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1789, 03, n. 10-13 (7, 14, 21, 28 mars)
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MERCURE
MAT
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROL
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES
CONTENANT
LeJournal Politique des principaux evenemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
• Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découles
Spec
you
vertes dans les Sciences & les Arts ;
tacles; les Causes célèbres ; les Académies de
Paris& des ProvinceSs;laNotice des EdusH
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
1
SAMEDI 7 MARS 1789.
T
A PARIS ,
AuBureau du Mercure , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins , Nº . 18
Avec Approbation , & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Février 1789.
PIRERSFUGITIVES Hiftoire du Major Andrlo
148
VECATTLE 149349-
AMadameDugazon, 51 Contes, Fables & Sentences.
Chanfon. 116
Charades, Enigmes & Logag. Projet d'Edit.,
164
In-promptu.
6, 12, 1011,, 154 Etrennesdu Parnaffe. 167
LaVeilléedeJanvier, 97Supplement.
145 Effai. 175
177
Amusemensa 182
NOUVELLES LITTER. Variétés .
K
Γ 185
De l'Administration. 8
Harangues.
SPECTACLES.
27
MissAmpfic. 37 Comedie Françoise. 78, 126.
Discoursprononcé dans l'AComédie
Italienne. 83
cadémie Françoise, 14
CalendrierMusical. 74
Théâtre de MONSIEUR. 34,
Répertoire. 76 84, 135 , 187
Mémoire sur l'Esclavage des Annonces&Notices. 43,90 ,
Nigrer
T
103 142,188
AParis , de l'Imprimerie de STOUPE , FUC
de laHarpe
MERCURE
AP
DEFRANCE. 20
M52
Mar.
SAMEDTY MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
ENVERSET EN PROSE.
20
VERS
A
A Mademoiselle , en lut envoyant
l'Almanach des Graces:
CE Livre, par hazard,dansles mains m'eſttombe;
Je ne ſavois à qui d'abord il pouvoit être :
Son titre me l'a fait connoître ;
1
Je ne crois point m'êtretrompé
Quand du Propriétaire on découvre les traces
C'eſt lui voler fon bien que de le reteniri :
Un Ouvrage fait pour les Graces-
Ne peut que vous appartenir. ions i
κόλαστον αερ ( Par M.Boutillier.)
A2
4 MERGURE
LE MAUVAIS DEBITEUJRR
2
DÉBITEU
E.
Unfort honnête Créancier ,
AKAZ
Peu méritent cette épithète ,
Tailleur , je crois , de fon métier ,
Un jour préſentoît ſa requête
A certain mauvais Débiteur ,
Qui de payer n'avoir envie.
«Croyez , mon cher M. la Brie,
Difoit ce dernier au Tailleur ,
L
»Je vous le dis en galant homme
» Que je ne demande pas mieux
>>Qusde vousfolder cette fommen.
-Monfieur eft trop judicieux ....
C'eſt malgré moi que j'importune ;
Il me connoît bien , & j'attends ,
Je crois , depuis affez long-temps.
«-Auſſi ne fais-je plainte aucune :
Oni'j'en conviens de bonne fois
>>Mais vous favez autant quemoivon et
» Comme aujourd'hui tout ſe gouverne
>>Dans le monde on n'a plus d'argent.
>>>Ce n'eſt pas une baliverne, 100
» En tous lieux on en dit autant », iol
-Qui-dà , Monfieur , & cependant
Faut-il ? ... Du métierdont vous êtes,
»Et du commerce que vous faites ,
A
DE FRANCE. S
A
--- > Entre-nous parlons franchement ,
>>Vous devez avoir du comptant » ?
-Ah ! le temps eſt trop difficile :
J'ai de quoi fuffire au courant ,
Voilà tout , Monfieur.-«Sur laVille
>> Peut-être avez- vous ſu placer
2
» Quelque rente , au moins je ſuppoſe » ?
- D'accord ; mais c'eſt ſi peu de chofe!
Eh! le moyen d'en amaffer ,
Quand les crédits.....- " Eh ! je vous prie
AApprenez-moi ... mille pardons »
» D'abord i je vous interromps ;
>>Votre nom>> ? - Alexis la Brie ,
Pour vous fervir. - « Il eſt bon-là ,
>>Quand je m'appelle Zacharie.
Quoi , Monfieur , vous êtes àl'A
» Que le bon Dieu vous ſoit en aide ,
>>D'avoir un nom comme cela !
J'enrage , ch ! le mieneſt auZede
....
>>Attendez , quand fon tour viendra ,
>> Alors , mon cher , on on vous paira.
Moraistori fo'n iom
Par lemême.
A
ondan mula zala iviolisi , akarom zal instudA
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mor motde laCharade eft
& ce
Minuit ; celui de
du Logogriphe
est Bocal , où se trouvent Lac, Bal& Bloc.
A 3
:
MERCURE
CHARADE. V e
JE
Pb gou foarga a el IdA
te dis mon premier;
on premier si
Je te dis mon dernier :
Je t'ai dit mon entier.
(Par M. le Pord. )
Q
ÉNIGME :
UEmon fort eſt cruel ! née au ſeindes frimas,
Je dois la vie au plus barbare père :
Ma naiſſance à ma ſoeur adonné le trépas ;
Et je l'attends d'une main auſſi chère.
(Par M.Champy , Abonné. )
LOGOGRIPH Ε.
JE produis en tous lieux le trouble & l'injustice ;
Et fans conſidérer vertu ni probité ,
Du fourbe & du méchant j'entretiens la malice.
Le vrai par moi n'eſt jamais reſpecté.
'Abuſant les mortels , j'ai ſervi plus d'un traître .
Tu dois , ami Lecteur , aisément me connoître
Par ce tableau fincère &non flatté.
Huit pieds forment mon exiſtence.
En les décompoſant, ſous des traits gracieux
Je t'offre
Dans
le doux nom que te permet Hortenfe ;
tes entretiens amoureux; A
DE FRANCE.
Le tems qui rend la mer tranquille ;
Le doux fruit d'un travail qui te fert de leçon ;
Et l'excrément d'une aimable boiſſon;
Dans la Normandie une ville;
Ce que jadis au camp de Porferna,
Suivant l'hiſtoire , un Romain ſe brûla;
Leſéjour où,deDieu, les Saints chantent la gloire;
Un athlète fameux ; le roi des animaux ;
L'endroit où viennent les métaux
Celle des doctes Soeurs qui préſide à l'Hiſtoire ;
L'être qu'on reconnoît aux doux élans du coeur ;
Cet oiſeau dont le cri ſauva le Capitole;
Ce ſouffle qui du corps vers l'Eternel s'envole ;
Deux notes de muſique ; un inſtrument rongeur ;
Un fleuve dont les eaux procurent l'abondance ;
Un ſtupide animal ; une province en France ;
Ce mois voluptueux qui fait tout pulluler.
J'en ai trop dit , Lecteur , tu dois me deviner.
(ParM. Durion , Contrôleur des Aides.
22
16
1-6
1
64 A4
MERCURE
21
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
TRAITE de l'arrangement des mots , traduit
dugrec deDenys d'Halycarnaffe ; avec des
réflexions fur la Langue françoise, comparée
avec la Langue grecque; & la Tragédie
de Polyeuîte de Pierre Corneille
avec des remarques par l'Abbé Batteux ,
des Académies Françoise & des Belles-
Lettres,pourfervir defuite àfes Principes
de Littérature.AParis, chez Nyon l'aîné
&fils , rue du Jardinet , 1788 .
UNE lecture réfléchie de ce Traité peut
n'être pas inutile , même à ceux qui ſe propoſent
de bien écrire dans notre Langue :
mais il faut convenir qué la plupart des préceptes
& des exemples que donne le Rhéteur
Grec , manquent pour nous d'application .
Les noms ſe terminant en françois de lamême
manière , ſous quelque rapport qu'ils foient
employés , ne permettent pas à nos Ecrivains ,
comme à ceux de la Grèce ou de Rome , de
marquer à leur gré la place aux différentes
partiesdu diſcours. Leur, fervitude eſt encore
aggravée par le lieu que ne peuvent abandonner
les pronoms & les auxiliaires qui précèdent
les verbes.
DIE FRAIN CE.
Cette gêne n'eſt pointſtelle cependant qu'il
ne refte encore à l'Ecrivain françois bien des
occaſions de mettre du choix dans Farrangementde
ſes expreſſions & dans celui de'ces
phraſes fubordonnées que les Rhéteurs
appelleroient des incifes.D'ailleurs , fiun mot
dont la placeeftrigoureuſement marquée par
les loixde notre ſyntaxe , nuit à l'harmonie
de laphrafe , il reſte la reſſource de changer
ce mot, de le foutenir par une épithète , de
le modifier par un adverbe ou par une incife
de le relever par la liaiſon qu'on lui donne
avec la phraſe ſuivante ; de faire enfin , pouri
donnerà laprofe le nombre qui lui convient ,
untravail à-peu-près ſemblable à celui qu'exi
gentles vers.
!
LON
Et qu'on n'imagine pas que le difcours
doive être énervé par ces ſoins , en apparence
minutieux ; il en acquerra au contraire une
plus grande force , & fera nourri de penſées
que ces foins même auront fait naître. C'eſt
ainſi que le travail qu'impoſent les vers inſpire
auxPoëtes bien des penſées qu'ils n'auroient
pas eues , s'ils avoient écrit avec plus de liberté
; c'eſt ainſi que les Poëtes qui ont travaillé
leurs vers , ſont bien plus riches d'idées
queceux qui ont verſifié lâchement.
Une heureuſe organiſation avoit fans doute
rendu facile à l'Auteur du Télémaque le tra-i
vail d'où réſulte une bonne profe, comme
Racine, qui avoit appris à faire des vers difficilement
, avoit reçu de la nature la faculté de
ne les point faire peinés : mais fons doute
As
10 MERCURE
Fénélon n'écrivoit pas toujours ſa phrafe
telle qu'elle s'offroit d'abord à ſa penfee ; c
fon oreille ſenſible ne lui permettoit de porter
les mots fur le papier , qu'après leur avoir
imprimé le nombre qui devoit la fatisfaire.
On n'ignore pas que les ouvrages deM. de
Buffon font le produit d'un grand travail;
& fi les feuilles de fa première compoſition
exiſtoient encore , on ne manqueroit pas de
reconnoître que par ce travail il n'a pas moins
ajouté à la richeſſe , à la grandeur des penſées
, qu'au nombre & à la beauté des expreffions.
1
Un ſeul exemple prouvera ſuffiſamment
le pouvoir de l'arrangement des mots , &la
néceflité d'ajouter quelquefois à la phrafedes
inciſes , pour lui donner ſa plénitude , & la
rendre capable de produire l'effet qu'on ſe.
propoſe. :
On fait quels regrets éprouva la Cour de
Louis XIV, lorſque Madame , époufe du
Frère de ceMonarque , & fille de l'infortuné
Charles I , Roi d'Angleterre , fut enlevée par
une mort ſubite & prématurée. Suppofons
que l'Orateur chargé de ſonOraiſon funèbre
ſe fût écrié : « ô nuit effroyable , où cette
>>>nouvelle , Madame eſt morte, retentit tout-
>>à-coup » ! Quoique le lieu , la décoration ,
la cérémonie rappellaſſent à l'aſſemblée ſa
douleur & fes regrets , elle n'eût pas même
été foiblement émue , parce que la ſéchereffe
de la phrafe , conſtruite dans l'ordre le
plus naturel , ne l'auroit pas diſpoſée à l'émo
DE FRANCE.
tion. Ces trois mots , Madame est morte,
diſent bien tout ce qu'il falloit dire ; mais ils
auroient manqué leur effet , parce qu'ils ne
lediſent pas où ils auroient dû le dire. L'exclamation
, ô nuit effroyable , ne ſuffit pas
parce qu'une vive douleur ne ſe contente pas
dejetter un feul cri ; elle auroit été d'ailleurs
refroidie par laphrafe trop courte qui la fuit ,
&que terminent ſéchement ces mots , re
tentit tout-à-coup. Si l'Orateur eût relevé la
terminaiſon trop fourde de ſa phrafe , par ces
mots , comme un éclat de tonnerre, cette terminaiſon
ſeroitdevenue plus fonore, mais ce
n'auroit été qu'un vicieux retentiffement de
fyllabes , parce qu'après avoir entendu ces
mots , Madame est morte , l'Auditeur ne
pouvoit plus ſe livrer au vain plaifir d'une
harmonie déplacée. Mais l'éloquent Boſſuet ,
endiſpoſant les mots dans l'ordre qui leur
convenoit , & y ajoutant des expreflions&
des inciſes néceſſaires à la plénitude de fa
période , s'excita lui-même à l'attendriffement
, &vit fondre en larmes ſon Auditoire,
lorſqu'il s'écria : « O nuit déſaſtreuſe , nuit
>>effroyable ! où retentit tout-à-coup , comme
>>un éclat de tonnerre , cette étonnante nou-
>> velle : Madame ſe meurt , Madame eſt
» morte ! "
M. Batteux , fans le vouloir , nous offre
lui-même un exemple d'une mauvaiſe difpoſitiondemots
, entraduiſant ainſi une période
de Démosthènes : « Quand un Orateur fait
>> louer dignement les grandes actions , il
A6
MERCURE
وو renouvelle le ſouvenir & lagloirede ceux
qui les ont faites, dans l'eſprit de ceux qui
>>l'écoutent » . Cedernier membre de phrafe ,
dans l'esprit de ceux qui l'écoutent , n'eſt
point abſolument néceſſaire au ſens de la
période , il ne fait donc que rebuter l'attenrion
déjà fatisfaite du Lecteur; d'ailleurs il
ſe termine par une definence fourde ; ces vices
font faciles à corriger , en diſpoſant les mots
dans l'ordre ſuivant : « Quand un Orateur
>> fait louer dignement les grandes actions ,
>> il renouvelle , dans l'eſprit de ceux qui
l'écoutent , la gloire de ceux qui les ont
>> faites " .
ว
Les Ecrivains nés avec une oreille ſenſible,
trouvent dans cette ſenſibilité des
leçons bien plus fûres que tous les préceptes
des Rhéteurs : tels ont été fur-tout , dans le
fiècle dernier , Racine & Fénélon. Mais en
faveur de la jeuneſſe , moins heureuſement
organiſée , il ne feroit pas inutile de faire un
bon traité de l'arrangement des mots , &de
la diſpoſition des membres de phrafe relatif
anotre Langue.
M. Batteux a fait ſuivre celui du Rhéteur
grec d'obſervations ſur la Langue françoiſe.
Il paroît que ſon but eſt de lui accorder la
parité avec celles des Grecs & des Romains.
Nous nous permettrons d'ajouter quelques
réflexions à celles que le Lecteur trouvera
dans ſon ouvrage. Nous ſommes loin de
croire que notre I angue égale en beautés
celles d'Homère & de Virgile ; mais nous
DE FRANCE. 13
penſons qu'elle a des avantages qui lui font
propres ; & nous nous propoſons d'en établir
quelques-uns.
On lui reproche d'être moins riche que les
Langues grecque , latine , italienne , &c. Si
nous voulions conteſter cette vérité , on en
trouveroit la preuve dans les Dictionnaires ;
mais la beauté d'une Langue conſiſte-t-elle
dans lenombredes mots qui la compoſent ?
C'eſt ce dont nous ne croyons pas également
être obligés de convenir. Si une Langue avoit
autant de mots que notre eſprit peut avoir
de vues , notre ame de ſentimens , les ſentimens
de nuances , on n'emploieroit toujours
que le mot propre , & jamais le ſtyle ne feroit
animé par des images ; car nous n'avons recours
aux images que pour ſuppléer au défaut
de la Langue qui ſe refuſe à exprimer tout
ce que nous fentons nous ne parlons plus
alors, nous peignons par la parole; une Langue
affez abondante pour ne recourir jamais
au ſtyle figuré , ſeroitla plus raiſonnable , &
enmême temps la plus froide des Langues :
bonne pour le philoſophe , elle n'auroit aucun
charme pour l'homme ſenſible , & nous
ſommes naturellement plus ſenſibles que phi
lofophes.
Un étranger qui fait imparfaitement notre
Langue , mais qui a des idées & de l'imagination
, exprime par des images ce qu'il ne
peut exprimerpar le mot propre qu'il ignore ;
il nous étonné par les reſſources qu'il fait
tirer de ſa diſette même , ou plutôt il trans
14 MERCURE
forme cette diſette en une richeſſe véritable
qui lui appartient , & que nous ſommes tentés
de lui envier. Il nous ſemble quelquefois
parler une Langue plus belle que la nôtre ,
préciſément parce qu'elle est moins riche.
Les Sauvages n'ont que des Langues pauvres ;
ils doivent à cette pauvreté leur ſtyle nourri
d'images , & dont nous admirons l'énergie.
Celui qui peut exprimer tout ce qu'il penſe
&tout ce qu'il fent , ne peut ſe plaindre de
la pauvreté de ſa Langue ; & je ne crois pas
qu'à cet égard la nôtre ait manqué jamais à
nos grands Ecrivains. Sans l'enrichir de nouveaux
mots , ils l'ont enrichie de nouvelles
manières d'exprimer , & malgré ſa pauvreté
apparente , ils ont fu l'élever juſqu'à la richeffe
de leur génie.
Si l'on compare pluſieurs Langues entre
elles , chacune a ſa richeſſe & ſa pauvreté
relative ; & malgré la difette qu'on reproche
à la nôtre , on ne pourroit , dans la Langue
la plus abondante , traduire littéralement
ceux de nos Auteurs dont le ſtyle eſt ranimé
par le génie. On trouveroit chez eux des
expreffions & des images qui manquent à
tous les autres idiomes.
On fait une grande faute dans la comparaiſon
des Langues modernes avec celles des
anciens. Onprend , par exemple , le Dictionnaire
de notre Langue , telle que l'ont formée
les Ecrivains du règne de Louis XIV , pour
le comparer au Dictionnaire grec , qui embraffe
tout le temps qui s'eſt écoulé depuis
-
DE FRANCE 15
1
Homère juſqu'au Bas-Empire; mais ce Dictionnaire
comprend en effet pluſieurs Langues
, puiſque celle d'Homère & d'Héfiode
n'étoit pas celle de Sophocle & d'Euripide ,
& que des mots employés dans un fiècle
étoient inufités & même oubliés dans un
autre. C'eſt ce que n'ignorent pas ceux qui
ont ſeulement jetté les yeux ſur quelques
ſcholiaftes grecs. Pour trouver dans notre
Langue une abondance de mots à-peu-près
égale , &peut-être même ſupérieure ,il faudroit
la faire remonter juſqu'à Louis-le-Jeune
&àla traduction des Sermons de S. Bernard.
Il eſt une autre richeffe , qui ne contribue
pas moins que celle des mots à la beauté des
Langues; c'eſt celledes fons. On peut même
dire qu'une Langue eſt énergique , expreffive
, abondante , mais non qu'elle est belle ,
ſi elle manque de fons capables de flatter
l'oreille.
Legrand nombre de terminaiſons en os,
ès, a , é, qui ſe trouvent dans la Langue
grecque , contribue ſans doute à ſa beauté.
Elle a perdu de cette beauté en renonçant à
la variété de ſes inflexions , quand les lettres
éta , upsilon , les diphtongues oi , ei , &c.
ont commencé à ſe prononcer en i : alors
ce ſon i eſt devenu dominant dans la Langue ,
& a frappé l'oreille avec une fréquence dont
elle ſe ſaſſe bientôt.
Depuis que , fur ces bords , les Dieux ont envoyé
La fille de Minos & de Paſiphaë.
16 MERCURET
Ce dernier vers , fans rien dire de fort in
téreſſant à l'eſprit , a pour l'oreille un charme
qu'il doit aux deux noms grecs dont il eſt
compofé:
2
Quelquefois cependant la Langue françoiſe
ſemble l'emporter , par le charme de la terminaiſon
, fur la Langue grecque ell-emême.
)
Et les os diſperſés du géant d'Epidaure ,
Et la Crète fumant du ſang du minotaure.
Ces vers ſe terminent par un fon trèsmélodieux
, & plus ami de l'oreille que la
déſinence du génitif grec Epidaurou, Mina
taurou. On peut même dire que la Langue
grecque aquelquefois de ladureté ; j'en trouve
un exemple à l'ouverture d'Héfiode ,Auteur
célèbre par la douceur de ſon ſtyle , & celui
de tous les Poëtes grecs qui , au jugement de
Denys d'Halycarnaſſe , a le mieux fait les
vers hexamètres :
3
Eiſi duo : tên , men ken epainéſeie noèſas.
Le voifinage de ces trois monoſyllabes tên
men ken , n'est pas agréable .
: Cependant nous ſommes bien moins riches
, il faut l'avouer , que les Grecs , en
mots terminés par des ſyllabes ſonores , ou
par des voyelles ; mais il faut reconnoître
auffi que notre Langue tire un agrément parviculier
du retour frequent de fon e muet..
Les conſonnes s'articulent , les voyelles ſe
prononcent. C'eft une beauté dans une Langue
, lorſque les conſonnes n'y font pas
DE FRANCE. 17
combinées de manière à s'articuler difficilement;
& on les articule avec facilité quand
elles font fréquemment ſéparées par des
voyelles. Une Langue dans laquelle une confonnen'oſemarcher
qu'à l'aide d'unevoyelle,
eft douce juſqu'à la molleſſe; une Langue
dans laquelle fe fuit un trop grand nombre
de conſonnes eſt dure ; un mélange heureux
de conſonnes & de voyelles rend l'idiome
mâle&expreffif. La combinaiſon des voyelles
&desconſonnes eſt à-peu-près la même dans
notre Langue que dans celles des Grecs &
des Romains ; elle participe donc à la beauté
de ces Langues.
Puiſque ce font les voyelles qui fe prononcent
, la Langue qui en aura le plus fera
la plus abondante & la plus variée dans ſes
inflexions. La nôtre l'emporte à cet égard
fur toutes celles dont j'ai quelque connoiffance.
Nous avons deux a , ame , amı ; cinq e ,
l'e ouvert , accès ; l'edemi-ouvert , levre ; l'e
fermé , beauté; l'e fourd , lever ; l'e muet ,
grande ; deux o , homme, dome. Nous avons
la voyelle eu , fameux , & les voyelles naſales
qu'on nous reproche & qui ont ſouvent une
grande beauté , an , puiſſant ; in , deſtin ;
on , ambition ; un , commun ( 1 ). C'eſt avec
( 1 ) On trouve dans bien d'autres Langues
l'orthographe de ces naſales , mais le fon eſt différent
, puiſqu'on prononce la conſonne ; alors ce
ne font plus des diphtongues , mais des fyllabes.
18 MERCURE
1
raiſon que j'appelle voyelles le fon eu &les
nafales , puiſqu'elles en ont le caractère , &
qu'elles ſe prononcent d'une voix& fans le
fecours d'une voyelle.
Pour prouver que ces différens fons prêtent
des beautés ànotre Langue , il fuffit de les
faire entendre tels qu'ils ont été employés
parRacine.
Le ſon eu :
CeDieu , maître abſolu de la terre &des cieux ;
N'eſt point tel que l'erreur le figure à vos yeuxe
Mais ce liendu ſang qui nous joignoittous deux
Ecartoit Claudius d'un lit inceſtueux.
La nafale an ou en :
Moi , qui , de mes parens toujours abandonnée
Etrangère par-tout , n'ai pas , même en naiſſant ,
Peut-être , reçu d'eux , un regard careſſant.
Et la triſte Italie , encor toute fumante ,
Des feux qu'a rallumé ſa liberté mourante.
Euffiez-vous pu prétendre ,
Qu'unjourClaudeàſonfilsdûtpréférerſongendre?
Onpeut croire que les Latins avoient les naſales
am, um , proférées de la même manière que nous
prononçons an , on ; puiſque dans leur langue
elles ſouffrent éliſion devant d'autres voyelles ,
ce qui doit faire penſer qu'elles étoient des
voyelles elles-mêmes.
DE FRANCE.
19
La naſale in :
Et que le chefdesGrecs, irritant les deſtins ,
Préparât d'un hymen la pompe & les feſtins.
Onverra , fous le nom du plus juſte des Princes ,
Un perfide étranger déſoler vos provinces.
La nafale on ou om :
Quels triomphes égalent
Le ſpectacle pompeux que ces bords vous étalent
Ettout ce vain amas de ſuperſtitions
Qui ferment votre temple aux autres nations.
La naſale un ;
Les ſoupçons importuns
Sont d'un ſecond hymen les fruits les plus come
muns.
La diphtongue oi, telle que nous la prononçons
, & les fyllabes eur , eil, euil, ail ,
nous appartiennent ; aucune de ces richeſſes
n'eſt mépriſable , quand on en fait un bon
uſage.
Il entend les ſoupirs de l'humble qu'on outrage ,
Juge tous les mortels avec d'égales loix ,
Et, duhautde ſon trône , interroge les Rois.
Iſmène toute en pleurs
La rappelle à la vie , ou plutôt aux douleurs.
Dans le ſimple appareil ,
D'une beauté qu'on vient d'arracher au ſommeil.
Vous , dès que cette Reine , ivre d'un fol orgueil,
De la porte du temple aura touché le ſeuil. C
20 MERCURE
Nous pourrions raffembler auffi des combinaiſons
de ſyllabes qui nous font particulières
, & il ne feroit pas difficile de faire un
long Traité des beautés propres à la Langue
françoiſe ; mais nous fonderons toujours bien
plus juſtement notre orgueil fur le mérite des
Auteurs qui l'ont employée....
(Cet Article est de M. Levesque.)
ESSAI fur le Phlogistique &fur la confti
tution des Acides , traduit de l'Anglois de
M. Kirwan , avec des Notes deMM. de
Morveau , Lavoifier, de la Place , Monge ,
Berthollet & de Fourcroy , volume in-8 °.
d'environ 360 pages , imprimé avec l'Ap
probation&fous le Privilègede l'Académie
-Royale des Sctences: rue & hôtel Serpente.
UN des caractères distinctifs de notre
fiècle, celui peut-être qui lui fait le plus
d'honneur , eſt cet eſprit vraiment philoſophique
, qui ne ſe permet d'adopter dans les
ſciences que ce qui réſulte d'une obſervation
fcrupuleuſe , appliquée aux expériences les
plus exactes ce qui eſt démontré par, les
faits.
Une fois devenugénéral , cet eſprit a perfectionné
l'art des expériences ; il a rendu
plus ſévère fur les inductions ; il s'eſt conftamment
perfectionné lui-même , & il con
tinue chaque jour : nous marchons dans
toutes les connoiſſances à pas plus afſurés
nous devenons plus homines.roq af si
DE FRANCE. 21
Perſonne n'a plus contribué que M. Lavoifier,
à porter dans la chymie cet uſage de
la raiſon qui éclaire les ſciences & s'éclaire
par elles. Le degré de préciſion qu'il a introduit
dans les expériences , étoit inconnu
avant lui ; & il a détruit bien des hypothèſes
que l'on croyoit fondées ſur la réalité , mais
qui l'étoient feulement ſur des conjectures
tirées d'expériences dont les réſultats n'avoient
pas été déterminés avec affez de foin,
Il a examiné les phénomènes de la combuftion
& de la calcmation , ou de l'oxidation
des métaux,
Il a été frappé de l'augmentation de poids
qu'ils acquièrent en quittant leur forme
métallique , & qu'ils reperdent en reprenant
cette forme.
Il en a d'abord conclu qu'il étoit peu vraiſemblable
que la ſouſtraction d'une matière
qui les auroit tenus dans l'état d'agrégation
métallique , pût leur donner cer accroiffement
de peſanteur én les conduiſant à l'état
de chaux, ou, pour mieux parler, d'oxide ; &
que ce fût par le retour ou l'addition de cette
même matière qu''ils redevinffent plus légers.
II adonc ſoupçonné que la malléabilité;
l'éclat& les autres propriétés qui caractérifent
les métaux , ne dépendoientpas du principe
ingénieuſement imaginé par le célèbre
Stalh, & nommé phlogistique. Il a même
doutéde l'exiſtence de ce principe.
Pouffant plus loin l'obſervation , il a vé
fifié &démontré que le poids'acquis par les
2
22 MERCURE
métaux réduits à l'état d'oxide , étoit précifément
égal à celui d'un fluide aériforme
qu'ils abioibent en paffant à cet état , & qui
s'endégage en même poids & quantité lorfqu'on
les revivifie.
Ilajugéalors qu'il étoit inutile de chercher
une cauſe inconnue à un phénomène ,
loriquen en avoit ſous les yeux une cauſe
complétement connue. Il n'a plus doute: il a
dit que c'étoit ce fluide aériforme , qui , ſéparé
de l'air atmoſphérique & attiré par les métaux
pendant la combuftion , produiſoit l'accroif-
Tementdeleur peſanteur lorſqu'ils font ſous
la forme d'oxide ; & ayant reconnu que ce
fluide avoit la propriété d'être générateur des
acides , il lui a donné le nom d'oxigène.
Il a montré que notre atmoſphère eſt compoſé
de pluſieurs fluides aériformes , qui ont
enſemble différens degrés d'affinité , & dont
les plus connus font l'oxigène , qui , joint au
principe de la chaleur , forme l'air vital ; le
calorique ou principe de la chaleur ; &l'azote
oumaffete , dans lequel les animaux ne peuvent
reſpirer , & la combustion ne fauroit
avoir lieu, 1
&
Il a expoſé comment à ces trois fluides
principaux ſe joignentdans notre atmosphère
l'eau vaporifée , compoſée ell-emême d'hydrogène
, d'oxigène & de calorique ,
Pacide carbonique, long- temps impropre
ment déſigné par le nom d'airfixe , que pro
duiſent fans ceffe la reſpiration des animaux
* la décompoſition des végétaux,
DE FRANCE.
23
Il a fait voir que l'inflammabilité eſt la
propriété qu'ont quelques corps de décompofer
l'air vital, d'en dégager le calorique&
la lumière , &d'en abforber l'oxigène
Ces principes , uniquement appuyés fur
une attentive obſervation des faits , expli
quent de la manière la plus naturelle les plus
importans phénomènes de la Chymie ; tandis
que lorſqu'on vouloit rendre raifon de ces
phénomènes par la ſuppoſition du phlogiftique,
il falloit tantôt le regarder comme une
cauſe de peſanteur , & tantôt comme une
cauſe de légéreté ; il falloit lui attribuer des
propriétés inconciliables , qu'aucun corps ne
-peut réunirdans la nature , & qui par con-
Téquentdoivent être bannies d'une véritable
théorie chymique.
:
Cesdécouvertes & les raiſonnemens ſunples
& clairs qui en étoient la ſuite , ont été
confirmés par les expériences ſavantes de
M. Berthollet , ſur l'alkali volatil ou ammoniaque
, qui est compoſé d'azote & d'oxigène,&
fur l'acide muriatique oxigéné qui
diflout les métaux fans effervefcence ; les
travaux de MM. Cavendish , Monge & Lavoifier
lui-même ſur la compoſitionde l'eau ,
qu'a rendus plus frappans enſuite la belle
expériencede ſa décompoſition , qui a été
faite& répétée ſous les yeux des Commiffaires
de l'Académie des Sciences , ont jetté
fur la doctrine antiphlogiſticienne un nouveau
jour, M. de la Place&M. Meufnier
MERCURE
qui ont concouru à ces expériences , y ont
porté l'exactitude & la ſévérité géométriques..
M. de Morveau& M. de Fourcroy ont vérifié
les faits par des expériences nouvelles , &
ont déployé dans leur expoſition l'élégante
lucidité qui caractériſe leurs écrits ; une ré-,
volution a été opérée dans la Chymie ; prefque
tous les jeunes Chymiſtes ont adopté la
doctrine de M. Lavoisier & de ſes dignes,
Emules. Un affez grand nombre des anciens
ne pouvant ni foutenir en ſon entier la théorie
de Stahl , ni ſe déterminer à y renoncer ,
l'ont modifiée de diverſes manières , & ont
cru s'épargner le défagrément de s'en écarter
en conſervant au moins fon langage.
Le nom de phlogistique eſt reſté , quoique
la plupart des opinions de Stalh, à ſon ſujet ,
foient généralement abandonnées .
Preſque tous ceux qui emploient encore
cette expreffion , déſignent aujourd'hui par
elle une ſubſtance qui auroit les principales
propriétésdu fluide aériforme , qu'on appelle
gaz inflammable ou hydrogène , & y joindroit
quelques-unes de celles du calorique. De ce
nombre eft particulièrement M. Kirwan
Chymifte Anglois , qui jouit d'une juſte
célébrité.
C'eſt ſur-tout pour tâcher d'établir l'identité
entre ces principes , que ce Savant a
compofé fon Effai fur le phlogistique & la
conflitution des acides. Il s'eft efforcé d'y
expliquer , par cette nouvelle théorie phlogifticienne
DE FRANCE.
25
gifticienne , quelques faits qui lui ont paru
ne l'être pas ſuffifamment par ladoctrine des
Chymiſtes antiphlogiſticiens.
Les objections les plus ſpécieuſes qu'il
élève contre eux , viennent de ce que quelques-
uns de ces faits paroiffent contredire la
table des affinités donnée par M. Lavoisier ;
mais M. Lavoisier lui répond par la préface
même qu'il a mife à cette table , dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences pour
l'année 1782 , & dans laquelle il obſerve
qu'aucune table d'affinités ne ſauroit être
complète ni parfaite , puiſqu'on ne peut les
exprimer que dans un cas donné , tandis que
les affinités varient à tous les degrés de température
, & encore à raiſon des degrés de
ſaturation ; que les tables négligent d'exprimer
le pouvoir attractif de l'eau , & meme
que les idées qu'elles préſentent ſur l'affinité
plusou moins grande d'une matière ou d'une
autre , avec tel ou tel principe , ne fignifient
que la propriété de le mettre en équilibre de
faturationentre elle & l'autre matière à qui
elle l'enlève, mais qu'elle n'en dépouille jamais
entiérement ; de forte qu'il n'y a point
& qu'il ne peut y avoir de table d'affinités
qui convienne à tous les cas , &qui ne doive
ſe trouver contredite par les faits en beaucoup
d'occaſions , fans que des apparentes
anomalies altèrenten rienla juſteſſe des principes
chymiques , dont ces tables n'offrent
qu'un petit nombre d'applications relatives
No. 1o. Mars 1789 . B
26 MERCURE
à des cas très-limités par la nature des circonftances.
L'Effaifur le phlogistique de M. Kirwan
& les Notes ſavantes dont les Chymiftes
François qui le combattent l'ont accompagné
, ne font pas fufceptibles d'un véritable
extrait; il nous fuffit d'en avoir indiqué l'occafion
& l'objet. Plus un ouvrage eſt fort ,
& plus il eſt difficile d'en rendre un compte
fatisfaiſant ; car les vérités énoncées & difcutées
par des Savans du premier ordre , font
elles-mêmes l'extrait d'un fort long travail ;
on ne peut retrancher de leur expreflion fans
déranger leur enchaînement & affoiblir leurs
preuves.
Ce que nous devons dire eſt que ce Livre
eſt infinitivement intéreſſant pour les perſonnes
qui ſe livrent à l'étude de la Phyſique
& de la Chymie , & que l'on peut regarder
Ies objections de M. Kirwan comme le dernier
& le plus ſérieux effort des Phlogiftitiens
ou des Chymiſtes à hypothèſes , contre
la nouvelle doctrine des autres Chymiftes
qui rejettent toute ſuppoſition &n'admettent
d'autre flambleau que celui de l'expérience.
C'eſt ce qui a fait choiſir cet écrit pour le
traduire , & ce qui a déterminé des Savans
auſſi diſtingués que MM. de Morveau ,Lavoifier
, de la Place, Monge, Berthollet &
de Fourcroy à concourir aux obſervations
auxquelles il pouvoit donner lieu.
On trouve dans ce volume , outre les notes
DE FRANCE.
27
importantes dont ils l'ont enrichi , quelques
autres notes du Traducteur & une courte
Préface , dans laquelle il expoſe avec beaucoup
de fimplicité , de clarté & de modeftie ,
leplan& l'eſprit de l'Ouvrage entier.
Ce n'eſt pas le ſeul merite qu'il faille
reconnoître dans ſon travail ; le ſtyle de l'Auteur
Anglois eft en général négligé ; celui de
la traduction , qui ſuppoſe à la fois beaucoup
de lumières ſur la ſcience dont il s'agit , &
une grande connoiffance des deux Langues ,
eft pur , élégant , facile & correct; quoique
non-feulement le ſens de l'Auteur ſoit conftamment
rendu avec une extrême fidélité ,
mais que l'expreſſion même ſoit preſque toujours
littérale.
Ceux qui connoiffent ce Traducteur eftimable
, ne font point étonnés du grand intérêt
qu'il prend à la chymie & aux ſuccès de
M. Lavoisier ; ils les en félicitent l'un &
l'autre.
28 MERCURE
VARIÉTÉS.
SUR L'ENCYCLOPÉDIE.
LETTRE de M. PANCKOUCKE aux
Libraires , contenant l'Abrégé des Repréſentations
& du Mémoire fur l'Encyclopédie.
MESSIEURS,
On mettra en vente le 14 ou 21 Mars la
trentième Livraiſon de l'Encyclopédie. Le
tome troiſième , première Partie des Mathématiques
, contient des repréſentations que
j'adreſſe à MM. les Souſcripteurs de cet Ouvrage.
Elles ſont ſuivies de divers objets qui
y font relatifs , dont il est néceſſaire qu'ils
prennent connoiſſance. Ce Mémoire , imprimé
en grande partie en petit caractère
comprend douze feuilles d'impreflion. Je vais ,
Meſſieurs , vous préſenter ici le plus brièvement
& le plus clairement qu'il me ſera
poſſible , l'abrégé des principaux articles
qu'il renferme.
و
L'Encyclopédie n'eſt plus aujourd'hui ce
que nous préfumions qu'elle devoit être
en 1782 Quand nous avons entrepris cet
Ouvrage , n us étions dans la ferme per-
:
?
DE FRANCE. 29
fuafion , & le Proſpectus en offre le témoignage
, que cinquante - trois à cinquanteſept
volumes de Difcours & quelques volumes
à 6 livres , en contenant le double
des matières de la première Encyclopédie
de Paris , feroient plus que ſuffifans pour
renfermer la totalité des matières qu'il doit
embraffer.
Aujourd'hui , quoique cette Encyclopédie
ſoit environ à moitié , nous ne pouvons
encore , à cinq ou fix volumes près de Difcours
& un volume de Planches , en déterminer
le nombre exact , & les Auteurs ne
pourroient rien aſſurerde plus poſitifque nous
fur cet objet. C'eſt l'imperfection de la première
Encyclopédie qui ne pouvoit alors
être ni connue ni appréciée , qui a néceſſité
cette grande augmentation de volumes.
Nous ferons obſerver que cet Ouvrage
dépend de cent Auteurs ; & que quand
chacun d'eux n'auroit augmenté ſa copie que
d'undemi-volume , cela formeroit cinquante
volumes d'augmentation : eh ! qui peut dans
une compoſition quelconque , & fur - tout
de la nature de l'Encyclopédie , fixer rigoureuſement
les bornes dans lesquelles il
doit ſe renfermer ? Et comment n'aurions--
nous pas nous-mêmes été trompés fur tant
de Parties différentes qu'embraſſe ce grand
Ouvrage , puifque chacun des Auteurs l'a
été ſur la ſienne ?
Si chaque Partie n'eût pas été auffi complète
que l'exige l'état actuel des connoif-
B3
30
MERCURE
fances humaines ; fi on eût voulu obliger les
Auteursde ſe renfermerdans les clauſesſtriêtes
de leurs actes , l'Encyclopédie eût été manquée
une feconde fois.
DesSciences entières ont été oubliées dans
le Profpectus , comme l'Architecture , les
Ponts & Chauffées , la Vénerie, la Police ,
les Municipalités , les Jeux , l'HistoireAncienne:
falloit-il, parce que ces Dictionnaires
"avoient été oubliés dans le Profpectus , ne
pas les mettre dans l'Ouvrage ?
Toutes les Parties de cette Encyclopédie
ont reçu des accroiſſemens auxquels l'immenfire
de l'entrepriſe n'avoit pas permis
qu'on pensat d'abord ; & un Entrepreneur
qui n'auroit conſulté que fon intérêt plutôt
que la perfection de cet Ouvrage , les auroit
négligés , s'il n'avoit eu en vue que de remplir
les conditions du Profpectus ; & il y a
des poſitions , comme la nôtre , où un
Libraire , en voulant ſe renfermer rigoureuſement
dans les conditions qu'il a priſes ,
manqueroit plus au Public , aux Soufcripteurs
& à lui-même , par cette conduite ,
qu'en ne s'y conformant pas.
慢
Cette augmentation de volumes de Difcours
& de Planches , fert les intérêts des
Soufcripteurs , & contribue à la perfection
de l'Ouvrage. C'eſt , relativement à nous , le
plus grand malheur qui pouvoit nous arriver ;
car ſi l'Encyclopédie eût pu être renfermée
dans cinquante- ſept à ſoixante volumes , elle
feroit à la veille d'être terminée ; nos fonds
DE FRANCE.
31
ſeroient rentrés , nos travaux finis , & nous
aurions l'eſpérance de placer chaque année
un certain nombre de corps complets ; ce
que nous ne pouvons plus eſpérer ; le nombre
des volumes de cet Ouvrage devant
être plus que doublé.
Un Entrepreneur de mauvaiſe foi pourroit
encore aujourd'hui diminuer de moitié
le nombre des volumes à 6 liv. , en bligeant
les Auteurs à ſe renfermer dans les
clauſes de leurs actes , & en convertiſſant en
Supplémens les volumes excédens , relatifs
aux Dictionnaires dont le Profpectus fait
mention. Nous avons cru que nous devions
nous conduire différemment , & que les
Souſcripteurs , éclairés ſur leurs véritables
intérêts , nous en ſauroient gré .
Nos engagemens , nous voulons les tenir;
nous croyons même aller beaucoup au-delà ;
car il eſt certain , pour toute perſonne qui
ne voudra confulter que le droit & le titre de
laſouſcription , qu'ayant annoncé cette Ency
clopédie en cinquante-trois vol. & ayant dit
<< qu'il feroit poſſible qu'il y eût trois à quatre
>>volumes de plus ou de moins , dont on
>>ſe tiendra compte réciproquement ſur le
» pied de 11 liv. » ; & ayant enſuite ajouté :
" mais fi contre toute attente , & pour la
>>perfection de l'Ouvrage , nous étions né-
>>ceſſité à un plus grand nombre de volumes ,
>>les Souſcripteurs ne paieront ces derniers
> volumes que 6 liv. au lieu de 11 liv. " ;
B4
32 MERCURE
د
les Souſcripteurs ni nous , n'avons pu entendre
par ces mots de plus grand nombre,
que trois à quatre volumes à 6 liv. , & non
quarante-fix à quarante-huit volumes un
nombre enfin preſque égal à celui des
volumes de la ſouſcription. Nous ſavons
que dans aucun Tribunal , nous n'aurions
pu être condamnés à donner un aufli grand
nombre de volumes à ce prix. Nous
fommes donc fondés à leur faire des repréſentations
fur cette clauſe très-onéreuse de
notre Profpectus ; mais nous ne croyons pas
devoir inſiſter ſur cet objet, perfuadés qu'en
nous conduiſant de cette manière , les Soufcripteurs
ne nous feront aucune difficulté
pour deux demandes très - juſtes que nous
avons à leur faire , & fans l'obtention defquelles
l'arrangement dont nous venons de
parler ne pourroit avoir lieu.
Ces quarante-fix à quarante-huit volumes
que nous donnerons à 6 livres , ne ſont
pas les ſeuls volumes excédens que doit
avoir l'Encyclopédie. Ces quarante - huit
volumes font relatifs à chacune des Parties
dont il eſt fait mention dans le Profpectus
, & que les Auteurs ont jugé néceffaires
pour compléter leurs Dictionnaires
: mais il y a d'autres volumes excédens
, qui contiennent des Parties nouvelles
& des Supplémens dont on n'a point fait
mention dans le Profpectus. Or ces derniers
volumes , nous demandons que les SoufcripDE
FRANCE.
33
teurs nous en tiennent compte ſur le pied
de 11 livres , & fans doute que cela leur
paroîtra de toute juſtice ; car nous n'avons
pu prendre aucun engagementſur les matières
que nous n'annoncions pas , que nous ne
connoiſſionspas : en effet , fi nous avions eu
l'idée de ces Parties omiſes , en publiant le
Profpectus , nous les y euſſions inférées , &
les Souſcripteurs auroient été obligés de
nous les payer à ce dernier prix.
Le nombre des volumes plus que doublé
ayant conſidérablement,multiplié la nomenclature
, nous ne préſumons pas auſſi que le
Vocabulaire univerſel puiſſe en former moins
de quatre à cinq , d'autant plus que nous
nous propoſons d'y joindre la définition des
mots qui ontété oubliés dans l'Encyclopédie.
Des Souſcripteurs le defirent , eux-mêmes
l'ont indiqué ,&en ont donné l'idée. Comme
ce Vocabulaire ſera continuellement lu &
feuilleté , nous nous propoſons auffi de l'imprimer
ſur un papier beaucoup plus fort
que celui des autres volumes. C'eſt encore
les Souſcripteurs qui l'ont deſfiré , & nous
nous empreſſons de les fatisfaire. Comme
nous ne l'avons annoncé qu'en un volume,
&que c'eſt pour l'intérêt des Souſcripteurs
&celui de l'Ouvrage que nous le mettrons
enunplusgrandnombre, nous nous croyons
très-fondés à demander que les Souſcripteurs
nous tiennent compte des volumes excédens
au prix de 11 livres.
Bs
34
MERCURE
Quant aux Planches , nous en avons
annoncé ſept volumes dans le Profpectus , &
nous avons ajouté, qu'il feroit poſſible qu'il
y en eût un de plus ou de moins , dont
>> on ſe tiendra compte réciproquement. "
Maintenant nous préſumons , ſans pouvoir
l'aſſurer poſitivement , & les Auteurs n'en
favent pas plus que nous , qu'au lieu de huit
volumes, ilpourra y en avoir dix à onze. Les
Souſcripteurs fe croiroient-ils fondés à ne
pas payer les volumes excédens , parce que
nous n'avons annoncé qu'un volume en plus
ou en moins ? Mais s'il y en avoit eu deux
de moins , ſans doute que nous n'euſſions
pas été fondés à en demander le paiement.
N'est- il donc pas de toute juſtice que l'on
nous tienne compte des volumes de plus ?
Voici , au fujet des Planches , ce que nous
mandoit M. de Pommereuil , colonel au
fervice du Roi de Naples , & Inſpecteur
général de l'Artillerie des Deux-Siciles , dans
une Lettre en date du 10 Avril 1788 , en
nous envoyant une partie du manufcrit du
Dictionnaire de l'Artillerie , dont il a bien
voulu ſe charger : « Au fujet des Planches ,
>> ilfaut que nous convenions de nos faits.
>> Voulez-vous , ou ne voulez-vous pas que je
>>joigne à cet ouvrage toutes celles qu'il doit
->> avoir ? Si vous dites oui , il faut compter
>> fur une centaine , & alors vous aurez une
>> collection qui manque à toute l'Europe. Si
>>vous dites non , vous aurez un ouvrage
DE FRANCE.
35
>> tronqué & dont l'utilité fera médiocre. Il
» faut que j'aye àcesujet une réponſe claire&
>>pofitive ( 1 ). "
Il réſulte de ce que nous venons de dire
& du tableau général que nous donnons à
la page 5s , que les paiemens qui reſtent à
faire montent , ſavoir ;
*
25 vol. à 11 liv..........275 liv.
46 vol. à 6 liv. ...
....
71 vol. de Diſcours à fournir ,
& 5 vol. de Planches à 24liv .
276
120
Total du paiement.. 671 liv.
Aucun Libraire , en Europe , ne pourroit
faire pourle Public ce que nous faiſons au-
(1) Nous avons répondu oui , & nous ſommes
perfuadés que l'univerſalité des Souſcripteurs ,
bien loin de nous en blâmer , nous approuvera .
Un homme à la tête d'une entrepriſe comme
l'Encyclopédie , qui auroit dit non , qui auroiz
contraint lés Gens de Lettres à ſe renfermer dans
le nombre de volumes de Difcours & de Planches
annoncés dans le Proſpectus , n'auroit été ,
nous ofons le dire , qu'un imbécille ; & s'il falloir
à ce prix achever l'Encyclopédie , nous aimerions
mieux l'abandonner. Il y a donc , je le répète , des
pofitions , comme la nôtre , où un Entrepreneur
courroit le riſque de ſe déshonorer , s'il fuivoit
à la lettre les engagemens de la Soufcription.
* Il eſt poſſible qu'il n'y ait que quatre volumes
dePlanches . Le nombre des volumes à 6 livres ,
peut auſſi s'élever à quarante-huit & même cinquante.
(Voyez page 52).
B6
36 MERCURE
jourd'hui pour les Souſcripteurs. Aucun
d'eux , & nous n'en exceptons pas même les
Contrefacteurs qui n'ont pas d'honoraires
d'Auteurs & de deſſins àpayer , qui forment
un objet de dépense de plus de ſept cens mille
livres , & qui paient l'impreſſion , le papier
& la main-d'oeuvre, trente, quarantepourcent
meilleurmarchéqu'à Paris, nepourroient donner
àfix livres des volumes in-40. tellement
chargés de matière qu'ils font chacun la repréſentation
d'un volume in-folio de deux cens
feuilles. Notre poſition , la réuſſite de l'Atlas
&des Planches d'Hiſtoire Naturelle , & les
différentes vues que nous avons , ont pu ſeuls
nous permettre cette combinaiſon.
Diſons maintenant un mot de ce que fera
l'Encyclopédie actuelle. Ceux qui voudront
prendre une connoiſſance plus étendue de
chacun des Dictionnaires qui la compoſent ,
doivent lire en entier les quarante - quatre
diviſions du tableau (page 1 ).
L'Encyclopédie annoncée en cinquantetrois
volumes de Diſcours & ſept de Plan
ches, comprendra cent vingt-quatre volumes
de Difcours & onze de Planches.
Cent Auteurs de la Capitale en font
actuellement occupés , & la plupart font ou
de l'Académie Françoiſe , ou de celle des
Sciences ou des Inſcriptions. Nous en-donnons
la liſte à la page 28.
Les onze volumes de Planches font augmentés
de plus d'un tiers de Planches nouvelles
, fans y comprendre celles de l'Atlas
í
DE FRANCE.
37
& d'Histoire Naturelle ; & fur ces derniers
objets les Souſcripteurs ont un bénéfice de
près de cent pour cent. Les Planches d'Hiftoire
Naturelle ſont conçues de manière
que le Public aura , pour quelques louis , les
gravures d'une infinité de Livres très- rares
& très-précieux ſur cette Science , dont l'acquiſition
partielle leur coûteroit plus de deux
à trois mille louis .
L'Encyclopédie comprend quarante- quatre
grandes divifions , qui forment cinquante-un
Dictionnaires des connoiffances humaines.
Chacun de ces Dictionnaires devant former
un tout , il a fallu pour chacun d'eux
un plan régulier & ſuivi , ſubordonné au
plan général de l'Ouvrage.
Tous font renfermés immédiatement dans
les objets qu'ils embraffent ; bien différens
en cela de la plupart des autres Dictionnaires
qui , en traitant de l'objet principal , traitent
enmême temps de toutce qui lui eſt acceſſoire.
Tous ſont terminés par des Tables de
lecture , qui en forment autant de Traités
de Sciences. Par-là , ils deviennent les inftrumens
les plus utiles de toutes les connoiſſances
humaines , & on ne peut plus
dire qu'ils ne ſont bons qu'à conſulter.
Il y a tel de ces Dictionnaires Encyclopédiques
, compoſés de trois volumes ſeulement
, qui peuvent remplacer plufieurs milliers
de volumes , comme la Finance , la
Littérature , la Marine , l'Architecture , &c.
& fi on raſſembloit de la première Encyclo38
MERCURE
pédie , ce qui ſe trouve ſur ces matières,
on n'en pourroit pas former un demi ou un
quart de volume. Preſque tous ont été refaits
à neuf, & il n'exifte ni dans notre langue
ngue,
ni dans aucune autre des Dictionnaires auffi
complets , fur toutes les parties des Sciences
&desArts.
Chaque volume contient autant de matières
que cinq volumes in-4°. comme le
Buffon , le Velly , &c. ce font des in-folio
déguisés en in-4°. comme nous le mandoit
un des Auteurs. Les cent vingt-quatre volumes
feront donc la repréſentation de fix
cens vingt in-4°. ordinaires.
L'Encyclopédie actuelle comprendra cent
mille articles de plus que la première Edition
in-folio de Paris . Nous pourrions même dire
cent cinquante mille , fi nous ne craignions
qu'on ne nous taxât d'exagération ; car nous
ſavons aujourd'hui que lå Botanique , qui
n'eft que la cinquante- unième partie de cet
Ouvrage , contiendra la deſcription de dixhuit
milles plantes. Linné n'en a décrit que
fix mille ,& on n'en trouve pas la defcription
de fix cens dans l'ancienne Encyclopédie.
Nous obſerverons que les douze volumes
in -fol. de Planches de la première Edition
de l'Encyclopédie , font revenus aux Soufcripteurs
à plus de 700 livres , & que la
totalité de nos onze volumes , quoiqu'augmentée
de plus d'un tiers de Planches nouvelles
, ne reviendra qu'à 264 livres. Le
volume de la Marine , qui forme le tome
DE FRANCE .
39
cinquième de notre Edition , eſt preſque en
entier de Planches nouvelles.
Il ne s'eſt jamais fait en Europe un ſeul
Ouvrage qui foit ſeulement le tiers de celui-ci ,
& d'une combinaiſon plus utile aux Soufcripteurs.
Chacun d'eux aura un bénéfice de plus
de 600 livres ſur ſon exemplaire : nous en
donnons la preuve page x11 .
Elle reviendra aux Souſcripteurs à 751 liv.
à 1422 liv.
Savoir , 53 vol. de Diſcours &
7 de Planches. .... 751 liv.
71 vol. de Difcours & 5 de Pl.
à fournir .... • • 671
1422 liv.
Les Soufcripteurs à 672 liv. ont 79 liv . de
moins à payer.
On fait que la première Edition in -fol. de
Paris , qui ne comprend que la cinquième
partie de celle- ci , s'eſt élevée juſqu'à 1800 liv.
& 2000 liv. Elle n'avoit été annoncée par
fouſcription qu'à 280 liv .
Renfermer beaucoup de matières dans un
petit efpace , réduire toutes les Planches
fans en rien omettre d'eſſentiel , les augmenter
d'un tiers de planches nouvelles
refaire à neuf preſque toutes les parties du
Diſcours, établir une Encyclopédie contenant
le quintuple ( 1 ) des matières de la première
(1) Les cinquante-trois volumes de l'Edition
40 MERCURE
2
&la donner pour un peu plus des deux tiers
du prix qu'elle a coûté : voilà ce que nous
avons fait , & ce qui ce ſemble n'étoit pas
facile , fur-tout ſi l'on fait attention que
notre Edition paroît vingt-cinq ans après la
première , & que depuis ce temps le prix de
la main - d'oeuvre , du papier , de la gravure
, &c. eft augmenté de plus de trente à
quarante pour cent.
Nous nous permettrons une dernière obſervation
ſur une des Parties les plus importantes
de cet Ouvrage. Le Dictionnaire ſeul
des Arts& Métiers mécaniques , qui en contient
plus de trois cens , ne revient pas aux
Soufcripteurs , compris les cinq volumes de
Planches , à 200 livres , tandis que la collection
des Arts de l'Académie , qui n'en comprend
encore que quatre-vingt-treize , a coûté
1240 livres , c'est-à-dire preſque autant que
la totalité de l'Encyclopédie actuelle. Il n'y
a aucun des Arts de cette utile Partie qui
n'ait été revu , corrigé , augmenté d'un tiers
ou de moitié. On y a joint cent Arts nouactuelle
font , épreuve faite , l'équivalent de plus
de trente-quatre-volumes in-fol. de la première
Edition de Paris , en les ſuppoſant chacun de deux
cens quarante feuilles , & c'eſt les porter au plus
haut: cent vingt- quatre volumes in 4°. feront
donc l'équivalent de quatre-vingts volumes in-fol.
Il eſt donc prouvé que cette Edition comprend
près du quintuple de Diſcours de la première
Edition in-fol. en dix-ſept volumes.
DE FRANCE.
41
veaux , dont la deſcription n'exiſte dans
aucun Livre.
Cette partie des Arts peut être confidérée
comme renfermant à elle ſeule trois cens
Dictionnaires ; car chaque Art eſt terminé
par un Vocabulaire alphabétique , dont le
mot de l'Art qui le précède forme i'article
principal. Enfin nous ſommes perfuadés que
fi nous achevons cette Encyclopédie telle
que nous l'avons préſentée , nous aurons
une petite part dans la reconnoiſſance que
le Public & les Soufcripteurs devront aux
Auteurs qui conſacrent leurs veilles & leurs
travaux à la perfection de ce grand monument
, &, que l'Encyclopédie terminée deviendra
, pour chacun d'eux , le plus utile
de tous les Livres , ou plutôt qu'elle ſera à
elle ſeule , comme une vaſte bibliothèque
qui renfermeroit toutes les Sciences , toutes
les parties de la Littérature , des Arts &
Métiers, & tous les objets enfin ſur leſquels
on aura beſoin ou de conſulter ou de s'éclairer,
C'eſt au Public , c'eſt aux Souſcripteurs
à fe déclarer l'appui & les protecteurs de
cet Ouvrage. Veulent - ils qu'il s'achève
promptement ? il faut qu'on nous laiffe toute
notre liberté. Ils nous ont honorés de leur
confiance dans les commencemens de cette
entrepriſe , qu'ils daignent nous la continuer;
jamais ils n'y ont eu un plus grand intérêr ,
puiſqu'ils touchent au moment des plus
grands bénéfices de la Souſcription
42
MERCURE
Nous venons de préfenter le tableau abrégé
de l'Encyclopedie & de la poſition des Soufcripteurs
, qu'on nous permette maintenant
de dire un mot de la nôtre.
Bien loin d'avoir du bénéfice ſur l'Encyclopédie
actuelle , & de la faire fur les fonds
de la Souſcription, comme cela devroit être ,
nous ſommes en état de démontrer que nous
fommes en avance de plus de 150000 livres .
Notre déficit provient en partie de trois cens
trente Exemplaires que nous avons perdus
enEſpagne , dont on n'a retiré que les premières
livraiſons ,&de cinq cens Exemplaires
de ſuites de Livraiſons que les Souſcripteurs
ont négligé de retirer.
Il y a dans les grandes entrepriſes de cette
nature un éventuel incalculable qui pourroit
en opérer la ruine , fi nous n'ufions pas de
tous les moyens que nous ſuggère notre
fituation pour nous mettre en état de la
foutenir.
Entraînés par les circonstances , par la
nature de l'Ouvrage , dont l'étendue ne nous
eft bien connue que depuis le 20 Décembre
dernier , obligés de donner quarante-fix à
quarante-huit volumes à 6 livres , quoique
dans l'eſprit du Proſpectus on n'ait dû
compter que fur trois à quatre volumes à
ce prix , affurés aujourd'hui qu'il exiſte en
Europe cinq contrefaçons de cet Ouvrage ,
dont les Profpectus de deux viennent de
pénétrer en France , & font actuellement
Tous nos yeux; nous ſommes obligés de nous
DE FRANCE.
43
conformer à tous les mouvemens qu'on
nous imprime , à toutes les variations dont
ce grand ouvrage eſt lui-même ſuſceptible.
Cette entrepriſe n'eſt point terminée ; elle
n'eſt pas même à moitié : elle forme un objet
de dépenſe de plus de fix millions , & il en
reſte plus de trois à faire pour la compléter.
Les fonds de cette année, ſi on veut la pouffer
avec célérité , & la terminer dans trois ou
quatre ans , montent à près d'un million ;
nous en donnons le tableau (page 28.)
L'Encyclopédie forme aufli aujourd'hui
une maffe trop conſidérable pour qu'onpuiſſe
eſpérer d'en vendre des corps complets , fi
on ne donne pas des facilités au Public pour
en faire l'acquifition.
Nous l'avons éprouvé depuis deux ans
que la Souſcription a été rigoureuſement
fermée , on n'en a pu placer que vingt
Exemplaires,; & aujourd'hui que l'on fait
que l'Ouvrage doit avoir cent vingt-quatre
volumes & onze de Planches , on n'auroit
pas l'eſpérance d'en vendre ſeulement deux
par an. Peu de perſonnes font en état de
mettre une ſomme conſidérable tout à la fois
à l'acquiſition d'un Ouvrage , & confentent
à le payer plus cher que les contrefaçons
qui dévorent la Librairie de la Capitale , écraſent
la Littérature , &dont l'appât dangereux
& trompeur eſt ſans ceſſe offert au Public.
Nous ſommes donc forcés par notre
poſition , à rouvrir , pour la feconde fois , la
Souſcription à 751 livres ; par-là nous nous
د
1
44 MERCURE
mettons à l'abri des contrefaçons ; (1 ) nous
confervons cet Ouvrage à la France, nous
empêchons que le Public ne ſoit de nouveau
trompé , comme il l'a été ſur toutes les
contrefaçons in-4°. & in-8°, de la première
Edition in-fol. , qu'on a tronquées , altérées
, dont on a fupprimé les Parties les
plus importantes , comme celle des Arts &
Métiers mécaniques , qui en outre fourmillent
de fautes d'impreſſion dangereuſes
dans un Ouvrage de cette nature , qui traite
de la Médecine , de la Chirurgie , de la
(1)Quandnotre poſition& l'annonce des contrefaçons
ne nous détermineroient pas à rouvrir
cette feconde Souſcription , nousyferions encore
forcés par l'offre que nous avons faite aux Soufcripteurs
(page6), que l'augmentation de paiement
de cet ouvrage pourroit gêner , de faire placer leurs
Exemplaires , en leur indiquant les perſonnes qui
defirent d'être admiſes à la ſeconde Soufcription.
Nous ne pouvons pas reprendre directement leurs
Exemplaires , parce que le placement s'en étant
fait preſque en entier par les Libraires , auxquels
on a accordé une remiſe ſur chaque livraiſon ,
outre le treizième Exemplaire gratis, lesSouſcripteurs
perdroient cette remiſe , ſi nous les leur
reprenions.Nous ne préſumons pas d'ailleurs que
ce paiement excédent puiſſe être bien à charge ,
puiſqu'il doit ſe faire par petites parties de 12 ,
17 livres , ſuivant que les Livraiſons feront compoſées
de deux volumes à 6 livres , ou d'un
volume à 11 livres & d'un autre à 6 livres .
DE FRANCE..
45
Pharmacie , &c . où la plus légère erreur peut
avoir les conféquences les plus funeftes.
Les Contrefacteurs de cet Ouvrage , en
en publiant la Souſcription , viennent auſſi
de propoſer l'acquiſition des Dictionnaires
ſéparément. Nous avons bien prévu que cela
arriveroit tôt ou tard , & qu'on nous forceroit
la main à cet égard. C'eſt encore pour
ne pas nous laiſſer ravir tout le fruit que
nous ſommes en droit d'attendre de cet
Ouvrage , auquel nous avons facrifié toutes
nos autres affaires , & ne pas laiffer faire à
d'autres ce que nous pouvons faire nousmêmes
, que nous nous ſommes déterminés
à ouvrir une Souſcription à 12 livres le
volume de Diſcours , &à 30 livres le volume
dePlanches , conformément aux obligations
que nous en avons priſes dans le Profpectus
( 1 ) , ( page 8 ) .
Cesdeux opérations ne nuiſent en rien aux
(1) Si quelques Souſcripteurs croyoient avoir
le droit de s'y oppofer , nous n'avons qu'un
mot à leur dire : s'ils veulent ſe rendre caution de
Véventuel de cette affaire , nous acheter les huit
cens ſuites de Livraiſons qui reſtent dans nos
magaſins , à compter de la ſeizième , ſe borner à
ne recevoirque quatre volumes à6 livres au lieu de
quarante-huit, nous leur paſſerons un acte devant
Notaire de ne jamais rouvrir la ſeconde Soufcription
, & de ne vendre dans aucun temps
les Dictionnaires de cette Encyclopédie ſéparément.
7
46 MERCURE
intérêts des Souſcripteurs. La dernière conf
tate même que le bénéfice de plus de 600 liv.
qu'ils ont fur leurs Exemplaires eft réel; car
outre les 48 volumes à 6 livres , les Soufcripteurs
à 672 livres qui forment plus des
ſept-huitièmes de la Souſcription , n'ont payé
les volumes précédens que 9 liv. 10 fols au
lieu de 11 liv. (voyez- enla preuve page xv1).
Juſqu'à préſent nous n'avons penſe qu'à tout
ce qui pouvoit contribuer à la perfection de
cet Ouvrage. Les plus grands ſacrifices ne
nous ont rien coûté pour affurer cette entrepriſe.
Voyez la Lettre auxAuteurs (page x111) .
Nous elpérons qu'on nous permettra de
penſer à nos intérêts. Si les Souſcripteurs
croyoient avoir le droit de s'y oppofer , nous
regarderions l'entrepriſe comme détruite &
anéantie , parce qu'à l'impoſſible nul n'eft
tenu.
Les autres parties du Mémoire contiennent
des détails ſur les prétendus bénéfices
actuels de cet Ouvrage ; le tableau de tous les
accroiſſemens , des changemens , des améliorations
, des Parties nouvelles & omiſes dans
le Profpectus , qu'on a jugé à propos de faire
& d'ajouter pour compléter & perfectionner
cetOuvrage; une Lettre aux Auteurs de l'Encyclopédie
; l'état de tous les Auteurs actuels ;
celui du nombre des Dictionnaires qui compofent
les quarante-quatre diviſions de cet
Ouvrage; l'état des volumes qui exigent néceſ.
fairement des figures; un autre article ſur les
volumes de cet Ouvrage qui peuvent être
*
7
DE FRANCE.
47
actuellement reliés ; un autre ſur le temps où
cette Encyclopédie ſera terminée ( 1 ) ; de nouveaux
éclairciſſemens ſur un premier titre de
la Souſcription à 672 livres , où il y a prix
d'un Exemplaire complet , &c.; l'état des
nouveaux volumes de Difcours & de Planches
qui paroîtront en 1789 , & les fix premiers
mois de 1790 ; le réſultat du compte
pour les cinquante - trois volumes de Difcours
& les ſept de Planches pour les deux
(1) Cet Ouvrage ſera terminé dans trois à
quatre ans , fi on nous laiſſe tranquille , fi on ceſſe
de nous accabler de mauvaiſes difficultés , & de
prétentions mal fondées : que l'on confidère que
les premiers Entrepreneurs ont mis vingt-cinq
ans à faire la leur , & alors on devroit s'étonner ,
bien loin de ſe plaindre , que nous puſſions faire
en dix ans une entrepriſe quintuple de la première
, & que les premiers Libraires auroient
donc mis cent ans à terminer. On a pouſſé les
difficultés , juſqu'à nous demander des dédommagemens
de non jouiſſance , parce que l'Ouvrage
n'étoit pas actuellement terminé. Il y a des Soufcripteurs
d'une impatience extrême ; mais nous
ne ceſſerons de leur répéter qu'on ne fait pas un
bon Livre dans un temps déterminé , comme
une pièce d'étoffe. On peut voir , page 54 , les
arrangemens que nous avons pris pour nous
mettre à l'abri de tout reproche à cet égard ,
&pour répondre aux deſirs & aux voeux des
Souſcripteurs. Voyez auſſi la Note de la Lettre aux
Auteurs , (page xv. )
48 MERCURE
1
ordres de Souſcripteurs ( 1 ) ; un détail ſur le
paiement des ſoixante-dix-neuf livres qui forment
la différence des deux Souſcriptions ;
un tableau général des volumes de Planches
&deDifcours qui reſtent à livrer ; des paiemens
à faire , & de la forme de ces paiemens .
N. B. La ſeconde Souſcription à 751 liv.
pour cinquante-trois volumes de Diſcours &
leptde Planches , eſt actuellement rouverte ,
Hôtel de Thou , rue des Poitevins , chez le
fieur PLASSAN , Libraire. On a la liberté
d'acquérir les trente Livraiſons qui ont paru
toutes à la fois , ou une à une , deux à
deux , trois à trois , felon la volonté dés
Acquéreurs. La ſeule condition eſt d'avoir
attention de retirer les nouvelles Livraiſons
où il y aura des volumes à 6 livres à meſure.
qu'elles paroîtront , & cela à compter de la
trente-unième. Chaque Soufcripteur aan bénéfice
de 600 liv. en ſouſcrivant pour la
totalité de l'Encyclopédie.
On diftribue gratis le Profpectus du renouvellement
de cette ſeconde Soufcription
(1) Ce compte par feuilles &par planches pourta
paroître minutieux à quelques Souſcripteurs; mais il
étoit indispensable , parce que les derniers volumes de
chacun des Dictionnaires feront compofés d'un nom
bre très-inégal de feuilles , de 70 , 80,90,-1005
110 , 120 , & même jusqu'à 140 , comme le Tome troifième
de la Marine ; &n'ayant annoncéque des vo
lumes D'ENVIRON 100 feuilles, il devenoit donc
) néceſſaire de les régler d'une manière invariable.
Nous
DE FRANCE.
49
Nous tiendrons compte de l'excédent du
prix qu'ont payé les vingt perſonnes qui ont
acquis cet Ouvrage , depuis que la Soufcription
a étéfermée : cela nous paroît de toute
justice.
La Souſcription de tous les Dictionnaires
ſéparés qui compofent l'Encyclopédie , eſt
actuellement ouverte chez M. LAPORTE ,
Imprimeur , rue des Noyers , No. 225 , où
le Profpectus ſe diftribue gratis.
!
Cette vente des Dictionnaires ſéparés devant
entraîner un très-grand détail, & conſidérant que
nous nous devions tout entier à l'Encyclopédie
actuelle , & que nous ne pourrions y faire diverſion
ſans manquer aux Souſcripteurs de l'Encyclopédie&
fans ralentir cette entrepriſe , nous
avons voulu nous mettre à l'abri de tout reproche
àcet égard , en nous débarraſſant entièrement
detous les foins qu'exige cette nouvelle opération;
& à cet effet nous y avons intéreſſé M. LAPORTE
, Imprimeur , qui s'eſt chargé de ſuivre
toutes les impreſſions & réimprefſſions, tous les
détails de la vente , des expéditions , foit pour,
Paris , foit pour les Provinces ; nous avons même
voulu nous débarraſſer du ſoin de recevoir les
Soufcriptions : & comme cependant nous devons
en répondre , ainſi que lui , nous lui avons paſſé ,
le 8 Février de cette année , une Procuration
devant Me Gueſpreau , Notaire , à l'effet de ſigner
tous lesBillets de Souſcription qui porteront pour
fignature PANCKOUCKE & LAPORTE.
Nº. 10. Mars 1789. C
MERCURE
Monſeigneur le Garde-des-Sceaux s'étant
fait rendre compte de la poſition actuelle
de l'Encyclopédie ; & le Sieur Panckoucke
venant de s'obliger de donner aux Soufcripteurs
quarante-huit volumes à fix livres au
lieu de onze livres , lui a permis d'ouvrir
une Souſcription de tous les Dictionnaires
ſéparés de l'Encyclopédie , de continuer la
Souſcription de cet Ouvrage , & de demander
un Supplément de Souſcriptions ;
l'Encyclopédie devant avoir plus du double
de volumes qu'on n'en avoit annoncés.
Paris , le 27 Février 2789.
Signé , DE MAISSEMY.
SUITE DES NOUVELLES LITTÉRAIRES.
DES Etats-Généraux & autres Affemblées
Nationales Tomes 11-12-13-14. A
Paris, chez Buiffon , Libraire, hotel de
Coëtlofquet , rue Hautefeuille , N. 20
1789. 25%
Ir n'eſt plus queſtion d'apprécier cette
Collection intéreſſante qui avance vers fa
fin. On fait qu'on y trouvera , comme dans
un dépôt , tout ce qui a rapport , non-feulement
à la forne , mais aux queſtions qui
feront débattues dans les Etats-Généraux.
10
DE FRANCE. 31
On ſera convaincu , quelques prétentions
que nous ayions aux faines lumières & aux
notions exactes , que dans des temps plus
reculés la Nation ne laiſſoit pas que d'être
éclairée ſur ſesvéritables intérêts. Le Recueil
des anciens Etats-Généraux paroîtra à ceux
qui voudront le méditer , un Code national
& le réfumé du droit public. On y trouvera
que la Nation aſſemblée a de tous les temps
veillé ſoigneuſement à ſa propriété , à ſa
fûreté, à ſes libertés : ce ne fut pas ſa faute
fielle ne put pas réuffir alors.
On trouvera dans la Collection que nous
annonçons , le texte pur & précis de tant
de commentaires dont la Preſſe vient de
nous inonder ſous tous les formats & fous
des titres différens ; on a même défiguré ce
qu'on commentoit : telle eſt toujours la fuite
d'une effervefcence générale , qui ne manque
point de produire l'anarchie d'opinion , non
moins redoutable que celle des pouvoirs.
Cette nouvelle Livraiſon contient les Etats
d'Orléans de 1560 , en entier ; l'Affemblée
dePoiffy de 1561 , dans laquelle Catherine
de Médicis eſſaie de ſe procurer de l'argent
& la paix ; où elle ne réuffit qu'à obtenir
de l'argent ; & où il eût été fi facile d'éteindre
un feu qui , négligé , cauſa un affreux incendie
en moins de quinze années. Les Etats de
Moulins devroient plutôt être placés dans la
claſſe des Affemblées , parce que l'objet principal
du Roi fut d'y reconcilier les Guides &
les Châtillons. La célèbre Ordonnance de
C2
52 MERCURE
Moulins rendra cependant précieux le ſouvenir
de ces Etats; on y vit ce qu'on n'avoit
plus vu depuis Charles VI , un Roi eſſayer
de réunir deux Maiſons rivales , & deux
Princes qui prenoient pour garant de leur
réunion , les perſonnes les plus notables de
l'Etat.
Les Etats tenus ſous Henri III , font précédés
des Lettres expédiées par ce Roi aux
différens Sénéchaux , Baillis & Commiffaires
, & indiquent exactement la forme préparatoire
qu'on a ſuivie dans la ſuite. Les
Etats de 1576 ſont ſuivis de l'Affemblée de
S. Germain de 1581 , &de ceux de 1588 ,
qui font fi remarquables par le maſſacre des
Guifes , & par la noble réſiſtance des Députés
du Tiers-Etat , qui refuferent d'outrepaffer
leurs pouvoirs , en accordant une levée
d'impôts qu'ils n'étoient point autoriſés à
accorder..
LaLivraiſon qui va fuivre , &qui eft , fuivant
l'avis de l'Editeur , la dernière de cette
Collection , nous paroît devoir être plus inftructive
encore& plus utile que les précédenres
, parce qu'elle ſe rapproche davantage de
nous; ellecomprendra la fin des Etats de 1 588,
'Affemblée de Rouen de 1593 , les Etats de la
Ligue, dont les détails ſont ſi curieux , & où
reviennent les importantes queſtions qu'on
avoit jadis agitées à l'occaſion de l'ordre de
Succeffion à la Couronne , & dans laquelle
des Patriotes ofèrent élever leurs voix au
milieu de factieux , dévoués à Rome & ven-
E
R
DE FRANCE.
dus à l'Eſpagne. L'Aſſemblée de 1577 marque
, pour ainſi dire , la première époque où
Henri IV s'eſt trouvé en préſence de la Nation
foumiſe & conſultée par le meilleur des.
Monarques: ſuivent les Etats de 1614 ; FAfſemblée
de 1617 , que Sully a trop calomniée
;& les détails ſur la convocation de
celle de 1652 , qui n'a pas eu lieu. Ces différens
Etats feront précédés , ſuivant l'Editeur
, de Notices , tirées de différens Auteurs ,
qui donneront une notion fûre de l'état des
Finances & de la ſituation du Royaume...
Ce ſimple apperçu ſuffit pour faire ſentir
de quelle utilité une pareille Collection doit
être aux yeux de ceux qui par état ou par
circonftance font obligés de ſe pénétrer de
bons principes , & de confulter les monumens;
on les trouve ici fans altération. Le
Lecteur ne fuit point une ligne tortueuſe ,
tracée par des Editeurs ſyſtématiques , ou
pardes Auteurs qui ont des motifs particuliers
: on va droit au fair, on arrive à la vé
rité ,& on n'eſt ni arrêté , ni obligé d'écarter:
de nombreux entours. C'eſt ſur-tout pendant
la tenue des Etats-Généraux qu'on fera plus:
à portée d'apprécier l'utilité d'une Collection
qui préſente des faits &des exemples dont
on aura bien plus de beſoin que de beaux:
difcours & de ſyſtèmes..
C
54
MERCURE
ACADÉMIE FRANÇOISE.
:
27 DANS une brillante Séance , tenue le
Février , M. le Duc d'Harcourt a été reçu
à la place de M. le Maréchal de Richelieu.
Dans fon Diſcours , le nouvel Académicien
avoit un moyen für de parler au coeur de
ceux qui l'écoutoient ; c'étoit de rappeller le
précieux dépôt confié à ſes lumières & à ſes
vertus. Il a loué ſon Prédéceſſeur avec autant
de dignité que d'intérêt : le rôle brillant:
qu'avoit joué M. le Maréchal de Richelieu ,
a confervé tout ſon éclat dans le tableau
qu'en a tracé M. le Duc d'Harcourt, dont le
Diſcours a reçu beaucoup d'applaudiſſemens...
M. Gaillard , Directeur actuel de l'Académie,
en a rempli les fonctions avec un
ſuccès digne de fon mérite littéraire : il a fu
mêler avec goût , l'efprit & l'érudition ; &
ſaRéponſe a été très-applaudie..
De charmantes Fables ont terminé cette
Séance , de la manière la plus fatisfaiſante 5.
T'une eſt de M. de Rhulieres , intitulée
PA-propos,dont le titre a paru doublement
rempli : on a defiré auſſi l'entendre deux fois 5
&M. de Rhulieres en a répété la lecture,
qu'on a extrêmement applaudie. Les autres.
Fables , qui font au nombre de cinq ou fix ,
font de M. le Chevalier de Florian ; elles
ont eu le brillant ſuccès auquel l'Auteur eft
accoutumé..
DE FRANCE.
55
N. B. L'abondance des matières nous a obligés
de renvoyer l'Article des Spectacles au Nº. prochain.
ANNONCES ET NOTICES.
L
INSTRUCTIONS familières & raiſonnées fur
les matières de la Foi & de la Morale ; fur les
Myſtères , les Fêtes & les Cérémonies de l'Eglife,
pour fervir principalement à Meſſieurs les Curés,
Vicaires & autres Prêtres inſtruiſans ; par M.
l'Abbé Janſſon , Directeur d'une Communauté de
Carmelites à Paris , ancien Curé au Diocèſe de
Beſançon, 3vol. in-12 , prix 9 liv. relié.AParis
chez Onfroy , Libraire , rue S. Victor.
A
Explicationfuccinte des devoirs propres à chaqus
état de la fociété naturelle & civile , tirée du déve--
loppement qu'en a fait le Conférencier d'Angers,
pour ſervir principalement aux perſonnes féculières
qui compoſent ces états ; par M. l'Abbé
Janſſon , Directeur d'une Communauté de Carmelites
à Paris , ancien Curé au Diocèse de Befançon
. un vol. in- 12 , prix 3 liv. relié.AParis ,
chez Onfroy , Libraire , rue S. Victor..
Examen critique des recherches hiſtoriques fur
l'eſprit primitif , & fur les anciens Collèges de
l'Ordre de S. Benoît , d'où réfultent les droits de
laSociété ſur les biens qu'il poffède , 1 vol. in-8..
prix broch. 4 liv. AParis , chez Onfroy , Librai--
re , rue S. Victor...
Obfervations d'un Alfacien , für les droits& les
intérêts de ſa Province , relativement à la con
56 MERCURET
vocation des Etats-Généraux , & à la reſtauration
des Etats Provinciaux d'Alface : contenant en
raccourci l'Histoire Politique de cette Province ,
avec pièces juſtificatives , in-8. de 105 pages. A
Paris , chez Gattey , Libraire , au Palais Royal.
Petite Bibliothèque des Théâtres. AParis , chez
Belin , Libraire , rue S. Jacques ; &Brunet , rue
de Marivaux , place du Théâtre Italien..
Ce treizième volume des Tragédies comprend
Didon, par le Franc de Pompignan , avec Andronic
&Tiridate , deux Tragédies de Campiſtron ..
La Vie & le Testament de Michel Nostradamus ,
Docteur en Médecine , Aſtrophile , Conſeiller
Médecin ordinaire du Rọi : né à Saint-Remy , le
14Décembre 1503 , fous le règne de Louis XII ,
avec l'explication de plufieurs Prophéties trèscurieuſes
, i vol. in- 12. AParis , chez Gattey ,
Libraire , au Palais Royal.
Le Voyageur à Paris , extrait du Guide des
Amateurs&des Etrangers Voyageurs , à Paris
contenantunedeſcription fommaire , mais exacte ,
de tous les monumens , chefs-d'oeuvre des Arts ,
Etabliſſemens utiles , & autres objets de curiofité
que renferme cette Capitale. Cet Ouvrage ,
utile aux Citoyens , & indiſpenſable aux Etrangers
, a été rédigé par M. Thiery , Auteur du
Guide des Amateurs : il eſt orné d'un nouveau
Plan de Paris , année 1789 , 2 parties , in- 12 .
3 liv.AParis, chez Gattey , Libraire , au Palais
Royal.
RÉPONSE à MM. les Officiers du Corps-Royal
du Génie , Auteurs d'un Mémoire ſur la Fortification
perpendiculaire , par M. le Marquis de
Montalembert Maréchal des Camps & Arméess
DE FRANCE.
57
du Roi , de l'Académie Royale des Sciences , 1
vol. in -8°. avec pluſieurs Planches.AParis , chez
Didot fils aîné , Libraire , rue Dauphine , No. 116.
CetteRéponſe , qui paroît avoir l'approbation
de l'Académie Royale des Sciences & fons fon
Privilège , contient une diſcuſſion très-détaillée
fur la méthode en uſage par MiM. les Officiers du
Génie , pourjuger du degré de force des différens
ſyſtèmes de Fortification , & fur celle que l'Auteur
penfe devoir lui être préférée. Il s'y trouve
deplus une réfutation de tout ce qui a été ditdans
le Mémoire de MM. les Ingénieurs , contre le
nouveau ſyſtème développé dans les cinq volumes
de la Fortification perpendiculaire. Cet
Cuvrage ne peut donc être que très- intéreſſant
pour les Militaires qui defirent acquérir des connoiſſances
fur l'Art important des Fortifications.
Les Amours du grand Alcandre , par Mademoifelle
de Guiſe , ſuivis de Pièces intéreſſantes
pour ſervir à l'Histoire de Henri IV , 2 vol.
in-12 , prix 5 liv. br. AParis , chez Didot l'ainé ,
Imprimeur du Clergé , rue Pavée S. André ( ou
on a imprimé quelques Exemplaires fur papier
fin ; prix des deux volumes br. 12 liv. )
Le Roman des Amours du grand Alcandre eſt
fort connu. La jolie édition que nous annonçons
, comprend une notice ſur la vie de Henrile-
Grand , qui offre des recherches curieuſes ſur
ce célèbre Monarque.
Galerie du Palais Royal , gravée d'après les
Tableaux des différentes Ecoles qui la compofent
, avec un abrégé de la vie des Peintres , &
une deſcription hiſtorique de chaque Tableau ,
treizième Livraiſon. A Paris , chez J. Couché ,
Graveur , rue Saint-Hyacinthe , No. 4; & J.
1
38 MERCURE
Bouillard, Graveur , rue d'Argenteuil , Nº. 95 .
Cette Livraiſon , auſſi ſoignée que les précédentes
, renferme le Tentateur de Titien Vecelli;
Vénus &Adonis , par Luc Cambiafo ; la Vifion de
S. François , par Annibal Carrache ; Vénus qui fe
mire , par Titien Vecelli ; Charles 1 , par Vandick;
& le Charriot , par J. Breughel,
و
La France divisée en toutes ses Provinces ,
avec ſes Préſidiaux , Bailliages , Sénéchauffées ,
Prévôtés Vigueries , Chancelleries & Pays
fubalternes , conformément au Réglement de la
Convocation des Etats- Généraux , du 24 Janvier
1789 , publiée & exécutée par le fieurDeſnos.
AParis , rue S. Jacques , au Globe. D
Manuel des Vignerons de tous les Pays , ou
moyens perpétuels d'économies & d'améliorations
, comme il n'y en a guère , pour foulager
&décharger tous les pays vignobles ; contenant ,
1°. la méthode la plus fimple & la plus économique
pour planter & cultiver la vigne , pour
en augmenter le rapport , & avancer la maturité
des raiſins ; 2°. une méthode particulière pour
traiter , tailler & gouverner toutes les vignes
déjà exiſtantes , à beaucoup moins de frais qu'à
préſent , ſans en changer la forme , & en fupprimant
entièrement l'uſage des foſſes ou provins ,
& la plus grande partie des engrais ; 3 °. deux
procédés , les plus généraux & les plus ſimples
pour faire & améliorer les vins , avec les principales
expériences des méthodes , imprimées fous
les aufpices de l'Aſſemblée générale des trois
Provinces de la Généralité de Tours , & aux
frais deMgr. l'Archevêque de Tours , fon Préfident;
par M. Maupin , Auteur de l'Art de la
Vigne , de l'Art des Vins , &d'un nouveau fyf
DE FRANCE.
59 .
tème ſur l'Agriculture; prix 30 ſols , avec le reçu
ſigné de l'Auteur. A Paris , chez l'Auteur , rue
du Pont-aux-Choux , N°. 43. L'Auteur fera paſſer
cet Ouvrage dans toutes les Provinces , franc de
port par la Poſte , en lui faiſant tenir le prix ,
port& Lettres affranchis .
Phyficæ conjecturalis elementa , juxta recentiores
Chymiſtarum & Phyſicorum inventiones
elaborata , & in uſus Academicos confcripta ab
Antonio Libes , in Collegio regio Tolofano Philofophiæ
Profeffore. Toloſæ , apud Joannem-Jacobum
Robert ; Lutetiæ Parifiorum , Lib. Art.
Mag. Collegii regii Typographum & Bibliopolam.
CetOuvragemérite une attention particulière ;
les Elémens de Phyſique qu'il renferme ne refſemblent
point àce qu'on apprend dans les Claſſes.
de Philofophie , où l'on n'a enſeigné juſqu'ici
que des formules de Méchanique , d'Optique ,
& d'où les Ecoliers ſe retirent fans pouvoir expliquer
les phénomènes les plus ordinaires que la
nature nous préſente. Le Traité de l'Electricité
eſt neuf , par la manière dont il eſt préſenté ; les
Traités des Gaz , de l'Eau , du Feu , font travaillés
d'après les découvertes les plus modernes;
& enfin l'Auteur a dépouillé fon Ouvrage
des objections multipliées dont on charge ordinairement
les Livres de cette eſpèce ; &il a jugé
àpropos de mettre dans des ſcholies les objections
avec les ſolutions ; ce qui donne à l'ous
vrage plús de préciſion&de clarté.
Manuelpour le ſervice des Malades , ou Précis
des connoiffances néceſſaires aux perſonnes chargées
du ſoin des Malades , Femmes en couche ,
Enfans nouveaux-nés , &c.; par M. Carrere,
6. MERCURE DE FRANCE .
Confeiller , Médecin ordinaire du Roi , Proieffour
Royal - Emérite en Médecine , Cenfeur
Royal , ancien Inſpecteur-Général des Eaux Minérales
de la Province du Rouſſillon , &c. , troiſième
édition , in- 12 . A Paris , chez Lamy , quai
des Auguſtins.
Bibliothèque des Dames , rue & hôtel Serpente.
Il vient de paroître , de cette intéreſſante Collection
, le dix-huitième volume des Romans.
Il est trop trop tard , peint & gravé par A. F.
Sergent; prix 9 liv. A Paris , chez l'Auteur , rue
Mauconſeil , Nº . 62.
Cette gravure , d'une agréable compofition ,
abeaucoup d'effet , & doit être bien accueillie.
C'eſt au même Artiſte qu'on doit un très-bon
Portrait de M. Necker , annoncé dans lesNuméros
précédens.
VERS.
Conte.
TABLE.
Char. Enig. Logog.
Traité..
Efai.
56
page3 Lettre. 28.
Des Etats- Généraux, 50
8Académie. 54
20 Annonces. 55
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des -Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 7
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en
empêcher l'impreſſion. A Paris , le 3 Mars 1789.
SÉLIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
:
SUED -E.
De Stockholm , le 6 février 1789.
Dès le milieu du mois dernier , le Roi
avoit nommé les Présidens , soit Orateurs
des quatre Ordres à la Diète ; savoir ,
pour la Noblesse , le Comte Charles-
Emile de Levenhaupt ; pour le Clergé ,
le Docteur de Troil, Archevêque d'Upsal;
pour la Bourgeoisie, M. André Lyd
berg, Membre du Conseil Municipal de
Stockholm ; pour les Paysans, leCultivateur
Olof Olofssen, de la province d'Os
trogothie. Le 2 de ce mois , l'ouvertura
de la Diète eut lieu dans les formes
ordinaires . Le Roi s'y rendit, ainsi qu'à la
Cathédrale , revêtu des ornemens royaux
il étoit suivi des Princes ses frères et des
Sénateurs en habit de cérémonie . S. М.
N°. 10. 7 Mars 1789. a
( 2)
3
:
avoit eu l'attention délicate de ne point
faire paroître sa Garde Militaire dans
cette solennité. Contre l'usage , ce fut
l'Infanterie Bourgeoise qui scule occupa
tous les postes , et qui parada en haie
sur lepassage de S. M. et de son cortège .
Lorsqu'au sortir de la Cathédrale , le Roi
se rendit au château , un Peuple immense
fit retentir l'air d'acclamations.
Les quatre Ordres ayant pris séance
dans la Grande Salle des Etats , le Roi
prononça le Discours d'ouverture , et
exposa, en présence du Public entier ,
la situation intérieure et extérieure de la
Suède. Le lendemain 3 , les portes furent
closes , et le Roi y développa à l'Assemblée
les intérêts de la Nation , ses liaisons
avec diverses Puissances de l'Europe , et
ses différends avec deux des Cours du
Nord. Il termina le second Discours par
la proposition d'établir un Comité secret
de 30Députés , dont 12 de la Noblesse ,
pour délibérer sur les demandes du
trone.
Ainsi que nous l'avions fait pressentir ,
le Roi a obtenu une Majorité considérable
dans l'Ordre du Clergé et de la Bourgeoisie
, et l'unanimité dans l'Ordre des
Paysans . Les débats ont été plus vifs
dans celui de la Noblesse : les Députés
de Finlande ont l'instruction et l'ordre
positifs de soutenir le Roi en tous points,
et de ne jamais se séparer de lui. Nous
(3)
reviendrons aux détails de ces premières
Séances.
,
Outre les Officiers détenus en Finlande
l'été dernier, à la suite des manoeuvres
qu'on leur attribue , on en a arrêté
quelques autres, qu'on accuse d'un complot
pour livrer la Finlande à une Puissance
Etrangère. L'on a trouvé , à ce
qu'on assure , toutes les preuves d'une
intelligence criminelle , dans le portefeuille
même d'un Officier-général qui
se trouve au nombre des Prévenus , et
dont on a saisi toute la correspondance.
Il étoit honoré de la confiance
du Roi , et de commandemens trèsimportans
. Ces prisonniers , qui sont
en route sous forte garde , pour venir
ici sont le Lieutenant - Général
Baron d'Armfeld , le Major-général
d'Hastfehr, des Colonels de Montgomery
, d'Otter, de Stedingk,dHastesko
et de Leyonsfedl, et le Lieutenant-
Colonel de Klingsparr. Les Majors de
Klick et de Jagerhorn , se sont sauvés.
On prépare à ces Accusés une partie du
château de Fridéricshof, ainsi que la
Grande Salle , où siégera la Cour Souveraine
, Tribunal suprême d'Etat, qui
doit les juger. Ce Tribunal , qui n'avoit
pas encore été en exercice sous la forme
actuelle de Gouvernement , est constitué
par l'article XVI , dont voici la teneur :
<< S'il arrivoit que quelque personne
<<de haute naissance , qu'un Sénateur
a ij
(4)
<< du royaume , ou un College entier
<<s'oubliat au point de commettre quel-
« que délit contre le Roi , contre le
<< royaume , ou la Majesté de la Cou-
<<< ronne , il sera établi une Cour Sou-
• veraine, présidée par le Roi lui-même ,
ou , à son défaut , par le Prince Royal ,
<<héritier présomptif de la Couronne ,
<<ou par le Premier Prince héréditaire ,
<<ou enfin par le plus ancien des Sé-
<<nateurs du royaume. Il aura pour
<<' assesseurs , les Sénateurs , le Feld-
<<<Maréchal , tous les Présidens des Col-
« léges du royaume , les quatre plus an-
<< ciens Conseillers des quatre Tribunaux
du royaume et de la Cour , un
<< Général, les deux plus anciens Lieute-
<< nans-généraux , les deux plus anciens
Majors-généraux , le plus ancien Ami-
<< ral, les deux plus anciens Vice-Ami-
<<< raux, les deux plus anciens Contre-
<<Amiraux , le Chancelier de la Cour
<<< et les trois Secrétaires d'Etat. Le Chan-
<<<celier de Justice fera les fonctions de
<< Procureur - général , et le Secrétaire
<<<des révisions , celles de Greffier. Cette
Cour, après l'instruction faite et par-
<<< faite, rendra l'arrêt en dernier ressort ,
<< les portes ouvertes, saufla prérogative
qu'a S. M. de faire grace. >>
Le Conseil de guerre institué à Gothembourg
pour juger la conduite du
Colonel Tranenfeld, lors de l'invasion
dos Danois près de Quistrum , l'a déchar(
5 )
gé entièrement ; mais il a trouvé punis-..
sable celle des Officiers Funk et Friesendorf.
En conséquence , on les a arrê
tes , et ils seront conduits ici.
POLOGNE.
De Varsovie , le 7 février. J
Dans la Séance du 3, la Diète a pourr
suivi ses délibérations sur les taxes nouvelles
et l'accroissement des revenus publics.
Le projet du Timbre dont nous,
avons parlé , a été consommé : il est
arrêté qu'à l'avenir toutes les dignités
temporelles et spirituelles paieront le
droit du Timbre de leur Diplome : le
Primat, par exemple, paiera mille ducats;
un Evêque , quelques centaines de
ducats , selon l'importance de son Diocèse
; un Palatin , un Ministre d'Etat ,
cent ducats. Les Ordres de Chevalerie
sont également taxés.
P
১
"
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>
"
ל
Le même jour , on renouvela la proposition
du Palatin de Siradie , de s'oc
cuper sans délai d'une levée considérable
de Cavalerie nationale , composée des
Membres, de l'Ordre ,Equestre , ayant b
chacun un valet-d'armes. Cette Motion
fut reprise encore dans la Séance du 4 ,
et victorieusement soutenue par M. Stanislas
Potocki , Nonce de Lublin ,
Il entraîna , le 5, de vifs débats , non sur
le projet lui-même mais sur la forme
de son exxééccuuttiioonn;; enfin, le6, cette im
au
i
(6 )
portant établissement fut sanctionné , et il
sera formé 200 Compagnies , chacune (1)
de 150 maîtres , ce qui fera un Corps de
30 mille hommes à cheval. Quelques personnes
ont trouvé que ce nombre excédoit
les proportions fixées par la plupart
des Puissances entre leur Cavalerie
et leur Infanterie; mais la Diète seinble
ici s'être pénétrée des maximes que lui
adressa J. J. Rousseau. <<< L'esprit d'imi-
<<tation , disoit ce grand Ecrivain , pro-
<<duit peu de bonnes choses , et ne pro-
<< duitjamais rien de grand. Chaque pays
<< a des avantages qui lui sont propres ,
<<et que l'institution doit étendre et fa-
<<yoriser. Ménagez , cultivez ceux dela
<< Pologne. N'imitez pas servilement la
<<tactique des autres Nations. Etablissez
<<"des Corps de Cavalerie ou toute la No-
<<blesse soit inscrite ; ayez de l'Infante-
* rie, puisqu'il en faut ; mais ne comptez
<<que sur votre Cavalerie, et n'oubliez
<<<rien pour inventer un systéme qui
<<mette tout le sort de la guerre entre
<< ses mains. »
3
יועמ
On peut ajouter aux raisons politiques?
développées par le Citoyen de Genève ,
que le propre de la Pologne est de produire
des Cavaliers , comme les côtes
d'Angleterre et de Hollande produisent
des Matelots. Les Alliés de ces Etats
15
(1 ) Et non pas 20, comme l'ont dit quelques
Gazettes,
( 7 )
maritimes ont cherché à réunir leurs
forces de terre aux forces de mer
de ces derniers : de même les Puissances
qui s'allieroient avec la Pologne ,
trouveroient une Cavalerie nombreuset
à joindre à leur propre Infanterie.
Dans la Séance du 4, la Commission
du trésor rendant compte de son travail
au sujet de l'emprunt , communiqua à
l'Assemblée que le Banquier Tepper
avoit offert tout de suite une avance de
cent mille ducats ; et que pour la partie
de l'emprunt qui passeroit par ses mains,
il renonceroit à toute espèce de droit de
Commission.
L'on arrêta , le 5 , que les Tartares
qui habitent la Lithuanie , seroient admis
dans les Corps (ou Pulks) de Dragons ,
vu qu'ils s'étoient toujours montrés bons
Citoyens , quoique suivant la Religion
Mahométane : sur quoi nous observerons
en passant , que la République de
Pologne est la plus tolérante de toutes
celles qui existent , et que Voltaire a
écrit sur de mauvais mémoires
persiflage intitulé : Lettre aux Confédérés
de Bar. Il y représente les anciens
troubles de la République comme
des guerres de religion , et dit que les
voisins entrèrent en Pologne , du droit
que l'on a d'entrer dans la maison de
son voisin , lorsque le feu y est. Mais
si Voltaire avoit porté lui-même cette
Lettre à son adresse , il auroit trouvé
son
1
:
a iv 1
(8 )
sur son chemin , des mosquées et des
synagogues , des temples Luthériens ,
Calvinistes et Anabaptistes , des Eglises
Grecques unies , Grecques Schismatiques
et Arméniennes , et se seroit convaincu
que les Polonois étoient alors
et avoient toujours été tolérans.
Les Maréchaux de la Diète ont enfin
reçu de la part de la Cour de Russie ,
une Note en réponse de celles par les
quelles la République a requis l'évacuation
des troupes de cette Puissance. Probablement
il en sera fait lecture dans
la première Séance , et l'on assure qu'elle
ne contient aucun sentiment défavora
ble à l'indépendance de la Pologne .
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 12 férrier.
La police est occupée depuis quelques
jours à dresser un état des chevaux appartenans
à des particuliers . La même
opération a déja eu lieu dans les provinces
: une seconde compagnie d'Artilleurs
est partie pour la Prusse Occidentale,
et se rend à Bromberg.
2
Comme on saisit , ily a quelque temps,
à Copenhague , une somme de 50,000
ducats envoyés d'ici à Stockholm , pour
le paiement des bois achetés en Suède , D
le Gouvernement , par représailles , a
fait mettre un embargo sur plusieurs batimens
Danois qui se trouvoient dans les
((2))
1
ports de Stettin , d'Eltting et de Memel...
LeLieutenant-génégal Comte de Kro
ckow s'est retiré du service,avec une
pension de 2,000 rixdalers . Le Duc de
Holstein-Beek a été nommé Brigadier
de l'Infanterie légère dans la Prusse
Orientale , et le Colonel de Prittwiz,
Major-généralde Cavalerie et Inspecteur
des remontes. : رز
1
From
On apprend de Mittau , que la Du
chesse de Courlande est accouchée , te
26 janvier , d'une Princesse.
0
On prétend que le Prince Davidoff
est arrivé , ici , de Pétersbourg avec des
dépêches dont on ignore encore le contenu
; ce qui n'empêche pas qu'on ner
répande qu'elles décideront,de, la paix
ou de la guerre,
De Vienne,le 12 février.
Un Décret de la Cour vient d'ordon
ner qu'à l'avenir les fiefs yacans dans les
provinces appartenantes au Souverain ,
ainsi que ceux qui sont à la disposition
des Chapitreset Couvens , seront vendus
auplus offrant; les premjers , au profit du
trésor , et les autres , à celui de la caisse
de religion.
Les 11 régimens d'Infanterie Hongroise
soront bientôt complets; chacun
est composé de 4 bataillons. Ces régimens
formeront en tout environ 60,000
hommes. Les maladies continuent leurs
D
av
(10 ))
ravages dans les différens quartiers de
nos troupes , où la mortalité est trèsconsidérable
. 1
Une division de l'équipage de campagne
de l'Empereur est partie aujourd'hui
pour la Hongrie. 1
Le Comte de Choteck, Chancelierdu
royaume de Bohême , a donné la démission
de cette place, que S. M. a conférée
au Baron de Kressel.
'Le Comte de Pergen , Ministre des
Affaires intérieures , et Maréchal provincial
de labasse Autriche , se retire aussi :
on ne sait pas encore qui le remplacera
Les recrues , qui seront levées cette
annéé dans les Etats héréditaires d'Allemagne,
monteront, dit-on, à 160,000hom.
On apprend d'Agram , que le 19 janvier,
un gros détachement de Turcs a
fait une invasion dans le district de Klokotset
, qu'il a mis le feu à deux villages,
et enlevé les habitans des deux sexes.
La Save a débordé et pénétré dans
Semlin . Il a fallu retirer tous les canons
dés redoutes, et la garde des piquetsavandés:
Le pont de Schabacz , et laplupart
des bâtimensont été emportés et détruits.
DeFrancfort sur le Mein, le 28 février.
Nous avons parlé des forteresses et des
châteaux dont il falloit s'emparer, pour
se rendre maître de la Bosnie ; voici l'état
des uns et des autres :
Les forteresses sont au nombrede 24;
e
श
1
Na
1
m
R
A
(11 )
savoin , Zwornik, Banialuca , Trawnik ,
Bihaz , Saraglio, Magloi , Varnduk, Tessan
, Dubno , Dervent , Gracheniza ,
Janicze , Baohacz , Katar , Gradisca ou
Berbis ,Gzitnicza , Potrowacz , Glamosc,
Scupanachz , Mostar , Trebinie , Kodgaricza
, Kullassin et Predor. Le nombre
des châteaux forts est de 17 ; savoir ,
Dobor , Szokol , Serbernik , Szoko
Vratruk , Klues , Kotaracz , Bachin
Kupers , Stolacz , Spuh , Gvizko , Kuschlat
, Srebernicza , Drina , Glasnicza ,
Trocsak ; enfin , la redoute de Peresno .
,
,
Le mémoire que le Prince - Archevêque
de Salzbourg a fait remettre à la
Diète , concernant les nonciatures en
Allemagne a fait beaucoup de sensation
. On jugera de l'esprit de ce mémoire
par le passage suivant : <<<Pour prévenir
<< toutes les fausses interprétations et
« les insinuations artificieuses , S. A.
<<juge à propos de faire, avec sincérité ,
<<la déclaration suivante : Bien loin de
<<<mettre en contestation la Primatie de
<<<Rome , et les prérogatives légitimes
<<qui y sont attachées , S. A. la respecte
<< avecla soumission convenable , d'après.
<<le véritable esprit de l'Eglise : Elle
<<regarde comme une suite de cette Pri-
>> matie la mission des Nonces faite de
>>temps en temps en Allemagne , pour
<<l'inspection seulement , afin de con-
< server l'unité de la doctrine, et de pré
«venir toute scission quelconque. Ces
১৯
a vj
(12)
< Nonces ne peuvent avoir dans l'Em-
<<pire d'autre administration , et ils ne
<<pourront jamais rien entreprendre au
< préjudice de l'Empire en général , et
<< de ses Etats en particulier. S. A. ne
* contestoit pas aux Nonces la qualité
<<de Ministres pour des affaires poli-
<<tiques ; Elle avoit voué, et Elle con-
<<tinuera de vouer au Saint Siège , et
« particulièrement à Sa Sainteté glo-
<<rieusement régnante , la vénération la
<<plus parfaite , conformément à ce
<<qu'Elle se doit à Elle-même , à Dieu
<<et au S. Empire; Elle n'attaquoit que
<< les principes que la Cour de Rome a
<< adoptés , pour anéantir, en général ,
<<les droits primitifs des Archevêques et
<<Evêques , et en particulier ceux de
<<l'Eglise d'Allemagne ; enfin , l'on ne
<<pouvoit reconnoître et l'on ne recon-
<<noîtra jamais des Nonces munis de
<<facultés contraires au pouvoir des
<<Evêques , facultés qui permettent tout
<< aux Nonces , et ne laissent rien aux
<<Evêques. >>>
Un Journal Allemand a présenté dernièrement
un état de la liquidation des
dettes de l'Electorat de Saxe , que son
exactitude nous engage à rapporter.
" En 1764 , les dettes de l'Electeur montèrent
à 42,686,009 rixdalers ; favoir , 6 millions de
dettes de Cour , autant fur les droits d'acciſe , un
million & demi d'arrérages à l'armée ( cet art. eſt
f
«
(13)
entièrement acquitté depuis 1767) ,& 29, 180,424
fur les impofitions. Pour l'amortiſſement de cette
ſomme , on affigna , ſur les revenus les plus fûrs ,
un fonds annuel de 1,100,000 rixdalers. On a
acquitté , depuis 1764 juſqu'en 1786 , 7 millions
643,303 rixdalers; de forte qu'en 1786 il reſtoit
encore à payer 21,385,121 rixdalers . L'exactitude
de ces paiemens a tellement relevé le crédit public
, qu'actuellement les obligations,fur lefonds
d'amortiſſement&les autres papiers de l'Etat équivalent
, non ſeulementà l'argent comprant , mais
gagnent encore ſouvent un , & juſqu'à deux pour
cent , quoique les intérêts primitifs ne foient que..
de troispour cent. Il ne faut point confondreavec
la çaiſſe de crédit ſur les revenus fixes , la caifle
de crédit de la Chambre Electorale , qui eſt deftinéeà
acquitter les dettes de la Chambre&celles
faites fur les acciſes . Cette dernière caiffe a été
établie à Dreſde en 1763 ; fon fonds de 300,000
rixdalers eft pris ſur les revenus des domaines &
des droits réguliers ; les paiemens ſe font auffi
avec exactitude , & de la même manière qu'à la
caiſſe de crédit ſur les revenus fixes . »
7
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 24 février.
Depuis mardi dernier , jusqu'à ce jour
inclusivement , les Bulletins officiels ont
continué d'annoncer des progrès non
interrompus dans le rétablissement du
Roi . Il a recouvré entièrement l'usage
de toutes ses facultés intellectuelles , et
sa guérison parfaite ne tient plus qu'à
(14.)
un reste de débilité physique , suite nécessaire
de la durée de la maladie. Les
gens que le Docteur Willis avoit amenés
de son hospice , y ont été renvoyés ,
et ce loyal et digne Médecin doit luimême
y aller passer une semaine , après
une absence de deux mois. L'on a préparé
ici , au palais de la Reine , les appartemens
du Roi et de la Famille Royale ,
attendus en cette capitale vers la fin de
la semaine : il a même été annoncé que
leRoi se rendroit dimanche à la chapelle
de Saint-James. Quant aux particularités
de sa convalescence , voici ce qu'en
dit , il y a 5 jours , le Public Advertiser,
sur des autorités respectables .
« Le Roi ſe rétablit à vue d'oeil ; il a repris
fon appétit , dort bien ,& s'éveille dans la diſpoſition
la plus ranquille; fon pouls eft redeſcendu
à67 battemens par minute. Sa converſation eſt
raiſonnable; il ſent ſon état ,& s'aperçoit lui-même
de fon rétabliſſement ; il veut quelquefois revenir
aux affaires publiques , & s'arrête de ſon propre
mouvement, en difant : Il ne faut pas que
j'aille plus loin ; ma tête ne peut encore fuffire à
cela, mais elle le pourra bientôt.Avant hier (18 )
S. M. fe rendit à fon Obfervatoire de Kew; Elle
s'amuſa à comparer ſes pendules avec les obfervations
faites auSoleil,& à fupputer combien chacune
avoitd'avance ou de retard. Elle fit cescalculs
avec autant de farg-froid& de juſteſſe que dans ſa
plus parfa'te ſanté , de forte que nous avons les
eſpérances les mieux fondées de lui voir reprendre
inceſſamment les rênes du Gouvernement. »
<< Chaque jour , chaque heure , dit un fecond
rapport authentique, nous donne des ſymptômes
( 15)
deplusen plusfavorables. Voi'à déja douze jours
paflés ſans la moindre rechute. Notre excellent
Roi eſt enfin redevenu preſque entièrement luimême
; ſon appétit eſt bon , il dort bien; ſes forces
ſont rétablies au point qu'il peut faire une promenade
de trois heures. Il voit la Reine et les Princeſſes
deux heures par jour. On lui permet de cauſer
avec ſes Artiſtes,ſes Jardiniers , ſes Ouvriers.
Une fois il s'eſt haſardé à faire quelques queſtions
fur les affaires politiques au Docteur Willis , qui
a humblement ſupplié S. M., non-feulement de
n'en pas parler encore ,mais même de n'ypas penſer;
ce que le Roi lui a promis »
«Le Docteur Willis a prévenu la Famille
Royalede ne point s'alarmer s'il furvenoit quelque
rechute dans la convalescence; la cure complète
de toutes les maladies du cerveau étant or
dinairementprécédée de ces retours . »
Le Roi a déja repris ses dînés de famille
: il a vu le Chancelier , M. Pitt et
Milord Hawkesbury. Dans la visite que
lui rendit le premier de ces Ministres ,
le. Roi le questionna , avec un intérêt
marqué , sur les affaires de la Baltique ,
sur la mort du Roi d'Espagne , et sur
les affaires intérieures de l'Angleterre.
Milord Thurlow, pour toute réponse ,
pria S. M. de se souvenir de la promesse
-qu'Elle avoit faite , de s'abstenir pourquelque
temps encore de ce genre de conversation.
Le Prince de Galles et le
Duc d'Yorck ont été admis hier aupres
du Roi; cette entrevue d'une heure fut
aussi touchante qu'affectueuse .
Il n'est pas sans apparence ,vu les pro
(16)۱
grès rapides que fait chaque jour le rétablissementdu
Chefde la Nation , qu'elle...
le voie avant 15 jours au Parlement.On
a attribué aux Ministres le projet de
faire nommer , par le Roi lui-même ,
une Régence de six mois , avec un Conseil-
Permanent ; mais cette idée ne repose
que sur l'autorité de quelques Papiers
publics. Aujourd'hui , le Conseil-...
Privé s'est assemblé pour entendre les..
Médecins , et ce soir même le Parlement
aura étéinformé des mesures ultérieures;
la Chambre des Communes , comme
celle des Pairs , s'étant ajournée à aujourd'hui.
Il ne manquoit plus que cette révolution
fortunée à la gloire du Ministère,
en particulier à celle du Chancelier
etde M. Pitt , qui ont conduit l'Etat.
dans ces épineuses conjonctures , avec
tant de sagesse et de courage. La loi ,
l'analogie , l'esprit de la Constitution , i
la, fidélité due au trône , le maintien det
l'autorité Royale , celui de la liberté pu
blique, et des droits sacrés du Parlement,
toutes les convenances d'intérêt..
général justifioient les plans , les com
bat's , les victoires de ces Ministres. A
tant de titres , le rétablissement du Roi
ajoute maintenant celui d'une prévoyance
digne des plus grands éloges ;car ,
si l'Opposition eût triomphe , si l'on
eût obéi à sa précipitation, si l'on eût
cru ses assertions contre tout espoir
(17 )
de voir le Monarque rendu à la Nation
; si , defait , on eût détrône le Roi ,
tout vivant , pour investir son Fils et
les Chefs d'une faction , des pouvoirs illimités
du Gouvernement ; si l'on eût
bouleversé toutes les places , pour les
remplir de nouveaux sujets , quelle dépense
! quels dangers ! et ensuite quels
repentirs !
On se plaint souvent , et avec raison ,
de voir les caractères s'affoiblir de plus
en plus , et vérifier ce qu'a dit J. J.
Rousseau, avec tant defondement : Que
les ames s'énervent à mesure que.. les
arts , la politesse et les dons de l'esprit..
se développent. Cette observation
augmente la surprise que doit inspirer
la conduite mâle , judicieuse , inflexible,
d'unMinistre de trente ans , qui sait gou-..
verner avec un pareil empire , l'Etat
le plus libre et le plus éclairé de l'Europe.
Il n'est pas un genre de talent que..
M. Pitt n'ait déployé ; pas une vertu
publique dont il n'ait donné l'exemple...
D'avance , il a médité la position critique
où tomboit le royaume ; il a prévu tous ..
les obstacles que lui opposeroient les
passions , l'esprit de parti , les préjugés.
Une fois sa marche fixée , il s'est appuyé
surdes droits de la Nation et sur ceux du
Trône . Ni les menaces , ni la certitude..
de déplaire au Prince de Galles, ni les
efforts d'une ambition près d'être cou- ..
ronnée , ne l'ont ébranlé. Toutes ses me(
18 )
sures ont été une chaîne bien tissue ,
attachée aux principes fondamentaux,
Vainement l'Opposition a épuisé tous
les expédiens pour tenter de la rompre , :
en variant ses motions contradictoires
sous les formes les plus spécieuses. Temporisant
sans affectation , calme au milieu
de cette tempête des volontés , sourd
aux injures , l'oeil toujours fixé sur son
gouvernail , il a franchi les écueils , et ,
sans s'écarter un instant de son plan
général, il a emporté toutes les questions.
La première motion décidéer,
les suivantes ont découlé de cette rèconnoissance
du droit du Parlement à
constituer la Régence : la fermeté du
Ministre et sa dextérité ont paré jusqu'au
bout toutes les atteintes qu'on a
voulu porter à ce principe, Ce qui n'est
pas moins digne de remarque , c'est le
sang-froid et la persévérante modération
de M. Pilt. Accablé de personnalités
, on ne lui a pas surpris un instant
de chaleur. Lorsque M. Sheridan , M.
Burke,M.Grey, ont osé lei reprocher ,
à plusieurs reprises , qu'il encouroit
la disgrace du Prince de Galles , qu'il
méritoit sa défaveur, qu'il se sentoit indigne
de ses graces , il a repoussé ces
bassesses avec la noble fierté qui sied à
la vertu et au génie .
Pour mettre le comble aux singularités
de tout genre dont cette crise a été
accompagnée , à l'instant où l'on annon-
:
も
(19)
coit àLondres la convalescence du Roi,
le Parlement d'Irlande , pour contraster
avec celui d'Angleterre , déferoit au
Prince de Galles la Régence illimitée.
Cette décision , au moins précipitée , a
été l'ouvrage d'une Séance unique , et
du crédit de quelques Familles puissantes
, honorées très - récemment de
places et de pensions , mais qui apparemment
en espéroient la conservation
de la part des nouveaux Ministres. Le
Vice-Roi , auquel on a remis l'Adresse
par laquelle on invite Son Alt. R. à se
charger in pleno du Gouvernement , a
refusé de la recevoir , comme étant illégale.
Sur cet incident , les Communes
Irlandoises ont dû s'assembler quelques
jours après le rétablissement du Roi
né les jette pas dans un moindre embarras.
La Chambre Haute s'étant formée , le
17 , en Comité général , pour entendre
la troisième lecture du Bill de Régence ,
et le discuter , le Marquis de Carmarthen,
Secrétaire d'Etat au Département
Etranger , proposa et fit agréer de légers
amendemens à differentes clauses du
Bill. Lords Porchesteret Stanhope en
proposèrent , de leur côté , qui furent
rejetés , et la Séance se termina par une
invitation du Lord Chancelier à l'Assemblée
, de différer jusqu'au lendemain la
poursuite de la discussion ; ce qui fut
consenti. Ce renvoi , ces modifications ,...
"
(20 )
et celles qui furent mises en avant le
lendemain , avoient pour principe le
changement heureux survenu dans la
santé du Roi ; changement dont les progrès
, favorables de plus en plus , devoient,
nécessairement retarder...l'acte...
solennel soumis à la délibération du
Parlement.
La clause relative aux pouvoirs de la
Reine fut assez longuement débattue ,
le 18 , parles Lords Rawdon , Radnor,
Stormontet Carlisle , du côté de la
Minorité ; par les Lords Hopetoun ,
Richmond , Hawkesbury, Fauconberg
et Sydney , du côté du Ministère ; enfin ,
V'amendement,demandé par LordRang
don, fut rejeté à la pluralité de 89 voix
contre 66. Milord Sydney , Secrétaire ci
d'Etat au Département intérieur , égaya
la Séance par une allusion piquante à
la conduite du vieux Duc de Q., Genr
tilhomme de la Chambre du Roi, et
l'un des déserteurs du Gouvernement :
Il n'est pas étonnant , ditril , devyoir
<<<s'agenouiller devant l'astre qui se
<< lève , ceux qui , sans oreilles , sans
<< dents , sans yeux ( le Duc de Q a un
<< oeil de verre ) , nuls en toutes facul-
« tés , se sont faits, les complaisans et
<< les.compagnons des plaisirs de la JEW-
<<NESSE. "
La dernière clause devoit être discutée
le 19 , lorsque ce jour -là , le
Chancelier , quittant la Présidence ,
(21 )
et s'adressant à la Chambre , lui dit :
*Qu'il s'eſtimoit heureux d'être fondé à informer
leurs Seigneuries , que , depuis que les Médecins
de S. M. avoient prononcé qu'Elle étoit dans l'état
de CONVALESCENCE , leurs rapports annonçoient
un mieux foutesu;&des progrès journaliers vers
run entier rétabliſſement. Les nouvelles qu'il avoit
reçues le même jour de Kew, étoient fi favorables
, qu'il étoit perfuadé que tous les nobles
Lords , des deux côtés de la Chambre , s'accorderoient
à recomoître avec lui qu'on ne pourroit
, fans indifcrétion , procéder ultérieurement
dans la grande affaire qui les occupoit , parce que
les motifs fur leſquels étoit fondé le Bill actuellement
ſous leurs yeux , étoient entièrement évanouis.
>>
« Il étoit für que chacun des Membres en
particulier penſoit de même ſur ce point : il oſoit
croire auſſi , qu'au milieu de la joie univerſelle
que devoit cauſer l'heureux & prompt rétabliſſement
de S. M. , perſonne ne s'oppoſeroit à ce
qu'on différât pour quelques jours de paſſer le
Bill. »
« Il félicitoit les deux Chambres & la Patrie ,
*de ce qu'elles alloient enfin voir réaliſer un événement
hâté par les voeux & les prières des fidèles
Sujets de S. M. , & il foumettoit humblement à
leurs Seigneuries, l'avis d'ajourner le Comité au
mardi ſuivant ( aujourd'hui. ) On ſeroit alors plus
en état de juger , d'après l'état actuel de la ſanté
deS. M., des meſures néceſſaires. »
« Le Lord Chancelier conclut fon diſcours
par la motion , que le Comité fût ajourné au mardi
Suivant. »
"Jamais , dit Lord Stormont , je ne me fuis
>> levé avec plus de fatisfaction pour prendre la
» parole ; jamais , dans aucune époque de ma
(22)
» vie, je n'ai reſſenti une joie auſſi vive. Il eſt
» bien doux pour moi de voir qu'enfin nous
>> pouvons eſpérer le prompt rétabliſſement du
>> Roi. La ſanté du Corps politique eſt attachée
» à celle de S. M. , elle aſſurera le ſalut de la
>>Patrie. Et en effet , les Régences ont été dans
>> tous les temps des expédiens néceſſitéspar l'ur-
>> gence des conjonctures , mais que tout bon
» Citoyen a dû déſirer qu'on pût fe diſpenſer
>> d'employer. Je regarde le préſent Bill de Ré-
» gence , comme un nouveau poid accablant ,
>> ajouté aux calamités qui ont déja travaillé ce
>> pays. Qu'il me ſoit donc permis de me féliciter
>> en mon particulier , de voir réaliſer les eſpé-
>> rances confolantes que nous préſente le noble
»& ſavant Lord ; moi qui me trouverois alors
<<diſpenſé dudevoir pénible que la néceffité des
>> circonstances m'auroit impofé ; devoir ſi dur ,
» qu'il n'auroit pas moins fallu que des conjonc-
>> tures aufſi preſſantes pour me déterminer à
>> m'encharger (1 ). Je ſuis convaincu que , quelque
« difficultés , quelque embarras que le Bill actuel
» eût préſenté au Prince de Galles , S. A. R.
>> auroit montré au moins une partie de cette
>> application ſérieuſe aux affaires , fruit de la
>> ſageſſe politique & du zèle pour la Conftitu
>> tion , que l'on peut attendre d'Elle , quand
» l'ordre naturel des choſes la conduira au Trône;
" pour moi je n'en ſerai pas le témoin : mon
» âge m'autoriſe à croire que mes yeux ſe fer-
»meront long-temps avant cette époque. Mais
» je vois ici un grand nombre de Lords , qui ,
>> dans le cours de la nature , doivent vivre aſſez
(1 )MilordStormont dévoit être Secrétaire d'Etat
des Affaires Etrangères , dans la nouvelle Adminiſtration.
(23)
» pour voir ce jour, & qui , je l'eſpère , ſeront
>> convaincus par expérience de la vérité de ma
» prédiction . Déterminé par la reſponſabilité des
>> Miniſtres , garants des meſures qu'ils adoprent ,
>> j'accède à la motion du noble &favant Lord ,
» & je conſens volontiers à tous les délais que
» l'Adminiſtration pourra propoſer , d'autant
>> mieux que les choſes me paroiſſent prêtes à
>> rentrer dans leur cours ordinaire & naturel .-
» Ce qui ne peut manquer de donner à la Nation
>> une joie& une fatisfaction que tout le monde
>> partagera, ».
« S. A. R. le Duc d'Yorck , dit que les nouvelles
qui venoient d'être données à leurs Seigneuries
par le noble & favant Lord , le pénétroient
de la joie la plus ſincère ,& de la fatisfastion
la mieux ſentie; que s'il avoit reçu ces
heureuſes informations par quelque canal authentique,
il ſe ſeroit fait un plaiſir de préſenter luimême
la motion foumiſe à leurs Seigneuries. Il
s'étoit rendu à Kew , le jour précédent , ajouta
S. A. R. , pours'acquitter de ſes devoirs envers fon
père , fans avoir eu le bonheur de voir le Roi ,
les Médecins ayant jugé que ſon entrevue avec
S. M. pourroit avoir quelque inconvénient. -
Son A. R. avança que fon frère (le Prince de
Galles )accéderoit sûrement à lamotion , & l'auroit
même chargé de la faire , s'il avoit eu conno
ſſance des heureuſes nouvelles qui la motivoient;
il partageroit la joie génerale , & ce ſeroit avec
grand plaiſir qu'il ſe verroit tiré de la ſituation
embarraſſante dans laquelle il ſe ſeroit trouvé , fi
l'indiſpoſition de S. M. avoit continué. En conféquence,,
laqueſtion fut propoſée ,& l'on ordonna
à l'unanimité que le Comité s'ajourneroit au
mardi ſuivant. »
<<<Le pouls de M. Burke , dit le
( 24 )
<<World , est monté avec les fonds
< publics , et il est aujourd'hui , juste ,
<<à dix au-dessus du prix des actions de
<<la Banque , c'est-à-dire , à 182. Ceux ,
<< ajoute-t-il , qui ont entendu les révol-
<<tantes expressions dont M. Burke s'est
<<servi contre son Roi, affligé de la plus
<<cruelle infirmité , se rappelleront que
<< c'est lacependantle mêmehommequi ,
<< l'année dernière , versoit des larmes
<< amères , et phrasoit des périodes sur
<< la pipe du Raja de Benarès , si inhu-
<<mainement privé des douceurs de la
<<Royauté orientale>. >
Autant la conduite de quelques-uns
des chefs de la Minorité leur a mérité
d'improbation , autant celle du Duc de
Portland et de M. Fox a été décente et
respectable. Ce dernier s'est écarté par
raison de santé , et n'a plus voulu
prendre de part à des mesures qu'il
désapprouvoit.
Il a été expédié , le 18 , de Kew et de
l'Office des Affaires étrangères , une
quantité de lettres adressées aux Cours
d'Allemagne , Alliées de la FamilleRoyale,
et aux Ministres de Sa Majesté dans
l'Etranger.
On est occupé actuellement à dresser
à la douane, par ordre des Lords de la
Trésorerie , un état des importations de
Russie , pendant les quatre années qui
ont précédé le jour de Noël 1788 , et un
état pareil des exportations , pendant le
même
( 25 )
même temps , en distinguant chaque article
respectivement .
Il doit être fait un état semblable des
importations de la Suède , pendant le
même espace de temps , ainsi que des
exportations , avec les mêmes distinctions
. Item , des exportations pour la
France , depuis la signature du traité de
commerce , ainsi que de ses importations
jusqu'au jour de Noël dernier.
Depuis le 2 août 1786 , jusqu'au 2 février
1789 , le Gouvernement a racheté
les fonds suivans :
Actions confo- Fonds rachetés . Prix du rachat.
lidées à 3 p.: 1,681,800..1,251,1011.13 1.
Annuités réduites
.... 672.700 .. 501,386 19 6
Anciennes annuités
duSud, 666,200.. 497,818 • .
Nouvelles annuités
duSud, 450,300 .. 336,077 11 3
Annuités du
Sud 1751 .. 155,000 .. 114,966
TOTAL.. 3,626,000..2,701,3501.3 1.10
Voici une liſte exacte des vaiſſeaux de guerre
qui ont été mis depuis peu en commiffion par
ordre du Bureau de l'Amirauté.
La Bellone de 74 canons , Capitaine Hartwell,
pour être employée comme vaiſſeau de garde à
Portsmouth.
Le Centurion de 50 , Capitaine Sawyer , deſtiné
pour la ſtation d'Amérique , & à bord duquel
l'Amiral Douglas doit arborer ſon pavillon.
Nº. 10. 7 Mars 1789 . b
( 26 )
)
1
L'Endymion de 44 , que doit monter le Lieutenant
Woodriffe , équipé comme vaiſſeau munitionnaire
pour tranſporter aux ifles des troupes ,
parmi leſquelles ſe trouve un corps d'ouvriersd'Artilleriede
terre, deſtinés à êtreemployés aux réparations
projetées des fortifications d'Antigoa , de
la Barbade , de Saint-Christophe , &c. pour lefquelles
il a été embarqué pluſieurs milliers de
briques neuves deſtinées à cet objet.
LaBlanche de 32 , Capitaine Murray, vaiſſeau
neuf lancé en 1786 , qui n'a jamais été à la mer ,
deſtiné pour la Jamaïque , où il doit relever ua
des vaiſſeaux de l'eſcadre de cette ſtation .
La Blonde de 32 , Capitaine Affleck , vaiſſeau
neuflancé en 1787 , & quin'a jamais été à la mer ,
deſtiné pour les Indes occidentales.
Tous ces vaiſſeaux ſont en équipement à Portfmouth
, excepté le Centurion , qui eſtdans la Medway.
Ily a ordre de viſiter la Méduse , vaiſſeau neuf
de 50 canons , actuellement en ordinaire à Plimouth
, ainſi que 5 autres frégates & deux cor--
vettes dans les différens ports , avant d'être mis
en commiffion pour divers ſervices.
On équipe actuellement à Rother
hithe onze vaisseaux destinés pour la
pêche de la baleine, dans le détroit de
Davis et le long de la côte du Groenland
oriental. Ces bâtimens doivent partir
assez à temps pour pouvoir gagner les
mers du Nord avant la séparation des
glaces ; les Navigateurs au pole septentrional
ayant généralement remarqué
, qu'après un hiver aussi rude que
celui qu'on vient d'éprouver en Europe,
les baleines se tiennent plus au Sud,et
(27 )
qu'on en prend en plus grande quantité,
sans que les vaisseaux soient obligés de
se porter à des latitudes aussi élevées.
Après les hivers de 1763 et de 1776 ,
plusieurs des bâtimens employés à la
pêche de la baleine ont fait deux voyages,
et pas un n'est rentré vide. La plupart
des vaisseaux sortis d'Ecosse ont pris
chacun quinze ou dix- huit baleines ,
et le plus grand nombre d'entre elles
étoit de l'espèce des spermaceti.
P.S. du 27. Le Roi est si parfaitement
rétabli , qu'hier les Médecins ont déclaré
qu'il n'y auroit plus de Bulletins.
FRANCE.
De Versailles, le 25 février.
Le 15 , le Roi a nommé le Duc d'Ayen , Lieutenant-
généralde ſesarmées , pour prendre féance
au Conſeil de la Guerre.
Le Vicomte Turpin de Jouhé , le Baron de
Pimodan , le Marquis de David de Laſtours , le
Chevalier de Chabrillan , qui avoient eu l'honneur
d'être préſentés au Roi, ont eu, le 17, celui de
monter dans les voitures de S. M. , & de la ſuivre'
àla chaffe.
是
Le 15 de ce mois , le Prévôt des Marchands
de la ville de Paris a remis au
Roi les mémoires, réquisitoires et arrêtés
du Bureau de la Ville , concernant la
manière dont les habitans de cette capibin
( 28 )
A
tale doivent être représentés aux Etats-
Généraux du Royaume.
De Paris , le 4 Mars.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 25-
février 1789 ; extrait des Registres du
Conseil d'Etat.
Le Roi , informé que dans pluſieurs Provinces
on a cherché & l'on cherche encore à gêner le
libre fuffrage de ſes Sujets , en les engageant à adhérer
, par leurs figratures , àà des écrits où l'on
manifeſte différens voeux&diverſes opinions fur
les inſtructions qu'il fau droit donner aux Repréſentansde
la Nation aux Etats-généraux , & SaMaj .
conſidérant que ces inſtructions ne doivent être
diſcuées&déterminées que dans les Affemb'ées de
Bailliages où ſe fera la réduction des cahiers de
toutes les Communautés , Elle ne fauroit tolérer
desdémarchesqui intervertiroient l'ordre établi , &
qui, apportent des obſtacles à ſes vues bienfaiſantes,
contrarierorenten même temps le voeu général
de la Nation. A quoi voulant pourvoir : Oui
le sapport; leRoi érant en fon Conſeil , a ordonné
&ordonne ce qui fuit :
ART. I. Sa Majesté caffe & annulle toutes les,
délibérations qui ont éré ou qui pourroient être priſes
relativement aux Etats-généraux , ailleurs que
dans les Communautés&dans les Bailliages aſſemblés
felon les formes établies par Sa Majefté .
II..Défend Sa Majeſté , ſous peine de déſobéiffance,
àtous fes Sujets indiſtinctement, de folliciter
des fignatures , &d'engager d'une ou d'autre manière
à adhérer à aucune délibération relative aux
Etats-généraux , laquelle auroit été ou feroit concertée
avant lesAſſemblées de Bailliages ou Com(
29)
munautés , déterminées par le Réglement de Sa
Majefté du 24 janvier dernier.
Enjoint Sa Majefté aux Commandans pour fon
fervice& aux Commiſſaires départis dans les Provinces
de fon royaume , de tenir la main à l'exécutiondu
préſentArrêt, lequel ſera lu , imprimé ,
publié & affiché par-tout où beſoin fera.
Fait au Confeil d'Etat du Roi, Sa Majeſté y
étant, tenu à Verſailles,le vingt-cinq février mil
ſept cent quatre vingt-neuf. Signé LAURENT DE
VILLEDEUIL.
2
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 14
février 1789, qui supprime un Imprimé
ayantpour titre :Détail de ce qui s'est
passé à Rennes , le 26 janvier 1789
commençant parces mots : Notre ville
a eu , et finissant par ceux-ci : Se sont
passés , avec cette apostille en lettres
italiques : Le reste à l'ordinaire prochain.
Le Roi étant informé que l'on diftribue dans
le Public un Imprimé ayant pour titre : Détail
de ce qui s'eſt paſſsé à Rennes le 26 janvier 1789 ,
commençant par ces mots : Notre ville a eu , &
finiffant par ceux- ci : Se font paffés , avec cette
apoſtille en lettres italiques : Le reste à l'ordinaire
prochain. Sa Majesté, ſur le compte qu'Elle s'en
eſt fait rendre , a reconnu que cet Imprimé , répandu
avec une profufion affectée , contenoit des
récits infidèles&des expreffions injurieuſes , outrageantes
même pour la Nobleſſe , qui , par ſes
ſervices, a, dans tous les temps, donné des preuves
multipliées de ſon attachement inviolable au Roi
& à la Nation , en veillant ſans ceſſe à la défenſe
de la Parrie. Ce: Imprimé répréhenſible ne peut
tendre d'ailleurs qu'à détruire la confiance réciproque,
ſi néceſſaire à maintenir dans les diferentes
A
bij
(30 )
claſſes de Citoyens . Pour en arrêter les ſuneſtes
effets,&en attendant qu'il foit pris des meſures
propres à prévenir la licence à laquelle on ſe
livre en imprimant toutes fortes d'Ouvrages fans
aucune fanction , Sa Majesté a penſé qu'il étoit
de ſon devoir , comme de ſa juſtice , de ſévir
particulièrement contre un Ecrit auſſi condamnable.
A quoi voulant pourvoir : Oui le rapport ;
leRoi étant en fon Confeil , de l'avis de M. le
Garde des Sceaux , a ordonné & ordonne que
ledit Imprimé ſera& demeurera fupprimé , comme
contraire au bon ordre , & attentatoire à la confidération
due à la Nobleſſe; a fait & fait trèsexpreſſes
inhibitions &défenſes à tous Libraires ,
Imprimeurs , Colporteurs & autres perſonnes ,
de quelque qualite & condition qu'elles soient ,
de l'imprimer , vendre , diftribner , colporter ou
retenir, ſous les peines preſcrites par les Ordonnances,&
c.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du rer .
février 1789, qui modère le Droit percu
sur les SoudesetPotasses à l'entrée de
la Normandie.
On a publié ces jours derniers , les
Lettres de Convocation pour différens
pays d'Etats ; savoir , pour le Languedoc ,
P'Alsace , la Bourgogne , la Lorraine et
Barrois , l'Auvergne , les Trois- Evêchés
et le Clermontois. Les réglemens particuliers
à ces provinces sont analogues à
leur régime , et rédigés sur les principes
établis dans le résultat du Conseil du 27
décembre : le Languedoc aura, aux Etatsgénéraux
, 20Députations , ou 80 Députés
; l'Alsace , 6 Députations , ou 24 Députés
; laBourgogne , 16Députations , ou
A
( 31 )
5
64. Députés ; la Lorraine et Barrois , 9
Députations, ou36 Députés; l'Auvergne,
3Députations , ou 12 Députés ; les Evêchés
et Clermontois , 5 Députations , ou
20Députés. Les autres pays d'Etats recevront
incessamment de pareils réglemens.
Le préambule de celui pour l'Alsace
, daté du 7 février , et de la teneur
suivante :
La conſtitution de la province d'Alface , exigeantdes
meſures particulières pour ſa convocation
auxEtats-généraux ,&Sa Majesté ne voulant
s'écarter , que le moins qu'il fera poſſible , des
formes qu'Elle a preſcrites pour appeler les autres
Sujets de fon Royaume à ladite Aſſemblée , Elle
auroit réſolu de ſuppléer aux Baillis&Sénéchaux
d'épée qui n'exiſtent point en Alface , en attribuant
, pour cette circonſtance ſeulement , à trois
Gentilshommes , les fonctions attachées aux chargesque
les Bail is & Sénéchaux d'épée ont toujours
exercées en France , lors des différentes tenues
d'Afſemblées d'Etats-généraux.
Mais , attendu qu'en Alface il n'ya point de
Baillis d'épée nide Bailliages qui aient la connoifſance
des cas royaux ,& qu'en conféquence iln'a
pas été poſſible de ſe ſervir de l'arrondiſſement
de leurs refforts pour diviſer la province , Sa
Majesté a jugé d'autant plus convenable d'adopter
ladiviſion qui en a été faite en fix diſtricts , lors
dela création de l'Aſſ mblée provinciale d'Alface ,
qu'Elle eſt inſtruite que dans ce partage , fait avec
beaucoup de ſoin , on a obſervé les plus exactes
proportions.
en
Sa Majesté a auſſi conſidéré que la ville de
Strasbourg ayant paſſe ſous fa domination
vertu d'une capitulation qui lui conſerve ſes priviléges
, droits& uſages , ayant unterritoire parbiv
(32 )
tiguier , & étant foumiſe à une Adminiſtration
ſéparée , pour pluſieurs objets , de celle du reſte
de laprovince étoit dans le cas d'obtenir une
députationdirecte.
,
1
Elle a cru devoir accueillis la même demande
formée par les dix villes Impériales d'Alface , qui
avoient voix autrefois aux Diètes de l'Empire , &
qui , quoiqu'éparſes ſur différens points de la
Province , forment cependant un corps , & peuvent
ſe réunir par Députés , ſous la préſidence du.
Grand-Préfet.
Le nombre des Députés de la province d'Alface,
ferade 24 , dont fixdu Clergé , ſix de la Nobleſſe ,
&douze du Tiers-état.
2
Réglement pour l'exécution des lettres
de convocation dans la province de Lorraine
et Barrois .
Cette province ayant été unie à la Couronne
poſtérieurement à la dernière Aſſemblée desEtatsgénéraux
, tenue en 1614 , il est néceſſaire de
fixer , par un Réglement particulier , la forme...
dans laquelle cette province doit être convoquée
à la prochaine Aſſemblée deſdits Etats-généraux.
La diviſion de cette province par Bailliages
royaux , qui ont tous àleur tête un Pailli d'épée,
qui reſſortiflent aux Parlemens , avec la connoiffance
des cas royaux , paroît offrir les mêmes
élemens qui ont fervi à régler la convocation des
autres provinces du Royaume ; cependant le
nombre de ſes Bailliages ayant été très-multiplié
par l'Edit de leur création , en 1751 , il en réfulteroit
que , fi chacun d'eux envoycit une députation
auxEtats-généraux , le nombre des Députés
de la province ſeroit beaucoup plus grand qu'il
nedoit être dans la proportion de ſa population
&de fa contribution avec le reſte du Royaume.
Sa Majesté ne voulant priver aucun de ces Bail-
1
(33)
liages , ayant tous les mêmes caractères , d'un
droit qui ſemble y être attaché , s'eſt déterminée
à leur en laiſſer l'uſage , de manière cependant à
prévenir le nombre diſproportionné des députations
qui exciteroit de juſtes réc'amations de la
part des autres provinces du Royaume , en épargnant
néanmoins aux Députés , qui feront élus
dans les Bailliages , l'incommodité d'un trop
grand déplacement ,& en diminuant les frais.
Les députations de cette province feront au
nombrede neuf, composées chacune d'un Membre
du Clergé, d'un de la Nobleſſe & de deux du
Tiers-état.
Le 26 janvier dernier , le Clergé , la
Noblesse et le Tiers-Etat de la ville de
Châteauroux en Berry , ont délibéré et
'arrêté , à l'unanimité , les articles suivans
:
1º. De fupplier Sa Majeſté d'agréer nos trèshumbles
remercimens , d'avoir fait éclater ſa jufticedans
le réſultat de ſon Confeil du 27 décembre
dernier,& qu'à cet effet, il lui fera adreflé une lettre
aunomdes trois ordres réunis des citoyens de cette
ville. 2°. De lui manifeſter que le voeu des trois
ordres réunis de cette ville, eft que lors del'ouverture
des Etats gépéraux , les trois ordres de
l'Etat décident qu'ils demeuteront unis ; délibèreront
en commun , & que les voix feront comptées
par têtes , & non par ord es 3°. De fupplier
Sa Majelté d'agréer la renonciation qué lès
ordres du Clergé , de la Nobleff: & les Privilégiés
de cette ville font à tous leurs priviléges pécuniaires
, le voeu qu'ils forment de contribuer à
toutes les charges de l'Etat dans la proportion de
leurs facultés , & celini de voir les Etats généraux
le farctionner. 4º De feconder les défirs de fon
peuple, en adimettant fordre des Curés comme
by
( 34)
électeurs&éligibles dans l'ordredu Clergé , pour
le repréſenter aux Etats-généraux. 5 °. De ſubſtituer
à l'Adminiſtration provinciale du Berry , des
Etats provinciaux ſemblables à ceux nouvellement
établis dans la province du Dauphiné. 69. Il a
été arrêté auſſi que MM. les Officiers Municipaux
adreſſeront la préſente délibération à
M. Necker , Miniſtre d'Etat , & le prieront d'être
notre interprète auprès de Sa Majefté ; remercieront
ce Miniſtre citoyen & vertueux des fervices
importans qu'il rend à l'Etat , & l'engagerontà
continuer à la Nations ſesbons offices,&c.
Nous rapportâmes , il y a huit jours ,
les conclusions de la Requête au Roi, du
Tiers-Etat de Dijon. L'impartialité sé--
vère dont nous nous faisons un devoir
sacré au milieu de ces contestations ,
exige que nous soumettions au Public
les raisons exposées de part et d'autre.
Dans ce but, nous allons transcrire une
lettre signée , adressée à l'estimable
Auteur du Journal Généralde France,
et dont on nous a demandé la publicazion.
Flavigny en Bourgogne , 20 février 1789.
«Je viens de lire , Monfieur , l'extrait que vous
donnez de la Requête des Avocats de Dijon ,
dans votre Feuille du mardi 17 février. Vous êtes
trop juſte pour refufer de publier de même la
Déclaration que l'Ordre de la Nobleſſe a faite ,
de renoncer à toutes ses diftinctions pécuniaires ,
long-temps avant que le Mémoire des Avocats
fût même projetté. Vous ſavez qu'en toute cauſe
on doit obſerver la maxime audi alterampartem.»
«Voici , Monfieur , ce que j'ai à dire à la dé(
35)
charge de la Nobleſſe. Le Tiers-Etat a été vexé ,
mais c'eſt parce que ſes Repréſentans n'étoient
pas légaux ; ceux de la Nob'effe ne l'érojet pas
davantage; le deſpotiſme miniſtériel peſoit fur
tous les Ordres. Il n'alloit aux Etats que des
parafites ou des jeunes geus amoureux de fêtes :
l'honnête pèrede famille , qui ſavoit qu'une Lettrede-
cachet auroit enchaîné fon zèle , évitoit de ſe
trouver dans une aſſemblée inconſtitutionnelle , où
l'on ne répondoit aux raiſons que par des coups
d'autorité : la Nobleſſe n'a dorc pu protéger le
Tiers ; ele n'a pu même s'oppoſer aux dépenſes
inutiles que l'Adminiſtration réſo voit même dans
les temps les p'us calamitoux.
«Les plaintes duTiers-Etat font légitimes ;mais
l'Arrêté que je prends la liberté de vous envoyer
l'afatisfait. Un ſeul Ordre de citoyens , qui s'est fait
affez connoître pour que je fois diſpenſé de le
nommer , réclame contre des abus que la Nobleſſe
a autant d'intérêt que le Tiers-Etat de faire ceſſer.
Elleréclama aux Etats de 1787 contre l'illégalité
de la plupart des membres du Tiers-Etat , & furtout
contre le droit que les Elus fe font arrogé
de nommer & de deftituer les Maires cequi
les rend abſolument paſſifs. Elle a reclamé le droit
impreſcriptible de nommer fon Elu ; & , ce qui
vous ſurprendra , c'eſt que l'Ordre du Clergé &
duTiers Etat refusèrent la première fois d'appuyer
ſa demande. Ce font , à peu de choſes près , les
mêmes membres du Tiers qui ofent inculper la
Nobleffe. Il connoît les coupables , & n'ofe les
nommer ; il attaque les innocens , que dis-je ? il
ſonne le tocſin contre eux,
,
Tout ce que j'ai vu de vous , Monfieur , annonce
l'impartialité. Je ne doute pas que vous
ne rendiez juſtice à la Nob'eſſe Bourguignonne au
premier ordinaire. La précipitation avec laquelleje
vous écris , ne me perimet pas de mettredans mon
f
bvj
( 36 )
Ayle les graces qu'ont nos adverfaires; mais j'y
mets labonne-foi qu'ils n'ont pas : car ils savent
bien que la Nobleſſe veut partager avec le peupletous
les impôts quelconques , qu'ils ne paient
pasplus que nous ; car il y a plus d'exemptsdans
l'Ordre du Tiers , que dans la Nobleffe & le
Clergé réunis.८८
«Je vous jure, Monfieur , foi de Gentilhomme,
qu'il n'eſt plus queſtion en Bourgogne que de la
manière de voer. Nous répugnons à celle de voter
par tête , 1º, parce qu'il eſt impoſſible de s'entendre
dans unegrande aſſemblée. »
2°. Parce que , même en fixant les trois quarte
pour la majorité , un Ordre entier pourroit être
lié contre fon voeu unanime , puſque le Tiers-
Etat veut avoir la moitié des ſuffrages. "
*3°. Parce que nous voyons que le plan du
haut Tiers tend à la démocratie ou au deſpotifme.
«
*4°. Parce que c'eſt intervertir l'ancien uſage ,
qui n'a plus d'inconvéniens , dès que les impôts
feront fupportés également par tous les Ordres ,
& que le Tiers ne pourra plus former de doute
fur cet objet , lorsqu'il aura reçu la ſanction des
Etats -Généraux. «
,
" 5 ". Parce qu'un Ordre n'a pas le droit de
changer la forme de l'Administration , ni le Roi
à qui il le demande , fans le conſentement des
trois Ordres intéreſſés . «
«6º. Parce que le Tiers-Etat , réduit aux propriétaires,
ſeuls capables de décider la queſtion ,
puiſqu'i's font ſeuls vraiment intéreſſes , ſe réduit
àlamaſſe de ſes proprié aires ; car vous favez
mieux que moi , Monfieur , que les Proletaires
n'étoient point admis dans les Comice par centuries
, & que les Quirites avoient seul le droit
d: voter..
Je suis , &c. le Vicomte DE CHASTENAY.
(37 )
P. S. Comme je ne crains pas d'être démenti ,
jenedemande pas de reſter anonyme .
:
Déclaration dela Nobleſſe de Bourgogne au Peuple
des villes&dela campagne. :
«LaNobleſſe de Bourgogne , après avoir déclaré
avec loyauté , qu'ELLE RENONÇOIT FORMELLEMENT
A TOUTE DISTINCTION PECUNIAIRE,
pour déſabuſer LE PEUPLE des fauſſes interprétations
données à des intentions auffi pures , croit
devoir déclarer de nouveau qu'elle s'eſt engagée
à partager avec lui TOUTES LES IMPOSITIONS
PRÉSENTES ET A VENIR . “
Enfin, la Nobleſſe prévient LE PEUPLE , DONT
LE BONHEUR L'INTÉRESSE VIVEMENT , que ce
que l'on pourroit lui dire de contraire à la préfente
Déclaration , ne ſeroit que menfonge &
calomnie.
Signé , au nom de la Noblefſſe , VIENNE , Préfident
de l'Aſſemblée de la Nobleſſe .
Le Marquis DE DIGOINE , Secrétaire de l'Afſemblée
de la Nobleſſe.
Le Comte DE BATAILLE DE MANDELOT , Secrétaire
de l'Aſſemblée de la Nobleſſe.
Pendant l'année 1788 , il est entré dans
le port de Nantes , 128 Navires , dont 6
venant de la Martinique ,7de laGuadeloupe
, et 115 de Saint-Domingue. Durant
le cours de la même année , il est
entré dans le port de Dieppe 61 Navires ,
venant de la pêche de la morue , sur le -
banc de Terre-Neuve.
- Le vedredi s ſeptembre dernier, le feu prit
àune maifon au centre de la ville de Sangues en
Gévaudan , & en moins de quatre heures , cent
quatre maiſons furent réduites en cendres . La
(38)
violence des flammes rendit tous les fecours inutiles
:effets , papiers , meubles , linge , &généralement
toute eſpèce de provifiors de bouche
furent confumés ; au nombre de ces maiſons,
ſont pluſieurs édifices publics , l'Hôpital , la Maiſonde
l'Inſtruction , la Maiſon de Ville , le Prefbytère
, les Priſons , trois Eglifes ; cellede Paroiſſe
a été très - conſidérablement endommagée. Il a
péri encore dans cet incendie une quantité immenſe
de grains , qui , dans cette année, auroit été
une reſſource très-conſidérable pour le pays.
Parlezèle&les charités de l'Evêque de Mende ,
deſesGrands-Vicaires , du Syndic du Diocèſe ,
&des Seigneurs voiſins , cette ville a pu , jusque
ici , faire vivre près de fix cents infortunés , parmi
leſquels font une foule de vieillards , de femmes ,
d'enfans & d'infirmes. Mais toutes ces refſources
font preſque épuiſées , ſans que les beſoins aient
encore ceſſé. La rigueur de la ſaiſon , dans un
pays ſitué fur les plus hautes montagnes , les rend
encore plus preffans : elle oſe implorer la protection&
les fecours des ames charitables de cetre
province&des autres du royaume , et d'adreſſer
leurs bienfaits à M. l'Evêque de Mende.
Une Anonyme nous a adressé les observations
suivantes , sur l'article 47 du
-Réglementde Convocation du 24 janvier
1789.
Ce ſeroit un bien grand mal pour chacun des
Trois Ordres de l'Etat , d'avoir des Repréſentans
auxEtats-généraux , qui le fuffent contre le voeu
duplus grand nombre des Electeurs . Cependant ,
c'eſt à quoi l'on doit s'attendre , fi l'on procède
comme il eſt preferit par l'article XLVII du
Réglement du 24 janvier. Et en effet :
Suppoſons , pour un moment , que le nombre
de voix des Electeurs foit de deux cents, & qu'au
( 39 )
J
L
fecond ſcrutin elles ſe trouvent tellement partagées
, que les deux individus qui réuniront le
plus de fuffrages, en aient ſeulement chatun quinze;
alorsqu'arrivera-t-il ? C'eſt qu'au troiſième fcrutin,
tous les Electeurs devant partager leurs voix
entre ces deux individus ,& l'un des deux devant
être élu Député, il le ſera peut-être contre le voeu
de 185 perſonnes votantes ( majorité 170 ) , lefquelles
aurontété forcées de lui donner leur voix ,
pouréviter de ladonner àfon concurrent , & de
choiſir ainſi le moindre des deux maux dans
leſquels ils fentent intérieurement qu'ils vont
tomber.
D'après cette obſervation bien ſimple , on doit
ſentir qu'il fera toujours facile à un ambitieux
intrigant d'être preſqu'aſſuré de fon élection ,
même en ne captant pas les fuffrages d'un
grand nombre , puiſqu'il lui fufira d'avoir à ſa
dévotion 5 , 6 , 8 ou 10 perſonnes , plus ou
moins , chargées chacune de deux voix , non compris
la leur. Et fi malheureuſement deux ou
trois intrigans de cette eſpèce venoient à s'endre
, je demande fi l'on pourroit être afſuré de
bien placer ſa confiance. Pour éviter de tomber
dans cet inconvénient , je voudrois qu'il fût permis
, au troiſième ſcrutin , de mettre des billets
blancs dans le vaſe deſtiné à les recevoir tous. Ces
billets blancs , qui feroient autant de billets d'exclufion,
feroient comptés ; et ſi leur nombre furpaſſoit
la moitié du nombre des voix , les deux
concurrens , dont les noms ſeuls pourroient paroître
dans ce fcrutin , ſeroient dès-lors exclus
l'un & l'autre du droit à la députation .
Si les billets blancs étoient peu nombreux , &
qu'aucun des deux concurrens n'eût réuni plus de
la moitié des fuffrages , on recommenceroit un
quatrième ſcrutin , dans lequel pourroit paroître
feul le nom de celui des deux qui auroit eu le
(40 )
plus de fuffrages au troiſième ſcrutin , & qui feroit
élu , ſi le nombre des billets blancs n'égaloit
pas çelui des billets écrits de ſon nom.
Dans le cas contraire , ce Candidat feroit
exclu du droit à la députation , & l'on recommenceroit
de la même manière un cinquième
fcrutin, das lequel pourroit paroître ſeul lenom
du ſecond Candidat. Et enfin , ſi le nom de ce
dernier étoit encore exclu par une majorité de
billets blancs , on recommenceroit de nouveaux
ſcrutins , comme ci-devant , juſqu'à ce que l'on
pût rencontrer quelqu'un qui réunît la majorité
des fuffrages. 4
Je fais que cette méthode entraîneroit dans
Panconvénient des longueurs que l'on a voulu
éviter par l'article XLVII du Réglement. Peutêtre
même s'en rencontreroit-il encore de plus
grands que je ne prévois pas ; mais , à coup fûr ,
il ne peut en réſulter un plus grand abus que
celui d'être obligé de donner ſon fuffrage à quelqu'un
contre qui l'on peut avoir , dans ſon coeur ,
dsatifs légitimes d'exclufion , & de voir un
intrigant chargé des intérêts de tout un peuple,
contre fon propre voeu.
L'hypothèse dont parle l'Auteur de la
remarque qu'on vient de lire , peut être
regardée moralement comme unjeu d'esprit
. L'égalité qu'il suppose dans le partage
des voix au second scrutin est sans
doute possible , comme la sortie d'un
quine dansle Lotto ; mais il y a , ce nous
semble , assez de chances contraires pour
rassurer les Electeurs raisonnables contre
la crainte qu'on manifeste .
Nous avons annoncé, dans le temps ,
(41 )
le débordement de la Loire , qui submergea
quelques cantons de l'Orléanois , le
18 janvier dernier. On nous a adressé une
Relation très-circonstanciée des malheurs
causés par cet événement ; et si nous revenons
sur ce sujet , c'est pour répondre
aux vues charitables qui font le but de
ce récit.
Après 8 jours dedégel , accompagné d'un vent
S. O. humide & chaud , la Loire , groffie par la
fonte des neiges des montagnes , a fait un effort
prodigieux pour foulever la glace qui couvroit
entièrement ſon lit. Malheureuſement trop épaiſſe,
elle a réſiſté à une lieue & demie d'Orléans , dans
un eſpace affez conſidérable , où il y a moins de
profondeur. Les glaçons , entraînés par le courant ,
ſeſont amoncelés à une hauteur extraordinaire; le
fleuve s'eſt trouvé barré dans toute ſa largeur; le
cours des eaux , preſque entièrement arrêté , forcé
de changer de direction', s'eſt porté d'abord fur la
rivedroite, à l'embouchure du canal près Combleux
, et au-deſſus de Bionne. Soudain ,& comme
par exploſion,les rivages&les vallons ont été couverts
dedébris de glaces , & les bateaux chargés ,
emportés à un quart de lieue dans les terres. La
levée correfpondante de la rive gauche , cédant
à ce choc , s'eſt ouverte en deux endroits vers le.
château de l'afle , & , par deux brèches d'environ
100 to fes , a offert un nouveau cours à la Loire
& à des glaçons de 30 , 40 , 50 pieds même de
dimenſion dans toute face , fur 3 & 4 pieds d'é
paiffeur. Cirq lieues de pays fertile & peuplé , ſe
font trouvées fubmergées ,& des milliers d'Habitans
dans un effroi qu'augment it encore l'approche
de la nuit , qui vint bientôt couvrir de
fes voiles cette ſcène d'horreur & de déſolation .
(42 )
En vain le zèle & le devoir firent voler au ſecours
des malheureux; il fallut attendre le jour.
Dès qu'il parut , MM. l'Intendant , lePrévôt-général
, le Lieutenant-général de Police , les Maire
&Echevins ſe formèrent des départemens des fix
paroiffes inondées , ſe partagèrent les Soldats du
Guet & de la Cinquantaine , & volèrent au ſecours
des infortunés prêts à périr : 3000perſonnes
ont dû leur ſalutà la promptitude des ordres &
au couragedesBateliers &des Soldats, qui les ont
exécutéspendant huit jours confécutifs avec un zèle
infatigable , inſpiré par l'humanité ſeule , & au rifque
même de leur propre vie.
**Ce qui étonne& conſole, c'eſt qu'il n'a péri que
troishommes , une femme & un enfant; mais ce
n'étoit pas tout que d'arracher tant de Citoyens
du ſein des eaux, il falloit pourvoir à leur logement
, à leur ſubſiſtance , à leur conſervation ;
enfin , c'eſt à MM. le Lieutenant de Police , les
OfficiersMunicipaux , aux dignes Religieux Capucins,
Augustins , Récollets & Feuillars que cette
gloire appartient. I's ont ouvert leurs maiſons aux
victimes de l'irondation : exemple que pluſieurs
Citoyens généreux ſe ſont empreffés de ſuivre.
Enfin , la digue de glace s'eſt amollie , la Loire
a repris fon lit & fon cours; les eaux , en ſe retirant,
ont laiſſé voir l'effet de leurs ravages : maifons
écroulées , d'autres à demi-emportées, d'autres
menaçant ruine , arbres déracinés , bois abattus ,
champs entiers de pépinières d'arbres etd'arbuſtes
detout genre anéantis , vignes diſparues , clôture
de murs& dehaies renverſées , vins emportés ou
perdus dans les celliers & les maiſons , tous les
moulins établis ſur la rivière de Loiret , infiniment
précieux pour la ville d'Orléans dans le dernier
hiver , entièrement briſés. Voilà la perte caufée
par cette débacle ; perte qui paſſe certainement
pluſieurs millions. Les ſecours donnés par la cha-
२
(43 )
rité& l'humanité ſe trouveront toujours bien au
deſſous des beſoins.
Les différentes Perſonnes du royaume , que ce
récit peut & doit attendrir , font priées de vouloir
bien dépoſer les ſommes qu'elles deſtineront
au ſoulagement de ces infortunes , chez M. RobertGorand,
Banquier , rue des Prouvaires à Paris ,
ou les envoyer directement au Bureau de Charité
d'Orléans.
<< Antoine Chatre , laboureur de la
<< paroisse de Chérier, élection de Roane ,
«Généralité de Lyon , né le 23 mars
<< 1706, est mort, d'une inflammation de
<<poitrine , le 28 avril dernier. Il avoit
« bêché la terre la surveille de son décès.
<< Il laisse 134 enfans , petits enfans , ou
<< arrières petits-enfans tous vivans ; sa-
<< voir , 11 enfans , 70 petits- enfans , et
<53 arrières petits-enfans. Du nombre
<<de ces descendans , il y en a actuelle-
<<ment deux mariés , et 15 autres en
< âge de l'être , dont 3 arrières petits-
<enfans. >>>
Portrait de LOUIS XVI , dédié aux François ,
deſſiné&gravé par P. Audquin ; premières épreuves
avant l'adreſſe , 4 liv.; épreuves avec l'adreſſe
, 2 liv. 8 fous. Ce portrait , de même grandeur
que celui de M. NECKER , dédié à la Patrie ,
deffiné&gravé par le même Auteur ; à Paris ,
chez Beauvarlet, Graveur du Roi, rue deTournon,
n°.5, chez quil'ontrouve auſſi celui deM. NECKER.
Gaspard Paulet , ancien Officier
(44 )
d'Infanterie , est mort, le 28décembre
dernier , à Anduse , dans la 99. année
de son âge. On croit qu'il étoit le plus
ancien militaire du royaume ; il avoit
servi sous Louis XIV, et s'étoit trouvé
aux batailles d'Oudenarde et de Malplaquet
, sous le Maréchal de Villars . Sa
bonne constitution , son humeur gaie ,
l'exercice de la chasse , et l'activité dans
laquelle il avoit toujours été , joints à la
salubrité du climat où il vivoit , ont con
tribué sans doute à le faire parvenir à co
grand âge. Il a vécu sans maladie , et il
estmort sans douleur.
Antoine-Louis-Francois , Comte de la
Roche-Aymon , Chevalier des Ordresdu
Roi , Lieutenant-général de ses armées ,
Gouverneur de Saint-Venant , est mort,
le 26 janvier, en sa terre de Mainfat en
Auvergne, âgé de 74 ans 2 mois. :
Hélène-Geneviève le Mau de la Jaisse ,
veuve de Julien, Baron de Stralhenheim,
Comtede Sordac , Seigneur d'Altendorf,
Basbeiket de Balle, Chambellan du feu
Electeur Palatin, est morte, à Paris , le
14de ce mois.
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le a mars
1789 , sont : 7,90, 4, 25, 47.
(45 )
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
«Onmande de Vienne , que , le 4 de ce mois ,
avant midi , un Courrier extraordinaire venant
de, Madrid , defcendit à l'hôtel d'Eſpagne , &
le, même jour M. l'Ambaſſadeur remit une
note au Miniſtre des Affaires,Etrangères , dont
on ignore à la vérité le contenu , mais qu'on croit
relative aux bons offices que le Roi d'Eſpagne ,
à l'exemple de feu ſon père , eſt diſpoſé à employer
pour lapacification des trois Puifſances Belligérantes
. Ledit Courrier ne s'eſt arrêté ici que fort
peu de temps ; & ayant été chargé de quelques
dépêches de la part de notre Cabinet , il continua
ſa route pour Pétersbourg. Du reſte , il eſt plus que
probable que le même Courrier aura été porteur
des réponſes de S. M. G. aux dépêches de notre
Miniſtère, qu'un Officier de laGarde-noble Hongroiſe,
parti d'ici le 3 janvier , avoit été chargé
de porter en Eſpagne , lesquelles contenoient en
même-temps les ſentimens de S. M. l'Impératrice
relativement à ſa réconciliation avec la Porte
Ottomane. Mais comme , lors du départ de ces
mêmes lettres de Pétersbourg , ony ignoroit encore
la conquête d'Oczakof, ces fentimens , comme on
le préſume , auront pu fouffrir depuis quelque altération
concernant les conditions de lapaix. Malgré
lesmouvemens que les trois autres Cabinets ſe
donnentpourparvenir à cetteheureuſe fin , tous nos
Officiers font intimement perfuadés de la néceſſité
d'une ſeconde campagne ; &c'eſt là l'opiniongénérale
, n'y ayant aucune apparence qu'aucune négociation
formelle ait été entamée juſqu'ici avec
la Porte. Ce qui d'ailleurs eſt aſſez conſtaté par
nos lettres de Conftantinople juſqu'au 16 décembredernier
, ſous laquelle date nous fontparvenues
celles que nous venons de recevoir par la voie
( 46 )
d'Italie , & qui , non plus que les précédentes , ne
nous donnent aucune eſpérance pour une paix prochaine.
» ( Courrier du Bas-Rhin , n . 15. )
(N.B. Nous negarantiſſons la vérité ni l'exactitudede
cesParagraphes extraits desPapiers étrangers.)
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Plaidoyers de M. TRONSON DU COUDRAY, Avecat
au Parlement deParis, prononcés au Parlement
de Rouen ;
Au sujet d'un Mémoire contenant des Accusations
calomnieuses d'infanticide& parricide , de projet
DE VIOL, de projetD'ASSASSINAT, de manauvres
pour faire pendre unefervante , d'eſcroqueries
, &c. &c.; Accusations dont l'auteur même
du Mémoire, eft prévenu aujourd'hui d'être l'inventeur
ou le complice.
Pour le fieur THIBAUT, Secrétaire du Roi , plaignant&
intimé;
ContreM*** Avocat , Accuse &Appelant.
En préſence de M. le Procureur- Général , deMarie
Clereaux ,de Me le Venard, Procureur ,Accufe
, &du ſieur Chapelle.
Cette affaire , nous ne craignons pas de le
dire, eſt une des plus importantes que la juſtice
puiffe compter dans ſes faftes; aufli ne pouvoitelle
être confiée qu'à uenſeur qui eût déja
donnéde grandes preuves de fes talens : M. Tronfon
du Coudray , Avocat au Parlement de Paris ,
(47)
qui l'a plaidée à Rouen , devant un public nombreux,
compoté de citoyens de tous les ordres , a
juſtifié cette vérité incontestable , que les grands
intérêts é'event l'ame d'un orateur , font refforter
les moyens qu'il a reçus de la nature , mettent
dans unplus grand jour le fruitde ſes études&
deſes veilles , &lui aſſurent , pour jamais , cette
gloire ſolide & durable qui fait la première& la
plus précieuſe récompenſe de l'Avocat. Voici un
aperçu ſommaire de cette cauſe fingulière .
La fille Clereaux étoit ſervante chez les ſieurs
Thibaut frères , Négocians à Rouen : ils furent
forcés de la dénoncer à la justice pour fait de vol
domeſtique; & le Bailliagede Rouen l'a condamnée
à être pendue.
Sur l'appel , il parut un Mémoire imprimé,
dans lequel on imputoit au ſieur Thibaut le jeune,
d'avoir eu un enfant d'une autre fervante , de
l'avoir jeté dans les flammes , & de l'avoir réduit
en cendres ; d'avoir voulu violer la fille Clereaux;
d'avoir cherché enſuite àl'aſſaſſiner , &c. &c.
Ce Mémoire produiſit dans la ville de Rouen
une fermentation incroyable , & dont les Plaidoyers
que nous annonçons , préſentent l'hiſtorique&
le tableau.
La fille Clereaux fut miſe hors de Cour au
Parlement; & par le même Arrêt il fut ordonné
que le Mémoire feroit brûlé par la main du Bour
reau : il réſervoit le ſieur Thibaut à ſe pourvoir
contre les auteurs & diſtributeurs du Mémoire.
Sur la plainte de Me *** Avocat , la fille Clereaux
,M *** fon Procureur, & un ſieur Chapelle
furent décrétés.
Me***
La cauſe
appe'a du décret..
futfoler ment plaidée pendant
treize audiences. Le detenſeur du ſieur Thibaut a
traité cette affaire d'une manière digne des queftions
qui ſe préſentoient ; le recueilde ſes Plai
(48)
doyers ſera lu avec avidité; il contient différens
morceaux , écrits non- ſeulement avec énergie ,
mais avec toutes les graces de l'éloquence.
Nous nous réſervons de rendre par la ſuite un
compteplus exact des beautés multipliées que renferme
l'ouvrage de M. Tronſon de Coudray.
L'Arrêt du Parlement de Rouen, rendu le 24dcembre
1788 , fur les concluſions de M. l'Avocat
général de Grecourt , a confirmé les décrets , &
ordonné la continuation de l'inſtruction .
Mª Tiercelin , procureur du ſieur Thibaut.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 14 MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE
Amon Fils , le jour desa naiſſance , en
Mars 1783 .
Tu viens de naître , & les ficurs vont éclores
Ouvre les yeux, mon Fils , à ce beau jour.
L'Aſtre fécond qui préſide à l'Amour ( 1 ) ,
De ſes rayons embellit ton aurore ,
Et le Printemps avance fon retour.
Vouille ce Dieu , protecteur de l'enfance ,
Te pénétrer de ſa douce influence !
Ignore en paix la rigueur des hivers ;
(1) Le Sigue du Belier.
NO. 11. 14 Mars 1789.
64 MERCURE
Un tel bonheur eſt fait pour l'innocence
Le premier homme , à l'abri des revers ,
S'il eût gardé ſa tranquille ignorance ,
Verroit ainſi s'embellir l'Univers.
Mon cher Enfant , de ta mère tremblante
Viens appaiſer la douleur & l'effroi,
Elle ſoupire , elle tourne vers toi
Des yeux éteints , une main défaillante!
Preſſe ton ſein ſur ſon ſein agité ,
Toi, de ſes maux, la cauſe & le semède;
Que cet inſtant de pure volupté
Faſſe oublier l'inſtant qui le précède,
4
Je vois déjà ton premier mouvement
Te diriger , par une route ſure ,
Vers cette ſource où la ſage Nature
T'a préparé le plus doux aliment,
Va, ne crains point que ta ſenſible mère ,
Contrariant une ſi ſaințe foi ,
Détourne un bien qui n'eſt fait que pour toi ,
Et t'abandonne aux ſoins d'une étrangère.
Ton coeur un jour connoîtra la vertu ;
Mon Fils , alors tu l'aimeras fans doute ;
Tu l'aimeras , & tu ſuivras la route
Qu'elle traça loin du chemin battu,
Que cet eſpoir ranime ma tendreſſe !
Ma main active & mon cil éclairé ,
A
DE FRANCE. انو
Sur toh berceau vont ſe porter ſans ceffe ,
Et de ma force étayer ta foibleſſe
Contre les maux dont il eſt entouré.
En attendant que la raiſon t'éclaire ,
Toutmon bonheur va dépendre du tien ;
C'eſt à ce prix que je veux être père ;
Je te dois tout, & tu ne me dois rien:
Un jour ton coeur te dira le contraire.
Lorſque le temps mûrira ta raiſon ,
Quand tu ſeras dans ta belle ſaiſon ,
Je t'offrirai ma vieilleſſe pour guide.
Mais que je crains,dans ce temps orageux ,
LaCour d'Alcine & le Jardin d'Armide !
Tu paſſeras ces écueils dangereux ;
Ils ſont couverts d'un taliſman perfide ,
Aſpect fatal à tant de malheureux.
De l'avenir cette cruelle image
Môle àma joie un inſtant de douleur ;
Dans le lointainj'entends gronder l'orage ;
Mon Fils s'avance , il brave ſa fureur ....
Jeune infenfé ,dans ton aveugle ardeur ,
Que cherches-tu ? la honte & le naufrage.
Entends ce cri , c'eſt e cri de l'honneur ;
Sois attentif à la voix de ce guide;
Il fait dompter l'amour impétueux ;
Des paſſions les flots tumultueux
Voudroient en vain renverſer ſon égider
Faut-il voler dans de lointains climats,
Pour y fervir une ingrate Patric ?
:
1
1
64 MERCURE I
Faut-il mourir au milieu des combats
Il nous apprend qu'un glorieux trépas
Eſt préférable aux dégoûts d'une vie
Par le mépris & la honte flétrie.
