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1788, 08, n. 31-35 (2, 9, 16, 23, 30 août)
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20.60 Mo
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505
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Texte
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux évènemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyfe des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Caufes célèbres ; les Académics de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits,
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 2 AOUT
GR

DEU
A PARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins , N ° . 18 .
Avec Approbation , & Brevet du Roi.
LIBRAD TOR
LIBS
TABLE
Du mois de Juillet 1788,
PIECIS
Yers.
Sonetto.
FUGITIVES. De l'Importance des Opi-
Taduction libre.
Zélis au Bal.
Acrofiches.
Epitre.
Envoi de Rofes.
Eglogue.
nions religieufes .
3 Traité élémentaire
4 Le Verger.
{ 6
92
118
5 Leçons de Grammaire. 154
40 Panegyrique de S. Louis 143
51 Efais historiques.
109 Alphabet Tartare.
115 Eugénie
157
Hiftoire dujeune Inconnu . 164 Variétés .
Chdes , Enigmes & Logogrip
. 6 , 54 , 115 , 171 .
174
181
188
37.97.
SPECTACLES.
V
Academ. Roy. de Muf. 191
NOUVELLES LITTÉR
Difcours.
Fénélon , Poëme.
Difcours fur l'Economie,
Recherches.
Le Préjugé vaincu.
8
Comédie Françoife. 149
22 Comédie Italienne. 3893 •
26 7
31 | Annonces & Notices, 44, 102 ,
34 154
A Paris , de l'Imprunerie de MOUTARD ,
des Mathurins, Hôtel de Clunt.
fue
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 2 AOUT 1788.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A Mile. DE GARCINS , après une repréfentation
d'Andromaque .
Quue pour moi , ſous tes traits , Andromaque a
de charmes ,
Lorfque du fils d'Hector , unique & tendre appui ,
Elle l'arrache aux Grecs conjurés contre lui ,
Forte de ſon amour , & belle de fes larmes !
Qui n'a fenti l'amour en te voyant pleurer !
Plus d'un Amant te fuit & viendra t'implorer ,
Non pas comme Pyrrhus , la menace à la bouche ;
Leur voix fera plus tendre , & leur air moins farouche
;
A 2
MERCURE
La Scène t'offre encor des triomphes plus doux :
Que ton coeur, à ton art, tout entier s'abandonne ;
Mais crains , dans ce monde jaloux ,
De trouver plus d'une Hermione .
( Par M. de Flins . )
LE REPENTIR.
ELLE m'aimoit , & j'ai pu la trahir !
Ah ! mes regrets , ma douleur eft mortelle !
Qui m'ôtera ce crucl fouvenir !
Elle m'aimoit , & je fuis infidèle !
Hier encore , en me ferrant la main ,
Zélis difoit : Apprends-moi tes alarmes ,
O mon ami ! verfe-les dans mon fein .....
Et dans fon fein je répandis des larmes.
Vingt fois l'amour , vingt fois le déſeſpoir
Yeut m'arracher le fecret qui m'accable s
Mais la pitié , ce tendre & faint devoir ,
N'a pas permis cet aveu déplorable .
Ah ! cachons- lui la plus honteufe erreur ;
Le pardon même , hélas ! feroit à craindre ;
Il cût fans doute augmenté mon bonheur ;
Mais ma Zélis eût été trop à plaindre.
( Par M. Augufte Gaude. )
DE FRANCE.
LE VOLAGE ,
Romance à mettre en musique.
I.
AIMER fans ceffe
Le même objet
Avec tendreffe ,
N'eft pas mon fait.
Il m'eft doux d'être volage ,
Et d'offrir , dans mes ardeurs ,
Le même hommage
A mille coeurs.
I I.
TROMPER & rire ,
C'est mon dér,
Et je n'afpire
Qu'à ce plaifir.
Par-là , j'imite nos Belles ,
Qui jurent , dans leurs ardeurs ,
D'être fidelles .....
A milic coeurs.
I I I.
LÉGER , agile ,
Je fuis toujours .
Le volatile
Dans nies amours :
H vole , à peine il s'arrête
Sar mille diverfes fleurs ;
Et ma conquête ,
C'eft mille coeurs.
( Par M. Valant . }
A ;
MERCURE
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE
E mot de la Charade eft Boiffon ; celui
de l'Enigme eft Echo ; celui du Logogriphe
et Naufrage , où l'on trouve Réau ,
Auge , Rue & Rage.
CHARA DE..
TEL vit heureux dans mon premier ,
Qui, par arrêt de mon dernier ,
Ira mourir dans mon entier.
( Par M. Laboiffiere, anc. Gendarme du Roi.)
MARTYRE,
ÉNIGM E.
ARTYRE , on me révère ; Aftre , je brille aux
cieux :
De la jeune Zirphé , mon nom peint l'innocence ;
Mais qui jamais jouit d'un fort fi glorieux ?
Celui qui créa tout me doit fon exiftence .
( Par M, Aug. Ch . Av . en P. )
DE FRANCE.
JE
LOGO GRIPHE.
E tiens à grand nombre de corps ;
Auxquels je fuis fort attachée ,
Et n'en fçaurois être arrachée
Sans certain art ou grands efforts.
En peu de mots, Lecteur, s'il faut que je m'explique,
Quatre pieds différens compofent ma fabrique :
Sans le premier , tu vois un fluide élément 3
Sans le fecond , je fuis ville de Parlement ,
Et capitale de Prevince
Où naquit un excellent Prince
Sans le troisième enfin , tu me réduis à peu ;
Etant toute épuifée , il faut te dire adieu.
( Par M. N. D. de Neuville aux Loges ,
Corr. de Lang. Et. d: l'Imp. de Monfieur . )
2
A 4
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
ANNALES de la Petite - Ruffie , ou Hif
toire des Cofaques - Saporogues , & des
Cofaques de l'Ukraine ou de la Petite-
Ruffie , depuis leur origine jufqu'à nos
jours ; fuivie d'un Abrégé de l'Hiftoire
des Hettmans des Cofaques , & des pièces
juftificatives ; traduite d'après les Manufcrits
confervés à Kiow , enrichie de
Notes par JEAN - BENOIT SCHERER , Penfionnaire
du Roi, employé au Bureau des
Affaires étrangères . 2 Volum. in - 8° . A
Paris , chez Cuchet , Libraire , rue &
hôtel Serpente
Ls Annales qu'on donne ici au Publie ,
dit M. Scherer , préfentent l'Hiftoire de
deux Peuples plus célèbres que bien connus
, dont les commencemens remontent
à plus de huit cents ans , & dont le nom
n'a pénétré jufqu'à nous que depuis deux
fiècles . Elevés comme les Spartiates , &
toujours en armes comme les Romains , on
ne verra pas les citoyens de cette RépuDE
FRANCE.
9
blique foumettre la Terre connue, comme
ces derniers , mais défendre du moins leurs
autels & leurs foyers courageufement &
avec conftance , & préférer les fatigues
d'une vie errante & agitée, à la molletfe de
l'esclavage. On verra les pères tranſmettre
à leurs fils l'orgueil de l'indépendance , &
ne leur laiffer pour tout héritage qu'un
fabre , avec la devife : Vaincre ou mourir. On
verra l'adoption réparer les pertes de la
guerre , & donner à ces Peuples , jaloux
de leur liberté , de nouveaux bras pour les
défendre . On remarquera des temps héroïques
& non fabuleux , des vices enfin , &
quelques vertus.
-
Les Cofaques de l'Ukraine étoient un Per
ple tranquille. Aux ufurpations de laNobleffe
& du Clergé de Pologne , les habitans de
la Petite Ruffie ont d'abord répondu par
la retraite ; voyant dans la fuite qu'on ne
penfoit qu'à les écrafer , ils fe font armés.
Mais fi d'un bras ils ont vengé les at
teintes portées à la liberté qu'ils tenoient
de leurs pères , de l'autre n'ont-ils pas ar
rêté le Croiffant & repouffé les Tartares?
N'ont-ils pas défendu les Provinces Méditerranées
de l'invafion des Barbares de
l'Orient , & bravé avec fuccès la fantaftique
fureur de ces ennemis du nom Chré
tiens ? ... Depuis que les Cofaques fe font
rejoints à une Nation dont ils étoient iffus
en grande partie , dans un moment criti-
AS
10 MERCURE
que pour cette Nation , ils en ont redoxté
les chaînes ; ils ont redouté le joug.
De ces deux Peuples , l'un eft foumis
l'autre eft détruit ; la politique inquiète l'a
facrifié à des voifins . On ne trouvera pas
ici , continue M. Scherer , l'Hiftoire de
tous les Cofaques ; nous nous bornerons ,
à ceux de l'Ukraine & aux Cofaques Saporogues
, qui demeuroient ci - devant aux
Cataractes & aux environs du Boryſtène.
>
On trouvera dans cette Hiftoire , des détails
qui fatisferont la curiofité ; une Defcription
exacte des moeurs , une Tactique
particulière , des exploits qui femblent te
nir du romanefque , des armées dont le
nombre nous fait concevoir ce qu'on a
écrit de celles des Huns , des Goths & des
Vandales , des Sarafins & des Perfes ; & ,
ce qui doit attirer les regards , un homme
feul , qui , pour s'élever au delfus de tous ,
fait mouvoir ces vaftes machines & répand
la terreur dans un Royaume que les Puiffances
Chrétiennes , & celles du Turc mê
me , n'avoient pu ébranler.
Il nousarrive fort peu de tranfcrire l'avertiffement
des Auteurs ; mais après avoir fait
la lecture de l'Ouvrage , nous avons été
convaincus que M. Scherer ne donnoit
dans fon Avant propos que le précis impartial
de fon travail , & nous avons mieux
aimé le laiffer parler que de nous
DE FRANCE NCE 11 ,
fubftituer à fa place. Telle a été l'impreffion
qu'il nous a faite . Il aprocédé avec
la méthode que les Hiftoriens devroient
mettre plus fouvent en ufage . Il a commencé
par des notions générales fur l'Ukraine
ou la Petite - Ruflie , & fes habitans
; il a fait connoître le fol & fes
ductions dans tous les genres , fa forme , &
comment il eft arrofé , l'étendue qu'il embraffe
depuis le so degré de latitude jufqu'au
53. L'origine connue des habitans
remonte à l'an 948 de notre Ere . Ils demeuroient
dans la Cabardie , au pied du Mont
Caucafe.Viennent enfuite les querelles qu'ils
ont eues avec la Ruffic . Les Cofaques Saporogues
remontent également à l'an 800 , Leur
première Affemblée eft de l'an 948. L'un
& l'autre de ces deux Peuples a eu de tout
temps un Chef , nommé Hettman , dont
l'autorité étoit très limitée, & peu d'Eats purementmilitaires
ont fu aufli bien balancerles
différens pouvoirs. Rien n'eft plus fingulier,
& en même temps plus intéreflant, que la
naïveté, des moeurs des filles & des femmes.
Il faut lire , p. 96 , t . 1er , les détails fur les
propofitions de mariage , fur la conſommation
, & fur le rapt. Ces moeurs ne reffemblent
à aucunes de celles que la tradition
des autres Peuples nous a confervées. Ou
ne trouve nulle part un fi grand refpect
Four les vieillards , & tant d'hofpitalité en
vers les étrangers . Quant ils fe battent ,
c'est toujours avec le poing ou avec des
A 6
12 MERCURE
bâtons, & jamais avec une arme tranchante.
Leur valeur étoit fi redoutable , que le
Sultan Amurat avoit coutume de diré que
fi les Colaques Saporogues l'attaquoient
cela le réveilleroit & troubleroit tous fes deffeins.
Dans tous fes traités avec la Pologne,
le Grand Turc avoit toujours ftipulé qu'on
défendroit aux Cofaques la navigation du
Boryftène & du Pont-Euxin .
M. Scherer ne manque point de parler
de l'origine des différens entre les Colaques,
le Roi , & la République de Pologne , en
r587 , qui ont été fuivis d'une guerre continuelle
, durant laquelle les Cofaques fe
font fignalés par des actions éclatantes ,
par leur conftance & par leur opiniâ
treté , jufqu'en 1709 , qu'ils s'allièrent à
Charles XII , Roi de Suède . La bataille
de Pultava , qui fe donna fur les terres des
Cofaques, eft racontée avec fidélité ; on peut
comparer cette narration à celle qu'en a faite
Voltaire , dans fon Hiftoire de Charles XII .
Après cette fameufe bataille , le refte des
Colaques Saporogues , qui s'étoient attachés
au Roi de Suède , fe retira , au nombre
de deux à trois mille hommes , à Bender ,
où ils fe foumirent au Khan des Tartares
qui leur fit préfent de deux bâtons de
commandement , & des ornemens qui les accompagnent.
Quoique fujets du Khan , ils
continuèrent à fe gouverner à leur façon.
Les Cofaques , qui s'étoient mis fous la
DE FRANCE. 13
protection de la Ruffie , & dont la principale
demeure étoit à la rivière de Samara ,
attaquèrent les Cofaques Saporogues , qui
les repoufsèrent. Cet état d'hoftilité nuifit
à la Tartarie , & encore plus à la Pologne ,
dans les terres de laquelle ils entroient continuellement.
Le Khan des Tartares ayant
excité un mécontentement général , ils fe
donnèrent à l'Impératrice de Ruffie , Anne
Ivanowna, en 1733. Ils vécurent , jufqu'en
1768 , dans la meilleure intelligence avec
cette Cour , qu'ils fecondèrent fi bien
dans fa guerre contre les Turcs , & à laquelle
ils procurèrent la paix fi glorieufe
de Kaidnargi . Enfin , après avoir fupprimé
la charge d'Hettman ou Chef des Colaques ,
Catherine II rendit une Ordonnance qui
l'anéantiffoit entièrement, le 14 Août 1775.
Ainfi finirent les Cofaques Saporogues. M.
Scherer confacre des Chapitres entiers à
parler de leurs moeurs , de leurs coutumes ,
de leur croyance , des vices qu'ils avoient
en horreur de leurs Loix , des revenus
des Chefs & de leur élection , de la forme
des Affemblées nationales. L'Hiftoire
abrégée des Hettmans , & de ce qui s'eft
paffé de plus intéreffant dans l'Ukraine
offre des détails curieux & inftructifs .
L'Hiftoire de Pologne & celle de Ruffie
s'y trouvent néceffairement liées . La bravoure
, la fermeté des Hettmans offrent
de temps en temps des modèles & des le-
>
14 MERCURE
çons du plus parfait dévouement à la Pa
trie. Rome & Sparte n'ont pas donné de
plus grands exemples. Le caractère mâle
de leur éloquence fauvage & guerrière a
quelque chofe d'antique & d'impofant
qu'on eft obligé de refpecter. Vainqueurs ,
ils font cruels , mais jamais perfides ; battus,
ils confervent leur fierté. Le fang ne tarit
point dans leurs veines , il est toujours prêt
à couler. L'Hiftoire de Chmelnizki , Hettman
de la Petite-Ruffie , préfente le portrait
du plus fage des Guerriers , & du Souverain
le plus jufte . L'amour qu'il avoit
pour fa Patrie étoit tel , qu'il fe privoit
même du repos le plus néceffaire, lorſque les
affaires le demandoient ; c'étoit un homme
accompli , tel que l'exigeoient les fâcheufes
circonftances de fa Nation . Son fils , trop
jeune encore, refufe de lui fuccéder , parce
qu'il n'a pas affez d'expérience. On le force
de conferverune place qu'il méritoit , puifqu'il
avoit fu en connoître d'avance tous
les devoirs. M. Scherer a eu l'attention de
terminer fon fecond volume par les pièces
juſtificatives. " Si cette Hiftoire , dit -il en
commençant fon Ouvrage , » peut fixer
un inft int l'attention du Public impartial,
le Rédacteur aura trouvé fa récompenfe,
» &* fe livrera avec plus de courage au
» travail qu'il a entrepris pour lui faire
» connoître l'Hiftoire d'un Peuple longtemps
obfcur , qui doit aux Cofaques en
général un tiers de l'Afie , & qui ne
و ر
ور
93
ود
و د
DE FRANCE. 15
39
» feroit encore rien dans l'Europe , fans
» fes deux grands Souverains , Pierre le
Gand, & Catherine II ". Nous l'invitons
très férieufement à s'occuper de ce travail
important , & à nous mettre promptement
en état de lui donner de nouveaux
éloges.
-
HISTOIRE de Sophie & d'Urfule, ou
Lettres cxtraites d'un Portefeuille ,
mifes en ordre & publiées par M. DE
CHARNOIS. 2 Vol. in- 12. A Londres
; & fe trouve à Paris , chez Buiſſon ,
Libraire , Hótel de Coëtlofquet , No. 29,
rue Haute-feuille. Prix , 3 liv. 12 f. br. ,
& 4 liv. 4f. francs de port par la Pofte.
UN Roman françois ! c'eft aujourd'hui
une eſpèce de rareté : les Catalogues ne
s'enrichiffent, depuis quelques années , que
de traductions deNouvelles angloifes, imaginées
par des Mifs Sentimentales. On a fait
auffi quelques excurfions germaniques , &
la fortune du Baron de Trenck , Roman
d'un genre vraiment neuf ( 1 ) , doit encou-
( 1 ) Comme il faut toujours à Paris un objet
quelconque d'engouement public , lorſqu'on a été
16 MERCURE
rager ces conquêtes fur l'Allemagne ; bientôt
tant de richeffes exotiques nous compoferont
une bibliothèque qui fera oublier
Gilblas , Clariffe , & l'Héloïfe .
Mais d'où vient donc , parmi nous , cette
difette de Romans originaux ? Seroit - ce
de la léthargie qui femble frapper tous les
Arts d'imagination ? Nos yeux s'ouvrent
toujours à ces lectures , témoin l'empreffement
avec lequel on reçoit tant de verfions
de l'Anglois , dont les modèles font
oubliés au lieu de leur naiffance , à l'inſtant
où on les naturalife dans notre Langue ; le
goût général, à cet égard , n'a pas plus changé,
qu'il ne s'eft perfectionné , & de jour en
jour on eft d'autant moins difficile , qu'on
auroit plus de raifon de l'être. D'Obſervateurs
moraux , on en abonde ; mille gens
d'efprit different avec un art infini fur les
paffions & fur les fentimens ; comment ne
s'en trouveroit - il pas qui fuffent les faire
parler ?
blafé fur les Ballons , fur le Magnétifime , fur
Figaro , fur les Mémoires juridiques , & c. &c.
on s'eft paffionné pour le Baron de , Trenck .
Il faut attendre que le Thermomètre de cette
chaleur foit redefcendu au niveau de la raiſon
commune , avant de hafarder ce que le refpect
de la vérité commande de dire à ce fujet , en repouffant
les indécentes déclamations auxquelles
cette Hiftoire a donné lieu contre la mémoire de
Frédéric II.
DE FRANCE. 17
Peut -être la nature même de la Société
actuelle refroidit le talent des Peintres . L'intérêt
qui résulte d'un Roman doit être fondé
fur la vraisemblance , & la vraisemblance
fur la fidèle repréfentation des moeurs. Si
celles- ci font trop imitatives , fi leur action
n'eft pas variée , fi la diverfité des caractères
n'imprime pas à la fcène un grand
mouvement, le tableau refte fans vie. C'eft
précisément ce mélange de caractères , cette
foule d'originaux que l'efprit d'indépendance
produit en Angleterre , la violence & le choc
des paffions qui en réfuktent , qui foutiennent
encore ce genre d'Ouvrages chez nos
voifins. La plupart des Romans de Paris
ont, au contraire , un air de famille ; ils
vivent de modifications paffagères ; leur cadre
eft borné , leurs perfonnages ne diffèrent
que par la couleur.
Cette reffemblance avec des moeurs déjà
peintes , eft peut-être le feul reproche effentiel
qu'on puiffe faire à l'Hiftoire de Sophie
& d'Urfule : le bur en eft eftimabie , les
détails en font traités aves efprit ; les ridicules
y paroiffent rarement outrés , & les
gradations du vice heureufement obfervées.
» Je ne confeille point , dit l'Auteur, aux
perfonnes qui aiment que les événemens
fe compliquent , que les incidens s'accu-
» mulent, que les phyfionemies foient plus
» fortes que Nature, de s'occuper de la lec-
" ture de ce Recueil : mais je crois qu'elle
» ne fera pas indifférente à ceux qui fe
2
23
و د
18 MERCURE·
"
plaifent à voir des caractères vrais fe développer,
par leurs actions , par leurs dif-
» cours même, dans des faits fimples & na-
» turels ".
Sophie & Urfule font deux jeunes perfonnès
élevées enfemble au Couvent , &
liées d'amitié : elles s'écrivent après leur féparation.
Cette correfpondance prépare le
Lecteur au développement de leur caractère.
Sophie s'annonce en femme fenfée &
modefte. Devenue époule & mère , fes
moeurs répondent aux premiers fentimens
qu'elle a montrés . Urfule , au contraire ,
vive & légère , fpirituelle & coquette , le
livre bientôt aux piéges de la féduction , &
aux travers du grand monde ; elle termine
par des malheurs , une vie paffée dans l'agitation
& l'inconduite.
D'après un plan aufli fimple , les fituations
& les événemens doivent être amenés
par le caractère même des principaux per
fonnages. En effet , Sophie , bientôt mariée
à un Négociant de Lyon , ne paroît plus
fur la fcène qu'en femme raisonnable , occupée
des foins domeftiques , amie éclai
rée & fenfible , qui s'efforce vainement
de prévenir , par d'excellens confeils , les
égaremens d'Urfule : celle ci commence par
des étourderies , & finit par des défordres.
L'Auteur trace avec difcernement les différentes
gradations , qui conduifent cette jeune
femme de l'oubli des bienféances à celui de
la vertu .
í
DE FRANCE. 19
Dès les premieres Lettres , elle fait deviner
fa légèreté elle fe permet des efpiégleries
& des portraits fatiriques ; des adorateurs
ridicules exercent fa malignité naiffante
; enfuite elle éprouve les premiers
fentimens de l'amour : heureufement, l'objet
de fa première inclination la demande en
mariage. Madame d'Azimont , mère d'Urfule
, donne fon aveu à cette union , qui ,
formée fous les aufpices d'une tendreffe
mutuelle , femble promettre aux deux époux
une conftante félicité. Fixée par un noud
facré , autant que par fön penchant , Urfule
acquiert une fauve-garde contre la propre
étourderie ; l'exemple de fon frère , ruiné
& tué à la fuire des plus grands égaremens ,
eft mis fous les yeux par fa mère , & ce
tableau paroît avoir fait dans fon ame une
impreffion difficile à effacer. Toutes les
Lettres à Sophie peignent le raviffement où
elle eft de fon nouvel état ; mais M. de
Bonneville ( c'eft le nom de l'époux d'Urfule
) a arrêté de paffer une partie de l'année
à Paris ; & ce fejour ne tarde pas à gâter
l'efprit frivole de fa femme. D'abord elle
s'amufe des ufages , des extravagances , des
modes de la Capitale ; elle les décrit à fon
amie avec un pinceau très -épigrammatique :
en la voit tire de ce qui devroit la révolter ;
la critique des folies qu'elle raconte , femble
pour elle une jouillance ; & quoiqu'elle
parle de fa fatigue & de fa furprife , on
pénètre que ces fentimens ne tarderont pas
20 MERCURE
à faire place , dans fon ame , à ceux des perfonnes
corrompues , dont les plaifirs divertif
fent fonimagination fans l'enivrer encore.
Le fpectacle de Paris fournit à l'Auteur
, fous la plume d'Urfule , une galerie
de portraits & de ridicules. M. de Bonneville
eft Amateur ; les Artiftes paraſites
qu'il protège , la manie des proverbes , les
différens théatres fur-tout , font appréciés
ici , fouvent avec une jufte & fpirituelle
févérité , quelquefois en traits un peu durs
& trop généraux. Nos folies & notre immoralité
font des textes à peu près uſés ; on
ne peut guère rajeunir cette fatire que par
des expreffions & des tournures plus ou
moins piquantes : ce mérite eft celui de l'Auteur
; il y joint encore celui de la rapidité
dans fes portraits. " On aime aujourd'hui ,
" dit- il , le fpectacle beaucoup moins par
goût que par habitude ; les Comédies ne
" font guère que des rendez- vous , où l'on
» eft conduis par le défoeuvrement , par
l'efpoir de s'y trouver , de s'y rencontrer ,
» de s'épargner ainfi réciproquement la
peine de fe chercher ailleurs. On a vu
» tour à tour le goût des Pantins , des Bilboquets
, des Heyduques , des Poftillens
" gros comme le poing ; aujourd'hui le
goût général eft celui des loges à l'année,
» & des petites loges ; on en a une ou deux
par ton , comme un objet de luxe ; on s'y
» rend comme on ſe rendoit jadis dans une
petite maiſon , & ſouvent on y reçoit les
"3
و د
و د
و د
"
ود
"
DE FRANCE. 21
» vifites de gens qu'on ne voudroit pas re-
» cevoir chez foi. Vous fentez bien que le
goût des fpectacles n'entre pour rien dans
» d'auffi vaines confidérations ".
"
و د
Les Acteurs , les ajuftemens , les coftumes
, les bizarreries de la mode paffent fucceffivement
en revue dans les Lettres d'Urfule
à Sophie , qui lui répond très - fenfément
fur l'attention qu'elle donne à ces
frivolités , & fur la malignité de fes crayons.
» Crois- tu , lui dit- elle , qu'il y ait de la
» raiſon, de la philofophie , à s'occuper de
chofes auffi futiles que des falles de fpectacle
, des Opéras , des Comédiens , des
» bouffons de fociété, & des fats ?Une femme
» doit-elle fe laiffer entraîner par je ne fais
quel petit orgueil de faire briller fon efprit
, & n'a-t- elle point d'affaires plus fé-
" rieufes? Te voilà femme, & bientôt mère;
» ces deux qualités refpectables n'obligent-
» elles pas à des devoirs importans ? Les
» connois -tu bien tous ? Cela ne ſe peut
" pas. Tu es entourée , je le vois , d'une
و ر
"9
foule d'êtres défoeuvrés , & qui journel-
» lement parlent de tout ce qui eft petit ,
» ridicule & léger comme leur caractère ...
» Crois-moi , mon Urfule , laiffe à ceux qui
» ne font pas faits pour afpirer à la raison ,
» le foin de paffer en revue les caprices des
» modes , la réputation pallagère des Petits-.
Maîtres , des Femmes galantes , & des Actrices
; laiffe-les s'occuper du fuccès d'une
Pièce nouvelle , d'un début , d'une nou-
"
"9
"
MERCURE
39
" veauté bizarre , comme d'une affaire indiſpenſable
pour la félicité de l'Etat , &
" ne te compromets pas dans la fociété par
» le ton tranchant , par le ftyle épigram-
" matique , ni par des opinions que l'on
" trouvera toujours hafardées dans la bou-
» che d'une auffi jeune perfonne que
» toi.... C'eſt en général un
caractère qui devient odieux à la longue
" dans la fociété, que celui de frondeur . Au
fait , on aime moins une épigramine , que
tu ne le crois ; fouvent on applaudit celui
و د
"
qui l'a faite , parce qu'on le redoute ; mais
» au fond du coeur on le détefte ; & quand
" il a quitté le cercle où il a brillé , il eſt
» rare qu'on ne ſe permette à ſon ſujet des
»" réflexions humiliantes ".
A la fuite de ces confeils , qui ne corrigeront
pas la claffe de femmes , dont le
ton hardi & dogmatique enlève au ſexe fon
premier charme , celui de la modeftie & de
la douceur compagne de la grace , Sophie
éclaire fon amie, non moins judicieufement,
fur les qualités comme fur les habitudes néceffaires
à l'état de nourrice. Lorfque la Nature
en fit le plus faint devoir de la maternité
, elle l'impofa à des femmes capables
de le remplir dans toute fon étenduc ; elle
y attacha une jouiffance qui ne peut être
fubordonnée aux délices de la Société . Ja-`
mais elle ne promit aux mères , pour multiplier
leurs fenfations , d'unir la fanté & la
molleffe, le goût des plaifirs & la vie retirée,
DE FRANCE. 23
le calme du fommeil à l'échauffement des
veilles , un fang pur & un lait doux à l'action
irritante des jouillances , qui , en ébranlant
le coeur & l'imagination , altèrent le tempé
rament. La Nature forma des mères pour
leurs enfans , & non pour les bals , les fpectacles,
les lycées, la bouillotte & les foupers ;
conformément à l'ordre de fes loix , elle
affujettit les nourrices au régime qu'exigent
les nourriffons , & non à la vie mondaine
de Paris ou de Naples. Si les femmes diffipées
, qui fe croient converties par l'éloquence
de Rouffeau , & qui ne font qu'exaltées
, vouloient prendre la peine d'étudier
cet Ecrivain , au lieu de fe pâmer en le célébrant
, elles s'impoferoient les plus rigoureufes
privations , & pour obéir à la Nature,
elles commenceroient par vivre felon la
Nature .
19
33
" Mais , obferve fort bien l'Auteur de
ces Lettres , il paffe par la tête d'une jeune
folle de nourrir l'être foible qu'elle a porté ;
elle dit , je nourrirai ; elle nourrit fans
» avoir fongé un inftant que la conduite
qu'elle tiendra la rendra refponfable de
la bonne ou de la mauvaiſe fanté , de la
» vie ou de la mort de fon enfant. A peine
» eft - elle accouchée , qu'elle eft debout ,
parce que les dangers des relevailles font
» moins grands pour une nourrice que pour
» la femme qui ne l'eft pas ; dès qu'elle eft
debout , elle reçoit du monde ; une ber
→ ceufe, payée pour tenir l'enfant éloigné de
24
MERCURE
ور
"
» fa mère le plus long- temps qu'il eft poffi
» ble , le lui apporte quand il crie ; l'enfant
» tette , pleure .... Eh vîte , emportez- moi ce
petit braillard ; on emporte l'enfant ... A-t-il
» trois mois ? on s'occupe de ce qu'on appelle
le régler ; quand on l'a forcément
» accoutumé à ce régime , on fort fans
fcrupule ; on fréquente les affemblées &
" les fpectacles , on s'échauffe par la danſe ,
» par le jeu , par les longs repas , par les
infomnies , & quand on rentre chez foi ,
haraffée , fatiguée , anéantie , on donne
» à fon enfant un lait fermenté , aigre ,
» rare , qui ne tarde pas à altérer la foible
» exiſtence “
ود
و ر
35
ور
Cette morale ne perfuade point Madame
de Bonneville, bientôt livrée à tous les écarts
où la trempe de fon efprit a dû l'amener
aux féductions où précipitent une jeune
femme le défaut de raiſon , le goût impétueux
du plaifir , l'afcendant des liaiſons
agréables & corruptrices. Le fecond vo
lume de ces Lettres comprend l'hiftoire des
déréglemens d'Urfule. C'eft un Chevalier
de Valcourt, homme du monde , efprit délié ,
coeur froid & faux , mais expérimenté dans
le fecret& dans le gouvernement des foibleffes
d'une femme , qui déshonore Urfule , &
lui fait facrifier tous fes devoirs. Lui même
fait à fa propre foeur , caractère foible &
équivoque , dont le grand monde n'offre
que trop d'originaux , la confidence de fes
artifices journaliers & de fon triomphe.
L'Auteur
DE FRANCE. 25
L'Auteur lui a prêté le langage commun à
la plupart des féducteurs mis en fcène dans
nos Romans . Valcourt n'aime point, & teint
d'être paffionné ; il entraîne Urfule dans le
vice par vanité ; il raconte fes entreprifes
en la perfiflant ; il eft heureux avec infolence ,
& déteftable de fang - froid Quoique de pareils
modèles exiftent parmi nous , ils ne font
pas , ce me fenible , affez fréquens pour
être mis au grand jour. Si ce raffinement de
perverfité eft réel , on court rifque , en le
démafquant , de lui faire plus d'élèves
qu'on ne garantira de femmes de fes preftiges
: d'ailleurs , comme le féducteur est
ingénieux , on s'amufe de fon efprit avant
d'être indigné de fa fcélérateffe ; il n'intéreffe
point comme Levelace , par une paffion
effrénée ; & la victime qui fuccombe
aux artifices qu'on nous peint , infpire la
pitié d'efprit , & non celle de fentiment.
Un Abbé de Terville , corrupteur plus
effronté , un Vicomte de Monclair fe préfentent
enfuite , & multiplient les défordres
de Madame de Bonneville, Son mari , longtemps
aveuglé fur fa conduite , ouvre enfin
tes yeux , lui reproche fes torts avec une
tendreffe mêlée de dignité ; fa femme avilie ,
joint à fes excès l'hypocrifie du repentir ;
elle a l'audace d'écrie elle - même à fon
amant le récit de fa dolente Hiftoire . Sophie
, inftruite des défordres de fon amie ,
renouvelle fes reproches & fes exhortations ;
Urfule l'outrage dans des réponfes , & ne
N°. 31. 2 Août 1788
B
26 MERCURE
fort de l'endurciffement du vice , que lorfqu'il
n'eft plus temps d'en déplorer les effets.
Son mari fe bat en duel avec le dernier
de les féducteurs, le tue, & eft tué lui-même.
Cet événement plonge Urfule dans le déſeſpoir
; elle meurt bientôt de douleur & de
repentir , en léguant à Sophie l'éducation de
fon fils.
On voit , par ce canevas , qu'autant les
fatuations ont été ménagées dans le cours
du Roman , autant elles fe précipitent à la
fin. L'attendriffement du Lecteur n'a pas le
temps de fe repofer, & les gradations fcmblent
ici peu ménagées. Au refte , le but de
l'Auteur paroit avoir été moins d'intéreffer
par un grand mouvement des paflions , que
de compofer un tableau moral & fidèle des
anceurs déplorables , qui , tous les jours , neus
montrent le trouble , les défordres, les infortunes
qui fuivent l'oubli des vertus domef
tiques ; il a rempli fa tâche en homme d'une
raifon exercée & d'un talent accoutumé à
l'obfervation . Plus cet Ouvrage a de mérite ,
moins M. de Charnois devoit emprunter ,
en le publiant , le titre modefte d'Editeur ;
cette production eft , à tous égards , de nat
ture à honorer fon coeur & fon efprit ; le
courage avec lequel il s'élève contre des travers
fi généralement adoptés , & contre des
ridicules qui ont , en leur faveur , une efpèce
de voix publique , doit lui mériter l'approbation
de tous les efprits fages.
(Cet Article eft de M. Mallet du Pan.)
DE FRANCE. 27
TABLEAU des Maurs de ce Siècle , en
forme d'Épitres ; Épitres 1re. & 2c. ,
fuivies de plufieurs fragmens d'un Poëme
intitulé Saint-Alme & Zélie : du Tombeau
& de l'Apothéose de J. J. Rouſſeau ,
Poëme ; d'une Épitre à la plus honnête
des Femmes ; d'une Lettre fur une découverte
célèbre , & de Pièces fugitives..
A Londres ; & fe trouve à Paris , chez
le Tellier , Libraire , quai des Auguftins.
K
Qui n'eft que jufte , eſt dur « , a dit M.
de Voltaire. Cette vérité feroit applicable
à l'Ouvrage que nous annonçons , fi le
Tableau des Mours de ce Siècle en étoit le
portrait fidèle . Heureufement pour le Siècle
, on voit que l'Auteur a chargé la peinture
; & lorfque nous rappelons la maxime
d'un grand Homme , ce n'eft pas pour y
trouver la cenfure du ton de ces deux Épîtres
, mais plutôt pour y voir un avertiffement
dans l'examen que nous en allons
faire .
Les vices ont fur les vertus le honteux
& défefpérant avantage d'être plus qu'elles
de tous les temps. Le Siècle qu'on accufe
a pour complices tous les Siècles qui ne
font plus ; ainff ; par un malheur plus
B 2
28 MERCURE
grand fans doute pour l'humanité que pour
la Poéfie , tous les reproches que nous faifons
à notre Siècle ne font plus que des
lieux communs , trop communs , je l'avoue.
,
Un Poëte fatirique , doué d'un grand
talent pour la verfification , s'avila d'exercer
ce talent , à juger le 18e . Siècle en
deux cents vers accufateurs. Accufateur &
Juge ! cétoit trop d'un.L'Accufateur fut bon
Poëte , mais le Poëte fut mauvais Juge.
L'Auteur du Tableau des Maurs ne s'eft
pas borné à deux cents vers. Chacune de
fes Épitres en a au moins fix cents . Le fujet
juftifie bien cette étendue ; mais l'art la
condamne, Ainfi , puifque le bon ſens & le
bon goût , qui fe tiennent ordinairement
fe repouffest ici l'un l'autre , il réfulte que
la Poéfie doit abandonner ce fujet à la
Profe. Il y a dans le cours d'un Siècle des
formes particulières de vices & de ridicules
qui peuvent être caractériſées en vers ; mais
leur peinture n'eft point la fatire de tout
un Siècle. Le talent faifit le trait qui leur
eft propre , & c'eft-là , entre autres exemples
, ce qu'a fait Voltaire dans le Ruffe à
Paris. Ce n'eft pas avec de l'harmonie
d'heureufes alliances de mots , & de belles
rimes, que le 8e . Siècle doit être jugé ; &
il femble qu'un des effets de la Philofophie
de ce Siècle même auroit dû être de le préfver
d'un jugement fi léger ; mais il paroît
que de tous les talens , le genre de la
fatire eft celui fur lequel la Philofophie a
¿
DE FRANCE. 29
le moins de prife . Au refte , n'eft - il pas
un peu à craindre pour ces peintures fatiriques
d'un Siècle , que le Peintre n'en
foit pas plus connu du modèle : Le Siècle
ne peut - il pas punir l'offenfe par un généreux
oubli La vengeance peut s'aviler
de tout , même d'une vertu .
Ce dinger n'existe point fans doute pour
l'Ouvrage que nous annonçons. L'amour
des bonnes moeurs, eft une qualité fous
l'abri de laquelle il s'eft placé ; il reſpire
par-tout
Ces haines vigoureufes
Que doit donner le vice aux ames vertucules .
Mais comme la deftinée des Livres ct
incertaine , & qu'un Ecrivain n'en démêle
que rarement lui-même les caufes dans un
Ouvrage , il eft du devoir de la critique de
les lui révéler , en avertiffant l'Auteur de
fes défauts , & le Public , de fon mérite :
Habent fua fata libelli.
Les portraits dont ces deux Épîtres offrent
une galerie , ont ordinairement trop
d'étendue ; les détails en font fouvent d'une
expreffion qui répugne .
C'eft la vile Aftarbé , cet opprobre des mères ,
Ce cloaque infecté des égouts militaires .
D'ailleurs , dans le bourbier de la corruption ,
Chaire digne de vous .
B 3
39 MERCURE
Quelquefois les tournures font d'une familiarité
fingulière.
Eh ! pourquoi diable auffi d'un tel Aventurier ,
Sans talens . ·
L'Auteur a la négligence des enjambemens ,
que le vers Alexandrin n'admet jamais , à
moins que l'art n'en tire une beauté imitative
, qu'un plus grand art , que l'art de
Boileau & de Racine fait trouver fans violer
les loix de notre Verfification .
J'aime mieux y périr , que de chercher en vain ,
Au milieu des déferts de ce pays lointain ,
Celle quej'adorci.
L'Auteur choifit des images que le goût
auroit dû rejeter.
Ainfi du feu facré que notre coeur recèle ,
Néphife garde encor quelque foible étincelle ,
Et l'on pourroit peut-être , avec un art prudent ,
Ranimer par degrés ce lampion fumant,
On ne peut pas lui paffer ce lampion fumant.
On eft fâché autfi qu'il veuille faire
rimer glacée & effrayée , étrangers & divers .
On eft étonné que l'Auteur , qui connoît
fürement la defcription d'une Abbaye dans
le Poëme des Jardins , en ait hafardé une
dans fon Ouvrage. Mais il eft jufte auffi de
citer les vers louables ; en voici un d'une
expreffion précife & poétique :
DE FRANCE. - 31
La toile efféminée accufe la peinture.
Les vers qui fuivent font faciles :
Tantôt elle croir voir.
"
Par de mornes chagrins fon père conſumé ,
Et les jeunes enfans , fur fes mains défaillantes ,
Verfer , en gémiffant , leurs larmes innocentes ;
Son époux , pour cacher ſa honte & ſon amour ,
La demander encore aux déferts d'alentour :
Oui , pour charmer , hélas ! fon deuil & fa misère,
Son époux la demande à l'Echo folitaire ;
Et le fenfible Echo , touché de fon malheur,
Répète , en gémiffant , les cris de fa douleur.
Ainfi jadis fa Nymphe avoit pleuré Narciffe ;
Orphée ainfi jadis pleura fon Euridice.
On aimera ces vers , où le Poëte peint l'appareil
des funérailles d'une jeune femme
qui vient d'expier fa vie par une mort refigieufe
, l'Auteur pourtant y laiffe encore
des fautes.
Tout l'annonce : déjà le flambeau funéraire
Dont la pâle lueur luit dans le fanctuaire ,
Et les fons douloureux de l'airain frémillant ,
Qui , dans les airs émus , l'annonce en gémiſſant ;
Les chants religieux des Vierges éplorées ,
Par la Religion en ces lieux confacrées ,
Les voiles de la mort dont fe couvre l'autel ,
Les prières en deuil qui montent vers le Ciel ,
Tout peint de cet inftant la profonde triſtelle.
B 4
#2 MERCURE
Enfin un fragment d'un Poëme érotique ,
le Tombeau de J. J. Rouffeau , une Epitre
à la plus honnête des Femmes , font honneur
au coeur & aux fentimens de l'Aur
teur. Une Lettre en profe du Docteur Bon
Sens , fur une Découverte célèbre , peut
am fer. On voit avec fatisfaction dans les
Pièces fugitives , que l'Auteur eft l'admirateur
du génie , & l'adorateur des vertus.
Ce font des vers fur Montefquieu , fur Fénélon
, fur un Orateur éloquent , fur un
grand Potte de nos jours. Le Difcours prés
liminaire de l'Ouvrage , malgré des métar
phores trop prodiguées , peu de liaifon dans
les idées , & une diction trop chargée de
mots , doit encourager l'Auteur à écrire de
préférence en profe enfin nous dirons à
fa louange, qu'il combat le vice avec l'éner
gie d'une ame honnête.
222 1916
( Cet Article eft de M. de B... )
SOPHIE , ou les amours & les malheurs
d'une Fille de qualité. 2 Parties in- 12 ,
A Amfterdam , & fe trouve à Paris, chez
le Fevre, Lib. , rue de l'ancienne Comedie
Françoife.
UN Avertiffement nous apprend que
le fond de ce Roman eft hiftorique , &
que l'Héroïne exifte peut - être encore .
L'Auteur annonce qu'il poffède quelques
Lettres qu'elle a fignées , & un Mémoire
imprimé & apofillé de fa main. Tout ce
DE FRANCE. 33
1
qui lui appartient de cette Hiftoire , telle
qu'il la publie , c'eft le ftyle du Roman ,
le changement des noms & de la fcène
quelques adouciffemens , & un épiſode
ajouté.
Le titre de cet Ouvrage annonce des
amours & des malheurs ; mais il y a bien
plus de malheurs que d'amours dans les
aventures qui le compofent . Sophie , orpheline
dès l'âge le plus tendre , eft livrée
à un infame tuteur , qui abufe de fon
pouvoir pour la foumettre aux plus cruelles
perfecutions , & qui l'attaque dans fon
honneur & dans fa fortune. Après avoir
perdu l'auteur de fes jours , elle cft réduite
à pleurer une tante , fa bienfaitrice , & un
époux adoré , qui périt des mains de fon
turcur. Quand elle femble avoir épuifé
toutes les rigueurs du fort , elle voir fa
foeur , jeune perfonne des plus intéreffantes
, le feul objet de fes affections , victime
d'une foibleffe , expirer en donnant
le jour à un enfant abandonné ; & Sophie
a éprouvé tous ces malheurs avant
d'avoir a hevé fa vingt- troifième année . Sa
tendreffe pour fon neveu , qu'elle veut
faire reconnoitre par fon père , la dévoué
encore à de nouvelles infortunes , & le
courage & la conftance de l'Héroïne ajoutent
à l'intérêt de fes malheurs . La lecture
de ce Roman artache ; on eft feulement
fâché , vers la fin , de voir fufpendre
le dénouement par un récit épifodique .
BS.
3.4 MERCURE
IL
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE..
L eft vraisemblable que M. Mont - Rofe
père , en follicitant la Permiffion d'établiɛ
à Paris un Bureau de Correfpondance entre
les Directeurs des Spectacles de la Province-
& l'Ecole Royale de Déclamation , ignoroit
qu'on eût déjà follicité & obtenu cette: Permillion
; il eft vraisemblable auffi que MM.
les premiers Gentilshommes de la Chambre
du Roi , en promettant à M. Mont- Rofe
bienveillance & protection , ne favoient
pas que la faveur qu'ils vouloient bien lur
accorder fût déjà devenue la propriété d'autrui
; enfin il eft vraisemblable encore que
l'Homme de Lettres qui a fair paffer au
Rédacteur de ces Articles la notice fur laquelle
a été rédigé celui qui concerne l'établiffement
de M. Mont - Rofe , ignoroit
également que d'autres perfonnes euffent
des titres réels à un pareil établiſſement.
Quoi qu'il en foir , il paroît certain que le
Bureau de Correfpondance de M. Mont-
Rofe ne fçauroit exifter , puifqu'un Arrer
du Confeil d'Etat du Roi , en date du 20
Juin dernier , " permet aux Sieurs Coqueau
>.
DE FRANCE.
35
ورن
>
& Marfy d'établir à Paris un Bureau
" auquel feul les Directeurs des Spectacles
de Province , dans toute l'étendue
» du Royaume , pourront s'adreffer & fe
" procurer des indications fur les Sujets
néceffaires à la formation & au renouvellement
de leurs Troupes ".
"
"
Le Bureau de MM . Coqueau & Marfy eft
établi à Paris , rue des Cordeliers , Fauxbourg
Saint- Germain , en face de la rue des
Foffés Saint- Germain - des - Prés.
Le Jeudi 24 Juillet , on a repréſenté ,
pour la première fois , la Belle-Mae ou les
dangers d'un fecond Mariage , Comédie en
cinq Actes & en vers , par M. Vigée .
M. de Belfond refté veuf , avec deux
enfans , dans un âge déjà très - mûr , a
époufé en fecondes noces une veuve ,
jeune , jolie, aimable , peu fortunée , & qui
ne lui a guère apporté d'autre dot qu'une
fille née de fon premier mariage . Bon père
& bon époux , il cherche à partager également
fa tendreffe entre la femme & fes
enfans ; mais il s'eft , fans s'en appercevoir ,
lauffé fubjuguer par fon époufe , & l'amour
fait infenfiblement pencher la balance au
préjudice des devoirs paternels . Madame
de Belfond ne penfe qu'a fa fille Julie
elle ne refpire que pour fon bonheur. Elle
B. 6
36 MERCURE
a préféré M. de Belfond à tous ceux qui
afpiroient à fa main , parce qu'il étoit le
plus riche, parce qu'elle a efpéré qu'il pourroit
établir fa fille d'une manière avantageufe
& brillante. Dans cette préférence
elle n'a pas fuivi feulement l'impulfion de
fon coeur ; elle a encore cédé aux avis du
Marquis de Fierval , jeune homme fans
principes , fans moeurs , fans délicateffe , qui
a befoin de faire un mariage opulent pour
remettre les affaires délabrées , qui convoite
de loin la riche dot qu'on pourra faire à
Julie , & dont l'efprit perfide , mais fouple
& careffant , a gagné toute la confiance de
Madame de Belfond . Cet homme , qui .
règle encore fa conduite par lui même ou
par fes agens , a placé auprès d'elle , en
qualité d'Intendant , un M. Dumont, fripon
adroit , hypocrite & effronté tour à tour ,
& qui fert avec chaleur les projets du Marquis
, auquel il appartenoit avant d'entrer
au fervice de M. de Belfond . Ainfi entourée,
& déjà follicitée d'ailleurs par l'amour
qu'elle porte à fa fille , Madame de Belfond
ne s'occupe que de nuire aux enfans
de fon époux , & que de cumuler entre
fes mains tous les biens dont il peut légalement
difpofer.
Un jeune homme qui cache foigneufement
fon véritable nom , qui a rendu à
M. de Belfond les plus importans fervices ,
& qui alloit époufer fa fille Angélique
qu'il adore & dont il eſt aimé , eft perfécuté
DE FRANCE. 37
par Madame de Belfond ; il cft contraint à
voir , finon détruire tout-à-fait , au moins
éloigner pour long temps l'efpérance de
fon hymen. Angélique , menacée d'être reléguée
dans un couvent , ne peut refter
chez fon père qu'en paroiffant renoncer à
époufer Darmant , c'eft le nom fuppofé
de l'Amant d'Angélique Enfin , M. de Belfond
, toujours parlant de fa tendrelle paternelle
, mais toujours entrainé par l'afcendant
qu'il a laiffé prendre à fa femme ,
fe laiffe peu à peu dépouiller , & tantôt
féduit par des careffes intéreffées , tantôt
effrayé par un ton impérieux & menaçan ,
il confomme la ruine entière de les enfans.
Un évènement inattendu appelle pourtant
un honnête homme au fecours de la malheureufe
famille.
Il reftoit à M. de Belfond une Terre honorifique
, dont on vouloit le forcer à fe
défaire ; & le Marquis de Fierval eût été
vraisemblablement d'abord le prête nom ,
puis après le propriétaire, en époufant Julie,
du bien dont Madame de Belfond cherchoit
encore à s'emparer. On a remis entre
les mains d'un Notaire les titres néceffaires
pour procéder au contrat de vente. L'intègre
& judicieux Notaire a deviné les pro-,
jers du Marquis . Il a écrit au Comte de'
Fierval fon père , pour l'informer de tout
ce qui fe paffe. Le Comte de Fierval eft un
ancien Militaire , qui a fervi avec honneur.
Malheureux de la perte d'un fils , qui
38
MERCURE
s'eft vu contraint de s'expatrier après avoir
vengé un affront qu'il avoit effuyé , le
devient davantage en apprenant la honteufe
conduite du feul fils qui lui refte . II
gémit d'être forcé de devenir l'accufateur
du Marquis ; mais la probité parle, elle l'emporte
fur toute autre confidération . Il quitte
fa Province , accourt à Paris , fe rend chez
M. de Belfond , & le met au fait de l'affreux
projet concerté contre fa famille. Bientôt il
le quitte pour aller le fervir auprès du Notaire
, dont il a tour appris . Cependant le
Marquis , de retour de fon régiment , feufement
depuis 24 heures , n'a jamais vu
Julie , qui n'a quitté le couvent que depuis
huit jours , il prend Angélique pour elle
fui parle d'amour , en eft mal reçu , s'obftine
à fe faire écouter , multiplie les proteftations
de tendreffe , de fenfibilité , va
même jufqu'à fe jeter aux genoux d'Angélique
, lorfque Darmant paroît. Angélique
prend la fuite ; le Marquis murmure contre
l'importun qui l'a interrompu, & Darmant
, du ton le plus honnête & le plus
modéré , entre avec le Marquis dans une
converfation où il lui rappelle fon frère . Le
Marquis en parle avec dédain , même avec
mépris. Darmant relève les difcours indécens
du Marquis. Celui-ci fe croit infulté ,
provoqué ; il propofe à Darmant de fortir:
Darmant frémit; le Marquis , qui ne le connoît
point , mais qui en eft connu , infifte
avec audace. Le Comte de Fierval entre dans
DE FRANCE. 39
cet inftant ; il parle au Marquis , en père
irrité , en homme indigné , lui ordonne de
fortir , & lui défend de jamais reparoître
chez M. de Belfond. Refté feul avec Darmant
, qui n'ofe porter fur lui fes regards ,
il s'étonne du fentiment qu'il éprouve ; il
parle à Darmant , qui tremble de lei répondre
& de fe tourner vers lui . Il s'en approche ,
l'obferve , écoute avec une vive curiofité
quelques accens que la fituation de Darmant
lui arrache malgré lui , reconnoît enfin ce
fils qu'il a perdu depuis dix ans , & le père
& l'enfant fe trouvent àl'inftant dans les bras
l'un de l'autre . Le Comte friffonne pourtant
en fongeant à la fcène dont il vient
d'être le témoin, aux fuites qu'il penfe qu'elle
pouvoit avoir; il apprend avec autant de plai
Gr que d'intérêt , que Darmant connoilloit fon
frère, & que c'eft en lui préfentant fon fein
découvert qu'il vouloit s'en faire reconnoître.
Le Comte, heureux de retrouver un fils digne
de lui , & qui a déjà. travaillé à le réconci
lier avec la famille qui le pourfuit , fe propofe
d'achever fon bonheur ;, il l'emmène ,
pout s'en occuper avec lui avec plus d'ardeur
que jamais ..
Pendant que tout ceci fe paffe , Mme . de
Belfond eft inftruite que , fur les confeils
d'un étranger , on a prefcrit au Marquis de
ne plus fe préfenter chez elle. Son coeur
s'aigrit , la colère l'égare , & elle exige de
fon mari que dès ce jour il banniffe fes enfans
de la maiſon. Cte barbare réſolution ré40
MERCURE
volte à fon tour le trop complaifans époux.
Tout coupable qu'il l'ett devenu en facrifiant
à une marâtre la fortune de fa famille , il ne
veut pas abandonner fes enfans, & il eft réfolu
à feretirer avec eux ; mais avant de prendre ce
parti , il veut faire un dernier effort fur l'efprit
de fa femme , & tenter de la rappeler
à fes devoirs ; les enfans s'éloignent pour un
inftant. Madame de Belfond paroît ; fon
mari ne la reçoit plus comme un homme
foible , il lui parle en homme dont les
yeux font ouverts ; il lui expofe tous les
maux qu'elle a caufés , la honte dont elle
s'eft couverte , fes injuftices , fes cruautés ,
il lui peint le Marquis tel qu'il eft , lui apprend
que cet étranger , qui l'a fait bannir
de la maifon , eft le Comte de Fierval , fon
père tour à la fois & fon acculateur ; il la
-preffe , il l'éclaire , il déchire enfin le bandeau
qu'on avoit épaiffi fur fà vue. Mme . de
Belfond , confondue , anéantie , veut répondre
; chaque réplique de fon époux lui dévoile
de nouveaux toris ; elle ne peut plus
refpiter , elle fuffoque , elle eft écrafée fous le
poids de fes remords ; enfin , elle avoue fes
torts , fon repentir , rend à fon mari leporte-
feuille qu'elle avoit furpris à fa foibleffe
, le dépouille de toute l'autorité qu'elle
avoit ufurpée , renvoie Dumont , confent à
ne jamais revoir le Marquis , reçoit dans fes
bras les enfans de M. de Belfond , les careffe
, leur demande pardon , donne ellemême
la main d'Angéliqà Darmant ; la
DE FRANCE. 41
joie & le bonheur rentrent dans tous les
coeurs.
L'analyfe qu'on vient de lire , prouve que
l'Ouvrage de M. Vigée n'eft pas fans intérêt
, & qu'il a un but moral d'une utilité
réelles mais peut - être cet intérêt n'eſt il pas
toujours affez adroitement ménagé ; peutêtre
au n'eft - il pas préparé & entretenu
avec affez d'art ; peut - être encore le but de
la Pièce , tout moral qu'il eft , n'eft - il pas
tour ce qu'ilauroit dû être . Expliquons nous ;
M. Vigée a intitulé fa Pièce , la Belle-Mère,
oulles Dangers d'un fecond Mariage . Le premier
titre annonce un caractère ; le fecond ,
un grand réſultat moral. Sous le premier
point de vue , M. Vigée a minqué à fon
titre ; car il y a moins chez Mme. de Belfond
un caractère , qu'une abfence de caractère.
Qu'est- ce qu'une belle - mère dans l'ac
ception généralement adoptée , & peut être
dans l'unique acception qui convienne au
Théâtre ? C'est une femme qui , après avoir
ufurpé fur fon mari , n'importe par quels
moyens , un pouvoir dont- elle le rend efclave,
fait gémir tout ce qui l'entoure fous l'abus
de ce pouvoir ; qui , fidèle aux principes
d'égoïfme qui la dominent & qu'elle puife
dans fon propre coeur , n'a point de fenfibilité
réelle , ne s'attache qu'à ce qui peut intéffer
elle & les fiens ; qui écarte loin de fon
époux tour ce qui pourroit contre - balancer
fen afcendant ; qui immole à fon avare avidité
les enfans d'un autre lit que le fien ,
42 MERCURE
& qui tente , pour arriver à fon bur , mais
feule & fans confidens indifcrets , tous les
moyens qui font en fa puillance . Si M.
Vigée pouvoit douter de la vérité de ce tableau
, nous l'engagerions à ouvrir le Matade
imaginaire , & il verroit que dans cette
Pièce badine , plus que profonde , Molière
a tracé , en fe jouant , un portrait de
laBelle-Mère ( 1 ) , pareil à celui que nous
lui offrons , dans le caractère de Madame
Argan. Madame de Belfond est éloignée
de lui reffembler. Elle eft née avec des
vertus , avec de la fenfibilité ; fans celle fon
coeur la force , malgré elle , à blamer les
projets qu'elle médite. C'eft par l'impulfion
d'autrui qu'elle projette & qu'elle fait le
mal , & toujours le remords fuit chaque
action équivoqué qu'elle a commife . Madame
de Belfond eft une femme comme
il y en a tant ; forte d'un côté , de l'afcen
dant que fes charmes lui ont donné fur un
homme amoureux & beaucoup plus âgé
qu'elle , & foible de l'autre , parce que les
principes ne font pas affez bien établis, contre
les infinuations perfides , contre les confeils
( 1 ) M. Goldoni a fuivi les traces de Molière ,
en peignant une Belle - Mère , dans fa Comédie
intitulée la Serva Amorofa . Son Ouvrage a été
traduit librement , fous le titre de la Suivante Généreuse
, & repréſentée à la Comédie Françoiſe
en 1759. On trouve cette Traduction , qui n'cft
pas fans mérite , dans le Théâtre d'un inconnu,
DE FRANCE. 43
dangereux des gens adroits qui ont commencé
par féduire fon efprit , pour parvenir plus
fûrement à unieux tromper fon coeur. Ce
n'eft pas là la Belle-Mère. Si ces principes
font vrais , comme nous le croyons , il en
réfulte aufli que le fécond titre laiffe encore
quelque chofe à défirer , & par conféquent
le réfultat moral . Ce n'eft que relativement
que M. de Belfond & fa famille courent de
irès-grands dangers dans le fecond mariage
qu'il a contracté. Il eſt vraiſemblable qu'avec
le caractère que M. Vigée lui a fait , Madame
de Belfond , fi elle eût agi feule &
fans confeils , fe fût fimplement occupée du
bonheur de fa fille Julie , & que trouvant
dans fon mari toutes les difpofitions propres
à opérer ce bonheur, elle auroit enfuite bien
traité les enfans de fon époux ; on eft convaincu,
quand on lui entend dire que la candeur
d'Angélique l'intéreffe malgré elle. Le
Marquis de Fierval , & Dumont , font les
feuls , les véritables auteurs de tous les maux
qu'éprouvent M. de Beifond & fes enfans ;
ainfi nous appercevons , dans cette donnée
dramatique , moins les dangers d'un ſecond
mariage , que les dangers des liaiſons , ou
ceux de la confiance.
Le but moral , tel qu'il eft préſenté , n'eſt
donc pas abfolument conforme à celui que
le Spectateur avoit droit d'attendre , & peutêtre
eft- ce à fon attente trompée qu'il faut
attribuer la févérité avec laquelle le Public.
a traité quelques parties de cet Ouvrage.
44 MERCURE
Néanmoins , cette Comédie , qu'on pour
roit appeller Drame à la rigueur , ne peut
donner qu'une opinion avantageufe da talent
de M. Vigée . Il y a loin d'une Bluette
en un acte , & d'une jolie Comédie en trois
actes , a un Ouvrage moral diftibué en cinq
actes ; & ce n'eft guère qu'à fes dépens qu'on
acquiert de grandes connoiffances dans la
carrière dramatique . Il falloir que M. Vigée ,
avant d'entreprendre un Ouvrage aufli important
que celui qu'il vient de donner , mé-;
dirât long-temps fur le but & fur le plan
de fa compofition , qu'il en attachât mieux
les fils , qu'il cherchât les moyens ici de fufpendre
, la , d'exciter la curiofité , & qu'il
fit marcher fon adion d'en pas plus ferme
& plus affuré .
Au refte , l'Ouvrage , malgré les reproches
qu'on peut lui faire , offre fouvent des fitua
tions intéreffantes , des tableaux vrais , des
détails heureux pris dans nos moeurs ; il annonce
toujours de l'efprit , & fouvent de la
fenfibilité. On a remarqué que le ftyle n'étoit
pas le même dans tout le cours de la
Pièce. L'Auteur de cet Article la connoiffoit
il y a trois ans , & il en fait bien la raiſon .
M. Vigée a revu fon Ouvrage depuis quelquetemps
; fon goût & fa taifon , exercés par
l'étude & par plus d'expérience acquife , lui
ont fait appercevoir des défauts qu'il a fait
difparoître ; & la manière dont il a remplacé
ce qu'il a fupprimé , prouve qu'au moment
où M. Vigée faifoit repréfenter fa BelleDE
FRANCE. 4.5
mère , il étoit déjà très-fupérieur à fon Ouvrage.
L'Effai qu'il vient de faire ne peut que
fui avoir donné de nouvelles lumières ; nous
aimons à croire comme à prédire que d'autres
productions augmenteront , dans l'opinion
publique , la réputation que cet agréable
Ecrivain a déjà commencé à fe faire.
ANNONCES ET NOTICES.
COURRIER des Planètes , par le Coufin Jacques,
Folie periodique , qui fe délivre exactement tous
les Jeudis avant midi.
>
Les Numéros 14 , &c. , & la fuite que nous
annonçons jufqu'au N° . 30 , qui a paru dernièrement
, ne démentent point l'idée que nous avons
donnée des autres dans notre dernière annonce.
Le Coufin Jacques , tour à tour fenfible & gai ,
foutient toujours le ton d'originalité qu'on lui
connoît. Une grande variété & une folie fouvent
morale font la bafe de fon Ouvrage , qui , n'étant
en rien inférieur aux Lunes , doit jouir du même
fuccès. L'Abonnement , qui eft de 18 liv . pour
Paris , & de 21 liv . pour la Province , fe fait chez
Belin , Libraire , rue S. Jacques ; & plus directement
chez l'Auteur ( M. Beffroy de Reigny ) au
Bureau des Planètes , rue Phelypeaux , ou fe font
les Livraiſons , & où il faut adreffer , franches de
port , les foufcriptions & lettres d'avis .
Petit Traité de Gnomonique , ou l'Art de tracer
les Cadrans folaires par M. Polonceau , C.
46 MERCURE
و
avec
R. Pricur Curé de Lucé , près Chartres
Figures gravées par l'Auteur ; in-8 ° . de 96 pag. -
A Paris, chez Lefclapart, Libraire de MONSIEUR,
rue du Roule .
L'Auteur de cet Ouvrage s'eft attaché fur- tout
à rendre l'opération des Cadrans plus facile &
moins difpendieufe.
Traité de la Chaffe des principaux animaux qui
habitent les forêts & les campagnes , pour fervir
de fuite à la Méthode pour détruire les animaux
nuifibies , aux Agrémens des Campagnards dans la
Chaffe des oifeaux , & au Traité de la Pêche ;
Far M. Buc'hoz , Auteur de différens Ouvrages
économiques ; in- 12 de 126 pages . A Paris ,
chez
l'Auteur, rue de la Harpe , No. 109.
Mémoires Phyfiologiques & d'Hiftoire Naturelle,
par M. Etienne J. P. Houffet , Docteur en Médecine
de l'Univerfité de Montpellier , de la Société
Rovale de Médecine de Paris , premier Mé
decin des Hôpitaux d'Auxerre , &c. 2 Vol . in-8 °.
Frix , 7 liv. 4. broc . A Paris , chez Méquignon
l'aîné , Lib. rue des Cordeliers ; Théophile Barrois
, & Royez , quai des Auguftins .
Toutes les opinions que renferme cet Ouvrage
ne feront pas adoptées ; mais on y trouvera des
Recherches & des Obſervations intéreffantes &
utiles .
Analyfe Chimique de l'Eaufulfureufe d'Enghien,
pour fervir à l'Hiftoire des Eaux fulfureufes en
général , par MM. de Fourcroy , Médecin de la
Facnité de Paris , de l'Académie Royale des Scienccs
, de la Société Royale de Médecine , Profeffeur
de Chimie au Jardin du Roi , & c. , & Delaporte
, Médecin de la Faculté de Paris , de la
Société Royale de Médecine ; in-89 . A Paris , chez
Cuchet , Lib. rue & hôtel Serpente.
DE
47
FRANCE.
Les noms des Auteurs de cet Ouvrage forment
un préjugé avantageux , qu'a confirmé la double
approbation de la Société Royale & de l'Académie
des Sciences.
Calendrier d'Education & d'Economie , faifant
partie du Cours d'Education & d'Economic de
M. Verdier , Inftituteur de la Jeunelle , Docteur
en Médecine , Avocat en Parlement , &c. Calendrier
général ; in- 12. Prix , 3 liv. br. A Paris , chez
l'Auteur , en fa maifon d'Education , grande rue
Charone , Hôtel Chabanois , N ° . 33 ; & chez
Onfroy , Lib. rue du Hurepoix.
M. Verdier , après une longue étude des principes
qui peuvent concourir à une bonne éducation
, a eu le courage de les mettre lui -même en
pratique. L'Ouvrage que nous annonçons fait autant
d'honneur à fes connoiffances , que fa maiſon
d'Education en fait à fon zèle pour la Patrie &
l'humanité.
L'Orpheline du Château , par Charlotte Smith ;
traduite de l'anglois fur la 3e . édition. 4 Volumes
in-12. Prix , 7 liv. 4 f. br. A Paris , chez Buiſſon ,
Lib. Hôtel de Coëtlofquet , rue Haute - feuille ,
Nº . 20 , au coin de celle des Cordeliers ; & chez
tous les Marchands de Nouveautés .
Si l'enthouſiaſme que cet Ouvrage a excité dans
fa nouveauté , fi trois éditions , épuifées en quelques
mois , peuvent être garans de fon mérite
nous croyons qu'il peut alier de pair avec les Ouvrages
immortels de Richardfon , Fielding, & Mils
Burney. L'Orpheline eft ane jeune perfonne douée
de toutes les graces , pleine d'efprit & de talens.
& qui , malheureufe dès le berceau , en a fenti
plutôt les charmes touchans de la vertu . Après la
mort de fon père , elle eft reçue dans la famille de
Lord Mowbray , frère de celui qui lui a donné 13
48 MERCURE DE FRANCE.
jour , homme fier , impérieux , mais en qui il refte
encore une étincelle de fenfibilité . Il voit avec
plaifir cette jeune plante croître fous les yeux ;
mais fa femme & fa fille aînée , l'une d'un caractère
hautain & dédaigneux , l'autre envieufe &
méchante , voient avec dépit la belle Orpheline
s'attirer l'eftime & l'admiration , & fe concertent
pour la perfécuter . Il faut lire dans l'Ouvrage
même le récit des cutrages fans nombre & des
épreuves cruelles auxquelles Emmeline cft expoſéc ,
jufqu'à ce qu'enfin , par une fuite d'événemens plus
intéreffans les uns que les autres , elle arrive au
bonheur dont fes vertus la rendent digne . L'Auteur ,
pour jeter plus de variété dans fen Ouvrage , y a
introduit différens Perfonnages , qui tous concou
rent à l'action , & qui , par leurs caractères oppofés
& tracés de main de maître , amènent des fituations
ou comiques ou touchantes. Enfin nous croyons
que ce Roman aura , en France , le même fuccès
dont il jouit en Angleterre.
Les plus grands foins ont été apportés à cette
Traduction .
(Cet Article nous a été communiqué. )
TABLE.
V ERS àMile. de Garcins.3_fule.
Le Repentir.
Le Volage
Charade, Eniome & Log.
4 Tabteau des Moeurs de ce
Sècle.
Sophie
SEVDO. 27 C
34 Annales de la Petite - Ruffie. 8 Comédie Francoife .
Hiftoire d . Sophie & d'Ur- Annonces & Notices.
APPROBATION
J'ai lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux
Te
Je MERCURE DE FRANCE , pour
Août 1788. Je n'y ai rien trouvé qui
Samedi
puifle ch
en pêcher l'impreffion . A Paris, le 1er Août 1788 .
SÉ LIS.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 9 AOUT 1788
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
BOUTADE SERIEUSE
d'un Quadragénaire .
LE Théatre n'eft plus un Spectacle frivole ;
Parmi nous , à préfent , c'eft une vafte école ,
Et qui , dans ce brillant Paris ,
Devroit inftruire enfin ou corriger nos ames
Tantôt , c'est l'Ecole des Femmes
Tantôt , l'Ecole des Maris ;
Aujourd'hui , l'Ecole des Pères ,
Et demain , l'Ecole des Mères ;
No. 32. 9 Août 1788 .
MERCURE....
1
Pais , c'eft l'Ecole des Amans
Et l'Ecole de la Jeuneffe ;
Viendra l'Ecole des Enfans
Et l'Ecole de la Vieilleffe.
Nous avons dès long-temps une Ecole des Moeurs 3
Ainfi, pour tous les goûts, pour toutes les humeurs ,
Il s'ouvre une école fans ceffe .....
Efpérons de voir quelque jour
Une Ecole de la Critique,
Ce füjet , entre nous , feroit vraiment comique ,
Et mériteroit bien d'avoir aufſi ſen tour.
Plus d'une école encor nous feroit néceſſaire ,
Et de nous réformer accroîtroit les moyens ;
Mais , par difcrétion , je confens à me taire ;
Il faut m'en favoir gré , mes chers Concitoyens.
Avec tant de leçons , la joyeuse Thalie
Rit , fans doute, aux dépens des bons Lutétiens .
Et peut-être nous humilie :
Mais que chacun de nous , lain de fe récrier ,
Fixe fur foi les yeux , apprenne à fe connoître ,
Et, s'il ne peut devenir Maître ,
Devienne au moins bon Ecolier.
( Par M, D***, T******, >
DE FRANCE.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE motde la Charade eft Hôtel- Dieu; celui
de l'Enigine eft Vierge ; celui du Logogriphe
eft Peau , où l'on trouve Eau, Pau, Peu .
CHARADE.
AUTREFOIS le brave Guerrier
Qui , triomphant fur mon premier ,
Dans Rome paffoit mon dernier ,
Prenoit , fans rougir , mon entier.
(Par un Abonné. )
J.
ENIGM E.
AI mis plus d'un Héros en des peines cruelles ;
A la guerre de moi l'on peut tirer profit ;
De Vitruve & Vauban j'occupe les cervelles ;
J'orne des Rois , j'orne les Belles
Aux nouveaux nés l'on me ravit ;
Un Saint Inftituteur m'a donné du crédit ;
Et, felon des rapports fidèles ,
On me voyoit fouvent aux pieds de Jésus- Chrift.
Par M. Aug. Ch... Av. en P. )
Ca
52 MERCURE
LOGO GRIPH E.
LE Vigneron , tranquille en fa chaumière ,
Heureux de m'ignorer , paffe des jours fereins ;
Après un doux fommeil , il revoit la lumière ,
Et vit paisiblement du travail de fes mains.
A quoi fert, au furplus, de m'avoir donné l'être ?
A rendre un Fat quelquefois infolent.
Le feul & vrai moyen de le faire connoître ,
Juge , c'eſt d'être intègre , & Guerrier très - vaillant,
Ah ! le plaifant cenfeur , avec la voix altière ,
En fortant du Café , dira certain Marquis ;
Il peut très-librement penfer à fa manière ;
Je fuis né Gentilhomme , &, malgré ſon avis ,
Je veux , en Phaéton , l'apprendre à tout Paris,
Quelle erreur eft la fienne ! on le fuit , on l'évite .
>
L'homme fenfé l'appelle un étourdi ;
Celui qu'il éclabouffe entonne une autre antienne
Et , de fes pareils feuls , il fe voit applaudi,
Transformant mes fix pieds , fur cinq changeant
de ftyle ,
Mon auteur a des droits à l'immortalité ;
Superbe invention , à peu près inutile ;
Je dois en impoſer par ma fragilité.
Suis -je, dans un château , fait pour la compagnie ?:
On doit me diftinguer par mon ameublement.
Je marque quelquefois les inftans de la vie ,
Et fans me retourner , je perds le mouvement.
(Par M. Prevoft, G. du C. de Mgr. C. d'A.).
DE FRANCE.
$3
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE des Membres de l'Académie
Françoife , morts depuis 1700 jufqu'en
1772 , fuite ; par M. D'ALEMBERT ,
Secrétaire-Perpétuel , &c. A Paris , chez
Moutard , Impr.- Libr. de la Reine , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni . 5 nouveaux
Volumes.
و ر
ود
,,
.LES
ES plus hauts & les plus gloricux exploits
, dit Plutarque au commencement
de la Vie d'Alexandre , dans la Verfion
d'Amyot ,, " ne font pas toujours ceux qui
» montrent mieux le vice ou la vertu de
» l'homme ; ains bien fouvent une légère
chofe , une parole , ou un jeu , mettent
plus clairement en évidence le naturel
des perfonnes , que ne font pas des dé-
" faites où il fera demeuré 10,000 hommes
morts , ni les groffes batailles , ni
les prifes des villes par fiége ni par affaut.
» Tout ainfi donc comme les Peintres qui
portrayent au vif, recherchent les femblances
feulement , ou principalement
en la face & aux traits du vifage, cfquels
ور
و ر
"
"3
C 3
34
MERCURE
fe voit comme une image empreinte des
» moeurs & du naturel des hommes , fans
guère fe foucier des autres parties du
» corps : aufli nous doit- on concéder que
" nous allions principalement recherchans
les lignes de l'ame , & par iceux formans
ود
و د
un portrait au naturel de la vie & des
» moeurs d'un chacun , en laiffant aux Hif
toriens à écrire les guerres , les batailles ,
» & autres telles grandeurs ".
»
Laiffons les guerres & les batailles dont
il ne peut être queftion ici , même dans
l'Eloge de Héros , tels que les Maréchaux
d'Eftrées & de Villars ; mais ces légères
chofes , ces paroles , ces jeux , ces anecdotes
, ces traits qui peignent l'ame ; voilà ce
qui abonde dans ces Eloges ; voilà ce qui
rend cette lecture fi piquante & fi attachante
; voilà ce qui prévient par tout la
langueur, dont les plus grandes beautés ne
préfervent pas toujours .
Ce n'eft pas que cette méthode manque
de cenfeurs de bonne ou de mauvaife foi , qui,
regardant ou affectant de regarder comme
de bons modèles de la manière d'écrire
l'Hiftoire de l'Académie , la fécherelle de
Peliffon ou la pefanteur de l'Abbé d'Oli--
vet, condamnent le ton épigrammatique &
piquant de leur Continuateur, comme perit
& mefquin , manquant de décence , & dérogeant
à la dignité du fujet & à celle de
l'Hiftoire.
Oh ! vraiment ! de la décence ! de la diDE
FRANCE. 55
ود
و د
ןכ
gnité ! Ecoutons tonner l'éloquent Rouffeau
contre la décence & la dignité qui rejette
roient comme frivoles les anecdotes pitto
refques , les petits traits caractéristiques. Il
cite d'abord l'exemple de Plutarque : » Le
» bon Plutarque excelle comme Hiſtorien
" par des détails dans lefquels nous n'ofons
» plus entrer. Il a une grace inimitable à
peindre les grands Hommes dans les pe-
» tites chofes ; & il eft fi heureux dans le
" choix de fes traits , que fouvent un mot,
» un fourire , un gefte lui fuffit pour ca-
» ractériſer fon Héros. Avec un mot plaifant
, Annibal raffure fon armée effrayée,
& la fait marcher en riant à la bataille
qui lui livra l'Italie . Agéfilas , à cheval
" fur un bâton, me fait aimer le Vainqueur
du grand Roi. Céfar , traverfant un pau-
" vre village , & caufant avec fes amis
» décèle , fans y penfer , le fourbe qui di-
" foit ne vouloir qu'être l'égal de Pompée.
» Alexandre avale une médecine , & ne dit
pas un feul mot ; c'eft le plus beau mo-
" ment de fa vie. Ariftide écrit fon propre
" nom fur une coquille , & juftific ainfi fon
furnom . Philopémen , le manteau bas
" coupe du bois dans la cuifine de fon
hôte voilà le véritable art de peindre.
» La phyfionomie ne fe montre pas dans
les grands traits , ni le caractère dans les
» grandes actions ; c'eft dans les bagatelles
» que le naturel fe découvre . Les chofes
publiques font ou trop communes, ou trop
93
ود
"3
"
:
C 4
36 MERCURE
apprêtées ; & c'eft prefque uniquement
» à celles- ci que la dignité moderne permet
à nos Auteurs de s'arrêter ".
>
Il cite enfuite le trait aujourd'hui fort
connu du coup donné par derrière à M. de
Turenne , par un domeftique qui le prenoit
pour un de fes camarades , & le mot de M.
de Turenne : Et quand ce feroit George ,
falloit-il frapper fi fort ? Trait que Plutar
que , dit-il , n'eût eu garde d'omettre ; mais
que Ramfai n'eût eu garde d'écrite , quand
il l'auroit fu . Puis il s'écrie :
"
و ر
» Voilà donc ce que vous n'ofez dire
Miférables ! ...... trempez , durciffez
vos coeurs de fer dans votre vile décence ;
rendez-vous méprifables à force de dignité
«.
Mais, dira- t'on, M. d'Alembert entaffe ces
fortes de traits avec un foin recherché ! Chez
lui une anecdote appelle une anecdote ; &
quand il en a cité une , il faut qu'il cite
toutes celles qui y reffemblent , où qui en
diffèrent.
ou
Qu'importe , fi de ces rapprochemens ,
de ces comparaifons , de ces combinaiſons ,
il réfulte de l'agrément & de l'intérét?
Mais fon ftyle eft épigrammatique & plaifant
! il cherche à faire rire , & il fait rire!
Eh bien ! ne fait pas rire qui veut.
Mais le ftyle de l'Hiftoire admet- il le rire ?
On a bientôt dit : le ftyle de l'Hiftoire, &
c'est bien fouvent un mor vide de fens ;
l'Hiftoire qui décrit de grandes batailles ,
DE FRANCE. 57
de grands maflacres , de grandes fourberies
politiques , ne doit pas tire fans doute , car
il n'y a pas le mot pour rire dans tout cela ;
mais l'Hiftoire qui mêle le tableau des travers
, des ridicules , des foibleffes humaines
avec celui des talens , des lumières , des
vertus , peut bien fe permettre quelquefois
le rire philofophique ; & comme à ces épigrammes,
à ces traits qui font rire , M.
d'Alembert fait affortir des morceaux plus
férieux qui inftruifent & qui éclairent , on
peut dire de fon Ouvrage ce que Phèdre
difoit du fien :
Duplex libelli dos eft ; quòd rifum movet ,
Et quòd prudenti vitam confilio monet.
L'application de ces vers à cet Ouvrage
fera même plus jufte qu'à celui de Phèdre ,
car on cherche en vain dans ces Fables d'une
élégance continue , mais un peu auſtère , à
quoi peut s'appliquer le mot , quòd rifum
movet. Phèdre trouvoit fes Fables plaifantes,
à caufe de la fiction qui attribue le langage
humain aux animaux & aux arbres :
Quòd& arbores loquantur , non tantùm fera ,
Fidis jocari nos meminerit fabulis.
Mais , difent encore les Critiques , les
Anecdotes de M. d'Alembert font connues
pour la plupart !
On répond dans l'Avertiffement , que fi
C S
58
MERCURE
elles font connues d'un grand nombre de
Lecteurs, elles font ignorées d'un plus grand
nombre encore. D'ailleurs ,
Indocti difcant , & ament meminiffe periti.
On ne donne point ici les Eloges des
Académiciens qui , ayant été de l'Académie
des Belles Lettres , ou de l'Académie des
Sciences, y ont reçu le tribut de louanges
qui leur étoit dû ; ce filence , ou plutôt ce
renvoi formel aux Eloges déjà faits, eft tout
à la fois modefte de la part de l'Auteur , &
obligeant pour les Auteurs de ces Eloges .
M. d'Alembert a réfervé les fiens pour ceux
de fes Confrères qui n'en avoient point
reçu ailleurs, & qui , dit-il , d'après Tacire
Paucioribus lacrymis compofiti funt . Il n'y
a du moins que très - peu d'exceptions à cette
règle , il n'y en a même de complette qu'en
faveur de Boileau.
Le Recueil entier contient foixante Eloges
ou Articles, car tous ne font pas des Eloges.
Celui de M. de Clermont - Tonnerre , Evêque
de Noyon , eft intitulé Apologie , &
en eft véritablement une. L'Auteur , en
convenant d'une partie de la vanité tant
reprochée à ce Prélat , détruit les exagérations
dont on a furchargé ce reproche , &
fait voir que de plufieurs mots ridicules qui
lui ont été attribués , les uns ne font pas
de lui , les autres font fufceptibles d'un
fens fin & noble que la prévention où on
DE FRANCE.
59
étoit contre lui a empêché d'y voir. Tout
le monde conviendra du moins qu'un de
fes mots à Louis XIV a éminemment
ces deux caractères » Le Roi paffoit par
Noyon , & les Maréchaux des - Logis
avoient marqué dans l'Evêché le loge-
» ment d'une femme très chérie du Mo-
ود
narque , mais qui ne pouvoit décemment
» habiter dans le Palais épifcopal , & que
» le Prélat refufa d'y recevoir. Louis XIV
» lui fit avec douceur une efpèce de reproche
du peu de galanterie qu'il avoit mar-
» qué dans cette circonftance : Sire , ré
" pondit - il , vous ne me l'auriez jamais
» pardonné «.
Nous allons parcourir ces divers Eloges,
& en tirer des traits de tous les genres.
Apis Matina
More modoque
Grata carpentis thyma .
Tiburis ripas.
Circa nemus uvidique
On fit à Segrais une Epitaphe , dont le fens
étoit que Virgile l'abordant aux Champs-
Elifées , lui parla françois , en lui difant s
C'est vous qui me l'avez appris. Ceci a
quelque rapport avec cet endroit admirable
du Roman de Zaide , où deux amans , forcés
de fe féparer pour quelques mois , & qui ,
en fe feparant , ne favoient pas la langue
Fun de Fautre , l'apprennent chacun de leur
C
60 1 MERCURE
côté durant cette abfence , & fe parlent chacun
, en fe revoyant , la langue qui n'étoit
pas la leur. Il n'y a peut - être dans les
"
Anciens , qu'on aime tant à préférer aux
» Modernes , aucun trait d'un fentiment
" auffi délicat & d'un intérêt aufli tendre.
» L'Ecrivain qui a imaginé cette fituation
fi neuve & fi touchante , & qui n'a pu la
» trouver que dans fon coeur , a montré.
qu'il favoit aimer ; & ceux qui le fauront
» comme lui , fentiront en lifant dans Zaïde
» cette fcène charmante , ... combien cette
"
ور
"
expreflion fimple & vraie d'un fentiment
» doux &profond , eft préférable à la Nature
factice ou exagérée de tant de Romans
" modernes mais quelque défir que nous
ayons de faire honneur de ce trait au coeur
de Segrais , ne l'enlevons pas à Madame
» de la Fayette ; c'eft dans l'ame d'une femme
qu'il a dû naître ; elles connoiffent bien
» mieux que nous ... ces fineffes de paffion
» peu faites pour l'ame violente des hom-
»
» mes ".
D'ailleurs les Romans qui font inconteftablement
de Segrais , & auxquels Madame
de la Fayette n'a pas eu part , n'offrent rien
de femblable ; mais on a retenu de lui quel
ques vers d'une fenfibilité douce & aimable :
Je n'étois point aimé , mais j'étois amoureux .
Je n'efpérai jamais qu'un jour elle cût envie
De finir de mes maux le déplorable cours ;
DE FRANCE. 61
Mais je l'aimois plus que ma vie ,
Et je la voyois tous les jours.
Meffieurs de Coiflin offrent dans l'Académie
un exemple rare , dont la répétition
pourroit entraîner des conféquences fâcheufes
, mais qui , ayant été fans inconvénient
de leur part , doit être regardé par eux ,
dit M. d'Alembert , comme un titre honorable
de nobleffe académique ; c'est que
M. le Duc de Coiflin , Armand du Cambout
, a été fucceffivement remplacé dans
l'Académie par deux de fes fils , Pierre du
Cambout , Duc de Coiflin , & Henri- Charles
du Cambout , Evêque de Metz.
Les trois grandes Académies de Paris
ont de grandes obligations à ce Charles
Perrault , tant décrié par Boileau ; il étoit
Contrôleur des Bâtimens , & l'Académie
Françoife lui fut redevable du logement que
le Roi lui accorda dans le Louvre . Il fut le
premier Secrétaire de ce qu'on appeloit alors
la Petite Académie , qui fut dans la fuite
l'Académie des Infcriptions & Médailles ,
& qui eft aujourd'hui l'Académie Royale
des Infcriptions & Belles - Lettres. Ce fut
lui qui fit la devife de la médaille frappée
à l'occafion de ce logement donné dans le
Louvre à l'Académie Françoife ; cette devife
étoit : Apollo Palatinus , allufion ingénieuſe
au Temple d'Apollon bâti dans l'enceinte
du Palais d'Augufte. Il fit une autre deviſe
pour Mgr. le Dauphin , qui n'avoit encore
62 MERCURE
que quatre ans , & qui , dit- on , montroit
déjà du goût pour la guerre , difpofition
qu'on eftimoit fort alors ; le corps eft un
éclat de tonnerre qui fort de la nue avec
ce mot : Et ipfo terret in ortu ( il eft redou
table , même en naiffant ) . Cette deviſe , dit
Charles Perrault dans fes Mémoires , fut
mife fur les enfeignes du régiment de Mgr.
le Dauphin , & fur les cafaques de fes Gardes.
Nous en aurions mieux ainé une qui
eût infpiré , pour ce jeune Prince , l'amour
au lieu de la crainte , c'eft la réflexion de
M. d'Alembert.
Revenons aux obligations que les Aca
démies ont à Charles Perrault : il procura
l'établiffement de l'Académie des Sciences ,
& lui fit même donner une forme que
M. d'Alembert préfère à celle qu'elle a
reçue depnis ; il eut part auffi au projer &
à la diftribution des gratifications accordées
par le Roi aux Gens de Lettres célèbres, tant
François qu'Etrangers ; il eut part à l'établif
fement des Académies de Peinture , de Sculpture
& d'Architecture . Ce fut alors que
Claude Perrault , frère de Charles , donna le
deffin de cerre belle façade du Louvre , que
l'envie a tâché d'enlever à fon Auteur , &
qui lui eft reftée malgré l'envie .
Si on réunit fous un même point de vue
tant de fervices rendus par Charles & Clande
Perrault , aux Lettres , aux Sciences , aux
Arts , on trouvera que cette famille de fimples
Citoyens , tant vexée par des fatires ,
DE FRANCE.
63
n'a guère moins fait pour la gloire de fon
Roi , que fi elle eût été décorée des places
les plus éminentes .
M. d'Alembert cite même de Charles Perrault
quelques vers affez bons , quoiqu'avec
des défauts ; tels font les vers de fon Poëme
fur la Peinture , où il parle des beautés que
temps ajoute aux tableaux :
le
Sur les uns , le vieillard , à qui tout eft poffible ,
Paffoit de fon pinceau la trace imperceptible ,
D'une couche légère alloit les bruniffant ,
Y mettoit des beautés , même ea les effaçant ,
Adoucifoit les jours , fortifioit les ombres,
Et les rendoit plus beaux en les rendant plus fombres
,
Leur donnoit ce teint brun qui les fait refpecter,
Et qu'un pinceau mortel ne fçauroit imiter..
Sur les autres tableaux , d'un mépris incroyable ,
El paffoit , fans les voir , l'éponge impitoyable ;
Et loin de les garder aux Siècles à venir ,
Il en effaçoit tout , jufques au fouvenir .
Et dans le Poëme de Louis le Grand , en
parlant de la circulation du fang inconnue
aux Anciens :
Ils iguoroient jufqu'aux routes certaines
Du Méandre vivant qui coule dans nos veines.
L'Abbé Teftu de Mauroy avoit été Inftituteur
des Princeffes , filles de Monfieur ,
64
MERCURE
frère de Louis XIV . Une place étant venue
à vaquer , & une place que Fontenelle follicitoit
, Monfieur la demanda pour l'Abbé
de Mauroy; la Compagnie répondit : " Qu'elle
» auroit tous les égards qu'elle devoit aux
défirs de Son Alteffe Royale. Le Gentil-
» homme ayant rendu compte à Monfieur
» de la réponſe de l'Académie , Son Alteffe
Royale , furpriſe d'une déférence
qu'elle n'exigeoit & même qu'elle n'attendoit
pas , dit naïvement : Eft-ce qu'ils
recevront « ?
ود
33 le
Ils le
reçurent.
C'eft l'Abbé Trublet qui , dans fes Mémoires
fur M. de Fontenelle , rapporte cette
anecdote qu'il tenoit de M. de Fontenelle
lui- même.
Un autre Teftu , Abbé de Belval , étoit
aufli de l'Académie Françoife dans le même
temps ; on a de lui des Poéfies Chrétiennes
& des Noëls , dans l'un defquels fe trouvent
ces petits vers antithétiques :
L'Eternel a pris naiſſance ,
L'impaffible eft tourmenté ,
Le Verbe eft dans le filence ,
Et le Soleil fans clarté.
qui reffemblent beaucoup à la première
ftrophe de l'Hymne : Stupete gentes.
Fit Deus hoftia,
Se fponte legi legifer obligat ;
DE FRANCE. 65
Orbis Redemptor nunc redemptus ,
Seque piat fine labe Mater.
Ce fecond Abbé Teftu étoit dévoré de
l'ambition d'être Evêque ; mais Louis XIV
déclara qu'il ne le trouvoit pas affez honime
de bien pour conduire les autres . Sire , répondit
Madame d'Hudicourt , qui follicitoit
pour lui , il attend, pour le devenir , que vous
l'ayez fait Evêque.
Son ambition n'étant point fatisfaite , il
étoit rongé de vapeurs , maladie d'autant
plus affreufe, difoit un Philofophe vaporeux ,
( l'Abbé Mongault ) , qu'elle fait voir tous
les objets tels qu'ils font. Il vivoit beaucoup
dans la fociété des femmes , & fuyoit celle
des hommes, parce qu'il aimoit à être écouté
, & craignoit d'être contredit. Le Marquis
de Saint- Aulaire , fon fucceffeur à
Académie , infinue qu'il abuſoit de la facilité
de parler aux dépens des droits naturels
de la converfation ; il dominoit furtout
à l'Hôtel de Richelieu , & dans la fociété
de Madame de Montefpan & de fes
fours : c'étoit luiequi difoit » que Madame
» de Montefpan parloit comme une perfonne
qui lit ; Madame de Thianges
comme une perfonne d'efprit qui rêve ,
» & Madame l'Abbeffe de Fontevrault
» comme une perfonne qui parle «<.
""
ور
و
Une Note fur l'Eloge de Boileau nous
donne une idée bien aimable de la piété
douce & indulgente de Mademoiſelle de
है MERCURE
Lamoignon , foeur du Premier Préfident :
elle ne pouvoit fouffrir qu'on dit du mal
de perfonne , & elle ne diffimuloit pas à
Boileau , l'ami de toute fa maifon , qu'elle
ne pouvoit lui pardonner fes fatires & fes
épigrammes ; mais fa manière de ne pas
pardonner , étoit toujours fi mêlée d'indulgence
, que cette averfion pour la fatire
devenoit entre elle & Boileau un ſujet de
plaifanterie. Quoi ! lui difoit Boileau , vous
ne permettriez pas même une fatire contre
le Grand Turc? Non , répondit- elle , c'eft
un Souverain , il faut le refpecter.... Mais
au moins contre le Diable , ajouta Boileau ?
Elle fe tut un moment , fa religion héfita ,
» & fon caractère reprit bientôt le deffus
Non , répliqua-t- elle , il ne faut jamais dire
du mal de perfonne.
Le fameux Nicolas Feuillet , Doyen de
Saint Cloud , qui prêchoit une morale fi
févère & fi terrible , avoit beaucoup d'embonpoint
& un air de fanté qui paroiffoit
démentir l'austérité de fa doctrine . Defpréaux
fe plaignoit malignement à Mademoifelle
de Lamoignon , qui aimoit beaucoup
ce Prédicateur , » du contrafte fâcheux
» d'un extérieur fi peu mortifié avec la pé-
» nitence rigoureufe qu'il exigeoit de fes
» Auditeurs «. Oh ! répondit - elle , on dit
qu'il commence à devenir maigre.
Louis XIV s'amufoit quelquefois à faire
des vers ; Madame de Sévigné rapporte le
tour qu'il joua une fois au Maréchal de
DE FRANCE. 67
Grammont , tour cruel pour un Courtifan ,
& qui, par cette raifon, ne pouvoit être mieux
adreffé : il lui récita des vers dont il lui dit
beaucoup de mal , & dont par conféquent
le Maréchal de Grammont dit beaucoup plus
de mal encore. Louis XIV prit plaifir à livrer
les vers & l'Auteur à tous les mépris du
Maréchal, & il lui avoua enfuite que les vers
étoient de lui ; le Maréchal, furpris & defolé,
voulut en vain traduire en langage de Cour
tifan les vérités qui lui avoient été arra
chées ; Louis XIV s'en tint au premier mot.
Boileau , foit qu'il sût ou non cette anccdoce
, fut plus fincère. Louis XIV lui demanda
fon avis fur des vers dont il ne difoit
point de mal , & qu'il avouoit être de lui .
Sire , répondit Defpréaux , rien n'eft impof
fible à Votre Majefté , Elle a voulu faire da
mauvais vers , Elle y a réufi.
L'Académie Françoife rendit à Voiture
un hommage bien étrange , en lui faifant
l'honneur inoui de prendre le deuil à fa
mort ; honneur que n'ont reçu d'elle , ni
Corneille , ni Racine , ni Boffuet , ni Defpréaux
, ni Montefquieu , ni Voltaire . M.
d'Alembert recherche quelle a pu être la
caufe d'une diftinction fi furprenante , accordée
aux manes d'un Ecrivain aujourd'hui
prefque oublié. Etoit- ce la faveur dont on
prétend qu'il jouiffoit à la Cour , & le défir
de plaire à la Reine Anne d'Autriche , qui
l'honoroit , dit on , de fes bontés ? Etoit- ce
l'eftime profonde de l'Académie pour les
68 MERCURE
Ouvrages & les talens de Voiture ? La moins
mauvaiſe de ces deux raifons , dit M. d'Alembert
, fait peu d'honneur à nos anciens
Confrères.
Delpréaux fut en concurrence avec La
Fontaine pour l'Académie , & celui- ci eut
la préférence ; mais il ent auffi fept boules
noires. Le Roi différa de confirmer l'élection
de La Fontaine , en apparence à cauſe
de fes Contes , mais en effet , parce qu'il
eût mieux aimé qu'on eût choifi Defpréaux.
L'Académie nomma bientôt après ce dernier
, & le Roi , en approuvant beaucoup
fon élection , confentit auffi à celle de La
Fontaine.
Defpréaux n'eut pas une feule boule noire ,
& ces mêmes hommes » qui donnèrent à
" La Fontaine fept boules d'exclufion pour
fes Contes , & pas une feule à Deſpréaux
» pour fes Satires , firent voir par ce trait
» de prudence , dit un Courtifan amer &
cauftique , qu'ils avoient été élevés dans
» la crainte de Dieu , & fur-tout dans la
» crainte du Roi "..
"
"
"
و ر
Un Académicien , pour fe foulager , dit
M. d'Alem'rt , » de la violence qu'il s'étoit
faite en confentant à l'élection de
Defpréaux , fit l'Epigramme fuivante con-
» tre fon Difcours de réception « :
3
Boileau nous dit dans fon écrit ,
Qu'il n'eft pas né pour l'éloquence ;
Il ne dit pas ce qu'il en penfe ,
Mais je penfe ce qu'il en dit
DE FRANCE. 69
Le fanatifine & la fuperftition cherchent
à étendre par-tout leur influence. Jean Sirmond
, un des premiers & des moindres
Académiciens , propofa d'exiger de chaque
Académicien le ferment de n'employer ja
mais que des mots approuvés par l'Académie
; heureuſement l'Académie fat trop fage
pour adopter cette fottife.
L'Abbé Regnier Defmarais faifoit des
vers en françois , en italien , en latin : en
françois , on a de lui des vers ingénieux ,
entre autres l'Allégorie du Danube fur l'inutilité
de la plupart des voyages : cette Allégorie
eft trop connue , pour que nous la
rapportions ici . On connoît aufli dans fon
imitation du Paftor Fido , ces vers plutôt
célèbres que bons :
Sans doute ou la Nature eft imparfaite en ſoi, &c.
En voici de moins connus , faits contre une
Maîtreffe infidèle :
Ne craignez point que votre humeur légère ,
Dans ma colère
Me faffe rien publier .
Heureux , je ne fais que me taire ;
Trahi , je ne fais qu'oublier.
Il a fait en italien l'Epitaphe de la fameufe
Ducheffe de Montbazon , & ce n'eft
pas fon plus mauvais Ouvrage.
70
MERCURE
Sotto quel duro marmo
Di mortal velo fciolta,
La bella Montbazon giace fepolta ;
Feftingin le donne , piangan gli amori
E liberi oggi mai vadino il cori,
M. d'Alembert la rend ainfi littéralement ,
& vers par vers , ou plutôt ligne par ligne :
Sous ce marbre infenfible ,
Dégagée du voile mortel ,
La belle Montbazon eft enfevelie ;
Les femmes fe réjouiffent , les Amours pleurent,
Et les coeurs déformais font libres.
C'est l'Abbé Regnier Defmarais qui a fait
en latin les deux vers fur le pallage du
Rhin , qu'on lit à la place des Victoires :
Granicum Macedo, Rhenumfecat agmine Gallus,
Quifquisfacta voles conferre , & flumina confer.
On attribue à M. le Cardinal d'Etrées les
vers fi connus fur la violette dans la Guirlande
de Julie , c'est - à - dire , de la célèbre
Julie d'Angennes , depuis Ducheffe de Montaufier.
Simple dans ma couleur , modefte en mon féjour ,
Libre d'ambition , je me cache fous l'herbe ;
Mais fi , fur votre fein , je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs fera la plus fuperbe.
DE FRANGE. 70
On fait que cette Guirlande étoit l'Ouvrage
de tous les beaux efprits de l'Hôtel
de Rambouillet. Un Académicien François,
aujourd'hui oublié , Claude de l'Etoile , fit
ces vers fur le Narciffe:
Epris de l'amour de moi-même ;
De Berger que j'étois , je devins une fleur,
Ah ! profitez de mon malheur ,
Vous que le Ciel orna d'une beauté fuprême ;
Et pour en éviter les coups ,
Puifqu'il faut que chacun aime ,
Aimez un autre que vous.
L'illuftre & aimable F.......... fe permettoit
jufqu'à des chanfons ; mais c'étoient
des chantons morales , où des leçons utiles
étoient préfentées fous une forme agréable .
En voici une entre autres :
Iris , vous connoîtrez un jour
Quel eft le danger où vous êtes ¡
Le mépris fuit de près l'amour
Que favent donner les Coquettes.
Cherchez à vous faire eftimer ,
Bien plus qu'à vous montrer aimable ¡
Le faux honneur de tout charmer
Détruit fouvent le véritable.
Mille trompeurs , par leurs difcours ,
Remplis d'une perfide adreffe ,
Chez vous s'efforcent tous les jours
De prouver leur feiate tendrede.
72 MERCURE
Fuyez leur charme féducteur ,
Tôt ou tard il devient funeste ;
L'oreille eft le chemin du coeur ,
Et toujours le coeur l'eft du reſte .
Les vers fuivans , qui font attribués à un autre
Evêque - Académicien ( M. de Nefmond
Archevêque de Toulouſe ) , ne font que le
premier couplet de la chanſon de M. de
F ....... , dont on a refferré la mefure dans
tous les feconds vers , apparemment pour
le mettre fur un autre air ; & comme il
y a une allez grande diſtance entre les notes
fur l'Eloge de Fénélon , qui font dans le
troifieme volume, & l'Eloge de M. de Nefmond
, qui eft dans le quatrième , il paroît
que , ni l'Auteur de ces Eloges , ni l'Editeur
, ni l'Imprimeur , ni beaucoup de Lecteurs
ne fe font apperçus que le prétendu
couplet de M. de Nefmond & celui de M.
de F....... font abfolument le même : voici
celui de M. de Nefmond :
Iris , vous comprendrez un jour
Le tort que vous vous faites ;
Le mépris fuit de près l'amour
Qu'infpirent les Coquettes ;
Songez à vous faire eſtimer
Plus qu'à vous rendre aimable ;
Le faux honneur de tout charmer
Détruit le véritable,
Voici
DE
FRANCE.
Voici des vers d'un autre Prélat
Academi-
73
cien , qui n'étoit encore ni l'un ni l'autre
lorfqu'il les fit ; mais du moins ils font à
lui. C'eft un
Ouvrage , ou plutôt un 'badinage
de la jeuneffe de M.
Poncet de la
Rivière , Evêque
d'Angers. » Une de fes
»
parentes étant à l'Eglife ,
entendit l'aveugle
qui
demandoit
l'aumône , pro-
» noncer le nom de Saint Michel , dont on
faifoit la fête , & qui étoit le patron du
jeune
Eccléfiaftique ; elle fe hâra de lui
»
envoyer un
bouquet , & fut
remerciée
fur le
champ par ces jolis vers :
25
30
"
33
Un aveugle , en paffant , vous remet ca
mémoire ,
Qu'aujourd'hui de mon Saint on célèbre la gloire ,
Et me fait
recevoir les préfens les plus doux ; -
Que mon
bonheur feroit extrême ,
Si cet aveugle étoit le même
Qui me fait tant penfer à vous !
Nous
apprenons dans l'Eloge de M. le
Duc de la
Tremoille , que la
chanfon fuivante
, très-connue depuis long-temps , eft
de lui:
Dans ces
hameaux , il eft une
Bergère
Qui foumet tout au pouvoir de fes Loix :
Ses graces
orneroient Cythère ;
Le
Roffignol eft jaloux de ſa voix.
13
J'ignore fi fon coeur eft tendre ;
Heureux qui pourroit
l'enflammer !
No. 32. 9 Août 1783.
D
74 MERCURE
Mais qui ne voudroit pas aimer ,
Ne doit ni la voir ni l'entendre .
Il eft encore l'Auteur de cette autre chanfon
, moins connue à ce qu'il nous femble :
Dans ces prés feuris , une abeille
Vole & vient s'enrichir d'un précieux butin ;
Mais voit-on fur la fleur les traces du larcin ?
Le baifer que j'ai pris fur ta bouche vermeille ,
En me rendant heureux , te laiffe ta beauté ;
Rofe aimable , je fuis l'abeille ;
Mon bonheur ne t'a rien couté !
C'eft dire avec délicateffe ce qu'Ovide avoit
dit un peu groffièrement :
Gaudia nec cupidis veftra negate viris.
Jam vos decipiant ; quidperditis ? omnia reftant ;
Mille licet fumant , deperit indè nihil,
M. le Marquis de Saint-Aulaire , à quatrevingt-
quinze ans, reçut à l'Académie Françoife
ce même Duc de la Tremoille , qui
y entroit à trente ans à la place de M. le
Maréchal d'Eftrées. Le contrafte de la jeuneffe
brillante du Récipiendaire , & de la
vieilleffe vénérable du Directeur , préfentoit
un fpectacle intéreffant , dont M. de
St-Aulaire fut tirer le parti le plus heureux.
» Je fens , dit- il à M. le Duc de la Tremoille
, toute la reconnoiffance que je
DE FRANCE. 75
33
و ر
""
39
" vous dois ; l'hommage que vous venez
de rendre à M. le Maréchal d'Eftrées ,
" votre prédéceffeur , en ne me laiffant
plus rien à dire , me foulage & me con-
» fole. Et comment une voix fi affoiblie par
les années , auroit - elle pu célébrer di
" gnement tant de vertus & tant de gloire ?
Hélas ! l'illuftre nom qu'il portoit vient
» de s'éteindre dans la nuit du tombeau .
" Je fens que je mattendris à cette trifte
réflexion ; il ne me refte qu'à baigner de
larmes la refpectable cendre que vous
venez de couvrir de fleurs. La différence
» des hommages que nous lui rendons eft
» affortie à celle de nos âges.
و د
33.
ود
Le vieux Saint - Aulaire pouvoit cependant
dire au jeune la Tremoille , comme l'octogénaire
de La Fontaine aux trois jeunes
hommes :
Je puis encor compter l'aurore
Plus d'une fois fur vos tombeaux.
Il vit mourir , trois ans après , M. le Duc
de la Tremoille , & le pleura comme le
Vieillard de La Fontaine pleure les trois
jeunes hommes.
On fait que Madame la Ducheffe du
Maine appeloit M. le Marquis de Saint-
Aulaire fon vieux Berger ; on fait le vers
qu'il fit pour elle :
Elle feroit Thétis , & le jour finiroit.
D 2
76 MERCURE
Et les vers que fit M. de Voltaire fur ce
qu'il occupoit à Sceaux la chambre de M.
de Saint - Aulaire. L'efprit étoit la grande
affaire à la Cour de Sceaux ; on n'avoit pas ',
ou on n'ofoit pas prendre la liberté de fe
négliger fur ce point ; aufli les ennemis de
cene Cour l'appeloient les Galères du Bel
Efprit. M. de Saint - Aulaite lui- même fe
plaignoit quelquefois de ne pouvoir pas
difoit- il , être bête quand il l'auroit trouvé
plus commode ; il regrettoit la douce liberté
dent on jouiflbit chez fon amie & fon alliée
Madame la Marquife de Lambert , qui avoit
eu affez de philofophie pour fentir que toujours
de l'efprit n'eft pas de l'efprit ; il fit à
ce fujet cette eſpèce d'Epigramme d'un goût
exquis :
Je fuis las de l'efprit ; il me met en courroux 2
Il me renverfe la cervelle :
Lambert , je vais chercher un afile chez vous ,
Entre La Motte & Fontenelle ,
Ce choix des gens auprès defquels il fe
fauvoit de l'efprit , pourroit paroître une
affez forte critique de l'efprit de Sceaux
fi La Motte & Fontenelle n'avoient pas été
eux-mêmes deux des plus grands ornemens
de cette Cour.
La critique ne tomboit que fur cette
foule de gens fans efprit & cherchant l'efprit
, dont Madame la Ducheffe du Maine
fe laifoit quelquefois entourer , & dont elle
DE FRANCE. 77
"
difoit au Marquis de Saint - Aulaire , qui
prenoit la liberté de lalui reprocher : Berger ,
j'ai le malheur de ne pouvoir me paffer des
chofes dont je n'ai quefaire.
En effet , les gens du monde , fur- tout
les Grands , font parvenus à ne pouvoir
pas plus fe paffer de cohue , que les vrais
gens de Lettres de folitude ; & Madame de
Staal nous apprend que Madame la Ducheffe
du Maine étoit comme effrayée de la folitude
où elle fe trouvoit , quand elle ne voyoit
autour d'elle qu'un cercle qui eût encore
été foule pour beaucoup d'autres.
M. de Saint- Aulaire avoit quatre - vingt - dix
ans , ou , fi l'on veut , il n'avoit que quatrevingt
dix ans , lorfque pendant la guerre ,
heureuſement affez courte , de 1733 , il
adrella le Rondeau fuivant au Cardinal de
Fleury , déjà octogénaire . Ce Miniftre , en
lui envoyant l'ordonnance de fes pensions ,
lui avoit fait la plaifanterie de lui mander
que le Roi ne prétendoit pas les lui payer
au delà de fix vingts ans . Le Marquis de
Saint- Aulaire prend de là occafion de faire
à la fois l'éloge , & de la Cour de Sceaux
qu'il habitoit , & du Miniftre qui , à fon
âge , foutenoit alors la guerre contre l'Empire
& la Rullie.
A fix vingts ans vouloir que je limite
De mon hiver la courfe décrépite ,
C'eft ignorer que par enchantemens
A notre Cour les jours paflent fi vite ,
Que les plus longs ne font que des momens.
78
MERCURE
Quand vous aurez chaffé le Moſcovire ,
Et rabaisé l'orgueil des Allemands ,
On voudra voir quelle en fera la fuite
A fix vingts ans.
Nos Paftoureaux , enchantés & dormans
Sous les berceaux que notre Fée habite ,
Attendront là ces grands évènemens ,
Et le comptant de leurs appointemens ;
Car, Monfeigneur , vous n'en ferez pas quitte
A fix vingts ans.
Nous ne finirions pas , fi nous voulions
feulement rapporter fur chaque Académicien
un de ces traits piquans & curieux , dont
chacun de ces Eloges abonde ; nous avons
rapporté quelques - uns de ceux que leur
briéveté nous a permis d'employer ; mais
it eft une foule d'autres morceaux plus férieux
, plus travaillés , plus inftructifs , qui,
par leur étendue, n'auroient pu trouver place
ici , & qui donnent de plus à cet Ouvrage
le mérite de la folidité : nous nous contenterons
d'en indiquer ici quelques- uns.
Dans l'Eloge de Charpentier , la Differtation
fur la queftion tant de fois propoſée :
Si les Inferiptions doivent être en françoisou
en latin.
Dans l'Eloge de Perrault , texte & notes ,
les Réflexions fur la querelle des Anciens
& des Modernes.
DE FRANCE.
79
Dans l'Eloge de l'Abbé Teftu de Mauroy
, les Obfervations fur le choix des Académiciens,
& les Sollicitations des Protecteurs
.
Dans l'Eloge du Préfident Coufin , les
Réflexions fur les Journaux & les Journaliftes.
Dans l'Eloge de M. l'Abbé de Dangeau ,
la note fur les Effais de Grammaire de cet
Académicien.
Dans les notes fur l'Eloge de M. de La
Motte , les jugemens portés fur fes divers
Ouvrages.
Dans les Eloges de la Chauffée & de
Deftouches , les Réflexions fur les innova
tions qu'ils ont faites dans la Comédie .
Dans l'Eloge de M. de Boiffy , les Obfervations
fur les Pièces à tiroir.
Dans les notes fur l'Eloge de Crébillon ,
les jugemens portés fur les Tragédies de ce
Poëte , & les Réflexions fur le caractère de
nos principaux Auteurs Tragiques .
O
D 4
8 MERCURE
ÉCLAIRCISSE MENS hiftoriques fur
les caufes de la révocation de l'Edit de
Nantes , & fur l'état des Proteftans en
France , depuis le commencement du règne
de Louis XIV jufqu'à nos jours ;.
tirés des differentes Archives du Gouvernement.
A Paris , chez les Libraires
qui vendent les Nouveautés. Ir. & He.
Volumes.
LA profcription des Proteftans en France ,
fous Louis XIV , avoit fait la tache princi
pale du règne le plus glorieux de la Monarchie
; ils n'étoient plus un Parti dans l'Etat ,
mais une Secte dans l'Eglife. La Religion ne
défendoit pas de les tolérer ; la raifon , l'humanité
, la politique vouloient qu'on leur
confervât tous les droits de l'exiflence civile
. Leur reftauration fera un des grands &
heureux événemens du règne de Louis XVI.
On a apperçu toutes les fautes de ce fyftême
crucl & inconféquent, qui avoit voulu
fubjuguer les confciences par des rigueurs ,
& retenir des Citoyens en leur ôtant les
premiers droits de l'homme dans la Société 5
on les a appréciées par les malheurs qui les
avoient fuivies ; on a joint aux leçons de l'expérience
, les lamières d'un ridicule devenu
plus jufte & plus fage , & ön les a réparées .
DE FRANCE. $ 1
Tous les grands Ecrivains du fiècle dernier
avoient été complices de l'erreur du
Gouvernement , par leurs voeux ou leurs
louanges . Tous ceux de notre fiècle ont été ,
par leurs réclamations , les promoteurs des
principes nouveaux qu'il vient de confacrer
par une Loi.
Mais le principal honneur de cette heureufe
révolution eft dû à deux Ouvrages
fpécialement deftinés à la préparer l'un a
été le fruit de la retraite d'un Miniftre Magiftrat
, qui , après avoir médité ce grand
bienfait , a eu la fatisfaction de coopérer à
fon accompliffement , en rentrant au Confeil.
L'autre eft dû à un Académicien , qui
a deftiné fes travaux à expliquer les reforts
cachés de plufieurs grands événemens , &
qui, en adoptant ce genre d'études , femble
deftiné à en montrer l'utilité , & à y fervir
de modèle .
Ces deux Ouvrages , dirigés à la même
fin , ceffent de fe reffembler par le but particulier
de chaque Auteur. L'un a expliqué
comment de mauvaifes Loix avoient toujours
manqué leur objet ; l'autre nous a appris
par quel enchaînement de circonftances les
mauvaifes Loix fe font toujours fuccédées.
L'un a trouvé dans les fautes anciennes le
plan d'une meilleure conduite ; l'autre a dévoilé
tous les fecrets d'un plan toujours ferme
dans fes principes , toujours malheureux
dan's fes effets .
C'est ce dernier Ouvrage que nous an-
DS
82 MERCURE
nonçons ; le premier volume a déjà obtenu
une grande célébrité; le fecond , qui a paru
récemment , étoit néceffaire à ceux qui doivent
en rendre compte au Public.
Il mérite une difcuffion étendue , à laquelle
nous ne pouvons encore nous livrer dans ce
moment.
Son intérêt ne tient pas feulement au fuccès
qu'il a obtenu par la Loi nouvelle.
Il n'eft pas borné non plus à l'Hiftoire toujours
fi attachante d'une longue perfécution.
La manière dont il eft fait lui donne encore
d'autres motifs d'attention pour les Lecteurs
de toutes les nations & de tous les
temps.
Jamais un point d'Hiftoire n'a été traité
d'après de meilleures preuves , ni expliqué
par des détails plu curieux. L'Auteur juftifie
tout ce qu'il dit par des citations , & ces
citations font prifes dans des écrits fecrets
dont il eft rare que les Hiftoriens puiffent
avoir connoiffance . Il place prefque toujours
la penfée fecrète de chaque Acteur au milieu
de fon action même , qui fouvent , fans
cela , refteroit inexplicable.
Il démontre que Louis XIV a conftamment
été trompé fur les effets de cette profcription
, qu'il ne croyoit que convertir lorsqu'il
perfécutoit ; jamais on n'avoit vu d'une manière
plus déplorable jufqu'à quel point les
Rois peuvent être trompés .
"
En traçant toutes les variations de ce plan
de perfécution, non feulement il en fait fenDE
FRANCE. 83
tir toutes les erreurs ; mais en en faifant
l'Hiftoire , il fait appercevoir qu'on croyoit
fuivre un plan lorfqu'on n'en avoit plus, &
que le dernier efprit auquel on fe livroit ,
étoit contraire à celui qui avoit dirigé autrefois.
Jamais on n'a donné une plus forte
leçon de la néceflité d'adopter de bons principes
, fi l'on ne veut fe voir entraîné dans
les plus honteux écarts.
Il ne fait pas feulement l'Hiftoire des Proteftans
pendant les deux plus longs règnes
de la Monarchie , c'eft l'Hiftoire même des
Princes , des Grands , des Miniftres , de tous
les hommes qui ont eu de l'influence , de
-toutes les intrigues , de toutes les cabales
qui fe font fuccédées à la Cour , à la ville ,
& dans le Gouvernement ; c'est l'Hiftoire la
plus fidèle & la plus piquante des deux fiècles
, confidérés dans un point où l'efprit de
l'un & de l'autre s'eft fingulièrement manifefté.
En lifant cet Ouvrage , on reconnoît , avec
douleur , combien de chofes reftent cachées
dans les événemens qu'on croit le mieux
connoître , & combien toutes les Hiftoires
font fufpectes , lorfqu'elles n'ont pas été
écrites fur des pièces telles que celles dont
l'Auteur de celle - ci a eu communication .
Le talent original qui brille dans cet Ouvrage
, a d'autant plus d'effet qu'il fe montre
moins. L'Auteur ne fort jamais du ton calate
de l'Hiftoire ; mais la vérité de les tableaux
fait frémir. Il ne sème pas les idées philo
Ꭰ 6
84 MERCURES
fophiques , mais il les réveille fans ceffe .
S'il fait quelques excurfions , elles fervent
autant à éclairer fon objet , qu'à l'embellir.
Prefque tous les hommes diftingués que le
récit des faits amène fous fes yeux , il les
peint ; mais c'eft d'après les traits de leur
vie les plus finement apperçus , les plus habilement
raffemblés. Cet Ouvrage eft remarquable
par une foule de beaux morceaux ,
& par une fagacité prodigieufe à démêler
tous les petits refforts des grands événemens ;
il enrichit également la politique & la morale
de vues neuves & piquantes ; en un
mot , il nous paroît un des Ouvrages d'Hiftoire
les plus curieux & les mieux faits .
PHYSIQUE nouvelle , formant un Corps
de doctrine , &c. ; par M. DELAIRAS ,
Docteur de Sorbonne ; in- 8 ° . A Paris,
chez l'Auteur, rue des Vieilles- Garnifons,
en face du réverbère.
L'AUTEUR de cet Ouvrage , comme le
titre le déclare , nous promet une Phylique
formant un Corps de doctrine , foumife à
la démonftration rigoureufe du calcul , &
renfermant tout ce qu'il y a de plus intéreffant
dans la Phyfique terreftre & célefte ,
ainfi que dins la Métaphysique ; enfin tout
ce qu'on n'avoit pas pu expliquer jufqu'à
DE FRANCE. 85
préfent . Affurément voilà une promeffe qui'
mérite attention , & qui doit faire ouvrir
les yeux à tous les Amateurs des hautes
Sciences. Il n'exiteit point de Phyfique ,
dit M. l'Abbé Delairas , formant un Corps
de doctrine ; Defcartes avoit tenté de donner
au genre humain ce qui lui manquoit
à cet égard ; fon Systême des Tourbillons
fit un grand bruit dans le temps ; Newton ,
aux Tourbillons de Defcartesoppofa l'attraction
, & fon Systême prévalut : mais le
nouveau Philofophe , qui n'admet de Syftême
que celui qui peut être foumis à la
démonftration rigoureufe du calcul , rejette
celui de ces deux illuftres rivaux, & s'ouvre
une route nouvelle. Nous nous garderons
bien de le fuivre de découverte en découverte
, & encore moins de les foumettre
à notre jugement ; d'ailleurs l'Auteur
qui les annonce avec la plus ferme confiance
, paroît défirer un autre genre de
combat. Il nous prie d'inviter tous les favans
Phyſiciens , Aftronomes & Métaphyfciens
, à examiner attentivement fes principes
, ainfi que les démonftrations qu'il a
données fur la caufe générale de tous les
événemens de la Nature ; & il fe charge
de répondre à toutes les objections.
86 MERCURE
1
SPECTACLE S.
COMÉDIE FRANÇOISE.
ONN a invité , dans le Journal de Paris
les Comédiens de nos grands Théatres à
ouvrir deux fois leurs Spectacles en faveur
des Cultivateurs malheureux qu'a ruinés
l'orage du 13 Juillet. L'Auteur pfeudonyme
de cette invention l'a terminée en difant :
Ainfi nos plaifirs auront fervi une fois
à effuyer les pleurs des malheureux «.
Nous croyons devoir relever cette phrafe.
Plus d'une fois les Comédiens fe font empreffés
à foulager les Pauvres & les Infor
tunés , en donnant des repréfentations à
leur profit , & en follicitant pour eux la
bienveillance publique ; & chaque jour les
Spectacles contribuent à adoucir le deftin
des Miférables , puifque chaque jour ils
payent une rétribution aux Hôpitaux . On
ne devroit pas ignorer non plus que les
Comédiens ne tiennent prefque jamais leurs
Affemblées générales fans avoit fait quelque
acte de bienfaifance , & que plus d'une
famille leur doit fon exiftence , ou fon retour
vers le bonheur. Leurs libéralités font
DE FRANCE. 87
le fruit des plaifirs publics ; ainfi les plaifirs
n'ont pas contribué une fois , mais ils
contribuent journellement à effuyer les
pleurs des Malheureux.
Le Vendredi 1er. Août , les Comédiens
François ont donné au profit des Cultivateurs
dont les poffeffions ont été ravagées
par la grêle du 13 Juillet , une repréfentation
d'Athalie , Tragédie de Racine , & du
Bienfait anonyme , Comédie en profe &
en trois Actes , par M. de Pilfes . On s'eft
porté en foule à cette repréfentation , &
jamais fpectacle n'a été plus applaudi , ni
n'a produit un plus grand effet. La caufe
du fpectacle a jeté fur lui un degré d'intérêt
très vif : elle a relevé le talent des
Comédiens , elle a échauffé l'ame des Spectateurs
, & tout le monde eft forti fatisfait.
Athalie a été très - bien jouée & fort applaudie.
Tout ce qui concerne la bienfaifance
dans le Bienfait anonyme, a été écouté
avec tranfport , & la recette faite à la porte
a monté à la fomme de 5800 liv . Avant
qu'on eût publiquement invité les Comédiens
à ouvrir deux fois leurs Spectacles au
profit des Pauvres , les Acteurs du Théatre
François avoient réfolu de faire une fomme
pour en faire hommage aux infortunés
Cultivateurs. C'eſt une juſtice qu'il faut leur
rendre, que de dire qu'ils n'ont pas befoin
d'être avertis, pour devenir bienfaifans.
88 MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE.
LE
E Lundi , 28 Juillet , on a repréſenté ,
pour la première fois , les Trois Déeffes
Rivales , ou le Double Jugement de Pâris ,
Divertiffement en un Acte & en vers ,
mêlé de mufique & de danfes ; par M. de
Piis , mufique de M. Propiac.
Le fecond titre de cet Ouvrage annonce
que M. de Piis a changé quelque chofe au
trait mythologique qui en fait le fujet. Ila
excité la curiofité , & il a attiré au Théatre
Italien une grande affluence . L'ouverture a
d'abord favorablement difpofé les efprits .
Au lever du rideau , une décoration très- pittorefque,
repréfentant un vallon coupé , dans
le milieu, par un ruiffeau ombragé de faules
très- verds , à droite & au fond , le mont
Ida , & fur le devant à gauche , une chaumière
antique propre à caractériſer une
bergerie , a excité les plus vifs applaudiffemens.
Enfuite , la rentrée de M. Michu ,
qu'un accident affez grave avoit éloigné de
la fcène depuis quelque temps , & qui reparoiffoit
pour la première fois dans le rôle
de Pâris , a ajouté aux heureufes difpofitions
où fe trouvoient les Spectateurs . Enfin l'arrivée
fucceffive des trois Demoifelles Renaud
, dans les rôles de Vénus , de Junon
DE FRANCE. 89
& de Minerve , a achevé d'entretenir l'ef
pèce d'enthoufiafme dont on paroiffoit faili.
La Pièce a été fouvent très- applaudie , &
elle a fini d'une manière brillante . Voyons
comment elle eft conçue & exécutée .
Pâris vit philofophiquement fur le Mont
Ida , où il garde fes moutons ; il a fui l'Amour
, parce que
Malheureux par le doute, au fein du bonheur même,
L'homme le plus certain d'aimer
N'eft jamais auffi für qu'on l'aime .
Il n'a pas cultivé les Beaux Arts , & voici
pourquoi :
Le corps par le travail , en chemin arrêté ,
Laiffe aller l'efprit feul à l'immortalité ;
Et ce fatal honneur ne vaut pas l'habitude
De vivre fur la terre en parfaire fanté .
Enfin il ne s'eft pas foucié de faire fa cour
à Plutus , & il en donne plufieurs raifons ,
dont voici la dernière :
Il eft moins dur de refter fans fortune ,
Que de pouvoir la perdre un jour.
Pendant qu'il fait ces réflexions , un coup
de tonnerre éclate , & Iris defcend as
Cieux , pour lui apprendre que les Dieux
l'ont nommé Juge entre Minerve , Junon
90 MERCURE
& Vénus , qui toutes trois prétendent à
la poffeffion d'une pomme d'or qui doit
appartenir à la plus belle. Pâris exige que
les trois rivales defcendent fur la terre . Elles
viennent l'une après l'autre. La tendre Vénus
careffe , l'orgueilleufe Junon commande
, la vertueufe Minerve raiſonne ; & Vénus
a la pomme , qu'elle va fur le champ
montrer à l'Olympe égayé. Les Jeux , les
Plaifirs , les Graces & l'Amour entourent
Pâris , & l'entraînent en attendant que Vénus
revienne
Voir comme
Pâris veut être payé .
Mais c'eft inutilement que l'Amour s'eft flatté
de féduire Pâris. Le Berger ne reffent que
de l'ennui & du dégoût. Le petit Dieu s'arme
en vain d'un trait. Pâris y oppofe le
bouclier de Minerve. Enfin Vénus reparoît.
Pâris regrette de lui avoir donné la pomme.
Vénus la lui rend en lui difant :
Je ne tiens point du tout à ces misères- là :
Ma gloire eft fatisfaite , & je fuis fans colère .
Pâris enchanté fe réfout à partager la
pomme en trois. Iris redefcend des Cieux ,
l'arrête , & lui annonce que l'Olympe, un peu
indifpofé d'abord de fon premier jugement ,
eft enchanté de fa dernière réfolutionis
elle ajoute :
DE FRANCE. 91
Il faut récompenfer avec égalité
Celles qu'un même but met en rivalité.
Pâris , tu dois m'entendre ! & voici trois couronnes.
De celle où brille l'or avec le diamant ,
En faveur de Junon , je veux que tu difpofes.
A celle de laurier , c'eft Pallas qui prétend ;
Vénus , de droit , aura celle de roſes.
La diftribution des couronnes , des chants
& des danfes terminent le Divertiffement .
Il faut juger ce petit Ouvrage dans l'intention
qui l'a fait faire. Il étoit deſtiné à
mettre enfemble , fous les yeux du Public ,
les talens des trois Demoifelles Renaud , &
il étoit difficile de choifir un fujet qui fût
plus convenable au défir de l'Auteur , que
le Jugement de Paris. La première fcène
de Vénus avec Pâris eft la plus agréable de
la Pièce : elle a été jouée par Mlle . Renaud
cadette , avec beaucoup de grace & d'efprit.
La voix de Mlle . Renaud l'aînée a brillé ,
comine à l'ordinaire , dans un Air de bravoure
très - fficile , & qu'elle a exécuté
avec une fupériorité qu'on peut appeler
inabordable . Quant à Mlle. Sophie Renaud,
qui joue le rôle de Junon , il y a deux mois
& demi qu'elle a débuté au Théatre Italien,
& nous avons gardé le filence fur fon début.
Nous fommes éloignés de dire qu'elle ne
méritera pas un jour tous les éloges qu'on
lui a donnés & qu'on lui donne encore ;
92 MERCURE
mais puifque les circonftances nous forcent
à en parler plus tôt que nous ne nous le propofions,
nous avouerons fincèrement qu'elle
a encore bien à travailler avant de mériter
d'être placée à côté de fes foeurs , & dé pouvoir
entrer avec elles en rivalité . La muſique
de ce Divertiffement a quelques longueurs ;
mais elle eft fouvent fraîche , riante , agréable
, & elle fait honneur au talent de M.
Propiac, qui s'étoit déjà fait connoître avantageufement
dans Ifabelle & Rofalvo.
ANNONCES ET NOTICES.
Les Elans du Coeur , Divertiffement en profe
mêlé de chants & de danfes ; représenté devant
M. de Crofne , Lieutenant- Général de Police , à
l'ouverture de la Fuire Saint- Germain , le 1er. Février
1788 , par M. Mayeur , mufique de M.
Rouen , de l'Académie Royale de Mufique. A
Paris , de l'Imprimerie de P. de Lormel , rue du
Foin ; & fe trouve au Palais - Royal , chez les
Marchands de Nouveautés.
"
Caractères de la vraie Dévotion , par M. l'Abbé
Grou ; in- 16 . A Paris , chez Méquignon junior
Lib. rue de la Harpe ; & Fr. Aug. Le Clerc , rue
S. Martin , près celle aux Ques.
Cet Ouvrage cft recommandé
approbation du Cenfeur.
par une honorable
DE FRANCE. 93
Idées fur les Loix Criminelles , où l'on propofe
460 Loix nouvelles , en place de celles qui exiftent
aujourd'hui , & où l'on traite , entre autres
chofes , de l'empire des bonnes moeurs publiques
pour prévenir les crimes , de la peine de mort ,
des cas imprévus , des lettres de cachet , des
duels , des défertions , de la liberté de la prefle ,
de la confifcation , des erreurs judiciaires , d'une
nouvelle manière d'inftruire les Procès criminels
& de les juger , du confeil & du ferment , du préjugé
national contre les familles des condamnés ;
de nouvelles Loix pour le Commerce , faillites ,
banqueroutes , pour l'intérêt du prêt d'argent ,
pour l'action de la femme contre fon mari adultère
, des témoins néceffaires , de l'égalité des
peines , fans diftinétion de perfonnes , pour les
mêmes Crimes ; de la Jurifdiction eccléfiaftique ,
& c . &c . ; par M. Thorillon , ancien Procureur au
Châtelet. Tome Ier,; in- 8 ° . A Paris , chez l'Aúteur
, rue Bardubec , N° . 21 ; chez Belin , Libr.
rue Saint - Jacques ; Froulié , quai des Auguſtins ;
Petit , au Palais - Royal.
Cet Ouvrage n'étant pas fufceptible d'analyſe ,
nous avons tranfcrit en entier le titre qui donne
une idée de fon importance. Les recherches & les
vues de l'Auteur méritent l'attention de tous ceux
qui s'occupent de ces grands objets. On remarquera
fur-tout les articles DÉPÔTS , DEPOSITAIRES ,
page 1735 CORRECTION PATERNELLE > P. 214 ;
PROCUREURS , AVOCATS , leur liberté , leurs devoirs
, &c. page 221 ; le STELLIONAT , P. 240 ;
SEPULTURE des cadavres , page 272 ; l'article III ,
page 304 ; des DÉLAIS pour inftruire & juger
page 333 , & c.
Cet Ouvrage , que l'Auteur a eu l'art de réduire
d'une manière étonnante , fera en 2 Vol .
in - 8º . Prix , 7 liv . 4 f. les deux. Il n'en paroît
encore que le premier,
94 MERCURE
Elémens de l'Hiftoire Eccléfiaftique , renfermant
en abrégé ce qui s'eft paffé de plus intéreffant
dans l'Eglife depuis la naiffance de Jéſus- Chriſt
jufqu'au Pontificat de Pie VI , pour fervir à l'inftruction
des gens du monde & des jeunes gens
qu'on élève dans les Colléges ; par l'Auteur du
nouveau Dictionnaire Hiftorique. Nouvelle édition
, corrigée , augmentée , & entièrement refondue.
2 Volum. in- 12 . A Caen , chez G. Leroy ,
Impr. à l'ancien Hôtel des Monnoies.
Cet Ouvrage , qui n'avoit paru d'abord qu'en
un feul Volume , a gagné par le nouveau développement
que l'Auteur vient d'y donner. Il a
été prefque refondu , & corrigé avec foin .
Procès- Verbal des Séances de l'Aſſemblée Provinciale
de la Généralité d'Auch , tenue à Auch
dans les mois de Novembre & Décembre 1787 ;
in-4° . Prix , 4 liv. 4 f. A Paris , chez Defenne ,
Lib . au Palais - Royal .
>
Principes de Cavalerie , par M. le Chevalier
de Boifdeffre , ancien Lieutenant des Carabiniers ,
avec Commiffion de Capitaine , Elève de l'Ecole
Royale Militaire ; 1 Vol. in - 12. A Paris , chez
Didot fils aîné , rue Dauphine.
> Lettres de Cicéron à Atticus avec des Remarques
& le texte latin de l'édition de Grævius
; par M. l'Abbé Mongault , de l'Académie
Françoife , ci-devant Précepteur de Mgr. le Duc
d'Orléans . 4 Vol. in 12. A Paris , chez Bailly
Lib. rue St. Honoré ; Savoye , rue St. Jacques ;
Barbou , rue des Mathurins.
Cette Traduction eft connue & eftimée ; elle
a de l'élégance & de l'exactitude , & les Notes
en font inftructives.
DE FRANCE.
95
Traité des Droits , Fonctions , Franchiſes ,
Exemptions , Prérogatives & Priviléges annexés
en France à chaque Dignité , à chaque Office &
à chaque Etat , foit civil , foit militaire , foit eccléfiaftique
; Ouvrage compofé par plusieurs Jurifconfultes
& Gens de Lettres , & publié par
MM. Guyot, Ecuyer , ancien Magiftrat , & Merlin
, Ecuyer, Secrétaire du Roi , Maifon-Ecuronne
de France , & Avocat au Parlement de Flandre ;
in-4°. Tome III. A Paris , chez Vifle , Lib. rue
de la Harpe.
Cet Ouvrage utile n'eft pas fufceptible d'analyfe .
Emmelina , ou l'Orpheline du Château , 4 Part.
in- 12. A Londres , & fe rrouve à Paris , chez Letellier
, Libr. quai des Auguftins ; & Defenne , au
Palais- Royal , Numéros 1 & 2.
C'est une feconde traduction d'un Roman dont
nous avons dit deux mots dans le Mercure précédent
, & qui a eu beaucoup de fuccès en Angieterre.
Carte nouvelle de la Province du Maine & d'une
partie de celles de Normandie , du Perche &
d'Anjou. Prix , 1 liv. 10 f.
Carte nouvelle de Poitou & du pays d'Aunis ,
avec une partie de la Saintonge & de l'Angeumois.
Prix, 1 liv . 10 f.
Ces deux Cartes fe trouvent à Paris , chez
Crépy , rue S. Jacques , Nº . 252.
No. 5 du Journal de Clavecin , par les meilleurs
Maîtres. Prix féparément , 3 liv. Abonnem .
15. liv. franc de port.
=
$6 MERCURE DE FRANCE .
Numéros 28 à 33. du Journal Hebdoma-
'daire , contenant des Airs avec accompagnement
de Clavecin , par les meilleurs Maîtres.
?
Numéros 18 à 23 du Journal de Harpe
par les meilleurs Maitres . Prix , chaque feuille ,
12 f. Ab. pour 52 Nos, de chaque Journal , 15
liv. francs de port . A Paris , chez Leduc , au Magafin
de Mufique & d'Inftrumens , rue du Roule ,
N° . 6.
12 Menuets pour le Clavecin , del Signor Clementi
. Prix, 3 liv . 12 fous, port franc. A Paris ,
chez M. Vidal , aux Soirées Efpagnoles , rue de
Richelieu , près la rue de Mcnars , N° . 99 .
3 Trios peur Clavecin , Violon & Violoncelle,
par J. B. Cramer , OEuv . 3e . Prix ,
7 liv. 4 fcus.
A Paris , chez Imbault , rue S. Honoré , entre
l'Hôtel d'Aligre & la rue des Poulies , Nº . 627 .
TABL E.
BOUTADE SÉRIEUSE. 49 Phyfique nouvelle .
Charade, Enig. & Logog. 51 Comédie Françoife.
Hiftoire des Membres de Comédie Italienne.
l'Académie Françoife . 53 Annonces & Notices .
Eclairciemens historiques . 801
84
86
88
92
APPROBATION.
9
J'ai lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
J'Arlu
,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi
Août 1788, Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en
empêcher l'impreffion . A Paris , ic 8 Août 1788 ..
SÉLIS.
!
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 16 AOUT 1788.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
RÉPONSE
A PÉpitre ( 1 ) de M. MEJAN - DuLuc.
D'UN mouvement de vanité
Qu'on a de peine à fe défoadre !
Je croyois , à la vérité
Devoir cet éloge exalté ;
Mais c'eft l'amitié la plus tendre ,
Oui , l'amitié qui l'a dicté.
Va , de ta Mufe trop flatteufe ,
Je me méfie avec raiſon ;
(1 ) Jnférée dans le N° . 29 du Me cure .
Nº. 33. 16 Août 1788 .
E
୭୫
MERCURE
Je crains fon amorce trompeufe ,
Car la louange eft un poiſon.
Mon cher ami , je te l'avoue ,
De bon coeur je te gronderois ,
Si le Poëte ofoit jamais
Gronder un ami qui le loue.
POURQUOI m'ériger en Caton ,
Et m'appeler Cenfeur aufière ?
Je n'ai point mérité ce nom .
On peut célébrer Fénélon ,
Et chanter encor fa Bergère.
Souvent affis fur le gazon
Près de Lifette ou de Glycère ,
On foupre quelque chanfon
En l'honneur du Dieu de Cythère.
A peine en eft-on au refrein ,
Que ce petit Enfant malin
Vient fe mêler d'une partie
Qu'il veut conduiré à bonne fin ;
Et de l'amour à la folie
Il n'eft qu'un pas : ce pas
Se franchit fi facilement
charmant
Lorfqu'on eft deux & qu'on s'oublic !
Tu le fais bien , gentil Rimeur.
En vain les plus froids fe défendent
Des charmes d'un objet vainqueur ';
A deux beaux yeux qui le demandent ,
Pourroit-on refuſer ſon coeur ?
DE FRANCE.
63
Mais fi-tôt que Lifette change ,
Sans peine je change à mon tour .
Des maux qu'on effuic en amour,
N'eft-il pas jufte qu'on fe venge ?
IL eft un bien plus précieux
Dont jamais je n'eus à me plaindre ;
C'eſt ce préfent qui vient des Dieux ,
Que dans mes vers je voudrois peindre ;
Mais s'il échappe à mon crayon ,
Dans mon coeur il eft fans partage .
Douce amitié , voilà fon nom ,
Le bonheur, voilà fon ouvrage.
L'AMITIÉ n'eft jamais volage ,
L'amour n'eft point fait pour vicillir ;
Quand l'une s'accroît avec l'âge ,
L'autre s'éteint par le plaifir.
On peut aimer toutes les Belles ,
Et les quitter l'inftant d'après ;
A l'Amour on donna des ailes ,
Mais l'Amitié n'en eut jamais .
(Par M. Marchand , de l'Académie
d'Angers. )
E 2
100 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Charrue ; celui
de l'Enigme eft Cordon ; eclui du Logogriphe
et Biafon , où l'on trouve Balon
Salon , Sablon.
CHARA DE.
DANS T'alphabet eft placé mon premier ;
Au plus haut point eft placé mon dernier ;
Le coeur gémit en plaçant mon entiér .
( Par Mine, la Comtege de M... )
J'AI
ÉNIGM E
Ax vécu dans les bois en butte au froid,au vent;
Je tombai fous les coups d'une lame tranchante :
Toujours muette ca mon vivant ,
Après ma mort fouvent je chante.
( Par un Abonné, )
DE FRANCE. 101
LOGO GRIPHE.
A Mile. M ....
FRUIT du dégoût , de la légéreté ,
De l'Empire François je fuis la Déité :
Mais , jeune Iris , celui qui veut vous plaire ,
Tout auffi-tôt cencenfe mon contraire,
Sur onze pieds je me plais à marcher ;
L'on y verra , fi l'on daigne chercher ,
*Cette Beauté célèbre , Amante de la Châtre ;
Ce Romain, qu'à fon char entraîna Cléopâtre ;
Une mouche piquante ; une étoffe d'hiver ,
Dont le tifu charmant eft l'ouvrage d'un ver ;
Ce que fit des Barreaux , dans un péril extrême ,
Pour attefter de Dieu la puiſſance füprême ;
Un Sage renommé pour les hautes vertus ;
Ce qu'on voit au moulin , au Palais , chez Plutus...
Pour ne point ennuyer par trop de bavardage ,
Iris , je ne veux pas en dire davantage.
( Par M. Cornu père. )
E 3
102 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
M. DE
EXAMEN du Livre intitulé Confidérations
fur la guerre actuelle des Turcs ,
par M. DE VOLNEY ; par
PEYSSONNEL , ancien Conful Général
de France à Smyrne , &c. &c . A Amfterdam
; & fe trouve à Paris , rue &
hotel Serpente. Volume in - 8° . Prix
3 liv. 12 f. broché ( 1 ) .
M.R. DE VOLNEY a imprimé un Voyage
d'Egypte & de Syrie , où l'on a générale
ment trouvé de la raifon , des connoiffances
& de l'efprit. Cependant , au travers de
ces juftes applaudiffemens , des voix qui
comptent , ont fait entendre des murmures ,
(1) Cet article étoit compofé avant qu'on eût
appris la nouvelle de la victoire des Ruffes fur le
Liman ; mais comme les confidérations qu'on y
ébauche font auffi indépendantes du fort des batailles
, que le font les vérités de l'Hiftoire , les
maximes de la Juftice , & l'intérêt fondamental
des Nations , on s'eft défendu d'en retrancher une
feule ligne.
DE FRANCE. 163
en le récriant fur les jugemens que portoit
l'Auteur de la Nation Othomane & de fon
Gouvernement. On a foutenu qu'on ne décidoit
point ainfi du caractère & des Loix
d'un grand Empire , pour en avoir rapidement
parcouru les extrémités ; on a obfervé
que le Voyageur , borné dans fa courſe à
deux provinces , dont l'une , depuis longues
années , étoit défolée par une anarchie tu
multueufe , l'autre par des guerres civiles
fucceflives , accufoit le Gouvernement Turc ,
précifément fur le tableau réel ou exagéré
des contrées où fon action avoit perdu fon
énergie ; qu'il prenoit l'exception pour la
règle , l'abus pour l'ufage , la contravention
'pour la Loi , les torts d'un Pacha pour les
principes du Divan , & des défordres accidentels
pour l'Etat politique permanent de
tout l'Empire . S'il eft permis de jamais généralifer
les imputations faites à une Nation
& à un Gouvernement étendus , n'eftce
pas uniquement lorfqu'un très- long séjour
a donné au Voyageur le temps de les étudier ,
& le droit d'en tracer le caractère ?
Après avoir vilipendé les Turcs dans
fon Voyage , M. de Volney a entrepris de
les challer d'Europe : à peine le feu de la
guerre commençoit- il à s'allumer , que cet
Ecrivain en a foufflé la mèche . Il nous a
peint l'Empire Othoman comme un défert ,
la Nation comme une horde de Brigands .
'fes Armées comme un ramas de lâches Vagabonds,
conduits par quelques Pillards im-
E 4
104
MERCURE
de
bécilles, fes revenus comme à peu près nuls ,
fon Gouvernement comme dirigé par desfemmes&
par par des Eunuques . A cette caricature ,
M. de Volney a oppofé le tableau de la
Ruffie , de fes Troupes , de fes Marins ,
de fa politique , de fes réffources . En même
temps , le Peintre avoue que nous manquons
bonnes obfervations fur l'Etat politique
& civil de la Ruffie ; d'où il réfulte qu'on
a révélé à lui feul les nouveautés dont
'il vient nous entretenir. Jufqu'à préfent la
plupart des Philofophes qui ont examiné
cette Monarchie , lui avoient confeillé de
fe rétrécir & de faire des conquêtes fur
elle-même. M. de Volney , au contraire
lui prêche de s'étendre il eft vrai qu'il
vorne fes fouhaits , car il l'incite uniquement
à l'ambition fi noble de régner fur
Byzance & fur Babylone , fur Athènes &
fur Echatane , fur Jérufalem , Tyr & Palmyre.
Cette combinaifon , nous dit-il, eft
» de toutes la plus défirable «.
N
Les Fuiffances belligérantes , ainfi pefées
'à la balance il n'eft pas difficile à M. de
Volney de réalifer tant de conquêtes en
deux campagnes. promet aux Alliés
toutes fortes de profpérités , même des victoires
fi faciles , qu'il en ôte le mérite à
fes Héros . Néanmoins , & comme s'il lui
reftoit quelques doutes à cet égard , il exhorte
énergiquement l'Europe à ne point
troubler une expédition fi philofophique
je dis philofophique , car c'eft au nom de
DE FRANCE.
la Philofophie , de l'Humanité, des Académies
& des Arts , que M. Volney bouleverfe
l'Afie & Europe , renvere le fyitême
politique de celle-ci , incendie Confianti-
Hople , couvre de fang & de cadavres l'Archipel
& le Bofphore , & trente provinces
dont la défolation feroit la moindre conféquence
de ce terrible jeu d'efprit ) . L'Europe
donc doit refter fpectatrice immobile ; fon intérêt
& fa gloire lui commandent l'inaction ;
la France fur tout jugeroit très-fauffement que
fa politique & fon commerce exigent un
peu moins de fécurité. On ne peut être plus
menaçant d'une part , plus confolant de
T'autre , que ne l'eft M. de Volney ; & cette
fuite de paradoxes finguliers , il prétend l'avoir
trouvée dans un calcul réfléchi de rapports
& de conféquences , qui devient un
art méthodique de pénétrer dans l'avenir.
Quoique les efprits graves fe cruffent
difpenfés de prendre au férieux une differtation
aufli neuve , cependant elle a pour
objet des queftions fur lefquelles il n'eft
pas permis de refter indifférent.
4
Heureufement , les maximes que favorile
M. de Volney , doivent avoir leur bafe fur
lés fairs ; les erreurs hiftoriques de l'Ecrivain
feraient le préfervatif de fes projets ; en
attaquant la juftoffe de fes connoiffances ,
on feroit tomber la plupart de les inductions.
Le puiilant Athlète , qui s'eft chargé de cette
tâche , a très -bien exprimé cette idée générade
, en difant : Le Livre que M. Volney
E s
106 MERCURE
ور
ور
""
» vient de publier , eft très -bien écrit ; fi
les faits qu'il contient font exacts , les
principes vrais , les conféquces juftes ,
» c'eſt un mérite de plus. Si les faits font
faux ou altérés , les principes erronés ,
les conféquences incxactes , c'eſt un tort
» de plus ".
"J
30%
+
.
و د
,
A la vue de cette conteftation publique
fur de fi grands intérêts , le premier examen
doit être celui des autorités relpectives ;
leur extrême inégalité frappe d'abord les
Juges défintéreffés : M. de Voiney lui- même
a dicté les conditions ; il exige de l'Ecrivain
qui s'exercera fur ce fujer , une longue réfidence
chez les Turcs , l'étude préméditée
de leurs habitudes , l'expérience perfonnelle
des effets & de l'influence de leurs ufagés .
Or , felon M. de Volney , " fon abfence
de France a été d'environ trois
ans ; il a paffe fept mois en Egypte
( ne fachant ni le turc ni l'arabe ) ; &
n'y trouvant pas même des facilités pour
apprendre cette dernière Langue ; huit
» mois enfermé dans un Monaftère chez
» les Drufes , où il fe l'eft rendue familière
» & un an qu'il a employé à parcourir la
Syrie ; il n'a par conféquent , ajoute ſon
Critique , vu que la Syrie & FEgypte ;
» il n'a pas été dans la Capitale , n'a point
parcouru les principales villes des provinces
, n'a point étudié la langue turque ,
» n'a appris de l'arabe que ce qu'on en pent
apprendre en fi peu de temps. Un
c
و و
»
93:
"
DE FRANCE. 107
""
و ر
و ر
étranger qui auroit paffé deux ans dans
» les Landes de Gafcogne ou dans les Cévènes
, feroit-il fondé à prétendre que
l'on crût aveuglément ce qu'il lui plai-
" roit d'écrire fur le Gouvernement , les
» moeurs & les ufages des François « Le
premier Ouvrage de M. de Volney formoit
d'ailleurs un puiffant obftacle à la
froide impartialité qu'on doit attendre d'un
arbitre des Nations : il avoit décrié les Othomans
; il fe voyoit obligé de les décrier encore
, fous peine d'inconféquence. Prefque
à chaque page de fes Confiderations , op
trouve le langage de la prévention : ce ftyle
amer rappelle ce qu'a dit J. J. Rouffeau ,
qu'on pardonne quelquefois les offenfes
qu'on a reçues , mais jamais celles qu'on
a faites.

