante la voix des
gens de bien ; il ne faut peut - être que
quelques nouveaux outrages , quelques crimes
de plus dirigés contre eux , pour leur donner
un empire irrésistible , et pour rallier à eux
tous les hommes honnêtes qui veulent la
liberté , mais qui détestent l'anarchie que
nous assure de plus en plus l'impunité des
scélérats .
"3
Ces salataires vérités , dont le triomphe
tardif ' en sera pas moins sûr , ne firent aucune
impression , La pluralité refusa de se
rendre à une application aussi raisonnable
des Lois de tous les Peuples libres et policés ;
MM. Garat Paîné et Dupont tentèrent vainement
de se faire entendre ; Pacharnement
redoubla : Nous ne quitterons pas la Salle
que nous ne l'ayons emporté , cria de nouveau
M. Coutin. Il étoit minuit : un appel
nominal eût consumé deux heures ; enfin ,
au milieu du tumulte , on passa en Décret
l'avis de M. Camus.
"
L'Assemblée Nationale décrète qu'il ne
pourra être intenté aucune action ni dirigé
aucune poursuite , pour les Ecrits qui ont
été publiés jusqu'à ce jour sur les affaires
publiques , sauf néanmoins contre un Ecrit
intitulé C'en est fait de nous. Et cependant
l'Assemblée Nationale , justement indignée.
de la licence des Ecrivains , dans ces derniers
temps , charge son Comité de Constitution
et de Jurisprudence Criminel'e réunis ,
de lui proposer un mode d'exécution du
Décret du 31 Juillet dernier. »
DU MARDI 3 Aoust.
Les témoins de la Séance d'hier au soir ,
( 134 )
l'ont été qu'au milieu du désordre et du tumulte
, les trois quarts des Députés ignorerent
même le Décret qu'ils avoient rendu .
En consequence , ce matin , MM . Malouet ,
de Folleville , Dupont , & c . ont remontré què
le Décret devoit intimer aux Comités de
Constitution et de Legislation criminelle ,
de présenter le travail dans le plus bref délai
; ils avoient ainsi entendu voter cette
disposition , et si l'Assemblée l'avoit omise ,
il importoit de l'ajouter au procès - verbal ....
Nombre d'exemples autorisoient de semblables
additions . M. Dupont alloit en prouver la
necessité des brouhahas , des cris forcenés
ont repoussé toutes ses tentatives pour prendre
la parole : ses réflexions qu'on refusoit d'écouter
, n'étoient pas , disoit - on , à l'ordie
du jour.
"
"
entie-
M. de Macaye , au nom du Comité des
Recherches , a fait le rapport des troubles
du Département du Loiret ,
tenus par un Ecrit incendiaire , ințitulé
Réponse des Officiers Municipaux des Paroisses
de Campagne du Gâtinois , au Département
du Loiret. Autant voler , dit l'Auteur
, que payer les champarts et les droits
féodaux . Tous les moyens imaginables sont
employés pour exciter le Peuple à la révolte ,
et le préparer aux brigandages. Il faut
pendre ,, y est- il dit , non seulement ceux
qui percevront les champarts et les droits
féodaux , mais encore ceux qui les paieront.
Une potence a été dressée à cet effet dans
la Paroisse de Joui. Celui qui l'a dressée ,
interrogé sur ses motifs , a répondu qu'il
obéissoit à la Municipalité , dont la volonté
expresse étoit de faire pendre tous ceux qui
acquitteront les droits de champart. Le Raporteur
a proposé un projet de Decret.
"
( 135 )
M. Dupont est enfin parvenu à se faire.
entendre , et à donner l'énergique Commentaire
des plaintes patriotiques que M. Malouet,
et plusieurs autres n'ont cessé d'élever
inutilement depuis six mois , sur l'affreuse
anarchie qui s'aggrave de jour en jour.
Je demande , a dit M. Dupont , que le
Décret du Comité des Recherches , contre
les désordres du Gâtinois , soit rendu general
. Comment oserez- vous poursuivre le libelle
exécrable qu'on vous dénonce aujour
d'hui , après le Décret que vous avez rendu
hier ? L'insurrection a peut- être commencé
votre ouvrage , la paix seule peut le terminer,
l'impunité le détruira . L'art d'exciter
à la révolte s'est prodigieusement rafiné ,
et se perfectionne chaque jour . Je vous aurois
exposé hier , avant votre Décret , les
progrès de cet art effroyable , si j'eusse obtenu
la parole ; je l'aurois fait ce matin si
on ne me l'eût ôtée. Je ne serai pas moins
courageux que le vertueux Démeuniers , qui
vous a dit hier qu'en vous déclarant la vérité
, il ouvroit peut - être sa poitrine au fer
des factieux , et puisqu'on a feint de ne pas
l'entendre , parce qu'on l'entendoit trop bien ,
je serai plus clair.
« Vous avez vu croître l'habileté à répandre
des Motions d'assassinats , à former des
groupes , par le secours de cinq ou six personnes
seulement , qui se dispersent ensuite
dans d'autres groupes , où , par des calomnies
, par des récits infidèles , par l'intervention
supposée de quelques personnages illustres
, ils égarent un Peuple crédule qu'à l'avance
des écrits affreux animent à la cruauté.
Vous avez vu , il y a peu de jours , sous les
murs de cette salle , un exemple du désor(
136 )
•
dre que peuvent occasiouner quelques scélérats
audacieux et payes. Il se fomentoit
une émeute pour obtenir le renvoi des Miistres.
Ce ne sont qu'une quarantaine de
Citoyens , vous a -t- on dit ; il est vrai que
peut- être n'en avoit- il coûté que 40 écus.
J'ai entendu ce soir même , au Palais Royal ,
au milieu d'un groupe de furieux , un Chef
subalterne de ces scélérats se vante haute
voix de la menace qu'ils ont faite à vos Huissiers.
Peu s'en est fallu qu'en effet les têtes
des proscrits ne fussent coupées sur la terrasse
des Tuilleries , et qu'on ne soit ensuite
venu vous les présenter à la barre . J'ai les
preuves certaines que le projet en a été formé,
et que l'activité de M. de la Fayette et
le zèle de la Garde Nationale l'ont seuls
fait avorter, ".
44
Un nouveau degré de scélératesse et
de noirceur a été déployé. Des Brigands ont
été apostés dans le Palais Royal ; on a ameuté
le Peuple contre les marchands d'argent , et
contre de Pauvres Commissionnaires ? Quels
étoient les exécuteurs de ces violences? des
personnes qui n'avoient pas de billets , qui
n'ont peut être jamais possédé 200 liv . ea
leur vie. La lanterne , dont les Avocats - généraux
soutiennent tant l'homme qui s'en
est declaré le Procureur général , la lanterne
a été descendue . Quel étoit ce projet qu'on
eût exécuté sans l'activité de la Garde Nationale?
On vouloit faire resserrer l'argent
par la crainte , pour discréditer les assignats,
pour vous forcer à grever le Peuple de nouveaux
impôts , et à le rendre plus facile à
soulever. On vouloit forcer , par la crainte,
quelque porteur d'argent , quelque malheu
reux , vivant de ce commerce , à déclarer qu'il
( 137 )
le tenoit de quelque personnage distingué
sur lequel on vouloit faire tomber la fureur
populaire. Il n'en a coûté que cent écus pour
faire assassiner , à votre arrivée à Paris , à
la porte de votre salle , le malheureux Boulanger
Francois ; on vouloit vous intimider
en vous faisant voir la puissance de ceux qui
savent remuer le peuple . Avec cette nou
velle mécanique , il n'en coûtera bientôt
que six francs pour faire assassiner le Citoyen
le plus honnête et le plus distingué,
Ces factieux osent s'appeler les Amis de la
Constitution ? Ils blasphement ce nom : ils
l'usurpent ; ils en sont indignes , ”
K
Voilà ce que j'avois à vous dire hier au
soir , quand on moniroit tant d'ardeur à
absoudre un homme qui vous crioit : oui ,je
lose. Oui , il osera tout , et vous serez victimes
de votre confiance. Je demande qu'il
ne soit fait aucune grace aux moteurs des
insurrections , quels qu'ils soient : enlevez aux
Factieux l'arme des Libelles ; et que , samedi
soir , vos Comités vous présentent les moyens
d'exécuter votre Décret du 31 Juillet ."
"
De justes applaudissemens ont suivi ce Discours
, et sa conclusion , rejetée avec fureur
une heure auparavant , a été décrétée . Voici
la résolution arrêtée , quant aux brigandages
du ' Gâtinois .
(6
16
16
16
L'Assemblée Nationale , sur le rapport
de son Comité des Recherches , décrète
que son Président se retirera dans le jour
pardevers le Roi , pour supplier Sa Majestá
de donner les ordres les plus précis et les
plus prompts , pour que dans toute l'étendue
du Royaume , et particulierement dans
le Département du Loiret , les Tribunanx
poursuivent et punissent avec toute la sé
( 138 )
14
- vérité des lois , tous ceux qui , au mépris
des Décrets de l'Assemblée Nationale , et
des droits sacrés de la propriété , s'opposent
« de quelque manière que ce soit , par violences,
menaces ou autrement, au payement
des dimes , du champart et autres droits
ci-devant seigneuriaux , qui n'ont pas été
supprimés sans indemnité.
"
"
"
M. Chabreux a repris la discussion sur
l'Ordre judiciaire , et fait décréter les articles
suivans :
་ ་
IV. Le Directoire de chaque District
proposera un tableau des sept Tribunaux les
plus voisins du District , lequel tableau sera
rapporté à l'Assemblée Nationale , revu par
elle et arrêté , et ensuite déposé au Greffe et
affiché dans l'auditoire .
K
มุ
V. L'un des sept Tribunaux au moins sera
choisi hors du Département.
*
"
VI. Lorsqu'il n'y aura que deux parties ,
Pappelant pourra exclure péremptoirement ,
et sans qu'il puisse en donner aucuns motifs,
trois des sept Tribunaux composant le tableau
.
"
"
VII. Il sera libre à l'intimé de proposer
une semblable exclusion de trois des Tribunaux
composant le tableau.
"
VIII. S'il y a plusieurs appelans ou plu
sieurs intimés consorts, ou qui aient eu en preniere
instance les mêmes défenseurs , ils seront
respectivement tenus de se réunir et de
s'accorder , ainsi qu'ils aviseront , pour proposer
leurs exclusions .
IX. Lorsqu'il y aura eu en première instance
trois parties ayant des intérêtsopposes,
et défendues séparément , chacune d'elles
pourra exclure seulement deux des sept Tribunaux
du tableau ; si le nombre des parties
est au-dessus de cinq jusqu'à six , chacune
( 139 )
d'elles exclura seulement l'un des sept Tribunaux
; et lorsqu'il y aura plus de six parties
, l'Appelant s'adressera au Directoire du
District qui fera un tableau de supplément
d'autant de nouveaux Tribunaux de Districts
les plus voisins , qu'il y aura de parties audessus
du nombre. »
"
X. L'Appelant proposera dans son acte'
d'Appel l'exclusion qui lui est permise , et
les autres parties seront tenues de proposer
leurs exclusions par acte au Greffe , signé
d'elles ou de leurs Procureurs , spécialement
fondés , dans la huitaine franche , après la
signification qui leur aura été faite de l'appel;
et à l'égard de celles dont le domicile
sera à la distance de plus de vingt lieues ,
le délai sera augmenté d'un jour pour dix
lieues ."
" XI . Aucunes exclusions ne seront reçues
de la part de l'Appelant après l'acte d'appel,
ni de la part des autres Parties, après le délai
prescrit dans l'article précédent. »
་་
XII. Lorsque les Parties auront proposé
leurs exclusions , si des sept Tribunaux du
tableau il n'en reste qu'un qui n'ait pas été
exclu , la connoissance de l'appel lui sera dévolue.
"
"
XIII . Si les Parties négligent d'user de
leur faculté d'exclure en tout ou en partie ,
ou si , eu égard au nombre des Parties , les
exclusions n'atteignent pas six des sept Tribunaux
du tableau , le choix de l'un des
Tribunaux non - exclus appartiendra à celle
des Parties qui ajournera la première au Tribunal
d'appel ; et en cas de concours de date,
l'ajournement de l'Appelant prévaudra. »
DU MARDI . SÉANCE DU SØER.
On s'est occupé d'un Libelle contre M.
( 140 )
Alexandre de Lameth ; Libelle auquel on a
décerné l'honneur du renvoi au Comité de
Recherches ; honneur que ni M. Malouet, ni
tant d'auties Députés vertueux , journellement
assassinés dans les Ecrits les plus
atroces , n'ont pu faire accorder jusqu'ici aux
imposteurs qui tiennent la plume au milieu
de nous.
Le Comité des Recherches , qui paroît aujourd'hui
étendre sa competence à toutes les
contraventions , désordres et troubles du
Royaume , a fait rendre un Décret qui attribue
au Présidial de Carcassonne la poursuite
d'une émeute survenué le 16 Juillet au
village de Perautier.
A la fin de la Séance , M. Chassey a fait
décréter les articles additionnels suivans , sur
le traitement du Clergé.
ART. I. Le traitement des Vicaires des
Villes , pour la présente année , sera , outre
leur casuel , de la même somme qu'ils sont.
en usage de recevoir , et dans le cas où cette
somme réunie à leur casuel , ne leur produiroit
pas celle de 700 liv. , ce qui s'en manquera
leur sera payé dans les six premiers
mois de l'année 1791. "
II. La diminution des revenus attachés
aux Bénéfices , qui proviendra de l'augmentation
rappelée dans l'article XXIV du Dé- ´
cret des Portions congrues, faites en faveur
des Curés , jusqu'à concurrence de 500 liv. ; :
et en faveur des Vicaires , jusqu'à concurrence
de 350 liv . , ainsi que la diminution qui résultera
des droits supprimés sans indemnité ,
seront l'une et l'autre supportées , tant par
les Pensionnaires d'un Bénéfice non tombé
aux Economats , que par le Titulaire , pre(
140)
portionnellement à la quotité de ce que chacun
retiroit dudit Bénefice. 00
HI. La réduction qui sera faite par le
retranchement des droits supprimés sans indemnité
, ne pourra , de même que celle résultant
de l'augmentation ci - dessus des Portions
congrues , opérer la diminution du traitement
des Titulaires actuels , ni des Pensions
au dessous du minimum fixé pour
chaque espèce de Bénéfice. "
"
2
IV. Les Evêques et les Curés qui auroient
été pourvus , à compter du 1. Janvier
1790 , jusqu'au jour de la publication du Décret
du 12 Juillet dernier , sur l'organisation
du Clergé , n'auront d'autre traitement que
celui attribué à chaque espèce d'office , par
ledit Décret. »
V. A l'égard des Titulaires des autres
espèces de Bénéfices de collation laïcale , qui
auroient été pourvus dans le même intervalle
de temps , autrement que par voie de permutation
des Bénéfices quails possédoient
avant le 1. Juin 1790 , ils n'auront d'autre
traitement que celui fixé par l'article X du
Décret du 24 Juillet dernier , sans que le
maximum puisse s'élever au- delà de 2000 l:;
quant à ceux qui auroient été pourvus pendant
ledit temps , par voie de permutation
de Bénéfices du genre ci-dessus , qu'ils possédoient
avant le 1. Janvier 1790 , le maximum
de leur traitement pourra s'élever , suivant
l'article X du même Décret , à la somme
de 6000 liv. "
1
VI. -Les Bénéficiers , dont les revenus
anciens auroient pu augmenter , en conséquence
d'unions légitimes et consommées
mais dont l'effet est suspendu en tout ou en
partie , par la jouissance viagère des Titu(
142 )
laires dont les Benéfices ont été supprimés
ou réunis , recevront , au décès desdits Titulaires
, une augmentation de traitement proportionnée
à ladite jouissanee , sans que cette
augmentation- puisse porter le maximum audelà
du taux déterminé pour chaque espèce
de Bénéfice. "
Du MERCREDI 4 AOUT.
Les habitans de Noyon , Saint - Quentin ,
Chauny , Ham et Paroisses circonvoisines ,
refusant de payer les Octrois dont la continuation
est ardonnée : un Décret rendu de
T'avis du Comité des Financés , a renouvelé
l'injonction de payer.
C'est M. Thouret qui , aujourd'hui , a exposé
et défendu la suite du travail sur
l'Ordre judiciaire : il s'agissoit des Appels.
Le Comité de Constitution n'accordoit ,
pour la signification de l'appel , que trois
semaines , à compter de huitaine de la prononciation
du Jugement.
" Cet article , a dit M. Thouret , s'annonce
bien favorablement , car il diminue les
appels nous le devons au génie de M.
l'Abbé Syeyes. "
Aux voix ! s'est - on écrié aussitôt , et la
délibération commencée par assis et levé ,
annonçoit la majorité en faveur de l'article ,
lorsque des remarques de M. Dufraisse en
faveur de toutes les personnes éloignées du
Tribunal ou absentes de leur Patrie pour
un service publie , ont arrêté cet empressement
irréfléchi , et fait prolonger le délai
de deux mois. Voici le Décret adopté :
44 Aucun appel de Jugement contradictoire
ne pourra être signifié , ni avant le
délai de huitaine , à compter du jour du
( 143 )
Jugement , ni après l'expiration des trois
mois , à dater du jour de la signification du
Jugement à personne ou à domicile. "
"
મે .
La rédaction des Jugemens , tant sur
l'appel qu'en première instance , contiendra
quatre parties distinctes ; dans la premiere ,
les noms et les qualités des Parties seront
énoncés , dans la seconde , les questions de
fait et droit qui constituent le Proces , seront
posées avec précision ; dans la troisième , le
résultat des faits reconnus ou constatés par
l'instruction , sera exprimé , et le texte de
la Loi qui aura déterminé le Jugement , sera
copié ; la quatrième contiendra le dispositif
du Jugement.
"
La nomination des Juges par les Elec
teurs de tout un Département , sembloit au
Comité de Constitution réunir les avantages ,
1º. de les rendre Jugés immédiats de tous
les Justiciables de leur Département ; 2°. de
donner moins de force à l'intrigue , en confiant
les Elections à des Corps Electoraux
plus nombreux. L'embarras de ces rassemblemens
d'Electeurs , la dépense d'une Assemblée
de 700 personnes , séante jusqu'à
l'enregistrement de l'acceptation de chacun
des Elus , ont paru à l'Assemblée des inconvéniens
majeurs , et seront toujours ceux du
systéme électif , tel qu'il a été adopté.
་
Forme des Elections.
Art. Ir. Pour procéder à la nomination
des Juges de District , les Electeurs du District
, convoqués par le Procureur-Syndic ,
nommeront les Juges du Tribunal du District
au scrutin individuel et à la pluralité
absolue des suffrages : ils se réuniront à cet
effet , dans la Ville qui sera désignée pour
(144 )
PElection ,ད et au jour qui aura été désigné
et publié par le Procureur-Syndic du Dis
trict , quinze jours d'avance.
" II. Lorsqu'il s'agira de renouveler les .
Juges après le terme de six ans , les Electeurs
seront convoqués quatre mois avant
l'expiration de la sixième année ; de manière
que toutes les Elections puissent être faites ,'
et les Procès-verbaux présentés au Roi , deux
mois avant la fin de cette sixième année . »
III. Si , par quelque événement que cè
puisse être , le renouvellemeat des Juges
d'un Tribunal se trouvoit retardé au- delà
de six ans , les Juges en exercice seront
tenus de continuer leurs fonctions , jusqu'à'
ce que leurs successeurs puissent entrer en
乾
activité. »
"(
au SC) 95 est
•Installation des Juges.
Jinj
sb I
Art . 1. Lorsque les Juges élus auront
reçu les Lettres Patentes du Roi , ils seront
installés en la forme suivante :
་་
X
« II . Le lembres du Conseil général de
la Commune du lieu où le Tribunal sera
établi , se rendront à la Salle d'Audience et
y occuperont le Siége ,
26
, ce Ill. Les Juges introduits dans l'intérieur
du Parquet , prêteront à la Nation et
au Roi , devant les Membres du Conseil
général de la Commune , pour ce délégués
par la Constitution , et en présence de la
Commune assistante , le serment de maintenir
de tout leur pouvoir, la Constitution du
Royaume , d'être fidèles à la Nation ; à la
Loi et au Roi, et de remplir avec exactitude
et impartialité , lesfonctions de leurs offices.
a IV. Après ce serment prêté , les Membres
du Conseil général de la Commune ,
descendus
I
( 145 )
descendus dans le Parquet , installeront , et
au nom du Peuple , prononceront pour lui
l'engagement de porter au Tribunal et à ses
Jugemens , le respect et l'obéissance que tout
Citoyen doit à la Loi et à ses Organes. "
" V. Les Officiers du Ministere public
seront reçus , et prêteront serment devant
les Juges , avant d'être admis à l'exercice
de leurs fonctions.
"
"}
VI. Les Juges de Paix seront tenus ,
avant de commencer l'exercice de leurs fonctions
, de prêter , devant le Conseil- général
de la Commune , le même serment que les
autres Juges .
"
Arrivé aux fonctions du Ministère public
M. Thouret a manifesté des opinions , qu'il
ne seroit pas difficile de combattre , en les
confrontant avec les principes de la Constitution
, tels qu'ils furent décidés à Versailles
, il y a un an.
"
Vous avez décrété , a -t- il dit , qu'au
Roi appartenoit le choix des Officiers du
Ministère public ; mais vous ne lui avez délégué
ce Ministère que sous la réserve nécessaire
de l'approprier à la Constitution . De
ce que l'accusation publique en a toujours
fait partie , on ne sauroit prétendre que
ette attribution lui soit essentielle. L'accusation
publique , est un droit national ;
celui qui l'exerce est nécessairement l'homme
du Peuple , le Fonctionnaire public le plus
redoutable . S'il est nommé par la Ministré ,
toutes les plaintes seront à la seule disposi
tion du Ministre et des Courtisans . »
Si tel est l'avis de M. Thouret , il auroit
bien dû en établir les fondemens ; car , tout
ce qu'il affirme reste à prouver , et il ne se
persuade pas sans doute que son autorité
No. 33. 14 Août 1790. G
( 146 )
puisse effacer entièrement celle des Nations
les plus éclairées .
La poursuite des délits publics a par-tout
été la fonetion du Ministére public ; or , par
un Décret Constitutionnel , le Ministere
public a été élevé au-dessus de toutes les influences
populaires. Ces Officiers ont été
rendus indépendans du Peuple par la nomination
du Roi ; indépendans du Roi par l'inamovibilité
de leurs charges.
M. Thouret , en rendant ce Décret vraiment
illusoire par son nouveau Projet , a
argumenté de l'abus des poursuites que pourroient
se permettre le Roi et ses Ministres ;
mais par le même raisonnement , il faudroit
supprimer et les Ministres , et le Roi , et toute
autorité ; car il n'en est aucune qui ne puisse
entraîner des inconvéniens . On retrouve ici
le caractère de la politique de M. Thouret ,
qui , au lieu d'opposer à des Pouvoirs nécessaires
, des barrieres qui préviennent leurs
abus , s'est étudié à les énerver entièrement
, pour les empêcher d'être dangereux.
M. Chabroud s'est élevé contre cette innovation
, et avec lui , l'Assemblée a invoqué et
décidé l'ajournement de la question à Lundi.
La nomination des Greffiers a occupé le
reste de la Séance .
"« Les Greffiers seront nommés à vie au
scrutin , à la majorité absolue des voix , par
les Juges , qui leur délivreront une commission
, et recevront leur serment. Ils seront
nommés à vie , et ne pourront être destitués
que pour cause de prévarications jugées . Ils
ne pourront être ni parens , ni alliés au troisième
degré des juges qui les nommeront. "
DU JEUDI 5 AOUST .
M. Flandre de Brunville , Procureur du
( 147ressé à l'Assemblée Roi au Châtelet , a adressé à l'Assemblée
une Lettre dans laquelle il se plaint de l'inculpation
faite contre le Tribunal dont il
est Membre , et contre lui personnellement,
par M. Biauzat dans la Séance de Lundi
soir ; il expose qu'aussitôt que le Comité des
Recherches lui eut dénoncé l'évasion de M.
Bonne- Savardin , il rendit plainte ; que plusieurs
témoins ont été entendus , et qu'il poursuit
l'information contre MM. de Maillebois
et de Saint -Priest. On résout d'insérer cette
Lettre dans le Procès - verbal .
Le Décret concernant les Greffiers des
Tribunaux , dont le premier article fut délibéré
hier , a été aujourd'hui consommé par
trois articles nouveaux .
"
« Art. II. Il y aura pour chaque Tribunal
« un Greffier qui sera tenu de présenter aux
Juges , et de faire admettre au Serment
un ou plusieurs Commis , âgés de 25 ans ,
« qui le remplacéront en cas d'empêchement
légitime , et des faits desquels il
sera responsable.
"
К
C (
"
»
III. Les Greffiers seront tenus de donner
un cautionnement de 12,000 liv. en immeubles
, qui sera reçu par les Juges. "
IV. Le Secrétaire Greffier , que le Juge "
de Paix pourra commettre , prêtera Ser-
" ment devant lui , et sera dispensé de tout
- cautionnement ; il sera de même inamovible.
»
M. Thouret a développé ensuite les avantages
des Bureaux de Paix , formés d'Assesseurs
que s'adjoindra le Juge de Paix , dans
les affaires qui surpasseront cette compétence
: " Institution bienfaisante , a dit le
Rapporteur, qui en sera en même temps une
de Jurisprudence charitable , où les Pauvres
Gij
( 148 )
et trouveront des lumières , des Conseils
des défenseurs gratuits . Les Bureaux de Paix
seront placés au-devant des Tribunaux , pour
calmer ceux que la passion y conduit , pour
leur présenter les dangers que cette passion
leur dérobe , pour leur offrir des moyens de
conciliation qu'ils ne saisiroient pas euxmêmes.
Il faut que personne ne puisse entrer
dans le temple de la justice Mtigieuse , sans
avoir passé auparavant dans le temple de
la concorde . »
Ces idées brillantes et spécieuses , analysées
par MM. Brillat- Savarin et Lanjuinais ,
ont présenté des résultats bien différens.
Suivant ces Juriconsultes , le Procès- verbal
de ce Bureau faisant foi en justice , anéantit
les fonctions des Juges de District , La Partie
est dépossédée du droit d'exposer le fait . Le
Juge ne suffira plus au grand nombre des
affaires ; il sera obligé de négliger ses affaires
domestiques . Où trouver des Citoyens
assez zéles pour se dévouer gratuitement à
un pareil service ? Qui sera plus favorable
au débiteur négligent ou de mauvaise foi ,
que ce delai accordé à la conciliation ? 11
A ces objections , M. Chabroud a répliqué
qu'on conserveroit l'usage des saisies provisoires
; que l'instruction se feroit promptement
et avec simplicité ; que le Juge termineroit
à l'amiable les différends , sans y
consacrer beaucoup de momens , et avec la
satisfaction d'être le conciliateur et l'arbitre
des honnêtes gens .
De l'institution des Bureaux de Paix , on
a passé à celle des Tribunaux de Famille .
Le Comité proposoit de ne soumettre les
enfans à cette autorité domestique , que jusqu'à
l'âge de vingt ans exclusivement ; c'étoit
( 149 )
avancer de cinq ans l'époque de la majorité.
Une grande partie de l'Assemblée a deraandé
la question préalable , qu'a détourné M. le
Chapelier , en proposant le terme intermédiaire
de vingt - un ans.
La question posée en ces termes : La cessation
du pouvoir du Tribunal de Famille
sera-t- ellefixée à vingt- un ans ? est démeurée
indécise dans la délibération par assis et
levé ; soumise à un appel nominal , elle a
été décidée à l'affirmative , par une majorité
de 358 voix contre 313.
( Nous donnerons les Décrets la Semaine
suivante . ) .
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR .
Des brigands qui , en Bretagne , ont dévasté
des héritages , violé les propriétés ,
brûlé des maisons , étoient dans les liens
d'une Procédure criminelle : ce soir , M. le
Chapelier a fait rendre une amnistie en leur
faveur , parce que , a - t - il dit, ils ont été
égarés par de faux Décrets ; mais , qui a
fabriqué ces faux Décrets , et pourquoi la
poursuite ne subsiste - t - elle pas contre ces
Faussaires atroces ? Quelques Membres ont
demandé dérisoirement une amnistie géné
rale pour tous les brigands du Royaume :
on n'a décrété que l'exception en faveur de
ceux de la Bretagne , en laissant néanmoins
la voie civile ouverte aux Parties lésée.
contre les dévastateurs .
Quiconque a perdu un emploi sous l'ancien
Gouvernement , est persuadé que le Despo
tisme seul l'en a privé , et que l'Assemblée
Nationale doit le lui rendre. On voit , par
exemple , en ce moment , un Employé de
'Hopital de Brest , réclamer contre la ty-
Giüi
( 150 )
LVA rannie de le Maréchal de Castries , quile
priva de sa place . Sans doute nombre de
ces destitutions furent injustes et arbitraires ;
mais il est absurde qu'un Médecin ou un
Commis , prétende au privilége de l'inamovibilité
dans des places qui étoient à la révocation
libre du Ministre. Le cas qui a
occupé ce soir l'Assemblée , étoit d'un autre
genre , c'est la destitution de M. de Moreton
Chabrillant, à qui M. de Brienne ôta le Régiment
de la Fere , dont il étoit Colonel.
M. de Menou a , non pas rapporté , au nom
du Comité Militaire , mais plaidé la cause de
M. de Moreton , en concluant à ce que l'Assemblée
lui restituât ses fonctions. C'étoit
attribuer au Corps Législatif le droit de
nommer aux Régimens. Aussi divers Membres
, et spécialement M. l'Abbé Maury, ontcombattu
cette demande avec des armes
victorieuses. Le jour , a dit ce dernier ,
où l'Assemblée nommera un Colonel
j'invite tous les bons Citoyens à quitter le
Royaume ; car , nous serons alors sous le
Despotisme le plus intolérable . » La discussion
est devenue très - chaude , et les avis ne
se sont rapprochés que pour rejeter la Motion
de M. de Menou , et adopter celle quisuit
:
00
"
Le Président se retirera devers le Roi ,
pour le supplier de faire prononcer , par un
Conseil de guerre , composé suivant les Ordonnances
, sur la réclaination du sieur Moreton
, contre sa destitution du 24 Juin
1788 .
»
DU VENDREDI 6 AOUT.
Pour laver du reproche d'exagération ,
ceux qui peignent la France comme livrée
( 151 )
depuis un an , à une anarchie universelle ,
il suffit de lire les Séances de l'Assemblée
Nationale. Il en est bien peu qui ne renferment
la nouvelle ou le rapport de quelque
insurrection , de quelque désordre , de quelque
excès. Celle d'aujourd'hui fournit encore
des pages à ce recueil . A l'ouverture , on a
fait lecture d'une Lettre du Ministre de la
Marine , dont voici l'extrait :
"
Paris , ce 5 Août 1790.
J'ai informé l'Assemblée Nationale , le
25 Juillet , de l'esprit d'insubordination et
d'indiscipline des Troupes de toutes les Colonies
, et du parti que prennent les Chefsde
renvoyer en France les Sujets suspects . "
J'ai rendu compte au Roi , et je suis charged'instruire
l'Assemblée des insurrections qui
ont lieu dans la Marine , même dans des
Mers éloignées. Des considérations importantes
avoient engagé le Roi à ne pas faire
ármer encore les Escadres pour les stations
du Levant et de l'Occident. MM. Cuy et'
Ponterès m'ont écrit qu'ils étoient forcés
par les équipages de quitter , l'un la station'
du Levant , l'autre celle des Isles sous le
Vent , pour revenir en France . Le retour
des deux stations est d'autant plus fâcheux ,
que 35 vaisseaux de guerre Espagnols , et 50
vaisseaux Anglois se trouvent actuellement,
en commission. Cette circonstance , l'intérêt
de nos possessions dans le golfe du Mexique ,'
la conservation de nos bâtimens et leur défense
contre les Corsaires , nécessitent le
remplacement des stations . Il est même à
propos que la force qui sera déployée soit
telle , que notre foiblesse n'engage pas les
autres Puissances à insulter notre Pavillon.
Giv
( 152 )
Le Comité de la Marine annonce que son
travail est presque terminé. Qu'il me soit
permis d'engager l'Assemblée à s'en occuper
incessamment. Le seul frein des Lois peut
contenir des hommes rassemblés en grand
nombre dans un petit espace. Substituez ,
sans délai , un régime nouveau , fût-il inparfait
, à celui qui s'anéantit.
39
Les Députés de Saint - Domingue ayant ,
comme on le sait , dénoncé M. de la Luzerne ,
ils lui refusent aujourd'hui la communication
entière des Fièces qu'ils ont remises au
Comité des Rapports. Cette prétention a
paru injuste , et sur le Rapport de M. de
Broglic , l'Assemblée a ordonné la communication
entière , et autorisé le Ministre dénoncé
à prendre des copies en forme.
M. Barrère de Vieuzac , à la suite d'une
dissertation sur le droit d'Aubaine , a proposé
la suppression de ce droit : elle a été
décrétée en deux articles .
1°. Le droit d'Aubaine et celui de Détraction
sont abolis pour toujours. 2° Toutes
procédures , poursuites et recherches qui
auroient ces droits pour objets , sont éteintes . "
Sur une autre proposition du même Rapporteur
, touchant la conservation des forêts ;
on a décrété que ,
"
1. Les grandes masses des bois et forêts
Nationales sont et demeurent exceptées de
la vente et aliénation des Biens Nationaux ,
ordonnée par les Décrets des 14 Mai et 26
Juin derniers.
-46
>>
2º. Toutes les parties de Bois Nationaux
éparses , absolument isolées et éloignées de
mille toises des autres bois d'une grande
étendue , et qui ne seront pas nécessaires
pour garantir les bords des fleuves , torrens
( 153 )
et rivières , pourront être vendues et aliénées
, pourvu qu'elles n'excèdent point la
contenance de cent arpens , mesure d'ordonnance
, sauf à prendre l'avis des Assemblées
de Département pour la vente des
parties de bois dont la contenance excederoit
celle de cent arpens . "
3 ° . L'Assemblée Nationale charge les
cinq Comités réunis de lui présenter incessamment
le plan d'un nouveau régime et
administration des bois , et de réforme de
la Législation des forêts , dont elle reconnoît
l'urgente et indispensable nécessité . »
M. de la Rochefoucault a lu ensuite , au
nom du Comité de Liquidation , un Projet
de Décret sur la vente à la Municipalité de
Paris , des Biens Nationaux. Divers Membres
se sont plaints qu'on n'eût pas joint au Projet
un état estimauf : M. Malouet a demandé
qu'on renvoyât à six Commissaires nommés
par le Pouvoir exécutif , les détails de cette
vente. Quoique cette Motion ait été appuyée ,
l'Assemblée a simplement déclaré vendre
à la Commune de Paris les Biens ci - dessus
mentionnés , aux charges , clauses et conditions
portées par le Décret du 14 Mai dernier
, et pour le prix de 1,849,303 liv. 17 sols. "
"L
Au commencement de la Séance , le Ministre
de la Guerre avoit demandé l'Audience
: il est venu en personne au moment
où les Décrets précédens venoient d'être rendus
, et il a fait lecture d'un Mémoire plus
affligeant qu'extraordinaire , portant en substance
:
"
Je m'occupois , suivant les ordres de l'Assemblée
, de présenter de nouveaux projets
d'organisation Militaire , sur les bases que
l'Assemblée a décrétées ; mais Sa Majesté
Go
( 154 )
convaincue que le retour, de l'ordre et de
la discipline doit precéder tous les changemens
dans l'organisation de l'armée , m'a
chargé de venir vous rendre compte de l'exces
eff ayant d'insubordination , où je ne
sais quel génie ennemi de cet empire entretient
les Soldats. Chaque courrier, en confirmant
les nouvelles les plus tristes , en annonce
de plus tristes encore. La succession
des jours n'apporte au meilleur des Rois que
des nouvelles qui déchirent son coeur. J'ai
déjà eu occasion de vous parler de ces Comités
d'Officiers et de Soldats , où se discutent
tous les objets de discipline et de
finance .
་་
"}
Chaque jour voit multiplier ces étranges
Sénats . Là , s'est résolue la détention du
Lieutenant - Colonel du Régiment de Poitou
; là , le Régiment de Royal- Champagne
a pris la coupable résolution de refuser de
reconnoître un Officier que le Roi venoit de
nommer. C'est de - là que partent ces pétition
scandaleuses qui nous sont sans cesse
présentées. Mon cabinet est souvent rempli
de Soldats qui viennent m'intimer les délibérations
prises dans leur Comité ; aujourd'hui
ce n'est plus un Corps particulier , ce
sont sept Régimens à Strasbourg qui se réunissent
ainsi en Comité , et y prennent les
délibérations les plus inquiétantes . Représentans
des François , hâ ez - vous d'opposer
la masse de leurs volontés à ce torrent débordé
, qui bientôt ne pourra plus recevoir
de digue. La nature des choses exige que le
Soldat privé de toute volonté ne connoisse
que celle de ses Chefs . Il faut que , semblables
aux corps physiques , ils n'agissent
que dans le temps , dans le sens et selon la
( 155 )
4
force qui leur est imprimée: Sans cette loi
inviolable , vous n'aurez qu'une arinée inutile
au dehors , et dangereuse au dedans .
Des réclamations pécuniaires sont sur- tout
l'objet de ces délibérations séditieuses . Le
Roi n'a pu croire qu'on lui parloit de Soldats
François , quand on lui a appris l'insur
rection de la garnison de Metz , et tout ce
qu'elle a osé se permettre. Les masses des
Régimens , ce dépôt sacré qui fournit aux
dépensés les plus nécessaires des différens
Corps , ces masses ont été consommées par
des prodigalités inouies , ou violées même
Ouvertement. "
"( Il ne s'agit pas seulement de rétablir la
discipline , il faut la recréer. Au milieu des
lenteurs inséparables d'un systême de régénération
tel que celui qui vous a été confié ,
on ne peut point espérer d'avoir aussi promptement
que le besoin l'exige , un nouveau
Code de Lois pénales pour PArmée . Eu
attendant , faites revivre celui qui subsistoit
et qui seul peut nous sauver des plus grands
désordres . Le Soldat n'a ni Juges , ni Lois ;
rendez-lui l'un et l'autre . »
Cette lecture a paru consterner ceux - là
même à qui les désordres ne paroissent que
l'exercice nécessaire d'une Liberté naissante .
Le Président a témoigné à M. de la Tourdu-
Pin la douleur profonde de l'Assemblée.
Après lui , M. Emmery a confirmé les récits
du Ministre il a tenté d'en expliquer les
causes par le mécontentement des Soldats ,
et imaginé d'y remédier par huit articles
convertis en Décret.
« Art . Ier Les Lois et Ordonnances Militaires
, actuellement existantes , seront ega-
G vj
( 156 )
lement obtenues et suivies jusqu'à la promulgation
très- prochaine de celles qui doi
vent être le résultat des travaux de l'Assemblée
Nationale sur cette partie
II. Excepté le Conseil d'Administration ,
toutes autres associations , délibérations établies
dans les Régimens , cesseront , sous
quelque forme et dénomination que ce soit ,
immediatement après la publication du présent
Décret.
K
III. Le Roi sera supplié de nommer
des Inspecteurs extraordinaires , choisis parmi
les Officiers- Généraux pour , en présence du
Commandant de chaque Corps , du dernier
Capitaine , du premier Lieutenant , du premier
Sous - Lieutenant , du premier et du
dernier Sergent ou Maréchal - des - Logis , du
premier et du dernier Caporal ou Brigadier ,
et de quatre Soldats du Régiment nommés ,
ainsi qu'il va être dit , procéder à la vérification
des comptes de chaque Régiment
depu's six ans , et faire droit sur toutes
plaintes qui pourront être portées- relativement
à l'administration des deniers et à la
comptabilité ; à l'effet de quoi , il sera tiré
au sort un Soldat par Compagnie parmi ceux
sachant lire et écrire , et ayant deux ans de
service ; et parmi ceux que le sort aura désignés
, il en sera ensuite tiré quatre pour
assister à cette vérification , de laquelle sera
dressé Proces - verbal , dont copie sera envoyée
au Ministre de la Guerre. »
"
IV. Il ne pourra désormais être expédié
de cartouche jaune ou infamante à aucun
Soldat , qu'après une Procédure instruite ,
et en vertu diun Jugement prononcé selon
les formes usitées dans l'Armée pour l'ins(
157 )
truction des Procédures Criminelles , et la
punition des crimes militaires . »
to
V. Les cartouches jaunes , expédiées
jusqu'à présent , à compter du 1er Mai 1789 ,
sans l'observation de ces formes rigoureuses ,
n'emportent ni note , ni flétrissure , au préjudice
de ceux qui ont été congédiés avec
de semblables cartouches . »
VI. Les Officiers doivent traiter les Soldats
avec justice , et avoir pour eux les égards
qui leur sont expressément recommandes par
les Ordonnances , à peine de punition . Les
Soldats , de leur côté , doivent respect et
obéissance absolue à leurs Officiers et Sous-
Officiers , et ceux qui s'en écarteront , seront
punis selon la rigueur des Ordonnances.
»
"«
VII. A compter de la publication du
présent Décret , il sera informé de toute
nouvelle sédition , de tout mouvement concerté
dans les Garnisons ou dans les Corps
contre l'ordre , et au préjudice de la discipline
militaire ; le Procès sera fait et parfait
aux instigateurs , auteurs , fauteurs et participes
de ces séditions et mouvemens , et
par le Jugement à intervenir , ils seront déclarés
déchus pour jamais du titre de Citoyen
actif, traîtres à la Patrie , infames , indignes
de porter les armes , et chassés de leurs
Corps ; ils pourront même être condamnés
à des peines afflictives ou infamantes , conformément
aux Ordonnances.
D
« VIII . Il est libre à tout Officier , Sous-
Officier et Soldat , de faire parvenir directement
ses plaintes aux Superieurs , au Ministre
, à l'Assemblée Nationale , sans avoir
besoin de l'attache ou permission d'aucune
( 158 )
autorité intermédiaire ; mais il n'est permis
sous aucun prétexte , dans les affaires qui
n'intéressent que la police intérieure des
Corps , la discipline militaire , et l'ordre du
service , d'appeler l'intervention , soit des
Municipalités , soit des autres Corps Administratifs
, lesquels n'ont d'action sur les
Troupes de ligne que par les réquisitions
qu'ils peuvent faire à leurs Chefs ou Commandans.
"}
DU SAMEDI 7 Aoust.
Hier au soir , dans une Séance extraordinaire
, M. Chassey fit décréter 27 articles
additionnels sur le Traitement du Clergé ,
toujours relatif aux formes d'après lesquelles
les Directoires des Districts , devront consommer
sa dépouille , avant de livrer à ses
Membres leur pécule actuel . Le Rapporteur
a cru justifier la dureté de ces articles compliqués
, en disant qu'il falloit bien que la
Nation tienne ses engagemens.
46
И
M
Le Décret rendu hier matin , pour prévenir
les désordres de l'Armée , a été suivi ce
matin d'un dernier article , par lequel l'Assemblee
improuve la conduite des Sous-
Officiers et Cavaliers du Régiment de
Royal Champagne qui , depuis long-
" temps , et notamment le 2 de ce mois ,
se sont permis les actes d'insubordination
les plus répréhensibles . Le Roi sera supplié
dans le cas où ils ne rentreroient pas dans
le devoir , d'employer des moyens efficaces
d'arrêter le désordre , et d'en faire punir
sévèrement les auteurs , fauteurs , etc. »
M. Mougins de Roquefort a demandé et
obtenu dans cette Séance , pour les Habitans
de Cabris en Provence , coupables de
+
་ ་
4
*
( 159 )
violences et de dégâts contre les propriétés
de leur Seigneur , une amnistie pareille à
celle qu'on a accordée aux perturbateurs de
la Bretagne.
L'examen du plan d'organisation du Trésor
public , proposé par le Comité des Finances ,
déja plusieurs fois écarté par un ajournement
, l'a été définitivement aujourd'hui ,
jusqu'à l'établissement des règles de comptabilité
, de la perception des impots , du
payement des rentes , etc. M. le Brun , à la
suite d'un rapport analytique des vues du
Comité sur l'administration générale des
revenus publics , a fait ensuite décréter en
cinq articles , differentes réductions sur les
dépenses des Bureaux.
L'attentat des 5 et 6 Octobre 1789 a été
considéré par Europe entiere , comme le
plus grand Crime du siècle . M. Mounier en
ayant révelé les effroyables circonstances ,
il s'eleva un cri public contre l'impunité de
ces forfaits ; la Commune de Paris les dénonça
et provoqua les enquêtes du Châtelet.
Cette immense et terrible procédure étant
achevée , une Députation du Tribunal s'est
présentée à la Barre ; M. soucher d'Argis ,
portant la parole , a dit en substance :
84
MESSIEURS ,
Nous venons enfin déchirer le voile qui
couvroit une Procédure , malheureusement
trop célèbre . Ils vont être connus , ces secrets
pleins d'horreurs : ils vont être révélés ,
ces forfaits qui ont souillé le Palais de nos
Rois. Devions- nous le prévoir lorsque vous
nous avez confié la fonction de poursuivre
les crimes qui attaqueroient la Liberté naissante,
quenous serions l'objet des plus atroces
( 160 )
calomnies ? Nous les braverons , nous ne cesseros
de remplir nos devoirs. Tant d'efforts
dirigés contre nous annoncent assez ce que
les ennemis du bien public ont craint d'une
Procédure qui doit tout éclairer. Ont - ils pu
croire qu'ils intimideroient , par tant de
menaces violentes et répétées , des Magistrats
qui ont su résister an Despotisme
Ministériel ? Plus forts aujourd'hui de toute
l'énergie que donne aux Citoyens la Liberté
que nous avons recouvrée , ils ne craindront
aucun danger pour l'affermir et la séparer
de la licence .
" Dans cette Procédure , à laquelle nous
avons été provoqués par le Comité des Recherches
de la Commune de Paris , et par
le Procureur- Syndic de la Commune , nous
devions distinguer les Citoyens qui n'ont
été guidés que par l'enthousiasme de la Liberté
, de ces hommes coupables qui , sous
le masque du civisme , ont égaré la multitude
, pour la rendre complice de leurs crimes.
Quelle a été notre douleur , lorsque nous
avons reconnu parmi les Accusés deux Membres
de cette auguste Assemblée ! Ah ! sans
doute , ils s'empresseront de descendre dans
l'arène , et de solliciter la poursuite d'une
Procédure dont le complément , nous devons
l'espérer , mettra au jour leur innocence.
3D
Nous venons déposer sur le Bureau de
l'Assemblée toute la Procédure . Nous sommes
redevables d'une grande partie des
Pièces à votre Comité des Recherches qui ,
d'après votre Décret , a dû nous en donner
communication . C'est à regret que nous nous
plaignons du Comité des Recherches de la
ville de Paris , qui nous a constainment re→
fusé celles qu'il a entre les mains . "
( 161 )
Ce Discours prononcé , M. Boucher Argis
a remis là procédure scellée sur le Bureau ,
et à peine étoit - il retiré , que M. de Mirabeau
l'aîné a demandé la parole . M. l'Abbé
Gouttes l'a obtenue le premier , pour demander
un Comité chargé d'examiner cette malheureuse
affaire .
Bientôt M. de Mirabeau l'aîné qui , sans
doute ignoroit qu'il étoit impliqué dans la´
procédure , et qu'en qualité d'Accusé , il
pouvoit laisser à d'autres la défense du privilége
d'inviolabilité , est monté à la Tribune
.
"
Notre marche est tracée , a - t - il dit ;
les principes sont déja consacrés ; l'Assemblée
Nationale ne peut être ni accusateur ,
ni Juge ; une seule chose la concerne , c'est
de connoître les charges qui , après 10 mois,
conduisent à inculper deux de ses Membres.