Faut-il du fort ſupporter les rigueurs ,
De la fortune eſſayer les caprices ,
Et repouffer les indignes faveurs
Qu'ele nous fait mériter par des vices ?
Il nous inſpire une noble fierté 3
Et ſous les toits de nos foyers antiques ,
Nous dédaignons , dans notre obſcurité ,
Des vils Créſus les palais magnifiques,
?
i
Peut-être unjour... Mais d'où naiſſent tespleurs?
Ah! fur ſon front la douleur eſt empreinte !
Qu'as-zu , mon Fils? tu meglaces de craintes
Ne pourrons-nous appaiſer tes clameurs?
Bien plus que toi j'éprouve ta ſouffrance,
Ore aux humains , divine Providence ,
La faculté de prévoir les malheurs,
Elle affoiblit le don de l'eſpérance. !
Que de dangers menacent le berceau!
Que de tyrans , & qu'il eſt difficile
De préſerver cette trame fragile
Qui de la Parque entoure le fuſeau !
: De cette vie , en misères féconde ,
Les premiers noeuds ſe rompent aiſément ....
Trop fortune qui meurt encore enfant!
Il est exempt de cette horreur profonde
DE FRANCE. 68
Qui faifit l'homme aubord du monument.
La même main qui t'ouvre la barrière
Vers le tombeati précipite mes ans.
Si je parviens au bout de ma carrière
Sans cultiver les fleurs de ton printemps ,
Grave ces vers dans ton ame attendrie ;
De la critique ils feront reſpectés;
Le ſentiment qui me les a dictés ,
Eſt au deſſus de l'art & du génie.
Dans ces momens de douce rêverie
On l'ame en paix jouit de ſon loiſir ,
On peut goûter le céleste plaiſir
De rappeler ſes amis à la vie ,
Avec leur ombre on peut s'entretenir.
Sois le ſoutien d'une mère cherie ;
De ſes bienfaits garde le ſouvenir :
Malheur à toi , ſi ton coeur les oublie !
Le long remords, le ſombre repentir
Sont des Bourreaux armés pour t'en punir.--
Ta ſoeur , qui compte à peine deux années,
Semble déjàte connoître & t'aimer. A
Tendre amitié , puiſſes-ta les charmer ,
Et de res noeufs joindre leurs deſtinées !
Daigne animer ces objets de mes voeux ,
Reine des Arts , bienfaiſante Décile;
Sur mes Enfans daigne jeter les yeux ,
D
66 MERCURE
Etdans leur coeur imprime la ſagefle ,
Ce feu ſacré , digne préſent des Cieux.
Cerayon pur eft la chaîne admirable
Dont l'autre bout remonte au Créateur;
L'homme, qui tient à ce fil ſecourable ,
Peut déchirer le voile de l'erreur ,
Du labyrinthe il peut fortir vainqueur ,
Et parvenir juſqu'à l'Étre adorable ,
Quide la vie eſt le diſpenſateur,
Etre puiſſant, conſerve ton ouvrage.
Par ton fecours,le plus frêle arbriſſeau ,
Abandonné dans un terrcin ſauvage ,
Poufſe ſa tige & fleurit d'âge en age :
Sans ton appui , le ſourcilleux ormeau ,
Jouer des.Vents , tombe fur le rivage
Dont il faifoit l'ornement le plus beau ;
Et la Brebis , dans un gras pâturage ,
Malgré ſes ſoins , voit périr ſon agneau.
(Par un Abonné.)
Explication de la Charade , de l'Enigme
du Logogriphe du Mercure précédent
LEE
mot de la Charade eſt Téte ; celui de
l'Enigme eſt l'Année ; celui du Logogriphe
eſt Calomnie , où l'on trouve Amie
Calme , Miel , Lie , Caen , Main , Ciel
Milon ,Lion, Mine, Clio, Ami, Oie, Ame
Mi, La, Lime, Nil, Ane, Maine,& Mai.
DE FRANCE. 67
CHARADE.
CELUI-LA, cher Lecteur,eft vraiment mon dernier,
Qui toujours vers le bien dirige mon premier ,
Et lavie, à ſes yeux , n'offre que mon entier.
(ParM. LeGrand. ).
ÉNIGME.
Entous lieux, entous temps, d'unjournalier uſage,
Lecteur, je ſuis utile à tout sexe , à tout âge ;
Plus ou moins long auſſi , ſelon ceux que je fers ,
Ma forme s'accommode à tous les goûts diversi
L'un veut m'avoir conſtruit en façon Polonoiſe,
L'autre à la mode Turque , un autre à la Françoiſe ;
De quiconque pourtant je ſubiſſe la loi ,
L'on mevoit exercer par-tout le même emploi ;
Toujours difcret témoin des amoureux myſtères ,
Mais à la placedes Amours ,
Je vois ſouvent auſſi des objets bien contraires 3
Les maux, les maux cruels ſuccèdent aux plaiſirs ;
J'entends des cris plaintifs au lieu des doux ſoupirs,
Etdans mes bras parfois ſi l'on reçoit la vie,
Preſque toujours auſſi l'on y trouve la mort :
Enfin , pour achever le tableau de mon fort ,
Ma forme eſt tous les jours détruite & rétablie.
(ParM. M... d'Amiens. )
D 4
४९ MERCURE
LOGOGRIPHE.
3
JEE traverfe la nue &perce juſqu'aux'cieux ;
Je ſuis un Roi vorace , audacieux ,
Fort protégé par le plus granddes Dieux.
Les Habirans de la haute atmosphère ,
Cherchent , à mon affect , un afile ſur terre.
Aux humains quelquefois je ſuis pernicieux ;
De l'un des miens , lignorance & l'adreſſe ,
Jadis d'un Savant de la Grèce ,
Finirent les jours précieux.
Dans mes cinq pieds on trouve avec aifance
Une note , un article , un adverbe , un pronom ;
Unvégétal recherché du Gaſcon ;
Un vin cité pour l'excellence ;
Ce qui du triſte offrira l'oppoſé;
Au plus joli minois donnera l'air ufé ;
On trouve encore un animal ruſé ,
Ou , pour mieux dire , un Fat , un drôle
Sans état ,fans rang , fans appui ,
Qui joue un pitoyable rôle ,
En ſe parant des ornemens d'autrui.
(Par un Abonnée..).
DE FRANCE 69
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
L'ANNÉE Françoise, ou Vie des Hommes
qui ont honoré la France, ou par leurs
talens, ou par leursfervices, &fur tout
par leurs vertus , pour tous les jours de
l'année; par M. MANUEL. 4 Vol.
in-12 . A Paris , chez Nyon , Libraire ,
rue du Jardinet.
LE Plutarque François ſeroit le véritable
titre de cet eftimable Ouvrage , dont M.
Manuel s'occupe depuis pluſieurs années.
Comme le Peintre des Grecs & des Romains
, il s'attache ſur tout à la vie privée
de nos Héros domeſtiques , & chez lui le
plus grand homme n'est que le plus vertueux.
En effet , les talens peuvent donner
la célébrité, les vertus feules donnent le
mérite ; & c'eſt la réunion des vertus &
des talens qui donnent la vraie gloire.
2 Ce Livre vraiment claſſique , le premier
peut-être où l'on ait mis de la philofophie ,
eſt ſeme partout de ces principes qui
deviennent enfin la bouſiole des Peuples
civiliſés. L'Auteur ne hiffe échapper au
cune occafion d'honorer les mains qui
D
70 MERCURE
1
vrent le ſein de la Terre , les mains qui
filent nos habits , les Agriculteurs & les
Artiſans , ceux à qui nous devons notre
fuperflu , & qui manquent du néceſſaire.
Peſant leurs actions & non leurs titres ,
il juge ſes Héros comme on jugeoit tous
les morts en Egypte. Un Montmorency&
Caſſardontfubi la même balance. Ceux qui
ont conſacré & leur plame & leur coeur à
la Religion , lui ont paru les vrais Apôtres
de l'humanité. Ils reçoivent ſouvent ee
haut tribut d'éloges que l'Incrédule même
doit rendre aux Vincent de Paule , aux
François de Sales. Il parle par - tout
avec reſpect des Gens de Lettres &des
Inſtituteurs , & l'on voit qu'il cherche
de tout fon coeur à les rendre plus
grands & plus nobles qu'ils ne font. Sans
préjugé , ſans eſprit de parti , cherchant
par-tout , louant franchement les talens&
les vertus, de quelque robe qu'ils aient évé
affublés , M. M..... en trouve une foule
dans les Sociétés & les Congrégations à
qui leGouvernement confie & les jeunes
Citoyens & la fleur de ſa Nobleffe.
- > Ce Livre doit procurer des plaiſirs &
> des leçons à ces enfans fenfibles & fiers,
>> à qui le récit d'une belle action fait
> verſer des larmes , & qui afpirent às'é-
>> lever au niveau de tout ce qui eft grand.
Quel est l'Inſtituteur éclairé qui ne ſe
fera pas un devoir tous les jours de faire
>connoître à ſes Elèves , tantôt un père
-
t
۱۰
DE FRANCE 71
tendre , tantôt un fils reſpectueux ; ici
> un Magiſtrat intègre ; là un Prêtre Ci-
>>toyen , quelquefois tin Héros pacifique...
ود Il aura àfuppléer pardes commentaires , -
» par des développemens , à ce que l'Au-
>> teur ne dit pas. Dans chaque famille ,
» ce ſera pour tous les jours une nouvelle
> ſource de converſations inſtructives. Au-
>> jourd'hui Fénelon eſt né , demain mourra
» Turenne ; qui n'aimera pas à s'entrete-
- nir de Turenne & de Fénelon " ?"
L'Abbé de Condillac dit quelque part à
fon Elève : En liſant l'Hiſtoire des grands
• Hommes , vous devez ſentir en vous le
>> beſoin des vertus, le beſoin des talens ,
>> ce beſoin, en un mot, d'être plus grand
>> que les autres. Les Grecs n'ont produit
>> de grands Hommes que parce qu'ils ont
plus fenti le beſoin d'être Grands.Sondez-
> vous donc ; dites - moi fi vous trouvez
» en vous ce même ſentiment , & je vous
>> dirai ce que vous deviendrez ".
M. M..... peint avec délices ces hommes
vraiment heureux à Paris , parce que
jamais enveloppés dans le tourbillon du
monde, ils ſe ſont tenus à l'écarr. Il ſe
garde bien de choiſir des perſonnages dans
cette prétendue bonne compagnie , où il
n'y a plus de bien public , plus de Patrie ,
où l'on bâille , parce qu'on ne fait que dire
&que l'on eft ennuyé d'entendre.
Après avoir rendu compte de ſes intentions,
de fon plan ,de ſes eſpérances en
1
D6
72 MERCURE
homme très-occupé de ſon ſujet , l'Auteur
parle avec la plus honorable franchiſe , des
Livres & des Auteurs qui l'ont aidé à
compléter l'immenſe galerie qu'il nous déploie
: » N'est - ce point ici le moment ,
>>dit-il, de faire un aveu , qui , s'ilne flatte
"
pas, mon amour-propre , fera du moins
>>>reſpecter mes intentions ? Ces quatre
Volumes ne ſont pas entièrement de
moi. Eh ! qui me ſaura mauvais gré d'a--
>> voir choifi pour coopérateur Fontenelle,
d'Alembert , M. le Marq. de Condorcet,
» M. Vicq- d'Azyr , ces Panégyriftes Phi
>> loſophes qui n'ont loué les morts que
>>> pour offrir des modèles aux vivans " ?
د
Il ne diffimule pas non plus les obligations
qu'il a aux Dictionnaires , aux Né--
crologes , parce qu'il ſe ſent toute la recone
noiffance de ceux qui jadis couronnoient
les fontaines où ils avoient bu..
Voltaire lui -même l'a dit : « Il en eſt
>> des Livres comme du feu dans nos foyers.
» On va prendre ce feu chez ſon voiſin
>> on l'allume chez foi, on le communique
à d'autres , & ilappartient à tous ..
Cetaveu trop modeile exige de nous un
éloge qui le compenfe. C'eſt que le talent
pour l'analyſe brille ici. dans tout ſon éclar..
On n'a jamais mieux réduit les ſtarnes des
grands Hommes à des buſtes parfaits. 11
règne dans ce Recueil une prodigieufe
variéré; les cadres , & il y en a trois cent
foixante - cinq , ne ſe reſſemblent jamais.
DE FRANCE. 7
Un mérite plus rare encore , c'eſt que
'Hiftorien ,fans flatter perſonne , a cependant
de quoi intéreſfer toutes les grandes
familles du Royaume. Enfin rien de plus
beau , de plus touchant pour nous , que
cette longue famille de Sages dont la mémoire
eſt encore un bienfait .
L'Année Françoise s'ouvre par le précis
fur Louis XII , avec cette Epigraphe :
Comme les Dieux font bons , ils veulent
que les Rois le foient auffi.
ود Le malheur fut ſon premier maître ;
il étoit Duc d'Orléans lorſqu'il fut enfermé
à la Tour de Bourges , où , pendant trois
ans, le néceſſaire lui manqua. Ses nuits fe
paffèrent dans une cage de fer. Parvenu à
la couronne , il ne voulut point que le
Roi de France vengeat les querelles du
Duc d'Orléans. Ses premiers Loins furent
de diminuer les Tailles & les Aides , &
de réformer les abus dans l'adminiftration
de lajustice. Il ſe rendoit ſouvent au Parlement,
pour l'exhorter à la rendre avec
promptitude , avec impartialité , & preſque
fans frais. Sous ce Roi Ciroyen , à
peine le Peuple ſe doutoit -il qu'il avoit
un Maître ".
......
Servir un Roi qu'on aime , ce n'eſt point
obéir. Son Edit de 1499 rend fa mémoire
chère à ceux qui rendent la justice & à
ceux qui l'aiment. Il veut qu'on fuive tonjours
la Loi , malgré les ordres contraires
que l'importunité pourroit arracher au
74 MERCURE
Monarque.- Lorſque ſa femme voulut le
forcer de marier la Princeſſe Claude à
Charles d'Autriche , depuis Charles-Quint ,
comme il 'favoit que ce mariage déplaiſoit
à la Nation , il aſſembla les Etats à
Tours. Ce fut- là le plus beau triomphe
de ſa vie , ily parut dans toute la pompe
de la Royauté. L'Orateur de l'Aſſemblée le
remercia au nom de la France, de fon adminiſtration
tutélaire ,& le pria de ne point
marier ſa fille à un étranger , lui montrant
le jeune Duc de Valois comme celui que
le Peuple déſiroit. Ce Prince , qui avoit
douze ans , ſe jette à ſes genoux ; tous les
Députés y tombent au même inſtant. Des
larmes d'attendriſſement & de plaiſir coulent
des yeux de Louis , qui promet une
prompte réponſe. Tous les Grands ſont
invités à un Conſeil...... Six jours après ,
il vient lui-même déclarer que , conformement
à leurs voeux , ſa fille , qui n'avoit
encore que quatre ans , épouſeroit le Duc
de Valois. Il fut proclamé le père du Peuple;
& c'eſt pour lui que fut fait le Domine,
falvum fac Regem ....... Louis XII cultiva
les Lettres ; il prépara tout се que
fon ſucceſſeur fit pour elles ....... Pourquoi
ne lui érigeroit - on, pas une Statue ?
Une Statue ne devroit jamais être que
l'image poſthume d'un bon Maître. Il faudroit
la placer dans un Marché public ,
avec ces mots : Louis XII , père du Peuple.
Unéloge intéreſſant dans les circonftan
DE FRANCE. 75
ces actuelles , c'eſt celui d'un d'Ormeſſon ,
qui aima la vertu comme les Muficiens
aiment l'harmonie. Charles IX fit tout ce
qu'un Roi ne fait guère, pour l'engager à
ſe mettre à la tête de ſes finances. Son refus
ne put que donner au Monarque une opinion
alarmante de ſes affaires , dont les
honnêtes gens ne vouloient plus ſe mêler.
Voici un trait qui n'eſt pas commundans
les Cours. Le Chancelier d'Agueſſeau, dans
un moment où l'on ne ſavoir que faire d'un
homme de bien , avoit été exilé dans ſa
Terre de Freſne. Dans la diſgrace, les amis
ne ſont plus même des connoiffances ; on
oublie juſqu'à ceux qu'on eftime. Le Régent
ne pouvoit pourtant pas refufer de la conſidération
au Chef ſuprême de la Magiftrature
:& un jour , en plein Confeil , il
exprima le beſoin & le déſir qu'il auroit
de ſavoir fon avis ſur une affaire importante.
Dans une Compagnie où l'on
pouvoit ſuppoſer d'énergiques caractères ,
pas un de ces Magiſtrats n'oſa ſourire
à l'hommage que le Régent rendoit au
mérite ; c'étoit peut - être un piége que la
Politique tendoit aux Eſclaves de la fortune.
Ni Politique , ni Efclave , d'Ormeſſon ſe
lève : " Monſeigneur,je peux me charger de
>> votre commiffion; car , en fortant du Con-
* ſeil , je pars pour Frefne ". Onſe regarde,
on murmure. Le Régent , qui , avec des
moeurs frivoles , ſe grandiſſoit toujours de
vant des hommes fiers , lui donne ſes dé
76 MERCUREC
pêches ; & s'adreſſant à ces pufillanimes
Courtiſans : Meſſieurs , j'aime mieux cette
noblefranchiſe, que votre fauſſe prudence...
» Les d'Ormeſſon ſont une famille de
refſource pour la France , on eſt toujours
>> sûr d'y trouver un honnête homme ; &
➤ quand laCour nomme un d'Ormeſſon à
>> quelque place de confiance, c'eſt toujours
>> la Nation qui l'appelle ".
Dans l'embarras du choix , rappelons un
trait de Rivault.
Louis XIII étoit monté ſur le trône ;
mais Louis XIII n'étoit pas encore un Roi.
Il falloit le former ,le rendre digne de fon
père. La mort enlève le Fevre à la France ,
au moment où elle lui confioit le dépôt le
plus facré ; & il fut remplacé par Rivault,
ce Rivault dont la diſgrace doit faire rire
&trembler tous les Inſtituteurs des Princes.
Son Elève avoit un petit chien, qu'il aimoit
beaucoup. Un jour qu'il s'amuſoit avec
lui pendant que ſes Maîtres l'inſtruifoient,
le ſévère Précepteur repoulfa du pied l'importun
favori . L'auguſte Ecolier ofa lever
la main fur fon Mentor. Rivault fe retira
de la Cour; ... le chien y reſta. J'ai
eu beſoin , pour calmer l'humeur que m'a
donnée cette Anecdote, de parcourir la
Notice de l'Abbé Noller avec quelle fatisfaction
j'ai vu toutes les marques de
bonté, que lui donnoit le Dauphin Il lui
envoyoit Binets, fon Valet de chambre, l'avertir
de arrivée aux Tuileries. On fait
DE FRANCE. 77
que ce Phyſicien, qui jouoit avec le ton-
_nerre , eut le courage de dire à un diſtributeur
des graces , qui refuſoit d'agréer du
moins fes Ouvrages : >> Voulez vous permer-
>>tre que je les laiſſe dans votre anticham-
*>> bre ? il s'y trouvera peut - être des gens
>>d'eſprit qui les liront avec plaifir <<.
4
J'ai connu le vieux Valet de chambre de
ce Prélat , qui poffedoit cet Exemplaire de
P'Abbé Nollet , relie en maroquin rouge.
On ne ſe laffe point de lire ce répertoire
d'Anecdotes piquantes ou ſentimentales ;
nous ne nous lafferions pas même de les
tranferire : il faut pourtant finir. Terminons
donc cet extrait par une Aventure arrivée
à l'Auteur lui - même chez M. de Buffon.
Aprèsun éloge de ce célèbre Philofophe ,
M. Manuel ajoute :
ود
ود J'ofai moi -même , jeune encore , lui
porter mes prémices littéraires. Les of-
>>frandes légères ne ſont pas celles qui
> plaiſent le moins aux Dieux. A fon ap-
>>proche, je me rappelai ce qu'il avoit dit
>> del'Homme. Il ſe ſoutient droit & élevé ,
>> ſon attitude eſt celle du commandement;
» ſa tête regarde le ciel , & préſenté une
>> face auguſte ſur laquelle eſt imprimé le
>> caractère de ſa dignité.
" M. de Buffon , dont le mérite m'inti-
>> midoit , m'eut bientôt raſſuré par fes
manières plus honnêtes qu'empreffées.
>>Nous caufions , & il n'avoit pas l'air
> d'avoir plus d'eſprit que moi. C'étoit
ود
78
MERCURE
> comme
Profeſſeur d'un College voifin ;
>> que je venois lui dédier un
exercice ſur
* >>
l'Hiſtoire
Naturelle. Mon tribut étoit en
>> vers , que je croyois bons ; mais on ma
>> bien appris depuis qu'il n'y a de bons
» vers que ceux qui ſe reliſent. Je me
> livrois au plaifir , peut - être à
l'amour-
>> propre qu'il y a
d'entretenir un grand
>> Homme : on
m'appelle ; c'eſt mon che-
> val qui ſe meurt ....
» Un ami me l'avoit prêté ; il n'étoit point Il eſt mort.
" affez riche pour le perdre , & il m'en
>> eût couté ma
Bibliothèque pour le payer.
> J'étois trop fier pour qu'on
s'apperçût
➤ de mon
embarras , & mon Mécène étoit
>> trop bon pour ne pas le deviner. Le
dîner me confola ; je le
partageois avec
» le Prince de
Gonzague & une de ces
>
femmes rares, qui, pour
s'occuper, n'ont
>>
beſoin ni de
navettes ni de cartes. Le
>> foir, quand je voulus partir , je trouvai
>> une voiture à mes ordres , & même le
>>Père Ignace. Ce fut ce
reſpectable Curé ,
>> le témoin & le
Miniſtre des actions gé-
>
néreuſes de fon
Seigneur , qui me confia
>>comme un ſecret que je ne ſerois pas
* le premier à
annoncer le malheur de
" mon
compagnon de
>>de
reconnoiſſance. Il eſt donc des moyens voyage ; je fus ſaiſi
d'amener l'homme le plus fier à
recevoir
>>> ſans peine !
» Membre d'une
Congrégation qui a
>>> produit Fléchier, & que la Nation charDE
FRANCE. 79
>> ge de l'éducation de ſes Héros , de celle
>> même du fils de ſon Roi , j'inſtruifis le
ود Général d'un procédé que je ne devois
>> fans doute qu'à l'honneur d'être ſon
» Confrère. Une députation porta des remercîmens
à M. de Buffon , dont la ré-
>>ponſe fut une viſite aux Doctrinaires ;
» & depuis il eſt venu quelquefois dans
>> la modeſte maiſon de St-Charles prou-
» ver au Père Bonnefoux , ce Général que
>> ſes ſervices rendent inamovible , & au
» Père Veri , l'ami de St-Foix , combien il
>> confidéroit une Société où le bien fe
" fait ſans vanité comme ſans intérêt. Ce
>> qui donne encore du prix à ſes atten-
» tions délicates , c'eſt la bonhomie qu'il
>> mettoitdans ſes expreſſions,comme dans
> ſes ſentimens..
"
.....
>>Une de fes plus vives jouiſſances étoit
le ſuffrage de M. Necker , qu'il défignoir
> pour le Reſtaurateur de la France , &
>> l'attachement preſque filial de Madame
de Genlis ..... ".
Telle eft la manière d'écrire de M. Manuel.
Il adu trait & de la vivacité ; ſa narration
eſt animée & piquante ; ſes tranfitions
ſont ſouvent plus dans les idées que
dans les mots : il faut fuppléer des idées
intermédiaires , mais fans effort .
Sans doute que l'Auteur peut ſe flatter
que l'Univerſité , la mère de beaucoup de
ces grands Hommes , permettra que leurs
Vies , celle de Rolin, celle de Le Beau ,
80 MERCURE
celle deThomas, foient lues dans ſesClaſſes:
c'eſt au Sélis, aux Biner , aux Noël, à juger
du bien que peuvent faire far des ames
neuves & pures , des tableaux domeftiques.
Leurs fuffrages feroient efpérer à M. Manuel
celui de l'Académie , qui récompenfe
les Ouvrages utiles.
(Cet Art. eft de M. Bérenger,CenfeurRoyal.)
NOUVELLE Inſtitution Nationale , par
l'Auteurdes Vues d'un Solitaire Patriote.
Une collection d'hommes vicieux ne fera
jamais uneNation d'hommes vertueux :
faîtes des hommes ſaints , éclairés , puis
vous les combinerez .
LA SALLE , Bal. Natur. Cap . 4.
1 Vol. in- 12 . A Paris , chez Cloufier ,
Impr. du Roi , rue de Sorbonne ; Veuve
Duchefne , Libr. rue S. Jacques ; Defer
de Maifonneuve, rue du Foin-St-Jacques.
CETTE nouvelle Inſtitution Nationale eſt
la fuite des Vues d'un Solitaire Patriote ,
publiées il y a quelques années , & favorablement
accueillies.
Eſt il plus utile politiquement de conſerver
les Monastères , que de les détruire ?
DE FRANCE. 81
Peſt l'importante queſtion que l'Auteur a
Fraitée dans ſon premier Ouvrage , & il l'a
décidée en faveur des Ordres Religieux,
Cette déciſion , fondée ſur des raiſons
qu'il a ſu rendre plausibles , feroit encore
plus autoriſée par l'exécution du projet que
fon nouveau Livre développe. Ce projet
eſt d'appeler les Ordres Religieux à l'Inftitution
de la Jeuneſſe, ſans toucher aux
exercices pour lesquels ils font établis. Il a
deux buts très intéreſſans : l'un eſt de dérober
le premier âge à l'influence des mauvaiſes
moeurs fur l'éducation actuelle ; l'autre
eft à la fois d'employer au ſervice de
la Société , des propriétés immenfes , & des
Propriétaires oififs. Sous ces deux aſpects ,
le Solitaire Patriote accrédite la réforme
qu'il propoſe , par un caractère de modérazion
& de justice qu'il eſt de notre devoir
de faire obſerver. Il eſt des Ouvrages envers
leſquels la critique ne feroit pas équi
table , même en leur attirant des approbateurs
il faut encore qu'elle les préſerve
d'ennemis. Voici d'abord comme il s'exprime
ſur les Univerſités.
>>Se plaindre aujourd'hui de l'Inſtitution
>> publique , n'eſt ce pas infulter gratuite-
» ment un Siècle auſli éclairé que le nôtre
» y eût-il jamais autant d'émulation & de
» zèle dans les Univerſités ?
>> Non , ce n'eſt pas aux Colléges qu'il
>> faut s'en prendre , ce ne ſont pas les
Maîtres qu'il faut accuſer; ce ſont les
82 MERCURE
>> moeurs publiques qu'il faut regarder
> comme la véritable cauſe de l'ignoran-
» ce , &des déſordres anticipés de la Jeunelle
..
Enfuite il s'énonce ainfi fur les Monaſtères.
:
>> L'engourdiſſement & la molleſſe ne
>> font , dans ces Corps religieux , que des
>>vices & des abus pallagers. Toujours
➤ plus attachés à l'honneur & à la vertu ,
» qu'aux moeurs actuelles qui les entraî-
>>>nent, il ne leur faut, pour ſe ranimer &
>> ſe rappeler à la vie active, que le souffle
- de la confiance & de l'eſtime publique :
>> ils ſont ce qu'ils ont toujours été , très-
>>flexibles , & diſpoſés à ſuivre le génie
>> des Nations qui les accueillent ".
Il eſt inutile ici , quoiqu'il ne le ſoit pas
à l'Ouvrage , de rappeler , avec l'Auteur
les ſervices des anciens Cenobites , comme
Religieux , comme Cultivateurs ,& comme
Lettrés. Il réſulte de l'hiſtorique qu'il en
retrase , que leur utilité a été relative aux
beſoins des Nations & à l'eſprit des tempss
&ce réſultat vient à l'appui de fon projet
de réforme , qu'il a voulu adapter à
la raiſon du Siècle. Les circonstances qui
en accompagnent le déclin , donnent un
nouveau degré d'intérêt à ce projet , dont
nous allons faire connoître le plan le plus
brièvement qu'il nous ſera poſſible.
Avant de conférer aux Ordres religieux
l'Inſtitution de la Jeuneffe , il eft indif-
3
DEFRANCE. 8
penſable de réformer l'Institut Monaftique
meme : la prière en eſt la baſe. Comment
concilier les devoirs religieux avec les exercices
des Colléges ? En établiſſant dans chaque
Ordre trois fortes de Monastères ; des
Monastères de Régularité , des Monastères
d'Inſtitutions , & des Monastères de repos
pour les vieillards .
Mais cette nouvelle organiſation des
Corps religieux ne peut s'opérer ſans une
réforme préliminaire du temporel des Monaſtères
; le Solitaire en propoſe les points
principaux , parmi leſquels on en diftingue
trois fort importans ; » Les biens desMo-
>>naſtères affermés publiquement , toutes
» les dépenses tellement réglées, qu'il y ait
>> toujours un excédant de revenus ſur les
>> charges ; enfin une Commiſſion qui auroit
la haute police , & feroit moyenne
>> entre les Tribunaux ſéculiers& les Corps
>>monaſtiques « , pour éviter l'éclat des
procédures & l'abus d'autorité. :
Cette double réforme, qui a pour objet
la plus grande utilité religieuſe & civile
des Monastères , eſt préſentée d'abord dans
un Projet d'Edit , & difcutée enſuite par
objections & par réponſes. C'eſt dans l'Ouvrage
qu'il faut lire les Articles d'Adminiſtration
temporelle. Nous ne nous arrê
terons pas non plus à ce qui concerne les
Monaſtères de régularité. Il ſeroit intéreſſant
de parler des Monastères de retraite ,
&de l'Ecole rurale que l'Auteur voudroit
$4 MERCURE
y établir : projet également utile & agréable
; mais il faut faire connoître l'objet
particulier de l'Ouvrage , les Monaftères
d'Inftitution ; & fur cet objet même , nous
ne pouvons donner une idée ſuccincte que
des Articles principaux relatifs aux Profefſeurs
, aux Ecoliers , & à l'enſeignement.
Le Solitaire propoſe que chaque Monaftère
d'Inſtitution ſoit composé de neuf Religieux
, de dix Bourfiers , & de vingt Penfionnaires
; qu'on y établiſſe une ſeule:
claffe , & toujours la méme; un ſeul Profefleur
, & qu'il y enſeigne toujours la
même claſſe : qu'ainſi , cinq Monastères du
même Ordre , ou de différens Ordres , for- :
ment enſemble , dans leur arrondiſſement ,
le Cours complet d'Humanités , & qu'enfin
l'enſeignement y ſoit par- tout uniforme,
Ce projet ainſi préſenté, peut faire naître
des objections que l'Auteur ne diffimule.
pas; il eſt donc néceſſaire de donner un
précis de ſes réponſes .
>*>L'émulation qu'excite l'éducation pu-
» blique , s'éteint dans une trop grande
» multitude ; & fi l'on en vaut mieux quand
» on est regardé, on en vaut moins quand
>> les regardans font en trop grand nom-
>> bre ; car alors on ceffe d'être vu , & l'on
retombe dans la folitude.
50
ود
ود
Le petit nombre eſt donc à préférer.
L'Inſtitution publique est un fardeau
dont les Monastères paroiſſent empreſſés
de ſe chargers mais pour le porter avec
>facilité,
1
DE FRANCE. 85
>> facilité , il eſt prudent qu'ils en diviſent
>> le poids & le partagent entre eux.
ود
" Parmi tant de Monastères ſi rapprochés
les uns des autres , & fi richement
> dotés ,en eſt-il un ſeul qui ne puiſſe ſe
>>charger d'un tel Penſionnat ?
>> Que le même Profeffeur enſeigne tou-
• jours la même claſſe , il y a fur cela
» deux opinions ".
Ici , l'Auteur rappelle avec éloge l'uſage
des Jéſuites , qui , auſſi intéreſſés aux lumières
de leurs Candidats , qu'à l'enſeignement
de leurs Diſciples , faifoient paffer
les jeunes Inſtituteurs d'une claſſe à une
autre : mais il lui préfère pour l'Inſtitution
Nationale , dont l'objet eſt moins étendu ,
la maxime de l'Univerſité de Paris ; &
s'autoriſant de ſes principes , il établit que
le même Profeſſeur enſeignera toujours la
même claſſe.
L'inconvénient de la tranſlation annuelle
des Elèves dans un nouveau Monaftère ,
fournit à l'Auteur la réponſe qui fuit.
وو Il eſt dans la Nature d'aimer le chan-
>> gement. Avec quel plaifir les Etudians
➤ ne verront-ils pas arriver le moment de
>> leur tranflation ? N'eft - ce pas les ſervir
" ſelon leur coeur ? n'est-ce pas les encou-
>> rager, que de leur procurer chaque an-
>>née de nouveaux Maîtres , une nouvelle
>> habitation « ?
Nº.11 . 14Mars 1789. E
86 MERCURE
Quant à l'uniformité de l'enſeignement,
&à l'obstacle que ſembleroit y mettre la
diverfité des Ordres religieux , voici ſes
obfervations abrégées .
" C'eſt pour la Nation elle-même qu'il
faut combiner un plan d'Inſtitution. Ce
> plan doit être le même pour toutes les
» Provinces. Il eſt eſſentiel pour la tran-
» quillité générale, d'introduire,autant qu'il
>> eſt poſſible , le même génie , les mêmes.
" moeurs .
ود
ود
ود Par cette marche uniforme des études,
il ſera facile d'apprécier l'influence des
différens climats. Cette uniformité met-
>>tra les obfervateurs à portée de faire
>> un grand nombre de comparaiſons. Ce
>> fera une forte de meſure commune , à
>> laquelle ils pourront rapporter les diffé
>> rences dans le génie , l'idiome & la pro+
nonciation qui réſultent des différences
>>phyſiques & morales.
ود
ود
ود Enfin les Monaſtères d'Inſtitution re-
>> cevront les Livres claſſiques des mains
ود de l'Univerſité ;&les Livres de Religion,
» des Evêques diocéſains ".
La plus grande difficulté eſt celle du
choix des Profeſſeurs. Le Solitaire Patriote,
dans une diſcuſſion qu'il ſeroit trop long
d'examiner ici , préfère , pour l'enſeigne
ment public , le célibataire à l'homme
marié , & par ſuite les Eccléſiaſtiques aux
Laïcs , les Religieux aux Séculiers , & enfin
DE FRANCE.
7
- les Religieux Inſtituteurs de profeſſior .
Cependant il propoſe qu'il foit permis également
aux Religieux de différens Ordres
rentés , aux Eccléſiaſliques & aux Laïcs
de concourir pour les Chaires de Profetfeurs
, mais perdant l'eſpace de vingt ans
ſeulement; après lequel temps , le Corcours
ne fera accordé qu'aux Religieux de
l'Ordre auquel appartiendra le Monastère
qui aura une Chaire vacante ; condition qui
tend au but de cet Ouvrage , dont l'objet ,
comme on l'a vu, eſt de rendre utile à la
Société les biens & les individus des Ordres
religieux. C'eſt ici le lieu de joindre
àl'analyſe qu'on vient de faire, un morceau
qui fera connoître l'eſprit & le ſtyle de
l'Auteur.
sa Rien n'est moins ſupportable pourdes
>>Peuples éclairés , que de voir les richeſſes
innenfes d'un grand Royaume dans les ود
mains d'un petit nombre d'heureux oi-
>> fifs; tandis que la multitude laborieuſe ,
➤ qui fait le Corps eſſentiel de la Nation ,
> éprouve une misère extrême. Le mépris
du riche pour le pauvre aliène nécef-
> fairement l'eſprit du Peuple, & lui fair
>>défirer la proſcription de ceux qui envahiffent
la fortune publique. Aufſi la
>> claſſe des riches n'eſt jamais plus près
>> da ſa ruine que lorſqu'elle brille le plus,
>> & qu'elle inſulte par ſon éclat ceux qui
gémiffent dans la détreſſe. Dans ces cin
E
88 MERCURE
> conſtances , le Gouvernement peut, ſans
danger , tomber ſur les grandes fortunes ;
>> il peut les grever; il lui ſuffit d'annoncer
qu'il le fait pour foulager la claſſe
>> indigente ".
ود C'eſt ainſi qu'après s'être ſervi du
riche pour charger le pauvre , on ſe ſert
» des cris du pauvre pour grever le riche
»& le dépouiller des exemptions qui pa-
>> roiffent bleſſer l'équité naturelle ".
Le Livre de la Nouvelle Inſtitution Nationale
mérite le même accueil qu'ont obtenu
précédemment les Kues d'un Solitaire
Patriote. Le ſujet y eſt traité avec beaucoup
de netteté , de préciſion , d'impartialité, &
de meſure. Dans les reproches que l'Auteur
fait avec ſon Siècle aux Ordres Monaſtiques
, il eſt décent , & n'eſt point déclamateur
: dans les réformes qu'il propoſe,
ſes projets ne ſont point d'un Novateur
imprudent , ils ſont d'un Patriote éclairé ;
enfin l'ordre , le naturel & la clarté caractériſent
ſes idées & ſon ſtyle.
Il ne nous appartenoit point de diſcuter
ici l'objet de cet Ouvrage , encore moins
de toucher à la queſtion politique que l'Auteur
a décidée en faveur des Monastères .
Confidérée ſous des rapports purement philoſophiques
, elle offritoit pluſieurs apperçus
intéreſſans.
Le premier ſeroit la comparaiſon de l'époque
où S. Benoît a fondé les Monastères
:
DE FRANCE. 2؟و
en Europe , avec celle où , parmi nous ,
leur deſtruction eſt propoſée.
C'eſt au milieu des calamités politiques
qu'ils ont été élevés pour les indigens &
pour les opprimés. Sous cet aſpect, justifié
par l'Histoire , l'étonnement que fait naître
leur permanence , & ledéfir de leur anéantiſſement
, ſemblent être, pour nos temps
modernes , la preuve d'une amélioration
certaine.
Si dans l'origine du Monachiſme , le
déſeſpoir peupla les Cloîtres, leur établiſfement
fut ſans doute un bienfait de la
Religion. Mais ſi aujourd'hui l'eſpoir de la
félicité publique les rend déſerts, leur anéantiffement
feroit ſans doute aufſi un bienfait
de la politique. Ces réſultats rappellent ce
vers fingulier de Voltaire :
Bâtir eſt beau, mais détruire eſt ſublime.
Convenons pourtant avec le Solitaire
Patriote , que réformer eſt plus fage , &
ſouvent plussutile. On peut n'avoir qu'à
réveiller ces nombreux épimenides .
Cet Article eft de M. de Boisjoflin. )
E 3
23 MERCURE
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Nous allions jeter un coup d'oeil fur
le début que M. Dorfeuille vient de faire
dans les premiers Rôles tragiques , par les
perſonnages de Cinna , de Philočlète , &
d'Oreße , quand nous avons vu circuler
dans les endroits publics une petite Brochure
, qui non ſeulement veut apprécier
le talent de cet Ateur , mais qui veut
encore lui faire raiſon des perſonnes qui
l'ont découragé , chagriné , ou trouvé médiocre.
Il nous paroît difficile de louer ou
de critiquer un Comédien qui a des amis
très-chauds , & des détracteurs paſſionnés ,
fans s'expoſer à des attaques clandeftines :
nous garderons donc le filence ſur M. Dorfeuille
, à moins qu'on ne l'attache au Théatre
François. Cet Acteur a débuté pour la
première fois ſur la même Scène , il y a
cinq ans. On lui trouva des qualités eftimables
, & de très-grands défauts.
N. B. Le Jeudis de ce mois , cet Acteur
a joué pour la 3e. fois le rôle de Philoctère.
Après la Pièce , le Public l'a demandé , & l'a
couvert d'applaudiſſemens .
DE FRANCE.
91
COMÉDIE ITALIENNE,
Nous allons dire quelque choſe de la
Double feinte ou le Prêté rendu , ( omédie
en trois Actes & en vers libres , jouée fur
ce Théatre le Mardi 24 Février. L'Ouvrage
eſt tombé. Ace titre , nous pourrions nous
diſpenſer d'en parler ; mais il nous a fait
faire quelques réflexions , & nous voulons
les rendre publiques : voici la Fable de la
Pièce.
Une Femme qui ſe déſole de ce qu'elle
n'inſpire point de jalouſie à ſon époux, 'fait
traveftir enhomme une jeune perſonne que
fon neveu doit bientôt époufer. Elle fappoſe
enmême temps un billet amoureux ,
qu'elle fait tomber entre les mains de fon
mari , & qui affigne un rendez - vous. Le
mari s'inquiète , ſe cache , est trompé par
les apparences , éclate, projette de ſe venger ,
quand ſon Valet découvre le myſtère & le
lui fait connoître. Il change alors de barteries
, met dans ſa confidence ceux qui
ont aidé à le tromper; ſuppoſe à ſon tour
une lettre où l'on feint que le déſeſpoir
l'a conduit às'empoiſonner , livre ainſi aux
angoiſſes les plus douloureuſes , ſa femme ,
qu'il défabule enfin quand il la croit fuffi-
E4
92 MERCURE
ſamment punie , & furtout dégoûtée à
jamais de le rendre jaloux.
Les deux premiers Actes de cette Comédie
font froids & longs. Ils portent fur
des données dramatiques déjà très - ufées .
L'Auteur a eu l'intention de faire contrafter
les caractères de l'épouſe qui veut de la jaloufie,
&de la femme traveftie qui veut de la
confiance. Pour offrir ce contraſte , il a répété
ce qu'avant lui on avoit déjà dit cent
fois; & ce n'étoit pas trop la peine de le
répéter d'une manière ſouvent très-négligée
, pour ne rien dire de plus. On a dit
très- énergiquement : » Quand on vole dans
ود la carrière des Arts, il faut afſaſſiner ".
Ce mot eſt d'un grand fens , & tous les
Ecrivains qui choiſiſſent des ſujets traités
déjà , en tout ou en partie , devroient s'en
fouvenir. A la manière dont les nôtres ſe
conduiſent , on ſeroit tenté de croire qu'ils
n'en ont pas connoiffance. Il y a des idées
que l'on peut rajeunir par le charme du
ſtyle , & par le ſoin des détails ; mais fi
ces détails font rares , ſi le ſtyle a plus de
diffuſion que de facilité , le Spectateur refte
infenfible & froid , parce qu'il eſt ennuyé,
Il n'est donc pas étonnant que l'Auteur
de la Double feinte , malgré quelques morceaux
eftimables , n'ait produit aucun effet
pendant les deux premiers Actes tout en
difantdes chofes vraies & ſouvent morales.
Quant au motif qui fait marcher tout
DE FRANCE..
93
le troiſième Acte , il eſt dans l'ordre des
évènemens poffibles ; mais c'eſt ſur tout au
Théatre que tout ce qui eft vrai ne paroît
pas vraiſemblable. C'eſt une ruſe cruelle
que celle de l'époux qui feint de s'être
empoiſonné pour éclairer ſa femme ſur l'erreur
qui la domine. La leçon eft fi forte ,
fi éloignée des bienséances , qu'elle ne fait
ni pleurer ni rire. Le Spectateur est trop
au fait , pour être ému ; il voit celle qu'on
éprouve , dans une ſituation trop douloureuſe
, pour ne pas trouver la plaifanterie
déteſtable. On déclame bien haut contre
le goût depuis quelques années; les uns le
veulent abſolument profcrire , d'autres ne
veulent pas qu'on puiſſe le perfectionner :
c'eſt pourtant le goût naturel , éclairé par
l'expérience , qui ſeul peut indiquer ce qui
eſt beau , ce qui est bon , & fixer la ligne
hors de laquelle l'un & l'autre perdent leur
exiftence. L'Art dramatique eſt peut - être
celui de tous les Arts d'imitation qui exige
le plus la connoiſſance exacte de toutes les
nuances qui tiennent au goût , & c'eſt celui
où on les néglige le plus aujourd'hui.
Si cela dure encore long-temps , il ne faudra
plus rien dire de ſa décadence ; il faudra
parler de ſa chute.
Le Lundi 2 Mars , on a repréſenté pour
la première fois Raoul Barbebleue , Comédie
nouvelle en trois Actes & en profe ,
mêlée d'Ariettes. Es
MERCURE
Le titre de cet Ouvrage indique ſuffifamment
la ſource d'où il eſt tiré. Voyons
comment on a profité du modèle , que tout
le monde connoît.
Ifaure aime Vergy , & elle en eſt aimée ;
mais les frères d'Iſaure ne trouvent point fon
Amant affez riche , ni d'une nobleffe affez
ancienne, pour approuver leur union. Vergy
areçu les ſermens d'Iſaure,& elle ne veut
point d'autre époux. Raoul Barbebleue a
demandé Ifaure en mariage. Ses richeſſes ,
fon titre de Prince Souverain l'ont fait accueillir
favorablement par les frères , &
il ſe préfente précédé de préſens magnifiques.
Ifaure le reçoit d'abord avec indifférence
; mais l'aſpect de ſes richeſſes ,
l'amour de la parure, la vanité , font chanceler
les premiers ſentimens de la Belle.
Ce qu'elle doit à ſes frères , à fon nom -و
la crainte des dangers que Vergy pourra
courir fi elle le préfère à Raoul , toutes
ces idées la tourmentent , & elle ſe flatte
que Vergy ſera allez généreux pour ſe
facrifier au bonheur de fon Amante. En
effet , le très - généreux Vergy ne ſe fait
pas preffer pour rendre à Ifaure ſes fermens;
en conféquence , quand Raoul paroît
, elle obéit à ſes frères , & elle marche
à l'Autel.
Au ſecond Acte , Ifaure eſt mariée.
Raoul , qui a déjà tué trois femmes parce
qu'elles étoient curieuſes , & parce qu'on
DE
95
FRANCE.
lui avoit prédit que la curioſité d'une femme
cauſeroit fa mort , Raoul veut éprouver la
quatrième. En la quittant pour aller viſiter
ſes domaines , il lui confie les clefs de
tous ſes tréſors , & lui recommande de ne
point ſe ſervir de la dernière qu'il lui remet.
Cette clef ouvre un cabinet qu'il lui
indique , & de l'obéiſſance d'Ifaure doit
réfulter ſon bonheur ou fon malheur.
Quand il va partir , on lui annonce l'arrivée
d'une Dame qui demande à être introduite
dans le château. Cette Dame prétendue
eſt Vergy lui- même , qui , inquiet
de la deſtinée de ſa bien-aimée , a pris le
nom d'une foeur qu'Ifaure a perdue , pour
arriver auprès d'elle.
Raoul, qui connoît vraiſemblablement trèsmal
les parens de la femme qu'il a éponſée
, reçoit fort bien la fauſſe ſoeur , & fe
réjouit même de ſon arrivée. Il recommande
qu'on ait pour elle les plus grands
egards , & il fort. Vergy témoigne à Ifaure
fes craintes , ſes ſoupçons ; il parle avec
émotion des trois premières femmes de
Raoul : il l'engage à reſpecter les ordres
de ſon époux. Ifaure , de ſon côté , le Hâme
de ſon indiſcrétion , lai remontre qu'il a
expoſé ſes jours & fon honneur en entrant
dans le château , & l'engage à ſe retirer.
Reftée ſeule , la curiofité la follicite ; elle
y cède bientôt , entre dans le cabinet , &
en ført avec des cris affieux , le trouble &
E6
96 MERCURE
la mort dans l'ame. A ſes cris , Vergy re
vient , la queſtionne , entre dans le réduit
fatal , le quitte avec horreur , & vient dire
ce qu'il y a vu. Trois corps , trois têtes
attachées ſur un poteau , avec cet écriteau :
Curiofité punie. Après quelques gémiſſemens
, on eſpère qu'en gardant le filence
fur ce qu'on a vu , & en fermant le cabinet
, Raoul ne s'appercevra de rien ; mais
la clef ſe briſe dans la ſerrure. Le fort qui
attend l'infortunée , n'eſt plus équivoque ;
on cherche à intéreſſer un vieux ſerviteur
de Raoul ; on attend de lui qu'il favoriz
fera la fuite des deux foeurs. Vain eſpoir !
Quand Raoul a quitté le château , le pontlevis
ne ſe baiffe qu'à fon retour. Il faut
pourtant chercher des reſſources. Vergy
écrit , on attache ſa lettre avec une pierre
àun roſeau , on la lance au delà du follé ;
un Page la ramaſſe , monte à cheval , &
la porte aux frères d'Iſaure. En attendant
ce qui arrivera , les Vaffaux de Raoul donnent
une fête champêtre à la belle Ifaure.
Cette fête termine le ſecond Acte.
Au troisième Acte , on attend Raoul;
il vient , demande ſes clefs. Ifaure tremble
, dit qu'elle va les chercher. Pendant
fon abfence , la clef caffée inftruit Raoul
de tour. La mort d'Iſaure est réſolue ; en
vain elle tombe aux pieds de ſon époux ,
il eſt inflexible . Les prières , les difcours
de la fauſſe ſoeur ne produiſent' pas plus
DE
97
FRANCE .
d'effer. Raoul deſcend dans le ſouterrain
du cabinet , & ordonne à ſa femme d'y
deſcendre quand il l'appellera. Vergy ſe
place à une fenêtre qui donne fur la campagne
; & Ifaure lui demande s'il ne voit
rien venir. Raoul appelle , on lui demande
du temps ; enfin Vergy voit des Cavaliers
qui accourent. Raoul remonte à l'inftant ,
veut entraîner ſa femme ; Vergy ſe fait
connoître , propoſe un combat fingulier ,
que Raoul refuſe. Il met le jeune homme
ſous le glaive de ſes gardes ; il ſe ſaiſir
d'Iſaure quand les portes font enfoncées.
Les frères d'Iſaure arrivent avec mainforte
; on repouſſe la garde de Raoul , qui
fuccombe bientôt lui-même ſous les coups
d'un Ecuyer qui s'attache à lui ſeul. Vergy
épouſe Ifaure.
Voilà l'analyſe , exacte autant que poffible
, de Raoul Barbebleue. Nous me parlerons
pas du Ayle , parce que M. Sédaine
paroît avoir toujours dédaigné d'écrire . Il
s'eſt fait une manière qui ſans doute ne
trouvera guère d'imitateurs. Quant au fonds
de l'Ouvrage, nous examinerons les obſervations
qu'on a faites publiquement , &
rien de plus. On a trouvé que Vergy devoit
aimer peu , puiſqu'il rendoit fi facilement
à Ilaure ſes fermens. Cette réflexion
peut être fauſſe pour ceux qui connoiffent
les premières moeurs de la Chevalerie . On
a demandé pourquoi M. Sédaine intro-
(
98 MERCURE
duiſoit Vergy chez Raoul ; on a remarqué
que c'étoit donner à celui - ci des armes
contre ſa femme. L'Auteur a ſenti cette
faute , puiſqu'il la fait lui-même relever
par Ifaure : il avoit beſoin de Vergy , il ne
peut avoir d'autre excuſe. La clef ſe caſſe ;
pourquoi ſe caffe t-elle ? Si elle ne ſe brifoit
point , comment Raoul fauroit- il ce
qui s'eſt paffé ? M. Sédaine ne nous a
point mis à même de réfoudre cette queftion
. La fêre , à la fin du ſecond Acte , eſt
déplacée. Il y a dans cette fête intention
de contraſte ; mais comine ce contraſte laiffe
Inguir Taction dont il veut remplir le
vide , il eſt difficile de repouffer l'objection .
Vergy , Chevalier , amant d Iſaure , joue
un rôle foible auprès de ſa Maîtreffe , qui
ne peut attendre que la mort : la foeur
Anne , une femme timide , hors d'état de
défendre Ifaure , auroit donné à la fituaton
plus d'intérêt. Cela peut être ; mais
PAuteur a eu ſoin de ne point donner
d'armes à Vergy; & puiſqu'il falloit rendre
I aure heureute à la fin de la Pièce , en
lui faiſant époufer fon Amant , il falloit
bien qu'il fût là. Pourquoi n'est - ce pas
un frère d'Ifaure qui tue Raoul ? C'eft
peut être la faute des Acteurs. Il y a de
L'intérêt dans 1Ouvrage , mais quand il y
en a, il découle toujours d'incidens ou de
fituations,atroces. Nous craignons que cela
ne foit vrai. De pareils ſujets ne devroient
jamais être portés ſur la Scène , & fur-tout
DE FRANCE.
وو
ſur la Scène Lyrique. Nous le voudrions.
On appelle Raoul une Comédie , & on a
tort. Oui , on a tort; mais la Tragédie eft
interdite au Théatre Italien : il falloit un
titre à l'Auteur.
La muſique a fait un plaifir général.
Des motifs heureux & pleins de mélodie
y tranchent avec des morceaux de la plus
vigoureuſe expreſſion. Les caractères ſont
bien faifis , bien obſervés , bien en oppofition.
L'orchestre offre dans les accompagnemens
, des intentions dramatiques trèsfavantes
, & qui produifent un grand effet .
Pour tout dire , plus cette compoſition ſera
entendue , plus elle ſera goûtée.
Le rôle ingrat & difficile de Raoul a
fait beaucoup d'honneur à M. Chenard.
Madame Dugazon a montré dans Ifaure
un talent d'autant plus diftingué , qu'à
compter du noeud de la Pièce , elle est toujours
dans la même ſituation , & qu'elle a
ſu varier fon expreffion fans quitter la lis
gne fur laquelle eſt placé l'intérêt de ſon
perfonnage.
100 MERCURE
THEATRE DE MONSIEUR
NOUouSs avons annoncé le ſuccès qu'a eu
fur ce Théatre il Re Teodoro à Venezia ;
il n'a fait depuis qu'augmenter de jour en
jour. Nous avions déjà une première idée
de l'extrême beauté de cette muſique ; il
nous reſtoit à l'entendre exécuter dans ſa
pureté originale par des Acteurs qui , ayant
reçu les leçons du Maître lui-même, avoient
confervé les véritables mouvemens ; par
des Acteurs enfin accoutumés à cet enfemble
parfait qu'on ne rencontre guère ailleurs
qu'en Italie. La Troupe Italienne du
Théatre de MONSIEUR a procuré cet avantage
; & il paroît avoir été vivement ſenti
dès la première repréſentation , malgré ſon
extrême longueur. A la ſeconde , on a fait
des retranchemens conſidérables , & la
durée de l'Ouvrage ſe trouvant mieux proportionnée
à celle de l'attention des Auditeurs
, rien n'a plus arrêté l'enthouſiaſme
qu'il étoit fait pour exciter.
On connoît affez le ſujet de cette Pièce ;
nous n'avons donc à parler que des Acteurs
qui l'ont chantée. M. Rovedino , dont la
voix fuperbe & l'excellente méthode font
toujours un nouveau plaifir , eft chargé du
DE FRANCE. ΙΟΙ
rôle de Théodore. Il a fifi très-habilement
ce mélange de nobleſſe & de comique ,
qui laiffe diftinguer un Aventurier chargé
de repréſenter un perſonnage important.
Mme. Limperani , dans le rôle de Lifette ,
a montré beaucoup d'entente de la Scène ,
& de l'adreſſe dans ſa manière de chanter,
quoique ſa voix foit un peu fatiguée . M.
Scalzi a fait plaifir dans le rôle de Sandrin :
on défireroit dans ſon chant un peu plus
d'art & de grace. On a autli été fort content
de M. Bianchi dans le rôle de Garbolin .
Mlle. Baletti n'a que le ſecond rôle de
femme , celui de Belife ; mais il n'y a point
de fecond rôle pour un premier talent , &
tel eſt celui de Mile. Baletti. Elle chante
deux Airs avec la voix la plus pure & l'habileté
la plus rare. On s'apperçoit qu'elle
cherche à profiter des conſeils que nous
lui avons tranfmis relativement à fon arti
culation. On l'entend déjà beaucoup mieux
dans le récitatif. Mais ce n'eſt pas en un
jour qu'on peut rectifier une habitude ; il
lui reſte beaucoup à faire pour acquérir
cette qualité. On doit néanmois lui ſavoir
gré de ſes premiers efforts , & l'encourager
à les continuer.
M. Mengozzi , qui n'étoit engagé dans
cetre Troupe que pour tenir le Clavecin ,
y chante maintenant la partie de Ténores
On connoiffoit déjà depuis long - temps le
charme de ſa voix , & ce goût délicat avec
ΤΟΣ MERCURE
lequel il fait embellir ſon chant ſans jamais
l'étouffer par des ornemens trop multipliés.
Sa réputation étoit faite dans les Concerts ,
elle s'eſt encore augmentée ſur ce Théatre ,
qui paroît très - favorable a ſa voix. Il a
paru d'ailleurs jouer avec intelligence ; &
fes airs ( qui ne pouvaient pas être ceux
de la partition ) étoient fort heureuſement
choifis.
Nous ne ſivons comment louer aſſez
le naturel fi vrai , fi comique fans caricature
, ſi parfait en tun mot , avec lequel
M. Raffarelli a joué & chanté le rôle de
Taddée. Celui qu'il avoit rempli dans le
Vicende , n'avoit pu nous en donner une
idée jufte , & nous avouons que nous
étions loin de lui croire le mérite qu'il
a montré dans cette Pièce , qù il joue en
Acteur confommé. Nous le croyons comparable
à ce que nous avons de meilleur ,
même en France , ( & nous avons trouvé
beaucoup de monde de cet avis ) ; mais la
manière dont il chante l'air Che ne dici tú
Taddeo , nous ſemble ne devoir être comparée
à rien.
On a fait à cet Opéra quelques reproches
aſſez juſtes , d'autres injuftes . S'il eft
de notre devoir de faire paſſer aux Anteurs
ou aux Acteurs l'opinion publique
lorſqu'elle nous paroît générale , il nous
appartient également de juſtifier auprès du
Public ces mêmes Auteurs ou Acteurs. On
DE FRANCE. 103
ſe plaint de ce que le Poëte Italien a fani fa
Pièce en laiſſant en prifon le Roi Théodore
qui e inſpiré de l'intérêt.C'eſt une faute fans
doute , quoiqu'il y ait beaucoup de philofophie
dans cette idée. L'Auteur ne devoit pas
préférer la vérité hiftorique à l'effettheatral :
mais puifque cette foute eſt liée à la mufique
, on ne pouvoit plus la corriger. Si
on l'a fait dans les Traductions Françoiſes
qu'on a données de cet.Ouvrage , ce n'eft
qu'en bouleverfant pluſieurs morceaux du
dernier final ; mais la Troupe Italienne ,
plus obligée de ſe conformer aux intentions
du Compofiteur , ne pouvoit rien ſe permettre
de ſemblable .
On a reproehé auſſi d'avoir introduit des
airs qui ne font pas de la partition
reproche , que nous avons été les pretiers
à faire à l'égard des Vicende , n'est pas
fondé pour cet Opéra - ci : on m'a changé
les airs que de deux rôles. Celui de Bélife
ne contient que deux morceaux trèsfoibles
, très - infignifians , faits pour une
(hanteuſe médiocre ; on auroit été trèsfaché
que Mlle. Baletti les eût préférés à
ceux qu'a faits pour elle M. Zingarelli ,
Compofireur très- diftingué,& dans leſquels
elle a pu au moins développer ſes talens.
Il eſt encore plus facile de justifier M.
Mengozzi ; fon rôle dans l'original eſt celui
d'une Baſſe taille. Il lui étoit impoffible
de les conferver. Ceux par leſquels il les
a remplacés , ſont du même Compofiteur ;
104 MERCURE
& la manière dont il les chante ne doit
laiſſer aucun regret.
Nous ferions auſſi l'éloge de l'Orcheſtre ,
fi la réputation qu'il s'eſt établie dès le
commencement, & qu'il ſoutient ſi bien ,
ne le mettoit pas au deſſus de tout éloge.
C'eſt M. Meſtrino qui conduit maintenant
les Opéras Italiens . Les coupures ont été
faites par M. l'Abbé Andrei , Poëte Italien
attaché à ce Theatre ; & on doit lui ſavoir
gré de l'habileté avec laquelle il a élagué les
longueurs & les futilités du dialogue , fans
rien retrancher de ce qu'on y trouve de
piquant on de néceſſaire à l'action .
On trouve au Théatre la Traduction du
Roi Theodore , de l'Imprimerie de Mon-
Geur. Cette verſion très fidelle , & dans laquelle
l'Auteur a confervé toute la fineſſe
& l'élégance du ſtyle original , eſt d'un
homme de beaucoup d'eſprit , qui s'en eft
fait un amuſement. Il s'eſt plu à traduire en
vers blancs tout ce qui eſt en muſique , &
il a conſervé le rythme de l'original ; de
forte qu'à peu de choſe près , ſes paroles
pourroient aller ſous le chant. Il a même
ſouvent vaincu la difficulté de la rime , furtoutdans
les repos , d'une manière très heureuſe
; & loin que ſon ſtyle ſe reſſente de
cette contrainte , il n'en est que plus cadencé
, plus agréable , & plus rapproché de
P'original.
DE FRANCE. τος
ANNONCES ET NOTICES.
MÉMOIREfur cette Queſtion : » Quels ſeroient
> les moyens de multiplier les Plantations de
• Bois, fans trop nuire à la production des ſub-
לכ ſiſtances ? Ouvrage quia remporté le Prix de
la Société Royale des Sciences & des Arts de
Metz , en 1788 ; par M. de Bouſmard , Capitaine
au Corps Royal du Génie. A Metz , chez la veuve
Antoine & fils , Imprim. du Roi & de la Société
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des usages & de la difcipline de l'Eglife , concilies
avec_les libertés , franchiſes de l'Eglife Gallicane
Loix du Royaume , & Jurisprudence des Tribunaux
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corrigées , & imprimées par M. Didot jeune; 4
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Libraire.
Il a été tiré de cette ſuperbe édition so exem
plaires fur papier vélin, dont le prix eſt de 60 1.
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ſatinés , en trouveront chez le Libraire, en
payant 6 liv. de plus par exemplaire.
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6 liv.
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Tome VI du Dictionnaire de Police ; in-4°. br. ,
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pour cet Ouvrage qui formera dix Volumes , eſt
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DE FRANCE. 107
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perſonnes ; par J. F. Leroy , Maître de Mathématiques
, & Arpenteur-Expert-Jaré ; in- 12. Prix ,
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Lib. rue S. Jacques ; à Lille , chez Jacques , Lib,
ſur la Petite Place ; Dumortier , Croix S. Etienne ;
l'Auteur , rue du Molinet, quartier B. N° . 1636 ;
&chez les principaux Libraires du Royauine,
Tableau Généalogique , Hiſtorique , Chronologique,
Héraldique & Géographique de la Nobleſſe
, enrichi de Gravures ; contenant , 1. Pérat
des vrais Marquis, Comtes, Vicomtes & Barons ;
2. unTraité fur les Bannerets, Bachcliers, Ecuyers,
&fur leur différence; 3. un Traité ſur les Dignités
Eccléfiaftiques , les Dignités des Vidames attachés
àl'Eglife ; 4. les titres & qualités perſonnelles ,
les titres & qualités des Gens de Lettres , &c.;
5. la Recherche de la Normandie, faite par MoRfaoucq
en 1463 , un Traité ſur l'origine des Fiefs ,
les Francs-Fiefs , nouveaux acquets, & leur différence
, &c.; 6. les Généalogies des familles ; 7 .
les Dépôts où la Nobleſſe peut avoir recours pour
ſes différentes recherches ; 8, une Table des matières
, des Terres , & des perſonnes titrées , des
noms de famille compris dans l'Ouvrage , avec
Je renvoi aux Auteurs qui en ont donné les Généalogies
, & l'indication de plus de trente mille
titres originaux que l'Auteur poflède dans fon
cabinet : par Meſſire Louis - Charles Comte de
Waroquier , Chevalier , Sieur de Méricourt , de la
Methe, de Combles , Officier d Infanterie . Prix ,
3 liv. le Volume br. , 3 liv. 12 f. relié . Tomes
VI & VII . A Paris , chez l'Auteur , rue Gillecoeur,
Nº. 18 ; & chez Nyon l'aîné & fils , Libr. ruc
du Jardinet , quartier S. André-des -Arts,
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tirés des Recueil de jolis Airs nouveauX
Opéras comiques , arranges en Dao pour deux
Violons. Prix , 3 liv. 12 1. = Six Duo pour deux
Violons , par J. B. Cartier , OEuv. 9 , & premier
Livre de Duo . Prix , 7 liv. 4 f. A Paris , chez
Mercier , fucceſſeur de Mlle. Caſtagnery , à la
Muſique Royale , rue des Prouvaires , près celle
St-Honoré , N. 33 .
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Ouverture des trois Déeſſes rivales , ou le Double
Jugement de Paris , muſique de M. de Propiac
, arrangée pour le Clavecin ou le F. Piano
avec accompagnement d'un Violon ad libit.; par
P. V. Céfar . Prix , I liv. 16 f. Trois Sonates
faciles pour le Clavecin ou le Forté-Piano , avec
accompagnement de Flûte ou Violon , compoſées
par Charles Pozzi ; OEuv . 4e. Prix, 4 liv. 16 f.
A Paris , chez César , Editeur & Md. de Muſique,
au grand Gluck , au coin de la rue Geoffroy-l'Afnier,
quai des Ormes , vis-à-vis la Pompe.
EPITRE.
TABLI
Charade , Enig. Logog.
L'Année Françoise.
Nouvelle Inflitution.
61 Comédie Françoise.
67Comédie Italienne.
69 Theatrede Monfieur.
801 Annonces & Notices .
१०
91
105
100
J'AI lu
APPROΒΑΤΙΘΟΝ.
par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 14
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en
empêcher l'impreſſion. A Paris, le 13 Mars 1789,
SÉLIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
SUÈDE.
De Stockholm , le 13février 1789.
A L'OUVERTURE de l'Assemblée natio
nale , le Roi prononça un Discours , que
nous avons annoncé comme digne d'intérêt
et de curiosité.En voici la teneur ;
-Nobles , Vénérables , Honorables , Discrets , &c.
Citoyens Suédois.
<<Lorſque je fis la clôture de votre dernière
Aſſemblée publique, je vous parlai avec toute la
véracité que je vous dois , & avec cette franchiſe
que me donne toujours l'amour de la Patrie.
Cette franchiſe , cette véracité dirigeront en
core aujourd'hui mon Difcours ; & quelle époque
demanda jamais plus de candeur ! quel période
exigea une plus grande confiance réciproque que
celui où nous nous trouvons à préſent ! »
<<Notre tranquillité s'eſt évanouie; le royaume
eſt ébranlé par des ennemis domeſtiques &
étrangers ; l'eſprit dediſcorde eſt déja prêt à rom
No. 11. 14 Mars 1789. C
( 50 )
د
pre les fers qui l'enchaînent ; l'indépendance &
Î'honneur de l'Etat ſe voyent en danger d'être farendu
crifiés. Voilà la ſituation des choſes qui a
votre Convocation néceſſaire. Mais autant les
dangers qui nous environnent, vous et moi , ſontils
plus grands , autant les difficultés que nous
avons à furmonter ſont-elles plus graves , d'autant
plus glorieux eſt-il pour nous de les affronter
avec intrépidité ; & puiſque je parle à ce Peuple
généreux , dont les ancêtres ne déſeſpérèrentjamais
, pas même dans les circonstances les plus
critiques du royaume , & dont la valeur l'a ſauvé
dedangersencoreplusgrands, en ajoutant à l'honneur&&
à la puiſſance de la Suède, je ſens mon
courage s'animer à votre aſpect , & je crois déja
voir le bonheur de la paix rendu à l'Etat par votre
vertu. "
«Notre ancien ennemi invétéré s'eſt réveillé :
les foibles étincelles de diſcorde qui ſembloient
vouloir s'allumer lors de la dernière Aſſemblée ,
ont ſuffi pour exciter ſon penchant à en profiter ,
afin d'affoiblir nos forces par notre déſunion , d'arracher
de mon fceptre lespoſſeſſions les plus confidérables
, et enfin , de porter atteinte même à
notre indépendance. Ce qui s'en eſt enſuivi , ce
que l'ennemi a tenté , ce qu'il a effectué par des
inſpirations clandeſtines , c'eſt ce qui eſt notoire & évident à tous les yeux. Vous le favez en
partie par ce dont vous avez été témoins vousmêmes,
en partie par la renommée publique. En
particulier vous le ſavez , bons&fidèles Citoyens
de la Finlande , vous qui ſentez de plus près tout
le poids du joug , vous qui avez le plus été mis à
l'épreuve par des tentatives de ſéduction , vous
qui avez réſiſté avec fermeté & conſtance ! Je
m'empreſſe de rendre juſtice à votre fidélité , afin
que vos Concitoyens, ici aſſemblés , ne confondent
pointtoute une Nation loyale avec quelques
(51 )
f
peude délinquans perfides ou ſéduits , qui ont
été livrés en partie à toute la rigueur des lois ,
ou qui en partie ſe ſont ſouſtraits au cha iment
mérité , condamnés par leur propre conſcience à
ſe bannir de leur Patrie. Je me rappelle , & je
me rappellerai toujours avec reconnoiſſance les
preuves d'affection que j'ai trouvées chez vous ,
quand,preſque ſeul,j'ai traverſé votre pays , obligé
de lequitter ,& de volerà la défenſe de la Suède
même , menacée par un autre ennemi.Mais lorſque
je ne pus pas vous protéger moi-même, je vous
laiſſai ſous la garde de celui qui , après mõi , étoit
le plus étroitement obligé de veiller à votre bienêtre
; &, pendant que je vous confiai entre ſes
mains triomphantes , j'étois certain que rien ne
feroit négligé de ce qui pouvoit ſervir à votre
défenſe. Bien Amés Citoyens Suédois, il s'eſt
écoulé à préſent dix années depuis qu'à notre
première Affemblée , après avoir rétabli la concorde
dans ces Etats , je vous témoignai la confiance
& l'amour qui m'uniffoient à un Frère
chéri. Combien grande n'eſt pas la fatisfaction
avec laquelle je puis vous préſenter en ſaperfonne
un héros qui a rétabli l'ancienne gloire de la
marine Suédoiſe dans tout fon luftre, & qui , ſecondé
par la valeur d'une Nobleſſe brave & généreuſe
, par le courage de Marins audi intrépides
qu'experts , a triomphe de forces navales qui lui
étoient ſupérieures ! C'eſt un devoir, dontje m'acquitte
avec joie , de célébrer , en préſence de la
Nation Suédoiſe , les louanges de ces valeureux
Guerriers , & deleur témoigner toute mareconnoiffance.
>>
-
«Les défordres que l'ennemi tenta de commettre
du côté oriental de nos frontières , le
conduifoient bientôt au coeur du royaume ; mais
pour nous fubjugater plus facilement , il falloit
exciter la défiance & la difcorde entre moi &
cij
( 52 )
,
mes Sujets , & cette fois on ne pouvoit plus fe
fervir des illufions par leſquelles on avoit tenté
de ſéduire les Habitans de la Fin'ande ; il ne
pouvoit plaire à une Province d'être ſéparée de
l'autre ; mais la crainte les dangers qui menaçoient
le royaume l'état incertain où il
avoit été réduit par ce qui s'étoit paffé en Finlande
, & les inquiétudes qui en réſultoient ,
feroient tous imputés à ma perſonne. Confidéré
ainſi comme la cauſe de tous les malheurs ,
il falloit que l'affection pour ma perſonne ſe
refroidît dans tous les coeurs ; l'eſprit de difcorde
chez quelques-uns , l'ambition chez d'autres,
la foibleſſe chez pluſieurs le déſeſpoir ( ny
ayant plus d'apparence de salut ) chez le commun
Peuple , devoient plonger le royaume dans
un tel défordre qu'il fût facile à l'ennemi de
nous fubjuguer , & qu'il pût vous preſcrire les
conditions qu'il croiroit propres à pouvoir mieux
vous opprimer. En conféquence , tous les écrits
&toutes les déclarations des ennemis ſe dirigèrent
contre maperſonne. »
,
,
« J'étois le ſeul contre qui l'ennemi faifoit excluſivement
la guerre ; & , pendant qu'à main
armée il entroit dans mes Etats , pendant qu'il y
levoit des contributions , pendant qu'il preſſuroit
legros desHabitans par des exactions , il ne com-
Datnoit que ma ſeule perſonne. Moi ſeul je lui
paroiſſois êtredangereux , &, pourvu qu'on m'eût
précipité du trône , il auroit été fatisfait & content.
J'aurois tout lieu , Bien Amés Citoyens Suédois
(&perſonne ne pourroit dire que je ne le
fiſſe avec raiſon ), j'aurois tout lieu de m'énorgueillir
de cette ardeur qu'on faifoit éclater contre
moi, Ce me devoit être le plus grand honneur
qu'un ennemi du royaume metint pour ſi dangereux
, que l'autonomie &d'indépendance de l'Etat
lui paruſſent attachées à ma ſeule perſonne ;
(53)
mais le but fecret d'effectuer une ſciſſion entre
moi & vous , eſt trop clairement viſible , pour que
moi & vous- mêmes nous puitlions le méconnol
tre. Environné de tant de dangers , le royaume
ſembloit ébranléjuſque dans ſes fondemens ; mais
dans les gran's périls ſe manif ſtent auſſi les
grandes vertus. L'ennemi ne nous connoiffoit pas
bien : enflammés , à la vue de leur pofition critique
, par le zèle pour la défenſe commute, l'amour
de la Patrie ſe ralluma chez tous les Suédois.
»
« A vous , louables Citoyens de Pordre des
Payfins , à vous il étoit réſervé de donner la
première preuve de cette magnanimité , & , à
l'exemple de vos braves ancêtes , de voler , de
yotre propre mouvement , à mon aide & an fecours
de la Patrie. Ce même Peuple (les Dalécarliens)
, dont les ancêtres ſuivirent les étendards de
Gustave Erichfon , fit aufli le premier à prendre
les armes , & la voix irréſiſtible de l'honneur excita
bientôt tous les Ordres à imiter un fi nob'e
modèle. Les Habitans des villes , oui, l'ordre
même dont les pacifiques, mains ne ſont confacrées
qu'au culte du Très-Haut , montra que la
vraie piété réchauffe la fidél té envers la Patrie,
&allume le zèle pour ſe défendre contre ſes ennemis.
Vous , Bien Amés Citoyens de l'Ordre
Equestre& de la Nobleffe, vous ne voulûtes pas
vous montrer moins zélés que les autres Ordres
vos Concitoyens. De vienx guerriers qui ont
blanchi ſous le harnois , & qui , par leur valeur ,
avoient acquis le droit de pouvoir paffer fars
honte la fin de leurs jours en repos , le font volontairement
offerts à quitter leur paiſible demeure ,
afin d'éclairer, par leurs exemples &leurs connoi!-
ſances, les militaires qui n'étoient faits que depuis
peu à l'uſage des armes ; & au momst que l'Europe
, frappée d'étonnement à la vue de ces évè
cij
( 54)
4
nemens , au moment que les Puiſſances qui s'intéreſſoientà
notre fort , croyoient nous voir abandonnés
par nous-mêmes , & que celles - ci, preſque
irréſolues , délibéroient déja ſur le ſecours à nous
donner , l'on vit la Suède tout d'un coup animée
de cette vigueur courageuſe qui la caractériſa de
tout temps. De puiſſans Princes ſe réunirent pour
prendre enmains notre cauſe. Un Roi , auquel je
fius uni par les liens les plus intimes du Sang ,
manifeſta efficacement la part eſſentielle qu'il prend
ànotre indépendance , &les nuages qui nous enveloppoient
de toutes parts ſe diſpersèrent. Nous
avons gagné du temps , & le temps nous eſt pré
cieux ; il ne tient à préſent qu'à nous de le bien
employer. Voilà la cauſe , voilà le but de votre
Convocation. Cependant , tandis qu'aujourd'hui
je vous ai convoqués au milieu du tumulte guerrier
, il n'eſt pourtant perſonne parmi vous qui
aime la paix plus que moi ; mais je veux avoir
une paix fûre , honorable pour la Suède , qui garantifie
notre indépendance , & qui ſoit avantageuſe
pour nos Alliés. L'unique moyen de l'obtenir
, c'eſt de faire la guerre avec vigueur ; & à
cet effet, j'attends votre ſccours. Je l'attends avec
d'autant plus de confiance , que je ſuis plus certain
que vous ferez les interprètes de la voix générale
de la Nation entière qui s'eſt déclarée ces derniers
mois d'une manière ſi honorable. Effectivement ,
ce n'eſt pas ma cauſe individuelle , c'eſt votre
cauſe communedont il s'agit.Des réſolutions que
vous allez prendre préſentement, dépendra nonſeulement
votre propre bien-être , mais auſſi le fort
devotre poſtérité : l'eſtime ou l'abomination que
vos defcendans auront pour vous , ſe réglera fur
les déma ches auxquel'es vous vous déterminerez
dans cette feffion.Conſidérez donc qu'ils révèreront,
chériront & eſtimeront votre mémoire , comme
de Suédois courageux , qui n'ont pas abandonné
( 55 )
leur Patrie au danger , ou qu'ils la verront avec
les mêmes regards avec lesquels nous jetons les
yeux fur les ancêtres lâches & dégénérés qui
trompèrent l'illuftre race des Sture , trahirent leur
Patrie , pour la livrer entre les mains de Chriftien ,
s'entendirent avec les ennemis pour nous impofer
un joug étranger , & jetèrent le royaume dans les
fers , où vous gémiriez peut- être encore , ſans la
magnanimité de Gustave Erichſon , & la valeur
des braves Payſans Suédois. Ouvrez les annales
du royaume,& rappelez-vous la funeſte époque
de l'union de Calmar, lorſqu'on nous fit accepter
malgré nous une tutèle étrangère , ſous prétexte
de défendre nos droits , mais réellement pour
augmenter la puiſſance des grands , && pour contenter
l'ambition de quelques individus , le tout
aux dépens du bien général. Rappelez-vous le
fang, qui crie encore vengeance , répandu par la
difcorde , & les dévaſtations que vous attirèrent
ces faux amis : reconnoiffez les mêmes ſentimens,
les mêmes principes moteurs , les mêmes vues
finales ; conſidérez les ſuites , les malheurs de vos
ancêtres , le mépris qui a flétri leur mémoire ,.
enla tranſmettant aux ſièc'es ſuivans ; & jugez
enſuite vous-mêmes ce que vous avez à attendre ,
à moins qu'avertis par leurs revers , moi & vous ,
tous enſemble , animés de l'eſprit de concorde &
du courage , que l'honneur & le vrai amour de
la Patrie peuvent ſeuls inſpirer , tous pour un ,
& un pour tous , nous nous réuniſſionnss ,, afin
d'obliger ces ennemis , par une réſiſtance unanime
&efficace , à eſtimer une Nation brave , & de
les contraindre à une paix qui ſfooiitt pour nous
fûre& honorable. Excluez donc de vos délibérations
tout ce qui ne conduit point au but que
je vous propoſe en ce moment. Soyez dignes de
vous-mêmes; ſoyez dignes de la confiance de nos
Concitoyens ; & dès cet inſtant raffermiſſez entre
1
c iv
(56)
le Roi & le peuple , une union qui nous rende
terribles à nos ennemis , & qui faſſe renaître la
tranquillité& la confiance parmi nous. »
« Demon côté , je ſuis prêt à renoncer à toute
vengeance perſonnelle , à ſacrifier toute punition
légitime, que ce qui s'eſt paſſé dans ces derniers
mois juftifieroit d'ailleurs. C'eſt ce que j'ai déja
fait une fois; ſavoir , en 1772 , pour l'amour de
l'Etat : c'eſt ce que je ſuis prêt à faire encore aujourd'hui.
Je n'ai d'autres ennemis que ceux du
royaume : je ſuis Roi , je ſuis Citoyen ; & l'un
&l'autre de ces rapports exigent que je facrifie
tout pour le bien public. Dieu très haut béniffe
vos délibérations ! C'eſt ce queje ſouhaite du fond
demon coeur, tandis qu'à vous tous en général ,
&à chacun de vous en particulier , je vous ſerai
toujours un Roi bien affectionné. »
☐ Les premières Séances de la Diète
ont manifesté l'esprit dans lequel les
divers Ordres y sont entrés; ainsi qu'on
l'avoit prévu , il s'est déclaré dans la
Chambre des Nobles , qui renferme les
principaux adhérens à l'Oligarchie Sénatoriale
, renversée en 1772 , une nombreuse
opposition, Sa première démarche,
à laquelle la justice ne permettoit
pas de se refuser , a été de se plaindre
dequelques écrits diffamatoires et répréhensibles
, répandus contre l'Ordre même
de la Noblesse. Aussi cette réclamation
a-t- elle été à-peu-près unanime dans la
Chambre.
Dans la Séance du 5, le Baron Charles
deGéer, l'un des Chefs de l'Opposition ,
demanda qu'on asservît , par des instruc(
57)
tions formelles', les Députés de la Chambre
au Comité secret. Cette proposition
ayant été très-contredite , on en remit
la décision au 7 , jour où le. Maréchal
dela Diète , Gomte de Levenhaupt, communiqua
à la Chambre une dérense du
Roidedélibérer ultérieurement sur cette
Motion, contraire à l'article XLVII de
la Constitution. A la suite de débats très
vifs à ce sujet, il fut arrêté, à la majorité
de quelques voix seulement , de passer
outre, et de donner des instructions aux
Députés , qui furent élus le même jour .
Même sous le règne du Sénat , soit des
Bonnets, ce Comité secret étoit investi
d'un pouvoir illimité et absolu en tout
ce qui concerne les affaires extérieures :
la loi de 1772 ne fit que confirmer cet
arrangement , qui exclut les instructions
partielles. Aussi l'on s'attend à voir les
trois autres Ordres différer d'avec la
Chambre des Nobles , et se conformer a
la loi. Cette triple réunion s'est déja montrée
dans le vote presque unanime de
présenter au Roi une Adresse de remerciemens,
en vertu deses soins pour maintenir
l'indépendance de l'Etat contre les
attaques de ses ennemis. Porté à l'Ordre .
de la Noblesse , cet arrêté y a été soumis ,
dit-on , à un examen provisoire de la
question, si le Roi aété agresseur ou non .
La délibération reste donc suspendue
dans cette Chambre seule. On sait que
T
CV
( 58 )
la voix de trois Ordres réunis fait loi ,
malgré la négative du quatrième.
On apprend de la Finlande qu'on y
arépandu un pamphlet incendiaire intitulé:
La Patrie. Aussi-tôt que le Comte
deMeyerfeld, Général, commandant en
Chef, en fut instruit, il le fit saisir, confisquer
et brûler au quartier - général
de Louisa , par l'Exécuteur des hautesoeuvres
: enmême temps , ce Général a
publié des lettres circulaires , dans lesquelles
il analyse ce Libelle , et exhorte
les Sujets à la fidélité envers le Roi et
le royaume de Suède.
POLOGNE.
De Varsovie, le 16 février.
La dernière Note que l'Ambassadeur
deRussie remit , le 5, aux Maréchaux de
la Diète , n'a point encore été lue dans
cetteAssemblée , dont une nouvelle indisposition
du Roi a suspendu les Séarroes
depuis le 7; mais le contenu de cette Reponse
de l'Impératrice est assez exactement
connu pour que nous soyons
autorisés à la rapporter .
,
و
Le SOUSSIGNÉ Ambassadeur
Extraordinaire et Plénipotentiaire de
S. M. l'impératrice de toutes les Russies,
n'a point tardé à faire parvenir
à la connoissance de Sa Souveraine la
( 59 )
Note que les illustres Etats Confédérés
lui ont fait remettre , le 17 novembre
dernier , au sujet de l'évacuation des
troupes Russes qui sont encore en
Pologne. Muni des ordres de S. M. à
cet égard, il a l'honneur de transmettre
aux Etats ce qui suit :
« Dès le commencement de la guerre que la
Porte Ottomane a déclarée ſi i juſtement à la
Ruffie , l'Impératrice s'adreſſa à la Séréniffime
République,pour lui annoncer,amicalement & avec
confiance, le partage de ſes troupes par la Pologne ,
& le féjour qu'y faisoient quelques détachemens
néceſſaires à la garde des magafias. Leur préſence ,
bien loin de nuire à la fûreté des frontières , a
plutôt contribué à les protéger contre l'invaſion des
Turcs & des Tatars. Les vivres dont ces troupes
avoient beſoin , en facilitoient le débit dans les
endroits par où elles paſſèrent & dans ceux où
elles s'arrêtèrent; elles payoient tout argent comptant
,& obfervoient la difcipline la plus exacte.
D'après cela ,il paroîtroit que la ſituation actuelle
des choses à cet égard , au lieu de devenir pour
laRépublique.un objet d'inquiétude & d'embarras,
lui offroit de tous les côtés fûreté & commodité .
Mais comme l'Impératrice déſire de fatisfaire à la
demande que les illuftres Etats Confédérés ont
fait parvenir à S. M. , Elle les aſſure qu'Elle fou
haire ſeulement de laiſſer en Pologne le nombre
de troupes néceſſaire à la confervation des m
gaſins&d'autres beſoins relatifs à ' a guerre actuelle
avec la Porte , & qu'Elle retirera aufli ces troupes ,
auſſi-tôt que les circonstances le rendront humainement
poffible. S. M. donne à confidérer aux
illuftres Etats ſi , juſqu'à cette époque où Ele
pourra réaliſer ſa promeſſe , une demande ſans
reftriction quelconque, que les Etats paroiff nt hui
:
cvj
(60 )
faire à cet égard, n'est pas en contradiction manifeſte
avec les raiſons de guerre les plus effentielles,&
avec les plans des opérations,ainſi qu'avec
l'amitié & le bon voinage qui ſubſitent entre
les deux Etats , & que S. M. I. défire de continuer.
S. M. ne trompera certainement pas la
confiance que les illuftres Etats Confédérés ont
placée dans l'amitié & les ſentimens de juſtice
qu'Elle porte à la Séréniſſime République de Pologne
, & Elle s'empreſſe de leur en donner de
nouvelles preuves par toutes fortes de complaiſances
qui , dans la poſition actuelle des affaires ,
feront dans ſon pouvoir. Les Généraux ont reçu
de nouveaux ordres de prévenir avec une attention
fcrupuleuſe tous les déſordres que les troupes ,
qu'ils commandent,pourroient commettre. S.M.I.
eſpère que la Séréniffime République regardera
ſes troupes comme celles d'une Puiſſance alliée ,
&qu'elle ne ceffera d'avoir pour elles de bons
procédés , & de leur accorder ſous ce point de vue
toute afſiſtance quelconque. »
« STACKELBERG. »
La modération de cette Réponse a été
sentie , et préviendra probablement de
nouvelles instances des Etats , d'autant
plus que réellement ils ont obtenu le
point capital d'éloigner cet hiver l'armée
Russe de leur territoire , où elle devoit
prendre ses quartiers , et qu'il ne reste
en Ukraine que sept escadrons pour la
garde des magasins . Il leur sera délivré ,
à ce qu'on présume , des passe-ports tels
que ceux qu'on accorde aux détachemens
de diverses Puissances qui viennent acheter
des chevaux de remonte.
L'établissement des compagnies de
(61 )
Cavalerie nationale a été accompagné
d'une loi, qui condamne à la perte de sa
compagnie, tout propriétaire qui aura
négligé de la mettre sur pied avant le
premier de mai. Cette ordonnance a occasionné
plusieurs mutations entre des
vendeurs et des acheteurs. Le Prince
Eustache Sangusko et le Staroste Po
tocki se distinguent par leur zèle pour
cette nouvelle formation.
Le 8 , le Stolnick Prince Czartoryski
est parti pour Berlin , où il se rend en
qualité d'Envoyé Extraordinaire du Roi
et de la République. L'on travaille aux
instructions du Staroste Woyna , qui
passe à Vienne avec le même caractère ,
et à celles des autres Envoyés de l'Etat.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 24 février.
Il a paru , le 2 , un Réglement concernant
l'entretien et les pensions des Officiers
devenus Invalides au service de
S. M. Ce Réglement exige que les Officiers
qui prétendent à cette grace ,
ayent 20 années de service non interrompu
; à moins , cependant , qu'avant
cette époque ils ne soient devenus Invalides
étant en activité de service , et
qu'ils soient sans ressources pour s'entretenir
eux-mêmes : on pourvoira
( 62 )
leurentretien , soit par un emploi civil ,
soit par une place dans les régimens '
d'Invalides , soit par une pension , en
attendant la vacance d'une place. Les
pensions viagères ne seront accordées
que comme exception à la règle générale
: elles seront pour un Lieutenant-gé
néral , de 1,200 rixdalers , 1,000 pour un
Général-Major , 600 pour un Colonel ,
500 pour un Lieutenant-Colonel , 350
à 400 pour un Major, 250 à 300 pour
un Capitaine , autant pour un Capitaine
de l'Etat-Major , 72 à 96 pour un Officier
subalterne. Si la caisse actuelle des
Invalides ne pouvoit pas fournir à toutes
les pensions , on n'en paiera , en attendant,
que la moitié , les deux tiers , ou les
trois quarts . Les Officiers qui demanderont
à d'autres des secours pour vivre ,
seront arrêtés et punis.
-
Le Prince Czartorisky , Ministre de
Pologne , est arrivé de Varsovie en cette
capitale. M. Elliot , Ministre Britannique
à la Cour de Danemarck , est
reparti pour retourner à Copenhague .
L'importation du fer de Suède faisoit
à Stettin , et dans les autres villes maritimesde
la Pomeranie , un objet annuel
de 14 à 15,000 schipfund , jusqu'en
1779 , où l'introduction de cette marchandise
fut défendue . Actuellement le
fer'de Silésie , infiniment amélioré , a
non-seulement remplacé celui de Suède,
mais l'année dernière on en a encore
(63)
.
exporté 11,723 quintaux en Angleterre
, et. 238 en Espagne .
De Vienne , le 21 février.
,
Le dénombrement des canons , des
caissons , des chariots de vivres , des approvisionnemens
, des Corps en marche
ou prêts à marcher , forment l'ennuyeux
détail des nouvelles du jour. Uneseconde
campagne étant certaine , il est tout simplequ'on
s'en occupe, etle Publicsuppléera
sans doute à la minutieuse histoire
que nous lui donnerions de ces préparatifs
.- Les Gazettes et les Badauts envoyoient
l'Empereur en Bohême , il y a
15 jours ; mais il est certain que S. M. I.
se rendra directement au quartier-général
de Semlin, dans le courant de mars,
si cela se peut. La seconde division de
son équipage de campagne est partie , le
12 , pour la Hongrie.
Une malheureuse fatalité met en ce
momentlaplupart de nos Généraux hors
de combat. Le Prince Charles de Lichtenstein
vient de mourir : son successeur
en Croatie ,le Généralde Vins,est arrivé
ici le 12, très-malade, laissantle commandement
au GénéralWattis . M.deLascy a
quittéle commandement, et est remplacé
parleMaréchaldeHaddik.Enfin,le brave
Maréchal Laudhon est retombé malade
, et se trouve attaque de nouveau de
coliquesfet de douleurs d'entrailles qui ,
(64)
jointes au poids de l'age , font craindre
que ce grand Capitaine ne puisse retourner
à l'armée .
De Francfort sur le Mein , le 4 Mars.
Un ordre de l'Electeur-Palatin, publié
par la Chancellerie de guerre , confirme ,
non-seulementles dispositions de S. A. E. ,
d'augmenter ses troupes et de les mettre
sur un pied plus avantageux , mais annonce
en même temps qu'à compter du
premier de ce mois , les Soldats , y compris
les Sergens , toucheront une plus
forte pare.
Le Comte régnant de Linange-Westorbourg
est mort,le 29 janvier, dans sa
68°. année.
On écrit deVienne , que l'on continue
à envoyer des munitions de guerre dans
les nouvelles forteresses de Pless et de
Thérésienstadt , et que le Général Magdebourg
est allé les visiter. - Le Général
de Seeger a été nommé par l'Empereur
, Commandant de Pless , et élevé
en même- temps au grade de Lieutenantgénéral
; le Major-général de Colli commandera
sous.lui. Le commandement
de Thérésienstadt a été conféré au Lieutenant-
général de Stames.
-
( 65 )
GRANDE - BRETAGNE .
De Londres , le 3 Mars.
Le 27 février , Milord Onslow, Gentilhomme
de la Chambre , de service au
Palais St. James , déclara au Public qu'il
n'y auroit dorénavant plus de Bulletins ,
ni d'informations officielles donnés sur
la santé de S. M.; et le 28 , cette déclaration
fut répétée dans la Gazette de la
Cour. Le Roi est maintenant , à tous
égards , aussi bien portant qu'il l'ait jamais
été. Dimanche, il assista au Service
Divin , avec la Famille Royale , dans la
chapelle de Kew. La plupart des Ministres
s'étoient rendus la veille auprès
de lui , et tinrent Conseil en sa présence.
Il a déja apposé sa signature à divers
actes publics ; et s'il n'a pas encore paru
au Parlement , c'est uniquement par l'ef
fet des délibérations à prendre sur les me
suresi vont suivre , et pour habituer
graduellement S. M. au bruit et à l'appareil
d'une grande Assemblée. Nombre de
Seigneurs ont été admis auprès de ceMonarque
, entre autres Lord Malmesbury,
Ambassadeur à la Haye. Il a eu une se
conde entrevue avec chacun de ses deux
Fils aînés , et l'on assure , qu'informé de
l'appui qu'a prêté le Duc d'Yorck aux
projets de l'Opposition , il en a été affecté
, comme l'avoit été la Reine. On
(66 )
sait que le Roi avoit une confiance particulière
dans les sentimens du Duc
d'Yorck. L'oraison publique qu'on récitoit
dans les églises pour le rétablissement
de S. M. , a été discontinuée , pour
faire place à une prière d'actions de
graces. Chaque ville , chaque bourg ,
chaque village , prépare déja ses réjouissances
. Londres sera magnifiquement illuminé
, et le Roi jouira de l'inestimable
douceur de voir un Peuple libre solemniser
, par des effusions d'une joie franche,
le retour de son Chefaux fonctions
de l'Administration publique.
Cette révolution , ménagée par le ciel ,
et sollicitée par les voeux de l'unanimité
des Patriotes , a décidé les deux Chambres
à s'ajourner , de trois en trois jours ,
depuis le commencement de la semaine,
précédente. Jeudi sera le terme de ces
prorogations ; un messager de S. M. remettra
la Législature en activité , et il
est à croire que les fonctions de l'Autorité
royale seront exercées parle Roi
lui-même. Les Papiers publics ont parlé,
il est vrai , de la future création d'un
Conseil de Régence , pour un temps déterminé
, et tel qu'il a été d'usage pendant
l'absence de nos Rois ; mais les per
per
sonnes instruites ajoutent peu de foi à
ce projet , tout au plus de convenance .
Le Parlement d'Irlande , ainsi que
nous l'annonçâmes la semaine dernière ,
a décidé cette délicate question de la
( 67 )
Régence , en moins de temps qu'on n'en
met à une partie de trictac. Nul examen
des circonstances , nulle attention au
mieux soutenu qui se déclaroit depuis
dix jours dans la santé du Roi , nulle
discussion , nul acte Parlementaire, nulle
loi préalable , qui , selon la règle , déterminât
la nécessité d'une Régence , pour
autoriser le Parlement à la donner . Ce
Corps , guidé par l'impétuosité de quelques
Orateurs , par l'envie de contrecarrer
le Vice-Roi, et par l'influence de
ceux qui avoient des places à perdre
ou à acquérir , a dressé une Adresse au
Prince de Galles , en lui mettant la
Couronne sur la tête , à l'instant juste
où la Providence et le Parlement Anglois
l'affermissoient sur celle du Roi. Le Vice-
Roi ayant refusé de concourir à cette
étrange précipitation, en faisant passer au
Prince l'Adresse quiluidéfère laRégence
la plus illimitée , et cela , avant même
que le Parlement de la Grande-Bretagne
eût passé le Bill en discussion,
les deux Chambres Irlandoises ont nommé
des Commissaires Députés , chargés
de venir ici offrir leur voeu à S. A. R.
Le Duc de Leinster, Lord Charlemont,
M. Conolly, et trois autres Membres dés
Communes , sont donc arrivés en cette
Capitale , le jour même que les Médecins
déclaroient le Roi guéri. Le malheur
de leur calcul n'a pas empêché ces
Députés d'exécuter leur mission , deve
( 08 )
nue par le fait véritablement burlesque ,
ou hautement criminelle. Ils ont remis
leur Adresse à S. A. R. , à qui lon
prête , dans les Papiers publics , la Réponse
suivante , dont une simple lecture
doit faire suspecter l'authenticité.
« Milords & Meffieurs ,
>> L'adreſſe des Lords, ſpiritue's & tempore's
& des Communes d'Irlande que vous venez, de
me préſenter , exige mes remerciemens les plus
vifs& les plus fincères. Si quelque choſe pouvoit
ajouter à l'eſtime & à l'affection que j'ai pour la
nation Irlandoiſe , CE SEROIT L'ATTACHEMENT
LOYALET AFFECTIONNÉ POUR LA PERSONNE
ET LE GOUVERNEMENT DU ROI, MON PERE ,
MANIFESTÉ DANS L'ADRESSE DES DEUX
CHAMBRES, "
« Ce qu'elles ont fair , & la manière dont elles
l'ont fair , eſt une preuve que le respect dû à S. M.
n'a point fouffert d'altération ; & que leur attache.
ment uniformepour la maison de Brunswick s'eft
manifeſté par leur attention conſtante à maintenir
inviolab'ement , entre la Grande-Bretagne & l'Irlande
, la concorde & l'union qui font indiſpenſablement
néceſſaires à la proſpérité , au bonheur&
à'aliberté des deux royaumes. »
« Si , en exprimant la reconnoiffance que miap're
la conduitedu Parlement envers le Roi mon
père , relativement aux intérêts inséparables des
deux royaumes ,je me trouve incapable d'exprimer
ceque mon coeur reffent , j'eſpère que vous n'en
ferez pas moins diſpoſés à croire que je ſens tout
le prix de ce qu'il a fait , que j'ai une ame diſpoſée
à ne jamais l'oublier , & des principes qui ne me
permettront pas d abuſer de leur confiance . »
« Mais le changement heureux ſurvenu dans
(69 )
la circonstance qui a donne lieu à l'Adreſſe votée
par les Lords & les Communes de l'Iriande , me
porte à différer de quelques jours à y donner une
réponſe définitive , eſpérant que l'évènement défiré
qui permettra à S. M. de reprendre l'exercice
de l'Autorité royale , ne me laiſſera d'autre voeu à
former que celui de témoigner au peuple généreux
&loyalde l'Irlande, les ſentimens de reconnoiffance
&d'affection'que je ſens gravés dans mon coeut
encaractères ineffaçables .
Un cortège de Chefs de l'Opposition
accompagna ces Députés au Palais du
Prince. M. Fox, de retour de Bath , fut
le seul qui s'abstint de cette démarche ,
et qui n'a point assisté aux bons dîners
qu'ont reçus , chez S. A. R. et chez quelques
Seigneurs du Parti , ces fidèles serviteursde
GeorgeIII.-Il n'est pas aisé
de rendre le ridicule, les sarcasmes , les
épigrammes de tout genre dont ils ont
été criblés . On les a peints , dans une
caricature fort plaisante , sous le titre
Ambassadeurs Extraordinaires du
royaume d'Irlande ; sobriquet qui est
danstoutes lesbouches, etqui leur restera,
Le Parlement d'Irlande ne s'en est
pás tenu à créer un Régent au nom du
Roi rétabli , il a passé dans la Chambre
Haute un vote de censure contre le
Vice-Roi , Marquis de Buckingham ,
pour avoir manqué de respect au Parlement
, en refusant son Adresse. Cette
Résolution n'a été admise , dans la
Chambre des Pairs qu'à la mince
pluralité de 6 voix (37 contre 31.Les
1
(70 )
Communes , de leur côté , craignant que
le Vice-Roi ne les prorogeât , n'ont ac
cordé les subsides que pour deux mois ,
à la pluralité de 105 voix contre 85.
Cette foible Majorité aura bien de la
peine aujourd'hui à conserver son crédit,
et à justifier ses actes , sur lesquels
il est à croire que le Roi ni ses Ministres
ne resteront pas indifférens .
Les nouvelles reçues depuis peu, qui
annoncent Theureuse aarrrivée de la flotte
aux ordres du Commodore Philipps à
la Baie Botanique , ajoutent que ce
Commodore se proposoit de faire partir,
au mois de novembre dernier , le brigantin
le Supply , de sorte qu'on attend
l'arrivée de ce bâtiment dans le courant
de mars , ou vers le commencement
d'avril.
Lafrégate laPénélopede32 can. , montée
par le Capitaine Linzée , a fait
voile ces jours derniers de Plimouth
pourHalifax : c'est le vaisseau le mieux
composé en Officiers et en Matelots , de
tous ceux qui ont appareillé de ce port
depuis plusieurs années.
On prétend que le Gouvernement s'occupe de
l'établiſſement d'une Colonie ſur la pointe Buny
oudans la rivière de Garbie ; & d'après les rapports
faits au Bureau du Commerce parles Officiers
&Marchands qui ont réſidé fur les bancs de cette
rivière , on prétend que les isles de l'Inde ſeront
abondamment pourvues de bétail , de volaille ,
de bois de teinture , de cidre , de riz & de bled
(71 )
* de Guinée , d'où l'on emportera en échange pour
l'Angleterre de grandes quantités de coton ,d'indigo,
de cire , d'ivoire & de gomme.
FRANCE.
De Versailles ,le 6 Mars.
Le22du mois dernier , M. de Vaucreſſon , que
le Roi a pourvu de la charge de Premier Préſident,&
M. de Montillet , de celle de Procureurgénéral
au Grand-Confeil , ont eu l'honneur de
faire leurs remerciemens à Sa Majefté , étant préſentés
par le Garde-des-Sceaux de France.
M. de Charitte, Premier Préſident du Parlement
de Pau , a , en cette qualité , prêté ſerment
entre les mains du Roi.
Le même jour , Leurs Majestés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage du Comte
de Barbançois , Lieutenant au régiment des Gardes-
Françoiſes , avec Mademoiselle Coustard , &
celui de M. Tourteau d'Orvilliers , Maîtres des
Requêtes , avec Mademoiſelle Rilliet.
Le Chevalier Emmanuel de Sainte-Hermine de
la Barrière ,&le BarondeNédonchel , qui avoient
eu l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu, le
23 du même mois , celuide monter dans les voitures
de Sa Majefté , & de la ſuivre à la chaſſe.
LeRoi a nommé à l'Abbaye de Saint-Victor ,
Ordrede S. Auguſtin , diocèſe de Paris , l'Archevêque
de Toulouſe; à celle de Sorèze , Ordre de S.
Benoît , diocèſe de Lavaur , l'Evêque de Rodès ; à
celle de Saint-Riquier , même Ordre , diocèſe
d'Amiens, l'Evêque de Saint- Omer ; à l'Abbaye
régulière de Cuſſet , même Ordre , diocèſe de
Clermont, la dame de Saint-George , Religieufe
profeſſe de l'Ordre de Fontevrault , àVilleſalens,
(73)
1
diocèſe de Poitiers ; & à celle de Bonlieu , Ordre
deCiteaux , diocèſe du Mans , la dame de Murat ,
Abbeffe de la Virginité , même Ordre & même
diocèſe , ſur la nomination & préſentation de
Monfieur , Frère de Sa Majesté , en vertu de fon
Apanage.
M. Mentelle , Cenfeur royal , Hiſtoriographe
de Monseigneur Comte d'Artois , a eu l'honneur
d'expoſer , ſous les yeux du Roi , un Globe terreſtre
, dont il eſt l'inventeur. Ce Globe , de trois
pieds huit pouces de diamètre , ſansycomprendre
l'horizon , eft compoſé d'un grand nombre de
par ies qui le rendent propre à des démonſtrations
de Géographie-phyſique & de Géograghie-politique,
ancienne , moderne & comparée. Sa Majesté
a paru fatisfaite de pluſieurs démonſtrations. Il
s'y trouve auſſi la figure des conſtellations , &
les étoiles de la rere. , 2. , 3. & 4. grandeurs.
LeRoi a deſtiné ce Globe à l'éducation de Monſeigneur
leDauphin , chez lequel le Duc de Harcour
l'a faitplacer aufſi-tôt.
M. de Sauvigny , Chevalier de S. Louis , Cenſeur
royal , a eu l'honneur de préſenter à Sa Maj.
les 64 , 65. & 66es, cahiers de ſes Effais fur
l'Histoire des Francs.
M. Blin a eu l'honneur de préſenter à Sa
Majefté la 22º. Livraiſon des Portraits des grands
Hommes , Femmes illuftres &ſujets mémorables de
France, gravés & imprimés en couleur , dont Sa
Majesté a bien voulu agréer la dédicace ( * ) .
(*) Cette Livraiſon , contenant les portraits de
François de Chevert , Lieutenant général , & du
Maréchal de Vaux , ſe trouve , ainsi que les précédentes
, chez l'Auteur , place Maubert , nº. 17.
Des deux actions en tableaux qui accompagnent les
Portraits , celle qui concerne M. de Chevert nous
paroît heureuſement choiſie , et rendue avec
expreſſion.
(73 )
De Paris , le 11 Mars.
Les Lettres de Convocation , datées
du 19 février , ont été adressées aux
provinces régies autrement que par
Elections , et au nombre de 10 ; savoir ,
le Roussillon , les Marches communes
franches de Poitou et de Bretagne ,
la Principauté d'Orange , la Flandre, le
Duché d'Albret , les Bailliages de Chartres
et de Château-neufen Thimerais , la
Navarre , le pays de Soule, le Comté de
Foix et le Cambresis .
Réglement fait par le Roi, le 19 février
1789 , pour l'exécution de ses Lettresde
Convocation aux Etats-Généraux , danc
sa province de Franche-Comté.
Le Roi s'eſt réſervé , par ſon Réglement du
24 janvier dernier , d'expliq er ſes intentions fur
la forme à obíerver pour la Convocation aux pro
chains Etats-Généraux , dans les provinces unies
àſa Couronne depuis 1614 ; Sa Majefté a reconnu
que la Franche-Comté , qui n'a paſſé définitivement
fous ſon obéiſſance que depuis cette époque,
étoit diviſée en quatre Bailliages principaux , ayant
tous les caractères exigés pour convoquer les
trois Ordres , & ſous leſquels peuvent ſe ranger
les Bailliages ſecondaires : cette diviſion ne préſente
aucunes difficultés pour établir en Franche-
Comté la forme de Convocation que le Roi a
adoptée pour le reſte de ſon royaume; en conſéquence
, S. M. a ordonné & ordonne que le
Réglement qu'Elle a arrêté dans ſon Conſeil, le
24 janvier dernier , ſera ſuivi & exécuté , ſelon
Nº. 11. 14 Mars 1789. d
(74)
&
ſa forme & teneur , dans ſa province de Fra-che
Comté , à l'effet de quoi il ſera annexé au préſent
Réglement.
La province de Franche-Comté enverra
aux Etats-Généraux 28 Députés, dont
la moitié du Tiers-Etat.
«M. de Nassau Siégen est arrivé ces
jours derniers de Pétersbourg à Paris ,
⚫après avoir visité en moins d'un mois les
Cours de Berlin , de Varsovie , de Dresde
et de Vienne , et est reparti dici pour
Madrid , d'où il doit être de retour à Pétersbourg
avant le 10 mai prochain.>>>
On nous mande de Vallery en Caux ,
un événement que nous citerons sur
l'autorité de la personne signée qui nous
en informe .
«Deux jeunes gens d'une paroiſſe voiſine de
Saint-Maurice , prèsRouen , furent , le 8 , chez ua
Laboureur , pour y faire ce qu'on appelle vulgairement
le carnaval. Vers les 7 heures du foir ,
le Berger de ce Fermier ſe permit des invectives
contre ſon maître & ſes enfans. L'un des deux
jeune -gens fit à ce forcené des rep éſentations
ſur ſes mauvais procédés ; le Berger répondit
quelques injures ,&enſuite fortit de la maiſon.
Environ deux heures après , il rentra dans la
maiſon , s'approcha du jeune homme , lui tira ,
à bout portant , un coup de piſtoler dans le
viſage,&reffortit fur-le-champ , en diſant que
ce n'étoit pas le dernier qu'il tueroit. Ce ſcélérat
avoit chargé ſon piſtolet de quatre morceaux de
plomb de diverſes formes; mais comme le coup
aporté dans la mâchoire inférieure , il n'eſt pas
mortel , & quoique ce jeune homme ſoit dans
(75)
le plus tiſte état, il reste encore quelque eſpoir
de guérifon »
Le camarade du mort a été très- heureux
d'échapper aux fureurs de cet aſſaffio , puiſqu'd
fut la même nuit , à une voiſine du domi ile de
çe jeune homme, s'informers'il n'étoit pas rentré
chez lui , & ajouta qu'il érot heureux de ne
s'être pas trouvé fur fon chemin. »
Le lendemain , ſur les 10 heures du matin ,
on entendit un coup de piſtolet qui partoit de
la Bergerie du Fermier ; plus de cinquante perſonnes,
que l'événement de la veille avoit attirées
chez lui , ſe portèrent au lieu du coup ; on enfonça
à coups de hache la porte de la Bergerie ,
dans laque'le l'aſſaſſin étoit étendu , & mort d'un
coup de piſtolet. Avant que de ſe donner la
mort , il s'étoit coupé la gorge avec un raſoir ,
l'avoit enſuite refermé , &remis ſur une planche
attachée contre une muraille de la Bergerie. »
M. le Marquis de Villette ayant mis
au jour une Protestation pleine de force
etde raison , en faveur des Serfs du Mont-
Jura , ses Cliens , si dignes d'intérêt , lui
ont adressé la lettre suivante , datée de
Saint-Claude , du 18 février dernier
Monfieur
&Vous êtes béni dans nos montagnes , votre
nonn'y eft prononcé qu'avec attendriſſement , &
notre reconnoiffance re peut être égalée que par
leplaifir que nous a fait votre excellent ouvrage
fur leMont- Jura. Nous avons reconnu le diſciple
chéri de Voltaire , notre généreux défenſeur. Il
feroit mort de joie , s'il eût été témoin des grands
évènemens qui éterniſent à jamais les bienfaits du
Roi, &qui feront appeler ſon règne le ſièclede
LouisXVI. Avec quelle émotion n'auroit-ilpas lu,
d
( 76)
dans le réſultat du Confeil, ces belles & mémorables
parolesde fon auguſte Epouse , que nous
révérons tous comme la Patrone defes Peuples ?
« La vérité caractériſe votre éloquent mémoire ;
mais nous devons publier en même-temps les
nobles projets de notrenouvel Evêque, M.de Chabot;
il nous affranchiroit ſi ſes terres n'étoient pas indiviſes
avec ſon Chapitre; indivifion qui lui en
ôte le pouvoir , & dont le Roi ſeul peut ordonner.
"
« S'il faut une indemnité aux Seigneurs , ne devroient-
ils pas ſe contenter de celle que Sa Majefté
a réglée pour l'affranchiſſement de fes domaines ?
S'ils réſiſtent à un fi grand exemple , qu'ils apprennent
que celui de nos Princes qui approuva ,
en 1459,nos coutumes ſur la main-morte, réſerva,
à lui & à fes fucceffeurs Comtes de Bourgogne , de
pouvoir corriger , amender , reformer , déclarer,interprêterlesdites
coutumes , toutes& quantesfois il nous
plaira , & beſoin fera ; & qu'ainſi nos lois mêmes
reconnoiffent que le Roi a le pouvoir de rendre
aux Serfs des Seigneurs , la justice que ceux-ci leur
refuſent. »
« Mgr. le Directeur-général des Finances , ce
Miniſtre ſavant&vertueux , fi digne du choix de
notre Souverain , ſera ſupplié par trente-huit mille
de fes fidèles Sujets d'achever fon ouvrage ,& de
rappeler à Sa Majefté l'affranchiſſement du Mont-
Jura, promis & annoncé à la France entière dans
le compte rendu de 1781. »
«Signé , LES SERFS DU MONT-JURA .
« Et plus bas , les Notables & principauxHabitans
de la ville de Saint-Claude.>>>
« Le 18 février 1789. »
M. l'Archevêque de Narbonne , en sa
qualitéde Président des Etats de Langue(
77 )
- doc, contre la constitution desquels il
s'est élevé dans la province de nombreu
ses réclamations , a reçu une lettre de
S. M. , au sujet de la nouvelle forme
d'Election des Députés aux Etats-Généraux
pour le Languedoc , adoptée par le
Gouvernement. A cette lettre en étoit
jointe une de M. Necker, dont voici la
teneur :
de
« Je viens de recevoir à Paris , Mgr. , la lettre
«que vous m'avez adreſſée par un courrier ex-
>>>traordinaire , & j'ai fait remettre au Roi celle
* qui étoit pour Sa Majeſté. Je me hâte de vous
> faire parvenir la réponſe de Sa Majefté. C'eſt
> après une mûre délibération dans fon Confeil
» des dépêches , que le Roi a ordonné que ſes
" Sujets Languedoc fuſſent convoqués par Sé-
> néchauffées , & de la même manière que les
▸ autres Habitans du royaume. Les Commiſſaires
>> du Confeil , nommés par le Poi pour les tra
>», vaux préparatoires des Etats-Généraux , ont fait
>"un rapport de tous les faits&de tous les motifs
>> propres à éclairer la décifion de S. M. , & l'a-
>> vis du Conſeil de S. M. a été unanime. Plu-
>> fieurs Membres des Etats feront fans doute
>> nommés aux Etats-Généraux par le choix libre
>> des Sénéchauffées , & , dans tous les cas , l'in-
>> tention de Sa Maj. eſt d'appeler auprès d'Elle
>> une Députation des Etats de Languedoc, pen-
>> dant la durée des Etats-Généraux , afin que ,
» s'il eſt néceſſaire , tous les ſervices rendus à la
» Province & à l'Etat , par les Etats de Langue-
>> doc, foient particulièrement connus des Repré-
> ſentans de la Nation , comme ils le font du
» Gouvernement.-Je puis vous affurer , Mgr. ,
que le Roi a examiné les queſtions difcutées
**dans ſon Confeil avec un véritable ſentiment
dig
(78)
>> d'affection pour les Etats du Languedoc. S. M.
> rend toute la juftice qu'on pouvoit défirerà leur
>> Adminiſtration , & fes Miniſtres, ont partagé
>> ces ſentinmens. L'Arrêt de Convocation ſera
>>> fait d'une manière convenable pour les Etats
>>de Languedoc.- Nous n'avons pas entendu
• parler des Députés annoncés par les lettres
>>du Languedoc , ils n'auront aucune affaire à
>> traiter ici , puiſque les Lettres de Convocation
>> feront parties, & qu'ils ne feront pas admis à
>> difcuter l'Administration de la Province. Votre
>> courrier est chargé d'une lettre de M. de Ville-
>> denil poar M. le Comte de Perigord , & cette
>> lettre contient un Arrêt de caſſation des Arrêtés
>> de la Cour des Aides , &c. »
L'époque très-prochaine des Assemblos
deBailliages éloigne journellement
de Paris un nombre infini de personnes
du Clergé , de la Noblesse et du Tiers.
Etat; tous les Grands Baillis qui se trouvoient
ici sont déja partis..On est informé
que les justes réclamations de divers
Bailliages ont été fort bien accueillies
par le Ministère, et que la liberté accordée
de s'écarter de quelques dispositions
du Réglement d'instruction , a
applani une foule de difficultés. Il paroît
qu'en général laDéputation aux Etats-
Généraux sera recherchée par les Membres
des trois Ordres , et que la doctrine
de pouvoirs fort étendus à donner à ces
Députés a prévalu.
Rapporteurs des opinions, dont nous
nous sommes prescrit de n'adopter publiquement
aucune , nous donnerons
(79)
L
cours , sans réflexions quelconques , à la
lettre suivante, qui nous est adressée de
Normandie.
- « Vous êtes Etranger , Monfieur ; mais moi
qui ſuis François & Cultivateur , je puis difcuter
& répondre aux éclairciſſemens inférés dans votre
Journal du 21 février , par un Dauphinois. »
« L'obfervation très-ſenſée que vous aviez faite
dans le Journal du 24 janvier , ſur le petit nombre
de Députés du Dauphiné , pris dans la c'aſſe
nombreuſe , utile , ſage & éclairée du Cultivateur
proprement dit , eſt reſtée dans toute ſa
force , malgré l'adreſſe des raiſons employées pour
l'affoiblir. »
« L'Agriculture eſt-elle ſi peu honorée dans
cette province , que la claſſe de ceux qui l'exercent,
ne foit pas digne d'avoir des Députés
aux Etats -Généraux ? Un propriétaire campagnard
ne peut- il , parce qu'il n'a pas l'habitude
de parler & d'écrire , mêler ſon fuffrage à celui
d'un Bourgeois d'ure Cité ? & la charrue françoiſe
, quoique moins ſouvent ombragée de lauriers
que le foc de Cincinnatus , pourroit ele ,
dansunRoyaume agricole , obtenir moins d'honneur
que la plume d'un homme de Loi , ou la
lyre même d'mphion , bâtiſſant les murailles
de Thèbes. "
« Il n'étoit pas beſoin de créer des Ordres dans
les Ordres , il ne falloit que ſuivre la diviſion
naturelle des diverſes claſſes du Tiers-Etat , &
prendredans chacure un nombre de Députés relatif
à leur dignité & à leur importance : en
examinant bien quel eſt le caractère le plus effentiel
pour un Kepréſentant de ſa province aux
Aſſemblées de la Nation , on n'auroit peut- être
pas oſé dire , qu'i, faut attendre qu'une révolution
div
( 80 )
morale ait fixé dans les campagnes des Proprié
taires exercés aux affaires publiques. »
«Une des grandes affaires qu'on y traitera ,
eſt l'impôt ; c'eſt à ceux qui le paieront dans
une plus grande proportion , qu'il appartient furtout
de le confentir & de le limiter; la claſſe
des Orateurs ne doit y avoir que la moindre
influence ; les beſoins de l'Etat exigent des facrifices
pécuniaires , & non des harargues dans la
tribune , ou des cahiers abſtraits & ſouvent fophiſtiques
, fur l'origine des ſociétés , le droit
primitif & la dignité de l'homme , &c.
« Il eſt vrai que l'Auteur de la lettre annonce
k travail important de faire une Conftitution ; mais
jedirai encore que cet ouvrage fublime demandedes
hommes d'Etat , & que l'éloquence des Gracches
même ne peut remplacer le génie des Licurgues
&des Sclon. »
« J'ajouterai avec M. Mallet du Pan (1 ) ,
» qu'une Légiflation compofée exige a-la-fois le
>>concours des temps , des caractères & des
>> accidens; que de toutes les chimères ,la plus
>>>déraisonnable , eſt d'attendre de plans d'Utopie
>> formés ſur le papier , ou adoptés même par
>>leseſprits iuftes , ce que les ſiècles & les affions
>> amènent par degrés. A Dieu ſeul appartient
>> de dire que la lumière ſoit. »
« Pour nous , contens d'une Conſtitution qui
fait fleurir& proſpérer l'empire des Francs depuis
14 fiècles , nous nous bornerons fans doute à
concerter avec le Souverain les moyens de la
rendre inébranlable : auſſi jaloux de maintenir la
prérogative Royale , que les droits du Peuple ,
dans un Etat où la Conſtitution repoſe fur la
baſe immuable de la propriété , toute nouveauté
(1) Mercure de France , nº. 3 , page 121 .
(8 )
1
nous paroîtra dangereuſe: changer une feule
Loi fondamentale , c'eſt les ébranler, c'eſt les
détruire toutes. >>
« Les bornes de votre Journal m'avertiſſent
de ne pas tout dire ; je ferai ſeulement quelques
réflexions fur les diſpoſitions impératives du mandat
ſpécial que , malgré ſes efforts , l'habile Dauphinois
n'a pu juftifier ; en effet , fi une pra
vince adonné un mauvais exemple , il ne faltoit
pas l'imiter.>>
« Les Députés du Dauphiné , enchaînés dans
les liens étroits du mandat , feront abfolumest
fans pouvoirs ; l'on ne pourra rien propofer &
difcuter avec eux , puiſque toute diſcuſſion leur
eft interdite ,& qu'ils ne peuvent avoir un avis. »
« Le bel expédient , ſans doute , que celui de
recourir à la province pour obtenir des pouvoirs
plus étendus ! il eſt du moins impraticable dans
un pays d'élections , qui pourront , à l'exemple du
Dauphiné , donner auffi leur mandat ſpécial. Dans
l'intervalle du temps néceſſaire à de nouvelles réfolutions,
quedeviendra l'activité de l'Aflemblée
nationale , forcée d'interrompre ſes opérations
enattendant que les provinces aient dicté d'autres
lois , peut-être aufli impératives que les premières
? "
« La province du Dauphiné a juſqu'ici donné
de grands exemples ; mais qu'elle fouhaite de
n'avoir donné aux ſiècles à venir que des leçons
de prudence , & que la France , en proie aux
diviſions inteſtines , ne puiſſe dire :
Hac fontè derivata clades
In populum patriamque fluxit.
Je ſuis , Monfieur , &c.
:
:
Par UN CULTIVATEUR bas-Normand,
Ce 3 mars 1789.
dv
(82 )
Le Sieur Blondet , Mécanicien , résidant
àBourges depuis quelques années,
déja connu très-avantageusement par ses
tálens et son génie , a composé une mécanique
qui , adaptée au-dessus de la
meule couranted'un moulin àbled, avec
le secours de huit hommes, fait aisément
mouvoir ladite meule , et donne en dixhuit
minutes 25 livres de bonne farine ,
et peut entretenir de pain 3000 per- .
sonnes par jour.
L'expérience de cette machine s'est
faite en présence de MM. de l'Administration
, de MM. les Officiers Municipaux,
et de quantité de Citoyens recommandables
, qui tous ont applaudi à
cette découverte .
Le sieur Blondet, ayant été maîtrisé
par les circonstances, n'a pu donner à
cette mécanique toute la perfection dont
elle est susceptible; il se propose d'en
établir une, pour son propre compte, qui
n'exigera que la force de quatre bras ,
qu'on pourra même encore simplifier
en y adaptant un moulin-à-vent , en y
ajoutant un léger volume d'eau, ou en la
faisant mouvoir par un cheval , suivant
les cas et au choix des propriétaires ;
demanière que ce moulin réunira quatre
ressources également avantageuses et
suffisantespour le mettre en activité conjointement
ou séparément.
Le sieur Blondet offre non-seulement
ses secours à tous ceux qui en aurent
(83)
besoin , mais il procurera encore des
modèles de sa mécanique à toutes les
personnes qui désireroient la faire exécuter
avec les procédés les plus simples
et les plus économiques.
La Société libre des Sciences , Felles- Lettres&
Arts d'Agen , a tenu , le 29 janvier , fa Séance
publique. M. l'Abbé de Raugouse de Beauregard ,
Directeur , en a fait l'ouverture par un Difcours
fur les différens moyens de corriger les vices & les
défauts. M. l'Abbé Paganel , ancien Secrétaire
perpétuel , a lu un mémoirefur les révolutions arrivéesdans
l. Gouvernement François depuis Clovis
jusqu'à Charlemagne. M. de Lafont du Cujula , un
Dialogue entre deux Françoiſes aux Champs- Elysees ,
fur cette queſtion : Les femmes ont-elles àfeplaindre
de la nature & de la fociété ? M. de Bergognié , une
Ode intitulée : Les Grands. M. l'Abbé Gignoux ,
un Mémoire qui traite de l'influence des révolutions
politiquesfur l'éloquence. M. de Saint-Amans , un
Fragment d'un Voyage dans les Pyrénées , ou Promenades
sentimentales & pittoresques sur quelques
montagnes qui séparent la vallée de Campan de la
valléed'Aure. Le P. Roche , de l'Oratoire, un Mémoirefur
l'efficacité desParatonnerres. La Séance a
été terminée par la lecture que M. Vigné a faite
d'une Epitre en vers à M. de L'xxxx , Préfident
du Musée de Bordeaux.
L'Académie des Sciences , Arts et
Belles- Lettres de Dijon propose , pour
la seconde fois , un Prix double qui sera
décerné , au mois d'août 1790 , sur la
question : Quelle est l'influence de la
Morale des Gouvernemens sur celle
des Peuples?
« Elle diſtribuera , dans la Séance publique du
:
d vj
( 84 )
mois d'août 1789 , le prix de Phyſique qu'elle
a propoſé dès 1785 , ſur le ſujet conçu en ces
termes:
Déterminer , par leurs propriétés reſpectives , la
différence effentielle du phlogiſtique & de la matière
dela chaleur.
Ce prix fera auſſi double.
L'Académie décernera encore , dans la même
Séance , le Prix extraordinaire dont M. CARNOT ,
Auteur de l'éloge de VAUBAN , couronné en 1784,.
a fait les fonds , & qui a été propoſé ſur cette
queſtion :
Est-il avantageux à un Etat, tel que la France ,
qu'ily ait des places fortesfurſesfrontières ?
L'Académie en décernant , en 1785 , un des
deux Prix qu'elle avoit propoſés pour la théorie
des vents , réſerva l'autre Prix , qu'elle eſpère diftribuer
dans la même Séance publique du mois
d'août 1789 .
L'Académie avoit demandé , pour ſujet du
Prix de Médecine qu'elle devoit proclamer dans
la Séance publique du mois d'août 1788 :
Les fièvres catarreuſes deviennent aujourd'hui plus
communes qu'elles ne l'ont jamais été ; les fièvres inflammatoires
deviennent extrêmement rares ; lesfièvres
bilieuſesfont moins communes : déterminer les raiſons
qui ontpu donner lieu à ces révolutions dans nos climats
& dans nos tempéramens.
L'Académie a reçu pluſieurs Mémoires ſur ce
fujet important , mais ils n'ont pas entièrement
rempli ſes vues.
Parmi ces Mémoires, elle a diſtingué particulièrement
celui qui a pour épigraphe : Præterita
diſcito, præfentia cognofcito , prædiſcito fuura .
Elle propoſe de nouveau la même queſtion ,
pour ſujet d'un Prix double , qu'el'e diftribuera
dans la Séance publique du mois d'août 1791.
Leurs ouvrages,feront adreſſes,francs de port,
( 85 )
à M. CAILLET , Secrétaire perpétuel , qui les re
cevrajuſqu'au premier avril incluſivement.
<<Depuis long- temps les bons Citoyens
<< font des voeux pour que le Gouverne-
<<ment détruise une des causes les plus
<< funestes de la corruption des moeurs ,
<< les Loteries. Il n'est point en effet
<<de ville dans le royaume qui ne ren-
<< ferme quelque victime de ces jeux
<<publics. La capitale et les grandes
<<<villes en contiennent sur-tout un nom-
<<bre infini. En attendant que la révolu-
<<<tion désirée se fasse , les Tribunaux
< s'empressent de proscrire les engage-
<< mens que des Buralistes adroits et
<<dangereux font souscrire par des hom-
<<mes faciles , pour courir des chances
<<<avec des mises à crédit. Un mémoire
<< qu'on nous a adressé de Lyon , offre
<<un exemple récent d'une contestation
<<semblable entre un Apothicaire et un
<< Buralište. Ce mémoire, qui présente
<< des discussions très-savantes sur lesjeux
<< publics , est digne d'être déposé dans
le Journal des Causes célébres. (1 ) Il
(1) Ce Journal fe continue toujours avec ſuceès.
Il en paroît un volume tous les 15 jours . Le
prix de la Souſcription eft , pour Paris de 18 liv. ,
&de 24 liv. pour la province. Os foufcrit en
tout temps , mais pourl'année entière. On reçoit
les Souſcriptions chez M. Defeffarts , Avocat, rue
du Théâtre-François ; & chez Mérigot le jeune,
Librate , quai des Auguftins .
(86 )
<< y sera sans doute inséré aussi-tôt que
* le procès aura été jugé. »
Carte de l'Empire d'Allemagne en 16 feuilles ,
toutes ſur la même échelle , pour faire ſuite à
P'Atlas portatif de M. l'Abbé Grenet , Profeſſeur
en l'Univerſité de Paris, Prix de chaque feuille ,
15 fols , rebées avec la carte générale 14 liv.
& avec les 70 cartes précédentes , 59 liv.
Ces 16 feuilles de détail ſur l'Allemagne ,
offrent la Conſtitution politique de chaque cercle ,
les villes , lesbourgs ,&les principales routes. Elles
font d'un burin pur ,& deſſinées avec exactitude.
Très-Haute & très- Puiſſante Dame, Catherine-
Joſephe-Agathe-Robert de Lignerac , Vicomteſſe
du Chayla , veuve de très-Haut & très-Puiſſant
Seigneur , Meffire Nicolas-Joſeph-Balthazar de
Langlade, Vicomte du Chayla , Baron de Montauroux
& Chambon , &c. &c. Lieutenant-Général
des Armées du Roi , Chevalier Commandeur
de ſes Ordres , Directeur général de la
Cavalerie & Dragons de France , Commandant
en chefdans la province de Franche- Comté ,
Gouverneur pour le Roi des Ville & Château
deVillefranche enRouftillon,Gouverneur , Grand
Bailli & Sénéchal du Duché de Mercoeur , eſt
morte à Moulins , le 29 décembre dernier 1788 ,
âgée de 87 ans.
PAYS -BAS.
De Bruxelles , le 13 Mars 1789.
LeGouvernement a expédié à l'Archevêque
de Malines , aux Evêques , Abbés
et Visiteurs-généraux des Ordres Mendians
, une injonction de l'Empereur
(87 )
d'envoyer sans délai leurs Théologiens
au Séminaire Général de Louvain , où
l'Archevêque de Malines a ordre de s'y
transporter en personne le 8 mars.
Les Etats de Brabant ont reçu de l'Empereur
la Réponse à leur dernière Supplique
, contenue dans la dépêche sui
vante de S. M. I.
«J'ai eu rapport de la Requête que vous m'avezadreſſée
de votre Aſſemblée générale , tenue
le 26 du mois dernier , & je fuis fatisfait de la
Déclaration qu'elle renferme de votre part , quant
aux ſubſides & charges ordinaires , qu'une partie
du Tiers-Etat de ma province du Brabant a ofé
refuſer avec opiniâtreté. »
« En conféquence, je vous ordonne , comme
je vousy autoriſe , ffaannss qu'il foit ou, puiſſe être
queſtionà ceteffet d'autre expédition que de cette
préſente Dépêche, de procéder au recouvement
&perception de ces impôts & fubfides , fur le
pied accoutumé , ſuppléant directement , en vertu
de ma pleine & fouveraine Puiſſance , à tout ce
qui pourroit être requis pour compléter le confentement
des Etats , attenda que le terme de ceue
perception expire avec le mois de mai prochain ;
j'ordonne& entends que ce terme écoulé , vous
en cont nuiez le recouvrement , par provifion &
fans interruption , juſqu'à ce queje vous aie fait
connoître mes intentions par rapport aux arrangemens
que je trouverai bon de faire pour qu'il
ne puiffe p'us ſe reproduireun ſcandale pareil à
celui que je reffens à ſi juſte titre : aujourd'hui ,
que ceuxqui en font cauſe, ſoient les premiers à
en reſſentir les effets , & que les frais de l'Adminiſtration
foient àjamais mis à couvert. »
«J'ai chargéen confequence monGouvernement(
88 )
général dedonner , s'il en étoit beſoin , à cet effet ,
main-forte à vos Employés , quoique je doive
croire , & que je préfère de me laiſſer aller à la
penſée que tousles contribuables , fans exception ,
s'empreſſeront d'eux-mêmes à remplir ce qui eſt ,
fur cet article , du devoir de tout fidèle ſujet. »
» Je veux bien , ainſi que vous m'en ſuppliez ,
regarder comme non avenues les repréſentations
que vous m'aviez adreſſées le premier décembre
&que je vous ai renvoyées ,& agréer ainſi votre
renonciation aux objets ſur leſquels elle portoit ,
dont j'entends , au reſte , qu'en aucun temps il ne
puiſſe pl..s être queſtion. Je mepromets que vous
reſpecterez déſormais , comme vous le devez , mes
déciſions ſouveraines , portées avec pleine connoiſſance
de cauſes; que vous ne vous permettrez
plus de démarche quelconque fur des objets étrangers
à votre influence ou à votre adminiſtration
ni aucune repréſentation ou démarche indiſcrète
foit pour appuyer ceux qui , par une réſiſtance
opinian une conduite criminelle , ont encouru
ma diſgrace , ſoit pour tenter de contefter &d'embarraſſer
l'exercice des droits de mon autorité &
les prérogatives de ma couronne. »
« Du reſte , j'ai ordonné de nouveau à mon
Gouvernement-général de faire exécuter , en toute
rigueur, les Lois que j'ai portées , & de n'épargner
aucun moyen pour en procurer la prompte
&ponctuelle exécution, ſans ſe temir même , à
l'égard de mes ſujets quelconques qui y contreviendroient
, aux formes qui ne ſont établies
que pour les cas ordinaires , vous prévenant au
furplus que j'ai caffé & annullé , commeje caſſe
&annulle les claufes & conditions par leſquelles
quelques Tribunaux ſe ſont permis d'y apporter
des restrictions ou modifications : fur quoi j'ai chargémonGouvernementde
faire connoître à ces Tribunaux
ma volonté ſouveraine & abfolue. »
,
,
(89 )
« J'ai reçu d'ailleurs , avec confiance& plaifir ,
l'hommage de ſoumiſſion &d'empreſſement àrépondre
à mes intentions , que votre requête me
préſente; & certè confiance a déjà déterminé ma
bontéàautorifer monGouvernement-général à tenir
en fufpends l'exécution des ordres que je lui avois
donnés en conféquence de ma dépêche du 7 janvier
; je me ſuis porté à cette diſpoſition provifoire
, dans l'attente que vous réaliſerez en tout
temps , en toutes circonstances , & à l'égard de
tous des objets, ce qu'annonce votre requête , &
cé que le devoir vous impofe , comme àtoutbon
ſujet. »
<<Ne doutant pas que vous ne reconnoiffiez vous
mêmes que , ſi ma dignité ainſi que mes droits
exigent que je prenue des meſures &fficaces pour
que jama's & en aucun temps , on ne puiffe voir
ſe reproduire le ſcandale affreux dont , pour l'honneurmême
de laNation, je voudrois pouvoir effacer
le ſouvenir , il eſt en même temps de l'intérêt
de cette naton , comme de mon ſervice , d'épurer
la conſtitution également ténébreuſe , incompréhenſible
, &même, à ben des égards, inexécutable
, comme le texte ſeul l'annonce , & de la
rédiger & fixer ſur un pied convenable. »
« Mon irtention eſt de gouverner par les Lois ,
&de procurer le bonheur & le fou'agemenr de
mes peuples , c'eſt-là l'unique objet de mes ſoins ;
& après ce qui s'eſt paflé depuis près de deux
ans , & ce que , ſous les faux dehors de zèle &
d'attachement , on a ofé ſe permettre tout récemment
encore , malgré que l'autorité eût épuisé tout
ce qui étoit poffble en bonté & en modération ,
je ne faurois vous donner une plus grande preuve
de clémence , ainſi que de mon affection , qu'en
vous manifeſtant des vues & des intentions
d'après la conduite du grand nombre , j'aurois
que,
( 90 )
été autoriſé à réaliſer par ma ſeule puiſſance fouveraine.
»
« Ces vues & intentions vous feront déclarées
p'us individuellement par mon Miniſtre-Plénipotentiaire;
& c'eſt par la manière dont vous vous
conduirez , ainſi que par l'accélération que vous
apporterez dans une circonftance où ils'agitnonſeulement
de tarir la ſource des maux , mais d'affurer
la félicité publique que j'ai tant à coeur ,
que je jugerai de la ſincérité de vos diſpoſitions ,
auxquelles d'ailleurs j'aime à croire dès-à-préſent. »
« Dureſte, il feroit prématuré que vous m'envoyaſſiez
une Députation, & ce ne ſera qu'après
que les chofes auront été arrangées avec mon
Miniſtre-Plénipotentiaire, inſtruitde mes intentions
pour le bien commun , que je recevrai avec plaifir
l'hommage des Repréſentans de la Nation ; &
qu'en leur rendant alors dans toute leur étendue
mes bonnes graces , ma bienveillance &ma confiance,
je pourrai avoir la fatisfaction de les regarder
& de les employer , comme des Coopérateurs
zélés & éclairés , à l'avancement de la profpérivégénérale,
laquellene fait qu'un avec l'intérêt
demonroyal ſervice. »
« Je vous préviens , au ſurplus , que la furſéance
aux difpofitions rigou euſes de ma dépêche du
7 janvier , ne tiendra qu'autant que tous les
Ordres de Citoyens demeureront , à tous égards ,
dans la ſoumition , le reſpect & l'obéisla cequ'ils
me doivent ; & que s'il s'en trouvoit de réfractaires
, ou fi l'on ſe permettoit , de quelque part
que ce pût être , la moinde démarche ſéditieuſe
contraite à l'ordre pubtic , ou injurieuſe à l'autorité,
j'ai enjoint très-expreſſément à mon Gouvernement-
général de faire agir contre les coupables &
complices , fans obferver pour lors les formes
d'uſage , & comme il appartient dans tous les cas
qui , par leur objet, ainſi que par leurs ſuites&
(91)
conféquences , font au deſſus desrègles & formes
ordinaires. Atant , &c. »
" Vienne , le 15 février 1789.
« Signé , JOSEPH .
«Plus bas , par l'Empereur & Roi , contre-figné,
A. G. DE LEDERER. "
Le Prince Stadthouder- Héréditaire a
fait expédier , de la Haye, en date du 20
du mois dernier , un ordre circulaire ,
portant en substance : « Que S. A. S.
<<enjoint et ordonne à tous les Gouver-
<< neurs , Commandeurs ou Officiers-
<<<Commandans des villes et places ayant
<< garnison des troupes de l'Etat, qu'au-
<<cun Bas-Officier , Cavalier, Dragon ,
<< Grenadier , Fusilier , Artilleur ou Mi-
<<<neur , étant en sémestre hors de la
rendra ning passera «
«
République , nese
à son retour sur le territoire de S. M.
<< Imp. et Royale. S. A. S. renouvelant
<<par cet ordre , l'ordre circulaire donné
<<par Elle , lequel sera tenu pour y être
<< inséré. »
Quelques Papiers publics ont transcrit
une relation ou prétendue relation de la
prise d'Oczakof, envoyée à la Porte par
le Pacha- Commandant , aujourd'hui prisonnier
des Russes . Quoique la date ,
les formules et le style de cette pièce
justifient toute espèce de défiance, nous
la présenterons , pour ne rien omettre
d'essentiel .
Lettre du Pacha-Commandant d'Oczakof, aux Miniftres
de la Subl.me Porte Ottomane.
* Lundi 15 du mois qui répond à celui de
(92)
" cette
* décembre , on vit un grand mouvement dans
>> le camp des troupes Ruſſes , qui occupoient tout
>>le terrain près de la ville , depuis le Bog juſqu'à
>> la mer. Le feu de leur Artillerie & de leur
>> Moufqueterie , qui avoit ceſſé quelque temps
* auparavant , ne diſcontinua pas pendant toute
journée. Mardi , les Moſcovites péné-
>> trèrent dans les retranchemens qui étoient de-
>> vant les paliſſades; ils jetèrent une infinité de
>>bombes dans la ville , leſquelles mirent , durant
>> la nuit , le feu au petit nombre de ma fons qui
>> étoient reſtées fur pied après un bombardement
>> de pluſieurs mois ; ma's ce mal n'auroit pas été
>>>confidérable , s'il n'avoit éé ſuivi d'un plus
>>grand encore. A la pointe du jour du mercredi
>> 21 de la lune , le feu prit dans un autre quar-
>> tier, près de la porte Aga Kabatſchi , & les
>> flammes , agitées par un vent du Nord très-
>>violent , s'étendirent à grands flots dans les en-
<<virons , fans qu'on pût les arrêter. Dans le
» même temps , les Moſcovites commencèrent à
>>donner l'affant hors de la place , aux tranchées
» & au fort de Haſſan Pacha.
>> Le combat fut très -vif, & il y périffoit à
>> chaque moment beaucoup de monde , pendant
>que dans la ville trois magaſins à poudre ſau-
>> tèrent en l'air ; ils étoient , à la vérité , ſéparés
" les uns des autres , &peu élevés de la terre ;
>>mais comme les portes en durent refter ouvertes
» pour ceux qui cherchoient continuellement de
>> la poudre , le feuyprit preſqu'au même inſtant ,
» & leur explofion coûra la vie à pluſieurs mil-
>> liers de bons Muſulmans.
» Moi , votre ſerviteur, je me trouvai enſe
» veli ſous les ruines pendant l'eſpace de près
» d'une demi-heure , & n'en fus retiré qu'avec
>> beaucoup de peine. Comme par cet accident ma
>> troupe ſe ſauva fort diminuée , & que je viş
(93)
>> qu'une plus longue réſiſtance étoit inutile , je
>>pris le parti forcé de me rendre ; & en ayant
>> faitdonner le fignal , j'envoyai , du confentement
>> de toute la garnison , le Chiaus-Pacha au Gé-
>> néral Mofcovite pour lui donner part de notre
>> réſolution; maisla réponſe arriva trop tard. On
>> nepouvoit plus tenir dans la ville, moins encore
» s'y défendre , à cauſe du feu qui avoit confumé
>>juſqu'aux portes. Les Moſcovites profitèrent de
>>l'occafion , & ayant paſſe ſur les glaces qui cou-
>> vroient les foſſés , & fur les hauts amas de
>> neige tombée les nuits précédentes , ils fondirent
>>dans la ville , l'épée à la main , par fix différens
> endroits. Leur arrivée augmenta l'alarme & la
>> confufion , parce qu'ils tuoient&mettoient en
> pièces tous ceux qu'ils rencontroient , fans faire
>>quartier à perſonne. La garniſon commença à
» fuir du côté de la mer; mais une partie périt
dans les flammes en ſe ſauvant , l'autre fut
>> écharpée ſur les glaces du Liman ; le paſſage
» du côté de l'ifle de Berezan étoit fermé , de
>> forte qu'il n'y eut pas moyen de s'échapper
» de ce côté- là. Quant à moi , votre eſclave , qui
>> dans ces circonstances ne ſavois ſi j'étois vif ou
» mort , je tombai entre les mains du Prince
» d'Anhalt-Bernbourg , qui me conduiſit au camp
» du Général Potemkin , où l'on me donna une
bonne tente , avec différentes commodités.
>>Dans le même temps , le Chiaus-Pacha reçut
>>la permiffion dudit Général de ſe rendre auprès
» d'un Corps de nos gens qui s'étoient retirés vers
>> le fort de Haffan-Pacha , pour leur annoncer
» qu'on leur faifoit grace de la vie. Ceux-ci furent
>> plusheureuxque Debuker-Pacha, Kuffein-Pacha,
Méhemed-Pacha , Weflam- Pacha&Seluenfi-Pancha,'
qui l'ont perdue dans l'aſſaut, en ſe défendant
>>avecune valeur indicible. Ayant obtenu la liberté
>> d'écrire , j'ai cru devoir en profiter pour rendre
(94)
>> compte à la Sublime Porte de notre triſte ſort ,
➤& de l'humiliation à laquelle la Divine Provi-
>>dence nous a condamnés pour nos péchés. Du
» reſte , la Sublime Porte ſeule peut déterminer
» s'il eſt de la convenance de mettre fin à la
>> guerre par une bone p , de me délivrer
>> avec les autres prifonniers , & de rendre la man-
>>quillité aux Sujets de l'Empire .Mustapha & Ali-
> Packs vivent encore , xfont auprès de moi
» avec les autres prifonniers , qui , en dévelop-
» pant le même courage , ſe ſont ſouſtraits à la
>> mort. Juſqu'à préſent , le Commandant ennemi
>> a fait donner aux Soldats prifonniers tout ce
> dont ils ont beſoin; ils for: aſſez bien , quo que
> manquant de riz pour le Pilau. Saluez cordiale-
» ment de ma part l'incomparable Sadé-Mehemet
>> ( Grand- Viar ) , dont la gloire eſt parvenue
>> juſqu'à nos oreil'es , ainſi que tous ceux qui ſe
> ſouviennent de moi . Enfin , je vous ſupplie de
>> faire connaître notre triſte ſituation au mès-in-
>> vincible & très-puiſſant Empereur , mon Sou-
» verain , & d'en informer également mon fils
» Seidbeek J'expédie un Tart re qui vous remettra
>> la préfente.
« Ecrire au camp d'Oczakof, dans la ſoirée du
» 17 décembre.
» Signé , LE PACHA - Commandant.
f
« Il a paru un ouvrage intitulé : Ré-
« flexions critiques et impartiales sur
les revenus et les contributions du
<< Clergé de France ; ou extraits des
<< lettres écrites , en 1786 et 1787 , à som
<<< Eminence Monseigneur le Cardinal
<<Boncompagni Ludovisi, à Rome. »
«ParM. l'Abbé de Mesmont. 1788. »
Nous sommes autorisés a assurer que
1
( 95 )
M. le Cardinal Boncompagni ne connoît
point l'Auteur de ces lettres , et n'en
a jamais reçu aucune de sa part.
<<On vient d'apprendre la fâcheuse
nouvelle que la frégate françoise laPénélope,
de 40 canons , qui se rendoit à
F'Isle-de-France avec une partie du régiment
de Walsh , a échoué , le 16 octobre
dernier , en mouillant auprès de
False-Bay en delà du Cap de Bonne-
Espérance,et qu'elle s'est ensuite entièrement
perdue. On a sauvé l'équipage
et les troupes , à l'exception de 15 hommes
, parmi lesquels se trouve , dit-on ,
l'Officier qui commandoit en second
cette frégate , pendant que le Capitaine
étoit retenu dans son lit par uneviolente
attaque de goutte. Suivant les nouvelles
de l'Inde , reçues par l'avis quia apporté
celle de cceet événement, on travaille à
concentrer aux Ilses - de - France et de
Bourbon toutes les troupes Françoises
qui sont dans l'Inde , et on y attend le
Comte de Convay, qui succédera dans
le commandement général à M. d'Entrecasteaux,
lequel repassera en France;
l'on aura , dit - on' , seulement le
comptoir de Pondichery sur la côte de
Coromandel. >>>
Paragraphes extraits des PapiersAnglois&autres.
On apprend de Karlsbourg , que le Pacha de
Rimiuk , priſonnier de guerre dans cette ville , eft
( 96 )
,
un homme de 28 à 30 ans , d'une jolie figure ,
ſans façon , ne ſe gênant abſolument en rien. II
ſe trouvoit dernièrement chez M. le Comte de
Bathyany , Evêque de cette ville , où il y avoit
une grande affemblée & concert ; il prit tout uniment
la pipe,& ſe mit à fumer. Se plaignant enſuite
de la chaleur qu'il faiſoit dans l'appartement , il
ôta ſon habit , & ſe fit mettre un tabouret devant
lui pour poſer ſes jambes. Il appela enfuite l'E-
* vêque: « Ecoutes , lui dit-il ,je me plais chez toi
ta mufique est bonne , ta ſociété agréable , toutes
ces femmes paſſablement jolies , par conséquent
tupenxcompter ſur ma viſite detemps à autres.»
Leconcert fini , on fervit un magnifique ſouper,
où le Pacha mangea comme quatre , & but copieufement,
malgré la loi du Prophète. En fe levant
de table , il adreſſa encore la parole à M.
l'Evêque , & lui dit : « Je t'avois promis tantôt
de venir de temps-en-temps chez toi ; mais je
viens de changer d'avis , je ſuis décidé à venir
tous les jours manger , boire & me chauffer
chez toi : point de remercîmens , ta table & ta
ſociété font l'une & l'autre très-agréables . » Malgré
la rufticité de ce Pacha , il paroît qu'il étoit
fort aimé des fiens ,& que les Turcs le regrettent
beaucoup , car ils ont promis cinq bourſes , (deux
mille 500 pianes) à celui qui parviendroit à lui
procurer la liberté. »(Gazette des Deux-Ponts.)
(N. B. Nous ne garantiſſons la vérité ni l'exactitudede
ces Paragraphes extraits desPapiersétrangers.
2
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 21 MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
1
VERS
AM. DE LA DIXMERIE , fur un Poëme
intitulé Ifoire ( * ) , qu'il venoit de
m'envoyer.
Our , j'aime foire & ſes feſtins ;
J'aime ſa coupe fortunée ,
Par vous avec graces ornée
De jolis vers & de bons vins.
(*) Se trouve à Paris , chez Briand , Libraire , hôtel
de Villiers, rue Pavée Saint-André-des-Aros.
NO. 12. 21 Mars 1789.
HO
MERCURE
Vous faites regretter la Troupe
De ces aimables Paladins
Qui portoient leurs Dames en croupe ,
Trottant par monts & pas chemins ;
Qui toujours noblement fidèles ,
2
Toujours pleins d'amour & de coeur ,
Très-fouvent perdoient leur honneur
Pour venger celui de leurs Belles,
Jadis le brillant Hamilton
Badinoit avec Apollon ,
Et femoit galment la Acurette
SAT
Mais votre Muſe eſt plus coquette, .....
L'Art ſied en vers comme en amour ;
Moins négligée & plus parfaite ,
Votre Muſe eſt dans fa toilette
Quand elle pa paroîtit au grand jour,
Puiſſe une jeune Enchantereſſe ,
37
Senfible à vos Ecrits flatteurs ,
Vous rendre un jour toute l'ivreſle
Que vous donnez à vos Lecteurs !
(Par M. le Ch. D. P. D. J. C. de C. )
ed
DE FRANCE. III
t
INSCRIPTION
Pour le Portrait de CHAPELLE ,
NUL ne
UL ne peignit mieux la tendrefle
Tous ſes vers ont l'accent du coeur :
Ah ! s'il plaît sant à fon Lecteur ,
Combien charmoft-il ſa Maîtreffe ?
( Par M, D*** T*****. )
11
DE BON MÉNAGE.
ORGON.
POURQUOI toujours à la maifon
Es-tu triſte , ma chère amie ?
Tune careffes que Raton ,
Tu n'aimes que ſa compagnie ;
Ailleurs tu prends un autre ton ',
Et ta parois plus réjouic.
CÉLIMENE,
T
La femme & le mari ne font qu'un , nous dit- on ;
Quandje ſuis ſeule je m'ennuie ..
( Par M. M ... J... à L... )
F2
F12 MERCURE
NÉCROLOGIE.
PAYER un juſte tribut d'éloges & de regrets
aux Hommes qui ſe ſont illustrés en fe rendant
utiles à leurs Concitoyens , c'eſt acquitter la
dette de la Société entière ; c'eſt offrir des motifs
d'une noble émulation à ceux qui peuvent
marcher fur leurs traces ; c'eſt faire une bonne
action foi-même .
Le Barreau de la Capitale vient de perdre un
defes plus dignes ſoutiens , un de ſes plus beaux
ornemens dans la perſonne de M. HARDOIN DE
LA REYNERIE , Avocat au Parlement , décédé
le 27 Février dernier , à l'âge de quarante aus
environ.
4 Une courte Notice fur cet Orateur célèbre ,
fera intéreſſante pour tous ceux qui ont entendu
la voix publique rendre justice à ſon honnêteté
&à ſes talens; mais plus encore pour ceux ( &
ils font en grand nombre ) qui lui ont eu des
obligations particulières plus ou moins importantes.
LOUIS-EUGENE HARDOIN DE LA REYNERIE
étoit né à Joigny, près de Sens , le 20 Décembre
1748. Il avoit fait d'excellentes études à Paris
au Collége des Graffins , & avoit remporté à
l'Univerſité le premier prix de Rhétorique , que
l'on appelle le Prix d'Honneur.
Il ſe diftingua enſuite dans une autre carrière;
cefut celle du Droit , à l'étude duquel il ſe livra
pendant le temps preſcrit avec affiduité & application;
il foutint ſes examens & ſes thèſes fans ces
۱
DE FRANCE. 113
cahiers abrégés, fans ces argumens communiqués ,
abus conſacrés par un uſage journalier , & qui
ne font que ſervir la pareffe & entretenir l'ignorande;
en un mot , il fit fon Droit comme tous
ceux qui fe deſtinent aux fonctions de Magiftrat
& de Jurifconfulte devroient le faire ; il
fut aidé des conſeils & des lumières de deux,
Profeffeurs d'un mérite diftingué , M. Martin
fon compatriote & fon ami , & M. Hardoin ,
fon frère aîné.
Ces études graves & férieuſes ne diminuèrent
rien de la vivacité , de la grace de fon eſprit ;
& il ſe préſenta , jeune encore , au Barreau
joignant au goût de la ſaine Littérature & de
la vraie Eloquence , autant d'érudition & de
connoiffances que ſon âge lui avoit permis d'en
acquérir.
Il ne tarda pas à être connu avec avantage ;
Péloquent Gerbier , modèle rare dans l'art difficilede
la parole, le distingua bientôt, & encou
ragea ſes premiers cilais ; M. HARDOIN cut le
bonheur de recevoir fes confcils , d'obtenir fon
amitié ; auſſi conſerva-t-il toute fa vie pour ce
grand Orateur une vive reconnoiſſance & une
admiration qui alloit juſqu'à l'enthouſiaſine .
Il n'a peut-être manqué à M. HARDOIN que
de pouffer plus loin ſa carrière, pour dédommager
le Barreau de la perte de cet homme célèbre ;
déjà il l'avoit remplacé dans une cauſe importante
( une queſtion d'état ) , que Gerbier avoit
commencé à plaider , quand la mort l'a enlevé ;
il avoit fait , dans cette occafion , l'Eloge funèbre
de ſon Maître , de fon ami. Qui eût dit,
au moment où il portoit dans l'ame de ſes Auditeurs
Faffliction dont la fienne étoit remplic,
qui eût dit qu'avant un an on auroit auffi ce
F3
114 MERCURE
triſte devoir à lui rendre , ce douloureux tribut
à lui payer ?
Une difcuffion méthodique & profonde , des
mouvemens juftes & énergiques , une élocution
noble & facile , tels étoient les principaux caractères
de fon éloquence; c'étoit fur-tout lorſqu'il
croyoit avoir le vice à démaſquer , à pourfuivre ,
qu'il déployoit toute la force; lon coeur fervoit
fon efprit; il tonnoit contre l'improbité
étoit alors homme éloquent , parce qu'il étoit
homme de bien .
&il
Mais il ne fit jamais retentir le Barreau d'invectives
, de perſonnalités étrangères à la cauſe
qu'il défendoit ; elles répugnoient à fon aire , &
il fayoit qu'elles ne convenoient pas à fon raimiftère.
Une perfonne de qualité qui l'avoit ensendu
plaider contre elle , & qui avoit perdu ſa
cauſe, vint le lendemain chez lui le remercier
de la manière honnête & décente dont il avoit
défendu fon adverfaire , lui donner les témoignages
les plus flatteurs d'estime & de reconneilfance
, & lui demander ſa médiation pour arranger
l'affaire.
Le ſtyle de fes Mémoires étoit pur , précis ,
élégant fans recherche , & avoit le mérite plus
rare & plus grand qu'on ne penfe , d'être toujours
convenable au ſujet ; on a beaucoup loué
& l'on conferve ceux qu'il a faits pour une Demoifcile
Peloux , qui demandoit & qui obtint
des dommages- intérêts confidérables contre un
Séducteur qui l'avoit indignement trompée; pour
une Dame Boudin , accuſée d'adultère , &c ...
& fon excellente Confultation pour la Compagnie
des Indes , l'un des derniers Ouvrages fortis de
ſa plume , & l'un de ceux qui lui ont fait le plus
d'honneur,
DEFRANCE
Tous ceux qui ont été à portée de le connoître
, favent à quel haut degré il poffédoit les
vertus & les qualités ſociales ; fa réputation de
déſintéreſſement, de nobleffe d'ame, étoit aufli gé
nérale& aufli bien étabhe que celle de fon talent; il
ſe piquoit d'une droiture , d'une loyautéGauloiſe;
bon , compatiffants, généreux , il aimoit fur-tout
à faire du bient , à pouvoin être utile; & heureu
fement pour leis, la poſition butik ſe trouvoit le
fervoit bien à cet égard; les Magiftrats , les
Confrères , le Barreau , ſes Cliers , tout le Public
'eftimoient, le chériffoient & le regrettent ; mais
fes amin, fes parens, fon épouse qu'il adoroit &
dont il faifoit le bonheur ... Ahlla défolation
que fa mort foudaine comme un coup de foudre
a répandue parmi eux , ne ppeeuutt fe concevoir ni
s'exprimer
Il avoit reçu de la Nature beaucoup d'avantages
extérieurs: fa phyſionomie agréable & ou
verte annonçoit un eſprit vif &tune belle ame ;
il avoit les yeux petits & un peu couverts, mais
pleins de feu , une figure ronde & gaie , un teint
brillant de fraîcheur! &c. de fanté, une taille aftez
haute & aisée il paroiffoit d'une conftitution
robustos cependant il avoit été attaquél, à l'age
de vingt - huit ans , d'une maladie de poitrine ,
& quoiqu'il en eût été bien guéri , cette partie
étoit refiée chez lui un peu délicate.
Au mois de Janvier 1788 , il perdit une foeur
qu'il avoit toujours tendrement aimée ; elle mou-
Futs d'une humeur de goutte qui s'étoit jetée fur
fa poitritte cette moir le frappa vivement ; il
ſembloit qu'il preffentit qu'il devoit bientôt périr
de la même manière ; ce fut même à cette époque
qu'il fit fon teftainent , quoique rien ne dût
lui annoncer une fin prochaine.
F4
116 MRCURE
Nous citerons un article de ce teftament/
qut prouve que fi M. HARDOIN aima la gloire
& chercha des ſuccès , il ne voulut jamais les
obtenir qu'à des titres bien légitimes. » Je lègue ,
» dit-il , à mon neveu Hardoin , fils aîné de mon
frère, les Prix que j'ai eus à l'Univerfiré , la
>> Médaille d'or que m'a donnée S. M. le Roi de
n Suède, & le Portrait du Roi de Pologne , qui
38 avoit été donné par ce Prince à M. l'Abbé Hardoin
, mon grand-oncle. Jeſpère que ces objets
» lui rappelleront qu'il est né d'une famille où l'on
» n'a dù quà ſes travaux l'espèce de distinction
ndont on a joui dans les différens états où l'on
» avoit été appelé .....
* Il a défiré d'être tranſporté , après ſa mort , à
Joigny,& inhumé auprès de ſa ſoeur chérie; &
cette volonté dernière a été religieuſement obfervée.
On a connu , en l'exécutant , combien il
étoit honoré & aimé dans ſa patrie ; tous fes
Compatriotes en larmes font venus au devant du
cortège funèbre ; tous l'ont ſuivi juſqu'au dernier
inftant, en comblant leur malheureux ami d'éloges
, de bénédictions , de regrets. Nous ne
pouvons mieux tern.iner cet Article , qu'en tranfcrivant
la fin d'une délibération des Habitans de
Joigny. On verra que nous n'avons point exagéré
leurs ſentimens.
Extrait des Regiſtres de l'Hôtel de Ville de Joigny.
Du 2 Mars 1739.
>>Les Souſſignés ne peuvent fe diſpenſer , en
faiffant, de faire une mention honorable de M.
LOUIS - EUGENE HARDOIN DE LA REYNERIE ,
Avocat au Parlement de Paris , leur compatriote ,
décédé le 27 Février dernier ; ils avoient intentionde
le nommer l'un des deux Députés du Bailliage
de Montargis, pour les Etats - Généraux.
DE FRANCE. 117
Perſonne ne pouvoit les repréſenter plus dignement
que ce brillant Orateur , qui reunifloit au
degré le plus éminent les qualités du coeur & de
Vefprit. Une most prématurée viens de l'enlever , à
l'âge de quarante ans , au milieu d'une carrière
épineuſe , dans laquelle il s'étoit déjà fa't depuis
pluſieurs années un nom célèbre parmi les premiers
Orateurs de la Capirale. Doux , affable ,
déſintéreſſé, compatiflant pour les malheureux ,
il emporte les regrets de la Patrie , à laquelle
il faifoit le plus grand honneur; de ſes Confrères ,
dont il avoit l'eſtime & l'amitié ; il eſt ſur- tour
pleuré par les pauvres de cette ville , ſur qui il
averſé dans tous les temps , & notamment dans
le cours de cet hiver, les aumônes les plus abondantes
cc,
Ajoutons que ſes amis les plus particuliers , ſon
frère même, qui vivoit avec lui dans la plus grande
intimité , ignoroient & n'auroient vraiſemblablement
jamais ſu , ſans l'affreux événement de ſa
mort inopinée , qu'il avoit envoyé , pendant le
cruel hiver dont nous fortons , des ſecours confidérables
pour les pauvres de ſa Patrie. Il ne
parloit point du bien qu'il faifoit; il ne vouloit
point qu'on le ſut; voilà la véritable bienfaiſance ,
celle qui trouve ſa récompenſe en elle-même.
On affure que ſes Concitoyens ont formé le
projet de faire faire fon Bufte en marbre , & de
le placer dans la ſalle d'Aflemblée de l'Hôtel de
Ville de Joigny; ils s'honoreront airfi eux-mêmes
en honorant la mémoire de leur célèbre Compatriore.
113 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Paffage ; celui
de l'Enigme eft Lit ; celui du Logogriphe eſt
Aigle, où l'on trouve Là (adverbe & note),
Le ( article & pronom ) , Ail , Ai, Gai,
Age, Geai.
CHARADE.
Mon premier eſt une rivière ;
Mon ſecond eſt une rivière ;
Etmon tout eſt une rivière .
(ParM. de Dompierre. )
ÉNIGME.
JEE'fers à renfermer des captifs innocens ;
Et fans tête , Lecteur , j'augmente àtous momens.
(Par M. T. de Niort , dem. à Beauvais )
LOGOGRIPH Ε.
SANS
Ans pieds je marche avec viteffe ,
Moncorps ſe meut avec adreffe ;
DE FRANCE. HD
Je n'aime point ailleurs que fur l'eau voyager ;
Mais fur cet élément je me plais à nager.
Pourmieux connoître ma nature ,
Huit lettres forment ma ſtructure :
Je ſuis un animal carnivore & malin ;
Le tronc de l'arbrifſſeau qui nous fournit le vin;
Unhomme fans courage ; un oifcau domeftique
Le Cap que les Quaquas habitent dans l'Afrique ,
Aux Guerriers je fervis jadis d'habillement ;
Al'Egliſe je ſers tous les jours d'ornement ;
Je renferme en mon ſein une ville d'Afie ;
Deux fameuſes dans l'Italie ,
Dont une fut lécueil des fiers Carthaginois ;
Dans l'autre, vit le jour un Saint nontné François ,
Fondateur renommé d'un Ordre aſſez rigide ,.....น
Deplus , je ſuis encore un élément liquide;
Unhommeaux yeux mal faits; de la Muſiqueunton;
Une épaiſſe tumeur ; un légume ; un poiffon ;
Un inſtrument de fer utile au labourage ;
Unvaſe à contenir n'importe quel breuvage ;
Une rivière ; enfin le nom d'un grand Docteur ,
Qui des Peuples Gentils fut le Prédicateur.
}
}
T
( Parun Prieur- Cure du Diocèse de Luçon . )
Γ..
120 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
CONSIDÉRATIONSfurlesRévolutions des
Provinces-Unies. AParis, chez les Marchands
de Nouveautés ; & Hotel de Coëtlofquet
, rue Haute-feuille,N°. 20. Prix,
3 f. br. , & 36 f. franc de port.
CET ET Ouvrage eſtdiviſé en deux Parties ;
dans l'une , l'Auteur offre le tableau des révolutions
de la République , depuis ſa formation
juſqu'à nos jours. Ily ſuit les progrès
du Stadhoudérat , de l'Ariftocratie ,&
de l'influence Angloiſe. Nous ne parlerons
que de cette tre . Partie ; la 2e. ,qui doit
contenir l'Histoire de la dernière révolution,
avec le tableau de la Conſtitution des ſept
Provinces , ne paroît point encore ; & fi
elle eft écrite avec cette fermeté & la véracité
que l'Auteur annonce , elle ne pourra
que fatisfaire tous les Lecteurs auxquels
la cauſe de la liberté eſt encore chère .
Quoiqu'elle ait les excès , quoiqu'elle devienne
une idole qui poufſe ſes adorateurs
juſqu'au fanatiſme, qui de nous n'aimera
à la retrouver quelquefois dans cette intégrité
politique , qui ſemble nous reporter
à ces temps où l'homme n'étoit que Cir
toyen ?
DEE FRANCE. 121
Nous ſomines fâchés que le ton trop
vigoureux de l'Auteur ne nous permette
point de le ſuivre : nous ne citerons que
ce qu'il dit page 91 , ſur le préjugé qu'on
entretenoit en Hollande contre la France.
- La haine contre la France & un artachement
aveugle aux intérêts de l'Angleterre
, préjugés que les Chefs ſe ſont
toujours efforcés d'entretenir , étoient devenus
un des principaux objets de l'inftruction
publique. Qui croiroit qu'un libelle
intitulé la Tyrannie Françoise , ramas
d'impoſtures&d'abominations de toute
elpèce, publié contre la France en 1673 ,
a fervi juſqu'à nos jours , dans la plupart
de nos écoles , de livre d'inſtitution à la
Jeuneffe ?
Nous avons en effet de la répugnance à
croire un pareil fait , quoique nous ſoyons
inſtruits par l'Histoire , que la politique
prend toute forte de moyens pour arriver
à ſes fins. Les Réflexions de l'Auteur
nous diſpenſent de joindre ici les nôtres.
Les haines nationales ont ordinairement
leurs ſources , dit-il , dans les
querelles qui diviſent les Souverains , &
que leurs fujets partagent par ignorance
ou par préjugé mais un Peuple libre ,
dans un ſiècle éclairé , ne peut méconnoître
la liaiſon néceffaire que la Nature a établie
entre les différentes Sociétés. Si un
Peuple qui doit fon exiſtence à cet échange
de ſecours , qui lie les Peuples les plus
22 MERCURE
४
éloignés , entretient des haines nationales,
il eſt le premier puni de ce ſentiment,
Mais fi les Hollandois choififfent pour objet
de leur haine , la Nation qui a contri
bué à les affranchir , & qui a toujours favoriſé
leur commerce ; s'ils s'attachent de
préférence à un Peuple qui , depuis deux
fiècles , cherche à les afſervir &ſe montre
jaloux de leur proſpérité ; pourra-t- on croire
qu'ils fuivent librement cet abfurde fyftême
, & ne reconnoîtra-t-on pas dans cette
injuftice les effets de l'influence d'une faction
puiffante ?- En effet , la conduite de la
Hollande , durant la dernière guerre , a été
relle que l'Auteur vient de la préfenter.
Le velume eſt terminé par des notes
qui méritent d'être lues , mais que nous
ne ſçaurions approuver , parce qu'elles contiennent
trop de perſonnalités contre les
Journalistes qui ont défendu la cauſe du
Stadhouder , & qu'elles dégénèrent en libelles.
Les Miniftres ne font pas plus ménagés.
Que Robert Walpole ait avancé
qu'il avoit le tarif des probités de fon
pays , cet aveu prouveroit que le Parlement
d'Angleterre pouvoit être gagné.
Louis XIV s'étoit procuré le même tarif ;
& fous Louis XV, le Duc de Choiſeul en
fit autant : cela prouve , non point l'immoralité
des Princes & des Miniſtres qui
ufent d'un moyen facile , mais que la Nation
corrompue eſt vénale. Le vertuenx
Miniftre des Affaires étrangères de Pruffe ,
DE FRANCE. 123
M. le Comte de Hert ... ne peut être accuſé
de ſemblables menées en Hollande ;
il a ſecondé les intentions de fon Roi : &
pouvoit-il ne pas vouloir foutenir l'Etat de la
ſoeur de ſon Roi ? Quant aux critiques qui
retombent fur les differtations de ce Miniſtre
, elles font trop peu approfondies ,
pour nous y arrêter : d'ailleurs la connoiffance
morale que nous avons du caractère
de M. le Comte de Herr .... nous réduiroit
au filence ſur ce point; car il a
beaucoup d'analogie avec le bon Abbé de
St-Pierre, qui diſoit que le temps de corriger
un Ouvrage étoit un temps perdu ,
& que les bonnes vûes , les bons principes
, les plans utiles , n'ont pas beſoin
d'un luxe de ſtyle. M. le Comte de Hert ...
écrit bien dans une langue qui lui eſt
étrangère ; & pour connoître ſon ſtyle, il
faudroit l'avoirlu dans ſa langue originale. Il
eft à ſouhaiter qu'on voie pendant longtemps,
à la tête des Académies de l'Europe ,
des Curateurs ou des Préſidens qui renniſſent
une érudition auffi étendue , au génie
rare de la Politique & du Ministère. Le
Duc de Brunswick nous paroît traité d'une
manière trop dure. Nous n'ignorons point
la haine que les patriotes ont contre lui.
124
MERCURE
VARIÉTÉS.
De la nature des Opéras Bouffons Italiens,
& de l'union de la Comédie & de la Mufique
dans ces Poëmes.
SEROIT-IL vrai qu'on pût foamettre nos jouiffances
dans les Arts, à une eſpèce de Théorie ;
qu'après avoir renfermé le génie dans les entraves
de certaines règles, on pût auffi preferire
quelques loix à l'admiration des Chef- d'oeuvres
de l'Art ; que la manière d'en jouir eût ſes principes
& fes ſecrets ; qu'il y cût enfin une forte
d'enſeignement , qu'on pût donner des leçons &
faire des Elèves en ce genre ?
J. J. Rouſſeau l'a prétendu pour la Muſique :
Après avoir fait , dit-il , un Art de la compofer ,
ilfaudroit auffi en faire un de l'entendre. Je regrette
fort que ce grand Homme ne nous ait
laiflé que le projet d'une ſemblable théorie.
Cependant cet Ouvrage , s'il exiſtoit , produiroit-
il de genre d'utilité qu'annonceroit ſon titre?
Foſe en douter ; j'oſerois même prédire que
de telles leçons tourneroient plus au profit des
Compositeurs, que des Auditeurs de Muſique. Du
moins eft-il certain que la partie du Public qui
ſeroit en état de comprendre ces leçons , feroit
celle qui auroit le moins beſoin de les recevoir.