M. de Peyffonnel fe préfente , au contraire
, muni des titres légitimes de créance ;
il a vécu longues années parmi les Othomans
, honoré d'un emploi important qui
le forçoit à mériter leur confiance & à juftifier
celle de fon Souverain ; par état , il
fut appelé à l'étude des Loix , des forces ,
des reffources , des vices , des injuftices de
l'Adminiſtration Turque , à celle de la contrée
& de fes habitans , a contracter des
liaifons avec des Officiers d'Etat , à voir
tous les jours les bons qu mauvais effets du
régime politique , enfin à apprécier Timportance
des rapports qui , depuis plus de
deux fiècles , ont étroitement uni les intérêts
de la France & de la Porte Othomane.
108 MERCURE
A égalité de talens , de pénétration & de
connoillances générales , on voit donc qu'il
n'éxifte aucun équilibre dans cette difcuffion
, & que le mieux informé des deux
Ecrivains doit être celui qui a poffédé les
feuls moyens de l'être.
Ce défaut d'inftruction diminue infiniment
le preftige de l'éloquence de M. de
Volney on apperçoit qu'il eft médiocrement
verfé dans l'Hiftoire Othomane ,
dans les Loix , dans les alliances , dans la
géographie même de l'Empire. Qui n'eft
étonné , par exemple , d'entendre un Ecrivain
fi décifif , & fi eſtimable à tant d'égards ,
parler des ceffions qu'a faites le Grand Seigneur
depuis la paix de Kainardgik ? M. dé
Peyffonnel relève cette erreur , & ne la
relève pas à la légère : Le Sultan , dit- il trèsjuſtement
, n'a point fait de ceflion depuis
la paix de Kainardgik. Puifqu'il confentit
par ce Traité à l'indépendance temporelle
du Khan de Crimée , il n'étoit plus en pouvoir
de céder par la fuite cette prefqu'ifle
dont il avoit déjà perdu la fuzeraineté. Il
feroit déplacé d'étendre ici cette difsullion
fort fimple ; mais quoique M. de Peyffonnel
fe foit interdit de développer les preuves
de fa dénégation , il lui auroit été facile ,
par la nature même des actes fubfequens
au Traité de Kainardgik , de démontrer que
la Porte n'a point fait , ni ne pouvoit faire
ceffion de la Crimée.
A cette erreur capitale , en fuceèdent
DE FRANCE. 109
de non moins étonnantes fur la foi de
quelque Livre de Géographie , M. de Volney
établit une confanguinité entre la Maifon
Othomane & les Princes Tartares ; cette
confanguinité eft abfolument chimérique.
Ailleurs , il traite d'affaffinat l'exécution
legitime de Grégoire Giska , ancien Hofpodar
de Moldavie. Comment a - t-il ignoré
ce que lui apprend M. de Peytlonnci , que
ce perfide Giska reçut le jufte châtiment de fa
connivence avec les ennemis de l'Etat, & des
trahifons qu'il avoit exercées pendant tout
le cours de la guerre ? Depuis quand la punition
d'un vadal coup able d'actes de félonie
réitérés , prend elle le caractère d'un affaf
finat? La Porte mériteroit les reproches de fupidité
que lui prodigue M. de Volncy , fi elle
ne châtioit avec févérité des intelligences
qui , chaque jour expoferoient fes frontières
à être envahies fans coup férir .
Il n'y a qu'une Loi , dit enfuite M. de
Volney, & cette Loi défend l'alliance avec les
Infidèles. - M . de Volney auroit dû citer
certe Loi , dont le premier il a eu connoiffance.
Mahomet s'allia avec une Tribu Juive
contre les Coureifchites, Soliman I avec
François I. La Porte a un Traité d'alliance avec
la Suède, & en eut avec la Pologne. » Sescapi-
» tulations , ajoute M. de Peyifonnel , avec
la France , l'Angleterre , la Hollande , la
Suède , le Danemarck , font des Traités
d'amitié & de commerce , dont l'obfer-
» vance a été jurée par les Ambaffadeurs
33
33
99
ود
110
MERCURE
و د
و د
, " Turcs , fur les ames de leurs ancêtres
» leur ferment le plus facré & le plus inviolable,
que les fucceffeurs des Khalipes
» n'auroient point prononcé s'il étoit illégal
«. M. de Volney fait affiéger Vienne
par le célèbre Vifir Kiuperli ; mais il eſt
conftant qu'aucun Kiuperli n'a alliégé Vienne.
M. de Peyffonnel donne les dates , &
l'on ne peut en appeler. Le premier fiége
de cette capitale de l'Autriche par Soliman ,
eft de 1529 , Kiuperli n'étoit pas né ; au
fecond fiége en 1683 , il étoit mort ( en1661 ).
C'eft le Vifir Cara Muftapha qui commandoit
ce dernier fiége. -Suivant M. de Volney
, les Turcs traitent le Roi de France
de fajet foumis ; fuivant les Capitulations ' ,
Actes , Lettres, Traités , les Empereurs Turcs
prodiguent à ce même Roi les titres les
plus pompeux : M. de Peyffonnel rapporte
ces, titres d'après la traduction authentique
de M. Deval. De dix - fept Sultans , qui
ont régné depuis Soliman I ( que M. de
Volncy appelle Soliman II ) , le Panegyrifte
du partage de la Turquie n'en trouve pas
un qui n'ait été ou crapuleux & infenfe
comme Amurath IV , ou emolli & pufillanime
comme Soliman III ( Soliman II ).
L'Hiftoire eft plus jufte que M. de Volney :
Amurath IV ne fut ni infenfé ni crapuleux ;
'c'étoit un Prince févère , éclairé , guerrier ,
& l'un des Héros de fa Maiſon . Mahomet
IV n'a pas mieux mérité la Aétrillure de
pareilles épithètes ; voici le portrait qu'en
DE FRANCE. III
و ر
39
و د
"
fait le Prince Cantemir , Hiftorien , qui
d'ailleurs ne perd pas une occafion de dénigrer
les Othomans : » On ne peut refuſer
» à ce Prince, dit- il , les éloges que méritè-
» rent les grandes vertus : il aima la guerre ,
» & la fit bien ; il fe montra clément fans
» manquer aux devoirs de la juftice. Le
reproche général que lui firent fes ennemis
, fut d'avoir trop aimé la chaffe
fur la fin de fon règne , & d'avoir un peu
négligé le Gouvernement. Hift. Oth. Vo-
» lume III , Livre 4 «. Peu de Princes eurent
un caractère plus généreux , & plus de qualités
perfonnelles , que Muftapha II ; Cantemir
l'avoit connu , & nous le repréſente
» comme ayant apporté au trône un juge-
» ment, folide , beaucoup d'application ,
» nulle pente au plaifir ; il aima la juſtice ,
» & fut fort attaché à la Religion ; ni avare,
» ni prodigue de l'argent public , il garda
» toujours un jufte milieu dans les impôts
» & fes largeffes . On ne peut nier que la
>> paix de Carlowitz ne lui ait fait beau-
و ر
و و
coup d'honneur . Hift. Oth . Tome IVLiv.
4. M. le Chevalier de Mouradgea , ſeul
Ecrivain qui ait mérité une créance complette
, en parlant des Othomans , avoit vu
de très -près , avoit obfervé & connu Muftapha
III ; il lui accorde une fagacité peu
commune , & un génie fupérieur ; il en parle
comme d'un Prince auquel il ne manqua
peut-être que les talens militaires & plus
de févérité ; jufte , éclairé , réformateur in1
MERCURE
telligent. Affurément un pareil fuffrage doit
faire oublier à jamais & les injures timées
qu'adrella Voltaire à ce Monarque , & les
contes ridicules qu'on a imprimés à ſon ſujer
dans un Livre très moderne.
Bouleverser l'Hiftoire pour érayer des paradoxes
, eft un art dont l'expérience a prouvé
depuis long - temps l'extrême infuffifance ;
bouleverser la géographie & l'état phyúque
d'un pays , pour colorer des erreurs hiftoriques
, eft un genre de preftige dont il ne
faut ufer qu'avec beaucoup de précaution .
» M. de Volney , dit M. de Peyffonnel ,
» nous conte que les provinces de l'Empire
» Othoman font fans culture , fans population
, fans arts, & fans commerce . Il nous
donne la Macédoine , de laquelle on rap-
" porte chaque année la valeur de douze
» millions en coton , l'Albanie , la Grèce ,
» l'Afie-Mineure , qu'il n'a point vues , pour
des déferts ... Il parle conftamment de
da Turquie , comme il pourroit parler du
Miffiffipi ou de la Louifiane . Il a une
répugnance invincible à fe perfuader que
l'Empire Othoman eft un compofé des
plus belles contrées du globe , dont la
plupart font convertes de villes , de villages
, de beftiaux , de troupeaux , de
gibier de toute efpèce ; que fa population
» eft immenfe , quoique très - inférieure à
celle que pourroit comporter l'étendue &
la fertilité de fes terres ; qu'en un mot,
» ilby a dans cet Empire ( commie' par-
"3
و ر
و ر
99
-39
DE FRANCE. 113
» tout ) beaucoup de chofes à perfection-
» ner , mais rien à créer « . Tous les grains
pollibles , vins delicieux , viandes , poillons ,
fruits , herbages , légumes , huiles & micls ,
fucre même ; furabondance de foies , de
laines , de cotons , de lins , chanvre , cuirs
& peaux ; manufactures de toutes fortes de
toiles & d'étoffes riches ou communes ; Ouvriers
dans tous les genres ; grandes villes
ornées de temples , de fontaines , d'édifices
publies , de palais , de belles maifons , de
jardins délicieux . Voilà la nudité du défert
que M. de Volney veut défricher ; voilà
l'Empire qu'il veut mettre à l'alphabet de la
civilifation. Il fuffit d'une bonne carte , pour
démontrer à l'oeil que le plan de partage
combiné par M. de Volney , eft, inexécutable
dans plufieurs de fes divifions : quant
aux canaux qu'il propofe à l'Empereur de
former entre le Danube & le Golfe Adriatique
, par le moyen du Drin ou de la Morava
, & du Drino , il auroit fallu auparavant
faire fauter la chaîne de montagnes qui feparent
la Servie de la Haute- Albanie ; chofe
moins ailée fur le terrein ,,qu'elle ne l'a été
fur la carte de démembrement dont M. de
Volney a enrichi fon Ouvrage. ·
Tant d'inexactitudes indiquent d'avance
le vice des raifonnemens oratoires, qu'un
Auteur appuieroit fur d'auffi légères informations
; mais il ne feroit pas impoffible que
M. de Volney fe fût trompé prefque à cha→
que page , fans avoir abſolument tort en pré114
MERCURE
difant la deftruction de l'Empire Othoman ,
& en diffuadant l'Europe de s'occuper de
cet événement. Plier l'intérêt de toutes les
Puiffances à cette révolution telle eit
donc l'hypothèle que M. de Volney s'eft
chargé de faire réullir , & au fuccès de laquelle
M. de Peyffonnel met oppoſition
avec une rare habileté .
ر
La première queſtion rentre dans la claffe
de ces incertaines conjectures, que les Ecri
vains polémiques & les Politiques fubalternes
renouvellent à chaque guerre : deviner
le deftin des armes , afligner les triom--
phes, prédire les défaites , équarrir des partages
, font des amulemens plus ou moins
récréatifs ; c'eft l'affaire de la fortune , du
temps , & des Gazettes de fouffler fur ces
châteaux de cartes. Que M. de Volney détrône
le Grand - Seigneur , cet effai de
vigueur littéraire eft auffi iunocent qu'une
partie d'échecs ; mais comme dans ces catastrophes
à coups de plume , on peut commettre
bien des fautes , il importé à l'Hiftoire,
à la vérité, à la faine politique , qu'elles
foient clairement manifeftées. Telle eft
la tâche qu'embraffe M. de Peyifonnel dans
la première partie de fon Ouvrage .
Et d'abord il repouffe les imputations
fort injuftes , hafardées par M. de Volney
contre M. le Comte de Vergennes ,
à qui des flatteurs indifcrets , pendant fa
vie , ont encore plus nui que les détracteurs
qui le déchirent après fa mort , & dont on
DE FRANCE. 115
ود
و ر
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ور
ود
ور
n
ور
و ر
"
ne fçauroit juger la vie publique avec trop
de précaution . Je n'ai certainement pas plus
à me louer de ce Miniftre , que M. de Peyffonnel
; mais la juftice exige qu'on répète
après ce dernier , » que les affertions de
M. de Volney , à cet égard , font inconfidérées
, & que fi l'on pouvoit oublier
les circonftances impérieufes qui ont maîtrifé
M. de Vergennes , & lui repro-
» cher un tort , ce feroit de n'avoir pas
fuivi les maximes de M. le Duc de Choifeul
, de n'avoir jamais donné aux Turcs
" que des fecours d'éducation , même infuffifans
, & d'être entré dans des négociations
qui ont déterminé la Porte à
fouffrir l'occupation du Couban & de la
» Crimée ..... Quand je vois M. de Volney
, continue M. de Peyffonnel , n'être
» pas content des connoiffances qu'un Mi-
» niftre tel que M. de Vergennes avoit acquifes
fur les Turcs , dans le cours d'une
ambaffade de douze ans à Conftantinople ,
& vouloir nous préfenter comme infiniment
fupérieures celles que lui a données
» un féjour d'environ deux ans en Syrie
» & en Egypte ; je me rappelle l'anecdote
efpagnole d'un Coureur , appelé Guf
man , qui , interrogé s'il étoit de la Maifon
de Gufman , des Ducs de Medina-
Sidonia , répondit fiérement : Non , Monfieur
, ceux - là ne font pas les bons «..
Un Obfervateur du métier auroit fans
doute une multitude de vices à reprocher
و ر
و ر
33
و د
و د
»
و د
33
"}
116 MERCURE
à la conftitution militaire des Othomans ;
M. de Volney va plus loin , il démolit leurs
fortereffes ( qu'il relève cependant dans la
page fuivante ) , il licencie leur armée , il
les dépouille de tout art militaire , de toute
difcipline , de toute connoiffance des marches
, des campemens , des barailles , & c.
Il fait de leurs foldats autant de payfans
& de vagabonds , fans confidérer que ce
reproche , ainfi que le remarque très-juftement
l'Auteur de l'Examen retombe
fur toutes les troupes d'Europe. M. de
Peyffonnel demande enfuite où le Voyageur
a vu des Armées Turques » fe for
» mer , fe mouvoir , & combattre ? Est-ce
» chez les Hordes des Brigands Arabes du
ور
ود
Défert , qu'il a pris des idées précifes de
» la manière de marcher , de camper , de
» fe battre des Armées Othomanes , de la
difcipline & de la police des corps militaires
? M. de Peyffonnel pouvoit ajouter
que certainement les Turs connoiffent ,
depuis très - long temps , les principes de
l'art militaire , le fyftême des marches , des
campemens , des fiéges , & de l'ordre de bataille.
Sur tous ces points , ils étoient même
bien plus avancés que nous aux quatorzième
& quinzième fiècles ; mais ils font reítés
ftationnaires , & nous avons fait de grands
pas. Dira-t-on que nos Armées , il y a deux
eents ans , étoient un ramas de Barbares
& nos Généraux plongés dans l'ignorance ?
Peut-on oublier que ces Othomans , fi inDE
FRANCE. 117
difciplinés , fi dépourvus de toute notion de
guerre , furent la terreur de l'Allemagne ,
du Nord & de l'Italie , jufqu'à la paix de
Pallarowitz, & que , vaincus à cette époque ,
ils le furent par ce même Prince Eugène ,
dont les victoires avoient abattu la puiffance
de Louis XIV ? Qu'auroit- on penfé ,
an commencement du fiècle , d'un bel efprit
qui , de cette humiliation de la France
auroit conclu que fes Armées ignoroient
les élémens de la Tactique ? Que M. de
Volney prenne le temps de lire les Campagnes
des trois dernières guerres de Servie
, il y verra bien des fautes fans doute
de la part des Othomans ; mais une grande
connoillance topographique , l'étude des
poftes , des marches favantes , des plans de
campagne très-fyftématiques , en un mot ,
tour ce qui conftitue la fcience du Général.
Leurs revers dans la dernière guerre avec
les Ruffes , ont été la plupart l'effet de
caufes purement accidentelles . En induire
que l'Empire Othoman doit tomber à la
première fecouffe , ce feroit imiter ces An--
glois enthoufiaftes, qui, en voyant, en 1763,
la Marine Françoife anéantie , fe croyoient
furs pour toujours de leur domination fur
l'Océan.
M. de Volney va plus loin ; il refufe aux
Torcs la faculté même de s'éclairer: Comme
il n'en donne guère d'autres raiſons , que fon
opinion injurieufe des élèves mal- adroits ,
qu'il condamne à la barbarie , il fuffiroit
118 MERCURE
-
de lui oppofer l'autorité des perfonnes qui
ont approché les Turcs de plus près que
lui. M. de Peyffonnel conftate par des faits
ce que M. de Volney nie par des raifonnemens
; cependant l'un & l'autre peuvent
s'exagérer leur fentiment. Cette éducation
des Othomans eft plus difficile qu'on ne
penfe ; à quelques égards elle pourroit
même devenir très dangereufe. Les bumières
auxquelles ils touchent , en feroient
une Nation auffi redoutable qu'elle le fut
fous Soliman I ; mais leur inftruction confifteroit-
elle à renverfer brufquement leurs
coutumes , en y fubftituant celles de la France
ou de la Pruffe ? Que de ménagemens
néceffaires pour le génie national & pour .
les préjugés même ! Croit- on rencontrer
dans une grande Nation , plus Orientale
qu'Européenne , cette foupleffe qui facilite-
1oit l'adoption de nos ufages : On a pu forcer
les Ruffes de fe couper la barbe & de prendre
l'habit court; mais le Sultan ou le Grand-
Vifir, qui, fans préparatifs, outrageroit avec
violence les habitudes des Othomans , courroit
le rifque d'être malfacré ; l'emploi du
defpotifme feroit infructueux : celui de la
perfuafion aura des effets lents ; fes progrès
néanmoins font déjà fenfibles dans le Génie ,
dans la fonte des canons , dans la conftruction
des vaiffeaux . L'accueil diftingué fait
au Chef des Ingénieurs François , a.Conftantinople
, doit fortifier l'efpoir d'amener les
Othomans à des réformes , pourvu que leurs
DE FRANC E. 119
Inftituteurs étrangers ne heurtent ni l'homme
d'Etat , ni l'homme du Peuple , & qu'ils
oublient leur habit , leur chapeau , leur vanité
& leurs prétentions . Rien de plus fage
que ce qu'a écrit là-deffus M. le Chevalier
de Mouradgea , à l'article des Colléges .
>
;
Dépeupler l'Empire Othoman , le réduire
en friche , vider le tréfor du Grand - Seigneur
, annihiler toutes les reffources , font
les autres expédiens par lefquels M. de
Volney renverfe certe vafte Monarchie . Ce
que les armes de deux Puiffances formidables
auront de la peine à opérer , un
Ecrivain l'effectue avec fix paragraphes .
M. de Peyffonnel les bat en ruine l'un
après l'autre il abufe même de fa fupériorité
, car il paroît clair que M. de Volney
n'a aucune connoillance des revenus
fixes , ni des reffources extraordinaires de la
Porte. Le feul article des Wackfs forme
au befoin un fecours immenfe ; M. le Chevalier
de Mouradgea eft le premier Etranger
qui ait bien connu & fait connoître
cette partie intéreffante des Finances Othomanes
; M. de Velney auroit dû lire ce chapitre
effentiel. Au refte , voici un exemple
de l'argumentation des deux antagoniſtes
que nous analyfons , M. de Volnay. » Le
Sultan impofera -t- il de nouveaux tributs ?
les provinces font obérées , la déſertion
» des gens riches a fait aller tout l'argent
→ à Conftantinople «.
""
M. de Peyffonnel. » Ce court paragraphe
120 MERCURE
» contient trois erreurs. On ne lève point
» de nouveaux tributs en Turquie , l'impôt
n'y est pas connu ; les Provinces ne font
point obérées ; les Turcs ne défertent
jamais ".
39
ود
وو
M. de Volney appelant enfuire au fecours
de fes divinations , de prétendues prophéties
de Mahomet , la perfuafion non moins
imaginaire des Othomans fur la chute prochaine
de leur Empire , les généralités ordinaires
fur la décadence des Etats ; M. de
Volney , dis - je , furmonte tous les doutes ,
tous les obftacles , & aflied l'impératrice fur
le trône de Byzance. M. de Peyffonnel , au
contraire , efface chaque trait de ce tableau ,
l'hiftoire à la main ; arrête chaque pas de
cette excursion , & froiffe par- tout l'Auteur
des Confidérations avec les propres armes.
De là il paffe à l'examen infinirent férieux
des intérêts de l'Europe au moment de la
guerre actuelle.
Quelles que puiffent être les probabilités
de fon iffue, c'eft le calcul de leur pofition
qui doit déterminer la conduite des Puiffances
, & fi leur sûreté où leur commercé
fe trouvoient menacés par Finvafion de la
Monarchie Othomane , plus le danger de
celle- ci feroit réel , plus une crife aufli importante
mériteroit leur attention & leurs
efforts . Ainfi , en promettant aux Ruffes la
conquête de la Turquie , M. de Volney
donne l'éveil à tous les Etats , à moins
qu'il ne parvienne à les engourdir par la
démonftration
DE FRANCE. 121
démonftration palpable de leurs motifs de
fécurité. Je dis palpable , car les apperçus
& les doutes équivaudroient, en pareil cas ,
aux raifons de crainte les plus évidentes.
Cependant cet Ecrivain ne les raflure qu'en
renverfant tous les principes de politique
qu'on oppofant à l'expérience & à l'Hittoire
des confidérations métaphyfiques
qu'en élevant fur les ruines du fyfteme actuel
un édifice de fantaiſie , dont il poſe la
bafe fur un volcan.
>
,
M. de Peyllonnel traite ces queſtions
bien différemment. Il rappelle des vérités
fimples , confacrées par le temps & par la
raifon , comme des maximes d'Etat ; il combat
l'avenir idéal de M. de Volney par le
tableau fidèle du préfent ; fes réflexions
font un Cours de faine politique . Elles repofent
fur un principe inconteftable ; c'eſt
que l'intérêt général de l'Europe s'oppo- .
fera toujours à la formation des malles
exorbitantes , qui déttuiroient toutes proportions
entre les forces refpectives des
Etats. La véritable balance , comme la fûreté
de chaque Nation , repouffent l'exiftence
de trop grands Empires au milieu de
nous. Quel Peuple fe flatteroit de confer-,
ver fon indépendance , à côté de coloffes
énormes , dont le poids menaçant écraferoit
même les ligues défenfives des Etats médiocres
? Ce n'eft point ici une obfervation
métaphyfique , l'importance de l'équilibre eſt
une vérité de fait . Si l'Europe moderne n'a
Nº . 33. 16 Août 1788.
F
122 MERCURE
pas été affervie , comme elle le fut par les
Romains , fous une feule domination ; fi elle
ne fut point divifée entre deux ou trois Defpotes
comme l'Afie , elle doit ce bonheur infigne
au plan général des proportions politiques
, formées d'abord par les circonftances ,
maintenues par des génies fupérieurs , & auxquelles
nul Cabinet ne fera tenté de renoncerfur
la foi d'une Brochure bien écrite.
De l'application générale de ces principes
aux conjonctures actuelles , M. de Peyffonnel
palle à l'application particulière de
celles -ci à chaque Etat de l'Europe . M. de Volney,
qui calcule leur action fur la combinaiſon
de leurs intérêts , a tité de cette alchimie
un calmant de toutes les appréhenfions. Il
ne voit pas que l'Efpagne peut s'alarmer
d'une révolution dont toutes les Puiflances
de la Méditerranée reffentiroient les effets ;
qu'elle n'a rien à redouter des Tures , &
redonteroit un jour leurs Conquérans ; enfin ,
que fon commerce avec le Levant fubiroit
une révolution dont les effets font incalculables
; que l'Angleterre doit être animée
de la même prévoyance, qu'elle veillera fur
tout dérangement de l'équilibre du Nord
& de l'Allemagne , & qu'elle craindra des
ennemis qui pourroient maîtrifer le commerce
de la Baltique & de la Cafpienne ,
de la Mer Noire & de la Méditerranée , inquiéter
leur navigation , & menacer même
la profpérité de leurs riches établiſſemens
dans l'Inde ; que l'Italie , fui -tout Venife ,
DE FRANCE. 123
- Naples , le Roi de Sardaigne , preffés entre
les Etats de la même Puillance fur terre &
fur mer , expofes chaque jour à recevoir
la loi des nouveaux Maitres du Bofphore
& de l'Archipel , rifqueroient , comme la
Pologne , d'être effacés du fyftême politique
, qu'à plus forte raifon , les Puiffances
du Nord & de l'Allemagne feptentrionale
refteroient à la merci d'un Géant qui poferoit
un pied à Archangel , & l'autre à
Conftantinople. Il eft vrai que par voie de
conciliation , M. de Volney, en avouant ces
dangers du Nord , l'exhorte à fe foumettre
à la loi de l'impuiffance. C'eft dire à un
Voyageur qui entend l'approche du lion :
Jetez-vous dans fa gueule , par la crainte
» que les jambes ne vous manquent , fi
» vous cherchez à lui échapper «<.
M. de Peyifonnel a fort abrégé , & peutêtre
trop , la difcufiion de ces grands intérêts
; mais il a réfervé toutes les forces
au développement des intérêts de la France
dans cette querelle . Suivant M. de Volney,
l'étroite relation de ce Royaume avec laPorte
n'eft fondée que fur une ancienne habitude.
Il faut être armé , répond M. de Peyffonnel
, d'argumens bien puiffans , de
raifons bien victorieuſes , pour eſpérer
triompher en attaquant une opinion qui
a régné dans notre Monarchie , depuis
François I jufqu'à Louis XVI ; pour fe
» Hatter de démontrer qu'on a feul mieux
penſé , plus profondément réfléchi que
و د
و د
ود
>>
ود
"
3
F 2
124
MERCURE
93
"
" tous les Rois , que les Miniftres qui ont
gouverné la France depuis près de trois
fiècles , qui ont fait de cette opinion une
» maxime de Gouvernement , & l'ont réduite
en axiome de la Politique Françoife
".
Charles-Quint s'inquiéta fi fortement des
liaifons de François I avec la Porte , qu'il
ne perdit pas une année fans femer des
défiances & des jaloufies entre les deux
Puiffances ; fans chercher à entraîner le facile
François I , dans des démarches fufceptibles
d'être envcnimées auprès du Divan :
les ennemis de la France ont conftamment
pratiqué le même manége ; preuve tranchante
de la crainte que leur infpirèrent en
tout temps l'influence & le crédit de la
Cour de Verfailles à Conftantinople.
L
Cette influence et démontrée par des
preuves de fait fans nombre : le règne de
Louis XIV en offre des exemples mémorables
; celui de Louis XV nous en préfente
trois , non moins éclatans , dans le Traité
de 1724 , entre la Porté & la Ruffie , dans
la paix de 1739 entre ces deux Puifiances
& Empereur , enfin , dans les motifs qui
portèrent les Othomans à s'oppofer à l'invafion
de la Pologne . Ce font de pareils
évènemens & de pareils mobiles que M ,
de Volney nomme les effets d'une ancienne
habitude.
Mais , nous dit - il , les Othomans ont
perdu une partie de leur puiffance ; donc
DE FRANCE. 125
ils ne nous intéreffent plus. Cela fignifie
que , puifque notre Allié a perdu un doigt ,
il importe de lui laiffer couper la tête . Dans
le fait , cet affoibliffement des Turcs fe réduit
à l'abandon de leur fuzeraineté fur la
Crimée & le Couban : depus Soliman I ,
leur grandeur politique a peu varié , & ce
qu'ils ont perdu fur le Continent , ils l'ont
regagné fur l'Archipel. Leur dernière guerre
fut , à la vérité , auffi malheureufe que
mal-adroitement conduite ; mais un Auteur
Othoman eût-il été judicieux , après les revers
de la France dans la guerre de 1756 ,
de dégoûter le Grand Seigneur de fon intimité
avec une Monarchie , dont les armées
& les flottes venoient d'effuyer plufieurs
défaites ?
Les autres raifonnemens du même Ecrivain
fur le changement des rapports , fur
l'influence des confanguinités , fur des altérations
dans le plan général de l'équilibre
; fes affertions fur le mépris de la Ports
pour les Ambaffadeurs , fur le traitement
dont ils font l'objet , fur leurs outrages au
droit des gens ; les exemples qu'il en cite ,
le reproche d'une politique conftamment
perfide qu'il fait aux Othomans , font autant
d'erreurs d'imagination , ou d'erreurs
hiftoriques. M. de Peyffonnel le démontre
jufqu'à l'évidence . Sa réfutation fur ces
différens points lui affure le fuffrage des
efprits juftes & des coeurs droits . M. de
Volney avoit , entre autres , rapporté cinq
F3
120 MERCURE
violences commiſes par le Ministère Othoman
contre la perfonne même de quelques
Ambaffadeurs François ; non content de
charger exceffivement cc tableau , il s'étoit
permis encore de diffimuler entièrement les
motifs de cette févérité. Les droits d'un
Hiftorien ne font pas ceux d'un Orateur
& de femblables réticences lui font interdites',
fur- tout lorfque les torts ont été graves
& vraiment répréhensibles de la part des Intéreffés
que l'on veut défendre. C'est ce que
prouve invinciblement M. de Peyffonnel
par le récit authentique des circonftances.
de ces divers évènemens.
L'accufation de perfidie politique eft encore
plus odieufe & moins fondée. Jamais
Gouvernement ne fut plus que la Porte cfclave
de fa parole , plus fcrupuleux à exécuter
fes Traités & fes engagemens. On en
a la preuve dans la fidélité avec laquelle
cette Puiffance a rempli les conditions du
Traité de Kainardgik , dans fon invariable
attachement à fes anciennes alliances , dans
les fecours qu'elle donna à Charles XII ,
dans les efforts malheureux qu'elle fit en
faveur de la Pologne, dans l'inalérable harmonie
qui règne entre elle & la République
de Venife , depuis la paix de Pallarowitz,
dans fon refpect pour la liberté & les
priviléges du petit Etat de Ragufe , dont
l'indépendance , depuis des fiècles , n'a jamais
reçu d'atteinte.
Nous voudrions pouvoir citer les noDE
FRANCE. 127
tions intéreffantes que développe M. de
Peytonnel fur la nature , fur l'étendue , fur
l'extrême importance du commerce François
dans le Levant , fur les rifques auxquels il
eft expofé , fur les faveurs lignalées qu'il a
reçues de la Porte , & fur le dommage ineftimable
que lui apporteroit la privation de
ces priviléges , fuice manifefte de l'invafion
des Etats du Grand - Seigneur . Ces vérités
ont un poids décifif fous la plume d'un ancien
Adminiſtrateur des intérêts de ce commerce
, pourvu de toutes les connoiffances
cales, & de l'eforit de fagacité qui fait en
tirer de juftes inductions . Revenons encore
ici au règne de Louis XIV. Imprudemment
on avoit envoyé des auxiliaires aux Véritiens
& à l'Empereur contre les Turcs . La
Porte offenfée fit reffentir fon mécontentement
: le commerce François fe vit menacé
de fa ruine : les Anglois profitèrent habilement
de cette méfintelligence ; mais les erreurs
n'étoient pas longues dans le Confeil;
il fe hâta de revenir au premier fyftême, qui,
depuis , n'a jamais varié.
On nous difpenfera de fuivre l'Examen
qu'entreprend M. de Peyffonnel du plan
de partage combiné par M. de Volney . Ce
dernier Ecrivain diftribue les couronnes à
l'exemple de Céfar , dans la Tragédie de
Voltaire.
Je donne à Marcellus la Grèce & la Lycie ,
A Décime le Pont , à Cafta la Syrie .
F4.
*28
MERCURE
Il fuffit de lui répondre comme Catilina à
fes Conjurés :
Vous avez dans vos mains le deftin de la Terre (1 ).
Cependant on lui demanderoit grace pour
les Vénitiens , qu'il dépouille par amour de
l'arrondiffement , & pour la République de
Ragufe. Celle- ci a donné un trop bel exemple
de courage & de fidélité envers la Porte
dans la dernière guerre , pour ne pas mériter
les égards d'un Fcrivain l'hilofophe. Qu'il me
permette , à cette occafion , de lui rapporter
un trait bien propre à décréditer l'indifférence
qu'il attribue à toutes les Puiffances
de la Méditerranée fur les projets
des Puffes. Lorfque leur flotte arriva dans
Archipel , ils voulurent forcer Ragufe à
fecevoir leurs vaiffeaux de ligne ; ils s'emparèrent
de tous les navires de ces Républicains
qui tomboient dans leurs eaux ,
par
(1) Quoiqu'il feit probable que les Turcs ef
faieront des défaites , peut-être même multipliées ,
leur expulfion de l'Europe eft à une diftanes prodigieufe
de ces revers . Ne fût- elle contrariée
aucune des caufes de tout genre qui s'y oppoferont
, elle feroit accompagnée de cataftrophes fur
lefquelles les diftributeurs de partages n'arrêtent
pas leur attention . Rien ne feroit donc plus frivole
que de difcuter la convenance des adjudications
de lets , qu'ont fignée M. de Volney & d'autres
.
DE FRANCE. 129
bloquèrent le port de Ragufe , & menacèrent
de la bombarder. Ce petit Etat, à peine
compofé de 65,000 habitans , foutint fon
refus avec fermeté , fe prépara à une opiniâtre
défenſe , & députa à Pétersbourg le
Comte de Ragni. Au bout de deux ans , ce
Gentilhomme , qui rempliffoit fon ambaffade
à fes propres dépens , fut renvoyé par
l'Impératrice , fans avoir obtenu d'audience ,
au Comte d'Orlof , alors à Piſe . Avant fon
départ , la Cour lui envoya un baffin rempli
de roubles ; il en prit une , & rejeta le
refte. Pour préliminaire , le Comte d'Orlof
exige l'établiffement d'une églife grecque à
Ragufe . Ragni lui répond : » J'ai défenfe
و د
d'écouter une pareille propofition . Sa
" Majefté Impériale peut bombarder Ragafe
; mais jufqu'à fa deftruction , mon
» Souverain n'acceptera aucune condition
» contraire à fes Traités avec la Porte ".
"9

La reftauration des Arts , du Génie , & apparemment
de la liberté dans la Grèce , forme,
ainfi que nous l'avons dit au commencement
de cet article , le grand objet des
efpérances de M. de Volney ; mais il n'a apperçu
qu'une foible partie des conféquences
de cette révolution . M. de Peyffonnel
nous fournit là - deffus des informations &
des argunens qu'on ne fçauroit trop méditer.
Il enveloppe M. de Volnev dans le
dilême fuivant : ou l'induftrie , les progrès
de l'Agriculture , les Arts , les Fabriques , la
population en Grèce, & par conséquent un
FS
150
MERCURE
prodigieux furcroît de puifance pour fes
nouveaux dominateurs , réfulteront de leur
conquête , & les fuites de cette profpérité
feront accablantes pour nous ; ou , la Grèce
reftera pauvre , inactive , vile & corrompue ;
& qu'aura- t-elle gagné au changement?
C'eft le moment d'obferver une inconcevable
méprife de ces Amateurs enthoufiaftes
, qui font plus, de cas de quelques
ftatues , que du fang des Nations. A entendre
ce qu'on écrit & ce qu'on dit journellement
, on fe perfuaderoit qu'il faut imputer
à la barbarie des Turcs , la deftruction
de tous les monumens de l'ancienne
Grèce , & que l'aviliffement de certe contrée
a daté du moment où le Croiffant lui
a donné des fers : voilà d'étranges anachronifmes!
»
"
و د
Ce font des Chrétiens inconſidérés qui , les
premiers , portèrent le marteau fur ces chefd'oeuvres
des talens. " Libanius, dit le favant
& ingénieux M. de Pauw ; affure que ,
» de fon temps , on voyoit dans la Grèce
» des troupes entières de Prêtres & de
Moines , armés de haches & de flam-
» beaux , parcourir les campagnes , brûler
les Temples , brifer les ftatues , & ne'
laiffer fur leur paffage que des débris
fumans de cendres & de ruines . A l'afpect
de ces enthouſiaſtes , la Philofophie
» abandonna la Grèce pour n'y plus reve-
» nir ; alors la nuit commença , & elle
" dure encore «. Non feulement les Beaux-
"
و ر
3.
99
ور
ود
DE FRANCE.
É; I
Arts s'anéantirent , & leurs riche fes furent
ou détruires ou difperfées dans le Bas- Empire
; mais la Littérature , la Philofophie
I'Eloquence , la raifon , le talent allèrent
s'engloutir , avec les vertus , les moeurs &
le patriotifine , dans Byzance . Sous une fuite
d'Empereurs imbécilles ou extravagans ,
cette Capitale devint le théatre des abominations
de tout genre , des plus déplorables
fortifes de l'efprit humain , du defptifme le
plus fou , d'une fuite de meurtres , d'empoifonnemens
, de parricides , de méprifables
controverfes ,
po
terminées
par
des
guerres
plus ou moins atroces . Pour toutes lumières ,
pour tout génie , il ne reftoit à la Grèce
que d'impudens Rhétcurs , que des Difcoures
ignorans , & de fanatiques Théologiens
. Cette honteufe anarchie duroit depuis
trois fiècles , lorfque Mahomet II vint
la terminer. Quelle qu'ait été l'influence du
Gouvernement Turc fur la Grèce , elle n'a
point opéré cet indigne aviliffement moral
où elle étoit plongée depuis long-temps.
Auxjours de fa gloire , elle étoit libre , &
divifée en petits Etats indépendans. Cette
caufe , qui détermina le génie & l'émulation
de fes habitans , la révolution qu'on
invoque pourroit-elle la reffufciter : Venife
conquit autrefois une partie de la Grèce ,
la régénérat elle ? -elle naitre en Crète , à
Négrepont & à Chypre, des Pétrarques , des
Bocaces , des Bramante, des Vinci, des Titien?
Concluons avec M. de Feyffonnel : » La
F6
132 MERCURE
"
D
ور
réfiftance des Puiffances qui voudront
mettre obftacle aux bouleverfemens qu'on
préconife, entraînera de longues & d'horribles
guerres ; des peuples innombrables
ne feroient que changer de maîtres ;
la cupidité des Conquérans les dépouillera
après les avoir affujettis ; & peut-être
fous ce joug nouveau ne tarderont - ils pas
à regretter la domination de leurs anciens
» Souverains. La Philofophie & l'Humanité
reconnoîtront alors , mais trop tard , que
la Politique entend fouvent mieux leurs
intérêts qu'elles - mêmes ; que , fans fer-
» mer l'oreille à leurs préceptes , elle ne les
» met en pratique qu'après avoir pourvu à -
» la fûreté des Etats qu'elle gouverne ; elles
ود
"
»
verferont des larmes amères d'avoit fait
» le malheur des hommes "..
A moins de tranferire l'Ouvrage prefque
entier de M. de Peyffonnel , nous ne donnerions
qu'une imparfaite idée de fon importance
& de fon mérite . Peu d'hommes
étoient auffi dignes d'approfondir une diſcuffion
fi délicate , & auffi capables d'en
foutenir l'intérêt . Il a eu le talent de la
rendre auffi piquante qu'inftructive , d'allier
la vigueur du raifonnement au meilleur ton
de plaifanterie , d'écrire fans aigreur une
critique auftère , un Livre infiniment féricux
avec infiniment d'efprit , & autant de
vérités qui a cité de faits & de maximes.
Son ftyle, d'ailleurs fouple , facile & varié ,
a fait difparoître la monotonie qui devoit
DE FRANCE. 133
réfulter de la forme de cet Examen , où
M. de Volney eft relevé paragraphe par
paragraphe. Ceux qui méditeront cette défenfe
des droits des Nations & des intérêts
de la France , fe réuniront à défirer plus de
refpect pour la morale publique , dans les
Effais de Politique diftributive , qu'on public
de temps en temps pour élever l'ame
des Souverains. L'intérêt des Nations ne
peut être ainfi livré aux Ecrivains qui fe
hafardent à dicter leurs definées . Une Magiftrature
aufli dangereufe n'appartient qu'à
quelques hommes rares dans l'efpace des fiècles
, l'efprit , le talent & l'imagination n'y
fuffilent pas.
(Cet Article eft de M. Mallet du Pan . )
PIÈCES Intéreſſantes & peu connues ,
pour fervir à l'Hiftoire & à la Littérature
; par M. D ... L... P ... ; in- 12 .
Teme VI. A Bruxelles ; & fe trouve à.
Paris , chez Prault , Imprim . du Roi ,
quai des Auguftins.
On fait que M. D. L. P. a donné cinq
Volumes de Pièces Intéreffantes & рен
connues , qui ont été accueillies avec beaucoup
d'emprellement. L'Editeur , par fon
grand âge & fes diverfes liaiſons , a été à
134 MERCURE
portée de voir beaucoup , & de beaucoup
retenir ; or , ce qu'il a vu , ce qu'il a lu ,
ce qu'il a éprouvé , voilà la mine féconde
qu'il a bien voulu exploiter pour les Amateurs
de chofes curieufes & piquantes , tant
en vers qu'en profe .
Ce fixième Volume n'aura pas moins de
fuccès que les précédens ; il n'eft ni moins
intéreffant , ni moins varié.
Parmi les pièces de vers qui Y font
inférées nous avons remarqué une
paraphrafe d'une Redondille Efpagnole
d'Orphée , un peu longue , mais où l'on
trouve des couplets faillans. L'Editeur à
recueilli une autre Initation de la même
Pièce. Nous allons la rapporter ici : clie eft
beaucoup moins longue que la première ,
& à la première ftance près , la tournure
en eft agréable .
Le Public eft bien habile :
Tâchons d'en faire uu ami.
Mais non , c'eft chofe inutile ;
On ne peut compter
fur lui.
Quelque moyen que l'on prenne
Pour le rendre fatisfait ,
On y perd toujours fa peine ;
Voici qui prouve ce fait.
Dans un champ près du Riphée ,
Caché fous l'herbe & les fleurs ,
Un ferpent rend veuf Orphée ,
Qui remplit tout de clameurs.
DE FRANCE. 135
Des pleurs qu'on lui voit répandre ,
Chacun veut dire fon mot :
Ceux-ci difent, qu'il eft tendre !
Ceux là difent , qu'il eft fot !
Four ravoir fon Euridice ,
Aux Enfers il defcendit.
Son chant y trouva propice
Pluton qui la lui rendit.
Les Morts la lui voyant prendre
Pour la conduire ici haut ,
Dirent d'abord , qu'il cft tendre !
Et puis dirent , qu'il eft for !
Il revenoit avec elle ,
Quand Pluton lui parle ainfi :
» Si tu veux garder ta Belle ,
» Ne la vois que hors d'ici «.
Mais il ne put s'en défendre ;
Il la perdit auffi- tôt .
Depuis il ne fait qu'entendre :
Qu'il eft tendre ! qu'il eft fot !
Voici une Anecdote qui prouve que
Louis XIV étoit bien aufli aimable & poli
qu'il étoit quelquefois glorieux & fier.
""
و ر
22
" Louis XIV avoit toujours l'attention de
faire couvrir ceux qui le fuivoient à la
promenade , même quand la Ducheffe de
Bourgogne y étoit avec lui . Meilleurs ,
>
136 MERCURE
» mettez votre chapeau , leur difoit il , Ma-
» dame la Ducheffe de Bourgogne le trouve
» bon ".
و د
» Monfieur , frère du Roi , ne permet-
» toit pas qu'on le couvrit en fa préſence ;
" & le Roi difoir quelquefois aux Courtifans
: Couvrez-vous , Meffieurs ; mon
» frère n'y eft pas ».
30
Parmi- nombre de morceaux curieux &
intéreffans , de fingularités piquantes , on
remarquera un exemple fingulier de juice
turque , ainfi que l'hiftoire d'une tortue fenfible
aux charmes de la mufique.
Nous invitons nos Lecteurs à recourir à
l'Ouvrage même , qui doit être diftingué
de la plupart des Recueils de ce genre ; il
inftruit , il amufe , & la lecture en eſt auffi
variée que les morceaux en font bien choifis.
,
CHOIX de petits Contes , Anecdotes ,
Fables Comédies , Dialogues , &c. ,
propres à être mis entre les mains des
enfans de tout fexe & de tout âge. Ouvrage
de première utilité pour l'éducation ,
& dont prefque tous les morceaux font
traduits ou ¡mités des Langues étrangères.
A Paris , chez Royez , Libraire , quai
des Auguftins. 2 petits Vol. de 120 pag.
DE FRANCE. 137
chachun. Port franc par tout le Royaume ,
3 livres , avec un Catalogue intereffant
d'un choix de Livres propres à l'éducation
, & même à ceux qui y préfident.
L'AUTEUR de cet Ouvrage aimable fe
propofe de traduire fidèlement les Allemands
& les Anglois qui , comme M. Campe &
autres , ont travaillé à donner , pour ainfi
dire , à l'eforit des enfans la première nourritura.
Ce font des mines riches & fécondes ,
difons plus , néceffaires , qu'il eft permis à
tout le monde d'exploiter à fa manière . M.
Berquin , premier imitateur de ces grands
hommes , a obtenu le plus flatteur des fuccès.
L'Auteur qui vient après lui , & que
nous recommandons, doit , comme Traducteur
élégant & fidèle , mériter aufli bien
des maîtres & des difciples , & avoir la
part au furnom d'Ami des Enfans , devenu
également titre de l'Ouvrage & celui de
l'Auteur qui a ouvert la carrière .
Dans le N° . prochain , nous donnerons
l'Article de la Comédie Italienne.
158
MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
CODE de Confignations , Saiftes Réelles , Hypotheques
, & Ventes de meubles ; ou Maximes &
Réglemens concernant ces objets ; contenant le
Recueil , 1 ° . des Edits , Déclarations , Arrêts , Sentences
& Réglemens relatifs aux Créations , Erabliffemens
, Droits , Priviléges & Fonctions ; en
premier lieu des Receveurs des Configuations :
2. des Commiffaires & Contrôleurs aux Saifies
Flies : 3 ° . des Huitliers-Commiffaires-Prifeurs,
Vendeurs de meubles : 4º . des Edits , Déclarations
, Lettres Patentes , Loix générales & muaicipales
, Arrêts , Sentences & Réglemens fur le
fait des criées & décrits , & de ceux relatifs aux
hypothèques & lettres de ratification . Ouvrage
ucle routes perfonnes , & néceflaire aux Rece- ,
Veurs des Configeations , Commilaires aux Saifies-
Réelles , Haifliers - Commiflaires- Prifcurs , &
Jurés-Prifeurs ; par M. C. L. G ***. in- 8 . Tome
Ier. A Orléans , de l'Imprimerie de Jacob l'aîné ,
rue Bourgogne ; & fe trouve à Paris , chez Prault ,
Libraire , à l'Hôtel de la Trésorerie , Cour de la
Sainte-Chapelle , au Palais .
Cet Ouvrage ne peut qu'être utile à ceux à qui
le fujet qu'il traite n'eft pas étranger .