Tel est l'esprit de la loi de notre inviolabilité
Assemblée Nationale a voulu qu'aucun
de ses Membres ne fût mis en cause sans
qu'elle eût elle -meme jugé s'il y a lieu à
action , à accusation ! Je ne sais sous quel
rapport on parle de Décrets qu'il faut tenir
secrets. On insinue la proposition d'un renvoi
à un autre Tribunal. Certes , il seroit
commode , qu'après dix mois d'une procédure
secrete ; qu'après avoir employé dix
mois à multiplier , à répandre les soupçons ,
les inquiétudes , les alarmes , les terreurs
contre de bons ou de mauvais Citoyens , le
Tribunal , dont l'histoire sera peut - être nécessaire
à la parfaite instruction de cette affaire,
cessât d'être en cause , et rentrât dans une
modeste obscurité. Je propose de décréter
que le Comité des Recherches de l'Assemblée
Nationale lui fera le rapport des char(
162 )
ges qui concernent quelques - uns des Représentans
de la Nation , s'il en existe , dans la
procédure remise par le Châtelet de Paris ,
sur les événemens des 5 et 6 octobre 1789 ,
à l'effet qu'il soit décrété sur ledit rapport ,
s'il y a lieu à accusation . Voilà le seul Décret
qui soit réellement dans vos principes . "
M.l'Abbé Maury a succédé à M. de Mirabeau
, et a dit :
" Je me bornerai à discuter devant vous
les principes du Préopinant ; ils tiennent
à l'ordre public ; il s'agit de déterminer la
manière de concilier les intérêts de la Liberté
et de la Justice. Il s'agit d'établir en
quoi consiste l'inviolabilité des Représentans
de la Nation »
་་
J'observe avec regret que dans deux de
vos Décrets ; l'Assemblée a paru s'écarter
des premiers principes de l'ordre public . Vous
avez décrété , au sujet du défaut de paiement
d'une dette en matière civile , que les Députés
n'étoient pas inviolables. C'est sur-tout
en matière civile qu'il , seroit vrai , que pendant
toute la durée de leur mission , aucune
action civile ne devoit autoriser à porter atteinte
à leur liberté. Par un second Décret,
rendu au sujet de M. de Lautrec , vous avez
dit que les Membres du Corps Législatif
ne pouvoient être décrétés , avant qu'il eût été
décidé par le Corps législatif: s'il y avoit lieu
à accusation . Vous vous êtes écartés des véritables
principes ; en voici la preuve . Jamais
la mission honorable que le Peuple vous a
confiée n'a mis ses Représentans à l'abri des
poursuites légitimes , pourquoi voudrionsnous
être hors de l'atteinte des Lois dont le
glaive est suspendu sur la tête de tous les
Citoyens ? celui qui veut que la Loi le pro(
163 )
}
tège , doit être soumis à la loi. Quelle face
presenteroit la France , si 1200 Citoyens pouvoient
refuser de répondre à la loi ? nous
deviendrions la terreur de nos Concitoyens ,
dont nous devons êrre l'espérance et la lumière
. Nul homme , dans la Société , ne doit
pouvoir se soustraire à la Justice . La Justice
est instituée pour sévir , non seulement.contre
le foible , contre le pauvre , mais encore
contre le Puissant . Le Décret relatif à M.
Lautrec ne sauroit être regardé comme un
Décret constitutionnel , mais comme rendu
dans une circonstance donnée . Tout le monde
sait qu'en ce moment il s'agit d'un crime de
lèze -Nation , de haute trahison . "
"
9:
« Vous avez décrété que la procédure seroit
secrète jusqu'à la comparution de l'accusé
; si le paquet remis par le Châtelet , est
ouvert dans l'Assemblée , ou au Comité ,
vons renversez cette base constitutionnelle.
Que deviendroit la justice , si les Juges que
vous avez reconnus mériter votre confiance ,
en étoient privés au moment où il faut lancer
les Décrets ? Deux de nos Collègues sont aecusés
; ce seroit compromettre étrangement,
l'honneur de cette Assemblée que de vouloir .
lui faire prendre pour deux de ses Membres ,
des précautions refusées aux autres Citoyens ..
Honorez l'autorité ordinaire de la Loi :
c'est elle que je réclame en ce moment . Les
Anglois , qui se connoissent en Constitution.
et en Liberté , n'ont jamais demandé de
sauf conduits pour leurs Représentans . Tout
Citoyen a droit dese plaindre contre un Lord;
le Juge de paix délivre un Warant , expédie
un millimus et lance un Décret que le Parlement
approuve , car il aime les lois et la
Liberté ; que l'Assemblée Nationale renvoie
"
1
( 164 )
donc la procédure , qu'elle en ordonne la
poursuite , en déclarant qu'aux yeux de la
Loi tous les hommes sont égaux , enfin , je
demande subsidiairement que l'Assemblée
ordonne au Comité des Recherches dela Commune
de Paris de remettre au Châtelet tous
les documens qui seront jugés nécessaires .
"
"
M. Péthion de Villeneuve a commencé par
s'étonner de l'éclat qu'on donnoit à une
affaire que le Public croyoit assoupie , et des
circonstances dans lesquelles on la réveilloit .
Votre Décret , sur M. de Lautrec , a- t- il
ajouté , est un Décret réellement constitutionnel
, un Décret général par lequel vous
vous réservez de déclarer s'il y a lieu à accusation
contre un de vos Membres ; vous ne
faites là qu'exercer les fonctions d'un Grand
Juré , et le Grand Juré existe dans tout Etat
libre. Quand vous aurez décrété le mode de
la procédure par Jurés , ces formes seront
suivies pour tous les Citoyens ; pourquoi ne
le seroient- elles pas aujourd'hui pour les
Membres du Corps législatif ? Le Préepinant
vous a dit que le Parlement d'Angleterre
soumettoit ses Membres au libre cours
de la justice ; Il s'est trompé ; car il faut que
le Grand Juré les ait déclarés jugeables. Je
crois qu'il est bien plus raisonnable , plus conforme
à l'esprit de la loi de l'inviolabilité, que
l'Assemblée Nationale exerce elle - même
cette fonction . J'adopte la Motion de M. de
Mirabeau l'aîné.
"
Je ne répondrai pas , a répliqué M. de
Cazales , aux principes du Préopinant , à ses
réflexions sur les Jurés , à la proposition d'établir
aujourd'hui un régime particulier pour un
délit antérieur à la création de ce régime .
On a dit que le Décret rendu au sujet de
( 165 )
M. Lautrec est constitutionnel ; tout annonce,
au contraire , qu'il est de circonstance . Il
porte que le Comité présentera incessamment
unprojet de Loi sur la grande question de l'inviolabilité
des Représentans de la Nation ;
il n'est pas un Membre de cette Assemblée
qui , gémissant sur un de ses Collègues , victime
d'une accusation évidemment injuste ,
ait pensé s'autoriser du Décret auquel il a
concouru avec_empressement , pour soustraire
aux loix les auteurs et les compliccs
d'un attentat déplorable , qui à souillé la
Révolution , qui pèse sur la Nation Françoise
, qui sera son éternel déshonneur . ( De
violens murmures s'étant élevés du côté gauche
. ) Oui , je le répète , a repris l'Orateur ,
qui pèse sur la Nation toute entière , qui sera
à jamais son éternel déshonneur. »
40 Si les Auteurs d'un forfait abominable ,
dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder
le pardon , ne sont découverts et
punis , que dira la France , que dira l'Europe
entière ? L'asyle des Rois a été violé ,
les marches du Trône ensanglantées , ses
défenseurs égorgés ; d'infames assassins ont
mis en péril les jours de la fille de Maris-
Thérèse , de la Reine des François. ( Ici des
voix furieuses ont crié , les François n'ont
point de Reine ! et le nom de Marie- Thérèse
a excité les murmures des mémes Personnes . )
Oui , de la fille de Marie - Thérèse , de cette
femmedont lenom survivra à ceux des infames
Conspirateurs du 5 Octobre. Ils étoient Députés,
ils étoient François , ils étoient hommes ,
et ils se sont souillés de ces attentats . Si vous
adoptiez la Motion qu'on vous propose , si
vous déballiez publiquement la procédure ,
vous verriez disparoître les coupables ou les
( 166 )
preuves ; le crime seul resteroit ; il resteroit
toujours plus odieux , car il seroit sans vengeance.
Quel étrange privilége s'arrogeroient
donc les Représentans de la Nation ? Laloi
frapperoit sur toutes les têtes , et ils s'élèveroient
au- dessus de la loi ! C'est donc au
nom de la justice , votre premier devoir ; de
l'honneur , votre premier intérêt ; de la liberté
qui ne peut exister , si un seul Citoyen
n'est pas soumis à la loi , que je vous engage,
que je vous presse , que je vous conjure de
décréter la Motion de M. l'Abbé Maury . Je
demande donc le renvoi de cette procédure
au Châtelet ; je demande qu'il lui soit enjoint
de la poursuivre , en lui prescrivant
d'y mettre ce courage qui doit l'honorer , et
le rendre à jamais célèbre dans l'Histoire . "
M. le Chapelier a fait revivre la doctrine
de M. Péthion , en insistant sur le danger
de laisser les Députés en butte à des informations
légèrement faites. ( Celle- ci , dit- on ,
renferme près de 200 dépositions . ) Il a représenté
avec évidence l'autorité du Décret
rendu le 26 Juin , et la nécessité de son application
dans le cas actuel .
"
La suite du débat est devenue très - désordonnée.
M. Malouet paroît à la Tribune ;
on l'y fait rester muet par le cri ordinaire ,
la discussion estfermée. On fait lecture du
Décret du 26 Juin ; ensuite celle des différentes
Motions : on invoque la priorité pour
celle de M. de Mirabeau ; les débats se renouvellent.
« Pour trancher court , s'écrie
M. d'Ambly , ouvrez le paquet. » M. Broustaret
prend la parole ; M. Bouchotte suit M.
Broustaret. La priorité est accordée à la
Motion de M. de Mirabeau : décision bientôt
suivie d'un grand nombre d'amendemens.
( 167 )
" Le Châtelet , dit M. Malouet , a représenté
la nécessite de prendre des précautions ,
pour que la procédure ne soit pas connue ,
avant que les Décrets prononcés contre des
Personnes étrangères à l'Assemblée soient
exécutés, Vous n'avez nulle vérification à
faire sur ces Dècrets , et vous devez ordonner
qu'il leur soit donné suite. »
<<
Il faut changer dans la Motion le mot
événement en celui attentat. Il faut que la
lecture des charges soit faite dans l'Assemblée
, que les Séances du soir y soient uniquement
consacrées , et que l'on ferme les
portes des Tribunes . ( Ici les Tribunes ont
poussé les hauts cris . ) On ne doit pas renvoyer
à un Comité ; l'Assemblée entière a
le droit de connoître les charges , et comme
j'ai la certitude que plusieurs Membres
ont été entendus comme témoins , je
demande qu'ils assistent seulement comuie
spectateurs .
"
La question préalable ! la question préalable
sur tous les amendemens ! crient de
concert divers Membres de la gauche. M.
Durget et M. de Murinais justifient au contraire
la nécessité de
amendemens . « Puisque
vous rendez des Décrets de circonstances ,
ajoute M. de Foucault, je demande qu'on
institue un Comité de
circonstance.s » Du
milieu des clameurs pour aller aux voix ,
M. de Virieu , vingt fois repoussé , perce le
tumulte et dit :
« L'honneur de nos
Commettans exige
impérieusement qu'il ne reste aucun nuage
sur cet exécrable attentat. Quand le Châtelet
, en Corps , déclare qu'on lui refuse
des Pièces dont l'existence est certaine , on
nous dit que c'est blesser la délicatesse des
( 168 )
Membres du Comité des Recherches de la
Ville , que de mander ce Comité pour lui
ordonner de délivrer ces Pièces ! Depuis quand
y a - t - il de la délicatesse à refuser à la Loi ,
les moyens de punir le crime ou de proc'amer
l'innocence ? Pourquoi , si depuis la
dénonciation faite par ce Comité même ,
il est survenu de nouveaux documens , ne
pas exiger qu'ils soient remis au Châtelet ?
J'appuie fortement l'amendement qui a été
présenté à cet égard . »
Tandis que M. Raderer redemande la
question préalable , MM. Madier , Dufraize ,
de Cazalès , reclament qu'avant l'ouverture
du paquet , on ordonne l'exécution des Décrets
lancés contre des Personnes étrangères
à l'Assemblée . Sans cela , disent- ils , le
Corps Législatif se rend coupable d'une
atrocité . Enfin , cet amendement est admis
à une grande Majorité , ainsi que celui renouvelé
par M. de Firieu , et le Décret final
est rendu en ces termes :
((
"
"
L'Assemblée Nationale décrète , conformément
à son Décret du 26 Juin dernier ,
que sou Comité des Rapports lui rendra
compte des charges qui concernent les Représentans
de la Nation , s'il en existe dans
la Procédure faite par le Châtelet sur les
événemens du 6 Octobre dernier , à l'effet
qu'il soit déclaré sur ledit rapport s'il y a
lieu à l'accusation . Décrète en outre que
deux Commissaires du Châtelet seront appelés
à assister à l'ouverture du paquet
déposé par les Magistrats de ce Tribunal ,
et à l'inventaire des Pièces qui y sont contenues.
"
"
De plus , que le Comité des Recherches
de
( 169 )
de la Ville de Paris sera tenu de remettre
sans délai , entre les mains du Procureur du
Roi du Châtelet , pour servir en tant que de
besoin à la poursuite de la Procédure , tous
les Documens et Pièces qui peuvent y être
relatif. "
u Enfin , l'Assemblée Nationale déclare
qu'elle n'entend point arrêter le cours de la
Procédure à l'égard des autres Accusés et
Décretés.
Dans le cours des débats , M. Durget avoit
observé que , pour déclarer jugeables les
deux Députés accusés , il suffisoit de connoître
le corps du délit , et l'exposé sommaire
des charges , et d'appeler à cet effet
le Procureur du Roi à la Barre. Qui le croiroit
? Cette opinion modérée qui , sans infirmer
le Décret du 26 Juin , concilioit les
droits de la Justice avec ceux de l'inviolabilité
, fut reçue par des huées . Tant il est
difficile dans les grandes Assemblées , agitées
par l'esprit de parti , de faire entendre
le langage d'une raison calme.
M. Péthion a prétendu qu'un des Préopinans
s'étoit trompé en citant l'usage du
Parlement d'Angleterre ; mais il est évident
que M. Péthion s'est trompé lui - même. Il
n'avoit qu'à ouvrir Blackstone , L. 1 , ch. 2 ,
p. 166 et 167 , où ce savant Jurisconsulte
Anglois , traite du Privilége du Parlement.
Ce Privilége d'inviolabilité , dit - il , ne
s'étend à aucun des cas qui emportent
prise- de-corps , tels que la Haute Trahison ,
la Félonie , les Offenses à la paix publique.
No. 33. 14 Août 1790. H
"
"
«
( 170
"(
"
"(
« On a vu , il y a peu d'années , les deux
Chambres prononcer que l'Auteur et le
Promulgateur de Libelles séditieux , n'avoient
aucun droit au Privilége. Aussi ,
dans tous les cas criminels qui entraînent
« prise - de- corps , ce Privilége se réduit au
droit qu'ont l'une et l'autre Chambre , d'être
immédiatement informées de l'emprison-
" nement ou de la détention d'un de leurs
« Membres , et des motifs qui les ont fait
"
"
"
" arrêter . »
Il est très - remarquable que ces décisions
légales aient été rendues par les deux Cham-,
bres , depuis l'époque de la Liberté publique ,
sous Guillaume III et les règnes subséquens.
Elies prouvent le respect que doit la Justice
au Corps Législatif, et celui que le Corps
-Législatif doit à la Justice. Les Représentans
de la Nation ne doivent pas être livrés
à des détentions vexatoires ; mais le Parlement
ne souffre pas un Privilége qui lui assureroit
l'impunité. Quant au Grand- Juré ,
dont a parlé M. Péthion , on se garde bien
de le choisir dans le Parlement . Il est nommé
- par le Schérif , Officier Royal , et composé
d'hommes indépendans , dégagés de toute
affection quelconque pour ou contre l'Accusé.
Le Grand- Juré remplit précisément la
fonction que vient de faire le Châtelet , en
rédigeant une information préalable , avant
de decréter. Ainsi , les mêmes formalités ont
eu lieu ici , mais par des Tribunaux differens
dans leur composition .
Il est clair au surplus , que le Décret du
26 Juin decidoit le débat : ce Décret est
général , et l'on ne pouvoit en contester légitimement
l'application ; mais c'est une
question bien importante à la Liberté ,
( 171 )
que celle de savoir , si un Corps dont aucune
autorité quelconque ne limite , ne balance
, n'arrête le pouvoir , peut sans danger ,
être investi du Privilége de préjuger lui même
les accusations portées contre l'un de ses
Membres . Si une Majorité factieuse venoit
à dominer dans l'Assemblée , si cette Faction
dominante tentoit de subvertir les Lois ,
la sureté , la liberté publique et particulière ,
elle pourroit ainsi assurer l'impunité de tous
les crimes , se constituer en Aristocratie oppressive
, et ne laisser à la Nation aucun
moyen moral de la contenir .
La Séance n'ayant été levée qu'à quatre
heures après - midi , il n'y a point eu de
Séance du soir.
DU DIMANCHE 8 AOUT.
Cette Séance , fort sèche , a été remplie
par un Rapport de M. de Noailles , qui a
annoncé le retour de l'ordre dans le District
de Nemours : on espère le même calme
dans le Département du Loiret.
Par un Décret rendu , à la demande de
M. Necker et du Comité des Finances , qui ,
sur les 95 millions restans d'Assignats dis
ponibles , autorise le Trésor public à percevoir
40 millions.
Par un Décret en sept articles , que nous
transcrirons dans huit jours , et qui , en rendant
forcée la Contribution Patriotique , en
abandonne la taxation et le mode de perception
aux Municipalités , avec renvoi des
réclamations aux Directoires de Districts.
"
Le Public n'a pas été long-temps dans
Hij
( 172 )
l'incertitude sur les noms des deux Députés
impliqués dans la Procédure du
Châtelet. On les désignoit à haute voix
pendant la Séance même ; tous les doutes
ont été levés lorsqu'on a eu connoissance
, par les Feuilles publiques , de
l'Arrêté suivant du Châtelet , daté des
5 et 6 Août 1790.
" Le Châtelet de Paris s'est assemblé ces
jours derniers , pour entendre le Rapport de
l'information de l'affaire des 5 et 6 Octobre
1789. Par jugement en dernier ressort , il a
été ordonné que les informations seront continuées
, et cependant que le nommé,Nicolas,"
connu sous la désignation de l'homme à la
grande barbe , la demoiselle Théroigne de
Méricourt,, le nommé Armand , la nommée
Louise- Renée Leduc , et le nommé Blangey,
seront pris au corps ; que plusieurs quidams
( au nombre de treize , dont plusieurs étoient
habillés en femme ) seroient également pris
au corps ; comme aussi que MM . Louis-Philippe
- Joseph d'Orléans et Mirabeau l'aîné ,
Députés à l'Assemblée Nationale , paroissant
être dans le cas d'être décrétés , des expédi
tions des informations seroient portées à
l'Assemblée Nationale , conformément au
Décret du 26 Juin dernier , sanctionné par
le Roi , pour par Elle prendre tel parti que
bon lui semblera . "
C'est par suite de cet Arrêt qu'une Députation
du Tribunal s'est présentée
Samedi à la Barre de l'Assemblée . Cette
Procédure doit être très - volumineuse .
vu legrand nombre de dépositions qu'elle
( 173 )
renferme . Mlle . Théroigne de Méri
court, si fameuse par la finesse de ses distinctions
sur les Pouvoirs , ne sera pas
appréhendée, s'il est vrai , comme on le débite
, qu'elle soit passée à Londres. Quelle
alliance pour elle et les autres Décrétés ,
que celle de cet Antropophage , surnommé
Coupe -tête ! surnom qui est sans
doute le plus honorable possible , après
celui de Procureur- Général de la Lanterne.
Au précis , en quelques lignes , que
nous avons donné la semaine dernière
du Mémoire à consulter et de la Consultation
pour M. de St. Priest , nous
devons ajouter des développemens essentiels.
и Le Ministre remarque d'abord comme
un exemple mémorable des vicissitudes humaines
, qu'au mois de Juillet 1789 , il fut
compris par l'Assemblée Nationale dans le
nombre de ces Ministres , dont elle déclara
solennellement qu'ils emportoient avec eux
P'estime de la Nation et ses regrets , et qu'au
mois de Juillet 1790 , il est dénoncé comme
l'ennemi de l'Assemblée Nationale et un
conspirateur contre la liberté du Peuple. »
Quelles actions ont pu produire un pa
reil contraste ? Il est impossible de le deviner
, même en se rappelant les divers
reproches faits à M. de St. Priest , ou plutôt
les divers actes d'une persécution qui a commencé
en Septembre dernier. Le Public doit
retenir cette époque ; elle a été celle où
se préparoient de terribles projets ; l'Histoire
Hii
( 174 )
}
·
l'attend avec son burin . M. de St. Priest fut
alors dénoncé à son District ; bientôt justifié
, il en reçut des marques d'estime honorables.
En Octobre , il fut dénoncé à l'Assemblée
Nationale pour une prétendue réponse
faite à des femmes du Peuple de
Paris , alors à Versailles ; il éclaircit les faits ,
la dénonciation fut renvoyée au Comité des
Rapports ; elle y est restée . Même sort
d'une troisième dénonciation à l'occasion.
des troubles de Marseille , où l'on accuse
M. de St. Priest d'être réfractaire aux Décrets
de l'Assemblée . Le 2 Juin , il prouva
à l'Assemblée Nationale qu'il s'étoit , au
contraire , littéralement conformé à ses Décrets.
"
-
Le peu de succès de ces attaques a
décidé ses Eunemis à celle d'aujourd'hui.
Nous en avons rapporté l'objet . L'Accusation ,
n'a d'autre base , si l'on peut donner ce nom
à des hypothèses , qu'un livre de raison où
M. de Bonne tenoit le Journal de ses actions.
On lui a aussi trouvé un Ecrit où il paroissoit
se rendre compte d'une conversation
qu'il avoit eue , le 5 Décembre , avec un particulier
qu'il appelle Farcy. Or , le même
jour , il rendit visite à M. de Saint- Priest ,
a ce que porte le livre de raison. Le
Comité a fait ce rapprochement , et en a
conclu que MM . de St. Priest et Farcy
étoient la même personne. La conversation
paroît indiquer que Farcy n'étoit pas éloigné
d'un projet de Contre- Révolution ; donc ,
M. de St. Priest est complice ou coupable
de ce Projet. "
."
Cette dénonciation , qu'on auroit eu
peine à hasarder aux temps des Bastilles et
des Richelieu , a été portée à la veille de
( 175 )
la Fédération du 14 Juillet ( le 9 ) , quoique
l'interrogatoire de M. de Bonne eût été clos
le 4 Juin. En conséquence , dès le 13 , des
Libelles atroces furent semés dans les lieux
publics contre M. de St. Priest. On y ex- .
citoit les Fédérés à demander au Champde
- Mars le renvoi de tous les Ministres :
Si je ne suis pas devenu à cette époque ,
observe M. de St. Priest , la victime d'une
multitude abusée , si la plus imposante
Fête n'a pas été souillée d'un attentat ,
ce n'est pas la faute du Comité des Re- .
" cherches . "
"C
"
"
་་
Quant aupremier Chefd'Accusation , concernant
ce prétendu mépris du Ministre pour
l'Assemblée Nationale et ses Décrets ; par
quel fuit le Comité appuie t -il cette Allégation
vague ? par aucun quelconque. I
n'articule rien , n'explique rien , ni temps ,
nilieu , ni occasion , ni circonstances . Toutes
les Lois , tous les Tribunaux repoussent
cette forme perfide de dénonciation arbitraire
, qui autorise l'Accusé à demander : .
« Si on se seroit permis de traiter un simple.
Citoyen avec une injustice plus révol- ,
་ ་
" tante. »
Le second Chef porte sur une marche non
moins illégale, non moins contraire aux droits
de la Liberté personnelle , et aux principes
de la Jurisprudence criminelle . On a vu
quelles étoient la nature , et les preuves de cette ,
Accusation . En supposant qu'une conversation
secrète puisse devenir la matière d'un
Procès criminel ; en supposant que la conversation
de M. de Bonne et de son Interlocuteur
prouve un projet de Contre- Revolution
, quel sera cet Interlocuteur ? M. de
H iv
( 176 )
1
St. Priest est- il l'individu Farcy ? cette recherche
doit trancher la question.
D'abord , rien au monde dans la conversation
ne désigne M. de S. Priest : il n'y est
ni nommé , ni indiqué ; pas un mot qui fasse
reconnoître ou sa personne , ou sa place .
Oubliez un moment que le Comité des
Recherches vient d'afficher arbitrairement
le nom de ce Ministre ; personne de bonne
foi ne supposera à la lecture de cette conversation
, qu'un Ministre quelconque ,
M. de S. Priest , particulièrement , en étoit
l'interlocuteur.
Ou
M. de Bonne a subi cinq interrogatoires ,
en se refusant à toutes les instances du
Comité pour lui faire déclarer l'identité des
nom de Farcy avec celui du Ministre . Pressé
par un dernier Interrogatoire , il a au contraire
, assuré qu'il croyoit M. de S. Priest
trop peu disposé à être l'Apôtre d'une Contre-
Révolution , pour avoir hasardé de lui nommer
M. de Maillebois comme chef de l'entreprise.
Ainsi , le Prisonnier non - seulement
n'accuse pas M. de S. Priest ; mais il le justifie.
Cet Interrogatoire d'ailleurs n'est point
un acte légal , et ne seroit pas admissible ,
puisqu'il a été pris par des hommes qu'aucune
loi n'avoue.
Quant aux preuves tirées des pièces écrites
, elles se réduisent ainsi que nous l'avons
dit , au livre de raison de M. de Bonne ;
mais de ce que cet Officier sera allé les 5 et 6
décembre chez M. de S. Priest , en résultet
-il , d'abord , qu'il l'a trouvé chez lui , et
la visite du 6 n'induit - elle pas à crore , en
effet , que M. de Bonne ne put voir M. de
S. Priest le 5 ? En résulte - t -il nécessairement
que M. de Bonne n'a vu ce jour - là ,
( 177 )
que M. de S. Priest ? N'avoit-il pas même
des raisons de ne pas inscrire la visite faite
à Farcy ? C'est néanmoins en admettant
to ites ces suppositions comme des faits , que
le Comité , affirme et dénonce que
le nom
de Farcy étoit celui de S. Priest? Les Conseils
de cet Accusé établissent fort bien que cette
dénonciation est contraire à la Loi , qui
demande des preuves et non des conjectures.
Puisqu'il croyoit pouvoir dénoncer aux Tribunaux
la conversation du 5 décembre , le
Comité devoit leur dénoncer une personne
inconnue , un Quidam , ou même le nominé
Farcy. La procédure auroit apporté , ou non ,
la preuve que ce Quidam étoit M. de S. Priest.
Peu importe à ce Ministre la nature du
Dialogue dénoncé , et qui lui est absolument
étranger ; mais on se demande si c'est au
règne de la liberté , au règne des lois , et
par des hommes qui s'annoncent comme les
Vengeurs de la tyrannie , qu'une conversation
privée et secrète peut être dénoncée
aux Tribunaux ? Où en serions -nous , Grand
Dieu si chaque . Citoyen voyoit l'oeil du
despotime ouvert , et son glaive levé sur les
discours tenus dans l'intimité ? Qui osera
désormais répondre à une question , énoncer
une conjecture , si , la bonne foi ou l'indiscretion
allant propager cette confidence
elle devient la proie d'une Inquisition ménaçante
, et se transforme en Crime d'Etat ?
Cette pratique n'a jamais servi que des
Oppresseurs : elle a ete flétrie par tous les
Publicistes , par tous les Codes . L'Histoire
et l'Opinion ont marqué leur horreur de
la conduite de ce Richelieu , qui fit périr
De Thou , pour n'avoir pas révelé une Conversation
, une Conversation néanmoins où
Hy
( 178 )
ce Martyr avoit appris l'existence d'un
complot réel .
Que chaque François considère le péril de
sa situation. Voilà un discours secret , vague ,
susceptible de mille interprétations , de mille
applications , devenu la base de l'Accusation
criminelle la plus redoutable ; car elle place
l'Accusé entre le fer de la Justice et celui
des Assassins . Et où est la preuve de
la fidelité avec laquelle cet entretien a été
transcrit? M. de Bonne lui - même oseroit - il
en répondre? Où est l'homme assez teméraire
pour garantir que, sa mémoire l'aura préservé
des altérations et des inexactitudes , presque
inévitables dans le recit d'une conversation
fugitive ? Serions -nous done ramenes , par
la raison des extrêmes , à ces jours , décrits
par Tacite , où les Romain pâlissant à la
vue des delateurs , n'o - oient avoir ni un parent
ni un ami , et étoient traînés à l'échaffaud
pour un soupçon de Tibere
, pour
une parole on un regard ?
Et que de forces ne donne pas à ce sentiment
d'offroi , la nature même de l'entretien
denoncé. Plusieurs Feuilles publiques l'ont
transcrit Il faut être un Sphinx pour y
découvrir un projet de Contre- révolution ,
On y voit même que Furey évite de répondre
aux questions de M. de Bonne ; que
Interlocuteurs n'y disent pas un mot de relatifau
Projet attribue ensuite à M. de Maille .
bois ; on y voit des craintes sur l'avenir ; on
y parle du dessein qu'à S. M. d'aller , au
Printems prochain , visiter les Provinces. On
pourroit égorger juridiquement trois ou qua
tre millions de François , si tous ceux à qui
il a pu échapper des conjectures ou des es-
"
:
les
( 179 )
pérances folles étoient connus du Comité des
Recherches.
Sans doute , sa Mission l'autorise à veiller
attentivement sur les complots contre la
Constitution : il doit la remplir avec zèle et
activité ; mais plus ses fonctions sont importantes
, plus elles menacent la liberté personnelle
, plus il doit redoubler de précautions
dans la recherche de la vérité , et dans
la manifestation de ses conjectures . Jusqu'ici
il n'a encore accusé qu'un seul homme dont
les Tribunaux aient désavoué l'innocence .
Les prisons ont été pleines de ses victimes :
elles en sont sorties , après une procédure
publique , et justifiées. Où est la Conspiration
effective dont , jusqu'à ce jour , il ait
préservé l'Etat ? Et que d'innocens ont tremblé
sous ses dénonciations ? Il est chargé de
poursuivre un crime indéfini , un crime irrémissible
et le plus grand de tous ; mais l'estil
de livrer les Citoyens à la fureur publique , et
aux Tribunaux , sur des soupçons envenimés
par la haine de parti? L'Angleterre a entouré
les Accusés de précautions extraordinaires
dans les cas de Haute trahison ; elle
a proportionné leurs moyens de sureté à la
grandeur et à la nature du péril : les maximes
contraires prévaudroient donc au milieu
de nous , pour servir de commentaire à la
Déclaration des Droits!
Le Comite des Recherches se permet un
usage qui devroit éveiller l'attention du Législateur.
Il se permet de publier les pièces ,
les fraguens d'une procédure , avant que le
juge en ait connoissance , et qu'il ait prononcé
un Décret . Ii va plus loin , il prend
à partie ceux qu'il denonce , et plaide contre
eux par Mémoires , avec la passion la
H vj
( 180 )
plus marquée , et avant même que l'information
juridique ait commencé. Ainsi , il
établit une prévention furieuse contre l'Accusé
, et lorsque le Juge est forcé de l'absoudre
, il trouve les esprits infectés de haine
contre le Prevenu , et celui- ci condamné à
la Clameur publique , mot commode et nouveau
, par lequel on entend justifier les Arrêts
de la multitude , et qui signifie diffamation.
Il est superflu de montrer combien cette
pratique est funeste à l'ordre public , à la
sureté des Prévenus , à l'impartiale distribution
de la Justice . Elle est proscrite partout
: elle l'est en France par les Décrets de
P'Assemblée Nationale . Celui des 8 et 9 octobie
1789 , sur la Réformation de la Jurisprudence
criminelle , interdit aux Juges la
révélation de la procédure , jusqu'après les
Décrets. Ce qui est défendu aux Magistrats ,
F'est à plus forte raison à un Comité quin'est
pas Tribunal.
Il n'est pas Tribunal , et néanmoins nous
le voyons chaque jour en prendre les fonctions
Il poursuit , il fait arrêter , il interroge
les Citoyens : il va plus loin qu'aucune
Cour de Justice , car il appréhende sans informations
ni Décrets , comme on l'a vu
dans l'affaire de Mesdames de Jumilhac , de
Thomassin et de Vassart. Or , on se demande
, où est le titre de ces attributions ?
L'Assemblée Nationale , en créant dans
son sein un Comité des Recherches , le 28
Juillet 1789 , en détermina la compétence.
Il la limita aux fonctions de voir , d'entendre
et de recevoir des Informations , pour en
rendre compte à l'Assemblée. Le Corps Législatifne
lui a donc pas donné le droit d'in(
181 )
former lui - même , de mettre aux arrêts , d'enlever
des Citoyens , de les interroger , et
d'agir comme un Tribunal . Si l'on eût voulu
l'instituer en Tribunal , on l'auroit fait par
une Loi , portée à la Sanction du Roi : jamais
le Roi n'a sanctionné la création du
Comite des Recherches.
Quant à celui de la Commune de Paris ,
la Loi ne le reconuoît pas aucune Loi ne
l'a institué. Il n'existe que par la volonté de
la Municipalité provisoire : nul Décret de
l'Assemblée n'autorise cette Délégation extraordinaire
, que la Commune de Paris a
investie du droit de dénoncer , de saisir ,
d'interroger les Prévenus , et de rassembler
les pièces et preuves qui pourroient former
un Corps d'accusation . D'où il résulte que ce
Comité a des pouvoirs que l'Assemblée Nationale
a refusés au sien , des pouvoirs qui
n'appartiennent qu'aux Tribunaux , des pouvoirs
formellement contraires à l'article VII
de la Déclaration des Droits . « Nul ne peut
« être accusé , arrêté , ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi , et selon les
" formes qu'elle a prescrites. " Aucune Loi
n'a prescrit les formes , ni autorise les procédés
du Comité des Recherches de la Ville :
au contraire , la Loi en a exclusivement investi
les Tribunaux : donc l'existence de ce
Comité est incompatible avec la Liberté et
la Déclaration des Droits . Il est non moins
illegal, qu'il étende son action sur le reste du
Royaume , et qu'il fasse enlever des Citoyens
à 150 lieues de Paris : chaque Municipalité ,
a le droit de former aussi son Comite ; ainsi.
il existeroit en France 44 mille Inquisitions ,
faisant extrajudiciairement l'office de Magistrats.
Est - il un seul homme libre qui
་ ་
( 182 )
puisse soutenir une semblable pensée , une
pareille subversion de l'Ordre constitutif?
Induira- t -on de ces réflexions , qu'aucun
Corps , en temps de troubles et de
dissentions civiles , ne doit veiller particulièrement
à la sureté de l'Etat et des
Citoyens? Cette institution ne dénoncet-
elle pas la foiblesse des Lois , l'insuffisance
de la Force publique , l'inaction
de la Police suprême ? Peu de questions
sont aussi délicates dans un Etat libre ;
mais , en reconnoissant l'utilité d'un Corps
concentré , dont les recherches pénètrent
les Projets funestes à la Constitution ,
toujours reste - t- il évident que ce Corps
doit être institué par le Législateur , limité
dans sa compétence , enchaîné par
des instructions légales et des règles positives
, réduit à sa fonction primitive
d'Enquêteur et de Dénonciateur , et responsable
à la Loi comme aux Citoyens ,
de ses abus d'autorité. Sans ces précautions
, il faudra regretter les Lettres- decachet
, les Commissions, et les Chambres
étoilées.
Je réserve pour le Numéro suivant ,
l'examen d'un nouveau Pamplet que le
sieur Brissot , Membre du Comité de
Ja Ville , a publié , au ram ce sa Société
, sous le titre de Projet de Contre-
Révolution par les Somnambulistes,
ou Rapport de l'affaire de MM. d'Hozier
et Petit-Jean. Jamais l'outrage à
( 183 )
la liberté personnelle et à celle des Opinions
Religieuses n'a été poussé plus
loin , que dans cette Brochure imprimée
contre des Accusés , qu'on n'a pas même
osé dénoncer aux Tribunaux . Nous révélerons
seulement , et pour apprécier
le degré d'autorité que mérite l'Auteur
de ce Rapport , que le même hommequi
traite aujourd'hui de fourberie , de
conspiration , de démence , les rêveries
des I'luminés , a lui-même plusieurs fois
consulté la semnambule de M. Bergasse;
qu'en 1786 , dans un Examen critique
des Voyages de M. de Châtelus , il
reprocha à cet Ecrivain , avec tout l'emportement
du pédantisme , de s'être moqué
de l'inspiration des Quakers , et qu'il
écrivit ces lignes étranges , pag . 48 , 49 et
suivantes.
"(
་ ་
"(
"
"
"
"
Illumination , grace intérieure , extase ,
tous ces mots peignent l'état spirituel de
l'homme , absorbé dans ure profonde wéditation
sur ses rapports avec Dieu où les
« homines . N'avez vous jamais éprouvé cet
état ? Je vous plains : c'est le dernier
degré de la volupté……………. L'illumination
des Quakers n'est autre chose que cet
ÉTAT DE LUMIERE où l'on arrive pour la
meditation : ils ne prêchent point qu'ils
ne soient inspirés par elle……´ ……. Debeaux
esprits ont tres ingénieusement plaisanté
« sur cet etat d'illumination ; mais que prou-
« vent les sarcasmes ?.... Vous ne trouverez
pas un seul argument approfondi con re les
Illuminés. M. le Comte de Mirabeau plai-`'
" sante sur le somnanbulisme de M. Lavater ;
"
་་
"
་་
( 184 )
mais s'il a raison , je vois cinq fripons ici ,
le Docteur , sa femme , et trois Medecins
qui ont attesté les faits ..... Fénelon étoit
« illuminé ……..la physionomie de l'Illuminé
« est un Electrisateur puissant qu'il se regarde
dans une glace , il se lit , il se voit
dans ses yeux comme dans son ame . »
"
44
Je citerois dix pages de cette force :
Comparez maintenant cette doctrine
avec les Imprécations du Rapport contre
les Illuminés. Je n'ai certes avec eux
aucune espèce de relation , et on ne me
soupçonnera pas de tenir à leurs opinions
, qui me paroissent de véritables
rêveries : l'intérêt de la liberté personnelle
m'anime seul. Par cette raison , je
me garderai de répondre une ligne aux
atrocités que le sieur Brissot m'adresse
dans sa Feuille journalière , qui sue le
sang. Je l'abandonne à ses remords s'il
en est susceptible ; mais qui croira qu'au
milieu de ses invectives , il cse me menacer
du Comité des Recherches ! Ah ! que
de précautions à prendre contre l'autorité
, puisqu'à peine introduit dans ses
fonctions , les hommes qui s'élevoient
contre elle avec le plus de fureur, sont capable
de pareils excès . Eh bien je déclare
à cet Inquisiteur menaçant , qu'en tout
tems j'ai été , et je serai prêt à porter
mes actions , mes écrits , mes discours.
et mes pensées , devant les Tribunaux :
je ne recuse pas même celui qu'il compromet
par ses délations , et qui sans
( 185 )
doute , est bien éloigné d'approuver les
excès de ce Folliculaire calomnieux.
Le jour même 31 Juillet , que nous
éelairons le Public sur l'imputation faite
à M. Mounier , au sujet du Projet de
M. de Bonne il nous écrivoit de
Genève en ces termes.
་་
,
" Je viens de lire , Monsieur , un imprimé
ayant pour titre , Rapport fuit au Comité
des Recherches de la Municipalité de Paris ,
tendant à dénoncer MM. Maillebois , Bonne
Savardin et Guignard Saint Priest . »
"
Il est dit dans le rapport , que M. de
Bonne Savardin convient dans son interrogatoire
, de m'avoir vu , lors de son premier
voyage à Turin . Le Rédacteur auroit été
plus exact , s'il eût bien voulu , au lieu de
ces expressions , employer celle - ci , après son
retour de Turin ; car dans l'interrogatoire
qui se trouve à la suite du rapport , M. de
Bonne soutient ne m'avoir vu qu'en revenant
de Turin à son passage à Grenoble , dans la
maison du mari de sa nièce .
H
גנ
Il est aussi plusieurs fois question , soit
dans le rapport , soit dans les pièces justifieativee
, d'une lettre que M. de Bonne a été
chargé de me remettre , de la part d'un
Membre de l'Assemblée Nationale , et qu'il
avoue lui même avoir déchirée au moment
où il a été arrêté au pont de Beauvoisin ,
de crainte de me compromettre . Enfin , on
comptoit sur M. de L lly- Tolendal et sur
mo , pour faire un manifeste , s'il faut en
cruire la dénonciation faite le Mars par
le Secrétaire de M. de Maillebois , et quelques
lettres anonymes. On comptoit bien
24
( 186 )
aussi , d'après les mêmes autorités , sur 25
mille hommes , et sur six millions du Roi
de Sardaigne ( quoique ce Prince n'ait pas
en ce moment 25 mille hommes ) , sur la ville
de Lyon , et sur les Troupes des frontières.
((
"}
Quelques explications me paroissent suffisantes
, pour détruire auprès des honnêtes
gens , toutes les inductions que cet imprimé
pourroit faire naître contre moi : ces
explications seront courtes , parce que je
n'aime point à me justifier. Je n'aurai garde
de répondre à ce qu'ont déja dit sur ce sujet
les Auteurs de certaines Feuilles , qui peuvent
continuer tout à leur aise , la tâche
qu'on leur a prescrite. Je tiens à honneur
toutes leurs injures , et je ne me croirois
outrage que par leurs éloges .
"(
"
Je déclare que je connois peu M. Bonne
Savardin , que je connois beaucoup plus sa
famille , et que je l'ai rencontré sur la fin
du mois de Mars à Grenoble , dans une
maison où j'allois fréqueniment . Je lui entendis
annoncer qu'il se rendoit a Paris. II .
me paroît fort simple , que lorsqu'il a voulu
revenir aux Echelles , sa patrie , qui n'est pas
éloignée de Grenoble de plus de cinq lieues ,
il se soit chargé de m'apporter une lettre
d'un Député. J'observe que cette lettre a été
écrite le 27 Avril , plus d'un mois après la
dénonciation du plan attribué à M. de Maillebois
, et qu'ainsi elle ne sauroit y avoir
aucun rapport.
" Si quelqu'un a réellement eu le dessein
de nous engager , M. de Lally et moi , à faire
un manifeste fondé sur la déclaration du
23 Juin , il est évident qu'il n'a point compris
nos opinions . Un pareil projet étoit trop
absurde , trop contraire aux principes que je
( 187 )
n'ai cessé de professer , pour que , s'il m'eût
été communiqué , j'eusse été capable d'y
prendre la moindre part. Tous ceux qui sont
en état de me juger , savent que je n'ai jamais
rien dit , rien écrit sur la Révolution ,
qui ne soit contraire à la représentation par
Ördres , et conséquemment opposé à la
Constitution qui seroit résultée de la Déclaration
du 23 Juin . Ce que je dois garantir ,
par exemple , c'est que les partisans de cette
Déclaration , seroient bien surpris eux -mêmes ,
qu'on pût me soupçonner d'avoir voulu la
défendre .... Je dois espérer que vous voudrez
bien insérer cette lettre dans votre
Journal. »
Genève , le 31 Juillet 1790 .
Signé , MOUNIER .
Le petit nombre de Citoyens Actifs
qui a concouru aux Elections Municipales
de Paris , résulte - t - il de l'émigration
, ou de l'indifférence ? L'une et
l'autre de ces causes ont contribué à
cette disette de Votans : un Décret de
l'Assemblée Nationale qui imposoit aux
Electeurs la condition d'être inscrit dans
la Garde Nationale , les a encore dimi-,
nués. La semaine dernière , on a révoqué
ce Décret dérogatoire de la Loi
générale , mais les Assemblées n'en sont
pas devenues plus nombreuses. Par un
état détaillé qui nous a été communiqué
, et dressé sur des approximations
très- plausibles , il paroît qu'à peine
existe- til dans le Royaume 2 millions
( 188 )
de Citoyens Actifs . On voit donc à quoi
se réduit l'égalité des droits , et combien
pour l'établir , il iraporte d'appeler
à l'exercice des droits politiques , les
indigens et même les femmes , comme
l'a prouvé M. de Condorcet dans une
dissertation ad hoc.
Le Maire de Grenoble ayant donné
sa démission , 215 Citoyens Actifs , sur
397 Votans , ont élevé M. Barnave à
cette place. La grande pluralité des
Citoyens s'est absentée de l'Election ;
les 367 Votans qui y ont concouru for
mant au plus la sixième partie des
Citoyens Actifs .
La lettre suivante qu'on nous adresse
du Comtat , et dans la fidélité de laquelle
on peut se confier , confirmera celle de
nos récits sur les derniers événemens de
cette contrée , et le mépris que méritent
les impostures des Feuilles publiques.
Carpentras , ce 26 Juillet 1790.
" Les Municipaux d'Avignon ne pouvant
trouver des complices dans les Membres
de l'Assemblée Représentative du Comté-
Venaissin , ont cherché à opérer une défection
partielle des différentes Villes et Municipalités
de cette Province. Leurs émissaires
étoient répandus de toute part ; vrais évangélistes
de discorde ils ont tenté de faire
verser le sang , et y ont malheureusement
réussi dans la petite Ville du Thor. Un
2
( 189 )
détachement des Milices Avignonoises s'y
rendit dans l'intention de troubler l'Election
Municipale , pour seconder la Minorité. Le
Peuple voulut s'opposer à ce dessein ; on tira
sur lui , et animé par la vengeance , il se
saisit du Chef de la Minorité , et le mit à
mort. Quelques autres Personnes ont été tuées
ou blessées . Un plus grand nombre auroit
sans doute péri , si les Milices ou Gardes
Comtadines ne fussent pas arrivées , et
n'eussent mis l'ordre. Le rassemblement de
ces Gardes fit naître l'idée d'en profiter pour
détruire la tyrannie sous laquelle gémissoit
depuis quelques mois Cavaillon , seconde
ville de la Province. Un ancien Soldat de
la Marine s'y étoit fait Colonel d'une Troupe
appelée la légion des Cavares ; et , appuyé
du Peuple nombreux de la campagne qu'il
avoit séduit , il exerçoit une autorité despotique.
Craignant de la perdre par les mêmes
moyens qu'il l'avoit usurpée , il crut devoir
répandre la terreur , en faisant élever une
potence , et courir des listes de proscription .
Cette potecee remplissoit un espace considérable
en face de la Maison - Commune .