Il enfaut d'un autre genre pour la multitude ,
DE FRANCE. 125
dont le goût eſt toujours la baſe ſur laquelle
repoſent le ſuccès & la gloire des Arts ; mais la
multitude ne veut prendre de leçons que de l'expérience.
Il n'y eut jamais de meilleur Juge dans les Arts
du Deflin , que le Peuple Grec , parce que toutes
ſes villes , ſes bourgades, ſes campagues , offroient
un Peuple de ſtatues & de monumens , &
qu'on ne pouvoit faire un pas fans recevoir une
Jeçon.
Il n'existe pas aujourd'hui un Peuple plus
connoiffeur en Mufique que le Peuple Italien ,
parce que depuis long- temps cet Art , qui s'eſt
mêlé àtous les goûts, conftitue prefque tous les
plaifirs.
Lorſque François Ier. , Louis XIV , & d'autres
Souverains de l'Europe , voulurent tranſporter
chez eux les Arts de l'Italie , ils ne lui demandèrent
point de leçons , ils y achetèrent des
modèles.
Cette heureuſe tranſplantation ſemble avoir
fait aujourd'hui de l'Europe un ſeul Royaume ,
en quelque forte uni par un langage commun ,
celui des Arts , le ſeul qui puiſſe appartenir à tant
de Peuples divers. Tout s'eſt réuni pour former
ce commerce heureux de Sciences & d'Arts , qui ,
depuis long-temps , ne connoît plus de privilége
exclufif. Rien aujourd'hui n'appartient plus en
propre à aucun Peuple. Des procédés de tour
genre , en multipliant les modèles de la Sculp
ture , reproduiſent dans une autre matière & ſous
d'autres cieux les formes exactes par leſquelles
les Grecs ont rendu la beauté durable. Les monumens
les plus éloignés ſe rapprochent par la
Gravure ; l'Art de l'Imprimerie ne fait plus aur
jourd'hui de l'Univers qu'une grande Patric , dont
le zèle des Traducteurs a rendu tous les hommes
Concitoyens.
126 MERCURE
La Muſique ſcule eſt d'un commerce plus dif
ficile. Cet Art , dont les ſignes , à la vérité , tran
mettent & perpétueut les idées , n'exiſte dans les
caractères qui lui font propres , que pour l'Artiſte
qui eu a l'intelligence; mais il n'acquiert réellement
de la vie , fur-tout pour le commun des
hommes , que par l'action des inftrumens & des
voix. Les moyens par leſquels on peut en re
produire les effets , font difficiles & difpendieux.
L'uſage des Concerts eſt inſuffifant , fer-tout pour
une foule de morceaux dont la Scène peut ſeule
motiver la véritable expreffion. Il a donc fallu
ſe procurer à grands frais les modèles originaux
d'un Art qui dégénère trop dans les copies imparfaitesque
peuvent nous préſenter les Concerts ;
& toutes les Nations de l'Europe ſe ſont accordées
à élever des Theatres , où cet Art, revêtu de
la Langue qui lui eſt la plus favorable , recevroit
le mouvement & la vie qui lui ſont propres:
Ce Théatre étranger , dont la concurrence ne
fçauroit qu'être avantageuſe à ceux du même
genre , manquoit à cette Capitale. Il manquoit
aux progrès de la Muſique , dont il ne peut que
répandre & perfectionner de plus en plus le goût
par les points de comparaiſon qui vont s'établir,
par les leçons de l'expérience & de l'habitude que ,
la multitude y recevra. Si de l'habitude de compater
réſulte l'art de juger , le jugement ſe perfectionne
& s'épure en raiſon du grand nombre
&de la qualitédes modèles qui fervent de bale
à la comparaiſon. Il n'est plus permis aujourd'hui
de mefurer , dans ancun genre , ſes jouiffances
ſur ſes propriétés , ni de s'iſoler dans cet
amour-propre exclusif , qui croit voir fa défaite
dans le triomphe d'autrui ; mais cela eft encore
moins poffible à l'égard de la Muſique , que pour
aucun autre Art .
DE FRANCE. 127
On ne sçauroit nier , & tout le monde est d'accord,
qu'en fait de Muſique , l'Italie feule eſt plus
riche que tous les autres Peuples enſemble. Elle
a produit , fans aucune proportion , plus de
grands Maîtres que tout le reffe de l'Europe n'en
produira peut-être jamais. Elle doit cet avantage
à l'Idiome harmonicax , fotore & flexible , dont'
la fimple profodie devient , en quelque forte , le
premier élément du Chant ; à la nature d'un climat
doux & voluptueux , qui affouplit les organes
, exalte les paffions , embellit leur langage ,
&donne à l'imagination les pinceaux ardens de
la Nature ; à toutes les Inſtitutions favorables à
l'exercice de la Muſique; à l'excellence enfin des
Ecoles fondées pour la culture de cet Art.
Ce n'eſt pas , au refte , l'éloge de la Muſique
Italienne que je ne propoſe de faire ici ; fon
éloge exifte dans l'adoption qu'en ont faite toutes
les Nations de l'Europe , dans les hommages
quen'a ceflé de lui rendre la Nacion Françoife ;
elle qui a déjà tenté de la naturalifer fur fon
fol , qui a eſſayé de s'en approprier les charmes ,
en la greffant , fi l'on peut dire , fur ſa propre
Langue , qui tous les jours lui élève de nouveaux
Autels fur fes Théatres , & qui a voulu l'adorer
dans un Temple qui lui fèt particulier.
Si l'établiſſement de ce nouveau Théatre pouvoit
offrir au Peuple de cette Ville quelque choſe
d'étrange , & dont la nouveauté fût capable d'apporter
quelque obitacle à ſon ſuccès , ce ne feroit
pas , fans doute , la Muſique. S'il ſe peut qu'il y
ait des leçons qui apprennent à bien juger de cet
Art, je ne crois pas qu'il y en ait pour le faire
aimer , & , dans tous les cas , les inſtructions fesoient
ici fuperques .
Il n'en eſt peut-être pas de même pour le goût
dramatique , & le genre des Pièces auxquelles eft
128 MERCURE
attaché le plaifir de la Mufique , dans les Opéras
Bouffons ouComiques. Il ſe peut d'abord que la
différence des moeurs , des manières, des ridicules
, qu'une expreſſion étrangère d'habitudes qui
ne font pas les nôtres , de geſtes inconnus , de
plaifanteries perdues ou fans effet pour nous ,
que des contraſtes qui nous paroiſient ourrés
&mille autres chofes de ce genre , nuiſent au
plaifir de ces repréſentations. Cependant la moindre
réflexion ſuffit pour abattre ce préjugé puéril ,
qui blâmeroit dans des Etrangers des matières
étrangères : ce ridicule n'a jamais été celui d'un,
Peuple ſenſé.
Mais s'il eſt un peuple qui , par la nature de fes
moeurs , & les grands modèles de fon Théatre,
foit ſenſible aux plus légères convenances de la
Scène , qui , familiariſé avec la régularité dramatique
, ſe choque des moindres difparates , qui
préfère ordinairement la conduits de la taifon ,
dans une Pièce , à l'effor ,fi ſouvent irrégulier ,
du génie , dont la délicateffe enfin ſe bleſſe ſur
le Théatre , comme dans la Société , de tout ce
qui eft bruſque , incohérent, exagéré , de tout ce
qui fort de la marche uniforme de la Nature ,
& même de ſes uſages ; dirai-je que ce Peuple
fera moins diſpoſé qu'un autre à goûter les é'ans
de la Muſique ? Non ; mais il aura beſoin , plus
que tout autre , qu'on lui prêche la tolérance.
pour des Pièces dont les convenances font fubordonnées
à un autre ordre de principes , pour des
Poëmes dont la Mufique doit faire la ſeule peéfie ,
pour des Drancs qui ne peuvent & ne doivent
être jugés par aucune des règles dramatiques.
Un goût plus ſage & plus réglé, dit-on , condu't
ici la marche de nos Poëmes ( on ne parle
que des Opéras Conriques.). Je ne veux pas en
faire la comparaiſon ;inais auſſi dans nos Spec
DE FRANCE. 119
tacles de Muſique , m'a-t-il toujours femblé que
le Public prenoit affez ſouvent le change , &
qu'il y règne une forte d'équivoque de plaifir.
Ne prend- on pas ſouvent l'expreſſion du jeu
pour l'expreffſiioonndu chant,l'eſprit du Poëte pour
Je talent du Muſicien , l'intérêt dramatique pour
l'intérêt muſical ? L'Acteur n'y reçoit-il pas plus
deBravo que le Chanteur ? Je n'en fais rien ;
mais j'entends toujours louer les Chanteurs fur
leur jeu , applaudir la Scène à la place de l'air ,
& le Spectacle pour la muſique ; on diroit que
l'Acteur chante par les geftes , & que le Peuple
n'écoute qu'avec les yeux.
Je fais bien que c'eſt le contraire en Italie ,
la manière dont les Italiens ont diviſé leur Théatre
en eſt la preuve : chaque Art a chez eux un
culte particulier. Dans les Ballets - Pantomiines ,
toujours indépendans de l'Opéra , ils ont relégué
toute la pompe de la Scène & les illufions de
la Peinture , & les mouvemens de la Danſe , &
toute l'action du jeu. C'eſt le vtai ſpectacle des
yeux. Leur Opéra ſérieux ne donne preſque rien
aux jouiſſances de cet organe ; on n'y parle à
l'ame que par les fons & l'organe qui les tranfmet.
Leur Théatre Comique offre une ſemblable
divifion. C'eſt dans les Comédies qu'on cherche
la peinture naïve des moeurs , la vraiſemblance
de l'action , l'intérêt des perſonnages , la vérité
des caractères. L'eſtime qu'ils ont pour les Pièces
Françoiſes , & les Traductions-dont ils ont enrichi
leur Theatre, font preuve de la bonté de
leur goût en ce genre ; on en jugeroit mal par les
Drames deſtinés à la Muſique. Ils ne les confidèrent
, pour la plupart , que comme des efquiſſes
légères , d'après leſquelles le Muſicien
doit faire des tableaux qui attendent de lui & le
delfin & la couleur. On ne demande au Počte
130
MERCURE
que l'art de connoître les intérêts de la Mufique ,
d'en prévoir les effets , de ménager des fituations,
d'amener des contraſtes, de motiver ou
des morceaux variés de mélodie , ou de grands
effets d'harmonie , de ſuſciter des incidens , de
produire des nuances , de s'approprier enfin jufque
dans le choix des mots les plus fonores aux
beſoins du Muficien , comme à l'intérêt du Chanteur,
Et , de fait , on n'a jamais eflayé de mettre
en muſique des Poëmes qui n'ont point été
compofés dans les intentions que je viens de
déduire.
Ici , j'entends l'objection ordinaire : que la
Muſique ne peeuutt rien ſans la Poésie , que ſes
charmes ſont inféparables de ceux du langage ,
qu'elle ne doit être qu'un agrément ajouté au langage
poétique pour en renforcer l'expreffion &
en augmenter la valeur , qu'on ne concoît pas
enfin comment Kembelliflement acceffoire peut
plaire, lorſque le langage principal eft défectueux.
Ces raiſons font bonnes ; mais elles ne le font
que pour établir entre les deux Arts un genre
d'accord , très- nature! fans doute , qui n'exifte
plus cependant depuis que la Muſique a fi prodigieuſement
étendu fon empire , & qu'elle s'en
eſt formé un preſque indépendant de celui de la
Poéfic. Je pourrois faire voir ici de quelle nature
eſt le nouvel accord , beaucoup plus fubtil ,
qui règne encore entre ces Arts , ce qu'ils ont
perdu , ce qu'ils ont gagné en ſe diviſant en apparence;
comment fur-tout la Mufique , devenue
enquelque forte la poéſie des fons , a dérobé les
pinceauxddee ſa rivale; comment elle a la propriété
d'inveſtir les paroles les plus proſaïques de
la poéfie qui leur manque ; & pourquoi elle ne
doit plus être regardée comme un genre de déclamation,
dontles moyens ſe bornereient à faire
(
DE
131
FRANCE.
reſſortir les beautés da Poëte, Ces difcuffions ſeroient
longues , & prouveroient moins que des
exemples & des faits .
Or il eſt prouvé par le fait , que la muſique
vocale , en perdant de fon ancienne & intime
liaiſon avec la poéfie , eft cependant parvenue à
nous émouvoir & àa nous plaire , on peutledire ,
par elle-même & par elle feule. Tous les Peuples
de l'Europe en ont la preuve par ces morceaux
d'une latinité barbare & d'ure verfification gothique
, qui , dénués de toute eſpèce de charmes
de langage , font devenus néanmoins les ſujets de
laplus éloquente Muſique. Je demande, par exemple
, s'il exifte dans Ic Credo le moindre fentimentde
poéfic, foit en idées, foit en images ,
foit en paroles ? J'en appelle cependant à ceux
qui ont entendu les beaux Grede des grands Maîtres
d'Italie , & fur tout celui du célebre Ga
luppibi ; qu'ils diſent s'ils trouvent de da poéfic.
dans le Crucifixus etiam pro nobis , fub Pontio
Pilato; &fi le morceau de musique, qui rend cette
ſtrophe , ne le diſpute pas aux plus fublimes ra-.
bleaux de la Peinture,& de la Poésie, Preuve cer- .
taine que la poétie des paroles ne conftitue pas la
poéfie des fons..
Pirois plus loin s'il le falloir , & je dırois que,
loin que la Muſique ſe borne à renforcer , comme
on le voudroit , l'expreſſion des paroles , cet
Art ſouvent en donne à celles qui n'en ont pas ;
d'autres fois , le ſoin du Malicion eſt de les faire
oublier , de les éteindre on quelque forte : d'où
il réfuite que , dans l'exemple que j'ai choifi , &
dans une foule d'autres que chacun eſt en état
de eiter , la Mufique produir ſeule , & toute ſeule,
l'impreſſion profonde & fublime dant cet Art , le
plus grandde tous les enchanteurs , eft le créateur
unique. On peut donc dire que , dans l'exemple
132 MERCURE
cité, le petit nombre de paroles qui font la baſe
de cette Muſique , n'entrent pour rien dans les
refforts qui nous émeuvent , & concourent fi per
à cet objet , qu'on leur ſubſtitueroit la ſimple
vocaliſation, ſans que l'effet y perdît. Ce n'eft
point, ici la Muſique qui développe & explique
les paroles , ce font les paroles qui fervent comme
de titre à la Muſique , & le Proſateur n'a fait
que nous apprendre le ſujet du Muſicien.
Il eſt done bien certain que la Muſique peut ,
par fes ſeules reſſources , affecter très-fortement
'notre ame , qu'elle a par elle- même des moyens
indépendans de la Poéſic du langage , que fouvent
elle ne fouffre aucun partage avec celle-ci ,
&ne veut devoir qu'à elle-même les charmes qui
nous ſéduiſent.
Si cela eſt reconnu , il faut avouer que le lieu
où la Muſique exerce ſon empire , que le ſujet
qu'elle traite ne changent point la nature de ſes
moyens. Que ce ſoit dans les Temples ou au
Théatre , que ce ſoit un ſujet ſacré ou profane ,
que le ſujet ſoit de nature à ne pouvoir être
qu'en récit , ou qu'il puiſſe être animé par l'action
theatrale , je n'apperçois pas moins dans la
Mufique deux pouvoirs ; l'un , de renforcer les
accens de la Poésies l'autre , d'y ſuppléer ; l'un ,
d'ajouter aux couleurs du Poëte une eſpèce de
vernis qui les falt reffortir ; l'autre , de fubftituer
ſes couleurs à celles du Poëte ; l'un enfin qui cſt
le complément de la Poćfic , & l'autre qui en eſt
le fupplément.
On peut , ſans doute, choiſir entre ces deux
genres. Nous ignorons quel fut l'état de la Mufique
chez les Grecs , indépendamment du Théatre;
mais nous en ſavons allez ſur la nature de
leurs repréſentations theatrales , ſur le mode de
Icur accompagnement inſtrumental , ſur le genre
de
...
-
DE FRANCE.
133
de leur mélopéc , pour préſumer que la muſique
de Théatre reſta ſubordonnée à l'intérêt dramatique.
La richefſſe de leurs Pocines , la beauté de
leur verfification , prouveroient affez que , fi l'un
des deux Arts dut ſe ſubordonner à l'autre , ce ne
fut pas la Poéfie. Une ſimple flûte accompagnont
les Drames de Ménandre , dost Térence nous a
confervé les copies , & il y a loin de cet accompagnement
an nombreux orchestre qui accompagne
, chez nous , des Drames qui ne valent
pas tout-à-fait ceux de Ménandre.
Si je remonte à l'origine de la Muſique & du
Théatre dans la moderne Italie , j'y vois de même
Part muſical réduit à un ſimple accompagnement
, & à un récitatif fait pour renforcer la déclamation
, en fixer les accens , & ôter à l'Acteur
le pouvoir de changer ou dénaturer , à fon gré,
l'expreffion des paroles & les idées du Poëte. C'eſt
ainſi que furent joués ſur les Théatres de Mantoue
, les Drames de l'Aminte & du Paftor-Fido
grand nombre de Traductions de Sophocle &
d'Euripide , que la ſouplefie de la Langue Italienne
étoit parvenue à s'approprier. Les charmes
de la Poéſic faifoient preſque tous les frais de ces
fortes de Spectacles . On étoit loin de prévoir alers
que la Maſique , qui n'étoit que la fuivante de
la Poéfie , en deviendroit un jour la rivale , &
qu'enfin la Poéfie finiroit par n'ètre que l'acconpagnement
de la Muſique.
Cette révolution, dont il n'est pas queſtion ici
de rechercher les caufes , ni d'indiquer la progreſſion
, devoit dépendre de la perfection de la
Muſique inftrumentale , de l'art du chant , & de
celui des accompagnemens.
Je ſuis loin d'inférer de là que la Mufique ait
anéanti la Poéfie dramatique en Italie; il ſuffic
No. 12. 21 Mars 1789. G
MERCURE
134 de nommer Apoftolo Zeno & Metaftafio , pour prouver le contraire. Ces deux Poëtes ont la flé ics meilleurs modèles du genre de Poëmes , qui fent encore , dans le ſtyle héroïque , concilier
Pinté , des deux Arts . Mais on peut dire que le goût de la Mufique a abforbé , en Itale , tout autre goût , & que les Muficiens qui ont travaillé fur Metaſtafio
ont ajouté aux graces de fa poéfie plus peut- are qu'il n'en falloit pour l'intérêt du Poëte. L'on ne sçauroit nier que le Peuple Italien ne trouve aujourd'hui plus de plafir à l'ornement de ſa Poésie, qu'à ſa Poésie elle-même .
Si cet effet eft arrivé àdes Poëmes remplis de tous les charmes du langage , animés par l'ex- preffion la plus ferfible des paffions , riches de toutes les images de la Poéfie , qu'en doit- on conclure raitornablement
? qu'il exiſte donc dans Ia Mufique un Art plus actif encore que la Poéfie fur l'imagination
, que la combinaiſon exacte & préciſe des forces reſpectives de ces deux Arts niroit peut-être aujourd'hui qu'au détriment de chacun d'eux , que cet équilibre ne ſemble plus pouvoir exifter , & que , puiſqu'ils ont ſéparé leur empire , on doit auſſi diviſer ſes hommages.
Mais fi cette affociation
des deux Arts eft fi dif- ficile dans ces Drames , qu'on appelle Opéra fé- ricux, malgré toute Vattention du Poëte & fa condefcendance
pour le Muficien , ſi le charme de la Muſique a vaincu le charme du Poëte , com- bien fera-t-il encore plus difficile d'en opérer la réunion dans les repréſentations
de la Comédie, dont tous les fecrets & tous les refforts font ab- folument fans rapport avec ceux de la Muſique , & dont les beautés font d'un genre fidifférent ?
La Comédie, cette eſpèce de miroir de la vie
DE FRANCE.
135
civile , n'eft autre choſe que la repréſentation
fidelle des moeurs , des affections , des vices &
des vertus fociales , dont l'heureux contraſte produit
ces tableaux qui , tour à tour , nous touchent
, nous intéreſſent & rous divertitfent. Les
règles que cet Arts eft données pour créer les illufions
que font de fon resfort ont pour bare
l'accord de toutes les convenances. Plus le modèle
de l'Art eſt près de nous , plus les défauts
de la cope font faciles à appercevoir , & plus
auſſi par - là limitation acquiert de dificultés ,
Ainfi c'eſt dans l'extrême vérité des caractères ,
dans la vrai'emblance de toutes les ſituations ,
dans la bienféance de toutes les oppofitions , dans
les nuances adroites des contraftes , la progreffion
& la conduite ménagée des Scènes, leur fucceffion
bien motivée, la liaiſon de tous les rôles
acceſſoires au principal , la dépendance de toutes
les parties avec le tous , l'unité d'intérêt enfin ,
que conſiſte le grand Art de la Comédie ; je ne
parle ni de l'unité de temps & de lieu , ni de
toutes les autres convenances élémentaires qui
font les premiers principes de cet Art , du pla fir
qu'il produit , & de l'illuſion qui en réſulte.
Qu'on joigne à tous ces plaiſirs celui d'un accompagnement
muſical qui renforce encore les
tons de la Poésie , qu'on ſuppoſe une forte de
récitatif analogue à l'eſprit du Poëte , pourva
que la Langue puiſſe ſe prêter naturellement à la
meſure d'un thithme ca lencé , & l'on aura un
Spectacle très-reffemblant aux Comédies de Térence
, ou aux Pièces Italiennes en fimple récitatif.
Mais fera-ce ce qu'on appelle aujourd'hui un
Spectacle de Muſique ? Comparons le pouvoir de
la Muſique , &pugeons , par les effets qu'elle
produit dans les Opéras Bouffons ou Comiques ,
G2
136 MERCURE
de la différence de ſes moyens , & du degré d'alliance
qu'elle peut contracter avec la Comédie.
La Muſique est un Art purement idéal , dont
le modèle eft imaginaire & l'imitation intellectuelle
, ſoit que par les refforts de l'harmonie
imitative & la combinaiſon des fons il parvienne
à exprimer & à rendre les effets bruyans de la
Nature, tels que les vents , les tempêtes , le bruit
des flots , &c.; ſoit que par une tranfpofition plus
ingénieuſe encore , il exprime par le bruit des
corps fonores & des voix, les paffions & les mouveinens
de l'ame , qu'il dérobe quelques accens
à la douleur cu à la joie , faſſe parler juſqu'au
filence , & rende ſonore les plus muertes expreffions
de l'ame ; cet Art n'est qu'un preftige , ſon
modèle un fartôme , ſon imitation une magie .
Il ne lui faut que des images à peindre , que des
paffions à exprimer. Aſſociée à la Comédie , elle
rejettera toutes ces tranfitions légères qui nuancent
les rôles , toutes ces délicateſſes de vraiſem-
Blance, toutes ces fineſſes de raifonnemens, tous
ces détails d'eſprit & de ſentiment , tout cet enchaînement
d'intérêts varis , tout cet artifice de
raiſon enfin dont ſe compoſe la vraiſemblance
dramatique. Il lui faut des moeurs très - prononcées
, des caracteres outrés , des paflages brufques
, des contraſtes violens; fes moindres affections
feront des paſſions,& fes paffions un délire.
Ce. ſera toujours la folie pour la joie , le défefpoir
pour la douleur , la ſtupeur pour l'étonnement
, la rage pour la colère , la jactance pour
le courage , la niaiſerie pour la naïveté , l'ivreſſe
pour l'amour , la fureur pour la jaloufie
Les cordes de fa lyre font montées trap haut
pour s'accorder avec aucune autre : elle trempe
ſes pinceaux dans des couleurs trop fortes , pour
s'allier avec les nuances légères de la Comédie.
&c.
DE FRANCE. 137
DO
Le modèle de la Comédie , eſt l'homme tel qu'il
eft; celui de la Muſique , est l'homme tel qu'il
peut être Les bornes de la Comédie font l'invraiſemblable
, celles de la Muſique font l'impoflible.
Comment donc eſpérer de faire marcher d'accord
ces deux Arts ?
Avant qu'on eût eſſayé de tranfporter fur le
Théatre de Thalie toutes les richeſſes dont la
Muſique eſt ſuſceptible , il régnoit un peu plat
d'accord entre eux. Une intrigue fimple , un petit
nombre d'Acteurs , en réduisant la Muſique à peu
d'effets , préſervoient auſſi le Poëte des écarts de
la diſconvenance. Long-temps les intermèdes furent
à deux voix. La Serva Padrona traduite , &
fi connue fur le Théatre de Paris , eſt le meilleur
modèle qu'on puiſſe citer des Ouvrages de ce
genre. Le nombre des Chanteurs s'eſt accru par
degré juſqu'à cing , puis ſept , & même au delà.
La Muſique & le Drame pouvoient-ils gagner en
égaleproportion à cet accroifſſement d'Acteurs ? Je
de laille à décider ; mais ce qui eft bien certain ,
c'eſt que les difficultés de les accorder devinrent ,
fans proportion, beaucoup plus grandes. L'intérêt
ſeul de la Muſique avoit provoqué cette multiplication
d'Acteurs : le Poëte ſe trouva donc aux
ordres du Muficien.
Mais comment le Muficien confidère - t - il les
perſonnages qui mettent la Muſique en action ?
comme les premiers & les principaux inftrumens
de l'action muſicale par laquelse il veut nous
émouvoir.
Dans cette hypothèſe , il faut qu'il connoi
Jeurs moyens particuliers & refpectifs , la nature
de leurs voix, le degré de talens & l'étendue de
capacité qu'ils ont, leurs qualités pour les faire
G3
138 MERCURE
,
briller , leurs défauts pour les déguiſer , & quelquefois
même pour en tirer parti . Tel peut plaire
dans un Duo qui ne fera que médiocre dans
un Solo : tel brille dans la bravoure , qui chante
mat le cantabile ; & vice verſa pour tel autre :
tel a beſoin d'être foutenu par l'accompagnement
, & tel veut qu'on ménage la foiblefle de fa
voix : celui- ci a de laglité , celui-là de l'effer';
l'un a de la grace , l'autre de la force , &c.
Veilà dove ce qui décide impérieuſement de la
diftriontion des rôles , & de la compoſition du
tour. Ce ne sçauroit être au Poëte à en décider.
Premier fujer de difcorde entre le Poëme & la
Mufique.
Quand le Mufirien a reconnu les propriétés de
chaque ſujet , il faut qu'il affigne la place qui
convient à chacun dans ſon tableau , & , fi lon
peut dire , l'attitude qui leur eſt la plus favoraа-
ble; il faut encore qu'il leur diftribue , fi l'on
peut dire , les jours & les ombres d'où réfultera
l'effet total & partiel. Il évitera de faire fuccéder
plufieurs airs fur un même ton , plufieurs Chanteurs
du même genre. Son art eſt de jeter de
la variété , d'entremêler les différens caractères
de voix , les diverſes formes de chant , de les
faire valoir par des oppofitions , de faire briller
les meilleurs ſujets par des contraſtes adroits ,
d'épargner aux plus foibles la défaveur d'un parallèletrop
voiſio , d'entretenir l'attention de l'auditeur
, quelquefois encore de la relâcher pour la
tendre enfuite plus fortement , de ménager des
repos pour faire briller ſes richeffes.
Voilà ce qui décide de la fucceffion des Scènes .
Deuxième ſujet de difficulté pour la conduite du
Drame: 1
Mais lorſque le Muſicien veut des changemens
* 1
DE FRANCE. 139
Lubits, des paffages bruſques , ou des préludes
néceſſaires au développement d'un grand mor
ceau de Muſique , lorſqu'il veut préparer les fublimes
accords de ces grands effets d'harmonie
qu'on appelle finales , qu'il lui faut pour cela des
incidens rapides qui motivent les diverſes pafſions
qu'il veut mettre en combat , & y menagent
des ſurpriſes , qu'il lui faut grouper ou
ifoler ſes perſonnages , pour varier fes effets &
faire avancer ou reculer ſes mafies ; alors , plus
que jamais , l'Acteur devient l'inftrument de la
Muſique & non du Poëte ; alors les premières
convenances qu'il connoît , font celles de Fastion,
muſicale ; l'intérêt dramatique ſe trouve effacé
par un intérêt plus grand, celui de 1 harmonic.
Voilà ce qui décide de la plus grande partie
des convenances de la Pièce. Troifieme & le plas
grand objet de difficulté dans la liaiſon des
Scènes.
Y
Prétendre , au reſte , que toute eſpèce d'intérêr
foit impoſſible dans les Drames de ce genre , ce
feroit s'éloigner beaucoup trop du vrai. is font
fufceptibles d'agrément dans le ſtyle , de fituationsheureuſes,
de naïveré dans les caractères ,
d'intrigues plaifantes , &c. ; mais on y trouvera
plus de mouvemens que de raiſonnemens , plus
de faillies que de fuite, plus demotifs piquans que
de conduite réglée. Ces Poëmes ne font que
I'cfquiffe d'un tableau muſical; c'eſt un canevast
ingérieux , dont le Muficien doit remplir les vides.:
,
Pour apprécier les Pièces d'Opéras Bouffons ,.
comme il convieht on doit encore en diftin-,
guer de deux eſpèces en Italie ; celles qui font
faites pour les Chanteurs , & celles auxquelles
les Chanteurs doivent ſe faire. Les premieres
font celles que le Poëte , & fur-tout-le Muficien ,
G4
140 MERCURE
compoſent exprès pour les Acteurs chantans , &
qu'il adapte aux caractères de voix & aux moyens
de la Troupe qu'il met en action. Les ſecondes
font celles qui ſe repréfentent au défaut des
moyens qui peuvent procurer celles de la première
eſpèce. C'eſt ordinairement dans les perites
Villes , qui ne sçauroient monter unTheatre
à grands frais , ou lorſqu'une Pièce tombée impoſe
la néceffité d'en ſubſtituer promptement une
autre, & fans de grands préliminaires , c'eſt alors
que lesChanteurs fontchoix d'une Pièce à laquelle
ils s'adaptent du mieux qu'ils peuvent, & qui leur
permet auffi d'y intercaler des airs & des morceaux
de Mufique favorables à leurs moyens. On
reconnoît ces pièces , qu'on appelle à Rome Centone,
& que nous appellerions ici Pièces à tiroir ,
aux difparates de muſique , aux Scènes parafites ,
aux airs découſus , dont ſe compoſent ordinairement
ces édifices élevés à la hâte.
J'aurois bien d'autres obſervations de détailà
faire fur tout ce qui a rapport à la compofition
de ce Spectacle , ſur la difficulté de ſe procurer
des Troupes complétement bonnes , depuis que
ce genre de plaifir eſt devenu celui de toutes les
Villes d'Italie & de toutes les grandes Villes de
l'Europe ; fur P'uſage où elles font de les renouveler
fans ceffe , & de jouir ainſi tour à tour
des meilleurs Sujets & des meilleurs Maîtres ; fur
la nature du jeu que comportent les Pièces; fur
le degré de mérite en ce genre qu'on doit exiger
d'Acteurs dont l'étude principale n'a jamais
puêtre l'art du gefte; fur l'incompatibilité même
qui règne entre les talens de l'Acteur chantant
&ceux de l'Acteur récitant ; ſur l'avantage du
récitatif Italien , qui fort comme de fond aux
figures du tableau , mais les détache avec moins
de crudité, que le paſſage trop bruſque du chant
▼
DE FRANCE. 14t
au langage ordinaire , fans y établir la confufion
qui réfalte d'un récitatif trop inſtrumenté.
Mais de toutes ces réflexions , les unes feroient
ici hors de faiſon , les autres rentrent na
burellement dans la queſtion principale , qui eſt
de ſavoir fi la Muſique peut nous plaire &
nous attacher par ſes ſeules reſſources & indépendamment
de la poéſie du langage , & s'il n'eft
pas vrai qu'il ſoit impoſſible d'établir un accord
de convenance entre la Comédie & la Musique ,
tel que l'une ne cède à l'autre aucun de fes droits.
Si le premier point eſt prouvé par le fait &
par l'expérience , fi le ſecond femble l'être par
les ra fonnemens & les comparaifons que je viens
de faire ; voiei , ce me ſemble , le réſultat de
rout ceci.
Le Drame comique , accompagné de Muſique ,
peut érre de trois genres.
Ou parfaitement libre des entraves muſicales ,
& ſeulement avec un accompagnement qui no
faffe que renforcer la déclamation , comme les
Comédies des Anciens , & celles des premiers
temps de l'Italie .
On mixte , c'est-à- dire , participant à la régularité
dramatique , avec des airs entremêlés qui
ne tiennent point au corps du Drame & n'en
conftituent-point Pintérêt , comme la plupart des
Opéras Comiques François.
;
Ou tout-à-fait muſical , c'est-à-dire que , de
venu Spectacle de Muſique , le Drame n'eft , en
quelque forte , qu'une eſpèce de charpente dont
la Muſique fait le revêtiſſement : tels font les
Opéras Bouffons Italiens .
Je comparereis le premier à un grand & beb
édifice , dont la beauté des proportions & la résн
GS
142 MERCURE
gularité de l'Architecture font le feul ornement.
Le ſecond , à une pièce ornée de tableaux portatifs.
Le troiſième , à une grande galerie dont l'Archiecture
a Litlé Pembeliſſement aux charmes
de la décoration , & à la magie de la Penture.
Le goût , fans doute, eſt libre de choifir entre
chacun de ces divers genres de plaifir. Ce n'eſt
hullement fur leur choix que j'ai prétendu pouyoir
influer , moins encore fur la préférence que
L'un, mériteroit fur l'autre .
J'ai prétendu ſeulement que chaque Art avoit
fes plaifirs & fes moyens indépendans de ceux
des autres ; que la Comédie eſt un Art , & la
Mufique un autre Art ; qu'ils peuvent nous plaire
en ſe rapprochant , & nous plaire encore en ſe
ſéparant.
Je prétends , en outre , que chaque Art s'adreſſant
à l'ame par des routes différentes , &
l'affectant par des moyens particuliers à chacun
d'eux, leur réunion , en général , quand elle peut
avoir licu , ne s'opère que par un facrifice d'une
partie des moyens de l'un des deux; mais que
lorſqu'ils ſe préfentent ſéparément à nous , il faut
bien fe garder d'apporter au jugement de l'un les
organes qui conviennent à l'autre ; d'appliquer à
celui-ci les mefures de celui-là ; que chaque Art
a, dans nos fens & les facultés variées de notre
ame , un reffort & des tribunaux particuliers ,
dont on doit diftinguer & refpecter la compétence.
Je prétends encore que ſi la la fon trop intime
de deux Arts affoiblit réceſſairement la
force intrinfèque de l'un des deux , il exifte
auffi en nous un principe qui s'oppoſe peut-être
encore davantage à cette union par elle-même
fi difficile; c'est le principe d'unité de l'ame ,
DE FRANCE.
143
d'après lequel il eſt bien reconnu qu'érant une
ellecné peut ni jouir de deux plaifirs égaux à la
fois , ni fupporter enſemble deux paffions également
fortes ; que toute impreffion qui ſe diviſe
s'atténué , & qu'en général là réunion de pluſieurs
fenfations eft la preuve ou de leur foiblefle , ou
de la légéreté de l'ame qui les reçoit.
D'où je concluerat que plus la Muſique eft
parvenue , en ſe perfectionnant , à produire par
elle-même de grandes & fortes émotions , & capables
d'occuper I ame toute entière , plus l'efprit
a dû devenir , par degrés , indifférent à la nature
des Drames , dont la Poéfie s'eſt intenfiblement
retirée , & que la Muſique ne confidère plus aujourd'hui
que comme la toile de ſes tableaux.
Dans l'état actuel de cet Art , je n'oſe pas défier
la Poéfie de produire des Ouvrages qui partagent
le ſuccès avec la Muſique : cependant ,
s'il pouvoit y avoir une véritable rivalité en ce
genre , je ne ſais ; mais ce combat de deux Arts
qui ſe difpureroient notre ame , feroit peut - être
pénible pour elle , peut-être deux intérêts ſi forts
feroient au deſſus de ſes forces , peut- être les
ſenſations ſe neutraliferoient & ſe détruiroient au
licu de ſe fortifier,
Qu'on ne ſe plaigne donc pas de ne pas rencontrer
dans les Draines en Muſique , toutes les
convenances qui font le charme de la Comédie ,
de les trouver ſouvent dénués d'un intérêt qu'ils
ne ſçauroient avoir , puiſqu'ils ont été compofés
dans des principes entièrement contraires à ceux
d'après leſqueis on voudroit les juger. Ne voiton
pas que le ſpectacle en Muſique n'eft ,fi
l'on veut le prendre à la rigueur , qu'une fanffeté
perpétuelle, & qu'aux yeux de la froide rafon
, la plus outrée de toutes les invraiſemblances
eft le chant même ſubſtitué au langage ?
G6
144.
MERCURE
&
C'eſt donc reprocher à la Sculpture la privation
de couleur , a la Peinture le défaut de faillic , à
la Pantomime ſon filence. Les illufions de chaque
Art font plus ou moins bornées ; mais par une
compenfation affez extraordinaire , les moyens
qu'ils ont de les produire ſont d'autant plus
actifs, qu'ils ſemblent plus invraiſemblables. Mal-,
heur , au reſte , à celui qui exigeroit des Arts ,
des illufions complètes ! Si l'illufion arrivoit julqu'à
être vraie , elle ceſſeroit d'être agréable ;
fi , dans un tableau , je croyois voir réellement
le modèle , je ne jouirois plus du plaifir de fon
imitation. Le fecret de tous les Arts eſt de ne
ſe cacher qu'à demi derrière la Nature , & de
ſe trahir en ſe cachant. Gardons- nous de chercher
à détruire les invraiſemblances qui tiennent
à leur effence , & d'exiger d'eux le menfonge à
la place de la ſéduction. Souvenons-nous fur-tout
que le plaifir de l'illuſon , dans un Art , et d'autant
plus vif , qu'il étoit moins probable de l'y
trouver. C'eſt une des cauſes principales du plaifir
de la Muſique fur le Theatre. J'irois peutétre
juſqu'à dire que ſi l'on pouvoit êter de ce
Spectacle toutes les invraiſemblances qu'il comporte
, on affoibliroit l'effort que la Muſique
faire pour les vaincre , & que le trop de foin à
cacher l'artifice nuiroit à l'Art.
doit
Ilya plus : ce foin bien ſuperſlu ſeroit encore ,
je le ſoutiens , impoffible.
Le Spectacle en Musique n'est qu'un échange
continuel des moyens de la Poefic avec ceux de
la Muſique. Ne voyez-vous pas que cette tranfpoſition
doit infailliblement nuire aux vraiſemblances
dramatiques ? Ne voyez-vous pas que le
Muficien doit s'emparer de toutes les ſituations
Leureuſes de la Pièce , de tous les inftans de fentinuent
, de paflion , de ſurpriſe , de ridicule ,
DE FRANCE. 20
enfin de tout ce qui pourroit vous plaire , foit
par l'art du jeu , foit par l'illuſion de l'action
que le Chanteur & la Mufique refroidiffent , ralentiffent
néceſſairement ? Vous voudriez pour
Fillution entière une égalité d'intérêt entre les
deux Arts. Mais ou vous demandez l'impoffible ,
ou vous ne ſavez pas ce que vous demandez.
Vous voulez donc une ſtatue coloriée , c'est-à - dire,
une ſtatue qui ne foit ni Sculpture ni Peinture.
,
Je vois que vous ne comprenez pas encore ce
que font les finales dans les Opéras Italiens. Vous
vous plaignez de ce que les Acteurs entrent ,
fortent & reviennent ; c'eſt que vous jugez toujours
les convenances muſicales par les règles des
convenances dramatiques , vous êtes toujours à la,
Comédie & jamais à l'Opéra vous jugez le
Poëte & point le Muficien , ou vous ne jugezo
la Musique qu'avec l'eſprit. Mais ne voyez-vous,
pas que s'il falloit amener , conduire & préparer
les ſcènes qui produifent les incidens d'un
finale , s'il falloit les conduire avec tout l'art de,
la Comédie , vous n'auriez jamais de finale ? De
quoi est-il queſtion ? De préparer un grand mor
ceau d'harmonie par plufieurs autres, fubordonnés
qui en ſont comme l'expofition. De quoi eft il
question ? D'amener tous les Acteurs à un ſentiment
coreman qui les faffe chanter tous, enfemble
, & la même choſe , & les mêmes paroles.
Les ſcènes préparatoires qui doivent conduire
chacun à ce fentiment commun , doivent done
être précipitées. Et que deviendroit la Muſique ,
fi elle devoit attendre toutes les combinalfons ,
& fuivre toutes les nuances des vraiſemblances
morales d'une action parfaitement raifonnée ? Ses
moyens ſeroient énervés , fes effers ſuſpendus ,
& fon action s'annihileroit, Vous voyez bien
que c'eft toujours la Musique qut dirige impé 2
*40 MERCURE
,
touparce
rieuſeinent les refforts de la Pièce ; que tantôt
elle ralentit & tantôt accélère ſa marche
jours d'après les convenances inuficales ,auxquelles
il faut bien que le Poëte ſe conforme. Aufli verrez-
vous prefque toujours les Poëmes afſujettis
à une marche d'intérêt aſſez uniforme
que les moyens de la Muſique le veulent ainfi .
La progreflion de l'intérêt muſical a voulu que
chaque Ate ſe terminât par ces morceaux d'har-s
monte qu'on appelle finale. Le Poëte doit donc
faire tendre là tous les mouvemers de la Pièce
& l'en fent combien cette fujétion lui offre de
difficultés. Ce font des données très-gênantes pour
lui. C'eſt dans le premier final que ſe trouve
toujours le grand imbroglio . C'est le moment de
crife de la Pièce. C'eſt dans le dernier que ſe
Bit le dénouement; auffi le premier final eft - il
ordinairement, par la nature des ehofes plus riche,
&plus fort d'expreffion que le dernier. Molière
lui-même n'eût fait que des Ouvrages médiocres
s'il eût été obligé d'aſſujettir ſon action aux entraves
d'un autre Art, & ce ſera toujours le fort
des Poëtes qui compoferont des Comédies pour la
Mufique.
Ne vous plaignez donc pas de ne pas voir le
Poëte lorſque le Muficien le cache. Ne vous
plaignez pas que l'action dramatique foit foible,
lorſque l'action mufi ale maîtriſe ſon développement.
Ne yous plaignez pas que la fuite & le
raiſonnement de la Muſique détruiſe la fuite &
le raiſonnement du Drame. Vous avez une grande
compensation de ce que vous perdez , vous regagnez
en Muſique ce que vous perdez en action
, & l'illufion du chant vous donne ce que
vous donneroit l'illuſion du jeu. ८.
Que de choſes il y'auroit à dire , d'après les
principes de la théorie de tous les Arts , fur l'Art
1
DE FRANCE .
147
de Chant , qui fait une des parties principales du
Spectacle en Muſique ! On entrevoit fans doute
affez comment tout ſe l'e dans ce ſujet ; on fent
que ſi la marche de la Mufique eft exclufive des
intérêts & des convenances de la Comédie , il
ſe peut auffi que le vrai goût du Chant ne com--
porte pas les grands efforts du jeu , ni tous les
effts de la Pantomime. En Itale , on eft con.
venu que l'Art du Chant , lorſqu'il eſt porté à
ſa perfection , fupplée à l'Art du Jeu , comme
la Mafique ſupplée au Spectacle & à l'intérêt
dramatique.
Cette affertion , je le fais , paſſe ici pour un
paradoxe. Je ne chercherai point à l'établir dans
ce moment. Je me contenterai de mettre en paratèle
de l'opinion de ce pays , fur la nature du
Chant une opinion tour-a-fait ferablable des
Italiens , fur un Art dans lequel , aujugement
de toute l'Europe , nous l'emportons de beaucoup
fur eux. C'eſt l'Art de la Danfe qui me
fournit cet exemple.
,
On fait que cet Art ne fut d'abord , & n'eft
encore dans bien des pays , qu'un langage muet
& inarticulé , qui , par les geſtes du corps , exprime
les affections de l'ame , en forte qu'il ſe
lie néceffairement à la Pantomime , & devient ,
dès lors , capable de rendre tous les ſujets dramatiques.
,
Les Anciens ne connoiſſoient point la Danfe
fans la Pantomime , & encore aujou d'hui en
Italie on ne conçoit pas comment on peut
prendre du plaifir à la Danſe , ſans que celle-ci
foit liée à une action dramatique. On veut que
tous les pas & leurs combinaiſons , que tous
les geftes & les mouvemens variés des Danfeurs
, concourent à exprimer toutes les paſſions
qui entrent dans la compoſition des Ballets tra
148 MERCURE
giques ou comiques , dont on exige de l'unité ,
de l'intérêt , de la fuite , & une conduite trèsraiſonnée.
Enfin c'eſt l'action qu'on regarde dans
le Ballet , & fort peu la Danfe.
A Paris , au contraire , on admet très-ſouvent
la Danſe ſans la Pantomime. On croit même
que cet Art feroit capable d'altérer celui du Danfeur.
Leplusgrand nombre des Ballets qui ornent
le Spectacle , ne font , pour la compofition, que
des eſpèces de lieux communs , dénués d'intérêt , &
fur-toutd'un intérêt dramatique , ou , pour mieux
dire , des eſpèces de canevas dont le grand
art de nos Danfeurs doit remplir le vide ; enfin
c'eſt la Danfe qu'on y applaudit , & fort peu l'intérêt
d'une action prefque nulle .
Je pourrois me difpenfer de dire la raiſon de
cette différence de goût entre les deux Peuples.
On la devine aisément les Danfeurs Italions font
en général médiocres hors de la Pantomime ; ils
ne sçauroient plaire par l'Art Cul de la Danfe . On
ne l'admet donc fur leThéatre que commeun desrefforts,
de la Pantomime , &, de fait , les Danſeurs
jouent plus qu'ils ne danſent.
A Paris , où l'Art de la Danſe ſemble care au
plus haut degré, on l'y admet le plus fouvent
indépendant de l'intérêt dramatique , & libre des
entraves de la Pantomime , & , de fait , les Danfeurs
y danſent plus qu'ils ne jouent.
Encore un mot. On dance à Paris pour dan-.
fer , comme en Italie l'on chante pour chanter.
Cet Article estde M. Quatremere de Quincy. )
DE FRANCE.
149
ACADÉMIE.
ACADÉMIE FRANÇOISE.
Apeine le défaut d'eſpace nous permetil
l'annonce la plus ſuccincte de la Séance
publique , tenue le 12 de ce mois , pour
la réception de M. DE NICOLAï , Premier
Preſident à la Chambre des Comptes. Mais
nous reviendrons ſur les deux Diſcours
imprimés , celui du nouvel Académicien ,
& celui de M. DE RHULIERES , Directeur
actuel de l'Académie , qui, tous deux , ont
reçu les plus grands applaudiſſemens.
Onne pouvoit terminer la Séance d'une
manière plus fatisfaiſante, que par la lec
ture d'un morceau du beau Poëme de M.
l'Abbé DE LILLE , ſur l'Imagination. Les
vers qu'il en a lus ont réuni tous les fuffrages
, & ont paru dignes de ſon talent,
ſi juſtement célèbre.
150
MERCURE
SPECTACLE S.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Nous parlerons dans le Mercure prochain
, des CHATEAUX EN ESPAGNE, Comédie
nouvelle en cinq Actes & en vers , par
M. Collin d'Harleville. Cet Ouvrage , repréſenté
pour la première fois le 20 Février
, laiffoit quelque choſe à défirer. Le
Public l'avoit jugé avec ce genre de ſévérité
qui tient enſemble à l'eſtime & à l'intérêt.
L'Auteur s'eſt jugé plus ſévèrement
que le Public. Il a interrompu le cours
de ſa Pièce, dont il a refait & refondu deux
Actes. Nous avions ſes projets , & nous
avons cru devoir prendre le parti du filence
juſqu'à la ſeconde repréſentation . Elle
a été donnée le to Mars avec le plus grand
ſuccès. Voilà tout ce que nous en pouvons
dire aujourd'hui . 1
Le Vendredi 6 Mars on a repréſenté pour
la première fois AUGUSTE ET THEODORE ,
OU LES DEUX PAGES, Comédie en deux Actes
& en profe mêlée de chants.
DE FRANCE. ry1
Le fonds de ce petit Ouvrage eft tiré
d'une Comédie Allemande , dont M. Engel
eſt l'Auteur , qui a pour titre : LE PAGE ,
&dont il a paru , preſque au même moment,
deux traductions Françoiſes en 1781. M.
Engel avoit lui-même tiré ſon Drame d'une
Anecdote qui fe trouve à la fin d'une Vie
privée de Frédéric II , Roi de Pruffe ; nous
allons la tranferire .
د
>> Frédéric fonna un jour , & perfonne ne
vint. Il ouvent ſa porte , & trouva ſon Page
endormi dans un fureuil. Il alloit le réveiller
, lorſqu'il apperçut un bout de binder
qui fortoit de fa poche. Il fut curieux de
ſavoir ce que c'éteit , le prit, & le lut. C'étoit
une lettre de la mère du jeune homme ,
qui le remercioit de ce qu'il lui envoyoit
une partie de ſes gages pour la foulager
dans la mifère. Elle finiffoit par lui din que
Dieu récompenferoit ſa bonne conduite.
Le Roi , après avoir lu rentra doucement
dans ſa chambre , prit un rouleau de ducats
, & le glitla avec la lettre dans la poche
du Page. Rentré dans ſa chambre , il
fonna fi fort , que le jeune homme ſe réveilla.
-Tu as bien dormi , lui dit le
Roi. Le Page voulut s'excuſer. Dans
fon embarras , il mit la main dans fa poche,
& fentit le rouleau. Il le tira , pâlit ,
regarda le Roi en pleurant , fans pouvoir
direun mot.-Qu'as-tu ? dit le Roi .-Ah !
Sire , dit le jeune homme en ſe précipitant
à ſes genoux , on veut me perdre .
-
152 MERCURE
Je ne ſais ce que c'eſt que cet argent que
je trouve dans ma poche. Mon ami , répliqua
Frédéric , Dieu nous envoie quelquefois
le bien en dormant. Envoye cela
à ta mère ; falue-la de ma part , & affure
la que j'aurai ſoin d'elle & de toi ".
E'lmitateur de M. Engel a trouvé cette
Anecdote trop nue pour la ſcène. Il a jugé
'àpropos, dans un premierActe tout entierde
fon invention , d'amener la mère & la ſoeur
du Page à Berlin , chez d'honnêtes Aubergiſtes
, qui les reçoivent avec une délicatelſe
reſpectueufe , & qui , apprenant que
P'une eſt la femme & l'autre la fille d'un
Officier-Général qui a fait leur fortune,
ſe rendent cautions pour elles dans une affaire
aufli injuſte que malheureuſe. Il a
fait contraſter avec le rôle donné , celui
d'un autre Page , jeune étourdi , plein d'ef
prit , de vivacité , de candeur , & faiſant
des ſottiſes d'une manière fi aimable , qu'il
'ne ceffe pas d'intéreſſer & de plaire. Il a
changé la lettre de la mère du Page en un
rève que celui ci fait en parlant. Enfin il
a oppofé au don de cent ducats , fait par
Frédéric , la perte de cent autres ducats faire
par le Page étourdi ,& cette ſituation amène
des ſoupçons, des explications. Le triomphe
dubon fils eſt le dénouement.
Cet Ouvrage a de la gaîté , de l'intérêt
& de la grace. Il y a quelques longueurs ,
peut-être; mais il eſt facile de les élaguer.
DE FRANCE.
153
C'eſt une de ces bluettes où l'eſprit & la
ſenſibilité ſuppléent l'art , & dont on s'amuſe
ſans conféquence.
Les rôles des Aubergiſtes font très-bien
rendus par Mademoiselle Contat , & par
M. Dazincourt. Nous ne pouvons que nous
feliciter des encouragemens que nous avons
donnés à Mademoiselle Emilie Contat ; ſes
progrès les juftifient. Nous avons fi ſouvent
rencontré des Sujets qui n'ont pas répondu
à nos bonnes intentions , que nous remercions
cette Actrice de me nous avoir point
fait mentir. Madame Petit& elle font trèsintéreſſantes
dans les deux Pages. Dire que
Madame Bellecourt joue un petit rôle de
Gouvernante , c'eſt dire que ce rôle eſt bien
joué . M. Fleury , dont le talent eſt bien rarement
déplacé,&qui acquiert de jour en jour,
a joué le rôle de Frédéric avec un ton de nobleffe
, d'originalité &de décence comique
qui mérite une mention particulière .
Parmi les couplets , on en a diftingué un
qui fait alluſion àun Prince dont le nom
eſt aſſocié par la gloire à celui de Frédéric
le Grand : on l'a fait répéter; il a été applaudi
avec tranſport.
Dans le Nº . prochain , nous donnerons
les autres Articles des Spectacles.
154
MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
DELIBERATION proposée aux François , avart
la tenue des Etats-Généraux. Ouvrage dans lequel
on expofera le moyen le plus fimple & le plus
efficace pour terminer en trois jours les Séances
de cette Afemblée Nationale avec le plus grand
fuccès & la fatisfaction générale ; moyen degre
de tout homme qui s'intéreſſe au bonheur de la
France ; moyen qui , dans l'exacte vérité , doit
obtenir autant de fuffrages que M. Necker peut
en compter : par M. Bonys , Préfident de l'Election
de Nevers. Brochure in-8°. de 36 pages, Prix,
36 f. Se trouve à Paris , chez Bailly , Libr. rue S.
Honoré , Barrière des Sergens.
Voilà un titre fait pour piquer la curiefité.
La Caninomanie ou l'impôt favorable dans
toutes les circonstances , & fur-tout dans les conjonctures
préſentes ; traduit & denné au Public
patriote, par Très-Politique & Très-Preux Céfar ,
Chien de haute lignée & de grand parentage ,
Secrétaire - Interprète de l'Aréopage des Chiens ,
pour la Langue Franque , & Serviteur de M. le
Chevalier de Trevigny fils de Falaiſe , in- 18 .
Prix , I liv. 10 f. br. , I liv. 16f, franc de port.
ACaninopolis ; & ſe trouve à Paris , chez Lercy ,
Lib. rue St-Jacques.
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fuifés principalement dans l'Ecriture-Sainee ,
dans les Saints - Pères & dans les plus célèbres
Orateurs Chrétiens. Ouvrage utile aux Séminaires
, aux Maiſons religieuſes , & aux jeunes Eccléſiaſtiques
qui ſe deftinent au Miniftere ; in- 12 .
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DE FRANCE.
155
Prix , 2 liv. 10 f. br. A Paris , chez Defray , Lib.
quai des Auguftins , N°. 37.
Cet Ouvrage nous a paru fait avecjugement ; &
il remplit le but d'utilité que s'eft proposé l'Auteur.
Lettre à M. Cherin , Gé éalogifte des Ordres
du Roi , &c. concernant le fait de Nobleſſe ; par
M. Maugard, Généalogifte. Ouvrage critique &
politique , dans lequel l'Auteur démontre par les
faits les inconvéniens & dangers des Abrégés &
Traductions libres des Loix. A Paris , chez l'Auteur
, rus Neuve des Capucins ; & chez Cailleau ,
Impr- Libr. , rue Galande , N°. 64 ; Lamy , quai
des Auguftins ; & Defenne , au Palais - Royal,
Brochure in- 8 ° . de 208 pages .
Livre des Rêves, ou l'Onéiroſcopie , application
des Songes aux Numéros de la Loterie Royale
de France , tiré de la Cabale Italienne & de la
ſympatie des Nombres , orné de 90 Figures analogues
au ſujet ; avec des Tablettes d'un papier
compofé, très-effentielles à cet Ouvrage. Nouvelle
édition in-16 de 38 pages. Prix , 2 liv. ; & les
Figures enluminées , 3 liv. A Paris , chez Defnos ,
Ingénieur-Géographe , & Libraire du Roi de Danemarck
, rue St Jacques , au Globe ; & chez les
Receveurs de Loterie .
Carte des Provinces du Lyonnois , Forest &
Beaujolois, comprenant auſſi la Breffe, le Bugey,
le pays de Gex , & la Principauté de Dombes ;
dreſſée par Dezauche , Géographe , & fuccefleur
des Sieurs Delfie & Ph. Buache , premiers Géographes
du Roi , & de l'Académi: Royale des
Sciences. Prix , I liv. sl.
Carte da Gouvernement Militaire de l'ifle de
France, divifée en ſes douze pays ; par le même.
Prix , i liv. 5 f. A Paris , chez Dezoche , Géographe
du Roi , rue des Noyers.
156 MERCURE DE FRANCE.
Le Sr. Defnos annonce à MM. les- Souferipteurs
qui ont acquis les 12 Parties &Anacreon'
en belle humeur , joli Chanfonnier François , que
le 13e. Volume , qui renferme toute la muſique
des 12 Partics , ſe délivre préſentement ſous le
titre d'Etrennes Muſicales , ou Recueil général
de Chanfons , Ariettes , Vaudevilles , Airs d Opéras
& autres , avec des Romances compoſées
dans le genre d'Eſtelle , mis en waſique par les
plus célèbres Compofiteurs modernes. Ce 13e.
Volume ſe vend le même prix que les autres
relié en marroquin , enrichi de douze Figures ,
4 liv. 10 f. en faveur de ceux qui ont acquis
l'Ouvrage compler, & 6 liv. pour ceux qui le prendront
ſéparément. On peut ſe procurer les 12 Parties
brochées , avec la Muſique inférée à chacune
des Parties , au prix de 15 liv. A Paris , clicz Defnos
, Ingénieur-Géographe & Libraire du Roi de
Vanemarck , rue Saint-Jacques , au Globe; & chez
tous les Libraires & Marchands de Muſique qui
vendent des Nouveautés.
TABLE.
,
VERS.
Infcription.
Necrologie.
Le bon Ménage.
109 Confidérations.
11 Variétés.
110
121
Ibid. Académie Françoife. 149
150
154
112 Coméde Françoise.
Charale, Enig. & Logog. 118 Annonces & Notices.
APPROBATION.
FALI
At lu, par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE, pour le Samedi 21
Mars 1789. Je n'y ai rica tavé qui puiſſe
car empêcher l'impreſſion. A Paris , le 20 Mars
1789. SÉLIS
JOURNAL POLITIQUE
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DE
BRUXELLES
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10.6 16.
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- De Stockholm, de 16 février 1789.
C
32 Rauft? 353
19
Les dernières Séances des Etats nelaissentplus
de doute sur l'accordqui regnera
entre les opinions de trois Ordres et les
projets du Roi. L'esprit de discorde estsus
fisammentscontenu poim qu'on entretiennel'espérance
fondée que lesvolontés
concourront au même büt ; celui de procurer,
au royaume et à ses Alliés une
paix honorable par le concert des
mesures et la vigueur des préparatifs de
guerre. Cependant, dans l'Ordrede la No
blesse, la fermentation continue , et le
temps sly perd en contestations épiso
diques. Chacun des quatre Ordres a
nommé ses Députés au Comité secretqui
Nº. 12. 21 Mars 1789 . e
4
n'est pas encore en activité. Quant aux
instructions de ces Députés , voici le
précis de ce qui s'est fait dans les
Séances du 7 et du 9 :
« La Nobleſſe a continué de débattre le projet
de M. Friezky , concernant l'inſtruction àdonner
aux Membres du Comité ſecret. Suivant ce
plan , laDéputation devoit être tenue de communiquer
à l'Affembléee,, en plein , toutes les affaires
qu'elle traiteroit , & qui n'exigeroient pas abſolument
le ſecret , ainſi que de borner & de régler
uniquement leurs déciſions , conformément aux
clauſes 44 , 45 , 48 & 55 de la Conſtitution nationale
, leſquelles déſignent les affaires qui peuvent
être à ladécision des Etats,&dont llaacinquante-
cinquième porte que les Etats ſeuls ſeront
autorités à diſpoſer de la banque. Le Sénateur.
Comte Forfen affura que la Nobleſſe ne pré-
- tendoit rien preſcrire à la Députation qui fût
contraire à la nouvelle forme de Régence & aux
droits du Roi . Pluſieurs Membres de la Nobleſſe
témoignèrent leur mécontentement , en difantque
cetteaffurance étoit fuperflue . Au milieu de ces
débats, arriva une Députation de l'Ordre du
Clergé , pour annoncer à l'Aſſemblée que cet
Ordre, pour toute inftruction donnée à fes Dé
putés , les avoit chargés ſimplement, && purement
de ſe régler ſur l'article 47 de la forme de Ré
gence. Peu après, cette Députation fut ſuivie de
celle de l'Ordre des Bourgeois , donnant à conno
tre que ce Ordre n'avoit point jugé néceffaire
de commettre aucune inſtruction à ſes Dépurés
. Malgré cela , le mémoire préſenté par
M. Friczki fur approuvé par l'Ordre Equestre,
leSéna cur Forfen y fit ſimplement l'addition fuivante;
Que la Nobleſſe aſluroit le Roi de ſom
plus grand ref , ect ; que fod intention n'avoitja-
&
(99 )
mais été de dreſſer aucune inſtruction pour ſes
Députés , qui fût contraire à la forme de Régence
ou qui tendît à diminuer l'autorité royale , mais
uniquement pour leur indiquer les articles de la
Conſtitution nationale auxquels ils auroient à ſe
conformer. »
«Le9 , on lut les minutes qui avoient été
dreſſées les jours précédens , & l'on choiſit une
Députation , ayant à ſa têre le Baron de Reuter ,
pour être envoyée aux autres Ordres , à l'occafion
du mémoire du Comte E. de Goer , fur les
écrits répandus contre la Nobleſſe.. Sur cela , arriva
une Députation de l'Ordre des Payſans , qui
annonça que cet Ordre avoit accédé au ſentiment
de celui des Bourgeois , concernant la non inſtructon
àdonner à ſes Députés ſecrets. »
Le Baron de Borck, Ministre du Roi
de Prusse , arriva ici le 7 , et le len-
* demain eut une audience du Roi.
L'arrivée des Officiers arrêtés en Finlande,
a été retardée par le dégel ; ils
sont attendus d'un jour à l'autre. Ce
n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on
les a soustraits à la fureur du peuple
d'Abo , capitale de la Finlande Suédoise.
La multitude n'est pas moins indignée
contre eux, ici et dans tout le Royaume,
POLOGNE.
De Varsovie,le 22 février.
Dans la Séance du 16 , le Maréchal
de la Confédération remit à la Diète la
Réponse de l'impératrice de Russie , que
e ij
( 100 )
pousavonspublife antérieurement. Cette
Jecture fut suivie d'un grand nombre
d'observations chagrinesou minutieuses ,
et la disposition des esprits ne permit
pas que cette Note fût accueillie comme
on paroissoit s'y attendre .. Il ne reste en
Pologne qu'au plus 3 mille,Russes préposés
à la garde des magasins, et répartis
sur les terres du Palatin de Russie ,
Comte Potocki. Nonobstant cette circonstance
, M. Rybinski , Evêque de
Cujavie, lut un discours dans le but de
prouver qu'on ne devoit entamer aucune
négociation avec la Cour de Pétersbourg,
jusqu'à ce que celle- ci se fût expli
quée d'une manière péremptoire sur
ses traités de garantie avec la République
, traités qui avoient servi , dit- il ,
de prétexte à toutes les violences commises
en Pologne. M. Grabowski ,
Nonce de Wolkovicz , proposa de réclamer
les bons offices du Roi de Prusse
a ce sujet , et sa Motion passa à l'unanimité
dans la Séance du jeudi 19.
Ce jour-là, M. Stroynowski, Nonce
de Wolhynie , revint au projet de la Pospolite
, soit Convocation de la Noblesse
armée des Palatinats , sorte de milice
qui autrefois fit la principale défense de
la Pologne , et sur laquelle son ancien
Gouvernement étoit calculé. Cette idée
fut tournée en dérision par les antagohistes
peu nombreux des dernières
nouveautés. Quoique les folliculaires ,
( 101 )
et les oisifs qui les honorent de leur
confiance , ayent prononcé dédaigneu
sement contre cette constitution mili
taire de la Pologne , on pourroit leur
opposer des autorités plus'respectables
que celles des discoureurs nous cite
rons , entre autres , celle du Général
Lloyd, dont les Mémoires sont le caté
chisme des Militaires éclairés .
<< Siles Polonois , dit cet habile Off-
<< cier, faisoient encore la guerre com
<<me leurs ayeux , avec cent mille che
<<vaux , bien loin d'être la proie de
<<<<voisins ambitieux , ils deviendroient
<<pour eux extrêmement redoutables.
<<Toutes les provinces qui avoisinent
<<la Pologne depuis l'Oder jusqu'à la
<<<Dwina et le Niester , et même plus
loin jusqu'au Wolga , sont entière-
<<ment ouvertes et sans défense , et
<<remplies de tout ce qui peut servir à
<< l'approvisionnement d'une armée ,
<<< grains , bestiaux , remontes ,
<<Cent mille chevaux , divisés en petits
<< corps , auroient bientôt parcouru ćet
<<espace immense, et ne laissant après
<<eux pas une créature vivante pour
<<< cultiver les terres , ce seroit bientôt
<< un vaste désert , derrière lequel un
<<Roi de Pologne , inaccessible et terri-,
<<ble à ses ennemis , vivroit avec ses
<<Sujets dans l'enceinte de ses forte-
<< resses . Que feriez-vous contre un tel
<<<ennemi , avec vos grandes armées.
etc.
e iij
( 102)
<<d'Infanterie, vos pesans escadrons , et
< vos milliers de bouches à feu ? RIEN :
« la vitesse supérieure de l'ennemi lui
« donneroit tout l'avantage , et nevous
laisseroit que l'emplacement de votre
<<camp , qu'il faudroit encore changer
<<souvent , ou périr (1). » Voyez cinquième
partie, chap. 3.
Le même Général Lloyd , dans son
histoire de la guerre de sept ans , nous
apprend que l'on y essaya quelquefois ,
et toujours avec succès , de donner aux
détachemens de Cavalerie des pièces
de trois et de quatre , auxquelles on atteloit
six chevaux, en mettant cinqCanonniers
sur des chevaux de Dragons , et
ajoutant deux Dragons pour les tenir
pendant que les Canonniers seroient
occupés à servir la pièce. Cette Artille
rie légère a été depuis fort perfection
née en Prusse , et sembleroit être une
arme bien propre à la Cavalerie Polonoise.
Dans la Séance du 20 , la Chambre
des Nonces s'occupa des moyens d'empê
cker les révoltes parmi les Paysans de
(1) On a vu un exemple frappant de cette vérité
dans la première guerre du Décan , où l'excellente&
nombreuſe armée du Soubah , conduite
par M. de Buffy , fut obligée de reculer devant
la Cavalerie Maratte , éparpillée en pelotons , &
qui avoit dévaſté devant elle toute la contrée.
(Note du Ridacteur. )
( 103 )
PUkraine : elle y fut déterminée parune
lettre, dans laquelle un premier Commis
desdouanes annonçoit le passage de cent
vingt chariots chargés d'armes , et destinés
pour Somila, terre considérable que
le Prince Potemkin possède en Pologne.
Après quelques débats sur la forme
des informations à prendre à cet égard ,
la Chambre se détermina à ordonner le
scellé et le transport sous convoi , jusqu'aux
frontières de la Pologne.
रंग
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2mars.
:
Comme on ne publie point de Journal
de la Diète de Suède , les nouvelles qu'on
reçoit de Stockholm , relativement aux
affaires qui s'y traitent , sont décousues,
Voici le résumé de plusieurs lettres de
cette capitale : L'Ordre de la Noblesse
a insisté sur son projet de donner une
instruction particulière au Comité secret;
lestrois autresOrdres n'ontpas jugé
à propos d'y adhérer. La Noblesse
afait insérer au protocole, des plaintes
très-amères contre plusieurs pamphlets ,
etdans lesquels quelques-uns de sesMem
bresontétéattaqués.-On nesait pas encore
si les autres Ordres se joindront à la
Noblesse pour s'occuper , dans ce mo
ment , d'arrêter la licence de quelques
-
:
e iv
( 104)
folliculaires . Il a été arrêté par trois
Ordres de nommer une députation ,
qui sera chargée de remercier le Roi
des soins que S. M.' a pris pour la garde
des frontières.- La Noblesse a proposé
d'offrir au Duc de Sudermanie un don
de 25,000 rixdalers ; cette proposition a
été communiquée aux autres Ordres :
on croit qu'on convertira la somme en
un revenu annuel , ou qu'elle sera augmentée
. L'Ordre des Paysans a renouvelé
la demande qu'il avoit faite dans
d'autres Assemblées nationales , et qui
a pour objet la concession de plusieurs
priviléges ; les autres Ordres ayant accueilli
cette demande , il sera nommé
un Comité pour dresser ces priviléges.
Une députation du même Ordre des
Paysans s'est rendue auprès du Roi ,
pour supplier S. M. de faire venir à
Stockholm le Corps des Volontaires
Dalécarliens , pour soulager la Bourgeoisie
de cette capitale dans le service
des Gardes ? On assure que ce Corps
est en route , et probablement il est
arrivé actuellement à Stockholm .
La nouvelle imposition du Timbre ,
arrêtée par la Diète de Pologne , frappe
exclusivement sur les places et sur les
dignités. Cette taxe étant une des plus
généralement adoptées en Europe, sous
différentes dénominations , il est instructif
de recueillir la combinaison de son
ét ablissement dans un Etat qu'on peut
( 105 )
:
envisager , à certains égards , comme
sortant des mains de la création.
« L'origine du Fibre en Pologne , date des
années 1775 & 1776 ; on en murmura beaucoup
, quoique ce droit fût moins étendu qu'il
ne l'eſt actuellement. On a fait deux claſſes de
Contribuab'es : la première ſupportera le droit de
Timbre des expéditions pour les dignités & charges
fuivantes ; ſavoir, pour la dignité Archiepifcopale
1000 ducats , 650 pour la dignité Episcopale
, & 5 pour cent en ſus des revenus de 4 ans ;
200 ducats pour les places de Palatins & de Miniſtres
, & 5 pour cent en ſus des revenus at achés
aux places des Miniſtres ; 100 pour celles de
Caſtellans dans les Palatinats , & yo pour celles
de Caſtellans dans les autres diſtricts ; 150 pour
les charges de la Couronne , tant civiles qu'eceléſiaſtiques;
favoir , 145 pour les places de Réfé
rendaires de la Couronne; 140 pour celles de
Chambellans ; 135 pour celle de Greffier de la
Couronne ; 130 pour celle de Porte- drapeau ;
125 pour celle de Porte-glaive; 120 pour celle
d'Ecuyer ; 115 pour cele de Maître-d'hôtel ; 110
pour celles d'Ecuyer de cuifine ; 105 pour celle
d'Echanfon ; 100 pour celle d'Ecuyer-tranchant,
90 pour celte de Sous-maître- d'hôtel & Souséchanfon
; 85 pour celle de Veneur ; 80 pour
celle de Secrétaire de guerre de la Couronne;
75 pour celle de Général-Major ; 70 pour celle
deGénéral-quartier- maître ; 65 pour celle deGénéral
d'Artillerie ; 60 pour celle d'Inspecteur
général ; 50 pour celle de Porte-drapeau de la
Cour; 45 pour celle de Sous- écuyer ;40 pour
celle de Veneur de la Cour ; 35 pour celle de
Major; 30 pour celle de Quartier- maître ; 25 pour
celle de Garde de la Couronne : s'il y ades revenus
attachés à ces places , on paiera en ſus 5 pour
cent des revenus de 4 ans. Le droit deTimbre du
I
ev
(106)
1
diplome pour l'Ordre de l'Aigle-Blanc , eſt de
100 ducats ,& 50 pour celui de l'Ordrede Staniflas.
Tous les bénéfices eccléſ,ſtiques quelconques
paieront pour cent des revenus. Le droit de
Timbre pour la patente d'Indigenat ( Naturalifation)
eft de 1000 ducats pourles Nobles ,&d'autant,
ou de 500 , ſelon les circonstances , pour
les non Nobles. Le Timbre d'un brevet de Capitaine
de la Cavalerie nationale eſt de 20 ducats ,
&de 30 celui d'un brevet de Chefd'un régiment.
Les charges de Burggrave , même dans les villes
de Dantzick& de Thorn , paieront les unes 20 ,
les autres 10 ducats de Timbre. - Le Timbre des
confirmations de priviléges des grandes villes eſt
de 6 ducats , & de 3 ce'ui des confirmations de
priviléges des petites villes . Le Timbre des
refcrips pour des commiſſions de frontière , &c.
eſt de 2 ducats, &de 12 celui de la patente qui
érigeun village en une petite ville,-La ſeconde
claſſe du Timbre concerne tous les emplois dans
les Tribunaux provinciaux , les expéditions qui
s'y font , les contrats , manifeftes , &c.
Grand-maître des poſtes paiera pour ſon diplome
100ducats de Timbre ; 30 , les Commiſſaires ; 20,
les Contrôleurs , & 2 les Secrétaires & Maîtres
des poſtes.- On a doublé le droit de Timbre
fur les cartes , les almanachs , &c. Ces nouvelles
taxes & le double droit de cheminée rapposteront
confidérablement d'argent ; mais comme
on a laiſſé ſubſiſter toutes les anciennes impoſi
tions , elles produiront du mécontentement, »
-
-
De Berlin , le 2 mars.
- Le
LePrinceJoseph Czartoryski, Grand
Echanson de Lithuanie , arrivé depuis
quelques jours , en qualité d'Envoyé Ex
(107 )
traordinaire , et de Ministre Plenipo
tentiaire du Roi et de la République de
Pologne , eut , le 24 février , sa première
audience du Roi , auquel il fut présenté
par le Comte de Hertzberg , Ministre
d'Etat. Après avoir témoigné à S. M. la
reconnoissance de la République , il
remit ses lettres de créance en latin
selon l'usage Polonois : en voici la forme
et la teneur
STANISLAUS AUGUSTUS , DEI GRATIA ,
REX POLONIÆ , &c.
,
Sereniffimo ac Potentiffimo Domino Domino ;
Friderico Wilhelmo , eâdem gratiâ Regi Eoruffia ,
&c. &c. &c. fratri , cognato ac vicino charissimofalutem,
ac omnis prosperitatis incrementum.
Sereniffime at Potentiffime Princeps , Domine
Domine Frater , vicine ac cognate ! nihil magis nobis
, Gentique Polonæ in votis eft , quam colere
amicitiam Majeftatis veftræ , quam facra fædera inter
Polonia Boruffiæque regna firmare , juftitia benevo-
Lentiâque veftræ Majestatis folidare. Ad eamdem magis
magifque promovendam , haud parum prodeffe
credidimus , fi majorum , noftraque profequentes exempla,
fincerioris voluntatis nostræ in aula Majeftatis
veftra Legatum Extraordinarium & Minist un Ple
nipotentiarium noftrum haberemus ; ad obeundumque
hoc officium , aptum , generofum Principem Jofephum
Czartoryski , Dapiferum Magni Ducatus noftri
Lithuania , communi ftatuum vozo judicavimus , &
inlè propenfionem animi Majestatis veftræ affecuturum
effe certiffime confidimus . Huic igitur generofo
Principi Czartoryski , fidem publicam à Majeftate
veftrâ impertiri decrevimus , enixè rogantes, ut eidem
facilem ac benignum acceffum prabere , iisque omni
bus , qua ex mandatis noftris , ftatuumque Reipu
e vj
( 108 )
blicæ expofiturus est , plenariam fidem tribuere velis.
Uti verò eumdem benevolentiæ Majestatis vestræ de
meliori modò commendamus ; ita fummum Numen
fupplices veneramur , ut Majestatem veftram incolu-,
тет , &diùfalvampro bono Populi fui Gentiumque
neceffitudinis , ac vicinitatis nexu conjunctarum, sener.
dignetur. Dabantur Varfaviæ , die 19 menfis
januarii, anno Donini 1789 , regni verò noſtri vigefimo-
quinto anno .
S. S. a accrédité auprès de notre Cour,
en qualité de Chargé des Affaires du St.
Siège , le Comte de Guiccioli, Auditeur
de la Nonciature de Cologne , arrivé
en cette Capitale depuis quelques
jours. {
De Vienne , le 28 février.
Peu de Seigneurs étoient plus généralement
aimés , et laissent à leur mort
des regrets aussi universels , que le
Prince Charles de Lichtenstein. Les
fatigues , l'intempérie , la dernière campagne
où il fut dangereusement blessé ,
avoient altéré chez lui les principes de
la santé. Il est décédé le 21 , à l'âge de
59 ans , étant Feld-Maréchal , Colonel
Mun régiment de Chevaux-légers , Commandant
de cette capitale et de la
Basse-Autriche, et Chevalier de la Toison
d'Or.
L'Ordonnance de l'Empereur , annoncée
depuis six ans , concernant la répartition
des Contributions territoriales , a
été rendue le 10 , et publiée le 16. Ses
dispositions méritent d'être connues ,
(109)
comme chapitre de comparaison , et
comme devant tenir place dans l'Histoire
de la Législation Economique.
« Nous JOSEPH II , &c. &c. &c.
<<L'arpentage des terres& le calcul de leur produit,
ordonné par la patente du 20avril 1785 , en
Bohême, Moravie, Siléſie, Autriche, au- deſſus&
au-deſſous de l'Emb , en Styrie , Carinthie , Carniole
, Gorice & Gradiska , étant achevé , nous
nous trouvons à même de fixer , au moyen de la
connoiſſance acquiſe du rapport des terres , les contributions
auxdépenſes publiques à faire , non-feulement
par de ſimples poſſeſſeurs des terres , mais
auffi par descommunautés entières , des cercles&
des provinces,&de rétablir l'égalité dans la répartition
des contributions, à laquelle on avoitmanqué
juſqu'à préſent. Tousles préparatifs à ces fins étant
déja faits , il n'eft plus queſtion que de preſcrire ce
qui est néceſſaire pour atteindre àun but auffi im-.
portant. >>
De l'Impôt territorial du Souverain.
§. 1. Comme les beſoins de l'Etat auxquels l'impôt
ſur les terres doit faire face, ſont communs:
proportionnellement à toutes les provinces , de
même ces contributions doivent auffi être également
réparties ſans faire aucune réflexion ſur la pro
portion des provinces , ſuivie juſqu'à préſent , qui
étanttrouvée fautive , eſt entièrement abolie par les
préſentes.
§. 2. La contribution fournie juſqu'à préſent ne
fauroît être diminuée à cauſedes beſoins urgens &
de la fécurité de l'Etat ; néanmoins elle neſera aucunement
augmentée par cette nouvelle fous-divis
fion: on ya feulemen: ajouté , pour l'avantage de
l'économie rurale, le produitdes douanes intermé
diaires, qui empêchoient le débit réciproque des
( LIO )
produits de lacampagne entreles provinces ſujettes
au nouveau ſyſtême de contribution , ces douanes,
tombant d'elles-mêmes par l'égalité établie dans la
nouvellerépartition des contributions. Ces douanes
finirontdoncdès quela nouvelle recette des contributions
prendra ſon commencement.
§.3.La recette entière , connue juſqu'à préfent
fous ladénomination de contribution , ainſi que ce
qui a été payé juſqu'à cette heure pour les maifons
Bourgeoiſes , celles de la Nobleſſe&du Clergé,&
le revenumentionné dans le paragraphe précédent
fousle nom de douanes intermédiaires , ſera dorénavant
perçu uniquement comme impôr territorial ,
&réparti fur les terres.
Dans cet objet de contribution , il feroit contre
toute équité&contre tous les bons& incontestables
principes de faire aucune attention ſur le rarg ou
les qualités des poſſeffeurs , d'introduire une diftinction
en conféquence , ou d'en conferver aucune ;
mais onobſervera une entière égalité. Par contre ,
les revenus ſeigneuriaux& l'induſtrie feront entièrement
affranchis.
§.4. Les autres impôts exiſtans , outre la contribution,
fubfifte ont ſans changement :pourtant nous
tâcherons d'introduire auſſi dans cette branche l'égalité
néceflaire dans les provinces.
§. 5. Pour faire face à la fomme totale de la contribution
, on devra , d'après les calculs faits , payer
enBohême , Moravie, Siléſie,Autriche, au-deſſus
&au-deſſousde l'Emb , enS:yrie , Carinthie ,Carniole,
Gorice&Gradiska, 12 fl. 13 kr.& un tiers
dekr. fur 100 fl. de revenu territorial , felon la
déclaration faite& contrôlée.
1
Pourtant,afinde mettredans unejuſteproportion
lesdifférens revenus réſultans des différentes culturesde
laterre , comme champs , vignes , prairies ,
bois & pacages , & afin d'égaliſer l'impofition desi
teries employées de différentes manières , l'évalua
(111 )
tionde 12 fl . 13 kr. & un tiers de kr. priſe pour
fondement , fera fubdiviſée ſelon la diférence &
l'emploi des cultures de la manière ſuivante :
Des champs labourables , des étangs , comparés
aux champs par leur qualité , des vignes , ainſi que
des lacs&des rivières , on paiera 10 fl . 37 kr. &
demi pour cent: des prés&des jardins ,& étangs
affimilés aux prés , 17 fl . 55 kr. pour cent.
Despacages, bocages&forêts ,dans les dernières
defquelles on prend pour meſure le prix du bois ,
après en avoir déduit la dépenſe de la coupe , on
paiera 21 fl . 15 kr. pour cent.
§.6. On a déja eu ſoin de faire remettre à chaque
poffefſeur , par écrit , combien il aura à payer
de contributionde ſes différentes poffeffions.Pendantquatre
ſemaines,après avoir reçu cette déclaration,
il fera permis à chacun qui pourroit avoir
quelques doutes ou quelques remontrances à faire
ſurces déclarations,ou celles d'autres contribuables ,
(qu'il eftpermis à chacun d'examiner ) de déclarer
ſes doutes,&de les propoſer à la commune aſſemblée,
afin qu'elle donne publiquement fon avis , &
yremédie, pour que la recette de lacontribution
puiſſe commencer paiſiblement. Nonobſtant cela,il
eſtréſervé, après qu'on aura reçu la déclaration des
évaluations de contribution ,& après la taxation
effectivedes contribuables,tant individuels,que là où
une circonstance regarde pluſieurs individus, à des
communautés entières,de pouvoir s'adreſſer, felon
l'ordre,premièrement à la Direction qui devra, conjointementavecleJugede
laCommunauté&ſesAffiftans,
examiner la choſe,&donner une déciſion . Si
lesdoutes n'étoient pas encore levés par ce moyen,
ons'adreſfera enſuite au Tribunal du Cercle ,& de
làà la Commiſtion principale nommée à cet effet ,
auffi long-temps qu'elle ſubſiſtera encore , & dès
qu'elle fera levée , après avoir achevé fon travail
, auTribunal du pays. Enfin , on poursade-
:
?
يف
(112)
mander ànotre ſuprême Tribunal le redreſſement
des griefs , qui fera attention de les arranger dans
l'intérieur des provinces , ſelon l'équité& les circonſtances.
§. 7. L'inſpection de la recette des contributions,
làoù les domaines ont pluſieurs ſeigneurs , ne fera
nullement confiée à tous , mais à celui qui fera
nommé à cet effet ,& qui acra un Receveur de
contribution pour un certain nombre de Communautés
qui pourvoiront à fon entretien . La recette
des contributions des différens individus ſe fera
moyennant une légère rétribution tirée , du fonds
de la Communauté , par le Juge que chaque Communauté
eſt autoriſée d'élire.
§. 8. D'après le nouveau ſyſtême de contribution
,& dès qu'il fera introduit , chaque Communauté
eſt reſponſable du paiement de ſa contribution
: à ces fins , chaque Communauté eſt autoriſée
à ſe ſervir du moyen d'une ſubdiviſion proportionnelle
pour alléger , ſelon les circonſtances , les
Contribuans qui ſeroient trop grevés,,&de demander
l'exécution aux Tribunaux des Cercles ,
pour les mauvais payeurs , avant qu'ils foient trop
arriérés.Cette reſponſabilité de la Communedure
juſqu'à ce que le Juge de la Commune ait remis
la contribution de la Communauté au Receveur
Seigneurial . Mais dès que le Receveur Seigneurial
aura reçu la contribution des mains du Juge , la
Seigneurie ſera reſponſable pour le Receveur jufqu'à
ce qu'il ait remis ces fonds à la caiſſe publique
qui lui aura été déſignée , puiſque le choix
de cet Officier , & les précautions à prendre pour
ſa ſûreté , ſont entièrement confiés au Seigneur.
§. 9. Les travaux de la ſubrépartition achevés ,
larouvelle contribution commencera du premier
novembre 1789 , & la détermination des termes
de paiemens aura lieu à commencer de cette
date.
( La fuite au Journalprochain. )
:
( 113)
Le vieux Maréchal de Haddick, ainsi
que nous l'annoncâmes la semaine der
nière , remplace le Maréchal de Lasey
dans le commandement. On présume
qu'il partira pour Semlin dans un
mois. Le Maréchal de Laudhon, dont
la santé est moins mauvaise depuis une
semaine , se rendra à Gradiska à peu près
dans le même temps . D
Les derniers avis authentiquesde Gonstantinople,
annoncent de grands efforts
de lapartddee quelques Puissances , pour
déterminer la Porte Ottomane à la paix
avec les deux Cours Impériales. Nonobs,
tant cela , notre Ministère , à ce qu'on
assure , est instruit que , malgré la perte
doczakol , la Porte persiste dans le
ferme dessein d'entreprendre une seconde
campagne , pour laquelle on fait d'immenses
préparatifs. Quelques lettres
parlent d'une émeute survenue à Constantinople
, et dans laquelle le Palais
du Grand- Visir a été incendié ; mais ces
nouvelles méritent.confirmations ,
Le débordement du Danube a oсса-
sionné dans la Hongrie plus de dégâts
que l'on n'en supposoit ; les nouvelles
à ce sujet sont alarmantes. Les villages
situés le long de ce fleuve sont tous plus ou
moins abîmés ; le district entre Comern
et Raab a été entièrement submergé .
De Francfort sur le Mein, le 10 mars.
Des lettres de Vienne ( peu authen(
114)
tiques ) assurent qu'il en est parti nouvellement
16 bataillons de fusiliers , et
4 de Grenadiers pour la Bohême et la
Gallicie.
On fait circuler l'état suivant des
recrues qui ont été, ou qui seront levées
encoredans les Etats de l'Empereur pour
cette année ; savoir , dans la Bohême
20,000 , dans la Moravie 15,000, dans
l'Autriche 45,000 , dans la Gallicie et la
Buckovine 24,000 , dans les Pays-Bas
18,000, dans la Lombardie 10,000, dans
la Croatie 8,000, danslaHongrie 40,000,
et 20,000 dans la Transylvanie.
Un Journal politique offre les détails ſuivans ,
concernant les forces de terre & de mer du Roi
d'Eſpagne.
L'Infanterie est compoſée de 74,779 hommes;
Lavoir , 62 bataillons Eſpagnols de 42,718 hommes,
6 Irlandois de 4,134, 6 Italiens de 4,134 ,
6Wallones de4,134 , 16 SSuiffes de 11,024,7
de Gardes-côtesde 5,190 , & 5 d'Artilleurs de
3,445.
La Cavalerie conſiſte en 99 eſcadrons compo
ſés de 11,880 hommes , & 54 de Dragons de
6,780 , ce qui fait en tout 18,360hommes.
Les troupes de la Maison du Roi confiftent en
1,830hommes de Cavalerie ; ſavoir , 3 eſcadrons
&3 Compagnies de Gardes- du-Corps , & 4 efcadrons
de Carabiniers , & en 8,468 hommes
d'Infanterie; ſavoir , 6 batai lons de Gardes-Efpagnoles
, autant de Gardes-Wallones , & 200
Hallebardiers. - Le total de toutes les troupes
monte à 103,437 hommes. -Indépendamment
de cestroupes , le Roi entretient encore beaucoup
;
(115 )
de Compagnies Franches , 33 bataillons de Milice
&62 Compagnies d'Invalides.
La Marine est compoſée de 238 vaiſſeaux de
guerre, qui font armés de 8,946 canons : ces vaifſeaux
conſiſtent en 71 de ligne , dont 9 de 112
canons, I de 110 , 3 de 80, 42 de 74 , 7 de 68 ,
2de 64, 4de 58 ; 42 frégates& 16 chebecs : les
autres bâtimens de guerre font de moindre grandeur.
5.
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres, le 10 mars.
:
:
Il ne reste plus d'autre nouvelle à
donner de la santé du Roi, que la confirmation
de son rétablissement absolu .
Samedi et hier , ce Monarque a tenu
Conseil à Kew avec tous les Ministres
du Cabinet. Il a écrit de sa main au Roi
de Prusse et au Prince d'Orange , signé
différentes Commissions , et fait le tra
vail ordinaire avec les Chefs des Départemens.
A l'issue du Conseil de hier , S. M.
monta à cheval , et traversa Richmond
pour se rendre au parc , où la Reine et
les deux Princesses aînées l'attendoient.
Une foule de paysans , et d'autres
gens du lieu ou des environs , entourèrent
le Roi à son départ , en lui exprimant
leur attendrissement et leur
alégresse. Après une promenade de deux
heures , S. M. revint gaie et bien portante
à Kew. Elle doit faire une course
à Windsor , au premier jour.
( 116 )
:'La semaine dernière, le.Lord Chanceer
dans la Chambre Haute , et M.
Pitt dans lesCommunes , ayant notifié
au Parlement qu'ils recevroient le mardi
suiyant ( aujourd'hui) un message direct
du Roi lui-même , les deux Chambres
prirent ajournement en conséquence.
C'est donc ce matin que les Commis,
saires , nommés par Sa Majesté ont
fait l'ouverture de la Session , par un
discours qu'a prononcé le Chancelier
au nom du Roi , et qui porte en substance
:
,
*Que par le ſecours de la Providence , S. M.
eft heureuſement rendue aux bénédictions d'ure
ſanté parfaite; qu'Elle remercie le Parlement , &
ne fauroit trop lui exprimer combien Elle est touchéedes
preuves d'attachement & de zèle qu'il a
données aux intérêts de la Couronne &du Peuple ;
qu'Elle a conclu avec le Roi de Pruſſe un Traité
d'Alliance défenſive , dont copie ſera remiſe à ſes
fidelles Communes : que durant l'été dernier Elle
a fait les plus grands efforts avec ſes Alliés, pour
pacifier le Nord , & qu'on n'a rien omis pour prévenir
une guerre plus générale : qu'enfin , Elle recevoit
des différentes Cours du Continent les aſſurances
de leurs diſpoſitions amicales envers la
Grande-Bretagne. La maladie de S. M. ayant apporté
un grand retard dans les opérations ord
naires des Communes , Elle leur recommande la
plus grande diligence , &fe confie en leur activité
àprendre toutes les meſures néceſſaires au foutien
duGouvernement & au bonheur du Peuple, »
1
La Motion d'Adresse de remerciemensa
été faite dans la Chambre Haute par
( 117 )
LordChesteerrffiieelld, et appuyée par Lord
Cathcart; dans les Communes , par
Lord Gower, et appuyée par M. Yorck,
En considérant la maturité avec la
quelle a été traitée cette dangereuse
et nouvelle question de la Régence ,
le respect religieux que le Parlement
s'est prescrit pour la Loi , pour les
RÈGLES , pour les USAGES , l'imitation
de cette sagesse par toutes les
classes de la Nation d'un bout de l'Angleterre
à l'autre , cette discussion solemnelle
, où les passions ont été forcées
de se taire devant les principes
positifs ; enfin , cette vigilance profonde
à ne pas s'écarter un instant des
bases inaltérables de la Constitution, on
peut apprécier la solidité de ses racines,
Un pareil débat eût peut- être mis en
cendres tout autre Etat , abandonné au
délire de l'opinion , au fanatisme des
nouveautés , et à la turbulente mohilité
d'idées , qui accompagnent les
contentions où les Lois ne présentent
pas un point d'appui certain. Ici , cette
grande et difficile conjoncture n'a pas fait
éleverune rumeur : la Nation, tranquille,
a attendu les décifions du Corps Législatif,
sans le troubler par son impétuosité.
Le Parlement , pesant chacune de ses démarches
, et ne se laissant point échauf
fer par les diatribes et les harangues
n'a pas un instant quitté la ligne tracee
A
(118 )
par les Ministres , affermis de leur côté
sur la connoissance précise des droits
communs ou distincts , mais inviolables,
des parties constituantes de la Souverainete.
LerétablissementduRoin'estpasun évé
nement favorable à ceux quise sontpressésd'abandonnersesintérêts,
etde contrarier
les intentions de la Reine , ainsi que
celles des Ministres , à la faveur desquels
ilsétoient précédemmentattachés. Toute
Administrationdoit pouvoircompter sur
lesMembres qui la composent: les derniers
débats les ont fait passer au creuset,
et la foiblesse des déserteurs du Gouvernement
dans une pareille crise , doit paroître
un titre suffisant de réprobation .
Il faut le répéter à l'honneur du Parlement,
ces apostasies ont été infiniment
peunombreuses. Au pèril de leurs dignités,
de leurs places , de leurs pensions ,
de leurs espérances , presque tous les
Adhérens du Ministère lui sont restés fidèles
, ainsi qu'àlaCouronne etau Peuple.
L'un des Membres les plus remarqués
parmi ceux quiontcru pouvoir tenirune
autre conduite , est le Chevalier John
Aubrey,l'un des Lords de la Trésorerie:
on le dit remercié , et sa place donnée
à Lord Bayham,fils du Comte de Camb
den, et l'un des Lords actuels de l'Amirauté.
On annonce également le congé
du Duc de Queensbury, Gentilhomme
de la Chambre du Roi , dont la charge
(119)
passera , dit-on , à Lord Delaware. Le
Marquis de Lothian perdra aussi , à ce
qu'on croit, le premier régiment des
Gardesd- u-Corps,dont le futur Colonel
sera Lord Dower, ( ci-devant Chevalier
Yorck.)
Ainsi que nous le fîmes pressentir la
semainedernière , les bouillans et pressés
distributeurs de la Régence, en Irlande ,
ont bientôt perdu la Majorité instanta
née dont ils étoient redevables à l'influence
de quelques hommes puissans ,
ambitieux de faire promptement leur
cour à un nouveau Ministère. M. Grattan,
Orateur habile, et pour le moment
Chef de l'Opposition dans les Communes
, ayant voulu , le 25 février ,
pousser ses avantages , en proposant
* d'arrêter une résolution contre les places
et reversions d'offices accordées à des
absens (ce qui n'étoit autre chose qu'une
botte au Vice-Roi , dont le frère , M.
W. Grenville, jouit d'une de ces survivances
), il s'attira une réplique mortifiante
de la part de M. Parsons, qui
lui ferma la bouche : le Procureur-général
ayant opposé à la Motion de Me
Grattan celle d'ajournement , l'Orateur
fut battu par le Publiciste à la pluralité
de 115 voix contre 106. Dans lamême
Séance , on fit lecture d'une lettre des
Députés de la Chambre , chargés de
l'Adresse au Prince de Galles, et de la
réponse de S...Res onel
( 120 )
Nous n'avons pu donner cours à
P'analyse des débats du Parlement d'Irlande
, sur les dernières et étranges résolutions
qui y ont été prises . Dans ces
discussions , néanmoins , l'affaire de la
Régence a été considérée sous une face
nouvelle , et absolument particulière au
régime politique de l'Irlande. Plusieurs
discours , entre autres ceux de M. Parsons
et de M. Fitz-Gibbon, Procureur
général , pourroient être comparés aux
meilleurs prononcés au Parlement d'Angleterre
. Nous connoissons peu de morceaux
plus dignes de la véritable élo- .
quence politique , que la harangue
débitée par le Procureur-général , dans
la Séance du 20, où M. Grattan fit passer
une censure du refus qu'avoit fait le
Vice-Roi , Marquis de Buckingham, de
se charger de l'Adresse au Prince de
Galles. Voici une analyse imparfaite de
ce Discours:
Cette Resolution rendaà fortifier , & fortifie
même ſi ouvertement les pprriinncciippeess pernicieux&
inconftitutionnels de l'Adreſſe votée , qu'en ſuppoſant
que les Communes d'Irlande y accèdent ,
elles prêteront de nouvelles forces au p'an déja
diſpoſé pour une ſéparation entre la Couronne
d'Irlande & celle de la Grande Pretagne, lend
gage donc les Membres de cette Chambre, prêts
àvoter dans cette occafion importante , à faire de
mûres réflexions avant de ſuivre d'un pas deplus
le T. H.MMeemmbbrree,, M. Grattan, dans ſes ſpéculations
mal conçues&téméraires! I
« Je ne croyois pas me trouver encore dans
"
la
( 121 )
la défagréable n'cettité d'abufer de la patience de
la Chambre , en m'appéſantiſſant fur ce fujet';
mais ma confcience me force de rappeler l'attention
aux points ſtatués par la loi & à la co. ftitution
du royaume : par le 23. Statut du règne
d'Henri VIII, le Roi d'Ang'eterre eft , ipso facts ,
Roi d'irlande : par 'a ſeconde claufe de cet ast:
il eſt déclaré & établi en loi , « Que ſi aucuns , οι
« pluſieurs particuliers , de quelque é ar , dignité
« ou condition qu'i's puiffent être , Sujets ou
« domiciliés en Irlande , donnent lieu , rar des
* écrits , des imprimés , ou quelque acte extérieur,
« à ce que Sa Maj . le Roi , ſes Héritiers cu Suc-
« ceſſeurs , foient troublés dans la poſſelſion de la
« Couronne , cu que l'ordre de leur fucceſſi
& foit interrompu , ce particulier ou ces primaliers
feront jugés tra tres , & toute offenfe dee
<<genre estimée crime de haute trahifon. "
Cet acte fut paffé à l'époque où une fastion
angloiſe avoit trouvé moyen de pénétrer , elle
les principes , en Irlande ; au moment enfin u
la maiſon de Fitz Gérald& celle de Butter, épo
fant les intérêts de différens partis anglois, avpien
plongé pluſieurs fois ce malheureux pays dans les
horreurs de la guerre civile. On ſtatua alors que
l'Ir'ande & l'Angleterre ſeroient àjamais réunies
ſous un même Souverain , & que , foit que le Roi
fûr de la maiſon d'Yorck , ou de celle de Lancastre ,
celui qui porteroit 'a Couronne d'Ang'eter eteroit
par cela même , & de plein droit , re adé
comme Roi d'irlande. Que qu'un m'bject-ra-t-il
que la Réſolution préſente parlant d'un Rége t
& non d'un Roi d'Irlande , Pacte de Henri VIII
n'eſt pas applicable aux circonstances actuele ?
Ce n'estpas le ſimp'e nom de Roi , nile Diadê e
dont eſt ceint la tête du Monarque , qui fait l'o
jet de la loi; non : l'objet facré du Statut eſt que
le premier Magiftrat, chargé du pouvoir exé utif ,
Nº. 12. 21 Mars 1789. f
:
( 122 )
:
&le pouvoir exécutif lui- même , foit , dans les
deux pays , un & identique ; en conféquence , c'eſt
pouſſer la folie à fon comble , que d'avancer que
le droit certain & l'ird ſpenſable devoir des Louds
&des Communes d'Irlande eſt de créer , de leur
autorité , un Magiſtrat ſuprême , chargé du pouvoir
exécutif , & qu'ls appellent leur Régent. Tout
homme un peu verſé dans les lois fondamentales
de ce pays , doit reconnoître qu'en donnant
au Magiftrat un autre nom que ce'ui de Régent ,
les promoteurs de cette Réſolution commettroient
directement un acte de haute trahifon. »
Si l'on avoit pu fonder & foutenir un doute
far ce ſujet , d'après le ſens du Statut d'HenriVIII,
l'acte de la quatrième année du règne de Guillaume
& de Marie l'a totalement écarté. La phrafe
de cet acte diffère de celle de Henri VIII , en ce
que l'acte de Guillaume déclare que la Couronne
d'Irlande , ainſi que tous les pouvoirs & prérogatives
appartenans à cette Couronne , feront pour
jamais annexés à celle d'Angleterre , & en dépendront.
"
«Qu'il me foit permis d'apprendre aux Courtry
Gentlemen d'Irlande , que la ſeule action fous
laquelle ils confervent leurs propriétés , la ſeule
garantie qu'ils puiſſent avoir du maintien de l'Etat
&de l'Eglife , eſt la connexion de la Couronne
d'lilande avec celle d'Angleterre , & la dépendance
de la première à la ſeconde ; connexion
&dépendance ſcellées autrefois du ſang le plus
pur de leurs ancêtres. S'ils ſe laiſſent ſéduire par
des ſpéculations fantaſtiques , tendantes à relâcher ,
• à briſer même les liens de cette union , ſous le
ſpécieux prétexte d'aſſurer la dignité & l'indépendance
nationales , je puis leur prédire qu'un
jour ils pateront cher cette erreur , & qu'ils avoneront
, en gémiſſant , que des menées infidieuſes les
ont fait renoncer à l'unique garantie ſous laquelle
( 123 )
1
actede
ils puiſſent eſpérer de garder leurs propriétés , à
l'unique garantie du maintien de l'Etat & de l'Eglife
; vous m'accorderez bien de dire ici une
triſte vérité, c'eſt que, quand nous parlons du peup'e
d'Irlande, nous ne parlons aſſurément pas de la majoritédeſeshabitans.
Il eſt extrêmementpéniblepour
moi d'être forcé de traiter ce ſujet dans cette affemblée;
mais quand je vois le T. H. M. entraîner
les propriétaires fonciers d'Irlande ſur le bord du
précipice , il faut bien que je ſonne l'alarme . Les
familles diftinguées & les gens vivant noblement
( Gentry) de ce royaume , ont été cruellement
traités . L'acte duquel la majeure partie d'entre
nous tient ſes poſleſſions , futun violence ,
un acte qui renverſoit ouvertement les premiers
principesde la loi commune ( Common Law) d'Angleterre&
d'Irlande. Je parle de l'acte d'établiſſement
paflé dans ce pays immédiatement après la
reſtaurationde Charles II : il inveſt t la Couronne
des poſſeſſions de tous les individus, de la fortune
deſquels on avoit diſpoſé pendant la rébellion de
1641; il met les anciens propriétaires dans la néceffité
de prouver qu'ils n'ont pas été coupables
de haute trahiſon , pour qu'ils puiſſent ſe ſouſtraire
àlaconfifcation& aux amendes. Par les principes
fondamentaux & facrés de la loi commune , ces
peines néanmoins ne peuvent être encourues qu'autant
qu'on eſt réellement atteint & convaincu .
Afin donc que ces Meſſieurs connoiſſent toute
l'extenſion qu'on leur a donnée , je leur dirai que
juſqu'au dernier acre de terre de cette contrée,
qui paie une rente féodale à la Couronne , tous
font poſſédés en vertu d'un titre qui dérive de
l'acte de l'Établiſſement : d'après cela , j'eſpère que
les Membres de l'Oppoſition regarderont comme
un ſujet digne de leur examen , de ſavoirjuſqu'où
il peut être prudent de pourſuivre les prétentions
ſucceſſives à l'indépendance abſolue , propoſées
fi
(124)
pour l'Irlande par le 1. H. M. Aufli long-temps
que nous nous contentcrons de la conftitution
fxée en 1782 , que nous profite.ons de toutesles
conjonctures favorables pour cimenter l'union entre
les deux Couronnes , & pour cultiver l'affection
& la confiance de la Nation Britannique , je promets
à ma patţie la paix , le bon ordre& la profpéité
; mais que , dans un moment de frénéfie ,
les deux Chambres du Fariement d'Irlande faciifient
leur liaison intime avec l'Angleterre à la
pouriuile de fantômes chimériques , je ne réponds
pas que nous ne voyions peut-êue encore une fois
l'Irlande redevable à une armée Angloiſe , dela
reftauration de fa liberté civile & religieufe. Je
vous le demande ? Qui vous garantit a continuation
de votre bonne intelligence avec l'Angleterre
, fi nos deux Chambres portent leurs prétentions
juſqu'à vouloir faire reconnoître comine
un droit incontestable & excutif , le pouvoir de
créer un Mag fhat fuprême , chargé de la puiifance
exécutive pour l'ilande , & fi elles l'orent
inveſtir , de leur propre autorité , de toutes les prérogatives
royales ? Votre fécurité , Mefleurs , n'est
fondée que fur la fermeté & la prudence du Parlement
d'Irande , qualités qui (j'aime à en convenir
) ne ſe ſont point démenues jusqu'à ce moment
délicat. Mas fi la loide votre pays établit
une autre garantie de cette hanon intune ; fi, par
/ cette même loineconnue de votre pays , il faut la
ſanction du grand ſceau d'A gleterre à un acte
quelconque , deſtiné à autor fer l'exercice du pouvoir
royal en Irlande , pouvez-vous ſuppoſer que
laNation Britannique ſe foumette patiemment aux
prérogatives que réclame aujou. d'hui le Parlez.ent
d'Irlande? "
<<Non , non, Meſſieurs , &j'oſe vous dire que
fi nous perfiſtons à revendiquer le droit prétendu ,
le fou de la difcorde s'allumera plus vivement que
(125 )
jamais entre les deux Nations. Faifons , pour un
moment, la ſuppoſition abſurde que l'Adreſſe des
deux Chambres du Parlement puiſſe inveſtir le
Prince de Galles de l'autorité royale en Irlande ,
pourquoi cette même Adreſſe ne pourroit-elle pas
déléguer le même pouvoir à Louis XVI , actuellement
fur le trône de France , au St. Père , ou
à l'honorable Membre qui a fait la Motion? "
*« Nous avons déja voté une commiſſion d'Ambaffade
chargée de préſenter notre Ad eſſe au
Prince de Galles , de lui offrir la plénirude du
pouvoir royal dans ce pays , & de lui demander
de l'exercer par fon autorité , ou par la nôtre.
Ma's quand nos Ambaſſadeurs auront rempli leur
miflion , comment S. A. R. fe conduira-t-elle à
leur égard ? Y a-t-il en Angleterre un feul homme
que le Prince appelle à le conſeiller fur ce point ,
qui oſe lui dire que l'Adreſſe des Pairs & des
Communes d'Irlande peut lui conférer ſeulement
une ombre de royauté ; un ſeul homme qui ſe
hafarde à lui dire d'accéder aux termes de l'Adreſſe
, & de prendre fur lui l'exercice des ponvoirs
attachés à la Couronne , en vartu delateole
autorité des Pairs & Communes d'Irlande ? Je le
demande encore , Meſſieurs , y a-t-il en Ang'eterre
un ſeul homme qui ofe annoncer à S. A. R.
qu'une pareille Adreſſe lui donne le commandement
du grand ſceau d'Ange erre pour Pulage
cuGouvernement Irlandois , & qui , après avoir
donné ce confeil , ait la hardieſſe de ſe charger
d'en répondre à la Nation Britannique ? Eh bien !
moi , j'uſe garantir qu'il n'y a pas dans toute l'Angleterre
un ſeul homme honnête & judicieux qui
ne diſe à S. A. R. que les Pairs & Communes
Ilande n'ont pas le plus léger droit à pourvoir
de leur autorité au Gouvernement exécutif en
Irlande : en tonféquence , je crois que leT. H. M.
auroit fait fagement d'attendre la réponſe du Prin e
finj
f
( 26 ) :
de Galles à cette Adreffe , avant de preſſer une
Réʻolutionultérieure , qui annonce des prétentions,
repouffée infailliblement par tous les gens ſages &
honnêtes des deux pays. "
«Qu'on me permette de rappeler à la réflexion
du T. H. M. la réponſe qu'il a faite aujourd'hui
cuand on lui a demandé - ce que feroient nos
Mandataires , ou comment ilfaudroit qu'ils ſe core
duifhilent , en ſuppoſant qu'ils arrivaffent avant que
le Prince de Galles fût inveſti de la Régence d'Angleterre
?- Le T. H. M. a répondu qu'il étoit
preſque fûr quele Princeferoit revêtu de la Régence
avant leur arrivée , & qu'ainfi la difficulté n'exifteroit
pas. Le T. H. M. avoue donc qu'il peut ſe
trouver des difficultés dans l'exécution de l'Ambaſſade
Irlandcije ; mais , d'après fon calcul , il
femble eſpérer qu'on ne les rencontrera pas. >>>
«Tout le cours de cette affaire a été marqué
par un manque de modération & d'examen trèsfâcheux
pour ce pays; il ſemble que la Providence
ait permis que cet eſprit de vertige ſe ſignalât le
jour même où les Médecins de Sa Majesté avoient
déclaré qu'Elle manifeftoit des ſymptômes évidens
de convalefcence. Non- contens de cette folle décifion
, nous votons , le même jour encore, une
Adreffe au Prince de Galles , pour lui faire prendre
les pouvoirs du Gouvernement dont le Roi étoit
légitimement revêtu ; & de peur que quelqu'un
n'eût le temps de revenir fur cette étourderie , on
faittoujours , dans la même journée , le rapport de
la Réſolution & de l'Adreffe à la Chambree , qui
agrée fur - le - champ l'une & l'autre . Ce n'eſt
pas tout ; nous ſommes convoqués aujourd'hui
pour voter une Réſolution encore plus abfurde
&plus folle , s'il eſt poſſible , que la première ;
enun mot , pour légaliser une cenfure contre
Lord Buckingham , parce qu'il ne veut pas envoyer
officiellement enAngleterre les réſultats de
(127 )
nos délibérations inconſidérées. Eh bien , Meffieurs
, fi Lord Buckingham avoit fait paſſer cette
Alreffeen Angleterre , il auroit enfreint ſon ſerment
d'allégeance ; il pouvoit vous en faire crûment
le reproche ; il lui étoit aiſé d'étab'ir ſa
propofition: mais quelle a été ſa réponſe à vorre
meſſage ? Que d'après ſamanière de veir fur
« le devoir de ta charge & les obligations con-
« tractées par fon ferment , il lui étoit impoffible
« detranſmettrevotreAdreffe au Prince deGalles.»
Où eſt donc là ce grand crime contre votre digaité?
La Chambre ne fait-elle pas que le Lord Lieutenant
d'Irlande agit ſous l'autorité d'une commiffion
qui lui eſt donnée en Anglet erre , &fous des
instructions ſecrètes deSaMMaajesté, auxquellesileft
obligé d'otéir au péril de ſa tête ? La Chambre
connoî:-elle ces inſtructions ? Et fi elle ne les cornoît
pas , veut- elle prendre une Réſolution hoftile
contre laGrande-Bretagne , hoftile contre la
Laifon, des deux Couronnes , pour fonder une cenfure
qui frappe le Repréſentant du Roi ? Et cela ,
parce qu'il vous répond modérément qu'il ne peut
agir contra lictoirement à ce qu'il regarde comme
fon devoir officiel , & enfreindre le ferment de ſa
charge ! Permettez- moi de vous le dire ; file Marquis
de Buckingham pouvoit empêcher l'Adreſſe,
quenous avons votée, de parvenir enA g'eterre,
il mériteroit l'éternelle reconnoiſſarce de la Nasion
Irlandoife; car fi cette Adreſſe arrive jamais
juſqu'au Prince de Galles , il eſt impoffible qu'il
fe trouve en Angleterre un homme affez impudent
pour confeiller à S. A. R. d'agir d'après fa
teneur. »
«Depuis dix-sept jours , Sa Majeſté va toujours
de mieux en mieux : d'après les derniers bu'-
letins , il n'y a p'us lieu de douter qu'Elle ne ſe
rétab iſe entièrement , & en peu de temps. Suppoſez
donc qu'ily ait un ſecond examen deMédcfiv
(128 )
ens , ate que Sa Majesté eſt en état de
reprendre le toin des affaires publiques ,&que nos
Ambulateurs, en arrivant à Londres , rencontrent
far leur chemin Sa Maj. ſe rendant au Par'ement,
ou ſeulement qu'ils apprennent qu'Elle ſoit prête
à s'y rendre , - qu feront-ils ? Supprimeront-ils
lears lettres de c éance pour regegner furtivement
l'irlande ? ou préſenteront-ils notreAdreffe
au Prince ? Ce dernier parti pourroit bien êtreune
expérience dangereuſe; on pourroit le regarder
comme un acte formel de trahifon contre le Roi ,
pour lequel je ne trouverois pas étonnant qu'on
arrêtât nos Ambassadeurs commetraîtres à laCouronne
de la Grande-Bretagne. Il eſt doncpoffible
que cette Ambaſſade folemnelle n'aboutiſſe qu'à
voir les Mandataires des Pairs &Communes d'Irlande
revenir l'oreille baſſe vers leurs Maîtres ,
avouer triftement qu'ils ſe ſont enfui ſans exécuter
leur commiflion , de crainte que la Justice de
Middleffex ne leur fit mettre la main ſur lecollet,
Vous n'avez donc , Meſſieurs , qu'un parti raifonnableàprendre
: a. tendez que le Prince de Galles foit
nommé Régent ,& enfuite vous reconnoîtrez fon
autorité par un acte de la Législature , en luidonnant
autant d'étendue que vous le jugerez néceffaire
au bien de ce pays. "
« Qu'il me foit permis d'ajouter que , comme
il n'y a pas de Jurifconfulte dans ce royaume ( &
j'oferai en dire autant de l'Angleterre ) qui pît
furlui d'aſſurer qu'une Adreſſe des Pairs & des
Communes d'Irlande peur conférer les pouvoirs
royaux; comme les perſonnes qui font autorité
chez nous par leurs connoiſſances dans les lois, ont
proteſté contreun te principe ,& que dans le fait
tous lesMembres de la Chambre Haute, qui ost
donné leur confentement àcette Adreffe , ont prétendu
qu'i's n'y donnoient d'autre va'eur que cele
dun compliment , d'une marque de reſpect , d'une
( 129 )
invitation au Prince d'accepter proviſoirement s
pouvoirs qui lui ſe oient accordés poſtérieure
par un acte du Parlement; comme tout individu
raifonnable a abandonné l'acte , en tant qu'on a
voulu qu'il conférât réellement le pouvoir , qu'il
mefoit permis , dis-je , Meſſieurs , de vous avertir
que nous ferions un acte de démence de mettre
les deux royaumes aux priſes , en preſſant la
Réſolution propoſée par le T. H. M.; Réſolution
qu'il avoue lui-même n'avoir d'autre but que de
motiver une cenfure contre le Lord Lieutenant. Si
les Membres de la Majorité trouvent quelque
plaifir à mortifier le Marquis de Buckingham ,
parce qu'il a refufé , pour leur complaire , de renoncer
à fon ferment d'allégeance envers le Souverain
, que ces Meſſieurs ſe donnent ce p'aifir ,
mais fans y être autoriſés par la Réſolution actuellement
débattue; car quoique ce ſoit toujours avec
peine que je vèrrai le Parlement d'Irlande aux priſes
avec le Repréſentant du Roi , je regarderai ceper
dant toujours comme une choſe d'une conféquence
beaucoup plus ſériente , de foulever le Parlement
d'Irlande contre la Nation Angloife , für que ma
Patrie ne peut que perdre dans une pareile conteſtation..
La Lady Juliana , vaiſlean freté par ordre du
Gouvernement , pour transporter les Criminels à
la Baie Botanique , a achevé de prendre fon chargement
, & il ſe rendra à Portsmouth dans le
courant de la ſemaine , pour prendre à fon bord
les Criminels & les Soldats de Marine. Ce bâtiment
doit embarquer 250 Malfaiteurs.
On se rappelle que le vaisseau le
Bounty , commandé par le Capitaine
Bligh, partit à la fin de 1787 , sous les
auspices de S. M. pour aller à Otahitis
et transporter à la Jamaïque et à St.
fy
( 130 )
Vincent , le végétal utile connu sous le
nom d'arbre àpain. (Bread fruit. ) Un
Officier de ce bâtiment vient d'envoyer
ici la relation suivante de la première
partie de son voyage:
b
:
:
De la Baie de Simon , a Falfe - Baie , Cap de
Bonne-Espérance , le 17 juin 1788.
«Nous avons quitté Ténér ffe le jeudi to jan
vier , après y être reſtés quatre jours. Après avoir
dépaffé l'île de Santa-Crux , nous avons mis le
cap à l'oueft pour attérir ſur les côtes du Bréſil .
Nous avons eu un très-beau temps & abondance
de poiſſon , juſqu'au trentième deg. de lat. méridionale.
»
«Le famedi matin 16 février , nous eûmes
connoiffance d'une voile que nous arraifonnâmes
le lendemain matin ; c'étoit un Baleirier de la mer
du fud , deftiné pour le Cap deBonne-Epérance.
Quelques jours après nous quiftâmes la route du
N. E. ,& entrâmes dans les vents variables . Nous
y éprouvâmes du mauvais temps , qui nous maltraisa&
nous fit regretter la belle zone que nous
venions de quitter. Le nombre de baleines que
nous vîmes , en longeant la côte de la mer méridionale
, eft prodigieux. Il en venoit ſouvent deux
ou trois le longdu bord , toujours au vent du vaiffeau,
& qui nous inondoient en faiſant jaillir l'eau
par leurs évents. Elles devenoient quelquefois fi
incommodes , que nous étions forcés , pour les
éloigner , de leur tirer des coups de fufil à balle :
eles en recevoient quelquefois trois avant de bouger.
Le ſamedi matin 23 mars , à deux heures ,
nous eûmes connoiſſance de la terre de feu , qui
nous reſtoit au S. E. , & par ce giffement , nous
nous trouvâmes à la vue de la terre , au-delà du
Cap San-Diego , & par conféquent trop éloignés
au vent de la terre des Etats , pour tenter de dé(
131 )
bouquer par le détroit de la Maze , attendu que
le vent étoit au S. O. , ainſi nous virâmes de bord
le cap à l'Eſt, »
<<Amidi , nous aperçûmes la partie orientale
de la terre des Etats. Cette terre eft extrêmement
élevée , & les ſommers des montagnes paroiffent
être de roche ; la plupart étoient couverts de
neige , & offroient un afpest fort triſte Les ſeuls
habitans qui ſe trouvent fur ces côtes , & que
nous vîmes en très-grand nombre , étoient des
veaux-marins , des marfouins &des baleines ; les
oiſeaux étoient des canards fauvages , des albatro
ſes , des moutons ou quebranta-hueſſos ,&beaucoup
d'autres oiſeaux de mer. Le Cap St.-Jean ,
qui en eſt la pointe orientale , ſe trouve par les
54d. 47 m. de lar. méridionale ,& par les 63 d.
47m. de long. occidentale . Nous eûmes affez be u
tem son ou deux jours ap ès avoir quitté la terre ,
mais auſſitôt que nous l'eûmes perdue de vue
nous commençâmes à éprouver les rigueurs du
climat du Cap de Horn . Depuis le 25 mars ju
qu'au 18 avril , nous eûmes in ouragan preſque
continuel , qui ne ceffa point quatre heures de
fuite. "
«Pendant les 29 jours que nous battîmes la
mer à la hauteur du Cap , nous eûmes les plus
violentes tempêtes , & je puis dire , avec vérité
que le vent ne reſta pas à l'Eſt douze heures
pendant ce temps. Toutes les voiles que nous
mîmes dehors furent les huniers , tous les ris pris ,
mais généralement les baſſes voiles , tous les ris
dedans , lorſque nous n'étions pas à la cape. Nous
primes quelques oiſeaux que l'on trouva délicieux ,
&nous fimes un pâté d'un albatroſſe , que l'on
mangea avec plaifir , quoique cet oiſeau eût un
goût très-poiffonneux. Ayant été pris à cent lieues
au large , après avoir combattu inutilement les
vents pendant trois ſemaines , notre vaiſeau ſe
:
fvj
( 132)
trouva avoir tant d'eau que l'on étoit obligé de
pomper toutes les heures. Un grand nombre de
nos mate'ots étoient tombés malades par la ſévérité
du temps & le manque de repos , puiſqu'il
ne ſe paſſoit pas de nuit que l'on n'appelât tout
le monde ſur le pont. Dans cette ſituation , le Capitaine
jugeant qu'il étoit dangerenx & inutile de
perdre tant detemps , prit , le 18 avril , le pari
de virer de bord,& faire route pour le Cap de
Bonne Eſpérance , réfolution qui combla de joie
tout l'équipage. Depuis cejour juſqu'au moment
cù nous attérîmes , nous eûmes conſtamment le
vent de 'a partie de l'ouest , de manière que
nous n'avors mis qu'un mois &trois jours à traverſer
l'Océan entre les deux caps ( 1) ;& c'eſt , je
crois, l'une des traverſées les plus promptes que
l'on ait faite : nous la devons aux bonnes qualités
du Bounty. H ne marche pas extrêmement vite ;
ſa plus grande marche eſt de huit ou neuf noeuds
par heure; cependant il fila une fois dix noeuds
avec le vent largue , qui eſt tout ce qu'on peut
defirer. Nous eûmes connoiſſance de la terre de
Ja Rable , le 23 mai ,& nous mouillâmes dans
Falfe-Baie le lenderra'n. »
(1) La diſtance du Cap de Horn au Cap de
Borne Efpérance , eſt de 4,052 milles. La traverfée
faite en trente-trois jours,donne 123 milles
pas jour , cus milles un dixième par heure. La
diſtance du Cap de Bonne-Eſpérance à la baied'Aventure,
terre de Diemen , est de 6,032 milles .
D'Aventure au détroit de Cock , à la Nouvelle-
Zélande , on compte 1,262 milles , &du détroit
deCookà Otahiri 2,39 milles. Ainfi , la diſtance
da Cp de Bonne - Eſpérance à Otahiti , eſt de
9613 miles ; & du Cap de Horn à Orahiti ,
par le Cap deBonne-Efpérance , qu'aura parcouruleBounty,
il ya13,665 milles.
( 133 )
«Nous comptons la quitter dans quirze jours
environ, & faire route pour la terre de Van-
Diemen , où nous ferons de l'eau& du bois , delà
à la Nouvelle-Zélande , & puis à Otahiti. n
«Je ſuis tenté de croire qu'il n'y a point de
mer ſur le globe qui puiſſe être comparée à
celle du Cap de Horn , pour la hauteur & la
longueur des lam s. Les plus anciens Matelots
que nous euffions àbord , avouoient n'avoir jamais
rien vu de pareil , & nous aviors pourtant pour
Canonnier M. Peckover , qui a fait les trois voyages
du Capitaine Cook. »
1
« Il n'y a que quatorze bâtimens dans cette
baies l'un d'eux est fort long , & confifte en des
magafins. Falfe-Baie n'eſt fréquenté que dans la
fai'on des vents de N. E. & l'on eſtime dangereux
de refter dans Rab'e-Baie après le rer.
mai. Le Cap Falſe&le Cap de Bonne-E'pérance ,
àl'ouverture de la baie , cui eſt de fix lieues ,
giffent preſqueEſt&Oneft corrigés . La baie dans
laquelle nous sommes mouillés , eſt à environ
onze milles du Cap de Ponne-Eſpérance , fur le
bord occidental de Fa ſe-Baie , & c'eſt la ſeule
dars laquelle on ſoit en sûreté. Quoiquel'on puiſſe
trouver un mouillage en dehors , la rade eſt trop
couverte , fans compter qu'on ne pourroit pas s'y
procurer , comme en dedans , les approvifionnemers
dont on beſoin. Il ya fort peu d'habitans
ici , & les moindres choſes y font envoyées en
chariots de la ville du Cap : ily a un quai fort
commode à l'uſage des vailleaux. - Je vous envoie
cetre lettre parun vaiſſeau Ma chand françois ,
destiné pour l'Orient; nous nous portons tous
bien. «
FRANCE.
De Versailles , le 12 mars.
Le Roi a accordé au Comte de Luface la pro(
134 )
priété du Régiment de Huſſards , vacante par la
mort du Marquis de Conflans .
M. de Vaucreſſon , premier Préſident duGrand-
-Confeil , a , le premier de ce mois , prêté , en
cetre qualité , ferment entre les mains du Roi.
Le même jour , le Comte d'Argenſon a aufli
prêté ferment entre les mains de Sa Majesté pour
la Lieutenance- générale de la Province de Touraine
, qui étoit vacante par la mort du Marquis
de Vover.
La Marquiſe de Forbin d'Oppède , la Vicomteſſe
de Vaſſan , la Comteſſe Edouard de Menards
, ont eu l'honneur d'être préſentées à Leurs
Majesté & à la FamilleR yale, la première, par la
Comteſſe de Janfon ; la ſeconde , par la Comteſſe
deLigny,& la troiſième, par la Dicheſſe deMaillé.
Le Vicomte du Puy-Malgueil & le Chevalier
de la Rivoire de la Tourrette , qui avoient eu
l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu , le 3 ,
celui de monter dans les voitures de Sa Majesté ,
&de la fuivre à la chaſſe,
Le8 , M. le Comte d'Oels a pris congé
de Leurs Majestés et de la Famille
Royale.
Leurs Majestés et la Famille Royale
ont signé , ce jour, le contrat de mariage
du Comte Duplessis-Châtillon , avec Mademoiselle
de Cassagnes de Beaufort de
Miramon.
Le même jour , la Comtesse de Barbançois
a eu l'honneur d'être présentée
au Roi , à la Reine et à la Famills
Royale , par la Duchesse de Richelieu .
De Paris , le 18 Mars .
Edit du Roi , du 10 juillet 1788 , por(
135 )
tant création de six millions de Papiermonnoie
pour les isles de France et de
Bourbon .
Les nouvelles Lettres de Convocation
sont pour la Provence , le Béarn , le
pays de Bigorrè , le Hainault , l'Artois, le
pays de Rivière- Verdun , le pays de
Cominges , et trois Réglemens particu
liers pour quelques Bailliages. Les seules
Lettres qui restent sont celles de la Bretagne
, du Dauphiné et de Paris .
La Noblesse des Etats particuliers
<<du Comté de Mâconnois , convoquée
<< par M. Desbois , Grand Bailli dudit
<< Comté , et assemblée à Mâcon , le 8
<<du mois de février , pour délibérer sur
<< les objets généraux et particuliers qui
<< intéressent la nation et la province ,
* considérant que son titre le plus cher
<<est celui de Citoyen , et qu'en cette
<<qualité elle doit faire tous ses efforts
<<pour cimenter une union solide et du-
<<rable entre tous les Ordres de l'Etat ,
<<union absolument nécessaire pour for-
<<mer une bonne constitution , a unani-
<<mement délibéré par acçlamation , et
<<formé le voeu solemnel de partager
<< avec ses Concitoyens du Tiers-Etat ,
<< toutes les charges et impositions gé-
<< nérales de la province, sans aucune
<< exemption pécuniaire , et dans la juste
<< et égale proportion de sa fortune ; ne
<< se réservant que les droits qui font
<<partie de ses propriétés, et les hon(
136 )
<<neurs et distinctions nécessaires dans
<<toute Mornachie , dont elle veut se
conserver le noble usage pour le ser-
<<vice du Roi, la défense de la Patrie ,
<et le maintien des Lois. Invitant l'Or-
<<dre du Clergé , et la classe nombreuse
<<des Privilégiés non Nobles , à former
« le même voeu , pour que toute la na-
* tion , ainsi réunie, allège le fardeau ,
< en le partageant également. »
L'Ordre de la Nobleſfe du Bailliage deClermont
enBeauvoiſis , retiré dans la Chambre de ſonAfſemblée
particulière , en vertu de l'article 40 du
Réglement fait par le Roi pour l'exécution des
Lettres de convocation , conſidérant queles Membres
font citoyens avant d'être nobles , & voulant
donner à ſes concitoyens du Tiers-Erat une
preuve du défir loyal & franc qu'il a de cimenter
l'union entre tous les Ordres , s'eſt empreſſé de
prononcer , par acclamation , le voeu folemnel
de fupporter , dans une parfaite égalité & chaeun
en proportion de ſa fortune , les impôts& contributions
générales de la province , ne prétendant
ſe réſerver que les droits facres de la propriété ,
&les diſtinctions néceſſaires dans une Monarchie ,
pour pouvoir plus efficacement foutenir les droits
& la liberré du Peuple , le reſpect dû au Roi&
à"autorité des Lois.
La Nobleſſe a de plus arrêté que cette Dé'ibération
fero,t le premier article de l'inſtrustion
donnée à ſes Députés pour les Etats-Généraux.
L'Ordre de la Nobleſſe a encore arrêté d'envoyer
une Députation à l'Ordre du Clergé pour
lui faire partde cette Délibération &lui propoſer
d'y adhérer , & joindre en conféque ce une Députation
à la ſienne , pour, de concert , al'er en
faire la Déclaration à l'Ordre du Tiers aſſemblé.
( 137)
Le Clergé ayant adharé à cette Délibération ,
les Députations des deux Ordres en ont éré faite
au Tiers la déclaration. L'Ordre du Tiers a evoyé
fur-le-champ une Députa ion aux deux
Ordres avec la déclaration fuivante :
« Le Tiers-Erats, connoiſſant les ſentimensgenéreux
qui animent le Cergé & la Nobleſſe ,ra
pont été furpris d'apprendre le réſultat de leur
Délibération , par laquelle its conſentent de paver ,
ave: le Tiers , le fardeau des impofitions. Trèstouché
cependant d'avoir vu que c'étoit là le
premier emploi qu'ils avoient fait de leur réunion ,
&de l'attention que les Ordres ont eue de
l'en inſtruire fur-le- champ , le Tiers leur adreſſe la
préfenteDéputation pour leur en faire fes remercî--
mens , & les aſſurer que cette eſpèce d'Aſſociation
avec le Tiers n'a fait qu'augmenter ſa vénération
pour le Clergé& la Noblefle ,&qu'il ne s'écartera
jamais de ce qu'il doit au rang & à la naiſſance.>>
Nous venons de recevoir une réponse
à la lettre de M. le Vicomte de Châtenay,
insérée dans ce Journal, il y a
quinze jours ; réponse à laquelle nous
devons une prompte publicité. En remerciant
les personnes qui nous confient
leurs opinions sur des questions
aussi délicates et aussi importantes , nous
prendrons la liberté d'inviter ceux qui
adopteroient ce genre de notoriété , à
écarter de leurs lettres les expressions
d'aigreur et les personnalités qui nous
priveroient de l'avantage de pouvoir
décemment communiquer à nos Lec
teurs des discussions intéressantes .
Dijon, le 11 mars 1789.
Monfieur ,
«Vous avez inféré dans le Mercure la lettre
( 138 )
adreſſée par M. le Vicomte de Châtenay à l'Aureur
du Journal général de France, à l'occaſion de
la-Requête préſentée à Sa Majetté par le Tiers-
Etat de Dijon: j'attends avec confiance de votre
impartialité que vous voudrez bien y inférer également
ma reponſe à cette lettre. J'ai deux titres
pour répondre à M. de Châtenay; le premier ,
commeAvocat , dont tout l'Ordre eſt violemment
attaqué par ce Gentilhomme; le ſecond , comme
Rédacteur de la Requête qui a donné lieu à ſa
lettre. >>>
« Le début de cette lettre contient une double
erreur ; ç'en est une que de faire croire que cette
Requête eſt uniquement celle des Avocats de Dijon :
elle appartient à tout le Tiers-Etat de cette capitale;
tous les Corps dont il eſt compofé , l'ont
adoptée & ſouſcrite : elle appartient auſſi à tout
le Tiers-Etat de la province , à une grande partie
du Clergé , & à un nombre conſidérable de Gentilshommes
qui y ont adhéré ; et pour acquérir ces
adhéſions , nous n'avons pas eu beſoin , il ne nous
eſt pas même venu à l'idée defaire courir un émisfaire
dans laprovince. »
«C'eſt une autre erreur que d'avancer que
long-temps avant que cette Requêtefût même projetée,
l'Ordre de la Nobleſſe avoit fait la déclaration de
renoncer à toutes ses distinctions pécuniaires. La Requête
du Tiers-Etat de Dijon eſt du 18 janvier ;
la déclaration que vous avez imprimée à la ſuite
dela lettre de M. de Châtenay , n'a été publiée que
le 26 du même mois. Juſqu'à ce jour, la Noblesse,
ou plutôt 60 Gentilshommes qui croyoient pouvoir
ſtipuler pour tout l'Ordre de la Nobleſſe ,
n'avoient encore offert que de contribuer aux impôts
confervés & accordés par les Erats-Généraux ,
cequi necomprenoit ni les charges publiques , ni la
contribution à raiſon des facultés , auxque les ces
( 139 )
Meſſieurs, déc'aroient hautement qu'ils n'enten--
doient point ſe ſoumettre. ( 1 ) . »
« M. le Vicomte de Châtenay prétend que la
Nobleffe n'a pas pu protéger le Tiers -Etat , parce
que les Représentans dela Nobleſſe aux Etats de la
province n'étoient point légaux. »
" Il s'en faut de beaucoup , en effet, que la Ncb'eſſe
ait jamais protégé le Tiers-Etat ; mais ce
n'eſt point par la raiſon qu'apporte M. le Vicomte.
Il fait très-bien que la Nobleſſe n'affinte point à
nosEtats par Repréſentans , & que tout Gentilhomme
qui a cent ans de Nobleſſe y vient s'il le
jugeàpropos. »
" SelonM.leVicomte, ce n'eſt plus qu'un ſeul,
Ordre de Citoyen qui réclame , et ces adverfaires de
laNobleſſen'ontpoint de bonnefoi , car ilsne paient
pasplus que la Noblesse. »
« Ces Citoyens que l'on traite ſi mal , ce font
les Avocats au Parlement de Dijon. Il feroit long
de détailler ici la cauſe honorable de la haine que
quelques Nobles leur ont vouée. Je me contente
de remarquer feulement que la preuve que M. le
Vicomte rapporte de leur prétendue mauvaiſe-foi ,
eſt au contraire la preuve la plus éclatante de
leur franchiſe&de leur déſintéreſſement. Il y a
en effet parmi eux un très-grand nombre de Privilégiés.
En s'uniſſant à leurs Concitoyens pour
demander l'abolition des Priviléges , ils ont donc
agi contre leur propre intérêt.
(t) Il ſeroit trop long de rapporter la preuvede
tous ces fairs ; mais on la trouvera dans deux imprimés
ayant pour titre: l'un , Récit de ce qui s'eft
paffé entre MM. les Gentilshommes afſfemblés à Dijon,
& l'Ordre des Avocats de la même ville ; l'autre ,
Procès-verbal de la Nobleſſe de Bourgogne. On la
trouvera auffi dans un écrit qui paroît depuis peu
de jours , intitulé : Réponse au Franc-Bourguignon.
( 140 )
«M. le Vicomte jure la foi de Gentilhomme,
qu'iln'eſt plus queſtionen Bourgogne quede la manière
de vorer. Je voudrois bien être convaircu
qu'on est parfaitement d'accord fur la contribution
aux impôts & aux charges publiques ; mais j'ai
encore des raiſons de douter "
«M. le Vicomte nous apprend que la Nob'eſſe
de Bourgogne répugne à l'opinion pa tête ,
1º. parce qu'il est impoſſible de s'entendre dans une
grande affemblée.-On difcute par comités , on
opine en commun. "
2. Parce qu'un Ordre entier pourroit être lié
contreforveu unanime.-Dans l'opinion par ordre,
la pluralité d'un ſeul des fuffrages dans un des
Ordres, arrête& lie la vo'ontédes deux autre . "
«3°. Parce que le plan du Haut-Tiers tend à la
Démocratie ou au Despotisme. --- Le Tiersemploie
tous ſes efforts pour éviter éga'ement ces
deux écueils , puiſqu'il demande que les Etats-
Généraux établiſſent une conſtitution qui regle
invariablement les droits du Monarque & ceux
dela Nation, »
« 4°. Parce que c'eſt intervertir l'ancien usage qui
n'aplus d'inconvéniens dès que les impôts ferontfupportés
également par tous les Ordres.-C'eſt l'ancien
uſage qui a produit les abus& les maux;fi
l'ancien uſage ſubſiſte, les maux & les abus renaîtront.
« 5°. Parce qu'aucun Ordre n'ale droit de chinger
la forme de l'Administration , ni le Roi,fans le
confentement des trois Ordres.- Aucun Ordre n'a
ledroit d'en opprimer un autre. La forme d'adminiſtration
actuelle opprime le Tiers; le Tiers eft
donc fordé à en exiger une autre,
« 6°. Parce que le Tiers-Etat réduit aux propriétaires
, feuls capables de décider la queſtion ,ſe réduit
à la maſſe des propriétés , &c. Les propriétés fon
cières du Tiers-Etat excèdent celles de la Nobleffe
( 141 ) 1
&du Clergé réunis ; les propriétés induſtrielles
font incalculables , ta population eft quarante-huit
fois plus confiderable que celle des Nobles er des
Ecclefiaftiques pris collectivement : fi l'on vouloit
régler l'influence de. O dres fur ces poportions ,
quel avatage n'aurot pas le Ters-Etat ? »
« Vous voyez , Monfieur , qu'il n'estpas difficile
de combattre les motifs de répugnance de la
Nobieffe. Puitſe ma réponſe defiller les yeux de
M. le Vicom.e de Châtenay , disliper ſes préventions
contre une claſſe de Ci.oyens qui mérite
fon eftme ,& ramener ce refpectable Gentilhomme
à une manière de penſer p'us juſte &
plus conforme à l'intérêt général de la Nation.>>>
« J'ai thonneur d'ene , &c.
A
« NAVIER.
« A. au P. de D , de l'A. des S. A. & B. L.
de L. M. V. »
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 mars
1789 , sont : 80,67, 39, 72 , 27.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 20 mars 1789.
Le Doge de Venise , Paul Renier ,
que les Papiers publics avoient tué au
mois de janvier , est mort , en effet , le
13 février , à l'age de 79 ans. Avant de
parvenir à la première dignité de la
République , ill'avoit servie comme Ambassadeur
à Rome, à Vienne et à Constantinople,
commeProcurateur de Saint
Marc, etc. Son Successeur doit avoir
été élu au milieu de ce mois , et le
public designoit le Chevalier Mето ,
(142)
Procurateur de Saint-Marc , ci-devant
Ambassadeur à Rome et à Constantinople
.
Nos lettres de Stockholm, du 25 février,
nous apprennent que le Roi de Suède
s'est rendu le 17 à la Diète , où il a prononcé
un Discours énergique contre la
conduite dilatoire et factieuse de quelques
Membres de la Noblesse. Cette ex-
-hortation étant restée sans effet , S. M. ,
sur une députation des trois autres Ordres
, qui l'ont suppliée de pourvoir aux
moyens de mettre la Diète en activité ,
a fait arrêter , le 20, vingt-six Nobles ,
dont , entre autres , le vieux Comte
Fersen, le Comte de Horn, le Comte
de Brahé , etc. etc.
:
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , TOURNELLE CRIMIN .
Cause entre Me F ... Avocat en Parlement , Juge
de pluſieurs Justices , demeurant à C... , & leſieur
Du... demeurant au même lieu.
Le3 novembre 1788 , Me F... a préſenté au
Juge Criminel de G... une requête de plainte , où
il a expoſé qu'il a appris par la rumeur publique ,
que dans l'aſſemblée de département établie en
la ville de G... on l'a propoſé , à fon inſu , pour
remplir la place de Procureur-Syndic du Tiersétat
; que le ſieur Da... ennemi de Me F... s'eft
élevé avecforce contre ce choix, & a ofé avancer
que Me F.... éto't indigne de la place de Procureur-
Syndic , & d'être membre de l'aſſemb'ée,
attendu qu'il étoit flétri& déshonoré par un arrêt
(143 )
:
du Parlement ; que cette calomnie , & le bruit
de l'exc'uſion qu'elle avoit opérée contre Me F...
ſe ſont répandus dans les villes circonvoiſines ,
notamment à C... cù demeure Me F ...
En l'absence du Juge de G... un poftulant du
ſiège a répondu la plainte d'une ſimple permiffion
d'aſſigner à fins civiles.
Un arrêt , du 28 novembre , a reçu Me F ...
appelant , & ordonné qu'il en viendroit à l'audience
du 3 décembre ſuivant avec M. le Procureur-
général .
Au jour indiqué , la cauſe ayant été plaidée contradictoirement
, il eſt intervenu fur les conclufions
de M. l'Avocat-général d'Ambray , arrêt
qui , en infirmant Bordonnance du Juge de G...
a donné acte à Me F... de ſa plainte , & lui a
permis de faire informer des faitsycontenus , circonſtances
& dépendances, par-devant le Juge Châ
te'ain de la Châtellenie royale de C... qui a été
commis à cet effet , & en même-temps autoriſé
à continuer , faire& parfaire le procès , juſqu'à
ſentencedéfinitive incluſivement , ſauf l'exécution
s'il en étoit appelé .
Le ſieur Du... ayant eu connoiſſance de la
plainte, a formé oppoſition à cet arrêt , &a conclu
à l'évocation du principal , à la décharge de l'accufation
, &en 300 livres de dommages-intérêts.
M. l'Avocat-général d'Ambray , qui a porté la
paroledans cette cauſe , s'eſt d'abord arrêté à l'arrêt
du 10 mars 1784 , & a prouvé , en rappelant les
principes de la matière , que cet arrêt contenoit une
ſimple peine correctionnelle, qui n'affectoit ni l'honneur
ni la probité de M. F ... Paſſant enſuite à
ladifcuffion du prétendu ſecret de délibérations, ces
idées de myſtère lui out paru abfurdes & révoltantes
; la lâcheté & l'atrocité de la calomniel'ont
frappé : ils font paſſés , a dit ce Magiftrat , ces
temps funeſtes où un voile ténébreux enveloppoit
(1I4+)
l'Adminiſtration des finances... Loin de chercher
à ramener ceste dangereuſe obfcuité , des men.-
bres des affemblées provinc ales &de département
doivent être jaloux de faire condire cuts travaux,&
de mériter l'apprebation des villes qu'ils repréſer
tent. Les Adminiſtrareurs du dépa. tement de
G... n'ont pas été aſſembés pour ſe cacher , pour
opérer mynérieusement ,& fur-tout pour entendre.
des impoftuses flét iſſantes ſur le compie de M
F... ils ne doivent ni ne peuvent garder un ſecret
criminel , éventé d'ailleurs par la publicité ; la loi ,
&encore plus , leur honnêteté , leur délicateſſe.
perſonnelles leurimpoſent la néceſſité de dépoſer
des faits de la plainte : c'eſt le voeu de l'ar et qui
ape mis l'infirmation ; l'honneur des membres du
département eſt eſſentiellement intéreſé à ce que
la vé ité ſoit conue ; ils ne doivent pas ſouffrir
qu'un de leurs collègues abuſe impunément de
Lur confia ce pour les trompe , pour leur fuggérerdes
idées flettiffante contre leurs concitoyens ;
ſi l'un des Administrateurs a pu s'oub ier juſqu'à
avancer des faits graves & calomnieux, ſes co!-
lègues doivent le forcer ou à les rétracter , ou à
les foutenir dars les tribunaux auxque'sle citoyen
offenté demande une réparation.
.. Ces
Ce n'eſt point en déniat l'injure que le ſieur
Du... peut échapper à l'information ; fa dénégation
la rend plus indiſpenſable encore.
reflexions lumineuſes que M. d'Ambray a développées
avec ſon éloquence ordinaire , ont entraîné les
fuffrayes; & par arrêt contradictoire du mercredi
4fevrier 1789 :
La Cour , fans s'arrêter ni avoir égard aux requêtes
& demandes du ſieur Du... dont il a été
débouté , l'a déclaré non-recevable de fon oppofition
, & l'a condamné aux dépens .
SOUSCRIPTIONS
De tous les Dictionnaires ſéparés de l'En
cyclopédie par ordre de Matieres .
On ſouſcrit actuellement chez LAPORTE, Imprimeur
, rue des Noyers , No. 25 ; & au mois
d'Août , rue des Poitevins , Hôtel de Bouthillier,
&chez tous les Libraires de l'Europe & pays
étrangers.
Nous ne nous étions point proposé d'abord de
vendre ſéparément les Dictionnaires qui compofent
l'Encyclopédie actuelle , nous nous y fommes
conftamment refuſé juſqu'à préfent , quelques offres
qu'on nous ait faites ;mais afſurés maintenant
qu'il exiſte en Europe cinq contrefaçons de cet ou
vrage dont les prospectus de deux viennent de
pénétrer en France , & font actuellement ſous nos
yeux; nous sommes obligés de nous conformer à
tous les mouvemens qu'on nous imprime , pour ne
pasperdre tout le fruit du plus grand travail qu'on
aitjamais entrepris en Librairie , & auquel nous
avons facrifié toutes nos autres affaires .
L'Encyclopédie forme auſſi aujourd'hui unemaſſe
trop confidérable pour qu'on puiffe eſpérer d'en
vendre des corps complets, ſion ne donne pas des
facilités au Public pour en faire l'acquifition .
Nous l'avons éprouvé depuis deux ans , que la
ſouſcription a été rigoureuſement fermée; on n'en
a pu placer que vingt exemplaires ; & aujourd'hui
que l'on fait que l'ouvrage doit avoir 124 volumes
de diſcours , & onze de planches , on n'auroit
pas l'eſpérance d'en vendre ſeulement deux par an.
Peude perſonnes veulent mettre une fomme conidérable
tout- à-la- fois à l'acquiſition d'un ouvrage.
Les contrefacteurs de l'Encyclopédie , en en
Nº. 12. Suppl. Sameds 21 Mars 1789 .
A
(2.)
1
publiant la ſouſcription , viennent auffi de propofer
l'acquiſition des dictionnaires séparés. Nous avons
bien prévu que cela arriveroit tôt ou tard , & qu'on
nous forceroit la main fur cetobjet. C'eſt pour ne
pas laiffer faire à d'autres ce que nous avons le
droit de faire nous-mêmes ,que nous nous déterminons
à ouvrir une ſouſcription à 12 livres le volume
de diſcours ,&à 30 livres le volume de
planches , conformément aux obligations que nous
en avons priſes dans le Profpectus , ( p.8) .
Par cette opération nous nous mettons à l'abri
des contrefaçons , nous conſervons cet ouvrage
à la France , nous empêchons que le Public ne foir
de nouveau trompé , comme il l'a été ſur toutes
les contrefaçons de cet ouvrage , dont les volumes
fourmillentde fautes d'impreſſion dangereuſes
dans des livres de cette nature , qui traitent de la
Médecine , de la Chirurgie , de la Pharmacie , &c.
oùlaplus légere erreur peut avoir les conféquences
les plus funeſtes.
Diſons maintenant un mot de l'eſprit dans lequel
ont été compoſés les Dictionnaires de l'Encyclopédie
; ceux qui en voudront prendre une connoifſanceplus
étendue ,doivent lire en entier les 44diviſions
du tableau qui fuit les repréſentations , &
qu'on diftribue gratis aux ſouſcripteurs actuels .
L'Encyclopédie comprend 51 Dictionnaires des
connoiffances humaines. Chacun de ces Dictionnaires
devant former un tout , ila fallu pour chacun
d'eux un plan régulier & ſuivi , fubordonné au plan
général de l'ouvrage.
Tous font renfermés immédiatementdans les objets
qu'ils embraſſent ; bien différens en cela de la
plupart des autres Dictionnaires , qui , en traitant
de l'objet principal , traitent en même temps de
tout ce qui lui eft acceſſoire. Nous ne condamnons
point ce plan , mais on n'auroit pu l'adopter pour
les Dictionnaires de l'Encyclopédie , fans tomber
dans une foulede répétitions qui auroient été trèsdéplacées.
( 3)
Chacun des Dictionnaires eſt terminé par des
tables de lecture qui en forment autant de traités
de ſcience. Par là , ils deviennent les inftrumens
les plusutilesdetoutes les connoiffances humaines ,
& on ne peut plus dire qu'ils ne font bons qu'à
confulter.
Il y a tels de ces Dictionnaires Encyclopédiques,
compoſés de 3 à 4 volumes ſeulement , qui peuvent
remplacer pluſieurs milliers de volumes , comme la
Finance, la Littérature , la Marine , l'Architecture,
"la Botanique , &c. , &c. & fi l'on raffembloit de la
première Encyclopédie ce qui ſe trouve ſur ces
matières , on n'en pourroit pas former un demivolume
ou un quart de volume.
Preſque tous ont été refaits à neuf, & il n'exiſte,
ni dansnotre langue ni dans aucune autre , desDictionnaires
auffi complets ſur toutes les parties des
Sciences & des Arts .
Chaque volume contient autant de matières que
cinqvolumes in 4°. comme leBuffon , le Velly , &c.
Cefont des in - folio déguisés en in- 4°. comme nous le
mandoit un des auteurs.
Le Dictionnaire ſeul des Arts & Métiers méchaniques
qui en contient plus de 300 , ne reviendra pas
aux foufcripteurs actuels , compris les 5 volumesde
planches , à deux cents quarante- fix livres , tandis
que la collection des Arts de l'Académie , qui n'en
comprend encore que 93 , a coûté 1240 liv. Iln'y
a aucun des Arts de cette utile partie qui n'ait éré
revu , corrigé & augmenté d'un tiers ou de moitiés
On y a joint cent arts nouveaux dont la defeription
n'exiſte dans aucun livre .
Cette partie des arts peut être conſidérée comme
renfermant à elle ſeule trois cents Dictionnaires ,
car chaque art eſt terminé par un vocabulaire dont
le mot de l'art qui le précède forme l'article prin
cipal.
Nous préfumons que les acquéreurs des Dictionnaires
Séparés ſouſcriront tous pour le Vocabulaire
Az
( 4)
Univerſel de l'Encyclopédie qui formera 4 à 5 volu
mes;& voici ce qui peut les y déterminer,
Ce Vocabulaire comprendra tous les mots contenus
dans les 51 Dictionnaires , & l'on eft afſuré
aujourd'hui qu'ily aura dans l'Encyclopédie actuelle
centmille articles de plus que dans l'édition in folio.
Nous pourrions même dire cent cinquante mille
(fi nous ne craignions qu'on ne nous taxât d'exagération
) , car nous favons aujourd'hui que la Botanique
, qui n'eſt que la st . partie de cet Ouvrage,
contiendra la deſcription de 18000 Plantes.
Linné n'en a décrit que 6000 , & on n'en trouve
pas la deſcription de 600 dans la premiere Encyclopédie.
On joindra à chaque mot de ce Vocabu-
Jaire la définition de chacun d'eux , en indiquant ,
par une ou pluſieurs lettres , s'il est adjectif,fubf-
Tantif , verbe , adverbe , &c. Ce Vocabulaire fera
le Dictionnaire le plus complet qui exiſte dans aucune
langue. Les perſonnes qui ne font point en
étatd'acquérir toutes les parties de l'Encyclopédie ,
pourront s'en fervir comme d'une eſpèce Encyclopédie
abrégée , elles connoîtront dans l'inſtant
tous les articles qui y font traités , & pourront au
beſoin y avoir recours. Il devient donc indiſpenfable
à chacun des acquéreurs des Dictionnaires
ſéparés , puiſqu'il eſt la table des Matières de chas
cun d'eux.
Ce Vocabulaire qui ſera continuellement lu &
feuilleté , ſera imprimé ſur un papier double de celuide
l'Encyclopédie. Les ſouſcripteurs l'ont defiré,
&l'on s'eft empreflé de les fatisfaire. Le prix de ce
Vocabulaire fera de 13 liv. le volume , pour les
perſonnesqui ſouſcriront pour les Dictionnaires ſéparés
, & de 18 livres lorſque la ſouſcription ſera
fermée.
De la foufcription ,de laforme des quittances & du
tems de la livraiſon des volumes.
Le prix de chaque volume de diſcours (1) , en
(1 ) Nous n'en exceptons que les volumes de Mathé
( 5 )
feuilles fera pour les foufcripteurs , de 12 liv.; bro
chế , 12 liv . 10 f.; relié , 14 liv . 10 f.
Le prix de chaque volume de planches fera de 30
liv.; broché , 31 liv . ; relié , 34 liv .
Comme on fera obligé de diviſer les volumes de
planches, pluſieurs parties des connoiffances humaines
, comme les Mathématiques , la Phyſique , la
Médecine , &c. ne devant chacune avoir que 40 ,
so planches ; chaque planche ſéparée fera du prix
de deux à trois fous.
On paiera en ſouſcrivant 24 liv. , & l'on tiendra
compte de cette avance fur les deux derniers vo
lumes qu'on aura à retirer.
ン
- On est libre de ſouſcrire pour un, deux, trois, &
Dictionnaires , maispour quelque nombre que l'on
ſouſcrive, on nn''aura jamaisplus de22.4 liv. de foufcriptions
àpayer.
Onne vendra, dans aucun tems , de Dictionnaires
jéparés, qu'dux perſonnes qui auront
Nous indiquons dans le tableau ſuivant , l'ordre
&la livraiſon des volumes .
Soufcrit.
A
Comme il nereſte qu'un petit nombre des 16 premières
livraiſons de l'Encyclopédie , & qu'il faut
les réimprimer pour faire le ſervice public de la
ventedes Dictionnairesséparés, c'eſt la raiſon pour
laquelle nous ne pouvons donner actuellement plu
fieurs Dictionnaires , quoique terminés , parce que
les premiers volumes de ces Dictionnaires ayant
paru avec les premières livraiſons , il faut les réimprimer
, & qu'on ne peut s'engager dans une réimpreffion
totale de ces 16 premieres livraiſons , qui
forment un objet de dépenſe très conſidérable , fans
s'affurer d'un certain nombre de ſouſcripteurs qui
prendront les Dictionnaires séparés .
matiques , de Marine , qui étant chargés de tableaux,
decalculs , feront chacun du prix de 13 liv. & de 15 liv.
la ſouſcription étant fermée . Les volumes du Vocabulaire
devant êtredoubles en épailleur de ceux de l'Encyclo
pédie, feront du prix de18 liv. au lieu de 13 .
A 3
( 6 )
Cettevente & réimpreffion des Dictionnaires ſeparés
devant entraîner un très-grand détail ,&fentant
que nous nous devions tout entiers à l'Encyclopédie
actuelle , & que nous ne pourrions y
faire diverfion fans manquer aux ſouſcripteurs de
l'Encyclopédie , & fans rallentir cette entrepriſe ,
nous avons voulu nous mettre à l'abri de tout reproche
à cet égard , en nous débarraffant entiérement
de tous les foins qu'exige cette nouvelle
opération ; & àà cet effet , nous y avons intéreſſe
M. LAPORTE, Imprimeur ,qui s'elt obligé,d'après
les tableaux que nous lui avons fournis de la fituation
actuelle de cette affaire , d'en faire une partie
des fonds avec nous ,&de faire réimprimer ou de
réimprimer lui-même les volumes qui feront néceffaires
pour faire le ſervicede la vente de ces Diczionnaires
ſéparés , d'en ſuivre enfin tous les détails
de la vente , des expéditions , ſoit pour Paris , foit
pour les Provinces ; nous avons même voulu nous
débarraffer du ſoin d'en recevoir les ſouſcriptions ;
&comme cependant nous devons en répondre ainſi
que lui , nous lui avons paffé une procuration le 8.
Février 1789 , devant Me. Gueſpreau , Notaire , à
l'effet de figner tous les billets de ſouſcription qui
porteront pour fignature Panckoucke &Laporte.
C'eſt donc chez le ſieur LAPORTE ſeul , Imprimeur
rue des Noyers , que l'on doit s'adreffer pour
les billets de foufcription de tous les Dictionnaires
Séparés , & cette ſouſcription eſt actuellement ouverte
, & chez tous les Libraires de l'Europe.&
pays étrangers .
N.B. Tous les billets de Soufcription pour l'Encyclopédie
doivent êtrefignés C. PANCKOUCKE, &
tous ceux de Souſcriptions pour les Dictionnaires , pris
Séparément , doivent être ſignés PANCKOUCKE &
LAPORTE. Le Public ne doit rien payerfanssemettre
en règle à cet égard. Phſieurs Libraires ayant donné
en leurs noms , des billets de Souſcriptions , fans en
( 7 )
faire lepaiement , il est arrivé dans l'Encyclopédie
que plusieurs perſonnes qui ont réellement donné leur
argent ne peuvent plus aujourd'hui completter leurs
Exemplaires , parce que ces Libraires font devenus
infolvables , & qu'ayant pris leurs fignatures au lieu
de la nôtre , nous n'avons aucune obligation à remplir
à leurégard.
Monſeigneur le Garde des Sceaux s'étant
fait rendre compte de la poſition actuelle de
l'Encyclopédie , & le ſieur Panckoucke venant
de s'obliger de donner aux Souſcripteurs quarante
huit volumes à 6 liv. au lieu de 11 liv. ,
lui a permis d'ouvrir une ſouſcription de tous
les Dictionnaires séparés de l'Encyclopédie ;
de continuer la ſouſcription de cet Ouvrage ,
&de demander un ſupplément de ſouſcription,
l'Encyclopédie devant avoir plus du double
de volume qu'on n'en avoit annoncé. :
Paris le 27 Fevrier 1789. SignéDE MAISSEMY.
TABLEAU
De tous les Dictionnaires ſéparés de l'Encyclopédie
qui forment l'objet de la préfente
Soufcription.
I. DICTIONNAIRE ENCYCLOPEDIQUE DES MATHEMATIQUES
, par MM. d'Alembert , l'Abbé Boffu , te
Marquis de Condorcet , Charles , de l'Académie des
Sciences ; & quant à la partie Aftronomique , par
M. de la Lande , de la même Académie ; 3 vol.
in-4°. fig. en feuilles , 39 liv.; brochés, 40 liv. 10
fols ; reliés , 46 liv. 10. fols.
Les Mathématiques feront terminées par un Dic-
A4
1
(8)
fonnaire complet ſur les jeux , qu'on ne ſéparera
point. Le tome Ier. ſera en vente au mois d'Avril
prochain; le tome II en juin, & le tome III à la
fin de cette année .
Les planches néceſſaires à cette partie feront publiées
en 1790. Chaque plancheſera pour lesfoufcripteurs
, du prix de deux fols . Comme des planches des
parties de Sciences ne sont pas terminées ,nous ne
pouvons encore déterminer exactement le nombre qu'il
yen aura pour chaque DictionnaireSéparé.
Ces planches étant d'un plus grand format que le
discours ,formeront des volumes ou demi-volumes , ou
quarts de volumes féparés ſuivant leur nombre.
II. DICT. ENCYC . DE PHYSIQUE , par M. Monge,
de l'Académie des Sciences, 2 vol . in 4° . en feuilles ,
24 liv.; brochés , 25 liv .; reliés , 29 liv.
Cette partie ne devant être ſous preffe que cette
année , & terminée qu'en 1790 & 1791 , les volumes
en ſeront délivrés aux ſouſcripteurs actuels ,
en même temps qu'ils le feront à ceux de l'Encyclopédie.
Chaque planche , fimple in-4 . ſera du prix de
deux fols; chaque planche double , quatre fols , &c .
III. DICT. ENCYC. DE MÉDECINE UNIVERSELLI
ET RAISONNÉE , mise en ordre & publiée par M. Vicą
Dazyr , Médecin de la Reine , de l'Académie françoise
, &c . 7 vol . in- 4°. en feuilles , 84 liv .; broches ,
87 liv. 10 fols ; reliés , 101 liv. 10 fols.
Le tome premier ſera délivré au mois d'Octobre
prochain. Les ſuivans , à mesure qu'ils feront délivrés
aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
L'auteur nous a permis d'affurer le public en ſon
som, que l'ouvrage ſeroit entièrement terminé dans
trois à quatre ans au plus tard. La copie eſt preſque
entièrement faite.
IV. DICT. ENCYC. D'ANATOMIE HUMAINE ET
COMPARÉE , ou ſyſtême Anatomique de l'homme &
des animaux , fuivi d'un Vocabulaire complet d'Anatomie
& de Physiologie , par M. Vicq Dazyr , 3
) و (
:
vol. in-4°. 36 liv.; brochés , 37 liv. 10 ſols ; rea
liés , 43 liv. 10 fols.
Cet ouvrage ſera ſous preffe cette année , & ter
miné en 1791 .;
On le délivrera aux ſouſcripteurs actuels , à mefure
qu'il y aura un volume imprimé .
Les planches de la Médecine & de l'Anatomie coůteront
chacune trois fols .
V. DICT. ENCYC. DE CHIRURGIE , par M.
Louis , Secrétaire-perpétuel de l'Académie royale de
chirurgie, 3 vol . in-4 ° . 36 liv.; broché , 37 liv. ro
fols; relié , 43 liv. το fois.
Les figures ſéparément , deux ſols.
Cet ouvrage ſera terminé dans deux à trois ans au
plus tard.
Les volumes en ſeront délivrés aux ſouſcripteurs
actuels , en ménie temps qu'ils le feront à ceux de
Encyclopédie.
VI . DICT . ENCYC. DE CHYMIE , METALLURGIE
, PHARMACIE , par M. de Morveau , Avocatgénéral
honoraire au Parlement de Bourgogne , Membre
de plusieurs Académies , quant à la Chymie ; par
M. Duhamel, de l'Académie des Sciences , Inspecteur-
général des mines , quant à la Métallurgie; par
M. Chauffier , Profeſſeur de Chymie , & de l'Académie
de Dijon, quant à la Pharmacie ; 4 vol. in-4°. 48
liv.; brochés , so liv. ; reliés , 58 liv.
Ces trois partics ne forment qu'un ſeul Ditionnaire.
:
Le premier volume de Chymie ſera délivré au
mois de Novembre prochain , les tom . 2 , 3 , 4 , en
même temps qu'aux autres ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
Les figures ſéparément , deux ſols.
VII. DICT. ENCYC . D'AGRICULTURE ET DES
BOIS ET FORETS , par M. l'Abbé Teffier , de l'académie
des Sciences , & M. Thouin , jardinier en
chef du jardin du Roi , de la même académie , quant
àl'agriculture ;; & par M. Fougeroux de Bondaroy ,
A
(10 ).
t
1
de la même académie , quant aux Bois & Forêts ;
5 vol . in-4°. 60 liv.; brochés , 62 liv. 10 fols ;
reliés , 72 liv. 10 fols .
Chaque planche ſéparément , deux fols .
L'Agriculture & les Bois forment deux Dictionnaires
qu'on ne vendra point ſéparément.
* Le tome premier fera délivré au mois d'Août prochain
, le tome II en Novembre , les tomes III , IV ,
V, en même temps qu'ils feront délivrés aux foulcripteurs
de l'Encyclopédie.
Nota . MM. l'abbé Teffier & Thouin s'étant renfermés
dans la culture des plantes fans les décrire ,
ce Dictionnaire est pour ainſi dire la suite de celui
de Botanique ( n° . IX) . Les deux premiers Auteurs
ont été affſujettis à la marche de M. le Chevalier de
la Marck , puiſqu'ils ont adopté tous les noms des
plantes qu'il a décrites . Les perſonnes qui ſouſcrivent
pour le Dictionnaire d'Agriculture doivent doncfoufcrire
en même temps pour celui de la Botanique ; mais
les perſonnes qui ne ſe deſtinent qu'à l'étude de cette
dernière Science , peuvent se difpenfer d'acquérir le
Dictionnaire d' Agricuture. Nous laiſſons toute liberté
as Public à cet égard.
1
VIII. DICT . ENCYC . D'HISTOIRE NATURELLE ,
comprenant les animaux , 8 vol. in - 4°. 96 livres ;
brochés , 100 liv.; reliés , 116 liv.
Cette partie eſt diviſée en fix Dictionnaires. Le
premier eſt précédé par une introduction aux trois
regnes de la nature , & par l'Hiſtoire Naturelle de
I'homme , par M. Daubenton , de l'Académie des
Sciences. Il contient les animaux quadrupedes & les
cétacés , par M ***. Le ſecond Dictionnaire contient
les Oiseaux , par M. Mauduit , Docteur Régent
de la Faculté de Paris. Les animaux quadrupedes
ovipares , & les ferpens , par M. Daubenton , forment
le troiſième Dictionnaire. Les Poiſſons , par
le même , forment le quatrième ; les Infectes , par
MM. Mauduit & Olivier , font traités dans le cinquièmeDictionnaire
; les vers, coquillages , zoophites ,
( 11)
par M. Bruguiere , Docteur en Médecine , font l'objer
du ſixième Dictionnaire .
Ces fix Dictionnaites , qui forméront 8 v. in 4°.
ne peuvent point ſe ſéparer. lis ſont tous imprimés
à la fuite les uns des autres. Les Poiffons forment
la première partie du troiſième volume; & le
commencement des inſectes , la ſeconde partie de
ce même volume .
Le tome premier fera délivré à la fin d'Avril. Les
tome Il & fuivans , de fix mois en fix mois . Comme
tous ces Dictionnaires font ſous preſſe en même temps ,
on ne peut pas délivrer les nouveaux volunies qui
paroîtront aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'on les délivrera à ceux de l'Encyclopédie. Il faut
de toute néceflité les réimprimer. Nous en exceptons
les deux derniers volumes qui feront délivrés aux
foufcripteurs actuels en même temps qu'aux ſouſcripteurs
de l'Encyclopédie.
IX. DICT. ENCYC . DE BOTANIQUE , par M. le
Chevalier de la Marck , de l'académie des Sciences ,
5 volumes in 49. 60 liv.; brochés , 62 liv. 10 fols ;
reliés , 72 liv . to fols.
Cet ouvrage fur la Boranique eft entièrement
neuf. L'auteur y décrit plus de 8,000 plantes; on
n'en trouve pas 6000 dans Linné, & 600 dans la
première Encyclopédie.
Le tome premier fera délivré au mois d'Octobre
prochain; le fecond en Février 1790 : les tomes III ,
IV , V , en même temps qu'ils feront délivrés aux
ſouſcripteurs de l'Encyclopédie. Cet oumage fera ter .
miné en 1791 , ou les premiers mois de 1792 .
X. DICT. ENCYC . DES MINÉRAUX , parM. Daubenton
, de l'académie des Sciences , 1 vol. in 4 .
12 liv .; broché , 12 liv. to fols; relié, 14 liv . το Γ.
Cet ouvrage paroîtra l'année prochaine , & fera
délivré aux ſonſcripteurs actuels en même temps qu'à
ceux de l'Encyclopédie.
XI. La première livraiſon des planches d'Hiſtoire
Naturelle , par M. l'abbé Bonnaterre , dédiée & pré-
A6
( 12)
fentée à M. Necker , Ministre d'Etat & Directeurgénéral
des Finances .
Le prix de ceste livraiſon , compofée de cent deux
planches , le difcours & la brochure compris , eſt de
36 liv.
Les Auteurs de l'Encyclopédie n'ayant point ciré
de planches dans chacun des Dictionnaires qui trairent
de cette partie , nous n'avions pas nous-mêmes
formé le projet d'en donner une collection , en publiant
le Profpectus de cet ouvrage , & nous ne l'aurions
pas même pu au trèsbas prix auquel les volumes
des planches d'Arts & de Sciences ſont établis ;
celles qui exiſtent dans la première édition in- folio ,
font en très-petit nombre ; & réduites comme l'ont
été les planches des Arts & Métiers Méchaniques ,
elles n'en formeroient point 40 dans la nôtre.
२०
Le même eſprit de combinaiſon qui nous a guidés
dans le plan de l'Encyclopédie , a ſervi à nous diriger
dans celui-ci. » Renfermer beaucoup de matières
dans un petit eſpace , réduire toutes les planches ,
ſans en rien omettred'effentiel , les augmenter d'un
>> tiers de planches nouvelles , faire refaire à neuf
preſque toutes les parties du diſcours , établir une
>>> Encyclopédie contenant le quintuple des matières
>>> de la première , & la donner pour un peu plus des
>> deux tiers du prix qu'elle a coûté , voilà ce que
>> nous avons fait , & ce qui , ce ſemble , n'étoit pas
facile , fur- tout ſi l'on fait attention que potre édi-
» tion paroît 25 ans après la première , & que depuis
* ce temps le prix de la main -d'oeuvre , du papier ,
ככ de la gravure , eſt augmenté de plus de 30 pour
cent ?? .
Ces planches d'Hiſſoire Naturelle offrent les mêmes
avantages , & même de plus grands aux ſouſcripteurs ,
puiſqu'ils auront pour quelques louis les gravures
d'une infinité de livres très- rares & précieux ſur l'Hiftoire
Naturelle , dont l'acquiſition partielle leur coûteroit
plus de deux à trois mille louis.
Pour rendre ces planches véritablement utiles, ila
( 13 )
fallu y joindre un diſcours qui , ſans être la répétition
des matières traitées dans les Dictionnaires de l'Hif
toire Naturelle , devînt pour chaque partie de cette
ſcience un tableau méthodique , où les ſavans & les
perſonnes qui ſe deſtinent àl'étude de cette belle partie
, puſſent l'étudier à ford , & reconnoître au befoin,
par le ſecours d'une bonne méthode , tous les
objets qu'elle embraſſe.
Ces diſcours deviendront pour chacun des Dic
tionnaires qui traitent de l'Hiſtoire Naturelle de véritables
tables de lecture , puiſque tous les objets des
trois règnes y feront rangés par familles, claſſe ,
genres , eſpèce , ce qu'on n'a pu faire dans les Dic.
tionnairesde cette ſcience , où toutes les matières font
traitées par ordre alphabétique .
La coliection des eſpèces décrites dans cette première
livraiſon eſt preſque le double de celles qui
ſe trouvent dans le Syſtême de la Nature de Linné.
Il y en a 413 dans ce dernier ouvrage , & le difcours
qui précède les planches , en contient 744
Il n'y en a pas 30 dans la première édition de l'Encyclopédie
in folio.
L'ouvrage de M. Bloch , qui eſt le dernier qu'on
ait publié fur les Poiffons , coûte 432 liv. , il ne contient
que les figures & la deſcription de 215 de
ces animaux. Le nôtre comprend les repréſentations
ou figures de 420 , la deſcription de 744; & ne
coûte que 36 livres.