Tableau général de l'Empire Othoman , divilé
en deux Lartics , dont l'une comprend la Légiflation
Mahoréiane , Pautre Hiloire de 1amfire
Othoman ; dédié au Roi de Suède , par M.
de M **** . d Ollon , Chevalier de l'Ordre de
DE FRANCE. 139
Wafa , Secrétaire de S. M. le Roi de Suède , cidevant
fon Interprète & Chargé d'Affaires à la
Cour de Conftantinople ; feconde édition in - 8°.
Figures. A Paris , de l'Imprimeric de Didot le
jeune, Impr. de Monfieur , quai des Auguftins.
Les deux premiers Volumes brechés fe vendént
actuellement chez lui , au prix de 7 liv. chaque
Volume.
» Toutes les fauffetés , dit Voltaire , que l'on
» nous a débitées fur le Gouvernement des Turcs ,
» dont nous formes fi voifins , doivent bien redoubler
notre méfiance fur l'Histoire ancienne.
Tout nous confirme que nous devons nous en
» tenir aux évènemens publics daus l'Hiftoire des
» Nations , & qu'on perd fon temps à vouloir
approfondir les détails fecrets quand ils ne
→ nous ont pas été tranfmis par des témoins ocu-
23
» laires «<,
M. le Chevalier de M*** . d'Ohfſon eſt un de
ces témoins, oculaires fi précieux & fi rares , que
L'Europe attendoit pour acquérir d'exactes lumières
fur l'Adminiftration , fur les meurs , & faHr
l'efprit général de la Nation Othomane.
Le prejaicr Volume in-folio de fon Ouvrage ,
publié depuis quelques mois , a juftifié la haute
opinion qu'on avoit conçue de fon Auteur. Ceux
même à qui l'objet de ce grand Tableau d'un des
plus grands Empires étoit le moins étranger, ont
été frappés de l'étendue , de la nouveauté & de
l'importance des matières qu'il renferme. Les circonftances
politiques où fe trouve l'Empire Othe
man, l'énergie qu'il a déployée , l'intrépidité de
fes armées , l'enthoufafine avec lequel il s'eft relevé
de fon abattement momentané , pour reprendre
le rang que plufieurs fiècles de fuccès lui ont
acquis , fortifient fingulièrement l'intérêt de ce
140 MERCURE
Tableau général , devenu aujourd'hui un Livre
néceffaire. La beauté de fon exécution , de la typographie
, du papier & des Eftampes en ont rehauffé
le prix ; & comme l'accueil qu'il a reçu
du Public ne laiffe plus à l'Auteur qu'un petit
nombre d'exemplaires de l'édition in- folio , il s'eft
déterminé à donner une feconde édition , qui fera
compofée , pour la totalité de l'Ouvrage , de 12
à 14 Volumes in- 8 ° . & ornés de o Eltampes.
Les deux premiers Volumes qu'on mer en vente
aujourd'hui en contiendront fix , fans compter le
frontifpice , & comprennent en entier le premier
Volume de l'édition in-follo .
,
La Soufcription pour la grande édition refte
toujours ouverte chez l'Auteur , en s'adreffant ,
toute la matinée , à M, de St -Julien , rue de la
Chauffée d'Antin , Nº . 8 .
L'Art de vérifier les Dates des faits hiftoriques,
des Chartes , des Chroniques , &c. 3e. édition ,
ée. Livraiſon , Teme III.. ' , in-folio . A Paris , chez
Alexandre Jombert jeune , Lib . rue Pavée Saint-
André- des- Arts , Nº . 28 .
Ce favant Ouvrage a toujours joui d'une cftime
très-méritée.
une
Découverte d'Etalons juftes , naturels , invariables
& univerfels , pour la réduction
parfaite uniformité de tous les Poids & Mefures
par-tout , par des moyens fimples , avantageux à
tout le monde , & faciles a exécuter ; par M. Collignon
, Avocat en Parlement , & Membre des
Académies des Sciences , Arts & Belles - Lettres
de Naples , de Lisbonne & de Munich , &c. in-
12. Prix , 2 liv. 10 f. A Strasbourg , chez l'Auteur
, rue de la Madeleine , Nº. 9 bis ; au ze .
DE FRANCE. 141
chez les Frères Gay , & Louis , Libraires , fur la
place d'armes à Vienne en Autriche ; à Saint-
Pétersbourg , chez les Frères Gay ; à Metz , chez
Devilly ; & à Paris , chez Poinçot , Lib. rue de
la Harpe .
Le but de cet Ouvrage eft de montrer qu'au
moyen de trois nouveaux Etalons qu'on indique ,
on pourra remplir les vûes de toutes mefures des
longueurs , des intervalles , des continences &
des pefanteurs , qui font en ufage , au nombre
de plus de cent mille , & en connoître la jufte
valeur beaucoup mieux qu'actuellement ; & qui ,
en rétabliſſant l'ordre de la nature , concernant
la réduction , la dénomination & le calcul des
différens Poids & Mcfures , qu'il fimplifiera ,
pourra en même temps produire à chaque Royaume
, Empire , République , & Etat de l'Europe
& du Monde entier , où il fera exécuté , un nouvel
objet de revenu affez confidérable.
Defcription des Terres Magellaniques & des
Pays adjacens , traduite de l'anglois par M. B...
Deux Parties , in - 16 . Prix , 3 liv. br . , & 3 liv.
10 fous port franc par la Pofte . A Paris , chez
François Dufart ; & chez Saint-Hilaire , Libraire ,
Hôtel Landier , Nº . 5 , rue Haute-Feuille .
Cette Defcription eft très- détaillée , & nous a
paru faite avec un foin qui répond de fon
cxactitude. L'Auteur entre dans les plus grands
détails fur la géographie du pays & les productions
du fol. Il y a dans la 2e. Partie des notions
curieufes fur le culte , les funérailles , &c. La
Defcription de ce pays eft terminée par un Effai
grammatical fur la Langue des Peuples qui l'habirent
142 MERCURE
Traité des Hernies , de M. Auguft. Gottlieb
Richter , Médecin & Confeiller de la Cour de Sa
Maj. Britannique &c. , traduit de l'allemand fur la
ze. édition , par Jofeph- Claude Rougemond , Docteur
en Médecine , Profeffeur d'Anatomie & de
Chirurgie en l'Univerfité Electorale de Bonn fur
le Rhin , &c . in - 4 ° . Prix , 4 liv . 10 f. A Bonn ,
de l'Imprimerie de Jean - Frédéric Abshoven & des
héritiers Rommerskirchen ; & fe trouve à Paris ,
chez Théophile Barrois le jeune , Libr . quai des
Auguftins.
Pharmacopaia Collegii Regalis Medicorum Londinenfis
; in- 8 ° . de 154 pages. Prix , 2 liv . 8 ſ.
Même adreffe que ci-deflus.
Le Palais de Automne , ou le Temple de la
Concorde civile fous le règne bier faifant de Louis
XVI , Roi de France ; Divertiſſement champêtre ,
mélé de chants nouveaux , de profe & de vers ;
Ouvrage patriotique & moral , confacré à la gloire
du Pacificateur des Mers. 2 Vol.in- 8 ° . A Paris , chez
l'Auteur , au bas de la rue des Fofiés de M. le
Trince , maiſon de M. Rouffel , Nº. 77 ; & chez
Roycz , Lib. quai des Auguftins.
Cet Ouvrage eft un hommage patriotique ;
l'intention de l'Auteur eft louable , mais le plan
de fon Falais n'eft pas facile à faifir. La feconde
Partie eft intitulée le Palais de l'Hymen . L'Ouvrage
eft compofé de profe & de vers les vers que
l'Aurcur cite de Racine , de Voltaire , &c . font fort
beaux ; ceux qu'il fait lui-même valent moins.
Principes de Navigation , ou Abrégé de la
théorie & de la pratiqué du Pilotage , rédigés par
ordre du Roi , pour les Ecoles d'Hydrographie
fous le ministère de M. le Maréchal de Caftries ;
DE FRANCE. 143
par M. Dulague , Profefleur d'Hydrographie , au.
College Royal de Rouen , Membre de l'Acadénue
des Sciences , Belles - Lettres & Arts de la même
Ville . Prix , broché en carton , 3 liv. 5 f.; relié ,
3 liv. 15 f. , in - 8 ° . A Rouen , chez J. Racine ,
Lib. rue Ganterie ; & à Paris , chez Jombert jeune,
ruc Dauphine ; Durand neveu , rue Galande ; La-
-porte , Impr. rue des Noyers ; Méquignon junior,
rue de la Harpe ; & chez les principaux Libraires
du Royaume.
Ces Principes , publiés , comme le titre l'annonce
, par ordre du Gouvernement , font un extrait
des Leçons de l'Auteur fur la Navigation .
Cet Ouvrage ne peut être que fort utile a ceux
qui fe propofent de courir cette carrière.
Culture de la groffe Afperge , dite de Hollande ,
la plus précoce , la plus hâtive , la plus féconde
& la plus durable que l'on connoiffe ; par M. Fila
fier , des Académies d'Arras , de Lyon , de Marfeille
, & Correfpondant de celle de Touloufe ;
nouvelle édition , revue & corrigée ; in - 12 de 151
pages. Prix 24 f. A Amfterdam ; & fe trouve à
Paris , chez Méquignon l'aîné , Libraire , rue des
Cordeliers.
L'Indiferétion , Eftampe gravée en couleur ,
d'après le dellein de Lavrince , par M. F. Janihet.
A Paris , chez Janinet , rue Haute - feuille ,
Nº. 5 ; & chez Efaults & Rapilly , rue Saint-
Jacques , à la ville de Coutance , Nº . 259. Prix ,
9 liv.
Certe Eftamre , qui fert de pendant à l'Aveu
difficile , représente une action agréable & piquante.
Elle eft exécutée d'une manière élégante
& fine , & ne peut qu'ajouter à la réputation que
M. Janinet s'eft juftement acquife par fes talens
& par fes découvertes dans la Gravure en couleur ,
144 MERCURE DE FRANCE .
La mort de Molière , Pièce en 3 actes en vers >
reçue à la Comédie Françoife le 31 Janvier 1788 .
A Paris , chez Knapen & Bailli.
Le fujet de cette Pièce eft intéreffant , & nous
ne tarderons pas à en rendre compte ; elle eft
d'ailleurs précédée d'une Préface qui mérite notre
attention .
Une indifpofition furvenue au Rédacteur de
l'Article des Spectacles , l'ayant forcé à imprimer
tardivement & à la hâte celui de la Comédie Françoife
, inféré dans le dernier Mercure , il s'y eft
gliffé les fautes fuivantes , qui font effentielles à
corriger.
Page 86 , ligne 6 , cette invention , lifez cette
invitation.
Page 87 , lig. re . , les plaifirs , lif. ces plaifirs.
Ibid, lig. 11 , M. de Pilfes , lif. M. de Pilhes.
Ibid , lig. 27 , faire une foinme , lifez fixer une
fomme.
TABLE.
RÉPONSE. 97 Pièces intérentes .
102 ) Annonces & Notices .
139
Charade , Enig. & Log. 100 Choix de petits Contes , 136
Examen .
138
APPROBATION.
*
J'ai lu , par ordre de Mgr. le- Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 16
Août 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puifle cu
en pêches l'impreffion . A Paris , le 15 Août 1788.
SÉ LIS,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 23 AOUT 1788 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A EUCHARIS ,
SUR SON DÉPART.
Imitation de la 12e. Elégie de Properce ;
Livre Ier.
Quid mihi defidiæ non ceffas fingere, & c.
BAISERS
AISERS Voluptueux de ma fenfible Amante ,
Je ne vous cueille plus fur fa lèvre brûlante ;
De ma jeune Eucharis je n'entends plus la voix.
Tu le fais , tendre Amour , je lui plus autrefois ,
Et les Amans, jaloux de nos chaînes nouvelles ,
Même en nous enviant , nous prenoient pour modèles.
N?. 34. 23 Août 1788 . G
146 MERCURE
Souvenir enchanteur qui troubles mes efprits !
Quel fort inexorable ou quels Dieux ennemis
Ont pu changer le coeur de ma belle Maîtreffe ?
La volage , jadis , montroir plus de tendreffe.
Que l'abfence eft funefte au bonheur des Amans !
Par elle un long amour s'enfuit en peu
de
temps,
Eucharis , cher objet de mon inquiétude ,
Le foupçon me poarfuit jufqu'en ma folitude ;
De la trop lente nuit j'accufe la longueur ,
Je m'importune enfin des cris de ma douleur .
Eucharis Eucharis ! ch ! fi ma voix plaintive
Te reportoit ces cris de l'une à l'autre rive ,
Ou bien fi , réſervé pour des momens plus doux
Je pouvois de mes pleurs arrofer tes genoux ! ...
Devant l'objet aimé que les pleurs ont de charmes !
L'Amour fourit , dit- on , à l'afpect de ces larmes ;.
Ou s'il eft rebuté , foudain , pour le venger ,
U perce un autre coeur , & fe plaît à changer .
Pour moi, d'Eucharis feule, Amant toujours fidèle ,
Je ne puis ni changer , ni me féparer d'elle ;
Inquiet , languiffant au milieu des plaifirs ,
Je leur préfère encor mes ftériles foupirs ;
Eucharis la première alluma dans mon ame
D'un amour immortel la dévorante flamme ;
Quand Vénus maintenant m'offrireit fes appas ,
Je pourrois l'admirer , mais je n'aimerois pas .
Par M, Duchofal , Av. en Parl. )
DE FRANCE. 147
M
ORALITÉ
Dis - moi , fage Arifton , qu'éclaire la ſcience ,
Pourquoi l'Adolefcent & le Vieillard par tout
Ne font jamais d'intelligence :
C'eft qu'aveuglé par l'ignorance ,
C'est qu'inſtruit par l'expérience ,
L'un ne doute de rien , l'autre doute de tout.
Par M. Le Chev. de N**. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEE mot de la Charade eft Adieu ; celui
de l'énigne eft la Flûte ; celui du Logogrithe
eft Inconftance , où l'on trouve Ninon ,
Antoine , Taon , Satin , Soie , Sonnet ,
Caton , Sac.
CHARADE.
Mon premier au toucher cède facilement ; MON
Mon fecond préparé nous fert de vêtement ;
Mon tout, quoiqu'inconftant dans fa route légère ;
Devient , pour les humains , chofe très-néceffaire.
( Par M. Dufuchet, Comm . aux F. )
G2
148
MERCURE
ÉNIGM E.
Nous fommes dans l'humilité ;
Cependant notre utilité
Fait qu'on nous prend fans répugnance ;
Quelques gens fe privent de nous
Par un esprit de pénitence ,
Les autres par néceffité ;
Mais on peut dire en vérité
Que c'eft contre la bienféance .
( Par M. A. C. A. B. D. L. )
LOGOGRIP ME.
fiècle de Valois ! ô jours , temps malheureux !
Où j'ai vu les François aveuglés , furieux ,
Joindre par piété la prière au blafphême ,
S'égorger , fe détruire en atteſtant Dieu même.
Vint enfin le moment où l'un des plus grands Rois
Afon Peuple étonné fit adopter mes Loix.
On l'imita bientôt ; je fis ceffer les crimes ;
Le Fanatifine affreux rentra dans les abîmes ,
Le Catholique aima les enfans de Calvin ;"
On ne s'égorgea plus pour un prétexte vain,
DE FRANCE. 149
Pour la caufe du Ciel on ne fit plus la guerre ,
Et la paix avec moi vint confoler la Terre .
Déchire-moi , Lecteur , car je fais tout fouffrit.
Tu verras ailément ce que je puis t'offrir.
D'abord un inftrument qu'au loin on fait entendre
Ce qui dans Maracande enfiammoit Alexandre ,
Lorſqu'en un grand feftin il poignarda Clitus ;
Ce métal , trop fouvent , deftructeur des vertus
Dans la mer cet endroit où le vaiffeau fe brife ;
Deux notes ; un volcan ; un jour cher à l'Eglife ;
Deux armes dont jadis fe fervoit le Dieu Mars ;
Ce Romain , de tout temps ennemi des Céfars
Un animal ; un poids ; un fleuve de l'Afic ;
Une efpèce de cerf qu'on trouve en Moſcovie
Un Jufte , avec le nom de plus d'un Empereur ,
Et de plus d'um Pontife ; une forte liqueur.
Je finis pour ne pas laffer ta patience ;
Peut-être ta vertu n'eft
pas la tolérance.
( Par M. de Bourienne. )
G 3
150
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
7
HISTOIRE NATURELLE des Quadrupedes
ovipares , & des Serpens , & c.; par M.
le Comte DE LA CÉPÈDE , Garde du
Cabinet du Roi , des Académies & Sociétés
Royales de Dijon , Lyon , Bordeaux
, Touloufe , Metz , Rome , Stokolm
, Heffe - Hombourg , Heffe- Caffel ,
Munich, &c. Tome Ier. A Paris , Hôtel
de Thou , rue des Poitevins in - 49% de
651 pages , avec 41 Planches. Prix,
15 liv. en blanc , 15 liv . 10f. broché, &
17 liv. rel.
M. LE COMTE DE BUFFON , prévoyant que
fon âge avancé & le mauvais état de fa
fanté ne lui permettroient pas de mettre la
dernière main à fon Hiftoire Naturelle , &
d'achever feul le vafte & majestueux édifice
dont il avoit jeté les fondemens & exécuté
la principale partie avec tant de gloire ,
avoit chargé M. le Comte de la Cépède de
travailler à l'Hiftoire Naturelle des Quadrupèdes
oyipares , & des Serpens , dont il puDE
FRANCE. 1st
blie aujourd'hui le premier Tome . Le choix
fait par ce grand Ecrivain , qui pouvoit
craindre que fon Ouvrage ne fût dégradé
par des mains indignes d'y toucher , fuffiroit
pour donner une haute idée du travail
de M. le Comte de la Cépède . Ce choix
fera pleinement juftifié aux yeux des Lecteurs
, & pourra leur donner des efpérances
capables d'adoucir la perte que les Sciences
& les Lettres viennent de faire par la mort
de M. le Comte de Buffon .
La partie de l'Hiftoire Naturelle qu'il
nous a laiffée , eft un monument qui doit
honorer notre fiècle. Après avoir , dans le
plus vafte plan , montré comment les parties
conftitutives qui compofent le globe
terreftre , étoient parvenues , par une fuite
de changemens & de révolutions , à lui donner
la forme que nous lui voyens , &
comment les germes de vie qu'il contient
s'y font développés à mefure que les obftacles
qui arrêtoient leur énergie ont diminué
; après avoir fuppofé une maſſe immenfe
de matière organique , feryant de
fondement commun à toute la Nature vivante
, matière qui , adaptée à différens
moules , & modifiée d'après des types invariables
, donne lieu , par une circulation
non interrompue , aux repréfentations fugitives
que doit nécellairement amener une
alternative continuelle de deftructions &
de générations , & qui , malgré l'existence
paffagère des individus , maintiennent tou-
6 4
152 MERCURE
jours la perpétuité des efpèces , ce célèbre
Naturalifte entreprit de décrire les attributs
qui caractérifent chacune de ces espèces ;
& il répandit dans ces tableaux , la grandeur
, la variété & l'intérêt que la Nature a
mis dans fes productions.
L'homme , comme le produit le plus fublime
de la création , l'être le plus confidérable
& le plus noble par les effets & la
puiffance de la penſée , qui , par la profondeur
de fes conceptions , ajoutant à ſes
propres forces celles de la Nature , a pu
s'approprier le globe qu'il habite , & y graver
par-tout le fceau de fon empire , fut le
premier objet qui occupa le pinceau de M.
le Comte de Buffon ; & G les notions qu'il
donne de fa conftitution phyfique & morale
ne font pas toujours juftes , les traits
fous lefquels il le repréfente ne font jamais
au- deffous de fa dignité. Le point de vue
fous lequel il envifageoit le fyftême de la
Nature
, lui faifant dédaigner toutes les
méthodes de divifion artificielles que la foibleffe
de l'entendement humain rend pourtant
quelquefois néceffaires il confacra
fes premières defcriptions des animaux , à
ceux que notre manière de concevoir nous
fait regarder comme les plus parfaits , tels
que les Quadrupèdes vivipares & les Oifeaux.
Parmi les premiers , ceux qui font
devenus la conquête , lleess compagnons , les
ais ou efclaves de l'homme , & leur inftinct
perfectionné ou dégradé par cette ef-
>
DE FRANCE.
153
"'
pèce de fociété , lui parurent devoir tenir
le premier rang dans fon Ouvrage. Enfuite
les autres Quadrupèdes de l'ancien & du
nouveau Continent, les animaux indomptés
des forêts , ceux qui y dominent par la force
ceux qui s'y maintiennent par la rufe , les
Oifeaux , fi différens des Quadrupèdes par
leur organiſation comme par l'élément
qu'ils habitent , furent retracés fous fon
pinceau mâle & hardi avec les couleurs
les plus féduifantes. L'Ecrivain fe montra
par tout égal à la grandeur ou à la beauté
de la matière ; mais cette matière étoit la
plus riche que puiffe offrir l'Hiftoire Naturelle
.
,
M. le Comte de la Cépède n'a pas trouvé
le même avantage dans la nature des objets
qu'il avoit à peindre. Il y a loin de l'inftinct
brillant du Chien , de la beauté & des nobles
proportions du Cheval , de la fierté impofante
du Lion , des reffources que l'intelligence
de l'Eléphant tire de la ftructure
admirable de fa trompe , aux facultés bornées
de la pefante Tortue , aux moeurs per
connues d'un Léfard , d'une Grenouille ou
d'un Crapaud. Cependant , comme toutes
les parties de la chaîne des êtres font dignes
de notre contemplation quelles qu'elles
foient , leurs rapports bien faifis & retracés
par une main habile , ne peuvent manquer
de nous intéreffer. C'eft une vérité qu'on
fentira fur-tout en lifant le difcours ou M.
le Comte de la Cépède développe la nature
,
G
154
MERCURE
des Quadrupèdes ovipares. Ce Naturalifte
les regarde comme placés très-près des plus
nobles animaux , par leur organisation , le
nombre de leurs fens , la chaleur qui les
pénètre , & les habitudes auxquelles ils font
foumis ; il n'a point adopté la dénomination
générale de Reptiles qu'on leur a donnée
, parce qu'elle n'appartient qu'aux Serpens
& aux animaux qui , prefque entiérement
dépourvus de pieds , appliquent
en marchant leurs corps à la terre. H eft
vrai que les Quadrupèdes. ovipares écartent
tellement feurs pattes , qu'ils paroiffent plutôt
ramper que marcher ; ce caractère eft
un de ceux qui les diftinguent des Quadrupèdes
vivipares ; ils diffèrent furtout par
La propriété dont ils tirent leur nom , leurs
petits venant d'un oeuf. Ce qui caractérife
encore leur organifation phyfique , c'eſt
qu'ils font dépourvus de mamelles , & qu'au
Lieu d'être couverts de poils , ils font revêtus
d'une croûte offeufe , de plaques dures , d'écailles
aiguës , de tubercules plus ou moins
faillans , ou d'une peau nue & enduite d'une
liqueur vifqueufe.
M. le Comte de la Cépède a divifé l'ordre
entier des Quadrupèdes ovipares en deux
grandes claffes , dont la première comprend
ceux qui ont une queue , & la feconde ,
ceux qui en font dépourvus. Deux genres
partagent la première claffe , celui des Tortues,
& celui des Léfards ; ils different l'un de
l'autre , en ce que les premiers ont le corps
DE FRANCE.
155
que couvert d'une carapace offeufe & folide
les feconds n'ont point. La feconde claffe
eft divifée en trois genres ; le premier eft
compofé des Grenouilles ; le fecond com
prend la Raine- Verte d'Europe & toutes
les autres Raines , au nombre de fept efpèces ;
& le troisième eft formé par les Crapauds.
M. le Comte de la Cépède , guidé par un
jugement sûr , a diminué le nombre des
efpèces arbitraires qu'on avoit adınifes , &
fes recherches lui ont fait découvrir près
de vingt efpèces d'animaux ovipares dont
aucun Auteur n'avoit fait mention . Toutes
les divifions établies par ce Naturalifte font
prifes dans la Nature , & fondées fur des
caractères bien diftincts & permanens.
Si l'intelligence & la jufteffe d'efprit le
montrent dans la diftribution des objets que
traite M. le Comte de la Cépède , il a mis
autant de fineffe & d'exactitude dans les
obfervations de détail, que de grandeur dans
les vues & les réfultats qu'il en tire ; & la
manière dont il détermine , d'après l'examen
approfondi de l'organifation des Quadrupèdes
ovipares , le degré de vie & les
facultés qui leur appartiennent , eft digne
de fixer l'attention des Philofophes. » Les
» animaux , dit-il , diffèrent des végétaux
» & fur-rout de la matière brute , en proportion
du nombre & de l'activité des
» fens dont ils ont été pourvus , & qui ,
» en les rendant plus ou moins fenfibles
aux impreffions des objets extérieurs , les
ود
و د
"
G 6
156
MERCURE
t
23
">
30
Ik
» font communiquer avec ces mêmes objets
d'une manière plus ou moins intime .
Pour déterminer la place qu'occupent les
Quadrupèdes ovipares dans la chaîne immenfe
des êtres , connoiffons donc le
» nombre & la force de leurs fens «.
commence par examiner celui de la vue
qui , donnant aux animaux un plus grand
nombre d'affections que les autres fens ,
& qui , liant davantage leur exiftence à celle
des objets extérieurs, au milieu defquels ils
feroient prefque ifolés fans fon fecours
leur communique par conféquent un plus
grand degré d'activité. Il remarque que le
plus grand nombre des Quadrupèdes ovipares
ont les yeux affez faillans & affez
gros relativement au volume de leur corps ,
qu'ils les ont prefque tous garnis d'une
membrane clignotante comme ceux des
oifeaux , & que certains , tels que les Crocodiles
& les autres Léfards ; jouiffent ,
ainfi que les Chats , de la faculté de contracter
& de dilater leur prunelle.
Ainfi , la vue femble d'abord mettre les
Quadrupèdes ovipares au niveau des animaux
les plus parfaits ; mais la foibleffe des autres
fens les replace bien loin au deffous de ces
mêmes animaux ; l'imperfection manifeſte -
de l'organe de l'ouïe , & les fons rauques
& confus de la voix dans les Quadrupèdes
ovípares , annoncent que l'impreffion des
corps fonores n'a pas une grande intensité
chez eux. L'odeur infecte des eaux croWDE
FRANCE. 157
piffantes dans lesquelles ils vivent & qu'ils
recherchent même , feroit préfumer qu'ils
n'ont pas l'odorat bien fubtil , quand même
La difpofition organique de ce fens ne l'indiqueroit
point. Celui du goût n'eſt pas
mieux organifé ; & quant au toucher , on
peut bien croire que des écailles dures ,
une peau rude , ou l'humeur vifqueuſe dont
elle eft enduite , ne peuvent lui laiffer
qu'une fenfibilité très - obtufe. Enfin , felon
M. le Comte de la Cépède , une charpente
offeufe , plus fimple que celle des Quadrupèdes
vivipares , un coeur plus petit &
borné à un feul ventricule , un cerveau peu
volumineux , un fang moins riche & moins
animé , qui peut circuler fans paffer par les
poumons , & par conféquent moins vivifié
par l'air atmosphérique , doivent être , dans
les Quadrupèdes ovipares , la caufe ou le
réfultat de puiffances vitales peu énergi
ques.
W Une certaine lenteur dans les mouve
mens , qui vont quelquefois jufqu'à pouvoir
être fufpendus pendant long temps ,
& un défaut de chaleur , femblent être les
fuites immédiates d'une pareille organifation
; auffi leur rend- elle très - néceffaire la
lumière du foleil. Une humidité chaude eft
-ce qui fert le plus à leur prompt développement.
» Cette convenance de leur nature
avec l'humidité , montre combien leur
mouvement vital tient , pour ainfi dire
» à plufieurs refforts affez indépendans les
"T
158 MERCURE
» uns des autres. En effet , cette furabon-
» dance d'eau eft avantageuſe aux êtres dans
"
و ر
lefquels les mouvemens intérieurs peu-
» vent être ralentis , dans lefquels la mol-
» leffe des fubftances peut diminuer fans in-
" convénient la communication des forces ,
" & dont les divers membres ont plus
befoin de parties groffières & de molé-
» cules qui occupent une place , que de
principes actifs & de portions délicate-
» ment organifées. Elle caufe au contraire
» le dépériffement des êtres pleinement
doués de vie , qui exiftent par une grande
rapidité des mouvemens intérieurs , par
» une grande élaſticité des diverſes parties ,
» par une communication prompte de toutes
les impreffions , & qui ont moins
befoin , en quelque forte , d'être nourris
» que mis en mouvement , d'être remplis
» que d'être animés ";
93
"
"
"
Il n'eft pas néceffaire de dire combien
ces idées phyfiologiques font profondes &
noblement exprimées ; mais ce qu'on doit
admirer fur tout , c'eft la fagacité avec laquelle
M. le Comte de la Cépède a apperçu
ces loix de l'économie animale , dont la
connoiffance femble appropriée aux Médecins
, parce qu'ils font à portée d'en voir
les effets de plus près & plus conftamment
que les autres hommes. Une de ces loix ,
à laquelle tient fans doute la perfection de
l'animal , eft celle qui , dans les animaux
du premier ordre , établit entre les divers
DE FRANCE. 150
organes qui les compofent ,'une correfpondance
& des rapports fympathiques , en
vertu defquels ils fe communiquent réciproquement
leurs affections. C'est d'après
cette loi qu'une impreffion reçue dans un
organe , fe fait plus ou moins vivement fentir
dans un ou plufieurs autres organes ,
qu'une affection des reins , par exemple ,
fe manifefte dans l'eftomac par des fymptômes
dont la caufe réfide ailleurs &
qu'une affection qui a fa caufe dans l'eftomac
, fe réalife fympathiquement dans le
cerveau. Comme dans les animaux qu'on
nomme parfaits , il y a un organe dominant
qui s'approprie plus ou moins les
affections de tous les autres organes , il
s'enfuit qu'exiftant les uns dans les autres ,
& tous dans un feul , il réfulte de tous ces
rapports & de la prompte communication
des impreffions qui en eft la fuite , un moi
individuel , qui n'a pas lieu auffi parfaitement
dans les animaux ovipares , & qui
n'exifte pas du tout dans les végétaux .
Il n'eft pas difficile d'entrevoir que pour
peu que cette propriété qu'ont les parties
conftitutives d'un animal de s'affecter réciproquement
, s'étende d'un individu à un
autre individu femblablement organifé
elle doit imprimer un caractère particulier
à leur eſpèce ; cette forte d'imitation qui
difpofe un individu à fentir dans un autre ,
& qui leur rend communes la plupart de
160 MERCURE
"
leurs affections ( 1 ) , doit au moins procure
en eux un certain attrait qui tend à les
rapprocher. On peut préfumer , avec raifon
, que ce principe a plus d'intensité dans
les espèces fociables , & qu'il a le plus grand
degré d'énergie dans l'efpèce humaine
qui l'emporte fur toutes par la fociabilité .
Il eft inutile de faire voir ici les avantages
que les facultés intellectuelles de l'animal
tirent de cette difpofition ; on peut s'en
faire une idée en réfléchiffant à la ftupidité
des Quadrupèdes ovipares , qui font dépourvus
de fympathies , dont les organes ne font
point animés par un principe d'imitation
qui les faffe coexifter de la même manière ,
& n'ont point cette correfpondance intime
qui les rend néceffaires l'un à l'autre. Il eft
vrai que cet état d'ifolement où font les
parties conftitutives de ces animaux , que
cette indépendance où elles font les unes
des autres , les garantit des caufes deftructives
& affure leur vie ; car une Tortue vit
encore long- temps après qu'on a coupé fa
prête. On arrache le coeur & les entrailles
à une Grenouille , on lui ote tout fon fang
fans que les mouvemens vitaux ceffent
tout de fuite ; au lieu que les animaux
parfaits , dont les parties fe communiquent
promptement leurs impreffions , don-
( 1 ) Chacun fait combien l'expreffion vive de
certaines paflions nous difpofe à les partager.
DE FRANCE. 161
nent plus de prife aux agens capables
de les détruire , & peuvent être atteints
mortellement par un plus grand nombre
de points. Mais fi ceux qui craignent la
mort , qui eftiment plus la vie par la durée
que par les qualités brillantes qui l'embelliffent
, & qui en font tout le prix , envioient
le fort d'une Tortue ou d'une Grenouille
, on pourroit les raffurer en difant ,
que fi ces animaux réfiftent d'avantage à la
deftruction par leur inertie , ceux du premier
ordre ont plus de facultés & de moyens
actifs de l'éviter , & font capables d'un plus
grand nombre de combinaiſons pour s'en
garantir.
Outre la propriété qu'ont les Quadrupèdes
ovipares d'être utilés fans perdre la
vie , & de recouvrer les membres qu'ils
ont perdus , beaucoup d'autres traits tendent
à les rapprocher de la grande claffe
des êtres organifés qui compofent le règne
végétal. Telles font la faculté qu'ils ont
de vivre long-temps fans nourriture , pou .
vant paffer des années entières fans prendre
des alimens folides , celle de fe développer
& de croître par l'abforption qui
s'opère en eux de l'humidité de l'atmofphère
ou de la terre , celle d'exifter & de
vivre même plus aifément dans un air
impur où les animaux parfaits périroient.
Mais un trait fur- tout qui femble affimiler
les Quadrupèdes ovipares aux végétaux ,
c'eft le long intervalle de repos ou de mort
162 MERGURE
4
apparente qu'ils fubiffent , ainfi que les arbres
, aux approches de l'hiver , phénomène
qu'on a tant de peine à concilier avec l'idée
que nous nous faifons de la vie . Quoiqué
les êtres doués d'un principe intérieur d'activité
, tels que les animaux & les végétaux ,
foient plus ou moins affujettis à la marche dú
foleil , ne fût-ce que par rapport à la chaleur
bienfaifante & néceffaire qu'il répand
dans tous les corps, ils fe confervent néanmoins
auffi par des loix particulières , indépendantes
de ce grand mobile de la Na
ture. Une des plus fenfibles parmi ces loix ,
eft celle qui les foumet à une alternative
d'action & de repos. Plus l'action eft vive,
& plus les intermiffions qu'elle éprouve
font fréquentes. Les animaux parfaits , dans
lefquels il s'opère une grande quantité de
mouvemens très rapides , néceffités foit par
les actions extérieures de l'animal , foit par
les actes intérieurs de la vie , foit par l'agitation
des paffions , ou par l'exercice de
la penfée , font forcés de chercher fréquemment
dans le fommeil un calme qui
répare leurs refforts affoiblis ; & ce n'eſt
point à l'abfence du foleil qu'ils le doivent.
L'homme qui a beaucoup travaillé , n'a pas
befoin d'attendre la nuit pour dormir. Il
ne faut pas même croire que le froid foit
la feule caufe qui fufpende la végétation :
la plupart des végétaux fe repofent même
fous la Zone torride , quoique la chaleur du
climat foit fuffifante pour leur permettre
DE FRANCE. 163
un travail continuel. La nuit eft devenue
le temps fixe du repos néceffaire aux animaux
doués d'un grand degré d'activité ,
par l'effet de l'habitude & de cette tendance
naturelle qu'ont toutes leurs affections
à devenir périodiques. Dailleurs la
nuit , en privant la plupart des animaux des
impreffions de la vue , a dû néceffairement
lier avec le jour la période d'action qui
leur eft propre. Le fens de la vue , que
l'abfence de la lumière jette dans l'inertie ,
communique fucceffivement fon état à tous.
les autres , & fouvent dans un fommeil
imparfait , il y a long- temps qu'on ne voit
plus , quoiqu'on entende encore. On pourroit
préfumer que cette difpofition que nous
avons à prendre la teinte des objets qui
nous environnent , tend auffi à ramener le
fommeil , lorfque les ténèbres viennent les
dérober à nos yeux . L'activité de la plupart
des animaux qu'aucune paffion n'agite , fe
ralentit avec la lumière du jour , & ceffe
avec elle. A la campagne , où l'ame eft plus
livrée qu'à la ville à l'impreffion des objets
naturels , j'ai toujours éprouvé qu'au cou
cher du foleil ma voix devenoit plus forble
, ma parole plus lente , & ma pensée
moins active ; & j'ai été porté à croire que
cette difpofition étoit en moi un effet imitatif
de cette eſpèce d'évanouiffement où
l'aftre du jour , en difparoiffant , femble
entraîner toute la Nature.
Les Quadrupèdes ovipares , en qui les
164 MERCURE
mouvemens fe font plus lentement que
dans les animaux d'un ordre fupérieur, que
la fimplicité de leur organiſation met en
état de fe paffer de nourriture pendant un
long intervalle de temps , peuvent donc ,
comme les végétaux , refter long-temps engourdis
. M. le Comte de la Cépède conclut
avec raifon , que ces animaux , » moins
» fenfibles que les autres , moins animés
ود
par des paffions vives , moins agités au
» dedans , moins agiffans à l'extérieur, font
» en général beaucoup plus à l'abri des
dangers , & qu'ils s'y expofent moins ,
parce qu'ils ont moins d'appétits vio
lens . Il ajoute , que leurs habitudes
» font en général affez douces , que leur
caractère eft fans férocité ; & que h
» quelques - uns , comme les Crocodiles
»
و د
détruifent beaucoup , c'eft parce qu'ils
» ont une grande maffe à entretenir
Quoique les mouvemens vitaux aient peu
d'énergie dans les Quadrupèdes ovipares
de fentiment de l'amour ne leur eft pas
étranger ; le mâle & la femelle fe recherchent
au printemps , & leur union dure
plufieurs jours , comme fi la flamme qui
doit les échauffer avoit de la peine à s'allumer
dans des corps naturellement froids
& humides mais on a de la difficulté à
concevoir comment ici la durée peut compenfer
le défaut d'intensité.
La femelle ne couve point les oeufs , la
chaleur du foleil & de l'atmosphère les fait
DE FRANCE.
165
و د
"
éclore ; & l'on doit remarquer , dit M.
» le Comte de la Cépède , que tandis que
ces Quadrupèdes ont befoin , pour fubfif-
» ter , d'une plus grande chaleur que les
oifeaux , leurs oeufs cependant éclofent
» à une température plus froide que ceux
» de ces deniers animaux : il femble que
les machines animales les plus compo-
ود
99
"
DS
fées , &, par exemple, celles des oiſeaux,
» ne peuvent être mifes en mouvement
» que par une chaleur extérieure très - active
; mais que lorfqu'elles jouent , les
frottemens de leurs diverfes parties produifent
une chaleur interne qui rend
celle de l'atmoſphère moins néceffaire
pourla confervation de leur mouvement « .
A cette réflexion judicieufe on peut en
ajouter une autre ; c'eft que dans des femelles
qui ne couvent point , & qui ne
- voient jamais leurs petits éclos , la tendreffe
maternelle doit être bien foible , ou plutôt
nulle. Une impulſion ſemblable à celle qui
porte les oifeaux à bâtir des nids pour leurs
petits à venir , détermine feulement les femelles
des Quadrupèdes ovipares à chercher
les endroits les plus déferts & les
plus sûrs pour y dépofer leurs oeufs . Tous
leurs foins pour leur famille fe bornent là ,
& ils font bien loin de fuppofer cette tendre
follicitude qui agite les femelles des
autres animaux qui ont fans ceffe leurs
petits fous leurs yeux ; car les affections
morales doivent leur plus grande force aux
166 . MERCURE
impreffions réitérées des fens . Ce font ces
impreflions vivement retracées par la mémoire
& modifiées par l'imagination
qui échauffent le fentiment. Ceux qui
ont beaucoup obſervé , favent combien la
tendreffe maternelle tient à une infinité de
petites circonftances fenfibles; & c'eft la
Nature , profondément fentie, qui infpira
fans doute à Racine ces deux vers :
Et foit frayeur encore, ou pour me careffer,
De les bras innocens je me fentis preffer.
A l'expofition des caractères communs à
tous les Quadrupèdes ovipares , M. le C.
de la Cépède paffe à la defcription de chaque
genre & de chaque efpèce . Son ftyle a
du mouvement & un coloris toujours vrai ,
il s'élève & s'agrandit avec les objets qu'il
décrit , & la defcription du Crocodile offre .
de ces traits qui n'appartiennent qu'aux
Ecrivains du premier ordre .
Le devoir & le but du Philofophe font
de rectifier nos idées & de détruire nos
erreurs en nous donnant des notions exactes
fur la nature des chofes . C'eft ce que
fait M. le C. de la Cépède dans l'Hiftoire
du Bafilic , du Caméléon , & du Dragon .
L'imagination qui aime les objets capables
de l'ébranler fortement, avoit fuppofé dans
le Bafilic la propriété effrayante de donner
la mort par fon regard ; & cependant ce
Léfard , qui n'a rien de dangereux , bien
DE FRANCE. 167
, peut
loin d'avoir la vue fi redoutable
Hatter beaucoup la nôtre par fa belle crête
& par les nuances brillantes de fes écailles .
Le Caméléon , dont on avoit fait l'emblême
de la fervile complaifance des Courtifans ,
parce qu'on croyoit qu'il prenoit la couleur
des objets dont il approchoit , eſt aufli un
Léfard dont tout le merveilleux fe réduit à
préfenter diverfes teintes fuivant le climat,
l'âge ou le sèxe . Quant au Dragon , objet
fantaftique de tant de fictions plus puériles
que véritablement poétiques il n'eft ,
felon M. le Comte de la Cépède qu'un
» animal auffi petit que foible , un Léfard
» innocent & tranquille , un des moins
» armés de tous les Quadrupèdes ovipares,
» & qui , au moyen d'une espèce d'ailes
» dont fon corps eft pourvu , a la facilité
» de voltiger de branche en branche dans
"3
les forêts qu'il habite ". On diroit qu'au
gré de l'efprit humain , la Nature n'eft pas
allez remplie d'êtres , & qu'il faut qu'il y
en merte quelques- uns de fa façon .
M. le Comte de la Cépède a placé à la
fuite de fon Hiftoire Naturelle des Quadrupèdes
ovipares , la Defcription de deux
efpèces de Reptiles bipèdes peu connus
des Naturalifts . Elles forment un paffage
bien naturel au Traité des Serpens , que
M. le Comte de la Cépède va dorner , &
qu'on ne peut manquer de défirer , lorfqu'on
aura lu fon Ouvrage fur les Quadrupèdes
ovipares .
Get Article eft de M. Rouffel, Méd. )
168 MERCURE
EUVRES de Jurifprudence de M. BOUHIER ,
Préfident à Mortier au Parlement de
Dijon, de l'Académie Françoife , &c . recueillies
& mifes en ordre avec des Additions
, par M. JOLY DE BEVY, Préfident
à Mortier au même Parlement. Tome II.
Prix , 24 liv. en feuilles. A Dijon , chez
Frantin , Imprimeur du Roi ; & à Paris,
chez Delalain aîné , Libraire , rue Saint-
Jacques , Nº. 240 .
EN annonçant le premier Volume de
cette Collection , peut- être la plus méthodique
& la plus utile dont notre Jurifprudence
Françoife puiffe s'enrichir , nous pensâmes
que l'on ne pouvoit en faire un
éloge plus digne en même temps & de fon
Auteur & du Magiftrat qui facrifie fes
veilles à la faire paroître , qu'en donnant
une idée fuccincte des différentes matières
traitées dans ce premier Volume . Nous
fuivrons la même méthode par rapport à
celui-ci , dont l'Editeur s'empreffe de faire
jouir le Public.
Les quatre premières Differtations qu'il
renferme , font fans contredit les plus intéreffantes
& par l'importance de leur objet ,
& par la profondeur avec laquelle elles font
difcutées.
DE FRANCE. 169
"3 difcutées . C'est un beau fpectacle que
» celui des Loix féodales , a dit un Magiſ-
» trat contemporain de M. Bouhier , &
-39
و د
auffi verfé dans la connoiffance des dif-
» férens peuples de l'Europe , que dans celle
» de la Légiflation de fa patrie. Un chêne
antique s'élève , l'oeil en voit de loin
tous les feuillages ; il approche , il en
voit la tige ; mais il n'en apperçoit point"
» les racines , il faut percer la terre pour
les trouver «. Quelque fatigant que foit
ce travail, il n'a point rebuté M. le Préfident
Bouhier. Il femble même que plus les
queftions fur les Fiefs préfentent de difficultés
, plus ce Magiftrat a cru devoir redoubler
fes efforts pour ne rien laiffer à
défirer fur une matière aufli vafte aulli
compliquée . Veut - il retracer les devoirs
réciproques des Seigneurs & de leurs Vaffaux
, fixer les principes qui dérivent de
leurs rapports mutuels , en faire enfuite
l'application à toutes les efpèces particulières
qui peuvent fe préfenter , concilier ,
en un mot, les opinions oppofées des grands
Jurifconfultes qui avoient traité ces objets
avant lui ? C'eft en remontant à l'origine
de la Féedalité , c'eft en perçant les ténèbres
de l'Antiquité , c'eft en fe dépouillant
des préjugés contre lefquels plufieurs de ces
Auteurs n'avoient pas été affez en garde
qu'il nous explique le fyftême de ces Loix
» que l'on vit paroître en un moment
» dans toute l'Europe , fans qu'elles tinffent
No. 34. 23 Août 1788 .
TO
H
170 MERCURE

33
30
ور
ور
ور
» à celles que l'on avoit jufqu'alors con-
» nues ; de ces Loix qui ont fait des biens
& des maux infinis ; qui ont laiffé des
» droits quand on a cédé le domaine ; qui,
» en donnant à plufieurs perfonnes divers
" genres de Seigneurie fur la même chofe
» ou fur les mêmes perfonnes , ont dimi-
» nué le poids de la Seigneurie entière ;
qui ont pofé diverfes limites dans des Empires
trop étendus ; qui ont produit la
règle avec une inclinaifon à l'anarchie ,
» & l'anarchie avec une tendance à l'ordre
» & à l'harmonie «. On trouvera fur- tout
une preuve bien frappante de ces deux
effets oppofés, dérivant d'une même fource,
dans les deux Chapitres qui traitent du
Franc-aleu & du droit de Guet & Garde ;
car fi l'un nous retrace cette franchiſe primitive
que nos ancêtres ont toujours été
jaloux de conferver comme le privilége le
plus précieux d'un Peuple libre , l'autre ne
nous rappelle plus guère d'autre fouvenir que
celui des horreurs de toutes ces guerres privées
, qui , enfantées dans la nuit de l'anarchie
, ont laiffé prefque par- tout l'empreinte
des défordres qui les avoient produites.
M. Bouhier s'étoit encore livré à l'examen
de plufieurs autres objets , plus particulièrement
relatifs aux Droits coutumiers de
Bourgogne ; & ce font ces differtations particulières
qui terminent le Volume que nous
annonçons. Mais la manière avec laquelle
DE FRANCE.
17º
ee Savant Magiftrat difcute tous les fujets
qu'il traite , prouve que l'homme de génie
écrit pour tous les pays. Elle prouve que
pour pouvoir décider fûrement une queftion
particulière , agitée dans telle ou telle
Coutume , il, faut bien connoître toutes
les autres , parce que tous les Statuts &
toutes les Loix font liés par des rapports.
mutuels , & qu'il eft impoffible d'en développer
les principes , fi l'on n'a pas faifi
tous ces rapports antérieurs .
Mais l'hommage le plus flatteur pour la
mémoire de M. Bouhier , c'eft qu'un autro
Magiftrat , auffi éclairé , aufli profond que
lui , confacre tous fes loisirs à rendre complette
l'Edition de fes OEuvres. Les notes
judicieufes & favantes dant celui - ci a enrichi
les deux volumes qui paroiffent actuel
lement ( 1 ) , ne peuvent que faire délirer
avec une vive impatience celles par
lefquelles il doit compléter le Recueil auquel
M. Bouhier n'avoit pu mettre la dernière
main. Une aufli louable émulation ne
fçauroit manquer d'immortalifer M. le Préfident
de Bevy. Puiffent tous les Magiftrats
fe convaincre, comme lui , que tout homme
qui s'affocie au Miniſtère de la Juſtice , doit
( 1) Ces deux Volumes comprennent tout ce que
M. Bouhier a publié fur la Coutume de Bourgogne;
& pour laiffer au Public une entière liberté , on
pourra les acheter féparément des autres qui reftent
à publier.
H 2
172 MERCURE
non feulement réunir l'autorité de l'exemple
à la fcience de fes devoirs , mais encore faire
jouir la poftérité du fruit de fes travaux &
de fes veilles !
Nous finirons cette Notice du fecond
Volume des OEuvres complettes de M. Bouhier
, en obſervant que la partie typographique
de cette Edition eft extrêmement
foignée ; qu'elle ne peut qu'ajouter à la réputation
que le fieur Frantin s'eft déjà acquife
par plufieurs Ouvrages fortis de fes preffes ;
& que ce qui doit fur-tout lui mériter la
plus grande confiance , c'eft l'exactitude
avec laquelle il s'empreffe de remplir fes
engagemens ; car quelque foigné , quelque
confidérable même que foir le fecond Volume
qu'il donne aujourd'hui , il a anticipé
le terme qu'il avoit pris pour le faire
paroître,
OBSERVATIONS fur les Hôpitaux ; par
JEAN AIKIN , Chirurgien , avec une
Lettre à l'Auteur , fur le même fujet du
Docteur PARCIVAL , Membre de la Saciété
Royale de Londres . Ouvrage traduit
de l'Anglois , par M. VERLAC.
QUOI QU'EN difent quelques Philofophes
fpéculatifs , il n'eft guère poffible que les
Sociétés policées puiffent ſe paffer de PriDE
FRANCE. 173
fons ni d'Hôpitaux ; c'eft une fuite néceffaire
de la belle invention du tien & du
mien. Les Peuples qui l'ont adoptée ont
été condamnés à offrir le fpectacle de cette
dégradation morale qui , depuis long- temps ,
fournit le texte d'une infinité de déclamations
contre la Société civile , mais à laquelle
il fera toujours impoffible de remédier.
Si nous étions animés d'une charité véritablement
active , fi le zèle pur de l'humanité
, dont on fait fi fouvent étalage ,
échauffoit véritablement nos coeurs , loin de
multiplier ces afiles où fe raffemblent les
victimes de l'indigence , la plupart de ceux
qui exiftent deviendroient inutiles les
fommes employées à leur conftruction ou
à leur entretien fourniroient une fource
abondante de fecours : verfées par des mains
fidelles & généreuſes , elles iroient vivifier
les familles indigentes , & y porter la confolation
& l'efpoir ; mais il faudroit trouver
des ames céleftes qui fiffent leur principale
occupation de l'exercice de la charité ; il
faudroit qu'on cherchât l'afpect du pauvre
avec le même empreffement qu'on cherche
les fpectacles & les divertiffemens. Notre
philofophie ne nous ' a pas encore amenés
à ce point- là.
On annonce un projet de bienfaifance
; tout le monde en parle : le riche qui
veut également faire parler de lui , tire
froidement un louis de fa bourfel , & fe fait
H
,
174
MERCURE
inferire dans les feuilles périodiques . Cependant
n'attendez pas qu'il s'informe fi par
hafard il n'y auroit pas dans fon quartier
quelque malheureux qui manque de pain.
Heft très-commode pour lui qu'il exifte des
Hôpitaux & des Dépôts de mendicité . C'eft
une réponſe toujours prête au cas qu'il
s'élève dans fon coeur quelque murmure
für Finégale répartition des biens de ce
monde. Si, malgré toutes fes précautions , fa
fenfibilité court encore le rifque d'être compromife
, fi la préſence de l'indigent vient
encore lui reprocher l'injuftice de fa condition
, il en eft quitte pour le renvoyer
à l'Hôpital ; de manière qu'en formant ces
fortes d'inftitutions , il fembleroit qu'on at
moins confulté les intérêts des pauvres que
ceux des riches , & qu'on a feulement voul
tranquillifer la confcience de ces derniers.
On le croiroit fur- tout d'après les vices.
de forme d'adminiſtration & de régine qui
jufqu'à préfent n'ont ceffé de détruire ou
de contrarier tout le bien que l'humanité
pouvoit attendre de l'existence des Hôpiaux
; mais les gémiffemens des malheureux
font enfin parvenus au pied du Trône : des
plumes éloquentes ont plaidé leur caufe
avec une énergie digne de fon objer. Les
entrailles du Souverain fe font émues ; il
a voulu qu'on conftruisît des Hôpitaux fur
un nouveau plan , & qu'en remédiat à des
abus trop long-temps diflimulés .
DE FRANCE. 175
Dans de parcilles circonftances , l'Ouvrage
que nous annonçons ne peut qu'être
favorablement accueilli . L'Auteur s'attache
principalement à démontrer les pernicieux
effets qui résultent du mauvais air qu'on
refpire dans les Hôpitaux , mais malheu -
reulement il paroît , d'après fon propre témoignage
, que c'cft un vice inhérent à la
chofe même , & qu'il faut renoncer à raffembler
plufieurs malades dans une même
enceinte , fi l'on veut y conferver l'air dans
toute la pureté .
و د
Souvent , dit -il , il eft corrompu au
point de devenir un poifon ; j'ai tout lieu
de craindre qu'il n'y ait aucun Hôpital qui
ne doive prefque être regardé comme un
Lazareth ( 1 ) , renfermant dans fes murs
une maladie particulière. C'est ce fléau diftingué
par le nom de fièvre de priſon ou
fièvre d'Hôpital , qui a fait plus de ravages
dans nos armées de terre & de mer , que
l'épée de l'ennemi «.
Je connois une Infirmerie dans la campagne
, qui eft remarquable par fa propreté
& par l'excellence de fa conftruction ; néanmoins
j'ai vu fréquemment une fièvre lente ,
la fource & le germe de la putridité , gagner
d'autres malades , & devenue pour eux la
maladie principale , réfifter à quelque re-
( 1 ) Hôpital pour les peftiférés .
H 4
176 MERCURE
mède qu'on pût imaginer ; jufqu'à ce que
le malade étant renvoyé de la naifon ,
cela produifit une cure fpontanée « .
C'et d'après ce vice de l'air que l'Auteur
établit des règles d'admiffion ou d'exclufion
pour les malades qui demandent à
entrer dans les Hôpitaux : il parle enfuite
des maladies Vénériennes , de la petite vérole,
des femmes en couche, & des infenfés.
Par rout ou reconnoit l'homme inftruit
l'Obfervateur intelligent , & l'ami de l'humanité.
-
L'Ouvrage eft terminé par une Lettre
du Docteur Pércival, écrite dans les mêmes
vues & offrant les mêmes réfultats .
ABUS & Dangers de la Contrainte par
corps ; Par M. DUCLOSEL D'ARNERY ,
in- 8 ° . A Paris , chez la Veuve Ballard
& fils , Imprimeurs du Roi , rue des
Mathurins. 1788 .
IL fuffit au Gouvernement de tendre vers
le bien , pour que fes Sujets y courent auffitot
, pour qu'on voye les perfonnes inftruites
& celles dont la fenfibilité ne demande
que l'occafion de s'épancher , rêver
au bien , s'occuper des réformes néceffaires ,
& tracer devant le Magiftrat un nouveau
DE FRANCE. 177
fillon que l'opinion publique ne tarde
pas d'ouvrir & de féconder. Tout fe tient
dans l'ordre effentiel de l'Adminiftration ;
toutes les Parties correfpondent entre elles ;
& quand vous voyez une Nation quelconque
ufer d'une rigueur excellive envers les
malfaiteurs , croyez que cette févérité a des
fillons qui partent de loin , qu'il fautfuivre
& couper dans tous les fens . Nous avon's
fait un tableau ( Mercure , nº . 22 ) des crimes
ou des fautes , oui des fantes qui mè-'
nent au gibet par trop de févérité dans le
Code Criminel .
· M. du Clofel d'Arnery préfente à fon
tour life des Contraintes par corps : on
ne peut qu'être étonné de fon étendue
& des moyens qu'elle offic à la cupidité
pour Tappliquer à une foule de
cas
trangers au véritable efprit de l'Ordonnance.
Sous ce point de vue , fa Brochure
eft intérellante , & doit produire de l'effet
fur les Chefs de la Juftice ; c'étoit un coin
du tableau de notre Légiflation , qui reftoit
à éclairer , & M. du Clofel a pris cette
tache : fon motif le rend recommandable .
Pendant qu'on va réformer le Code Criminel
, il feroit abfurde , en effet , de laiffer
en arrière des réformes qui doivent être
les préliminaires de cette grande entreprife.
Il faut réferver les prifons aux fcélérats , il
faut les fermer fur le criminel ; mais Thon
nére Citoyen qui figne une lettre de change
mais le jeune homme de la facilité dugok
HS
178 MERCURE
on abuſe ; mais un plaideur condamné à
des dépens ; mais le père & la mère qui
font par un excès de mifère dans l'impuiffance
de payer les mois de nourrice ; mais
celui qui eft condamné à des dommages
intérêts ; mais les frais de gefine ; mais
des arrérages de biens à fermes , tous ces cas
méritent- ils en confcience la contrainte par
corps ? Ce châtiment , car la priſon en eft
un , n'eft- il pas , dans le dix- huitième ſiècle,
un monument de la barbarie des premiers
âges , de ces temps où la moitié des peuples
étoit efclave , où le débiteur devenoit Serf.
C'eft de là qu'il faut partir pour trouver le
génuit de la contrainte par corps . N'aurionsnous
acquis tant de lumières , que pour laiffer
notre Code fous l'antique pouffière féodale
& dans les tenèbres de l'ignorance. On
eft bon par les mars , cela est vrai pour
l'individu ; mais une Nation ne peut prétendre
à la bonté que par les Loix. Toujours
menacer , toujours trop féverement
punir , voilà nos Loix. Faut il que les Citoyens
honnêtes , en lifant les pages de ce
Code de fang & de fer : Je n'ai connu le
Péché que par la Loi.
"
و د
» Si l'homme indigent , dit il , pag 54 ,
ne peut élever fes enfans qu'en s'expofant
au danger de perdre fa liberté , quel
» eft celui qui voudra être père , fur-tout
d'une nombreuſe famille? ... Faut- il que
» la crainte d'une détention rigoureufe le
DE FRANCE. 179
و ر
30.
و ر
20
force , pour ainfi dire , ou à profaner
fa couche par une incontinence deftructive
, ou à immoler enfin dans un hôpi-
» tal fes enfans à fa fûreté. Malheur à l'Etat
dont les Citoyens ne voient dans l'accroifferent
de leur famille , qu'une augmentation
de charges , fous le poids delquelles
ils craignent à chaque inftant de
tomber accablés . Une dépopulation rapide
eft bientôt un préfage certain de fa
" prompte décadence.
3
ور
ود
وو
33
""
2
Ainfi , lorfque des vexations & des
cruautés multipliées eurent forcé les habitans
du Mexique de regarder la vie
» comme un joug infupportable , & la
" mort comme un véritable bienfait , tous
» ces infortunés , réunis par une même.
و د
"
chaîne de maux , formèrent la confpira-
≫tion inouie de l'anéantiffement de leur
efpèce ; & la terre fi long - temps humectée
du fang des pères , fut enfin fouillée du
des enfans «.
22
"
germe
Cette courte citation fuffit pour faire connoître
le ftyle de M. du Clofel ; nous penfons
précisément comme lui fur les abus
que la contrainte par corps néceffite . Ses
argumiens font invincibles ; car il eſt trèsrare
qu'elle foit exercée contre les Commerçans.
Les regiftres de l'Hôtel de la Force
attefteroient que les victimes de cette Loi
font prifes dans la claffe des jeunes gens ,
des perfonnes dont l'état est étranger au
H 6
190 MERCURE
commerce , pour lequel feulement la contrainte
a été ordonnée .
Nous devons aux Juifs , chaffés par Philippe
- Augufte , l'invention des lettres de
change. Plus de deux fiècles s'étoient écou- ,
lés avant qu'on fentît la néceffité d'établir
la Jurifdiétion Confulaire : cependant le
commerce avoit été en activité , la France
avoit vu le luxe fe conformer aux moeurs
de chaque fiècle ; les Contraintes par corps
n'avoient point été multipliées . Dans quel
temps les a t'on prodiguées ? A cette époque
où la France , déchirée par la guerre civile ,
en proie aux Italiens , aux Efpagnols &
aux Reitres , livrée à l'agiotage des rentes
nouvellement conftituées fur la Ville , ruinée
par l'intérêt , alors exorbitant du dix pour
cent , croyoit devoir attirer les Etrangers
par les fûrerés les plus fortes. Alors chacun.
étoit ou Capitalifte , ou Ufurier , ou Soldar.
Une nouvelle adminiftration entraînoit
des abus , & ce font ces abus que nous
n'avons point abrogés .
La Brochure de M. du Clofel mérite
d'être accueillie ; il eft à défirer qu'elle puiffe
être de quelque poids aux yeux du Chef
de la Juftice. L'équité & l'humanité femblent
avoir infpiré M. du Clofel.
1
DE FRANCE. 181
LETTRES de Mile. Aiffé à Mme. C** .;
qui contiennent plufieurs Anecdotes de
l'Hiftoire du Temps, depuis l'année 1726
jufqu'en 1733 ; précédées d'un narré trèscourt
de l'Hiftoire de Mille. Aiffé , pour
fervir à l'intelligence de fes Lettres ; avec
des Notes , dont quelques - unes font de
Voltaire. Nouvelle édition , corrigée , &
augmentée du Portrait de l'Auteur. A
Laufanne ; & fe trouve à Paris , chez
Lagrange , Libraire , rue S. Honoré , visà-
vis le Palais- Royal.
CES Lettres , au nombre de trente - fix ,
ne paroiffent point fuppofées ; il y règne
un ton de molleffe & de grace , & cette
vérité de fentiment , fi dificile à contrefaire
, qu'on ne la trouve prefque dans au-!
cun de ces Romans épiftolaires dont Paris '
inonde les Provinces & les Colenies . Unefoule
d'Anecdotes , qui nous ramènent auxjours
de la Régence & au genre de meurst
qui fuivit ce temps licencieux , des épan--
chemens de coeur , intércffans parce qu'ils
nous offrent la peinture du nôtre , fes penchans
, fes foibleffes, fes contradictions inexplicables
; enfin , je ne fais quelle intrigue.
peu développée qui ferpente à travers les
182 MERCURE
riens aimables dont ce Recueil , eft tiffu , en
rendent la lecture très agréable aux gens du
monde & aux gens de Lettres .
Le perfonnel de l'Auteur n'intéreſſe pas
moins que fa correfpondance. Mlle . d'Aillé
éprouve , dès l'âge de quatre ans , les
plus grands malheurs ; les Turcs prirent fa
patrie , petite ville en Circaffie , & tous les
habitans furent réduits à l'efclavage . Les
plus jolies filles furent , felon les us de ces
Meffieurs , deftinées au férail. M. de Ferrioles
, alors Ambaladeur de France à la
Porte , ne put voir cette aimable enfant
faus s'attendrir fur fon fort. Le Tarc qui
l'expofoit en vente , l'avoit trouvée dans
un palais , entourée d'efclaves ; c'étoit fans
doute une jeune Princeffe Circaffienne : elle
étoit déjà belle & touchante ; l'Amballadeur
n'y put tenir; il l'acheta 1500 livres , & l'amena
à Paris. Tous les Maîtres , pour développer
fes talens agréables , furent bientôt
employés ; mais perfonne ne l'inftruifit de
fes devoirs. Aufli , vivant & s'élevant parmi
les femmes les plus intrigantes & les plus
voluptueufes de ce temps , elle ne put échapper
aux intrigues amoureufes & aux malheurs
qui accompagnent d'ordinaire une
trop grande fenfibilité . Malgré les exemples
qui l'entouroient , Mademoiſelle d'Aïffe aimoit
cependant la vertu. L'Ambaffadeur devint
très-amoureux de fon élève , qui , comme
de raifon , lui préféra un jeune homme auffi
charmant , aufli parfait que le de Terville
DE FRANCE. 183
des Lettres Péruviennes ; mais ce Courtifan
étoit Chevalier de Malte ; il voulut en vain
faire calfer fes voeux , l'emmener dans les
pays étrangers ; fon amante ne vouloit qu'être
aimée paisiblement , & ne confentit à aucune
des extravagances que l'amour lui fuggéroit
. Leur amour fut ce qu'on appelle Platonique
pendant quelque temps ; mais comme
un attachement durable & fans faveurs eft
cet heureux phénix qu'on n'a pas encore
pu trouver , Mademoiſelle Aïffé oublia peu
à peu fes premières terreurs , & devint mère
incognito.
Dès que ce malheur fut arrivé , elle fut
dévorée de remords & d'inquiétudes ; elle
étoit défefpérée de penfer que fon enfant
chéri n'auroit jamais d'état , & rougiroit de
fa mère. La Religion & une maladie de langueur
lui firent faire des réfléxions fi férieufes
, qu'elle eut enfin le courage de
vaincre fa paffion , c'eft- à- dire, les foibleffes
de l'amour. Elle mourut de confomption
à la fleur de fon âge , & laiffa des regrets
éternels dans le coeur de tous ceux qui l'avoient
connue.
Ses Lettres peignent au naturel fon ame
& fon fiècle. Elle reffemble fouvent à Madame
de Sévigné , non pas qu'elle calque
fur ces inimitables modèles , mais parce que
leurs caractères ont de l'analogie . Il y a
cependant deux autres Hiftoriettes dans ce
Recueil, que l'Editeur auroit bien fait de
fupprimer. L'Anecdote atroce fur la mort
-
184. MERCURE
de la Lecouvreur , ne mérite aucune foi ;
Voltaire dit lui-même cn propres termes :
Elle mourut entre mes bras d'une inflammation
d'entrailles , & ce fut moi qui la fis
ouvrir. Tout ce que dit Mademoiselle Aiffé
font des bruits populaires qui n'ont aucun
fondement.
و د
و د
و د
و ر
ور
و د
»
Veut- on un échantillon du ftyle de Mademoiſelle
Afifé : le voici : Lettre XI, pag. 95 :
» Nous n'avons point de nouvelles , finon
la groffeffe de Madame de Toulouſe , &
» le bon mot du Roi ( Louis XV) fur l'Hif-
» toire de Henri IV , qu'il vient de lire.
» On lui a demandé fon fentiment là- deffus
; il a répondu que tout ce qui lui avoit
plu davantage dans la vie de Henri ,
c'étoit fon amour pour fon peuple.
L'argent eft encore bien rare ; mais une
chofe qui l'eft furicufement & que vous
n'avez jamais vue , c'eft que le premier
Miniftre eft fort approuvé ; c'eft le plus
honnête homme du monde , qui eft cer- ,
tainement occupé du bien de l'Etat , enfin,
2 nous avons un premier Miniftre cftimable ,
défintéreffé , & dont l'ambition n'eft que
de remettre les affaires en ordre : les premiers
moyens ont été durs ; mais la fuite
» fait bien voir qu'il n'a pas pu faire autrement.
Il a ôté le cinquantième , & a
» remis deux millions fur les tailles , tout
cela prouve un Miniftre qui veut rendre
les peuples heureux. Dieu veuille qu'il
vive aflez long - temps pour mettre en
" exécution fes bonnes intentions « !
و ر
, ر
ود
و د
""
DE FRANCE.
185
.
"
و ر
""
30
و ر
و ر
J'ai toujours lieu d'être contente du
» Chevalier ; il a la même tendreffe & les
mêmes craintes de me perdre. Je ne méfufe
point de fon attachement ; c'eſt un
» mouvement naturel chez les hommes de
" fe prévaloir , je ne fçaurois me fervir de
cette forte d'art ; je ne connois que ce-
» lui de rendre la vie fi douce à ce que
j'aime , qu'il ne trouve rien de préféra
» ble : je veux le retenir à moi par la feule
» douceur de vivre avec moi ; ce projet le
» rend aimable ; je le vois fi content, que
» toute fon ambition eft de paſſer ſa vie
» de même ; peut-être que cela nous con-
» duirá à ce que nous défirons tant : la na-
» ture de fon bien eft un furieux obftacle
» Dieu nous regardera peut- être en pitié :
j'ai des mouvemens quelquefois bien durs
à combattre ; ce qu'il y a de furprenant ,
» c'eſt que je les ai eus toute ma vie : je
» me reproche ..... Hélas ! que n'étiezvous
Madame de F .... ! vous m'auriez
appris à connoître la vertu ; mais paffons
" fur cela cependant je fuis , en fait d'a-
" mour , la plus heureufe perfonne du
» monde : matière à réflexion pour de jeu-
» nes coeurs « !
ود
و د
39
ود
23
;
786 MERCURE
SPECTACLES.
COMÉDIE ITALIENNE.
t
LE
Jeudi 8
E Jeudi
8 , on a donné
à ce Théatre
une repréſentation
du Comte
d'Albert
& fa
Suite
, & des
Trois
Déeffes
Rivales
, au
profit
des Cultivateurs
infortunés
. Le fecond
Acte du Comte
d'Albert
n'a jamais
produit
un effet
plus
intéreffant
que ce jour - là ;
Madame
du Gazon
, M. Philippe
& M.
Trial
s'y font
furpaffés
; les Spectateurs
étoient
vraiment
dans
l'enthouĥafme
. L'affluence
étoit
nombreuſe
, & la recette
a
produit
4200
livres
.
DE FRANCE. 187
ANNONCES ET NOTICES.
VOYOAYAGGEESS iinnttéérreefſaannss dans différentes Colonies
Françoifes , Elpagnoles , Angloifes , & c . contenant
des obfervations importantes relatives à ces
contrées , & un Mémoire fur les maladies les plus´
communes à Saint- Domingue , leurs remèdes , &
le moyen de s'en préferver moralement & phyfi- .
quement , avec des Anecdotes fingulières qui n'avoient
jamais été publiées. Le tout rédigé d'après
un grand nombre de Manufcrits , & mis en crdré
par M. ***, in- 8 ° . 1 Vol . br. , 5 livres . A
Paris , chez J. Fr. Baftien , Lib. rue des Mathurins
N°. 7.
Dans les circonftances actuelles , quand tous
les yeux font tournés vers l'Amérique Septentrionale
, où s'eft élevée une nouvelle Puiffance qui
choque peut-être un peu l'ordre politique de l'Europe
, nous croyons qu'on doit recevoir avec plaifir
tout ce qui peut contribuer à faire connoître
quelques- unes de ces Régions éloignées , devenues
fameufes de nos jours.
*
Nouveaux principes de connoiffances humaines ,
pour donner aux jeunes gens les moyens de faire
les plus grands progrès dans les hautes Sciences :
mais il ne fufft pas de lire une fois légèrement,
il faut lire & relire avec application ; par M.
Stremon. Brochure in- 8 ° . de 34 pages . A Paris ,
chez les Marchands de Nouveautés..
188 MERCURE
Théorie du jet des Bombes , par M. d'Ehrenmalm
, Sous-Lieutenant au Régiment de Royal-
Suédois. Brochure in- 8 ° . de 63 pages. A Paris ,
chez Lagrange , Libr. rue St - Honoré , vis - à - vis
le Palais- Royal.
Code du Fabricant , ou Réfumé fommaire des
principaux Réglemens concernant les Arts & Métiers
; in- 12 . Prix , 2 liv . 8 f. br. A Paris , chez
Prevot , Letellier & Royez , Libr . quai des Auguftins
; & Méquignon , au Palais .
Le Code des Manufactures , du même Auteur
eft fous preffe , & formera un fecond Volume
qui fe vendra auffi féparément.
>
Médecine Clinique , ou Manuel de pratique ,
traduit de l'allemand de M. Chriftian Gottlieb-
Selle , Docteur & Profefcur en Médecine , &c.
par M. D. Coray , Decteur en Médecine de l'Univerfité
de Montpellier. 2 Vol. in - 8 . A Montpellier
, chez Jean Martel aîné , Imp. ; & à Paris ,
chez Croullebois , Lib . rue des Mathurins.
Examen Phyfico-chimique des principes de lair
& du feu , ou Lettres de Madame la Marquife de
P ** . M *** . fur la chaleur du globe ; par M. le
Semelier. 2 Vol . in - 8 ° . Prix , 9 liv . A Amfterdam;
& fe trouve à Paris , chez P. Fr. Didot jeune
Imp. quai des Auguftins ; Théophile Barrois jeune ,
Lib. quai des Auguftins ; & Croullebois , rue des
Mathurins.
On trouve chez le même Libraire , des Propriétés
de la plante appelée Rhus-Radicans , de fon
utilité , & des fuccès qu'on en a obtenus pour la
DE FRANCE. IS
"
guérifon des Dartres , des affections dartreufes ,
& de la Paralyfie des parties inférieures ; des propriétés
du Narciffe des prés , pour les Convulfions ;
par M. Dufrefnoy , Docteur en Médecine en l'Univerfité
de Montpellier , Confeiller du Roi , &c.
Brochure de 48 pages. Prix , 1 liv.
Effai fur les obligations civiles des frères envers
leurs faurs , fuivant la Coutume de Normandie ,
ou Queflions notables fur les droits des filles ; par
M. Vaftel , Do &teur en Droit , Avocat au Parlement
de Normandie . A Rouen , de l'Imprimerie
de veuve Laurent Dumefnil , rue Neuve Saint-Lo ,
vis-à-vis le Prieuré ; & fe vend à Paris , chez le
Boucher le jeune , Lib. rue Ganterie .
Cet Ouvrage intéreffant pour la Jurifprudence ,
jette beaucoup de lumières fur la matière qui y eft
traitée .
Supplément au même Ouvrage , par le même Auteur
; in- 12. Chez les mêmes Libraires.
4
Des Etats- Généraux , & autres Affemblées
Nationales . Cette Collection formera . 12 Volumes
in-8 °. d'environ 500 pages chacun ; il en paroîtra
régulièrement 2 Volumes par mois. Les Tomes I
& II font en vente. Prix , liv . 10 fous chaque
Volume broché , & 5 liv. franc de port par la
Poſte. A Paris , chez Buiffon , Libraire , Hôtel de
Coëtlofquet , rue Haute-feuille , N ° . 20. Au rer.
Septembre prochain , le prix des Volumes fera
augmenté pour les perfonnes qui ne fe feront pas
fait infcrire à cette époque ,
Tableau de comparaifon de l'Agriculture ,
Commerce & de la Navigation de France & d'Angleterre,
Igo MERCURE
Ce Tableau eft extrait d'un Traité fur l'Agriculture
par M. de Frefne , qui fe vend chez Debray
Lib. au Palais- Royal , galerie de bois , N ° . 235 .
Euvres de M. François Salignac de la Mothe
Fénélon ; Tome V. A Paris , de l'Imprimerie de
Franç. Amb. Didot.
Les Volumes de cette belle édition fe fuccèdent
affez rapidement. Celui que nous annonçons contient
le bel ouvrage de Télémaque.
Vie de Frédéric II, nouvelle édition , revue ,
corrigée , & augmentée de beaucoup d'Anecdotes
intéreffantes ; 4 Vol . in - 12 , avec fon Portrait.
Prix , 9 liv. broch . ; & franc de port par la Pofte ,
10 liv. A Strasbourg , chez J. G. Treuttel , Lib.;
& fe trouve à Paris , chez Maradan , Lib ,, ruc
des Noyers , No. 33 .
"
Cette nouvelle édition , d'un Ouvrage qui a
joui d'un fuccès mérité , eft agréablement imprimée.
Collection des Mémoires de l'Hiftoire de France,
Tome XLI. A Paris , rue & hôtel Serpente.
Ce Volume contient les Mémoires du Sr. Jean
de Mergey , & ceux de Michel de Caftelnau.
Bibliothèque Univerfelle des Dames. Même
adreffe .
Des deux Volumes que nous annonçons ; l'un
eft le premier de l'Economie rurale , l'autre le 10º.
de la Morale,
Collection de Romans & Contes, imités de l'Anglois
, corrigés & revus de nouveau par M. de la
Place ; 6 Vol . in- 8 °. A Paris , chez Cuffac , Lib.
galerie de Richelieu, au Palais-Royal , Nos. 7 & 8.
DE FRANCE. 192
Les Romans de M. de la Place font auffi eftimés
que répandus. Les 3 premiers Volumes qui
paroiffent, contiennent Oronoko , Cécile , l'Orpheline
Angloife , & les deux Mentors.
Henri IV & Sulli , gravés en traits de plume ,
d'après les originaux de M. Bernard , Membre
du Bureau Académique d'Ecriture . Prix enfemble,
4 livres. A Paris , chez l'Auteur , rue Neuve- des-
Petits-Pères , Nº . 8 ; & chez M. Le Maire , Membre
dudit Bureau , rue Saint - Martin , au coin de
celle de Venife.
Galerie du Palais - Royal , gravée d'après les
Tableaux des différentes Ecoles qui la compofent,
avec un Abrégé de la Vie des Peintres , & une defcription
hiftorique de chaque Tableau . A Paris
chez J. Couché , Graveur , rue Sainte Hyacinthe ,
No. 4 ; & chez J. Bouillard , rue d'Argenteuil ,
No. 95.
Cette 11e. Livraifon contient Vénus qui fe
peigne , de Jacques Palme , dit le vieux Palme ;
l'Enlèvement de Proferpine , par Lambert Sufter ;
3. François , de Rembrant Van-ryn ; Jupiter &
Leda, par Jacques Robrefti , furnommé le Tentoret
; Sainte Apolline , de Guido René ; & les
Chèvres , par Paul Brill.
Cette grande entreprife eft toujours digne d'ètre
encouragée.
Six Sonates à l'ufage des Commençans pour le
Clavecin , Violon at lib. Par Valentin Nicolay ,
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6 Duo faciles pour deux Violons , par G. Cambini.
Prix , 7 liv. 4.fous , francs de port.
- 3 Sonates pour le Clavecin , Violon ad lib. Par
M. Mehul, Cuv. 2e. Prix, 6 1. , franches de por
192 MERCURE DE FRANCE.
1er . Concerto pour Clavecin , 2 Violons ,
Alto , Balfe & Flûte ; par Valentin Nicolai , @uv.
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www Numéros 24 à 30 du Journal de Harpe , par
les meilleurs Maîtres ; & Numéros 34 à 40 du
Journal Hebdomadaire , contenant des Airs de
Théatre & autres , avec accompagnement de Clavecin.
Prix chaque N. , 12 fous ; abonnement
pour 52 Numéros de chaque Journal , francs de
port , 15 liv . A Paris , chez Leduc , au Magafin de
Mufique & d'Inftrumens , rue du Roule , Nº. 6.
Faute à corriger.
N ° . 32 , page 80 , ligne 27 , d'un ridicule ,
lifez d'un fiècle .
TABLE.
A
Eucharis
Moralité.
145 Obfervations.
147 Abus & dangers . ,
150 Comédie Ita ie ine.
Charade, Enig. & Leg. Idem. Lettres de Mile. Aife.
Hiftoire Naturelle .
Euvres de Jurifprudence. 168 Annonces & Notices.
172
176
181
186
187
APPROBATION.
J'Arlu , par ordre de Mgr . le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 23
Août 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en
empêcher l'impreffion. A Paris, le 22 Août 1788
SÉ LIS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 30 AOUT 1788.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPIGRAMME
DEVANT
A un mauvais Poëte.
NT toi , de tes vers on vante l'élégance .
On'te dit qu'ils font bons : cet encens t'étourdit ;
Damon , contente -toi de ce que l'on en dit ,
Mais ne t'informe pas de ce
que
l'on en penſe.
(Par M. Charon. )
Nº . 35. 30 Août 1788.
I
194
MERCURE
ÉPITRE
A ZULMIs , ou mes Adieux à celle
que j'aime,
ZULMts , prompt à vous obéir
Loin de ces rives fortunées
Je vais foupirer & languir ;
Je vais regretter ces journées
Où je pouvois , à vos genoux ,
Souffrir de votre indifférence;
J'y vivois de votre préſence ,
Je vais expirer loin de vous.
Aux loix d'Amour las de foufcrire ,
J'avois déferté fon Empire ,
Je ne voulois plus m'engager ;
De ce ferment , un peu léger ,
Le Dicu malin ofa fourire ,
Et te choifit pour s'en venger.
A tes pieds , tremblant , l'oeil humide ,
Je bégayois le mot Amour ,
Et mon aven , cent fois par jour ,
Voloit fur ma langue timide ;
Mais bientôt j'étois interdit ,
Ton regard me fembloit farouche ;
Zulmis, fi j'avois vu ta bouche
Sourire un peu... j'aurois tout dit.
DE FRANCE
195
DÉJA, dans ton heureux afile ,
Le Printemps répand fes faveurs ;
Tu pourras goûter leurs douceurs ;
Ton ame eft libre , elle eft tranquille ,
La mienne eft cn proie aux douleurs .
Eloigné de ce que j'adore ,
L'Hiver doit renaître pour moi ,
Et quand je la prendrois pour toi ,
Je ne pourrois fourire à Flore.
Je les ai vas tout près d'éclore ,
Le Lis , l'Anémone & l'OEillet ;
J'ai vu le réveil de l'Aurore ;
Comme elle l'Amour s'éveilloit ;
Agathis , à ta foeur Ifaure
Parloit des feux qu'il chériffoit ,
Ifaure ,... hélas ! ... elle écoutoit.
Tableau cruel ! Ah ! de ma lyre
Tu fufpends l'accord douloureux ;
Ma Mufe , en fuyant , ne m'inspire
Que des regrets & des adieux.
LOIN de ces rives fortunées ,
Oui , Zulmis , pour vous obéir ,
Je vais foupirer & languir;
Je vais regretter ces journées
Que je coulois à vos genoux ;
Et puifqu'à des momens fi doux
Succède une cruelle abſence ,
I 2
195
MERCURE I
Je vivois de votre préfence ,
Je vais expirer loin de vous.
( Par M. Mejan Du Luc. )
A M. LE COMTE DE ***.
Couplets chantés chez lui à table le
où il a reçu la Croix de S. Louis.
AIR Je fuis Lindor.
Jour
L'HOMME a fouуent des croix dans fa carrière ;
Mais toi , papa , mari , toujours heureux ,
Toujours aimé , tout va fuivant tes voeux
Ta feule croix eft à ta boutonnière.
Și les vertus , autres que les guerrières ,
Sur pareil prix avoient auffi leurs droits ,
Aimable ami , pour attacher tes croix ,
Tu n'aurois pas affez de boutonnières.
Le verre en main , puiffe la troupe entière
Se réunir ainfi que nous voilà ,
Quand MINONET ( 1 ) à fon tour obtiendra
Que Saint Louis pende à fa boutonnière !
( 1) Joli enfant , âgé de ans , le plus jeune de fes trois
is , dont l'aîné vient d'entrer au fervice .
(Par M. le Marquis de Fulvy, )
2
DE FRANCE. 197
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
LE mot de la Charade eft Moulin ', celui
de l'Enigme eft Soulier ; celui du Logogriphe
et Tolerance , où l'on trouve Cor
Colère , Or , Roc , La , Ré , Etna , Noël ,
Lance , Arc , Caton , Ane , Once , Léna
( Fleuve) , Elan ( eſpèce de cerf ) , Léon ,
Rac.