Tous les ouvriers avoient été forcés , sous
peine de la prison , d'y enfoncer huit énormes
crochets , et les autres Citoyens de toucher
cet infame gibet , autour duquel on avoit
fait promener la Musique Militaire. Le Tyran
étoit en correspondance avec les Municipaux
d'Avignon ; ceux- ci même se montroient dans
la Ville , et y encourageoient ouvertement
leurs partisans . Le Rédacteur du Courrier
d'Avignon , le Sieur Tournal , annonce avec
des expressions dignes des Cannibales , et
avec cet accent de la joie , qui ne peut sor-
3,
tir
que d'une ame atroce , l'érection de cette
( 190 )
affreuse potence. Par- là le bruit s'en répandit
rapidement , et excita un tel sentiment d'indignation
, que les Milices Comtadines volèrent
de par- tout , et plusieurs même , satis
être commandées , à Cavaillon . Elles s'y portèrent
successivement au nombre d'environ
11000 hommes. Les premières étoient deja entrées
dans la Ville , y avoient fait abattre les
gibets , et les Commissaires conciliateurs de
L'Assemblée représentative avoient rétabli
l'ordre. Le peuple leur désigna l'auteur de ces
maux , et les obligea à le faire arrêter . En
conséquence , il fut saisi et livré au Pouvoir
Judiciaire. Toute cette expédition se fit sans
le moindre trouble , sans effusion de sang ;
enfin , il y régna une discipline admirable ,
et une harmonie dont les Troupes réglées
n'offrent pas toujours l'exemple . Sur ces
entrefaites , le vertueux Maire d'Orange ,
M. d'Aymard , offrit sa médiation , sans laquelle
les Milices du Comtat se seroient
toutes ainsi portées à Avignon pour y venger
l'humanité si cruellement outragée , et y
éteindre un foyer perpétuel de discorde. Les
Municipaux font tous leurs efforts pour entretenir
la fermentation populaire . Le Curé
d'une Paroisse de cette Ville trahit son Ministère
de paix , au point de les seconder ouvertement.
Ces jours derniers , l'Hôtel de
Crillon courut grand risque d'être brûlé ;
on préparoit déja les torches et les fagots ;
des Milices étrangères sont logées et nourries
aux dépens des Particuliers , et sous prétexte
de veiller à la sureté publique , on ruine
les Citoyens , absens et présens , de cette malheureuse
Cité , auparavant si fortunée et si
tranquille . Voilà , Monsieur , des faits cer
tains que des Folliculaires imposteurs cher(
1913 )
"
cheront en vain à déguiser ou à dissimuler ;
ils font pleuvoir sur l'Assemblée représentative
du Comté Venaissin , une grêle d'injures ,
et semblent avoir concerte entre eux un
systême suivi de calomnies. Ils représentent
cette Assemblée , qui suit en tout les Décrets
de celle de France , et voudroient seulement
les faire adopter sans commotion ,
et en gardant une fidélité inviolable à son
bienfaisant Souverain ; ils représentent
dis - je , cette Assemblée comme un nid , un
foyer , un cratère d'aristocratie , un sabbat
aristocratique , etc. Votre Journal est l'asyle
de la vérité , et vous en êtes le zélé , le courageux
et l'énergique défenseur ; je vous
prie donc de donner une place à ma Lettre ,
consacrée à révéler cette auguste vérité aux
Personnes que le fanatisme politique , ou
la rage des partis n'ont pas entierement aveuglés
.
* En attendant que le Comité pour l'affaire
d'Avignon fasse son rapport à l'Assemblée
, les Prisonniers gémissent toujours
dans les fers , et sont entassés les
uns sur les autres à Orange . Le sage
Maire de cette Ville a écrit à cet égard
les lettres les plus fortes et les plus touchantes
à l'Assemblée Nationale . « L'hu-
<< manité se soulève , dit-il , en voyant
<< l'innocence reconnue gémir dans la
captivité , et les droits de l'homme aus-
<<< si indécemment violés. Accoutumés à
<< voir nos lettres à l'Assemblée Natio-
« nale sans réponse , nous ne nous re-
<<
( 192 )
<< buterons pas , et elle recevra au moins
<< deux fois par semaine une de nos Epi-
<< tres. >>>
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 2 Août
1790 , sont : 46,66 , 90 , 57 , 87 .
1
#t
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 Août 1790.
f
Si la guerre actuelle des Russes et des
Suédois n'entraîne que des pertes mu-b
tuelles , et nulles conquêtes respectives ,
elle fixera du moins Popinion publique
sur le Roi de Suède . Bien peu de Princes
ont montré plus
d'intrépidité person- ,
nelle , plus de courage d'esprit, d'activité ,
dans l'emploi des ressources , de fermeté
dans les revers. Depuis l'origine de 'ceite :
guerre , le caractère du Roi ne s'est pas
démenti , et si l'on peut lei reprochér
de compter trop sur la fortime , et de
braver quelquefvis les obstacles au lieu
de les mesurer , on ne voit pas sans.
étonnement le rôle hardi qu'il joue de-
No. 34 21 Août 1790. I.
( 194 )
puis trois ans. Qu'auroit- il d me fait à
la tête d'une armée et d'une flotte supérieures
? Sa dernière victoire du 9 Juillet
ne répare pas les pertes du 3 ; mais
elle les fait partager à l'Ennemi ; elle a
ranimé la confiance des Troupes er de la
Nation ; elle a enlevé aux Russes la plupart
des fruits qu'ils attendoient de leur
premier avantage . Celui du Roi de Suède
a été plus considérable que ne l'avoient
annoncé les premiers rapports , ainsi
qu'on le verra par l'extrait suivant de la
Relation officielle de la journée du 9 .
« Le 8 Juillet , l'on aperçut divers bâtimens
de la flottille Russe sous Aspo . Le
Roi alla reconnoître l'Ennemi avec le Lieutenant
- Colonel Cronstadt , Commandant de
la flottille , arrivée de Pomeranie à Swenksund.
Le 9 , les bâtimens Russes s'avancèrent
vers les Scheeren ; et le signal fut
donné à notre flottille de se mettre en ordre
de bataille. Le Corps de bataille fut confié
aux ordres du Lieutenant-Colonel de Stedingk;
l'aile droite à ceux du Lieutenant-
Colonel de Torning ; l'aile gauche au Lieutenant-
Colonel Hjemstierna. A 9 heures du ,
matin , l'Ennemi avoit deja formé sa ligne ,,
et porta' sur le Promontoire de Musalo. Notre
aile droite alla à sa rencontre , et la canonnade
s'ouvrit. Le Roi montoit la galère le"
Seraphin , et donna l'ordre pour l'attaque
générale. L'Ennemi se porta toujours en
avant , en faisant le feu le plus violent . Nost
deux ailes y répondirent avec tant de vivacité
, qu'à midi l'Ennemi replia sa gauche.
Nos ailes furent renforcées par les divi(
195 )
..
sions postées dans les détroits , et l'action se,
continua avec la plus grande vigueur . La ligne
ennemie fut également renforcée par plu
sieurs bâtimens , et son aile gauche se porta
de nouveau en avant, Vers les 4 heures ,
quelques - unes des plus grosses galeres ennemies
furent mises hors de ligne , et baissèrent
Pavillon , quelques - unes échouerent; d'autres,
furent prises . A 6 heures , le feu prit à notre
bâtiment Udema, qui ensuite coula bas . Un
chebec ennemi périt pareillement ; sur quoi
ceux qui étoient plus petits se retirerent.
Les plus gros continuèrent le feu jusqu'à
10 heures , lorsqu'ils mirent à la voile ;
quelques- uns touchèrent sur la côte , et amenerent
. L'obscurité de la nuit mit fin à la
canpnnade à 11 heures. L'on transporta les
Prisonniers , et prit possession des bâtimens.
qui s'étoient rendus. Le 10 Juillet , à
deux heures et demie du matin , la canonnade
recommença. Une frégate Russe se
rendit peu apres ; et successivement l'on
s'empara de plusieurs autres bâtimens ennemis
plus petits. L'Ennemi se replia de tous
cotés , et brûla lui - même tous ses bâtimens .
échoués. On le poursuivit jusqu'à 10 heures,
du matin. Les bâtimens que nous avons pris
sont au nombre de quarante- cinq. Du chebec
ennemi qui a coulé bas , l'on a pu sauver
qu'un Officier et un Chirurgien ; l'on
、ni
-
7461
ne sauroit fixer avec , certitude le nombre des
bâtimens que l'Ennemi a lui -même brûlés ;
on en a vu une grande quantité de débris ;
nous avons brûlé nous - mêmes six de ceux
qui étoient échoués, L'on ne sauroit nonplus
dire avec précision le nombre dès Pri- í
sonniers ; l'on sait seulement qu'il monte
environ a 4500 hommes , et qu'il s
s'y trouve
1 i
( 195 )
210 Officiers. Notre perte consiste en 1:1
bâtiment nommé l'Udema- Ingeber, 3 cha-
Joupes canonnieres , et 2 jolles. Les Officiers
que nous avons perdus , sont le Capitaine
Baron Duben et 5 enseignes , outre 2 Officers
des Troupes de terre. Sur la flottille
il y a eu 3 Capitaines et 7 Enseignes bles
ses , et 2 Officiers des Troupes de terre .
Nous avons pris 4 Drapeaux , quelques Etendaris
, 2 mortiers de fonte de 40 livres
3 obusiers de 6 , 4 canons de 24 , 4 de 6 , et
de 3 liv. 4
911
Le Prince de Nassau, s'est retiré ,
avec les débris de sa flottille , à Fridé--
ricshamm , d'où on lui a fait passer de
Cronstadt quelques renforts : il se proposoit
, le 13 , de remettre en mer. La
grande escadre Russe croisoit encore à
cette date devant Sweaborg. L'on s'attendoit
généralement à une action nouvelle.
Aujourd'hui , abandonnée de sou
Allié , la Russie doit opter entre la paix ,
ou la nécessité de faire face avec des
finances et des armées épuisées , à toutes
les forces des Ottomans , des Suédois , et
probablement de leurs Alliés ...
De Vienne , le 6 hoût.
C'est le 27 ausoir , quele Prince de Reuss
et le Baron de Spielman, Plénipotentiai
rès de S.M.A. , et le ComtedeHertzberg,
Ministre d'Etat du Roi de Prusse , signérent
à Reichenbach les préliminaires de
la paix. Cet acte consiste en une décla-'
>
1
}
( 197 )
ration et contre-déclaration , dont on ne
connoît encore que les principaux articles.
Il est certain que les Poionois s'étant
roidis contre aucune cession nouvelle
, la Prusse a abandonné ses prétentions
sur Dantzick , Thorn , et la Starostie
de Dybow. D'après cette renonciation
, et conformément au systême permanent
de Frédéric le Grand , son Successeur
, a exigé le maintien de l'équi
libre , et le sacrifice de notre part à tout
agrandissement nouveau. Il a donc fallu
renoncer aux conquêtes faites sur les
Turcs. Nos Plénipotentiaires ont insisté
sur la conservation d'Orsowa , sur la démolition
des ouvrages de Belgrade , et
sur la fixation des limites de la Croatie ,
au delà de l'Unna . Ces différens points
semblent n'être pas accordés , à l'exception
du dernier sur lequel notre Cour
pourra s'entendre avec la Porte. L'Armistice
entre les Troupes de cette Puissance
et les nôtres sera proclamée sans
délai , et la paix définitive conclue sous
la médiation des trois Cours de Londres,
de Berlin et de la Haye. Les mêmes Puissances
interviendront aussi dans la réconciliation
des Pays-bas avec leur Souverain
.
Cette transaction , au premier coupd'oeil
, si onéreuse à la Maison d'Autriche,
résulte à la fois de la politique et de la
nécessité. Il n'est pas vrai , comme
l'affirment des Gazetiers ,' que nos
I iij
( 198 )
7:
caisses fussent vides , et nos armées rui-
Hées . Quoique trois campagnes et les ma-
Tadies aient obligé le Gouvernement à
de nouvelles levées très- considérables :
nous n'en avons pas moins 150,000 hommés
de vieilles Troupes , excellentes ,
sous les Drapeaux . Malgré les dépenses
énormes de la guerre , il s'en faut bien
que nous fussions au dernier terme des
fessources. Les revenus publics ordinaires
et extraordinaires ont été payés
sans interruption : l'Empereur a laissé
un trésor important ; son Successeur y
a joint ses économies considérables.
כ
Mis en rejetant cette fausse idée d'épuisement
, il est certain que la perte de
Laudhon et de plusieurs Officiers Gencraux
expérimentés , morts ou tués pendant
la guerre , nous donnoient un désavantage
marqué. La Prusse compte , au
moins quatre Généraux d'élite , dont la
réputation est fixée . Ses Troupes entroient
toutes neuves en campagne : les
finances de leur Souverain sont dans le
meilleur ordre , et pouvoient au besoin
etre grossies par les ressources d'un Trẻ-
sor de 150 millions d'écus. La Prusse
étoit sûre d'Alliés puissans nous n'en
avions pas un : la France ne compte plus
pour nous , et la Russie est trop embarrassée
de sa propre defense . Le Roi
૫-
roit donc eu à soutenir la ligue la plus
formidable , plus de 600 mille Soldats à
combattre , et à la fin de deux campagnes
( 199 )
Heût peut-être difficilement acheté la
paix aux conditions même qu'il vient
d'accepter : nous ne faisons pas entrer
dans cette balance les Pays - Bas , dont la
guerre eût consommé la perte , et auxquels
les Alliés eussent très-probablement
donné un autre maître . Si à ces
différentes considérations , on ajoute
celle du caractère sage et pacifique de
S. M. A.; l'improbation qu'il a manifes,
tée de cette guerre inconsidérée aux Ot--
tomans , guerre où la Russie entraîna
l'Empereur , et dont ce Prince a expié
cruellement la faute , on se persuadera
qu'en en perdant les fruits pour conser
ver la paix de l'Allemagne , le Roia montré
autant de sagesse que de prévoyance.
L'administration intérieure de ses
Etats , dont quelques parties ne sont pas
exemptes de l'agitation qui accompagne
un nouveau règne , sous lequel on a à reclamer
contre les abus du précédent , exigeoit
encore du Monarque ce retour de
la tranquillité extérieure. Les Etats de
Bohême, ceux de la Moravie , de la Gallicie
, ontformé des demandes : elles seront
écoutées et jugées avec plus de maturité,
au milieu du calme,
Quant à la Hongrie, il y règne toujours
beaucoup de fermentation , sur les motifs
de laquelle le Public se méprend , et for
me des conjectures chimériques.
La Noblesse Hongroise jouissoit autrefois
degrands priviléges ; ils furent diminués suc-
1 iv
( 200 )
cessivement par les Souverains ; Joseph II
leur a porté les derniers et les plus grands
coups. Jusqu'à lui le Peuple n'étoit rien ; il
le releva , et lui fit connoître ses droits; mais
en travaillant pour lui , il mécontenta la
Noblesse , qui ne vit dans les opérations du
Monarque , que le desir de se rendre plus
independant et plus absolu. Il est incontestable
, néanmoins , que le Peuple Hongrois
lui doit infiniment : il le sait , et cette connoissance
l'enhardit à résister aux prétentions
des Nobles. On est porté à croire que les
dissentions actuelles de ce royaume résultent
d'une lutte entre la Noblesse , le Peuple et le
Monarque. Si la première exagère ses prérogatives
aux dépens de celles du Prince et du
Peuple , il s'opérera entre ces derniers une
coalition salutaire , qui changeroit absolument
tout le régime de cet Etat . Il est certain
qu'une révolution quelconque le menace ;
en attendant qu'elle s'effectue , voici quel
ques observations sur ce Royaume. Le pouvoir
du Roi est circonscrit par les Lois ; le
temps l'a successivement étendu. Comme en
Angleterre , il existe toujours en Hongrie
deux Partis , celui de la Cour et celui de
POpposition ; le premier a été prépondérant
depuis la mort de Charles VI. La Cour a
attiré les Seigneurs auprès d'elle , et les a
com.bles d'honneurs ; tous les Evêques lui
sont dévoués. Les Régimens Hongrois sont
dispersés dans les autres Etats de la Maison
d'Autriche , et on les a remplacés en Hongrie
par des Régimens Allemands ; les plus
grandes prérogatives dont jouissent les Nobles
, leur furent concédées par le Roi An
dré II: Ce Prince les exempta de toutes contributions
, et les rendit eu quelque maniere
( 201 )
Souverains dans leurs terres ; ils ne peuvent
être arrêtés sans être entendus et juges préalablement;
si l'une ou Pautre de leurs prérogatives
sont lésées , ils peuvent s'opposer
publiquement à Pinfraction . On conçoit bien
que ces étonnans priviléges ont été fort cir
conscrits ; aujourd'hui on demande leur réta
blissement , et on se propose aussi de modé
rer les revenus royaux qui en 1770 s'élevoient
déja à la somme de 18,004,153 florins.
La Diéte fort divisée n'a point encore
achevé son travail : ses Députés ne sont
pas arrivés encore , et tout présage que
la cérémonie du Couronnement sera
différée .
Dans la vue de prévenir les vexations
qui pourroient entraîner des mécontentemens
sérieux , le Gouvernement vient
d'adresser des Lettres circulaires à tous
les grands Propriétaires et à leurs Agens,
en les exhortant à la modération envers
leurs Vassaux , et à s'abstenir de tous
moyens violens ,
Par un autre Rescrit du 12 de ce móis , la
Cour a révoqué le Decret du 1. Mars 1787 ,
en vertu duquel les Propriétaires de biens
fonds , qui séjourneroient en Pays étrangers ,
sans mission du Gouvernement , étoient assu
jettis à payer les impositions doubles ; elle
doune en même tems aux Etrangers qui voudront
aequerir des biens dans les Etats he--
reditaires, l'assurance qu'ils ne subiront an
cune charge nouvelle.
De Francfortsur le Mein, le 12 Août.
L'ouverture de la Diéte d'Election qui
Ιν
202 )
15:
donnera us Chef à l'Empire n'est pas
éloignée , et on la fixe au milieu de ce
mois. Le succès des conférences de Reichenbach
lève toutes les difficultés et
tous les retards. Cet événement a fait une
vive sensation dans l'Allemagne entière.
Frédéric II ressuscité seroit peut- être
étonné de voir son Successeur ' devenir ,
sans tirer l'épée , l'arbitre du Nord , du
Levant et de l'Allemagne. Tel est aujourd'hui
l'emploi de cette Monarchie ,
que des Déclamateurs impétueux , ense.
velissoient dans le tombeau de son dernier
Roi , dont ils avoient si judicieusement
prophétisé la prompte décadence , et
qu'ils nous réprésentoient comme effacée
désormais de la balance politique.
Ils avoient aussi prédit la même chose
de l'Angleterre , après la perte de l'Ame
rique . Rien ne prouve mieux la yanite
des raisonnemens . Il est vrai que perso
ne ne présumoit que la France tomberoit
deux ans entiers dans une profonde
nullité politique , qu'elle détacheroit ses
intérêts de ceux de ses Alliés , qu'elle les
abandonneroit tous successivement
qu'elle n'obtiendroit pas même d'ère adnise
parmi les Médiateurs des querelles
del'Europe, et qu'elle laisseroit's'élever
une hauteur menaçante , ce Colosse de
la Prusse , de l'Angleterre et de la Hollande
higuées contre elle dès sa formation . Il est
aisé d'apercevoir que cette Alliance , en
dictant maintenant des Lois, va amener
( 203 )
à son système la plupart des Puissances
de l'Europe , qui ne trouvent plus entre
elles aucun point de réunion ,
On a formé près de Canstadt up
Camp de 3000 hommes des Troupes du
Cercle de Souabe , qui doivent joindre
l'Armée d'exécution dans le pays de
Liège , dès qu'elles auront passé la revue.
Ce renfort sera utile , pour ne pas dire
nécessaire à cette Armée d'exécution ,
qui jusqu'ici n'a rien exécuté . Cependant
, elle s'est mise en mouvement sur
trois colonnes , dont deux marchent
vers Hasselt , pour en former , dit-on,
le siége , et la troisième à Bilsen . Les
Liégeois paroissent très- disposés à faire
face ; il y a eu déja quelques canonnades
,, et une rencontre de patrouilles..
Le dernier échec qu'ont essayé le 3 , les
Troupes Belgiques dans le Duché de Limbourg
, a été non moins honteux que les
précedens, Un foible détachement de 100
Autrichiens , commandé par M. d'Aspres ,
Capitaine au Régiment de Ligne , se porta
pendant la nuit, de Sprimont à Olue , villlage
du Limbourg , auprès duquel étoit
campé un Corps de 600 Belges ceux qi
dormojent encore , que les Autrichiens pér
netroient dans leur camp on se leva , on
battit la génerale , on s'arma dans le plus
grand désordre ; M. ďA pres , avec sa brave
petite Troupe , essuya un feu d'une heure ;
mais s'étant rendu maître du canon des
Belges, il le pointa lui - même surd'Ennemi ,
I vj
( 204 )
qui se dispersa , laissant ses bagages , son
artillerie , ses munitions et le pays , à la
discretion des Autrichiens. Le même soir ,
ils firent leur entrée à Herve , où ils furent
reçus , ainsi que dans la campagne , comme
des libérateurs . Par- tout le Peuple les accabla
de bénédictions , en leur offrant tous
ses secours : les Bourguemestres et les Habitans
de Herve , alleient à let r rencontre
au son des cloches , et chantèrent le Te Doum :
on abattit le Lion Belgique , bientôt remplacé
par l'Aigle Imperiale Ces sentimens
du Peuple prouvent à quel point on abuse
de son nom , en prétextant ses droits et ses
inté: ês , pour le faire servir aux vues de
quelques Factieux.
Malheureusement les Autrichiens en
si petit nombre n'ont pas reçu de renforts;
près de 3000 H bitans, Paysans ou
Bourgeois , d'Herve et des environs
étoient venus armés jurer foi et hom
mage au Roi Léopold , et protester
contre le Manifeste de leurs Etats ; en
attendant des secours militaires , celui
de cette Milice paroissoit suffisant aux
Autrichiens ; ils se sont trompés. Les
Belges désespérés de leur défaite , et
enragés de la conduite des Habitans du
Limbourg , sont revenus , le 8 , au
non bre de 2000 hommes , sous les
ordres de leur Commandant de Schiplacken,
Après des efforts de rage , après
avoir eu grand non bre de morts et de
blessés , ils ont obligé le foible peloton
d'Autrichiens, à se retirer sans grande
( 205 )
perte ; ensuite ils ont emporté Herve , ou
ils se sont conduits avec une férocité dont
ce malheureux pays n'avoit pas encore vu
d'exemple ; ils ont saccagé une partie de
la Ville , forcé , pillé , brûlé les maisons ,
et exercé toute leurbarbarie sur des Paysans
, sur des Bourgeois dont tout le crime
étoit de s'être réjouis de rentrer sous les
Lois de leur légitime Souverain , et d'avoir
concouru au rétablissement de son Autorité
dans la Province. On ne connoît pas
encore tous les détails de cette catas
trophe qui ne restera pas impunie ;
car indubitablement les Autrichiens ne
tarderont pas à revenir en forces dans
le Limbourg. Le coeur signe en yogant
cette riche et industrieuse Province.
dont les Etats ont si cruellement compron
is la sureté , l'opulence , le bon
heur , partager les calamités d'une querelle
à laquelle leur vou et leur intérêt
les rendoient absolument Etrangers ;
puis , que des Sophistes célèbrent de leur
Cabinet , les charmes de la guerre civile.
FRANC E.
De Paris , le 18 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE .
Décret sur les Bureaux de Paix et les Tribu
naux de Famille , rendu le Jeudi 5 Août .
« Art. [*, Dans toutes les matières qui
( 236 )
excéderont la compétence du Juge de Paix ,
ce Juge et ses Assesseurs formeront un Bu
reau de Paix et de Conciliation , "
II. Aucune action ne sera recue au çivil
devant les Juges de District , entre Parties
qui seront toutes domiciliées dans le ressort
du même Juge de Paix , soit à la Ville , soit
à la Campagne , si le Demandeur n'a pas
donné , en tête de son exploit , copie du
Bureau
certificat du de Paix , constatant
que sa Partie a éte inutilement appelee à
ce Bureau , ou qu'il a employé sans fruit sa
médiation. "
་་ III. Dans le cas où les deux Parties.comparoîtront
devant le Bureau , il dressera un
Proces-verbal sommaire de leurs dires, aveux
et denegation , sur les points de fait , lequel
Proces -verbal sera signé des Parties , ou ; à
leur requête , il sera fait mention de leur
refus de signer. "
"
IV. En chaque Ville où il y aura des
Juges de District , le Corps Municipal formera
un Bureau de Paix , composé de six
Membres choisis pour deux ans parmi les
Citoyens recommandables par leur patriatisme
et leur probité , dont deux au moins
seront Hommes de Loi. >>
V. Aucune action au Civil ne sera reçue
entre Parties domiciliées dans les ressorts de
differens Juges de Paix , si le Demandeur
n'a pas donne copie du certificat du Bureau
de Paix du District , ainsi qu'il est dit dans
l'article II ci dessus , et si les Parties comparoissoient
, il sera de même dresse Procesverbal
sommaire , par le Bureau , de leurs
dires , aveux ou dénégations sur les points
de fait. Ce Procès-verbal sera signé des
Parties. "
( 207 )
"
VI. L'appel des Jugemens des Juges de
District ne sera pas reçu , si l'Appelant n'a
pas signifie copie du certificat du Bureau de
Paix du District , constatant que sa Partie
adverse a été inutilement appelée devant ce
Bureau , pour être conciliee sur l'appel , qu
qu'il a employé sans fruit sa mediation . "
"
VII. Le Bureau de Paix du District
sera en même temps Bureau de Jurisprudence
charitable , charge d'examiner les affaires
des pauvres qui s'y présenteront , de leur
donner des conseils , et de defendre on faire
defendre leurs causes .
་་
1
VIII. Le service qui sera fait par les
Hommes de Loi dans les Bureaux de Paix
et de Jurisprudence charitable , leur vaudra
d'exercice public des fonctions de leur état
auprès des Juges , et le temps en sera complé
pour l'éligibilité aux places de Juges.
""
IX. Tout Appelant dont Pappel serą
jugé mal fonde , sera condamne eenn
amende de 9 liv. , pour un appel du Jugement
des Juges de Paix , et de 60 liv. pour
un appel des Juges de District , sans que cette
amende puisse être remise , ni moderee , sous
aucun prétexte. »
༣་་་་
Elle aura également lieu contre les Intimés
, qui auront refuse de paroître devant
le Bureau de Paix , lorsque le Jugement sera
réforme ; et elle sera double contre ceux
qui , ayant appelé sans s'être présentés au
Bureau de Paix et en avoir obtenule certificat ,
seront , par cette raison , jugés non- recevables.
"
、,
" X. Le produit de ces amendes , ver é
dans la Caisse de chaque District , sera employé
au service des Bureaux de Jurispr
dence charitable,
»
( 208 ) .
. XI. Aucune femme ne pourra se pourvoir
en justice contre son mari , aucun mari
contre sa feinme , aucun fils ou petit - fils
contre son père ou son aïeul , aucun frère
'contre son frère , aucun neveu contre sun
oncle , aucun pupille contre son luteur
pendant trois ans , depuis la tutelle finie
et réciproquement , qu'après avoir nommé
des parens pour arbitres , devant lesquels
ils éclairciront leur differend , et qui , après
les avoir entendus , et avoir pris les connois-,
sances nécessaires , rendront une decision
motivée . "
་་
XII. Si un père ou une mère , ou un
tuteur a des sujets de mécontentement on
d'alarmes très- graves sur la conduite d'un
enfant ou d'un pupille , dont il ne puisse
plus réprimer les écarts , il pourra en porter
sa plainte au Tribunal domestique de la
famille assemblée , au nombre de huit parens
les plus proches , ou de six au moins , s'il
n'est possible d'en réunir un plus grand
nombre . "
. XIII. Le Tribunal de famille , après
avoir vérifié les sujets de plainte , pourra
arrêter que l'enfaut ou pupille , s'il est âgé
de moins de 21 ans , sera renfermé pendant
un temps qui ne pourra exceder celui d'une
année , dans les cas les pins graves. •
"
DU DIMANCHE 8 AOust.
Décret sur la Contribution Patriotique.
་
Art. I. Le Conseil général de la Commune
verifiera toutes les declarations qui
auront été faites pour la Contribution Patriotique
, a l'effet d'approuver ce les qui lui paroitront
conformes à la vérité , et de recti(
209 )
fier celles qui seront notoirement infidèles ;
dans le cas où les Contribuables auront négligé
de faire leur déclaration , le Conseil
Général de la Commune sera chargé d'y
suppléer par une taxe d'office , qu'il fera en
son ame et conscience , et il sera tenu dė,
donner sommairement les motifs de l'augmentation
qu'il prononcera. Les Directoires
de District seront en droit de verifier et rectifier
les déclarations d'une Communauté
entière , s'il y a lieu .
τ
"
II. Le Corps Municipal avértira , dans
le plus court delai possible , les parties iutéressées
, de la nouvelle taxation à laquelle
elles auront été assnjéties . "
"
III. Tout Citoyen qui , dans quinzaine
du jour de l'avertissement fait par le Corps
Municipal , ne se sera pas présenté à la Municipalité
pour y opposer ses moyens de dé
fenses , sera censé avoir accepté , sans réclamation
, la nouvelle cotisation faite par le
Conseil Général de la Commune , et cette
cotisation sera mise en recouvrement sur le
role de la Contribution Patriotique. "
IV . Dans le cas de réclamations , le
Directoire du District prendra connoissance
de l'affaire , et la renverra' dans huitaine ,
avec son avis , au Directoire du Département
, qui statuera définitivement . »
« V. Les Officiers Municipaux , autorisés
par le Décret du 27 Mars , à imposer ceux
qui , domiciliés ou absens du Royaume
et jouissant de plus de 400 liv. de revenu ,
n'auront pas fait la déclaration prescrite par
le Décret du 6 Octobre , concernant la Contribution
Patriotique , seront tens de procéder
de suite à ladite imposition , et le Conseil
Général de la Commune sera temu pareils
( 210 )
Jement de rectifier les déclarations notoirement
infideles , et de terminer l'une et l'autre
opération dans le délai de quinze jours , pour
les Villes au - dessous de 20 mille ames , et
d'un mois pour les Villes dont la population
excede ce nombre , à compter de la publication
du présent Décret ; faute de quoi , les
Officiers Municipaux demeureront respon
sables de retard qui résulteroit dans le recon
yrement de ladite Contribution , d'après les
roles qui en seront faits d'office par les Dis
Jectoires de District ; et à cet effet , les Départemens
veilleront à ce que , dans chaque
District , il soit nommé deux Commissaires
pour achever ladite imposition dans les Municipalités
en retard.
. VI. Les héritiers de ceux décédés après
avoir fait leur déclaration , seront tenus de
payer aux échéances le montant desdites dé
clarations , sauf à obtenir décharge ou mo
dération sur la Contribution qui étoit due
sur le montant des emplois , places ou pens
sions dont jouissoient les Déclarans , confor
mément à l'article II du Decret du 27 Mars
dernier. "
:
"
VII. En cas de concurrence entre les
créanciers d'un débiteur et le Receveur de
la Contribution Patriotique , elle sera payée
par suite et avec même privilége que les
autres impositions. →
› DU LUNDI 9 Aour.
Il n'est aucune opinion extraordinaire ,
aucune nouveauté irréfléchie , aucun système
proscrit par l'expérience des Nations et par
la sagesse des meilleurs Publicistes , qui ne
revive maintenant , et qu'on ne s'efforce d'amalgamer
à la Constitution . Dans ce nombre
( (.211 )
est l'idée imaginée par le Comité , d'attribuerl'Accusation
publique à un Juge , nommé
annuellement par les Membres du même
Tribunal. La discussion de cette monstruosité
commença la semaine entière ; elle a
encore occupé , sans être achevée , une grande
partie de la Séance d'aujourd'hui . On a yu
naître hypotheses sur hypotheses : dans ces
defis d'imagination , MM. Brevet de Beaujour
, Mougins, Barrère de Firuzac , Saint-
Fargeau , chacun en proposant un mode différent
, ont use toutes les ressources de la
parole, démontrer que l'Accusation publique
ne devoit point appartenir à un Officier
Royal. La plupart ont souter que cette
fonction ne seroit bien exercee que par l'Hom
me du Peuple , nommé par le Peuple . Ainsi ,
Je Chef suprême de l'execution des Lois , de
pourra pas en denoncer la violation , et un au-
Tre Pouvoir que le sien sura seul , dans tous les
eas , le droit de juger și ce te violation mérite
ou non l'attention de la Justice. Dans les débats
subséquens , M. Fréteau a observé que
le Roi seroit le seul Citoyen du Royaume ,
privé de la faculté de rendre plainte contre
Finfraction des Lois.
4
Lorsque les bases de la Constitution furent
discutees et décrétées l'année derniere , on
admit presque universellement le principe
de toute liberte politigne dans une grande
Monarchie , celui de la division rigoureuse
du Pouvoir legislatif et du Pouvoir exécutif,
et l'unite d'exécution suprême dans les mains
du Roi ; mais depuis l'erection de ces bases ,
les événemens ont amené d'autres maximes.
Nous avons vu le Corps legislatif admis à
concourir à des fonctions executives ; les
Corps Administratifs en partagent , et de
+
་ ་་་
( 212 )
très -importantes , avec le Roi ; enfin , l'on
crée une nouvelle Puissance active , celle du
Peuple . On luia livré le Pouvoir judiciaire ,
on va lui livrer l'Accusation publique , et la
Justice se rendra au nom de celui des Pouvoirs
publics , qui s'y trouve le plus complètement
étranger. Jamais ce système de
Democratie ne fut plus développé qu'il ne
P'a été aujourd'hui dans les Discours de
MM. Brevet de Beaujour et de Saint- Fargeau :
le premier à appelé nettement la Constitution
Françoise une Démocratie Royale . 700
Députés au moins étoient loin de croire , il
y a un an , qu'on entendroit cette appellation
dans la Tribune , et qu'on en réaliseroit
Papplication . Ses Inventeurs ont déduit aujourd'hui
un systême de Gouvernement veritablement
neuf. Suivant eux , le Peuple doit
se donner autant de Représentans directs et
divers dans l'exercice des fonctions exécutives
, qu'il existe de Départemens de la
force publique. Il peut déléguer à´aulant
de Commissions ou de Mandataires amovibles
, les portions de Gouvernement qu'il
juge pouvoir exercer par tui même. Ainsi ,
le principe de l'indivisibilité de la Puissance
exécutive , auquel sont attaches la Constitution
Monarchique , l'empire inébranlable des
Lois , Pintérêt de la Liberté et la paix publiqué
, se trouve renversé.
Quant à l'office d'Accusateur public , on
nous a ramené à Athènes , à Sparte et à
Rome, pour nous démontrer la nécessité de
l'attribuer au Peuple. Tous ces exemples
néanmoins , confirment l'imprudence et le
danger de cette attribution , Quiconque a
la moindre connoissance de l'Histoire des
anciennes Républiques , sait que le Poavoir
( 213 )
et
judiciaire y étoit le fléau de l'innocence ,
qu'il s'exerçoit avec autant de partialité
que de barbarie . Par un sophisme de la
Demagogie , on confondit perpétuellement le
pouvoir du Peuple avec la Liberté : on rendit
lé Peuple Accusateur , et comme à Athènes ,
quelquefois Juge en même temps . Il en résulta
qu'aucun coupable accrédité auprès de
la multitude , ne fut puni , et que les plus
vertueux Citoyens succombèrent sous des
accusations infames. Tour à tour les Factions
se firent une guerre de dénonciations
et de jugemens populaires : ciles s'étudierent .
à se calomnier aupres du Peuple , à lui dieter.
des accusations , et à s'assurer de l'impunité.
L'Accusation publique entre les mains d'un
Monarque absolu est un moyen d'oppressien
de plus. Dans une Monarchie libre , où
le pouvoir du Pince est limité par ceux du
Corps Législatif et du Peuple , l'avantage de laisser à ses
Officiers
l'Accusation
publi- ,
que , avoit paru jusqu'ici l'emporter évidem
ment sur les inconvéniens. La sécurité des
Citoyens doit résulter de la confiance pu-!
blique en ce Ministère ; or , comment obtiendra
-t- il cette confiance , s'il n'est pas - sou
tenu par l'opinion de son impartialité et de
sa puissance , et par le respect qui s'attache
à une Autorité visible et supreme ? Nul Citoyen
, quelque opulent , quelque accrédité ,
qu'il soit , ne peut se flatter d'échapper aux
poursuites du Dépositaire, de toute la forces
publique , et de la Majesté Nationale : Sa
dignité éleve le Prince si fort au - dessus
des autres Citoyens , qu'aucun de leurs intérêts
, aucune de leurs passions , ne peut
déconcerter sa vigilance , ni modifier son
impartialité dans tous les points de l'Em-.
༔
( 214 )
pire , il présente une Autorité unique , partout
egalement sacrée , également puissane ,
également inébranlable ; et lorsqu'il accuse
c'est l'Ordre public , c'est la Société entière
qui accuse par sa bouche : acte solennel qui
en imprimant le respect , annonce la pui .
sance de la Loi , et détruit tout espoir d'inpunité.
Ces salutaires effets résulterônt - ils des
Accusations privées , ou de cette cohue d'Accusateurs
publics , nommés , non par la Nation
en Corps , mais par chaque petite division
de la Société ? Ne voit - on pas ici l'influence
des intérêts personnels , des passions .
des rivalités , des inimitiés privées , diriger
les dénonciations et les poursuites ? Où est,
l'innocent qui sera en sûreté contre un en
némi puissant ? Où est le Démagogue întrigant
, le Chef de Parti , le Corrupteur audacieux
, le Flatteur du Peuple , qui n'intimi ,
dera pas Accusateur ? Supposons deux ou
plusieurs Factions divisant l'Empire , les
Departemens , les Districts , les Municipalites
( supposition nécessaire , car tel sera
notre etaf habituel ) , le Ministere public
osera-t-il être impartial , là où il aura à redouter
les vengeances d'un Parti menaçant ?
L'institution des Grands-Jules ne préviendra
pas le mal ; car ce Tribunal participera
des mêmes craintes , et d'ailleurs , s'il est
appele à former legalement l'Accusation , '
dans une infinite de cas , et ce seront les
plus importans , le premier mouvement devra
lai venir de l'Arcisateur public.
T
-M. Breve de Beaujour, a rassemble les ar
gumens les plus spécieux contre l'opinion
contraire. Dans un Discours tråvaille , dont
on a ordonné l'impression , il s'est étudié à'
( 215 )
prouver, 1°. la comptabilité de la liberté
des Accusations avec la Monarchie : il est
remonté au Contrat social , au berceau de la
Société , aux Grecs et aux Romains , pour
démontrer que l'Accusation publique étoit
un droit primitif et indestructible du Citoyen ?
il en a exalte les avantages chez les Romains
; mais au roman de cette citation , il
suffit d'opposer le tableau qu'à présenté l'Ora
teur. des précautions extraordinaires et des
peines atroces , par lesquelles Rome cut
inutilement prévenir les Accusations calumnieuses.
Certes , une institution qui oblige
le Législateur à prendre de telles mesures
à prononcer la Loi du talion , à faire garder'
le Dénonciateur à vue , étoit une coutume'
bien dangereuse et bien méprisable . La sévérité
cruelle de ces Lois en atteste l'insuf.
fisance , et les vices affreux de l'Accusation
publique chez les Romains .
Tant qu'il y aura une Loi au- dessus du
Prince , a dit M. de Beaujour , la liberté d's
Accusations ne sera d'aucun danger pour l'innocence.
Voilà une belle phrase de rheto ”
rique , qui appartient au siècle de Louis XIV;
mais où sera la Loi au-dessus du Peuple et'
de ses Corrupteurs ? Et que m'importe de'
n'avoir rien à redouter du Prince , si centí
tyrans particuliers vont m'opprimer d'Accusations,
contrelesquelles la Loi ne'm'offre aucum
secours.ba :
11
L'Orateur a renversédans sa seconde partie ,
l'édifice qu'il avoit posé dans la première
en prononçant que nos moeurs étoient trop
mauvaises pour autoriser la belle Loi de la
liberté des Accusations...
Mais il est rentré dans ses opinions précedentes
, en déférant aux Délégués du Peuple ,
( 216 )
Fexercice de l'Accusation publique , qu'il
refusoit au Peuple même et au Roi. Ici , il
a invoqué l'autorité de M. Thouret en faveur
du principe , admirable suivant lui , et anarchique
suivant nous , que le Peuple ne doit pas
abandonner àson Représentant héréditaire , ce
qu'il peut confier d'exécution à des Représen
tans de son choix. Principe fecond en guerres
intestines , en bouleversemens populaires
en anéantissement de toute tranquillité et
de toute force publiques.
cuser ,
M. de Beaumetz a présenté un autre systême
; il a rendu aux Citoyens la faculté d'aset
ses deux motifs ont été tirés de
nos mours actuelles , qu'il a jugées très - dignes
de la Liberté , et de l'exemple des Anglois .
Peu de personnes , à ce que je pense , se
persuaderont que les moeurs d'un temps de
Révolutions et de discorde , et où nous avons
été jetés sans passage intermédiaire , sans .
préparations , soient favorables à la liberté des
Accusations . Quant à l'Autorité des Anglois ,
l'Opinant a confondu le droit de dénoncer
avec celui d'accuser.
Tout Citoyen en Angleterre peut et doit
dénoncer un crime ; mais excepté dans les
cas où il est Partie poursuivante , il n'usurpe
jamais l'Office d'Accusateur public , réservé
au Procureur Général , au Shériff , à d'autres
Officiers publics et au Grand Juré. 3. 4.
En concinant à donner ce droit à tout
Citoyen actif , M. de Beaumetz néanmoins
prévoyant le cas où les Particuliers ne denonceroient
pas les délits , en chargeoit alors
un Commissaire du Roi , aupres de chaque
Tribunal de District.
M. de St. Fargeau a ensuite délayé les opinions
( 217 )
nions de M. de Beaujour , et a conclu comme
lui. Un troisième systéme est sorti de la
Tribune , d'où M. Barrère de Vieusac a sérieusement
proposé d'etablir des Censeurs.
publics nommés par le Peuple dans chaque
District , et de les investir du droit de provoquer
la poursuite. Il a appelé l'exercice
de ce Ministère gratuit , le despotisme de la
vertu , et conclu qu'il ne manquoit pas autre
chose à la plus belle Constitution de l'Univers.
M. Brillat- Savarin est descendu de cette
sublimité , vers la question même , et s'est
contenté d'être sensé.
"
Lorsque l'ordre social est troublé , a- t - il
dit , le Pouvoir exécutif, qui est chargé de
maintenir , de protéger cet ordre , a le droit
d'en poursuivre les perturbateurs , puisque
cette poursuite n'est autre chose que l'exécution
de la Loi. Pour fonder l'accusation
individuelle, on cite les Grecs et les Romains ;
mais on a oublié de vous dire qu'Aristide et
Scipion en furent les victimes . On assure que
la Nation a un grand intérêt à ne pas se.
dessaisir de ce droit ; mais on en pourroit
dire autant de toutes les parties du Gouver -s
nement déléguées au Roi , L'accusation publique
confiée au Procureur du Roi , mais
tempérée par les Jurés , est sans aucun danger
; on exagère tous les inconvéniens , on
multiplie les difficultés . Songez que l'inconvénient
le plus à craindre , est celui de placer
dans votre Constitution un Pouvoir executif.
qui n'aura rien à exécuter , et aussi impuissant
pour s'opposer au mal que pour coopérer au
bien.
La discussion a été ajournée au lendemain.
Avant qu'elle commençât , on avoit dénoncé
deux faits à l'Assemblée . L'insurrection du
N°. 34. 21 Août 1790. K
( 218 )
1
Clermontois a été occasionnée par de fausses
alarmes sur l'entrée des Troupes Autrichiennes
dans le Royaume . 30 mille Gardes
Nationales se sont rassemblées près de Stenai ,
où l'on a arrêté un Officier des Chasseurs
de Flandres , porteur de 23 exemplaires
d'un Libelle où l'on exhorte les Soldats à
déposer leurs Officiers .
L'autre fait a été communiqué par M. de
Montmorin. La Municipalité de St. Aubin
en Lorraine a arrêté un Courrier porteur d'un
paquet adressé à M. d'Ogny : il contenoit plusieurs
dépêches venant de Vienne , dont trois
en chiffres , l'une à M. de Montmorin , l'autre
à M. le Comte de Florida- Blanca , Ministre
du Roi d'Espagne , et la troisième à l'Ambassadeur
de ce Prince à Paris. M. de Montmorin
a réclamé contre cet attentat au secret›
de la poste et au Droit des Gens . M. l'Abbé
Maury a demandé que la Municipalité assez
hardie pour se permettre une semblable violation
de la foi publique. fût déposée ; mais
l'on s'est borné à ordonner au Comité des
Recherches de faire demain le rapport de
cet incident.
DU MARDI 10 AOUT.
Chaque jour , nous l'avons dit , apporte
quelque nouvelle preuve d'anarchie. M.
l'Abbé Gouttes a fait le Rapport d'une insurrection
recente à Schélestadt. On a sonné
le tocsin , battu la générale , forcé , dit - on ,
l'Arsenal. Le Commissaire du Roi a élé
obligé de fuir et de se retirer à Strasbourg-
Des potences ont été dressées autour d'une
table , sur laquelle le Maire faisoit signer
une espèce de Capitulation . Differentes Factions
déchirent cette Ville comme tant d'au(
219 )
tres , et les mêmes désordres menacent Haguenau
, Saverne , la moitié de l'Alsace.
Tant de Décrets rendus sont absolument
impuissans ; le Peuple ne redoute plus la
Puissance exécutive , réduite à l'impuissance ,
et qu'on l'a instruit à mépriser. Nonobstant
la gravité des faits , on a ajourné à Jeudi
soir le compte que doit en rendre le Comité
des Rapports.
De nouveaux emprunts , de nouvelles impositious
, sollicités par différentes Municipalités
, ont été décrétés sur l'avis du Comité
des Finances .
L'ordre du jour a amené un Rapport du
Comité de la Marine , au nom duquel M.
Malouet a fait passer un Décret , entièrement
calqué sur celui rendu il y a huit
jours , pour rétablir la subordination dans
l'Armée de terre .
"
'
Votre Comité des Recherches , a dit ensuite
M. de Sillery , a examiné les plaintes qui
vous ont été portées par M. de Montmorin
au sujet de la saisie et de l'ouverture d'un
paquet de Dépêches par la Municipalité de
Saint- Aubin . Tout le pays étoit en alarmes.
La Municipalité a cru devoir se servir des
précautions employées par la France entière
dans les premiers temps de la Révolution ,
celle d'arrêter tous les Voyageurs sans passeports
. Le Courrier extraordinaire venant ,
sans passe - port , de Strasbourg , lui a paru
suspect ; elle a ouvert l'enveloppe du paquet
adressé à M. d'Ogny; étonnée d'y trouver
des Dépêches Ministérielles , elle en fit l'ouverture
; elle comptoit par - là sauver son
Pays , que des Emissaires avoient
nacé d'une invasion . Quelle fut sa surprise
et sa frayeur , quand elle vit une écriture en
me-
Kij
( 220 )
chiffres ? Ces caractères se présentèrent à ses
yeux comme des caractères de sang ; elle y
lut l'arrivée des ennemis . Le Comité néanmoins
, a pensé que vous deviez improuver
la conduite de la Municipalité , par un
Décret dont j'apporte le projet. »
« S'il étoit permis à chaque Municipalité,
a dit M. Malouet , de juger des cas où les
Lois ne doivent pas être respectées , ces
Lois seroient bientôt toutes subverties. La
Municipalité de Saint - Aubin a violé les Lois
les plus respectables , le secret des Lettres ,
la foi publique , le droit des gens. Vous devez
à l'ordre public un exemple de sévérité ;
vous en avez donné dans bien d'autres circonstances
moins importantes , où vous n'aviez
pas même la certitude des delits. Je
demande que la Municipalité soit mandée
à la Barre , et suspendue de ses fonctions.
" Peut- on douter , s'est écrié M. Gossin ,
que les inquiétudes de la Municipalité ne
fussent fondées ? Des Ecrits incendiaires
avoient été répandus dans toute l'Alsace ;
30,000 Gardes Nationales s'étoient rendues
dans l'espace de 24 heures , à Stenai , pour
combattre l'Armée Autrichienne.
Ces allégations pouvoient tout au plus
servir d'excuses à l'arrestation du Courrier.