Chaque livraiſon de cent planches , le diſcours &
la brochure compris ſera de 36 livres. Quand il y
aura plus ou moins de planches , on aura plus ou
moins à ppaayyeerr,, & toujours dans la proportion de
100 à 36 liv . Le difcours , ſelon les matières , formera
quelquefois un volume ou un demi - volume ;
quelqu'étendue qu'il ait , on n'aura rien de plus à payer
que ce qui vient d'être dit ci-deſſus . i
On délivre actuellement la première livraiſon . La
ſeconde paroîtra au mois de Mai prochain , & fera
donnée aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie,
( 14)
On peut acquérir les Dictionnaires particuliers
de l'Hiftoire Naturelle , fans les planches , & vice
verfa.
XII. DIET. ENCYC. DE GEOGRAPHIE , PHYSIQUE ,
par M. Desmaretz , de l'Académie des Sciences 1 vol .
in-4 . 12 liv .; broché , 12 liv. to fols.; relić , 14
liv. 10 ſols.
Get ouvrage doit contenir une cinquantaine de
planches qui ferontdu prix de 24 liv.
On délivrera ce volume , ainſi que lesplanches aux
ſouſcripteurs actuels , en même temps qu'il fera livré
aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
L'Auteur nous a permis d'aſſurer le Public qu'il fera
délivré en 1790. On vient de le mettre fous proffe.
XIII. DICT . ENCYC . DE GEOGRAPHIE ET D'HISTOIRE
ANCIENNES , par M. Méntelle , HistoriographedeMgr.
Comte d' Artois , 2 vol, in-4°. 24 liv . ;
broché , 25 liv.; telić , 29 liv.
XIV. DICT. ENCYC. DE GEOGRAPHIE MODERNE ,
par M. Robert , Géographe ordinaire du Roi , & M.
Maffon de Morvilliers , Sécrétaire du Gouvernement
de Normandie , 3 vol, in-4°, 36 liv. , brochés , 3 , liv .
10 fols.; reliés , 43 liv. 10 (ols.
Le tome premier ſe diſtribuera en Juillet , le tome
ſecond en 1790 , & le troiſième en 1791 .
XV. ATLAS ENCYC. , contenant la Géographie
ancienne,laGéographie du moyen âge ; la Géographie
moderne , avec l'Analyse des cartes , par M. Bonne ,
Hydrographe de la Marine , composé de 140 cartes ,
la brochure & le discours compris , 63 liv.
Voyez pour les détails de cet Atlas , auquel M.
Bonne à ſacrifié hujt années entières de ſa vie , les
avis particuliers de la vingt- quatrième & de la trentième
livraiſon .
Nous laiſſons aux ſouſcripteurs actuels la liberté de
l'acquérir ſeul ou avec les Dictionnaires de la Géographie
ancienne & moderne.
On en délivre actuellement les deux volumes ; le
Public peut les faire relier en un. 1
** XVI . DICT . ENCYC. D'ANTIQUITES, DE MYTHOLOGIE
, DE CHRONOLOGIE ET DIPLOMATIQUE DES
CHARTES , par M. Mongez , Garde des Antiques de
l'Abbaye de Sainte-Geneviève, vol. in-4º, 60 liv.;
brochés , 62 liv. 10 fols.; relié , 72 liv. 10 fols.
Le tome premier ſe délivrera en Novembre , le
tome ſecond dans les premiers mois de 1790. Les
tomes 3,4,5 , en même temps qu'on le donnera
aux foufcripteurs de l'Encyclopédie.
XVII. DICT . ENCYC . DU BLASON ET DE L'HIS
TOIRE , par M. Gaillard , de l'Académie Francoise ,
5 vol . in-4°. 60 liv.; brochés , 62 luv. 10 fols;
reliés , 72 liv. to fols.
Ces deux parties forment deux Dictionnaires .
On délivrera le tome premier en Décembreprochain,
&le tome feconden Juillet 1790 ; les tomes 3,4,5
de fix mois en fix mois.
XVIII DICT. ENCYC . DE THEOLOGIE : par M.
l'AbbéBergier , Confeffeur de MONSIEUR , frère du
Roi , & Chanoiné de Notre-Dame , 3 vol. in- 4° 36
liv .; brochés , 37 liv. 10 fols ; reliés , 43 liv. 10 Γ.
Le tome premier ſe délivrera à la fin de Mars, le tome
fecond le délivrera en Novembre , & le tome troiſième
en même temps qu'on le donnera aux ſouſcripteurs de
l'Encyclopédie.
Cet ouvrage ſera terminé en 1790.
1
XIX, DICT . ENCYC. DE PHILOSOPHIE ANCIENNE
ET MODERNE , par M. Naigeon, 3 vol. in 4°. 36 1.;
brochés , 37 liv. 10fols ; reliés , 43 liv. 10 fols .
Les trois volumes de cet ouvrage ſe délivreront en
même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
On vient de le mettre fons preffe. Le tome premier
paroîtra à la fin de cette année ; le ſecond en 1790 ,
le troiſième en 1791 .
T XX. DICT. ENCYC . DE MÉTAPHYSIQUE , DE LOGIQUE
ET MORALE , ET D'EDUCATION , 4 vol. in-4°
48 liv. ; brochés , 50 liv.; reliés , 18 liv.
Ces quatre parties forment trois Dictionnaires. La
Logique & la Métaphysique en forment un ; laMo
( 16)
bale un autre , ainſi que l'Education. On ne peut point
les ſéparer.
Le tome premier paroîtra en Janvier prochain ; le
fecond & troifième en Juillet & Décembre 1790. Le
dernier volume ſera délivré en même temps qu'aux
ſouſcripteurs de l'Encyclopédie,
XXI . DICT . ENCYC . DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉ
RATURE , par M. Marmontel , de l'Académie Françoise,
M. Beauzée , de la même Académie , &c. &c.
3 vol . in-4°. 36 liv .; brochés , 37 liv. to fols ;
reliés . 43 liv. 10 fols .
On délivrera le tome premier à la fin de Mars ; 'le
tome ſecond paroîtra en Juin , le troiſième en Juillet,
XXII. DICT . ENCYC. DE JURISPRUDENCE , par
une fociété de Jurifconfultes , rédigé & mis en ordre
par M. IAbbé Remi & M. le Rafle , 8vol. in-4°.
96 liv.; brochés , 100 liv.; reliés , 116 liv.
Le tome premier ſera publié en Avril , le tome
fecona en Juin .
Les volumes ſuivans de quatre mois en quarre
mois.
XXIII. DICT . ENCYC. DE POLICE ET MUNICIPALITÉ
, par M. Peuchet , Avocat , 2 vol. in-4°. 24
liv .; brochés , 25 liv.; reliés , 29.
Le tome premier paroîtra cette année ; le tome
ſecond ſera délivré en même temps qu'aux ſouſcripteurs
de l'Encyclopédie.
XXIV. DICT, ENCYC . DES FINANCES , par M. de
Surgy , ancien premier Commis des Finances , Cenfeur.
Royal , & de l'académie de Dijon , 4 vol. in-48. 48
Tiv.; brochés , 50 liv .; reliés , 58 liv.
On délivrera le tome premier à la fin de Mars ; le
ſecond ſera publié en Avril , le troiſième en Mai ; le
dernier volume en même temps qu'on ledonnera aux
-ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
XXV. DICT . ENCYC . D'ÉCONOMIE POLITIQUE ET
DIPLOMATIQUE , par M. Démeunier , Secrétaire
Ordinaire de MONSIEUR , frère du Roi , Cenfeur-
I
( 17 )
Royal, 4 vol. in-4°. 48 liv. ; brochés , so livres ;
reliés , 58 liv.
Le tome premier paroîtra à la fin de cette année ;
Jes trois autres volumes de ſix mois en fix mois , après
la publication du premier.
XXVI . DICT . ENCYC. DU COMMERCE , 3 vol.
in-4°. 36 liv.; brochés , 37 liv. 10 fols ; reliés
43 liv. 10 fols.
Lepremier & ſecond volume paroîtront cette année,
le troiſième en 1790.
XXVII . DICT. ENCYC. DE MARINE , par M.
Blondeau , Profeffeur aux Ecoles de la Marine , &
M. Vial du Clairebois , Ingénieur - Constructeur de
LaMarine, de l'académie Royale du même nom , &c .
3 vol . in- 4º . 39 liv .; brochés , 40 liv . 10 fols; reliés ,
46 liv. 10 fols; le volume de planches , 30 liv.
broché , 31 liv.; relié 33 liv.
On publiera cette année les tomes 1 & 2 , le
troiſième volume en 1790. vil
Le volume de planches ſedélivrera avecle premier
volume de Diſcours.
XXVIII . DICT. ENCYC, DE L'ART MILITAIRE ,
par M. de Keralio , Major d'Infanterie , de l'aca
démiedes Inscriptions & Belles-Lettres, 4 vol, in- 4°.
48 liv.; brochés, 50 liv.; reliés , 58 liv .
Le tome premier paroîtra cette année ; les tomes
deux & trois en 1790. le tome quatre en 1791 , &
ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels, en même-temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie,
XXIX. DICT . ENCYC . DES ARTS ACADÉMIQUES ,
MANÈGE , ESCRIME , DANSE , NATATION , undemi
vol in 4º. 6 liv.; broché , 6 liv. 10 fols.
N. B. On ne ſépare point ce Dictionnaire de celui
de l'Art Militaire , les figures étant communes ; les
deux Dictionnaires comprennent cent-vingtplanches,
les doubles comptées pour deux.
1
( 18 )
Les cent-vingt planches couteront 12 liv.; brochés
, 13 liv. , reliés , 15 liv.
On ne pourra le livrer qu'en 1790.
XXX. DICT . ENCYC. DE L'ARTILLERIE , par M.
de Pommereuil, Chevalier de Saint- Louis . Capitaine
au Corps Royal d'Artillerie ; I vol. in-4. 12 liv . ;
broché , 12liv. 10 fols ; relié , 14liv. 10 fóls .
Chaque planche ſera du prix de 3 fols.
CetOuvrage fera délivré aux ſouſcripte urs actuels ,
en même temps qu'à ceux de l'Encyclopédie.
L'Auteur étant actuellement à Naples n'a cefféde
s'occuperde cet objet. Nous avons une partie du manufcritentrelesmains.
Ilne pourraparoître qu'en 1791 .
XXXI. DIET. ENCYC . DE LA SCIENCE DE L'INGÉ
NIEUR DES PONTS ET CHAUSSÉES , TURCIES , ET
LEVEES , CANAUX ET PONTS MARITIMES , parM.
deProny. Inspecteur des Ponts& Chauffées , 1 vol.
in-4°. 12 liv. ; broché , 12 liv. 10 fols; relie, 14
liv. 10 fols.
1-Chaque planche de cette partie ſera du prix de
trois fols.
Il ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels , en même
temps qu'à ceux de l'Encyclopédie.
XXXII . DICT. ENCYC. DE VENERIE , CHASSES
ET PECHES , I vol. in-4°. 12 liv. ; broche , 12 liv..
to fols; relié , 14 liv. 10 fols.
**Chaque planche trois fols.
CetOuvrage nedoitêtre mis ſous preſſe qu'à la fin
de cette année ; il ſera délivré aux ſouſcripteurs
actuels , en même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
XXXIII. DICT. ENCYC. DES BEAUX- ARTS , par
M, Watelet , de l'académie Françoife , & M. Lévesque,
2 vol. in.4 . , 24 liv.; brochés , 25 liv.; reliés ,
29 liv.
Cette partie forme deux Dictionnaires , l'un de
théorie , l'autre , de pratique. On ne peut point les
(éparer , étant imprimés à la ſuite les uns des autres.
Le premier volume paroîtra cette année : le ſecond
(19 )
feradélivré aux ſouſcripteurs actuels , enmême temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie .
Chaque figure ſera vendue ſéparément trois fols.
XXXIV. DICT . ENCYC. DE MUSIQUE ANCIENNE
ET MODERNE , par MM Framery & Guinguené , 2
vol. in-4 ., 24 liv.; brochés , 25 liv .; reliés 29 liv .
Le tome premier paroîtra cette année , le tome
Fecond en 1.790.
Chaque planche ſera vendue ſéparément deux fols.
XXXV. DICT. ENCYC. D'ARCHITECTURE , par
M. Quatre-mere de Quincy ,, 5 vol. in-4°. , 60 liv.;
brochés , 62 liv. 10 fols; reliés , 72 10 fols.
Chaque planche trois fols.
Le tome premier paroîtra cette année; les tomes a
3,4,5 , feront délivrés aux ſouſcripteurs actuels, en
même temps qu'à ceux de l'Encyclop die.
XXXVI. DICT. ENCYC . DES ARTS ET MÉTIERS
MÁCHANIQUES , 8 vol. in-4° , 96 liv.; brochés ,
too liv.; reliés , 116 liv.; les quatre volumes &
demi de planches 135 liv.; brochés, 140 liv.; reliés,
155 liv.
Cette partie , une des plus importantes de l'Encyclopédie
a été diviſée en trois corps de Dictionnaires.
Le premier renferme les arts diſparates; c'est-à-dire,
ceux qui s'exercent ſurdes ſubſtances diverſes & variées.
Ce ſont ceux qui mettent en oeuvres les métaux ,
les pierres , les bois , les fuifs , les graiſſes , les
cires, les os , les farines , les ſucres , les fruits , &c.
Elle forme autant de petits Traités diſtincts &
complets, terminés par un vocabulaire ; de forte
qu'on peut dire que cette partie des Arts & Métiers
forme plus de trois cents Dictionnaires , dont la
deſcription de l'Art qui le précede eſt l'article
principal.
- Cette partie renferme cent Arts nouveaux , dont
la defcription n'exiſte dans aucun livre. Tous les
Arts anciens ont été revus , corrigés & augmentés
d'un quart , d'un tiers ou de moitié.
د
Les quatre volumes & demi de planches font augmentés
de plus d'un tiers de planches nouvelles.
( 20 )
1
Les tomes 1 , 2 , 3 , paroîtront cette année , les
tomes 4 , 5 en 1790. Les tomes 6,7,8 , feront,
délivrés aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie.
XXXVII. DICT. ENCYC. DES ARTS ET METIERS
MECHANIQUES , contenant les Manufactures , parM.
Roland de la Platiere , Inspecteur des Manufactures ;
2 vol . in- 4°. , 24 liv.; brochés , 25 liv.; reliés ,
29 liv.
Un volume de planches contenant 202 planehes
fimples , & 88 doubles , en totalité 378 , 36 liv.;
broché, 37 liv.; relié , 40 liv.
Ce Dictionnaire forme la ſeconde diviſion des Arts
&Métiers. Ils employent le chanvre , le lin , le coton ,
la laine , le poil , la foie. Ces arts ſont tous en
quelque forte de la même claſſe ; ils fraterniſent.
On ne pouvoit les traiter que tous enſemble.
Cet Ouvrage eſt le fruit de trente années de tra
vaux , d'enquêtes , d'obſervations , de voyages , de
recherches , d'expériences , de veilles , de dépenses
même.
Il doit être terminé par un Vocabulaire qui complettera
le fecond volume.
On délivrera le premier volume en 1790 ,
fecond en 1791 .
& le
XXXVIII. DICT. ENCYC, DES ARTS ET MÉTIERS
MECHANIQUES , comprenant les peaux & cuirs ; les
teintures & les impreſſions ; les huiles &favons , par
M. Roland de la Platière ; 2 vol . in- 4°, 24 liv.; brochés,
25 liv ; reliés , 29 liv. ; le volume de planches
, 30 liv .; broche , 31 liv.; relié , 34 liv.
Le premier volume ne paroîtra qu'en 1790. Le
ſecond en 1791 ..
Le volume de planches ſera délivré en même temps
qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie .
XXXIX. VOCAB . ENCYC . UNIVERSEL , 5 vol.
in4°. 65 liv.; brochés5,67 liv. 10 fols ; reliés ,
80 livres .
Voyez fur ce Vocabulaire ce que nousen avons dit
( 21 )
page 3 & 4 , il ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels
en même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
TT
N. B. La ſeconde ſouſcription à 731 liv. pour
53 volumes de diſcours & 7 de planches , eſt actuellement
rouverte , Hôtel de Thou , rue des Poitevins
, où les perſonnes qui veulent acquérir l'Encyclopédie
complette , doivent s'adreſſer. On a la
liberté d'acquérir les 30 livraiſons qui ont paru toutes
à la fois , ou une à une , deux à deux , trois à
trois , felon les deſirs des acquéreurs. La ſeule condition
eſt d'avoir l'attention de retirer les nouvelles
livraiſons of il y aura des volumes à fix livres ,
à mesure qu'elles paroîtront ; & cela , à compter
de la trente-unieme. Chaque,ſouſcripteur a un bénéfice
de 600 liv. en ſouſcrivant pour la totalité de
l'Encyclopédie.
Ondiftribue gratis le Profpectus du renouvellement
de cette ſouſcription.
N. B. On tient compte de l'excédent du prix
qu'ont payé les vingt perſonnes qui ont acquis cet
ouvrage depuis que la ſouſcription a été fermée;
il nous paroîtde toure juſtice , puiſque nous sommes
forcés à la rouvrir , de les faire jouir du bénéfice de
600 liv. qu'ont les autres ſouſcripteurs .
Le port de chaque Volume est au
compte des Soufcripteurs,
L
MODELE
DES BILLETS DE SOUSCRIPTION
Pour les Dictionnaires ſéparés de l'Encyclopédie.
!
N°.
JE reconnois que M.
Dictionnaires
afoufcrit pour
ſéparés de l'Encyclopédie; favoir , les Dio
tionnaires
3
ET LE VOCABULAIRE UNIVERSEL,
& a payé la somme de vingt-quatre livres ,
conformément aux conditions énoncées dans le
Profpectus .
Nota. On rapportera le préſent Billet en retirant
chaque Volume.
1
TABLE
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
De tous les Dictionnaires qui compofent l'objet
de la préſente Souſcription.
A.
ANATOMIE humaine & comparée, 3. vol . nº. IV.
Agriculture , Bois & Forêts , savol. nº. VII.
Antiquités , Mithologie , Chronologie & Diplomatique
des Chartes , vol. n°. XVI.
Artillerie , I vol . nº. XXX.
Architecture , vol . n° . XXXV.
Arts& Métiers méchaniques, 12 vol. nº. XXXVI,
XXXVII , XXXVIII.
B.
Botanique , s vol. nº. IX.
Blafon , n° . XVII . ( Voy. Hiſtoire ).
Beaux-Arts , 2 vol. n°. XXXII .
C.
Chirurgie , 3 vol. nº. V.
Chymie, Métallurgie& Pharmacie, 4vol. nº. VI.
Commerce , 3 vol. nº . XXVI.
E.
Economie Politique & Diplomatique , 4 volumes
n°. XXV.
F.
Finances , 4 vol. n°. XXIV.
G.
Géographie-Phyſique , vol. nº. XII.
3
Géographie & Hiftoire anciennes , 2 vol. nº. XIII,
Géographie moderne , 3 vol . n°. XIV.
Atlas de Géographie , nº. XV.
Grammaire&Littérature , 3 vol. nº . XXI.
(24)
H.
Hiſtoire Naturelle , 8 vol. nº. VIII.
Hiftoire &Blafon , s.vol . n° . XVII.
J.
Jurisprudence , 8 vol. n°. XXII.
Ingénieur , Ponts & Chauffées
( Art de l' ) , 1 vol. nº. XXXI.
M.
Mathématiques , 3 vol. nº. I.
Médecine , 7 vol. n°. III.
Minéraux , 1. vol. no. X.
Turcies , &c
23,1
Métaphyfique , Logique , Morale & Education ;
4vol. n°. XX.
Marine, 3 vol. n°. XXVII.
Militaire ( art ) , 4 vol . n°. XXVIII.
Manège , Eſcrime , Danſe , Natation , un demi
vol. n° . XXIX.
Muſique Ancienne &Moderne, 2 vol.no. XXXIV.
Phyſique , 2. vol. nº. II.
P.
Planches d'Hiſtoire Naturelle ( première livraiſon ))
I volzen . XI
Philofophie Ancienne &Moderne , 3 vol. nº. XIX,
Police & Municipalité , 2 vol. n°. XXIII.
T..
Théologie , 3 vol . nº. XVIII.
V.
Venerie, Chaffes & Pêches, 1 vol. nº. XXXI.
Vocabulaire Univerſel, s vol. n°. XXXIX.
; On ſouſcrit auſſi chez tous les Libraires de
l'Europe , en retirant des Billets de Soufcriptionfignés
PANCKOUCKE & LAPORTE.
Lu& approuvé ce Mars 1789. Signé DE SAUVIGNY,
Vu l'Approbation , permis d'imprimer &distribuer ce
Mars 1789. Signé DE CROSNE.
De l'Imprimerie de LAPORTE , rue des Noyers,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 28 MARS 1789 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS fur la mort de M. d'ORMESSON
Premier Préfident.
Tun'es plus , d'Ormeſſon,quand Themis conſolée
Par toi raffermiſſoit ſa puiſſance ébranlée ;
Tu n'es plus ! & déjà le crime audacieux
Et la difcorde impie avoient fui de ces lieux ;
Le pauvre reſpiroit , ſous ton auguſte égide
Se rangcoît avec lui f'innocence timide :
Et comme aux mains d'un Sage , un père vertueux
Remet de ſes enfans le dépôt précieux ,
Ainfi de notre Roi , la bonté paternelle
Avoit des Magiſtrats ſu choiſir le modèle.
Hélas ! n'avons-nous vu briller un jour fi beau
Que pour aller de pleurs arroſer ſon tombeau ?
(Par M. Varé.
No. 13. 28 Mars 1789 . H
158 MERCURE
VERS AU COUSIN JACQUES ,
Après la lecture des quatre premiers Nos,
de laseconde Année defon Courrier des
Planètes ( 1 ) ,
DEStravers des Humains , Hiftorien fidèle ,
Aimable Voyageur , qu'accompagnent les Jeux ,
Quandde retour de cesGlobes fameux ,
Que tu parcours à tire-d'aile ,
(1)Cette ſeconde Année, fi elle cortinue comme
elle a commencé , fera plus d'honneur au Cousin
Jacques , que tout ce qu'il a fait juſqu'à préſent,
Onne lira pas fans intérêt dans les Numéros qui
ontparu ddecette ſeconde Année la Manufacture
des Ames ,le Voyage dans Sirius , l'Aſſemblée Nazionale
dans Mercure , la Vallée des Fondateurs
dans Saturne , l'Iſthme des Réfugiés , Adam & Eve
aux Etatsde Bretagne , &c. ; & beaucoup d'autres
Folies , plus originales & plus morales que ne l'ont
encore été celles du Cousin. Les Numéros actuels
font remplis d'allufions aux moeurs , aux uſages , &
même aux affaires du temps , dont le Lecteur le
plus mal diſpoſe ne peut pas s'offenfer. L'Abonne.
ment de 271., frane de port par-tout le Royaume,
fo fait chez Belin, Libr. rue Saint-Jacques ; & chez
Auteur , rue Phelipeaux , N° . 36. On peut s'a
dreſſer directement , par la Poſte , au Coufin Jac
ques, àParis, en affranchiffant l'argent ; il n'est pas
teeſſaire d'affranchir la lettre d'avis,
DE FRANCE. 159
Tu nous apprends que Mars & que Vénus
Sont peuplés de la même engeance ,
Et qu'on voit d'aufli grands abus
Chez les Saturniens qu'en France
J'admire fort chaque portrait
Et leur exacte reſſemblance ;
Mais fi le Monde eſt ainſi fait ,
Il faut bien prendre patience.
En effet , à quoi bon s'aigrir , fe gendarmer ,
Et d'un Réfermateur prendre le ton ſévère?
On fait les gens à mine auftère ;
L'homme indulgent ſe fait aimer.
Tel eſt notre Couſin , dans ſa gaîtégentille;
Il raille avec eſprit , & jamais ne ſourcille ;
Point d'humeur avec lui , ni de ſec entretien ;
Mais aufli ,je gagerois bien
Qu'il eſt chéri de toute la famille.
Je, conjure le Dieu des Vents
D'écarter de lui les orages ,
Afin qu'il puiſſe encor long-temps
Nous compter ſes charmans voyages ;
Etjem'abonne pour trente ans.
(ParM. Fabry , à Gex. )
1
:
H2
160 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE
E met de la Charade eſt Tamiſe; celui
de l'Enigme eſt Cage ; celui du Logogriphe
eſt Chaloupe , où l'on trouve Loup ,
Cep , Lâche , Poule , Hou , Cape , Chape ,
Hue, Capoue, Paule , Eau , Louche , La ,
Loupe, Chou , Loche, Houe , Coupe, Pô ,
Paul.
CHARADE.
MAtête eft fur la Terre ,
Et mes pieds ſont aux Cieux :
Je le dis ſans myſtère ,
Mon tout eſt précieux.
1
(Par M. J. D. S.J. E. C...
ÉNIGME.
Ala porte on me met ſouvent en ſentinelle
Pour empêcher le vent d'éteindre la chandelle ,
Et d'un frilleux auſſi j'obéis à la loi ;
Mais ce n'eſt pas, Lecteur, là mon unique emploi :
DE FRANCE. 161
Quandeſt venu Dimanche ou bien toute autre Fête,
Des filles & garçons raſſemblés fur l'herbette ,
Auxbords de la Garonne , excitant les défirs ,
En pas de rigodon je les mène aux plaiſirs .
Que je voudrois ainſi paſſer toute ma vie ,
Et n'être le grelot que de cette folie !
Mais je fuis fait auſſi pour celles du Dieu Mars ;
De ce Dieu fi hargneux ,je ſuis les étendards ;
Et fortant d'égayer l'innocence au Village ,..
Je vais dans les combats exciter au carnage, p
D'après ces faits certains , il ſeroit conféquent
De dire que je ſuis remplis de complaifance ;
Mais on ſe tromperoit. Ce n'eſt en me taifant
Que je puis animer les combats ou la danſe ;
Et cependant , Lecteur , ce n'eſt qu'en me frappant
Que l'on peut me forcer à rompre le filence.
i
( Par M. ***. )
LOGOGRIPHE.
JE forme très- ſouvent un cadre affez bien fait ,
Et qui, mon cher Lecteur, renferme plus d'un trait ,
Traits quifrappent vos yeux, dès cemoment,j'enjure.
Ne vous mettez donc plus l'eſprit àla torture
H
162 MERCURE
Pour favoir qui je ſuis , vous voilà bien au droit.
Pour peu que je vous donne encore de la marge ,
Yous en'aurez affez pour me toucher dudoigt.
Dans mes cinq pieds,j'annonce une route fort large,
Ou chacun va comme le vent ;
Le furnom des trois Rois, d'un Sage oud'un Savant ;
Ce qu'on ne doit porter qu'avec droitou prudence ;
Vous trouverez auſſi des vieillar is le fardeau ;
Dans la mer Océane, une Ifte de la France ;
Ce qui fait vivre l'homme au delà du tombeau;
Des Cochers attentifs un cri fort énergique ;
Le contraire de doux ; un terme de mufique;
Le point d'appui d'un Galérien ;
Cette cruelle maladie
Qui nous fait fouffrir comme un chien
Mais crainte de tomber dans la batrologie ,
C'en est fait , je ne dis plus rien.
(Par M. Benoist , de Dourdan. ).
DE FRANCE. 163
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RELATION des Isles Pelew , fituées dans
la partie occidentale de l'Océan Paci-
**fique , composée sur les Journaux & les
communications du Capitaine HENRY'
WILSON , & de querques uns de fes
Officiers , qui , en Août 1783 , y ont
fait naufrage fur l'Antelope , paquebot
de la Compagnie des Indes. Orientales ;
traduit de l'Anglois de GEORGE KEATE,
Ecuyer , Membre de la Société Royale,
& de celle des Antiquaires . 2 Vol. in 8 °.
avec 17 Figures. Prix , 10 liv. 4 f. br.
A Paris , chez Lejay , Libraire , rue de
l'Echelle ; & Maradan , rue des Noyers.
L'AUTEUR commence ſon Ouvrage en
rendant juſtice à la libéralité avec laquelle-
George III , Roi de la Grande Bretagne ,
a encouragé les découvertes maritimes .
Cethommage étoit dû à ce Roi , qui , Souverain
d'une Ifle trop reſſerrée , a porté le
nom Anglois dans toutes les régions les
plus inconnues , & a choifi des Navigateurs
H4
164 MERCURE
humains , intelligens , faits pour rendre
leur Nation & l'Europe eſtimables aux yeux
des Peuples nouveaux. Les travaux du Capitaine
Cook ſuffiroient pour placer dans
la Poſtérité , d'une manière diftinguée , le
Roi qui l'a protégé & qui l'a encouragé.
Louis XVI a imité un exemple auffi beau ,
& il y a tout lieu de préſumer que la
France aura auffi un rival digne de Cook
préſenter aux autres Nations.
Le Capitaine Wilſon a dû à fon naufrage
la découverte des Ifles Pelew , qu'il
ne cherchoit point. Son Journal , écrit
ſans apprêt , n'eſt point défiguré par les
Traducteurs . Il a conſervé ce cachet de
l'homme vrai , qui ſe rend compte à luimême
des heures de ſes journées , & qui
n'a point eu la penſée d'en impoſer à des
Lecteurs. On le lit avec cette facilité qu'infpire
un Ecrivain qui ne compoſe point ce
qu'il dit , mais qui dit ce qui lui eft arrivé.
On eſt près de lui , ſans qu'il ait jamais
dit: Approchez ; on l'écoute , & il ne dit
point : Ecoutez- moi. Il ne lui eſt point
échappé d'écrire ce mot fi commun dans
l'Ecole philofophique: Apprenez ; on apprend
réellement à aimer un Peuple qui ne'refſemble
point à aucun de ces Peuples fauvages
, dont on nous a donné des portraits
peut-êtreauſſi ridicules que peu reſſemblans ,
qui outragent la Nature & l'Amour, & font
rougir l'humanité.
Les Habitans de l'Iſle Pelew font lesi
DEFRANCE.
16y
meilleurs enfans de la Terre. Aimans
hofpitaliers , remplis de candeur & de décence
, tout annonce parmi eux le reſpect
dû à l humanité , à l'infortune , aux Loix ,
à Dieu; leur Police dérive de leurs moeurs,
elle et douce comme leur caractère. Ils
font éloignés d'atteindre à notre civilifatien
, & à nos Arts ; mais ils font encore
plus loin de la ſtupide ignorance , & bien
plus loin des vices de l'Europe. Ils ont
pourvu à leurs beſoins ; un beau ciel , une
chaleur égale les diſpenſe de vêtemens ;
le chaume couvre leurs demeures , les fruits
& la pêche & quelques volailles fuffifent
à leur nourriture. Ils ont pluſieurs femmes
& n'ont point de jalouſie : leurs femmes
font réſervées , ſe montrent peu en public,
& ne font ni enfermées ni furveillées.
Le droit d'aîneſſe y eſt connu pour
les particuliers : quant aux Souverains
c'eſt toujours la ligne directe qui fuccède
au trône , le frère règne avant le fils du
Roi défunt.
Après le portrait que nous venons de
faire de ce peuple , il ſemble qu'il reſte peu
de choſes à dire du Roi; car dans un pays
defpotique , il ſuffit de parler de la Nation
, pour qu'on connoiffe déjà celui qui
règne. Ici , c'eſt un Roi dont l'Hiſtoire nous
offre peu de modèles ; généreux , franc ,
ami , compatiffant , pénétré d'amour pour
fes fujets , défirant d'améliorer leur condition
, avide d'inſtruction , & qui , pour
Η
166 MERCURE
leur bonheur , fe prive de fon fils , qu'il
confie au Capitaine Wilſon , pour qu'il
aille apprendre en Europe ces Arts qui élèvent
l'Européen au deffus du Sauvage , &
le rendent fi induſtrieux , fi hardi , fi intrépide
, maître , pour ainſi dire , du fort &
des élémens. Qui ne ſera point attendri du
départ de Lee Boo , fils du Monarque de
line Pelew ; qui ne ſe mettra point à la
place de ce Roi , qui fait à une corde aurant
de noeuds qu'il y aura de mois qui
vont s'écouter entre le départ & le retour
de ſon fils ? On le voit fuivant des yeux ,
du rivage où il a donné ſa bénédiction à
Lee Boo , le vaiſſeau qui emporte ce fes ,
l'efpérance de la Patrie , & le futur bienfaiteur
de fes Etats. Il va comprer tous les
jours , & fa joie ſera inexprimable toutes
les fois qu'il retranchera un noeud de la
corde qu'il conferve avec une forte de
religion. Mais hélas ! il ne verra plus ce
fils , dont l'efprit , la pénétration , l'intelligence
& l'amabilité promettoient tout ce
qu'on peut attendre d'un homme fupérieur.
La petite vérole l'emporta après cinq mois
de ſéjour à Londres : cet aimable enfant
regrette , en mourant , fon père , & s'il eſt
dans les fuperftitions quelque erreur qui
foit excufable ,'c'eſt celle qui laiſſe croire
que le ſentiment franchit les diftances , &
qu'un magnétiſme inviſible agit fans relache
fur le père & fur le fils , fur l'époux
&fur la femme , & qui avertit le père des
DE FRANCE. 1/7
douleurs que ſouffre ſon fils , à douze
cents lieues de distance. Telle eſt l'aimable
ſuperſtition des Habitans de l'ifle Pelew.
Ils croient aufli que méchans hommes, à la
mort, refter en terre , bonnes gens aller au
Ciel , devenir très- beaux.
Tant que les Anglois font reftés chez
eux , ils n'ont reçu que des bienfaits , &
les Anglois , moins généreux, n'ont pas pu
ſe défendre des atteintes du ſoupçon , &
d'une méfiance dont la franchiſe du Roi
&des Habitans les a bientôt fait tougir.-
* Cette conduite , dit l'Auteur , n'étoit.
>> point chez eux une civilité d'oftentation
» exercée envers les étrangers. Séparés
>> comme ils étoient du reſte du monde ,
" le caractère d'étranger n'étoit jamais entre
>> dans leur imagination. Ils fentoient que
>> nos gens étoient dans la détreffe , & ils
>> vouloient par confequest partager avec
ود
ود
دد
eux ce qu'ils poffédoient. Ce n'étoit pas
>> cette munificence des Peuples polis qui
>> accorde ,& répand ſes faveurs dans l'in
>> tention d'en retirer un jour le fruit
c'étoitune bienveillance naturelle : c'étoit
l'amour de l'homme pour l'homme ...
L'attention & la tendreſſe qu'ils ténmoi-
>> gnoient aux femmes , étoient dignes de
>> remarque : les hommes entre eux étoient
doux & honnêtes , jamais nous ne les
entendimes ſe dire des choſes défagréa-
>> bles. Chacun paroiffoit fuivre fon affaire
>>propre , fans ſe mêler de celles de fon
ور
"
»
H6
168 MERCURE
F
» voilin. Chacun vivoit de fon travail :
>>la néceſſité leur impofant ce dévoir , on
>> ne voyoit chez eux ni fainéans ni pa-
>> reffeux, pas même parmi les Chefs; ceux-
»là , au contraire , excitoient leurs infé-
» rieurs au travail & à l'activité par leur
>> propre exemple. Le Roi lui - même
>> étoit le meilleur fabricant de haches de
>>toute l'Ifle , & il ſe mettoit habituel-
>>lement à l'ouvrage , toutes les fois qu'il
>>étoit débarraffé d'affaires importantes.
>>Les femmes même parrageoient la tâche
1
commune , elles travailloient dans les
>>plantations d'ignames ...... Elles fabri-
>> quoient les nattes & les paniers , & veil-
>> loient aux foins domeftiques....
ود Leurs manières careffantes n'offenfoient
>> cependant pas la pudeur ; elles réjetoient
en général toute habitude avec
» nos gens , & montroient le reffentiment
>> de la vraie modeſtie , lorſqu'on ofoit
> ſe permettre une liberté indécente avec
» elles.
22
" D'après le caractère général de ces
Peuples , le Lecteur , continue l'Auteur ,
>>> avouera ſans doute que leur exiſtence
>>> honore la Nature humaine , & que , fans
aucune forte de lumières ni d'inſtruc-
* tions , leurs moeurs préfentent un tableau
intéreſſant pour les Sociétés civiliſées.
>>Nous voyons chez ces Infulaires un
>> Gouvernement deſpotique , fans aucune
> ombre ddee tyrannie , un pouvoir qui al•
DE FRANCE ква
ود
ود
fure le bonheur général , & celui des
ſujets , dont le Roi eft vraiment le père
>> & tandis que des Loix douces & une.
>>> confiance mutuelle maintenoient leur pe-
>> tit Etat dans les liens de l'harmonie ون
l'humanité de leurs moeurs en devenoit
>> le réſultat naturel , & fixoit entre eux un
>> commerce fraternel & désintéreſfé ...
-La lecture de ce Voyage ne peut que
laiffer dans l'ame du Philofophe & de
T'homme fenfible , les traces les plus- douces.
Tous les Lecteurs feront fâchés de la
nmort de Lee Boo , & tous voudroient aufli
apprendre la deftinée du jeune Anglois ,
qui , touché de la bonté des Habitans de
Pifle Pelew , renonce à ſa Patrie pour,
vivre parmi des gens bons , venneux &
paiſibles , la différence de la couleur ne
l'arrête pas plus que celle des manières &
du genre de vie. Le vaflau part , Blanchart
refte , il eſt für dêtre toujours heureux.
Le Lecteur Philofophe , en parcourant
les détails de la cérémonie de l'Ordre
de l'Os , donné par le Roi au Capimine
Wilfon , fera des réflexions qui lui
infpireront quelque pitié pour les décoraions
brillantes , dont il en eſt peu quž
aientun motif aufti épuré que celle de l'Ordre
de l'Os . Ici c'eſt là récompenfe des
fervices & de la vertu ailleurs c'eſt le
terme de l'ambition, de l'intrigue & de la
yanité.
د
170 MERCURE
ALMANACH Tachygraphique, ou de l'Art
d'écrive auſſi vite qu'on parle ,felon la
Méthode approuvée par l'Académie des
Sciences , & dédié & préſenté au ROI
par M. COULON DE THÉVENOT , ancien
Hôtel de Brégy , rue des Mauvais-
Garçons-St-Jean , près celle de la Verrerie,
No. 21. Prix, 3 liv. franc de port
par-tout le Royaume. Le Calendrier eft
en Tachygraphie.
N. B. Le but de cet Almanach eſt de procurer
aux perſonnes qui n'ont que peu de temps à elles ,
la facilité d'apprendre feules ce genre d'écrire
en ne donnant que 4 à 5 minutes par jour à ce
travail . On fe formera une idée de cette Méthode,
par l'extrait du Rapport fait à la Bibliothèque du
Roi , par les Commiſſaires chargés d'en rendre
compte.
PERSUADÉS des avantages que les Sciences
& la Société retireroient de l'Art d'écrire
auſſi vite qu'on parle , pluſieurs Membres
du Bureau ont vu avec plaifir, en 1779 ,
que M. Coulon de Thévenor s'en étoit ocy
cupé , & ils ſe ſont fait un devoir d'en
rendre un compte avantageux au Magiftrat.
Le Bureau eſpéroit qu'un Art qui ſe préfentoit
avec tant de titres à la reconnoifſance
générale , feroit favorablement accueilli
du Public , & fur-tout des Savans ;
il en a manifeſté fon opinion dans la Séance
publique de Novembre 1783 , & a témoiDE
FRANCE. 171
gné fos regrets de ce que cette tentative
n'avoit fait qu'éveiller l'attention fans paroître
la fixer : il a foupçonné dès lors que
cetre Ecriture, que l'on pourroit nommer
l'Ecriture des Sciences , ne feroit approuvée
des Savans que lorſque les principes en
auroient été difcutés avec eux. Enfin, craignantque
ledéfaut de cette difcullion d'une
part, ou de l'autre l'indifférence , ne fît retomber
cet Art utile dans l'oubli , le Burean
fe difpofoit à s'en occuper , lorſqu'il
apprit que M. Coulon de Thévenot avoit ,
fur-l'avis de MM. de l'Académie Royale
des Sciences , perfectionné telement fa
Méthode , que les Commiffaires de cette
favante Compagnie ont cru pouvoir employer
dans leur Rapport ces expreffions
remarquables : >>Les changemens que nous
>>> avons difcutés avec l'Auteur , ont amené
ود ſa Méthode à un degré de perfection
>> qui en permet au moins la comparaiſon
>> avec les Tachygraphies Angloiſes , qui
> nous ont été communiquées comme les
meilleures ",
Nous n'étendrons pas plus loin nos citations
, c'eſt dans le Rapport même qu'il
faut lire les avantages précieux que Pon
peut retirer de la Tachygraphic , & le développement
que ces Juges éclairés donnent
, par apperçu , des principes de l'Art
Tachygraphique, & en général& en particulier
, de l'application qu'on en doit faire
à la Langue Françoiſe. :
172 MERCURE
T
:
1
L'IMPOT abonné, ou Moyens de faire
fervir unefimple évaluation en maſſe des
Paroiffes du Royaume , à rendre nulles
les fraudes & contraventions des Peuples
: en matière de fubfides , & à les faire
tourner, ainsi que les frais inutiles de
perception , au profit de l'Etat ; avec
sette Epigraphe :
Il n'y a rien que la fageffe & la prudence
doivent plus régler que cette portion
qu'on ôte & cette portion qu'on laiffe
aux Sujets.
Esp . des Loix, Liv . XIII , Ch. I.
In-4º, de 71 pages. Brix , 2 liv . & f. br.
& 3 liv. rendu franc de port par la Pofte.
A Londres , & se trouve à Paris , chez
Belin , Libraire , rue St - Jacques , près .
St-Yves ; Peit , au Palais- Royal , galeries
de bois ; & la veuve Lambert , rue
de la Harpe , près St- Côme, N°. 131 .
Un projet d'Abonnement général des
Impôts , eft fans doute une idée intéreſfante
à offrir dans les circonstances actuelles
, & mérite au moins l'examen des
bons Citoyens & de l'Adminiſtration. Cet
?
DE FRANCE.
173
Currage renferme dés détails qu'il eſt
utile de mettre ſous les yeux de ceux qui
doivent compoſer l'Aſſemblée des Etats-
Généraux. Aux vûes que préſente l'Auteur ,
il a joint des moyens d'exécution ſur lefquels
nous ne prononcerons point , mais
qui méritent l'attention des bons Patriotes.
L'analyſe de cet Ouvrage nous mèneroit
trop loin. Nous nous contenterons de dire
que le réſultat eſt de procurer une recette
annuelle de 700 millions , en ſupprimant
toutes les Impoſitions actuelles , par la ſeule
perception des trois Vingtièmes du revenu
net des propriétés foncières , & du Loc.
des fortunes de chaque Chef de maifon .
DISCOURS de M: le Comte de la Tourailles
, prononcé lejour de fa réception
à l'Académie de Meiz. A Paris , chez
Belin , Lib . rue St- Jacques.
Ce Diſcour's , qui a peu d'étendue', nous
paroît rempli d'honnêteté , de franchife &
de fageffe. Ce laconiſme philofophique fied
très - bien à un Récipiendaire. Il cft plus
glorieux pour un Académicien , & plus
aimuſant pour ceux qui l'écoutent , de dire
&d'entendre des chofes utiles & intéreſſantes
, que ces longs & faftidieux farras
de louanges dont on rit quelquefois , aux17.4
MERCURE
quels on ne croit guère , & qu'on oublie
un inſtant après .
L'Auteur s'éloigne ſcrupuleuſement de
cetteméthode, & c'eſt ainſi qu'il s'en explique
: J'aimerois mieux , dit-il, une vérité
>>poliment fevere, qu'une baſſe adulation ",
Ce qu'il y a de mieux dans ce Difcours ,
ce ſont les rapprochemens confolateurs
qu'il fait des malheurs paſlés de la France,
avec les orages fugitifs qui nous effraient
encore, & qui ſans doute feront inceſſamment
diffipés.
On ne lira point cette Brochure fans
agrément ni fans profit. Les Productions
de M. le Comte de la Tourailles , à cela
près de quelques négligences de ftyle , ne
paroiffent d'abord que des apperçus ; mais
aux yeux de certains Lecteurs, il approfondit
tout en paroiſſant tout effleurer.
On dit qu'il a ſous preſſe un nouveau
Conte moral , intitulé le Songe-creux ; ce
fera une addition précieuſe à ſon Recueil
de gaîté & de philoſophie , dont on prépare
une nouvelle édition , augmentée &
corrigée , dans le même format que la pre
amière.
DE FRANCE. 179
VARIÉTÉS.
SUR L'Inquisition , & l'Encyclopédie par
ordre de Matières.
POUR OUR qu'ilne manque rien à ce que nous avons
dit ſur l'érat actuel du Saint Office , nous ajourerons
qu'au moment cu cet Ouvrage s'imprime ,
l'Inquifition donne àMadrid une nouvelle prouve
de fon inquiétante activité , en s'oppofant, autant
qu'elle peut , au débit de l'Encyclopédie par
ordre de Matières. Nous avons dit qu'en 1784 ,
après bien des difficultés , il avoit repris fon
cours , & que l'examen des différentes Livraifons
de cet Ouvrage avoit été confié à un Comité
nommé par le Confeil de Caftille. L'Ouvrage
s'écouloit lentement entre les mains des
Souſcripteurs , lorſque tout à coup le St. Office
eſt venu oppoſer de nouveaux obstacles au re,
couvrement de leur poffefſion ; d'abord , en défendant
au fondé de procuration de M. PANEKOUCKE
, de recevoir de nouveaux Soufcripteurs
, puis en lui demandant l'état des Volumes
deſtinés aux anciens ; enfin en levant le maſque ,
& en voulant arracher de ce Commiſſionnaire la
promeffe de n'en délivrer aucun. On veut croire
que ces chicanes n'ont d'autre ſource qu'un zele
peu éclairé pour la Religion , il ſeroit trop peu
digne de l'Adminiftration Eſpagnole d'applaudir
en fecret à des meſures & contraires a les démarches
oftenfibles : on s'étonnera cependant que
Son autorité , connue par des actes de rigueur ,
156 MERCURE
tolère les atteintes d'un Tribunal purement fpirituel
, dont elle a fi bien ſu , en pluſieurs occafions
récentes , réprimer les entrepriſes tyranniques.
Le débit de l'Encyclopédie Françoiſe pourroit
, il est vrai , contrarier le projet formé il y
a quelques années à Madrid, de donner à la
Nation Eſpagnole cet Ouvrage dans ſa propre
Langue; mais il ne paroît pas croyable que le
Saint Office emprunte le maſque de la Religion
pour ſervir des intérêts purement humains. II
L'eſt moins encore que le Gouvernement puiſſe le
fouffrir; fon attachement à ſa parole , le ſoin
de conferver ſa réputation de loyauté , la justice
même que réclament plus de trois cents Soufcripteurs
Elpagnols qui ont donné leur argent ſous
ſa fauve-garde , & ( fi après ces grands intérêts,
on peut faire mention de ceux de quelques Particuliers
Etrangers) le ſcrupule de tromper les
ſpéculations de ceux-ci , qui , ſur la foi du Gouvernement
Eſpagnol , ont du compter ſur le ſucçès
de leur entrepriſe : tous ces motifs réunis
font des raiſons plus que ſuffiſantes pour le mettre
à l'abri d'un ſoupçon aufli injurieux.
N.B. Get Article eſt tiré d'un nouveau Voyage
en Espagne , 3 Volumes in - 8 ° . A Paris , chez
Regnault , Libraire , rue St - Jacques. Avec Approbation
& Privilége du Roi. ( Voy. Tome ze.
rage 400. ) Nous ne connoiffons point l'Auteur
de cet Ouvrage, dont les Journaux ont dit beaucoup
de bien. Il préſente le tableau le plus complet
& le plus véridique que nous ayons de l'état
actuel de cette grande Monarchie. Ce que l'Aureur
dit au ſujet de l'Encyclopédie , vient de nous
être confirmé par une Lettre de notre Correfpondant,
du 3 Mars courant , datée de Chaource en
1
DE FRANCE. 177
Champagne. >> J'ai reçu votre Lettre , Monfieur ,
১৯ & je m'emprefle d'y répondre. Je conviens
>> d'avoir gardé avec vous un filence un peu
>>>long ; mais j'eſpère vous prouver que je n'ai
>> point autant de tort que les apparences vous
>> le font croire. Je n'avois que des choſes dé-
>> ſagréables à vous apprendre ; & fi les peines
>>> que je me ſuis données avoient eu du ſuccès ,
>> je vous aurois annoncé mon triomphe , en
>> vous annonçant la conduite du Tribunal de
>>> l'Inquifition , qui s'eſt emparé de l'Encyclo-
>> pédie depuis neuf mois , & contre lequel j'ai
>>>lutté , pendant plus de trois , avec des forces
>> qui n'étoient point égales. J'ai cédé à la fin ,
>> mais ce n'a été qu'à la crainte trop bien fondée
de me voir ravir ma liberté. Si j'ai quitt
>>> l'Eſpagne , ce n'a été que pour fuir la perfe
>> cation, & chercher ma sûreté dans ma Patrie
"
Ces détails confirment ce que j'ai dit dans
ľabrégé du grand Mémoire ſur l'Encyclopédie ,
qui a paru dans le Mercure du 7 Mars. J'avois 、
placé en Eſpagne 330 Exemplaires de cet Ouvrage,
dont on n'a retiré que les 16 premières Livraifons.
Le feu Roi d'fſpagne en avoir permis l'entrée
, & j'avois l'eſpérance d'en placer un plus
grand nombre , ſi la perfécution n'y avoit mis
obſtacle . J'ignore les motifs de la conduite de
l'Inquifition , puiſque je m'étois ſoumis à un Comité
de cenfure , nommé par le Conſeil de Cafcille.
C. PANCKOUCKE..
-
17 MERCURE
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE,
LEE Mardi 17 de ce mois , on a donné
la première repréſentation d' Afpafie, Opéra
en trois Actes , paroles de M. Morel, muſique
de M. Grétry.
L'intrigue en eſt légère , ainſi que l'Auteur
l'avoue lui-même ; mais elle est trèsfuffifante
pour un Ouvrage Lyrique , qui
ne peut jamais admettre de développement,
&dont le but est d'amener des Fêtes agréables
, varićes , & le Spectacle le plus brillant
: nous allons donner une courte analyſe
de cette Pièce.
La première ſcène repréſente le Lycée
d'Athènes ; l'Aureur a eu l'idée ingénieuſe
de copier le Tableau fi connu & fi fuperbe
de Raphaël. Les Philoſophes Anaxagore
& Zenon font au milieu de leurs
Diſciples ; d'un autre côté , on voit Aracréon
entouré de jeunes Filles d'Athènes ;
plus loin, aux pieds de la Statue de Vénus,
font Ariftophane & Phidias. Après une invocation
au Dieu des Arts & de l'Harmo
DE FRANCE. 179
nie , mêlée des leçons que donnent chacun
de ces Philoſophes ,d'après leur caractère ,
Hipparette , jeune Athénienne , vient leur
demander des conſeils ſur l'art de fixer un
Amant. Cette Hipparette doit recevoir pour
époux Alcibiade , qu'elle adore , & qu'on
regarde comme le ſoutien de l'Etat. Anacréon
lui conſeille d'imiter Aſpaſie , dont
tous les Philoſophes célèbrent à l'envi les
graces , l'eſprit & les talens. Ariftophane
les accuſe d'en être amoureux ; il les raille
ſur ce penchant qui s'accorde fi mal avec
lears principes , & leur apprend qu'Alcibinde
, qui vier: d'être couronné aux Jeux
Olympiques par cette Belle , en eſt auſſi
pallionnément épris que tendrement aimé,
Cette nouvelle est un coup de foudre pour
Hipparette ; elle s'évanouit. Afpafie arrive,
elle eſpère retrouver dans les leçons de la
Philofophie , le calme que ſon coeur a
perdu. On force l'entrée du Temple ; c'eſt
Alcibiade qui , ne pouvant plus vivre ſans
Afpafie , la pourſuit juſque dans ce lieu
facré. La réſiſtance de cette Héroïne , les
reprimandes des Philoſophes , & Tardeur
inipétucufe d'Alcibiade , forment un morceau
de muſique par lequel l'Acte eſt terminé.
Dans le ſecond , Aristophane retrace à
ce jeune homme ſes devoirs , & lui rappelle
ſes premiers engagemens , mais fans parvenir
à triompher de ce coeur trop plein
d'Afpafie. Il exécute un autre projet ; il
130 MERCURE
!
confeille à Hipparette de s'adreffer, à Afpafie
elle-même, pour l'engager à renoncer
à fon Amant. La ſcène où Hipparette fare
cette propofition délicate , eſt filée avec
adreſſe & intérêt. Ce triomphe ſur ſon
propre coeur eft cruel pour Aſpaſie ; mais
il eſt digne de la nobleſſe de ſon ame , &
elle parvient à l'obtenir. Elle a une ſcène
avec Alcibiade , qui prépare le dénouement
, quoiqu'elle ne ſemble promettre à
ce jeune Héros qu'un rendez - vous au
Temple de Vénus & l'aveu le plus flatteur.
L'Acte finit par une Orgie en l'honneur de
Bacchus .
Dans le troiſième, Ariftophane , qui voudroit
éloigner les Philoſophes d'Aſpaſie , ſe
plaîtà les tourmenter par les traits de fon
caractère ſatirique. Afpafie les met tous
d'accord, en appréciant leurs talens divers.
On voit le Temple de Vénus ; Hipparette
ſous l'habit de cette Déeffe , & environnée
de toute la Jeuneſſe Athénienne , ſe cache
derrière un rideau ſi-tôt qu'Alcibiade paroît.
Ce jeune Amant adreſſe d'abord ſes voeux
à la belle Afpafie ; mais elle exige qu'il
jure d'être fidèle à ſes premiers ſermens ;
elle lui nomme Hipparette , & la lui fait
voir dans tout ſon éclat: cette vue rallume
dans le coeur d'Alcibiade une paffion mal
éteinte , & le rappelle au devoir.
Cet Ouvrage , principalement fait pour
amener des Fêtes & du Spectacle , comme
nous l'avons dit , a eu à la première repréſentation
,
DE FRANCE. 181
préſentation, un ſuccès conteſté ; mais il
s'eſt relevé avec éclat dès la ſeconde. On
eproché de la négligence à l'Auteur des
paroles , parce qu'en effet ce ſujet paroiffoit
fufceptible de tous les charmes de
ſtyle ; mais on auroit dû diftinguer quelques
morceaux écrits avec ſoin. Le caractère
d'Afpafie & celui d'Ariftophane nous paroiffent
mériter des éloges. La muſique des
Ballets eſt très-variée & très - piquante , &
dans cet Ouvrage , elle doit être regardée
comme l'objet principal. Pluſieurs Airs , &
notamment un Trio du ze. Acte , ont
tenu de grands applaudiſſemens. On reconnoît
dans la plupart la touche élégante &
ſpirituelle de ce Maître. Les Ballets , qui
font tous de la compoſition de M. Gardel ,
font délicieux. Celui du ter. Acte , pendantque
l'on chante l'Air, Que ces tableaux
font charmans , offre en effet une ſuite de
tableaux les plus variés & les plus piquans.
Celui du 2e. Acte, l'Orgie de Bacchus , préſente
une ſcène & un ſite tout -à-fait pittoreſques
, animés, de la manière la plus
ingénieuſe par différens groupes de Danſeurs.
La Pantomime qui le termine eſt
pleine d'intérêt & parfaitement exécutée,
M. Gardel a trouvé le ſecret de produire
des effers neufs dans un Art trop cultivé
en France , pour n'être pas déja un peu
épuisé.
No.13. 28 Mars 1789.
I
152 MERCURE
741
!
GOMÉDIE FRANÇOISE.
QVEL eſprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Eſpagne ?
Pychrocole , Pyrrhus , la Laitière , enfin tous ;
Autant les fages que les fous.
Chacunfongeen veillant, il n'est rien de plus doux:
Une flatteuſe erreur emporté alors nos ames ;
Tout le bien du Monde eſt à nous ,
Tous les horneurs , toutes les femmes.
Quandje ſuis ſoul , je fais au plus brave un défi:
Je m'écarie , je vais détrôner le Sophi :
On m'élit Roi ; mon Peuple m'aime :
Les Diademes vont fur ma tête pleuvant.
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-meine?
Je ſuis Gros-Jean comme devant.
La Fontaine , Liv . VII , Fab. 10.
Ces quatorze vers renferment peut- être
ce qu'on a dit de plus piquant & de plus
gai ſur les illuſions pallagères que fe font
les hommes de tous les états , par une erteur
qui leur eft commune à tous.
Il paroît que , dans ſes Vifionnaires ,
Deſmarets a voulu mettre en action , ſous
différens rapports , cette erreur vraiment
amuſante , & dont chacun de nous donne,
tour à tour , le ſpectacle à ſon voiſin. Ú
?
DE FRANCE . 183
ya de l'imagination & de l'eſprit dans
l'Ouvrage de Deſimarets , mais il manque
abfolument de goût. Ses perſonnages font
prefſque tous atteints de cette folie qui
excite moins le rire que la pitié , & leurs
rêveries ne font guère que des accès. Il eſt
vrai que les Vifionnaires ont été donnés en
1637 ; il est vrai encore qu'à cette époque le
Théatre François étoit éloigné de la perfection
qu'il a acquiſe depuis , & qu'il n'a
pas conſervée dans toute ſon intégrité.
M. Collin d'Harleville a traité les Cha
teaux en Espagne en homme doué d'autant
d'eſprit que de goût. Il a donné au
perſonnage dont il a fait un Viſionnaire ,
un charme attachant , une grace infinie , &
un fonds d'amabilité inépuiſable. Avec tour
ce qu'il faut pour plaire , il eſt difficile de
n'être pas aimé. Aufli , dès la première re
préſentation , l'Ouvrage de M. Collin avo.t
il entraîné les plus vifs applaudiſſemens ,
en dépit de toutes les obfervations critiques.
La feconde repréſentation a préſenté
ceperſonnage ſous un aſpect plus intéreſfant
encore , & , comme nous l'avons dit ,
le ſuccès a été complet.
Il eſt évident que M. Collin a réflé
chi ſur les idées que renferment les vers
de La Fontaine , dont nous avons fait uſage
au commencement de cet article . Au reſte,
il en a tiré un grand parti , & on ne peur
que lui ſavoir gré d'avoir pris pour guide
un Ecrivain dont l'ingénnité touchante ca
184 MERCURE
che preſque toujours une philoſophie pro
fonde , miſe à la portée de tous les eſprits.
Nous croyons pourtant que ce n'eſt point
ici le lieu de donner notre avis ſur les Chateaux
en Espagne. Plus nous avons vu cet
Ouvrage , & plus nous nous ſommes convaincus
qu'il falloit, pour lebien juger , en
rapprocher tous les détails & tous les développemens.
Avec la plus ſcrupuleuſe atrention
, on n'eſt pas toujours sûr de bien
faifir toutes les nuances d'un tableau qui
paſſe rapidement ſous les yeux , fur - tout
quand la fineſſe du trait & la délicateſſe
du pinceau rendent l'obſervation de ces
nuances très - difficile , même pour les
perſonnes les plus exercées. Nous artendrons
donc que cette Comédie ſoit imprimée
, & nous allons ſeulement en donner
une courte analyſe.
M. Dorfeuil veut marier ſa fille Henriette
au neveu d'un de ſes anciens amis.
Les jeunes gens ne ſe connoiſſent point.
Florville , c'eſt le nom du jeune homme ,
voudroit connoître le caractère de ſa prétendue
, & il imagine un moyen d'y parvenir
ſans compromettre perſonne. M. Dorfeuil
eſt un homme très- hofpitalier , qui
donne volontiers aſile aux honnêtes gens
qui s'égarent autour de fon château. Florville
ſe propoſe de fe préſenter comme
un Voyageur , & d'obſerver en toute sûreté
de confcience. On découvre ſon projet, &
on l'attend. Henriette brûle du déſir de le
5
DE FRANCE. 185
voir arriver , car elle s'eſt faite une grande
idée de ſon futur époux; & déjà dans fon
ame elle le compare à ce que l'humanité
a de plus parfait. A l'inſtant , on annonce
un Voyageur ; c'eſt un jeune homme gai ,
aimable , ſpirituel . On le queſtionne ; il
répond qu'il ſe nomme d'Orlange , qu'il
eſt Provençal , qu'il aime à voyager , qu'il
s'eſt égaré , qu'il demande un afile. On ne
manque pas de le prendre pour Florville ; on
le reçoit avec toute forte d'égards , & il
eft enchanté avec d'autant plus de raiſon ,
que très-prompt à tout voir fous les couleurs
les plus avantageuſes pour lui , ce
M. d'Orlange eſt accoutumé à embellir le
préſent par les illuſions de l'avenir. L'eſprit
de d'Orlange , ſon amabilité , lui gagnent
bientôt les bonnes graces de M. Dorfcuil.
Il n'a pas le bonheur de plaire autant à la
ſenſible Henriette. Il a fuffi d'une converfarion
entre elle & d'Orlange , pour la
déſabuſer ſur l'idée qu'elle s'étoit faite de
fon époux ; elle n'a pas trouvé le coeur
qui lui convient ; elle s'attrifte ; & c'eſt
avec douleur qu'elle voit fon père s'enthouſiaſmer
pour un homme dont l'ame
eft moins ſenſible que fon eſprit n'eſt aimable.
Voilà pourtant d'Orlange inſtallé ,
agiſſant comme 'étoit chez lui , prenant
du goût pour Henriette , & bâtiffant force
Châteaux en Eſpagne de tous les genres
&de toutes les couleurs. Florville arrive :
il eſt bien reçu; mais on eſt ſi préoccupé
13
186 MERCURE
de d'Orlange , qu'on ne le ſoupçonne pas
d'être ce qu'il eſt. Il voit Henriette , & elle
lui paroît faite pour inſpirer autant l'eſtime
que l'amour. De fon côté , il plaît , il intéreſſe,
il préſente l'idée de l' Amant qu'auroit
voulu choiſir Henriette. Mais qu'en
réſulte-t-il ? du chagrin pour tous deux ;
carHenriette voit toujours un paflager dans
Florville , & Florville ne voit dans dOrlange
qu'un rival heureux , prêt à épouſer ,
qui a le ſuffrage du père , & peut - être celui
de la fille. Convaincu qu'il n'y a rien à
eſpérer , Florville fait à M. Dorfeuil & à
fa fille les adieux les plus tendres ; il a
formé tout bas le projet de ſe taire , de
fortir fans ſe faire connoître ; & il part. A
reine eft-il parti, que ſon ſecret perce.
D'Orlange, dont l'eſprit eſt mobile , vague
, errant , mais dont l'ame eſt bonne &
ſenſible au fond , d'Orlange éclaire M.
Dorfeuil & fa fille ſur l'erreur où ils ont
été long-temps & malgré lui. Il fait courir
après Florville , qu'on ramène ; il hâte lo
bonheur des deux Amans , il en jouit.
avec ivreffe. Enchanté de leur fituation , il
réfléchit fur le néant de fes illufions , & tout.
en ſe propoſant d'y renoncer, il bâtit un
nouveau Château en Eſpagne , où ſon caractère
dominant éclate avec une nouvelle :
énergie.
La facilité de M. Collin eſt auſſi étonnante
que la richeſſe de ſon eſprit. En
reize jours , cet Auteur a refferré les trois
DE FRANCE.
187
:
premiers Actes , refondu le quurième , &
fait
un cinquième, Acte tout neuf, Nous
eſpérons prouver bientôt que ce travail ext
traordinaire, ne ſe reffent en rien de la ra
pidité avec laquelle il a été fait...
Cet Ouvrage eſt joué avec foin ; mais
nous devons des éloges particuliers à M.
Fleury, pour le ton décent , pour la marière
aimable & fentie qui guident ſon jen
dans le rôle de Florville. On a trop négligé
depuis long temps au Théatre l'obſervation
des bienféances & les habitudes de la nost
bleſſe ; M. Fleury peut fervir de modèle
en cette partie. Les défauts qu'on peut remarquer
dans le talent de ce Comédien ,
tiennent à ſon organiſation ; il feroit difficile
de lui en trouver un qui tînt à fon
intelligence..
COMÉDIE ITALIENNE.
LOROSRSQQUUEE nous avons rendu compre du
nouveau Théatre Anglois , traduit en François
par Madame la Baronne de Vaffe ,
nous avons indiqué l'Ecole de la Médifance,
Comédie de M. Sheridan , comme
un ſujet propre à être heureuſement porté.
fur la Scène Françoiſe. C'eſt en effet à cet
Ouvrage que nous devons l'Homme à Sentimens
, Comédie nouvelle en cing Actes &
14
88 MERCURE
en vers , dont on a donné la premiere repréſentation
le 10 de ce mois.
Damis eſt un Egoifte qui , ſous le maſque
de la vertu , outrage tous les fentimens les
plus reſpectables. Dorante fon frère est un
étourdi , un diffipateur , un libertin , qui ,
avec le coeur le plus fenfible & le plus généreux
, multiplie les extravagances , &fe
donne publiquement les torts lesplus graves.
Damis ſe flatte de ſubjuguer l'eſprit de fon
oncle Sudmer , tiche Négociant , qui revient
du Bengale avec une fortune immenfe. Il
ſepropoſe encore de ſéduire la jeune femme
d'undeſes vieux amis,&tout paroît lui pro
mettre un ſuccès heureux. Sudmer arrive ;
mais avant de diſpoſer de ſa fortune, il veut,
malgré les apparences , éprouver ſes neveux.
Sous le titre d'un ufurier , il s'introduit
chez Dorante , qui lui vend la galerie complette
des portaits de ſes aïeux , hors un
qu'il ſe réſerve. Ce portrait eft celui de
Sudmer , déjà fait depuis long- temps , & que
l'âge de l'original rend difcret en lui ôtant
de la reffemblance. Sudmer , qui ſe reconnoit,
veur tenter fon neveu par l'appât d'une
fomme confidérable ; mais ſes offres font
inutiles , & il fort très diſpoſé à croire
que ſon libertin de neveu pourroit bien
être unhomme ſenſible & un homme d'honneur.
Après cette première épreuve , Sudmer
ſe rend chez Damis ſous le nom d'un
parent réduit à l'indigence , & il en follicite
des ſecours. Les premières paroles de
DE FRANCE. 189
Damis ſont douces & honnêtes ; mais infeniblement
ſon avarice & fa dureté naturelles
échappent malgré lui , & il refuſe
formellement d'être utile à fon malheureux
parent. Cette inſenſibilité , le projet
prouvé de féduire lafemme d'un ami,d'autres
actions non moins honreuſes, décident Sudmer
, qui déshérite Damis , & donne tous
ſes biens à Dorante en lui faifant épouser
une jeune perſonne qui l'a toujours aimé
malgré ſes égaremens.
Cette Pièce , eftimable à beaucoup d'égards
, abonde en développemens , en détails
beaucoup trop longs & à peu près
inutiles. Si l'Auteur avoit refferré fon ſujet
en 4 Actes , il eſt certain que l'Ouvrage auroit
plus d'intérêt, parce que la rapiditédel'action
lui en feroit gagner beaucoup . Les
caractères des deux frères font bien oppofés ,
bien rendus, &conſervés avec beaucoup d'art
juſqu'au dénouement. La Scène cù Dorante
vendles portraits de ſes aïeux , a fait géné
ralement plaiſir , & cela nous furprend d'autant
moins , qu'elle eft excellente dans la "
Pièce Angloiſe. Rien de plus heureux que
le jeu continuel de la légèreté libertine &
de la franche ſenſibilité de Dorante ; c'eſt
un comique de ſituation dont tout le
monde n'a pas le ſecret. Le ſtyle a de la
facilité & du nombre , parfois de la négligence
; on y remarque de temps en temps
des expreflions piquantes & neuves , de
l'élégance, & même de la fermeté. Nous y
Is
Fe MERCURE
avons aufli remarqué , quoique bien rarement
, de la recherche. Par exemple , on
a beaucoup applaudi ce vers , où il eſt queſtion
de Damis :
Pour être vertueux , il a trop de vertus .
On ſent bien ce que l'Auteur veut dire ,
mais fon idée n'eſt pas affez clairement rendue.
Ce vers rappelle la fin du Sonnet d'Oronte
, dans le premier Acte du Milanthrope.
:
Belle Philis , on déſeſpère
Alors qu'on eſpère toujours.
Le Public , qu'on prend quelquefois par
lesmots, ſe prend aufli par les choſes. Son
approbation dépend de la promptitude avec
Jaquelle il ſaiſit ou laiſſe échapper le fond
des idées. Voilà pourquoi il paroît quelquefois
en contradiction avec lui-même , quand
ilblâme là ce qu'il avoit approuvé ici. Mais
il eft rare qu'il ne revienne pas ſur ſes erreurs
, fur tout en fait de fuffrages , & il devientd'autantplus
ſévère, qu'il s'eſt laiſſé plus
facilement tromper. C'eſt une obſervation à
laquelle devroit s'attacher tout Aureur qui
veut mériter la réputation de bon Ecrivain.
DE FRANCE. 191
THÉATRE DE MONSIEU R.
LE Lundi 9 de ce mois , on a donné
fur ce Théatre , l'Antiquaire ,Opéra Bouffon.
Il n'a eu qu'un ſuccès très-foible. L'intrigue
eſt peu de choſe : on a trouvé dans
le Dialogue quelques traits affez comiques ,
mais il en falloit davantage ; il falloit prononcer
plus fortement le caractère du perfonnage
principal , pour foutenir un fonds'
auſſi léger. L'Auteur , qui a donné čerte '
Pièce fans aucune prétention , a cru que
le charme de la Muſique Italienne fuffiroit'
pour faire valoir ce petit Ouvrage ; & peutêtre
le Public en eût-il jugé de même, ſi '
on lui avoit fait entendre une Muſique
tranfcendante & remplie de ces grands effets
auxquels il s'eft accoutumé à ce Théatre;
mais on n'a pas reconnu dans celle de
cette Pièce , ce goût de terroir auquel les
Connoiffeurs font ſi ſenſibles , & que les
Etrangers , à moins d'avoir étudié longtemps
en Italie , ne sçauroient imiter. Exiger
qu'un Ultramontain faſſe de la Muſique
Italienne , c'eſt reſſembler à ce Libraire de
Hollande , qui difoit àun Auteur François :
Monfieur , faites-moi des Contes de Marmontel
«.
ور
"
1
10
192 MERCURE
1
Le Jeudi ſuivant , on a donné ſur ce
même Theatre , la première repréſentation
du Fabuliste , ſuivie de la première repréſentation
de la Serva Padrona , Intermède
remis en Muſique par le célèbre Paifiello.
Toutes deux ont beaucoup réufſfi , & nous
avons enfin le plaifir d'annoncer un fuccès
complet fur ce Théatre , dans le genre de
la Comédie. Le Fabuliste eſt une Pièce
épiſodique , & par conséquent n'a pas beſoin
d'intrigue. Elle est écrite avec infiniment
de grace & d'eſprit. La plupart des
Fables font charmantes , & quelques-unes
ont paru d'un mérite ſupérieur. M. Chevalier
, qui les débite , a eu l'art d'en faire
valoir tous les détails , de manière à n'en
pas laiffer échapper un trait. Il prouve dans
ce rôle, qu'il ne lui a manqué juſqu'ici que
de meilleures Pièces pour déployer les plus
grands talens. On doit auffi des éloges diftingués
à Madame Péliffier , chargée du rôle
d'une bonne Servante du pays de Caux ,
qu'elle rend avec beaucoup de naturel &
de comique. Elle fait auta, fans s'en douter
, une Fable affez longue & fort jolie
qu'elle dobite de la manière la plus piquante
&la plus vraie.
On a demandé l'Auteur, qui a eu le bon
eſprit de ne pas paroître : il faut efpérer
que ſon exemple ſera ſuivi. On eſt venu
nommer M. Landrin , déjà connu par des
Ouvrages de ce genre , qui ont toujours
euduſuccès.
DE FRANCE.. 193
* Parlons de la Serva Padrona. Si c'étoit une
entrepriſe hardie que de remettre en Muſique
ce petit Intermède , traité autrefois
par Pergolèfe avec tant d'eſprit & de naturel;
s'il ne falloit pas, pour y réufir, un
talent moins diftingué que celui du ſignor
Paiſiello , il n'étoit pas moins hafardeux
de faire entendre cet Ouvrage à des François
, qui, depuis trente ans, font leurs délices
de l'original. Plus ſenſibles aux beaurés
dramatiques qu'aux beautés purement
muſicales , & moins inconftans à cet
égard que les autres Nations , ils ont regardé
ce petit Ouvrage comme un chefd'oeuvre
inimitable , loin de croire qu'on
puiffe le furpaffer. La Mufique de la Serva
Padrona s'eft tellement liée dans leur efprit
avec les paroles ( très connues par l'imitation
affez exacte qu'en a faite Baurans ),
qu'ils regardoient comme impoflible non
feulement de les rendre mieux , mais même
de les rende autrement. Ajoutons que
beaucoup d'Amateurs font perfuadés qu'il
y a en Muſique une vérité unique & abfolue
, & que l'accent de la Nature une
fois ſaiſi , il n'eſt plus permis de s'en
écarter.
Ce n'eſt pas ici le lieu de combattre ces
préjugés. Nous renvoyons ceux qui y tiennent
encore , à l'excellent Ouvrage de M.
de Chabanon , intitulé : De la Musique
confidérée en elle-même. Nous obſerverons
>
>
ſeulement qu'il faut que ce préjugé ne fois
194 MERCURE
pas univerſel , puiſque la Muſique de Paifiello
, comparée à celle de Pergolèſe , a fait
cependant le plus grand plaifir. Il faut
avouer que le Compofiteur moderne avoit
fur l'ancien l'avantage de pouvoir diſpoſer
de toutes les puiſſances de 1Orcheſtre , &
qu'il les a employées avec beaucoup d'art.
Mais pourvu que le Public y trouve fon
compte, que lui importe de quels moyens
on s'eſt ſervi ?
Qu'on nous permette de comparer enſemble
quelques morceaux. Pour preuve
d'impartialité , nous commencerons par
préférer au premier air de Paiſiello celui
de Pergolère, fur les paroles Italiennes ,
Afpettare è non venire , ( nous ne parlons
pas de la traduction de Baurans , qui
en détruit tout le caractère ) : certainement
le mouvement que Pergolèſe a choiſi , exprime
l'impatience avec plus d'énergie & de
vérité. La tournure muſicale de celui de Paifiello
eſt plus agréable , mais c'eſt d'expreſſion
ſeulement qu'il s'agit ici .
Le Duo ſuivant , Ma quando la finifci:
Hébien ! finiras-tu? de Pergoleſe , eſt d'un
chant barbare & d'une intonation prodigieuſement
difficile. Celui de Paiſiello n'eſt
que foible , mais il eſt au moins agréable &
facile à chanter. Pour l'air Sempre in contraſto,
nous convenons que c'eſt un Chefd'oeuvre
de vérité dans Pergolèſe , & que
Paiſiello ne pouvant choitir un thithme plus
convenable , a employé le même. Mais
DE FRANCE. 195
quelle différence de facture ! quelle expreffion
dans les accompagnemens ! Combien
accompag
l'Orcheſtre du moderne Auteur renforce le
ſentiment des paroles ! combien fa mélodie -
eſt ſavante & naturelle à la fois ! C'eſt dans
ee morceau ſur tout qu'on peut juger des
progrès qu'a faits la Muſique depuis un demifiècle.
ya
L'air qui fuit , Stizzoſo mio ſtizzofo , eh
mais ne fait-il pas la mine ? eſt un morceau
de chant : c'eſt dire affez combien
Paiſiello l'emporte fur Pergolèfe. Celui - ci
n'a fait qu'une mélodie fèche & faccadée ,
où les paroles font rendues ſeulement avec
-efprit ; l'autre , avec autant d'eſprit ,
mis bien plus de grace , & c'eſt l'avantage
général qu'il a ſur ſon prédéceſſeur. On a
beau dire , la mélodie a infiniment gagné
depuis trente années. Ceux qui connoiflent
l'Olympiade de Pergoleſe , le feul Opéra
ſérieux qu'il ait écrit , ſavent qu'aujourd hui
on n'en pourroit pas ſupporter le chant.
Haffe & Galappi ſont peut- être les ſeuls
Anciens dont la mélodie pourroit plaire
encore.
- Nous ne poufferons pas plus loin le
parallèle; mais nous diftinguerons le dernier
morceau du Vieillard : Sono imbrogliato
già ; Quel est mon embarras ? pour
prouver qu'on peut l'emporter fur Pergolèſe
, non ſeulement par la beauré du chant
&des accompagnemens figurés , mais même
:
196 MERCURE
par l'expreſſion & la vérité. Nous invitons
les Amateurs à comparer le morceau des
deux Maîtres , en ſe dépouillant de toute
prévention.
Les deux rôles de la Serva Padrona ont
été parfaitement rendus , celui de Serpina ,
par Madame Limperani , qui a prouvé
beaucoup d'habitude de la Scène , & celui
d'Uberto ( le même que Pandolphe ) , par
M. Raffanelli , qui devra peut-être à fon
ſéjour à Paris , la réputation du premier
Buffo de l'Europe , qui a foutenu dans cet
Ouvrage celui qu'il s'eſt faite dans Théodore.
Ces deux Acteurs ont eu le plaiſir
bien flatteur , & juſqu'ici affez rare , de
faire beaucoup rire , & d'être extrêmement
applaudis dans le récitatif.
ANNONCES ET NOTICES.
ON a mis en vente , Hôtel de Thou , rue des
Poitevins , la 30e. Livraiſon de l'Encyclopédie ,
compofée de deux Volumes de Difcours & d'un
Volume de Planches.
Les Repentirs de 1788 , ſuivis de douze petites
Lettres , écrites à qui voudra les lire. A Londres ;
& se trouve à Paris , chez Briand , Libr. Hôtel
de Villiers , rue Pavée-St-André-des-Arts.
DE FRANCE. 197
Sur la forme des Gouvernemens , & quelle est
la meilleure ; Dilertation extraite des huit Differtatiors
que M. le Comte de Hertzberg , Miniftre
d'Etat , Membre & actuellement Curateur
de l'Académie de Berlin , a lues dans les Aflemblées
publiques de l'Académie Royale des Sciences
&Belles-Lettres de Berlin, tenues pour l'Anniverfaire
du Roi Frédéric II , dans les années 1780-
1787. Brochure in-8 ° . de 66 pages. A Berlin ; &
ſe trouve à Paris , chez Onfroy , Lib. rue Saint-
Victor , Nº. 11 .
Abrégé de l'Histoire Univerſelle , en Figures ,
gravées par les premiers Artiſtes de la Capitale ;
ou Recueil d'eſtampes repréſentant les ſujets les
plus frappans de 1Hiſtoire tant facrée que profane
, avec les explications qui s'y rapportent ,
par M. Vauvilliers , de l'Académie Royale des
Inſcriptions & Belles-Lettres. Ouvrage deſtiné à
l'inſtruction de la Jeuneſſe. Le prix du Cahier in-
89. eſt de 4 livres. 120. Livraiſon. A Faris , de
l'Imprimerie de Didot le jeune , Imprimour de
Monfieur ; Duflos , Libr. rue Saint-Victor , Place
Maubert; & Moutard , Imp-Lib. de la Reine , rue
des Mathurins.
Cet Ouvrage jouit toujours d'un ſuccès mérité.
Au Roi. Lettre préſentée à Sa Majené le 9
Décembre 1788. Brochure in-8% de 115 pages.
A Londres ; & ſe trouve à Paris , chez Prault
Linp. du Roi , quai des Auguſtins.
Les Devoirs de l'homme & du Citoyen ; par M.
***. A Paris , chez Dupuis , Libr. , rue Jacob ,
Fauxbourg St. Germain ; & Latellier , quai des
Auguftins , No. 28 , Brochure in- 12 de 54 pag
MERCURE
OEuvres complètes de Démosthène & d'Eſchine ,
traduites en François , avec des Remarques fur
les Harangues & Plaidoyers de ces deux Orateurs
; précédées d'un Diſcours préliminaire fur
l'Eloquence , & autres objets intéreſſans ; d'un
Précis hiſtorique ſur la Conſtitution de la Grèce ,
fur le Gouvernement d'Athènes , &c . &c.; par M.
l'Abbé Auger , Vicaire - Général du Diocèſe de
Lefcar , de l'Académie des Inſcriptions & Belles-
Lettres de Paris , & de celle de Rouen. 6 Vol.
In-8°. Prix br. 30 liv.; & francs de port par la
Pofte , 33 liv . A Paris, chez Crapart , Libraire
à l'entrée de la rue d'Enfer , Nº. 129. (On vend
Séparément les Tomes IV , V , VI , au prix de
14 liv. br. , & 16 liv. 10 f. francs de port par
la Pofte , pour compléter l'édition de 1734, dont
il n'a paru que les trois premiers Vol. )
On connoît le mérite des Traductions dont M.
'Abbé Auger a enrichi notre Littérature ; & l'Ouvrage
que nous annonçons eſt d'un genre d'éləquence
analogue à l'intérêt des grandes affaires
qui occupent toute la France.
Portrait de Mlle. Doligny, peint par M. Vanloo,
Peintre du Roi ; par J. J. J. Huber d'Augsbourg ,
avec cette Inſcription tout autour : La Pudeur
fut toujours la première des Graces. Prix , 4 liv.
A Paris , chez Bafan , rue & hôtel Serpente.
On ſe ſouvient encore du plaifir que faifoit au
Théatre François cette Actrice intéreſlante ;& fon
Portrait ne peut qu'être favorablement accueilii.
Procès de Warren Hastings , Ecuyer , ci-devant
Gouverneur du Bengale , traduit de l'Anglois par
M. Soulès ; re. Partie ; in-8°. Prix , I Iv. 16 .
A Londres ; & fe trouve à Paris , chez le Traducteur
, Boulevart St-Antoine , N°. 8 ; & Def
ray , Lib. quai des Auguſtins,
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DE FRANCE. 199
A Filoftrato , Poemi di Gio . Boccaccio. 1 Vol.
in-89. Prix, 3 liv. br. A Paris , chez Didot l'aîné ,
Impr. rue Pavée-St-André-des- Arts .
Voilà près de quatre fiècles que ce Poëme érotique
étoit reſté enseveli dans la pouffière des Bi-'
bliothèques d'Iralie. Les Amateurs de certe Langue
doivent de la reconnoiſſance à l'Editeur d'un
Ouvrage qui manquoit ſeul pour compléter les
OEuvres d'un des premiers Maitres. Il a vérifié
pluſieurs Manuferits anciens, pour donner le texte
le plus pur.
Collection des Mémoires de lHiftoire de France ,
Tome XLVIII . A Paris , rue & hôtel Serpente.
Ce Volume contient les Mémoires de F. de la
Noue , & le commencement de ceux de Henri ,
Duc de Bouillon .
Bibliothèque Univerſelle des Dames. AParis ,
rue & hôtel Serpente .
Le nouveau Volume que nous annonçons de
cette intéreſſante Collection , eſt le 126. des Mé- ..
langes.
Hiftoire de France , repréſentée par Figures
accompagnées de Difcours ; les Figures gravées par
M. David ; le Difcours par M. Guyot , Vic Gen.
72. & se. Livraiſors, compofées de 4 Flanches &
D.Cours imprimés fur papier vélin. Prix , 10 liv.:
A Paris , chez l'Auteur , rue des Cordeliers , au
coin de celle de l'Obfervance .
Le même vient de mettre en vente la 21e. Livraiſon
du Muséum de Florence , compofée de 7
Planches imprimées ſur papier vélin , & explication.
Prix , 6 liv. ; & au biftre fanguin Anglois ,
و liv.
20 MERCURE
)
Paul & Virginie , par Jacques- Bernardin-
Henri de Saint-Pierre , avec figures , in- 18 . A
Paris , de l'Imprimerie de Monfieur ; & fe
trouve chez P. Fr. Didot jeune , Libr- Impr. ,
quai des Auguſtins.
-Nous avons parlé de ce charmant Ouvrage
avec de juſtes éloges. La nouvelle Edition que
nous annonçons eſt très -bien exécutée , du côté
du deſſin , de la gravure & de l'impreſſion .
M. Didot le jeune , à qui on la doit , nous prie
de joindre à notre annonce l'avis ſuivant:
Ons'eſt trompé , à la fin de cette Edition ,
dans le Profpectus de l'Edition nouvelle des
OEuvres de M. de Saint-Pierre en annonçant
chaque volume in-8° . de 5 à 600 pages , ſatinė,
avec figures , rel. en papier vélin à 9 liv . &
en papier écu fin d'Eſſone à 6 liv. Le prix de
chacun de ces volumes en papier vélin eſt de
12 liv. , & en écu fin d'Eſſone de 7 liv. 4 f.
>>> Ce prix même eft fort inférieur à celui des
volumes in- 18 de Paul, volumes qui renfermant
à proportion beaucoup moins de papier de la
même qualité , ſe vendent 6liv. &4liv. pièce:
fi cependant les perſonnes qui ſe ſontddééjàfait
infcrire le trouvoient trop fort , elles ne feront
point obligées de retirer leurs Exemplaires ,
d'autantplus qu'elles n'ontpoint avancé d'argen*.
>> Perſonne même ne ſera obligé d'acquérir
cette nouvelle Edition pour s'en procurer les
augmentations , car les vol. in-89. d'augmentation
feront imprimés en même temps en vol.
in- 12 , au prix de 3 liv. 10 f. , pour faire fuite
aux Editions in- 12 précédentes.
>>Les inſcriptions pour l'Edition nouvelle ſerent
prolongées juſqu'au rer. Juin , les nouveaux
caractères que je fais graver par un de
mes fils ne pouvant être prêts que pour ce
temps-làcc.
DE FRANCE. 261
Promenade ou Itinéraire des Jardins d'Ermenonville
, auquel on a joint vingt- cinq de leurs
principales Vues, deſſinées & gravées par Mérigot
fils ; in-8°. Prix , 18 liv. rel . A Paris ,
chez Mérigot père , Boulevart Saint- Martin,
& les jours d'Opéra , ſous le veſtibule ; Gatrey
, au Palais Royal ; Guyot , Graveur &
Marchand d'Eſtampes , rue Saint - Jacques ,
n°. 9; & à Ermenonville , chez Murray:
Cet Itinéraire ne peut être que fort utile aux
Amateurs , & même aux Artiſtes qui vont viſiter
les beauxjardins d'Ermenonville. L'Auteur entre
dans tous les détails. Ses réflexions ſont d'un
homme qui fait juger , & ſes deſcriptions ont
l'empreinte d'une imagination ſenſible. Cet Ouvrage
ſe refuſant à l'analyſe , nous nous bornerons
à citer un morceau qui donnera une idée
du ſtyle :
» Du même fallon où l'on est placé pour
> jouir de la vue du nord , vous découvrez
>>>une belle rivière qui ferpente dans une vare
>>prairie : ce tableau fait un contraſte frap-
>> pant avec celui que vous quittez ; il porte
» avec lui un caractère mélancolique & doux.
• Si le côté du midi a beſoin , pour l'effet , des
>> rayons brillans du Soleil levant , il faut au
» contraire , pour embellir le côté du nord , les
>> rayons affoiblis du Soleil couchant : il feroit
>> bien difficile de faire un choix entre ces deux
>> aſpects. Je fais que le tableau du midi doit
>> plaire davantage aux Artiſtes ; la compoſi-
» tion en eſt plus riche , la couleur plus va-
>> riée, la ſcène plus animée ; mais je crois que
>> l'homme ſenſible donnera la préférence à
>> celui du nord : il y règne toujours ce calme
>> enchanteur , qui plait fi fort à l'ame ; elle
npeut s'y repaître de ſouvenirs agréables ,
202 MERCURE
i
>> d'idées douces , s'y bercer d'aimables chi-
>> mères , tandis que , du côté du midi , elle
>> feroit toujours diſtraite par le bruit des cafcades
par le mouvement des payſages , &
>> ſe fatigueroit enfin d'une ſituation qui ne lui
>> permet pas de s'occuper des ſentimens qu'elle
>> éprouve «.
:
Cet Ouvrage mérite des éloges dans toutes
ſes parties ; les Eſtampes, au mérite d'un deſſin
fait avec goût , joignent celui d'un burin ingénieux.
Sermons pour l'Avent , le Carême , l'Octave
du Saint Sacrement , & autres folennités , Panégyriques
, Oraiſons funèbres , Prônes , inf.
tractions diverſes ſur le Symbole des Apôtres ,
la premiere Communion , le renouvellement
des voeux du Baptême , la Profeſſion Religieufe ,
& plufieurs autres ſujets ; par feu M. Gery ,
Chanoine régulier , ancien Abbé de Sainte-Gé .
nevieve , & Supérieur général de ſon Ordre
en France , 6 vol. in- 12. A Paris , chez Méquignon
l'aîné , Libraire , rue des Cordeliers ,
près des Ecoles de Chirurgie.
La répuration dont M. de Gery ajoui de fon
vivant , peut faire rechercher le Recueil de fos
Difcours,
Conduise pour paſſer faintement le Carême , où
l'on trouve pour chaque jour une Pratique , une
Méditation & des fentimens ſur l'Evangile du
jour , & des Sentences fur la Sainte Ecriture
& des SS. Pères , avec la Collecte de la Sainte
Meffe , & un point de la Pasion de N, S. JC ;
par le R. P. Avrillon , Religieux Minime. Nou
velle édition , 1 vol. in 12 , prix rel . 2 liv.
το f. A Paris , chez Belin , Libr. , rue Saint-
Jacques.
DE FRANCE.
207
Collection des principaux Auteurs Anglois , en
Anglois , 16. livraiſon , contenant Gibbon's
History ofthe decline and fall of Roman Empire ,
vol. 8 , in- 89 . br. 3. liv. A Paris , chez Piffot ,
Libraire , quai des Auguſtins .
;
Cette entrepriſe littéraire eſt une des plus
intéreſſantes qui aient été faites depuis pluſieurs
années , & qui mérite d'obtenir du Public le
même accueil qu'il a fait à la collection des Auteurs
Latins & à celle des Poëtes Italiens . Son
but eſt de faciliter l'acquifition des meilleurs
Ouvrages d'une Nation aveclaquelle nous avons
tant de rapports importans de politique & de
commerce ; qui de tout temps la rivale de la
France en paix ou en guerre , eſt devenue fon
émule dans les Belles-Lettres , les Arts , les
Sciences , celle fur tout du Gouvernement , &
à qui la Philofophie a des obligations qu'on ne
conteſte plus . Les volumes qui font déjà pués
au nombre de 19 , & qui font entre les
mains des Lecteurs , difpenfent de rien ajouter
à ce qu'on a dit de l'exactitude , de la beauté de
l'impreffion , de la modération du prix des volumes,&
du choix des Auteurs .
Les Eliteurs de cette entrepriſe , pour faciliter
l'acquiſition des différens Ouvrages de cette
utile collection , ne demandent aucune avance.
On ſe fait feulement infcrire , & on s'engage
à prendre un Ouvrage commencé , & à payer
le prix de 3 liv. à la livraiſon de chaque vol.
Geneviève des Bois , Comteſe de Brabant ,
gravée par Augustin Legrand , d'après le tableau
peint par Frédéric Scall ; dédiée à Madame
la Ducheſſe de Richelieu. A Paris , chez
l'Auteur , rue Saint-Julien le Pauvre , nº. 18 ,
& chez M. Conſtantin , Négociant , quai de la
Mégiſſerie.
Le ſujet de cetteGravure eſt renfermé dans les
coupletsſuivans de la jolieRomance deM.Berquin
204 MERCURE DE FRANCE.
Coeurs ſenſibles , que les entrailles
Souffrirent dans la longue nuit !
Le jour renaît ; dans les broutfailles ,
Elle va chercher quelque fruit.
Elle revient ; qu'apperçoit-elle ?
Une biche accourt vers l'enfant ;
Il preffe fa douce mamelle ;
Près d'eux bondit un jeune Fan,
Ogrand Dieu ! le coeur d'une mèrs
Eſt un bel ouvrage du tien.
Son fils peut vivre , elle l'eſpère ;
Ses propres maux ne lui font rien.
Dans le creux d'un recher ſauvage ,
La Biche accompagne ſes pas ,
Dans ſes mains vient brouter l'herbage,
Et nourrir l'enfant dans ſes bras.
Cette Eſtampe intéreſſante , dont l'Auteur eſt
jeune& laborieux , prouve des progrès ſenſibles
, & doit lui faire beaucoup d'honneur. Le
pendant paroîtra inceſſamment.
VERS.
TABLE.
Vers au Cousin Jacques .
Charade, Enig. & Lg.
Relation de Isles Pelew.
Almanach Tachygra,A
L'impôt abonné.
Discours.
157 Variétés. 175
158 Académ. Roy. de Muf. 178
160 Comédie Françoise.
163 Comédie tallenne.
170 Théatre de Monfour.
172 Annonces & Notices.
173
APPROBATION.
182
188
191
187
J'AI AI lu par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 28
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe ca
empêcher l'impreffion.AParis, le 27 Mars 178
SELIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGNE.
De Varsovie, le 2 mars 1789.
DANS la Séance de lundi dernier ,
la Diète ratifia la convention faite par
la Commission du Trésor avec M
Tepper, au sujet de l'emprunt. Le jeudi ,
M. Malachowski , Staroste d'Opoczno
et Nonce de Sendomir , proposa de
fixer la proportion dans laquelle devoient
contribuer toutes les classes de Citoyens ,
et qu'ensuite l'on nommât des délégations
chargées d'établir la meilleure manière
de percevoir les impôts. Cette proportion
, dans le projet de M. Malachowski
, est de 10 pour 100 pour les
biens nobles héréditaires , de 20 pour
100 pour les biens ecclésiastiques , et
de 50 pour 100 pour les biens royaux ,
N°. 13. 28 Mars 1789. g
( 146 )
ou Starosties , donnés à vie seulement .
Dans la Séance du vendredi , ce dernier
point passa à la pluralité.
L'oeil de la Diète est toujours ouvert
avec défiancesur l'Ukraine . Cette crainte
repose sur le souvenir des scènes affreuses
de 1768 , où Zelezniak , Cosaque Zaporavien
, et Sujet de la Russie , entra en
Pologne à la tête des brigands de sa
Nation , et fit afficher dans toutes les
églises du Rit Grec un Manifeste , daté
du 26 juin 1768 , auquel il osa apposer
la signature de la Czarine même , et où
il ordonnoit aux siens d'exterminer tous
les Polonois et les Juifs. En conséquence
les Cosaques , réunis aux troupes Russes ,
égorgerent tout ce qui n'étoit pas du
Rit Grec. Ayant forcé la ville d'Uman, ils
massacrèrent les hommes et les femmes ,
et jetèrent les enfans dans des puits , qui
sont restés comblés des cadavres de ces
victimes : cette boucherie s'étendit sur
l'Ukraine entière , où 200,000 Polonois
furent égorgés . Quelques menaces indiscrètes
de recourir de nouveau à ce
inoyen , ont exalté la défiance , et l'alarme
vient de s'accroître par la nouvelle
certaine , reçue avant hier , qu'une
division de troupes Russes étoit entrée
dans la Starostie de Szmila. Le Général
d'Artillerie Comte Potocki ayant communiqué
au Général Russe , l'ordre qu'il
avoit de la Commission de guerre de
:
(147 )
s'opposer à l'entrée d'aucunes troupes
de l'Impératrice , il reçut du Feld-Maréchal
de Romanzofune réponse que nous
rapporterons incessamment La Répu
blique ayant réclamé , ainsi que nous
le dîmes il y a huit jours , les bons
offices du Roi de Prusse , ce premier pas
de négociation suspendra peut-être les
hostilités près d'éclater.
Le Staroste et Général Woyna est
parti , le 19 février , pour se rendre à
Vienne , en qualité de Ministre Plénipotentiaire
du Roi et de la République
auprès de l'Empereur. Il est de plus en
plus apparent que le Marquis de Luchesini
ne se rendra pas à Pétersbourg ,
mais qu'il restera ici avec le caractère
d'Ambassadeur Extraordinaire du Roi de
Prusse.
On apprend de Mittau que l'ouverture
del'assemblée desEtats de Courlandes'est
faite le 19 février. On présume qu'il y
sera traité d'affaires infiniment sérieuses ,
et analogues à celles dont s'est occupé
notre République.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 9 mars .
:
L'on attendoit avec inquiétude oùabou
gij
( 148 )
tiroit , dans la Diète de Suède , la persevérance
de la pluralité de l'Ordre Equestre
et de la Noblesse , à résister au voeu
unanime des trois autres Ordres , et aux
propositions du Roi, lorsque nous apprimes
, le 24, un changement de scène
décisif (1 ) . Pour en saisir les véritables
causes , il faut avoir sous les yeux l'ensemble
exact des derniers évènemens.
L'article 48 de la forme de Gouvernement
adoptée en 1772 , prive le Roi du
(1) Nous avons retardé huit jours de préſenter
le récit qu'on va lire afin de nous
ménager le temps de recevoir des informations
plus certaines que celles des Feuilles publiques.
•Ajoutant fort peu de crédit aux récits précipités ,
&le plus ſouvent ſuſpects , de la plupart des
Gazettes , nous différons ſouvent l'emploi de
tels ou tels articles , dans la perfuafion que
chacun préfère de ſavoir la vérité , à lire des
fables prématurément publiées , & qu'il faudroit
contredire dans le Journal ſuivant. Le plan de
cet ouvrage périodique & le devoir du Rédacteur
ne ſont pas de bercer le Pub ic de toutes les
fauſſetés qu'on imprime journellement. Perſonne ,
on nous rendra cette juſtice , n'a porté plus loin
que nous les ſcrupules à cet égard. Par cette raifon
, nous avons écarté une prétendue déclaration
de la Porte aux Miniſtres Etrangers , au ſujet de
laPologne , tranſcrite dans les Gazetres de Hollande
, & qui n'a pas plus exiſté que la lettre du
Pacha d'Oczakof , contre laquelle nous mimes le
Public en garde il y a 15 jours.
(149 )
pouvoir de déclarer la guerre sans l'acquiescement
des Etats ; mais l'article 45
lui délègue l'autorité de procurer au
royaume la paix et la sûreté , princi
palement contre les forces des étrangers
et des ennemis; sous l'obligation ,
néanmoins , de ne lever ni aides, ni subsides
nécessaires à la guerre , sans le
consentement de la Diète. C'est en partant
de ce principe constitutionnel , que
le Roi , l'année dernière , jugea indispensable
à sa sûreté et à celle de l'Etat ,
d'équiper la flotte, etde transporter une
armée en Finlande. Le secret et ladiligence
de ces préparatiis furent un sujet
d'étonnement pour les Nations même
à quí l'étendue de leurs ressources permet
à peine une semblable promptitude.
Les avantages qui devoient en résulter ,
furent subitement prévenus par le refus
de service et parlesoulèvement de divers
Officiers en grade , qui , discutant la légitimité
de la guerre à l'instant de la
faire , adressèrent leurs plaintes à la Puissance
même qu'ils étoient allés combattre
. Assailli d'un côté par cette résistance
, et de l'autre par les Danois préts
à envahir ses provinces méridionales ,
le Roi redoubla de courage et d'activité.
Fermeau milieude cette réunion de dangers
, dont quelques-uns le menaçoient
personnellement, on le vit rassurer les
esprits , allier la prudence à la sévérité ,
11)
( 150 )
contenir des intelligences dont il mesuroit
la profondeur , revenir en Suède ,
tranquilliser la capitałe , parcourir ses
provinces , y étouffer les étincelles
de l'incendie , pénétrer les Peuples
d'enthousiasme, armer 20 mille Volontaires
en six semaines. Au fond de la
Warmie, il apprend que quatre mille
Danois s'approchent de Gothenbourg ,
non sans espoir d'être favorisés dans
leur dessein de surprise , par quelquesuns
des habitans. Il monte à cheval , lui
troisième, arrive aux portes de la place ,
fait saisir les traîtres, harangue la Bour--
geoisie , la met sous les armes et la
ville en défense , mande les secours , est
servi avec un zèle égal au sien , négocie ,
trouve des appuis , et réussit à faire rembarquer
les ennemis.
La position critique de l'Etat dictoit
les mesures de la Diète, en en nécessitant
la convocation. Le Roi ne douta
pas que lepérilévident des contestations,
à la vue de celui dont la Suède étoit
menacée, ne fixât le principe et le résultat
des délibérations.
En effet , cette prudence publique
fixa , dès le premier jour , les décisions
invariables des trois Ordres du
Clergé , de la Bourgeoisie , des Paysans ;
une partie même de la Noblesse se réunit
à son Chef pour y adhérer ; mais la
pluralité decettedernière Chambre adop(
151 )
ta d'autres maximes. Elle ne cacha ni sa
défiance , ni ses vues : par une suite de
son systême , la Diète , ouverte depuis
-3 semaines, restoit paralysée , consumant
un temps irréparable , à l'heure
même du danger, à la vue des escadres
et des armées ennemies prêtes à se
- mettre en mouvement. Plusieurs Séances
de l'Ordre Equestre s'étoient perdues
en discours véhéinens et en recherches
contre quelques écrits anonymes publiés
en Finlande : malgré les résolutions des
trois autres Ordres , celui de la Noblesse
persistoit à limiter les instructions du
Comité secret , quoique la 47° . loi de
la Constitution donne formellement à
ceComité, la même plénitude de pouvoir
qu'aux Etats mêmes. Des mémoires violens
, insérés dans le protocole de la
Chambre des Nobles , avoient été publiés
avec affectation , contre la règle et les
bienséances. Vainement le Roiavoit consenti,
le 12 , au désir de la Noblesse , en
faisant connoître qu'en conformité de
l'article 50 réclamé , l'état des finances
seroit remis au Comité secret. Les
débats épisodiques se succédèrent sans
intervalle , tantôt sur les instructions ,
tantôt sur l'Adresse au Roi. On en
vint jusqu'à proposer une scission avec
les autres Ordres. L'on agita ensuite
si le Baron de Sprengporten, passé
au service de Russie , étoit ou non, par
giv
(152)
ce changement de maître , exclus de la
Chambre de la Noblesse. Dans la même
Séance du 14 , on s'amusa à lire un long
mémoire sur la population et les fabriques
; on disserta de nouveau sur des
brochures imprimées et oubliées depuis
six mois. Toutes ces lenteurs évidemment
affectées , présageoient que le Comité
secret ne seroit pas même en activitéà
l'instant où les ennemis arriveroient
aux portes de Stockholm ; enfin , le mécontentement
du Roi , des trois Ordres
et du Peuple fut porté à son comble,
par les outrages dont se plaignit le Comte
de Levenhaupt, Maréchal de la Diète.
Sans respect pour la liberté des délibérations
, ce vieillardsiégeant avoit été insulté;
des cris et des huées avoient privé
du droit de parler divers Membres de
Ja.Noblesse attachés à la Couronne. Le
Comte de Levenhaupt , profondément
blessé , cessa de présidor , et demanda
justice au Roi del'affront fait à sa dignité,
et au trône même , dont le Maréchal de
-la Diète est le Plénipotentiaire.
Le Roi, tenant à la main la plainte
écrite de M. de Levenhaupt, signée de
plusieurs autres Nobles, témoins , se rendit
, le 17 , à la Diète . Là, en présence
des Etats assemblés inplenoplenorum ,
(tous les Ordres réunis ) , il prononça le
discours le plus fier; le plus énergique ,
leplus menaçant. En voici la traduction
( 153 )
entière,plus fidelle que les lambeaux présentés
dans les Gazettes :
« Ilyaaujourd'hui 14jours , que, de cettemême
p'ace , je vous ai inſtruits des motifs graves & importans
qui exigeoient impérieuſement votre réu .
nion. Je ne vous ai rien caché de ce qui s'eſt paſſé
durant cette époque critique , juſqu'à la fin du
mois dernier. Je vous ai fait conncître la néceffité
de prendre inceſſamment des meſures efficaces
pour mettre ce royaume à l'abri de toute attaque ,
lamarine en état de pro éger nos côtes , les forces
de terre ſur le pied le plus redoutable , afin d'ef.
facer la tache qu'ont imprimée au nom Suédois ,
non pas ces troupes ( puiſque par-tout où elles
ont rencontré l'ennemi, elles l'ont repouffé avec
vigueur & intrépidité ) , mais ſeulement l'infidel'e
défection d'un petit nombre. En un mot , j'avois
demandé la nomination d'un Comité , pour délibérer
avec lui fur ces grands objets , & j'y étois
autoriſé par nos lois fondamentales & les prérogatives
qui m'y ſont adjugées. Je vous diſois que
le temps étoit cher , que l'ennemi ſe remuoit , que
de prompts préparatifs pouvoient ſeuls ſauver
l'Empire , & mettre nos frontières à couvert de
toute inſulte ; enfin , que nous ne pouvions efpérer
une paix ſolide & honorable , que par une
campagne pouſſée avec activité & vigueur. Ma
propoſition étoit courte ; mais , je le répèze , elle
étoit fondée ſur la conſtitution , fur men droit ,
ſur la nature des chofes , & plus encore fur le
temps qui preſſoit. En ſuivant les règles preſcrites
par les lois , il ne falloit que trois jours pour
terminer cette affaire , pour vous nommément ,
Meſſieurs de l'Ordre Equestre & de la Nch'eſſe ;
favoir , un jour pour nommer vos Electeurs , un
antre pour ouvrir les fcrutins & procéder au choix
g Y
( 154 )
du Comité , & enfin le troiſième pour dreſſer la
liſte desMembres choiſis ,&me la communiquer.
Vous avez rempli ces conditions, Meſſieurs des
Ordres du Clergé , de la Bourgeoisie & des Payfans;
vous avez fatisfait complètement à la loi
avec unanimité , avec ordre , avec promptitude ,
mais fur-tout avec cet amour pour la Patrie &
pour moi , avec ce zèle pour avancer legrand ouvragedu
ſalut de l'Empire , qui animent généralement
ceuxdont vous êtes les Repréſentans. "
«Vous , au contraire , Meſſieurs de l'Ordre
Equestre & de la Nobleſſe , au lieu de fervir
d'exemple à vos Co-Etats , ou du moins au lieu
de ſuivre le leur, vous avez confumé le temps
envaines & inutiles délibérations ſur des points
qui n'étoient pas de votre reffort , & qui d'ailleurs
font déja fixés,par la Conftitution , dont la
diſcuſſion enfin n'étoit propre qu'à exciter des
troubles , qu'à perdre un temps précieux , qu'à
vous diſtrairedes objets eſſentiels , qu'à favorifer
les intérêts de l'ennemi ; mais ce qui eſt pis encore,
lorſque , pour prévenir de ſemblables délais
, j'ai rappelé à votre ſouvenir les principes
établisdans la forme de Gouvernement, lorſque
j'ai ordonné au Maréchal de la Dière de vous
faire les mêmes repréſentations ,&, felon les devoirs
de fa charge, de ne point permettre aucune
délibération qui fût contraire à la Conſtitution ,
vous avez,fans égard pour cet homme vénérable ,
ſans reſpect pour mes ordres , ſans conſidération
pourcequi eſt enjoint au dix-huitième paragraphe
de l'ordonnance de la Chambre de Nobleſſe ,vous
avez mépriſé ſes repréſentations; vous avez pouffé
le ſcandal'e juſqu'à outrager , ſur le ſiége même , &
dans l'exercicedes fonctions de ſa charge , celui qui
étoit au milieu de vous comme mon Plénipoterntiaire,
celui que j'avois chargé expreſſement de
( 155 )
t
maintenir l'ordre dans vosaflemblées , &, ſuivant
ce qui eſt preſcrit dans l'ordonnance citée : De
régler le temps & l'heure des discours & des délibéra
tions ; de modérer les débats & la chaleur des paroles
; de fixer à chacun l'espace de temps pendant
lequel il lui est permis de parler , &de reprendre ceux
qui s'emportent au-delà des bornes (ce font les propres
expreſſins du grand Gustave Adolphe ) ; enfin
, une partie d'entre vous s'eſt oubliée envers un
homme de 70 ans , un homme reſpectable à tous
égards par fa probité, ſa bienfaiſance& une vertu
ina'térable , un homme qui , fans aucun motifde
lucre particulier (car la fortune lui a donné aſſez
pour le mettre à l'abri du beſoin ,& ſa vie pleine
de gloire lui a mérité tous les honneurs & tous
les avantages auxquels on peut aſpirer dans ce
royaume ) , mais qui , uniquement par zèle pour
fon Ordre, pour fon Roi , pour ſa Patrie , s'eſt
chargé de ce pénible emploi ; vous vous êtes ,
dis-je , oublié à ſon égard juſqu'au point de contraindre
ce digne homme de s'adreſſer à moi , pour
ſe diſculper di accufations qui pouvoient flétrir ſon
nom auprès de la poſtérité ; & moi - même je
ferois en droit de me plaindre de lui , s'il eû
fouffert pariemment & en filence qu'on portat
quelque atreinte à fon caractère. Je fais bien qu'il
s'en trouve parmi vous qui n'ont pris aucune part
à ces défordres ; mais je fais auſſi qu'on ne leur
ajama's permis de ſe faire entendre , tant vos délibérations
font devenues tumultueuſes. Au reſte ,
Meffieurs lesNobles ,je vous prie de ne pas croire
que je veuille comprendre tout votre Ordre , tous
ſes Membres , ſans diftinction , dans les juſtes
plaintes que je fais ici ; mais puiſqueje fuis forcé
de parler franchement , c'eſt à ceux qui ſe ſentent
coupables des'appliquer mes paroles ;la confcience
des autres les met fuffisamment à l'abri de tour
gvj
( 156 )
reproche. Je ſuis d'autant plus autoriſé à parler
de la forte , que les noms des Nobles qui ont
foufcrit le mémoire contre le Maréchal de la Diète ,
font un témoignage aſſez éclatant de leurs ſentimans&
de ceux d'ungrand nombre de leurs confrères.
"
«Tout ce qu'a fait la Chambre des Nobles
eft illégal dans ſon principe , irrégulier dans ſa
forme, inconſiſtant& impoffible dans la pratique ;
&cette conduite a eu lieu dans des conjonctures
qui exigeoient abſolument d'autres ſentimens ,
d'autres réſolutions , dans un temps où toutes
les provinces , où les autres Ordres montroient à
l'evi leur zèle pour venir au fecours de l'Etat ,
pour m'aider à le défendre & à repouſſer l'enremi
. Mais qui ne reconnoît ici cet ancien eſprit
d'inſubordination qui s'eſt long-temps entretenu
dans les ténèbres , qui s'eſt étudié avec tant de
foins à m'aliéner le coeur de mon Peuple , qui
repréſentoit comme dangereuſes toutes mes actions
, même les plus innocentes , qui , au nom de
la liberté ( de cette liberté que j'ai moi-même
aſſurée ) , qui , dis-je , au nom de la liberté ne
cherchoit qu'à fatisfaire ſa propre ambition , &
rétablir le pouvoir aristocratique que j'ai cru devoir
anéantir au commencement de mon règne ,
&, ſous l'apparence d'affermir la Conſtitution, de
la ruiner réellement par de fauſſes interprétations ,
&enfin , d'altérer tellement la forme de gouvernement
de 1772 , qu'on la ramèneroit bientôt à
celle de 1720 , dont cependant un ſeul article à
peine avoit été confervé lorſqu'on changea cette
forme en 1772 ? Qui ne reconnoît encore à
ces traits les mêmes perſonnes qui gouvernoient
l'Etat avec un fceptre de fer, lorſqu'ils avoient la
puiſſance en main , & qui ne voient aujourd'hui
qu'avec peine que j'ale régné pendant 16 ans avec
( 157)
douceur & modération ; qui me forcent à
pre dre enfin un langage ſi éloigné de mon caractère
; qui , après avoir ameuté les eſprits , voudroient
rejeter ſur moi la cau'e d'un mécontentement
qu'ils ont cherché à nourrir & à fomemer
pendant fi long-temps & avec une ardeur fi infatigable;
qui maintenant enfin , lorſqu'ils n'ont
plus aucune eſpérance d'affoib ir votre attachement
envers moi , dignes & fidèles Citoyens des
trois autres Ordies , artachement qui fait votre
force& la mienne , tâchent de vous épouvanter
par la crainte du deſpotiſme , ce mot odieux que
j'abjure ſi volontiers ? Et l'on fait ces reproches à
un Roi qui , ayant été pendant trois jours ( le
19 , le zo & le 21 août 1772 ) le Roi le plus
abſolu de l'Europe, a renoncé volontairement à
cette prérogative , & a préféré établir une vraie
& folide liberté , que d'affermir encore le règne
du deſpotiſme&de l'anarchie ! »
८ Je déclare donc encore une fois , de mon
trône , que je ne veux jamais acquérir la Souveraineté
, & que ſi , par fuite des déſordres qui
règnent ,j'étois forcé de la prendre , je ne la garderai
jamais. C'eſt un honneur pour moi d'être le
défenſeur de la vraie liberté; mais , comme Chef
du royaume , un de mes premiers devoirs eſt d'arrêter
la licence & de la punir. Je ne ſouffrirai
jamais que ceux qui ont porté des mains criminelles
à la Couronne de mon Père , arrachent des
miennes le Sceptre que je tiens ;&fur-tout je ne
peux ni ne dois ſouffsir que pluſieurs d'entre
vous travaillent , par des délais , à favorifer les
deſſeins de l'ennemi ; car ſi l'on ne ſe hâte de
m'appuyer pour que l'efcadre puiſſe mettre en
mer , &que l'armée de terre ſoit habillée , armée
&payée , je vous préviens folemae'lement que fi
nos côtes font ravagées, la Finlande miſe à feu
( 158 )
&à fang,& cette capitale menacée d'être ſurpriſe
, riende tout cela ne pourra m'être imputé;
ce ſera la faute de ceux qui aimeroient mieux voir
ici des Ruſſes & un Ambaſſadeur de cette Nation
qui me dicteroit des lois , que de renoncer
à leur foif de dominer , à leur vengeance & à
leurs vues d'intérêt privé ; qui croyent pouvoir
me forcer , par les délais qu'ils apportert aux affaires
les plus preſſées , à faire une paix déshonorante
, une pa'x que vous , bons Citoyens , &
votre poſtérité m'imputeriez , que vous regarde
tiezcommeunattentat contre le royaume , comme
indignedu nom que de grands Rois ont porté , &
quej'ai l'honneur de porter auffi. Mais non , avant
de ſigner la honte, de l'Etat , que plutô: cette
main ſe paralyſe , & que la Couronne me foit
arrachée cette Couronne de Gustave Adolphe que
j'ai priſe , finon auſſi radieuf: qu'il l'a quittée, du
moins fans aucune tache.n
« Je vous le répète , Amés & Féaux de l'O dre
Equeſtre & de la Nobleſſe , vous en ferez refponſables
envers moi & envers vos Co-Etats , fi par
votre diſcorde , par vos attentas, vous prodiguez
inutilement untemps auſſi précieux ,& fi en ré
pandant des fantômes vus tâchez de féduire
vos Co-Sujets. En effet, l'on recherche avec fin
tout ce qui peut m'être contraire ; on donne à
tout l'interprétation la plus maligne ; l'on dit que
le royaume eſt accablé de dettes quej'ai contractées
à ſa charge , tandis que , néanmoins , tous
ceux qui, depuis 18 ans, ontaſſiſté aux Diètes,ſavent
&reconnoiffent que j'ai pris les rênes du Gou,
vernement dans un temps où exiſtoient déja les
dettes du Roi Charles XII , & celles bien plus
conſidérables encore ,dont nous avoient accablé
les guerres de 1741 & de 1757 ; quela Marine
étoit ſans vaiſſeaux en état de tenir la mer ; que
( 159 )
les fortereſſes étoient ſansdétenſe; que j'ai fait renaître
lagrande flotte de ſes débris ; que j'ai conftruit
à neuf la flotte de Finlande , & que néanmoins
je n'ai ni demandé , ni reçu de vous le confentement
à de plus grands ſubſides que d'ordinaire
; enfin , que j'ai acquitté à la Banque ceque lui
devoit laCouronne. Quand même d'auſſi grandes
dépenſes euſſent exigé des reſſources proportionnées
,je ſuis en étatde démontrer qu'elles n'ont pas
furpaflé lecours naturel des choſes. "
« En vérité , Metſieurs , je n'ai pas mérité un
pareil traitement de votre part ; je ne l'ai pas pu
attendre de vous, que j'ai diftingués en tant de
façons de vcs Co-Etats , qui , dans un temps de
détreſſe , ne m'ont point abandonné , mais ont
prislesarmes&quitté leurs demeures , pour voler
à ma défenſe & à celle du royaume. Vous , au
contraire , dans ce même temps , vous blamiez leur
zèle , ou vous en faifiez un ſujet de moquerie; car
je fais que vous vous êtes récriés contre la venue
desDalécarliens , comme hautement dangereuſe ,
hautement criminelle ; & , après avoir cherché à
couvrir de mépris le zèle de la Bourgeoiſie de
Stockholm pour ma perſonre &pourleroyaume ,
il vous plaît aujourd'hui de faire conſidérer les
Dalécarbens comme les ennem's les plus dangereux.
Mais , que pouvez-vous me reprocher avec
raiſon , ſi je leur ordonne de ſe rendre ici ? Ne
font-ce pas des Citoyens Suédois qui ont pris lesa
armes , non par amour du lucre , mais volontai
rement pour mon ſervice& celui du royaume ?
Ne font-ils pas commandés par des Citoyens nes
Suédois , tant nobles que roturiers ? Que peuton
leur réprocher avec juftice ? Eſt-on donc en
droit de les regarder comme des troupes étrangères,
commedes mercénaires , qu'à l'époque de
Union les Rois ont promis de ne pas introduire
( 160 )
dans le royaume ? Suffit-il ſeulement qu'i's paroif-
"ſent m'être dévoués ſans réſerve , pour les confidérer
comme dangereux ? En effet , déja , lors de
mon premier voyage en Da'écarlie , leur venue
ici fut anroncée & dépeinte comme l'époque de
ladeſtructionde la capitale, du pillage de la Banque ,
*de l'anéantiſſement du repos pub ic. - Maistout
doit s'interpréter en mal , afin que toute la haine
frappe ma tête , & que finalement , fuccombant
fous ce poids , je fois obligé de laſſer un libre
cours à l'efprit de licence , pour annihiler l'indépendance
du royaume. Il est vrai que , ſur l'offie
de l'Ordre des Payfans , une partie du Corps- franc
de Dalécarlie a reçu ordre de ſe rend e ici , non
pas afin de prendre fur lui la Garde, dans la ville
ou au château , cette Garde eſt confiée entre les
mains de la Bourgeoifie , & je ne connois pas de
mains àqui je puiſſe remettre , avec plus de fûreté ,
ma vie , la vie de mon Epouſe , de mon Fils , de
mes Frères , qu'à la protection de la Bourgeoifie
de Stockholm ; mais ces troupes ſeront deſtinées à
affurer le repos dans la ville, dans le cas que des
incendies exigeaſſent le ſecours de la Bourgeoiſie ,
à une époque où les eſprits , mis de tous côtés en
fermentation, pourroient réellement mettre la tranquillité
générale en danger. Cependant elles n'entreront
dans la capitale que lorſque la néceſſiré
l'exigera. Je leur donne le logement à mes propres
châteaux de p'aiſance , afin d'épargner à la ville
lanéceffité de leur fournir des quartiers .- Voilà
le but de l'approche de ces troupes , pour lefquelles
on a tâché d'exciter de ſi grandes frayeurs ,
en échauffant de tous cô és les eſprits contre ma
perſonne. En effet , il a été prononcé , dans l'afſemblée
de l'Ordre Equestre, des diſcours qui font
léfifs & attentatoires à ma Majeſté : l'on a fait imprimer
, & l'on a répandu des extraits des regiſtres
161 )
contenant des pièces relles , que la loi devroit les
punir : tout cela , je l'ai ſouffert avec patience , auſſi
long-temps q le déſordre ne s'eſt pas porté trop
loin; mais préſentement je me vois forcé à parler
& à vous déclarer ma volonté : « Que vous ayez
« à donner fatisfaction à vorre Maréchal , & à
« lui faire les excuſes convenables auxquelles vous
« êtes obligés ; que vous ayez à rayer & à biffer
« de vos regiſtres toutes les délibé ations con-
«traires au réglement pour l'Ordre Equestre &
" au reſpect qui m'eſt dû , particulièrement celles
« de famedi & de lundi 7 & 9 février , lorſque
« vous avez contraint le Marechal à faire une
<propoſition contraire à la loi& à fon ferment.
« Vous n'avez donc qu'à vous rendre fur-le-champ
<<dans votre Salle ,&à y former uneDeputation,
*« avec laquelle , ayant à la tête , vous premier
« Comte de Brahé, vous Comte de Ferfen,&vous
Charles de Geer, & vous tous les autres qui êtes
« nommés dans le mém vire du Maréchal , vous
« vous rendrez près de lui , vous lui demanderez
aconvenablement excuſe ſur ce qui s'eſt paílé , &
vous l'accompagnerez juſqu'à ſon fiége deMaa
récha!, cù il fera rayer & biffer du protocole
« tout ce qui y a étéinfé de contraire à la 1 i . »
Après avoir parlé , il congédia l'Ordre
de la Noblesse , en lui intimant de donner
satisfaction au Maréchal de la Diète.
Pour éviter les répétitions , nous allons
communiquer au Public une lettre authentique
de Stockholm , où l'on trouvera
un récit des évènemens suivans ,
plus détaillé que celui qui a paru dans
quelques Feuilles publiques .
Stockholm , 27 février 1789.
<< Une démarche décisive vient d'a(
162)
néantir le Parti de l'Opposition , et de
dissiper ces débats scandaleux qui agitoient
la Chambre de la Noblesse , par
lobstination de quelques Membres à se
refuser aux désirs du Roi et aux voeux
unanimes des trois autres Ordres de
l'Etat.>>
<<Dans la chaleur des disputes élevées
sur différentes Motions , faites par les
plus ardens antagonistes dela Cour , mais
notamment sur la prétendue nécessité
de donner des instructions aux Membres
du Comité secret , plusieurs s'oublièrent
envers le Maréchal de la Diète , Comte
de Levenhaupt , et furent jusqu'à l'accabler
d'invectives .>>>>
<< Sur les plaintes amères de ce Maréchal
, qui ne jugea plus à propos de
présider l'assemblée des Nobles , le Roi ,
dans un plenum plenorum, tenu , le 17,
dans la salle des Etats , prononça un
discours plein de force , où , après avoir
exposé la position dangereuse du royaume
et la nécessité de procéder , sans
perte de temps et d'un commun accord ,
à tous les objets soumis à la délibération
de la Diète, il donna d'un côté mille
éloges au Clergé , à la Bourgeoisie et
aux Paysans ,et témoigna de l'autre , son
extrême mécontentement de quelquesuns
des Membres de la Noblesse . 11
parla avec son éloquence ordinaire , et
avec une vivacité peu commune , de leur
conduite scandaleuse , de leur ambition
(163 )
démesurée, de leur haine contre sa per
sonne , de leurs menées contre les intérêts
réels de l'Etat , et de leurs Motions
contraires aux principes constitutifs du
royaume. Il releva ensuite tous les emportemens
auxquels ils se livroient dans
leurs assemblées , les outrages faits au
Maréchal de la Diète , le manque de
respect dont ils s'étoient par là rendus
coupables envers le trône , et finit par
les congédier , en leur ordonnant d'envoyer
le Sénateur Comte de Fersen et
leBaron Charles de Geer, à la tête d'une
députation , pour faire des excuses au
Maréchal Comte de Levenhaupt. La
Séance se continua avec les trois autres
Ordres , auxquels le Roi donna de nouveaux
témoignages de sa satisfaction , en
applaudissant à leur zèle, et en les exhortant
à redoubler encore d'application
etd'activité , pour concourir à la défense
et au salut de l'Etat dans une conjoncture
aussi périlleuse . »
<<La Nobiesse, loin d'obéir aux ordres
du Roi , et de se prêter aux démarches
que l'honneur et la décence lui prescrivoient
, d'ailleurs , envers le Maréchal
de la Diète , se permit au contraire
de nouveaux excès , en n'écoutant que
son animosité et les mouvemens de ses
vues particulières . >>>
<<<Dans cet état violent de choses ,
les trois Ordres du Clergé , des Bourgeois
et des Paysans , envoyèrent , dans la mati
( 164)
née du 20 , une Députation solemnelle
au Roi, pour le prier de faire cesser le
trouble et l'inaction de la Diète. S. M. ,
forcée par les circonstances, par le voeu
des trois Ordres et par le péril commun ,
s'est vue obligée d'en venir à un coup
d'autorité. A l'instant où l'on relevoit
la Garde du château , il fit arrêter , le
20 , les Membres de la Noblesse les
plus obstinés à contrarier et ses volontés
et les voeux des Etats , au nombre
d'environ 30 personnes. Les plus distingués
de ces prisonniers sont , les deux
Sér teurs Comte de Fersen et le Comte
deBrahé,le Comte de Horn, le Baron
Charles de Geer, le Baron de Gerten,
le Lieutenant d'Almfeld, le Directeur
Fritsky, l'acien Chancelier de Jus
tice Liliestræle, le Colonel Maklean ,
etc. etc.>>
« C'est le Baron de Munck , remplissant
les fonctions de grand Statthalter
de Stockholm , à cause de l'indisposition
du SénateurBaron Charles Sparre,
qui exécuta les ordres du Roi , au milieu
du calme le plus profond , et aux
yeux de tout le Peuple rassemblé dans
les rues et dans les places principales
de la ville. Les Officiers de la Bourgeoisie
armée et des Gardes , avoient été
chargés d'arrêter les prisonniers , et l'ont
fait paisiblement , sans que l'on ait
entendu, parmi la ville entière spectatrice,
un seul murmure. >>>
( 165 )
«Le lendemain 21 , le Roi convoqua
les quatre Ordres ; et dans ce
nouveau plenum plenorum , on arrê
ta une espèce de pacte , sous le nom
d'acte d'union et de sûreté, par lequel
il fut convenu , 1 °. que le Roi auroit la
liberté de faire la paix ou la guerre
absolument à son gré ; 2°. que les subsides
resteroient soumis à la volonté des
Etats ; 3º, qu'il seroit désormais permis
à tous les Citoyens , indistinctement
d'acquérir des terres nobles ; 4°. qu'ils
seroient tous reconnus capables d'occuper
les charges , même les plus importantes
du royaume . »
,
<<Cette assemblée générale fut suivie
d'assemblées particulières , où chacun des
quatre Ordres nomma les Députés qui
devoient former le Comité secret , tous
munis des pouvoirs les plus amples
de concerter avec le Roi , les mesures
les plus propres et les plus actives pour
mettre le royaume dans le meilleur
état de défense possible.»
Les quatre nouveaux Députés nommés
par la Noblesse au Comité secret ,
sont , le Comte Hamilton , le Colos
nel Baron de Lantinghausen , le Baron
de Mannerheim et le Major de
Didron .
Celui de tous les prisonniers dont
la conduite et la détention ont le plus
étonné le Public, estleComte de Fersen,
(166 )
LesComtes de Horn et deBrahé sont de
lamême famille que les deux martyrs du
même nom , Chefs autrefois de la faction
des Bonnets, qui , ayant vu leur administration
et leur systême renversés par les
Chapeaux, travaillèrent , en 1756, à se
venger de leurs Adversaires en rétablissant
l'autorité royale. On sait que ce
projet leur coûta la tête. Ils furent arrêtés
par ordre du Comité secret de la
Diète , composé des plus ardens antagonistes
de la Couronne. L'exact et judicicuxhistorien
M. Sheridan, dit , en parlant
de cet acte de tyrannie exercé par
une faction prétendue Républicaine :
<< Le despotisme Asiatique n'eût pas, en
<< pareille occasion , négligé plus com-
<<plètement les formes de la Justice.
<<L'affaire des Accusés fut portée à un
<<de ces Tribunaux monstrueux , dont
<< les Membres étoient choisis par les
<< Etats , dans leur propreCorps. Ils ne
<<connoissoient ni loi, ni forme , ni
<<<exemples : leur volonté arbitraire et
<<<leur bon plaisir étoient la seule règle
<<de leurs décisions. » C'est en ces termes
que l'Historien Anglois caractérise
cette effroyable tyrannie des factions ,
la pire de toutes, et la plus impudente,
sous laquelle la Suède gémit trente
années.
Le 19, il arriva d'Helsingbourg a
Stockholm, sous bonne escorte, 12 char →
( 167 )
riots chargés d'argent , qui tout de suite.
furent envoyés à la monnoie.
Le Maréchal Prince Potemkin est
arrivé , le 15 février , à Pétersbourg ,
ainsi que le Général Soltikof.
Voici l'etat des vaiſieaux Danois dont l'armement
a été ordonné ; ſavoir , les vaiſſeaux de
ligne la Fionie , la Séclande , l'Etoile du Nord ,
le Prince Frédéric , l'Eléphant , la Justice , l'Indigenat
, le Mars , la Princeſſe Louise- Auguste , le
Dithmars &l'Oldenbourg , &les frégates la Moen ,
le Fredericfwarn & la Cronbourg. On croit que le
Vice-Amiral de Fontenay commandera cette eſcadre',
auxiliaire de celle des Ruſſes.
De Vienne , le 7 mars .
Les remplacemens de Généraux , la
distribution des Corps d'armée , des listes
apocryphes de leur composition , et
l'histoire des préliminaires de la campagne
, forment toujours le cercle des
nouvelles et des conversations. Suivant
ces rapports vagues du public , l'armée
de la Croatie sera augmentée de 12,000
hommes , et désignée à l'avenir sous le
nom de l'armée en deçà du Danube ;
les Corps de Vukassowick, de Gazinelli
et de Mitrowski lui seront subor
donnés . L'armée du Maréchal de Haddick
portera le nom de l'armée au-delà
du Danube; les Corps dans le Bannat ,
la Transylvanie et la Moldavie en dés
pendront. On doute que M. de
Haddick puisse se rendre à Semlin
(168 )
-
avant le commencement d'avril ; les
cheminssont abymés , et il seroit presque
impossible d'ouvrir plus tôt lacampagne
de ce côté là. La dernière division
des équipages de l'Empereur est partie
pour Bude, le 2de ce mois. A la fin de
la semaine , le Général de Vins , assez
bien rétabli , doit aller rejoindre l'armée
deCroatie.
Le Comte Michel de Wallis, Commandant
général des troupes en Bohême ,
est arrivé en cette capitale , où l'Empereur
l'avoit appelé , pour le mettre à
la tête du Conseil aulique de guerre.
Le Général Comte de Wurmser lui
succédera à Prague .
Tous les avis de la Valachie confirmentque
plusieurs Corps d'Ottomans
s'y rassemblent pour s'opposer aux en
treprises de leurs ennemis , et l'on sait
que le Grand-Visir a détaché un Corps
de 10,000 hommes qui se rend du côté
de Bender. On craint une nouvelle invasion
dans le Bannat ; 12,000 Arnautes
sont venus joindre à Semendria les
Turcs qui sont dans le voisinage. Un
Corps considérable d'Albanois est aussi
arrivé en Bosnie.
Le rombre des bâtimens qui , pendant l'année
dernière , font partis de Trieſte , monte à 4,288.
L'activité eſt toujours très-grande dans ce port ;
depuis le 5 juſqu'aux février il eſt forti 117
navires.
De
(169)
De Francfort sur leMein , le 17 Mars.
Nous apprenons de Berlin, qu'on a envoyé
des ordres dans la Prusse orientale ,
pour qu'on y préparât tout ce qui est
nécessaire à la revué des troupes , que
de Roi se propose de faire près d'Heiligenbeil
, les 7 , 8 et9 du mois de juin .
-Un courrier extraordinaire étoit arrivé
, le 6, de Varsovie , avec des dépêches
très-importantes.
La Société maritime , disent les mêmes
lettres a obtenu du Roi le privilége
exclusif d'acheter le tabac en feuilles
de Virginie , et de le revendre ensuite
aux Fabricans. Une compagnie de
Négocians de Berlin a été chargée en
même-temps de l'achat exclusif du tabac
en feuilles du crù des provinces qui
composent les Etats Prussiens. On assure
que cette opération procurera au
Roi un accroissement de revenus de
150,000 rixdalers .
Ledébordement du Neoker a occaſionné , depuis
Eflingen juſqu'à Canſtatt , des dégâts trèsconſidérables.
Dans beaucoup d'endroits , le torrent
a emporté des terrains entiers ; dans d'autres ,
il a déposé du limon & du gravier à la hauteur de
deux pieds . On évalue à plus de 100,000 florins
les dommages caufés aux digues& chauffées.
Nº. 13. 28 Mars 1789,
i
h
(170 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 17 mars.
Nous donnâmes, lasemaine dernière,
l'exacte substance du Discours d'ouverture
, prononcé au Parlement par le
Chancelier , au nom du Roi, ce qui nous
dispense de rapporter aujourd'hui la littéralité
de cette harangue officielle. Le
traité avec la Prusse et les troubles de
la Baltique n'y ont pas été omis. A l'unanimité
et sans discussion , l'Adresse de
remerciement a passé dans les deux
Chambres. On y a joint un compliment
du même genre à la Reine , en la féli
citant du rétablissement de Sa Majesté.
Dans les Communes , M. For demanda
pourquoi on n'en usoit pas de même à
l'égard du Prince de Galles : M. Pitt
objecta les exemples précédens , et la
chose n'alla pas plus loin. Lorsque ces
deux Adresses ont été remises , LL.MM.
ont réitéré aux Députés l'expression de
la profonde sensibilité , et de la reconnoissancedont
Elles étoient pénétrées , à
la vue de l'attachement loyal et universel
dont le Roi a été l'objet pendant sa maladie
. Ces Adresses Parlementaires ont
été immédiatement suivies de celle du
Corps de la Cité , et d'une infinité de
Comtés , Villes , Bourgs , Corporations .
( 174 )
Dans aucune occasion on n'a vu un empressement
plus sincère , plus prompt
et plus général.
Mardi 10 , jour de l'ouverture régulière
du Parlement , les canons de la tour
et du parc annoncèrent au Peuple que
leRoi étoit rendu aux fonctions du Gouvernement
. Une ålégresse enthousiaste
passa dans tous les coeurs. A lanuit , là
ville entière , ses faubourgs , ses environs ,
tous les bourgs et villages à six milles à
la ronde , furent superbement illuminés .
A aucune époque , ce spectacle ne fut en
cette capitale aussi brillant , aussi animé
, aussi magique. Les flambeaux et
les lampions s'allumèrent au bruit de
l'artillerie. Depuis les hôtels les plus apparens
, jusqu'aux échopes des plus misérables
ouvriers, tout étoit éclairé , sans
mesquinerie , sur une étendue de trois à
quatre lieues carrées. Chaque place publique,
chaque rue, chaque ruelle, chaque
allée de cette immense métropole , concouroit
à y répandre une lumière éclatante
quiduroit encore le lendemainma
tin. Un très -grand nombre de Seigneurs ,
de Particuliers , de Négocians , de Fabricans
, de Clubs , s'étoient distingués par
la magnificence des décorations . Des
transparens , qui portoient tous le fameux
God save the King , et plusieurs ,
des satires mordantes contre quelques
chefs de l'Opposition , ornoient les édifices.
A pied , en voiture , une innom
S
hij
(172 )
brable multitude occupa les rues toute
la nuit ; et quoique plusieurs milliers de
carrosses bordassent les carrefours , les
places et les rues , sans un seul Garde ,
ni Préposé de Police , le respect pour le
Peuple , le sang-froid et le bon sens qui
Je distinguent , prévinrent tout tumulte,
tout accident . La Reine , accompagnée
des Princesses ses Filles , vint prendre
le thé , vers les neuf heures , chez Lord
Bathurst, dont la maison est près d'Hydepark
, et jouir des transports de joie
dela ville entière. Nombre de personnes
ont signalé ce jour par des fêtes solemnelles
; on a distingué , entre autres , celle
qu'a donnée la Baronne de Nolcken ,
Ambassadrice de Suède.
Cejour même , le Roi , avecsa Famille,
étoit allé dîner à Windsor , où toutes
les cloches furent en branle à son
arrivée Le Corps Municipal en robes
de cérémonie , le 23º. régiment et la
pluralitédesHabitans recurent LL.MM.
sur la terrasse du château . Elles revinrent
à Kew après le dîner ; mais Elles
sont retournées avantshier à Windsor ,
et y séjourneront jusqu'à samedi prochain.
Le 11 , S. M. donna audience , à Kew,
au Chevalier del Campo , Ambassadeur
d'Espagne , au Comte d'Alvensleben ,
Envoyé extraordinaire du Roi de Prusse,
qui remit ses lettres de créance , et au
prédécesseur de ce Ministre , le Comte
( 173 )
de Lusi, qui prit congé. Il y a eu plu
sieurs conseils àKew, depuis huit jours:
le Roi , d'ailleurs , a repris toutes les
fonctions ordinaires d'Administration ;
ainsi nous avions eu raison de traiter
de fable le bruit qu'on accréditoit de
la nomination immédiate d'un Conseil
de Régence.
Dans une de ses promenades à cheval ,
leRoi est venu jusqu'aux portes de Londres
, et est descendu même au palais de
Ja Reine. Ce Prince , dont on connoît
les principes religieux , et le respect pour
les bienséances , n'a pas voulu paroître
en public , avant d'avoir été solemnellement
remercier la Divinité dans la cathédrale
de St. Paul.. Cette cérémonie ,
dont le temps est fixé aux environs de
Pâques , sera célébrée dans le plus auguste
appareil.
Les opérations du Parlement , depuis
le 10, se sont réduites à recevoir et à
préparer des Bills privés , et à proposer
les résolutions relatives aux Subsides de
l'armée et de la Marine. Lord Newhaven
a annoncé pour aujourd'hui une Motion
sur l'état des Finances .
Le Marquis de Lothian , Colonel du
premier régiment des Gardes - du- corps ,
dont la défection a fait tant de bruit ,
vient de recevoir son congé , et il est
remplacé par Lord Dover. Le Duc de
Queensbury est également renvoyé ; et
il passe pour certain que Lord Malmeshiij
( 174 )
1
bury, qu'on a vu aussi se ranger contre
les Ministres , six mois après avoir reçu
la Pairie , a résigné sa place d'Ambassadeur
à laHaye.
Les Députés d'Irlande ont eu , le 12 ,
leur audience de congé du Prince de
Galles, qui leur a appris , ce dont ils se
doutoient sans doute , que le Roi étant
guéri , c'étoit à lui à gouverner l'Irlande.
Ces infortunés Ambassadeurs sont repartis
, le 13 , pour Dublin .
Marie Brown est morte , ces jours
derniers , à l'âge de 104 ans . Elle a conservé
toutes ses facultés jusqu'au dernier
moment , et elle lisoit les Gazettes sans
lunettes.
,
Le fameux cheval de course nommé
Eclipse , a péri ces jours derniers . Le
feu Colonel O'kelly , auquel il avoit appartenu
, assuroit avoir gagné 25,000 liv .
st. avec ce rare animal. Parmi les autres -
chevaux , dont la vîtesse assure à leurs
propriétaires de gros bénéfices dans les
paris , on cite Match'em , qui a valu à
M. Fenwick 17000 1. st . , et Regulus,
10,000 à M. Martindale.
FRANCE.
De Versailles , le 18 Mars.
LeRoi , Monfieur , Monseigneur Comte d'Artois
, & Madame Elifabeth de France ont aſſiſté ,
( 175 )
le 13 , dans l'Egliſe paroiffiale de S. Louis de cette
ville , au ſervice anniverſaire , fondé pour le repos
de l'ame de feue Madame la Dauphine.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de S. Jacques de
Provins , Ordre de S. Auguſtin , diocèſe de Sens ,
l'Abbé de Biencourt , Vicaire - général du même
diocèſe; à celle de Bonlieu , Ordre de Citeaux ,
diocèſe de Limoges , l'Abbé de Richemond , Vicaire-
généraldePérigueux; à celle de Fontenay ,
même Ordre , diocèſe d'Autun , l'Abbé de la Trémoille
, Grand-Doyen de l'Egliſe de Strasbourg;
à celle de Baigne , Ordre de S. Benoît , diocèſe
de Saintes, l'Abbé de Luillier-Rouvenac , Vicairegénéral
de Cahors; à celle de Breuil-Benoît,
Ordre de Citeaux , diocèſe d'Evreux, l'Abbé de
Montmurat , Vicaire - général de la grande Aumônerie
de France ; & à l'Abbaye régulière de
Saint-Avit , Ordre de S. Benoît , diocèſe de Chartres
, la Dame de Saint- Gilles , Religieuſe profeſſe
de l'Orde de S. Auguftin , à Vire , diocèſe de
Bayeux.
De Paris , le 25 Mars .
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du
5 février 1789 , qui ordonne que les
Cotons filés , venant de l'Etranger ,
autres néanmoins que ceux provenant
du commerce du Levant , acquitteront,
à compter du 1er. de ce mois , un droit
uniforme de quarante-cing sous par
livre pesant , y compris les sous pour
livre , à toutes les entrées du royaume.
Réglement fait par le Roi , du ro
mars 1789 , pour la Convocation aux
hiv
( 176 )
Etats -Généraux dans sa province de
Bretagne.
Le Roi , par des inftructions à ſes Commiſs
faires , & par toutes les difpofitions que fa fageſſe
Jui a inſpirées , n'a rien régligé pour calmer l'agitation
qui s'eſt marufeftée dès l'ouverture des
Etats de Bretagne;; mais au moment où Sa Ma
jeflé eſpéroit que les conteftations furvenues entre
les Ordres prendroient tine marche régulière , des
événemens malheureux , & des actes répréhenfibles
que Sa Majefté voudroit pouvoir effacer de
ſa mémoire , font venus déranger fes vues & conwarier
ſon attente. Le Roi , au milieu des juſtes
alarmes que ces événemens ont fait naître , n'a pu
raſſembler les Etats le 3 février , ainſi qu'il ſe l'étoit
propofé , & tous les Ordres de la Province ont
paru rendrehommage à la prudence de cette me
fure. Les deux premiers Ordres , avant de fe retirer,
ont confenti aux contributions connues fous
lenomdedemandes du Roi , & le troiſièmea ſéparément
adhéré à cette dévibération , mais en renouvelant
inſtamment le voeu qu'il avoit formé pour
obtenir un changement dans la compoſition des
Etats de la Province , pour demander une répartition
plus égale des impôts , & pour être admis à
jouir, avec lereſte du Royaume , des ſages difpofuions
de Sa Majefté , relatives à la convocation
des Etats-généraux.
1
Cettedernière réclamation, dont la déciſion eſt
inſtante , a dû fixer l'attention du Roi d'une manière
plus particulière ; & Sa Majefté a penſé qu'Elle ne
pouvoitpriver ſes Sujets de Bretagne du juſte droit
qu'ils ont tous, enſemble on ſéparément , d'être
repréfentés à la prochaine Aſſemblée des Etats- 1
généraux. Ils font François ,& ſe ſont montré tels
avec honneur dans tous les dangers de l'Etat ; ils
participent à tousles intérêts de la Monarchie ; ils
( 177 )
font aſſociés à ſa prospérité , &jouiffent de tous l'es
avantages qui réſultent de ſa puiff nce : auſſi le
pas grand nombre des habitans de la Bretagne
regarderoient-ils comme un véritable malheur d'être
négligés,dans un moment où tous les Sujets du Roi
nomment les Députés qui viendront autour de Sa
Majesté travailler avec Elle au bonheur public , à
la gloire & à la profpérité de l'état Sa Majesté eſt
bien éloignée de vouloir rejeter un pareil ſentiment
; Ele défire de l'entrerenir ; Elle voudroit
Baccroître , afin de réunir de plus en plus à un
même intérêt tous leshabitans de fon Royaume,
fur-tout dans ure circonstance éclatante , où il
doit ſe former comme un nouveau noeud d'amour
&de confiance entre le Souverain& fes Peuples.
Sa Majesté a donc conſidéré attentivement ce
qu'Elle devoir & ce qu'Ele pouvoit faire dans
lacirconſtance extraordinaire & critique où ſe trouve
la Bretagne. Les diviſions , les reſſentimens qui
fubfiftent dans cette Province , les mêmes qui
ont obligé Sa Majeſté à ſéparer les Etats , ne
permettentpas de les raffembler ; & quand cette
réunion feroit pratiquab'e, une grande partie des
habitans de la Bretagne auroit à ſe plaindre , fi,
dans un moment où Sa Majesté appelle tous ſes
Sujets à concourir à l'élection des Députés aux
Etats-généraux , Elle reſſerroit en Fretagne.ce
droit , pour le Clergé , aux feuls Evêques , Abbés
commendataires&Dépurés de Chapitres qui compofent
, au nombre de trente , l'Ordre entier de
l'Eglife ; & pour le Tiers-Etat , aux Députés des
Municipalités de quarante- deux villes. Le Roi
cûtpu néanmoins, dans ſa ſageſſe & felon fon
premier deſſein , détourner fon attention de ces
inégalités , fi les trois Ordres des citoyens de
Bretagne y avoient donné leur confentement tacite
, en n'élevant aucune réclamation contre une
forme de repréſentation établie fur de pareilles
V
( 178 )
!
baſes; mais les habitans des villes, les Communes
de Bretagne en général , & le Clergé du ſecond
Ordre , invoquent en cette circonſtance les principes
d'équité manifeſtés dans le Réglement de
Sa Majefté du 24 janvier.
Le Roi , avant de donner aucune déciſion dans
une affaire grande & difficile , l'a examinée avec
toute l'attention qu'on peut attendre de ſa juſtice
&de ſa prudence. Sa Majefté a vu d'abord avec
peine , que dans la ſituation des choſes en Bretagne
, & au ſein de la malheureuſe divifion qui
y règne , il étoit impoſſible que Sa Majesté prît
un parti exempt d'inconvéniens , &qui pût s'accorder
avec les diverſes opinions. Sa Majesté efpère
que le temps & l'intervention des Etatsgénéraux
ramèneront le calme dans une Province
dont le bonheur & la profpérité l'intéreſſent fi
eſſentiellement ; & ne pouvant plus différer de
fixer la forme de convocation de ſes Sujets de
Bretagne aux Etats-généraux , le Roi s'eſt déterminé
, dans ſon Confeil , aux difpofitions qui
Jui ont paru ſe concilier davantage avec ſa juftice.
En conféquence Sa Majefté a cru devoir
convoquer d'abord par Paroiffes & par Sénéchauffées
, non-feulement les habitans des villes ,
mais encore ceux des campagnes , afin qu'ils
euſſent à procéder à l'élection des Députés du
Tiers Etat aux Etats-généraux , de la même manière
qu'on le pratique dans le reſte du Royaume.
Le Roi défirant de ſe rapprocher des uſages.
conftitutifs de la Bretagne dans tout ce qui ne
contrarie pas ſes principes d'équité générale , &
voulant encore en ſa grande bonté ménager au
haut Clergé de cette Province le moyen de
renoncer fans incertitude à l'adhéſion qu'il a
donnée à la déclaration de la Nobleſſe , du 8 janver,
Sa Majefté a cru devoir raſſembler ces
deux Ordres à la même époque & dans le même
( 179 )
lieu , afin que leur voeu , relativement à la députation
aux Etats-généraux , puiſſe être le réſultat
des mêmes motifs ; & cependant le Roi ne voulant
pas que ces diſpoſitions privent le ſecond
ordre du Clergé du droit de concourir aux élections
des Députés aux Etats-généraux , Sa Majefté le
fera participer aux nominations dans une proportion
convenable.
Enfin , Sa Majeſté s'eſt déterminée à convoquer&
à réunir dans ſon enſemble toute la Nob'eſſe
deBretagne, afin qu'éclairée par la réflexion ,
elle puiſſe renoncer, ſelon fon droit , à l'engagement
qu'elle s'eſt impoſée à elle-même relativement
auxEtats-généraux , engagement qu'elle
n'auroit jamais dû prendre , & qu'un ſentiment
d'honneur patriotique, le plus fort & le plus refpectable
de tous , la déterminera fans doute à
changer. Sa Majefté veut qu'enfuite l'Ordre de
la Nobleſſe fafle le choix de ſes Députés aux
Etats-généraux dans les formes dont elle a l'habitude.
P
Le Roi ayant éprouvé tant de fois le dévouement
, le zèle & la fidélité de ſa Nobleſſe de
Bretagne , attend d'elle , en cette occafion , une
juſte déférence aux difpofitions que le moment
préſent a rendues néceſſaires. Sa Majesté veut
bien inviter tous les Gentilshommes de Bretagne
à conſidérer qu'il eſt des circonstances où l'on
ne doit pas regretter de faire quelque facrifice
de ſes opinions,&même de ſes droits à l'amour
de la paix & au bien général de l'Etat : Sa
Majefté leur donne un grand exemple , en plaçant
Elle-même ſon premier intérêt dans le bonheur
public. Cependant le Roi réſerve aux Etats
& à tous les Ordres de la Bretagne , la faculté
de faire valoir aux Etats-généraux leurs titres
&leurs prétentions ;& Sa Majefté prévoit avec
une pure fatisfaction , que bientôt éclairée par
hvi
( 180)
1
les lumières de cette Aſſemblée , elle ne craindra
plus de ſe méprendre dans la recherche de la
justice, Il feroit naturel, il ſeroit digne des ſentimens
que Sa Majesté a droit d'attendre de tous
ſes Sujets , que les différens Ordres de l'Etat
concouruſſent à ſes intentions bienfaiſantes , &
que chacun apercevant la difficulté des circonftances
, on s'empreſsât d'applanir les voies qui
duivent conduire à une conciliation. Et comme
rien n'eſt plus favorable àces vues que les égards
&les méragemens de tous les Ordres de l'Etat
les uns envers les autres , comme il faut ſe préparer
ainfi à cette grande aſſemblée de famille
que le Roi va réunir autour de lui , Sa Majesté
exhorte particulièrement fes Sujets de Bretagne
à faire des efforts pour revenir à un pareil eſprit ;
mais Sa Majefté déclare en même temps qu'Elle
regardera comme ennemis de l'Etat & coupables
envers Elle& envers la Nation , tous ceux qui
ſe permettroient aucune démarche , aucun écrit ,
aucune confédération ſurtout , propre à renouveler
en Bretagne des troubles &des diffentions ;
& Sa Majesté enjoindra aux Commandans de
ſes troupes de ſe ſervir de l'autorité qu'Elle leur
a confiée pour ſeconder la ſurveillance des Magiftrats
,& pour réprimer toute déſobéiſſance à
fon exprès commandement. En conféquence , Sa
Majefté a ordonné ce qui fuit:
Le dispositif de ce Réglement est
composé de 25 articles , dont voici le
précis :
Des 25 Sénéchauffées qui compoſent la Bretagne
, 6 feulement députeront aux Etats-généraux
, favoir , Rennes , Hennebond , Brest , Lef
heven , Dinan & Ploærmel ; les 19 autres ſe
formeront en fept Affemblées d'arronditlement , &
elles ronymeront toutes, enſemble 44 Députés du
(181 )
Tiers-état aux Etats-généraux. Les Affemblées
pour nommer les Electeurs font fixées au premier
avril , & celles pour nommer les Députés aux
Etats-genéraux , au 7 du même mois.
La Nobleſſe convoquée conformément à la
déclaration de 1736 , ſe raſſemblera , le 16 , à
Saint-Brieux , pour rédiger ſon cahier , & pour
élire 22 Députés. Le même jour , les Membres
du Clergé , qui , par leurs bénéfices ou dignités ,
ſont ſuſceptibles d'être convoqués pour les affaires
du pays , ſe raſſembleront à Saint-Brieux , & Sa
Majesté leur fera connoître le nombre de Députés
qu'ils doivent envoyer aux Etats-généraux.
Quant aux autres Membres du Cle gé , ils feront
convoqués dans la ville Epifcopale de leur Diocèſe
reſpectif , le 2 avril , & là , ils préparerontles
doléances , avis & repréſentations qu'ils jugeront
convenables , enſuite ils ſe réduiront par
Election au nombre de Membres preſcrit pour
députer à l'Aſſemblée générale. Les Membres ainſi
élus ſe raſſembleront une ſeconde fois, le 20
avril , dans la ville Diocésaine , & Sa Majeſté
leur fera connoître le nombre de Députés de
leurOrdre , que chacune de ces Aſſemblées pourra
envoyer aux Etats-généraux. Il paroît , d'après ces
difpofitions , que laBretagne aura 22 députations ,
ou 88 Députés.
1, 1
On travaille sans relâche à Ver
sailles , à préparer l'hôtel des Menus
pour les Etats-Généraux. Il étoit question
d'abord de placer les trois Ordres
dans des endroits séparés ; mais suivant
de nouvelles dispositions , ils seront
réunis dans l'hôtel des Menus ; chaque
Ordre aura son entrée particulière , afin
de faciliier l'entrée et la sortie , et on a
( 182 )
ménagé les moyens de réunion dans l'in
térieur , en cas que les Ordres veuillent
délibérer ensemble , ou former des Bureaux
composés des Membres du Clergé,
de la Noblesse et du Tiers-Etat : tout
sera prêt long-temps avant l'époque du
27 avril , jour indiqué pour l'ouverture.
»
La rédaction des cahiers dans un
assez grand nombre de Bailliages , ainsi
que les difficultés élevées sur la réunion
, ou sur la séparation des Ordres
Jors des délibérations , ont occupé les
Assemblées.
<<<Château-Neufen Thimerais a composé
sa Députation aux Etats-Généraux,
pour le Clergé , de l'Abbé Tyssier, Chanoine
de Chartres; pour la Noblesse ,
du Vicomte de Castellanne ; pour le
Tiers-Etat , de MM. Perrier, Notaire à
Paris ,et Claye, Fermier , avec M. Canuel
, Avocat , Député subrogé en cas
d'empêchement de l'un des deux autres
Membres du Tiers-Etat. ».:
<<Clermont en Beauvoisis a nommé
l'Evêque de Beauvais pour le Clergé ,
le Dúc de Liancourt pour la Noblesse ,
et MM. d'Auchy , Laboureur et Aubergiste
à Saint-Just ,et
Fermier de l'Abbaye Sainte-Geneviève
au village de l'Eglantier , pour le Tiers-
Etat.>>>
A Beauvais , le Comte de Crillon a
été nommé Député pour la Noblesse; et
( 183 )
à Saint-Quentin , le Comte de Pardieu;
les autres Députés nous seront incessamment
connus . »
<<A Villers- Coterets , le Curé de Marolles
et Dom Lami, Prieur de St. Lazare
, subrogé , pour le Clergé; M. le Duc
d'Orléans pour la Noblesse , le Comte
deBarbançon suppléant le Prince. M.de
Limon et M. Dubeauchet , Négociant ,
pour le Tiers -Etat ; M. de Lepine, Cultivateur
, suppléant pour le Tiers. >>>
<<La Députation du Bailliage de Nemours
est composée , pour le Clergé ,
de l'Abbé Thibault, Curé de Soupes ;
pour la Noblesse , du Vicomte de
Noailles ,et pour le Tiers-Etat , de M.
Dupont, ci-devant Secrétaire de l'Assemblée
des Notables , et de M. Berthier,
Procureur. Ce Bailliage a rédigé
son cahier qui doit être connu incessamment.
Le Bailliage de Soissons , qui
doit avoir deux députations , a déja
élu les deux Députés de la Noblesse ,
l'un est le Comte d'Egmont , et l'autre
le Chevalier de la Noue. »
<<On écrit de Mantes sur Seine, que
le Tiers-Etat a demandé trois articles
principaux au Clergé et à la Noblesse ;
1º. une renonciation à tout privilége
d'impôt ; 2°. que les peines dues aux
crimes fussent égales entre les trois
Ordres ; 3º. que la nomination
emplois civils et militaires fût commune
aux trois Ordres. La Noblesse a réponaux
( 184 )
du qu'elle consentoit à la première demande
, parce qu'il étoit en son pouvoir
de céder ce qui lui appartenoit. Quant
aux deux autres , elle a déclaré, que
n'ayant pas le droit d'y statuer , c'étoit
à la législation à en ordonner. Le
Clergé a répondu aussi , à quelque différence
près , aux demandes du Tiers.>>>
« Le Parlement de Normandie
enregistré , le 10 de ce mois , les provisions
de l'office de Grand-Bailli de la
ville de Rouen, en faveur de M. le Duc
de Harcour. »
a
On mande de Besançon , que , le 10
dece mois, 140MembrbreessddeelaNoblesse
de Franche- Comté s'étant rassemblés ,
ils ont arrêté que , par respect pour les
ordres du Roi , ils se rendroient aux
Assemblées de Bailliages , que cependant
ils protestoient contre la forme adoptée
par le Conseil , comme contraire aux
droits des Etats de la province , rétablis
par la déclaration de novembre 1788. Le
Parlement , les Chambres assemblées , a
fait une arrêté conforme à celui de la
Noblesse ; et comme le Clergé n'a point
protesté , il paroît que les esprits se concilient,
et que les différens Ordres , éclairés
sur leurs vrais intérêts , concourront
à se réunir , et qu'ils remettront leurs
différends à la décision des Etats-généraux
, où ils députeront de la manière
prescrite par le résultat du Conseil.
Il y a eu, dans la ville et faubourgs de
:
( 185 )
Rouen , pendant l'année 1788, 3135naissances
, 711 mariages , 2668 morts .
Aucunes professions religieuses d'hommes
, 19 professions religieuses de femmes
.
Excédent des naissances , 367. ( Journal
de Normandie. )
:
Lettre au Rédacteur.
Maruejoles ,le 4 mars 178 .
C'eſt à tort , Monfieur , que vous avez infcré
dans votre Journal du 13 décembre dernier ,
No. 50 , que la famille de Retz de Malevielle eft
éteinte; elle ſubſiſte en ma perfonne , en celle de
mon ontle , fère d'Adam-Joseph Othon de Retz,
dont vous avez annoncé la mort , en celle demes
frères & de més enfans. Je vous prie de faire
inférer cette lettre , telle qu'elle eſt , dans votre
premier Journal , avec ma fignature.
Je ſuis très parfaitement ,
Monfieur ,
Votre très-humble& trèsobéiſſant
ferviteur ,
DE RETZ DE MALEVIELLE.
肇
(L'erreur dont on se plaint est celle
d'un Membre de la famille de Retz , qui
nous a fait passer la note contre laquelle
on réclame.)
Quoique l'Auteur de la lettre suivante
, adressée au Propriètaire de ce
Journal , se soit plaint de la justice que
nous avons rendue à un libelle infame ,
proscrit par la voix publique et par
le Parlement , et dont l'effet certain seroit
d'interdire aux Voyageurs François
( 186 )
tout accès auprès des étrangers hors du
royaume , s'il restoit sans réclamation
pour ainsi dire nationale , nous donnerons
cours au désaveu qu'on fait ici de
cet Ana scandaleux; désaveu , au reste ,
qu'on a déja publié circulairement dans
d'autres Feuilles publiques.
« J'apprends , Monfieur , que l'on m'impute un
ouvrage posthume ſur la Cour de Berlin , où l'on
dit que pluſieurs perſonnes font fort maltraitées ,
&que l'on m'accuſe d'avoir publié cet ouvrage.
Je ne puis le juger à Aix où il n'eſt point parvenu.
Je ne fuis pas mort, &n'ai nulle raiſon de
eeſſer de mettre mon nom aux écrits que je veux
publier. Mon profond défaveu du livre & de ſa
publication, eſt donc dans ſon titre. >>
«L'a-t-onbroché ſur quelques feuilles qui peuvent
venir de moi ? »
« Le crédit , une habile noirceur , la dextérité
de la perfidie ſe ſeroient- i's emparés d'une partie
des Lettres que j'ai pu & dû écrire aux Miniftres
du Roi , & auroit - on trouvé plaifant ou jugé
utiſe de les mutiler , de les falſifier , de les empoiſonner
, d'y faire de repréhenſibles additions ?
C'eſt ce que j'ignore , & ce que je fuis porté à
croire . puiſque tous mes amis ſont fâchés qu'on
m'attribue un Recueil de lettres , auxquelles je
n'ai peut-être nulle part. » .
Mais le bon ſens dit que je n'ai point d'intérêt
à multiplier, les, ennemis que m'a pu faire
mon auſtère franchiſe , ni à leur fournir des armes
, & que l'on ne pourroit imaginer que je
l'euffe fait , fur- toutdans les circonstances actuelles,
qu'en me ſuppoſant en démence. "
<<J'eſpère prouver que je ne ſuis ni fou ni méchant
, & je ferai enforte que le déſaveu formel
que je vous prie , Monfieur , de publier de tout
( 187 )
ouvrage qui pourroit porter à me croire l'un ou
l'autre , foit foutenu par ceux que j'ai ré llement
à mettre au jour , & par la conduite entière d'une
vie dont je ne fais plus aucun cas qu'autantque je
pourrai la conſacrer à l'utilité publique. »
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Comte DE MIRABEAU.
A Aix , le 11 février 1789.
PRIX propoſé dans la Séance publique tenue le
3 mars 1789, par la Société Royale de Médecine ,
fur le RACHITIS.
La Société Royale propose pour ſujet d'un Prix
de la valeur de 1600 livres , la queſtion ſuivante :
Déterminer, par des obſervations & des expériences ,
quelle est la nature du vice qui attaque & ramollit les
os dans le RACHITIS ou la Noueure , & rechercher ,
d'après cette connoiſſance acquiſe , ſfi le traitement de
cette maladie ne pourroitpas être perfectionné?
Quoique des Médecins très- célèbres aient publié
des Ouvrages eſtimés ſur la maladie qui eſt
leſujetde ceProgramme , on est bien loin d'avoir
une connoiſſance poſitive de ſa nature. On ne
fait pas quelle eſt l'humeur qui attaque & ramollit
les os , & par conséquent on ignore quelles font
les indications effentielles que l'on doit fe propoſer
de remplir dans le traitement. C'eſt en conſidérant
les différentes excrétions des perſonnes qui en font
at: eintes , & en examinant l'érat des os de ceux
qui y ont fuccombé , que l'on acquerra des
idées p'us exactes fur les changemens qui ſe fort
dans le ſquelette des Rachitiques , & fur les caufes
auxquelles on doit les attribuer. L'application de
la Chimie à la Médecine pourra répandre beaucoup
de lumières fur cette recherche. Déja pluſieurs
Médecins ont conſeillé l'uſage des abſorbans &
des alkalis , pour modérer l'effet de l'acide qu'ils
régardent comme dominant dans cetteconſtitution.
( 188 )
D'autres , & c'eſt le plus grand nombre , voyant
que , dans les Rachitiqnes, les fibres ſont privées
d'une partiede leur reffort , ont eu recours aux
remèdes toniques ,tels que les diverſes préparations
du fer, lequinquina , les amers en général , les vins
médicamenteux & les bains froids. On a conſeillé
l'uſage des anti-fcorbutiques. Sur-tout les Concurrens
ne diront rien de vague ; i's ne perdront
point de vue que ce ſont l'étiologie de la maladie
&les indicarions eſſentielles de fon traitement
qu'il s'agit d'établir. Ily a des enfans qui naiſſent
avec une diſpoſition évidente au Rachitis. Dans
les autres , il eſt ſeurement accidente!. On fait
que ſoneffet le plus remarquable eſt la courbure
des os. Ce font les pièces ofſeuſes de la colonne
épinière qu'il attaque dans le principe. Souvent
cettecolonne ſe courbe dans une grande étendue.
Quelquefois auffi le vice humoral n'attaque qu'un
petit nombre de vertèbres. Cette dernière maladie
eſt celle que M. Poot a fi bien décrite , & que
l'on connoît ſous le nom de maladie vert brale,
ou mal dorfal. Oa la conſidère en général comme
étant une eſpèce de Rachitis. Les Concurrens diront
en quoi elle s'en rapproche, par où elle en diffère
, jusqu'à quel point le traitement propre au
Rachitis peut lui convenir ,&en quoi celui de la
maladie vertébrale doit s'en éloigner.
Ce Prix ſera diſtribué dans la Séance publique
de Carême 1790. Les Mémoires ſeront envoyés
avant le premier février de la même année ; ce
terme eſt de rigueur. I's feront adreſſés , francs de
port , à M. Vicq- d'Azyr , Secrétaire perpétuel de
la Société , rue de Tournon , no. 13 , avec un
billet cacheté , contenant le nom de l'Auteur &
a même épigraphe que le mémoire.
Les Médecins , les Chirurgiens , & tous ceux
qui ont recueilli des obfervations intéreſſantes fur
( 189 )
le traitementdu Rachitis ou de la maladie vertébrale,
&qui ne font pas dans l'intention de concourir ,
font inſtamment priés de nous les envoyer au
plus tôt , ſous l'enveloppe de M. le DirecteurGénéral
des Finances. Il en ſera fait une mention
honorable dans nos Séances publiques.
Pierre-Michel de Marolles , Capitaine de cavalerie
, Chevalier de Saint- Louis , Chef de nom &
d'armes de ſa maiſon , une des plus anciennes de
laTouraine , eſt mort en ſon château de Rabris ,
en Touraine , âgé de 75 ans.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 27 Mars 1789.
On vient de recevoir par la voie
d'Altona , l'annonce vraiment extraordinaire
d'un complot formé pour incendier
les vaisseaux Russes dans la rade de
Copenhague. Il n'est pas aisé de démêler
les vraisemblances au travers des étranges
circonstances de cette relation. Suivant
les uns , un Irlandois , suivant d'autres
,un Ecossois avoit reçu une lettre
de change de 12,000 rixdalers, pour exécuter
l'affaire , et cependant cette lettre
de change , tirée sur Hambourg , n'étoit
payable qu'en échange , de sorte que le
porteur a préféré de déclarer la trame.
On ajoute à ce galimátias , qu'un Patron
de navire Irlandois devoit être l'agent de
son compatriote , changer son bâtiment
enbrulôt, et incendier les vaisseaux Russes.
On a saisi le navire et son Capitaine :
1
( 190 )
voilà, jusqu'ici , ce qu'ily a de plus clair
dans cette découverte. Le Chefdu complot,
selon l'usage , s'est évadé.
Le Conseil-d'Etat des Provinces-Unies
vient de prononcer contre le Rhingrave
de Salmet le Colonel Vander Borch ,
une sentence , par laquelle ils sont déclarés
coupables de crime de Lèze- Majesté
et de haute trahison ; en outre , bannis à
perpétuité des Sept Provinces et de la généralité
, ainsi que de toutes les places
de garnison , sous peine de mort en cas
de contravention , et condamnés à tous
les frais et dépens de procédure.
La gravité des évènemens qui viennent
de mettre la Diète de Suède en
pleine activité , exige un grand respect
pour la vérité des moindres circonstances.
On s'en est écarté, lorsqu'on a imprimé
, dans plusieurs Gazettes , que le
Roi avoit fait arrêter 25 Sénateurs . Il
n'y a que 17 Membres dans le Sénat ,
dont deux seulement , MM. de Fersen
et de Brahé ont été enfermés ; ce dernier
même et plusieurs autres des détenus ,
ont été élargis cinq jours après . On s'est
encore écarté de la vérité , en affirmant
qu'après le discours du Roi, le 17, la
Noblesse s'étoit levée en Corps , et avoit
quitté la Salle ; c'est le Roi même qui
la congédia , en lui ordonnant de se retirer
dans sa Chambre. On s'en est écarté ,
lorsqu'on a représenté le Comité secret
comme un établissement de fantai(
191 )
sie et nouveau , à l'aide duquel le Roi se
proposoit de maîtriser la Diète. Le Comité
secret a existé de tout temps , même
sous le despotisme des Bonnets ; il a été
consacré par la Constitution de 1772 ,
qui lui attribue tous les pouvoirs des
Etats eux-mêmes. Il est sous l'obligation
implicite et formelle de respecter les
lois fondamentales , par conséquent ne
reçoit d'autres instructions que celle de
ne rien traiter de contraire à ces lois.
On s'en est écarté lorsqu'on a affirmé
que le dernier incident avoit été prémédité
avant l'ouverture de la Diète.On n'a
préméditéque les mesures indispensables
dans tout Etat bien réglé , où à l'heure
d'un danger extérieur et imminent , on
pourvoit aux crises qui pourroient survenir
dans l'intérieur. Le Roi n'a appelé
aucunes troupes réglées , il a mis Stockholm
et la Diète sous la garde même du
Peuple; les six mille Dalécarliens , dont
l'approche pouvoit devenir nécessaire ,
sont des paysans volontaires , dont l'intérêt
est absolument le même que celui
du Corps de la Nation , etc. etc.
Il y a encore moins de justesse à nommer
les changemens qui viennent de's'o
pérer en Suède , une révolution complète
, semblable à celle qui , en 1660 ,
rendit absolu le Roi de Danemarck. Par
la loi royale, la Diète Danoise fut anéantie,
le pouvoir législatifet le droitde lever
les subsides furent déférés sans limites au
(192 )
Souverain . Au contraire, en Suède , l'acte
d'union et de garantie proposé aux
Etats , le 21 , ne porte aucune atteinte à
la constitution de la Diète , ni à son pouvoir
de proposer les lois , de les discuter ,
de les consentir, ainsi que les impôts. A
l'exemple du Roi d'Angleterre , le Roi de
Suède , il est vrai , réstera maître de faire
la guerre ou la paix; mais les Etats le
seront toujours de refuser les subsides
nécessaires. Quant à l'éligibilité des roturiers
aux charges d'Etat , elle existe
-dans plusieurs Monarchies , et est plus
conforme à la nature d'un Gouvernement
mixte ou Républicain. Si donc
l'Etat paroît avoir gagné en sûreté , par
l'attribution au Monarque du droit de
guerre ou de paix, qui servira de sauvegarde
contre les influences étrangères.
-il n'a certainement rien perdu du côté
de la liberté.
MAT
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROL
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES
CONTENANT
LeJournal Politique des principaux evenemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
• Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découles
Spec
you
vertes dans les Sciences & les Arts ;
tacles; les Causes célèbres ; les Académies de
Paris& des ProvinceSs;laNotice des EdusH
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
1
SAMEDI 7 MARS 1789.
T
A PARIS ,
AuBureau du Mercure , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins , Nº . 18
Avec Approbation , & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Février 1789.
PIRERSFUGITIVES Hiftoire du Major Andrlo
148
VECATTLE 149349-
AMadameDugazon, 51 Contes, Fables & Sentences.