CHARADE.
A Madame DE LA MORINIÈRE , qui m'en
demandoit une .
CERTAIN jeu de hafard compofe mon premiers
Chacun , en vous voyant , éprouve mon dernien ;
Toujours, en vous quittant, on reffent mon entier.
( Par M. Roger le boiteux & manchet ,
Ingénieur Feudifle. )
·
ÉNIGM E.
CHER Lecteur , malgré ma vicilleffe ,
J'ai beaucoup plus de Courtifans
I 3
198
MERCURE
Qu'Hélène , Beauté de la Grèce ,
N'eut d'Amans dans fon jeune temps.
Aux uns je fais goûter les charmes
Qu'on éprouve dans mes faveurs ;
Je caufe aux autres des alarmes
Par mes trop conftantes rigueurs.
Le grand efprit & l'éloquence
Ne peuvent fur moi gagner rien ;
Je donne au fot la préférence ,
Quand les hafards le fervent bien ;
Car Venus jamais ne m'enchaîne ;
Plutus feul a des droits fur moi ;
Auffi c'est toujours lui qui mène
Ceux qui le rangent fous ma loi.
(Par un Abenné. )
LOGOGRIPHE
Le temps détruira tout ; par lui les plus conftans ,
Epris d'autres objets , deviendront infidèles ;
Et nos jeunes Beautés , un jour en eluveux blancs,
N'entendront plus enfin feupiter autour d'elles .
A l'abri de ces lox , de mille adorateurs ,
Toujours, comme aujourd'hui , je recevrai l'hom
mage ,
Et loin que mes bontés refroidiffent leurs coeurs ,
En leur accordant tout , je plairai davantage .
DE FRANCE. 199
Au vrai Sage , dit-on , j'offre bien peu d'attraits ;
Mais qu'importe , Lecteur ? dans le fiècle cu nous
fommes ,
Du Sage impunément on peat braver les traits ,
Car il eft peu , je crois , de cette eſpèce d'hommes.
Jufques ici mon nom doit te paroître obſcur ;
Mais il me reste encor quelque chofe à te dire -
Qui peut te faire affeoir un jugement plus für
En te défignant mieux juſqu'où va mon Empire.
Je peux de vingt Laquais faire autant de Marquis ,
Et fans avoir recours à la métamorphofe ,
Te faire voir la Fleur étaler des rubis :
Mais , c'eft affez juger , à préfent décompofe .
Tu trouveras bientôt le premier des métaux ;
L'homme qui, pour raifon , cft conduit à Bicêtre s
Un élément qui peut te caufer bien des maux ;
De tous les mets connus , un des plus fains peutêtre
;
Un lien pour tes befoins , réchauffé très-ſouvent 3
Du père des François , ce qui trancha la vie ;
Un gîte que les rats habitent fréquemment ;
Et de toi-même enfin une feule parcie .
Il me femble , Lecteur. , avoir mis fous tes yeux
Tout ce que dans fept pieds offre mon exiftence ;
Et comme je pourrois devenir ennuyeux ,
" Il eft prudent , je crois , de garder le filence ,
(Par M. Kachon de Puigramont ,
Gerde du Corps de Monfieur. )
I 4
200 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
HISTOIRE d'Angleterre , depuis la première
defcente de Jules- Céfar dans cette :
Ifle , écrite fur un nouveau plan , par le :
Docteur HENRY , l'un des Miniftres
d'Edimbourg ; Ouvrage traduit de l'An
glois. A Paris, chez Nyon l'aîné & fils ,
rue du Jardinet. Tome Ier. , in-4° .
L'ANGLETERRE , autrefois fi pauvre en
Hiftoire , dont M. de Voltaire difoit que
dans ce genre elle n'écrivoit que des Factums
, & que pour qu'elle eût quelque
chofe qu'on pût appeler fon Hiftoire , il .
avoit fallu qu'un François ( fort fufpect ,
Rapin Thoiras , ) prît le foin de l'écrire ;
cette même Angleterre eft aujourd'hui la
Nation la plus riche & la plus féconde en
Hiftoires impartiales , philofophiques , où
les hommes & les événemens font jugés
avec fageffe , où tous les droits refpectifs
font difcutes , balancés , comparés avec la
plus grande équité dont les hommes font
capables , où les droits de l'humanité foient
toujours défendus. L'Hiftoire d'Angleterre
DE FRANCE. 201
de M. Smollett , à laquelle on auroit d'ailleurs
plus d'un reproche à faire , eit plus
impartiale que la plupart des Hiftoires des
autres Nations ; celle de M. Hume eft un
chef- d'oeuvre de fageffe & de lumières , l'efprit
y est toujours éclairé , toujours fatiffait
l'Auteur a , dans un degré fublime
cette raifon douce , fupérieure , perſuaſive ,
:
Qui dans le coeur pénètre pas à pas ,
Comme un jour doux dans des yeux délicats.
M. Robertfon, qu'on a peut- être un peu trop
vanté parmi nous , a du moins mérité de
l'être beaucoup .
1
M. Hume , en ne laiffant rien à défirer
du côté de la Philofophie , laiffoit encore
un laurier à cueillir à M. Henry , celui de
l'érudition , celui d'approfondir les anti- .
quités de fon pays en tout genre , de creufer
ce que M. Hume n'avoit fait quelquefois
qu'effleurer. Nous ignorons fi l'Hiftoire de
M. Hume fe fent d'avoir été commencée
par la fin , fuivant la remarque de M.
Í'Abbé de Mably ; les inductions qu'il prétend
tirer du fait connu , que M. Hume a
écrit fon Hiftoire dans un ordre rétrograde ,
pourroient bien n'être qu'un de ces jugemens
d'humeur & de caprice auxquels M.
l'Abbé de Mably avoit le malheur d'être
fujer , & qui abondent fur tout dans fon
dernier Ouvrage fur la manière d'écrire
l'Hiftoire ; mais on ne peut pier que l'Ou-
Is
202 MERCURE
vrage de M. Hume ne fe fente du profond
mépris que la Philofophie même contribuoit
à lui infpirer pour les peuples &
pour les temps barbares , dont il ne croyoit
pas que l'Hiftoire méritât beaucoup plus
d'être écrite que celle des bêtes féroces de
chaque contrée. C'est une idée exagérée
peut- être , & la Philofophie même apprend
à renfermer dans de juftes bornes les idées
les plus philofophiques ; il importe de voir
l'humanité fous toutes les faces & dans
toutes fes modifications ; il faut favoir ce
cque c'est qu'un peuple barbare , comment
ille devient , par quels degrés il fort de la
barbarie , par quels degrés il y rentre &
en reffort encore. Il faut connoître les monumens
des temps antiques ; il faut connoître
les moeurs de tous les âges & les
compater , & tâcher de prendre de chacunes
ce qu'elles ont de mieux.
Un premier mérite qu'on ne fçauroit contefter
à cette nouvelle Hiftoire d'Angleterre
du D. Henry , mérite qui certainement n'eft
pas médiocre, c'est celui d'être la plus complette
de toures celles qui ont paru juſqu'à
ce jour. M. Hume lui-même , qui a connu
les deux premiers Volumes de cet Ouvrage ,
les feuls qui aient paru avant fa mort , en
a fait le plus grand éloge. Il admire comment
le Docteur Fenry a fu débrouiller ce
chaos antique , éclaircir tout ce qui concerne
des époques ténébreufes mal décrites
jufque - là Fac tous les Hiſtoriens , porter
DE FRANCE 203
par-tout la clarté , la lumière , compofer
en un mot un Livre auffi inftructif & aufi
intéreffant avec des matériaux qui promettoient
fi peu : Tantùm , s'écrie-t-il avec Horace
, feries juncturaque poliet ! Il inte
fur cette réunion de l'inftruction & de lagrément
qui fait les excellens Ouvrages ,
& qui ne le trouve , dit- il , au même degré
dans prefque aucun Ouvrage Anglois ,
Ce témoignage d'un Juge tel que M.
Hume, qui étoit d'ailleurs le contradicteur
naturel de M. Henry , & à la place duquel
beaucoup d'Auteurs que nous connoill ins
n'auroient point pardonné à ce dernier d'ofer
traiter après eux le même fujer ; ce témoignage
, difons-nous , cft içi du plus grand
poids.
Non feulement l'Hiftoire du Docteur
Henry eft la plus complerte de toutes les
Hiftoires d'Angleterre , mais encore ce n'eft
que dans cet Ouvrage qu'on trouvera l'Hiftoire
complette des Loix , de la Conſtitution
, de la Religion , des Sciences , & des
Arts , de la Marine , du Commerce , des
Monnoies , des divertiffemens , de la Langue
, des ufages & de la vie privée des
Anglois & des anciens Habitans & Conquérans
de l'Angleterre , tels que les Bretons
, les Saxons , les Danois , les Normands
, &c. Ce premier Volume contient
même des recherches favantes fur l'ancienne
Géographie de l'Angleterre , fur les Drudes,
fur les troupes que les Romains avoient
16
204
MERCURE
dans cette Ile , fur les murailles qu'ils y
ont fait conſtruire , fur les principaux Officiers
qu'ils y envoyoient , &c.
Un autre grand mérite particulier à cet
Ouvrage , eft celui d'un plan nouveau imaginé
en partie par l'Auteur ; plan le plus
propre à éviter la confufion des matières ;
plan net , étendu, & régulier. Le Traducteur
croit que quand cet Ouvrage fera
connu en France , » il fera défirer aux gens
و ر
de Lettres de pofféder un jour l'Hiftoire
» de chaque pays , & fur- tout l'Hiftoire
» de Françe « écrite fur ce plan qui a
extrêmement réuffi en Angleterre. Voici en
quoi il confifte.
,
L'Ouvrage entier eft divifé en dix Livres
; chaque Livre commence & finit
quelque révolution remarquable.
La divifion de chaque Livre eft abfolument
uniforme ; chacun de ces Livres a
fept chapitres , toujours reproduits dans le
même ordre de Livre en Livre ; & dans un
même Livre , ces fept chapitres qui préſentent
tous l'Histoire d'un objet particulier ,
commencent tous à la même époque , embraffent
la même période , & finiffent au
même temps. Ce font , fi l'on veut , fept
Hiftoires différentes du même Peuple pendant
la même période ; mais ce n'eft qu'à
force de divifions qu'on a un plan méthodique
.
Prenons , par exemple , le premier Livre
qui remplit ce premier Volume ; le premier
DE FRANCE. 20f
-
Chapitre de ce Livre contient l'Hiftoire
Civile & Militaire de la Grande - Bretagne
pendant l'espace de temps qui eft le fujet du
Livre , c'est-à- dire , depuis la première defcente
qu'y firent les Romains fous Jules-
Célar cinquante -cinq ans avant J. C. ,
jufqu'à l'arrivée des Saxons , en l'an 449
de l'Ere Chrétienne.
>
Le fecond Chapitre préfente l'Hiftoire
de la Religion , ou l'Hiftoire Eccléfiaftique
du même pays pendant le même eſpace de
temps.
Le troifième , l'Hiftoire de la Conftitution
, du Gouvernement , des Loix de la
Grande - Bretagne , toujours pendant la même
époque.
Le quatrième , l'Hiftoire des Sciences ,
des Savans & des Maifons établies pour le
progrès des connoiffances dans la Grande-
Bretagne.
Le chapitre cinquième , l'Hiftoire des
Arts.
Le fixième , l'Hiftoire du Commerce , des
Monnoies & de la Marine dans la Grande-
Bretagne .
Enfin , le Chapitre feptième & dernier ,
Hiftoire des Maurs , des Vertus , des
Vices , des Ufages remarquables , de la
Langue , des Habillemens , de la Nourriture
& des Divertiffemens des Habitans
de la Grande- Bretagne , toujours , ainfi que
dans les chapitres précédens , pendant la
même époque.
206 MERCURE
:
Cette même divifion fe retrouve dans
tous les autres Livres ; toujours les fept
chapitres formant fept Hiftoires d'objets
différens , & toujours les Chapitres correfpondans
de Livre en Livre , roulant fur le
même objet , & continuant l'Histoire de
cer objet.
Et pour rendre ce plan encore plus réguler
& plas uniforme dans toutes fes
parties, l'Auteur a difeofé tous les Chapitres
du même genre , fuivant le même ordre
dans tous les dix Livres. Par exemple , les
Arts , qui font le fujet du cinquième chapire
de chaque Livre , font rangés l'un
après l'autre fucceffivement , fuivant le
même ordre dans tous les cinquièmes chapitres
de tout l'Ouvrage , & ainfi du refte.
Par là , de même que chaque Livre eft le
modèle de tous les autres Livres de l'Ouvrage
, chaque Chapitre eft aufli le modèle
de tous les autres Chapitres correfpondans
dans chaque Livre.
Ce plan eft neuf, & appartient en propre
à l'Auteur , du moins dans l'étendue qu'il
a donnée à fa divifion . On avoit déjà , dans
quelques Hiftoires Françoifes & Modernes ,
imaginé de raconter à part les événemens
d'un ordre différent , de féparer , par exemple
. l'Hiftoire Eccléfiaftique de l'Hiftoire
Civile , l'Hiftoire Littéraire de l'Hiftoire
Politique ou Militaire , de rapporter fans
interruption & fans mélange d'autres faits ,
les grands événemens qui comprennent pluDE
FRANCE. 207
fieurs années , d'en former des tableux
entiers & fuivis ; en un not , de rapporter
à part & en entier les divers faits , quoiqu'à
fuivre l'ordre chronologique à la rigucur
, ces divers faits eulent dû étre en
trelacés.
Voici ce qu'écrivoit à ce fujet , en 1766 ,
l'Auteur de l'Hiftoire de François I.
ן כ
33
و ر
» La forme des annales ou la forme chronologique
eft la première qui a dû fe
préfenter aux Hiftoriens ; c'eft la plus
fimple ; les efprits ordinaires la faififient
» d'abord , elle difpenfe de toute invention ,
elle a même fur les autres méthodes une
cfpèce d'avantage , celui de montrer les
événemens dans l'ordre où ils fe font
paffés , & d'être par conféquent un tableau
plus fidèle de la réalité dans toutes
» fes circonstances.
و د
و د
و ر
و ر
Mais , d'un autre cé , rien de plus
farigant dans une Hiftoire d'une cerrai-
" ne étendue , que cet afferviffement fcru-
» puleux à l'ordre chronologique . Ce plan
» ne préfente jamais un fait , un tableau
""
entier , toujours des portions de faits ,
» des morceaux de tableaux, qui, faute de
fuire & de contexture ne peuvent fe
" graver dans la tête. C'eſt la liaifon des
fairs , c'eft l'unité , c'est l'intégrité du
tableau qui peut s'emparer de l'imagina-
» tion du Lecteur & y faire une impreffion
durable. Dans les annales , l'intérêt
» n'a jamais le temps de fe former , & s'il
1
208 MERCURE
ود
ود
fe formoit , ce ne feroit que pour impatienter
le Lecteur , qui fe verroit à tout
» moment enlever à tous les objets de fa
curiofité , & tranfporter avec une rapidité
gênante à des événemens toujours
différens , toujours coupés , jamais liés ,
jamais finis. L'attention ainfi égarée
و ر
و ر
""
و ر
ود
ود

entraînée malgré elle vers des objets
étrangers les uns aux autres , eft obligée
» de fe ranimer d'elle-même avec effort ,
» de revenir far fes pas , de fe demander
» ce qu'eft devenu l'objet dont elle s'occupoit
d'abord , & qu'elle ne reverra pas
» de long - temps , ce que deviendra celui
» dont elle s'occupe à préfent , & s'il ne
difparoîtra pas de même pour ne repa-
» roître que lorfqu'il lui fera devenu indifférent
. -
"
و د
و و
و د
19
»
L'ordre chronologique laiffe au Lec-
» teur la peine de décompofer l'Histoire
» pour retrouver le fil des mêmes faits ; il
faut qu'il rapproche laborieufement les
» traits épars , les portions de faits répan-
» dues çà & là dans un grand Ouvrage ,
» & féparées par de longs intervalles ; mais
» ces rapprochemens , ces combinaifons ,
tous ces embarras enfin , n'étoit- ce pas
à l'Auteur à s'en charger ? n'eft - ce pas
» lui que regarde le foin d'arracher toutes
les épines , de lever tous les obftacles
qui peuvent dégoûter de l'inftruction en
» la rendant plus difficile : Quelle , obliga-
» tion avez vous à un maître qui ne veur
و د
و د
>>

DE FRANCE. 203
ود
و د
» vous inftruire que felon la méthode qui
» lui coute le moins & qui vous coute le
plus ? Le Lecteur s'inftruiroit fans doute
» avec plus d'agrément & d'utilité dans une
» Hiftoire où tous les faits d'un ordre dif-
» férent feroient traités à part , & où les
» événemens d'un même ordre , liés avec
" art & conduits fans interruption depuis
» leur origine jufqu'à leur terme , forme-
> roient un tiffu entier que l'esprit pût
» embraffer à la fois. La chronologie feroit
fatisfaite , car cette méthode redouble-
" roit en quelque forte l'obligation de
" marquer exactement l'époque de toutes
les portions de faits réunies , comme on
&
marquoit dans l'ordre chronologique l'é-
" poque de toutes les portions de faits dif-
" perfées. Or la chronologie n'a rien de
plus à prétendre , & ce tribut une fois
و د
ور
"
payé , on a droit de renverfer l'ordre
chronologique pour l'intérêt de la nar-
» ration ".
C'est ce que M. Henry exécute aujourd'hui
d'une manière encore plus marquée.
Il nous fuffit d'avoir expofé le plan dont
left l'inventeur à beaucoup d'égards , &
qui diftingue fi avantageufement fon Ouvrage.
Nous ne répéterons point d'après lui
les événemens de l'Hiftoire d'Angleterre.;
ils font connus pour la plupart , & c'étoit
fa manière particulière qu'il étoit queftion
de faire connoître on peut en juger par
ee que nous en avons dit.
210 MERCURE
1 à La traduction eft d'une main habile ,
laquelle on doit beaucoup d'autres traductions
d'Ouvrages Anglois agréables & utiles ,
mais dont aucun n'égale celui - ci en importance
& en utilité.
Ax
DE l'Electricité des Météores ; Ouvrage
dans lequel on traite de l'Electricité naturelle
en général , & des Météores en
particulier ; contenant l'expofition &
l'explication des principaux phénomènes
qui ont rapport à la Météorologie Elec
trique , d'après l'obfervation & l'expérience
; par M. l'Abbé BERTHOLON ,
Profeffeur de Phyfique expérimentale des
Etats- Généraux de Languedoc , Membre
de plufieurs Académies Nationales &
Etrangères. 2 Vol. in 8. , avec Fig.
A Paris , chez Croullebois , Libraire ,
rue des Mathurins ; & à Lyon , chez
Bernufer.
LA partie de la Phyfique qui traite dés
mitéores , eft fans contredit une des plus
propres à exciter la curiofité & l'intérêt :
andi ar - elle éré cultivée même par les
-Anciens , qui nous ont tranfmis des obfervations
précieuſes : mais ce n'eft que dans
DE FRANCE. 211
ces derniers temps & depuis l'époque de
Marly la Ville , qu'on a pu avoir une jufte
idée de la nature des météores , & de la
caufe des divers phénomènes qu'ils préfentent.
Un grand nombre d'obfervations &
d'expériences faites avec des appareils d'un
nouveau genre , dont on n'avoit eu jufqu'alors
aucune idée , ont démontré l'identité
de la matière électrique avec celle de la
foudre & de plufieurs autres météores.
Afin de mettre de l'ordre dans cet
Ouvrage , qu'on peut regarder comme un
Traité complet de l'Electricité Météore ,
T'Auteur , après avoir établi l'exiſtence de
l'électricité de l'atmosphère en général ,
examine en particulier les météores, divifés
ordinairement en météores ignés , aqueux ,
aériens , & lumineux. Parmi les météores
ignés , le tonnerre tient le premier rang.
M. l'Abbé Bertholon préfente d'abord un
tableau de cette agitation particulière , lorf
que le tonnerre le fait entendre : il diftingue
enfuite trois chofes qu'il ne faut pas
confondre , l'éclair , la foudre , & le tonnetre
proprement dit ; il traite de la nature
de la foudre , de fes phénomènes les
plus étonnans , & en donne l'explication ,
toujours appuyée fur l'expérience & l'obfervation.
Il s'étend enfuite fur la direction
de la foudre , qui eft tantôt afcendante , &
tantôt defcendante. Il faut voir dans l'Ouvrage
même le détail des preuves de cetre
vérité , qui a encore tout le mérite de la
nouveauté.
212 MERCURE
Le Chapitre des Para - tonnerres nous a
paru digne de l'importance du fujet.
Dans la Section où il eft queſtion des
tremblemens de terre & des volcans , un
des plus terribles fléaux qui infpire profondément
& par-tout la terreur & l'effroi
l'Auteur dit : Il eft des ames intrépides
» qui affrontent les dangers & les tempê-
» tes ; il en eft qui , tranquilles dans le
" fein des orages , voient de fang froid la
ور
و د
ود
و ر
و ر
وو
foudre fillonner les airs , & le tonnerre
» gronder fur leur tête ; mais on n'en a
» jamais vu qui ofaffent , je ne dis pas
» braver ces affreufes fecouffes imprimées
» à la terre , je dis feulement ne pas
» fuir des lieux qui en font le funefte théa-
» tre . Tous faifis d'épouvante aux premières
approches de ce fléau deftructeur ,
» n'ont ni affez de force ni affez de vîteffe
pour accélérer leur fuite précipitée «. Il
donne enfuite un précis hiftorique , trèsbien
fait, des tremblemens de terre les plus
anciens , & de ceux qui font arrivés plus
récemment, qui prouve que prefque de tout
temps ce terrible météore bouleverfa notre
malheureux globe. On ne peut lire les
Anciens fans y rencontrer en mille endroits
des témoignages certains de ces affreux boufeverfemens
qui ont ravagé le monde dès
les premiers âges . » On navigue , difoit Sé-
""
nèque , fur des villes que nos ancêtres
» ont connues "... Nous marchons fur les
cadavres des cités .
DE FRANCE. 213
Parcourant enfuite d'un coup d'oeil rapide
la furface du globe de la terre , l'Auteur
montre les changemens opérés prefque partout
par un effet de ces terribles météores :
cette eſpèce de géographie phyfique eft
très - piquante. On traite de la même manière
ce qui concerne les volcans dont on
préfente le tableau. Le nombre des volcans
éteints , qui couvrent la furface de la terre ,
eft fi prodigieux , qu'on diroit, au premier
afpect, qu'elle eft prefque l'ouvrage du feu ;
& celui des volcans qui brûlent est trèsconfidérable.
L'étude de la Géographie eft
bien intérellante , quand on y réunit de
cette manière la connoiffance des révolutions
, qui font arrivées à ce malheureux
globe que nous habitons,
Après avoir expofé les phénomènes
conftans que préfentent les météores dont
nous parlons , M. l'Abbé Bertholon en
recherche la caufe, & après avoir rapporte,
difcuté & réfuté les opinions des Anciens
& des Modernes , car dans tout cet Ouvrage
on y trouve des preuves d'une grande
érudition , il attribue ces phénomènes à
l'accumulation du fluide électrique contenu
dans le fein de la terre , & prétend que
nulle autre caufe imaginée jufqu'à préfent
ne peut les produire. Il n'oublie pas
de parler des moyens, que les Anciens
avoient pratiqués pour le préferver de ces
fecouffes funeftes , ni des Para- tremblemens
de terre modernes.
214 MERCURE !
Les bornes de ce Journal nous forçant
d'abréger , nous ne dirons rien de la troifième
Section , qui traite des météores ignés
qui paroiffent dans l'air ou à la furface de
la reire .
L'aurore boréale , un des plus brillans
phénomènes que le ciel puiffe éraler dans
toute fa pompe , eft içi décrite d'une manière
fatisfeifante ; l'Auteur ayant cu occafion
de faire plufieurs obfervations de ce
météore. Des figures faires avec foin , préfentent
aux yeux mêmes les principaux
phénomènes qu'on remarque ordinairement
, de manière à ne pouvoir les mé
connoître ni les confondre , lorfqu'ils fe
montreront enfuite à un Obfervateur ; d'autres
figures fervent aux expériences imitatives
, par lesquelles M. l'Abbé Bertholon
reproduit en quelque forte , à volonté , ce ›
phénomène qui , felon lni , dépend d'une
caufe phofphorico- électrique , c'est - à- dire , ¿
de cette efpèce de lumière électrique qui ,
brillant dans le vide ou dans un air raréfié ,
eft appelée phofphore électrique.
En traitant des météores aériens , M.
l'Abbé Bertholon expofe ce qui a rapport
aux tourbillons , aux ouragans , aux trombes
d'air, au vent & à fes différentes eſpèces.
Parmi le nombre des objets peu connus ,
nous y avons remarqué ce qu'il dit des vents
gafeux , & des expériences imitatives par
lefquelles il les produit , des vents qui ont
pour caufe une furabondance d'électricité.
t
DE FRANCE. 21:5
La fixième partie a pour objet principalement
les inftrumens propres à oblerver
l'électricité de l'atmosphère , tels que les
conducteurs atmoſphériques , les cerfs-volins
électriques , les flèches électriques , le ,
Céraunographe , les appareils de Volta , de
Ronayne , de Henley , & c. les moyens de
diftinguer l'efpèce d'électricité qui règne ;
l'électricité négative de l'atmofphère , l'in-1
Asence de l'électricité - météore , fur les
animaux & les végétaux , l'électricité comparée
au magnétifme , & c.
La méthode qu'a fuivie M. l'Abbé Bertholon
dans ce Traité , a été celle d'une
rigoureuſe dialectique ; il a d'abord expofé
les phénomènes conftans que préfentent
les divers météores , en rapportant , après
avoir remonté aux fources mêmes , un
choix d'obfervations faites par les Anciens
& les Modernes , dont l'Hiftoire & les
époques font cirées avec la plus grande
exactitude , afin de montrer la généalogie
des idées, & la filiation des découvertes qui
font ordinairement liées entre elles comme
les anneaux , d'une chaîne . Par - tout il a
rapporté les expériences par lesquelles il
étoit venu à bout de repréſenter les phénomènes
principaux des divers météores..
» Le meilleur moyen d'expliquer la Nature ,
difoit Fontenelle , s'il pouvoit être enployé
fouvent , ce feroit de la contrefaire
, & d'en donner , pour ainfi dire ,
» des repréféntations , en faifant produire
93
"
99
216 MERCURE
les mêmes effets à des caufes que l'on
" connoîtroit & que l'on auroit mifes en
» action «. C'eft précisément ce que l'Auteur
a exécuté dans ce nouvel Ouvrage ,
qui mérite le même accueil que fes autres
Productions.
ÉLOGE de Guillaume d'Eftouteville ,
Cardinal , Archevêque de Rouen , Légat
du Saint Siége fous Charles VII ; par
M. ROUX DE LA BORIE , Etudiant en
Logique au Collège de Louis le Grand.
Difcours couronné à Rouen le 6 Mars
1788. A Paris , chez Le Boucher , Lib.
du Châtelet , au coin des rues du Marché
Pallu & de la Calandre , en la Cité, à
la Prudence.
L'ÉLOGE d'un homme célèbre ne devroit
être autre chofe , à ce qu'il nous femble ,
que le feul récit de fes actions ; il devroit
donc fe trouver tout écrit , en quelquè
forte , dans l'Hiftoire de fa vie , ou privée ,
ou publique. En difant ce qu'il étoit , ce
qu'il a fait , ce que lui doit fon Siècle ou
la Poftérité , fon Eloge doit être fait , ou
bien il n'en méritoit aucun.
Mais comme, en général, c'eft moins pour
le
DE FRANCE. 217
le Héros qu'il s'eft foumis à célébrer , que
le Panégytite travailte , que pour lui - même ,
on eft convenu de faire de cette cfpèce
d'hommage , qui ne devroit ére que le réfultat
de l'opinion publique , un genre !
un gente qui a fes règles & fes principes ,
& auquel il peut être , jufqu'à un certain
point , utile de s'exercer commae à bien
d'autres. Cependant , qu'eft il arrivé de là ?
Une chofe que l'on devoit naturellement
prévoir c'cft que l'on s'eft moins occupé
de favoir fi beaucoup de gens méritoient
les honneurs de l'éloge , que du défir d'effayer
fes talens dans ce genre défcrime.
Bientot le nombre des concurrens s'eft
tellement accru , qu'il s'eft , tout à coup ,
préfenté plus de Panégyriftes à employer ,
que de vrais Panégyriques à faire.
De ce premier inconvénient il en eft
réfulté néceffairement un autre ; c'eft que
l'on a tout loué indiftinctement , per fas
& nefas. Ce travail eft devenu une tâche
pénible , où l'art a peu gagné. En effet
quand le fujet eft véritablement beau &
grand , il- eft rare que l'Orateur ou le Poëte
ne foit pas au deffous de fon fujer : nous
pourrions en citer des exemples nombreux
& récens; & d'un autre côté, combien n'at
- on pas vu d'Eloges , qui , tout foibles
qu'ils paroiffoient , étoient cependant encore
fort au deffus du fujet auquel ils étoient
confacrés ! Auffi a-t- on fouvent remarqué
que la gloire de l'Orateur s'accroiffoit en
N°. 35. 30 Août 1788,
K
2018 MERCURE
raifon de la nullité de celle du Héros qu'il
avoit à préconifer.
Quoi qu'il en foit , prenons les chofes
dans l'état où elles font ; & laiffons à d'autres
le foin d'admettre ou de rejeter ces
réflexions qui nous font venues fouvent à
l'efprit , au feul mot d'Eloge . Qu'on nous le
pardonne , chacun peut avoir fa liberté
d'opinion fur des matières de ce genre :
quant à nous , il nous a toujours paru que
ce titre placé en tête d'un Ecrit , avertiffoit
trop brufquement le Lecteur qu'il eût
à fe mettre en garde contre les menfonges
plus ou moins adroitement déguifés, dont on
va l'environner. On a vu tel Eloge , dans lequel
l'Auteur avoit manqué fon but , au
point de ne rappeler que l'idée d'une Satire :
mieux vaudroit peut- être alors une Satire
effective , parce que le Lecteur eft prévenu
d'avance contre la malignité qu'elle doit
contenir ; le titre feul eft lui-même un contrepoifon.
Au lieu de ces Eloges , fouvent fi ridicules
, & que défavoueroient même ceux
qui en font l'objet , pourquoi ne pas propofer
des Précis hiftoriques , dans lefquels
l'Auteur auroit la liberté d'avouer les foibleffes
même de fon Héros ? Ce feroit le vrai
moyen d'infpirer plus de confiance dans les
véritables Eloges que l'Ouvrage contiendroit.
L'éloquence n'y perdroit rien , &
nous aurions du moins des portraits auffi
intéreffans que reffemblans de nos grands
DE FRANCE. 219
Hommes , tandis que nous n'en avons pas
toujours , même de bonnes caricatures.
L'une des Académies de Rouen avoit
propofé , il y a deux ans , pour prix d'éloquence
, l'Eloge du Cardinal d'Eftouteville ;
ce prix a été remis à cette année. Un trèsjeune
homme , M. Roux de la Borte ,
Etudiant en Logique au Collège de Louisle-
Grand , vient d'obtenir les honneurs de
la palme académique. Ce qui ajoute à fon
triomphe , c'eft que l'Ouvrage ne fe refient
nullement de l'extrême jeuneffe de l'Auteur
; il eft en général bien écrit , mérite
qui , de jour en jour , devient plus rare
depais que tout le monde fe mêle d'écrire :
on n'y remarque ni mauvais goût , ni enflure
, forte de défaut trop ordinaire au
genre , & qu'un tel effai fait quelquefois
excufer. On y trouve , au contraire , un ton
noble & foutenu , de la raifon & de la
chaleur , de la méthode & du nouvement ;
enfin , autant de jufteffe dans les idées, que
d'énergie dans l'expreflion.
Nous ne craignons pas de juftifier , par
des exemples , ce que nous avançons . M. de
la Borie, pour profiter de fes avantages, &
pour rendre à fon Héros le jufte tribut
d'admiration qui lui eft dû , reporte fon
Lecteur au temps où il vécur.
»
Pour juger les hommes qui ne doivent
rien qu'à leur propre mérite , dit - il , il
faut fe placer au milieu des ténèbres qui
» les environnoient . On ne doit pas être

K 2
220 MERCURE
"
و ر
ود
"
و د
auffi injufté envers eux , que la fortune
» fur rigoureufe , on doit oublier les progrès
de la raifon , pour penfer feulement
» à ce qu'elle étoit alors : ainfi, qu'un fiècle
favant ait fuccédé à des fiècles d'ignorance
; que l'efprit humain , s'avançant
lentement fur les pas de la vérité , foit
» chfin forti de l'enfance dans laquelle il
» avoit langui fi long - temps ; que le flambeau
de l'expérience ait diffipé les préjugés,
& les erreurs ; le Grand Homme ,
» le Sage qui , avant ces révolutions heureufes
, fait prévenir les lumières par la
force de fon génie , s'éclairer lui feul au
milieu d'une nuit générale , fecouer les
» chaines qui pèfent fur tous les contemporains
, n'en a que plus de droits à nos
» refpecs & à notre admiration : tel fut
le mérite du Cardinal d'Eftouteville ; tels
" font les titres ".
و ر
ور
>>
ور
و ر
L'Orateur fait paffer fucceffivement fon
Héros par les différens états de fa vie qui
ont été remarquables ; & il faut avouer que
ce débar impofant lui faifoit une loi de
la néceflité de mettre dans tout leur jour
les qualités éminentes de d'Eftouteville ,
L'époque la plus intéreffante pour la gloire
de ce Prélat , eft celle qui le mit à portée
de contribuer en grande partie au réta
bliffement de la Pragmatique - Sandion , qui
devoir affurer à jamais les libertés de lÉ
glife Gallicane , tant de fois violées .
Voici comment M. de la Borie rend
DE FRANCE. 221
ور
و ر
compte du bien qu'a procuré ce réglement
fait à Bourges fous Charles VII , en 1938 .
» Avant le règne de Caint Louis , Rome
appefantit fon fceptre far les Monarques
» & fur les Couronnes , les Trônes tom-
» bent au bruit des foudres & des ana- hêmes;
fes ordres lancés par le defpotifme
& reçus par la fuperftition , répandent
fur les Etats la guerre & le parjure , ar-
" ment contre les Rois les mains de ceux
» à qui le Ciel commande de mourir pour
» les Rois ; & cette ville , qui femble deti-
» née à tyrannifer le monde , en a reffaifi
l'Empire.
و ر
22» Voilà les excès auxquels elle remédia
(la Pragmatique ) , & voici ceux qu'elle
» auroit évités .
ور
و د
و ر
que Nous voyons , dès
l'ambition cut
fait céder à fes efforts ce rempart élevé
pour les contenir
, fous le règne méne
de Louis X1 , les dignités de l'Egle fe
» vendre à prix d'argent ; l'argent
ouvrir
les portes du fanctuaire
, & fouiller
ces .
» lieux auguftes , ces enceintes
facrées qui
» doivent être l'afile des vertus les plus
و د
و ر
" pures ".
Après avoir fait un tableau rapide des
maux auxquels la Pragmatique remédioit ,
l'Auteur s'écrie avec énergie : » Les Eloges
» font fuperflus , les fais ont parlé «.
On fait que Charles VII adopta la Pragmatique
; mais le nom de Charles VII
rappelle involontairement celui d'une fille
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222 MERCURE
"
ور
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77.
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و د
guerrière , qui , tant qu'il exiftera des ames
fenfibles , infpirera l'intérêt le plus tendre
& le plus touchant. On lira , avec plaifir ,
ce portrait de l'Héroïne infortunée de Vaucouleurs
qui femble fortir du néant
» pour atteindre au faîte de la gloire , dont
» l'ame embrafée répand autour d'elle l'efpérance
& l'audace , dont le mobile
unique est une forte d'enthoufiafme oy
de fanatifme pieux que confacre l'amour
» du Prince & de la Patrie. Devant elle
les Sages font réduits au filence ; par fes
» lumières dans la fcience des combats , elle
étonne les Maîtres de l'Art ; la nobleſſe
de fes traits , une beauté mâle enchantent
le vulgaire ; bient elle eft environnée
de l'admiration & de l'amour. Elle crée
un nouveau peuple elle crée de nou-
" veaux foldats , franchit les remparts des
plus fortes cités , terraffe l'ennemi , en-
→ chaine la victoire ; ce que d'autres d'au=
roient ofé entreprendre , elle l'exécute .
» Jeanne d'Arc conduit Charles VII à
» Reims , au milieu des obítacles ,
» milieu des dangers , au milieu des enne-
» mis qui la redoutent , & des François
» qui l'admirent.
ور
و ر
"
33
ود
و
au
» Mais où m'entraîne le défir de ra-
» conter fes fuccès ? Le foin de la gloire
de d'Eftouteville me ramène aux mal-
» heurs de cette illuftre Héroïne ..
» Le bûcher s'allume , & cette fille immortelle
, au milieu des accens de la douleur , ""
DE FRANCE. 223
و د
» adreffe encore au Ciel les voeux les plus
» ardens , les voeux les plus fincères pour
» le bonheur du Roi qu'elle a vengé , &
» de la France qui l'oublie «.
D'Eftouteville cut l'honneur de hâter la
réhabilitation de la mémoire de la malheu
reufe Jeanne d'Arc . Ce voeu fait plus d'honneur
au Prélat , qu'il ne pouvoit faire de
bien à la célèbre victime qui en étoit l'ob
jet. C'eſt une ifte réparation que celle qui
attend pour fe manifefter, qu'elle foit devenue
inutile !
D'Eftoureville cat la gloire plus utile de
réformer beaucoup d'abus , & notamment
celui qui n'admettoit à l'exercice de la Médcine
que des Célibataires , que des Eccléfiaftiques.
Cette partie de fon Eloge eſt touchante
.
و ر
""
ور
ود
1.
Il s'efforce , dit notre jeune Orateur ,
lus utile cete fcience eni
Tenure Paws
» rappelle des portes du tombean ceux
qui alloient y defcendre , qui fupplée à
la Nature par l'Art , qui rend aux hommes
» la vie prête à leur échapper , qui fait
plus encore en rendant à leur tendreffe
» ceux qui lui font chers. Un préjugé barbare,
digne des temps qui le virent naître ,
ne permettoit qu'à des Célibataires , qu'à
» des Prêtres, l'exercice de cet Art fi précieux
» pour l'humanité , qu'à tous ceux enfin
» que leur état éloigne davantage de fes
befoins , & leur devoir de fes foibleffes.
» D'Eftouteville remet tout dans l'ordre ;
ور
ور
K 4
224 MERCURE
25
و د
ور
33
و ر
il laiffe à ceux qui vivent dans la retraite,
» l'étude des fciences pour lefquelles la
» retraite eft néceffaire . Que les Miniftres
» des Autels verfent dans le fein de la pau-
» vreté les confolations & les fecouts ;
qu'ils portent le foulagement & l'espoir
dans les afiles da malheur ; mais ils pour-
» ront aufi guérir les plaies de l'humanité
fouffrante , ceux qui , attachés cux mêmes
» à l'exiftence par les noeuds les plus doux ,
fauront mieux encore connoître fes né
» ceflités , compatir à fes maux , apprécier
fes larmes ; ils croiront , en voyant un
père mourant , fe voir eux mêmes fur le
» lit funèbre , & voir autour d'eux leur