En observant qu'ils n'avoient pu autoriser
la Municipalité à ouvrir le paquet , bien
moins encore à décacheter les Dépêches ,
M. Martineau a proposé que le Décret commençât
par l'exposition du principe de l'inviolabilité
des Lettres , et à fait adopter la
rédaction suivante :
" L'Assemblée Nationale , après avoir enendu
le Rapport de son Comité des Recherhes
, décrète qu'elle improuve la conduite.
( 221 )
de la Municipalité de Saint- Aubin , pour
avoir ouvert un paquet adressé à M. d'Ogny,
Intendant - général des Postes , et plus encore
, pour avoir ouvert ceux adressés au
Ministre des Affaires Etrangères , et aux
Ministres de la Cour de Madrid. Elle charge
son Président de se retirer pardevers le Roi ,
pour le prier de donner les ordres nécessaires
afin que le Courrier , porteur de ces
paquets , soit mis en liberté , et pour que le
Ministre du Roi soit chargé de témoigner à
M. l'Ambassadeur d'Espagne , les regrets
de l'Assemblée de l'ouverture de ses paquets.
>>
En reprenant aujourd'hui la discussion
sur l'Accusation publique , M. Prugnon l'a
considerée comme une fonction essentielle
du Ministère public. Les Officiers de ce
Ministère doivent être institués au nom de
la Société entiere , par son Chef Suprême ;
consacrés inamovibles , doués d'une grande
énergie , d'un caractere imposant , d'un courage
élevé au- dessus de toutes les considérations
particulieres . Quel caractère auroit
cet Accusateur public qui ne seroit pas sûr
du lendemain ? Supposez - le dans le cas d'avoir
à accuser un homme puissant , qui ait
une grande influence sur les suffrages du
canton ; fouillez le coeur humain , et voyez
s'il accusera ...... Sous prétexte d'obéir à
l'opinion publique , il cédera à tous les mouvemens
populaires . L'accusation d'un crime
particulier doit évidemment être réservée à
l'individu personnellement lésé ; celle d'un
crime qui n'interesseroit que le District
doit évidemment appartenir à un Officier
nonimé par le District ; mais les crimes publics
intéressent la Société entière ; ce n'est
Kiy
( 222 )
donc qu'au Représentant de la Société entière
à le choisir .
M. Loys a défendu les mêmes principes ;
mais nul ne l'a fait avec plus d'avantage et
de talent que M. Chabroud. Il a d'abord
démontré l'absurdité du systême monstrueux
du Comité ; il lui a reproché de subvertir
lui- même le Décret qui a constitué les Officiers
du Ministère public et leurs fonctions.
Passant ensuite aux principaux points de la
question : « Je ne pense pas , a - t- il dit , que
l'Accusation publique doive être exclusivement
abandonnée à chaque Citoyen ; ils s'en
reposeroient les uns sur les autres , et l'Accusation
ne seroit pas faite . Je ne crois pas davantage
que l'Accusateur public doive être
nommé par les Citoyens . Le Peuple ne peut
accuser lui - même , car il vengeroit ainsi luimême
son injure , et l'Accusation publique
deviendroit entre ses mains l'exercice de la
force. Le Juge ne seroit plus libre dans sen
opinion , ni ne pourroit résister à la volonté
du Peuple accusateur ; celui - ci seroit donc
alors réellement Juge et Partie. Il faut donc
que cette fonction d'accuser soit déléguée.
Elle ne peut être qu'à une puissante et
nouvelle Magistrature , que vous investirez
de l'autorite nécessaire ; ou à cette grande
Magistrature du Ministère public déja existante
, déja consacrée par les habitudes et
le respect des Peuples . Hors de cette alternative
, je ne vois que foiblesse , qu'insuffisance
de moyens , qu'impunité de délits
commis par le Peuple contre l'ordre public .
La Constitution a déja consacré cette Magistrature
: pouvons-nous penser à lui donner
une rivale , et à dénaturer ainsi le Gouvernement
Monarchique? L'Officiernommé dans
(.223 )
un District ne seroit - il pas le jouet du Peuple
qui l'auroit élu , l'instrument plutôt que le
vengeur des injustices populaires , et àbandonné
contre la multitude à son propre courage
?... Chaque portion du Peuple doit
être soumise , comme les individus , aux Lois
générales du Royaume. Connoîtra - t - on le
frein de la Loi , quand les rênes seront tenues
par l'homme impuissant que le Peuple
pourra faire et défaire ?
Ces objections terribles , et puisées dans
une connoissance très -juste du caractere de
l'homme , s'appliquoient avec la même
force au systême adopté pour la nomination
des Juges . Aussi le côté gauche a paru mécontent
de leur développement ; aussi M.
Duport leur a-t - il opposé les principes de
cette Loi même , qui a abandonné au Peuple
le choix et la réélection des Juges.
"C
Il est absolument faux , a- t- il dit , que ,
de ce que le Roi est chargé de faire exécuter
la Loi , il s'ensuive que le droit d'Accusation
publique doive lui être délégué ; car on pourroit
conclure du même principe que tous les
actes de la Justice devroient être exercés
par ses Officiers , même la prononciation
du Jugement. Quel fléau qu'un Accusateur
public , qui croiroit de son devoir d'être
l'instrument passif du Pouvoir qui l'auroit
nommé ! ... Je propose qu'en ôtant au Commissaire
du Roi le pouvoir d'accuser , on
charge les Comités de Constitution et de
Jurisprudence , de présenter les formes de -
l'Accusation publique. "
M. l'Abbé Maury a développé à peu près
les mêmes principes que M. Chabroud ; mais
sans être écouté avec la même attention .
Quand le Peuple accuse par lui -même ,
Kiv
( 224 )
a - t - il dit , il se fait justice lui - même , et
exerce la violence ; quand il accuse par l'organe
d'un Représentant , il devient Juge :
quand c'est son Representant qui accuse , il
épouse sa cause , son opinion , et se livre à
des préventions qu il est impossible de réprimer.
L'Accusation injuste devient alors
le crime de la Nation entière . Les plus
grands hommes de l'Antiquité ont été les
victimes de cette influence d'un Accusateur
sur l'esprit des Peuples . Les Annales des
Peuples modernes sont également souillées
de ces exemples , et la mort de Barneveld
fera à jamais l'opprobie des Hollandois de
son temps. "
"
Pourquoi se défier toujours du Roi et
d'une partie de la Nation ? Pourquoi , pour
des craintes chimériques , s'exposer au dan
ger de rendre le Roi étranger à la Constitution
? Le célebre Hume a sagement observé
qu'une defiance outrée du Pouvoir exécutif
est la source des calamités d'un Etat libre ,
et qu'elle le conduit de l'anarchie à la tyrannie.
Je pense que les Officiers du Ministere
public seront Citoyens , que s'ils ne
l'étoient pas , la surveillance de la Nation ,
celle des Juges du Tribunal suffiroient pour
empêcher tout abus. Si le Procureur du Roi
néglige de requérir , le Tribunel lui nommera
un Substitut d'office ; si sa réquisition
est injuste , le Tribunal ne l'écoutera pas .
Lorsque vous avez des Juges populaires et
des Jurés , qui prononceront s'il y a lieu à
P'Accusation , quel danger pouvez - vous redouter?
Dans le Projet du Comité , les Juges
étant Accusateurs , le Peuple ne verroit
dans ses Magistrats que des ennemis ; les
540 Tribunaux seroient autant de Comités
( 225 )
des Recherches ; et c'est à un Peuple libre ,
qu'on ose les proposer !
גנ
Le Rapporteur du Comité , M. Thouret ,
a pris les fonctions d'Avocat - Général , pour
résumer la discussion , et la présenter , le dernier
, sous l'aspect le plus favorable à sa
propre opinion. Ce Plaidoyer n'a été qu'une
déclamation populaire contre le pouvoir
exécutif; déclamation où il étoit impossible
de reconnoître M. Thouret des mois d'Août
et de Septembre 1789 , M. Thouret dont en
moins d'un an , les opinions ont passé presque
d'un pôle à l'autre . « Sans être Accusateurs
, a-t-il prétendu , les Commissaires du
Roi auront assez de fonctions à remplir ; il
leur restera celles , 1º. d'être les Régulateurs
de tous les actes de la Justice ; 2 ° . de maintenir
l'exécution des Lois , de prévenir les
erreurs judiciaires , qui multiplieroient les
appels , d'exécuter les Jugemens , de surveiller
la discipline des Tribunaux , et la
régularité de leur service . L'Accusation publique
est au contraire une fonction vraiment
populaire , que le Peuple peut exercer
par des Représentans électifs ; ne seroit- ce
pas un cercle vicieux , que de la déléguer au
Roi , pour qu'il la subdéléguât aux protégés
des Ministres. Le Pouvoir exécutif ne doit
agir que pour prêter la force publique au
Juge contre tel ou tel individu ; mais ce
n'est pas à lui à désigner cet individu , par
cela même qu'il est revêtu de la force publique
; il ne doit pas plus atteindre le Citoyen
par l'Accusation que par le Jugement ,
ni chercher s'il est coupable , plutôt que de
le juger tel . »
Ces subtilités , appuyées de tous les lieux
communs contre l'Autorité exécutive , ayant
Ky
( 226 )*
"
excité de grands murmures , « Je m'aperçois
, a continué M. Thouret , que l'opposi
tion des Préopinans vient de leur zèle pour
la prérogative Royale ; je suis persuadé que
les mêmes personnes voudront aussi mettre
à la disposition du Pouvoir exécutif la Chambre
de Cassation , pour le rendre ainsi Juge
et Partie.
K
"} I
Le Juge et le Juré ne garantissent que,
la bonté des Jugemens ; ils ne peuvent empêcher
les vexations , les désagrémens , qu'un
Accusataur public peut faire éprouver à un
Citoyen , avant l'intervention des Jurés . Des
que le Pouvoir ministériel peut attaquer le
Citoyen dans ses foyers , il n'y a plus de
sécurité domestique , il n'y a plus de véritable
liberté. L'Accusation Ministérielle est,
après les Lettres - de - cachet , le plus sûr instrument
du Despotisme. Je ne vois au- dessus
que la décapitation sans Procès . ".
M. Thouret a fini par adopter et proposer
Ja Motion de M. Duport : que l'Accusation
publique ne pourra être exercée par les Commissaires
du Roi , et que les Comités de Constitution
et de Jurisprudence Criminelle réunis
présenteront incessamment le mode dont elle
sera exercée.
La première épreuve de délibération a
été douteuse ; à la seconde , le Président a
prononcé la Majorité en faveur de la rédaction
précédente : on a réclamé l'appel nominal
: le trouble et les cris sont survenus ;
enfin , le Décret de M. Duport a été résolu .
DU MARDI. SÉANCE Du soir.
A la suite de quelques Adresses , on a fait
lecture d'une Lettre de M. Lambert, Contróleur-
Général des Finances , qui instruit
( 227 )
l'Assemblée de nouvelles insurrections , à
main armée , contre la perception des taxes
publiques . Les Municipalités d'Argenteuil
et de Poissy sont accusées de conniver en ce
moment aurefus de payer les impôts directs.
On a renvoyé cette information au Comité
des Finances , qui à chaque cas de cette
nature , est obligé de faire prononcer un
Décret particulier. Hier , on en vit un nouvel
exemple ; l'Assemblée fut obligée de rappeler
comminatoirement ses Lois aux Habitans
de Noyon , qui persistent à ne payer ni
les Aides , ni les entrées .
Une Députation du Régiment de Languedoc
a paru à la Barre , pour se plaindre des
motifs injurieux d'après lesquels on avoit
ordonné le déplacement de ce Régiment.
en garnison à Montauban. L'Officier qui
portoit la parole , s'est exprimé avec une noble
fierté , et sans s'écarter un moment de la
mesure , il a su allier le respect dû à l'Assemblée
, à la fermeté que donne le sentiment
d'une réclamation juste . Des applaudissemens
presque unanimes ayant suivi ce
discours , MM. de Foucault et de Cazalès
en ont demandé l'impression . Aussitôt , l'opposition
a éclaté , et a réclamé l'ordre du jour.
Le Comité des Recherches de Paris étoit à
la Barre , et sa présence , dont on savoit
l'objet , augmentoit l'échauffement. M. de
Foucault et beaucoup d'autres ont insisté,
sur leur Motion ; le côté gauche l'a repoussee
par un chorus de clameurs. Quelques
Membres ont voulu parler ; des hurlemens
effroyables ont rempli la Salle et percé jusqu'au
milieu des Tuileries. Le côté droit est
rentré dans le silence , sa Motion dans l'oubli ,
et la Salle dans le calme.
J
K vj
( 228 )
On imprime tous les jours que ces tumultes
caractérisent la liberté ; qu'il n'y a rien de
si républicain que d'arracher la parole à
force de cris , et de rendre ainsi muette la
moitié de l'Assemblée. On imprime que les
intérêts Nationaux doivent être ainsi agités ,
non dans la balance de la réflexion , mais
dans les épanchemens de la colère , et que
pour assurer aux Lois le caractère de la
raison , il faut les rendre au milieu des scandales
de l'esprit de parti . C'est puissamment
raisonner. Il a paru étrange néanmoins qu'on
refusat l'impression d'un Discours rempli des
- sentimens les plus recommandables , tandis
qu'on avoit accordé cet honneur à la harangue
des Députés d'un Régiment , sorti de
toutes les règles de la discipline.
L'Orateur du Comité des Recherches a
ensuite exposé sa profession de foi sur les
erimes des 5 et 6 Octobre , et il résulte de .
sa harangue que bientôt le seul coupable à
poursuivre sera le Châtelet. Un Parti a prodigué
des transports d'approbation aux inculpations
lancées contre ce Tribunal , que
l'Assemblée elle - même a investi du Ministère
le plus imposant , et dont le véritable
crime est de ne pas envoyer à la potence
tous les Accusés qu'on lui dénonce.
"
Quelques mois après la dénonciation
du Comité des Recherches , a dit le Harangueur
, il nous a sollicité de lui dénoncer une
série de faits additionnels , quoique ces faits
nous parussent plutôt dignes d'éloges que
d'une poursuite eriminelle. Bientôt le bruit
se répandit que le Châtelet étoit un instrument
de parti , qu'il faisoit le Procès à la
Révolution et au Peuple de Paris. La Majorité
des Districts s'élevoit contre lui. Nous dé(
229 )
clarons, que nous n'avons jamais dénoncé ,
ni entendu dénoncer au Châ elet d'autres
faits que ceux qui se sont passés la matinée
du 6 Octobre dans le Château de Versailles .
Nous n'avons plus aucune pièce qui y soit
relative. Il ne nous reste que des déclarations
indifférentes , et que nous aurions délivrées
au Châtelet s'il les avoit spécifiées . "
Ce discours méritoit sans doute plus d'une
observation . M. l'Abbé Maury s'est présenté
à la Tribune ; il y a été accueilli par un
tumulte effrayant.
"
Je me suis déja exprimé , a - t - il dit , surles
malheureux évènemens du 5 et du 6 Octobre
avec une modération qui doit m'inspirer'
quelque confiance. Il n'appartient nià mon caractère
de Ministre de la Religion . A cesmots ,
des éclats de rire et des huées partent du
côté gauche. L'Orateur indigné quitte la
Tribune et avec lui tout le côté droit
menace de quitter la Salle. 300 voix réelament
à la fois contre cet attentat au caractère
d'un Représentant de la Nation , et
au respect de l'Assemblée . Les Spectateurs
joignent leurs huées à celles des Membres
de la gauche , et le scandale est porté au
comble. Après avoir employé ses efforts à
ramener l'ordre , le Président prie M. l'Abbé
Maury de reprendre la parole ; mais cet
Orateur refuse d'exposer la liberté d'opiner
à de nouveaux affronts .
«
Ce n'est ni par orgueil , ni par humeur ,
dit- il énergiquement , que je refuse de remonter
à la Tribune ; le caractère d'un Représentant
de la Nation est si respectable ,
que je ne veux plus le compromettre dans
cette Assemblée . Les principes que j'expose
sont compromis par la malveillance conti(
235 )
nuelle que l'on me témoigne , et les Personnes
sont sacrifiées à cause du zèle même
que je mets à les défendre . Si cette malveillance
vient de l'Assemblée , je dois me
taire ; si c'est des Spectateurs , je ne dois
pas parler devant eux , sur lesquels l'Assemblée
n'a pas assez d'empire pour les retenir
dans le respect. »
Après une heure de désordre , a été introduite
une Députation de soi- disant Représentans
de la Commune de Paris . Elle a
retracé les pertes qu'essuyoit la Capitale
depuis la Révolution , la misère de ses habitans
etc.; et a demandé que l'Assemblée
diminuât momentanément la masse excessive
des Octrois.
"
Cette pétition troublée par de fréquens
murmures , a réveillé la colère de M. Camus.
A ses yeux , toutes les plaintes sont
criminelles , et quiconque réclame , est un
mauvais Citoyen , qui cherche à égarer le
Peuple. Paris , a - t -il dit , ne paie pas plus
que les Provinces. Le Trésor public paie
" sa Garde Nationale ; il est déchargé de la
« Gabelle : on cherche à capter les suffrages
« au moment des Elections . Paris sera la plus
" florissante Cité de l'Univers . 11 possédera
« le Roi et l'Assemblée : les Etrangers arriveront
en foule pour admirer la sagesse
de vos Décrets . La Petition a été écartee
par l'Ordre du jour.
И 33
DU MERCREDI 11 AOUT.
On sait que depuis le moment de sa création
le Comité des Recherches est demeuré
ehargé de surveiller la circulation intérieure
des grains , et d'en empêcher l'exportation .
L'activité de son intervention frappoit de
( 231 )
disette le Duché de Bouillon , accoutumé
à s'approvisionner sur le Marché de Sedan.
Les réclamations réitérées de ce Duché ont
été accueillies par un Décret , qui autorise le
Département des Ardennes à lui fournir les
bleds nécessaires à son approvisionnement.
Le même Comité a fait ensuite , par l'or-,
gane de M. Rousselet , le rapport de l'arres
tation , à Stenai , de M. de Meslay , Capitaine
au Régiment de Flandres. Depuis le bruit
absurde des Projets combinés des Puissances
voisines , tous les Départemens des frontières
sont sur pied. Les Gardes Nationales battent
la campagne ; malheur au Voyageur impru
dent qui se présente sans passeport ; il est
devalisé , au nom de la Liberté , et appréhendé
au Corps par le premier Chef de patrouille
, qui le prétend muni d'un projet
de contre - Révolution. Des plaintes multipliées
arrivent journellement contre ce nouveau
genre de vexations. Le cas rapporté aujourd'hui
avoit du moins un objet. Le 5 Août ,
M. de Meslay a été arrêté dans le Département
de la Meuse , accompagné d'un Chasseur
de son Régiment .L'on a ouvert son portemanteau
, et fait la visite de tous ses Papiers,
parmi lesquels se sont trouvés 23 Exemplaires
d'une lettre supposée de M. Alexandre
de Lameth à l'Armée. Ce Libelle est connu;
il a couru Paris : on l'a déja dénoncé . Le Rapporteur
l'a presenté comme tendant à toulever
les Troupes ; mais il paroit avoir claiment
le but opposé. En citant , faussement
ou non , de prétendus moyens employés à
égarer et à corrompre les Régimens , il sem
ble plutôt les prémunir de ces séductions .
...Une correspondance fietive , dans laquelle
un Chef de conspiration témoigne manifes(
232 )
tement le dessein de détruire l'Armée , pour
parvenir plus surement à l'exécution de ses
projets ; peut- elle en effet avoir été publiée
dans un autre but , que dans celui de faire
connoître aux Troupes , l'illusion des promesses
répandues dans l'Armée ? Mais des
personnes sont désignées ; un Membre de
P'Assemblée Nationale est supposé l'auteur de
de la lettre. Ici commence la calomnie , elle
est digne de punition .
M. de Meslay est détenu à Stenai ; à l'interrogatoire
, il a affirmé n'avoir acheté ces
exemplaires que par commisération pour le
Libraire , et n'en avoir distribué aucun . Le
Rapporteur a conclu à faire instruire le
Procès du Prisonnier , et relâcher le Chasseur
qui l'accompagnoit.
MM. de Noailles , Alexandre de Lameth
se sont lavés de l'imputation calomnieuse
qui leur a été faite , et l'on a décrété de prier
le Roi de faire instruire le Procès de M. de
Meslay par les Officiers du Bailliage de
Sedan , où il sera transféré , et de faire
élargir le sieur le Blanc arrêté avec lui.
Revenant à l'Organisation judiciaire , M.
Thouret , a fait rendre les Décrets suivans.
15 Art. It . Les Officiers du Ministère public
sont Agens du Ponvoir executif auprès
des Tribunaux : leurs fonctions consistent à
faire observer , dans les jugemens à rendre ,
les lois qui intéressent l'ordre général , et à
faire exécuter les jugemens rendus. Ils porteront
le nom de Commissaires du Roi.
>>
II Au civil , les actions précédemment
confices aux Procureurs du Roi , cu n'existant
plus , ou étant attribuées aux Corps
administratifs ou Municipaux , les Commis(
233 )
saires du Roi exerceront leur ministère , nom
par voie d'action , mais seulement par celle
de réquisition dans les Procès , dont les Juges
auront été saisis .
" III. Ils seront entendus dans toutes les
causes des mineurs , des pupilles , des interdits
, des femmes mariées , et dans celles
où les propriétés et droits , soit de la Nat'on
, soit d'une Commune , seront intéressés .
Ils sont chargés en outre de veiller pour les
absens indéfendus . »
" IV. Les Commissaires du Roi ne seront
point accusateurs publics ; mais ils seront
entendus sur toutes les accusations intentées
et poursuivies suivant le mode que l'Assemblee
Nationale se réserve de déterminer. Ils
réquerront pendant le cours de l'instruction ,
pour la régularité des formes , et avant le
jugement , pour l'application de la loi. »
V. Les Commissaires du Roi , chargés
de tenir la main à l'exécution des jugemens
poursuivront d'office cette exécution dans
toutes les dispositions qui intéresseront l'ordre
public , et en ce qui concernera les particuliers
, ils pourront , sur la demande qui
leur en sera faite , soit enjoindre aux Huissiers
de prêter leur ministère , soit ordonner
les ouvertures de portes , soit requérir mainforte
, lorsqu'elle sera nécessaire. "
VI. Le Commissaire du Roi en chaque
District veillera au maintien de la discipline
dans le Tribunal , suivant le mode que l'Assemblée
déterminera.
" VII . Aucun des Commissaires du Roi
ne pourra être Membre des Corps administratifs
, ni des Directoires , ni des Corps Municipaux.
ג נ
( 234 )
Article additionnel au Décret sur les Tribunaux
de Famille.
" XIV . L'arrêté de la Famille ne pourra
être exécuté qu'après avoir été présenté au
Président du Tribunal de District , qui en
ordonnera ou refusera l'exécution , ou en tempérera
les dispositions , après avoir entendu
I'Officier du Ministère public chargé de vérifier
, sans forme de procès , les motifs qui
auront déterminé la Famille.
"
20
Des Juges en matière de Commerce.
ART . I. Il sera établi un Tribunal de
Commerce dans les Villes où l'Administration
de Département jugeant cet établissement
nécessaire , en formera la demande . »
« II . Ce Tribunal connoîtra de toutes les
affaires de Commerce , tant de terre que
de mer , sans distinction . »
« III . Il sera fait un Règlement particulier
pour déterminer d'une manière précise l'étendue
et les limites de la compétence des
Juges de Commerce . »
" IV. Ces Juges prononceront en dernier
ressort sur toutes les demandes dont l'objet
n'excèdera pas la valeur de mille liv . : tous
leurs Jugemens seront exécutoires par provision
, en donnant caution , nonobstant l'appel
, à quelque somme ou valeur que les condamnations
puissent monter. »
" V. La contrainte par corps continuera
d'avoir lieu pour l'exécution de tous leurs
Jugemens. S'il survient des contestations sur
la validité des emprisonnemens , elles seront
portées devant eux , et les Jugemens qu'ils
rendront sur cet objet seront de même executés
par provision , en donnant caution ,
nonobstant l'appel . »
( 235 ) 1
" VI. Les Juges de Commerce , établi dans
une des villes d'un District , connoîtront des
affaires de Commerce dans toute l'étendue
du District. "
" VII. Chaque Tribunal de Commerce sera
compose de cinq Juges. Ils ne pourront rendre
aucun Jugement , s'ils ne sont au nombre
de trois au moins . "
" VIII. Les Juges de Commerce seront
élus dans l'Assemblée des Négocians , Banquiers
, Marchands , Manufacturiers , Armateurs
et Capitaines de Navire de la ville où
le Tribunal sera établi . »
" IX . Cette Assemblée sera convoquée huit
jours en avant , par affiches et à cri public '
la première fois par les Juges- Consuls actuellement
en exercice , dans les lieux où il
y en a d'établis , et par les Officiers Municipaux
, dans ceux où il se fera un établissement
nouveau . » –
"
X. Nul ne pourra être élu Juge d'un
Tribunal de Commerce , s'il n'a résidé et
fait Commerce au moins depuis cinq ans dans
la ville où le Tribunal sera établi et s'il n'a
trente ans accomplis. Il faudra être âgé de
trente- cinq ; et avoir fait le Commerce depuis
dix ans pour être Président .
"
" XI. L'élection sera faite au scrutin individuel
et à la pluralité absolue des suffrages
; et lorsqu'il s'agira d'élire un Président
, l'objet spécial de cette Election sera
annoncé avant d'aller au scrutin . »
« XII. Les Juges du Tribunal de Commerce
seront deux ans en exercice ; le Président
sera renouvelé par une Election particuliere
tous les deux ans ; les autres Juges
le seront tous les ans par moitié . La première
fois , les deux Juges qui auront eu
( 236 )
le moins de voix , sortiront de fonctions , à
l'expiration de la première année ; les autres
sortiront ensuite à tour d'ancienneté .
"
>>
XIII. Dans les Districts où il n'y aura
pas de Juges de Commerce , les Juges du
District connoîtront de toutes les matières
de Commerce , et les jugeront dans la même
forme que les Juges de Commerce. Leurs
Jugemens seront de même sans appel , jusqu'à
la somme de 1000 livres , exécutoires
nonobstant l'appel , en donnant caution audessus
de 1000 livres , et produisant dans
tous les cas la contrainte par corps .
((
"}
XIV. L'appel des Juridictions consulaires
se fera dans les mêmes Tribunaux que
pour les autres matières , et sera soumis aux
mêmes formes .
"(
"
DesJuges en matière de Police.
Art. Ier . Les Corps Municipaux veilleront
et tiendront la main , dans l'étendue de
chaque Municipalité , à l'exécution des Lois
et des Règlemens de Police , et connoîtront
du contentieux auquel cette exécution pourra
donner lieu .
- " II. Le Procureur de la Commune poursuivra
d'office les contraventions aux Lois
et aux Règlemens de Police ; et cependant
chaque Citoyen qui en ressentira un tort ou
un danger personnel , pourra intenter l'action
en son nom . 30
III. Les objets de Police confiés à la
vigilance et à l'autorité des Corps Municipaux
, sont :
"D
« 1 °. Tout ce qui intéresse la sureté et la
commodité du passage dans les rues , quais ,
places et voies publiques ; ce qui comprend
le nétoiement , l'illumination , l'enlèvement
( 237 )
des encombremens , la démolition ou la réparation
des bâtimens menaçant ruine , l'interdiction
de rien exposer aux fenêtres ou
autres parties des bâtimens , qui puisse nuire
par sa chute , et celle de rien jeter qui puisse
blesser ou endommager les passans , ou
causer des exhalaisons nuisibles. "
" 2°. Le soin de réprimer et de punir les
delits contre la tranquillité publique , tels
que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement
dans les rues , le tumulte excité
dans les lieux d'assemblées publiques , les
bruits et attroupemens nocturnes qui troublent
le repos des Citoyens. »
« 3°. Le maintien du bon ordre dans les
endroits où il se fait de grands rassemblemens
d'hommes , tels que les foires , marchés
, réjouissances et cérémonies publiques ;
églises , spectacles , jeux , cafés et autres
lieux publics.
"
>>
4°. L'inspection sur la fidélité du débit
des denrées de première nécessité , qui se
vendent au poids , à l'aune ou à la mesure ,
et sur la salubrité des comestibles exposés
en vente publique.
>>"
2
5°. Le soin de prévenir par des précautions
convenables , et celui de faire cesser
par la distribution des secours nécessaires
les accidens et fléaux calamiteux , tels que
les incendies , les épidémies , les épizooties ,
en provoquant , dans ces deux derniers cas ,
l'autorité des Administrateurs de Département
et de District . "
6°. Le soin d'obvier ou de remédier aux
événemens fâcheux qui pourroient être occasionnés
par les insensés ou les furieux laissés
en liberté , et par la divagation des animaux
malfaisans ou féroces. "
( 238 )
IV. Les Spectacles publics ne pourront
étre permis et autorisés que par les Officiers
Municipaux . Ceux des Entrepreneurs et Directeurs
actuels qui ont obtenu des autorisations
, soit des Gouverneurs des anciennes
Provinces , soit de toute autre manière , se
pourvoiront devant les Officiers Municipaux ,
quiconfirmeront leurjouissance pour le temps
qui reste à courir , à charge d'une redevance
en faveur des pauvres.
»
" V. Les contraventions au fait de la Police
ne pourront être punies que de l'une
de ces deux peines , ou de la condamnation
à une amende pécuniaire , ou de l'emprisonnement
, par forme de correction , pour un
temps qui ne pourra excéder huit jours pour
les villes , et trois jours pour les campagnes ,
dans les cas les plus graves.
*
"
VI. Tous les Jugemens en matière de
Police seront exécutés par provision , nonobstant
l'appel , et sans y préjudicier. L'appel
en sera porté aux Tribunaux de District . »
" VII . Les Officiers Municipaux sont spécialement
chargés de dissiper les attroupemens
et émeutes populaires , conformément
aux dispositions de la Loi Martiale , et responsables
de leur négligence dans cette partie
de leur service.
"
DU MERCREDI , SÉANCE DU SOIR.
On a vu , il y a quelques semaines , la
Municipalité de Toulouse , priver de sa
liberté , et poursuivre M. de Lautrec sur la
délation de deux Scélérats , dont le seul dire
eût suffi à des Juges de Village pour réprouver
cette imposture.
M. Varin a rapporté l'affaire ; l'Assemblée
a solennellement décrété qu'il n'y
( 239 )
avoit lieu à aucune accusation contre M. de
Lautrec , et que le rapport qui le justifie seroit
imprimé.
Par un
1
nouveau Décret , rendu sur une
sentence civile du Bailliage de Caux , contre
la Municipalité de Saint- Maclou , l'Assemblée
a de nouveau soustrait les Munipalités
à la juridiction des Tribunaux.
M. Chassey a fait adopter de nouveaux
articles sur le paiement du Clergé . Nous
transcrirons par la suite , cette foule de Décrets
qui forme un Code aussi gros que les
Instituts , et plus volumineux que les Lois
réunies de divers Etats.
DU JEUDI 72 AQUST .
Une lettre de M. d'Ogny a instruit l'Assemblée
, d'une nouvelle violation du secret
des lettres par la Municipalité de Balan ,
dans le Département de la Meuse , et des
violences exercées contre le Messager de
Stenai ; cet événement , sur lequel on pouvoit
prononcer sur le champ , et qui sollicitoit
instamment un Décret général et sévère
, a été renvoyé au Comité des Recherches.
L'Institution judiciaire étant à l'ordre du
jour , la discussion a eu pour objet le Tribunal
de Cassation .
Le Comité de Constitution proposoit d'établir
ce Tribunal à Paris , et de lui donner
six Chambres de Correspondance dans
les Provinces pour recevoir les requêtes en
cassation , en faire l'instruction apres qu'elles
auroient été admises par le Tribunal central ,
et lui envoyer leur avis. Ces Chambres d'arrondissement
devoient en outre decider des
requêtes civiles , des prises à partie , des ré(
240 ).
cusations. Le Comité vouloit par cette combinaison
réunir les avantages de l'unité du
Tribunal , et de la proximité de la Justice
pour tous les Justiciables .
L'objet de la Cassation a objecté
M. Gossin , n'est que de rectifier ce qui
seroit contraire à la Loi , et de renvoyer.
le Procès à un autre Tribunal ; il est donc
très -inutile qu'elle soit poursuivie par les
Parties intéressées ; elle n'exige ni leur présence
, ni leur intervention. Les Chambres
Sessionnaires répandues dans les Provinces
seroient donc sans objet , et ne tendroient
qu'à compliquer la machine ; il faudroit en.
effet aller de la Chambre de Correspondance
au Tribunal de Paris , pour l'admission de
la requête , revenir à celle - ci pour l'instruction
, et retourner à Paris pour le jugement.
A l'égard des prises à parties , elle peuvent
être renvoyées aux Tribunaux de Districts ;
il en est de même des récusations . Je conclus
que ces Chambres sont inutiles , et nuiroient
à l'unité de la justice de Cassation .
« Je voudrois , a ajouté M. Prugnon , que
les Juges de Cassation effrayassent l'injustice
des autres Juges , qu'ils eussent un caractère
imposant , au moins dans la perspective
. Les heureux effets de cette optique
d'opinion disparoîtroient , si les portions du
Tribunal étoient éparses sur la surface du
Royaume ; il devroit être placé dans une
région à part , où il ne connût et ne respirât
que la Loi.
"
MM. Fermont et Duport amplifioient con-,
tradictoirement toutes ces idées ; l'un parloit
de l'unité du balancier , l'autre de la
multiplicité nécessaire des rouages. M. Duport
( 241 ).
port faisoit consister l'unité Monarchique dans
le Tribunal de Cassation ; ce sera , disoit-il ,
le Chef Suprême de la Justice ; il doit être
indivisible.
Sous le rapport d'Inspecteurs des Juges
de Districts , M. Thourt soutenoit que les
Tribunaux de Correspondance étoient d'une
nécessité indispensable , pour corriger les
inconvéniens de la suppression du second
degré de Juridiction ; sous le rapport de
Jurisconsultes , ces Juges stationnaires lui
paroissoient propres , par leurs consultations,
à éclairer les Plaideurs , à rendre l'accès du
Tribunal de Cassation plus facile , et en
même temps à diminuer le nombre de ces
affaires.
L'Assemblée en a décidé autrement , et
sur la Motion de M. Prugnon , adoptee à
une très - grande Majorité, il a été décreté
que le Tribunal de Cassation sera unique et
sédentaire auprès du Corps Législatif. - Ce
Décret ayant fait écrouler le reste du Plan
du Comité de Constitution , on a été obligé
de lever la Séance.
DU JEUDI. SÉANCE DU SOIR.
Un Député de Provence a informé l'Assemblée
d'une nouvelle conspiration contre
l'Etat : c'est aujourd'hui l'Espagne qui a son
tour de rôle un imbécille écrit à Antibes ,
que cette Puissance arme , et menace les
côtes du Languedoc et de la Provence.
L'Assemblée n'a pu soutenir la lecture de
ces extravagances , et a renvoyé la Lettre
Provençale au Ministre des Affaires Etrangères
.
Le Conseil de Ville de la Capitale a désavoué
la Pétition lue Mardi soir à la Barre ,
No. 34. 21 Août 1790.
L
( 242 )
par quelques Citoyens , et tendante à obtenir
la diminution des Impôts sur les consommations
. Le Conseil de Ville n'y a pris aucune` .
part directe ou indirecte , et s'éleve contre
son irrégularité , dans un Arrêté dont il a
été fait lecture .
Do VENDREDI 13 AOUT.
M. le Brun a continué le Rapport des réductions
et suppressions, dans différentes
parties de la dépense publique . Il a proposé
de supprimer, et l'Assemblee l'a ainsi décrété
, le Bailli de Versailles , un Tradeteur
de Gazettes Etrangères pour les Finances
, le Directeur de la Poste aux Lettres
de Versailles , une fourniture d'Almanachs
faite par la veuve Hérissant à divers Bureaux
, etc. La dépense de ces articles réunis
s'elevoit à 127,372 liv . Un second Decret
supprime les inspecteurs - généraux et quelques
autres emplois de l'Hotel des Monnoies.
M. Bailly a paru ensuite à la Tribune ,
et après avoir désavoué la démarche faite
Mardi soir par des Représentans de la Commune
, il a exposé la détresse du Trésor de
l'Hotel-de -Ville , épuisé par les dépenses
extraordinaires , et par la diminution d'un
tiers des Octrois . Sur sa demande , l'Assem
blee lui a accordé 351,813 liv . qui lui étoient
dues par le Trésor public , sur l'emprunt de
trente millions fait par le Roi pour l'achat
des maisons à abattre sur les ponts.
M. Anjubaud de la Reche a fait , au nom
des trois Comités réunis des Finances , des
Impositions et des Domaines , un Rapport
sur la suppression des apanages .
Apres en avoir exposé l'Histoire , il a pro(
243 )
fessé qu'en s'emparant du patrimoine de ses
Rois , la Nation devoi: à leurs enfans pain - s
un revenu digne de leur sang ; qu'elle pouvoit
, à l'exemple de tout autre débiteur ,
s'acquitter de cette dette , de la maniere la
plus convenable pour elle , et qu'un traitement
pecuniaire aun el , méritoit la preférence
; car de grandes propriétés territoriales ,
toujours accompagnees d'une grande puisfavoriseroient
lambition et les vues
sance ,
d'independance.
Le premier art. du Décret proposé interdit
toute concession future d'apanages : personne
ne l'a contredit : mais cette Loi aura -t - elle
un effet retroactif, et supprimera t - on les
apanages existans ? Cette question décidée
affirmativement par le Rapporteur , a été
développee par M. de Bengy de Puyvallée ,
Depute du Berry , dans un Discours neurri
de faits et de raisonnemens , et où l'Orateur
a montre autant d'érudition que de justesse
d'esprit . Il a établi d'abord , que les Princes
avoient en leur faveur le titre et la possession
, parce que par le droit et par le
fait , la Nation leur a garanti la jouissance
de leurs apanages ; ensuite , qu'en examinant
la question relativement aux Lois qu'on veut
établir , les principes de la justice et des
considérations politiques s'opposent à l'aliénation
des apanages. En conséquence , il a
proposé d'en laisser la jouissance aux Enfans
de France , jusqu'à l'extinction de la postérité
masculine du Prince premier apanagiste.
Nous regrettons de manquer d'espace pour
transcrire cette Opinion . L'Orateur y a
semé des vorités frappantes , sur l'abus des
maximes rétroactives qui tendent à renverser
tout Ordre social , sur l'abus non moins ty-
Li
( 244 )
rannique de sacrifier le bien particulier an
bien public , lorsqu'il ne s'agit point de
Lois générales qui frappent indistinctement
tous les Citoyens , enfin sur les dangersde
ce systême qui , prétextant que , jusqu'ici
les Rois n'ont été que des Législateurs
provisoires , tend à briser tous les liens de
la Société , et au mépris de toutes les conventions.
7
Personne n'a entrepris de réfuter M. de
Puyvallée. On a murmuré , et victorieusement
invoqué la question préalable.
M. de la Touche , après un éloge de M.
d'Orléans , fort applaudi des Galeries et
d'une partie du côté gauche , a lu un Mémoire
, dans lequel il évaluoit les revenus de
ce Prince à 4,000,000 . Une fortune aussi
considérable , a - t - il dit , possédée depuis
long- temps , devoit paroître un gage assuré
pour les préteurs ; aussi y a - t - il eu plusieurs
emprunts faits pour le paiement des dettes
de la succession échue ; emprunts dont l'intérêt
excéderoit de beaucoup le revenu que
le Comité propose de donner. Je demanderai
la Nation , en réduisant la rente apaque
nagée des Princes à un million , se charge
des dettes du fea Duc d'Orléans , et qu'elle
nomme des Commissaires auxquels je me
joindrois , pour concilier les intérêts de la
Nation et ceux de cette Maison .
་་ Dans un Etat comme le nôtre , s'est
écrié M. Canus , il ne peut y avoir que deux
personnes , le Roi et le Peuple . L'Héritier
présomptif de la Couronne pourroit seul en
être excepté; mais il ne fait qu'un avec le
Roi. A quoi peut servir une grande repré
sentation , une grande fortune , si ce n'est à
rejeter le Peuple dans la misère , à répandre
( 245 )
dans toutes les classes de la Société l'amour
du luxe , à renchérir les marchandises ? Ce
qui doit résulter de la Constitution , c'est
Pégalité . Je propose de réduire les Princes
à un seul traitement , et d'en fixer le montant
, parce qu'il ne doit plus y avoir ni
écurie angloise , ni écurie extraordinaire ,
ni maison militaire pour un Particulier. »
Malgré sa sévérité , néanmoins M. Camus
a été généreux , car il a opiné à laisser aux
Princes le moyen de subsister avec aisance .
M. l'Abbé Maury a fortement appuyé
l'ajournement de ces questions . Quant aux
dettes , a- t- il ajouté , dont M. d'Orléans a été
chargé en acceptant la succession de son père ,
Mademoiselle de Montpensier , de qui viennent
ces biens , leur assigna une hypothèque
territoriale. Quant aux Charges des maisons
des Princes , l'Assemblée a décidé que la
Nation paieroit les charges de la Maison du
Roi et des Princes. La dignité de la Nation
est attachée à la splendeur de la maison régnante
, qui en montant sur le trône , possédoit
un cinquième des propriétés territoriales
du Royaume. Je demande que l'Assemblée
prenne en considération le mémoire lu par
le Chancelier de M. d'Orléans.
་ Lorsqu'on nous a enlevé nos droits féodaux
, a dit M. d'Ambly , cela ne nous a pas
empêchés de payer les dettes de nos pères.
"
M. Dufraisse a appuyé la demande en
ajournement , et a remarqué que l'Assemblée
auroit à examiner le Testament du
Cardinal de Richelieu , par lequel le Palais-
Royal doit appartenir à l'Heritier Présomptif
de la Couronne.
La révocation absolue des Apanages a été
décrétéé. Nous donnerons dans huit jours la
Lij
( 246 )
totalité des Articles , dont plusieurs ont été
ajournés. Par le sixieme , les fils puînés de
France , leurs enfans et descendans ne pour-.
100t , en aucun cas , rien pretendre ni iécamer
à titre héréditaire dans les biens.
meubles ou immeubles laissés par le Roi , la
Reine , et l'Héritier présomptif de la Cou-,
ronne. Ce Décret semble oter à ces trois .
Personnes publiques , le droit naturel" d'avoir
un patrimoine , et à leurs Parens celui :
d'en hériter. Ainsi la Famille Royale seroit
privée des droits les plus ordinaires , les plus
sacrés du Citoyen.
M. de Broglie a terminé la Séance par le
rapport de la pétition du Régiment de Lan-,
guedoc , et a fait adopter une résolution ,
Har laquelle l'Assemblée declare que l'honneur
du Régiment de Languedoc n'a pu être
compromis par le Décret du 26 Juillet ; qu'il ,
n'y a lieu à délibérer sur sa Pétition ; que
sa conduite a toujours été irréprochable ,
et que le Président ira supplier le Roi de .
faire remplacer ce Régiment à Montauban
par deux autres Régimens.
Inutilement M. Malouet a- t - il proposé ,
de s'en remettre simplement à la sagesse du
Pouvoir exécutif, et inutilement encore M ..
de Foucault a-t - il représenté qu'en s'emparant
ainsi de tous les détails du Po.voir exé- ,
cutif , l'Assemblée changeoit le Gouverne-,
ment Monarchique en Démocratie absolue .
DU SAMEDI 14 Aðust.
De nouvelles réductions sur les dépenses
du Trésor public , relatives à quelques travaux
littéraires , à l'Imprimerie Royale , et
à l'Administration de l'ancienne Compagnie ,
des Indes , ont précédé la lecture qu'a faite
M. le Coulteux , d'un Réglement de Police .
( 247 )
sur l'échange des Assignats . Il a fait reconnoitre
bons et valablės des assignats de 300l .
auxquels le mot cent , dans le millesime ,
manque par une méprise inconcevable du
Graveur Au lieu de mi! sept cent quatrevingt-
dix , on ne lit sur ces billets que mil
sept quatre-vingt dix.
M. Dupont a lu ensuite , au nom du
Comité des Finances , un Mémoire sur le
remplacement non encore effectué de la Gabelle.
On a ordonné l'impression de ce Projet
sans en entamer la discussion .
DU SAMEDI, SÉANCE DU SVIR.
M. le Président a annoncé une Adresse du
Châtelet , qui répond aux imputations faites
à ce Tribunal par le Comité des Recherches
de la Ville . Il tire sa justification de l'Arrêté
même du Comité des Recherches en date
du mois de novembre , Arrêté par lequel le
Comité requeroit le Procureur du Roi d'iaformer
, non pas seulement sur les crinies
commis dans le Château de Versailles , mais
sur ceux du 6 octobre , d'en poursuivre les
auteurs , fauteurs , complices et adhérens ,
etc. Qu'a fait le Châtelet ? Il a entendu un
petit nombre de témoins produits par le Coinité
des Recherches : au défaut des autres
que le Comité devoit produire , il a entendu
ceux que les premiers avoient indiqués.
Leurs dépositions désignerent les mêmes
personnes comme coupables des attentats
des 5 et 6 octobre ; elles lierent , par un fil
nécessaire à l'éclaircissement de la procedure,
les événemens des deux journées . D'apres
cela , comment le Châtelet , pour avoir donne
à cette procédure le titre d'information contre
les attentats des 5 ct 6 octobre , peut-il
Liv
( 248 )
être accusé de faire le Procès à la Ré, ólution?
Le Secrétaire achevoit l'Adresse , et commenço't
la lecture d'une pièce justificative ,
lorsque des voix furieuses ont demandé le renvoi
au Comité des Rapports : « Comment ! s'est
écrié M. Dufraisse , après avoir entendu et accueilli
par des applaudissemens le Comité des
Recherches, pourriez- vous refuser d'entendre
Je Chatelet? On est donc intéressé à laisser im
punis les crimes qui ont souillé les premiers
pas de notre Revolution ; mais je vous annonce
que cette impunité même la couvrira , ainsi
queses auteurs , d'un opprobre éternel . Qui
peut désirer ici le secret , si ce n'est celui
que sa conscience accuse ?
Nonobstant toutes ces considérations
l'Adresse , sans être achevée , a été envoyée
dans les cartons du Comité des Rapports.
M. de Crillon l'aîné , après avoir annoncé que
les procès-verbaux remis au Comite Militaire
par les Soldats du Régiment de Poitou , relativement
à l'insurrection de ce Regiment ,
. étoient conformes à ceux des Officiers , a fait
passer le Décret suivant :
at
"
*
"
les
L'Assemblée Nationale improuve la conduite
insubordonnée des Soldats du Régi-
" ment de Poitou Infanterie ,
ainsi que
violences dont ils se sont rendus coupables
contre le sieur de Bévi , leur Lieutenant-
Colonel ; décrète que si ledit sieur de Beri
n'est pas deja en pleine liberté , il doit y
" être mis immédiatement ; que les huit billets
• qu'il a été forcé de signer jusqu'à la concur
" rence de 40,000 l . , sont nuis , incapables de
' bliger , et de produire aucune action
contre lui ; que ceux qui les ont reçus de
lui , seront tenus de les rendre , où d'en
"
"
"
( 249 )
représenter la valeur, ou de déclarer la
disposition qu'ils en ont faite , le tout
dans 24 heures , et sous peine de prison ;
" saufles réclamations légitimes qui pourront
" être légalement faites, soit au Lieutenant-
Colonel , soit aux autres Officiers du Régi-
« ment , en exécution de l'art. 3 du Décret
• du 6 de ce mois.
"
9 Ces dispositions , de pure discipline et
sur-tout la désignation de la peine , ont paru
à plusieurs Membres , être du ressort du pouvoir
exécutif : leurs observations sont demeurées
sans effet.