Chanfon. 116
Charades, Enigmes & Logag. Projet d'Edit.,
164
In-promptu.
6, 12, 1011,, 154 Etrennesdu Parnaffe. 167
LaVeilléedeJanvier, 97Supplement.
145 Effai. 175
177
Amusemensa 182
NOUVELLES LITTER. Variétés .
K
Γ 185
De l'Administration. 8
Harangues.
SPECTACLES.
27
MissAmpfic. 37 Comedie Françoise. 78, 126.
Discoursprononcé dans l'AComédie
Italienne. 83
cadémie Françoise, 14
CalendrierMusical. 74
Théâtre de MONSIEUR. 34,
Répertoire. 76 84, 135 , 187
Mémoire sur l'Esclavage des Annonces&Notices. 43,90 ,
Nigrer
T
103 142,188
AParis , de l'Imprimerie de STOUPE , FUC
de laHarpe
MERCURE
AP
DEFRANCE. 20
M52
Mar.
SAMEDTY MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
ENVERSET EN PROSE.
20
VERS
A
A Mademoiselle , en lut envoyant
l'Almanach des Graces:
CE Livre, par hazard,dansles mains m'eſttombe;
Je ne ſavois à qui d'abord il pouvoit être :
Son titre me l'a fait connoître ;
1
Je ne crois point m'êtretrompé
Quand du Propriétaire on découvre les traces
C'eſt lui voler fon bien que de le reteniri :
Un Ouvrage fait pour les Graces-
Ne peut que vous appartenir. ions i
κόλαστον αερ ( Par M.Boutillier.)
A2
4 MERGURE
LE MAUVAIS DEBITEUJRR
2
DÉBITEU
E.
Unfort honnête Créancier ,
AKAZ
Peu méritent cette épithète ,
Tailleur , je crois , de fon métier ,
Un jour préſentoît ſa requête
A certain mauvais Débiteur ,
Qui de payer n'avoir envie.
«Croyez , mon cher M. la Brie,
Difoit ce dernier au Tailleur ,
L
»Je vous le dis en galant homme
» Que je ne demande pas mieux
>>Qusde vousfolder cette fommen.
-Monfieur eft trop judicieux ....
C'eſt malgré moi que j'importune ;
Il me connoît bien , & j'attends ,
Je crois , depuis affez long-temps.
«-Auſſi ne fais-je plainte aucune :
Oni'j'en conviens de bonne fois
>>Mais vous favez autant quemoivon et
» Comme aujourd'hui tout ſe gouverne
>>Dans le monde on n'a plus d'argent.
>>>Ce n'eſt pas une baliverne, 100
» En tous lieux on en dit autant », iol
-Qui-dà , Monfieur , & cependant
Faut-il ? ... Du métierdont vous êtes,
»Et du commerce que vous faites ,
A
DE FRANCE. S
A
--- > Entre-nous parlons franchement ,
>>Vous devez avoir du comptant » ?
-Ah ! le temps eſt trop difficile :
J'ai de quoi fuffire au courant ,
Voilà tout , Monfieur.-«Sur laVille
>> Peut-être avez- vous ſu placer
2
» Quelque rente , au moins je ſuppoſe » ?
- D'accord ; mais c'eſt ſi peu de chofe!
Eh! le moyen d'en amaffer ,
Quand les crédits.....- " Eh ! je vous prie
AApprenez-moi ... mille pardons »
» D'abord i je vous interromps ;
>>Votre nom>> ? - Alexis la Brie ,
Pour vous fervir. - « Il eſt bon-là ,
>>Quand je m'appelle Zacharie.
Quoi , Monfieur , vous êtes àl'A
» Que le bon Dieu vous ſoit en aide ,
>>D'avoir un nom comme cela !
J'enrage , ch ! le mieneſt auZede
....
>>Attendez , quand fon tour viendra ,
>> Alors , mon cher , on on vous paira.
Moraistori fo'n iom
Par lemême.
A
ondan mula zala iviolisi , akarom zal instudA
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mor motde laCharade eft
& ce
Minuit ; celui de
du Logogriphe
est Bocal , où se trouvent Lac, Bal& Bloc.
A 3
:
MERCURE
CHARADE. V e
JE
Pb gou foarga a el IdA
te dis mon premier;
on premier si
Je te dis mon dernier :
Je t'ai dit mon entier.
(Par M. le Pord. )
Q
ÉNIGME :
UEmon fort eſt cruel ! née au ſeindes frimas,
Je dois la vie au plus barbare père :
Ma naiſſance à ma ſoeur adonné le trépas ;
Et je l'attends d'une main auſſi chère.
(Par M.Champy , Abonné. )
LOGOGRIPH Ε.
JE produis en tous lieux le trouble & l'injustice ;
Et fans conſidérer vertu ni probité ,
Du fourbe & du méchant j'entretiens la malice.
Le vrai par moi n'eſt jamais reſpecté.
'Abuſant les mortels , j'ai ſervi plus d'un traître .
Tu dois , ami Lecteur , aisément me connoître
Par ce tableau fincère &non flatté.
Huit pieds forment mon exiſtence.
En les décompoſant, ſous des traits gracieux
Je t'offre
Dans
le doux nom que te permet Hortenfe ;
tes entretiens amoureux; A
DE FRANCE.
Le tems qui rend la mer tranquille ;
Le doux fruit d'un travail qui te fert de leçon ;
Et l'excrément d'une aimable boiſſon;
Dans la Normandie une ville;
Ce que jadis au camp de Porferna,
Suivant l'hiſtoire , un Romain ſe brûla;
Leſéjour où,deDieu, les Saints chantent la gloire;
Un athlète fameux ; le roi des animaux ;
L'endroit où viennent les métaux
Celle des doctes Soeurs qui préſide à l'Hiſtoire ;
L'être qu'on reconnoît aux doux élans du coeur ;
Cet oiſeau dont le cri ſauva le Capitole;
Ce ſouffle qui du corps vers l'Eternel s'envole ;
Deux notes de muſique ; un inſtrument rongeur ;
Un fleuve dont les eaux procurent l'abondance ;
Un ſtupide animal ; une province en France ;
Ce mois voluptueux qui fait tout pulluler.
J'en ai trop dit , Lecteur , tu dois me deviner.
(ParM. Durion , Contrôleur des Aides.
22
16
1-6
1
64 A4
MERCURE
21
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
TRAITE de l'arrangement des mots , traduit
dugrec deDenys d'Halycarnaffe ; avec des
réflexions fur la Langue françoise, comparée
avec la Langue grecque; & la Tragédie
de Polyeuîte de Pierre Corneille
avec des remarques par l'Abbé Batteux ,
des Académies Françoise & des Belles-
Lettres,pourfervir defuite àfes Principes
de Littérature.AParis, chez Nyon l'aîné
&fils , rue du Jardinet , 1788 .
UNE lecture réfléchie de ce Traité peut
n'être pas inutile , même à ceux qui ſe propoſent
de bien écrire dans notre Langue :
mais il faut convenir qué la plupart des préceptes
& des exemples que donne le Rhéteur
Grec , manquent pour nous d'application .
Les noms ſe terminant en françois de lamême
manière , ſous quelque rapport qu'ils foient
employés , ne permettent pas à nos Ecrivains ,
comme à ceux de la Grèce ou de Rome , de
marquer à leur gré la place aux différentes
partiesdu diſcours. Leur, fervitude eſt encore
aggravée par le lieu que ne peuvent abandonner
les pronoms & les auxiliaires qui précèdent
les verbes.
DIE FRAIN CE.
Cette gêne n'eſt pointſtelle cependant qu'il
ne refte encore à l'Ecrivain françois bien des
occaſions de mettre du choix dans Farrangementde
ſes expreſſions & dans celui de'ces
phraſes fubordonnées que les Rhéteurs
appelleroient des incifes.D'ailleurs , fiun mot
dont la placeeftrigoureuſement marquée par
les loixde notre ſyntaxe , nuit à l'harmonie
de laphrafe , il reſte la reſſource de changer
ce mot, de le foutenir par une épithète , de
le modifier par un adverbe ou par une incife
de le relever par la liaiſon qu'on lui donne
avec la phraſe ſuivante ; de faire enfin , pouri
donnerà laprofe le nombre qui lui convient ,
untravail à-peu-près ſemblable à celui qu'exi
gentles vers.
!
LON
Et qu'on n'imagine pas que le difcours
doive être énervé par ces ſoins , en apparence
minutieux ; il en acquerra au contraire une
plus grande force , & fera nourri de penſées
que ces foins même auront fait naître. C'eſt
ainſi que le travail qu'impoſent les vers inſpire
auxPoëtes bien des penſées qu'ils n'auroient
pas eues , s'ils avoient écrit avec plus de liberté
; c'eſt ainſi que les Poëtes qui ont travaillé
leurs vers , ſont bien plus riches d'idées
queceux qui ont verſifié lâchement.
Une heureuſe organiſation avoit fans doute
rendu facile à l'Auteur du Télémaque le tra-i
vail d'où réſulte une bonne profe, comme
Racine, qui avoit appris à faire des vers difficilement
, avoit reçu de la nature la faculté de
ne les point faire peinés : mais fons doute
As
10 MERCURE
Fénélon n'écrivoit pas toujours ſa phrafe
telle qu'elle s'offroit d'abord à ſa penfee ; c
fon oreille ſenſible ne lui permettoit de porter
les mots fur le papier , qu'après leur avoir
imprimé le nombre qui devoit la fatisfaire.
On n'ignore pas que les ouvrages deM. de
Buffon font le produit d'un grand travail;
& fi les feuilles de fa première compoſition
exiſtoient encore , on ne manqueroit pas de
reconnoître que par ce travail il n'a pas moins
ajouté à la richeſſe , à la grandeur des penſées
, qu'au nombre & à la beauté des expreffions.
1
Un ſeul exemple prouvera ſuffiſamment
le pouvoir de l'arrangement des mots , &la
néceflité d'ajouter quelquefois à la phrafedes
inciſes , pour lui donner ſa plénitude , & la
rendre capable de produire l'effet qu'on ſe.
propoſe. :
On fait quels regrets éprouva la Cour de
Louis XIV, lorſque Madame , époufe du
Frère de ceMonarque , & fille de l'infortuné
Charles I , Roi d'Angleterre , fut enlevée par
une mort ſubite & prématurée. Suppofons
que l'Orateur chargé de ſonOraiſon funèbre
ſe fût écrié : « ô nuit effroyable , où cette
>>>nouvelle , Madame eſt morte, retentit tout-
>>à-coup » ! Quoique le lieu , la décoration ,
la cérémonie rappellaſſent à l'aſſemblée ſa
douleur & fes regrets , elle n'eût pas même
été foiblement émue , parce que la ſéchereffe
de la phrafe , conſtruite dans l'ordre le
plus naturel , ne l'auroit pas diſpoſée à l'émo
DE FRANCE.
tion. Ces trois mots , Madame est morte,
diſent bien tout ce qu'il falloit dire ; mais ils
auroient manqué leur effet , parce qu'ils ne
lediſent pas où ils auroient dû le dire. L'exclamation
, ô nuit effroyable , ne ſuffit pas
parce qu'une vive douleur ne ſe contente pas
dejetter un feul cri ; elle auroit été d'ailleurs
refroidie par laphrafe trop courte qui la fuit ,
&que terminent ſéchement ces mots , re
tentit tout-à-coup. Si l'Orateur eût relevé la
terminaiſon trop fourde de ſa phrafe , par ces
mots , comme un éclat de tonnerre, cette terminaiſon
ſeroitdevenue plus fonore, mais ce
n'auroit été qu'un vicieux retentiffement de
fyllabes , parce qu'après avoir entendu ces
mots , Madame est morte , l'Auditeur ne
pouvoit plus ſe livrer au vain plaifir d'une
harmonie déplacée. Mais l'éloquent Boſſuet ,
endiſpoſant les mots dans l'ordre qui leur
convenoit , & y ajoutant des expreflions&
des inciſes néceſſaires à la plénitude de fa
période , s'excita lui-même à l'attendriffement
, &vit fondre en larmes ſon Auditoire,
lorſqu'il s'écria : « O nuit déſaſtreuſe , nuit
>>effroyable ! où retentit tout-à-coup , comme
>>un éclat de tonnerre , cette étonnante nou-
>> velle : Madame ſe meurt , Madame eſt
» morte ! "
M. Batteux , fans le vouloir , nous offre
lui-même un exemple d'une mauvaiſe difpoſitiondemots
, entraduiſant ainſi une période
de Démosthènes : « Quand un Orateur fait
>> louer dignement les grandes actions , il
A6
MERCURE
وو renouvelle le ſouvenir & lagloirede ceux
qui les ont faites, dans l'eſprit de ceux qui
>>l'écoutent » . Cedernier membre de phrafe ,
dans l'esprit de ceux qui l'écoutent , n'eſt
point abſolument néceſſaire au ſens de la
période , il ne fait donc que rebuter l'attenrion
déjà fatisfaite du Lecteur; d'ailleurs il
ſe termine par une definence fourde ; ces vices
font faciles à corriger , en diſpoſant les mots
dans l'ordre ſuivant : « Quand un Orateur
>> fait louer dignement les grandes actions ,
>> il renouvelle , dans l'eſprit de ceux qui
l'écoutent , la gloire de ceux qui les ont
>> faites " .
ว
Les Ecrivains nés avec une oreille ſenſible,
trouvent dans cette ſenſibilité des
leçons bien plus fûres que tous les préceptes
des Rhéteurs : tels ont été fur-tout , dans le
fiècle dernier , Racine & Fénélon. Mais en
faveur de la jeuneſſe , moins heureuſement
organiſée , il ne feroit pas inutile de faire un
bon traité de l'arrangement des mots , &de
la diſpoſition des membres de phrafe relatif
anotre Langue.
M. Batteux a fait ſuivre celui du Rhéteur
grec d'obſervations ſur la Langue françoiſe.
Il paroît que ſon but eſt de lui accorder la
parité avec celles des Grecs & des Romains.
Nous nous permettrons d'ajouter quelques
réflexions à celles que le Lecteur trouvera
dans ſon ouvrage. Nous ſommes loin de
croire que notre I angue égale en beautés
celles d'Homère & de Virgile ; mais nous
DE FRANCE. 13
penſons qu'elle a des avantages qui lui font
propres ; & nous nous propoſons d'en établir
quelques-uns.
On lui reproche d'être moins riche que les
Langues grecque , latine , italienne , &c. Si
nous voulions conteſter cette vérité , on en
trouveroit la preuve dans les Dictionnaires ;
mais la beauté d'une Langue conſiſte-t-elle
dans lenombredes mots qui la compoſent ?
C'eſt ce dont nous ne croyons pas également
être obligés de convenir. Si une Langue avoit
autant de mots que notre eſprit peut avoir
de vues , notre ame de ſentimens , les ſentimens
de nuances , on n'emploieroit toujours
que le mot propre , & jamais le ſtyle ne feroit
animé par des images ; car nous n'avons recours
aux images que pour ſuppléer au défaut
de la Langue qui ſe refuſe à exprimer tout
ce que nous fentons nous ne parlons plus
alors, nous peignons par la parole; une Langue
affez abondante pour ne recourir jamais
au ſtyle figuré , ſeroitla plus raiſonnable , &
enmême temps la plus froide des Langues :
bonne pour le philoſophe , elle n'auroit aucun
charme pour l'homme ſenſible , & nous
ſommes naturellement plus ſenſibles que phi
lofophes.
Un étranger qui fait imparfaitement notre
Langue , mais qui a des idées & de l'imagination
, exprime par des images ce qu'il ne
peut exprimerpar le mot propre qu'il ignore ;
il nous étonné par les reſſources qu'il fait
tirer de ſa diſette même , ou plutôt il trans
14 MERCURE
forme cette diſette en une richeſſe véritable
qui lui appartient , & que nous ſommes tentés
de lui envier. Il nous ſemble quelquefois
parler une Langue plus belle que la nôtre ,
préciſément parce qu'elle est moins riche.
Les Sauvages n'ont que des Langues pauvres ;
ils doivent à cette pauvreté leur ſtyle nourri
d'images , & dont nous admirons l'énergie.
Celui qui peut exprimer tout ce qu'il penſe
&tout ce qu'il fent , ne peut ſe plaindre de
la pauvreté de ſa Langue ; & je ne crois pas
qu'à cet égard la nôtre ait manqué jamais à
nos grands Ecrivains. Sans l'enrichir de nouveaux
mots , ils l'ont enrichie de nouvelles
manières d'exprimer , & malgré ſa pauvreté
apparente , ils ont fu l'élever juſqu'à la richeffe
de leur génie.
Si l'on compare pluſieurs Langues entre
elles , chacune a ſa richeſſe & ſa pauvreté
relative ; & malgré la difette qu'on reproche
à la nôtre , on ne pourroit , dans la Langue
la plus abondante , traduire littéralement
ceux de nos Auteurs dont le ſtyle eſt ranimé
par le génie. On trouveroit chez eux des
expreffions & des images qui manquent à
tous les autres idiomes.
On fait une grande faute dans la comparaiſon
des Langues modernes avec celles des
anciens. Onprend , par exemple , le Dictionnaire
de notre Langue , telle que l'ont formée
les Ecrivains du règne de Louis XIV , pour
le comparer au Dictionnaire grec , qui embraffe
tout le temps qui s'eſt écoulé depuis
-
DE FRANCE 15
1
Homère juſqu'au Bas-Empire; mais ce Dictionnaire
comprend en effet pluſieurs Langues
, puiſque celle d'Homère & d'Héfiode
n'étoit pas celle de Sophocle & d'Euripide ,
& que des mots employés dans un fiècle
étoient inufités & même oubliés dans un
autre. C'eſt ce que n'ignorent pas ceux qui
ont ſeulement jetté les yeux ſur quelques
ſcholiaftes grecs. Pour trouver dans notre
Langue une abondance de mots à-peu-près
égale , &peut-être même ſupérieure ,il faudroit
la faire remonter juſqu'à Louis-le-Jeune
&àla traduction des Sermons de S. Bernard.
Il eſt une autre richeffe , qui ne contribue
pas moins que celle des mots à la beauté des
Langues; c'eſt celledes fons. On peut même
dire qu'une Langue eſt énergique , expreffive
, abondante , mais non qu'elle est belle ,
ſi elle manque de fons capables de flatter
l'oreille.
Legrand nombre de terminaiſons en os,
ès, a , é, qui ſe trouvent dans la Langue
grecque , contribue ſans doute à ſa beauté.
Elle a perdu de cette beauté en renonçant à
la variété de ſes inflexions , quand les lettres
éta , upsilon , les diphtongues oi , ei , &c.
ont commencé à ſe prononcer en i : alors
ce ſon i eſt devenu dominant dans la Langue ,
& a frappé l'oreille avec une fréquence dont
elle ſe ſaſſe bientôt.
Depuis que , fur ces bords , les Dieux ont envoyé
La fille de Minos & de Paſiphaë.
16 MERCURET
Ce dernier vers , fans rien dire de fort in
téreſſant à l'eſprit , a pour l'oreille un charme
qu'il doit aux deux noms grecs dont il eſt
compofé:
2
Quelquefois cependant la Langue françoiſe
ſemble l'emporter , par le charme de la terminaiſon
, fur la Langue grecque ell-emême.
)
Et les os diſperſés du géant d'Epidaure ,
Et la Crète fumant du ſang du minotaure.
Ces vers ſe terminent par un fon trèsmélodieux
, & plus ami de l'oreille que la
déſinence du génitif grec Epidaurou, Mina
taurou. On peut même dire que la Langue
grecque aquelquefois de ladureté ; j'en trouve
un exemple à l'ouverture d'Héfiode ,Auteur
célèbre par la douceur de ſon ſtyle , & celui
de tous les Poëtes grecs qui , au jugement de
Denys d'Halycarnaſſe , a le mieux fait les
vers hexamètres :
3
Eiſi duo : tên , men ken epainéſeie noèſas.
Le voifinage de ces trois monoſyllabes tên
men ken , n'est pas agréable .
: Cependant nous ſommes bien moins riches
, il faut l'avouer , que les Grecs , en
mots terminés par des ſyllabes ſonores , ou
par des voyelles ; mais il faut reconnoître
auffi que notre Langue tire un agrément parviculier
du retour frequent de fon e muet..
Les conſonnes s'articulent , les voyelles ſe
prononcent. C'eft une beauté dans une Langue
, lorſque les conſonnes n'y font pas
DE FRANCE. 17
combinées de manière à s'articuler difficilement;
& on les articule avec facilité quand
elles font fréquemment ſéparées par des
voyelles. Une Langue dans laquelle une confonnen'oſemarcher
qu'à l'aide d'unevoyelle,
eft douce juſqu'à la molleſſe; une Langue
dans laquelle fe fuit un trop grand nombre
de conſonnes eſt dure ; un mélange heureux
de conſonnes & de voyelles rend l'idiome
mâle&expreffif. La combinaiſon des voyelles
&desconſonnes eſt à-peu-près la même dans
notre Langue que dans celles des Grecs &
des Romains ; elle participe donc à la beauté
de ces Langues.
Puiſque ce font les voyelles qui fe prononcent
, la Langue qui en aura le plus fera
la plus abondante & la plus variée dans ſes
inflexions. La nôtre l'emporte à cet égard
fur toutes celles dont j'ai quelque connoiffance.
Nous avons deux a , ame , amı ; cinq e ,
l'e ouvert , accès ; l'edemi-ouvert , levre ; l'e
fermé , beauté; l'e fourd , lever ; l'e muet ,
grande ; deux o , homme, dome. Nous avons
la voyelle eu , fameux , & les voyelles naſales
qu'on nous reproche & qui ont ſouvent une
grande beauté , an , puiſſant ; in , deſtin ;
on , ambition ; un , commun ( 1 ). C'eſt avec
( 1 ) On trouve dans bien d'autres Langues
l'orthographe de ces naſales , mais le fon eſt différent
, puiſqu'on prononce la conſonne ; alors ce
ne font plus des diphtongues , mais des fyllabes.
18 MERCURE
1
raiſon que j'appelle voyelles le fon eu &les
nafales , puiſqu'elles en ont le caractère , &
qu'elles ſe prononcent d'une voix& fans le
fecours d'une voyelle.
Pour prouver que ces différens fons prêtent
des beautés ànotre Langue , il fuffit de les
faire entendre tels qu'ils ont été employés
parRacine.
Le ſon eu :
CeDieu , maître abſolu de la terre &des cieux ;
N'eſt point tel que l'erreur le figure à vos yeuxe
Mais ce liendu ſang qui nous joignoittous deux
Ecartoit Claudius d'un lit inceſtueux.
La nafale an ou en :
Moi , qui , de mes parens toujours abandonnée
Etrangère par-tout , n'ai pas , même en naiſſant ,
Peut-être , reçu d'eux , un regard careſſant.
Et la triſte Italie , encor toute fumante ,
Des feux qu'a rallumé ſa liberté mourante.
Euffiez-vous pu prétendre ,
Qu'unjourClaudeàſonfilsdûtpréférerſongendre?
Onpeut croire que les Latins avoient les naſales
am, um , proférées de la même manière que nous
prononçons an , on ; puiſque dans leur langue
elles ſouffrent éliſion devant d'autres voyelles ,
ce qui doit faire penſer qu'elles étoient des
voyelles elles-mêmes.
DE FRANCE.
19
La naſale in :
Et que le chefdesGrecs, irritant les deſtins ,
Préparât d'un hymen la pompe & les feſtins.
Onverra , fous le nom du plus juſte des Princes ,
Un perfide étranger déſoler vos provinces.
La nafale on ou om :
Quels triomphes égalent
Le ſpectacle pompeux que ces bords vous étalent
Ettout ce vain amas de ſuperſtitions
Qui ferment votre temple aux autres nations.
La naſale un ;
Les ſoupçons importuns
Sont d'un ſecond hymen les fruits les plus come
muns.
La diphtongue oi, telle que nous la prononçons
, & les fyllabes eur , eil, euil, ail ,
nous appartiennent ; aucune de ces richeſſes
n'eſt mépriſable , quand on en fait un bon
uſage.
Il entend les ſoupirs de l'humble qu'on outrage ,
Juge tous les mortels avec d'égales loix ,
Et, duhautde ſon trône , interroge les Rois.
Iſmène toute en pleurs
La rappelle à la vie , ou plutôt aux douleurs.
Dans le ſimple appareil ,
D'une beauté qu'on vient d'arracher au ſommeil.
Vous , dès que cette Reine , ivre d'un fol orgueil,
De la porte du temple aura touché le ſeuil. C
20 MERCURE
Nous pourrions raffembler auffi des combinaiſons
de ſyllabes qui nous font particulières
, & il ne feroit pas difficile de faire un
long Traité des beautés propres à la Langue
françoiſe ; mais nous fonderons toujours bien
plus juſtement notre orgueil fur le mérite des
Auteurs qui l'ont employée....
(Cet Article est de M. Levesque.)
ESSAI fur le Phlogistique &fur la confti
tution des Acides , traduit de l'Anglois de
M. Kirwan , avec des Notes deMM. de
Morveau , Lavoifier, de la Place , Monge ,
Berthollet & de Fourcroy , volume in-8 °.
d'environ 360 pages , imprimé avec l'Ap
probation&fous le Privilègede l'Académie
-Royale des Sctences: rue & hôtel Serpente.
UN des caractères distinctifs de notre
fiècle, celui peut-être qui lui fait le plus
d'honneur , eſt cet eſprit vraiment philoſophique
, qui ne ſe permet d'adopter dans les
ſciences que ce qui réſulte d'une obſervation
fcrupuleuſe , appliquée aux expériences les
plus exactes ce qui eſt démontré par, les
faits.
Une fois devenugénéral , cet eſprit a perfectionné
l'art des expériences ; il a rendu
plus ſévère fur les inductions ; il s'eſt conftamment
perfectionné lui-même , & il con
tinue chaque jour : nous marchons dans
toutes les connoiſſances à pas plus afſurés
nous devenons plus homines.roq af si
DE FRANCE. 21
Perſonne n'a plus contribué que M. Lavoifier,
à porter dans la chymie cet uſage de
la raiſon qui éclaire les ſciences & s'éclaire
par elles. Le degré de préciſion qu'il a introduit
dans les expériences , étoit inconnu
avant lui ; & il a détruit bien des hypothèſes
que l'on croyoit fondées ſur la réalité , mais
qui l'étoient feulement ſur des conjectures
tirées d'expériences dont les réſultats n'avoient
pas été déterminés avec affez de foin,
Il a examiné les phénomènes de la combuftion
& de la calcmation , ou de l'oxidation
des métaux,
Il a été frappé de l'augmentation de poids
qu'ils acquièrent en quittant leur forme
métallique , & qu'ils reperdent en reprenant
cette forme.
Il en a d'abord conclu qu'il étoit peu vraiſemblable
que la ſouſtraction d'une matière
qui les auroit tenus dans l'état d'agrégation
métallique , pût leur donner cer accroiffement
de peſanteur én les conduiſant à l'état
de chaux, ou, pour mieux parler, d'oxide ; &
que ce fût par le retour ou l'addition de cette
même matière qu''ils redevinffent plus légers.
II adonc ſoupçonné que la malléabilité;
l'éclat& les autres propriétés qui caractérifent
les métaux , ne dépendoientpas du principe
ingénieuſement imaginé par le célèbre
Stalh, & nommé phlogistique. Il a même
doutéde l'exiſtence de ce principe.
Pouffant plus loin l'obſervation , il a vé
fifié &démontré que le poids'acquis par les
2
22 MERCURE
métaux réduits à l'état d'oxide , étoit précifément
égal à celui d'un fluide aériforme
qu'ils abioibent en paffant à cet état , & qui
s'endégage en même poids & quantité lorfqu'on
les revivifie.
Ilajugéalors qu'il étoit inutile de chercher
une cauſe inconnue à un phénomène ,
loriquen en avoit ſous les yeux une cauſe
complétement connue. Il n'a plus doute: il a
dit que c'étoit ce fluide aériforme , qui , ſéparé
de l'air atmoſphérique & attiré par les métaux
pendant la combuftion , produiſoit l'accroif-
Tementdeleur peſanteur lorſqu'ils font ſous
la forme d'oxide ; & ayant reconnu que ce
fluide avoit la propriété d'être générateur des
acides , il lui a donné le nom d'oxigène.
Il a montré que notre atmoſphère eſt compoſé
de pluſieurs fluides aériformes , qui ont
enſemble différens degrés d'affinité , & dont
les plus connus font l'oxigène , qui , joint au
principe de la chaleur , forme l'air vital ; le
calorique ou principe de la chaleur ; &l'azote
oumaffete , dans lequel les animaux ne peuvent
reſpirer , & la combustion ne fauroit
avoir lieu, 1
&
Il a expoſé comment à ces trois fluides
principaux ſe joignentdans notre atmosphère
l'eau vaporifée , compoſée ell-emême d'hydrogène
, d'oxigène & de calorique ,
Pacide carbonique, long- temps impropre
ment déſigné par le nom d'airfixe , que pro
duiſent fans ceffe la reſpiration des animaux
* la décompoſition des végétaux,
DE FRANCE.
23
Il a fait voir que l'inflammabilité eſt la
propriété qu'ont quelques corps de décompofer
l'air vital, d'en dégager le calorique&
la lumière , &d'en abforber l'oxigène
Ces principes , uniquement appuyés fur
une attentive obſervation des faits , expli
quent de la manière la plus naturelle les plus
importans phénomènes de la Chymie ; tandis
que lorſqu'on vouloit rendre raifon de ces
phénomènes par la ſuppoſition du phlogiftique,
il falloit tantôt le regarder comme une
cauſe de peſanteur , & tantôt comme une
cauſe de légéreté ; il falloit lui attribuer des
propriétés inconciliables , qu'aucun corps ne
-peut réunirdans la nature , & qui par con-
Téquentdoivent être bannies d'une véritable
théorie chymique.
:
Cesdécouvertes & les raiſonnemens ſunples
& clairs qui en étoient la ſuite , ont été
confirmés par les expériences ſavantes de
M. Berthollet , ſur l'alkali volatil ou ammoniaque
, qui est compoſé d'azote & d'oxigène,&
fur l'acide muriatique oxigéné qui
diflout les métaux fans effervefcence ; les
travaux de MM. Cavendish , Monge & Lavoifier
lui-même ſur la compoſitionde l'eau ,
qu'a rendus plus frappans enſuite la belle
expériencede ſa décompoſition , qui a été
faite& répétée ſous les yeux des Commiffaires
de l'Académie des Sciences , ont jetté
fur la doctrine antiphlogiſticienne un nouveau
jour, M. de la Place&M. Meufnier
MERCURE
qui ont concouru à ces expériences , y ont
porté l'exactitude & la ſévérité géométriques..
M. de Morveau& M. de Fourcroy ont vérifié
les faits par des expériences nouvelles , &
ont déployé dans leur expoſition l'élégante
lucidité qui caractériſe leurs écrits ; une ré-,
volution a été opérée dans la Chymie ; prefque
tous les jeunes Chymiſtes ont adopté la
doctrine de M. Lavoisier & de ſes dignes,
Emules. Un affez grand nombre des anciens
ne pouvant ni foutenir en ſon entier la théorie
de Stahl , ni ſe déterminer à y renoncer ,
l'ont modifiée de diverſes manières , & ont
cru s'épargner le défagrément de s'en écarter
en conſervant au moins fon langage.
Le nom de phlogistique eſt reſté , quoique
la plupart des opinions de Stalh, à ſon ſujet ,
foient généralement abandonnées .
Preſque tous ceux qui emploient encore
cette expreffion , déſignent aujourd'hui par
elle une ſubſtance qui auroit les principales
propriétésdu fluide aériforme , qu'on appelle
gaz inflammable ou hydrogène , & y joindroit
quelques-unes de celles du calorique. De ce
nombre eft particulièrement M. Kirwan
Chymifte Anglois , qui jouit d'une juſte
célébrité.
C'eſt ſur-tout pour tâcher d'établir l'identité
entre ces principes , que ce Savant a
compofé fon Effai fur le phlogistique & la
conflitution des acides. Il s'eft efforcé d'y
expliquer , par cette nouvelle théorie phlogifticienne
DE FRANCE.
25
gifticienne , quelques faits qui lui ont paru
ne l'être pas ſuffifamment par ladoctrine des
Chymiſtes antiphlogiſticiens.
Les objections les plus ſpécieuſes qu'il
élève contre eux , viennent de ce que quelques-
uns de ces faits paroiffent contredire la
table des affinités donnée par M. Lavoisier ;
mais M. Lavoisier lui répond par la préface
même qu'il a mife à cette table , dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences pour
l'année 1782 , & dans laquelle il obſerve
qu'aucune table d'affinités ne ſauroit être
complète ni parfaite , puiſqu'on ne peut les
exprimer que dans un cas donné , tandis que
les affinités varient à tous les degrés de température
, & encore à raiſon des degrés de
ſaturation ; que les tables négligent d'exprimer
le pouvoir attractif de l'eau , & meme
que les idées qu'elles préſentent ſur l'affinité
plusou moins grande d'une matière ou d'une
autre , avec tel ou tel principe , ne fignifient
que la propriété de le mettre en équilibre de
faturationentre elle & l'autre matière à qui
elle l'enlève, mais qu'elle n'en dépouille jamais
entiérement ; de forte qu'il n'y a point
& qu'il ne peut y avoir de table d'affinités
qui convienne à tous les cas , &qui ne doive
ſe trouver contredite par les faits en beaucoup
d'occaſions , fans que des apparentes
anomalies altèrenten rienla juſteſſe des principes
chymiques , dont ces tables n'offrent
qu'un petit nombre d'applications relatives
No. 1o. Mars 1789 . B
26 MERCURE
à des cas très-limités par la nature des circonftances.
L'Effaifur le phlogistique de M. Kirwan
& les Notes ſavantes dont les Chymiftes
François qui le combattent l'ont accompagné
, ne font pas fufceptibles d'un véritable
extrait; il nous fuffit d'en avoir indiqué l'occafion
& l'objet. Plus un ouvrage eſt fort ,
& plus il eſt difficile d'en rendre un compte
fatisfaiſant ; car les vérités énoncées & difcutées
par des Savans du premier ordre , font
elles-mêmes l'extrait d'un fort long travail ;
on ne peut retrancher de leur expreflion fans
déranger leur enchaînement & affoiblir leurs
preuves.
Ce que nous devons dire eſt que ce Livre
eſt infinitivement intéreſſant pour les perſonnes
qui ſe livrent à l'étude de la Phyſique
& de la Chymie , & que l'on peut regarder
Ies objections de M. Kirwan comme le dernier
& le plus ſérieux effort des Phlogiftitiens
ou des Chymiſtes à hypothèſes , contre
la nouvelle doctrine des autres Chymiftes
qui rejettent toute ſuppoſition &n'admettent
d'autre flambleau que celui de l'expérience.
C'eſt ce qui a fait choiſir cet écrit pour le
traduire , & ce qui a déterminé des Savans
auſſi diſtingués que MM. de Morveau ,Lavoifier
, de la Place, Monge, Berthollet &
de Fourcroy à concourir aux obſervations
auxquelles il pouvoit donner lieu.
On trouve dans ce volume , outre les notes
DE FRANCE.
27
importantes dont ils l'ont enrichi , quelques
autres notes du Traducteur & une courte
Préface , dans laquelle il expoſe avec beaucoup
de fimplicité , de clarté & de modeftie ,
leplan& l'eſprit de l'Ouvrage entier.
Ce n'eſt pas le ſeul merite qu'il faille
reconnoître dans ſon travail ; le ſtyle de l'Auteur
Anglois eft en général négligé ; celui de
la traduction , qui ſuppoſe à la fois beaucoup
de lumières ſur la ſcience dont il s'agit , &
une grande connoiffance des deux Langues ,
eft pur , élégant , facile & correct; quoique
non-feulement le ſens de l'Auteur ſoit conftamment
rendu avec une extrême fidélité ,
mais que l'expreſſion même ſoit preſque toujours
littérale.
Ceux qui connoiffent ce Traducteur eftimable
, ne font point étonnés du grand intérêt
qu'il prend à la chymie & aux ſuccès de
M. Lavoisier ; ils les en félicitent l'un &
l'autre.
28 MERCURE
VARIÉTÉS.
SUR L'ENCYCLOPÉDIE.
LETTRE de M. PANCKOUCKE aux
Libraires , contenant l'Abrégé des Repréſentations
& du Mémoire fur l'Encyclopédie.
MESSIEURS,
On mettra en vente le 14 ou 21 Mars la
trentième Livraiſon de l'Encyclopédie. Le
tome troiſième , première Partie des Mathématiques
, contient des repréſentations que
j'adreſſe à MM. les Souſcripteurs de cet Ouvrage.
Elles ſont ſuivies de divers objets qui
y font relatifs , dont il est néceſſaire qu'ils
prennent connoiſſance. Ce Mémoire , imprimé
en grande partie en petit caractère
comprend douze feuilles d'impreflion. Je vais ,
Meſſieurs , vous préſenter ici le plus brièvement
& le plus clairement qu'il me ſera
poſſible , l'abrégé des principaux articles
qu'il renferme.
و
L'Encyclopédie n'eſt plus aujourd'hui ce
que nous préfumions qu'elle devoit être
en 1782 Quand nous avons entrepris cet
Ouvrage , n us étions dans la ferme per-
:
?
DE FRANCE. 29
fuafion , & le Proſpectus en offre le témoignage
, que cinquante - trois à cinquanteſept
volumes de Difcours & quelques volumes
à 6 livres , en contenant le double
des matières de la première Encyclopédie
de Paris , feroient plus que ſuffifans pour
renfermer la totalité des matières qu'il doit
embraffer.
Aujourd'hui , quoique cette Encyclopédie
ſoit environ à moitié , nous ne pouvons
encore , à cinq ou fix volumes près de Difcours
& un volume de Planches , en déterminer
le nombre exact , & les Auteurs ne
pourroient rien aſſurerde plus poſitifque nous
fur cet objet. C'eſt l'imperfection de la première
Encyclopédie qui ne pouvoit alors
être ni connue ni appréciée , qui a néceſſité
cette grande augmentation de volumes.
Nous ferons obſerver que cet Ouvrage
dépend de cent Auteurs ; & que quand
chacun d'eux n'auroit augmenté ſa copie que
d'undemi-volume , cela formeroit cinquante
volumes d'augmentation : eh ! qui peut dans
une compoſition quelconque , & fur - tout
de la nature de l'Encyclopédie , fixer rigoureuſement
les bornes dans lesquelles il
doit ſe renfermer ? Et comment n'aurions--
nous pas nous-mêmes été trompés fur tant
de Parties différentes qu'embraſſe ce grand
Ouvrage , puifque chacun des Auteurs l'a
été ſur la ſienne ?
Si chaque Partie n'eût pas été auffi complète
que l'exige l'état actuel des connoif-
B3
30
MERCURE
fances humaines ; fi on eût voulu obliger les
Auteursde ſe renfermerdans les clauſesſtriêtes
de leurs actes , l'Encyclopédie eût été manquée
une feconde fois.
DesSciences entières ont été oubliées dans
le Profpectus , comme l'Architecture , les
Ponts & Chauffées , la Vénerie, la Police ,
les Municipalités , les Jeux , l'HistoireAncienne:
falloit-il, parce que ces Dictionnaires
"avoient été oubliés dans le Profpectus , ne
pas les mettre dans l'Ouvrage ?
Toutes les Parties de cette Encyclopédie
ont reçu des accroiſſemens auxquels l'immenfire
de l'entrepriſe n'avoit pas permis
qu'on pensat d'abord ; & un Entrepreneur
qui n'auroit conſulté que fon intérêt plutôt
que la perfection de cet Ouvrage , les auroit
négligés , s'il n'avoit eu en vue que de remplir
les conditions du Profpectus ; & il y a
des poſitions , comme la nôtre , où un
Libraire , en voulant ſe renfermer rigoureuſement
dans les conditions qu'il a priſes ,
manqueroit plus au Public , aux Soufcripteurs
& à lui-même , par cette conduite ,
qu'en ne s'y conformant pas.
慢
Cette augmentation de volumes de Difcours
& de Planches , fert les intérêts des
Soufcripteurs , & contribue à la perfection
de l'Ouvrage. C'eſt , relativement à nous , le
plus grand malheur qui pouvoit nous arriver ;
car ſi l'Encyclopédie eût pu être renfermée
dans cinquante- ſept à ſoixante volumes , elle
feroit à la veille d'être terminée ; nos fonds
DE FRANCE.
31
ſeroient rentrés , nos travaux finis , & nous
aurions l'eſpérance de placer chaque année
un certain nombre de corps complets ; ce
que nous ne pouvons plus eſpérer ; le nombre
des volumes de cet Ouvrage devant
être plus que doublé.
Un Entrepreneur de mauvaiſe foi pourroit
encore aujourd'hui diminuer de moitié
le nombre des volumes à 6 liv. , en bligeant
les Auteurs à ſe renfermer dans les
clauſes de leurs actes , & en convertiſſant en
Supplémens les volumes excédens , relatifs
aux Dictionnaires dont le Profpectus fait
mention. Nous avons cru que nous devions
nous conduire différemment , & que les
Souſcripteurs , éclairés ſur leurs véritables
intérêts , nous en ſauroient gré .
Nos engagemens , nous voulons les tenir;
nous croyons même aller beaucoup au-delà ;
car il eſt certain , pour toute perſonne qui
ne voudra confulter que le droit & le titre de
laſouſcription , qu'ayant annoncé cette Ency
clopédie en cinquante-trois vol. & ayant dit
<< qu'il feroit poſſible qu'il y eût trois à quatre
>>volumes de plus ou de moins , dont on
>>ſe tiendra compte réciproquement ſur le
» pied de 11 liv. » ; & ayant enſuite ajouté :
" mais fi contre toute attente , & pour la
>>perfection de l'Ouvrage , nous étions né-
>>ceſſité à un plus grand nombre de volumes ,
>>les Souſcripteurs ne paieront ces derniers
> volumes que 6 liv. au lieu de 11 liv. " ;
B4
32 MERCURE
د
les Souſcripteurs ni nous , n'avons pu entendre
par ces mots de plus grand nombre,
que trois à quatre volumes à 6 liv. , & non
quarante-fix à quarante-huit volumes un
nombre enfin preſque égal à celui des
volumes de la ſouſcription. Nous ſavons
que dans aucun Tribunal , nous n'aurions
pu être condamnés à donner un aufli grand
nombre de volumes à ce prix. Nous
fommes donc fondés à leur faire des repréſentations
fur cette clauſe très-onéreuse de
notre Profpectus ; mais nous ne croyons pas
devoir inſiſter ſur cet objet, perfuadés qu'en
nous conduiſant de cette manière , les Soufcripteurs
ne nous feront aucune difficulté
pour deux demandes très - juſtes que nous
avons à leur faire , & fans l'obtention defquelles
l'arrangement dont nous venons de
parler ne pourroit avoir lieu.
Ces quarante-fix à quarante-huit volumes
que nous donnerons à 6 livres , ne ſont
pas les ſeuls volumes excédens que doit
avoir l'Encyclopédie. Ces quarante - huit
volumes font relatifs à chacune des Parties
dont il eſt fait mention dans le Profpectus
, & que les Auteurs ont jugé néceffaires
pour compléter leurs Dictionnaires
: mais il y a d'autres volumes excédens
, qui contiennent des Parties nouvelles
& des Supplémens dont on n'a point fait
mention dans le Profpectus. Or ces derniers
volumes , nous demandons que les SoufcripDE
FRANCE.
33
teurs nous en tiennent compte ſur le pied
de 11 livres , & fans doute que cela leur
paroîtra de toute juſtice ; car nous n'avons
pu prendre aucun engagementſur les matières
que nous n'annoncions pas , que nous ne
connoiſſionspas : en effet , fi nous avions eu
l'idée de ces Parties omiſes , en publiant le
Profpectus , nous les y euſſions inférées , &
les Souſcripteurs auroient été obligés de
nous les payer à ce dernier prix.
Le nombre des volumes plus que doublé
ayant conſidérablement,multiplié la nomenclature
, nous ne préſumons pas auſſi que le
Vocabulaire univerſel puiſſe en former moins
de quatre à cinq , d'autant plus que nous
nous propoſons d'y joindre la définition des
mots qui ontété oubliés dans l'Encyclopédie.
Des Souſcripteurs le defirent , eux-mêmes
l'ont indiqué ,&en ont donné l'idée. Comme
ce Vocabulaire ſera continuellement lu &
feuilleté , nous nous propoſons auffi de l'imprimer
ſur un papier beaucoup plus fort
que celui des autres volumes. C'eſt encore
les Souſcripteurs qui l'ont deſfiré , & nous
nous empreſſons de les fatisfaire. Comme
nous ne l'avons annoncé qu'en un volume,
&que c'eſt pour l'intérêt des Souſcripteurs
&celui de l'Ouvrage que nous le mettrons
enunplusgrandnombre, nous nous croyons
très-fondés à demander que les Souſcripteurs
nous tiennent compte des volumes excédens
au prix de 11 livres.
Bs
34
MERCURE
Quant aux Planches , nous en avons
annoncé ſept volumes dans le Profpectus , &
nous avons ajouté, qu'il feroit poſſible qu'il
y en eût un de plus ou de moins , dont
>> on ſe tiendra compte réciproquement. "
Maintenant nous préſumons , ſans pouvoir
l'aſſurer poſitivement , & les Auteurs n'en
favent pas plus que nous , qu'au lieu de huit
volumes, ilpourra y en avoir dix à onze. Les
Souſcripteurs fe croiroient-ils fondés à ne
pas payer les volumes excédens , parce que
nous n'avons annoncé qu'un volume en plus
ou en moins ? Mais s'il y en avoit eu deux
de moins , ſans doute que nous n'euſſions
pas été fondés à en demander le paiement.
N'est- il donc pas de toute juſtice que l'on
nous tienne compte des volumes de plus ?
Voici , au fujet des Planches , ce que nous
mandoit M. de Pommereuil , colonel au
fervice du Roi de Naples , & Inſpecteur
général de l'Artillerie des Deux-Siciles , dans
une Lettre en date du 10 Avril 1788 , en
nous envoyant une partie du manufcrit du
Dictionnaire de l'Artillerie , dont il a bien
voulu ſe charger : « Au fujet des Planches ,
>> ilfaut que nous convenions de nos faits.
>> Voulez-vous , ou ne voulez-vous pas que je
>>joigne à cet ouvrage toutes celles qu'il doit
->> avoir ? Si vous dites oui , il faut compter
>> fur une centaine , & alors vous aurez une
>> collection qui manque à toute l'Europe. Si
>>vous dites non , vous aurez un ouvrage
DE FRANCE.
35
>> tronqué & dont l'utilité fera médiocre. Il
» faut que j'aye àcesujet une réponſe claire&
>>pofitive ( 1 ). "
Il réſulte de ce que nous venons de dire
& du tableau général que nous donnons à
la page 5s , que les paiemens qui reſtent à
faire montent , ſavoir ;
*
25 vol. à 11 liv..........275 liv.
46 vol. à 6 liv. ...
....
71 vol. de Diſcours à fournir ,
& 5 vol. de Planches à 24liv .
276
120
Total du paiement.. 671 liv.
Aucun Libraire , en Europe , ne pourroit
faire pourle Public ce que nous faiſons au-
(1) Nous avons répondu oui , & nous ſommes
perfuadés que l'univerſalité des Souſcripteurs ,
bien loin de nous en blâmer , nous approuvera .
Un homme à la tête d'une entrepriſe comme
l'Encyclopédie , qui auroit dit non , qui auroiz
contraint lés Gens de Lettres à ſe renfermer dans
le nombre de volumes de Difcours & de Planches
annoncés dans le Proſpectus , n'auroit été ,
nous ofons le dire , qu'un imbécille ; & s'il falloir
à ce prix achever l'Encyclopédie , nous aimerions
mieux l'abandonner. Il y a donc , je le répète , des
pofitions , comme la nôtre , où un Entrepreneur
courroit le riſque de ſe déshonorer , s'il fuivoit
à la lettre les engagemens de la Soufcription.
* Il eſt poſſible qu'il n'y ait que quatre volumes
dePlanches . Le nombre des volumes à 6 livres ,
peut auſſi s'élever à quarante-huit & même cinquante.
(Voyez page 52).
B6
36 MERCURE
jourd'hui pour les Souſcripteurs. Aucun
d'eux , & nous n'en exceptons pas même les
Contrefacteurs qui n'ont pas d'honoraires
d'Auteurs & de deſſins àpayer , qui forment
un objet de dépense de plus de ſept cens mille
livres , & qui paient l'impreſſion , le papier
& la main-d'oeuvre, trente, quarantepourcent
meilleurmarchéqu'à Paris, nepourroient donner
àfix livres des volumes in-40. tellement
chargés de matière qu'ils font chacun la repréſentation
d'un volume in-folio de deux cens
feuilles. Notre poſition , la réuſſite de l'Atlas
&des Planches d'Hiſtoire Naturelle , & les
différentes vues que nous avons , ont pu ſeuls
nous permettre cette combinaiſon.
Diſons maintenant un mot de ce que fera
l'Encyclopédie actuelle. Ceux qui voudront
prendre une connoiſſance plus étendue de
chacun des Dictionnaires qui la compoſent ,
doivent lire en entier les quarante - quatre
diviſions du tableau (page 1 ).
L'Encyclopédie annoncée en cinquantetrois
volumes de Diſcours & ſept de Plan
ches, comprendra cent vingt-quatre volumes
de Difcours & onze de Planches.
Cent Auteurs de la Capitale en font
actuellement occupés , & la plupart font ou
de l'Académie Françoiſe , ou de celle des
Sciences ou des Inſcriptions. Nous en-donnons
la liſte à la page 28.
Les onze volumes de Planches font augmentés
de plus d'un tiers de Planches nouvelles
, fans y comprendre celles de l'Atlas
í
DE FRANCE.
37
& d'Histoire Naturelle ; & fur ces derniers
objets les Souſcripteurs ont un bénéfice de
près de cent pour cent. Les Planches d'Hiftoire
Naturelle ſont conçues de manière
que le Public aura , pour quelques louis , les
gravures d'une infinité de Livres très- rares
& très-précieux ſur cette Science , dont l'acquiſition
partielle leur coûteroit plus de deux
à trois mille louis .
L'Encyclopédie comprend quarante- quatre
grandes divifions , qui forment cinquante-un
Dictionnaires des connoiffances humaines.
Chacun de ces Dictionnaires devant former
un tout , il a fallu pour chacun d'eux
un plan régulier & ſuivi , ſubordonné au
plan général de l'Ouvrage.
Tous font renfermés immédiatement dans
les objets qu'ils embraffent ; bien différens
en cela de la plupart des autres Dictionnaires
qui , en traitant de l'objet principal , traitent
enmême temps de toutce qui lui eſt acceſſoire.
Tous ſont terminés par des Tables de
lecture , qui en forment autant de Traités
de Sciences. Par-là , ils deviennent les inftrumens
les plus utiles de toutes les connoiſſances
humaines , & on ne peut plus
dire qu'ils ne ſont bons qu'à conſulter.
Il y a tel de ces Dictionnaires Encyclopédiques
, compoſés de trois volumes ſeulement
, qui peuvent remplacer plufieurs milliers
de volumes , comme la Finance , la
Littérature , la Marine , l'Architecture , &c.
& fi on raſſembloit de la première Encyclo38
MERCURE
pédie , ce qui ſe trouve ſur ces matières,
on n'en pourroit pas former un demi ou un
quart de volume. Preſque tous ont été refaits
à neuf, & il n'exifte ni dans notre langue
ngue,
ni dans aucune autre des Dictionnaires auffi
complets , fur toutes les parties des Sciences
&desArts.
Chaque volume contient autant de matières
que cinq volumes in-4°. comme le
Buffon , le Velly , &c. ce font des in-folio
déguisés en in-4°. comme nous le mandoit
un des Auteurs. Les cent vingt-quatre volumes
feront donc la repréſentation de fix
cens vingt in-4°. ordinaires.
L'Encyclopédie actuelle comprendra cent
mille articles de plus que la première Edition
in-folio de Paris . Nous pourrions même dire
cent cinquante mille , fi nous ne craignions
qu'on ne nous taxât d'exagération ; car nous
ſavons aujourd'hui que lå Botanique , qui
n'eft que la cinquante- unième partie de cet
Ouvrage , contiendra la deſcription de dixhuit
milles plantes. Linné n'en a décrit que
fix mille ,& on n'en trouve pas la defcription
de fix cens dans l'ancienne Encyclopédie.
Nous obſerverons que les douze volumes
in -fol. de Planches de la première Edition
de l'Encyclopédie , font revenus aux Soufcripteurs
à plus de 700 livres , & que la
totalité de nos onze volumes , quoiqu'augmentée
de plus d'un tiers de Planches nouvelles
, ne reviendra qu'à 264 livres. Le
volume de la Marine , qui forme le tome
DE FRANCE .
39
cinquième de notre Edition , eſt preſque en
entier de Planches nouvelles.
Il ne s'eſt jamais fait en Europe un ſeul
Ouvrage qui foit ſeulement le tiers de celui-ci ,
& d'une combinaiſon plus utile aux Soufcripteurs.
Chacun d'eux aura un bénéfice de plus
de 600 livres ſur ſon exemplaire : nous en
donnons la preuve page x11 .
Elle reviendra aux Souſcripteurs à 751 liv.
à 1422 liv.
Savoir , 53 vol. de Diſcours &
7 de Planches. .... 751 liv.
71 vol. de Difcours & 5 de Pl.
à fournir .... • • 671
1422 liv.
Les Soufcripteurs à 672 liv. ont 79 liv . de
moins à payer.
On fait que la première Edition in -fol. de
Paris , qui ne comprend que la cinquième
partie de celle- ci , s'eſt élevée juſqu'à 1800 liv.
& 2000 liv. Elle n'avoit été annoncée par
fouſcription qu'à 280 liv .
Renfermer beaucoup de matières dans un
petit efpace , réduire toutes les Planches
fans en rien omettre d'eſſentiel , les augmenter
d'un tiers de planches nouvelles
refaire à neuf preſque toutes les parties du
Diſcours, établir une Encyclopédie contenant
le quintuple ( 1 ) des matières de la première
(1) Les cinquante-trois volumes de l'Edition
40 MERCURE
2
&la donner pour un peu plus des deux tiers
du prix qu'elle a coûté : voilà ce que nous
avons fait , & ce qui ce ſemble n'étoit pas
facile , fur-tout ſi l'on fait attention que
notre Edition paroît vingt-cinq ans après la
première , & que depuis ce temps le prix de
la main - d'oeuvre , du papier , de la gravure
, &c. eft augmenté de plus de trente à
quarante pour cent.
Nous nous permettrons une dernière obſervation
ſur une des Parties les plus importantes
de cet Ouvrage. Le Dictionnaire ſeul
des Arts& Métiers mécaniques , qui en contient
plus de trois cens , ne revient pas aux
Soufcripteurs , compris les cinq volumes de
Planches , à 200 livres , tandis que la collection
des Arts de l'Académie , qui n'en comprend
encore que quatre-vingt-treize , a coûté
1240 livres , c'est-à-dire preſque autant que
la totalité de l'Encyclopédie actuelle. Il n'y
a aucun des Arts de cette utile Partie qui
n'ait été revu , corrigé , augmenté d'un tiers
ou de moitié. On y a joint cent Arts nouactuelle
font , épreuve faite , l'équivalent de plus
de trente-quatre-volumes in-fol. de la première
Edition de Paris , en les ſuppoſant chacun de deux
cens quarante feuilles , & c'eſt les porter au plus
haut: cent vingt- quatre volumes in 4°. feront
donc l'équivalent de quatre-vingts volumes in-fol.
Il eſt donc prouvé que cette Edition comprend
près du quintuple de Diſcours de la première
Edition in-fol. en dix-ſept volumes.
DE FRANCE.
41
veaux , dont la deſcription n'exiſte dans
aucun Livre.
Cette partie des Arts peut être confidérée
comme renfermant à elle ſeule trois cens
Dictionnaires ; car chaque Art eſt terminé
par un Vocabulaire alphabétique , dont le
mot de l'Art qui le précède forme i'article
principal. Enfin nous ſommes perfuadés que
fi nous achevons cette Encyclopédie telle
que nous l'avons préſentée , nous aurons
une petite part dans la reconnoiſſance que
le Public & les Soufcripteurs devront aux
Auteurs qui conſacrent leurs veilles & leurs
travaux à la perfection de ce grand monument
, &, que l'Encyclopédie terminée deviendra
, pour chacun d'eux , le plus utile
de tous les Livres , ou plutôt qu'elle ſera à
elle ſeule , comme une vaſte bibliothèque
qui renfermeroit toutes les Sciences , toutes
les parties de la Littérature , des Arts &
Métiers, & tous les objets enfin ſur leſquels
on aura beſoin ou de conſulter ou de s'éclairer,
C'eſt au Public , c'eſt aux Souſcripteurs
à fe déclarer l'appui & les protecteurs de
cet Ouvrage. Veulent - ils qu'il s'achève
promptement ? il faut qu'on nous laiffe toute
notre liberté. Ils nous ont honorés de leur
confiance dans les commencemens de cette
entrepriſe , qu'ils daignent nous la continuer;
jamais ils n'y ont eu un plus grand intérêr ,
puiſqu'ils touchent au moment des plus
grands bénéfices de la Souſcription
42
MERCURE
Nous venons de préfenter le tableau abrégé
de l'Encyclopedie & de la poſition des Soufcripteurs
, qu'on nous permette maintenant
de dire un mot de la nôtre.
Bien loin d'avoir du bénéfice ſur l'Encyclopédie
actuelle , & de la faire fur les fonds
de la Souſcription, comme cela devroit être ,
nous ſommes en état de démontrer que nous
fommes en avance de plus de 150000 livres .
Notre déficit provient en partie de trois cens
trente Exemplaires que nous avons perdus
enEſpagne , dont on n'a retiré que les premières
livraiſons ,&de cinq cens Exemplaires
de ſuites de Livraiſons que les Souſcripteurs
ont négligé de retirer.
Il y a dans les grandes entrepriſes de cette
nature un éventuel incalculable qui pourroit
en opérer la ruine , fi nous n'ufions pas de
tous les moyens que nous ſuggère notre
fituation pour nous mettre en état de la
foutenir.
Entraînés par les circonstances , par la
nature de l'Ouvrage , dont l'étendue ne nous
eft bien connue que depuis le 20 Décembre
dernier , obligés de donner quarante-fix à
quarante-huit volumes à 6 livres , quoique
dans l'eſprit du Proſpectus on n'ait dû
compter que fur trois à quatre volumes à
ce prix , affurés aujourd'hui qu'il exiſte en
Europe cinq contrefaçons de cet Ouvrage ,
dont les Profpectus de deux viennent de
pénétrer en France , & font actuellement
Tous nos yeux; nous ſommes obligés de nous
DE FRANCE.
43
conformer à tous les mouvemens qu'on
nous imprime , à toutes les variations dont
ce grand ouvrage eſt lui-même ſuſceptible.
Cette entrepriſe n'eſt point terminée ; elle
n'eſt pas même à moitié : elle forme un objet
de dépenſe de plus de fix millions , & il en
reſte plus de trois à faire pour la compléter.
Les fonds de cette année, ſi on veut la pouffer
avec célérité , & la terminer dans trois ou
quatre ans , montent à près d'un million ;
nous en donnons le tableau (page 28.)
L'Encyclopédie forme aufli aujourd'hui
une maffe trop conſidérable pour qu'onpuiſſe
eſpérer d'en vendre des corps complets , fi
on ne donne pas des facilités au Public pour
en faire l'acquifition.
Nous l'avons éprouvé depuis deux ans
que la Souſcription a été rigoureuſement
fermée , on n'en a pu placer que vingt
Exemplaires,; & aujourd'hui que l'on fait
que l'Ouvrage doit avoir cent vingt-quatre
volumes & onze de Planches , on n'auroit
pas l'eſpérance d'en vendre ſeulement deux
par an. Peu de perſonnes font en état de
mettre une ſomme conſidérable tout à la fois
à l'acquiſition d'un Ouvrage , & confentent
à le payer plus cher que les contrefaçons
qui dévorent la Librairie de la Capitale , écraſent
la Littérature , &dont l'appât dangereux
& trompeur eſt ſans ceſſe offert au Public.
Nous ſommes donc forcés par notre
poſition , à rouvrir , pour la feconde fois , la
Souſcription à 751 livres ; par-là nous nous
د
1
44 MERCURE
mettons à l'abri des contrefaçons ; (1 ) nous
confervons cet Ouvrage à la France, nous
empêchons que le Public ne ſoit de nouveau
trompé , comme il l'a été ſur toutes les
contrefaçons in-4°. & in-8°, de la première
Edition in-fol. , qu'on a tronquées , altérées
, dont on a fupprimé les Parties les
plus importantes , comme celle des Arts &
Métiers mécaniques , qui en outre fourmillent
de fautes d'impreſſion dangereuſes
dans un Ouvrage de cette nature , qui traite
de la Médecine , de la Chirurgie , de la
(1)Quandnotre poſition& l'annonce des contrefaçons
ne nous détermineroient pas à rouvrir
cette feconde Souſcription , nousyferions encore
forcés par l'offre que nous avons faite aux Soufcripteurs
(page6), que l'augmentation de paiement
de cet ouvrage pourroit gêner , de faire placer leurs
Exemplaires , en leur indiquant les perſonnes qui
defirent d'être admiſes à la ſeconde Soufcription.
Nous ne pouvons pas reprendre directement leurs
Exemplaires , parce que le placement s'en étant
fait preſque en entier par les Libraires , auxquels
on a accordé une remiſe ſur chaque livraiſon ,
outre le treizième Exemplaire gratis, lesSouſcripteurs
perdroient cette remiſe , ſi nous les leur
reprenions.Nous ne préſumons pas d'ailleurs que
ce paiement excédent puiſſe être bien à charge ,
puiſqu'il doit ſe faire par petites parties de 12 ,
17 livres , ſuivant que les Livraiſons feront compoſées
de deux volumes à 6 livres , ou d'un
volume à 11 livres & d'un autre à 6 livres .
DE FRANCE..
45
Pharmacie , &c . où la plus légère erreur peut
avoir les conféquences les plus funeftes.
Les Contrefacteurs de cet Ouvrage , en
en publiant la Souſcription , viennent auſſi
de propoſer l'acquiſition des Dictionnaires
ſéparément. Nous avons bien prévu que cela
arriveroit tôt ou tard , & qu'on nous forceroit
la main à cet égard. C'eſt encore pour
ne pas nous laiſſer ravir tout le fruit que
nous ſommes en droit d'attendre de cet
Ouvrage , auquel nous avons facrifié toutes
nos autres affaires , & ne pas laiffer faire à
d'autres ce que nous pouvons faire nousmêmes
, que nous nous ſommes déterminés
à ouvrir une Souſcription à 12 livres le
volume de Diſcours , &à 30 livres le volume
dePlanches , conformément aux obligations
que nous en avons priſes dans le Profpectus
( 1 ) , ( page 8 ) .
Cesdeux opérations ne nuiſent en rien aux
(1) Si quelques Souſcripteurs croyoient avoir
le droit de s'y oppofer , nous n'avons qu'un
mot à leur dire : s'ils veulent ſe rendre caution de
Véventuel de cette affaire , nous acheter les huit
cens ſuites de Livraiſons qui reſtent dans nos
magaſins , à compter de la ſeizième , ſe borner à
ne recevoirque quatre volumes à6 livres au lieu de
quarante-huit, nous leur paſſerons un acte devant
Notaire de ne jamais rouvrir la ſeconde Soufcription
, & de ne vendre dans aucun temps
les Dictionnaires de cette Encyclopédie ſéparément.
7
46 MERCURE
intérêts des Souſcripteurs. La dernière conf
tate même que le bénéfice de plus de 600 liv.
qu'ils ont fur leurs Exemplaires eft réel; car
outre les 48 volumes à 6 livres , les Soufcripteurs
à 672 livres qui forment plus des
ſept-huitièmes de la Souſcription , n'ont payé
les volumes précédens que 9 liv. 10 fols au
lieu de 11 liv. (voyez- enla preuve page xv1).
Juſqu'à préſent nous n'avons penſe qu'à tout
ce qui pouvoit contribuer à la perfection de
cet Ouvrage. Les plus grands ſacrifices ne
nous ont rien coûté pour affurer cette entrepriſe.
Voyez la Lettre auxAuteurs (page x111) .
Nous elpérons qu'on nous permettra de
penſer à nos intérêts. Si les Souſcripteurs
croyoient avoir le droit de s'y oppofer , nous
regarderions l'entrepriſe comme détruite &
anéantie , parce qu'à l'impoſſible nul n'eft
tenu.
Les autres parties du Mémoire contiennent
des détails ſur les prétendus bénéfices
actuels de cet Ouvrage ; le tableau de tous les
accroiſſemens , des changemens , des améliorations
, des Parties nouvelles & omiſes dans
le Profpectus , qu'on a jugé à propos de faire
& d'ajouter pour compléter & perfectionner
cetOuvrage; une Lettre aux Auteurs de l'Encyclopédie
; l'état de tous les Auteurs actuels ;
celui du nombre des Dictionnaires qui compofent
les quarante-quatre diviſions de cet
Ouvrage; l'état des volumes qui exigent néceſ.
fairement des figures; un autre article ſur les
volumes de cet Ouvrage qui peuvent être
*
7
DE FRANCE.
47
actuellement reliés ; un autre ſur le temps où
cette Encyclopédie ſera terminée ( 1 ) ; de nouveaux
éclairciſſemens ſur un premier titre de
la Souſcription à 672 livres , où il y a prix
d'un Exemplaire complet , &c.; l'état des
nouveaux volumes de Difcours & de Planches
qui paroîtront en 1789 , & les fix premiers
mois de 1790 ; le réſultat du compte
pour les cinquante - trois volumes de Difcours
& les ſept de Planches pour les deux
(1) Cet Ouvrage ſera terminé dans trois à
quatre ans , fi on nous laiſſe tranquille , fi on ceſſe
de nous accabler de mauvaiſes difficultés , & de
prétentions mal fondées : que l'on confidère que
les premiers Entrepreneurs ont mis vingt-cinq
ans à faire la leur , & alors on devroit s'étonner ,
bien loin de ſe plaindre , que nous puſſions faire
en dix ans une entrepriſe quintuple de la première
, & que les premiers Libraires auroient
donc mis cent ans à terminer. On a pouſſé les
difficultés , juſqu'à nous demander des dédommagemens
de non jouiſſance , parce que l'Ouvrage
n'étoit pas actuellement terminé. Il y a des Soufcripteurs
d'une impatience extrême ; mais nous
ne ceſſerons de leur répéter qu'on ne fait pas un
bon Livre dans un temps déterminé , comme
une pièce d'étoffe. On peut voir , page 54 , les
arrangemens que nous avons pris pour nous
mettre à l'abri de tout reproche à cet égard ,
&pour répondre aux deſirs & aux voeux des
Souſcripteurs. Voyez auſſi la Note de la Lettre aux
Auteurs , (page xv. )
48 MERCURE
1
ordres de Souſcripteurs ( 1 ) ; un détail ſur le
paiement des ſoixante-dix-neuf livres qui forment
la différence des deux Souſcriptions ;
un tableau général des volumes de Planches
&deDifcours qui reſtent à livrer ; des paiemens
à faire , & de la forme de ces paiemens .
N. B. La ſeconde Souſcription à 751 liv.
pour cinquante-trois volumes de Diſcours &
leptde Planches , eſt actuellement rouverte ,
Hôtel de Thou , rue des Poitevins , chez le
fieur PLASSAN , Libraire. On a la liberté
d'acquérir les trente Livraiſons qui ont paru
toutes à la fois , ou une à une , deux à
deux , trois à trois , felon la volonté dés
Acquéreurs. La ſeule condition eſt d'avoir
attention de retirer les nouvelles Livraiſons
où il y aura des volumes à 6 livres à meſure.
qu'elles paroîtront , & cela à compter de la
trente-unième. Chaque Soufcripteur aan bénéfice
de 600 liv. en ſouſcrivant pour la
totalité de l'Encyclopédie.
On diftribue gratis le Profpectus du renouvellement
de cette ſeconde Soufcription
(1) Ce compte par feuilles &par planches pourta
paroître minutieux à quelques Souſcripteurs; mais il
étoit indispensable , parce que les derniers volumes de
chacun des Dictionnaires feront compofés d'un nom
bre très-inégal de feuilles , de 70 , 80,90,-1005
110 , 120 , & même jusqu'à 140 , comme le Tome troifième
de la Marine ; &n'ayant annoncéque des vo
lumes D'ENVIRON 100 feuilles, il devenoit donc
) néceſſaire de les régler d'une manière invariable.
Nous
DE FRANCE.
49
Nous tiendrons compte de l'excédent du
prix qu'ont payé les vingt perſonnes qui ont
acquis cet Ouvrage , depuis que la Soufcription
a étéfermée : cela nous paroît de toute
justice.
La Souſcription de tous les Dictionnaires
ſéparés qui compofent l'Encyclopédie , eſt
actuellement ouverte chez M. LAPORTE ,
Imprimeur , rue des Noyers , No. 225 , où
le Profpectus ſe diftribue gratis.
!
Cette vente des Dictionnaires ſéparés devant
entraîner un très-grand détail, & conſidérant que
nous nous devions tout entier à l'Encyclopédie
actuelle , & que nous ne pourrions y faire diverſion
ſans manquer aux Souſcripteurs de l'Encyclopédie&
fans ralentir cette entrepriſe , nous
avons voulu nous mettre à l'abri de tout reproche
àcet égard , en nous débarraſſant entièrement
detous les foins qu'exige cette nouvelle opération;
& à cet effet nous y avons intéreſſé M. LAPORTE
, Imprimeur , qui s'eſt chargé de ſuivre
toutes les impreſſions & réimprefſſions, tous les
détails de la vente , des expéditions , foit pour,
Paris , foit pour les Provinces ; nous avons même
voulu nous débarraſſer du ſoin de recevoir les
Soufcriptions : & comme cependant nous devons
en répondre , ainſi que lui , nous lui avons paſſé ,
le 8 Février de cette année , une Procuration
devant Me Gueſpreau , Notaire , à l'effet de ſigner
tous lesBillets de Souſcription qui porteront pour
fignature PANCKOUCKE & LAPORTE.
Nº. 10. Mars 1789. C
MERCURE
Monſeigneur le Garde-des-Sceaux s'étant
fait rendre compte de la poſition actuelle
de l'Encyclopédie ; & le Sieur Panckoucke
venant de s'obliger de donner aux Soufcripteurs
quarante-huit volumes à fix livres au
lieu de onze livres , lui a permis d'ouvrir
une Souſcription de tous les Dictionnaires
ſéparés de l'Encyclopédie , de continuer la
Souſcription de cet Ouvrage , & de demander
un Supplément de Souſcriptions ;
l'Encyclopédie devant avoir plus du double
de volumes qu'on n'en avoit annoncés.
Paris , le 27 Février 2789.
Signé , DE MAISSEMY.
SUITE DES NOUVELLES LITTÉRAIRES.
DES Etats-Généraux & autres Affemblées
Nationales Tomes 11-12-13-14. A
Paris, chez Buiffon , Libraire, hotel de
Coëtlofquet , rue Hautefeuille , N. 20
1789. 25%
Ir n'eſt plus queſtion d'apprécier cette
Collection intéreſſante qui avance vers fa
fin. On fait qu'on y trouvera , comme dans
un dépôt , tout ce qui a rapport , non-feulement
à la forne , mais aux queſtions qui
feront débattues dans les Etats-Généraux.
10
DE FRANCE. 31
On ſera convaincu , quelques prétentions
que nous ayions aux faines lumières & aux
notions exactes , que dans des temps plus
reculés la Nation ne laiſſoit pas que d'être
éclairée ſur ſesvéritables intérêts. Le Recueil
des anciens Etats-Généraux paroîtra à ceux
qui voudront le méditer , un Code national
& le réfumé du droit public. On y trouvera
que la Nation aſſemblée a de tous les temps
veillé ſoigneuſement à ſa propriété , à ſa
fûreté, à ſes libertés : ce ne fut pas ſa faute
fielle ne put pas réuffir alors.
On trouvera dans la Collection que nous
annonçons , le texte pur & précis de tant
de commentaires dont la Preſſe vient de
nous inonder ſous tous les formats & fous
des titres différens ; on a même défiguré ce
qu'on commentoit : telle eſt toujours la fuite
d'une effervefcence générale , qui ne manque
point de produire l'anarchie d'opinion , non
moins redoutable que celle des pouvoirs.
Cette nouvelle Livraiſon contient les Etats
d'Orléans de 1560 , en entier ; l'Affemblée
dePoiffy de 1561 , dans laquelle Catherine
de Médicis eſſaie de ſe procurer de l'argent
& la paix ; où elle ne réuffit qu'à obtenir
de l'argent ; & où il eût été fi facile d'éteindre
un feu qui , négligé , cauſa un affreux incendie
en moins de quinze années. Les Etats de
Moulins devroient plutôt être placés dans la
claſſe des Affemblées , parce que l'objet principal
du Roi fut d'y reconcilier les Guides &
les Châtillons. La célèbre Ordonnance de
C2
52 MERCURE
Moulins rendra cependant précieux le ſouvenir
de ces Etats; on y vit ce qu'on n'avoit
plus vu depuis Charles VI , un Roi eſſayer
de réunir deux Maiſons rivales , & deux
Princes qui prenoient pour garant de leur
réunion , les perſonnes les plus notables de
l'Etat.
Les Etats tenus ſous Henri III , font précédés
des Lettres expédiées par ce Roi aux
différens Sénéchaux , Baillis & Commiffaires
, & indiquent exactement la forme préparatoire
qu'on a ſuivie dans la ſuite. Les
Etats de 1576 ſont ſuivis de l'Affemblée de
S. Germain de 1581 , &de ceux de 1588 ,
qui font fi remarquables par le maſſacre des
Guifes , & par la noble réſiſtance des Députés
du Tiers-Etat , qui refuferent d'outrepaffer
leurs pouvoirs , en accordant une levée
d'impôts qu'ils n'étoient point autoriſés à
accorder..
LaLivraiſon qui va fuivre , &qui eft , fuivant
l'avis de l'Editeur , la dernière de cette
Collection , nous paroît devoir être plus inftructive
encore& plus utile que les précédenres
, parce qu'elle ſe rapproche davantage de
nous; ellecomprendra la fin des Etats de 1 588,
'Affemblée de Rouen de 1593 , les Etats de la
Ligue, dont les détails ſont ſi curieux , & où
reviennent les importantes queſtions qu'on
avoit jadis agitées à l'occaſion de l'ordre de
Succeffion à la Couronne , & dans laquelle
des Patriotes ofèrent élever leurs voix au
milieu de factieux , dévoués à Rome & ven-
E
R
DE FRANCE.
dus à l'Eſpagne. L'Aſſemblée de 1577 marque
, pour ainſi dire , la première époque où
Henri IV s'eſt trouvé en préſence de la Nation
foumiſe & conſultée par le meilleur des.
Monarques: ſuivent les Etats de 1614 ; FAfſemblée
de 1617 , que Sully a trop calomniée
;& les détails ſur la convocation de
celle de 1652 , qui n'a pas eu lieu. Ces différens
Etats feront précédés , ſuivant l'Editeur
, de Notices , tirées de différens Auteurs ,
qui donneront une notion fûre de l'état des
Finances & de la ſituation du Royaume...
Ce ſimple apperçu ſuffit pour faire ſentir
de quelle utilité une pareille Collection doit
être aux yeux de ceux qui par état ou par
circonftance font obligés de ſe pénétrer de
bons principes , & de confulter les monumens;
on les trouve ici fans altération. Le
Lecteur ne fuit point une ligne tortueuſe ,
tracée par des Editeurs ſyſtématiques , ou
pardes Auteurs qui ont des motifs particuliers
: on va droit au fair, on arrive à la vé
rité ,& on n'eſt ni arrêté , ni obligé d'écarter:
de nombreux entours. C'eſt ſur-tout pendant
la tenue des Etats-Généraux qu'on fera plus:
à portée d'apprécier l'utilité d'une Collection
qui préſente des faits &des exemples dont
on aura bien plus de beſoin que de beaux:
difcours & de ſyſtèmes..
C
54
MERCURE
ACADÉMIE FRANÇOISE.
:
27 DANS une brillante Séance , tenue le
Février , M. le Duc d'Harcourt a été reçu
à la place de M. le Maréchal de Richelieu.
Dans fon Diſcours , le nouvel Académicien
avoit un moyen für de parler au coeur de
ceux qui l'écoutoient ; c'étoit de rappeller le
précieux dépôt confié à ſes lumières & à ſes
vertus. Il a loué ſon Prédéceſſeur avec autant
de dignité que d'intérêt : le rôle brillant:
qu'avoit joué M. le Maréchal de Richelieu ,
a confervé tout ſon éclat dans le tableau
qu'en a tracé M. le Duc d'Harcourt, dont le
Diſcours a reçu beaucoup d'applaudiſſemens...
M. Gaillard , Directeur actuel de l'Académie,
en a rempli les fonctions avec un
ſuccès digne de fon mérite littéraire : il a fu
mêler avec goût , l'efprit & l'érudition ; &
ſaRéponſe a été très-applaudie..
De charmantes Fables ont terminé cette
Séance , de la manière la plus fatisfaiſante 5.
T'une eſt de M. de Rhulieres , intitulée
PA-propos,dont le titre a paru doublement
rempli : on a defiré auſſi l'entendre deux fois 5
&M. de Rhulieres en a répété la lecture,
qu'on a extrêmement applaudie. Les autres.
Fables , qui font au nombre de cinq ou fix ,
font de M. le Chevalier de Florian ; elles
ont eu le brillant ſuccès auquel l'Auteur eft
accoutumé..
DE FRANCE.
55
N. B. L'abondance des matières nous a obligés
de renvoyer l'Article des Spectacles au Nº. prochain.
ANNONCES ET NOTICES.
L
INSTRUCTIONS familières & raiſonnées fur
les matières de la Foi & de la Morale ; fur les
Myſtères , les Fêtes & les Cérémonies de l'Eglife,
pour fervir principalement à Meſſieurs les Curés,
Vicaires & autres Prêtres inſtruiſans ; par M.
l'Abbé Janſſon , Directeur d'une Communauté de
Carmelites à Paris , ancien Curé au Diocèſe de
Beſançon, 3vol. in-12 , prix 9 liv. relié.AParis
chez Onfroy , Libraire , rue S. Victor.
A
Explicationfuccinte des devoirs propres à chaqus
état de la fociété naturelle & civile , tirée du déve--
loppement qu'en a fait le Conférencier d'Angers,
pour ſervir principalement aux perſonnes féculières
qui compoſent ces états ; par M. l'Abbé
Janſſon , Directeur d'une Communauté de Carmelites
à Paris , ancien Curé au Diocèse de Befançon
. un vol. in- 12 , prix 3 liv. relié.AParis ,
chez Onfroy , Libraire , rue S. Victor..
Examen critique des recherches hiſtoriques fur
l'eſprit primitif , & fur les anciens Collèges de
l'Ordre de S. Benoît , d'où réfultent les droits de
laSociété ſur les biens qu'il poffède , 1 vol. in-8..
prix broch. 4 liv. AParis , chez Onfroy , Librai--
re , rue S. Victor...
Obfervations d'un Alfacien , für les droits& les
intérêts de ſa Province , relativement à la con
56 MERCURET
vocation des Etats-Généraux , & à la reſtauration
des Etats Provinciaux d'Alface : contenant en
raccourci l'Histoire Politique de cette Province ,
avec pièces juſtificatives , in-8. de 105 pages. A
Paris , chez Gattey , Libraire , au Palais Royal.
Petite Bibliothèque des Théâtres. AParis , chez
Belin , Libraire , rue S. Jacques ; &Brunet , rue
de Marivaux , place du Théâtre Italien..
Ce treizième volume des Tragédies comprend
Didon, par le Franc de Pompignan , avec Andronic
&Tiridate , deux Tragédies de Campiſtron ..
La Vie & le Testament de Michel Nostradamus ,
Docteur en Médecine , Aſtrophile , Conſeiller
Médecin ordinaire du Rọi : né à Saint-Remy , le
14Décembre 1503 , fous le règne de Louis XII ,
avec l'explication de plufieurs Prophéties trèscurieuſes
, i vol. in- 12. AParis , chez Gattey ,
Libraire , au Palais Royal.
Le Voyageur à Paris , extrait du Guide des
Amateurs&des Etrangers Voyageurs , à Paris
contenantunedeſcription fommaire , mais exacte ,
de tous les monumens , chefs-d'oeuvre des Arts ,
Etabliſſemens utiles , & autres objets de curiofité
que renferme cette Capitale. Cet Ouvrage ,
utile aux Citoyens , & indiſpenſable aux Etrangers
, a été rédigé par M. Thiery , Auteur du
Guide des Amateurs : il eſt orné d'un nouveau
Plan de Paris , année 1789 , 2 parties , in- 12 .
3 liv.AParis, chez Gattey , Libraire , au Palais
Royal.
RÉPONSE à MM. les Officiers du Corps-Royal
du Génie , Auteurs d'un Mémoire ſur la Fortification
perpendiculaire , par M. le Marquis de
Montalembert Maréchal des Camps & Arméess
DE FRANCE.
57
du Roi , de l'Académie Royale des Sciences , 1
vol. in -8°. avec pluſieurs Planches.AParis , chez
Didot fils aîné , Libraire , rue Dauphine , No. 116.
CetteRéponſe , qui paroît avoir l'approbation
de l'Académie Royale des Sciences & fons fon
Privilège , contient une diſcuſſion très-détaillée
fur la méthode en uſage par MiM. les Officiers du
Génie , pourjuger du degré de force des différens
ſyſtèmes de Fortification , & fur celle que l'Auteur
penfe devoir lui être préférée. Il s'y trouve
deplus une réfutation de tout ce qui a été ditdans
le Mémoire de MM. les Ingénieurs , contre le
nouveau ſyſtème développé dans les cinq volumes
de la Fortification perpendiculaire. Cet
Cuvrage ne peut donc être que très- intéreſſant
pour les Militaires qui defirent acquérir des connoiſſances
fur l'Art important des Fortifications.
Les Amours du grand Alcandre , par Mademoifelle
de Guiſe , ſuivis de Pièces intéreſſantes
pour ſervir à l'Histoire de Henri IV , 2 vol.
in-12 , prix 5 liv. br. AParis , chez Didot l'ainé ,
Imprimeur du Clergé , rue Pavée S. André ( ou
on a imprimé quelques Exemplaires fur papier
fin ; prix des deux volumes br. 12 liv. )
Le Roman des Amours du grand Alcandre eſt
fort connu. La jolie édition que nous annonçons
, comprend une notice ſur la vie de Henrile-
Grand , qui offre des recherches curieuſes ſur
ce célèbre Monarque.
Galerie du Palais Royal , gravée d'après les
Tableaux des différentes Ecoles qui la compofent
, avec un abrégé de la vie des Peintres , &
une deſcription hiſtorique de chaque Tableau ,
treizième Livraiſon. A Paris , chez J. Couché ,
Graveur , rue Saint-Hyacinthe , No. 4; & J.
1
38 MERCURE
Bouillard, Graveur , rue d'Argenteuil , Nº. 95 .
Cette Livraiſon , auſſi ſoignée que les précédentes
, renferme le Tentateur de Titien Vecelli;
Vénus &Adonis , par Luc Cambiafo ; la Vifion de
S. François , par Annibal Carrache ; Vénus qui fe
mire , par Titien Vecelli ; Charles 1 , par Vandick;
& le Charriot , par J. Breughel,
و
La France divisée en toutes ses Provinces ,
avec ſes Préſidiaux , Bailliages , Sénéchauffées ,
Prévôtés Vigueries , Chancelleries & Pays
fubalternes , conformément au Réglement de la
Convocation des Etats- Généraux , du 24 Janvier
1789 , publiée & exécutée par le fieurDeſnos.
AParis , rue S. Jacques , au Globe. D
Manuel des Vignerons de tous les Pays , ou
moyens perpétuels d'économies & d'améliorations
, comme il n'y en a guère , pour foulager
&décharger tous les pays vignobles ; contenant ,
1°. la méthode la plus fimple & la plus économique
pour planter & cultiver la vigne , pour
en augmenter le rapport , & avancer la maturité
des raiſins ; 2°. une méthode particulière pour
traiter , tailler & gouverner toutes les vignes
déjà exiſtantes , à beaucoup moins de frais qu'à
préſent , ſans en changer la forme , & en fupprimant
entièrement l'uſage des foſſes ou provins ,
& la plus grande partie des engrais ; 3 °. deux
procédés , les plus généraux & les plus ſimples
pour faire & améliorer les vins , avec les principales
expériences des méthodes , imprimées fous
les aufpices de l'Aſſemblée générale des trois
Provinces de la Généralité de Tours , & aux
frais deMgr. l'Archevêque de Tours , fon Préfident;
par M. Maupin , Auteur de l'Art de la
Vigne , de l'Art des Vins , &d'un nouveau fyf
DE FRANCE.
59 .
tème ſur l'Agriculture; prix 30 ſols , avec le reçu
ſigné de l'Auteur. A Paris , chez l'Auteur , rue
du Pont-aux-Choux , N°. 43. L'Auteur fera paſſer
cet Ouvrage dans toutes les Provinces , franc de
port par la Poſte , en lui faiſant tenir le prix ,
port& Lettres affranchis .
Phyficæ conjecturalis elementa , juxta recentiores
Chymiſtarum & Phyſicorum inventiones
elaborata , & in uſus Academicos confcripta ab
Antonio Libes , in Collegio regio Tolofano Philofophiæ
Profeffore. Toloſæ , apud Joannem-Jacobum
Robert ; Lutetiæ Parifiorum , Lib. Art.
Mag. Collegii regii Typographum & Bibliopolam.
CetOuvragemérite une attention particulière ;
les Elémens de Phyſique qu'il renferme ne refſemblent
point àce qu'on apprend dans les Claſſes.
de Philofophie , où l'on n'a enſeigné juſqu'ici
que des formules de Méchanique , d'Optique ,
& d'où les Ecoliers ſe retirent fans pouvoir expliquer
les phénomènes les plus ordinaires que la
nature nous préſente. Le Traité de l'Electricité
eſt neuf , par la manière dont il eſt préſenté ; les
Traités des Gaz , de l'Eau , du Feu , font travaillés
d'après les découvertes les plus modernes;
& enfin l'Auteur a dépouillé fon Ouvrage
des objections multipliées dont on charge ordinairement
les Livres de cette eſpèce ; &il a jugé
àpropos de mettre dans des ſcholies les objections
avec les ſolutions ; ce qui donne à l'ous
vrage plús de préciſion&de clarté.
Manuelpour le ſervice des Malades , ou Précis
des connoiffances néceſſaires aux perſonnes chargées
du ſoin des Malades , Femmes en couche ,
Enfans nouveaux-nés , &c.; par M. Carrere,
6. MERCURE DE FRANCE .
Confeiller , Médecin ordinaire du Roi , Proieffour
Royal - Emérite en Médecine , Cenfeur
Royal , ancien Inſpecteur-Général des Eaux Minérales
de la Province du Rouſſillon , &c. , troiſième
édition , in- 12 . A Paris , chez Lamy , quai
des Auguſtins.
Bibliothèque des Dames , rue & hôtel Serpente.
Il vient de paroître , de cette intéreſſante Collection
, le dix-huitième volume des Romans.
Il est trop trop tard , peint & gravé par A. F.
Sergent; prix 9 liv. A Paris , chez l'Auteur , rue
Mauconſeil , Nº . 62.
Cette gravure , d'une agréable compofition ,
abeaucoup d'effet , & doit être bien accueillie.
C'eſt au même Artiſte qu'on doit un très-bon
Portrait de M. Necker , annoncé dans lesNuméros
précédens.
VERS.
Conte.
TABLE.
Char. Enig. Logog.
Traité..
Efai.
56
page3 Lettre. 28.
Des Etats- Généraux, 50
8Académie. 54
20 Annonces. 55
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des -Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 7
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en
empêcher l'impreſſion. A Paris , le 3 Mars 1789.
SÉLIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
:
SUED -E.
De Stockholm , le 6 février 1789.
Dès le milieu du mois dernier , le Roi
avoit nommé les Présidens , soit Orateurs
des quatre Ordres à la Diète ; savoir ,
pour la Noblesse , le Comte Charles-
Emile de Levenhaupt ; pour le Clergé ,
le Docteur de Troil, Archevêque d'Upsal;
pour la Bourgeoisie, M. André Lyd
berg, Membre du Conseil Municipal de
Stockholm ; pour les Paysans, leCultivateur
Olof Olofssen, de la province d'Os
trogothie. Le 2 de ce mois , l'ouvertura
de la Diète eut lieu dans les formes
ordinaires . Le Roi s'y rendit, ainsi qu'à la
Cathédrale , revêtu des ornemens royaux
il étoit suivi des Princes ses frères et des
Sénateurs en habit de cérémonie . S. М.
N°. 10. 7 Mars 1789. a
( 2)
3
:
avoit eu l'attention délicate de ne point
faire paroître sa Garde Militaire dans
cette solennité. Contre l'usage , ce fut
l'Infanterie Bourgeoise qui scule occupa
tous les postes , et qui parada en haie
sur lepassage de S. M. et de son cortège .
Lorsqu'au sortir de la Cathédrale , le Roi
se rendit au château , un Peuple immense
fit retentir l'air d'acclamations.
Les quatre Ordres ayant pris séance
dans la Grande Salle des Etats , le Roi
prononça le Discours d'ouverture , et
exposa, en présence du Public entier ,
la situation intérieure et extérieure de la
Suède. Le lendemain 3 , les portes furent
closes , et le Roi y développa à l'Assemblée
les intérêts de la Nation , ses liaisons
avec diverses Puissances de l'Europe , et
ses différends avec deux des Cours du
Nord. Il termina le second Discours par
la proposition d'établir un Comité secret
de 30Députés , dont 12 de la Noblesse ,
pour délibérer sur les demandes du
trone.
Ainsi que nous l'avions fait pressentir ,
le Roi a obtenu une Majorité considérable
dans l'Ordre du Clergé et de la Bourgeoisie
, et l'unanimité dans l'Ordre des
Paysans . Les débats ont été plus vifs
dans celui de la Noblesse : les Députés
de Finlande ont l'instruction et l'ordre
positifs de soutenir le Roi en tous points,
et de ne jamais se séparer de lui. Nous
(3)
reviendrons aux détails de ces premières
Séances.
,
Outre les Officiers détenus en Finlande
l'été dernier, à la suite des manoeuvres
qu'on leur attribue , on en a arrêté
quelques autres, qu'on accuse d'un complot
pour livrer la Finlande à une Puissance
Etrangère. L'on a trouvé , à ce
qu'on assure , toutes les preuves d'une
intelligence criminelle , dans le portefeuille
même d'un Officier-général qui
se trouve au nombre des Prévenus , et
dont on a saisi toute la correspondance.
Il étoit honoré de la confiance
du Roi , et de commandemens trèsimportans
. Ces prisonniers , qui sont
en route sous forte garde , pour venir
ici sont le Lieutenant - Général
Baron d'Armfeld , le Major-général
d'Hastfehr, des Colonels de Montgomery
, d'Otter, de Stedingk,dHastesko
et de Leyonsfedl, et le Lieutenant-
Colonel de Klingsparr. Les Majors de
Klick et de Jagerhorn , se sont sauvés.
On prépare à ces Accusés une partie du
château de Fridéricshof, ainsi que la
Grande Salle , où siégera la Cour Souveraine
, Tribunal suprême d'Etat, qui
doit les juger. Ce Tribunal , qui n'avoit
pas encore été en exercice sous la forme
actuelle de Gouvernement , est constitué
par l'article XVI , dont voici la teneur :
<< S'il arrivoit que quelque personne
<<de haute naissance , qu'un Sénateur
a ij
(4)
<< du royaume , ou un College entier
<<s'oubliat au point de commettre quel-
« que délit contre le Roi , contre le
<< royaume , ou la Majesté de la Cou-
<<< ronne , il sera établi une Cour Sou-
• veraine, présidée par le Roi lui-même ,
ou , à son défaut , par le Prince Royal ,
<<héritier présomptif de la Couronne ,
<<ou par le Premier Prince héréditaire ,
<<ou enfin par le plus ancien des Sé-
<<nateurs du royaume. Il aura pour
<<' assesseurs , les Sénateurs , le Feld-
<<<Maréchal , tous les Présidens des Col-
« léges du royaume , les quatre plus an-
<< ciens Conseillers des quatre Tribunaux
du royaume et de la Cour , un
<< Général, les deux plus anciens Lieute-
<< nans-généraux , les deux plus anciens
Majors-généraux , le plus ancien Ami-
<< ral, les deux plus anciens Vice-Ami-
<<< raux, les deux plus anciens Contre-
<<Amiraux , le Chancelier de la Cour
<<< et les trois Secrétaires d'Etat. Le Chan-
<<<celier de Justice fera les fonctions de
<< Procureur - général , et le Secrétaire
<<<des révisions , celles de Greffier. Cette
Cour, après l'instruction faite et par-
<<< faite, rendra l'arrêt en dernier ressort ,
<< les portes ouvertes, saufla prérogative
qu'a S. M. de faire grace. >>
Le Conseil de guerre institué à Gothembourg
pour juger la conduite du
Colonel Tranenfeld, lors de l'invasion
dos Danois près de Quistrum , l'a déchar(
5 )
gé entièrement ; mais il a trouvé punis-..
sable celle des Officiers Funk et Friesendorf.
En conséquence , on les a arrê
tes , et ils seront conduits ici.
POLOGNE.
De Varsovie , le 7 février. J
Dans la Séance du 3, la Diète a pourr
suivi ses délibérations sur les taxes nouvelles
et l'accroissement des revenus publics.
Le projet du Timbre dont nous,
avons parlé , a été consommé : il est
arrêté qu'à l'avenir toutes les dignités
temporelles et spirituelles paieront le
droit du Timbre de leur Diplome : le
Primat, par exemple, paiera mille ducats;
un Evêque , quelques centaines de
ducats , selon l'importance de son Diocèse
; un Palatin , un Ministre d'Etat ,
cent ducats. Les Ordres de Chevalerie
sont également taxés.
P
১
"
»
>
"
ל
Le même jour , on renouvela la proposition
du Palatin de Siradie , de s'oc
cuper sans délai d'une levée considérable
de Cavalerie nationale , composée des
Membres, de l'Ordre ,Equestre , ayant b
chacun un valet-d'armes. Cette Motion
fut reprise encore dans la Séance du 4 ,
et victorieusement soutenue par M. Stanislas
Potocki , Nonce de Lublin ,
Il entraîna , le 5, de vifs débats , non sur
le projet lui-même mais sur la forme
de son exxééccuuttiioonn;; enfin, le6, cette im
au
i
(6 )
portant établissement fut sanctionné , et il
sera formé 200 Compagnies , chacune (1)
de 150 maîtres , ce qui fera un Corps de
30 mille hommes à cheval. Quelques personnes
ont trouvé que ce nombre excédoit
les proportions fixées par la plupart
des Puissances entre leur Cavalerie
et leur Infanterie; mais la Diète seinble
ici s'être pénétrée des maximes que lui
adressa J. J. Rousseau. <<< L'esprit d'imi-
<<tation , disoit ce grand Ecrivain , pro-
<<duit peu de bonnes choses , et ne pro-
<< duitjamais rien de grand. Chaque pays
<< a des avantages qui lui sont propres ,
<<et que l'institution doit étendre et fa-
<<yoriser. Ménagez , cultivez ceux dela
<< Pologne. N'imitez pas servilement la
<<tactique des autres Nations. Etablissez
<<"des Corps de Cavalerie ou toute la No-
<<blesse soit inscrite ; ayez de l'Infante-
* rie, puisqu'il en faut ; mais ne comptez
<<que sur votre Cavalerie, et n'oubliez
<<<rien pour inventer un systéme qui
<<mette tout le sort de la guerre entre
<< ses mains. »
3
יועמ
On peut ajouter aux raisons politiques?
développées par le Citoyen de Genève ,
que le propre de la Pologne est de produire
des Cavaliers , comme les côtes
d'Angleterre et de Hollande produisent
des Matelots. Les Alliés de ces Etats
15
(1 ) Et non pas 20, comme l'ont dit quelques
Gazettes,
( 7 )
maritimes ont cherché à réunir leurs
forces de terre aux forces de mer
de ces derniers : de même les Puissances
qui s'allieroient avec la Pologne ,
trouveroient une Cavalerie nombreuset
à joindre à leur propre Infanterie.
Dans la Séance du 4, la Commission
du trésor rendant compte de son travail
au sujet de l'emprunt , communiqua à
l'Assemblée que le Banquier Tepper
avoit offert tout de suite une avance de
cent mille ducats ; et que pour la partie
de l'emprunt qui passeroit par ses mains,
il renonceroit à toute espèce de droit de
Commission.
L'on arrêta , le 5 , que les Tartares
qui habitent la Lithuanie , seroient admis
dans les Corps (ou Pulks) de Dragons ,
vu qu'ils s'étoient toujours montrés bons
Citoyens , quoique suivant la Religion
Mahométane : sur quoi nous observerons
en passant , que la République de
Pologne est la plus tolérante de toutes
celles qui existent , et que Voltaire a
écrit sur de mauvais mémoires
persiflage intitulé : Lettre aux Confédérés
de Bar. Il y représente les anciens
troubles de la République comme
des guerres de religion , et dit que les
voisins entrèrent en Pologne , du droit
que l'on a d'entrer dans la maison de
son voisin , lorsque le feu y est. Mais
si Voltaire avoit porté lui-même cette
Lettre à son adresse , il auroit trouvé
son
1
:
a iv 1
(8 )
sur son chemin , des mosquées et des
synagogues , des temples Luthériens ,
Calvinistes et Anabaptistes , des Eglises
Grecques unies , Grecques Schismatiques
et Arméniennes , et se seroit convaincu
que les Polonois étoient alors
et avoient toujours été tolérans.
Les Maréchaux de la Diète ont enfin
reçu de la part de la Cour de Russie ,
une Note en réponse de celles par les
quelles la République a requis l'évacuation
des troupes de cette Puissance. Probablement
il en sera fait lecture dans
la première Séance , et l'on assure qu'elle
ne contient aucun sentiment défavora
ble à l'indépendance de la Pologne .
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 12 férrier.
La police est occupée depuis quelques
jours à dresser un état des chevaux appartenans
à des particuliers . La même
opération a déja eu lieu dans les provinces
: une seconde compagnie d'Artilleurs
est partie pour la Prusse Occidentale,
et se rend à Bromberg.
2
Comme on saisit , ily a quelque temps,
à Copenhague , une somme de 50,000
ducats envoyés d'ici à Stockholm , pour
le paiement des bois achetés en Suède , D
le Gouvernement , par représailles , a
fait mettre un embargo sur plusieurs batimens
Danois qui se trouvoient dans les
((2))
1
ports de Stettin , d'Eltting et de Memel...
LeLieutenant-génégal Comte de Kro
ckow s'est retiré du service,avec une
pension de 2,000 rixdalers . Le Duc de
Holstein-Beek a été nommé Brigadier
de l'Infanterie légère dans la Prusse
Orientale , et le Colonel de Prittwiz,
Major-généralde Cavalerie et Inspecteur
des remontes. : رز
1
From
On apprend de Mittau , que la Du
chesse de Courlande est accouchée , te
26 janvier , d'une Princesse.
0
On prétend que le Prince Davidoff
est arrivé , ici , de Pétersbourg avec des
dépêches dont on ignore encore le contenu
; ce qui n'empêche pas qu'on ner
répande qu'elles décideront,de, la paix
ou de la guerre,
De Vienne,le 12 février.
Un Décret de la Cour vient d'ordon
ner qu'à l'avenir les fiefs yacans dans les
provinces appartenantes au Souverain ,
ainsi que ceux qui sont à la disposition
des Chapitreset Couvens , seront vendus
auplus offrant; les premjers , au profit du
trésor , et les autres , à celui de la caisse
de religion.
Les 11 régimens d'Infanterie Hongroise
soront bientôt complets; chacun
est composé de 4 bataillons. Ces régimens
formeront en tout environ 60,000
hommes. Les maladies continuent leurs
D
av
(10 ))
ravages dans les différens quartiers de
nos troupes , où la mortalité est trèsconsidérable
. 1
Une division de l'équipage de campagne
de l'Empereur est partie aujourd'hui
pour la Hongrie. 1
Le Comte de Choteck, Chancelierdu
royaume de Bohême , a donné la démission
de cette place, que S. M. a conférée
au Baron de Kressel.
'Le Comte de Pergen , Ministre des
Affaires intérieures , et Maréchal provincial
de labasse Autriche , se retire aussi :
on ne sait pas encore qui le remplacera
Les recrues , qui seront levées cette
annéé dans les Etats héréditaires d'Allemagne,
monteront, dit-on, à 160,000hom.
On apprend d'Agram , que le 19 janvier,
un gros détachement de Turcs a
fait une invasion dans le district de Klokotset
, qu'il a mis le feu à deux villages,
et enlevé les habitans des deux sexes.
La Save a débordé et pénétré dans
Semlin . Il a fallu retirer tous les canons
dés redoutes, et la garde des piquetsavandés:
Le pont de Schabacz , et laplupart
des bâtimensont été emportés et détruits.
DeFrancfort sur le Mein, le 28 février.
Nous avons parlé des forteresses et des
châteaux dont il falloit s'emparer, pour
se rendre maître de la Bosnie ; voici l'état
des uns et des autres :
Les forteresses sont au nombrede 24;
e
श
1
Na
1
m
R
A
(11 )
savoin , Zwornik, Banialuca , Trawnik ,
Bihaz , Saraglio, Magloi , Varnduk, Tessan
, Dubno , Dervent , Gracheniza ,
Janicze , Baohacz , Katar , Gradisca ou
Berbis ,Gzitnicza , Potrowacz , Glamosc,
Scupanachz , Mostar , Trebinie , Kodgaricza
, Kullassin et Predor. Le nombre
des châteaux forts est de 17 ; savoir ,
Dobor , Szokol , Serbernik , Szoko
Vratruk , Klues , Kotaracz , Bachin
Kupers , Stolacz , Spuh , Gvizko , Kuschlat
, Srebernicza , Drina , Glasnicza ,
Trocsak ; enfin , la redoute de Peresno .
,
,
Le mémoire que le Prince - Archevêque
de Salzbourg a fait remettre à la
Diète , concernant les nonciatures en
Allemagne a fait beaucoup de sensation
. On jugera de l'esprit de ce mémoire
par le passage suivant : <<<Pour prévenir
<< toutes les fausses interprétations et
« les insinuations artificieuses , S. A.
<<juge à propos de faire, avec sincérité ,
<<la déclaration suivante : Bien loin de
<<<mettre en contestation la Primatie de
<<<Rome , et les prérogatives légitimes
<<qui y sont attachées , S. A. la respecte
<< avecla soumission convenable , d'après.
<<le véritable esprit de l'Eglise : Elle
<<regarde comme une suite de cette Pri-
>> matie la mission des Nonces faite de
>>temps en temps en Allemagne , pour
<<l'inspection seulement , afin de con-
< server l'unité de la doctrine, et de pré
«venir toute scission quelconque. Ces
১৯
a vj
(12)
< Nonces ne peuvent avoir dans l'Em-
<<pire d'autre administration , et ils ne
<<pourront jamais rien entreprendre au
< préjudice de l'Empire en général , et
<< de ses Etats en particulier. S. A. ne
* contestoit pas aux Nonces la qualité
<<de Ministres pour des affaires poli-
<<tiques ; Elle avoit voué, et Elle con-
<<tinuera de vouer au Saint Siège , et
« particulièrement à Sa Sainteté glo-
<<rieusement régnante , la vénération la
<<plus parfaite , conformément à ce
<<qu'Elle se doit à Elle-même , à Dieu
<<et au S. Empire; Elle n'attaquoit que
<< les principes que la Cour de Rome a
<< adoptés , pour anéantir, en général ,
<<les droits primitifs des Archevêques et
<<Evêques , et en particulier ceux de
<<l'Eglise d'Allemagne ; enfin , l'on ne
<<pouvoit reconnoître et l'on ne recon-
<<noîtra jamais des Nonces munis de
<<facultés contraires au pouvoir des
<<Evêques , facultés qui permettent tout
<< aux Nonces , et ne laissent rien aux
<<Evêques. >>>
Un Journal Allemand a présenté dernièrement
un état de la liquidation des
dettes de l'Electorat de Saxe , que son
exactitude nous engage à rapporter.
" En 1764 , les dettes de l'Electeur montèrent
à 42,686,009 rixdalers ; favoir , 6 millions de
dettes de Cour , autant fur les droits d'acciſe , un
million & demi d'arrérages à l'armée ( cet art. eſt
f
«
(13)
entièrement acquitté depuis 1767) ,& 29, 180,424
fur les impofitions. Pour l'amortiſſement de cette
ſomme , on affigna , ſur les revenus les plus fûrs ,
un fonds annuel de 1,100,000 rixdalers. On a
acquitté , depuis 1764 juſqu'en 1786 , 7 millions
643,303 rixdalers; de forte qu'en 1786 il reſtoit
encore à payer 21,385,121 rixdalers . L'exactitude
de ces paiemens a tellement relevé le crédit public
, qu'actuellement les obligations,fur lefonds
d'amortiſſement&les autres papiers de l'Etat équivalent
, non ſeulementà l'argent comprant , mais
gagnent encore ſouvent un , & juſqu'à deux pour
cent , quoique les intérêts primitifs ne foient que..
de troispour cent. Il ne faut point confondreavec
la çaiſſe de crédit ſur les revenus fixes , la caifle
de crédit de la Chambre Electorale , qui eſt deftinéeà
acquitter les dettes de la Chambre&celles
faites fur les acciſes . Cette dernière caiffe a été
établie à Dreſde en 1763 ; fon fonds de 300,000
rixdalers eft pris ſur les revenus des domaines &
des droits réguliers ; les paiemens ſe font auffi
avec exactitude , & de la même manière qu'à la
caiſſe de crédit ſur les revenus fixes . »
7
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 24 février.
Depuis mardi dernier , jusqu'à ce jour
inclusivement , les Bulletins officiels ont
continué d'annoncer des progrès non
interrompus dans le rétablissement du
Roi . Il a recouvré entièrement l'usage
de toutes ses facultés intellectuelles , et
sa guérison parfaite ne tient plus qu'à
(14.)
un reste de débilité physique , suite nécessaire
de la durée de la maladie. Les
gens que le Docteur Willis avoit amenés
de son hospice , y ont été renvoyés ,
et ce loyal et digne Médecin doit luimême
y aller passer une semaine , après
une absence de deux mois. L'on a préparé
ici , au palais de la Reine , les appartemens
du Roi et de la Famille Royale ,
attendus en cette capitale vers la fin de
la semaine : il a même été annoncé que
leRoi se rendroit dimanche à la chapelle
de Saint-James. Quant aux particularités
de sa convalescence , voici ce qu'en
dit , il y a 5 jours , le Public Advertiser,
sur des autorités respectables .
« Le Roi ſe rétablit à vue d'oeil ; il a repris
fon appétit , dort bien ,& s'éveille dans la diſpoſition
la plus ranquille; fon pouls eft redeſcendu
à67 battemens par minute. Sa converſation eſt
raiſonnable; il ſent ſon état ,& s'aperçoit lui-même
de fon rétabliſſement ; il veut quelquefois revenir
aux affaires publiques , & s'arrête de ſon propre
mouvement, en difant : Il ne faut pas que
j'aille plus loin ; ma tête ne peut encore fuffire à
cela, mais elle le pourra bientôt.Avant hier (18 )
S. M. fe rendit à fon Obfervatoire de Kew; Elle
s'amuſa à comparer ſes pendules avec les obfervations
faites auSoleil,& à fupputer combien chacune
avoitd'avance ou de retard. Elle fit cescalculs
avec autant de farg-froid& de juſteſſe que dans ſa
plus parfa'te ſanté , de forte que nous avons les
eſpérances les mieux fondées de lui voir reprendre
inceſſamment les rênes du Gouvernement. »
<< Chaque jour , chaque heure , dit un fecond
rapport authentique, nous donne des ſymptômes
( 15)
deplusen plusfavorables. Voi'à déja douze jours
paflés ſans la moindre rechute. Notre excellent
Roi eſt enfin redevenu preſque entièrement luimême
; ſon appétit eſt bon , il dort bien; ſes forces
ſont rétablies au point qu'il peut faire une promenade
de trois heures. Il voit la Reine et les Princeſſes
deux heures par jour. On lui permet de cauſer
avec ſes Artiſtes,ſes Jardiniers , ſes Ouvriers.
Une fois il s'eſt haſardé à faire quelques queſtions
fur les affaires politiques au Docteur Willis , qui
a humblement ſupplié S. M., non-feulement de
n'en pas parler encore ,mais même de n'ypas penſer;
ce que le Roi lui a promis »
«Le Docteur Willis a prévenu la Famille
Royalede ne point s'alarmer s'il furvenoit quelque
rechute dans la convalescence; la cure complète
de toutes les maladies du cerveau étant or
dinairementprécédée de ces retours . »
Le Roi a déja repris ses dînés de famille
: il a vu le Chancelier , M. Pitt et
Milord Hawkesbury. Dans la visite que
lui rendit le premier de ces Ministres ,
le. Roi le questionna , avec un intérêt
marqué , sur les affaires de la Baltique ,
sur la mort du Roi d'Espagne , et sur
les affaires intérieures de l'Angleterre.
Milord Thurlow, pour toute réponse ,
pria S. M. de se souvenir de la promesse
-qu'Elle avoit faite , de s'abstenir pourquelque
temps encore de ce genre de conversation.
Le Prince de Galles et le
Duc d'Yorck ont été admis hier aupres
du Roi; cette entrevue d'une heure fut
aussi touchante qu'affectueuse .
Il n'est pas sans apparence ,vu les pro
(16)۱
grès rapides que fait chaque jour le rétablissementdu
Chefde la Nation , qu'elle...
le voie avant 15 jours au Parlement.On
a attribué aux Ministres le projet de
faire nommer , par le Roi lui-même ,
une Régence de six mois , avec un Conseil-
Permanent ; mais cette idée ne repose
que sur l'autorité de quelques Papiers
publics. Aujourd'hui , le Conseil-...
Privé s'est assemblé pour entendre les..
Médecins , et ce soir même le Parlement
aura étéinformé des mesures ultérieures;
la Chambre des Communes , comme
celle des Pairs , s'étant ajournée à aujourd'hui.
Il ne manquoit plus que cette révolution
fortunée à la gloire du Ministère,
en particulier à celle du Chancelier
etde M. Pitt , qui ont conduit l'Etat.
dans ces épineuses conjonctures , avec
tant de sagesse et de courage. La loi ,
l'analogie , l'esprit de la Constitution , i
la, fidélité due au trône , le maintien det
l'autorité Royale , celui de la liberté pu
blique, et des droits sacrés du Parlement,
toutes les convenances d'intérêt..
général justifioient les plans , les com
bat's , les victoires de ces Ministres. A
tant de titres , le rétablissement du Roi
ajoute maintenant celui d'une prévoyance
digne des plus grands éloges ;car ,
si l'Opposition eût triomphe , si l'on
eût obéi à sa précipitation, si l'on eût
cru ses assertions contre tout espoir
(17 )
de voir le Monarque rendu à la Nation
; si , defait , on eût détrône le Roi ,
tout vivant , pour investir son Fils et
les Chefs d'une faction , des pouvoirs illimités
du Gouvernement ; si l'on eût
bouleversé toutes les places , pour les
remplir de nouveaux sujets , quelle dépense
! quels dangers ! et ensuite quels
repentirs !
On se plaint souvent , et avec raison ,
de voir les caractères s'affoiblir de plus
en plus , et vérifier ce qu'a dit J. J.
Rousseau, avec tant defondement : Que
les ames s'énervent à mesure que.. les
arts , la politesse et les dons de l'esprit..
se développent. Cette observation
augmente la surprise que doit inspirer
la conduite mâle , judicieuse , inflexible,
d'unMinistre de trente ans , qui sait gou-..
verner avec un pareil empire , l'Etat
le plus libre et le plus éclairé de l'Europe.
Il n'est pas un genre de talent que..
M. Pitt n'ait déployé ; pas une vertu
publique dont il n'ait donné l'exemple...
D'avance , il a médité la position critique
où tomboit le royaume ; il a prévu tous ..
les obstacles que lui opposeroient les
passions , l'esprit de parti , les préjugés.
Une fois sa marche fixée , il s'est appuyé
surdes droits de la Nation et sur ceux du
Trône . Ni les menaces , ni la certitude..
de déplaire au Prince de Galles, ni les
efforts d'une ambition près d'être cou- ..
ronnée , ne l'ont ébranlé. Toutes ses me(
18 )
sures ont été une chaîne bien tissue ,
attachée aux principes fondamentaux,
Vainement l'Opposition a épuisé tous
les expédiens pour tenter de la rompre , :
en variant ses motions contradictoires
sous les formes les plus spécieuses. Temporisant
sans affectation , calme au milieu
de cette tempête des volontés , sourd
aux injures , l'oeil toujours fixé sur son
gouvernail , il a franchi les écueils , et ,
sans s'écarter un instant de son plan
général, il a emporté toutes les questions.
La première motion décidéer,
les suivantes ont découlé de cette rèconnoissance
du droit du Parlement à
constituer la Régence : la fermeté du
Ministre et sa dextérité ont paré jusqu'au
bout toutes les atteintes qu'on a
voulu porter à ce principe, Ce qui n'est
pas moins digne de remarque , c'est le
sang-froid et la persévérante modération
de M. Pilt. Accablé de personnalités
, on ne lui a pas surpris un instant
de chaleur. Lorsque M. Sheridan , M.
Burke,M.Grey, ont osé lei reprocher ,
à plusieurs reprises , qu'il encouroit
la disgrace du Prince de Galles , qu'il
méritoit sa défaveur, qu'il se sentoit indigne
de ses graces , il a repoussé ces
bassesses avec la noble fierté qui sied à
la vertu et au génie .
Pour mettre le comble aux singularités
de tout genre dont cette crise a été
accompagnée , à l'instant où l'on annon-
:
も
(19)
coit àLondres la convalescence du Roi,
le Parlement d'Irlande , pour contraster
avec celui d'Angleterre , déferoit au
Prince de Galles la Régence illimitée.
Cette décision , au moins précipitée , a
été l'ouvrage d'une Séance unique , et
du crédit de quelques Familles puissantes
, honorées très - récemment de
places et de pensions , mais qui apparemment
en espéroient la conservation
de la part des nouveaux Ministres. Le
Vice-Roi , auquel on a remis l'Adresse
par laquelle on invite Son Alt. R. à se
charger in pleno du Gouvernement , a
refusé de la recevoir , comme étant illégale.
Sur cet incident , les Communes
Irlandoises ont dû s'assembler quelques
jours après le rétablissement du Roi
né les jette pas dans un moindre embarras.
La Chambre Haute s'étant formée , le
17 , en Comité général , pour entendre
la troisième lecture du Bill de Régence ,
et le discuter , le Marquis de Carmarthen,
Secrétaire d'Etat au Département
Etranger , proposa et fit agréer de légers
amendemens à differentes clauses du
Bill. Lords Porchesteret Stanhope en
proposèrent , de leur côté , qui furent
rejetés , et la Séance se termina par une
invitation du Lord Chancelier à l'Assemblée
, de différer jusqu'au lendemain la
poursuite de la discussion ; ce qui fut
consenti. Ce renvoi , ces modifications ,...
"
(20 )
et celles qui furent mises en avant le
lendemain , avoient pour principe le
changement heureux survenu dans la
santé du Roi ; changement dont les progrès
, favorables de plus en plus , devoient,
nécessairement retarder...l'acte...
solennel soumis à la délibération du
Parlement.
La clause relative aux pouvoirs de la
Reine fut assez longuement débattue ,
le 18 , parles Lords Rawdon , Radnor,
Stormontet Carlisle , du côté de la
Minorité ; par les Lords Hopetoun ,
Richmond , Hawkesbury, Fauconberg
et Sydney , du côté du Ministère ; enfin ,
V'amendement,demandé par LordRang
don, fut rejeté à la pluralité de 89 voix
contre 66. Milord Sydney , Secrétaire ci
d'Etat au Département intérieur , égaya
la Séance par une allusion piquante à
la conduite du vieux Duc de Q., Genr
tilhomme de la Chambre du Roi, et
l'un des déserteurs du Gouvernement :
Il n'est pas étonnant , ditril , devyoir
<<<s'agenouiller devant l'astre qui se
<< lève , ceux qui , sans oreilles , sans
<< dents , sans yeux ( le Duc de Q a un
<< oeil de verre ) , nuls en toutes facul-
« tés , se sont faits, les complaisans et
<< les.compagnons des plaisirs de la JEW-
<<NESSE. "
La dernière clause devoit être discutée
le 19 , lorsque ce jour -là , le
Chancelier , quittant la Présidence ,
(21 )
et s'adressant à la Chambre , lui dit :
*Qu'il s'eſtimoit heureux d'être fondé à informer
leurs Seigneuries , que , depuis que les Médecins
de S. M. avoient prononcé qu'Elle étoit dans l'état
de CONVALESCENCE , leurs rapports annonçoient
un mieux foutesu;&des progrès journaliers vers
run entier rétabliſſement. Les nouvelles qu'il avoit
reçues le même jour de Kew, étoient fi favorables
, qu'il étoit perfuadé que tous les nobles
Lords , des deux côtés de la Chambre , s'accorderoient
à recomoître avec lui qu'on ne pourroit
, fans indifcrétion , procéder ultérieurement
dans la grande affaire qui les occupoit , parce que
les motifs fur leſquels étoit fondé le Bill actuellement
ſous leurs yeux , étoient entièrement évanouis.
>>
« Il étoit für que chacun des Membres en
particulier penſoit de même ſur ce point : il oſoit
croire auſſi , qu'au milieu de la joie univerſelle
que devoit cauſer l'heureux & prompt rétabliſſement
de S. M. , perſonne ne s'oppoſeroit à ce
qu'on différât pour quelques jours de paſſer le
Bill. »
« Il félicitoit les deux Chambres & la Patrie ,
*de ce qu'elles alloient enfin voir réaliſer un événement
hâté par les voeux & les prières des fidèles
Sujets de S. M. , & il foumettoit humblement à
leurs Seigneuries, l'avis d'ajourner le Comité au
mardi ſuivant ( aujourd'hui. ) On ſeroit alors plus
en état de juger , d'après l'état actuel de la ſanté
deS. M., des meſures néceſſaires. »
« Le Lord Chancelier conclut fon diſcours
par la motion , que le Comité fût ajourné au mardi
Suivant. »
"Jamais , dit Lord Stormont , je ne me fuis
>> levé avec plus de fatisfaction pour prendre la
» parole ; jamais , dans aucune époque de ma
(22)
» vie, je n'ai reſſenti une joie auſſi vive. Il eſt
» bien doux pour moi de voir qu'enfin nous
>> pouvons eſpérer le prompt rétabliſſement du
>> Roi. La ſanté du Corps politique eſt attachée
» à celle de S. M. , elle aſſurera le ſalut de la
>>Patrie. Et en effet , les Régences ont été dans
>> tous les temps des expédiens néceſſitéspar l'ur-
>> gence des conjonctures , mais que tout bon
» Citoyen a dû déſirer qu'on pût fe diſpenſer
>> d'employer. Je regarde le préſent Bill de Ré-
» gence , comme un nouveau poid accablant ,
>> ajouté aux calamités qui ont déja travaillé ce
>> pays. Qu'il me ſoit donc permis de me féliciter
>> en mon particulier , de voir réaliſer les eſpé-
>> rances confolantes que nous préſente le noble
»& ſavant Lord ; moi qui me trouverois alors
<<diſpenſé dudevoir pénible que la néceffité des
>> circonstances m'auroit impofé ; devoir ſi dur ,
» qu'il n'auroit pas moins fallu que des conjonc-
>> tures aufſi preſſantes pour me déterminer à
>> m'encharger (1 ). Je ſuis convaincu que , quelque
« difficultés , quelque embarras que le Bill actuel
» eût préſenté au Prince de Galles , S. A. R.
>> auroit montré au moins une partie de cette
>> application ſérieuſe aux affaires , fruit de la
>> ſageſſe politique & du zèle pour la Conftitu
>> tion , que l'on peut attendre d'Elle , quand
» l'ordre naturel des choſes la conduira au Trône;
" pour moi je n'en ſerai pas le témoin : mon
» âge m'autoriſe à croire que mes yeux ſe fer-
»meront long-temps avant cette époque. Mais
» je vois ici un grand nombre de Lords , qui ,
>> dans le cours de la nature , doivent vivre aſſez
(1 )MilordStormont dévoit être Secrétaire d'Etat
des Affaires Etrangères , dans la nouvelle Adminiſtration.
(23)
» pour voir ce jour, & qui , je l'eſpère , ſeront
>> convaincus par expérience de la vérité de ma
» prédiction . Déterminé par la reſponſabilité des
>> Miniſtres , garants des meſures qu'ils adoprent ,
>> j'accède à la motion du noble &favant Lord ,
» & je conſens volontiers à tous les délais que
» l'Adminiſtration pourra propoſer , d'autant
>> mieux que les choſes me paroiſſent prêtes à
>> rentrer dans leur cours ordinaire & naturel .-
» Ce qui ne peut manquer de donner à la Nation
>> une joie& une fatisfaction que tout le monde
>> partagera, ».
« S. A. R. le Duc d'Yorck , dit que les nouvelles
qui venoient d'être données à leurs Seigneuries
par le noble & favant Lord , le pénétroient
de la joie la plus ſincère ,& de la fatisfastion
la mieux ſentie; que s'il avoit reçu ces
heureuſes informations par quelque canal authentique,
il ſe ſeroit fait un plaiſir de préſenter luimême
la motion foumiſe à leurs Seigneuries. Il
s'étoit rendu à Kew , le jour précédent , ajouta
S. A. R. , pours'acquitter de ſes devoirs envers fon
père , fans avoir eu le bonheur de voir le Roi ,
les Médecins ayant jugé que ſon entrevue avec
S. M. pourroit avoir quelque inconvénient. -
Son A. R. avança que fon frère (le Prince de
Galles )accéderoit sûrement à lamotion , & l'auroit
même chargé de la faire , s'il avoit eu conno
ſſance des heureuſes nouvelles qui la motivoient;
il partageroit la joie génerale , & ce ſeroit avec
grand plaiſir qu'il ſe verroit tiré de la ſituation
embarraſſante dans laquelle il ſe ſeroit trouvé , fi
l'indiſpoſition de S. M. avoit continué. En conféquence,,
laqueſtion fut propoſée ,& l'on ordonna
à l'unanimité que le Comité s'ajourneroit au
mardi ſuivant. »
<<<Le pouls de M. Burke , dit le
( 24 )
<<World , est monté avec les fonds
< publics , et il est aujourd'hui , juste ,
<<à dix au-dessus du prix des actions de
<<la Banque , c'est-à-dire , à 182. Ceux ,
<< ajoute-t-il , qui ont entendu les révol-
<<tantes expressions dont M. Burke s'est
<<servi contre son Roi, affligé de la plus
<<cruelle infirmité , se rappelleront que
<< c'est lacependantle mêmehommequi ,
<< l'année dernière , versoit des larmes
<< amères , et phrasoit des périodes sur
<< la pipe du Raja de Benarès , si inhu-
<<mainement privé des douceurs de la
<<Royauté orientale>. >
Autant la conduite de quelques-uns
des chefs de la Minorité leur a mérité
d'improbation , autant celle du Duc de
Portland et de M. Fox a été décente et
respectable. Ce dernier s'est écarté par
raison de santé , et n'a plus voulu
prendre de part à des mesures qu'il
désapprouvoit.
Il a été expédié , le 18 , de Kew et de
l'Office des Affaires étrangères , une
quantité de lettres adressées aux Cours
d'Allemagne , Alliées de la FamilleRoyale,
et aux Ministres de Sa Majesté dans
l'Etranger.
On est occupé actuellement à dresser
à la douane, par ordre des Lords de la
Trésorerie , un état des importations de
Russie , pendant les quatre années qui
ont précédé le jour de Noël 1788 , et un
état pareil des exportations , pendant le
même
( 25 )
même temps , en distinguant chaque article
respectivement .
Il doit être fait un état semblable des
importations de la Suède , pendant le
même espace de temps , ainsi que des
exportations , avec les mêmes distinctions
. Item , des exportations pour la
France , depuis la signature du traité de
commerce , ainsi que de ses importations
jusqu'au jour de Noël dernier.
Depuis le 2 août 1786 , jusqu'au 2 février
1789 , le Gouvernement a racheté
les fonds suivans :
Actions confo- Fonds rachetés . Prix du rachat.
lidées à 3 p.: 1,681,800..1,251,1011.13 1.
Annuités réduites
.... 672.700 .. 501,386 19 6
Anciennes annuités
duSud, 666,200.. 497,818 • .
Nouvelles annuités
duSud, 450,300 .. 336,077 11 3
Annuités du
Sud 1751 .. 155,000 .. 114,966
TOTAL.. 3,626,000..2,701,3501.3 1.10
Voici une liſte exacte des vaiſſeaux de guerre
qui ont été mis depuis peu en commiffion par
ordre du Bureau de l'Amirauté.
La Bellone de 74 canons , Capitaine Hartwell,
pour être employée comme vaiſſeau de garde à
Portsmouth.
Le Centurion de 50 , Capitaine Sawyer , deſtiné
pour la ſtation d'Amérique , & à bord duquel
l'Amiral Douglas doit arborer ſon pavillon.
Nº. 10. 7 Mars 1789 . b
( 26 )
)
1
L'Endymion de 44 , que doit monter le Lieutenant
Woodriffe , équipé comme vaiſſeau munitionnaire
pour tranſporter aux ifles des troupes ,
parmi leſquelles ſe trouve un corps d'ouvriersd'Artilleriede
terre, deſtinés à êtreemployés aux réparations
projetées des fortifications d'Antigoa , de
la Barbade , de Saint-Christophe , &c. pour lefquelles
il a été embarqué pluſieurs milliers de
briques neuves deſtinées à cet objet.
LaBlanche de 32 , Capitaine Murray, vaiſſeau
neuf lancé en 1786 , qui n'a jamais été à la mer ,
deſtiné pour la Jamaïque , où il doit relever ua
des vaiſſeaux de l'eſcadre de cette ſtation .
La Blonde de 32 , Capitaine Affleck , vaiſſeau
neuflancé en 1787 , & quin'a jamais été à la mer ,
deſtiné pour les Indes occidentales.
Tous ces vaiſſeaux ſont en équipement à Portfmouth
, excepté le Centurion , qui eſtdans la Medway.
Ily a ordre de viſiter la Méduse , vaiſſeau neuf
de 50 canons , actuellement en ordinaire à Plimouth
, ainſi que 5 autres frégates & deux cor--
vettes dans les différens ports , avant d'être mis
en commiffion pour divers ſervices.
On équipe actuellement à Rother
hithe onze vaisseaux destinés pour la
pêche de la baleine, dans le détroit de
Davis et le long de la côte du Groenland
oriental. Ces bâtimens doivent partir
assez à temps pour pouvoir gagner les
mers du Nord avant la séparation des
glaces ; les Navigateurs au pole septentrional
ayant généralement remarqué
, qu'après un hiver aussi rude que
celui qu'on vient d'éprouver en Europe,
les baleines se tiennent plus au Sud,et
(27 )
qu'on en prend en plus grande quantité,
sans que les vaisseaux soient obligés de
se porter à des latitudes aussi élevées.
Après les hivers de 1763 et de 1776 ,
plusieurs des bâtimens employés à la
pêche de la baleine ont fait deux voyages,
et pas un n'est rentré vide. La plupart
des vaisseaux sortis d'Ecosse ont pris
chacun quinze ou dix- huit baleines ,
et le plus grand nombre d'entre elles
étoit de l'espèce des spermaceti.
P.S. du 27. Le Roi est si parfaitement
rétabli , qu'hier les Médecins ont déclaré
qu'il n'y auroit plus de Bulletins.
FRANCE.
De Versailles, le 25 février.
Le 15 , le Roi a nommé le Duc d'Ayen , Lieutenant-
généralde ſesarmées , pour prendre féance
au Conſeil de la Guerre.
Le Vicomte Turpin de Jouhé , le Baron de
Pimodan , le Marquis de David de Laſtours , le
Chevalier de Chabrillan , qui avoient eu l'honneur
d'être préſentés au Roi, ont eu, le 17, celui de
monter dans les voitures de S. M. , & de la ſuivre'
àla chaffe.
是
Le 15 de ce mois , le Prévôt des Marchands
de la ville de Paris a remis au
Roi les mémoires, réquisitoires et arrêtés
du Bureau de la Ville , concernant la
manière dont les habitans de cette capibin
( 28 )
A
tale doivent être représentés aux Etats-
Généraux du Royaume.
De Paris , le 4 Mars.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 25-
février 1789 ; extrait des Registres du
Conseil d'Etat.
Le Roi , informé que dans pluſieurs Provinces
on a cherché & l'on cherche encore à gêner le
libre fuffrage de ſes Sujets , en les engageant à adhérer
, par leurs figratures , àà des écrits où l'on
manifeſte différens voeux&diverſes opinions fur
les inſtructions qu'il fau droit donner aux Repréſentansde
la Nation aux Etats-généraux , & SaMaj .
conſidérant que ces inſtructions ne doivent être
diſcuées&déterminées que dans les Affemb'ées de
Bailliages où ſe fera la réduction des cahiers de
toutes les Communautés , Elle ne fauroit tolérer
desdémarchesqui intervertiroient l'ordre établi , &
qui, apportent des obſtacles à ſes vues bienfaiſantes,
contrarierorenten même temps le voeu général
de la Nation. A quoi voulant pourvoir : Oui
le sapport; leRoi érant en fon Conſeil , a ordonné
&ordonne ce qui fuit :
ART. I. Sa Majesté caffe & annulle toutes les,
délibérations qui ont éré ou qui pourroient être priſes
relativement aux Etats-généraux , ailleurs que
dans les Communautés&dans les Bailliages aſſemblés
felon les formes établies par Sa Majefté .
II..Défend Sa Majeſté , ſous peine de déſobéiffance,
àtous fes Sujets indiſtinctement, de folliciter
des fignatures , &d'engager d'une ou d'autre manière
à adhérer à aucune délibération relative aux
Etats-généraux , laquelle auroit été ou feroit concertée
avant lesAſſemblées de Bailliages ou Com(
29)
munautés , déterminées par le Réglement de Sa
Majefté du 24 janvier dernier.
Enjoint Sa Majefté aux Commandans pour fon
fervice& aux Commiſſaires départis dans les Provinces
de fon royaume , de tenir la main à l'exécutiondu
préſentArrêt, lequel ſera lu , imprimé ,
publié & affiché par-tout où beſoin fera.
Fait au Confeil d'Etat du Roi, Sa Majeſté y
étant, tenu à Verſailles,le vingt-cinq février mil
ſept cent quatre vingt-neuf. Signé LAURENT DE
VILLEDEUIL.
2
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 14
février 1789, qui supprime un Imprimé
ayantpour titre :Détail de ce qui s'est
passé à Rennes , le 26 janvier 1789
commençant parces mots : Notre ville
a eu , et finissant par ceux-ci : Se sont
passés , avec cette apostille en lettres
italiques : Le reste à l'ordinaire prochain.
Le Roi étant informé que l'on diftribue dans
le Public un Imprimé ayant pour titre : Détail
de ce qui s'eſt paſſsé à Rennes le 26 janvier 1789 ,
commençant par ces mots : Notre ville a eu , &
finiffant par ceux- ci : Se font paffés , avec cette
apoſtille en lettres italiques : Le reste à l'ordinaire
prochain. Sa Majesté, ſur le compte qu'Elle s'en
eſt fait rendre , a reconnu que cet Imprimé , répandu
avec une profufion affectée , contenoit des
récits infidèles&des expreffions injurieuſes , outrageantes
même pour la Nobleſſe , qui , par ſes
ſervices, a, dans tous les temps, donné des preuves
multipliées de ſon attachement inviolable au Roi
& à la Nation , en veillant ſans ceſſe à la défenſe
de la Parrie. Ce: Imprimé répréhenſible ne peut
tendre d'ailleurs qu'à détruire la confiance réciproque,
ſi néceſſaire à maintenir dans les diferentes
A
bij
(30 )
claſſes de Citoyens . Pour en arrêter les ſuneſtes
effets,&en attendant qu'il foit pris des meſures
propres à prévenir la licence à laquelle on ſe
livre en imprimant toutes fortes d'Ouvrages fans
aucune fanction , Sa Majesté a penſé qu'il étoit
de ſon devoir , comme de ſa juſtice , de ſévir
particulièrement contre un Ecrit auſſi condamnable.
A quoi voulant pourvoir : Oui le rapport ;
leRoi étant en fon Confeil , de l'avis de M. le
Garde des Sceaux , a ordonné & ordonne que
ledit Imprimé ſera& demeurera fupprimé , comme
contraire au bon ordre , & attentatoire à la confidération
due à la Nobleſſe; a fait & fait trèsexpreſſes
inhibitions &défenſes à tous Libraires ,
Imprimeurs , Colporteurs & autres perſonnes ,
de quelque qualite & condition qu'elles soient ,
de l'imprimer , vendre , diftribner , colporter ou
retenir, ſous les peines preſcrites par les Ordonnances,&
c.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du rer .
février 1789, qui modère le Droit percu
sur les SoudesetPotasses à l'entrée de
la Normandie.
On a publié ces jours derniers , les
Lettres de Convocation pour différens
pays d'Etats ; savoir , pour le Languedoc ,
P'Alsace , la Bourgogne , la Lorraine et
Barrois , l'Auvergne , les Trois- Evêchés
et le Clermontois. Les réglemens particuliers
à ces provinces sont analogues à
leur régime , et rédigés sur les principes
établis dans le résultat du Conseil du 27
décembre : le Languedoc aura, aux Etatsgénéraux
, 20Députations , ou 80 Députés
; l'Alsace , 6 Députations , ou 24 Députés
; laBourgogne , 16Députations , ou
A
( 31 )
5
64. Députés ; la Lorraine et Barrois , 9
Députations, ou36 Députés; l'Auvergne,
3Députations , ou 12 Députés ; les Evêchés
et Clermontois , 5 Députations , ou
20Députés. Les autres pays d'Etats recevront
incessamment de pareils réglemens.
Le préambule de celui pour l'Alsace
, daté du 7 février , et de la teneur
suivante :
La conſtitution de la province d'Alface , exigeantdes
meſures particulières pour ſa convocation
auxEtats-généraux ,&Sa Majesté ne voulant
s'écarter , que le moins qu'il fera poſſible , des
formes qu'Elle a preſcrites pour appeler les autres
Sujets de fon Royaume à ladite Aſſemblée , Elle
auroit réſolu de ſuppléer aux Baillis&Sénéchaux
d'épée qui n'exiſtent point en Alface , en attribuant
, pour cette circonſtance ſeulement , à trois
Gentilshommes , les fonctions attachées aux chargesque
les Bail is & Sénéchaux d'épée ont toujours
exercées en France , lors des différentes tenues
d'Afſemblées d'Etats-généraux.
Mais , attendu qu'en Alface il n'ya point de
Baillis d'épée nide Bailliages qui aient la connoifſance
des cas royaux ,& qu'en conféquence iln'a
pas été poſſible de ſe ſervir de l'arrondiſſement
de leurs refforts pour diviſer la province , Sa
Majesté a jugé d'autant plus convenable d'adopter
ladiviſion qui en a été faite en fix diſtricts , lors
dela création de l'Aſſ mblée provinciale d'Alface ,
qu'Elle eſt inſtruite que dans ce partage , fait avec
beaucoup de ſoin , on a obſervé les plus exactes
proportions.
en
Sa Majesté a auſſi conſidéré que la ville de
Strasbourg ayant paſſe ſous fa domination
vertu d'une capitulation qui lui conſerve ſes priviléges
, droits& uſages , ayant unterritoire parbiv
(32 )
tiguier , & étant foumiſe à une Adminiſtration
ſéparée , pour pluſieurs objets , de celle du reſte
de laprovince étoit dans le cas d'obtenir une
députationdirecte.
,
1
Elle a cru devoir accueillis la même demande
formée par les dix villes Impériales d'Alface , qui
avoient voix autrefois aux Diètes de l'Empire , &
qui , quoiqu'éparſes ſur différens points de la
Province , forment cependant un corps , & peuvent
ſe réunir par Députés , ſous la préſidence du.
Grand-Préfet.
Le nombre des Députés de la province d'Alface,
ferade 24 , dont fixdu Clergé , ſix de la Nobleſſe ,
&douze du Tiers-état.
2
Réglement pour l'exécution des lettres
de convocation dans la province de Lorraine
et Barrois .
Cette province ayant été unie à la Couronne
poſtérieurement à la dernière Aſſemblée desEtatsgénéraux
, tenue en 1614 , il est néceſſaire de
fixer , par un Réglement particulier , la forme...
dans laquelle cette province doit être convoquée
à la prochaine Aſſemblée deſdits Etats-généraux.
La diviſion de cette province par Bailliages
royaux , qui ont tous àleur tête un Pailli d'épée,
qui reſſortiflent aux Parlemens , avec la connoiffance
des cas royaux , paroît offrir les mêmes
élemens qui ont fervi à régler la convocation des
autres provinces du Royaume ; cependant le
nombre de ſes Bailliages ayant été très-multiplié
par l'Edit de leur création , en 1751 , il en réfulteroit
que , fi chacun d'eux envoycit une députation
auxEtats-généraux , le nombre des Députés
de la province ſeroit beaucoup plus grand qu'il
nedoit être dans la proportion de ſa population
&de fa contribution avec le reſte du Royaume.
Sa Majesté ne voulant priver aucun de ces Bail-
1
(33)
liages , ayant tous les mêmes caractères , d'un
droit qui ſemble y être attaché , s'eſt déterminée
à leur en laiſſer l'uſage , de manière cependant à
prévenir le nombre diſproportionné des députations
qui exciteroit de juſtes réc'amations de la
part des autres provinces du Royaume , en épargnant
néanmoins aux Députés , qui feront élus
dans les Bailliages , l'incommodité d'un trop
grand déplacement ,& en diminuant les frais.
Les députations de cette province feront au
nombrede neuf, composées chacune d'un Membre
du Clergé, d'un de la Nobleſſe & de deux du
Tiers-état.
Le 26 janvier dernier , le Clergé , la
Noblesse et le Tiers-Etat de la ville de
Châteauroux en Berry , ont délibéré et
'arrêté , à l'unanimité , les articles suivans
:
1º. De fupplier Sa Majeſté d'agréer nos trèshumbles
remercimens , d'avoir fait éclater ſa jufticedans
le réſultat de ſon Confeil du 27 décembre
dernier,& qu'à cet effet, il lui fera adreflé une lettre
aunomdes trois ordres réunis des citoyens de cette
ville. 2°. De lui manifeſter que le voeu des trois
ordres réunis de cette ville, eft que lors del'ouverture
des Etats gépéraux , les trois ordres de
l'Etat décident qu'ils demeuteront unis ; délibèreront
en commun , & que les voix feront comptées
par têtes , & non par ord es 3°. De fupplier
Sa Majelté d'agréer la renonciation qué lès
ordres du Clergé , de la Nobleff: & les Privilégiés
de cette ville font à tous leurs priviléges pécuniaires
, le voeu qu'ils forment de contribuer à
toutes les charges de l'Etat dans la proportion de
leurs facultés , & celini de voir les Etats généraux
le farctionner. 4º De feconder les défirs de fon
peuple, en adimettant fordre des Curés comme
by
( 34)
électeurs&éligibles dans l'ordredu Clergé , pour
le repréſenter aux Etats-généraux. 5 °. De ſubſtituer
à l'Adminiſtration provinciale du Berry , des
Etats provinciaux ſemblables à ceux nouvellement
établis dans la province du Dauphiné. 69. Il a
été arrêté auſſi que MM. les Officiers Municipaux
adreſſeront la préſente délibération à
M. Necker , Miniſtre d'Etat , & le prieront d'être
notre interprète auprès de Sa Majefté ; remercieront
ce Miniſtre citoyen & vertueux des fervices
importans qu'il rend à l'Etat , & l'engagerontà
continuer à la Nations ſesbons offices,&c.
Nous rapportâmes , il y a huit jours ,
les conclusions de la Requête au Roi, du
Tiers-Etat de Dijon. L'impartialité sé--
vère dont nous nous faisons un devoir
sacré au milieu de ces contestations ,
exige que nous soumettions au Public
les raisons exposées de part et d'autre.
Dans ce but, nous allons transcrire une
lettre signée , adressée à l'estimable
Auteur du Journal Généralde France,
et dont on nous a demandé la publicazion.
Flavigny en Bourgogne , 20 février 1789.
«Je viens de lire , Monfieur , l'extrait que vous
donnez de la Requête des Avocats de Dijon ,
dans votre Feuille du mardi 17 février. Vous êtes
trop juſte pour refufer de publier de même la
Déclaration que l'Ordre de la Nobleſſe a faite ,
de renoncer à toutes ses diftinctions pécuniaires ,
long-temps avant que le Mémoire des Avocats
fût même projetté. Vous ſavez qu'en toute cauſe
on doit obſerver la maxime audi alterampartem.»
«Voici , Monfieur , ce que j'ai à dire à la dé(
35)
charge de la Nobleſſe. Le Tiers-Etat a été vexé ,
mais c'eſt parce que ſes Repréſentans n'étoient
pas légaux ; ceux de la Nob'effe ne l'érojet pas
davantage; le deſpotiſme miniſtériel peſoit fur
tous les Ordres. Il n'alloit aux Etats que des
parafites ou des jeunes geus amoureux de fêtes :
l'honnête pèrede famille , qui ſavoit qu'une Lettrede-
cachet auroit enchaîné fon zèle , évitoit de ſe
trouver dans une aſſemblée inconſtitutionnelle , où
l'on ne répondoit aux raiſons que par des coups
d'autorité : la Nobleſſe n'a dorc pu protéger le
Tiers ; ele n'a pu même s'oppoſer aux dépenſes
inutiles que l'Adminiſtration réſo voit même dans
les temps les p'us calamitoux.
«Les plaintes duTiers-Etat font légitimes ;mais
l'Arrêté que je prends la liberté de vous envoyer
l'afatisfait. Un ſeul Ordre de citoyens , qui s'est fait
affez connoître pour que je fois diſpenſé de le
nommer , réclame contre des abus que la Nobleſſe
a autant d'intérêt que le Tiers-Etat de faire ceſſer.
Elleréclama aux Etats de 1787 contre l'illégalité
de la plupart des membres du Tiers-Etat , & furtout
contre le droit que les Elus fe font arrogé
de nommer & de deftituer les Maires cequi
les rend abſolument paſſifs. Elle a reclamé le droit
impreſcriptible de nommer fon Elu ; & , ce qui
vous ſurprendra , c'eſt que l'Ordre du Clergé &
duTiers Etat refusèrent la première fois d'appuyer
ſa demande. Ce font , à peu de choſes près , les
mêmes membres du Tiers qui ofent inculper la
Nobleffe. Il connoît les coupables , & n'ofe les
nommer ; il attaque les innocens , que dis-je ? il
ſonne le tocſin contre eux,
,
Tout ce que j'ai vu de vous , Monfieur , annonce
l'impartialité. Je ne doute pas que vous
ne rendiez juſtice à la Nob'eſſe Bourguignonne au
premier ordinaire. La précipitation avec laquelleje
vous écris , ne me perimet pas de mettredans mon
f
bvj
( 36 )
Ayle les graces qu'ont nos adverfaires; mais j'y
mets labonne-foi qu'ils n'ont pas : car ils savent
bien que la Nobleſſe veut partager avec le peupletous
les impôts quelconques , qu'ils ne paient
pasplus que nous ; car il y a plus d'exemptsdans
l'Ordre du Tiers , que dans la Nobleffe & le
Clergé réunis.८८
«Je vous jure, Monfieur , foi de Gentilhomme,
qu'il n'eſt plus queſtion en Bourgogne que de la
manière de voer. Nous répugnons à celle de voter
par tête , 1º, parce qu'il eſt impoſſible de s'entendre
dans unegrande aſſemblée. »
2°. Parce que , même en fixant les trois quarte
pour la majorité , un Ordre entier pourroit être
lié contre fon voeu unanime , puſque le Tiers-
Etat veut avoir la moitié des ſuffrages. "
*3°. Parce que nous voyons que le plan du
haut Tiers tend à la démocratie ou au deſpotifme.
«
*4°. Parce que c'eſt intervertir l'ancien uſage ,
qui n'a plus d'inconvéniens , dès que les impôts
feront fupportés également par tous les Ordres ,
& que le Tiers ne pourra plus former de doute
fur cet objet , lorsqu'il aura reçu la ſanction des
Etats -Généraux. «
,
" 5 ". Parce qu'un Ordre n'a pas le droit de
changer la forme de l'Administration , ni le Roi
à qui il le demande , fans le conſentement des
trois Ordres intéreſſés . «
«6º. Parce que le Tiers-Etat , réduit aux propriétaires,
ſeuls capables de décider la queſtion ,
puiſqu'i's font ſeuls vraiment intéreſſes , ſe réduit
àlamaſſe de ſes proprié aires ; car vous favez
mieux que moi , Monfieur , que les Proletaires
n'étoient point admis dans les Comice par centuries
, & que les Quirites avoient seul le droit
d: voter..
Je suis , &c. le Vicomte DE CHASTENAY.
(37 )
P. S. Comme je ne crains pas d'être démenti ,
jenedemande pas de reſter anonyme .
:
Déclaration dela Nobleſſe de Bourgogne au Peuple
des villes&dela campagne. :
«LaNobleſſe de Bourgogne , après avoir déclaré
avec loyauté , qu'ELLE RENONÇOIT FORMELLEMENT
A TOUTE DISTINCTION PECUNIAIRE,
pour déſabuſer LE PEUPLE des fauſſes interprétations
données à des intentions auffi pures , croit
devoir déclarer de nouveau qu'elle s'eſt engagée
à partager avec lui TOUTES LES IMPOSITIONS
PRÉSENTES ET A VENIR . “
Enfin, la Nobleſſe prévient LE PEUPLE , DONT
LE BONHEUR L'INTÉRESSE VIVEMENT , que ce
que l'on pourroit lui dire de contraire à la préfente
Déclaration , ne ſeroit que menfonge &
calomnie.
Signé , au nom de la Noblefſſe , VIENNE , Préfident
de l'Aſſemblée de la Nobleſſe .
Le Marquis DE DIGOINE , Secrétaire de l'Afſemblée
de la Nobleſſe.
Le Comte DE BATAILLE DE MANDELOT , Secrétaire
de l'Aſſemblée de la Nobleſſe.
Pendant l'année 1788 , il est entré dans
le port de Nantes , 128 Navires , dont 6
venant de la Martinique ,7de laGuadeloupe
, et 115 de Saint-Domingue. Durant
le cours de la même année , il est
entré dans le port de Dieppe 61 Navires ,
venant de la pêche de la morue , sur le -
banc de Terre-Neuve.
- Le vedredi s ſeptembre dernier, le feu prit
àune maifon au centre de la ville de Sangues en
Gévaudan , & en moins de quatre heures , cent
quatre maiſons furent réduites en cendres . La
(38)
violence des flammes rendit tous les fecours inutiles
:effets , papiers , meubles , linge , &généralement
toute eſpèce de provifiors de bouche
furent confumés ; au nombre de ces maiſons,
ſont pluſieurs édifices publics , l'Hôpital , la Maiſonde
l'Inſtruction , la Maiſon de Ville , le Prefbytère
, les Priſons , trois Eglifes ; cellede Paroiſſe
a été très - conſidérablement endommagée. Il a
péri encore dans cet incendie une quantité immenſe
de grains , qui , dans cette année, auroit été
une reſſource très-conſidérable pour le pays.
Parlezèle&les charités de l'Evêque de Mende ,
deſesGrands-Vicaires , du Syndic du Diocèſe ,
&des Seigneurs voiſins , cette ville a pu , jusque
ici , faire vivre près de fix cents infortunés , parmi
leſquels font une foule de vieillards , de femmes ,
d'enfans & d'infirmes. Mais toutes ces refſources
font preſque épuiſées , ſans que les beſoins aient
encore ceſſé. La rigueur de la ſaiſon , dans un
pays ſitué fur les plus hautes montagnes , les rend
encore plus preffans : elle oſe implorer la protection&
les fecours des ames charitables de cetre
province&des autres du royaume , et d'adreſſer
leurs bienfaits à M. l'Evêque de Mende.
Une Anonyme nous a adressé les observations
suivantes , sur l'article 47 du
-Réglementde Convocation du 24 janvier
1789.
Ce ſeroit un bien grand mal pour chacun des
Trois Ordres de l'Etat , d'avoir des Repréſentans
auxEtats-généraux , qui le fuffent contre le voeu
duplus grand nombre des Electeurs . Cependant ,
c'eſt à quoi l'on doit s'attendre , fi l'on procède
comme il eſt preferit par l'article XLVII du
Réglement du 24 janvier. Et en effet :
Suppoſons , pour un moment , que le nombre
de voix des Electeurs foit de deux cents, & qu'au
( 39 )
J
L
fecond ſcrutin elles ſe trouvent tellement partagées
, que les deux individus qui réuniront le
plus de fuffrages, en aient ſeulement chatun quinze;
alorsqu'arrivera-t-il ? C'eſt qu'au troiſième fcrutin,
tous les Electeurs devant partager leurs voix
entre ces deux individus ,& l'un des deux devant
être élu Député, il le ſera peut-être contre le voeu
de 185 perſonnes votantes ( majorité 170 ) , lefquelles
aurontété forcées de lui donner leur voix ,
pouréviter de ladonner àfon concurrent , & de
choiſir ainſi le moindre des deux maux dans
leſquels ils fentent intérieurement qu'ils vont
tomber.
D'après cette obſervation bien ſimple , on doit
ſentir qu'il fera toujours facile à un ambitieux
intrigant d'être preſqu'aſſuré de fon élection ,
même en ne captant pas les fuffrages d'un
grand nombre , puiſqu'il lui fufira d'avoir à ſa
dévotion 5 , 6 , 8 ou 10 perſonnes , plus ou
moins , chargées chacune de deux voix , non compris
la leur. Et fi malheureuſement deux ou
trois intrigans de cette eſpèce venoient à s'endre
, je demande fi l'on pourroit être afſuré de
bien placer ſa confiance. Pour éviter de tomber
dans cet inconvénient , je voudrois qu'il fût permis
, au troiſième ſcrutin , de mettre des billets
blancs dans le vaſe deſtiné à les recevoir tous. Ces
billets blancs , qui feroient autant de billets d'exclufion,
feroient comptés ; et ſi leur nombre furpaſſoit
la moitié du nombre des voix , les deux
concurrens , dont les noms ſeuls pourroient paroître
dans ce fcrutin , ſeroient dès-lors exclus
l'un & l'autre du droit à la députation .
Si les billets blancs étoient peu nombreux , &
qu'aucun des deux concurrens n'eût réuni plus de
la moitié des fuffrages , on recommenceroit un
quatrième ſcrutin , dans lequel pourroit paroître
feul le nom de celui des deux qui auroit eu le
(40 )
plus de fuffrages au troiſième ſcrutin , & qui feroit
élu , ſi le nombre des billets blancs n'égaloit
pas çelui des billets écrits de ſon nom.
Dans le cas contraire , ce Candidat feroit
exclu du droit à la députation , & l'on recommenceroit
de la même manière un cinquième
fcrutin, das lequel pourroit paroître ſeul lenom
du ſecond Candidat. Et enfin , ſi le nom de ce
dernier étoit encore exclu par une majorité de
billets blancs , on recommenceroit de nouveaux
ſcrutins , comme ci-devant , juſqu'à ce que l'on
pût rencontrer quelqu'un qui réunît la majorité
des fuffrages. 4
Je fais que cette méthode entraîneroit dans
Panconvénient des longueurs que l'on a voulu
éviter par l'article XLVII du Réglement. Peutêtre
même s'en rencontreroit-il encore de plus
grands que je ne prévois pas ; mais , à coup fûr ,
il ne peut en réſulter un plus grand abus que
celui d'être obligé de donner ſon fuffrage à quelqu'un
contre qui l'on peut avoir , dans ſon coeur ,
dsatifs légitimes d'exclufion , & de voir un
intrigant chargé des intérêts de tout un peuple,
contre fon propre voeu.
L'hypothèse dont parle l'Auteur de la
remarque qu'on vient de lire , peut être
regardée moralement comme unjeu d'esprit
. L'égalité qu'il suppose dans le partage
des voix au second scrutin est sans
doute possible , comme la sortie d'un
quine dansle Lotto ; mais il y a , ce nous
semble , assez de chances contraires pour
rassurer les Electeurs raisonnables contre
la crainte qu'on manifeste .
Nous avons annoncé, dans le temps ,
(41 )
le débordement de la Loire , qui submergea
quelques cantons de l'Orléanois , le
18 janvier dernier. On nous a adressé une
Relation très-circonstanciée des malheurs
causés par cet événement ; et si nous revenons
sur ce sujet , c'est pour répondre
aux vues charitables qui font le but de
ce récit.
Après 8 jours dedégel , accompagné d'un vent
S. O. humide & chaud , la Loire , groffie par la
fonte des neiges des montagnes , a fait un effort
prodigieux pour foulever la glace qui couvroit
entièrement ſon lit. Malheureuſement trop épaiſſe,
elle a réſiſté à une lieue & demie d'Orléans , dans
un eſpace affez conſidérable , où il y a moins de
profondeur. Les glaçons , entraînés par le courant ,
ſeſont amoncelés à une hauteur extraordinaire; le
fleuve s'eſt trouvé barré dans toute ſa largeur; le
cours des eaux , preſque entièrement arrêté , forcé
de changer de direction', s'eſt porté d'abord fur la
rivedroite, à l'embouchure du canal près Combleux
, et au-deſſus de Bionne. Soudain ,& comme
par exploſion,les rivages&les vallons ont été couverts
dedébris de glaces , & les bateaux chargés ,
emportés à un quart de lieue dans les terres. La
levée correfpondante de la rive gauche , cédant
à ce choc , s'eſt ouverte en deux endroits vers le.
château de l'afle , & , par deux brèches d'environ
100 to fes , a offert un nouveau cours à la Loire
& à des glaçons de 30 , 40 , 50 pieds même de
dimenſion dans toute face , fur 3 & 4 pieds d'é
paiffeur. Cirq lieues de pays fertile & peuplé , ſe
font trouvées fubmergées ,& des milliers d'Habitans
dans un effroi qu'augment it encore l'approche
de la nuit , qui vint bientôt couvrir de
fes voiles cette ſcène d'horreur & de déſolation .
(42 )
En vain le zèle & le devoir firent voler au ſecours
des malheureux; il fallut attendre le jour.
Dès qu'il parut , MM. l'Intendant , lePrévôt-général
, le Lieutenant-général de Police , les Maire
&Echevins ſe formèrent des départemens des fix
paroiffes inondées , ſe partagèrent les Soldats du
Guet & de la Cinquantaine , & volèrent au ſecours
des infortunés prêts à périr : 3000perſonnes
ont dû leur ſalutà la promptitude des ordres &
au couragedesBateliers &des Soldats, qui les ont
exécutéspendant huit jours confécutifs avec un zèle
infatigable , inſpiré par l'humanité ſeule , & au rifque
même de leur propre vie.
**Ce qui étonne& conſole, c'eſt qu'il n'a péri que
troishommes , une femme & un enfant; mais ce
n'étoit pas tout que d'arracher tant de Citoyens
du ſein des eaux, il falloit pourvoir à leur logement
, à leur ſubſiſtance , à leur conſervation ;
enfin , c'eſt à MM. le Lieutenant de Police , les
OfficiersMunicipaux , aux dignes Religieux Capucins,
Augustins , Récollets & Feuillars que cette
gloire appartient. I's ont ouvert leurs maiſons aux
victimes de l'irondation : exemple que pluſieurs
Citoyens généreux ſe ſont empreffés de ſuivre.
Enfin , la digue de glace s'eſt amollie , la Loire
a repris fon lit & fon cours; les eaux , en ſe retirant,
ont laiſſé voir l'effet de leurs ravages : maifons
écroulées , d'autres à demi-emportées, d'autres
menaçant ruine , arbres déracinés , bois abattus ,
champs entiers de pépinières d'arbres etd'arbuſtes
detout genre anéantis , vignes diſparues , clôture
de murs& dehaies renverſées , vins emportés ou
perdus dans les celliers & les maiſons , tous les
moulins établis ſur la rivière de Loiret , infiniment
précieux pour la ville d'Orléans dans le dernier
hiver , entièrement briſés. Voilà la perte caufée
par cette débacle ; perte qui paſſe certainement
pluſieurs millions. Les ſecours donnés par la cha-
२
(43 )
rité& l'humanité ſe trouveront toujours bien au
deſſous des beſoins.
Les différentes Perſonnes du royaume , que ce
récit peut & doit attendrir , font priées de vouloir
bien dépoſer les ſommes qu'elles deſtineront
au ſoulagement de ces infortunes , chez M. RobertGorand,
Banquier , rue des Prouvaires à Paris ,
ou les envoyer directement au Bureau de Charité
d'Orléans.
<< Antoine Chatre , laboureur de la
<< paroisse de Chérier, élection de Roane ,
«Généralité de Lyon , né le 23 mars
<< 1706, est mort, d'une inflammation de
<<poitrine , le 28 avril dernier. Il avoit
« bêché la terre la surveille de son décès.
<< Il laisse 134 enfans , petits enfans , ou
<< arrières petits-enfans tous vivans ; sa-
<< voir , 11 enfans , 70 petits- enfans , et
<53 arrières petits-enfans. Du nombre
<<de ces descendans , il y en a actuelle-
<<ment deux mariés , et 15 autres en
< âge de l'être , dont 3 arrières petits-
<enfans. >>>
Portrait de LOUIS XVI , dédié aux François ,
deſſiné&gravé par P. Audquin ; premières épreuves
avant l'adreſſe , 4 liv.; épreuves avec l'adreſſe
, 2 liv. 8 fous. Ce portrait , de même grandeur
que celui de M. NECKER , dédié à la Patrie ,
deffiné&gravé par le même Auteur ; à Paris ,
chez Beauvarlet, Graveur du Roi, rue deTournon,
n°.5, chez quil'ontrouve auſſi celui deM. NECKER.
Gaspard Paulet , ancien Officier
(44 )
d'Infanterie , est mort, le 28décembre
dernier , à Anduse , dans la 99. année
de son âge. On croit qu'il étoit le plus
ancien militaire du royaume ; il avoit
servi sous Louis XIV, et s'étoit trouvé
aux batailles d'Oudenarde et de Malplaquet
, sous le Maréchal de Villars . Sa
bonne constitution , son humeur gaie ,
l'exercice de la chasse , et l'activité dans
laquelle il avoit toujours été , joints à la
salubrité du climat où il vivoit , ont con
tribué sans doute à le faire parvenir à co
grand âge. Il a vécu sans maladie , et il
estmort sans douleur.
Antoine-Louis-Francois , Comte de la
Roche-Aymon , Chevalier des Ordresdu
Roi , Lieutenant-général de ses armées ,
Gouverneur de Saint-Venant , est mort,
le 26 janvier, en sa terre de Mainfat en
Auvergne, âgé de 74 ans 2 mois. :
Hélène-Geneviève le Mau de la Jaisse ,
veuve de Julien, Baron de Stralhenheim,
Comtede Sordac , Seigneur d'Altendorf,
Basbeiket de Balle, Chambellan du feu
Electeur Palatin, est morte, à Paris , le
14de ce mois.
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le a mars
1789 , sont : 7,90, 4, 25, 47.
(45 )
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
«Onmande de Vienne , que , le 4 de ce mois ,
avant midi , un Courrier extraordinaire venant
de, Madrid , defcendit à l'hôtel d'Eſpagne , &
le, même jour M. l'Ambaſſadeur remit une
note au Miniſtre des Affaires,Etrangères , dont
on ignore à la vérité le contenu , mais qu'on croit
relative aux bons offices que le Roi d'Eſpagne ,
à l'exemple de feu ſon père , eſt diſpoſé à employer
pour lapacification des trois Puifſances Belligérantes
. Ledit Courrier ne s'eſt arrêté ici que fort
peu de temps ; & ayant été chargé de quelques
dépêches de la part de notre Cabinet , il continua
ſa route pour Pétersbourg. Du reſte , il eſt plus que
probable que le même Courrier aura été porteur
des réponſes de S. M. G. aux dépêches de notre
Miniſtère, qu'un Officier de laGarde-noble Hongroiſe,
parti d'ici le 3 janvier , avoit été chargé
de porter en Eſpagne , lesquelles contenoient en
même-temps les ſentimens de S. M. l'Impératrice
relativement à ſa réconciliation avec la Porte
Ottomane. Mais comme , lors du départ de ces
mêmes lettres de Pétersbourg , ony ignoroit encore
la conquête d'Oczakof, ces fentimens , comme on
le préſume , auront pu fouffrir depuis quelque altération
concernant les conditions de lapaix. Malgré
lesmouvemens que les trois autres Cabinets ſe
donnentpourparvenir à cetteheureuſe fin , tous nos
Officiers font intimement perfuadés de la néceſſité
d'une ſeconde campagne ; &c'eſt là l'opiniongénérale
, n'y ayant aucune apparence qu'aucune négociation
formelle ait été entamée juſqu'ici avec
la Porte. Ce qui d'ailleurs eſt aſſez conſtaté par
nos lettres de Conftantinople juſqu'au 16 décembredernier
, ſous laquelle date nous fontparvenues
celles que nous venons de recevoir par la voie
( 46 )
d'Italie , & qui , non plus que les précédentes , ne
nous donnent aucune eſpérance pour une paix prochaine.
» ( Courrier du Bas-Rhin , n . 15. )
(N.B. Nous negarantiſſons la vérité ni l'exactitudede
cesParagraphes extraits desPapiers étrangers.)
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Plaidoyers de M. TRONSON DU COUDRAY, Avecat
au Parlement deParis, prononcés au Parlement
de Rouen ;
Au sujet d'un Mémoire contenant des Accusations
calomnieuses d'infanticide& parricide , de projet
DE VIOL, de projetD'ASSASSINAT, de manauvres
pour faire pendre unefervante , d'eſcroqueries
, &c. &c.; Accusations dont l'auteur même
du Mémoire, eft prévenu aujourd'hui d'être l'inventeur
ou le complice.
Pour le fieur THIBAUT, Secrétaire du Roi , plaignant&
intimé;
ContreM*** Avocat , Accuse &Appelant.
En préſence de M. le Procureur- Général , deMarie
Clereaux ,de Me le Venard, Procureur ,Accufe
, &du ſieur Chapelle.
Cette affaire , nous ne craignons pas de le
dire, eſt une des plus importantes que la juſtice
puiffe compter dans ſes faftes; aufli ne pouvoitelle
être confiée qu'à uenſeur qui eût déja
donnéde grandes preuves de fes talens : M. Tronfon
du Coudray , Avocat au Parlement de Paris ,
(47)
qui l'a plaidée à Rouen , devant un public nombreux,
compoté de citoyens de tous les ordres , a
juſtifié cette vérité incontestable , que les grands
intérêts é'event l'ame d'un orateur , font refforter
les moyens qu'il a reçus de la nature , mettent
dans unplus grand jour le fruitde ſes études&
deſes veilles , &lui aſſurent , pour jamais , cette
gloire ſolide & durable qui fait la première& la
plus précieuſe récompenſe de l'Avocat. Voici un
aperçu ſommaire de cette cauſe fingulière .
La fille Clereaux étoit ſervante chez les ſieurs
Thibaut frères , Négocians à Rouen : ils furent
forcés de la dénoncer à la justice pour fait de vol
domeſtique; & le Bailliagede Rouen l'a condamnée
à être pendue.
Sur l'appel , il parut un Mémoire imprimé,
dans lequel on imputoit au ſieur Thibaut le jeune,
d'avoir eu un enfant d'une autre fervante , de
l'avoir jeté dans les flammes , & de l'avoir réduit
en cendres ; d'avoir voulu violer la fille Clereaux;
d'avoir cherché enſuite àl'aſſaſſiner , &c. &c.
Ce Mémoire produiſit dans la ville de Rouen
une fermentation incroyable , & dont les Plaidoyers
que nous annonçons , préſentent l'hiſtorique&
le tableau.
La fille Clereaux fut miſe hors de Cour au
Parlement; & par le même Arrêt il fut ordonné
que le Mémoire feroit brûlé par la main du Bour
reau : il réſervoit le ſieur Thibaut à ſe pourvoir
contre les auteurs & diſtributeurs du Mémoire.
Sur la plainte de Me *** Avocat , la fille Clereaux
,M *** fon Procureur, & un ſieur Chapelle
furent décrétés.
Me***
La cauſe
appe'a du décret..
futfoler ment plaidée pendant
treize audiences. Le detenſeur du ſieur Thibaut a
traité cette affaire d'une manière digne des queftions
qui ſe préſentoient ; le recueilde ſes Plai
(48)
doyers ſera lu avec avidité; il contient différens
morceaux , écrits non- ſeulement avec énergie ,
mais avec toutes les graces de l'éloquence.
Nous nous réſervons de rendre par la ſuite un
compteplus exact des beautés multipliées que renferme
l'ouvrage de M. Tronſon de Coudray.
L'Arrêt du Parlement de Rouen, rendu le 24dcembre
1788 , fur les concluſions de M. l'Avocat
général de Grecourt , a confirmé les décrets , &
ordonné la continuation de l'inſtruction .
Mª Tiercelin , procureur du ſieur Thibaut.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 14 MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE
Amon Fils , le jour desa naiſſance , en
Mars 1783 .
Tu viens de naître , & les ficurs vont éclores
Ouvre les yeux, mon Fils , à ce beau jour.
L'Aſtre fécond qui préſide à l'Amour ( 1 ) ,
De ſes rayons embellit ton aurore ,
Et le Printemps avance fon retour.
Vouille ce Dieu , protecteur de l'enfance ,
Te pénétrer de ſa douce influence !
Ignore en paix la rigueur des hivers ;
(1) Le Sigue du Belier.
NO. 11. 14 Mars 1789.
64 MERCURE
Un tel bonheur eſt fait pour l'innocence
Le premier homme , à l'abri des revers ,
S'il eût gardé ſa tranquille ignorance ,
Verroit ainſi s'embellir l'Univers.
Mon cher Enfant , de ta mère tremblante
Viens appaiſer la douleur & l'effroi,
Elle ſoupire , elle tourne vers toi
Des yeux éteints , une main défaillante!
Preſſe ton ſein ſur ſon ſein agité ,
Toi, de ſes maux, la cauſe & le semède;
Que cet inſtant de pure volupté
Faſſe oublier l'inſtant qui le précède,
4
Je vois déjà ton premier mouvement
Te diriger , par une route ſure ,
Vers cette ſource où la ſage Nature
T'a préparé le plus doux aliment,
Va, ne crains point que ta ſenſible mère ,
Contrariant une ſi ſaințe foi ,
Détourne un bien qui n'eſt fait que pour toi ,
Et t'abandonne aux ſoins d'une étrangère.
Ton coeur un jour connoîtra la vertu ;
Mon Fils , alors tu l'aimeras fans doute ;
Tu l'aimeras , & tu ſuivras la route
Qu'elle traça loin du chemin battu,
Que cet eſpoir ranime ma tendreſſe !
Ma main active & mon cil éclairé ,
A
DE FRANCE. انو
Sur toh berceau vont ſe porter ſans ceffe ,
Et de ma force étayer ta foibleſſe
Contre les maux dont il eſt entouré.
En attendant que la raiſon t'éclaire ,
Toutmon bonheur va dépendre du tien ;
C'eſt à ce prix que je veux être père ;
Je te dois tout, & tu ne me dois rien:
Un jour ton coeur te dira le contraire.
Lorſque le temps mûrira ta raiſon ,
Quand tu ſeras dans ta belle ſaiſon ,
Je t'offrirai ma vieilleſſe pour guide.
Mais que je crains,dans ce temps orageux ,
LaCour d'Alcine & le Jardin d'Armide !
Tu paſſeras ces écueils dangereux ;
Ils ſont couverts d'un taliſman perfide ,
Aſpect fatal à tant de malheureux.
De l'avenir cette cruelle image
Môle àma joie un inſtant de douleur ;
Dans le lointainj'entends gronder l'orage ;
Mon Fils s'avance , il brave ſa fureur ....
Jeune infenfé ,dans ton aveugle ardeur ,
Que cherches-tu ? la honte & le naufrage.
Entends ce cri , c'eſt e cri de l'honneur ;
Sois attentif à la voix de ce guide;
Il fait dompter l'amour impétueux ;
Des paſſions les flots tumultueux
Voudroient en vain renverſer ſon égider
Faut-il voler dans de lointains climats,
Pour y fervir une ingrate Patric ?
:
1
1
64 MERCURE I
Faut-il mourir au milieu des combats
Il nous apprend qu'un glorieux trépas
Eſt préférable aux dégoûts d'une vie
Par le mépris & la honte flétrie.
Faut-il du fort ſupporter les rigueurs ,
De la fortune eſſayer les caprices ,
Et repouffer les indignes faveurs
Qu'ele nous fait mériter par des vices ?
Il nous inſpire une noble fierté 3
Et ſous les toits de nos foyers antiques ,
Nous dédaignons , dans notre obſcurité ,
Des vils Créſus les palais magnifiques,
?
i
Peut-être unjour... Mais d'où naiſſent tespleurs?
Ah! fur ſon front la douleur eſt empreinte !
Qu'as-zu , mon Fils? tu meglaces de craintes
Ne pourrons-nous appaiſer tes clameurs?