و د
و ر
و د
33
famille éplorée , tantôt treffaillir d'efpé-
» rance , tantôt pâlir d'effroi ; cette vue
» touchante attendrira leurs coeurs fentibles ,
» & leur rappellera tous les foins , toutes
» les veilles , tous les efforts que mérite
une vie à laquelle tant d'autres vies fem-
» blent être liées inféparableinent ".
و د
»
ور
Il faut lire dans l'Ouvrage même le paffage
dans lequel M. la Borie fait voir pourquoi
d'Eftouteville n'obtint pas la thiare
à la mort de Calixte III , comme on s'y
étoit attendu. Ce morceau préfente un réfumé
très-ingénieux des vertus de ce Prélar.
C'eft avec la même énergie & le même
fuccès qu'il le venge du reproche qu'on
lui faifoit de fe livrer , dit - on , aux plaifirs
des fens.
Enfin , cet Eloge nous a paru juftifier
complétement le jugement de l'Académie
DE FRANCE. 225
de Rouen , & il annonce dans fon Auteur
un goût für & des talens aufli eftimables
que prématurés.
Le Public apprendra , fans doute , avec
intérêt , que ce jeune Orateur vient d'obtenir
à l'infant une mention honorable à
P'Académie de Bordeaux .
(Cet Article eft de M. A ... Av . en Parl.)
ANNA , ou l'Héritière Galloife , traduite
de l'Anglois fur la 4é. édition ; 4 Vol.
in- 12. "Prix , 7 liv. 4f. br. , 8 liv. 4 f.
francs de port par la Pofle. A Londres ;
& fe trouve & Paris , chez Buiffon
Libr. , Hotel de Coëtlofquet , rue Hautefeuille,
No. 20.
ANNA encore enfant , eft amenée à Londres
par un homme infirme & une femme
qui revenoient de l'Amérique. Une mort
profque fubite les frappe dans un hôtel
garni . Anna refte orpheline . Un Miniftre
de la Secte des Méthodifies , dont la réputation
étoit digne d'infpirer une entière
confiance , nommé Dalton , reçoit Anna
comme un dépôt , & il emporte en même
temps une caffette , dans laquelle fe trouvoient
quatorze cents guinées , & des bijoux.
Ce Miniftre étoit aufli avare qu'il étoit hypocrite
; il devint un dépofitaire infidèle . Arna,
traitée avec rigueur dans fon enfance , fut
KS
220 MERCURE
éloignée au fi - tôt que l'occafion s'en préfenta.
Sa figure intéreflante , un maintien
noble , & qui annonçoit une ame peu commune
, un excellent coeur , une fenfibilité
délicate , furent des tréfois que l'avare
& vil Dalton ne put lui ravir , & qui lui
tinrent lieu de fortune , en lui procurant
des amis & des bienfaiteurs . Sa beauté Ini
attira auffi tous fes malheurs. Une orpheline,
dont l'état étoit équivoque , fur l'origine
de laquelle on ne pouvoit donner la
moindre lumière , paffant des bras d'une
protectrice dans ceux d'une autre , fembloit
enhardir les libertins à la rechercher , &
devoir la rendre la proie ou d'un féducteur
opulent , ou d'un monftre en crédit .
Elevée dans la maifon de Madame Melmoth
, traitée comme fa fille , Anna acquit
des talens , des vertus & des graces. Un
Capitaine Govet , parent de cette famille ,
arrive ; il voit Anna , il brûle , il veut la
féduire ; une femme de chambre le fert , &
un coup du Ciel préferve Anna des piéges
qu'on lui tend. Le Capitaine la calomnie ;
elle eft accufée d'un vol ; on la chaffe ; elle
revient chez Dalton , qui s'empreffe de la
renvoyer. Une ancienne femme de chambre
de Madame Melmoth , alors mariée à un
Miniftre nommé Manfel , la reçoit dans
fon modefte presbytère ; elle eft préfentée
à une Dame du voifinage , Madame Herbert
, qui , après l'avoir gardée pendant
quelques années , la recommande , à Londres
, à fa coufine Lady Edvin , d'où les
DE FRANCE. 227
frames du Capitaine Govet la font encore
renvoyer. Elle retourne chez Dalton, qui ne
veut point la garder , & la place auprès de fa
fille , habile Brodeufe , avec laquelle Anna
brode pour des Marchands. Une robe qu'elle
brodoit lui eft volée ; la Marchande la fait
impitoyablement traduire devant les Juges ;
elle alloit être condamnée à la peine &
à l'infamie d'un vol . M. Bentley, vieillard
vertueux & charitable , fe rend fa caution .
Dans ce moment arrive le Miniftre Dalton ,
qui fe trouve en préfence de l'Hôteffe chez
laquelle le père & la mère d'Anna étoient
morts. Cette rencontre , pur effet du hafard ,
amène des interrogations , qui font écoutées
par un M. Mordant , arrivé de l'Amérique
, pour chercher fon père & fa nièce ;
en un mot , Anna eft cette nièce , qui fe
trouve héritière d'un grand nom & d'une
immenfe fortune.
Il femble que le Roman devoit être fni
là ; mais elle aimoit Charles Herbert , &
étoit aimée de M. Vikinfon . Herbert avoit ,
dit l'Auteur , une figure intéreffante , des
manières ouvertes & aifées , des yeux qui
parloient au coeur quand le fien étoit
affecté , & tout ce qu'il falloit pour plaire .
C'étoit l'homme le plus brave & le plus
compátiffant : il étoit trop généreux pour
être riche , trop vrai dans l'aveu de fes foibleffes
; c'étoit le fils le plus tendre & le
plus refpectueux ; fa mère étoit à les yeux
la première femme du monde. Il étoit ardent
K 6
225 MERCURE
1
& paffionné , ce qui étoit peut-être la faute
de fon fang ; mais il favoit triompher de
lui-même au beſoin : fa franchiſe étoit telle ,
qu'elle pouvoit reffembler à l'imprudence
aux yeux de quelques perfonnes ; mais
c'étoit celle d'un coeur honnête , qui n'ayant
rien à cacher , ne s'inquiétoit pas de fe
montrer tout entier. Dire la chofe qui n'eft
pas , étoit dans fon opinion le plus méprifable
des vices , & affecter ce qu'il ne
fentoit pas , l'entrepriſe la plus difficile .
Il avoit aimé Anna , & comme la calomnie
la pourfuivoit fans relâche , il fe livroit
combats fecrets qui ne font connus que
des ames délicates qui craignent d'avoir à
rougir de l'objet qu'ils ne peuvent oublier.
Il s'éloignoit , revenoit , fe taifuit , & brûloit
fans laffer tranfpirer cette flamme
qu'Anna ne paroiffoit point approuver , &
que ' peut- être elle ne méritoit pas d'entretenir.
Elle venoit d'être chaffée de la maifon
, & il avoit été touché du refus qu'elle
avoit fait de recevoir l'argent que fa mère
Madame Herbert , lui offreit. -- Ce n'eft
point , répondit Anna , à une fille qui n'a
point de parens naturels , de fe vanter d'avoir
des amis ; peu de perfonnes dans une
ftation plus élevée peuvent fe flatter d'en
avoir beaucoup ; c'eft affez , Madame , que
vous foyez certaine que j'ai des ennemis.
Vous connoiffez peut - être , quoique je
l'ignore moi - même , à quel excès ils ont pu
porter contre moi une malice que je n'ai
DE FRANCE. 229
point provoquée . Si j'ai mérité d'être renvoyée
ainsi , je n'ai point de droits à l'argent
que vous m'cffrez . Quand je faurai
de quoi je fuis accufée , j'effayerai de me
juftifier ; jufque là , je n'ai que des voeux
à faire pour votre bonheur & pour celui
de votre famille .
Anna ayant retrouvé fes parens , fon
nom , fa fortune , cache , par un excès de
délicateffe , l'attachement qu'elle avoit pour
Heibert , dont fa mère avoit promis la main
à Cécile Edvin . Herbert obéifoit & gémiffoit
; Anna fuccomboit : mais l'étourdeie
de Cécile Edvin , qui prit la fuire avec
un autre amant , délivra Anna & Herbert
du fupplice qui les déchiroit . Ces momens
font intéreffans , & les fituations font bien
ftes. Anna peut enfin être heureufe. L'Auteur
peint ainfi fa première joie. On la
trouva habillée , fraîche comme la rofe nouvellement
épanouie , & plus blanche que
la batifte de fa robe. La joie , brilloit dans
fes yeux , & fes belles lèvres , ornées maintenant
du fourire de la tranquillité , montroient
à demi un double rang de perles ,
& fembloient avoir un charme nouveau .
Les autres perfonnages font également
heureux. Vikinfon époufe la foeur de Cécile
Edvin. Bentley reconnoît dans le Capitaine
Govet , afors devenu Lord Sutton le
raviffeur de fa femme , & Vikinfon cft le
fils de cette femme adultère & du Lord ,
qui meurt comme il a vécu , en déshéritant
IC.
230
MERCURE
fon fils , après avoir donné quelques témoignages
de repentir , qui promettoient
une meilleure fin. Les reconnoiffances fe
multiplient ; tous les agens du Roman fe
retrouvent , à peu près comme dans ces
Comédies où tous les Acteurs reviennent ,
fans favoir pourquoi , fe placer fur le théatre
au dénouement , feulement pour faire
une révérence aux Spectateurs.
Il y a certainement de l'intérêt dans ce
Roman ; mais il y a une foule de détails
puériles , des allées & des venues , dont la
moitié auroit pu être fupprimée , ainfi que
le nombre des perfonnages qu'on pourroit
très aifément diminuer ; en un mot , le Roman
auroit beaucoup gagné & pour l'action
& pour l'agrément , s'il eût été élagué &
rédait en deux volumes . Nous regrettons
fouvent l'Abbé Prévôt , & nous ne sçaurions
offrir trop fouvent ce modèle aux Traducteurs
de Romans Anglois . S'il eût préféré
la manière des Modernes , à coup fûr cette
branche de la Littérature Angloife n'auroit
point été fi bien accueillie en France qu'elle
J'a été. Non feulement il favoit faire de
bons choix , mais encore il réduifoit ce
qu'il avoit choifi . En général les Romans
Anglois font trop chargés de détails minutieux
, de rencontres peu frappantes' , de
caricatures outrées ; il faut les approprier
au goût d'une Nation délicate pour laquelle
on les traduit. Nous nous plaignons de
ce qu'on fe mêle de traduire légèrement
DE FRANCE. 231
des Ouvrages qui bien fouvent n'en étoient
pas dignes , & de ce qu'on ne fait point
racheter le mauvais choix des Traductions
par le mérite du ftyle , le feul dont un
Traducteur doive être jaloux. Les Lecteurs
peuvent apprécier celui du Traducteur
d'Anna , d'après les morceaux que nous en
avons tranfcrits.
VARIÉTÉS.
OBSERVATIONS fur le dépériffement de la
Langue Méridionale , & fur les moyens de la
conferver par des Traductions ; extraites · d'un
Voyage fait récemment en Provence par M.
l'Abbé SOULAVIE , & adreffées à Madame
la Comteffe DE B ... S ...
MADAME ,
LE Commerce, l'Industrie, les Lettres , qui pénètrent
dans les pays les plus ifolés de la France ,
accélèrent tous les jours la ruine totale de cette
Langue, qui va , felon l'expreffion énergique de
Montagne , où la Françoife ne peut atteindre . Les
Citoyens de tous les rangs qui habitoient le Midi
de la France , la parloient il y a cent ans : aujourd'hui
, abandonnée au menu peuple , elle
perd fenfiblement fon génie , & bientôt elle fera
totalement oubliée .
232
MERCURE
La Langue du Dauphiné , celle qui étoit parlée
dans la Cour des anciens Dauphins , s'étend encore
dans toute cette Province , & finit avec les
limites ; c'eft la Langue d'un Peuple qui fut toujours
réfléchi , raifonneur , avifé ; & comme la
Langue d'un Peuple eft analogue à fon caractère ,
elle doit être favorabie aux Ouvrages profondément
penfés , plutôt qu'aux Ouvrages de pur
agrément ; aufli eft - elle plus fage , plus pofée
que l'Idiome de la Provence. On traduit dans ce
moment ci , en Langue delphimale , le Phocion
de l'Abbé de Mably , le Traité des Senfations de
l'Abbé de Condillac , & les Eloges de MM. de
Maurepas , Turgot & d'Alembert ; car on a foin
de donner au Traducteur de chaque Province les
Ouvrages des Auteurs qui y ont va le jour , ou
qui four nés dans le voisinage.
La Provence , toujours fertile en grands Hommes
, produifit autrefois les célèbres Troubadours ;
elle à donné le premier Hydraulicien pour les
canaux dans Adam de Craponne , le premier Philofophe
moderne dans Gafendy , le premier Botanite
dans Tournefort , le premier Orateur qui
ait fu toucher le cour , dans Maffilon , ou parler
à l'efprit par des idées brillantes & ingénieufes
dans Fléchier ; le premier Aatear d'an Dictionnaire
célèbre , dans Morery , & c. Un tel Peuple
dont la pentée eft fi active & la pénétration fi
prompte , ce Peuple , dicit le Maréchal de Villars
qu'un fimple flageoler affemble & fait danfer ,
devoit avoir une Langue de caractère qui pûr
exprimer toute la vivacité de fes pallions. Gouverné
autrefois par fes Comtes ou par fes Rois ,
qui la parloient dans leur Cour ; toujours occupé
de marine , d'agriculture , de commerce , d'expéditions
guerrieres ; fouvent renouvelé par des
Colonies Orientales , vivant fous un beau ciel ,
DE FRANCE. 233
environné des plus belles productions de la Nature
, le Poveljal a dû baucoup voir & beaucoup
Laura fa Langue doit exprimer toutes ces
chofer : auil eft- ellé riche en racines Grecques
ingénieufe dans les moyens de rendre les idées
& les fenfations , clis eft même fi laconique ( cẹ
qu'elle tien de la rapide fucceffion des idées de
fes habiran ) , qu'en la tralu fast en François ,
on eft fouvent clligé de compofer une phrafe
pour exprimer deux mots : on ne doit donc pas
étre furpris file Provençal a chanté de bonne
heure les charmes de l'Amour & le fpectacle de
la Nature , & fi la Provence eft diftinguée non
feulement par les Génies du premier ordre qu'elle
a produits , mais encore par leur maturité anticipée
. On traduit en Provençal la plus bell : des
Oraifons funèbres de Fléchier , & ce fameux Difcours
de Mallillon , fur le petit nombre des Flus ,
qui frappa d'effroi un auditoire fenfible , éclaré
& voluptueux de la Capitale.
,
Qui ne connoît les influences du beau ciel de
Lenguados fur fes habitans ? Dans ce climat, les
paffions font vives , l'amour y eft animé , le caractère
enjoué , & le goût porté vers la Nature ,
les graces & le beau. Les femmes fur-tout y parlent
, en leur divin langage , en fiyle Orienta!
s'exprinant fans cefle par des figures hardies &
des tournures admirables. On traduit dans cette
Langue Didon , le Jugement de Paris , les mans
d'autrefois , les OEuvres de Madame du Boccage ,
Efielle , plufieurs des jolies Pièces de M. de Cub... ,
Ecole des Pères , & le Difcours fur l'Univerfa
lité de la Langue Françoife.
Sur les hautes montagnes ' du Rouergue , des
Cévennes , du Gévaudan , du Vivarais , habite un
Peuple fimple , mais fort de caractère , & énergique
dans les expreffions , affociant la réflexion
234 MERCURE
profonde à l'acviité de la penfée . On traduit
ectre Langue les Effais de Montagne , un Tableau
de l'Europe de l'Abbé. Raynal , l'Ouvrage
de Montefquieu fur la décadence des Romains
la plus belle des Provinciales, & les Penfées de
Pafchal.
Le Gafcon eft un cinquième Dialece dans la
Langue Méridionale , confondu , mal à propos ,
avec le Languedocien , le Dauphinois & le Provençal
il cft plus pur dans les montagnes du
Béarn, Ce pays eft d'ailleurs le berceau de notre
bon Henri IV , dont on traduira les Lettres amou
reufes à Gabrielle , le Poëme fur l'Amour , & les
fublimes Difcours aux Seigneurs de l'Armée , pour
les attirer à fon parti , à la mort de Henri III .
Ccs Dialectes , quoique différens par leur génie
, fe reflemblent tous par leur caractère méridional
. Le Languedocien eft peut - être moins
hardi que le Provençal , mais il eft plus capable
d'exprimer également ie figuré & les chofes abftraites
; facilité qui lui vient de la nature des
efprits , capables , en Languedoc , de fuivre également
les routes de la penfée & les nuances du
fentiment.
Toutes ces Langues Méridionales font plus ra
pides, plus énergiques , plus animées , plus hardies
& plus laconiques que la Langue Françoife.
En voulez-vous un exemple ? vous le trouverez
dans les noms fubftantifs fufceptibles ( comme
dans la Langue Italienne & Latine ) de terminaifons
diminutives & augmentatives , qui emportent
avec elles une qualification que la Langue
Françoife eft forcée d'exprimer par un adjectif
convenable ; le befoin d'une expreffion prompte
& qui rende fur le champ ce qui affecte un Peuple
railleur de fon naturel & plein de vivacité ,
DE FRANCE. 235
a même voulu qu'on employât , jufque dans les
noins de famille & de baptême , l'augmentatif &
le diminutif, pour exprimer non feulement la dif
férence des âges , mais la qualité blâmable ou
louable du fujet ; ainfi Louifet & Margaridente
fignifient , parmi nous , le petit Louis & la jeune
Marguerite ; le petit Arnaud eft appelé Arnaúdon :
s'il avance en âge , & sil eft honnête homme ,
il est appelé Arnaud tout court ; s'il devient
mauvais fujet , fi c'eft un roué , on l'appelle toute
la vie l'Arnaudas . Ainfi les fubftantifs des chofes
animées & des chofes inanimées , & les nois
propres, font fufceptibles, parmi nous , de superlatifer
& d'emporter avec eux divers degrés de
grandeur & de mérite. La Langue Françoife connoît
bien des diminutifs dans l'ordre de l'étendue
& de la maffe , comme dans Cha elet , Moulinet,
Couffinet , Braffelet ; mais fes pouvoirs ne s'étendent
pas jufqu'aux qualifications morales ; &
pour les exprimer , elle appelle à fon fecours
des adverbes & des adjectifs , qu'elle aflocie &
qu'elle eft obligée de faire accorder avec le fubftantif
qu'elle veut qualifier .
Une Langue qui a tant de moyens , & dont
Montagne a loué l'énergie , n'eft point une Langue
meprifable ; c'eft un monument qui caractérife
un Peuple comine fon Hiftoire ; & lorfque
cette Langue fe perd , lorfqu'une autre parvient
à étouffer fa voifine ou fa fille
par fa fupériorité
ou fon influence , lorfque fur-tout elle n'a pas
des Ouvrages écrits , c'eft enrichir la Littérature ,
célébrer fa Patrie, que d'en conferver la mémoire
par des Traductions ; & quand même on no les
publicroit pas , placées dans des dépôts publics ,
elles pourront devenir utiles dans la fuite des
temps,
236 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
V OYAGES Imaginaires , Romanefques , Merveilleux
, Allégoriques , Amufans , Comiques &
Critiques ; fuivis des Songes & Vilions , & des
Romans Cabaliftiques , crnés de Figures ; 13e.
Livraifon , contenant Hiftoire du Prince Joly
le Voyage & les Aventures des trois Princes de
Sarendip, le Voyage merveilleux du Prince Fanférédin
, la Relation de l'Ifle Imaginaire, le Voyage
de l'fle d'Amour, la Relation du Royaume de
Coquetterie , & la Defcription de l'Ile de Portraiture
.
Cette Collection formera 36 Volumes in - 8 °.
dont le prix eft de 3 liv . 12 f. le Volume broché ,
avec 2 Planches.
On continue de s'infcrire pour cette Collection ,
à Paris , rue & hotel Serpente , chez CUCHET ,
Libraire, Editeur des Ouvres de Le Sage , Is vol.
in- 8 °. , avec Fig .; de celles de l'Abbé Prévost ,
39 vol. idem ; & du Cabinet des Fées , 37 vol .
in-8°. & in-12 , avec & fans Figures.
Traité des principales & des plus fréquentes
Maladies externes & internes , à l'ufage des jeunes
Docteurs en Médecine , des Chirurgiens Médecins
, & des Praticiens qui fuppléent au défaut
des Médecins gradués , ainfi qu'à celui des perfonnes
éclairées , qui , par des motifs de bienfaifance
, exercent la Médecine dans les campagnes,
ou qui , peu à portée des fecours de l'Art , font
obligées d'être leur propre Médecin , & de médicamenter
ceux qui les enviroanent.
DE FRANCE. 237
Ouvrage qui contient non foulement les directions
décefa res pour apprendre à bien diftinguer
les maladies , & à les traiter à l'aide du régime
& des ordonnances ufitées pour l'Apothicaire ;
mais encore au moyen de 11mèdes domeftiques ,
ou rédigées en une petite Pharmacie portative ,
peu difpendiente , par M. Jean-Crédéric de Herrenfchwand
, Dect en Méd. , Afcié étranger de
la Société Royale de Médecine de Paris , & de la
Société Economique de Berne , ci - devant premier
Médecin du Roi de Pologne , &c. & c .; in-4 °. A
Berne , & fe trouve à Paris , chez Poinçot , Lib.
rue de la Harpe . Prix , 13 liv . 10 f.
Le titre de cet Ouvrage en fait connoître l'objet
& Futilité.
Elémens d'Arithmétique , d'Algèbre & de Géométrie
, avec une Introduction aux Sections coniques
; Ouvrage utile pour faire entrer dans l'efprit
de ces Sciences; & pour difpofer à l'étude de
la Phyfique & des Sciences Phyfico - Mathématiques
; par J. M. Mazéas , ancien Profeffeur de
Philofophie en l'Université de Paris , au Collége
Royal de Navarre ; 7c . édition , revue , corrigée
& augmentée par l'Auteur ; in - 8 ° . Prix , 6 liv.
relié . A Paris , chez Nyon l'aîné & fils , Lib . rue
du Jardinet.
Cet Ouvrage avoit eu beaucoup de fuccès ; il
eft encore amélioré par le foin que l'Auteur a
pris de revoir cette nouvelle édition ,
Les mêmes Libraires viennent d'acquérir tout
ce qu'il reftoit d'exemplaires de l'Art du Diftillateur-
Liquorifle , par M. Dubuiffon , auquel il a
joint un Supplément au Mémoire fur les Acides
natifs du Verjus , de l'Orange & du Citron ; Qu .
vrage imprimé en 1779 ; en 2 Vol . in- 8 ° , br. ,
7 liv. 10 f.
238 MERCURE
Lettre à la Chambre du Commerce de Normandie,
fur le Mémoire qu'elle a publié relativement au
Traité de Commerce avec l'Angleterre ; in- 8 ° .
Prix , 3 liv. br. A Rouen ; & fe trouve à Paris ,
chez Moutard , Impr - Libr. rue des Mathurins
Hôtel de Cluni.
Cet Ouvrage eft très-intéreffant par le fujet &
par la manière dont il eft rédigé.
Le même a mis en vente le Ve . Volume du
Dictionnaire de Police. Prix , 10 liv. 10 f. broché,
12 liv . 10 f. relié .
Procès - verbal de l'Affemblée des Notables ,
renue à Verfailles en l'année 1788. De l'Imprimerie
Royale , in- 4° . Prix , 6 liv . broché. A
Paris , chez Moutard , Imp-Lib. de la Reine , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni ,
Il y a une édition in- 8 ° . Prix , 3 liv. br.
Abrégé de l'Hiftoire Univerfelle , en Figures ;
deffinées & gravées par les premiers Artiftes de la
Capitale , avec les explications qui s'y rapportent ;
par M. Vauvilliers , de l'Académie Royale des
Infcriptions & Belles Lettres. Ouvrage deftiné à
l'inftruction de la Jeuneffè , 9e . Livraiſon . Prix du
cahier , 4 liv . A Paris , de l'Imprimerie de P. Fr.
Didot le jeune , Imprimeur de Monfieur ; Duflos ,
Lib. rue St. Victor ; & Moutard , Imp-Lib. rue des
Mathurins.
Cette Collection jouit toujours d'un fuccès mérité
.
Code du Fabricant , ou Réfumé fommaire des
principaux Réglemens concernant les Arts & Mé
DE FRANCE. 239
tiers . Prix , 2 liv . 8 f. br. A Paris , chez Prévôt ,
Letellier , & Royez , Lib . quai des Auguftins ; &
Méquignon , au Palais ,
Vie de Buffon , in - 12 . Prix , 1 liv. 16 f. br .;
franc de port par la Pofte , 1 liv . 15 f. A Paris ,
chez Maradan , Lib . rue des Noyers , Nº . 33 .
Traité de la Géographie moderne , avec un
Abrégé de la Géographie ancienne ; par le Père
Gibuat , Prêtre de la Doctrine Chrétienne ; 6e ,
édition , augmentée d'une Analyfe du Globe Ter
reftre ; Vol . in- 12 . A Paris , chez Eugène Onfroy
, Lib. quai des Auguftims.
Théatre de la guerre préfente entre l'Empereur
& le Turc , l'Impératrice de Raffic & le Turc .
Cet Ouvrage comprend quatre Cartes, quifont : le
Royaume de Hongrie , la Tranfilvanie , la Ruflie
& la Turquie , comprifes en Europe , avec leurs
fubdivifions. Ces Cartes ont été dreffées particu→
lièrement pour la lecture des Gazettes & Jourhaux.
Prix , 15 fous la feuille. A Paris , chez la
veuve Bourgoin , rue Saint - Jacques , vis-à-vis la
nouvelle églife de Sainte - Geneviève , maifon de
la Lingère .
Numéros 7 & 8 du Journal de Violon , dédié aux
Amateurs , pour deux Violons ou 2 Violoncelles .
Prix , 2 liv. chaque Numéro. Abonnement pour
12 Numéros , 15 & 18 liv. On foufcrit à Paris ,
chez M. Boraet l'aîné , Profeſſeur de Mufique & dè
Violon , rue Tiquetonne , Nº . 10 , où l'on trouve
la nouvelle Méthode de Mufique & de Violon de
l'Auteur.
240 MERCURE DE FRANCE.
4 Sonates pour la Harpe , avec accompagnem .
de Violon , par M. Véron , Prefefleur de Harpe,
OEuv . 1er . Prix , 7 liv. 4 f. A Paris , chez l'Auteur
, rue St - Honoré , vis-à- vis la Fontaine du
Trahoir , maifon de M. Furet , Horloger du Roi .
Grande Ouverture d'Haydn , à quatre mains ,
pour le Clavecin , par J. Giordeni. Prix , 4 liv.
4 fous.
Numéros 227 & 228 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine, contenant une Scène
del Signor Zingarelli . Prix , 3 liv. 12 f.; & un Aif
del Signor Paifiello . Prix , 2 liv . 8 f. Abonnem.
pour 24 Nos. , 36 & 42 liv. A Paris , chez M.
Bailleux , Md . de Mufique de la Famille Royale ,
ruc St - Honoré , près celle de la Lingerie , à la
Règle d'or.
EPIGRAMME.
Epitre.
TABLE.
A M. le Comte de *** .
Charade , Enig. Logog.
Hiftoire d'Angleterre.
193 De l'Electricité. 210
194 Eloge. 216
196 Anna. 225
197 Variétés. 231
200 Annonces & Notices. 236
J'AI
APPROBATIO N.
' AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sccaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 30.
Août 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en
empêcher l'impreffion . A Paris , le 29 Août 1788. °
SÉ LIS.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
LE
POLOGNE.
De Varfovie, le 7 Juillet 1788 .
E paffage du Niefter par le Général
Ruffe de Soltikof, dont le Corps s'eft de
nouveau réuni à celui du Prince de Cobourg
, le blocus plus ferré de Choczim
depuis cette réunion , le mouvement du
Prince de Repnin & de les troupes , audelà
du Bog , pour s'approcher d'Oczakof
, celui de l'armée de Romanzof, qu'on
croit en marche contre Bender , prouvent
que les Ruffes font fortis de leur inactivité,
& leur font fuppofer de grands deffeins.
Mais comme on ignore encore
les opérations que peuvent y oppofer les
Ottomans , leurs projets de défenſe & le
dénombrement des Corps qu'ils emploient
dans la Beffarabie , il faut attendre , fans
conjecturer , que les batailles , fi l'on en
Nº. 31. 2 Août 1788 .
a
( 2 )
donne , foient gagnées ou perdues , & les
places à affiéger , prifes ou fauvées.
Le feul fait qui ait troublé le calme de
ces premières opérations, eft un combat de
chaloupes- canonnières fur le Liman , lac
à l'embouchure du Niéper , où mouilloit
la flottille Ruffe , commandée par le Prince
de Naffau. Le Capitan Pacha ayant fait attaquer
cette flottille de 23 petits bâtimens ,
par une 50ne.de chaloupes , celles - ci ont été
repouffées , & trois d'entr'elles ont fauté.
Les Gazettes préfentent cet évènement
comme une grande bataille navale ; mais
en obfervant que le Liman eft un marais
fort étroit , fur 20 lieues de long , on s'aperçoit
tout de fuite qu'il n'a guère pu s'y
donner de bataille qu'entre de petits navires
. D'ailleurs , on ne connoît encore , ni
la date , ni les particularités de cette action
(1 ).
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 12 Juillet.
C'eftle 24 juin que la flotte Ruffe de Cronf
tadt , reçut ce qu'on croit être fes derniers
ordres , & que l'on devoit finir les embarquemens.
Le peuple envoie toujours cette
efcadre dans la Méditerranée ; mais les
(1) Voy. l'art. Bruxelles.
( 3 )
Spectateurs plus railis , ne font pas auf
auth
fûrs de fa deftination. 13 vaiffeaux de ligne,
6 frégates & 8 tranfports armés , qui doivent
prendre à leur bord fept à huit mille
hommes , compofent cette flotte fous les
ordres de l'Amiral Greigh.
&
Le 2 de ce mois , le Comte de Razoumowski,
Miniftre de Ruffie à Stockholm ,
n'avoit point encore quitté cette réfiden
ce , quoique le yacht du Roi de Suède
la Louife Ulrique , fût prêt depuis plufieurs
jours pour le tranfporter à Pétersbourg . On
prétend qu'avant de partir , il attend un courrier
de fa Cour.
Le bruit d'une canonnade dans la Baltique , rapporté
par un navire Anglois qui avoit rencontré
les efcadres de Ruffie & de Suède , à peu de
diſtance l'une de l'autre , n'eſt point la fuite d'un
engagement. On veut maintenant que l'Amiral
Wrangel ayant demandé le falut à l'efcadre Ruffe,
le Commandant de celle- ci ait répondu que le falut
n'étoit ni réglé , ni ordonné par fes inftructions ;
& que l'Amiral Suédois ayant infifté à cet égard ,
te Commandant Ruffe ait déclaré que l'efcadre
Suédoife portant le Duc de Sudermanie , il alloit
le faluer de 13 coups de canon , ce qui a été fait
& répondu par les deux efcadres , qui ont continué
enfuite leurs routes refpectives. Toutes ces rumeurs
méritent une ample confirmation.
On a remarqué qu'à fon départ , le Roi
de Suède a converfé long- temps avec
le Comte de Lepel , Envoyé de la Cour
de Berlin ; ce Miniftre eft monté ſeul , avec
Je Roi , à bord de l'Amphion. Sans pénéa
j
( 4 )
trer le degré d'intérêt que le Roi de Pruffe
prend à la méfintelligence furvenue entre
les Cours de Pétersbourg & de Ruffie , on
ne peut douter de la grande influence qu'a
ce Monarque fur l'état actuel du Nord.
En particulier , on en voit la preuve dans
la démarche qu'a faite auprès de lui le
Cabinet de Copenhague , auquel les mou
vemens des Suédois ne pouvoient être
indifférens. M. Pehrfon , chargé d'affaires
de Danemarck à Berlin , ayant remis à ce
fujet un Mémoire au Gouvernement , Sa
M. P. a fait répondre , en ces termes , par
fes Miniftres , le 19 juin dernier :
"
T
« Nous avons mis fous les yeux de S. M. le
» Mémoire que M. Pehrfon , Secrétaire de Léga-
» tion du Roi de Danemarck , nous a remis le
» 15 juin , & par lequel il communique l'inquié-
» tude de fa Cour à l'égard des armemens du
» Roi de Suède , & le défir de S. M. Danoiſe ,
» qu'il plût au Roi de coopérer avec elle & d'em-
» ployer fes bons offices auprès des Cours de Ruf-
» fie & de Suède , afin de prévenir une rupture
» entre les deux Puiffances.
» Le Roi prend beaucoup de part à cette in-
» quiétude & aux fentimens de S. M. Danoiſe ,
» fur la fituation actuelle des affaires dans le Nord ;
» inais en même temps S. M. fe flatte que les
» armemens qui paroiffent menacer le repos de
» cette partie de l'Europe , ne doivent leur origine
» qu'à un mal - entendu entre les deux Cours , &
» qu'il eft fort apparent qu'ils n'auront point de
» fuites ultérieures , dès que les deux Cours fe
» donneront mutuellement une explication plus
"
( 5 )
» préciſe , comme elles ont déja cominencé à le
» faire.. Il eft même douteux fi l'intervention
d'autres Cours n'auroit pas un effet contraire ,
» & ne feroit pas défagréable aux deux parties,
" Que cependant , fi la crainte d'une rupture
»
>
augmentoit , le Roi ne manqueroit pas de con-
» venir plus précisément des moyens de la pré-
» venir par une intervention efficace , & adaptée
» à la fituation des affaires . Qu'en attendant
» S. M. Pruffienne avoit chargé fes Miniftres aux
» Cours de Stockholm & de Péter bourg , d'cb-
» ferver avec la plus grande attention tout ce
n qui s'y pafferoit , & de contribuer autant que
poffible , de concert avec le Miniftre de Dane-
" marck , à prévenir , par leurs bon's avis &
» exhortations , que l'on ne fit des démarches
précipitées , qui pourroient troubler le repos
» du nord , auquel S. M. s'intéreffe auffi iin-
» cèrement & avec le même zèle que S. M. le
» Roi de Danemarck . »
»
De Berlin , le 12 Juillet.
Le Prince Royal, accompagné du Comte
de Brühl , fon Gouverneur , est revenu ici,
le 7 , de la Hollande.
M. d'Alapaus , Miniftre d'Etat de l'Impératrice
de Ruffie , eft arrivé de Pétersbourg
en cette capitale , ainfi que le Prince
Sulkowski venant de Kalifch . Le Duc
régnant & la Ducheffe Douairière de
Brunſwick font attendus inceffamment à
Poftdam.
1
La fanté du Miniftre d'Etat , M. de
Dærnberg , ne lui permettant plus de conferver
la direction du Département de
a iij
( 6 )
Juftice , le Roi lui a accordé fa retraite
avec une penfion , & a conféré ce département
au Miniftre d'Etat Baron de
Zedlitz.
Le Lieutenant-général de Bulow eft
mort à Paffevack en Pruffe , le 1er. de ce
mois , dans la 73 ° . année de fon âge.
Le Roi a nommé le Marquis de Lucchefini
, fon Miniftre à la Haye , à la place
du Baron d'Alvenficben , qui fuccède à
Londres , en la même qualité , au Comte
de Lufi , rappelé.
De Vienne , le 14 Juillet.
Le bulletin officiel du 9 , annonçoit ,
fans la détailler , une affaire affez chaude
entre 3000 Turcs , dans la Tranſylvanie ,
& le détachement du Colonel Horvath ;
mais nous ne pouvons rien ajouter à ce
que nous en avons dit la ſemaine dernière ,
puifque le bulletin du 12 a gardé le filence
ultérieurement fur cette action. Il
fe borne , d'ailleurs , au récit de quelques
coups de fufil échangés en Croatie . Celui
du 9 faifoit mention , en ces termes , d'une
attaque des Ottomans fur le pofte de
Rama dans le Bannat.
Suivant les rapports ultérieurs du Comte de
Wartenfleben , du 30 juin , une troupe Turque ,
confiftant en 5000 hommes , la plupart à cheval ,
fous la conduite de 30 drapeaux , avança , le 28 ,
( z )
à l'aube du jour , de Pofcharovatz vers le poſte
de Rama , qu'occupoit le Lieutenant Lopresti avec
23 fantaffins de Belgiojofo , & le taillèrent en
pièces , lui & les gens fous fes ordres , après
avoir oppofé à l'ennemi une réſiſtance de trois
heures ; les Oranitzas envoyés au fecours de ce
détachement en ayant été empêchés , tant par la
fupériorité de l'ennemi , foutenu du feu de fon
Artillerie placée fur les bords du Danube , que
par le mouvement violent des eaux de ce fleuve ,
qui ne leur permirent pas d'aborder , l'ennemi
s'étant d'ailleurs retiré après cette action , ayant
effuyé une perte confidérable. »
L'Empereur a ordonné aux Etats de
Hongrie de s'affembler par Comitats , & de
prendre leurs mefures pour fournir des
recrues & des grains. La Nobleffe a auffi
reçu l'ordre de fe préparer à la guerre.
On obferve de près les Valaques , qui ont
recommencé les excès auxquels ils fe livrèrent
il y a quelques années. L'enrôlement
dans la Bohême eft très-rigoureux ;
on enlève la jeuneffe fans diftin &tion d'état.
Le royaume doit fournir aux magafins
militaires de Hongrie 300,000 mefures
de blé de la récolte de cette année .
Le régiment de Lattermann , & d'autres Corps ,
fe font réunis , le 20 juin , au Général de Wartensleben.
Tous les régimens d'Infanterie font poftés
fur des monticules , derrière des retranchemens .
On préfume que nos Troupes tenteront inceffamment
une attaque contre New- Orfova Il eft
arrivé à Mehadia des chevaux de l'Empereur ,
ce qui fait croire que S. M. fe propoſe d'y faire
a Iv
( 8 )
-
une courfe. Les régimens de Terzi & de
Durlach ont beaucoup de malades .
Le Général Ruffe Sabourofsky ne va
pas en Italie , comme on l'avoit dit ; il s'eft
embarqué fur le Danube , pour ſe rendre
à la grande armée de l'Empereur.
Le Corps avec lequel le Général Soltikof
a paffé le Niefter , à trois lieues
au-deffous de Choczim , pour joindre le
Prince de Cobourg , confifte en 3 régimens
d'Infanterie , St. Pétersbourg, Archangel
& Novogrod , deux bataillons de
Grenadiers , un bataillon de Chaffeurs
trois régimens de Cavalerie , & deux pulks
de Cofaques.
Le Général Jordis eft pofté près d'Okopi , fur
le Niefter ; fon avant - garde s'étend jufque fur
le territoire Ottoman , près de Choczim . Le Corps
du Prince de Cobourg eft à une lieue de cette
fortereffe ; l'avant- garde fe trouve fur une hauteur
où elle s'eft retranchée. Les Troupes de
Choczim font réparties en trois divifions ; la garnifon
du fort , le camp entre ce fort & le faubourg
de Conftantinople , & enfin le pofte de ce
faubourg , qui eft occupé par des Janiffaires.
-
Les relevés des Paroiffes dans l'Autriche
inférieure , qui comprend la Stirie , la Carinthie
& la Carniole ( le Tyrol non- compris
) , préfentent , pour l'année 1787 , les
réfultats fuivans ; favoir , 11,024 mariages,
48,685 naiffances , & 55,793 morts . Dans
le nombre des naiffances , il fe trouve 667
enfans proteftans & 3,855 illégitimes ;
( 9 )
Dans celui des morts , 4,065 individus
morts de maladies contagieufes , 597 qui
ont péri par accident , 43 affaffinés , & 39
fuicides.
De Francfortfur le Mein , le 19 Juillet.
La grande armée Autrichienne , poftée
entre Semlin & Péterwaradin , doit être
confidérée comme le centre , où tout fe
rapporte. Les Corps dans l'Eſclavonie
& dans la Croatie en forment l'aile
droite , & les Corps du Bannat & de '
la Tranfylvanie , l'aile gauche . Le Général
Gazinelli fe trouve avec 10,000
hommes à l'extrémité de l'aile droite , &
couvre les ports de Triefte , Fiume , Bukari
, Carlopago & Zeng. Le Corps du
Prince de Lichtenftein s'étend , à la droite,
jufqu'à Vakup, & à gauche, jufqu'à la Save.
Le Corps du Général Mitrowsky eft poftéle
long de cette rivière. Son point de réunion
avec celui de Lichtenftein , eft à Gradifca
& Banialucka . Le Corps du Général
de Wartenfleben , dans le Bannat , s'étend ,
d'un côté , jufqu'au Danube , & de l'autre ,
jufqu'à Méhadia dans la Tranfylvanie, où
fe trouve le Corps du Général de Fabris ,
qui s'étend jufque dans la Valachie. Le
Corps du Prince de Cobourg couvre la Buchowine
, la Tranfylvanie & une partie de
la Pologne. Il faut fuivre cette difpofition
a v
( 10 )
générale fur la carte , pour bien connoître
les opérations (1 ).
Si l'on veut enfuite un tableau de
comparaison entre les forces refpectives
qui fe trouvent fous les armes , voici un
dénombrement probable des troupes enployées
par les trois Cours Impériales , actuellement
en guerre : nous accompagnons
cette notice de quelques obfervations .
TROUPES OTTOMANES.
Infanterie.
Janiffaires .
Chaque Oda , chambre ou régiment de
Janiffaires , dont on compte 62 , doit
être compofé de mille hommes , ce
qui feroit 162,000 ; mais en déduifart
les vieux foldats & ceux qui font reftés
en garnifon à Conftantinople , on
peut admettre au moins le nombre cicoté
, comme celui qui est entré en
campagne
Topzi ( Artilleurs ) , & Combarazi ,
( Bombardiers ).
Leur nombre eft de 20,000 hommes ,
mais on en déduit la moitié pour les
fortereffes.
Total...
hommes.
110,000
10,000
120,000
(1 ) On a peu de bonnes cartes détaillées du
théâtre de la guerre entre les Turcs & les Autrichiens.
Les meilleures font celle publiée à Vienne
& celle du cours du Danube , publiée par M. Le
Clerc , dans fon Atlas du Commerce.
( 11 )
cha-
De l'autre part.
Sarig as ou Serrodsche , troupes que
que Pacha eft obligé de fournir à raifon
de fes revenus , au moins . . . . . .
Metersi , ou troupes pour ordonner les
dreffer les tentes .
& camps pour
123,000
6,000
... 60,000
Total de l'Infanterie Régulière..... 186,0 00
A ce nombre il faut ajouter les volontaires,
qui fonttrès -nombreux , les tributaires
, les alliés , &c. de forte que
fans s'écarter de la vérité , on peut
porter le nombre des combattans de
l'infanterie à ..
Cavalerie.
Spah's , réglés & payés de la caiffe de
l'Empire..
204 000
12,000
Timarlottes , ou feudataires militaires .. 132,645
Sebegi , efpèce de Cuiraffiers
Ces Cuiraffiers font répartis en 60
Odas , chacune de 500 hommes , ce
qui feroit 30,000.
Segbani , efpèce de dragons que fourniffent
les Pachas .
18,000
4,000
Total de la Cavalerie....... 166,645
Total général des armées Ottomanes ,
actuellement employées ...
"
Lorfqu'on ajoute à ces troupes les Tatares
les Muclagi , qui fervent de
cortége particulier aux Pachas , une
partie des Boftangis , la milice du
Caire &c. on peut les porter au moins
à 400,000 combattans.
370,645
a vj
( 12 )
TROUPES DE L'EMPEREUR.
On a donné , dans un des Ncs, précédens
de ce Journal , un état exact de ces
troupes employées actuellement ; il
monte à
dont au moins 245,000 font des
combattans.
En y ajoutant les bataillons & les divifions
qui , depuis le 24 avril dernier
, ont joint les divers corps d'armée
, on peut porter ces troupes à
300,000 hommes.
1
TROUPES RUSSES.
On ne connoît point avec exactitude le
nombre des troupes que fait marcher
l'Impératrice.
On donne au Maréchal de Romanzof,
65,000 hommes , & au Prince Repnin
70,000 hoinmes ; en donnant auffi
au Prince Potemkin 65,000 , les armées
Ruffes feroient de ...
D'après ces données , le total des combattans
des trois Empires en guerre ,
eft de 00,000 hommes , non compris
les forces maritimes .
275,200
200,000
On porte le nombre des chevaux aux corps
d'armée Autrichiens à 80,000 , & on évalue
que la confommation journalière de ces corps
d'armée , monte à 8,00 quintaux de farine ,
( ce qui feroit pour l'année 2,920,000 quintaux
) & à deux cents boeufs , ( pour l'année
73,000 ). Lorsqu'on ajoute à cette dépenfe celle
qu'exigent d'autres fubfiftances , telles que vin ,
vinaigre , fourrages , &c. & celle des munitions de
guerre , on peut fe faire une idée des fommes
( 13 )
immenfes qu'abforbent ces hoftilités
feuls Autrichiens .
, pour
les
L'entretien
des armées
de l'Empereur
en tems
de paix , ne va pas au- delà de 24 millions
de florins
, le double
n'eft pas fuffifant
en tems de guerre
.
Les revenus
ordinaires
de ce Prince
montent
cent millions
de florins
.
M. Walpole eft arrivé à Ratisbonne en
qualité de Miniftre de la Cour de Londres :
on le dit auffi accrédité auprès de l'Elec-'
teur Palatin Duc de Bavière.
ITALIE.
De Rome , le 10 Juillet.
Il eft connu de tous ceux qui ont quelque
teinture de l'Hiftoire du moyen âge,
que les Normands , après s'être emparés.
de Naples , de la Pouille , de la Calabre &
de la Sicile , fous leurs Chefs Robert Guifcard
& Richard, moitié par crainte , moitié
par politique , offrirent leurs conquêtes
au St. Siège , fous le nom d'oblata ,
& fe foumirent à en recevoir l'inveftiture .
Cet hommage à l'Eglife fut fans doute
plutôt volontaire que d'obligation , puif-'
que les Papes n'avoient jamais eu la fuzeraineté
des deux Siciles ( :) . De cette vaf-,
( 1 ) On peut confulter à ce fujet l'excellente
Hiftoire de Naples.de Giannone , qui , dit un Ecrivain
célèbre , pour récompenfe du fervice qu'il
( 14 )
falité , il ne reftoit que la cérémonie annuelle
de la préſentation folennelle de la
haquenée , le jour de St. Pierre & St. Raul .
La Cour de Naples vient de fe fouftraire
à cet ufage , ancien de 700 ans , & le 29
juin dernier le cheval blanc n'a point
paru à Rome. L'impreffion qu'a faite cet
oubli, a été encore augmentée par la harangue
latine qu'a prononcée le Souverain
Pontife , après les vêpres, en préfence
du facré Collège , des Prélats , des Magiftrats
, & d'une grande multitude. S. S. a
exprimé fa douleur , en difant :
VÉNÉRABLES FRERES , VOUS TOUS QUI ÊTES
PRÉSENS , MES FILS BIEN AIMÉS.
» Vous êtes furpris avec raifon de voir la folennité
de ce jour diminuée , & fon éclat obfcurci
, par le refus du jufte hommage & du vaffelage
que notre très- cher fils en J. C. Ferdinand ,
roi des Deux-Siciles , étoit obligé fous la foi des
fermens , de prêter chaque année à ce S. Siége de
Pierre , & à Nous , avec les cérémonies & l'appareil
accoutumés. Il me femble que déja vous demandez
par quel motif , pour quelle cauſe on a
été privé cette année d'un droit certain , dont le
St. Siége étoit en poffeffion paiſible , droit confacré
par l'ufage conftant de tant de fiècles , par la
rendit à fon pays , fut abandonné par l'Empereur
Charles VI, alors Roi de Naples , à la perfécution
de fes ennemis , trahi enfuite par la plus lâche
des perfidies , facrifié à la Cour de Rome , & mort
dans la captivité.
( 15 )
foi des contrats , par la religion , par les fermens
folennels du pacte d'inveftiture .
Rien , certes , ne nous faifoit foupçonner cet
événement ; il n'a été précédé par aucun indice ;
& même pendant tout le cours des dernières négociations
, il n'a été fait aucune plainte , il n'a
été proféré aucun mot qui eût rapport à la redevance
accoutumée & à la préfentation de la
haquenée.
» Pleins de confiance dans de juftes titres , nous
étions dans la plus parfaite tranquillité & fécurité
à cet égard , & nous nous attendions au renouvellement
de cet hommage , avec d'autant plus de
raifon , que même , dans d'autres temps de différends
& de difcorde entre le St. Siége de Pierre &
le royaume de Naples , jamais il n'avoit été
interrompu , jamais cette pompe n'avoit été
oubliée.
«Et c'eft à préfent , c'eft au milieu des témoignages
les plus fincères d'amitié , & des preuves
d'une bienveillance toute particulière que nous
profeffons avoir toujours donnés au roi , qu'on refufe
cet hommage!
" Ce que nous avons toutefois réfolu de taire ,
jufqu'à ce qu'il foit arrivé , ce jour heureux que
nous défirons fi ardemment , ce jour de la conciñation
de tous les différends avec le roi fur la jurifdiction
& l'autorité eccléfiaftiques, oui , nous éviterons
encore de vous le dévoiler.
» Mais vous verrez alors combien d'injures nous
avons eu à fouffrir , ( non fans doute de la part
du roi , dont la volonté y eft étrangère ) mais par
la faute d'hommes ennemis déclarés de la paix ,
de l'églife , & de l'autorité même du roi. Vous
verrez avec quelle facilité nous avons fait conceffions
fur conceffions , avec quelle follicitude quel
foin , quel zèle , quelles peines nous nous fommes
་ ་
( 16 )
prêtés pour réunir les opinions , & éviter tout ce
qui pouvoit aigrir & animer les conteftations . Finalement
, l'affaire étoit dans un fi bon train d'accommodement
, que de tant d'articles d'abord en
litige , il n'en reftoit p'us que deux fur lesquels
on n'étoit pas également convenu ; encore avionsnous
déclaré expreffément que nous étions difpofés
à accorder l'un de ces deux points ; & quant à
l'autre , nous défirions ne pas nous éloigner des
propofitions qui avoient été faites quelques mois
auparavant aux confeillers mêmes du roi . Mais
dans le tems que cette affaire ſe pourſuivoit avec
la plus vive ardeur , dans le temps qu'on avoit
conçu l'efpérance flatteufe de la terminer heureufement
, on rompit fubitement les négociations à
notre grand déplaifir.
" On ne parla plus depuis de l'accommodement
, on ne fit plus aucune réponse à nos lettres;
nous avons vu, au contraire, dans l'espace de quelques
mois , porter les plus cruelles atteintes à la
liberté de l'églife & à notre autorité. A ces outrages
multipliés , nous n'avons toujours oppofé
que la fermeté & la patience ; nous n'avons pas
éclaré en plaintes , nous ne nous fommes pas aban- .
donnés dans le fein de la douleur : fans oublier
jamais ce que nous devions à notre dignité , nous
nous fommes encore rappelé avec plus de com
plaifance , ce que la follicitude d'un père , ce que
la charité chrétienne demandoit de nous ; nous avons
tout fouffert en filence ; nous avons même
arrêté le cours des devoirs pontificaux , tant qu'il
a été poffible de le faire fans offenfer ni l'honneur ,
ni la confcience , ne défirant ufer de nos pouvoirs
qu'avec économie & ménagement.
» Ce font fans doute des perfonnes qui fe plafent
à ces fortes de querelles & qui les recherchent
, qui ont imaginé ce nouveau fubterfuge ,
( 17 )
-
dans l'efpoir qu'en privant le Siége Apofto'ique
du droit de cet hommage folennel , qu'en ôtant
de la vue du pup'e l'éclat de cette pompe , le
chagrin que nous en reffentirions , nous rendroit
plus faciles d'ailleurs , & plus i fenfibles aux préjudices
portés aux droits de ' églife.
» Ils fe font mépris toutefois , s'i's ont ainfijugé
de notre manière de penfer ; car jamais notre courage
ne fera abattu , jamais nous n'abandonnerons
les devoirs de notre ministère . Par les actes
même des négociations , qui feront un monument
éternel de nos fentimens , il fera manifefté
que nous n'avons jamais cherché le lucre & les avantages
particuliers de cette ville , mais feulement
les droits & la dignité de l'églife . Ainsi , pour
ce qui eft de cette nouvelle injuftice , nous nous
bornerons à y intéreffer la religion du roi ; nous lui
mettrons devant les yeux , que les droits d'un
royaume temporel , confirmés par la foi des fermens
& établis par une obfervance conftante , ne
doivent pas fe confondre avec des droits d'un genre
tout différent , c'eſt-à-dire , avec des droits fpirituels
, entièrement eccléfiaftiques , inhérens à la
dignité de fouverain Pontife. Nous l'exhorterons
paternellement à réparer l'injure faite au Siége Apoftolique
, & à prendre exemple fur la piété &
l'obéiffance envers l'églife , de fon glorieux père
( le Roi d'Espagne ) , qui avoit promis pour fon
fils , avant que ce fils le promît lui-même , de
rendre au Siége Apoftolique l'hommage qu'on refufe
aujourd'hui. Enfin , nous lui rappellerons les
termes accordés par les décrets de Jules II , de
Léon X & des autres Pontifes leurs fucceffeurs ,
pour remplir cette obligation,
» Nous nous flattons qu'il annullera entièrement
l'ordre que des hommes ennemis de la paix ,
profitant du moment favorable , ont furpris à fa re(
18 )
ligion. Le confeil du roi très -pieux examinera fé
rieufement ce piége , & il ne permettra pas qu'on
aboliffe ainfi les traités , qu'on enfreigne fes fermens
& ceux de fes prédéceffeurs , qu'on annulle
enfin ce droit d'inveftiture royale.
Le même jour , on expédia des remantrances
aux Cours de France , d'Eſpagne
& de Naples ; & le lendemain , le Fifcalgénéral
lut en public la proteftation fuivante
, que S. S. confirma & approuva .
" Entre les droits du Saint-Siége & de la Chambre
Apoftolique , il n'y en a aucun , très -faint
Père , de plus clairement & certainement établi ,
que celui d'exiger chaque année du Roi de la
Sicile , au jour de la veille ou de la fête des Saints
Apôtres Pierre & Paul , avec les folennités accoutumées
& de ftyle , le paiement d'un cens de
mille ducats d'or de la Chambre , & la préfentation
d'un cheval blanc décemment orné , en
reconnoiffance du domaine fuprême , vrai & direct ,
qu'a le Siége Apoftolique fur le Royaume de
la Sicile & toute la terre en deçà du Phare , jufqu'aux
limites ou confins de l'Etat de l'Eglife . »
"
« Ce droit fut fpécialement établi lors de l'inveftiture
très - connue donnée par le Souverain Pontife
de très-fainte mémoire Jules II , & les autres fes
prédéceffeurs ou fucceffeurs ; & il fut confirmé
en l'année 1734 , à l'inftance & aux prières de
Philippe V , Rois des Efpagnes , & de Charles
Infant des Efpagnes , qui depuis encore , par fa
lettre datée de Portici , près de Naples , le 9 avril
1739 , le ratifia auprès de Clément XII de fainte
mémoire ; ce droit enfin eft approuvé par la coutume
conftante de plufieurs fiècles. Le Roi actuel
de la Sicile , Ferdinand IV , a promis lui- même
de l'obferver , par l'Eminentiffime & Révérendif(
19 )
"
fime Cardinal , Dominique Orfini , député fpécialement
à cet effet , lequel en prêtant , au nom
dudit Ferdinand , plein hommage , foumiffion
& devoir de vaſſal à Clémennt XIII , de fainte
mémoire , jura entr'autres fur la confcience de
fon principal , d'accomplir entièrement & chacune
des conditions contenues dans la terre
des Papes d'heureufe mémoire Jules II , Léon X,
& des autres Pontifes Romains , & fpécialement
de Clément XII , au fujet de l'inféodation & invef
titure defdits Royaumes & Terres , & de toutes les
claufes qui y étoient détaillées au long , & de ne
refufer en aucun temps , ainſi qu'effectivement il
a fatisfait complettement toutes les années paffées.
Comme il advient donc dans cette année courante
que le même Roi Ferdinand a entièrement négligé de
rendre ledit hommage , en conféquence , moi , Procureur-
Fifcal Général de votre Sainteté & de la
Chambre Apoftolique , je protefte fermement &
folennellement contre ce retard & défaut , priant
inftamment Votre Sainteté de recevoir bénignement
& d'admettre cette mienne proteftation , &
de daigner conferver intactes toutes les chofes qui
font préfentes dans les lettres de Jules II & des
Pontifes fes prédéceffeurs & fucceffeurs. »
De Venife , le 26 Juin.
Le 19 , l'Amiral Priuli mit à la voile
avec la frégate la Bellone , de 42 canons &
300 hommes d'équipage ; le chebec le
Triton , de 32 canons & 300 hommes ; la
bombarde la Pologne , de 16 canons & 70
hommes. Quelques jours auparavant les
deux galères la Fortune & la Santé, chacune
montée de 350 hommes , outre
( 20 )
deux galjotes & huit chaloupes canonnières
, avoient auffi quitté le port ; & d'ici
aux premiers jours de juillet , 3 groffes frégates
, un chebec & deux galiotes feront
encore prêts à partir. Les forces maritimes
de notre République ont été mifes depuis
peu fur le pied le plus refpe&table. Nous
comptons 80 bâtimens de guerre ,
guerre , dont
40 vaiffeaux de ligne ; 5 autres font en
conftruction fort avancée.
Le Chevalier Emo a propofé au Sénat
de faire conftruire des frégates & des cutters
fur des gabarits Anglois , au lieu de
chebecs & de galères , dont l'ufage n'eft
ni auffi général , ni auffi avantageux .
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 22 Juillet.
Un courrier venant du Continent , &
arrivé le 14 , a donné lieu à un Confeil ,
dont le réſultat a été envoyé au Roi à
Cheltenham. Ce Confeil étoit compolé
du Lord Chancelier , du Duc de Richmond,
du Lord Carmarthen & de M. Pitt. Nous
épargnons à nos Lecteurs les hiftoires ridicules
, inventées par les Fapiérs Anglois ,
& répétées par leurs échos ordinaires , touchant
les prétendus motifs de cette Convocation
.
( 21 )
On affure aujourd'hui à Cheltenham ,
& dans les environs de St. James , que le
Marquis de Buckingham fera mis à la tête
de l'Amirauté ; qu'il fera remplacé dans fa
Vice- Royauté d'Irlande , par le Comte de
Salisbury ; & que Lord Chatham , premier
Lord actuel de l'Amirauté , fuccédera au
Comte de Cornwallis , dans fa place de
Gouverneur général de Bengale. ( Nomination
de Gazette , quant à la dernière
place. )
Les Lords de la Tréforerie ont donné
ordre aux Officiers de la Monnoie , de
préparer un état de toutes les pièces d'argent
monnoyé , depuis l'avénement de
Guillaume III au trône , jufqu'à la fin de
l'année dernière , en diftinguant le poids
de l'argent & le nombre des différentes
pièces frappées chaque année. On affure
que cette mefure prépare une nouvelle
fabrique d'efpèces d'argent.
I
On travaille , avec la plus grande a &tivité
, dans le chantier de Chatham , à
achever la conftru &ion du Royal George
de 110 canons , & il fera en état d'être
lancé dans deux mois au plus tard. Sa forme
ſera employée auffi- tôt à recevoir la quille
de l'Empire de 110 , qu'on doit conftruire
d'après un nouveau modèle ; ce vaiffeau
fera le plus gros de notre marine. Les der
niers changemens dans le Bureau de l'A(
22 )
mirauté ont caufé à Chatham une fenfation
généralement agréable .
L'efcadre de l'Amiral Levefon Gower,
fe trouvoit , le 19 , devant l'ifle de Whigt ;
on en fignala de Portfmouth quelques
vaiffeaux , & l'on fuppofoit qu'elle alloit
entrer dans ce port ; mais comme peu
après on la perdit de vue , il eft à fuppofer
qu'elle s'eft rendue à Plymouth .
Le 18 , on a commencé de recueillir
les fuffrages pour l'élection d'un Repréfentant
de Weftminſter . Les Candidats ,
avons-nous dit précédemment, font Milord
Hood, qui étoit en poffeffion de cette place
depuis la dernière élection générale , &
le jeune Lord John Townshend , foutenu
par l'oppofition . Ce dernier a eu l'avantage
dans le poll ou colle &te des fuffrages ,
durant les trois premiers jours , c'eft-àdire
, qu'il fe trouve jufqu'ici en faveur
de Lord Hood 1615 voix , de Lord Johnn
Townshend
, 1919 .
7
Mais cette première fupériorité ne décide
rien encore , puifque ce nombre
forme au plus la cinquième partie des
Ele&teurs ; d'ailleurs les violences qu'a
employées le bas peuple des deux partis ,
ont écarté beaucoup d'honnêtes citoyens
de l'affemblée ; quatre cents Ele&eurs attachés
à Milord Hood n'ont pu , dit-on ,
en approcher hier. Des matelots zélés pour
( 23 )
eet Amiral , des garçons bouchers & la
lie de la canaille , enivrée pour les intérêts
de fon Concurrent , fe font livrés bataille
le lecond jour ; les Matelots , moins
nombreux , ont dû céder la place . Hier
ce défordre a recommencé ; les Volontaires
encocarde bleue & orange, ont outragé
& bleffé grièvement plufieurs des partifans
de Milord Hood , qui fe rendoient à
l'élection. Un citoyen très - refpectable ,
a reçu un coup qui lui a découvert
le crane . MM. Macnamara , Waugham &
Horne-Tooke , écrivain bien connu , ont
porté plainte aux Magiftrat de ces scènes
violentes , à peine pardonnables dans une
démocratie de Sauvages , en demandant
un renfort de Conftables pour les jours
fuivans , ce qui leur a été accordé.
On ne fe feroit qu'une idée imparfaite
de la licence effrénée de ces jours
d'élection, (à Weminfter principalement)
fans en avoir été témoin. Toute décence ,
toute règle eft oubliée ; les brigues les
plus fcandaleufes , les affiches les plus abominables
, les féductions les plus viles , le
vin , l'argent , les papiers publics , les
careffes , les coups de bâton & quelquefois
des meurtres , accompagnent ces Bacchanales
, au milieu defquelles il feroit
difficile de reconnoître l'exercice du plus
( 24 )
beau droit d'un peuple libre. Dans une
démocratie fage , où les Electeurs feroient
laiffés à leur feul fentiment , le
choix à faire dans cette élection ne feroit
pas douteux . On récompenſeroit
dans Milord Hood , des fervices périlleux
& éclatans , une vie confacrée depuis
-30 ans à la patrie , un caractère & une
conduite à l'abri de toute eſpèce de re-
.proche. Pendant qu'il a fiégé au Parle
ment, il n'a jamais perdu de vue les intérêts
de fes conftituans , & quoique partifan
de M. Pitt , il a voté pour le rappel
de la taxe des boutiques. Sur d'autres
queftions , étrangères à la ville de Weftminfter
, il a fuivi fa confcience feule ;
& qu'il fe foit trompé, ou non , il n'en
eft pas moins irréprochable. D'un autre
côté , ſon rival , eft un jeune homme aimable
& d'un efprit orné , mais qui n'a rien
fait encore pour l'Etat , que l'Univerfité
de Cambridge refufa pour fon Repréfentant
à la dernière élection , à qui
des aventures plus que galantes , & l'agrément
de fes manières ont acquis le
titre de ( Fashionable Man ) homme à la
mode , (qui ne vaut pas celui d'Amiral vainqueur);
eftimable d'ailleurs , & deftiné fans
doute, par fa naiffance & par fes intentions,
à devenir un Sénateur utile.
Jol.n
( 25 )
John Riddel eft mort la femaine dernière
à Edimbourg, âgé de 116 ans ,
FRANCE.
De Verfailles , le 27 Juillet.
Le Roi ayant agréé la démiffion que
lui a remife le Baron de Breteuil de la
charge de Secrétaire d'Etat , en a pourvu
le fieur Laurens de Villedeuil , Confeiller
d'Etat , & ordinaire au Confeil royal des
Finances & de
Commerce , qui , le 25 ,
a eu l'honneur d'en faire fes remerciemens
à Sa Majesté , étant présenté par
l'Archevêque de Sens , Principal Miniftre
d'Etat , & Chef du Confeil royal des
Finances..
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint- Valery ,
Ordre de S. Benoît , Diocèle d'Amiens , l'Evêque
de S. Pons ; à celle de S. Joffe-fur-mer , même
Ordre & même Diocèfe , l'Abbé de Caftelnau ,
Vicaire-général de Béziers ; à l'Abbaye régulière
de Sept-Fonds , Ordre de Citeaux , Diccèfe
d'Autun , D. Bernard de Montfort , Prieur de la
même Abbaye; & à l'Abbaye régulière du
Chapitre noble de Montigny , Ordre des Urbaniftes,
Diocèfe de Befançon , la dame de Guyot
de Maucenans , Chanoineffe - profeffe du même
Chapitre.
De Paris, le 30 Juillet.
Les
horribles dégâts de l'orage du 13 ,
Nº. 31. 2 Août 1788. b
( 26 )
fe font malheureufement étendus fort loin ,
ainsi qu'on l'aura vu par la lettre de Douay
que nous rapportâmes la femaine dernière.
Après avoir défolé la Beauce , une grande
partie de la Génér. de Paris & de la Picardie
, la grêle s'eft fucceffivement portée le
même jour fur le Cambrefis , la Flandre &
le Hainaut. De toutes parts nous recevons
les détails les plus douloureux , & ils le deviennert
encore davantage par les follicitations
de fecours qui les accompagnent ,
& que des annonces de journaux font bien
peu propres àéveiller. D'ailleurs , la mifère
des Cultivateurs qui entourent la Capitale ,
réclame la première affiftance ; & les malheurs
des Provinces , fentis partout également,
ne peuvent guère être foulagés que
par les habitans riches des diftri&s maltraités
, par les perfonnes en place , & par
les
Adminiftrations provinciales , dont l'activité
compatiffante ne fauroit mieux être employée
que dans les circonstances actuelles .
La plupart des rapports qui nous font
parvenus , repréfentent l'orage fous les
mêmes caractères , & fuivi des mêmes
défaftres que nous avons expofés dans les
premières relations.
» Depuis le matin , écrit-on de Cateau-Cambrefis
, il faifoit une chaleur exceffive ; vers les
onze heures & demie , le ciel fe couvrit de nuages
épais , qui préfageoient une pluie des plus abondantes.
Des éclairs continuels faifoient appréhender
( 27 )
un orage affreux. A onze heures trois quarts , il
s'éleva un vent de fud-oueſt très - impétueux. Un
inftant après , le tonnerre fe fit entendre avec plus
de violence ; à une pluie qui dura peu , fuccéda
une grêle affreufe qui , en moins de vingt minutes ,
ravagea toute la campagne & occafionna en cette
Ville un dommage très - conſidérable . Toutes les
vitres expofées au midi & au couchant , furent
fracaffées en un moment. Les maiſons fouffrirent
beaucoup de l'ouragan , les toits furent à moitié
découverts , plufieurs même percés. Les grêlans
étoient très-gros , plufieurs pefoient jufqu'à cinq
à fix onccs. L'étendue du terrain ravagé n'eſt pas
encore bien connue ; mais on préſume avec raiſon
qu'elle est très-grande. Généralement le tuyau des
bleds n'eft pas coupé , mais feulement plié : néanmoins
ils font tous couchés , & ont fouffert au
point qu'on n'en peut prefque rien eſpérer. Les
fourrages font perdus. Les houblonnières voisines
de cette Ville , & qui promettoient une récolte
abondante , ne laiffent pas au cultivateur désolé ,
l'efpoir de pouvoir retirer fes avances.
Comme on va le voir , une partie de
la Flandre a été encore plus maltraitée .
» Plus de 20 lieues de pays ont été abfolument
dévaftés, & la défolation eſt univerſelle . A Douay,
le dégât caufé par la grêle , dont les pierres pefoient
3 quarterons & plus , eft évalué à près de cent
mille écus , en vitres caffées feulement. Les campagnes
des environs , celles du côté du Pont-à-
Marcq, de Bondues , de Roubaix , de S. Amand ,
de Tournay, &c . reffemblent à des terres en friches .
Les bleds , les tabacs , tout a été haché & broyé
jufque dans les racines. Des arbres d'une groffeur
énorme ont été brifés , & d'autres déracinés ; des
maifons détruites ; les troupeaux , le gibier , les
poulets , les poules , les pigeons , tués ou bleffés ;
bij
( 28 )
quelques perfonnes ont auffi été bleffées très- grièvement,
& il en eſt même , dit-on , qui ont perdu
la vie. A -deffus de S. Amand , les effets de cette
cruelle tempête ont été plus terribles encore . Des
maifons dans les campagnes ont difparu , de manière
à ne plus reconnoître la place où elles étoient
fituées. L'orage s'eft manifefté vers les 11 heures du
matin.
La même Province eft d'autant plus à
plaindre , que la féchereffe du Printems
avoit fait avorter les lins , & nui aux fourrages.
Les pluies qui ont fuccédé ont également
gâté une partie des collats .
Antérieurement au 13 , un diftri& confidérable
de l'Auvergne avoit éprouvé le
même fléau.
Clermont, ce 10 Juillet 1788 .
« La nuit du 4 au 5 juillet , à deux heures
du matin , il a éclaté aux environs de la ville
d'Ardes , au centre de l'Auvergne , fur. 30 à 40
Paroiffes contigues , un orage très- violent , annoncé
par un vent impétueux , avec un bruit épouvanta
ble. La grêle a été pouflée pendant plufieurs heures
avec tant d'impétuofité , que toutes les moiffons
ont été emportées , les prés enfablés , un grand
nombre de noyers ont été déracinés ; plufieurs
dont les troncs ont réſiſté à l'ouragan , ont eu les
branches caffées ou tordues , plufieurs moutons
ont été tués dans les parcs par les coups de grêle. »
« En un moment les torrens groffirent au
point que des malheureux , qui avoient eu
limprudence
de fe lever pour aller ramener leurs beftiaux
de la campagne , furent furpris & entraînés .
On a vu le lendemain leurs cadav és flotter fur
la rivière d'Allier qui étoit débordée , & charioit
auffi des arbres de toute eſpèce.
">
( 29 )
L
« Les pertes de ces malheureux Hab'tans font
inappréciables ; outre qu'ils ont perdu toute leur
récole -our l'année préfente , ils font fans eípérance
de rien recueillir de plufieurs années . "
Dans le pays en plaine , les vignes & les
abres fruitiers ont été battus fi violemment , que
toutes les feuilles & les jets de l'année ont été
brifés , les feps & les arbres font en danger de
périr , ce qui pourra fe réparer à peine dans trois
ans , au moyen d'une culture très-affidue , »
« Dans la partie montagneufe , les terres ont
été entraînées dans les vallons , le roc´a été lavé ,
au point qu'il eft impoffible d'y cultiver déformais
une grande partie des héritages ; les Cultivateurs
déferrent journellement . Ce fléau s'eft étendu fur
un espace d'environ 12 lieues de long fur 2 de
large , aux environs de la ville d'Ardes , depuis la
Godivelle jufqu'à Saint- Germain l'Hern , en patfant
pas Ardes , Auniat , Collanges , S. Germainl'Embron
, Beaulieu & le Verner. »>
On prie les perfonnes charitables qui voudront
bien faire paffer quelques fecours aux malheureux
Habitans de cette contrée , de les remettre à M.
Dorfaut , Notaire , rue de l'Arbre-fec , à Paris .
ou de les adreffer directement à M. Chalvon , Curé
d'Ardes , en Auvergne.
Vers le milieu du mois précédent , on
reffentit dans un canton de la même Province
, au bourg de Pionfat , à huit lieues
de Riom , plufieurs fecouffes de tremblement
de terre .
La Société Royale d'Agriculture de Paris
, à laquelle S. M. vient de donner une
conftitution fixe , par un Réglement du 30
mai dernier , vient de publier un Avis aux
biij
( 30 )
Cultivateurs , dont les récoltes ont été ra ,
vagées par la grêle. Ces morceaux pou
vant être utiles à une partie de ces infor
tunés , nous nous hâtons d'en étendre la
connoiffance par la voie de ce Journal .
OBSERVATIONS fur les refources que peuvent
encore fe procurer les Cantons ravagés par la
grêle , lues à la Société royale d'Agriculture , le
17 juillet 1788.
Par M. PARMENTIER , Membre, de la Société.
On a pu , dans des temps d'ignorance , fe perfuader
que la grêle portoit avec elle un poifon
mortel , capable de nuire aux productions végé
tales qu'on effayeroit de faire venir auffitôt après
fa chute ; mais aujourd'hui qu'il eft reconnu que
la grêle n'eft autre chofe qu'une eau très -pure
congelée par le froid , ii eft évident qu'elle ne
peut produire d'autre effet que de refroidir momentanément
le fol fur lequel elle est tombée
& d'agir mécaniquement. On peut donc eſpérer
de tirer encore parti des terrains ravagés , & d'y
cultiver quelques plantes utiles , en fuppofant que
la féchereffe & le hâle de la faifon ne s'opposent
point à leur développement.
9.
Tout le monde fait qu'il eft des espèces de cultures
qu'on peut encore entreprendre à la fin de
juillet , & même au commencement d'août , surtout
lorfqu'on n'a pour objet que d'obtenir une
nourriture pour les beftiaux , il ne s'agit que de
donner un fimple labour à la terre , de femer &
de herfer, & on peut efpérer de voir , dans
l'efpace de deux mois & demi , fi la faifon eft
favorable , convertir les terrains dévastés par la
grêle , en prairies momentanées. Il faut étudier
les efpèces de grains qui conviennent le mieux
à la qualité du fol , & fur-tout celles dont il
( 31 )
fera le plus facile de s'approvifionner : tels font
l'orge , l'avoine , le feigle , & les femences légu
mineufes , connues fous le nom collectif de dragées ,
de grenailles & de bizailles , principalement la
vefce hâtive , où petite vefce , grain qui peut fe
femer avec l'avoine , à la fin de juillet. On faucheroit
ces prairies à l'époque de la fleuraiſon ,
& on en obtiendroit un fourrage excellent , qu'on
pourroit faire manger en verd aux beftiaux , ou
conferver utilement pour l'hiver ; mais il vaudroit
mieux , fi la faifon le permet , attendre que le
grain fût formé. On pourroit même économiſer
la femence dans les terres qui auroient été ravagées
par la grêle , à une époque très- voifine de
la maturité du grain , il ne s'agiroit alors que de
labourer légèrement pour enfouir la femence que
la grêle auroit étendue abondamment fur la furface
de la terre , & de herfer : on récolteroit
un fourrage verd , très épais , qu'on pourroit faucher
avant l'hiver.
On a quelquefois effayé d'abandonner à euxmêmes
des grains qui s'étoient ainfi naturellement
refemés , pour en obtenir une récolte
l'année fuivante ; mais cette méthode , qui réuffit
communément pour l'orge , réuffit rarement pour
le feigle , & n'a prefque aucun fuccès pour le
blé on en a eu la preuve par des expériences
faites les années précédentes , par un des Membres
de la Société.
Le maïs ou blé de turquie , pourvu qu'il n'ait
pas été féché au four , eft , fans contredit , un
des meilleurs fourrages qu'on puiffe procurer aux
beftiaux ; il faudra le femer plus dru que lorfqu'il
s'agit d'en récolter le grain ; & en le coupant
aux approches des gelées d'automne , il aura
acquis fa plus grande hautear.
Il convient de faucher les prairies artificielles
biv
( 32 )
qui ont été froiffées & hachées fous les coups
redoublés des glaçons ; c'est encore un moyen
d'accélérer la renaiffance du feuillage & d'augmenter
le regain.
Ce ne feroit point affez , fur-tout dans une
année où les fourrages font abondans , de s'être
occupé de la nourriture des beftiaux , il faut
pourvoir à celle des hommes ; & on peut même ,
à cet égard , eſpérer encore quelques refources .
L'orge fromentée , ou fucrion , hordeum nudum ,
lève très-promptement , & il ne feroit pas impoffible,
en ne perdant pas un inftant , qu'elle
vint à maturité avant l'hiver. L'efcurgeon peut
être encore cultivé avec avantage , & fauché
avant l'hiver.
Le farrafin préfente encore l'efpérance d'un
fuccès plus affuré. Il faut à peine cent jours pour
amener ce grain à une maturité parfaite , & il
réfifte aux premières gelées blanches de l'automne .
I remplace l'orge pour la nourriture des volailles ,
l'avoine pour la nourriture des chevaux , pourvu
qu'il leur foit donné avec difcrétion , & qu'on
le faffe tremper dans de l'eau pendant vingt- quatre
heures ; fa farine fait la bafe de la fubfiftance
journalière des hommes dans plufieurs cantons du
royaume; & quoique le pain qu'on en fait ne
foit pas d'un goût agréable pour ceux qui n'y font
point accoutumés , il eft regardé , dans beaucoup
de provinces , comme préférable à celui d'orge.
On ne fauroit fur-tout trop inviter à femer
promptement les différentes efpèces de navets
& de choux d'hiver , fur-tout le broroli commun
, qui fournit un feuillage abondant ; il n'exiſte
pas de nourriture tout- à-la- fois plus fubftantielle
plus falutaire & plus économique pour les hommes
& le bétal , que ces plantes potagères , infinimem
trop négligées comme objet de grande cul(
33 )
ture , & qui font cependant une des principales
richeffés rurales de nos voisins agricoles : on eft
encore à temps de s'en occuper cette année . Les
fèves , les haricots & le: pois hâtifs ne pourroientils
pas , après av ir été macérés préalablement dans
une forte eau de fumier , & plantés tout germés
augmenter la maſſe des ſubſiſtances ? on les fécolteroit
au moins er verd , à moins qu'ils ne
fuffent rouillés par les brouillards de l'automne ,
comme il leur arrive quelquefois : felon l'obfervation
de M. Cretté de Palluel , ces végétaux ,
d'ailleurs , peuvent occuper les terres fans déranger
leur affolement , ni les appauvrir.
Ce feroit en vain que l'on compteroit fur les
reffources des pommes de terre , il n'en ex fte
plus dans nos marchés , & l'efpèce la plus hâ ive
exige toujours , pour compleiter fa végétation ,
le cercle de quatre mois environ , & à peine
nous en refte- t-il trois jufqu'aux premières gelées
blanches ; mais je puis annoncer , d'après l'expérience
que cette plante , quoiqu'en p'eine
fleuraifon au moment cù fon feuillage aura été
haché par la gêle , eft encore en état de procurer
une abondante récolte : ils'agit feulement d'en
réchaufferun peu le pied , foit par un léger binage ,
foit en les buttant. La pomme de terre , en bravant
ainfi la grêle , prouvera fans doute combien
il est important de donner encore plus d'extenfion
à fa culture , & ce ne fera pas la feule occafion
où les malheurs auront rendu l'homme plus fage
que fa philofophie.
Mais à quoi ferviroient ces confeils , fi les
habitans des campagnes , auxquels on les adreffe ,
font abattus , découragés & dénués des premiers
moyens , & s'ils font dans l'impoffibilité de les
fuivre ? Le gros Fermier eft à plaindre fans doute ;
mais il a des droits à des remifes , & n'eft pas
bv
( 34 )
entièrement privé de reffources : le fort du petit
Cultivateur eft bien plus digne de la commifération
publique ; il avoit femé fes trois ou quatre
boiffeaux de grains , il foupiroit après la récolte
pour avoir de quoi enfemencer , cet automne
fon petit héritage , & fubfifter pendant l'hiver ;
manquant de tout , le voilà menacé , ou de périr
de misère , ou d'arrofer de fes larmes le morceau
de pain qu'on voudra bien lui donner , fi la bienfaifance
éclairée ne vient à fon fecours . Ce n'eft .
pas de l'argent , c'eft du grain pour vivre & pour
fes femailles. On pourroit même exercer la
charité , qu'il faut lui diftribuer envers lui , fans
rien donner , & en lui prêtant feulement du blé
pour femer cette année , à la condition de le
rendre à la récolte de l'année prochaine , poids,
pour poids , meſure pour meſure.
Note fur le traitement qui convient aux arbres
maltraités par la grêle.
Par M. THOUIN , Membre de la Société & de
P'Académie des Sciences .
Sans attribuer à la grêle en elle- même , des
propriétés qu'elle n'a pas , & qu'un vain préjugé
lui accorde , les bleffures qu'elle fait aux
arbres , font long-temps à fe guérir ; il en eft
même qui ne fe rétabliffent jamais , & la perte
qu'elle occafionne eft fouvent confidérable.
La grêle , en tombant fur les arbres , perce
les feuilles , caffe les branches , meurtrit l'écorce'
des rameaux & du tronc , ou lui fait des plaies
plus ou moins graves , en raifon de fon volume .
La dilacération des feuilles , lorfqu'elle eft
portée à un certain point , arrête la végétation
des arbres , quoiqu'il faille peu de temps pour
la rétablir ; il arrive très -fouvent que les fruits
qui n'ont pas été abattus par la grêle , tombent
( 35 )
peu de temps après ; il en eft de n
feuilles déchirées , qui font chaffées pa
velles , mais l'arbre eft bientot rétabi-
Les fractures des branches occatio
perte beaucoup plus confidérabe , porce
faut infiniment plus de temps pour la parer.
Indépendamment de la perte du jeune bo , dottiné
porter des fruits l'année fuivante , o vert Encore
l'efpoir des récoltes abondantes pend
à
Jeux
ou trois ans. Il eft rare que les branches abattues
par la grêle , foient caflées net ; elles font ordinairement
éclatées , elles emportent avec elles des
lanières d'écorce , ou elles la ffent des chicos re
réguliers fe dus dans leur longueur. Ces deux
fractures font fort dangereufes pour les arbres ,
fur-tout dans une faifon où la sève eft dans toute
fon activité , & le foleil dans toute fa force. L'eau'
qui s'introduit entre le bois & l'écorce , les fépare
bientôt , & l'effet du hâle & de la chaleur
, l'alter ative de la féchereffe & de l'humidité
, occafionnent des maladies fouvent mortelles
, telles que la carie , les chancres & les
gouttières. Il eft important , pour les prévenir
de couper ces branches éclatées , rompues , ou
fimplement tordues , à quelques pouces au- deffous
de leurs ruptures , & de fe fervir , pour cette
opération , d'un inftrument bien tranchant ; on
doit , autant que cela eft poffible , faire en forte
que ces coupes foient dirigées vers l'aspect du
nord , qu'elles foient bien unies , & qu'elles alent
affez de pente pour que l'eau des pluies ne puiffe
s'introduire dans les petites gerçures qui fe font
dans le coeur du bois. Si à cette précaution
on joint celle de mettre un emplâtre d'onguent
de Saint-Fiacre ( 1) , les plates fe guériront en
peu de mois.
?
(1 ) L'onguent de Saint -Fiacre eft un mélange
b vj
( 36 )
Les plaies de l'écorce , occafionnées par la
grêle fur les tiges & fur les branches des arbres ,
feroient peu dangereufes quand elles ne font pas
en grand nombre , fi l'on pouvoit , quelques
heures après qu'elles ont été faites , en rapprocher
les bords , ccuper tous les fegmens qui ne
tiennent que par une rop petite partie , &
abriter ces bleffures du contact de l'air ; mais
lorfqu'il s'eft paffé quelques jours , il convient
d'employer un autre moyen . Il fuffit fouve t de
cinq ou fix heures › pour que les bords des plaies
faites à l'écorce , fe defsèchent & changent de
couleur , fur - tout fi le foleil furvient après l'orage
& que le hâle foit confidérable , l'air pénètre ,
entre le bois & l'écorce , & fépare ces deux
parties. Dans ce cas , il convient de couper avec
une ferpette bien tranchante , l'écorce jufqu'au
vif , c'eft-à-dire , de fupprimer toutes les parties
qui auront changé de couleur , qui n'auront plus
d'adhérence avec le bois , ou qui ferant meurtries
; enfuite il faut enduire ces plaies avec de
l'onguent de Saint- Fiacre , & le recouvrir avec
de grandes feuilles d'arbres contenues par des
liens:
le
Lorfque les plaies font trop nombreuſes , &
qu'elles font accompagnées de beaucoup de meurtriffures
, ce qui arrive plus communément à la
vigne & aux jeunes arbres des pépinières ,
plus court & le plus sûr , eft de couper rezterre
les tiges de ces arbriffeaux , parce que ces
plaies & ces contufions , en obftruant l'écorce ,
gênent la circulation de la sève , & n'en font
jamais que des fujets difformes , auffi inutiles que
de terre argileufe , de boufe de vache , délayé
avec de l'eau , en confiſtance de mortier ; on le
recouvre d'un peu de mouffe longue , ou de linge ,
le tout fixé à la branche par un ofier,
( 37 )
défagréables à la vue. Mais il faut fe hâter del
faire cette opération , parce que s'il furvenoit une
féchereffe , les fouches repoufferoient difficilement ;'
au lieu que dans ce moment , où la feconde
sève eft en activité & la terre humectée à une
certaine profondeur , on peut encore eſpérer des
pouffes vigoureuſes , qui auront le temps de s'arrêter
avant les gelées . A cette précaution , on
ajoutera ere de donner un fort binage à la terre
pour l'ameublir , parce que l'effet de la grêle
eft de battre la terre & de la durcir.
L'incendie de la Nouvelle Orléans , à la
Louiſiane , que nous annonçâmes il y a
15 jours , n'eft que trop certain , & on
vient de nous en communiquer une relation
authentique , ééccrriittee par M. de
Livandais , un des premiers habitans de la
Louifiane.
« Vers une heure & demie après-midi , le feu
s'eft déclaré par la négligence d'un habitant qui
avoit conſtruit une chapelle ardente. Un vent de
Suc des plus violens , anima le flamme au point
qu'on voulut en vain s'oppofer à fes progrès ; ni
les foins vigilans des chefs , ni les prompts fecours
qu'ils ont tenté de porter , n'ont pu réfifter
au feu qui , s'élançant à une diftance incroyable
, brûla jufqu'aux pompes qu'on voulut
faire avancer. Dans ce malheureux événement
tous les particuliers perdirent leurs effets : les uns
faute de temps , les autres faute de préfence,
d'efprit : car ceux -là, intimidés par la violence du
feu , n'ofoient s'expofer à une mort qui paroiffoit
certaine ; les autres , fe croyant à l'abri du danger,
voulurent , par un fentiment d'humanité , fecourir
leurs malheureux concitoyens ; mais la
>
( 38 )
flamme en un moment ayant gagné leurs maifons,
les obligea bientôt de veiller à leurs propres intérêts.
La terreur fut alors générale ; & ce qui y
mit le comble , ce fut l'explofion fubite & enfuite.
répétée de plufieurs dépôts à poudre que , contre
les ordres précis du Roi , & malgré les plus exac-.
tes recherches , différens particuliers avoient eu
l'imprudence de céler chez eux. Tout fecours humain
fut bientôt impoffible , & on le croira ai
fément , quand on faura qu'il n'a fallu que cinq
heures pour réduire en cendres 846 édifices , au
nombre defquels on compte l'Eglife , l'ôtel-deville
, & tous les Magafins , à l'exception de trois
feulement ; mais ce qu'on aura plus de peine à
croire ; c'eft que ce qui n'a pas été la proie des
flammes , a été celle des malfaiteurs. »
« Le fpectacle qu'offroit cette ville infortunée
étoit fans doute effrayant ; mais il n'approchoit
pas de celui que nous offrit la matinée du lendemain
nous ne chercherons pas à peindre la
douleur des uns , la confternation des autres , &
l'horreur générale que nous éprouvâmes à la vue
des décombres & des monceaux de cendres qui
avoient remplacé une ville , la veille fi floriffante ;
c'eft un tableau qui eft au- deffus de nos forces.
Pour donner une idée , quoiqu'encore imparfaite,
de cet affreux événement , il fuffira de dire que
la perte s'eft montée à 3,000,000 de piaftres ,
( 15,000,000 liv. argent de France. ) »
" Dans un fi grand défaftre , notre malheur
paroiffoit fans reffource ; mais la Providence , qui
vouloit fans doute nous punir fans nous perdre
entièrement, nous en a fait trouver une puiſſante
dans notre Gouverneur , qui a porté l'humanité
jufqu'à facrifier aux befoins des infortunés, outre
tout ce qu'il poffédoit , une année en avance de '
fes appointemens , Notre Intendant s'eft montré le
( 39 )
digne émule de fa bienfaifance , & tous les deux,
tant par les fecours qu'ils ont déja fait diftribuer ,
que par les fages mefures qu'ils ont priſes , ont
deja remédié à une partie de nos befoins les plus
urgens. Quand nous recevons des bienfaits auffi
généreux des fujets de notre Roi , que ne devonsnous
pas attendre de fa bonté paternelle , lui qui
regarde tous fes fujets comme les enfans , & s'eft
hâté tant de fois fe fubvenir à leurs beſoins ! »
«Dans les montagnes, entre Fréjus & Brignoles ,
une bête féroce fait des ravages à peu -près femblables
à ceux qu'on racontoit de la bête de Gévaudan
, fi fameufe en 1762. « Le 6 juin , cet animal
furprit dans la nuit , dormant dans un pré , les
deux fils de Dominique Pierragues , Muletier dé
Calas , à deux lieues de Draguignan . Ils étoient
couchés tous deux fous le même drap , l'un âgé
de 16 ans & l'autre de 12. L'aîné fe fent touà-
coup mordre à l'oreille ; il fe débat , arrache
quelques poils à l'animal , & lui fait lâcher prife ;
à peine le cadet fe réveilloit-il aux cris de fon
frere , qu'il fut lui - même faifi par un pied & entraîné
rapidement On trouva le lendemain fon
bras droit , fon crâne , un doigt de la main gauche ,
fon foie & fes entrailles difperfés à plus de 500
pas. "
« Cet animal à fait périr depuis , aux Ardrets ,
une jeune veuve & l'enfant qu'elle allaitoit ; de x
maçons furvenus lui firent prendre la fuite ; ma s
il emporta l'enfant , & la mere n'a vécu que peu
d'heures : elle avoit eu les mamelles entièrement
déchirées , & plufieurs coups de dents à la gorge. »
« Le 24 , il enleva à Bagnol une fille de 5 ans ,
à la diſtance de fix pas de fa mère , & il l'emporta
dans les bois , où il la dévora. Le 26 il
enleva un garçon de 10 ans , qui gardoit les befaux
entre la rivière d'Argens & le pont des Blavets ,
-
( 40 )
près le grand chemin du Puget au Muy. - A
Roquebrune , il dévora un autre garçon dont
on n'a trouvé que la tête & quelques os , & une
jeune fille dont on n'a trouvé que les vêtemens.
L'opinion la plus commune , range cet anima ! dans
la claffe des loups de l'efpèce la plus carnacière.
Les habitans des villages circonvoifins fe font armés
pour lui donner la chaffe . On prétend que l'animal
a été aperçu , & qu'il lui a été tiré deux coups
de fufil , mais qu'il n'en a reçu aucun mal : on
a pris le parti de lui tendre des pièges ; plufieurs
Communautés , & entre autres celle de Fréjus ,
ont promis des fommes d'argent à ceux qui parviendroient
à le détruire . »
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 26 Juillet 1788 .
LL . AA. RR. nos Gouverneurs- généraux
, viennent d'adreffer aux Etats de
Brabant la décifion finale de l'Empereur ,
fur les troubles de Louvain . La dépêche
qui expofe ces dernières volontés du Souverain
, eft de la teneur fuivante :
Très Révérends , &c. &c. L'Empereur s'étant
fait rapporter la lettre que vous lui avez adreffée
de votre dernière affemblée - générale , au fujet de
l'oubli qu'il a daigné accorder à la nation , ainfi que
de vos repréſentations relatives , 1 °. à la Chambre
du Confeil de Brabant , qui fe trouve à Anvers ;
2º. à quelques Suppôts de l'Univerfité de Louvain ,
& 3 °. au Séminaire - général , Sa Majefté a trouvé
bon d'y déclarer & de nous ordonner de vous
faire connoître mot-à - mot , de fa part , ce qui
fuit :
« Qu'Elle a reçu avec fatisfaction l'hommage
» des fentimens que vous lui avez exprimés à l'oc
( 41
» cafion de l'oubli qu'Elle fe promet que vous
» les réaliſercz en effet , & qu'ainfi Elle aura fou-
» vent l'occafion de vous donner des marques de
» fa bienveillance & de fa confiance. »
Que , quant au rappel de la Chambre de
Confeil de Brabant , actuellement à Anvers ,
» elle ne comprend rien à votre demande. »
1
« Que comme ce feroit donner un très - mau-
» vais exemple que de faire rentrer dans leurs
» p'aces , ou d'accorder même des penſions aux
» Membres de l'Univerfité de Louvain qui ont ,
» par choix , abandonné ces places , en préférant
» le parti d'une défobéiffance foutenue & réfléchie
, elle défapprouve ce qu'on a laiffé conce-
» voir d'efpérance , foit en remplacemens ou en
» penfions en faveur de ces Membres ; voulant ab-
» lument qu'il ne foit queftion ni de l'un ni de
» l'autre , & qu'on nomme fans aucun délai d'au-
» tres Profeffeurs . »
"
Que , mécontente de tous les événemens
» qui fe font fuccédés à Louvain , Elle a réfolu
» de transférer en cette Ville de Bruxelles , fous
» les yeux du Gouvernement , les Facultés de
» Droit , de Médecine & de Philofophie , en laif-
» fant la Faculté de Théologie à Louvain avec le
» Séminaire-général. »
"
"
" Que , pour ce qui concerne le Séminairegéneral
, elle ne trouvera pas de difficultés à ac-
» corder par la fuite des modifications ; comme ,
» par exemple , de réduire le Cours de la Théologie
de cinq à quatre ans ; mais qu'il n'y rien
» à faire , ni à en rer dans aucune modification ,
» avant que la queftion fur laquelle tout roule ,
» ne foit decide ; favoir , fi la doctrine qu'on y
enfeigne eft orthodoxe , ou fi elle ne l'eft pas :
» que , fenfible à la négative comme à toutes les
» défiances forgées & répandues à l'avance par le
» Clergé , tant pour le préfent que pour le futur
"
"
( 42 )
» Elle ne fauroit prendre fur Elle de laiffer , quant
» à l'orthodoxie de l'enfeignement de la Théolo-
» gie , un louche qui s'étendroit à l'enſeignement
» qui a lieu même dans tous les Royaumes &
» Provinces de fa domination , comme fi la doc-
» trine qu'on y enſeigne étoit erronée , comme fi
» ce n'étoit qu'aux Pays - Bas feuls qu'on avoit
» amplecté pour la Monarchie entière , la défenſe
» de la vraie foi , & comme fi les principes de
» notre fainte religion & les droits des Evêques
» pouvoient être différens ou particuliers aux Pays-
» Bas , relativement aux autres Provinces de Sa
» Majeſte , tant en Allemagne & en Hongrie qu'en
» Italie. »
« Qu'ainfi, & trouvant qu'il importe de tirer au
» clair un objet duquel on abuſe , pour mettre tout
» le monde en mouvement , fans que perfonne
» foit inftruit de quoi il s'agit ; croyant même
» devoir à fes fidèles fujets de les appaifer fur un
» point auffi effentiel pour fa propre follicitude ,
» que celui de la pureté de la doctrine , & voulant
" y pourvoir directement par le canal des Evê-
» ques , pour confondre leur opiniâtreté , c'eſt fon
» intention que l'Archevêque de Malines , l'Evê-
» que d'Anvers & tous les Evêques qui s'oppofent
» au Séminaire- général , en refufant d'y envoyer
» les Elèves de leurs Diocèfes , deſtinés à la Théo-
» logie , ou en les détournant d'y aller , fe rendent à
» Louvain , qu'ils y féjournent quelque temps , &
» qu'ils affiftent aux leçons de Théologie , afin
» qu'ils foient par- là à même , ou de fe convain-
» cre de l'orthodoxie de l'enfeignement , & de-
» tranquillifer ainfi leurs confciences , ou de redreffer
par eux-mêmes les Profeffeurs , s'ils avan-
» çoient des erreurs , & de les en faire revenir. »
« Qu'Elle s'affure que tout homme impartial re-
» connoîtra qu'Elle ne peut laiffer aucune trace de
» doute à cet égard , & que les clameurs des Evê(
43 )
» ques , s'ils pouvoient en continuer encore , fe-
» roient d'autant plus mal-fondées , qu'Elle ne fauroit
leur donner un témoignage plus marqué de
» fa confiance , qu'en les mettant à même de juger
» de ce que l'on enfeigne publiquement , & en
» demandant leurs lumières fur ce qu'ils auroient
» trouvé n'être pas exactement conforme aux vrais
principes de l'Eglife. "
"
« Qu'après avoir épuifé par ce moyen tout ce
» que les Evêques pouvoient défirer , Sa Majefté
» eft d'autant plus autorifé à leur impoſer un filence
perpétuel fur les dangers qu'ils cherchent à faire
» craindre pour la religion , & à regarder comme
» la calcmnie la plus injurieufe pour Elle , l'inquiétude
qu'ils continueroient à donner à ce
» fujet , après avoir été provoqués à fe convaincre
» par eux-mêmes , comme Elle vient de le faire ,
» ou après avoir négligé ce moyen d'appaiſement
» pour leur confcience , au cas qu'elle eût réelle-
» ment quelque part à leur réfiftance . »
"
« Que Sa Majefté entend au refte invariable-
» ment : >>
« 1°. Qu'il ne peut exiſter d'étude de Théolo
» gie hors du Séminaire- général ; les Evêques qui
» réclament le droit de l'enfeigner dans leurs Sémi-
» naires particuliers , n'en ayant pas plus aujour-
» d'hui qu'ils n'en avoient , lorfqu'en l'année 1786,
» ils ont tous envoyé leurs Séminaristes à Lou--
» vain , ni plus auffi que les Archevêques Elec-
» teurs de Trèves & de Cologne , le Prince-Evê-
» que de Liége , & les Evêques de Tournay & de
» Gand , de même que tous ceux des pays héré-
» ditaires d'Allemagne , d'Hongrie & d'Italie ,
» qui ne regardent pas l'enfeignement de la Théo-
» logie dans leurs Séminaires comme une propriété
dont l'exercice feroit inféparable de l'Epifcopat ;
» & 2°. Qu'il n'eft permis de conférer les ordres
» majeurs qu'à ceux ceux qui ont fait leurs études
( 44 )
» au Séminaire général , & qui enfuite feront exa-
» minés & approuvés par leurs Evêques , dont
» moyennant cela , les droits , ainfi que les moyens
» de connoître & d'apprécie les fujets , quant aux
» moeurs & à la doctrine , feront bien plus éten-
» dus qu'ils ne l'étoient dans l'ancien état , où
» l'obligation d'être mis à l'épreuve dans les prefbytères
Epifcopaux & fous les yeux des Evê-
» ques , n'exiftoit point pour tous ceux qui avoient
fait l'étude de la Théologie dans l'Univerfité de
» Louvain. »
" Qu'Elle enjoint à fon Gouvernement de veil-
» ler à la ponctuelle exécution de fa réfolution
» irrévocable , nommément fur les deux pots
dont on vient de faire mention ; lui interdifant
» abſolument & entrer , quant à cet objet , dans
» aucun pour-parler ultérieur , & d'admettre au-
» cune repréſentation qui tendroit à altérer en la
» moindre manière ces difpofitions immuables. «<
» Qu'Elle veut bien, au refte, déclarer dès- à- pré-
» fent , quant aux ordres Religieux , que chacun
» pourra faire fes voeux à l'âge de vingt- quatre
» ans , & être reçu , foit dans les Abbayes ou
» dans les Ordres Mendians , mais qu'il reftera
» toute la vie Clerc ou Frère-lai , & ne pourra
" jamais être ordonné Prêtre , s'il n'a pas fait fa
Théologie à Louvain. »
ע
; tes ,
« Telle eft la fouveraine détermination de l'Em-
" pereur fur les objets des repréfentations fufdi-
& nous vous en donnons part , en exécu-
» tion de fes ordres , pour votre information &
» votre direction ; vous prévenant au furplus que .
» Sa Majesté ayant reconnu que la difpofition par
» laquelle Elle a fait ceffer le privilége des nomi-
» nations de l'Univerfité & de la Faculté des Arts,
» n'a pas été fuivie des effets qu'Elle devoit en
» attendre , Elle ſe réſerve de nous faire connoître
» au plus tôt , à ce fujet , fa fouveraine intention
» ultérieure . »
( 45 )
P. S. Le combat naval fur le Liman ,
entre les Ruffes & les Ottomans ( dont
nous avons parlé art. Varfovie ) , a eu lieu
le 7 juin ( vieux ftyle ) l'iffue en a été telle
que nous l'avons rapportée : mais , poftérieurement
, le 18 du même mois , la flotte
Ruffe a remporté une victoire plus inté
reffante & plus glorieufe , dont le Prince
de Galitzin , Ambaffadeur de Ruffie à
Vienne , a reçu la nouvelle authentique ,
ainsi que M. de Stackelberg , Miniftre de
la même Puiffance à Varfovie.
Deux lettres authentiques de Pologne ,
l'une du 9 de ce mois , l'autre du 10 , nous
fourniffent le précis de cet échec des
Ottomans , occafionné , à ce qui paroît ,
par l'impétuofité irréfléchie du Capitan-
Pacha.
"
Varfovie, le 9 juillet.
« Un courrier Ruffe a apporté ici , hier , la
nouvelle futivante : Le Capitan - Pacha s'eft montré
avec fon efcadre près de Kinburn , le 18 juin , pour
y tenter une defcente. Le même jour , 3 chaloupes
de cette efcadre , qui en furent léparées , tombèrent
entre les mains des Ruffes. Le 25 , v. ft. l'Amiral
Ottoman s'approche de nouveau avec une flotte
de 7 voiles; mais un vent violent le repouffa
du rivage : le lendemain il reparut. La flottille Ruffe,
fous les ordres du Prince de Naffa , le tenoit
immobile fous le canon de Kinburn, La mer
étant devenue haute , le Capitan - Pacha ent limprudence
d'entrer dans le Liman , entre Oczakof &
Kinbutn. Auffi-tôt la flostille du Prince de Naffau
#
( 46 )
fe mit en mouvement. Comme la plupart des gros
vaiffeaux Turcs touchèrent le bas , ils ne purent
agir ; la flottille Ruffe les approcha , & fit un feu
fi terrible , conjointement avec les batteries de terre ,
fur la flotte Turque , que le vaiffeau Amiral ,
le vaiffeau du Vice- Amiral , & trois autres fautèrent
en l'air. Le Capitan- Pacha s'eft ſauvé ſur un
petit canot ; quelques petits bâtimens Turcs ont
échoué , & toute l'efcadre eft difperfée. Les
Ruffes ont pris le pavillon Amiral , & fait environ
4000 prifonniers . >>
« Le Maréchal de Romanzofa paffé le Niéper ,
le 2 , & dirige fa marche vers le Danube. »
« Le Prince Potemkin fait des préparatifs pour
affiéger Oczakof. »
« Varfovie, le 10 juillet.
" On vient d'apprendre la nouvelle de la défaite
de la flotte Turque fur la mer Noire. Trente
& quelques galères , commandées par le Prince de
Naffau , attaquèrent la flotte ennemie , & la canonnèrent
à boulets rouges ; 5 vaiffeaux ennemis
fautèrent , & 3 moindres furent pris. Lorſque le
Capitan - Pacha vit fon vaiffeau en feu , il fe retira
fur une chaloupe. Un matelot Ruffe eut la hardieffe
d'entrer dans le vaiffeau de l'Amiral Turc , de grim.
per en haut du grand mât , & d'en enlever le pavillon
. On a envoyé le matelot à Pétersbourg ,
pour mettre ce pavillon aux pieds de l'Impératrice.
4,000 Turcs ont été faits prifonniers ; un grand
nombre s'eft noyé. Au départ du courrier Ruffe , on
donnoit encore la chaffe aux vaiffeaux Turcs. »
Voilà les premières nouvelles ; nous
donnerons des détails plus circonftanciés
lorfqu'ils nous parviendront d'une main
sûre. Il faut fe rappeler qu'à fon départ
de Conftantinople , le Capitan- Pacha
}
( 47 )
avoit 66 voiles , dont 16 vaiffeaux de
ligne , 7 frégates & autant de groffes
corvettes, le refte des bâtimens armés . L'événement
que nous venons de rapporter ,
enlève donc à ce Vice - Amiral untiers de
fes vaiffeaux de ligne : il eft important de
favoir jufqu'où s'eft étendue la difperfion
dés autres.
<< S. A. S. M. le Prince de Condé eft
parti
pour aller vifiter les troupes qui doivent
former le camp projetté. Ce Prince fera
une tournée à S. Omer & dans les autres
garnifons de la Flandre , & fera de retour
à Paris le premier août. Si le camp n'eft
pas contremandé, il fera compofé, comme
nous l'avons dit ci-devant , de 29 bataillons
& de 32 efcadrons , & il s'affemblera dans
les premiers jours de feptembre. Tous les
Officiers généraux attachés aux différentes
divifions font à la veille de leur départ
pour s'y rendre . »
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
On diroit que Venife veut jouer auffi fon rôle
fur le Théâtre de la guerre. La nouvelle de fes
préparatifs guerriers fur les places frontières, s'eft
pleinement confirmée , ainfi que celle des travaux
extraordinaires que le Sénat a ordonné de faire
dans fon Arſenal . Mais quel eft le but de ces
mouvemens ? contre qui ces armemens font -ils
dirigés ? C'est ce que le Sénat a foin de couvrir
des voiles du myftère. Leurs envois d'artillenie
( 48 )
dans le Frioul , l'augmentation de leurs forces
maritimes dans l'Adriatique , font conjecturer avec
quelque vraisemblance que ces Républicains vont
jouer dans le Frioul & le. Golfe , le même rôle
dont la Suède s'eft chargée en Finlande & fur la
mer Baltique. ( Gazette de Cologne..)
e
« Les dernières nouvelles de Cherbourg portent
, que les dommages occafionnés aux cônes
par l'ouragan du 7 , fe réduisent à la dégradation
de leur couronne ; mais que la folidité des bafes
n'a éprouvé aucune variation ; que
-les deux nouveaux
cônes préparés feront au lancés , & qu'il
ne paroît pas qu'on fe propofe d'en conftruire
d'autres : on s'en tiendra à la digue jetée : elle a
3800 toifes de longueur , fur 1900.de profondeur
; une efcadre de quarante vaiffeaux y trouveroit
un abri sûr ; le fond a cinquante braffées
d'eau. Le Brillant & le Triton , deux vieux vaiffeaux
de 64 canons , y mouillent depuis vingt
mois , & n'y ont éprouvé aucune agitation. Le
Fort Royal défend le port avec trois batteries en
forme d'amphithéâtre, formées d'environ 100 piè
ces de canon , de plufieurs mortiers & de fourneaux
pour faire rougir les boulets. Le fort d'Artois
eft muni de foixante canons , & on conftruit
une citadelle formidable dans l'Ifle Pélée ; on emploie
aux différens travaux deux mille hommes
tirés de divers Régimens . M. de la Millière , Maître
des Requêtes , Intendant des Ponts & Chauffées
, a accompagné le Miniftre de la guerre dans
fon voyage à Cherbourg. ( Courrier d'Avignon
ກ່º . 57. )
N. B. ( Nous ne garantiffons la vérité ni l'exacti
tude des Paragraphes ci-deſſus )..
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES
.
POLOGNE.
De Varfovie , le 14 Juillet 1788.
L'on n'a pas encore d'avis plus détaillés
des derniers événemens qui ont eu lieu à
l'embouchure du Niéper , vers la fin de
juin. Les lettres particulières qui les ont
annoncés , diffèrent dans le récit des circonftances.
Voici la fubftance authentique
de la dépêche du 30 juin , par laquelle
le Prince de Potemkin a inftruit
l'Ambaffadeur de Ruffie auprès du Roi &
de la République , de cet incendie de quelques
vaiffeaux Ottomans .
Je vous fais part aujourd'hui d'un évènement
glorieux pour les armes Ruffes. Le petit avantage
temporté dernièrement par la flottille que commandoit
le Prince de Naffau & le brave Capitaine
de Maximof, fur un détachement de la flotte Turque
, près d'Oczákof , étoit le précurseur de la
victoire navale que cette flottille'a gagnée , entre
No. 32. 9 Août 1788.
C
-( 50 )
.
le 27 & le 28 de ce mois , au Liman, ou à l'embouchure
du Niéper. Le Capitan-Pacha commandoit
en perfonne l'efcadre Turque ; il attaqua notre
flottille , lui donna chaſſe , & entra dans cette embouchure
, remplie de bancs de fable , avec 8 vaiffeaux
de ligne. Ces vaiffeaux ayant touché les
bancs , y reftèrent immobiles. Dans cette fituation ,
notre flottille , compofée de galères & de batteries
flottantes , les attaqua devant & derrière , & dirigea
le canon avec tant de fuccès , que le vaiffeau
Amiral & celui du Vice-Amiral prirent feu ; 4
autres vaiffeaux furent coulés bas , & 2 pris. Le
nombre des prifonniers monte à 4,000 hommes.
On pourfuit les fuyards , au nombre defquels fe
trouve le vieux Capitan-Pacha , qui , lorſqu'il vit
le feu à fon vaiffeau , fe fauva dans une chaloupe.
On a auffi pris à l'ennemi environ 60 pièces de
canon . »
Le Contre- Amiral Paul Jones n'a point
eu part à ce combat naval ; il étoit alors
avec une efcadre de frégates , aux environs
du port de Gluboki , n'ofant fe
rendre à l'embouchure du Nieper , par la
crainte de toucher les bancs de fable, &
C'est un Ma- de perdre ſes vaiffeaux.
telot Turc , & non un Ruffe , qui a eu
l'intrépidité défefpérée d'aller au milieu
des flammes détacher le pavillon du
Capitan -Pacha , pour le fouftraire aux ennemis
. Les Ruffes ont pris ce Turc , &
l'on ajoutoit même qu'on l'enverroit à
l'Impératrice avec le pavillon : ce feroit
pour lui une mortification cruelle que
( 51 )
fon zèle intrépide ſemble n'avoir pas méritée.
Le Comte Krafinsky , Starofte d'Opinogrod
, a envoyé un mémoire au Confeil
Permanent , dans lequel il fe plaint
amèrement des dégâts que les troupes
Ruffes ont faits dans fes terres , dégâts .
qu'il évalue à 500,000 florins.
SUÈDE
De Stockholm , le 10 Juillet.
C'eft le 28 du mois dernier que le Roi
aborda aux côtes de Finlande , avec l'efcadre
de galères & la plus grande partie
des troupes embarquées : le même jour ,
la flotte du Duc de Sudermanie arriva à
Hanzo-Udde dans le Nyland , & la totalité
de ces deux armemens s'eft depuis réu
nie à Sweaborg. Le Comte d'Oxenfiern
a fuivi le Roi en Finlande , & en fonabfence ,
le Comte de Duben refte charge des affaires
étrangères.
On a fait à Carlfcrone & dans d'autres
ports , de nouveaux embarquemens de
troupes qui fe rendent en Finlande . - Le
Lieutenant Ehrenftroem eft revenu ici de
Berlin ; le lendemain il eft reparti pour
aller joindre le Roi. On attend inceffamment
l'Ambaffadeur de France & un
Miniftre de la Cour de Londres.
-
cij
( 32 )
ALLEMAGNE.
7
De Hambourg , le 19 Juillet.
Les vaiffeaux Danois , le Lion du Nord
de 70 canons , fur lequel le Contre- Amiral
Krieger a arboré fon pavillon , l'Oldenbourg
de 64, & le Dittmarfchen auffi de
64, ont paffé , le 12 , à la rade de Copenhague
, où le trouvoit , depuis le 9 ,
3 vaiffeaux de ligne & trois tranſports
Ruffes , aux ordres du Contre- Amiral
Deffen.
Les Ruffes, à ce qu'on dit , ont déja commencé
les hoftilités en Finlande, en paffant
leurs limites , & en attaquant , le 28 juin ,
la Garde Suédoife poffée au pont de Woulden-
Salmi ; ils tirèrent fur elle pendant une
heure , fans fuccès , & fe retirèrent après
avoir perdu un de leurs Chaffeurs. On
ajoute que le Capitaine Provincial , Baron
de Carpelen , a fait conftater , par d'exactes
informations, cette première attaque , dont
il faut cependant attendre la confirmation.
« Deux cents Chaffeurs Ruffes , écrit- on
» de Louifa, fe font avancés avec un canon
» jufqu'à Pyttis , à un demi mille de nos
" frontières. Le refte de leur bataillon a
» ordre de les fuivre . Nous avons établi ,
fur une hauteur, une batterie de 4 pièces
s de canon de r2livres de balle , & une
» redoute pour couvrir le pont. »
( 53 )
Le Comte de Rafumowsky, Miniftre
de Ruffie , a dû quitter Stockholm le 7
de ce mois. On ne fait pas encore s'il
s'embarquera pour Pétersbourg , ou s'il
le rendrá en Allemagne . Ce Miniftre eft
le fils aîné du Maréchal de Rafumowsky,
Hetman des Colaques ; il a paffé plufieurs
années en Italie , & occupé ci devant la
place de Miniftre Plénipotentiaire de Ruffie
à la Cour de Naples . Son frère cadet
le Comte Grégoire de Rafumowsky , vit à
Laufanne , où il cultive la Chimie & la
Minéralogie .
De Vienne, le 21 Juillet..
Les nouvelles particulières qui forment
le fupplément extraordinaire de la dernière
Gazette officielle du 16 , font à peu
près dénuées de tout intérêt. On favoit
que les Turcs avoient pris & conduit à
Belgrade un de nos bâtimens chargé de
grains , & efcorté par un détachement..
Voici en fubftance ce que le Supplément
nous apprend de cette perte , & de quelques
autres petits incidens .
«Suivant les rapports du Général- Major Baron
de Lilien , détaché du Corps d'armée du Comte
de Wartensleben , avec la troupe fous fes ordres ,
à Pancfova , la nuit du 4 juillet , vers les 2 heures
du matin , quelques Saïques Turques , defcendant
lentement le rivage de Wilnicza , s'avancèrent
"
C 111
( 54 )
vers un de nos Oranizas & une de nos Saïques
qui fe trouvoient à l'ancre . »
«Le jour commençant à paroître , & le premier
Lieutenant qui , avec une des Saïques , fe trouvoit
à l'ancre à la pointe de l'Ofzer-Infel , s'étant aperçu
que plufieurs Saïques, ennemies s'avançoient de
notre côté , avertit fur le champ le fous- Lieutenant
Rhein de fonger à la retraite ; mais le Lieuzenant
Rhein , négligeant cet avis , hafarda l'attaque
, dans laquelle deux de nos Chaiquiftes , avec
deux Chaffeurs du Lieutenant furent tués & nos
Saïques endommagées : l'un de ces bâtimens fut
la proie de l'ennemi ; le Lieutenant Rhein ayant
à peine gagné affez de temps , avec les gens fous
fes ordres , pour fauter fur le rivage , en abandonnant
le vaiffeau aux Turcs , qui s'en emparèrent
au.fi -tôt . »
"
5 à 600 Turcs , dirigeant leur marche de la
fortereffe d'Orfova , le long des montagnes du
❤ôté du Danube, & par la brouffaille qui couvre les
bords de ce fleuve , & s'avancant ainfi jufque
vers la Czerna , attaquèrent , à différentes rebrifes ,
nos poftes avancés , pendant qu'on faifoit feu du
canon de la fortereffe , & que trois de leursSaïques,
garnies de troupes , s'approchoient jufqu'à la pointe
de la Czerna . »>
Mais le Général - Major Papilla ayant d'abord
pris le parti de détacher , au foutien de nos poftes
avancés , le Colonel Hübel , du régiment Vallaque
des frontières , avec le renfort de troupes néceffaire
, pendant qu'on faifoit jouer le canon d'Or
fova Autrichien fur les Saïques ennemies , les
troupes de terre , ainfi que les Saïques , fe mirent
inceffamment fur la retraite . Nous n'avons pas eu
un feul homme de tué ni de bleffé ; mais les Turcs
ont chargé fur leurs chevaux cinq morts & deux
bleffés . "
( 55 )
« Le Colonel Quosdanovich , du régiment Slavon
des frontières , détaché avec la troupe fous
fes ordres , par le Feld - Maréchal - Lieutenant ,
Comte de Mittrowsky , à Alt-Gradifa , ayant reçu ,
le 1 juillet , par le moyen d'un efpion , l'avis que
l'ennemi fe préparoit à pénétrer dans le territoire
Autrichien , du côté de Machkowacz , il prit le
parti de pofter , le 2 juillet , & à l'endroit même
où l'ennemi vouloit faire cette irruption , 2 divifions
de Samuel - Giulai , une divifion de Czartorisky
, Cuiraffiers , & une compagnie du Corps-
Franc , fous le premier Lieutenant Margettics , avec
quelques canons ; & après avoir muni le Lieutenant
Margettics des inftructions néceffaires , il le
fit , dans la nuit du 3 , traverſer la Suve avec fa
compagnie du Corps -Franc. »
«Le 4 , à l'aube du jour , cette compagnie rencontra
l'ennemi dans la forêt , non loin de Gradifca-
Turc , entre Machkowacz & une cabane de
Payfan , comme il s'avançoit de la fortereffe par
la forêt. Le feu commença d'abord des deux côtés ,
& les nôtres furent encore foutenus par celui de
nos canons , placés , la même nuit de leur traverfée
, fur la Varoff inférieure. Après un combat de
plufieurs heures , & une réfiftance des plus vigoureufes
de la part de l'ennemi , il fut obligé de penfer
à la retraite ; fur quoi la compagnie du Corps-
Franc repaffa la Save à Machkowacz . »
«Nous y avons perdu un caporal , un anfpeſſade
& quatre foldats , & eu quatre bleffés . Les Turcs
comptent 55 morts des leurs , parmi lefquels deux
Agas d'un rang fupérieur ; & par une fuite de
l'embarras dans lequel ils fe font trouvés , ils ont ,
contre leur coutuine , laiffé leurs morts fur la
place. "
" Suivant les rapports du Prince de Cobourg
datés du camp de Rukzin , le 29 juin , une partie
c iv
( 56 )
des troupes Ruffes du Corps d'armée du Feld Maréchal
de Romanzof, a commencé de traverfer, le
Niefter , favoir , à Suroka , fous le Général d'Elmpt ,
& à Kaskowze , fous le Général Kam nsky ; ils
ont dû être fuivis par le Corps d'armée que commande
le Feld Maréchal en perfonne , & qui dirigera
fa marche par la Moldavie .
Le Général Ruffe , Comte de Solticow , a paffé,
le 28 , le Niefter avec le Corps d'armée fous fes
ordres , & s'eft avancé , le 29 , jufqu'à Darabban ,
d'où çe Corps a dû , le premier juillet , s'approcher
encore davantage de Choczim. »
Le Prince Poniatowsky , rétabli de fa
bleffure , & le Baron de Herbert , Internonce
de l'Empereur à la Porte Ottomare
, font arrivés dans cette capitale .
" On répand que les Etats de Hongrie ont offert
à l'Empereur de fournir à leurs dépens une armée
de 75,000 hommes , chaque fois que la Maifon
d'Autriche fe trouveroit en guerre , à condition
que ce Royaume fera exempt de la confcription
militaire & du nouveau plan d'impofition : on
ajoute que l'Empereur a accepté cette propofition . »
D'après les lettres d'laffy , en date du
premier , il paroît qu'à l'approche d'une
armée Turque de 30 à 40 mille hommes ,
le Général Fabris a évacué cette capitale
de la Moldavie , & s'eft replié vers la
Buck wine .
« La Fabrique de Cinabre , nouvellement éta→
blie à Idria en Carniole , vient d'être mife en état
de fournir une fuffifante quantité de cette production
, broyée ou non broyée , d'une qualité
finon fupérieure , du moins auffi parfaite qu'il eft
poffible de la trouver en aucune autre Fabrique
)
( 57 )
exiftante , & cela fans la moindre falfification ou
addition quelconque , qui foit dans le cas de rendre
Tufage du Cinabre nuifible en médecine. L'on
s'empreffe donc de prévenir le public commerçant
, qu'il pourra fe procurer cette matière , argent
comptant , & aux prix marqués ci -deffous ,
tant à la Fabrique même d'Idria , qu'au bureau Impérial
& Royal du débit du produit des mines , à
Vienne en Autriche ou à Triefte ; mais l'on prévient
en même-temps , qu'il ne fera pas délivré
moins d'un petit baril , contenant deux facs de
cuir , cachetés aux armes de la Fabrique , chacun
du poids de 25 livres de Vienne net. Ceux qui
en prendront à la fois une certaine quantité , pas
moindre cependant que 50 barils ou 25 quintaux ,
& l'exporteront à l'étranger , obtiendront fur le
prix une remife de dix pour cent. Les perfonnes ,
& particulièrement les Négocians étrangers , qui
n'auroient pas déja leurs propres Commiffionnaires
Sdans les endroits ci-deffus défignés , peuvent y
adreffer leurs demandes par correfpondance , &
être très-perfuadés qu'on les fatisfera avec promptitude
, en ne leur faifant fupporter que des frais
de transport juftes & modérés , & en leur procurant
les paffeports de franchiſe néceſſaires à cet
effet. "
Un quintal net de Vienne en Autriche , de
Cinabre , quatre fois broyé , ou vermillon , pris à
Idria , 180 florins ; pris à Vienne , 185 florins ; &
pris à Triefte , 181 florins : le tout argent d'Autriche.
Le Cinabre non broyé coûtera 5 florins de
moins par quintal . »
JLG
1 De Francfortfur- le- Mein , le 26 Juillet.
eisra no
Le Baron d'Oxenftierna , Miniftre à la
Diète de Ratisbonne pour la Pomeranie
94
CY
( 58 )
Suédoife , a communiqué officiellement à
plufieurs Miniftres Etrangers le départ de
l'efcadre Suédoife , pour obferver celle de
Ruffie , & pour la combattre dans le cas
où elle ſe permettroit quelque hoftilité .
On affure que , conformément à la
conduite de la Cour de Suède envers
l'Envoyé Ruffe à Stockholm , le Baron de
Noltken , Miniftre Suédois à Pétersbourg,
a reçu de l'Impératrice fignification de
quitter cette capitale , dans la huitaine
avec l'affurance de recevoir tout ce qui
pourroit être néceffaire à fon tranſport
fur les frontières.
Le Public avoit conjecturé , d'après l'avis
que le Miniftre de Ruffie à Berlin a
fait inférer dans les papiers publics , concernant
ceux qui auroient des prétentions
fur lui & fur les perfonnes de fa maiſon
que les Cours de Pétersbourg & de Berlin
alloient en venir à une rupture ; mais
ce pronoftic porte fur une équivoque . Le
Miniftre Ruffe avoit demandé à l'Impératrice
la permiffion de faire la campagne
contre les Turcs , & dans l'efpérance qu'il
l'obtiendroit, il donna co..gé au propriétaire.
de fon hôtel , & fit annoncer fon départ
dans la Gazette : fa demande lui ayant
été refufée , il refte à fon pofte ; mais
comme fon hôtel eft loué , il paffera le
scfte de l'été à Strahlau , où il a pris une
( 59 )
campagne . Voilà du moins la verfion du
jour.
D'autres lettres de Berlin parlent des
préparatifs qui fe font dans les Etats du
Roi, & annoncent la crainte prématurée
d'une guerre générale , fi l'on ne parvient
à une reconciliation prochaine des
Puiffances Belligérantes .
On apprend de Semlin , que le 29 juin
on a publié , au fon du tambour , un ordre
aux habitans de remettre , dans l'efpace
de trois heures , au magafin militaire
toutes les armes qu'ils pourroient avoir.
On ignore le motif de cette injonction.
-- Des calculateurs mathématiques , démontrent
dans les Gazettes , que depuis
le 9 février jufqu'au 20 juin , l'armée Autrichienne
a perdu dans les combats , par
les maladies & par la défertion , 21,456
hommes , ni plus , ni moins. Il ne manque
plus à cette lifte que celle , auffi atithinétique
, des bras & jambes emportés. Sans
doute les Chirurgiens des hôpitaux & les
Colonels des régimens Impériaux ont fait
paffer aux Nouvelliftes leurs feuilles de
mortalité & de défertion, en les priant de
les communiquer au Public .
Tandis qu'on répand à Vienne la nonvelle
de l'évacuation d'Laffy à l'approche
des Ottomans , d'autres bulletins mettent
cette place en fûreté , & nous difent ::
vj
( 60 )
« On écrit de Czernowiz , le 30 juin , que l'aile
» droite du corps du Général de Soltikow a joint
» nos troupes à Jaffy ; que 6,000 hommes d'In-
" fanterie & 4 oco de Cavalerie du même corps ,
» fou. les ordres du Général de Malline , font
» reftés près de Choczim avec beaucoup d'artille-
» rie , & que le Prince de Cobourg a détaché à
» Jaffy les bataillons de Kaunig & de Mitrowsky,
» & les Huffards de Barko . »
Au milieu de ces variations ,• il est bien
difficile de difcerner la verité. Pas une ligne
authentique fur la marche du Grand -Vitir.
Quelques avis le difent occupé à former
des retranchemens entre Sophia & Widin .
Le Roi de Pruffe a rendù à Potzdam ,
le 9 de ce mois , un Edit concernant l'état
de la Religion dans la Monarchie.
Nous le ferons connoître dans fon étendue
en voici le précis , pour le moment .
« Le but de cette loi eft la confervation
de l'Eglife Proteftante dans la pureté
primitive , en arrêtant les progrès de l'incrédulité
& de la fuperftition qui corrompent
les moeurs , & anéantiffent tout ce qui
peut contribuer au bonheur focial . Le
Roi affure à fes Sujets une liberté entière
de confcience , & accorde fa protection
aux trois principales Religians chrétiennes
reques dans fes Etats ; lavoir , les Religions
Réformée , Luthérienne & Catholique
Romaine , & aux Seftes tolérées des
Memnoniftes, Frères Moraves, ainfi qu'aux
1
( 61 )
Juifs. Il eft défendu à toutes ces confeffions
de faire des profelytes , mais permis
à chacun de changer de religion publiquement.
Les Eglifes Réformée & Luthérienne
conferveront leurs anciennes lithurgies
; on n'en réformera que le vieux
langage inintelligible , & quelques céré
monies furannées & fuperflues ; mais on
apportera la plus grande attention à ne
rien changer à l'ancien dogme. Les Miniftres
, Curés , Prédicateurs & Regens de
Colléges s'abftiendront de répandre dans
le public des propofitions contraires à l'efprit
du Chriftianifme , à induire en erreur,
par des déclamations & des raiſonnemens
fpécieux , & à dégrader par de fauffes interprétations
la Sainte Ecriture , document
divin qui affure & confolide le bonheur
du genre humain : les Eccléfiaftiques
qui contreviendront à leur devoir , feront
punis de caffation . »
Un orage, accompagné de grêle d'une
groffeur extraordinaire , a abîmé , le 20
juin , plas de 27 villages dans la principauté
de Furstenberg.
La Princeffe époufe du Prince de Waldek eft
accouchée à Bafle , le 7 de ce mois , d'un Prince qui
a été nommé au baptême Charles - Augufte Frédéric.
Le
ITALIE.
De Turin , le 5 Juillet.
29 du mois dernier , S. M. a com(
62 )
muniqué aux Grands du Royaume , ainfi
qu'aux Miniftres Etrangers , le Mariage du
Duc d'Aoft , fecond Fils du Roi , & né
le 24 juillet 1759 , avec l'Archiducheffe
Marie-Thérèfe , Fille aînée de l'Archiduc
Ferdinand d'Autriche , Gouverneur-général
de la Lombardie- Autrichienne , née le
premier novembre 1773. L'après - midi
la Famille Royale reçut à cette occafion
les félicitations des Miniftres Etrangers ; le
foir, il y eut gala & cercle à la Cour , &
le même jour le Roi décora de l'Ordre
de l'Annonciade plufieurs grands Seigneurs
du royaume.
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 29 Juillet.
Pendant leur féjour à Cheltenham ,
qui dure encore , Leurs Majeftés & les
Princeffes font allées voir la ville de Glocefter
, où Elles ont paffé une demijournée.
Le Corps Municipal a complimenté
cette augufte Compagnie , qui areçu
les témoignages univerfels & éclatans
de l'affection publique. L'époque
du retour de L. M. à Windfor eft encore
incertaine. Leur préfence , dans des lieux
affez éloignés de la Capitale , a attiré à
Cheltenham une foule de curieux de tout
( 63 )
etat. Dans leur nombre s'eft trouvé un
Fermier que le Roi , à la promenade ,
rencontra fort preffé d'arriver . >> Vous
» avez bien chaud , mon ami , lui dit ce
» Monarque. Oui , Monfieur , répondit
» le payfan ; j'ai fait une longue route ,
" & je fuis impatient de voir le Roi.-
» Très - bien , mon ami , reprit S. M. vous
» avez befoin de vous rafraîchir ( Elle lui
donna une demi- guinée ) ; mais , mon
» digne Monfieur , répliqua le payfan ,
" dites- moi , en grace , fi je puis voir
» le Roi ? - Mon ami , vous le voyez de-
» vant vous. »
« Ce Prince étant entré à cheval à Te-
Kefbury , le peuple , pour le voir , accouroit
en foule fur le pont. Le Poi craignant
quelque accident , dit à cette multitude :
Mes bonnes gens , j'ai peur que quel-
» ques-uns de vous ne tombent dans la
» rivière ne vous expofez pas
ainfi pour
voir votre Roi ; j'irai auffi lentement
» que vous le défirerez , afin de favori
» fer l'empreffement de chacun . »
« L'efcadre du Contre- Amiral Leuefon
Gower a jeté l'ancre , le 21 au foir , dans
la baie de Caufand , où elle eft rentrée
après une feconde croifière de trois femaines,
à l'oueft. On ne fe rappelle pas
d'avoir vu dans cette faifon un temps
auffi mauvais que celui qui a régné dur
( 64 ) ~
rant cette croifiere ; prefque chaque jour
l'efcadre a effuyé de forts coups de vent,
accompagnés de brouillards épais & de
pluie . Dans ces intervalles l'Amiral n'a
pas perdu de temps à faire exécuter fes
manoeuvres , & à exercer les vaiffeaux à
toutes les évolutions poffibles jufqu'au
famedi 19 , où l'Amiral arriva , vent arriere
, pour entrer dans la manche par un
fort vent du nord - ouest. »
Le Scipio ayant eu fon petit mât de
hune & fon grand perroquet rompus , à
manqué une partie de la croifière , & a été
forcé de rentrer dans leport pour fe réparer.
La frégate l'Andromède, que commande le
Prince Guillaume- Henri , ayant reçu des
autres vaiffeaux de l'efcadre fes approvifionnemens
, a fait voile Hallifax ,
dans la Nouvelle - Ecoffe . »
pour
tu Le 23 , fur les neuf heures du matin , au moment
où les Commis alloient fe mettre au travail , le
feu fe manifefta
à la Tour , dans un cabinet du
Bureau de l'Artillerie
, où étoient déposés des fagots
pour allumer les feux en hiver. On donna fur
I champ l'alarme , & on tranfporta
un grand
nombre de pompes ; mais comme la marée étoit
extraordinairement
baffe , & qu'on ne put ſe procurer
da quantité d'eau néceffaire
, le feu exerça
les plus grands ravages pendant plus de trois heures
, de forte que la totalité des deux étages fupérieurs
fut entièrement
détruite . Le Gouverneur
avoit en la précaution
de faire fermér les portes
aux curieux. Les Soldats , les Ouvriers
& tous
( 65 )
ceux qui fe trouvèrent dans le bâtiment , travaillèrent
à retirer du milieu des flammes les regiftres ,
papiers , &c. qu'on parvint à garantir de l'incendie.
On craignoit beaucoup pour la corderie , qui eft
contigue au Bureau de l'Artillerie , où fe trouvèrent
emmagafinées plufieurs matières combuſtibles , &
on travailla en conféquence à retirer les cordages ,
brouettes , &c. qui furent depofés dans la cour.
On évalue le dommage à 20,000 liv. fterl.
" On équipe la corvette l'Ariel , de 16
canons , à Portſmouth ; elle doit mettre
à la voile pour les ifles Pelew , qui font
fituées entre Tinian , où Lord Anfon prit
des rafraîchiffemens , & les Philippines. »
« Une lettre du Commodore Cosby ,
écrite à fon retour des différens ports de
Barbatie , & datée de la baie de Gibral
tar , le 23 juin , annonce un renouvellement
d'amitié & de bonne intelligence
entre la Grande - Bretagne & l'Empereur
de Maroc ; le commerce peut le faire ,
comme par le paffé , fans aucune crainte ,
les différens ports de Barbarie nous étant
ouverts , & le peuple étant difpofé à nous
recevoir fur le pied le plus amical. »
On équipe avec la plus grande diligence à Liverpool
les vaiffeaux deftinés pour le commerce
d'Afrique ; d'après le régime du dernier acte du Parlement
; trois feront en état d'appareiller dans
quinze jours , et quatre autres dans un mois ou
cinq femaines. Cet équippement fera juger de
l'efficacité du Bill , dont l'avantage eft encore douteux
.
« On travaille auffi à l'équipement des
( 66 )
vaiffeaux deftinés à tranfporter les malfaiteurs
des deux fexes à la baie Botanique. »›
«L'élection de Weftminfter a été auffi
difputée , & encore plus fcandaleuſe la ſemaine
dernière , que les jours précédens.
Le mardi 22 , il s'engagea une bataille
meurtrière , entre la canaille raffemblée par
les deux partis aux alentours de l'amphi
théâtre , où l'on donne les fuffrages : des
matelots compofoient Farmée de Milord
Hood; des garçons bouchers & des porteurs
de chaiſes celle de Lord Townshend.
Il eft difficile , à travers des relations con
tradi &oires des uns & des autres , de favoir
à laquelle des deux meutes il faut
imputer l'aggreffion ; mais fes fuites funeftes
paroiffent avoir été l'ouvrage des
Satellites de Lord Townshend: ils s'étoient
munis de maffues courtes , nommées
bludgeons ) de couperets de bouchers, &
de bâtons ferrés. Avec ces armes meurtrières
ils tuèrent quelques perfonnes &
en bleſsèrent un affez grand nombre . La
victoire leur étant reftée , ils étendirent
leurs excès à divers quartiers de Weftminſter.
Comme le fecours des Conftables pour
arrêter ces violences fanguinaires étoit trèsinfuffifant
, le Chevalier Sampfon Wright ,
principal Juge de paix , députa un Magiftrat
& un Chefdes Conftables pour diffiper cette
populace : leurs efforts ayant été inutiles ,
( 67 )
le Chevalier Wright fit avancer un détachement
des Gardes , fous les ordres de
Lord Say & Sèle , & du Capitaine Freemantle.
A leur approche , les chefs de l'opofition
, affemblés à la taverne de Shakefpean
, s'avancèrent avec un affez grand
nombre de leurs adhérens ; les foldats
coupèrent le paffage à cette multitude
échauffée ; M. Fox reçut un coup dans
la mêlée ; le Colonel Fitz- Patrick , ancien
Miniftre de la guerre , fut renverfé , &
le fameux Colonel Tarleton rudement bourré.
Quant à M. Sheridan , il alla au Chevalier
Wright , le faifit au collet, & lui ordonna
de faire retirer les foldats. Le Magiftrat ,
non intimidé de la familiarité exceffive
de cet orateur , appela les foldats , & .
peu s'en fallut que M. Séeridan n'expiât la
violence de fes manières. Le refpe& profond
qu'infpire ici un Magiftrat , regardé
comme la loi vivante , n'a pas fait réuffir
cet écart d'un Chef de parti. M. Fox & les
fiens parlent de foumettretu Parlement cet
appel des foldats , qu'ils difent attentatoire
à la liberté des fuffrages & à la conftitution.
Les gens neutres demandent fi la liberté
des fuffrages confifte à maffacrer les Electeurs
à coups de bâtons & de couperets ;
& fi la conftitution exige que la Police laiffe
des bandes de Sauvages fe tuer au milieu de
Weftminster , forcer les maifons , briſer les
( 68 )
meubles , &c . ? La liberté & la conftitution
veulent , à ce qu'il paroît aux mêmes efprits
foibles, que les Eledeurs puiffent voter fans
trouble ; qu'on ne les égorge nine les achete
, & qu'on ne change pas un lieu d'Election
populaire , en une arène de gladiateurs
mercenaires.
Les deux jours fuivans l'Election fut
plus paifible ; mais vendredi , les deux
Partis renouvelerent le tapage . Un trèsgrand
nombre de matelots , & d'autres
partifans de Milord Hood , ont été emportés
morts ou mourans ; le Colonel
Macmanara , entr'autres , eft dangereufement
bleffé. Lord Hood , la femaine derniere
, avoit regagné la fupériorité de 151
voix , hier elle a été contre lui de 218
c'eft-à -dire , qu'il fe trouvoit ce matin
pour cet Amiral
4393 votans .
pour Lord Townshend 4611
*<
• •
Cet avantage du dernier , a été la fuite
d'un grand dîné donné à cinq cents Electeurs
, par quelques chefs de l'oppofition ,
qui , après avoir bien fait boire & manger
ces libres citoyens , leur firent promettre.
de fe rendre le lendemain , en troupe ,
l'amphithéâtre. ».
à
» Les principaux membres de la Nobleffe
qui conduifent ouvertement la brigue
, Canvas) font , en faveur de Lord
Hood , Milord Belgrave , fils du Lord
( 69 )
Grofvinor ; le Marquis de Graham ; Lord
Bayham , fils du Comte de Cambden ;
Lord Frédéric Campbell ; M. Grenville , &c .
L'autre compétiteur eft fecondé par les
Lords John Ruffel , George Cavendish ,
Henri Fitz- Gérald, Ludlow, & c . On pourra
dire avec juftice , que les bâtons & les
couperets ont été les véritables Electeurs
, & il eft à croire que les citoyens
prudens feront forcés de facrifier l'exercice
de leur droit d'élire , à la crainte de
ces inftrumens conftitutionnels. »
·
«A l'expédient des armes contondantes ,
fe joignent les diffamations mutuelles dans
les papiers publics . Quelques paragraphes
donneront une légère idée de cette guerre
périodique . »
« Ladi Galway , briguant dans Leiceſter Square
pour Lord Townshend , un paffant lui demanda
fi elle étoit du parti de M. Fox ? Oui , répliquat-
elle » Tenez , lui dit le manant voici un de
» vós adhérens , mais de la claffe honnête , &
» il lui préfenta un chien renard. ( Fox Dog. n )
« Le Colonel Fitz- Patrik entra hier dans la
» boutique d'un Perruquier , pour lui demander
" fa voix ; le garçon répondit que fon Maître étoit
» abfent . » Oui , dit le Colonel , & bien je vous
fais Maître ; un homme comme vous doit être
Maître , & donner fon fuffrage ; ſuivez- moi. Trèsbien
Colonel! n


Quand un voleur de grand chemin eft amené
devant le Magiftrat , il a autant de raifon de
» fe plaindre de l'attentat commis fur fa liberté ,
» que les bandits de la Coalition de l'approche
» des militaires. »
( 70 )

« Nous avons le bonheur d'apprendre que
M. Sheridan a trouvé le meilleur moyen d'affurer
la liberté des Elections ; c'eft de prendre les Electeurs
au collet , lorſqu'ils vont donner leurs Tuffrages.
"
« La Ducheffe de Rutland , Ladi Salisbury
Ladi Chatham, & d'autres , briguent contre le Lord
Townshend, fervi par Miftreff Armstead , Sheridan ,
Mufters ; c'eft dire que la préfente Election eft la
caufe de la décence contre l'indccence. »
« On reçoit l'avis que les lunettes de M. Burke
» ont été caffées . A l'inftant où il entroit dans
» la boutique d'un boucher pour folliciterfa voix ,
» il a donné de la tête contre un gigot de mouton . »
« Le Député du Grand Baillif de Weſtminſter ,
» avertit hier Lord John Fownshend , qu'il feroit
» plus décent & moins fufpect de ne faire pa-
» roître fes partifans à l'amphithéâtre qu'avec
» des chemifes. En conféquence , le Comité chargé
» des intérêts de ce Lord , a donné avis qu'on
» ouvriroit quelques magafins de chemifes près
» de Charing Croff. » C'eft une vérité nue , que
» la demande a été fi confidérable , qu'à peine ces
boutiques ont-elles pu fuffire à revêtir les Elec-
» teurs d'hier. »
« Quelle est la plus rigoureuſe taxe des bouiques
? Celles qu'impofent les gens à cocarde bleue
& orange ( l'Oppofition ) , qui prennent des marchandifes
à crédit dans ces boutiques , & ne les
paient point , & c. « 1
Raifonspour lesquelles Lord Hood ne doitpas être
élu Repréfentant de Westminster.
Extraits des Regiftres de l'Oppofition.
» 1 °. Lord Hood s'eft toujours fait connoître
pour un brave & loyal Anglois.
ན་
2º. Il a exercé fa profeffion en intrépide & généreux
Officier.
3°. Comme Membre du Parlement , il a tou(
71)
jours agi conformément aux principes de la `conftitution
.
4º. Il ne s'eſt jamais fignalé par ſes entrepriſes
fur vos femmes & fur vos filles.
5. Il n'a jamais été ni joueur affiché , ni
diffipateur , ni féducteur de profeffion .
6º. Il n'a jamais formé de coalition avec un
homme qu'il auroit appelé le deſtructeur de la Patrie
, & qu'il eût voulu porter fur l'échafaud .
« En un mot , il eft bon Citoyen , brave
Amiral , Whig conftitutionnel ; par conséquent il
eft indigne de vos fuffrages.
« Dans une lettre à M. Fox, publiée par
les mêmes papiers publics , on l'avertit
qu'on dépenfera 20000 1. ft. à le chaffer du
Parlement , vu qu'il n'eft bon qu'à haranguer
& qu'à représenter la Baie Botanique
, &c. & c. ,
Le Do&eur Kippis , Membre de la Société
Royale , & déja connu par des Ouvrages
eftimables , a récemment publié une
vie du Capitaine Cook. L'extrait des
Voyages de cet illuftre Marin , forme une
grande partie de cette production ; & , fuivant
l'ufage des Biographes Anglois , M.
Kippis y a raffemblé une foule de particularités
minutieufes ; mais toutes ne
font pas à dédaigner. Plufieurs traits inconnus
de la vie vraiment extraordinaire de
Cook , des anecdotes caractéristiques , l'enchaînement
des circonftances qui formèrent
fon génie & décidèrent fon avancement,
piquent la curiofité . Nous choififfons
les principaux détails de cette hiſtoire , oublié
) ܐ7 (
ou ignorés des Ecrivains qui , jufqu'ici , ont
parlé de cet immortel Navigateur.
"
Le Capitaine Cook ne comptoit point d'ayeur
dont il pût s'énorgueillir ou fe prévaloir pour fon
avancement un garçon de charrue fut fon père;
une femme du même état lui donna le jour. Tous
deux étoient connus dans leur voifinage par l'honneur
, par la fobriété , par l'amor du travail ,
dont ils firent toujours profeffion . I's pafièrent
d'abord quelques années dans un village appelé
Morton ; mais ils s'établirent dans la fuite à Marton,
autre village fur la côte feptentrionale de l’Yorckfhire.
»
Le Capitaine Cook naquit à Marton le 25 d'Oc
tobre 1728 ; de neuf frères & foeurs il ne reſte
qu'une fille mariée à un Pêcheur de Redcar. Le
jeune Cookreçut fa premiere éducation à Marton ,
où il apprit à lire de la dame Walker , Maîtreffe
d'Ecole du village . Il n'avoit que 8 ans quand fon
père fut avancé , en vertu de fon intelligence & de
fes autres bonnes qualités , à la place de premier
valet de charrue , ou piqueur des journaliers , dans
une ferme appartenante à M. Thomes Skottow ,
Ecuyer , aux dépens de qui le jeune Cook fut
envoyé à l'école à Ayton , pour y apprendre à
écrire & les premières règles de l'arithmétique. »
«Avant l'âge de 13 ans on le mit en apprentiffage
chez M. William Sanderfon , Mercier à Staiths ,
ville affez confidérable par fes pêcheries . Cet état
-convenoit peu aux difpofitions du jeune homme.
Il avoit du goût pour la marine : inclination que
ne pouvoit manquer d'augmenter encore la fituation
de la ville qu'il habitoit , & les moeurs de ceux
avec qui il paffoit fa vie. Quelques difputes étant
furvenues entre lui & fon maître , il obtint de
faire caffer fon brevet , & s'engagea lui-même ,
pour ſept ans , chez MM. John & Henri Walker ,
de
( 73 )
1
de Whiton , Quakers de religion , & principaux
propriétaires du navire le Free- love , & d'un autre
bâtiment , employés au commerce du charbon .
Il fit la plus grande partie de fon apprentiſſage à
bord du Free-love. Son temps fini , il continua de
fervir en qualité de fimple Matelot , juſqu'à ce qu'il
fut élevé à celle de Contre maître fur un des
vaiffeaux de M. John Walker. On l'employa
quelquefois , occafionnellement dans d'au-
-