"
Sur le Rapport des troubles arrivés le 29
à Ingrande , petite ville frontière de Bretague
, où le Peuple soutenu d'une troupe
de Mariniers, a renversé le bureau des Trai
tes , pille les bateaux saisis pour contrebande
, et forcé , par des violences , les Officiers
Municipaux de renvoyer les Troupes .
il a été rendu un Décret pour faire informer
, juger en dernier ressort par le Présidial
d'Angers , contre les auteurs , fauteurs
de cette insurrectieu , et pour prescrire à la
Municipalité de veilier particulièrement à
la perception des droits de Traite , du soin
de laquelle elle demandoit à être déchargée.
L'on a entendu ensuite un très - long Rapport
de M. Henri de Longuève contre la conduite
des Officiers Municipaux de Schélestat ,
accusés de tous les désordres , de toutes les
vexations , même des assassinats commis
dans cette Ville.
La première Election de la Municipalité
avoit fait naître des contestations ; ceux qui
réclamèrent l'observation des Décrets furent
emprisonnés , et condamnés à être pendus ,
lorsqu'un Décret du 8 Juin leur fit rendre la
Lo
( 250 )
"
Iberte , cassa les Municipaux , les manda à
la Barre , et ordonna une nouvelle Election .
Le sieur Herremberger , Maine , qui se trouvoit
alors à Paris , au lieu d'appeler ses Collègues
, retourna à Schelestat . Il répandit
que le Décret n'etoit que pour la forine ; il
donna des bals , des festins , et à l'aide d'un
Parti très nombreux , se fit réelire , ainsi
que tous les Municipaux , excepté celui dont
l'Assemblée avoit approuvé la conduite. Ce
n'est qu'après leur réelection qu'ils se rendirent
à l'Assemblée Nationale , où ils présentèrent
un Mémoire que le Comité des
Rapports accusé de faux. De retour à Schélestat
, ils y excitèrent de nouveaux troubles ;
ils exercerent des violences contre leurs
adversaires , firent dresser des potences ,
provoquèrent l'insurrection des Troupes. Ils
attirerent à eux celles qu'on envoya de Neubrisack
et la majorité de la Garde Nationale
; l'Arsenal fut forcé ; les armes prises ,
le tocsin sonné ; les femmes et le Peuple
crioient point de Magistrats , ni de Commissaires.
On enferma dans un bataillon carré
Je Parti opposé , et on lui fit signer pardevant
Notane une Capitulation ; le Commissaire
du Roi ayant été forcé de sortir de la
Ville , à peine fut - il dehors , qu'on le coucha
en joue , ainsi que le Commandant de
la place ; on les obligea de signer un Procèsverbal
tissu de fausselés . Ces faits , attestés
par les Commissaires du Roi , par le Directoire
du Département du Haut - Rhin , et
par celui du District de Bennfeldt , ont
doone lieu à un Décret qui ordonne l'information
pardevant la Municipalité de Strasbourg
, pour être les Auteurs des troubles
et violences , et leurs complices , poursuivis
( 251 )
et jugés à la figueur des Ordonnances . Défense
au Maire de Schélestat et autres OMciers
Municipaux , d'exercer aucune fonction
publique , jusqu'au jugement des contestations
par le Directoire du Département du
Bas - Rhin , eic.
DU DIMANCHE 15 Aour.
M. de la Luzerne a instruit l'Assemblée que
la Municipalité , et la Garde Nationale de
P'Orient , venoient de s'opposer à l'extraction
des poudres nécessaires à l'armement de
trois vaisseaux et de trois frégates ; le Directoire
du Département est entré dans leurs
vues , et , malgré les ordres du Roi , l'armement
n'a point eu lieu.
A Toulon , le Corps Electoral a prétendu
forcer le Commandant de la Marine , M. de
Glandèves , à délivrer au Peuple les armes
de l'Arsenal , nécessaires à l'armement .
Sur les réquisitions de MM . Goupil et Malouet,
l'Assemblée a improuvé ces excès , qui
se multiplient avec les Decrets pour les prévenir
, et fait défense aux Corps Administratifs
de porter obstacle à aucune des inesures
ordonnées par le Pouvoir exécutif.
M. Malouet s'est ensuite présenté à la Tribune
, en réclamant , au nom de M. l'Abbé
Rayna ! son ami , contre le Décret de prisede-
corps sous lequel gémit ce célèbre Ecrivain
, depuis 1781 , et qui le prive encore
des droits de Citoyen actif. L'Opinant a
proposé une formule de Décret , et a reçu
de grands applaudissemens.
1
Is n'ont pas cependant été unanimes.
Divers Ecclésiastiques , entre autres M. l'Evêque
de Clermont , a rappelé les principes
attentatoires à la Religion même naturelle ,
•
L vj
( 252 )
et au Sacerdoce , que contenoit l'Histoirs
Philosophique des deux Indes. M. Dufraisse
s'est également opposé au Décret , en demandant,
ou l'apport de la Procédure , ou le renvoi
au futur Tribunal de Cassation . Quelques
autres ont desiré qu'on retranchât du préambule
l'eloge de M. l'Abbé Raynal ; enfin
le Décret contre ce Nestor de la Littérature
a été déclaré nul et non avenu , comme attentatoire
aux droits naturels , inaliénables et
imprescriptibles de l'homme.
"
Il va résulter de l'énoncé de ce motif, des
milliers de réclamations , contre tous les
Décrets ou Jugemens rendus depuis 30 ans ,
et qui paroîtront aux coupables n'être pas
conformes aux Droits de l'homme .
La Séance a été terminée par un long
Décret relatif à la forme du paiement des
rentes sur le Clergé ; nous le transcrirons la
semaine suivante.
M. de Cazalès est hors de danger ;
du second coup de son Adversaire il
avoit été blessé à la tête ; heureusement
son chapeau et sa position empêchèrent
le coup d'être mortel. S'il a reçu pendant
sa maladie des preuves touchantes
et très nombreuses d'estime et d'attachement
, il a été aussi l'objet du déchaî
nement le plus féroce. Nous avons entendu
regretter que son accident ne
fût pas mortel , et l'on n'a pas craint
de citer avec éloge le propos répété
dans plusieurs lieux publics , au milieu
des attroupemens , que si M. de Caza
( 253 )
lès eût tué M. Barnave , on l'auroit
massacré lui-même. La fausse nouvelle
de sa mort fut reçue par ces Cannibales
avec une vive alégresse. Nous l'avons
dit , et après en avoir été vingt ans les
témoins , il n'est pas de sentiment honnête
, pas de principe de mórale , pas
d'affection naturelle que le fanatisme pclitique
n'empoisonne et ne dénature . Il
change en tigres ceux qui sont nés grossiers
et inhumains ; il pervertit les Nations
géréreuses , et les accoutume aux
inclinations féroces les moins compatibles
avec leur caractère . Tel est
aujourd'hui l'esprit de justice qu'on
a inculqué à la multitude ; quiconque
ne pense pas comme ses Adulateurs estdigne
de mort , et celui qui en fera
l'observation sera , ainsi que nous , affiché
dans les Libelles sanguinaires où chaque
matin le Peuple lit de nouveaux Arrêts
de proscription , comme un vil esclave ,
un fauteur du despotisme , un Aristocrate
désespéré. Voilà le cercle que parcourt
maintenant la liberté en France.
Nous avons rendu très- succinctement les
scènes effrayantes qui ont eu lieu à Metz le
7 de ce mois. Une grande partie des Regimens
avoient auparavant réclamé des commies
énormes sur la masse ; les fonds de la Caisse
Extraordinaire des Guerres servirent à ces libéralités.
Ensuite le 7 , 150 anciens Miliciens ,
imitant l'exemple des Regimens , se porterent
à l'Intendance , pour demander le décompte
( 254 )
de leur solde depuis 1775. Aidés de la multitude
, ils en arracherent M. Depont ,
vieillard respectable , travaillé de la pierre ,
dont il devoit se faire operer le surlendemain
après l'avoir comblé d'indignités , de
mauvais traitemens , et menacé d'un supplice
immediat , on lui extorqua un biliet
de mille louis . Sur la requisition de la Municipalité
, la Garde Nationale se mit en
marche , et enfin arracha M. Depont aux
mains de ses bourreaux . Sans elle , M. de
Bouillé le fils , qui courut le plus grand
danger , péri soit : plusieurs autres Personnes
furent egalement maltraitées . On arbora le
Drapeau rouge ; le canon fut b : aqué devant
l'Hotel - de-Ville , et les Municipaux eurent
le courage de declarer nul et de nulle valeur
le billet arraché à l'Intendant. Le lendemain
, les alarmes recommencèrent : cette
fois , c'étoit une armée de brigands qui ,
disoit -on , brúloient les moissons . Nous avons
d ja parlé , il y a trois semaines , du renouvellement
de ces terreurs artistement combinées
, et qu'on a sur- tout repandues avec
activité dans les Provinces Septentrionales ,
au moment où l'on a également affecté d'annoncer
une prétendue invasion des Allemands
dans le Royaume. De ces bruits artificieux ,
dont il n'est pas difficile de pénétrer le
motif, a résulté l'armement presque universel
des Habitans dans les Provinces frontieres
.
De tous les traits qui caractérisent
l'esprit actuel d'une partie des Rég: -
mens , il n'en est pas de plus curieux
que celui- ci . Autrefois , c'étoient les Of
ficiers , ou le Gouvernement qui accor(
255 )
doient des Amnisties ; aujourd'hui , ce
sont les Soldats qui en accordent aux
Officiers. Le 10 Juillet , les Bas - Officiers
et soldats du Régiment de Vexin ren- .
dirent à Marseille, une Proclamation imprimée
, dont voici l'extrait .
" Les Lois de la nouvelle Constitution
marquent dans tous les esprits leur eternel .
ascendant. Le civisme , triumphant par l'heroisme
François , est le sentiment determiné
qui entraîne le sacrifice irrrévocable des
vains titres qu'à leur honte avoient consentis
nos Peres. C'est un vice essentiel dans la
législation autique, d'avoir promulgué des intérêts
opposés et des classes désunies dans
un mêrae Peuple . Ainsi le despotisme , abativ ,
ya rougir de son existence passée devant les
vertus glorieuses du patriotisme , et l'égalité
est conquise. Nous , qui avons eu sujet
d'abhorrer le régime militaire de ce siecle
et les suppóts de la tyrannie , nous allons
incliner délicieusement vers le retour tardif
de la liberté. Nous mêlons à nos sermens uné
amnistie généralement sincere à l'égard de
Pautorité opprimante Un amour mutuel dans
Je desir de l'ordre va s'établir entre les grades
; l'Officier chérira le Soldat , et celui- ci
honorera son Superieur ; de là règneia
cette harmonie héroïque qui est le chefd'oeuvre
de la régenération . Chers Concitoyens
, généreuse Nation de Marseilie ! les
Drapeaux de votre Armée sont les nôtres ;
que
2
e nous serions charmés d'y pouvoir toujours
adapter nos rangs !
Au bas de cette Proclamation signée
Desarts , Président de l'Assemblée , M.
( 256 )
Alleon , Officier Municipal de Marseille, `
avoit ajouté : Nous adhérons aux sentimens
patriotiques énoncés dans la
présente. Ce 10 Juillet 1790 .
Le Journal de l'Assemblée Nationale
nous offre chaque semaine une liste
de désordres ; ici , refus de payer les
impôts ; ailleurs, des Régimens débandés ;
plus loin , des Municipalités aux prises
avec le Peuple , ou connivant à ses
excès. Dernièrement à Aix , une partie
de la multitude s'efforça de sauver l'assassin
de M. d'Albertus ; le Bourreaut
tremblant abandonna le Criminel , qui
şauta de l'échafaud ; mais le Régiment
de Lyonnois l'enveloppa , tint ferme
et l'exécution s'est faite . Que penser de
l'égarement d'un Peuple poussé au point
d'arracher des assassins au supplice !
Nous avions vu l'année dernière celui
de Versailles sauver aussi un parricide .
Chaque Courrier apporte la nouvelle
de nouveaux troubles ou de nouveaux
crimes. On nous mande ce qui suit ,
dans une lettre du Forez , en date du 7
de ce mois.
"
La Ville de Saint-Etienne en Forez , à
l'exemple de Paris , de Lyon , de Marseille ,
de Valence , etc. , vient encore d'être le
théâtre d'une scène horrible. Le nommé
Berthéad , Commis aux Aides , un des plus
honnêtes hommes du inonde , et généralement
reconnu pour tel , faisoit un petit commerce
en grains. Le 4 de ce mois , il venoit
,
( 257 )
;
´d'en acheter quelques mesures , dix sous au
dessus du prix courant : une femme va le dé- `
noncer à la populace , qui se souleve de tous
eotes , et qui le saisit . On aloit le pendre
Sas autre formalité , lorsque M. Néron ,
Maire de la Ville , accourat et vint à bout ,
pour le moment , de l'arracher d'entre les
main de ces furieux . Ii le conduisit en prison
, en promettant de lui faire son proces .
Mais les forcenés devenus plus nombreux et
plus enrages , enfoncèrent les portes , malgré
la Garde Nationale , se ressaisirent de ce
pauvre malheureux , et le maltraiterent impitoyablement
au milieu de la piace publi - `
que M. le Maire et beau se mettre à genoux
Pour demander qu'on sursit au moins jusques
au lendemain ; l'infortuné Berthéad eut beau
leur offrir toute sa fortune , qui pouvoit valoir
14 à 15 mille francs ; les prieres , les
larmes , rien ne fut capable d'appaiser ces
furieux . Il lui refuse ent même le temps
d'achever sa confession . Ils se jettèrent sur
lui comme des bêtes feroces et l'assommèrent ,
les uns à coups de bâtons , les autres à coups
de marteaux : on vit une femme lui enfoncer
un clou dans la tête pour l'achever. La rage de
ces Cannibales n'étoit pas encore assouvie ,
elle vouloit encore le lendemain immoler un
Boulanger deVuibenoite, Abbaye des Beruar
dins, à quelques pas de S. Etienne , qui s'étoit
avisé de blâmer les actes de liberté populaire :
quelques - uns de ces scélérats le saisirent
et alloient l'accrocher à un arbre , si la
Garde Nationale ne le leur eût arraché. Que
de réflexions à faire sur ce délire populaire ! "
Les premiers bruits d'une Armée qui
se rassembloit en Savoie , sont venus
( 258 )
du Dauphiné. L'on sera étonné sans
doute de connoître l'une des principales
sources de cette fable, propagée , comme
tant d'autres, avec l'intention de maintenir
l'effervescence du Peuple , de l'inquiéter
par des alarmes continuelles ,
et de prolonger ainsi des calamités publiques
, sous prétexte de préserver le
Royaume et la Constitution . Un malheureux
s'avisa le mois dernier d'écrire
de Chambery la lettre suivante à un
Maître d'école de la Tour- du- Pin.
Chambery , le 5 Juillet 1799.
On a dit vrai à votre Municipalité ;
Assemblée des ARISTOCRATES François
s'est tenue tout l'hiver chez M.
de Mont- Saint Jean ; ils tenoient de plus.
des Comités secrets , tantôt chez M. de Lusiguan
, tantôt chez M. de Miran , et tantôt
à Francin , chez M. Seguier , fils. On suit
très-bien que leur sujet de déliberation n'étoit
et n'est autre que la Contre-Revolution . Les
Politiques de ce pays croient fermement
qu'ils vont la tenter d'ici au 20 de ce mois ;
tout les confirme dans leur croyance ; ils
´croient d'ailleurs à la coalition des Puissances
étrangeres . Les Troupes que le Roi de Sardaigue
envoie en Savoie , des tentes au nombre
de buit cents , y sont déja arrivées , de même
que quantité de poudre , tant en bails qu'en
cartouches ; la quantité de cartouches est
considerable , il s'en fait journellement un
grand nombre à Turin ; il est aussi arrivé
des caisses de boulets de canons ; on fait un´
entrepot de poudre à Miollan , et un ici au
( 259 )
t
Château ; on a porté de plus dans ce lieu ,
nocturnement, les fusils qui etoient ici dans
la Maison de Ville , et une bonne partie de
la poudre qui y étoit en magasin . Aux premiers
jours il doit arriver , dans cette Ville ,
deux colliers de l'Armée avec deux Régimens ,
et on assure que la Suisse fournit six mille
kommes à notre Roi , qui seront soudoyés
·par celui d'Espagne ; on sait qu'il est parti
pour Genève des tentes . Tous ces envois faits.
le plus secrètement possible , et le passage.
continuel des ARISTOCRATES François , tant
pour le Piémont que pour la Suisse , les fondent
dans leur croyance. Un fait qu'ils viennent
d'apprendre les y décide. Le voici : le
30 Juin passé , il est arrivé en cetre ville un
ARISTOCRATE François , portant l'uniforme
de la Garde Nationale , de taille d'environ,
cinq pieds deux pouces , le teint un peu coupe-
rosé et le nez aquilin , assez bien fait
d'ailleurs le corps un peu ramassé , lequel
descendit aussitôt chez un des plus enrages
ARISTOCRATES réfugiés en cette Vile , qui,
le reçut dans la pièce la plus secrète de soa
appartement , où , après beaucoup de précautions
, le prétendu Garde - National lui dit :
enfin , me voici : ce n'est qu'à la faveur de
cet habit que j'ai pu traverser la France ;
tout va bien ; je suis porteur de lettres déci
sives pour les Princes qui sont à Turin , et ),
nous avons un gros Parti en France , et sur-v
tout dans le Dauphiné ; nous pouvons comp
ter au moins sur un bon tiers. La Personne
qui s'étoit glissée secrètement dans un petit
réduit attenant à la pièce où ils étoient , n'a
pu en entendre davantage ; vous pouvez y
ajouter foi. Si vous êtes bon Patriole , hâtez-
Vous done d'apprendre tous ces faits , que'
( 260 )
vous pouvez assurer à votre Municipalité ,
la Sociéte Philanthropique de Grenoble ,
comme encore à M. de la Fayette , pour se
préparer incessamment à leur défense. Je
me croirois trop heureux si , par la connoissance
que je vous donne de ces faits , j'eus
une foible part pour epargner le sang de
mes freres , de mes Concitoyens , et concourir
au maintien de la Constitution de la
France et à son parachevement. Avertissez
aussi vos Journalistes de publier ces faits , etc.
M
Le Maître d'école fit passer cette
belle dépêche au Departement de l'Isère
assemblé à Moirans , et sur l'autorité
de ce Magister et de son Correspondant
, on la livrée à l'impression. Ce
résumé de propos de taverne , et de
sottises de gens ivres , a servi de fondement
à tous les contes portés à l'Assemblée
Nationale , et commentés par les
Journalistes. Nous prenons sur nous ,
d'après des informations authentiques ,
d'affirmer que ce tissu de bêtises en est
un des plus insignes faussetés ; que du
Mont Cenis aux frontières du Valais ,
Te Roi de Sardaigne n'a pas 3000 hommes ;
que dans toute la Savoie il ne s'est pas
fait l'ombre d'un préparatif hostile ; et
que , si l'on a changé les cantonnemens de
quelques Détachemens , pour les porter
vers la Frontière , ce mouvement qui n'a
pas augmenté d'un Soldat le nombre des
Troupes réparties en Savoie , n'a eu
d'autre but que de maintenir la tranquil(
261 )
lité contre des Perturbateurs étrangers .
Le Décret du 19 Juin , qui dégrade la
Noblesse , a eu des défenseurs dans cette
classe d'Ecrivains dont la morale se reduit
à ce fameux axiome : Mon bien d'abord , et
puis le mal d'autrui. L'egalité des droits sans
cesse réclamée par les hommes les plus injustes
et les plus arrogans envers leurs égaux ;
l'intérêt de la liberté hypocritement invoqué
par des Tyrans , dont l'igtolerance , l'inhumanité
et le fanatisme , surpassent en exces ceux
du despotisme , dont nous espérions vainement
être delivrés pour toujours ; telles ont
éte les bases de ces déclamations , auxquelles ,
il faut l'avouer , on n'a guères repondu que
par d'autres lieux communs. La Noblesse
etoit une proprieté , dont un grand nombre
de Citoyens jouissoient depuis des siècles :
si quelques Courtisans , quelques Annoblis
sans titre , quelques Favoris sans mérite ,
avoient usurpé cette decoration les trois
quarts desGentilshommes dans les Provinces ,
avoient acquis ce patrimoine aux dépens du
sang et de la fortune de leurs Peres . On
avoit bien ve des Etats Démocratiques proscrire
l'institution de la Noblesse , inconnue
parmi eux ; d'autres , exclure les Nobles du
Gouvernement ; mais jusqu'a nous , nul ne
s'étoit avisé encore de les dégrader , ni d'étendre
ainsi la puissance des Lois sur les
siècles passés . Le même principe de l'égalité
rigoureuse , proscrit aussi toutes récompenses
à l'avenir , et toutes distinctions ; il proscrit
Ja subordination des Fils à leurs Pères , des
Femmes à leurs Maris , des Domestiques à
leurs Maitres , l'inégalité des costumes , de
l'éducation , et sur - tout celle des Fortunes
qui nécessairement entraîne toutes les au-
2
( 262 )
tres . Déja , pour effacer ces taches qui nous
déshonorent encore , on a proposé l'égalité
civique entre les deux sexes , et une defense
aux Enfans de prendre le nom de leurs Peres ;
ce qui perpétue l'Aristocratie de Famille.
L'Assemblée Nationale s'étant pres
crit de ne recevoir aucunes Protestations
, celles des Députés Nobles contre
le Décret du 19 Juin n'ont pas été admises.
C'est encore là une grande question ,
décidée , comme tant d'autres , sans le
moindre examen , que ce droit de protes
ter. Il est sans doute contraire à tous principes
, de l'exercer relativement aux Lois
générales , dont l'objet embrasse l'univer
salité des Citoyens ; mais peut- il être ,
a- t- il été jamais interdit nulle part à telle
classe particulière de Citoyens , dont les
intérêts ou les propriétés sont privativement
lésées par une Délibération ? Ensuite
, le droit de protester , interdit à la
minorité d'un Corps Législatif, peut - il
l'être aux Membres d'un Corps Constituant
, dont des instructions positives ont
enchaîné la volonté ? Nous laisserons à
d'autres l'examen de ces questions toutes
neuves , en remplissant le voeu d'une par
tie des Membres qui n'ont pas cru devoir
adhérer au Décret du 19 Juin , et qui
nous ont priés de faire connoître leur
démarche à leurs Commettans. Ne pouvant
transcrire ces Protestations metivées
qui ont été déposées chez wn Officier
( 263 )
public , nous indiquerons les signatures
de celles qu'on nous a fait parvenir .
MM. François d'Escars , Député de Châtellerault
, le 21 Juin ; le Comte de Culant
et le Marquis de St. Simon , Députés d'Angoumois
, le 26 Juin ; le Comte de Ludres ,
le Comte de Toustaint de Menonville , Députés
de Lorraine , le 24 Juin ; le Marquis
de Foucauli-Lardimalie , Député du Perigord
, le 22 Juin ; le Comte de Pannetier,
Député du Couserans , le 23 Juin ; le Comte
de Faucigny- Lucinge , Député de Bresse , le
22 Juin ; M. de Levi- Mirepoix et le Marquis
de Beauharnois , Députés de Paris , le 20
Juin ; le Marquis de Digoine du Palais , Député
de l'Autunois ; de Paroy , Député de
Provins ; de Vaudreuil , Député de Castelnaudary
; de Juigné , de Beaudrap et de la
Villarmois , Députes du Cotentin ; les Députés
du Berry , auxquels s'est joint depuis
M. Heurtault de Lamerville absent , et l'un
d'entre eux , par la lettre suivante à ses Commettans
.
"
MESSIEURS ,
J'étois absent de l'Assemblée Nationale ,
par un Congé , lorsque le Décret qui tend
le Décret
rendu . Si j'avois été présent à la Séance ,
j'aurois exprimé la même opinion que mes
Collègues ont eue pour enipêcher que le
Décret ne passât. En toute occasion , j'ai été ,
et je serai fidèle au Serment que j'ai prononcé
devant vous ; Citoyen , autant que Gentilhomme
, j'ai détendu constamment ,
esprit de par , et je defendrai jusqu'à la
mort vos justes droits. "
sans
( 204 )
M. le Baron de Landenberg, Député de
la Basse Alsace , auquel le Directoire de la
Noblesse immédiate de cette Province a
écrit la Lettre qui suit :
Ce
u
A Strasbourg, ce 9 Juillet 1790.
Monsieur et cher Confrère ,
Nous devons les plus grands éloges à la
conduite vraiment noble et touchante que
vous avez tenue dans la Séance du 19 du
mois dernier. Vous avez bien rendu justice
à nos sentimens , et vous nous avez prévenus
en protestant en notre nom contre les dispositions
d'un Décret qui porte abolition de
la Noblesse hereditaire , des Titres et des
distinctions . Nous avons peine à nous persuader
que cette abolition puisse concerner
une Noblesse qui a apporte avec elle ses
titres , ses distinctions , et qui ne les tient nullement
de la France , à laquelle elle s'est don
née, sous la foi des Traites qui les lui garantissent.
Nous croyons que la déclaration solennelle
que vous avez faite devant les Re
présentans de la Nation , de ne pouvoir y
acquiescer , nous dispense d'une protestation
en forme ; rendez notre Lettre publique
par la voie de l'impression . Elle suppléera
à toute protestation ultérieure.
"
« Les Directeurs et Assesseurs du Directoire
du Corps de la Noblesse immédiate de la
Basse-Alsace. »
Les Numéros sortis au Tirage de ta
Loterie Royale de France , le 16 Août
1790 , sunt : 65,62 , 77 , 88 , 8.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE
De Vienne , le 12 Août 1790 .
LA Cour a fait publier dans sa Gazette
officielle , la signature de la Convention
de Reichenbach, qui est aujourd'hui
ratifiée . M. de Spielman est de
retour depuis le 2. L'impression chagrine
qu'a produit cette pacification ,
diminue de jour en jour dans l'esprit des
hommes réfléchis , et l'on ne sauroit
blâmer 1 : Souverain d'avoir rendu la
paix à ses Etats , puisqu'assurément ce
n'est pas lui qui les en avoit privés . On
peut se rappeler que l'on dut aussi la
paix de Teschen à l'intervention combinée
du Roi actuel et de son auguste
Mère.
N°. 35. 28 Août 1790. M
t
( 206 )
Le Comte de Lusi , ancien Ministre
de Prusse à la Cour de Londres , a séjourné
ici , d'où il est parti le 3 pour
Bucharest. Les Plénipotentiaires de la
paix définitive avec la Porte , sont actuel .
lement réunis dans cette capitale de la Valachie
, où l'on n'est pas encore certain de
voirM. de Bulgakof, Ministre de Russie.
L'Impératrice maintenant livrée à ses
seules ressources , ne peut encore avoir
fait connoître ses intentions. Elle pliera
vraisemblablement ses ressentimens ,
ses projets , et les hauteurs de son Cabinet
à la nécessité , nécessité qui deviendra
très-impérieuse , si la Prusse et ses
Alliés veulent , comme ils l'ont déclaré ,
ne point pacifier à demi le Nord et le
Levant.
L'état de la Hongrie correspond au
caractère des têtes inflammables du pays :
il y existe presque autant de factions
que de Comitats , deux partis entre les
Magnats , des différens entre l'Ordre
Equestre et les Magnats , des Villes avec
les uns et les autres ; des Paysans avec tous;
des Catholiques, des Grecs, des Protestans
entr'eux ; des Transylvains contre les
Hongrois , etc. Ces derniers ont demandé
à la Cour d'être autorisés en vertu d'un
ancien droit , à envoyer des Plénipotentiaires
à Bucharest , pour y traiter avec la
Porte. En réponse, le Gouvernement leur
a envoyé la convention de Reichenbach
( 267 )
De Francfort sur le Mein , le 21 Août.
Les Belges n'ont pas conservé longtemps
le pays de Limbourg où ils étoient
rentrés le 8. Deux mille d'entr'eux conduits
par M. Fraye de Schipplacken ,
furent long- temps repoussés par 150 intrépides
Autrichiens sous les ordres de
M. le Capitaine d'Aspre. Ce foible détachement,
après la plus vigoureuse défense
, se retira avec peu de perte. Les
Belges entrèrent dans Herve : maîtres de
cette Ville et des environs , ils y signalèrent
leur présence par d'exécrables
barbaries : des maisons furent pillées, des
Bourgeois tués sur leurs domiciles , des
Paysans massacrés dans leurs maisons
incendiées. Les Limbourgeois expioient
´ainsi l'alégresse avec laquelle ils avoient
vu chasser ces prétendus défenseurs de
la liberté; mais ceux- ci n'ont pu se maintenir
à Herve au delà de quatre jours . Ils
n'ont pas même attendu 500 Autrichiens
qui sont arrivés le 13 ; car dès le 12 ils
avoient évacué Herve et le Limbourg .
Voilà donc l'autorité du Roi de Hongrie
solidement rétablie dans cette fertile et
riche Province , où ses Soldats ont été
reçus comme des libérateurs . Aujourd'hui
, les Autrichiens qui sont au moins
1500 dans le Limbourg , pourront passer
la Meuse près de Liège , et tourner la
colonne d'Ennemis qui se trouve sur les
Mig
( 268 )
rives de ce fleuve. Elle a recu de nouveaux
échecs à Gône , à Haltines , à Sorlière
, et s'affoiblit de jour en jour par ces
pentes réitérées et par la défection . Les
artifices du Congrès qui cherche à soutenir
les espérances ruinées de la multitude
, par des lettres apocryphes et des
relations infidèles , sont une preuve assez
forte du délabrement total de ses ressources
et de l'opinion qu'il en a luimême.
Il ne lui reste qu'à négocier par
l'entremise de la Prusse , de la Hollande ,
et de l'Angleterre ; mais , certes , ces
Puissances ne pourront leur obtenir de
meilleures conditions que celles que leur
offrit Léopoldà son avènement , et qu'ils
rejetèrent avec tant de présomption.
Le mouvement des Troupes Exécutrices
dans le Pays de Liège , n'a encore
été suivi d'aucune entreprise , d'aucune
action importante . Le 9 , près de Sutendal,
il y eut une rencontre entre un
poste avancé de l'Armée des Cercles et
celle des Liégeois ; chacun s'en attribue
l'avantage , qui consiste à avoir tué ou
blessé quelques hommes. Les Gazettes
ont raconté ce petit fait , à peu près
comme on raconta la bataille de Fontenoi.
Le célèbre Professeur Basedow , si
connu en Allemagne par ses Ouvrages
élémentaires sur l'Education publique ,
est mort à Dessau , âgé de 66 ans.
( 269 )
$
ITALIE.
De Rome , le 3 Août.
Le Gouvernement de Naples a fait sortir
des Etats du Roi plusieurs François , auxquels
on attribue des indiscrétions et des
Ecrits quiles ont fait soupçonner, dit- on ,
d'être des Propagateurs de discorde et d'anarchie.
Tous les Souverains se mettent
en garde contre les Apôtres d'une docrine
·qui, au lieu d'une liberté sage , calculée sur
le naturel , les moeurs , l'état physique
et civil des Peuples , les invite à des
révoltes sanguinaires , à renverser toute
autorité , et à briser par la violence
tous les liens , tous les droits , tous les
rapports , pour refaire les Nations . Nous
ignorons encore si le Gouvernement de
Naples a fait un acte de prudence ou
de défiance outrée , et d'injustice ; mais
l'on est ici très attentif aux démarches des
Prêtres politiques qu'on pourroit nous
envoyer de l'Etranger..
Sa Sainteté vient de faire remettre aux
Ambassadeurs des Puissances Etrangères
un Mémoire relatif au soulèvement d'Avignon
. En voici la teneur :
रा
*
Les maximes d'indépendance et de liberté
effrénée , qu'inspirent et propagent avec fureur
les ennemis de la Religion , de la Souveraineté
et de la tranquillité publique , ont
porté la Ville d'Avignon aux plus énormes
M iij
( 270 )
attentats et à la plus exécrable perfidie. Ce
Peuple qui , depuis des siècles , jouissoit du
Gouvernement modéré du Siege Apostolique
, s'est laissé séduire et entraîner aux
témérités et folies d'un petit nombre de séditieux
; et , au milieu du tumulte et de l'anarchie
, il a fini par eclater en rebellion ouverte.
Cependant toute occasion et prétexte
de plainte et de trouble avoit été prévenue
par les traits de la généreuse bienfaisance
de Sa Sainteté envers ses Sujets abusés ,
soit en leur fournissant d'abondantes provisions
de grains de ses propres deniers , soit
en ordonnant le redressement des griefs , en
facilitant l'administration de la Justice , et
les invitant paternellement à indiquer les
défauts et les abus qui s'étoient introduits
dans la Législation , pour y faire les réformes
et améliorations nécessaires. Toutes
ces sollicitudes du bienfaisant Pontife, toutes
cos condescendances , au lieu de produire
les sentimens de la réconnoissance et de la
modération , n'ont fait que les rendre encore
plus hardis et plus insolens ; et accumulant
chaque jour delits sur délits , excès sur excès ;
après avoir renversé et détruit l'antique systême
de la Magistrature et des Tribunaux,
suborné et dissous la milice , envahi les droits
de la Souveraineté et du Sanctuaire , insulté
et offensé les Représentans du Pontife et
ses Ministres , répandu des estampes injurieuses
à la Puissance Suprême , foulé aux
pieds et violé tout ce qui est sacré et profane
, infideles et parjures , ils sont venus à
leur but , et ont mis le sceau à leurs infames
desseins :: car , le 12 et 13 du mois de Juin
passé , ils ont trempé les mains dans le sang
de leurs Concitoyens , abattu les armes et
les enseignes du Pontife régnant , leur unique
( 271 )
Souverain , y substituant tumultueusement
celles du Roi Très- Chrétien , dont la justice
connue , la religion et le respect pour
le Siége Apostolique , sont un sûr garant
que , bien loin de favoriser cet inique projet,
il ne laissera pas impuni eet indigne attentat
. Enfin , ils ont obligé . M. Cazoli , Vice-
Légat , à abandonner la ville et le territoire
d'Avignon.
"
D
Tel est en précis le résultat de la révolte
et de la révolution des Avignonnois ,
que le Cardinal , Secrétaire d'Etat , est
chargé , de la part du Saint Père , de communiquer
à V. E. afin qu'elle ait la complaisance
d'en informer sa Cour , dans la
ferme confiance qu'elle prendra le parti qui
Convient à l'importance d'une cause commune
à tous les Souverains , et à l'amitié
particulière que Sa Majesté professe pour la
personne sacrée de Sa Sainteté
"♪
Sa Sainteté pouvoit ajouter avec rai
son , que cette révolte n'outrageoit pas
moins le droit des Peuples que celui des
Souverains ; car quelle violence plus insigne
, quel attentat plus criminel sur la
Nation , que d'en usurper le vau , et de
changer la forme du Gouvernement légal
par des assassinats . J. J. Rousseau
avoit deviné cet événement et d'autres.
pareils , lorsqu'il a dit dans le Contrat
Social, queles Usurpateurs et les Factieux
amenoient ou choisissoient toujours
des temps de troubles , pour faire passer
à la faveur de l'effroi public , des Lois destructives
que le Peuple n'adopteroit jamais
de sang froid .. »
M iọ
( 272 )
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 20 Août.
#
"Nous avons affirmé la semaine dernière
, et depuis un mois fait pressentir
que la Convention avec l'Espagne n'ameneroit
aucun désarmement . En même
temps , nous avons attribué d'après l'opinion
des Personnes qui peuvent faire
autorité , la continuation de cet appareil
menaçant au desir qu'a l'Angleterre
d'amener l'Espagne à un Traité de commerce
, et peut- être à une Alliance . La
première partie de nos assertions est déja
complètement vérifiée , Aucun ordre de
discontinuer la presse , primes toujours
allouées , par proclamation , aux Matelots
de bonne volonté , assiduité des travaux
dans les Chantiers , nouveaux Bâtimens
de guerre mis en commission . De plus ,
l'Amiral Howe dont la longue station à
Spithéad sembloit promettre de l'incer
titude , a appareillé le 12 , et le 13 au
matin il s'est réuni dans la rade de Torbay
à l'escadre de l'Amiral Barrington . Cette
flotte qui , le 15 n'avoit pas encore mis
à la voile , est composée de 31 vaisseaux
de ligne , outre les frégates , sloops et
brûlots . En voici l'état authentique.
Amir. HowE.
Le Queen Charlotte 110 can . C. Am. GoWER
Cap . CURTIS.
Le RoyalGeorge . 110. Amir. BARRINGTON.
( 273 )
Le Victory
Le London .
Tro. Vic. Am. Lord Hoop .
98. V. Am. ALEX . HOOD .
Princesse Royale.98. Cont. Am . HOTHAM.
L'Impregnable... 98. C. Am. BICKERTON .
Le Barfleur.. 98. Contr. Amir. JERVIS...
Formidable
Valiant.
98. Gibraltar ....... 80 .
74. Duc de CLARENCE .
Alcide . 74. Arrogant ... .74.
Bedford 74. Bellona .
.74.
Bombay Castle ..
Carnatic ..
74. Brunswick .
•
74.
74. Colossus . · 74 .
Courageux.
Cumberland .
Egmont ...
Illustrious
Marlborough .
74. Culloden
.
.74.
74. Edgar.... ·74.
74. Hannibal.
74.
74. Magnificent .74.
... 74. Orion .... .74.
Saturn .
Director.
74. Vengeance . .74.
64. Roebuck . 44 .
Hebé . .38.
Crescent .
La Prudente
Fury ..
38. Latona .
36. La Nymphe.... 36.
36. Orestes brig..... 18.
16. Spitfire ( brûlot ) . 16.
14 Tisiphone ( ditto ) .
Plusieurs frégates , sloops et cutters doivent
joindre cette flotte , au débouquement de
la Manche. Chaque vaisseau a des provisions
pour 4 mois.
On se presse d'achever à Plymouth l'équipement
du Royal Sovereign de 110 can . , du
Prince de 98 , du Captain et du Swifsture
de 74, et du Nassau de 64. •
A Porstmouth , on équipe le Duke de
98 can. le St George de 98 , et le Canada
de 74 Sept vaisseaux de ligne sont restés
à Spithéad.
Mille raisonnemens suivent les escadres
, pour pénétrer leur destination ,
Με
( 274 )
les plans du Cabinet , les motifs de ces
Armemens. Rien de plus vain que ces
conjectures contradictoires ; elles se rapportent
, d'ailleurs , à peu près toutes
à l'opinion que nous avons citée en commencant.
Suivant le bruit général , l'escadre
Espagnole , forte de 33 vaisseaux
de ligne , a fait voile de Cadix pour la
Baie de Biscaye.
Le Diary assure que de cinq Officiers
Anglois embarqués sur l'escadre Russe ,
quatre ont péri dans le dernier combat
avec les Suédois .
Dans le nombre des nouveaux Membres
du Parlement , on compte un des plus
riches Particuliers d'Europe , M. Muilman
Chiswell élu pour Aldborough dans
le Comtéd'Yorck . Ce Particulier possède
un million et demi Sterling de fortune ,
et vient d'hériter de 400 mille liv . ster .
å Amsterdam . Il n'a qu'une fille mariée
' au Chevalier Francis Vincent.
FRANCE.
De Paris , le 18 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Décre & sur les Apanages , rendu le Vendredi
13 Août.
* ART. I. Il ne sera concédé à l'avenir aucun
Apanage réel ; les Fils puinés de Fiance
seront élevés et entretenus aux dépens de la
Liste civile , jusqu'à ce qu'ils se marient , ou
qu'ils aient atteint l'âge de vingt - cinq ans
( 275 )
1
accomplis alors il leur sera assigné , sur le
Trésor National , des rentes apanagères ,
dont la quotité sera déterminée , à chaque
époque , par la Législature en activité. "
10 II. Toutes concessions d'Apanages , antérieures
à ce jour , sont et demeurent révoquées
par le présent Décret. Défenses sont
faites aux Princes apanagistes , à leurs Officiers
, Agens ou Régisseurs , de se maintenir
ou continuer de s'immiscer dans la jouissance
des biens et droits compris auxdites
concessions , au - delà des termes qui vont
être fixés les articles suivans .
par
"
III. La présente révocation aura son effet
à l'instant meine de la publication du
présent Décret , pour tous les droits ci- devant
dits régaliens , ou qui participent de la
nature de l'Impôt , comme droits d'Aides et
autres y joints , contrôle , insinuation , centieme
denier , droits de nomination et de
casualité des Offices , amendes , confiscations
, Greffes et Sceaux et tous autres
droits semblables , dont les Concessionnaires
jouissent à titre d'Apanage , d'engagement ,.
d'abonnement ou de concession gratuite , sur
quelques objets ou territoires qu'ils les exer
cent. »
10
2.
IV. Les droits utiles , mentionnés dans
l'article précédent , seront à l'instant même
réunis aux Finances Nationales , et dès- lors.
ils seront administrés , régis et perçus selon
leur nature , par les Commis , Agens et Préposés
de Compagnies établies par l'Adminis
tration actuelle , dans la même forme , et à
la charge de la même comptabilitéque ceux .
dont la perception , régie et administration ,
leur est respectivement confiée. »
» V. Les Apanagistes continueront de
Mavi
( 276 )
jouir des domaines et droits fonciers , compris
dans leurs Apanages , jusqu'au mois de
Janvier 1791 ; ils pourront même faire couper
et exploiter à leur profit , dans les délais
ordinaires , les portions de bois et futaies
duement aménagées , et dont les coupes
étoient affectées à l'année présente par leurs
Lettres de concession , et par les évaluations
faites en conséquence ; en se conformant par
eux aux Procès - verbaux d'aménagement , et
aux Ordonnances et Réglemens intervenus
sur le fait des Eaux et Forêts ..
Les articles VI , VII et VIII ajournés.
ex
IX. Les Fils puinés de France , et leurs
enfans et descendans ne pourront en aucun
cas , rien prétendre ni réclamer à titre héréditaire
dans les biens -meubles , ou immeubles
laissés par le Roi , la Reine et l'Héritier
présomptif de la Couronne.
"
"
X. Les baux à ferme ou à loyer des
Domaines et droits réels , compris aux Apanages
supprimés , ayant une date antérieure
de six mois au moins au présent Décret ,
seront exécutés selon leur forme et teneur ;
mais les fermages et loyers seront payés à
l'avenir aux Trésoriers des Districts de la
situation des objets compris en iceux , déduction
faite de ce qui sera dû à l'Apanagiste
sur l'année courante , d'après la disposition de
l'art. V. "
"
XI. Les biens et objets réels non affermés
, ou qui l'auront été depuis six
mois , seront régis et administrés comme les
Biens Nationaux retirés des mains des Ecclésiastiques.
>>
. XII. Les Décrets relatifs à la vente des
Biens Nationaux , s'étendront et seront ap277
pliqués à ceux compris dans les Apanages
supprimés,
Les articles XIII et XIV ajournés .
"(
XV. Les acquisitions faites par les
Princes Apanagistes dans l'étendue des Domaines
dont ils avoient la jouissance à titre
deretrait des Domaines, tenus en engagement
dans l'étendue de leurs Apanages , continueront
à être réputés engagemens , et seront à
ce titre perpétuellement incommutables . »
Nous n'avons fait qu'indiquer dans le
dernier Numéro , la Motion de M. Malouet
en faveur de M. l'Abbé Raynal. - Les ju
gemens divers qu'on en a porté , les applaudissemens
et les reproches prodigués à M.
Malouet , nous ont paru mériter quelques
réflexions ; car dans les actions publiques ,
il n'y a rien d'indifférent, et lorsque les dif
férens Partis s'occupent à les traduire dans
leur langue , à les juger dans leur esprit ,
il est bien permis à la froide raison d'avoir
aussi son avis.
En suivant toutes les opinions de M.
Malouet et sa conduite dans l'Assemblée
on voit qu'il s'est dirigé constamment sur
la ligne , hors de laquelle le véritable amour
de la liberté n'est plus que fanatisme du
hypocrisie. Avant la Révolution , il étoit
déja pénétré de la nécessité de ramener
la France à une Constitution libre , sans
dépasser les bornes que le Gouvernement
convenable à une grande Nation , et l'expérience
de tous les siècles assignent à la
la liberté politique. Ces principes inflexibles
ont dû rendre M. Malouet odieux
tous ceux qui veulent la liberté sans con(
278 )
dition et sans mesure , c'est-à- dire , qui ne
savent ce qu'ils veulent , car ils arrivent
ainsi au despotisme ou à l'anarchie. — D'un
autre côté , les ressentimens , les justes
plaintes du parti opprimé ont dû exagérer
quelquefois les oppositions aux mesures et aux
principes dominans. Ceux qui y résistent toujours
ont trouvé dans M. Malouet un homme
qui y résistoit souvent , mais qui n'a jamais
pris l'engagement d'être d'un autre avis que
le sien.
Ancien ami de M. l'Abbé Raynal , M..
Malouet a été chargé par cet Ecrivain de
solliciter la révocation de son Décret. Il
s'en est occupé 18 mois , en employant les
voies et les formes légales ; il a dû trouver les
Magistrats inflexibles , tant que la demande
de M. l'Abbé Raynal ne se concilieroit pas
avec ces formes , consacrées par la Loi ; on
a exigé le désaveu des erreurs de l'Histoire
Philosophique et Politique. M. Malouet ne
pouvoit y consentir sans l'autorisation de
son ami d'un autre côté , ses principes
contre la licence de la presse lui permettoientils
de prendre la défense de l'Abbé Raynał,
decrété de prise de Corps , en désaprouvant
ses erreurs ?
Sans doute , en regrettant de trouver au:
milieu de tant de vérités importantes , semées.
dans l'Histoire du Commerce , des amplifications
, des exagérations dangereuses , des
dogmes essentiels au bonheur de la Société
Ouvertement attaqués , on n'appellera pas
Libelle un Ouvrage en dix volumes , dont
les intentions et le mérite balancent les
excès. Ainsi , le reproche de contradiction fait
à M. Malouet est évidemment injuste ; personne
assurément n'associera l'Histoire Phi(
279 )
losophique , aux brochures et aux Feuilles
actuelles de Paris. M. Malouet a peut- être
trop accordé à l'amitié dans le préambule
de sa Motion , où il a tracé l'éloge de l'Histoire
du Commerce ; plût à Dieu qu'on n'eût
pas d'erreurs plus graves à reprocher aux
Hommes publics de tous Partis ! Au reste
M. Malouet s'étoit bien gardé de demander
à l'Assemblée de casser l'Arrêt du Parlement
de Paris , ni de consacrer ainsipar son suffrage,
la confusion si dangereuse des pouvoirs.
Il réduisoit le Décret à une prière de l'Assem
blée à S. M. , d'ordonner que la procédure
et le Décret contre M. l'Abbé Raynal restassent
sans exécution , et comme non-avenus.
DU LUNDI 16 AOUT.
Après les complimens de M. Dupont , nouveau
Président , et de son Prédécesseur , on
s'est occupé de l'Ordre Judiciaire . M. Thouret
- a pressé la nécessité de mettre les Tribunaux
sur pied dans six semaines , et pour
cela , d'aller rapidement à la conclusion de
ce travail , le plus important , le plus digne
d'une lente discussion , et d'ouvrir incessamment
les Elections . Mais d'abord où seront
placés les Tribunaux ? M. Gossin , a dit M.
Thouret , est prêt à faire le rapport de cette
fixation. Quant à la conclusion de l'In titution
Judiciaire elle se trouvera dans
quelques articles additionnels , et entre
autres dans ceux qui établissent la Justice
arbitrale. M. Thouret a proposé et fait recevoir
ces différentes dispositions.
2
Des Juges Arbitres.