Bien plus que toi j'éprouve ta ſouffrance,
Ore aux humains , divine Providence ,
La faculté de prévoir les malheurs,
Elle affoiblit le don de l'eſpérance. !
Que de dangers menacent le berceau!
Que de tyrans , & qu'il eſt difficile
De préſerver cette trame fragile
Qui de la Parque entoure le fuſeau !
: De cette vie , en misères féconde ,
Les premiers noeuds ſe rompent aiſément ....
Trop fortune qui meurt encore enfant!
Il est exempt de cette horreur profonde
DE FRANCE. 68
Qui faifit l'homme aubord du monument.
La même main qui t'ouvre la barrière
Vers le tombeati précipite mes ans.
Si je parviens au bout de ma carrière
Sans cultiver les fleurs de ton printemps ,
Grave ces vers dans ton ame attendrie ;
De la critique ils feront reſpectés;
Le ſentiment qui me les a dictés ,
Eſt au deſſus de l'art & du génie.
Dans ces momens de douce rêverie
On l'ame en paix jouit de ſon loiſir ,
On peut goûter le céleste plaiſir
De rappeler ſes amis à la vie ,
Avec leur ombre on peut s'entretenir.
Sois le ſoutien d'une mère cherie ;
De ſes bienfaits garde le ſouvenir :
Malheur à toi , ſi ton coeur les oublie !
Le long remords, le ſombre repentir
Sont des Bourreaux armés pour t'en punir.--
Ta ſoeur , qui compte à peine deux années,
Semble déjàte connoître & t'aimer. A
Tendre amitié , puiſſes-ta les charmer ,
Et de res noeufs joindre leurs deſtinées !
Daigne animer ces objets de mes voeux ,
Reine des Arts , bienfaiſante Décile;
Sur mes Enfans daigne jeter les yeux ,
D
66 MERCURE
Etdans leur coeur imprime la ſagefle ,
Ce feu ſacré , digne préſent des Cieux.
Cerayon pur eft la chaîne admirable
Dont l'autre bout remonte au Créateur;
L'homme, qui tient à ce fil ſecourable ,
Peut déchirer le voile de l'erreur ,
Du labyrinthe il peut fortir vainqueur ,
Et parvenir juſqu'à l'Étre adorable ,
Quide la vie eſt le diſpenſateur,
Etre puiſſant, conſerve ton ouvrage.
Par ton fecours,le plus frêle arbriſſeau ,
Abandonné dans un terrcin ſauvage ,
Poufſe ſa tige & fleurit d'âge en age :
Sans ton appui , le ſourcilleux ormeau ,
Jouer des.Vents , tombe fur le rivage
Dont il faifoit l'ornement le plus beau ;
Et la Brebis , dans un gras pâturage ,
Malgré ſes ſoins , voit périr ſon agneau.
(Par un Abonné.)
Explication de la Charade , de l'Enigme
du Logogriphe du Mercure précédent
LEE
mot de la Charade eſt Téte ; celui de
l'Enigme eſt l'Année ; celui du Logogriphe
eſt Calomnie , où l'on trouve Amie
Calme , Miel , Lie , Caen , Main , Ciel
Milon ,Lion, Mine, Clio, Ami, Oie, Ame
Mi, La, Lime, Nil, Ane, Maine,& Mai.
DE FRANCE. 67
CHARADE.
CELUI-LA, cher Lecteur,eft vraiment mon dernier,
Qui toujours vers le bien dirige mon premier ,
Et lavie, à ſes yeux , n'offre que mon entier.
(ParM. LeGrand. ).
ÉNIGME.
Entous lieux, entous temps, d'unjournalier uſage,
Lecteur, je ſuis utile à tout sexe , à tout âge ;
Plus ou moins long auſſi , ſelon ceux que je fers ,
Ma forme s'accommode à tous les goûts diversi
L'un veut m'avoir conſtruit en façon Polonoiſe,
L'autre à la mode Turque , un autre à la Françoiſe ;
De quiconque pourtant je ſubiſſe la loi ,
L'on mevoit exercer par-tout le même emploi ;
Toujours difcret témoin des amoureux myſtères ,
Mais à la placedes Amours ,
Je vois ſouvent auſſi des objets bien contraires 3
Les maux, les maux cruels ſuccèdent aux plaiſirs ;
J'entends des cris plaintifs au lieu des doux ſoupirs,
Etdans mes bras parfois ſi l'on reçoit la vie,
Preſque toujours auſſi l'on y trouve la mort :
Enfin , pour achever le tableau de mon fort ,
Ma forme eſt tous les jours détruite & rétablie.
(ParM. M... d'Amiens. )
D 4
४९ MERCURE
LOGOGRIPHE.
3
JEE traverfe la nue &perce juſqu'aux'cieux ;
Je ſuis un Roi vorace , audacieux ,
Fort protégé par le plus granddes Dieux.
Les Habirans de la haute atmosphère ,
Cherchent , à mon affect , un afile ſur terre.
Aux humains quelquefois je ſuis pernicieux ;
De l'un des miens , lignorance & l'adreſſe ,
Jadis d'un Savant de la Grèce ,
Finirent les jours précieux.
Dans mes cinq pieds on trouve avec aifance
Une note , un article , un adverbe , un pronom ;
Unvégétal recherché du Gaſcon ;
Un vin cité pour l'excellence ;
Ce qui du triſte offrira l'oppoſé;
Au plus joli minois donnera l'air ufé ;
On trouve encore un animal ruſé ,
Ou , pour mieux dire , un Fat , un drôle
Sans état ,fans rang , fans appui ,
Qui joue un pitoyable rôle ,
En ſe parant des ornemens d'autrui.
(Par un Abonnée..).
DE FRANCE 69
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
L'ANNÉE Françoise, ou Vie des Hommes
qui ont honoré la France, ou par leurs
talens, ou par leursfervices, &fur tout
par leurs vertus , pour tous les jours de
l'année; par M. MANUEL. 4 Vol.
in-12 . A Paris , chez Nyon , Libraire ,
rue du Jardinet.
LE Plutarque François ſeroit le véritable
titre de cet eftimable Ouvrage , dont M.
Manuel s'occupe depuis pluſieurs années.
Comme le Peintre des Grecs & des Romains
, il s'attache ſur tout à la vie privée
de nos Héros domeſtiques , & chez lui le
plus grand homme n'est que le plus vertueux.
En effet , les talens peuvent donner
la célébrité, les vertus feules donnent le
mérite ; & c'eſt la réunion des vertus &
des talens qui donnent la vraie gloire.
2 Ce Livre vraiment claſſique , le premier
peut-être où l'on ait mis de la philofophie ,
eſt ſeme partout de ces principes qui
deviennent enfin la bouſiole des Peuples
civiliſés. L'Auteur ne hiffe échapper au
cune occafion d'honorer les mains qui
D
70 MERCURE
1
vrent le ſein de la Terre , les mains qui
filent nos habits , les Agriculteurs & les
Artiſans , ceux à qui nous devons notre
fuperflu , & qui manquent du néceſſaire.
Peſant leurs actions & non leurs titres ,
il juge ſes Héros comme on jugeoit tous
les morts en Egypte. Un Montmorency&
Caſſardontfubi la même balance. Ceux qui
ont conſacré & leur plame & leur coeur à
la Religion , lui ont paru les vrais Apôtres
de l'humanité. Ils reçoivent ſouvent ee
haut tribut d'éloges que l'Incrédule même
doit rendre aux Vincent de Paule , aux
François de Sales. Il parle par - tout
avec reſpect des Gens de Lettres &des
Inſtituteurs , & l'on voit qu'il cherche
de tout fon coeur à les rendre plus
grands & plus nobles qu'ils ne font. Sans
préjugé , ſans eſprit de parti , cherchant
par-tout , louant franchement les talens&
les vertus, de quelque robe qu'ils aient évé
affublés , M. M..... en trouve une foule
dans les Sociétés & les Congrégations à
qui leGouvernement confie & les jeunes
Citoyens & la fleur de ſa Nobleffe.
- > Ce Livre doit procurer des plaiſirs &
> des leçons à ces enfans fenfibles & fiers,
>> à qui le récit d'une belle action fait
> verſer des larmes , & qui afpirent às'é-
>> lever au niveau de tout ce qui eft grand.
Quel est l'Inſtituteur éclairé qui ne ſe
fera pas un devoir tous les jours de faire
>connoître à ſes Elèves , tantôt un père
-
t
۱۰
DE FRANCE 71
tendre , tantôt un fils reſpectueux ; ici
> un Magiſtrat intègre ; là un Prêtre Ci-
>>toyen , quelquefois tin Héros pacifique...
ود Il aura àfuppléer pardes commentaires , -
» par des développemens , à ce que l'Au-
>> teur ne dit pas. Dans chaque famille ,
» ce ſera pour tous les jours une nouvelle
> ſource de converſations inſtructives. Au-
>> jourd'hui Fénelon eſt né , demain mourra
» Turenne ; qui n'aimera pas à s'entrete-
- nir de Turenne & de Fénelon " ?"
L'Abbé de Condillac dit quelque part à
fon Elève : En liſant l'Hiſtoire des grands
• Hommes , vous devez ſentir en vous le
>> beſoin des vertus, le beſoin des talens ,
>> ce beſoin, en un mot, d'être plus grand
>> que les autres. Les Grecs n'ont produit
>> de grands Hommes que parce qu'ils ont
plus fenti le beſoin d'être Grands.Sondez-
> vous donc ; dites - moi fi vous trouvez
» en vous ce même ſentiment , & je vous
>> dirai ce que vous deviendrez ".
M. M..... peint avec délices ces hommes
vraiment heureux à Paris , parce que
jamais enveloppés dans le tourbillon du
monde, ils ſe ſont tenus à l'écarr. Il ſe
garde bien de choiſir des perſonnages dans
cette prétendue bonne compagnie , où il
n'y a plus de bien public , plus de Patrie ,
où l'on bâille , parce qu'on ne fait que dire
&que l'on eft ennuyé d'entendre.
Après avoir rendu compte de ſes intentions,
de fon plan ,de ſes eſpérances en
1
D6
72 MERCURE
homme très-occupé de ſon ſujet , l'Auteur
parle avec la plus honorable franchiſe , des
Livres & des Auteurs qui l'ont aidé à
compléter l'immenſe galerie qu'il nous déploie
: » N'est - ce point ici le moment ,
>>dit-il, de faire un aveu , qui , s'ilne flatte
"
pas, mon amour-propre , fera du moins
>>>reſpecter mes intentions ? Ces quatre
Volumes ne ſont pas entièrement de
moi. Eh ! qui me ſaura mauvais gré d'a--
>> voir choifi pour coopérateur Fontenelle,
d'Alembert , M. le Marq. de Condorcet,
» M. Vicq- d'Azyr , ces Panégyriftes Phi
>> loſophes qui n'ont loué les morts que
>>> pour offrir des modèles aux vivans " ?
د
Il ne diffimule pas non plus les obligations
qu'il a aux Dictionnaires , aux Né--
crologes , parce qu'il ſe ſent toute la recone
noiffance de ceux qui jadis couronnoient
les fontaines où ils avoient bu..
Voltaire lui -même l'a dit : « Il en eſt
>> des Livres comme du feu dans nos foyers.
» On va prendre ce feu chez ſon voiſin
>> on l'allume chez foi, on le communique
à d'autres , & ilappartient à tous ..
Cetaveu trop modeile exige de nous un
éloge qui le compenfe. C'eſt que le talent
pour l'analyſe brille ici. dans tout ſon éclar..
On n'a jamais mieux réduit les ſtarnes des
grands Hommes à des buſtes parfaits. 11
règne dans ce Recueil une prodigieufe
variéré; les cadres , & il y en a trois cent
foixante - cinq , ne ſe reſſemblent jamais.
DE FRANCE. 7
Un mérite plus rare encore , c'eſt que
'Hiftorien ,fans flatter perſonne , a cependant
de quoi intéreſfer toutes les grandes
familles du Royaume. Enfin rien de plus
beau , de plus touchant pour nous , que
cette longue famille de Sages dont la mémoire
eſt encore un bienfait .
L'Année Françoise s'ouvre par le précis
fur Louis XII , avec cette Epigraphe :
Comme les Dieux font bons , ils veulent
que les Rois le foient auffi.
ود Le malheur fut ſon premier maître ;
il étoit Duc d'Orléans lorſqu'il fut enfermé
à la Tour de Bourges , où , pendant trois
ans, le néceſſaire lui manqua. Ses nuits fe
paffèrent dans une cage de fer. Parvenu à
la couronne , il ne voulut point que le
Roi de France vengeat les querelles du
Duc d'Orléans. Ses premiers Loins furent
de diminuer les Tailles & les Aides , &
de réformer les abus dans l'adminiftration
de lajustice. Il ſe rendoit ſouvent au Parlement,
pour l'exhorter à la rendre avec
promptitude , avec impartialité , & preſque
fans frais. Sous ce Roi Ciroyen , à
peine le Peuple ſe doutoit -il qu'il avoit
un Maître ".
......
Servir un Roi qu'on aime , ce n'eſt point
obéir. Son Edit de 1499 rend fa mémoire
chère à ceux qui rendent la justice & à
ceux qui l'aiment. Il veut qu'on fuive tonjours
la Loi , malgré les ordres contraires
que l'importunité pourroit arracher au
74 MERCURE
Monarque.- Lorſque ſa femme voulut le
forcer de marier la Princeſſe Claude à
Charles d'Autriche , depuis Charles-Quint ,
comme il 'favoit que ce mariage déplaiſoit
à la Nation , il aſſembla les Etats à
Tours. Ce fut- là le plus beau triomphe
de ſa vie , ily parut dans toute la pompe
de la Royauté. L'Orateur de l'Aſſemblée le
remercia au nom de la France, de fon adminiſtration
tutélaire ,& le pria de ne point
marier ſa fille à un étranger , lui montrant
le jeune Duc de Valois comme celui que
le Peuple déſiroit. Ce Prince , qui avoit
douze ans , ſe jette à ſes genoux ; tous les
Députés y tombent au même inſtant. Des
larmes d'attendriſſement & de plaiſir coulent
des yeux de Louis , qui promet une
prompte réponſe. Tous les Grands ſont
invités à un Conſeil...... Six jours après ,
il vient lui-même déclarer que , conformement
à leurs voeux , ſa fille , qui n'avoit
encore que quatre ans , épouſeroit le Duc
de Valois. Il fut proclamé le père du Peuple;
& c'eſt pour lui que fut fait le Domine,
falvum fac Regem ....... Louis XII cultiva
les Lettres ; il prépara tout се que
fon ſucceſſeur fit pour elles ....... Pourquoi
ne lui érigeroit - on, pas une Statue ?
Une Statue ne devroit jamais être que
l'image poſthume d'un bon Maître. Il faudroit
la placer dans un Marché public ,
avec ces mots : Louis XII , père du Peuple.
Unéloge intéreſſant dans les circonftan
DE FRANCE. 75
ces actuelles , c'eſt celui d'un d'Ormeſſon ,
qui aima la vertu comme les Muficiens
aiment l'harmonie. Charles IX fit tout ce
qu'un Roi ne fait guère, pour l'engager à
ſe mettre à la tête de ſes finances. Son refus
ne put que donner au Monarque une opinion
alarmante de ſes affaires , dont les
honnêtes gens ne vouloient plus ſe mêler.
Voici un trait qui n'eſt pas commundans
les Cours. Le Chancelier d'Agueſſeau, dans
un moment où l'on ne ſavoir que faire d'un
homme de bien , avoit été exilé dans ſa
Terre de Freſne. Dans la diſgrace, les amis
ne ſont plus même des connoiffances ; on
oublie juſqu'à ceux qu'on eftime. Le Régent
ne pouvoit pourtant pas refufer de la conſidération
au Chef ſuprême de la Magiftrature
:& un jour , en plein Confeil , il
exprima le beſoin & le déſir qu'il auroit
de ſavoir fon avis ſur une affaire importante.
Dans une Compagnie où l'on
pouvoit ſuppoſer d'énergiques caractères ,
pas un de ces Magiſtrats n'oſa ſourire
à l'hommage que le Régent rendoit au
mérite ; c'étoit peut - être un piége que la
Politique tendoit aux Eſclaves de la fortune.
Ni Politique , ni Efclave , d'Ormeſſon ſe
lève : " Monſeigneur,je peux me charger de
>> votre commiffion; car , en fortant du Con-
* ſeil , je pars pour Frefne ". Onſe regarde,
on murmure. Le Régent , qui , avec des
moeurs frivoles , ſe grandiſſoit toujours de
vant des hommes fiers , lui donne ſes dé
76 MERCUREC
pêches ; & s'adreſſant à ces pufillanimes
Courtiſans : Meſſieurs , j'aime mieux cette
noblefranchiſe, que votre fauſſe prudence...
» Les d'Ormeſſon ſont une famille de
refſource pour la France , on eſt toujours
>> sûr d'y trouver un honnête homme ; &
➤ quand laCour nomme un d'Ormeſſon à
>> quelque place de confiance, c'eſt toujours
>> la Nation qui l'appelle ".
Dans l'embarras du choix , rappelons un
trait de Rivault.
Louis XIII étoit monté ſur le trône ;
mais Louis XIII n'étoit pas encore un Roi.
Il falloit le former ,le rendre digne de fon
père. La mort enlève le Fevre à la France ,
au moment où elle lui confioit le dépôt le
plus facré ; & il fut remplacé par Rivault,
ce Rivault dont la diſgrace doit faire rire
&trembler tous les Inſtituteurs des Princes.
Son Elève avoit un petit chien, qu'il aimoit
beaucoup. Un jour qu'il s'amuſoit avec
lui pendant que ſes Maîtres l'inſtruifoient,
le ſévère Précepteur repoulfa du pied l'importun
favori . L'auguſte Ecolier ofa lever
la main fur fon Mentor. Rivault fe retira
de la Cour; ... le chien y reſta. J'ai
eu beſoin , pour calmer l'humeur que m'a
donnée cette Anecdote, de parcourir la
Notice de l'Abbé Noller avec quelle fatisfaction
j'ai vu toutes les marques de
bonté, que lui donnoit le Dauphin Il lui
envoyoit Binets, fon Valet de chambre, l'avertir
de arrivée aux Tuileries. On fait
DE FRANCE. 77
que ce Phyſicien, qui jouoit avec le ton-
_nerre , eut le courage de dire à un diſtributeur
des graces , qui refuſoit d'agréer du
moins fes Ouvrages : >> Voulez vous permer-
>>tre que je les laiſſe dans votre anticham-
*>> bre ? il s'y trouvera peut - être des gens
>>d'eſprit qui les liront avec plaifir <<.
4
J'ai connu le vieux Valet de chambre de
ce Prélat , qui poffedoit cet Exemplaire de
P'Abbé Nollet , relie en maroquin rouge.
On ne ſe laffe point de lire ce répertoire
d'Anecdotes piquantes ou ſentimentales ;
nous ne nous lafferions pas même de les
tranferire : il faut pourtant finir. Terminons
donc cet extrait par une Aventure arrivée
à l'Auteur lui - même chez M. de Buffon.
Aprèsun éloge de ce célèbre Philofophe ,
M. Manuel ajoute :
ود
ود J'ofai moi -même , jeune encore , lui
porter mes prémices littéraires. Les of-
>>frandes légères ne ſont pas celles qui
> plaiſent le moins aux Dieux. A fon ap-
>>proche, je me rappelai ce qu'il avoit dit
>> del'Homme. Il ſe ſoutient droit & élevé ,
>> ſon attitude eſt celle du commandement;
» ſa tête regarde le ciel , & préſenté une
>> face auguſte ſur laquelle eſt imprimé le
>> caractère de ſa dignité.
" M. de Buffon , dont le mérite m'inti-
>> midoit , m'eut bientôt raſſuré par fes
manières plus honnêtes qu'empreffées.
>>Nous caufions , & il n'avoit pas l'air
> d'avoir plus d'eſprit que moi. C'étoit
ود
78
MERCURE
> comme
Profeſſeur d'un College voifin ;
>> que je venois lui dédier un
exercice ſur
* >>
l'Hiſtoire
Naturelle. Mon tribut étoit en
>> vers , que je croyois bons ; mais on ma
>> bien appris depuis qu'il n'y a de bons
» vers que ceux qui ſe reliſent. Je me
> livrois au plaifir , peut - être à
l'amour-
>> propre qu'il y a
d'entretenir un grand
>> Homme : on
m'appelle ; c'eſt mon che-
> val qui ſe meurt ....
» Un ami me l'avoit prêté ; il n'étoit point Il eſt mort.
" affez riche pour le perdre , & il m'en
>> eût couté ma
Bibliothèque pour le payer.
> J'étois trop fier pour qu'on
s'apperçût
➤ de mon
embarras , & mon Mécène étoit
>> trop bon pour ne pas le deviner. Le
dîner me confola ; je le
partageois avec
» le Prince de
Gonzague & une de ces
>
femmes rares, qui, pour
s'occuper, n'ont
>>
beſoin ni de
navettes ni de cartes. Le
>> foir, quand je voulus partir , je trouvai
>> une voiture à mes ordres , & même le
>>Père Ignace. Ce fut ce
reſpectable Curé ,
>> le témoin & le
Miniſtre des actions gé-
>
néreuſes de fon
Seigneur , qui me confia
>>comme un ſecret que je ne ſerois pas
* le premier à
annoncer le malheur de
" mon
compagnon de
>>de
reconnoiſſance. Il eſt donc des moyens voyage ; je fus ſaiſi
d'amener l'homme le plus fier à
recevoir
>>> ſans peine !
» Membre d'une
Congrégation qui a
>>> produit Fléchier, & que la Nation charDE
FRANCE. 79
>> ge de l'éducation de ſes Héros , de celle
>> même du fils de ſon Roi , j'inſtruifis le
ود Général d'un procédé que je ne devois
>> fans doute qu'à l'honneur d'être ſon
» Confrère. Une députation porta des remercîmens
à M. de Buffon , dont la ré-
>>ponſe fut une viſite aux Doctrinaires ;
» & depuis il eſt venu quelquefois dans
>> la modeſte maiſon de St-Charles prou-
» ver au Père Bonnefoux , ce Général que
>> ſes ſervices rendent inamovible , & au
» Père Veri , l'ami de St-Foix , combien il
>> confidéroit une Société où le bien fe
" fait ſans vanité comme ſans intérêt. Ce
>> qui donne encore du prix à ſes atten-
» tions délicates , c'eſt la bonhomie qu'il
>> mettoitdans ſes expreſſions,comme dans
> ſes ſentimens..
"
.....
>>Une de fes plus vives jouiſſances étoit
le ſuffrage de M. Necker , qu'il défignoir
> pour le Reſtaurateur de la France , &
>> l'attachement preſque filial de Madame
de Genlis ..... ".
Telle eft la manière d'écrire de M. Manuel.
Il adu trait & de la vivacité ; ſa narration
eſt animée & piquante ; ſes tranfitions
ſont ſouvent plus dans les idées que
dans les mots : il faut fuppléer des idées
intermédiaires , mais fans effort .
Sans doute que l'Auteur peut ſe flatter
que l'Univerſité , la mère de beaucoup de
ces grands Hommes , permettra que leurs
Vies , celle de Rolin, celle de Le Beau ,
80 MERCURE
celle deThomas, foient lues dans ſesClaſſes:
c'eſt au Sélis, aux Biner , aux Noël, à juger
du bien que peuvent faire far des ames
neuves & pures , des tableaux domeftiques.
Leurs fuffrages feroient efpérer à M. Manuel
celui de l'Académie , qui récompenfe
les Ouvrages utiles.
(Cet Art. eft de M. Bérenger,CenfeurRoyal.)
NOUVELLE Inſtitution Nationale , par
l'Auteurdes Vues d'un Solitaire Patriote.
Une collection d'hommes vicieux ne fera
jamais uneNation d'hommes vertueux :
faîtes des hommes ſaints , éclairés , puis
vous les combinerez .
LA SALLE , Bal. Natur. Cap . 4.
1 Vol. in- 12 . A Paris , chez Cloufier ,
Impr. du Roi , rue de Sorbonne ; Veuve
Duchefne , Libr. rue S. Jacques ; Defer
de Maifonneuve, rue du Foin-St-Jacques.
CETTE nouvelle Inſtitution Nationale eſt
la fuite des Vues d'un Solitaire Patriote ,
publiées il y a quelques années , & favorablement
accueillies.
Eſt il plus utile politiquement de conſerver
les Monastères , que de les détruire ?
DE FRANCE. 81
Peſt l'importante queſtion que l'Auteur a
Fraitée dans ſon premier Ouvrage , & il l'a
décidée en faveur des Ordres Religieux,
Cette déciſion , fondée ſur des raiſons
qu'il a ſu rendre plausibles , feroit encore
plus autoriſée par l'exécution du projet que
fon nouveau Livre développe. Ce projet
eſt d'appeler les Ordres Religieux à l'Inftitution
de la Jeuneſſe, ſans toucher aux
exercices pour lesquels ils font établis. Il a
deux buts très intéreſſans : l'un eſt de dérober
le premier âge à l'influence des mauvaiſes
moeurs fur l'éducation actuelle ; l'autre
eft à la fois d'employer au ſervice de
la Société , des propriétés immenfes , & des
Propriétaires oififs. Sous ces deux aſpects ,
le Solitaire Patriote accrédite la réforme
qu'il propoſe , par un caractère de modérazion
& de justice qu'il eſt de notre devoir
de faire obſerver. Il eſt des Ouvrages envers
leſquels la critique ne feroit pas équi
table , même en leur attirant des approbateurs
il faut encore qu'elle les préſerve
d'ennemis. Voici d'abord comme il s'exprime
ſur les Univerſités.
>>Se plaindre aujourd'hui de l'Inſtitution
>> publique , n'eſt ce pas infulter gratuite-
» ment un Siècle auſli éclairé que le nôtre
» y eût-il jamais autant d'émulation & de
» zèle dans les Univerſités ?
>> Non , ce n'eſt pas aux Colléges qu'il
>> faut s'en prendre , ce ne ſont pas les
Maîtres qu'il faut accuſer; ce ſont les
82 MERCURE
>> moeurs publiques qu'il faut regarder
> comme la véritable cauſe de l'ignoran-
» ce , &des déſordres anticipés de la Jeunelle
..
Enfuite il s'énonce ainfi fur les Monaſtères.
:
>> L'engourdiſſement & la molleſſe ne
>> font , dans ces Corps religieux , que des
>>vices & des abus pallagers. Toujours
➤ plus attachés à l'honneur & à la vertu ,
» qu'aux moeurs actuelles qui les entraî-
>>>nent, il ne leur faut, pour ſe ranimer &
>> ſe rappeler à la vie active, que le souffle
- de la confiance & de l'eſtime publique :
>> ils ſont ce qu'ils ont toujours été , très-
>>flexibles , & diſpoſés à ſuivre le génie
>> des Nations qui les accueillent ".
Il eſt inutile ici , quoiqu'il ne le ſoit pas
à l'Ouvrage , de rappeler , avec l'Auteur
les ſervices des anciens Cenobites , comme
Religieux , comme Cultivateurs ,& comme
Lettrés. Il réſulte de l'hiſtorique qu'il en
retrase , que leur utilité a été relative aux
beſoins des Nations & à l'eſprit des tempss
&ce réſultat vient à l'appui de fon projet
de réforme , qu'il a voulu adapter à
la raiſon du Siècle. Les circonstances qui
en accompagnent le déclin , donnent un
nouveau degré d'intérêt à ce projet , dont
nous allons faire connoître le plan le plus
brièvement qu'il nous ſera poſſible.
Avant de conférer aux Ordres religieux
l'Inſtitution de la Jeuneffe , il eft indif-
3
DEFRANCE. 8
penſable de réformer l'Institut Monaftique
meme : la prière en eſt la baſe. Comment
concilier les devoirs religieux avec les exercices
des Colléges ? En établiſſant dans chaque
Ordre trois fortes de Monastères ; des
Monastères de Régularité , des Monastères
d'Inſtitutions , & des Monastères de repos
pour les vieillards .
Mais cette nouvelle organiſation des
Corps religieux ne peut s'opérer ſans une
réforme préliminaire du temporel des Monaſtères
; le Solitaire en propoſe les points
principaux , parmi leſquels on en diftingue
trois fort importans ; » Les biens desMo-
>>naſtères affermés publiquement , toutes
» les dépenses tellement réglées, qu'il y ait
>> toujours un excédant de revenus ſur les
>> charges ; enfin une Commiſſion qui auroit
la haute police , & feroit moyenne
>> entre les Tribunaux ſéculiers& les Corps
>>monaſtiques « , pour éviter l'éclat des
procédures & l'abus d'autorité. :
Cette double réforme, qui a pour objet
la plus grande utilité religieuſe & civile
des Monastères , eſt préſentée d'abord dans
un Projet d'Edit , & difcutée enſuite par
objections & par réponſes. C'eſt dans l'Ouvrage
qu'il faut lire les Articles d'Adminiſtration
temporelle. Nous ne nous arrê
terons pas non plus à ce qui concerne les
Monaſtères de régularité. Il ſeroit intéreſſant
de parler des Monastères de retraite ,
&de l'Ecole rurale que l'Auteur voudroit
$4 MERCURE
y établir : projet également utile & agréable
; mais il faut faire connoître l'objet
particulier de l'Ouvrage , les Monaftères
d'Inftitution ; & fur cet objet même , nous
ne pouvons donner une idée ſuccincte que
des Articles principaux relatifs aux Profefſeurs
, aux Ecoliers , & à l'enſeignement.
Le Solitaire propoſe que chaque Monaftère
d'Inſtitution ſoit composé de neuf Religieux
, de dix Bourfiers , & de vingt Penfionnaires
; qu'on y établiſſe une ſeule:
claffe , & toujours la méme; un ſeul Profefleur
, & qu'il y enſeigne toujours la
même claſſe : qu'ainſi , cinq Monastères du
même Ordre , ou de différens Ordres , for- :
ment enſemble , dans leur arrondiſſement ,
le Cours complet d'Humanités , & qu'enfin
l'enſeignement y ſoit par- tout uniforme,
Ce projet ainſi préſenté, peut faire naître
des objections que l'Auteur ne diffimule.
pas; il eſt donc néceſſaire de donner un
précis de ſes réponſes .
>*>L'émulation qu'excite l'éducation pu-
» blique , s'éteint dans une trop grande
» multitude ; & fi l'on en vaut mieux quand
» on est regardé, on en vaut moins quand
>> les regardans font en trop grand nom-
>> bre ; car alors on ceffe d'être vu , & l'on
retombe dans la folitude.
50
ود
ود
Le petit nombre eſt donc à préférer.
L'Inſtitution publique est un fardeau
dont les Monastères paroiſſent empreſſés
de ſe chargers mais pour le porter avec
>facilité,
1
DE FRANCE. 85
>> facilité , il eſt prudent qu'ils en diviſent
>> le poids & le partagent entre eux.
ود
" Parmi tant de Monastères ſi rapprochés
les uns des autres , & fi richement
> dotés ,en eſt-il un ſeul qui ne puiſſe ſe
>>charger d'un tel Penſionnat ?
>> Que le même Profeffeur enſeigne tou-
• jours la même claſſe , il y a fur cela
» deux opinions ".
Ici , l'Auteur rappelle avec éloge l'uſage
des Jéſuites , qui , auſſi intéreſſés aux lumières
de leurs Candidats , qu'à l'enſeignement
de leurs Diſciples , faifoient paffer
les jeunes Inſtituteurs d'une claſſe à une
autre : mais il lui préfère pour l'Inſtitution
Nationale , dont l'objet eſt moins étendu ,
la maxime de l'Univerſité de Paris ; &
s'autoriſant de ſes principes , il établit que
le même Profeſſeur enſeignera toujours la
même claſſe.
L'inconvénient de la tranſlation annuelle
des Elèves dans un nouveau Monaftère ,
fournit à l'Auteur la réponſe qui fuit.
وو Il eſt dans la Nature d'aimer le chan-
>> gement. Avec quel plaifir les Etudians
➤ ne verront-ils pas arriver le moment de
>> leur tranflation ? N'eft - ce pas les ſervir
" ſelon leur coeur ? n'est-ce pas les encou-
>> rager, que de leur procurer chaque an-
>>née de nouveaux Maîtres , une nouvelle
>> habitation « ?
Nº.11 . 14Mars 1789. E
86 MERCURE
Quant à l'uniformité de l'enſeignement,
&à l'obstacle que ſembleroit y mettre la
diverfité des Ordres religieux , voici ſes
obfervations abrégées .
" C'eſt pour la Nation elle-même qu'il
faut combiner un plan d'Inſtitution. Ce
> plan doit être le même pour toutes les
» Provinces. Il eſt eſſentiel pour la tran-
» quillité générale, d'introduire,autant qu'il
>> eſt poſſible , le même génie , les mêmes.
" moeurs .
ود
ود
ود Par cette marche uniforme des études,
il ſera facile d'apprécier l'influence des
différens climats. Cette uniformité met-
>>tra les obfervateurs à portée de faire
>> un grand nombre de comparaiſons. Ce
>> fera une forte de meſure commune , à
>> laquelle ils pourront rapporter les diffé
>> rences dans le génie , l'idiome & la pro+
nonciation qui réſultent des différences
>>phyſiques & morales.
ود
ود
ود Enfin les Monaſtères d'Inſtitution re-
>> cevront les Livres claſſiques des mains
ود de l'Univerſité ;&les Livres de Religion,
» des Evêques diocéſains ".
La plus grande difficulté eſt celle du
choix des Profeſſeurs. Le Solitaire Patriote,
dans une diſcuſſion qu'il ſeroit trop long
d'examiner ici , préfère , pour l'enſeigne
ment public , le célibataire à l'homme
marié , & par ſuite les Eccléſiaſtiques aux
Laïcs , les Religieux aux Séculiers , & enfin
DE FRANCE.
7
- les Religieux Inſtituteurs de profeſſior .
Cependant il propoſe qu'il foit permis également
aux Religieux de différens Ordres
rentés , aux Eccléſiaſliques & aux Laïcs
de concourir pour les Chaires de Profetfeurs
, mais perdant l'eſpace de vingt ans
ſeulement; après lequel temps , le Corcours
ne fera accordé qu'aux Religieux de
l'Ordre auquel appartiendra le Monastère
qui aura une Chaire vacante ; condition qui
tend au but de cet Ouvrage , dont l'objet ,
comme on l'a vu, eſt de rendre utile à la
Société les biens & les individus des Ordres
religieux. C'eſt ici le lieu de joindre
àl'analyſe qu'on vient de faire, un morceau
qui fera connoître l'eſprit & le ſtyle de
l'Auteur.
sa Rien n'est moins ſupportable pourdes
>>Peuples éclairés , que de voir les richeſſes
innenfes d'un grand Royaume dans les ود
mains d'un petit nombre d'heureux oi-
>> fifs; tandis que la multitude laborieuſe ,
➤ qui fait le Corps eſſentiel de la Nation ,
> éprouve une misère extrême. Le mépris
du riche pour le pauvre aliène nécef-
> fairement l'eſprit du Peuple, & lui fair
>>défirer la proſcription de ceux qui envahiffent
la fortune publique. Aufſi la
>> claſſe des riches n'eſt jamais plus près
>> da ſa ruine que lorſqu'elle brille le plus,
>> & qu'elle inſulte par ſon éclat ceux qui
gémiffent dans la détreſſe. Dans ces cin
E
88 MERCURE
> conſtances , le Gouvernement peut, ſans
danger , tomber ſur les grandes fortunes ;
>> il peut les grever; il lui ſuffit d'annoncer
qu'il le fait pour foulager la claſſe
>> indigente ".
ود C'eſt ainſi qu'après s'être ſervi du
riche pour charger le pauvre , on ſe ſert
» des cris du pauvre pour grever le riche
»& le dépouiller des exemptions qui pa-
>> roiffent bleſſer l'équité naturelle ".
Le Livre de la Nouvelle Inſtitution Nationale
mérite le même accueil qu'ont obtenu
précédemment les Kues d'un Solitaire
Patriote. Le ſujet y eſt traité avec beaucoup
de netteté , de préciſion , d'impartialité, &
de meſure. Dans les reproches que l'Auteur
fait avec ſon Siècle aux Ordres Monaſtiques
, il eſt décent , & n'eſt point déclamateur
: dans les réformes qu'il propoſe,
ſes projets ne ſont point d'un Novateur
imprudent , ils ſont d'un Patriote éclairé ;
enfin l'ordre , le naturel & la clarté caractériſent
ſes idées & ſon ſtyle.
Il ne nous appartenoit point de diſcuter
ici l'objet de cet Ouvrage , encore moins
de toucher à la queſtion politique que l'Auteur
a décidée en faveur des Monastères .
Confidérée ſous des rapports purement philoſophiques
, elle offritoit pluſieurs apperçus
intéreſſans.
Le premier ſeroit la comparaiſon de l'époque
où S. Benoît a fondé les Monastères
:
DE FRANCE. 2؟و
en Europe , avec celle où , parmi nous ,
leur deſtruction eſt propoſée.
C'eſt au milieu des calamités politiques
qu'ils ont été élevés pour les indigens &
pour les opprimés. Sous cet aſpect, justifié
par l'Histoire , l'étonnement que fait naître
leur permanence , & ledéfir de leur anéantiſſement
, ſemblent être, pour nos temps
modernes , la preuve d'une amélioration
certaine.
Si dans l'origine du Monachiſme , le
déſeſpoir peupla les Cloîtres, leur établiſfement
fut ſans doute un bienfait de la
Religion. Mais ſi aujourd'hui l'eſpoir de la
félicité publique les rend déſerts, leur anéantiffement
feroit ſans doute aufſi un bienfait
de la politique. Ces réſultats rappellent ce
vers fingulier de Voltaire :
Bâtir eſt beau, mais détruire eſt ſublime.
Convenons pourtant avec le Solitaire
Patriote , que réformer eſt plus fage , &
ſouvent plussutile. On peut n'avoir qu'à
réveiller ces nombreux épimenides .
Cet Article eft de M. de Boisjoflin. )
E 3
23 MERCURE
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Nous allions jeter un coup d'oeil fur
le début que M. Dorfeuille vient de faire
dans les premiers Rôles tragiques , par les
perſonnages de Cinna , de Philočlète , &
d'Oreße , quand nous avons vu circuler
dans les endroits publics une petite Brochure
, qui non ſeulement veut apprécier
le talent de cet Ateur , mais qui veut
encore lui faire raiſon des perſonnes qui
l'ont découragé , chagriné , ou trouvé médiocre.
Il nous paroît difficile de louer ou
de critiquer un Comédien qui a des amis
très-chauds , & des détracteurs paſſionnés ,
fans s'expoſer à des attaques clandeftines :
nous garderons donc le filence ſur M. Dorfeuille
, à moins qu'on ne l'attache au Théatre
François. Cet Acteur a débuté pour la
première fois ſur la même Scène , il y a
cinq ans. On lui trouva des qualités eftimables
, & de très-grands défauts.
N. B. Le Jeudis de ce mois , cet Acteur
a joué pour la 3e. fois le rôle de Philoctère.
Après la Pièce , le Public l'a demandé , & l'a
couvert d'applaudiſſemens .
DE FRANCE.
91
COMÉDIE ITALIENNE,
Nous allons dire quelque choſe de la
Double feinte ou le Prêté rendu , ( omédie
en trois Actes & en vers libres , jouée fur
ce Théatre le Mardi 24 Février. L'Ouvrage
eſt tombé. Ace titre , nous pourrions nous
diſpenſer d'en parler ; mais il nous a fait
faire quelques réflexions , & nous voulons
les rendre publiques : voici la Fable de la
Pièce.
Une Femme qui ſe déſole de ce qu'elle
n'inſpire point de jalouſie à ſon époux, 'fait
traveftir enhomme une jeune perſonne que
fon neveu doit bientôt époufer. Elle fappoſe
enmême temps un billet amoureux ,
qu'elle fait tomber entre les mains de fon
mari , & qui affigne un rendez - vous. Le
mari s'inquiète , ſe cache , est trompé par
les apparences , éclate, projette de ſe venger ,
quand ſon Valet découvre le myſtère & le
lui fait connoître. Il change alors de barteries
, met dans ſa confidence ceux qui
ont aidé à le tromper; ſuppoſe à ſon tour
une lettre où l'on feint que le déſeſpoir
l'a conduit às'empoiſonner , livre ainſi aux
angoiſſes les plus douloureuſes , ſa femme ,
qu'il défabule enfin quand il la croit fuffi-
E4
92 MERCURE
ſamment punie , & furtout dégoûtée à
jamais de le rendre jaloux.
Les deux premiers Actes de cette Comédie
font froids & longs. Ils portent fur
des données dramatiques déjà très - ufées .
L'Auteur a eu l'intention de faire contrafter
les caractères de l'épouſe qui veut de la jaloufie,
&de la femme traveftie qui veut de la
confiance. Pour offrir ce contraſte , il a répété
ce qu'avant lui on avoit déjà dit cent
fois; & ce n'étoit pas trop la peine de le
répéter d'une manière ſouvent très-négligée
, pour ne rien dire de plus. On a dit
très- énergiquement : » Quand on vole dans
ود la carrière des Arts, il faut afſaſſiner ".
Ce mot eſt d'un grand fens , & tous les
Ecrivains qui choiſiſſent des ſujets traités
déjà , en tout ou en partie , devroient s'en
fouvenir. A la manière dont les nôtres ſe
conduiſent , on ſeroit tenté de croire qu'ils
n'en ont pas connoiffance. Il y a des idées
que l'on peut rajeunir par le charme du
ſtyle , & par le ſoin des détails ; mais fi
ces détails font rares , ſi le ſtyle a plus de
diffuſion que de facilité , le Spectateur refte
infenfible & froid , parce qu'il eſt ennuyé,
Il n'est donc pas étonnant que l'Auteur
de la Double feinte , malgré quelques morceaux
eftimables , n'ait produit aucun effet
pendant les deux premiers Actes tout en
difantdes chofes vraies & ſouvent morales.
Quant au motif qui fait marcher tout
DE FRANCE..
93
le troiſième Acte , il eſt dans l'ordre des
évènemens poffibles ; mais c'eſt ſur tout au
Théatre que tout ce qui eft vrai ne paroît
pas vraiſemblable. C'eſt une ruſe cruelle
que celle de l'époux qui feint de s'être
empoiſonné pour éclairer ſa femme ſur l'erreur
qui la domine. La leçon eft fi forte ,
fi éloignée des bienséances , qu'elle ne fait
ni pleurer ni rire. Le Spectateur est trop
au fait , pour être ému ; il voit celle qu'on
éprouve , dans une ſituation trop douloureuſe
, pour ne pas trouver la plaifanterie
déteſtable. On déclame bien haut contre
le goût depuis quelques années; les uns le
veulent abſolument profcrire , d'autres ne
veulent pas qu'on puiſſe le perfectionner :
c'eſt pourtant le goût naturel , éclairé par
l'expérience , qui ſeul peut indiquer ce qui
eſt beau , ce qui est bon , & fixer la ligne
hors de laquelle l'un & l'autre perdent leur
exiftence. L'Art dramatique eſt peut - être
celui de tous les Arts d'imitation qui exige
le plus la connoiſſance exacte de toutes les
nuances qui tiennent au goût , & c'eſt celui
où on les néglige le plus aujourd'hui.
Si cela dure encore long-temps , il ne faudra
plus rien dire de ſa décadence ; il faudra
parler de ſa chute.
Le Lundi 2 Mars , on a repréſenté pour
la première fois Raoul Barbebleue , Comédie
nouvelle en trois Actes & en profe ,
mêlée d'Ariettes. Es
MERCURE
Le titre de cet Ouvrage indique ſuffifamment
la ſource d'où il eſt tiré. Voyons
comment on a profité du modèle , que tout
le monde connoît.
Ifaure aime Vergy , & elle en eſt aimée ;
mais les frères d'Iſaure ne trouvent point fon
Amant affez riche , ni d'une nobleffe affez
ancienne, pour approuver leur union. Vergy
areçu les ſermens d'Iſaure,& elle ne veut
point d'autre époux. Raoul Barbebleue a
demandé Ifaure en mariage. Ses richeſſes ,
fon titre de Prince Souverain l'ont fait accueillir
favorablement par les frères , &
il ſe préfente précédé de préſens magnifiques.
Ifaure le reçoit d'abord avec indifférence
; mais l'aſpect de ſes richeſſes ,
l'amour de la parure, la vanité , font chanceler
les premiers ſentimens de la Belle.
Ce qu'elle doit à ſes frères , à fon nom -و
la crainte des dangers que Vergy pourra
courir fi elle le préfère à Raoul , toutes
ces idées la tourmentent , & elle ſe flatte
que Vergy ſera allez généreux pour ſe
facrifier au bonheur de fon Amante. En
effet , le très - généreux Vergy ne ſe fait
pas preffer pour rendre à Ifaure ſes fermens;
en conféquence , quand Raoul paroît
, elle obéit à ſes frères , & elle marche
à l'Autel.
Au ſecond Acte , Ifaure eſt mariée.
Raoul , qui a déjà tué trois femmes parce
qu'elles étoient curieuſes , & parce qu'on
DE
95
FRANCE.
lui avoit prédit que la curioſité d'une femme
cauſeroit fa mort , Raoul veut éprouver la
quatrième. En la quittant pour aller viſiter
ſes domaines , il lui confie les clefs de
tous ſes tréſors , & lui recommande de ne
point ſe ſervir de la dernière qu'il lui remet.
Cette clef ouvre un cabinet qu'il lui
indique , & de l'obéiſſance d'Ifaure doit
réfulter ſon bonheur ou fon malheur.
Quand il va partir , on lui annonce l'arrivée
d'une Dame qui demande à être introduite
dans le château. Cette Dame prétendue
eſt Vergy lui- même , qui , inquiet
de la deſtinée de ſa bien-aimée , a pris le
nom d'une foeur qu'Ifaure a perdue , pour
arriver auprès d'elle.
Raoul, qui connoît vraiſemblablement trèsmal
les parens de la femme qu'il a éponſée
, reçoit fort bien la fauſſe ſoeur , & fe
réjouit même de ſon arrivée. Il recommande
qu'on ait pour elle les plus grands
egards , & il fort. Vergy témoigne à Ifaure
fes craintes , ſes ſoupçons ; il parle avec
émotion des trois premières femmes de
Raoul : il l'engage à reſpecter les ordres
de ſon époux. Ifaure , de ſon côté , le Hâme
de ſon indiſcrétion , lai remontre qu'il a
expoſé ſes jours & fon honneur en entrant
dans le château , & l'engage à ſe retirer.
Reftée ſeule , la curiofité la follicite ; elle
y cède bientôt , entre dans le cabinet , &
en ført avec des cris affieux , le trouble &
E6
96 MERCURE
la mort dans l'ame. A ſes cris , Vergy re
vient , la queſtionne , entre dans le réduit
fatal , le quitte avec horreur , & vient dire
ce qu'il y a vu. Trois corps , trois têtes
attachées ſur un poteau , avec cet écriteau :
Curiofité punie. Après quelques gémiſſemens
, on eſpère qu'en gardant le filence
fur ce qu'on a vu , & en fermant le cabinet
, Raoul ne s'appercevra de rien ; mais
la clef ſe briſe dans la ſerrure. Le fort qui
attend l'infortunée , n'eſt plus équivoque ;
on cherche à intéreſſer un vieux ſerviteur
de Raoul ; on attend de lui qu'il favoriz
fera la fuite des deux foeurs. Vain eſpoir !
Quand Raoul a quitté le château , le pontlevis
ne ſe baiffe qu'à fon retour. Il faut
pourtant chercher des reſſources. Vergy
écrit , on attache ſa lettre avec une pierre
àun roſeau , on la lance au delà du follé ;
un Page la ramaſſe , monte à cheval , &
la porte aux frères d'Iſaure. En attendant
ce qui arrivera , les Vaffaux de Raoul donnent
une fête champêtre à la belle Ifaure.
Cette fête termine le ſecond Acte.
Au troisième Acte , on attend Raoul;
il vient , demande ſes clefs. Ifaure tremble
, dit qu'elle va les chercher. Pendant
fon abfence , la clef caffée inftruit Raoul
de tour. La mort d'Iſaure est réſolue ; en
vain elle tombe aux pieds de ſon époux ,
il eſt inflexible . Les prières , les difcours
de la fauſſe ſoeur ne produiſent' pas plus
DE
97
FRANCE .
d'effer. Raoul deſcend dans le ſouterrain
du cabinet , & ordonne à ſa femme d'y
deſcendre quand il l'appellera. Vergy ſe
place à une fenêtre qui donne fur la campagne
; & Ifaure lui demande s'il ne voit
rien venir. Raoul appelle , on lui demande
du temps ; enfin Vergy voit des Cavaliers
qui accourent. Raoul remonte à l'inftant ,
veut entraîner ſa femme ; Vergy ſe fait
connoître , propoſe un combat fingulier ,
que Raoul refuſe. Il met le jeune homme
ſous le glaive de ſes gardes ; il ſe ſaiſir
d'Iſaure quand les portes font enfoncées.
Les frères d'Iſaure arrivent avec mainforte
; on repouſſe la garde de Raoul , qui
fuccombe bientôt lui-même ſous les coups
d'un Ecuyer qui s'attache à lui ſeul. Vergy
épouſe Ifaure.
Voilà l'analyſe , exacte autant que poffible
, de Raoul Barbebleue. Nous me parlerons
pas du Ayle , parce que M. Sédaine
paroît avoir toujours dédaigné d'écrire . Il
s'eſt fait une manière qui ſans doute ne
trouvera guère d'imitateurs. Quant au fonds
de l'Ouvrage, nous examinerons les obſervations
qu'on a faites publiquement , &
rien de plus. On a trouvé que Vergy devoit
aimer peu , puiſqu'il rendoit fi facilement
à Ilaure ſes fermens. Cette réflexion
peut être fauſſe pour ceux qui connoiffent
les premières moeurs de la Chevalerie . On
a demandé pourquoi M. Sédaine intro-
(
98 MERCURE
duiſoit Vergy chez Raoul ; on a remarqué
que c'étoit donner à celui - ci des armes
contre ſa femme. L'Auteur a ſenti cette
faute , puiſqu'il la fait lui-même relever
par Ifaure : il avoit beſoin de Vergy , il ne
peut avoir d'autre excuſe. La clef ſe caſſe ;
pourquoi ſe caffe t-elle ? Si elle ne ſe brifoit
point , comment Raoul fauroit- il ce
qui s'eſt paffé ? M. Sédaine ne nous a
point mis à même de réfoudre cette queftion
. La fêre , à la fin du ſecond Acte , eſt
déplacée. Il y a dans cette fête intention
de contraſte ; mais comine ce contraſte laiffe
Inguir Taction dont il veut remplir le
vide , il eſt difficile de repouffer l'objection .
Vergy , Chevalier , amant d Iſaure , joue
un rôle foible auprès de ſa Maîtreffe , qui
ne peut attendre que la mort : la foeur
Anne , une femme timide , hors d'état de
défendre Ifaure , auroit donné à la fituaton
plus d'intérêt. Cela peut être ; mais
PAuteur a eu ſoin de ne point donner
d'armes à Vergy; & puiſqu'il falloit rendre
I aure heureute à la fin de la Pièce , en
lui faiſant époufer fon Amant , il falloit
bien qu'il fût là. Pourquoi n'est - ce pas
un frère d'Ifaure qui tue Raoul ? C'eft
peut être la faute des Acteurs. Il y a de
L'intérêt dans 1Ouvrage , mais quand il y
en a, il découle toujours d'incidens ou de
fituations,atroces. Nous craignons que cela
ne foit vrai. De pareils ſujets ne devroient
jamais être portés ſur la Scène , & fur-tout
DE FRANCE.
وو
ſur la Scène Lyrique. Nous le voudrions.
On appelle Raoul une Comédie , & on a
tort. Oui , on a tort; mais la Tragédie eft
interdite au Théatre Italien : il falloit un
titre à l'Auteur.
La muſique a fait un plaifir général.
Des motifs heureux & pleins de mélodie
y tranchent avec des morceaux de la plus
vigoureuſe expreſſion. Les caractères ſont
bien faifis , bien obſervés , bien en oppofition.
L'orchestre offre dans les accompagnemens
, des intentions dramatiques trèsfavantes
, & qui produifent un grand effet .
Pour tout dire , plus cette compoſition ſera
entendue , plus elle ſera goûtée.
Le rôle ingrat & difficile de Raoul a
fait beaucoup d'honneur à M. Chenard.
Madame Dugazon a montré dans Ifaure
un talent d'autant plus diftingué , qu'à
compter du noeud de la Pièce , elle est toujours
dans la même ſituation , & qu'elle a
ſu varier fon expreffion fans quitter la lis
gne fur laquelle eſt placé l'intérêt de ſon
perfonnage.
100 MERCURE
THEATRE DE MONSIEUR
NOUouSs avons annoncé le ſuccès qu'a eu
fur ce Théatre il Re Teodoro à Venezia ;
il n'a fait depuis qu'augmenter de jour en
jour. Nous avions déjà une première idée
de l'extrême beauté de cette muſique ; il
nous reſtoit à l'entendre exécuter dans ſa
pureté originale par des Acteurs qui , ayant
reçu les leçons du Maître lui-même, avoient
confervé les véritables mouvemens ; par
des Acteurs enfin accoutumés à cet enfemble
parfait qu'on ne rencontre guère ailleurs
qu'en Italie. La Troupe Italienne du
Théatre de MONSIEUR a procuré cet avantage
; & il paroît avoir été vivement ſenti
dès la première repréſentation , malgré ſon
extrême longueur. A la ſeconde , on a fait
des retranchemens conſidérables , & la
durée de l'Ouvrage ſe trouvant mieux proportionnée
à celle de l'attention des Auditeurs
, rien n'a plus arrêté l'enthouſiaſme
qu'il étoit fait pour exciter.
On connoît affez le ſujet de cette Pièce ;
nous n'avons donc à parler que des Acteurs
qui l'ont chantée. M. Rovedino , dont la
voix fuperbe & l'excellente méthode font
toujours un nouveau plaifir , eft chargé du
DE FRANCE. ΙΟΙ
rôle de Théodore. Il a fifi très-habilement
ce mélange de nobleſſe & de comique ,
qui laiffe diftinguer un Aventurier chargé
de repréſenter un perſonnage important.
Mme. Limperani , dans le rôle de Lifette ,
a montré beaucoup d'entente de la Scène ,
& de l'adreſſe dans ſa manière de chanter,
quoique ſa voix foit un peu fatiguée . M.
Scalzi a fait plaifir dans le rôle de Sandrin :
on défireroit dans ſon chant un peu plus
d'art & de grace. On a autli été fort content
de M. Bianchi dans le rôle de Garbolin .
Mlle. Baletti n'a que le ſecond rôle de
femme , celui de Belife ; mais il n'y a point
de fecond rôle pour un premier talent , &
tel eſt celui de Mile. Baletti. Elle chante
deux Airs avec la voix la plus pure & l'habileté
la plus rare. On s'apperçoit qu'elle
cherche à profiter des conſeils que nous
lui avons tranfmis relativement à fon arti
culation. On l'entend déjà beaucoup mieux
dans le récitatif. Mais ce n'eſt pas en un
jour qu'on peut rectifier une habitude ; il
lui reſte beaucoup à faire pour acquérir
cette qualité. On doit néanmois lui ſavoir
gré de ſes premiers efforts , & l'encourager
à les continuer.
M. Mengozzi , qui n'étoit engagé dans
cetre Troupe que pour tenir le Clavecin ,
y chante maintenant la partie de Ténores
On connoiffoit déjà depuis long - temps le
charme de ſa voix , & ce goût délicat avec
ΤΟΣ MERCURE
lequel il fait embellir ſon chant ſans jamais
l'étouffer par des ornemens trop multipliés.
Sa réputation étoit faite dans les Concerts ,
elle s'eſt encore augmentée ſur ce Théatre ,
qui paroît très - favorable a ſa voix. Il a
paru d'ailleurs jouer avec intelligence ; &
fes airs ( qui ne pouvaient pas être ceux
de la partition ) étoient fort heureuſement
choifis.
Nous ne ſivons comment louer aſſez
le naturel fi vrai , fi comique fans caricature
, ſi parfait en tun mot , avec lequel
M. Raffarelli a joué & chanté le rôle de
Taddée. Celui qu'il avoit rempli dans le
Vicende , n'avoit pu nous en donner une
idée jufte , & nous avouons que nous
étions loin de lui croire le mérite qu'il
a montré dans cette Pièce , qù il joue en
Acteur confommé. Nous le croyons comparable
à ce que nous avons de meilleur ,
même en France , ( & nous avons trouvé
beaucoup de monde de cet avis ) ; mais la
manière dont il chante l'air Che ne dici tú
Taddeo , nous ſemble ne devoir être comparée
à rien.
On a fait à cet Opéra quelques reproches
aſſez juſtes , d'autres injuftes . S'il eft
de notre devoir de faire paſſer aux Anteurs
ou aux Acteurs l'opinion publique
lorſqu'elle nous paroît générale , il nous
appartient également de juſtifier auprès du
Public ces mêmes Auteurs ou Acteurs. On
DE FRANCE. 103
ſe plaint de ce que le Poëte Italien a fani fa
Pièce en laiſſant en prifon le Roi Théodore
qui e inſpiré de l'intérêt.C'eſt une faute fans
doute , quoiqu'il y ait beaucoup de philofophie
dans cette idée. L'Auteur ne devoit pas
préférer la vérité hiftorique à l'effettheatral :
mais puifque cette foute eſt liée à la mufique
, on ne pouvoit plus la corriger. Si
on l'a fait dans les Traductions Françoiſes
qu'on a données de cet.Ouvrage , ce n'eft
qu'en bouleverfant pluſieurs morceaux du
dernier final ; mais la Troupe Italienne ,
plus obligée de ſe conformer aux intentions
du Compofiteur , ne pouvoit rien ſe permettre
de ſemblable .
On a reproehé auſſi d'avoir introduit des
airs qui ne font pas de la partition
reproche , que nous avons été les pretiers
à faire à l'égard des Vicende , n'est pas
fondé pour cet Opéra - ci : on m'a changé
les airs que de deux rôles. Celui de Bélife
ne contient que deux morceaux trèsfoibles
, très - infignifians , faits pour une
(hanteuſe médiocre ; on auroit été trèsfaché
que Mlle. Baletti les eût préférés à
ceux qu'a faits pour elle M. Zingarelli ,
Compofireur très- diftingué,& dans leſquels
elle a pu au moins développer ſes talens.
Il eſt encore plus facile de justifier M.
Mengozzi ; fon rôle dans l'original eſt celui
d'une Baſſe taille. Il lui étoit impoffible
de les conferver. Ceux par leſquels il les
a remplacés , ſont du même Compofiteur ;
104 MERCURE
& la manière dont il les chante ne doit
laiſſer aucun regret.
Nous ferions auſſi l'éloge de l'Orcheſtre ,
fi la réputation qu'il s'eſt établie dès le
commencement, & qu'il ſoutient ſi bien ,
ne le mettoit pas au deſſus de tout éloge.
C'eſt M. Meſtrino qui conduit maintenant
les Opéras Italiens . Les coupures ont été
faites par M. l'Abbé Andrei , Poëte Italien
attaché à ce Theatre ; & on doit lui ſavoir
gré de l'habileté avec laquelle il a élagué les
longueurs & les futilités du dialogue , fans
rien retrancher de ce qu'on y trouve de
piquant on de néceſſaire à l'action .
On trouve au Théatre la Traduction du
Roi Theodore , de l'Imprimerie de Mon-
Geur. Cette verſion très fidelle , & dans laquelle
l'Auteur a confervé toute la fineſſe
& l'élégance du ſtyle original , eſt d'un
homme de beaucoup d'eſprit , qui s'en eft
fait un amuſement. Il s'eſt plu à traduire en
vers blancs tout ce qui eſt en muſique , &
il a conſervé le rythme de l'original ; de
forte qu'à peu de choſe près , ſes paroles
pourroient aller ſous le chant. Il a même
ſouvent vaincu la difficulté de la rime , furtoutdans
les repos , d'une manière très heureuſe
; & loin que ſon ſtyle ſe reſſente de
cette contrainte , il n'en est que plus cadencé
, plus agréable , & plus rapproché de
P'original.
DE FRANCE. τος
ANNONCES ET NOTICES.
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Iard, Lib. rue Satory..
Bibliothèque Univerſelle des Romans , Ier. & IIe.
Vol. de Janv. & Vol . de Fév. 1788. A Paris , chez
J. F. Baſtien , Lib . rue des Mathurins , N° . 7.
Il paroît que les Editeurs de cet Ouvrage s'efforcent
de ſe remettre au courante
Dictionnaire raifonné du Gouvernement, des Loix,
des usages & de la difcipline de l'Eglife , concilies
avec_les libertés , franchiſes de l'Eglife Gallicane
Loix du Royaume , & Jurisprudence des Tribunaux
de France ; par Antoine Etienne - Nicolas
des Odoards Fantin , Vicaire-Général d'Embran.
6 Vol. in- 8° . A Paris , chez Moutard , Imp-Lib,
Hôtel de Cluni, rue des Mathurins .
: 2 OEuvres complètes de M. Paliſſot , revues
corrigées , & imprimées par M. Didot jeune; 4
Vel. in- 8 . grand papier, 30 liv. br. Chez le même
Libraire.
Il a été tiré de cette ſuperbe édition so exem
plaires fur papier vélin, dont le prix eſt de 60 1.
Les perſonnes qui voudront ſe procurer des exemplaires
ſatinés , en trouveront chez le Libraire, en
payant 6 liv. de plus par exemplaire.
11 a été gravé 18 Eſtampes, qui ſe vendent féparément
6 liv.
Le même Libraire vient de mettre en vente le
Tome VI du Dictionnaire de Police ; in-4°. br. ,
10 l.v. 10 f.; relié , 12 liv. 10 f. La Souſcription
pour cet Ouvrage qui formera dix Volumes , eſt
cujours ouverte.
DE FRANCE. 107
Règ'es générales & démontrées de l' Arithmétique,
miſes à la portée & à l'uſage de toutes fortes de
perſonnes ; par J. F. Leroy , Maître de Mathématiques
, & Arpenteur-Expert-Jaré ; in- 12. Prix ,
2 liv. 10 f. br. A Paris , chez la veuve Duchefne ,
Lib. rue S. Jacques ; à Lille , chez Jacques , Lib,
ſur la Petite Place ; Dumortier , Croix S. Etienne ;
l'Auteur , rue du Molinet, quartier B. N° . 1636 ;
&chez les principaux Libraires du Royauine,
Tableau Généalogique , Hiſtorique , Chronologique,
Héraldique & Géographique de la Nobleſſe
, enrichi de Gravures ; contenant , 1. Pérat
des vrais Marquis, Comtes, Vicomtes & Barons ;
2. unTraité fur les Bannerets, Bachcliers, Ecuyers,
&fur leur différence; 3. un Traité ſur les Dignités
Eccléfiaftiques , les Dignités des Vidames attachés
àl'Eglife ; 4. les titres & qualités perſonnelles ,
les titres & qualités des Gens de Lettres , &c.;
5. la Recherche de la Normandie, faite par MoRfaoucq
en 1463 , un Traité ſur l'origine des Fiefs ,
les Francs-Fiefs , nouveaux acquets, & leur différence
, &c.; 6. les Généalogies des familles ; 7 .
les Dépôts où la Nobleſſe peut avoir recours pour
ſes différentes recherches ; 8, une Table des matières
, des Terres , & des perſonnes titrées , des
noms de famille compris dans l'Ouvrage , avec
Je renvoi aux Auteurs qui en ont donné les Généalogies
, & l'indication de plus de trente mille
titres originaux que l'Auteur poflède dans fon
cabinet : par Meſſire Louis - Charles Comte de
Waroquier , Chevalier , Sieur de Méricourt , de la
Methe, de Combles , Officier d Infanterie . Prix ,
3 liv. le Volume br. , 3 liv. 12 f. relié . Tomes
VI & VII . A Paris , chez l'Auteur , rue Gillecoeur,
Nº. 18 ; & chez Nyon l'aîné & fils , Libr. ruc
du Jardinet , quartier S. André-des -Arts,
To8 MERCURE DE FRANCE .
,
tirés des Recueil de jolis Airs nouveauX
Opéras comiques , arranges en Dao pour deux
Violons. Prix , 3 liv. 12 1. = Six Duo pour deux
Violons , par J. B. Cartier , OEuv. 9 , & premier
Livre de Duo . Prix , 7 liv. 4 f. A Paris , chez
Mercier , fucceſſeur de Mlle. Caſtagnery , à la
Muſique Royale , rue des Prouvaires , près celle
St-Honoré , N. 33 .
,
Ouverture des trois Déeſſes rivales , ou le Double
Jugement de Paris , muſique de M. de Propiac
, arrangée pour le Clavecin ou le F. Piano
avec accompagnement d'un Violon ad libit.; par
P. V. Céfar . Prix , I liv. 16 f. Trois Sonates
faciles pour le Clavecin ou le Forté-Piano , avec
accompagnement de Flûte ou Violon , compoſées
par Charles Pozzi ; OEuv . 4e. Prix, 4 liv. 16 f.
A Paris , chez César , Editeur & Md. de Muſique,
au grand Gluck , au coin de la rue Geoffroy-l'Afnier,
quai des Ormes , vis-à-vis la Pompe.
EPITRE.
TABLI
Charade , Enig. Logog.
L'Année Françoise.
Nouvelle Inflitution.
61 Comédie Françoise.
67Comédie Italienne.
69 Theatrede Monfieur.
801 Annonces & Notices .
१०
91
105
100
J'AI lu
APPROΒΑΤΙΘΟΝ.
par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 14
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en
empêcher l'impreſſion. A Paris, le 13 Mars 1789,
SÉLIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
SUÈDE.
De Stockholm , le 13février 1789.
A L'OUVERTURE de l'Assemblée natio
nale , le Roi prononça un Discours , que
nous avons annoncé comme digne d'intérêt
et de curiosité.En voici la teneur ;
-Nobles , Vénérables , Honorables , Discrets , &c.
Citoyens Suédois.
<<Lorſque je fis la clôture de votre dernière
Aſſemblée publique, je vous parlai avec toute la
véracité que je vous dois , & avec cette franchiſe
que me donne toujours l'amour de la Patrie.
Cette franchiſe , cette véracité dirigeront en
core aujourd'hui mon Difcours ; & quelle époque
demanda jamais plus de candeur ! quel période
exigea une plus grande confiance réciproque que
celui où nous nous trouvons à préſent ! »
<<Notre tranquillité s'eſt évanouie; le royaume
eſt ébranlé par des ennemis domeſtiques &
étrangers ; l'eſprit dediſcorde eſt déja prêt à rom
No. 11. 14 Mars 1789. C
( 50 )
د
pre les fers qui l'enchaînent ; l'indépendance &
Î'honneur de l'Etat ſe voyent en danger d'être farendu
crifiés. Voilà la ſituation des choſes qui a
votre Convocation néceſſaire. Mais autant les
dangers qui nous environnent, vous et moi , ſontils
plus grands , autant les difficultés que nous
avons à furmonter ſont-elles plus graves , d'autant
plus glorieux eſt-il pour nous de les affronter
avec intrépidité ; & puiſque je parle à ce Peuple
généreux , dont les ancêtres ne déſeſpérèrentjamais
, pas même dans les circonstances les plus
critiques du royaume , & dont la valeur l'a ſauvé
dedangersencoreplusgrands, en ajoutant à l'honneur&&
à la puiſſance de la Suède, je ſens mon
courage s'animer à votre aſpect , & je crois déja
voir le bonheur de la paix rendu à l'Etat par votre
vertu. "
«Notre ancien ennemi invétéré s'eſt réveillé :
les foibles étincelles de diſcorde qui ſembloient
vouloir s'allumer lors de la dernière Aſſemblée ,
ont ſuffi pour exciter ſon penchant à en profiter ,
afin d'affoiblir nos forces par notre déſunion , d'arracher
de mon fceptre lespoſſeſſions les plus confidérables
, et enfin , de porter atteinte même à
notre indépendance. Ce qui s'en eſt enſuivi , ce
que l'ennemi a tenté , ce qu'il a effectué par des
inſpirations clandeſtines , c'eſt ce qui eſt notoire & évident à tous les yeux. Vous le favez en
partie par ce dont vous avez été témoins vousmêmes,
en partie par la renommée publique. En
particulier vous le ſavez , bons&fidèles Citoyens
de la Finlande , vous qui ſentez de plus près tout
le poids du joug , vous qui avez le plus été mis à
l'épreuve par des tentatives de ſéduction , vous
qui avez réſiſté avec fermeté & conſtance ! Je
m'empreſſe de rendre juſtice à votre fidélité , afin
que vos Concitoyens, ici aſſemblés , ne confondent
pointtoute une Nation loyale avec quelques
(51 )
f
peude délinquans perfides ou ſéduits , qui ont
été livrés en partie à toute la rigueur des lois ,
ou qui en partie ſe ſont ſouſtraits au cha iment
mérité , condamnés par leur propre conſcience à
ſe bannir de leur Patrie. Je me rappelle , & je
me rappellerai toujours avec reconnoiſſance les
preuves d'affection que j'ai trouvées chez vous ,
quand,preſque ſeul,j'ai traverſé votre pays , obligé
de lequitter ,& de volerà la défenſe de la Suède
même , menacée par un autre ennemi.Mais lorſque
je ne pus pas vous protéger moi-même, je vous
laiſſai ſous la garde de celui qui , après mõi , étoit
le plus étroitement obligé de veiller à votre bienêtre
; &, pendant que je vous confiai entre ſes
mains triomphantes , j'étois certain que rien ne
feroit négligé de ce qui pouvoit ſervir à votre
défenſe. Bien Amés Citoyens Suédois, il s'eſt
écoulé à préſent dix années depuis qu'à notre
première Affemblée , après avoir rétabli la concorde
dans ces Etats , je vous témoignai la confiance
& l'amour qui m'uniffoient à un Frère
chéri. Combien grande n'eſt pas la fatisfaction
avec laquelle je puis vous préſenter en ſaperfonne
un héros qui a rétabli l'ancienne gloire de la
marine Suédoiſe dans tout fon luftre, & qui , ſecondé
par la valeur d'une Nobleſſe brave & généreuſe
, par le courage de Marins audi intrépides
qu'experts , a triomphe de forces navales qui lui
étoient ſupérieures ! C'eſt un devoir, dontje m'acquitte
avec joie , de célébrer , en préſence de la
Nation Suédoiſe , les louanges de ces valeureux
Guerriers , & deleur témoigner toute mareconnoiffance.
>>
-
«Les défordres que l'ennemi tenta de commettre
du côté oriental de nos frontières , le
conduifoient bientôt au coeur du royaume ; mais
pour nous fubjugater plus facilement , il falloit
exciter la défiance & la difcorde entre moi &
cij
( 52 )
,
mes Sujets , & cette fois on ne pouvoit plus fe
fervir des illufions par leſquelles on avoit tenté
de ſéduire les Habitans de la Fin'ande ; il ne
pouvoit plaire à une Province d'être ſéparée de
l'autre ; mais la crainte les dangers qui menaçoient
le royaume l'état incertain où il
avoit été réduit par ce qui s'étoit paffé en Finlande
, & les inquiétudes qui en réſultoient ,
feroient tous imputés à ma perſonne. Confidéré
ainſi comme la cauſe de tous les malheurs ,
il falloit que l'affection pour ma perſonne ſe
refroidît dans tous les coeurs ; l'eſprit de difcorde
chez quelques-uns , l'ambition chez d'autres,
la foibleſſe chez pluſieurs le déſeſpoir ( ny
ayant plus d'apparence de salut ) chez le commun
Peuple , devoient plonger le royaume dans
un tel défordre qu'il fût facile à l'ennemi de
nous fubjuguer , & qu'il pût vous preſcrire les
conditions qu'il croiroit propres à pouvoir mieux
vous opprimer. En conféquence , tous les écrits
&toutes les déclarations des ennemis ſe dirigèrent
contre maperſonne. »
,
,
« J'étois le ſeul contre qui l'ennemi faifoit excluſivement
la guerre ; & , pendant qu'à main
armée il entroit dans mes Etats , pendant qu'il y
levoit des contributions , pendant qu'il preſſuroit
legros desHabitans par des exactions , il ne com-
Datnoit que ma ſeule perſonne. Moi ſeul je lui
paroiſſois êtredangereux , &, pourvu qu'on m'eût
précipité du trône , il auroit été fatisfait & content.
J'aurois tout lieu , Bien Amés Citoyens Suédois
(&perſonne ne pourroit dire que je ne le
fiſſe avec raiſon ), j'aurois tout lieu de m'énorgueillir
de cette ardeur qu'on faifoit éclater contre
moi, Ce me devoit être le plus grand honneur
qu'un ennemi du royaume metint pour ſi dangereux
, que l'autonomie &d'indépendance de l'Etat
lui paruſſent attachées à ma ſeule perſonne ;
(53)
mais le but fecret d'effectuer une ſciſſion entre
moi & vous , eſt trop clairement viſible , pour que
moi & vous- mêmes nous puitlions le méconnol
tre. Environné de tant de dangers , le royaume
ſembloit ébranléjuſque dans ſes fondemens ; mais
dans les gran's périls ſe manif ſtent auſſi les
grandes vertus. L'ennemi ne nous connoiffoit pas
bien : enflammés , à la vue de leur pofition critique
, par le zèle pour la défenſe commute, l'amour
de la Patrie ſe ralluma chez tous les Suédois.
»
« A vous , louables Citoyens de Pordre des
Payfins , à vous il étoit réſervé de donner la
première preuve de cette magnanimité , & , à
l'exemple de vos braves ancêtes , de voler , de
yotre propre mouvement , à mon aide & an fecours
de la Patrie. Ce même Peuple (les Dalécarliens)
, dont les ancêtres ſuivirent les étendards de
Gustave Erichfon , fit aufli le premier à prendre
les armes , & la voix irréſiſtible de l'honneur excita
bientôt tous les Ordres à imiter un fi nob'e
modèle. Les Habitans des villes , oui, l'ordre
même dont les pacifiques, mains ne ſont confacrées
qu'au culte du Très-Haut , montra que la
vraie piété réchauffe la fidél té envers la Patrie,
&allume le zèle pour ſe défendre contre ſes ennemis.
Vous , Bien Amés Citoyens de l'Ordre
Equestre& de la Nobleffe, vous ne voulûtes pas
vous montrer moins zélés que les autres Ordres
vos Concitoyens. De vienx guerriers qui ont
blanchi ſous le harnois , & qui , par leur valeur ,
avoient acquis le droit de pouvoir paffer fars
honte la fin de leurs jours en repos , le font volontairement
offerts à quitter leur paiſible demeure ,
afin d'éclairer, par leurs exemples &leurs connoi!-
ſances, les militaires qui n'étoient faits que depuis
peu à l'uſage des armes ; & au momst que l'Europe
, frappée d'étonnement à la vue de ces évè
cij
( 54)
4
nemens , au moment que les Puiſſances qui s'intéreſſoientà
notre fort , croyoient nous voir abandonnés
par nous-mêmes , & que celles - ci, preſque
irréſolues , délibéroient déja ſur le ſecours à nous
donner , l'on vit la Suède tout d'un coup animée
de cette vigueur courageuſe qui la caractériſa de
tout temps. De puiſſans Princes ſe réunirent pour
prendre enmains notre cauſe. Un Roi , auquel je
fius uni par les liens les plus intimes du Sang ,
manifeſta efficacement la part eſſentielle qu'il prend
ànotre indépendance , &les nuages qui nous enveloppoient
de toutes parts ſe diſpersèrent. Nous
avons gagné du temps , & le temps nous eſt pré
cieux ; il ne tient à préſent qu'à nous de le bien
employer. Voilà la cauſe , voilà le but de votre
Convocation. Cependant , tandis qu'aujourd'hui
je vous ai convoqués au milieu du tumulte guerrier
, il n'eſt pourtant perſonne parmi vous qui
aime la paix plus que moi ; mais je veux avoir
une paix fûre , honorable pour la Suède , qui garantifie
notre indépendance , & qui ſoit avantageuſe
pour nos Alliés. L'unique moyen de l'obtenir
, c'eſt de faire la guerre avec vigueur ; & à
cet effet, j'attends votre ſccours. Je l'attends avec
d'autant plus de confiance , que je ſuis plus certain
que vous ferez les interprètes de la voix générale
de la Nation entière qui s'eſt déclarée ces derniers
mois d'une manière ſi honorable. Effectivement ,
ce n'eſt pas ma cauſe individuelle , c'eſt votre
cauſe communedont il s'agit.Des réſolutions que
vous allez prendre préſentement, dépendra nonſeulement
votre propre bien-être , mais auſſi le fort
devotre poſtérité : l'eſtime ou l'abomination que
vos defcendans auront pour vous , ſe réglera fur
les déma ches auxquel'es vous vous déterminerez
dans cette feffion.Conſidérez donc qu'ils révèreront,
chériront & eſtimeront votre mémoire , comme
de Suédois courageux , qui n'ont pas abandonné
( 55 )
leur Patrie au danger , ou qu'ils la verront avec
les mêmes regards avec lesquels nous jetons les
yeux fur les ancêtres lâches & dégénérés qui
trompèrent l'illuftre race des Sture , trahirent leur
Patrie , pour la livrer entre les mains de Chriftien ,
s'entendirent avec les ennemis pour nous impofer
un joug étranger , & jetèrent le royaume dans les
fers , où vous gémiriez peut- être encore , ſans la
magnanimité de Gustave Erichſon , & la valeur
des braves Payſans Suédois. Ouvrez les annales
du royaume,& rappelez-vous la funeſte époque
de l'union de Calmar, lorſqu'on nous fit accepter
malgré nous une tutèle étrangère , ſous prétexte
de défendre nos droits , mais réellement pour
augmenter la puiſſance des grands , && pour contenter
l'ambition de quelques individus , le tout
aux dépens du bien général. Rappelez-vous le
fang, qui crie encore vengeance , répandu par la
difcorde , & les dévaſtations que vous attirèrent
ces faux amis : reconnoiffez les mêmes ſentimens,
les mêmes principes moteurs , les mêmes vues
finales ; conſidérez les ſuites , les malheurs de vos
ancêtres , le mépris qui a flétri leur mémoire ,.
enla tranſmettant aux ſièc'es ſuivans ; & jugez
enſuite vous-mêmes ce que vous avez à attendre ,
à moins qu'avertis par leurs revers , moi & vous ,
tous enſemble , animés de l'eſprit de concorde &
du courage , que l'honneur & le vrai amour de
la Patrie peuvent ſeuls inſpirer , tous pour un ,
& un pour tous , nous nous réuniſſionnss ,, afin
d'obliger ces ennemis , par une réſiſtance unanime
&efficace , à eſtimer une Nation brave , & de
les contraindre à une paix qui ſfooiitt pour nous
fûre& honorable. Excluez donc de vos délibérations
tout ce qui ne conduit point au but que
je vous propoſe en ce moment. Soyez dignes de
vous-mêmes; ſoyez dignes de la confiance de nos
Concitoyens ; & dès cet inſtant raffermiſſez entre
1
c iv
(56)
le Roi & le peuple , une union qui nous rende
terribles à nos ennemis , & qui faſſe renaître la
tranquillité& la confiance parmi nous. »
« Demon côté , je ſuis prêt à renoncer à toute
vengeance perſonnelle , à ſacrifier toute punition
légitime, que ce qui s'eſt paſſé dans ces derniers
mois juftifieroit d'ailleurs. C'eſt ce que j'ai déja
fait une fois; ſavoir , en 1772 , pour l'amour de
l'Etat : c'eſt ce que je ſuis prêt à faire encore aujourd'hui.
Je n'ai d'autres ennemis que ceux du
royaume : je ſuis Roi , je ſuis Citoyen ; & l'un
&l'autre de ces rapports exigent que je facrifie
tout pour le bien public. Dieu très haut béniffe
vos délibérations ! C'eſt ce queje ſouhaite du fond
demon coeur, tandis qu'à vous tous en général ,
&à chacun de vous en particulier , je vous ſerai
toujours un Roi bien affectionné. »
☐ Les premières Séances de la Diète
ont manifesté l'esprit dans lequel les
divers Ordres y sont entrés; ainsi qu'on
l'avoit prévu , il s'est déclaré dans la
Chambre des Nobles , qui renferme les
principaux adhérens à l'Oligarchie Sénatoriale
, renversée en 1772 , une nombreuse
opposition, Sa première démarche,
à laquelle la justice ne permettoit
pas de se refuser , a été de se plaindre
dequelques écrits diffamatoires et répréhensibles
, répandus contre l'Ordre même
de la Noblesse. Aussi cette réclamation
a-t- elle été à-peu-près unanime dans la
Chambre.
Dans la Séance du 5, le Baron Charles
deGéer, l'un des Chefs de l'Opposition ,
demanda qu'on asservît , par des instruc(
57)
tions formelles', les Députés de la Chambre
au Comité secret. Cette proposition
ayant été très-contredite , on en remit
la décision au 7 , jour où le. Maréchal
dela Diète , Gomte de Levenhaupt, communiqua
à la Chambre une dérense du
Roidedélibérer ultérieurement sur cette
Motion, contraire à l'article XLVII de
la Constitution. A la suite de débats très
vifs à ce sujet, il fut arrêté, à la majorité
de quelques voix seulement , de passer
outre, et de donner des instructions aux
Députés , qui furent élus le même jour .
Même sous le règne du Sénat , soit des
Bonnets, ce Comité secret étoit investi
d'un pouvoir illimité et absolu en tout
ce qui concerne les affaires extérieures :
la loi de 1772 ne fit que confirmer cet
arrangement , qui exclut les instructions
partielles. Aussi l'on s'attend à voir les
trois autres Ordres différer d'avec la
Chambre des Nobles , et se conformer a
la loi. Cette triple réunion s'est déja montrée
dans le vote presque unanime de
présenter au Roi une Adresse de remerciemens,
en vertu deses soins pour maintenir
l'indépendance de l'Etat contre les
attaques de ses ennemis. Porté à l'Ordre .
de la Noblesse , cet arrêté y a été soumis ,
dit-on , à un examen provisoire de la
question, si le Roi aété agresseur ou non .
La délibération reste donc suspendue
dans cette Chambre seule. On sait que
T
CV
( 58 )
la voix de trois Ordres réunis fait loi ,
malgré la négative du quatrième.
On apprend de la Finlande qu'on y
arépandu un pamphlet incendiaire intitulé:
La Patrie. Aussi-tôt que le Comte
deMeyerfeld, Général, commandant en
Chef, en fut instruit, il le fit saisir, confisquer
et brûler au quartier - général
de Louisa , par l'Exécuteur des hautesoeuvres
: enmême temps , ce Général a
publié des lettres circulaires , dans lesquelles
il analyse ce Libelle , et exhorte
les Sujets à la fidélité envers le Roi et
le royaume de Suède.
POLOGNE.
De Varsovie, le 16 février.
La dernière Note que l'Ambassadeur
deRussie remit , le 5, aux Maréchaux de
la Diète , n'a point encore été lue dans
cetteAssemblée , dont une nouvelle indisposition
du Roi a suspendu les Séarroes
depuis le 7; mais le contenu de cette Reponse
de l'Impératrice est assez exactement
connu pour que nous soyons
autorisés à la rapporter .
,
و
Le SOUSSIGNÉ Ambassadeur
Extraordinaire et Plénipotentiaire de
S. M. l'impératrice de toutes les Russies,
n'a point tardé à faire parvenir
à la connoissance de Sa Souveraine la
( 59 )
Note que les illustres Etats Confédérés
lui ont fait remettre , le 17 novembre
dernier , au sujet de l'évacuation des
troupes Russes qui sont encore en
Pologne. Muni des ordres de S. M. à
cet égard, il a l'honneur de transmettre
aux Etats ce qui suit :
« Dès le commencement de la guerre que la
Porte Ottomane a déclarée ſi i juſtement à la
Ruffie , l'Impératrice s'adreſſa à la Séréniffime
République,pour lui annoncer,amicalement & avec
confiance, le partage de ſes troupes par la Pologne ,
& le féjour qu'y faisoient quelques détachemens
néceſſaires à la garde des magafias. Leur préſence ,
bien loin de nuire à la fûreté des frontières , a
plutôt contribué à les protéger contre l'invaſion des
Turcs & des Tatars. Les vivres dont ces troupes
avoient beſoin , en facilitoient le débit dans les
endroits par où elles paſſèrent & dans ceux où
elles s'arrêtèrent; elles payoient tout argent comptant
,& obfervoient la difcipline la plus exacte.
D'après cela ,il paroîtroit que la ſituation actuelle
des choses à cet égard , au lieu de devenir pour
laRépublique.un objet d'inquiétude & d'embarras,
lui offroit de tous les côtés fûreté & commodité .
Mais comme l'Impératrice déſire de fatisfaire à la
demande que les illuftres Etats Confédérés ont
fait parvenir à S. M. , Elle les aſſure qu'Elle fou
haire ſeulement de laiſſer en Pologne le nombre
de troupes néceſſaire à la confervation des m
gaſins&d'autres beſoins relatifs à ' a guerre actuelle
avec la Porte , & qu'Elle retirera aufli ces troupes ,
auſſi-tôt que les circonstances le rendront humainement
poffible. S. M. donne à confidérer aux
illuftres Etats ſi , juſqu'à cette époque où Ele
pourra réaliſer ſa promeſſe , une demande ſans
reftriction quelconque, que les Etats paroiff nt hui
:
cvj
(60 )
faire à cet égard, n'est pas en contradiction manifeſte
avec les raiſons de guerre les plus effentielles,&
avec les plans des opérations,ainſi qu'avec
l'amitié & le bon voinage qui ſubſitent entre
les deux Etats , & que S. M. I. défire de continuer.
S. M. ne trompera certainement pas la
confiance que les illuftres Etats Confédérés ont
placée dans l'amitié & les ſentimens de juſtice
qu'Elle porte à la Séréniſſime République de Pologne
, & Elle s'empreſſe de leur en donner de
nouvelles preuves par toutes fortes de complaiſances
qui , dans la poſition actuelle des affaires ,
feront dans ſon pouvoir. Les Généraux ont reçu
de nouveaux ordres de prévenir avec une attention
fcrupuleuſe tous les déſordres que les troupes ,
qu'ils commandent,pourroient commettre. S.M.I.
eſpère que la Séréniffime République regardera
ſes troupes comme celles d'une Puiſſance alliée ,
&qu'elle ne ceffera d'avoir pour elles de bons
procédés , & de leur accorder ſous ce point de vue
toute afſiſtance quelconque. »
« STACKELBERG. »
La modération de cette Réponse a été
sentie , et préviendra probablement de
nouvelles instances des Etats , d'autant
plus que réellement ils ont obtenu le
point capital d'éloigner cet hiver l'armée
Russe de leur territoire , où elle devoit
prendre ses quartiers , et qu'il ne reste
en Ukraine que sept escadrons pour la
garde des magasins . Il leur sera délivré ,
à ce qu'on présume , des passe-ports tels
que ceux qu'on accorde aux détachemens
de diverses Puissances qui viennent acheter
des chevaux de remonte.
L'établissement des compagnies de
(61 )
Cavalerie nationale a été accompagné
d'une loi, qui condamne à la perte de sa
compagnie, tout propriétaire qui aura
négligé de la mettre sur pied avant le
premier de mai. Cette ordonnance a occasionné
plusieurs mutations entre des
vendeurs et des acheteurs. Le Prince
Eustache Sangusko et le Staroste Po
tocki se distinguent par leur zèle pour
cette nouvelle formation.
Le 8 , le Stolnick Prince Czartoryski
est parti pour Berlin , où il se rend en
qualité d'Envoyé Extraordinaire du Roi
et de la République. L'on travaille aux
instructions du Staroste Woyna , qui
passe à Vienne avec le même caractère ,
et à celles des autres Envoyés de l'Etat.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 24 février.
Il a paru , le 2 , un Réglement concernant
l'entretien et les pensions des Officiers
devenus Invalides au service de
S. M. Ce Réglement exige que les Officiers
qui prétendent à cette grace ,
ayent 20 années de service non interrompu
; à moins , cependant , qu'avant
cette époque ils ne soient devenus Invalides
étant en activité de service , et
qu'ils soient sans ressources pour s'entretenir
eux-mêmes : on pourvoira
( 62 )
leurentretien , soit par un emploi civil ,
soit par une place dans les régimens '
d'Invalides , soit par une pension , en
attendant la vacance d'une place. Les
pensions viagères ne seront accordées
que comme exception à la règle générale
: elles seront pour un Lieutenant-gé
néral , de 1,200 rixdalers , 1,000 pour un
Général-Major , 600 pour un Colonel ,
500 pour un Lieutenant-Colonel , 350
à 400 pour un Major, 250 à 300 pour
un Capitaine , autant pour un Capitaine
de l'Etat-Major , 72 à 96 pour un Officier
subalterne. Si la caisse actuelle des
Invalides ne pouvoit pas fournir à toutes
les pensions , on n'en paiera , en attendant,
que la moitié , les deux tiers , ou les
trois quarts . Les Officiers qui demanderont
à d'autres des secours pour vivre ,
seront arrêtés et punis.
-
Le Prince Czartorisky , Ministre de
Pologne , est arrivé de Varsovie en cette
capitale. M. Elliot , Ministre Britannique
à la Cour de Danemarck , est
reparti pour retourner à Copenhague .
L'importation du fer de Suède faisoit
à Stettin , et dans les autres villes maritimesde
la Pomeranie , un objet annuel
de 14 à 15,000 schipfund , jusqu'en
1779 , où l'introduction de cette marchandise
fut défendue . Actuellement le
fer'de Silésie , infiniment amélioré , a
non-seulement remplacé celui de Suède,
mais l'année dernière on en a encore
(63)
.
exporté 11,723 quintaux en Angleterre
, et. 238 en Espagne .
De Vienne , le 21 février.
,
Le dénombrement des canons , des
caissons , des chariots de vivres , des approvisionnemens
, des Corps en marche
ou prêts à marcher , forment l'ennuyeux
détail des nouvelles du jour. Uneseconde
campagne étant certaine , il est tout simplequ'on
s'en occupe, etle Publicsuppléera
sans doute à la minutieuse histoire
que nous lui donnerions de ces préparatifs
.- Les Gazettes et les Badauts envoyoient
l'Empereur en Bohême , il y a
15 jours ; mais il est certain que S. M. I.
se rendra directement au quartier-général
de Semlin, dans le courant de mars,
si cela se peut. La seconde division de
son équipage de campagne est partie , le
12 , pour la Hongrie.
Une malheureuse fatalité met en ce
momentlaplupart de nos Généraux hors
de combat. Le Prince Charles de Lichtenstein
vient de mourir : son successeur
en Croatie ,le Généralde Vins,est arrivé
ici le 12, très-malade, laissantle commandement
au GénéralWattis . M.deLascy a
quittéle commandement, et est remplacé
parleMaréchaldeHaddik.Enfin,le brave
Maréchal Laudhon est retombé malade
, et se trouve attaque de nouveau de
coliquesfet de douleurs d'entrailles qui ,
(64)
jointes au poids de l'age , font craindre
que ce grand Capitaine ne puisse retourner
à l'armée .
De Francfort sur le Mein , le 4 Mars.
Un ordre de l'Electeur-Palatin, publié
par la Chancellerie de guerre , confirme ,
non-seulementles dispositions de S. A. E. ,
d'augmenter ses troupes et de les mettre
sur un pied plus avantageux , mais annonce
en même temps qu'à compter du
premier de ce mois , les Soldats , y compris
les Sergens , toucheront une plus
forte pare.
Le Comte régnant de Linange-Westorbourg
est mort,le 29 janvier, dans sa
68°. année.
On écrit deVienne , que l'on continue
à envoyer des munitions de guerre dans
les nouvelles forteresses de Pless et de
Thérésienstadt , et que le Général Magdebourg
est allé les visiter. - Le Général
de Seeger a été nommé par l'Empereur
, Commandant de Pless , et élevé
en même- temps au grade de Lieutenantgénéral
; le Major-général de Colli commandera
sous.lui. Le commandement
de Thérésienstadt a été conféré au Lieutenant-
général de Stames.
-
( 65 )
GRANDE - BRETAGNE .
De Londres , le 3 Mars.
Le 27 février , Milord Onslow, Gentilhomme
de la Chambre , de service au
Palais St. James , déclara au Public qu'il
n'y auroit dorénavant plus de Bulletins ,
ni d'informations officielles donnés sur
la santé de S. M.; et le 28 , cette déclaration
fut répétée dans la Gazette de la
Cour. Le Roi est maintenant , à tous
égards , aussi bien portant qu'il l'ait jamais
été. Dimanche, il assista au Service
Divin , avec la Famille Royale , dans la
chapelle de Kew. La plupart des Ministres
s'étoient rendus la veille auprès
de lui , et tinrent Conseil en sa présence.
Il a déja apposé sa signature à divers
actes publics ; et s'il n'a pas encore paru
au Parlement , c'est uniquement par l'ef
fet des délibérations à prendre sur les me
suresi vont suivre , et pour habituer
graduellement S. M. au bruit et à l'appareil
d'une grande Assemblée. Nombre de
Seigneurs ont été admis auprès de ceMonarque
, entre autres Lord Malmesbury,
Ambassadeur à la Haye. Il a eu une se
conde entrevue avec chacun de ses deux
Fils aînés , et l'on assure , qu'informé de
l'appui qu'a prêté le Duc d'Yorck aux
projets de l'Opposition , il en a été affecté
, comme l'avoit été la Reine. On
(66 )
sait que le Roi avoit une confiance particulière
dans les sentimens du Duc
d'Yorck. L'oraison publique qu'on récitoit
dans les églises pour le rétablissement
de S. M. , a été discontinuée , pour
faire place à une prière d'actions de
graces. Chaque ville , chaque bourg ,
chaque village , prépare déja ses réjouissances
. Londres sera magnifiquement illuminé
, et le Roi jouira de l'inestimable
douceur de voir un Peuple libre solemniser
, par des effusions d'une joie franche,
le retour de son Chefaux fonctions
de l'Administration publique.
Cette révolution , ménagée par le ciel ,
et sollicitée par les voeux de l'unanimité
des Patriotes , a décidé les deux Chambres
à s'ajourner , de trois en trois jours ,
depuis le commencement de la semaine,
précédente. Jeudi sera le terme de ces
prorogations ; un messager de S. M. remettra
la Législature en activité , et il
est à croire que les fonctions de l'Autorité
royale seront exercées parle Roi
lui-même. Les Papiers publics ont parlé,
il est vrai , de la future création d'un
Conseil de Régence , pour un temps déterminé
, et tel qu'il a été d'usage pendant
l'absence de nos Rois ; mais les per
per
sonnes instruites ajoutent peu de foi à
ce projet , tout au plus de convenance .
Le Parlement d'Irlande , ainsi que
nous l'annonçâmes la semaine dernière ,
a décidé cette délicate question de la
( 67 )
Régence , en moins de temps qu'on n'en
met à une partie de trictac. Nul examen
des circonstances , nulle attention au
mieux soutenu qui se déclaroit depuis
dix jours dans la santé du Roi , nulle
discussion , nul acte Parlementaire, nulle
loi préalable , qui , selon la règle , déterminât
la nécessité d'une Régence , pour
autoriser le Parlement à la donner . Ce
Corps , guidé par l'impétuosité de quelques
Orateurs , par l'envie de contrecarrer
le Vice-Roi, et par l'influence de
ceux qui avoient des places à perdre
ou à acquérir , a dressé une Adresse au
Prince de Galles , en lui mettant la
Couronne sur la tête , à l'instant juste
où la Providence et le Parlement Anglois
l'affermissoient sur celle du Roi. Le Vice-
Roi ayant refusé de concourir à cette
étrange précipitation, en faisant passer au
Prince l'Adresse quiluidéfère laRégence
la plus illimitée , et cela , avant même
que le Parlement de la Grande-Bretagne
eût passé le Bill en discussion,
les deux Chambres Irlandoises ont nommé
des Commissaires Députés , chargés
de venir ici offrir leur voeu à S. A. R.
Le Duc de Leinster, Lord Charlemont,
M. Conolly, et trois autres Membres dés
Communes , sont donc arrivés en cette
Capitale , le jour même que les Médecins
déclaroient le Roi guéri. Le malheur
de leur calcul n'a pas empêché ces
Députés d'exécuter leur mission , deve
( 08 )
nue par le fait véritablement burlesque ,
ou hautement criminelle. Ils ont remis
leur Adresse à S. A. R. , à qui lon
prête , dans les Papiers publics , la Réponse
suivante , dont une simple lecture
doit faire suspecter l'authenticité.
« Milords & Meffieurs ,
>> L'adreſſe des Lords, ſpiritue's & tempore's
& des Communes d'Irlande que vous venez, de
me préſenter , exige mes remerciemens les plus
vifs& les plus fincères. Si quelque choſe pouvoit
ajouter à l'eſtime & à l'affection que j'ai pour la
nation Irlandoiſe , CE SEROIT L'ATTACHEMENT
LOYALET AFFECTIONNÉ POUR LA PERSONNE
ET LE GOUVERNEMENT DU ROI, MON PERE ,
MANIFESTÉ DANS L'ADRESSE DES DEUX
CHAMBRES, "
« Ce qu'elles ont fair , & la manière dont elles
l'ont fair , eſt une preuve que le respect dû à S. M.
n'a point fouffert d'altération ; & que leur attache.
ment uniformepour la maison de Brunswick s'eft
manifeſté par leur attention conſtante à maintenir
inviolab'ement , entre la Grande-Bretagne & l'Irlande
, la concorde & l'union qui font indiſpenſablement
néceſſaires à la proſpérité , au bonheur&
à'aliberté des deux royaumes. »
« Si , en exprimant la reconnoiffance que miap're
la conduitedu Parlement envers le Roi mon
père , relativement aux intérêts inséparables des
deux royaumes ,je me trouve incapable d'exprimer
ceque mon coeur reffent , j'eſpère que vous n'en
ferez pas moins diſpoſés à croire que je ſens tout
le prix de ce qu'il a fait , que j'ai une ame diſpoſée
à ne jamais l'oublier , & des principes qui ne me
permettront pas d abuſer de leur confiance . »
« Mais le changement heureux ſurvenu dans
(69 )
la circonstance qui a donne lieu à l'Adreſſe votée
par les Lords & les Communes de l'Iriande , me
porte à différer de quelques jours à y donner une
réponſe définitive , eſpérant que l'évènement défiré
qui permettra à S. M. de reprendre l'exercice
de l'Autorité royale , ne me laiſſera d'autre voeu à
former que celui de témoigner au peuple généreux
&loyalde l'Irlande, les ſentimens de reconnoiffance
&d'affection'que je ſens gravés dans mon coeut
encaractères ineffaçables .
Un cortège de Chefs de l'Opposition
accompagna ces Députés au Palais du
Prince. M. Fox, de retour de Bath , fut
le seul qui s'abstint de cette démarche ,
et qui n'a point assisté aux bons dîners
qu'ont reçus , chez S. A. R. et chez quelques
Seigneurs du Parti , ces fidèles serviteursde
GeorgeIII.-Il n'est pas aisé
de rendre le ridicule, les sarcasmes , les
épigrammes de tout genre dont ils ont
été criblés . On les a peints , dans une
caricature fort plaisante , sous le titre
Ambassadeurs Extraordinaires du
royaume d'Irlande ; sobriquet qui est
danstoutes lesbouches, etqui leur restera,
Le Parlement d'Irlande ne s'en est
pás tenu à créer un Régent au nom du
Roi rétabli , il a passé dans la Chambre
Haute un vote de censure contre le
Vice-Roi , Marquis de Buckingham ,
pour avoir manqué de respect au Parlement
, en refusant son Adresse. Cette
Résolution n'a été admise , dans la
Chambre des Pairs qu'à la mince
pluralité de 6 voix (37 contre 31.Les
1
(70 )
Communes , de leur côté , craignant que
le Vice-Roi ne les prorogeât , n'ont ac
cordé les subsides que pour deux mois ,
à la pluralité de 105 voix contre 85.
Cette foible Majorité aura bien de la
peine aujourd'hui à conserver son crédit,
et à justifier ses actes , sur lesquels
il est à croire que le Roi ni ses Ministres
ne resteront pas indifférens .
Les nouvelles reçues depuis peu, qui
annoncent Theureuse aarrrivée de la flotte
aux ordres du Commodore Philipps à
la Baie Botanique , ajoutent que ce
Commodore se proposoit de faire partir,
au mois de novembre dernier , le brigantin
le Supply , de sorte qu'on attend
l'arrivée de ce bâtiment dans le courant
de mars , ou vers le commencement
d'avril.
Lafrégate laPénélopede32 can. , montée
par le Capitaine Linzée , a fait
voile ces jours derniers de Plimouth
pourHalifax : c'est le vaisseau le mieux
composé en Officiers et en Matelots , de
tous ceux qui ont appareillé de ce port
depuis plusieurs années.
On prétend que le Gouvernement s'occupe de
l'établiſſement d'une Colonie ſur la pointe Buny
oudans la rivière de Garbie ; & d'après les rapports
faits au Bureau du Commerce parles Officiers
&Marchands qui ont réſidé fur les bancs de cette
rivière , on prétend que les isles de l'Inde ſeront
abondamment pourvues de bétail , de volaille ,
de bois de teinture , de cidre , de riz & de bled
(71 )
* de Guinée , d'où l'on emportera en échange pour
l'Angleterre de grandes quantités de coton ,d'indigo,
de cire , d'ivoire & de gomme.
FRANCE.
De Versailles ,le 6 Mars.
Le22du mois dernier , M. de Vaucreſſon , que
le Roi a pourvu de la charge de Premier Préſident,&
M. de Montillet , de celle de Procureurgénéral
au Grand-Confeil , ont eu l'honneur de
faire leurs remerciemens à Sa Majefté , étant préſentés
par le Garde-des-Sceaux de France.
M. de Charitte, Premier Préſident du Parlement
de Pau , a , en cette qualité , prêté ſerment
entre les mains du Roi.
Le même jour , Leurs Majestés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage du Comte
de Barbançois , Lieutenant au régiment des Gardes-
Françoiſes , avec Mademoiselle Coustard , &
celui de M. Tourteau d'Orvilliers , Maîtres des
Requêtes , avec Mademoiſelle Rilliet.
Le Chevalier Emmanuel de Sainte-Hermine de
la Barrière ,&le BarondeNédonchel , qui avoient
eu l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu, le
23 du même mois , celuide monter dans les voitures
de Sa Majefté , & de la ſuivre à la chaſſe.
LeRoi a nommé à l'Abbaye de Saint-Victor ,
Ordrede S. Auguſtin , diocèſe de Paris , l'Archevêque
de Toulouſe; à celle de Sorèze , Ordre de S.
Benoît , diocèſe de Lavaur , l'Evêque de Rodès ; à
celle de Saint-Riquier , même Ordre , diocèſe
d'Amiens, l'Evêque de Saint- Omer ; à l'Abbaye
régulière de Cuſſet , même Ordre , diocèſe de
Clermont, la dame de Saint-George , Religieufe
profeſſe de l'Ordre de Fontevrault , àVilleſalens,
(73)
1
diocèſe de Poitiers ; & à celle de Bonlieu , Ordre
deCiteaux , diocèſe du Mans , la dame de Murat ,
Abbeffe de la Virginité , même Ordre & même
diocèſe , ſur la nomination & préſentation de
Monfieur , Frère de Sa Majesté , en vertu de fon
Apanage.
M. Mentelle , Cenfeur royal , Hiſtoriographe
de Monseigneur Comte d'Artois , a eu l'honneur
d'expoſer , ſous les yeux du Roi , un Globe terreſtre
, dont il eſt l'inventeur. Ce Globe , de trois
pieds huit pouces de diamètre , ſansycomprendre
l'horizon , eft compoſé d'un grand nombre de
par ies qui le rendent propre à des démonſtrations
de Géographie-phyſique & de Géograghie-politique,
ancienne , moderne & comparée. Sa Majesté
a paru fatisfaite de pluſieurs démonſtrations. Il
s'y trouve auſſi la figure des conſtellations , &
les étoiles de la rere. , 2. , 3. & 4. grandeurs.
LeRoi a deſtiné ce Globe à l'éducation de Monſeigneur
leDauphin , chez lequel le Duc de Harcour
l'a faitplacer aufſi-tôt.
M. de Sauvigny , Chevalier de S. Louis , Cenſeur
royal , a eu l'honneur de préſenter à Sa Maj.
les 64 , 65. & 66es, cahiers de ſes Effais fur
l'Histoire des Francs.
M. Blin a eu l'honneur de préſenter à Sa
Majefté la 22º. Livraiſon des Portraits des grands
Hommes , Femmes illuftres &ſujets mémorables de
France, gravés & imprimés en couleur , dont Sa
Majesté a bien voulu agréer la dédicace ( * ) .
(*) Cette Livraiſon , contenant les portraits de
François de Chevert , Lieutenant général , & du
Maréchal de Vaux , ſe trouve , ainsi que les précédentes
, chez l'Auteur , place Maubert , nº. 17.
Des deux actions en tableaux qui accompagnent les
Portraits , celle qui concerne M. de Chevert nous
paroît heureuſement choiſie , et rendue avec
expreſſion.
(73 )
De Paris , le 11 Mars.
Les Lettres de Convocation , datées
du 19 février , ont été adressées aux
provinces régies autrement que par
Elections , et au nombre de 10 ; savoir ,
le Roussillon , les Marches communes
franches de Poitou et de Bretagne ,
la Principauté d'Orange , la Flandre, le
Duché d'Albret , les Bailliages de Chartres
et de Château-neufen Thimerais , la
Navarre , le pays de Soule, le Comté de
Foix et le Cambresis .
Réglement fait par le Roi, le 19 février
1789 , pour l'exécution de ses Lettresde
Convocation aux Etats-Généraux , danc
sa province de Franche-Comté.
Le Roi s'eſt réſervé , par ſon Réglement du
24 janvier dernier , d'expliq er ſes intentions fur
la forme à obíerver pour la Convocation aux pro
chains Etats-Généraux , dans les provinces unies
àſa Couronne depuis 1614 ; Sa Majefté a reconnu
que la Franche-Comté , qui n'a paſſé définitivement
fous ſon obéiſſance que depuis cette époque,
étoit diviſée en quatre Bailliages principaux , ayant
tous les caractères exigés pour convoquer les
trois Ordres , & ſous leſquels peuvent ſe ranger
les Bailliages ſecondaires : cette diviſion ne préſente
aucunes difficultés pour établir en Franche-
Comté la forme de Convocation que le Roi a
adoptée pour le reſte de ſon royaume; en conſéquence
, S. M. a ordonné & ordonne que le
Réglement qu'Elle a arrêté dans ſon Conſeil, le
24 janvier dernier , ſera ſuivi & exécuté , ſelon
Nº. 11. 14 Mars 1789. d
(74)
&
ſa forme & teneur , dans ſa province de Fra-che
Comté , à l'effet de quoi il ſera annexé au préſent
Réglement.
La province de Franche-Comté enverra
aux Etats-Généraux 28 Députés, dont
la moitié du Tiers-Etat.
«M. de Nassau Siégen est arrivé ces
jours derniers de Pétersbourg à Paris ,
⚫après avoir visité en moins d'un mois les
Cours de Berlin , de Varsovie , de Dresde
et de Vienne , et est reparti dici pour
Madrid , d'où il doit être de retour à Pétersbourg
avant le 10 mai prochain.>>>
On nous mande de Vallery en Caux ,
un événement que nous citerons sur
l'autorité de la personne signée qui nous
en informe .
«Deux jeunes gens d'une paroiſſe voiſine de
Saint-Maurice , prèsRouen , furent , le 8 , chez ua
Laboureur , pour y faire ce qu'on appelle vulgairement
le carnaval. Vers les 7 heures du foir ,
le Berger de ce Fermier ſe permit des invectives
contre ſon maître & ſes enfans. L'un des deux
jeune -gens fit à ce forcené des rep éſentations
ſur ſes mauvais procédés ; le Berger répondit
quelques injures ,&enſuite fortit de la maiſon.
Environ deux heures après , il rentra dans la
maiſon , s'approcha du jeune homme , lui tira ,
à bout portant , un coup de piſtoler dans le
viſage,&reffortit fur-le-champ , en diſant que
ce n'étoit pas le dernier qu'il tueroit. Ce ſcélérat
avoit chargé ſon piſtolet de quatre morceaux de
plomb de diverſes formes; mais comme le coup
aporté dans la mâchoire inférieure , il n'eſt pas
mortel , & quoique ce jeune homme ſoit dans
(75)
le plus tiſte état, il reste encore quelque eſpoir
de guérifon »
Le camarade du mort a été très- heureux
d'échapper aux fureurs de cet aſſaffio , puiſqu'd
fut la même nuit , à une voiſine du domi ile de
çe jeune homme, s'informers'il n'étoit pas rentré
chez lui , & ajouta qu'il érot heureux de ne
s'être pas trouvé fur fon chemin. »
Le lendemain , ſur les 10 heures du matin ,
on entendit un coup de piſtolet qui partoit de
la Bergerie du Fermier ; plus de cinquante perſonnes,
que l'événement de la veille avoit attirées
chez lui , ſe portèrent au lieu du coup ; on enfonça
à coups de hache la porte de la Bergerie ,
dans laque'le l'aſſaſſin étoit étendu , & mort d'un
coup de piſtolet. Avant que de ſe donner la
mort , il s'étoit coupé la gorge avec un raſoir ,
l'avoit enſuite refermé , &remis ſur une planche
attachée contre une muraille de la Bergerie. »
M. le Marquis de Villette ayant mis
au jour une Protestation pleine de force
etde raison , en faveur des Serfs du Mont-
Jura , ses Cliens , si dignes d'intérêt , lui
ont adressé la lettre suivante , datée de
Saint-Claude , du 18 février dernier
Monfieur
&Vous êtes béni dans nos montagnes , votre
nonn'y eft prononcé qu'avec attendriſſement , &
notre reconnoiffance re peut être égalée que par
leplaifir que nous a fait votre excellent ouvrage
fur leMont- Jura. Nous avons reconnu le diſciple
chéri de Voltaire , notre généreux défenſeur. Il
feroit mort de joie , s'il eût été témoin des grands
évènemens qui éterniſent à jamais les bienfaits du
Roi, &qui feront appeler ſon règne le ſièclede
LouisXVI. Avec quelle émotion n'auroit-ilpas lu,
d
( 76)
dans le réſultat du Confeil, ces belles & mémorables
parolesde fon auguſte Epouse , que nous
révérons tous comme la Patrone defes Peuples ?
« La vérité caractériſe votre éloquent mémoire ;
mais nous devons publier en même-temps les
nobles projets de notrenouvel Evêque, M.de Chabot;
il nous affranchiroit ſi ſes terres n'étoient pas indiviſes
avec ſon Chapitre; indivifion qui lui en
ôte le pouvoir , & dont le Roi ſeul peut ordonner.
"
« S'il faut une indemnité aux Seigneurs , ne devroient-
ils pas ſe contenter de celle que Sa Majefté
a réglée pour l'affranchiſſement de fes domaines ?
S'ils réſiſtent à un fi grand exemple , qu'ils apprennent
que celui de nos Princes qui approuva ,
en 1459,nos coutumes ſur la main-morte, réſerva,
à lui & à fes fucceffeurs Comtes de Bourgogne , de
pouvoir corriger , amender , reformer , déclarer,interprêterlesdites
coutumes , toutes& quantesfois il nous
plaira , & beſoin fera ; & qu'ainſi nos lois mêmes
reconnoiffent que le Roi a le pouvoir de rendre
aux Serfs des Seigneurs , la justice que ceux-ci leur
refuſent. »
« Mgr. le Directeur-général des Finances , ce
Miniſtre ſavant&vertueux , fi digne du choix de
notre Souverain , ſera ſupplié par trente-huit mille
de fes fidèles Sujets d'achever fon ouvrage ,& de
rappeler à Sa Majefté l'affranchiſſement du Mont-
Jura, promis & annoncé à la France entière dans
le compte rendu de 1781. »
«Signé , LES SERFS DU MONT-JURA .
« Et plus bas , les Notables & principauxHabitans
de la ville de Saint-Claude.>>>
« Le 18 février 1789. »
M. l'Archevêque de Narbonne , en sa
qualitéde Président des Etats de Langue(
77 )
- doc, contre la constitution desquels il
s'est élevé dans la province de nombreu
ses réclamations , a reçu une lettre de
S. M. , au sujet de la nouvelle forme
d'Election des Députés aux Etats-Généraux
pour le Languedoc , adoptée par le
Gouvernement. A cette lettre en étoit
jointe une de M. Necker, dont voici la
teneur :
de
« Je viens de recevoir à Paris , Mgr. , la lettre
«que vous m'avez adreſſée par un courrier ex-
>>>traordinaire , & j'ai fait remettre au Roi celle
* qui étoit pour Sa Majeſté. Je me hâte de vous
> faire parvenir la réponſe de Sa Majefté. C'eſt
> après une mûre délibération dans fon Confeil
» des dépêches , que le Roi a ordonné que ſes
" Sujets Languedoc fuſſent convoqués par Sé-
> néchauffées , & de la même manière que les
▸ autres Habitans du royaume. Les Commiſſaires
>> du Confeil , nommés par le Poi pour les tra
>», vaux préparatoires des Etats-Généraux , ont fait
>"un rapport de tous les faits&de tous les motifs
>> propres à éclairer la décifion de S. M. , & l'a-
>> vis du Conſeil de S. M. a été unanime. Plu-
>> fieurs Membres des Etats feront fans doute
>> nommés aux Etats-Généraux par le choix libre
>> des Sénéchauffées , & , dans tous les cas , l'in-
>> tention de Sa Maj. eſt d'appeler auprès d'Elle
>> une Députation des Etats de Languedoc, pen-
>> dant la durée des Etats-Généraux , afin que ,
» s'il eſt néceſſaire , tous les ſervices rendus à la
» Province & à l'Etat , par les Etats de Langue-
>> doc, foient particulièrement connus des Repré-
> ſentans de la Nation , comme ils le font du
» Gouvernement.-Je puis vous affurer , Mgr. ,
que le Roi a examiné les queſtions difcutées
**dans ſon Confeil avec un véritable ſentiment
dig
(78)
>> d'affection pour les Etats du Languedoc. S. M.
> rend toute la juftice qu'on pouvoit défirerà leur
>> Adminiſtration , & fes Miniſtres, ont partagé
>> ces ſentinmens. L'Arrêt de Convocation ſera
>>> fait d'une manière convenable pour les Etats
>>de Languedoc.- Nous n'avons pas entendu
• parler des Députés annoncés par les lettres
>>du Languedoc , ils n'auront aucune affaire à
>> traiter ici , puiſque les Lettres de Convocation
>> feront parties, & qu'ils ne feront pas admis à
>> difcuter l'Administration de la Province. Votre
>> courrier est chargé d'une lettre de M. de Ville-
>> denil poar M. le Comte de Perigord , & cette
>> lettre contient un Arrêt de caſſation des Arrêtés
>> de la Cour des Aides , &c. »
L'époque très-prochaine des Assemblos
deBailliages éloigne journellement
de Paris un nombre infini de personnes
du Clergé , de la Noblesse et du Tiers.
Etat; tous les Grands Baillis qui se trouvoient
ici sont déja partis..On est informé
que les justes réclamations de divers
Bailliages ont été fort bien accueillies
par le Ministère, et que la liberté accordée
de s'écarter de quelques dispositions
du Réglement d'instruction , a
applani une foule de difficultés. Il paroît
qu'en général laDéputation aux Etats-
Généraux sera recherchée par les Membres
des trois Ordres , et que la doctrine
de pouvoirs fort étendus à donner à ces
Députés a prévalu.
Rapporteurs des opinions, dont nous
nous sommes prescrit de n'adopter publiquement
aucune , nous donnerons
(79)
L
cours , sans réflexions quelconques , à la
lettre suivante, qui nous est adressée de
Normandie.
- « Vous êtes Etranger , Monfieur ; mais moi
qui ſuis François & Cultivateur , je puis difcuter
& répondre aux éclairciſſemens inférés dans votre
Journal du 21 février , par un Dauphinois. »
« L'obfervation très-ſenſée que vous aviez faite
dans le Journal du 24 janvier , ſur le petit nombre
de Députés du Dauphiné , pris dans la c'aſſe
nombreuſe , utile , ſage & éclairée du Cultivateur
proprement dit , eſt reſtée dans toute ſa
force , malgré l'adreſſe des raiſons employées pour
l'affoiblir. »
« L'Agriculture eſt-elle ſi peu honorée dans
cette province , que la claſſe de ceux qui l'exercent,
ne foit pas digne d'avoir des Députés
aux Etats -Généraux ? Un propriétaire campagnard
ne peut- il , parce qu'il n'a pas l'habitude
de parler & d'écrire , mêler ſon fuffrage à celui
d'un Bourgeois d'ure Cité ? & la charrue françoiſe
, quoique moins ſouvent ombragée de lauriers
que le foc de Cincinnatus , pourroit ele ,
dansunRoyaume agricole , obtenir moins d'honneur
que la plume d'un homme de Loi , ou la
lyre même d'mphion , bâtiſſant les murailles
de Thèbes. "
« Il n'étoit pas beſoin de créer des Ordres dans
les Ordres , il ne falloit que ſuivre la diviſion
naturelle des diverſes claſſes du Tiers-Etat , &
prendredans chacure un nombre de Députés relatif
à leur dignité & à leur importance : en
examinant bien quel eſt le caractère le plus effentiel
pour un Kepréſentant de ſa province aux
Aſſemblées de la Nation , on n'auroit peut- être
pas oſé dire , qu'i, faut attendre qu'une révolution
div
( 80 )
morale ait fixé dans les campagnes des Proprié
taires exercés aux affaires publiques. »
«Une des grandes affaires qu'on y traitera ,
eſt l'impôt ; c'eſt à ceux qui le paieront dans
une plus grande proportion , qu'il appartient furtout
de le confentir & de le limiter; la claſſe
des Orateurs ne doit y avoir que la moindre
influence ; les beſoins de l'Etat exigent des facrifices
pécuniaires , & non des harargues dans la
tribune , ou des cahiers abſtraits & ſouvent fophiſtiques
, fur l'origine des ſociétés , le droit
primitif & la dignité de l'homme , &c.
« Il eſt vrai que l'Auteur de la lettre annonce
k travail important de faire une Conftitution ; mais
jedirai encore que cet ouvrage fublime demandedes
hommes d'Etat , & que l'éloquence des Gracches
même ne peut remplacer le génie des Licurgues
&des Sclon. »
« J'ajouterai avec M. Mallet du Pan (1 ) ,
» qu'une Légiflation compofée exige a-la-fois le
>>concours des temps , des caractères & des
>> accidens; que de toutes les chimères ,la plus
>>>déraisonnable , eſt d'attendre de plans d'Utopie
>> formés ſur le papier , ou adoptés même par
>>leseſprits iuftes , ce que les ſiècles & les affions
>> amènent par degrés. A Dieu ſeul appartient
>> de dire que la lumière ſoit. »
« Pour nous , contens d'une Conſtitution qui
fait fleurir& proſpérer l'empire des Francs depuis
14 fiècles , nous nous bornerons fans doute à
concerter avec le Souverain les moyens de la
rendre inébranlable : auſſi jaloux de maintenir la
prérogative Royale , que les droits du Peuple ,
dans un Etat où la Conſtitution repoſe fur la
baſe immuable de la propriété , toute nouveauté
(1) Mercure de France , nº. 3 , page 121 .
(8 )
1
nous paroîtra dangereuſe: changer une feule
Loi fondamentale , c'eſt les ébranler, c'eſt les
détruire toutes. >>
« Les bornes de votre Journal m'avertiſſent
de ne pas tout dire ; je ferai ſeulement quelques
réflexions fur les diſpoſitions impératives du mandat
ſpécial que , malgré ſes efforts , l'habile Dauphinois
n'a pu juftifier ; en effet , fi une pra
vince adonné un mauvais exemple , il ne faltoit
pas l'imiter.>>
« Les Députés du Dauphiné , enchaînés dans
les liens étroits du mandat , feront abfolumest
fans pouvoirs ; l'on ne pourra rien propofer &
difcuter avec eux , puiſque toute diſcuſſion leur
eft interdite ,& qu'ils ne peuvent avoir un avis. »
« Le bel expédient , ſans doute , que celui de
recourir à la province pour obtenir des pouvoirs
plus étendus ! il eſt du moins impraticable dans
un pays d'élections , qui pourront , à l'exemple du
Dauphiné , donner auffi leur mandat ſpécial. Dans
l'intervalle du temps néceſſaire à de nouvelles réfolutions,
quedeviendra l'activité de l'Aflemblée
nationale , forcée d'interrompre ſes opérations
enattendant que les provinces aient dicté d'autres
lois , peut-être aufli impératives que les premières
? "
« La province du Dauphiné a juſqu'ici donné
de grands exemples ; mais qu'elle fouhaite de
n'avoir donné aux ſiècles à venir que des leçons
de prudence , & que la France , en proie aux
diviſions inteſtines , ne puiſſe dire :
Hac fontè derivata clades
In populum patriamque fluxit.
Je ſuis , Monfieur , &c.
:
:
Par UN CULTIVATEUR bas-Normand,
Ce 3 mars 1789.
dv
(82 )
Le Sieur Blondet , Mécanicien , résidant
àBourges depuis quelques années,
déja connu très-avantageusement par ses
tálens et son génie , a composé une mécanique
qui , adaptée au-dessus de la
meule couranted'un moulin àbled, avec
le secours de huit hommes, fait aisément
mouvoir ladite meule , et donne en dixhuit
minutes 25 livres de bonne farine ,
et peut entretenir de pain 3000 per- .
sonnes par jour.
L'expérience de cette machine s'est
faite en présence de MM. de l'Administration
, de MM. les Officiers Municipaux,
et de quantité de Citoyens recommandables
, qui tous ont applaudi à
cette découverte .
Le sieur Blondet, ayant été maîtrisé
par les circonstances, n'a pu donner à
cette mécanique toute la perfection dont
elle est susceptible; il se propose d'en
établir une, pour son propre compte, qui
n'exigera que la force de quatre bras ,
qu'on pourra même encore simplifier
en y adaptant un moulin-à-vent , en y
ajoutant un léger volume d'eau, ou en la
faisant mouvoir par un cheval , suivant
les cas et au choix des propriétaires ;
demanière que ce moulin réunira quatre
ressources également avantageuses et
suffisantespour le mettre en activité conjointement
ou séparément.
Le sieur Blondet offre non-seulement
ses secours à tous ceux qui en aurent
(83)
besoin , mais il procurera encore des
modèles de sa mécanique à toutes les
personnes qui désireroient la faire exécuter
avec les procédés les plus simples
et les plus économiques.
La Société libre des Sciences , Felles- Lettres&
Arts d'Agen , a tenu , le 29 janvier , fa Séance
publique. M. l'Abbé de Raugouse de Beauregard ,
Directeur , en a fait l'ouverture par un Difcours
fur les différens moyens de corriger les vices & les
défauts. M. l'Abbé Paganel , ancien Secrétaire
perpétuel , a lu un mémoirefur les révolutions arrivéesdans
l. Gouvernement François depuis Clovis
jusqu'à Charlemagne. M. de Lafont du Cujula , un
Dialogue entre deux Françoiſes aux Champs- Elysees ,
fur cette queſtion : Les femmes ont-elles àfeplaindre
de la nature & de la fociété ? M. de Bergognié , une
Ode intitulée : Les Grands. M. l'Abbé Gignoux ,
un Mémoire qui traite de l'influence des révolutions
politiquesfur l'éloquence. M. de Saint-Amans , un
Fragment d'un Voyage dans les Pyrénées , ou Promenades
sentimentales & pittoresques sur quelques
montagnes qui séparent la vallée de Campan de la
valléed'Aure. Le P. Roche , de l'Oratoire, un Mémoirefur
l'efficacité desParatonnerres. La Séance a
été terminée par la lecture que M. Vigné a faite
d'une Epitre en vers à M. de L'xxxx , Préfident
du Musée de Bordeaux.
L'Académie des Sciences , Arts et
Belles- Lettres de Dijon propose , pour
la seconde fois , un Prix double qui sera
décerné , au mois d'août 1790 , sur la
question : Quelle est l'influence de la
Morale des Gouvernemens sur celle
des Peuples?
« Elle diſtribuera , dans la Séance publique du
:
d vj
( 84 )
mois d'août 1789 , le prix de Phyſique qu'elle
a propoſé dès 1785 , ſur le ſujet conçu en ces
termes:
Déterminer , par leurs propriétés reſpectives , la
différence effentielle du phlogiſtique & de la matière
dela chaleur.
Ce prix fera auſſi double.
L'Académie décernera encore , dans la même
Séance , le Prix extraordinaire dont M. CARNOT ,
Auteur de l'éloge de VAUBAN , couronné en 1784,.
a fait les fonds , & qui a été propoſé ſur cette
queſtion :
Est-il avantageux à un Etat, tel que la France ,
qu'ily ait des places fortesfurſesfrontières ?
L'Académie en décernant , en 1785 , un des
deux Prix qu'elle avoit propoſés pour la théorie
des vents , réſerva l'autre Prix , qu'elle eſpère diftribuer
dans la même Séance publique du mois
d'août 1789 .
L'Académie avoit demandé , pour ſujet du
Prix de Médecine qu'elle devoit proclamer dans
la Séance publique du mois d'août 1788 :
Les fièvres catarreuſes deviennent aujourd'hui plus
communes qu'elles ne l'ont jamais été ; les fièvres inflammatoires
deviennent extrêmement rares ; lesfièvres
bilieuſesfont moins communes : déterminer les raiſons
qui ontpu donner lieu à ces révolutions dans nos climats
& dans nos tempéramens.
L'Académie a reçu pluſieurs Mémoires ſur ce
fujet important , mais ils n'ont pas entièrement
rempli ſes vues.
Parmi ces Mémoires, elle a diſtingué particulièrement
celui qui a pour épigraphe : Præterita
diſcito, præfentia cognofcito , prædiſcito fuura .
Elle propoſe de nouveau la même queſtion ,
pour ſujet d'un Prix double , qu'el'e diftribuera
dans la Séance publique du mois d'août 1791.
Leurs ouvrages,feront adreſſes,francs de port,
( 85 )
à M. CAILLET , Secrétaire perpétuel , qui les re
cevrajuſqu'au premier avril incluſivement.
<<Depuis long- temps les bons Citoyens
<< font des voeux pour que le Gouverne-
<<ment détruise une des causes les plus
<< funestes de la corruption des moeurs ,
<< les Loteries. Il n'est point en effet
<<de ville dans le royaume qui ne ren-
<< ferme quelque victime de ces jeux
<<publics. La capitale et les grandes
<<<villes en contiennent sur-tout un nom-
<<bre infini. En attendant que la révolu-
<<<tion désirée se fasse , les Tribunaux
< s'empressent de proscrire les engage-
<< mens que des Buralistes adroits et
<<dangereux font souscrire par des hom-
<<mes faciles , pour courir des chances
<<<avec des mises à crédit. Un mémoire
<< qu'on nous a adressé de Lyon , offre
<<un exemple récent d'une contestation
<<semblable entre un Apothicaire et un
<< Buralište. Ce mémoire, qui présente
<< des discussions très-savantes sur lesjeux
<< publics , est digne d'être déposé dans
le Journal des Causes célébres. (1 ) Il
(1) Ce Journal fe continue toujours avec ſuceès.
Il en paroît un volume tous les 15 jours . Le
prix de la Souſcription eft , pour Paris de 18 liv. ,
&de 24 liv. pour la province. Os foufcrit en
tout temps , mais pourl'année entière. On reçoit
les Souſcriptions chez M. Defeffarts , Avocat, rue
du Théâtre-François ; & chez Mérigot le jeune,
Librate , quai des Auguftins .
(86 )
<< y sera sans doute inséré aussi-tôt que
* le procès aura été jugé. »
Carte de l'Empire d'Allemagne en 16 feuilles ,
toutes ſur la même échelle , pour faire ſuite à
P'Atlas portatif de M. l'Abbé Grenet , Profeſſeur
en l'Univerſité de Paris, Prix de chaque feuille ,
15 fols , rebées avec la carte générale 14 liv.
& avec les 70 cartes précédentes , 59 liv.
Ces 16 feuilles de détail ſur l'Allemagne ,
offrent la Conſtitution politique de chaque cercle ,
les villes , lesbourgs ,&les principales routes. Elles
font d'un burin pur ,& deſſinées avec exactitude.
Très-Haute & très- Puiſſante Dame, Catherine-
Joſephe-Agathe-Robert de Lignerac , Vicomteſſe
du Chayla , veuve de très-Haut & très-Puiſſant
Seigneur , Meffire Nicolas-Joſeph-Balthazar de
Langlade, Vicomte du Chayla , Baron de Montauroux
& Chambon , &c. &c. Lieutenant-Général
des Armées du Roi , Chevalier Commandeur
de ſes Ordres , Directeur général de la
Cavalerie & Dragons de France , Commandant
en chefdans la province de Franche- Comté ,
Gouverneur pour le Roi des Ville & Château
deVillefranche enRouftillon,Gouverneur , Grand
Bailli & Sénéchal du Duché de Mercoeur , eſt
morte à Moulins , le 29 décembre dernier 1788 ,
âgée de 87 ans.
PAYS -BAS.
De Bruxelles , le 13 Mars 1789.
LeGouvernement a expédié à l'Archevêque
de Malines , aux Evêques , Abbés
et Visiteurs-généraux des Ordres Mendians
, une injonction de l'Empereur
(87 )
d'envoyer sans délai leurs Théologiens
au Séminaire Général de Louvain , où
l'Archevêque de Malines a ordre de s'y
transporter en personne le 8 mars.
Les Etats de Brabant ont reçu de l'Empereur
la Réponse à leur dernière Supplique
, contenue dans la dépêche sui
vante de S. M. I.
«J'ai eu rapport de la Requête que vous m'avezadreſſée
de votre Aſſemblée générale , tenue
le 26 du mois dernier , & je fuis fatisfait de la
Déclaration qu'elle renferme de votre part , quant
aux ſubſides & charges ordinaires , qu'une partie
du Tiers-Etat de ma province du Brabant a ofé
refuſer avec opiniâtreté. »
« En conféquence, je vous ordonne , comme
je vousy autoriſe , ffaannss qu'il foit ou, puiſſe être
queſtionà ceteffet d'autre expédition que de cette
préſente Dépêche, de procéder au recouvement
&perception de ces impôts & fubfides , fur le
pied accoutumé , ſuppléant directement , en vertu
de ma pleine & fouveraine Puiſſance , à tout ce
qui pourroit être requis pour compléter le confentement
des Etats , attenda que le terme de ceue
perception expire avec le mois de mai prochain ;
j'ordonne& entends que ce terme écoulé , vous
en cont nuiez le recouvrement , par provifion &
fans interruption , juſqu'à ce queje vous aie fait
connoître mes intentions par rapport aux arrangemens
que je trouverai bon de faire pour qu'il
ne puiffe p'us ſe reproduireun ſcandale pareil à
celui que je reffens à ſi juſte titre : aujourd'hui ,
que ceuxqui en font cauſe, ſoient les premiers à
en reſſentir les effets , & que les frais de l'Adminiſtration
foient àjamais mis à couvert. »
«J'ai chargéen confequence monGouvernement(
88 )
général dedonner , s'il en étoit beſoin , à cet effet ,
main-forte à vos Employés , quoique je doive
croire , & que je préfère de me laiſſer aller à la
penſée que tousles contribuables , fans exception ,
s'empreſſeront d'eux-mêmes à remplir ce qui eſt ,
fur cet article , du devoir de tout fidèle ſujet. »
» Je veux bien , ainſi que vous m'en ſuppliez ,
regarder comme non avenues les repréſentations
que vous m'aviez adreſſées le premier décembre
&que je vous ai renvoyées ,& agréer ainſi votre
renonciation aux objets ſur leſquels elle portoit ,
dont j'entends , au reſte , qu'en aucun temps il ne
puiſſe pl..s être queſtion. Je mepromets que vous
reſpecterez déſormais , comme vous le devez , mes
déciſions ſouveraines , portées avec pleine connoiſſance
de cauſes; que vous ne vous permettrez
plus de démarche quelconque fur des objets étrangers
à votre influence ou à votre adminiſtration
ni aucune repréſentation ou démarche indiſcrète
foit pour appuyer ceux qui , par une réſiſtance
opinian une conduite criminelle , ont encouru
ma diſgrace , ſoit pour tenter de contefter &d'embarraſſer
l'exercice des droits de mon autorité &
les prérogatives de ma couronne. »
« Du reſte , j'ai ordonné de nouveau à mon
Gouvernement-général de faire exécuter , en toute
rigueur, les Lois que j'ai portées , & de n'épargner
aucun moyen pour en procurer la prompte
&ponctuelle exécution, ſans ſe temir même , à
l'égard de mes ſujets quelconques qui y contreviendroient
, aux formes qui ne ſont établies
que pour les cas ordinaires , vous prévenant au
furplus que j'ai caffé & annullé , commeje caſſe
&annulle les claufes & conditions par leſquelles
quelques Tribunaux ſe ſont permis d'y apporter
des restrictions ou modifications : fur quoi j'ai chargémonGouvernementde
faire connoître à ces Tribunaux
ma volonté ſouveraine & abfolue. »
,
,
(89 )
« J'ai reçu d'ailleurs , avec confiance& plaifir ,
l'hommage de ſoumiſſion &d'empreſſement àrépondre
à mes intentions , que votre requête me
préſente; & certè confiance a déjà déterminé ma
bontéàautorifer monGouvernement-général à tenir
en fufpends l'exécution des ordres que je lui avois
donnés en conféquence de ma dépêche du 7 janvier
; je me ſuis porté à cette diſpoſition provifoire
, dans l'attente que vous réaliſerez en tout
temps , en toutes circonstances , & à l'égard de
tous des objets, ce qu'annonce votre requête , &
cé que le devoir vous impofe , comme àtoutbon
ſujet. »
<<Ne doutant pas que vous ne reconnoiffiez vous
mêmes que , ſi ma dignité ainſi que mes droits
exigent que je prenue des meſures &fficaces pour
que jama's & en aucun temps , on ne puiffe voir
ſe reproduire le ſcandale affreux dont , pour l'honneurmême
de laNation, je voudrois pouvoir effacer
le ſouvenir , il eſt en même temps de l'intérêt
de cette naton , comme de mon ſervice , d'épurer
la conſtitution également ténébreuſe , incompréhenſible
, &même, à ben des égards, inexécutable
, comme le texte ſeul l'annonce , & de la
rédiger & fixer ſur un pied convenable. »
« Mon irtention eſt de gouverner par les Lois ,
&de procurer le bonheur & le fou'agemenr de
mes peuples , c'eſt-là l'unique objet de mes ſoins ;
& après ce qui s'eſt paflé depuis près de deux
ans , & ce que , ſous les faux dehors de zèle &
d'attachement , on a ofé ſe permettre tout récemment
encore , malgré que l'autorité eût épuisé tout
ce qui étoit poffble en bonté & en modération ,
je ne faurois vous donner une plus grande preuve
de clémence , ainſi que de mon affection , qu'en
vous manifeſtant des vues & des intentions
d'après la conduite du grand nombre , j'aurois
que,
( 90 )
été autoriſé à réaliſer par ma ſeule puiſſance fouveraine.
»
« Ces vues & intentions vous feront déclarées
p'us individuellement par mon Miniſtre-Plénipotentiaire;
& c'eſt par la manière dont vous vous
conduirez , ainſi que par l'accélération que vous
apporterez dans une circonftance où ils'agitnonſeulement
de tarir la ſource des maux , mais d'affurer
la félicité publique que j'ai tant à coeur ,
que je jugerai de la ſincérité de vos diſpoſitions ,
auxquelles d'ailleurs j'aime à croire dès-à-préſent. »
« Dureſte, il feroit prématuré que vous m'envoyaſſiez
une Députation, & ce ne ſera qu'après
que les chofes auront été arrangées avec mon
Miniſtre-Plénipotentiaire, inſtruitde mes intentions
pour le bien commun , que je recevrai avec plaifir
l'hommage des Repréſentans de la Nation ; &
qu'en leur rendant alors dans toute leur étendue
mes bonnes graces , ma bienveillance &ma confiance,
je pourrai avoir la fatisfaction de les regarder
& de les employer , comme des Coopérateurs
zélés & éclairés , à l'avancement de la profpérivégénérale,
laquellene fait qu'un avec l'intérêt
demonroyal ſervice. »
« Je vous préviens , au ſurplus , que la furſéance
aux difpofitions rigou euſes de ma dépêche du
7 janvier , ne tiendra qu'autant que tous les
Ordres de Citoyens demeureront , à tous égards ,
dans la ſoumition , le reſpect & l'obéisla cequ'ils
me doivent ; & que s'il s'en trouvoit de réfractaires
, ou fi l'on ſe permettoit , de quelque part
que ce pût être , la moinde démarche ſéditieuſe
contraite à l'ordre pubtic , ou injurieuſe à l'autorité,
j'ai enjoint très-expreſſément à mon Gouvernement-
général de faire agir contre les coupables &
complices , fans obferver pour lors les formes
d'uſage , & comme il appartient dans tous les cas
qui , par leur objet, ainſi que par leurs ſuites&
(91)
conféquences , font au deſſus desrègles & formes
ordinaires. Atant , &c. »
" Vienne , le 15 février 1789.
« Signé , JOSEPH .
«Plus bas , par l'Empereur & Roi , contre-figné,
A. G. DE LEDERER. "
Le Prince Stadthouder- Héréditaire a
fait expédier , de la Haye, en date du 20
du mois dernier , un ordre circulaire ,
portant en substance : « Que S. A. S.
<<enjoint et ordonne à tous les Gouver-
<< neurs , Commandeurs ou Officiers-
<<<Commandans des villes et places ayant
<< garnison des troupes de l'Etat, qu'au-
<<cun Bas-Officier , Cavalier, Dragon ,
<< Grenadier , Fusilier , Artilleur ou Mi-
<<<neur , étant en sémestre hors de la
rendra ning passera «
«
République , nese
à son retour sur le territoire de S. M.
<< Imp. et Royale. S. A. S. renouvelant
<<par cet ordre , l'ordre circulaire donné
<<par Elle , lequel sera tenu pour y être
<< inséré. »
Quelques Papiers publics ont transcrit
une relation ou prétendue relation de la
prise d'Oczakof, envoyée à la Porte par
le Pacha- Commandant , aujourd'hui prisonnier
des Russes . Quoique la date ,
les formules et le style de cette pièce
justifient toute espèce de défiance, nous
la présenterons , pour ne rien omettre
d'essentiel .
Lettre du Pacha-Commandant d'Oczakof, aux Miniftres
de la Subl.me Porte Ottomane.
* Lundi 15 du mois qui répond à celui de
(92)
" cette
* décembre , on vit un grand mouvement dans
>> le camp des troupes Ruſſes , qui occupoient tout
>>le terrain près de la ville , depuis le Bog juſqu'à
>> la mer. Le feu de leur Artillerie & de leur
>> Moufqueterie , qui avoit ceſſé quelque temps
* auparavant , ne diſcontinua pas pendant toute
journée. Mardi , les Moſcovites péné-
>> trèrent dans les retranchemens qui étoient de-
>> vant les paliſſades; ils jetèrent une infinité de
>>bombes dans la ville , leſquelles mirent , durant
>> la nuit , le feu au petit nombre de ma fons qui
>> étoient reſtées fur pied après un bombardement
>> de pluſieurs mois ; ma's ce mal n'auroit pas été
>>>confidérable , s'il n'avoit éé ſuivi d'un plus
>>grand encore. A la pointe du jour du mercredi
>> 21 de la lune , le feu prit dans un autre quar-
>> tier, près de la porte Aga Kabatſchi , & les
>> flammes , agitées par un vent du Nord très-
>>violent , s'étendirent à grands flots dans les en-
<<virons , fans qu'on pût les arrêter. Dans le
» même temps , les Moſcovites commencèrent à
>>donner l'affant hors de la place , aux tranchées
» & au fort de Haſſan Pacha.
>> Le combat fut très -vif, & il y périffoit à
>> chaque moment beaucoup de monde , pendant
>que dans la ville trois magaſins à poudre ſau-
>> tèrent en l'air ; ils étoient , à la vérité , ſéparés
" les uns des autres , &peu élevés de la terre ;
>>mais comme les portes en durent refter ouvertes
» pour ceux qui cherchoient continuellement de
>> la poudre , le feuyprit preſqu'au même inſtant ,
» & leur explofion coûra la vie à pluſieurs mil-
>> liers de bons Muſulmans.
» Moi , votre ſerviteur, je me trouvai enſe
» veli ſous les ruines pendant l'eſpace de près
» d'une demi-heure , & n'en fus retiré qu'avec
>> beaucoup de peine. Comme par cet accident ma
>> troupe ſe ſauva fort diminuée , & que je viş
(93)
>> qu'une plus longue réſiſtance étoit inutile , je
>>pris le parti forcé de me rendre ; & en ayant
>> faitdonner le fignal , j'envoyai , du confentement
>> de toute la garnison , le Chiaus-Pacha au Gé-
>> néral Mofcovite pour lui donner part de notre
>> réſolution; maisla réponſe arriva trop tard. On
>> nepouvoit plus tenir dans la ville, moins encore
» s'y défendre , à cauſe du feu qui avoit confumé
>>juſqu'aux portes. Les Moſcovites profitèrent de
>>l'occafion , & ayant paſſe ſur les glaces qui cou-
>> vroient les foſſés , & fur les hauts amas de
>> neige tombée les nuits précédentes , ils fondirent
>>dans la ville , l'épée à la main , par fix différens
> endroits. Leur arrivée augmenta l'alarme & la
>> confufion , parce qu'ils tuoient&mettoient en
> pièces tous ceux qu'ils rencontroient , fans faire
>>quartier à perſonne. La garniſon commença à
» fuir du côté de la mer; mais une partie périt
dans les flammes en ſe ſauvant , l'autre fut
>> écharpée ſur les glaces du Liman ; le paſſage
» du côté de l'ifle de Berezan étoit fermé , de
>> forte qu'il n'y eut pas moyen de s'échapper
» de ce côté- là. Quant à moi , votre eſclave , qui
>> dans ces circonstances ne ſavois ſi j'étois vif ou
» mort , je tombai entre les mains du Prince
» d'Anhalt-Bernbourg , qui me conduiſit au camp
» du Général Potemkin , où l'on me donna une
bonne tente , avec différentes commodités.
>>Dans le même temps , le Chiaus-Pacha reçut
>>la permiffion dudit Général de ſe rendre auprès
» d'un Corps de nos gens qui s'étoient retirés vers
>> le fort de Haffan-Pacha , pour leur annoncer
» qu'on leur faifoit grace de la vie. Ceux-ci furent
>> plusheureuxque Debuker-Pacha, Kuffein-Pacha,
Méhemed-Pacha , Weflam- Pacha&Seluenfi-Pancha,'
qui l'ont perdue dans l'aſſaut, en ſe défendant
>>avecune valeur indicible. Ayant obtenu la liberté
>> d'écrire , j'ai cru devoir en profiter pour rendre
(94)
>> compte à la Sublime Porte de notre triſte ſort ,
➤& de l'humiliation à laquelle la Divine Provi-
>>dence nous a condamnés pour nos péchés. Du
» reſte , la Sublime Porte ſeule peut déterminer
» s'il eſt de la convenance de mettre fin à la
>> guerre par une bone p , de me délivrer
>> avec les autres prifonniers , & de rendre la man-
>>quillité aux Sujets de l'Empire .Mustapha & Ali-
> Packs vivent encore , xfont auprès de moi
» avec les autres prifonniers , qui , en dévelop-
» pant le même courage , ſe ſont ſouſtraits à la
>> mort. Juſqu'à préſent , le Commandant ennemi
>> a fait donner aux Soldats prifonniers tout ce
> dont ils ont beſoin; ils for: aſſez bien , quo que
> manquant de riz pour le Pilau. Saluez cordiale-
» ment de ma part l'incomparable Sadé-Mehemet
>> ( Grand- Viar ) , dont la gloire eſt parvenue
>> juſqu'à nos oreil'es , ainſi que tous ceux qui ſe
> ſouviennent de moi . Enfin , je vous ſupplie de
>> faire connaître notre triſte ſituation au mès-in-
>> vincible & très-puiſſant Empereur , mon Sou-
» verain , & d'en informer également mon fils
» Seidbeek J'expédie un Tart re qui vous remettra
>> la préfente.
« Ecrire au camp d'Oczakof, dans la ſoirée du
» 17 décembre.
» Signé , LE PACHA - Commandant.
f
« Il a paru un ouvrage intitulé : Ré-
« flexions critiques et impartiales sur
les revenus et les contributions du
<< Clergé de France ; ou extraits des
<< lettres écrites , en 1786 et 1787 , à som
<<< Eminence Monseigneur le Cardinal
<<Boncompagni Ludovisi, à Rome. »
«ParM. l'Abbé de Mesmont. 1788. »
Nous sommes autorisés a assurer que
1
( 95 )
M. le Cardinal Boncompagni ne connoît
point l'Auteur de ces lettres , et n'en
a jamais reçu aucune de sa part.
<<On vient d'apprendre la fâcheuse
nouvelle que la frégate françoise laPénélope,
de 40 canons , qui se rendoit à
F'Isle-de-France avec une partie du régiment
de Walsh , a échoué , le 16 octobre
dernier , en mouillant auprès de
False-Bay en delà du Cap de Bonne-
Espérance,et qu'elle s'est ensuite entièrement
perdue. On a sauvé l'équipage
et les troupes , à l'exception de 15 hommes
, parmi lesquels se trouve , dit-on ,
l'Officier qui commandoit en second
cette frégate , pendant que le Capitaine
étoit retenu dans son lit par uneviolente
attaque de goutte. Suivant les nouvelles
de l'Inde , reçues par l'avis quia apporté
celle de cceet événement, on travaille à
concentrer aux Ilses - de - France et de
Bourbon toutes les troupes Françoises
qui sont dans l'Inde , et on y attend le
Comte de Convay, qui succédera dans
le commandement général à M. d'Entrecasteaux,
lequel repassera en France;
l'on aura , dit - on' , seulement le
comptoir de Pondichery sur la côte de
Coromandel. >>>
Paragraphes extraits des PapiersAnglois&autres.
On apprend de Karlsbourg , que le Pacha de
Rimiuk , priſonnier de guerre dans cette ville , eft
( 96 )
,
un homme de 28 à 30 ans , d'une jolie figure ,
ſans façon , ne ſe gênant abſolument en rien. II
ſe trouvoit dernièrement chez M. le Comte de
Bathyany , Evêque de cette ville , où il y avoit
une grande affemblée & concert ; il prit tout uniment
la pipe,& ſe mit à fumer. Se plaignant enſuite
de la chaleur qu'il faiſoit dans l'appartement , il
ôta ſon habit , & ſe fit mettre un tabouret devant
lui pour poſer ſes jambes. Il appela enfuite l'E-
* vêque: « Ecoutes , lui dit-il ,je me plais chez toi
ta mufique est bonne , ta ſociété agréable , toutes
ces femmes paſſablement jolies , par conséquent
tupenxcompter ſur ma viſite detemps à autres.»
Leconcert fini , on fervit un magnifique ſouper,
où le Pacha mangea comme quatre , & but copieufement,
malgré la loi du Prophète. En fe levant
de table , il adreſſa encore la parole à M.
l'Evêque , & lui dit : « Je t'avois promis tantôt
de venir de temps-en-temps chez toi ; mais je
viens de changer d'avis , je ſuis décidé à venir
tous les jours manger , boire & me chauffer
chez toi : point de remercîmens , ta table & ta
ſociété font l'une & l'autre très-agréables . » Malgré
la rufticité de ce Pacha , il paroît qu'il étoit
fort aimé des fiens ,& que les Turcs le regrettent
beaucoup , car ils ont promis cinq bourſes , (deux
mille 500 pianes) à celui qui parviendroit à lui
procurer la liberté. »(Gazette des Deux-Ponts.)
(N. B. Nous ne garantiſſons la vérité ni l'exactitudede
ces Paragraphes extraits desPapiersétrangers.
2
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 21 MARS 1789.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
1
VERS
AM. DE LA DIXMERIE , fur un Poëme
intitulé Ifoire ( * ) , qu'il venoit de
m'envoyer.
Our , j'aime foire & ſes feſtins ;
J'aime ſa coupe fortunée ,
Par vous avec graces ornée
De jolis vers & de bons vins.
(*) Se trouve à Paris , chez Briand , Libraire , hôtel
de Villiers, rue Pavée Saint-André-des-Aros.
NO. 12. 21 Mars 1789.
HO
MERCURE
Vous faites regretter la Troupe
De ces aimables Paladins
Qui portoient leurs Dames en croupe ,
Trottant par monts & pas chemins ;
Qui toujours noblement fidèles ,
2
Toujours pleins d'amour & de coeur ,
Très-fouvent perdoient leur honneur
Pour venger celui de leurs Belles,
Jadis le brillant Hamilton
Badinoit avec Apollon ,
Et femoit galment la Acurette
SAT
Mais votre Muſe eſt plus coquette, .....
L'Art ſied en vers comme en amour ;
Moins négligée & plus parfaite ,
Votre Muſe eſt dans fa toilette
Quand elle pa paroîtit au grand jour,
Puiſſe une jeune Enchantereſſe ,
37
Senfible à vos Ecrits flatteurs ,
Vous rendre un jour toute l'ivreſle
Que vous donnez à vos Lecteurs !
(Par M. le Ch. D. P. D. J. C. de C. )
ed
DE FRANCE. III
t
INSCRIPTION
Pour le Portrait de CHAPELLE ,
NUL ne
UL ne peignit mieux la tendrefle
Tous ſes vers ont l'accent du coeur :
Ah ! s'il plaît sant à fon Lecteur ,
Combien charmoft-il ſa Maîtreffe ?
( Par M, D*** T*****. )
11
DE BON MÉNAGE.
ORGON.
POURQUOI toujours à la maifon
Es-tu triſte , ma chère amie ?
Tune careffes que Raton ,
Tu n'aimes que ſa compagnie ;
Ailleurs tu prends un autre ton ',
Et ta parois plus réjouic.
CÉLIMENE,
T
La femme & le mari ne font qu'un , nous dit- on ;
Quandje ſuis ſeule je m'ennuie ..
( Par M. M ... J... à L... )
F2
F12 MERCURE
NÉCROLOGIE.
PAYER un juſte tribut d'éloges & de regrets
aux Hommes qui ſe ſont illustrés en fe rendant
utiles à leurs Concitoyens , c'eſt acquitter la
dette de la Société entière ; c'eſt offrir des motifs
d'une noble émulation à ceux qui peuvent
marcher fur leurs traces ; c'eſt faire une bonne
action foi-même .
Le Barreau de la Capitale vient de perdre un
defes plus dignes ſoutiens , un de ſes plus beaux
ornemens dans la perſonne de M. HARDOIN DE
LA REYNERIE , Avocat au Parlement , décédé
le 27 Février dernier , à l'âge de quarante aus
environ.
4 Une courte Notice fur cet Orateur célèbre ,
fera intéreſſante pour tous ceux qui ont entendu
la voix publique rendre justice à ſon honnêteté
&à ſes talens; mais plus encore pour ceux ( &
ils font en grand nombre ) qui lui ont eu des
obligations particulières plus ou moins importantes.
LOUIS-EUGENE HARDOIN DE LA REYNERIE
étoit né à Joigny, près de Sens , le 20 Décembre
1748. Il avoit fait d'excellentes études à Paris
au Collége des Graffins , & avoit remporté à
l'Univerſité le premier prix de Rhétorique , que
l'on appelle le Prix d'Honneur.
Il ſe diftingua enſuite dans une autre carrière;
cefut celle du Droit , à l'étude duquel il ſe livra
pendant le temps preſcrit avec affiduité & application;
il foutint ſes examens & ſes thèſes fans ces
۱
DE FRANCE. 113
cahiers abrégés, fans ces argumens communiqués ,
abus conſacrés par un uſage journalier , & qui
ne font que ſervir la pareffe & entretenir l'ignorande;
en un mot , il fit fon Droit comme tous
ceux qui fe deſtinent aux fonctions de Magiftrat
& de Jurifconfulte devroient le faire ; il
fut aidé des conſeils & des lumières de deux,
Profeffeurs d'un mérite diftingué , M. Martin
fon compatriote & fon ami , & M. Hardoin ,
fon frère aîné.
Ces études graves & férieuſes ne diminuèrent
rien de la vivacité , de la grace de fon eſprit ;
& il ſe préſenta , jeune encore , au Barreau
joignant au goût de la ſaine Littérature & de
la vraie Eloquence , autant d'érudition & de
connoiffances que ſon âge lui avoit permis d'en
acquérir.
Il ne tarda pas à être connu avec avantage ;
Péloquent Gerbier , modèle rare dans l'art difficilede
la parole, le distingua bientôt, & encou
ragea ſes premiers cilais ; M. HARDOIN cut le
bonheur de recevoir fes confcils , d'obtenir fon
amitié ; auſſi conſerva-t-il toute fa vie pour ce
grand Orateur une vive reconnoiſſance & une
admiration qui alloit juſqu'à l'enthouſiaſine .
Il n'a peut-être manqué à M. HARDOIN que
de pouffer plus loin ſa carrière, pour dédommager
le Barreau de la perte de cet homme célèbre ;
déjà il l'avoit remplacé dans une cauſe importante
( une queſtion d'état ) , que Gerbier avoit
commencé à plaider , quand la mort l'a enlevé ;
il avoit fait , dans cette occafion , l'Eloge funèbre
de ſon Maître , de fon ami. Qui eût dit,
au moment où il portoit dans l'ame de ſes Auditeurs
Faffliction dont la fienne étoit remplic,
qui eût dit qu'avant un an on auroit auffi ce
F3
114 MERCURE
triſte devoir à lui rendre , ce douloureux tribut
à lui payer ?
Une difcuffion méthodique & profonde , des
mouvemens juftes & énergiques , une élocution
noble & facile , tels étoient les principaux caractères
de fon éloquence; c'étoit fur-tout lorſqu'il
croyoit avoir le vice à démaſquer , à pourfuivre ,
qu'il déployoit toute la force; lon coeur fervoit
fon efprit; il tonnoit contre l'improbité
étoit alors homme éloquent , parce qu'il étoit
homme de bien .
&il
Mais il ne fit jamais retentir le Barreau d'invectives
, de perſonnalités étrangères à la cauſe
qu'il défendoit ; elles répugnoient à fon aire , &
il fayoit qu'elles ne convenoient pas à fon raimiftère.
Une perfonne de qualité qui l'avoit ensendu
plaider contre elle , & qui avoit perdu ſa
cauſe, vint le lendemain chez lui le remercier
de la manière honnête & décente dont il avoit
défendu fon adverfaire , lui donner les témoignages
les plus flatteurs d'estime & de reconneilfance
, & lui demander ſa médiation pour arranger
l'affaire.
Le ſtyle de fes Mémoires étoit pur , précis ,
élégant fans recherche , & avoit le mérite plus
rare & plus grand qu'on ne penfe , d'être toujours
convenable au ſujet ; on a beaucoup loué
& l'on conferve ceux qu'il a faits pour une Demoifcile
Peloux , qui demandoit & qui obtint
des dommages- intérêts confidérables contre un
Séducteur qui l'avoit indignement trompée; pour
une Dame Boudin , accuſée d'adultère , &c ...
& fon excellente Confultation pour la Compagnie
des Indes , l'un des derniers Ouvrages fortis de
ſa plume , & l'un de ceux qui lui ont fait le plus
d'honneur,
DEFRANCE
Tous ceux qui ont été à portée de le connoître
, favent à quel haut degré il poffédoit les
vertus & les qualités ſociales ; fa réputation de
déſintéreſſement, de nobleffe d'ame, étoit aufli gé
nérale& aufli bien étabhe que celle de fon talent; il
ſe piquoit d'une droiture , d'une loyautéGauloiſe;
bon , compatiffants, généreux , il aimoit fur-tout
à faire du bient , à pouvoin être utile; & heureu
fement pour leis, la poſition butik ſe trouvoit le
fervoit bien à cet égard; les Magiftrats , les
Confrères , le Barreau , ſes Cliers , tout le Public
'eftimoient, le chériffoient & le regrettent ; mais
fes amin, fes parens, fon épouse qu'il adoroit &
dont il faifoit le bonheur ... Ahlla défolation
que fa mort foudaine comme un coup de foudre
a répandue parmi eux , ne ppeeuutt fe concevoir ni
s'exprimer
Il avoit reçu de la Nature beaucoup d'avantages
extérieurs: fa phyſionomie agréable & ou
verte annonçoit un eſprit vif &tune belle ame ;
il avoit les yeux petits & un peu couverts, mais
pleins de feu , une figure ronde & gaie , un teint
brillant de fraîcheur! &c. de fanté, une taille aftez
haute & aisée il paroiffoit d'une conftitution
robustos cependant il avoit été attaquél, à l'age
de vingt - huit ans , d'une maladie de poitrine ,
& quoiqu'il en eût été bien guéri , cette partie
étoit refiée chez lui un peu délicate.
Au mois de Janvier 1788 , il perdit une foeur
qu'il avoit toujours tendrement aimée ; elle mou-
Futs d'une humeur de goutte qui s'étoit jetée fur
fa poitritte cette moir le frappa vivement ; il
ſembloit qu'il preffentit qu'il devoit bientôt périr
de la même manière ; ce fut même à cette époque
qu'il fit fon teftainent , quoique rien ne dût
lui annoncer une fin prochaine.
F4
116 MRCURE
Nous citerons un article de ce teftament/
qut prouve que fi M. HARDOIN aima la gloire
& chercha des ſuccès , il ne voulut jamais les
obtenir qu'à des titres bien légitimes. » Je lègue ,
» dit-il , à mon neveu Hardoin , fils aîné de mon
frère, les Prix que j'ai eus à l'Univerfiré , la
>> Médaille d'or que m'a donnée S. M. le Roi de
n Suède, & le Portrait du Roi de Pologne , qui
38 avoit été donné par ce Prince à M. l'Abbé Hardoin
, mon grand-oncle. Jeſpère que ces objets
» lui rappelleront qu'il est né d'une famille où l'on
» n'a dù quà ſes travaux l'espèce de distinction
ndont on a joui dans les différens états où l'on
» avoit été appelé .....
* Il a défiré d'être tranſporté , après ſa mort , à
Joigny,& inhumé auprès de ſa ſoeur chérie; &
cette volonté dernière a été religieuſement obfervée.
On a connu , en l'exécutant , combien il
étoit honoré & aimé dans ſa patrie ; tous fes
Compatriotes en larmes font venus au devant du
cortège funèbre ; tous l'ont ſuivi juſqu'au dernier
inftant, en comblant leur malheureux ami d'éloges
, de bénédictions , de regrets. Nous ne
pouvons mieux tern.iner cet Article , qu'en tranfcrivant
la fin d'une délibération des Habitans de
Joigny. On verra que nous n'avons point exagéré
leurs ſentimens.
Extrait des Regiſtres de l'Hôtel de Ville de Joigny.
Du 2 Mars 1739.
>>Les Souſſignés ne peuvent fe diſpenſer , en
faiffant, de faire une mention honorable de M.
LOUIS - EUGENE HARDOIN DE LA REYNERIE ,
Avocat au Parlement de Paris , leur compatriote ,
décédé le 27 Février dernier ; ils avoient intentionde
le nommer l'un des deux Députés du Bailliage
de Montargis, pour les Etats - Généraux.
DE FRANCE. 117
Perſonne ne pouvoit les repréſenter plus dignement
que ce brillant Orateur , qui reunifloit au
degré le plus éminent les qualités du coeur & de
Vefprit. Une most prématurée viens de l'enlever , à
l'âge de quarante ans , au milieu d'une carrière
épineuſe , dans laquelle il s'étoit déjà fa't depuis
pluſieurs années un nom célèbre parmi les premiers
Orateurs de la Capirale. Doux , affable ,
déſintéreſſé, compatiflant pour les malheureux ,
il emporte les regrets de la Patrie , à laquelle
il faifoit le plus grand honneur; de ſes Confrères ,
dont il avoit l'eſtime & l'amitié ; il eſt ſur- tour
pleuré par les pauvres de cette ville , ſur qui il
averſé dans tous les temps , & notamment dans
le cours de cet hiver, les aumônes les plus abondantes
cc,
Ajoutons que ſes amis les plus particuliers , ſon
frère même, qui vivoit avec lui dans la plus grande
intimité , ignoroient & n'auroient vraiſemblablement
jamais ſu , ſans l'affreux événement de ſa
mort inopinée , qu'il avoit envoyé , pendant le
cruel hiver dont nous fortons , des ſecours confidérables
pour les pauvres de ſa Patrie. Il ne
parloit point du bien qu'il faifoit; il ne vouloit
point qu'on le ſut; voilà la véritable bienfaiſance ,
celle qui trouve ſa récompenſe en elle-même.
On affure que ſes Concitoyens ont formé le
projet de faire faire fon Bufte en marbre , & de
le placer dans la ſalle d'Aflemblée de l'Hôtel de
Ville de Joigny; ils s'honoreront airfi eux-mêmes
en honorant la mémoire de leur célèbre Compatriore.
113 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Paffage ; celui
de l'Enigme eft Lit ; celui du Logogriphe eſt
Aigle, où l'on trouve Là (adverbe & note),
Le ( article & pronom ) , Ail , Ai, Gai,
Age, Geai.
CHARADE.
Mon premier eſt une rivière ;
Mon ſecond eſt une rivière ;
Etmon tout eſt une rivière .
(ParM. de Dompierre. )
ÉNIGME.
JEE'fers à renfermer des captifs innocens ;
Et fans tête , Lecteur , j'augmente àtous momens.
(Par M. T. de Niort , dem. à Beauvais )
LOGOGRIPH Ε.
SANS
Ans pieds je marche avec viteffe ,
Moncorps ſe meut avec adreffe ;
DE FRANCE. HD
Je n'aime point ailleurs que fur l'eau voyager ;
Mais fur cet élément je me plais à nager.
Pourmieux connoître ma nature ,
Huit lettres forment ma ſtructure :
Je ſuis un animal carnivore & malin ;
Le tronc de l'arbrifſſeau qui nous fournit le vin;
Unhomme fans courage ; un oifcau domeftique
Le Cap que les Quaquas habitent dans l'Afrique ,
Aux Guerriers je fervis jadis d'habillement ;
Al'Egliſe je ſers tous les jours d'ornement ;
Je renferme en mon ſein une ville d'Afie ;
Deux fameuſes dans l'Italie ,
Dont une fut lécueil des fiers Carthaginois ;
Dans l'autre, vit le jour un Saint nontné François ,
Fondateur renommé d'un Ordre aſſez rigide ,.....น
Deplus , je ſuis encore un élément liquide;
Unhommeaux yeux mal faits; de la Muſiqueunton;
Une épaiſſe tumeur ; un légume ; un poiffon ;
Un inſtrument de fer utile au labourage ;
Unvaſe à contenir n'importe quel breuvage ;
Une rivière ; enfin le nom d'un grand Docteur ,
Qui des Peuples Gentils fut le Prédicateur.
}
}
T
( Parun Prieur- Cure du Diocèse de Luçon . )
Γ..
120 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
CONSIDÉRATIONSfurlesRévolutions des
Provinces-Unies. AParis, chez les Marchands
de Nouveautés ; & Hotel de Coëtlofquet
, rue Haute-feuille,N°. 20. Prix,
3 f. br. , & 36 f. franc de port.
CET ET Ouvrage eſtdiviſé en deux Parties ;
dans l'une , l'Auteur offre le tableau des révolutions
de la République , depuis ſa formation
juſqu'à nos jours. Ily ſuit les progrès
du Stadhoudérat , de l'Ariftocratie ,&
de l'influence Angloiſe. Nous ne parlerons
que de cette tre . Partie ; la 2e. ,qui doit
contenir l'Histoire de la dernière révolution,
avec le tableau de la Conſtitution des ſept
Provinces , ne paroît point encore ; & fi
elle eft écrite avec cette fermeté & la véracité
que l'Auteur annonce , elle ne pourra
que fatisfaire tous les Lecteurs auxquels
la cauſe de la liberté eſt encore chère .
Quoiqu'elle ait les excès , quoiqu'elle devienne
une idole qui poufſe ſes adorateurs
juſqu'au fanatiſme, qui de nous n'aimera
à la retrouver quelquefois dans cette intégrité
politique , qui ſemble nous reporter
à ces temps où l'homme n'étoit que Cir
toyen ?
DEE FRANCE. 121
Nous ſomines fâchés que le ton trop
vigoureux de l'Auteur ne nous permette
point de le ſuivre : nous ne citerons que
ce qu'il dit page 91 , ſur le préjugé qu'on
entretenoit en Hollande contre la France.
- La haine contre la France & un artachement
aveugle aux intérêts de l'Angleterre
, préjugés que les Chefs ſe ſont
toujours efforcés d'entretenir , étoient devenus
un des principaux objets de l'inftruction
publique. Qui croiroit qu'un libelle
intitulé la Tyrannie Françoise , ramas
d'impoſtures&d'abominations de toute
elpèce, publié contre la France en 1673 ,
a fervi juſqu'à nos jours , dans la plupart
de nos écoles , de livre d'inſtitution à la
Jeuneffe ?
Nous avons en effet de la répugnance à
croire un pareil fait , quoique nous ſoyons
inſtruits par l'Histoire , que la politique
prend toute forte de moyens pour arriver
à ſes fins. Les Réflexions de l'Auteur
nous diſpenſent de joindre ici les nôtres.
Les haines nationales ont ordinairement
leurs ſources , dit-il , dans les
querelles qui diviſent les Souverains , &
que leurs fujets partagent par ignorance
ou par préjugé mais un Peuple libre ,
dans un ſiècle éclairé , ne peut méconnoître
la liaiſon néceffaire que la Nature a établie
entre les différentes Sociétés. Si un
Peuple qui doit fon exiſtence à cet échange
de ſecours , qui lie les Peuples les plus
22 MERCURE
४
éloignés , entretient des haines nationales,
il eſt le premier puni de ce ſentiment,
Mais fi les Hollandois choififfent pour objet
de leur haine , la Nation qui a contri
bué à les affranchir , & qui a toujours favoriſé
leur commerce ; s'ils s'attachent de
préférence à un Peuple qui , depuis deux
fiècles , cherche à les afſervir &ſe montre
jaloux de leur proſpérité ; pourra-t- on croire
qu'ils fuivent librement cet abfurde fyftême
, & ne reconnoîtra-t-on pas dans cette
injuftice les effets de l'influence d'une faction
puiffante ?- En effet , la conduite de la
Hollande , durant la dernière guerre , a été
relle que l'Auteur vient de la préfenter.
Le velume eſt terminé par des notes
qui méritent d'être lues , mais que nous
ne ſçaurions approuver , parce qu'elles contiennent
trop de perſonnalités contre les
Journalistes qui ont défendu la cauſe du
Stadhouder , & qu'elles dégénèrent en libelles.
Les Miniftres ne font pas plus ménagés.
Que Robert Walpole ait avancé
qu'il avoit le tarif des probités de fon
pays , cet aveu prouveroit que le Parlement
d'Angleterre pouvoit être gagné.
Louis XIV s'étoit procuré le même tarif ;
& fous Louis XV, le Duc de Choiſeul en
fit autant : cela prouve , non point l'immoralité
des Princes & des Miniſtres qui
ufent d'un moyen facile , mais que la Nation
corrompue eſt vénale. Le vertuenx
Miniftre des Affaires étrangères de Pruffe ,
DE FRANCE. 123
M. le Comte de Hert ... ne peut être accuſé
de ſemblables menées en Hollande ;
il a ſecondé les intentions de fon Roi : &
pouvoit-il ne pas vouloir foutenir l'Etat de la
ſoeur de ſon Roi ? Quant aux critiques qui
retombent fur les differtations de ce Miniſtre
, elles font trop peu approfondies ,
pour nous y arrêter : d'ailleurs la connoiffance
morale que nous avons du caractère
de M. le Comte de Herr .... nous réduiroit
au filence ſur ce point; car il a
beaucoup d'analogie avec le bon Abbé de
St-Pierre, qui diſoit que le temps de corriger
un Ouvrage étoit un temps perdu ,
& que les bonnes vûes , les bons principes
, les plans utiles , n'ont pas beſoin
d'un luxe de ſtyle. M. le Comte de Hert ...
écrit bien dans une langue qui lui eſt
étrangère ; & pour connoître ſon ſtyle, il
faudroit l'avoirlu dans ſa langue originale. Il
eft à ſouhaiter qu'on voie pendant longtemps,
à la tête des Académies de l'Europe ,
des Curateurs ou des Préſidens qui renniſſent
une érudition auffi étendue , au génie
rare de la Politique & du Ministère. Le
Duc de Brunswick nous paroît traité d'une
manière trop dure. Nous n'ignorons point
la haine que les patriotes ont contre lui.
124
MERCURE
VARIÉTÉS.
De la nature des Opéras Bouffons Italiens,
& de l'union de la Comédie & de la Mufique
dans ces Poëmes.
SEROIT-IL vrai qu'on pût foamettre nos jouiffances
dans les Arts, à une eſpèce de Théorie ;
qu'après avoir renfermé le génie dans les entraves
de certaines règles, on pût auffi preferire
quelques loix à l'admiration des Chef- d'oeuvres
de l'Art ; que la manière d'en jouir eût ſes principes
& fes ſecrets ; qu'il y cût enfin une forte
d'enſeignement , qu'on pût donner des leçons &
faire des Elèves en ce genre ?
J. J. Rouſſeau l'a prétendu pour la Muſique :
Après avoir fait , dit-il , un Art de la compofer ,
ilfaudroit auffi en faire un de l'entendre. Je regrette
fort que ce grand Homme ne nous ait
laiflé que le projet d'une ſemblable théorie.
Cependant cet Ouvrage , s'il exiſtoit , produiroit-
il de genre d'utilité qu'annonceroit ſon titre?