tres branches de commerce . Rien n'annonce
qu'il fe foit diftingué durant ces fept années , foit
par fes talens , foit par fa conduite ; on ne peut
pas douter cependant qu'il ne fe foit fingulièrement
formé dans la pratique de la navigation , &
que cette tête attentive , & pleine de fagacité , n'ait
emmagafiné ce tréfor d'obfervations , dont elle devoit
faire un jour un fi bel ufage. »
«Au printemps de 1755 , quand les hoftilités
commencèrent entre la France & l'Angleterre , &
qu'il fe fit une Preffe très-rigoureufe des matelots ,
M. Cook fe trouva fur la Tamife avec le vaiffeau
auquel il appartenoit. Il fe cacha d'abord pour fe dérober
à la preffe ; mais fongeant que , malgré toute
fa vigilance , il lui feroit difficile d'éluder les recherches
, il fe détermina à entrer volontairement au
ſervice de S. M. , & à tenter fortune dans la Marine
royale. Peut-être avoit-il , par cet inftin&
propre aux grands hommes , quelque préfage de
la confidération à laquelle fon activité & fes efforts
pourroient l'élever un jour. Il vint lui-même
à une des maifons de rendez-vous à Wapping , &
prit parti avec un Officier de l'Aigle , vaiffeau de
guerre de 60 canons , commandé, à cette époque ,
par le Capitaine Hamer. Sir Hugh Pallifer en fut
nommé Capitaine au mois d'Octobre 1755 , & y
trouva à fon arrivée Jacques Cook , dans lequel il
ne tarda pas à diftinguer toutes les qualités d'un
N°. 32. 9 Août 1788. d
( 74 )
homme de mer. Les Officiers déposèrent hautement
en la faveur , ce qui le fit entrer dans celle
du Capitaine , qui , fatisfait de fa conduite , lui
donna tous les encouragemens poffibles.
4
Au bout de quelque temps , le Capitaine Pallifer
reçu une lettre de M. Ofbaldefton , Membre
du Parlement pour Scaboroughh , qui l'avertif
foit que quelques voifins l'avoient follicité de lui
écrire en faveur d'un certain Cook. Ayant entendu
dire que le Capitaine Pallifer avoit tait attention à
ce marelot , il le prioit d'indiquer , en cas que le
ful Cole méritât , de quelle manière M. Ofbalegjion
patroit le mieux contribuer à l'avancement
de ce jeune homme. Le Capitaine , dans fa
rép af rendit juftice a . mérite de Cook ; mais
comm , il n'ér it que dennis pen de temps fur fon
bord , prévint M. Ofbaldefton qu'il ne pouvoit
encore être nommé Officier breveté ; le Capitaine
ajoute qu'on pourroit peut - être lui procurer
la place de Maître d'équipage , pofte qu'il étoit
fait pour remplir avec talens & honneur.
»
« M. Cook obrint cette place le 10 Mai 1759 , fur
le . Sloop le Grampus ; mais l'ancien maître étant
reveru , contre toute attente , reprendre fa place ,
l'affaire n'eut pas lieu. Quatre jours après il fut
fait aître fur la Garland. Le va ffeau ayant déja
mis à la voile , il ne put le rejoindre ; enfin , le
lendemain , 15 Mai , il fut placé fur le Mercury :
ces nominations promptes & fucceffives prouvent
qu'on s'intéreffoit vivement à lui , & qu'on avoit
réellement intention de le fervir , »
« Le Mercury étoit definé pour l'Amérique
feptentrionale , où il réjoignit la flotte.commandée
par Sir Richard Sannders , qui , ayant réuni fes
forces avec celles du Général olfe , étoit enau
fameux frige de Québec. Ce frege exigeoit
Jerve difficile & dangereux de prendre à la f
de la profondeur du canal du fleuve Sain : Larg
( 75 )
rent , entre l'ifle d'Orléans & la - rive fepten
trionale , directement en face du camp François ,
fortifié à Montmorency & Beauport , pour mettre
notre Amiral en état d'oppoſer des vaiffeaux aux
batteries ennemies , & de couvrir notre armée
dans l'affaut général que l'héroïque Wolffe fe propofoit
de donner au camp. »
>
« Le Capitaine Pallifer , sûr du courage & de l'intelligence
de M. Cook , le fit charger de cette commiffion
, dont il s'acquitta parfaitement. Il y employa
fept nuits de fuite ; à la fin il fut découvert
par l'ennemi , qui raffembla un grand nombre
d'Indiens & de canots , dans un bois près du
fleuve , & les fit mettre à flot pendant la nuit
pour l'enveloper & lui couper le paffage. Il eut
toutes les peines à leur échapper. Il fut obligé de
faire forces de rames , & de diriger la courſe vers
la côte de l'ile d'Orléans , près du corps - de-garde
de l'hôpital Ang'ois. Quelques Indiens entrèrent
même fur la poupe du bateau , tandis que M. Cook
fautoit de la proue , & cette barque , appartenante
à un des vaiffeaux de guerre , fut enlevée en triomphe
par les ennemis. Cependant M. Cook fournit
Amiral un plan auffi correct & auffi complet
du canal & de fes fondes , que nous avons
pu le faire après nous être rendus maîtres de
Québec. Sir Hugh Pallifer penfoit être fondé à
croire que M. Cook ne s'étoit jamais fervi du
crayon avant ce moment , & qu'il ne favoit point
du tout deffiner ; mais telle étoit fon aptitude ,
qu'il le rendoit bientôt maître dans tous les genres
auxquels il s'appliquoit,
«M. Cook remplitun autre fervice de la plus
grande importance , tandis que notre flotte reſta
fur le fleuve Saint Laurent la navigation en eft
extrêmement difficile & dangereufe ; elle l'étoit
particulièrement alors pour les Anglois , encore
du
( 76 )
étrangers à cette partie de l'Amérique feptentrionale
, & dépourvus de cartes fur l'exactitude
defquelles ils puffent compter. Amiral ordonna
donc que M. Cook fût employé à examiner les
parties du fleuve an - deffous de Québec . Il s'en
acquitta avec autant de foin & de talent qu'il en
avoit montré dans la première commiffion. Cette
entrepriſe achevée , il publia une carte du cours
du fleuve Saint Laurent , avec les fondes & les
renfeignemens néceffaires aux Navigateurs . Pour
rendre témoignage à l'exactitude & à l'utilité de
cette carte , il fuffit de dire qu'on juge inutile d'en
publier d'autres : celle qu'on a donnée en France n'en
eft qu'une copie fur une échelle réduite . »
«Après l'expédition de Québec , M Cook, fur
le brevet de Lord Colvill , fut nommé , le 22 décembre
, Maître d'Equipage du Northumberland ,
vaiffeau de guerre que ce Seigneur monta l'hiver
fuivant en qualité de Commodore , avec le commandement
d'une Efcadre à Halifax . La conduite
de M. Cook lui valut l'amitié & l'eftime de fon
Commandant : il employa les loisirs de l'hiverà
acquérir des connoiffances. Ce fut à Halifax qu'il
lut pour la première fois Euclide , qu'il s'appliqua
de lui- même à l'aſtronomie , & cultiva d'autres
branches de la ſcience nautique. Il n'avoit que trèspeu
de livres ; mais fon génie y fuppléa , & l'amena
à des progrès bien fupérieurs à ces fecours."
« Tandis que M. Cook étoit Maître d'Équipage
du Northumberland , ce vaiffeau vint a Terre- Neuve
en Septembre 1762 , pour aider le Lieutenant-
Colonel Amherst à reprendre cette ifle fur les François.
Ce pofte recouvré , la flotte angloife s'arrêta
quelques jours à Placentia , pour la mettre dans
un état plus complet de défenſe. M. Cook employa
ce temps utilement, Il examina le port & les hau(
77 )
teurs de la place , ce qui attira l'attention du Ca
pitaine ( aujourd'hui Amiral ) Graves , Commandant
de l'Antelope , & Gouverneur de Terre- Neuve
. Cet Officier fit à M. Cook beaucoup de quef
tions , auxquelles celui-ci répondit de manière à
lui donner une très -bonne idée de fes connoiffan
ces, Cette opinion favorable s'accrut à mefure
qu'il examina la conduite de M. Cook, » examina
» Vers la fin de 1762 , M. Cook revint en Angleterre
, & époufa , le 2 Décembre , à Barking
en Essex , Miss Elizabeth Batts , femme aimable
& de mérite , digne de toute la tendreffe qu'il
eut pour elle. Son état & fes devoirs ne lui permirent
pas de goûter le bonheur conjugal fans de
longues interruptions. "
(La fuite d'un des Journauxfuivans. )
3576
"
FRANCE.
De Verfailles , le 29 Juillet.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint-
Valery, Ordre de Saint - Benoît , Diocèle
d'Amiens , l'Evêque de Saint- Pons ; à celle
de Saint- Joffe -fur-mer , même Ordre &
même Diocèle , l'Abbé de Caftelnau ,
Vicaire -général de Béziers ; à l'Abbaye
régulière de Sept - Fonds Ordre de
Gîteaux , Diocèle d'Autun , D. Bernard
de Montfort , Prieur de la même Abbaye ;
& à l'Abbaye régulière du Chapitre noble
de Montigny , Ordre des Urbanistes
Diocèfe de Befançon , la dame de Guyot
de Maucenans , Chanoineffe -profeffe du
même Chapitre.
Le 27 de ce mois , M. de Villedeuil ,
d iij
( 78 )
Secrétaire d'Etat de la Maifon du Roi , a ,
en cette qualité , prêté ferment entre les
mains de S. M.
L'Affemblée générale extraordinaire du
Clergé ayant terminé fes Séances , a eu ,
le même jour , une audience du Roi , à
laquelle elle a été conduite par M. de
Watronville , Aide des cérémonies , &
prefentée par M. de Villédeuil ,, Secrétaire
d'Etat , chargé des affaires du Clergé,
L'Archevêque de Narbonne , Préfident de
cette affemblée , a porté la parole.
Leurs Majeftés & la Famille Royale ont
figné le contrat de mariage du Vicomte de
Navailles , Capitaine d'Infanterie , avec
Mademoiſelle de Clapiers de Cabris .
De Paris, le 6 Août.
Réglement fait par le Roi , du 13 juillet
1788 , pour la compofition & formation
des Affemblées qui auront lieu dans le
Nivernois , en exécution de l'Edir portant
établiffement des Affemblies Provinciales.
Déclaration du Roi , concernant la con
vocation des Etats- généraux de la province
du Hainaut , de Valenciennes & autres
parties y réunies ; donnée à Versailles le
10 février 1788 , regitrée au Parlement
de Douay; lemmars audit an.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 27
juin 1788 , qui ordonne que les Procès(
79 )
verbaux qui ont été ou feront rendus à
l'avenir , relativement aux droits dépendans
de la Régie générale des Aides , dont
1 connoiffance appartient aux fieurs Inrendans
foient valables , pourvu que
l'affirmation en ait été faite par les
Commis dans la quinzaine du jour de leur
rédaction , au plus tard .
9 ,
Autre , du 27 juin 173 , qui ordonne
que la prohibition de l'introdu&tion dans
le royaume des Marchandifes de fer ,
notamment des clous de toute eſpèce .
continuera d'être exécutée .
Autre , du 26 juillet 1788 , portant
création d'une Loterie de douze millions ,
en faveur des Provinces ravagées par
la
grêle.
Le Roi , profondément affligé du fléau qui vient ,
de frapper , en un inftant , une grande étenduede
pays dans plufieurs provinces de fon Royaume ,
n'a ceffé d'éprouver , en apprenant les détails d'un
fi grand malheur , le befoin de ſecourir , par
tous les moyens qui font en fon pouvoir , ceux
des Cultivateurs qui ont le plus fouffert.
Chaque jour lui a apporté les plus défolantes
nouvelles des moiffons entières détruites , au
moment même de la plus belle récolte ; des vigues
perdues fans efpoir pour plufieurs années ; des
hommes fupris au milieu des plaines , te raffés ,
frappés à mort par une grêle épouvantable ; un
grand nombre de villages ruinés ; plufieurs dégradés
au point de ne pouvoir fervir d'afyle à la
misère; les pauvres ne rencontrant que des pauvres,
div
( 80 )
dans une étendue de plus de quarante lieues : partout
la confternation & le défefpoir.
Ces détails douloureux , dont tant de misère
& de larmes atteſtent la vérité , en pénétrant le
Roi du plus vif regret de re pouvoir foulager
tant de maux par fes propres bienfaits , lui font
fentir que , s'il ne lui eft pas permis , en ce moment
, de fe livrer à toute fa bienfaiſance , il eft
au moins de fa juftice de fubvenir aux befoins
les plus preflans , & que , lors même qu'il s'eft
impofé la loi d'être avare de fes dons , il n'eſt
pas difpenfé d'être libéral de fes fecours .
Airfi , le Roi a réfolu de confacrer une fomme
de douze cent mille livres au foulagement des
Provinces qui ont été ravagées , en même temps
qu'il leur affure une remife fur les impofitions
de cette année.
Mais confidérant que ces fecours , portés auffi .
haut que la fituation momentanée de fes finances
peut le lui permettre , font pourtant disproportionnés
aux befoins de tant de malheureux , il
s'adreffe avec confiance à fes Sujets , & les invite à
fe livrer à un genre de bienfaifance , auquel feront
attachés en même temps , & un charme ſecret
pour chacun d'eux en particulier , & une forte
d'honneur public commun à tous.
Sûre que fes fentimens feront partagés , Sa
Majefté eſpère réunir bientôt des fecours capables
de réparer du moins une partie du défaftre ; Elle
fait & Elle l'a fouvent éprouvé avec délices , quel
eft l'empire de fon exemple fur fes Sujets ; Elle
fait que le récit d'une grande calamité peut exciter
entre eux une généreufe émulation ; qu'il fuffit
d'avertir la fenfibilité des François , pour en obtenir
les plus nobles facrifices ; mais , quelque confiance.
que lui infpirent ces heureuſes difpofitions , quelque
bien qu'Elle s'en promette , Elle croit con(
80 )
+
venable de faire concourir auffi au bienfait qu'Elle
veut opérer , ceux à qui leur pofition fembleroit
permettre plus difficilement un facrifice dépouillé
de toute efpérance. Il eft des circonstances où l'in-,
térêt perfonnel lui-même femble s'ennoblir , où
il peut fe faire des droits à la reconnoiffance publique
; & il eft digne d'un Souverain qui aime
fon Peuple , d'appeler en quelque forte , à une
grande oeuvre de bienfaifance , les divers fentimens
qui font agir les hommes.
Frappée de ces motifs , Sa Majefté deftine au
foulagement des victimes du dernier défaftre ,
outre les douze cent mille livres qu'Elle s'eft impofées
, le produit d'une Loterie digne , fous tous
Les rapports, d'une confiance particulière , & dont
le bénéfice réfultera du prélèvement d'une partie
déterminée de chaque Lot , & en même temps
de l'abandon que plufieurs Corps ou Particuliers
riches aimeront à faire de leurs billets renvoyés
ayant le tirage.
Cette Loterie fera de douze millions , dont le
dixième faifant la fomme de douze cent mille
livres , compoſera le bénéfice. Elle fera formé e
de quarante mille billets de trois cents livres chacun,
de telle forte néanmoins que l'on ne payera que
cent livres en prenant fon billet : la Loterie fera
crédit des deux autres cents livres. Tous les billets
fortiront , & il fera prélevé fur chaque Lot , les
deux cents livres dûes pour l'entière, valeur du
billet. Sur ces quarante mille billets , trente mille
produifant deux cents livres feulement , les porteurs
de ces trente mille billets n'auront rien à
prétendres, puifque leur Lot ne fera que les acquitter
envers la Loterie. Les porteurs des dix
mille autres , après l'acquittement des deux cents
pour chacun de leurs billets , auront tous
un Bénéfice fuivans le tableau annexé au préfent
.000 €
' '' –
גיז
dov
( 82 )
arrêt ; ainfi la compofition de cette Loterie eft
telle qu'un billet fur quatre fera favorifé.
Sa Majefté défirant que les fecours qui réfulteront
de Loterie créée dans des vues auffi
bienfaifantes , foient adminiftrés fans délai , invite
toutes les perfonnes qui voudront y prendre part ,
à faire prompt ment leurs mifes , afin que la
Loterie foit tirée , s'il eft poffible , dans le courant
du mois de feptembre prochain , & ſa deftination
remplie vers les commencemens du mois
d'octobre.
Son intention eft qu'auffi-tôt que cette Loterie
fera tirée , tout le bénéfice en foit diftribué , avec
les douze cents mille livres que donne Sa Majefté
entre les Provinces affligées ; que la Commiffion
intermédiaire de chacune de ces Provinces répartiffe
, fur- le-champ , dans les différens diftricts ,
la fomme proportionnelle qu'elle aura reçue ;
&
que le Bureau de chacun de ces diftricts , ardé
de toutes les connoiffances locales , en faffe luimême
l'application . A quoi voulant pourvoir , &c,
DISTRIBUTION DES LOTS.
TIRAGE de 40,000 Billets , qui fe fera dans le
mois de feptembre 1788 , & dont les Lots feront
payés auffitôt après le Tirage.
LOTS. SOMMES.
I de . 200,000 liv... 200,000 liv.
2 de . ..... 100,000 ..... 200,000.
3 de .. 40,000 .. 120,000.
4 de ... 20,000. $ 80,000.
10 de . 8.000 . 80,000.
30 de
4.000. 120,000.
30 de....
3.000... 150,000.
( 03 )
100 de...
300 de.
.....
500 de ....
3000 de .....
2000 ...
1 500 .....
1 000 .....
..... 200,000.
450,000.
500,000.
5co ..... 1,500,000 ,
6000 de..... 400 ..... 2,400,000.
30000 de ..... 200 ..... 6 000,000 .
40000. 12,000,000 liv.
Les vaiffeaux le Dauphin & là Reine ,
venant de la Chine , le Lenoir de Bengale ,
la Marquife de St. Pern & le Prince de
Poix , des Ifles - de - France & de Bourbon ,
font arrivés le mois dernier à l'Orient.
« La Commiffion intermédiaire de
l'Affemblée provinciale de l'Ifle - de - France ,
a écrit aux différentes Affemblées du département
de fon reffort , pour les engager
à conftater en même-temps les dégâts de
la grêle du 13 de ce mois , & les fecours
que ces dégâts peuvent exiger.. Les Membres
des Affemblées du département ont
montré , dans cette occafion , tout le zèle
poffible ; & non contens des recherches
qu'ils ont faites , ils fe font cotifés volontai
rement, en donnant des ſecours, en nature ,
aux pauvres cultivateurs qui ont le plus
fouffert de l'intempérie de la faifon. Cet
exemple de bienfaifance fait défirer de voir
hâter le moment où toutes les provinces
du royaume auront des Affemblées auffi
vigilantes fur l'intérêt preffant des pauvres , >>
dvj
( 84 )
« Suivant des lettres de Marfeille , les
" Corfaires Ruffes commencent à croifer
» dans la Méditerranée le pinque le
» Saint-Jean , commandé par le Capitaine
» Henry , venu.de Smirne , a été vilité par
» Pun deux . »
" Le Capitaine Caftellet , commandant
le brigantin la Paix , a tranfporté de
Toulon à Alger , fous l'eſcorte de la frégate
de Sa Majefté , la Senfible, 84 Maures ,
faifant partie de l'équipage du corfaire
Algérien qui a été coulé bas , le 8 mai
dernier , par un vaiffeau de guerre Napolitain.
( Courrier maritime. )
M. de St. George , Lieutenant des Ma-:
réchaux de France à Crépy en Valois , a
eu la bonté de nous faire paffer la lettre
fuivante , écrite par ordre d'Henri IV ,
& bien conforme au généreux caractère
de ce Prince .
Copie d'une Lettre , dont l'original eft dans les mains"
de la famille de PIGACE ( Un rejeton de cette
famille , aujourd'hui fans fortune , a été réformé
dans les Moufquetaires de la première Compagnie,
& n'a pu être replacé. )
De l'Armée Royale , le 5 Mai 1590.
" Monfieur Pigace , le Roi men Seigneur m'ordonne
de vous faire cette lettre , pour vous dire
que Sa Majesté eft réjouie que votre bleffure n'ait
pas été mortelle , comme on nous l'avoit dit .
Le Roi vous remercie de l'envie que vous avez
de prendre votre revanche , & de la bonne vo(
85 )
lonté de vos hommes à recourir fur fes ennemis ;
que cette bravoure vient de vos bonnes exhorta.
tions. Mais Sa Majefté vous ordonne de modérer
votre zèle d'un mois , afin que vos forces y répondent.
Elle ne veut pas vous voir plus tôr. Elle vous
affure de fon affection royale , qui ne fortira jamais
de fon coeur , pour vous ainfi que pour fa brave &
généreufe nobleffe Normande , dont elle regrette
le fang répandu pour fa querelle . Elle a pleuré un
vénérable Longaunay , qui fut tué à Ivry au moment
qu'on vous emporta. Ce brave Gentilhomme,
à foixante & douze ans , combattoit comme un de
trente. Vos enfans ont le plus noble comportement.
Hercule a reçu un coup de lance au bras
gauche , qui lui fait une plaie de la grandeur de
deux pouces ; il n'a pas voulu ceffer fon fervice ,
quoique le Roi le lui ait ordonné. Il a répondu que
fes hommes , qui font très - bons , ne voudroient pas
en fuivre d'autres ; que quand il auroit le bras
coupé , cela ne l'empêcheroit pas de les bien conduire.
Sa Majefté l'a embraffé tendrement : n'en
foyez pas inquiet , fa plaie eft bonne , & j'ai foin'
de le faire panfer: »
« Vos compagnons , vos voifins , de Glapion ,
Tournebuts , Lafande , Deshaulles , Chambray ,
d'Hacher , Dumerle , Duhomme , d'Aubray &
Bracourt , font de retour avec chacun cent hommes
frais & de bonne volonté. Le Roi leur a fait
la réception qu'ils méritent. J'avoue que mon
amour- propre eft flatté d'être Gouverneur d'une
Province compofée d'autant de Céfars qu'elle renferme
de Gentilshommes . Ne doutez jamais , M.
Pigace , de toute l'affection de votre ami . »
ི་ ཕ་
Signé FRANÇOIS DE BOURBON , DUC DE
MONTPENSIER.
( 86 )
d
EXTRAIT d'une lettre de M. BOURGEOIS ,
Rég ffeur du Domaine particulier du Roi ,
Rambouillet.
« Permettez- moi de vous faire part d'une idée
qui m'eft venue depuis le défaftre arrivé ici
» dimanche dernier. »
44
« En vifitant les feigles & les blés ravagés
" par la grêle , j'ai reconnu que les épis étoient
» prefque totalement égrenés , & le grain ré-
» pandu affez également fur la terre ; cette re-
» marque m'a décidé à faire couper & ramaffer
» la paille , qui fera rare & chère cette année
» dans les cantons dévastés . Je fais , à mefure ,
» herfer avec des herfes de fer , ou labourer
» légèrement la terre , fuivant la nature du fol.
"} J'espère voir germer inceffamment le grain
» enterré dans les parties fablonneufes , & en ob-
» tenir , avant l'hiver , un fourrage fain & abon-
» dant. »
t
« Je laifferai les terrains froids pour les der-
» niers , la germination y étant plus lente que dans
» les terrains fablonneux : mon opération , quant
aux terres froides , fe rapprochera du temps ordinaire
des femailles. Je fuis perfuadé que dans
la quantité de grains de blé égrenés , il y en a en
» maturité plus qu'il n'en faut pour bien enſemencer
la terre ; & fi ce qui lèvera n'eſt pas trop
» avancé à l'approche de l'hiver , je le laifferai
» dans le champ , & j'attendrai l'événement, Les
frais que je fais , ne confiftent que dans un
» herfage ou un labour léger, dont je ferai bien
» dédominagé quand je n'aurois que du four-
» rage , & les terres ne feroient pas moins propres
» à être enfemencées en avoine après l'hiver ;
» mais j'espère plus dans une partie des terres
» & je compte fur une récolte bonne ou mé-
» diocre fuivant les circonftances. »
?
( 87 )
J'ai communiqué mon idée à d'anciens culti-
» vateurs , qui fe fouviennent de l'avoir vu mettre
» en pratique avec fuccès , dans des temps d'une
» calamité femblable à celle où nous nous trou-
» vons. "
« Je pense que dans les circonftances pré->
» fentes , il eft bon de ranimer l'ame abattue ,
» des cultivateurs , en leur difant ce que l'on ,
» fait & ce que l'on penfe : dans les confeils
qu'on leur donnera , ils prendront ce qui pourra
» convenir à leur fituation & au fol qu'ils cul-
» tivent. »
J'ai l'honneur d'être , &c.
On pourroit encore femer avec avantage , pour
obtenir un fourrage de bonne qualité & très-propre
aux moutons , la graine de fpergule ; fa réuffite
eft affurée fi la faifon eft favorable à ſa prompte :
germination : on peut non -feulement femer cette
plante feule , mais encore avec les vefces , les
lentillons & les pois gris.
La geffe blanche peut fournir un très-bon
fourrage , & fon grain peut encore être affez
formé avant les gelées , pour être mangé en verd ,
comme les petits pois.
}
La chicorée fauvage cultivée par M. Cretté
de Palluel en grand & avec fuccès pour la nourriture
des beftiaux , peut encore être femée : &
fi on ne peut en efpérer une récolte cette automne
, on en obtiendra du moins une abondante
au printemps fuivant.
Le blé noir de Tartarie , qui eft une espèce,
de farrafin , fourniffant abondamment du grain
& venant plus promptement que l'espèce.commune
doit être cultivé avec avantage dans
cette circonftance.
་་
On pourra s'adreffer à M. Vilmorin- Andrieux
Marchand Grainier, quai de la Mégifferie , no. 45
( 88 )
pour fe procurer des femences dont on peut affurer
la qualité ; comme il a obtenu une récolte abon
dante de fpergule , il pourra en céder la graine
à un prix très- modéré .
Selon une lettre de Cannes en Proven
ce , du premier de ce mois , la bête féroce
dont nous avons annoncé les premiers ra
vages dans cette contrée , a été tuée de
la manière fuivante :
« Les Confuls de Cannes , informés que cet
animal venoit d'étendre fes ravages fur leur
territoire , &
armer fur d'eftropier deux habitans , ont fait
armer fur- le - champ cinquante Payfans , auxquels
fe font joints la plupart des Bourgeois & les Onvaliers
de la Maréchauffée. Après une chaſſe &
un travail des plus pénibles , le fieur Ferrond
aperçut l'animal à 80 pas , lui lâcha un coup de
fufil , & le bleffa à l'épaule . La bête, furieufe , fuit,
avec rapidité , & échappa à la pourfuite des chiens.
Dans fa courfe , elle tua deux moutons , & s'élança
for un enfant , auquel elle enleva une partie du
crâne. Un Berger, accouru aux cns de ce malheu
reux, & bravantde danger , fe précipita fur l'animal,
s'en faifit , & le ferra étroitement en appelant du
fecours , jufqu'à ce que des Payfans de Mongins fur.
vinrent , & achevèrent de: le tuer à coups de pier
res & de bâtons. Il a été reconnu pour une hienea
It eft un peu plus fort qu'un chien. Ses pattes de
derrière font alongées , & celles de, devant courtes
comme celles d'un lèvre. Son poil eft roux , & fa
queue affez femblable à celle d'un renard , mais
ce qui le caractérité particulièrement , c'eft qu'il
n'a que quatre doigts on ongles au lieu de cinq ;
qu'il asparu à la fin devjuin, dans les environs
de Fréjus , deux animaux de la même eſpèce , squi
ent déjà dévoré trois .perfonies . » anbag C
74 , smalligstá al 95joupit C do
( 89 )
« Quelques lettres du haut Vivarais
parlent d'un hardi contrebandier nommé
Goutt , qui a réuni plufieurs de fes camarades
, avec lefquels il fe permet des
violences & des rapines dans ce pays montueux
ces lettres ajoutent qu'il a pris la
ville de Pradelles , fituée dans les monta- ,
gnes , pour le chef-lieu du domicile de fa
troupe .
L'Académie Royale des Sciences, défirant connoître
& conftater tout ce qui a rapport à l'orage
du 13 de ce mois , a nommé MM. Leroi , Buache
& moi , pour s'en occuper. Cette Compagnie fe
propofe de joindre à l'expofé des faits phyfiques ,
la arte des pays ravagés , & de ceux qui , fitués
entre des bandes grêlées , auront été épargnés ; elle
prie en conféquence les perfonnes de faris , qui
ant quelques renfeignemens , de vouloir bien en
envoyer des copies à M. le Marquis de Condorcet,
fon Secrétaire perpétuel , Hôtel de la Monnoie.
Celles qui réfident en Province auront la bonté
de lui faire parvenir leurs obfervations par la Pofte,
en les adreffant au Miniftre de la Maifon du Roi.
L'Académie recevra avec reconnoiffance tout ce
qui lui fera envoyé , perfuadée qu'on ne lui enverra
rien que d'exact . Elle regardera comme complettes
les notes qui indiqueront le nom des pays , leur
pofition relativement à une montagne , à une rivière,
à un vallon , à un bois , à une forêt ; l'heure
de l'orage ; la forme , le poids & la groffeur de la
grêle ou des glaçons ; leurs effets fur les hommes ,
für les animaux , fur les bâtimens , fur les arbres ,
fur les plantes cultivées ; la force & la violence
bu vent , prouvées par fes effets ; les degrés du
daromètre & du thermomètre , au moment de
( 90 ).
l'orage , & les deux jours précédens . S'il étoit tombé
de la grêle avant ou après l'époque du 13 , il feroit
bon den inftruire auffi l'Académie , & de lui en
donner des détails .
L'Abbé TESSIER .
A Paris , ce 31 Juillet 1788.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 1er. de ce
mois , font : 90 , 55 , 80 , 58 & 83.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 2 Août 1788 .
« Les feules relations de l'affaire du Liman
, qui , juſqu'ici , foient parvenues à la
connoiffance du Public , lui ont été tranf
mifes par les Ruffes. En attendant les éclair
ciffemens que néceffitent les variations
affez confidérables qu'on remarque dans
ces divers rapports , il paroît évident qu'on
ne peut attribuer ce grand avantage des
Ruffes au deftin d'une bataille , puifque
le Capitan Patha s'eft trouvé hors d'état
de leur oppofer aucune réfiftance . La
témérité de cet Amiral eft la vraie caufe
de fon défaftre.. Il eft entré , à ce qu'il·
paroît , ſeulement avec 7 à 8 gros vaiffeaux
dans le Liman , efpèce de golfe ,
comme nous l'avons dit , à l'embouchure.
du Niéper , rempli de bas fonds , & où
l'on ne peut pénétrer que par une paffe
( 91 )
trop étroite pour deux vaiffeaux de front.:
Une exacte connoiffance des fonds & des
fondes, ne fuffiroit pas pour prévenir le danger
auquel s'expofent des vaiffeaux de
haut bord qui tentent ce paffage . M. de
Naffau avoit à fes ordres 54 bâtimens légers
, galères , galiotes bombardières
brulots , batteries flottantes : cette flottille
volante , foutenue encore par des
baties inafquées , établies fur le rivage
de Kinburn , n'eut pas de peine à envelopper
huit vaiffeaux enfables & immobiles
, abfolument hors d'état de manoeuvrer
.On préfume que le Capitan Pacha eft
alle rejoindre le refte de fa flotte ; mais
Von ignore encore le lieu où il s'eft
porté. »
SUPPLEM. A L'ARTICLE DE VIENNE.
Du 23 Juillet. "
༣ *
"L'Archiduc François fait un voyage
dans la Tranfylvanie ; il eft arrivé le 8
à Pancfova , & après avoir vifité le camp ,
il a continué fa route le lendemain . »
<< Le nouveau Prince de Moldavie fe
nomme Manole Roffet ; pendant la dernière
guerre des Ruffes avec les Tures ,
il a fejourné long temps à Hermanftadt :
on lui donne 45 ans ; le Corps qu'il commande
eft à Morilarobois , à fix milles de
Jaffy .»
"Des lettres de Fiume confirment la
( 92 )
nouvelle que les Officiers Autrichiens,
envoyés à Monténégro , ont été maffacrés
l'eſcorte que Mahmud Pacha leur avoit
donnée à leur départ. »
par

«Le bulletin officiel du 19 , fe réduit !
aux avis fuivans : «
ment.
-
-
A
« Un détachement de cent Turcs avoit tenté de
faire une invaſion dans le Bannat , près de Strowacz,
mais il fut repouffé avec perte . Le nombre des
Turcs au camp de Vakup augmente confidérable-
- Le 3 de ce mois , le Prince de Cobourg
s'eft approché davantge de Choczim ; il occupe
les hauteurs de Rukzin ; à fa gauche fe trouve le
corps du Général de Jordis , & à fa droite le Général
de Soltikof près d'Annadol. Le Capitaine
Kienmayer eft pofté avec un Efcadron & 200 hommes
d'Infanterie dans un bois derrière Braha , Le 2 ,
ce Capitaine chaffa de cet endroit 30 Turcs , dont
3 furent tués. »
«Le bulletin du 23 donne la relation
d'une action vive à Bulka , entre le Colonel
Horwath & un affez gros corps d'Ottomans.
Ce Colonel quitta , ljee 19 juin , le poſte de
Petruskan , pour aller camper à Adfchudt ; par-
Al
vint le lendemain aux environs du village de Bulka
qu'il avoit à fa droite & au dos. Là il fut attaqué
à l'improvifte , par environ 3000 Turcs , venus:
de Bulka & des environs. L'attaque fut trèsvigoureufe
; elle dura depuis 10 heures du matin
jufqu'à 2 heures de l'après midi , & fut renouvelée
trois fois par l'ennemi. Le feu de notre
Artillerie l'empêcha de parvenir à fon deffein
du côté du front ; il le quitta pour attaquer l'arrière-
garde qui couvroit les bagages ; mais il y
( 93 )
-
trouva une fi forte réfiftance , qu'il ne put s'emparer
que d'un nombre de chariots ; les autres
furent mis en sûreté. Le Capitaine Vayda , du
régiment des Sakley , pofté près du village de
Bulka , fit des prodiges de valeur ; mais à la
fin il fuccomba & fnt tué. Nous avons eu 53
hommes tués. Le Colonel Horwath a été obligé
de changer fa poſition , & de rétrograder. Il a
envoyé un détachement de troupes avec deux
canons , vers Kumanieft , & en a poſté un autre
à Okaa , pour entretenir la communication ; il eſt
allé lui- même avec le refte des Huffards à Grozeſt
, où il a établi un camp compofé de quatre
divifions d'infanterie , ayant huit pièces de canon .
Par cette difpofition il convre les défilés d'Oitoy
& de Chymes. "'
« Le même bulletin rapporte plufieurs
autres petites actions : voici la fubftance de
ce récit . »
Le Prince de Cobourg mande , le 12 juillet ' ,
qu'entre Prévoradek & Otaky , le Colonel Fila
du régiment de Barco , & le Lieutenant-Colonel
Caraczay, pour dégager le Major Quictowsky
qui avoit attaqué des Fourrageurs , tombèrent fun la
troupe ennemie, & la mirent en fuite. Les Ottomans
ont eu 150 morts & 300 bleffés ; parmi les premiers
fe trouve le frère d'Ofman- Pacha : on a fait 16
prifonniers & pris 52 chevaux ; 8 de nos Huffards
ont été tués & 34 bleffés -Le Prince de Cobourg
& le Général de Soltikof font campés de manière
que les deux corps forment fur la rive droite du
Niefter un cercle autour de Choczim , & que fa
communication avec la Pologne eſt entièrement
rompue. Le Général Fabry ayant appris que le
Chan des Tartares & les troupes d'Ifmaël-Pacha
& autres marchoient le long de la rive gauche du
"Pruth , prit le parti de fe replier , le 2 juillet , de
( 94 )
Jaffy fur Strojeftie.Le Maréchal de Romangof,
entré dans la Moldavie , a détaché les Généraux
Elmpt & Kerminsky pour s'avancer vers le Pruth ,
marcher à l'ennemi & l'attaquer ; le Général Fabry
fait les mouvemens des Ruffes.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois
& autres Feuilles publiques.
« Un jeune homme de Sezanne , chercheit à
époufer une perfonne qu'il aimoit depuis longtemps.
Cet établiſſement ne convenoit point aux
parens. Lajeune fille , docile à leurs ordres , d'ailfeurs
peu fenfible peut - être aux foins de cet
amant , refuſe de recevoir fes hommages. Il s'enflamme
de plus en plus , il infifte , pleure , gémit
; mais la jeune fille refuſe abſolument
de l'écouter.
Le 3 Juin , apprenant
qu'elle eft feule ,
armé d'un pistolet , il fe tranfporte
, fur les fix heu
res du foir au village de Charleville
, où elle demeure
, diftant de Sezanne d'une lieue & demie ;
il la rencontre
occupée
aux travaux
de la campagne
, l'aborde au milieu de la plaine , la conjure
de s'expliquer
, & de lui déclarer
formellement
fi
elle eft difpofée
à rejeter
conftamment
les voeux
& fa main. Mon père s'y oppofe , & je ne feraijamais
votre époufe.. A ces mots , n'écoutant
plus
que fon défefpoir
, il lui préfente
l'arme fatale ,
& d'un coup de pistolet
lui fait fauter la cervelle.
Un tardif retour de tendreffe
s'empare
de cet infortuné
, il ſe précipite
entre les bras de fa maîtreffe
,
il l'embraffe
, fe relève , charge fon piftolet, voslant
du moins périr à fes côtés. Iltire, & le coup ne
lui abat que la moitié de la mâchoire
, il chancelle
,
fe traine & tombe à cinquante
pas. Des payfans
éloignés
, témoins
de ces différentes
fcènes , crient
( 95 )
& accourent.. Le meurtrier moribond parvient
à fe relever , charge fon piſtolet pour la feconde
fois , & avant qu'on ait pu voler à fon fecours
, il fe porte un coup mortel , auquel il n'a
furvécu que d'un quart d'heure. »
Nonobftant que les négociations de paix n'ayent
encore acquis aucune confiftance , & qu'on foit
toujours auffi peu d'accord à l'égard des préliminaires
qu'on l'étoit au commencement de la guerre ,
on apprend cependant qu'une Cour de l'Europe
ne fe laiffe pas rebuter par ces difficultés , mais
qu'elle a fait de nouvelles propofitions de paix par
le dernier Courrier dépêché à Pétersbourg , & que
fon Ambaffadeur à Conftantinople fera chargé
d'appuyer à la Porte , au cas qu'elles fuffent reçues .
Ces propofitions font les fuivantes. 1 °. Que , comme
il n'y a pas à espérer un accommodement, durable
ente les deux Cours Impériales , fans la reftitution
de la Crimée, l'Impératrice pûtfe déterminer à céder
cetteprefqu'ifle à la Porte , qui enfuite an oit le pouvoir
d'y rétablir un Chan. 2°. En revanche , Sa Majefté
Très- Chrétienne fe chargeroit d'engager la Sublime-
Porte à remettre à l'Imperatrice un équivalent de
la Crimée, la Bellarabie,avec la Fortereffe de Bender ;
& 3°. à faire déclarer indépendantes la Moldavie
& la Valachie , qui feroient gouvernies par des Bojars.
Enfin , 4°. que le trait de paix de Kainardgi
feroit pofe pour bafe , & tous les autres différends
qui en étoient refultés depuis ce temps , terminés à
l'amiable , fivant le fens littéral de ce traité , &
qu'en confequence tout feroit remis dans le même état
où il étoit au mois de mai 1775. Pour ce qui regarde
la pacification de Sa Majefté l'Empereur , le Roi
avoit tout efpoir de convenir à l'amiable avec Sa
Majesté Impériale d'un dédommagement des frais
de la guerre qui ont été faits jufqu'à préſent , auffitôt
que l'Impératrice fe fera feulement déclarée
( 96 )
2
d'une manière claire & précife à l'égard des quatre
points principaux fufdits. Le retour de ce
Courrier, qui eft attendu à Vienne vers le 24 de
ce mois , décidera donc fi l'on peut eſpérer des
négociations amiables , ou fi elles feront étouffées
àleur naiffance. L'on ajoute que l'Empereur n'avoit
ni confeillé ni déconfeillé ces propofitions , mais
que Sa Majefté fe borne à les propoſer ſimplement
à l'Impératrice ( Gazette d'Amſt. n ° . 60. )
N. B. ( Nous ne garantiſſons la vérité ni l'exaclitude
des Paragraphes ci-deſſus).
ERRATA pour le n° . 31.
Page 4 , ligne 3 , Cours de Pétersbourg
& de Ruffie , lifez Cours de Pétersbourg
& de Suède.
Page 21 , ligne 28 , l'Empire , lifez l'Umpire
l'arbitre) .
Page 45 , ligne 25 , vieux ftyle , lifez
nouveau ftyle .
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGNE.
De Varfovie, le 20 Juillet 1788.
LES Univerfaux pour la convocation de
la Diète prochaine , viennent d'être publiés.
Ils font datés du 22 mai dernier.
Cette Affemblée nationale fe tiendra dans
cette ville , & elle fera ouverte le 6 du
Imois d'octobre prochain .
Le Département de la Guerre a adreffé
au Palatin de Ruffie , des ordres qui lui
enjoignent de retirer de la frontière les
troupes de la République , pour faire place
aux troupes Ruffes & Autrichiennes .
RUSSIE.
De Pétersbourg , le 14 Juillet.
Le Ministère avoit informé le Corps
No. 33. 16 Août 1788 .
( 98 )
Diplomatique , par une Note détaillée
de la fignification faite au Baron de Nolcken ,
Minitre de Suède , de quitter la Cour &
les Etats de l'Impératrice . Prefqu'en même
temps on eut avis de quelques voies de
fait dans la Finlande ; & , le 30 jain , v. st.
S. M. figna la Déclaration deGuerre contre
le Roi de Suède . Ce Manifefte , envoyé
à toutes les Cours Etrangères , contient
ce qui fuit :
11 juillet , n. st.
« C'eft à la fin de l'hiver dernier , que des armemens
confidérables , par terre & par mer , ont
commencé à éclater en Suède . Des bruits fourds ,
femés à deffein , circuloient dans le royaume ,
comme fila Ruffie méditoit de l'attaquer. A mefure
que ces préparatifs avançoient , & qu'on
croyoit avoir fait des progrès fur la crédulité de
quelques efprits nationaux , le cabinet de Stockholm
a commencé à étendre des infinuations du
même genre jufqu'aux Cours Étrangères . L'Impératrice
avoit la fatisfaction d'apprendre que ces
infinuations ont manqué par-tout leur but. Et en
effet ces Cours font trop éclairées pour croire que
la Raffie ayant , pendant une longue fuite de tems ,
fuivi un fyftême conftamment pacifique à l'égard
de la Suède , choifit , pour s'en écarter , le moment
où elle étoit occupée d'une guerre auffi
férieufe que celle que la Porte- Ottomane lui avoit
fufcitée.»
«Cependant l'Impératrice , attentive à tout ce qui
fe paffoit dans un voifinage auffi immédiat de
fes États , crut , fur les avis qui lui en font parvenus
, ne devoir pas négliger quelques mefures
de précaution. Mais voulant éviter tout ce qui
pouvoit donner de l'ombrage & exciter quelque
( 99 )
alarme elle fe contenta de faire paffer en-
Finlande un renfort léger de troupes , & d'é
tablir dans cette province des magafins propertionnés
à leur fubfiftance . Enfuite , fe repofant fur
l'innocence & la droiture de fes intentions , fur
la religion du traité de paix perpétuelle , toujours
fubfiftant entre l'Empire de Ruffie & le
Royaume de Suède , & ne connoiffant d'ailleurs
aucun fujet de difcuffion ouverte , ni cachée , entre
les deux Cours , la correfpondance amicale ,
au contraire , continuant toujours entr'elles fur
l'ancien pied , elle avoit , fans doute , toutes fortes
de droits de penfer que , quelque exaltées que
puffent être l'ambitica , l'inquiétude & l'envie
de fa Puiffance , les feuls motifs qui pouvoient
pouffer le Roi de Suède à lui faire la guerre ,
elles feroient réprimées par le reſpect dû à la
bonne - foi , qui doit préfider aux actions des Souve
Bains , encore plus qu'à celles d autres hommes ;
par l'impoffibilité de donner quelque couleur d'équité
à l'effort qu'il voudroit faire prendre à ces
paffions ; & enfin , PAR UN FREIN ÉGALEMENT
PUISSANT , CELUI DE L'ENGAGEMENT SOLEMNEL
QU'IL A CONTRACTÉ VIS-A- VIS DE SA
PROPRE NATION , DE N'ENTREPRENDRE AUCUNE
GUERRE SANS LA RASSEMBLER LA
CONSULTER , ET OBTENIR SON CONSENTEMENT.
»
,
Rien ne prouve mieux la fécurité que tant de titres
réunis devoient infpirer à S. M. Imp. que la réfolution
qu'elle adopta de faire détacher de fa Flotte
deftinée pour l'Archipel, une divifion compofée de
trois vaiffeaux , qui mirent à la voile au commencement
de ce mois , malgré les avis pofitifs qu'on
avoit que toute la flotte Suédoife croifoit déja
dans la Baltique . Ces vaiffeaux , trois jours après
leur fortie du port de Cronstadt , la rencontrèrent
e ij
( 100 )
en effet à la hauteur de l'ifle de Dago. Une frégate
s'en détacha , & vint aborder le vaiffeau du
Vice-Amiral van Deffen , qui conduifoit cette petite
Efcadre. Le Commandant de la frégate Suédoife
annonça au Vice-Amiral la préfence du Duc de
Sudermanie , Frère du Roi , à bord de la flotte
Suédoife , & demanda le falut. Le Vice-Amiral
répondit , que par l'article 17 du traité d'Abo , le
falut ne devoit pas avoir lieu entre les Vaiffeaux
Ruffes & Suédois ; mais que refpectant , dans la
perfonne du Duc de Sudermanie , le coufin-germain
de 'Impéra rice , & le frere du Roi de
Suède , il ne feroit pas difficulté de rendre à ces
titres tous les honneurs qui leur étoient dus. Il fit
tirer treize coups de cañón , & envoya un Offcier
à bord du vaiffeau que montoit le Duc de
Suderman.e , pour le complimenter , & pour lui
annonceren mêine- temps , que c'étoit uniquement
à fa perfonne que s'adreffoient les honneurs qui
venoient de lui être rendus. La réponſe du Duc
de Sudermanie fut que , quoiqu'il n'ignorât pas la
teneur de la convention faire entre la Suède & la
Kuflie à l'égard du falur , il n'en acceptoit pas
moins celui qui venoit d'être fait , comme appartenant
au Pavilion de Suède , attendu qu'il avoit
les ordres les plus précis du Roi fon frère de faire
refpecter ce Pavillon par- tour & en toute occafion .
Déja l'impératrice fe difpofoit à faire porter des
plaintes à la Cour de Stockholm , contre l'injuftice
& l'irrégularité de ce procédé , lorfqu'elle reçut
la nouvelle , encore moins attendue , du renvoi
de fon Miniftre de la Cour & des Etats de S. M,
Suédoile. Les prétendues raifons de cette démarche
font exposées dans la Déclaration que ce Prince
fit remettre aux Miniftres accrédités auprès de lui ,
de la part des autres Puiffances. Ces raifons ne
font point faites pour en impofer, même aux
+
moins clairvoyans , & par conféquent elles ne fe
ront point combattues ; mais on ne peut s'empêcher
d'obferver , que c'eſt le premier exemple d'un
Souverain qui s'offenfe de ce qu'un autre Souverain
l'affure , conjointement avec fes Sujets , de
fes fentimens pacifiques & bienveillans à leur
égard. "
« Cependant l'Impératrice , fermement réfolue
de perfifter jufqu'au bout dans les princines de
modération qu'elle s'étoit preſcrite , borna fon reffentiment
de ce procédé à la réciprocité dont
elle étoit naturellement autorisée d'ufer à l'égard
du Miniftre du Roi de Suède. Elle lui fit
ignifier de quitter la Cour & fes Etats , dans
le même efpace de temps qui a été fixé à fon Miniftre
à Stockholm. »
"
« La feule différence qu'il y eut dans cette démarche
, conſiſte en ce que toute inculpation fauffe
& infidieufe en fut écartée , & cette différence
s'eft établie d'elle - même par le bon droit qui
accompagne la caufe de l'Impératrice , & la mauvaife-
foi qui a guidé toute la conduite du Roi de
Suède Malgré ces fcènes , qui faifoient préfager
un éclat inévitable , l'impératrice ſe plaifoit encore
à nourrir l'eſpoir que des explications amicales
que le Roi de Suède avoit annoncées lui - même
dans fes onvertures aux Puiffances Étrangères ,
parviendraient à conferver la bonne harmonie &
le bon voifinage , qu'aucune raifon ni intérêt
d'État , de part & d'autre , n'excitoit à rompre.
Mais cet efpoir lui eft tout-à-coup ravi : Elle apprend
que dans la nuit du 21 au 22 de ce mois , les
troupes du Roi de Suède s'étant brufquement jetées
fur les frontières de Ruffie , en ont enlevé quelques
bureaux de douane , ont pénétré dans les Fauhourgs
de Nyflot , & ont ouvert le fiége de fon
château . C'est par un tiffu de procédés violens ,

e ij
102 )
dont il n'y en a acucun qui n'enfreigne les droits les
plus généralement reçus parmi les Nations civilifées
, que le Roi de Suède , fans avoir articulé le
moindre griefcontre la Ruffie , eft enfin parvenu
à pouffer à bout la modération de l'Impératrice
& de la contraindre à recourir à l'unique voie qui
lui refte , celle de repouffer la force par la force.
C'est à regret qu'elle vient d'en adreffer les or-
4 .
dres aux Commandans de fes forces de terre &
de mer. »
«En faifant part de cette réfolution ,
ainfi que
des motifs qui l'ont provoquée, à toutes les Puiffanccs
amies , elle protefte devant elles que le Roi
de Suède eft feul refponfable devant Dieu , devant
le monde , & fa propre Nation , de tous les maux
dont fon ambition & fon injuſtice vont ouvrir la
fource.»
St. Pétersbourg , ce 30 Juin 1788.
Pourfuppléer au peu de forces que nous
avons , foit en Finlande , foit en Livonie
on preffe le départ de quelques régimens ,
entr'autres de celui des Cuiraffiers du
Grand- Duc , des Carabiniers & d'un régiment
de Dragons . On prévoit qu'il faudra
recourir même aux régimens des Gardes ,
qui , en conféquence , ont ordre de fe
tenir prêts. En joignant à ces Corps des
Kalmoucks & autres Milices pareilles ,
difperfées dans le vafte intérieur de cet
Empire , on efpère avoir en Finlande ,
avec le temps , une armée de 22,000
hommes , & une feconde armée de 30,000
hommes en Livonie , fous les ordres du
Comte Muffin Pouskin , & du Comte
+
( 103 )
Anhalt. Le Grand-Duc fe prépare à fe
rendre dans la même Province .
Le déplaifir qu'infpire ici cette diver
fion inattendue & embarraffante d'un
nouvel Ennemi , duquel , depuis 50 ans ,
on ne penfoit pas avoir rien à redouter ,
a été adouci par les deux relations officielles
que la Cour nous a données de nos
avantages fur la mer Noire . La première ,
en date du 12 , détaille l'efcarmouche du
18 juin , n st. entre la flottille du Prince de
Naffau & les bâtimens légers du Capitan
Pacha. Trois chaloupes de cet Amiral
fautèrent en l'air. Suivant ce récit de
7, V. st.j
Cour , nous
ne perdîmes
que
quatre
Soldats
, & deux
feuls
Officiers
furent
bleffés
,
Nous avons déjà fait connoître les
principales particularités de ce combat ,
dont l'intérêt eft étouffé par l'évènement
fubféquent du 28 juin . Un Bulletin de la
Cour en a donné , le 10 , un fominaire
dans les termes fuivans :
«Nous avons reçu du Feld-Maréchal - Général ,
Prince de Potemkin , en date du 39 du mois dernier
, la nouvelle d'une feconde victoire complette ,
que notre flotte de vaiffeaux à rames , commandée
par le Prince de Naffau Siégen , a remportée fur la
flotte fous le commandement du Capitan- Pacha.
En attendant une relation détaillée de cet évènement
heureux , nous nous empreffons d'en donner
aux lecteurs l'avis fuccint fuivant. »
« La flotte ennemie , qui attaqua notre flotte
e iv
( 104 )
de vaiffeaux à rames , a été battue & difperféé ' e
28 juin. Six vaiffeaux de ligne ont été brûlés , &
deux autres ont été forcés à s'échouer fur un banc
de fable . Trente autres bâtimens ont été endommagés
, & fe font à peine retirés fous le canon
d'Oczakow. Du nombre des vaiffeaux brûlés fe
trouvent ceux du Capitan- Pacha & du Vice-Amiral
. Le grand pavillon & la flamme du vaiffeau-
Amiral font entre nos mains , comme des fignes
de victoire. Plus de 3000 hommes ont été faits
prifonniers , & le nombre des tués fe monte pareillement
à 3000. Notre perte , au contraire , eft
peu confidérable. Le Capitan-Pacha , à ce qu'on
apprend , s'eft retiré du côté de Varna avec le
refte de la flotte. Le Feld-Maréchal fait de grands
éloges des efforts & de la valeur du Prince de
Naffau-Siegen , qui commande notre flotte , de
valeaux à rames- , ainfi que du Contre-Amiral
Alexiano , qui a affifté le Prince avec un courage
intrépide >>
Les Gouverneurs de la Sibérie sont informé
le Gouvernement que le Comte de
la Peyroufe étoit arrivé au port d'Avatcha ,
dans la néninfule du Kamtchatka , avec les 2
vaiffeaux. On attendoit à Irkusk , vers la fin
d'avril , un Officier que ce Chef d'efcadre
devoit dépêcher en France , par terre .
SUÈDE.
De Stockholm , le 19 Juillet.
Les premières hoftilités atribuées aux
Ruffes , dans le canton de Savolax en
Finlande , ont été publiees officiellement
( 105 )
dans une relation datée d'Hellingfors , le
5 juillet. Cet avis a été fuivi d'un ſecond ,
également officiel , en date du 9 , &
qui porte :
« Le Roi ayant été informé des premières ho ~-
tilités des Ruffes , qui ont non -feulement attaqué
notre pofte avancé au pont de Woulden -Salmi ,
mais ont encore réduit en cendres deux villages
Suédois , fur les frontières , & dont les Cofaques
& chaffeurs ont traité les pauvres habitans de la
campagne d'une manière barbare , a fait décamper
fur-le-champ fon armée , débarquée le 2 de ce
mois , & l'a conduite vers les frontières. L'é
gnement n'a pas permis encore de recevoir des
avis ultérieurs du rapprochement des troupes des
deux côtés ; mais il eft a préfumer qu'il y a déja
eu entr'elles des rencontres férieufes. On voit
par tout ce qui eft arrivé , que les Ruffes ont
donné lieu à une rupture effective , en commettant
les premières hoftilités , & cela précisément dans le
temps que le Comte Razoumowski donnoit au
Roi , dans fa note du 8 juin , les affurances les
plus folemnelles des intentions amicales & paifibles
de fa Souveraine ; car , comme les Ruffes
ont déja commencé à nous offenſer de fait le 25 ,
il faut que les ordres pour cela aient été expédiés
à Pétersbourg an moins le 20. Du côté de la
Suède , au contraire , on a évité tout ce qui pouvoit
avoir l'air d'une attaque , comme l'on en voit
un exemple dans la manière dont s'eft conduite
notre flotte à l'égard de celle de Ruffie , qui lui étoit
de beaucoup inférieure . »
Ces premiers fits ont été bientôt fuivis.
d'évènemens plus importans , dont le rape
v
( 106 )
port authentique nous arrive d'Hellingfors
, en date du 12 .
(( Depuis que les hoftilités , dit cette relation
officielle , ont été commences fur les frontières
de la Finlande , par les troupes légères Ruffes ,
-qui , dans le deffein de faire une invafion fur le
territoire de la Suède , ont attaqué un détachement
pofté au pont de Pumala - Sund , la guerre
entre la Suède & la Ruffie peut être regardée ,
comme déclarée. Ces troupes légères ont été repouffées
d'abord . Le Brigadier , Baron de Hafifhr,
qui commande les Régimens nationaux des Provinces
limitrophes , formant une légion particulière
, levée depuis plufieurs années , pour la défenfe
de ces frontières , laiffa un pofte fuffifant pres
de Pumala - Sund , pour défendre le Pont & l'entrée
dans la Finlande Suédoife , contre les attaques
ultérieures auxquelles on devoit s'attendre ; enfuite
il fe mit en marche avec le refte des Troupes
en trois colonnes , qui prirent des routes différentes
pour fe rendre à Nyflot . Le Brigadier lui-même
commandoit une colonne ; le Earon de Steding ,
Colonel du régiment de Carélie , & Meftre-de-
Camp au fervice de France , menoit la feconde ;
& M. de Brunoy , Colonel du régiment de Sofvolax
, la troifième . A leur arrivée , ces troupes prirent
poffeffion de la ville , fans qu'on fit beaucoup
de réfiftance. La Citadelle eft bloquée maintenant ;
les paffages & les défilés qui y mènent , font occupés
par nos troupes , affez avant dans le pays ennemi.
On fe flatte que cette place ne réfiftera pas longtemps
, le Baron de Haftfehr ayant reçu un renfort
confidérable de l'armée que le Roi commande en
perfonne , & qui eft campée près de Helfingfors.
"
"
L'avant-garde de l'armée aux ordres du Général-
Major Baron d' Armfelt, & campée près d'Elima,
eft entrée d'un autre côté dans le pays ennemi ,
( 107 )
& y a occupé plufieurs poftes importans . Entr'au
tres , elle s'eft emparé du pofte de Pyttis . Ce pofte
a été emporté par le Baron d'Armfelt , premier-
Gentilhomme du Roi , & Colonel du régiment
d'Infanterie de Nyland , ayant fous fes ordres un
bataillon de fon régiment , avec deux pièces de
canon , & l'efcadron de dragons légers de Carélie ;
il n'a occupé ce pofte qu'après avoir fait pufonnier
le pofte avancé de l'ennemi , qui fe trouvoit
près de la redoute du grand Addorfors , & qui jeta
les armes à l'approche des Suédois . »
«Deux frégates Ruffes , en croifière pourl'exercice
des Cadets de marine , ont été prifes & conduites
à Sveaborg. Ces frégates font le Jarcflaw
de 32 canons de 12 & de 240 hommes d'Equipage ,
& l'Hector , de 26 canons de 12 & de 20 ; hommes.
Les prifonniers ont été menés dans la fortereffe
. Par un mal - entendu de la teneur des i
tructions données à la flotte , celle - ci avoit conduit
à Helfingfors , avec p'ufieurs vaiffeaux marchands
Ruffes , d'autres vaiffeaux appartenans à des fujets
de Puiffances neutres . Dès que le Roi en fut informé
, il commanda qu'on les remit en liberté ,
leur permit de continuer leur voyage pour Pétersbourg
, & paya aux Patrons un dédommagement
du délai que ce mal- entendu leur avoit occafionné.
Le Roi a ordonné en même-temps à fes Miniftres
aux Cours Étrangères , de déclarer , chacun au
Ministère & au Gouvernement du pays , & de
l'endroit où il réfide , que S. M. ne s'écartera jamais
des principes pofés par la convention navale
de la neutralité armée de 1780. »
« Mercredi paffé , à dix heures & demie du
matin , le Roi eft part pour le camp du Général-
Baron d'Armfelt , accompagné d'un feul Seigneur
de fa Cour. S. M. s'arrêta la première nuit à Lovifa,
où elle arriva à neuf heures , s'embarquant , dès
e vj
( 108 )
1
après fon arrivée , pour fe rendre à la forterefle
de Swartholm , fituée à une demi- lieue en mer.
L'arrivée du Monarque étoit fi pen attendue , &
le jour fi avancé , que S, M. fut obligée d'attendre
long-temps avant qu'on lui ouvrit , ce qui ne fe
fit qu'après que le Commandant eût reconnu le
Roi du haut des remparts. Dès que le Roi fut
entré , il fit battre la générale , pour voir fi la
garniſon étoit alerte & vigilante . S. M. fut fatisfaite
de toutes les difpofitions , & s'en retourna à Lovifa,
vers minuit. La nuit , claire en Finlande dans certe
faifon , fut favorable au Roi dans ce voyage ,
puifqu'elle lui permettoit de voir tour , quoique
le foleil fût couché. Le jour fujvant , le Monarque
vifita tout le cordon depuis Abbarfoss jufqu'à
Villikala , & paffa la nuit au quartier général à
Peipola. Le vendredi , le Roi fe remit en route , &
vifita le refte du cordon d'Aujala ju qu'à Keitis.
Sa Majefté pafla encore la nuit à Peipo a , & partit
le lendemain à quatre heures du matin pour re
tourner à Helfingfors , où à fon arrivée elle do a
ordre de renforcer de deux bataillons l'armée du
Général d'Armfelt , pour laquelle elle fit partir
en même temps le train d'artillerie pefante qui lui
étoit deftiné »
Le 3 , une feconde efcadre de 7 vaiffeaux
de ligne , ayant à bord 3000 hommes
de troupes , a appareillé de Carlſcrone .
Elle doit joindre fur les côtes de Finlande
-la grande flotte qui , après cette réunion ,
fera forte de 19 à 20 vaiffeaux de ligne.
L'efcadre Ruffe , qu'on deftinoit à paffer
dans la Méditerranée avec 8 à 9000
hommes de troupes de terre , lui eit inférieure
, puifqu'elle n'eft compofée que
( 109 )
de 12 vaiffeaux de ligne. Le 1. de ce
mois , elle n'avoit pas encore fait voile de
Cronstadt , où l'on travaille à équiper une
feconde efcadre de quelques vaiffeaux ,
auxquels on eſpère en joindres d'Archangel.
P. S. Nous recevons la nouvelle de la
victoire remportée , le 17 , par notre elcadre
, fur celle des Kuffes, fortie de Cronf
tadt dix jours auparavant . Le combat s'eft
engagé , & a continué neuf heures avec
acharnement. Pendant l'action , l'Amiral
Greigh , montant un vaiffeau de 100 cas'eft
attaché , avec deux autres de
74, à celui du Duc de Sudermanie , de
74 feulement, & qui, malgré cette extrême
infériorité , a échappé par l'habileté de
fes manoeuvres. L'Amiral Greigh a été
forcé de prendre le large , laiffant entre
nos mains un de fes vaiffeaux de 74 can . ,
& un autre vaiffeau de ligne coulé à fond .
Le vent étant contraire , & la flotte Ruffe
ayant beaucoup fouffert dans les agrès ,
n'a pu regagner Cronftadt : la nôtre eft
rentrée à Sweaborg ; & comme la plupart
des coups de l'ennemi n'ont porté que
dans le corps des bâtimens , elle fera en
état de remettre en mer avant fix jours.
Deux de nos frégates en ftation obfervent
la flotte Ruffe , & le projet eft de l'attaquer
de nouveau , avant qu'elle puiffe ren(
110 )
trer à Cronstadt . Elle doit être dans le
plus grand délabrement , à en juger par le
vaiffeau que nous avons pris , & fur lequel
il s'eft trouvé 200 morts ou bleffés . L'un
de nos vaiffeaux n'eft pas rentré encore ,
& l'on ignore fa deftinée.- L'épouvante
eft à Pétersbourg , d'où plufieurs familles
fe hâtent de fortir , & l'Impératrice , dit- on,
a déja tout difpofé pour fe retirer à
Mofcou .
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 28 Juillet.
Le fupplément officiel à la Gazette du
26 , fe réduit à la même claffe de nouvelles
que les précédens. De l'Efclavonie ,
de la Croatie , du Bannat , ce bulletin ne
nous apprend aucun fait digne d'être
rapporté ; voici en quels termes il rend
compte de l'établiffement des batteries
devant Choczym .
« Le Prince de Cobourg , ainfi que le Général
Ruffe , Comte de Soltikow , ont été d'avis de
faire avancer encore davantage l'aile gauche de leur
camp , & d'élever 3 batteries de la part des Autrichiens
& 2 de la part des Ruffes , en front du
camp combiné , à l'effet de reftreindre entièrement
l'ennemi dans fa Palanque ( endroit environné de
paliffades. ) » -
«Suivant cet arrangement s'avancèrent , le 13
juillet , à trois heures du matin , 3 bataillons d'In(
111 )
fanterie Ruffe , 1 régiment de carabiniers & un
Pulk de Cofaques ; & trois colonnes Autrichiennes ,
fous les ordres du Feld-Maréchal - Lieutenant-
Baron de Sauer, »
« L'ennemi , de fon côté , fit avancer quelques
canons de fa Palanque , & porta fon feu fur les
troupes Ruffes , qui le firent bientôt ceffer par le
leur ; tournant enfuite fon artillerie fur la première
& la feconde des colonnes Autrichieanes , il trouva
dans le Lieutenant d'artillerie Rittersberg un adverfaire
qui , par l'habile direction qu'il donna à ſon
canon , démonta le fien. »
«Dès que l'ennemi fe fut aperçu que l'infanterie ,
qui devoit être employée au travail , & qu'on
avoit tenue cachée jufqu'alors , alloit fe mettre à
l'ouvrage , il dirigea le feu de fa groffe artillerie
fur elle , & fur- tout fur celle des colonnes du Colonel
Meffarosz , & du Lieutenant- Colonel Karaicgay
; mais nos bataillons continuèrent leur travail ,
& élevèrent les batteries malgré le feu continuel des
ennemis,»
«La perte que l'ennemi nous a caufée par le feu
de fon canon , confifte dans l'Enfeigne Orebich , &
un Fantaflin du régiment de Venceflas- Colloredo ,
qui y furent tués. Nous comptons en outre deux
bleffés , un de Kaunitz & un de l'Empereur ,
Huffards. "
« Les batteries ayant été achevées , 4 compagnies
prirent pofte fur chacune , & le refte des
troupes fe replia vers le camp , la colonne du
Colonel Filo exceptée , qui , poftée hors la portée
du canon de la fortereffe fur la colline entre
Preworodeck & Otaki ; prit fon camp près la
batterie qu'elle avoit conftruite. »
"
La nouvelle confcription pour les recrues
monte à 35,000 hommes ; la Hongrie
en fournira 15,000 , les Etats Héréditaires
( 112 )
en Allemagne autant, & a Gallicie 5,000 .
On équipe à Trieste des bâtimens , portant
chacun un canon de 3 livres de balle
& 40 hommes d'équipage ; on en arme
autant à Fium , où l'on équipe en même
temps une frégate de 32 canons & 4 chaloupes.
A Zeng fe trouvent chebecs
de 12 canons chacun , & une chaloupe
canonnière .
Les dernières lettres de Triefte , ont confirmé
la nouvelle que le Pacha de Scutari ,
ce fameux rebelle fur lequel on avoit tant
compté , a fait maffacrer les trois Députés.
Autrichiens qu'on avoit chargés de négo
cier fa trahifon . Voici comment l'on rapporte
cet évènement.
MM. de Brognard, Berner & Wakaf wich ayant
été envoyés à Scutari avec des préfens de la
valeur de 200 mille florins , pour concerter un
plan d'opérations avec Mahmoud , celui- ci les reçut
avec toutes les apparences d'une amitié fincère ,
accepta les préfens , & figna le plan convenu. Les
Officiers partirent après avoir pris congé du Pacha ;
mais à peine furent- i's arrivés dans une forêt à
deux lieues de Scurari , qu'une horde d'Albanois
les affaillit & les malaca avec leurs domeftiques .
Les trois têtes ont été envoyées , à ce qu'on aflure ,
à Conftantinople . On ajoute qu'une quatrième
perfonne qui avoit éré en leur compagnie , mais
qui s'en étoit féparée , a apporté à Fiume le détail
de cet événement .
Au refte , on n'allègue encore d'autre
( 113 )
preuve de la complicité de Mahmond avec
les affaffins , que le récit fuivant.
M. Pichler eſt arrivé le 10 de ce mois dans le
port de Fiume , après s'être acquitté d'une commiffion
fecrette dont il avoit été chargé auprès des
Monténégrins. Ce Commiffaire, qui s'eft remis tout
de fuite en chemin pour Semlin , a confirmé la
triſte nouvelle de la mort tragique de trois Officiers
Autrichiens , que le Pacha de Scutari a fait afſaſfiner
de la manière la plus perfide. Quoique les
mêmes lettres , ainfi que celles de Veniſe varient
beaucoup fur les circonstances de ce meurtre , elles
s'accordent néanmoins fur la vérité du fait , enforte
qu'on ne fauroit plus en douter. Mahmoud- Pacha
avoit fu cacher conftamment à ces infortunés le changement
que les bruits répandus par les Bofniaques
touchant leurs victoires , avoient opéré dans fes
fentimens ; les ayant enfin congédiés fort poliment,
il leur donna des conducteurs qui avoient ordre
de les affaffiner en route , & il reçut leurs têtes
vingt- quatre heures après leur départ.
On apprend d'Eperies en Hongrie , que
le 5 de ce mois , le feu prit dans le
couvent des Minimes, & réduifit en cendre
la plus grande partie de cette ville en
moins de 6 heures.
De Francfort fur le Mein , le 2 Août .
L'Ele&eur Palatin a quitté le château
de Schwetzingue près de Manheim , le
22 juillet, pour retourner à Munich.
Le Roi de Pruffe a nommé le Général
Major Comte de Kalcreuth , Chef du régirient
d'Anfpach- Bareith , Dragons , com(
114 )
pofé de 10 efcadrons , & l'un des plus
confidérables de l'armée . S. M. P. a confié
auffi à ce Général l'infpection de la
Cavalerie dans la Pruffe Orientale , en y
ajoutant une penfion annuelle de 1000
écus.
La rupture qui vient d'éclater dans le
Nord , rend néceffaire une information
exacte des forces refpe&tives que les Puiffances
Belligérantes peuvent s'oppofer .
Cette connoiffance des moyens , aide le
Lecteur à prendre une idée jufte des opérations
, & à calculer la probabilité de
leurs effets. Nous commencerons par préfenter
l'état détaillé & authentique des
forces navales ; celles des Puiffances de la
Baltique font imparfaitement connues ;
voici d'abord le dénombrement de la Marinę
de Suède.
ETAT actuel de la Marine de Suède.
Vaiffeaux de ligne :
1 Adolphe-Frédéric , de 74 canons , bon.
2 Goetha Leion , 74 canons , vieux , mais en
état de fervir.
3 * Guftave III , 74 canons , bon.
*
4 Sophie Madeleine , 74 canons ; bon : excellent
voilier.
5
* Prince Gustave , 70 canons , vieux , mais
en état de fervir.
6 Louife Ulrique , 70 canons , vieux , réparé.
7 En gheten , 70 canons , vieux réparé.
8 Prince Frédéric Adolphe , 64 canons , bon .
* Prince Gustave Adolphe , 64 canons , bon. 9
( 115 )
*
10 Hedefige Elifabeth Charlotte , 64 canons ,
bon.
11 Prince Charles , 64 canons , vieux , mais en
état de fervir.
*
12 Wafa , 64 canons , bon.
13
14
*
Faderneflandez, 64 canons , bon , conftruit
en 1783 .
*
*
Omheton , 64 canons , bon , conftruit en
1783.
15 Retwifan, 64 canons , bon , neuf.
16
17
* Dygden, 64 canons , bon , conſtruit en
1784..
*
Aeran , 64 canons, bon , conftruit en 1784.
18 * Forfigtigheten , 64 canons , bon , conftruit
en 1784.
19 Mandigheten , 64 canons , bon , conftruit en
1785.
20 Tapperheten , 64 canons , bon , conſtruit en
1785 .
21 Driftigheten, 64 canons , bon , conſtruit en
1785.
22 Prince Ferdinand , 64 canons , vieux , mais
en état de fervir.
23 Fredericus Rex , 60 canons , vieux , fert de
magafin à poudre.
24 Rickfens Stænder , 60 canons , vieux , erf
état de fervir.
25 Freden , 60 canons ,
26eftmanlande , 66 canons ,
27 Finlande , 60 canons ,
Total des canons ( 1 ) , 1,688.
hors d'état
de fervir.
Les Vaiffeaux neufs de 64 canons , n'ont qu'une
cahute ; les batteries baffes portent des canons.
( 1 )Les Vaiffeaux marqués d'une * , font partie
de l'Eſcadre du Duc de Sudermanie , actuellement
en Finlande.
( 116 )
de 36 livres de balle , & les batteries hautes
de 24 livres.
Frégates .
Bellone , 40 canons , doublée en cuivre.
Minerve , 40 canons , neuve, de 1783 .
Vénus , 40 canons, neuve, même année , doublée
en cuivre .
Diane , 40 canons , neuve , dito , dito .
Fraya , 40 canons , neuve , de 1784 .
Camilla , 40 canons , neuve , idem .
Thétis , 40 canons , neuve , idem
Galathée , 40 canons , neuve , de 1785.
Euridice , 40 canons , neuve , idem .
Tém fe , 40 canons , neuve , idem.
Illerim , 32 , canons , en état de fervir.
Jaramas , 32 canons , idem .
Uplande , 44 canons, vieux, fervira de tranſport.
Grypen , 44 canons , vieux , idem .
Poftillon , 24 canons , vieux , en état de fervir.
Total des canons , 2,264 .
Les dix premières frégates ont des canons de
24 livres de balle ,
-
Enfin trois cutters , plufieurs yachts , des galères
& des chaloupes bombardières.
La carcaffe
d'un vaiffeau de 4 canons , coûte en Suède
420,000 dahlers en argent ; 400 000 celle d'un
vaiffeau de 74 canons ; 350,000 , celle d'un vaiffeau
de 64 canons , & 230 coo , celle d'un vaiffeau
de 50 canons . Une galère à 16 rames , pour
160 hommes d'équipage , coûte 100,000 dahlers ;
le gréement & l'armement de chaque vaiffeau en
coûte autant. La Suède peut armer en très-peu
de temps 24 vaiffeaux de guerre , & 40 galères .
Le nombre des matelots enrôlés , eft entre 9 à
10,000 ; les volontaires ou artilleurs enrô és , font
au nombre de 1,400 , les mariniers de 1,500
& les charpentiers de 600 , y compris 200 qui
font de réferve.
1
( 117 )
ITALIE.
De Rome , le 21 Juillet.
A la fuite du travail de la congrégation
de cinq Cardinaux & de deux Prélats
nommés par le Pape pour examiner les différends
actuels entre le S. Siége & la Cour
de Naples , il a été expédié un Courrier au
Roi d'Elpagne, avec une relation de ce qui
s'eft paffé entre S. S. & S. M. Sicilienne ,
L'Archevêque de Naples eft chargé de
traiteraufli cette affaire avec fon Souverain.
Le P. Jaquier , de l'Ordre des Minimes , Profeffeur
émérite à la Sapience , Mathématicien célèbre
, & Membre de plufieurs Académies , né
à Vitri- le-François , vient de mourir ici. Il avoit
été envoyé jeune à Rome par fes Supérieurs , &
y a fait, pendant plus de 50 ans , le plus grand
honneur à fa Nation , à ſon Ordre , aux Sciences
& aux Arts. Il jouiffoit de deux penfions du Roi
de France , & elles étoient , devenues entre fes
mains le patrimoine des pauvres.
Un Phyficien , nommé Cartelli , a tenté
à Milan une expérience fort malheureuſe.
Il avoit annoncé qu'il feroit paffet une rivière
à la nage , à un Soldat à cheval armé
de pied en cap. Un Dragon s'étoit offert
pour effayer l'expérience fur le Lambro ,
près de Milan ; mais le cheval s'étant effrayé
à la vue des veffies & autres attirails
qu'on lui avoit attachés , défarçonna fon
Cavalier qui périt malheureuſement, tan(
118 )
dis que le cheval regagna la rive à la
nage.
On écrit de Naples , que les travaux du
chantier de Caftellamare continuent avec
activité. Le vaiffeau le Roger de 74 canons
& les corvettes la Fama & l'Aurore font
prêts à être lancés . On calcule qu'à la fin
de l'année préfente , le Roi de Naples aura
32 vaiffeaux de guerre , neufs , qui auront
tous été conftruits depuis fix ans .
De Livourne , le 20 Juillet.
Il eft arrivé d'Alger deux bâtimens , l'un
François , l'autre Hollandois. Ils nous apprennent
qu'après 40 jours d'embargo , il
eft forti du port 8 Corfaires deftinés pour
le fervice du Grand Seigneur ; qu'il y étoit
arrivé une frégate Françoife ayant à bord
174 Turcs fauvés du naufrage d'un Corfaire
Algérien coulé à fond dans les eaux
des ifles d'Hures par le vaiffeau de guerre
Napolitain la Parthenope. Le Capitaine de
cette frégate avoit été chargé de folliciter
auprès du Dey la reftitution d'un
bâtiment Génois chargé d'huile , que ce
Corfaire avoit pris fur la côte de France
avant d'être coulé bas . Mais le Dey exige
avant tout la reftitution de fon Corfaire."
Selon une lettre de Cadix , écrite par
un Capitaine de navire Autrichien , il
( 119 )
paroît que le pavillon Impérial eft refpe&té
par les Corfaires Maroquains . Un frère de
ce Capitaine. , qui s'étoit rendu de Cadix
à Dalbéida , dans le royaume de Maroc ,
fe loue beaucoup de la réception qu'il y
a éprouvée . Il mande qu'un fils du Roi de
Maroc , né d'une femme Angloife renégate
, fait la guerre à fon père . Le premier
moyen dont s'eft fervi ce fils dénaturé ,
a été de piller une caravane qui alloit
porter à la Mecque , de la part de fon
père , un prefent de 70 mille piaftres fortes .
Avec cette fomme , ce jeune Prince s'eft
formé des partifans , & fe trouve maintenant
environné d'une armée de 60,000
Maures , avec laquelle il fait la guerre à
l'Empereur. Ce Monarque eft entré en
campagne pour combattre le rebelle .
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 5 Août.
L'élection de Weftminfter eft terminée
depuis hier , jour auquel la majorité des
fuffrages en faveur de Lord John Towns--
hend , s'eft trouvée de 823 , c'eft - à - dire ,
que durant les 15 jours qu'a duré le Poll ,
ce Lord a réuni
Lord Hood . •
· •
• •
6392 votes.
5569.
Le grand Bailli ayant déclaré le premier
( 120 )
des Compétiteurs duement élu , Milord
Hood s'adreffa aux Electeurs , en leur
fignifiant la réfolution de porter plainte
aux Communes , de la conduite illégale
& violente qu'ont obfervée les amis de fon
concurrent durant l'élection. Milord
Thowshend harangua enfuite & remercia
l'Affemblée ; après quoi une cavalcade de
fes partiſans le promena en triomphe dans
les rues , enfeignes déployées , & la cérémonie
finit à 8 heures du foir , par un
tumultueux dîné des triomphateurs.
Les Gazettes miniftérielles ont publié
une lifte de 107 partifans de Milord Hood
bleffe's plus ou moins dangereufement par
leurs adverfaires , & une lifte vraie ou
fauffe des votes illégales données à Milord
Townshend. L'une de ces feuilles ( le
Wold ) a paru hier , encadrée dans un ruban
noir , pour annoncer, felon l'Éditeur ,
le deuil du génie de l'Angleterre , & des
libertés de Westminster. - On s'attend à
une enquête du Parlement , fur les défordres
qui ont troublé cette élection :
il n'y aura pas de ſcrutin. Eût-il ôté 300 ,
voix illégales à Lord Thownshend , la
fupériorité lui feroit également reftée .
Voilà le fecond échec que M. Pitt &
les Miniftres effuient dans ces batailles de
fuffrages populaires pour l'élection de
Weftminfer. Quelques perſonnes fages défirent
( 121 )
rent qu'une nouvelle loi prévienne à l'avenir
la corruption , la violence , les fcandales
de tout genre , qui déshonorent les
nominations de cette cité ; mais c'eft - là
une police fi délicate , & les limites de
l'ordre & de la liberté font tellement indéterminées
, qu'il fera peu aifé de les
regler invariablement. L'intérêt de parti
s'oppofera puiffamment à toute réforme.
Pendant que la capitale étoit livrée au
tumulte de cette Election , le Roi continuoit
fes promenades paifibles à Cheltenham
, Glocefter , Worcefter & autres
lieux du même Comté. S. M. & la Famille
Royale ne reviendront à Windíor que
dans 15 jours.
Le Gouvernement a reçu plufieurs dépêches
de la Haye , fuivant lefquelles la
négociation entre le Chevalier James
Harris & les Etats- Généraux , relative aux
affaires de l'Inde , ne tardera pas à être définitivement
conclue . Hier arriva un
courrier d'Hanovre , expédié par la Régence
de l'Electorat , avec des lettres qui
ont été fur le champ envoyées à Cheltenham
.
-MT
Il s'eft tenu , le 25 , une nouvelle affemblée
des Dire&eurs à l'Hôtel de la Compagnie
des Indes . Les dépêches pour le
Bengale & Madras ne font pas encore
achevées , à caufe de nouveaux différends
Nº. 33. 16 doût 1788. f
·( 122 )
de Contrôle.
-
furverus entre l'Affemblée & le Bureau
De 39 vaiffeaux que la
Compagnie attendoit cette faiſon , il en
eft deja arrivé 25.
Le Crown de 64 canons , formant partie
de l'efcadre de l'Amiral Gower, eft arrivé le
29 au Nore. il remplacera à Blackaſtakes ,
comme vaiffeau de garde , le Scipio qui
refte à Plimouth. On travaille fortement
à Sheerneff au Léopard , vaiffeau neuf de
50 canons , le feul actuellement en conftuction
dans ce Port : on doit pofer dans
peu une ou deux quilles de plus . - L'Edgard,
le Colioffus & le Magnificent , de
74 canons, qui faifoient partie de la même
efcadre , aux ordres de l'Amiral Gower ,
ont jeté l'ancre , le 26 au foir , dans le
port de Portsmouth , où ils refteront . On
a donné ordre d'équiper fur le champ , à
Deptford , trois frégates deftinées au fervice
extérieur.
Le 74 régiment eft parti des cafernes
de Chatham pour ſe rendre à Hilfea , près
de Portsmouth , où il reftera jufqu'au moment
de s'embarquer pour l'Inde . Le
maître des cafernes , en vifitant les chambres
, après le départ de ce régiment , y
a trouvé un enfant âgé d'un mois , abandonné
par fa mère dénaturée.
Le 20 Septembre eft le
Jour
fixé
pour
( 123 )
lancer le Royal George à Chatham : voici
les dimenfions de ce vaiffeau .
-
Pieds . Pouces.
Longueur fur le premier pont , 190
de la quille pour le tonnage , 156 5
Largeur de chaque couple
-à la liffe du fort ,
Pont au tonneau ,
cr

· 52 4
94 2274
Canons. Livres.
Canons fur le i pont, 30
fur le 2 pont, 28
fur le 3e pont, 30
- fur le gaillard
de 42 de balle .
de 24
de 12
d'arrière , 10 de 6
fur le gaillard
d'avant , 2 de 6
On frappe actuellement à la monnoie
de la Tour, de nouvelles Guinées & demi-
Guinées , d'après les matrices de cette
année . La fabrique de la monnoie d'argent
eft fufpendue à caufe du haut prix de la
matière ; il n'a pas encore été donné
d'ordre pour celle des efpèces de cuivre,
Un exemple très-remarquable de longevité
, fe préfente aujourd'hui dans la
perfonne d'un des Eledeurs de Weftminster,
qui a donné fon fuffrage le 29
juillet , & qui avoit voté , en 1727 , au
commencement du règne de George II.
Dans la dernière élection conteftée du
Comté de Suffolk , il a été dépensé ,
fy
( 124 )
ee qu'on dit , par les différens Candidats ,
une fomme de huit cents livres fterlings,
en cocardes feulement. Lors de la dernière
élection du Comté de Norfolk , quoique
M. Coke ait refufé de briguer les fuffrages ,
le chevalier John Woodhouse, candidat élu,
diftribua en faveurs , ( c'eft l'expreffion
ufitée ) une fomme de cinq cents livres
fterlings .
« Un riche marchand , intéreffé dans le
commerce des Nègres , a recueilli l'état
fuivant du nombre d'efclaves échangés
dans une année fur la côte d'Afie , depuis
le Cap - Blanc jufqu'au New-Congo ,
par les différentes Nations de l'Europe :
favoir, par la Grande - Bretagne , 53,100 ;
par l'Amérique , 6,300 ; par la France ,
23,500 ; par la Hollande , 11,300 ; par
le Portugal , 8,700 ; par le Danemarck ,
,200 ; en tout , 104,100. Chaque efclave
a été acheté en échange d'articles
des manufactures d'Europe & de l'Inde ,
fur le pied moyen de 15 liv . fterl . , ce
qui fait une ſomme de 1,582,000 1. ft.
« Les iles Pelew , pour lesquelles on équipe
actuellement à Portfmouth la corvette l'Ariel ,
de feize canons , font une chaîne de petites îles ,
fituées par le 7 degré latitude Nord , & environ
le 135 degré longitude Eft de Londres. Ces îles
n'avoient été jadis décrites que très- imparfaitement
par plufieurs navigateurs qui s'étoient rendus
de Chine dans l'Inde ; mais les premiers Eu(
125 )
ropéens qui y débarquèrent , furent les gens de
l'équipage de l'Antelope , capitaine Wilfen , paquebot
appartenant à la Compagnie des Indes ,
qui y fit naufrage au mois d'août 1783 , dans fa
traverfée de Chine. Le Capitaine & l'équipage ,
composé d'environ trente Anglois , gagnèrent le
rivage fur un radeau . Ils trouvèrent des habitans
de couleur cuivre foncé, & abſolument nud . L'gname
, les noix de coco & le poiffon , forment
prefque toute leur nourriture ; leur feule boifon
eft de l'eau , adoucie quelquefois avec la canne à
fucre. Ils ont une forme régulière de gouvernement
, & ils rendirent à nos malheureux compa
triotes tout ce que renfermoient les canots échappés
au naufrage . Ils leur fournirent conftamment
les provifions que produit leurs îles , & les traitèrent
avec la plus grande humanité. »
9
« Un Malais qui , quelque temps auparavant ,
fut jeté fur cette île , en avoit appris le langage .
Le hafard voulut qu'un des hommes de l'équipage
de l'Antelope , fe trouvât originaire du Bengale
& parlât la langue Malais , ce qui établit une
prompte correfpondance de part & d'autre . Pendant
tout le féjour de l'équipage dans cette île ,
les naturels fe montroient juftes , généreux , fobres,
gais, affables même jufqu'à la politeffe . «Après
trois mois de féjour , nos compatriotes parvinrent,
à l'aide des outils que le charpentier avoit
heureuſement fauvés du naufrage , & par le travail
le plus opiniâtre , mais encore plus par la bienveillance
, le fecours des naturels , à conſtruire ,
des débris du naufrage , un navire fur lequel ils
partirent pour la Chine. , d'où ils revinrent en Angleterre.
Peu de temps avant leur départ , le Roi
de Pelew pria le Capitaine Wilfon de fe charger
de fon fecond fils , & de l'emmener en Angleterre
, dans l'eſpérance , dit-il , qu'il acquéreroit
f ij
( 112266 ))
beaucoup de connoiffances utiles.Ce jeune homme,
qui joignoit à un efprit actif & pénétrant , les
manières les plus affables , mourut de la petitevérole
à l'âge de vingt ans , dans la maifon du
Capitaine ilfon , peu de mois après ſon arrivée
à Londres. Quelques inftans avant fa mort , il parla
en ces termes à un Infulaire qui l'avoit accompagné
en Europe: « Lorfque vous irez à Pelew
» dites à Abba-Rhalle que fon fils a pris beaucoup
de médicamens pour fe guérir de la petite-vérole
, mais qu'il eft mort ; que le Capitaine &
fa mère m'ont fait éprouver le traitement le
» plus honnête ; que tous les Anglois font de bonnes
gens , & que je fuis très-fâché de ne pounvoir
communiquer au Roi mon père, la quan-
» tité de bonnes chofes qu'ils m'ont apprifes "
"
M. Gainsborough , l'un de nos meilleurs
Peintres , qui excelloit dans le portrait &
le payfage , eft mort famedi dernier , âgé
de 61 ans , d'un abcès cancéreux au cou ,
dont la première origine eft due à une
Aluxion qu'il gagna dans la falle du procès
de M. Haflings. On regrette fa perfonne
autant que fes talens , & il jouifoit de
l'eftime générale.
FRANCE.
De Verfailles , le 6 Août.
Le Roi a déclaré Miniftres d'Etat le
Comte de Brienne , Secrétaire d'Etat ,
ayant le département de la Guerre , &
le Comte de la Luzerne , Secrétaire.
( 127 )
d'Etat , ayant le département de fa Marine
, lefquels ont pris féance au Confeil
d'Etat , le 3 de ce mois.
« Le même jour , le Duc de Guines , Lieutenant-
général , Membre du Confeil de la Guerre,
a prêté ferment entre les mains de Sa Majesté
pour le gouvernement d'Artois , vacant par la
mort du Maréchal de Lévis. »
« Le Comte de Montézan , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi , près l'Electeur Palatin , a eu
l'honneur de prendre congé de Sa Majefté pour re
tourner à fa deſtination , étant préfenté par le
Comte de Montmorin , Miniftre & Secrétaire
d'Etat , ayant le département des affaires étrangères.
»
Le Comte de Béhague , Maréchal - de- Camp ,
Commandant à Belle- Ifle , a eu l'honneur de préfenter
an Roi fon travail fur Belle Ifle . »
« M. Foullon de Doué , Maître des Requêtes ,
Sous- Intendant de Bayonne , nommé à l'Intens
dance de Moulins , a eu l'honneur de faire fes
remerciemens au Roi , préfenté par le fieur Lambert
, Confeiller d'Etat , & ordinaire au Confeil
Royal des Finances & du Commerce , Contrôleur-
Général des Finances . »
Le fieur Blin a eu l'honneur de préfenter
au Roi la 16 ° . Livraiſon des Portraits
des grands Hommes , Femmes illuftres
& Sujets mémorables de France , gravés
& imprimés en couleur , dont Sa Majefté
a bien voulu agréer la dédicace ( 1 ).
(1 ) On fouferit , pour cet ouvrage , à Paris ,
chez le fieur Blin , place Maubert , nº. 17. Cette
Livraiſon offre les portraits de Jacques II , fire
fiy
( 128 )
De Paris , le 13 Août.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 81
Août 1788 , qui fixe au premier Mai
prochain la tenue des Etats - Généraux du
Royaume, & fufpend jufqu'à cette époque ,
le rétabliffement de la Cour Plénière ;
extrait des Regiftres du Confeil d'Etat
du Roi.
« Le Roi , en ordonnant , par l'Arrêt de fon
Confeil , du 5 juillet dernier , que les résultats
preferits audit Arrêt , lui fuflent remis dans les
deux premiers mois de l'année 1789 , Sa Majesté
a voulu fe mettre à portée de convoquer les Etats-
Généraux de fon Royaume , immédiatement après
qu'Elle fe feroit fait rendre compte defdits réfultats
, & Elle ne pouvoit choifir une époque plus
rapprochée , puifqu'avant , & pour cette convocarion
, il étoit néceffaire d'affembler les Etats
Provinciaux dans les Provinces où ils exiſtent ,
de les rétablir dans quelques Provinces où ils
étoient fufpendus , & de déterminer les préliminaires
des Elections , fur- tout dans les Provinces
réunies à la France depuis 1614 ; enfin , de prendre
une faifon plus commode que l'hiver pour le
tranfport & la réunion des Députés de toutes les
pasties du Royaume. Depuis que cet Arrêt a été
rendu , Sa Majefté a pris des éclairciffemens , tant
fur le lieu que fur le temps auquel lefdits Étatsde
Matignon & de Lefpare , & de Gafpard de
Saulx , Seigneur de Tavannes , tous deux Maréchaux
de France dans le feizième fiècle . L'un
& l'autre de ces portraits ont une expreffion caractériſtique.
( 129 )
Généraux peuvent être affemb'és. Elle n'a pas encore
déterminé le lieu où ils fe tiendront ; mais
Elle peut annoncer à fes Sujets que leur aſſemblée
eft fixée au premier mai prochain , & c'eft avec
fatisfaction que Sa Majefté enviſage le moment où
Elle fe trouvera environnée des repréfentans de la
Nation généreufe & fidelle qu'elle à le bonheur de
gouverner. Affurée de recueillir les heureux effets
de leur zèle & de leur amour , Elle jouit d'avance
du confolant efpoir de voir des jours fereins &
tranquilles fuccéder à des jours d'orage & d'inquiétude
; l'ordre renaître dans toutes les parties ; la
dette publique être entièrement confolidée ; & la
France jouir , fans altération , du poids & de la
confidération que lui affurent fon étendue , ſa
population , fes richeffes , & le caractère de fes
Habitans. Sa Majefté a en même -temps confidéré
que les États- Généraux devant être affemblés au
premier Mai , cinq mois au plus s'écouleront entre
cette époque & celle à laquelle eft fixée l'affemblée
de la Cour Plénière dont elle a ordonné le rétabliffement
; que pendant ce court efpace de temps ,
& à la veille des États- Généraux , aucune loi commune
à tout le Royaume , ne feroit envoyée à
cette Cour ; qu'ainfi elle feroit , pendant ces cinq
mois , fans exercice & fans fonctions ; & comme
Sa Majefté eft en même-temps informée que le
rétabliffement de cette Cour a excité , parmi un
grand nombre de fes Sujets , des alarmes & des
inquiétudes , que fa bonté la portera toujours à
calmer , lors même qu'elles font fans fondement ,
Elle a réfolu de fufpendre ce rétabliſſement jufqu'à
la tenue des Etats - Généraux , & d'atendre fur
l'existence de cette Cour , ainfi que fur fa compofition
& fon pouvoir , les repréfertitions qu'ils
pourront lui adreffer. Ap ès avoir ainfi avancé &z
déterminé l'époque des Etats- Généraux ; après
f v
( 130 )
avoir fufpendu , jufqu'à cette époque , le rétabliſ
fement de la Cour Plénière , Sa Majesté a la confiance
que fi , avec fermeté & conftance , quoique
avec les reftrictions & modifications néceffaires ,
& que peuvent exiger les befoins de certains refforts
& les privilèges de certaines Provinces ,
Elle continue à pourfuivre , comme Elle fe le propofe
, l'exécution de ce qu'Elle a ordonné pour la
réformation de la Juftice dans fon Royaume , il
ne reftera aucun doute à fes Sujets qu'Elle ne foit
uniquement occupée de leurs intérêts ; c'eſt à eux
qu'il importe que les Juges foient rapprochés des
Jufticiables ; que les degrés des Jurifdictions & les
Tribunaux nefoient pas indifcrétement multipliés ;
enfin , que le pauvre ne foit pas dans l'impoffibilité
d'obtenir juftice par l'impoffibilité d'y avoir recours.
Auffi Sa Majefté ne négligera-t-elle rien pour
procurer ces avantages à fes Peuples ; & , fidelle au
lyftême dont l'intérêt public , encore plus que
celui de fon autorité , ne lui permet pas de s'écarter
, Elle ne tolérera pas qu'aucuns Corps particuliers
tranfgreffent les bornes qui leur font prefcrites
, en même-temps qu'Elle fe plaît à remettre
ta Nation dans l'entier exercice de tous les droits
qui lui appartiennent. A quoi voulant pourvoir ,
oui le rapport , le Roi étant en SON CONSEIL ,
a déclaré & déclare que les Etats - Généraux de fon
Royaume feront affemblés au premier Mai prochain
, dans le lieu qui fera , à cet effet , déterminé
par Sa Majesté. Ordonne de nouveau , Sa Majeſté ,
que les réfultats qu'Elle a demandés par l'Arrêt
du cinq juillet dernier , lui foient remis , au plus
tard , au terme prefcrit par ledit Arrêt , pour être ,
auffi- tôt après ladite remiſe , expédiées les Lettres
de convocation néceffaires ; . & jufqu'à ce que
lefdits Etats foient affemblés , Sa Majefté a fufpendu
& fufpend le rétabliffement de la Cour
( 131 )
Plénière , ordonné par l'Edit du mois de Mar
dernier, 2
Signé , LAURENT DE VILLEDEUIL.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du
3 août 1788 , qui accorde une prorogation
d'une année , à dater du 31
décembre prochain , pour le terme de la
conftitution en Rentes Viagères , des cent
vingt mille Bordereaux ou Reconnoiffances
de l'Emprunt du mois de novembre
1787 ; & qui ordonne que ces Reconnoiffances
jouiront pendant cette prorogation
de l'intérêt annuel de quatre &
de cinq pour cent qui leur a été ref
pectivement attribué par le tirage des
féries , fait le 30 juin de la préfente année.
« Le Roi a examiné dans fon Confeil les repréfentations
qui lui ont été faites par plufieurs
Propriétaires de Bordereaux de l'Emprunt de cent
vingt millions , du mois de novembre derniér, dans
lefquelles ils expofent que le terme accordé par l'Edit
pour la conftitution de ces Bordereaux en Rentes
viagères , eft fixé au 31 décembre de la préfente
année ; que ce terme eft infuffifant pour la conftitution
d'une fomme auffi confidérable , venant
immédiatement à la fuite d'autres Emprunts viagers
que la crainte de ne pas trouver à temps
des Confommateurs pour le tout , oblige les Propriétaires
de précipiter la vente de ces Bordereaux ,
ce qui eſt une caufe principale de la baiffe que
ces Effets ont éprouvée , & qui a dû néceffairement
influer fur les prix des autres Effets publics .
A la vérité l'Edit a laiffé à ceux qui ne conftitueroient
pas dans l'année , la faculté de convertir
f vj
( 132 )
leurs Pordereaux en Contrats de Rentes perpétuelles
à cinq pour cent , & en reconnoiffances
portant quatre pour cent d'intérêt , & rembourfables
en vingt années ; mais qu'ils ne jouiront de
toute la valeur de leurs Bordereaux , que fi Sa
Majeſté veut bien leur accorder , pour en faire
la converfion en viager , un terme plus proportionné
à cette maffe de cent vingt millions : qu'en
conféquence ils fupplioient Sa Majesté de leur
octroyer pour la partie de cent vingt mille reconnoiffances
feulement , & fans y comprendre les
trois millions fix cent mille livres de rentes provenant
du viager des chances , une prorogation
à dater de la fin de la préfente année , pour la
conftitution de leurs reconnoiffances en viager ,
& de leur en payer , pendant ce délai , l'intérêt
du perpétuel déja attaché à ces Bordereaux ; que
l'effet de cette prorogation feroit de maintenir
le prix des Bordereaux plus près de leur valeur
réelle , & qu'un arrangement qui femble ne favorifer
qu'un feul des Effets publics , feroit cependant
favorable au prix de tous , & tendroit au
maintien du crédit en général. »
« Le Roi , touché de ces raifons , s'eft déterminé
d'autant plus volontiers à accorder la prolongation
qui lui a été demandée , que cette nouvelle
facilité pour les Propriétaires des Bordereaux ,
en même temps qu'elle peut être un avantage pour
eux , peut être auffi un foulagement préfent pour
fes Finances. »
u Par ces confidérations , &c . "
« Les Porteurs des cent vingt mille Bordereaux
de mille livres , dont eft compofé l'Emprunt de
cent vingt millions , établi par Edit du mois de
novembre 1787 , & dont moitié doit être convertie
en rentes à cinq pour cent non-rembourfables
, & moitié en rentes à quatre pour cent
( 133 )
rembourfables en vingt années , jourront de la
faculté de les conftituer indiftinctement en rentes
viagères à huit pour cent fur une tête , à fept
pour cent fur deux têtes , non-feulement pendant
le délai accordé pour la conftitution juſqu'à
la fin de la préfente année , mais encore pendant
toute l'année prochaine ; à l'effet de quoi le Roi
a prorogé jusqu'au 31 décembre 1789 , le terme
fixé pour la conftitution deſdites rentes . Ces reconnoiffances
, porteront l'intérêt annuel de cinq
pour cent , & de quatre pour cent , qui leur étoit
respectivement attribué , auffi long- temps qu'elles
ne feront point conftituées en viager.
-
Ceux
qui feront conftituer leurs Bordereaux en viager
dans le cours de la préſente année , jouiront
de l'intérêt viager à dater du quartier d'octobre
1787 , ainfi qu'il a été ordonné par l'Edit de
création. Il fera délivré dans le courant de
janvier prochain , en échange de chaque Bordeseau
qui n'aura pas été conftitué en viager
dans le cours de la préfente année , une reconnoiffance
nouvelle , & c . Quant aux Bordereaux
auxquels font échues des rentes à quatre
pour cent rembourfables , & qui n'auront pas été
conftitués en viager dans le cours de la préfente
année , ils feront pareillemene échangés en janvier
prochain contre des reconnoiffances portant
vingt Coupons d'intérêts , dont le premier échu
& payable en janvier 1789 , fera de so livres
pour les quinze mois alors échus ; & le fecond
de 40 livres payable en 1790. A compter du
premier janvier 1790 , aucune de ces reconnoiffances
ne pourra plus être conftituée en viager ;
& à cette époque les rentes à cinq pour cent feront
converties en Contrats de conftitution de rentes
perpétuelles exemptes de toutes retenues , &c. &c. »
-
Autre , du 5 juillet 1788 , portant fup(
134 )
preffion des vingt- quatre Paquebots établis
pour la correfpondance avec les Colonies
Françoifes & les Etats - Unis de
l'Amérique.
Reglement , du 29 juin 1788 , concernant
l'Admiffion des Elèves de la
Marine , & leur Inftruction dans le Port.
Idem , du 24 juin 1788 , concernant
les Penfions de retraite du département
de la Marine.
RÉPONSE du Roi aux Députés des
Commiffions intermédiaires de Bretagne
du 31 juillet 1788 .
« J'ai lu le Mémoire que vous m'avez remis.
J'avois lu ceux qui l'avoient précédé ; vous n'auriez
pas dû me les rappeler . J'écouterai toujours
les repréfentations qui me feront faites dans les
formes prefcrites . L'affemblée , qui a député
douze Gentilshommes , n'étoit point autorisée;
aucune permiffion ne m'avoit été demandée ; ils
ont eux-mêmes convoqué , à Paris , la plus irrégulière
des Affemblées ; j'ai dû les punir. Les
moyen de mériter ma clémence , eft de ne pas
perpétuer en Bretagne , par de pareilles Affemblées
, la caufe de mon mécontentement. Le
Commiffions qui vous ont chargé de me demander
le rétabliſſement de mon Parlement de Bretagne ,
ne pouvoient pas préyoir la conduite qu'il vient
de tenir , elles n'auroient pas follicité pour lui
une marque de confiance , lorfqu'il me porte à lui
en donner de mon animadverfion. Mais ces punitions
perfonnelles , que le bon ordre & le main,
tien de mon autorité exigent , n'altèrent en rien
mon affection pour la province de Bretagne. Vos
Etats feront affemblés dans le mois d'octobre ;
e
( 135 )
c'eft
par eux que doit me parvenir le voeu de la province. J'entendrai
leurs repréſentations
; j'y aurai l'égard qu'elles pourront mériter. Vos pri- viléges feront confervés. En me témoignant
fidélité & foumiffion
, on peut tout eſpérer de ma bonté ; & le plus grand tort que mes Sujets puiffent avoir auprès de moi , c'eft de me forcer à des actes de rigueur & de févérité. Mon intention cft que vous retourniez
demain à vos fonctions. »
3
M. le Maréchal Duc de Richelieu , avoit
éprouvé dernièrement deux accès de
fièvre , fuivis d'un long affoibliffement
léthargique , dont les reffources de l'art
n'ont pu le tirer ; & ce vieillard célèbre ,
qui avoit vu trois règnes , eft expiré , le
8 , dans fa 93. année .
Suivant des lettres de l'Ile de France ,
dont on ne rapporte cependant pas la
date , l'efcadre de M. de la Peyroufe y
eft arrivée en bon état , & elle fe difpofoit
à revenir en Europe , dans le courant
du printemps prochain.
« L'Académie Françoife, dans la Séance
du 31 juillet , a décerné le prix d'utilité
» à l'ouvrage de M. Necker , fur l'impor
stance des opinions religieufes , & celui
» de vertu à la jeune fille de Noyon ,
» qui fauva 4 hommes tombés dans une
foffe comme nous l'avons dit dans le
" temps . »
"
* Au commencement du mois dernier ,
» trois criminels fe font échappés des
» prifons de Saintes , à l'heure de vêpres.
( 136 )
" Dans la nuit du 19 , quatre autres cnt
effayé de fe fauver , après avoir mis
» le feu à la chambre des Civiles ; mais ,
» ils ont été arrêtés fur les toits voifins ,
» & refferrés étroitement dans les sachots ..
» Plufieurs voleurs fe font réfugiés dans
" la forêt de Pons ; une femme , déjà
» flétrie & marquée , eſt ſoupçonnée de
» leur porter des vivres. »
« La corvette la Sincère , commandée par M.
Duvivier, Lieutenant de vaiffeau, partie de Cayenne
le 7 janvier , eft arrivée au Port- au - Prince. Cette
corvette avoit été envoyée à Cayenne par les Adminiftrateurs,
pour y chercher des plants d'arbres
à épiceries. M. Duvivier a dépofé à la Martinique
deux caiffes de plants de giroflier , un plant de cannelier,
& a apporté au Port-au -Prince 283 plants
de giroflier , un plant de cannelier , & 6 caiffes
contenant des femences de giroflier & de cannelier
en terre qui n'ont pas encore levé , ainfi qué
des plants de différens arbres indigènes de Cayenne ,
dont la culture peut être utile à Saint-Domingue . »
« Des 283 plants de giroflier , on en a envoyé
84 au Cap. "
*
« Les girofliers de Cayenne ont déjà rapporté
des fruits , que l'on affure auffi parfaits que ceux
produits par les girofliers des Moluques. »
« Les avantages que l'Etat & les Colonies Françoifes
retireront des arbres à épiceries , font inappréciables.
»
« Au nombre des différens plants apportés de
Cayenne , eft le Carapas , grand arbre qui aime les
marécages. Les poux de bois n'attaquent point fes
planches. On tire de fon fruit une huile qui fert
aux Indiens de la Guyane à préparer le rocou ,
dont ils fe frottent le corps , & particulièrement
( 137 )
les pieds , pour fe garantir des chiques. L'huile de
Carapas fert auffi à garantir les meubles des poux
de bois. On les frotte de cette huile , dont l'odeur
& l'amerture éloignent toute forte d'infectes.
Mêlée avec le goudron , elle garantit les navires
& les canots des vers qui les attaquent. L'écorce
de cet arbre eft un fébrifuge.
"
L'Académie royale de la Rochelle a
tenu , le 12 juillet , fon Affemblée publique.
M. de la Cofte , Chancelier , fit l'ouverture de
la Séance , en lifant des Réflexions fur l'esprit de
Juite , auxquelles il a l'éloge de M. de Fouchy ,
ancien Secrétaire perpétuel de l'Académie des
Sciences ; & M. de Longchamps fit l'éloge de M.
Nicolas , Prêtre de l'Oratoire.
L'Académie avoit propofé pour fujet d'un prix
les queftions fuivantes :
Qual feroit le moyen le plus facile & le plus économique
, dans le pays d'Aunis , de fupplier au
bois,, pour la diftillation des vins , fans nuire à la
qualité des eaux-de vie ?
A défaut de bois , peut- on employer avec fuccès
le charbon de ter e , ou tel autre combustible ; quelle
-feroit , dans ce cas , la meilleure forme & la moins
difpendieufe à donner aux fourneaux & chauḍières ?
Elle a décerné le prix au Mémoire qui porte
pour épigraphe : depuis que nous faifons attention
aux phénomènes chim ques , &c . L'Auteur ne s'eft
point fait connoître
On donna enfuite le prix de Poéfie à une Ode
fur l'Elettrici é , dont l'Auteur eft M. Guenior ,
Médecin à Avallon , en Bourgogne , Affocié du
Mufée de Paris.
L'Académie annonça qu'elle donneroit dans fa
( 138 )
féance d'après Pâques 1789, un Prix au met
leur Mémoire qui lui fera adreffé ſur cette queftion
:
Quels font les moyens à employer pour donner
plus a'at vité au commerce des jels d'Aunis & de
Saintonge?
Le Programme fera publié au premier jour avec
celui dun prix de Poéfie.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 9 Août 1788 .
Le bruit répandu de l'occupation de
Trinquemale , par les troupes Françoifes
de Pondichery , a donné lieu à une démarche
de Ambaffadeur de L. H. P.
auprès de la Cour de Verfailles , & au
Memoire fuivant , remis par M. le Comte
de St. Prieft au Préfident des Etats-Généraux
.
HAUTS ET PUISSANS SEIGNEURS .
« Vos Hautes Puiffances ayant chargé M. de
Berkenrode de demander des explications concernant
l'embarquement que doit avoir fait , vers la fin
de février, M. Conway, Gouverneur de Pondichery,
l'Ambaſſadeur a reçu l'ordre de les informer que
le Roi fon Maître n'a reçu aucune nouvelle directe
de l'embarquement dont il queftion ; que par
conféquent Sa Majesté eft hors d'état de fatisfaire
Vos Hautes Puiffances , en leur donnant l'explication
qu'Elles ont cru devoir demander à cet égard ;
que la feule chofe que le Roi puiffe dire dans ce
inoment-ci , eft que les armemens que la Cour
de Londres a fait inopinément vers la fin du mois
de ſeptembre de l'année dernière , ont mis S. M.
dans la néceffité , non -feulement d'armer de fon
139 )
côté , mais auffi de prendre des précautions pour
la fûreté de fes Poffeffions dans les Indes , qu'Elle
a jugé en même - temps être d'autant plus de fon
devoir de s'occuper des Poffeffions Hollandoifes
dans cette partie du monde , qu'Elle étoit à cette
époque l'unique alliée de la République , déchirée
par des diffenfions inteftines. Qu'auffitô que le
défarmement a été convenu avec la Cour de Londres
, le Roi a envoyé de nouveaux ordres dans
les Indes , & que Sa Majefté ne doute pas que fi
M. Conway a effectivement fait quelque entreprife
, il ne fe foit empreffé de remettre les choles
dans leur ancien état. Le Roi fe flatte que ces explications
préliminaires , non- feulement diffiperont
les inquiétudes que Vos Hautes Puiffances peuvent
avoir conçues , mais auffi qu'elles leur fourniront
une nouvelle preuve des fentimens d'amitié
& d'affection que Sa Majefté porte à la République,
& de l'intérêt qu'elle prend à fa fûreté comme
à fa profpérité. »
A la Haye , le 29 juillet 1788.
Signé , le Comte DE SAINT - PRIEST.
On apprend que M. le Comte de St.
Prieft eft parti de la Haye le 1. de ce
mois , pour aller prendre les eaux .
er
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
D'après des lettres particulières , la première
fuite avantageufe de la dernière action entre les
flottesRuffe & Ottomane, a été , que les Ruffes ont
d'abord inveti la place d'Oczakow , dont la garnifon
, témoin de la perte qu'avoit faite le Capitan-
Pacha , fe trouvoit dans la plus grande crainte.
Le Prince de Naffau s'étoit rapproché de cette
place avec fa flottille ; & l'on affure qu'il avoit
pris une pofition qui incommodoit beaucoup les
( 140 )
Turcs qui campoient dans la plaine près de cette
fortereffe. Le feu de fes batteries flottantes produifoit
le plus grand effet, & avoit mis le plus grand
défordre da s le camp Ottoman . De l'autre côté ,
le Prince Potemkin s'avançoit à pas redoublés
pour foutenir les opérations de fon avant-garde ;
& n'ayant plus à craindre que le Capitan- Pacha
fit une defcente dans la Crimée , il avoit donné
9
que
des ordres pour que les vingt mille hommes qu'on
avit envoyés
à la défenfe de ceste prefqu'ifle
,
vinffent rejoindre fon armée. Il est évident que
ce n'eft que par une act vité conforme
aux circonftances
, que les Ruffes pourront
tirer les plus
grands avantages
de cette mémorable
journée
qui fera fans doute époque dans les annales des
deux Empires. On fuppofe auffi que la grande
flotte Ruffe , qui eft à Sebaftopole
, aura eu ordre
de fortir pour aller donner la chaffe aux vaiffeaux
Turcs difperfés
; & c'eft peut-être là l'occafion
dans laquelle fe diftinguera
le fameux Paul-Jones.
Telles font toutes les conjectures
heureuſes
tirent de cet événement
, les partifans
outrés de
la Ruffie ; mais il y a des politiques qui ne voyent
pas les chofes fi en noir pour la Turquie , & voici
les raifonnemens
de ceux- ci. La flotte Ruffe , dans
la Mer-noire , n'eft tout au plus que de 18 grands
vaiffeaux
, dont neuf font même très-mauvais
&
fort peu propres au combat ; beaucoup
d'Officiers
de cette flotte font mécontens
, dit-on, qu'on leur
ait donné Paul-Jones pour Commandant
. Malgré
la perte qu'a faite le Grand-Amiral , fa flotte , qui
étoit de trente vaiffeaux
de ligne , refte encore
fupérieure
à la flotte Ruffe , & doit être d'ailleurs
renforcée
par douze ou quinze vaiffeaux
, dont
l'armement
n'étoit pas été fini lors du départ du
Grand-Amiral , & qui doivent déjà être en route
pour le rejoindre. Les 57 galères ou barques ca(
141 )
Bonnières qu'avoit l'Amiral Turc dans la première
action , font encore là pour s'oppofer aux 27 bâti
mens de la même efpèce qu'a fous fes ordres le
Prince de Naffau. Il ne feroit donc pas étonnant
que le Grand- Amiral , outré de fa défaite & défef
éré ne raflemblât toutes fes forces pour
attaquer fon ennemi ; & qu'au lieu que le Prince
de Naffau fût , avec toute la flottille victorieufe
jeter Falarme à Conftantinople , comme quelques
Politiques l'y font aller , il ne fût battu à ſon
tour. ( Gazette des Deux- Ponts. )