Art. I. L'arbitrage étant le moyen le
plus raisonnable de terminer les contestations
entre les Citoyens , les Législatures ne pour(
280 )
ront faire aucunes dispositions qui ten droient
à diminuer , soit la faveur , soit l'efficacité
des compromis .
"
II. Toutes Personnes ayant le libre exercice
de leurs droits et de leurs actions , pourront
nommer un ou plusieurs Arbitres , pour
prononcer sur leurs intérêts privés , dans tous
les cas et en toutes les matières , sans exceptions.
44
"
III. Les compromis qui ne fixeront aucun
délai dans lequel les Arbitres devront
prononcer , , et ceux dont le délai sera expiré,
seront néanmoins valables , et auront
feur exécution jusqu'à ce qu'une des Parties
´ait fait signifier aux Arbitres qu'elle ne veut
plus tenir à l'arbitrage , »
IV. Il ne sera point permis d'appeler
des Sentences arbitrales , à moins que les
Parties ne se soient expressément réservé ,
par le compromis , la faculté d'appeler. »
V. Les Parties qui conviendront de se
réserver l'appel , seront tenues de convenir
également , par le compromis , d'un Tribunal
entre tous ceux du Royaume auquel l'appel
sera déféré , faute de quoi l'appel ne sera pas
reçu . "
"
VI. Les Sentences arbitrales , dont il n'y
aura pas d'appel , seront rendues exécutoires
par une simple Ordonnance du Juge de District
, qui sera tenu de la donner en bas ou
en marge de l'expédition qui lui sera présentée..".
"
VII. Dans le cas où un Juge de Paix
sera valablement empêché , il sera remplacé
par un Assesseur. n
On a ajouté l'article suivant au Titre des
Juges- Consuls :
"
Dans les affaires qui seront portées aux
( 28г )
Tribunaux de Commerce , les Parties auront
la faculté de consentir à être jugées sans
appel , auquel cas les Juges de Commerce
prononceront en premier et en dernier ressort.
"
Enfin , d'autres Statuts additionnels ont
été décrétés en ces termes :
"
1º. Les articles décrétés jusqu'à présent
sur l'Organisation Judiciaire , seront présentés
à l'acceptation du Roi ; il sera supplie
d'en faire faire incessamment l'envoi aux
Corps Administratifs , aux Municipalités et
aux Tribunaux .
2º. Aussitôt que les Directoires de Dé
partement les auront reçus , ils les feront
publier , et les enverront sans retard aux Directoires
de Districts. ",
3. En chaque District le Procureur-
Syndic convoquera les Electeurs dans la huitaine
de la réception des Décrets , et indiquera
le jour pour l'Election , de manière
qu'il y ait au moins huit jours francs entre le
jour de la convocation et celui de l'Assemblée
des Electeurs . "
"
4° . L'Assemblée Nationale se réserve
de distinguer dans les articles ci - dessus
les dispositions qui sont constitutionnelles
de celles qui ne sont que réglementaires.
Les avantages de la Justice arbitrale sont
connus ; ils ont été sentis par la plupart des
Législateurs ; mais une coutume bien supé,
rieure en excellens effets , est celle qu'aucune
Loi ne peut déterminer , qui résulte des
moeurs , et qui consiste dans l'intervention
du Juge lui - même , comme Juge d'Equité ,
pour opérer des transactions entre les Parties.
Un de mes Compatriotes , aux lumières , à
( 282 )
*
"
la sagacité et aux vertus duquel je saisis
cette occasion de rendre justice , M. Naville ,
ancien Procureur- Général de la République
de Genève , a développé avec autant de préeision
que de justesse , les bienfaits de cet
usage L'erreur des Institutions judiciaires
, observe - t-il , a été de créer des
Tribunaux pour juger, et uniquement pour
jager. Ils devoient être créés pour transiger
, et ne prononcer des Sentences qu'apres
avoir essayé vainement tous les moyens
de rapprocher les Parties, et de les accorder
- entr'elles.
#
*
"
»
L'autorité d'un Juge a bien plus de force
que celle d'un Arbitre , etle Plaideur acharné
qui aura repoussé toute conciliation ou tout
arbitrage , avant de paroître devant les Tribunaux
, sera plus facilement désarmé en
présence du Juge , duquel dépend sa condamnation.
*
"
Cette coutume admirable qui honore les
Tribunaux de Genève a une influence si
salutaire , que sur 35 mille individus ressortissans
à leur Juridiction , on ne juge par
appel , année commune , que TREIZE PROCÈS
excédans 472 liv. tournois , et UN SEUL excédant
944 liv. Cette heureuse disette se
manifeste cependant dans une Villeopulente ,
une Ville de Commerce , où les affaires , et
par conséquent les contestations sont extrêmement
multipliées.
་་
L'ouvrage de M. Naville qui me fournit
ce résultat , est intitulé : Etat civil de Genève ;
il renferme des rapprochemens curieux , et
des vérités dignes de méditation . On y voit
que dans la République entiere , peuplée de
35000. ames , il ne se trouve que 30 Individus
, Avocats , Procureurs , Greffiers , Huis(
283 )
·
siers , etc. , occupés à suivre et expédier les
Procès. Tous les frais quelconques des Procès
qui s'élèvent annuellement , montent au plus
à 25000 tournois ; aussi l'Avocat le plus
occupé disoit - il que son travail annuel lui
fournissoit les moyens de tenir table ouverte
de the pour ses amis.
M. Naville a dressé avec exactitude des
tables de comparaison entre la population
de Genève et celle de Londres , Paris et
Naples , ainsi que du nombre proportionnel
de Procès , de Gens de Loi , et de frais processifs
et de Justice , que devroient supporter
ces trois dernières Villes , dans le rapport
de leur population avec celle de Genève. Il
résulte de ce tableau de proportions , que,
toutes les dépenses de procès entre les Habitans
de Paris ne devroient s'élever annuellement
qu'à 430,000 liv . , et pour le Royaume
entier qu'à 18,000,000 . L'Abbé de S. Pierre
avoit proposé une réforme de la Jurispru
dence civile , qui eût économisé , par an ,
soixante et treize millions sur les Procès.
Qu'on juge , par cette réduction , de la
somme totale à laquelle s'élève la dépense
générale pour cet objet. En Angleterre , le
seul Procès célèbre des Familles Hamilton
et de Douglas a coûté plus de frais , que tous
les Procès réunis de la République de Genève
, en vingt années .
L'inestimable bonheur des Genevois à cet
égard dérive de l'esprit public , de l'intégrité
et du patriotisme des Tribunaux , du caractère
d'ordre et de raison qui caractérise les
Habitans , et de la belle simplicité des Lois
Civiles. On n'en compte que trois cents
soirante ; encore plusieurs sont en désuetude.
Comparez cette modération avec la
1
( 284 )
manie de légisférer qui a saisi toute l'Europe .
La France a plus de Codes divers que Genève
n'a de paragraphes de Lois . L'Angleterre
peut se féliciter d'une Bibliothèque de Jurisprudence
civile , tellement simplifiée, que
son seal Répertoire excède trente volumes
in -folio .
La diminution des délits est un autre bienfait
de la simplicité des Lois civiles . En 36 ans
( du.Janvier 1754 au 1. Novembre 1789 ) ,
on n'a exécuté capitalement à Genève que
treize malfaiteurs , dont trois seulement
étoient Génevois .
Ces Actes de Justice non contentieuse , ces
procédés conciliatoires du Magistrat , composent
presqu'en entier l'Administration de
la Justice civile à Genève ; ils sont rendus
et enregistréspar l'intervention seule du Juge
conciliateur , sans Notaires , sans émolumens ,
sans témoins , sans formalités . Je me suis
é'endu sur les effets de cette Institution ,
parce qu'elle seroit applicable à tous les pays ;
pais l'on sent qu'elle est incompatible avec
celle des Jurés au Civil , que Genève peut se
feliciter de n'avoir jamais admis .
Dans le même ouvrage que j'ai cité , M.
Nacille expose une vérité bien importante et
bien méconnue ; c'est que si les Lois politiques
sont les premieres dans l'ordre naturel
d'une bonne Législation , 's Lois civiles
sont les plus essentielles au bonheur du plus
grand nombre. L'Angleterre , qui jouit des
meilleures Lois politiques , est désolee par
le désordre de ses Lois civiles. Je n'hesite
donc pas à penser avec M. Naville , que le
travail d'une philosophie éclairée sur les
Lois civiles , seroit un bienfait bien plus précieux
pour l'humanité ', que toutes les re(
285 )
cherches métaphysiques des Publicistes , pour
compliquer les Lois politiques.
Ce fut au travers de ces résolutions législatiyes
sur les Arbitres , que MM. Regnier et Prugnon
annoncèrent le péril de Nancy et la 16-
volte dela garnison de cette ville . On chargea,
ainsi que nous l'avons dit la semaine precedente,
les trois Comités Militaire , des Rapports et
des Recherches de s'assembler sur le champ ,
et de dresser un Rapport. Vers la fin de la
Séance , M. Emmery vint en rendre compte ,
et interrompit la lecture d'une Notice des
dépenses Académiques par M. le Brun . Cet
événement portoit un caractère qui ne permettoit
plus l'excuse ordinaire de l'égarement,
des mal entendus , d'un excès de zèle , du beau
feu de la liberté qui embrasoit des Soldats Citoyens.
Ces pretextes tant de fois allégués
pour justifier des désordres injustifiables ,
n'auroient pas trouvé grace aux yeux de l'Assemblée.
M. Emmery invoqua sa séverité ,
et elle prouva son respect pour l'ordre public
, en décrétant ce qui suit .
* L'Assemblée Nationale , après avoir entendu
le rapport qui lui a été fait au nom de
ses trois Comités Militaire , des Recherches
et des Rapports , réunis , indignée de l'insubordination
continue dans la garnison de
Nancy, par les Régimens du Roi , Infanterie,
de Mestre - de - Camp , Cavalerie , et de Châteauvieux
, Suisse , depuis et au mépris du
Décret du 6 de ce mois , quoiqu'il renfermât
des dispositions propres à leur assurer la
justice qu'ils pouvoient réclamer par des
voies légitimes ; convaincue que le respect
pour la Loi , et la soumission qu'elle commande
aux ordres du Chef Suprême de l'Ar(
286 )
•
mée , ainsi que des Officiers , et aux règles de
la discipline militaire , sont les caractères essentiels
, comme les premiers devoirs des Soldats
Citoyens ; et que ceux qui s'écartent de
ces devoirs au préjudice de leurs sermens
sont des ennemis publics dont la licence menace
ouvertement la véritable liberté et la
Constitution ; Considérant combien il importe
de réprimer avec sévérité de semblables excès
, et de donner promptement un exemple
tel , qu'il puisse tranquilliser les bons Citoyens
, satisfaire à la juste indignation des
braves Militaires qui ont vu avec horreur la
conduite de leurs indignes camarades , enfin ,
éclairer et retenir par une terreur salutaire ,
ceux que l'erreur ou la foiblesse a fait condescendre
aux suggestions d'hommes criminels ,
les premiers et principaux auteurs de ces désordres
;
" A décrété et décrète d'une voix unanime,
que la violation à main armée , par les Troupes
, des Décrets de l'Assemblée Nationale ,
sanctionnés par le Roi , étant un crime de
Lèse-Nation au premier Chef, ceux qui ont
excite la rébellion de la garnison de Nancy ,
doivent être poursuivis , et punis comme coupables
de ce crime , à la requête du ministère
public , devant les Tribunaux chargés par les
Décrets , de la poursuite , instruction et punition
de semblables crimes et délits ; "
"
Que ceux qui , ayant pris part à la rébellion
de quelque manière que ce soit , n'auront
pas , dans les vingt- quatre heures , à
compter de la publication du présent Décret ,
déclaré à leurs Chefs respectifs , même par
écrit , si ces Chefs l'exigent , qu'ils reconnoissent
leur erreur et s'en repentent , seront également
, après ce délai écoulé , poursuivis et
( 287 )
punis comme fauteurs et participes du crime
de Lese- Nation . »
"
Que le Président de l'Assemblée Nationale
se retirera immédiatement pardevers le Roi ,
pour le supplier de prendre les mesures les
plus efficaces pour l'entière et parfaite exécution
du présent Décret ; en conséquence ,
d'ordonner , 1 °. à son .Procureur au Bailliage
de Nancy de rendre plainte contre
toutes Personnes de quelque rang , quelque
état et condition qu'elles soient , soupçonnées
d'avoir été instigateurs , fauteurs ou
participes de la rébellion qui a eu lieu
dans la garnison de Nancy , depuis la Proclamation
des Décrets des 6 et 7 de ce mois ;
2º. aux Juges du Bailliage de Nancy , de
procéder sur ladite plainte , conformément
aux Décrets précédemment rendus concernant
l'instruction et le jugement des crimes
de Lèse-Nation ; d'ordonner pareillement
à la Municipalité et aux Gardes Nationales
de Nancy , ainsi qu'au Commandant Militaire
de cette place , de faire , chacun en
ce qui les concerne , les dispositions nécessaires
, et qui seront en leur pouvoir , pour
s'assurer des coupables et les livrer à la
justice ; même d'ordonner le rassemblement
et l'intervention d'une force militaire , tirée
des garnisons et des Gardes Nationales du
Département de la Meurthe et de tous les
Départemens voisins , pour agir conformément
aux ordres de tel Officier qu'il plaira
à Sa Majesté commettre , à l'effet d'appuyer
l'exécution du présent Décret , de
faire en sorte que force reste à justice , et
que la Liberté et la sureté des Citoyens
soient efficacement protégées contre qui-
Conque chercheroit à y porter atteinte; à
( 288 )
l'effet de quoi cet Officier général sera spécialement
autorisé à casser et licencier les
Régimens de la garnison de Nancy , dans
le cas où ils ne rentreroient pas immédiatement
dans l'ordre , ou s'ils tentoient d'opposer
la moindre résistance au châtiment
des principaux coupables . "
DU LUNDI. SÉANCE DU SOIR.
Une nouvelle sortie de M. Bouche contre M.
le Garde- des - Sceaux , au sujet de quelques
Décrets prétendus non expédiés , a ouvert
la Séance. Elle étoit peu nombreuse ; M. Blin
a assuré qu'aussitôt que 200 Membres seroient
réunis , il manderoit M. le Garde - des - Sceaux
à la Barre il n'en a rien fait , et il en a été
de cette plainte , comme de tant d'autres
précédentes sur le même objet ; le Président
à été chargé d'écrire à M. le Garde - des-
Sceaux.
:
On a chargé le Comité des Rapports , des
pieces relatives à la tyrannie exercée contre
un Gentilhomme , arrêté , garotté , jeté dans
un cachot , sous le prétexte digne du
douzième siècle , qu'il empoisonnoit les fontaines
.
M. de Champagny a fait , au nom du .
Comité de la Marine , le rapport du Code
pénal à observer sur les flottes , escadres , etc.
Ce Code très -considérable passeroit les
bornes de notre Journal ; nous en réunirons
incessamment les articles dans un Supplé-
-
ment.
DU MARDI 17 AOUST.
Nonobstant les Décrets de l'Assemblée
Nationale , le Peuple de Carcassonne et des
environs
( 289 )
I
environs continuoit de s'opposer à la cireu-"
lation des grains , et de maltraiter ceux qu'on
lui désignoit comme accapareurs . Sur le Rapport
du Comité des Recherches , il est aujourd'hui
intervenu un Décret , qui ordonne
la poursuite des auteurs de ces troubles , et
qui , en prohibant de nouveau l'exportation
à l'Etranger , prescrit des formalités pour
la circulation intérieure.
M. Gossin a , de suite , commencé son ,
Rapport sur l'emplacement des Tribunaux .
Invitant l'Assemblée à prévenir par des déeisions
promptes , la discorde , et les troubles
qu'a produits le premier partage du
Royaume , il a fait l'aveu remarquable
que , la confiance du Corps Législatif dans
les Assemblées Electorales , n'a pas été
par- toût justifiée . L'intérêt particulier a
presque généralement étouffé l'esprit ,public .
L'on a successivement décrété , d'après
l'avis du Rapporteur , l'emplacement d'une
quarantaine de Tribunaux , qui tous , avec
quelques réserves , se rapportent aux chefslieux
de Districts .
Ces Décrets ont été interrompus par la
lecture d'une Lettre de M. l'Abbé Perratin
de Barmond , qui annonçoit son arrivée à
Paris , en demandant l'heure et le lieu où
il seroit admis . L'heure a été fixée à demain
deux heures. Quant au choix de la place où
il seroit reçu , il n'a été décidé qu'après de
longues et âpres contestations .
et
M. Voidel, Vice - Président du Comité des
Recherches , mettoit l'Accusé au secret ,
Je faisoit amener aux portes de la Salle
par la Garde Nationale , à la Tribune par
les Huissiers , et reconduire chez lui par la
première escorte . Cette propositiou de mettre
No. 35. 28 Août 1790, N
↓
('290 )
au secret un Prévenu , Membre de l'Assemblée
, avant d'avoir été entendu , a paru plus
conforme à l'esprit d'un Comité des Recherches
, qu'à celui des Représentans de la Nation
. Plusieurs d'entre eux plaçoient M. de
Barmond à la Barre. M. de Frondeville l'a
élevé à la Tribune .
" Il n'y a contre lui , a- t- il observé , ni.
accusation , ni Décret ; l'Assemblée même
a tellement reconnu , d'après son arrestation ,
son caractère de Député , qu'elle n'a pas
souffert son emprisonnement , comme celui
des deux personnes arrêtées avec lui : M. de
Toulouse-Lautrec , décrété , M. de Mirabeau
le jeune , accusé , ont été entendus de la Tribune
.
"
"
M. Regnault a aisément détruit ces analogies
, puisque l'Assemblée avoit aur préalable
remis en liberté MM. de Lautrec
et de Mirabeau. Au contraire , M. l'Abbé
de Barmond est en état d'arrestation ":
il n'est pas libre ; on ne peut lui appliquer
le privilége d'inviolabilité. De ce principe ,
il a conclu à regret à ce que M. de Barmond
parût à la Barre.
" Est- ce à votre Tribune , a ajouté M.
Goupil , que doit parler un homme entouré
de Gardes ? Est - ce dans l'intérieur de votre
Salle des Gardes doivent être introque
duits ? ... "
L'Opinant s'étant enroué , n'a pu terminer
sa déduction , déja fatiguée par de nombreuses
clameurs .
M. de Mirabeau Paîné a distingué ensuite
l'arrestation , du Décret de prise-de - corps.
S'il étoit décrété , M. de Burmond devroit être
en prison : il est arrêté , et doit paroître à
Ja Barre. Vainement M. de Folleville a di(
291 )
visé et subdivisé les divers. genres d'arrestation
, en considérant celle de M. de Burmond
comme une simple arrestation de police
. Cette distinction plus subtile que juste ,
n'a point été admise , et au bruit des applaudissemens
, tant d'une partie de l'Assemblée
que des Tribunes , on a décidé que M. de
Barmond seroit entendu à la Barre. M. de
Foucault s'est soulevé contre ces témoignages
inhumains d'approbation , que le Président a
réprimés.
Ce point décrété , M. de Noailles a fait
la lecture du nouveau Plan d'Organisation
Militaire , envoyé par M. de la Tour- du-
Pin. Le Comité abjurant enfin son premier
systême de travail , et écartant tous les détails
qui eussent fait de l'Assembl e Nationale
une Ecole Militaire , plutôt qu'une Assemblée
de Législateurs , s'est borné à confronter
ce Plan avec les articles de la Constitution
, et à le rédiger en Décret. Après
quelques débats sur le nombre d'Officiersgénéraux
, que plusieurs Membres ont tenté
de réduire de 94 à 24 , il en a fait passer le
premier article en ces termes .
""
I. L'Armée sera composée , à commencer
du 1er Janvier 1791 , de 150,848 hommes ,
tant Officiers que Soldats , dont 10,131 d'Artilierie
et du Génie , le nombre des Officiers-
Généraux employés ne pourra excéder 94 ;
l'Assemblée Nationale se réserve de statuer
sir le nombre d'Adjudans , sur celui d'Aidesde
- Camp , et sur le nombre des Commissaires
des Guerres qui doivent être , en , activité
pendant l'année 1791 .
Ici M. le Président a fait lire le Mémoire
suivant , adressé à l'Assemblée de la part
15
Nij
( 292 )
du Roi par M. Necker , et contenant des
observations sur les Décrets relatifs aux
Pensions.
ст
MESSIEURS ,
Le Roi est informé qu'une infinité de
Particuliers vivent dans une cruelle incertitude
, en attendant la détermination qui
sera prise à l'égard des graces dont ils jouissent
sur le Trésor de l'Etat , et Sa Majesté
ne voulant pas prolonger cette situation pénible
, en introduisant de nouvelles discussions
, s'est déterminée à sanctionner le Décret
general que vous lui avez présenté , relatif
aux Pensions ; elle croit cependant que
plusieurs dispositions de cette Loi , exigeroient
une modification de votre part ; et ,
conformément aux intentions de Sa Majesté ,
je vais vous donner connoissance des réflexions
qui ont fixé son attention . »
Sa Majesté est sensiblement affectée des
privations auxquelles un grand nombre de
Citoyens vont être soumis par l'effet de vos
Réglemens ; mais Elle vois tout ce qu'exigent
les circonstances , et pleine de confiance
dans vos motifs , Elle a jugé convenable de
s'en remettre à votre sagesse .
" Cependant Elle vous engage à considérer
que la règle de vingt- cinq et trente ans de
service , pour avoir droit à une Pension ,
devient sévère quand elle est rétroactive .
Les mêmes dispositions ne paroissent pas
applicables au passé et à l'avenir : on se
prépare à son sort quand on le connoît à
l'avance , et quand on est encore le maître
de choisir sa route ; mais , lorsque la vie est
avancée , lorsque la stabilité d'une récompense
modique a été la condition d'un éta(
293 )
blissement , d'un mariage , du genre d'édu
cation de ses enfans , la destruction totale
de cette récompense , en raison d'une Loi
. nouvelle , cette destruction qui vous fait
déchoir d'un état paisible pour tomber ,
avec ce qu'on aime le plus , dans une grande
détresse , devient un genre de malheur digne
de toute l'attention de ceux qui sont les
Représentans des intérêts et des sentimens
de la Communauté Nationale .
"
Vous avez été occupés , Messieurs , de
ces considérations , lorsque vous avez décrété
une distribution de deux millions de pensions
, divisées en petites parties depuis 150
liv jusqu'à 1000 liv . ; mais Sa Majesté a remariqué
que vous n'aviez soumis cette distribution
à aucune règle ; et , quoique le Comité
des Pensions ait adopté des mesures
sages pour la division de son travail , it ne
résultera pas moins de l'immensité des demandes
, qu'un très - petit nombre de personnes
deviendront le centre de toutes les
sollicitations , et les dispensateurs véritables
du plus grand nombre des graces . Sa Majesté
vous donne à réfléchir si cet ascendant , si
ee pouvoir remis à quelques Députés de
PAssemblée Nationale , n'est pas contraire
aux principes constitutionnels que vous avez
adoptés .
"
Indépendamment des fonds , dont l'emploi
doit être fait en pensions , vous réservez
annuellement une somme de deux millions
pour être répartie en gratifications extraor
dinaires .
་་
,,
Cette somme , vous la destinez , et aux
récompenses des services rendus , et aux indemnités
des dommages soufferts , et au
soulagement des personnes qui peuvent être
Niij
( 294 )
dans le besoin ; mais on ne voit pas comment
une limite fixe et positive , peut être
appliquée également et aux actes de justice
et aux dispositions de bienfaisance. »
" Vous voulez de plus qu'aucune partie
des gratifications ne puisse être accordée
sans le consentement des Législatures ; mais
une telle condition établie et maintenue dans
tonte l'étendue de sa restriction , acheveroit
d'affaiblir le Gouvernemeut , puisqu'on le
verroit dans l'impuissance d'accorder , de
son chef , le plus petit encouragement aux
Agens de tout genre qu'il est obligé d'employer
pour le service public.
"
»
Un article du Décret autorise , à la vérité
, le Pouvoir exécutif à donner provisoirement
quelques gratifications dans les cas
urgens ; mais un encouragement utile et
même nécessaire ne peut pas toujours être
compris visiblement dans les cas urgens , et
ce seroit au moins un sujet continuel de
doute et de controverse. D'ailleurs , vous
ajoutez pour condition , que si les motifs
d'une gratification accordée , ne sont pas
approuvés par la Législature , le Ministre
qui aura contresigné la décision , sera tenu
d'en verser le montant au Trésor public. Une
telle condition , qui fait dépendre le bien de
P'Etat , de la disposition d'un Ministre à
compromettre sa fortune , présente surement
des inconvéniens ; je ne sais même quel
homme délicat voudroit , à ce prix , accepter.
une récompense . Il est des liens utiles et
raisonnables , il en est d'autres qui arrêtent
toute espèce d'action , et c'est d'une juste
mesure que dépend le mouvement régulier
de l'administration publique "
Je croirois donc que , sans déroger vi
( 295 )
à la Loi générale de responsabilité de la part
des Ministres , ni à la disposition qui oblige
de rendre compte de toutes les dépenses
-sans distinction , une distribution annuelle
sen gratifications d'une somme précise divisée
entre les divers Départemens , devroit être
-remise à la sagesse du Roi.
"
Toutes les précautions que peut inspirer
à l'Assemblée Nationale un esprit de prudence
, paroîtroient de cette manière exactement
remplies , en même - temps que la
diguité d'une Loi Nationale seroit parfaitement
conservée . »
*
3 En général , Messieurs , oserois - je le
dire ? vous laissez le Roi trop à l'écart dans
la distribution des récompenses . Sans doute
celles décernées à Marlborough et à Chathampar
les Représentans du Peuple Anglois ,
recurent de ce vou national un plus grand
éclat ; car une munificence rare et splendide ,
dont chaque siècle donne à peine un ou deux
exemples , est une pompe de plus ajoutée
" aux grandes actions ; mais de modiques gratifications
, le plus souvent accordées à des
travaux obseurs , et néanmoins utiles , ne
doivent pas être dispensées par une Assemblée
nombreuse ; car les récompenses attribuées
à de pareils services , ne peuvent jamais
être déterminées par un mouvement
général ; et dès que leur distribution devroit
être constamment précédée d'une discussion
publique , d'une discussion qui , dans son
libre cours , atteint également et les actions ,
et les personnes , ceux qui auroient droit à
ces récompenses hésiteroient peut - être à les
rechercher ; cependant il faut qu'il existe
des encouragemens , il faut qu'on les desire ,
et il importe à l'Etat que leur concession
N iv
( 296 )
soit réglée de la maniere la plus propre à
en, maintenir la valeur ; et peut- être que ,
par ce motif , il est des graces dont la Nation
doit confier la distribution à son Representant
héréditaire , à celui qui , par sa haute
dignité , son rang unique et son élévation
suprême , ajoute un prix d'opinion aux moindres
dons pécuniaires , quand il en est le
dipensateur. "
"
Cette dernière idée que je viens de tracer ,
ce n'est point au nom du Roi que je la présente
; mais Sa Majesté m'a ordonné expressément
de vous faire connoitre qu'Elle a
éprouvé un moment de peine , en voyant
reunie dans un même article de votre Décret
, l'interdiction aux Pensionnaires de
PEtat , de recevoir une pension des Puissances
Etrangères , et la défense d'en recevoir
aucune sur la Liste Civile. Ce rapproehement
aura surement échappé à votre attention
, car votre sentiment vous dira toujours
que c'est avec les bienfaits de la Patrie
que ceux du Roi doivent être confondus.
Enfin , Messieurs , le Roi n'a pas vu
avec indifférence , qu'après l'avoir engagé à
fixer lui - même les fonds nécessaires à la dépense
de sa Maison , après avoir donné à sa
proposition un acquiescement absolu , et
apres avoir accompagné cet acquiescement
de tout ce qui pouvoit le rendre affectueux
et touchant , vous mettiez cependant à la
charge de la Liste Civile une somme considérable
d'anciennes pensions. Le Roi se
bornera toujours , dans tout ce qui lui est
personnel , à l'expression d'un simple sentiment
ainsi , j'obéis aux ordres de S. M. ,
en n'insistant pas sur l'observation que je
viens de faire ; mais Elle m'a autorisé à vous
( 297 )
informer , ou à vous rappeler , qu'une grande
partie des pensions , dont jouissent les personnes
qui ont rempli des places dans sa
Maison , ou dans celle de son Aïeul , ont,
été accordées pour des services politiques ou
militaires , et pour d'autres encore rendus
en qualité de Commandans des Provinces .
ou de Commissaires aux Assemblées des Pays
d'Etats ; ainsi , même dans la rigueur du
principe établi par votre Décret , et en rejetant
sur la Liste Civile toutes les pensions
inscrites sous le titre de Maison du Roi , il
y auroit encore un examen à faire et de
justes distinctions à déterminer . »
"
« Le Roi , Messieurs , vous invite à prendre
en considération les diverses réflexions contenues
dans ce Mémoire . "
Si l'on se rappelle combien l'opinion de
M. Necker , fléchissant sur les premiers principes
, contribua à faire adopter la Sanction
suspensive ; si l'on réfléchit aux effets qu'il
attribua à cette prérogative , illusoire jusqu'ici
, on s'étonnera de voir aujourd'hui ce
Ministre substituer à cette forme des observations
après coup , et exposer ainsi le Roi
à un refus humiliant. L'Assemblée ne pouvoit
déférer à une marche aussi contraire à
toutes les règles , ni intervertir celle de la
Loi. En lisant ce Mémoire , on regrettera
amèrement qu'il n'ait pas précédé là
Sanction tout prétexte d'en rejeter l'exaen
disparoissoit . Il n'est pas moins digne
de surprise que nul Membre de la Minorité
n'ait saisi dans le temps , la plus importante
des considérations présentées par M.
Necker , contre un ordre de choses qui place
dans l'Assemblée , ou plutôt dans les mains
de quelques Commissaires de son choix , la
No
( 298 )
distribution des graces et des récompenses.
De quel affreux danger cet usage ne menace-
-il pas une Constitution représentative ?
Indépendamment du vice de la forme
ce Mémoire offensoit trop de passions pour
étre écouté tranquillement. On l'a fréquem.
ment interrompu par des éclats d'improbation
, et lorsque M. le Président a tenté de
prescrire le silence , M. Boutidou s'est écrié
que , rien n'obligeait à entendre ces insolences
Ministérielles. L'orgueit, le respect des règles
et l'animosité concoururent à soulever un
grand nombre de voix pour réclamer l'ordre
du jour , ce qui équivaloit à regarder le Mémoire
comme non avenu . Le Parti opposé ,
compo é de tous ceux qu'avoit mécontentés
le Décret sur les Pensions , ou qui pensoient
devoir s'attacher moins à une irrégularité ,
qu'aux égards dus à S. M. , invoquèrent le
renvoi au Comité des Pensions .
M. le Président cumula ces deux Motions
opposées , en présentant la délibération en
ces termes : « Renverra- t- on au Comité des
Pensions, et passera - t - on à l'ordre du jour ? »
Le vacarme qui régnoit dans le côté gauche
ne lui ayant permis d'entendre que la dernière
phrase , il se leva pour approuver , ainsi
que le côté droit. En conséquence , le Pré-
' sident prononça le Décret. La gauche s'appercevant
alors de sa méprise , poussa les
hauts cris , accusa M. Dupont de malversation
, de haute trahison ; on l'appela à la
Barre , il exposa les faits."
"«
Renouvelez donc l'épreuve , lui criat-
on ; mettez aux voix si l'on passera purement
et simplement à l'ordre du jour. » « La
manière dont j'ai posé la question , répliqua
le Président , me paroît la meilleure , parce
( 299 )
1
и
"
que je la crois plus conforme au voeu de
la majorité. » ( Non s'écria- t - on avec fureur. )
Qu'on se tienne dans le silence et dans le
respect ; il ne convient pas à la Minorité ,
qui prétend n'avoir pas entendu , de faire
la loi à la Majorité qui a entendu . » Les yeux
de M. Dupont le trompoient , car une Majorité
évidente , le sommoit de remettre le
Décret en délibération .
Je ne vois , ajouta- t- il , d'autre parti à
prendre , que de mettre aux voix s'il y a eu ,
ou non , un Décret de rendu.... " « Il y a un
Décret surpris , s'écrient 300 voix , et vous
en surpendrez encore... ! « Le President insiste
; les clameurs redoublent. Il eût été
tout simple de décider qu'il n'y avoit point
de Décret , puisque le Décret résulte nouseulement
de la prononciation simple du
President , mais encore de l'assentiment des
Délibérans .
Au milieu des clameurs et des offenses ,
M. Madier observa que l'Assemblée avoit
très - bien distingué dans le Mémoire , les
réflexions du Roi d'avec celles du Ministre.
Passer à l'ordre du jour , ajouta - t - il , seroit
un refus formel et injurieux des propositions
du Roi. En Angleterre , où certes on aime
la liberté , le Parlement délibère sur les demandes
du Prince.
Dans un Gouvernement libre , répliqua
M. Barnave , en Angleterre par exemple.
rien ne peut - être présenté au nom du Roi ,
parce que le respect dú à sa personne influeroit
sur les délibérations. Tous les actes
du Roi doivent être contre signés et censés
conseillés par le Ministre responsable . Vous
ne devez donc apercevoir dans le Mémoire
que des observations ministérielles , observa
N vi
( 300 )
tions dans lesquelles on vous propose de modifier
des Decrets sanctionnés. Vous ne
pouvez les prendre en considération , sans
prejuger que le Corps législatif pourra dans
la même Session retracter ses Décrets ( 1 ) .
ม
Je demande , a répondu M. de Virieu ,
avec autant d'empressement que le Préop:-
nant , le maintien des Decrets constitutionnels
: l'un de ces Decrets porte expressément
que le Roi pourra envoyer des Messages au
Corps legislatif. Le Préopinant , en vous citant
l'Angleterre , a confondu la faculté de
proposer avec l'initiative des Lois. C'est
pour conserver aux Membres du Corps
nom ,
-
(1 ) M. Barnave , nous l'avons plus d'une fois
remarqué, ne connoit aucunement la Constitution
Angloise. Illa cite ici à faux , et inexactement
. D'abord , les Ministres du Roi siégent
toujours au Parlement , et peuvent , en leur
lui faire entendre telles observations
qu'ils jugent convenables . Ensuite , ils sont´
Fes porteurs immediats des Messages du Roi ,
sur lesquels jamais le Parlement n'a refusé
de délibérer. Il y a plus ; la chambre suspend ,
sur le champ , toute autre délibération pour
s'occuper de celie-là. Par le même respect
pour le Représentant de la Souveraineté ,
pour le Gardien de la Loi et de la liberté, le
Parlement ne lui envoie jamais d'Adresse
ni de demande , sans , au préalable , s'être
enquis , en forme du jour et de l'heure où
il plaira à S. M. de les recevoir. C'est par
ces formalités essentielles , que l'on rend
vénérable la puissance de la Loi , en entourant
du respect public son Magistrat suprême.
$
( 301 )
+
gislatif le droit exclusif de cette initiative ,
que je demande le renvoi du Message du
Roi au Comité des Pensions. Sans vous faire
revenir sur vos Décrets , ces propositions
peuvent faire la matière d'articles additionels
qui en corrigent la rigueur .
M. Duport a rappelé le Décret rendu l'année
dernière dans les affreuses circonstances
du mois d'Octobre. Il porte que l'acceptation
ou la sanction du Roi serà pure et simple
; d'où il est évident que la démarche de
M. Necker violoit les formes , et qu'il devoit
envoyer son Mémoire avant l'émission de la
sanction du Roi.
་་
On a demandé de plus fort les voix sur la
Motion de passer à l'ordre du jour. « Je ne
puis , répétoit le Président , sortir de ce point
unique : Y a- t- il où n'y a - t- il pas eu un
Décret ? Le trouble augmentoit. MM Muguet,
Lameth, Prieur, Boutidou, etc.apostrophoient
successivement le Président pour le sommer
de mettre aux voix leur demande de priorité.
M. Dupont persistant , l'orage a redoublé.
Vingt Personnes , M. Camus à leur tête , ont
entoure le bureau , en menaçant le Président
de la Barre , ou de l'inscription dans
Je Procès-verbal . Il s'est couvert, sans étouffer
l'incendie ; enfin on a cédé à un milieu ,
proposé par M. de Bonnay , et qui consistoit
à décider la priorité de l'une ou de
l'autre des opinions contraires . Celle de passer
à l'ordre du jour a prévalu et la Séance a été
levée .
DU MARDI. SÉANCE DU SOIR.
Les premiers instans de la Séance ont été
donnés à une Députation du Département
de Finisterre , dont le compliment a ren
( 302 )
"
chéri sur ceux que les Poètereaux du dernier
siècle adressoient aux Ministres de
Louis XIV. Si le soleil , a dit l'Orateur ,
rencontroit dans sa course des mortels assez
téméraires pour blasphemer contre ses influences
bienfaisantes , il n'arrêteroit pas sa
course ; faités de même, Messieurs . » Nonobstant
cette belle comparaison , dérobée à
M. le Franc de Pompignan , l'Assemblée a
rejeté une dénonciation des Deputés de Finisterre
, contre le Colonel de Rouergue ,
qui a renvoyé 60 Soldats . Les Départemens
n'ont pas le droit de s'immiscer dans la police
des Régimens.
M. le Chapelier a proposé un objet de
Délibération plus important ; il a rendu un
compte très - long de la Pétition des Protestans
d'Alsace en faveur de leurs immunités.
Peut- être a - t - il laissé percer , dans l'appui
qu'il a donné à une demande tres - légitime ,
quelque prévention pour les Pétitionnaires , et
la prudence impose une grande impartialité,
en traitant des intérêts aussi délicats , relativement
à une Province où subsistent trois
Religions différentes , avec égalité de droits .
M. l'Abbé Aymar a invoqué , en la rappelant
, la Loi de l'alternat qui règue en Alsace
; mais ses reflexions n'ont pu entamer
le Décret du Comité , adopté en ces termes
:
" Les Protestans des deux ' Confessions
d'Augsbourg et Helvétique , habitans d'Alsace,
continueront de jouir des mêmes droits ,
liberté et avantages dont ils ont joui et ont
droit de jouir , et que les atteintes qui pourroient
y avoiretéportées , seront considérées
comme nulles et non- avenues. "
. Sur la Pétition des Villes de Colmar ,
303 )
Wissembourg et Landau , relativement aux
Elections pour les places Municipales , administratives
et judiciaires , il n'y a lieu à
délibérer. "
M. de Sillery a terminé la Séance par la
lecture d'une Lettre pastorale de M. l'Evêque
de Toulon , dénoncée par la Municipalité
de cette Ville. On regrète de voir dans cette
lettre , à côté des vérités les plus frappantes
sur la situation actuelle de la France , des
phrases telles que celles - ci : « Couvrez- vous ,
à la voix du Prophète , de sang et de poussière
. "3
Nous ne craignons ni vos lois ni vos me
naces ; usurpateurs de nos biens , l'Eglise
vous frappera d'anathème , etc. » On exhorte
le Peuple à renoncer à la liberte usurpée ;
on préconise la puissance divine des Rois.
La Municipalité de Toulon à fait , de sa
propre autorité , séquestrer les revenus de
son Evêque . Le Comité des Recherches
proposoit de le mander à la Barre . M. Duquesnoi
l'a fait traduire devant les Juges or
dinaires de Toulon , et séquestrer ses revenus
jusqu'à ce qu'il soit rentré en France , et qu'il
ait prêté le serment civique.
M. le Curé de St. Nicolas du Chardonneret ,
qui avoit rétracté sa signature à la déclaration
d'une partie de l'Assemblée au mois de mai,
s'est déclaré tellement touché de la Lettré
Pastorale de M. l'Evêque de Toulon , qu'il
rendoit sa signature à l'Acte , pour lequel
il avoit essuyé lui - même de très - vives persécutions.
DU MERCREDI 18 AOUT.
Les premières heures de la Séance , données
au jugement des contestations sur l'emplace(
304 )
ment des Tribunaux , ont offert le spectacle
des débats les plus bizarres et les plus
tumultueux. Chaque Député regardant le
Tribunal comme la propriété de sa ville ,
faisoit de cette prévention un Procès , exagéroit
les avantages de son pays , en comptoit
tête par tête la population , toisoit les distances
, convertissoit les sentiers en grandes routes
, les Eglises en Palais de Justice , et chargeoit
la Tribune de Procès - verbaux : ensuite
on déprécioit les avantages de la ville rivale,
on alloit jusqu'a lui reprocher le défaut de
lumières ; les Députés de celle - ci crioient à
la calomnie , menaçoient l'Orateur ; les 540
Districts entouroienida Tribune . M. Gossin ,
Rapporteur du Comité , qui portoit leur destin
dans sa poche , canton par canton , comptoit
pour les Juges , leurs Suppléans , les
Administrateurs , les Municipaux , les Notables
, les Procureurs Syndics , Procureurs
du Roi , les Jurés , les Tribunaux de paix ,
les Tribunaux de commerce au moins 160
sujets à renouveler tous les deux ans par
District ; il vouloit éviter les déplacemens
du plus grand nombre . Son avis prévalut dans
presque toutes les décisions.
A
Celui de M. de la Tour- du - Pin forma seul ,
également, la suite des Décrets sur l'Organi ;
sation Militaire . A peine trouva- t - on une
centaine de Délibérans sur cette matière ,
qui éprouva peu de discussion .
II. Les Troupes étrangères qui feront
partie du nombre ci- dessus , et qui seront à
la solde de la Nation , ne pourront pas ,
sans un Décret du Corps Législatif , sanctionné
par le Roi , excéder le nombre de
26,000 hommes.
04
17
III. Le nombre d'individus de chaque
( 305 )
1
grade et dans chaque arme sera déterminé
ainsi qu'il est expliqué en l'état n ° . 1 du Ministre
de la Guerre , sans y comprendre
Artillerie et le Génie sur lesquels il sera
fait un rapport particulier , et sauf les changemens
que les circonstances pourroient
exiger dans les Corps de l'Armée . »
IV. Le Ministre proposera les changemens
qui pourroient avoir lieu dans l'Armée ,
dans des notes particulières qu'il adressera
au Corps Législatif.
"
V. Les appointeinens et soldes seront
fixés pour chaque grade , à compter , ainsi
qu'il est dit dans l'état n ° . 2 du Ministre de
la Guerre. "
VI. Les Régimens Suisses et Grisons
conserveront jusqu'au renouvellement de
leur capitulation , les appointemens et solde
dont ils jouissoient en vertu d'icelle. »
་་
VII. Les Officiers , Sous - Officiers et
Soldats , qui , par l'effet de la nouvelle format
on eprouveroient une reduction sur leur
traitement actuel , le conserveront jusqu'à
ce qu'ils en obtiennent un équivalent . En
attendant , ils seront payés du supplement
sur des états particuliers dans la forme prescrite
par les Ordonnances. "
"
VIII. Les Carabiniers seront rendus à
leur destination primitive de Grenadiers de
la Cavalerie ; en consequence , ils se remonteront
dans les Troupes à cheval , ou de
sujets ayant fait au moins un congé dans
lesdites Troupes , et ils jouiront d'un sol de.
haute paie , comme les Grenadiers en jouissent
dans l'Infanterie . "
"
IX. Les appointemens et solde réglés
par l'article IV seront payés par le Trésor
( 306
public sur des revues en raison du nombre
des jours dont chaque mois est composé. "
X. Indépendamment de la solde réglée
par l'article IV , il sera fourni à chaque Soldat
présent au drapeau , on détaché pour le
service , conformément au Décret du 24 Juin ,
une ration de pain de munition du poids de
24 onces ; laquelle ration fera partie de la
somme del'homme present , sans que l'homme
absent des drapeanx puisse y rien prétendre. "
XI. Il sera fourni des rations de fourrage
aux chevaux des Officiers , suivant le détail
ei -après , savoir ; Infanterie , à chaque Colonel
, deux rations ; à chaque Lieutenant-
Colonel , une ration : Troupes à cheval , à
chaque Colonel , trois rations ; à chaque Lieutenant
- Colonel et Capitaine , deux rations :
Troupes légères , à chaque Lieutenant - Colonel
, deux rations . ›
"
"
XII. Les paiemens qui seront faits en
vertu des articles précédens , ne devant avoir
lieu qu'à l'effectif, il sera constaté tous les
trois mois par des revues des Commissaires
des Guerres dans la forme qui sera prescrite
par les Ordonnances.
"
"
XIII. Pour subvenir aux dépenses du
recrutement , rengagement , remonte , habil .
lement , équipement , armement ; frais de
bureau et autres d'administration , il sera
payé à chaque Régiment une somme pour
homme au complet pour former la masse
générale , suivant ce qui sera fait par un
travail particulier. "
"
XIV. Il sera également formé des masses
pour subvenir aux dépenses des vivres , fourrages
, hôpitaux , frais et campement , dont
les fonds seront faits au Département de la
Guerre , sur le pied du compte de l'Armée.
( 307 )
Toutes les masses , non compris celle du
linge et chaussure , sont destinées aux besoins
collectifs de tous les Corps , et appar
tiennent à la Nation . En conséquence nul
individu n'aura le droit ni d'en demander
compte , ainsi qu'il a été réglé par le Décret
du...... Les Corps en compteront avec le
Ministre de la Guerre , et celui - ci avec la
personne chargée par le Corps Législatif
d'en prendre connoissance. »
"
XV. Les fonds affectés , tant aux travaux
de l'Artillerie qu'à ceux du Génie pour
l'année 1791 , seront provisoirement fixés a
5,400,000 liv. dont la répartition sera faitę
par le Ministre de la Guerre . »
"(
XVI, Il sera pareillement affecté pour
les premiers mois de ladite année , et provisoirement
, un fonds de 1,500,000 liv. pour
les frais du Bureau du Ministre , les frais
d'impression , les Ordonnances de convois
et d'escorte , des fonds de la guerre et autres .
frais de toute espèce ; mais cette somme ne
sera définitivement réglée , qu'après avoir pris
une connoissance exacte , des sommes affectées
à chaque objet distrait , et les tableaux
y relatifs serontrendus publics sur le champ . »
M. de Froment , qui a plus d'une fois
donné des preuves de son expérience , jointe
à une grande justesse d'esprit , a désapprouvé
l'institution des deux Adjudans-Majors par
Régimens , qui rétabliroit , sous une autre
dénomination , les Aides-Majors et Sous-
Aides- Majors il a représenté les inconvé
niens qui étoient résultés de l'intelligence
même , et du zèle de ces Officiers sur lesquels
on se reposoit trop dans les Régimens
pour tous les objets d'instruction , d'où il
arrivoit que les Officiers des Compagnies ,
( 308 )
•
et même les Officiers Supérieurs , n'acquéroient
presque jamais le talent de dresser et
de former eux-mêmes leurs Troupes . I a
'démontré que l'usage qu'on prétendoit faire
de ces Adjudans, Majors , comme Officiers
Directeurs dans les manoeuvres , pouvoit être
rempli par les Adjudens ordinaires ; qu'on
attachoit trop d'importance au jalonnage
des points de vue , en creant pour cet objet
deux Officiers par Régiment , que l'on paieroit
trop cher deux jalonneurs , dont les
Adjudans ordinaires pouvoient faire les fonctions
, et qui pouvoient même être remplacés
par les premiers Sous - Officiers de serrefile ;
qu'enfin , il falloit s'en tenir à ce que preserivoit
l'Ordonnance de 1776. Sur ce moyen
de diriger la marche et l'alignement des
Troupes , et qui convenoit mieux pour les
mouvemens à la guerre , que la minutieuse
Ordonnance de 1783 , qui avoit indiqué
P'usage des Officiers Directeurs : on a applaudi
aux principes développés par M. de
Froment, et cependant on a adopté les Adjudans
-Majors dans l'ensemble du Plan proposé.