Foſe en douter ; j'oſerois même prédire que
de telles leçons tourneroient plus au profit des
Compositeurs, que des Auditeurs de Muſique. Du
moins eft-il certain que la partie du Public qui
ſeroit en état de comprendre ces leçons , feroit
celle qui auroit le moins beſoin de les recevoir.
Il enfaut d'un autre genre pour la multitude ,
DE FRANCE. 125
dont le goût eſt toujours la baſe ſur laquelle
repoſent le ſuccès & la gloire des Arts ; mais la
multitude ne veut prendre de leçons que de l'expérience.
Il n'y eut jamais de meilleur Juge dans les Arts
du Deflin , que le Peuple Grec , parce que toutes
ſes villes , ſes bourgades, ſes campagues , offroient
un Peuple de ſtatues & de monumens , &
qu'on ne pouvoit faire un pas fans recevoir une
Jeçon.
Il n'existe pas aujourd'hui un Peuple plus
connoiffeur en Mufique que le Peuple Italien ,
parce que depuis long- temps cet Art , qui s'eſt
mêlé àtous les goûts, conftitue prefque tous les
plaifirs.
Lorſque François Ier. , Louis XIV , & d'autres
Souverains de l'Europe , voulurent tranſporter
chez eux les Arts de l'Italie , ils ne lui demandèrent
point de leçons , ils y achetèrent des
modèles.
Cette heureuſe tranſplantation ſemble avoir
fait aujourd'hui de l'Europe un ſeul Royaume ,
en quelque forte uni par un langage commun ,
celui des Arts , le ſeul qui puiſſe appartenir à tant
de Peuples divers. Tout s'eſt réuni pour former
ce commerce heureux de Sciences & d'Arts , qui ,
depuis long-temps , ne connoît plus de privilége
exclufif. Rien aujourd'hui n'appartient plus en
propre à aucun Peuple. Des procédés de tour
genre , en multipliant les modèles de la Sculp
ture , reproduiſent dans une autre matière & ſous
d'autres cieux les formes exactes par leſquelles
les Grecs ont rendu la beauté durable. Les monumens
les plus éloignés ſe rapprochent par la
Gravure ; l'Art de l'Imprimerie ne fait plus aur
jourd'hui de l'Univers qu'une grande Patric , dont
le zèle des Traducteurs a rendu tous les hommes
Concitoyens.
126 MERCURE
La Muſique ſcule eſt d'un commerce plus dif
ficile. Cet Art , dont les ſignes , à la vérité , tran
mettent & perpétueut les idées , n'exiſte dans les
caractères qui lui font propres , que pour l'Artiſte
qui eu a l'intelligence; mais il n'acquiert réellement
de la vie , fur-tout pour le commun des
hommes , que par l'action des inftrumens & des
voix. Les moyens par leſquels on peut en re
produire les effets , font difficiles & difpendieux.
L'uſage des Concerts eſt inſuffifant , fer-tout pour
une foule de morceaux dont la Scène peut ſeule
motiver la véritable expreffion. Il a donc fallu
ſe procurer à grands frais les modèles originaux
d'un Art qui dégénère trop dans les copies imparfaitesque
peuvent nous préſenter les Concerts ;
& toutes les Nations de l'Europe ſe ſont accordées
à élever des Theatres , où cet Art, revêtu de
la Langue qui lui eſt la plus favorable , recevroit
le mouvement & la vie qui lui ſont propres:
Ce Théatre étranger , dont la concurrence ne
fçauroit qu'être avantageuſe à ceux du même
genre , manquoit à cette Capitale. Il manquoit
aux progrès de la Muſique , dont il ne peut que
répandre & perfectionner de plus en plus le goût
par les points de comparaiſon qui vont s'établir,
par les leçons de l'expérience & de l'habitude que ,
la multitude y recevra. Si de l'habitude de compater
réſulte l'art de juger , le jugement ſe perfectionne
& s'épure en raiſon du grand nombre
&de la qualitédes modèles qui fervent de bale
à la comparaiſon. Il n'est plus permis aujourd'hui
de mefurer , dans ancun genre , ſes jouiffances
ſur ſes propriétés , ni de s'iſoler dans cet
amour-propre exclusif , qui croit voir fa défaite
dans le triomphe d'autrui ; mais cela eft encore
moins poffible à l'égard de la Muſique , que pour
aucun autre Art .
DE FRANCE. 127
On ne sçauroit nier , & tout le monde est d'accord,
qu'en fait de Muſique , l'Italie feule eſt plus
riche que tous les autres Peuples enſemble. Elle
a produit , fans aucune proportion , plus de
grands Maîtres que tout le reffe de l'Europe n'en
produira peut-être jamais. Elle doit cet avantage
à l'Idiome harmonicax , fotore & flexible , dont'
la fimple profodie devient , en quelque forte , le
premier élément du Chant ; à la nature d'un climat
doux & voluptueux , qui affouplit les organes
, exalte les paffions , embellit leur langage ,
&donne à l'imagination les pinceaux ardens de
la Nature ; à toutes les Inſtitutions favorables à
l'exercice de la Muſique; à l'excellence enfin des
Ecoles fondées pour la culture de cet Art.
Ce n'eſt pas , au refte , l'éloge de la Muſique
Italienne que je ne propoſe de faire ici ; fon
éloge exifte dans l'adoption qu'en ont faite toutes
les Nations de l'Europe , dans les hommages
quen'a ceflé de lui rendre la Nacion Françoife ;
elle qui a déjà tenté de la naturalifer fur fon
fol , qui a eſſayé de s'en approprier les charmes ,
en la greffant , fi l'on peut dire , fur ſa propre
Langue , qui tous les jours lui élève de nouveaux
Autels fur fes Théatres , & qui a voulu l'adorer
dans un Temple qui lui fèt particulier.
Si l'établiſſement de ce nouveau Théatre pouvoit
offrir au Peuple de cette Ville quelque choſe
d'étrange , & dont la nouveauté fût capable d'apporter
quelque obitacle à ſon ſuccès , ce ne feroit
pas , fans doute , la Muſique. S'il ſe peut qu'il y
ait des leçons qui apprennent à bien juger de cet
Art, je ne crois pas qu'il y en ait pour le faire
aimer , & , dans tous les cas , les inſtructions fesoient
ici fuperques .
Il n'en eſt peut-être pas de même pour le goût
dramatique , & le genre des Pièces auxquelles eft
128 MERCURE
attaché le plaifir de la Mufique , dans les Opéras
Bouffons ouComiques. Il ſe peut d'abord que la
différence des moeurs , des manières, des ridicules
, qu'une expreſſion étrangère d'habitudes qui
ne font pas les nôtres , de geſtes inconnus , de
plaifanteries perdues ou fans effet pour nous ,
que des contraſtes qui nous paroiſient ourrés
&mille autres chofes de ce genre , nuiſent au
plaifir de ces repréſentations. Cependant la moindre
réflexion ſuffit pour abattre ce préjugé puéril ,
qui blâmeroit dans des Etrangers des matières
étrangères : ce ridicule n'a jamais été celui d'un,
Peuple ſenſé.
Mais s'il eſt un peuple qui , par la nature de fes
moeurs , & les grands modèles de fon Théatre,
foit ſenſible aux plus légères convenances de la
Scène , qui , familiariſé avec la régularité dramatique
, ſe choque des moindres difparates , qui
préfère ordinairement la conduits de la taifon ,
dans une Pièce , à l'effor ,fi ſouvent irrégulier ,
du génie , dont la délicateffe enfin ſe bleſſe ſur
le Théatre , comme dans la Société , de tout ce
qui eft bruſque , incohérent, exagéré , de tout ce
qui fort de la marche uniforme de la Nature ,
& même de ſes uſages ; dirai-je que ce Peuple
fera moins diſpoſé qu'un autre à goûter les é'ans
de la Muſique ? Non ; mais il aura beſoin , plus
que tout autre , qu'on lui prêche la tolérance.
pour des Pièces dont les convenances font fubordonnées
à un autre ordre de principes , pour des
Poëmes dont la Mufique doit faire la ſeule peéfie ,
pour des Drancs qui ne peuvent & ne doivent
être jugés par aucune des règles dramatiques.
Un goût plus ſage & plus réglé, dit-on , condu't
ici la marche de nos Poëmes ( on ne parle
que des Opéras Conriques.). Je ne veux pas en
faire la comparaiſon ;inais auſſi dans nos Spec
DE FRANCE. 119
tacles de Muſique , m'a-t-il toujours femblé que
le Public prenoit affez ſouvent le change , &
qu'il y règne une forte d'équivoque de plaifir.
Ne prend- on pas ſouvent l'expreſſion du jeu
pour l'expreffſiioonndu chant,l'eſprit du Poëte pour
Je talent du Muſicien , l'intérêt dramatique pour
l'intérêt muſical ? L'Acteur n'y reçoit-il pas plus
deBravo que le Chanteur ? Je n'en fais rien ;
mais j'entends toujours louer les Chanteurs fur
leur jeu , applaudir la Scène à la place de l'air ,
& le Spectacle pour la muſique ; on diroit que
l'Acteur chante par les geftes , & que le Peuple
n'écoute qu'avec les yeux.
Je fais bien que c'eſt le contraire en Italie ,
la manière dont les Italiens ont diviſé leur Théatre
en eſt la preuve : chaque Art a chez eux un
culte particulier. Dans les Ballets - Pantomiines ,
toujours indépendans de l'Opéra , ils ont relégué
toute la pompe de la Scène & les illufions de
la Peinture , & les mouvemens de la Danſe , &
toute l'action du jeu. C'eſt le vtai ſpectacle des
yeux. Leur Opéra ſérieux ne donne preſque rien
aux jouiſſances de cet organe ; on n'y parle à
l'ame que par les fons & l'organe qui les tranfmet.
Leur Théatre Comique offre une ſemblable
divifion. C'eſt dans les Comédies qu'on cherche
la peinture naïve des moeurs , la vraiſemblance
de l'action , l'intérêt des perſonnages , la vérité
des caractères. L'eſtime qu'ils ont pour les Pièces
Françoiſes , & les Traductions-dont ils ont enrichi
leur Theatre, font preuve de la bonté de
leur goût en ce genre ; on en jugeroit mal par les
Drames deſtinés à la Muſique. Ils ne les confidèrent
, pour la plupart , que comme des efquiſſes
légères , d'après leſquelles le Muſicien
doit faire des tableaux qui attendent de lui & le
delfin & la couleur. On ne demande au Počte
130
MERCURE
que l'art de connoître les intérêts de la Mufique ,
d'en prévoir les effets , de ménager des fituations,
d'amener des contraſtes, de motiver ou
des morceaux variés de mélodie , ou de grands
effets d'harmonie , de ſuſciter des incidens , de
produire des nuances , de s'approprier enfin jufque
dans le choix des mots les plus fonores aux
beſoins du Muficien , comme à l'intérêt du Chanteur,
Et , de fait , on n'a jamais eflayé de mettre
en muſique des Poëmes qui n'ont point été
compofés dans les intentions que je viens de
déduire.
Ici , j'entends l'objection ordinaire : que la
Muſique ne peeuutt rien ſans la Poésie , que ſes
charmes ſont inféparables de ceux du langage ,
qu'elle ne doit être qu'un agrément ajouté au langage
poétique pour en renforcer l'expreffion &
en augmenter la valeur , qu'on ne concoît pas
enfin comment Kembelliflement acceffoire peut
plaire, lorſque le langage principal eft défectueux.
Ces raiſons font bonnes ; mais elles ne le font
que pour établir entre les deux Arts un genre
d'accord , très- nature! fans doute , qui n'exifte
plus cependant depuis que la Muſique a fi prodigieuſement
étendu fon empire , & qu'elle s'en
eſt formé un preſque indépendant de celui de la
Poéfic. Je pourrois faire voir ici de quelle nature
eſt le nouvel accord , beaucoup plus fubtil ,
qui règne encore entre ces Arts , ce qu'ils ont
perdu , ce qu'ils ont gagné en ſe diviſant en apparence;
comment fur-tout la Mufique , devenue
enquelque forte la poéſie des fons , a dérobé les
pinceauxddee ſa rivale; comment elle a la propriété
d'inveſtir les paroles les plus proſaïques de
la poéfie qui leur manque ; & pourquoi elle ne
doit plus être regardée comme un genre de déclamation,
dontles moyens ſe bornereient à faire
(
DE
131
FRANCE.
reſſortir les beautés da Poëte, Ces difcuffions ſeroient
longues , & prouveroient moins que des
exemples & des faits .
Or il eſt prouvé par le fait , que la muſique
vocale , en perdant de fon ancienne & intime
liaiſon avec la poéfie , eft cependant parvenue à
nous émouvoir & àa nous plaire , on peutledire ,
par elle-même & par elle feule. Tous les Peuples
de l'Europe en ont la preuve par ces morceaux
d'une latinité barbare & d'ure verfification gothique
, qui , dénués de toute eſpèce de charmes
de langage , font devenus néanmoins les ſujets de
laplus éloquente Muſique. Je demande, par exemple
, s'il exifte dans Ic Credo le moindre fentimentde
poéfic, foit en idées, foit en images ,
foit en paroles ? J'en appelle cependant à ceux
qui ont entendu les beaux Grede des grands Maîtres
d'Italie , & fur tout celui du célebre Ga
luppibi ; qu'ils diſent s'ils trouvent de da poéfic.
dans le Crucifixus etiam pro nobis , fub Pontio
Pilato; &fi le morceau de musique, qui rend cette
ſtrophe , ne le diſpute pas aux plus fublimes ra-.
bleaux de la Peinture,& de la Poésie, Preuve cer- .
taine que la poétie des paroles ne conftitue pas la
poéfie des fons..
Pirois plus loin s'il le falloir , & je dırois que,
loin que la Muſique ſe borne à renforcer , comme
on le voudroit , l'expreſſion des paroles , cet
Art ſouvent en donne à celles qui n'en ont pas ;
d'autres fois , le ſoin du Malicion eſt de les faire
oublier , de les éteindre on quelque forte : d'où
il réfuite que , dans l'exemple que j'ai choifi , &
dans une foule d'autres que chacun eſt en état
de eiter , la Mufique produir ſeule , & toute ſeule,
l'impreſſion profonde & fublime dant cet Art , le
plus grandde tous les enchanteurs , eft le créateur
unique. On peut donc dire que , dans l'exemple
132 MERCURE
cité, le petit nombre de paroles qui font la baſe
de cette Muſique , n'entrent pour rien dans les
refforts qui nous émeuvent , & concourent fi per
à cet objet , qu'on leur ſubſtitueroit la ſimple
vocaliſation, ſans que l'effet y perdît. Ce n'eft
point, ici la Muſique qui développe & explique
les paroles , ce font les paroles qui fervent comme
de titre à la Muſique , & le Proſateur n'a fait
que nous apprendre le ſujet du Muſicien.
Il eſt done bien certain que la Muſique peut ,
par fes ſeules reſſources , affecter très-fortement
'notre ame , qu'elle a par elle- même des moyens
indépendans de la Poéſic du langage , que fouvent
elle ne fouffre aucun partage avec celle-ci ,
&ne veut devoir qu'à elle-même les charmes qui
nous ſéduiſent.
Si cela eſt reconnu , il faut avouer que le lieu
où la Muſique exerce ſon empire , que le ſujet
qu'elle traite ne changent point la nature de ſes
moyens. Que ce ſoit dans les Temples ou au
Théatre , que ce ſoit un ſujet ſacré ou profane ,
que le ſujet ſoit de nature à ne pouvoir être
qu'en récit , ou qu'il puiſſe être animé par l'action
theatrale , je n'apperçois pas moins dans la
Mufique deux pouvoirs ; l'un , de renforcer les
accens de la Poésies l'autre , d'y ſuppléer ; l'un ,
d'ajouter aux couleurs du Poëte une eſpèce de
vernis qui les falt reffortir ; l'autre , de fubftituer
ſes couleurs à celles du Poëte ; l'un enfin qui cſt
le complément de la Poćfic , & l'autre qui en eſt
le fupplément.
On peut , ſans doute, choiſir entre ces deux
genres. Nous ignorons quel fut l'état de la Mufique
chez les Grecs , indépendamment du Théatre;
mais nous en ſavons allez ſur la nature de
leurs repréſentations theatrales , ſur le mode de
Icur accompagnement inſtrumental , ſur le genre
de
...
-
DE FRANCE.
133
de leur mélopéc , pour préſumer que la muſique
de Théatre reſta ſubordonnée à l'intérêt dramatique.
La richefſſe de leurs Pocines , la beauté de
leur verfification , prouveroient affez que , fi l'un
des deux Arts dut ſe ſubordonner à l'autre , ce ne
fut pas la Poéfie. Une ſimple flûte accompagnont
les Drames de Ménandre , dost Térence nous a
confervé les copies , & il y a loin de cet accompagnement
an nombreux orchestre qui accompagne
, chez nous , des Drames qui ne valent
pas tout-à-fait ceux de Ménandre.
Si je remonte à l'origine de la Muſique & du
Théatre dans la moderne Italie , j'y vois de même
Part muſical réduit à un ſimple accompagnement
, & à un récitatif fait pour renforcer la déclamation
, en fixer les accens , & ôter à l'Acteur
le pouvoir de changer ou dénaturer , à fon gré,
l'expreffion des paroles & les idées du Poëte. C'eſt
ainſi que furent joués ſur les Théatres de Mantoue
, les Drames de l'Aminte & du Paftor-Fido
grand nombre de Traductions de Sophocle &
d'Euripide , que la ſouplefie de la Langue Italienne
étoit parvenue à s'approprier. Les charmes
de la Poéſic faifoient preſque tous les frais de ces
fortes de Spectacles . On étoit loin de prévoir alers
que la Maſique , qui n'étoit que la fuivante de
la Poéfie , en deviendroit un jour la rivale , &
qu'enfin la Poéfie finiroit par n'ètre que l'acconpagnement
de la Muſique.
Cette révolution, dont il n'est pas queſtion ici
de rechercher les caufes , ni d'indiquer la progreſſion
, devoit dépendre de la perfection de la
Muſique inftrumentale , de l'art du chant , & de
celui des accompagnemens.
Je ſuis loin d'inférer de là que la Mufique ait
anéanti la Poéfie dramatique en Italie; il ſuffic
No. 12. 21 Mars 1789. G
MERCURE
134 de nommer Apoftolo Zeno & Metaftafio , pour prouver le contraire. Ces deux Poëtes ont la flé ics meilleurs modèles du genre de Poëmes , qui fent encore , dans le ſtyle héroïque , concilier
Pinté , des deux Arts . Mais on peut dire que le goût de la Mufique a abforbé , en Itale , tout autre goût , & que les Muficiens qui ont travaillé fur Metaſtafio
ont ajouté aux graces de fa poéfie plus peut- are qu'il n'en falloit pour l'intérêt du Poëte. L'on ne sçauroit nier que le Peuple Italien ne trouve aujourd'hui plus de plafir à l'ornement de ſa Poésie, qu'à ſa Poésie elle-même .
Si cet effet eft arrivé àdes Poëmes remplis de tous les charmes du langage , animés par l'ex- preffion la plus ferfible des paffions , riches de toutes les images de la Poéfie , qu'en doit- on conclure raitornablement
? qu'il exiſte donc dans Ia Mufique un Art plus actif encore que la Poéfie fur l'imagination
, que la combinaiſon exacte & préciſe des forces reſpectives de ces deux Arts niroit peut-être aujourd'hui qu'au détriment de chacun d'eux , que cet équilibre ne ſemble plus pouvoir exifter , & que , puiſqu'ils ont ſéparé leur empire , on doit auſſi diviſer ſes hommages.
Mais fi cette affociation
des deux Arts eft fi dif- ficile dans ces Drames , qu'on appelle Opéra fé- ricux, malgré toute Vattention du Poëte & fa condefcendance
pour le Muficien , ſi le charme de la Muſique a vaincu le charme du Poëte , com- bien fera-t-il encore plus difficile d'en opérer la réunion dans les repréſentations
de la Comédie, dont tous les fecrets & tous les refforts font ab- folument fans rapport avec ceux de la Muſique , & dont les beautés font d'un genre fidifférent ?
La Comédie, cette eſpèce de miroir de la vie
DE FRANCE.
135
civile , n'eft autre choſe que la repréſentation
fidelle des moeurs , des affections , des vices &
des vertus fociales , dont l'heureux contraſte produit
ces tableaux qui , tour à tour , nous touchent
, nous intéreſſent & rous divertitfent. Les
règles que cet Arts eft données pour créer les illufions
que font de fon resfort ont pour bare
l'accord de toutes les convenances. Plus le modèle
de l'Art eſt près de nous , plus les défauts
de la cope font faciles à appercevoir , & plus
auſſi par - là limitation acquiert de dificultés ,
Ainfi c'eſt dans l'extrême vérité des caractères ,
dans la vrai'emblance de toutes les ſituations ,
dans la bienféance de toutes les oppofitions , dans
les nuances adroites des contraftes , la progreffion
& la conduite ménagée des Scènes, leur fucceffion
bien motivée, la liaiſon de tous les rôles
acceſſoires au principal , la dépendance de toutes
les parties avec le tous , l'unité d'intérêt enfin ,
que conſiſte le grand Art de la Comédie ; je ne
parle ni de l'unité de temps & de lieu , ni de
toutes les autres convenances élémentaires qui
font les premiers principes de cet Art , du pla fir
qu'il produit , & de l'illuſion qui en réſulte.
Qu'on joigne à tous ces plaiſirs celui d'un accompagnement
muſical qui renforce encore les
tons de la Poésie , qu'on ſuppoſe une forte de
récitatif analogue à l'eſprit du Poëte , pourva
que la Langue puiſſe ſe prêter naturellement à la
meſure d'un thithme ca lencé , & l'on aura un
Spectacle très-reffemblant aux Comédies de Térence
, ou aux Pièces Italiennes en fimple récitatif.
Mais fera-ce ce qu'on appelle aujourd'hui un
Spectacle de Muſique ? Comparons le pouvoir de
la Muſique , &pugeons , par les effets qu'elle
produit dans les Opéras Bouffons ou Comiques ,
G2
136 MERCURE
de la différence de ſes moyens , & du degré d'alliance
qu'elle peut contracter avec la Comédie.
La Muſique est un Art purement idéal , dont
le modèle eft imaginaire & l'imitation intellectuelle
, ſoit que par les refforts de l'harmonie
imitative & la combinaiſon des fons il parvienne
à exprimer & à rendre les effets bruyans de la
Nature, tels que les vents , les tempêtes , le bruit
des flots , &c.; ſoit que par une tranfpofition plus
ingénieuſe encore , il exprime par le bruit des
corps fonores & des voix, les paffions & les mouveinens
de l'ame , qu'il dérobe quelques accens
à la douleur cu à la joie , faſſe parler juſqu'au
filence , & rende ſonore les plus muertes expreffions
de l'ame ; cet Art n'est qu'un preftige , ſon
modèle un fartôme , ſon imitation une magie .
Il ne lui faut que des images à peindre , que des
paffions à exprimer. Aſſociée à la Comédie , elle
rejettera toutes ces tranfitions légères qui nuancent
les rôles , toutes ces délicateſſes de vraiſem-
Blance, toutes ces fineſſes de raifonnemens, tous
ces détails d'eſprit & de ſentiment , tout cet enchaînement
d'intérêts varis , tout cet artifice de
raiſon enfin dont ſe compoſe la vraiſemblance
dramatique. Il lui faut des moeurs très - prononcées
, des caracteres outrés , des paflages brufques
, des contraſtes violens; fes moindres affections
feront des paſſions,& fes paffions un délire.
Ce. ſera toujours la folie pour la joie , le défefpoir
pour la douleur , la ſtupeur pour l'étonnement
, la rage pour la colère , la jactance pour
le courage , la niaiſerie pour la naïveté , l'ivreſſe
pour l'amour , la fureur pour la jaloufie
Les cordes de fa lyre font montées trap haut
pour s'accorder avec aucune autre : elle trempe
ſes pinceaux dans des couleurs trop fortes , pour
s'allier avec les nuances légères de la Comédie.
&c.
DE FRANCE. 137
DO
Le modèle de la Comédie , eſt l'homme tel qu'il
eft; celui de la Muſique , est l'homme tel qu'il
peut être Les bornes de la Comédie font l'invraiſemblable
, celles de la Muſique font l'impoflible.
Comment donc eſpérer de faire marcher d'accord
ces deux Arts ?
Avant qu'on eût eſſayé de tranfporter fur le
Théatre de Thalie toutes les richeſſes dont la
Muſique eſt ſuſceptible , il régnoit un peu plat
d'accord entre eux. Une intrigue fimple , un petit
nombre d'Acteurs , en réduisant la Muſique à peu
d'effets , préſervoient auſſi le Poëte des écarts de
la diſconvenance. Long-temps les intermèdes furent
à deux voix. La Serva Padrona traduite , &
fi connue fur le Théatre de Paris , eſt le meilleur
modèle qu'on puiſſe citer des Ouvrages de ce
genre. Le nombre des Chanteurs s'eſt accru par
degré juſqu'à cing , puis ſept , & même au delà.
La Muſique & le Drame pouvoient-ils gagner en
égaleproportion à cet accroifſſement d'Acteurs ? Je
de laille à décider ; mais ce qui eft bien certain ,
c'eſt que les difficultés de les accorder devinrent ,
fans proportion, beaucoup plus grandes. L'intérêt
ſeul de la Muſique avoit provoqué cette multiplication
d'Acteurs : le Poëte ſe trouva donc aux
ordres du Muficien.
Mais comment le Muficien confidère - t - il les
perſonnages qui mettent la Muſique en action ?
comme les premiers & les principaux inftrumens
de l'action muſicale par laquelse il veut nous
émouvoir.
Dans cette hypothèſe , il faut qu'il connoi
Jeurs moyens particuliers & refpectifs , la nature
de leurs voix, le degré de talens & l'étendue de
capacité qu'ils ont, leurs qualités pour les faire
G3
138 MERCURE
,
briller , leurs défauts pour les déguiſer , & quelquefois
même pour en tirer parti . Tel peut plaire
dans un Duo qui ne fera que médiocre dans
un Solo : tel brille dans la bravoure , qui chante
mat le cantabile ; & vice verſa pour tel autre :
tel a beſoin d'être foutenu par l'accompagnement
, & tel veut qu'on ménage la foiblefle de fa
voix : celui- ci a de laglité , celui-là de l'effer';
l'un a de la grace , l'autre de la force , &c.
Veilà dove ce qui décide impérieuſement de la
diftriontion des rôles , & de la compoſition du
tour. Ce ne sçauroit être au Poëte à en décider.
Premier fujer de difcorde entre le Poëme & la
Mufique.
Quand le Mufirien a reconnu les propriétés de
chaque ſujet , il faut qu'il affigne la place qui
convient à chacun dans ſon tableau , & , fi lon
peut dire , l'attitude qui leur eſt la plus favoraа-
ble; il faut encore qu'il leur diftribue , fi l'on
peut dire , les jours & les ombres d'où réfultera
l'effet total & partiel. Il évitera de faire fuccéder
plufieurs airs fur un même ton , plufieurs Chanteurs
du même genre. Son art eſt de jeter de
la variété , d'entremêler les différens caractères
de voix , les diverſes formes de chant , de les
faire valoir par des oppofitions , de faire briller
les meilleurs ſujets par des contraſtes adroits ,
d'épargner aux plus foibles la défaveur d'un parallèletrop
voiſio , d'entretenir l'attention de l'auditeur
, quelquefois encore de la relâcher pour la
tendre enfuite plus fortement , de ménager des
repos pour faire briller ſes richeffes.
Voilà ce qui décide de la fucceffion des Scènes .
Deuxième ſujet de difficulté pour la conduite du
Drame: 1
Mais lorſque le Muſicien veut des changemens
* 1
DE FRANCE. 139
Lubits, des paffages bruſques , ou des préludes
néceſſaires au développement d'un grand mor
ceau de Muſique , lorſqu'il veut préparer les fublimes
accords de ces grands effets d'harmonie
qu'on appelle finales , qu'il lui faut pour cela des
incidens rapides qui motivent les diverſes pafſions
qu'il veut mettre en combat , & y menagent
des ſurpriſes , qu'il lui faut grouper ou
ifoler ſes perſonnages , pour varier fes effets &
faire avancer ou reculer ſes mafies ; alors , plus
que jamais , l'Acteur devient l'inftrument de la
Muſique & non du Poëte ; alors les premières
convenances qu'il connoît , font celles de Fastion,
muſicale ; l'intérêt dramatique ſe trouve effacé
par un intérêt plus grand, celui de 1 harmonic.
Voilà ce qui décide de la plus grande partie
des convenances de la Pièce. Troifieme & le plas
grand objet de difficulté dans la liaiſon des
Scènes.
Y
Prétendre , au reſte , que toute eſpèce d'intérêr
foit impoſſible dans les Drames de ce genre , ce
feroit s'éloigner beaucoup trop du vrai. is font
fufceptibles d'agrément dans le ſtyle , de fituationsheureuſes,
de naïveré dans les caractères ,
d'intrigues plaifantes , &c. ; mais on y trouvera
plus de mouvemens que de raiſonnemens , plus
de faillies que de fuite, plus demotifs piquans que
de conduite réglée. Ces Poëmes ne font que
I'cfquiffe d'un tableau muſical; c'eſt un canevast
ingérieux , dont le Muficien doit remplir les vides.:
,
Pour apprécier les Pièces d'Opéras Bouffons ,.
comme il convieht on doit encore en diftin-,
guer de deux eſpèces en Italie ; celles qui font
faites pour les Chanteurs , & celles auxquelles
les Chanteurs doivent ſe faire. Les premieres
font celles que le Poëte , & fur-tout-le Muficien ,
G4
140 MERCURE
compoſent exprès pour les Acteurs chantans , &
qu'il adapte aux caractères de voix & aux moyens
de la Troupe qu'il met en action. Les ſecondes
font celles qui ſe repréfentent au défaut des
moyens qui peuvent procurer celles de la première
eſpèce. C'eſt ordinairement dans les perites
Villes , qui ne sçauroient monter unTheatre
à grands frais , ou lorſqu'une Pièce tombée impoſe
la néceffité d'en ſubſtituer promptement une
autre, & fans de grands préliminaires , c'eſt alors
que lesChanteurs fontchoix d'une Pièce à laquelle
ils s'adaptent du mieux qu'ils peuvent, & qui leur
permet auffi d'y intercaler des airs & des morceaux
de Mufique favorables à leurs moyens. On
reconnoît ces pièces , qu'on appelle à Rome Centone,
& que nous appellerions ici Pièces à tiroir ,
aux difparates de muſique , aux Scènes parafites ,
aux airs découſus , dont ſe compoſent ordinairement
ces édifices élevés à la hâte.
J'aurois bien d'autres obſervations de détailà
faire fur tout ce qui a rapport à la compofition
de ce Spectacle , ſur la difficulté de ſe procurer
des Troupes complétement bonnes , depuis que
ce genre de plaifir eſt devenu celui de toutes les
Villes d'Italie & de toutes les grandes Villes de
l'Europe ; fur P'uſage où elles font de les renouveler
fans ceffe , & de jouir ainſi tour à tour
des meilleurs Sujets & des meilleurs Maîtres ; fur
la nature du jeu que comportent les Pièces; fur
le degré de mérite en ce genre qu'on doit exiger
d'Acteurs dont l'étude principale n'a jamais
puêtre l'art du gefte; fur l'incompatibilité même
qui règne entre les talens de l'Acteur chantant
&ceux de l'Acteur récitant ; ſur l'avantage du
récitatif Italien , qui fort comme de fond aux
figures du tableau , mais les détache avec moins
de crudité, que le paſſage trop bruſque du chant
▼
DE FRANCE. 14t
au langage ordinaire , fans y établir la confufion
qui réfalte d'un récitatif trop inſtrumenté.
Mais de toutes ces réflexions , les unes feroient
ici hors de faiſon , les autres rentrent na
burellement dans la queſtion principale , qui eſt
de ſavoir fi la Muſique peut nous plaire &
nous attacher par ſes ſeules reſſources & indépendamment
de la poéſie du langage , & s'il n'eft
pas vrai qu'il ſoit impoſſible d'établir un accord
de convenance entre la Comédie & la Musique ,
tel que l'une ne cède à l'autre aucun de fes droits.
Si le premier point eſt prouvé par le fait &
par l'expérience , fi le ſecond femble l'être par
les ra fonnemens & les comparaifons que je viens
de faire ; voiei , ce me ſemble , le réſultat de
rout ceci.
Le Drame comique , accompagné de Muſique ,
peut érre de trois genres.
Ou parfaitement libre des entraves muſicales ,
& ſeulement avec un accompagnement qui no
faffe que renforcer la déclamation , comme les
Comédies des Anciens , & celles des premiers
temps de l'Italie .
On mixte , c'est-à- dire , participant à la régularité
dramatique , avec des airs entremêlés qui
ne tiennent point au corps du Drame & n'en
conftituent-point Pintérêt , comme la plupart des
Opéras Comiques François.
;
Ou tout-à-fait muſical , c'est-à-dire que , de
venu Spectacle de Muſique , le Drame n'eft , en
quelque forte , qu'une eſpèce de charpente dont
la Muſique fait le revêtiſſement : tels font les
Opéras Bouffons Italiens .
Je comparereis le premier à un grand & beb
édifice , dont la beauté des proportions & la résн
GS
142 MERCURE
gularité de l'Architecture font le feul ornement.
Le ſecond , à une pièce ornée de tableaux portatifs.
Le troiſième , à une grande galerie dont l'Archiecture
a Litlé Pembeliſſement aux charmes
de la décoration , & à la magie de la Penture.
Le goût , fans doute, eſt libre de choifir entre
chacun de ces divers genres de plaifir. Ce n'eſt
hullement fur leur choix que j'ai prétendu pouyoir
influer , moins encore fur la préférence que
L'un, mériteroit fur l'autre .
J'ai prétendu ſeulement que chaque Art avoit
fes plaifirs & fes moyens indépendans de ceux
des autres ; que la Comédie eſt un Art , & la
Mufique un autre Art ; qu'ils peuvent nous plaire
en ſe rapprochant , & nous plaire encore en ſe
ſéparant.
Je prétends , en outre , que chaque Art s'adreſſant
à l'ame par des routes différentes , &
l'affectant par des moyens particuliers à chacun
d'eux, leur réunion , en général , quand elle peut
avoir licu , ne s'opère que par un facrifice d'une
partie des moyens de l'un des deux; mais que
lorſqu'ils ſe préfentent ſéparément à nous , il faut
bien fe garder d'apporter au jugement de l'un les
organes qui conviennent à l'autre ; d'appliquer à
celui-ci les mefures de celui-là ; que chaque Art
a, dans nos fens & les facultés variées de notre
ame , un reffort & des tribunaux particuliers ,
dont on doit diftinguer & refpecter la compétence.
Je prétends encore que ſi la la fon trop intime
de deux Arts affoiblit réceſſairement la
force intrinfèque de l'un des deux , il exifte
auffi en nous un principe qui s'oppoſe peut-être
encore davantage à cette union par elle-même
fi difficile; c'est le principe d'unité de l'ame ,
DE FRANCE.
143
d'après lequel il eſt bien reconnu qu'érant une
ellecné peut ni jouir de deux plaifirs égaux à la
fois , ni fupporter enſemble deux paffions également
fortes ; que toute impreffion qui ſe diviſe
s'atténué , & qu'en général là réunion de pluſieurs
fenfations eft la preuve ou de leur foiblefle , ou
de la légéreté de l'ame qui les reçoit.
D'où je concluerat que plus la Muſique eft
parvenue , en ſe perfectionnant , à produire par
elle-même de grandes & fortes émotions , & capables
d'occuper I ame toute entière , plus l'efprit
a dû devenir , par degrés , indifférent à la nature
des Drames , dont la Poéfie s'eſt intenfiblement
retirée , & que la Muſique ne confidère plus aujourd'hui
que comme la toile de ſes tableaux.
Dans l'état actuel de cet Art , je n'oſe pas défier
la Poéfie de produire des Ouvrages qui partagent
le ſuccès avec la Muſique : cependant ,
s'il pouvoit y avoir une véritable rivalité en ce
genre , je ne ſais ; mais ce combat de deux Arts
qui ſe difpureroient notre ame , feroit peut - être
pénible pour elle , peut-être deux intérêts ſi forts
feroient au deſſus de ſes forces , peut- être les
ſenſations ſe neutraliferoient & ſe détruiroient au
licu de ſe fortifier,
Qu'on ne ſe plaigne donc pas de ne pas rencontrer
dans les Draines en Muſique , toutes les
convenances qui font le charme de la Comédie ,
de les trouver ſouvent dénués d'un intérêt qu'ils
ne ſçauroient avoir , puiſqu'ils ont été compofés
dans des principes entièrement contraires à ceux
d'après leſqueis on voudroit les juger. Ne voiton
pas que le ſpectacle en Muſique n'eft ,fi
l'on veut le prendre à la rigueur , qu'une fanffeté
perpétuelle, & qu'aux yeux de la froide rafon
, la plus outrée de toutes les invraiſemblances
eft le chant même ſubſtitué au langage ?
G6
144.
MERCURE
&
C'eſt donc reprocher à la Sculpture la privation
de couleur , a la Peinture le défaut de faillic , à
la Pantomime ſon filence. Les illufions de chaque
Art font plus ou moins bornées ; mais par une
compenfation affez extraordinaire , les moyens
qu'ils ont de les produire ſont d'autant plus
actifs, qu'ils ſemblent plus invraiſemblables. Mal-,
heur , au reſte , à celui qui exigeroit des Arts ,
des illufions complètes ! Si l'illufion arrivoit julqu'à
être vraie , elle ceſſeroit d'être agréable ;
fi , dans un tableau , je croyois voir réellement
le modèle , je ne jouirois plus du plaifir de fon
imitation. Le fecret de tous les Arts eſt de ne
ſe cacher qu'à demi derrière la Nature , & de
ſe trahir en ſe cachant. Gardons- nous de chercher
à détruire les invraiſemblances qui tiennent
à leur effence , & d'exiger d'eux le menfonge à
la place de la ſéduction. Souvenons-nous fur-tout
que le plaifir de l'illuſon , dans un Art , et d'autant
plus vif , qu'il étoit moins probable de l'y
trouver. C'eſt une des cauſes principales du plaifir
de la Muſique fur le Theatre. J'irois peutétre
juſqu'à dire que ſi l'on pouvoit êter de ce
Spectacle toutes les invraiſemblances qu'il comporte
, on affoibliroit l'effort que la Muſique
faire pour les vaincre , & que le trop de foin à
cacher l'artifice nuiroit à l'Art.
doit
Ilya plus : ce foin bien ſuperſlu ſeroit encore ,
je le ſoutiens , impoffible.
Le Spectacle en Musique n'est qu'un échange
continuel des moyens de la Poefic avec ceux de
la Muſique. Ne voyez-vous pas que cette tranfpoſition
doit infailliblement nuire aux vraiſemblances
dramatiques ? Ne voyez-vous pas que le
Muficien doit s'emparer de toutes les ſituations
Leureuſes de la Pièce , de tous les inftans de fentinuent
, de paflion , de ſurpriſe , de ridicule ,
DE FRANCE. 20
enfin de tout ce qui pourroit vous plaire , foit
par l'art du jeu , foit par l'illuſion de l'action
que le Chanteur & la Mufique refroidiffent , ralentiffent
néceſſairement ? Vous voudriez pour
Fillution entière une égalité d'intérêt entre les
deux Arts. Mais ou vous demandez l'impoffible ,
ou vous ne ſavez pas ce que vous demandez.
Vous voulez donc une ſtatue coloriée , c'est-à - dire,
une ſtatue qui ne foit ni Sculpture ni Peinture.
,
Je vois que vous ne comprenez pas encore ce
que font les finales dans les Opéras Italiens. Vous
vous plaignez de ce que les Acteurs entrent ,
fortent & reviennent ; c'eſt que vous jugez toujours
les convenances muſicales par les règles des
convenances dramatiques , vous êtes toujours à la,
Comédie & jamais à l'Opéra vous jugez le
Poëte & point le Muficien , ou vous ne jugezo
la Musique qu'avec l'eſprit. Mais ne voyez-vous,
pas que s'il falloit amener , conduire & préparer
les ſcènes qui produifent les incidens d'un
finale , s'il falloit les conduire avec tout l'art de,
la Comédie , vous n'auriez jamais de finale ? De
quoi est-il queſtion ? De préparer un grand mor
ceau d'harmonie par plufieurs autres, fubordonnés
qui en ſont comme l'expofition. De quoi eft il
question ? D'amener tous les Acteurs à un ſentiment
coreman qui les faffe chanter tous, enfemble
, & la même choſe , & les mêmes paroles.
Les ſcènes préparatoires qui doivent conduire
chacun à ce fentiment commun , doivent done
être précipitées. Et que deviendroit la Muſique ,
fi elle devoit attendre toutes les combinalfons ,
& fuivre toutes les nuances des vraiſemblances
morales d'une action parfaitement raifonnée ? Ses
moyens ſeroient énervés , fes effers ſuſpendus ,
& fon action s'annihileroit, Vous voyez bien
que c'eft toujours la Musique qut dirige impé 2
*40 MERCURE
,
touparce
rieuſeinent les refforts de la Pièce ; que tantôt
elle ralentit & tantôt accélère ſa marche
jours d'après les convenances inuficales ,auxquelles
il faut bien que le Poëte ſe conforme. Aufli verrez-
vous prefque toujours les Poëmes afſujettis
à une marche d'intérêt aſſez uniforme
que les moyens de la Muſique le veulent ainfi .
La progreflion de l'intérêt muſical a voulu que
chaque Ate ſe terminât par ces morceaux d'har-s
monte qu'on appelle finale. Le Poëte doit donc
faire tendre là tous les mouvemers de la Pièce
& l'en fent combien cette fujétion lui offre de
difficultés. Ce font des données très-gênantes pour
lui. C'eſt dans le premier final que ſe trouve
toujours le grand imbroglio . C'est le moment de
crife de la Pièce. C'eſt dans le dernier que ſe
Bit le dénouement; auffi le premier final eft - il
ordinairement, par la nature des ehofes plus riche,
&plus fort d'expreffion que le dernier. Molière
lui-même n'eût fait que des Ouvrages médiocres
s'il eût été obligé d'aſſujettir ſon action aux entraves
d'un autre Art, & ce ſera toujours le fort
des Poëtes qui compoferont des Comédies pour la
Mufique.
Ne vous plaignez donc pas de ne pas voir le
Poëte lorſque le Muficien le cache. Ne vous
plaignez pas que l'action dramatique foit foible,
lorſque l'action mufi ale maîtriſe ſon développement.
Ne yous plaignez pas que la fuite & le
raiſonnement de la Muſique détruiſe la fuite &
le raiſonnement du Drame. Vous avez une grande
compensation de ce que vous perdez , vous regagnez
en Muſique ce que vous perdez en action
, & l'illufion du chant vous donne ce que
vous donneroit l'illuſion du jeu. ८.
Que de choſes il y'auroit à dire , d'après les
principes de la théorie de tous les Arts , fur l'Art
1
DE FRANCE .
147
de Chant , qui fait une des parties principales du
Spectacle en Muſique ! On entrevoit fans doute
affez comment tout ſe l'e dans ce ſujet ; on fent
que ſi la marche de la Mufique eft exclufive des
intérêts & des convenances de la Comédie , il
ſe peut auffi que le vrai goût du Chant ne com--
porte pas les grands efforts du jeu , ni tous les
effts de la Pantomime. En Itale , on eft con.
venu que l'Art du Chant , lorſqu'il eſt porté à
ſa perfection , fupplée à l'Art du Jeu , comme
la Mafique ſupplée au Spectacle & à l'intérêt
dramatique.
Cette affertion , je le fais , paſſe ici pour un
paradoxe. Je ne chercherai point à l'établir dans
ce moment. Je me contenterai de mettre en paratèle
de l'opinion de ce pays , fur la nature du
Chant une opinion tour-a-fait ferablable des
Italiens , fur un Art dans lequel , aujugement
de toute l'Europe , nous l'emportons de beaucoup
fur eux. C'eſt l'Art de la Danfe qui me
fournit cet exemple.
,
On fait que cet Art ne fut d'abord , & n'eft
encore dans bien des pays , qu'un langage muet
& inarticulé , qui , par les geſtes du corps , exprime
les affections de l'ame , en forte qu'il ſe
lie néceffairement à la Pantomime , & devient ,
dès lors , capable de rendre tous les ſujets dramatiques.
,
Les Anciens ne connoiſſoient point la Danfe
fans la Pantomime , & encore aujou d'hui en
Italie on ne conçoit pas comment on peut
prendre du plaifir à la Danſe , ſans que celle-ci
foit liée à une action dramatique. On veut que
tous les pas & leurs combinaiſons , que tous
les geftes & les mouvemens variés des Danfeurs
, concourent à exprimer toutes les paſſions
qui entrent dans la compoſition des Ballets tra
148 MERCURE
giques ou comiques , dont on exige de l'unité ,
de l'intérêt , de la fuite , & une conduite trèsraiſonnée.
Enfin c'eſt l'action qu'on regarde dans
le Ballet , & fort peu la Danfe.
A Paris , au contraire , on admet très-ſouvent
la Danſe ſans la Pantomime. On croit même
que cet Art feroit capable d'altérer celui du Danfeur.
Leplusgrand nombre des Ballets qui ornent
le Spectacle , ne font , pour la compofition, que
des eſpèces de lieux communs , dénués d'intérêt , &
fur-toutd'un intérêt dramatique , ou , pour mieux
dire , des eſpèces de canevas dont le grand
art de nos Danfeurs doit remplir le vide ; enfin
c'eſt la Danfe qu'on y applaudit , & fort peu l'intérêt
d'une action prefque nulle .
Je pourrois me difpenfer de dire la raiſon de
cette différence de goût entre les deux Peuples.
On la devine aisément les Danfeurs Italions font
en général médiocres hors de la Pantomime ; ils
ne sçauroient plaire par l'Art Cul de la Danfe . On
ne l'admet donc fur leThéatre que commeun desrefforts,
de la Pantomime , &, de fait , les Danſeurs
jouent plus qu'ils ne danſent.
A Paris , où l'Art de la Danſe ſemble care au
plus haut degré, on l'y admet le plus fouvent
indépendant de l'intérêt dramatique , & libre des
entraves de la Pantomime , & , de fait , les Danfeurs
y danſent plus qu'ils ne jouent.
Encore un mot. On dance à Paris pour dan-.
fer , comme en Italie l'on chante pour chanter.
Cet Article estde M. Quatremere de Quincy. )
DE FRANCE.
149
ACADÉMIE.
ACADÉMIE FRANÇOISE.
Apeine le défaut d'eſpace nous permetil
l'annonce la plus ſuccincte de la Séance
publique , tenue le 12 de ce mois , pour
la réception de M. DE NICOLAï , Premier
Preſident à la Chambre des Comptes. Mais
nous reviendrons ſur les deux Diſcours
imprimés , celui du nouvel Académicien ,
& celui de M. DE RHULIERES , Directeur
actuel de l'Académie , qui, tous deux , ont
reçu les plus grands applaudiſſemens.
Onne pouvoit terminer la Séance d'une
manière plus fatisfaiſante, que par la lec
ture d'un morceau du beau Poëme de M.
l'Abbé DE LILLE , ſur l'Imagination. Les
vers qu'il en a lus ont réuni tous les fuffrages
, & ont paru dignes de ſon talent,
ſi juſtement célèbre.
150
MERCURE
SPECTACLE S.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Nous parlerons dans le Mercure prochain
, des CHATEAUX EN ESPAGNE, Comédie
nouvelle en cinq Actes & en vers , par
M. Collin d'Harleville. Cet Ouvrage , repréſenté
pour la première fois le 20 Février
, laiffoit quelque choſe à défirer. Le
Public l'avoit jugé avec ce genre de ſévérité
qui tient enſemble à l'eſtime & à l'intérêt.
L'Auteur s'eſt jugé plus ſévèrement
que le Public. Il a interrompu le cours
de ſa Pièce, dont il a refait & refondu deux
Actes. Nous avions ſes projets , & nous
avons cru devoir prendre le parti du filence
juſqu'à la ſeconde repréſentation . Elle
a été donnée le to Mars avec le plus grand
ſuccès. Voilà tout ce que nous en pouvons
dire aujourd'hui . 1
Le Vendredi 6 Mars on a repréſenté pour
la première fois AUGUSTE ET THEODORE ,
OU LES DEUX PAGES, Comédie en deux Actes
& en profe mêlée de chants.
DE FRANCE. ry1
Le fonds de ce petit Ouvrage eft tiré
d'une Comédie Allemande , dont M. Engel
eſt l'Auteur , qui a pour titre : LE PAGE ,
&dont il a paru , preſque au même moment,
deux traductions Françoiſes en 1781. M.
Engel avoit lui-même tiré ſon Drame d'une
Anecdote qui fe trouve à la fin d'une Vie
privée de Frédéric II , Roi de Pruffe ; nous
allons la tranferire .
د
>> Frédéric fonna un jour , & perfonne ne
vint. Il ouvent ſa porte , & trouva ſon Page
endormi dans un fureuil. Il alloit le réveiller
, lorſqu'il apperçut un bout de binder
qui fortoit de fa poche. Il fut curieux de
ſavoir ce que c'éteit , le prit, & le lut. C'étoit
une lettre de la mère du jeune homme ,
qui le remercioit de ce qu'il lui envoyoit
une partie de ſes gages pour la foulager
dans la mifère. Elle finiffoit par lui din que
Dieu récompenferoit ſa bonne conduite.
Le Roi , après avoir lu rentra doucement
dans ſa chambre , prit un rouleau de ducats
, & le glitla avec la lettre dans la poche
du Page. Rentré dans ſa chambre , il
fonna fi fort , que le jeune homme ſe réveilla.
-Tu as bien dormi , lui dit le
Roi. Le Page voulut s'excuſer. Dans
fon embarras , il mit la main dans fa poche,
& fentit le rouleau. Il le tira , pâlit ,
regarda le Roi en pleurant , fans pouvoir
direun mot.-Qu'as-tu ? dit le Roi .-Ah !
Sire , dit le jeune homme en ſe précipitant
à ſes genoux , on veut me perdre .
-
152 MERCURE
Je ne ſais ce que c'eſt que cet argent que
je trouve dans ma poche. Mon ami , répliqua
Frédéric , Dieu nous envoie quelquefois
le bien en dormant. Envoye cela
à ta mère ; falue-la de ma part , & affure
la que j'aurai ſoin d'elle & de toi ".
E'lmitateur de M. Engel a trouvé cette
Anecdote trop nue pour la ſcène. Il a jugé
'àpropos, dans un premierActe tout entierde
fon invention , d'amener la mère & la ſoeur
du Page à Berlin , chez d'honnêtes Aubergiſtes
, qui les reçoivent avec une délicatelſe
reſpectueufe , & qui , apprenant que
P'une eſt la femme & l'autre la fille d'un
Officier-Général qui a fait leur fortune,
ſe rendent cautions pour elles dans une affaire
aufli injuſte que malheureuſe. Il a
fait contraſter avec le rôle donné , celui
d'un autre Page , jeune étourdi , plein d'ef
prit , de vivacité , de candeur , & faiſant
des ſottiſes d'une manière fi aimable , qu'il
'ne ceffe pas d'intéreſſer & de plaire. Il a
changé la lettre de la mère du Page en un
rève que celui ci fait en parlant. Enfin il
a oppofé au don de cent ducats , fait par
Frédéric , la perte de cent autres ducats faire
par le Page étourdi ,& cette ſituation amène
des ſoupçons, des explications. Le triomphe
dubon fils eſt le dénouement.
Cet Ouvrage a de la gaîté , de l'intérêt
& de la grace. Il y a quelques longueurs ,
peut-être; mais il eſt facile de les élaguer.
DE FRANCE.
153
C'eſt une de ces bluettes où l'eſprit & la
ſenſibilité ſuppléent l'art , & dont on s'amuſe
ſans conféquence.
Les rôles des Aubergiſtes font très-bien
rendus par Mademoiselle Contat , & par
M. Dazincourt. Nous ne pouvons que nous
feliciter des encouragemens que nous avons
donnés à Mademoiselle Emilie Contat ; ſes
progrès les juftifient. Nous avons fi ſouvent
rencontré des Sujets qui n'ont pas répondu
à nos bonnes intentions , que nous remercions
cette Actrice de me nous avoir point
fait mentir. Madame Petit& elle font trèsintéreſſantes
dans les deux Pages. Dire que
Madame Bellecourt joue un petit rôle de
Gouvernante , c'eſt dire que ce rôle eſt bien
joué . M. Fleury , dont le talent eſt bien rarement
déplacé,&qui acquiert de jour en jour,
a joué le rôle de Frédéric avec un ton de nobleffe
, d'originalité &de décence comique
qui mérite une mention particulière .
Parmi les couplets , on en a diftingué un
qui fait alluſion àun Prince dont le nom
eſt aſſocié par la gloire à celui de Frédéric
le Grand : on l'a fait répéter; il a été applaudi
avec tranſport.
Dans le Nº . prochain , nous donnerons
les autres Articles des Spectacles.
154
MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
DELIBERATION proposée aux François , avart
la tenue des Etats-Généraux. Ouvrage dans lequel
on expofera le moyen le plus fimple & le plus
efficace pour terminer en trois jours les Séances
de cette Afemblée Nationale avec le plus grand
fuccès & la fatisfaction générale ; moyen degre
de tout homme qui s'intéreſſe au bonheur de la
France ; moyen qui , dans l'exacte vérité , doit
obtenir autant de fuffrages que M. Necker peut
en compter : par M. Bonys , Préfident de l'Election
de Nevers. Brochure in-8°. de 36 pages, Prix,
36 f. Se trouve à Paris , chez Bailly , Libr. rue S.
Honoré , Barrière des Sergens.
Voilà un titre fait pour piquer la curiefité.
La Caninomanie ou l'impôt favorable dans
toutes les circonstances , & fur-tout dans les conjonctures
préſentes ; traduit & denné au Public
patriote, par Très-Politique & Très-Preux Céfar ,
Chien de haute lignée & de grand parentage ,
Secrétaire - Interprète de l'Aréopage des Chiens ,
pour la Langue Franque , & Serviteur de M. le
Chevalier de Trevigny fils de Falaiſe , in- 18 .
Prix , I liv. 10 f. br. , I liv. 16f, franc de port.
ACaninopolis ; & ſe trouve à Paris , chez Lercy ,
Lib. rue St-Jacques.
Principes de l'Eloquence facrée , mêlée d'exemples
fuifés principalement dans l'Ecriture-Sainee ,
dans les Saints - Pères & dans les plus célèbres
Orateurs Chrétiens. Ouvrage utile aux Séminaires
, aux Maiſons religieuſes , & aux jeunes Eccléſiaſtiques
qui ſe deftinent au Miniftere ; in- 12 .
:
DE FRANCE.
155
Prix , 2 liv. 10 f. br. A Paris , chez Defray , Lib.
quai des Auguftins , N°. 37.
Cet Ouvrage nous a paru fait avecjugement ; &
il remplit le but d'utilité que s'eft proposé l'Auteur.
Lettre à M. Cherin , Gé éalogifte des Ordres
du Roi , &c. concernant le fait de Nobleſſe ; par
M. Maugard, Généalogifte. Ouvrage critique &
politique , dans lequel l'Auteur démontre par les
faits les inconvéniens & dangers des Abrégés &
Traductions libres des Loix. A Paris , chez l'Auteur
, rus Neuve des Capucins ; & chez Cailleau ,
Impr- Libr. , rue Galande , N°. 64 ; Lamy , quai
des Auguftins ; & Defenne , au Palais - Royal,
Brochure in- 8 ° . de 208 pages .
Livre des Rêves, ou l'Onéiroſcopie , application
des Songes aux Numéros de la Loterie Royale
de France , tiré de la Cabale Italienne & de la
ſympatie des Nombres , orné de 90 Figures analogues
au ſujet ; avec des Tablettes d'un papier
compofé, très-effentielles à cet Ouvrage. Nouvelle
édition in-16 de 38 pages. Prix , 2 liv. ; & les
Figures enluminées , 3 liv. A Paris , chez Defnos ,
Ingénieur-Géographe , & Libraire du Roi de Danemarck
, rue St Jacques , au Globe ; & chez les
Receveurs de Loterie .
Carte des Provinces du Lyonnois , Forest &
Beaujolois, comprenant auſſi la Breffe, le Bugey,
le pays de Gex , & la Principauté de Dombes ;
dreſſée par Dezauche , Géographe , & fuccefleur
des Sieurs Delfie & Ph. Buache , premiers Géographes
du Roi , & de l'Académi: Royale des
Sciences. Prix , I liv. sl.
Carte da Gouvernement Militaire de l'ifle de
France, divifée en ſes douze pays ; par le même.
Prix , i liv. 5 f. A Paris , chez Dezoche , Géographe
du Roi , rue des Noyers.
156 MERCURE DE FRANCE.
Le Sr. Defnos annonce à MM. les- Souferipteurs
qui ont acquis les 12 Parties &Anacreon'
en belle humeur , joli Chanfonnier François , que
le 13e. Volume , qui renferme toute la muſique
des 12 Partics , ſe délivre préſentement ſous le
titre d'Etrennes Muſicales , ou Recueil général
de Chanfons , Ariettes , Vaudevilles , Airs d Opéras
& autres , avec des Romances compoſées
dans le genre d'Eſtelle , mis en waſique par les
plus célèbres Compofiteurs modernes. Ce 13e.
Volume ſe vend le même prix que les autres
relié en marroquin , enrichi de douze Figures ,
4 liv. 10 f. en faveur de ceux qui ont acquis
l'Ouvrage compler, & 6 liv. pour ceux qui le prendront
ſéparément. On peut ſe procurer les 12 Parties
brochées , avec la Muſique inférée à chacune
des Parties , au prix de 15 liv. A Paris , clicz Defnos
, Ingénieur-Géographe & Libraire du Roi de
Vanemarck , rue Saint-Jacques , au Globe; & chez
tous les Libraires & Marchands de Muſique qui
vendent des Nouveautés.
TABLE.
,
VERS.
Infcription.
Necrologie.
Le bon Ménage.
109 Confidérations.
11 Variétés.
110
121
Ibid. Académie Françoife. 149
150
154
112 Coméde Françoise.
Charale, Enig. & Logog. 118 Annonces & Notices.
APPROBATION.
FALI
At lu, par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE, pour le Samedi 21
Mars 1789. Je n'y ai rica tavé qui puiſſe
car empêcher l'impreſſion. A Paris , le 20 Mars
1789. SÉLIS
JOURNAL POLITIQUE
G
1
b
2
D
313 314
7
L
DE
BRUXELLES
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J
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--53 25 ml est son 3
- De Stockholm, de 16 février 1789.
C
32 Rauft? 353
19
Les dernières Séances des Etats nelaissentplus
de doute sur l'accordqui regnera
entre les opinions de trois Ordres et les
projets du Roi. L'esprit de discorde estsus
fisammentscontenu poim qu'on entretiennel'espérance
fondée que lesvolontés
concourront au même büt ; celui de procurer,
au royaume et à ses Alliés une
paix honorable par le concert des
mesures et la vigueur des préparatifs de
guerre. Cependant, dans l'Ordrede la No
blesse, la fermentation continue , et le
temps sly perd en contestations épiso
diques. Chacun des quatre Ordres a
nommé ses Députés au Comité secretqui
Nº. 12. 21 Mars 1789 . e
4
n'est pas encore en activité. Quant aux
instructions de ces Députés , voici le
précis de ce qui s'est fait dans les
Séances du 7 et du 9 :
« La Nobleſſe a continué de débattre le projet
de M. Friezky , concernant l'inſtruction àdonner
aux Membres du Comité ſecret. Suivant ce
plan , laDéputation devoit être tenue de communiquer
à l'Affembléee,, en plein , toutes les affaires
qu'elle traiteroit , & qui n'exigeroient pas abſolument
le ſecret , ainſi que de borner & de régler
uniquement leurs déciſions , conformément aux
clauſes 44 , 45 , 48 & 55 de la Conſtitution nationale
, leſquelles déſignent les affaires qui peuvent
être à ladécision des Etats,&dont llaacinquante-
cinquième porte que les Etats ſeuls ſeront
autorités à diſpoſer de la banque. Le Sénateur.
Comte Forfen affura que la Nobleſſe ne pré-
- tendoit rien preſcrire à la Députation qui fût
contraire à la nouvelle forme de Régence & aux
droits du Roi . Pluſieurs Membres de la Nobleſſe
témoignèrent leur mécontentement , en difantque
cetteaffurance étoit fuperflue . Au milieu de ces
débats, arriva une Députation de l'Ordre du
Clergé , pour annoncer à l'Aſſemblée que cet
Ordre, pour toute inftruction donnée à fes Dé
putés , les avoit chargés ſimplement, && purement
de ſe régler ſur l'article 47 de la forme de Ré
gence. Peu après, cette Députation fut ſuivie de
celle de l'Ordre des Bourgeois , donnant à conno
tre que ce Ordre n'avoit point jugé néceffaire
de commettre aucune inſtruction à ſes Dépurés
. Malgré cela , le mémoire préſenté par
M. Friczki fur approuvé par l'Ordre Equestre,
leSéna cur Forfen y fit ſimplement l'addition fuivante;
Que la Nobleſſe aſluroit le Roi de ſom
plus grand ref , ect ; que fod intention n'avoitja-
&
(99 )
mais été de dreſſer aucune inſtruction pour ſes
Députés , qui fût contraire à la forme de Régence
ou qui tendît à diminuer l'autorité royale , mais
uniquement pour leur indiquer les articles de la
Conſtitution nationale auxquels ils auroient à ſe
conformer. »
«Le9 , on lut les minutes qui avoient été
dreſſées les jours précédens , & l'on choiſit une
Députation , ayant à ſa têre le Baron de Reuter ,
pour être envoyée aux autres Ordres , à l'occafion
du mémoire du Comte E. de Goer , fur les
écrits répandus contre la Nobleſſe.. Sur cela , arriva
une Députation de l'Ordre des Payſans , qui
annonça que cet Ordre avoit accédé au ſentiment
de celui des Bourgeois , concernant la non inſtructon
àdonner à ſes Députés ſecrets. »
Le Baron de Borck, Ministre du Roi
de Prusse , arriva ici le 7 , et le len-
* demain eut une audience du Roi.
L'arrivée des Officiers arrêtés en Finlande,
a été retardée par le dégel ; ils
sont attendus d'un jour à l'autre. Ce
n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on
les a soustraits à la fureur du peuple
d'Abo , capitale de la Finlande Suédoise.
La multitude n'est pas moins indignée
contre eux, ici et dans tout le Royaume,
POLOGNE.
De Varsovie,le 22 février.
Dans la Séance du 16 , le Maréchal
de la Confédération remit à la Diète la
Réponse de l'impératrice de Russie , que
e ij
( 100 )
pousavonspublife antérieurement. Cette
Jecture fut suivie d'un grand nombre
d'observations chagrinesou minutieuses ,
et la disposition des esprits ne permit
pas que cette Note fût accueillie comme
on paroissoit s'y attendre .. Il ne reste en
Pologne qu'au plus 3 mille,Russes préposés
à la garde des magasins, et répartis
sur les terres du Palatin de Russie ,
Comte Potocki. Nonobstant cette circonstance
, M. Rybinski , Evêque de
Cujavie, lut un discours dans le but de
prouver qu'on ne devoit entamer aucune
négociation avec la Cour de Pétersbourg,
jusqu'à ce que celle- ci se fût expli
quée d'une manière péremptoire sur
ses traités de garantie avec la République
, traités qui avoient servi , dit- il ,
de prétexte à toutes les violences commises
en Pologne. M. Grabowski ,
Nonce de Wolkovicz , proposa de réclamer
les bons offices du Roi de Prusse
a ce sujet , et sa Motion passa à l'unanimité
dans la Séance du jeudi 19.
Ce jour-là, M. Stroynowski, Nonce
de Wolhynie , revint au projet de la Pospolite
, soit Convocation de la Noblesse
armée des Palatinats , sorte de milice
qui autrefois fit la principale défense de
la Pologne , et sur laquelle son ancien
Gouvernement étoit calculé. Cette idée
fut tournée en dérision par les antagohistes
peu nombreux des dernières
nouveautés. Quoique les folliculaires ,
( 101 )
et les oisifs qui les honorent de leur
confiance , ayent prononcé dédaigneu
sement contre cette constitution mili
taire de la Pologne , on pourroit leur
opposer des autorités plus'respectables
que celles des discoureurs nous cite
rons , entre autres , celle du Général
Lloyd, dont les Mémoires sont le caté
chisme des Militaires éclairés .
<< Siles Polonois , dit cet habile Off-
<< cier, faisoient encore la guerre com
<<me leurs ayeux , avec cent mille che
<<vaux , bien loin d'être la proie de
<<<<voisins ambitieux , ils deviendroient
<<pour eux extrêmement redoutables.
<<Toutes les provinces qui avoisinent
<<la Pologne depuis l'Oder jusqu'à la
<<<Dwina et le Niester , et même plus
loin jusqu'au Wolga , sont entière-
<<ment ouvertes et sans défense , et
<<remplies de tout ce qui peut servir à
<< l'approvisionnement d'une armée ,
<<< grains , bestiaux , remontes ,
<<Cent mille chevaux , divisés en petits
<< corps , auroient bientôt parcouru ćet
<<espace immense, et ne laissant après
<<eux pas une créature vivante pour
<<< cultiver les terres , ce seroit bientôt
<< un vaste désert , derrière lequel un
<<Roi de Pologne , inaccessible et terri-,
<<ble à ses ennemis , vivroit avec ses
<<Sujets dans l'enceinte de ses forte-
<< resses . Que feriez-vous contre un tel
<<<ennemi , avec vos grandes armées.
etc.
e iij
( 102)
<<d'Infanterie, vos pesans escadrons , et
< vos milliers de bouches à feu ? RIEN :
« la vitesse supérieure de l'ennemi lui
« donneroit tout l'avantage , et nevous
laisseroit que l'emplacement de votre
<<camp , qu'il faudroit encore changer
<<souvent , ou périr (1). » Voyez cinquième
partie, chap. 3.
Le même Général Lloyd , dans son
histoire de la guerre de sept ans , nous
apprend que l'on y essaya quelquefois ,
et toujours avec succès , de donner aux
détachemens de Cavalerie des pièces
de trois et de quatre , auxquelles on atteloit
six chevaux, en mettant cinqCanonniers
sur des chevaux de Dragons , et
ajoutant deux Dragons pour les tenir
pendant que les Canonniers seroient
occupés à servir la pièce. Cette Artille
rie légère a été depuis fort perfection
née en Prusse , et sembleroit être une
arme bien propre à la Cavalerie Polonoise.
Dans la Séance du 20 , la Chambre
des Nonces s'occupa des moyens d'empê
cker les révoltes parmi les Paysans de
(1) On a vu un exemple frappant de cette vérité
dans la première guerre du Décan , où l'excellente&
nombreuſe armée du Soubah , conduite
par M. de Buffy , fut obligée de reculer devant
la Cavalerie Maratte , éparpillée en pelotons , &
qui avoit dévaſté devant elle toute la contrée.
(Note du Ridacteur. )
( 103 )
PUkraine : elle y fut déterminée parune
lettre, dans laquelle un premier Commis
desdouanes annonçoit le passage de cent
vingt chariots chargés d'armes , et destinés
pour Somila, terre considérable que
le Prince Potemkin possède en Pologne.
Après quelques débats sur la forme
des informations à prendre à cet égard ,
la Chambre se détermina à ordonner le
scellé et le transport sous convoi , jusqu'aux
frontières de la Pologne.
रंग
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2mars.
:
Comme on ne publie point de Journal
de la Diète de Suède , les nouvelles qu'on
reçoit de Stockholm , relativement aux
affaires qui s'y traitent , sont décousues,
Voici le résumé de plusieurs lettres de
cette capitale : L'Ordre de la Noblesse
a insisté sur son projet de donner une
instruction particulière au Comité secret;
lestrois autresOrdres n'ontpas jugé
à propos d'y adhérer. La Noblesse
afait insérer au protocole, des plaintes
très-amères contre plusieurs pamphlets ,
etdans lesquels quelques-uns de sesMem
bresontétéattaqués.-On nesait pas encore
si les autres Ordres se joindront à la
Noblesse pour s'occuper , dans ce mo
ment , d'arrêter la licence de quelques
-
:
e iv
( 104)
folliculaires . Il a été arrêté par trois
Ordres de nommer une députation ,
qui sera chargée de remercier le Roi
des soins que S. M.' a pris pour la garde
des frontières.- La Noblesse a proposé
d'offrir au Duc de Sudermanie un don
de 25,000 rixdalers ; cette proposition a
été communiquée aux autres Ordres :
on croit qu'on convertira la somme en
un revenu annuel , ou qu'elle sera augmentée
. L'Ordre des Paysans a renouvelé
la demande qu'il avoit faite dans
d'autres Assemblées nationales , et qui
a pour objet la concession de plusieurs
priviléges ; les autres Ordres ayant accueilli
cette demande , il sera nommé
un Comité pour dresser ces priviléges.
Une députation du même Ordre des
Paysans s'est rendue auprès du Roi ,
pour supplier S. M. de faire venir à
Stockholm le Corps des Volontaires
Dalécarliens , pour soulager la Bourgeoisie
de cette capitale dans le service
des Gardes ? On assure que ce Corps
est en route , et probablement il est
arrivé actuellement à Stockholm .
La nouvelle imposition du Timbre ,
arrêtée par la Diète de Pologne , frappe
exclusivement sur les places et sur les
dignités. Cette taxe étant une des plus
généralement adoptées en Europe, sous
différentes dénominations , il est instructif
de recueillir la combinaison de son
ét ablissement dans un Etat qu'on peut
( 105 )
:
envisager , à certains égards , comme
sortant des mains de la création.
« L'origine du Fibre en Pologne , date des
années 1775 & 1776 ; on en murmura beaucoup
, quoique ce droit fût moins étendu qu'il
ne l'eſt actuellement. On a fait deux claſſes de
Contribuab'es : la première ſupportera le droit de
Timbre des expéditions pour les dignités & charges
fuivantes ; ſavoir, pour la dignité Archiepifcopale
1000 ducats , 650 pour la dignité Episcopale
, & 5 pour cent en ſus des revenus de 4 ans ;
200 ducats pour les places de Palatins & de Miniſtres
, & 5 pour cent en ſus des revenus at achés
aux places des Miniſtres ; 100 pour celles de
Caſtellans dans les Palatinats , & yo pour celles
de Caſtellans dans les autres diſtricts ; 150 pour
les charges de la Couronne , tant civiles qu'eceléſiaſtiques;
favoir , 145 pour les places de Réfé
rendaires de la Couronne; 140 pour celles de
Chambellans ; 135 pour celle de Greffier de la
Couronne ; 130 pour celle de Porte- drapeau ;
125 pour celle de Porte-glaive; 120 pour celle
d'Ecuyer ; 115 pour cele de Maître-d'hôtel ; 110
pour celles d'Ecuyer de cuifine ; 105 pour celle
d'Echanfon ; 100 pour celle d'Ecuyer-tranchant,
90 pour celte de Sous-maître- d'hôtel & Souséchanfon
; 85 pour celle de Veneur ; 80 pour
celle de Secrétaire de guerre de la Couronne;
75 pour celle de Général-Major ; 70 pour celle
deGénéral-quartier- maître ; 65 pour celle deGénéral
d'Artillerie ; 60 pour celle d'Inspecteur
général ; 50 pour celle de Porte-drapeau de la
Cour; 45 pour celle de Sous- écuyer ;40 pour
celle de Veneur de la Cour ; 35 pour celle de
Major; 30 pour celle de Quartier- maître ; 25 pour
celle de Garde de la Couronne : s'il y ades revenus
attachés à ces places , on paiera en ſus 5 pour
cent des revenus de 4 ans. Le droit deTimbre du
I
ev
(106)
1
diplome pour l'Ordre de l'Aigle-Blanc , eſt de
100 ducats ,& 50 pour celui de l'Ordrede Staniflas.
Tous les bénéfices eccléſ,ſtiques quelconques
paieront pour cent des revenus. Le droit de
Timbre pour la patente d'Indigenat ( Naturalifation)
eft de 1000 ducats pourles Nobles ,&d'autant,
ou de 500 , ſelon les circonstances , pour
les non Nobles. Le Timbre d'un brevet de Capitaine
de la Cavalerie nationale eſt de 20 ducats ,
&de 30 celui d'un brevet de Chefd'un régiment.
Les charges de Burggrave , même dans les villes
de Dantzick& de Thorn , paieront les unes 20 ,
les autres 10 ducats de Timbre. - Le Timbre des
confirmations de priviléges des grandes villes eſt
de 6 ducats , & de 3 ce'ui des confirmations de
priviléges des petites villes . Le Timbre des
refcrips pour des commiſſions de frontière , &c.
eſt de 2 ducats, &de 12 celui de la patente qui
érigeun village en une petite ville,-La ſeconde
claſſe du Timbre concerne tous les emplois dans
les Tribunaux provinciaux , les expéditions qui
s'y font , les contrats , manifeftes , &c.
Grand-maître des poſtes paiera pour ſon diplome
100ducats de Timbre ; 30 , les Commiſſaires ; 20,
les Contrôleurs , & 2 les Secrétaires & Maîtres
des poſtes.- On a doublé le droit de Timbre
fur les cartes , les almanachs , &c. Ces nouvelles
taxes & le double droit de cheminée rapposteront
confidérablement d'argent ; mais comme
on a laiſſé ſubſiſter toutes les anciennes impoſi
tions , elles produiront du mécontentement, »
-
-
De Berlin , le 2 mars.
- Le
LePrinceJoseph Czartoryski, Grand
Echanson de Lithuanie , arrivé depuis
quelques jours , en qualité d'Envoyé Ex
(107 )
traordinaire , et de Ministre Plenipo
tentiaire du Roi et de la République de
Pologne , eut , le 24 février , sa première
audience du Roi , auquel il fut présenté
par le Comte de Hertzberg , Ministre
d'Etat. Après avoir témoigné à S. M. la
reconnoissance de la République , il
remit ses lettres de créance en latin
selon l'usage Polonois : en voici la forme
et la teneur
STANISLAUS AUGUSTUS , DEI GRATIA ,
REX POLONIÆ , &c.
,
Sereniffimo ac Potentiffimo Domino Domino ;
Friderico Wilhelmo , eâdem gratiâ Regi Eoruffia ,
&c. &c. &c. fratri , cognato ac vicino charissimofalutem,
ac omnis prosperitatis incrementum.
Sereniffime at Potentiffime Princeps , Domine
Domine Frater , vicine ac cognate ! nihil magis nobis
, Gentique Polonæ in votis eft , quam colere
amicitiam Majeftatis veftræ , quam facra fædera inter
Polonia Boruffiæque regna firmare , juftitia benevo-
Lentiâque veftræ Majestatis folidare. Ad eamdem magis
magifque promovendam , haud parum prodeffe
credidimus , fi majorum , noftraque profequentes exempla,
fincerioris voluntatis nostræ in aula Majeftatis
veftra Legatum Extraordinarium & Minist un Ple
nipotentiarium noftrum haberemus ; ad obeundumque
hoc officium , aptum , generofum Principem Jofephum
Czartoryski , Dapiferum Magni Ducatus noftri
Lithuania , communi ftatuum vozo judicavimus , &
inlè propenfionem animi Majestatis veftræ affecuturum
effe certiffime confidimus . Huic igitur generofo
Principi Czartoryski , fidem publicam à Majeftate
veftrâ impertiri decrevimus , enixè rogantes, ut eidem
facilem ac benignum acceffum prabere , iisque omni
bus , qua ex mandatis noftris , ftatuumque Reipu
e vj
( 108 )
blicæ expofiturus est , plenariam fidem tribuere velis.
Uti verò eumdem benevolentiæ Majestatis vestræ de
meliori modò commendamus ; ita fummum Numen
fupplices veneramur , ut Majestatem veftram incolu-,
тет , &diùfalvampro bono Populi fui Gentiumque
neceffitudinis , ac vicinitatis nexu conjunctarum, sener.
dignetur. Dabantur Varfaviæ , die 19 menfis
januarii, anno Donini 1789 , regni verò noſtri vigefimo-
quinto anno .
S. S. a accrédité auprès de notre Cour,
en qualité de Chargé des Affaires du St.
Siège , le Comte de Guiccioli, Auditeur
de la Nonciature de Cologne , arrivé
en cette Capitale depuis quelques
jours. {
De Vienne , le 28 février.
Peu de Seigneurs étoient plus généralement
aimés , et laissent à leur mort
des regrets aussi universels , que le
Prince Charles de Lichtenstein. Les
fatigues , l'intempérie , la dernière campagne
où il fut dangereusement blessé ,
avoient altéré chez lui les principes de
la santé. Il est décédé le 21 , à l'âge de
59 ans , étant Feld-Maréchal , Colonel
Mun régiment de Chevaux-légers , Commandant
de cette capitale et de la
Basse-Autriche, et Chevalier de la Toison
d'Or.
L'Ordonnance de l'Empereur , annoncée
depuis six ans , concernant la répartition
des Contributions territoriales , a
été rendue le 10 , et publiée le 16. Ses
dispositions méritent d'être connues ,
(109)
comme chapitre de comparaison , et
comme devant tenir place dans l'Histoire
de la Législation Economique.
« Nous JOSEPH II , &c. &c. &c.
<<L'arpentage des terres& le calcul de leur produit,
ordonné par la patente du 20avril 1785 , en
Bohême, Moravie, Siléſie, Autriche, au- deſſus&
au-deſſous de l'Emb , en Styrie , Carinthie , Carniole
, Gorice & Gradiska , étant achevé , nous
nous trouvons à même de fixer , au moyen de la
connoiſſance acquiſe du rapport des terres , les contributions
auxdépenſes publiques à faire , non-feulement
par de ſimples poſſeſſeurs des terres , mais
auffi par descommunautés entières , des cercles&
des provinces,&de rétablir l'égalité dans la répartition
des contributions, à laquelle on avoitmanqué
juſqu'à préſent. Tousles préparatifs à ces fins étant
déja faits , il n'eft plus queſtion que de preſcrire ce
qui est néceſſaire pour atteindre àun but auffi im-.
portant. >>
De l'Impôt territorial du Souverain.
§. 1. Comme les beſoins de l'Etat auxquels l'impôt
ſur les terres doit faire face, ſont communs:
proportionnellement à toutes les provinces , de
même ces contributions doivent auffi être également
réparties ſans faire aucune réflexion ſur la pro
portion des provinces , ſuivie juſqu'à préſent , qui
étanttrouvée fautive , eſt entièrement abolie par les
préſentes.
§. 2. La contribution fournie juſqu'à préſent ne
fauroît être diminuée à cauſedes beſoins urgens &
de la fécurité de l'Etat ; néanmoins elle neſera aucunement
augmentée par cette nouvelle fous-divis
fion: on ya feulemen: ajouté , pour l'avantage de
l'économie rurale, le produitdes douanes intermé
diaires, qui empêchoient le débit réciproque des
( LIO )
produits de lacampagne entreles provinces ſujettes
au nouveau ſyſtême de contribution , ces douanes,
tombant d'elles-mêmes par l'égalité établie dans la
nouvellerépartition des contributions. Ces douanes
finirontdoncdès quela nouvelle recette des contributions
prendra ſon commencement.
§.3.La recette entière , connue juſqu'à préfent
fous ladénomination de contribution , ainſi que ce
qui a été payé juſqu'à cette heure pour les maifons
Bourgeoiſes , celles de la Nobleſſe&du Clergé,&
le revenumentionné dans le paragraphe précédent
fousle nom de douanes intermédiaires , ſera dorénavant
perçu uniquement comme impôr territorial ,
&réparti fur les terres.
Dans cet objet de contribution , il feroit contre
toute équité&contre tous les bons& incontestables
principes de faire aucune attention ſur le rarg ou
les qualités des poſſeffeurs , d'introduire une diftinction
en conféquence , ou d'en conferver aucune ;
mais onobſervera une entière égalité. Par contre ,
les revenus ſeigneuriaux& l'induſtrie feront entièrement
affranchis.
§.4. Les autres impôts exiſtans , outre la contribution,
fubfifte ont ſans changement :pourtant nous
tâcherons d'introduire auſſi dans cette branche l'égalité
néceflaire dans les provinces.
§. 5. Pour faire face à la fomme totale de la contribution
, on devra , d'après les calculs faits , payer
enBohême , Moravie, Siléſie,Autriche, au-deſſus
&au-deſſousde l'Emb , enS:yrie , Carinthie ,Carniole,
Gorice&Gradiska, 12 fl. 13 kr.& un tiers
dekr. fur 100 fl. de revenu territorial , felon la
déclaration faite& contrôlée.
1
Pourtant,afinde mettredans unejuſteproportion
lesdifférens revenus réſultans des différentes culturesde
laterre , comme champs , vignes , prairies ,
bois & pacages , & afin d'égaliſer l'impofition desi
teries employées de différentes manières , l'évalua
(111 )
tionde 12 fl . 13 kr. & un tiers de kr. priſe pour
fondement , fera fubdiviſée ſelon la diférence &
l'emploi des cultures de la manière ſuivante :
Des champs labourables , des étangs , comparés
aux champs par leur qualité , des vignes , ainſi que
des lacs&des rivières , on paiera 10 fl . 37 kr. &
demi pour cent: des prés&des jardins ,& étangs
affimilés aux prés , 17 fl . 55 kr. pour cent.
Despacages, bocages&forêts ,dans les dernières
defquelles on prend pour meſure le prix du bois ,
après en avoir déduit la dépenſe de la coupe , on
paiera 21 fl . 15 kr. pour cent.
§.6. On a déja eu ſoin de faire remettre à chaque
poffefſeur , par écrit , combien il aura à payer
de contributionde ſes différentes poffeffions.Pendantquatre
ſemaines,après avoir reçu cette déclaration,
il fera permis à chacun qui pourroit avoir
quelques doutes ou quelques remontrances à faire
ſurces déclarations,ou celles d'autres contribuables ,
(qu'il eftpermis à chacun d'examiner ) de déclarer
ſes doutes,&de les propoſer à la commune aſſemblée,
afin qu'elle donne publiquement fon avis , &
yremédie, pour que la recette de lacontribution
puiſſe commencer paiſiblement. Nonobſtant cela,il
eſtréſervé, après qu'on aura reçu la déclaration des
évaluations de contribution ,& après la taxation
effectivedes contribuables,tant individuels,que là où
une circonstance regarde pluſieurs individus, à des
communautés entières,de pouvoir s'adreſſer, felon
l'ordre,premièrement à la Direction qui devra, conjointementavecleJugede
laCommunauté&ſesAffiftans,
examiner la choſe,&donner une déciſion . Si
lesdoutes n'étoient pas encore levés par ce moyen,
ons'adreſfera enſuite au Tribunal du Cercle ,& de
làà la Commiſtion principale nommée à cet effet ,
auffi long-temps qu'elle ſubſiſtera encore , & dès
qu'elle fera levée , après avoir achevé fon travail
, auTribunal du pays. Enfin , on poursade-
:
?
يف
(112)
mander ànotre ſuprême Tribunal le redreſſement
des griefs , qui fera attention de les arranger dans
l'intérieur des provinces , ſelon l'équité& les circonſtances.
§. 7. L'inſpection de la recette des contributions,
làoù les domaines ont pluſieurs ſeigneurs , ne fera
nullement confiée à tous , mais à celui qui fera
nommé à cet effet ,& qui acra un Receveur de
contribution pour un certain nombre de Communautés
qui pourvoiront à fon entretien . La recette
des contributions des différens individus ſe fera
moyennant une légère rétribution tirée , du fonds
de la Communauté , par le Juge que chaque Communauté
eſt autoriſée d'élire.
§. 8. D'après le nouveau ſyſtême de contribution
,& dès qu'il fera introduit , chaque Communauté
eſt reſponſable du paiement de ſa contribution
: à ces fins , chaque Communauté eſt autoriſée
à ſe ſervir du moyen d'une ſubdiviſion proportionnelle
pour alléger , ſelon les circonſtances , les
Contribuans qui ſeroient trop grevés,,&de demander
l'exécution aux Tribunaux des Cercles ,
pour les mauvais payeurs , avant qu'ils foient trop
arriérés.Cette reſponſabilité de la Communedure
juſqu'à ce que le Juge de la Commune ait remis
la contribution de la Communauté au Receveur
Seigneurial . Mais dès que le Receveur Seigneurial
aura reçu la contribution des mains du Juge , la
Seigneurie ſera reſponſable pour le Receveur jufqu'à
ce qu'il ait remis ces fonds à la caiſſe publique
qui lui aura été déſignée , puiſque le choix
de cet Officier , & les précautions à prendre pour
ſa ſûreté , ſont entièrement confiés au Seigneur.
§. 9. Les travaux de la ſubrépartition achevés ,
larouvelle contribution commencera du premier
novembre 1789 , & la détermination des termes
de paiemens aura lieu à commencer de cette
date.
( La fuite au Journalprochain. )
:
( 113)
Le vieux Maréchal de Haddick, ainsi
que nous l'annoncâmes la semaine der
nière , remplace le Maréchal de Lasey
dans le commandement. On présume
qu'il partira pour Semlin dans un
mois. Le Maréchal de Laudhon, dont
la santé est moins mauvaise depuis une
semaine , se rendra à Gradiska à peu près
dans le même temps . D
Les derniers avis authentiquesde Gonstantinople,
annoncent de grands efforts
de lapartddee quelques Puissances , pour
déterminer la Porte Ottomane à la paix
avec les deux Cours Impériales. Nonobs,
tant cela , notre Ministère , à ce qu'on
assure , est instruit que , malgré la perte
doczakol , la Porte persiste dans le
ferme dessein d'entreprendre une seconde
campagne , pour laquelle on fait d'immenses
préparatifs. Quelques lettres
parlent d'une émeute survenue à Constantinople
, et dans laquelle le Palais
du Grand- Visir a été incendié ; mais ces
nouvelles méritent.confirmations ,
Le débordement du Danube a oсса-
sionné dans la Hongrie plus de dégâts
que l'on n'en supposoit ; les nouvelles
à ce sujet sont alarmantes. Les villages
situés le long de ce fleuve sont tous plus ou
moins abîmés ; le district entre Comern
et Raab a été entièrement submergé .
De Francfort sur le Mein, le 10 mars.
Des lettres de Vienne ( peu authen(
114)
tiques ) assurent qu'il en est parti nouvellement
16 bataillons de fusiliers , et
4 de Grenadiers pour la Bohême et la
Gallicie.
On fait circuler l'état suivant des
recrues qui ont été, ou qui seront levées
encoredans les Etats de l'Empereur pour
cette année ; savoir , dans la Bohême
20,000 , dans la Moravie 15,000, dans
l'Autriche 45,000 , dans la Gallicie et la
Buckovine 24,000 , dans les Pays-Bas
18,000, dans la Lombardie 10,000, dans
la Croatie 8,000, danslaHongrie 40,000,
et 20,000 dans la Transylvanie.
Un Journal politique offre les détails ſuivans ,
concernant les forces de terre & de mer du Roi
d'Eſpagne.
L'Infanterie est compoſée de 74,779 hommes;
Lavoir , 62 bataillons Eſpagnols de 42,718 hommes,
6 Irlandois de 4,134, 6 Italiens de 4,134 ,
6Wallones de4,134 , 16 SSuiffes de 11,024,7
de Gardes-côtesde 5,190 , & 5 d'Artilleurs de
3,445.
La Cavalerie conſiſte en 99 eſcadrons compo
ſés de 11,880 hommes , & 54 de Dragons de
6,780 , ce qui fait en tout 18,360hommes.
Les troupes de la Maison du Roi confiftent en
1,830hommes de Cavalerie ; ſavoir , 3 eſcadrons
&3 Compagnies de Gardes- du-Corps , & 4 efcadrons
de Carabiniers , & en 8,468 hommes
d'Infanterie; ſavoir , 6 batai lons de Gardes-Efpagnoles
, autant de Gardes-Wallones , & 200
Hallebardiers. - Le total de toutes les troupes
monte à 103,437 hommes. -Indépendamment
de cestroupes , le Roi entretient encore beaucoup
;
(115 )
de Compagnies Franches , 33 bataillons de Milice
&62 Compagnies d'Invalides.
La Marine est compoſée de 238 vaiſſeaux de
guerre, qui font armés de 8,946 canons : ces vaifſeaux
conſiſtent en 71 de ligne , dont 9 de 112
canons, I de 110 , 3 de 80, 42 de 74 , 7 de 68 ,
2de 64, 4de 58 ; 42 frégates& 16 chebecs : les
autres bâtimens de guerre font de moindre grandeur.
5.
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres, le 10 mars.
:
:
Il ne reste plus d'autre nouvelle à
donner de la santé du Roi, que la confirmation
de son rétablissement absolu .
Samedi et hier , ce Monarque a tenu
Conseil à Kew avec tous les Ministres
du Cabinet. Il a écrit de sa main au Roi
de Prusse et au Prince d'Orange , signé
différentes Commissions , et fait le tra
vail ordinaire avec les Chefs des Départemens.
A l'issue du Conseil de hier , S. M.
monta à cheval , et traversa Richmond
pour se rendre au parc , où la Reine et
les deux Princesses aînées l'attendoient.
Une foule de paysans , et d'autres
gens du lieu ou des environs , entourèrent
le Roi à son départ , en lui exprimant
leur attendrissement et leur
alégresse. Après une promenade de deux
heures , S. M. revint gaie et bien portante
à Kew. Elle doit faire une course
à Windsor , au premier jour.
( 116 )
:'La semaine dernière, le.Lord Chanceer
dans la Chambre Haute , et M.
Pitt dans lesCommunes , ayant notifié
au Parlement qu'ils recevroient le mardi
suiyant ( aujourd'hui) un message direct
du Roi lui-même , les deux Chambres
prirent ajournement en conséquence.
C'est donc ce matin que les Commis,
saires , nommés par Sa Majesté ont
fait l'ouverture de la Session , par un
discours qu'a prononcé le Chancelier
au nom du Roi , et qui porte en substance
:
,
*Que par le ſecours de la Providence , S. M.
eft heureuſement rendue aux bénédictions d'ure
ſanté parfaite; qu'Elle remercie le Parlement , &
ne fauroit trop lui exprimer combien Elle est touchéedes
preuves d'attachement & de zèle qu'il a
données aux intérêts de la Couronne &du Peuple ;
qu'Elle a conclu avec le Roi de Pruſſe un Traité
d'Alliance défenſive , dont copie ſera remiſe à ſes
fidelles Communes : que durant l'été dernier Elle
a fait les plus grands efforts avec ſes Alliés, pour
pacifier le Nord , & qu'on n'a rien omis pour prévenir
une guerre plus générale : qu'enfin , Elle recevoit
des différentes Cours du Continent les aſſurances
de leurs diſpoſitions amicales envers la
Grande-Bretagne. La maladie de S. M. ayant apporté
un grand retard dans les opérations ord
naires des Communes , Elle leur recommande la
plus grande diligence , &fe confie en leur activité
àprendre toutes les meſures néceſſaires au foutien
duGouvernement & au bonheur du Peuple, »
1
La Motion d'Adresse de remerciemensa
été faite dans la Chambre Haute par
( 117 )
LordChesteerrffiieelld, et appuyée par Lord
Cathcart; dans les Communes , par
Lord Gower, et appuyée par M. Yorck,
En considérant la maturité avec la
quelle a été traitée cette dangereuse
et nouvelle question de la Régence ,
le respect religieux que le Parlement
s'est prescrit pour la Loi , pour les
RÈGLES , pour les USAGES , l'imitation
de cette sagesse par toutes les
classes de la Nation d'un bout de l'Angleterre
à l'autre , cette discussion solemnelle
, où les passions ont été forcées
de se taire devant les principes
positifs ; enfin , cette vigilance profonde
à ne pas s'écarter un instant des
bases inaltérables de la Constitution, on
peut apprécier la solidité de ses racines,
Un pareil débat eût peut- être mis en
cendres tout autre Etat , abandonné au
délire de l'opinion , au fanatisme des
nouveautés , et à la turbulente mohilité
d'idées , qui accompagnent les
contentions où les Lois ne présentent
pas un point d'appui certain. Ici , cette
grande et difficile conjoncture n'a pas fait
éleverune rumeur : la Nation, tranquille,
a attendu les décifions du Corps Législatif,
sans le troubler par son impétuosité.
Le Parlement , pesant chacune de ses démarches
, et ne se laissant point échauf
fer par les diatribes et les harangues
n'a pas un instant quitté la ligne tracee
A
(118 )
par les Ministres , affermis de leur côté
sur la connoissance précise des droits
communs ou distincts , mais inviolables,
des parties constituantes de la Souverainete.
LerétablissementduRoin'estpasun évé
nement favorable à ceux quise sontpressésd'abandonnersesintérêts,
etde contrarier
les intentions de la Reine , ainsi que
celles des Ministres , à la faveur desquels
ilsétoient précédemmentattachés. Toute
Administrationdoit pouvoircompter sur
lesMembres qui la composent: les derniers
débats les ont fait passer au creuset,
et la foiblesse des déserteurs du Gouvernement
dans une pareille crise , doit paroître
un titre suffisant de réprobation .
Il faut le répéter à l'honneur du Parlement,
ces apostasies ont été infiniment
peunombreuses. Au pèril de leurs dignités,
de leurs places , de leurs pensions ,
de leurs espérances , presque tous les
Adhérens du Ministère lui sont restés fidèles
, ainsi qu'àlaCouronne etau Peuple.
L'un des Membres les plus remarqués
parmi ceux quiontcru pouvoir tenirune
autre conduite , est le Chevalier John
Aubrey,l'un des Lords de la Trésorerie:
on le dit remercié , et sa place donnée
à Lord Bayham,fils du Comte de Camb
den, et l'un des Lords actuels de l'Amirauté.
On annonce également le congé
du Duc de Queensbury, Gentilhomme
de la Chambre du Roi , dont la charge
(119)
passera , dit-on , à Lord Delaware. Le
Marquis de Lothian perdra aussi , à ce
qu'on croit, le premier régiment des
Gardesd- u-Corps,dont le futur Colonel
sera Lord Dower, ( ci-devant Chevalier
Yorck.)
Ainsi que nous le fîmes pressentir la
semainedernière , les bouillans et pressés
distributeurs de la Régence, en Irlande ,
ont bientôt perdu la Majorité instanta
née dont ils étoient redevables à l'influence
de quelques hommes puissans ,
ambitieux de faire promptement leur
cour à un nouveau Ministère. M. Grattan,
Orateur habile, et pour le moment
Chef de l'Opposition dans les Communes
, ayant voulu , le 25 février ,
pousser ses avantages , en proposant
* d'arrêter une résolution contre les places
et reversions d'offices accordées à des
absens (ce qui n'étoit autre chose qu'une
botte au Vice-Roi , dont le frère , M.
W. Grenville, jouit d'une de ces survivances
), il s'attira une réplique mortifiante
de la part de M. Parsons, qui
lui ferma la bouche : le Procureur-général
ayant opposé à la Motion de Me
Grattan celle d'ajournement , l'Orateur
fut battu par le Publiciste à la pluralité
de 115 voix contre 106. Dans lamême
Séance , on fit lecture d'une lettre des
Députés de la Chambre , chargés de
l'Adresse au Prince de Galles, et de la
réponse de S...Res onel
( 120 )
Nous n'avons pu donner cours à
P'analyse des débats du Parlement d'Irlande
, sur les dernières et étranges résolutions
qui y ont été prises . Dans ces
discussions , néanmoins , l'affaire de la
Régence a été considérée sous une face
nouvelle , et absolument particulière au
régime politique de l'Irlande. Plusieurs
discours , entre autres ceux de M. Parsons
et de M. Fitz-Gibbon, Procureur
général , pourroient être comparés aux
meilleurs prononcés au Parlement d'Angleterre
. Nous connoissons peu de morceaux
plus dignes de la véritable élo- .
quence politique , que la harangue
débitée par le Procureur-général , dans
la Séance du 20, où M. Grattan fit passer
une censure du refus qu'avoit fait le
Vice-Roi , Marquis de Buckingham, de
se charger de l'Adresse au Prince de
Galles. Voici une analyse imparfaite de
ce Discours:
Cette Resolution rendaà fortifier , & fortifie
même ſi ouvertement les pprriinncciippeess pernicieux&
inconftitutionnels de l'Adreſſe votée , qu'en ſuppoſant
que les Communes d'Irlande y accèdent ,
elles prêteront de nouvelles forces au p'an déja
diſpoſé pour une ſéparation entre la Couronne
d'Irlande & celle de la Grande Pretagne, lend
gage donc les Membres de cette Chambre, prêts
àvoter dans cette occafion importante , à faire de
mûres réflexions avant de ſuivre d'un pas deplus
le T. H.MMeemmbbrree,, M. Grattan, dans ſes ſpéculations
mal conçues&téméraires! I
« Je ne croyois pas me trouver encore dans
"
la
( 121 )
la défagréable n'cettité d'abufer de la patience de
la Chambre , en m'appéſantiſſant fur ce fujet';
mais ma confcience me force de rappeler l'attention
aux points ſtatués par la loi & à la co. ftitution
du royaume : par le 23. Statut du règne
d'Henri VIII, le Roi d'Ang'eterre eft , ipso facts ,
Roi d'irlande : par 'a ſeconde claufe de cet ast:
il eſt déclaré & établi en loi , « Que ſi aucuns , οι
« pluſieurs particuliers , de quelque é ar , dignité
« ou condition qu'i's puiffent être , Sujets ou
« domiciliés en Irlande , donnent lieu , rar des
* écrits , des imprimés , ou quelque acte extérieur,
« à ce que Sa Maj . le Roi , ſes Héritiers cu Suc-
« ceſſeurs , foient troublés dans la poſſelſion de la
« Couronne , cu que l'ordre de leur fucceſſi
& foit interrompu , ce particulier ou ces primaliers
feront jugés tra tres , & toute offenfe dee
<<genre estimée crime de haute trahifon. "
Cet acte fut paffé à l'époque où une fastion
angloiſe avoit trouvé moyen de pénétrer , elle
les principes , en Irlande ; au moment enfin u
la maiſon de Fitz Gérald& celle de Butter, épo
fant les intérêts de différens partis anglois, avpien
plongé pluſieurs fois ce malheureux pays dans les
horreurs de la guerre civile. On ſtatua alors que
l'Ir'ande & l'Angleterre ſeroient àjamais réunies
ſous un même Souverain , & que , foit que le Roi
fûr de la maiſon d'Yorck , ou de celle de Lancastre ,
celui qui porteroit 'a Couronne d'Ang'eter eteroit
par cela même , & de plein droit , re adé
comme Roi d'irlande. Que qu'un m'bject-ra-t-il
que la Réſolution préſente parlant d'un Rége t
& non d'un Roi d'Irlande , Pacte de Henri VIII
n'eſt pas applicable aux circonstances actuele ?
Ce n'estpas le ſimp'e nom de Roi , nile Diadê e
dont eſt ceint la tête du Monarque , qui fait l'o
jet de la loi; non : l'objet facré du Statut eſt que
le premier Magiftrat, chargé du pouvoir exé utif ,
Nº. 12. 21 Mars 1789. f
:
( 122 )
:
&le pouvoir exécutif lui- même , foit , dans les
deux pays , un & identique ; en conféquence , c'eſt
pouſſer la folie à fon comble , que d'avancer que
le droit certain & l'ird ſpenſable devoir des Louds
&des Communes d'Irlande eſt de créer , de leur
autorité , un Magiſtrat ſuprême , chargé du pouvoir
exécutif , & qu'ls appellent leur Régent. Tout
homme un peu verſé dans les lois fondamentales
de ce pays , doit reconnoître qu'en donnant
au Magiftrat un autre nom que ce'ui de Régent ,
les promoteurs de cette Réſolution commettroient
directement un acte de haute trahifon. »
Si l'on avoit pu fonder & foutenir un doute
far ce ſujet , d'après le ſens du Statut d'HenriVIII,
l'acte de la quatrième année du règne de Guillaume
& de Marie l'a totalement écarté. La phrafe
de cet acte diffère de celle de Henri VIII , en ce
que l'acte de Guillaume déclare que la Couronne
d'Irlande , ainſi que tous les pouvoirs & prérogatives
appartenans à cette Couronne , feront pour
jamais annexés à celle d'Angleterre , & en dépendront.
"
«Qu'il me foit permis d'apprendre aux Courtry
Gentlemen d'Irlande , que la ſeule action fous
laquelle ils confervent leurs propriétés , la ſeule
garantie qu'ils puiſſent avoir du maintien de l'Etat
&de l'Eglife , eſt la connexion de la Couronne
d'lilande avec celle d'Angleterre , & la dépendance
de la première à la ſeconde ; connexion
&dépendance ſcellées autrefois du ſang le plus
pur de leurs ancêtres. S'ils ſe laiſſent ſéduire par
des ſpéculations fantaſtiques , tendantes à relâcher ,
• à briſer même les liens de cette union , ſous le
ſpécieux prétexte d'aſſurer la dignité & l'indépendance
nationales , je puis leur prédire qu'un
jour ils pateront cher cette erreur , & qu'ils avoneront
, en gémiſſant , que des menées infidieuſes les
ont fait renoncer à l'unique garantie ſous laquelle
( 123 )
1
actede
ils puiſſent eſpérer de garder leurs propriétés , à
l'unique garantie du maintien de l'Etat & de l'Eglife
; vous m'accorderez bien de dire ici une
triſte vérité, c'eſt que, quand nous parlons du peup'e
d'Irlande, nous ne parlons aſſurément pas de la majoritédeſeshabitans.
Il eſt extrêmementpéniblepour
moi d'être forcé de traiter ce ſujet dans cette affemblée;
mais quand je vois le T. H. M. entraîner
les propriétaires fonciers d'Irlande ſur le bord du
précipice , il faut bien que je ſonne l'alarme . Les
familles diftinguées & les gens vivant noblement
( Gentry) de ce royaume , ont été cruellement
traités . L'acte duquel la majeure partie d'entre
nous tient ſes poſleſſions , futun violence ,
un acte qui renverſoit ouvertement les premiers
principesde la loi commune ( Common Law) d'Angleterre&
d'Irlande. Je parle de l'acte d'établiſſement
paflé dans ce pays immédiatement après la
reſtaurationde Charles II : il inveſt t la Couronne
des poſſeſſions de tous les individus, de la fortune
deſquels on avoit diſpoſé pendant la rébellion de
1641; il met les anciens propriétaires dans la néceffité
de prouver qu'ils n'ont pas été coupables
de haute trahiſon , pour qu'ils puiſſent ſe ſouſtraire
àlaconfifcation& aux amendes. Par les principes
fondamentaux & facrés de la loi commune , ces
peines néanmoins ne peuvent être encourues qu'autant
qu'on eſt réellement atteint & convaincu .
Afin donc que ces Meſſieurs connoiſſent toute
l'extenſion qu'on leur a donnée , je leur dirai que
juſqu'au dernier acre de terre de cette contrée,
qui paie une rente féodale à la Couronne , tous
font poſſédés en vertu d'un titre qui dérive de
l'acte de l'Établiſſement : d'après cela , j'eſpère que
les Membres de l'Oppoſition regarderont comme
un ſujet digne de leur examen , de ſavoirjuſqu'où
il peut être prudent de pourſuivre les prétentions
ſucceſſives à l'indépendance abſolue , propoſées
fi
(124)
pour l'Irlande par le 1. H. M. Aufli long-temps
que nous nous contentcrons de la conftitution
fxée en 1782 , que nous profite.ons de toutesles
conjonctures favorables pour cimenter l'union entre
les deux Couronnes , & pour cultiver l'affection
& la confiance de la Nation Britannique , je promets
à ma patţie la paix , le bon ordre& la profpéité
; mais que , dans un moment de frénéfie ,
les deux Chambres du Fariement d'Irlande faciifient
leur liaison intime avec l'Angleterre à la
pouriuile de fantômes chimériques , je ne réponds
pas que nous ne voyions peut-êue encore une fois
l'Irlande redevable à une armée Angloiſe , dela
reftauration de fa liberté civile & religieufe. Je
vous le demande ? Qui vous garantit a continuation
de votre bonne intelligence avec l'Angleterre
, fi nos deux Chambres portent leurs prétentions
juſqu'à vouloir faire reconnoître comine
un droit incontestable & excutif , le pouvoir de
créer un Mag fhat fuprême , chargé de la puiifance
exécutive pour l'ilande , & fi elles l'orent
inveſtir , de leur propre autorité , de toutes les prérogatives
royales ? Votre fécurité , Mefleurs , n'est
fondée que fur la fermeté & la prudence du Parlement
d'Irande , qualités qui (j'aime à en convenir
) ne ſe ſont point démenues jusqu'à ce moment
délicat. Mas fi la loide votre pays établit
une autre garantie de cette hanon intune ; fi, par
/ cette même loineconnue de votre pays , il faut la
ſanction du grand ſceau d'A gleterre à un acte
quelconque , deſtiné à autor fer l'exercice du pouvoir
royal en Irlande , pouvez-vous ſuppoſer que
laNation Britannique ſe foumette patiemment aux
prérogatives que réclame aujou. d'hui le Parlez.ent
d'Irlande? "
<<Non , non, Meſſieurs , &j'oſe vous dire que
fi nous perfiſtons à revendiquer le droit prétendu ,
le fou de la difcorde s'allumera plus vivement que
(125 )
jamais entre les deux Nations. Faifons , pour un
moment, la ſuppoſition abſurde que l'Adreſſe des
deux Chambres du Parlement puiſſe inveſtir le
Prince de Galles de l'autorité royale en Irlande ,
pourquoi cette même Adreſſe ne pourroit-elle pas
déléguer le même pouvoir à Louis XVI , actuellement
fur le trône de France , au St. Père , ou
à l'honorable Membre qui a fait la Motion? "
*« Nous avons déja voté une commiſſion d'Ambaffade
chargée de préſenter notre Ad eſſe au
Prince de Galles , de lui offrir la plénirude du
pouvoir royal dans ce pays , & de lui demander
de l'exercer par fon autorité , ou par la nôtre.
Ma's quand nos Ambaſſadeurs auront rempli leur
miflion , comment S. A. R. fe conduira-t-elle à
leur égard ? Y a-t-il en Angleterre un feul homme
que le Prince appelle à le conſeiller fur ce point ,
qui oſe lui dire que l'Adreſſe des Pairs & des
Communes d'Irlande peut lui conférer ſeulement
une ombre de royauté ; un ſeul homme qui ſe
hafarde à lui dire d'accéder aux termes de l'Adreſſe
, & de prendre fur lui l'exercice des ponvoirs
attachés à la Couronne , en vartu delateole
autorité des Pairs & Communes d'Irlande ? Je le
demande encore , Meſſieurs , y a-t-il en Ang'eterre
un ſeul homme qui ofe annoncer à S. A. R.
qu'une pareille Adreſſe lui donne le commandement
du grand ſceau d'Ange erre pour Pulage
cuGouvernement Irlandois , & qui , après avoir
donné ce confeil , ait la hardieſſe de ſe charger
d'en répondre à la Nation Britannique ? Eh bien !
moi , j'uſe garantir qu'il n'y a pas dans toute l'Angleterre
un ſeul homme honnête & judicieux qui
ne diſe à S. A. R. que les Pairs & Communes
Ilande n'ont pas le plus léger droit à pourvoir
de leur autorité au Gouvernement exécutif en
Irlande : en tonféquence , je crois que leT. H. M.
auroit fait fagement d'attendre la réponſe du Prin e
finj
f
( 26 ) :
de Galles à cette Adreffe , avant de preſſer une
Réʻolutionultérieure , qui annonce des prétentions,
repouffée infailliblement par tous les gens ſages &
honnêtes des deux pays. "
«Qu'on me permette de rappeler à la réflexion
du T. H. M. la réponſe qu'il a faite aujourd'hui
cuand on lui a demandé - ce que feroient nos
Mandataires , ou comment ilfaudroit qu'ils ſe core
duifhilent , en ſuppoſant qu'ils arrivaffent avant que
le Prince de Galles fût inveſti de la Régence d'Angleterre
?- Le T. H. M. a répondu qu'il étoit
preſque fûr quele Princeferoit revêtu de la Régence
avant leur arrivée , & qu'ainfi la difficulté n'exifteroit
pas. Le T. H. M. avoue donc qu'il peut ſe
trouver des difficultés dans l'exécution de l'Ambaſſade
Irlandcije ; mais , d'après fon calcul , il
femble eſpérer qu'on ne les rencontrera pas. >>>
«Tout le cours de cette affaire a été marqué
par un manque de modération & d'examen trèsfâcheux
pour ce pays; il ſemble que la Providence
ait permis que cet eſprit de vertige ſe ſignalât le
jour même où les Médecins de Sa Majesté avoient
déclaré qu'Elle manifeftoit des ſymptômes évidens
de convalefcence. Non- contens de cette folle décifion
, nous votons , le même jour encore, une
Adreffe au Prince de Galles , pour lui faire prendre
les pouvoirs du Gouvernement dont le Roi étoit
légitimement revêtu ; & de peur que quelqu'un
n'eût le temps de revenir fur cette étourderie , on
faittoujours , dans la même journée , le rapport de
la Réſolution & de l'Adreffe à la Chambree , qui
agrée fur - le - champ l'une & l'autre . Ce n'eſt
pas tout ; nous ſommes convoqués aujourd'hui
pour voter une Réſolution encore plus abfurde
&plus folle , s'il eſt poſſible , que la première ;
enun mot , pour légaliser une cenfure contre
Lord Buckingham , parce qu'il ne veut pas envoyer
officiellement enAngleterre les réſultats de
(127 )
nos délibérations inconſidérées. Eh bien , Meffieurs
, fi Lord Buckingham avoit fait paſſer cette
Alreffeen Angleterre , il auroit enfreint ſon ſerment
d'allégeance ; il pouvoit vous en faire crûment
le reproche ; il lui étoit aiſé d'étab'ir ſa
propofition: mais quelle a été ſa réponſe à vorre
meſſage ? Que d'après ſamanière de veir fur
« le devoir de ta charge & les obligations con-
« tractées par fon ferment , il lui étoit impoffible
« detranſmettrevotreAdreffe au Prince deGalles.»
Où eſt donc là ce grand crime contre votre digaité?
La Chambre ne fait-elle pas que le Lord Lieutenant
d'Irlande agit ſous l'autorité d'une commiffion
qui lui eſt donnée en Anglet erre , &fous des
instructions ſecrètes deSaMMaajesté, auxquellesileft
obligé d'otéir au péril de ſa tête ? La Chambre
connoî:-elle ces inſtructions ? Et fi elle ne les cornoît
pas , veut- elle prendre une Réſolution hoftile
contre laGrande-Bretagne , hoftile contre la
Laifon, des deux Couronnes , pour fonder une cenfure
qui frappe le Repréſentant du Roi ? Et cela ,
parce qu'il vous répond modérément qu'il ne peut
agir contra lictoirement à ce qu'il regarde comme
fon devoir officiel , & enfreindre le ferment de ſa
charge ! Permettez- moi de vous le dire ; file Marquis
de Buckingham pouvoit empêcher l'Adreſſe,
quenous avons votée, de parvenir enA g'eterre,
il mériteroit l'éternelle reconnoiſſarce de la Nasion
Irlandoife; car fi cette Adreſſe arrive jamais
juſqu'au Prince de Galles , il eſt impoffible qu'il
fe trouve en Angleterre un homme affez impudent
pour confeiller à S. A. R. d'agir d'après fa
teneur. »
«Depuis dix-sept jours , Sa Majeſté va toujours
de mieux en mieux : d'après les derniers bu'-
letins , il n'y a p'us lieu de douter qu'Elle ne ſe
rétab iſe entièrement , & en peu de temps. Suppoſez
donc qu'ily ait un ſecond examen deMédcfiv
(128 )
ens , ate que Sa Majesté eſt en état de
reprendre le toin des affaires publiques ,&que nos
Ambulateurs, en arrivant à Londres , rencontrent
far leur chemin Sa Maj. ſe rendant au Par'ement,
ou ſeulement qu'ils apprennent qu'Elle ſoit prête
à s'y rendre , - qu feront-ils ? Supprimeront-ils
lears lettres de c éance pour regegner furtivement
l'irlande ? ou préſenteront-ils notreAdreffe
au Prince ? Ce dernier parti pourroit bien êtreune
expérience dangereuſe; on pourroit le regarder
comme un acte formel de trahifon contre le Roi ,
pour lequel je ne trouverois pas étonnant qu'on
arrêtât nos Ambassadeurs commetraîtres à laCouronne
de la Grande-Bretagne. Il eſt doncpoffible
que cette Ambaſſade folemnelle n'aboutiſſe qu'à
voir les Mandataires des Pairs &Communes d'Irlande
revenir l'oreille baſſe vers leurs Maîtres ,
avouer triftement qu'ils ſe ſont enfui ſans exécuter
leur commiflion , de crainte que la Justice de
Middleffex ne leur fit mettre la main ſur lecollet,
Vous n'avez donc , Meſſieurs , qu'un parti raifonnableàprendre
: a. tendez que le Prince de Galles foit
nommé Régent ,& enfuite vous reconnoîtrez fon
autorité par un acte de la Législature , en luidonnant
autant d'étendue que vous le jugerez néceffaire
au bien de ce pays. "
« Qu'il me foit permis d'ajouter que , comme
il n'y a pas de Jurifconfulte dans ce royaume ( &
j'oferai en dire autant de l'Angleterre ) qui pît
furlui d'aſſurer qu'une Adreſſe des Pairs & des
Communes d'Irlande peur conférer les pouvoirs
royaux; comme les perſonnes qui font autorité
chez nous par leurs connoiſſances dans les lois, ont
proteſté contreun te principe ,& que dans le fait
tous lesMembres de la Chambre Haute, qui ost
donné leur confentement àcette Adreffe , ont prétendu
qu'i's n'y donnoient d'autre va'eur que cele
dun compliment , d'une marque de reſpect , d'une
( 129 )
invitation au Prince d'accepter proviſoirement s
pouvoirs qui lui ſe oient accordés poſtérieure
par un acte du Parlement; comme tout individu
raifonnable a abandonné l'acte , en tant qu'on a
voulu qu'il conférât réellement le pouvoir , qu'il
mefoit permis , dis-je , Meſſieurs , de vous avertir
que nous ferions un acte de démence de mettre
les deux royaumes aux priſes , en preſſant la
Réſolution propoſée par le T. H. M.; Réſolution
qu'il avoue lui-même n'avoir d'autre but que de
motiver une cenfure contre le Lord Lieutenant. Si
les Membres de la Majorité trouvent quelque
plaifir à mortifier le Marquis de Buckingham ,
parce qu'il a refufé , pour leur complaire , de renoncer
à fon ferment d'allégeance envers le Souverain
, que ces Meſſieurs ſe donnent ce p'aifir ,
mais fans y être autoriſés par la Réſolution actuellement
débattue; car quoique ce ſoit toujours avec
peine que je vèrrai le Parlement d'Irlande aux priſes
avec le Repréſentant du Roi , je regarderai ceper
dant toujours comme une choſe d'une conféquence
beaucoup plus ſériente , de foulever le Parlement
d'Irlande contre la Nation Angloife , für que ma
Patrie ne peut que perdre dans une pareile conteſtation..
La Lady Juliana , vaiſlean freté par ordre du
Gouvernement , pour transporter les Criminels à
la Baie Botanique , a achevé de prendre fon chargement
, & il ſe rendra à Portsmouth dans le
courant de la ſemaine , pour prendre à fon bord
les Criminels & les Soldats de Marine. Ce bâtiment
doit embarquer 250 Malfaiteurs.
On se rappelle que le vaisseau le
Bounty , commandé par le Capitaine
Bligh, partit à la fin de 1787 , sous les
auspices de S. M. pour aller à Otahitis
et transporter à la Jamaïque et à St.
fy
( 130 )
Vincent , le végétal utile connu sous le
nom d'arbre àpain. (Bread fruit. ) Un
Officier de ce bâtiment vient d'envoyer
ici la relation suivante de la première
partie de son voyage:
b
:
:
De la Baie de Simon , a Falfe - Baie , Cap de
Bonne-Espérance , le 17 juin 1788.
«Nous avons quitté Ténér ffe le jeudi to jan
vier , après y être reſtés quatre jours. Après avoir
dépaffé l'île de Santa-Crux , nous avons mis le
cap à l'oueft pour attérir ſur les côtes du Bréſil .
Nous avons eu un très-beau temps & abondance
de poiſſon , juſqu'au trentième deg. de lat. méridionale.
»
«Le famedi matin 16 février , nous eûmes
connoiffance d'une voile que nous arraifonnâmes
le lendemain matin ; c'étoit un Baleirier de la mer
du fud , deftiné pour le Cap deBonne-Epérance.
Quelques jours après nous quiftâmes la route du
N. E. ,& entrâmes dans les vents variables . Nous
y éprouvâmes du mauvais temps , qui nous maltraisa&
nous fit regretter la belle zone que nous
venions de quitter. Le nombre de baleines que
nous vîmes , en longeant la côte de la mer méridionale
, eft prodigieux. Il en venoit ſouvent deux
ou trois le longdu bord , toujours au vent du vaiffeau,
& qui nous inondoient en faiſant jaillir l'eau
par leurs évents. Elles devenoient quelquefois fi
incommodes , que nous étions forcés , pour les
éloigner , de leur tirer des coups de fufil à balle :
eles en recevoient quelquefois trois avant de bouger.
Le ſamedi matin 23 mars , à deux heures ,
nous eûmes connoiſſance de la terre de feu , qui
nous reſtoit au S. E. , & par ce giffement , nous
nous trouvâmes à la vue de la terre , au-delà du
Cap San-Diego , & par conféquent trop éloignés
au vent de la terre des Etats , pour tenter de dé(
131 )
bouquer par le détroit de la Maze , attendu que
le vent étoit au S. O. , ainſi nous virâmes de bord
le cap à l'Eſt, »
<<Amidi , nous aperçûmes la partie orientale
de la terre des Etats. Cette terre eft extrêmement
élevée , & les ſommers des montagnes paroiffent
être de roche ; la plupart étoient couverts de
neige , & offroient un afpest fort triſte Les ſeuls
habitans qui ſe trouvent fur ces côtes , & que
nous vîmes en très-grand nombre , étoient des
veaux-marins , des marfouins &des baleines ; les
oiſeaux étoient des canards fauvages , des albatro
ſes , des moutons ou quebranta-hueſſos ,&beaucoup
d'autres oiſeaux de mer. Le Cap St.-Jean ,
qui en eſt la pointe orientale , ſe trouve par les
54d. 47 m. de lar. méridionale ,& par les 63 d.
47m. de long. occidentale . Nous eûmes affez be u
tem son ou deux jours ap ès avoir quitté la terre ,
mais auſſitôt que nous l'eûmes perdue de vue
nous commençâmes à éprouver les rigueurs du
climat du Cap de Horn . Depuis le 25 mars ju
qu'au 18 avril , nous eûmes in ouragan preſque
continuel , qui ne ceffa point quatre heures de
fuite. "
«Pendant les 29 jours que nous battîmes la
mer à la hauteur du Cap , nous eûmes les plus
violentes tempêtes , & je puis dire , avec vérité
que le vent ne reſta pas à l'Eſt douze heures
pendant ce temps. Toutes les voiles que nous
mîmes dehors furent les huniers , tous les ris pris ,
mais généralement les baſſes voiles , tous les ris
dedans , lorſque nous n'étions pas à la cape. Nous
primes quelques oiſeaux que l'on trouva délicieux ,
&nous fimes un pâté d'un albatroſſe , que l'on
mangea avec plaifir , quoique cet oiſeau eût un
goût très-poiffonneux. Ayant été pris à cent lieues
au large , après avoir combattu inutilement les
vents pendant trois ſemaines , notre vaiſeau ſe
:
fvj
( 132)
trouva avoir tant d'eau que l'on étoit obligé de
pomper toutes les heures. Un grand nombre de
nos mate'ots étoient tombés malades par la ſévérité
du temps & le manque de repos , puiſqu'il
ne ſe paſſoit pas de nuit que l'on n'appelât tout
le monde ſur le pont. Dans cette ſituation , le Capitaine
jugeant qu'il étoit dangerenx & inutile de
perdre tant detemps , prit , le 18 avril , le pari
de virer de bord,& faire route pour le Cap de
Bonne Eſpérance , réfolution qui combla de joie
tout l'équipage. Depuis cejour juſqu'au moment
cù nous attérîmes , nous eûmes conſtamment le
vent de 'a partie de l'ouest , de manière que
nous n'avors mis qu'un mois &trois jours à traverſer
l'Océan entre les deux caps ( 1) ;& c'eſt , je
crois, l'une des traverſées les plus promptes que
l'on ait faite : nous la devons aux bonnes qualités
du Bounty. H ne marche pas extrêmement vite ;
ſa plus grande marche eſt de huit ou neuf noeuds
par heure; cependant il fila une fois dix noeuds
avec le vent largue , qui eſt tout ce qu'on peut
defirer. Nous eûmes connoiſſance de la terre de
Ja Rable , le 23 mai ,& nous mouillâmes dans
Falfe-Baie le lenderra'n. »
(1) La diſtance du Cap de Horn au Cap de
Borne Efpérance , eſt de 4,052 milles. La traverfée
faite en trente-trois jours,donne 123 milles
pas jour , cus milles un dixième par heure. La
diſtance du Cap de Bonne-Eſpérance à la baied'Aventure,
terre de Diemen , est de 6,032 milles .
D'Aventure au détroit de Cock , à la Nouvelle-
Zélande , on compte 1,262 milles , &du détroit
deCookà Otahiri 2,39 milles. Ainfi , la diſtance
da Cp de Bonne - Eſpérance à Otahiti , eſt de
9613 miles ; & du Cap de Horn à Orahiti ,
par le Cap deBonne-Efpérance , qu'aura parcouruleBounty,
il ya13,665 milles.
( 133 )
«Nous comptons la quitter dans quirze jours
environ, & faire route pour la terre de Van-
Diemen , où nous ferons de l'eau& du bois , delà
à la Nouvelle-Zélande , & puis à Otahiti. n
«Je ſuis tenté de croire qu'il n'y a point de
mer ſur le globe qui puiſſe être comparée à
celle du Cap de Horn , pour la hauteur & la
longueur des lam s. Les plus anciens Matelots
que nous euffions àbord , avouoient n'avoir jamais
rien vu de pareil , & nous aviors pourtant pour
Canonnier M. Peckover , qui a fait les trois voyages
du Capitaine Cook. »
1
« Il n'y a que quatorze bâtimens dans cette
baies l'un d'eux est fort long , & confifte en des
magafins. Falfe-Baie n'eſt fréquenté que dans la
fai'on des vents de N. E. & l'on eſtime dangereux
de refter dans Rab'e-Baie après le rer.
mai. Le Cap Falſe&le Cap de Bonne-E'pérance ,
àl'ouverture de la baie , cui eſt de fix lieues ,
giffent preſqueEſt&Oneft corrigés . La baie dans
laquelle nous sommes mouillés , eſt à environ
onze milles du Cap de Ponne-Eſpérance , fur le
bord occidental de Fa ſe-Baie , & c'eſt la ſeule
dars laquelle on ſoit en sûreté. Quoiquel'on puiſſe
trouver un mouillage en dehors , la rade eſt trop
couverte , fans compter qu'on ne pourroit pas s'y
procurer , comme en dedans , les approvifionnemers
dont on beſoin. Il ya fort peu d'habitans
ici , & les moindres choſes y font envoyées en
chariots de la ville du Cap : ily a un quai fort
commode à l'uſage des vailleaux. - Je vous envoie
cetre lettre parun vaiſſeau Ma chand françois ,
destiné pour l'Orient; nous nous portons tous
bien. «
FRANCE.
De Versailles , le 12 mars.
Le Roi a accordé au Comte de Luface la pro(
134 )
priété du Régiment de Huſſards , vacante par la
mort du Marquis de Conflans .
M. de Vaucreſſon , premier Préſident duGrand-
-Confeil , a , le premier de ce mois , prêté , en
cetre qualité , ferment entre les mains du Roi.
Le même jour , le Comte d'Argenſon a aufli
prêté ferment entre les mains de Sa Majesté pour
la Lieutenance- générale de la Province de Touraine
, qui étoit vacante par la mort du Marquis
de Vover.
La Marquiſe de Forbin d'Oppède , la Vicomteſſe
de Vaſſan , la Comteſſe Edouard de Menards
, ont eu l'honneur d'être préſentées à Leurs
Majesté & à la FamilleR yale, la première, par la
Comteſſe de Janfon ; la ſeconde , par la Comteſſe
deLigny,& la troiſième, par la Dicheſſe deMaillé.
Le Vicomte du Puy-Malgueil & le Chevalier
de la Rivoire de la Tourrette , qui avoient eu
l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu , le 3 ,
celui de monter dans les voitures de Sa Majesté ,
&de la fuivre à la chaſſe,
Le8 , M. le Comte d'Oels a pris congé
de Leurs Majestés et de la Famille
Royale.
Leurs Majestés et la Famille Royale
ont signé , ce jour, le contrat de mariage
du Comte Duplessis-Châtillon , avec Mademoiselle
de Cassagnes de Beaufort de
Miramon.
Le même jour , la Comtesse de Barbançois
a eu l'honneur d'être présentée
au Roi , à la Reine et à la Famills
Royale , par la Duchesse de Richelieu .
De Paris , le 18 Mars .
Edit du Roi , du 10 juillet 1788 , por(
135 )
tant création de six millions de Papiermonnoie
pour les isles de France et de
Bourbon .
Les nouvelles Lettres de Convocation
sont pour la Provence , le Béarn , le
pays de Bigorrè , le Hainault , l'Artois, le
pays de Rivière- Verdun , le pays de
Cominges , et trois Réglemens particu
liers pour quelques Bailliages. Les seules
Lettres qui restent sont celles de la Bretagne
, du Dauphiné et de Paris .
La Noblesse des Etats particuliers
<<du Comté de Mâconnois , convoquée
<< par M. Desbois , Grand Bailli dudit
<< Comté , et assemblée à Mâcon , le 8
<<du mois de février , pour délibérer sur
<< les objets généraux et particuliers qui
<< intéressent la nation et la province ,
* considérant que son titre le plus cher
<<est celui de Citoyen , et qu'en cette
<<qualité elle doit faire tous ses efforts
<<pour cimenter une union solide et du-
<<rable entre tous les Ordres de l'Etat ,
<<union absolument nécessaire pour for-
<<mer une bonne constitution , a unani-
<<mement délibéré par acçlamation , et
<<formé le voeu solemnel de partager
<< avec ses Concitoyens du Tiers-Etat ,
<< toutes les charges et impositions gé-
<< nérales de la province, sans aucune
<< exemption pécuniaire , et dans la juste
<< et égale proportion de sa fortune ; ne
<< se réservant que les droits qui font
<<partie de ses propriétés, et les hon(
136 )
<<neurs et distinctions nécessaires dans
<<toute Mornachie , dont elle veut se
conserver le noble usage pour le ser-
<<vice du Roi, la défense de la Patrie ,
<et le maintien des Lois. Invitant l'Or-
<<dre du Clergé , et la classe nombreuse
<<des Privilégiés non Nobles , à former
« le même voeu , pour que toute la na-
* tion , ainsi réunie, allège le fardeau ,
< en le partageant également. »
L'Ordre de la Nobleſfe du Bailliage deClermont
enBeauvoiſis , retiré dans la Chambre de ſonAfſemblée
particulière , en vertu de l'article 40 du
Réglement fait par le Roi pour l'exécution des
Lettres de convocation , conſidérant queles Membres
font citoyens avant d'être nobles , & voulant
donner à ſes concitoyens du Tiers-Erat une
preuve du défir loyal & franc qu'il a de cimenter
l'union entre tous les Ordres , s'eſt empreſſé de
prononcer , par acclamation , le voeu folemnel
de fupporter , dans une parfaite égalité & chaeun
en proportion de ſa fortune , les impôts& contributions
générales de la province , ne prétendant
ſe réſerver que les droits facres de la propriété ,
&les diſtinctions néceſſaires dans une Monarchie ,
pour pouvoir plus efficacement foutenir les droits
& la liberré du Peuple , le reſpect dû au Roi&
à"autorité des Lois.
La Nobleſſe a de plus arrêté que cette Dé'ibération
fero,t le premier article de l'inſtrustion
donnée à ſes Députés pour les Etats-Généraux.
L'Ordre de la Nobleſſe a encore arrêté d'envoyer
une Députation à l'Ordre du Clergé pour
lui faire partde cette Délibération &lui propoſer
d'y adhérer , & joindre en conféque ce une Députation
à la ſienne , pour, de concert , al'er en
faire la Déclaration à l'Ordre du Tiers aſſemblé.
( 137)
Le Clergé ayant adharé à cette Délibération ,
les Députations des deux Ordres en ont éré faite
au Tiers la déclaration. L'Ordre du Tiers a evoyé
fur-le-champ une Députa ion aux deux
Ordres avec la déclaration fuivante :
« Le Tiers-Erats, connoiſſant les ſentimensgenéreux
qui animent le Cergé & la Nobleſſe ,ra
pont été furpris d'apprendre le réſultat de leur
Délibération , par laquelle its conſentent de paver ,
ave: le Tiers , le fardeau des impofitions. Trèstouché
cependant d'avoir vu que c'étoit là le
premier emploi qu'ils avoient fait de leur réunion ,
&de l'attention que les Ordres ont eue de
l'en inſtruire fur-le- champ , le Tiers leur adreſſe la
préfenteDéputation pour leur en faire fes remercî--
mens , & les aſſurer que cette eſpèce d'Aſſociation
avec le Tiers n'a fait qu'augmenter ſa vénération
pour le Clergé& la Noblefle ,&qu'il ne s'écartera
jamais de ce qu'il doit au rang & à la naiſſance.>>
Nous venons de recevoir une réponse
à la lettre de M. le Vicomte de Châtenay,
insérée dans ce Journal, il y a
quinze jours ; réponse à laquelle nous
devons une prompte publicité. En remerciant
les personnes qui nous confient
leurs opinions sur des questions
aussi délicates et aussi importantes , nous
prendrons la liberté d'inviter ceux qui
adopteroient ce genre de notoriété , à
écarter de leurs lettres les expressions
d'aigreur et les personnalités qui nous
priveroient de l'avantage de pouvoir
décemment communiquer à nos Lec
teurs des discussions intéressantes .
Dijon, le 11 mars 1789.
Monfieur ,
«Vous avez inféré dans le Mercure la lettre
( 138 )
adreſſée par M. le Vicomte de Châtenay à l'Aureur
du Journal général de France, à l'occaſion de
la-Requête préſentée à Sa Majetté par le Tiers-
Etat de Dijon: j'attends avec confiance de votre
impartialité que vous voudrez bien y inférer également
ma reponſe à cette lettre. J'ai deux titres
pour répondre à M. de Châtenay; le premier ,
commeAvocat , dont tout l'Ordre eſt violemment
attaqué par ce Gentilhomme; le ſecond , comme
Rédacteur de la Requête qui a donné lieu à ſa
lettre. >>>
« Le début de cette lettre contient une double
erreur ; ç'en est une que de faire croire que cette
Requête eſt uniquement celle des Avocats de Dijon :
elle appartient à tout le Tiers-Etat de cette capitale;
tous les Corps dont il eſt compofé , l'ont
adoptée & ſouſcrite : elle appartient auſſi à tout
le Tiers-Etat de la province , à une grande partie
du Clergé , & à un nombre conſidérable de Gentilshommes
qui y ont adhéré ; et pour acquérir ces
adhéſions , nous n'avons pas eu beſoin , il ne nous
eſt pas même venu à l'idée defaire courir un émisfaire
dans laprovince. »
«C'eſt une autre erreur que d'avancer que
long-temps avant que cette Requêtefût même projetée,
l'Ordre de la Nobleſſe avoit fait la déclaration de
renoncer à toutes ses distinctions pécuniaires. La Requête
du Tiers-Etat de Dijon eſt du 18 janvier ;
la déclaration que vous avez imprimée à la ſuite
dela lettre de M. de Châtenay , n'a été publiée que
le 26 du même mois. Juſqu'à ce jour, la Noblesse,
ou plutôt 60 Gentilshommes qui croyoient pouvoir
ſtipuler pour tout l'Ordre de la Nobleſſe ,
n'avoient encore offert que de contribuer aux impôts
confervés & accordés par les Erats-Généraux ,
cequi necomprenoit ni les charges publiques , ni la
contribution à raiſon des facultés , auxque les ces
( 139 )
Meſſieurs, déc'aroient hautement qu'ils n'enten--
doient point ſe ſoumettre. ( 1 ) . »
« M. le Vicomte de Châtenay prétend que la
Nobleffe n'a pas pu protéger le Tiers -Etat , parce
que les Représentans dela Nobleſſe aux Etats de la
province n'étoient point légaux. »
" Il s'en faut de beaucoup , en effet, que la Ncb'eſſe
ait jamais protégé le Tiers-Etat ; mais ce
n'eſt point par la raiſon qu'apporte M. le Vicomte.
Il fait très-bien que la Nobleſſe n'affinte point à
nosEtats par Repréſentans , & que tout Gentilhomme
qui a cent ans de Nobleſſe y vient s'il le
jugeàpropos. »
" SelonM.leVicomte, ce n'eſt plus qu'un ſeul,
Ordre de Citoyen qui réclame , et ces adverfaires de
laNobleſſen'ontpoint de bonnefoi , car ilsne paient
pasplus que la Noblesse. »
« Ces Citoyens que l'on traite ſi mal , ce font
les Avocats au Parlement de Dijon. Il feroit long
de détailler ici la cauſe honorable de la haine que
quelques Nobles leur ont vouée. Je me contente
de remarquer feulement que la preuve que M. le
Vicomte rapporte de leur prétendue mauvaiſe-foi ,
eſt au contraire la preuve la plus éclatante de
leur franchiſe&de leur déſintéreſſement. Il y a
en effet parmi eux un très-grand nombre de Privilégiés.
En s'uniſſant à leurs Concitoyens pour
demander l'abolition des Priviléges , ils ont donc
agi contre leur propre intérêt.
(t) Il ſeroit trop long de rapporter la preuvede
tous ces fairs ; mais on la trouvera dans deux imprimés
ayant pour titre: l'un , Récit de ce qui s'eft
paffé entre MM. les Gentilshommes afſfemblés à Dijon,
& l'Ordre des Avocats de la même ville ; l'autre ,
Procès-verbal de la Nobleſſe de Bourgogne. On la
trouvera auffi dans un écrit qui paroît depuis peu
de jours , intitulé : Réponse au Franc-Bourguignon.
( 140 )
«M. le Vicomte jure la foi de Gentilhomme,
qu'iln'eſt plus queſtionen Bourgogne quede la manière
de vorer. Je voudrois bien être convaircu
qu'on est parfaitement d'accord fur la contribution
aux impôts & aux charges publiques ; mais j'ai
encore des raiſons de douter "
«M. le Vicomte nous apprend que la Nob'eſſe
de Bourgogne répugne à l'opinion pa tête ,
1º. parce qu'il est impoſſible de s'entendre dans une
grande affemblée.-On difcute par comités , on
opine en commun. "
2. Parce qu'un Ordre entier pourroit être lié
contreforveu unanime.-Dans l'opinion par ordre,
la pluralité d'un ſeul des fuffrages dans un des
Ordres, arrête& lie la vo'ontédes deux autre . "
«3°. Parce que le plan du Haut-Tiers tend à la
Démocratie ou au Despotisme. --- Le Tiersemploie
tous ſes efforts pour éviter éga'ement ces
deux écueils , puiſqu'il demande que les Etats-
Généraux établiſſent une conſtitution qui regle
invariablement les droits du Monarque & ceux
dela Nation, »
« 4°. Parce que c'eſt intervertir l'ancien usage qui
n'aplus d'inconvéniens dès que les impôts ferontfupportés
également par tous les Ordres.-C'eſt l'ancien
uſage qui a produit les abus& les maux;fi
l'ancien uſage ſubſiſte, les maux & les abus renaîtront.
« 5°. Parce qu'aucun Ordre n'ale droit de chinger
la forme de l'Administration , ni le Roi,fans le
confentement des trois Ordres.- Aucun Ordre n'a
ledroit d'en opprimer un autre. La forme d'adminiſtration
actuelle opprime le Tiers; le Tiers eft
donc fordé à en exiger une autre,
« 6°. Parce que le Tiers-Etat réduit aux propriétaires
, feuls capables de décider la queſtion ,ſe réduit
à la maſſe des propriétés , &c. Les propriétés fon
cières du Tiers-Etat excèdent celles de la Nobleffe
( 141 ) 1
&du Clergé réunis ; les propriétés induſtrielles
font incalculables , ta population eft quarante-huit
fois plus confiderable que celle des Nobles er des
Ecclefiaftiques pris collectivement : fi l'on vouloit
régler l'influence de. O dres fur ces poportions ,
quel avatage n'aurot pas le Ters-Etat ? »
« Vous voyez , Monfieur , qu'il n'estpas difficile
de combattre les motifs de répugnance de la
Nobieffe. Puitſe ma réponſe defiller les yeux de
M. le Vicom.e de Châtenay , disliper ſes préventions
contre une claſſe de Ci.oyens qui mérite
fon eftme ,& ramener ce refpectable Gentilhomme
à une manière de penſer p'us juſte &
plus conforme à l'intérêt général de la Nation.>>>
« J'ai thonneur d'ene , &c.
A
« NAVIER.
« A. au P. de D , de l'A. des S. A. & B. L.
de L. M. V. »
Les Numéros sortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 mars
1789 , sont : 80,67, 39, 72 , 27.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 20 mars 1789.
Le Doge de Venise , Paul Renier ,
que les Papiers publics avoient tué au
mois de janvier , est mort , en effet , le
13 février , à l'age de 79 ans. Avant de
parvenir à la première dignité de la
République , ill'avoit servie comme Ambassadeur
à Rome, à Vienne et à Constantinople,
commeProcurateur de Saint
Marc, etc. Son Successeur doit avoir
été élu au milieu de ce mois , et le
public designoit le Chevalier Mето ,
(142)
Procurateur de Saint-Marc , ci-devant
Ambassadeur à Rome et à Constantinople
.
Nos lettres de Stockholm, du 25 février,
nous apprennent que le Roi de Suède
s'est rendu le 17 à la Diète , où il a prononcé
un Discours énergique contre la
conduite dilatoire et factieuse de quelques
Membres de la Noblesse. Cette ex-
-hortation étant restée sans effet , S. M. ,
sur une députation des trois autres Ordres
, qui l'ont suppliée de pourvoir aux
moyens de mettre la Diète en activité ,
a fait arrêter , le 20, vingt-six Nobles ,
dont , entre autres , le vieux Comte
Fersen, le Comte de Horn, le Comte
de Brahé , etc. etc.
:
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , TOURNELLE CRIMIN .
Cause entre Me F ... Avocat en Parlement , Juge
de pluſieurs Justices , demeurant à C... , & leſieur
Du... demeurant au même lieu.
Le3 novembre 1788 , Me F... a préſenté au
Juge Criminel de G... une requête de plainte , où
il a expoſé qu'il a appris par la rumeur publique ,
que dans l'aſſemblée de département établie en
la ville de G... on l'a propoſé , à fon inſu , pour
remplir la place de Procureur-Syndic du Tiersétat
; que le ſieur Da... ennemi de Me F... s'eft
élevé avecforce contre ce choix, & a ofé avancer
que Me F.... éto't indigne de la place de Procureur-
Syndic , & d'être membre de l'aſſemb'ée,
attendu qu'il étoit flétri& déshonoré par un arrêt
(143 )
:
du Parlement ; que cette calomnie , & le bruit
de l'exc'uſion qu'elle avoit opérée contre Me F...
ſe ſont répandus dans les villes circonvoiſines ,
notamment à C... cù demeure Me F ...
En l'absence du Juge de G... un poftulant du
ſiège a répondu la plainte d'une ſimple permiffion
d'aſſigner à fins civiles.
Un arrêt , du 28 novembre , a reçu Me F ...
appelant , & ordonné qu'il en viendroit à l'audience
du 3 décembre ſuivant avec M. le Procureur-
général .
Au jour indiqué , la cauſe ayant été plaidée contradictoirement
, il eſt intervenu fur les conclufions
de M. l'Avocat-général d'Ambray , arrêt
qui , en infirmant Bordonnance du Juge de G...
a donné acte à Me F... de ſa plainte , & lui a
permis de faire informer des faitsycontenus , circonſtances
& dépendances, par-devant le Juge Châ
te'ain de la Châtellenie royale de C... qui a été
commis à cet effet , & en même-temps autoriſé
à continuer , faire& parfaire le procès , juſqu'à
ſentencedéfinitive incluſivement , ſauf l'exécution
s'il en étoit appelé .
Le ſieur Du... ayant eu connoiſſance de la
plainte, a formé oppoſition à cet arrêt , &a conclu
à l'évocation du principal , à la décharge de l'accufation
, &en 300 livres de dommages-intérêts.
M. l'Avocat-général d'Ambray , qui a porté la
paroledans cette cauſe , s'eſt d'abord arrêté à l'arrêt
du 10 mars 1784 , & a prouvé , en rappelant les
principes de la matière , que cet arrêt contenoit une
ſimple peine correctionnelle, qui n'affectoit ni l'honneur
ni la probité de M. F ... Paſſant enſuite à
ladifcuffion du prétendu ſecret de délibérations, ces
idées de myſtère lui out paru abfurdes & révoltantes
; la lâcheté & l'atrocité de la calomniel'ont
frappé : ils font paſſés , a dit ce Magiftrat , ces
temps funeſtes où un voile ténébreux enveloppoit
(1I4+)
l'Adminiſtration des finances... Loin de chercher
à ramener ceste dangereuſe obfcuité , des men.-
bres des affemblées provinc ales &de département
doivent être jaloux de faire condire cuts travaux,&
de mériter l'apprebation des villes qu'ils repréſer
tent. Les Adminiſtrareurs du dépa. tement de
G... n'ont pas été aſſembés pour ſe cacher , pour
opérer mynérieusement ,& fur-tout pour entendre.
des impoftuses flét iſſantes ſur le compie de M
F... ils ne doivent ni ne peuvent garder un ſecret
criminel , éventé d'ailleurs par la publicité ; la loi ,
&encore plus , leur honnêteté , leur délicateſſe.
perſonnelles leurimpoſent la néceſſité de dépoſer
des faits de la plainte : c'eſt le voeu de l'ar et qui
ape mis l'infirmation ; l'honneur des membres du
département eſt eſſentiellement intéreſé à ce que
la vé ité ſoit conue ; ils ne doivent pas ſouffrir
qu'un de leurs collègues abuſe impunément de
Lur confia ce pour les trompe , pour leur fuggérerdes
idées flettiffante contre leurs concitoyens ;
ſi l'un des Administrateurs a pu s'oub ier juſqu'à
avancer des faits graves & calomnieux, ſes co!-
lègues doivent le forcer ou à les rétracter , ou à
les foutenir dars les tribunaux auxque'sle citoyen
offenté demande une réparation.
.. Ces
Ce n'eſt point en déniat l'injure que le ſieur
Du... peut échapper à l'information ; fa dénégation
la rend plus indiſpenſable encore.
reflexions lumineuſes que M. d'Ambray a développées
avec ſon éloquence ordinaire , ont entraîné les
fuffrayes; & par arrêt contradictoire du mercredi
4fevrier 1789 :
La Cour , fans s'arrêter ni avoir égard aux requêtes
& demandes du ſieur Du... dont il a été
débouté , l'a déclaré non-recevable de fon oppofition
, & l'a condamné aux dépens .
SOUSCRIPTIONS
De tous les Dictionnaires ſéparés de l'En
cyclopédie par ordre de Matieres .
On ſouſcrit actuellement chez LAPORTE, Imprimeur
, rue des Noyers , No. 25 ; & au mois
d'Août , rue des Poitevins , Hôtel de Bouthillier,
&chez tous les Libraires de l'Europe & pays
étrangers.
Nous ne nous étions point proposé d'abord de
vendre ſéparément les Dictionnaires qui compofent
l'Encyclopédie actuelle , nous nous y fommes
conftamment refuſé juſqu'à préfent , quelques offres
qu'on nous ait faites ;mais afſurés maintenant
qu'il exiſte en Europe cinq contrefaçons de cet ou
vrage dont les prospectus de deux viennent de
pénétrer en France , & font actuellement ſous nos
yeux; nous sommes obligés de nous conformer à
tous les mouvemens qu'on nous imprime , pour ne
pasperdre tout le fruit du plus grand travail qu'on
aitjamais entrepris en Librairie , & auquel nous
avons facrifié toutes nos autres affaires .
L'Encyclopédie forme auſſi aujourd'hui unemaſſe
trop confidérable pour qu'on puiffe eſpérer d'en
vendre des corps complets, ſion ne donne pas des
facilités au Public pour en faire l'acquifition .
Nous l'avons éprouvé depuis deux ans , que la
ſouſcription a été rigoureuſement fermée; on n'en
a pu placer que vingt exemplaires ; & aujourd'hui
que l'on fait que l'ouvrage doit avoir 124 volumes
de diſcours , & onze de planches , on n'auroit
pas l'eſpérance d'en vendre ſeulement deux par an.
Peude perſonnes veulent mettre une fomme conidérable
tout- à-la- fois à l'acquiſition d'un ouvrage.
Les contrefacteurs de l'Encyclopédie , en en
Nº. 12. Suppl. Sameds 21 Mars 1789 .
A
(2.)
1
publiant la ſouſcription , viennent auffi de propofer
l'acquiſition des dictionnaires séparés. Nous avons
bien prévu que cela arriveroit tôt ou tard , & qu'on
nous forceroit la main fur cetobjet. C'eſt pour ne
pas laiffer faire à d'autres ce que nous avons le
droit de faire nous-mêmes ,que nous nous déterminons
à ouvrir une ſouſcription à 12 livres le volume
de diſcours ,&à 30 livres le volume de
planches , conformément aux obligations que nous
en avons priſes dans le Profpectus , ( p.8) .
Par cette opération nous nous mettons à l'abri
des contrefaçons , nous conſervons cet ouvrage
à la France , nous empêchons que le Public ne foir
de nouveau trompé , comme il l'a été ſur toutes
les contrefaçons de cet ouvrage , dont les volumes
fourmillentde fautes d'impreſſion dangereuſes
dans des livres de cette nature , qui traitent de la
Médecine , de la Chirurgie , de la Pharmacie , &c.
oùlaplus légere erreur peut avoir les conféquences
les plus funeſtes.
Diſons maintenant un mot de l'eſprit dans lequel
ont été compoſés les Dictionnaires de l'Encyclopédie
; ceux qui en voudront prendre une connoifſanceplus
étendue ,doivent lire en entier les 44diviſions
du tableau qui fuit les repréſentations , &
qu'on diftribue gratis aux ſouſcripteurs actuels .
L'Encyclopédie comprend 51 Dictionnaires des
connoiffances humaines. Chacun de ces Dictionnaires
devant former un tout , ila fallu pour chacun
d'eux un plan régulier & ſuivi , fubordonné au plan
général de l'ouvrage.
Tous font renfermés immédiatementdans les objets
qu'ils embraſſent ; bien différens en cela de la
plupart des autres Dictionnaires , qui , en traitant
de l'objet principal , traitent en même temps de
tout ce qui lui eft acceſſoire. Nous ne condamnons
point ce plan , mais on n'auroit pu l'adopter pour
les Dictionnaires de l'Encyclopédie , fans tomber
dans une foulede répétitions qui auroient été trèsdéplacées.
( 3)
Chacun des Dictionnaires eſt terminé par des
tables de lecture qui en forment autant de traités
de ſcience. Par là , ils deviennent les inftrumens
les plusutilesdetoutes les connoiffances humaines ,
& on ne peut plus dire qu'ils ne font bons qu'à
confulter.
Il y a tels de ces Dictionnaires Encyclopédiques,
compoſés de 3 à 4 volumes ſeulement , qui peuvent
remplacer pluſieurs milliers de volumes , comme la
Finance, la Littérature , la Marine , l'Architecture,
"la Botanique , &c. , &c. & fi l'on raffembloit de la
première Encyclopédie ce qui ſe trouve ſur ces
matières , on n'en pourroit pas former un demivolume
ou un quart de volume.
Preſque tous ont été refaits à neuf, & il n'exiſte,
ni dansnotre langue ni dans aucune autre , desDictionnaires
auffi complets ſur toutes les parties des
Sciences & des Arts .
Chaque volume contient autant de matières que
cinqvolumes in 4°. comme leBuffon , le Velly , &c.
Cefont des in - folio déguisés en in- 4°. comme nous le
mandoit un des auteurs.
Le Dictionnaire ſeul des Arts & Métiers méchaniques
qui en contient plus de 300 , ne reviendra pas
aux foufcripteurs actuels , compris les 5 volumesde
planches , à deux cents quarante- fix livres , tandis
que la collection des Arts de l'Académie , qui n'en
comprend encore que 93 , a coûté 1240 liv. Iln'y
a aucun des Arts de cette utile partie qui n'ait éré
revu , corrigé & augmenté d'un tiers ou de moitiés
On y a joint cent arts nouveaux dont la defeription
n'exiſte dans aucun livre .
Cette partie des arts peut être conſidérée comme
renfermant à elle ſeule trois cents Dictionnaires ,
car chaque art eſt terminé par un vocabulaire dont
le mot de l'art qui le précède forme l'article prin
cipal.
Nous préfumons que les acquéreurs des Dictionnaires
Séparés ſouſcriront tous pour le Vocabulaire
Az
( 4)
Univerſel de l'Encyclopédie qui formera 4 à 5 volu
mes;& voici ce qui peut les y déterminer,
Ce Vocabulaire comprendra tous les mots contenus
dans les 51 Dictionnaires , & l'on eft afſuré
aujourd'hui qu'ily aura dans l'Encyclopédie actuelle
centmille articles de plus que dans l'édition in folio.
Nous pourrions même dire cent cinquante mille
(fi nous ne craignions qu'on ne nous taxât d'exagération
) , car nous favons aujourd'hui que la Botanique
, qui n'eſt que la st . partie de cet Ouvrage,
contiendra la deſcription de 18000 Plantes.
Linné n'en a décrit que 6000 , & on n'en trouve
pas la deſcription de 600 dans la premiere Encyclopédie.
On joindra à chaque mot de ce Vocabu-
Jaire la définition de chacun d'eux , en indiquant ,
par une ou pluſieurs lettres , s'il est adjectif,fubf-
Tantif , verbe , adverbe , &c. Ce Vocabulaire fera
le Dictionnaire le plus complet qui exiſte dans aucune
langue. Les perſonnes qui ne font point en
étatd'acquérir toutes les parties de l'Encyclopédie ,
pourront s'en fervir comme d'une eſpèce Encyclopédie
abrégée , elles connoîtront dans l'inſtant
tous les articles qui y font traités , & pourront au
beſoin y avoir recours. Il devient donc indiſpenfable
à chacun des acquéreurs des Dictionnaires
ſéparés , puiſqu'il eſt la table des Matières de chas
cun d'eux.
Ce Vocabulaire qui ſera continuellement lu &
feuilleté , ſera imprimé ſur un papier double de celuide
l'Encyclopédie. Les ſouſcripteurs l'ont defiré,
&l'on s'eft empreflé de les fatisfaire. Le prix de ce
Vocabulaire fera de 13 liv. le volume , pour les
perſonnesqui ſouſcriront pour les Dictionnaires ſéparés
, & de 18 livres lorſque la ſouſcription ſera
fermée.
De la foufcription ,de laforme des quittances & du
tems de la livraiſon des volumes.
Le prix de chaque volume de diſcours (1) , en
(1 ) Nous n'en exceptons que les volumes de Mathé
( 5 )
feuilles fera pour les foufcripteurs , de 12 liv.; bro
chế , 12 liv . 10 f.; relié , 14 liv . 10 f.
Le prix de chaque volume de planches fera de 30
liv.; broché , 31 liv . ; relié , 34 liv .
Comme on fera obligé de diviſer les volumes de
planches, pluſieurs parties des connoiffances humaines
, comme les Mathématiques , la Phyſique , la
Médecine , &c. ne devant chacune avoir que 40 ,
so planches ; chaque planche ſéparée fera du prix
de deux à trois fous.
On paiera en ſouſcrivant 24 liv. , & l'on tiendra
compte de cette avance fur les deux derniers vo
lumes qu'on aura à retirer.
ン
- On est libre de ſouſcrire pour un, deux, trois, &
Dictionnaires , maispour quelque nombre que l'on
ſouſcrive, on nn''aura jamaisplus de22.4 liv. de foufcriptions
àpayer.
Onne vendra, dans aucun tems , de Dictionnaires
jéparés, qu'dux perſonnes qui auront
Nous indiquons dans le tableau ſuivant , l'ordre
&la livraiſon des volumes .
Soufcrit.
A
Comme il nereſte qu'un petit nombre des 16 premières
livraiſons de l'Encyclopédie , & qu'il faut
les réimprimer pour faire le ſervice public de la
ventedes Dictionnairesséparés, c'eſt la raiſon pour
laquelle nous ne pouvons donner actuellement plu
fieurs Dictionnaires , quoique terminés , parce que
les premiers volumes de ces Dictionnaires ayant
paru avec les premières livraiſons , il faut les réimprimer
, & qu'on ne peut s'engager dans une réimpreffion
totale de ces 16 premieres livraiſons , qui
forment un objet de dépenſe très conſidérable , fans
s'affurer d'un certain nombre de ſouſcripteurs qui
prendront les Dictionnaires séparés .
matiques , de Marine , qui étant chargés de tableaux,
decalculs , feront chacun du prix de 13 liv. & de 15 liv.
la ſouſcription étant fermée . Les volumes du Vocabulaire
devant êtredoubles en épailleur de ceux de l'Encyclo
pédie, feront du prix de18 liv. au lieu de 13 .
A 3
( 6 )
Cettevente & réimpreffion des Dictionnaires ſeparés
devant entraîner un très-grand détail ,&fentant
que nous nous devions tout entiers à l'Encyclopédie
actuelle , & que nous ne pourrions y
faire diverfion fans manquer aux ſouſcripteurs de
l'Encyclopédie , & fans rallentir cette entrepriſe ,
nous avons voulu nous mettre à l'abri de tout reproche
à cet égard , en nous débarraffant entiérement
de tous les foins qu'exige cette nouvelle
opération ; & àà cet effet , nous y avons intéreſſe
M. LAPORTE, Imprimeur ,qui s'elt obligé,d'après
les tableaux que nous lui avons fournis de la fituation
actuelle de cette affaire , d'en faire une partie
des fonds avec nous ,&de faire réimprimer ou de
réimprimer lui-même les volumes qui feront néceffaires
pour faire le ſervicede la vente de ces Diczionnaires
ſéparés , d'en ſuivre enfin tous les détails
de la vente , des expéditions , ſoit pour Paris , foit
pour les Provinces ; nous avons même voulu nous
débarraffer du ſoin d'en recevoir les ſouſcriptions ;
&comme cependant nous devons en répondre ainſi
que lui , nous lui avons paffé une procuration le 8.
Février 1789 , devant Me. Gueſpreau , Notaire , à
l'effet de figner tous les billets de ſouſcription qui
porteront pour fignature Panckoucke &Laporte.
C'eſt donc chez le ſieur LAPORTE ſeul , Imprimeur
rue des Noyers , que l'on doit s'adreffer pour
les billets de foufcription de tous les Dictionnaires
Séparés , & cette ſouſcription eſt actuellement ouverte
, & chez tous les Libraires de l'Europe.&
pays étrangers .
N.B. Tous les billets de Soufcription pour l'Encyclopédie
doivent êtrefignés C. PANCKOUCKE, &
tous ceux de Souſcriptions pour les Dictionnaires , pris
Séparément , doivent être ſignés PANCKOUCKE &
LAPORTE. Le Public ne doit rien payerfanssemettre
en règle à cet égard. Phſieurs Libraires ayant donné
en leurs noms , des billets de Souſcriptions , fans en
( 7 )
faire lepaiement , il est arrivé dans l'Encyclopédie
que plusieurs perſonnes qui ont réellement donné leur
argent ne peuvent plus aujourd'hui completter leurs
Exemplaires , parce que ces Libraires font devenus
infolvables , & qu'ayant pris leurs fignatures au lieu
de la nôtre , nous n'avons aucune obligation à remplir
à leurégard.
Monſeigneur le Garde des Sceaux s'étant
fait rendre compte de la poſition actuelle de
l'Encyclopédie , & le ſieur Panckoucke venant
de s'obliger de donner aux Souſcripteurs quarante
huit volumes à 6 liv. au lieu de 11 liv. ,
lui a permis d'ouvrir une ſouſcription de tous
les Dictionnaires séparés de l'Encyclopédie ;
de continuer la ſouſcription de cet Ouvrage ,
&de demander un ſupplément de ſouſcription,
l'Encyclopédie devant avoir plus du double
de volume qu'on n'en avoit annoncé. :
Paris le 27 Fevrier 1789. SignéDE MAISSEMY.
TABLEAU
De tous les Dictionnaires ſéparés de l'Encyclopédie
qui forment l'objet de la préfente
Soufcription.
I. DICTIONNAIRE ENCYCLOPEDIQUE DES MATHEMATIQUES
, par MM. d'Alembert , l'Abbé Boffu , te
Marquis de Condorcet , Charles , de l'Académie des
Sciences ; & quant à la partie Aftronomique , par
M. de la Lande , de la même Académie ; 3 vol.
in-4°. fig. en feuilles , 39 liv.; brochés, 40 liv. 10
fols ; reliés , 46 liv. 10. fols.
Les Mathématiques feront terminées par un Dic-
A4
1
(8)
fonnaire complet ſur les jeux , qu'on ne ſéparera
point. Le tome Ier. ſera en vente au mois d'Avril
prochain; le tome II en juin, & le tome III à la
fin de cette année .
Les planches néceſſaires à cette partie feront publiées
en 1790. Chaque plancheſera pour lesfoufcripteurs
, du prix de deux fols . Comme des planches des
parties de Sciences ne sont pas terminées ,nous ne
pouvons encore déterminer exactement le nombre qu'il
yen aura pour chaque DictionnaireSéparé.
Ces planches étant d'un plus grand format que le
discours ,formeront des volumes ou demi-volumes , ou
quarts de volumes féparés ſuivant leur nombre.
II. DICT. ENCYC . DE PHYSIQUE , par M. Monge,
de l'Académie des Sciences, 2 vol . in 4° . en feuilles ,
24 liv.; brochés , 25 liv .; reliés , 29 liv.
Cette partie ne devant être ſous preffe que cette
année , & terminée qu'en 1790 & 1791 , les volumes
en ſeront délivrés aux ſouſcripteurs actuels ,
en même temps qu'ils le feront à ceux de l'Encyclopédie.
Chaque planche , fimple in-4 . ſera du prix de
deux fols; chaque planche double , quatre fols , &c .
III. DICT. ENCYC. DE MÉDECINE UNIVERSELLI
ET RAISONNÉE , mise en ordre & publiée par M. Vicą
Dazyr , Médecin de la Reine , de l'Académie françoise
, &c . 7 vol . in- 4°. en feuilles , 84 liv .; broches ,
87 liv. 10 fols ; reliés , 101 liv. 10 fols.
Le tome premier ſera délivré au mois d'Octobre
prochain. Les ſuivans , à mesure qu'ils feront délivrés
aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
L'auteur nous a permis d'affurer le public en ſon
som, que l'ouvrage ſeroit entièrement terminé dans
trois à quatre ans au plus tard. La copie eſt preſque
entièrement faite.
IV. DICT. ENCYC. D'ANATOMIE HUMAINE ET
COMPARÉE , ou ſyſtême Anatomique de l'homme &
des animaux , fuivi d'un Vocabulaire complet d'Anatomie
& de Physiologie , par M. Vicq Dazyr , 3
) و (
:
vol. in-4°. 36 liv.; brochés , 37 liv. 10 ſols ; rea
liés , 43 liv. 10 fols.
Cet ouvrage ſera ſous preffe cette année , & ter
miné en 1791 .;
On le délivrera aux ſouſcripteurs actuels , à mefure
qu'il y aura un volume imprimé .
Les planches de la Médecine & de l'Anatomie coůteront
chacune trois fols .
V. DICT. ENCYC. DE CHIRURGIE , par M.
Louis , Secrétaire-perpétuel de l'Académie royale de
chirurgie, 3 vol . in-4 ° . 36 liv.; broché , 37 liv. ro
fols; relié , 43 liv. το fois.
Les figures ſéparément , deux ſols.
Cet ouvrage ſera terminé dans deux à trois ans au
plus tard.
Les volumes en ſeront délivrés aux ſouſcripteurs
actuels , en ménie temps qu'ils le feront à ceux de
Encyclopédie.
VI . DICT . ENCYC. DE CHYMIE , METALLURGIE
, PHARMACIE , par M. de Morveau , Avocatgénéral
honoraire au Parlement de Bourgogne , Membre
de plusieurs Académies , quant à la Chymie ; par
M. Duhamel, de l'Académie des Sciences , Inspecteur-
général des mines , quant à la Métallurgie; par
M. Chauffier , Profeſſeur de Chymie , & de l'Académie
de Dijon, quant à la Pharmacie ; 4 vol. in-4°. 48
liv.; brochés , so liv. ; reliés , 58 liv.
Ces trois partics ne forment qu'un ſeul Ditionnaire.
:
Le premier volume de Chymie ſera délivré au
mois de Novembre prochain , les tom . 2 , 3 , 4 , en
même temps qu'aux autres ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
Les figures ſéparément , deux ſols.
VII. DICT. ENCYC . D'AGRICULTURE ET DES
BOIS ET FORETS , par M. l'Abbé Teffier , de l'académie
des Sciences , & M. Thouin , jardinier en
chef du jardin du Roi , de la même académie , quant
àl'agriculture ;; & par M. Fougeroux de Bondaroy ,
A
(10 ).
t
1
de la même académie , quant aux Bois & Forêts ;
5 vol . in-4°. 60 liv.; brochés , 62 liv. 10 fols ;
reliés , 72 liv. 10 fols .
Chaque planche ſéparément , deux fols .
L'Agriculture & les Bois forment deux Dictionnaires
qu'on ne vendra point ſéparément.
* Le tome premier fera délivré au mois d'Août prochain
, le tome II en Novembre , les tomes III , IV ,
V, en même temps qu'ils feront délivrés aux foulcripteurs
de l'Encyclopédie.
Nota . MM. l'abbé Teffier & Thouin s'étant renfermés
dans la culture des plantes fans les décrire ,
ce Dictionnaire est pour ainſi dire la suite de celui
de Botanique ( n° . IX) . Les deux premiers Auteurs
ont été affſujettis à la marche de M. le Chevalier de
la Marck , puiſqu'ils ont adopté tous les noms des
plantes qu'il a décrites . Les perſonnes qui ſouſcrivent
pour le Dictionnaire d'Agriculture doivent doncfoufcrire
en même temps pour celui de la Botanique ; mais
les perſonnes qui ne ſe deſtinent qu'à l'étude de cette
dernière Science , peuvent se difpenfer d'acquérir le
Dictionnaire d' Agricuture. Nous laiſſons toute liberté
as Public à cet égard.
1
VIII. DICT . ENCYC . D'HISTOIRE NATURELLE ,
comprenant les animaux , 8 vol. in - 4°. 96 livres ;
brochés , 100 liv.; reliés , 116 liv.
Cette partie eſt diviſée en fix Dictionnaires. Le
premier eſt précédé par une introduction aux trois
regnes de la nature , & par l'Hiſtoire Naturelle de
I'homme , par M. Daubenton , de l'Académie des
Sciences. Il contient les animaux quadrupedes & les
cétacés , par M ***. Le ſecond Dictionnaire contient
les Oiseaux , par M. Mauduit , Docteur Régent
de la Faculté de Paris. Les animaux quadrupedes
ovipares , & les ferpens , par M. Daubenton , forment
le troiſième Dictionnaire. Les Poiſſons , par
le même , forment le quatrième ; les Infectes , par
MM. Mauduit & Olivier , font traités dans le cinquièmeDictionnaire
; les vers, coquillages , zoophites ,
( 11)
par M. Bruguiere , Docteur en Médecine , font l'objer
du ſixième Dictionnaire .
Ces fix Dictionnaites , qui forméront 8 v. in 4°.
ne peuvent point ſe ſéparer. lis ſont tous imprimés
à la fuite les uns des autres. Les Poiffons forment
la première partie du troiſième volume; & le
commencement des inſectes , la ſeconde partie de
ce même volume .
Le tome premier fera délivré à la fin d'Avril. Les
tome Il & fuivans , de fix mois en fix mois . Comme
tous ces Dictionnaires font ſous preſſe en même temps ,
on ne peut pas délivrer les nouveaux volunies qui
paroîtront aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'on les délivrera à ceux de l'Encyclopédie. Il faut
de toute néceflité les réimprimer. Nous en exceptons
les deux derniers volumes qui feront délivrés aux
foufcripteurs actuels en même temps qu'aux ſouſcripteurs
de l'Encyclopédie.
IX. DICT. ENCYC . DE BOTANIQUE , par M. le
Chevalier de la Marck , de l'académie des Sciences ,
5 volumes in 49. 60 liv.; brochés , 62 liv. 10 fols ;
reliés , 72 liv . to fols.
Cet ouvrage fur la Boranique eft entièrement
neuf. L'auteur y décrit plus de 8,000 plantes; on
n'en trouve pas 6000 dans Linné, & 600 dans la
première Encyclopédie.
Le tome premier fera délivré au mois d'Octobre
prochain; le fecond en Février 1790 : les tomes III ,
IV , V , en même temps qu'ils feront délivrés aux
ſouſcripteurs de l'Encyclopédie. Cet oumage fera ter .
miné en 1791 , ou les premiers mois de 1792 .
X. DICT. ENCYC . DES MINÉRAUX , parM. Daubenton
, de l'académie des Sciences , 1 vol. in 4 .
12 liv .; broché , 12 liv. to fols; relié, 14 liv . το Γ.
Cet ouvrage paroîtra l'année prochaine , & fera
délivré aux ſonſcripteurs actuels en même temps qu'à
ceux de l'Encyclopédie.
XI. La première livraiſon des planches d'Hiſtoire
Naturelle , par M. l'abbé Bonnaterre , dédiée & pré-
A6
( 12)
fentée à M. Necker , Ministre d'Etat & Directeurgénéral
des Finances .
Le prix de ceste livraiſon , compofée de cent deux
planches , le difcours & la brochure compris , eſt de
36 liv.
Les Auteurs de l'Encyclopédie n'ayant point ciré
de planches dans chacun des Dictionnaires qui trairent
de cette partie , nous n'avions pas nous-mêmes
formé le projet d'en donner une collection , en publiant
le Profpectus de cet ouvrage , & nous ne l'aurions
pas même pu au trèsbas prix auquel les volumes
des planches d'Arts & de Sciences ſont établis ;
celles qui exiſtent dans la première édition in- folio ,
font en très-petit nombre ; & réduites comme l'ont
été les planches des Arts & Métiers Méchaniques ,
elles n'en formeroient point 40 dans la nôtre.
२०
Le même eſprit de combinaiſon qui nous a guidés
dans le plan de l'Encyclopédie , a ſervi à nous diriger
dans celui-ci. » Renfermer beaucoup de matières
dans un petit eſpace , réduire toutes les planches ,
ſans en rien omettred'effentiel , les augmenter d'un
>> tiers de planches nouvelles , faire refaire à neuf
preſque toutes les parties du diſcours , établir une
>>> Encyclopédie contenant le quintuple des matières
>>> de la première , & la donner pour un peu plus des
>> deux tiers du prix qu'elle a coûté , voilà ce que
>> nous avons fait , & ce qui , ce ſemble , n'étoit pas
facile , fur- tout ſi l'on fait attention que potre édi-
» tion paroît 25 ans après la première , & que depuis
* ce temps le prix de la main -d'oeuvre , du papier ,
ככ de la gravure , eſt augmenté de plus de 30 pour
cent ?? .
Ces planches d'Hiſſoire Naturelle offrent les mêmes
avantages , & même de plus grands aux ſouſcripteurs ,
puiſqu'ils auront pour quelques louis les gravures
d'une infinité de livres très- rares & précieux ſur l'Hiftoire
Naturelle , dont l'acquiſition partielle leur coûteroit
plus de deux à trois mille louis.
Pour rendre ces planches véritablement utiles, ila
( 13 )
fallu y joindre un diſcours qui , ſans être la répétition
des matières traitées dans les Dictionnaires de l'Hif
toire Naturelle , devînt pour chaque partie de cette
ſcience un tableau méthodique , où les ſavans & les
perſonnes qui ſe deſtinent àl'étude de cette belle partie
, puſſent l'étudier à ford , & reconnoître au befoin,
par le ſecours d'une bonne méthode , tous les
objets qu'elle embraſſe.
Ces diſcours deviendront pour chacun des Dic
tionnaires qui traitent de l'Hiſtoire Naturelle de véritables
tables de lecture , puiſque tous les objets des
trois règnes y feront rangés par familles, claſſe ,
genres , eſpèce , ce qu'on n'a pu faire dans les Dic.
tionnairesde cette ſcience , où toutes les matières font
traitées par ordre alphabétique .
La coliection des eſpèces décrites dans cette première
livraiſon eſt preſque le double de celles qui
ſe trouvent dans le Syſtême de la Nature de Linné.
Il y en a 413 dans ce dernier ouvrage , & le difcours
qui précède les planches , en contient 744
Il n'y en a pas 30 dans la première édition de l'Encyclopédie
in folio.
L'ouvrage de M. Bloch , qui eſt le dernier qu'on
ait publié fur les Poiffons , coûte 432 liv. , il ne contient
que les figures & la deſcription de 215 de
ces animaux. Le nôtre comprend les repréſentations
ou figures de 420 , la deſcription de 744; & ne
coûte que 36 livres.