15 juillet. L'Aga O.manacha , d'Orfowa , fait
prifonnier de guerre le 9 février , eft arrivé ici
le 10 de ce mois. On lui avoit permis fur fa párole
, d'accompagner fes femmes jufqu'à Widdin,
N'en ayant plus de nouvelles , on avoit cru qu'il
y demeureroit , lorfqu'enfin il eft revenu , pour
montrer , dit -il , qu'il eft homme d'honneur. Il a
diné le jour de fon arrivée chez le Commandant
de la place , M. le Comte de Soro , & hier chez M.
le Defchan , Adminiſtrateur de la Chambre. Il s'eft
très-bien comporté dans ces deux occafions ; mais
il n'a voulu manger que du boeuf bouilli . Le 13 ,
on lui donna un bal , auquel il s'eft trouvé une
nombreuſe & brillante affemblée . Il a été fort
furpris , & a demandé pourquoi chacun ne danfoit
pas avec fa propre feinme , mais avec celle d'autrui
? Pourquoi la même femme danfoit avec plufieurs
hommes ? Comme on lui répondit que ce
n'étoit pas l'ufage, ni du bon ton : vraiment , dit-il ,
il y auroit un beau tapage chez nous , fi quelqu'un
danfoit avec une autre femme que la fienne ! Hier
il affifta à un concert chez M. l'Affeffeur de Szent-
Kerefzty ; il avoua que jamais il n'avoit rien vu
d'auffi brillant que cette affemblée , ni entendu
rien de plus délicieux que cette mufique. Il eſt
parti aujourd'hui pour Szegedin , où il va voir les
--
( 142 )
autres prifonniers Turcs , & de-là il ira à Vienne,
Il a avec lui 30 mille piaftres, ( Gazette de Bude. )
Les motifs qui ont déterminé le Bureau de l'Amirauté
à faire partir fi précipitamment le Prince
Guillaume - Henry pour Hallifax, & ce'a de l'ordre
exprès du Roi , ne tendoient qu'à diminuer , s'il
eft poffible , le penchant du Prince pour l'aimable
Mifs W **** de Plimouth , à laquelle S. A. R.
dévouoit la plus grande partie de fon temps. On
a préfumé fagement que fi l'Andernud: rentroit
encore une fois dans le Sound , ce feroit avec le
plus grand chagrin que le Prince s'éloigneroit de
l'objet de fon amour : en conféquence , le Perfée ,
qui étoit mouillé à Plimouth , a été expédié à
l'Amiral Gower , avec des ordres de faire partir
fur le champ fon Alteffe Royale. L'Amiral , néanmoins
, a dit au Prince que s'il vouloit ſe rendre à
la hauteur de Plimouth , il prendroit fur lui de le
lui permettre , afin qu'il pût embarquer les végétaux
& autres chofes dont il pourroit avoir befoin.
S. A. R. l'a remercié poliment de fon offre , & il
a , fans l'accepter , fait voile fur le champ pour
l'Amérique. ( The Times. )
On a remarqué du Général Paoli , qu'il fe rendoit
régulièrement une fois par mois à la prifon
du Banc du Roi , à Londres. Comme il paroiffoit
ne pas y avoir de connoiffances , quelqu'un fut
tenté de lui demander le motif de fes vifites . Il répondit
avec cette franchiſe qui diftingue fon caractère
, qu'il n'en avoit qu'un , dont il ne rougiffoit
pas de faire l'aveu , quelque extraordinaire qu'il
pût paroître. « C'eft , dit ce Général , pour contempler
le lieu où le vaillant Théodore , qui me
précéda en Corfe dans le commandement, & ine
furpaffa , tant en mérite qu'en malheur , fuc-
» comba fous le poids de la pauvreté & de la
» douleur. » ( Idem. )
"
N. B. ( Nous ne garantiffons la vérité ni l'exallisude
d'aucuns des Paragraphes ci-deffus ).
( 143 ).
Extrait d'une lettre de Stockholm , du 25
juillet.
« P. S. Un exprès arrivé ici hier au foir ,
~ nous a apporté la nouvelle agréable d'un
avantage remporté par notre flotte fut
celle de Ruffie , & dont il rapporte les
particularités fuivantes : La flotte Ruffe ,
forte de 18 vaiffeaux de ligne & de neuf
frégates , rencontra la flotte Suédoife ,
forte de 15 vaiffeaux de ligne & de 10 frégates
, à la hauteur de Hoogland , à 15
inilles de Cronfadt, & à quatre deWibourg.
Les Ruffes attaquèrent notre flotte le 17 ,
avec l'avantage du vent qui fouffioit de
l'eft ; le combat , qui fut opiniâtre & fanglant
, dura depuis deux heures de l'aprèsmidi
jufqu'à onze heures du fuir. Au
commencement du combat , l'Amiral
Greigh voulant profiter de l'ardeur du
Duc de Sudermanie , qui s'étoit hafardé
hors de la ligne avec ton vaiffeau , vint
l'attaquer avec deux autres vaiffeaux de
ligne , qui l'auroient probablement pris ,
fi deux de nos vaiffeaux , l'un commandé
par le brave Lieutenant - Colonel Kyllenstierne,
& l'autre par le défunt Lieutenant
Colonel Balthafar Horn , n'avoient
pas quitté la ligne pour venir à fon ailiftance.
Ces deux braves Officiers attaquèrent
les Ruffes avec tant de vivacité
& de fuccès , que non-feulement notre
( 144 )
vaiffeau - amiral fut dégagé , mais qu'auffi
un des vaiffeaux ennemis fut coulé à fund ,
& qu'un autre , commandé par le Vice-
Amiral Berger , avec 800 hommes d'équipage
, dont il y en eut 300 de tués & de
bieffés , fut pris & mené à Hellingfors.
Après cela le combat devint général , &
continua , avec perte de beaucoup de
monde de part & d'autre , jufqu'à onze
heures du foir , & durant lequel les nôtres
fe font empare d'un vaiffeau de ligne
de quatre frégates , & de 13 moindres bâtimens
de l'ennemi , qui , à l'iffue du
combat , fe retira , pour la plupart , démâté
& défemparé dans le golfe de Revel , où
notre flotte crut ne devoir pas le pourfuivre
pendant la nuit , dans l'efpérance
de pouvoir le chercher demain depuis
Hellingfors , & de compléter fa ruine. Copendant
il manque un de nos vaiffeaux de
ligne , commandé par le Comte Wachtmeifter
: on eſpère qu'il ne fera qu'égaré ,
& qu'il reparoîtra , vu qu'on connoît le
Commandant trop brave por fe laiffer
prendre. »
« Pour célébrer cet événement , le Roi
a ordonné de chanter un Te-Deum folemnel
dans toutes les Eglifes de la Capitale.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGNE.
De Varfovie , le 27 Juillet 1788.
4
DEPUIS quelques jours , le bruit s'accrédite
qu'un terrible incendie s'eft manifefté
à Cherfon , le 11 de ce mois , & qu'il a
confumé tous les magafins de vivres & de
munitions raffemblés pour l'armée du
Prince Potemkin . Lefeu n'étoit pas éteint ,
à ce qu'on ajoute , à l'infant du départ
de l'exprès qui a apporté cette nouvelle
au Comte Potocki , Staroste de Cuzow.
Si cette perte inappréciable fe confirme ,
elle retardera fingulièrement les opérations
des Ruffes.
RUSSIE .
De Pétersbourg , le 21 Juillet.
La déclaration de guerre contro
N°. 34. 23 Août 1740,
( 146 )
Suède , a été fuivie d'une eſpèce d'avertiffement
public , inféré , par ordre de la
Cour , dans la Gazette du 11 , & dont
voici la teneur :
« Déja , depuis quelque temps , on étoit informé
ici des préparatifs de guerre que le roi de
Suède faifoit fur terre & fur mer. Mais comme
de ce côté on n'y avoit point donné le plus petit
fujet , nous ne pouvions croire que ces deffeins
hoftiles fuffent deſtinés contre nous ; lorfqu'à notre
grande furpriſe , nous apprîmes que le Roi avoit
fait fignifier au Comte de Rafoumofski , notre Miniftre
à fa Cour , l'ordre de quitter Stockholm.
S. M. Impériale fe vit dès-lors néceffitée à fe conduire
de la même manière vis-à-vis du Miniſtre
Suédois , le Baron de Nolken ; & Elle lui fit
notifier en conféquence , que fon miniſtère auprès
de la Cour de Ruffie étoit fini , & qu'il eût &
quitter les Etats dans le même efpace de temps
qui avoit été accordé par le Roi au Comte de
Rafoumofski. »
« Depuis encore , la perfidie de ce Roi & fes
deffeins hoftiles ont été en croiſſant dejour en jour,
& il les a pouffés au point que , fans fe prévaloir
d'aucuns griefs , fans déclaration de guerre préalable
,il a violé le territoire de cet Empire ; & , lemercredi
21 juin , il s'eft approché des douanes ,
frontières fituées près de Nyfslot , en a enlevé les
effets & un navire chargé de munitions de bouche ,
& autres objets , enfuite a fait avancer les troupes
contre la fortereffe de Nyfslot , dont elles ont formé
le Siége. A cette même occafion , un Officier
& deux soldats des nôtres , qui , fans être armés ,
conduifoient un détachement dans un petit corpsde-
garde , ont été encore tués par les Suédois. »
( 147 )
*
« A ces caufes , & pour repouffer une attaque
auffi inattendue de ce nouvel ennemi , il a été
donné , de notre côté , les ordres les plus précis
de commencer auffi les hoftilités par mer & par
terre. »
Le Comte de Muffin- Pufckin , chargé
en chef du commandement de l'armée de
Finlande , eft parti d'ici , le 11 , pour cette
province , & le lendemain , Son Alteffe
Impériale le Grand Duc a fuivi ce Général
. On eft fort imparfaitement inftruit
de fa compofition . S'il faut ajouter
foi aux dénombremens des Nouvelliftes ,
l'artillerie , 3000 Grenadiers , autant de
Chaffeurs , 11 régimens d'infanterie , 4 de
Cavalerie , & un détachement de Cofaques
, ont ordre d'accourir à la défenſe
des provinces qui nous touchent , & qui ,
jufqu'ici , font prefqu'à la merci des Suédois
.
Quant à notre flotte , en réuniffant
tous nos armemens aduels , elle confiftera
en 25 vaiffeaux de ligne , 13 ou 14
frégates , & une vingtaine de bâtimens armés
. C'eſt le 7 de ce mois que l'Amiral
Greigh leva l'ancre de la rade de Cronstadt :
avant fon départ , il a reçu de l'Impératrice
un préfent de 10000 roubles , & une terre
dans la Livonie , dont le revenu eft de
4500 roubles . 1
On dit que notre Cour a réclamé du
Roi de Danemarck le fecours ftipulé , à
4
gij
( 148 )
ce qu'on prétend , par le Traité d'alliance
conclu entre les deux Puiffances en 1781 ;
mais comme perfonne ne connoît les
articles de ce traité , demeuré fecret , perfonne
non plus ne fait ce qu'on entend
par ce fecours : reftera enfuite à déterminer
fi c'eft ici le cafus foederis.
SUÈDE.
De Stockholm , le 25 Juillet:
La nouvelle du combat naval de notre
efcadre contre celle de Ruffie , aux ordres
de l'Amiral Greigh , le 17 de ce inois ,
à 8 milles de Sweaborg , a été reçue
avec la plus vive alegreffe. On eft enthoufiafmé
de la conduite du Duc de Sudermanie
, & de l'intelligente bravoure des
Officiers & des équipages. Cette action
cependant nous a coûté des pertes fenfibles
dans la perfonne du Comte Balthafar
de Horn, Capitaine du Vafa de 60 canons ;
de M. de Juft, fon Capitaine en fecond ,
& d'un Officier de même rang, auffi nommé
de Horn : tous trois font morts de leurs
bleffures à Helfingfors . C'eft le Comte de
Horn qui dégagea le Duc de Sudermanie
de trois vaiffeaux Ruffes , dont entr'autres
l'Amiral de 114 canons , avec lesquels ce
Prince étoit engagé. Le vaiffeau ennemi
( 149 )
qui fe trouve entre nos mains , étoit monté
par le Contre-Amiral Berger , & par
800
hommes d'équipage . Pendant le combat ,
deux autres vaiffeaux Ruffes , à ce qu'on
prétend , amenèrent pavillon ; mais l'obfcurité
de la nuit facilita leur évafion . L'inégalité
des forces a rendu cette journée
encore plus glorieuſe pour notre flotte ,
compofée feulement de 15 vaiffeaux de
ligne & de 9 frégates , tandis que les Ruffes
avoient 17 vaiffeaux de ligne & 10 frégates
, fans compter de moindres bâtimens
. Aujourd'hui , on a célébré cet évènement
par un Te Deum chanté dans
toutes les Eglifes , & par des falves de
l'Artillerie des remparts . Nous attendons
demain une relation officielle & détaillée
du combat. - Par les derniers avis d'Helfingfors
, on apprend que Nyflor eft trèsétroitement
bloqué , & hors d'état , à ce
qu'on efpère, de faire une longue réfiftance.
Une partie de nos troupes a également environné
Wibourg , capitale de la Carélie ,
tandis que la flottille de galères & de bâtimens
plats , fortie de Sweaborg, l'entoure
du côté du golfe de Finlande . - Le Majorgénéral
d'Armfeldt s'eft emparé de la
plupart des défilés au fud de la Carélie .
La feconde eſcadre fortie de Carlſcrone
le 4 de ce mois , fous les ordres du Colonel
Engfchold , étoit compofée des vaifg
iij
( 150 )
feaux de ligne l'Enighet de 70 canons , le
Fredericus Rex de 60 , le Prince Charles
de 64 , & le Prince Frédéric- Adolphe de 64,
les frégates la Camille & le Jæger ( Chaffeur
) , & le tranfport le Soler : elle eft
arrivée à Helfingfors , où elle a débarqué
3.000 hommes.
Notre armée de terre , en temps de
paix , eft de 50,000 hommes ; les recrues
deftinées à l'augmenter au befoin , montent
au même nombre : on les exerce
dans ce moment par-tout le royaume , &
on lève encore d'autres troupes dans les
villes & à la campagne. On continue , de
faire paffer à Helfingfors des tranfports
confidérables de munitions de guerre & de
bouche .
Le Comte Rafumofski , Miniftre de
Ruffie , eft encore en cette ville, quoique
fa Cour lui ait expédié la permiffion de
partir ; le Comte de Duben , par ordre du
Roi , lui a même fignifié de nouveau de
quitter Stockholm en quatre jours ; mais
on lui a refufé les paffe- ports indéfinis qu'il
demandoit , en l'invitant à s'embarquer
fur l'yacht qu'on tenoit prêt pour le tranfporter
à Pétersbourg. Il a refufé cette offre,
en alléguant fon deffein de prendre fa route
par Helfingfors & la Finlande ; ce qui lui
a été pofitivement refufé. Cet Envoyé.
perfifte à foutenir qu'il peut faire le voyage
( 151 )
somme il lui plaît ; fans doute il ignore
que notre Miniftre à Pétersbourg a été
circonfcrit pareillement dans le choix de
fa route.
ALLEM A G N E.
De Hambourg , le 5 Août.
Le 13 de juillet , le Grand- Duc de Ruffie
eft arrivé à Wybourg , où il fe trouvera
bloqué , fi , comme on l'affure , les Suédois
entourent cette place de tous côtés .
Les régimens des Gardes qui devoient
paffer en Finlande , reftent à Pétersbourg ,
d'où l'alarme du moment ne permet pas
de les laiffer fortir. On a garni , le mieux
qu'on a pu , les poftes & les défilés. Le
Général Michelfon eft parti de Pétersbourg
pour Williamftrand , place forte fur la ri-.
vière de Woxan ; le Corps d'armée qu'il
commandera fera de 22,000 hommes. Les
Généraux Comtes de Pufckin & d'Anhalt
font allés à Reve '.
Avant la rupture , la Légation Suédoife
à Pétersbourg remit une Note au Cabinet
de Pétersbourg , explicative des trois conditions
auxquelles le Roi de Suède mettoit
la conſervation de la paix. Cette pièce
importante eft de la teneur fuivante :
« Le Roi a , pendant 17 ans de règne , donné
trop de preuves de fon amour pour la paix , & du
g iv
( 152 )
?
foin avec lequel S. M.a tâché de maintenir la bonne
harmonie avec fes voifins , pour que le Roi croye
néceffaire de manifeſter des fentimens auffi connus
& que tant d'années de repos & de tranquillité ont
juftifié aux yeux de l'univers entier. Le Roi a furtout
mis tous les efforts maintenir la paix avec
la Ruffie , que Sa Majefté trouva confervée durant
tout le règne du Roi fon père ; & , quoique cette
Puiffance donnât au Roi , dès fon avénement au
trône , les plus juftes fujets de mécontentement ,
par les intrigues réitérées qu'elle fe plaifoit d'entretenir
contre la perſonne même du Roi , comme
elle l'avoit déja fait contre la perfonne du feu Roi ,
pendant les dernières années du règne de ce Prince ,
Sa Majefté fácrifia fon jufte reffentiment à la tranquillité
publique , & crut que l'Impératrice , égarée
par des rapports faux & exagérés , éclairée par la
conduite uniforme du Roi , & ouvrant les yeux
fur fes vrais intérêts rendroit enfin juftice
aux, fentimens de Sa Majefté , & cefferoit de
vouloir porter la divifion & le trouble dans le fein
d'une nation réunie par le courage du Roi , & qui
avoit eu la noble fermeté de brifer les liens que
fes voifins étoient occupés à lui donner par le
foutien de l'anarchie & du défordre. L'époque où
la Ruffie , accablée d'une guerre onéreufe, longue
& fanglante , quoique remplie de fuccès , éprouvant
les calamités de la difette & de la pefte ,
déchirée dans fon fein par la révolte , qui menaçoit
jufqu'au trône même de l'Impératrice ; où ,
Mefcou , tremblant à l'approche du rébelle Pugaif ,
chew demandoit de prompts fecours ; & où,
pour les lui donner , l'Impératrice , forcée de dégamir
fa frontière , la laiffoit ouverte & fans défenfe
, fuivit bientôt celle où elle ne paroiffoit occu--
pée que d'ébranler le trône du Roi. Si Sa Majesté
n'eût confulté que les mêmes principes , qui dé(
153 )
terminoient les démarches du cabinet de Saint-
Pétersbourg , le Roi eût pu porter des coups funeftes
à la Ruffie , & qui euffent pu rejaillir même fur.
la perfonne de l'Impératrice. Loin de fe livrer à
des fentimens qui , par tout ce qui avoit précédé ,
euffent peut être été excufables , le Roi refta dans
une parfa te tranquillité , & eſpéra , par une conduite
auffi pure , de convaincre l'Impératrice de
fes fentimens particuliers , & des principes qu'il
s'étoit prefcrit de fuivre pendant tout le cours de
fon règne. »
« Non-content d'une conduite auffi pacifique, &
ne voulant rien négliger pour arracher jufqu'à la
moindre femence de l'animofité , que les fuccès
mêmes du Roi pouvoient avoir laiffée dans l'efprit
de l'Impératrice , & en même-temps éteindre toutes
les haines nationales , que tant de guerres
avoient allumées , Sa Majefté chercha , par une
connoiffance perfonnelle , à convaincre l'Impératrice
de fon amitié , & de fon défir de maintenir la
paix & la bonne harmonie entre fes Etats & les
fiens. Le Roi aimeroit à s'arrêter à cette époque
dont le fouvenir , encore cher à fon coeur , lui rappelle
la douce & trompeufe illufion dont il fut
pendant long-temps ébloui , & pendant laquelle il
croyoit pouvoir regarder l'Impératrice comme fon
amie perfonnelle , fi les circonftances , qui fe font
depuis développées , lui permettoient de ſe retracer
ces momens de fon règne. Le Roi en appelle à
l'Impératrice Elle- même , fi Sa Majesté n'a rien
négligé pour lui témoigner à Elle perfonnellement ,
& à l'Empire de Ruffie , la confiance & les fentimens
pacifiques & amicaux qu'il regardoit comme
utiles aux deux Empires. C'eft cependant au milieu
de ces foins , & tandis que le Roi ne ceffoir de
compter fur la conftante union qu'il avoit fi bien
établie , que le Miniftre de l'Impératrice ne cefg
v
( 154 )
foit, par fes menées fourdes , par les propos,
par fes actions , de vouloir réveiller cet efprit de
défunion & d'ana chie que le Roi avoit eu le
bonheur d'étouffer au commencement de fon règne
, & qu'alors l'impératrice avoit fomenté &
foudoyé avec t nt de foin ; & tandis que le
Comte de Rafoumo sky tâchoit ainfi de troubler
l'intérieur de l'Etat , & de changer le facré caractère
d'un Miniftre de paix en celui d'un perturbateur
du repos public , il ofoit prêter au Roi , dans
fes rapports, les deffeins les plus hoftiles contre la
Ruffie. Le Roi fe croit cependant en droit de prétendre
que les offres répétées de bons offices &
de médiation , que Sa Majeſté a fait faire par fon
Miniftre , pour établir la paix entre la Ruffie &
l'Empire Ottoman , aurcient dû convaincre l'Impératrice
des défirs du Roi de pacifier les différends
, au lieu de troubler fon repos ; mais lorſque
le Roi ne peut point connoître les fecrets du cabi
net de l'Impératrice , Sa Majefté ne peut auffi
juger que par les effets des véritables principes qui
le guident ; & lorfque le Roi a vu , d'un côté ,
les menées du Miniftre de Ruffie dans fon intérieur
, & de l'autre , les préparatifs de l'Impératrice
, fur - tout les démarches de cette Princeffe
pour femer la difcorde entre lui & un de fes voifins
( démarche que Sa Majefté fe réſerve dans
une autre occafion de reiever , ) le Roi n'a pu que
prendre les précautions que le devoir de fa place ,
fa gloire , l'intérêt de l'Etat , & la fûreté de fon
peuple exigeoient , & déployer avec la célérité
& l'énergie d'une grande Puiffance , toutes les reffources
que dix-fept ans de fa propre adminiſtra-;
tion lui ont procurées. »
«C'eft dans ces circonftances , & lorfque le Roi
comptoit s'expliquer définitivement avec l'Impératrice
, que le Comte de Raformofsky, mettant le
comble à fes démarches offenfantes dans une notc
( 155 )
miniſtérielle, conçue dans les termes les plus infidieux
, fous les apparences de l'amitié , a ofé vouloir
féparer le Roi de la nation , en a appelé à
elle , & , fous le ſpécieux prétexte de l'amitié de
l'Impératrice pour la nation , a voulu rompre les
liens facrés qui uniffent le Roi & fes fujets . Sa
Majefté a confulté ce qu'Elle fe doit à Elle- même ,
à fes peuples , à la tranquillité publique , & a
écarté de fa perfonne un particulier , qui , en abufant
du droit des gens , ceffoit d'avoir droit d'en
jouir ; & lorfque Sa Majefté , en refpectant encore
en lui le caractère dont il abufoit , a mis dans la
démarche que le Roi devoit à fa gloire , tous les
ménagemens poffibles , Sa Majesté croit avoirencore
donné une dernière preuve de fes égards
pour l'Impératrice , & du refpect que le Roi porte
au droit des gens. »
« C'eft dans ces circonftances que le Roi s'eft
rendu en Finlande à la tête de fon armée , & qu'il
demande une réponte catégorique & définitive
qui décidera de la paix ou de la guerre : & voici
à quelles conditions le Roi offre la paix à l'impératrice.
»
La fubftance des trois conditions fuivoit
ce préambule ; mais on les connoît d'une
manière plus détaillée par l'article officiel
fuivant , que la Cour de Ruffe a fait inférer
dans fa Gazette du 18 juillet.
« Le Roi de Suède , après avoir rompu , par
les hoftilités effectives commencées de fon côté
la paix qui avoit fubfifté juſqu'ci entre l'Empire
de Ruffie & la couronne de Suède , envoya à
la Légation qui avoit réfidé ici de fa part , une
note pour la remettre au Miniſtère Impérial de
Ruffie. Dans cette note , ledit Roi allègue plu-
Beurs motifs peu convenables & faux , qui l'e
6 V)
( 156 )
.
roient néceffité à faire des armemens pour une
guerre; & il finit par propofer des conditions ,
auxquelles il défire que la paix foit rétablie. Ces
conditions font les fuivantes ; »
"
« I. Que le Comte de Rafumofsky , Miniſtre de
» l'Impératrice , foit puni exemplairement , pour
» avoir employé en Suède toute forte de moyens
» illicites , à l'effet de troubler l'amitié , la con-
» fiance & la bonne intelligence ; & ce afia que
" cet exemple ferve à empêcher d'autres de fe
» mêler jamais dans les affaires domeftiques d'un
" Royaume independant,
*
« II. Que, pour dédommagement des frais de
» la guerre , S. M. Impéria e cède à perpétuité au
» Roi toute la partie de la Finlande & de la
» Carélie , avec le Gouvernement & la ville de
Kexholm , tels que ces pays ont été abandon-
» nés à la Rullie par les Tranés de paix de Nyfladt
» & d'Abo , & que Sufterbeck faffe déformais la
» frontière. "
« III . Que S. M. Impériale accepte la média-
» tion du Roi de Suède , pour effectuer la paix
» avec la Porte-Ottomane , & qu'Elle autorife le
» Roi à propofer à la Porte la ceffion abfolue de
» la Crimée , & la démarcation des limites con-
" formément au traité de paix de 1774 Qu'au
» cas que le Roi ne pût engager la Porte à faire la
» paix à ces conditions , il feroit proposé à cette
» dernière de régler les limites telles qu'elles
» étoient avant la guerre de 1768. Enfin que , pour
» fûreté de ces facrifices , Sa Majefté Impériale
» défarmeroit fa flotte , qu'Elle rappelleroit de la
-
Baltique les vaiffeaux qu'Elle y avoit envoyés ,
"
ainfi que fes troupes
des Provinces
nouvellement
» conquifes ; & qu'Elle confentiroit à ce que le
Roi de Suède reftât fous les armes jufqu'à la
conclufion de la paix entre la Ruffie & la Porte. »
( 157 )
3
Ala fin de la note , il étoit ajouté que le Roi de
Suède attendoit oui ou non pour réponſe , & qu'il
ne rabattroit rien de ces conditions. »
» On laffe au monde impartial & éclairé à juger
de la valeur de propofitions pareilles . En attendant
, par ordre de Sa Majesté Impériale , il fut
fignifié par le Général en chef , Comte de Bruce ,
Commandant en cette réfidence , au fieur Schlaf,
qui a fait les fonctions de Secrétaire près la Légation
Suédoife , & qui avoit remis la note fufdite ,
» qu'il eût à quitter le plus tôt poffible , avec toute
» la Légation , ainfi que les Courriers que fa Cour
» lui avoit envoyés , cette réfidence & les fron-
» tières de l'Empire de Ruffie. »
Les efprits s'échauffent en Pologne
de plus en plus. Il circule à Varfovie un
écrit , par lequel la Nation eft exhortée ,
dans des termes très- énergiques , à fecouer
enfin le joug étranger , & à fe procurer
la liberté dont la Pologne jouiffoit avant
l'époque malheureufe de 1764. Le Miniftre
d'une grande Puiffance a fait ache-.
ter tout ce qu'il a pu trouver d'exemplaires
de ce manufcrit , & les a brûlés . Voici
un paffage de cet écrit : « Depuis 1764
» nous fomnes devenus le jouet de nos
1
voifins puiffans ; on nous a donné un
» Roi à main armée ; on s'eft mêlé de nos
» conteftations , qui auroient été apla-
» nies fans aucune intervention étrangère ;
» on parcourut notre pays avec des ar-
» mes ; on le dévafta comme on voulut ;
on affomma nos fils ; on traîna en cap(
158 )
» tivité ceux qui s'étoient dévoués géné-
" reuſement à la caufe publique ; on s'em-
» para de nos meilleures provinces, fans
» nous demander notre conlentement. O
Polonois , qui êtes nés libres ! que n'a- t-on
pas fait avec vous , & que ne fera-t-on pas
» de vous fi vous vous tailez , fi vous fouf-
» frez plus long-temps un esclavage honteux
! Si le boulevart de notre liberté
» mourante s'écroule , s'il arrive que nos
" bons voifins , du côté du Sud , foient
» affoiblis davantage , alors on nous char-
" gera de ces chaînes énormes que l'on
» nous montre de loin , &c. »
De Vienne , le 21 Août. *
Deux Bulletins , conformes aux précé
dens , forment toutes les nouvelles du moment.
Voici le précis de ces Supplémens
officiels .
Du 30juillet.
Corps combiné près de Choczim.
« Le Colone Fil reçut ordre , le 17 , de faire -
occuper le village de Rumla ; il y envoya un piquet
dans la nuit : le lendemain matin , les Turcs ,
qui étoient cachés dans les jardins , attaquèrent ce
piquet , & le forcèrent de fe replier dans la partie
inférieure ; l'attaque fut renouvelée à l'arrivée
d'un renfort , & l'ennemi repouffé & poursuivi
jufqu'aux paliffades. Nous avons eu à cette occas
fion 14 tués & 17 bleffés. Le 18 , on commença
à faire jouer fur Chocz m les batteries de Braha ,
où se trouvent 12 pièces de canon ; on continua
( 159 )
1
He feu dans la nuit du 19 , qui fut dirigé princi
palement fur le faubourg de Conftantinople &
le camp ennemi . »
« Corps d'armée dans la Croatie ,, сатр de
Czerowliani , le 18 juillet.
« Une indifpofition furvenue au Prince de Lic-
Beinftein , l'a obligé de remettre , juſqu'à ſon rétabliffement
, le commandement du corps d'armée
au Lieutenant-Généra! Baron de Vify : il s'eft fait
tranfporter le 18 au foir à Pétrinia . »
Corps d'armée dans le Bannat , camp de Méhadia ,
le 18 juillet. "
« Sur l'avis que l'on a reçu que les Habitans de
l'île de Kifutova conftruifoient des bateaux pour
l'ennemi , avec lequel ils font en bonne intelligence,
on y détacha , le 12 de ce mois , des troupes , qui
détruifirent 26 bateaux , & emmenèrent comme
prifonniers 109 Habitans , dont la plupart avoient
des armes. »
Corps d'armée dans la Tranfylvanie , à Hermanf
21 juillet. » sade
«Un corps ennemi de 2000 hommes fe fit voir ,
le 12 de ce mois , du côté d'Okna ; il avança fur 3
colonnes , & attaqua la redoute établie par le Col.
Horwath , & défendue par le Major Hegycafi :
l'action dura plus de trois heures ; mais l'ennemi
ne put rien gagner , & fe retira dans le village de
Komanieft.
ر د
Quartier général de Semlin , le 24juillet.
« Dans la nuit du 21 au 22 , une partie de la
garnifon de Belgrade , tant d'infanterie que de
cavalerie , fe rendit à la pointe de la Save , débarqua
de notre côté , & fe pofta derrière le rofeaux
& autres brouffailles. Nos poftes avancés
s'en étant aperçus commencèrent à faire feu 2
( 160 ).
& fe replièrent pour fe fouftraire aux canons de
cette fortereffe , qui jouèrent fans ceffe. Les Spahis
les pourfuivirent ; mais ils fe retirèrent auffitôt
qu'ils fe virent expófés au feu de nos batteries.
Unc kure après , l'ennemi reparut , & fondit avec
impétuefité fur notre piquet le plus avancé , qui
fe défendit avec valeur ; un renfort que le Général
de Denekein hui envoya , força enfin les Turcs à
fe retirer. Notre perte à cette occafion , confifte
en 52 tués ; les bleffés font au nombre de 17 :
l'ennemi a emporté ſes tués & bleffés . — Le Major
Mhialiewich , commandant le corps- franc de
Servié , fe rendit avec fa troupe , dans la nuit da
18 au 19 de ce mois , à la palanque appelée Haſſan-
Balla Palanka , fituée à dix milles environ audeffous
de Belgrade. A fon approche , la garnifon
abandonna ce fort & prit la fuite : on la pourſuivit
pendant quelque temps . On a trouvé dans cette
palanque beaucoup de vivres , de bétail & d'argent;
le Commandant des volontaires en fit emporter
tout, ce qu'il put , & mettre enfuite le feu
à ce fort ; il arriva le 21 avec cg batin à Balefch .
Bulletin du 2 Avût.
Du Corps d'armée dans la Tranfylvanie , le 22 juillet.
Le 14 de ce mois les Turcs , au nombre de
1000, attaquèrent , à plufieurs repriſes , le détachement
que le Colonel Horwath avoit envoyé à
Gröfeft; mais ils furent repouffés & pourfuivis
au- delà de Goneft avec une perte confidérable ..
Le 16 ils renouvelèrent l'attaque , étant renforcés
jufqu'à 5000 hommes ; la divifion du Capitaine
Huebor fut obligée de fe retirer derrière
la montagne , & l'ennemi , quoique repouffé deux
fois par le Colonel Horwath , pénétra jufqu'à notre
camp , & prit deux pièces de canon ; mais enfin
on le chargea pour la troifième fois avec tant de
vigueur qu'il fut mis en déroute ; on lui reprit les
( 161 )
canons. Le Colonel Horwath a changé fon camp ,
& l'a porté à Gylkos : nous avons eu à cette occafion
55 tués , dont un Officier , & 16 bleſſés.
Du Corps d'armée dans la Croatie , camp de
Czerowliani , le 24 juillet.
Le 22 juillet on vit défiler du camp de Dubitza
environ 3000 Turcs vers l'Unna; une partie
traverſa cette rivière , & le refte ſe poſta au bord.
La grande fupériorité de l'ennemi fit replier nos
poftes avancés ; mais il ne put point approcher
davantage : le feu de nos batteriee l'en empêcha ;
il repaffa la rivière , retourna dans fon camp : à cette
occafion un Lieutenant & 6 foldats de l'avant- pofte
furent tués ; l'ennemi a emporté fes tués &
bleffés. »
Du Corps d'armée combiné près de Choczim , le
24 juillet.
« Dans la nuit du 21 de ce mois , on fit jouer
trois batteries fur la fortereffe de Choczim , avec
la plus grande vivacité jufqu'au point du jour : on
continua ce feu la nuit fuivante ; les batteries de
Braha gagnèrent les rues de la place & le camp
de l'ennemi , qui , de la Palanque , le transféra
fur les glacis de la porte de Jaffy . On recommença ,
dans la nuit du 22 au 23 , à faire jouer cinq batteries
& celles de Braha : une bombe mit le feu à une
mraifon dans la fortereffe ; pour empêcher leshabitans
de l'éteindre , on continua de diriger les
bombes fur la même place , ce qui produifit l'effet
que toute la partie fupérieure de la fortereffe , le
grand magafin , l'arfenal , un moulin , furent téduits
en cendre. Le 23 , les batteries de Braha
jouerent fans ceffe , & empêchètent la garnifon
de rétablir les ouvrages ruinés , & de fe fervir
de fon artillerie : le feu des cinq batteries fut continué
pendant la nuit du 23 au 24. »
( 162 )
De Francfortfur-le-Mein, le 9 Août,
Le document d'où nous avons tiré le
tableau de la Marine Suédoife, nous fournit
celui de la Marine Danoife , compofée
actuellement des bâtimens dont voici la
lifte :
Vaiffeaux de ligne conftruits depuis 1758 juf
qu'en 1772 , par le conftructeur en chef, M. Krabbé
1 Chriftan VII , 90 cánons.
2 Pragtige, 80.
3 Jutlande , 70.
4 Prince Frédérich , 70.
5 Norske Love , 79.
6 Orefund , 70.
7 Elephanten , 70.
8 Wagrien, 64 , fini par M. Gefner.
9 Sophia Magdalena , 60
10 Wilhelmina Carolina, 60.
11 Holflein , 60 , fini par M. Gefner.
12 Danebrog, 60 , idem.
13 Mars , 50.
Vaiffeaux de ligne conftruits depuis 1772 i
jufqu'en 1787 , par le Commandeur Gefner.
14 Sophia Frederica , 74.
15 Juftitia, 74.
16 Kronpring Friderich , 74.
17 Erfpring Friderich , 74.
18 Nordfliernen , 74.
19 Fyen , 74.
20 Scelande , 74.
21 Infoedfretten , 64.
22 Oldenburg , 64,
23 Ditmarfchen , 64..
( 163 )
24 Mars , 64.
25 Louifa Augufta , 64.

Frégates de la conſtruc. de Krabbé.
1 Perlen , 34 , finie par M. Gefner.
2 Falster, 30.
3 Havfruen , 30.
4 Chriftianfon , 30 .
5 Chriftiansborg, 24 .
6 Tranquebar, 20.
7 Alfan , 20.
8 Farci, 20.
9 Samfen, 20.
10 Chriftiania , 20.
11 Sverudden , 18 .
12 Langelande , 18.
Frégates de la conſtruction de Gefner.
13 Pommern , 42 .
14 Difco , 42 .
15 Frederichfvaern , 36.
16 Store Belz, 36.
17 Cronborg, 36.
18 Saint-Thomas , 36.
19 Moen , 36.
20 Kiel , 36.
21 Bornholn , 36.
22 Hwite Oern , 24.
En ajoutant à cet état 4 hourques ,
neuf chaloupes bombardières de 16 can .
chacune , deux galères & trois fenauts ,
on aura la totalité de la flotte Danoife.
On n'a fait mention d'aucun des vieux
vaiffeaux conftruits avant l'année 1758 ;
cette claffe de navires , portée ſur l'état
que nous avons donné de la Marine,
( 164 )
Suédoife , éleveroit celle de Danemarck
à 38 vaiffeaux de ligne ; c'eft la plus confiderable
de la Baltique on verra par la
fuite que celle de Ruffie n'eft que de
33 vaiffeaux de ligne . On connoît l'excellence
des Officiers & des Matelots
Danois ; ils ne le cèdent pas aux Marins
les plus expérimentés : la conftitutión &
les réglemens de l'Amirauté font peutêtre
les plus fages que l'on ait en Europe ;
pour en faire l'éloge , il fuffit de dire ,
qu'à beaucoup d'égards , ils ont fervi de
modèle à ceux de la Marine Angloife.
Parfemé d'lfles , & ayant des côtes fort
étendues , le Danemarck a été & fera
toujours une grande pépinière de gens
de mer. La Suède n'a pas cet avantage
au même degré ; mais elle l'emporte de
beaucoup à cet égard fur la Ruffie , dont
la navigation eft reftreinte au golfe de
Finlande , & dont la plupart des Matelotsfont
des payfans .
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 12 Août.
L'attention publique , abſorbée dernièrement
dans les débats de l'Ele&tion de
Weftminster , fe porte aujourd'hui fur l'état
politique du Continent. On paroît
craindre qu'il ne nous entraîne dans
( 165 )
les troubles dont le Nord eft agité , &
les difpofitions générales ne font pas en
faveur de la Ruffie : du moins , la pluralité
des papiers publics , échos de l'opinion &
quelquefois fes guides , ont voué leurs paragraphes
aux intérêts de les ennemis ; intérêts
qu'ils prétendent être ceux de la
Nation. Les Courriers de Cabinets fe fuccèdent
rapidement depuis quelques jours .
Dimanche dernier , il en arriva un de Berlin
, qui , prefque fans débotter , porta fes
dépêches au Roi à Cheltenham. A fon retour
, le Confeil fut affemblé , & l'Exprès
renvoyé à Berlin . On affure qu'un autre
Courrier eft parti du Bureau du Marquis
de Carmarthen pour Caffel , avec la demande
au Landgrave de tenir fes troupes
auxiliaires prêtes à fe rendre à Hanovre au
premier avis. On parle auffi de conférences
fecrètes tenues à la Haye entre le
Prince d'Orange , le Chevalier Harris , &
les Miniftres de Pruffe & de Suède.
Le Roi a nommé fon Envoyé extraor
dinaire à Berlin , M. John Ewart , ci-de
vant Secrétaire de Légation auprès de la
même Cour .
Le Bureau de l'Amirauté , auquel Mie
lord Chatham a préfidé la femaine dernière
, pour la première fois , a renouvelé
la défenſe d'équiper dans la Tamiſe , ou
dans aucun port quelconque de la Grande(
166 )
Bretagne , des vaiffeaux , corfaires ou lettres
de marque , pour aucune Puiffance
étrangère.
On prépare au Bureau de Lord Sydney
des dépêches à Lord Cornwallis , qui feront
portées dans le Bengale par la frégate le
Mercure , Capitaine Montgomerie , qu'on
équipe en diligence
On arme à Portſmouth les vaiffeaux
de guerre le Gorgon & le Shaerne de
44 canons , deftinés à tranſporter les criminels
à Botany-Bay. Il en fera embarqué
cinq cents fur chaque vaiffeau , fi toutefois
des frégates de cette force doivent
être employées à une pareille deſtination .
L'Adventure de 44 , qui a été caréné à
Portſmouth , eft fur le point de mettre à
la voile pour la côte d'Afrique , avec des
préfens de petite quincaillerie pour différens
Princes ou Caciques de la contrée.
er
On a rendu public l'état complet, envoyé
au nouveau Bureau de l'Amirauté , des
différens chantiers de Plymouth , Portf
mouth , Sheerneff , Chatham , Woolwich
& Deptford , au 1. août. Cet état comprend
non - feulement les vaiffeaux en ordinaire
, mais encore ceux qui font en commiffion
, en conftruction , en réparation , &
capables de fervir dans chaque port.
A Plymouth.
En ordinaire, 35 vaiffeaux de ligne , un de so ,
( 167
dix frégates & 6 corvettes. L'augmentation dans
les vaiffeaux en ordinaire , depuis le dernier état ,
eſt d'un vaiffeau de 98 canons ( le Glory ) , lancé
dans ce port le 5 juillet dernier.
En conftruction , le Cæfar , de 80. On en prépare
un autre .
En réparation , 3 vaiffeaux de ligne , une frégate.
En commiffion , un de 90 , cinq de 74 , un de
64, & trois frégates.
En état de fervir , 20 vaiffeaux de ligne , un
de 50 , cinq frégates & trois corvettes.
A Portsmouth.
En ordinaire , 46 vaiffeaux de ligne , un de 50 ,
28 frégates , 12 corvettes & un cutter.
Enconftruction, un de 98. On prépare des formes
pour un vaiffeau de 90 & une frégate.
En réparation , de 74 , un de 44.
En commiffion , un de 98 , fix de 74 , un de
44 & cinq frégates.
En état de fervir , 34 vaiffeaux de ligne, 17
frégates ; 8 corvettes.
A Chatham.
En ordinaire , 37 vaiffeaux de ligne , 7 de 50
canons , 25 frégates , 3 corvettes & 2 cutters .
Augmentation dans les vaiffeaux en ordinaire
Suffolk de 74 , arrivé de Plimouth dans ce port
pour y être réparé.
En conftruction , 2 vaiffeaux de 110 canons &
un de 74.
>
En réparation , 3 vaiffeaux de ligne , un de 50
& 2 frégates.
En état de fervir , 24 vaiffeaux de ligne ,
de 50 , 17 frégates & 2 corvettes.
"En commifion , aucun dans cep
A Sheerne
port.
1
En ordinaire, 9 vaiffeaux de ligne , 2 de 50
( 168 )

canons , 4 frégates , corvettes , 2 cutters .
En confiruction , un vaiffeau de 50 , ( le Léopard. )
En réparation , un vaiffeau de 50 & une frégate.
En état de fervir , 8 vaifleaux de ligne , un de
50 , 4 frégates , 3 corvettes.
En commiffion , 2 de ligne comme vaiffeaux
de garde.
A Woolwich.
En ordinaire , un vaiffeau de ligne , un de 50 ,
16 frégates , 4 corvettes .
Augmentation dans les va ffeaux en ordinaire , le
Prince de go , lancé le 4 juillet."
En conftruction , un de 98 & un de 74.
En réparation , un de 50 , un de 44 & un de 16.
En état de fervir , un de 90 , 11 frégates , 2
corvettes.
En commiffion, un de 28 , & un de 16.
A Deptford.

En ordinaire , 17 frégates , 7 corvettes , un cutter .
En conftruct on un de 98 , un de 74. ,
En réparation , un de 44 , un de 32.
En état de fervir , 12 frégates de 44 à 28 ,
4 corvettes.
N. B. Les vaiffeaux qui ont befoin d'être réparés
, font compris fous la dénomination générale
de vaiffeaux en ordinaire.
On prépare dans les différens chantiers onze
formes en tout , dont fix pour recevoir des vaiffeaux
de ligne , & cinq pour des corvettes.
Cette lifte comprend les vaiffeaux de ligne qui
croifoient avec l'Amiral Gower , qui font fous les
différentes dénominations de vaiffeaux en commiffion
, & employés actuellement comme vaiffeaux
de garde dans les différens ports,
La dernière preuve de gratitude nationale
que les habitans de Weftminſter , ou
plutôt les Chefs de parti qui les dirigent ,
ont
( 169 )
ont donnée à Lord Hood , en l'excluant du
Parlement , a laiffé un profond reffentiment.
Les partifans de cet habile Amiral
fe font affemblés au nombre de 860 , &
ont formé un Club conftitutionnel , fous
la préfidence de Lord Belgrave. On y a pris
divers arrêtés ; & parmi les voeux folennels
qu'on y a faits , le verre à la main , on
diftingue celui- ci , qui peut fervir de maxime
fondamentale dans un Etat Républi
cain. PUISSE AUCUN CITOYEN N'ÊTRE
JAMAISÉLEVÉ A UN EMPLOI PUBLIC ,
SANS AVOIR EN SA FAVEUR UN CARACTÈRE
CONNU DE VERTU PRIVÉE !
Surement le Parlement s'occupera des
violences inouies qui ont accompagné &
décidé la dernière Election. On ne peut
plus en révoquer en doute l'authenticité :
M. Horne-Tooke , à la fuite d'une lettre
très- énergique , adreffée à Lord John
Townshend , a publié la lifte de deux cent
foixante perfonnes tuées ou bleffées
pendant l'Election , avec la fignature des
Chirurgiens des divers Hôpitaux où ces
victimes ont été reçues . M. Horne - Tooke
invite le nouveau Repréfentant de Weftminſter
, à nommer au Public ceux de
fes partifans qui peuvent appartenir à ce
dénombrement , qu'il dit encore fort incomplet.
M. Fox eft fèvèrement traité
dans cette lettre qui lui étoit deftinée
No. 34. 23 Août 1788.
( 170 )
mais que fon abfence a fait adreffer à
fon ami Lord Townshend. M. Fox eft
parti pour la Suiffe avec Miftreff Armstead.
Les Directeurs de la Compagnie des
Indes ont freté , le 6 , pour le ſervice de
l'année courante , 32 vaiffeaux , dont une
grande partie pafferont à la Chine , & les
autres au Bengale , à la côte de Coromandel
, Bombay & Bencoolen : la plupart
de ces bâtimens font du port de 800
à 1100 tonneaux .
Les Commiffaires chargés du rachat
de la dette Nationale , ont amorti , depuis
leur nomination jufqu'au 31 juillet dernier
, 2,874,150 liv . fterl. de divers fonds
publics ( environ 69 millions tournois ) .
Le revenu des Douanes & de l'Accife
furpaffe confidérablement celui de l'année
dernière : on publie chaque femaine cet état
comparatif; celui de la femaine précédente
offre un produit de
La même femaine , en 1787,
ne rendit
que
·
Accroiffement pour cette
année .
422,647 1. ft .
258,878
164,000 l. ft .
Les derniers mois ont préfenté la même
progreffion.
Les a&ions de la Banque ont hauffé
confidérablement fur la place , par la
concurrence d'un grand nombre d'ache-
)
( 171 )
teurs , jaloux d'avoir de ces aâions en affez
grande quantité pour jouir du droit
d'affifter à l'affemblée qui doit vérifier les
comptes du Comité fecret des Directeurs .
On s'attend qu'il en résultera un nouvel
accroiffement de dividende celui que
paie la Banque aujourd'hui , ne forme
pas , à ce qu'on affure , une fomme fupérieure
à 500,000 liv . fterl.; tandis que
les revenus fixes & les bénéfices de cette
Compagnie s'élèvent, par an , à 990,000 1 .
fterl.
,
Le Commerce des Pelleteries entre les
ifles & les côtes Américaines de la Mer
du Sud & la Chine entrepris depuis
la publication des Voyages du Capitaine
Cook , par des Armateurs Anglois , a eu
d'heureux fuccès , s'il faut s'en rapporter
à la lettre fuivante , d'un Officier du navire
la Reiné- Charlotte , datée de Canton , le-
14 janvier dernier , & apportée par le
Hawke , vaiffeau de la Compagnie des
Indes.
"
« Nous fommes arrivés heureufement dans ce
port , après une traverfée de 27 mois. Le Roi
George y a auffi jeté l'ancre quelques jours après
nous tout fon équipage étant en bon état. Notre
voyage a été très-heureux , & nous avons raſſemblé
une grande quantité de fourrures & fait plufieurs
découvertes , entre autres celle d'une ifle étendue
que notre Capit. a nommée l'ifle de la Reine- Charlotte
, & dont il a pris poffeffion au nom du Roi
George. On tirera le parti le plus avantageux de
hij
( 172 )
la découverte de cete ifle , attendu que les naturels
nous ont reçus avec tous les témoignages poffibles
d'amitié , & qu'ils nous ont apporté une quantité
confidérable de pelleteries . "
" « Au mois d'Août dernier nous avons rencontré
le Prince de Galles , Capitaine Cornet , & la
Princeffe Royale , Capitaine Duncan , dont les équipages
jouifloint d'une fort bonne fanté. Le fière
du propriétaire de notre bâtiment étoit à bord d'un
de ces vaiffeaux ; ils avoient fait un voyage avantageux
, & fe propofoient de fe rendre à la Chine
Cette année ; mais comme le Roi George & notre
vaiffeau en revenoient , ils ſe font déterminés à attendre
une autre faifon , & ils hiverneront à l'ifle
de la Reine Charlotte. Le Capitaine Dixon leur a
fait part de toutes fes découvertes , dont ils tireront
un parti avantageux , attendu que nous
avions pris des arrangemens avec tous les chefs ,
pour qu'ils nous formaffent une cargaison de fourrures.
A notre retour , nous nous propofons d'embarquer
ici du thé & de la porcelaine , mais nous
ne ferons de retour en Angleterre qu'à la fin de
l'année. »
Cette lettre nous ramène à l'extrait
de la vie du Capitaine Cook , dont nous
avons préfenté quelques fragmens : en
voici la fuite , que nous terminerons dans
huit jours (1).
Au commencement de 1763 , après la conclufion
de la paix avec la France & l'Eſpagne , il
fut décidé que le Capitaine Graves retourneroit
(1) Cet ouvrage fe traduit en France , & fe
vendra Hôtel de Thou rue des Poitevins : circonftance
qui nous a déterminé à limiter l'étendue
de ces extraits.
( 173 )
à Terre-Neuve . Ce Commandant obtint des for
ces militaires pour la défenfe des côtes de cette iſle,
& M. Cook lui parut un homme effentiel à l'exècution
de fon plan. Il lui fit des propofitions , qu'il
eut la fageffe d'accepter. Cook fuivit ce Capitaine
en qualité d'infpecteur , & fut d'abord employe
dans les ifles de Miquelon & de Saint - Pierre
cédées àla France par le traité de paix . Sir Hugh Pal
lifer, fon ancien prosecteur & fon fidèle ami, ayant
été nommé , au commencement de 1764 , Gou
verneur & Commodore de Terre-Neuve & de
Labrador , il s'eftima heareux de pouvoir l'em
mener avec lui. Les cartes des côtes de cette partie
de l'Amérique feptentrionale étoient très-fauti
ves ; l'intérêt du commerce & de la navigation
exige it abfolument qu'on en drefsât de plus correctes
: en conféquence M. Cook fut nommé , le 18
Avril 1764 , Infpecteur de Marine de Terre-Neuve
& de Labrador , fous les ordres du Commodore
Pallifer, & on lui donna le Schooner le Grenville.
Les Marins inftruits favent comment il s'acquitta
de fa miffion ; ils font également d accord fur le
mérite des cartes qu'il publia dans la fulte : leur
précifion donna la plus haute idée de fes talens ;
elles fervirent même , au cabinet de Saint James ,
à regler , dans la dernière paix , les articles relatifs
à Terre -Neuve. M. Cook examina l'intérieur
du pays , & en prit connoiffance d'une manière
beaucoup plus complette qu'on ne l'avoit fait avant
Jui Ayant pouffé plus avant que performe dans
les terres , il y découvrit de grands lacs qui font
indiqués für fa carte générale. Il paroît avoir été
conftamment employé à ce travail jufqu'en
1767 , fauf quelques voyag s en Angleterre, où
il venoit paffer la mauvaife faifon. Nous ne devons
pas pafler fous filence que , tandis qu'il étoit
Infpecteur de Marine , il eut occafion de donner.
hij
( 174 )
à la Société royale des preuves de fes progrès en
aftronomie. »
« Il inféra dans le cinquante-feptième volume
des Tranfactions Philofophiques , un petit écrit fous
le titre , d'Obfervation d'une Eclipfe de Soleil dans
Pifle de Terre- Neuve , le s Août 1766 , avec la
longitude du lieu de l'obfervation déduite de cette
Eclipfe. Cette cbfervation fut faite dans une des
ifles de Burgeo , près du Cap Ray , latitude 47 °
36' 19" à la pointe fud - ouest de Terre-Neuve .
Il parcit , par les pages 2 , 15 & 216 du LVII vɔ-
Jume des Tranfactions Philofophiques , que notre
célèbre . Navigateur paffoit déja pour un habile Mathématicien.
n
« Loriqu'il fut queftion d'envoyer un vaiffeau
dans la mer du Sud pour obferver le paffage de
Vénus for le difque du foleil , en 1769 , on jera
d'abord les y ux fur M. Dalrymple , Membre diftingué
de la Société Royale , & qui indépendamment
de fes co noiffances en aftronomie , s'étoit.
fait connoître avantageufement par des recherches
géographiques fur les mers du fud , & par une
collection des différens voyages dans cette partie
du monde . Mis M. Dali mple fentant la difficulté
, ou, pour mieux dire , l'impoffibilité de
conduire à travers des mers inconnues un vaiffeau
dont l'équipage ne feroit pas affujetti à la difcipline
militaire , mit pour condition à fon départ qu'on
lui donneroit un brevet de Capitaine , comme on
en avoit donné un au Docteur Halley , dans fon
expédition pour fixer la déclinaifon de l'aiguille
aimantée. Edward Hawke , alors à la tête de l'Amirauté
, Officier plus marin que favant , fe refufa
abſolument à cette demande : il dit en plein Bureau,
que fa confcience lui défendoit de confer un vaiffeau
de Sa Majesté à un homme qui n'avoit point
été élevé & formé fur mer . Comme on infiſtoit ,
( 175 )
il déclara qu'il fe laifferoit plus tôt couper la mainque
de figner une pareille commiffion . Son obftination
étoit en quelque manière justifiée par l'infubordination
de l'équipage d'Halley , qui avoit
refufé de reconnoîte Pau orité légale de fon Commandant
, en le compromettant dans une difpute
dont les fuites s'étoient trouvées réellement dangereufes.
De fon côté , M. Dalrymple n'étoit
pas moins inflexible dans fes demandes : tel étoit
l'état des chofes quand M. Stephens , Secrétaire
de l'Amirauté , à qui fa fagncité & fa longue expérlence
donnoient le droit d'être écouté , fit obferver
au Bureau que Sir Edward-Hawke , & M.
Dlrymple tenant également à leur opinion , il n'y
avoit plus d'autre reffource que de trouver une
autre perfonne capable de remplir cette miffion .
Il dit qu'il connoifloit un M. Cook, employé autrefois
en qualité d'Infpecteur de la Marine à Terre-
Neuve , qui avoit monté de grade en grade fur le
vaiffeau où il fe trouvoit maître d'équipage , &
qu'il le jugeoit très- en état de diriger l'entreprife
dont il s'agilloit. M. Stephens confeilla en
même-temps au Bureau de prendre l'avis de Sir
Hugh Pall fer , qui ne faifoit que de quitter le
Gouvernement de Terre- Neuve , & connoiffoit
parfaitement le caractère de M. Cook, Sir Hugh,
charné de fervir fon ami , en faifit avec empreffement
l'occafion . Il fortifia de tout fon pouvoir
la recommandation de M. Stephens , & ajouta en
faveur de M. Cook beaucoup de chofes également
flattenfes pour fon caractère & ſes talens. En conféquence
, M. Cook fut nommé Commandant de
l'expédition par les Lords de l'Amirauté , &
nommé au grade de Lieutenant de Vaiffeau de Roi
par un brevet en date du 25 mai 1768. »
-
( La fuite au Journal fuivant. )
hiv
( 176)
FRANCE,
De Versailles , le iz Août.
Ambaf- Le Marquis de la Luzerne
fadeur du Roi près le Roi de la Grande-
Bretagne , qui eft de retour par congé ,
a eu , à fon arrivée ici , l'honneur d'être
préfenté à S. M. par le Comte de Montmorin
, Miniftre & Secrétaire d'Etat
ayant le département des Affaires Etrangères.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Valence
l'Abbé de Meffey , Vicaire - général d'Aix ;
à l'Abbaye féculière du Chapitre Noble
d'Epinal , Diocèfe de S. Diez , la Dame
de Gourcy , Doyenne du même Chapitre ;
& à l'Abbaye régulière de Saint - Jean- des-
Choux , Ordre de S. Benoît , Diocèfe de
Strafbourg , la Dame Holder , Religieufe
profeffe de la même Abbaye.
Mouhammed- Derviche-Khan , Akbar-
Aly Khan , & Mouhammed-Ofman-Khan ,
Ambaffadeurs du Nabab Tipou , Sultan
Bahadour , ont eu , le 10 de ce mois
une audience publique du Roi . Ils font
partis , à 11 heures du matin , du Château
du Grand-Trianon , où ils avoient couché .
Ils font entrés par la grande grille , dans
la cour des Miniftres , où la garde mon(
177 )
tante &la garde defcendante des Régimens
des Gardes - Françoifes & des Gardes-
Suiffes étoient fous les armes,les tambours
battant l'appel. Defcendus de leurs voitures
dans la cour des Princes , garnie
d'un détachement des Gardes de la Prévôté
de l'Hôtel , le fieur Delaunay , Commiffaire
général de la Marine , les a conduits
par l'efcalier des Princes & la falle des
Cent-Suiffes , qui étoient en haie , la
hallebarde à la main , dans un appartement
particulier , pour y attendre le
moment où le Roi feroit prêt à les
recevoir.
Sa Majefté, accompagnée de Monfieur ,
de Monfeigneur Comte d'Artois , de Son
Alteffe Royale Monfeigneur le Duc d'Angoulême
, du Prince de Condé , du Duc
de Bourbon , du Duc d'Enghien & du
Prince de Conti , s'eft rendue dans le
fallon d'Hercule , que l'on avoit décoré
& difpofé pour la cérémonie,
Le Trône étoit placé fur une eftrade
élevée de huit marches , & adoffée à la
cheminée. L'on avoit conftruit deux tribunes
dans l'embra ure des portes : le
refte du fallon étoit garni de gradins pour
les Seigneurs & les Dames de la Cour.
La Reine avoit précédé le Roi , & s'étoit
placée , avec Monfeigneur le Duc de Normandie
, & Madame , Fille du Roi , dans
h v
( 178 )
la tribune à gauche ; celle à droite étoit
occupée par Madame , Madame Comteffe
d'Artois & Madame Elifabeth de France .
Aux deux côtés du Trône étoient Monfieur
& Monfeigneur Comte d'Artois ;
en avant , à droite & à gauche , les Princes ;
derrière le Trône , les Grands - Officiers
de Sa Majefté ; & , fur le repos , entre
les cinq premières marches & les trois
dernières de l'eftrade , les Miniftres &
Secrétaires d'Etat. "
Le Roi, étant monté fur fon Trône , a
donné ordre aux Officiers des cérémonies
d'aller chercher les Ambaffadeers Indiens ,
lefquels ont traverfé , dans l'ordre fuivant ,
la grande falle des Garde - du - Corps du
Roi , qui étoient en haie , & fous les
armes , l'appartement de la Reine , la
galerie & les grands appartemens , remplis
de fpe&tateurs , placés avec tant d'ordre ,
que la marche des Ambaffadeurs & de
leur cortège n'en a point été embarralfée.
Les Ambaffadeurs marchoient fur la
même ligne , ayant à leur droite le fieur
de Nantouillet , Maître des cérémonies , à
leur gauche , le fieur de Watronville
Aide des cérémonies. Ils étoient précédés ·
par le fieur Delaunay, le fieur Ruffin ,
Secrétaire - interprête du Roi , le fieur
Pivron de Morlate , chargé de les accom(
179 )
pagner , le fieur Dubois , Commandant
du Guet de Paris , & fuivi par
domeftiques .
leurs
Arrivés à la porte du fallon d'Hercule ,
le fieur Delaunay , chargé de leur lettre
de- créance , l'a remiſe au Chef de l'ambaffade
, qui l'a portée fur fes mains
jufqu'au pied du Trône. Avant d'y parvenir
, il a fait , ainfi que fes collègues ,
trois révérences : l'une à l'entrée du fallon ,
l'autre au milieu , & la troifième au bas
de l'eftrade. Le Roi s'eft découvert à cette
dernière révérence . Les Ambaffadeurs fe
font avancés enfemble vers le Trône , -
accompagnés duS'.de Nantouillet, du S'.de
Watronville, du S' . Ruffin. Alors Mouhammed-
Derviche- Khan a remis au Roi leur
lettre-de - créance , & tous les trois ont préfenté
à S. M., fur des mouchoirs , 21 pièces
d'or, ce qui eft , dans les ufages de leur
pays , l'hommage du plus profond reſpect.
S. M. a accepté une de ces pièces de
chacun d'eux enfuite Mouhammed-
Derviche-Khan a prononcé une harangue ,
qui a été traduite & répétée par le fieur
Ruffin. Cette harangue finie , le Comte
de la Luzerne,, Miniftre & Secrétaire
d'Etat , ayant le département de la
Marine , s'eft approché du Trône , & a
reçu , des mains du Roi , la lettre - de-
1
h vj
( 180 )
créance , qu'il a dépolée fur une petite
table , couverte de drap d'or , & placée
à cet effet fur l'eftrade. Après quoi Sa
Majeflé a fait fa réponſe aux Ambaffadeurs
, qui en ont reçu explication par
le fieur Ruffin .
Les Ambaffadeurs , foutenus par les
fieurs Delaunay , Pivron & Dubois , font
defcendus en arrière jufqu'au dernier
degré de l'eftrade , où ils ont fait une
révérence ; après avoir marché quelques
pas de la même manière , ils en ont fait
une feconde. Arrivés à la porte du fallon ,
ils fe font arrêtés , & ont fait demander
au Roi la permiffion de jouir un inſtant du
fpectacle brillant et majestueux qu'offroit le
fallon d'Hercule . Après avoir fatisfait leur
curiofité, ils ont fait un dernier falut, & ont
de nouveau traversé les appartemens , en
obfervant le même ordre qu'ils avoient
fuivi en fe rendant à l'audience du Roi.
Le Roi & la Famille Royale ont figné le
contrat de mariage du Marquis de Chefneau
, Lieutenant en fecond au Régiment
des Gardes -Françoifes , avec demois
felle de Rivière- de-Riffardeau de Paudy.
De Paris , le 23 Août.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 16
août 1788 , concernant l'ordre & la forme
( 181 )
des paiemens. Extrait des regiftres du Cónfeil
d'Etat.
« Le Roi a fait connoître à l'Aſſemblée des Notables
, & depuis à tous fes fujets , l'état & l'embarras
de fes finances ; (une différence confidérable
s'eft trouvée entre la recette & la dépenfe ; & , ce
qui eft encore plus fâcheux , des anticipations ,
portées à un taux exceffif , rendoient les fervices
difficiles , & mettoient l'adminiſtration dans une
continuelle dépendance. »
44
« Malgré ces embarras , de grandes économies ,
de févères réductions , l'extinction progreffive des
Charges & des Rentes viagères , préfentoient des
reffources , que des emprunts fucceffifs devoient
donner le temps d'attendre ; & fi rien n'eût troublé
la marche & la fuite des opérations ordonnées par
Sa Majeſté , la confiance publique fe feroit foutetenue
, ces emprunts auroient été remplis , les facrifices
qu'ils exigeoient auroient été compenfés par
le mérite inefpéré de la fidélité à tous les engagemens
, les ſervices ſe feroient faits avec exactitude ,
& les anticipations auroient même pu être dimi
nuées. "
"
« Mais par des circonftances dont Sa Majefté fe
plaît à écarter le fouvenir , la confiance publique a
été altérée par ceuxmême qui auroient dû conſpirerà
la foutenir ; les emprunts publics ont été contrariés
comme s'ils n'euffent pas été néceffaires , & difcrédités
comme fi le gage en eût été incertain ;
Fintempérie des faifons en exigéant des fecours ,
& rendant une partie des recouvremens plus difficiles
, a encore accrû l'inquiétude ; les fervices font
devenus laborieux ; les reffources ont été plus rares ;
& , commeil arrive prefque toujours dans les terreurs
populaires , l'embarras s'eft trouvé extrême , par
l'empreffement même que chacun a mis à s'y
fouftraire. »
( 182 )
Au milieu de ces difficultés , Sa Majeſté n'a
pas défefpéré de la fortune publique ; Elle a confidéré
que fi la détreffe étoit grande ; les reffources
l'étoient encore davantage ; que rien n'étoit en péril
que par l'opinion & par la crainte , & que la
crife devoit d'autant moins effrayer , que l'époque
des Etars- généraux étant prochaine , il ne s'agiffoit
que d'arrangemens provifoires qui doivent être
fuivis d'une reftauration univerfelle .
Ces arrangemens doivent être tels que , juſqu'à
l'époque des Etats-généraux , & mêine pendant
toute l'année 1789 , tous les paiemens foient affurés
, & que les objers les plus intéreffans au crédit
public foient garantis de toute alarme & de toute inquiétude.
»
C'est ce qui feroit réfulté d'un emprunt , au
moyen duquel l'infuffifance des rentrées eût pu être
provifoirement fuppléée ; mais puifque tout fait
craindre qu'un emprunt offert dans ce moment au
public , comme les emprunts précédens , ne fût tenté
fans fuccès , il devient néceffaire d'y fuppléer , par
une opération qui produife les mêmes reffources ,
fans la ffer la même incertitude. »
" C'eft à quoi Sa Majefté a voulu parvenir , en
ordonnant qu'une partie des paiemens qui fe font
dans les Caires royales s'effectue , no par du pa-'
pier monnoie , dont Sa Majefté connoît les inconvéniens
& le danger , mais par des billets du
Tréfor royal , proportionnés à ces paiemens , &
deftinés ày fatisfaire. »
« Ces billets du Tréfor royal porteront intérêt à
cinq pour cent ; & lorfque les circonftances permettront
à Sa Majefté d'ouvrir un emprunt , ils
y feront reçus comme argent comptant & par
préférence. »
« L'intention de Sa Majefté n'eft pas de comprendre
dans ces paiemens la falde de l'armée >
( 183 )
celle de la marine , les penfions qui ont éprouvé
une réduction , les rentes au-deffous de cinq cents
livres , les appointemens au-deffous de douze cents
livres , ni tous les objets qui intéreffent la claffe la
moins aifée de fes fujets ; toutes ces parties continueront
à être acquittées en argent comme par le
paffé , & en totalité . »
« Sa Majesté n'entend pas non plus que les autres
paiemens foient faits en totalité , au moyen de ces
billets . Les dons , les gratifications & tous les paiemens
de ce genre , feront feuls acquittés dans leur
totalité en billets du Tréfor royal . Tous les autres
paiemens feront faits , partie en argent , partie
en billets , & de manière qu'une partie confidérable
foit toujours acquit ée en argent. »
« Au refte , Sa Majefté a pris toutes les précautions
pour que ces billets du Tréfor royal ne
puiffent excéder les paiemens déterminés ; & pour
qu'il ne reftât aucune inquiétude à ce fujet , Elle a
ordonné qu'ils fuffent tous numéro : és & cotés ,
& que le compte en foit joint à celui des finances
qu'Elle fera connoître aux Etats -généraux . »
« S, M. auroit défiré que cette manière de fatisfaire
à une partie des paiemens indifpenfable, eût pu fuffire
pour établir, jufqu'en 1790 , le niveau entre la recette
& la dépenfe ; mais Elle a confidéré que , furtout
à la veillé des Etats - généraux, il ne falloit laiffer
aucun doute fur l'acquittement de toutes les dépenſes
, & que tant que ce doute fubfifteroit , le
crédit ne pouvoit renaître. Elle s'eft donc déterminée
à retarder d'une année les rembourf mens ,
& même à ordonner que les affignations & Billets
fur les Domaines fuffent renouvelés pour
un an. »
«Elle a penfé que ces Affignations & billets
ayant moins de cours , leur renouvellement por
teroit moins de préjudice au crédit public , & que
( 184 )

les autres effets fe trouvant à l'abri de toute inquiétude
, conferveroient plus sûrement la faveur
dont ils jouiffent, »
« Sa Majesté eſpère , par ces moyens , avoir
concilié , de la manière la moins pénible , la juftice
qu'Elle veut toujours rendre aux créanciers de
l'Etat avec la rigueur des circonftances . Si elles
le contraignent à des mesures qu'il lui eft devenu.
impoffible d'éviter , Elle a au moins la confolation
de penfer que ces mefures ne font que momentanées.
Le réſultat des Etats-généraux fera
néceffairement l'équilibre entre la recette & la dépenfe.
Sa Majefté peut garantir à fes fujets que
cet équilibre une fois rétabli ne fera pas détruit ,
l'excès du mal en aura tari la fource , & en préviendra
à jamais le retour. A quoi voulant pourvoir
: Oui le rapport du fieur Lambert , Confeiller
d'Etat & ordinaire au Confeil royal des Finances
& du Commerce , Contrôleur général des finances :
LE ROI etant en SON CONSEIL , a ordonné &
ordonne ce qui fuit :
«ART. I. A compter du jour de la publication
du prefentArrêt , jufqu'au dernier Décembre 1789,
tous les dons , grâces & gratifications ordinaires &
extraordinaires , foit qu'ils foient additionnels à des
traitemens ou appointemens , ou qu'ils ne foient
liés à aucun autre traitement, feront acquittés en
billets du Tréfor royal , à l'exception des penfions
affujéties aux retenues ordonnées par l'Arrêt
du Confeil du 13 Octobre 1787 , lesquelles
continueront à être payées en deniers comptans.
"
« Quant aux penfions , gratifications annuelles
ou traitemens confervés , qui ont été jugés par
Sa Majesté exempts defdites retenues , ils feront
payés trois cinquièmes en argent , & deux cin
quièmes en billets du Tréfor royal. »
( 185 )
« Les billets réfultans du préfent article , feront
numérotés & cotés Dons & Gratifications. »

« Tous les appointemens , gages & traitemens ,
jufques à la concurrence de douze cents livres ,
fe
ront payés argent comptant. Ceux qui excéderont
douze cents livres , jufques & compris trois mille
livres , feront payés cinq huitièmes en argent ,
& trois huitièmes en billets du Tréfor royal , dé
manière cependant que les paiemens en argent ne
puiffent être moindres que de douze cents livres ,
& que le furplus feulement foit payé en billets
dans le cas où la proportion ci-deffus réglée réduiroit
le paiement en argent au-deffous de
douze cents livres ; ceux au - deffus de trois mille
livres , à quelque fomme qu'ils puiffe monter
feront payés trois cinquièmes en argent & deux
cinquièmes en billets ; de manière auffi que les
paiemens en argent ne puiffent être moindres que
de la fomme de dix-huit cent foixante- quinze livres
, que doivent toucher en argent ceux dont
les traitemens ne font que de trois mille livres . »
« Ces billets feront numérotés & cotés Appoin
temens , Gages , &c. »
"
III. Les intérêts des fonds d'avance , & cautionnement
des offices & places de finance , feront
acquittés cinq huitièmes en argent , & trois
huitièmes en billets du Tréfor royal ; & quant
aux taxations , droits d'exercice ou de préfence
& autres attributions defdits offices ou places , ils
feront payés moitié en argent & moitié en
billets. »
«Ces billets feront numérotés & cotés , Intérêts
ou Taxations , &c. »
IV. Toutes les dépenfes de divers Départemens
, autres néanmoins que la folde des Troupes
& les objets indifpenfablement payables en argent
par leur nature, ou à raifon de leur fubdivifion ,
( 186 )
feront payés trois cinquièmes en argent , & deux
cinquièmes en billets du Tréfor royal. »
Ces billets feront numérotés & cotés du nom
du département , avec l'indication de l'objet de la
dép nhe . »
"
V: Toutes les rentes , foit perpétuelles , foit
viagères , ou intérêts dûs par le Roi , à quelque
titre que ce foit ( autres que ceux compris dans
l'article III ci-deffus ) , qui n'excéderont pas , fur
le pied pour lequel ils font employés dans les
Etats du Roi , la fomme de cinq cents livres ,
feront payés en deniers comptars. Ceux au - deffus
de cinq cents livres , jufques & compris douze
cents livres , feront acquittés , cinq huitièmes en
argent & trois huitièmes en billets du Tréfor royal ,
de inanière cependant que les paiemens en argent
ne puiffent être moindres que de cinq cents livres ,
& que le furplus feulement fera payé en billets ,
dans le cas où la proportion ci - deffus réglée réduiroit
le paiement en argent au- deffous de cinq
cents livres . Ceux au- deffus de douze cents livres
à quelques fommes qu'ils puiffent monter , feront
payés trois cinquièmes en argent , & deux cinquiè
mes en billets ; de manière auffi que les paiemens
en argentne puiffent être moindres que de la fomme
de fept cents cinquante livres , que doivent toucher
, en argent , ceux dont les rentes ne font que
de douze cents livres.
« Ces billets feront numérotés & cotés , Rentes
& Intérêts "(
« VI. Tous les billets qui auront été donnés en
paiemens pour les objets énoncés aux articles cideffus
, porteront intérêt à cinq pour cent fans retenue
, & feront reçus pour comptant , en capitaux
& intérêts , dans l'emprunt de quatre- vingt- dix
millions , qui fera ouvert en exécution de l'Edit
de novembre 1787.»
( 187 )
« VII. Les billets feront fignés par les Comm's
du Tréfor royal , ci - après nommés , favoir : »
« Ceux du département de la guerre , par le fieur
Bonnemere. 19
« Ceux du département de la marine , par
fieur Boifdon . »
« Ceux du département des penfions , amortiffement
, &c. par le fieur Liard . »
«Ceux du département de la maifon du Roi , & c.
par le fieur Provandier. »
par
« Ceux des paiemens affignés fur les revenus ,
le fieur Dubra . »
« Tous lefdits billets feront vifés par le fieur de
Souches , premier Commis du département de la
caiffe générale du Tréfor royal. »
« VIII . Tous les paiemens qui , aux termes des
articles ci-deffus , doivent être faits en totalité en
argent comptant , continueront d'être effectués ,
fans aucun retardement. Quant à ceux qui doivent
être faits partie en billets , le paiement n'en fera ouvert
qu'au premier Septembre prochain , époque à
laquelle lefdits billets feront prêts à être délivrés . »
IX. Tous les rembou : femens en capitaux &
primes , réfultans des tirages faits ou à faire des
emprunts , autres que ceux des pays d'États , ou
ceux faits dans l'Etranger , par traités particuliers ,
ainfi que les rembourfemens des capitaux dûs pour ,
acquifitions ou échanges , ou pour quelque autre
caufe que ce puiffe être , feront retardés d'une année
, pendant laquelle les intérêts continueront
d'être payés fur le même pied que par le paffé. »
1
«X. Les affignations & billets des domaines &
bois , feront renouvelés à leur échéance pour une
année , & les intérêts feront payés comme par le
paffé, »
«XI. L'état & le compte des billets qui auront
été diftribués , en exécution du préfent Arrêt , &
( 188 )
de leur emploi , feront joints au compte général
des finances , que Sa Majesté entend être mis fous
les yeux des Etats généraux. »
" Fait au Confeil d'Etat du Roi , Sa Majesté y
étant , tenu à Versailles le 16 Août 1788. »
Signé, LAURENT DE VILLEDEUIL.
Autre , du 9 août 1788 , concernant la
liquidation des Offices fupprimés.
A tous lefdits Officiers liquidés , il fera
délivré par le Tréfor royal , des quittances
de finance , portant intérêt à cinq pour
cent , affignées fur les Aides & Gabelles ,
& autres revenus de Sa Majefté , leſquels
intérêts , pour ceux des Officiers actuellement
fupprimés qui fe font préſentés
& fe préfenteront dans le délai de trois
mois , à compter de la date du préfent
arrêt , commenceront à courir du jour de
la publication defdits Edits & Ordonnance;
& après l'expiration de ce terme , lefdits
intérêts n'auront cours qu'à compter du
premier jour du quartier dans lequel
lefdits Officiers fe préfenteront pour leur
liquidation.
La mort de M. le Maréchal de Richelieu
laiffe vaquer un grand Gouvernement , un
Cordon bleu , & une place à l'Académie
Françoife. Les obfèques de ce Seigneur
fe font faites , le 11 , avec beaucoup de
pompe à S. Roch , d'où fon corps a été
tranſporté à la Sorbonne le coeur eft
déposé à Richelieu .
( 189 )
Le même jour , M. le Prévôt des Marchands
a fait la cérémonie de poler la
première pierre du pont de Louis XVI .
Le Clergé a arrêté de prendre pour
100 mille livres de billets de la Loterie ,
en faveur des cultivateurs ravagés par la
grêle du 13 juillet , & de biffer les n°s ."
de ces billets , dont le bénéfice tournera
au foulagement de ces malheureux .
M. Neckes ayant prié l'Académie Françoife
de difpofer , en faveur de quelque
acte de bienfaiſance , du prix d'utilité de
1200 liv . qui a été adjugé à l'ouvrage de
l'Importance des opinions religieuses , l'Académie
a deftiné cette fomme au foulagement
des cultivateurs de l'Auvergne
qui ont beaucoup fouffert , & que leur
éloignement met plus hors de portée des
fecours répandus dans la capitale.
« La Commiffion intermédiaire provinciale de
Picardie , délibérant fur les moyens de procurer
des fecours aux malheureux habitans des campagnes
, dont l'orage du 13 juillet dernier a dé
vafte les moiffons ! »
« A arrêté de dépofer entre les mains de
M. Berville , Secrétaire de l'Affemblée Provin-,
vinciale , la fomme de 3,000l . , formant le réfultat
de la contribution perfonnelle & volontaire , efferte
par chacun des Membres de ladite Commiffion
, & d'écrire circulairement à tous les
Députés de ladite Affemblée , pour les folliciter
de joindre leurs contributions particulières à celle
de la Commiffion. Que les Bureaux intermédiaires
de Départemens feront auffi invités à concourir
3
( 190 )
à cet acte de bienfaifance & qu'il fera en outre
ouvert jufqu'au premier octobre prochain , entre
les mains du Secretaire Provincial , une contribution
volontaire pour le même objet , & que
les Citoyens de tous les ordres feront invités à
y participer , & c. &c. »
Le Courrier maritime rapporte en ces
termes , un évènement fingulier , dont on
a reçu l'avis du Croific.
*
« Le 28 de ce mois , eft entré en ce port le
Sloop Anglois la Peggy chargé de planches de
cuivre & chaudières , à la deftination de Bordeaux
. Ce bâtiment eft parti de Saint- Yves le 23 ,
fous le commandement du Capitaine Jofeph Robins
, avec un feul homme d'Equipage , & le fieur
Buau , Capitaine de ce port , qui a été reçu
conime paffager. Ce dernier eft arrivé feul ici
avec le Matelot , & tous deux ont déposé qu'étant
vis à-vis d'Oueffant , & le bâtiment faifant beaucoup
d'eau , le Capitaine Robins eft defcendu
dans la calle , & en eft remonté en jetant de
grands cris , qui les om effrayés. Le fieur Buau
qui étoit à la barre , & le marelot qui étoit à la
pompe , lui ont demandé s'il y avoit du danger ,
il a répondu que non , mais qu'il venoit de voir
fa femme dans la calle , & que fans doute elle
étoit morte. Frappé de cette idée , il n'a ceffé de
pleurer & de gémir , fans s'occuper de la manoeuvre
, & allant & venant fans ceffe de fa chambre
fur le pont , & du pont dans fa chambre juſqu'au
25 , cinq heures du matin , qu'on l'a trouvé
pendu au plancher. Ils ajoutent qu'il n'y avoit pas
un quart-d'heure qu'il étoit feul dans fa chambre
lorfqu'ils s'en font aperçus ; que tous leurs foins
& leurs efforts n'ont pu le rappeler à la vie , &
que ce n'eft qu'au bout de vingt- quatre heures
A
( 191 )
qu'ils ont jeté fon cadavre à la mer dans la baye
d'Andierne »
La femme du nommé Jacques Mirot ,
Vitrier à Villeneuve - l'Archevêque , eft
accouchée , le 26 juillet dernier , de trois
garçons , qui tous trois ont reçu le baptême
ils n'ont vécu que fort peu de
temps ; quant à la mère , elle fe porte
très - bien, & a été relevée aujourd'hui 1 °r .
août.
:
Brigite Dillon , époufe du Baron du
Blaifel , Chevalier , Grand- Croix de l'Ordre
royal & militaire de S. Louis , Lieutenantgénéral
des armées du Roi , eft morte ,
le 2 de ce mois , à Saint- Germain - en-
Laye.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 8 , 4 , 43 , 62 & 80.
1
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 16 Août 1788 .
Le Gouvernement a fait enlever , ces
jours derniers , quelques particuliers , accufés
d'entretenir & d'exciter la fermentation
des efprits dans nos Provinces . On
doit même les pourſuivre fuivant la rigueur
des loix , & le Miniftre Plénipotentiaire a
( 192 )
communiqué cet acte d'autorité aux Etats
de Brabant , par la dépêche que voici :
FERDINAND , &c.
« Meffieurs . Quoique S. M. , écoutant fans ceſſe
fon affection pour les peuples , fe foit rendue
l'année dernière a voeu des Etats & de la Nation ,
fur diverfes difpofitions contre lefquelles ils avoient
reclamé, & qu'Elle ait donné & renouvelé les affurances
les plus pofitives du maintien de la conftitution
& des loix fondamentales : quoique la confiance
dans les fentimens de la nation , l'ait engagé à
confommer l'ouvrage de fa tendreffe pour fes
fidèles fujets , en leur accordant l'oubli total du
paflé , ainfi que le retour entier de fes bonnes
graces & de fa bienveillance ; enfin , malgré la
reconnoiffance avec laquelle vous avez , au nom
de la nation , remercié Sa Majefté de l'oubli qu'elle
lui a accordé , quelques particuliers pervers , dangereux
, & qui non-contens de fe rendre indignes
eux- mêmes des effets de cette faveur , déshonorent
la nation , n'ont ceffé jufqu'à ce jour de perfévérer
dans des démarches également odieufes & criminelles
, d'attaquer tous les droits de la Souveraineté
, de méprifer tous les refforts de l'autorité
, de renverfer les réglemens & la conftitution
même, d'altérer les droits & l'organiſation des
Etats repréſentant la nation , d'établir , en un mot,
le défordre , l'anarchie , & d'oppofer , avec opimiâtreté
, à l'exercice des droits les plus inconteftables
, & à l'autorité fouveraine , des chicanes
honteuses , à peine connues dans les procès entre
particuliers ; en femant aut furplus & en répandant
de toutes manières toutes fortes de bruits injurieux
pour le Souverain , inquiétans pour le peuple ,
deftinés à l'animer , à le provoquer à la défobéiffance
, & à s'unir pour la fédition, dont les effets
fe
( 1)
3
"
fe font malheureuſement déja renouvelés depuis
peu dans quelques cantons , & qui , d'après tous
les rapports , étoient prêts à éclater encore dans
d'autres parties du Brabant. »
« Dans cet état des chofes , S. M. regardant le
maintien de l'ordre & de la tranquillité publique ,
non-feulement comme un de fes premiers foins
mais auffi comme un des devoirs les plus effentiels
auxquels Elle fe foit engagée , même pour le
maintien de la conftitution ; & regardant comme
un autre devoir également intéreſſant pour fon
coeur , de venger l'honneur de la nation , & de
la mettre à l'abri des dangers auxquels ce petit
nombre de perturbateurs du repos public pourroit
l'expofer , Nous n'avons , d'après les ordies
les plus pofitifs & abfolus que Sa Majesté nous
avoit éventuellement donnés à ce fujet , pu différer
davantage d'employer , pour le falut de l'Etat
& même pour la confervation de la conftitution ,
les moyens autorisés d'ailleurs par les loix fondamentales
, & par quantité d'exemples & de chofes
jugées en pareils cas , comme par la raison d'Etat ;
& de donner en conféquence les ordres d'arrêter
• ceux que la notoriété publique même a défignés
depuis long-temps pour être les chefs , la fource &
les directeurs de ce complet , tant ici qu'à Louvain
& Anvers , & les faire conduire comme pri
fonniers d'Etat à la citadelle de cette dernière ville ,
où fe trouvent déja les nommés Mens & Quertemont
, arrêtés dans le flagrant délit des attroupemens
féditieux qui ont eu lieu , pour leur être
enfuite fait leur procès felon les Ordonnances. »
« Nous avons jugé convenable de vous annoncer
ces difpofitions , que les circonstances rendoient
urgentes , pour le maintien du repos & de la tranquillité
publique , a'nfi que pour la protection due
Supplément au N°. 3 *•
( 2 )
aux bons citoyens. A rant , Meffieurs , Dieu vous
ait en fa fainte ga de. »
Signé , TRAUTTMANSDORFF..
« De Lrux.lles , le 8 août 1788.
Ces réfolutions du Gouvernement ont
été la fuite de quelques nouveaux mouvemens
qui fe font élevés à Anvers , & qu'on
rapporte , en des termes peut- être exagérés
, dans une lettre du 7.
«Sans doute vous ferez inftruit des circonftan-
» ces alarmantes où nous nous trouvons depuis
lundi dernier. Ce jour- là , à une heure & quart,
les militaires fe font rendus dans la grande
place ; à peine s'y furent- ils affemblés , qu'on
» leur jeta des pierres : il leur fut commandé
de faire feu fur la multitude ; neuf per-
» fonnes reftèrent mortes fur la place , & furent
» tranſportées à la Maiſon - de- Ville, Depuis , on
» en compte 1 à 12 , mortes de leurs bleffures ,
» à l'hôpital , où il s'en trouve encore une vingtaine
de bleffées . Le lundi , & les deux jours fuivans ,
<» deux canons ont été plantés dans la place du
n Meir , dont l'un étoit pointé fur le pont du
» Meir , & l'autre fur la bourſe. »
Il circule une lifte des Officiers Généraux
François qui feront employés aux
Camps de Saint - Omer & de Metz , fur
laquelle on trouve les noms fuivans.
CAMP de Saint - Omer.
MM .
S. A. S. Monfeigneur le Prince de Condé ,
Commandant-Général. Lieutenans-Généraux ,
Marquis de Langeron , Marquis de Vaubecourt ,
Duc de Guines , Comte de Rochambeau , Prince
( 3 )
de Robecq.
"
Maréchaux de Camp , Comte du
Chilleau , Duc de aval , Marquis de Livron ,
Duc d'Havré Come de Cuſtine , Comte de
Guibert de Mondetir , Comte de Cranville ,
Marquis d'Avaray , Marquis de Lambert , Baron
d'Harambuces , Comte de Cely , Duc de Fitz-
James , Comte de la Chaftre , Comte de Chalup ,
Luc de Bourbon , Marquis de Choifeul , Chevalier
de Virieu . Maréchal - Général des Logis de
l'armée, de Grand- Pié, Lieutenant-Général . Aides-
Maréchaux-Généraux des Logis de l'armée, Collot,
Dumas , Chevalier de Grand-Pré , Berthier , de
Lombardière, Comte de Campagne . Adjoints ,
de Fléchier & Capitaines . - Major - Général de
l'Infanterie,Marquis de Sennevoy. Aides-Majors-
Généraux de l'Infanterie , de Tarfé , Vicomte de
Ricée, du Bouchet . - Maréchal - Général des Logis
de la Cavalerie , Baron de Fimel , Maréchal de
Champ. Aides- Maréchaux- Généraux des Logis
de la Cavalerie, Malet , Vanoire .-- Commiffaireordonnateur
en chef, Malus ,
MM .
----
CAMP de Metz.
-
Le Maréchal Duc de Broglie , Commandant-
Général . Lieutenans -Généraux , Duc du Châtelet
, Marquis de Bouillé , Comte d'Hauflonville ,
Baron de Viomefnil , Comte de Chabrillant . L
Maréchaux- de- Camp , Comte de Damas , Prince
Emmanuel de Salm , Marquis de Cillon , Duc de
Lauzun , Marquis d'Autichamp , Marquis de Crenolles
, Comte de Crillon , Comte d'Affonville ,
Comte de Viomefnil , de Noue , Duc de Mailly ,
Baron de Livron , Baron d'Efcars Marquis de
Coigny , Comte de Surgères , de Beville , de Vertheillac
. -Maréchal- Général des Logis de l'armée,
Marquis d'Autichamp , Maréchal de Camp.
Aides-Maréchaux- Généraux des Logis de l'armée ,
-
a ij
( 4 )
Lajeard , Marquis de Montagnac , Beville aîné,
Beville cadet, Dezoteux , Dollonne , Montfermeil ,
Poncer, de Baral.- Major- Général de l'Infanterie ,
Prince de Broglie. - Aides - Majors - Généraux de
l'Infanterie , Prince de Revel , Belgarde , Michely ,
de Chambre. - Maréchal- Général des Logis de la
Cavalerie , Marquis Dumefil. Aides - Maréchaux-
Généraux des Logis de la Cavalerie , Comte
Alex , de Lameth , Comte de Bouillé , Comte de
Boulach. - Commiffaire- ordonnateur en chef, de
la Salle,
Ces deux Camps commenceront à fe former le
premier feptembre , & les.manoeuvres de 4 .
P. S. La Cour de Péterfbourg vient
de publier , en ces termes , la relazion
officielle du combat naval dans la Baltique,
le 17 juillet.
« L'Amiral Greigh , commandant en Chef de
l'efcadre de S. M. Impériale , a envoyé ici la dépêche
fuivante :
Le 17 de ce mois , vers midi nous découvrîmes
15 vaiffeaux ennemis de 60 à 70 canons
8 groffes frégates , qui pouvoient fervir en ligne ,
5 autres fiégates plus petites , & 3 paquebots.
Cette efcadre étoit commandée par le duc de Sudermanie
, qui avoit avec lui un Vice- Amiral &
na Contre- Amiral , L'Amiral Greigh donna auffitôt
le fignal de porter fur l'ennemi , qui fe rangeoit
en ligne. Le temps étoit clair & le vent au S- E.
Le Reftfiau , vaiffeau amiral , porta fur le vaiffeau
amiral de l'efcadre Suédoife , qui fe tourna du
côté des frégates. Lorfqu'on approcha de l'ennemi
fur les cinq heures , il commença le premier à canonner.
Le fen de part & d'autre fut très - vif ,
dura fans interruption jufqu'à dix heures du foir.
L'efcadre Suédoife a commencé deux fois à plier ;
&
( 5 )
& quoique pendant le combat le calme fût
plein , & qu'on ne pût plus manoeuvrer , on continua
le feu avec vivacité jufques dans la nuit ;
alors l'efcadre Suédoife fe retira , & laiffa à la nôtre
le champ de bataille. Nous avons pris le vaiffeau
ennemi le prince Guſtave de 70 canons , qui ,
pendant plus d'une heure , a combattu avec valeur
notre vaifleau amiral ; il étoit monté parle vice-amiral;
omte de achtmeister, qui commandoit l'avantgarde.
Le lendemain de grand matin , l'efcadre ennemie
paffa , toutes voiles dehors , vers la côte de Finlande
, le vent étant au S-E. Elle dirigea du côté
de Kalbo de Grunt ; nous la perdîmes de vue au
N-O. On a appris depuis qu'elle eſt entrée à
Sweaborg , où elle fe répare. Le combat a commencé
entre l'ifle de Steefcher , & le banc de fable
de Kalbo de Grunt , à environ ſept milles &
demi à l'oueft de Goglande. L'amiral Greighajoute
que jamais il n'a vu un combat naval où le feu
eût été plus vif & mieux foutenu de part & d'autre.
Notre perte confifle en 319 tués & 686 bleffés
celle de l'ennemi fera beaucoup plus confidérable ,
puifque le nombre des tués & bleffés fur le vaiffeau
que nous lui avons pris , monte deja à 300.
Après le combat un de nos vaiffeaux fut environné
de quatre vaifleaux ennemis ; le calme & l'obfcurité
l'avoit empêché de fuivre : il fut pris par l'ennemi
après une réfiftance vigoureuſe . >>
On n'apprend , par ce récit , ni le lieu
de retraite de l'Amiral Greigh , ni la force
de fon armée . S'ileft vrai , comme on l'a
répandu , qu'il foit entré à Revel , la
feule infpection d'une Carte Marine , & la
pofition du Théâtre de la bataille femblent
décider à laquelle des deux flottes eft
refté avantage. Les groffes frégates Suéa
uj
( 6 )
doifes dont parle l'Amiral Ruffe , font de
40 canons ce feroit une grande audace
de leur part , de s'être mefuré avec des .
vaiffeaux de ligne du fecond rang. Au
refte , nous recevons une létre de Stoc
kholm , en date du 30 juillet , qui préfan e
l'évènement fous un point de vue bien
différent. En voici la fubftance :
?
« La Cour n'a pas encore publié la relation
du combat naval que notre efcadre a livré , le
17 de ce mois , à celle de Ruffie. Tout ce que
l'on en fait eft tiré de lettres particulières.
Ces lettres portent unanimement , que notre
Efcadre eft reftée victorieufe , qu'elle a pris à
l'ennemi un vaiffeau de 74 canons , coulé bas un
fecond , & maltraité fix autres vaiffeaux , de manière
à les mettre hors d'état de fervir à l'avenir.
L'Efcadre Ruffe a été pourfuivie jufqu'à
la côte de Livonie . Le Gustave de 64 canons
le plus vieux de nos vaiffeaux , & commandé párle
Comte achtmeister , eft tombé entre les
mains de l'ennemi notre perte totale eft d'environ
mille hommes. Le combat a duré 7 heures
confécutives . Notre Efcadre étoit compofée de 15
vaiffeaux de ligne , depuis 60 jufqu'à 74 canons
& de 11 frégates ; favoir , 4 de 40 carons , &
7 de 28 à 36 canons. L'Efcadre Ruffe confiftoit
en 20 vaiffeaux de ligne ; favoir, 1 de 114 canons ,
& 19 depuis 70 jufqu'à 74 cancns , 9 frégates
de 32 à 36 canons , & 2 chebecs de 24 canons.
2
Le Supplément de la Gazette de Vienne ,
du 6 Août , contient la relation de deux
actions qui ont eu lieu fur les frontières
de la Tranfylvanie , l'une le 18 , près du
( 7 )
défilé de Bozza , où l'ennemi fut repouflé
avec une perte d'environ 400
morts & de 300 bleffés ; & l'autre le
19 juillet , près du pofte appelé la Remerfchanz.
Dans cette feconde affaire ,
l'ennemi s'étoit déjà emparé de notre artil
lerie , mais elle fut reprife , & les Turcsfurent
mis en déroute avec une perte
confidérable . On a pris à l'ennemi plufieurs
drapeaux , deux timbales , deux canons ,
des bombes, des chariots , & beaucoup de
poudre. Ce Supplément nous apprend
encore que le 26 juillet on a fommé la
fortereffe de Choczim de fe rendre , que
les affiégés ont demandé trois jours pour
délibérer , pendant lefquels le feu des
batteries feroit fufpendu , & que cette
demande leur a été accordée.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX .
-
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE
affemblée. Caufe entre Me Féral , Avocat au
Parlement de Paris , M. l'Abbé de P.... M. l'Abbé
de F .... Me B... Curé du P. & autres.
-Accufation de fuppofition de perfonne & de travefiffement
, pour induire un Garde- Chaſſe en erreur,
& de fubornation pour faire rédiger un faux rapport.
Me Féral défirant paffer les vacances de 1780
chez fon beau-frère , réfidant en la Paroiffe de Saint-
Mard de Frêne en Normandie , follicita une permiffion
de chaffe de M. de P.... Abbé de B .... & Sei(
8 )
-
-
gneur en partie de cette Paroiffe. On a prétendu
que M de P ... loin de répondre à cette demande
avoit promis un louis à celui de fes Gardes qui
drefferoit un procès - verbal contre Mª Féral.
L'appât de cette récompenfe éveilla la cupidité du
nommé Dutheil ; ce Garde dreffa, le 27 feptembre
1780, fon rapport , dans lequel il déclara qu'il avoit
vu dans la plame de Bauchonière , Me Féral armé
d'un fufil à deux coups , fuivi d'un chien , & qu'il
lui avoit parlé. Ce ne fut que le Dimanche ,
premier octobre fuivant , que la notoriété publique
apprit à M , Féral l'existence de cet acte. Il
écrivit aufli-tôt au Régiffeur pour lui en témoi
gner fa furprife : celui ci , pour toute réponſe , lui
fit fignifier le rapport du Garde , avec affignation
en la Maîtrife d'Argentan , pour fe voir condamner
aux peines & amendes prononcées par les ordonnances
. A l'audience , M. FAbbé de P.....
demanda l'affirmation du procès- verbal & l'adjudication
de fes conclufions. De fon côté , M
Féral, qui étoit préfent , foutint n'avoir pas chaffé
le jour indiqué par le Garde , l'interpella de
déclarer s'il le connoiffoit pour le même individu
défigné dans fon rapport . L'Avocat de M. l'Abbé
de P..... foutint l'interpellation non - recevable ,
vu (porte la Sentence ) l'affirmation que le Garde
venoit de faire en préſence de M← Feral. -- Une
Sentence ordonna la continuation de la caufe du
12 octobre , où Duthel feroit tenu de répondre
en perfonne à cette interpellation. Interrogé
d'office au jour indiqué , ce Garde répondit : « Que
» le Chaffeur qu'il avoit trouvé le 28 , étoit en
» petite vefte , & avoit des cheveux très- courts ,
» taillés en rond , & que le fieur Féral fe préfen-
» tant en habit & en perruque à bourſe , il ne
» lui étoit pas poffible d'affirmer fi c'étoit le même
» homme à qui il avoit parlé le 28 feptembre pré(
و )
-
----
» cédent. » D'après cette déclaration , Me Féral
conclut , tant contre le Garde , que contre l'Abbé
de P...., à la décharge du rapport , en des dommages
& intérêts , à l'affiche & impreffion de la
Sentence. Offres de la part de M. l'Abbé de P………
de prouver qué Mª Féral avoit chaſſé le jour indiqué,
dans le rapport. Offres de Me Féral de paffer
à l'infcription de faux , dans le cas où la déclaration
du Garde ne fuffiroit pas pour démontrer
la fauffeté du rapport.
Sur cela , Sentence qui
décharge Me Féral, condamne Dutheil & l'Abbé de
P....folidairement en ico liv. de dommages-intérêts
, applicables à la décoration de l'auditoire
& aux dépens ; & faifant droit fur les conclufions
du Procureur du Roi , condamne Dutheil en 10l.
d'amende envers le Roi , l'interdit de toutes fonctions
, à peine de faux , & ordonne l'impreffion
& l'affiche de la Sentence . Avant de faire exécuter
ce jugement , Me Féral écrivit à l'Abbé de
P..... pour lui en faire hommage , & lui remettre
le foin de fa vengeance ; il ajouta qu'il arrêtoit
toutes pourfuites jufqu'au 25 novembre , & que
fa réponſe ou fon filence lui feroient connoître
s'il avoit ou non le deffein de le vexer. L'Abbé
de P....ne fit point de réponfe ; au contraire , il
inte jeta appel de la Sentence , & rendit plainte
en la Maitrife d'Argentan , le 13 Juin 1781 , contre
des quidams qui avoient chaffé fur les tenures de
fon Abbaye ; & fur l'information , il obtint un
décret de foit oui contre M Féral , qui en interjeta
appel au Parlement de Rouen. Pendant
que tout ceci fe paffoit , l'Abbé de P...., l'Abbé
de S...., chargé de fes affaires , le Curé du P...,
Belache , Garde- Général de l'Abbé de P .... , &
Dutheil, fe livroient contre Me Féral à la diffamation
la plus affreufe. Il rendit plainte contre
eux devant le Lieutenant- Criminel de Bernay . Sur
-
( 10 )
l'information , les trois premiers furent décrétés
d'affignés pour être ouis , les deux derniers le
furent de prife- de-corps , & Martin Gence , autre
Garde de l'Abbé de P...., le fut d'ajournement
perfonnel , pour avoir participé au faux du rapport
de Dutheil. Alors l'Abbé de PP........ pprroo--
pofa 600 liv. à MFéral pour tranfiger ; celuici
s'y refufa , parce qu'on vouloit lui fare reconnoître
qu'il avoit abufé de la mépriſe du Garde :
une telle reconnoiffance auroit compromis M
Féral aux yeux de fon ordre. La négociation rompue
, l'Abbé de P.... fe pourvut de nouveau en
la Maîtriſe d'Argentan. Il y obtint une ordonnance
, portant permilion d'obtenir & de publier
monitoire fur les faits de chaffe ci -deffus Les
chofes étoient en cet état , lorfque fur la demande
de l'Abbé de P...., Sa Majefté évoqua à elle &
à for Confeil , toutes les plaintes & appel pendans
à Argentan , à Eernay , au Parlement de .
Rouen , & renvoya le tout en la Grand'Chambre
& Tournelle affemblées du même Parlement.
La caufe portée à l'audience , intervint, le 10 avril
1783, après douze plaidoiries, Arrêt qui, 1º. caffe,
comme de juges incompétens , la plainte rendue
par M Féral devant le Juge de Bernay , & tout
ce qui s'en étoit enfuivi , & le condanne en des
dommages envers les cinq accufés. 2º. Faifant droit
fur l'appel interjeté par Mc Féral de la plainte du
-
13 Juin 1781 , & de tout ce qui s'en eſt enſuivi ,
met l'appellation au néant ; ordonne que ce dont
eft arp 1 fortira fon plein & entier effet . - 30 . En
-ce qui touche l'appel de la Sentence du 12 Octobre
1780 , joint ledit appel à la plainte rendue
par l'Abbé de P...., le 13 juin 1781 , pour être
fait droit fur le tout , ainfi qu'il appartiendra ,
dépens réſervés fur ce chef. L'Arrêt ordonnot
encore l'impreffion & l'affiche jufqu'à concurrence
( 11 )
de 200 exemplaires.-Me Feral s'eft pourvu au Confeil
du Roi contre cet Arrêt , & le 24 janvier 1785,
S. M. , fur le vu des motifs envoyés par le Parlement
de Rouen , a caffé & annullé le même Arrêt , ainfi
que tout ce qui s'en étoit enfuivi , & a renvoyé la
connoiffance de cette affaire au falement de Paris.
-La caufe portée de nouveau à l'audience , il eft
intervenu , le 12 mars 1787 , après quatorze plaidoiries
, & après un délibéré fur le champ , &
contre les conclufions de M. PAvocat - Général
Séguier , Arrêt qui a reçu M. le Procureur - Général
appelant de la Sentence du 12 octobre
1780 , & y faifant droit , à mis l'appellation au
néant , en ce que par ladite Sentence , les premiers
Juges ont prononcé une interdiction indéfinie contre
Dutheil , & appliqué aux réparations de l'auditoire ,
les dommages & intérêts requis par Me Féral , &
dont il avoit demandé l'application aux pauvres
de S. Mard . Emendant quant à ce , a ordonné
que lefdits dommages feront appliqués aux pauvres
de S. Mard. A fait défenfes aux Juges
de prononcer à l'avenir d'interdiction indéfinie à
l'Audience ; la Sentence en réfidu fortiffant fon plein
& entier effet . A condamné l'Abbé de P ……..
& la veuve Dutheil , en tous les depens fur ce
chef envers Me Féral. · En ce qui touche l'appel
de la procédure criminelie , dirigée par l'Abbé de
P.... en la maîtrife d'Argentan , contre Me Féral ,
a mis l'appellation au néant ; émendant , a déclaré
ladite procédure récriminatoire & nulle .
En ce
qui touche l'appel des monitoires , publication &
affiches d'iceux , a mis l'appellation & ce au néant :
émendant a déclaré ladite procédure nulle & de
nul effet ; a condamné l'Abbé de P.... en 10,000 l.
de dommages & intérêts envers Me Féral, & en
tous les dépens faits tant à Bernay , Rouen , qu'à
Paris. En ce qui touche - les appels interjetés
-
-
( 12 )
·
par l'Abbé de P...., l'Abbé de S.... le Curé
du P.... , la veuve Dutheil , Belhache & Gence ,
de la procédure extraordinaire contre eux faite à
Bernay , à la requête de Me Féral , a mis l'appellation
& ce au néant ; émendant , a déclaré ladite
procédure nulle & incompétente , & condamné
Me Féral en les dépens faits fur ce chef, tant à
Bernay , Rouen , qu'à Paris. Telle eft l'iffue
d'une affaire qui a occupé fi long-temps la curiofité
publique , & qui a parcouru tant de Tribunaux
différens.
-
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
RUSSIE.
De Pétersbourg, le 28 Juillet 1788 .
QUOIQUE les relations officielles fe multiplient
ici autant que les combats de nos
armées , grands ou petits , de terre ou
de mer , la Cour n'avoit encore publié
aucun récit détaillé touchant le fuccès de
notre eſcadre au Liman , le 27 juin
dernier; mais elle vient de fortir du filence
par le narré fuivant.
" Lorfque la flotte Turque mit à la voile le 27
Juin , à deux heures après midi les chefs de la
flottille de vaiffeaux à rames & des bâtimens à
voile , don èrent le fignal de fe préparer au combat
; ce qui fut exécuté d'abord . Cependant la flotte
ennemie s'avança pour attaquer notre aile gauche,
& en même- temps on s'aperçut que le vaiſſeau du
capitan Pacha donnoit fur la côte , & que les
tres vaiffeaux viroient de bord , & formoient une
ligne autour de lui. Dans un confeil de guerre
tenu fur ce'a , à bord du Saint Wladimir , il
No. 35. 30 Août 1788.
i
au(
194 )
fut réfolu unanimement d'attaquer l'ennemi pendantla
nuit ; mais comme le vent , qui nous étoit
contraire , avoit mis à flot , durant le confeil de
guerre , le vaiffeau du capitan Pacha , il fut réfolu
d'aller à l'ennemi dès que le vent le permettroit.
En effet , il nous devint favorable le 28 , à une
heure après - midi . Le Prince de Naſſau donna au
Brigadier Alxiano le commandement de l'ailedroite
, & mena lui - même la gauche à l'attaque
de la ligne ennemie , où fe trouvoient les gros
vaiffeaux. Peu auparavant la flottille avoit été
renforcée par 22 bâtimens , qui avoient été conftruits
à Krementfchuck , & qui portoient chacun
un canon de 18 livres de balle. "
« A quatre heures du matin les bâtimens à voile
allèrent droit à l'ennemi avec la flottille , commandée
par le Prince de Naffau. Sur le premier feu
des petits bâtimens , l'ennemi mit à la voile pour
fe retirer . Un de fes vaiffeaux de 64 canons échoua.
Le Prince de Naſſau y envoya une batterie , trois
chaloupes doubles , deux galères & 12 autres bâtimens
. Le feu fut fort vif de part & d'autre , &
la ligne Turque le foutint pendant plus d'une heure ;
mais lorfque trois batteries , trois galères & deux
chaloupes doubles prirent la place des vaiffeaux à
voiles , qui , à caufe du peu de profondeur de
l'eau , ne pouvoient avancer affez pour attaquer
l'ennemi avec vigueur , elles forcèrent l'ennemi à
fonger tout de bon à la retraite , & les bâtimens
qui devoient foutenir le vaiffeau Turc échoué ,
furent contraints à prendre la fuite. Le feu
de l'artillerie du vaiffeau échoué ceffa bientôt
, mais il continua celui de fa moufqueterie
, qui nous fit beaucoup de mal ; il le contiqua
encore après qu'il eut déja amené fon pavillon ,
& même qu'il y eut déja quelques-uns de nos Offiiers
à fon bord. L'équipage fut emmené , mais on
( 195 )
:
ne put fauver
le vaiteau
, où l'on avoit
mis le feu
en le cannonant
à boulets
rouges
. Cependant
le
vailleau
du capitan
Pacha
, contre
lequel
notre
aile gauche
avoit
dirigé
tout fon feu , toucha
de
nouveau
fur la côte ; mais toute
la ligne
ennemie
qui s'étoit
retirée
fous les murs
d'Oczakow
, étoit
encore
affez à portée
pour
le défendre
. L'arrivée
du fecours
que le Prince
de Naſſau
fit avancer
força
l'ennemi
à une retraite
décidée
. Le vaiffeau
amiral
amena
fon pavillon
, & le Prince
de Naſſau
commanda
de fe rendre
à fon bord , pour fauver
l'équipage
du feu qui étoit en bas dans le vaiſſeau
,
lequel
fauta
bientôt
après. Pendant
ce temps
-là ,
une grande
partie
de la flottille
Turque
s'étoit
avancée
du côté de notre
aile droite
, à deffein
de
l'attaquer
en flanc ; mais le Brigadier
Alexiano
lui
fit tête , malgré
le petit nombre
de bâtimens
qu'il
avoit
avec
lui ; cependant
il avoit
fait avancer
une
batterie
& envoyoit
demander
du fecours
. On lui
envoya
deux
chaloupes
doubles
, & quelques
autres
bâtimens
, avec lefquels
il repouſſa
l'ennemi
,
après
un combat
fort vif. Deux
batteries
que le
Prince
de Naffau
avoit
envoyées
pour prendre
l'ennemi
en flanc , le contraignirent
à fe retirer
fous
les murs
de la batterie
de Haffan
-Pacha
. L'ennemi
a été défait
entièrement
, & le plus grand
défordre
& la confufion
régnoient
dans la flotte
ennemie
,
quoiqu'infiniment
fupérieure
à la nôtre . Le Prince
de Naffau
forma
la ligne
avec fa flottille
à la
portée
du canon
de l'ennemi
, & prit une pofition
propre
à pouvoir
fe défendre
au cas que les Turcs
priffent
la réfolution
défefpérée
de nous
attaquer
pendant
la nuit. Le foir , vers les 11 heures
;
nous
entendîmes
les canons
de la pointe
de Kinburn
, ce qui dura
toute
la nuit. Ce fut le Général
en chef, Comte
de Suwarow
, qui , par le
feu de fa batterie
, établie
à l'extrémité
de l'Iftme
( 196 )
de Kinburn , avoit empêché l'ennemi de fortir
du Liman , & par-là quelques-uns de fes vaiffeaux
de ligne & autres bâtimens , échouèrent fur le
rivage. Le Prince de Naſſau alla à eux. Il rangea
fa ftortille en deux colonnes , qui s'étendoient &
formoient un croiffant , dans lequel il enferma les
vaiffeaux échoués. Il falloit foutenir un feu trèsvifde
la fortereffe , de la batterie de Haffan-Pacha,
& des petits bâtimens à l'ancre près des murs de
la ville , pour parvenir aux vaiſſeaux qui , encouragés
par cette affiftance puiffante , fe défendoient
de la manière la plus opiniâtre. Le combat dura
quatre heures & demie , & tout le monde fur la
flottille a montré tant de courage & d'intrépidité
à cette occafion , que le Prince de Naſſau n'a fu
les louer affez . »
« Les victorieux ont pris neuf vaiffeaux , tant
de ligne que frégates ; de ce nombre fept ont
fauté en l'air par notre feu à boulets rouges. L'opiniâtreté
extraordinaire des Turcs a été caufe
qu'à peine nous avons pu fauver l'équipage d'un
feul vaiffeau . Ce fut un fpectacle effrayant de voir
périr dans les flammes & dans l'eau au-delà de
2000 hommes . La tempête furieuſe nous empêcha
d'en fauver autant que nous le fouhaitions. C'eſt de
cette manière que la flotte de S. M. Impériale a
détruit la grande flotte Ottomane , compofée de
tant de vaiffeaux de ligne & d'autres bâtimens
de toute eſpèce. La perte de l'ennemi eft fort
confidérable. Le nombre des prifonniers qui ont
été conduits à Kinburn , fe monte , fans compter
ceux qui ont été brûlés fur les vaiffeaux que nous
avions pris , à 1673 hommes , parmi lesquels fe
trouvent des Capitaines de vaiffeaux de ligne &
plufieurs autres Officiers. Déja nous avions en
notre pouvoir plus de 3000 Turcs ; mais comme
ils commençoient à tirer à cartouches , lorſqu'on
( 197 )
s'approchoit d'eux pour les raffembler , les nôtres
mirent le feu à leurs vaiffeaux . »
« Nous avons eu dans les deux act ons , deux
Officiers & 16 Soldats tués , & 62 bleffés ; de ce
nombre eft le premier Quartier- Maître , Chevalier
de Ribas , qui commandoit une Galère , & 10
Officiers . »
On nous a donné , le 22 , le récit
d'une troifième action , dans laquelle nous
avons brûlé quelques chaloupes Ottomanes
retirées fous Oczakof, & bombardé
cette Ville. La fubftance de ce rapport
fuffira à la curiofité publique .
« Après que le Prince Potemkin fut arrivé avec
l'armée Impériale près d'Oczakow , & qu'il eut été
reconnoître la place , il trouva que les vaiffeaux
qui s'étoient retirés du combat précédent , & principalement
les galères qui portoient de groffes pièces
de canon , feroient en état d'empêcher notre armée
de s'approcher de la fortereffe pour la bombarder.
En conféquence , il donna au Prince de Naffau-
Siégen la commiffion d'attaquer ces vaiffeaux ; ce
qui fe fit la nuit entre le 11 & le 12 Juillet , avec
Encourage & une intrépidité extraordinaires . Le
combat dura huit heures , fous le canon de la ville.
Les vaiffeaux ennemis furent coulés à fond ; nous
prîmes une galère ; & les autres , fort maltraitées
par le feu de nos vaiffeaux , furent forcées de
s'échouer fur la côte. Pour foutenir notre ftottille
& pour partager l'attention de l'ennemi , le Feld-
Maréchal Poremkin fit faire en méme-temps une
fauffe attaque fur terre. Les troupes légères de l'avant-
garde entourèrent la ville. Le corps des
chaffeurs de Livonie occupa les jardins & couvrit
notre baterie , qui étoit à la pointe du retranchement
, & & prés de la ville , qu'on pouvoit
1 117
( 198 )
Patteindre à coups à cartouches. Notre artillerie ,
quoiqu'elle ne fût point foutenue , a manoeuvré
avec autant d'ordre que fi ce n'eût été qu'un exercice.
La vivacité de notre feu fit taire le canon de
l'ennemi , & nous ne perdîmes qu'un valet d'artillerie
, qui fut tué avec fon cheval près de la batterie.
»
« Durant l'action , les Princes Repnin & George
Dolgorouki , ainfi que le Lieutenant - Général Potemkin
& d'autres , fe trouvèrent fur la batterie . Après
la deftruction des vaifeaux ennemis , la flottile
dirigea fon feu contre la ville , ce qui fut continué
avec tant de fuccès , que la ville haute fut prefque
entièrement réduite en cendres. »
« L'ennemi perdu à cette occafion deux frégates
de 20 canons , un brigantin de dix , & un
Kirlangitfch de 12 , une galiote à bombes avec un
mortier & quatre pièces de canon ; cinq galères à
50 rames , portant chacune un canon de 36 &
quatre de 12 livres de balle , faifant enfemble 23
pièces de canon ; de plus , deux vaiffeaux de tranfport
, avec 80 puds de poudre à canon ; une chaloupe
canonnière , avec un canon de 24 & un de
douze : en tout 100 pièces de canon. »
:
Outre la Déclaration que nous avons
rapportée , la Cour vient de publier encore
un Manifefte contre la Suède. Cette
pièce , datée de Zarskof- Selo le 30 juin, v. st.
eft conçue en ces termes :
11 juillet , m. st.
" Par la grâce de Dieu , Nous , CATHERINE II ,
Impératrice & Autocratrice de toutes les Ruffies ,
&c. &c. &c. Savoirfaifons à tous nos fidèles Sujets :
Les ftipulations renfermées dans les traités de
paix perpétuelle , conclus à Nyftadt & Abo , entre
la Ruffie & la Suède , n'ont jamais été enfreintes
de notre côté. Le dernier traité affura le
( 199 )
Trône de Suède à notre oncle Adolphe Frédéric ,
Duc de Holftein ; par conféquent fon fils , notre
coufin Guftave III , qui règne actuellement , doit
fon héritage aux foins efficaces de la Ruffie pour
fa Maiſon. Les liens du fang , & les fentimens de
reconnoiffance confolidoient l'amitié & la bonne
harmonie qui régnoient entre les Couronnes de
Ruffie & de Suède Qui ne voit aujourd'hui avec
étonnement , l'aftuce , la violence & l'infidélité
qui , au mépris de ces liaifons naturelles & nationales
, accompagnent les entreprifes artificieufes
du Roi de Suède contre la Ruffie ? Nous n'avons
befoin que d'un feul exemple pour prouver
combien nous étions attachés à ce Prince , & combien
nous aimions à conferver la paix avec lui .
Lorfque ce Prince renverfa, d'une manière violente,
la conftitution de la Suède , fur laquelle repofoient
le pouvoir du Sénat & la liberté du peuple, &
qu'il parvint au pouvoir abfolu , nous ne fimes
point valoir le droit que nous avions de nous oppofer
à ces entreprifes , en vertu des traités de Nystadt &
d'Abo. Cette conduite de notre part , fut fondée
fur la présomption que cet évènement ne porteroit
aucunes atteintes au bien- être de la Suède ,
& qu'il n'auroit aucunes fuites préjudiciables au
repos de fes voifins . Bientôt après nous nous aperçûmes
que ce Roi avoit conçu le deffein hardi de
troubler le repos du Nord : tantôt il s'adreffa à
Nous , tantôt à la Cour de Danemark , & propofa
à chacun en fecret des liaifons , uniquement dans
la vue de rompre celles qui fubfiftoient entre nous
& cette Cour. Nous lui répondîmes que nous
étions prêts à conclure toute alliance quelconque
pourvu qu'elle n'eût point pour objet de troubler
le repos du Nord, Trompé dans ſon attente , ce
Prince , qui ne refpire que des querelles , ne renonça
cependant point à fes vues ambitieufes &
iiv
( 200 )
injuftes . La guerre qui éclata entre nous & les
Tacs , les favorifoit. Lorfque , pour foutenir les
opérations de nos armées contre l'ennemi du nom
Chrétien , nous fimes équiper une efcadre pour
l'envoyer dans la méditerranée , & que nous déclarâmes
de bonne heure notre intention à la
Cour de Stockholm , ainfi qu'à toutes les autres
Cour d'Europe , ce Prince commença à répandre
dans l'étranger , & enfuite dans fon royaume
même , le bruit que nos préparatifs de guerre
étoient dirigés contre la Suède. Par cette invention
fabuleufe , il cherchoit à induire en erreur le
peuple Suédois , & à juſtifier ſes préparatifs hoftiles.
Perfonne cependant n'ignoroit le véritable
but de nos armemens maritimes ; mais pas une
feute Cour n'ajouta foi à cette calomnie , non plus
qu'à celle que la couronne de Danemark , notre
alliée , & d'autres Cours , foutiendroient les entreprifes
du Roi. Pour réfuter tout ce que ce Prince
nous impute fauffement , & pour prouver que
nous n'avions aucunes vues préjudiciables à fon
Royaume , qu'au contraire nous avions toujours
manifefté des intentions amicales pour lui & fon
peuple , il fuffit de dire que lorfque ce Royaume
fut preflé par la difette , nous y envoyâmes du
blé , & que nous permîmes que le commerce
avec des denrées , fe fit fur les frontières librement
& fans aucune rétribution de droits ; il fuffit encore
d'alléguer que , nous repofant fur la religion
des traités qui le lioient , nous ne fimes point
garnir de troupes nos frontières de ce côté , ni
les approvifionner de munitions de bouche & de
guerre , & que certainement nous l'aurions fait , fi
nous avions eu des vues hoftiles contre la Suède. »
Le refle eft une répétition de ce qui fe trouve déja
dans la déclaration.
( 201 )
SUÈDE.
De Stockholm , le 2 Août.
Il y a juste un demi- fiècle que nos
armes ne s'étoient mefuréés avec celles
des Ruffes , regardés avaat & depuis
comme nos ennemis naturels. L'épuifement
& la difcorde où le royaume fut
plongé depuis la mort de Frédéric 1 ,
prévinrent tout renouvellement d'hoftilités
contre une Puiffance dont le
voifinage nous avoit été funefte ; mais les
circonftances ayant changé , le reffentiment
national a repris fon influence , &
on en voit les effets dans l'ardeur avec
laquelle tout les ordres fe portent à là
guerre actuelle. Le premier combat maritime
livré par notre flotte , a prouvé que
notre pavillon étoit en état de fe faire
craindre , & que cette guerre feroit
fignalée par des actions fanglantes. Les
éloges donnés à la conduite du Duc de
Sudermanie, n'étoient point de vaines flatteries.
Pendant la bataille , ce Prince n'a
pas quitté le pont de fon vaiffeau , foudroyé
par une grêle de boulets ; un de
fes valets- de-chambre fut atteint auprès
de lui , & tomba mort à fes pieds ; enfin ,
il avoit à combattre trois vaiffeaux de ligne
ennemis , dont le principal lui étoit fupéiv
( 202 )
rieur de 30 canons . On a publié la relation
de cette bataille navale , donnée , le 17
juillet 1788 , près du Banc de Kalboden
dans le Golfe de Finlande , telle que le
Duc de Sudermanie l'a envoyée au Roi.
Elle eft claire , technique , fatisfaifante
dans tous fes détails ,
« La flotte Suédoife , écrit le Prince , forte de
15 vaiffeaux de ligne & de 5 frégates , étoit parvenue
, dans le cours de fa croifière , à la hauteur
de Kalboden , dans le détroit que forment ce
bas- fond & l'Ile d'Eckolmen , dans le golfe de
Finlande , lorfque le vent étant à l'eft & la brume
épaiffe , l'on entendit plufieurs coups de canon au
vent , quoique les avis les plus récens portaffent
que la flotte Ruffe étoit encore à l'ancre à Seskar.
Les ordres furent donnés en conféquence à la
flotte , à 3 heures & demie du matin , de fe
ranger en ordre de bataille , tribord ordre naturel ;
mais l'avant-garde en fut empêchée par le calme
& le courant fous l'Ile d'Eckolmen , ce qui m'obligea
, dans les manoeuvres qu'on faifoit pour gagner
le vent à 6 heures du matin , de faire ranger
la flotte en ligne de bataille tribord , ordre renverfé
, & de faire fignal qu'elle fe préparât au
combat. Bientôt l'on commença à diſtinguer , à
travers la brume , quelques vaiffeaux Ruffes , &
l'on reçut en même-temps des informations contradictoires
fur leurs forces . Néanmoins , & malgré
l'efpace étroit pour un combat , je donnai le
fignal de virer de bord & courir en échiquier ,
pour aller à la rencontre de l'ennemi , qui parut
en plein à 10 heures , rangé fur la perpendiculaire
& portant fur nous avec toutes voiles
dehors. Notre but étoit de prendre l'avantage
du vent. Nous affurâmes en même temps le
du vent ,
( 203 )
pavillon de Suède. Le grand nombre de vaiffeaux
& la brume ne permettoient pas encore de diftinguer
lefquels , dans cette flotte , étoient des
vaiffeaux de ligne ; mais l'on découvrit enfin
qu'elle confiftoit en 33 voiles , dont un vaiffeau
à trois ponts , 8 de 74 canons , 8 de 66 ,
7 grandes frégates. Quand les deux flottes furent
à deux portées de canon l'une de l'autre , & l'avant-
garde de la flotte Ruffe vis- à - vis de notre
centre , je donnai ordre , à 11 heures , à la flotte
de V. M. de virer de bord , & de fe mettre en ligne
de bataille tribord ; mais voyant que la flotte Ruffe
continuoit de fe porter avec toute fa force fur la
queue de l'arrière-garde , faifant alors l'avantgarde
, ce qui ne rendoit pas la bataille affez décifive
, & que d'ailleurs la proximité des bas fonds
auroit bientôt mis notre flotte dans la néceffité
de former fous le feu de l'ennemi un nouvel ordre ,
j'ordonnai à la flotte , à une heure & demie , de
virer de bord , & de former fa ligne bas- bord
amures , ordre naturel , ce qui me donnoit encore
l'efpérance d'ôter à l'ennemi l'avantage du vent ,
en prolongeant notre ligne fur fon aile gauche ,
& de profiter auffi de la faute que fa flotte paroiffoit
avoir faite , en ce que , par des mouve
mens contraires , elle s'étoit ouverte vers le centre .
Mais l'Amiral Greigh ne tarda pas à changer cette
difpofition : il laiffa fon arrière-garde revirer &
arriver fur la flotte Suédoife à petites voiles , cherchant
à fe placer lui-même vis-à- vis du vaiffeau
amiral . Son chef de file s'étant approché juſqu'à
la portée du fufil , je donnai , à 4 heures , lefignal
de commencer le combat , qui devint bientôt genéral
tout le long de la ligne , & avec une telle
vivacité , que ce même vailleau , après une heure
de combat , fut obligé de fortir de la ligne à l'autre
bord , étant couvert dans fa retraite par d'autres
i vj
( 204 )
·
vaiffeaux. Notre fum : e & celle des ennemis , que
le vent chaffoit de notre côté , nous empêchoient de
voir les fignaux & aucune partie de la ligne. Des
pelotons de vaiffeaux ennemis dirigeoient leur feu
fur la hanche de mon vaiffeau , & fe remplaçoient
fucceffivement . L'attaque paroiffoit conduite de
même fur notre avant - garde. Lorfque la fumée
fut diffipée , l'on diftingua plufieurs vaiffeaux ennemis
très endommagés dans leur gréement ,
& conduits à la remorque au vent de la ligne.
Tandis que les ennemis continuoient de fe porter
en force fur l'avant -garde , l'Amiral Greigh luimême
y étant paffé , le vent baiffa entièrement.
Par-là , & par l'effet de la fumée , notre flotte fe
retrouva dans le même courant que nous avions
déja éprouvé le matin fous l'ifle d'Eckolmen ; de
manière que les vaiffeaux ne pouvoient plus gouverner
, ni fe tenir dans la ligne , malgré les chaloupes
que nous mîmes en mer pour remorquer.
"
« Dans une pofition auffi critique , durant laquelle
le feu des ennemis enfiloit nos vaiffeaux de
Pavant à l'arrière , le vaiffeau le Vafa ayant , dans
cette occafion , couvert de fon feu le vaiffeau-
Amiral , j'envoyai l'Enſeigne Eckholm vers l'avant-
garde , pour lui donner à connoître que la
flotte viroit vent arrière , tribord amures , le courant
ne permettant aux vaiſleaux de venir au vent
que de ce côté-là. Le combat recommença à 8-
heures du foir avec la même chaleur , & un
nouvel avantage pour la flotte de Votre Majefté ;
car l'ennemi fut obligé de virer de bord fous.
notre feu , pour appuyer fon arrière-garde , &
couvrir fes vaiffeaux désemparés , qui s'étoient
réfugiés en arrière de la florte ; mais malgré
leurs forces réunies nous nous emparâmes du
vaiffeau le Wladiſlaw , doublé en cuivre , de 74
9
( 205 )
canons , parmi lesquels ceux de la batterie inférieure
font de 32 & 42 livres de baile , & de 783
hommes d'équipage . A 10 heures du foir le feu
ceffa de part & d'autre. »
« Pour éviter le bas-fond de Calboden , &
dans la double intention de conferver notre prife ,
qui approchoit de la queue de notre ligne , & de
reprendre le vaiffeau le Prince-Guftave , qui paroiffoit
désemparé & fans pavillon , je fis virer de
bord à toute la flotte , & fe former amure basbord
; mais l'Amiral Ruffe & toute fa flotte ont
fait le même mouvement pour le conferver. Dans
la nuit , la flotte ennemie parut tenir le vent &
s'éloigner du champ-de- bataille , tandis que la
flotte de Votre Majefté a eu fes feux allumés , &
a repété toute la nuit des fignaux à coups de canon.
Pendant ce temps il arriva de plufieurs vaiffeaux
des informations , qu'ils manquoient de munitions
, & qu'ils avoient reçu plufieurs boulets à
fleur- d'eau. Après leur avoir donné l'ordre de
réparer leurs gréemens , & de remplir leurs gargouffes
à poudre , la flotte fe rangea , malgré le
calme , fur la ligne de bataille tribord . La flotte
Ruffe avoit , de fon côté , remorqué les vaiffeaux
désemparés , & confervé fa pofition ; de manière
qu'aucune attaque fous le vent , pendant le calme ,
ne pouvoit avoir lieu : ce qui me fit prendre la
réfolution de diriger notre cours vers la rade de
Helfingfors , pour y réparer les vaiffeaux qui
avoient fouffert , & les fournir de munitions , la
plupart ayant , durant l'action , tiré jufqu'à 60.
coups & au-delà de chaque canon. Le vaiffeau
pris donne à juger que la flotte Ruffe étoit d'un
tiers plus forte que la nôtre , en équipages & en
munitions , fa deftination pour la Méditerranée
ayant rendu ces précautions néceffaires. Notre
perte eft de deux Chefs de vaiffeau & un Capi-
-
( 206 )
taine tués , & de 5 Officiers bleffés . Le nombre
des vaiffeaux ennemis qui furent défemparés ,
la certitude qu'un d'entre eux a été coulé à fond ,
& enfin les efforts de l'ennemi pour fe mettre
hors de la portée de notre canon , tout prouve
jufqu'à quel point le feu de la flotte Suédoife à
été foutenu & bien dirigé. Tous les chefs ont
auffi manoeuvré avec beaucoup de zèle & de bravoure
, confervé leurs poftes dans la ligne , &
allés à la rencontre de l'ennemi . D'une autre part ,
la flotte Ruffe nous attaqua avec l'audace que devoient
lui infpirer tous les avantages qu'elle avoit
du nombre & de la force de fes vaiffeaux , du
vent & de l'endroit même. Cette fermeté , qui re
fe démentit pas un inftant , malgré la durée d'un
combat vif & opiniâtre , & le courage , l'ardeur
même des équipages , animés & foutenus par
l'exemple des chefs , font dignes d'éloges , & méritent
d'être détaillés dans une relation particulière
fur chaque vaiffeau . »
A bord du vai au- amiral LE ROI Gustave III,
à l'ancre à la rade de HELSINGFORS , le 20juillet
1788. Signé , CHARLES .
DANEMAR CK.
De Copenhague , le 8 Août.
D'après la réquifition faite par la Cour
de Pétersbourg , le Principal Miniſtre
d'Etat , Comte de Bernstorff, a notifié aux
Miniftres étrangers réfidans ici , que le Roi
fe croyoit obligé de fournir à la Ruffie
le fecours ftipulé par le traité d'alliance
entre les deux Puiffances . Cependant
( 207 )
comme l'effet de cette réfolution peut
entraîner des fuites très funeftes , en obligeant
la Suède à réclamer des auxiliaires
fort puiffans , on attend avec impatience
de favoir comment la prudence de notre
cabinet faura allier fes engagemens avec
fes intérêts.
"
Le Prince Royal a été forçé , par les
conjonâures , d'abréger fa tournée de
Norwège , & on l'attend ici inceffamment .
Du refte , nos armemens continuent fans
interruption. Le 29 & le 31 , on embarqua
fur notre efcadre les troupes de terre qui
doivent renforcer les équipages ; deux
vaiffeaux de ligne , le Ditmarschen de 64
canons la Guillelmine Caroline de 60
canons, & le fénaut le Poftillon , font allés
croifer dans la mer du Nord . Les trois
vaiffeaux de ligne Ruffes qui , fous les
ordres du Vice-Amiral Defin , ont féjourné
dans notre rade , font allés en ftation
devant Gothenbourg , dans le deffein d'en
intercepter la navigation ; ils ont déja fait
deux petites prifes Suédoifes , & leurs
cutters ont conduit à Elfeneur , le 31
juillet , 11 navires Marchands Suédois ,
chargés de fel , harengs , grains , & c .
L'entrée de ces captures à Elfeneur , prouve
que notre Cour a déja renoncé
principes de la Neutralité.
( 208 )
PRUSS E.
De Berlin , le 11 Août.
,
Le 14 de ce mois , le Roi partira pour
la Siléfie , où S. M. fera la revue de ses
troupes. Voici fon itinéraire le 14 , à
Graunberg ; le 15 , à Liegniz ; le 16
Schweidniz ; le 17 , à Graz ; le 18 , à Cofel ;
le 19 , à Ratibor ; le 20 , à Neuftadt ; le 21 ,
à Neiffe , où il y aura revue jufqu'au 24 ;
les 25 , 26 & 27 , à Breflau ; le 28 , au
camp de Gnichwiz ; les 29 , 30 & 31 , revue
, après laquelle le Roi reviendra ici .
-On a fait partir la groffe Artillerie pour
la fortereffe de Graudenz , & l'on a envoyé
des ordres fecrets aux Généraux- commandans
de Stettin , Konigsberg , Clèves ,
&c. Le Roi eft retourné à Potſdam depuis
le 4.
On vient de vifiter ici les magafins où
font dépofés les uniformes , & c. Les changemens
que le Roi a introduits dans l'armée,
produifent une dépenfe additionnelle
de cent quatre-vingt & quelques mille
rixdalers par an .
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 12 Août.
On a célébré à Pétersbourg , par un
( 209 )
"
Te Deum, la bataille navale du 17 juillet ,
entre les Ruffes & les Suédois , le jour
même que ceux -ci rendoient également
au ciel des actions de grâce pour cette
journée . L'Amiral Greigh a été décoré du
grand Cordon de St. André ; le Roi de
Suède a donné l'Ordre militaire de l'Epée
aux deux Contre- Amiraux Nordenskold
& Linderftadt , ainfi qu'aux Colonels
Karilenftiern & Model : tous quatre. ont
été créés Chevaliers . Ce rapport dans les
marques d'alegreffe & dans les récompentes
des deux parts , n'eft pas fi femblable
dans les circonftances & dans les
fuites du combat. Tous les Officiers Suddois
ont remporté l'approbation de leur
Chef & du Monarque ; l'Amiral Greigh ,
au contraire , s'eft plaint de la conduite de
plufieurs Officiers Ruffes ; même des Capitaines
ont manqué à leur devoir , &
méconnu les fignaux . On prétend à Hel
fingfors avoir la certitude que deux vaiffeaux
Ruffes ont coulé bas dans l'action
& que fix autres ont été entièrement défemparés.
Ces deniers vaiffeaux , en effet ,
font rentrés à Cronstadt , dans le plus grand
délabrement. - Le lendemain de cette
bataille navale ( 18 juillet ) , le Chevalier
Tornings, forti de Sweaborg , eft entré dans
le port Ruffe de Fridericsham , avec 6 cha(
210 )
loupes canonnières , & y a enlevé le vaiffeau
de garde.
Trois bataillons des Gardes - à - pied &
quelques efcadrons des Gardes-à- cheval
font partis de Pétersbourg pour la Finlande
. Six régimens font attendus de Mofcou.
Les Calmouques , qui paffent en Finlande
, font , à ce qu'on efpère , au nombre
de 8,000 , outre 4,000 Colaques Kir
gires. On travaille nuit et jour dans les
arfenaux & les chantiers de Cronstadt &
aux fortifications de ce port . On y conftruit
à la hâte un certain nombre de chaloupes
canonnières , & on preffe l'équipement de
trois ou quatre vieux vaiffeaux de ligne .
On écrit de Libau , que l'Impératrice de
Ruffie , la Grande-Ducheffe & toute la
Cour quitteront Pétersbourg pour aller à
Mofcou. On ajoute que l'Impératrice a
requis le Duc de Courlande de ne point
fournir de munitions de bouche & de
guerre à fes ennemis , conformément à la
convention de 1762 , & qu'en effet ce
Prince a défendu l'exportation de toutes
denrées pour la Suède .
La Gazette de Stockholm , du 4 , a publié
l'état fuivant des efcadres Suédoife &
Ruffe, à l'inftant du combat naval . On ne
peut douter de l'authenticité de cette note.
Efcadre Suédoiſe .
Guftave III, 68 canons ; S. A. R. le Duc de Su(
211 )
dermanie , le Comte Wrangel , le Lieut. Col. Nordenfcold,
le Major Kling.
Enighet , 70 ; Lieut. Col. Eneschold .
Prince Guftave , 68 ; Col. Comte Clas Wachtmeifter
; Lieut . Col. Comte Jean Wachtmeiſter.
Sophie Magdelaine , 68 ; Col. Linderſtedt.
Hedwige Elifabeth Charlotte, 60 ; Lieut . Colonel
Modée.
Omhet , 60 ; Lieut. Col. Krufenstierna .
Rattwifan , 60 ; Lieut . Col. Fuft.
Dygden , 60 ; Lieut. Col. Baron Raab.
Wafa , 60 ; Lieut. Col. Comte Horn.
Frédernefland , 60 ; Lieut. Col. Kuylenffierna.
Eran , 60 ; Lieut. Col. Hifingfchold.
Forfigtighet , 60 ; Lieut. Col. Fahlſtedn
Prince Charles , 60 ; Pfilanderhielm .
Prince Frédéric Adolphe , 60 ; Lieut. Colonel
Leyonankar.
Prince Guftave Adolphe , 60 ; Lieut. Colonel
Chriſternin .
Totaux , 15 Vaiffeaux de ligne , 934 canons,
Frégates .
Gripen , 44; Capit . de Horn .
Camille , 40 ; Cap. Dufwa.
Froja , 40 ; Major Puke.
Minerva , 40 ; Major Naukof..
Thetis , 40 ; Major Wollin.
Heftor , 22 ; Lieut . Kullenberg.
Jaramas , 32 ; Major Billing.
Patriote , 18 ; Capitaine Wirgin.
Efplendian , 16; Enſeigne Ekholm.
Trolle , 26; Major Gyllenkhold.
Sprengtporten , 26 ; Lieut. Col. Steding.
Jaroflaw , 32 ; Lieut. Hokeflykt.
Totaux , 12 Frégates , 376 canons.
Total général des canons , 1310.
( 212 )
·
Efcadre Ruffe , fors les ordres de l'Amiral Greigh.
Roft laff , 108 can .; Commandant Odenzoff.
Mitifoff, 74; Com. Moulofsky.
Saint Pierre , 74 ; Com . Deniſon .
Wia fluf , 74; Com. Fergh.
Sainte Hélène , 74 ; Com. Breger.
Kir Ifan , 74 ; Com. Tez.
Jaroflaff, 74 ; Com , Biks .
Wfeflaff, 74 ; Com, Makaroff.
Joan Bohoflof , 74 ; Com . Warland.
Ffiaflaff, 66 ; Com. Karzoff.
Rodiflaff, 66; Com . Travenen.
Diris , 66 ; ' Com. Kakoſof,
Damet Eftafia, 66; Com . Baronoff.
Villor , 66 ; Com, Obolianmoff.
Mezeftaff, 66 ; Com. Borifoff.
Wucheflaff , 66 ; Com . Elphifton ,
Boleflaff, 66 ; Com . Deniloff.
17 Vaiffeaux de ligne , total, 1228 canons.
Frégates.
Briantchiflaff, 32 ; Capitaine , Sincawin.
Priamiflaff, 32 ; Cap . Siwers.
Podagrifiaff, 36; Cap . Lomen.
Slawa , 32 , Cap . Chicoickoff.
Mftiflawch , 28; Cap . Slamonsoft.
Nadechta Blahopoloutchia , 32 ; Cap. Loryet.
ofmiflaff, 32 ; Cap . Lifoffkoy.
Toraux , 8 Frégates , 232 canons.
Smeloy , 8 ; Cap. Srewnęns.
Total général des canons ,
1460
Total général des canons de l'Efcadre
Suédoife ,
Surplus des canons de l'Efcadre Ruffe ,
1318
150
( 213 )
Les troupes que le Duc de Meklenbourg
a cédées à la République des Provinces-
Unies , font arrivées aux environs de cette
ville ; elles feront embarquées fur des bâtimens
Hollandois qui les conduiront à
leur deftination ,
De Vienne , le 11 Août.
L'indifpofition du Général Prince de
Lichtenftein, paroiffant l'avoir mis hors d'état
de garder le commandement de l'armée
de Croatie , S. M. I. l'a remis au Feld-
Maréchal Laudohn , qui , malgré fon grand
àge & fes infirmités , fe prépare à partir
auffi-tôt pour le camp de Czérowliani.
L'Archiduc François arriva , le 17 juil
let , à Temefwar , d'où il repartit le 19,
pour fe rendre au camp du Prince de
Cobourg devant Choczim.
Nos Bulletins , fi prodigieufement fertiles
en minuties , nous laiffent dans la
plus parfaite ignorance des mouvemens
de la grande armée Ottomane. Nous
en fommes réduits , à cet égard , à quelques
avis indire&s & vagues , fuivant lefquels
le Grand-Vifir fe feroit porté avec le gros
de fon armée plus avant dans la Servie ,
de manière à pouvoir arriver fous Belgrade
au commencement de ce mois ; d'autres
difent qu'il s'approche de la Valachie .
Les Boulangers de nos faubourgs & des
( 214 )
lignes, ayant refufé , le 31 juillet , de
vendre du pain aux Artifans & Manouvriers
, même pour leur argent , vers les
9 heures du matin , les charges de pain
furent pillées. On en pefa un très - grand
nombre qui furent trouvées au deffous
du poids légal : les Boulangers furent
maltraités , leurs portes enfoncées , les
Gardes de Police reçus à coups de pierres.
Alors on fit avancer l'Infanterie du régiment
de Lafcy & un détachement de
Cavalerie , qui firent ceffer l'émeute . Plufieurs
Boulangers ont été arrêtés , trouvés
coupables , & punis de pilori : le Magiftrat
a fait diftribuer un chariot de pain dans les
faubourgs , & , depuis , cette fubfiſtance a
été vendue fans fraude fur le poids.
Le bulletin officiel du 9 , parle fort longuement
de la défenſe du château de Kuliſch
dans le Bannat , attaqué , le 26 juillet ,
par un parti Ottoman de Semandria , &
emporté , après que le Général Comte
d'Afpremont en eut fait retirer 150 Volontaires
qui le défendoient .
L'armée
de Croatie ne fournit à ce bulletin que la
nouvelle de quelques efcarmouches inutiles
: il y a un peu plus d'intérêt dans le
rapport envoyé du camp de l'armée devant
Choczim , le 1 ° . août.
er
« Le 28 Juillet , eft-il dit dans ce bulletin , un
corps compofé de Tartares & de Turcs , au nom(
215 )
bre de 4000 hommes , s'avança vers les troupes
Impériales , poflées devant Choczim . A gheures
du matin ils attaquèrent particulièrement notre
aile gauche , pendant qu'une des leurs s'étoit cachée
derrière une colline 9 pour foutenir les
Tartares , chargés de s'emparer des chevaux &
moutons qu'ils trouveroient dans les forêts &
dans les campagnes. »
« Le feu de notre canon & de notre moufqueterie
avoit à peine duré quelque temps , que
l'ennemi ſe défifta , au moins en partie , de l'attaque
de notre aile gauche , fe porta par détachemens
vers notre aile droite , prenant fa marche
derrière une colline fur laquelle étoit pofté le premier
Lieutenant Svolensky , avec le fecond efcadron
des Hoffards d'Erdody."
« Pour couvrir le dos de notre pofition , &
pour empêcher l'ennemi , autant que poffible , de
s'emparer des beftiaux , le Major Devehich , du
fecond régiment Vallaques des frontières , oppofa
fur cette aile , à l'ennemi , 5 divifions de cavalerie
, foutenues par une compagnie d'infanterie ,
avec un canon . »
« Sur ces cinq divifions , l'ennemi fit à diverſes
reprifes l'attaque la plus vigoureuſe ; à la première
les nôtres repoufsèrent l'ennemi au premier
choc ; au fecond , qui dura plus long- temps , &
où l'ennemi fe trouva fupérieur en nombre , il
fondit fur nous avec tant de force , en pouffant de
grands cris , qu'il auroit sûrement contraint nos
divifions de Huffards à fe retirer , fi le Major
Kepiro , gardant la préſence d'efprit & le courage
néceffaires , n'avoit animé nos Huffards à
employer toutes leurs forcrs , ce qui les porta à
revenir à la charge , & à fondre fur l'ennemi ,
avec tant d'impétuofité & de courage , qu'ils parvinrent
à la fin à faire retirer les Turcs & les
Tartares. >>
( 216 )
« Après ce combat , qui dura 3 heures , l'ennemi
fe retira , emmenant avec lui le bétail dont
il s'étoit emparé , & en gagnant , felon les avis
qui nous font parvenus le 31 Juillet , le voisinage
de Huck , éloigné de trois lieues &demie d'Herlo,
d'où , à ce qu'on prétend , il a dirigé ſa marche
vers Jaffy , dans le deffein d'attaquer notre corps
de troupes pofté , fous les ordres du Feld- maréchal
Lieutenant de Spleny , à Strojeſtię. »
"« Le Sous-Lieutenant Thanafe-Androny , du
fecond régiment Valiaque , reçut une bleſſure à
la main gauche ; le Sous- Lieutenant Koefy , des
Huflards d'Erdody , fut renverfé & fait prifonnier;
trois des Huffards qui vouloient fauver leur Officier
revinrent couverts de bleffures. Nous
comptons en outre 10 morts & 12 bleffés ; 15
fantaffins & 2 Huffards , ( ces derniers envoyés
pour chercher & faire emmener les fourrages ) fe
font perdus ; nous avons en outre 19 chevaux
bleffés & deux d'égarés . On a trouvé 14 morts de
l'ennemi . >>
« Nous avons fait prifonnier le chef des Tartares,
fils de leur Khan ; nos Huffards ont pris 12 chevaux
à l'ennemi, »
« Le 29 de juillet , des députés de la garnifon de
Choczim arrivèrent au camp du Prince de Cobourg ,
& du Général Ruffe , Comte de Soltikow , pour
demander fi la libre fortie de la ville pourroit être
accordée à la garnifon. Sur les arrangemens qu'on
prit à l'égard des articles de la capitulation , dont
les députés promirent de porter la réponſe dans
deux fois vingt-quatre heures , & le bruit s'étant
répandu pendant ce temps dans la fortereffe , qu'un
renfort confidérable fe trouvoit déja en marche
pour fecourir la place , les mêmes députés revinrent
le 31 juillet au camp , pour demander : » ou
» qu'il fût libre à la garnifon de Choczim d'en-
( K voyer
( 217 )
>
<
» voyer deux de leurs députés à Jaffy , pour
» s'allurer dans quelles mains cette place fe trou-
» voit réellement , ou qu'on accordât à la garnifon
une fufpenfion d'armes de onze jours , à
» l'échéance defquels , fi aucun fecours n'étoit
» arrivé à la fortereffe , il lui feroit libre d'accepter
» la capitulation . » Sur quoi l'article de l'envoi
des députés à Jaffy , leur a été abſolument refufé ,
& on leur a déclaré en même temps , que de ce
jour , jufqu'au 5 d'Août au mati on prétendoit
qu'ils rendiffent la place , ou qu'à l'échéance de ce
terme , on feroit recommencer le feu . »
De Francfortfur le Mein , le 16 Août.
En tranfcrivant fans examen toutes les
lettres apocryphes , toutes les rumeurs de
l'inftant , les exagérations des intéreffés ,
les relations officielles , les bulletins dictés
par la politique, on ne conftate certai
nement ni la vérité des faits , ni le caractère
des évènemens ; le Public , embarraffé
de ce fatras de Gazettes , ne fait plus où
arrêter fon opinion , & il adopte celle qu'il
entend répéter le plus fouvent , quoique
à l'ordinaire deftituée de toutes preuves
propres à déterminer le jugement d'un
hommefage. Le faux eftconftamment mêlé
avec le vrai ; & quiconque ne porte pas un
efprit de faine critique à la lecture des Papiers :
publics , fera toujours trompé. Plus les faits
le fuccèdent rapidement , plus il devient
difficile de les vérifier : il faut revenir
No. 35. 30 Août 1788
k
( 218 )
avec le temps , fur les premières relations ,
pour en apprécier la valeur .
Nous avons obfervé plus d'une fois ,
qu'il faudroit entendre les deux parties ,
avant d'ajouter foi à aucun récit ; les contradictions
que renferme , par exemple ,
les rapports qu'ont publiés les Ruffes
& les Suédois , de leur dernier combat
naval , nous autorifent à refter dans le
doute fur les faits avancés le plus affirmativement.
Les trois échecs qu'a effuyés la
flotte Ottomane dans le Liman , nous
furent d'abord préfentés comme une deftruction
totale de leur flotte . Tous les
échos des nouvelles publiques nous atteftèrent
, à l'envi , qu'ils avoient perdu NEUF
VAISSEAUX DE LIGNE , le 28 juillet ;
qu'en fe rendant àVarna, le Capitan-Facha ,
pourfuivi par Paul- Jones , avoit livré aux
flammes ou laiffé prendre encore QUATRE
VAISSEAUX DE LIGNE ET DÎX FRÉ-
GATES . Sur la parole d'un MAITRE DE
POSTE de Pologne , on faifoit prifonnier
ce vieux Amiral en perfonne ; déja l'on
expédioit Paul - Jones devant Conftantinople
, où il ne reftoit plus , difoit- on ,
une chaloupe de défenſe. Quelques Gazettes
renchériffant encore , ont imprimé
la femaine dernière , que les Ottomans
avoient perdu CENT VAISSEAUX DE
GUERRE. ( Comme la flotte du Capitan
( 219 )
Pacha n'en a jamais eu que 66 , il eft
difficile de comprendre, comment on lui en
auroit pris ou détruit cent ) . Enfin , les relations
mêmes , publiées par les Cours de
Pétersbourg & de Vienne , fixent l'étendue
des avantages remportés par les Ruffes .
En leur accordant toute l'autorité que mérisent
les narrés d'un feul parti , il réfulte
des liftes annexées à ces relations , que
dans le combat des 28 & 29 juillet , les
Turcs ont perdu
2 vaiffeaux de 64 canons.
2
5860
frégates de 40
I vaiffeau 50
brûlés
pris.
Tot. des vaiffeaux de ligne, 5
frégates • •
3
Dans la troifiễme action fous Oczakof,
le 12 juillet , les Turcs ont perdu , toujours
fuivant la lifte officielle de Pétersbourg ,
2 frégates de 20 canons.
I brigantin 16
& 12 autres pet . bât. de 4 , 5 , 1. c.
Total..15
Comparons maintenant ces pertes avec
les forces réelles du Capitan- Pacha , à fon
départ de Conftantinople. Nous en donnâmes
l'état authentique dans le no. 24
k ij
( 220 )
de ce Journal . Sa floute étoit compofée .
de 16 vaiffeaux de ligne , depuis 85 à 50
canons inclufivement . Il lui en reste donc
ONZE incontestablement , parmi leſque's .
levaiffeau Amiral de 86. canons,& le Vice- .
Amiral de 74. Il avoit 14 fregates de 40 à
20 canons ; il en a perdu 5 , refte 9. Au
total , fa perte eft de 22 bâtimens ; ce qui
réduiroit fa flotte actuelle à 42. voiles ,
dunt . II vaiffeaux de ligne.
et 9 frégates..
Il eft fort douteux que les Ruffes aient.
des forces auffi confidérables dans la mer..
Noire ; mais ils ont prouvé que leurs fuccès
ne dépendaient pas du nombre.
Maintenant , it importe de favoir ce
qu'on ne fait point encore , c'est le lieu
de retraite de l'Amiral Ottoman , la difperfion
ou la réunion du refte de fa flotte ,
les projets à venir , & c .
Depuis le 4 , on voit à Leipfick & dans
toute la Saxe beaucoup de mouvemens
militaires . On a formé de grands magafins
de bled , tant à Leipfick qu'à Weifenfels ,
Torgau & Drefde . Les levées d'hommes
fe font rapidement : on affure qu'à la fin
de ce mois l'armée fera forte de 40,000
hommes , & entrera au camp de Pirna ..
ITALI E..
De Livourne , le 6 Août,
Les bât mens de guerre que le Bey
( 221 )
d'Alger envoie au fecours de la Porte ,
font un chebec de 34 canons & 300
hommes d'équipage ; un autre de 24
"canons & 224 hommes ; une barque de
32 canons & 350 hommes ; une de 28
canons & 224 hommes ; une de 22 can-
& 195 hommes , en tout 6 bâtimens de
guerre & 1500 hommes . Cette flottille.
et commandée par le renégat Juif Kaghi
Machmed , 'qui monte le premier chebe .
On favoit depuis quelque temps que le Dey de
cette Régence avoit fait étrangler for premier Mi
niftre. On apprend aujourd'hui que ce châtiment
eft le fruit d'une confpiration formée entre ce Miniftre
& le fils du Bey de Conftantine , pour exterminer
le Dey. Celui-ci ayant découvert la trame,
raffembla , le 26 mai , une heure avant le lever du
foleil , tous les Officiers de la Régence : cette affemb'ée
a arrêté la inert immédiate du coupable , auquel
on a trouvé de grandes richeffes.
Les dernières lettres de Malte
portent
que la frégate Efpagnole la Rofe , coinmandée
par le Chevalier Gravina , étoit
arrivée de Conftantinople en ce port ,
ainfi que la frégate Vénitienne la Palias ,
qui venoit y chercher des vivres pour
l'efcadre du Chevalier Condulmer, Le Che
valier Gravina avoit rencontré dans fa
route plufieurs bâtimens de guerre Algériens,
qui alloient le réunir aux forces maritimes
du Grand- Seigneur.
·Le célèbre Abbé Spallanzani eſt anité
k iij
( 222 )
de Conftantinople à Rome , où il s'eft arrêté
trois jours avant de fe rendre à Naples .
On apprend de Tunis , que le Confeil
de cette Régence a réfolu de déclarer auffi
la guerre au pavillon Impérial , & qu'il a
été ordonné à fes Corfaires de s'emparer
de tous les bâtimens qu'ils rencontreront
fous ce pavillon.
GRANDE - BRETAGNE,
De Londres , le 19 Août.
Le Roi & la Famille Royale font revenus
famedi de Cheltenham à Windfor.
Ceux qui ont approché S. M. pendant
fon féjour dans la contrée , affurent lui
avoir entendu dire , plus d'une fois , que
les heures tranquilles qu'il paffoit à Cheltenham
& dans les environs , fans gardes ,
& au milieu de fon Peuple , le dédommageoient
de tous les ehagrins, qu'il pouvoit
avoir éprouvés durant fon règne.
Trois jours avant fon départ de Cheltenham,
ce Monarque reçut le réfultat des délibérations
prifes , le 13 , dans un Confeil
tenu chez le Secrétaire d'Etat au Département
Etranger , & auquel avoit aſſiſté le
Chevalier James Harris , notre Ambaffadeur
en Hollande , arrivé fubitement de la
Haye , le 11 au foir. Le Marquis de Çaër(
223 )
marthen le trouvant alors à Tunbridge ,
un courrier, qu'on lui expédia fur le champ ,
le ramena , le 13 , à Londres , où le même
jour il fit affembler le Confeil.
On a expédié , le 11 , du bureau de ce
Miniftre , des dépêches à M. Elliot , Envoyé
extraordinaire de S. M. auprès de la
Cour de Danemarck : le meffager qui en
eft chargé, a ordre de revenir en Angleterre
en toute diligence .
« Les deux Secrétaires- d'Etat , difent plufieurs
" de nos papiers , ont donné , par ordre de S. M. ,
les affurances les plus pofitives & les moins
» équivoques aux Ambaffadeurs de Ruffie & de
" Suède , de la ferme réſolution où étoit la Cour
» d'Angleterre d'obferver une ſtricte neutralité
» dans la préfente querelle du Nord , & de ne
" point permettre qu'il foit équipé aucun vaiffeau
dans les ports de l'Angleterre pour le fervice
» des Puiffances Belligérantes. D'autres Cours voifinent
continuent à obferver la même conduite. »
(Cet article ne paroît point exact. Le Secrétaired'Etat
du département intérieur ne fe mêle point
des affaires étrangères , & le World affure pofitivement
que notre Cour n'a fait aucune déclaration
pareille à celle qu'on lui prête. )
Le Dauphin de 16 canons, & le Mercure
de 14 , achetés ici pour fervir de Corfaires
par des Armateurs Ruffes , ont été arrêtés
à Elfeneur , fur la réquifition de M. Elliot,
notre Miniftre à la Cour de Copenhague .
Les conféquences de la guerre du Nord
commencent déja à fe faire fentir . Plufieurs
articles importés de la Baltique font
k iv
( 224 )
hauffés de prix ; l'affurance pour la Suède
eft montée à 10 sh. , & pour la Ruthie à
40. , dans l'efpace de peu de jours.
On ajoute que la confufion eft telle à
Pétersbourg , & que nos Négocians font fi
alarmés , qu'ils ont fait des remifes immenfes
en Angleterre . En conféquence ,
le change avec la Ruffie a tellement baiffé ,
qu'au lieu de 3 fch . 6 d. , le rouble re
vaut plus que 2 fch. 8 d.

Le Rodney, le Lansdown & le Francis ,
navires de la Compagnie des Indes , font
arrivés , ces jours derniers , du Bengale &
de la Chine , avec de riches cargaifons .
"
Un jeune homme, âgé d'environ 20 ans , fils du
fieur Wiltshire , demeurant dans Stoney - Lane ,
Tooley-Street à Londres , étoit fujet à des maux
de coeur très- fréquens, Le 9 dece mois , en faifant
des efforts pour foulager fon eftomac , il rendit un
corps vivant en apparence , ayant environ fix pouces
de long & près de trois de large , d'une forme
défagréable & dégoûtante , offrant aux yeux ure
tête , une grande bouche , des pieds , &c . aſſez
femblables à ceux d'un crapaud. Cet embryon ceſſa
tout mouvement au bout de quelques minutes : on
l'a confervé dans de l'efprit- de- vin . Le malade , en
rendant ce corps , vomit une grande quantité de
fang. ( Nous abandonnons au jugement de nos
Lecteurs cet article , donné comme authentique par
le Morning Chronicle du 13. )
Le 6 août , on a lancé dans le port
d'Edimbourg , un vaiffeau de nouvelle
construction , qui confifte en deux coques ,
dans la proportion très- alongée de 100
( 215 )
pieds de long fur 12 pieds de large , éloignées
l'une de l'autre de fept pieds, jointes
enfemble au moyen de deux rangs de
poutres très - fortes . Sur le pont , ce bâument
a la forme & les dimenfions d'un
vaiffeau de 600 tonneaux de conftruction
ordinaire. Il aura cinq mâts, avec des voiles
carrées & des voiles d'étai ; il pourra
être mû dans le calme par cinq roues au
lieu d'avirons , mifes en mouvement avec
un cabeftan fur le pont, & le bâtiment
fera alors pouffé avec une viteffe de 4
à
5 milles par heure .
Un fait affez peu connu , quoique tenuu pour
certain par l'armée qui fervoit fous les ordres du
Général Wolfe , c'eft que la bleffure dont mourut
ce Capitaine , ne fut point l'effet des haſards de la
guerre , mais celui de la trahifon d'un Déferteur
de fon propre Régiment. Voici , dit-on , la fubftance
de cette anecdote. Le Général aperçut
l'un des Sergens de fon Régiment frapper un
homme tous les jours ( action qu'il avoit fpécialement
défendue ) ; & connoiffant le maryr pour un
bon foldat , il gronda le Sergent avec chaleur, &
le menaça de le faire mettre en rang. Cette réprimande
irrita tellement ce bas Officier , qu'il faifit
la première occafion de paffer à l'armée ennemie ,
où il médita les moyens de tuer le Général. Il
y éuffit en fe faifant placer dans l'aile gauche de
l'ennemi , directement oppofée à l'aile droite de
l'armée Angloife , où Wolfe commandoit en perfonne
, & où il fut reconnu par ce miférable , qui
réuffit dans fon déteftable projet . Après la défaite
de l'armée Françoife , les Déferteurs furcnt tous
- conduits à Crown -point , qui fe trouvant tout- àk
v
( 226 )
coup inveſti & pris par les Anglois , toute la garnifen
tomba entre les mains des vainqueurs. Le
Sergent fut pendu pour déſertion ; mais avant
l'exécution de fa fentence , il confeſſa ſon crime.
« Nous tenons ce fait, dit le papier qui le rapporte,
» d'un Officier qui fe trouva présent à cet aveu. »
Thomosko , ci- devant marchand établi
à Bannat , retiré du commerce depuis plus
de 40 ans , eft mort ces jours derniers dans
cette même Ville , à l'âge de 107 ans.
Nous pafferons fous filence la partie
de la notice du Docteur Kippis , relative
aux Voyages du Capitaine Cook, fi connus
en France par la traduction de M. Demeunier,
pour en venir aux détails de la mort
de ce grand homme , qui le font moins :
nous les devons à M. Samwell , dont le
récit authentique redreffe celui du Capitaine
King.
" Karifpoo , Roi du pays où M. Cook avoit
perdu la chaloupe de la Difcovery , enlevée par
les habitans , étoit difpofé à fe rendre à bord de
la Refolution comme "otage ; mais les Chefs l'en
empêchèrent. »
Tandis que le Roi , continue M. Samwell ,
étoit en pour-parler avec fes gens , on vit roder
un Chefnommé Coho , que nous connoiffions tous :
il étoit armé d'un poignard d'acier à moitié caché
fous fa natte , & paroiffoit avoir l'intention d'affaffiner
le Capitaine ou le Lieutenant. Ce dernier
propofa de faire feu fur lui ; mais M. Cook s'y
oppofa. Coho s'approchant trop d'eux , força l'Officier
à le bourrer avec fon fufil , ce qui l'obligea
de fe retirer. Un autre Indien s'étant jeté ſur celui
d'un Sergent , effaya de le lui arracher , mais le
( 227 )
Lieutenant le prévint , & le jeta bas d'un coup de
feu. M. Cook voyant le tuinulte s'augmenter , &
les Indiens devenir plus entreprenans , s'aperçut
bien que fi on vouloit leur enlever leur Roi par
force , il en coûteroit beaucoup de fang à ces malheureux
fauvages ; il s'arrêta un moment , & étoit
fur le point de donner l'ordre de fe rembarquer ,
quand il reçut un coup de pierre , auquel il répondit
par un coup de piftolet ( il en tenoit un à
deux coups , mais il n'y avoit qu'une charge ) .
L'Indien , couvert d'une natte épaiffe , ne fentit
point la balle , ou n'en fut que légèrement bleſſé ;
il branla fon dard , & menaça d'en percer le Capiaine
, qui , ne voulant pas le tuer , fe contenta
de lerenverfer en le heurtant avec la croffe . Il fe
plaignit vivement , aux plus avancés de la troupe,
de leur conduite turbulente. Convaincu de l'impoffibilité
d'amener le Roi à bord , il y avoit renoncé
; il ne fongeoit plus qu'à fe tenir fur la défenfive
, & à favorifer la retraite de fa petite troupe ,
ferrée de près par une foule d'Indiens. Keowa ,
le fils du Roi , qui fe trouvoit fur la pinaffe,
alarmé au premier coup de fufil , avoit été remis
à terre à ſa première demande. Il est sûr qu'en
ce moment même M. Roberts , qui commandoit
la pinaffe , ne croyoit pas que la perfonne du
Capitaine Cook fût en danger , autrement il auroit
retenu le Prince , ce qui sûrement eût fervi
de frein aux Indiens. On vit un homme caché
derrière un double canot , lancer fon dard contre
Je Capitaine , qui fut forcé , pour fa propre défenfe
, de faire feu fur lui ; mais le coup porta
fur un autre , également échauffé dans cette rixe.
Le Sergent s'apercevant qu'il avoit marqué
l'homme qu'il vifoit , tira , après en avoir reçu
l'ordre , & le coucha fur la place. L'impétuofité
des Indiens parut alors un peu réprimée ; ils
k vj
( 228 )
s'ebrantèrent , & femb'èrent prêts à prendre la
fuite ; mais pouffés par ceux de derrière , ils
revinrent à la charge , & firent voler une grêle
de pierres fur les matelots , qui , fans attendre
d'ordres , leur répondirent par un feu 'de moufqueterie
, fuivi à l'inftant même de celui des
canots. En ce moment on entendit le Capitaine
Cook en témoigner fa furprife . Il fit un figne de
la main vers les canots , leur dit de ceffer ce
feu , & d'approcher pour recueillir les matelots.
Alors M. Roberts ferra le rivage avec fapinaffe ,
d'auffi près qu'il lui fut poffible , fans échouer ,
& cela au milieu de la grêle de pierres qui tomboient
fur fon équipage . Mais le Lieutenant , chargé
de la principale chaloupe de débarquement , au
lieu de venir au fecours du Capitaine Cook , fit
éloigner fa chaloupe dans le moment même que
le falut de ce grand homme paroiffoit dépendre
de la promptitude des efforts des matelots . A en
croire ce Lieutenant , il fe méprit fur le fignal ;
mais , qu'il en foit ce qu'il voudra , cette circonftance
, felon moi , a décidé le fort fatal de cette
affaire , & ôté au Capitaine tout efpoir de fauver
fa vie. En conféquence de cette fauffe démarche ,
il ne refta donc plus que la pinaffe pour recueillir
les matelots ; auffi fut- elle remplie au point qu'ils
ne pouvoient faire prefqu'aucun ufage de leurs
armes à feu , ni porter au Capitaine les fecours
qu'autrement ils n'auroient pas manqué de lui
donner. I paroît donc que l'éloignement de la
principale chaloupe lui fit perdre , au moment
le plus critique , l'affiftance des deux canots ; car ,
quoique cette chaloupe , en fe retirant , fit feu fur
les Sauvages , il faut convenir que la fituation
dans laquelle ceux qui la montoient s'écartèrent ,
& l'afreufe confufion qu'entraîna cette retraite ,
empêchèrent le plein effet des prompts fecours
( 229 )
·que les deux canots auroient pu porter en fuivant
les ordres du Capitaine Cook. It ne lui refta plus
alors d'autre reffource que les canots car , quand
les matelots eurent fait feu , les Indiens fe jetèrent
fur l'équipage , & les poufsèrent dans l'eau ,
où il y en eut quatre de tués . Le Lieutenant
même fut bleffé ; mais il eut le bonheur d'être
recueilli dans fa fuite par la pinaffe. Le Capitaine
Cook refta donc abfolument feul fur le rocher
on le vit faire figne de la tête à la pinaſſe ,
en tenant la main gauche derrière , pour parer
les coups de pierres , & porter fon fufil fous le
bras droit on aperçut derrière lui un Indien
qui le fuivoit à pas timides ; car il s'arrêta une
fois ou deux , comme incertain s'il poursuivroit ;
enfin il s'avança à l'improvifte , lui afféna fur le
derrière de la tête un coup de maffte ou de
bâton ordinaire , & fe retira précipitamment. Le
coup parut avoir étourdi M. Cook ; il chancela
quelques pas , tomba fur une main & fur un ge
nou , & laiffa échapper fon fufil . Comme il fe
relevoit , & avant qu'il fût redreffé , un autre Indieu
le frappa entre les épaules , d'une dague de
fer ; alors il tomba dans une fondrière , où il avoit
de l'eau jufqu'aux genoux . Une foule de Sauvages
fe jetant fur lui , effaya de lui tenir la tête plongée
pour l'étouffer ; mais s'étant débattu vigoureufement
, il parvint à la foulever hors de l'eau ,
& tourna fes regards vers la pinaffe , en paroiffant
implorer fon fecours Quoiqu'elle ne fût qu'à
5 à 6 verges de diftance , les matelots , entaffés l'un
fur l'autre & en défordre , ne purent le fauver.
Saifi de nouveau par les Indiens , il fut replongé ,
mais plus profondément ; il réuffit pourtant une
feconde fois à s'en retirer ; & , prefque épuisé par
fes efforts , il tâchoit de regagner le rocher , & de
s'y foutenir , quand un Sauyage le frappa d'un
( 230 )
coup de maffue ; alors il tomba fans mouvement.
Les Indiens le traînerent fur les rochers , où ils
parurent prendre un plaifir féroce à exercer mille
cruautés fur fon corps ; ils s'arrachoient l'un à
l'autre le poignard , pour avoir l'horrible fatisfaction
de percer la victime qui avoit fuccombé à
leur rage."
« Si quelque chofe peut ajouter à la honte &
à l'indignation généralement éprouvées dans cette
occafion , c'eft de voir que les reftes de ce grand
homme ont été abandonr.és fur le rivage , andis
qu'on auroit pu les recueillir. Il paroît , d'après
les témoignages de 3 ou Gardes -Marines , qui
arrivèrent fur le lieu à la fin de ce fatal accident ,
que le rivage étoit entièrement nettoyé d'Indiens ;
à la fin ils avoient cédé au feu de nos canots , &
s'étoient difperfés dans leur bourgade : de forte
qu'il ne fembloit pas fort difficile de recouvrer
le corps du Capitaine Cook. Le Lieutenant jugea
pourtant à propos de retourner à bord fans l'effayer.
Il n'eft pas befoin de nous appéfantir fur
ce trifte fujet , & de rapporter les plaintes & les
cenfures auxquelles la conduite de ce Lieutenant
a donné lieu. Nous nous contenterons de dire qu'on
cria fi haut contre cet Officier , que le Capitaine
Clerke ne put fe difpenfer de faire attention à ces
juftes murmures , & de prendre par écrit les
dépofitions des accufateurs . On fuppofe que la
fanté délabrée de ce Capitaine , & fa mort qu'il
fentoit approcher , ont pu l'engager à détruire ces
papiers quelques jours avant fa fin. »
« C'eft affurément une tâche pénible , que celle
de noter des circonstances qui jettent un jour défavorable
fur la réputation d'un Officier ; mais
l'intérêt de la vérité m'a forcé de raconter ces
faits , que j'ai au refte préfentés purement &
Implement comme des faits , fans me perimettre
( 231 )
de les commenter ; perfuadé , comme je le fuis ,
que le devoir d'un fidèle hiftorien eft de ne rien
affoiblir ni de ne rien exagérer dans ce qui peut
tendre à une inculpation. "
FRANCE.
De Verfailles , le 20 Août .
Le 14 de ce mois , la Reine eft revenue
ici de fon Château du Petit - Trianon , avec
Madame , Fille du Roi , & Madame Elifabeth
de France . Madame Comteffe d'Artois
eft arrivée , le même jour , de Saint-
Cloud .
Le lendemain , 15 , fête de l'Affomption
de la Vierge , Leurs Majeftés & la Famille
Royale ont entendu , dans la Chapelle du
Château , la grand'- Meffe , célébrée par
l'Evêque de S. Papoul. La Comteffe de
Fézenząc , Dame pour accompagner Madame
Victoire de France , a fait la quêre .
L'après -midi , la Cour a affifté à la Proceffion
, qui a lieu tous les ans pour l'accompliffement
du vou de Louis XIII .
Le feur Dumouchel , Re&teur de l'Univerfité
de Paris , accompagné de quatre
des plus anciens de cette Univerfité , a eu
l'honneur de préfenter , fuivans l'ufage , au
Roi , à Monfieur & à Monfeigneur Comte
d'Artois , la lifte de la diftribution des prix ,
faite cette année.
( 232 )
Le 17 de ce mois , la Députation des
Etats de Corfe , compofée , pour le Clergé ,
de l'Evêque de Neppio , pour la Nobleffe ,
du Comte Ponté, pour le Tiers - Etat , du
fieur Martéi , a été admife à l'audience du
Roi , à laquelle elle a été préfentée par
le Comte de Brienne , Miniftre & Secrétaire
d'Etat , ayant le Département de la
Guerre , & conduite par le fieur de Wa-
´tronville , Aide des cérémonies . L'Evêque
de Neppio a porté la parole : la Députation
a eu enfuite audience de la Reine
& de la Famille Royale .
Le même jour , la Marquife de Bloqueville
, la Marquife de Certaines & la Comteffe
Robert de Dillon , ont eu l'honneur
d'être préfentées à Leurs Majeftés & à la
Famille Royale ; la première , par la Ducheffe
de Harcourt ; la feconde , par la
Marquife de Choifeul ; & la troifième , par
la Marquife d'Ofmend, Dame pour accompagner
Madame Adélaïde de France.
De Paris , le 27 Août.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 18
août 1788 , concernant la circulation des
Billets de la Caiffe d'Efcompte.
Par cet Arrêt , le Roi a autorifé le Caiffier
général de la Caiffe d'Efcompte à payer jufqu'au
premier janvier 1789 , à ceux des Porteurs des
Billets de ladite Caifle qui ne voudront pas les
( 233 )
laiffer dans la circulation , le montant deſdits
Billets en bons Effets & Lettres - de-change fur
Particuliers , en bonifiant l'efcempte. Ordonne Sa
Majefté que lefdits Billets de la Caifle d'Efcompte
continueront d'avoir cours , & d'être donnés &
reçus pour comptant , comme par le paffé , dans
toutes les Caides générales & particulières , à
- Paris feulement. Fait défenfes Sa Majefté à tous
Porteurs de faire aucune pourfuite jufqu'au premier
janvier prochain , pour le paiement en efpèces
deidits Billets . Fait pareillement défenfes à tous
Notaires ou Huiffiers de faire aucuns protêts ou
autres pourfuites jufqu'au premier janvier prochain
, pour raifon des Lettres - de-change ou
Billets , dont le paiement aura été réellement
offert en Billets de la Caiffe d'Efcompte : Sa
Majefté fe réfervant , & à fon Confeil ,
la connoiffance
de toutes pourfuites & conteftations
concernant l'exécution du préfent Arrêt , & icelles
-interdifant à toutes fes Cours & autres Juges.
Idem, en faveur de la Caiffe d'Efcompte.
Sa Majesté propofant de donner de nouvelles
marques de fa protection à un établiſſement
que l'exactitude & l'utilité de fes fervices lui
rendent recommandables ; le Roi interprétant
en tant que de befoin l'article V de l'Arrêt rendu
en icelui le 16 du préfent mois , a déclaré &
déclare n'avoir entendu comprendre dans les difpofitions
dudit article , les intérêts du dépôt de
foixante-dix-millions remis au Tréfor royal par
la Caffe d'efcompte , en exécution de l'article
premier de l'Arrêt du 18 Février 1787 ; ordonne
que lesdits intérêts continueront d'être payés comme
par le paffé , en deniers comptans pour la totalité
, fans que , fous quelque prétexte que ce foit ,
aucuns Billets du Tréfor royal puiffent entrer dans
( 234 )
l'acquittement defdits intérêts , non plus que du
capital , le cas de la remife dudit dépôt arrivant.
Ordonnance du Roi , du premier juillet
1788 , concernant les Gardes- du - Corps
de MONSIEUR , & de Monfeigneur
COMTE D'ARTOIS.
Dans le nombre des curiofités de cette
Capitale , fur lesquelles on a fixé l'at
tention des Ambaffadeurs de Tippoo - Saïb ,
aucune n'a paru remplir leur attente au
même degré que la Bibliothèque du Roi.
Nous ne parlons pas de l'étonnement
qu'a pu leur caufer le coup- d'oeil de ces
immenfes archives du génie & de la fottife
humaine , d'une multitude d'erreurs &
d'un petit nombre de vérités . Nous devons
le détail de cette vifite à un témoin
éclairé , M. le Chevalier de Gentil ,
l'un des hommes les plus verfés dans la
connoiffance de l'Inde & des langues de
cette contrée. Voici la note qu'il a eu
la bonté de nous communiquer à ce
fujet.
« Les trois Ambaffadeurs de Typo - Sultan
( Mahmet Dervichekan , Acbar- Alikan , Mahmet
Ofmankan , ) fe rendirent à la Bibliothèque Royale
le 24 Juillet , fur les cinq heures du foir. M. le
Noir les y reçut , & parcourut avec eux ce vafte
édifice , digne de la magnificence de nos Rois. Dans
la falle des manufcrits qu'on y trouve en toute
langue , on leur avoit préparé , fur une grande
table , les plus beaux manufcrits qu'on conferve
en Arabe & en Perfan. Ils en furent étonnés , &
( 235 )
s'affirent autour de la table pour les parcouri . On
leur préfenta un fuperbe Cour'ann ; dès qu'ils l'eusent
reconnu , ils le baisèrent , & le portèrent fur
les yeux , par refpect . Ils feuilletèrent enfuite le
Chanama , hiftoire des Rois en vers Perfans (a) ,
les poéfies de Chekfidi, qu'on nomme Gouleftan (b) ,
le Bouflan , & plufieurs autres, dont les caractères
font de la plus grande beauté , & dont les Ambaffadeurs
firent l'éloge . M. Ruin , Interprête du
Roi , qui les accompagnoit par-tout , préfenta à
Mahmet- Ofmankan un petit manufcrit François ,
contenant l'hiftoire métallique de l'Inde , & où
P'on voit toutes les pièces de monnoies frappées fous
le règne de chaque Souverain , Rajas & Padchas ,
furmontées de leurs portraits.
Celles des Rajas ont d'acôté des figures des dieux
Indiens , Bichen , Brama , Madeou , Baroni , &&
de l'autre leur nom , leur ère , l'année du règne ,
& le nom de la ville , en langue Samfcretam ,
première langue de l'Indouftan , & celle des Bedes ,
livres facrés des Brames . Ce font les pèces de
monnoies les plus anciennement frappées.
Celles des Padchas Arabes, Patans, Mogols , & c.
y font auffi au bas de chaque portrait , mais fous
(a) Le Poëte l'avoit écrite fous le règne de
Sultan Mahmoud , qui en fut d'abord fi content
qu'il promit de donner à l'Auteur 36 livres par
chaque vers ; mais enfuite la fomme lui paroiffant
trop forte , il la réduiſit à 50 fols par vers Le Poëte
vindicatif , fit deux vers , dont le fens eft : enfant
d'esclaves n'estjamais bon à rien . ( Son père l'avoit
eu d'une Princeffe prife dans une ville dont il s'étoit
emparé , où tous les prifonniers font cenfés eſclaves
du vainqueur. )
(b) Gouleftan veut dire pays des Kans ; Chekfadi
eft le plus célèbre des Poëtes Perfans.
1
( 236 )
figure. D'un côté une légende en Arabe ou en Perfan
, quelquefois même en vers , & de l'autre ,
leur nom , l'année de l'hégire , du règre , & le nom
de la ville où elles ont été frappées.
Mahmet - Ofina kar le parcourut d'un bout à
Rautre. Arrivé au règne de Djehangu r , où cet empereur
eft répréfenté un verre à la main , il demanda
au Chevalier de Gentil , dont on lui avoit paflé
comme ayant paffe longues années dans l'inde , s'il
favoit pourquoi on repréfentoit ce Prince un vetré
à la main ? M. de Gentil lui ayant répondu que
c'étoit parce qu'il aimoit beaucoup le vin , cet a
Ambaffadeur lui répliqua par deux vers Perfáns
à ce sujet, qui font dire à Djehanguir : Eh, que m'im- ·
porte à moi de l'Empire , pourvu que j'aye du bon
vn, & queje faffe bonne chère ? Le Chevalier
de Gentil eut occafion dans ce moment de parler de
l'Indouſtan , Mahm.t - Derviche dit : « Voilà un
-
François qui parle bien l'Indien . » Ce n'eft pas
étonnant , répliqua fon collègue , il a été plufieurs
années dans notre pays. "
On parla enfuite de Nourdjeham (a ) , femme de
Djehanguir ; après avoir parcouru le manufcrit , il
dit au Chevalier Gentil : « mais vous n'avez pas
fait mention de pièces d'Aider- Aly. » Le Chevalier
répondit que dans l'Empire Mogoll, on ne
frappoit des pièces qu'au nom de l'Empereur régnant,
aujourd'hui Chaalem II. Mahmet-Dervicheken

(a) Cette Princeffe fut fi bien captiver l'efprit
de Djehanguir , qu'elle en obtint pendant fix mois
le
gouvernement de l'Empire ; c'eft la Bethſabée de
l'Inde. A cette occafion, Tavern er dig mal- a-propos,
& contre tous les Hiftoriens de l'Indouſtan , qu'elle
fit frapper le même jour par tout l'Empire , les rou
pies au figne du zodiaque.
( 237 )
voulut parcourir à fontour ce petit recueil ; il adreffa
la parole à fes collègues , en leur difant : Les Français
n'ont rien oublié de tout ce qui concerne notre
pays."
De ces falles , on fut au cabinet d'eftampes.
Ils virent avec admiration la collection d'animaux
que leur montra M. Joli . Après quoi ce
Sayant leur montra les beaux deffins du Vatican
qu'on leur expliqua, Ils virent avec plaifir ce qui
eft relatif à l'Hiftoire facrée dont le Cour'ann fait
mention , & promirent de revenir pour parcourir .
plus amplement les manufcrits & les eftampes.
M. le Noir leur fit offrir la communication des
manferits , ils acceptèrent fon offre , quand le
temps le leur permettroit. »
Une lettre écrite le 27 juillet , par
M. de Brioude , Procureur-syndic du département
de Montbrifon en Forez , à un
Membre du département , rapperte ent
ces termes le dommage que la grêle a
fait effuyer aux Cultivateurs de cette
Province.
Les juillet , il tomba pendant l'espace de vingt
minutes , une fi grande quantité de grêle , que
nos champs en furent couverts dans l'inftant , &
ne préfentèrent plus que l'aspect qu'ils ont lorfqu'ils
font couverts de neige. La grêle étoit de
la groffeur d'un oeuf de pigeon , d'une forme
irrégulière & tranchante; elle étoit pouflée avec ,
impétuofité par l'orage , & tomba ea fi grande ,
abondance , qu'après l'orage il y en avoir encore
jufqu'à cinq pieds d'amonceée Huit lieues de
pays fur environ une liene & domie de largeur, ont
été ravagées ; toute espèce de récolte a été détruite
dans les montagnes & dans les plaines ; les feigles
feuls , qui heureuſement avoient été moiſſonnés ,
( 238 )
ont été exceptés . Les chanvres , les fromens ,
les orges , les avoines , trémois & les vignes , ont
été entièrement faccagés , les arbres déracinés , le
gibier maffacré. Des moutons qui parquoient
ont été affommés.
Les ruiffeaux & les rivières ſe font débordés ,
& nos malheureux Vignerons n'ont d'autre reffource
que d'arracher leurs vignes & de les replanter
. Les ames charitables font priées de vouloir
bien adreffer leurs fecours à M. Chavet ,
Notaire , rue Saint -Martin , qui les fera parvenir
à la Commiffion intermédiaire du département
de Montbrison.
P. S. M. l'Archevêque de Sens ayant
donné fa démiffion de la place de Chef
du Confeil royal des Finances , S. M.
a nommé M. Necker Miniftre d'Etat &
Dire &eur-général des Finances .
PAYS - BAS.
De Bruxelles, le 23 Août 1788,
Ce n'eft pas à Anvers feul que l'oppofition
des habitans à la cloture des
Séminaires Epifcopaux a fait verfer dufang ;
les Séminaristes de Malines ayant refufé
d'évacuer leur Collége , un détachement
d'Invalides en fit fortir quelques- uns : le
peuple s'attroupa, les jeunes Théologiens
rentrèrent dans leur Ecole , & les Invalides
furent chaffés à coups de pierres .
Bientôt le Commandant raffembla les deux
( 239 )
Compagnies de ces vieux foldats , qui fe
formèrent en bataillon carré , & qui répondirent
aux coups de pierres par des
coups de fufil . Quelques perfonnes de
part & d'autre ont été bleffées . Le 3 , on
a fait partir d'ici fix compagnies de Grenadiers
avec des canons , & 150 dragons
d'Arberg. Heureufement à leur arrivée
ils ont trouvé la tranquillité rétablie , &
-tes Séminaristes délogés .
Le Supplément officiel à la Gazette de
Vienne, du 13 , ne fait mention d'aucun
fait nouveau digne d'être rapporté . On
y parle feulement , en ces termes , des
fuites de l'attaque du Kuliſch , par les Ottomans
de Semandria .
Corps d'armée dans le Bannat , camp de Méhadie
, le 1 août.
Depuis la dernière affaire qui eut lieu près
du château de Kuliſch , un parti de Turcs fortit
le 17 juillet du camp de Pofcherowaz , fe rendit
devant ce château & en prit poffeffion ; quatre
cents hommes y reftèrent, & les autres retournèrent
au camp.- Le 29 juillet , l'ennemi leva le camp
qu'il avoit établi fur une colline , près de Semandria
, & le transféra le long du rivage du Danube.
A cette date du 13 , on n'avoit à Vienne
aucune nouvelle de Choczim , dont la
reddition a été annoncée prématurément.
Par les lettres d'Altona, du 5 août , il s'eft répandu
que les Suédois ont battu les Ruffes ;
que 4,000 hommes , & le Général Muffin Pouf
ckin ont été fait priſonniers , & que Wybourg eſt
( 240 )
bloqué. On ne fait point d'autres détails de cette af->
faire , que l'on confond peut - être avec celle qui
eut lieu entre un détachement Suédois & un corps
Ruffe , qui voulut enfermer les Suédois près de
Kermankowsky: action dans laquelle les premiers
ont eu l'avantage , & font reftés maîtres du champ
de bataille. Farmi les tués Ruffes , on a trouvé
un officier général décoré de l'ordre d'Alexandre
Newsky. -La grande armée du Roi de Suède eft
devant Friedericsham . La Flotte a appareillé ď’Helfingfors
, & a remis en mer ; celle des Ruffes eft
également fortie de Cronſtadt.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois
& autres Feuilles publiques.
« On prétend que le cabinet d'Angleterre a
pris la réfolution d'envoyer le plus tôt poffible .
une efcadre angloife dans la mer Baltique , fur
la demande du Roi de Pruffe ; & que le voyage.
du Chevalier James Harris à Londres , n'a pour
but que d'établir, plufieurs conditions relatives au
nombre de vaiffeaux qui feroient envoyés , &
au nombre de troupes pruffiennes qui s'affembleront
dans la Prufle Poionoife. ( Public, Advertiser. The
Times. )
-N..B. ( Nous ne garantiſſons la vérité ni l'exaffis
tude des Paragraphes ci-deffus).
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le