"A la suite des Décrets Militaires , une Lettre
du Ministre a informé l'Assemblée de l'emprisonnemeut
de huit Grenadiers , arrivés à Paris ,
et se disant Députés du Régiment du Roi.
Une Lettre de Montauban annonçoit la
fermentation inquiétante qu'excite dans le
Peuple , l'ordre du départ du Régiment de
Languedoc. Deux cents Signataires demandoient
avec instances et au nom de la paix
publique , la suspension de ce départ . Ón a
répondu qu'il n'y avoit pas lieu à déliberet .
On a refusé pareillement la lecture d'un
état envoyé par M. de Saint- Priest , des Do(
309 )
1
•
maines que le Roi veut conserver ; et d'un
Proces verbal qui rendoit compte des degats
commis par les Braconniers dans les plaisirs
de S. M.
En attendant l'arrivée de M. l'Abbé de Bar
monton a entendu un Rapport , ou plutôt le
préambule du travail du Comité des impositions
, lu par M. de la Rochefoucault. On a décrété
l'mpression de ce Rapport diffus , et qui
donnera lieu à d'importantes observations .
La circulation des grains a été arrêtée près,
de S. Jean- d'Angely ; les greniers d'un marchand
de grains ont été pillés par des Brigands
, le marchand a été maltraité , et presque
pendu . On a informé contre les auteurs de
ces désordres , plusieurs paysans sont arrêtés ;
le marchaud demande une réparation des
vols qui l'ont ruiné . Le Comité des Rapports ,
par l'organe de M. Huot , proposoit de dé--
clarer l'affaire non - avenue , et d'annuller la
procédure . Un sentiment presqu'unanime .
d'indignation a renvoyé le Rapporteur de la
Tribune. M. Duquesnoy , en particulier , a
fortement réclamé contre ces prétextes éternels
d'égurement populaire , de séduction ,,
de fausse entente des Décrets ; prétextes,
avec lesquels on justifieroit tous les crimes..
A la suite de ces décisions , M. l'Abbé de
Barmond est arrivé. On n'eût pas employé
de plus grandes précautions contre le Criminel
le plus important et le plus audacieux .,
Les avenues de la Salle garnies de Soidats ;
la Garde doublée , deux . Huissiers à la Barre ,
tel étoit le cortège au milieu duquel M, de
Barmond a été introduit : l'Assemblée a
écouté en silence son exposé .
Il a d'abord raconté qu'en passant sur le
Boulevard , le Peuple s'étoit attroupe , et
( 310 )
avoit arrêté ses chevaux avec violences , apparemment
dans la crainte qu'il ne s'évadât .
Sur l'assurance qu'il venoit à l'Assemblée , et
sur l'offre de s'y rendre à pied , la multitude
s'est calmée ; mais de nouveaux pelotons s'étant
formés , la Garde Nationale les a dissipés .
Je ne me dissimule pas , a- t- il dit ensuite
, la difficulté de ma position . Elle seroit
embarrassante pour un homme coupable
; elle n'est que pénible pour un homme
déja justifié par un premier jugement , par
celui de sa conscience. Vous m'avez demandé
compte de ma conduite . Je vais vous ouvrir
mon ame toute entière. Une démarche extraordinaire
et sans doute imprudente m'a
mis à la merci de ces hommes qui répandent
les alarmes , les terreurs , chez un Peuple
trop facile à émouvoir , de ces hommes dont
on peut dire , comme des despotes :
Dès qu'on leur est suspect , on n'est plus innocent.
"
L'intrigue n'a jamais souillé mes pas.
Je n'ai à offrir qu'une vie simple et pure
qui n'a jamais été agitée que par les malheurs
des autres. Vous connoissez le procès-verbal
de la Municipalité de Châlons. Je n'aurois
plus rien à ajouter , si ce procès - verbal ne
contenoit que ce qui m'en a été lu. Mais
quel a été mon étonnement , lorsque j'ai lu
dans ce procès- verbal imprimé , au- dessous
des signatures , une declaration du sieur
Julien , qui renferme une délation d'un domestique.
J'accuse formellement M. Julien
de ce secret qu'il a demandé lui - même
d'un secret qui , pendant trois semaines , m'
livré sans défense à tous les poignards de l
calomnie ; d'un secret inconciliable avec 1
franchise de votre nouvelle procédure , Cett
( 3 )
"
déclaration est fausse dans toutes ses parties :
voici celle que je crois devoir lui opposer. "
Le Vendredi 16 Juillet , à six heures
du matin , un particulier se présenta chez
moi dans un grand désordre . Je me nomme
a - t- il dit , Bonne - Savardin. Je lui demandai
quel rapport il pouvoit y avoir entre lui et
moi? Le plus sacré de tous , me réponditil
, celui qui est entre un homme sensible et
un innocent poursuivi et persécuté. Mes dénonciateurs
sont payés , a- t- il ajouté ; je me
suis évadé de prison ; je vous demande un
asyle. "
L'affaire du sieur Bonne étoit alors peu
connue , je n'en savois autre chose que sa
première arrestation . Frappé à la fois de la
crainte de me compromettre et du desir
de lui donner un asyle , je répondis à ses
vives instances , que me demandez - vous ? Je
suis Député. Je cherchois tous les titres qui
m'élevoient au -dessus de moi - même ; car
pour moi j'étois deja vaincu . Je cédai enfin ,
je lui promis un asyle dans ma maison de
campagne. Il fut convenu que nous nous y
rendrions le lendemain : nous nous donnâmes
rendez - vous pour le lendemain à quelque
distance de la barrière . »
Je renvoyai mon domestique. Nous descendîmes
à pied dans la campagne . Les inquiétudes
augmentoient à chaque pas. Il regrettoit
sa fuite , il regrettoit le danger qu'il me
faisoit partager . Le domestique qui m'a dénoncé
m'a vu partir seul et revenirensuite avee
quelqu'un. Voilà ce qui a donné lieu à sa
déposition , à laquelle je puis bien opposer
une déclaration simple et sincère. Nous arrivâmes
enfin , J'indiquai à M. de Bonne un
endigit secret où il devoit rester dans tout
( 312 )
le mystère que demandoit sa situation. Les
jours ,se succedoient ainsi ; je revenois souvent
à Paris . A peine avois -je le tenips de
voir mon prisonnier.
་་ J'entendois souvent dire dans la Société
que le sicur de Bonne avoit trouvé moyen
de s'evader par les intrigues d'un homme
puissant , et je m'étonnois que l'homme puis-:
sant qui l'auroit fait évader , ne trouvât pas
de moyen de protéger sa retraite . Je m'indignois
contre cette calomnie ; vingt fois
je fus tenté de declarer que j'avois chez moi
le sieur Bonne de Savardin , pour faire tomber
une calomnie aussi dangereuse. Je voyois
cependant ariver le moment où je serois
forcé de l'abandonner. Mon projet étoit
d'alier aux Eaux . Ce voyage qui a paru con-'
certé pour favoriser la fuite de M. Savardin ,
deviendra moins suspect , quand on saura'
ce qui me le readoit nécessaire . Témoin te
la journée du 6 Octobre , elle m'avoit telle-"
ment affecté , que ma sante se dérangea su-'
bitement. Il est peu de Membres de cette
Assemblée qui n'aient pu remarquer le chan
gement qui paroissoit en moi : on me conseilla
les eaux ; j'obtins un passe-port , l'Assemblée
parut mecontente de la quantité
de passe ports qui venoient de se distribuer ;
je sacrifiai le mjen je suivis avec assiduité
les Séances de l'Assemblée .
Il s'agissoit alors des biens du Clergé ,
et quoique je n'eusse rien à défendre , ne
possédant aucun Bénéfice , j'attachai le plus
vif intérêt à plaider la cause d'un Corps
auquel j'étois attaché. Ma maladie cédaˆà
mon obstinat on , ou plutôt elle se porta
dans mon sang. Les eaux me devinrent absolument
( 313 )
solument indispensables ; cependant l'Assemblée
ayant paru voir avec peine que les
Députés se dispo assent à partir à la veille
du jour de la Fédération , je sacrifiai encore
une fois mon passe port. Le 23 , mon nom
fut inscrit sur le registre des Députés absens
; ce fut les larmes aux yeux , que j'annonçois
au sieur Bonne cette nouvelle , où
il ne vit qu'un motif d'espoir. Il me proposa
de me charger de lui , j'y consentis.
" Je ne voulois dans aucun cas le transporter
hors des frontières du Royaume ; je
voulois seulement le mettre à portee de
chercher l'asyle qui lui conviendroit. J'imposai
d'ailleurs pour condition , d'attendre
si le Châtelet ne lanceroit pas contre lui un
Décret. Le Châtelet ordonna une information
, mais il ne le décréta pas même d'assigné
pour être ouï . Je cédai donc , le sentiment
l'emporta sur la prudence . Que ceux -là
me condamnent avec une implacable sévérité,
qui n'ont jamais connu les vives et puissantes
émotions. Pour moi , je suis encore incertain
si je dois me repentir d'y avoit cédé. On
m'oppose la procédure commencée par le
Comité des Recherches : quelle est donc la
nature de cette Commission combinée , qui ,
sans être un Tribunal , rend des Arrêts ,"
informe dans le silence , arrêté sans décréter ,
retient trois mois sans ecrouer , porte partout
l'inquisition et -la terreur , signale ses
victimes , et peut interdire le feu et l'eau à
tous ceux qui ont frappé ses regards inquiets ?
Quel est ce Tribunal qui reçoit , qui salarie
la déposition des domestiques , qui leur
fait un crime de ne pas trahir ? Oui , je serai
le premier à apprendre aux François à se
soustraire à la tyrannie de cet odieux Tri-
Nº . 35. 28 Août 1790 .
1
( 314 )
bunal . Je donne le defi le plus formel , que
Fon me prouve que j'aie jamais reçu aucune
lettre de l'etranger , à moins qu'on n'entende
parler d'une lettre timbrée de Londres , arrivée
à Châlons , et que les Directeurs des ·
Postes ont eux- mêmes reconnue pour être
venue de Paris. J'aurois voulu me taire sur
cette infame manoeuvre , inais mon devoir
est de la dénoncer ; mon frère l'a déja déposée
au Comité des Recherches. » ,
" Pour confondre pleinement mes adversaires
, je vous prie , Messieurs , de faire
mettre le scellé sur tous mes Papiers dans
ma maison de Paris. Qu'on examine tout et
l'on verra que le soin continuel de ma vie
a été de chercher des malheureux , et le
plaisir de ma jeunesse de les soulager ; on
y verra qu'il n'est aucune prison dans le
Royaume , que je n'aie visitée , aucun cachot
où je ne sois descendu . J'ai parmi vous ,
Messieurs , quelques témoius , quelques co•
opérateurs de ces actes que je me rappelle
avec tant de plaisir. J'invoque ici leur témoignage.
On a dit que mon affaire étoit
liée avec celle des 5 et 6 octobre. Oui , Messieurs
, elle a avec elle un rapport. J'ai donné
l'hospitalité à de malheureux Gardes - du-
Corps poursuivis par la fureur populaire.
J'ai encore donné un asile à un Membre de
de cette Assemblée , qui avoit lieu de craindre
l'effet des préventions formées contre lui.
Ma maison étoit le temple de l'infortune.
C'étoit-là mon culte , ma religion : en est - il
une seule qui n'ait pas ses fanatiques ?
« J'ai souvent entendu parler de contrerévolution
, et je n'y ai jamais vu que des
chimères, qu'une agitation continuelle de(
315
voit naturellement présenter à tous les esprits.
"
"1
Je demande la liberté provisoire pour
moi, mais je croirai n'avoir rien obtenu , si
je n'obtiens aussi celle du sieur Eggs. Il est
moins coupable que moi , et j'ai connu toute
la pureté de son patriotisme . "
Ce discours prononcé , M. le Président a
dit à M. Barmond : « On va , Monsieur
vous conduire dans une Salle d'attente . L'Assemblée
vous appellera pour vous faire connoître
sa décision .
M. Voidel de qui l'on attendoit un Rapport
, s'est contenté de parler de sa sensibilité
, et d'ajouter qu'en qualité de Membre
du Comité des Recherches , et d'après l'interrogatoire
de M. de Bonne Savardin , il
étoit chargé de demander à l'Assemblée
qu'elle autorisât son Comité à interroger
M. Perrotin , où qu'elle nommât une commission
à cet effet . Cette proposition déja rejetée
dans uné Séance précédente , a excité
des murmures presque unanimes d'improbation
.
M. l'Abbé Maury a pris la parole. « Ce
n'est point , a - t-il dit , la sensiblilité ni
l'humanité , qui doivent être les guides du
Législateur : il ne doit consulter que la raison
et la justice . Le principe général , reconnu
en Angleterre , est qu'il n'y a point
de liberté pour un Peuple , chez lequel il
existe des prisons ex légales . Il n'y a en Angletterre
qu'une prison dans chaque Comté.
Londres est la seule ville où l'immensité de
la population a forcé d'en établir plusieurs ;
mais tout Angiois croiroit la liberté détruite,
s'il voyoit un seul Citoyen emprisonné , sans
pouvoir réclamer la loi d'Habeas corpus, M.
Oü
( 316 )
Bonne- Savardin éloit enfermé depuis trois
mois ; sa détention peut - elle être regardee
comine légale ? celui qui auroit favorise so 80
évasion pourroit- il être regardé comme crimiuel
? l'Abbaye n'est point ne prison , c'est
une Bastille , une Charte privée , et cela est
si vrai , qu'aucun Juge ne peut l'ouvrir. ni
la fermer. Quelle est donc l'autorité qui a
pulégitimer cette détention , prolongée pendant
trois mois , sans Décret ? En blamant M.
de Barmond , vous consacreritz une lésion
scandaleuse des droits de la liberté ; car si
la prison n'est pas légale , le Prisonnier a
légitimement use des moyens d'en sortir , et
nul n'est coupable de lui avoir donné asyle.
Je demande que l'Assemblée agisse avec un
respect égal pour la loi et pour l'humanité ,
qu'elle ordonne au dénonciateur de se faire
connoître , et de prouver sa dénonciation ;
que M. de Barmendobtienne justice , et n'ait
pas la honte de recevoir une grace ; qu'il ne
soit pas exposé à la fureur d'un peuple égaré ;
qu'il soit gardé jusqu'à ce que vous puissiez
proclamer les preuves évidentes de son innocence
, et que l'affaire soit renvoyée à tel
Tribunal qu'il vous plaira de désigner.
"
M. Duport, élevé avec M. l'Abbé de Barmond
, son Collegue dans la Magistrature ,
et son Co- Député , a attesté tous les faits relatifs
à la conduite antérieure du Prévenu ,
comme Magistrat et comme homme privé ,
faits qui donnoient une connoissance parfaite
de son caractère . « J'affirme , a - t- il dit ,
qu'il a toujours été le Juge le plus intact ,
le Magistrat le plus ardent à poursuivre les
abus; qu'il a donné les plus grands exemples
de ce patriotisme , dont l'exercice étoit alors
presque entièrement concentré dans les Mem
"
( 317 )
, bres du Parlement lors même qu'aucun
genre de recompense n'y étoit attaché : de-*
puis que la différence d'opinions nous a séparés
, j'ai toujours reconnu en luj un excel-'
lent Citoyen. Il est accusé aujourd'hui ,'
d'avoir favorisé l'évasion de M. Bonne- Savardin
; je crois que cette évasion ne peutêtre
regardée comme un crime , puisque les
formalités de l'emprisonnement n'avoient pas.
été observées. La seule question qui doit
Vous occuper est celle - ci. Votre Collègue
est-il coupable d'imprudence ou de complicité
? A- t-il eu connoissance du Projet de
Contre-Révolution attribué à M. de Savardin,
avant l'arrestation de ce dernier ? Car après
cette arrestation , il ne pouvoit plus avoir de
complice.
M. Duport a accumulé toutes les circons-"
tances , toutes les probabilités qui l'autorisoient
à conclure que M. de Barmond ne pouvoit
être présumé complice de M. de Savardin.
Il parloit depuis près d'une heure ; la
partie gauche a crié , aux conclusions. « Je
nevoisjusqu'ici , dans notre Collègue accusé,
a - t - il ajouté , qu'un homme repréhensible
d'avoir avec une trop grande facilité ,
regardé comme innocent celui que la voix
publique condamnoit. Je demande que , sur
sa parole d'honneur , il soit mis provisoirement
en liberté. »
" Ce n'est point , a répondu M. Barnave,
par des sentimens , mais par des faits que
l'Assemblée doit se déterminer. Or les faits
que vient de vous exposer M. Perrotin sont
absolument les mêmes que ceux contenus
dans le Procès-verbal de la Municipalité de
Châlons. Vous seriez donc inconséquens , si
Vous révoquiez tout de suite le Décret qui
O iij
( 318 )
l'a mis en état
d'arrestation . Vous compromettriez
la sureté ; car , que diroit le Peuple ,
en voyant que vous le rendez libre , avant
d'avoir entendu le Comité des Recherches ,
et l'instruction de l'affaire ? Je demande
que vous attendiez le Rapport de votre Comité
, et que M. de Barmond reste jusqueslà
en état d'arrestation.
40
Lorsqu'un Consul Romain , qui avoit
bien mérité de la Patrie , a dit M. l'Abbé de
Montesquiou , dut être jugé , tous les Citoyens
se portèrent en habits de deuil sur la place
publique . ( Des murmures , des cris de fermer
la discussion , interrompent l'Opinant :
l'Assemblée lui rend la parole . ).
"
Puisque l'Assemblée , a - t- il ajouté , témoigne
le désir de m'entendre , je vais entrer
dans les détails de cette affaire... "
A ces mots , un tumulte affieux s'élève du
côté gauche.
M. l'Abbé de Montesquiou quitte la Tribune
; arrivé au milieu de la Salle , il entend
redoubler les cris de fureur ; il s'adresse
au Président. J'invoque votre fermeté , et
celle de la Majorité pure de l'Assemblée ,
pour en imposer à une société de Décemvirs,
qui ose dire publiquement : « Nous sommes
le plus petit nombre , mais nous ferons plus
« de bruit que la Majorité , et nous lui ferons
la Loi.
"
" >>
La moitié de l'Assemblée applaudit ; l'extrémité
gauche se livre aux plus violentes
expressions du ressentiment. M. Prieur s'empare
de la Tribune , et se constitue dénonciateur
de M. de Montesquiou. Un grand
nombre de voix rappellent ce dernier à la
Tribune ; il reste inflexible et quitte la Salle.
( 319 )
Alors M. de Bonnay observe que l'Assemblée
doit ses momens à l'Accusé , qui attend sa
décision. D'un avis unanime , on reprend
l'ordre du jour.
M. de Frondeville , interrompu à la première
phrase , obtient enfin silence. « L'article
VII de la Déclaration des Droits , dit- il ,
porte que , nul homme ne pourra être détenu
que dans les cas déterminés par la Loi , et
suivant les formes qu'elle a prescrites . Quelles'
sont ces formes ? Il n'en est qu'une seule ,
c'est le Décret du Juge. Je demande pourquoi
votre Collègue , sans être décrété , sans
-être accusé , est entouré de satellites ? Avezvous
le droit de l'en environner ?….. On me
dira qu'il a été arrêté en flagrant délit . Quel
est le prisonnier dont il est accusé d'avoir
favorisé l'évasion ? Un homme envers lequel
les Lois de la Liberté ont été violées comme
dans la personne de M. de BARMOND. Il n'a
fui qu'après avoir attendu la prononciation
de Châtelet , prononciation qui ne l'a pas
même décrété d'assigné pour être ouï. Son
arrestation étoit contraire à vos propres Décrets.
Une autorité illégale et arbitraile
l'a arraché à ses foyers. Ceux qui sollicitent
, exécutent et font exécuter des ordres
arbitraires , doivent être punis ; tel est le
langage de vos propres Lois ( article 8 de
la Déclaration des Droits ) . Punissez doac
ceux qui ont détenu arbitrairement , pendant
trois mois , M. Bonne de Savardin , si vous
ne voulez être le complice de leur tyrannie....
Sous quelle autorité légitime ces
Comités des Recherches exercent - ils leurs
fonctions? Quel Décret a établi- celui de
Paris ? Ils se sont constitués de leur
propre
O iv.
320 )
1
autorité ; de leur propre autorité ils commettent
tous les jours des vexations . C'est
un Arsenal où la vengeance trouve des
armes , pour répandre la discorde et la terteur
dans les familles les plus innocentes....
Est- ce une mauvaise action que d'avoir remis
les Lois à leur place , d'avoir arraché un
Citoyen à cette tyrannie ? Voilà le Tribunal
qui poursuit M. de Barmond , et sur l'accusation
duquel il est retenu chez lui au secret ,
tandis que les assassins de nos Princes parcourent
tranquillement les rues de Paris , et
siégent peut- être parmi nous .... "
ser em-
A ces derniers mots , me explosion ,
blable au tonnerre , souleva le côté gauche.
400 bras tendus menaçoient M. de Frondeville.
On l'appeloit à là Barre ; mais il étoit
auxprises avec M. de Mirabeau. M. Bouthidow.
assis auprès de M. d'Orléans , s'élance aussi
furieux à la Tribune ; mais il est assailli par
des Membres du côté droit. Les apostrophes
les plus outrageantes sont à haute voix
adressées à M. de Mirabeau , qui dédaigne
de s'en venger. Les injures past d'une
aile à l'autre , et la Salle retentit d'imprécations
réciproques .
M. le Président se couvre. M. de Frondeville
dégagé par M. de Faucigny , saute à la
Barre. M. Perdrie observe que nul Député
ne doit être privé de son caractère avant
un Décret , et qu'en attendant , M. de Frondeville
doit se justifier à la Tribune ; il y
remonte en effet , et la Majorité décide qu'il
y sera entendu .
« Je déposerai sur le Bureau , dit - il , mon
Discours écrit et signé ; l'Assemblée me jugera.
Je n'ai point exprimé d'assertion , je
n'ai prononcé qu'une phrase hypothétique.
( 321 )
Je n'ai dit que ce que vous a dit le Châtelet
lui -même. »
Oui , s'écrient à la fois nombre de Députés
du côté droit ; deux de vos Membres
sont accusés par un Tribunal légal , et déja
jugés dans le cas d'être décrétes ; cependant
ils montent à la Tribune , ils sont libres
tandis qu'on appelle à la Barre celui qui
dit la simple vérité, et qu'on emprisonne dans
sa maison celui qui est évidemment inno-
Je demande , ajoute M. de Folleville
, qu'on vote des remerciemens à M. de
Frondeville , pour avoir dit peut-étre. "
cent. "
Ces sarcasmes portoient au comible la fureur
du Parti opposé ; il fut décidé que M.
de Frondeville seroit censuré. Un grand noubre
de Députés du côté droit signerent le
Discours de M. de Frondeville , et demandèrent
à être compris dans la censure. M.
de Montlauzier monté à la Tribune dit qu'il
adhéroit de coeur et d'esprit au Discours de
M. de Frondeville , et qu'il demandoit aussi
à être cepsuré……………… « Je demande , dit M,
Bouche , que l'Assemblée decrète que l'honorable
Membre n'en vaut pas la peine .
་་
»
C'est en personnalites de cette élégance ,
qu'on se battit une heure entière , et c'est
du milieu de ces fureurs , que le Législateur
procédant comme Magistrat , rendit la Sentence
suivante , d'apres l'opinion de M. Barnave.
". L'Assemblée Nationale charge son Comité
des Recherches de l'examen des differentes
Pièces qui lui ont été remises , relativement
à M. l'Abbé Perrotin , dit de Barmond
, pour lui rendre compte Lundi prochain
à midi desdites Pieces , ainsi que de
toutes les instructions qui pourroient lui
O
( 322 )
être parvenues sur la même affaire ; et cependant
décrète que le sieur Perrotin demeurera
au même état d'arrestation , conformément
au Décret précédemment rendu ,
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
»
DU JEUDI 19 Aoust .
Le Secrétaire Rédacteur du Procès - verbal
de la veille , y ayant rapporté les conclusions
de tous ceux qui avoient opiné sur
l'affaire de M. de Barmond , avoit écarté de
la liste M. l'Abbé de Montesquiou . M. Malouet
a vainement réclamé contre l'omission
d'un fait aussi grave , que celui du refus
d'entendre le defenseur du Député accusé ;
MM. Reubell et Prieur ont prétendu que
pour l'honneur même de M. l'Abbé de Montesquiou
, il falloit passer à l'ordre du jour ;
l'on s'est empressé d'y passer.
Le Comité des Recherches attribuant à
l'Assemblee le droit d'ouvrir les prisons , à
des Accusés entre les mains des Juges , et
dans les liens d'une Procédure , a proposé
l'élargissement de deux Dragons de Lorraine
, prévenus d'avoir suscité l'insurrection.
de ce Régiment. L'Assemblée a connu mieux
que le Comité des Recherches , les limites
de sa puissance , et a décrété qu'il n'y avoit
pas lien à délibérer.
Tout le reste de la Séance a été consacré
à MM. Gossin et de Champagny. Le premier
a fait placer dans les chefs - lieux de
leurs Districts respectifs plusieurs centaines
de Tribunaux ; le second a fait adopter une
nombreuse serie d'articles du Code pénal
et provisoire de la Marine.
( 323 )
DU VENDREDI 20 40UST.),
Suivant l'ordre du jour , M. Gossin a continué
ses rapports sur l'emplacement des
Tribunaux , et M. le Brun a repris les siens
sur les dépenses des Académies . M. Lanjuinais
qui , plusieurs fois s'est élevé contre ces
Etablissemens privilégiés , a tenté aujourd'hui
de prouver que nos Académies n'étoient
que desfoyers d'aristocratie littéraire , qu'elles
ne devoient pas être à la charge du Trésor
public , que les Académies Etrangères ,
quoique livrées à elles -mêmes , fleurissoient
commeles nôtres ; qu'enfin , les secours d'en.
couragemens étoient les seuls auxquels elles
pussent prétendre. Sur les observations ultérieures
de MM . Grégoire, Lépaux, le Camus,
l'on a accordé provisoirement , et pour celle
année , 25,217 liv. à l'Académie Françoise ;
43,908 livres à celle des Inscriptions et
Belles -Lettres ; et 93,458 liv . à l'Acadé
mie des Sciences . La Société Royale de
Médecine conservera la somme qui lui est
affectée. On a de plus chargé ces divers Corps
de présenter dans un mois , le projet de leur
nouvelle Constitution . La partie du rapport
de M. le Brun , qui concernoit les dépenses
du Jardin du Roi , l'Ecole de Botanique ,
de Chimie et d'Histoire Naturelle , a été
ajournée.
Hier au soir , l'Assemblée apprit un nouveau
crime de la multitude. à Toulon , par
la communication que lui donna M. de la
Luzerne des lettres officielles de M. de Clandevès
, Commandant actuel de la Marine
dans ce Port , et du Procès - verbal de la Municipalité
, qui confirmoit l'assassinat de M.
de Castellet , Commandant en second . Le
O vj
( 324 )
manque de fonds qui faisoit craindre la
Suspension du paiement des Ouvriers de
l'Arsenal , a été le prétexte de cet attentat.
M. de Castellet , neveu de M. de Suffren ,
venoit de prêter le Se ment Civique ; il étoit
à l'Hôtel- de - Ville ; les Ouvriers furieux s'y
portent , menacent M. de Castellet , le forcent
à quitter la Ville , le poursuivent , le trouvent
dans une taverne où il s'étoit caché ,
le maltraitent , le trainent dans la boue ,
le blessent , et alloient le pendre , lorsque
deux Grenadiers de Barrois l'arracherent
sanglant de la mains , et le portèrent
à l'Hôpita' andevès termine
que peut faire
contre des
de Liberté
,
tin un Projet
sa Lettre , en de andant
un Commandant sans for
hommes qui , égar · par le
commettoient des rocités.
M. Malouet a pro osé ce m
de Décret , rédigé p. les tre Comités des
Recherches , des Rapp de la Marine ,
qui rend la Sénéchaussée de Toulon juge en
dernier ressort des anteurs et complices de
cet attentat , et charge le Président d'écrire
une Lettre de satisfaction à la Municipalité et
à la Garde Nationale , qui a arrêté plusieurs
assassins , et enfin aux deux braves Grenadiers
dont le courage a sauvé M. de Castellet.
A l'occasion de ce projet de Décret , M.-.
de Mirabeau l'aîné a pris la parole pour de-.
mander le licenciement de l'Armée , au 20
du mois prochain , comme remède général
et nécessaire : « Il n'est plus temps , a -t-il
dit , de guérir plaie à plaie. Entre les causes
qui ont subverti la subordination militaire ,
j'en vois deux principales ; l'impulsion des
Chefs , qui d'abord a tendu à detraquer les
Corps , en un sens , et l'impulsion de l'esprit
( 325 )
9
du moment , qui a reagi avec une action
terrible. Si vous faites des Décrets particuliers
à chaque insurrection particulière , sur
des récits qui vous parviennent à travers le,
prise des passions vous ne ferez rien
d'efficace. Je vais lire un projet de Décret
qui développera ma théorie , et fera voir à
ceux qui professent des opinions diverses ,
que si je leur suis également désagréable en
ce moment , c'est que je tiens un juste
milieu."
Ce Décret en ordonnant au 20 Septembre
le licenciement de l'Arniée , en fixe la récréation
au moment où les Décrets sur l'organisation
Militaire seront terminés , et en
attribuant à la diversité des opinions poli
tiques des Officiers et des Soldats , les désordres
actuels , il soumet chaque individu
de la nouvelle creation , à un Serment tellement
précis et déterminé , qu'il exciue toute
diversité de principes et de sentimens ; une
Adresse à l'Armée doit développer les devoirs
qu'imposera ce Serment , et servir de préservatif
contre les interprétations que des
gens grossiers et enthousiastes ont tirées de
la Déclaration des Droits : « Il est temps à
ajouté l'Auteur , de faire UNE DÉCLARATION
DES DEVOIRS .
Cet aveuremarquable mérite d'être retenu.
Il est donc vrai qu'on a pu abuser de cette Declaration
des Droits , comme le pressentirent
à Versailles taut de bons esprits ! il est donc
vrai qu'une Déclaration des devoirs est nécessaire
, quoiqu'on l'ait repoussée à Versailles
avec emportement , malgré l'éloquence prophétique
de M: Redon ! Que de crimes et de
desastreseût épargné M. de Mirabeau, s'il avoit
fait , il y a un an, l'aveu qu'on vient de lire !
Ce plan , facile sur le papier , où disparoit
"
( 326 )
l'intervalle effrayant du licenciement à la
recréation , a reçu des applaudissemens . Personne
n'a demandé comment cette opération
changeroit l'esprit de l'Armée , et à quoi
serviroit un nouveau Serment , après tant de
Sermens aussitôt violés que jurés . Quel abus
plus dangereux que celui de ces prestations
religieuses , sans cesse renouvelées dans un
instant où tous les principes religieux sont
affoiblis.
M. d'André a ramené l'Assemblée au
Projet dé Décret de M. Malouet , qui a été
adopté.
M. de Mirabeau avoit annoncé en preuve
de l'action et la réaction , auxquelles il attribuoit
l'indiscipline , une Lettre adressée à
M. Dubois Crancé par le Commandant
de la Garde Nationale d'Hesdin. On a
exigé la lecture de cette relation , qui accuse
les Officiers du Régiment de Royal - Champagne
de l'insurrection de ce Régiment .
Ceite histoire est le pendant des récits du
dîner des Gardes du-Corps , qui préparèrent
la catastrophe du mois d'Octobre : « Les
Officiers de Royal - Champagne , dit le Narrateur
, au lien de suivre pour leur repas de
réprésailles , l'exemple de la Garde Nationale
, qui avoit invité tout le monde , a
écarté les Sous - Officiers et les Cavaliers ;
ils ont seulement donne 6 liv . par Chambre .
A ce diner , tous les coeurs furent glacés par
une froide étiquette , et le regret de l'absence
des Cavaliers. Les Officiers chantèrent
des couplets , qui renfermoient des
allusions contre les Représentans de la
Nation et contre la Garde Nationale : Laissez
vos pompons et vos armes.... Il n'y a rien
de bon du côté gauche que le coeur, etc. I's
( 327 )
éludèrent de porter la santé de la Nation ,
ils crièrent vive le Roi. Ils firent avant le
dîner la réception d'un Sou -Officier , détesté
par-tout le Régiment. A 9 heures , comme
on se disposoit å danser , 30 Cavaliers , avee
des chandelles dans leurs mains , firent
quelques tours sur la place. Ils paroissoient
n'avoir eu d'autre intention que celle de
s'amuser. Les Officiers ont prétendu qu'on
leur en vouloit. Etoit- ce aux Officiers qui
avoient fourni aux frais de la boisson , de se
plaindre de ses effets ?
La suite de cette relation attribue les
progrès de l'insub rd nation du Regiment
de Royal - Champagne , à l'arrivée des Troupes
étrangères requises par la Municipalité , et
à une Lettre de M. de Fournez , Colonel ,
Membre de l'Assemblée Nationale , qui avoit
prevenu qu'un Décret devoit casser ce Ré
giment.
•
M. de Fournez a sur- le- champ repoussé
cette imputation , et ce récit , dont il a dénonce
l'inexactitude, en demandant , ce qu'il
a obtenu , que la Lettre fût renvoyée au
Comité Militaire.
Sur l'avis de MM. Alexandre de Lameth
et de Noailles , la première partie de la
Motion de M. de Mirabeau a été renvoyée
à l'examen du même Comité , chargé aussi
de rédiger l'Adresse à l'Armée.
DU SAMEDI 21 ДOUST,
MM. Gossin et de Champagny se sont partagés
les premières heures de la Séance , pour
faire placer une trentaine de Tribunaux , et
faire ajouter au Code pénal de la Marine
plusieurs articles additionnels .
Tout le reste de la Séance a été sacrifié au
( 328 ) )
désordre et au scandair , par l'inconduite de
plusieurs Membres du Côté droit , dont personne
ne relevera les torts inexcusables , avec
plus de sincérité que nous. Le premier de
ces toris a été un offense à la loi et au Corps
Législatif , par M. de Frondeville. Censuré
l'autre jour , et il faut le dire , sans applau-,
dir à ses expressions , censuré très - légèrement,
puisqu'il repétoit ce que le Châtelet .
avoit déclaré douze jours auparavant , il s'est
permis de livrer publiquemant au mépris et.
au ridicule , le Décret et l'Assemblée . M. ,
Goupil l'a instruite en ces termes de l'offense
de M. de Frondeville.
"
Il a été distribué ce matin , gratuitement
, a- t-il dit , et ensuite vendu un pamphlet
intitulé : Discours prononcé par M. le.
Président de Frondeville à l'Assemblée Nationale
, dans l'affaire de M. l'Abbé de Barmond,
et pour lequel il a été censuré ; avec
l'épigraphe Dai veniam corvis , vexat.censura
columbas, Ce discours est suivi d'un
avant -propos , dont la première phrase porte:
Ceux qui prendront la peine de lire mon discours
, devineroient difficilement pourquoi je
le fuis imprimer , si je ne me hátois de leur
apprendre , qu'il a été honoré de la censure de
l'Assemblée Naționale.
M. Goupil n'a pas eu de peine à déterminer
le blâme que méritoit cette publicafion
, et il a demandé si M. de Frondeville
s'en avouoit l'Auteur. Sur l'affirmative de ce
dernier , l'Opinant a conclu à ce que , sous
la forme de punition correctionnelie , il fut
condamné à huit jours de prison.
De très -violens murmures ont éclaté du
Côté droit ; il avoient déja dix fois interrompu
M. Goupil. M. de Bonnay à cherchẻ
( 329 )
à concilier les aris en attenuant la peine
proposée par le Préopinant . M. Ale andre de
Lameth a citéle Parlement d'Anglterre , qui
pour un sen.biahle delit , eût envove l'on de
ses Membres à la Tour de Londres. M. l'Abbé
Maury a insisté sur le vice effectif des formes
violées par la Motion sévère , de M. Goupit,
sur le refus positif qu'avoit fait l'Assemblée ,
il y a deux mois , d'insérer la peine de prison
dans son Réglement , et sur ce que le Régle-,
ment n'ordonnoit aucune peine contre l'un
de ses Membres , pour une faute commise ,
hors de la Salle. Enfin , il a nié que le Parlement
d'Angleterre eût jamais envoyé un de
ses Membres à la Tour ; et qu'il pût jamais
exercer ce droit , si ce n'est pour le crime
de haute trahison.
L'Orateur se trompoit évidemment : chacune
des deux Chambres du Parlement , le Chancelier
dans l'une et l'Orateur des Communes
dans l'autre , ont le droit incontestable d'envoyer
à la Tour un Membre rébelle à la discipline
du Corps , à l'autorité de leurs Présidens
, et au respect qui leur est du . Il est vrai
que ce droit s'exerce toujours avec une scru
puleuse équité , et qu'il se borne à des délits
graduls ou à des récidives . L'Histoire fournit
plusieurs exemples de cette police. Nous
ne citerons que celui du Membre des Conmunes
, envoyé à la Tour sous George I,
pour avoir dit que le Discours du Roi étoit
propre au climat d'Hanovre , non à celui de
l'Angleterre .
M. Péthion a relevé avec raison cette erreur
du Préopinant , et a conclu comme M.
Goupil
་ ་
C'est à la Nation seule , a dit M. de
Foucault , à juger des cas où la censure de
2
( 335 )
la majorité est honorable ou infamante.
MM. de Bouville et Malouet demandoient
qu'attendu le défaut d'une loi antérieure ,
l'Assemblée se contentât de blâmer M. de
Frondeville , et de déclarer qu'à l'avenir une
pareille faute seroit punie de tant de jours
d'arrêts ; ce qui sans compromettre les principes
, laissoit à la Motion de M. Goupil
l'effet et la force qu'on pouvoir désirer. M.
de Bonnay s'est range à cette opinion ,
qu'avouoit l'esprit d'équité , et qui malhe
reusement , a été loin de prendre faveur. »
Interpellé par quelques Membres de rétracter
son libelle , M. de Fondeville a déclare
qu'il n'avoit point eu l'intention d'outrager
l'Assemblée .
Je demande à combattre M. Malouet ,
a dit M. Barnave . L'Assemblée a décrété
par une loi générale , qu'elle exerceroit la
police sur ses Membres ; elie s'est réservée
d'examiner les cas qu'elle ne pouvoit prévoir ,
et d'y appliquer la peine la plus convenable
aux circonstances ; elle a déja plusieurs fois
prononcé des censures , sans que le réglement
fit mention de cette peine .... Certe ,
pour le Membre qui déclare et qui persiste
à déclarer qu'il s'honore de la censure de
l'Assemblée , la prison est la peine la plus
douce .... ་་
A ces mots haîneux M. de Faucigny s'é-
Jance au milieu de la Salle , en s'écriant : Pour
le coup , ceci annonce une guerre ouverte de la
Majorité contre la Minorité ; nous n'avons
plus qu'un moyen , c'est de tomber le sabre
à la main sur ces guillards - là....
Qu'on se représente le soulèvement de surprise
et d'indignation qu'a excité une menace
pareille , faite à la Majorité du Corps
législatif !
( 331 )
M. Barnave a repris son opinion interrom-.
pue , dont l'animosité avoit occasionné l'inexcusable
emportement de M. de Faucigny : il
a requis le Président de donner des ordrespour
s'assurer de la personne du délinquant ,
qui de lui - même , est descendu à la barre .
M. de Frondeville , a deinandé avec instance
la parole . Messieurs , a- t - il dit , je me
suis cru coupable , et très - coupable , des
que j'ai vu la terrible imprudence à laquelle
j'avois donné lieu ; je m'accuse aux yeux du
public , je m'accuse aux yeux de l'Assemblee.
Je suis la seule cause de ce
mouvement d'une tête exaltée ; que la punition
tombe sur moi seul. »
Ce discours , prononcé avec onction , a
fait revenir M. Goupil à des sentimens plus
modérés ; il a commué la peine de prison en
huit jours d'arrêts ; après quelques debats
d'amendemens on a prononcé :
L'Assemblée Nationale , après avoir entendu
la lecture du Paragraphe d'un imprimé
ayant pour titre : Discours prononcé par
le Président de Frondeville à l'Assemblée
Nationale , dans l'affaire de M. Barmond , et
pour lequel il est censuré. »
-Et après que M. Lambert , dit Frondeville
, a fait l'aveu qu'il étoit l'Auteur dudit
ouvrage , ainsi que de l'avant - propos ; qu'il
l'avoit fait imprimer , que même il l'avoit
fait distribuer dans la Salle , sans avoir fait
aucune autre distribution , déclare que M.
Lambert a manqué gravement de respect envers
l'Assemblée Nationale ; en conséquence,
décrète que , par forme de punition correctionnelle
, M, Lambert se rendra aux arrêts
et les tiendra pendant huit jours dans sa
maison. "
M. de Faucigny attendoit la parole , il la
( 332 )
sollicitoit à la Barre , tandis que M. Goupil
faisoit à son sujet une amplification ridicale !
sur les lois de Solon , sur le parricide , etc . M. de
Mirabeau brúloit aussi de parler. M. T'Abbé
Maurylui a fourni l'occasion de le faire avec
un avantage complet.
"
"(
M. de Mirabeau demandoit la parole .
Je demande , a dit M. l'Abbé Maury , que
TOpinant déclare s'il est vrai qu'il vient de:
dire : Allez avertir le Peuple » Tous les Membres
de l'un et de l'autre Parti , voisins de
la Tribune , contre laquelle M. de Mirabeau
étoit appuyé, l'ont justifié d'avance , en
niant formellement le fait : Je ne m'abaisserai
pas , a -t- il dit , à répondre à une telle
inculpation , jusqu'à ce que l'Assemblée l'ait
élevée jusqu'à moi , en m'ordonnant d'y ré-
` pondre ; jusque-là je croirai avoir assez dit,
en noinmant mon accusateur et en me nommant.
J'atteste les Membres qui entourent
la Tribune , que je ne me suis occupé depuis
une heure que des moyens de reinédier
à tout ce qui venoit de se passer. Je voulois
observer qu'il étoit très important à la
sureté de MM, de Frondeville et de Faucigny
qu'ils fussent mis en état d'arrestation . "
Monté de la Barre à la Tribune , puisqu'il
n'étoit pas jugé , M. de Faucigny at
dit :
. Je désavoue franchement le mouvement
qui m'a égaré . Je n'y étois plus ; la vivacité
m'a emporté à un point excessif. Mais ce
propos pourra être interprété ; crainte d'exciter
du trouble , je ne le répéterai point ,
même dans le sens où je l'ai entendu , et
dans lequel il pourroit ne pas paroître aussi
coupable . Je suis prêt à subir une peine , et
à me soumettre à tous vos Décrets .
"
( 333 )
Plusieurs Membres ont cherché à excuser
l'emportement d'un homme connu par sa
vivacité naturelle ; d'autres , se sont formalisés
avec raison de l'expression d'am nde honorable,
employée par M. de Bonnay. M. de
Faucigny la desavoué en se glorifiant d'ailleurs
d'avouer ses torts.
M. Charles de Lameth est venu aigrir l'incident
, en s'efforçant de rejeter le propos
sur les liaisons de M. de Faucigny. Le Président
l'a rappelé à l'ordre. Il a protesté de
son estime pour M. de Faucigny , et afin de
lui en donner une preuve , il a pressé la
Motion , de son ami M. Barnave , qui envoyoit
M. de Faucigny en prison .
Différentes Motions plus modérées se sont
élévées , et enfin la grande Majorité s'est
réunie à celle de M. Dubois de Crancé.
" L'Assemblée Nationale , ayant égard aux
excuses et déclarations de M. de Paucigny ,
lui remet la peine qu'elle lui auroit infligée. n
Ainsi a fini une scène affligeante , où le
côté droit a montré bien peu de politique
en défendant des torts prouvés , dont il devoit
au contraire exiger lui- même la réparation
. Il avoit devant lui l'exemple du
côté gauche , qui , lorsque M. Blin s'avisa ,
il y a quelques mois , d'insulter l'Armée ,
requit hautemeut qu'il fût livré à l'ordre .
Quand on ne sait pas sacrifier à ses devoirs ,
et à l'intérêt même de son Parti , des considérations
de confraternité , on n'en est pas
même aux élémens de la tactique des délibérations.
Sans doute la Minorité a de trop
fréquentes occasions de réclamer contre l'oppression;
mais on n'opprime point celui qui
est répréhensible , et M. de Frondeville l'étoit.
L'emportement est toujours mal-adroit , et
( 334 )
souvent injaste ; il gâte les meilleures causes ,
et il aggrave les mauvaises.
DU SAMEDI. SÉANCE DU- SUIR.
Des Députés du Département de Seine et
d'Oise sont venus denoncer le soi - disant
grand Parc de Fersailles , le gibier , les propriétés
violées , les Gardes- Chasses tirant à
balle sur les Municipalites ( c'e t- à- dire ,
peut- être sur les braconniers ) , plongeant
les Citoyens dans les cachots , traitant les
hommes comme des bêtes fauves . Il suffit
de rapporter ces figures pour les faire apprécier
: lorsque les desordres dont on se plaint ,
et que le style de cette Adresse ne rend
guère croyables , scront vérifiés , nous en
ferons mention .
Une Adresse d'un autre genre , et que
nous nous empressons de distinguer , est celle
de M. de Rivérieux , Colonel du Régiment
d'Artillerie de Metz , qui , au nom de son
Corps , jure une fidelité parfaite aux devoirs
militaires. Ce Régiment est digne d'un pareil
serment , car il ne l'a jamais faussé , et
sa conduite , au milieu des désordres de la
Garnison de Metz , a été une preuve écla
tante de sa sagesse.
Sur la Motion de M. Malouet , l'Assemblée
a autorisé le Trésor public à faire
passer 214,000 liv. à Toulon , pour le paiement
des Ouvriers de l'Arsenal.
DU DIMANCHE 22 AOUST.
La République de Genève , et les Génevois
Propriétaires de Domaines dans le Pays
de Gex , ayant éprouvé des vexations dans
le transport de leurs récoltes et de leurs
grains , l'Assemblée a maintenu les Géne(
335 )
vois dans le droit de transit dont ils ont
joui jusqu'à présent dans le Pays de Gex ,
pour le transport de leurs grains , lequel continuera
d'avoir lieu comme par le passe , sauf
au Directoire du District à prendre les précautions
convenables contre les abus .
Depuis le mois de Janvier , le Comité de
Constitution fait attendre une Loi sur la
licence de la presse : il l'a promit dans deux
jours , il y a trois semaines , et à chaque
heure , la sureté publique et particulière
est livrée aux brigands , dont la plume inyoque
l'assassinat. L'ordre du jour indiquoit
un Rapport sur cet objet : M. d'André
tenant à la main un nouvean libelle exécrable
, a sommé le Comité de déclarer s'il
étoit prêt. M. le Chapelier a répondu négativement
, en ajoutant qu'on ne pouvoit former
une Loi contre les crimes de la presse ,
avant l'institution des Jurés . Par le même
motif, on devroit aussi proclamer l'impunité
de tous les délits . M. le Chapelier a
ensuite autorisé toute espèce d'Ecrits , excepté
les ouvrages incendiaires. En ce cas ,
on ne conçoit pas qu'il ait fallu sept mois
au Comité , pour former une Loi sur ce
principe , qui donne un libre cours à la calomnie.
Enfin , l'honorable Membre a promis
que , dans peu de jours , le travail seroit
prêt.
M. d'André peu satisfait 9 a demandé
qu'un Comité nommé exprès , s'occupât de
cette rédaction , d'autant plus urgente que
les insurrections militaires , les troubles ,
les
soulèvemens parcouroient le Royaume . Il a
fini par rendre compte d'un nouveau libelle
du sieur Marat , qui exhorte le Peuple à
placer 800 potences dans les Tuileries.
( 336 )
M. Malouet tenoit aussi ce mandement
en crime , et en a lu le principal passage.
Tci , dit l'Auteur , je vois la Nation se soulever
contre cei infernal projet de licencier
l'Armée. Si les Noirs et les Ministres gangrénés
et archi-gangrénés sont assez hardis pour
le faire passer, Citoyens , élevez huit cents
potences , pendez-y tous ces traitres , et à
leur tête l'infame RIQUETTI l'aîné, M. Malouet
demandoit que le Maire de Paris reçût
ordre , d'arrêter cet Architecte de gibets.
D'autres invoquoient l'arrestation de l'Imprimeur.
L'Imprimeur du Palais des atrocités
, a dit M. Regnault , se cache dans
l'ombre ; mais ce sont les infames Colporteurs
qui viennent crier et vendre ces horreurs
à votre porte qu'il faut arrêter. »
M. de Mirabeau l'aîné a pris la parole
pour invoquer le mépris de l'As emblée sur
ces extravagances d'homme ivre , où d'ailleurs
il étoit seul nommé. On y désigne les
Noirs , a-t-il ajouté , il faut donc renvoyer
le Libelle au Châtelet du Sénégal . Continuant
ensuite cette plaisanterie , si ingénieuse , si
décente , si convenable dans la bouche d'un
Législateur, il a denoncé comme libelle
comme libelle fameux , Libellus famosus , le
Requisitoire du Procureur du Roi au Châtelet
, sur l'affaire éternellement fameuse et
diffamante du 6 Octobre.
On ne peut qu'admirer la générosité de
M. de Mirabeau , et son désinteressement.
Ila paru cependant bien gratuit, car , Dieut
merci , jusqu'à ce jour , les Prédicateurs
d'assassinats et de proscription , l'ont déshonoré
de leur protection et de leurs éloges ;
il n'a pas beaucoup à redouter l'instant d'humeur
qu'ils viennent de montrer contre lui.
Quant
?
( 337 )
Quant à la sortie contre le Procureur du Roi ,
les amis de l'Opinant l'ont applaudie ; le reste
de l'Assemblée a murmuré. On n'en a pas
moins ,suivant l'osage constant, adopté sa Motion
de passer à l'ordre du jour. Il en sera de
même probablement , de toutes les plaintes
de ce genre , et nous osons prédire que , si
jamais l'Assemblée eut réprimer cette licence
par une Loi , la licence sera plus forte ,
qu'elle.
Les Habitans du Béarn ayant envoyé au
Roi une Adresse , par laquelle , en rappelant
qu'ils ont renoncé à leurs priviléges sur l'invitation
du Roi , ils demandent instamment
qu'il conserve an abre de ses propriétés ,
le Château de Pau , berceau de Henri IV ;
MM. Robespierre et Charles de Lameth se
sont disputés la gloire de reprendre aigrement
ce témoignage d'affection si naturel
et si legitime. Ils se sont plaints de ce que .
les Béarnois s'adressoient au Roi , en présence
du Corps Législatif, et ils ont invoqué
l'ordre du jour. M. de Viricu a fait
tomber ces observations chagrines , et adopter
le renvoi au Comité des Domaines.
M. de la Blache a terminé la Séance par
la lecture de quelques articles sur les Postes ,
qu'on a décrétés sans discussion .
Paris est infesté, et les prisons sont pleines
de voleurs. A deu réprises , il y a 15
jours , des attroupemens de la multitude
voulurent réitérer les atroces exécutions
du mois de Mai , sur des coupables qu'on
conduisoit au Châtelet. On a remarqué
dans ces attroupemens une foule d'in-
N° . 35. 28 Août 1799 . P
( 333 )
1
dividus sans propriété , des méndians ,
des gens sans domicile. Ce n'est donc
pas la crainte d'être volés qui arme cette
classe d'hommes contre les voleurs , et
qui les rend si actifs à devenir bourreaux
, avant le jugement . Le Corps
Municipal a rendu des Proclamations
très fortes contre ce nouveau genre d'attentats
; mais il suffit d'en connoître le
prétexte , pour en pénétrer le but. Le
prétexte est que , le Châtelet ne juge
point de voleurs , ou les libère. Le but
est d'animer la multitude contre ce Tribunal
, que nous avons vu incalpé à la
Barre même de l'Assemblée par le Comité
des Recherches de la Ville , de
vouloirfaire le Procès à la Révolution
et au Peuple de Paris . Ce Tribunal ,
comme on l'a vu , n'a pas eu beaucoup
de peine à repousser cette imputation :
il l'a fait par le Réquisitoire même du
Procureur du Roi , conforme à l'Arrêté
du Comité des Recherches du 23 Ncvembre.
A cette époque , celui - ci nommoit
les horreurs du 6 Octobre , un
forfait exécrable , digne de la douleur
et de l'indignation des bons Citoyens,
ouvrage de bandits POUSSÉS PAR DES
MANOEUVRES CLANDESTINES . Il jugeoit
que ces attentats imprimeroient au
nom François et à l'honneur de la
Capitale , une tache ineffaçable , s'ils
restoient sans poursuite. Il en dénoncoit
non - seulement les auteurs , mais
( 339 )
encore les fauteurs et complices , et
tous ceux qui , par des promesses ou
dons d'argent , ou par d'autres manoeuvres
, les ont excités ou provoqués .
Qu'on rapproche maintenant cette décision
, de la dernière diatribe du Comité
contre le Châtelet . Ce Tribunal a
rendu publique sa dernière Adresse à
l'Assemblée Nationale. Il en résulte , ct
je pense qu'il n'existe pas un hɔmme
droit ou de bon sens , qui n'adopte co
résultat , que pour découvrir les manoeuvres
, les dons d'argent et les ins
tigations qui provoquèrent les forfaits
du 6 Octobre , il a fallu informer str
les jours précédens . Quoi qu'il en soit,
la démarche du Comité , la doctrine
publiée par tous les Ecrivains dont les
Feuilles sont le miroir des assemblées ,
où on leur dicte les pensées dont ils doivent
entretenir la multitude ; la nature
de cette doctrine , qui consiste à ne
trouver de coupables , au mois d'Octobre
que les Gardes- du- Corps , à réduire à
un délit très - ordinaire et simplement
présumé , l'invasion du Palais d'un Roi
inviolable , le massacre de ses serviteurs
dans ses appartemens , le péril d'une
Princesse , épouse du Monarque , soeur
et fille de Souverains , échappant au
travers des meurtres , au fer sanglant
des assassins ; l'indulgence des Motionnaires
et de certaines Sociétés pour ces
attentats , les discours même qu'on a
Pig
( 340 )
entendus à l'Assemblée Nationale , tout
annonce que ce Procès n'aura pas la
moindre suite . Nous en avons été profondément
persuadés dans tous les temps ;
mais l'oubli de la Justice sera un trait
de plus dans le tableau des Tacites futurs
; ils auront beau rester impunis ,
ces crimes dont l'intérêt national et celui
de la liberté invoquoient une vengeance
éclatante , ils resteront ineffaçables , jusqu'àla
dernière postérité its sont déia
jugés irrémissiblement au Tribunal des
Nations.
Il s'est établi dans le Royaume près de
60 sociétés dites des Amis de la Constitution
, correspondantes avec celle de
Paris . En quelques lieux , ces Clubs font
les fonctions de Comités de Recherches ,
d'Inspecteurs des Municipalitités, d'Inquisiteurs
des sentimens des Citoyens.
Plusieurs Municipalités les ont jugés
incompatibles avec la Constitution , et
plus dangereux pour elle que toutes les
armées de Piémontois , d'Autrichiens ,
d'Allemands , d'Espagnols , de Napolitains
, qui nous assiégent dans le fumier
des Feuilles publiques. Le 17 Juillet
la Municipalité de Dax a fait fermer la
société des Amis de la Constitution
comme contraire à la Loi et à la tranquillité
publique . Voici en quels termes
M. Cazenave , Procureur de Commune
a caractérisé cette Association .
Une Société semblab'e est un attentat à
( 341 )
la souveraineté du Peuple , et dont le Peuple
demande la proscription ; d'ailleurs la Loi
nouvelle laisse au Penple , seul , le droit de
nommer tous les Membres des différens Corps
établis par la Loi ; et ici , c'est au contraire
une petite portion d'individus qui , par la
plus coupable aristocratie , s'arrogent le droit
impératif de juger le Peuple , en écartant
de cette Société les Citoyens honnêtes qui
ne lui conviennent pas , pour s'environner
de ceux qui lui sont dévoués , ou par intérêt ,
ou par ignorance ; ceux qui seroient refusés
traînent après eux une espèce de tache infamante
, puisque les refuser , c'est leur dire
qu'ils ne sont pas amis de la Constitution ,
et que leur serment de lui être fidèle est un
parjude ; ce refus pourroit même exposerleur
vie , dans des momens de fermentation
où leurs ennemis cachés ne manqueroicut
pas de leur faire ce reproche. "
en vile ,
M. de Clermont Tonnerre à publié
des Réflexions sur le Rapport
du Comité des Recherches dans l'af
faire de MM. d'Hosier et Petit-Jean.
Cet Ecrit remplit le but que nous avions
et mieux que ne nous l'aurions
fait . Son épigraphe , tirée des Mémoires.
de Retz , indique l'opinion à prendre,
de ce Rapport. Et par ce moy 'n nous,
mimes l'abomination dans le ridicule.
M. de Clermont- Tonnerre qualifie de
libelle l'ouvrage de M. Brissot , et il
démontre la justesse de cette qualifica
tion : il démontre encore qu'on ne peut
se jouer avec plus de légèreté de la liberté
des Citoyens , et il présente sur
Pi
( 342 )
l'institution des Comités des Recherches ,
les considérations que nous avions aussi
développées .
L'oppression qu'a encourue Madame
de Jumilhac , est le principal objet de
l'ex men de M. de Clermont-Tonnerre ;
il y développe les faits que nous indiquâmes
rapidement le mois pass?.
Croira-t-on que cette violence exercée
contre une Dame respectable , cet enlèvement
militaire , cette charte privée
à Paris , ces interrogatoires humilians ,
ont eu pour motif l'écrit dicté par une
Somnambule à Madame de Jumilhac ,
sans que le Comité ait eu connoissance
de cet Ecrit , sans qu'il ait daigné même
le rechercher! Il n'a donc jamais constaté
le contenu de ce papier , dont il
a fait un crime , et qui même dans les
suppositions du Comité , étoit certes
très-innocent : « Le Comité , dit M.
de Clermont-Tonnerre , n'a ni condamné
, ni abrous Madame de Jumilhac
, il a simplement retiré l'ordre
* vexatoire qui la retenoit en charte
privée ; il à seulement cessé de l'inquiéter,
et dans cette bizarre affaire ,
« dont tous les détails rappellent le Jurisprudence
des Lettres de Cachet ,
<< on a successivement dit à une Citoyenne
, vous étiez libre , soyez pri-
« sonnière : vous étiez prisonnière ,
« vous êtes libre , sans que le nom de
* la Loi ait été une seulefois prononcé . »
«
«
ㅊ
<<
( 343 )
Heureusement , cette persécution , cet
indigne Rapport n'ont pu enlever à Madame
de Jumilhae influence de ses
vertus. Son retour en Périgord a été un
triomphe voici le détail conforme à la
vérité , qu'en a présenté le Rédacteur de
la Feuille de Limoges.
"t La joie a été universelle dans ce paysci
, et dans les environs , lorsque nous avons
app : is que Mons`eur et Mádazie de Ju milhac
etoient de retour chez eux , depuis Jeudi
dernier , et que cette vertueuse Dame avoit
été aussi- tôt justifiée que soupçonnée , et
libre de revenir parmi nous. Tous les habitans
de la Paroisse et du voisinage se sont
empressés d'aller à sa rencontre , pour
lui
témoigner la joie que leur causoit son retour.
Le Bataillon de la Garde Nationale de Jumiihac
a été l'attendre , avec le Drapeau ,
jusqu'à une lieue de son habitation , et l'a
accompagnée depuis cet endroit : Les voisins
, les femmes , les enfans couvroient le
chemin , et se sont réunis ensuite dans la
cour du Château ; les uns pleuroient de joie ,
d'autres baisoient les vêtemens de Madame
de Jumilhac , les autres serroient les mains
de son vertueux Epoux , et cherchoient à
leur exprimer par le témoignage de leur
amitié et de leur intérêt , combien leur absence
leur avoit causé de douleur. Des Discours
, des Couplets , ont occupé cette intéressante
soirée , elle a été terminée par un
feu de joie , et l'expression pure et vraie des
sentimens qu'un chacun a témoigné à M. et
à Madame de Jumilhac , ont été la juste
récompense du patriotisme , des vertus et
de la bienfaisance dont ils ont toujours fait
profession. »
( 344 )
M. Imbert - Colomès , livré , à Lyon ,
au mois de Février dernier , comme le
mérite , le vrai patriotisme , la sagesse ,
le sont par- tout aujourd'hui, à la merci
des séducteurs de la multitude , n'est
point rentré dans sa Patrie depuis cette
époque si fatale à Lyon . Il à résidé à
Bourg en Bresse , où les regrets de tous
lcs Citoyens honnêtes l'ont suivi . Arrivé.
à Paris , il nous a adressé la lettre suivante
.
e
Paris , ce 17 Août 1799 .
MONSIEUR ,
J'ai lu dans une Feuille intitulée l'Observateur
, No. 8 , en date du 29 Juillet .
pas é l'article ci- après. "
K
་་
*
་་
Le fameux M. Imbert , ci devant Echevin
à Lyon , dont je racontai l'histoire
« lamentable dans mon No. 86 , est remonté
sur l'eau. C'est lui qui a excite les troubles
actuels de Lyon . I'va , vient , court dans
les rues , disant : Mes amis , la liberté
consiste à ne point payer d'impôts , et à
piller son prochain. Ecoutez mes leçons ,
et suivez mon exemple. On prétend qu'il
n'est pas encore lanterné , ec. "
24
"
•
་ ་
" Pour vous prouver , Monsieur , combien
l'Auteur de cette Feuille a été trompé , j'ai
l'honneur de vous envoyer copie certifiée
d'une Lettre que MM . les Officiers Municipaux
de la Ville de Lyon in'ont fait l'honneur
de m'écrire le 10 de ce mois. Je vous
remets aussi copie de la Lettre que j'ai
adressée à M. Fydel, Auteur de l'Observateur.
J'ose me flatter qu'il s'empressera
à se rétracter. Mais comme ma justification
( 345 )
ne sauroit être trop publique , pour dissiper
entièrement l'impression qu'une imputation
aussi grave a pu faire sur mon compte auprès
des personnes qui ne me connoissent
que de nom , je vous prie très - instamment ,
Monsieur , de vouloir bien faire mention
dans votre Journal de l'article de la susdite
Feuille , et de la Lettre de MM. les Officiers
Municipaux . Comment est - il possible
qu'on suppose que je soulève ce même Peuple
dont j'ai failli à étre la victime le 7 Février
dernier , et dont l'égarement sur mon compte
m'a forcé , depuis cette époque jusqu'à ce
jour , à vivre exilé d'une Patrie que je chéris ,
séparé de ma famille et de mes amis? J'ai
P'honneur d'être , etc. "
IMBERT COLOMÈS..
Copie de la Lettre écrite par MM. les Officiers
Municipaux de la Ville de Lyon à M. Imbert-
Colomès en date du 10 Août 1790.
"
MONSIEUR ,
Nous avons reçu la Lettre que vous
nous avez fait l'honneur de nous écrire le 6
de ce mois , par laquelle vous réclamez notre
témoignage , relativement à l'imputation
que renferme contre vous le N° . 8 du tom. 2
de l'Observateur. Cette imputation est d'autant
plus étrange , qu'independamment de
ee que vous ne pouvez être présumé capable
d'un fait semblable à celui qui vous est impuré
, votre absence de cette Ville depuis
le commencement de cette année , est d'ene
telle notoriété , que notre attestation ne
sauroit la rendre plus authentique , cependant
, Monsieur , nous nous empressons de
déclarer , ainsi que vous le desirez , que depuis
plus de six mois vous n'êtes point venu
en cette Ville. Soyez assuré , Monsieur ,
( 346 )
3
que nous sommes aussi indignés que vous
d'une calomnie qui est d'une atrocité vraiment
révoltante , et que nous prenons un
vif intérêt à votre position . Nous avons
l'honneur d'être avec un respectueux attachement
,
Les Maire et Officiers Municipaux de la
Ville de Lyons.
(L'original est déposé chez M. Mouny ,
Notaire , grande rue Saint - Martin ) .
Copie de la Lettre écrite par M. Imbert-
Colomès à M. Feydel , Rédacteur de l'Observateur.
"
MONSIEUR ,
J'ai lu dans votre Feaille No. 8 , intitulée
l'Observateur , en date du 29 Jui :let ,
l'article ci apres :
Le Fameux M. Imbert etc.
« Pour vous prouver , Monsieur , combien
Vous avez été trompé ; je vous envoie- ci
joint copie certifiée d'une lettre que Messieurs
les Officiers Municipaux de la Ville de Lyon
m'ont fait l'honneur de m'écrire , en date du
10 de ce mois , dont j'ai déposé l'original
chez M. Mouny , Notaire , Grand'rue Saint-
Martin. J'espere , Monsieur , que d'après un
témoignage aussi authentique , vous voudrez
bien faire insérer dans votre prochain N ° . le
susdit article de votre Feuille N° . 8 , la lettre
de MM. les Officiers Municipaux , et
votre rétractation du susdit article. Mais ,
comme , lorsque vous avez inséré dans votre
Journal une note aussi infamante sur le
compte d'un Citoyen irréprochable , vous
vous êtes sans doute muni d'une déclaration
signée du Dénonciateur , j'ose exiger de votre
honnêteté , Monsieur , que vous le nomme(
347 )
rez parce qu'il est important de faire connoitre
de pareils Calomniateurs . J'ai l'hon.
neur d'être , etc.
Signé, IMBERT - COLOMÈS .
A Paris , ce 16 Août 1780
Tous les Papiers publics ont rapporté
dans le temps que M. de Rossel , ancien Capitaine
de vaisseaux du Roi , avoit été chargé
par S. M. de peindre dix - huit combats
livres sur mer pendant la dernière guerre.
Cette entreprise est déja fort avancée ; l'Auteur
y réunit au talent de la peinture , une
connoissance exacte de la Manoeuvre , de la
Tactique Navale et des effets variés dont
l'expérience d'un Marin peut seule rendre
le secret. M. de Rossel a fait graver ces Tableaux
précieux : nous annonçâmes la souscription
dans le temps . Il a deja paru deux
Estampes , dont l'une représente le combat
naval livré le 18 Décembre 1779 , par M. le
Comte de la Motte- Piquet , Chef d'Escadre ;
et l'autre , le combat naval livré le 21 Juillet
1781 , par M. de la Pérouse , Capitaine de
vaisseaux. Ces deux Estampes dédiées au
Roi , ont été gravées par M. Dequevauvilliers
, connu par de très - bons ouvrage
en ce genre , et renommé sur tout par un
talent supérieur pour rendre les ciels.
Les autres parties ne sont pas traitées avec
moins d'intelligence. Les eaux , les vaisseaux ,
leur manoeuvre , et la fumée qu'on remarque
particulièrement dans le combat de M. de
la Pérouse , produisent le plus grand effet.
Nous devons ajouter que dans celui de M.
le Comte de la Motte - Piquet , il se trouve un
accessoire qui offre un très - grand intérêt .
Comme ce combat fut livré en vue du Fort(
348 )
Royal de la Martinique , l'Auteur a profité
de cette position pour representer les fort -
fications qui regnent le long de la côte. Tout
y est en mouvement : ce sont des Canonniers
qui traînent des mortiers , des canons , des
boulets ; des compagnies de Soldats qui
marchent ; un groupe de spectateurs , tant
hommes que femines , et dont les attitudes
sont très-variées.
"
"1
Le bas de chaque Estampe est orné
d'allégories très - bien entendues , et d'un
précis historique , simple et exact de chaquè
combat.
"
"
« L'exécution parfaite de ces deux Estampes
, leur mérite une place dans le Cabinet
de chaque Amateur : elles sont de la même
grandeur que les Marines de Vernet , et se
vendent 18 liv . chaque à Paris , chez Mérigot
jeune , Libraire , quai des Augustins , et
chez Desenne , Libraire , au Palais - Royal .
L'année prochaine paroîtront , à la même
époque , deux autres Estampes , l'une représentant
le combat de la Surveillante , par
M. du Couëdic , et l'autre , celui de la Junon ,
par M. le Vicomte de Baumont, »
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles
étrangères .
1.
Dujeudi 26 Août 1790.
LAconvention de Reichenbach , dont les détails font encore
très-imparfaitement connus , a été ratifiée le 5. Depuis ce
moment , la diffocation des armées a été ordonnée une
partie des troupes pruffiennes a rétrogradé vers Breſlau , où
le roi devoit féjourner quelque temps. Quant à l'armée Autrichienne
, vingt bataillons & autant d'efcadrons paffent dans
les Pays-bas prefque toute la cavalerie de ce corps eft hongroife
ou efclavonne ; les huffards de Barco & de Lovenher y
Ton compris.
Ces forces , jointes à celles qui fè trouvent déjà dans le duché
de Luxembourg, & auxquels viennent de fe joindre huit
cents Bambergeois, feroient fans doute plus que fuffifantes pour
réduire un pays livré aux plus horribles diffenfions , dont les
reflources font prefque entièrement épuisées , & qui ne compte
ni un régiment sûr , ni un chef renommé. Au défaut du fecours
de la Pruffe , de la Hollande & de l'Angleterre , qui leur
manquent , les infurgens des Pays -bas comptent , dit- on , fur
un appui caché & inattendu . Cet appui , s'il fe montre , ne
fera que prolonger les calamités de ces provinces . On va
s'occuper définitivement de leur fort , dans un congrès qui
s'ouvrira inceffamment à la Haye & où fe rendront des miniftres
, des rois de Hongrie , de Pruffe & d'Angleterre. Le premier
de ces fouverains à nommé à cette million , M. le comte
de Mercy , fon ambaffadeur en France , qui partira inceffamment.
Il eft douloureux de penfer que nous fommés encore
totalement écartés de cette tranfaction , qui intéreffe fi puiffamment
nos frontières. C'eft une obligation de plus que
nous avons aux politiques formés par la déclaration des
drois , & qui nous ont perfuadés de méprifer nos alliés , pour
cajoler nos ennemis qui fe moquent de ces avances,
La diète d'éledion s'eft ouverte le 11 de ce mois à Francfort.
On ne préfume pas que l'empereur foit couronné avant
le mois d'octobre .
La tranquillité de Metz n'a pas été de longue durée . Le régiment
de Merz a voulu s'emparer de la caiffe militaire :
M. de Bouillé s'eft préfenté ; les officiers l'environnoient : il
leur a dit , l'épée à la main qu'ils pafferoient fur fon corps
avant d'arriver à la caiffe » . Les grenadiers ont chargé leurs
armes& l'ont couché en jo ue : Tirez , leur a- t-dit. Son intrépidité
,
сс
les adéfarmés. Le régiment de Condé , commandé par M. François
de Jaucourt, a refufé de marcher au fecours du général
même fur l'ordre de la municipalité . Les officiers ont livré
22000 liv . aux foldats , pour prévenir de plus grands malheurs.
Ces dangers renaiffans , contre lefquels il n'y a ni loi , ni autorité
, ni fecours à employer , ont enfin , fuivant un bruit au-.
quel nous ne donnons pas créance entière , déterminé M. de
Bouillé , à quitter Metz , & à fe retirer à Forbach , dans le duché
des Deux -Ponts ..
Lundi 23. M. Voidel , au nom du comité des recherches , a
fait à l'Affemblée nationale le rapport de l'affaire de M. de
Barmond . Après avoir confeffé qu'il n'exiftoit entre ce député
& M. Bonne-Savardin , aucune trace quelconque de complicité
, il a foutenu que M. de Barmond étoit délinquant pour
s'être prêté à la fuite d'un homme accufé de lèze-nation
& il a colu à continuer provifoirement fon arreſtation.
Dans le cours de la difcuffion , d'abord affez paifible , M. l'abbé
Maury parla avec une grande puiffance de logique , d'énergie
de melure & opina à mettre l'accufé en liberté , fous l'obli
gation de fe préfenter s'il étoit requis , & à la continuation
de la procédure . Cette motion avoit obtenu la priorité , lorſque
MM. Dumetz & Camus employèrent les grandes armes
de l'arfenal populaire , le peuple en danger , la liberté menacée
, un confpirateur arraché de prifon , &c. Les galeries
fecondèrent cette diverfion par des applaudiffemens d'ivreffe ;
le pleuple placé fur la terraffe & dans le jardin correfpondit
à ces acclamations , & fur cet arrêt de la multitude , la délibération
changea fubitement de face. On décréta qu'il y avoit
lieu à l'accufation contre M. de Barmond , relativement à
l'évafion & à la fuire de M. Bonne -Savardin. Le côté droit refufa
de prendre aucune part à cette délibération .
Mardi 24. On a décrété quelques nouveaux articles fur les
poftes & meflageries. M. Tronchet a cominencé le rapport de
l'affaire d'Avignon , qui probablement fera renvoyée au pouvoir
exécutif.
Mercredi 25. On a établi un juge de paix dans chaque fection
de la capitale , & exclu les eccléfiaftiques des fonctions
judiciaires.
Le comité diplomatique a rapporté la difcuffion fur le pacte
de famille, qu'il propofe de convertir en pacte national , & dont
il opine à remplir provifoirement les engagemens , en armant
trente-deux vaiſſeaux de ligne .
M. de Broglie a annoncé la réfipifcence du régiment du
Roi , & M. de la Tour- du -Pin l'infurrection du régiment de
la Reine cavalerie , qui a enfermé fon colonel , après šta avoir
fait figner un bon de trente mille livres.
SUPPLÉMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles étrangères.
Le jeude s août 1790 .
Pour répondre au vou de la plupart de nos foufcripteurs , nous leur
donnerons , comme autrefois , un fupplément additionnel , tel que celuici,
qui contiendra la fubftance des décrets , & les nouvelles des trois ou
quatre premiers jours de la jemaine , lorsqu'elles n'auront pu entrer,
dans le corps même du journal.
LA féance de l'Affemblée nationale , lundi foir , a été toute
: en action on s'attendoit à un combat de dénonciations refpectives
; on a été trompé . Le feul M. Dubois de Crancé , qui
avoit demandé la féance , a dénoncé le rapport du comité des
recherches , concernant MM. de Bonne , Maillebois & Saint-
Pricft . Ou ce rapport eft un libelle , a-t-il dit , ou le miniftre
inculpé doit perdre la confiance de la nation , & fút -il inno-
» cent , l'Aflemblée doit ceffer de communiquer avec lui » . Cette
motion a excité les rires des uns , les murmures des autres , &
l'improbation de la grande majorité. On eft pallé à l'ordre
du jour.
ес
Camille- Defmoulins a préfenté requête au corps législatif,
contre le décret de famedi foir 31. Cette pétition a donné lieu
à une fcène & à un tumulte que nous rapporterons ici dans
huit jours , & qui a fini par un décret qui fufpend toute pourfuite
contte les écrits publics , fauf contre celui du fieur Marat,
intitulé c'en eft fait de nous , & qui charge les comités de
conftitution & de jurifprudence de propofer , fous huitaine ,
un mode d'exécution de décret du 31 juillet .
Mardi 3 , on a décrété quelques nouveaux articles de l'organifation
judiciaire. La féance du foir s'eft écoulée en motions
fans fuite , & en lecture de nouveaux articles explicatifs fur le
traitement du clergé , adoptés fur le rapport de M. Chaffey.
Mercredi 4 , on a pourfuivi l'organiſation judiciaire : les juges
feront nommés par les électeurs de diftricts , & inftallés par le
confeil général de la commune , au nom du peuple. Les juges
nommeront les greffiers du tribunal.
L'efpace nous a manqué pour continuer cette ſemaine l'ana❤
lyfe du rapport du comité des recherches contre le chevalier
de Bonne , &c. M. de Saint-Prieft vient d'y répondre , pour ce
qui le concerne , par un mémoire à conſulter , & une confultation
fignée de MM, de Sèze , Laget-Bardelin & Ferrey. Ce
mémoire , fimple & précis , & écrit avec la dignité d'un homme
fupérieur à l'accufation , prouve , ainfi que la confultation ,
l'abus d'autorité que s'eft permis le comité , & la légèreté de
fa dénonciation.
Il lui a plu d'accufer arbitrairement M. de Saint- Prieft de
haine &de mépris pour l'Aſſemblée nationale & fes décrets . L'ac
cufé obrve, & tous les publiciftes , & tous les amis de la
Liberté obferveront avec lui , « qu'on n'eft pas libre de dénoncer
» auxtribunaux , contre l'honneur d'un citoyen , des allégations
>> feulement ou des conjedures , & qu'on ne peut leur dénon-
» cer que des faits » . Or, le comité ne cite aucun fait : il
n'articule rien ; il n'explique rien ; il fe renferme dans un
reproche abfolument vague , & il appelle cela fournir des
moyens à l'accusé de faire éclater fon innocence avec plus de
facilité . Cette méthode tyrannique de dénoncer eft profcrite
par toutes les loix , dans tous les pays , notamment par l'ordonnance
de 1670 , & par les loix romaines. Tout légiflateur ,
tout tribunal qui a confervé quelque pudeurs a exigé , avant
de l'admettre , une dénonciation circonftanciée .
Le projet qu'a fermé le comité d'expofer M. de Saint- Prieſt
à la fureur publique , en le préfentant comme complice de
MM. de Bonne & de Maillebois , eft encore plus extraordinaire
& plus irrégulier ; le mémoire & la confultation prouvent,
jufqu'à l'évidence , que cette dénonciation n'eft appuyée d'aucune
preuve , qu'elle ne porte même fur aucune baſe , qu'elle
eft abfolument contraire à la loi.
Le comité a trouvé , dans les papiers de M. de Bonne , ur
écrit qui renferme le précis , vrai ou faux , d'une converfatio
qu'a eu le priſonnier le , décembre avec un nommé Farcy . Eh
bien ! contre toute juftice , toute liberté ; contre les empereurs
romains, qui , dans leur tyrannie , n'osèrent pas étendre aux
paroles les crimes de lefe-majefté ; contre Montefquieu , contre
l'autorité de tous les fiêcles & de tous les peuples , le comité
établit qu'en France , une converfation eft un crime de lèfenation
; enfuite il incrimine , il commente ce prétendu difcours
tenu fans témoin ; enfin , il l'impute à M. de Saint - Prieft : &
fur quelles preuves ? Parce que dans le livre de raifon , authentiqne
ou non , de M. de Bonne , cet accufé a noté que les
& décembre , il avoit été chez M. de Saint - Prieft : or , il a
écrit auffi que le même jour , il avoit vu le nommé Farcy, avec
lequel il avoit eu la converfation citée : d'où le comité conclut
l'identité de Farcy & de Saint- Prieft . Voilà toutes fes preuves
& tous fes raifonnemens. M. de Bonne a vu M. de Saint- Prieſt
le 5 : donc argumente le comité , il n'a vu ni pu voir que
M. de Saint-Prieft : puifqu'il a converfé avec ce dernier , il eft
impoffible qu'il ait converfé le même jour avec Farcy. Vainement
M. de Bonne peut n'avoir pas même rencontré le
miniftre chez lui ; vainement a-t-il perfifté dans cinq interrogatoires,
les plus fuggeftifs , que l'on doit fe rappeller que
M. de Saint-Prieft fût Findividu fous le nom de Farcy , avec
lequel il a converfé , il connoifloit au miniftre des fentimens
trop oppofés à une contre - révolution , pour lui faire une
femblable ouverture ; vainement le caractère , les vertus , la
place même de M. de Saint Prieft , repouflent cette imputation,
le comité devine que ce miniftre eft Farcy , parce qué
M. de Bonne lui a fait une vifite ; & au lieu de dénoncer
ce Farcy quel qui foit , que lui indiquoient les pièces du procès,
il pourfuit M. de Saint - Prieft , fans que la plus légere preuve
l'autorife à le confondre avec Farcy. Nous entrerons dans de
plus grands détails la femaine fuivante .
SUPPLEMENT à l'article de Paris & aux Nouvelles étrangères.
Le jeudi 12 août 1790.
Pour répondre au voeu de la plupart de nos foufcripteurs , nous leur
donnerons , comme autrefois , un fupplément additionnel ,
tel que celuici,
qui contiendra la fubftance des décrets , & les nouvelles des trois ou
quatre premiers jours de la femaine , lorsqu'elles n'auront pu entrær
dans le corps même du journal.
ENFIN , la cour de Londres a reçu & fait publier les , la décla-“
ation & la centre- déclaration dont elle eft convenue avec l'Efne.
L'une & l'autre ont été fignées à Madrid le 24 juillet : elles font
Formes à ce que nous en avons annoncé . Le fecrétaire d'état a fur
estamp fait paffer cette nouvelle au lord- maire , pour la répandre
lans la cité , & le jour même , les trois pour cent confolidés , qui,
toient à 75 , font montés à 78 : les autres fonds publics à proporon.
Chacun remarque à Londres , comme nous l'avons fait ici
cette convention laifle indécis le principal article du différent ,
voir la poffeffion de la baie & des côtes de Nootka , & qu'on ne
eut par conféquent , la regarder que comme un préliminaire . A la
te du 7 , aucun ordre de déſarmement n'étoit encore donné : le
ou avoit méme encore mis en committion le Duke , de 98 canons ;
x ordonné aux va ffeaux le Tremendous : le Warrior , le Majestic , la
Défenfe & l'Hector , tous de 74 canons , de defcendre la Tamile &
de fe rendre de Chatham à Portſmouth . L'opinion prefque générale
eft que le défarmement fera feulement partiel , & que la fituation
des chofes dans la Baltique , ainfi que dans le refte de l'Europe ,
exige cette précaution .
:
La convention préliminaire fignée le 25 juillet à Reichenbath , eſt
analogue à celle qui vient de différer une rupture entre l'Eſpagne &
l'Angleterre ce n'eft point un traité de paix , on a feulement figné
des bafes de pacification , qui ne font en aucune manière , les abfurdes
inventions qu'on aura pu lire dans les feuilles de Paris , Voici la vérité.
Les chofes feront remifes entre les deux cours de Vienne & de Berlin ,
en l'état où elles étoient avant leurs diffentimens . -- Le roi de Hongrie
reftituera les conquêtes faites fnt les Turcs ; mais les fortifications de
Belgrade feront démolies : l'armîftice aura lieu fans délai , en attendant
la paix définitive entre la Porte & la maifon d'Autriche : cette
paix fera traitée par la médiation , & ajoute t-on , fous la garantie
de la Pruffe , de l'Angleterre & de la Hollande. -- Ces trois puiffances
concourront par leur influence à la foumiffion des Pays Bas , à
Deur légitime ſouverain : on ajoute ici un article en faveur des intérêts
(2)
Commerciaux de l'Angleterre aux Pays-Bas . Telle eft la fubftance
des articles connus ; files négociations embraffent un plus grand nombre
d'objets , ils ne font du moins pas ftipulés dans la convention
préliminaire.
Les folliculaires de Paris ne fachant plus quel'e fable nouvelle imaginer
, ont inventé que le roi d'Angleterre étoit retombé malade .
Nous pouvons garantir que ce prince ce porte mieux que ſes aſſaſſins
périodiques , qu'il n'a point été malade , & qu'il a tenu conftamment
fon lever à Saint- James , & affifté à tous les confeils.
Chaque courier apporte la nouvelle de l'infurrection de quelque
régimens . Celui du Roi à Nancy a enfin fubi le fort commun , & après
avoir été long-temps travaillé , il a comme les autres , refufé d'obéir
à fes officiers.
La garnifon de Bitche a dépofé les fiens : une partie de celle de
Merz s'eft livrée aux plus grands défordres : elle a forcé M. Dopont ,
intendant de la généralité , à figner en leur faveur le bon d'une
fomme confidérable , à prendre fur le tréforier. On a publié la loi
martiale , & il fe répand que M. de Bouillé , après avoir courru
de grands dangers , a quittéMetz , Ce dernier fait ne nous eft pas conftaté .
On avu par le mémoire qu'a lu vendredi à l'Affemblée nationale le miniftre
de la guerre , les progrès effrayans de ce déford e de l'armée. Nous
ferons moins témérairesque des journaliſtes dans l'ivreffe , qui ont hafardé
de prononcer fur la caufe de ces foulévemens . Ils les a.tribuent à une manoeuvre
favante de l'ariftocratie expirante , qui veut nous guérir de la
liberté par fes excès . Certes , voilà des aristocrates bien favans , qui
fe font tuer comme MM . de Beauffet & de Voifins , chaffer des
régimens , infulter , défobéir par les fo'dats foulevés contrr eux.
Puifqu'ils ont aflez d'empire pour porter l'armée à violer fes devoirs
& fes fermens , on les trouvera bien fots de n'avoir pas employé
cet empire à fe faire feconder par les foldats , aulieu de s'en rendie
Jes victimes. C'est bien ici le cas d'appliquer l'axiome , l'auteur du
crime eft celui à qui il profite. Au refte , les mêmes journaliſtes nous
avoient déjà affirmé avec une rare bonne foi , que le clergé & la
nobleffe faifoient brûler leurs cháteaux , piller leurs propriétés ,
anéantir leurs titres , & maffacrer leurs pères & leurs frères , pour
nuire à la liberté.
Il n'eft befoin d'accufer perfonne pour rendre raiſon de la
licence d'une partie des régimens : elle n'a pas d'autre cauſe
que la licence univerlelle . On a dit & redit au foldat qu'il
étoit citoyen , & que chaque citoyen étoit fouverain ; qu'on
ne devoit obéir qu'à la loi qu'on avoit faite , ni reconnoître
d'autres chefs que ceux qu'on a élus foi -même ; que la difcipline
révoltoit les droits de l'homme ; qu'un foldat étoit
( 3 )
l'égal de fon officier ; enfin , que tous les officiers étant
ariftocrates , il falloit fe liguer contr'eux , pour le maintien
de la conftitution . Les foldats mettent ces maximes en application
, & il faut ou tolérer leurs excès , ou révoquer les
maximes,
Hier matin , MM. de Cazalès & Barnave fe font battus au
piftolet : le premier a été bleffé à la tête , affez dangereusement.
Leur querelle a pris naiflance dans l'Affemblée.
Lundi , on a continué , fans la terminer , la difcuffion fur
la queftion fi les gens du roi feroient chargés de l'accufation
publique ?
Mardi 10 , après de longs difcours , une foible majorité a
décidé que les gens du roi ne feroient pas chargés de l'accufation
publique . La forme fera déterminée par les comités de
conftitution & de juriſprudence .
:
La féance de mardi foir n'a été remarquable que par fon
tumulte . Une députation du régiment de Languedoc s'eft
préfentée l'un de fes membres a prononcé un difcours mâle
& foigné , pour repréfenter les inconvéniens qu'encourroit le
décret , par lequel il eft ordonné au régiment de quitter Montauban
.
Un harangueur u comité des recherches de la ville eft venu
enfuite affirmer qu'il avoit remis au châtelec les pièces en fa
poffeffion , relatives aux forfaits du 6 octobre. Il à ajouté que
l'on imputoit au châtelet defaire le procès à la révolution , ce qui
équivaut à dire quel'invafion armée dupalais du roi , fes gardes
égorgés , fes appartemens fouillés de fang , la reine échappant
au fer des affaffins , &c. & c . tous ces attentats contre la loi fondamentale
qui a décrété la perfonne du roi ſacrée & inviolable ,
& contre les droits de citoyen , ne peuvent être recherchés ,
fans faire le procès à la révolution .
Du mercredi 11 , on a décrété le titre VII de l'ordre judiciaire ,
traitant du miniſtère public.
Les officiers du miniftère public font déclarés agens du
pouvoir exécutif auprès des juges ; leurs fonctions confiftent à
faire obferver dans les jugemens a rendre les loix qui inté
reffent l'ordre général , & àfaire exécuter les jugemens rendus ;
ils porteront le nom de commiſſaires du roi .
Dans les matières criminelles , les commiffaires du roi ne
feront point accufateurs ; ils feront entendus fur toutes les
( 4 )
1
accufations intentées & pourfuivies fuivant le mode qui
fera déterminé. Ils requerront pendant le cours de l'inftruction
, pour la régularité des formes ; & avant le jugements
pour l'application de la loi.
Les commiffaires du roi feront chargés de tenir la main à
l'exécution des jugemens.
Aucun d'eux ne pourra être membre des corps adminiftratifs
, ni des directoires , ni des corps municipaux.
Un nouvel article fur les tribunaux de famille & l'inftitution
de ceux de commerce , ont rempli le refte de la féance .
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hiftorique , prononcé
par extrait dans l'Affem
blée Nationale ; par M.
Dufaulx , de l'Académie
des Belles- Lettres , l'un
des Electeurs réunis le
14 Juiller 1789 , Repréfentant
de la Commune
de Paris , & l'un des
Commillaires actuels du
Comité de la Baftille ,
in- 8 . A Paris , chez Debure
l'aîné , hotel Ferrand
, rue Serpente
n° . 6.
Le Supplice des cloches
, ou Epitre amicale ,
écrire , en 1783 à la
Dame des Filles Saint-
Thomas , & autres Pièces
; par M. de la Place.
A Paris , chez les
Marchands de Nouveautés.
Difcours fur l'érude
de la Langue Angloife ,
par Mademoiſelle Scott
Godfrey. A Paris , chez
l'Auteur , rue Mazarine
n°. 63 ; & J. R. Lottin ,
Imprimeur- Libraire , rue
St-André- des Arts , no.
27
Le prix
franc de po
vince. Il fa
la lettres
Directeur
rue des Pe
Directeur
bonnement eft de trente-trois liv
pour Paris que pour la Pro
chir le port de l'argent & de
re à cette dernière le reçu du
es. On fouferit Hotel de Thon ,
On s'adreffera au fieur GUTI
reau du Mercure
LIVRES NOUVEAUX.
non-
VOYAGE en différentes
parties de l'Angleterre
& particulièreiment
dans les
tagnes & fur les lacs de
Cumberland & duWeft
moreland ,
terre , extraires des Commenai
es de Blackfone,
fur les Loix Angloifes
précédées d'un Difcours
fur les principales difpofitions
de ces Procé-
& fur l'abolition
contenant dures
,
rela- de la peine mort.
"des
Oble
1
pit-
Prix , 3 liv . 12 f. &
tives aux
3 4
torefques ; par William liv. 4 fous , franc de
Gilpin , M. A. Chanoine port par la Pofte. A
de Salisbury , & Curé Paris , chez Maradan
Libraire , rue St - Andrédes
-Arts , hôtel de Châde
Boldre dans le
Hampshire. Ouvrage
traduit de l'Anglois furteau-vienx .
la troifième édition , par Traité des Jardins ,
M. Guédon de Berchère , ou le Nouveau de la
& orné d'un grand nom- Quintinye contenant
bre de gravures , 2 vol . la defeription & la culin
S. Frix , 12 livres , ture , 1. des arbres fruibrochés.
A Paris , chez tiers; 2 ° . des plantes
Defer de Marfonneuve , potagères ; 4 ° . des ar-
Libraire hôtel de la bres , arbrilleaux , fleurs
Reine Blanche , rue du & plantes d'ornement .
Foin St. Jacques .
Nouvelle édition 4vol.
Almanach militaire dein 8. Prix , reliés , 24 liv.
la Garde Nationale Parifienne.
Prix , 14 f . br. A
Paris , chez J. R. Lottin
de Saint- Germain , rue
Saint André- des-Arts.
Recherches fur les
Cours & les Procédures
criminelles d'Ang e- tion
& 24 liv. brochés , franc
de port par tout le
Royaume . A Paris , chez
Belin Libraire , rue
Saint-Jacques , près de.
Saint- Yves , n . 26.
Flan de la Conftitumilitaire
, par le
C
Marquis de Bouthillier ,
&c. A Paris , de Fimorimerie
de la Pore, rue
des Poitevins , hôtel de
Bouthillier , & le trouve
chez Beuvin , Marchand
de Nouveautés , au Palais
Royal , galeries de bois
.227.
Dublin , Philadelphie
& e . Ouvrage traduit de
l'Anglois par M. Ader
fils , Docteur-Régent de
la Faculté de Médecine
de Paris. A Paris , chez
Cucher , Libraire , rne
& hotel Serpente. Prix,
3 liv , broche.
Confeils aux Souverains
, avec des Notes
Commentaires .
Eftimation de la température
de différens
degrés de latitude , parou
Richard Kirwan , Ecuyer, Pekin , & fe trouve
de la Société Royale de Aix-la- Chapelle , chez
Londres , & Membre Q. Schæfers , Impri
des Académies de Stockholm
, Upfal , Dijon
meur.
Le prix de l'abonnement eft de trente- trois li
franc de port, tant pour Paris que pour la Pr
vince Il faut affranchir le port de l'argent &
la lettre , & joindre à cette dernière le reçu a
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou
rue des Poitevins . On s'adreffera au fieur GUTH
Directeur du Bureau du Mercure,
LIVRES NOUVEAUX.
TABLEAU railonné chez Théophile Barrois ,
de la nouvelle Divifion Libraire ,
économico - politique de Auguftins.
la France , d'après les
quai des
Ordonnances de 1776
Hallenfratz , Ingénieur ,
&c. &c. A Paris , chez
Gaume junior , Liire
, quai des Augufins
, n . 35 .
2
Dictionnaire Tartare-
Mantchou - François
compofé d'après un Dic-
Mantchou-
Manuel militaire de
bafes phyfiques fur lefl'Infanterie , Cavalerie
quelles cette Divifion & Artillerie nationales ,
eft établie; par M. Men ou Commentaire des
telle. Prix , 12 fous. A
Paris , chez l'Auteur , & de 1778 ; par M.
rue de Seine , n . 27 ,
chez Vignon le père,
rue Dauphine , vis- à- vis
elle d'Anjou , nº. 27 ;
& Vignon le his page
du Saumon , no. 48.
Carte phyfique de la
France , fur laquelle on
diftingué par une * tionnaire
es noms des objets qui Chinois ; par M. Amyor,
ppartiennent à la nou Miffionnaire à Pékin
elle Divifion de ce rédigé & publié avec des
Royaume. Prix , 1 liv. additions & l'Alphabet
10 f. par
e même. A de cette Langue , par
Paris , chez les mêmes. L. Langlès , Officier des
Traduction fibre des Maréchaux de France
Odes d'Horace , en vers 2 vel. in-4. A Paris ,
François , fuivie de imprime par Fr. Ambr.
notes hiftoriques & cri- Didot l'aîné , avec les
tiques , 2 vol. in- 8 . Prix , caractères gravés par
12 liv, broché , && eenn Firmin Didot fon fecond
papier vélin 24 lives. fils ; fe vend à Paris
A Orléans , de l'Impri- chez Nyon l'aîné , Limerie
de Jacob l'aîné ; | braire , rue du Jardinet
& fe trouve à Paris , Née de la Rochelle
Libraire , rue du Harepoix
, près du pont St
Michel; Théophile Bar
rois le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins ; &
à Lyon , chez Pieftre &
de la Mollière , Lib.
rue Saint-Dominique .
Adreffe aux Gens de
bien du Languedoc ,
pour être communiquée
à l'Affemblée Natio
nale , & aux bons Fran
cois qui s'intereffent
aux affaires préfentes.
Sur quoi ? ... Par qui ?
A Paris , chez les Marchands
de Nouveautés .
Le prix de l
franc de port ,
vince Il fautaftent eft de trente-trois liv
la lettre &
Directeur des
rue des Poite
Directeur du B
our Paris que pour la Pro
le port de l'argent & de
cette derint le recu du
fouferit Hotel de Thou,
adreffera
Qualité de la reconnaissance optique de caractères