Chaque livraiſon de cent planches , le diſcours &
la brochure compris ſera de 36 livres. Quand il y
aura plus ou moins de planches , on aura plus ou
moins à ppaayyeerr,, & toujours dans la proportion de
100 à 36 liv . Le difcours , ſelon les matières , formera
quelquefois un volume ou un demi - volume ;
quelqu'étendue qu'il ait , on n'aura rien de plus à payer
que ce qui vient d'être dit ci-deſſus . i
On délivre actuellement la première livraiſon . La
ſeconde paroîtra au mois de Mai prochain , & fera
donnée aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie,
( 14)
On peut acquérir les Dictionnaires particuliers
de l'Hiftoire Naturelle , fans les planches , & vice
verfa.
XII. DIET. ENCYC. DE GEOGRAPHIE , PHYSIQUE ,
par M. Desmaretz , de l'Académie des Sciences 1 vol .
in-4 . 12 liv .; broché , 12 liv. to fols.; relić , 14
liv. 10 ſols.
Get ouvrage doit contenir une cinquantaine de
planches qui ferontdu prix de 24 liv.
On délivrera ce volume , ainſi que lesplanches aux
ſouſcripteurs actuels , en même temps qu'il fera livré
aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
L'Auteur nous a permis d'aſſurer le Public qu'il fera
délivré en 1790. On vient de le mettre fous proffe.
XIII. DICT . ENCYC . DE GEOGRAPHIE ET D'HISTOIRE
ANCIENNES , par M. Méntelle , HistoriographedeMgr.
Comte d' Artois , 2 vol, in-4°. 24 liv . ;
broché , 25 liv.; telić , 29 liv.
XIV. DICT. ENCYC. DE GEOGRAPHIE MODERNE ,
par M. Robert , Géographe ordinaire du Roi , & M.
Maffon de Morvilliers , Sécrétaire du Gouvernement
de Normandie , 3 vol, in-4°, 36 liv. , brochés , 3 , liv .
10 fols.; reliés , 43 liv. 10 (ols.
Le tome premier ſe diſtribuera en Juillet , le tome
ſecond en 1790 , & le troiſième en 1791 .
XV. ATLAS ENCYC. , contenant la Géographie
ancienne,laGéographie du moyen âge ; la Géographie
moderne , avec l'Analyse des cartes , par M. Bonne ,
Hydrographe de la Marine , composé de 140 cartes ,
la brochure & le discours compris , 63 liv.
Voyez pour les détails de cet Atlas , auquel M.
Bonne à ſacrifié hujt années entières de ſa vie , les
avis particuliers de la vingt- quatrième & de la trentième
livraiſon .
Nous laiſſons aux ſouſcripteurs actuels la liberté de
l'acquérir ſeul ou avec les Dictionnaires de la Géographie
ancienne & moderne.
On en délivre actuellement les deux volumes ; le
Public peut les faire relier en un. 1
** XVI . DICT . ENCYC. D'ANTIQUITES, DE MYTHOLOGIE
, DE CHRONOLOGIE ET DIPLOMATIQUE DES
CHARTES , par M. Mongez , Garde des Antiques de
l'Abbaye de Sainte-Geneviève, vol. in-4º, 60 liv.;
brochés , 62 liv. 10 fols.; relié , 72 liv. 10 fols.
Le tome premier ſe délivrera en Novembre , le
tome ſecond dans les premiers mois de 1790. Les
tomes 3,4,5 , en même temps qu'on le donnera
aux foufcripteurs de l'Encyclopédie.
XVII. DICT . ENCYC . DU BLASON ET DE L'HIS
TOIRE , par M. Gaillard , de l'Académie Francoise ,
5 vol . in-4°. 60 liv.; brochés , 62 luv. 10 fols;
reliés , 72 liv. to fols.
Ces deux parties forment deux Dictionnaires .
On délivrera le tome premier en Décembreprochain,
&le tome feconden Juillet 1790 ; les tomes 3,4,5
de fix mois en fix mois.
XVIII DICT. ENCYC . DE THEOLOGIE : par M.
l'AbbéBergier , Confeffeur de MONSIEUR , frère du
Roi , & Chanoiné de Notre-Dame , 3 vol. in- 4° 36
liv .; brochés , 37 liv. 10 fols ; reliés , 43 liv. 10 Γ.
Le tome premier ſe délivrera à la fin de Mars, le tome
fecond le délivrera en Novembre , & le tome troiſième
en même temps qu'on le donnera aux ſouſcripteurs de
l'Encyclopédie.
Cet ouvrage ſera terminé en 1790.
1
XIX, DICT . ENCYC. DE PHILOSOPHIE ANCIENNE
ET MODERNE , par M. Naigeon, 3 vol. in 4°. 36 1.;
brochés , 37 liv. 10fols ; reliés , 43 liv. 10 fols .
Les trois volumes de cet ouvrage ſe délivreront en
même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
On vient de le mettre fons preffe. Le tome premier
paroîtra à la fin de cette année ; le ſecond en 1790 ,
le troiſième en 1791 .
T XX. DICT. ENCYC . DE MÉTAPHYSIQUE , DE LOGIQUE
ET MORALE , ET D'EDUCATION , 4 vol. in-4°
48 liv. ; brochés , 50 liv.; reliés , 18 liv.
Ces quatre parties forment trois Dictionnaires. La
Logique & la Métaphysique en forment un ; laMo
( 16)
bale un autre , ainſi que l'Education. On ne peut point
les ſéparer.
Le tome premier paroîtra en Janvier prochain ; le
fecond & troifième en Juillet & Décembre 1790. Le
dernier volume ſera délivré en même temps qu'aux
ſouſcripteurs de l'Encyclopédie,
XXI . DICT . ENCYC . DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉ
RATURE , par M. Marmontel , de l'Académie Françoise,
M. Beauzée , de la même Académie , &c. &c.
3 vol . in-4°. 36 liv .; brochés , 37 liv. to fols ;
reliés . 43 liv. 10 fols .
On délivrera le tome premier à la fin de Mars ; 'le
tome ſecond paroîtra en Juin , le troiſième en Juillet,
XXII. DICT . ENCYC. DE JURISPRUDENCE , par
une fociété de Jurifconfultes , rédigé & mis en ordre
par M. IAbbé Remi & M. le Rafle , 8vol. in-4°.
96 liv.; brochés , 100 liv.; reliés , 116 liv.
Le tome premier ſera publié en Avril , le tome
fecona en Juin .
Les volumes ſuivans de quatre mois en quarre
mois.
XXIII. DICT . ENCYC. DE POLICE ET MUNICIPALITÉ
, par M. Peuchet , Avocat , 2 vol. in-4°. 24
liv .; brochés , 25 liv.; reliés , 29.
Le tome premier paroîtra cette année ; le tome
ſecond ſera délivré en même temps qu'aux ſouſcripteurs
de l'Encyclopédie.
XXIV. DICT, ENCYC . DES FINANCES , par M. de
Surgy , ancien premier Commis des Finances , Cenfeur.
Royal , & de l'académie de Dijon , 4 vol. in-48. 48
Tiv.; brochés , 50 liv .; reliés , 58 liv.
On délivrera le tome premier à la fin de Mars ; le
ſecond ſera publié en Avril , le troiſième en Mai ; le
dernier volume en même temps qu'on ledonnera aux
-ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
XXV. DICT . ENCYC . D'ÉCONOMIE POLITIQUE ET
DIPLOMATIQUE , par M. Démeunier , Secrétaire
Ordinaire de MONSIEUR , frère du Roi , Cenfeur-
I
( 17 )
Royal, 4 vol. in-4°. 48 liv. ; brochés , so livres ;
reliés , 58 liv.
Le tome premier paroîtra à la fin de cette année ;
Jes trois autres volumes de ſix mois en fix mois , après
la publication du premier.
XXVI . DICT . ENCYC. DU COMMERCE , 3 vol.
in-4°. 36 liv.; brochés , 37 liv. 10 fols ; reliés
43 liv. 10 fols.
Lepremier & ſecond volume paroîtront cette année,
le troiſième en 1790.
XXVII . DICT. ENCYC. DE MARINE , par M.
Blondeau , Profeffeur aux Ecoles de la Marine , &
M. Vial du Clairebois , Ingénieur - Constructeur de
LaMarine, de l'académie Royale du même nom , &c .
3 vol . in- 4º . 39 liv .; brochés , 40 liv . 10 fols; reliés ,
46 liv. 10 fols; le volume de planches , 30 liv.
broché , 31 liv.; relié 33 liv.
On publiera cette année les tomes 1 & 2 , le
troiſième volume en 1790. vil
Le volume de planches ſedélivrera avecle premier
volume de Diſcours.
XXVIII . DICT. ENCYC, DE L'ART MILITAIRE ,
par M. de Keralio , Major d'Infanterie , de l'aca
démiedes Inscriptions & Belles-Lettres, 4 vol, in- 4°.
48 liv.; brochés, 50 liv.; reliés , 58 liv .
Le tome premier paroîtra cette année ; les tomes
deux & trois en 1790. le tome quatre en 1791 , &
ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels, en même-temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie,
XXIX. DICT . ENCYC . DES ARTS ACADÉMIQUES ,
MANÈGE , ESCRIME , DANSE , NATATION , undemi
vol in 4º. 6 liv.; broché , 6 liv. 10 fols.
N. B. On ne ſépare point ce Dictionnaire de celui
de l'Art Militaire , les figures étant communes ; les
deux Dictionnaires comprennent cent-vingtplanches,
les doubles comptées pour deux.
1
( 18 )
Les cent-vingt planches couteront 12 liv.; brochés
, 13 liv. , reliés , 15 liv.
On ne pourra le livrer qu'en 1790.
XXX. DICT . ENCYC. DE L'ARTILLERIE , par M.
de Pommereuil, Chevalier de Saint- Louis . Capitaine
au Corps Royal d'Artillerie ; I vol. in-4. 12 liv . ;
broché , 12liv. 10 fols ; relié , 14liv. 10 fóls .
Chaque planche ſera du prix de 3 fols.
CetOuvrage fera délivré aux ſouſcripte urs actuels ,
en même temps qu'à ceux de l'Encyclopédie.
L'Auteur étant actuellement à Naples n'a cefféde
s'occuperde cet objet. Nous avons une partie du manufcritentrelesmains.
Ilne pourraparoître qu'en 1791 .
XXXI. DIET. ENCYC . DE LA SCIENCE DE L'INGÉ
NIEUR DES PONTS ET CHAUSSÉES , TURCIES , ET
LEVEES , CANAUX ET PONTS MARITIMES , parM.
deProny. Inspecteur des Ponts& Chauffées , 1 vol.
in-4°. 12 liv. ; broché , 12 liv. 10 fols; relie, 14
liv. 10 fols.
1-Chaque planche de cette partie ſera du prix de
trois fols.
Il ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels , en même
temps qu'à ceux de l'Encyclopédie.
XXXII . DICT. ENCYC. DE VENERIE , CHASSES
ET PECHES , I vol. in-4°. 12 liv. ; broche , 12 liv..
to fols; relié , 14 liv. 10 fols.
**Chaque planche trois fols.
CetOuvrage nedoitêtre mis ſous preſſe qu'à la fin
de cette année ; il ſera délivré aux ſouſcripteurs
actuels , en même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
XXXIII. DICT. ENCYC. DES BEAUX- ARTS , par
M, Watelet , de l'académie Françoife , & M. Lévesque,
2 vol. in.4 . , 24 liv.; brochés , 25 liv.; reliés ,
29 liv.
Cette partie forme deux Dictionnaires , l'un de
théorie , l'autre , de pratique. On ne peut point les
(éparer , étant imprimés à la ſuite les uns des autres.
Le premier volume paroîtra cette année : le ſecond
(19 )
feradélivré aux ſouſcripteurs actuels , enmême temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie .
Chaque figure ſera vendue ſéparément trois fols.
XXXIV. DICT . ENCYC. DE MUSIQUE ANCIENNE
ET MODERNE , par MM Framery & Guinguené , 2
vol. in-4 ., 24 liv.; brochés , 25 liv .; reliés 29 liv .
Le tome premier paroîtra cette année , le tome
Fecond en 1.790.
Chaque planche ſera vendue ſéparément deux fols.
XXXV. DICT. ENCYC. D'ARCHITECTURE , par
M. Quatre-mere de Quincy ,, 5 vol. in-4°. , 60 liv.;
brochés , 62 liv. 10 fols; reliés , 72 10 fols.
Chaque planche trois fols.
Le tome premier paroîtra cette année; les tomes a
3,4,5 , feront délivrés aux ſouſcripteurs actuels, en
même temps qu'à ceux de l'Encyclop die.
XXXVI. DICT. ENCYC . DES ARTS ET MÉTIERS
MÁCHANIQUES , 8 vol. in-4° , 96 liv.; brochés ,
too liv.; reliés , 116 liv.; les quatre volumes &
demi de planches 135 liv.; brochés, 140 liv.; reliés,
155 liv.
Cette partie , une des plus importantes de l'Encyclopédie
a été diviſée en trois corps de Dictionnaires.
Le premier renferme les arts diſparates; c'est-à-dire,
ceux qui s'exercent ſurdes ſubſtances diverſes & variées.
Ce ſont ceux qui mettent en oeuvres les métaux ,
les pierres , les bois , les fuifs , les graiſſes , les
cires, les os , les farines , les ſucres , les fruits , &c.
Elle forme autant de petits Traités diſtincts &
complets, terminés par un vocabulaire ; de forte
qu'on peut dire que cette partie des Arts & Métiers
forme plus de trois cents Dictionnaires , dont la
deſcription de l'Art qui le précede eſt l'article
principal.
- Cette partie renferme cent Arts nouveaux , dont
la defcription n'exiſte dans aucun livre. Tous les
Arts anciens ont été revus , corrigés & augmentés
d'un quart , d'un tiers ou de moitié.
د
Les quatre volumes & demi de planches font augmentés
de plus d'un tiers de planches nouvelles.
( 20 )
1
Les tomes 1 , 2 , 3 , paroîtront cette année , les
tomes 4 , 5 en 1790. Les tomes 6,7,8 , feront,
délivrés aux ſouſcripteurs actuels , en même temps
qu'à ceux de l'Encyclopédie.
XXXVII. DICT. ENCYC. DES ARTS ET METIERS
MECHANIQUES , contenant les Manufactures , parM.
Roland de la Platiere , Inspecteur des Manufactures ;
2 vol . in- 4°. , 24 liv.; brochés , 25 liv.; reliés ,
29 liv.
Un volume de planches contenant 202 planehes
fimples , & 88 doubles , en totalité 378 , 36 liv.;
broché, 37 liv.; relié , 40 liv.
Ce Dictionnaire forme la ſeconde diviſion des Arts
&Métiers. Ils employent le chanvre , le lin , le coton ,
la laine , le poil , la foie. Ces arts ſont tous en
quelque forte de la même claſſe ; ils fraterniſent.
On ne pouvoit les traiter que tous enſemble.
Cet Ouvrage eſt le fruit de trente années de tra
vaux , d'enquêtes , d'obſervations , de voyages , de
recherches , d'expériences , de veilles , de dépenses
même.
Il doit être terminé par un Vocabulaire qui complettera
le fecond volume.
On délivrera le premier volume en 1790 ,
fecond en 1791 .
& le
XXXVIII. DICT. ENCYC, DES ARTS ET MÉTIERS
MECHANIQUES , comprenant les peaux & cuirs ; les
teintures & les impreſſions ; les huiles &favons , par
M. Roland de la Platière ; 2 vol . in- 4°, 24 liv.; brochés,
25 liv ; reliés , 29 liv. ; le volume de planches
, 30 liv .; broche , 31 liv.; relié , 34 liv.
Le premier volume ne paroîtra qu'en 1790. Le
ſecond en 1791 ..
Le volume de planches ſera délivré en même temps
qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie .
XXXIX. VOCAB . ENCYC . UNIVERSEL , 5 vol.
in4°. 65 liv.; brochés5,67 liv. 10 fols ; reliés ,
80 livres .
Voyez fur ce Vocabulaire ce que nousen avons dit
( 21 )
page 3 & 4 , il ſera délivré aux ſouſcripteurs actuels
en même temps qu'aux ſouſcripteurs de l'Encyclopédie.
TT
N. B. La ſeconde ſouſcription à 731 liv. pour
53 volumes de diſcours & 7 de planches , eſt actuellement
rouverte , Hôtel de Thou , rue des Poitevins
, où les perſonnes qui veulent acquérir l'Encyclopédie
complette , doivent s'adreſſer. On a la
liberté d'acquérir les 30 livraiſons qui ont paru toutes
à la fois , ou une à une , deux à deux , trois à
trois , felon les deſirs des acquéreurs. La ſeule condition
eſt d'avoir l'attention de retirer les nouvelles
livraiſons of il y aura des volumes à fix livres ,
à mesure qu'elles paroîtront ; & cela , à compter
de la trente-unieme. Chaque,ſouſcripteur a un bénéfice
de 600 liv. en ſouſcrivant pour la totalité de
l'Encyclopédie.
Ondiftribue gratis le Profpectus du renouvellement
de cette ſouſcription.
N. B. On tient compte de l'excédent du prix
qu'ont payé les vingt perſonnes qui ont acquis cet
ouvrage depuis que la ſouſcription a été fermée;
il nous paroîtde toure juſtice , puiſque nous sommes
forcés à la rouvrir , de les faire jouir du bénéfice de
600 liv. qu'ont les autres ſouſcripteurs .
Le port de chaque Volume est au
compte des Soufcripteurs,
L
MODELE
DES BILLETS DE SOUSCRIPTION
Pour les Dictionnaires ſéparés de l'Encyclopédie.
!
N°.
JE reconnois que M.
Dictionnaires
afoufcrit pour
ſéparés de l'Encyclopédie; favoir , les Dio
tionnaires
3
ET LE VOCABULAIRE UNIVERSEL,
& a payé la somme de vingt-quatre livres ,
conformément aux conditions énoncées dans le
Profpectus .
Nota. On rapportera le préſent Billet en retirant
chaque Volume.
1
TABLE
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
De tous les Dictionnaires qui compofent l'objet
de la préſente Souſcription.
A.
ANATOMIE humaine & comparée, 3. vol . nº. IV.
Agriculture , Bois & Forêts , savol. nº. VII.
Antiquités , Mithologie , Chronologie & Diplomatique
des Chartes , vol. n°. XVI.
Artillerie , I vol . nº. XXX.
Architecture , vol . n° . XXXV.
Arts& Métiers méchaniques, 12 vol. nº. XXXVI,
XXXVII , XXXVIII.
B.
Botanique , s vol. nº. IX.
Blafon , n° . XVII . ( Voy. Hiſtoire ).
Beaux-Arts , 2 vol. n°. XXXII .
C.
Chirurgie , 3 vol. nº. V.
Chymie, Métallurgie& Pharmacie, 4vol. nº. VI.
Commerce , 3 vol. nº . XXVI.
E.
Economie Politique & Diplomatique , 4 volumes
n°. XXV.
F.
Finances , 4 vol. n°. XXIV.
G.
Géographie-Phyſique , vol. nº. XII.
3
Géographie & Hiftoire anciennes , 2 vol. nº. XIII,
Géographie moderne , 3 vol . n°. XIV.
Atlas de Géographie , nº. XV.
Grammaire&Littérature , 3 vol. nº . XXI.
(24)
H.
Hiſtoire Naturelle , 8 vol. nº. VIII.
Hiftoire &Blafon , s.vol . n° . XVII.
J.
Jurisprudence , 8 vol. n°. XXII.
Ingénieur , Ponts & Chauffées
( Art de l' ) , 1 vol. nº. XXXI.
M.
Mathématiques , 3 vol. nº. I.
Médecine , 7 vol. n°. III.
Minéraux , 1. vol. no. X.
Turcies , &c
23,1
Métaphyfique , Logique , Morale & Education ;
4vol. n°. XX.
Marine, 3 vol. n°. XXVII.
Militaire ( art ) , 4 vol . n°. XXVIII.
Manège , Eſcrime , Danſe , Natation , un demi
vol. n° . XXIX.
Muſique Ancienne &Moderne, 2 vol.no. XXXIV.
Phyſique , 2. vol. nº. II.
P.
Planches d'Hiſtoire Naturelle ( première livraiſon ))
I volzen . XI
Philofophie Ancienne &Moderne , 3 vol. nº. XIX,
Police & Municipalité , 2 vol. n°. XXIII.
T..
Théologie , 3 vol . nº. XVIII.
V.
Venerie, Chaffes & Pêches, 1 vol. nº. XXXI.
Vocabulaire Univerſel, s vol. n°. XXXIX.
; On ſouſcrit auſſi chez tous les Libraires de
l'Europe , en retirant des Billets de Soufcriptionfignés
PANCKOUCKE & LAPORTE.
Lu& approuvé ce Mars 1789. Signé DE SAUVIGNY,
Vu l'Approbation , permis d'imprimer &distribuer ce
Mars 1789. Signé DE CROSNE.
De l'Imprimerie de LAPORTE , rue des Noyers,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 28 MARS 1789 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS fur la mort de M. d'ORMESSON
Premier Préfident.
Tun'es plus , d'Ormeſſon,quand Themis conſolée
Par toi raffermiſſoit ſa puiſſance ébranlée ;
Tu n'es plus ! & déjà le crime audacieux
Et la difcorde impie avoient fui de ces lieux ;
Le pauvre reſpiroit , ſous ton auguſte égide
Se rangcoît avec lui f'innocence timide :
Et comme aux mains d'un Sage , un père vertueux
Remet de ſes enfans le dépôt précieux ,
Ainfi de notre Roi , la bonté paternelle
Avoit des Magiſtrats ſu choiſir le modèle.
Hélas ! n'avons-nous vu briller un jour fi beau
Que pour aller de pleurs arroſer ſon tombeau ?
(Par M. Varé.
No. 13. 28 Mars 1789 . H
158 MERCURE
VERS AU COUSIN JACQUES ,
Après la lecture des quatre premiers Nos,
de laseconde Année defon Courrier des
Planètes ( 1 ) ,
DEStravers des Humains , Hiftorien fidèle ,
Aimable Voyageur , qu'accompagnent les Jeux ,
Quandde retour de cesGlobes fameux ,
Que tu parcours à tire-d'aile ,
(1)Cette ſeconde Année, fi elle cortinue comme
elle a commencé , fera plus d'honneur au Cousin
Jacques , que tout ce qu'il a fait juſqu'à préſent,
Onne lira pas fans intérêt dans les Numéros qui
ontparu ddecette ſeconde Année la Manufacture
des Ames ,le Voyage dans Sirius , l'Aſſemblée Nazionale
dans Mercure , la Vallée des Fondateurs
dans Saturne , l'Iſthme des Réfugiés , Adam & Eve
aux Etatsde Bretagne , &c. ; & beaucoup d'autres
Folies , plus originales & plus morales que ne l'ont
encore été celles du Cousin. Les Numéros actuels
font remplis d'allufions aux moeurs , aux uſages , &
même aux affaires du temps , dont le Lecteur le
plus mal diſpoſe ne peut pas s'offenfer. L'Abonne.
ment de 271., frane de port par-tout le Royaume,
fo fait chez Belin, Libr. rue Saint-Jacques ; & chez
Auteur , rue Phelipeaux , N° . 36. On peut s'a
dreſſer directement , par la Poſte , au Coufin Jac
ques, àParis, en affranchiffant l'argent ; il n'est pas
teeſſaire d'affranchir la lettre d'avis,
DE FRANCE. 159
Tu nous apprends que Mars & que Vénus
Sont peuplés de la même engeance ,
Et qu'on voit d'aufli grands abus
Chez les Saturniens qu'en France
J'admire fort chaque portrait
Et leur exacte reſſemblance ;
Mais fi le Monde eſt ainſi fait ,
Il faut bien prendre patience.
En effet , à quoi bon s'aigrir , fe gendarmer ,
Et d'un Réfermateur prendre le ton ſévère?
On fait les gens à mine auftère ;
L'homme indulgent ſe fait aimer.
Tel eſt notre Couſin , dans ſa gaîtégentille;
Il raille avec eſprit , & jamais ne ſourcille ;
Point d'humeur avec lui , ni de ſec entretien ;
Mais aufli ,je gagerois bien
Qu'il eſt chéri de toute la famille.
Je, conjure le Dieu des Vents
D'écarter de lui les orages ,
Afin qu'il puiſſe encor long-temps
Nous compter ſes charmans voyages ;
Etjem'abonne pour trente ans.
(ParM. Fabry , à Gex. )
1
:
H2
160 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE
E met de la Charade eſt Tamiſe; celui
de l'Enigme eſt Cage ; celui du Logogriphe
eſt Chaloupe , où l'on trouve Loup ,
Cep , Lâche , Poule , Hou , Cape , Chape ,
Hue, Capoue, Paule , Eau , Louche , La ,
Loupe, Chou , Loche, Houe , Coupe, Pô ,
Paul.
CHARADE.
MAtête eft fur la Terre ,
Et mes pieds ſont aux Cieux :
Je le dis ſans myſtère ,
Mon tout eſt précieux.
1
(Par M. J. D. S.J. E. C...
ÉNIGME.
Ala porte on me met ſouvent en ſentinelle
Pour empêcher le vent d'éteindre la chandelle ,
Et d'un frilleux auſſi j'obéis à la loi ;
Mais ce n'eſt pas, Lecteur, là mon unique emploi :
DE FRANCE. 161
Quandeſt venu Dimanche ou bien toute autre Fête,
Des filles & garçons raſſemblés fur l'herbette ,
Auxbords de la Garonne , excitant les défirs ,
En pas de rigodon je les mène aux plaiſirs .
Que je voudrois ainſi paſſer toute ma vie ,
Et n'être le grelot que de cette folie !
Mais je fuis fait auſſi pour celles du Dieu Mars ;
De ce Dieu fi hargneux ,je ſuis les étendards ;
Et fortant d'égayer l'innocence au Village ,..
Je vais dans les combats exciter au carnage, p
D'après ces faits certains , il ſeroit conféquent
De dire que je ſuis remplis de complaifance ;
Mais on ſe tromperoit. Ce n'eſt en me taifant
Que je puis animer les combats ou la danſe ;
Et cependant , Lecteur , ce n'eſt qu'en me frappant
Que l'on peut me forcer à rompre le filence.
i
( Par M. ***. )
LOGOGRIPHE.
JE forme très- ſouvent un cadre affez bien fait ,
Et qui, mon cher Lecteur, renferme plus d'un trait ,
Traits quifrappent vos yeux, dès cemoment,j'enjure.
Ne vous mettez donc plus l'eſprit àla torture
H
162 MERCURE
Pour favoir qui je ſuis , vous voilà bien au droit.
Pour peu que je vous donne encore de la marge ,
Yous en'aurez affez pour me toucher dudoigt.
Dans mes cinq pieds,j'annonce une route fort large,
Ou chacun va comme le vent ;
Le furnom des trois Rois, d'un Sage oud'un Savant ;
Ce qu'on ne doit porter qu'avec droitou prudence ;
Vous trouverez auſſi des vieillar is le fardeau ;
Dans la mer Océane, une Ifte de la France ;
Ce qui fait vivre l'homme au delà du tombeau;
Des Cochers attentifs un cri fort énergique ;
Le contraire de doux ; un terme de mufique;
Le point d'appui d'un Galérien ;
Cette cruelle maladie
Qui nous fait fouffrir comme un chien
Mais crainte de tomber dans la batrologie ,
C'en est fait , je ne dis plus rien.
(Par M. Benoist , de Dourdan. ).
DE FRANCE. 163
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RELATION des Isles Pelew , fituées dans
la partie occidentale de l'Océan Paci-
**fique , composée sur les Journaux & les
communications du Capitaine HENRY'
WILSON , & de querques uns de fes
Officiers , qui , en Août 1783 , y ont
fait naufrage fur l'Antelope , paquebot
de la Compagnie des Indes. Orientales ;
traduit de l'Anglois de GEORGE KEATE,
Ecuyer , Membre de la Société Royale,
& de celle des Antiquaires . 2 Vol. in 8 °.
avec 17 Figures. Prix , 10 liv. 4 f. br.
A Paris , chez Lejay , Libraire , rue de
l'Echelle ; & Maradan , rue des Noyers.
L'AUTEUR commence ſon Ouvrage en
rendant juſtice à la libéralité avec laquelle-
George III , Roi de la Grande Bretagne ,
a encouragé les découvertes maritimes .
Cethommage étoit dû à ce Roi , qui , Souverain
d'une Ifle trop reſſerrée , a porté le
nom Anglois dans toutes les régions les
plus inconnues , & a choifi des Navigateurs
H4
164 MERCURE
humains , intelligens , faits pour rendre
leur Nation & l'Europe eſtimables aux yeux
des Peuples nouveaux. Les travaux du Capitaine
Cook ſuffiroient pour placer dans
la Poſtérité , d'une manière diftinguée , le
Roi qui l'a protégé & qui l'a encouragé.
Louis XVI a imité un exemple auffi beau ,
& il y a tout lieu de préſumer que la
France aura auffi un rival digne de Cook
préſenter aux autres Nations.
Le Capitaine Wilſon a dû à fon naufrage
la découverte des Ifles Pelew , qu'il
ne cherchoit point. Son Journal , écrit
ſans apprêt , n'eſt point défiguré par les
Traducteurs . Il a conſervé ce cachet de
l'homme vrai , qui ſe rend compte à luimême
des heures de ſes journées , & qui
n'a point eu la penſée d'en impoſer à des
Lecteurs. On le lit avec cette facilité qu'infpire
un Ecrivain qui ne compoſe point ce
qu'il dit , mais qui dit ce qui lui eft arrivé.
On eſt près de lui , ſans qu'il ait jamais
dit: Approchez ; on l'écoute , & il ne dit
point : Ecoutez- moi. Il ne lui eſt point
échappé d'écrire ce mot fi commun dans
l'Ecole philofophique: Apprenez ; on apprend
réellement à aimer un Peuple qui ne'refſemble
point à aucun de ces Peuples fauvages
, dont on nous a donné des portraits
peut-êtreauſſi ridicules que peu reſſemblans ,
qui outragent la Nature & l'Amour, & font
rougir l'humanité.
Les Habitans de l'Iſle Pelew font lesi
DEFRANCE.
16y
meilleurs enfans de la Terre. Aimans
hofpitaliers , remplis de candeur & de décence
, tout annonce parmi eux le reſpect
dû à l humanité , à l'infortune , aux Loix ,
à Dieu; leur Police dérive de leurs moeurs,
elle et douce comme leur caractère. Ils
font éloignés d'atteindre à notre civilifatien
, & à nos Arts ; mais ils font encore
plus loin de la ſtupide ignorance , & bien
plus loin des vices de l'Europe. Ils ont
pourvu à leurs beſoins ; un beau ciel , une
chaleur égale les diſpenſe de vêtemens ;
le chaume couvre leurs demeures , les fruits
& la pêche & quelques volailles fuffifent
à leur nourriture. Ils ont pluſieurs femmes
& n'ont point de jalouſie : leurs femmes
font réſervées , ſe montrent peu en public,
& ne font ni enfermées ni furveillées.
Le droit d'aîneſſe y eſt connu pour
les particuliers : quant aux Souverains
c'eſt toujours la ligne directe qui fuccède
au trône , le frère règne avant le fils du
Roi défunt.
Après le portrait que nous venons de
faire de ce peuple , il ſemble qu'il reſte peu
de choſes à dire du Roi; car dans un pays
defpotique , il ſuffit de parler de la Nation
, pour qu'on connoiffe déjà celui qui
règne. Ici , c'eſt un Roi dont l'Hiſtoire nous
offre peu de modèles ; généreux , franc ,
ami , compatiffant , pénétré d'amour pour
fes fujets , défirant d'améliorer leur condition
, avide d'inſtruction , & qui , pour
Η
166 MERCURE
leur bonheur , fe prive de fon fils , qu'il
confie au Capitaine Wilſon , pour qu'il
aille apprendre en Europe ces Arts qui élèvent
l'Européen au deffus du Sauvage , &
le rendent fi induſtrieux , fi hardi , fi intrépide
, maître , pour ainſi dire , du fort &
des élémens. Qui ne ſera point attendri du
départ de Lee Boo , fils du Monarque de
line Pelew ; qui ne ſe mettra point à la
place de ce Roi , qui fait à une corde aurant
de noeuds qu'il y aura de mois qui
vont s'écouter entre le départ & le retour
de ſon fils ? On le voit fuivant des yeux ,
du rivage où il a donné ſa bénédiction à
Lee Boo , le vaiſſeau qui emporte ce fes ,
l'efpérance de la Patrie , & le futur bienfaiteur
de fes Etats. Il va comprer tous les
jours , & fa joie ſera inexprimable toutes
les fois qu'il retranchera un noeud de la
corde qu'il conferve avec une forte de
religion. Mais hélas ! il ne verra plus ce
fils , dont l'efprit , la pénétration , l'intelligence
& l'amabilité promettoient tout ce
qu'on peut attendre d'un homme fupérieur.
La petite vérole l'emporta après cinq mois
de ſéjour à Londres : cet aimable enfant
regrette , en mourant , fon père , & s'il eſt
dans les fuperftitions quelque erreur qui
foit excufable ,'c'eſt celle qui laiſſe croire
que le ſentiment franchit les diftances , &
qu'un magnétiſme inviſible agit fans relache
fur le père & fur le fils , fur l'époux
&fur la femme , & qui avertit le père des
DE FRANCE. 1/7
douleurs que ſouffre ſon fils , à douze
cents lieues de distance. Telle eſt l'aimable
ſuperſtition des Habitans de l'ifle Pelew.
Ils croient aufli que méchans hommes, à la
mort, refter en terre , bonnes gens aller au
Ciel , devenir très- beaux.
Tant que les Anglois font reftés chez
eux , ils n'ont reçu que des bienfaits , &
les Anglois , moins généreux, n'ont pas pu
ſe défendre des atteintes du ſoupçon , &
d'une méfiance dont la franchiſe du Roi
&des Habitans les a bientôt fait tougir.-
* Cette conduite , dit l'Auteur , n'étoit.
>> point chez eux une civilité d'oftentation
» exercée envers les étrangers. Séparés
>> comme ils étoient du reſte du monde ,
" le caractère d'étranger n'étoit jamais entre
>> dans leur imagination. Ils fentoient que
>> nos gens étoient dans la détreffe , & ils
>> vouloient par confequest partager avec
ود
ود
دد
eux ce qu'ils poffédoient. Ce n'étoit pas
>> cette munificence des Peuples polis qui
>> accorde ,& répand ſes faveurs dans l'in
>> tention d'en retirer un jour le fruit
c'étoitune bienveillance naturelle : c'étoit
l'amour de l'homme pour l'homme ...
L'attention & la tendreſſe qu'ils ténmoi-
>> gnoient aux femmes , étoient dignes de
>> remarque : les hommes entre eux étoient
doux & honnêtes , jamais nous ne les
entendimes ſe dire des choſes défagréa-
>> bles. Chacun paroiffoit fuivre fon affaire
>>propre , fans ſe mêler de celles de fon
ور
"
»
H6
168 MERCURE
F
» voilin. Chacun vivoit de fon travail :
>>la néceſſité leur impofant ce dévoir , on
>> ne voyoit chez eux ni fainéans ni pa-
>> reffeux, pas même parmi les Chefs; ceux-
»là , au contraire , excitoient leurs infé-
» rieurs au travail & à l'activité par leur
>> propre exemple. Le Roi lui - même
>> étoit le meilleur fabricant de haches de
>>toute l'Ifle , & il ſe mettoit habituel-
>>lement à l'ouvrage , toutes les fois qu'il
>>étoit débarraffé d'affaires importantes.
>>Les femmes même parrageoient la tâche
1
commune , elles travailloient dans les
>>plantations d'ignames ...... Elles fabri-
>> quoient les nattes & les paniers , & veil-
>> loient aux foins domeftiques....
ود Leurs manières careffantes n'offenfoient
>> cependant pas la pudeur ; elles réjetoient
en général toute habitude avec
» nos gens , & montroient le reffentiment
>> de la vraie modeſtie , lorſqu'on ofoit
> ſe permettre une liberté indécente avec
» elles.
22
" D'après le caractère général de ces
Peuples , le Lecteur , continue l'Auteur ,
>>> avouera ſans doute que leur exiſtence
>>> honore la Nature humaine , & que , fans
aucune forte de lumières ni d'inſtruc-
* tions , leurs moeurs préfentent un tableau
intéreſſant pour les Sociétés civiliſées.
>>Nous voyons chez ces Infulaires un
>> Gouvernement deſpotique , fans aucune
> ombre ddee tyrannie , un pouvoir qui al•
DE FRANCE ква
ود
ود
fure le bonheur général , & celui des
ſujets , dont le Roi eft vraiment le père
>> & tandis que des Loix douces & une.
>>> confiance mutuelle maintenoient leur pe-
>> tit Etat dans les liens de l'harmonie ون
l'humanité de leurs moeurs en devenoit
>> le réſultat naturel , & fixoit entre eux un
>> commerce fraternel & désintéreſfé ...
-La lecture de ce Voyage ne peut que
laiffer dans l'ame du Philofophe & de
T'homme fenfible , les traces les plus- douces.
Tous les Lecteurs feront fâchés de la
nmort de Lee Boo , & tous voudroient aufli
apprendre la deftinée du jeune Anglois ,
qui , touché de la bonté des Habitans de
Pifle Pelew , renonce à ſa Patrie pour,
vivre parmi des gens bons , venneux &
paiſibles , la différence de la couleur ne
l'arrête pas plus que celle des manières &
du genre de vie. Le vaflau part , Blanchart
refte , il eſt für dêtre toujours heureux.
Le Lecteur Philofophe , en parcourant
les détails de la cérémonie de l'Ordre
de l'Os , donné par le Roi au Capimine
Wilfon , fera des réflexions qui lui
infpireront quelque pitié pour les décoraions
brillantes , dont il en eſt peu quž
aientun motif aufti épuré que celle de l'Ordre
de l'Os . Ici c'eſt là récompenfe des
fervices & de la vertu ailleurs c'eſt le
terme de l'ambition, de l'intrigue & de la
yanité.
د
170 MERCURE
ALMANACH Tachygraphique, ou de l'Art
d'écrive auſſi vite qu'on parle ,felon la
Méthode approuvée par l'Académie des
Sciences , & dédié & préſenté au ROI
par M. COULON DE THÉVENOT , ancien
Hôtel de Brégy , rue des Mauvais-
Garçons-St-Jean , près celle de la Verrerie,
No. 21. Prix, 3 liv. franc de port
par-tout le Royaume. Le Calendrier eft
en Tachygraphie.
N. B. Le but de cet Almanach eſt de procurer
aux perſonnes qui n'ont que peu de temps à elles ,
la facilité d'apprendre feules ce genre d'écrire
en ne donnant que 4 à 5 minutes par jour à ce
travail . On fe formera une idée de cette Méthode,
par l'extrait du Rapport fait à la Bibliothèque du
Roi , par les Commiſſaires chargés d'en rendre
compte.
PERSUADÉS des avantages que les Sciences
& la Société retireroient de l'Art d'écrire
auſſi vite qu'on parle , pluſieurs Membres
du Bureau ont vu avec plaifir, en 1779 ,
que M. Coulon de Thévenor s'en étoit ocy
cupé , & ils ſe ſont fait un devoir d'en
rendre un compte avantageux au Magiftrat.
Le Bureau eſpéroit qu'un Art qui ſe préfentoit
avec tant de titres à la reconnoifſance
générale , feroit favorablement accueilli
du Public , & fur-tout des Savans ;
il en a manifeſté fon opinion dans la Séance
publique de Novembre 1783 , & a témoiDE
FRANCE. 171
gné fos regrets de ce que cette tentative
n'avoit fait qu'éveiller l'attention fans paroître
la fixer : il a foupçonné dès lors que
cetre Ecriture, que l'on pourroit nommer
l'Ecriture des Sciences , ne feroit approuvée
des Savans que lorſque les principes en
auroient été difcutés avec eux. Enfin, craignantque
ledéfaut de cette difcullion d'une
part, ou de l'autre l'indifférence , ne fît retomber
cet Art utile dans l'oubli , le Burean
fe difpofoit à s'en occuper , lorſqu'il
apprit que M. Coulon de Thévenot avoit ,
fur-l'avis de MM. de l'Académie Royale
des Sciences , perfectionné telement fa
Méthode , que les Commiffaires de cette
favante Compagnie ont cru pouvoir employer
dans leur Rapport ces expreffions
remarquables : >>Les changemens que nous
>>> avons difcutés avec l'Auteur , ont amené
ود ſa Méthode à un degré de perfection
>> qui en permet au moins la comparaiſon
>> avec les Tachygraphies Angloiſes , qui
> nous ont été communiquées comme les
meilleures ",
Nous n'étendrons pas plus loin nos citations
, c'eſt dans le Rapport même qu'il
faut lire les avantages précieux que Pon
peut retirer de la Tachygraphic , & le développement
que ces Juges éclairés donnent
, par apperçu , des principes de l'Art
Tachygraphique, & en général& en particulier
, de l'application qu'on en doit faire
à la Langue Françoiſe. :
172 MERCURE
T
:
1
L'IMPOT abonné, ou Moyens de faire
fervir unefimple évaluation en maſſe des
Paroiffes du Royaume , à rendre nulles
les fraudes & contraventions des Peuples
: en matière de fubfides , & à les faire
tourner, ainsi que les frais inutiles de
perception , au profit de l'Etat ; avec
sette Epigraphe :
Il n'y a rien que la fageffe & la prudence
doivent plus régler que cette portion
qu'on ôte & cette portion qu'on laiffe
aux Sujets.
Esp . des Loix, Liv . XIII , Ch. I.
In-4º, de 71 pages. Brix , 2 liv . & f. br.
& 3 liv. rendu franc de port par la Pofte.
A Londres , & se trouve à Paris , chez
Belin , Libraire , rue St - Jacques , près .
St-Yves ; Peit , au Palais- Royal , galeries
de bois ; & la veuve Lambert , rue
de la Harpe , près St- Côme, N°. 131 .
Un projet d'Abonnement général des
Impôts , eft fans doute une idée intéreſfante
à offrir dans les circonstances actuelles
, & mérite au moins l'examen des
bons Citoyens & de l'Adminiſtration. Cet
?
DE FRANCE.
173
Currage renferme dés détails qu'il eſt
utile de mettre ſous les yeux de ceux qui
doivent compoſer l'Aſſemblée des Etats-
Généraux. Aux vûes que préſente l'Auteur ,
il a joint des moyens d'exécution ſur lefquels
nous ne prononcerons point , mais
qui méritent l'attention des bons Patriotes.
L'analyſe de cet Ouvrage nous mèneroit
trop loin. Nous nous contenterons de dire
que le réſultat eſt de procurer une recette
annuelle de 700 millions , en ſupprimant
toutes les Impoſitions actuelles , par la ſeule
perception des trois Vingtièmes du revenu
net des propriétés foncières , & du Loc.
des fortunes de chaque Chef de maifon .
DISCOURS de M: le Comte de la Tourailles
, prononcé lejour de fa réception
à l'Académie de Meiz. A Paris , chez
Belin , Lib . rue St- Jacques.
Ce Diſcour's , qui a peu d'étendue', nous
paroît rempli d'honnêteté , de franchife &
de fageffe. Ce laconiſme philofophique fied
très - bien à un Récipiendaire. Il cft plus
glorieux pour un Académicien , & plus
aimuſant pour ceux qui l'écoutent , de dire
&d'entendre des chofes utiles & intéreſſantes
, que ces longs & faftidieux farras
de louanges dont on rit quelquefois , aux17.4
MERCURE
quels on ne croit guère , & qu'on oublie
un inſtant après .
L'Auteur s'éloigne ſcrupuleuſement de
cetteméthode, & c'eſt ainſi qu'il s'en explique
: J'aimerois mieux , dit-il, une vérité
>>poliment fevere, qu'une baſſe adulation ",
Ce qu'il y a de mieux dans ce Difcours ,
ce ſont les rapprochemens confolateurs
qu'il fait des malheurs paſlés de la France,
avec les orages fugitifs qui nous effraient
encore, & qui ſans doute feront inceſſamment
diffipés.
On ne lira point cette Brochure fans
agrément ni fans profit. Les Productions
de M. le Comte de la Tourailles , à cela
près de quelques négligences de ftyle , ne
paroiffent d'abord que des apperçus ; mais
aux yeux de certains Lecteurs, il approfondit
tout en paroiſſant tout effleurer.
On dit qu'il a ſous preſſe un nouveau
Conte moral , intitulé le Songe-creux ; ce
fera une addition précieuſe à ſon Recueil
de gaîté & de philoſophie , dont on prépare
une nouvelle édition , augmentée &
corrigée , dans le même format que la pre
amière.
DE FRANCE. 179
VARIÉTÉS.
SUR L'Inquisition , & l'Encyclopédie par
ordre de Matières.
POUR OUR qu'ilne manque rien à ce que nous avons
dit ſur l'érat actuel du Saint Office , nous ajourerons
qu'au moment cu cet Ouvrage s'imprime ,
l'Inquifition donne àMadrid une nouvelle prouve
de fon inquiétante activité , en s'oppofant, autant
qu'elle peut , au débit de l'Encyclopédie par
ordre de Matières. Nous avons dit qu'en 1784 ,
après bien des difficultés , il avoit repris fon
cours , & que l'examen des différentes Livraifons
de cet Ouvrage avoit été confié à un Comité
nommé par le Confeil de Caftille. L'Ouvrage
s'écouloit lentement entre les mains des
Souſcripteurs , lorſque tout à coup le St. Office
eſt venu oppoſer de nouveaux obstacles au re,
couvrement de leur poffefſion ; d'abord , en défendant
au fondé de procuration de M. PANEKOUCKE
, de recevoir de nouveaux Soufcripteurs
, puis en lui demandant l'état des Volumes
deſtinés aux anciens ; enfin en levant le maſque ,
& en voulant arracher de ce Commiſſionnaire la
promeffe de n'en délivrer aucun. On veut croire
que ces chicanes n'ont d'autre ſource qu'un zele
peu éclairé pour la Religion , il ſeroit trop peu
digne de l'Adminiftration Eſpagnole d'applaudir
en fecret à des meſures & contraires a les démarches
oftenfibles : on s'étonnera cependant que
Son autorité , connue par des actes de rigueur ,
156 MERCURE
tolère les atteintes d'un Tribunal purement fpirituel
, dont elle a fi bien ſu , en pluſieurs occafions
récentes , réprimer les entrepriſes tyranniques.
Le débit de l'Encyclopédie Françoiſe pourroit
, il est vrai , contrarier le projet formé il y
a quelques années à Madrid, de donner à la
Nation Eſpagnole cet Ouvrage dans ſa propre
Langue; mais il ne paroît pas croyable que le
Saint Office emprunte le maſque de la Religion
pour ſervir des intérêts purement humains. II
L'eſt moins encore que le Gouvernement puiſſe le
fouffrir; fon attachement à ſa parole , le ſoin
de conferver ſa réputation de loyauté , la justice
même que réclament plus de trois cents Soufcripteurs
Elpagnols qui ont donné leur argent ſous
ſa fauve-garde , & ( fi après ces grands intérêts,
on peut faire mention de ceux de quelques Particuliers
Etrangers) le ſcrupule de tromper les
ſpéculations de ceux-ci , qui , ſur la foi du Gouvernement
Eſpagnol , ont du compter ſur le ſucçès
de leur entrepriſe : tous ces motifs réunis
font des raiſons plus que ſuffiſantes pour le mettre
à l'abri d'un ſoupçon aufli injurieux.
N.B. Get Article eſt tiré d'un nouveau Voyage
en Espagne , 3 Volumes in - 8 ° . A Paris , chez
Regnault , Libraire , rue St - Jacques. Avec Approbation
& Privilége du Roi. ( Voy. Tome ze.
rage 400. ) Nous ne connoiffons point l'Auteur
de cet Ouvrage, dont les Journaux ont dit beaucoup
de bien. Il préſente le tableau le plus complet
& le plus véridique que nous ayons de l'état
actuel de cette grande Monarchie. Ce que l'Aureur
dit au ſujet de l'Encyclopédie , vient de nous
être confirmé par une Lettre de notre Correfpondant,
du 3 Mars courant , datée de Chaource en
1
DE FRANCE. 177
Champagne. >> J'ai reçu votre Lettre , Monfieur ,
১৯ & je m'emprefle d'y répondre. Je conviens
>> d'avoir gardé avec vous un filence un peu
>>>long ; mais j'eſpère vous prouver que je n'ai
>> point autant de tort que les apparences vous
>> le font croire. Je n'avois que des choſes dé-
>> ſagréables à vous apprendre ; & fi les peines
>>> que je me ſuis données avoient eu du ſuccès ,
>> je vous aurois annoncé mon triomphe , en
>> vous annonçant la conduite du Tribunal de
>>> l'Inquifition , qui s'eſt emparé de l'Encyclo-
>> pédie depuis neuf mois , & contre lequel j'ai
>>>lutté , pendant plus de trois , avec des forces
>> qui n'étoient point égales. J'ai cédé à la fin ,
>> mais ce n'a été qu'à la crainte trop bien fondée
de me voir ravir ma liberté. Si j'ai quitt
>>> l'Eſpagne , ce n'a été que pour fuir la perfe
>> cation, & chercher ma sûreté dans ma Patrie
"
Ces détails confirment ce que j'ai dit dans
ľabrégé du grand Mémoire ſur l'Encyclopédie ,
qui a paru dans le Mercure du 7 Mars. J'avois 、
placé en Eſpagne 330 Exemplaires de cet Ouvrage,
dont on n'a retiré que les 16 premières Livraifons.
Le feu Roi d'fſpagne en avoir permis l'entrée
, & j'avois l'eſpérance d'en placer un plus
grand nombre , ſi la perfécution n'y avoit mis
obſtacle . J'ignore les motifs de la conduite de
l'Inquifition , puiſque je m'étois ſoumis à un Comité
de cenfure , nommé par le Conſeil de Cafcille.
C. PANCKOUCKE..
-
17 MERCURE
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE,
LEE Mardi 17 de ce mois , on a donné
la première repréſentation d' Afpafie, Opéra
en trois Actes , paroles de M. Morel, muſique
de M. Grétry.
L'intrigue en eſt légère , ainſi que l'Auteur
l'avoue lui-même ; mais elle est trèsfuffifante
pour un Ouvrage Lyrique , qui
ne peut jamais admettre de développement,
&dont le but est d'amener des Fêtes agréables
, varićes , & le Spectacle le plus brillant
: nous allons donner une courte analyſe
de cette Pièce.
La première ſcène repréſente le Lycée
d'Athènes ; l'Aureur a eu l'idée ingénieuſe
de copier le Tableau fi connu & fi fuperbe
de Raphaël. Les Philoſophes Anaxagore
& Zenon font au milieu de leurs
Diſciples ; d'un autre côté , on voit Aracréon
entouré de jeunes Filles d'Athènes ;
plus loin, aux pieds de la Statue de Vénus,
font Ariftophane & Phidias. Après une invocation
au Dieu des Arts & de l'Harmo
DE FRANCE. 179
nie , mêlée des leçons que donnent chacun
de ces Philoſophes ,d'après leur caractère ,
Hipparette , jeune Athénienne , vient leur
demander des conſeils ſur l'art de fixer un
Amant. Cette Hipparette doit recevoir pour
époux Alcibiade , qu'elle adore , & qu'on
regarde comme le ſoutien de l'Etat. Anacréon
lui conſeille d'imiter Aſpaſie , dont
tous les Philoſophes célèbrent à l'envi les
graces , l'eſprit & les talens. Ariftophane
les accuſe d'en être amoureux ; il les raille
ſur ce penchant qui s'accorde fi mal avec
lears principes , & leur apprend qu'Alcibinde
, qui vier: d'être couronné aux Jeux
Olympiques par cette Belle , en eſt auſſi
pallionnément épris que tendrement aimé,
Cette nouvelle est un coup de foudre pour
Hipparette ; elle s'évanouit. Afpafie arrive,
elle eſpère retrouver dans les leçons de la
Philofophie , le calme que ſon coeur a
perdu. On force l'entrée du Temple ; c'eſt
Alcibiade qui , ne pouvant plus vivre ſans
Afpafie , la pourſuit juſque dans ce lieu
facré. La réſiſtance de cette Héroïne , les
reprimandes des Philoſophes , & Tardeur
inipétucufe d'Alcibiade , forment un morceau
de muſique par lequel l'Acte eſt terminé.
Dans le ſecond , Aristophane retrace à
ce jeune homme ſes devoirs , & lui rappelle
ſes premiers engagemens , mais fans parvenir
à triompher de ce coeur trop plein
d'Afpafie. Il exécute un autre projet ; il
130 MERCURE
!
confeille à Hipparette de s'adreffer, à Afpafie
elle-même, pour l'engager à renoncer
à fon Amant. La ſcène où Hipparette fare
cette propofition délicate , eſt filée avec
adreſſe & intérêt. Ce triomphe ſur ſon
propre coeur eft cruel pour Aſpaſie ; mais
il eſt digne de la nobleſſe de ſon ame , &
elle parvient à l'obtenir. Elle a une ſcène
avec Alcibiade , qui prépare le dénouement
, quoiqu'elle ne ſemble promettre à
ce jeune Héros qu'un rendez - vous au
Temple de Vénus & l'aveu le plus flatteur.
L'Acte finit par une Orgie en l'honneur de
Bacchus .
Dans le troiſième, Ariftophane , qui voudroit
éloigner les Philoſophes d'Aſpaſie , ſe
plaîtà les tourmenter par les traits de fon
caractère ſatirique. Afpafie les met tous
d'accord, en appréciant leurs talens divers.
On voit le Temple de Vénus ; Hipparette
ſous l'habit de cette Déeffe , & environnée
de toute la Jeuneſſe Athénienne , ſe cache
derrière un rideau ſi-tôt qu'Alcibiade paroît.
Ce jeune Amant adreſſe d'abord ſes voeux
à la belle Afpafie ; mais elle exige qu'il
jure d'être fidèle à ſes premiers ſermens ;
elle lui nomme Hipparette , & la lui fait
voir dans tout ſon éclat: cette vue rallume
dans le coeur d'Alcibiade une paffion mal
éteinte , & le rappelle au devoir.
Cet Ouvrage , principalement fait pour
amener des Fêtes & du Spectacle , comme
nous l'avons dit , a eu à la première repréſentation
,
DE FRANCE. 181
préſentation, un ſuccès conteſté ; mais il
s'eſt relevé avec éclat dès la ſeconde. On
eproché de la négligence à l'Auteur des
paroles , parce qu'en effet ce ſujet paroiffoit
fufceptible de tous les charmes de
ſtyle ; mais on auroit dû diftinguer quelques
morceaux écrits avec ſoin. Le caractère
d'Afpafie & celui d'Ariftophane nous paroiffent
mériter des éloges. La muſique des
Ballets eſt très-variée & très - piquante , &
dans cet Ouvrage , elle doit être regardée
comme l'objet principal. Pluſieurs Airs , &
notamment un Trio du ze. Acte , ont
tenu de grands applaudiſſemens. On reconnoît
dans la plupart la touche élégante &
ſpirituelle de ce Maître. Les Ballets , qui
font tous de la compoſition de M. Gardel ,
font délicieux. Celui du ter. Acte , pendantque
l'on chante l'Air, Que ces tableaux
font charmans , offre en effet une ſuite de
tableaux les plus variés & les plus piquans.
Celui du 2e. Acte, l'Orgie de Bacchus , préſente
une ſcène & un ſite tout -à-fait pittoreſques
, animés, de la manière la plus
ingénieuſe par différens groupes de Danſeurs.
La Pantomime qui le termine eſt
pleine d'intérêt & parfaitement exécutée,
M. Gardel a trouvé le ſecret de produire
des effers neufs dans un Art trop cultivé
en France , pour n'être pas déja un peu
épuisé.
No.13. 28 Mars 1789.
I
152 MERCURE
741
!
GOMÉDIE FRANÇOISE.
QVEL eſprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Eſpagne ?
Pychrocole , Pyrrhus , la Laitière , enfin tous ;
Autant les fages que les fous.
Chacunfongeen veillant, il n'est rien de plus doux:
Une flatteuſe erreur emporté alors nos ames ;
Tout le bien du Monde eſt à nous ,
Tous les horneurs , toutes les femmes.
Quandje ſuis ſoul , je fais au plus brave un défi:
Je m'écarie , je vais détrôner le Sophi :
On m'élit Roi ; mon Peuple m'aime :
Les Diademes vont fur ma tête pleuvant.
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-meine?
Je ſuis Gros-Jean comme devant.
La Fontaine , Liv . VII , Fab. 10.
Ces quatorze vers renferment peut- être
ce qu'on a dit de plus piquant & de plus
gai ſur les illuſions pallagères que fe font
les hommes de tous les états , par une erteur
qui leur eft commune à tous.
Il paroît que , dans ſes Vifionnaires ,
Deſmarets a voulu mettre en action , ſous
différens rapports , cette erreur vraiment
amuſante , & dont chacun de nous donne,
tour à tour , le ſpectacle à ſon voiſin. Ú
?
DE FRANCE . 183
ya de l'imagination & de l'eſprit dans
l'Ouvrage de Deſimarets , mais il manque
abfolument de goût. Ses perſonnages font
prefſque tous atteints de cette folie qui
excite moins le rire que la pitié , & leurs
rêveries ne font guère que des accès. Il eſt
vrai que les Vifionnaires ont été donnés en
1637 ; il est vrai encore qu'à cette époque le
Théatre François étoit éloigné de la perfection
qu'il a acquiſe depuis , & qu'il n'a
pas conſervée dans toute ſon intégrité.
M. Collin d'Harleville a traité les Cha
teaux en Espagne en homme doué d'autant
d'eſprit que de goût. Il a donné au
perſonnage dont il a fait un Viſionnaire ,
un charme attachant , une grace infinie , &
un fonds d'amabilité inépuiſable. Avec tour
ce qu'il faut pour plaire , il eſt difficile de
n'être pas aimé. Aufli , dès la première re
préſentation , l'Ouvrage de M. Collin avo.t
il entraîné les plus vifs applaudiſſemens ,
en dépit de toutes les obfervations critiques.
La feconde repréſentation a préſenté
ceperſonnage ſous un aſpect plus intéreſfant
encore , & , comme nous l'avons dit ,
le ſuccès a été complet.
Il eſt évident que M. Collin a réflé
chi ſur les idées que renferment les vers
de La Fontaine , dont nous avons fait uſage
au commencement de cet article . Au reſte,
il en a tiré un grand parti , & on ne peur
que lui ſavoir gré d'avoir pris pour guide
un Ecrivain dont l'ingénnité touchante ca
184 MERCURE
che preſque toujours une philoſophie pro
fonde , miſe à la portée de tous les eſprits.
Nous croyons pourtant que ce n'eſt point
ici le lieu de donner notre avis ſur les Chateaux
en Espagne. Plus nous avons vu cet
Ouvrage , & plus nous nous ſommes convaincus
qu'il falloit, pour lebien juger , en
rapprocher tous les détails & tous les développemens.
Avec la plus ſcrupuleuſe atrention
, on n'eſt pas toujours sûr de bien
faifir toutes les nuances d'un tableau qui
paſſe rapidement ſous les yeux , fur - tout
quand la fineſſe du trait & la délicateſſe
du pinceau rendent l'obſervation de ces
nuances très - difficile , même pour les
perſonnes les plus exercées. Nous artendrons
donc que cette Comédie ſoit imprimée
, & nous allons ſeulement en donner
une courte analyſe.
M. Dorfeuil veut marier ſa fille Henriette
au neveu d'un de ſes anciens amis.
Les jeunes gens ne ſe connoiſſent point.
Florville , c'eſt le nom du jeune homme ,
voudroit connoître le caractère de ſa prétendue
, & il imagine un moyen d'y parvenir
ſans compromettre perſonne. M. Dorfeuil
eſt un homme très- hofpitalier , qui
donne volontiers aſile aux honnêtes gens
qui s'égarent autour de fon château. Florville
ſe propoſe de fe préſenter comme
un Voyageur , & d'obſerver en toute sûreté
de confcience. On découvre ſon projet, &
on l'attend. Henriette brûle du déſir de le
5
DE FRANCE. 185
voir arriver , car elle s'eſt faite une grande
idée de ſon futur époux; & déjà dans fon
ame elle le compare à ce que l'humanité
a de plus parfait. A l'inſtant , on annonce
un Voyageur ; c'eſt un jeune homme gai ,
aimable , ſpirituel . On le queſtionne ; il
répond qu'il ſe nomme d'Orlange , qu'il
eſt Provençal , qu'il aime à voyager , qu'il
s'eſt égaré , qu'il demande un afile. On ne
manque pas de le prendre pour Florville ; on
le reçoit avec toute forte d'égards , & il
eft enchanté avec d'autant plus de raiſon ,
que très-prompt à tout voir fous les couleurs
les plus avantageuſes pour lui , ce
M. d'Orlange eſt accoutumé à embellir le
préſent par les illuſions de l'avenir. L'eſprit
de d'Orlange , ſon amabilité , lui gagnent
bientôt les bonnes graces de M. Dorfcuil.
Il n'a pas le bonheur de plaire autant à la
ſenſible Henriette. Il a fuffi d'une converfarion
entre elle & d'Orlange , pour la
déſabuſer ſur l'idée qu'elle s'étoit faite de
fon époux ; elle n'a pas trouvé le coeur
qui lui convient ; elle s'attrifte ; & c'eſt
avec douleur qu'elle voit fon père s'enthouſiaſmer
pour un homme dont l'ame
eft moins ſenſible que fon eſprit n'eſt aimable.
Voilà pourtant d'Orlange inſtallé ,
agiſſant comme 'étoit chez lui , prenant
du goût pour Henriette , & bâtiffant force
Châteaux en Eſpagne de tous les genres
&de toutes les couleurs. Florville arrive :
il eſt bien reçu; mais on eſt ſi préoccupé
13
186 MERCURE
de d'Orlange , qu'on ne le ſoupçonne pas
d'être ce qu'il eſt. Il voit Henriette , & elle
lui paroît faite pour inſpirer autant l'eſtime
que l'amour. De fon côté , il plaît , il intéreſſe,
il préſente l'idée de l' Amant qu'auroit
voulu choiſir Henriette. Mais qu'en
réſulte-t-il ? du chagrin pour tous deux ;
carHenriette voit toujours un paflager dans
Florville , & Florville ne voit dans dOrlange
qu'un rival heureux , prêt à épouſer ,
qui a le ſuffrage du père , & peut - être celui
de la fille. Convaincu qu'il n'y a rien à
eſpérer , Florville fait à M. Dorfeuil & à
fa fille les adieux les plus tendres ; il a
formé tout bas le projet de ſe taire , de
fortir fans ſe faire connoître ; & il part. A
reine eft-il parti, que ſon ſecret perce.
D'Orlange, dont l'eſprit eſt mobile , vague
, errant , mais dont l'ame eſt bonne &
ſenſible au fond , d'Orlange éclaire M.
Dorfeuil & fa fille ſur l'erreur où ils ont
été long-temps & malgré lui. Il fait courir
après Florville , qu'on ramène ; il hâte lo
bonheur des deux Amans , il en jouit.
avec ivreffe. Enchanté de leur fituation , il
réfléchit fur le néant de fes illufions , & tout.
en ſe propoſant d'y renoncer, il bâtit un
nouveau Château en Eſpagne , où ſon caractère
dominant éclate avec une nouvelle :
énergie.
La facilité de M. Collin eſt auſſi étonnante
que la richeſſe de ſon eſprit. En
reize jours , cet Auteur a refferré les trois
DE FRANCE.
187
:
premiers Actes , refondu le quurième , &
fait
un cinquième, Acte tout neuf, Nous
eſpérons prouver bientôt que ce travail ext
traordinaire, ne ſe reffent en rien de la ra
pidité avec laquelle il a été fait...
Cet Ouvrage eſt joué avec foin ; mais
nous devons des éloges particuliers à M.
Fleury, pour le ton décent , pour la marière
aimable & fentie qui guident ſon jen
dans le rôle de Florville. On a trop négligé
depuis long temps au Théatre l'obſervation
des bienféances & les habitudes de la nost
bleſſe ; M. Fleury peut fervir de modèle
en cette partie. Les défauts qu'on peut remarquer
dans le talent de ce Comédien ,
tiennent à ſon organiſation ; il feroit difficile
de lui en trouver un qui tînt à fon
intelligence..
COMÉDIE ITALIENNE.
LOROSRSQQUUEE nous avons rendu compre du
nouveau Théatre Anglois , traduit en François
par Madame la Baronne de Vaffe ,
nous avons indiqué l'Ecole de la Médifance,
Comédie de M. Sheridan , comme
un ſujet propre à être heureuſement porté.
fur la Scène Françoiſe. C'eſt en effet à cet
Ouvrage que nous devons l'Homme à Sentimens
, Comédie nouvelle en cing Actes &
14
88 MERCURE
en vers , dont on a donné la premiere repréſentation
le 10 de ce mois.
Damis eſt un Egoifte qui , ſous le maſque
de la vertu , outrage tous les fentimens les
plus reſpectables. Dorante fon frère est un
étourdi , un diffipateur , un libertin , qui ,
avec le coeur le plus fenfible & le plus généreux
, multiplie les extravagances , &fe
donne publiquement les torts lesplus graves.
Damis ſe flatte de ſubjuguer l'eſprit de fon
oncle Sudmer , tiche Négociant , qui revient
du Bengale avec une fortune immenfe. Il
ſepropoſe encore de ſéduire la jeune femme
d'undeſes vieux amis,&tout paroît lui pro
mettre un ſuccès heureux. Sudmer arrive ;
mais avant de diſpoſer de ſa fortune, il veut,
malgré les apparences , éprouver ſes neveux.
Sous le titre d'un ufurier , il s'introduit
chez Dorante , qui lui vend la galerie complette
des portaits de ſes aïeux , hors un
qu'il ſe réſerve. Ce portrait eft celui de
Sudmer , déjà fait depuis long- temps , & que
l'âge de l'original rend difcret en lui ôtant
de la reffemblance. Sudmer , qui ſe reconnoit,
veur tenter fon neveu par l'appât d'une
fomme confidérable ; mais ſes offres font
inutiles , & il fort très diſpoſé à croire
que ſon libertin de neveu pourroit bien
être unhomme ſenſible & un homme d'honneur.
Après cette première épreuve , Sudmer
ſe rend chez Damis ſous le nom d'un
parent réduit à l'indigence , & il en follicite
des ſecours. Les premières paroles de
DE FRANCE. 189
Damis ſont douces & honnêtes ; mais infeniblement
ſon avarice & fa dureté naturelles
échappent malgré lui , & il refuſe
formellement d'être utile à fon malheureux
parent. Cette inſenſibilité , le projet
prouvé de féduire lafemme d'un ami,d'autres
actions non moins honreuſes, décident Sudmer
, qui déshérite Damis , & donne tous
ſes biens à Dorante en lui faifant épouser
une jeune perſonne qui l'a toujours aimé
malgré ſes égaremens.
Cette Pièce , eftimable à beaucoup d'égards
, abonde en développemens , en détails
beaucoup trop longs & à peu près
inutiles. Si l'Auteur avoit refferré fon ſujet
en 4 Actes , il eſt certain que l'Ouvrage auroit
plus d'intérêt, parce que la rapiditédel'action
lui en feroit gagner beaucoup . Les
caractères des deux frères font bien oppofés ,
bien rendus, &conſervés avec beaucoup d'art
juſqu'au dénouement. La Scène cù Dorante
vendles portraits de ſes aïeux , a fait géné
ralement plaiſir , & cela nous furprend d'autant
moins , qu'elle eft excellente dans la "
Pièce Angloiſe. Rien de plus heureux que
le jeu continuel de la légèreté libertine &
de la franche ſenſibilité de Dorante ; c'eſt
un comique de ſituation dont tout le
monde n'a pas le ſecret. Le ſtyle a de la
facilité & du nombre , parfois de la négligence
; on y remarque de temps en temps
des expreflions piquantes & neuves , de
l'élégance, & même de la fermeté. Nous y
Is
Fe MERCURE
avons aufli remarqué , quoique bien rarement
, de la recherche. Par exemple , on
a beaucoup applaudi ce vers , où il eſt queſtion
de Damis :
Pour être vertueux , il a trop de vertus .
On ſent bien ce que l'Auteur veut dire ,
mais fon idée n'eſt pas affez clairement rendue.
Ce vers rappelle la fin du Sonnet d'Oronte
, dans le premier Acte du Milanthrope.
:
Belle Philis , on déſeſpère
Alors qu'on eſpère toujours.
Le Public , qu'on prend quelquefois par
lesmots, ſe prend aufli par les choſes. Son
approbation dépend de la promptitude avec
Jaquelle il ſaiſit ou laiſſe échapper le fond
des idées. Voilà pourquoi il paroît quelquefois
en contradiction avec lui-même , quand
ilblâme là ce qu'il avoit approuvé ici. Mais
il eft rare qu'il ne revienne pas ſur ſes erreurs
, fur tout en fait de fuffrages , & il devientd'autantplus
ſévère, qu'il s'eſt laiſſé plus
facilement tromper. C'eſt une obſervation à
laquelle devroit s'attacher tout Aureur qui
veut mériter la réputation de bon Ecrivain.
DE FRANCE. 191
THÉATRE DE MONSIEU R.
LE Lundi 9 de ce mois , on a donné
fur ce Théatre , l'Antiquaire ,Opéra Bouffon.
Il n'a eu qu'un ſuccès très-foible. L'intrigue
eſt peu de choſe : on a trouvé dans
le Dialogue quelques traits affez comiques ,
mais il en falloit davantage ; il falloit prononcer
plus fortement le caractère du perfonnage
principal , pour foutenir un fonds'
auſſi léger. L'Auteur , qui a donné čerte '
Pièce fans aucune prétention , a cru que
le charme de la Muſique Italienne fuffiroit'
pour faire valoir ce petit Ouvrage ; & peutêtre
le Public en eût-il jugé de même, ſi '
on lui avoit fait entendre une Muſique
tranfcendante & remplie de ces grands effets
auxquels il s'eft accoutumé à ce Théatre;
mais on n'a pas reconnu dans celle de
cette Pièce , ce goût de terroir auquel les
Connoiffeurs font ſi ſenſibles , & que les
Etrangers , à moins d'avoir étudié longtemps
en Italie , ne sçauroient imiter. Exiger
qu'un Ultramontain faſſe de la Muſique
Italienne , c'eſt reſſembler à ce Libraire de
Hollande , qui difoit àun Auteur François :
Monfieur , faites-moi des Contes de Marmontel
«.
ور
"
1
10
192 MERCURE
1
Le Jeudi ſuivant , on a donné ſur ce
même Theatre , la première repréſentation
du Fabuliste , ſuivie de la première repréſentation
de la Serva Padrona , Intermède
remis en Muſique par le célèbre Paifiello.
Toutes deux ont beaucoup réufſfi , & nous
avons enfin le plaifir d'annoncer un fuccès
complet fur ce Théatre , dans le genre de
la Comédie. Le Fabuliste eſt une Pièce
épiſodique , & par conséquent n'a pas beſoin
d'intrigue. Elle est écrite avec infiniment
de grace & d'eſprit. La plupart des
Fables font charmantes , & quelques-unes
ont paru d'un mérite ſupérieur. M. Chevalier
, qui les débite , a eu l'art d'en faire
valoir tous les détails , de manière à n'en
pas laiffer échapper un trait. Il prouve dans
ce rôle, qu'il ne lui a manqué juſqu'ici que
de meilleures Pièces pour déployer les plus
grands talens. On doit auffi des éloges diftingués
à Madame Péliffier , chargée du rôle
d'une bonne Servante du pays de Caux ,
qu'elle rend avec beaucoup de naturel &
de comique. Elle fait auta, fans s'en douter
, une Fable affez longue & fort jolie
qu'elle dobite de la manière la plus piquante
&la plus vraie.
On a demandé l'Auteur, qui a eu le bon
eſprit de ne pas paroître : il faut efpérer
que ſon exemple ſera ſuivi. On eſt venu
nommer M. Landrin , déjà connu par des
Ouvrages de ce genre , qui ont toujours
euduſuccès.
DE FRANCE.. 193
* Parlons de la Serva Padrona. Si c'étoit une
entrepriſe hardie que de remettre en Muſique
ce petit Intermède , traité autrefois
par Pergolèfe avec tant d'eſprit & de naturel;
s'il ne falloit pas, pour y réufir, un
talent moins diftingué que celui du ſignor
Paiſiello , il n'étoit pas moins hafardeux
de faire entendre cet Ouvrage à des François
, qui, depuis trente ans, font leurs délices
de l'original. Plus ſenſibles aux beaurés
dramatiques qu'aux beautés purement
muſicales , & moins inconftans à cet
égard que les autres Nations , ils ont regardé
ce petit Ouvrage comme un chefd'oeuvre
inimitable , loin de croire qu'on
puiffe le furpaffer. La Mufique de la Serva
Padrona s'eft tellement liée dans leur efprit
avec les paroles ( très connues par l'imitation
affez exacte qu'en a faite Baurans ),
qu'ils regardoient comme impoflible non
feulement de les rendre mieux , mais même
de les rende autrement. Ajoutons que
beaucoup d'Amateurs font perfuadés qu'il
y a en Muſique une vérité unique & abfolue
, & que l'accent de la Nature une
fois ſaiſi , il n'eſt plus permis de s'en
écarter.
Ce n'eſt pas ici le lieu de combattre ces
préjugés. Nous renvoyons ceux qui y tiennent
encore , à l'excellent Ouvrage de M.
de Chabanon , intitulé : De la Musique
confidérée en elle-même. Nous obſerverons
>
>
ſeulement qu'il faut que ce préjugé ne fois
194 MERCURE
pas univerſel , puiſque la Muſique de Paifiello
, comparée à celle de Pergolèſe , a fait
cependant le plus grand plaifir. Il faut
avouer que le Compofiteur moderne avoit
fur l'ancien l'avantage de pouvoir diſpoſer
de toutes les puiſſances de 1Orcheſtre , &
qu'il les a employées avec beaucoup d'art.
Mais pourvu que le Public y trouve fon
compte, que lui importe de quels moyens
on s'eſt ſervi ?
Qu'on nous permette de comparer enſemble
quelques morceaux. Pour preuve
d'impartialité , nous commencerons par
préférer au premier air de Paiſiello celui
de Pergolère, fur les paroles Italiennes ,
Afpettare è non venire , ( nous ne parlons
pas de la traduction de Baurans , qui
en détruit tout le caractère ) : certainement
le mouvement que Pergolèſe a choiſi , exprime
l'impatience avec plus d'énergie & de
vérité. La tournure muſicale de celui de Paifiello
eſt plus agréable , mais c'eſt d'expreſſion
ſeulement qu'il s'agit ici .
Le Duo ſuivant , Ma quando la finifci:
Hébien ! finiras-tu? de Pergoleſe , eſt d'un
chant barbare & d'une intonation prodigieuſement
difficile. Celui de Paiſiello n'eſt
que foible , mais il eſt au moins agréable &
facile à chanter. Pour l'air Sempre in contraſto,
nous convenons que c'eſt un Chefd'oeuvre
de vérité dans Pergolèſe , & que
Paiſiello ne pouvant choitir un thithme plus
convenable , a employé le même. Mais
DE FRANCE. 195
quelle différence de facture ! quelle expreffion
dans les accompagnemens ! Combien
accompag
l'Orcheſtre du moderne Auteur renforce le
ſentiment des paroles ! combien fa mélodie -
eſt ſavante & naturelle à la fois ! C'eſt dans
ee morceau ſur tout qu'on peut juger des
progrès qu'a faits la Muſique depuis un demifiècle.
ya
L'air qui fuit , Stizzoſo mio ſtizzofo , eh
mais ne fait-il pas la mine ? eſt un morceau
de chant : c'eſt dire affez combien
Paiſiello l'emporte fur Pergolèfe. Celui - ci
n'a fait qu'une mélodie fèche & faccadée ,
où les paroles font rendues ſeulement avec
-efprit ; l'autre , avec autant d'eſprit ,
mis bien plus de grace , & c'eſt l'avantage
général qu'il a ſur ſon prédéceſſeur. On a
beau dire , la mélodie a infiniment gagné
depuis trente années. Ceux qui connoiflent
l'Olympiade de Pergoleſe , le feul Opéra
ſérieux qu'il ait écrit , ſavent qu'aujourd hui
on n'en pourroit pas ſupporter le chant.
Haffe & Galappi ſont peut- être les ſeuls
Anciens dont la mélodie pourroit plaire
encore.
- Nous ne poufferons pas plus loin le
parallèle; mais nous diftinguerons le dernier
morceau du Vieillard : Sono imbrogliato
già ; Quel est mon embarras ? pour
prouver qu'on peut l'emporter fur Pergolèſe
, non ſeulement par la beauré du chant
&des accompagnemens figurés , mais même
:
196 MERCURE
par l'expreſſion & la vérité. Nous invitons
les Amateurs à comparer le morceau des
deux Maîtres , en ſe dépouillant de toute
prévention.
Les deux rôles de la Serva Padrona ont
été parfaitement rendus , celui de Serpina ,
par Madame Limperani , qui a prouvé
beaucoup d'habitude de la Scène , & celui
d'Uberto ( le même que Pandolphe ) , par
M. Raffanelli , qui devra peut-être à fon
ſéjour à Paris , la réputation du premier
Buffo de l'Europe , qui a foutenu dans cet
Ouvrage celui qu'il s'eſt faite dans Théodore.
Ces deux Acteurs ont eu le plaiſir
bien flatteur , & juſqu'ici affez rare , de
faire beaucoup rire , & d'être extrêmement
applaudis dans le récitatif.
ANNONCES ET NOTICES.
ON a mis en vente , Hôtel de Thou , rue des
Poitevins , la 30e. Livraiſon de l'Encyclopédie ,
compofée de deux Volumes de Difcours & d'un
Volume de Planches.
Les Repentirs de 1788 , ſuivis de douze petites
Lettres , écrites à qui voudra les lire. A Londres ;
& se trouve à Paris , chez Briand , Libr. Hôtel
de Villiers , rue Pavée-St-André-des-Arts.
DE FRANCE. 197
Sur la forme des Gouvernemens , & quelle est
la meilleure ; Dilertation extraite des huit Differtatiors
que M. le Comte de Hertzberg , Miniftre
d'Etat , Membre & actuellement Curateur
de l'Académie de Berlin , a lues dans les Aflemblées
publiques de l'Académie Royale des Sciences
&Belles-Lettres de Berlin, tenues pour l'Anniverfaire
du Roi Frédéric II , dans les années 1780-
1787. Brochure in-8 ° . de 66 pages. A Berlin ; &
ſe trouve à Paris , chez Onfroy , Lib. rue Saint-
Victor , Nº. 11 .
Abrégé de l'Histoire Univerſelle , en Figures ,
gravées par les premiers Artiſtes de la Capitale ;
ou Recueil d'eſtampes repréſentant les ſujets les
plus frappans de 1Hiſtoire tant facrée que profane
, avec les explications qui s'y rapportent ,
par M. Vauvilliers , de l'Académie Royale des
Inſcriptions & Belles-Lettres. Ouvrage deſtiné à
l'inſtruction de la Jeuneſſe. Le prix du Cahier in-
89. eſt de 4 livres. 120. Livraiſon. A Faris , de
l'Imprimerie de Didot le jeune , Imprimour de
Monfieur ; Duflos , Libr. rue Saint-Victor , Place
Maubert; & Moutard , Imp-Lib. de la Reine , rue
des Mathurins.
Cet Ouvrage jouit toujours d'un ſuccès mérité.
Au Roi. Lettre préſentée à Sa Majené le 9
Décembre 1788. Brochure in-8% de 115 pages.
A Londres ; & ſe trouve à Paris , chez Prault
Linp. du Roi , quai des Auguſtins.
Les Devoirs de l'homme & du Citoyen ; par M.
***. A Paris , chez Dupuis , Libr. , rue Jacob ,
Fauxbourg St. Germain ; & Latellier , quai des
Auguftins , No. 28 , Brochure in- 12 de 54 pag
MERCURE
OEuvres complètes de Démosthène & d'Eſchine ,
traduites en François , avec des Remarques fur
les Harangues & Plaidoyers de ces deux Orateurs
; précédées d'un Diſcours préliminaire fur
l'Eloquence , & autres objets intéreſſans ; d'un
Précis hiſtorique ſur la Conſtitution de la Grèce ,
fur le Gouvernement d'Athènes , &c . &c.; par M.
l'Abbé Auger , Vicaire - Général du Diocèſe de
Lefcar , de l'Académie des Inſcriptions & Belles-
Lettres de Paris , & de celle de Rouen. 6 Vol.
In-8°. Prix br. 30 liv.; & francs de port par la
Pofte , 33 liv . A Paris, chez Crapart , Libraire
à l'entrée de la rue d'Enfer , Nº. 129. (On vend
Séparément les Tomes IV , V , VI , au prix de
14 liv. br. , & 16 liv. 10 f. francs de port par
la Pofte , pour compléter l'édition de 1734, dont
il n'a paru que les trois premiers Vol. )
On connoît le mérite des Traductions dont M.
'Abbé Auger a enrichi notre Littérature ; & l'Ouvrage
que nous annonçons eſt d'un genre d'éləquence
analogue à l'intérêt des grandes affaires
qui occupent toute la France.
Portrait de Mlle. Doligny, peint par M. Vanloo,
Peintre du Roi ; par J. J. J. Huber d'Augsbourg ,
avec cette Inſcription tout autour : La Pudeur
fut toujours la première des Graces. Prix , 4 liv.
A Paris , chez Bafan , rue & hôtel Serpente.
On ſe ſouvient encore du plaifir que faifoit au
Théatre François cette Actrice intéreſlante ;& fon
Portrait ne peut qu'être favorablement accueilii.
Procès de Warren Hastings , Ecuyer , ci-devant
Gouverneur du Bengale , traduit de l'Anglois par
M. Soulès ; re. Partie ; in-8°. Prix , I Iv. 16 .
A Londres ; & fe trouve à Paris , chez le Traducteur
, Boulevart St-Antoine , N°. 8 ; & Def
ray , Lib. quai des Auguſtins,
:
DE FRANCE. 199
A Filoftrato , Poemi di Gio . Boccaccio. 1 Vol.
in-89. Prix, 3 liv. br. A Paris , chez Didot l'aîné ,
Impr. rue Pavée-St-André-des- Arts .
Voilà près de quatre fiècles que ce Poëme érotique
étoit reſté enseveli dans la pouffière des Bi-'
bliothèques d'Iralie. Les Amateurs de certe Langue
doivent de la reconnoiſſance à l'Editeur d'un
Ouvrage qui manquoit ſeul pour compléter les
OEuvres d'un des premiers Maitres. Il a vérifié
pluſieurs Manuferits anciens, pour donner le texte
le plus pur.
Collection des Mémoires de lHiftoire de France ,
Tome XLVIII . A Paris , rue & hôtel Serpente.
Ce Volume contient les Mémoires de F. de la
Noue , & le commencement de ceux de Henri ,
Duc de Bouillon .
Bibliothèque Univerſelle des Dames. AParis ,
rue & hôtel Serpente .
Le nouveau Volume que nous annonçons de
cette intéreſſante Collection , eſt le 126. des Mé- ..
langes.
Hiftoire de France , repréſentée par Figures
accompagnées de Difcours ; les Figures gravées par
M. David ; le Difcours par M. Guyot , Vic Gen.
72. & se. Livraiſors, compofées de 4 Flanches &
D.Cours imprimés fur papier vélin. Prix , 10 liv.:
A Paris , chez l'Auteur , rue des Cordeliers , au
coin de celle de l'Obfervance .
Le même vient de mettre en vente la 21e. Livraiſon
du Muséum de Florence , compofée de 7
Planches imprimées ſur papier vélin , & explication.
Prix , 6 liv. ; & au biftre fanguin Anglois ,
و liv.
20 MERCURE
)
Paul & Virginie , par Jacques- Bernardin-
Henri de Saint-Pierre , avec figures , in- 18 . A
Paris , de l'Imprimerie de Monfieur ; & fe
trouve chez P. Fr. Didot jeune , Libr- Impr. ,
quai des Auguſtins.
-Nous avons parlé de ce charmant Ouvrage
avec de juſtes éloges. La nouvelle Edition que
nous annonçons eſt très -bien exécutée , du côté
du deſſin , de la gravure & de l'impreſſion .
M. Didot le jeune , à qui on la doit , nous prie
de joindre à notre annonce l'avis ſuivant:
Ons'eſt trompé , à la fin de cette Edition ,
dans le Profpectus de l'Edition nouvelle des
OEuvres de M. de Saint-Pierre en annonçant
chaque volume in-8° . de 5 à 600 pages , ſatinė,
avec figures , rel. en papier vélin à 9 liv . &
en papier écu fin d'Eſſone à 6 liv. Le prix de
chacun de ces volumes en papier vélin eſt de
12 liv. , & en écu fin d'Eſſone de 7 liv. 4 f.
>>> Ce prix même eft fort inférieur à celui des
volumes in- 18 de Paul, volumes qui renfermant
à proportion beaucoup moins de papier de la
même qualité , ſe vendent 6liv. &4liv. pièce:
fi cependant les perſonnes qui ſe ſontddééjàfait
infcrire le trouvoient trop fort , elles ne feront
point obligées de retirer leurs Exemplaires ,
d'autantplus qu'elles n'ontpoint avancé d'argen*.
>> Perſonne même ne ſera obligé d'acquérir
cette nouvelle Edition pour s'en procurer les
augmentations , car les vol. in-89. d'augmentation
feront imprimés en même temps en vol.
in- 12 , au prix de 3 liv. 10 f. , pour faire fuite
aux Editions in- 12 précédentes.
>>Les inſcriptions pour l'Edition nouvelle ſerent
prolongées juſqu'au rer. Juin , les nouveaux
caractères que je fais graver par un de
mes fils ne pouvant être prêts que pour ce
temps-làcc.
DE FRANCE. 261
Promenade ou Itinéraire des Jardins d'Ermenonville
, auquel on a joint vingt- cinq de leurs
principales Vues, deſſinées & gravées par Mérigot
fils ; in-8°. Prix , 18 liv. rel . A Paris ,
chez Mérigot père , Boulevart Saint- Martin,
& les jours d'Opéra , ſous le veſtibule ; Gatrey
, au Palais Royal ; Guyot , Graveur &
Marchand d'Eſtampes , rue Saint - Jacques ,
n°. 9; & à Ermenonville , chez Murray:
Cet Itinéraire ne peut être que fort utile aux
Amateurs , & même aux Artiſtes qui vont viſiter
les beauxjardins d'Ermenonville. L'Auteur entre
dans tous les détails. Ses réflexions ſont d'un
homme qui fait juger , & ſes deſcriptions ont
l'empreinte d'une imagination ſenſible. Cet Ouvrage
ſe refuſant à l'analyſe , nous nous bornerons
à citer un morceau qui donnera une idée
du ſtyle :
» Du même fallon où l'on est placé pour
> jouir de la vue du nord , vous découvrez
>>>une belle rivière qui ferpente dans une vare
>>prairie : ce tableau fait un contraſte frap-
>> pant avec celui que vous quittez ; il porte
» avec lui un caractère mélancolique & doux.
• Si le côté du midi a beſoin , pour l'effet , des
>> rayons brillans du Soleil levant , il faut au
» contraire , pour embellir le côté du nord , les
>> rayons affoiblis du Soleil couchant : il feroit
>> bien difficile de faire un choix entre ces deux
>> aſpects. Je fais que le tableau du midi doit
>> plaire davantage aux Artiſtes ; la compoſi-
» tion en eſt plus riche , la couleur plus va-
>> riée, la ſcène plus animée ; mais je crois que
>> l'homme ſenſible donnera la préférence à
>> celui du nord : il y règne toujours ce calme
>> enchanteur , qui plait fi fort à l'ame ; elle
npeut s'y repaître de ſouvenirs agréables ,
202 MERCURE
i
>> d'idées douces , s'y bercer d'aimables chi-
>> mères , tandis que , du côté du midi , elle
>> feroit toujours diſtraite par le bruit des cafcades
par le mouvement des payſages , &
>> ſe fatigueroit enfin d'une ſituation qui ne lui
>> permet pas de s'occuper des ſentimens qu'elle
>> éprouve «.
:
Cet Ouvrage mérite des éloges dans toutes
ſes parties ; les Eſtampes, au mérite d'un deſſin
fait avec goût , joignent celui d'un burin ingénieux.
Sermons pour l'Avent , le Carême , l'Octave
du Saint Sacrement , & autres folennités , Panégyriques
, Oraiſons funèbres , Prônes , inf.
tractions diverſes ſur le Symbole des Apôtres ,
la premiere Communion , le renouvellement
des voeux du Baptême , la Profeſſion Religieufe ,
& plufieurs autres ſujets ; par feu M. Gery ,
Chanoine régulier , ancien Abbé de Sainte-Gé .
nevieve , & Supérieur général de ſon Ordre
en France , 6 vol. in- 12. A Paris , chez Méquignon
l'aîné , Libraire , rue des Cordeliers ,
près des Ecoles de Chirurgie.
La répuration dont M. de Gery ajoui de fon
vivant , peut faire rechercher le Recueil de fos
Difcours,
Conduise pour paſſer faintement le Carême , où
l'on trouve pour chaque jour une Pratique , une
Méditation & des fentimens ſur l'Evangile du
jour , & des Sentences fur la Sainte Ecriture
& des SS. Pères , avec la Collecte de la Sainte
Meffe , & un point de la Pasion de N, S. JC ;
par le R. P. Avrillon , Religieux Minime. Nou
velle édition , 1 vol. in 12 , prix rel . 2 liv.
το f. A Paris , chez Belin , Libr. , rue Saint-
Jacques.
DE FRANCE.
207
Collection des principaux Auteurs Anglois , en
Anglois , 16. livraiſon , contenant Gibbon's
History ofthe decline and fall of Roman Empire ,
vol. 8 , in- 89 . br. 3. liv. A Paris , chez Piffot ,
Libraire , quai des Auguſtins .
;
Cette entrepriſe littéraire eſt une des plus
intéreſſantes qui aient été faites depuis pluſieurs
années , & qui mérite d'obtenir du Public le
même accueil qu'il a fait à la collection des Auteurs
Latins & à celle des Poëtes Italiens . Son
but eſt de faciliter l'acquifition des meilleurs
Ouvrages d'une Nation aveclaquelle nous avons
tant de rapports importans de politique & de
commerce ; qui de tout temps la rivale de la
France en paix ou en guerre , eſt devenue fon
émule dans les Belles-Lettres , les Arts , les
Sciences , celle fur tout du Gouvernement , &
à qui la Philofophie a des obligations qu'on ne
conteſte plus . Les volumes qui font déjà pués
au nombre de 19 , & qui font entre les
mains des Lecteurs , difpenfent de rien ajouter
à ce qu'on a dit de l'exactitude , de la beauté de
l'impreffion , de la modération du prix des volumes,&
du choix des Auteurs .
Les Eliteurs de cette entrepriſe , pour faciliter
l'acquiſition des différens Ouvrages de cette
utile collection , ne demandent aucune avance.
On ſe fait feulement infcrire , & on s'engage
à prendre un Ouvrage commencé , & à payer
le prix de 3 liv. à la livraiſon de chaque vol.
Geneviève des Bois , Comteſe de Brabant ,
gravée par Augustin Legrand , d'après le tableau
peint par Frédéric Scall ; dédiée à Madame
la Ducheſſe de Richelieu. A Paris , chez
l'Auteur , rue Saint-Julien le Pauvre , nº. 18 ,
& chez M. Conſtantin , Négociant , quai de la
Mégiſſerie.
Le ſujet de cetteGravure eſt renfermé dans les
coupletsſuivans de la jolieRomance deM.Berquin
204 MERCURE DE FRANCE.
Coeurs ſenſibles , que les entrailles
Souffrirent dans la longue nuit !
Le jour renaît ; dans les broutfailles ,
Elle va chercher quelque fruit.
Elle revient ; qu'apperçoit-elle ?
Une biche accourt vers l'enfant ;
Il preffe fa douce mamelle ;
Près d'eux bondit un jeune Fan,
Ogrand Dieu ! le coeur d'une mèrs
Eſt un bel ouvrage du tien.
Son fils peut vivre , elle l'eſpère ;
Ses propres maux ne lui font rien.
Dans le creux d'un recher ſauvage ,
La Biche accompagne ſes pas ,
Dans ſes mains vient brouter l'herbage,
Et nourrir l'enfant dans ſes bras.
Cette Eſtampe intéreſſante , dont l'Auteur eſt
jeune& laborieux , prouve des progrès ſenſibles
, & doit lui faire beaucoup d'honneur. Le
pendant paroîtra inceſſamment.
VERS.
TABLE.
Vers au Cousin Jacques .
Charade, Enig. & Lg.
Relation de Isles Pelew.
Almanach Tachygra,A
L'impôt abonné.
Discours.
157 Variétés. 175
158 Académ. Roy. de Muf. 178
160 Comédie Françoise.
163 Comédie tallenne.
170 Théatre de Monfour.
172 Annonces & Notices.
173
APPROBATION.
182
188
191
187
J'AI AI lu par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 28
Mars 1789. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe ca
empêcher l'impreffion.AParis, le 27 Mars 178
SELIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGNE.
De Varsovie, le 2 mars 1789.
DANS la Séance de lundi dernier ,
la Diète ratifia la convention faite par
la Commission du Trésor avec M
Tepper, au sujet de l'emprunt. Le jeudi ,
M. Malachowski , Staroste d'Opoczno
et Nonce de Sendomir , proposa de
fixer la proportion dans laquelle devoient
contribuer toutes les classes de Citoyens ,
et qu'ensuite l'on nommât des délégations
chargées d'établir la meilleure manière
de percevoir les impôts. Cette proportion
, dans le projet de M. Malachowski
, est de 10 pour 100 pour les
biens nobles héréditaires , de 20 pour
100 pour les biens ecclésiastiques , et
de 50 pour 100 pour les biens royaux ,
N°. 13. 28 Mars 1789. g
( 146 )
ou Starosties , donnés à vie seulement .
Dans la Séance du vendredi , ce dernier
point passa à la pluralité.
L'oeil de la Diète est toujours ouvert
avec défiancesur l'Ukraine . Cette crainte
repose sur le souvenir des scènes affreuses
de 1768 , où Zelezniak , Cosaque Zaporavien
, et Sujet de la Russie , entra en
Pologne à la tête des brigands de sa
Nation , et fit afficher dans toutes les
églises du Rit Grec un Manifeste , daté
du 26 juin 1768 , auquel il osa apposer
la signature de la Czarine même , et où
il ordonnoit aux siens d'exterminer tous
les Polonois et les Juifs. En conséquence
les Cosaques , réunis aux troupes Russes ,
égorgerent tout ce qui n'étoit pas du
Rit Grec. Ayant forcé la ville d'Uman, ils
massacrèrent les hommes et les femmes ,
et jetèrent les enfans dans des puits , qui
sont restés comblés des cadavres de ces
victimes : cette boucherie s'étendit sur
l'Ukraine entière , où 200,000 Polonois
furent égorgés . Quelques menaces indiscrètes
de recourir de nouveau à ce
inoyen , ont exalté la défiance , et l'alarme
vient de s'accroître par la nouvelle
certaine , reçue avant hier , qu'une
division de troupes Russes étoit entrée
dans la Starostie de Szmila. Le Général
d'Artillerie Comte Potocki ayant communiqué
au Général Russe , l'ordre qu'il
avoit de la Commission de guerre de
:
(147 )
s'opposer à l'entrée d'aucunes troupes
de l'Impératrice , il reçut du Feld-Maréchal
de Romanzofune réponse que nous
rapporterons incessamment La Répu
blique ayant réclamé , ainsi que nous
le dîmes il y a huit jours , les bons
offices du Roi de Prusse , ce premier pas
de négociation suspendra peut-être les
hostilités près d'éclater.
Le Staroste et Général Woyna est
parti , le 19 février , pour se rendre à
Vienne , en qualité de Ministre Plénipotentiaire
du Roi et de la République
auprès de l'Empereur. Il est de plus en
plus apparent que le Marquis de Luchesini
ne se rendra pas à Pétersbourg ,
mais qu'il restera ici avec le caractère
d'Ambassadeur Extraordinaire du Roi de
Prusse.
On apprend de Mittau que l'ouverture
del'assemblée desEtats de Courlandes'est
faite le 19 février. On présume qu'il y
sera traité d'affaires infiniment sérieuses ,
et analogues à celles dont s'est occupé
notre République.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 9 mars .
:
L'on attendoit avec inquiétude oùabou
gij
( 148 )
tiroit , dans la Diète de Suède , la persevérance
de la pluralité de l'Ordre Equestre
et de la Noblesse , à résister au voeu
unanime des trois autres Ordres , et aux
propositions du Roi, lorsque nous apprimes
, le 24, un changement de scène
décisif (1 ) . Pour en saisir les véritables
causes , il faut avoir sous les yeux l'ensemble
exact des derniers évènemens.
L'article 48 de la forme de Gouvernement
adoptée en 1772 , prive le Roi du
(1) Nous avons retardé huit jours de préſenter
le récit qu'on va lire afin de nous
ménager le temps de recevoir des informations
plus certaines que celles des Feuilles publiques.
•Ajoutant fort peu de crédit aux récits précipités ,
&le plus ſouvent ſuſpects , de la plupart des
Gazettes , nous différons ſouvent l'emploi de
tels ou tels articles , dans la perfuafion que
chacun préfère de ſavoir la vérité , à lire des
fables prématurément publiées , & qu'il faudroit
contredire dans le Journal ſuivant. Le plan de
cet ouvrage périodique & le devoir du Rédacteur
ne ſont pas de bercer le Pub ic de toutes les
fauſſetés qu'on imprime journellement. Perſonne ,
on nous rendra cette juſtice , n'a porté plus loin
que nous les ſcrupules à cet égard. Par cette raifon
, nous avons écarté une prétendue déclaration
de la Porte aux Miniſtres Etrangers , au ſujet de
laPologne , tranſcrite dans les Gazetres de Hollande
, & qui n'a pas plus exiſté que la lettre du
Pacha d'Oczakof , contre laquelle nous mimes le
Public en garde il y a 15 jours.
(149 )
pouvoir de déclarer la guerre sans l'acquiescement
des Etats ; mais l'article 45
lui délègue l'autorité de procurer au
royaume la paix et la sûreté , princi
palement contre les forces des étrangers
et des ennemis; sous l'obligation ,
néanmoins , de ne lever ni aides, ni subsides
nécessaires à la guerre , sans le
consentement de la Diète. C'est en partant
de ce principe constitutionnel , que
le Roi , l'année dernière , jugea indispensable
à sa sûreté et à celle de l'Etat ,
d'équiper la flotte, etde transporter une
armée en Finlande. Le secret et ladiligence
de ces préparatiis furent un sujet
d'étonnement pour les Nations même
à quí l'étendue de leurs ressources permet
à peine une semblable promptitude.
Les avantages qui devoient en résulter ,
furent subitement prévenus par le refus
de service et parlesoulèvement de divers
Officiers en grade , qui , discutant la légitimité
de la guerre à l'instant de la
faire , adressèrent leurs plaintes à la Puissance
même qu'ils étoient allés combattre
. Assailli d'un côté par cette résistance
, et de l'autre par les Danois préts
à envahir ses provinces méridionales ,
le Roi redoubla de courage et d'activité.
Fermeau milieude cette réunion de dangers
, dont quelques-uns le menaçoient
personnellement, on le vit rassurer les
esprits , allier la prudence à la sévérité ,
11)
( 150 )
contenir des intelligences dont il mesuroit
la profondeur , revenir en Suède ,
tranquilliser la capitałe , parcourir ses
provinces , y étouffer les étincelles
de l'incendie , pénétrer les Peuples
d'enthousiasme, armer 20 mille Volontaires
en six semaines. Au fond de la
Warmie, il apprend que quatre mille
Danois s'approchent de Gothenbourg ,
non sans espoir d'être favorisés dans
leur dessein de surprise , par quelquesuns
des habitans. Il monte à cheval , lui
troisième, arrive aux portes de la place ,
fait saisir les traîtres, harangue la Bour--
geoisie , la met sous les armes et la
ville en défense , mande les secours , est
servi avec un zèle égal au sien , négocie ,
trouve des appuis , et réussit à faire rembarquer
les ennemis.
La position critique de l'Etat dictoit
les mesures de la Diète, en en nécessitant
la convocation. Le Roi ne douta
pas que lepérilévident des contestations,
à la vue de celui dont la Suède étoit
menacée, ne fixât le principe et le résultat
des délibérations.
En effet , cette prudence publique
fixa , dès le premier jour , les décisions
invariables des trois Ordres du
Clergé , de la Bourgeoisie , des Paysans ;
une partie même de la Noblesse se réunit
à son Chef pour y adhérer ; mais la
pluralité decettedernière Chambre adop(
151 )
ta d'autres maximes. Elle ne cacha ni sa
défiance , ni ses vues : par une suite de
son systême , la Diète , ouverte depuis
-3 semaines, restoit paralysée , consumant
un temps irréparable , à l'heure
même du danger, à la vue des escadres
et des armées ennemies prêtes à se
- mettre en mouvement. Plusieurs Séances
de l'Ordre Equestre s'étoient perdues
en discours véhéinens et en recherches
contre quelques écrits anonymes publiés
en Finlande : malgré les résolutions des
trois autres Ordres , celui de la Noblesse
persistoit à limiter les instructions du
Comité secret , quoique la 47° . loi de
la Constitution donne formellement à
ceComité, la même plénitude de pouvoir
qu'aux Etats mêmes. Des mémoires violens
, insérés dans le protocole de la
Chambre des Nobles , avoient été publiés
avec affectation , contre la règle et les
bienséances. Vainement le Roiavoit consenti,
le 12 , au désir de la Noblesse , en
faisant connoître qu'en conformité de
l'article 50 réclamé , l'état des finances
seroit remis au Comité secret. Les
débats épisodiques se succédèrent sans
intervalle , tantôt sur les instructions ,
tantôt sur l'Adresse au Roi. On en
vint jusqu'à proposer une scission avec
les autres Ordres. L'on agita ensuite
si le Baron de Sprengporten, passé
au service de Russie , étoit ou non, par
giv
(152)
ce changement de maître , exclus de la
Chambre de la Noblesse. Dans la même
Séance du 14 , on s'amusa à lire un long
mémoire sur la population et les fabriques
; on disserta de nouveau sur des
brochures imprimées et oubliées depuis
six mois. Toutes ces lenteurs évidemment
affectées , présageoient que le Comité
secret ne seroit pas même en activitéà
l'instant où les ennemis arriveroient
aux portes de Stockholm ; enfin , le mécontentement
du Roi , des trois Ordres
et du Peuple fut porté à son comble,
par les outrages dont se plaignit le Comte
de Levenhaupt, Maréchal de la Diète.
Sans respect pour la liberté des délibérations
, ce vieillardsiégeant avoit été insulté;
des cris et des huées avoient privé
du droit de parler divers Membres de
Ja.Noblesse attachés à la Couronne. Le
Comte de Levenhaupt , profondément
blessé , cessa de présidor , et demanda
justice au Roi del'affront fait à sa dignité,
et au trône même , dont le Maréchal de
-la Diète est le Plénipotentiaire.
Le Roi, tenant à la main la plainte
écrite de M. de Levenhaupt, signée de
plusieurs autres Nobles, témoins , se rendit
, le 17 , à la Diète . Là, en présence
des Etats assemblés inplenoplenorum ,
(tous les Ordres réunis ) , il prononça le
discours le plus fier; le plus énergique ,
leplus menaçant. En voici la traduction
( 153 )
entière,plus fidelle que les lambeaux présentés
dans les Gazettes :
« Ilyaaujourd'hui 14jours , que, de cettemême
p'ace , je vous ai inſtruits des motifs graves & importans
qui exigeoient impérieuſement votre réu .
nion. Je ne vous ai rien caché de ce qui s'eſt paſſé
durant cette époque critique , juſqu'à la fin du
mois dernier. Je vous ai fait conncître la néceffité
de prendre inceſſamment des meſures efficaces
pour mettre ce royaume à l'abri de toute attaque ,
lamarine en état de pro éger nos côtes , les forces
de terre ſur le pied le plus redoutable , afin d'ef.
facer la tache qu'ont imprimée au nom Suédois ,
non pas ces troupes ( puiſque par-tout où elles
ont rencontré l'ennemi, elles l'ont repouffé avec
vigueur & intrépidité ) , mais ſeulement l'infidel'e
défection d'un petit nombre. En un mot , j'avois
demandé la nomination d'un Comité , pour délibérer
avec lui fur ces grands objets , & j'y étois
autoriſé par nos lois fondamentales & les prérogatives
qui m'y ſont adjugées. Je vous diſois que
le temps étoit cher , que l'ennemi ſe remuoit , que
de prompts préparatifs pouvoient ſeuls ſauver
l'Empire , & mettre nos frontières à couvert de
toute inſulte ; enfin , que nous ne pouvions efpérer
une paix ſolide & honorable , que par une
campagne pouſſée avec activité & vigueur. Ma
propoſition étoit courte ; mais , je le répèze , elle
étoit fondée ſur la conſtitution , fur men droit ,
ſur la nature des chofes , & plus encore fur le
temps qui preſſoit. En ſuivant les règles preſcrites
par les lois , il ne falloit que trois jours pour
terminer cette affaire , pour vous nommément ,
Meſſieurs de l'Ordre Equestre & de la Nch'eſſe ;
favoir , un jour pour nommer vos Electeurs , un
antre pour ouvrir les fcrutins & procéder au choix
g Y
( 154 )
du Comité , & enfin le troiſième pour dreſſer la
liſte desMembres choiſis ,&me la communiquer.
Vous avez rempli ces conditions, Meſſieurs des
Ordres du Clergé , de la Bourgeoisie & des Payfans;
vous avez fatisfait complètement à la loi
avec unanimité , avec ordre , avec promptitude ,
mais fur-tout avec cet amour pour la Patrie &
pour moi , avec ce zèle pour avancer legrand ouvragedu
ſalut de l'Empire , qui animent généralement
ceuxdont vous êtes les Repréſentans. "
«Vous , au contraire , Meſſieurs de l'Ordre
Equestre & de la Nobleſſe , au lieu de fervir
d'exemple à vos Co-Etats , ou du moins au lieu
de ſuivre le leur, vous avez confumé le temps
envaines & inutiles délibérations ſur des points
qui n'étoient pas de votre reffort , & qui d'ailleurs
font déja fixés,par la Conftitution , dont la
diſcuſſion enfin n'étoit propre qu'à exciter des
troubles , qu'à perdre un temps précieux , qu'à
vous diſtrairedes objets eſſentiels , qu'à favorifer
les intérêts de l'ennemi ; mais ce qui eſt pis encore,
lorſque , pour prévenir de ſemblables délais
, j'ai rappelé à votre ſouvenir les principes
établisdans la forme de Gouvernement, lorſque
j'ai ordonné au Maréchal de la Dière de vous
faire les mêmes repréſentations ,&, felon les devoirs
de fa charge, de ne point permettre aucune
délibération qui fût contraire à la Conſtitution ,
vous avez,fans égard pour cet homme vénérable ,
ſans reſpect pour mes ordres , ſans conſidération
pourcequi eſt enjoint au dix-huitième paragraphe
de l'ordonnance de la Chambre de Nobleſſe ,vous
avez mépriſé ſes repréſentations; vous avez pouffé
le ſcandal'e juſqu'à outrager , ſur le ſiége même , &
dans l'exercicedes fonctions de ſa charge , celui qui
étoit au milieu de vous comme mon Plénipoterntiaire,
celui que j'avois chargé expreſſement de
( 155 )
t
maintenir l'ordre dans vosaflemblées , &, ſuivant
ce qui eſt preſcrit dans l'ordonnance citée : De
régler le temps & l'heure des discours & des délibéra
tions ; de modérer les débats & la chaleur des paroles
; de fixer à chacun l'espace de temps pendant
lequel il lui est permis de parler , &de reprendre ceux
qui s'emportent au-delà des bornes (ce font les propres
expreſſins du grand Gustave Adolphe ) ; enfin
, une partie d'entre vous s'eſt oubliée envers un
homme de 70 ans , un homme reſpectable à tous
égards par fa probité, ſa bienfaiſance& une vertu
ina'térable , un homme qui , fans aucun motifde
lucre particulier (car la fortune lui a donné aſſez
pour le mettre à l'abri du beſoin ,& ſa vie pleine
de gloire lui a mérité tous les honneurs & tous
les avantages auxquels on peut aſpirer dans ce
royaume ) , mais qui , uniquement par zèle pour
fon Ordre, pour fon Roi , pour ſa Patrie , s'eſt
chargé de ce pénible emploi ; vous vous êtes ,
dis-je , oublié à ſon égard juſqu'au point de contraindre
ce digne homme de s'adreſſer à moi , pour
ſe diſculper di accufations qui pouvoient flétrir ſon
nom auprès de la poſtérité ; & moi - même je
ferois en droit de me plaindre de lui , s'il eû
fouffert pariemment & en filence qu'on portat
quelque atreinte à fon caractère. Je fais bien qu'il
s'en trouve parmi vous qui n'ont pris aucune part
à ces défordres ; mais je fais auſſi qu'on ne leur
ajama's permis de ſe faire entendre , tant vos délibérations
font devenues tumultueuſes. Au reſte ,
Meffieurs lesNobles ,je vous prie de ne pas croire
que je veuille comprendre tout votre Ordre , tous
ſes Membres , ſans diftinction , dans les juſtes
plaintes que je fais ici ; mais puiſqueje fuis forcé
de parler franchement , c'eſt à ceux qui ſe ſentent
coupables des'appliquer mes paroles ;la confcience
des autres les met fuffisamment à l'abri de tour
gvj
( 156 )
reproche. Je ſuis d'autant plus autoriſé à parler
de la forte , que les noms des Nobles qui ont
foufcrit le mémoire contre le Maréchal de la Diète ,
font un témoignage aſſez éclatant de leurs ſentimans&
de ceux d'ungrand nombre de leurs confrères.
"
«Tout ce qu'a fait la Chambre des Nobles
eft illégal dans ſon principe , irrégulier dans ſa
forme, inconſiſtant& impoffible dans la pratique ;
&cette conduite a eu lieu dans des conjonctures
qui exigeoient abſolument d'autres ſentimens ,
d'autres réſolutions , dans un temps où toutes
les provinces , où les autres Ordres montroient à
l'evi leur zèle pour venir au fecours de l'Etat ,
pour m'aider à le défendre & à repouſſer l'enremi
. Mais qui ne reconnoît ici cet ancien eſprit
d'inſubordination qui s'eſt long-temps entretenu
dans les ténèbres , qui s'eſt étudié avec tant de
foins à m'aliéner le coeur de mon Peuple , qui
repréſentoit comme dangereuſes toutes mes actions
, même les plus innocentes , qui , au nom de
la liberté ( de cette liberté que j'ai moi-même
aſſurée ) , qui , dis-je , au nom de la liberté ne
cherchoit qu'à fatisfaire ſa propre ambition , &
rétablir le pouvoir aristocratique que j'ai cru devoir
anéantir au commencement de mon règne ,
&, ſous l'apparence d'affermir la Conſtitution, de
la ruiner réellement par de fauſſes interprétations ,
&enfin , d'altérer tellement la forme de gouvernement
de 1772 , qu'on la ramèneroit bientôt à
celle de 1720 , dont cependant un ſeul article à
peine avoit été confervé lorſqu'on changea cette
forme en 1772 ? Qui ne reconnoît encore à
ces traits les mêmes perſonnes qui gouvernoient
l'Etat avec un fceptre de fer, lorſqu'ils avoient la
puiſſance en main , & qui ne voient aujourd'hui
qu'avec peine que j'ale régné pendant 16 ans avec
( 157)
douceur & modération ; qui me forcent à
pre dre enfin un langage ſi éloigné de mon caractère
; qui , après avoir ameuté les eſprits , voudroient
rejeter ſur moi la cau'e d'un mécontentement
qu'ils ont cherché à nourrir & à fomemer
pendant fi long-temps & avec une ardeur fi infatigable;
qui maintenant enfin , lorſqu'ils n'ont
plus aucune eſpérance d'affoib ir votre attachement
envers moi , dignes & fidèles Citoyens des
trois autres Ordies , artachement qui fait votre
force& la mienne , tâchent de vous épouvanter
par la crainte du deſpotiſme , ce mot odieux que
j'abjure ſi volontiers ? Et l'on fait ces reproches à
un Roi qui , ayant été pendant trois jours ( le
19 , le zo & le 21 août 1772 ) le Roi le plus
abſolu de l'Europe, a renoncé volontairement à
cette prérogative , & a préféré établir une vraie
& folide liberté , que d'affermir encore le règne
du deſpotiſme&de l'anarchie ! »
८ Je déclare donc encore une fois , de mon
trône , que je ne veux jamais acquérir la Souveraineté
, & que ſi , par fuite des déſordres qui
règnent ,j'étois forcé de la prendre , je ne la garderai
jamais. C'eſt un honneur pour moi d'être le
défenſeur de la vraie liberté; mais , comme Chef
du royaume , un de mes premiers devoirs eſt d'arrêter
la licence & de la punir. Je ne ſouffrirai
jamais que ceux qui ont porté des mains criminelles
à la Couronne de mon Père , arrachent des
miennes le Sceptre que je tiens ;&fur-tout je ne
peux ni ne dois ſouffsir que pluſieurs d'entre
vous travaillent , par des délais , à favorifer les
deſſeins de l'ennemi ; car ſi l'on ne ſe hâte de
m'appuyer pour que l'efcadre puiſſe mettre en
mer , &que l'armée de terre ſoit habillée , armée
&payée , je vous préviens folemae'lement que fi
nos côtes font ravagées, la Finlande miſe à feu
( 158 )
&à fang,& cette capitale menacée d'être ſurpriſe
, riende tout cela ne pourra m'être imputé;
ce ſera la faute de ceux qui aimeroient mieux voir
ici des Ruſſes & un Ambaſſadeur de cette Nation
qui me dicteroit des lois , que de renoncer
à leur foif de dominer , à leur vengeance & à
leurs vues d'intérêt privé ; qui croyent pouvoir
me forcer , par les délais qu'ils apportert aux affaires
les plus preſſées , à faire une paix déshonorante
, une pa'x que vous , bons Citoyens , &
votre poſtérité m'imputeriez , que vous regarde
tiezcommeunattentat contre le royaume , comme
indignedu nom que de grands Rois ont porté , &
quej'ai l'honneur de porter auffi. Mais non , avant
de ſigner la honte, de l'Etat , que plutô: cette
main ſe paralyſe , & que la Couronne me foit
arrachée cette Couronne de Gustave Adolphe que
j'ai priſe , finon auſſi radieuf: qu'il l'a quittée, du
moins fans aucune tache.n
« Je vous le répète , Amés & Féaux de l'O dre
Equeſtre & de la Nobleſſe , vous en ferez refponſables
envers moi & envers vos Co-Etats , fi par
votre diſcorde , par vos attentas, vous prodiguez
inutilement untemps auſſi précieux ,& fi en ré
pandant des fantômes vus tâchez de féduire
vos Co-Sujets. En effet, l'on recherche avec fin
tout ce qui peut m'être contraire ; on donne à
tout l'interprétation la plus maligne ; l'on dit que
le royaume eſt accablé de dettes quej'ai contractées
à ſa charge , tandis que , néanmoins , tous
ceux qui, depuis 18 ans, ontaſſiſté aux Diètes,ſavent
&reconnoiffent que j'ai pris les rênes du Gou,
vernement dans un temps où exiſtoient déja les
dettes du Roi Charles XII , & celles bien plus
conſidérables encore ,dont nous avoient accablé
les guerres de 1741 & de 1757 ; quela Marine
étoit ſans vaiſſeaux en état de tenir la mer ; que
( 159 )
les fortereſſes étoient ſansdétenſe; que j'ai fait renaître
lagrande flotte de ſes débris ; que j'ai conftruit
à neuf la flotte de Finlande , & que néanmoins
je n'ai ni demandé , ni reçu de vous le confentement
à de plus grands ſubſides que d'ordinaire
; enfin , que j'ai acquitté à la Banque ceque lui
devoit laCouronne. Quand même d'auſſi grandes
dépenſes euſſent exigé des reſſources proportionnées
,je ſuis en étatde démontrer qu'elles n'ont pas
furpaflé lecours naturel des choſes. "
« En vérité , Metſieurs , je n'ai pas mérité un
pareil traitement de votre part ; je ne l'ai pas pu
attendre de vous, que j'ai diftingués en tant de
façons de vcs Co-Etats , qui , dans un temps de
détreſſe , ne m'ont point abandonné , mais ont
prislesarmes&quitté leurs demeures , pour voler
à ma défenſe & à celle du royaume. Vous , au
contraire , dans ce même temps , vous blamiez leur
zèle , ou vous en faifiez un ſujet de moquerie; car
je fais que vous vous êtes récriés contre la venue
desDalécarliens , comme hautement dangereuſe ,
hautement criminelle ; & , après avoir cherché à
couvrir de mépris le zèle de la Bourgeoiſie de
Stockholm pour ma perſonre &pourleroyaume ,
il vous plaît aujourd'hui de faire conſidérer les
Dalécarbens comme les ennem's les plus dangereux.
Mais , que pouvez-vous me reprocher avec
raiſon , ſi je leur ordonne de ſe rendre ici ? Ne
font-ce pas des Citoyens Suédois qui ont pris lesa
armes , non par amour du lucre , mais volontai
rement pour mon ſervice& celui du royaume ?
Ne font-ils pas commandés par des Citoyens nes
Suédois , tant nobles que roturiers ? Que peuton
leur réprocher avec juftice ? Eſt-on donc en
droit de les regarder comme des troupes étrangères,
commedes mercénaires , qu'à l'époque de
Union les Rois ont promis de ne pas introduire
( 160 )
dans le royaume ? Suffit-il ſeulement qu'i's paroif-
"ſent m'être dévoués ſans réſerve , pour les confidérer
comme dangereux ? En effet , déja , lors de
mon premier voyage en Da'écarlie , leur venue
ici fut anroncée & dépeinte comme l'époque de
ladeſtructionde la capitale, du pillage de la Banque ,
*de l'anéantiſſement du repos pub ic. - Maistout
doit s'interpréter en mal , afin que toute la haine
frappe ma tête , & que finalement , fuccombant
fous ce poids , je fois obligé de laſſer un libre
cours à l'efprit de licence , pour annihiler l'indépendance
du royaume. Il est vrai que , ſur l'offie
de l'Ordre des Payfans , une partie du Corps- franc
de Dalécarlie a reçu ordre de ſe rend e ici , non
pas afin de prendre fur lui la Garde, dans la ville
ou au château , cette Garde eſt confiée entre les
mains de la Bourgeoifie , & je ne connois pas de
mains àqui je puiſſe remettre , avec plus de fûreté ,
ma vie , la vie de mon Epouſe , de mon Fils , de
mes Frères , qu'à la protection de la Bourgeoifie
de Stockholm ; mais ces troupes ſeront deſtinées à
affurer le repos dans la ville, dans le cas que des
incendies exigeaſſent le ſecours de la Bourgeoiſie ,
à une époque où les eſprits , mis de tous côtés en
fermentation, pourroient réellement mettre la tranquillité
générale en danger. Cependant elles n'entreront
dans la capitale que lorſque la néceſſiré
l'exigera. Je leur donne le logement à mes propres
châteaux de p'aiſance , afin d'épargner à la ville
lanéceffité de leur fournir des quartiers .- Voilà
le but de l'approche de ces troupes , pour lefquelles
on a tâché d'exciter de ſi grandes frayeurs ,
en échauffant de tous cô és les eſprits contre ma
perſonne. En effet , il a été prononcé , dans l'afſemblée
de l'Ordre Equestre, des diſcours qui font
léfifs & attentatoires à ma Majeſté : l'on a fait imprimer
, & l'on a répandu des extraits des regiſtres
161 )
contenant des pièces relles , que la loi devroit les
punir : tout cela , je l'ai ſouffert avec patience , auſſi
long-temps q le déſordre ne s'eſt pas porté trop
loin; mais préſentement je me vois forcé à parler
& à vous déclarer ma volonté : « Que vous ayez
« à donner fatisfaction à vorre Maréchal , & à
« lui faire les excuſes convenables auxquelles vous
« êtes obligés ; que vous ayez à rayer & à biffer
« de vos regiſtres toutes les délibé ations con-
«traires au réglement pour l'Ordre Equestre &
" au reſpect qui m'eſt dû , particulièrement celles
« de famedi & de lundi 7 & 9 février , lorſque
« vous avez contraint le Marechal à faire une
<propoſition contraire à la loi& à fon ferment.
« Vous n'avez donc qu'à vous rendre fur-le-champ
<<dans votre Salle ,&à y former uneDeputation,
*« avec laquelle , ayant à la tête , vous premier
« Comte de Brahé, vous Comte de Ferfen,&vous
Charles de Geer, & vous tous les autres qui êtes
« nommés dans le mém vire du Maréchal , vous
« vous rendrez près de lui , vous lui demanderez
aconvenablement excuſe ſur ce qui s'eſt paílé , &
vous l'accompagnerez juſqu'à ſon fiége deMaa
récha!, cù il fera rayer & biffer du protocole
« tout ce qui y a étéinfé de contraire à la 1 i . »
Après avoir parlé , il congédia l'Ordre
de la Noblesse , en lui intimant de donner
satisfaction au Maréchal de la Diète.
Pour éviter les répétitions , nous allons
communiquer au Public une lettre authentique
de Stockholm , où l'on trouvera
un récit des évènemens suivans ,
plus détaillé que celui qui a paru dans
quelques Feuilles publiques .
Stockholm , 27 février 1789.
<< Une démarche décisive vient d'a(
162)
néantir le Parti de l'Opposition , et de
dissiper ces débats scandaleux qui agitoient
la Chambre de la Noblesse , par
lobstination de quelques Membres à se
refuser aux désirs du Roi et aux voeux
unanimes des trois autres Ordres de
l'Etat.>>
<<Dans la chaleur des disputes élevées
sur différentes Motions , faites par les
plus ardens antagonistes dela Cour , mais
notamment sur la prétendue nécessité
de donner des instructions aux Membres
du Comité secret , plusieurs s'oublièrent
envers le Maréchal de la Diète , Comte
de Levenhaupt , et furent jusqu'à l'accabler
d'invectives .>>>>
<< Sur les plaintes amères de ce Maréchal
, qui ne jugea plus à propos de
présider l'assemblée des Nobles , le Roi ,
dans un plenum plenorum, tenu , le 17,
dans la salle des Etats , prononça un
discours plein de force , où , après avoir
exposé la position dangereuse du royaume
et la nécessité de procéder , sans
perte de temps et d'un commun accord ,
à tous les objets soumis à la délibération
de la Diète, il donna d'un côté mille
éloges au Clergé , à la Bourgeoisie et
aux Paysans ,et témoigna de l'autre , son
extrême mécontentement de quelquesuns
des Membres de la Noblesse . 11
parla avec son éloquence ordinaire , et
avec une vivacité peu commune , de leur
conduite scandaleuse , de leur ambition
(163 )
démesurée, de leur haine contre sa per
sonne , de leurs menées contre les intérêts
réels de l'Etat , et de leurs Motions
contraires aux principes constitutifs du
royaume. Il releva ensuite tous les emportemens
auxquels ils se livroient dans
leurs assemblées , les outrages faits au
Maréchal de la Diète , le manque de
respect dont ils s'étoient par là rendus
coupables envers le trône , et finit par
les congédier , en leur ordonnant d'envoyer
le Sénateur Comte de Fersen et
leBaron Charles de Geer, à la tête d'une
députation , pour faire des excuses au
Maréchal Comte de Levenhaupt. La
Séance se continua avec les trois autres
Ordres , auxquels le Roi donna de nouveaux
témoignages de sa satisfaction , en
applaudissant à leur zèle, et en les exhortant
à redoubler encore d'application
etd'activité , pour concourir à la défense
et au salut de l'Etat dans une conjoncture
aussi périlleuse . »
<<La Nobiesse, loin d'obéir aux ordres
du Roi , et de se prêter aux démarches
que l'honneur et la décence lui prescrivoient
, d'ailleurs , envers le Maréchal
de la Diète , se permit au contraire
de nouveaux excès , en n'écoutant que
son animosité et les mouvemens de ses
vues particulières . >>>
<<<Dans cet état violent de choses ,
les trois Ordres du Clergé , des Bourgeois
et des Paysans , envoyèrent , dans la mati
( 164)
née du 20 , une Députation solemnelle
au Roi, pour le prier de faire cesser le
trouble et l'inaction de la Diète. S. M. ,
forcée par les circonstances, par le voeu
des trois Ordres et par le péril commun ,
s'est vue obligée d'en venir à un coup
d'autorité. A l'instant où l'on relevoit
la Garde du château , il fit arrêter , le
20 , les Membres de la Noblesse les
plus obstinés à contrarier et ses volontés
et les voeux des Etats , au nombre
d'environ 30 personnes. Les plus distingués
de ces prisonniers sont , les deux
Sér teurs Comte de Fersen et le Comte
deBrahé,le Comte de Horn, le Baron
Charles de Geer, le Baron de Gerten,
le Lieutenant d'Almfeld, le Directeur
Fritsky, l'acien Chancelier de Jus
tice Liliestræle, le Colonel Maklean ,
etc. etc.>>
« C'est le Baron de Munck , remplissant
les fonctions de grand Statthalter
de Stockholm , à cause de l'indisposition
du SénateurBaron Charles Sparre,
qui exécuta les ordres du Roi , au milieu
du calme le plus profond , et aux
yeux de tout le Peuple rassemblé dans
les rues et dans les places principales
de la ville. Les Officiers de la Bourgeoisie
armée et des Gardes , avoient été
chargés d'arrêter les prisonniers , et l'ont
fait paisiblement , sans que l'on ait
entendu, parmi la ville entière spectatrice,
un seul murmure. >>>
( 165 )
«Le lendemain 21 , le Roi convoqua
les quatre Ordres ; et dans ce
nouveau plenum plenorum , on arrê
ta une espèce de pacte , sous le nom
d'acte d'union et de sûreté, par lequel
il fut convenu , 1 °. que le Roi auroit la
liberté de faire la paix ou la guerre
absolument à son gré ; 2°. que les subsides
resteroient soumis à la volonté des
Etats ; 3º, qu'il seroit désormais permis
à tous les Citoyens , indistinctement
d'acquérir des terres nobles ; 4°. qu'ils
seroient tous reconnus capables d'occuper
les charges , même les plus importantes
du royaume . »
,
<<Cette assemblée générale fut suivie
d'assemblées particulières , où chacun des
quatre Ordres nomma les Députés qui
devoient former le Comité secret , tous
munis des pouvoirs les plus amples
de concerter avec le Roi , les mesures
les plus propres et les plus actives pour
mettre le royaume dans le meilleur
état de défense possible.»
Les quatre nouveaux Députés nommés
par la Noblesse au Comité secret ,
sont , le Comte Hamilton , le Colos
nel Baron de Lantinghausen , le Baron
de Mannerheim et le Major de
Didron .
Celui de tous les prisonniers dont
la conduite et la détention ont le plus
étonné le Public, estleComte de Fersen,
(166 )
LesComtes de Horn et deBrahé sont de
lamême famille que les deux martyrs du
même nom , Chefs autrefois de la faction
des Bonnets, qui , ayant vu leur administration
et leur systême renversés par les
Chapeaux, travaillèrent , en 1756, à se
venger de leurs Adversaires en rétablissant
l'autorité royale. On sait que ce
projet leur coûta la tête. Ils furent arrêtés
par ordre du Comité secret de la
Diète , composé des plus ardens antagonistes
de la Couronne. L'exact et judicicuxhistorien
M. Sheridan, dit , en parlant
de cet acte de tyrannie exercé par
une faction prétendue Républicaine :
<< Le despotisme Asiatique n'eût pas, en
<< pareille occasion , négligé plus com-
<<plètement les formes de la Justice.
<<L'affaire des Accusés fut portée à un
<<de ces Tribunaux monstrueux , dont
<< les Membres étoient choisis par les
<< Etats , dans leur propreCorps. Ils ne
<<connoissoient ni loi, ni forme , ni
<<<exemples : leur volonté arbitraire et
<<<leur bon plaisir étoient la seule règle
<<de leurs décisions. » C'est en ces termes
que l'Historien Anglois caractérise
cette effroyable tyrannie des factions ,
la pire de toutes, et la plus impudente,
sous laquelle la Suède gémit trente
années.
Le 19, il arriva d'Helsingbourg a
Stockholm, sous bonne escorte, 12 char →
( 167 )
riots chargés d'argent , qui tout de suite.
furent envoyés à la monnoie.
Le Maréchal Prince Potemkin est
arrivé , le 15 février , à Pétersbourg ,
ainsi que le Général Soltikof.
Voici l'etat des vaiſieaux Danois dont l'armement
a été ordonné ; ſavoir , les vaiſſeaux de
ligne la Fionie , la Séclande , l'Etoile du Nord ,
le Prince Frédéric , l'Eléphant , la Justice , l'Indigenat
, le Mars , la Princeſſe Louise- Auguste , le
Dithmars &l'Oldenbourg , &les frégates la Moen ,
le Fredericfwarn & la Cronbourg. On croit que le
Vice-Amiral de Fontenay commandera cette eſcadre',
auxiliaire de celle des Ruſſes.
De Vienne , le 7 mars .
Les remplacemens de Généraux , la
distribution des Corps d'armée , des listes
apocryphes de leur composition , et
l'histoire des préliminaires de la campagne
, forment toujours le cercle des
nouvelles et des conversations. Suivant
ces rapports vagues du public , l'armée
de la Croatie sera augmentée de 12,000
hommes , et désignée à l'avenir sous le
nom de l'armée en deçà du Danube ;
les Corps de Vukassowick, de Gazinelli
et de Mitrowski lui seront subor
donnés . L'armée du Maréchal de Haddick
portera le nom de l'armée au-delà
du Danube; les Corps dans le Bannat ,
la Transylvanie et la Moldavie en dés
pendront. On doute que M. de
Haddick puisse se rendre à Semlin
(168 )
-
avant le commencement d'avril ; les
cheminssont abymés , et il seroit presque
impossible d'ouvrir plus tôt lacampagne
de ce côté là. La dernière division
des équipages de l'Empereur est partie
pour Bude, le 2de ce mois. A la fin de
la semaine , le Général de Vins , assez
bien rétabli , doit aller rejoindre l'armée
deCroatie.
Le Comte Michel de Wallis, Commandant
général des troupes en Bohême ,
est arrivé en cette capitale , où l'Empereur
l'avoit appelé , pour le mettre à
la tête du Conseil aulique de guerre.
Le Général Comte de Wurmser lui
succédera à Prague .
Tous les avis de la Valachie confirmentque
plusieurs Corps d'Ottomans
s'y rassemblent pour s'opposer aux en
treprises de leurs ennemis , et l'on sait
que le Grand-Visir a détaché un Corps
de 10,000 hommes qui se rend du côté
de Bender. On craint une nouvelle invasion
dans le Bannat ; 12,000 Arnautes
sont venus joindre à Semendria les
Turcs qui sont dans le voisinage. Un
Corps considérable d'Albanois est aussi
arrivé en Bosnie.
Le rombre des bâtimens qui , pendant l'année
dernière , font partis de Trieſte , monte à 4,288.
L'activité eſt toujours très-grande dans ce port ;
depuis le 5 juſqu'aux février il eſt forti 117
navires.
De
(169)
De Francfort sur leMein , le 17 Mars.
Nous apprenons de Berlin, qu'on a envoyé
des ordres dans la Prusse orientale ,
pour qu'on y préparât tout ce qui est
nécessaire à la revué des troupes , que
de Roi se propose de faire près d'Heiligenbeil
, les 7 , 8 et9 du mois de juin .
-Un courrier extraordinaire étoit arrivé
, le 6, de Varsovie , avec des dépêches
très-importantes.
La Société maritime , disent les mêmes
lettres a obtenu du Roi le privilége
exclusif d'acheter le tabac en feuilles
de Virginie , et de le revendre ensuite
aux Fabricans. Une compagnie de
Négocians de Berlin a été chargée en
même-temps de l'achat exclusif du tabac
en feuilles du crù des provinces qui
composent les Etats Prussiens. On assure
que cette opération procurera au
Roi un accroissement de revenus de
150,000 rixdalers .
Ledébordement du Neoker a occaſionné , depuis
Eflingen juſqu'à Canſtatt , des dégâts trèsconſidérables.
Dans beaucoup d'endroits , le torrent
a emporté des terrains entiers ; dans d'autres ,
il a déposé du limon & du gravier à la hauteur de
deux pieds . On évalue à plus de 100,000 florins
les dommages caufés aux digues& chauffées.
Nº. 13. 28 Mars 1789,
i
h
(170 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 17 mars.
Nous donnâmes, lasemaine dernière,
l'exacte substance du Discours d'ouverture
, prononcé au Parlement par le
Chancelier , au nom du Roi, ce qui nous
dispense de rapporter aujourd'hui la littéralité
de cette harangue officielle. Le
traité avec la Prusse et les troubles de
la Baltique n'y ont pas été omis. A l'unanimité
et sans discussion , l'Adresse de
remerciement a passé dans les deux
Chambres. On y a joint un compliment
du même genre à la Reine , en la féli
citant du rétablissement de Sa Majesté.
Dans les Communes , M. For demanda
pourquoi on n'en usoit pas de même à
l'égard du Prince de Galles : M. Pitt
objecta les exemples précédens , et la
chose n'alla pas plus loin. Lorsque ces
deux Adresses ont été remises , LL.MM.
ont réitéré aux Députés l'expression de
la profonde sensibilité , et de la reconnoissancedont
Elles étoient pénétrées , à
la vue de l'attachement loyal et universel
dont le Roi a été l'objet pendant sa maladie
. Ces Adresses Parlementaires ont
été immédiatement suivies de celle du
Corps de la Cité , et d'une infinité de
Comtés , Villes , Bourgs , Corporations .
( 174 )
Dans aucune occasion on n'a vu un empressement
plus sincère , plus prompt
et plus général.
Mardi 10 , jour de l'ouverture régulière
du Parlement , les canons de la tour
et du parc annoncèrent au Peuple que
leRoi étoit rendu aux fonctions du Gouvernement
. Une ålégresse enthousiaste
passa dans tous les coeurs. A lanuit , là
ville entière , ses faubourgs , ses environs ,
tous les bourgs et villages à six milles à
la ronde , furent superbement illuminés .
A aucune époque , ce spectacle ne fut en
cette capitale aussi brillant , aussi animé
, aussi magique. Les flambeaux et
les lampions s'allumèrent au bruit de
l'artillerie. Depuis les hôtels les plus apparens
, jusqu'aux échopes des plus misérables
ouvriers, tout étoit éclairé , sans
mesquinerie , sur une étendue de trois à
quatre lieues carrées. Chaque place publique,
chaque rue, chaque ruelle, chaque
allée de cette immense métropole , concouroit
à y répandre une lumière éclatante
quiduroit encore le lendemainma
tin. Un très -grand nombre de Seigneurs ,
de Particuliers , de Négocians , de Fabricans
, de Clubs , s'étoient distingués par
la magnificence des décorations . Des
transparens , qui portoient tous le fameux
God save the King , et plusieurs ,
des satires mordantes contre quelques
chefs de l'Opposition , ornoient les édifices.
A pied , en voiture , une innom
S
hij
(172 )
brable multitude occupa les rues toute
la nuit ; et quoique plusieurs milliers de
carrosses bordassent les carrefours , les
places et les rues , sans un seul Garde ,
ni Préposé de Police , le respect pour le
Peuple , le sang-froid et le bon sens qui
Je distinguent , prévinrent tout tumulte,
tout accident . La Reine , accompagnée
des Princesses ses Filles , vint prendre
le thé , vers les neuf heures , chez Lord
Bathurst, dont la maison est près d'Hydepark
, et jouir des transports de joie
dela ville entière. Nombre de personnes
ont signalé ce jour par des fêtes solemnelles
; on a distingué , entre autres , celle
qu'a donnée la Baronne de Nolcken ,
Ambassadrice de Suède.
Cejour même , le Roi , avecsa Famille,
étoit allé dîner à Windsor , où toutes
les cloches furent en branle à son
arrivée Le Corps Municipal en robes
de cérémonie , le 23º. régiment et la
pluralitédesHabitans recurent LL.MM.
sur la terrasse du château . Elles revinrent
à Kew après le dîner ; mais Elles
sont retournées avantshier à Windsor ,
et y séjourneront jusqu'à samedi prochain.
Le 11 , S. M. donna audience , à Kew,
au Chevalier del Campo , Ambassadeur
d'Espagne , au Comte d'Alvensleben ,
Envoyé extraordinaire du Roi de Prusse,
qui remit ses lettres de créance , et au
prédécesseur de ce Ministre , le Comte
( 173 )
de Lusi, qui prit congé. Il y a eu plu
sieurs conseils àKew, depuis huit jours:
le Roi , d'ailleurs , a repris toutes les
fonctions ordinaires d'Administration ;
ainsi nous avions eu raison de traiter
de fable le bruit qu'on accréditoit de
la nomination immédiate d'un Conseil
de Régence.
Dans une de ses promenades à cheval ,
leRoi est venu jusqu'aux portes de Londres
, et est descendu même au palais de
Ja Reine. Ce Prince , dont on connoît
les principes religieux , et le respect pour
les bienséances , n'a pas voulu paroître
en public , avant d'avoir été solemnellement
remercier la Divinité dans la cathédrale
de St. Paul.. Cette cérémonie ,
dont le temps est fixé aux environs de
Pâques , sera célébrée dans le plus auguste
appareil.
Les opérations du Parlement , depuis
le 10, se sont réduites à recevoir et à
préparer des Bills privés , et à proposer
les résolutions relatives aux Subsides de
l'armée et de la Marine. Lord Newhaven
a annoncé pour aujourd'hui une Motion
sur l'état des Finances .
Le Marquis de Lothian , Colonel du
premier régiment des Gardes - du- corps ,
dont la défection a fait tant de bruit ,
vient de recevoir son congé , et il est
remplacé par Lord Dover. Le Duc de
Queensbury est également renvoyé ; et
il passe pour certain que Lord Malmeshiij
( 174 )
1
bury, qu'on a vu aussi se ranger contre
les Ministres , six mois après avoir reçu
la Pairie , a résigné sa place d'Ambassadeur
à laHaye.
Les Députés d'Irlande ont eu , le 12 ,
leur audience de congé du Prince de
Galles, qui leur a appris , ce dont ils se
doutoient sans doute , que le Roi étant
guéri , c'étoit à lui à gouverner l'Irlande.
Ces infortunés Ambassadeurs sont repartis
, le 13 , pour Dublin .
Marie Brown est morte , ces jours
derniers , à l'âge de 104 ans . Elle a conservé
toutes ses facultés jusqu'au dernier
moment , et elle lisoit les Gazettes sans
lunettes.
,
Le fameux cheval de course nommé
Eclipse , a péri ces jours derniers . Le
feu Colonel O'kelly , auquel il avoit appartenu
, assuroit avoir gagné 25,000 liv .
st. avec ce rare animal. Parmi les autres -
chevaux , dont la vîtesse assure à leurs
propriétaires de gros bénéfices dans les
paris , on cite Match'em , qui a valu à
M. Fenwick 17000 1. st . , et Regulus,
10,000 à M. Martindale.
FRANCE.
De Versailles , le 18 Mars.
LeRoi , Monfieur , Monseigneur Comte d'Artois
, & Madame Elifabeth de France ont aſſiſté ,
( 175 )
le 13 , dans l'Egliſe paroiffiale de S. Louis de cette
ville , au ſervice anniverſaire , fondé pour le repos
de l'ame de feue Madame la Dauphine.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de S. Jacques de
Provins , Ordre de S. Auguſtin , diocèſe de Sens ,
l'Abbé de Biencourt , Vicaire - général du même
diocèſe; à celle de Bonlieu , Ordre de Citeaux ,
diocèſe de Limoges , l'Abbé de Richemond , Vicaire-
généraldePérigueux; à celle de Fontenay ,
même Ordre , diocèſe d'Autun , l'Abbé de la Trémoille
, Grand-Doyen de l'Egliſe de Strasbourg;
à celle de Baigne , Ordre de S. Benoît , diocèſe
de Saintes, l'Abbé de Luillier-Rouvenac , Vicairegénéral
de Cahors; à celle de Breuil-Benoît,
Ordre de Citeaux , diocèſe d'Evreux, l'Abbé de
Montmurat , Vicaire - général de la grande Aumônerie
de France ; & à l'Abbaye régulière de
Saint-Avit , Ordre de S. Benoît , diocèſe de Chartres
, la Dame de Saint- Gilles , Religieuſe profeſſe
de l'Orde de S. Auguftin , à Vire , diocèſe de
Bayeux.
De Paris , le 25 Mars .
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du
5 février 1789 , qui ordonne que les
Cotons filés , venant de l'Etranger ,
autres néanmoins que ceux provenant
du commerce du Levant , acquitteront,
à compter du 1er. de ce mois , un droit
uniforme de quarante-cing sous par
livre pesant , y compris les sous pour
livre , à toutes les entrées du royaume.
Réglement fait par le Roi , du ro
mars 1789 , pour la Convocation aux
hiv
( 176 )
Etats -Généraux dans sa province de
Bretagne.
Le Roi , par des inftructions à ſes Commiſs
faires , & par toutes les difpofitions que fa fageſſe
Jui a inſpirées , n'a rien régligé pour calmer l'agitation
qui s'eſt marufeftée dès l'ouverture des
Etats de Bretagne;; mais au moment où Sa Ma
jeflé eſpéroit que les conteftations furvenues entre
les Ordres prendroient tine marche régulière , des
événemens malheureux , & des actes répréhenfibles
que Sa Majefté voudroit pouvoir effacer de
ſa mémoire , font venus déranger fes vues & conwarier
ſon attente. Le Roi , au milieu des juſtes
alarmes que ces événemens ont fait naître , n'a pu
raſſembler les Etats le 3 février , ainſi qu'il ſe l'étoit
propofé , & tous les Ordres de la Province ont
paru rendrehommage à la prudence de cette me
fure. Les deux premiers Ordres , avant de fe retirer,
ont confenti aux contributions connues fous
lenomdedemandes du Roi , & le troiſièmea ſéparément
adhéré à cette dévibération , mais en renouvelant
inſtamment le voeu qu'il avoit formé pour
obtenir un changement dans la compoſition des
Etats de la Province , pour demander une répartition
plus égale des impôts , & pour être admis à
jouir, avec lereſte du Royaume , des ſages difpofuions
de Sa Majefté , relatives à la convocation
des Etats-généraux.
1
Cettedernière réclamation, dont la déciſion eſt
inſtante , a dû fixer l'attention du Roi d'une manière
plus particulière ; & Sa Majefté a penſé qu'Elle ne
pouvoitpriver ſes Sujets de Bretagne du juſte droit
qu'ils ont tous, enſemble on ſéparément , d'être
repréfentés à la prochaine Aſſemblée des Etats- 1
généraux. Ils font François ,& ſe ſont montré tels
avec honneur dans tous les dangers de l'Etat ; ils
participent à tousles intérêts de la Monarchie ; ils
( 177 )
font aſſociés à ſa prospérité , &jouiffent de tous l'es
avantages qui réſultent de ſa puiff nce : auſſi le
pas grand nombre des habitans de la Bretagne
regarderoient-ils comme un véritable malheur d'être
négligés,dans un moment où tous les Sujets du Roi
nomment les Députés qui viendront autour de Sa
Majesté travailler avec Elle au bonheur public , à
la gloire & à la profpérité de l'état Sa Majesté eſt
bien éloignée de vouloir rejeter un pareil ſentiment
; Ele défire de l'entrerenir ; Elle voudroit
Baccroître , afin de réunir de plus en plus à un
même intérêt tous leshabitans de fon Royaume,
fur-tout dans ure circonstance éclatante , où il
doit ſe former comme un nouveau noeud d'amour
&de confiance entre le Souverain& fes Peuples.
Sa Majesté a donc conſidéré attentivement ce
qu'Elle devoir & ce qu'Ele pouvoit faire dans
lacirconſtance extraordinaire & critique où ſe trouve
la Bretagne. Les diviſions , les reſſentimens qui
fubfiftent dans cette Province , les mêmes qui
ont obligé Sa Majeſté à ſéparer les Etats , ne
permettentpas de les raffembler ; & quand cette
réunion feroit pratiquab'e, une grande partie des
habitans de la Bretagne auroit à ſe plaindre , fi,
dans un moment où Sa Majesté appelle tous ſes
Sujets à concourir à l'élection des Députés aux
Etats-généraux , Elle reſſerroit en Fretagne.ce
droit , pour le Clergé , aux feuls Evêques , Abbés
commendataires&Dépurés de Chapitres qui compofent
, au nombre de trente , l'Ordre entier de
l'Eglife ; & pour le Tiers-Etat , aux Députés des
Municipalités de quarante- deux villes. Le Roi
cûtpu néanmoins, dans ſa ſageſſe & felon fon
premier deſſein , détourner fon attention de ces
inégalités , fi les trois Ordres des citoyens de
Bretagne y avoient donné leur confentement tacite
, en n'élevant aucune réclamation contre une
forme de repréſentation établie fur de pareilles
V
( 178 )
!
baſes; mais les habitans des villes, les Communes
de Bretagne en général , & le Clergé du ſecond
Ordre , invoquent en cette circonſtance les principes
d'équité manifeſtés dans le Réglement de
Sa Majefté du 24 janvier.
Le Roi , avant de donner aucune déciſion dans
une affaire grande & difficile , l'a examinée avec
toute l'attention qu'on peut attendre de ſa juſtice
&de ſa prudence. Sa Majefté a vu d'abord avec
peine , que dans la ſituation des choſes en Bretagne
, & au ſein de la malheureuſe divifion qui
y règne , il étoit impoſſible que Sa Majesté prît
un parti exempt d'inconvéniens , &qui pût s'accorder
avec les diverſes opinions. Sa Majesté efpère
que le temps & l'intervention des Etatsgénéraux
ramèneront le calme dans une Province
dont le bonheur & la profpérité l'intéreſſent fi
eſſentiellement ; & ne pouvant plus différer de
fixer la forme de convocation de ſes Sujets de
Bretagne aux Etats-généraux , le Roi s'eſt déterminé
, dans ſon Confeil , aux difpofitions qui
Jui ont paru ſe concilier davantage avec ſa juftice.
En conféquence Sa Majefté a cru devoir
convoquer d'abord par Paroiffes & par Sénéchauffées
, non-feulement les habitans des villes ,
mais encore ceux des campagnes , afin qu'ils
euſſent à procéder à l'élection des Députés du
Tiers Etat aux Etats-généraux , de la même manière
qu'on le pratique dans le reſte du Royaume.
Le Roi défirant de ſe rapprocher des uſages.
conftitutifs de la Bretagne dans tout ce qui ne
contrarie pas ſes principes d'équité générale , &
voulant encore en ſa grande bonté ménager au
haut Clergé de cette Province le moyen de
renoncer fans incertitude à l'adhéſion qu'il a
donnée à la déclaration de la Nobleſſe , du 8 janver,
Sa Majefté a cru devoir raſſembler ces
deux Ordres à la même époque & dans le même
( 179 )
lieu , afin que leur voeu , relativement à la députation
aux Etats-généraux , puiſſe être le réſultat
des mêmes motifs ; & cependant le Roi ne voulant
pas que ces diſpoſitions privent le ſecond
ordre du Clergé du droit de concourir aux élections
des Députés aux Etats-généraux , Sa Majefté le
fera participer aux nominations dans une proportion
convenable.
Enfin , Sa Majeſté s'eſt déterminée à convoquer&
à réunir dans ſon enſemble toute la Nob'eſſe
deBretagne, afin qu'éclairée par la réflexion ,
elle puiſſe renoncer, ſelon fon droit , à l'engagement
qu'elle s'eſt impoſée à elle-même relativement
auxEtats-généraux , engagement qu'elle
n'auroit jamais dû prendre , & qu'un ſentiment
d'honneur patriotique, le plus fort & le plus refpectable
de tous , la déterminera fans doute à
changer. Sa Majefté veut qu'enfuite l'Ordre de
la Nobleſſe fafle le choix de ſes Députés aux
Etats-généraux dans les formes dont elle a l'habitude.
P
Le Roi ayant éprouvé tant de fois le dévouement
, le zèle & la fidélité de ſa Nobleſſe de
Bretagne , attend d'elle , en cette occafion , une
juſte déférence aux difpofitions que le moment
préſent a rendues néceſſaires. Sa Majesté veut
bien inviter tous les Gentilshommes de Bretagne
à conſidérer qu'il eſt des circonstances où l'on
ne doit pas regretter de faire quelque facrifice
de ſes opinions,&même de ſes droits à l'amour
de la paix & au bien général de l'Etat : Sa
Majefté leur donne un grand exemple , en plaçant
Elle-même ſon premier intérêt dans le bonheur
public. Cependant le Roi réſerve aux Etats
& à tous les Ordres de la Bretagne , la faculté
de faire valoir aux Etats-généraux leurs titres
&leurs prétentions ;& Sa Majefté prévoit avec
une pure fatisfaction , que bientôt éclairée par
hvi
( 180)
1
les lumières de cette Aſſemblée , elle ne craindra
plus de ſe méprendre dans la recherche de la
justice, Il feroit naturel, il ſeroit digne des ſentimens
que Sa Majesté a droit d'attendre de tous
ſes Sujets , que les différens Ordres de l'Etat
concouruſſent à ſes intentions bienfaiſantes , &
que chacun apercevant la difficulté des circonftances
, on s'empreſsât d'applanir les voies qui
duivent conduire à une conciliation. Et comme
rien n'eſt plus favorable àces vues que les égards
&les méragemens de tous les Ordres de l'Etat
les uns envers les autres , comme il faut ſe préparer
ainfi à cette grande aſſemblée de famille
que le Roi va réunir autour de lui , Sa Majesté
exhorte particulièrement fes Sujets de Bretagne
à faire des efforts pour revenir à un pareil eſprit ;
mais Sa Majefté déclare en même temps qu'Elle
regardera comme ennemis de l'Etat & coupables
envers Elle& envers la Nation , tous ceux qui
ſe permettroient aucune démarche , aucun écrit ,
aucune confédération ſurtout , propre à renouveler
en Bretagne des troubles &des diffentions ;
& Sa Majesté enjoindra aux Commandans de
ſes troupes de ſe ſervir de l'autorité qu'Elle leur
a confiée pour ſeconder la ſurveillance des Magiftrats
,& pour réprimer toute déſobéiſſance à
fon exprès commandement. En conféquence , Sa
Majefté a ordonné ce qui fuit:
Le dispositif de ce Réglement est
composé de 25 articles , dont voici le
précis :
Des 25 Sénéchauffées qui compoſent la Bretagne
, 6 feulement députeront aux Etats-généraux
, favoir , Rennes , Hennebond , Brest , Lef
heven , Dinan & Ploærmel ; les 19 autres ſe
formeront en fept Affemblées d'arronditlement , &
elles ronymeront toutes, enſemble 44 Députés du
(181 )
Tiers-état aux Etats-généraux. Les Affemblées
pour nommer les Electeurs font fixées au premier
avril , & celles pour nommer les Députés aux
Etats-genéraux , au 7 du même mois.
La Nobleſſe convoquée conformément à la
déclaration de 1736 , ſe raſſemblera , le 16 , à
Saint-Brieux , pour rédiger ſon cahier , & pour
élire 22 Députés. Le même jour , les Membres
du Clergé , qui , par leurs bénéfices ou dignités ,
ſont ſuſceptibles d'être convoqués pour les affaires
du pays , ſe raſſembleront à Saint-Brieux , & Sa
Majesté leur fera connoître le nombre de Députés
qu'ils doivent envoyer aux Etats-généraux.
Quant aux autres Membres du Cle gé , ils feront
convoqués dans la ville Epifcopale de leur Diocèſe
reſpectif , le 2 avril , & là , ils préparerontles
doléances , avis & repréſentations qu'ils jugeront
convenables , enſuite ils ſe réduiront par
Election au nombre de Membres preſcrit pour
députer à l'Aſſemblée générale. Les Membres ainſi
élus ſe raſſembleront une ſeconde fois, le 20
avril , dans la ville Diocésaine , & Sa Majeſté
leur fera connoître le nombre de Députés de
leurOrdre , que chacune de ces Aſſemblées pourra
envoyer aux Etats-généraux. Il paroît , d'après ces
difpofitions , que laBretagne aura 22 députations ,
ou 88 Députés.
1, 1
On travaille sans relâche à Ver
sailles , à préparer l'hôtel des Menus
pour les Etats-Généraux. Il étoit question
d'abord de placer les trois Ordres
dans des endroits séparés ; mais suivant
de nouvelles dispositions , ils seront
réunis dans l'hôtel des Menus ; chaque
Ordre aura son entrée particulière , afin
de faciliier l'entrée et la sortie , et on a
( 182 )
ménagé les moyens de réunion dans l'in
térieur , en cas que les Ordres veuillent
délibérer ensemble , ou former des Bureaux
composés des Membres du Clergé,
de la Noblesse et du Tiers-Etat : tout
sera prêt long-temps avant l'époque du
27 avril , jour indiqué pour l'ouverture.
»
La rédaction des cahiers dans un
assez grand nombre de Bailliages , ainsi
que les difficultés élevées sur la réunion
, ou sur la séparation des Ordres
Jors des délibérations , ont occupé les
Assemblées.
<<<Château-Neufen Thimerais a composé
sa Députation aux Etats-Généraux,
pour le Clergé , de l'Abbé Tyssier, Chanoine
de Chartres; pour la Noblesse ,
du Vicomte de Castellanne ; pour le
Tiers-Etat , de MM. Perrier, Notaire à
Paris ,et Claye, Fermier , avec M. Canuel
, Avocat , Député subrogé en cas
d'empêchement de l'un des deux autres
Membres du Tiers-Etat. ».:
<<Clermont en Beauvoisis a nommé
l'Evêque de Beauvais pour le Clergé ,
le Dúc de Liancourt pour la Noblesse ,
et MM. d'Auchy , Laboureur et Aubergiste
à Saint-Just ,et
Fermier de l'Abbaye Sainte-Geneviève
au village de l'Eglantier , pour le Tiers-
Etat.>>>
A Beauvais , le Comte de Crillon a
été nommé Député pour la Noblesse; et
( 183 )
à Saint-Quentin , le Comte de Pardieu;
les autres Députés nous seront incessamment
connus . »
<<A Villers- Coterets , le Curé de Marolles
et Dom Lami, Prieur de St. Lazare
, subrogé , pour le Clergé; M. le Duc
d'Orléans pour la Noblesse , le Comte
deBarbançon suppléant le Prince. M.de
Limon et M. Dubeauchet , Négociant ,
pour le Tiers -Etat ; M. de Lepine, Cultivateur
, suppléant pour le Tiers. >>>
<<La Députation du Bailliage de Nemours
est composée , pour le Clergé ,
de l'Abbé Thibault, Curé de Soupes ;
pour la Noblesse , du Vicomte de
Noailles ,et pour le Tiers-Etat , de M.
Dupont, ci-devant Secrétaire de l'Assemblée
des Notables , et de M. Berthier,
Procureur. Ce Bailliage a rédigé
son cahier qui doit être connu incessamment.
Le Bailliage de Soissons , qui
doit avoir deux députations , a déja
élu les deux Députés de la Noblesse ,
l'un est le Comte d'Egmont , et l'autre
le Chevalier de la Noue. »
<<On écrit de Mantes sur Seine, que
le Tiers-Etat a demandé trois articles
principaux au Clergé et à la Noblesse ;
1º. une renonciation à tout privilége
d'impôt ; 2°. que les peines dues aux
crimes fussent égales entre les trois
Ordres ; 3º. que la nomination
emplois civils et militaires fût commune
aux trois Ordres. La Noblesse a réponaux
( 184 )
du qu'elle consentoit à la première demande
, parce qu'il étoit en son pouvoir
de céder ce qui lui appartenoit. Quant
aux deux autres , elle a déclaré, que
n'ayant pas le droit d'y statuer , c'étoit
à la législation à en ordonner. Le
Clergé a répondu aussi , à quelque différence
près , aux demandes du Tiers.>>>
« Le Parlement de Normandie
enregistré , le 10 de ce mois , les provisions
de l'office de Grand-Bailli de la
ville de Rouen, en faveur de M. le Duc
de Harcour. »
a
On mande de Besançon , que , le 10
dece mois, 140MembrbreessddeelaNoblesse
de Franche- Comté s'étant rassemblés ,
ils ont arrêté que , par respect pour les
ordres du Roi , ils se rendroient aux
Assemblées de Bailliages , que cependant
ils protestoient contre la forme adoptée
par le Conseil , comme contraire aux
droits des Etats de la province , rétablis
par la déclaration de novembre 1788. Le
Parlement , les Chambres assemblées , a
fait une arrêté conforme à celui de la
Noblesse ; et comme le Clergé n'a point
protesté , il paroît que les esprits se concilient,
et que les différens Ordres , éclairés
sur leurs vrais intérêts , concourront
à se réunir , et qu'ils remettront leurs
différends à la décision des Etats-généraux
, où ils députeront de la manière
prescrite par le résultat du Conseil.
Il y a eu, dans la ville et faubourgs de
:
( 185 )
Rouen , pendant l'année 1788, 3135naissances
, 711 mariages , 2668 morts .
Aucunes professions religieuses d'hommes
, 19 professions religieuses de femmes
.
Excédent des naissances , 367. ( Journal
de Normandie. )
:
Lettre au Rédacteur.
Maruejoles ,le 4 mars 178 .
C'eſt à tort , Monfieur , que vous avez infcré
dans votre Journal du 13 décembre dernier ,
No. 50 , que la famille de Retz de Malevielle eft
éteinte; elle ſubſiſte en ma perfonne , en celle de
mon ontle , fère d'Adam-Joseph Othon de Retz,
dont vous avez annoncé la mort , en celle demes
frères & de més enfans. Je vous prie de faire
inférer cette lettre , telle qu'elle eſt , dans votre
premier Journal , avec ma fignature.
Je ſuis très parfaitement ,
Monfieur ,
Votre très-humble& trèsobéiſſant
ferviteur ,
DE RETZ DE MALEVIELLE.
肇
(L'erreur dont on se plaint est celle
d'un Membre de la famille de Retz , qui
nous a fait passer la note contre laquelle
on réclame.)
Quoique l'Auteur de la lettre suivante
, adressée au Propriètaire de ce
Journal , se soit plaint de la justice que
nous avons rendue à un libelle infame ,
proscrit par la voix publique et par
le Parlement , et dont l'effet certain seroit
d'interdire aux Voyageurs François
( 186 )
tout accès auprès des étrangers hors du
royaume , s'il restoit sans réclamation
pour ainsi dire nationale , nous donnerons
cours au désaveu qu'on fait ici de
cet Ana scandaleux; désaveu , au reste ,
qu'on a déja publié circulairement dans
d'autres Feuilles publiques.
« J'apprends , Monfieur , que l'on m'impute un
ouvrage posthume ſur la Cour de Berlin , où l'on
dit que pluſieurs perſonnes font fort maltraitées ,
&que l'on m'accuſe d'avoir publié cet ouvrage.
Je ne puis le juger à Aix où il n'eſt point parvenu.
Je ne fuis pas mort, &n'ai nulle raiſon de
eeſſer de mettre mon nom aux écrits que je veux
publier. Mon profond défaveu du livre & de ſa
publication, eſt donc dans ſon titre. >>
«L'a-t-onbroché ſur quelques feuilles qui peuvent
venir de moi ? »
« Le crédit , une habile noirceur , la dextérité
de la perfidie ſe ſeroient- i's emparés d'une partie
des Lettres que j'ai pu & dû écrire aux Miniftres
du Roi , & auroit - on trouvé plaifant ou jugé
utiſe de les mutiler , de les falſifier , de les empoiſonner
, d'y faire de repréhenſibles additions ?
C'eſt ce que j'ignore , & ce que je fuis porté à
croire . puiſque tous mes amis ſont fâchés qu'on
m'attribue un Recueil de lettres , auxquelles je
n'ai peut-être nulle part. » .
Mais le bon ſens dit que je n'ai point d'intérêt
à multiplier, les, ennemis que m'a pu faire
mon auſtère franchiſe , ni à leur fournir des armes
, & que l'on ne pourroit imaginer que je
l'euffe fait , fur- toutdans les circonstances actuelles,
qu'en me ſuppoſant en démence. "
<<J'eſpère prouver que je ne ſuis ni fou ni méchant
, & je ferai enforte que le déſaveu formel
que je vous prie , Monfieur , de publier de tout
( 187 )
ouvrage qui pourroit porter à me croire l'un ou
l'autre , foit foutenu par ceux que j'ai ré llement
à mettre au jour , & par la conduite entière d'une
vie dont je ne fais plus aucun cas qu'autantque je
pourrai la conſacrer à l'utilité publique. »
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Comte DE MIRABEAU.
A Aix , le 11 février 1789.
PRIX propoſé dans la Séance publique tenue le
3 mars 1789, par la Société Royale de Médecine ,
fur le RACHITIS.
La Société Royale propose pour ſujet d'un Prix
de la valeur de 1600 livres , la queſtion ſuivante :
Déterminer, par des obſervations & des expériences ,
quelle est la nature du vice qui attaque & ramollit les
os dans le RACHITIS ou la Noueure , & rechercher ,
d'après cette connoiſſance acquiſe , ſfi le traitement de
cette maladie ne pourroitpas être perfectionné?
Quoique des Médecins très- célèbres aient publié
des Ouvrages eſtimés ſur la maladie qui eſt
leſujetde ceProgramme , on est bien loin d'avoir
une connoiſſance poſitive de ſa nature. On ne
fait pas quelle eſt l'humeur qui attaque & ramollit
les os , & par conséquent on ignore quelles font
les indications effentielles que l'on doit fe propoſer
de remplir dans le traitement. C'eſt en conſidérant
les différentes excrétions des perſonnes qui en font
at: eintes , & en examinant l'érat des os de ceux
qui y ont fuccombé , que l'on acquerra des
idées p'us exactes fur les changemens qui ſe fort
dans le ſquelette des Rachitiques , & fur les caufes
auxquelles on doit les attribuer. L'application de
la Chimie à la Médecine pourra répandre beaucoup
de lumières fur cette recherche. Déja pluſieurs
Médecins ont conſeillé l'uſage des abſorbans &
des alkalis , pour modérer l'effet de l'acide qu'ils
régardent comme dominant dans cetteconſtitution.
( 188 )
D'autres , & c'eſt le plus grand nombre , voyant
que , dans les Rachitiqnes, les fibres ſont privées
d'une partiede leur reffort , ont eu recours aux
remèdes toniques ,tels que les diverſes préparations
du fer, lequinquina , les amers en général , les vins
médicamenteux & les bains froids. On a conſeillé
l'uſage des anti-fcorbutiques. Sur-tout les Concurrens
ne diront rien de vague ; i's ne perdront
point de vue que ce ſont l'étiologie de la maladie
&les indicarions eſſentielles de fon traitement
qu'il s'agit d'établir. Ily a des enfans qui naiſſent
avec une diſpoſition évidente au Rachitis. Dans
les autres , il eſt ſeurement accidente!. On fait
que ſoneffet le plus remarquable eſt la courbure
des os. Ce font les pièces ofſeuſes de la colonne
épinière qu'il attaque dans le principe. Souvent
cettecolonne ſe courbe dans une grande étendue.
Quelquefois auffi le vice humoral n'attaque qu'un
petit nombre de vertèbres. Cette dernière maladie
eſt celle que M. Poot a fi bien décrite , & que
l'on connoît ſous le nom de maladie vert brale,
ou mal dorfal. Oa la conſidère en général comme
étant une eſpèce de Rachitis. Les Concurrens diront
en quoi elle s'en rapproche, par où elle en diffère
, jusqu'à quel point le traitement propre au
Rachitis peut lui convenir ,&en quoi celui de la
maladie vertébrale doit s'en éloigner.
Ce Prix ſera diſtribué dans la Séance publique
de Carême 1790. Les Mémoires ſeront envoyés
avant le premier février de la même année ; ce
terme eſt de rigueur. I's feront adreſſés , francs de
port , à M. Vicq- d'Azyr , Secrétaire perpétuel de
la Société , rue de Tournon , no. 13 , avec un
billet cacheté , contenant le nom de l'Auteur &
a même épigraphe que le mémoire.
Les Médecins , les Chirurgiens , & tous ceux
qui ont recueilli des obfervations intéreſſantes fur
( 189 )
le traitementdu Rachitis ou de la maladie vertébrale,
&qui ne font pas dans l'intention de concourir ,
font inſtamment priés de nous les envoyer au
plus tôt , ſous l'enveloppe de M. le DirecteurGénéral
des Finances. Il en ſera fait une mention
honorable dans nos Séances publiques.
Pierre-Michel de Marolles , Capitaine de cavalerie
, Chevalier de Saint- Louis , Chef de nom &
d'armes de ſa maiſon , une des plus anciennes de
laTouraine , eſt mort en ſon château de Rabris ,
en Touraine , âgé de 75 ans.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 27 Mars 1789.
On vient de recevoir par la voie
d'Altona , l'annonce vraiment extraordinaire
d'un complot formé pour incendier
les vaisseaux Russes dans la rade de
Copenhague. Il n'est pas aisé de démêler
les vraisemblances au travers des étranges
circonstances de cette relation. Suivant
les uns , un Irlandois , suivant d'autres
,un Ecossois avoit reçu une lettre
de change de 12,000 rixdalers, pour exécuter
l'affaire , et cependant cette lettre
de change , tirée sur Hambourg , n'étoit
payable qu'en échange , de sorte que le
porteur a préféré de déclarer la trame.
On ajoute à ce galimátias , qu'un Patron
de navire Irlandois devoit être l'agent de
son compatriote , changer son bâtiment
enbrulôt, et incendier les vaisseaux Russes.
On a saisi le navire et son Capitaine :
1
( 190 )
voilà, jusqu'ici , ce qu'ily a de plus clair
dans cette découverte. Le Chefdu complot,
selon l'usage , s'est évadé.
Le Conseil-d'Etat des Provinces-Unies
vient de prononcer contre le Rhingrave
de Salmet le Colonel Vander Borch ,
une sentence , par laquelle ils sont déclarés
coupables de crime de Lèze- Majesté
et de haute trahison ; en outre , bannis à
perpétuité des Sept Provinces et de la généralité
, ainsi que de toutes les places
de garnison , sous peine de mort en cas
de contravention , et condamnés à tous
les frais et dépens de procédure.
La gravité des évènemens qui viennent
de mettre la Diète de Suède en
pleine activité , exige un grand respect
pour la vérité des moindres circonstances.
On s'en est écarté, lorsqu'on a imprimé
, dans plusieurs Gazettes , que le
Roi avoit fait arrêter 25 Sénateurs . Il
n'y a que 17 Membres dans le Sénat ,
dont deux seulement , MM. de Fersen
et de Brahé ont été enfermés ; ce dernier
même et plusieurs autres des détenus ,
ont été élargis cinq jours après . On s'est
encore écarté de la vérité , en affirmant
qu'après le discours du Roi, le 17, la
Noblesse s'étoit levée en Corps , et avoit
quitté la Salle ; c'est le Roi même qui
la congédia , en lui ordonnant de se retirer
dans sa Chambre. On s'en est écarté ,
lorsqu'on a représenté le Comité secret
comme un établissement de fantai(
191 )
sie et nouveau , à l'aide duquel le Roi se
proposoit de maîtriser la Diète. Le Comité
secret a existé de tout temps , même
sous le despotisme des Bonnets ; il a été
consacré par la Constitution de 1772 ,
qui lui attribue tous les pouvoirs des
Etats eux-mêmes. Il est sous l'obligation
implicite et formelle de respecter les
lois fondamentales , par conséquent ne
reçoit d'autres instructions que celle de
ne rien traiter de contraire à ces lois.
On s'en est écarté lorsqu'on a affirmé
que le dernier incident avoit été prémédité
avant l'ouverture de la Diète.On n'a
préméditéque les mesures indispensables
dans tout Etat bien réglé , où à l'heure
d'un danger extérieur et imminent , on
pourvoit aux crises qui pourroient survenir
dans l'intérieur. Le Roi n'a appelé
aucunes troupes réglées , il a mis Stockholm
et la Diète sous la garde même du
Peuple; les six mille Dalécarliens , dont
l'approche pouvoit devenir nécessaire ,
sont des paysans volontaires , dont l'intérêt
est absolument le même que celui
du Corps de la Nation , etc. etc.
Il y a encore moins de justesse à nommer
les changemens qui viennent de's'o
pérer en Suède , une révolution complète
, semblable à celle qui , en 1660 ,
rendit absolu le Roi de Danemarck. Par
la loi royale, la Diète Danoise fut anéantie,
le pouvoir législatifet le droitde lever
les subsides furent déférés sans limites au
(192 )
Souverain . Au contraire, en Suède , l'acte
d'union et de garantie proposé aux
Etats , le 21 , ne porte aucune atteinte à
la constitution de la Diète , ni à son pouvoir
de proposer les lois , de les discuter ,
de les consentir, ainsi que les impôts. A
l'exemple du Roi d'Angleterre , le Roi de
Suède , il est vrai , réstera maître de faire
la guerre ou la paix; mais les Etats le
seront toujours de refuser les subsides
nécessaires. Quant à l'éligibilité des roturiers
aux charges d'Etat , elle existe
-dans plusieurs Monarchies , et est plus
conforme à la nature d'un Gouvernement
mixte ou Républicain. Si donc
l'Etat paroît avoir gagné en sûreté , par
l'attribution au Monarque du droit de
guerre ou de paix, qui servira de sauvegarde
contre les influences étrangères.
-il n'a certainement rien perdu du côté
de la liberté.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères