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1787, 10, n. 40-43 (6, 13, 20, 27 octobre)
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MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU RỌI , 23282
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décauvertes
dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Causes célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces ;la Notice des Édits ,
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 6 OCTOBRE 1787 .
Colegi
A PARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de
rue des Poitevins , Nº . 18 .
1
UNIVERSIDAD
CENTRAL
CIBLIOTECA
DEPA
FA
DEMEDICINA
Avec Approbation , & Brevet du Roi
TABLE
مس
Du mois de Septembre 1787 .
PIÈCES IÈCES FUGITIVES . OEuvres badines du Comte de
A Mlle. De la F***.
3 Caylus, 42
Jupiter venge , Apologue , 4 Inſtituts politiques & mili-
Regrets d'Achille fur le corps taires de Tamerlan ,
dePatrocle ,
Traduction de la quatrième Le Souterrain ,
Ode d'Horace ,
L'Epée , la Plume & la Robe , Réflexionsfurla néceffué d'af-
57
49 Le Provincial à Paris , 70
77
97 Les Trois Exemples , 82
Fable , 98 Surer l'amortiſſement des
Couplets aux Femmes , 100 dettesde l'Etat , 87
Makandal , Histoire vérita- Laure , 88
ble,
Im-promptu ,
Fable,
102 OEuvres de M. Léonard , 117
Les Moutons & le Buiſſon , La France Chevaleresque &
Couplets à unejolie Femme . Traité des Droits de l'Etat &
145 Voyage de Provence , 130
146 Chapitrale , 136
Fable, 147 du Prince , 138
Im-promptu 193 Lettres de Jenny Bleinmore ,
Afpafie, Cantate , 194 151
Couplet à Mme de.... 196 Obfervationsfur l'intérieurdes
Charades , Enigmes & Logo- Montagnes , 160
griphes , 5 , 52 , 115 , 149 , Ode fur la mort du Duc Léo-
197. pold , 199
NOUVELLES LITTER. Ejjaifur la Nature champêtre ,
OEuvres de M. l'Abbé Spallan-
8.Variétés ,
209
90,164
ACADÉMIES.
zani ,
OEuvres complettes d'Antoine-
Raphaël Mengs , 22 Académie Françoise , 92
Les Chef-d'oeuvres d'Horace , Académie Roy. de Musiq.228
32 Annonces & Notices , 44 , 94 ,
Tableau des Variétés de la
vie humaine , 3.61
140 , 189 , 238
A Paris , de l'Imprimerie de MOUTARD , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni,
MERCURE
1
DE FRANCE.
SAMEDI 6 OCTOBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
L
A M. DE LA HARPE , de l'Académie
Françoise, après l'avoir entendu au Lycée,
le 6 Août 1787 .
: Dévoué dès l'enfance au culte'd'Apollon ,
Et maintenant ſon plus fidèle organe ,
O vous , qui , dans ſon art ignorë du profane ,
Nous donnez , à la fois , l'exemple & la leçon ,
LA HARPE ! qu'en ce temple on aime à vous
entendre ,
Lorſque , défenſeur de Boileau ,
Vous confondez ce .... nouveau ,
Qui .....
Du ſommet du ſacré côteau !
efſaie à le faire deſcendre
A ij
4. MERCURE
Eh quoi ! la ſtupide ignorance
Voudroit-elle , d'accord avec le mauvais goût
De fes flots inonder la France ?
Quels ouvrages,bons Dieux ! & quelsJuges, fur-tout!
Annoncent-ils des Arts l'entière décadence ? ....
Mais non : à ce Théatre où Corneille étonna ;
Où le Peintre éloquent de Phèdre & d'Athalie ,
Balança les ſuccès d'Horace & de Cinna ;
Où de terreur notre ame ſe glaça ,
Et de pitié pourtant fut encore attendrie ,
Malgré les durs crayons dont Crébillon traça
Atrée , Electre & Zénobie ;
Où , loin d'être éclipſé par ces rivaux fameux ,
Prêt à ceindre ſon front de la couronne épique,
Voltaire , ce génie heureux ,
Plus éclatant & plus pompeux ,
Plus moral & plus pathétique ,
Luiſeul nous inſtruifit en nous charmant comme eux ;
A ce Théatre , où , démentant votre âge ,
Dans Warwick , à vingt ans , vous fites admirer
Et des beautés de l'Art ce brillant aſſemblage ,
Et ce jugement ſain , & cette raiſon fage ,
Que l'on oſe à peine eſpérer
Du génie hors d'apprentiſlage ;
A ce Théatre , dis-je, en vain des nouveautés ,
L'attrait , au bon goût ſi contraire ,
Fait de bravos retentir le Parterre
Ade froides moralités ,
Ades ſentimens exaltés ,
Ades Héros fans caractère,
DE FRANCE.
5
A des vers durs & fans verve enfantés :
Rafiurons-nous; malgré ce ſuccès éphémère ,
Le beau , le grand , le vrai , toujours accrédités ,
Sont ſurs encor d'y frapper & de plaire .
Oui , lorſque de Sophocle empruntant les couleurs,
Vous tranſportez ſur notre Scène
Le tableau déchirant deces longues douleurs ,
Qui de l'ami d'Hercule alimentent la haine ,
Non moins intéreſſant qu'au Théatre d'Athène ,
De pitié ce Héros attendrit tous les coeurs ,
Et La Rive , aujourd'hui ſi cher à Melpomene ,
: I
Sous fon nom fait couler nos pleurs. -
Puiffent , ainſi que vous , nos modernes Tragiques ,
De ce divin Sophocle heureux imitateurs ,
Nous rappeler , en des vers enchanteurs ,
Cebeau, ce naturel , & ces graces antiques ,
Qui, de nos jours encore , ont tant d'admirateurs ;
Ou, ſi , ne ſe livrant qu'à leur propre genie ,
De la Grèce on les voit négliger ces tréſors
Puiſſe naître de leurs efforts
Quelque nouvelle Mélanie ! ....
Mais entrons dans ceTemple où veillent tous les Arts,
Où de leurs fruits nombreux les récoltes choiſies ,
Et de nos Périclès & de nos Afpafies ,
Avec tant d'intérêt appellent les regards.
T C'eſt là qu'à de nobles Séances
Un sèxe aimable ajoute un nouveau prix ;
Qu'il y fourit à de charmans Ecrits ;
Que de ce lieu facré, doctes intelligences ,
1 A iij
1
6 MERCURE
Aux plus fublimes connoiſſances
Vos Collègues & vous élevez nos eſprits ;
Que des talens à leur aurore
Vous dirigez la marche & les premiers élans ,
Et qu'à vos entretiens ſavans ,
Les talens exercés vont profiter encore.
Ah ! doit-on craindre déformais
Que chez les Filles de mémoire
Puiffent leur échapper ces lauriers que la Gloire
Attacha de tout temps ſur le front des François !
Ade ſi beaux lauriers tous aſpirent ſans doute ,
Et pour eux ils ſont préparés.
Si cependant , ainſi qu'on le redoute ,
Loin du but un faux goût les avoit égarés ,
LAHARPE, que par vous leurs pas ſoient éclairés
Vous connoiſſez la bonne route ,
Et vous les y ramènerez,
(Par M. Mugnerot. )
RÉPONSES A LA QUESTION :
Ya-t-ilplus de plaisir à voir arriver ce qu'on
aime , que de peine à le voir partir ?
I.
LE plaifir eſt un bien trompeur ;
Le déſeſpoir eſt un martire :
L'un ne fait qu'effleurer le coeur ,
L'autre à chaque inſtant le déchire .
( Par M. de Monrocher. )
5
人
DE FRANCE.
1 1.
Air : Faire voudrois , belle Marie.
VERS moi pauvret quand vient l'amie ,
Vois naître roſes du bonheur.
Part-elle ? épines de la vie
S'enfoncent toutes dans mon coeur.
Quand loin elle eſt , du moins eſpère
De bientôt la voir revenir.
Eſpoir conſole ma misère ,
Parce qu'eſpérer c'eſt jouir.
۱
Dès que la vois , bientôt oublie
Tourment d'abſence & long malheur ;
Car ſeul doux regard de Marie
Efface fiècle de douleur ;
Mais ſi bien chère eft jouiſſance
Qu'éprouve quand la vois venir ,
Mortelle , affreuſe eſt déplaiſance
Que reffens quand la vois partir.
Las ! quand ma Dame , après filence
Soupirant , dit : M'en vais partir ,
Lors plaiſirs , bonheur , exiſtence ,
Avec elle , vois tout s'enfuir.
Ains quoiqu'heureux dès qu'elle arrive,
Supporter puis tant doux plaiſir ;
Mais du départ peine eſt ſi vive
Que fuccombe & n'ai qu'à mourir.
(Par M. Charon. )
A iv
MERCURE
III.
D'UN SUISSE.
Pour répondre, en deux mots, d'une façon fortable,
Voici l'avis que je vais vous donner :
On a plus de plaifir lorſqu'on s'en va dîner ,
Que de regrets en ſe levant de table .
( Recueillie par le Ch. de Meude-Monpas. )
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE .
La crainte de perdre est- elle auſſiforte chez
l'Avare, que l'eſt chez l'Ambitieux le défér
depoffeder?
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
I Emot de la Charade eft Fourrage ; celui
de l'Enigme eſt Cheval ( 1 ) ; celui du Logogriphe
eſt Rocher , où se trouve Roche, Roch
( Saint ) , Roc.
(1) Le Cheval a trois rapports avec la Femme ;
la poitrine , le feffier , & les crins , c'est-à-dire ,
poitrine large , croupe remplie , & les crins longs :
trois avec le Lion ; le maintien , la hardieffe , & la
fureur : trois avec le Boeuf; l'oeil , la narine , lajointure
:trois avec le Mouton ; le nez , la douceur,
lapatience : trois avec le Mulet ; laforce , la conftance
au travail , & le pied : trois avec le Cerf; la
tête , lajambe , & le poil court : trois avec le Loup;
la gorge , le col , & l'ouïe : trois avec le Renard;
Poreille , la queue , le trot : trois avec le Serpent ; la
mémoire , la vue , le contournement : trois avec le
Lièvre ; la course , le pas , laſoupleſfje.
DEFRANCE.
-
CHARADE.
:
4
GARDE- TOI , cher Lecteur , d'un coup de mon
premier ;
Ne t'amuſe jamais non plus à mon dernier ,
Car tu pourrois un jour éprouver mon entier.
( Par Mlle. Florence. )
ÉNIGME.
1
SANS Ans avoir , j'en conviens , une grande valeur ,
Trois plus petits que moi ne me feroient pas peur ;1
Je les vaux tous les jours ; c'eſt à la connoiffance !
Des moindres ſujets de la France ;
Et malgré que je fois fort chétif, fort meſquin ,
Même , ſi l'on veut , un faquin ,
Je me trouve parfois en bonne compagnie ,
Avec de beaux Meſſieurs tout d'argent ou tout d'or :
Que vous dirai-je encor ? ES
Mais je ferai mieux de me taire PLAY
Rouge (non de cheveux) mon nom est bien vulgaire.
(Par un Membre de la Ch. Litt.
de Chantepie. )
LOGOGRIPHE.ημά
FILS d'une fage mère , on m'a vu furieux
Commettre des forfaits en atteſtant les Cieux,
Av
10 MERCURE
Aveugle enma fureur, j'ai dévasté laTerre
En allumant par-tout le flambeau de la guerre.
Je poffède en Eſpagne encor quelques autels ,
Toujours rougis du fang des malheureux mortels.
Le nouveau Continent , devenu ma victime ,
Eut, dès que j'abordai , connoiſſance du crime.
J'armai ton bras , Clément, je fis périr Valois ,
Je privai les François du plus grand de leurs Rois.
Mais le Monde troublé par ma funeste rage ,
Voit luire enfin la paix que défire le ſage.
Si tu m'as devine , Lecteur , je peux finir.
Dans neufpieds j'ai pourtantbiendes mots àt'offrir,,
D'abordun joli mois , ce qui donne la vie ;
UnmontSicilien, un autre dans l'Afie ;
Cequi porte en ſon ſeindes tréſors précieux ;
Unmétal, un vrai fot ; plus, un de nos aïeux ;
Untermede mépris , des bonbons , ce qui paffe
Et ne revient jamais ; l'animal dont la race
Eſtbelle enArcadie , & puis une boiffon
Néceffaire au malade , & le nom du Démon .
Tu trouveras ce que tout bon Prêtre doit dire
Plus, ce qui tous les jours revient& fe retire 5
Un petit animal ; trois tons de l'Arétin;
De l'Empire Chinois un Royaume voiſin ;
Anos châteaux ailés choſe très-néceſſaire :
Ajoutez à ces mots, un fleuvedd''Angleterre.
Devine-les bien tous ; ſi tu fais combiner ,
Dans peu, mon cher Lecteur,tu pourrasme trouvers
(ParM.de Bourrienne , de Sens.)
DE FRANCE. 11
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de la Révolution d'Amérique ,
par rapport à la Caroline Méridionale ;
parM. DAVID RAMSAY , Membre du
Congrès Américain. Traduite de l'Anglois
; ornée de Cartes & de Plans. A
Londres ; & se trouve à Paris , chez
Froullé , Libraire , quai des Augustins ,
1787. 2 vol. in-8°. Prix , 10 liv.
br.; pour la Province , francs de port,
12 liv.
10.
Dès qu'une choſe eſt imprimée , a dir
>>Voltaire en parlant des menſonges hifto-
>>riques , pariez qu'elle eſt faufſe; je ſuis de
>>moitié avec vous , & votre fortune eft
» faite ". Cela eſt ſur-tout vrai de ces compilations
précipitées , où l'on recueille des
évènemens récens ,& dont on fonde le ſuccès
ſur la vanité d'un Parti ou d'une Puiffance,
en répétant les fauſſetés qu'ils ont fait
circuler pendant la guerre. La multiplicité
des Gazettes , les impoſtures vénales des li
belles périodiques , qu'on enchaîne par la
crainte ou l'intérêt , &que l'on accrédite par
des autoriſations ſpéciales ; enfin , les Ecrits
Polémiquesqu'enfante chaque faction , &où
elles diſent preſque toujours le contraire de
:
:
:
A vij
12 MERCURE
P
ce qu'elles ont vu ou penſé , en ſe gardant,
bien de laiffer paroître les vrais motifs de
leur conduite, deviennent les matériaux avec
leſquels des Ecrivains preffés édifient ces
monumens de ſable. Le ridicule ſe joint
àl'abus , lorſqu'à ces recueils de bruits incertains
on mêle des réflexions , comme on le
fait aujourd'hui. S'il faut être très-réſervé à
raiſonner ſur les faits , on doit l'être bien davantage
à raiſonner ſur des menſonges. Si
quelque choſe inſpire de la pitié , c'eſt de
voir un Ecrivain , étranger à la guerre & aux
affaires , mais riche de quelques dates , de
quelques pièces officielles, de rapports fourmis
par gens dont il ne peut apprécier la véracité
, porter ſentence ſur les acteurs des évènemens
, les peindre, & trop ſouvent lesdiffamer
, comme s'il eût vécu dans leur intimité,
trancher ſur les queſtions politiques , réfoudre
des problêmes qui feront problêmes encore
pour la Poſtérité , & juger les querelles
desEtats.
L'Hiſtoire ne devroit- elle donc jamais être
écrite par les contemporains ? Bien au contraire,
ils font les meilleurs garans de fa fidélité;
pourvu toutefois , ainſi que le demande
un célèbre Souverain qui a mis autant de
dignité dans l'Hiſtoire que de grandeur dans
ſes actions , que ces Auteurs ayent eu des
charges , ayent été eux-mêmes acteurs , ou
attachés à la Cour, ou autorifés des Souve->
rains à fouiller dans les archives. Encore au
ront-ils à combattre les préjugés de circonf
1
1
DE
13
FRANCE .
tance, qui ne s'effacent qu'à la longue , &
T'ambition de publier , de leur vivant , des
révélations que mille obſtacles rendroient
alors imparfaites.
Cesconſidérations n'ont pas arrêté les Ecrivains
nombreux qui ont déjà traité de la Révolution
d'Amérique. Nous en avons trois
ou quatre Hiſtoires en françois , & il s'en
prépare d'autres ; M. Andrews en a auſſi
compilé une en Angleterre ; l'Amérique va
donner la fienne ; & en attendant , voici
le Docteur Ramſay qui ouvre fon portefeuille.
Cedernier mérite fans doute une attention
particulière . D'abord fon Hiſtoire n'eſt point.
générale , & comprend ſeulement la Révolu
tion de la Caroline méridionale. Cette province
eſt la patrie de l'Auteur; témoin d'une
partiedes faits qu'il raconte , il a pu recueillir
des informations exactes ſur le reſte, en ſa
qualité de Membre du Corps Légiflatif & du
Congrès : enfin , il n'a fait mention des évène
mens arrivés dans les Etats voiſins , qu'autant
queleur rapportavec les affaires de laCaroline
méridionale&leur influence fur fon fort l'ont
rendu néceſfaire. De ce reſſerrement du plan,
adû naître la facilité d'étendre les détails , fans
leſquels une Hiſtoire de ce genre eſt un ſquelette,&
de développer les pricipaux faits
pour en fonder la certitude. J
Dans le premier Chapitre , qui forme une
introduction de l'Ouvrage , le Docteur Ramfay
jette un coup d'oeil ſur l'état de la Caro
14 MERCURE
line & ſur les évènemens antérieurs à la révolution.
Voici de quelle manière un Membre
du Congrès dépeint la ſituation de ces
Colonies, que les enthouſiaſtes d'Europe nous
repréſentoient comme gémiſſantes ſous une
oppreſſion intolérable. " On eût à peine trou-
>>vé , dit l'Hiſtorien , dans la Caroline mé-
>> ridionale , un ennemi de la ſucceſſion de
>> la Maiſon d'Hanovre , ou de la Conſtitu-
» tion Britannique. Ses habitans poufſoient
» même à l'excès leur attachement aux uſa
» ges Anglois. La plupart d'entre eux en-
» voyoient leurs enfans recevoir leur édu-
وو cation enAngleterre , &ne parloient de
>> ce pays que ſous le tendre nom de patrie.
» Ils étoient remplis d'enthousiasme pour
>> le ſyſtême de bonheur civil & religieux ;
» qui avoit fait croître &fleurir la Colonie.
>>Ils obéiffoient généralement & avec joie
» aux Loix du Parlement Britannique. Peu
>> de pays ont offert , dans aucun age , un
>> exemple aufli frappant de proſpérité pu-
>>blique&particulière, que la Caroline mé-
>>ridionale , depuis 1763 juſqu'à 1775. La
>> populationde la province futplus que dou-
» blée dans ce court eſpace de temps. L'o-
>>pulence ſe verſoit fur les habitans pardes
>>milliers de canaux. Il n'y avoit d'indigens
رد
1
que les fainéans & les hommes pourfui-
>>vis par la deſtinée. En paix avec l'Univers
entier, les Colons jouiſſoient à la fois
>>de la tranquillité domeſtique , & d'une en
>> tière fûreté pour leurs perſonnes & pour
DE FRANCE.
ry
1.
>>>leur propriété. En même temps ils étoient
> parfaitement contens de leur Gouverne-
>> naent , & ne défroient pas le plus léger
>>changement dans leur Conftitution poli-
» tique ". :
Un Ecrivain très- célèbre avoit tracé le
même tableau de la proſpérité des Colonies ,
ce qui lui valut des reproches amers ; aujourd'hui
, & fur l'autorité du Docteur Ramfay,
on peut regarder comme un fait authentique,
cette proſpérité &cet amour des
habitans de la Caroline pour l'adminiftration
de la métropole : il n'eſt donc pas exac
d'avancer , comme l'a fait récemment un
Auteurd'un mérite reconnu , que les Américains
ne reſpectoient pas les actes légif
latifs d'une nation qui avoit montré fi peu
deſageſſe dans la direction deſes Colonies.
L'Hiſtorien expoſe avec beaucoup d'art ,
de clarté & d'impartialité , les cauſes géné
rales qui bouleverfèrent cette harmonie..
Loin d'attribuer fauſſement , à l'exemple
d'autres Ecrivains , aux vûes ambitieufes du
Miniſtère Tory de George III , le projetde
taxer les Colonies , il indique très-judicieuſement
, que ce Miniſtère fut porté à cette
innovation par le poids immenſe de la dette
nationale. En effet, il ſuffit d'un inſtant de
réflexion , pour appercevoir que la prérogative
royale étoit intéreſfée au foulévement des
Américains contre la fuprématie du Parle
ment. En accordant ſur eux, à la Couronne ,
une autorité indépendante des Comices BriG
MERCURE
tanniques , ils euſſent rendu ce pouvoir bien
dangereux à la Grande-Bretagne , & un Miniſtère
corrompu eût ſaiſi cette occaſion de
l'obtenir. L'embarras des finances ſous l'adminiſtration
de M. Grenville , fut donc la
première origine de ce plan de taxation. A
l'imprudent acte du timbre , on joignit l'imprudente
révocation de cet impôt. » L'effet
> decette condeſcendance , obſerve M. Ram-
>> ſay , fut d'inſpirer aux Américains de
>> hautes idées du beſoin qu'avoit la Grande
>> Bretagne de conſerver leur commerce.
ود
Rien ne pouvoit être de plus mauvaiſe
politique que cette révocation , en ſuppo-
>>fant que le Ministère Anglois ſe propoſat
férieuſement de revenir au plan d'impo-
>> fer les Américains ; au lieu que rien n'é-
>>toit plus ſage , ſi l'on y eût renoncé pour
» jamais « .
L'Hiſtorien ne diffimule point que les efprits
dans la province étoient très-partagés
fur la néceſſite d'une infurrection formelle .
>> Comme la plupart des habitans , dit-il , ne
>> ſentoient aucune inquiétude pour leur
>> liberté perſonnelle ni pour leur propriété ,
>>il n'étoit pas difficile de combattre dans
>>leur efprit le parti de renoncer aux dou-
>> ceurs préſentes pour éviter des maux à
>> venir, Ceux qui conduiſoient le peuple
>> n'avoient au contraire d'autre moyen de
>> le preffer de courir les dangers & de
>>fupporter les dépenſes de la guerre , que
>> de lui faire enviſager la néceſſité de pré-
-
DE FRANCE. 17
>> venir les conféquences très - alarmantes
» qui pourroient s'enfuivre un jour , fi on
ود laiſſoit paffer un exemple auſſi dange-
>> reux que les réſolutions du Parlement Bri-
» tannique ". Cette guerre de prévoyance ,
que les meſures violentes de la Métropole ,
& le caractère encore plus violent de leur
exécution , rendirent de néceſſité , fut conduite
d'abord dans la Caroline avec une
graride retenue . On ne s'y permit aucuns des
actes exceſſifs des Boſtoniens. Le thé Anglois
arrivé à Charles-Town n'y fut point incendié ,
mais gardé dans les magaſins , avec défenſe
de le mettre en vente .
Du récit des premières hoftilités , l'Auteur
paſſe à la formation du nouveau Gouvernement
en Caroline , à celle duCongrès , &à la
déclaration d'indépendance. Ces faits généraux
de l'Hiſtoire de la Confédération , font
rapportés ici très-briévement , &ne contiennent
aucune particularité ignorée , ſi l'on en
excepte le trait ſuivant, peu digne de créance.
Après avoir juſtifié le refus du Congrès d'écouter
les propoſitions conciliatoires que lui
fit la Métropole en 1778 , l'Hiſtorien ajoute :
>> De plus , il eſt connu à préfent , par des
» informations qu'on s'eſt procurées depuis ,
que quand même les États d'Amérique ſe
feroient accordés avec les Commiſſaires
>>Royaux , le Gouvernement de la Grande-
» Bretagne n'auroit pas ratifié la conven-
» tion ". Lorsqu'un Hiſtorien avance de pareilles
accuiations , il ne doit pas tenir fes
ود
رد
18 MERCURE
preuves en réſerve. Si ces preuves font incomplètes
, le ton affirmatif eſt inexcufable .
Jamais affertion ne fut plus dénuée de toute
vraiſemblance . Un Miniſtre mal honnête , un
Souverain trompé , peuvent en venir à des
violations de leur parole ; mais à qui perfuadera-
t-on que des conditions offertes à
l'Amérique , ſous le ſceau d'un acte dư
Parlement Britannique , & ſous la garantie
de la nation entière , euſſent été éludées ?
Si le Cabinet de Saint -James avoit projeté
une pareille infidélité , pouvoit-il ſe
flatter d'en rendre complice un Parti puifſant
que les revers de la guerre animoient
& groffiffoient de plus en plus ; qui faifoit
anathématiſer en chaire les ſoldats armés
contre les Infurgens , comme des aſſaſlins ;
qui levoit des ſouſcriptions publiques en faveur
des prifonniers Américains , à l'inſtant
où il rejetoit celles propoſées par le Gouvernement
pour la levée de nouveaux régimens
, & qui eût fait décapiter les Miniſtres
affez infames pour conſeiller au Parlement
une telle perfidie ? Perfidie gratuite , fi elle
n'eût pas été très - dangereuſe , puiſqu'en
rompant cet accord préliminaire , on ſe fût
enlevé tout droit à d'ultérieures négociations,
&toute excuſe dans la pourſuite de la
guerre .
L'invaſion de la Georgie par le Général
Prevoſt , le fiége de Savannah , la priſe de
Charles-Town ,&les campagnesdu Comtede
Cornwallis en Caroline , forment la moitié
DE FRANCE. او
du ſecond volume de cette Hiſtoire. On
pourroit ſe défier peut-être de ces détails
militaires écrits par un Médecin ; mais il
retrace ſeulement les principaux évènemens ,
il le fait ſur les Mémoires des Capitaines
du Congrès , & d'une manière affez plaufible
, pour expliquer les viciffitudes de ces
hoftilités , fouillées de toutes les énormités
de la guerre civile. Si quelque choſe prouve
ledécouragement où ſe trouvoient les Amé
ricains du midi à cette époque , & le peu
d'enthouſiaſme qui les animoit , c'eſt le fait
ſuivant. >> LeGouvernement de la Caroline ,
>>dit P'Hiſtorien , fit tout ce qui lui étoit
>>poffible pour maintenir ſes premières le-
>> vées , & pour en augmenter le nombre.
" On offrit en 1779 , cinq cents dollars de
>> gratification (2500 liv. tournois) , comme
22-
un encouragement propre à multiplier les
>>recrues. Quoique cette ſomme , qui étoit
> en papier monnoie, fût à peu près équi
>>valente à cinquante dollars en argent , les
détreſſes des ſoldats étoient fi grandes ,
» qu'on ne put déterminer qu'un très-petit
>>>nombre d'hommes à entrer dans les ré-
» gimens réguliers. Vers le même temps, on
> paſſa une Loi pour enlever les vagabonds,
>>les fainéans & les gens de mauvaiſe con-
>>duite , & les forcer à ſervirdans les troupes
>> régulières ". C'étoit donc la lie de l'Amérique
qui combattoit la lie de l'Europe , pour
le plus noble & le premier des intérêts . Ce
n'eſt pas ainſi que la liberté fonda ſon em
20 MERCURE
pire dans les montagnes de la Suiffe , ni
dans les marais de laHollande.
Entre pluſieurs faits de guerre intéreſſans ,
que contient ce volume , l'un des plus curieux&
les mieux développés , eſt le combat
de King's-Mountain en Octobre 1780 , où
neuf cents Montagnards défirent onze cents
Torys & tuèrent leur Chef , le partiſan Fergufon.
Le Colonel Cleveland , qui commandoit
les vainqueurs , leur dit avant l'action ;
» Mes braves amis , quand vous ferez aux
" priſes , n'attendez pas de moi le mot du
commandement. Je tâcherai , par mon
» exemple , de vous montrer comment il
>> faut combattre. Que chaque ſoldat ſe re-
>> garde comme un Officier ; tout ce que je
>> vous demande , c'eſt de ne point prendre
>> la fuite. S'il en eſt parmi nous qui ſoient
> intimidés , je les engage à ſe retirer tout
» à l'heure ".
ود
La création du papier monnoie , ſon accroiffement
inconſidéré , ſa dépréciation graduelle
, enfin ſon anéantiſſement , font traités
ici , dans le Chapitre X , avec netteté. Le
Lecteur y prendra une idée juſte de ces mefures
étranges que les détracteurs des Etats-
Unis ont caractériſées de banqueroute formelle,
& que d'autres ont juftifiées par des
calculs& des fophifmes , dont l'obſcurité
du moins réufli à embrouiller une queſtion
fort ſimple. La néceſſité , voilà la ſeule excuſe
valable qui puiſſe être alléguée : elle n'a rien
decommun avec la morale & la justice qu'on
a
-
DE FRANCE. 21
a mêlées indiſcrètement à cette apologie.
M. Ramſay ne déguiſe pas les ſuites de cette
révolution fifcale. »Cette funefte néceffité ,
>>dit- il , de faire des injuftices particulières
» pour l'avantage public , porta atteinte , à
>> beaucoup d'égards , aux intérêts politiques
ود
"
د
ود
de l'Etat , & au caractère moral de ſes habitans.
Les maux ne prirent pas fin avec
laguerre. En fermant les Cours de Juftice ,
» & en autoriſant par une Loi les particuliers
à payer leurs dettes avec un papier
tombé de prix, on rendit ſi familier au Public
le procédé de ne point remplir ſes
» engagemens , que certains habitans , de-
>> puis la guerre , ont été beaucoup plus né-
>> gligens à s'acquitter honorablement de
» ceux qu'ils avoient pris ".
"
"
Nulle province n'éprouva plus que la
Caroline méridionale les horreurs de la guerre
domeſtique , jointes à la calamité d'une invafion
étrangère , ſi l'on peut donner ce nom
à celle de l'armée Angloiſe. Expoſés aux
rigueurs inouies de la ſoldateſque &des Commandans
de la Métropole , les Colons divifés
, ſe pourſuivoient entre eux avec un
acharnement dont l'Hiſtorien n'a pas affoibli
le tableau . Durant les mémorables révolutions
qui libérèrent la Suiffe & la Hollande
, comme l'excès de la tyrannie avoit
été intolérable , le foulèvement fut preſque
univerſel. Cette unanimité prévint les malfacres
des factions , & les Républicainsn'eurent
pas à combattre leurs propres conc
12 MERCURE
toyens. On n'y vit donc point cette oppreffion
mutuelle & fanguinaire des partis,
qui déſola la Caroline. Enormités de tout
genre , meurtres , incendies , pillages , furent
alternativement exercés par les Torys
& les Whigs nationaux , à meſure que le
fort des armes redonnoit aux uns ou aux
autres un inſtant de ſupériorité : tel eſt le
véritable caractère de la guerre civile , qu'il
he faut pas confondre avec une révolte univerſelle
pour la liberté.
La Caroline eut à ſouffrir un autre fléau ,
dont le Docteur Ramſay peint les ravages
avec énergie. Lorſque les Anglois eurent
occupé Charles-Town & les diſtricts voiſins,
les prifonniers & les Infurgens qui avoient
pris les armes , achetèrent leur liberté &
leur repos par une nouvelle preſtation d'allégeance
au Gouvernement Britannique. A
la rigueur , elle emportoit pour ces ſujets le
devoir de ſe joindre aux milices , obligées
de défendre , au beſoin , l'autorité qu'ils venoient
de reconnoître. En conféquence , &
très-imprudemment , les Commandans Anglois
rendirent une proclamation qui forçoit
ces Infurgens ſoumis , à prendre une part
active aux opérations militaires. Ils obéirent
pour l'inftant , & à la première occafion favorable
, ils retournèrent aux drapeaux du
Congrès. Plufieurs de ceux qui retombèrent
aux mains de leurs ennemis , furent impitoyablement
exécutés. L'eſprit de vengeance
rendit atroces ces actes de juſtice militaire ,
DE FRANCE.
23
dont l'infortuné Colonel Haynes fut la dernière
victime. L'Hiſtorien expoſe fort au
long le procès de cet Officier , qui , libéré
ſur ſa déclaration d'allégeance , & fommé
enfuite de ſervir le Gouvernement Anglois ,
reprit les armes contre lui , fut fait prifonnier
de nouveau, & exécuté à Charles Town,
à la fin de la guerre , à l'inſtant où il ne
reſtoit aux Anglois aucune eſpérance de réduire
l'Amérique , & où , par conféquent ,
cette févérité devenoit une barbarie gratuite.
M. Ramſay n'avoit pas beſoin de chercher
de longues excuſes embarraſſées de la conduite
du Colonel Haynes , pour arracher des
larmes ſur ſa deſtinée; il ſuffiſoit de peindre
en traits attendriſſans , comme il la fait ,
les derniers momens de cet Officier. Il nous
paroît clair , même par les documens qui
accompagnent ce récit , que Haynes avoit
manqué aux loix de la guerre & de l'honneur
: mais fon fupplice fut un acte de vengeance
non moins inexcuſable ; il falloit le
renvoyer au Congrès , qui ſans doute l'eût
caffé avec opprobre , en le privant de la
gloire de défendre la liberté .
La quantité de pièces juftificatives & de
notes finales qui accompagnent cette Hiftoiree,,
nous ſemblent quelquefois contredire
les récits & les opinions de l'Auteur ; mais
elles forment une portion très-inſtructive
de fon travail. Pluſieurs de ces morceaux
n'étoient pas encore connus en Europe.
Cet_Ouvrage , d'ailleurs fi eſtimable par
24 MERCURE
le fond de la narration , eſt écrit avec modération.
Il s'en faut de beaucoup que les
Ecrivains de notre hémiſphère, qui ont traité
le même ſujet,, ayent conſervé la décence
& l'impartialité du Docteur Ramfay ; qualités
qui font l'éloge de ſon caractère comme
celui de ſes connoiſſances .
Quoique le ſtyle du Traducteur ſoit fouvent
négligé , quelquefois même incorrect ,
il ne manque ni de clarté ni de mouvemens.
Ne connoiffant point l'original , nous ne
pouvons rien dire de l'exactitude avec laquelle
il eft tranfimis en notre Langue ; mais
le choix qu'en a fait M ..... , & la manière
dont , en général , il a exécuté cette entrepriſe
, font honneur à ſon difcernement &
à ſa capacité.
( Cet Article eft de M. Mallet du Pan . )
OMMENTAIRE fur la Loi des Douze
Tables, dédié au Roi, par M. BoUCHAUD,
Confeiller d'Etat , de l'Académie des
Belles - Lettres , &c. Profeffeur en Droit
au Collège Royal.
Leges itaqueSemper curiofe legende inupretandeque erunt.
Aggenus in Frontinum , de Limitibus Agrorum.
AParis , chez Moutard , Imp . - Lib. de
la Reine, rue des Mathurins , Hôtel de
Cluni , 1787. in-4 °. Prix , 18 liv. rel.
La Loi des Douze Tables , monument
précieux de l'Antiquité , a eu des Panégyriftes
,
DE FRANCE. 25
riſtes & des Commentateurs célèbres ; elle
a eu aufli , elle a fur-tout aujourd'hui des
détracteurs , ainſi que toute la Jurifprudence
Romaine dont elle est la baſe ; c'eſt principalement
à la venger des attaques de ces
derniers , & à la rétablir dans tous ſes honneurs,
que M. Bouchaud.confacre ce ſavant
& immenfe travail. Parmi les Anciens , Diodore
de Sicile , Denys d'Halicarnaffe , Cicéron
, Tite-Live , Florus Tacite , ont donné
des éloges à la Loi des Douze Tables : ce
ne font pas là de médiocres autorités ; Cicéron
vante cette Loi non feulement comme
Loi , & relativement à l'influence naturelle
de la Légiflation ſur la Morale , mais
relativement à la Littérature,comme un monument
qui retrace les uſages antiques , &
qui fait connoître les vieux mots de la
Langue Romaine, ces motsplus vieux encore
que ceux dont Horace diſoit avec regret :
Speciofa vocabula rerum ,
Quæ prifcis memorata Catonibus atque Cethegis
Nuncfitus informis premit & deferta vetuftas.
Plurima eft, dit Cicéron, in Duodecim Tabulis
Antiquitatis effigies , quòd & verborum
priſca vetuftas cognofcitur , & actionum
genera quadam Majorum confuetudinem vitamque
declarant. J
Politique , Science civile , Morale , Philofophie
, Cicéron trouvoit tout dans les
Loix , & preſque tout dans la Loi desDouze
Nº. 40. 6 Octobre 1787. B
26 MERCURE
:
Tables; il la trouvoit même plus utile que
toutes les Bibliothèques des Philoſophes :
mais il paroît que , de ſon temps , tout le
monde n'étoit pas de fon avis; car, de la
manière dont il l'énonce , il a l'air de s'attendre
à de grandes contradictions , & il
dit preſque comme Rouſſeau :
4. Mais je vois déjà d'ici
Frémir tout le Zénoniſme.
1
Fremant omnes licet , dicam quod fentio :
-bibliothecas , me hercule , omnium Philofophorum
unus mihi videtur Duodecim Tabularum
libellus ..... & auctoritatis pondere &
utilitatis ubertate fuperare.
dif-
Tacite regarde la Loi des Douze Tables
comme ayant été le dernier Ouvrage de
l'équité à Rome , finis aqui Juris. Celles qui
fuivirent, dit- il, naquirent le plus ſouvent
de la difcorde, de l'ambition, de la violence:
Namfecuta Leges ...... fapius .....
fentione ordinum & adipifcendi inlicitos honores,
aut pellendi claros viros aliaque ob
prava, pervim lata funt. Tite-Live appelle
la Loi des Douze Tables , la ſource de tour
Droit public & privé : Fons omnis publici
privatique Juris.
Denys d'Halicarnaffe y voit la Politique ,
la Jurifprudence, & la Philofophie contenues
en entier,
Quant à l'hiſtorique de cette Loi , vers
la fin du troiſième fiècle de la fondation de
DE FRANCE . 27
Rome , le Tribun Caïus Terentillus Arfa
propofa de former un corps de Loix pour
ſervir de règle aux particuliers dans la conduite
de leurs affaires , & aux Juges dans
l'adminiſtration de la juſtice : une propofition
fi naturelle & fi juſte , qui le croiroit ?
fut mal reçue , & long - temps éludée par
le Sénat ; les Juges étoient tirés de l'Ordre
des Sénateurs , & des décifions arbitraires
étoient bien plus favorables à leur autorité.
>>Les Loix , dit M. Bouchaud , font l'égide
>> du foible &le frein de l'homme puiffant.
» Il est donc dans la nature des chofes hu-
>>imaines que le Peuple demande un Code ,
» & que les Grands s'y oppoſent ".
Il eſt donc dans la nature des chofes humaines
que le Peuple ait raifon , & que les
Grands aient tort ; & c'eſt peut - être ainſi
qu'on peut répondre à cette queſtion de La
Fontaine :
En quel ſens eſt donc véritable
Ce que j'ai lu dans certain lieu ,
Que la voix (celle du Peuple)eſtla voixdeDiet?
Cependant le Peuple infiftoit ; & l'an de
Rome 301 , T. Romilius , qui avoit été
Conful l'année précédente , ouvrit l'avis
d'envoyer en Grèce pour en rapporter les
Loix de Solon ; le Sénat chargea de cette
commiffion Spurius Poſthumius , Aul. Manlius
& Ser. Sulpitius. Après leur retour, les
Décemvirs furent établis pour former , des
Bij
28 MERCURE
4
د
différentes Loix que les trois Députés avoient
rapportées de Grèce , un corps de Juriſprudence
. Les Loix des Dix Tables furent rédigées
par les Décemvirs : les deux derniè-'
res furent publiées de l'autorité des Confuls
Lucius Valerius & Marcus Horatius
après la fuppreffion du Décemvirat. Ces
Loix étoient contenues dans douze tables
d'airain ; on y inféra , outre les Loix rapportées
de la Grèce, pluſieurs Ordonnances
des Rois de Rome ; c'eſt un point que M.
Bonamy a très-bien établi dans une Differtation
fur l'origine de la Loi des Douze
Tables, diviſée en trois Parties , lues à l'Académie
des Belles - Lettres les 23 Juin
1735 , 18 Mai 1736 , & 15 Février 1737 :
mais ce Savant va trop loin , felon M. Bouchaud
, lorſqu'il paroît croire , contre le
rémoignage formel d'une foule d'Ecrivains
anciens , qu'aucun chefde la Loi des Douze
Tables ne fut emprunté des Loix de la
Grèce , & même qu'on ne fit jamais à ce
fujet de députation en Grèce. M. Bouchaud
détruit cette partie du ſyſtême de M. Bonamy
, principalement par deux Fragmens
de Caïus , où ce Jurifconfulte interprétant
deux chefs de la Loi des Douze Tables ,
rapporte le texte grec des Loix de Solon ,
d'où ces chefs furent empruntés.
M. Bonamy n'avoit examiné qu'une
queſtion relative à la Loi des Douze Tables ,
celle qui concerne ſon origine ; le Lecteur
trouvera réfolues dans le Commentaire de
DE FRANCE . 29
M. Bouchaud , toutes les queſtions auxquelles
ce monument peut donner lieu.
Les Romains eurent-ils raiſon d'adopter
des Loix étrangères ?
Oui , ils durent autant s'applaudir d'avoir
recueilli les Loix de la Grèce pour en former
celle des Douze Tables , que d'avoir
adopté dans la ſuite les Loix Maritimes
des Rhodiens , & en général d'avoir introduit
à Rome tout ce qu'ils trouvèrent
ſagement établi chez les différens Peuplesde
la terre. Toute Loi ne convient pas fans
doute à tout climat , à toute eſpèce de
Gouvernement , & on peut dire dans le
fens moral comme dans le ſens phyſique :
: Non omnis fert omnia tellus.
Mais il ſera toujours très-ſage d'emprunter
à nos voiſins , à nos rivaux , à nos ennemis
même, tout ce qui nous manque de bon &
d'utile , & de perfectionner la Legiflation
Nationale par l'étude des Légiflations Etrangères
.
Quelles furent les villes de la Grèce
d'où les Romains empruntèrent la Loi des
douze Tables ?
Ce fut principalement Athènes , & des
cinq fameux Légiflateurs de la Grèce , Lycurgue
, Zaleucus , Charondas , Dracon , &
Solon ; ce dernier eſt celui qui a le plus
fourni d'idées pour la formation de la Loi
des Douze Tables .
Pourroit-on faire remonter l'origine de
Biij
犯MERCURE
la Loi des Douze Tables juſqu'à celle de
Moïfe par les Loix Attiques ?
On apperçoit ſans doute quelque conformité
entre les Loix Judaïques & les Loix
Romaines; mais cette conformitén'eſt , ſelon
M. Bouchaud , ni affez générale , ni affez
frappante , pour qu'on ſoit autoriſé à donner
à laLoi des Douze Tables cette originefacrée.
Il ne nous reſte plus de la Loi des Douze
Tables qu'un centon , compofé de divers
lambeaux, dont on peut dire , ſelon M. Beuchaud
, ce que Dion Chryfoftome difoit de la
Grèce, que rienn'atteſtoit mieux ſa grandeur
paſſée, que fes ruines mêmes: il n'eſt pas trèsfacile
de diftinguer les vrais fragmens de
la Loi des Douze Tables , d'avec ceux qui
lui font mal à propos attribués. Parmi les
Savans , plufieurs s'y font trompés ; les uns
ont cru que toutes les Loix rapportées par
Cicéron dans fon Traité de Legibus , furent
empruntées de la Loi des Douze Tables ;
d'autres ont cru reconnoître dans les formules
inventées par les Jurifconfultes , des
fragmens de cette même Loi ; d'autres ont
regardé comme autant de chefs de la Loi
des.Douze Tables , tous les articles dont il
eſt dit qu'ils furent ordonnés par cette loi ,
quoique ces articles foient ſeulement émanés
des premiers qui interprétèrent cette Loi.
L'équivoque du mot Loi , par lequel plufieurs
entendoient la Loi des Douze Tables
comme étant la Loi par excellence a encore
induit en erreur une multitude de
د
DE FRANCE. 31
Savans: enfin la licence des conjectures
tirées de quelques reſſemblances de quelque,
analogie ſoit dans le fond , foit dans la forme
de certaines diſpoſitions légales anciennes ,
a encore multiplié les erreurs à ce fujet ;
M. Bouchaud emploie une ſection entière
àdémêler ces diverſes ſources d'erreur. Ce
morceau fait honneur à ſa critique autant
qu'à fon érudition.
Les changemens conſidérables qu'éprouva
de bonne heure la Langue latine , font
cauſe que les anciens Auteurs , en rapportant,
les différens chefs de la Loi desDouze
Tables , n'ont pas pris à tâche de conferver
les propres termes de la Loi , & qu'ils ne
s'accordent pas même entre eux dans lamanière
d'énoncer chaque Loi : M. Bouchaud
examine s'il eſt poſſible & s'il eſt de quelque
utilité de reſtituer l'ancien langage de la
Loi des Douze Tables; il ſe décide pour
l'affirmative , d'après desraiſons &des exemples.
Son principal objet érant de juftifier le
Droit Romain & la Loi des Douze Tables ,
il fait voir , toujours en joignant les raiſonnemens
& les exemples , que les Loix
des Décemvirs , malgré l'extréme rigueur
de quelques-unes de ces Loix , furent pour
la plupart recommandables par leur ſageſſe
&leur équité.
De ces Loix , la plus difficile à juſtifier
eft celle qui concerne les Débiteurs infolvables
, fur-tout s'il faut prendre à la lettre
Biv
32
MERCURE
les termes de cette Loi , comme l'ont fait
divers Auteurs , nommément. Aulu-Gelle ,
qui nous a conſervé ces propres termes.
Le Créancier avoit droit d'emmener & de
charger de fer le Débiteur infolvable. Le
Débiteur ainſi emmené par fon Créancier ,
pouvoit prendre avec lui des arrangemens,
s'il n'en prenoit pas, le Créancier le tenoit
en charte privée pendant ſoixante jours.
Dans cet intervalle on amenoit le Débi- :
teur dans la place publique , trois différens
jours de marché , le Crieur annonçoita
haute voix la ſomme que cet homme devoir ,
pour voir fi quelque parent , quelque ami ,
ou ſeulement quelque ſpectateur touché
de pitié , confentoit à payer pour lui. S'il
ne ſe préſentoit perfonne , & fi le Débiteur
ne parvenoit point à faire un accommodement
avec for Créancier , celui-ci pouvoit
ou le faire mourir , de capite addicti
pænas fumito , ou le vendre pour être payé
fur le prix. S'il y avoit pluſieurs Créanciers ,
alors fiebat fectio : mais comment cette
ſection ſe faifoit-elle ? coupoit-on en effet
ce malheureux en morceaux , pour que ces
morceaux fuſſent diftribués aux Gréanciers ?.
• Terrullien , Quintilien , Aulu-Gelle , &
pluſieurs Modernes, l'ont cru ainfi, & cette
opinion a été long-temps l'opinion reçue.
Aulu-Gelle nie ſeulement qu'il y ait jamais
eu d'exemple qu'un Débiteur ait fubi un
fi cruel fupplice. Il croit que la Loi n'étoir
que comminatoire ,& qu'on n'avoit voulu
!
DE FRANCE.
33
qu'inſpirer de la terreur. D'autres Commentateurs
obfervent que fectio ſe, prend quelquefois
pour auctio , vente à l'encan ; qu'on
appeloit fectores ceux qui achetoient les
biens mis à l'encan. Dans cette phrafe :
de capite addicti pænas fumito ; ils entendent
par caput le capital , & par pænas les intérêts
qui font la peine de n'avoir pas payé
cecapital; Horace emploie caput dans ce ſens:
Fufidius vappæ famamtimet ac nebulonis ,
Dives agris , dives pofitis infænore nummis.
Quinas hic capiti mercedes exfecat , atque
Quantò perditior quisque est, tantò acrius urget.
Ainſi , ſelon eux , le Débiteur qui n'a pas
payé le capital au terme marqué , eſt condamné
à payer des intérêts ; s'il ne paye
nìintérêt niprincipal , il eſt vendu à l'encan
&le prix eſt diſtribué entre les Créanciers.
L'Auteur adopte cette explication comme
plus raiſonnable , quoiqu'il y trouve encore
quelques difficultés : mais , dit-il , tombe-,
til ſous le ſens qu'on ait permis à des
Créanciers de couper par morceaux le corps.
de leurs Débiteurs ? qui pouvoit être allez
inſenſé pour » ne pas préférer de tirer du
fervice de ſon Débiteur, ou de le vendre « ?
qui auroit jamais voulu commetre une
atrocité pareille , dont il ne lui ſeroit revenu
aucun profit ?
t
2
L'Auteur a évidemment raiſon , & celk
le cas de dire avec Horace :
By
34
MERCURE
:
Vendere cùm poffis captivum , occidere noli,
Serviet utiliter,fine , paſcat durus, aretque.
Naviget , ac mediis hyemet mercator in undis ,
Annonaprofit, portetfrumenta penusque..
On a trop reproché aux Jurifconfultes ,
aux Commentateurs des Loix , leurs excurfions
dans la Littérature , leurs citations.
d'Orateurs & de Poëtes ; on a trop regardé
ces ornemens comme étrangers à leur genre :
plus ce genre eft naturellement ſec & auftère
, plus il a beſoin de ces embelliſſemens ,
&ils ne lui font point étrangers : les Loix
font par - tout une partie importante de
l'Hiſtoire ; l'éloquence a dans tous les pays
les Loix pour baſe & pour objet , les
Poëtes y font continuellement allufion ;
tantôt on trouve dans une Loi l'explication
d'un paffage littéraire obfcur , tantôt on
trouve dans des paſſages littéraires l'interprétation
naturelle d'une Loi difficile à en
tendre : tout ſe tient, tout peut être rapprochéheurerſement&
utilement. Il eſt évident,
par exemple , qu'on trouve dans pluſieurs
vers d'Horace des particularités curieuſes
fur l'ajournement, ſur les cautions à donner
dans de certains cas , fur l'anteftation ou
la manière de prendre à témoin chez les
anciens , fur la formalité de ſe laiffer toucher
l'oreille lorſque l'on confentoit à
rendte témoignage , &c .
4
DE FRANCE.
35
-
Ille datis vadibus, qui rure extractus in urbem eft...
Et cafu,tunc refpondere .... vadatus (ou vadato )
Debebat , quod nifeciffet , perdere litem.....
Cafu venit obvius illi
Adverfarius , & , quò tu turpiſſimè , magnâ
Exclamat voce , & licet anteftari ? ego verò
Oppono auriculam , rapit injus.
M. Bouchaud recueille avec ſoin dans la
Littérature Romaine ces alluſions aux Loix
du pays & aux uſages du Barreau , il les
fait ſervir & de développement à ſes idées ,
& d'ornement à ſon ouvrage. Peut - être
va-t-il un peu trop loin , lorſqu'il croit que
pour faifir le vrai ſens de ce vers deVirgile ,
dans l'énumération des crimes punis aux
enfers ,
Pulfatufve parens &fraus innexa clienti ,
il faut connoître la Loi de Romulus ,
laquelle paſſa depuis dans la Loi des Douze
Tables:
Si Patronus clienti fraudem faxit , facer esto.
Quand on connoît cette Loi , on voit
bien que le vers de Virgile y a rapport ;
mais fans cette connoiffance , on entendroit
ce vers de Virgile comme on entend ceuxci
d'Horace , qui font auffi un crime de
la fraude :
Nonfraudemfocio puerove incogitat ullam
Pupillo.
Bvj
36 MERCURE
En conſidérant la Loi qui établit la puifa
ſance paternelle , M. Bouchaud , fans ap-,
prouver que cette puiſſance ait été portée
juſqu'au droit de vie & de mort , cite fort
à propos ce mot de Chremès dans PAndrienne
de Térence :
Propeccato magno, paulum fuppliciifatis eftPatri.
Cette citation nous fournit une réflexion
qui n'a nul rapport à l'ouvrage de M. Bouchaud;
c'eſt que Racine a traduit preſque
littéralement ce mot de Chremès , dans ces
deux vers de Phèdre :
L
Un père , en puniſſant, Madame, eſt toujours père
Unfupplice léger ſuffit à ſacolère.
t
Cette imitation a échappé aux Auteurs.
du Commentaire fur Racine , qui ſe ſont
attachés à indiquer toutes ſes imitations.
Plus on connoît les Anciens , plus on
voit combien Racine, en étoit nourri , &
avec quel art charmant il favoit les employer.
Ce qui nous paroît caractériſer cet art ,
& diftinguer les imitations de Racine de
celles de tout autre , de celles de Boileau
même , c'eſt que le perſonnage, qu'il fait
parler , ne peut pas , d'après fon caractère ,
ou d'après la fituation , ne pas dire ce qu'il
dit, & que l'imitation paroît toujours s'être
faite par hafard ou par la nature même
des chofes , fans intention de la part de
l'Auteur.
DEFRANCE.
none, voulant, raſſurer-Phèdre ſur la
crainte que le reſſentiment de Théfée ne
foit porté trop loin , doit lui dire les deux
vers que nous avons cités , & doit les dire
fi néceſſairement , qu'on ne s'aviſe guère
de ſe ſouvenir que Chremès a dit la même)
choſe dans l'Andrienne.
Théſée , prévenu par Enone , qui lui
a donné pour preuve du crime d'Hippolyte
F'épée de ce Prince reftée entre les mains
de Phèdre , doit s'écrier dans ſa colère :..
J'ai reconnu le fer, inſtrument de fa rage ,
Ce ferdont je l'armai pour un plus noble uſage;
& c'eft , pour ainſi dire , par un effort, de
mémoire qu'on ſe ſouvient que Virgile dit
dans une fituation toute différente & dans
un fens preſque oppoſé :
:
Non hos quæfitum munus in ufus.
De même quand Racine dit :
٤
A
4
Miniſtres du fefſtin , de grace dites-nous
Quels mets à ce cruel , queľ vin préparez-vous ?
on ne fait pas s'il s'eſt ſouvenu de ce vers
de Virgile :
Quas illi Philomela dapès, quæ dona pararit.
Il n'en eſt pas de même des imitations les
plus heureuſes de Boileau , elles font toujours
évidemment faites à deffein.
Mais M. de Voltaire nous paroît avoir
{
38 MERCURE
le même mérite que Racine , lorſqu'en déplorant
lamort du Duc de Bourgogne ,de
La femme&de ſon fils , il s'écrie :
O jours remplis d'alarmes !
0 combien les François vont répandre de larmes ,
Quand ſous la même tombe ils verront réunis
Et l'époux & la femme ,& la mère & le fils !
Il eſt certain que la force des chofes auroit
pu, auroit dû lui arracher cette exclamation
& ce mouvement , quand Virgile n'auroit
pas dit en parlant de la mort de Marcellus :
:
Quantos ille virúm magnam Mavortis ad urbem
Campus aget gemitus ! vel qua Tiberine , videbis ,
Funera , cum tumulum præterlabere recentem !
Nous voilà bien loin du Livre de M. Bouchaud
, & on ne s'attendoit pas à voir
finir l'Extrait d'un Commentaire ſur la Loi
des Douze Tables , par une Differtation
fur les imitations de Racine & de Voltaire ;
nous n'entreprenons pas même de justifier
cette fingularité bizarre , & nous avouons
de bonne foi qu'il s'en faut bien que
notreEpiſode ne ſoit auſſi intimement liéau
ſujet , que la partie littéraire l'eft à la
partie législative dans le ſavant& profond
Ouvrage de M. Bouchaud!,
T
DE FRANCE.
39
L'ASSEMBLÉE DES OMBRES , Ou
l'Immortalité de J. J. Rousseau aux
Champs - Elisées , parM. DE LA HOUSSAYE.
A Paris , chez la Ve. Duchefne , &
chez Jombertfils , Lib. Prix , 1 liv. 45.
CETTE apothéoſe vient un peu tard , dirat-
on : mais enfin , pourroit répliquer l'Auteur,
vaut mieux tard que jamais. D'ailleurs
l'intérêt qu'inſpire la mémoire d'un grand
homme, n'eſt pas moins durable qu'univerfel.
Un Ouvrage dramatique , conſacré
à l'honneur du Philoſophe de Genève , ne
peur manquer d'attirer en foule, au Théatre ,
tous ceux qui liſent & admirent ſes écrits ;
&ce nombre n'eſt pas facile à déterminer.
On faura gré à M. de la Houſſaye d'avoir
ellayé de faire paroître & applaudir fur
la Scène , l'Ombre toujours folitaire de
ce Philofophe ſi juſtement célèbre.
L'Editeur de la Pièce penſe qu'elle doit
réuſfir , fi elle eſt repréſentée par de bons
Acteurs, ſi elle eft accompagnée d'une bonne
muſique , & embellie de la pompe desdécorations.
Il ne doute pas que le jeune Com
poſiteur , à qui l'on doit la musique des
Promesses de Mariage, ne doive obtenir
un ſecond ſuccès , s'il ſe charge d'exprimer
dans Affemblée des Ombres , une foule
d'images pittoreſques , qui doivent ajouter
à la magnificence de la repréſentation . Ce
Muficien a montré , dans fon début, une
1
40
MERCURE I
imagination riche , une tête vraiment maficale
, & ur talent qui lui promet de nouveaux
applaudiſſemens. Venons au plan de
la Pièce , & traçons-en une efquiffe rapide.
L'Ouvrage eſt diſtribué en deux Actes : c'eſt
ce qu'on appelle une Pièce à tiroir ; & il ne
pouvoit pas être autre choſe. La Scène
s'ouvre par un, ſpectacle impofant. Pluton
paroît allis "fur ſon trône , environné des
Juges infernaux , Minos , Eaque , & Radamante.
L'auguſte Vérité , à laquelle le
Citoyen de Genève s'étoit confacré durant
fa vie , & pour laquelle il a éprouvé tant
de perfécutions , préſente à Pluton une Requête:
elle demande que les partiſans & les
admirateurs de Rouſſeau ayent la liberté de
lui offrir leurs hommages dans les Champs--
Eliſées . Les voeux de la Vérité font écoutés.
Le palais du Roi des Morts diſparoît. Les
champs du Bonheur le remplacent. Ce
coup d'oeil magnifique étonne la Vérité.
Julie d'Etanges & fon Amant font les premières
Ombres. L'un &l'autre brûlent aux
Champs - Eliſées des mêmes feux dont ils
brûloient fur la terre. La Vérité les conduit
au boſquet folitaire , qui dérobe à tous les
regards l'Ombre du Philofophe. Une bonne
mère vient enſuite, accompagnée d'une jeune
fille qui lui doit doublement la vie , puifqu'elle
en a été allaitée . Un enfant , qui nel
veut pas quitter ſa Nourrice , ni voir celle
qui lui a donné le jour , parce qu'elle l'a
aulli-tôt abandonné aux mains d'une étran--
DE FRANCE.
45
-
gère , offre à toutes les mères , qui ne le
font pas plus que la ſienne , une leçon trop
frappante pour être oubliée. Les Ombres .
de la bonne Mère , de la Nourrice & des
jeunes enfans , s'avancent avec reconncif-,
fance au boſquet de l'Auteur d'Emile. Suit
une ſcène entre Lulli & Rameau , relative
aux changemens arrivés dans la muſique.
Le premier Acte ſe termine par un Diver-,
tiffement analogue au genre & an caractère
de cetre ſcène .
Le ſecond Acte s'ouvre par une ſcène
entre Sophie & Emile. On fait avec quel
intérêt l'éloquent Genevois a écrit cette
dernière partie de ſon Traité d'éducation.
Touchante Sophie, jeune & vertueux Emile ,
dans l'Ouvrage qui porte votre nom , vous .
nous raviſſez , vous nous rempliffez de cette
indéfiniſſable ivreffe , qui n'appartient qu'au,
premier, délire de l'amour auprès de la
beauté. M. de la Houffaye a cherché à retracer
ſur la Scène ces douces émotions .
A peine ces jeunes Amans , qui vont rejoindre
leur Maître , ont- ils quitté le théatre ,
le Fanatifme fort du fond de l'Enfer , entouré
de Furies . D'une main il 'tient un
poignard , de l'autre une torche ardente .
Il te précipite vers le boſquet du Philofophe
qui a combattu ce Monftre toute fa
vie. La Vérité frémit, & s'oppoſe à fa
rage. Elle invoque une ſeconde fois la
puiſſance de Pluton ; le Spectre affreux retombe
dans l'abîme. La Vérité apoftrophe.
4
MERCURE
Jupiter elle ſe plaint des attentats du Fanatiſme
, trop ſouvent renouvelés ſur la
terre. L'Immortalité deſcend ſur un char
lumineux ; elle conſole la Vérité , & lui
dit que l'éternelle paix & le bonheur durable
ne ſe trouvent que chez les Morts.
Le boſquet ſolitaire , qui cache l'Ombre
du Philofophe, s'entr'ouvre , & la couronne
eſt miſe ſur ſa tête par les mains de la
Déeffe. Tous les Acteurs du Devin du Village
affiftent à l'apothéoſe. Un Divertiſſement
termine cette fête donnée à une Ombre
célèbre , que l'imagination ſe plaît à voir
errer ſous les peupliers d'Ermenonville , &
que M. de la Houſſaye auroit voulu tranfporter
ſur la Scène. Son idée est heureuſe :
mais la repréſentation ſeule peut faire juger
ſi elle est bien exécutée. Nous ſouhaitons
que l'Auteur parvienne enfin à obtenir des
Comédiens le droit d'être jugé par les
Spectateurs , ſoit au Théatre François , foit
à la Comédie Italienne .
LES FRANÇOISES , ou trente- quatre
Exemples choifis dans les moeurs actuelles,
propres à diriger les filles , les femmes ,.
les épouses & les mères ; 4 vol. in- 12 .
A Neuchâtel ; & fe trouve à Paris,chez
Guillot , Libraire , rue St- Jacques.
L'AUTEUR de cet Ouvrage ( M. Rétif de
la Bretonne ) a voulu donner, un Cours de
DE FRANCE.
43
Morale pratique pour les femmes ; le titre
ſeul en indique le plan , & la multiplicité
des Exemples qu'il a imaginés, nous interdit
la voie de l'analyſe. Le premier volume eſt
confacré aux filles; le ſecond , aux femmes ;
le troiſième , aux épouſes ; & le quatrième ,
aux mères. Ces exemples font parfemés de
lectures , morales auffi , fur differens ſujets
Il s'y trouve des Cuvrages dramatiques de
différens genres, mais tous d'un genre qu'on
ne connoiffoit point ailleurs ; telle eſt notamment
la Cigale & la Fourmi, Fable dramatique
, Pièce dans laquelle , en faveur de
amorale , de jeunes garçons s'habillent
en fourmis , & de jeunes filles en cigales .
On ſent que les plus petits garçons formeront
toujours d'affez groffes fourmis. En
général , cet amour des chofes bizarres gâte
ſouvent le talent de cet infatigable Ecrivain.
Cette bizarrerie qui ſe gliffe trop ſouvent
dans ſes expreſſions , bleſſe les oreilles un
peu délicates. On ne ſent point , par exemple
, la néceffité de ces locutions : la forabilité
du local ; la mignonneſſe au moins partielle
lui eſt eſſentielle ; cette agréabilité fait
oublier , &c. L'Auteur du Paysan perverti ,
de la Vie de mon Père , & autres Ouvrages
vraiment eftimables , doit trouver affez de
refſources dans ſon talent naturel , fans recourir
à ces triftes moyens , qu'on veut donner
pour du génie , & qui n'annoncent jamais
que l'abfence du goût.
•Au reſte, parmi les Exemples , on retrouve
.
44 MERCURE
ſouvent le talent vrai & pourtant original
de cet Ecrivain , notamment dans la Femme
bien entendue , dans la Femme jaloufe , &c.
&des momens d'intérêt dans le Drame intitulé
La Fille naturelle , dont le ſujet eft
trop romaneſque.
ANNONCES ET NOTICES.
NOUVEAUX RASOIRS, &c . chez le Sr. LETHIEN,
Md. Coutelier , rue Neuve Saint-Merry , Hôtel
Jabach .
حل
avec LEE
Sr. LETHIEN , dont nous avons déjà parlé
de juſtes éloges , vient d'inventer des Rafoirs à fix
lames & à rabot d'argent , toutes détachées , avec
leſquelles on ſe raſe, fans courir le riſque de ſe
couper, faites en Damas corroyé & raffiné au feu ,
& trempé avec des ſels qui les font refifter aux
barbes les plus fortes . Ces lames ont un avantage
bien précieux fur celles même d'Angleterre , en .
ce qu'elles n'ont jamais beſoin d'être repaffées ſur
la meule , mais ſeulement ſur la pierre à l'huile ,
ou ſur un cuir qu'on ne trouve que chez lui , préparé
avec une compofition nouvelle qui les ravivent
, & leur confervent leur première qualité , le
tout dans un étui de maroquin. Prix , 24 liv.
Un Rafoir avec fon rabot d'argent , 9 livres ;
Raſoir à fix lames , à rabot d'argent , en vrai Damas
, à garantie , même boîte & même étui , avec
un cuir, 48 liv. ; un Rafoir en vrai Damas , avec
fon rabot, à garantie , 27 liv.
Rafoir à fix lames , non à rabot , renfermées
DE FRANCE.
45
dans une boîte d'ébène , avec un cuir , le tout dans
un étui de maroquin , 18 livres ; Rafoir à fix
James , en vrai Damas , à garantie , même boîte &
même étui , avec un cuir , 36 liv . ; un Raſoir en
vrai Damas , à garantie , 24 liv .
Rafoir ordinaire , première qualité , 9 liv ; feconde
qualité , 6liv. ; & troiſieme qualité , 3 liv .
L'Auteur eſt ſi sûr de la trempe de ſes Rafoirs
qu'il la garantit fix mois à l'épreuve ; ils ont été
approuvés par les Syndics des Maîtres Perruquiers .
Des Cuirs formant un petit néceſſaire.portatif ,
contenant vingt-deux pièces , toutes concernant la
toilette , & le propreté de la bouche ; ſavoir , un
Rafoir à fix lames , un Cuir , un peigne , une paire
de ciſeaux , un couteau de toilette , un compas ,
des pinces , un coupe corps , un paffe-cordon, une
petite boîte de fer-blanc , ſervant à mettre le ſavon
& la broffe ; trois outils pour les dents , un gratelangue
, une petite broſſe pour les dents , un curedent
ſervantde cure-oreilſe d'un côté , un miroir
au couvercle de la boîte , qui ſe démonte facilement
pour l'accrocher où l'on veut ; le tout dans
une petite boîte , fermée par une clef. Et ceux qui
voudront des Raſoirs en vrai Damas , 60 liv.
Couteaux à deux lames , dits à couliſſe & à má
daillon , où l'on peut faire mettre ſon chiffre ; à
ceux en argent , une lame d'argent ; à ceux en or,
une lame d'or , qui ſe change en trois parties , ſe
démontant par lebas facilement par une vis , pour
les nettoyer , qui coupe le fer comme lebois, étant
faits de vrai Damas : première qualité , en or ,
192 liv. ; ſeconde qualité , 144 liv.: première qualite
, en argent , 72 liv. ; ſeconde qualité , 36 liv.
Couteaux à deux lames , dont une en vrai Damas
, & l'autre en or , avec une cuillier , fourchette
, falière , auffi en or , avec leur médaillon ,
un canif& un tire -bouchon , qui ſe démontent
rès-aifément en trois parties , 360 liv.; Couteaux
1
46 MERCURE
3
faits de même, & dans le même goût , en argent,
72 liv. ; avec beaucoup d'autres divers objets cu
rieux & de différens prix.
P. M. Augustini Brouſſonet , Medicina Doftoris
, Societ. Reg. Londinenfis & Monſpelienfis
Socie , Ichthyologia Siſtens Piscium Defcriptiones
& Icones. In - 4°. Prostat Londini , apud Petr.
Elmfly ; Parifiis , apud P. Franc. Didotjun.;
Vienna & Lipfia , apud Rudolp. Graffer ; Lugduni
Batav. , apud Andr. Koſter & Soc .
La réputation de l'Auteur est un préjugé avantageux
en faveur de l'Ouvrage, & l'exécution nous
en a paru très-ſoignée.
Les Lampions du Palais-Royal , ou les Etoiles
duCousin Luc. A Meaux , chez Charles , Libraire ;
& à Paris , Hôtel Landier , No. 5 , rue Haute--
Feuille, au coin de celle Poupée. Prix , I liv. 4f.
GOD-DAM, Brochure in-12, paraphée de l'Auteur.
Prix , I liv. 4 f. A Paris , au Palais-Royal ;
& chez les Marchands de Nouveautés.
Les Pièces de poéfie qui compoſent ce petit Recueil
, ont été rejetées par les Editeurs de l'Almanach
des Muſes & des Étrennes Lyriques ; l'Auteur
en appelle au jugement du Public.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires particuliers
relatifs àl' Hiftoire de France; Tom. XXXI
& XXXII , in-8 ° . ALondres , & ſe trouve à Paris ,
rue & Hôtel Serpente.
Ces deux Vol. contiennent la ſuite des Mémoires
de Vieilleville. Le prix de la Souſcription pour 12
Volumes eſt de 48 liv. Les Souſcripteurs de Paris
payent de plus 7 liv. 4f. pour les frais de Pofte.
DE FRANCE.
47
;
;
LES Promenades de Clariffe , ou Principes de
laLangue Françoise , ze. Partie ; par M. Tournon
, de l'Académie d'Arras, A Paris , chez l'Auteur
, rue St-Martin , en face de celle du Cimetière
; & chez Bailly , Libraire , rue St - Honoré ,
Barrière des Sergens.
Cet Ouvrage ſe publie par une Souſcription
-ouverte en faveur de la nièce du Grand Corneille.
:
LE Rendez-vous de chaſſe de Henri IV , deſſiné
par B. Borel , gravé par Guttenberg. Prix , 6 liv.
faifant fuite, pour la grandeur , aux dernières pa
roles de J. J. Rouſſeau , gravée par le même ; &
à l'arrivée de Rouſſeau & Voltaire au Champs-
Elifées , par Macret. A Paris , chez Guttenberg ,
place de l'Eſtrapade, au Magafin de papier.
Cette Eſtampe agréable repréſente Henri IV avec
le Payfan à cheval, qui arrivent ; on voitGabrielle
d'Eftrées , Sulli , & d'autres Seigneurs de ſa Cour
qui l'attendent.
Sur le ſecond plan , on apperçoit la voiture du
Roi & des chaffeurs de fa fuite.
Le troiſième plan eſt terminé par un hameau &
fond depayſage.
PARTITION DE TARARE , Opéra ens Actes,
avec un Prologue , repréſenté pour la première fois
fur le Théatre de l'Académie Royale de Muſique,
te8 Juin 1787 , paroles de M. de Beaumarchais ,
muſique de M. Salieri , Maître de Chapelle de la
Chambre de S. M. l'Empereur. A Paris , chez Imbault,
Marchand de Muſique , au Mont d'Or , ruę
Saint-Honoré , entre l'Hôtel d'Aligre & la rue des
Poulies , N°. 627. Prix , 30 liv.
On avertit à la tête de cette Partition, que les
morceaux fufceptibles d'une ſimple déclamation
font diftingués de ceux qui doivent être chantés
B
48 MERCURE
néceſſairement , par les mots parlé & chanté ; en
conféquence on invite les Directeurs de Spectacle
de Province d'effayer cet Ouvrage en fimple Dialogue
, dans la forme des Opéras Comiques. :
Cette idée n'eſt pas nouvelle , mais elle eſt
bonne ; elle a été déjà propoſée dans un Journal
de Muſique , en 1770 , à propos de l'Opéra d'Ernelinde
, & l'on en a fait à Bruxelles & ailleurs uưn
eſſai qui a réuſſi.
NUMEROS 9 & 10 du Journal de Violon , dédié
aux Amateurs, pour deux Violons ou Violoncelles ,
compoſé d'Airs de Théatre , & d'autres de tous les
genres. Le chant eſt dans le premier Deſſus. Prix
féparément , 2 liv. Abonnement pour 12 Cahiers,
5 liv. , & 18 liv. chez M. Bornet l'aîné , Profeffeur
, rue Tiquetonne , Nº. 10 .
TABLE.
A
6 24
3 Commentaire fur la Loi des
Douze Tables.
L'Assemblée des Ombres. 39
Les Françoises .
M. de la Harpe.
Réponſes à la Question.
Charade, Enigme & Logog.
Hiftoire de la Révolution de
l'Amérique. 11 Annonces & Notices.
42
44
J'Arlu,
APPROBATION.
, par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 6 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empê
cher l'impreſſion. AParis , les Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
TURQUIE.
De Constantinople , le 26 Août.
Depuis ladéclaration de guerre contre la
Ruffie , on a accéléré la marche de divers
corps de troupes d'Afie & d'Europe
vers Oczakof , & l'on aſſure que notre efcadre
croiſe à l'embouchure du Dnieper ,
pour favoriſer le débarquement des tranfports.
On annonce toujours le retour du
Capitan- Pacha qui n'arrive point. L'ancien
Kan de Crimée Sahim-Gueray eſt confiné ,
à ce qu'on aſſure , dans un château de l'ifle
de Rhodes , où il eſt étroitement gardé.
D'autres le diſent étranglé. Selon le bruit
public , la Porte a rejetté les propoſitions
de l'Arabe Muteſik , qu'on dit s'être em-
N°. 40 , 6 Octobre 1787.
( 2 )
paré de Baſſora , & l'on a donné ordre au
Pacha de Bagdat de le réduire à l'obéifſance.
Suivant quelques rapports douteux ,
les Perſans mécontens des progrès de la
laRuffie fur les bords de la mer Caſpienne ,
ont déja pris les armes; diverſion qui ſeroit
très- favorable à nos intérêts.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 18 Septembre.
On a donné des ordres en Pologne pour
mettre fans délai la fortereſſe frontiere de
Kamin eck en bon état de défenſe.
Les lettres de Conſtantinople nous ap
prennent , que l'on y travaille ſans relâche
aux tentes & à l'équipage du Grand Viſr.
Les forces de terre Ottomanes ſur les frontieres
confiftent en 300,000 hommes , & celles
de mer en 80 voiles , dont la plupart ſe rendront
dans lamerNoire. L'armée près d'Oczakof
eſt forte de 60,000 hommes.
Lorſqu'il fut queſtion dans le Divan de
déclarer la guerre à la Ruffie, pluſieurs membres
, dit-on , étoient d'avis de la ſuſpendre
juſqu'au Printems prochain , mais cette opinion
fut rejettée. Immédiatement après le
Conſeil , on expédia des Spahis à tous les
Pachas tant en Europe qu'en Afie , avec les
ordres les plus précis de déſarmer tous les
Grecs , & d'exhorter les Musulmans à ſe
ranger ſous l'étendard de Mahomet contre
( 3 )
les Infideles . Tous les Grecs dans cette capitale
ont été déſarmés ſur le champ ; on
leur a ôté même les couteaux. On a auffi
arrêté dans le canal deux bâtimens Ruſſes
chargés de marchandises.
Un incendie a détruit à Moſcow 400
maiſons ou boutiques.
De Berlin , le 18 Septembre.
Sa Maj . , ainſi que nous le dîmes dans le
tems , avoit ordonné la réviſion du fameux
procès du Meûnier Arnold , qu'un Jugement
définitif vient de terminer . Cette Sentence
annulle celle qui l'avoit précédée ſous
le dernier regne ,& condamne les héritiers
du meûnier à indemnifer de tous frais &
dommages tant M. de Gersdorff & Madame
la Comteſſe de Schmettau , qu'Arnold
avoit fauſſement accuſés de l'avoir opprimé
, que les Conſeillers de Régence , démis
pour avoir rejetté cette accufation. La
vente du moulin devoit ſervir à acquitter
cette indemnité ; mais le Roi a eu la bonté
d'écrire au Chancelier Baron de Carmer ,
un ordre du Cabinet qui porte :
>>>Mon cher Baron de CARMER , j'ai approuvé
le jugement envoyé par le départementde Juf-
>>>tice , que le Tribunal a prononcé ſur l'affaire
>> d'Arnold contre Gersdorff : j'ai agréé égale-
>>>ment les principes de Droit qui y ont été
>> allégués ; & cette ſentence peut être communiquée
aux Parties reſpectives. Comme néan
a 2
( 4 )
>>moins Arnold , quand même ſon moulin ſe
roit vendu , eſt hors d'état de reſtituer les
>> 1784 thalers auxquels il eſt condamné ; ſça-
>>>voit , 200 à Gersdorff , 600 à Schmettau ,
> & 984 thalers aux Conſeillers ruinés , j'ai
>> pris la réſolution, pour indemnifer ces per-
>> ſonnes &bonnifier les pertes qui ont réſulté
de ce qui eſt arrivé d'affigner les 1784
thalers. Vous pouvez les retirer de mon Con-
>> ſeiller & Receveur Buchholtz , & ordonner
> ce qui convient pour la répartition. Je ſuis
votre gracieux Roi. FRÉDÉRIC GUILLAUME.
(
,
De Vienne, le 18 Septembre.
Le 10 , S. M. I. eſt partie pour la Bohệ-
me , où elle est allée juger de l'eſſai d'une
nouvelle mine à la fortereſſe de Théréſienftadt;
elle fera de retour ici après demain.
On ne peut douter que notre Courn'ait
au moins le projet de former un cordon de
troupes conſidérable ſur les frontieres Ortomannes.
On raſſemble en Hongrie &
avec diligence d'immenſes proviſions. Les
régimens de Nicolas Esterhazy & de Samuel
Giulay , arrivés ici depuis peu de
jours, en font repartis le 12 , & fe rendent
par le Danube à Péter-waradin. Le Corps
des Sapeurs & celui des Mineurs prennentla
même route. Les troiſiemes bataillons de
Preiff & de Teuthmeiſter , augmentés de
deux Compagnies , feront repartis à Eſſeck
& Péter-waradin. Les troupes qui étoient
cantonnées enBaviere reviennent fur leurs
( 5 )
pas ,&rentrent dans leurs anciens quartiers .
Tous les régimens de Cavalerie qui font
en Hongrie , ont ordre de ſe mettre ſur le
pied de guerre. Le cordon ſera , dit-on , de
60 mille hommes. On formera auſſi des
corps ſéparés enGallicie& enTranſylvanie.
Le Comte Charles de Palty, Chancelier
deHongrie, ſe trouvant à ſa terre de Malatzka
, S. M. I. lui envoya, ces jours paffés ,
une eſtafette pour lui ordonner de ſe rendre
près de ſa perſonne. Ce Miniſtre eut avec le
Monarque une longue conférence. On dit
qu'il lui a fortement repréſenté que la Hongrie
étoithors d'état de fournir par elle ſeule
aux besoins de l'armée deſtinée aux frontieres
; que la famine avoit déſolé pendant
deux années confécutives des diſtricts éten
dus de ce Royaume ; que les magaſins de
l'Etat avoient été vuidés pour envoyer du
ſecours aux malheureux ; qu'il avoit été impoſſible
de les remplir , parce que les récoltes
avoient été ou tout à fait mauvaiſes , ou
tout au plus médiocres , & que comme Sa
Maj . Imp. avoit permis la ſortie du bled ,
l'avoine valoit actuellement 2&demi- florins
à Idemberg , auffi-bien qu'à Eiſenſtad ; &
qu'il eſt à craindre que tous les vivres ne
hauſſent de prix.
Suivant les derniers avis de Conſtantinople
, à peine le Miniſtre de Ruſſie ſe trouva
aux Sept-Tours , que le Divan fit arrêter
tous les confuls de cette nation , & fit no
a 3
( 6 )
tifier aux autres ſujets Ruſſes de quitter les
Etats Ottomans dans le terme de 6 mois .
On ajoute qu'il exigea des autres Miniſtres
Européens , de déclarer par écrit , au nom
de leurs Cours reſpectives, ſi la Sublime-
Porte pouvoit compter ſur leur neutralité.
Les Ambaffadeurs de France , d'Angleterre ,
de Pruſſe , d'Eſpagne &de Suede ſe déclarerent
neutres ſans la moindre difficulté ;
mais le Baile de Veniſe ne donna cette déclaration
, que ſous la réſerve qu'elle ſeroit
ratifiée par le Sénat. L'Internonce déclara
qu'il ne figneroit rien, qu'après en avoir reçu
l'ordre formel de ſa Cour. Il fut intimé au
Baile de Veniſe que, vu les circonstances ,
la Porte ne pouvoit point permettre qu'une
flotte Vénitienne tint la mer , que par conſéquent
ſes maîtres feroient bien de la rappeller.
Le Baile répondit ſeulement que la
guerre qui fubfifſtoit entre ſa République &
Tunis exigeoit cette précaution. Nous apprenons
que le Hoſpodar de Valachie a ordre
de faire arrêter M. Sergius , Conful-général
de Ruffie à Bucharest. Ce dernier rapport
eſt plus vraiſemblable que le précédent.
Le bruit s'étant répandu , que le Chevafier
Ainflie , Miniſtre d'Angleterre à la Porte ,
avoit contribué par ſes conſeils aux réſolutions
hoftiles de cette Puiſſance , le Chevalier
Murray Keith , Miniftre Britannique auprès
de notre Cour , a déclaré , dit- on , formellement
aux Miniſtres de S. M. I. , que
( 7 )
tette rumeur étoit deſtituée de tout fondement
, & fa Cour fort éloignée de donner
de pareils avis à la Porte Ottomanne.
Le Prince Nicolas d'Efterhazy ayant demandé
& obtenu ſa démiſſion de la place
de Capitaine de la Garde-Noble Hongroiſe ,
S. M. l'a donnée au Général Comte Antoine-
Karoly de Nagy Karoly , qui le 9 de ce
mois , a prêté en cette qualité ferment entre
les mains de S. M.
:
De Francfort , le 23 Septembre .
Le 27 Août , à une heure du matin , on ref
ſentit à Munich une forte ſecouſſe de trem
blement de terre . Beaucoup de perſonnes farent
réveillées; des meubles vacillerent . La ſentinelle
de la grand-garde entendit un bruit éloigné qui
reffembloit à celui d'une maiſon qui croule .
Une autre , en faction dans le quartier , dit
l'Anger , chancela dans ſa guérite , & la quitta
d'épouvante. Les Sentinelles diftribuées ſur les
remparts hors de la ville , n'entendirent qu'un
grand bruit ſouterrein qui les effraya . Cette
ſecouſſe dura trois fortes ſecondes .
A Talz à Wolfrathshausen & à Bénédict-
Bayern, dans la Haute-Baviere , ce tremblement
de terre fut également ſenti , le 27
minuit & demi , & à Landshut , dans la Baſſe-
Baviere , à une heure moins fix minutes. A Talz ,
on en éprouva quatre ſecouſſes dans un quartd'heure.
La quatrieme étoit légere ; mais les
trois premieres furent fi violentes , qu'elles
détacherent les tableaux des murs , déplacerent
les meubles , & cauferent aux maiſons un ébran
1
a 4
( 8 )
lement tel que les habitans les
abandonnerent,
&
chercherent leur ſalut dans les rues & les
campagnes voifines.
و
A Landshut , quatre
ſecouſſes , dans l'eſpace
de deux ſecondes ,
agiterent les fenêtres & les
gens dans leurs lits. Dans l'égliſe
collégiale , les
tuyaux d'orgue furent déplacés
énorme, dont
& la tour
la fleche paſſe pour être l'une des
plus hautes de
l'Allemagne , en reçut un choc
violent , dont les gardes de nuit qui y veillent
furent tellement troublés , qu'ils ne ſe trouverent
pas en état
d'annoncer l'heure , ainfi
qu'il eſt d'uſage. Les habitans des
montagnes
voiſines
entendirent
également un fracas fouterrein
ſi
épouvantable , qu'ils crurent la ville de
Landshut
totalement
abîmée.
A
Augsbourg & dans les environs de cette
ville impériale , ce
tremblement de terre a eu
lieu
précisément à minuit ; l'effroi &
l'empres
ſement de ſe
ſouſtraire au
déſaſtre dont on ſe
croyoit menacé , onr été les mêmes qu'à Tæls .
L'inquiétude s'y ſoutint pendant une demi-minute
que la terre trembla. On n'en a
heureuſement
éprouvé aucun
dommage dans ces diffé--
rens
endroits. La
direction de ce
mouvement
convulfifde laterre venoit du ſud- ouest , & portoit
avec violence au nord-efſt. Depuis cet inftant
il pleut dans ces contrées ; le froid y eſt
exceffif; il tombe beaucoup de neige à Æolfrathshausen
& à Bénédict-Bayern , & lesmontagnes
du Tyrol en ſont couvertes.
GRANDE -
BRETAGNE ,
De Londres , le 25
Septembre.
Un Courier du
Chevalier Harris , qui a
( 9 )
fait , en vingt-une heures , le trajet de la
Haie à Whitehall , a mis fin aux incertitudes
& aux raiſonnemens , en apportant les
détails de la révolution qui vient de s'opérer
en Hollande. La Gazette de la Cour
en a inſtruit le Public ; tous les Miniſtres
ſe ſont raſſemblés ; & , depuis que ces nouvelles
ont été répandues , les fonds , qui
avoient baiffé depuis trois jours , font remontés.
Les trois pour cent conſolidés , qui
étoient à ſoixante- neuf Samedi , ſe trouvent
aujourd'hui à ſoixante-dix &demi.
-
LeGouvernement cependanta pris toutes
les meſures d'uſage aux approches d'une
guerre. Le 21 , S. M. a rendu une proclamation
, pour encourager les Matelots volontaires
à ſe rendre ſur les vaiſſeaux en
armement. Tous les gens de mer faits , audeſſus
de vingt ans & au deſſous de
cinquante , recevront trois liv. ſterlings de
gratification , & les Matelots ordinaires
deux liv. Par une ſeconde proclamation du
même jour , on a rappelé tous les Marins
qui pourroient ſe trouver au ſervice étranger
, & féverement défendu tout engagement
hors de la Grande-Bretagne. Il eſt
à remarquer que S. M. y déclare que , fi
quelque Patron , Pilote , Charpentier , Matelot
, &c . , étoient pris à bord de quelque
navire étranger par les Turcs , les Algériens
ou autres , ils ne feront point réclamés
comme Sujets du Roi,
as
1
( 10 )
• Samedi , la preſſe fut exercée ſur la Tamiſe
, & procura 1800 matelots qui , fur le
champ furent conduits au Nore , pour être
de là repartis ſur les vaiſſeaux auxquels ils
ſont deſtinés. A Portsmouth & à Plymouth
la même exécution s'eſt répétée ; cinq cents
ſujets ont été preſſés dans le premier de ces
deux ports , & 200 volontaires ſe ſont offerts
dans le fecond .
Le Miniſtre de la guerre a expédié l'ordre
général de completter les Régimens , & de
les augmenter chacun de deux Compagnies,
Le Grand-Maître de l'Artillerie a averti tous
les Officiers de fon département de ſe tenir
prêts au premier beſoin , & le Bureau des
vivres a reçu l'ordre de hâter les approvifionnemens.
Trente vaiſſeaux de ligne ont été mis en
commiffion. On en ajoutera quelques-uns à
ceux qui font armés à Spithead , pour en
compoſer ſur le champ une flotte de 19 vaifſeaux
de ligne. Le Sandwich , de 90 can . ,
a été mis en commiffion , fous les ordres du
Cap. Tomkins , & l'Orion , de 74 can . , fous
ceux du Chevalier Hyde- Parker , fils du feu
Amiral de ce nom.
Le Coloffus & le Théſée , deux vaiſſeaux
neufs de 74 can , font deſcendus , l'un de
Chatham à Sherneſſ , l'autre de Woolwich ,
pour ſe rendre à Spithead.
Vendredi dernier , il eſt ſorti de Portfmouth
une petite eſcadre volante , avec des
( 1 )
ordres cachetés , & compoſée de l'Hébé ,
36 can . Cap . Thornborough. Le Myrmidon ,
22 can. Le Cygne & l'Alert , de 14 can . C'eſt
le même jour ( Vendredi ) , que les Warrant
pour la preſſe ont été expédiés par
l'Amirauté aux Capitaines de Vaiſſeau.
On débite que le Miniſtre de Ruffie auprès
de certe Cour , a fait demander au
Gouvernement un abri pour les Vaiſſeaux
de Guerre de ſa Nation , dans les ports
d'Angleterre , & qu'on lui a refuſé une réponſe
, juſqu'à l'arrivée des dépêches du
Chevalier Ainslie , notre Envoyé à la Porte .
M. Fitzherbert , Miniſtre plénipotentiaire
du Roi auprès de l'Impératrice de Ruffie ,
devoit , diton , revenir inceſſamment ; mais
l'on aſſure qu'il a reçu un contre ordre qui
l'obligera de retourner à Pétersbourg,
Le Marquis del Campo , nommé par le
Roi d'Eſpagne ſon Ambaſſadeur extraordinaire
auprès de notre Cour , a remis , en
certe qualité , ſes lettres de créance à S. M.
Les deux Frégates , la Cérès & la Mi
nerva , ſous les ordres du Chevalier Fortiguerri
, font arrivées à Portſmouth , ayant
àbord un ſervice de porcelaine magnifique ,
envoyé à S. M. par le Roi de Naples. Le
Comte d'Oxford , l'Europa , le Midlesex &
le Posborne , tous quatre de la Compagnie
des Indes , font arrivés ſaufs ces jours dermiers
, en différens ports.
a 6
( 12 )
FRANCE.
De Versailles , le 30 Septembre..
Le Marquis de Vérac, ci devant Ambaſſadeur
du Roi auprès des Etats-généraux
des Provinces- unies , de retour de ſon Ambaſſade
, a eu , à ſon arrivée ici , le 20 de ce
mois , l'honneur d'être préſenté à Sa Maj .
par le Comte de Montmorin , Miniſtre &
Secrétaire d'Etat , ayant le département des
Affaires Etrangeres.
Le 23 de ce mois , le Comte d'Aranda ,
Ambaſſadeur extraordinaire & plénipotentiaire
du Roi d'Eſpagne , a eu une audience
particuliere du Roi , pendant laquelle il a
pris congé de Sa Majeſté ; il a été conduit à
cette audience , ainſi qu'à celles de la Reine
&de la Famille Royale , par le ſieur de la
Garenne , Introducteur des Ambaſſadeurs.
Le ſieur de Séqueville , Secrétaire ordinaire
du Roi , pour la conduite des Ambaſiadeurs
, précédoit.
Le Comte de Brienne , Commandant en
chef pour le Roi dans la Haute & Baffe-
Guienne, que Sa Majeſté a nommé Secrétaire
d'Etat au département de la Guerre ,
a eu , le 24 , l'honneur de faire ſes remerciemens
au Roi, étant préſenté par l'Archevêque
de Toulouſe, principal Miniſtre d'Etat,
& Chef du Conſeil royal des finances,
( 13 )
Il a eu , le même jour , l'honneur de faire ,
en cette qualité , ſes révérences à la Reine
& à la Famille Royale.
Le Chevalier de Viviers , ci-devant Miniſtre
plénipotentiaire du Roi près les Princes&
Etats du cercle de la Baſſe Saxe , a eu
à fon retour ici , l'honneur d'être préſenté à
Sa Majesté , par le Comte de Montmorin ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant le département
des Affaires Etrangeres.
Le 27 , le Comte de Brienne a prêté ferment
entre les mains du Roi , en qualité de
Secrétaire d'Etat au Département de la
Guerre.
De Paris le 3 Octobre.
,
Déclaration du Roi , donnée à Verſailles ,
le 20 Septembre , regiſtrée en Parlement le
24 du même mois , qui transfere & rétablit
le ſiége du Parlement en la ville de Paris , &
y établit une Chambre des vacations pour y
rendre la juſtice en la maniere accoutumée ,
pendant les fix ſemaines qui auront cours , à
compter du 1er. Octobre juſqu'au 10 Novembre
prochain.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du ro
'Août , qui regle la forme de l'adminiſtration
municipale de la ville de Meaux.
Autre du 31 , portant établiſſement d'une
Imprimerie à Verſailles , en faveur du ſieur
Pierres , premier Imprimeur ordinaire de
Sa Majesté,
( 14 )
Autre , du 25 Mai dernier , pour la priſe
'de poffeffion du bail de la Ferme-générale
*des biens des Religionnaires fugitits & réfractaires
aux ordres du Roi , ſous le nom
d'André Piotton , Bourgeois de Paris , pour
neuf années , à commencer du 1 Janvier
1788 .
Autre , du 7 Septembre , qui ordonne un
nouvel examen des plans , devis & marchés
relatifs à la conſtruction de la clôture de
Paris , enſemble des ouvrages déja faits &
de ceux reſtans à faire; ordonne que les
conſtructions concernant ladite clôture ,
non encore commencées , ne pourront être
exécutées qu'après ledit examen , & l'approbation
détaillée du ſieur Contrôleur général
, & fur le compte qu'il en aura rendu
à Sa Majefté.
>> LeRoi s'étant fait rendre compte de l'érat
actuel des travaux de la nouvelle enceinte
de Paris , dont Sa Majesté a ordonné
l'établiſſement par ſa déciſion du 23 Janvier
1785 ; & Sa Majesté ayant reconnu
que, contre ſes intentions , on avoit prodigué
les ornemens dans les bâtimens deftinés
à fervir de Bureaux pour la perception
des droits d'entrée à Paris , & que les effets
de ce luxe défavoué par l'opinion publique ,
& contraire à l'objet même d'une entrepriſe
qui n'a été formée que dans des vues d'éco
nomie , avoient été d'en augmenter confidérablement
les dépenſes : Sa Majesté, en
:
( 15 )
regrettant que tous les travaux ſoient trop
avancés pour qu'elle puiſſe étendre les réformes
ſur tous les objets qui en ſeroient
ſuſceptibles , a cru du moins devoir prendre
des meſures convenables pour réprimer
à l'avenir cette prodigalité , pour retrancher
des conſtructions qui reſtent à faire , tout
objet de ſuperfluité & de luxe , & pour ſe
faire rendre un compte exact de toutes les
dépenſes. A quoi voulant pourvoir , &c . »
Arrêt de la Chambre des Comptes , qui
regle la forme des certificats de vie à fournir
pour la perception des rentes viageres.
On vient de publier les Réglemens faits
par le Roi , pour la formation & compofition
des Aſſemblées qui auront lieu dans la
Généralité de Tours & la province de Dauphiné
, en vertu de l'Edit portant création
des aſſemblées provinciales. L'un eſt du 18
Juillet , l'autre du 4 Septembre. L'affemblée
générale de la Généralité de Tours a
été ouverte le 11 Août , & l'aſſemblée provinciale
de la province de Dauphiné l'a été
le 1 Octobre .
L'achat des ſoies s'est faite à la foire d'Alais
avec une rapidité étonnante , le 28 & le
29 Août : elles ſe ſont vendues de 20 à 40
fous par livre de plus qu'à la foire de Beau
caire derniere. Toutes les foies ont été
vendues , & il y en a été peſé 565 quintaux.
Dans les bonnes années , il arrive pour l'ordinaire
à cette foire 15 ou 1800 quintaux
( 16 )
de foie , ſur lesquels il y en a 3 ou 400
quintaux dinvendus . Cette année il n'en
reſte point; on peut juger par-là combien
la récolte a été mauvaiſe.
Le Procureur du Roi du Bailliage de
Cany en Normandie a fait inférer dans le
Journal de Normandie l'annonce d'un attentat
récent , qu'il raconte en ces termes :
Il a été commis dans nos cantons , la nuit
du 14 au Is Août dernier , un aſſaffinat prémédité
, ſur la perſonne d'un jeune étranger
voyageur , par trois particuliers inconnus , avec
leſquels il faiſoit route du bourg de Valmont
à celui de Cany , & qui lui ont volé une partie
de ſes effets & de ſon argent .
Quoique frappé à la tête de violents coups
de bâton , & à la gorge de divers coups de
couteau , portés avec une force ſupérieure , &
pénétrant tranſverſalement l'oesophage & la tra
chée-art ere , l'homicidé à ſurvécu près de quinze
heures à cet affaffinat. On a employé utilement
une partie de ce temps à lui adminiſtrer
les ſecours ſpirituels , & à prendre ſes déclarations.
Le Procès-verbal que j'en ai requis &
fait dreſſer , annonce qu'il s'appelloit Jacques
Lefevre ; qu'il étoit domicilié à Lisieux , & au
fervice d'un fieur Leger , Maître Boucher de cette
ville , lequel devoit être alors à Dieppe , où ledit
Lefevre avoit ordre de l'al'er rejoindre.
L'état de foibleſſe où étoit le malade lui permit
à peine de raconter ſon malheur , & de
nous donner le ſignalement de ſes meurtriers .
Il expira , pour ainſi dire , en parlant , le 15
Août , vers l'onzieme heure du matin. Le 16 ,
il fut inhumé ſous le nom qu'il avoit pris dans 20
( 17 )
le Procès-verbal de vifite , & le 17 j'informai
de l'affaffinat M. le Procureur - Fifcal de Lifieux
, en le priant de faire avertir la famille
de Jacques Lefevre , ou le ſieur Leger ſon Maître.
Nous trouvons dans les Affiches de Lorraine
une lettre au Rédacteur , qui peut intéreſſer
l'Agriculture.
Les papiers publics ,dit l'auteur , annoncent
les ravages que la nielle a faits cette année
dans preſque tous les bleds de la France. La Lorraineainſi
que les Trois-Evêchés ont éprouvé
également ce fléau. Cependant , au milieu de
la contagion générale , un village preſqu'entier
eſt parvenu à en garantir ſes grains. Ce
phénomene eſt aſſez ſurprenant pour mériter
l'attention des cultivateurs.
Le village dont il s'agit eſt Deſtrich , fitué
dans la Lorraine. Tout le ſecret à confifté dans
le choix de la chaux , & dans la maniere dont
on l'a employée pour chauler la ſemence. Un
homme reſpectable , qui mérite à plus d'un
titre la reconnoiſſance de ſes Paroiſſiens , a bien
voulu être leur guide , & le ſuccès a couronné
ſes eſpérances.
Voici la méthode qu'on a ſuivie . On s'eſt
ſervi de chaux vive & pure. Pour ſe la procurer
dans toute ſa force , il eſt eſſentiel que lescultivateurs
du même lieu s'arrangent avec un
Chaufournier pour n'en faire proviſion que la
veille de la ſemaille. Il eſt bon d'obſerver que
pour la conſerver parfaitement en nature de
pierre , il faut la placer dans un lieu ſec & dans
untonneau bien fermé. Si on la répand ſur la
terre , elle contracte de l'humidité.
Les Laboureurs de Deſtrich ont ajouté de
bonnes cendres faites de bois neuf & non pourri ,
( 18 )
:
1
ade l'excellente chaux qu'ils ont employée. Il
eſt important de faire connoître en détail la
maniere dont ils ont opéré. Pour préparer une
quarte de bled péſant cent livres , ils ont fait
infuſer pendant trois jours dans de l'eau de ris
viere ou de fontaine un demi-foural de cendres
, en remuant de temps en temps les cendres
, afin que leurs ſels puſſent ſe diſſoudre
plus facilement. Ils ont verſé enſuite cette efpece
de leſſive dans un cuveau dans lequel ils
ont fait fondre un demi- foural , & même aus
delà , de chaux vive. Suivant cette méthode ,
forſque dans le fond du cuveau il ſe trouve
des pierres non fondues , on les en tire avec une
écumoire , avant d'y verſer du bled. Lorſqu'il
eſt verſé , on écume le deſſus de l'eau , qui doit
furnager d'un ou deux pouces ſur le grain qu'on
aſoin de temuer d'heure en heure , ayant l'at
zention d'enlever avec l'écumoire les grains de
mauvaiſe qualité qui s'élevent au- deſſus de l'eau,
On laiſſe tremper le bled pendant douze ou
quinze heures ; en le retirant de l'eau , on le
répand ſur le plancher , & on le remue avec
un rateau. On le ſeme auſſitôt que les grains
font reſſuyés au point de ne plus tenir en
ſemble..
Pour plus grande précaution , je crois devoir
ajouter , qu'il eſt bon de n'employer pour ſemence
que du vieux bled , & de ne le ſemer
que dans des terres labourées depuis quinze
jours ou trois ſemaines.
J'ai l'honneur d'être , &c.
L'extrait du Procès verbal de 1 Afſemblée
provinciale de la Baſſe-Normandie , dont
nous avons rapporté le premier article , préſente
cequi fuit :
( 19
1º . Que la Commiſſion intermédiaire deman
'dera à l'Ingénieur en chef un état des travaux
publics arrêtés dans cette Généralité pour I année
1787 , & des adjudications qui en ont été pallées ,
foit pour ouvrages neufs , ſoit pour entretien;
la communication des plans & devis des che
mins à conſtruire , & autres travaux publics ,
& des ouvrages d'arts , ponts , canaux , ports ,
deſsèchemens projettés ; l'état des fonds deſtinés
annuellement à chaque nature d'ouvrages ; &
généralement les renſeignemens propres à mettre
l'Aſſemblée en état de remplir les intentions du
Roi .
:
2° . Que la Commiſſion intermédiaire ſe fera
remettre l'état des ſommes qui font payées anmuellement
pour les indemnités dans cette Généralité
, & le montant de celles qui pourroient
être en arriere , & reſter à payer après la préſente
année révolue : qu'elle ſe procurera pareillement
l'état des fonds de charité accordés
par le Roi à cette Généralité pour l'année 1787 ,
P'emploi qui en a été fait , afin que l'Aſſemblée
Provinciale puiſſe avoir un apperçu des
ſecours que les beſoins la détermineront à folliciter
des bontés de Sa Majeſté , & s'occuper
de l'emplacement & diſtribution des atteliers
à venir.
3 ° . Qu'elle fera des recherches ſur les dif
férentes manufactures qui ont été & ſont actuelle
ment en vigueur dans cette Généra'ité , celles
qui méritent plus particulierement l'attention
de l'Adminiſtration , & celles qui pourroient être
établies avec le plus de ſuccès .
4º. Qu'elle rétablira une correſpondance avec
les Commiſſions intermédiaires de Rouen &
Alençon , afin que les trois Aſſemblées puiſſent
ſe communiquer mutuellement leurs vues &
( 20 )
leurs obſervations pour le bien de l'adminiſtration
généra'e de la Province.
5°. La Commiffion intermédiaire eſt chargée
de pourvoir au choix & à la diſpoſition d'un
lieu convenable pour tenir les Séances de l'Af
ſemblée Provinciale , & de la Commiſſion intermédiaire
, pour l'emplacement de ſes Bureaux ,
dont elle réglera l'ordre & le ſervice , & pour
ledépôt de ſes archives , ainſi que de mettre la
prochaine Aſſemblée en état de ſtatuer fur la
fixation du traitement qu'elle devra faire au Secrétaire
Greffier , ſur les frais de Bureaux &
autres dépenſes indiſpenſables pour la tenuedes
Affemblées Provinciales & de la Commiſſion
intermédiaire .
Extrait d'une Lettre de Dunkerque , du 9
:
Septembre .
,
>>>Une machine conſtruite pour prendre
les bains de mer , & appartenant à M. Field
de cette ville , ayant conduit dix perſonnes
fur les ſables pour le baigner aufli-tôt
qu'elles furent déshabillées , la marée qui
montoit avec une rapidité extraordinaire ,
parce que le vent s'étoit fort élevé , emporta
une des roues de cette machine , qui
avant qu'on pût apporter du ſecours aux
perſonnes qui étoient dedans , fut miſe en
pieces par les vagues. Trois perſonnes périrent
par cet événement, & les autres eurent
toutes les peines du monde à ſe ſaus
ver , en perdant leurs habits. Une des perſonnes
noyées a été trouvée par des pêcheurs
à plus de huit lieues en mer. Le cadavre
a été apporté par eux à Oſtende.
( 21 )
L'académie des jeux Floraux fera , fuivant
l'uſage , la diſtribution des prix , le troiſieme
Mai 1788.
Ces prix font une amarante d'or de la valeur
de 400 livres , deſtinée à une ode. :
Une églantine d'or , de 450 livres , pour le
prix du diſcours, dont le ſujet ſera pour l'année
prochaine : quelle a été l'influence de Lou's XI
fur le gouvernement & les moeurs de la nation .
M. Chaz , Avocat au Parlement , eſt l'auteur
de l'éloge de J. J. Rouſſeau , auquel l'académie a
adjugé le prix.
Une violette d'argent de 250 livres , pour
un poême de ſoixante vers au moins , &de cent
au plus , dans le genre noble ; ou pour une épis
tre d'environ cent cinquante vers.
Un fouci d'argent de 2000 livres , deſtiné à
une élegie , à une idylle ou à une églogue : ces
trois genres concourant pour le même prix . M.
Jamme le fils , s'eſt déclaré l'auteur de l'idylle
intitulée , le bilboquet , qui a été couronnée ; &
M. Blanchard , de l'idylle intitulée , les oiseaux,
à laquelle l'académie a adjugé un prix réſervé.
Un lis d'argent de 60 livres , pour un fonnet
ou hymne à l'honneur de la vierge. M. Daram ,
écuyer , âgé de quatre-vingt-quatre ans , s'eſt
déclaré l'auteur du fonnet couronné.
Le ſujet des autres ouvrages de poéſie , eſt au
choix des auteurs .
Les auteurs feront remettre pendant les quinze
premiers jours du mois de Février 1788 , trois
copies liſibles de chaque ouvrage à M. Caftilhon ,
Avocat au Parlement , Secrétaire perpétuel de
l'Académie , au College Royal.
Ceux qui auront remporté trois prix , l'un
deſquels ſera celui de l'Ode , pourront obtenir ,
ſelon l'ancien uſage, des lettres de maître des
jeux Floraux.
( 22 )
M. Bechade- Cazaux , du musée de Bordeaux ,
s'eſt déclaré l'auteur du diſcours en vers , ayant
pour titre : Hommage à Rouſſeau de Geneve.
M. Tre eule , du musée de Toulouſe , eſt l'au
teur de l'épître à M. Lecochois.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 1 de ce mois ,
font : 73 , 34 , 33 , 8 & 71 .
PROVINCES- UNIES .
De la Haye , le 26 Septembre.
Déclaratoire de S. A. S. le Prince d'Orange
& de Naſſau , Stathouder , Gouverneur-
général & Amiral héréditaire des Provinces
Unies.
Lorſque nous nous vîmes obligés , il y a peu
de mois , par la ſituation de la patrie , d'inviter
ſolemnellement par notre Déclaratoire du
26 Mai dernier , tant les Seigneurs Etats-Généraux
, que les Seigneurs Etats des provinces
particulieres , tous les Colleges du Gouvernement
de l'Etat ou de Juſtice & leur membres
particuliers , de même que les bonnes bourd
geoifies& autres habitans des villes & du platpays
de ces Provinces , de concourir avec nous
àles ſauver : nous nous flattâmes qu'en déclarant
notre bonne volonté à cet égard , & furtout
l'aſſurance ſolemnelle de la pureté de nos
intentions , que nous aurions l'approbation générale
, & que nos efforts ne ſeroient pas infructueux.
Mais , quoique la conduite & les réſolusions
des Etats de la plus grande partie des Pro
( 23 )
vinces-uniesdu Conſeil d'Etat ,& d'autres illuftres
Colleges , quoique les requêtes unanimes de la
plus grande & de la meilleure partie de la Nation
au Souverain , aient répondu entiérement
à notre attente , la pluralité actuelle de l'Aſſem
blée de Hollande , a pris & appuyé des mefures
, par leſquelles la violence de quelques habitans
armés s'eſt élevée peu à peu au-deſſus des
loix , marche par troupes armées d'une ville
à l'autre , fait changer les Régences d'une maniere
arbitraire , & en violant les privileges ,
les octrois & les libertés les plus facrées , admet
dans les Régences des villes des perſonnes dont
l'unique but eſt la diſſolution entiere de la Conf
titution. Ils ſe ſont permis , ſous les prétextes
les plus offenfans , non ſeulement d'attaquer nos
droits légitimes par pluſieurs ſuſpenſions ; mais
les démarches les plus injuſtes & les plus violentes
à l'égard de l'Armée & de la Marine de la
Généralité , envers les illuftres Confédérés de
l'Union en général , & envers la plupart d'entre
eux en particulier ; enfin ils ne ceſſent d'allumer
& d'attiſer ouvertement ou ſecretement dans
quelques-unes des Provinces -Unies , de même
que dans la Hollande , le feu d'une guerre civile
, afin d'y changer ou diviſer auffi les Régences
, &de ſe rendre maîtres de l'Union enziere
par les armes de leurs créatures.
Il faut attribuer , à une perſévérance ſoutenue
dans ce deſſein , l'empêchement mis au voyage
vers la Haye de S. A. R. notre chere épouſe ,
le 28 Juin dernier , & les nouveaux efforts pour
lui fermer l'entrée de la Province de Hollande ,
jusqu'à ce que le repos , comme on juge à propos
de s'exprimer , foit afſuré ; c'est- à- dire , afin que
cettePrinceſſe ne put réuſſir dans ſes vues conciliatrices
, avant que cette révolution de Gou
( 24 )
vernement ne fût effectuée d'une maniere violente,
que quelques chefs de la cabale tâchentde
faire adopter par une Nation oppreſſée ſous
les armes de quelques habitans abuſés &mercenaires
, ou par quelques étrangers cachés .
Cependant cette injure publique à notre Epouſe
, & le caprice opiniâtre de refuſer la fatisfaction
exigée à cet égard par Sa M. le Roi de
Pruffe , nonobtant les repréſentations les plus
fortes de la plus grande partie des Confédérés , a
contraint ce Monarque d'obliger la pluralité
actuelle de l'Afſſemblée de Hollande par la voie
des armes , à ce que les Régens légitimes de
cette Province euſſent accordé ; & nous voyons
avec douleur notre patrie expoſée à toutes les
infortunes d'une guerre, & la p'upart de nos
meilleurs co- Bourgeois aux malheurs , qu'ils
n'ont point mérités , & uniquement caufés par
les meſures violentes de leurs Tyrans armés.
D'un autre côté , nous n'avons ni aſſez d'influence
, ni aſſez de pouvoir contre tant de
violences armées , pour nous oppoſer à ces vio .
lations de la Conſtitution , pour rétablir ou
maintenir , par la voie d'une délibération libre,
les Régences légales , & ramener par - là la
Province d'Hollande ſous le gouvernement du
Souverain légitime .
Rien ne nous touche davantage que de voir
approcher la deſtruction entiere d'une Nation ,
à laquelle nous ſommes allié par les relations
les plus facrées & les plus tendres , au bonheur
&à la liberté de laquelle notre gloire , notre
proſpérité& cellede notre Maiſon ſont inſéparablement
attachées. Nous exhortons donc, & fupplions
encoreune fois de la maniere la plus férieuſe
& la plus expreſſe , tous les Régens ,
Bourgeois & habitans de Hollande &de West-
Frife ,
SUPLÉMENT à l'article de Paris , composé des Nouvelles tirées des
Gazettes & Journaux qui entrent en France.
»
Le 22 Décembre 1787.
N attend de jour en jour la publicationde deux Ouvrages
, qu'on dit déjà imprimés , en faveur des Proteftans ; l'un
eſt attribué à M. de Malesherbes , Miniſtre d'Etat , & l'autre à
M. de Rulhière , de l'Académie Françoiſe. (Gazette d'Amst. n. 95.)
> Les changemens qu'on fait au travail , concernant les
retranchemensprojettés dans les quatre Compagnies des Gardes
du Roi , ſont cauſe que cette opération a fouffert quelque
retard. Il y a toute apparence que les quatre villes deGarniſon
(Amiens , Beauvais , Châlons & Troyes ,) feront fupprimées.
S. Germain & peut-être Vincennes , feront , à ce que l'on
croit , à l'avenir les quartiers de ce Corps. » ( Idem. )
+ > On a loué pour les Ambaſſadeurs de Typo-Saib , l'hôtel
qu'occupoit ci-devant M. Necker , rue Bergere. Ces Ambaſſadeurs
n'arriveront probablement pas de fitôt à Breft , puiſque
fuivant les dernieres nouvelles de Pondichery , ils n'ont dû
partir de ce port , pour Pile de France , qu'au mois de Juin
dernier. Les Ambaſſadeurs que Typo -Saïb a envoyé au Grand-
Seigneur , & qui ont déjà fait leur entrée à Conftantinople ,
font auffi attendus ici. ». ( Idem. )
>>On aſſure que le GénéralWashington a été nommé DirecteurdesEtats-
Unis, pour quatre ans: il avoit, dit-on , d'abord
refufé; mais il a été enfuite obligé de céder aux preffantes
inſtances de ſes compatriotes. » ( Idem. )
» L'Abbé B** , qui a affaffiné fon frere , a été arrêté à
Venite. On a appris ces jours-ci de Lyon , qu'il a été conduit
à Pierre-en-Sciſe où il eſt enfermé dans un cachot. Ce ſcélérat
eft véhémentement ſuſpecté d'avoir auſſi aſſaſſine ſa maîtreffe
, avec laquelle il s'eſt enfui d'ici , après avoir commis
fonpremier crime. » (Idem. )
>> On croit connoître actuellement l'objet des conſtructions
qui ſe font au centre du Palais Royal : l'intérieur préſentera
unterreinpropre à faire un manége , & c'eſt-là , dit-on , que
les jeunes Princes feront leurs exercices d'équitation ; mais au
moindre fignal , toute cette forme diſparoîtra ; des colonnes
fortiront de l'intérieur de la terre ; des planches ſe ſouleveront
de toute part , ſe chercheront , s'adapteront , & de tous ces
mouvemens magiques , il en réſultera , comme à l'Opéra , une
ſalle de bal en forme de temple , où la foule viendra jouir du
ſpectacle varié de mille fêtes. Il fera libre d'entrer dans ce lieu
de féerie , moyennant un abonnement de quatre louis par an.
Huit poëles énormes y convertiront en printemps la ſaiſon la
plus froide de l'année. L'extérieur de cet édifice ſera revêtu
d'un treillage ſemblable à celui des quatre pavillons qui or
1
1
19
A
( 2 )
nent le baffin ; & ce treillage feul, coûtera cent quatre-vingt
mille livres. Tout autour du bâtiment , régnera un canal qui
empruntera & rendra fes eaux à un autre canal dont le faite
du monument ſera environné , & duquel s'éleveront dans les
airs pluſieurs jets d'eau. Ce faîte offrira , dans les beaux jours ,
un boſquet d'orangers , qui , l'hiver , iront ſe ranger dans les
niches pratiquées autour de la ſalle d'équitation. Ce lieu
agréable ſera entièrement fini au mois de Mars prochain. »
( Courier d'Avignon , n . 95. )
大Les lettres de Béthune portent qu'on a reçu ordre de
Verſailles , deloger dans les cafernesde cette ville, les foldats ,
fergens & officiers des corps francs des Patriotes hollandois ,
qui ont quitté leur patrie , & ſe ſont réfugiés , partie dans les
Pays-Bas autrichiens , & partie enFrance. Il paroît décidé que
le Roi les prendra à ſa folde , & qu'il ſera créé exprès une
légionpour eux. On aſſure que pluſieurs hollandois très-riches ,
ont acheté des terres conſidérables en Normandie ; on fait
même monter le total de leurs acquiſitions à fix millions. »
(Idem, n. 96. )
«La commiffion chargée de la connoiſſance àprendre de ce
qui eft relatif au prêt des onze millions cinqcents mille livres
fait à des perſonnes chargées de ſoutenir le cours des effets
publics ſous l'adminiſtration de M. de Calonne , vient d'être
fupprimée , & l'affaire eſt évoquée au Conſeil Royal des finances
» . ( Idem. )
11 paroît que le jeune Prince Cochinchinois , qui eſt venu
demander en France des ſecours contre l'ufurpateur des
Etats de fon pere , n'aura pas fait un voyage inutile ; on aſſure
qu'onvient de lu accorder un corps de fix cents volontaires,
qui vont s'embarquer avec lui ſur les frégates la Driade &
la Méduſe. Cette petite expédition ſera aux ordres de M. de
Kerſain , dont les inftructions portent de débarquer à Pondichéri
, pour y prendre les renſeignemens & les meſures néceffaires
pour tenter cette entrepriſe en faveur du Roi détrône,
ſans compromettre juſqu'àun certain point les forces
qui lui font confiées ». ( Idem ,n. 97.)
!
«M, le Maréchal de Ségur a obtenu , dit-on , le commandement
en chef de la Guienne , & en outre la ſurvivance de
M, le Marechal de Richelieu dans le gouvernement do cette
Province v. ( Idem. )
*D'après la demande de MM. les Maréchaux de France ,
les penfions des Militaires , depuis quatre cents livres juſqu'à
quine cents , n'éprouveront point la réduction ordonnee par
le dernier arrêt concernant les penſions ». ( Idem. )
<<M d'Amécourt eſt de nouveau chargé du rapport des af
fairesde la Cour. M. l'Abbé Tandeau s'en eſt demis , & il a
la promeſſe d'une Abbaye ». ( Courier du Bas-Rhin , n. 93. ) .
M. Petit , célebre Médecin de cette ville , né à Orléans ,
( 3 )
P
vient de placer un fonds de cent mille livres , dont il deftine
le revenu à penſionner , dans fa ville natale , quatre Médecins
&quatre Chirurgiens , qui ferontchargés de foigner les pauvres
GRATIS. Les Médecins auront huit cents livres & les Chirur
giens fix cents , le reſte des revenus ſervira à payer les drogues
priſes chez les Apothicaires. « (Gazette des Pays-Bas.n.98.)
» M. le Duc d'Angoulême vient d'acquérir , de M. le Duc
de Liencourt , le Regiment de la Rochefoucault , qui prendra
le nom de ce Prince « ( Idem. )
>>La Compagnie des Indes a obtenu du Miniftere un delai
d'un mois , pour répondre au Mémoire répandu contre fon
privilege exclufif; cependant elle a préparé ſes cargaiſons &
ſes armemens pour ſa premiere expedition dans l'Inde & à la
Chine « ( Courier de l'Europe , n 42.)
» Les Tribunaux viennent d'être chargés d'une affaire criminelle
qui va fixer quelque tems l'attention de la Capitale ,
feuM. M*** , Curé de S.R***, avoit réſigné ſaCure àM.
ſon Neveu , qui l'occupe aujourd'hui ; perſonne ne s'étoit
permis de croire qu'on pût troubler cette poſſeſſion comme
illegitime. On avoit ſu que l'oncle avoit long-tems refuſé
d'accorder ſa réfignation ; mais on préſumoit que des réflexions
plus mures l'avoient enfin décidé à préférer ſon Neveu à tout
autre pour ſon ſucceſſeur. Tout-à-coup un nouveau prétendant
vient d'attaquer cette réſignation comme ſuppoſee, accufant
le Curé actuel de l'avoir fabriquee de concert avec les
Notaires qui l'ont ſignée , & d'avoir tenu la mort de ſon Oncle
cachée pendant fix jours, pour ſe donner le tems d'executer
toutes ſes meſures. Cette accuſation eſt ſi grave & fi ſcandaleuſe
, qu'on ne la croit pas fondée, « ( Idem. )
a
>> Le Club des Echecs a eu la permiſſion de s'aſſembler
fous une nouvelle forme : c'eſt le Concierge qui annoncé à
tous les afſociés ,qu'on le trouveroit toujours cchhez lui. C'eſt
une Académie d'Echecs , & non une congrégation excluſive.
Il ne paroît pas encore que les autres Aſſemblées de la
même eſpece ſoient rétablies. Celle-ci eſt la moins nombreuſe
de toute , & paroît avoir un objet déterminé ».
( Idem. )
« Malgré l'opinion qu'on a depuis quelques années que le
ſyſtêmepolitique eſt de n'avoir plus de Cardinaux en France,
le bruit court qu'il y a deux Chapeaux accordés , IN PETTO ,
l'un à M. l'Archevêque de Toulouſe , & l'autre à M. le Grand-
Aumônier, qui avoit depuis long-temps la promeſſe de celui
qui étoit à la nomination du Roi ». ( Idem. )
« Il eſt fort queſtion d'un travail immenſe ordonné par
M. le Garde des Sceaux , pour la réforme de la Juriſprudence
Criminelle. Pluſieurs Juriſconſultes y font employés , & ont
des conferences chez M. de Malesherbes » ( Idem , n. 43. )
« Le Roi vient, dit-on , d'accorder des Lettres-Patentes à
( 4 )
une Compagnie ,à la tête de laquelle ſe trouve M. de Beaumarchais
: cette Compagnie doit faire conſtruire à ſes dépens
un Pont de fer , en face de l'Arsenal & du Jardin du
Roi , avec le droit de lever un péage fur ce Pont pendantun
tems qui fera limité. On dit auſſi qu'il eft queſtion de conftruire
un autre Pont quitraverſera la riviere entre le Guichet
du Louvre & le College des Quatre-Nations. Ce Pont qui
doit, à ce que l'on aſſure , être conftruit ſur des bateaux,
d'après le modele de celui de Rouen n'apportera aucun
obftacle à lanavigation de la Seine. » ( Idem.)
,
>> L'Affemblée Provinciale de Paris, qui ſe tient àMelun ,
aconfenti à l'abonnement qui lui a été demandé pour l'augmentation
des vingtiemes , & chaque jour on apprend la
même choſe de quelqu'autre Aſſemblée Provinciale. Il vient
d'être envoyé aux Préfidens de ces Aſſemblées , de même
qu'aux Intendans , un nouveau Réglement qui réforme celui
dus Août dernier , d'après la demande qui avoit été faite
par les Affemblées , & qui regle l'ordre de ſéance des
Commiffaires départis , leſquels ne déplaceront plus les Préfidens.
» ( Idem , n. 45. ) :
Il vient de paroître des Obfervations de la Ville de Saint-
Michel en Lorraine , fur l'échange du Comté de Sancerre , en
réponſe à la Requête de M. de Calonne au Roi. Elles forment
deux volumes affez conſidérables , dont le ſecond
contient les Pieces juftificatives & les différens tableaux explicatifs.
La Ville de Saint - Michel affure que dans cet
échange M. d'Eſpagnac a retiré trente pour cent. » Gazette
deLeyde;n. 97.)
Le premier jour que l'Emprunt fut ouvert , il ne fut
porté au Tréfor-Royal que trois mille livres ; mais le lendemain
il reçut trois millions , & le ſamedi 24 Novembre ,
il avoit déjà pour cinquante millions , ſoit en eſpeces , foit
en foumiffion des principales Maiſons de Banque ; ainſi on
ne doute pas que cet Emprunt ne ſoit bientôt rempli »
(Idem. )
N. B. On ne garantit ni la vérité , ni l'hauthenticit,é d'aucunede
cesnouvelles.
SUPLEMENT à l'article de Paris , composé des Nouvelles tirées des
Gazettes & Journaux qui entrent en France.
Le 10 Octobre 1787 ,
EUX qquuii rreeggaarrddent les Angloiscommeles inftigateurs
de la guerre actuelle , prétendent qu'ils ont tenté de diminuer
le crédit de M. le Comte de Choiſeul Gouffier à la Cour
Ottomane , & même de lui procurer des déſagrémens , en
faiſant ſavoir aux Turcs que l'ouvrage intitulé : VOYAGE DE
LA GRÈCE , dont M. le Comte de Choiſeul Gouffier eſt Auteur
, contient nombre de paſſages qui ne leur font pas avantageux
» . ( Courier d'Avignon , n. 78. )
« On annonce comme prochaine une Déclaration fur les
Traites. Son objet ſera de débarraſſer le commerce des entraves
qui le génoient dans l'intérieur du Royaume , fans
diminuer néanmoins le produit de cette impoſition ».
( Idem, n. 79. )
« Le Mémoire de M. de Calonne eft toujours attendu avec
beaucoup d'impatience. On a fait dans les Bureaux un relevé
des penſions quecet ex-Miniſtre aaccordées dans l'eſpace de trois
ans&quatre mois qu'il a été dans le Miniftere , elles montent
dit-on , à la ſomme de cinq millions quatre cents mille liv. »
( Gazette d'Amft. n. 78 )
<<On dit que M. le Chevalier de la Luzerne , frere du
Comte , & Miniftre - Plénipotentiaire du Roi près les Etats-
Unis de l'Amérique , remplacera M. le Comte d'Adhémar en
qualité d'Ambaſſadeur de Sa Majeſté en Angleterre . MM. de
la Luzerne font neveux de M. de Malesherbes , Miniſtre
d'Etat; & ils font proches parens de M. de Lamoignon ,
Garde-des-Sceaux » . ( Idem. )
<<< Outre le bénéfice de douze millions du dernier bail des
Fermiers - Généraux , qu'ils ſe ſont engagés de verſer au
Tréfor Royal pour en être rembourſés dans cinq ans , à raiſon
d'un cinquieme par an , à commencer de l'année prochaine .
Cette Compagnie fait encore un autre facrifice en faveur du
Gouvernement , ayant fait fa foumiſſion de payer 500,000 1.
par an pendant la durée du bail de fix ans , commencé le
premier Janvier dernier. Le nombre des Fermiers-Généraux
étant de quarante-quatre , la contribution pour chacun d'eux
ſera d'environ 12000 liv. par an ». ( Idem.)
<<M. le Comte de Lambert, Maréchal -de- Camp , qu'on
a vu partirentoute diligencepour Givet, à ce que l'on croyoit,
aune autre deſtination » . ( Courier du Bas-Rhin , n . 78. )
<<Le Public a penſé auſſi que M. le Prince de Condé s'étoit
rendu à Givet , tandis qu'il eſt allé à Miremont , inſtaller
Mademoiselle de Condé ſa fille , dans ſes titres & dignités
d'Albeſſe ». ( Gazette des Pays-Bas,n. 80. )
15
A
( 2 )
* Les Magiſtrats du Parlement étoient , le 23 , fur le point
de quitter la ville de Troyes ; Madame d'Aligre , Premiere
Préfidente , qui leur a donné ce jour-là à diner , faifant cercle
après le repas avec cinq Dames , femmes de cinq des illuftres
exilés , a dit : Partirez-vous , Meſſieurs , fans laiffer des traces de
votre bienfaisance? L'un de ces Meſſieurs a répondu avec beaucoupde
galanterie , qu'il alloit donnerfix louis àcertaines conditions
faciles à remplir: les préliminaires accomplis , la quête a commencé
, & Madame la Premiere Préſidente a recueilli 7000 1.
employées le lendemain à retirer des priſonniers pour dettes , à
adoucir la condition de ceux qui font reſtés dans les fers , & à
foulager plufieurs pauvres familles. » ( Idem. )
« La nouvelle , qu'il y avoit eu une révolte au Cap , île St-
Domin ue , eft fauſſe ; il eſt ſeulement vrai qu'ily a eu beaucoup
de fermentation à l'occaſion de l'établiſſement des Paquebots.
» ( Gazette de Leyde nº . 79. )
« Le 21 du mois dernier M Cabarrus arriva à la Cour ,
où il a eu une conférence avec M. l'Archevêque de Toulouſe ,
principal Miniftre ; il ne paroît pas encore sûr qu'il remplira la
placede Directeur-général des finances. » ( Idem. )
6 aux
<<On donne pour certaine la fuppreffion de la Gendarmerie,
Corps extrêmement difpendi ux ; & l'on dit que M. le MaréchaldeCaftries
, commandant ce Corps, y a conſenti . » ( Idem.)
Les préparatifs qui ſe font, fuffifent , fans doute
Politiques pour préſumer que la guerre eſt inévitable ; mais
quand on confidere combien les grands Etats de l'Europe ſont
intéreſſés par la fituation de leurs finances , à chercher des
moyens moins coûteux ' applanir les difficultés élevées cntr'eux ,
on ſe perfuade aifément que ces moyens feront au moins tentés
avant d en venir aux armes. D'ailleurs , la ſaiſon qui s'avance ,
ſemble devenir de jour en jour plus propre aux négociations
entamées de tous côtés. » ( Courier de l'Europe , n. 26. )
<<M. le Baron de Breteuil , pendant l'INTÉRIM qu'il a exercé
le département de la guerre , a fait décider par Sa Majesté, la
fuppreffion&lavente del'Arfenal , qui eft effectivementun établiſſement
fortinutile & même dangereuxdans la ville de Paris :
le terrein qu'il occupe étant de plus de 60 arpens , fera diftribué
en rues , & l'emplacement des maiſons qui les borderont , ſera
vendu au profit du Tréfor- royal. On estime que cette vente
rendra près de trois millions , & qu'il en réſultera de plus
une économie de gages & d'entretien d'environ 180,000 livres
par an. » ( Idem. )
N. B. On ne garantit ni la vérité , ni l'authenticité d'aucunede ces
nouvelles. 3
( 25 )
Friſe , tant des villes que du plat-pays , les exa
hortant & les conjurant par la préſente de concourir
chacun , à ſauver la Province du danger
éminent où elle ſe trouve , & de la délivrer.
Nous avertiſſons en particulier la partie abuſée
du peuple : nous le conjurons , au nom du
ferment folemnel , prêté comme bourgeois , au
nom de leurs femmes & de leurs enfans ; au nom
de leur patrie & de tout ce qui peut leur être
précieux , de ſe déſiſter de bonne foi de leur
erreur, de tout defir téméraire de nouveautés &
de tout armement à cet égard ; d'aider au contraire
à ſoutenir les efforts légitimes , pour rétablir
l'ancienne Conſtitution de cette Province
anéantir tous les torts faits à notre honneur & à
nos prérogatives. De notre côté , nous répétons
publiquement & folemnellement ce que nous
avons déjà déclaré expreſſément & clairement par
notre Déclaratoire précédente , que nous ne
defirons aucun pouvoir , que celui qui nous eſt
acquis légitimement par les réſolutions irrévocables
de l'Etat , par la force de nos Commiffions
& par une poffeffion légale ; que de les
employer au maintien de la Religion & de la
liberté , à l'avancement des deſirs du peuple ,
joint à ſon influence légitime ſurles intérêts des
villes , & en particulier à excuſer & à protéger
même tous les habitans abuſés , qui renonceront
àla conduite criminelle à laquelle il ont été portés
par les Chefs de la cabale , ou par eſprit de
parti; il nous ſeroit trop douloureux de devoir
abandonner à la rigueur des loix, un ſeul de
nos Co- Bourgeois, à cauſe d'opiniâtreté contre
des moyens ſalutaires.
Fait à Amersfoort le II Septembre 1787 .
étois ſigné G. Pr. D'ORANGE. Plus bas , Par
erdre de S. A. R. étoit ſigné G. VAN CITTERS,
N°. 40 , 6 Octobre 1787. b
( 26 )
Outre la Déclaration du Duc de Brunfwick
, qu'on a lue au Journal précédent,
le Roi de Pruſſe , à l'inſtant où ſon armée
s'eſt introduite dans les Provinces-Unies , a ,
fait répandre le Manifeſte ſuivant :
>>>S. M. le Roi de Pruſſe s'étant vue forcéede
faire marcher ſes troupes ſur le territoire
de la province d'Hollande , afin de ſe
procurer fatisfaction de l'inſulte faite à Son
Alt. Royale la Princeſſe d'Orange , par une
cabale qui , depuis quelque tems , opprime
la Province par les moyens les plus violens
, en renverſant à main armée les pactes
les plus facrés, ſur leſquels a repoſé juſqu'ici
la proſpérité de la République , exhorte
tous les bons & fideles habitans des villes
&du plat pays de cette Province , non- feulement
de ſe tenir tranquilles dans leurs
maiſons ; mais particulierement de s'aſſurer
des écluſes , autant qu'il fera poſſible , afin
de prévenir par-là le malheur irréparable ,
que cette cabale oppreffive médite d'opérer
, en mettant fous l'eau tout le pays, ſous
le prétexte apparent de ſe défendre contre
un ennemi qui n'exiſte pas. S. M. ne demande
que fatisfaction de la part de ces
perturbateurs du bonheur public, dont la
République a joui précédemment. Le Roi
ne fouffrira pas qu'il foit fait le moindre mal
à aucun des hhaabbitans de la province d'Hollande
, ni dans les villes ni à la campagne ;
mais elle attend d'eux qu'on ouvrirales villes
( 27 )
aſes troupes; dans le cas contraire , chaque
vile qui s'y refuſera , chaque habitant qui
ſera rencontré les armes à la main , s'attribueront
à eux mêmes les effets malheureux
qui en réſulteront.
Lettre de S. A. R. Madame la Princeſſe d'Orange .
à Monseigneur le Duc régnant de Brunswick.
Nimegue , le 15 Sept. 1787 .
MONSIEUR ,
Au moment que votre Alteſſe va ſe rendre
dans la Province de Hollande à la tête du Corps
d'armée , dont le Roi mon Frere lui a confié
le commandement qu'il me ſoit permis de
lui recommander encore les intérêts de cette
Nation , qui m'eſt ſi chere , & à la proſpérité
de laquelle je me ferai toujours gloire
de contribuer autant qu'il dépendra de moi.
Je n'ai pu prévoir qu'une démarche auſſi ſimple
que celle de vouloir me rendre à la Haye, auroit
des ſuites ſi ſérieuſes , &en apparence d'une
nature toute oppoſée aux vues ſalutaires qui m'avoient
déterminée à ce voyage.
Je m'étois attendue , il eſt vrai , à rencontrer
de grands obſtacles au ſuccès de mes foins , pour
Je rétabliſſement de la paix& de la tranquillité ;
mais le ſeul auquel je n'étois point préparée
, parce qu'il n'étoit point probable , a été
malheureuſement celui qui m'a ôté tout moyen
d'atteindre mon but , en m'empêchant de pourfuivre
ma route .
Mais ſi le procédé inoui dont on auſe envers
moi en Hollande , procédé dont l'impreſſion qu'il
a faite ſur mon ame , n'a été modifiée que par
Je ſentiment intime de ne l'avoir pas mérité ;
fi ce procédé , dis-je , a révolté toutes les Cours
&en général tout homme honnête& équitable ;
b 2
( 28 )
que penſera t-on de ceux qui compoſent lapluralité
desEtats de Hollande , en les voyant méconnoître
& facrifier les intérêts de la patric
à de petites vues perſonnelles , & néceffiter le
Roi à prendre la fatisfaction qu'ils ont obſtinément
refuſée à ſes exhortations amicales ?
Le Roi , en déclarant qu'il conſidéroit l'offenſe
comme faite à lui -même , pénetre mon coeur
de reconnoiſſance , mais après la maniere dont
en oſa lui répondre , & les injuſtices que cette
prétendue majorité ne ceſſoit de commettre ,
cette déclaration auroit excité mes plus vives
alarmes pour ce pays , que depuis vingt ans je
confidere comme ma patrie , & dont les intérêts
ſont inſéparables de ceux de ma maiſon ,
ſi je n'avois été raſſurée par la déclaration des
Etats généraux, celle des principaux membres
de l'Allemblée des Etats de Hollande , & de
la plus grande partie de la Nation , ainſi que
par les ſentimens de magnanimité qui caractériſent
Sa Majefté.
Le Roi ne pouvoit donner une plus forte
preuvede ces ſentimens , qu'en chargeant votre
Alteſſe de l'exécution de ſes ordres , & les ſentimens
que vous avez bien voulu me témoigner ,
Monfieur , & que V. A. a manifeſtées dans ſa
déclaration aux habitans de la Hollande , ne
me permettent pas de douter de la ſageffe &
de l'équité de ſes vues ; que votre Alteſſe me
pardonne cependant ſi j'oſe implorer ſaclémence
envers cette partie des habitans que la paſſion
aveugle & égare , & l'affurer que je confidédérerai
les ménagemens qu'Elle obíervera envers
eux , & la protection qu'Elle accorde à la
faine partie de la Nation , comme autant de
faveurs faites àmoi-même ; je me fais en mêmetemps
un devoir de lui déclarer ici folemneller
( 29 )
ment , que parfaitement d'accord avec les prin
cipes modérés du Prince , qu'il vient dedévelopper
encore dans ſa derniere déclaration , je
ne profiterai jamais des circonstances telles
qu'elles puiſſent être pour procurer à ma
famille une autorité plus étendue que celle
que la conftitution & la vraie liberté de ces
Provinces lui accordent , & qu'en mon particulier
toujours prête à donner mes ſoins à tout
ce qui pourroit contribuer au bien- être de ce
pays &de ma maiſon, ſans craindre les peines
& les déſagrémens , je n'ambitionne aucune ins
fluence , & n'accepterai que celle que je pourrai
devoir à la confiance & à l'amitié que j'aurai
ſçu mériter ; c'eſt avec ces ſentimens , & la
reconnoiſſance la mieux ſentie , que je ſerai
toute mavie avec la plus haute conſidération.
Monfieur ,
7
Votre très-humble , &c.
WILHELMINE.
Pourcontinuer leJournal ſuccinct des événemens,
depuis l'entrée destroupes Pruſſiennes
en Hollande , nous dirons que les Bourgeois
delaHayeontdéſarméles Corps-francs
le 18 , &vuidé de munitions leurs lieux d'afſemblée.
Leurs ſociétés ont été abolics ; les
maiſons des principaux ont été inſultées ,
quelques unes mêmes pillées ,& ce défordre
eût été plus grand encore, ſans les ſoins que
s'eſt donné le Comtede Bentinck de Rhoon ,
Chefde la Société-Orange , pour arrêter la
fureur du Peuple , & garantir d'accidens les
victimes qu'il menaçoit. L'Aſſemblée Souveraine
lui en afait ſes remercîmens . Le 20 ,
le Prince Stadhouder eſt entré à la Haye, ef
b 3
( 30 )
corté desGardes Dragons&des Gardes du
Corps , aux acclamations d'une grande multitude,
qui a répété cesdémonštrations le 22,
à l'arrivée de Madame la Princefled'Orange,
&de fes trois enfans. Le jour même de fon
retour, le Stadhouder a rendu laDéclaration
fuivante.
Nous GUILLAUME , &c. favoir faiſons qu'à
notre entrée en cette place nous avons reçu aujourd'hui
avec ſatisfaction& la ſenſibilité la plus
extrême, les preuves générales de joie & d'attachement
bien intentionné des citoyens & habitans
de tout rang & de tout état , & que nous
n'avons pu nous abſtenir de témoigner à ce ſujet
notre reconnoiſſance publique ; mais que ſans
vouloir troubler par- là leſdits citoyens & habitans
dans leurdite joie & dans les témoignages
qu'ils en voudroient donner , nous avons cru de
voir exhorter tous & chacun d'eux , de la mas
niere la plus ſérieuſe & la plus amicale , à ſe
conduire dans la ſuite tranquillement & décemment
; à ne faire à qui que ce foit le moindre
outrage ou la moindre injure , bien loin de ſe
rendre coupable d'aucun excès , d'attaques violentes
de perſonnes ou de maiſons , ou de commettre
en général rien qui pût troubler la ſûreté
publique ou donner de juſtes raiſons de ſe plaindre
, mais au contraire de s'abſtenir ſoigneuſement
de tout ce qui pourroit être en aucune façon
contraire aux loix & placards du pays , afin.
que la joie & la fatisfaction générale de la préſente
révolution heureuſe des affaires, ne ſoit
troublée nulle part : & tout ce qui feroit en aucune
façon contraire à notre déclaration & à
notre avis fondé ſur l'amour de la tranquillité ,
nous feroit hautement déſagréable , & ne pous
人
( 31 )
Foit qu'exciter notre juſte indignation & notre
plus hautmécontentement.
Fait à la Haie , le 20 Septembre 1787 .
Signé W. Prince d'ORANGE .
Deux jours auparavant, les Etats de Hol
lande, dont l'Affemblée à la Haye eft aujourd'hui
complette , à l'exception des Députés
d'Amſterdam , ont fait publier un Placard
qui interdit les attroupemens ſéditieux , les
violences & mauvais traitemens de tout genre
contre qui que ce foit , & révoque les précédentes
défenſes relatives à la couleur Orange.
Dans les autres villes , particulièrement à
Harlem , Leyde , Rotterdam , en a pris les
mêmes meſures contre tout déſordre de l'efprit
de parti ; en forte que la tranquillité y,
eſt parfaitement conſervée.
Un détachement du Régiment Hollan-
'dois de Pabst eſt entré fans oppofirion à Delft,
dont l'ancienne Régence , caffée il y a un'
mois par le Corps-Franc, a été rétablie. Celle
de Rotterdam a éga'ement repris ſes places ;
lesMagiſtrats de nouvelle création ont donnédeur
démiſſion ; quelques uns même ont
abandonné la ville. Gouda , Schoonhoven ,
Schiedam ont ouvert leurs portes , & Dordrecht
a fait une eſpece de capitulation avec
M. de Wintzingerode , Officier Pruffien, qui
s'eſt préſenté à la tête d'un détachement de
180 hommes. En voici les articles :
ART. I. Que la ville de Dort reſtera ſous la
fouverainetédes Etats de Hollande . Répondu. Je ne
puis pas entrer en capitulation ſur cet article.
b4
( 32 )
II. Que la garnison ne doit pas être trop nombreuſe.
Accordé.
III. Que la ville conſervera tous ſes priviléges.
Accorde.
IV. Que les Magistrats & ceux qui ont des
emplois resteront en place.-Accordé , pendant
que je reſterai ici & juſqu'à ce que S. A. Mgr.
le duc de Brunswick en ait diſpoſé autrement.
V. Que la recette des impôts continuera d'être
au profit des Etats & de la ville.
Ce point n'eſt pas de mon reffort .
VI. Que le canon& les munitions de guerre ,
appartenant aux Etats-Généraux & à cette ville ,
leur refteront en propre. Les magaſins & arſenaux
, de même que le canon qui reſte & les
munitions de guerre , qui ſontdans la ville ref
teront dans l'état actuel, juſqu'à l'arrivée deMgr.
le Duc de Brunswick , dans cette ville.
VII. On s'attend que les troupes obferveront une
bonne discipline militaire , Er qu'on aura foin que
personne ne foit molesté , ni dans l'ifle , ni dans
la Sud-Hollande , que la vie & les propriétés des
habitans feront faines &Sauves.-Tout ce qui
*concerne la diſcipline militaire dans la ville &
dans l'ifle ſera obſervé.
VIII. Qu'on employera les troupes contre tous
ceux qui interrompront la tranquillité publique , foit
habitans ou étrangers.- Accordé.
IX. Que tous les habitans pourront librement
ortir & rentrer dans la ville pour leurs affaires&
commerce . Accordé.
X. Que les navires entreront dans le port &
en fortiront librement pour faire commerce.- Aс-
cordé. Il ſera donné une inſtrution aux patrons
des barques , pour ce qui regarde la déſertion.
XI. Qu'en cas que quelque citoyen de cette ville
ait été fait prisonnier àGorcum , on prie qu'ilsfoient
( 33 )
relachés. J'employerai mes bons offices auprès
du Duc , à cet effet , MM. les Magiftrats
employeront auſſi les leurs pour procurer l'impunité
de ceux qui ſont arrêtés pour la cauſe
d'Orange, & particulièrement pour ceux d'Oud-
Beyerland & Werkendam.
XII. On demande que la Bourgeoisie conferveſes
Armes; déclarant folemnellement qu'on n'en fera
aucun usage contre les Troupes , mais seulement
pour la confervation du repos public. -Refufé.
Tous les Citoyens armés doivent ſur le champ
mettre tous bas les armes ; c'est-à-dire, l'ancienne
Bourgeoifie ne conſervera ni bayonnettes ni cartouches
; mais la nouvelle Bourgeoifie , nommée
Bourgeoisie armée , ſera obligée de porter à la
Maiton de Ville toutes les armes .
XIII. On demande avec instance des Sentinelles
pour les Bureauxde la Province &pour la Banque
de l'Etat.-Accordé.
Signé, muni de notre Cachet. APapendrecht, le
18Septembre. (L.S.) Signé DE WINTZINGERODE.
Comma ndant.
Une Députation des Etats de Hollande
au Duc de Brunswick , ayant prié S. A. S. de
ne pas introduire ſes troupes dans la réſidence
du Souverain , le Corps d'armée qui
s'en etoit approché , reſte à Riswick , &le
quartier général à Schoonoven. Deux autres
colonnes s'approchent d'Amſterdam. Une
diviſion commandée par leGénéral-Majorde
Kalkreuth , a ſommé Naerdendecapituler , ce
qu'a refuſé leCommandant , M. de Matha.
Onn'apprend pas qu'il ait été encore formé
bs
( 34 )
d'attaque contre cette place , ni contreMuya
den. Nieuwerſluys , qui en eſt peu éloigné ,
a fait réſiſtance , & la garnifon eſt prifonniere
de guerre.
Les diſpoſitions font toujours à-peu- près
Ies mêmes à Amſterdam , dont la Régence a
promis , par un Déclaratoire du 21 , de
n'entrer en aucune négociation , ſans le
concours de la Bourgeoiſie armée. La ville ,
à ce jour , n'a éré ni ſommée , ni attaquée.
Les Membres des Etats de Hollande qui s'y
font réfugiés , n'ont tenu qu'une ſeule féance
le 20 , & ſe ſont ſéparés . Le 18 , la ci-devant
Commiſſion de Woerden s'eſt juftifiée
auprès d'eux de l'abandon d'Utrecht , par
une Nore détaillée , où , après avoir expolé
les inſtructions données au Rhingrave de
Salm , elle dit :
Sur cela nous reçûmes , dès le 16 Septembre
de grand matin , la nouvelle abſolument inatten
due, que la ville d'Utrecht avoit été évacuée ;&
nous apprîmes enſuite que ledit Rhingrave en
étoit forti fur deux colonnes , dont l'une qu'il
commandoit en perſonne , avoit marché vers
Ulthorn , Ouwekerk , l'Overtoom & Weeſp ;
&l'autre , ſous les ordres du Baron van der Borch,
s'étoit rendue au Nieuwe ſluys , Loenen , Loenderflot
,Vreeland, Muiden& Naerden . Sur cette
nouvelle , convaincus qu'une Commiffion , comme
la nôtre ne devoit pas s'expoſer à être renfermée
, puiſqu'alors toute expédition cefferoit
dès ię moment même , nous ſommes partis de
Woerden pour Amſterdam. Après y être arrivés,
nous avons demandés au Rhingrave , dans notre
( 35 )
première conférence , « quelle avoit été la caule
>> du prompt abandon de la ville d'Utrecht , &
>>> fi la néceſſité extrême avoit réellement exifté
? >> A cette queſtion il répondit , « qu'ayant
>> reçu de nouveaux avis de l'approche des trou-
>> pes Pruffiennes , & affluré que probablement la
>>> ville ſeroit attaquée le lendemain , peut- être
même ſur ſes arrières ; dans lequel cas elle
>> n'auroit pu faire aucune défenſe , il avoit jugé
>>> qu'en parlant relativement à la défenſe de cette
>>Province la néceſſité , extrême exiſtoit réelle-
>>> ment , & que pour cette raiſon il avoit jugé
néceſſaire de devoir abandonner cette Ville le
>> plutôt poſſible , mais qu'il devoit néanmoins
>>>aſſembler préalablement à ce ſujet un Conſeil-
>>>de-guerre ; que ce conſeil avoit conféré aufli en
>>>préſence des Etats - Députés , & avec eux
>> compoſé de quelques Chefs de laGarniſon , qui
tous , de même que Mrs. les Etats -Députés ,
>> à ce que déclara le Rhingrave , avoient été con
>> vaincus de la néceſſité d'évacuer Utrecht .
7
Dans cette fituation des affaires , nous avons
d'abord fait hier avec le Rhingrave les arrangemens
néceffaires , afin de tirer d'abord des troupes
qui ont marché ici , les renforts néceſſaires
pour les villes de Woerden Oudewater ,
Schoonhaven & Gorinchem ; mais l'exécution
n'en a pu avoir lieu parla nouvelle malheureuſe
qu'on a reçu , que la ville de Gorinchem eff
tombée entre les mains de l'ennemi , tandis que
nous ne pouvons manquer de mettre à cette oс-
caſion ſous les yeux de V. N. & G. P. que nous
avons bien pris fur nous la détente de cette pra
vince & celle de la ville d'Utrecht , contre les
forces qui les menaçoient , & que nous affurons
l'avoir conduite de telle façon , que nous pou
vions nous flatter , avec le plusgrand droit, d'une
b6
( 36 )
borne réuſſite; mais que nous étions dans l'im
poffibilité , & qu'auſſi nous n'avions jamais pu
nous attendre à être forcés de réſiſter avec des
forces auſſi petites que 4000 hommes , à une
très-grande ſupériorité de troupes d'une Puiſſance
étrangere , & cela au moment le plus inattendu
, dans une ſaiſon où les rivieres trop baffes&
les vents contraires empêchoient que les
inondations , pour leſquelles nous avions direc
tement donné des ordres en vertu de l'autoriſation
de V. N. &G. P. ne puiſſent avoir le ſuccès
defiré , tandis qu'enfin nous avons l'ennemi dans
notre propre ſein, &que nous devons agir avec
des troupes qui ſe révoltent , ce dont nous avons
encore vu hier l'effet le plus fâcheux , attendu
quedeux compagnies du régiment d'Onderwater
ſe ſont emparées d'une maniere traîtreuſe du
fort d'Ultermer & l'occupent encore dans ce
moment : Et c'eſt pour cette raiſon que nous
avons jugé néceſſaire d'informer V. N. & G. P.
de cette ſituation dangereuſe de la Province &
de déclarer l'impuiſſance où nous ſommes de
pouvoir réſiſter ſans autre ſecours avec notre peu
de troupes , à raiſon des circonstances acceſſoires
, à des forces auſſi ſupérieures : c'eſt pourquoi
nous devons recommander cet état de la
province , de la maniere la plus ſérieuſe a l'attention
de V N. &G. P. & nous prions V. N. &
G. P. de vouloir concerter à ce ſujet les meſures
néceſſaires & efficaces , tandis qu'en attendant ,
quoique nous ne puiſſions nous promettre un bon
fuccèsde la petiteſſe de nos forces à proportion
de celles de l'ennemi , nous continuerons néanmoins
de mettre en oeuvre tout ce qui eft poffible
pour le ſalut de notre chere patrie , afin de
remplir , autantque poffible ,l'obligation , que
V. N. & G. P. nous ont imposée , ainſi que
:
( 37
notre devoir envers notre patrie& nos concitoyens.
Au ſurplus, nous ne ſaurions manquer d'informer
par la préſente V. N. & G. P. qu'en évacuant
la ville d'Utrecht il eſt auſſi entré ſur notre
territoire un régiment commandé par le Colonel
vander Borch , & un corps d'Uhlans , qui
ne peuvent plus être payés actuellement par la
province d'Utrecht , & en conſequence nous
prions V. N. & G. P. de faire leurs diſpoſitions
à ce ſujet , afin que nous ſachions fi elles
veulent prendre ce Corps àla ſolde de la Hollande
ſur le pied d'autres Corps , ſoit provifois
rement on point du tout.
PAYS- BAS.
De Bruxelles, le 29 Septembre.
Enfin l'orage qui menaçoit nos Provinices
depuis fix mois , eſt aujourd'hui diſſipé ;
& l'allégreſſe générale a pris la place du
trouble &de l'inquiétude. Les ſubſides ont
été accordés ; & l'Empereur s'eſt rendu aux
voeux de la nation , en caſſant les diplômes
qu'elle avoit jugé les plus contraires à
ſes loix , & qui ſembloient légitimer ſes réclamations.
Ce n'eſt pas que ce jour de réunion
n'ait été précédé immédiatement d'incidens
très-férieux , ainſi qu'on en jugera par
la relation ſuivante qu'on vient de publier
dans nos contrées .
>> Le mercredi 19 , le Magiſtrat fit afſembler
les volontaires ; on leur fit lecture
( 38 )
dela réſolution du Conseilde Brabant , relativement
à la déclaration du 28 Août
dernier , & on leur demanda de ſe conformer
aux deſirs de l'Empereur, en ôtant les
marques distinctives militaires. Ils crierent
d'une voix unanime qu'ils ne le pouvoient.
Tous ces jeunes gens qui avoient ſacrifié
leurs foins , leurs veilles à maintenir le bon
ordre durant les troubles , exigeoient des
égards , & regardoient comme une dégra
dation, cette maniere de les congédier.
» Ainſi le jeudi on les vit tous paroître
en uniformes dans les rues , ſur la grande
place même , & ils accompagnerent en cet
état une députation qu'on envoyoit au
Gouverneur Général , ce qui indiſpoſa tellement
S. E. le Comte de Murray , qu'il
fongea à emploier le régiment de Ligne ,
qui ayant levé le campde matin, ſe diſpofoità
entrer en ville. A une heure on le fir
ranger ſur le rempart entre la porte de Lou
vain & cel e de Namur. Les grenadiers &
le troiſieme bataillon de Murray reçurent
l'ordre de le renir prêts à fortir ; les troupes
qui font à Malines , de ſe tenir prêtes à marcher.
Les dragons de Vilvorde & ceux des
environs de Bruxelles eurent ordre de patrouler
& dede difperfer auſſitôt qu'ils entreroient
en ville, avec injonction de faire
ôter les marques militaires ; & de mestre
aux arrêts tous les volontaires qu'on trouyeroit
en uniformes,
1
( 39 )
>> A deux heures on a commencé cette
expédition , qui au lieu d'eff ayer les habitans
, comme on s'y attendoit, caufa une
rumeur générale. Les Volontaires coururent
aux armes, la populace & les ouvriers.
prirent en main tout ce qu'ils purent trouver,
les enfans dépavoient les rues , les bourgeois
ſe munirent de ces pierres ; & fur la
nouvelle que les dragons entroient , on fonna
le tocfin , & les Volontaires ſe mirent en
devoirde les attendre.
>>>Pendant ce trouble S. E, le Gouverneur
traverſoit en voiture le marché aux
herbes , la populace l'entoura , les Volontaires
vinrent à ſon ſecours & le conduifirent
juſqu'à la place royale. Un quartiermaître
des Dragons voulant le garantisde
toute inſulte , reçut dans la poitrine un coupde
feu dont il eſt mort peu après . Comme
on avoit peſté ſur la place Roya'e un efcadron
de Dragons , la fermentation augmentant
toujours , on fit conduire 4 pieces.
de canon , qu'on plaça en face de la montagne
de la Cour , chargées à mitrailles.
Enfuite un bataillon du régiment de Ligne
vint auſſi s'y ranzer en bataillon quarré.
>>Les Généraux s'étant auffi rendus ſur
cette place près du Général Murray , pendant
qu'ils tenoient conſeil, les Etars y accoururent
pour ſupplier le Gouverneur de
retirer l'ordre qu'il avoit donné , anſi que
de faire relâcher les Volontaires déjà arrê
( 40 )
tés , s'il vouloit empêcher le maſſacré , ce
que S. E. fit auſſtôt. Cela rallentit un peu
la fureur du peuple qui ſe portoit déja à des
excès affreux. Les Volontaires étoient rangés
en bataillon quarré ſur la grande place ;
vers le marché aux poiffons , les Bourgeois
étoient montés dans leurs greniers , &de-là
faifoient voler une grêle de pierre ſur les
Dragons qui paſſoient.
>> On compte en géneral trois foldats tués
&trois ou quatre dangereuſement bleſſés ,
un Volontaire tué , & quelques uns bleſſés
légerement. Heureuſement qu'on avoit défendu
ſtrictement aux ſoldats de tirer , fans
quoi il y auroit eu un carnage.
>>Dans cet inſtant critique les Bourgeois ,
lesVolontaires& autres perſonnes de rang
preffoient vivement S. E. de faire finir ces
troubles , en communiquant la dépêche
qu'il avoit reçue de Vienne , contenant les
ordres de S. M. l'Empereur. La ſenſibilité
de ſon coeur l'y invitoit aſſez. S. E. fe rendit
auxEtats avec le Général d'Arberg ; & il
fut convenu qu'on feroit auſſitôt rentrer les
troupes dans leurs quartiers , que la patrouille
ſe feroit la nuit par les Volontaires ,
&que le lendemain , après qu'on auroit ôté
les uniformes , tout le monde ſeroit fatisfait.
>> La nuit s'eſt paſſée tranquillement. Ce
matin le Magiſtrat a fait prier les Volontaires
de ſe trouver ſur la place , ſans marques
militaires & fans uniformes ; ce qu'ils ont
( 41 )
fait. La fermentation continuoit : on avoit
achevé de dépaver les rues, les bourgeois
faiſoient proviſion de pierres dans leurs greniers.
Les Etats ſe ſont aſſemblés , & après
avoir donné au Gouverneur- général toute
la fatisfaction que S. M. exigeoit , S. E. fit
enfin connoître les intentions bienfaiſantes
de l'Empereur.
La dépêche ſatisfactoire des Etats auGénéral
Murray , en date du 20 , portoit en
ſubſtance.
>>>Nous avons repris la délibération fur les
deux lettres que vous avez bien voulu nous
>> écrire le rer. de ce mois , relativement au
>>conſentement tenu en ſuſpens pour la continuation
de la levée des impôts ; nous avons
la fatisfaction de pouvoir informer votre Excellence
, que nous venons de prendre la réſolution
de réfournir au Tréſor-Royal l'impôt
de la demi-année courante des impôts , cal-
>> culée ſur un produit commun. Nous avons
>> l'honneur de faire parvenir ſans délai la réſo-
>>>lution en forme des deux premiers Etats , afin
>> qu'après l'acceptation ordinaire proviſionnelle,
>>elle ſoit portée & finalement conclue à l'Etat
»Tiers : en attendant nous pouvons d'autant
>> moins douter d'une concluſion favorable que ,
>>>les Bourgeoifies des trois Chef-Villes viennent
de nous faire connoître leurs ſentimens. >>
>> En recevant cette preuve de notre ſoumif-
>> fion aux deſirs du Monarque , Votre Excel-
>>l>ence eſt ſuppliée de raffurer la nation par
une déclaration claire & conciſe au nom de
>>l'Empereur , ſur l'execution des promeſſes
gracieuſes de S. M. »
( 42)
>>Daignez , Monſeigneur , après avoir haté
>& donné la déclaration que nous attendons de
> votre Excellence , pour raſſurer la nation en
>> général , veuillez ſaiſir l'occaſion de vous
>> rendre propre ſa reconnoiſſance , en porrant
Sa Majesté à faire rentrer fans ultérieur délai
>> toutes choſes dans l'ordre conſtitutionnel ,
50& ramener le bonheur & la proſpérité dans
>> ces provinces . »
>> L'Empereur nous trouvera toujours dif
>>>pofés à concourir de bonne foi & fans aucun
>> eſprit de parti ni d'aigreur dans ce qui re-
>> garde le rétabliſſement des points qui après
"la déclaration de votre Excellence refteront
>> à redreifer ; notre devoir nous oblige cepen-
>> dant de prévenir votre Excellence que nous
>> aurons T'honneur de lui préſenter au plutôt
>>>nos inſtantes repréſentations ſur l'exécution
du Séminaire général , exécution irréparable
auprincipal d'un établiſſement auſſi dangereux
>>& préjudiciable par le droit , qu'impoſſible
>>dans le fait même.
C'eſt enſuite de cette démarche , que le
Gouverneur-général a expédié la Déclaration
ſuivante , au nom de l'Empereur , &
par laquelle les Pays Bas Autrichiens font
rérablis dans leurs anciens Privileges.
La députation des Etats des provinces aux
pieds du trône , pour porter le témoignage
public de la fidélité & de l'attachement de la
nation envers l'Auguſte Perſonne de SA MAJESTÉ
, le concours des Etats dans la derniere
concentration des troupes faifant une nouvelle
preuve de la ſincérité de ce témoignage , les
Déclarations enfindes Etats fur l'exécution des
préalables preſcrits par la Royale Dépêche du 16
( 43 )
hout courant , ade qui a été approuvé , ayant
fatisfait à la dignité du trône ; L'EMPEREUR a
pu ſuivre les mouvemens de ſon coeur paternel.
SA MAJESTÉ informée d'abord par nos rapports
de la maniere fatisfaiſante dans laquelle les députés
des Etats des différentes provinces s'expliquoient
fucceffivement , daigna , pour abréger
le terme des inquiétudes de ſes ſujets ,
nous faire parvenir des ordres pour , dans le
cas que les déclarations des Etats fuſſent d'abord
préſentées à l'égard de l'exécution des préa
lables , donner en fon nom royal fa déclaration
que fa dignité ne lui permettoit pas d'accorder
auparavant.
Nous avons la fatisfaction de nous trouver
dans le moment où nous pouvons faire uſage
de ces ordres : en conféquence nous déclarons
par ces préſentes au nom de L'EMPEREUR ET
Ror , & enſuite de ſes ordres.
1°. Que les Conſtitutions , Loix fondamentales
, Priviléges & Franchiſes , enfin la joyeufe
Entrée , font & feront maintenus & tefteront
intats en conformité des actes de l'Inauguration
de SA MAJESTÉ , tant pour le Clergé ,
que pour l'ordre civil.
2°. Que les nouveaux Tribunaux de Juftice
, les Intendances & les Commiſſaires des
mêmes Intendances ne ſont plus tenus en fufpens
, mais font & continueront d'être fupprimés
; les bontés paternelles de SA MAJESTÉ
& la justice , l'ayant engagé à ſe départir entiérement
à l'égard de ces objets , ainſi qu'à
l'égard de ce qui avoit été réglé par les deux
Diplomes en date du premier janvier dernier
pour les adminiſtrations , pour les Etats des provinces
, & pour la députation au Comité intere
médiaire deſdits Etats,
)
(44 )
3°. Les Tribunaux , les Jurisdictions tant
ſupérieures que ſubalternes des villes & du
plat - pays , enfin l'ordre & l'organiſation de la
Juſtice , les Etats & leur Députation , ainſi que
les diverſes Adminiſtrations des villes & du platpays
ſubſiſteront à l'avenir ſur l'ancien pied ,
ſibien qu'il ne ſera plus queſtion de la nouvelle
forme qu'il s'agiſſoit d'introduire dans ces
différentes branches de l'adminiſtration publique,
à l'égard deſquelles les deux Diplomes du pre--
mier janvier 1787 viennent entiérement à ceſſer:
en conféquence les charges de Grands Baillis &
Gouverneurs Civils continueront à exiſter , &
le maintien des Etats dans leur intégrité comprend
également celui des Abbayes dont les
Abbés ſont membres deſdits Etats , elles ſeront
pourvues d'Abbés ſelon la joyeuſe Entrée & les
Conftitutions .
A l'égard du redreſſement des objets contraires
ou infractions à la Joyeuſe Entrée , il en
fera traité avec les Etats , ainſi qu'ils l'ont demandé
; on recevra en coníéquence ce qu'ils
propoſeront à cet effet , & SA MAJESTÊ y difpoſera
d'après l'équité & la juſtice, & selon les
Loix fondamentales de la Province. A tant ,
MESSIEURS , Dieu vous ait en ſa ſainte garde.
De Bruxelles le 21 Septembre 1787. Paraphé
Cr. Vt. Signé Murray, plus bas par Ordonnance
de ſon Excellence , contreſigné De Reul.
Cette heureuſe concluſion a été annom
cée au Peuple , au ſon de toutes les cloches
: on a chanté un Te Deum dans l'Egliſe
Collégiale, & la ville a été illuminée.
La deſcription ſuccincte du paſſage récent
de M. Bourrit en Piémont , par des
vallées juſqu'ici jugées impénétrables, offre
les détails ſuivans.
( 45 )
Unedécouverte équivalente à celle du Mont-
Blanc , c'eſt celle du paſſage de Chamouni en
Piémont , par la vallée de glace du Montanvert ,
que deux guides ont ouvert cette année. Ces
deux guides , nommés Cachat le Géant & Alexis
Tournier , joints à deux autres , y ont conduit , en
dernier lieu , M. Bourrit & ſon ſecond fils , jeune
homme de 15 ans , mais exercé à parcourir les
montagnes. Ilspartirent de Chamouni le 27Août,
pour coucher ſur le Montanvert ; le tems y étoit
neigeux , &le thermometre à deux degrés ſur
zéro.
Le 28 , à fix heures trois quarts , ils atteigni
rent les bafes du Mont- Joraſſe , & à huit ils
commencerent à eſcalader les gradins du glacier
du Tacul. Ils avoient une échelle de douze pieds
& demi de longueur pour paſſer les crevaſſes ,
& ils ne tarderent pas à enfaire uſage ; l'eau des
fentes étoit gelée ,& le glacier étoit couvert de
nouvelles neiges.
A neuf heures , leurs travaux redoublerent
pour monter & franchir les crevaſſes ; leur chemin
étoit horrible ; ils ſe virent dans des vallons
fi étroits , ſi profonds , & ſous des voûtes ſi difficiles
, qu'ils ne ſavoient comment en ſortir. Il
leur falloit gravir des arêtes crevaſſées par-deffous
, environnées d'énormes précipices , & ces
arêtes ſur leſquelles ils ſe hazardoient , n'avoient
ſouvent que trois pouces de largeur. La hache
pourtailler des eſcaliers , leur fut auſſi utile que
l'échelle , & la corde dent ils s'étoient tous atrachés
;depuis dixheures juſqu'à une heure après
midi , l'échelle fut miſe trente huit fois.
Iis parvinrent enſuite à gagner des plateaux
rapides , entrecoupés de crevaſſes ſans fonds qui
tenoient toute la largeur du glacier , qui pouvoit
être d'une lieue , & fi ouverte , que l'é
( 46 )
chelle pouvoit à peine en atteindre les bords.
Il étoit environ une heure , lorſque les brouillards
vinrent découper les ſommités ; le vent les
fousttoit en tout sens , & le froid augmentoit.
A deux heures ils ne voyoient plus d'horizon ;
la mer de glace qu'ils parcouroient , leur paroifſoit
n'avoir pas de bornes : ils étoient comme
fur les glaces du pôle ; les nues ſembloient en
faire partie.
Leur inquiétude fut augmentée encore par
de vaſtes crévaſſes que recouvroient des ponts
de neiges , d'une extrême légereté. Ils y au-
_roient péri ſans la corde à laquelle ils étoient
attachés. Le guide Charlet fit céder un de ces
ponts fragiles , & fans l'échelle qu'il portoit, il
n'auroit jamais pu ſe retirer de l'abîne qui
étoit fous ſes pas ; ſa tête qui étoit entre les
échelons , lui donnoit l'air d'un homme tombé
dans une piege & ſous une trape .
Atrois heures , leur détreſſe fut plus grande
encore , parce qu'ils croyoient avoir pafié au
delà du détroit qu'il leur falloit prendre pour
s'avancer vers Cormayeur , & ils alloient retourner
ſur leurs pas à moitié effacés par le vent
& les neiges. Le froid encore commençoit à devenir
inſuportable ; le thermometre étoit alors
à fix degrés ſous zéro , & leurs cheveux , de
même que les bords de leur voile , étoient ornés
de franges de glaçons ; celui dujeune Bourrit
en avoit d'un demi pouce de long. Ce jeune
homme , qui ne ſentoit plus ſes pieds ni ſes
mains , ſupportoit ſon mal avec un courage qui
faiſoit l'admiration des guides. Le froids accrut
encore , au degré 7 du thermometre , leurs habits
ſe gelevert , de même que les courroyes de
leurs fouliers .
Les guides , toujours perfuadés qu'ils étoient
( 47 )
au-delà du point qu'il leur falloit atteindre ,cou
roient ça & là , comme des gens qui , après un
naufrage , s'échappent aux vagues en s'élançant
de rochers en rochers ; ils cherchoient quelques
rocs ou quelques paſſages pour fortir de leur
ſituation menaçante , & M. Bourrit & ſon fils qui
ne le quittoit pas , projettoient déjà de paſſer
la nuit fur la place , plutôt que de s'égarer d'avantage;
ils penſoient à briſer l'échelle pour en
faire du feu , de mettre lesjambes dans leurs facs ,
&de ſe tenir colés enſemble. Mais les guides
qui ne croyoient pas qu'il fût poſſible de réfifter
au froid de la nuit & au mauvais temps ,
étoient réſolus de les tirer , à tout prix , de cet
horrible déſert. Pendant leurs divers mouvemens
, on obſerva le barometre ; on le trouva
à dix- huit pouces cinq lignes , & le thermometre
au 7 ſous zéro. Dans ce moment ; il
furvint un coup de vent qui , chaſſant les
brouillards , leur développa quelques ſommi
tés , & ils virent diſtinctement que le champ de
neige ſur lequel ils étoient , s'abaiſſoit au-devant
d'eux : cette ſituation releva leur eſpérance ; &
par un autre coup de vent qui leur voila les
rochers qu'ils venoient d'appercevoir , il s'en découvritun
autre ſur leur droite & à peu - près
d'eux; des cris de joie l'annoncerent aux guides
les plus éloignés ; tousy accoururent , & ce roc,
qui formoit la crête du mont , fut nommé le
roc Sauveur. 11 le devint en effet , puiſque de là
ils eurent ſous les yeux toute la Val- d'Aoft & le
bourg de Cormayeur à leurs pieds ; le ſoleil y
briloit d'un vif éclat , de toutes parts il faifoit
jaillir des nappes de lumiere & fur- tout des fommités
du grand & du petit S. Bernard .
La deſcente vers Cormayeur est longue & difficile;
ils ne la franchirent qu'après cinq heures
&demie de marche,
( 48 )
Ils arriverent à Cormayeur à neuf heures &
demie , favoriſés par un beau clair de lune , leur
marche dans ce jour fut de dix- huit lieues &
demie.
Le 29 , ils prirent le chemin de la Cité d'Aoft,
où ils arriverent fur les fix heures .
Le 31 , ils deſcendirent à Martigni , monterent
le Trian & le Col de Balme , & arriverent
àChamouni .
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Les Feuilles Angloiſes obſervent qu'il y a à
Bedlam une jeune femme d'une très -jolie figure ,
qui eſt devenue amoureuſe folle du Prince de
Galles ; ſa ſeule occupation eſt de faire des
plumes de papier de différentes couleurs , en
imitation du panache de S. A. R. Au moindre
bruit qu'elle entend , elle imagine que c'eſt le
Prince qui vient la voir , & elle fait des reproches
très-amers à ſes gardiens , qui , dit-elle ,
ont la cruauté de l'empêcher d'approcher d'elle.
On aſſure auſſi qu'une ſervante de cabaret ,
dans Holborn , eſt devenue également éperduement
amoureuſe du Duc d'Yorck , en voyant ce
Prince paſſer ſonRégiment en revue , &c. &c. &c.
Courier de l'Europe , nº. 92. )
On a débarqué à la Tour , au commence .
ment du mois , un lionceau venant de la côte d'Afrique
: il n'avoit que cinq ſemaines quand on
le prit , & il a été nourri à bord du navire
qui l'a amené , avec du lait de chevre. Il eſt ſi
familier , qu'il paroît triſte lorſqu'il ne voit perſonne.
L'homme qui en a eu ſoin dans la traverſée
va ſouvent le viſiter dans ſa loge , joue
avec ſon éleve comme avec un jeune chien.
( Courier del' Europe. )
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 13 OCTOBRE 1787.
Nota. Pour répondre aux défirs du Public, on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier , & entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉLÉGIE.
Imitation libre de Pétrarque.
4
ONDE claire & tranquille , où celle que j'adore
Venoit calmer l'ardeur des feux brûlans dujour ;
Onde pure, onde heureuſe , où la charmante Laure
Crut long-temps appaiſer les ardeurs de l'Amour ;
Ormeau trop fortuné , délicieux ombrage
Qui la rafraîchiſſois pendant un doux ſommeil ;
Lits de gazon plus frais encore à fon réveil :
Jeunes fleurs , ornemens de ſon ſimple corfage ;
Nº. 41. 13 Octobre 1787. C
SO
MERCURE
Air qu'elle reſpiroit , air ſacré des Amans :
Adorable ſéjour , retraite enchantereſſe ,
Où mon coeur a connu l'amour & fon ivreffe ,
Écoutez mes foupirs & mes derniers accens.
S'il faut que de l'amour , victime mémorable ,
Je finiffe mes jours , de regrets confumé ,
O rivages chéris , d'un Amant déplorable
Recevez en dépôt le corps inanimé ;
Que, quittant fur ces bords ſa dépouille mortelle ,
Mon ame en paix retourne à ſon premier ſéjour !
Si cet eſpoir flatteur reſtoit à mon amour ,
Lamort feroit pour moi moins trifte, moins eruelle.
Hélas ! ce n'est qu'ici , c'eſt ſur ces bords charmans
Qu'avec moins de regrets mon ame fugitive
S'échappera d'un corps brifé par les tourmens .
Laure y viendra peut-être : & mon ombre plaintive
Pourra , fans l'offenſer , s'attacher à ſes pas ,
Rappeler à fon coeur un ſouvenir trop tendre ,
Exciter un foupir , que je n'entendrai pas ,
Et du moins obtenir une larme à ma cendre .
ODieux ! quand je la vis pour la première fois ..
Laure étoit en ces lieux modeſtement aſſiſfe ,
J'y venois attiré par ſa touchante voix ;
Je vis Laure , & foudain mon ame fut épriſe .
Son regard étoit doux, ſon maintien gracieux ,
Et fesmoindres difcours étoient remplis de charmes,
Le calme de fon coeur ſe peignoit dans ſes yeux ;
Laure étoit innocente , elle étoit fans alarmes.
Oſouvenir bien doux! depuis cet heureux jour
Je ne trouve la paix que dans cette prairie ;
DE FRANCE.
Tout y nourrit mes feux , j'y reſpire l'amour ,
L'amour confolateur , feul ſoutien de ma vie.
(Par M. Le Meteyer, Secrétaire du Roi . )
VERS ADRESSÉS A MME. VINCENT (1 ) .
MONTRE-NOUS les perturbateurs
Qui , dans leur infolente audace ,
T'ont cauſé de vives douleurs :
Ah ! puiſqu'ils t'ont couté des pleurs ,
Je veux les traduire au Parnaſſe !
J'inſtruirai le Dieu d'Hélicon
De leur affreuſe jalouſie :
Sans doute il m'en fera raiſon ,
Quand il ſaura qu'à ſa fille chérie
Des Cenſeurs ignorans préparent du poiſon.
(1) Note de l'Auteur. Madame Vincent , que des circonſtances
ont amenée à chanter au Spectacle des Beaujolois
, y jouit , dans le particulier , de toute la conſidération
que l'on accorde au mérite & à une excellente
éducation ; & elle n'a ceſſé d'obtenir les ſuffrages du
Public par la voix la plus fraîche, les fons les plus brillans
, & le talent le plus fini. Elle eût chanté avec avanrage
fur les premiers Théatres de la Capitale ; mais elle
s'y eft conftamment refuſée. Ayant éprouvé l'effet d'une
petite cabale en chantant la belle Ariette de la Fête de
l'Arquebufe , Pièce charmante de M. Bonet , elle en conçut
une vive douleur. Le lendemain , un Amateur ano
nyme lui envoya les vers ci-deſſus.
Cij
MERCURE
Toujours le grand fils de Latone
Des injures du ſot vengea les vrais talens :
Ce Dieu , pour le punir , te treſſe une couronne;
Reçois-la de ſa main , puiſque depuis trois ans,
Paris aſſemblé te la donne.
(De B ...)
CHANSON.
A Madame la Marquise D... M...
Air : Entends ma voix.
LE tendre Amour
Diſoit , en ſe plaignant d'Elmire :
Quoi , de ma Cour
Elle fuit le ſéjour !
Ses yeux charmans
Ne font-ils pas de mon empire
Pour les Amans ,
Ils font indifférens .
Chérir un tendre époux
Eſt ſon ſort le plus doux.
Le tendre Amour , &c.
Le Dieu d'Hymen fait naître
Leurs plaiſirs ſi parfaits ;
Ceux que je fais connoître
Ont moins d'attraits.
DE FRANCE.
En voyant le lien
Qui les unit fi bien ,
Oui , j'aimerois mieux être
Le Dieu d'Hymen.
Le tendre Amour , &c.
(Par M. Sabatierde Cavaillon.)
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEE mot de la Charade eſt Déboire ; celui
de l'énigme eſt Liard ; celui du Logogriphe
eſt Fanatisme , où l'on trouve Mai ,
Ame, Etna, Sina , Mine , Etain , Fat ,
Sem Fi , Anis , Temps , Ane , Tifane ,
Satán , Matines , Matin , Mite , Si , Fa ,
Mi Siam , Mat, Tamise.
CHARADE.
Mon premier eſt un inftruinent , -
Mon ſecond ſe fait plaiſarıment ;
Mon tout orne un appartement.
(Par M. R... , Abonné. )
t
,
Cij
MERCURE
ÉNIGME.
LA différence d'âge entre mon père&moi ,
Lecteur , eſt à peine ſenſible :
Auffi , fans les efforts d'une lutte pénible ,
Ne parviendroit-il pas à me faire la loi.
Je l'attaque , en naiſſant , avec tant de furie ,
Qu'il diſparoît ſous moi , je ſemble l'étouffer ;
Mais un heureux deſtin, pour conferver ma vie ,
Ledérobe à mes coups & le fait triompher .
Loin d'être révolté de mon ingratitude ,
Il veut que je le ſuive à toute heure, en tous lieurs
Sous les toits desBergers , dansles temples desDieux
De me voir un chacun contracte l'habitude;
Non pas qu'on ne voulût très-fort s'en diſpenſer.
Mes défauts font connus;je vous laiſſe à penfer
Si , démentant l'éclat de ma nobic origine ,
On devroit me fouffrir ailleurs qu'à la cuifine :
Mais mon père eſt utile, on l'aime , & l'on fait bien
Que l'attendre tout feul feroit une chimère ;
Il faut me recevoir , crainte de lui déplaire.
Ainfi pour avoir Roch , il faut loger fon chien.
( Par M. de Péliſſier Defgranges , Capitaine
de Cav, au Rég, de Royal-Piémont. )
DE FRANCE.
55
LOGOGRIPHE.
LE François , léger & volage ,
Pour moi ceffe d'être inconftant ;
Et du peuple le plus charmant
J'embellis ſouvent le langage.
On me cherche, on me hait ; & même en cet inſtant
De mon débile auteur je trouble la cervelle ;
Il eſt vrai qu'à ſes voeux je ſuis un peu rebelle
Et que je cauſe ſon tourment ;
Mais je le dois ; Lecteur , je ſuis femelle.
Je n'ai que quatre pieds ; en me décompoſant ,
On voit un grand Saint de Champagne ;
D'un ſucceſſfeur de Charlemagne
Un mot tendre , ſimple & touchant ;
Ce que la vieilleſſe édentée
Aime à trouver quand elle a faim.
Une dignité reſpectée
Chez un peuple , au Hongrois voiſin ,
Et du grandMahomet déterminé Sectaire .
Un terme vieux, qui veut dire colère ;
Ce qui fixe l'oeil du Chaſſeur ;
Deux notes , une particule :
Enfin un élément trompeur ,
Et qui ſéduit le moins crédule.
(Par M. G... , de Niort, Etud. en Méd. )
Civ
56 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES de M. Goldoni , pour fervir
à l'Histoire de fa Vie & à celle de fon
Théatre. 3 vol. in - 8 ° . A Paris , chez
la veuve Duchefne , Libraire , rue Saint-
Jacques.
LA critique de mes Pièces , dit très-
و >>judicieuſement M. Goldoni pourroit
› avoir en vûe la correction & la perfection
» de la Comédie ; la critique de mes Mé-
>> moires ne produiroit rien en faveur de la
>> Littérature ". ;
Cette réflexion nous a paru auſſi juſte
que raiſonnable.
Il ne s'agit donc point de meſurer l'étendue
de ces Mémoires , ni de calculer
les degrés d'intérêt des différens détails qui
les compofent. Il y aura plus de ſatisfaction
pour nous , & plus de justice envers M.
Goldeni , à n'y voir qu'une occafion d'entretenir
nos Lecteurs de ce célèbre Etranger,
qui a mérité l'attention & le ſuffrage du
Monde littéraire ; à nous applaudir de pofſéder
au fein de cette Capitale , dans la
patrie de Molière , un Auteur Dramatique,
DE FRANCE. 57
2
qui a mérité le glorieux furnom du Molière
de l'Italie .
Le ſentiment que renferme le paragraphe
qu'on va lire , nous prefcrit celui qui doit
préſider à la rédaction de cet article . » On
>>ſera curieux , dit M. Goldoni , avec plus
>>d'ingénuité que d'amour-propre ; on ſera
>> curieux peut-être de favoir qui étoit cer
>> homme fingulier qui a vifé à la réforme
>>du Théatre de fon pays , qui a mis fur
>>la ſcène & fous la preſſe cent cinquante
>>Comédies , foit en vers , foit enprofe , tant
" de caractère que d'intrigue , & qui a vu ,
>>de ſon vivant , dix-huit éditions de for
» Théatre . On dira fans doute : Cet homme
>> devoit être bien riche , pourquoi a-t-ilquitté
"fapatrie ? Hélas ! il fautbien inſtruire la
>>poſtérité que Goldoni n'a trouvé qu'en
>>France fon repos, ſi tranquillité , fon bien-
>>être , & qu'il a achevé fa carrière par une
>>Comédie Françoiſe , qui a eu le bonheur
» de réuffire.
Oui , fans doute , on ſera curieux de
ſavoir unjour quel étoit cet hommefinguliers
& le témoignage que nous venons de
tranfcrire , ne peut que tourner à la gloire
de la France ; c'eſt un double honneur
pour nous que Goldoni ait adopté à la
fois notre patrie & notre Langue , & qu'il
ait été jaloux de ſe voir infcrit parmi nos
Concitoyens & parmi nos Ecrivains
Dramatiques.
Nous ne le fuivrons point dans les dé
C
1
58 MERCURE
tails de ſa vie privée. On le voit ſouvent
tenté de ſuivre une autre carrière que celle
des Lettres , qui , en Italie, ne mène guère
à la fortune ; mais toujours entraîné par ſon
génie , devenu fourd à la voix de l'intérêt ,
aux conſeils de l'amitié , & même à l'autoritépaternelle,
il revoloit vers le Theatre ,
qui ne lui promettoit pas des tréfors , mais
de la gloire. Il ſuivit à pluſieurs repriſes
la carrière du Barreau , il s'y diftingua même.
par le gain de pluſieurs Cauſes ; mais il
init toujours par préférer cet autre
bunal , où le talent perd bien quelques.
procès , mais où le gain d'un ſeul confole
de toutes les diſgraces paffées .
Tri-
Cet impérieux inftinct s'étoit manifeſté
en lui dès fes plus jeunes années ; à l'âge
de 12 ans , il avoit déjà fait une Comédie.
M. Goldoni , dans ſes Mémoires , a
fouvent occafion de nous faire connoître
en paffant , quelques uſages particuliers de
fon pays . Tel eſt le Sibyllone, amusement
littéraire affez ſingulier.
Le Sibyllone , ou la grande Sibylle , eft
un enfant de dix à douze ans , qu'on a
placé dans une chaire. Une perſonne quelconque
de l'aſſemblée lui fait une queſtion ,
& l'enfant y répond ſur le champ par un
feul mot. Ce mot , qui eſt l'oracle de la
Sibylle , forti de la bouche d'un enfant
& prononcé fans réflexion , eſt ordinairement
dépourvu de tout ſens commun ;
mais à côté de la tribune ſe lève un
:
4
DE FRANCE. 59
Académicien , qui ſoutient que l'enfant a
bien répondu , & qui , pour le prouver ,
ſe met à interpréter l'oracle . » Pour faire
>>connoître au Lecteur , dit M. Goldoni ,
>>juſqu'où peut aller la hardieſſe & l'ima-
>>gination d'un eſprit italien , je vais rendre
>>compte de la queſtion , de la réponſe ,
>>&de l'interprétation dont je fus témoin .
>>Le demandeur , qui étoit un étranger,
>> comme moi , pria la Sibylle de vouloir
>>bien lui dire , pourquoi lesfemmes pleurent
>>plus souvent & plus facilement que les
>>hommes. La Sibylle , pour toute réponſe ,
>>prononce le mot paille , & l'interprète
>>adreſſant la parole à l'auteur de la quef-
>>tion , ſoutient que l'oracle ne pouvoit
>>être ni plus décifif , ni plus fatisfaifant.
» Ce ſavant Académicien , qui étoit un
>>Abbé d'environ 40 ans , gros & gras ,
>> ayant une voix ſonore & agréable , parla
>> pendant trois quarts d'heure. Il fit l'analyſe
>>des plantes légères ; il prouva que la
>>paille ſurpoſſoit les autres en fragilité ;
>>il paſſa de la paille à la femme ; il par-
>>courut avec autant de viteſſe que de
>>clarté , une eſpèce d'eflai anatomique du
>>corps humain. Il détailla la ſource des
>>larmes dans les deux ſexes. Il prouva la
>>délicateſſe des fibres dans l'un , la réfif-
>>tance dans l'autre. Il finit par Hatter les
» dames qui étoient aſſiſtantes , en donnant
>>les prérogatives de la ſenſibilité à la foi-
>>bleffe; & il ſe garda bien de parler des
>>pleurs de commande .
60 MERCURE
» J'avone , ajoute M. Goldoni , que cer
>>homme me furprit. On ne peut pas em-
>>ployer plus de ſcience , plus d'érudition ,
>>plus de préciſion , dans une matière
>>qui n'en étoit pas ſuſceptible. Ce font
>> des tours de force , ſi vous voulez , c'eſt
>>dans le goût à peu près du chef-d'oeuvre
>> d'un inconnu ; mais il n'eſt pas moins
>> vrai que ces talens rares font eftimables ,
» &c. «.
On trouve auſſi dans ces Mémoires
quelques Anecdotes gaies , & plaifamment
racontées. De ce nombre eſt une viſite que
M. Goldoni eut l'honneur de faire au Saint
Père , à qui il fut préſenté parfaveur dans
fon cabinet de retraite.
.3
>>Ce Pontife Vénitien, que j'avois eu
>> l'honneur de connoître dans ſa ville
>>épifcopale de Padoue , & dont ma Muſe
>> avoit chanté l'exaltation , me fit l'accueil
>>le plus gracieux ; il m'entretint, pendant
trois quarts-d'heure , de ſes neveux & de
>>ſes nièces , charmé des nouvelles que
>> j'étois dans le cas de lui en donner.
>> Sa Sainteté toucha à la fonnette qui
" étoit ſur ſa table ; c'étoit pour moi le
>>ſignal de partir : je faifois, enm'en allant
>> des révérences , des remercîmens ; le Saint
>> Fere ne paroiffoit pas fatisfair; il remuoit
>>ſes pieds , ſes bras , if touffoit , il me
>>regardoit , & ne diſoit rien. Quelle étour-
>>derie de ma part ! Enchanté , pénétré de
>>l'honneur que je venois de recevoir 21
DE FRANCE. Gr
>>j'avois oublié de baiſer les pieds du ſuc-
>> ceſſeur de Saint Pierre : je reviens enfin
>>de ma diſtraction , je me proſterne ; Clé-
» ment XIII me comble de bénédictions ,
>>& je pars mortifié de ma bêtiſe & charmé
>>de fon indulgence " .
De ces trois volumes , le plus intéreſſant
pour nous , c'eſt le dernier. C'eſt là qu'on .
voit M. Goldoni arriver à Paris , où il
avoit été appelé par les Comédiens Italiens,
qui voyant leurs Pièces abandonnées ,
tandis qu'on couroit en foule aux Pièces à
ariettes , fongeoient à enrichir leur répertoire
de quelques nouveaux Ouvrages. Deux
ans après , il fut choiſi pour enfeigner l'italien
à Meſdames ; & enfin ſon état , &
des bienfaits de la Cour , l'ont fixé en
France , où il coule depuis , dans un glorieux
repos , la quatre-vingtième année de fon
âge .
Ces Mémoires offrent l'analyſe des cent
cinquante Comédies que M. Goldoni a
publiées , & par la voie du théatrree &par
celle de l'impreffion. Une telle facilité eſt
extrêmement rare ; elle eſt plus étonnante.
encore , lorſqu'on fonge que l'Auteur s'eſt
occupé avec ſuccès , comme nous le verrons.
bientôt , du grand projet de réformer le
théatre de fon pays. En effet, le talent qui
veut s'ouvrir une nouvelle carrière , a bien
moins de temps pour produire , que celui
qui ne veut fuivre qu'un ſentier battu
le génie réformateur a fans ceffe àdifcuter ,
62 MERCURE
à comparer , à multiplier les effais ; & le
temps qu'il emploie à méditer , doit être
pris ſur le nombre de ſes productions .
La Comédie , en Italie , avec des conceptions
vraiment dramatiques , employoit
des formes , des moyens peu naturels ;
c'eſt ce qui rendoit ſévère , injuſte même
à fon égard , le connoiffeur qui cherche
l'illufion au Théatre , & qui , ſans la vérité ,
n'admet aucune illufion.
Ces moyens peu naturels font notamment
ce qu'on appelle les quatre maſques
de la Comédie Italienne. On ne fera pas
fâché d'entendre M. Goldoni lui - même ,
fur l'origine , l'emploi & les effets de ces
quatre maſques.
» La Comédie , qui a été de tout temps
>>le ſpectacle favori des Nations policées ,
>> avoit fubi le fort des Arts & des Sciences ,
» & avoit été engloutie dans les ruines de
l'Empire , & dans la décadence des
» Lettres.
» Le germe de la Comédie n'étoit pas
>> cependant tout-à- fait éteint dans le fein
>>fécond des Italiens. Les premiers qui
>>travaillèrent pour le faire revivre , ne
>> trouvant pas , dans un ſiècle d'ignorance ,
>> des Ecrivains habiles , eurent la hardieſſe
>>de compoſer des plans , de les partager
" en actes & en ſcènes , & de débiter , à
>> l'im-promptu , les propos , les pensées &
>>les plaiſanteries qu'ils avoient concertées
>>> entre eux.
DE FRANCE. 63
>>Ceux qui ſavoient lire ( & ce n'étoit
>>pas les grands ni les riches ) , trouvèrent
» que dans les Comédies de Plaute & de
>> Térence , il y avoit toujours des pères
>>dupés , des fils débauchés, des filles amou-
>>reuſes , des valets fripons , des ſervantes
>> corrompues ; & parcourant les différens
>>cantons de l'Italie , prirent les pères à
» Venife & à Bologne , les valets à Ber-
» game , & les amoureux , les amoureuſes
» & les foubrettes dans les Etats de Rome
» & de la Tofcane .
>> Il ne faut pas s'attendre à des preuves
>> écrites , puiſqu'il s'agit d'un temps où
>> l'on n'écrivoit point. Mais voici comme
>> je prouve mon affertion : le Pantalon a
>>toujours été Vénitien , le Docteur a
>>toujours été Bolonois , le Brighella &
>> l'Arlequin ont toujours été Bergamaſques ;
>>c'eſt donc dans ces endroits que les Hif-
>>trions prirent les perſonnages comiques i
>>que l'on appelle les quatre maſques de la
>> Comédie Italienne.
>>Ce que je viens de dire n'eſt pas tout-
>> à-fait de mon imagination : j'ai un ma-
>> nuſcrit du quinzième ſiècle , très - bien
>>conſervé , & relié en parchemin , con-
>>tenant cent vingt ſujets ou canevas de
>> Pièces Italiennes , que l'on appelle Co-
>>médies de l'Art , & dont la baſe fonda-
>>>mentale du comique eſt toujours Pan-
>> talon , Négociant de Venise ; le Docteur,
>>Jurifconfulte de Bologne ; Brighella &
64 MERCURE
» Arlequin , Valets Bergamasques ; le pre-
>> mier adroit , & l'autre balourd. Leur
>>ancienneté & leur exiſtence permanente
>>prouvent leur origine «.
M. Goldoni fait voir enfuite qu'on a
pris à Veniſe le modèle du Pantalon Négociant
, parce que Veniſe faiſoit alors le
commerce le plus riche & le plus étendu
de l'Italie ; & ſon coſtume theatral eſt
préciſement l'habillement de ce temps-là.
On a fait le Docteur Bolonois , à cauſe
de l'Univerſité qui exiſtoit dès-lors à Bologne;
fon coſtunie eſt l'ancien habillement de
l'Univerſité && du Barreau Bolonois ; & une
tradition adoptée en Italie , veut que les
maſque dont il a le front & le nez couverts
, ait été imaginé d'après une tache de
vin qu'avoit au viſage un Jurifconfulte dur
temps.
Enfin les Brighella & l'Arlequin ont éré"
pris à Bergame , parce que le premier étant
extrêmement adroit, & le ſecond complétement
balourd , ces deux extrêmes , dit
M. Goldoni , ne ſe trouvent que là , dans
la claſſe du peuple . Le coſtume d'Arlequin
repréſente l'habillement d'un pauvre diable
qui ramaſſe , pour raccommoder ſon habit ,
les diverſes pièces qu'il trouve, fans regarder
au genre de l'étoffe , ni à la couleur ; &
la queue de lièvre qui orne ſon chapeau ,
eft encore aujourd'hui la parure ordinaire
des payſans Bergamaſques.
Outre que le maſque anéantit nécef-
:
1
DE FRANCE.
65
fairement l'expreffion des paffions & des
fentimens du perſonnage , on-ſent que la
néceflité de jeter dans un moule adopté
quatre rôles d'une Comédie , nuit à l'effor
du Poëte comique , qui doit tranſmettre
fur la ſcène tous les replis du coeur humain
& tous les ridicules de la ſociété.
M. Goldoni , avec un talent vrai , naturel,
avec le ſentiment de ſes forces , & la
connoiffance de ſon Art & du coeur humain
,n'a pas voulu adopter un ſyſtême
auſſi funefte au vrai talent , que contraire
à la raiſon ; & loin de ſoumettre ſon génie
àune abfurde routine , il a entrepris une
réforme auffi difficile que glorieuſe . N'ayant
que des ſentimens naturels à exprimer ,
il n'a pas voulu qu'ils fuſſent retracés fur
des vifages factices ; & comme chacun de
fes perſonnages avoit ſon caractère , il a
voulu qu'il pût avoir auſſi ſa phyſionomie.
Onſent qu'il dut foulever d'abord contre lui
lefervum pecus dont parle Horace ; quand
il s'agit de vieux préjugés , l'innovation la
plus heureuſe a toujours l'air d'une profanation;
les amateurs de la Comédie protégèrent
les maſques ; le réformateur ne répondit à
ſes détracteurs que par de bonnes Comédies ,
foit d'intrigue , foir de caractère, le plaifir
qu'il donna à ſes compatriotes , fut la ſeule
féduction qu'il employa ; & à la fin , le
ſuccès de ſes Ouvrages fonda celui de fon
ſyſtême , qui eſt aujourd'hui le goût le plus
généralement adoptépar lesAuteurs Italiens,
66 MERCURE
A ce tableau , qui tourne tout entier à
la gloire de M. Goldoni , ajoutons une
réflexion qui eſt particulière aux Muſes
Françoiſes. Nous prétendons au ſceptre
dramatique , qui nous eſt diſputé par les
autres Nations contemporaines. Sans chercher
à réfuter quelques reproches qu'on
nous fait , & qui tombent plutôt ſur nos
Tragédies que fur nos Ouvrages comiques ,
voici un argument à faire valoir en notre
faveur , & qui peut-être n'a pas encore
été employé. L'expérience nous prouve ,
¬amment l'exemple de M. Goldoni ,
que les peuples qui nous diſputent le prix ,
àmeſurequ'ils ont perfectionné leur theatre,
ſe font auſſi rapprochés de notre ſyſteme
dramatique. En effet ces fortes de productions
étant le genre de Littérature qui
doit ſe reffentir le plus de l'influence des
moeurs & des uſages , le Théatre d'une
Nation doit toujours avoir chez l'autre une
phyfionomie abſolument étrangère ; mais à
cette nuance près , qu'on jette les yeux
autour de nous , & l'on ſe convaincra aifément
que les Auteurs Dramatiques étrangers
ſe font trouvés plus près de nous , à chaque
pas qu'ils ont fait vers la perfection de leur
Art. Il ſemble qu'il ne nous reſte plu à leur
faire adopter , que la règle très-gênante de
l'unité de lieu ( i ). Mais ſi les bornes de
( 1 ) Encore a-t- elle été adoptée par quelques
Ecrivains étrangers .
DE FRANCE. 67
cet article nous permettoient de développer
cette idée , peut-être réuffirions-nous à
prouver que cette unitéde lieu qu'on rejette,
eſt néceffaire à l'unité d'action qui n'eft
plus guère conteſtée , & qu'elle y touche
de ſi près , qu'elle en fait preſque partie,
Si en effet vous tranſportez ſans ceſſe la
ſcène dans des lieux peu importans , chez
des perſonnages ſubalternes ,il eſt à craindre
que vous n'attiriez trop d'attention à des
agens peu eſſentiels , que vous ne donniez
- trop d'étendue à des acceſſoires , & que
par-là l'intérêt de l'action diminue , comme
le feu qu'on éloigne de ſon foyer perd
de ſon activité & de fa chaleur ; au lieu
qu'en renfermant toute l'action dans le lieu
principal , & chez les principaux perſonnages
, le ſujet conſerve néceſſairement
plus d'unité , & par - là même l'action ,
plus d'intérêt. Nos Lecteurs fuppléeront
aux réflexions & aux exemples que nous
pourrions invoquer en faveur de cette
affertion.
Nous allons terminer cet article en rappelant
la charmante Comédie du Bourru
bienfaisant , fur laquelle M. Goldoni entre
dans quelques détails. Cet Ouvrage , dans
lequel l'Auteur a fu être à la fois intéreflant
& comique , réuffit d'abord à Paris
& à la Cour , & jouit encore de l'eſtime
du Public & des Connoiffeurs. On y fut
frappé de la vérité du dialogue & des carastères;
on s'étonna de voir un Etranger
68 MERCURE
arrivé en France à l'âge de cinquante-trois
ans, ofer écrire en françois une Comédie ;
& le ſuccès , en faiſant oublier ſa témérité,
ne fit qu'ajouter à l'eſtime qu'on avoit pour
fon talent.
Parmi ceux qui furent étonnés de cette
heureuſe hardieſſe, ſe trouve J. J. Rouſſeau ,
que M. Goldoni alla voir au moment de
donner ſa Pièce. On ne ſera pas faché de
lire le récit de cette entrevue , dans laquelle
ce célèbre Philoſophe lui marqua ſon étonnement
avec cette rude franchiſe qui le
caractériſoit. M. Goldoni , qui le trouva
copiant de la muſique , lui ayant témoigné
du regret de le voir perdre un temps fi
précieux , à une ſi frivole occupation , J. J.
Rouſſeau , après s'être juſtifié à ſa manière ,
lui demanda ce qu'il faifoit lui-même à
Paris. Vous êtes venu à Paris pour les
>> Comédiens Italiens ; ce ſontdes pareſſeux ;
>>il ne veulent pas de vos Pièces ; allez-
» vous-en ; retournez chez vous ; je fais
» qu'on vous défire , qu'on vous attend ....
Monfieur , lui dis -je en l'interrompant
" ( c'eſt M. Goldoni qui raconte lui-même
>>cette converſation ) , vous avez raiſon.
>>J'aurois dû quitter Paris d'après l'infou-
>>>ciance des Comédiens Italiens ; mais
d'autres vues m'y ont arrêté. Je viens
>>de compoſer une Pièce en françois. Vous
>> avez compoſé une Pièce en françois ,
>> reprend-il avec un air étonné ! Que voulez
- vous en faire ? - La donner au
1
DE FRANCE. اهو
-ود
-
-
-
Theatre. A quel Théatre ? - A la
>> Comédie Françoiſe . Vous m'avez re-
>>proché que je perdois mon temps ; c'eſt
>>bien vous qui le perdez ſans aucun fruit.
Ma Pièce eft reçue. Eſt-il poſſible ?
» Je ne m'étonne pas ; les Comédiens n'ont
» pas le ſens commun ; ils reçoivent & ils
>>refuſent à tort& à travers ; elle eſt reçue
>>peut-être , mais elle ne ſera pas jouče ;
»& tant pis pour vous, fi on la joue. -Com-
>> ment pouvez-vous juger une Pièce que
>> vous ne connoiſſez pas ? Je connois
>>>le goût des Italiens & celui des Fran-
>> çois ; il y a trop de diſtance de l'un à
» l'autre ;& avec votre permiffion , on ne
>> commence pas à votre âge à écrire & à
>>>compoſer dans une Langue étrangère.
هد
-
Vos réflexions ſont juſtes , Monfieur,
>> mais on peut furmonter les difficultés.
J'ai confiémon Ouvrage à des gens d'ef-
>>prit , à des connoiffeurs,&ils en paroiffent
» contens. -On vous flate, on vous trompe,
» vous en ſerez la dupe , &c. ".
Ces ſauvages bruſqueries , d'abord humi-
Kiantes pour l'Auteur , devinrent un éloge
complet , après le juſte ſuccès de l'Ouvrage.
Telles font les réflexions que nous a fait
naître la lecture de ces Mémoires ; & nous
avons eu du plaiſir à les rendre publiques ,
comme un hommage rendu à un célèbre
Etranger , hommage que nous ne craignons
point de voir défavouer par la Nation qui
s'applaudit de le compter parmi ſes Con
70
MERCURE
citoyens. Si cet Ouvrage nous laiſſe quelque
regret à former , c'eſt d'y avoir trouvé
trop peu de diſcuſſions ſur l'art dramatique.
Que d'utiles indications auroit pu nous
donner l'Auteur , ſur une carrière qu'il a
parcourue avec tant d'éclat ! Que de lumières
il auroit pu y répandre , s'il avoit
voulu communiquer à ſes Lecteurs ce que
lui ont appris la méditation & l'expérience !
On profitera ſans doute à la lecture de fon
Théatre : mais celui qui a laiſſe de ſi beaux
exemples , ne pouvoit donner que de trèsutiles
leçons ; & c'éroit un double bienfait
envers la Littérature.
( Cet Articie est de M. Imbert. )
MÉTHODE de Nomenclature Chimique ,
proposée par MM. de MORVEAU , LAVOISIER,
BERTHOLLET & DE FOURCROY.
On y a joint un nouveau Systême de
caractères chimiques adaptés à cette Nomenclature
, par MM. HASSENFRATZ &
ADET. I vol. in-8 °. de 314 pages , avec
Figures & un grand Tableau . Prix, s liv.
br. , 6 liv . rel. Le Tableau fe vend ſeparément,
1 liv. 45. A Paris, chez Cuchet,
rue & Hôtel Serpente.
DEPUIS long-temps on avoit ſenti la nécelité
de rectifier la Nomenclature de la
Chimie ; MM. Macquer & Baumé en
avoient donné l'exemple ; MM. Bergman ,
DE FRANCE.
71
Bucquer & de Fourcroy , avoient auffi
travaillé à la perfectionner ; mais , comme
le dit M. Lavoifier , dans le Mémoire qui
ſe trouve à la tête de l'Ouvrage que nous
annonçons , aucun Chimiſte n'avoit conçu
un plan d'une auſſi vaſte étendue que celui
dont M. de Morveau a préſenté le tableau
en 1782 , lorſqu'il eut pris l'engagement
de rédiger la partie chimique de l'Encyclopédie
Méthodique , & de porter en
quelque façon la parole au nom des Chimiſtes
François dans un Ouvrage national.
On ne peut donc que lui ſavoir gré & à
ſes ſavans Coopérateurs , de s'être réunis
pour mettre la dernière main à cette réforme ;
ils n'ont rien négligé pour la rendre utile
à la ſcience , & à ceux qui veulent l'acquérir
; ils ſe ſont aidés des lumières de
plufieurs Membres de l'Académie , & de
quelques Chimiſtes ; ils ont laiſſé le tableau
expoſé dans la ſalle de l'Académie , pour
pouvoir recueillir les avis & perfectionner
leur travail avant de le publier,
Ce volume contient un premier Mémoire
lu par M. Lavoifier , à la Séance
publique de l'Académie , le 18 Avril de
cette année , ſur la néceſſité de réformer
& de perfectionner la Nomenclature de
la Chimie; un ſecond Mémoire, dans lequel
M. de Morveau développe les principes de
la Nomenclature méthodique ; une explication
du tableau de Nomenclature , par
M. de Fourcroy ; deux Synonymies complettes
, par ordre alphabétique ; le Rapport
72 MERCURE
des Commiffaires de l'Académie fur cette
nouvelle Nomenclature; deux Mémoires ſur
les nouveaux caractères à employer ; enfin
le Rapport fait à l'Académie ſur ces deux
Mémoires.
On ne peut conteſter l'évidence des
principes deſquels font partis les Auteurs
de cette grande entrepriſe ; ils ſe ſont attachés
àn'exprimer que des faits abſolument
dégagés de toute hypothèſe , à porter un
eſprit d'analyſe dans cette ſcience , par le
moyen de ſa Langue , à former cetteLangue
de manière qu'elle pût s'adapter aux dos
couvertes & aux travaux qu'on pourroit
faire dans la ſuite , & que , fuivant l'expreſſion
de M. Lavoiſier , ce fût plutôt
une méthode de nommer, qu'une Nomenclature.
MM. Haſſenfratz & Adet ont
ſuivi le même plan dans la formation des
nouveaux caractères , ils font même parvenus
à mettre dans ce genre d'écriture
abrégée , plus de ſimplicité & de préciſion
qu'elle ne ſembloit le comporter.
On fera moins ſurpris , après cela , de voir
que le phlogiſtique n'eſt ici rappelé que
comme principe hypothétique de Stahl :
il y a cependant encore un affez grand
nombre de Chimiſtes qui y tiennent ; &
le Rapport fur la Nomenclature annonce
que tous les Commiſſaires ne ſont pas en
tièrement convaincus de la poſſibilité de
s'en paſſer , quoiqu'ils avouent que la nouvelle
doctrine préſente des expériences impoſantes
DE FRANCE. 73
poſantes , qu'elle a ſes avantages ſur l'ancienne",
& qu'elle ſuit de plus près les
principes des corps : mais on ne peut
douter de la vérité de la remarque que font
à ce ſujet MM. Lavoifier , Berthollet &
de Fourcroy , dans leur Rapport ſur les
nouveaux caractères ; c'eſt que le phlogiſtique
que l'on défend aujourd'hui , n'eft
plus le phlogiſtique de Stahl , que celui de
M. Kirwau n'est même plus ni celui de M.
Macquer, ni celui de M. Baumé ; en forte
qu'il n'en reſte que le nom , qu'on a confervé
en changeant la chofe , & qu'en ce
ſens la doctrine qu'on nomme nouvelle, eſt
réellement plus ancienne que toutesles théories
actuelles qui admettent le phlogiſtique .
En jetant, un coup d'oeil fur le Tableau
de la nouvelle Nomenclature , on ſe raffure '
bientôt ſur le travail effrayant qu'elle fembloit
devoir exiger pour ſe la rendre familière
; on n'y rencontre pas plus de cinq
ou fix mots nouveaux , la plupart pour défigner
des ſubſtances qui n'avoient pas encore
reçu de nom , comme la baſe du gas
inflammable , la baſe de l'air phlogiſtiqué ,
&c . &c. Tout ſe réduit au ſurplus àdes
terminaiſons nouvelles , déterminées par
des principes uniformes qui les rendent
faciles à retenir ; & la diſtribution méthodique
de tous les êtres qui y font nommés ,
ſuivant leur ordre de compoſition , fera
très-propre à faire faifir à la fois l'enſemble
de la ſcience & le ſyſteme de ſa Langue.
N° . 41. 13 Octobre 1787. D
74 MERCURE
LÉOPOLD , Poëme ; par M. GINGUENE
Illius donafepulchro
Et madefacta meis ferta feram lacrymis.
TIBULLE .
AParis, chez Prault , Imprimeur du Roi,
quai des Auguftins.
LÉOPOLD DE BRUNSWICK , Роёте ,
qui a concouru pour le Prix de l'Académie
Françoise ; par M. NOUGARET.
Les premiers beſoins , ou du moins les plus
ſenſibles , font ceux d'un coeur bienfaifant,
&tant que quelqu'un manque du néceſſaire,
quel honnête homme a du ſuperflu ?
J. J. ROUSSEAU.
A Paris, chez la veuve Duchefne , rue
St-Jacques ; & chez Lagrange , Libraire
rue St-Honoré , vis-à-vis le Lycée.
PARMI les Littérateurs qui ont célébré
en vers l'héroïfſme du Duc Léopold de
Brunswick , on doit diftinguer particulièrement
M. Ginguené. Son nom eft connu
au Parnaffe. Ses diverſes Pièces , inférées
dans l'Almanach des Muſes , lui ont donné
un rang parmi les Beaux-efprits : de la raifon
,de la verſification , une plume exercée
au ſtyle poétique , voilà ſon talent. Il
feroit étrange que , ſur une matière auffi
belle & aufli intéreſſante que l'Eloge du
Prince de Brunswick, ce talent l'eût abſo-
Jument abandonné ; auſſi nous ofons penſer
DE FRANCE.
75
que ce Poëme n'eſt point indigne de ſa
Muſe. La plupart des Concurrens n'ont
qu'effleuré le ſujet , & par-là ont évité la
peine d'en vaincre les difficultés. M. Ginguené
a fur eux l'avantage de l'avoir dumoins
eſſayé. Il a ſaiſi la matière dans ſon entier.
Toutes les actions du Duc Léopold annoncent
une ame fi belle , ſi généreuſe , ſi enflammée
de l'amour du bien public , qu'il
n'a pas cru devoir en omettre une ſeule,
A cet égard il a trouvé un rival dans M.
Nougaret. Celui-ci n'a rien oubliéd'eſſentiel,
utant que les bornes d'une Pièce de ce
genre pouvoient le lui permettre. On trouve
dans l'un & dans l'autre , des idées & des
ſentimens. Voici le début de M. Nougaret.
La vertu d'un grand Homme enflamme mon génie.
Je ſens du Dicu des vers la douce tyrannie ,
Et fans briguer l'honneur d'égaler mes rivaux ,
J'embraſſe avec tranſport les plus doctes travaux ;
Trop heureux en cédant au beau feu qui m'anime,
D'obtenir des bons coeurs le fuffrage & l'eſtime !
On voit d'abord que la diction de M. Nougaret
ne répond pas à ſa penſée , & qu'il
n'eſt pas initié dans les ſecrets du ſtyle
poétique. Comme Verſificateur , M. Ginguené
l'emporte de beaucoup. Nous ne
citerons pas fon Exorde ; tous les Journaux
l'ont rapportée. Mais voici l'invocation.
Dij
76
MERCURE
O du jeune Brunswick Déeſſe révérée ,
Viens embraſer mon coeur , Humanité ſacrée !
Sois ma Mufe , dis-moi la ſource de nos pleurs ,
Des élémens troublés lesjaloufes fureurs ,
Etquel noble tranſport, quelle ardeur magnanime
* Eleva ton Héros à cette mort fublime,
Peut-être ce dernier vers ſent- il un peu
la recherche. Souvent , en évitant d'etre
commun, on tombe dans le précieux & le
maniéré. Pluſieurs endroits du Poëme de
M. Ginguené ne font pas exempts de ce
reproche . Mais laiſſons la critique, & citons
une belle tirade ſur les premiers penchans
du Prince àla vertu , & fur les diverſes
études auxquelles il s'étoit adonné dès fon
adolefcence.
دا
La gloire l'environne , il marche à ſa lumière ;
Son oeil impatient meſure la carrière ;
De rapides ſuccès y marquent tous fes pas ;
Sa main du fer adroit , du ſévère compas ,
Du tube obfervateur chaque jour eſt armée ,
Et jamais au malheur cette main n'eft fermée.
On peut comparer ces vers avec ceux-ci de
M. Nougaret. Ce ne ſont pas précisément
les mêmes idées ; mais c'eſt le même fonds .
Obſervez que je cite toujours ce qu'il y a
de mieux,
Il aimoit les Auteurs , ainſi que leurs Ecrits
Et fut avecbonté le généreux Mécènç
DE FRANCE. 75
-
Des enfans d'Apollon buvant dans l'Hypocrène ,
De ceux que Muémoſine entraîna fur ſes pas ,
Et pour qui la Science a ſeule des appas .
S'il couvroit l'Ecrivain d'une ſplendeur nouvelle ,
La gloire étoit le prix qui couronnoit fon zèle.
Les Arts encouragés dans leurs ſuccès brillans
Répandent aütour d'eux l'éclat de leurs talens.
Mais cédant au penchant d'une ame généreuſe ,
Léopold briguoit-il une gloire flatteuſe ?
Il fongcoit au plaifir de faire des heureux.
On ne fera ici aucune remarque. On s'en
rapporte à la ſagacité du Lecteur. L'uſage
des foulignemens n'eſt convenable que
lorſqu'il s'agit d'indiquer quelques taches
dans un morceau d'ailleurs irrépréhenſible.
Les deux Auteurs ont fait alluſion à la
Maiſon d'Education Militaire , fondée par
le Duc de Brunswick. C'eſt M. Nougaret
qu'on va lire d'abord.
Ilveutqu'au champ d'honneur, marchant avec éclat,
Chacun ſoit Citoyen avant d'être Soldat .
Sa bienfaifance élève un modeſte édifice ,
Un afile afſuré pour ſa jeune Milice .
C'eſt ainſi qu'à Paris , le vertueux Biron
Sait former avec foin un nouvel efcadron
Inſtruit dans la ſageſſe & dans l'Art militaire ,
Pour groffir quelque jour l'élite falutaire ,
De Corps redoutable , épuré par ſes loix ,
Qui veille jour& nuit au palais de nos Rois.
Diij
78 MERCURE
Ce rapprochement eſt heureux : tout le
monde y applaudira. Mais d'ailleurs le ſtyle
eft fi diffus , fi incorrect , l'impropriété des
expreffions eſt ſi groſſière, que tout le mérite
de l'idée eſt perdu. M. Ginguené s'exprime
beaucoup mieux.
Ici , d'heureux enfans , libres par ſa bonté
Du joug de l'ignorance & de la pauvreté ,
Croiſſent, jeunes rivaux, ſous des palmes naiſſantes,
Et fon nom réjouit leurs bouches innocentes .
Paſſons à la circonſtance la plus eſſentielle ;
je veux dire au débordement de l'Oder , &
a la mort du Prince qui y perd la vie en
voulant ſauver des malheureux ; car voilà
le véritable ſujer du Poëme. Cette defcription
eſt très-foible dans M. Nougaret.
Nous n'en citerens rien . C'eſt le morceau
brillant dans M. Ginguené. Il a réſervé les
couleurs de ſa palette pour peindre l'événement
funefte qui fut la cauſede la mort
du Prince, & qui conſacre à jamais fa gloire .
Sur de vaſtes débris , l'Oder impétueux
Précipitoit ainſi ſes flors tumultacих.
Les digues ne font plus ,&les toits fans défenſe)
Bientôt feront plongés ſous une mer immenfe.
Tout difparoît, jardins, prés rians, champs féconds.
La colline avec bruit roule au creux des vallons.
Les vallons fillonnés par d'énormes ravines ,
Se changent en torrens tout couverts de ruines.
Tel & moins déſaftreux aux campagnes d'Enna ,
Couroit un feu liquide échappé de l'Etna
DE FRANCE. 79
Ou tellebouillonnoit fur les murs d'Héraclée ,
Du Véſuve en fureur la lave amoncelée.
Les Citoyens errans , fugitifs , éperdus ,
De l'oeil cherchent leurs toits &ne les trouvent plus:
L'un, fur les monts voiſins graviſſoit avec peine ;
Il retombe accablé d'un fardeau qui l'entraîne.
Un autre , de ſon père en vain preſſe les pas.
L'autre enlève une épouſe , & l'épouſe en ſes bras
Serre un doux fruit d'hymen à peine à fon aurore ,
Et ne craint que pour lui ce danger qu'il ignore...
Ces détails ſont poétiques & pleins de
fenfibilité . L'Auteur peint enſuite le Prince
touché de ce déſaſtre. Il veut voler au
fecours de ceux qui font en danger. On lui
fait fentir celai cù il s'expoſe lui -même ;
mais l'humanité l'emporte : il s'élance fur
une barque avec deux Bateliers.
Oh! qui peindra ce peuple éperdu fur la rive ,
Et ce frémiflement d'une foule craintive ,
Et te cri de frayeur dans les airs élancé ,
Par un morne filence auffi-tôt remplacé ?
L'étonnement ſe joint à la reconnoiffance,
L'amour à la terreur , la crainte à l'eſpérance :
Tous n'ont qu'uneſeule ame; &l'onvoittous lesyeux
Ou fixés fur le gouffre , ou portés vers les cieux.
Et cependant voguoit la nacelle intrépide.
Elle a déjà franchi l'onde la plus rapide ,
Ce centre redoutable , où les flots courroucés
Roulent en tourbillons l'un par l'autre prefiés.
1
Div
MERCURE
Brunswick déjà triomphe , & témoigne ſa joie
Par un figne éclatant que chacun lui renvoie.
Triomphe paſſager ! fignes vains & trompeurs ,
Que vont fuivre bientôt les ſoupirs & les pleurs !
La barque du rivage enfin s'eft approchée :
Sous le voile ( 1 ) des eaux une tige cachée ,
Lui porte un coup fatal : le Prince chancelant
Se courbe , fait un pas, ſe relève à l'inftant ,
Et fon front rafſuré ſourit à la tempête :
Mais d'un faule noueux l'eſquif heurte la tête ,
Se brife , difparoît ... Léopold ! ... il n'eſt plus.
Il me ſemble qu'ici très-peu de Pièces de
Concours ſoutiendroient le parallèle. L'Aureur
a répandu les couleurs de la Poéfie
fur des détails d'autant plus touchans qu'ils
font vrais. Tout ce morceau porte l'empreinte
du talent. Ce ne font point là des
vers de Collége ſur des lieux communs ;
ce n'eſt point de la verſification vague &
fans effer. Ce n'eſt pas que le Poëme , lu
de fuite , ne perde beaucoup. Des longueurs,
& une marche trop méthodique , en affoibliffent
l'intérêt. Mais au moins ces longueurs
tiennent au ſujet , & n'y ſont point
un hors- d'oeuvre .
P. S. Les Pièces envoyées au Concours.
fur le même ſujet, par MM. Didot, fils aîné,
( 1) Cette méraphore, qui feroit une beauté poétique dans
une circonftance gracieufe , telle que la Fable de Sa'macis ,
eft ici un abus de poéfie ; défaut qui caractériſe l'époque
actuelle de notre Littérature.
DE FRANCE. 81
& Firmin Didot , imprimées par M. Didot ,
leur père , avec des caractères gravés par le
plus jeune, rappellent le temps des Etiennes,
qui , peu contens d'illuſtrer l'art de la Preffe,
avoient ſu encore l'ennoblir par la culture
des Belles - Lettres .
( Cet Article estde M. de Saint-Ange) .
LE PEUPLE instruit parses propres vertus,
ou Cours complet d'Inftructions & d'Anecdotes
recueillies dans nos meilleurs
Auteurs , & raffemblées pour consacrer les
belles actions du Peuple , & l'encourager
à en renouveler les exemples. Ouvrage
claſſique , principalement destiné au Peuple
des villes & des campagnes , & à fes
enfans de l'un & de l'autre sexe , & diftribué
de manière à pouvoirfervir de lecture
amusante & d'inſtruction morale chaque
jour de l'année. Rédigé par P. L.
BÉRENGER ; 2 vol. in - 12 , 6 liv. reliés.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardinet , 1787.
Le titre de cet Ouvrage en indique
parfaitement l'objet. Le Peuple , enle lifant ,
s'inſtruira par ſes propres vertus , & fans
doute il s'eſtimera davantage.
>>Ah ! ſi le petit Peuple avoit ſes Hiſtoriens
, dit l'Editeur de ce Livre intéreſſant ,
fi au licu d'aller épier ſes ridicules pour les
expoſer ſur nos Théatres immoraux , nos
Ecrivains devenoient les Peintres naïfs des
Dv
82 MERCURE
د
.....
vertus qui brillent ſi ſouvent dans l'obfcuritéde
ces claffes infinies, on 1 ennobliroit
à ſes propres yeux ce pauvre Peuple ;
il feroit plus aimé , plus honoré : & qui
ne fait que ces faciles récompenfes ont
toujours été le mobile des plus grandes
actions chez les Peuples anciens ? La plus
pure vertu ſe nourrit ſecrétement de l'eſpoir
den'être pas oubliée. Que de traits
d'héroïfme n'a-t- on pas dû jadis àde ſumples
branches de chêne ou de laurier ! Dénonyons
donc au Public , au Gouvernement ,
à la Poſtérité ces vertus fans fafte &
fans égo ſme , qui s'ignorent , pour ainfi
dire , elles - mêmes , & ne ſouffrons pas
qu'on calomnie la portion la plus nombreuſe
, la plus utile&la plus reſpectable
des enfans de la Patrie " .
د
Les 365 Anecdotes qui compoſent ce
Recueil , font entre-mélées de fentences &
de leçons , dont la morale eft à la portée des
hommes à qui ce Livre eſt principalement
deſtiné. M. Berenger a choiſi ces inſtructions
& ces traits de vertu dans les Ouvrages
les plus eftimés; les fragmens de ſa compofition
ſe réduiſentà 12 ou 15 Anecdotes ,
& environ 15 ou 20 autres morceaux
épiſodiques , & quelques explications placées
à la fin ou au commencement des faits
qu'il a recueillis .
Quoique les différentes pièces de ce
Recueil paroiffent jetrées au hafard , le
Lecteur attentif. y appercevra un fil fecret
1
DE FRANCE. 83
&un deffein marqué. Les principes de la
Morale font établis dans les inſtructions ;
les applications en ſont faites dans les Difcours
, & les Anecdotes ſont comme les
expériences qui en atteſtent les effets . Enfin
les adages & les proverbes étant ordinairement
le réſultat de la raiſon populaire ,&
le langage de l'expérience , il convenoit
d'en faire une eſpèce de code à la fin de
chaque mois. ८
Telle eſt la manière dont M. Berenger a
formé ce Recueil , qu'on peut regarder
comme un vrai Catéchiſme de Morale
élémentaire ; quoiqu'il ſoit principalement
deſtiné au Peuple , toutes les claſſes de la
Société y trouveront le développement des
devoirs qui leur font propres.
Nous allons placer ici un morceau de
cet Ouvrage , que nous croyons propre à
inſpirer un grand intérêt : l'Anecdote eft
de l'Editeur ; on trouvera dans la narration
ce ſtyle vif, rapide & animé , qui caractériſe
toutes les productions.
» L'amitié , ce ſentiment ſi tiéde & fi
nul pour la plupart des hommes perſonnels
que nous voyons , eft encore une paſſion
vive & fublime chez les habitans de nos
Provinces Méridionales. Les Marſeillois ſurtout,
iffusdesGrecs , &, comme ces Peuples ,
fenſibles avec excès ont des faillies de
caractère admirables , & peu d'années ſe
paſſent ſans que les Citoyens de cette heureuſe
contrée laiſſent échapper quelques uns
د
Dvj
84 MERCURE
de ces traits qui rendent l'Hiſtoire ancienne
fi touchante " .. 7
>> Voici une de ces Anecdotes qui m'a été
racontée pluſieurs fois avec enthouſiaſme
par M. de Paftoret , Conſeiller à la Cour
des Aides de Paris , de l'Académie des
Infcriptions & Belles-Lettres .
» M. de Paſtoret , père , un des plus
éclairés & des plus intègres Magiftrats de
Marſeille , avoit depuis long-temps pour
Fermiers d'un de ſes héritages , deux frères
nommés Arragon. Ces deux frères s'étoient
toujours aimés de la plus inaltérable amitié.
En hiver les ſoirées ſont bien longues à la
campagne ! Ce climat d'ailleurs invite affez.
les hommes à ſe reſſouvenir que ſi la vie eft
un bienfait , on ne le reçoit de la Nature
qu'avec l'obligation de le tranſmettre. Ils
fongèrent donc à ſe marier , car il n'y a
que les malhonnêtes gens & les libertins
qui redoutent les chaſtes liens du mariage.
A
2
>>Dire qu'ils vécurent d'abord en commun
, & affez paiſiblement, on s'y attend.
Mais on ne s'attend guère , fans doute ,
que les deux femmes , formées d'un ſang
étranger , & ayant des intérêts difiérens
aient pu s'accorder éternellement. Aufſi la
paix ne dura- t- elle que quelques années .
La femme de l'aîné eut dix à douze enfans
en huit à neuf ans ; celle du cadet n'en
eut point. La première étoit d'humeur plus
difficile; la ſeconde ſentoit peut-être ſes
avantages . On avoit vécu juſque-là dans la
DE FRANCE. 85
même famille, & fans avoir fongé à partager
les dots & les profits. Une querelle furvint.
Les querelles Provençales font comme
les vents , les orages & les chaleurs de cet
ardent climat , c'est-à-dire , fort vives , pour
ne rien dire de plus. Il fut décidé qu'on feroit
le partage en queſtion , & qu'on ſe ſépareroit.
C'étoient les femmes qui crioient &
qui le vouloient, il falloit bien que les pauvres
maris obéiffent.
>> On ſe rendit un Dimanche matin chez
M. de Paſtoret. Il eſt d'uſage , en pareil cas ,
que l'une des deux parties falle les lots de
partage , & que l'autre choiſiſſe ce qui lui
plaît. Voilà les parts faites par l'aîné en
préſence des femmes & des dix enfans.
Des larmes couloient , une pâleur mortelle,
un filence expreffif& douloureux atteſtoient
ledéchirement des coeurs fraternels. Le cadêt
choifit enfin d'une main tremblante , &
dit : Je prends cette part , frère , mais .......
elle n'eſt pas complette. Elle l'eſt , mon
ami , dit l'aîné , elle l'eſt tu le fais bien.
- Je fais & je vois qu'elle n'eſt pas égale ,
& qu'il y manque ce que j'en aime le
plus........ Eh! crois-tu , cruel , que moi ,
qui n'ai point d'enfans , je vais divifer
nos biens , fans partager auffi ta famille ?
J'en veux la moitié ; je choiſis cinq de ces
enfans , & je prends les cadets & cadettes ,
afin que les plus grands puiſſent t'aider
dans tes travaux ; ce que j'exige-là , ma
femme le veut comme moi.-Le tondont
86 MERCURE
1
.......
tout cela fut dit, l'impreſſion qui ſe fit fur
toutes les phyſionomies , changèrent foudain
ce rendez - vous d'intérêt , en ſcène
délicieuſe. Les neveux ſautèrent au cou de
P'oncle , les belles-foeurs s'embrafferent en
pleurant , & les deux frères....... Non ,
je ne décrirai point leurs étreintes .
8 Greuze , & Vernet , que n'étiez- vous là
pour ſaiſir les éloquentes expreffions dont
l'honnêteté & la ſainte amitié animoient
les phyfionemies de ces deux frères ! J'aimerois
bien mieux voir un pareil tableau
éclore ſous vos touches morales & vraies ,
que d'admirer avec effroi vos tempêtes &
vos malédictions paternelles. Les Beaux Arts
ne devroient peindre que la belle nature ,
& s'arrêter peut-être là où l'expreffion ſe
force , s'exagère & devient hideufe ".
Nous croyons devoir inviter les Curés
& les Seigneurs , à répandre dans les campagnes
ce Livre véritablement populaire ,
fi propre à faire naître l'amourde la vertu ,
&à réveiller les plus douces affections de
l'ame. Rendre les hommes meilleurs par
l'inſtruction , c'eſt exercer ſur ſes ſemblables
le plus grand , le plus auguſte 'de tous les
empires.
DE FRANCE. 87
HISTOIRE fecrète des amours d'Élisabeth
& du Comte d'Effex ; dédiée à S. A. R.
MADAME; par M. LESCENNE
DESMAISONS , in-8°, de 128 pages.
A Paris , chez Deſenne , Libraire , au
Palais -Royal, N. 216.
:
QURL caractère pour la Tragédie & lé
Roman moral que cette Elifabeth , amalgamant
, comme ſon père , les plus fublimes
qualités & les défauts les plus haïffables !
L'Europe admira dans cette Reine les talens
d'un grand homme , les vertus d'un bon
Roi ; mais combien ces belles qualités ne
furent-elles pas déparées par toutes les petiteſſes
d'une femme coquette &méchante ?
Maîtreſſe abſolue d'un Peuple libre , Protectrice
de la liberté de la Hollande , appui
de Henri IV , redoutée de l'Eſpagne , &
révérée de Rome & du Monde entier , c'eſt
cependant au milieu d'un règne ſi glorieux
& fi fortuné , que ſon coeur , toujours malheureux
dans les objets de fon amour , eſt
dévoré d'un chagrin noir & incurable qui
lamène inſenſiblement au tombeau.
Eft-ce une Hiftoire , eſt-ce un Roman que
nous annonçons ? L'Auteur lui -même répond
: Je l'ignore. » Comment diftinguer
le vrai de fi loin , & couvert de mille
>> enveloppes des paffions humaines ? L'Hif-
>> torien recueille , compile, cite, mais fes
>> ſources ſont ſouvent corrompues , fes au88
MERCURE
>> torités incertaines , ſes garans de mau-
>> vaiſe foi ou mal inftruits. A toutes ces
ود erreurs , il ajoute les fiennes. L'Hiſtoire
>> ſe répand, & les préjugés s'établiſſent " .
Le Comte d'Eflex perdit la tête ſur un
échafaud ; c'eſt un fait : mais ſe livra-t-il à
des projets coupables , ou fut-il la victime
d'une paflion puiffante & outragée ? Lifez les
Hiſtoriens du temps. Avec eux , vous pourrez
voir dans Eflex un homme fier& ambitieux,
formant contre Eliſabeth les projets
les plus criminels , & ne tendant à rien
moins qu'à lui ravir la couronne ; avec eux
auſſi vous appercevrez l'inclination de la
Reine pour ce Seigneur , les faveurs dont
elle le combla avant qu'il y eût aucun droit.
Vous verrez l'envie des Courtiſans réunis
contre lui, leurs intrigues pour lui faire ou
lui prêter des crimes ; une révolte fans objet,
qui reſſemble plus à une querelle avec les
Miniſtres , qu'à un complot réfléchi ; enfin
une Reine aigrie , mais toujours foible , ne
pouvant ſe réfoudre à confentir à ſa mort.
>>Peut-être alors, dit M. Deſmaiſons, peut-
>> être cette Anecdote nous fournira-t-elle le
>> noeud de toutes ces difficultés ; peut- être
>> paroîtra-t-elle l'explication naturelle de
>> ce qu'offre d'obſcur l'Hiſtoire des temps;
>> finon, ce ne fera qu'un menſonge de plus
>>ajouté à la mère des menſonges hiſtori-
" ques, & je n'aurai pas manqué mon but
>> s'il paroît agréable". 1
Non ſeulement cet Ouvrage eſt agréable,
1
DE FRANCE . 89
mais il eſt plein d'un intérêt grand & attachant.
Tour y est enchaîné fortement ; on
auroit la plus grande peine à détacher des
fragmens particuliers de cette Nouveile hif .
torique , pour faire connoître le ton de narration
de l'Auteur. Point de ces brillans
placages , de ces portraits chargés d'antithefes
, de ces aphorifines de morale , & ,
pour tout dire enfin , point de mauvais
goût, point de mauvais ton dans un ſujet
paffionné , & dont les acteurs doivent ne
s'écarter jamais des inflexibles bienféances
de leur rang. De tels Ouvrages , écrits
avec cette fage ſobriété d'ornemens & de
morale , préfentent de grandes & utiles
leçons aux hommes condamnés à régner.
On ne ſe défie afſurément point d'une Hiftoire
amoureuſe ; & cependant , fous l'ap--
pât de ce titre attirant , l'Auteur donne à
leur éternelle inexpérience des confeils falutaires
, gravés enlettresde ſangdans l'Hiſtoire .
LES FASTES de la Marine Françoise,
ou les actions les plus mémorables des
Officiers de ce Corps, dont la Vie ne se
trouve point dans celles des plus célèbres
Marins ; par M. RICHER. Prix , 1 liv .
10 f. broché. A Paris , chez l'Auteur
maison de M. Reverard , rue St-Jacques ,
vis-à vis celle du Platre, Nº. 245 ; chez
la veuveHériſſant, Lib., rue Notre-Dame;
& chez l'Eſclapart , Lib . , rue du Roule.
1
En travaillant aux Vies des plus célè-
-
90
MERCURE
bres Marins , M. Richer a trouvé un trèsgrand
nombre d'Officiers de Marine qui ont
fait des actions d'éclat , &dont il n'a point
donné la vie détaillée , parce qu'ils ne commandoient
pas en chef ; mais il ſe propoſe
de faire paffer leur nom à la Poſtérité dans
les Fafles de la Marine Francoise , dont il
vient de donner le premier volume, & qui
ferviront de fuite aux Vies des plus célèbres
Marins. On y trouve le nom de chaque
Officier qui s'eſt ſignalé par quelque
action d'éclat , avec les détails néceflaires
une norice fur ſa famille, pour que la refſemblance
des noms ne cauſe pas de méprife.
M. Richer annonce dans l'Avant-propos
, qu'il ne fuit point l'ordre chronologique,
qui pourroit lui caufer de l'embarras &
du retard; chaque Officier qui s'eft fignalé
a un article ſéparé , & l'on en trouve la
table à la fin du volume, ce qui ſera exécuté
dans les fuivans.
&
Les Officiers dont on parle dans ce I",
Vol. des Faftes de la Marine Françoiſe , font
Jofeph de Montigny, Chevalier de Malte ,
Vice-Amiral fous Louis XIII & Louis XIV ;
François-Louis Rouffelet, Marquis de Château-
Renaut , Vice-Amiral fous Louis XIV;
Jacques de Cuers de Cogolin , Chef d'Efcadre
ſous Louis XIV, le premier Officier
de Marine qui ait été décoré de la Croix
de Saint Louis : Henri - François des Herbiers
, Marquis de l'Etenduere ; Louis de
Kerlerec , Capitaine de Vaiſſeaux, ancien
:
DE FRANCE. gt
Gouverneur de la Louiſiane ; Paul de Cardaillac-
Lormé, Chevalier de Malte , & Capitaine
de Vaiſſeau ſous Louis XVI ; M. le
Baron de Durfort - Deyme , Commandear
de l'Ordre de Saint Lazare , & Capitaine de
Vaiſſeau ; M. le Vicomte de Beaumont, neveu
de l'Archevêque de Paris , Capitaine de
Vaiſſeau.
Il eſt à ſouhaiter que l'Auteur continue
cet Ouvrage intéreſſant, principalement pour
les Officiers de la Marine , dont il conſacre
la gloire.
ANNONCES ET NOTICES.
LA
Amort de Maximilien- Jules Léopold , Duc de
Brunswick-Lunebourg . Foëme par M. Ronfin. A
Londres; & fe trouve à Paris , chez Royez , Libraire,
quai des Auguſtins. - Ode envoyée à l'Académie
Francoife, fur le dévouement du Duc de Brunswick ,
qui mourut dans l'Oder le 27 Avril 1785 , en fecourant
des malheureux ; par M. Chauſſard , Avocat
au Parlement. Mème adreſſe que ci-deſſus.-Poëте
fur la mortdu Prince Léopold de Brunfwick, avec
cette Epigraphe : Célébrer Léopold est un besoin de
Iame. Ode fur la mort du Prince Léopold de
Brunswick , par M. F. Vernes , Citoyen de Genève.
A Londres ; & ſe trouve à Paris,Hotel Landier ,
Nº. s , rue Haute-Feuille.
-
Nous ſommes forcés , pour ne pas revenir trop
fouvent fur les mêmes objets , de ne faire qu'an
92 MERCURE
noncer tous ces Ouvrages , für la mort du Prince
Léopold. Nous nous contentcrons de dire qu'on y
trouve en géléral des détals heureux ; mais aucun
ne nous a paru l'emporter for ceux qui ont
été couronnés ou mentionnés par l'Académic.
Le ſecond Acceffit a été donné à M. Morvan
Avocat à Quimper , que nous avons nommé par
mépriſe M. Moreu , Avocat. Son Ouvrage ne
nous eſt point parvenu ; nous ne le croyons pas
imprimé.
:
LES derniers adieure du Quri de Gévres à la
bonne Ville de Paris. Brochure in-18 de 100 pages.
Prix , 15 fous. A Londres ; & ſe trouve à Paris ,
Hôtel de Meſgrigny , rue des Poitevins ; & chez
les Marchands de nouveautés .
:
Les évènemens du jour font naître une foule de
Brochures dont les Journaux ne peuvent pas même
rapporter les titres , parce que le nombre en eft
trop grand , qu'on ne peut en parler bien vite , &-
que, lorſqu'on a laiſſe paſſer huit jours , il eſt trop
tard pour en parler. Du moins dans celle-ci, comme
dansbien d'autres qui paroiſſent fortir de la même
plume , on trouve de l'eſprit & de la gaité.
C'eſt le Quai de Gévres qui , au moment d'être
détruit , fait ſes adieux à labonne Ville de Paris.
Ses adieux font un compofé de Regrets , d'Epigrammes
& d'Anecdotes. C'eſt une fécondité de
parlage , qui étonne quelquefois & qui amuſe prefque
toujours. Cette verve de gaité amène quelques
traits que le bon goût ne peut avouer , mais qui
font bien plus excufables là que dans tout autre
Ouvrage.
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Romans. A
Paris , au Bureau , place St-Michel , au coin de la
rue Sainte-Hyacinthe,
DE FRANCE .
93
Cet Ouvrage périodique est très - connu. On
fait que c'étoit en Littérature une très-riche mine
à exploiter ; auſſi ſe continue- t-il toujours avec
fuccès. Outre l'édition du format ordinaire in- 12 ,
il s'en fait une autre concurremment in-8 ° .; &
afin qu'on puifle avoir dans ce dernier format une
Collection complette de ce précieux Recueil , on
réimprime de même les Volumes qui ont paru
juſqu'ici , & qui reparoîtront à mefure. D'après
ce nouveau plan, avec les deux derniers Volumes
dans les deux forinats de Juillet 1787 , on vient de
publier in-8 °. le premier Volume de Juillet 1775 .
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Dames. A
Paris , que & Hótel Serpente,
Les deux derniers Volumes publiés font le XVIe.
de l'Histoire , & le XIIIe, des Romans. La Soufcription
pour les 24 Volumes reliés , eſt de 72 liv. ,
&de 54 liv. pour les Volumes brochés. Les Soufcripteurs
de province payeront de plus 7 1. 4 f. ,
à cauſe des frais de pofte,
PETITE Bibliothèque des. Theatres , Tom. IIIe.
& dernier des Effais hiſtoriques fur l'origine & les
progrès de l'Art dramatique en France. A Paris ,
au Bureau de la Petite Bibliothèque des Théatres,
rue des Moulins, Butte St-Roch , Nº. 113 ; chez
Belin , Libraire , rue St-Jacques ; & chez Brunet ,
Lib . , rue de Marivaux , place du Théatre Italien,
Ce Volume , qui eſt plein de recherches comme
les précédens , complette la troiſième année de cette
intéreſſante Collection.
DISSERTATION fur l'Illecebra , ou petite Joubarbe,
découverte par le Docteur Marquet, comme
fpécifique contre le Cancer, le Charbon & la Gangrène
. in-folio. Prix , 2 liv. avec figures coloriées,
94
MERCURE
A Paris , chez l'Auteur , M. Buc'hoz , rue de la
Harpe, au deſſus du Collège d'Harcourt. - Differtation
fur le Mangoftan , un des Arbres les plus
utiles de l'Inde , tant comme aliment que comme
médicament , & digne d'être tranſporré dans nos
Colonies de l'Amérique. Prix , 6 liv. , avec figures
coloriées . Même adreſſe que ci-deſlus .
GALERIE Univerſelle des Hommes qui se font
illustrés dans l'empire des Lettres , depuis le fiècle
de Léon X jusqu'à nos jours ; des grands Miniftres
, des Hommes d'Etat les plus distingués , &
des Femmes célèbres , depuis le commencement du
Mondejusqu'à nos jours ; ornée de leurs portraits,
&c. Prix , 4 liv. A Paris , chez l'Auteur , M. le
Comte de la Platière , en ſon Hôtel , rue Meflée
Nº. 58 ; Delalain l'aîné , Libraire, rue St-Jacques ;
Moutard , Imp.-Lib. de la Reine , rue des Mathurins
; Bailly , Lib. , rue St - Honoré , Barrière des
Sergens ; Savoye , rue St-Jacques ; Belin , rue St-
Jacques ; Lottin de St-Germain , Imp. , rue Saint-
André-des-Arts ; & Blaizot , à Verſailles .
Cette onzième Livraiſon renferme la Vie de
Voltaire avec ſon portrait.
,
NUMA POMPILIUS , fecond Roi de Rome s
par M. de Florian , Capitaine de Dragons , &
Gentilhomme de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre
, des Académies de Madrid , de Florence
de Lyon , de Niſmes , d'Angers , &c . ze. édition .
I vol. in - 8 °. , papier ordinaire , broché , liv.
10 f. A Paris, chez Debure, Lib. , rue Serpente ;
& chez Bailly , Libraire , rue St- Honoré , Barrière
des Sergens.
On trouve chez le même Libraire toutes les
OEuvres du méme Auteur , imprimées par Didot,
l'aîné ; ſavoir :
DE FRANCE.
95
:
Format in - 18 ..
Galatée , Roman pastoral , imité de Cervantes,
vol. figures , papier vélin , broché , 6 liv.
La méme , papier ordinaire , fig. , br. , 4 liv.
Les fix Nouvelles , I vol. figures, papier vélin ,
broché , 6 liv.
Le même , papier ordinaire , fig. , br. , 4 liv.
Les figures ſe vendent à part pour ceux qui ont
la première édition .
Théatre , contenant les deux Billets , le bon
Ménage , le bon Père , la bonne Mère , le bon
Fils , Jeannot & Colin , les Jumeaux de Bergame ,
Blanche & Vermeille, le Baifer , Héro & Léandre ,
Myrtil & Chicé. 3 vol. fig. pap. véjin , br. 18 liv .
Le même , papier ordinaire , fig . br. , 12 liv.
Le IIIe. volume pour compléter la première
édition , papier vélin , ſans figures, br. , 4liv. 10 1.
Le même , papier ordinaire , broché , 3 liv .
Les figures ſe vendent à part pour ceux qui ons
la première édition.
Numa Porpilius , ſecond Rei de Rome , 2 vol.
in- 18 , figures , papier vélin , brochés , 12 liv.
Le même, papier ordinaire , fig. br. , 8 liv .
Mélanges de Poésie & de Littérature , contenant
Ruth , Eglogue couronnée par l'Académie Françoiſe
, en 1784; Voltaire & le Serf du mont Ima
couronné en 1782 ; Eloge de Louis XII ; des
Contes en vers; Imitations & Traductions , & des
Pièces fugitives , 1 vol. fig. papier vélin , br. 6 1,
Les mêmes , papier ordinaire , fig. br. 4 liv .
Format in - 8 ° .
,
Galatée&lesfix Nouvelles , 1 vol. papier vélin ,
broché , 12 liv.
Les mêmes , papier ordinaire , broché , 3 liv .
Numa Pompilius , 1 vol, pap. vélin , br. 12 liv.
Le même, 30. édition , pap. ord. br. 4 liv. 10 f.
Elogede Louis Xil, furnommé le Père du Peuple
, Brochure in-8°,, 15 f.
96 MERCURE DE FRANCE.
COLLECTION de Pièces pour la Harpe & le
Forte- iano , par M. Krumpholttz. C'eſt celle que
nous avons annoncée dernièrement ; mais l'Auteur,
d'après les conſeils d'un très - grand nombre de
perſonnes , a réſolu de l'arranger de manière que
ces morceaux puiſſent également s'exécuter ſur le
Forte-Piano , & ils feront doigtés en conféquence.
La Collection , qui contiendra vingt morceaux différens
, avec Violon ad libit. , paroîtra le 15 Novembre
prochain. On ſouſcrit chez l'Auteur , rue
d'Argenteuil , Butte St-Roch, Hôtel de la Prévôté ,
Nº. 14. Prix , 9 liv. ; & paffé ce terme , qui eſt
de rigueur , elle coutera 12 liv .
NUMÉROE 43 à 46-des Feuilles de Terpſychore,
pour la Harpe & pour le Clavecin , chaqueNuméro
ſéparé , 1 liv. 4 f. Abonnement pour 52 Numéros
dechaque Journal, 30 liv. francs de port. AParis,
chezCoufincau père & fils , Luthiers de la Reine ,
rue des Poulies.
LÉGIE.
TABLE,
:
49 Méthode de Nomenclature 70
Vers airesses à Mme. Vin- Léopold , Poëme.
cent..
Chanfon
72
51 LePeuple inftruit par ses pro-
52 pres vertus.
Charade, Enigme& Logogi- Histoire fecrète.
phe.
81
87
$3 Les Fastes de la Marine. 89
Mémoires de M. Goldoni.56 Annonces & Notices .
J
APPROBATION.
91
AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 13 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher
l'impreſſion, AParis , le 12 Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
し
DE
BRUXELLES.
N
POLOGNE.
De Varsovie , le 16 Septembre.
Ous apprenons de Kaminieck qu'une
armée Ottomane eſt en marche pour ſe
endre dans la Moldavie. 80,000 hommes
s'avancent vers Oczakof. Les garniſons de
Choczim & de Bender ſont conſidérablement
renforcées
Le Comtede Potocki, Commandant dans
l'Ukraine , a envoié ici un courrier qui a
apporté , dit - on , la nouvelle qu'environ
6000 hommes de diverſes nations ont fait
une invaſion ſur le territoire de la République,
& s'y permettent toutes fortes de dé
fordres. Če Général a fait des diſpoſitions
pour chafler ces vagabonds , & il attend an
No. 41 , 13 Octobre 1787. C
) رق (
renfort de troupes pour mieux couvrir les
frontieres.
Ondébite que le fameux prophete Scheik
Manfur s'eſt mis en marche vers la Crimée
avec un corps conſidérable de Tartares.
D'autres lettres portent qu'une eſcadreTurque
eſt devant la fortereſſe de Taman dans
le détroit de Caffa .
Le Conſul Ruſſe , réſidanr à Jaſſy , qui
devoit être arrêté , a eu le bonheur d'échapper;
il eſt en route pour Pétersbourg : celui
de Bucharest eſt emprisonné. Les ſujets
Ruſſes qui ſe trouvent dans les Etats de la
domination Ottomane , ont reçu l'ordre de
les quitter dans l'eſpace de fix mois.
Dernierement on a vu paffer à Pinsk pour
la premiere fois un gros bâtiment , appartenant
au ſieur Luskowsky , échanſon de
Brzeſc , par le canal de la République ; il
venoit de Dantzick , & étoit chargé de
centtonneaux de ſel. Cette premiere tentative
de navigation a parfaitement réuffi. On
a lieu d'eſpérer de grands avantages de la
réunion des rivieres de Pina & de Mucha -
wiecz ; le commerce du bois deviendra des
plus importans.
De Hambourg , le 18 Septembre.
Les Députés de Dantzick ſont toujours
àBerlin , fans avoir même entamé des conférences
avec le Ministere. En attendant , le
commerce de cette ville eſt très-languiffant;
il ne peut ſe ſoutenir contre les avantages
que le Roi de Pruſſe a accordés à celui
d'Elbingue. La Bourgeoiſie eſt mécontente ;
Elle perd toute eſpérance de rétablir fon
trafic.
ALLEMAGNE:
De Berlin, le 24 Septembre.
M. Fitzherbert, Miniſtre de la Cour de
Londres à celle de Pétersbourg , eſt arrivé
ici venant de cette derniere ville .
Le 17 le Général de Mollendorf a fait
exécuter une grande manoeuvre à la garnifon
de cette ville. Enſuite les Gardes du-
Corps, les Gens d'armes & les régimens de
Bornſtedt & de Braun font partis pour Potsdam
, où les manoeuvres d'automne ont
commencé le 21 .
On achete dans le Duché de Holſtein
beaucoup de foin&d'autres fourrages pour
le compte du Roi ; & il eſt parti de Pillau ,
Memel & Koenigsberg , trente bâtimens
Pruffiens , chargés de blé , farines & autres
proviſions, qui deſcendront dans la mer du
Nord par le canal de Holſtein , & font deftinés
à notre armée de Hollande.
Le ſieur Hertzberg , de Breſlau , a trouvé
le fecret du Docteur Arfwid Faxe de Carlfcrone
, pour la compoſition du carton de
pierres , impénétrable à l'eau , & réſiſtible
C2
( 52 )
4
Al'action du feu. Les eſſais qu'il en a falts
ont bien réuffi. Il ſe propoſe actuellement
d'établir une manufacture de cette marchandise.
.....On apprend par des lettres de la Pruſſe
occidentale , que le 25 Août le feu a pris
dans la ville de Krojanke appartenante au
Prince Sulkowsky , & y a réduit en cendres
107 maiſons , Sgranges , 115 étables
& s greniers.
La derniere foire de Francfort fur l'Oder
a été beaucoup plus fréquentée que les précédentes
. On attribue cette heureuſe augmentation
à la diminution des droits Le
nombre des Juifs Polonois qui s'y font
trouvés , a monté à 1416. La vente des
marchandises a furpaſſe de 100,000 rixdal.
celle de l'année derniere , & quoique les tarifs
ſoient diminués , le revenu royal s'eſt
élevé à la même ſomme qu'autrefois ; fon
produit étoit de 40 & quelques mille rixd.
La vente des marchandiſes de Siléſie a produit
150,227rixdalers ; les draps & les cuirs
ont été très recherchés.
S. M. a affigné une ſomme de 200,000
rixdalers à la reconstruction de la ville incendiée
de New Ruppin , & 50,000 rixd.
de ſecours à diſtribuer aux malheureux qui
ont fouffert de cet accident. Elle a fait auffi
remettre 10,000 écus à la Société de phyfique,
pour l'acquiſition d'une maiſon .
Le Roi voulantfournir auxjeunes Offi(
53 )
ciers de fon armée l'occaſion d'étendre de
plus en plus leurs connoiſſances militaires ,
a fait élever des fortifications près de Schonhauſen
, ſous la direction du Lieutenant-
Colonel de Tempelhof. Ces ouvrages finis ,
on a commencé pour la premiere fois , le 6
de ce mois , à exécuter le fimulacre d'un
ſiege en regle.
:
De Vienne , le 25 Septembre.
Avant ſon départ pour la Bohême, l'Empereur
a fait une promotion militaire , dans
laquelle ſont compris , ſous le grade de Général
de Cavalerie , le Prince de Naſſau-
Ufingen, le Comte Jofeph de Kinsky , & M.
de Würmfer; fous le grade de Général d'Infanterie
, le Prince de Ligne , le Baron de
Rouvroy & M. Berncopp. Durant le court
voyage de S. M. I. , les Nouvelliſtes avoient
imaginé de la mettre en conférence avec le
Roi de Pruſſe ſur les frontieres de Siléſie ;.
entrevue chimérique dont il n'a jamais été
queſtion . S. M. eſt de retour ici depuis le
23.
Ce qu'on appelle dans les Gazettes les
armemens contre les Turcs , c'eſt à dire , les
préparatifs militaires pour la formation
d'une armée ſur les frontieres , continuent
avec une grande activité. On a mis un embargo
fur tous les bateaux du Danube : la
confcription militaire s'effectue dans notre
C3
( 34 )
ville& les fauxbourgs. On a offert de l'a
vancement aux Gardes - Nobles qui voudront
marcher ; enfin l'on a recherché , diton
, dans la Chancellerie Aulique de guerre
les actes relatifs aux précédentes guerres
avec les Ottomans .
Quant aux autres diſpoſitions authentiques
, elles ſe réduiſent aux ſuivantes , à ce
qu'il paroît : l'armée qui s'avancera du côté
deBelgrade, fera compoſéede 8 régimens
d'Infanterie , ſavoir : de Vins , Nadasty ,
Alvinzy , Karoly , Jean Palfy , François
Giulay, Charles Toscane & Deutschmeister ,
auxquels on ajoute pluſieurs bataillons de
Croates qui forment un corps de 15 mille
hommes ; de 3 régimens de Cuiraffiers ,
Schackmin , Czartorisky & Anspach; de 3
de Dragons, François Toscane, Caramelli
& Wurtemberg , & du régiment de Graeven ,
Houſards. Les régimens de Cavalerie font
augmentés d'un eſcadron & celui de Houſards
d'une diviſion; ce qui fait environ 12
mille hommes de Cavalerie. Six compagnies
de Canonniers & de Bombardiers ſuivront
cette armée. Outre cela il fera tiré un
cordon depuis les confins de la Croatie jufqu'à
ceux de la Valachie le long de la Save
&du Danube. Ce cordon ſera composé de
6 bataillons de Croates & de 8 eſcadrons
de Houſards. Un corps d'armée compofé
de 2 bataillons d'Infanterie de la même na(
55 ).
tion & de 2 régimens de Cavalerie , ſavoir;
Szeklers , & Savoie eſt deſtiné à couvrir la
principauté de Tranſylvanie.
A la tête de cette armée , les uns ont
placé le Prince de Lobkowitz : d'autres le
vieux Maréchal de Haddick ; aujourd'hui
c'eſt l'Empereur en perſonne qui préſidera
aux opérations de la guerre; & en fon abfence
nommera le Grand Duc de Tofcane
Viceroi de la Monarchie : demain ce feront
d'autres Commandans ; & au total en voilà
bien aſſez pour avertir le Lecteur de ce qu'il
doit croire de toutes ces nominations populaires.
On a expédié des ordres aux Comman
dans de Carlſtadt , d'Hermanſtadt & de
Czernowiz , de répartir les troupes , de mar
niere qu'elles forment un cordon , depuis
les frontieres de la Croatie , juſqu'à celles
de la Buckowine , & qu'elles puiffent s'afſembler
en 4 corps particuliers , dans l'efpace
de trois fois vingt quatre heures.
Les deux bataillons du régiment d'Infanterie
de Bade Durlach font arrivés à Bude.
Un bataillon du régiment de Tercy eſt entré
en garniſon à Peſt, l'autre bataillon paſſera
à Waizen .
La récolte des grains a été très médiocre
cette année en Autriche & en Styrie. On
apprend la même choſe de la Hongrie , furtout
du côté de la riviere de Theis. On
C4
( 56 )
craint une famine dans laTranſylvante où
le bled eſt déjà très rare.
En pluſieurs endroits de la Hongrie fl
regne des fievres inflammatoires qui enievent
beaucoup de monde. On a compté à
Tremeſwar 47 morts en 9 jours ; la grande
partie des habitans de cette ville eſt malade.
Cette fievre, que l'on attribue à l'air
chaud & en même tems humide de la faifon
, regne auffi à Groswaradin & autres
eux ; mais elle y fait moins de ravage.
1
On a évalué que les moutons du Bannat
produifent par an 350,000 quintaux de
laine , qui fut vendue autrefois 3,750,000
florins; mais cette vente eſt augmentée de
100 pour cent , depuis que celle des marchandiſes
étrangeresy est défendue.
Le Profeffeur de Luca, dont nous avons
quelquefois cité les dénombremens exagérés
, prétend dans ſon Journal , qu'en cinq
ans la population des Etats héréditaires de
l'Empereur s'eſt accrue d'un quart. On y
comptoit à la fin de 1780 vingt millions
533,000 ames , & au commencement de
1786 , 25,843,966. Supputation évidemment
enflée , & dont le calculateur ne donne
aucune preuve.
Un Decret de la Cour aſſujettit à la juftice
criminelle ordinaire , les Eccléſiaſtiques
qui ſe ſeront rendus coupables de crime.
On obſervera ſeulement la forma'ité de
prévenir l'Evêque diocésain de la priſe de
( 57 )
:
corps de l'Eccléſiaſtique coupable , & de
lai communiquer le jugement .
L'Empereur a permis l'exercice du culte
libre auxProteftans de la Confeffion d'Augsbourg
, qui ſe trouvent dans les villes de
Bude & de Peſt. :
De Francfort , le 29 Septembre.
On rempliroit pluſieurs Feuilles de tous
les bruits douteux , faux ou exagérés qui circulent
en ce moment , touchant la ftuation
des affaires vers la mer Noire. D'un
côté l'on tient la flotte Ottomane immo .
bile & à l'ancre à la tête du canal , tandis
que les Roffes finiſſent tranquillement leurs
préparatifs de défenſe en Crimée. De l'autre
onfaitbrûlerdéjà par cette flotte pluſieurs
vaiſſeaux Ruſſes, & l'on extermine 20,000 h.
de cette nation , ſurpris par les Tartares auprès
d'Oczakof. Toutes ces nouvelles ſans
date , fans détails , ſans autorités , ne méritent
encore aucune attention , & on ne doit
pas ſepreffernonplus de croire aux 230 mille
hommes que les Gazetiers font marcher
d'un trait de plume , de l'Ukraine & de la
Hongrie , pour repouſſer ce qu'ils nomment
l'agreffion des Ottomans. Il eſt vraiſemblable
néanmoins que ceux ci , profitant
de leurs avantages , auront tenté quelque
coup important ſur la Crimée ; mais il
ſeroit difficile d'en être encore inſtruit. Du
23 Août on mandoit de Conſtantinople que
CS
( 58 )
les troupes Aſiatiques défiloient en dili
gence , & que 13 mille hommes marchant
vers Siliftrie , avoient traverſé la Capitale.
Le Grand- Vifir n'étoit pas encore parti , &
pour éviterles frais immenfes du cortege de
ce premier Miniſtre , on parloit de l'envoier
à l'arméé , en qualité de Seraskier : lui même
, ajoute ton , avoit propoſé ce moyen
'd'économie.
On écrivoit il y a quelque tems de Varſovie
, qu'on y attendoit le Prince Potemkin,
envoié par ſa Souveraine , pour faire
préparer le palais dont elle a fait l'acquiſition
, & qu'elle deſtine au plus jeune de ſes
petits fils , qu'on parle d'élever dans le rit
Catholique. Il eſt à préſumer que les derniers
événemens auront dérangé ces mefures.
Selon quelques lettres , l'Empereur fera
aſſembler trois armées ,l'une dans la Gallicie,
& commandée par leGénéral Langlois ;
l'autre dans la Hongrie , commandée par le
Général de Fabris; la troiſieme dans l'Efclavonie
, commandée par le GénéraldAlton.
Les troiſiemes bataillons des régimens de
Pellegrini , de Preiff& de Tofcane feront
portés à 6. compagnies , & fe rendront
dans la Hongrie.
La principale Commiſſion Impériale à
Nuremberg , pour la marche des troupes ,
a reçu le 12 une eſtafetre de Vienne , qui
lui enjoint de ceſſer toutes les négociations
avec les Commiſſaires du Cercle de Franconie;
la deſtination des troupes de S. M. I.
qui devoient ſe rendre dans les Pays Bas ,
étantchangée.
On écrit d'Hanovre , que le Général Faucit
y eſt arrivé le 8 de ce mois , venant de
Londres.
Le Duc Frédéric de Brunswick a paſſé
quelques jours à Dreſde & aux environs ,
fous le nom de Baron d'Oertel. Il a eu à
Pillniz un entretien d'une heure avec l'Electeur
, & pluſieurs conférences avec le Miniſtre
de Stutterheim & le Géneral de Langenau.
On apprend de Vienne que cette Cour
eſt en négociation avec celle de Berlin ,
pour procurer à leurs ſujets reſpectifs des
avantages dont ils ne jouiſſoient pas auparavant.
On dit entr'autres , que les ſujets de
ces deux Puiſſances ne paieront plus que 10
pour 100 de retenue ſur les ſucceſſions &
legs qui pourront leur écheoir dans les deux
états. :
Une lettre de Conſtantinople , du 18
Août, donne les particularités ſuivantes für
la détention de M. de Bulgakof.
>> Le 13 de ce mois , il ſe tint à la Porte un
grand Confeil , ſur le réſultat duquel le fecret
le plus profond fut obſervé : il avoit même été
recommandé aux Membres ſous les peines les
plus grieves. Le lendemain à midi M. de Bulgakow
, Envoyé de Ruſſie , fut informé de la
part du Grand-Viſir , « qu'il étoit prié de ſe
C6
( 60 )
3> rendre le 16 en forme publique à la Porte
L'on ajouta , « qu'il n'avoit pas beſoin de ſe
mêler de prix des bateaux & des chevaux né-
>> ceſſaires , vu que le Gouvernement auroit
> ſoin de faire préparer tout ce qui étoit né.
>> ceſſaire pour ſa réception». Une invitation
auſſi ſubite & inattendue à une Audience miniſtérielle
ſurprit extrêmement M. de Bulgakow :
Et , en ayant fait part à M. de Herbert , Internonce
impérial , ce dernier Miniſtre , non
moins ſurpris de la nouvelle , envoya d'abord
un Dragoman à la Porte , pour s'informer de
la cauſe de l'invitation . Le Ministere Ottomanrépondit
, « que la Porte & l'Empire de Ruffie
▸ formoient des Puiſſances libres & indépen-
>> dantes ; qu'elles pouvoient traiter & contrac-
> ter entr'elles à leur bon plaiſir , ſans être
obligées d'en rendre compte à qui que ce fùr;
qu'en conféquence , la Porte trouvoit la que
>> tion que venoit de lui faire le Dragoman ,
très-fort hors de ſaiſon ». Il n'en fallut pas
davantage aux deux Miniſtres , pour prévoir l'orage
qui alloit éclater. L'Internonce impérial
envoya encore le ſoir à onze heures deux Dragomans
à la Porte avec un Mémoire , portant
en ſubſtance , que ſi la Porte avoit deſſein de
«déclarer la guerre à la Ruſſie , il étoit nécef-
>> ſaire de la prévenir ; que l'Empereur , ſon
> maître , étoit l'allié de l'Impératrice , & ne
>> pourroit regarder d'un oeil indifférent cette
> rupture » .
CC
>>> Il ne ſe trouvoit à cette heure au Serrail d'aus
tre Miniſtre que le Grand Vifir , qui étoit déja
au lit. S'étant levé , il reçut les deux interprezes;
& après avoir parcouru le Mémoire , il répondit
, « qu'il ne ſavoit pas de quel droit l'Empereur
ſe mêloit ſi directement d'affaires qui
( 61 )
>> ne le regardoient point ; qu'au reſte , il dona
>> neroit le lendemain une réponſe cathégorique
> à ce Mémoire ». Les Dragomans ayant ré
pliqué , « que la Cour de Vienne étoit l'alliée
>> de celle de Pétersbourg , & qu'en vertu de
> ces engagemens elle s'intéreſſoit à la confer-
> vation de la paix , le premier Miniftre re
prit , qu'il étoit libre à l'Empereur de faire &
de penſer chez lui , comme il le trouvoit
>> convenable » . L'Envoyé de Ruſſie , aſſuré
alors qu'une rupture étoit prochaine , s'occupa
pendant toute la nuit à faire tranſporter ſes papiers
de ſon hôtel ailleurs. Enſuite , en conféquence
de l'invitation qui lui avoit été faite ,
il ſe rendit le 16 à huit heures du matin avec
toute ſa ſuite à Conſtantinople : arrivé de l'autre
côté du port , il y fut reçu avec les mêmes cérémonies
que l'on obſerve à l'arrivée d'un nou.
veau Miniſtre ; & conduità la Porte , il y trouva
tous les Miniſtres aſſemblés . La conférence s'entama
ſur le champ ; & de part & d'autre , l'on
contefta ſur les points à applanir , fans pouvoir
s'accorder . Ainſi cet entretien s'étant terminé
infructueuſement , à la ſortie de l'Audience M.de
Bulgakow fut arrêté & conduit en lieu de ſûreté
, avec ordre de lui procurer toutes les commodités
poſſibles & toutes les ailes , comme s'il
ſe trouvoit dans ſon propre hôtel . On lui laiſſa
auſſi le choix de la ſuite qu'il vouloit garder
près de lui : il demanda ſes deux interpretes
ſon ſecretaire & deux domeſtiques. Le reſte de
ſa ſuite fut conduit , ſous une forte garde d'au
moins cent hommes , commandée par le Général
en chefde l'Artillerie , à l'hôtel de l'Ambaffade
à Pera. Il y avoit des ordres très - rigoureux
, qu'on ne leur fit ſur le paſſage le moindre
malni infulse. M. de Bulgakow fut transféré lui-
,
( 62 )
même , avec ceux qui l'accompagnoient , au
Château des Sept-Tours , ſuivant la coutume
àlaquelle la Porte tient encore , cependant en
obſervant tous les égards dus à ſa perſonne &
à ſon caractere. L'on plaça une forte garde aux
hôtels de l'Envoyé , tant à Pera qu'à Bujukdaré
, pour les garantir contre toute attaque de
Ja populace. Il fut auſſi mis un embargo général
ſur tous les navires Ruſſes , qui mouilloient
dans les ports de l'Empire Ottoman ».
>>>Peu avant cette rupture , il étoit arrivé un
incident , qui ſans doute ne l'a point précipitée,
mais qui a achevé d'aigrir le peuple : il ſe rendoit
ici un bâtiment Ottoman , ſur lequel étoient
embarqués quelques Turcs de distinction , envoyés
en commiffion à Conſtantinople : dans
ſontrajet ſur la Mer-Noire , il fut rencontré par
un Vaiſſeau de guerre Ruſſe , qui lui tira plus
de vingt coups de canon ; attaque qu'on a regardée
ici comme un commencement d'hoftilités
».
ITALIE.
De Florence , le 14 Septembre.
Le 2 de ce mois , le Baron de Schænteld ,
Miniſtre plénipotentiaire de l'Electeur de
Saxe à la Cour Impériale , revêtu du même
caractere à celle duGrand-Duc deTofcane ,
arriva dans cette ville ; le 6 , ce Miniftre eur
une audience privée , & le 8 il aſſiſta à la
cérémonie du mariage de l'Archiduchefle
Marie Théreſe , avec le Prince Antoine de
Saxe , qui fut célébré dans l'Eglife cathédrale
par l'Archevêque de cette ville. L'Ar(
3 )
chiduc Ferdinand de Toſcane , au nom đư
Prince Antoine de Saxe , donna l'anneau
nuptial , en préſence-de toute la Cour , du
Nonce & des Miniſtres étrangers , de la
Nobleſſe , de la Bourgeoiſie & du Peuple ,
invités à cette auguſte cérémonie.
De Rome , le 10 Septembre.
Dans la vue de rendre un hommage écla
tant à la mémoire du célébre Métaſtaſe , on
a chargé le Sculpteur Ceracchi de faire le
buſte en marbre de ce Poëte , pour être
placé dans l'Egliſe de Sainte- Marie des
Martyrs , appellée la Rotonde où font
les ſtatues de pluſieurs perſonnages célébres
dans les Belles- Lettres & dans les
Beaux Arts.
,
Par le dernier courrier d'Eſpagne , don
Joſeph Pereyra , chargé des affaires de Sa
M. T. F. auprès du S. Siége, a reçu un ordre
de fa Souveraine , par lequel il eſt réglé
, qu'à compter du i Octobre prochain
il fera affigné aux ex-Jéſuites Portugais , réfidans
à Rome , une penſion annuelle , far
voir ; aux ex-Jéſuites Prêtres , une penfion
de 80 écus , & aux laïcs une de 65 ſeulement
, avec permiſſion d'en jouir partout
où ils voudront.
Attendu la multiplicité des ma'ades &
l'infuffiſance de l'Hôpital du S. Efprit , S. S.
vient de donner ordre d'aggrandir cet édifice
, afin qu'il foit en état de recevoir tous
( 64 )
les malades qui doivent y avoir place. On
affure que le Marquis Antici fra nommé
Cardinal à la préſentariondu Roi de Pologne.
De Naples , le 6 Septembre.
Leurs Majestés ſe ſont tranſportées par
terre , le 29 du mois dernier à Caſtellamare ,
où elles referont juſqu'au 7. Le Roi s'eſt
rendu au chantier , d'où il a vu les travaux ,
& le nouveau vaiſſeau de 74 can , dont la
construction est déjà fort avancée. S. M. l'a
nommé le Roger ; elle a vu les trois corvettes
qui ſont ſur le chantier , l'une defquelles
ſera lancée dans le courant de ce
mois . Le Général Acton , qui ſe trouvoit à
Caſtellamare , pour y ſuivre une cure qui
lui a été preſcrite par les Médecins , accompagnoit
S. M.
Le Marquis Caracciolo eſt revenu le même
jour de l'ifle d'Iſchia à Caſtellamare .
Les deux galeres de la Religion , aux ordres
du Commandeur de la Bourdonnaie ,
écrit on de Malte , en date du 6 Juilet ,
font revenues de la Sicile , & les quatre autres
, commandées par le Bailli Rufpoli ,
arriveront inceſſamment. Le Capitaine Gavezzo
, de conferve avec un autre bâtiment,
a été attaqué par un corſaire de Tripo'i;
le combat a été très-vif, & le Barba -
reſque , après avoir perlu beaucoup de
monde , ſe voyant à la veille d'être pris , a
( 65 ).
i fait fauter en l'air ſon bâtiment. Il ne s'eſt
ſauvé que trois hommes à moitié brûlés.
N. B. Le Chanoine Volta , accufateur
téméraire de l'Abbé Spallanzani , que nous
avions dit dans un des Numéros précédens
exilé de Pavie , l'eſt ſeulement de l'Univerfité
, & privé de tous ſes emplois.
ESPAGNE .
De Madrid , le 16 Septembre.
On attend ici avec la plus grande impatience
l'arrivée de l'envoyé du grand Seigneur.
Les appartemens qu'il doit occuper
ſont préparés , tant ici qu'à la Grange
& à l'Eſcurial.
Depuis les dernieres indiſpoſitions du
Roi , les affaires ne ſont pas expédiées auffi
promptement , parce que le Prince des
Afturies , qui a aſſiſté très régulierement à
tous les conſeils , veut en prendre connoiffance
, & donner ſes ordres.
Le feu prit lundi dernier à l'hôtel du
Marquis de Mirabel ; il a duré plus de 24
heures , & malgré les ſecours qui ont été
donnés de toute part ; comme il avoit pris
à un grenier à foin , pluſieurs maiſons voifines
ont été brûlées.
Il eſt queſtion d'une nouvelle ſociété ou
académie de dames qui ſe propoſent différents
établiſſemens ; entre autres de prendre
foin & inſpection des ouvrages dont
166
s'occupent les femmes & les filles , comme
des filatures , coutureries , & des écoles
publiques gratuites. On en annonce la publication
prochaine avec l'approbation du
Roi.
Les joueurs de Pharaon qui avoient été
ſurpris & arrêtés dans le mois de Juillet dernier
, ont été condamnés ; ſçavoir :
Le Marquis de la Vega à être renfermé
pour quatre ans au château de Peninſerla ,
àune amendecomme ayant tenu la banque.
Le Marquis de Palacio , à une amende
'de400 ducats.
Le Marquis de Villamaria, à une de 200.
Et plufieurs autres à ſervir le Roi pen-
'dant un certain nombre d'années .
Depuis le 28 Aoûtjuſqu'au s de ce mois ,
il eſt entré à Cadix , à Malaga & à Barcelonne
, trois frégates , une polacre , trois
brigantins & deux Sayques , avec 83,758
piaſtres fortes , & plus de 40 milles piaf
tres en effets ou ma chandiſes.
GRANDE -BRETAGNE.
De Londres , le 2 Octobre.
Le 22 du mois dernier , on a célébré à
Windfor & ici l'anniverſaire du couronne .
ment de S. M. On a tiré les canons du Parc
& de la Tour , & la ville a été illuminée.
La veille , il étoit émané du Trône une
Proclamation concernant les monnoies d'or,
qui met horsde circulation , &défend de recevoir
comme de donner aucunes guinées
( 허 )
1
au-deſſous du poids des deniers, 8 grains,
les demi- guinées au-deſſous de 2 den. 6 gr.;
les quarts de guinées , 1 den. 8 gr.
On a publié l'ordre à tous les Officiers de
l'établiſſement d'Irlande de rejoindre immédiatement
leurs Corps reſpectits , à tous les
Officiers de Marine ſans emplois , de faire
connoître leur demeure , & à tous ceux , abfens
du Royaume par congé de l'Amirauté ,
de revenir enAngleterre dans ſix mois.
Le 24 , on a déclaré une promotion con
ſidérable dans la Marine. Les Vice-Amiraux
&Contr'Amiraux actuels ont été élevés d'un
grade , & 16 Capitaines nommés Contr'Amiraux
de divers pavillons. Ces derniers ſont
les Capitaines Elliot , Hotham , Sir John
Lindsay , Peyton , Carter Allen , Sir Charles
Midleton , John Dalrymple , Sawyer , Sir
R. King , Faulkner, Affleck, Sir Richard Bickerton
, l'honorable John Levefon Gower , Sir
John Jarvis , A. Duncan , & Sir Charles Dou
glas. La plupart ont commandé ci devant ,
en qualité deCommodore. Il s'est fait également
une promotion de Lieutenans Généraux
, de Majors Généraux dans l'armée , &
125 Officiers ont avancé en grade.
Le Bureau de la Guerre a donné des ordres
pour augmenter d'un caporal & de dix
hommes par compagnie les trois Régimens
des Gardes à pied , & il a été enjoint à trois
barai lons de ces Régimens de ſe tenir
prêts pour le ſervice extérieur. Chaque Régiment
eſt compoſé de deux bataillons, Le
( 68 )
1
41e. Régiment eſt augmenté d'un bataillon ,
&le 60e. ( Royal Américain , compofé en
partie d'étrangers , far tout de Suiſſes , ) de
deux baraillons.
Le 27 , le Magnificent , le Bedford , le Goliath
, l'Elisabeth , le Triumph & le Pégafe ,
tous de 74 can. , ont levé l'ancre de Porrfmouth,&
fe font réunis à Spithéad aux vaifſeaux
l'Edgar , le Gange de 74 can. , l'Ardent,
le Standart & le Crown de 64 can. qui s'y
trouvoient déja. Le Lord Hood a hillé fon
pavillon (bleu) fur le Triumph, & a été ſalué
par toute l'eſcadre .
Le 21 , l'Amirauté a remis a'u Conſeil l'état
des vaiſſeaux de ligne en parfaite condition ,
&prêts à entrer en commiſſion au premier
beſoin. Voici cette liſte .
Vaisseaux.
(1)
N. Le Royal Sovereign ,
La Victory ,
La Britannia ,
Canons.
110.
Date
deleur
construction.
1786 .
1০১ . 1765.
100. 1762 .
L'Atlas , १०. 1732.
Le Barfleur , १०. 1761 .
N. L'Impregnable , 90. $786.
N. Le Saint George , 98. 1785 .
Le Prince George , १०. 1764.
Le London , 98. 1766.-
Le Formidable , 98. 1777.
Le Duke , १०. 1778.
3
(1) L'N défigne les vaiſſeaux neufs , lancés depuis
lapaix.
( 69 )
lancé àWool
N. Le Prince 90.
{
wich , la femainederniere,
N. Le Vanguard , 74. 1787 .
N. Le Vénérable , 74. 1784.
N. Le Victorious , 74. 1785 .
LeWarior , 74.
1781 .
L'Alexandre , 74.
1781 .
L'Alfred , 74. 1778 .
L'Arrogant , 74. 1761.
N. L'Audacious , 74. 1786
L'Alcide , 74. 1780 .
N. Le Theſeus , 74, 1786 .
N. Le Terrible , 74. 1785 .
N. Le Thunderer , 74. 1783.
N. Le Tremendous , 74. 1784
N. Le Saturne , 74. 1786 .
N. Le Bellerophon 74. 1786.
N. Le Ramillier , 74. 1785
LeRobuſte , 74. 1784.
N. Le Swiftſure , 74. 1786 .
Le Cumberland, 74. 1784.
La Réſolution , 74. 17700
N. L'Orion , 74. 1787.
N. Le Captain , 74. 1787.
N. Le Majeſtie , 74. 1785.
LeMontague , 74. 1779 ..
N. Leviathan , 74. 1787.
N. L'Excellent , • 74. 1787 .
La Fortitude , 74. 1780.
N. L'Eléphant , 4, 1786,
LaDéfiance,
Le Canada,
LeBelliqueux,
L'Africa,
L'Argonaute ;
L'Agamemnori,
74. 17835
-4. 1766,
64. 1780.
64. 1781 .
64. 1782.
64. 1781.
( 70 )
L'Anſon , 64. 17813
N. Le Veteran , 64. 1787.
Le Vigilant , 64. 1774.
LeTrident, 64. 1768 .
N. Le Director , 64. 1784 .
Le Sceptre , 64. 1781 .
N. Le Stately , 64. 1784.
Le Répulſe , 64. 1780.
Le Polyphemus , 64. 1782 .
N. Le Naſſau , 64. 1785.
N. L'Indéfatigable , 64. 1784.
TOTAL . 57 .
Les 16 vaiſſeaux qui ſe trouvoient armés
le 20 Septembre , & ceux de garde ou d'hôpital
, ne ſont pas compris dans ce dénombrement.
L'Amirauté y a joint une liſte de
12 autres vaiſſeaux , actuellement en réparation.
Le 24 , le même département a mis en
commiſſion ceux qui ſuivent.
Le Royal Sovereign.
Le Prince George.
Le London .
Le Barfleur..
Le Saint-George .
L'Atlas.
L'Impregnable.
L'Alexandre.
LAlcide..
L'Alfred.
L'Arrogant,
•
• •
can.
110. • •
१०.
98.
98.
98.
१०.
१०.
• 74.
74.
74.
74
( 71 )
Le Robuſte.
La Réſolution .
: 74.
74.
74.
74.
• 74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
50.
Le Victorious,
Le Canada. •
Le Berwick.
L'Eléphant.
Le Warrior.
Le Cumber'and.
La Fortitude.
L'Annibal . •
Le Valiant.
Le Vénérable.
L'Orion . -
Le Renown.
Le Public fait aller cette flotte ou telle
autre dans la Manche , & en a donné le
commandement à l'Amiral Pigot , ayant
ſous lui le Vice- Amiral Barrington & les
nouveaux Contr'Amiraux Hotham & Levefon
Gower ; mais ces nominations & la marche
de ces armemens font tout au moins prématurées.
Il n'y a encore rien de certain à cet
égard.
La frégate l'Hébé a reçu Vendredi dernier
ordre de porter les dépêches du Gouvernement
au Commodore Gardner à la Jamai
que ,& l'Alert fera chargé de celles deſtinées
au Commodore Parker à Antigoa. On équipe
avec célérité , à Portsmouth , pour un
ſervice immédiat , les frégates le Phenix , la
Nymphe & la Persévérance de 36 canons ; la
Blonde & la Blanche de 32 ; l'Hornet & le
Vultur , floops.
( 72 )
Par l'état remis Samedi à l'Amirauté , il
paroît qu'on a preſſe ſur la Tamife , 2260
matelots ; on n'a pas encore les liſtes des
autres ports..
Lannuuiitrdu 17 au 18 , le feu ſe manifeſta
affez près de la corderie , dans le chantier de
Portsmouth . Heureuſement la ſentinelle s'en
apperçut tout de ſuite , donna l'alarme , & le
feu fut éteint , ſans avoir cauſé aucun dommage.
FRANCE.
:
De Versailles , le 3 Octobre.
Le 30 du mois dernier , Leurs Majeſtés &
la FamilleRoyale out ligné le contrat de mariage
du Comte de Kergorlay , Capitaine de
cavalerie , avec demoiselle de Faudoas .
Le même jour , le Duc de Fitzjames a
prêté ferment entre les mains du Roi pour
Le Gouvernement du Haut & Bas - Limofin ,
dont il étoit pourvu en ſurvivance du feu
Maréchal de Fitzjames , fon pere.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint-
Quen , Ordre de Saint-Benoît , diocèse de
Rouen , l'Archevêque de Toulouſe , Principal
Miniftre d'Etat , & Chef du Conſeil
royal des Finances ; & à l'Abbaye régulière
de la Piété , Ordre de Citeaux , diocèſe de
Troyes , le ſieur Pierre de Velfrey , Religieux
protès du même Ordre.
DeParis ,
( 73 )
De Paris , le 10 Octobre.
Ordonnance du Roi , pour réformer la
Compagnie des Chevaux - Légerš de Sa
Garde , du 30 Septembre 1787 .
Sa Majesté ayant jugé à propos de diminuer ſa
Maiſen militaire , & de réformer la Compagnie
des Chevaux légers de ſa Garde , Elle a ordonné
&ordonne ce qui fuit :
ART. I. A commencer du premier Octobre
prochain , la Compagnie des Chevaux- légers de
laGarde ordinaire de Sa Majefté , ſera & demeu
rera ſupprimée.
II . Sa Majesté conſerve eu Lieutenant de la
Compagnie , la totalité de ſes appointemens ,
les privileges & prérogatives de ſa Charge , ſe
réſervant de fixer le remboursement de la finance
de ladite Cherge , aux époques qu'il lui plaira
d'indiquer. Elle accorde au Lieutenant en ſurvi
vance , un traitement annuel de 12000 liv . & lui
conſerve les prérogatives & priviléges de ſa
Charge , ainſi que ſon activité de ſervice.
III. Conſerve Sa Majesté aux autres Officiers
de laCompagnie , leur rang dans le militaire ,
l'activité de leurs ſervices , ſuivant les Commif
fions & Brevets qui leur ont été accordés , & les
appointemens dont ils jouiſſent actuellement ,
juſqu'à ce qu'ils aiont été promus au grade de
Maréchald- e-camp, ou juſqu'à ce qu'ils foient
remplacés à leur grade dans les troupes de Sa
Majefié.
IV. Ils feront , en ce cas , rembourſés de la
-financede leurs Gharges ; & fi l'un d'eux décédoitavant
ſon remboursement , Sa Majesté pro
No. 41 , 13 Octobre 1787.
d
( 74)
met que la famille ne perdra pas la finance de la
Charge.
V. Sa Majesté conſerve l'activité de ſervice
militaire , pendant dix ans , aux Cheveux- légers ,
Surnuméraires & Eleves de l'Ecole militaire de
ladite Compagnie ; & ils participeront , pendant
ledit tems , aux graces dont ils ſeront ſuſceptibles
, par l'ancienneté de leurs ſervices , & ce
d'après l'état qui en ſera préſenté annuellement
par le Lieutenant de la Compagnie.
VI. Sa Majefté accorde à l'Aide- Major de la
Compagnie , à l'Aide-Major-Adjoint & en ſurvi .
vance , aux Maréchaux-des - logis , Porte- étendard,
Fourrier- Major , Brigadiers & Chevauxlégers
, ſavoir , à ceux qui ont ſervi cinquante
ans , leur paye entiere ; à ceux qui ont ſervi quarante
ans & au-deſſus , les trois quarts ; à ceux
qui ont ſervi trente ans & au-deſſus , les deux
tiers ; à ceux qui ont ſervi vingt ans & audeſſus
, la moitié ; à ceux qui ont ſervi de dix à
vingt ans , le tiers ; à ceux qui n'ont pas dix ans
de ſervice , le quart de leur paye , juſqu'à ce
qu'ils aient obtenu des emplois dans ſes régimens
d'Infanterie , de Cavalerie , de Dragons ou
de Chaſſeurs.
VII. Les uns & les autres continueront de
jouir des honneurs , prérogatives & privileges
attribués à leurs emplois.
VIII. Sa Majefté accorde aux petits Officiers
&au Secrétaire de le Compagnie , la moitié de
leurs appointemens pour retraite , & la conſer
vation de leurs priviléges.
IX. Sa Majesté accorde aux Timbalier &
Trompettes , la moitié de leurs appointemens
pour retraite,
X. Veut Sa Majeſté que les regiſtre & contrôle
de la Compagnie,foient remis, au moment
1751
de la réforme , au Secrétaire d'Etat de la guerre,
arrêtés & fignés par le Lieutenant , l'Aide- Major
&leCommiffaire des guerres de lad. Compagnie,
Mande & ordonne Sa Majefté à ceux qu'il appartiendra
de tenir la main à l'exécution de la
préſente Ordonnance.
FAIT à Verailles , le 30 Septembre 1787.
Signé LOUIS. Et plus bas , LE COMTE DE
BRIENNE.
Il vient d'arriver à l'Orient deux navires
de l'Inde, la Philippine & le Comte d'Artois ,
avec de riches cargaiſons. La Compagnie
ayant une quantité conſidérable de marchandiſes
dans cette ville a indiqué une
vente pour le 22 de ce mois .
و
L'Aſſemblée Provinciale de Châlons- fur-
Marne a donné à la Commiſſion intermédiaire
l'inſtruction des demandes ſuivantes à
faire auxAſſemblées d'Election .
1º. Un dénombrement exact de la population
actuelle de la province , en claſſant les individus
des deux ſexes. 2° . Des obſervations relatives à
chaque paroiſſe ſur les maladies regnantes, &un
état des incendies arrivés dans le cours de l'année
derniere . 3º. Un dénombrement détaillé des
beftiaux de chaque eſpece ,&des éclairciſſemens
fur les moyens que l'on pourroit employer pour
leur multiplication & amélioration. 4° . L'affemblée
défirant connoître toutes les reſſources de la
province , voudroit que la commiffion intermédiaire
ſe procurât un état exact de toutes les
propriétés foncieres , de quelque nature qu'elles
foient , privilégiées & autres , même de celles des
communautés d'habitans . 5°. Qu'elle s'aſſurât
également du montant des impoſitions , de la
d2
1761
forme des rôles , du régime ſuivi dans les répartitions
générales & individuelles de la taille &de la
capitation des privilegiés , enſemble des dépentes
relatives à la perception des impofitions &
àl'adminiſtration de la province. 6 ° . Egalement
arrêté , que ladite commiffion intermédiaire
demandera à l'ingénieur en chefde la province ,
un détail eſtimatif de tous les travaux eifentiels à
faire ſur les routes en 1788 , en ſubordonnant la
dépenſe à l'impoſition fixée ſur cette partie , que
l'adminiſtration voudroit réduire à une proportion
moins forte que celle du ſixieme de la taille
&capitation impotée pour cet objet ; auquel état
l'ingénieur ajouteroit celui de toutes les adjudications
paffées en 1787.7 °. Que ladite commif-
Gon fe procurera auſſi un état de toutes les dépentes
aſſignées ſur la caiſſe des ponts &chauffées , ſoit
fixes , ſoit variables , en préſentant le tableau de
celles à faire en 1788. 8°. Un état des atteliers
de charité qui auront lieu en 1787. 9° S'informera
quelles font les communications les plus
fréquentées pour le paſſage des productions de la
province à l'étranger ; les marchés les plus confidérables
pour la conſommation intérieur des
denrées , & quels ſeroient les communications &
marchés qu'il ſeroit plus avantageux d'établir.
<<Dans la nuit du 23 au 24de Septembre,
le feu a pris à un corps de bâtiment dépendant
du Palais Epiſcopal de Rennes. On s'en
eſt apperçu vers minuit ; ſes progrès ont été
grands & rapides, malgré les ſecours des Citoyens
de toutes les claſſes; cependant ces ſecoursont
ſauvé une grande partie de ce corps
de bâtiment, & ont heureuſement empêché
quelefeu ſecommuniquât au bâtimentprin
( 77 )
cipal . La perte eft conſidérable; la plus grain -
de partie des meubles de la partie incendiée
a été ou brûlée , ou briſée par le déplacement
&dans le tranſport.
Marie-Agnès Deleval , âgée de 78 ans ,
&le nommé Guillain Luttun , ſon troifiéme
mari , âgé de 80 , ont fait leur jubilé de so
aus de mariage , le 26 Septembre , à Premefque
en Flandres. M. Riquet , leur Curé , a
enmême temps marié leur fille , âgée de 34
ans , avec le nommé J. B. Delobel , Fermier
du même lieu . Elle est le troiſiéme enfant de
ces reſpectables époux , dont deux font actuellement
ma iées , de 12 qu'ils ont eu de
leur union. Il exifte dans ce même village un
vénérable Fermier , nommé Pau , âgé de 97
ans, qui panfe & conduit tous les jours ſes
chevaux. La nommée Antoinette Ovelaque ,
Veuve de Cardon , eſt morte hier , âgée de
97 ans. Elle ne s'eſtjamais ſervi de lunettes ,
& a conſervé juſqu'au dernier inſtant de ſa
vie tous ſes ſens. >>
Lettre au Rédacteur .
MONSIEUR ,
Puiſque vous avez cru qu'il étoit devotre juf
tice d'inférer dans votre Journal du 22 Septem
bre , N. 38 , la réclamation de M. le Chevalier
de Ségrave , qui inculpe notre délicateſſe , en
nous accuſant d'uſurper la découverte de la machine
Polychreſte, avec injonction de verſer deux
mille écus dans la caiſſe de la Société Philantropique
; faute de quoi , il nous menace , fur
fon honneur , de révéler au public le ſecret du
notre machine.
b3
( 78)
Nous eſpérons que par le même ſentiment de
juſtice , vous voudrez bien inférer dans votre
prochain Journal les déclarations ſuivantes , en
attendant que nous publiions la réfutation des prétentions
de M. le Chevalier de Ségrave.
1º. Nous ne conteſtons pas à M. le Chevalier
de Ségrave , la premiere idée du Polychrefte vertical;
mais nousdiſons que nous ſommes parvenus à
compoſer cette machine par nos propres recher
ches, & fans aucun ſecours, ni aucuns renſeignemens
fournis par lui , de maniere que nous lui,
avons ſeulement obligationde nous avoir mis ſur
la voie .
2°. Nous perfiſtons à foutenir que nous avons
confidérablement perfectionné cette machine , &
que nous avons enchéri fur ce que l'inventeur n'avoit
pas fait lui même , à l'époque où il la montroſtau
publicmoyennant cinq louis d'or. S'il est vrai que
M. le Chevalier de Segrave l'ait lui-même perfectionnée
depuis trois ans dans ſon cabinet , de
maniere à lui faite produire des effets inconcevables
& inconnus à tout le monde , nous ne prétendons
pas appliquer notre affertion à cette derniere
circonſtance ; car nous ne pouvons pas déciderde
ce que nous ne conooiffons pas.
3°. Nous déclarons nous regarder comme les
premiers inventeurs du Polychreſte horisontal
fans que M. le Chevalier de Ségrave ſoit même
endroit de revendiquer le mérite de dée , vu
qu'il ne l'a jamais annoncée ni dans ſon Prof.
pectus , ni dans ſes demonßrations publiques , &
qu'il eſt même douteux qu'il ait jamais tenté cette
exécution .
4°. Nous nous regardons comme légitimes
propriétaires & les maîtres abfolus des machines
Polychreſtes verticales & horiſantales, que nous
avons fait fabriquer ,&du produitde la vente&
( 79 )
;
de la démonstration , ſans qu'il convienne à per
ſonne d'y prétendre aucun droit , aucun partage ,
ni d'en faire l'objet d'aucune délégation.
5 °. La Lettre de change de 6000 liv. tirée ſur
nous par M. le Chevalier de Ségrave au profit de
la caiſſe de la Société Philantropique , ne ſera
point acquitée.
nous
à
6°. Bien loin d'être alarmés de la menace qu'il
fait ſur ſon honneur d'envoyer Paris le
modele de ſa machine , & d'en communiquer au
public le méchaniſme , nous ſommes enchantés
qu'il ait pris cet engagement d'une maniere ſé,
rieuſe , qui ne lui permet plus de ſe dedire.
7°. Mais nous deſirons qu'il effectue fon enga
gement avant le 15 Octobre prochain , époque
àlaquelle nous ferons notre livraiſon , afin qu'on
ne puiſſe pas le ſoupçonner d'avoir profité de nos
tre invention , pour perfectionner la ſienne.
Nous avons l'honneur d'être , &c.
Paris , ce 23 Septembre 1787 .
Les Démonftrateurs des
Machines Polichreftes
verticales & horifontales
, au Palais -Royal,
N°. 93 .
Comme le Rédacteur a connu dès l'origine
l'invention de M. le Chevalier de Ségrave,
en attendant que cet eſtimable Officier
réponde lui même ſoit juridiquement ,
foit d'une autre maniere , à la Lettre qu'on
vient de lire , nous l'accompagnerons de
quelques remarques préliminaires.
1º. M. de Ségrave a ſi bien mis ſur la voie
le Démonſtrateur de ſa Machine au Palais
Royal , que celui ci a copié le Profpectus
d4
( 80 )
de l'Inventeur preſque mot à met, & qu'il
a été admis chez lui très féquemment dans
la plus grande confiance; ce dont le Rédacteur
a été témoin oculaire.
! 2°. Il eſt faux que M. de Ségrave ait jamais
expoſé ſa Machine au premier venu ,
pourcing louis d'or. C'étoit la prime de ſouſ.
cription de la machine même , qu'on ne
pouvoit voir fans ſouſcrire , & qui eft reftée
fermée à tous ceux qui n'étoient ni acheteurs
, ni amis de l'Inventeur. C'eſt attaquer
trop violemment un Gentilhomme, un Militaire
, qui n'eſt pas fait pour montrer la
lanterne magique, & dont l'extrême déſintéreſſement
a des témoins de la plus haute
naiſſance & de la plus grande conſidération.
30. Le Public jugera des perfectionnemens
réclamés par les Démonftrateurs actuels.
La comparaiſon de leur copie avec la
machine originale , rendue publique , mettra
fin à toute difcuffion.
4°. Lecalcul du 15 Octobre *, époque à
Jaquelle les Démonſtrateurs ſomment l'Invenceur
avoué de paroître avec ſa machine
eſt aſiez ingénieux. Ce Journal paroîtra à
Paris le 13.; il arrivera le 15 à Tours , réſidence
de l'Inventeur ; & en ſuppoſant qu'il
tombe ſur le champ entre ſes mains , M. de
* Cette lettre devoit être placée ily a 8 jours ,
& n'a pu l'être qu'aujourd'hui.
1
( 81 )
Ségrave aura juſte 7 jours pour emballer fa
machine , la voiturer en poſte à Paris , &
l'exhiber.
Nous ne pouſſerons pas plus loin ces remarques
, qui , ainſi que celles que nous fîmes
dans le tems ſur les Lampes de M. Argand&
d'autres inventions modernes , auxquelles
nous avons aidé à rendre juſtice ,
n'ont d'autre but que de mettre la gloire
des Artiſtes & des hommes à talent , à l'abri
de plagiats devenus un peu trop communs.
Selon des lettres de Bordeaux , vers la fin du
mois d'Août , on a apperçu vers Rochebrune ,
écueil à 10 lieues de ce port , au milieu des courans
qui ſe trouvent entre les côtes d'Oléron &
de la Garonne , le bout d'un mât , qui , à marée
haute , paroît à cinq pieds ou environ au-deſſus du
niveau de l'eau ; on a été le reconnoître à la
diſtance d'une portée de fuſil , qui eſt le point le
plus près dont on a pu s'approcher , à cauſe de la
violence du vent , qui étoit alors à l'oueſt : en
fondant à cette diſtance , on a trouvé 40 braſſes
d'eau , ce qui a fait préſumer que c'étoit le mât
de quelque grand vaiſſeau qui a été ſubmergé
en cet endroit , & qui y formera peut-être un
écueil que l'on doit s'empreſſer de faire connoître
d'avance aux navigateurs qui fréquentent ces
parages .
<<Le Dimanche 16 Septembre , vers les
> quatre heures du ſoir , un bourdonnement
>> fourd & lointain ayant été le ſeul indice
>> du tonnerre , un nuage électrique très-bas,
>> & porté du midi au nord par un courant
>>atmoſphérique , s'eſt ouvert tou-t à-coup
ds
( 82 )
4
>> fur le Convent des Filles de Sainte-Claire
» de Saintes ; la croix qui le ſurmonte a fervi
>> de conducteur à la matiere fulminante ,
>> qui a éclaté , avec une exploſion terrible ,
>>>auprès d'un pilier buttant,& a fait une ou-
>> verture de 2 ou 3 pieds de longueur dans
>>>le mur , d'où pluſieurs pierres de taille ont
>>>été arrachées; c'eſt dans cet endroit que le
>> tonnerre s'eſt diviſé en pluſieurs jets , let
>>plus ſubtil s'eſt élevé vers un horloge , les
>>cordes des poids ayant ſervi de conduc->
>> teur à la foudre , elle a fondu pluſieurs
>> verges de fer , qui ont brûlé les planches
>> ſur leſquelles elles ont été jettées , brifé la
>> porte , & a entraîné , en ſe diſſipant, des
>> ferrures qui ont été trouvées à quelque dif
>> tance de là. La matiere la plus groſſiere
>> s'eſt portée vers la Sacriſtie , où elle a pénétré
par la fenêtre , en brifant les vîtres ,&
>> faiſant une crevaſſe dans un murtrès-épais ;
>> de là , elle a paſſé à la cave, dont elle a en-
>> dommagé la voûte , & a roulé en globe de
>> fen aux pieds d'une Soeur. Parvenue à l'ef-
>>>calier , dont la corde lui a encore fervi de
conducteur , elle s'eſt introduite dans le
>> Choeur des Religieufes , au moment de
>>l'Oraifon , elley a produit un vif éclat de
>> lumiere quis'eſt diviſé en pluſieurs fafcicu-
>> es de feu qui voltigeoient autour d'elles
fans leur faire le moindre mal & fans ex-
>>>ploſion. Une ſeule s'eſt évanouie ; il n'y a
>> eu aucune perſonne de bleſſée , quoique la
( 83 )
>> foudre ait pénétré au penſionnat, où ellea
>> roulé en globules lumineux , dans un pou-
>>lailler ,&preſque dans tous les endroits du
>>>Couvent. >> ( Journal de Saintonge. )
Le 11 du mois dernier , entre ſept &
huit heures du ſoir , le feu a pris dans la
paroiffe de Torigny, près du pont qui la
ſépare de la ville de Lagny , à une grange
qui contenoit la récolte de cette année.
En huit heures , 24 travées de bâtimens ,
16,000 gerbes de bled & autres grains ,
les marchandises , meubles & effers de dif-,
férents particuliers , font devenus la proic
des flammes , dont on a eu de la peine
à arrêter l'activité , ma'gré les ſecours des
charpentiers , maçons & autres ouvriers de
Lagny, a'nſi que des habitans de 'a paroifle ,
tous dirigés par le fieur de la Baume , Contrôleur
des ponts & chauffées. L'Evêque
de Pergame, Abbé & Seigneur de Lagny,
& le fie'r de Courmont , Seigneur de
Pompone , ſe font rendus ſur le lieu de
l'incendie où , ſecondés des perſonnes de
lear fuite & des gens de leurs maiſons ,
ils ont , en travaillant eux-mêmes , porté
des ſecours & l'encouragement. Dom Bevi ,
Procureur des Bénédictins , a donné , en cette
occafion , un exemple bien rare de dévouement
& d'intrépidité , en ſe portant dans
toutes les parties des bâtimens embraſés. Le
fieur de la Pourielle , fubdélégué du dépar
tement, s'eſt auſſitôt tranſporté ſur les lieux,
d6
( 84 )
tant pour conſtater cet événement défaftreux
, que pour pourvoir au ſoulagement
des incendiés , qui fe trouvent obligés de
recourir à la commifération publique , à
laquelle ils ont des droits.
Georges-Louis Phelipeaux , Patriarche-
Archevêque de Bourges, Primat des Aquitaines
, Chancelier Commandeur des Ordres
du Roi , Supérieur de la Maiſon & Société
royale de Navarre , eſt mort à Paris ,
le 23 du mois dernier.
Le Baron de Pierre Buffiere, dernier de
ce nom , eſt mort au chateau de Chavenet ,
près d'Argenton en Berry.
Suſanne-Elifabeth de Loflanges , veuve
d'Antoine- François , Marquis de Cugnac ,
Vicomte, Seigneur de Puycalvel & aut es
lieux , eſt morte le 24 Juin, au château de
Sermet en Périgord.
Gabriel - Louis , Comte de Buat & de
Nançay, Seigneur de Neuvy &autres lieux ,
ancien Miniſtre plénipotentiaire duRoi près
la Diete générale de l'Empereur & de IElecteur
de Saxe , aſſocié honoraire de l'Académie
des Sciences de Baviere , Député de
la Nobleſſe du Berry , aux Etats de cette
province, eſt mort en ſon château de Nançay,
en Berry.
Les Payeurs des Rentes, 6premiers mois
de 1787 , font à la Lettre H.
( 85 )
4
PROVINCES- UNIES .
De la Haye , le 3 Octobre .
Les états de Hollande ont rendu le 22
deux publications , dans la premiere defquelles
ils annoncent à la nation la révolution
qui vient de s'effectuer , & leur défir
de prévenir toutes démarches qui lui ſeroient
contraires,
,
>> C'eſt à ces cauſes , diſent- ils , que nous voulons
exhorter ſérieuſement par les préſentes tous
& chacun , de quelque état ,, rang , & condition
, qu'ils puiſſent être en cette Province ,
particulierement ceux qui pourroient encore
s'y trouver revêtus de la qualité de Commiſſaires
pour la direction ou la défenſe de quelque
Ville ou Place , ou qui pourroient ſe l'arroger ,
à titre de quelques Sociétés d'exercice , qui y
auroient exiſté & de toutes leſquelles nous
avons ordonné la diſſolution par notre réſolution
du 20 de ce mois , en leur retirant notre
protection , ou à quelque autre titre que ce ſoit ,
& qui en vertu de cette prétendue qualité ou
influence tâcheroient d'empêcher les Régences
de quelques Villes de ſe joindre aux réſolutions
que nous avons priſes actuellement pour ſauver
la Patrie , ou les forceroient à s'oppoſer à l'entrée
des troupes Pruſſiennes , comme fi elles
étoient ennemies , ou qui tâcheroient , ſoit en
perçant des digues ou en employant d'autres
moyens de défenſe , non ſeulement de ruiner
d'une maniere irréparable les bons habitans du
Pays dans leurs poſſeſſions , mais auſſi de provoquer
inévitablement par là à des hoſtilités ces
( 86 )
Troupes, quoique venues à toute autre fin dans
cette Province , & certainement point dans des
vues hoftiles , & d'expoſer ainſi ces habitans
dans leurs perſonnes & leurs familles à la fureur
de quelques milliers de gens de guerre , agris
par une réſiſtance infructueuse , & par contéquent
aux fuites les plus terribles : & nous
avertiſſons férieuſement leſdites Perſonnes de ſe
déſiſter de leurs machinations ſi pernicieuſes
pour le Pays , attendu que nous déclarons ique
tous & chacun , quels qu'ils soient , qui coopéreroient
de conſeil ou de fait ou aideroient à
porter ultérieurement quelque atteinte à la
conftitution légale & anciennement établie , ou
qui voudroient traverſer le rétabliſſementde lad.
tranquillité , union & harmonie dans cette Province
, nous les tiendrons pour ennemis de la
vraie proſpérité du pays & pour perturbateurs
du repos public , contre lesquels nous voulons
qu'il ſoit procédé comme tels de la maniere la
plus rigoureuſe , & qu'ils soient punis comme
tels , ſuivant l'exigence des cas ».
La ſeconde publication eſt de la teneur
fuivante.
nous
Les Etats de Hollande & de Weſt-Friſe , à
tous ceux qui ces préſentes verront ou entendront
lire , falut : ſavoir faiſons , que pour de
bonnes raiſons , à ce nous mouvantes
avons jugé à propos d'ordonner à tous les Com
mandans des villes & Places reſpectives en cette
Province , à l'apparition des troupes Pruſſiennes
&en cas d'attaque , de ne point faire de réfiftance
, & de ne reſpecter aucuns ordres de la
commiffion de défenſe que nous avons démiſe ,
ou de qui que ce ſoit , à peine de caſſation : Et ,
afin que chacun puiſſe en avoir connoiſſance ,
1
( 87 )
nous ordonnons & nous enjoignons que la pré
ſente ſoit publiée dans les villes respectives de
la Province , ainſi que dans les endroits où il y
a des troupes , & affichée par-tout où il convient
& ce faire eſt d'uſage.
Fait à la Haye ſous le petit- ſceau du pays , le
22 Septembre 1787.
Le Prince Stathouder a aſſiſté le 25 à
l'Aſſemblée des Etats-Généraux , où il a été
complimenté. I. L. A. A. l'ont été également
par la plupart des Miniſtres étrangers
, par les divers Colleges d'Etat , les
Députés des villes , &c.
L. H. P. ont rétabli tous les Officiers
qui avoient été démis précédemment , &
ontcaffé àjamais ceux qui ont défobéi à leurs
ordres dans le temps.
Nieuwerſluys , qui a été pris par le Géné
ral Kalkreuth , ne s'eſt pas rendu ſans effufion
de ſang. Les Pruſſiens ont perdu à
cette attaque ſept hommes du régiment
d'Eichman , & ont faiſi dans la place 750
hommes , 66 Officiers & 36 canons. Naërden
Wefop , & les autres petits forts qui
avoient tenu contre les ſommations , ont
éré évacués par ordre des Etats de Hollande
, & ont reçu garni on Pruſſienne.
Le Duc de Brunswick a porté ſon quartier
général de Gouda à Alphen , dans le
but de refferrer Amſterdam , la ſeule ville
de la province , ayant féance aux Etars qui
n'y ait pas envoyé de Députés. A l'approche
des Prufliens,quatre Commiſſaires nommés
(
( 88 )
par la Bourgeoiſie armée , ont demandé
une conférence au Duc de Brunswick qui
l'a accordée. Leurs inſtructions portant de
répéter à S. A. S. à peu près le contenu
de la réponſe des Erats aux mémoires de
M. de Thulemeyer ; cette conférence a
éré infructueute. Bientôt on a envoyé de
nouveau deux Bourguemaitres , avec l'offre
d'une fatisfaction ; mais l'on n'apprend pas
encore que cette démarche ait réuffi , car
le premier de ce mois, les dehors de la
ville étoient inveſtis , & même attaqués.
PAYS - BAS.
:
De Bruxelles , le 6 Octobre.
Le 27 Septembre , les Etats de Brabant
ont fait chanter une Meſſe ſolemnelle , en
actions de graces du retour de la tranquillité
publique , & la ville a été illuminée à
deux repriſes. Les Volontaires ont été remerciés
, & ont cependant continué les
gar les& patrouilles , mais fans Uniformes.
Si les affaires civiles , qui intéreſſoient
fortement la liberté publique , ſont terminées
, celles deThéologie ne le font pas. Le
Séminaire général de Louvain bleſſe encore
très vivement les confciences timorées ,
ainſi qu'on en jugera par la Dépêche ſuivante
des Etats de Brabant , adreſſée aux
autres aſſemblées provincia'es .
* Entre les préalables que Sa Majeſté a exigé à
raiſon de ſa dignité , un des points principaux &
qui doit le plus exciter notre attention communel,
c'eſt le rétabliſſement du Séminaire Général à
:
( 89 )
Louvain. Lorſque par notre mémoire à Son Excellence
en date du 28 Août dernier , nous avons
ditque nous ne pouvions donner les mains ni directement
ni indirectement à ce quitendoit à léter
nos privileges , que nous réſervions là-deſſus les
repréſentations les plus preſſantes, notre intention
a été , Meſſieurs , de regarder le rétabliſſement
du Séminaire Général non ſeu'ement comme
une infraction caractériſée des droits de la Province
, mais comme ſubverfifdes droits les plus
facrés de la religion , comme tendant à introduire
une doctrine nouvelle , & fur- tout à enlever
l'enſeignement des vérités & pratiques
évangéliques aux ſupérieurs légitimes auxquels
il appartient par le droit divin & celui des
faints Conciles de l'Eglife.
En conséquence nous comptons de préſenter
au plutôt nos repréſentations ſur l'exécution
quelconque de ce Séminaire général , irréparable
au principal , auſſi impoſſible d'ailleurs ,
quant au droit , que dans le fait même.
Tout nous eng ge donc , Meſſieurs , à vous
inviter par tout les motifs les plus chers à la religion
dans laquelle nous voulons vivre & mourir;
par toutes les conſidérations qui tiennent
au bonheur de la Patrie , de joindre vos réclamations
aux nôtres , & de vouloir bien nous en
adreſſer la copie , afin de pouvoir mieux agir
de concert ; de notre côtê nous aurons l'honneur
de vous faire parvenir les nôtres.
Nous avons l'honneur d'être .
Les Prélats , Nobles & Députés , &c.
Proclamation rendue par le Roi d'Angleterre,
le 21 Septembre , pour encourager
les matelots à entrer au Cervice de S. M.
Georgius Rex.
Attendu que notre intention royale eſt de don
ner tout l'encouragement convenable aux matelots
& novices qui entreront volontairement
dans notre ſervice ; nous avons jugé à propos ,
par & de l'avis de notre Conſeil privé , de publier
la préſente proclamation royale , & de
promettre & déclarer par icelle , que tout matelot
de haute paie , dont l'âge ne paſſera pas
cinquante ans& ne ſera pas au-deſſous de vingt ,
propre à notre ſervice , qui , juſqu'au vingt
unieme jour d'Octobre prochain , entrera volontairement
dans le ſervice de notre marine
royale , ſoit avec les Capitaines ou Lieutenans ,
de nos vaiſſeaux , ou les Officiers employés dans
les gabarres , ou dans les rendez-vous du ſervice
de la marine à terre , recevra , à titre de grati
fication , la ſomme de trois livres sterling par
homme ; que tout matelot ordinaire , propre à
notre ſervice , qui entrera comme il eſt dit cideſſus
, recevra la ſomme de deux livres ſterling
par homme, & que tout novice dont l'âge
ne paffera pas trente cinq ans , ni ne ſera point
au-deſſous de vingt , qui ſe préſentera comme
ci- deſſus , recevra la ſomme de vingt Schellings
par homme , à titre de gratification ; lesdites
ſommes reſpectives devant être payées immédiatement
après la troiſieme revue desdits matelots
& novices , par les commis reſpectifs de l'Echiquier
, réſidant aux ports& places où ſeront les
vaiff aux à bord deſquels ils ſeront enrőlés ; nous
déclarons que les qualités de matelots & novices
qui ſe préſenteront comme il eſt dit ci-deſſus ,
feront certifiées par le Capitaine , le Maître &
leBoſſeman du bâtiment ou vaiſſeau où ils ſeront
enrôlés. Et pour prévenir les abus qui auroient
lieu , fi des hommes abandonnoient les vaiſſeaux
auxquels ils appartiennent & ſe préſentoient à
ول
-
bord d'aucun autre vaiſſeau ou navire, dans la
vued'obtenir ladite gratification , nous déclarons
que tout matelot & novice , appartenant à aucun
navire ou vaiſſeau , qui s'abſentera desdits nad
vires ou vaiſſeaux , & entrera à bord d'aucun,
autre dans la vue d'obtenir ladite gratification ,
non ſeulement perdra les gages qui lui ſeront
dûs àbboorrdd des navires&vaiſſeaux qu'ils aban
donneront , mais feront ſévérement punis , con.
formément à leurs démérites. Dieu garde le Roi.
Autre Proclamation pour rappeller les
matelots Britanniques , & leur défendre le
ſervice des Princes & Etats étrangers , &
pour accorder des récompenſes à ceux qui
découvriront les matelots qui ſe ſeront cas
chés.
Georgius Rex.
Attendu que nous ſommes informés qu'un
grand nombre de matelots & de marins , nos
ſujets naturels , ſont dans le ſervice de divers
Princes & Etats étrangers , au préjudice de
notre Royaume , nous avons en conféquence
jugé à propos , de l'avis de notre Conſeil privé ,
de publier cette proclamation royale , par laquelle
nous ordonnons ſtrictement à tous maî
tres de navires , pilotes , marins , matelots ,
charpentiers & autres gens de mer quelconques
( nos ſujets naturels ) qui font à la paie
ou au ſervice d'aucun Prince ou Etat érranger ,
ou qui ſervent à bord d'aucun navire ou vaiſe
ſeau éttangers , que ſur le champ , tous & chacun
d'eux ( conformément à leur devoir & ferment
de fidélité ) , aient à ſe retirer & quitter
leſdits ſervices étrangers , & revenir dans leur
pays natal. Nous défendons ſtrictement à tous
maîtres de navires , pilotes , matins , matelots ,
( 92 )
1
charpentiers&autres gens de mer quelconques
(nos ſujets naturels ) d'entrer à la paie ou au
ſervice d'aucun Prince ou Etat étranger , ou de
fervir dans aucun vaiſſeau ou bâtiment quelconque
, ſans notre permiſſion ſpéciale , qu'ils
devront obtenir au préalable. Nous publions &
déclarons que tous ceux qui contreviendront .
aux préſentes , encourront non ſeulement notre
juſte déplaiſir , mais feront encore pourſuivis
ſelon toute la ſévérité de la loi. Que ſi quelques
maîtres de navires , pilotes , marins , matelots
, charpentiers ou autres gens de mer nos
ſujets , ſont pris dans un ſervice étranger par
les Turcs , Algériens ou aucun autre , ils ne
feront point réclamés par nous comme ſujets
de la Grande-Bretagne. Nous promettons &déclarons
qu'il fera donné une récompenſe de denx
livres ſterling pour chaque matelot , de haute
paie , & de trente shellings pour chaque matelot
ordinaire , à route perſonne qui découvrira
aucun matelot ou matelots qui auroient
pu ſe ſequeſtrer , pourva que leſdis matelot ou
matelots foient enfuite rendus à notre ſervice
par aucun officier de marine employé à lever
des hommes ; leſlites récompenfes pour tout
matelot ou matelots ainſi découverts & arrêtés
dans & autour de Londres , devant être payées
par les principaux officiers & commiſſaires de
notre marine , & dans les ports du dehors , par
les officiers , s'il y en a , & à leur défaut , par
les collecteurs de nos douanes , qui payeront
auffi-tôt qu'il leur ſera préſenté par la perſonne
qui aura découvert ledit matelot ou matelots ,
un certificat qui atteſte ſon nom , & le nom
ou noms & le nombre des matelots ainſi découverts
; leſdits certificats devant être délivrés par
les officiers qui auront pris ledit matelot ou
L
( 93 )
matelets à notre ſervice. Donné à notre Cour
à Saint - James , le vingt - unieme jour de ſeptembre
de l'année mil ſeps cent quatre- vingtſept
, & la vingt ſeptieme de notre regne.
Dieu garde le Roi.
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
LETTRE écrite à l'Auteur de ia Gazette des
Tribunaux , le 28 Août 1787 .
« Vous avez rapporté , Monfieur , dans le
N° . XXI de votre Gazette , l'eſpece de l'Arrêt
rendu en laGrand Chambre du Parlement de Paris
, entreMadame la Comteſſe d'Eftourmel & le
fieur Cousin , tuteur à la ſubſtitution établie par le
teſtament du feu Comte d'Eftourmel. Vous y
expoſez que le Comte d'Effourmel avoit inftitué
ſon frere ſon légataire univerſel , quant
à la nue propriété de ſes Terres d'Euvilly &
de Buffy ; enforte qu'il paroîtroit que Madame
la Comteſſe d'Eftourmel auroit conteſté au frere
de ſon mari une Terre qu'il defiroit conſerver
dans ſa famille. Vous aviez peut- être penſé ,
Monfieur , qu'il n'auroit fallu rien moins que
des rapports auſſi immédiats entre le teftateur
& le légataire , pour déterminer à juger que
le legs fait par un mari , d'une Terre acquiſe
pendant ſa communauté , comprend non ſeulement
la part qui lui appartient , mais même
cellede ſa femme.On ne vous a pas , Monfieur ,
rendu un compte exact des faits ; le légataire
nommé par le teſtament du feu Comte , eſt le
Marquis d'Estourmel , ſon coufin à un degré fort
éloigné. Je me fuis perfuadé , Monfieur , que
vous vous empreſſeriez de rectifier un exposé
qui pourroit donner à Madame la Comteſſe
d'Eſtourmal un air d'injustice , qui ne convient
nullement à ſon caractere , ni au rôle qu'elle a
joué dans cette affaire. Inſtituée héritiere
(94 )
par fon mari , de tout ce dont les coutumes de la
ſituationde ſes biens permettoient qu'il diſposât
en ſa faveur , comment pouvoit- elle croire qu'il
eût jamais eu intention de la dépouiller pour
enrichir untiers ? La connoiſſance qu'elle avoit
•de ſes volontés , le reſpect qu'elle conſerve pour
ſa mémoire , ſont les motifs qui l'ont déterminée
à détendre ſa fortune perſonnelle , contre
un légataire qui trouve encore , de fon aveu ,
398,051 liv. dans le don de ſon bienfaiteur.
La ſeule conſolation qui reſte à la Comteffe
"d'Eftcurmel , d'après la perte de ſa cauſe , c'eſt
d'avoir eu en ſa faveur les conclufions d'un
Magiftrat dont l'opinion marche preſque d'un
pas égal avec la Loi , & de penser que le Public
pourra la plaindre , mais qu'il ne fauroit jamais
la blamer. J'ai l'honneur d'être bien fincé
rement ,
MONSIEUR ,
Votre très humble, &c
Signé DE BONNIERES ,
Avocat au Parlement de Paris.
PARLEMENT DE PARIS . GRAND CHAMBRE .
CAUSE entre M. le Prince de Lambesc , Duc
d'Elbeuf; les fieurs Andrieu & Lemarchand ,
Huiffiers , l'un de la Connétablie , l'autre de
la Cour des Monnoies ; le fieur Fontaine , commis
à l'exercice de la Sergenterie noble d'Elbeuf.
Sergenterie noble , ſes privileges ; Huiffiers ne
peuvent exploiter dans l'étendue d'une Sergenrerie
noble , au préjudice du Commis à
l'exercice de ladite Sergenterie.
Les Sergenteries nobles, connues dans la pro
vince de Normandie , ſont le droit qui appartient
à certains Seigneurs , d'établir dans un
certain diſtrict des Sergens , pour y exercer tous
les actes & exploits relatifs à la Jurifdition ordis
naire , à l'excluſion de tous autres Huiffiers ou
Sergens. M.le Prince de Lambesc , comme Duc
d'Elbeuf, poſſede une Sergenterie noble ; il eſt
par conféquent en droit d'établir un Sergent
qui , concurremment avec les Huiffiers de la
Jurisdiction ordinaire , & excluſivement à tous
autres , a le privilege d'exercer dans ſa Sergenterie
noble , tous les actes relatifs à la Juriſſiction
ordinaire : mais comme la Jurisdiction ordinaire
d'Elbeuf eſt le Bailliage Ducal , & que M. le
Prince de Lambesc , qui ſeul auroit le droit d'y
établir des Huiſſiers , n'en a point établi , il
en réſulte que le Sergent noble d'Elbeuf a le
droit de faire ſeul , & à l'excluſion de qui que
ce ſoit , dans l'étendue de la Sergenterie , tous
les actes relatifs à la Jurisdiction ordinaire.
Cependant les ſieurs Andrieu & Lemarchand ,
Huiffiers , l'un de la Connétablie , l'autre de
la Cour des Monnoies , au mépris des droits
de M. le Prince de Lambesc , & du privilege
exclufif qui appartient au ſieur Fontaine , Commis
à l'exercice de la Sergenterie noble , & contre
le texte même de leurs proviſions , qui fixent
leur réſidence au Bailliage du Pont- de-l'Arche ,
ont établi leur domicile à Elbeuf , & ſe ſont
permis d'y faire tous actes & exploits quelconques
, même de mettre à exécution les Sentences
du Bailliage d'Elbeuf. Le ſieur Fontaine ,
pour réprimer ces atteintes journalieres portées
à ſes droits , a obtenu d'abord une Ordonnance
du Bailliage du Pont-de-l'Arche , qui lui permet
de compulſer dans les regiſtres du Contrôle ,
les actes qui conſtatent les entrepriſes des ſieurs
An rieu & Lemarchand : ceux-ci ont formé oppoſition
à cette Ordonnance , comme n'étant
coupables d'aucunes prévarications , & n'ayant
fait que ce qu'ils avoient droit de faire . Une
( 96 )
Sentence du 24 O&obre 1785 a ordonné la
mite en cauſe du Prince de Lambesc , qui auffitốt
a , par Arrêt du 20 Juin 1786 , fait évoquer
la conteſtation en la Cour , comme s'agiflant
des droits de ſa pairie. Comme le point de fait
n'eſt pas conteſté , & que les ſieurs Andrieu &
I marchand ne déſavouent pas les entrepriſes
multipliées qu'ils ont commiſes , M. le Prince
de Lambefe a conclu contr'eux à être maintenu
& gardé dans ſon droit de Sergenterie noble
e'Elbeuf; que défenſes leur ſoient faites de plus
faire à l'avenir , dans l'étendue de cette Sergenterie
noble , aucuns actes relatifs à la Jurifdiction
ordinaire , ni de troubler le ſieur Fontaine
dans ſes fonctions de Sergent nable ; & pour
l'avoir fait, qu'ils ſoient condamnés en l'amende,
aux dommages-intérêts &dépens ; enfin , qu'ils
foient tenus de ſe retirer au Pont - de - l'Arche .
lieu fixé pour leurs provifions. Un Arrêt proviſoire
du 7 Septembre 1786 , a fait les défenſes
demandées : nonobſtant cet Arrêt , les feurs
Andrieu & Lemarchand ont continué leurs entrepriſes
, dont le ſieur Fontaine a adminiſtré
les preuves , au moyen d'un extrait des actes
de la Jurisdiction ordinaire , exercés depuis le
mois de Septembre , qu'il s'est fait délivrer par
le Costróleur des actes d'Elbeuf. En vertu d'un
ſecond Arrêt de la Cour obtenu à cet effet ,
M. le Prince de Lambesc & le ſieur Fontaine ont
pourſuivi à l'Audience le Jugement du fond ;
& l'Arrêt du 7 Juillet 1787 a adjugé au Prince
de Lambesc & au fieur Fontaine les conclufions
par eux priſes , a condamné les ſieurs Andrieu
& Lemarchand à payer au Geur Fontaine les dom.
mages & intérêts , à donner par état & décla
ration , & en tous les dépens.
:
0%
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 OCTOBRE 1787.
I
Nota. Pour répondre aux déſirs du Public , on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier, entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIECES FUGITIVES
MEN VERS ET EN PROSE.
LE TOMBEAU DE LESBIE.
Élégie dialoguée , imitée de l'Anglois.
Theach mewith thyſoftſentiments toglow ,
And in Sweetmusic bidmyforrowsflow.
ARISTE.
Le crêpe de la nuit , déployé dans les airs ,
S'abaiffe , s'épaiffit , & couvre l'Univers .
Tout ſe taît. Les vents même ont ceſſe leur murmure.
Rien n'oferoit troubler la paix de la Nature.
Nº. 42. 20 Octobre 1787. E
98 MERCURE
Lorenzo, tout tepoſe ... excepté nos douleurs !
Toutdortquandnous veillons pour répandre des pleurs
Viens ! de l'aſtre des nuits la lueur pâliffante
Eclaire en vacillant notre marche tremblante.
Entrons dans ce ſentier ! ... tu te preſſes vers inoi !
Tu frifſonnes d'horreur ! ... Ah ! calme ton effroi !
Des lugubres accens de ton ame plaintive
N'attrifte point encor cette tranquille rive.
LORENZO .
Silencieuſe enceinte , & vous , fombres cyprès ,
Témoins de mes douleurs , témoins de nos regrets ,
Marbres , qui nous frappez du néant de la vie ,
Offrez-nous le tombeau de ma chère Lesbie !
A. Des mirtes, des lauriers, fans apprêts ſuſpendus ,
En blocs échevelés s'abaiffent confondus :
Ils forment une enceinte obfcure & folitaire,
Avançons : je découvre une urne funéraire.
L. Ariſte , je frémis ! quelle ſubite horreur
S'empare de mes fens & pèſe ſur mon coeur !
Laiffe-moi ; je preſſens que l'éclair de ma vie
Va s'éteindre à jamais au tombeau de Lesbie .
A. Tremble! crains,Lorenzo,decourroucer lesDieux!
Ala lumière encore ils condamnent tes yeux ;
Vouloir te réunir aux cendres d'une Amante ,
C'eſt montrer qu'à ſouffrir ton ame eſt impuiſſante;
Songe qu'il nous eſt doux de pouvoir la pleurer ,
De venir en ces lieux tous les jours l'adorer.
1
DE
99
FRANCE
L.Tu le veux;je vivrai ,quoique mon coeur murmure;
Mais j'accuſe ces Dieux & toute la Nature ;
Ils ont maudit la terre ; elle eſt ſans ornement
Depuis que ma Lesbie eſt dans le monument.
A. Sansdoute que des Dieux la ſageſſe éternelle
Voulut , lui prodiguant des bienfaits dignesd'elle,
Que rayonnante encor de toute ſa beauté ,
Avant de s'envoler dans l'immortalité ,
Des communes douleurs elle fût affranchie.
:
L. Elle étoit mon Amante ! --A. Elle étoit mon amie !
De ſa vie àt'aimer , conſacrant la moitié ,
Elle réſerva l'autre àla douce amitié ,
Et de ſa perte, hélas ! rien, rien ne me conſole !
L.Quand nous laregrettons, va, ce monde frivole
Ces amis fi légers qui n'aiment qu'un moment ,
Ceux vers qui ſes bienfaits alloient ſecrètement ,
Geuxmême qui l'aimoient juſqu'à l'idolâtrie ,
Les Beaux-Arts , l'Univers oublîront ma Lesbic .
A. S'il eſt quelques mortels dignes de la chérir ,
D'un monde fi pervers que fait le ſouvenir ? 1
Son ombre n'attend rien des enfans de la terre.
L. Je n'en veux rien nonplus,& laraiſon m'éclaire :
Je reſte à ce tombeau que je ne puis quitter.
Duſſes- tu me haïr , duſſes- tu détester
L'ami que vers ces bords tu conduiſis toi-même ,
Je veux, ſous le fardeau de madouleur extrême ,
ມ
E ij
100 MERCURE
Succomber lentement & puis m'enſevelir.
A. L'aſtre des nuits ſe voile, & tu l'as fait pâlir !
Lorenzo , je le veux ; ah ! quittons cette tombe ;
Malgré tous mes efforts ton courage fuccombe.
Laiſſons l'afile faint où dorment les vertus ;
Ta préſence le fouille , & tes voeux entendus
Sans doute allumeroient la colère céleste.
L. Ehbien, je te ſuivrai ; mais du temps qui lui reſte,
Ah! laiſſe aumoins jouir un malheureux Amant.
Laiffe-moi contempler ce viſage touchant ;
Laiſſe-moi les couvrir , les baigner de mes larmes ,
Cestraits dont la mort même a reſpecté les charmes !
A. Eft-ce-làde Lesbie honorer les vertus ? ..
Sur toi-même répands ces pleurs trop ſuperflus !
Vil mortel ! voudrois-tu diſputer à la terre ,
Aux infectes rampans leur pâture ordinaire ?
Sa mémoire en ton coeur n'a-t-elle pu reſter ?
L. Tu m'interdis les pleurs ! que faut-il ?-L'imiter
L. Adieu , reſtes ſacrés de la belle Lesbie !
A. Adieu , fidelle Amante & généreuſe amie !
L. Adieu , je reviendrai pleurer ici demain ;
A. Et moi je vais graver ſur un durable airain :
F
De vertus aimable modèle ,
Ci-git unejeune mortelle ,
Qui de la rose eut le deſtin ;
Elle n'a brillé qu'un matin ;
:
Maisfa mémoire est éternelle.
(Par M. Charon.)
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEmot de la Charade eſt Corniche ; celui
de l'énigne eſt Fumée; celui du Logogriphe
eſt Rime, où se trouve Remi ( Saint ) ,
Mie (mot de Henri IV ) , Mie ( de pain ) ,
Émir, Ire , Mire , Mi , Re , Mie ( particule
négative ) , Mer...
CHARADE.
UNfleuve eſt le premier, le ſecond eſt un autre ;
Le tout eſt à ma table , & fans doute à la vôtre .
<
(Par M. le Chevalier de Sufars. )
ÉNIGME.
L'ARTnous créajumeaux ;nous ne travaillonsguère
e
Dans la ſaiſon caniculaire ;
Mais l'hiver , occupés d'un ſervice affidu ,
Nous rachetons le temps perdu.
Alors plus de repos , toujours peine nouvelle 5
On nous voit dans les plus grands froids
Le long du jour porter du bois ,
Et la nuit faire ſentinelle ;
১.
Einj
162 MERCURE
Car il nous faut garder un priſonnier fournois
Moitié ſoumis , moitié rebelle ,
Qui rompant ſa chaîne une fois ,
Ne connoît plus ni frein ni lois.
Notre afile ordinaire eſt une grotte obfcure ,
Où d'objets ténébreux nous fommes entourés.
Jamais nous n'affichons l'éclat & la parure ,
Qu'en allant nous aſſeoir fur les lambris dorés.
Là , pour charmer l'ennui du Maître ,
Quand la biſe vient l'affiéger,
Sous les traits du plaifir nous aimons à paroître ,
Tantôt Nymphe , tantôt Berger ,
Tantôt nous couronnant de feuillage champêtre ,
De raiſins prêts à vendanger ,
Ou de fleurs qui viennent de naître.
Notreberceau , dit-on , fut l'atelier d'un Dieu.
Quelque titre impoſant que la Fable nous forge ,
La froide vérité nous refpecte fi peu ,
Qu'en livrant notre corps au feu ,
Elle nous met ſouvent les deux pieds ſur la gorge.
(Par un natifde Saint-Juft des Marais,
près Béarn. )
LOGOGRIPHE.
A Mlle. Sophie , P.... d'Ar....
QUEUE mon deſtin eſt fortuné !
Le temps me fait à peine éclore ,
DE FRANCE. 403
Que je vois mon front couronné
Par les mains de la jeune Flore.
Utile à Mars , cher à Cypris ,
Je plais à deux autres Déeſſes ;
De Cérès j'obtiens un ſouris ,
Et de Pomone des promeſſes.
Ma mère avec ſes douze enfans
N'en a pas un dont la préſence
Soit plus agréable aux Amans ,
Ravis de fêter ma naiſſance .
Que je me montre à l'Univers,
Tout s'anime , tout ſe féconde;
C'est moi qui peuple les déſerts ,
C'eſt moi qui rajeunis le monde.
Lecteur , je ne te peindrai pas
Tous les plaiſirs que je fais naître.
Qui voit Sophie & ſes appas,
En voit affez pour me connoître.
Son teint fleuri par les Amours ,
Ses yeux où la gaîté reſpire ,
Sont une image des beaux jours ,
Des jours fereins que je fais luire.
Heureux le mortel préféré
Qui s'entendra donner par elle
Le doux nom , le nom défiré ,
Qu'en ſes trois pieds le mien recèle !
(Par le même. )
E iv
104 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Théatre Allemand; parMM.
FRIEDEL & DE BONNEVILLE. Prix , pour
les 12 Volumes , 48 liv. port franc par
la Pofte. A Paris , chez Royez , Lib . ,
quai des Auguftins ( 1 ).
,
Nous avons rendu compte fuccef
fivement des fix premiers volumes de ce
Théatre ; nous allons jeter un coup d'oeil
fur les fix derniers. Nous ne pourrons nous
arrêter long- temps fur chacune des Pièces
qu'ils renferment ; mais ce coup d'oeil
quoique rapide , ne fera peut - être pas
inutile aux amateurs de l'art dramatique.
Les talens s'éclairent par la comparaiſoni
&c'eſt ſur-tout par l'examen des productions
étrangères qu'on apprend ou à ſe méfier
des préjugés nationaux , ou à ſe confirmer
dans les bons principes qu'on a adoptés .
La première Pièce du ferieme volume
( 1 ) C'eſt chez le même Libraire qu'on trouve le
Choix de petits Romans ,, par M. de Bonneville
vol. in- 12 , dans lequel ſe trouve l'Anecdote originale
du Roman de Caroline.
DE FRANCE. tos
eft une Tragédie de Leſſing , intitulée
Nathan le Sage. Cet Ouvrage eſt d'un
genre très - fingulier. Le ſujet eſt un Juif
riche , bienfaiſant & philoſophe, qui ayant
recueilli une orpheline Chrétienne , l'a
élevée ſous le nom de ſa fille ; qui ne l'a
pas inſtruite dans la Religion Judaïque ,
mais à qui on fait un crime , dans la
fuite , de ne l'avoir pas élevée dans les
principes du Chriſtianiſme. Le Patriarche
de Jérusalem , des Derviches , des Templiers
, des Moines , mis en oppoſition
avec là philoſophie de Nathan , donnent
lieu à des diſcuſſions peu dramatiques
mais curieuſes . L'Auteur n'avoit pas deftiné
, dit-on , cet Ouvrage au Théatre ; fon
but étoit de répondre à ſes ennemis fanatiques
, & de ſe caractériſer lui-même par
le perſonnage de Nathan. Alors il faut
convenir au moins qu'il y avoit peu de
modeſtie à intituler ſa Pièce Nathan le
Sage.
Quoi qu'il en ſoit , il y a dans cet Ouvrage
des mots fublimes , des vérités hardies
; & la lecture en eſt attachante.
Cette Tragédie eſt ſuivie d'une autre du
même Auteur ; elle eſt intitulée Philotas ;
elle n'a qu'un acte, quatre perſonnages ; &
en voici le ſujet.
Un jeune Prince , paſſionné pour la
guerre , eſt fait prifonnier ; ſon père en
même temps faiſoit prifonnier le fils du Roi,,
dans les fers de qui il vient de tomber.
Ew
106 MERCURE
Philotas ſe dit à lui-même : Mon père , au
moment de la paix , ſe trouvant le maître
du fils de fon ennemi , pourroit lui faire
la loi , s'il n'avoit pas à m'échanger moimême.
D'après cela , il forme & exécute
un projet auquel on ne s'attend guère ; il
ſe tue.
Et voilà le ſujet que Leffing a choiſi
pour en faire une Tragédie ! Quelle action
à mettre au Théatre ! La belle réſolution
que celle de Philotas ! Un fils qui ſe tue
pour faire gagner quelque choſe à fon père
dans le traité de paix ! qui n'eſt arrêté ni
par le regret de le quitter , ni par le chagrin
qu'il va lui cauſer par ſa mort ! Leffing ,
qui , comme nous le verrons bientôt, a cru
devoir s'ériger en Législateur dramatique ,
auroit bien dû s'interdire des ſujets ſi hors
de nature.
Voici en peu de mots le ſujet d'Elfride ,
Tragédie de M. Bertuch. Edgar , Roi
d'Angleterre , a eu le projet d'époufer
Elfride. Il envoie , pour ſavoir fi elle eſt
belle , un de ſes courtiſans , le Comte
Atelwold , qui étant devenu amoureux de
la jeune perſonne , trompe le Roi ſur ſa
beauté , & l'épouſe lui-même. Le Roi ,
excité par un ennemi du Comte , va voir
la fermine de ce dernier qui la tient cachée
dans une de ſes terres , eſt frappé de ſa
beauté, ſe bat contre l'époux , le tue , &
offre fa main à la Comteſſe , qui ſe tue
aufli de défeſpoir.
DE FRANCE. 107
y a dans cette Pièce des momens d'énergie
, & de très - beaux mouvemens de
paffion ; mais il y a des détails qui révolteroient
ſur nos Theatres ; notamment
la ſcène cinquième du troiſième acte . Le
Roi a tué le mari d'Elfride ; le père d'Elfride
auroit voulu en épargner la peine au
Roi ; & c'eſt ſur le cadavre de ſon mari
qu'on vient chercher Elfride , pour lui
parler de l'amour du Roi , de l'aſſaffin !
& ſon père la menace brutalement ! En
vérité , il nous ſemble que chez toutes les
Nations , fans avoir un goût bien rigoureux ,
on doit être indigné de pareils tableaux.
Un trait de Gustave Adolphe , que M. le
Baron de Dalberg avoit lu dans le Journal
Encyclopédique , lui donna l'idée de fon
Drame de Walwais & Adélaïde , qui ſe
trouve dans le huitième volume.
Walwais , jeune homme ſans naiſſance
& fans fortune , élevé chez le Comte de
Brahe , a pris de l'amour pour ſa ſoeur
Adélaïde ; mais fans ofer ſe déclarer , il
s'enfuit , & retourne dans ſon village auprès
de ſon père. Le Roi l'ayant rencontré
&entretenu par hafard , eſt charmé de ſes
diſcours , en fait ſur le champ ſon ami
& l'emmène à ſa Cour. Le Roi met , fans
le ſavoir , l'amitié de Walwais à une terrible
épreuve ; il le charge d'aller le propoſer
pour époux à Adélaïde , dont il eſt
aufli amoureux. Walwais , toujours plein
de fa paſſion , ſe ſacrifie à ſon devoir د
Evj
108 MERCURE
exhorte ſa maîtreſſe à épouſer le Roi ; mais
il s'enfuit pour n'en être pas le témoin ,
& renonce à ſa fortune. Tandis qu'il facrifie
ſon amour , on l'accuſe d'avoir trahi
celui du Roi , qui d'abord ſe livre à ſa
colère& à ſa jalouſie , mais qui apprenant
enfuite ſon innocence , immole fes propres
fentimens , & a le courage de l'unir à
Adélaïde.
Commençons par rappeler ici , qu'en
fait d'Ouvrages dramatiques , dire , cela eft
arrivé , ce n'est pas dire effentiellement ,
cela est bien ; parce qu'au Théatre il s'agit ,
non de la vérité , mais de la vraiſemblance.
L'amitié du Roi pour Walwais eft trop
prompte, n'eſt pas affez préparée. Ce défaut
eſt bien plus en évidence dans une Pièce
dramatique , que dans un Conte ou dans
une Hiſtoire , parce qu'au Théatre on a
bien moins le temps de développer les
motifs , de graduer la marche d'une pareille
intimité. Dès la première converſation , le
Roi dit à Walwais qu'il le choiſit pour
fon ami. Il ſemble lui accorder ce titre
comme il lui donneroit une des charges de
fa Cour ; mais les talens néceſſaires pour
exercer l'office d'ami, ne ſe mettent pas en
évidence dans une ſeule converſation ; &
Gustave n'eſt pas ici dans une ſituation à
Juſtifier de pareils im-promptus de confiance.
Un Prince qui ſe trouveroit dans un moment
eritique pour ſes Etats , qui auroit beſoin
d'un homme extraordinaire pour conjurer
ود
2
DE FRANCE.
109
A
Forage , & qui croiroit l'avoir trouvé , peut
fe livrer ainſi à une impreſſion prompte &
fubite , qu'il pourroit regarder comme une
inſpiration divine. Mais Gustave eſt tranquille
;& le défir d'avoir un ami , n'eſt pas
pour un Roi un beſoin affez preffant pour
justifier une liaiſon ſi précipitée. Ce défaut
degradation, qui touche à l'invraiſemblance,
nuit pendant quelque temps au moins à
F'intérêt de l'Ouvrage.
Il y a peu de mouvemens & d'effers
dramatiques dans cet Ouvrage ; mais la
conduite en eſt ſage , la marche naturelle ;
il ya des momens heureux ;& l'on conçoit
fans peine qu'elle ait réuſſi fur pluſieurs
Théatres.
:
Dans le Créancier , Comédie en trois
Actes de M. J. Richter , bien des ſcènes
inutiles , mais de la vérité & de l'intérêt.
Ce n'eſt pas par l'unité du ſujet qu'on
peut louer Gatz de Berliching , avec une
main de fer , Drame de M. de Goethe.
hes Traducteurs diſent qu'elle pourroit
être proprement appelée une Vie dialoguée.
En effet, c'eſt la vie & les faits d'armes
d'un Chevalier , qui en compoſent l'action .
Gætz eſt un de ces Redreſſeurs de torts
qui ont illuftré en Allemagne le ſiècle de
la Chevalerie. Le ſpectateur y voyage à
tous momens ; le rôle le plus fatigant &
le plus long à jouer pendant la repréſen
tation d'un pareil Ouvrage ,doit être celui
du Machiniſte. On voit à chaque Acte
110 MERCURE
entaſſer les ſréges , les aſſauts , les batailles ;
mais il y a de grandes beautés de détail ,
une fidèle peinture des moeurs de ce ſiècle ,
&de la vérité dans les caractères.
Le neuvième volume eſt terminé par la
mort d'Adam , Tragédie en trois Actes de
M. Klopstock. Nous avons lu cette Pièce
originale avec le plus grand intérêt. Il en
fort , pour ainſi dire, un ſentiment religieux.
Il n'y a , à proprement parler , qu'une feule
fituation ; mais elle est graduée , mais elle
eſt variée , autant qu'elle peut l'être , par de
grandes & touchantes idées .
L'Auteur a pris pour ſujet les approches
de la mort d'Adam , qui lui eſt annoncée
par l'Ange exterminateur , dès le commencement
de la Pièce , & même dès l'avantſcène;
les détails de ſon agonie en font le
noeud , & fa mort la catastrophe.
On fent que l'idée de la mort , image
avec laquelle on étoit ſi peu familiarifé ,
à l'époque qu'a choifie l'Auteur, doit caufer
à ſes perſonnages , des impreſſions peu
communes & leur inſpirer des idées
nouvelles ; ces deux conditions impoſées
par le ſujet , ſe trouvent parfaitement
remplies.
د
Le jour que l'Auteur a pris pour faire mourir
Adam, celui-ci a perdu le plus jeune de
fes fils , qu'il retrouve avant d'expirer ; il
doit marier une de ſes filles ; & trois femmes
de ſes fils viennent lui apporter leurs nouveaux
nés. Ce groupe d'incidens eft bien
DE FRANCE. III
choifi , & fert beaucoup à l'intérêt du ſujet
principal.
Mais une idée grande , terrible , & qui
amène une belle ſcène , c'eſt l'arrivée de
Cain , qui , pourſuivi , égaré par ſes remords,
vient maudire ſon malheureux père,
au moment de ſon agonie.
Il y a dans la bouche de la jeune Sélima ,
fille d'Adam, des traits charmans de naïveté,
tels que le mouvement de fenſibilité qui
lui fait dire à Adana : Mon père , ne meurs
pas.
L'Ange a prédit à Adam qu'il expirera
au moment où le ſoleil ſe cachera derrière
la montagne des Cèdres. La manière
dont Adam & fon fils Seth fuivent des
yeux la marche du ſoleil , eſt d'un grand
pathétique ; à tout moment le père demande
à fon fils ſi le ſoleil eſt prêt à ſe cacher ;
tous deux meſurent , pour ainſi dire
chaque pas qu'il fait vers la montagne.
و
Adams'affoiblit avant d'expirer; il éprouve
toutes les gradations de la mort , ſes ſens
s'affoibliſſent , il perd la vue , l'ouïe ; &
enfin il expire en béniſſant fa famille profternée
à ſes genoux.
Voici encore une Tragédie de Leffing ,
MiffSara Sompfon. Les Ouvrages de Leffing
font eſtimés en Allemagne ; & nous les
croyons eftimables par tout. Cet Auteur
paroît connoître les Théatres anciens &
les Théatres étrangers ; il paroît familier
avec Ariftote ; il eſt inſtruit de ce que
112 MERCURE
nous appelons les règles du Théatre ; il
peut les mépriſer , il ne les ignore pas.
Voyons , par l'examen de cette Tragédie ,
comme nous l'avons déjà fait à l'égard de
quelques autres Ouvrages du même Auteur,
voyons juſqu'à quel point ſon érudition a
tourné au profit de fon talent.
Mellefonta quitté la mépriſable Marvood,
fa maîtreſſe, pour la jeune & ſenſible Sara,
qu'il a enlevée de la maiſon paternelle. C'eſt
la vengeance de la ſcélérate Marvood qui
fait le ſujet de la Pièce. Son amant , qu'elle
engage à venir chez elle , lui permet d'aller
voir ſa chère Sara ſous un nom emprunté,
& elle profite d'une occaſion qu'offre- le
hafard , pour couler du poiſon dans une
potion cordiale , qui fait périr ſon intéreſfante
rivale.
II eft clair que c'eſt cette viſite de
Marvood qui forme le noeud , & qui produit
le dénouement de cette Tragédie. On
va voir ſi cette viſite a la moindre vraifemblance.
C'eſt après une ſcène de fureur,
dans laquelle Mellefont arrache à Marvood
un poignard qu'elle avoit caché pour
l'affaffiner ; c'eſt après cette ſcène, ou plutôt
dans la même ſcène , que Mellefont lui
permet de bonne foi de venir voir ſa maîtreffe
; à cette Marvood qu'il ſait être pleine
derage,& qu'il vient de reconnoître capable
de la plus noire trahifon. C'eſt ce qu'on
peut imaginer de plus contraire à la vraiſemblance
& au ſens commun.
DEFRANCE.
113
,
Le Lecteur s'attend que cette viſite , fi
mal motivée, produira au moins de grandes
& belles choses ; & il n'en réſulte pendant
long- temps que des ſcènes dans leſquelles
Marvood emploie le moyen vulgaire de
deffervir ſon amant dans l'eſprit de ſa rivale.
Elle ſe venge , il eſt vrai ; elle finit par empoiſonner
Sara ; mais c'eſt par hafard; cette
action ne tient pas à ſes combinaiſons
n'eſt point le réſultat de ſon plan. Elle
s'oublie , elle s'emporte , ſe fait connoître ,
inſpire à ſa rivale une terreur affez forte
pour la faire tomber à ſes pieds & s'y
trouver mal ; & comme on travaille à la
faire revenir , Marvood verſe du poiſon
dansla potion qu'on lui fait prendre. Encore
ſi elle avoit prévu , médité cet affreux incident
; mais au contraire , il n'arrive que
parce qu'elle n'a pas ſu ſe poſſéder; c'eſtà-
dire , parce qu'elle n'a pas foutenu fon
caractère. Ce n'eſt pas ainſi qu'il falloit
peindre une Marvood .
Ce n'est pas qu'il n'y ait dans cette Tra-.
gédie , de très-beaux détails , des momens
d'intérêt , ſur - tout au dénouement. Mais
ce font trop ſouvent des ſentimens exagérés
, qui refroidiſſent l'intérêt & détruiſent
l'illufion. En général , c'eſt un
reproche qu'il mérite dans tous ſes Ouvrages.
Son Dialogue manque trop de
naturel. Dans une tirade de douze vers ,
ou de douze lignes , s'il y en a quatre qur
conviennent au perſonnage , dans tout le
refte on croit entendre parler l'Auteur.
114 MERCURE
1
:
Déclamer , ſophiſtiquer , ce n'eſt pas dialoguer
; & c'eſt trop ſouvent Leſſing qui
écrit , quand le perſonnage devroit parler.
Des fentimens faux ſont ſouvent même
le réſultat de cette éxagération habituelle.
Nous n'en citerons qu'un exemple. Sara , qui
a quitté la maifon paternelle pour ſuivre
ſon amant , reçoit une lettre de fon père.
Elle refuſe de la lire , parce que le vieux
domeſtique, en la lui remettant, lui annonce
que fon père lui a pardonné. Elle prétend
que ce pardon lui fait ſentir ſa faute plus
vivement ; & elle ſe défend d'ouvrir la lettre .
Le domeſtique ne pouvant la vaincre làdeſſus
, ſe croit forcé de recourir à un
menfonge officieux , & lui dit qu'il ne lui
a parlé de la clémence de fon père , que
pour la tranquilliſer ; mais que dans la
vérité , ſon père eſt toujours courroucé
contre elle. Alors elle ſe détermine à ouvrir
la lettre , & y trouvant à la première
ligne ces tendres expreſſions, ma chère Sara,
ma fille unique , elle s'emporte contre le
valet , & ne veut pas aller plus loin , &c .
De bonne foi , où eſt la vérité ? où eſt
la nature ? Une fille coupable , qui gémit
du chagrin qu'elle a caufé à l'auteur de
fes jours , qui pleure ſa faute , peut - elle
être épouvantée du pardon de ſon père ?
Ce refus de lire la lettre qui le lui annonce ,
cette colère que lui donne le mot de ma
chère,fille , est- ce là le langage du coeur ?
&n'est- ce pas là plutôt parodier , qu'écrire
laTragédie ?
!
i
DE FRANCE.
Au reſte , il y a dans cet Ouvrage des
plaifanteries qui ne ſont pas toujours du
meilleur genre , & l'action n'eſt rien qu'héroïque
; pourquoi Leffing a-t-il abſolument
voulu que ce fût précisément une Tragédie
? Il avoit le titre générique de
Drame , fi ufité dans ſa Nation ; pourquoi
renoncer à cette dénomination ſi commode,
qui permet à un Ecrivain d'être à fon gré
noble ou familier , triſte ou gai , rien de
tout cela , s'il veut , & tout cela enſemble ,
s'il lui plaît ? Il eſt vrai qu'on meurt dans
ſa Pièce; mais ſi l'on fait des Tragédies
où l'on ne meurt pas , ne peut-on pas faire
des Drames où l'on ſe tue ?
Peut - être y a-t il plus de naturel dans
le ſtyle. En voici un détail pris dans le
rôle de Sara. Mellefont veut s'embarquer ,
dit-il, pour aller l'épouſer en France. Cruel,
lui répond Sara ! " Je quitterai donc ma
>>patrie en criminelle ! en criminelle !
» & vous croyez que j'aurois affez de
>>courage pour me confier à la mer ? Il
>>me faudroit un coeur plus tranquille ou
>>plus endurci dans le crime , pour voir
>> avec indifférence , un ſeul inftant , une
>> foible planche entre ma perte & moi.
" Dans chaque vague bondiſſant vers mon
>> vaiſſeau je verrois la mort s'élancerpour
>> mefaifir : dans le frémiſſement des voiles ,
> dans lefifflement des vents , j'entendrois
»les malédictions des montagnespaternelles,
» & le moindre nuageferoit unjugement de
fang , prêt à fondre fur ma tête ".
116 MERCURE
On nous diſpenſera de faire remarquer
la ridicule enflure de cet obfcur galimatias.
Nous n'avons pas l'original fous les
yeux; mais les Auteurs de cette Traduction
prétendent avoir traduit fidèlement. Et en
vérité , s'ils lui avoient prêté ce gigantefque
fatras , ce feroit matière à les attaquer criminellement
, comme coupables de calomnie
& de diffamation.
C'eſt pourtant ce même Leſſing , qui ,
dans une Dramaturgie ( 1 ) , dont on a
donné une Traduction Françoiſe en 1785 ,
a traité avec le plus froid mépris nos Corneille,
Racine, Voltaire , & Crébillon . Cor-
>> neille & Racine , dit- il , Crébillon &
>> Voltaire, ont peu ou rien, de ce qui fait
>> qu'Euripide eſt Euripide , que Sophocle
>> eft Sophocle , que Shakespear eft Shakefpear
".
C'eſt ce même Leſſing qui dit dans ce
même Ouvrage , que ceux qui depuis un
>> ſiècle ſe vantent d'avoir un Théatre , qui-
>> même ſe vantent d'avoir le meilleur
>>Théatre de l'Europe .... que les François
n'ont point encore de Theatre ".
C'eſt lui qui prétend que Corneille eft
fans génie , & qui croit lui faire grace en
lui accordant de l'eſprit.
(1 ) Cet Ouvrage, qui nous eſt échappé dans le
temps , ſe vend , en deux Parties , in-86. , à Paris,
chez M. Junker, à l'Ecole Royale Militaire ; & chez
Royez, Lib . , quai des Auguſtins, près le Pont-Neuf.
DE FRANCE. 117
Voulez - vous l'entendre motiver l'anathême
qu'il lance ſur notre Théatre ? Il ne
trouve rien dans les Tragédies Françoiſes ,
finon des intrigues , des coups de théatre,
des fituations. C'eſt pourtant quelque choſe
que cela ! Mais , continue Leſſing , on me
dira qu'il y a de la décence.... » Oh! oui,
>>de la décence. Toutes leurs intrigues font
>>plus décentes ..... & plus monotones ;
>>tous leurs coups de théatre ſont plus
» décens & plus rebattus ; toutes leurs
>>ſituations ſont plus décentes &plus
>> forcées. Graces à la décence « !
.....
....
Vous voyez que dans cette dernière
citation , Leſſing eſt preſque plaiſant ;
voici un endroit où il l'eſt tout-à-fait ; on
jugera par-là de ſon bon goût en plaifanterie.
Il réfute ici Voltaire , qui écrit à un
Anglois , qu'Addiſſon eſt le plus fage des
Ecrivains Anglois. » Qui reconnoîtra , dit-
>>il , Addiſſon pour le plus ſage des Ecri-
>> vains Anglois ? Je me rappelle que les
>>François appellent auſſi ſage une fille
>>qui n'a jamais fait de faux pas. Dans ce
>> fens , la choſe peut pafler , & c'eſt comme
>>ſi Voltaire avoit dit : Cet Ecrivain qui ap-
>>proche le plus de nous autres François ,
>>ſi corrects , fi fades , ſi énervés , & bons
" à faire de l'onguent miton-mitaine «.
On vient de voir un bon goût de plaifanterie
; voici maintenant de la politeffe.
>>Au reſte , ce petit paſſage ne renferme
>>que trois fauffetés; & ce n'eſt pas beauTIS
MERCURE
:
>> coup pour M. de Voltaire " . N'oublions
pas que Leſſing écrivoit ces aménítés
germaniques du vivant de Voltaire. On
prétend qu'étant à Paris , il avoit eu un
démêlé avec cet homme célèbre ; & que
le reſſentiment a influé ſur le jugement
qu'il a porté de ſes Ouvrages. Cela peutêtre
; mais fans ſa haine pour Voltaire , il
n'auroit pas traité avec plus d'indulgence la
Littérature Françoiſe. Ceux qui connoiffent
les Ouvrages de Leffing , favent qu'il n'a
pu faire des Fables , ſans écrire une Préface
contre la Fontaine.
Au reſte, nous n'imiterons pas ſon aveugle
partialité ; & nous conviendrons que dans
cette même Dramaturgie , il y a d'excellentes
obſervations ſur l'Art Dramatique ;
que c'eſt un Ouvrage curieux , & qu'il doit
trouver place dans la bibliothèque des Amateurs
du Théatre. Parmi d'injuſtes jugemens
appuyés par des fophifmes , on y trouvera
des réflexions fines , & quelquefois même
profondes.
Cette digreffion nous a menés un peu
loin ; revenons au Théatre Allemand. La
Tragédie de Leffing eſt ſuivie d'une Comédie
de M. d'Ayrenhoff, intitulée , l'Attelage
de Pofte. Cette Pièce eft preſque toute en
dialogue. Léonore eft promiſe à un Comte
qui eſt paſſionné pour les chevaux ; mais
elle aime un Major dont elle eſt aimée.
Ce Major a quatre beaux chevaux pies ; le
prétendu devient fou de ce bel attelage ;
e
:
DE FRANCE . II
& il cède ſa future à ſon rival , à condition
que ce dernier lui cédera ſes chevaux,
Il y a des traits plaiſans de ridicule. Tel:
eſt ce mot du Comte , qui voulant foire
l'honneur à un Notaire favant , de le faire
entrer avec lui dans ſa voiture , quand il
va eſſayer les chevaux , dit au Notaire qui
fait des façons pour accepter : » Non , non ,
>> point de complimens ; je ne ſuis pas fier ,
» moi , j'aime autant un ſavant qu'un
» ignorant ". )
Le onzième volume commence par Otto
de Wittelsbach , Tragédie en cinq Actes ,
publiée par M. Babo , & arrangée pour
le Théatre par M. le Chevalier de Steinfberg.
Le ſujet de cette Pièce eſt l'Empereur
Philippe de Souabe , aſſaſſiné par Otto , &
venge par Kallheim. Le caractère d'Otto
eſt bien marqué , fortement deſſiné. C'eſt
un homme très-vaillant , très- franc , qui a
mis l'Empereur-fur le trône. Ce perſon->
nage intéreſſe d'abord ; mais l'action qu'il
produit , n'eſt ni intéreſſante , ni noble.
Au troiſième Acte , Otto , qui eft veuf, &
qui a des enfans , demande en mariage la
fille aînée de l'Empereur , qui lui a été pro
miſe ; à ſon défaut , il demande la cadette ,
& au défaut de celle-ci , il veut obtenir
la fille du Duc de Pologne. Cette fureur
d'époufer n'eſt ni héroïque , ni tragique ;
c'eſt pourtant là l'action de la Pièce , &
le foyer de tous les évènemens. On y trouve
3
L
1
120 MERCURE
des expreſſions ridicules , & bien peu faites
pour la Tragédie. Otto , indigné contre
l'Empereur ingrat envers lui , dit à part :
>>>Oh! va-t-en vá monftre couronné ;
د
>>quand, avec toute ta majefté, tu pourrois
>>t>e cacher - dans une noiſette
>>f>aurois encore t'y trouver ".
د je
Ailleurs il lui dit avec une ironie amère :
>> Et moi, Sire, je veux changer mes armes
>>en batterie de cuiſine : voyez-vous, ce caf-
» que me fera une belle cafferole « ? Cela
eſt naturel; mais quelle nature !
( Il y a beaucoup de mérite à avoir tracé
le caractère d'Otto , qui eft vigoureux , foutenu
, plein d'une forte d'énergie ſauvage ,
qui étonne & qui attache. Cette énergie
ſe trouve fur-tout dans une belle ſcène qui
touche à la fin du quatrième Acte . Otto ,
indignement joué par Philippe , qui , ſous
prétexte de le charger d'une lettre de recommandation
pour le Duc de Pologne ,
a-prévenu ce Prince contre lui, entre brufquement
chez l'Empereur , tandis qu'il
fait une partie d'échecs avec un de ſes
courtiſans. Il arrive avec un air farouche ,
vient à la table du jeu , regarde la partie ,
& dit à l'Empereur : Vous êtes échec &
mat; joue lui-même le coup , & brouille
la partie. L'Empereur ſurpris , & encore
plus troublé de cette audace , dit qu'il
avoit un moyen de ſe ſauver : » Aucun ,
" répond Otto ; à moins que vous n'euffiez
>>jeté le joueur& l'échiquier par la fenêtre;
>>alors
DE FRANCE . 121
>>alors vous auriez gagné en Empereur « .
Ce mot eſt auſli fublime que hardi ; ce
qui fuit eſt encore plus énergique. Otto
ſe plaint,de la lettre du Roi qu'il a interceptée
, lui reproche ſon ingratitude, & le
fomine de prouver ce qu'il a écrit contre
lui : Ducparjure ! je n'exige aucune recon-
>>noiffance de vous , jamais je n'exigeai de
>> reconnoifface ; mais la honte , je ne la
>> fouffre pas fur moi. Prouvez une révolte ,
>>une querelle excitée par Otto , prouvez
>>une trahifon , un crime contre l'Empire ,
>> ou contre vous, prouvez,-prouvez donc.
Eh bien , écrivez aubas de cette lettres
» J'ai mentis.
- ود
Une pareille apoſtrophe à un Empereur ,
eſt d'une grande énergie , & rend la ſituation
des plus attachantes .
Pas plus de fix Plats , Tableau de Fa
mille en cinq Actes , eſt une Comédie de
M. F. G. W. Groffmann. Reinhard
Confeiller Aulique , eſt entré dans une
famille très noble &très-pauvre , qui , tout
en le mépriſant , mer chaque jour ſa for
tune à contribution. Il ſe laſſe d'être lau
bienfaiteur, ſans être leur ami ; il ſe montre
ferme envers eux, envers ſa femme, envers
ſes enfans , & jufte envers tout le monde
- Ce caractère est bien tracé, bien foutenu.
Il y a dans la Pièce de belles ſcènes ,une
fidèle peinture de moeurs ; c'eſt dommage
qu'on y trouve beaucoup de longueurs ,
des inutilités, & de mauvaiſes plaifanteries.
N°.42 . 20 Octobre 1787.
122. MERCURE
Voici une Fièce qui a eu ſur tous les
Théatresd'Allemagne un ſuccès prodigieux ;
c'eſt la Tragédic de M. Schiller , intitulée
ies Voleurs . Il s'agit d'un jeune homme
opprimé, qui devient criminel, qui s'aſſocie
à une bande de ſcélérats , & qui ſe couvre
avec eux de forfaits parce qu'il leur a
juré de venger l'innocent opprimé. A Fribourg
dans le Briſgaw , la repréſentation de
cette Pièce fit une telle impreſſion , que
toute la jeuneſſe de cette ville , & l'élite
même de la Nobleffe, jurèrent d'être comme
lui des Anges exterminateurs. Ils ſe lièrent
par les plus affreux fermens ; mais heureuſement
cette conjuration fut découverte
&diflipée.
Voilà un horrible ſuccès , & bien digne
de la Pièce. Il y eſt queſtion de deux frères ;
le plus honnête des deux , celui ſur lequel
l'Auteur a voulu fixer l'intérêt , eſt un
Capitaine de voleurs & d'aſſatſins. Le
genre des détails répond parfaitement au
fujet. Voici les deux traits qui ſervent de
dénouement. Le Capitaine retrouve ſa
maîtreffe, qui a toujours éré fidelle à l'amour
&àla veitu ; forcé de lui déclarer l'horrible
état qu'il a embraſfé , ne pouvant ni ne
voulant s'unir à elle à cauſe de ſes crimes ,
il Paffaffine en brûlant d'amour, pour montrer
fon courage , & même ſa ſenſibilité ;
enfin , pour couronner dignement une telle
action , & faire éclater le genre de vertu
dont il eft capable , il va faire gagner à
DE FRANCE. 323
un pauvre Officier qui travaille à la jour
née , cent ducats , prix auquel il fait que
ſa tête a été miſe.
Cette Pièce n'annonce pas un homme
de goût , mais un génie vigoureux. Il y a des
traits d'énergie qui vous attachent , tandis
que le genre de l'Ouvrage vous repouſſe.
Au reſte , il y auroit de la cruauté à relever
les défauts de cette Tragédie , quand l'Auteur
lui-même , par une autre fingularité ,
vient de l'imprimer , en difant que fa Pièce
eſt déteftable.
Celle qui fuit , & qui termine cette collection
, eſt d'un genre bien différent , &
peut éclaircir les horribles images dont cette
Tragédie a fali l'imagination du Lecteur ;
c'eſt le Bon Fils , Comédie en un Acte ,
par M. J. J. Engel.
Cette Comédie a peu d'action . C'eſt un
fils de payſan , qui s'eſt avancé dans le
ſervice , eft devenu Capitaine , & qui a
toujours fait à ſes parens pauvres une petite
rente par mois. Arrivé , à l'époque de la
paix , chez ſes père & mère , qu'il aime auffi
tendrément qu'il en eſt aimé , il fait punir
un Sergent , qui ayant recruté un fils unique ,
qui ſe trouve le prétendu de la foeur du
Bon Fils , veut le faire marcher , ou plutôt
tirer de l'argent de ſa famille.
La Pièce ſe dénoue fans catastrophe .
Mais le Dialogue en eft naturel , plein de
vérité , & ſe fait lire avec attendriflement.
Nous venons de jeter ſur ce Theatre un
Fij
124
MERCURE
coup d'oeil impartial. Toutes les autres
Nations nous accuſent de nouş refroidir
par une ſcrupuleuſe obſervation de ce que
nous appelons les règles théatrales. Nous
ne répondrons que par un ſeul mot ; c'eſt
que de jour en jour , comme nous l'avons
déjà dit ailleurs , toutes les autres Nations
ſe rapprochent de cette obſervation ſcrupuleuſe
; & il ne nous feroit pas difficile de
démontrer que pour l'Art Dramatique ,
les règles font bien moins des entraves, que
des moyens de ſuccès.
( Cet Article est de M. Imbert. )
OEUVRES d'Hippocrate ; Aphorismes trac
duits d'après la collation de vingt- deux
Manuscrits Grecs& des Interprètes Orien-
: taux. AParis , chez Théophile Barrois
le jeune, quai des Augustins. In-12, petit
format,
Les Ouvrages anciens & modernes dont
le Traducteur nous a donné des Verſions
Françoiſes , lui ayant mérité juſqu'ici une
approbation générale , il y a lieu de croire
que celle- ci lui fera au moins autant d'honneur
: nous diſons au moins , car il n'y a
pas un Ouvrage ancien d'une auffi grande
importance que celui-ci. On fait que les
Ecrits d'Hippocrate ont ſervi de baſe à ceux
2
;
DE FRANCE. 125
de Platon , d'Ariftote , & de tous ceux qui
ſe ſont diftingués par leur favoir dans l'an
cienne Grèce . M. de Buffon , ce célèbre
Ecrivain fi digne de nos éloges , les a fou
vent mis à contribution , & ya puifé plu
ſieurs de ces fublimes théories qui lui ont
fait tant d'honneur. Mais Hippocrate n'a
encore été interprété que dans des temps
où la Phyſique permettoit à peine de le
comprendre. De là ces contradictions perpétuelles
des Traducteurs Latins , & des
Commentateurs. Quoique ſon idiome foit
le plus pur de toute laGrèce , il n'est pas
donné à tous les Lecteurs de le bien faifir.
Un de nos Littérateurs les plus inſtruits ,
Dacier , s'étoit eſſayé fur ce travail; mais il
n'étoit qu'Homme de Lettres , & il a été
obligé d'y renoncer. Le nouveau Traducteur
a fait preuve de connoiſſances bien
plus étendues , & réunit à cet avantage
celui de pouvoir ſuivre le langage de fon
original avec toute la confiance qu'un
homme doit avoir pour entrer dans cette
carrière. L'Avertiſſement qui précède ce
premier Volume , fait voir avec quelle prudence
, quel ſoin , le Traducteur a procédé ;
une erreur devient ici de la plus grande
conféquence. Il falloit être inftruit à fond
des Théories médicales , de la Phyſique ancienne
& moderne; être même verſé dans
celle de la Chimie , & réunir les autres
branches acceſſoires , pour remplir cet objet ;
ear Hippocrate n'intéreſſe pas une ſeule
Fiij
26 MERCURE
partie des Sciences : laChirurgie même retrouve
tous les jours chez lui les grands
principes de ſes opérations. Mais à ne conſidérer
Hippocrate que comme Philofophe,
on reconnoît chez lui tout ce que les hommes
les plus diftingués de notre ſiècle ont
produit fur le ſyſteme généraldu monde ,
fur celui de l'animal, & en particulier ſur
celui de l'homme. C'est donc rendre un
ſervice eſſentiel aux Sciences que de faire
paroître en françois le Recueil de ſes Ouvrages,
au moins ceux que l'Antiquité lui
aattribués...
HISTOIRE Générale & Particulière de
Bohème ; par M. l'Abbé ANDRÉ. A
Vienne & à Strasbourg, chez les Frères
Gay ; à Paris,chez Nyon , rue du Jardinet
; Belin , rue St - Jacques ; Lamy ,
quai des Augustins.
L'HISTOIRE de la Bohème , écrite en tout
ou en partie par beaucoup de Savans Allemands
, qu'on trouve appréciés ici, eft en
général affez ignorée en France , & c'eſt un
fervice que M. l'Abbé André rend à notre
Littérature , de nous faire connoître cetre
Hiſtoire. Il a fallu pour cela , felon fon expreffion
, réduire en corps d'Histoire des
évènemens épars dans une foule d'Ecrits
baroques. C'eſt ce qui eft principalement
:
DE FRANCE. 127
S
لا
e
elt
re
Y
Hes
its
vrai de cette première Partie , qui contient
Hiſtoire ancienne de la Bohème , & qui
ne s'étend pas tout-à-fair juſqu'à la fin du
onzième ſiècle. On voit d'abord la Bohème
fous les Boïens , qui en font les premiers
habitans , & qui lui donnent leur nom, puis
fous les Marcomans , que le célèbre Maro--
boduus ( dont M. Gibert a prétendu tirer
le nom des Mérovingiens ) établit dans ce
pays ſur les ruines des Boïens. Les Marcomans
, après avoir long - temps réſiſté à
toute la puiſſance Romaine , fuccombent
fous les efforts des Barbares. La Bohème eſt
fucceffivement la proie des Lombards , des
Thuringiens , des Francs, enfin des Slaves.
LesBohèmes ou Bohémiens prennent pour
Roi , ou Juge , ou Général , le fameux S2-
mon, qui les fait triompher au dehors , &
les rendheureux au dedans. A la mort de Samon,
& peut-être long-temps auparavant ,
Hiſtoire de la Bohème devient fabuleuſe
ce qui veut dire qu'elle le devient tant
qu'il ne reſte plus aucun moyen de déméler
se qui appartient à la Fable & ce qui ap--
partient à l'Hiſtoire. Tout ce qui concerne
le règne ou la judicature de Cracus & de
fes filles , fur-tour de Limiſſa , eft abſokr
ment de ce genre. Limiſſa épouſa Przémiſ
kas I , qui n'étoir , dit-on , qu'un payfan ,
& qu'elle fit Duc. " Les fouliers de payfan
>>qu'avoit portés Przémiſlas, fon panier d'o-
>> fier, fes guêtres & fon bonner, furent ,
>>p>endant plufieurs fiècles , conſervés avec
Fiv
128 MERCURE
>>grand ſoin parmi les monumens du Royau
me. Au couronnement des Ducs & Rois
» de Bohème , on montra long-temps cette
>> antique chauſſure au peuple ". Les fucceffeurs
de Przémiſlas qui rempliſſent tout
le fecond Volume , depuis l'an 745 juſqu'à
l'an 1061 , font Nezamiflas ; Borziwoie I ;
Spitigné I ; Wratifles I ; Wenceflas I , dit le
Martyr; Boleflas I, dit le Cruel; Boleflas II ,
dit le Pieux.; Boleſlas III , dit le Roux ; Jaromir
; Udalric ; Erzétiſlas I; Spitigné II.
Du temps de Charlemagne & de fes fuccefleurs
, Rois de Germanie , l'Hiſtoire de la
Bohème , au moins dans ſes relations extéricures
, devient un peu plus certaine &
un peu plus connue par l'Hiſtoire de ces
Princes , qui firent ſouvent la guerre aux
Bohémiens avec divers ſuccès.
Cette Hiftoire en général eſt faite avec
foin , écrite avec ſageffe. L'Auteur ne néglige
pas de peindre les moeurs , & de rapporter
les traits mémorables qui peuvent
Tervir d'exemple; tel eſt celui-ci.
Les Borens avoient envoyé une colonie
en Afie ; Nicomède avoit fait alliance avec
eux , & leur avoit donné la Galatie ; ils
avoient fouvent occafion de faire la guerre
aux Romains. Dans une de ces guerres ,
Chiomar, femme d'Ortiagon , Roi des Toliftoboïens
, Tribu d'élite parmi les Boïens ,
étoit tombée au pouvoir des Romains ; on
l'avoit confiée à la garde d'un Centurion .
La beauté de cette illuftre captive frappa le
1
DE FRANCE.
129
Centurion , qui , n'ayant pu la ſéduire , ofa
lui faire violence. Sa brutalité afſouvie , il
lui offrit la liberté , moyennant une ſomme
dont ils convinrent ; deux Princes Galates ,
parens de la Reine, apportèrentla fomme , &
le Centurion conduifit lui-même Chiomar au
lieu où il devoit la remettre aux Galates. Pendant
que l'on compte & que l'on pèſe l'argent,
la Reine raconte à ſes parens , dans la
Langue de ſon pays , pour n'être pas entendue
du Centurion , l'outrage qu'elle a
reçu de lui , leur en demande vengeance ,
&les prie de faifir cette occafion ; ilsfondent
àl'infant für le Centurion, & lui abattent
la tête, elle l'emporte ,& en paroiffant
devant fon mari, elle la jette à ſes pieds :
» Voilà , lui dit - elle , la tête de l'infame
ود adultère qui a ravi mon honneur & le
» voue........ Je reviens vous rendre mon
» coeur & ma fidélité vengée dans le ſang
du criminel. Que Rome célèbre ſa Lu-
>>crèce, ajoute M. l'Abbé André, les Boïens
feront encore plus en droit de vanter leur
Chiomare " .
ود
ود
Contentons-nous d'exalter Chiomare fans
rabaiffer Lucrèce , fans prononcer ſur le
parallèle ,& fans donner de préférence. Ces
deux femmes ont l'une && lautre de grands
droits à nos refpects. Les objections qu'on
a voulu faire après coup contre Lucrèce ,
ſuppoſent , à ce qu'il nous ſemble , des
principes qui n'étoient ni de fon temps ni
de fon pays , & fur lesquels il ſeroit injufte
Fv
130 MERCURE
de la juger ; le fameux dilemme : Si adul
tera,cur laudata?fi pudica, cur occifa ? mal
gré l'autorité ſi reſpectable de ſon Auteur,
n'est peut-être pas fans réplique. Pour bien
juger d'un fait, il faut le prendre avec toutes .
fes circonstances , & n'en mettre aucune à
l'écart. Le jeune Tarquin avoit menacé Lucrèce
de déshonorer à jamais fa mémoire ,
sen la maffacrant ,&en maffacrant à ſes côtés
un eſclave qu'on auroit cru avoir été furpris
en adultère avec elle. Dans les Républiques
vertucuſes, on tient à ſa renommée
&à l'eſtime de la Poſtérité , &ce ſentiment
même est une ſource de vertus. D'ailleurs
il falloit prévenir tant de crimes. Elle fut
donc , fi l'on veut , de fait adultera ; & cependant
, c'eſt à bon droit qu'elle eſt laudata.
Elle fut pudica , & il ne faut pourtant
point demander cur occifa ? car il apparte--
noit à ces mêmes moeurs vertueuſes & Romaines
de ne pouvoir plus ſupporter la vie
après une pareille injure , de ne pouvoir
plus foutenir les regards d'un mari outragé,
ni continuer de vivre dans un hymen fouillé.
Il étoit réſervé à des principes plus purs,.
à une morale plus parfaite, inconnue alors,
de proforire , même en ce cas, le fuicide
& d'infpirer le courage de vivre. Mais s'il
falloit abfolument comparer les deux femmes
& les deux actions dont il s'agit, celle
qui , fans s'immoler elle-même , tue ou fait
tuer le coupable , en violant la foi d'un
Fraire , & continue d'habiter avec ſon mari ,
ne me paroît pas la plus admirable.
4
1
i
1
1
DE FRANCE. 131
L'Auteur cite encore un autre trait à
peu près du même genre , & où les deux
actions précédentes femblent réunies ; c'eſt
celui de Camma , qui s'empoiſonne pour
empoifonner enmême temps le meurtrier
de ſon mari. On fait que cette Histoire a
fourni à Thomas Corneille le ſujet d'une de
ſes Tragédies , qui cut dans le temps quelque
ſuccès. »Ces Héroïnes Idolâtres , ajoute
» M. l'Abbé André , ne pourroient-elles pas
> ſervir de modèles à beaucoup de femmes
>> Chrétiennes " ?
SPECTACLES.
DEpuis environ fix femaines , les nouveautés
qui ont été repréſentées aux Théa
tres François & Italien ont eu , pour la plu
part, un très-malheureux fort. Nous avons
déjà prévenu pluſieurs fois nos Lecteurs que
nous garderions le filence fur les Ouvrages
que leur peu d'importance & la foibleffe de
leur fuccès rendroient indignes de l'attention
publique. Quelques repréſentations que certainsParticuliers
nous aient faites àcet égard,
nous ne renoncerons pas au parti que nous
avons pris. Il est très- décidément inutile
doccuper par l'analyse des Productions qui
132
MERCURE
ne valent pas la peine d'être critiquées , des
pages qui peuvent être employées d'une
imanière plus intéreſſante : d'ailleurs le réfumé
que nous donnons à la fin de chaque
année dramatique , préſente une notice ſuffifante
de chacune des Pièces dont on a cru
ne pas devoir parler particulièrement , &
par cemoyen tous nos engagemens ſe trouvent
remplis. Cette réſolution a été approuvée
par un affez grand nombre d'Abonnés
, pour que nous nous perfuadions
qu'elle eft raiſonnable , & pour que nous y
tenions irrévocablement.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Le Prix Académique , Comédie en un
Acte & en vers , repréſentée avec ſuccès à
ce Théatre à la fin d'Août dernier , n'eſt
pas un Ouvrage que nous voulions confondre
avec ceux qu'il faut rejeter dans la
foule ; mais comme il a quelque reffemblance
avec le Concours Académique , Comédie
en cinq Actes & en vers , par M. le
Chevalier de Cubieres , nous nous propofons
de faire inceſſamment le rapproche
ment de ces deux Ouvrages ſous les yeux
de nos Lecteurs : ce rapprochement pourra
faire connoître juſqu'à quel point font fondées
les réclamations que M. de Cubieres
a confignées dans le Journal deParis, fur
le Prix Académique.
DE FRANCE.
133
Le Lundi 8 Octobre , on a repréſenté
pour la première fois Augufta , Tragédie
en cinq Actes, par M. F. d'Egl...
Auguſta , avant d'être admiſe au nombre
des Veſtales, a contracté un mariage clandeftin,
dont elle a eu un fils nommé Agathocle,
qui a été envoyé en Grèce à l'école de
Socrate. Après la mort du Philofophe Grec ,
le jeune homme revient dans ſa ville natale,
où il a des entretiens ſecrets avec ſa mère dans
le temple de Veſta. Le Conful Domitius ,
amoureux d'Auguſta , croit voir un rival
dans Agathocle , & l'accuſe de profanation .
C'eſt avec une grande joie qu'il apprend
par quels noeuds il appartient à Auguſta ; &
il eſpère quepour ſauver la vie d'Agathocle,
ſa mère confentira enfin à l'époufer. Il ſe
trompe ; la mère & le fils s'indignent éga--
lement des projets de Domitius. L'amour
de celui- ci ſe tourne en rage ; & comme
Agathocle , imbu des principes de Socrate ,
éclate contre les Dieux & contre quelquesuns
de leurs Miniftres , le Conful parvient
aifément à le faire condamner à être précipité
du haut de la roche Tarpéienne.
Heureuſement une Confidente d'Auguſta,
& Vestale aufli , fe préſente au momentoù
le jeune homme va être précipité; elle uſe
du privilége accordé à ces Prêtreſſes , elle
jure qu'elle ſe trouve la par hafard , &
ellefauve les jours d'Agathocle. Ce n'eſt pas
rout , les excès que Domitius s'eſt permis
134 MERCURE
contre Auguſta , ont révolté le peuple , qui
a enfin vengé dans le ſang du Conful les
outrages faits à la Veſtale ; & c'eſt Auguſta
elle-même qui en vient faire le récit .
Cette Tragédie a excité de grands murmures
& de grands applaudiſſemens. On a
reproché à l'Auteur d'avoir marié Auguſta ,
de l'avoir rendue mère avant qu'elle fût
Veſtale , parce qu'une Loi ordonnoit qu'au
deſſus de 10 ans aucune fille ne feroit admife
au culte de Veſta : on lui a reproché encore
d'avoir donné à une femme veuve & mère ,
un dégoût pour l'hymen qui va juſqu'à
P'horreur ; mais il eût peut - être été juſte
d'obſerver que Domitius porte un caractère
odieux , incapable de plaire à la femme
la moins délicate ; & que trente années
doivent faire d'ailleurs une grande révolution
dans les idées d'une femme. On lui a
fur-tout reproché d'avoir donné à Agathocle
le caractère d'un novateur, digne , en bonne
politique , du fupplice auquel il eſt cont
damné. On a enfin remarqué qu'il y a dans
ect Ouvrage des incidens qui fentent la
machine , & dans leſquels on apperçoit plus
l'embarras de l'Auteur , qu'une vrarfemblance
palpable. A quelque point que ces
reproches foient mérités , il faut convenir
qu'il y a du talent dans cet Ouvrage , de
Pimagination , de la verve ; que ſi l'Auteur
étoit plus avare de détails , il arriveroit plus
sûrement à l'effet qu'il veut produire , &
1
1
1
1
>
1
1'35:
DE FRANCE.
que ſon ſtyle gagneroit beaucoup, s'il pouvoit
ſe réfoudre à le dépouiller des formes:
pallées , des expreffions ſurannées , des lo--
cutions hafardées qu'il ſe permet trop fouvent
, & dont il ſemble faire ufage à plaifir
& par goût. Au reſte , il a été jugé avec
une extrême rigueur , & nous allons tout à
Wheure en donner la raifon.
Mort de Mile. OLIVIER..
C'eſt au moment même où ſon talent
devenoit plus utile au Théatre François ,
& plus cher au Public connoiffeur , que
cette Actrice a été enlevée par la mort ,
dans la fleur de fon âge. Elle étoit digne
de tous les regrets qu'elle laiſſe après elle ,.
&ces regrets font bien plus vifs chez ceux
qui lui ont été attachés par l'amitié , que
chez les perſonnes qui l'ont ſeulement vue
comine Comédienne .
Jeanne - Adélaïde - Gérardine, fille de
Charles- Simon Olivier , & de Marie Louife
Romagaffe , est née à Londres le 7 Janvier
1764 , où elle a été baptifée dans la chapelle
de France. Après avoir fait en Province
quelques effais qui ne furent point
malheureux , elle débuta au Théatre François
le 26 Septembre 1780 , par les rôles
d'Agnès , dans l'Ecole des Femmes ,
d'Angélique, dans l'Esprit de contradiction.
Elle joua enfuite , pour la continuation de
fes débuts , Junis , dans Britannicus ; Julie ,
&
136 MERCURE
dans la Pupille ; Victorine , dans le Philo
ſophe fans le Savoir ; Lucile , dans la
Metromanie , & Colette , dans le Mari retrouvé.
Les charmes de ſa figure, la douceur
de fon organe , la décence de ſon maintien,
firent fur les ſpectateurs une impreſſion
plus durable & plus fûre que cette impreffion
bruyante , qui réſulte quelquefois
de l'afféterie , des minauderies , & de la
manière. Le débit de Mademoiſelle Olivier
étoit fage& raifonnable ; on s'appercevoit
ſeulement que ſa timidiré étoit extrême ,
& qu'elle arrêtoit l'effor de fon talent ; on
la reçut à l'eſſai. Pendant l'année de cet
effai, elle fit des progrès remarquables ;
audi fut- elle reçue Comédienne du Roi ,
&le Public ne tarda-t-il pas à lui donner.
des preuves flatteuſes de l'intérêt qu'elle
lui inſpiroit. Une choſe preſque perdue
aujourd'hui au Théatre , c'eſt la tradition
de l'ancienne Comédie, tradition qui tenoit ,
pour ainſi dire , fous ſa ſauve - garde , la
nobleffe & la décence. On lui a depuis
fubditué une manière prétendue fine , qui
n'eſt guère que de l'affectation , & que
bien des gens déſapprouvent encore, malgré
les nombreux fuffrages qu'on lui accorde.
Mademoiſelle Olivier devoit à la Nature
P'heureuſe impuiſſance de tomber dans cette
erreur ; modeſte , décente , timide & douce ,
elle jetoit dans tous ſes rôles les nuances
de ces qualités eſtimables ; & c'eſt ainſi
que dans le rôle d'Alcmène, rôle qui touche
DE FRANCE. 137
à l'indécence , elle s'eſt concilié les plus
juftes fuffrages , en le repréſentant avec autant
de nobleffe que d'agrément. On fait
avec quel abandon , avec quelle grace
touchante elle a joué Rofalie, dans le Séducteur
; comme elle étoit aimable, char
mante , dans le petit Page du Mariage de
Figaro ; mais on n'a peut - être point fait
affez d'attention au talent qu'elle a montré
dans la Comédie des Deux Nièces ; elle y
a mis une fermeté , une aifance , que fa
modeftie ne lui rendoit pas familières , &
qui annonçoit un talent qui ſe laiffoit entraîner
par le ſentiment de ſes forces. Elle
portoit dans la Société l'emploi des qualités
dont au Théatre elle préſentoit l'intéreſſanté
image. Sa douceur habituelle ne l'a point
quittée au fein même d'une maladie douloureuſe;
& dans le délire qui l'a conduite à
la mort , elle ne parloit que des objets qui
pouvoient émouvoir ou alarmer ſa fenfibilité
, de l'infortune qu'elle auroit voulu
foulager , de principes de décence & d'honnêteté.
Elle eſt morte à Paris , le Vendredi
21 Septembre à dix heures du matin , & a
été enterrée à Saint- Sulpice , ſans aucun
faſte , ainſi qu'elle l'avoit recommandé ,
en cas de mort , dès le commencement de
ſa maladie. Nous ne pouvons qu'inviter
les Actrices que l'on deſtinera à remplir
ſon emploi , à imiter ſa modeftie , ſa décence
, ſa docilité , & à ſe bien perfuader
que les ſuccès que l'on obtient pas à pas , &
difficilement,font les ſuccès les plusdurables.
138 MERCURE
:
:
COMÉDIE ITALIENNE.
LE 21 Septembre , ona repréſenté pour
la première fois , les Gens de Lettres , on
le Poëte Provincial à Paris , Comédie en
cinq Actes , & en vers , par M. F. d'Egl....
Nous avons tardé à rendre compre de
cette repréſentation , parce qu'on avoitannoncé
que l'Auteur faiſoit à ſa Pièce de
très-grandes corrections , comme ces corrections
retardent depuis long - temps la
ſeconde repréſentation , nous allons dire
quelque chofe de cet Ouvrage , qui a été
1
très-mal reçu du Public.
Damis , jeune homme riche , élevé en
Province , eſt venu à Paris , où tout lui
déplaît : Moeurs , Modes , Artiſtes , Journeaux
, Gens de Lettres , Philoſophes , tour
fertdebut à ſon caractère frondeur. Dans
un des cercles où il a été admis , il a vu
une femme nommée Mélite ; il la diftingue ,
en devient amoureux , & lui fait fa cour.
Cette femme mariée à un homme qu'elle
croit mort aux Indes,&mère de trois enfans,
eſt conduite par un certain Comte d'Hefpérie
, homme fans principes , fans moeurs ,
fans délicareſſe , capable de tous les excès ,
& qui établit Lefpérance de fa fortune fur
celle de la dupe dont il fera l'époux de
Mélite. Un M. Clar , frère de cette Mélite ,
DE FRANCE.
139
Auteur& Poëte , qui demeure dans l'Hôtel
garni où loge Damis , dont il eſt devenu
l'ami & le protégé , voit Mélite , la reconnoît
, apprend ſes projets , cherche à la
rendre à l'honneur, emploie tous les moyens
pour y parvenir , ſe précipite à ſes genoux
à l'inſtant où Damis entre. Celui- ci ſe croit
trahi par un ingrat , fost , ordonne fon
départ. Une lettre de Mélite éclaircit tout ,
difculpe Clar. Damis , honteux de fon
égarement , propoſe à Clar de quitter Paris
avec lui ,& de retourner en Province
pour y fervir les Muſes & la Philofophie..
2
>
Cette Comédie très longue , & dont
l'action eſt très-nue , a été fort applaudie
dans le premier Acte ; le ſecond& le troiſième
ont généralement déplu , & ils devoient
déplaire , car ils font vides de toute
action. Au quatrième Acte commence un
intérêt qui ſeroit affez vif , s'il n'étoit pas
trop long-temps attendu, &le dénouement,
heureux en lui-même , produiroit un effer
agréable, s'il étoit motivé avec plus d'adreſſe..
Voilà ce qu'on peut impartialement penfer
de cette Comédie qui eſt quelquefois
écrite avec force , mais où l'on rencontre ,
comme dans la Tragédie d'Auguſta , de
vieilles formes , des expreffions tombées
en défuétude , & un fréquent emploi de
mots devenus bizarres. Comment M. F..
d'Egl ... a-t-il pu eſpérer qu'il obtiendroit
quelque ſuccès devant des Juges que fom
د
-
140 MERCURE
i
principal perſonnage ſe fait un jeu de ra
valer de la manière la plus humiliante ?
Eſt ce avec des injures que l'on demande
le droit de Bourgeoifie ? Et les Gens de
Lettres de la Capitale , qu'il traite à chaque
ſcène d'ignorans & de fots , a-t-il cru trouver
grace devant eux , en répétant ſans
ceffe que c'eſt en Province que réſident
le ſavoir , l'inftruction & le vrai goût ?
Ne connoît il donc pas le Genus irritabile
Vatum ? Une Pièce où chaque ſcène faifoit
un ennemi àl'Auteur (1), n'auroit pas réufli
quand elle auroit été un chef - d'oeuvre ;
celle-ci eſt éloignée d'en être un, il ne faut
donc pas s'éronner de ſa chute. La rigueur
avec laquelle on a jugé Auguſta , nous
paroît une ſuite de l'humeur qu'a donnée
contre l'Auteur laComédie des Gens de Lettres,&
M. d'Egl ... peut s'attendre à être jugé
déſormais très rigoureuſement par tout le
monde. Quand on s'érige en réformateur ,
il faut mieux faire que pas un atkre. Mais
l'Auteura-t-il donc tant de tort ? Nos moeurs
:
(1) Au troiſième Acte , on voit une aſſemblée
littéraire , dans laquelle on remarque une femme
de condition, bel-efprit & précieuſe ; un M. Fastidor,
Auteur à la mode de petits vers innocens ; un M.
Lacrymant , Profateur amphigourique ; enfin , M.
Quotidien , Jourealiſte achevé , homme qui ne lit
jamais , parce qu'il n'écrit rien , qui juge & qui
copie. Ce M. Quotidien- là eſt quelquefois trèsplaifant;
tout lemonde ne fera pas de cet avis.
DE FRANCE. 141
font - elles fi bonnes ? notre goût fi für ?
nos affemblées littéraires ſi utiles ? Nos Journaliſtes
font - ils fi impartiaux ? Réponde
qui voudra à ces queſtions ; nous obſerverons
ſeulement que Molière , le plus redoutable
fléau du vice & du ridicule , s'étoit rendu
célèbre par des chef - d'oeuvres , avant de
donner les Femmes Savantes .
ANNONCES ET NOTICES,
ON vient de publier le troiſième Volume des
OEuvres de Fénelon , in-49. Prix , 12 liv. 12 ſous
broché en carton. A Paris, chez Didot l'aîné, rue
Pavéc-Saint-André.
On a tiré quelques exemplaires ſur papier grand
raifin fuperfin. Prix , 36 liv. le Volume broché en
carton,
RÉCEMMATION de la Samaritains contre un
Almanach donnéfousfon nom à MM, les Parifiens ,
Au Château de la Samaritaine ; & ſe trouve à
Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
Cette Brochure eſt une réponſe à un Almanach
qui a paru cette année. Dans de pareils procès , la
gaîté fournit la pièce la plus victoricuſe; & aà cet
egard , le Défenſeur de la Samaritaine pourroit
bien avoir tort ; il y a pourtant des détails pi
quans dans ſa réponſe,
DISSERTATION fur l'endroit appelé vieux
Poitiers ; par M. Bourignon , de Saintes , Cor
142 MERCURE ,
refpondant de la Société Royale de Médecine ,
de pluſieurs Académies , & du Muſée de Monfieur.
Petite Brochure de so pages . A Cenon ; & fe
trouve à Poitiers , chez Michel-Vincent Chevrier,
Imprimeur du Roi, rue de l'Intendance.
La Vie du vénérable P. Yvan , Fondateur des
Religicuſes de Notre- Dame de la Miféricorde ; par
M. l'Abbé de Montis , Docteur en Théologie ,
Cenſeur Royal , de l'Académic Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle. In- 12. Prix , 30 f. br. A
Paris , chez l'Auteur , rue de Vaugirard , Nº. 72 ;
& chez Pierre-François Gueffier , Imp. -Lib. , rue
de la Harpe.
LE Rapporteur exat , ou Tables des cordes de
chaque angle, depuis une minutejuſqu'à 180 degrés
pour un rayon de 1000 parties égales, à l'ufage
de ceux qui lèvent des plans au Graphomètre, & de
ccux qui s'occupent de la Gnomonique , ou l'Art de
tracer des Cadrans folaires ; par M. Banduſion ,
Arpenteur & Feudiſte ; petit format. Prix, 2 liv.
relič , 1 liv. 10 f. broché.
de
ABRÉGÉ du Toiſe des ouvrages rustiques , ou
Nouvelle Méthode Géométrique pour avoir le
contenu ſolide des travaux de terre , Maçonnerie
, &c. extrait d'un Manufcrit du même Auteur
, intitulé : Traité des ouvrages de terre , &c.
& propre à lui ſervir d'Introduction ; par M. Dupain
de Montefion , ancien Ingénieur des Camps
&Armées du Roi. Prix , 2 liv. Brochure in-8 " .
de 92 pages. A Paris , chez l'Auteur , rue Pavéc-
St-André-des-Arts . N°. 3 ; & chez Dupain-Tricl ,
Libraire , Cloître Notre-Dame.
Cet Ouvrage ſera vraiment utile à ceux que
ces objets peuvent intéreſſer.
DE FRANCE. 143
LATONE VENGÉE , Gravure très-avancée par
Balechou , terminée par Cathelin , Graveur du
Roi , de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture
; de 18 pouces de haut fur 26 pouces 6 lig.
de large. Prix , 12 liv. A Paris , chez Dulac , ruc
St-Honoré , N° . 123 .
On doit des éloges à M. Cathelin pour la manière
dont il a terminé cette Eſtampe ; elle eſt
abſolument dans l'eſprit du célèbre Balechou , qui
avoit choiſi ce ſujet pour ſervir de pendant à ſes
Baigneufes. Cet Ouvrage, auquel ont coopéré deux
Graveurs François , doit intéreſſer lePublic, comme
il mérite l'eſtime des connoiffeurs .
On en diftribue l'explication chez M. Dulac.
CARTE nouvelle de la Rade de Cherbourg , avec
ſes environs , levée par M. Madénić , Ingénieur-
Géographe , en 1787. A Paris , chez Gentot ,
Graveur , rue des Carmes , au Nom de Jéſus ; &
chez,Chéreau & Joubert , rue des Mathurins , aux
deux Piliers d'or.
a
L'intérêt qu'ont inſpiré les Deſſeins & Gravures
de la côte de Cherbourg, & de ſes travaux ,
engagé le Sr. Madénié à donner tous ſes ſoins à
celle-ci,pour la rendre plus correcte qu'une infinité
de Cartes en ce genre qui ont paru juſqu'ici . De
plus , elle a l'avantage de réunir en petit le tableau
du Départ d'un Cône , avec ſes détails explicatifs.
NUMÉRO 9 de la Collection de Muſique de M.
Grétry, pour le Clavecin , Violon ad lib . , contenant
le Monologue du Comte Albert ; l'air : Non,
je fuis incapable, des Mépriſes par reflemblance ; &
celui : Ah ! quel plaisir , du Mariage d'Antonio ;
par M. Corbelin, ſeul chargé par l'Auteur d'ar-
1
144
ranger cette muſique pour tous les Inftrumens.
Prix , 2 liv. 8 f. = Les mêmes , avec accompagnement
de Harpe , Violon ad libitum . Même prix. A
Paris , chez M. Corbelin , place St-Michel , maiſon
du Chandelier.
MERCURE DE FRANCE .
NUMÉROS 209 & 210 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , contenant un Air
del Signor Aftarita. Prix , 2 liv. 8 f.; & un Duo
del Signor Cimaroſa , 3 liv. 12 f. L'abonnement
de 24 Numéros eſt de 36 & 42 liv. A Paris, chez
M. Bailleux , Marchand de Muſique de la Famille
Royale , rue St-Honoré , près celle de la Lingerie,
TABLE,
TOMBEAU de Lesbie. 97 Histoire générale & particu-
Charale, Enigme & logogriphe.
Lève de Bohème.
tot Spectacles
Nouveau Thesure Allemand. Comédie Françoise.
104 Comédie taienne .
Cuvres d'Hippocrate. 124 Annonces & Notices .
126
131
132
136
141
APPROBATIΟΝ.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
IC MERCURE DE FRANCE, pour le Samedi 20 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher
Pimpreſſion, A Paris , le 19 Octobre 1787 .
RAULIN
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
TURQUIE.
De Conftantinople , le 12 Septembre..
IL ſe confirme que l'ancien Khan de Crimée
Sahim-Gueray, a été étranglé ou poignardé
àRhodes , après quelque réſiſtance.
Ces jours derniers , on a répandu , &
non fans fondement , qu'un autre rebelte
ſoudoyé , Mahmoud Pacha , abandonné de
la plus grande partie de ſes troupes , a été
défait par le nouveau Pacha de Scutari
&du Beglier Bey de Roumelie. Chaſſé de
Scutari où il réſidoit , on le dit bloqué
dans un petit fort , ſans eſpoir de s'échapper.
Les têtes de ſes principaux Officiers
font arrivées ici , et celle de ſon frère eſt
expoſée à la porte du Serrail. Malgré ces
démonstrations , on attend une confirma->
tion plus préciſe de ce grand avantage dont
on ne rapporte pas la date.
N°. 42. 20 Octobre 1787 .
1
(98)
:
La feconde diviſion de notre efcadre eſt
allée joindre la première , mouillée ſous
Oczakof : on attend avec impatience l'ef
fet de ſes premières opérations. Les ſujets
Ruſſes établis ici avoient obtenu un
terme de fix mois , pour arranger leurs
affaires ; mais un dernier Haticherif leur
enjoint de partir incontinent ; ce qu'ils ont
fait fur deux navires qui les portent à
Trieste.
La peſte a ceffé d'exercer ſes ravages à
Alger. 17000 habitans , entre leſquels on
compte 1000 eſclaves , en font devenus
la proie. On peut aſſurer que le nombre
des morts dans les environs de la ville ,
excède celui de 34000. Durant cette dévaſtation
affreuſe , qui dura cinq mois, les
Confuls et les Négocians Européens ſe
ſont tous retirés à la campagne, mais ils
reviennentſucceſſivement ,& le commerce
reprend une nouvelle vigueur.
ALLEMAGNE.
:
DeHambourg, le 29 Septembre.
On équipoit en diligence , à Cronstadt ,
au commencement du mois , un vaiſſeau
de 60 canons & deux frégates , deſtinés ,
difoit-on , à eſcorter une flotte marchande
dans la Méditerranée. Jour& nuit on tra-
:
1
( 99 )
vaille dans les fonderies & les arfenaux.
Le Département de la guerre à Varſovic
, a donné ordre au Lieutenant-général
de Judizvicz , Commandant des troupes de
la Lithuanie , de conduire dans l'Ukraine,
une brigade de Cavalerie nationale. Ces
troupes , &celles qui font dans cette
Province tireront un cordon ſur les
frontières.
,
Les troupes Ruffes , les plus voiſines de
la Crimée , font en marche vers cette péninfule
; elles doivent joindre l'armée qui
s'y trouve. -Le Prince de Potemkin &
le Maréchal de Romanzof font attendus
à l'armée d'un jour à l'autre . -Les bruits
qui avoientcouru de la défaite d'un corps
de troupes Ruſſes dans la Crimée , ſont
deſtitués de fondement.
L'armée Ottomane , écrivoit - on de
Cherfon , le 3 Septembre , ſe rallie & s'avance
en diligence. Les troupes Ruffes
qui étoient en-deçà de Kiof , font en
marche ; 18 Pulks de Coſaques s'approchent
de Cherfon; l'armée s'étendra de
Balta à Kaminieck .
On lit dans le Journal du Docteur Busching,
l'article ſuivant , concernant les billets
de banque de Danemarck.
Depuis 1781 , il n'y a plus de proportion
juste dans les Etats de Danemarck ,
entre les eſpèces & le papier-monnoie ;
:
e 2
( 100 )
:
i
en 1783 , cette proportion étoit comme
25 à 44. Depuis 1751 juſqu'en 1756 ,
il falloit 117 à 119 marcs & en eſpèces
ou en papiers de Danemarck , pour ſe
procurer cent marcs de banque de Hambourg
; mais il faut actuellement 142
à 143 marcs de Danemarck pour la même
fomme. Les Danois perdent non-feulement
avec les Hambourgeois , mais auffi
avec les Hollandois& les Anglois. Autrefois
la livre ſterling ne valoit que cinq
rixdallers à Copenhaque ; mais aujourd'hui
elle en vaut preſque ſix. L'inſtabilité
du cours des eſpèces &du papier-monnoie
en Danemarck , a diminué considérablement
le numéraire dans ce Royaume,& par
conféquent la fortune des Sujets & de
l'Etat. Le papier-monnoie eſt un fardeau
plus lourd pour ce pays que ſes dettes publiques.
En 1785 & 1786 , on a diminué
à la banque d'Etat le nombre des billets
debanque de 2 à 3 millions;ileſt à deſirer ,
que le reſte de ces billets , qui peuvent encore
monter à 15 millions , ſoit anéanti
ſucceſſivement .
De Berlin , le 30 Septembre.
Un Officier Ruſſe eſt arrivé ici le 21 ,
avec des dépêches qu'il porte à Londres ,
il nous eſt venu auſſi un courier de Paris,
LeDépartementdu commerce, des fabriques &
ر
( 101 )
1
acciſes , a fait publier le 17de ce mois , qu'en versu
d'un ordre du Cabinet du 9 , le Roi a permis l'importation
dans ſes provinces en deça du Weſer ,
des marchandiſes ſuivantes , en payant les droits
exprimés à chaque article , ſavoir ; papier d'emballage
, & papier bleu à ſucre ; le dernier excluſivementen
Siléſie, 3 groſcher par dahler; lunettes, 1 gr.
par dahler; petits anneaux de fer étamés & non
étamés , 3 gr. par dahler ; perles de cire, 3 gr. par
dahler ; têtes de pipes à fumer en bois , 3 gr. par
dahler ; pierres à aiguiſer les raſoirs venant de
Sonneberg , 1 gr. par dahler ; chapeaux fins de paille
&d'écorce , pour femmes , 4 gr. par dahler ; têtes
depipes à fumer d'écume de mer , 3 gr. par dahler ;
selles d'Angleterre , 3 rixd. par pièce ; éventails
tabatières d'étain,d'ivoire,d'écaille, 6gr. par dahler ;
trébuchets , 4 gr. par dahler ; marchandiſes de ferblanc
vernis , 6 gr. par dahler ; porte-feuilles , 4 gr .
par dahler ; canevas , 4 gr. par écu ; bas de fil
tricotés de Tuklenbourg & de Lengen, 4 gr. par
dahler; bas de fil de Bohême & autres , 4 gr. par
dahler ; dentelles tiſſues , 4gr. par dahler.
La Princeſſe Sophie Albertine de Suède
eſt arrivée le 20 de ce mois à Brunswick ,
avec une ſuite nombreuſe ; elle ſe rendra
inceſſamment à Quedlinbourg , pour y
prendre poſſeſſion de l'Abbaye .
Nous avons recueilli ſoigneuſement ,
chaque année , le précis des intéreſſantes
diſſertations hiſtoriques , que M. le Comte
deHertzberg, Ministre d'Etat , a prononcées
à notre Académie des Sciences. Ces mor.
ceaux , dit fort bien leur illuſtre Ecrivain ,
pourront devenir un dépôt des faſtes de l'Ee3
( 102)
tat , plus curieux et plus certain que celui
que des Auteurs ordinaires tirent de la compilation
des Gazettes et des Journaux ; il
transmettra à la poſtérité les époques et les
transactions de chaque règne , ſur des données
certaines et dignes de foi ,
Ce nouveauDiſcours commence par le
sécit des principaux évènemens qui ont eu
lieu depuis la mort du feu Roi ; enſuite
M. le Comte de Hertzberg continue en
disant:
» On voit dans le récit abrégé de ce qui s'eſt
paffé dans le cours de l'année écoulée depuis
la mort de Fréderic II, que le roi adiſpoſé ſon
temps preſquede la même manière que fon grand
prédéceſſeur , en l'employant principalement au
maintienconftant de l'ordre militaire ; mais il n'a
pas manque auffi de donner ſes ſoins & fon
application à l'adminiſtration du gouvernement
civil. Très-convaincu de l'excellent ordre , de la
bonne combinaiſon & de l'activité que le feu
roi a mis dans toutes les partiesde l'adminiſtration ,
fur-tout dans celles du militaire , des finances &
de lapolice , le Roi a afſez fait voir pendant toute fa
geftiondecetteannée, qu'il veut conferver cemême
ordre;maisayant pourtant trouvé des défauts , qui
viennent de l'imperfection humaine , il s'eſt appliqué
& a déja fait de grands pas , dans le cours
de cette année , à les redreſſer & à les corriger ,
par de nouveaux arrangemens , dont je rendrai un
compte abrégé. »
>> C'eſt ainſi que le Roi vient d'établir un directoire
général de la guerre , lequel eſt préſidé par
deshénerrooss du premier ordre , telqueleducregnart
de Brunswick , M. le général de Mollendorf, &
( 103 )
un nombred'autres généraux vétérans & diftingués
parune habileté& une routine reconnues , & partagé
en ſept départemens combinés , qui dirigent ,
chacun felon leur affignation , la recrue des régimens
, leur habillement & entretien , les magaſins
militaires , l'artillerie & le génie , l'entretien des
fortereſſes , la remonte de la cavalerie , la livraiſon
du fourrage , la difcipline & la juftice militaire ,
ainſi que toutes les autres parties de l'adminiſtration
militaire , le Roi s'étant réſervé la direction
générale des opérations entemps de guerre. L'inft?-
tution de ce directoire de guerre étoit d'autant plus
néceſſaire , que le feu Roi avoit exercé tout feul
en perſonne, toute l'adminiſtration militaire , à
l'aide de quelques inſpecteurs généraux & de
quelques aides de camp ; ce qui furpaſſoit les forces
humaines , & n'a pas laiſſé de cauſer des inconvéniens.
»
» Pour mettre la partie de l'enrôlement des
recrues étrangères ſur le meilleur pied poſſible ,
le foi a établi à Francfort fur le Mein , un Majorgénéral
, qui a l'inſpection & la direction générale
de tous les officiers qui font en recrue ; il a fait
publier une patente , par laquelle on a défendu
toutenrôlement forcé & illicite , &aſſuré le congé
aux foldats après l'expiration de leur capitulation .
On a aufli fait quelques changemens pour lameilleure
diſtribution des cantons militaires , & on a
prisdes précautions contre la déſertion des foldats ,
tant par un traitement plus doux , que par la concluſion
d'un cartel avec l'électeur de Saxe& autres
princes voiſins. Il a achevé la levée de ſixbataillons
francs , mieux compoſés que ceux du temps
paſſé. Il a augmenté les régimens d'un nombre
convenable d'officiers & de bas-officiers . Les compagnies
des grenadiers ont été réincorporées aux
régimens ; la pais des officiers a étédiftribuéed'une
e 4
( 104 )
manière plus égale ; l'habillement des troupes a
été changé en partie , pour mieux couvrir le ſoldat.
La livraiſondu fourrage de la cavalerie a été laiſſée
à la charge du pays ; mais le Roi en a conſidérablement
augmenté le prix. Il ahauffé le prix des
chevaux de remonte , pour en aſſurer le meilleur
achat , & il a pris des arrangemens pour établir
quelques nouveaux haras en Pruffe. Il fait bâtir
une grande caſerne à Breslau , pour y transférer
un régiment d'artillerie ; & de grandes ſommes
ont étéaſſignées, tant pourl'entretiendes fortereſſes
de Si efie , que pour continuer la bâtiſſe de la
fortereſſe de Graudenz & du fort de Lik en Pruffs.
Ce n'eſt-là qu'une eſquiſſe des changemens utiles
qui ont été faits pendant le cours de l'année paſſée ,
pour mettre la partie militaire dans le meilleur
état poſſible. >>
» Le Roi a fait également pour la partie des
finances& de la grande police , ce qui lui a paru
néceſſaire & convenable pour ajouter à la perfection
connue qui avoit déjà été donnée à ces
objets fous les deux règnes précédens. Il a ordonné
&recommandé pour cet effet au grand-directoire
des finances , de traiter toutes les affaires , autant
que poffible , d'une manière collégiale & par un
communconcert des Miniſtres d'État , ſelon l'inftitution
excellente & primitive du Roi Frederic-
Guillaume I. Il a établi un département particulier
pour la direction des péages , des accises , des
fabriques & du commerce. C'eſt par ce département
qu'il a fait abolir l'adminiſtration fifcale &
odieuſe des péages &acciſes , qui avoit été gérée
juſqu'ici par des officiers d'une nation étrangère ,
peu inſtruits de notre conftitution. Il l'a rendue
Afa nation , & a tâché d'alléger le fardeau des
droits par un nouveau tarif, par une diminution
confidérable des droits de tranfit& autres , &par
ン
( 105 )
des arrangemens adoucis& favorables pour la foire
de Francfort , en tâchant en général de rendre le
commerce plus libre avec les étrangers , fans pourtant
déranger les fabriques nombreuſes du pays ,
& en faiſant des traités de commerce avec les
puiſſances voiſines. Pour le rendre auſſi plus aiſé ,
il a commencé à faire travailler à des chauſſées ,
quimènent dupays de Magdebourg à Leipzig , ayant
déja affigné la ſomme de 100 mille écus , & ayant
chargé notre académie de publier un prix pour
mieux éclaircir la matière intéreſſante de la conftruction
des chauffées , négligée & peu connue
juſqu'ici dans les états Pruffiens. Le Roi a donné
cette année des ſommes tout auſſi fortes que ſon
prédéceſſeur , pour l'encouragement de l'agriculture
& des fabriques , pour l'entretien & l'amélioration
des canaux , fur-tout pour empêcher les
inondations de la Warte , de l'Oder , de la Havel
&de l'Elbe , & pour donner une meilleure direction
&un écoulement plus libre à ces rivières. Il a
beaucoup foulagé le pays en augmentant le prix
des livraiſons du fourrage juſqu'à près de 300 mille
écus , & en permettant la ſortie du blé & fon
libre commerce , quoiqu'en le chargeant d'un petit
impôt , qui empêche ſa fortie & une trop grande
hauſſe du prix. Il a aboli le monopole du tabac
&des raffineries de ſucre , en rendant la fabrication
de ces articles libre à tous ſes ſujets. Il a
fait aſſigner les prix ordinaires pour l'encouragement
de toutes les branches de l'induſtrie rurale
&des fabrications ; il a même aſſigné une ſomme
extraordinaire pour établir la culture de la foie ,
qui depuis deux ans avoit beaucoup déchu par
les mauvaiſes ſaiſons & la perte des mûriers
dansdes hivers trop rigoureux. Il a ſumplifié l'adminiſtration
des finances , en réuniſſant les députations
qui réſidoient à Cæflin & dans le pays de
5
6
( 106 )
Hoheinstein, auxchambresdeStettein& deHalberftadt.
Il afaitdes changemens utiles à la chambre
générale des comptes , & a augmenté en général
Jes appointemens de la plus grande partie des
collèges de finance. »
des
<<La partie importante de lajustice n'a pas été
oubliée. LeRoi a confirmé&autoriſé de la manière
laplus expreffe , la nouvelle réforme de la justice&
de la législation que Mr. le Grand- Chancelier de
Carmer a introduite dans les dernières années de
la vie de Frédéric II, en attribuant la principale
'inſtruction & direction des procès aux juges , & en
diminuant l'influence intéreſſée des avocats. Il a
affigné à ce miniſtre une ſomme annuelle de 35
mille écus , pour pouvoir mieux payer les collèges
de juftice , & pour diminuer pour le public la
charge des épices , & il en a promis encore davantage.
Il a autoriſé de nouvelles loix , que la facilité
dufeuRoi avoit rendues néceſſaires , pourréprimer
la manie & l'inſolence des plaideurs & des ſollicitans
, & pour contenir l'eſprit réfractaire &
inquiet de quelques payſans. Par le même motif
il a fait redreſſer & caffer les arrangemens arbitraires
que le feu Roi avoit pris dans la fameuſe
affaire du meunier Arnold , & a réparé ainſi une
injustice éclatante , que ce grand prince a commiſe
pardes erreurs & des precipitations , & par les
ſuites de ſon zèle même pour la juſtice. >>
4
( Lafuite au Journal fuivant.)
!
De Vienne, le 30 Septembre.
Pendant le ſéjour de l'Empereur à Théréfienſtadt
, on fit ſauter en fa préſence ,
les 13 & 14 du mois dernier , plufieurs
mines préparées dans ce deſſein. S. M.
!
( 107 )
examina très-foigneusement les nouveaux
ouvrages , récompenſa les foldats travailleurs
, et fit entre autres diftribuer cent
ducats à la Compagnie des Mineurs. Trois
jours après ſon arrivée ici (le 25 ) , се
Monarque , accompagné de l'Archiduc
François& du Duc de Saxe-Teſchen , eſt
allé au devant de l'Archiducheſſe Marie
Thérèse de Toscane, fiancée au Prince de
Saxe , et l'a conduite de Merfuſchlag à
-Laxembourg , d'où elle est attendue ici
aujourd'hui .
Outre la promotion militaire que nous
avons annoncée il y a huit mois , l'Empereur
en a déclaré une nouvelle , qui élève
au grade de Généraux Feld-Maréchaux ,
les Généraux-Majors de Wartensleben &
de Wallis. Le Général-Major de Gazzinelli
est nommé Commandant de l'Autriche
inférieure . Le Général Latterman , vu fon
grand âge , ayant réſigné le commande.
ment de Mantoue , ce poſte eſt accordé
au Lieutenant-Général de Drechsler,
L'opinion publique diſtribue chaque
jour , d'une manière différente , l'armée
très- confidérable qui fe raſſemble fur nos
frontières. Les uns forment une armée principale
de 75000 hommes , ſous les ordres
du vieuxMaréchal de Haddick , auprès de
Peter-waradin. Ils y ajoutent un grand
cordon & deux petits ſéparés , fous des
e 6
( 108 )
chefs qui varient à chaque inſtant. Ce
qu'il y a de certain , c'eſt l'extrême diligence
de ces préparatifs , & leur étendue ;
mais leur emploi n'eſt pas encore déterminé
pour le Public , qui ignore , malgré
beaucoup d'aſſertions aventurées , fi ces
nombreuſes troupes ſont deſtinées uniquement
à la garde des frontières
courir les Ruſſes en tout ou en partie. En
attendant que ce grand myſtère ſoit bien
éclairci , voici la liſte qui paroît la moins
apocryphe, des troupes qui formeront l'armée
& le cordon.
L'Armée.
,
ou à ſe-
Infanterie Hongroife : 6bataillons de grenadiers ,
Archiduc Ferdinand , Nicolas Esterhazy , Samuel-
Giulay , Karoly Nadaſdy , Palfy , Alvinzy , De
Vins , d'Alton , & Antoine Eſterhazy ; de chacun
les deux bataillons de campagne.
Infanterie Allemande : Dourlac , Terzy , Latterman
, Reisky , Thurn & Neugebawer. En tout
38 bataillons.
Cavalerie : Kavannagh , Zefchwitz , Karamelli ,
Schakmin , Harrach & Czartorisky , cuiraſſiers ;
de chaque trois diviſions. Joſeph Toſcane 4 diviſions
; Chevau - légers : Joſeph Kinsky , Lobkowitz
, Modene ; de chaque quatre diviſions.
Houfards : Wurmſer 4 diviſions. En tout 38
divifions.
Idem, 16 bataillons des troupesde cordon , 3 bataillons
de Nicolas Esterhazy , & 2 divifions de
houſards de Graven.
Commandant en Chef: le Maréchal Haddick.
Généraux : l'Anglois , le Prince de Ligne , Rou-
:
( 109 )
vroi , Kinsky , Gemmingen , Neugebawer , Blankenstein,
Clarfayt , Drechsler , Brechainville , Tige ,
Spleiny , Pallavicini , Harrach , Nadafty , Keil ,
Kavanagh, d'Alton , Suart , Gazinelli , Wenkheim ,
Harnancourt , Kalſchmedt , Sturm & Stader.
: En Croatie , les Généraux De Vins , Wallis ,
Schlau-Kuhn & Klebek .
Le Cordon.
En Esclavonie. Infanterie : les 3mes, bataillons
deNadaſdy, Samuel-Giulay, Archiduc Ferdinand ,
Palfy , Karoly , Teutſchmeiſter , Preiſs , & 6
bataillons des troupes de cordon.
و
Dans le Bannat de Temeswar : les 3mes. bataillons
de Devins , Alvinzy , Antoine Efterhazy
4.bataillons des troupes de cordon , 3 diviſions
de Wurtemberg dragons , &3 diviſions deGraven
houfards.
En Transylvanie : François Giulay & Orofz ;
de chaque 3 bataillons , & 6 bataillons des troupes
decordon. Savoye dragons , 3 diviſions ; 5 diviſions
d'Alexandre Tofcane , & 3 diviſions des
houfards de Sekler.
En Gallicie : 3 bataillons de Kaunitz , de Wenceſlas
Colloredo, Schrader , Pellegrini , &Charles
de Tofcane ; & 2 bataillons des troupes de cordon ,
4diviſions des houſards d'Erdody , 2 divifions de
ceux de Sekler.
EnEſclavonie, Généraux : Nitrowsky , Brentano ,
Orosz & Schmekner.
Dans le Bannat. Généraux : Papilla , Beniowsky
&Weezay.
En Tranſylvanie. Généraux : Fabris , Hall ,
Drugnik , Pfefferkorn & Enzenberg.
En Gallicie , Généraux : Prince de Cobourg ,
Sauer Merger , Thierheim & Gorsky.
Enfin le 2me, régiment d'Artillerie.
( 110)
En tout
Infanterie : bataillons .
Cavalerie : diviſions .
Généraux d'Infanterie .
Généraux de Cavalerie .
Lieutenans-Généraux .
Généraux-majors.
.........
.....
..
94
63
3
32
2
14
29
On évalue la totalité de ces troupes à
163 mille hommes.
De Francfort-fur- le- Mein , le 6 Octobre .
Suivant les lettres deVienne , le cou-
Tier attendu de Pétersbourg y étoit arrivé
le 23 Septembre , avec des dépêches
dont le contenu reſtoit ſecret. L'Impératrice
, à ce qu'on conjecture , y fait une
demande formelle des ſecours ſtipulés
entre les deux Cours. A ces bruits , on
ajoutoit celui d'une déclaration faite à la
Porte par le Baron de Herbert, Internonce
Impérial : Déclaration dont la ſubſtance
porte , à ce qu'on dit :
» Que S. M. I. s'étoit attendue avec
raifon , que la Cour Ottomane auroit demandé
ſa déclaration avec plus de décence&
avec plus d'égards pour ſa dignité
& fa qualité de bon voifin. Que la réponſe
de S. M. étoit qu'elle ne pouvoit
que déſapprouver ſouverainement la démarche
précipitée par laquelle la Cour
( III )
Ottomane a déclaré la guerre à fon alliée
l'Impératrice de Ruffie , & qu'elle
rendoit la Porte reſponſable de toutes les
ſuites fâcheuſes qui en réſulteront immanquablement.
Que celle-ci ne devoit point
ignorer que dans ces circonstances , S. M.
accordera à l'Impératrice , comme à fon
amie& alliée , les fecours ſtipulés par le
traité , en envoyant 80,000 hommes de
ſes troupes à l'armée Ruffe. Que fi la
Porte veut regarder ceci comme une hoftilité
, on étoit , de notre côté , prêt à tout
événement , & qu'en ce cas on fe verroit
obligé de repouſſer la force par la force ;
inais que fi la Porte ne vouloit point confidérer
cette démarche comme hoftile , on
pourroit , malgré le fecours à accorder à la
Ruffie , continuer , relativement aux fron.
tières reſpectives , la bonne intelligence
qui a fubfifté juſqu'ici entre les deux Empires
, & qu'alors ce ſeroit avec plaifir
que S. M. voudroit bien être médiatrice
dans cette affaire , &c. »
Quant aux nouvelles de la Mer-Noire ,
c'eſt toujours un recueil de bruits contradictoires
, dénués de toute autorité. On
affiunoit , il y a deux jours , que les quatre
vaiſſeaux de guerre Ruſſes , lancés en préſencede
l'Impératrice,avoientété interceptés
parune diviſion de la flotteOttomane ,
en defcendant de Nieper , pour aller com
( 112 )
pléter leur armement à Sébastopolis. Maintenant
c'eſt une frégate Ruſſe qui , enveloppée
par DIX - SEPT VAISSEAUX DE
GUERRE ennemis , les a diſperſés , battus
, & s'eſt retirée à Cherſon avec quelques
agrêts emportés . Voilà ce que diſent
les Gazettes d'Allemagne , copiées par
celles de Hollande & des Pays-Bas , le
tout furdes lettres authentiques &probantes
de Cherfon en droiture.
On apprend de Brunswick , que le Général
Faucett , après avoir réglé tout ce
qui eft relatif aux troupes qui doivent pafſer
à la ſolde de l'Angleterre , eſt parti de
cette ville pour Carſel , où il doit auffi
négocier des troupes .
Le Margrave d'Anſpach a défendu dans
ſes Etats toutes les loteries , & donné , du
fonds de la loterie nationale , 25,000 florins
à l'Univerſité d'Erlangen , & 5,000
à la Bibiothèque. Le reſte de ce fonds eft
deſtiné à l'établiſſement d'un Séminaire
de bons Maîtres d'Ecole.
Le Prince d'Anhaht Coëthen , Général
de Cavalerie au ſervice de Pruſſe , eſt
arrivé le 21 à Santen , & a continué le
lendemain la route pour la Haye. On le
dit chargé d'une commiffion particulière
du Roi auprès du Prince Stadhouder .
Le fieur de Mezbourg , Conſul de l'Em
pereur à Jaffis , a quitté cette ville avec
( 113 )
er
tout fon monde , & s'eſt retiré à Gernoviz
dans la Bucowine , où il eſt arrivé le
1. de Septembre . Les Ottomans , dit- on ,
commettent dans la Moldavie des violences
contre les Chrétiens qui ſe réfugient
par bandes dans les Etats de l'Empereur.
Trois cents Turcs ont fait , près
de Suczova , une invafion dans la Bucowine
; mais fur la nouvelle que ce pays
appartenoit à l'Empereur , ils ſe font retirés
fur-le-champ .
La poſition actuelle des affaires d'Hollande
attire toute l'attention publique. On
connoît cette puiſſance ; mais il eſt des
momens où l'on aime à relire ce que l'on
ſait déja , pour mieux ſuivre le fil des affaires
du temps. C'eſt dans cette vue que
l'on préſente ici , d'après un Journal allemand
qui nous paroît exact , l'eſquiſſe ſuivante
de la Deſcription géographique de
la Province de Hollande , de la population
, de l'état militaire & de la conſtitution
des ſept Provinces-unies qui forment
la République.
« La province de Hollande eſt la plus grande
des ſept Provinces-Unies ; elle eſt diviſée en deux
parties : la Sud-Hollande & la Nord- Hollande que
l'on appelle auſſi eſtfriſe. Voici les principaux
lieux de la Sud-Hollande : ſavoir , la Haye ouverte
de tous les côtés , & réſidence des Etats-généraux.
Près de là ſe trouve ,dans un bois , le Château d'Onangefarl
appartenant au Stadhouder. Amſterdam;
1
( 114 )
eny compte 27,000 maiſons ,&une population
de 200,000 ames ; elle eſt fortifiée du côté du continent
, de 26 ouvrages réguliers ,& ce côté peut
en outre être mis ſous l'eau. Vers le golfe , qui
forme l'Y, la ville n'eſt point fortifiée; mais l'entrée
en eſt garantie par deux rangs de paliſſades , qui
s'élèvent de quelques pieds au deſſus de l'eau.
Gouda; cette ville & les environs peuvent être
mis ſous l'eau en ouvrant les écluſes ; c'eſt ici que
l'on garde les archives de la province. Harlem ,
Leide, Delft; dans la dernière , ſont un grand
arſenal & les magaſins à poudre de la province.
Rotterdam , ville conſidérable , la première après
Amſterdam; Dordrecht , ſituée ſur une iſle qui ſe
formalors de lagrande inondation de l'année 1421 ;
la chronique dit que dans ce défaſtre , 72 villages
furent engloutis , & plus de 100,000 perſonnes
périrent. Heusden , une des principales fortereſſes
dans la province. Gertruidenberg , fortereſſe ;
Helvoetsluis , village avec un bon port. La Brille,
ville fortifiée ayant un bon port. Les principales
villesde la Nord-Hollande ou Westfrife , font :
Alkmar , Horn;les Députés de la Nord-Hollande
tiennent ici leur aſſemblée; on y conftruit auſſi
beaucoup de bâtimens de guerre & marchands.
Exkhuiſen , a un bon rempart , & eft flanquée de
ſept bastions. Edam , Medemblik , ville fortifiée ;
Saardam, bourg grand & riche , où Pierre- le-
Grand apprit la conſtruction des vaiſſeaux. Toute
la province de Hollande est très - baſſe ; il y a
même des endroits où elle est au-deſſous du
niveau de la mer , que l'on contient par des
digues."
« On évalue à 2,758,632 ames la population
des ſept Provinces- Unies. En temps de paix , la
république entretient environ 30,000 hommes de
troupes , & 10 vaiſſeaux de guerre , qui , en temps
-
(115 )
de guerre, font portés à cent & plus. La Compagniedes
Indes orientales entretient 150 vaiſſeaux ,
depuis 10 juſqu'à 60 canons. Les revenus ordinaires
de la République , unis , montent par an à douze
millions d'écus d'Allemagne ; le Conſeil d'Etat en
a l'adminiſtration . Le Gouvernement de la République
eſt aristocratique- électif. Les Provinces-
Unies font compofées de ſept Républiques ou
Pays Souverains; leur union eft repréſentée par
leurs Hautes-Puiſſances les Etats-généraux ; une
partie du pouvoir exécutif, eſt confiée au Stadhouder
, qui eſt en même temps Capitaine-général
&Amiralde l'Union. La dignité Stadhoudérienne
a été établie le 16 Novembre 1747 , dans la
maiſon de Naſſau Dietz , tant pour la defcendance
mâle , que pour la defcendance féminine;
de forte cependant que la Princeſſe qui
en hériteroit , ne pourroit ſe marier à un Prince
Royal ou Electoral.-L'Aſſemblée des Etats-généraux
le tient à la Haye. Chaque Province peut
y envoyer à ſes frais autant de Députés qu'elle
juge à propos; mais on ne compte àl'Aſſemblée
que ſept voix, une pour chaque Province. C'eſt
dans cette Affemblée que ſont arrêtés la guerre ,
la paix, les traités avec les Puiſſances étrangères ,
les fubfides & les lois générales : il faut pour
cesgrands objets l'unanimitéde toutes les Provinces.
Cefont ces Etats-généraux qui envoient & qui
reçoivent des Envoyés & des Miniftres publics.
Les Officiers militaires leur prêtent le ferment
de fidélité. En temps de guerre les Etats-généraux
font accompagner les troupes de quelques - uns
deleurs membres , ou de quelques membres du
Conſeil d'Etat , comme Députés , qui compoſent ,
avec les Généraux , le Conſeil de guerre , &
repréſentent la Souveraineté. Rien d'important ne
peut être entrepris ſans le conſentement de ces
( 116)
3
Députés. La Préſidence dans l'Aſſemblée des
Etats-généraux , change toutes les ſemaines , &
paſſe tour-à-tour à chaque Province.-Le Conſeil
d'Etat dépend des Etats-généraux ; il eſt compoſé
du Stadhouder , &de douze Députés des Provinces .
La direction des affaires militaires & des finances
eft confiée à ce Conſeil , où la pluralité des membres
votans décide ,& non celle des provinces. La
Préſidence de ceConſeil change auffitoutes les ſemaines
, & paſſe ſucceſſivement aux 12 Députés.
LeDéputépermanent de la province de Hollande,à
l'Aſſemblée des Etats-généraux , eſt le Grand-Penſionnaire
de cette Province ; ſon influence dans les
affaires est très-grande.
ESPAGNE.
De Madrid , le 23 Septembre.
La Cour reçoit depuis quelques jours
des plaintes multipliées des pirateries
qu'exercent les galiottes Algériennes. Ces
barbareſques ſe ſont emparés , preſqu'à la
portée du fufil des côtes de Catalogne ,
près de la tour de Carraff & de Valence ,
de deux bâtimens Génois , dont les équipages
ont eu à peine le temps de ſe ſauver.
Le Gouvernement a fait ſavoir au
Conſul Eſpagnol à Alger , la réclamation
légitime des Génois , & l'inſulte faite à
notre territoire : on eſpère que le Dey
✓ fera rendre ces bâtimens .
Les lettres de Carthagène , du 16 de
ce mois , portent que la frégate du Roi
-
(117)
la Sainte-Mathilde , eſt fortie le 15 de
ce port , pour aller à Alger. On la dit
chargée d'un million de piastres fortes .
On écrit de Cadix , du 14 , que le 9 , deux frégates
de la Compagnie Royale des Philippines ,
appelées Notre-Dame-des-Neiges et Notre-Damedes-
Plaifirs , y font heureuſement arrivées avec
4 millions de piaſtres fortes , en marchandises ,
effets ou productions de ces iſles , de la Chine , de
la côte de Coromandel & du Bengale , &qu'on en
attend une troiſième.
Le même jour , il eſt entré dans cette baie , le
vaiſſeau du Roi l'Aſtuto , une Polacre & un Paquebot
, venant de Vera-Crux , de Montevideo&de
Havane ; ils portent , pour le compte de S. M. ,
3,616,918 piastres foorrtteess ,, & plus ddee700 mille
piaſtres en effets , & environ 1100 mille piastres
fortes en argent ou marchandises pour le Come
merce,
ITALIE.
De Venise , le 15 Septembre.
Le 7 de ce mois , le Sénat a arrêté la
ſuppreſſion de 18 Fêtes dans l'année. Les
Mandemens du Patriarche de Venife &
des autres Prélats , à ce ſujet , paroîtront
au premier jour.
La République eſt décidée à conferver
dans les troubles actuels , une neutralité
armée, Dans peu de jours on lancera
deux chebecs & trois frégates , qui
iront immédiatement réjoindre l'eſcadre
Vénitienne , aux ordres du Cher . Емо ,
(118)
ſtationnée à Durazzo , pour furveiller les
mouvemens de l'eſcadre Turque.
Les dernières Lettres de Cattaro , confirment
la défaite totale du Bacha de
Scutari , qui , après avoir perdu Antivari
& Scutari , s'étoit réfugié dans la fortereſſe
de cette dernière ville. Il avoit
déja pris la fuite pour ſe rendre à Ancone ,
où il faisoit paffer la plus grande partie
de ſes richeſſes , lorſqu'il fut furpris par
l'ennemi . Il eſt actuellement entre les
mains du Bacha de Boſnie , qui ſe propoſe
, dit-on , de le faire décapiter.
De Bologne , le 14 Septembre.
Hier , jour de la fête annuelle de la
Vierge , vénérée ſous le titre de Sancta-
Maria della vita , on a découvert pour
la première fois la vaſte & magnifique
Coupole elliptique , qui vient d'être
achevée dans l'Egliſe de Ste. Marie , fur
les deffins&par les ſoins des Sr. Tubertini
& Aquifti , l'un architecte , & l'autre
ſculpteur. Ce beau monument fait pour
foutenir la réputation des Bolonois dans
les beaux arts , a 141 palmes romaines
de hauteur , ſans compter la lanterne ,
85 palmes dans fon grand diamètre , &
76 dans le plus petit.
i
C
(119 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 5 Octobre.
Toutes nos Lettres & Gazettes Angloiſes
ſe trouvant fupprimées depuis
quinze jours , nous ſommes réduits , en
cet inſtant , à l'extrait imparfait des nouvelles
plus ou moins inexactes des Gazettes
Françoiſes , qui copient celles de
Londres , fans choix & fans difcernement.
Nous ne pouvons , par conséquent , répondre
de l'authenticité de ces articles ,
dont nous rapporterons les plus vraiſemblables.
Le Bureau de la Tréſorerie a donné
ordre de livrer la ſomme de 20,000 liv.
ſterlings pour la dépenſe des recrues qui
formeront les quatre Compagnies additionnelles
à ajouter à chaque Régiment.Les
troupes de Marine feront augmentées de
vingt-cinq Compagnies.
Le Gouvernement a fretté , le 27 ,
douze bâtimens de tranſport , formant
16,000 tonneaux. Ils font deſtinés à porter
des munitions de guerre & des provi
fions aux vaiſſeaux de S. M. ſtationnés
aux ifles. Il en a été frété quatorze autres
ſur laTamiſe , à bord deſquels on a embarqué
des munitions d'artillerie pour les
mêmes lieux.
( 120 )
Le Public continue de nommer l'Amiral
Pigot au commandement de la flotte
de la Manche ; on prétend même qu'il a
reçu ſa commiffion de l'Amirauté , le 1er.
de ce mois , & qu'il montera le Victory
de 100 canons ; ſur lequel néanmoins il
n'a point encore arboré de pavillon . Le
Vice-Amiral Barrington , qu'on lui donne
pour ſecond , a hiſſe ſa flamme à bord de
l'Impregnable de 90 canons ; vaiſſeau neuf
qui n'a jamais été en mer.
D'un autre côté , l'Amiral Hood paroît
deſtiné à un commandement en chef, & il
a porté ſon pavillon du Triumph , de 74
canons , fur le Barfleur , de 98 canons .
Ce Lord eſt actuellement à la tête de
10 vaiſſeaux de ligne , réunis à Spithead ,
auxquels ſe ſont joints , le 29 Septembre ,
le Coloffus de 74 canons, & le Scipio de64,
venant de laTamiſe , & qui attendent de
Plymouth , le Standard de 64. On ignore
encore la deſtination de cette Eſcadre , &
le moment de fon départ ; mais il ſe répand
qu'elle fera portée inceſſamment à
18 vaiſſeaux de ligne . >
Le 3 , diſent quelques papiers , on a
mis en commiſſion : le Royal Sovereign ,
de 110 canons , par le Capitaine Scarbo-..
rough ; l'Impregnable , de 98 canons , part
le Capitaine Pringle ; le Barfleur , de 98 !
canons , par le Capitaine Knight ; le .
Cumberland ,
( 121 )
Cumberland , de 74 canons , par le Capitaine
Macbride ; la Bellona , de 74 can . ,
par le Capitaine Bowyer ; l'Alcide , de
74 canons , par le Capitaine Caldwell ;
le Robuft , de 74 canons , par le Capitaine
Cornwallis ; l'Arethusa, de38 canons , par
le Capitaine Conway ; le Phénix , de 38
canons , par le Capitaine Paine ; la Perfévérance
, de 36 canons , par le Capitaine
Young ; la Nymphe , de 36 canons , par
le Capitaine Bertie ; le Spitfire , brûlot ,
par le Capitaine Willis .
Nous obſervons que , quelquejuſte d'ailleurs
que puiſſe être cet état , il n'y a
dans la Marine Angloiſe aucun Capitaine
Scarborough ; ce dont on peut s'afſſurer dans
le Royal Kalendar. C'eſt ainſi que les mêmes
feuilles nomment au commandement
de l'Eſcadre de l'Inde , le Contr'Amiral Sir
John Douglas , tandis qu'il n'y a d'autre
Contr'Amiral de ce nom , que le Chevalier
Charles Douglas , Capitaine de pavillon
de l'Amiral Rodney , dans la dernière
guerre .
Le 26 Septembre , on a mis en commiffion
la Dido , l'Aurora & le Squirrel.
A Chatham , on prépare la Brune de 32
canons , & les brulôts le Pluto & l'Incendiary
: A Plymouth , quatre frégates de
44 canons , qu'on dit deſtinées à tranfporter
des troupes aux Antilles .
No. 42. 20 Octobre 1787.
f
( 122 )
Le Prince Georges de 98 canons , Capitaine
Edgar.
Il eſt arrivé , le 26 Septembre , une partie
conſidérable des vaiſſeaux attendus des
ifles , & les matelots qui ſe trouvoient à
bord , ont été preſſés ſur le champ .
Le 22 du mois dernier , l'Amirauté ,
dit-on , a déterminé , de la manière ſuivante
, le nombre d'hommes qui formeront
l'équipage complet de chaque vaiſ
ſeau de guerre.
Vaiffſeaux du premier rang , de 100 canons &
au -deffus.
Ces vaiſſeaux auront un équipage de . 875 hommes.
S'ils portent un pavillon amiral
Sic'eſt un vaiſſeau que monte le commandant
en chef
.. 900
. 920
Le complet des vaiſſeaux du ſecond rang, de 90
canons & au - deffus ,
Sera de : 780hommes.
Avec un pavillon amiral , de 800
S'ilsportent le commandant en chef . 825
Les vaiſſeaux du troisième rang , de 63 à80 canons.
L'équipagedes vaiſſ. de 64
fera de
Celui des vaiſſ. de 74 , de
Celui des vaiſſ. de 80 , de
can,
• 525 à 560 hommes.
• 575 à 625
650à 700
Les vaiſſeaux du quatrième rang , de 50 canons.
& au - deffus ,
Auront de • • 450 à 500 hommes.
( 123 )
Les bâtimens du cinquième rang, de 44 à 28 carens,
c'est- à- direfrégates , auront les équipages fuivans.
Les frégates de44 canons,de
Celles de 36 , de
Celles de 32 , de
Celles de 28 , de
•
• • 250à 300
275 à 325 homunes.
225 à 250
• 200à 230
Les bâtimens du fixième rang, de 20 à 24 canons,
auront
Les bâtimens de 24 canons , de 175 à 200hommes.
Ceux de 20 , de • 150 à 175
Les floops & cutters feront équipés de la manière
Suivante.
Les bâtimens de 8 canons auront
de •
Ceux de 16 auront de
Ceux de 14 porteront de
100 à 120hommes .
90 à 110
80à 90
Les cutters porteront de 40 à 60 ou 70 hommes
d'équipage , & juſqu'à 90 , quand ils feront deftinés
à certains ſervices .
Un particulier arrivé depuis quelques
ſemaines d'Amérique , en a rapporté un
ſerpent à fonnettes vivant , de la longueur
de cinq pieds , qu'il a mis dans une petite
boîte de bois , dont le couvercle eſt en
partie vitré , pour laiſſer paſſer le jour. Ce
qu'ily a de très-extraordinaire , c'eſt qu'il
ait vécu pendant plus de dix ſemaines ,
fans recevoir d'autre air que celui qui s'infinue
par de petits trous pratiqués à la
boîte , & fans avoir pris aucune eſpèce de
nourriture.
f2
( 124 )
Catherine M' Carthy eſt morte à Cork ,
la ſemaine dernière , âgée de 103 ans &
fix ſemaines.
FRANCE.
De Versailles , le 10 Octobre .
Le Comte de Mouſtier , Miniſtre plénipotentiaire
du Roi près les Etats - unis de
l'Amérique ſeptentrionale , a eu , le 7 de
ce mois , l'honneur de prendre congé de
Sa Majefté , pour ſe rendre à ſa deſtination
, étant préſenté par le Comte de
Montmorin , Miniſtre & Secrétaire d'Etat
, ayant le Département des affaires
étrangères.
Le même Miniſtre a auſſi préſenté , le
même jour , à Sa Majesté , le Baron de
Groſchlag , Miniſtre plénipotentiaire du
Roi près les Princes & Etats du cercle du
Haut-Rhin , qui eſt de retour ici par
congé.
:
Le ſieur Blin a eu l'honneur de préfenter
au Roi la 8°. livraiſon des Portraits
des Grands-Hommes , Femmes illuftres , &
Sujets mémorables de la France , imprimés
en couleur , & dédiés à Sa Majesté (*) .
(*) Elle ſe trouve chez l'Auteur , place Maubert , n°. 17 ,
&comprend les deux Portraits , infiniment agréables , de
Blanche de Caſtille & de Marguerite de Provence, mère
&femme de St. Louis. Les deux actions jointes aux
Portraits , font heureuſement choiſies,
( 125 )
De Paris , le 17 Octobre .
Ordonnance du Roi , du 30 Septembre
1787 , pour réformer la compagnie des
Gardes de la Porte de Sa Majefté.
Autre , même date , pour réformer la
compagnie des Gendarmes de fa Garde.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 27
Août 1787 , qui , en exécution de celui
du 13 Juin 1720, fait défenſes d'exporter
hors du royaume les écorces d'arbres fervant
à faire le tan pour l'apprêt des cuirs.
Autre du 21 Septembre 1787 , par
lequel Sa Majesté fixe au 3 Octobre prochain
, la tenue d'une ſeconde Aſſemblée
dans le Hainault, pour continuer le travail
relatif à l'établiſſement des Etats , & lui
attribue provifoirement les mêmes fonctions
& pouvoirs qu'aux Affemblées provinciales.
LeRoi ayant , en conféquence de fon Réglement
du 12 Juillet dernier , convoqué dans la ville de
Valenciennes une Affemblée conſultative , à l'effet
d'examiner les rapports qui peuvent exiſter entre -
les formes , tant anciennes qu'actuelles , de l'Adminiftration
de la généralité du Hainault , & le rés
gime desAdminiſtrations provinciales que Sa Majeſté
vient d'établir , afin de reconnoître les avantages
reſpectifs de ces deux formes d'adminiſtration ;
& s'étant enfuite fait repréſenter le procès-verbal
des féances de ladite Aſſemblée , ainſi que le
mémoire en réſultant , enſemble un mémoire par-
1
:
:
f3
1 ( 126 )
1
ticulier de la ville de Valenciennes ,& les obfervations
de fon Commiſſaire départi dans ladite
province , Sa Majesté a reconnu que , non-feulement
ladite province étoit anciennement adminiftrée
par une Aſſemblée d'Etats , mais que les
formes intérieures de l'adminiſtration deſditsEtatsſubſiſtent
encore à pluſieurs égards , & qu'une
meilleure répartition des impôts étant le but principal
qu'Elle ſe propoſe pour le foulagement de
ſes Peuples , le moyen le plus fûr pour y parvenir
dans ladite province , eſt d'en remettre le ſoin à
une affemblée d'Etats qui pourroient perfectionner
ou réformer les anciens cahiers qui ſervent encore
de baſe à la répartition actuelle. D'après toutes
ces conſidérations , Sa Majesté s'eſt déterminée à
former annuellement, à l'avenir & à commencer
dans le cours de l'année prochaine 1788 , une
Afſemblée des Etats généraux de ſa province du
Hainault , & autres parties y réunies. Elle a vu
avec fatisfaction que les points principaux , propoſés
par ladite Aſſemblée , pour la conftitution
deſdits Etats , concilient les formes anciennes de
ladite Province, avec les principes généraux établis
par fon Editdu mois de Juin dernier , portant
créationdes Aſſemblées provinciales ; mais voulant
affurer plus folidement les avantages qu'elle accorde
àla généralité du Hainault par ladite convocation ,
endéterminant avec plus de préciſion les principes
qui ſerviront de règle auxdits Etats , & ayant été
fatisfaite du travail que ladite Aſſemblée confultative
à commencé : Oui le rapport du ſieur
Lambert , Conſeiller d'Etat , & ordinaire au Conſeil
royal des finances &du commerce , Contrôleur
général des finances : LE ROI ÉTANT EN SON
CONSEIL, a ordonné & ordonne que le Duc de
Croy& les vingt-trois autres perſonnes qui ont
compoſé ladite Aſſemblée , ſe raſſembleront de
( 127 )
nouveau le 3 Octobre prochain , pour continuer
ledit travail , à l'effet d'examiner encore les points
eſſentiels qu'il fera convenable de déterminer ſur
la conſtitution deſdits Etats , ainſi que fur leurs
fonctions & attributions , tant d'après les anciens
uſages pratiqués.en Hainault , que fur ceux pratiqués
en la province d'Artois , auxquels ladite
Aſſemblée a propoſé de ſe conformer. Ayant de
plus conſidéré que ladite Aſſemblée pourra s'éclairer
par l'expérience , en s'occupant en même
temps de la direction des objets d'adminiſtration
confiés aux Aſſemblées provinciales , et voulant
qu'en attendant la convocation des Etats , la généralité
du Hainault éprouve , fans retard , les
effets falutaires que Sa Majeſté ſe propoſe par
la nouvelle forme d'adminiſtration qu'Elle vient
d'établir dans d'autres généralités : Sa Majeſté a
attribué & attribue proviſoirement à ladite Afſemblée
les mêmes fonctions & pouvoirs qu'aux
Aſſemblées provinciales qu'Elle vient d'établir.
Veut en conféquence Sa Majesté , que ladite
Aſſemblée ſoit convoquée en la ville de Valenciennes
ledit jour 3 Octobre prochain , à l'effet
de nommer un ou deux Procureurs - ſyndics , un
Secrétaire& une Commiſſion intermédiaire compoſée
de huit perſonnes , dont deux du Clergé,
deux de la Nobleſſe , & quatre du Tiers-Etat.
Autoriſe leDuc de Croy & les vingt-trois autres
perſonnes qui s'aſſembleront avec lui , à s'en aſſocier
encore d'autres à leur choix , juſqu'à concurrence
de douze perſonnes priſes indifféremment
dans les différens Ordres , & à propoſer à Sa
Majesté la fixation du jour où ladite Aſſemblée
complète reprendra ſes ſéances. Veut au ſurplus
Sa Majeſté , que ladite Aſſemblée ſe conforme
provifoirement aux Réglemens du Conſeil , concernant
l'Adminiſtration provinciale du Berry ,
f4
( 128 )
des 23 Août 1783 , & 6 Juin 1785 , en ce qui
concerne les fonétions , attributions & relations
avec fon Commiſſaire départi , qui fera l'ouverture
& la clôture de ladite Aſſemblée , & lui
communiquera tous les renſeignemens néceſſaires
pour fon inftruction & fon travail.
Autredu4Septembre 1787, concernant
le commerce de Librairie dans les lieux
privilégiés.
Selon des Lettres de la Martinique ,
le 21 Juillet on a éprouvé au Fort de
St. Pierre une vive fecouſſe de tremblement
de terre ; elle a été encore plus
forte à la montagne du Carbet , à trois
lienes de la ville, où pluſieurs maiſons ont
été renversées , & quelques perſonnes
écrasées . Il s'eſt formé dans cette montagne
une crevaffe effrayante , de 60 pieds
de large , & de près de 500 toiſes de
longueur. On n'a pu encore en fonder la
profondeur. M. Foulquier , Intendant de
l'isle , devoit s'y rendre pour vérifier
l'événement.
Le 1. O& obre , l'Affemblée Provinciale
de Dauphiné a tenu fa première
féance à l'Hôtel -de-Ville de Grenoble.
Ellea été préſidée par l'Archevêque de
Vienne.
Le 13 Juin dernier , fur les 8 heures du foir ,
SA. S. Monſeigneur le Duc de Penthièvre arriva
dansfa nouvelle terre de Chanteloup. On s'empreſſa
derendre à ce. Prince les honneurs qui lui étoient
1
(129 )
dus. Une troupe choiſie de Cadets à cheval , alla
au devant du Prince ,& unie à pluſieurs brigades
de Maréchauffée , elle l'introduiſit àAmboiſe.
Unarc de triomphe étoit placé à l'entrée de
la ville. Le Prince étoit attendu par MM. les Officiers
municipaux , lesquels , felon l'uſage , eurent
l'honneur de haranguer S. A. , & de lui préfenter
les clefs.
En cemême endroit , ſejoignit aux autrestroupes,
pour accompagnerS. A. , une compagnied'invalides
engarniſonau château d'Amboife. Sous cette eſcorte,
lePrincetraverſa laville àpetit pas : les rues étoient
garnies de fable & bordées de chaque côté d'une
haie formée par les habitans ſous les armes; &partout
fur fonpaſſage, cePrince eut la fatisfaction d'entendre
les plus vifs applaudiſſemens. Au bout de la
ville étoit placé un ſecond arc detriomphe également
bien ordonné ; à l'extrémité du faubourg qui
conduit à Chanteloup , un arc de triomphe fut
auífi élevé par les ſoins de MM. les Régiſſeurs de la
Manufacture royale d'Acier , établie en cette ville.
Le Prince arrivé à Chanteloup , une troupe de
jeune filles vêtues de blanc , ornées d'une guirlande
de lierre ,&une houlette à la main , lui débitèrent
un compliment& des couplets analogues à la fête ;
un feu de joie & des illuminations terminèrent la
journée.
Le 15 , S. A. reçut , dans une Audience publique,
les devoirs de la Nobleſſe & des différens Corps
de la ville. Tous les habitans notables des environs
ſefontauffi empreſſés de rendre leurs reſpects à ce
Prince. Après avoir paſſé quelques jours à vifiter
fes domaines & les environs de ſa terre , laiſſant
par-tout des marques de bienfaiſance&d'humanité ,
ce Prince partit le 20 , pour l'Abbaye de Fontevrault,
pour y voir Mademoiselle de Chartres ,
fon Auguſtepetite-fille. (Art, envoyé d' Amboise. )
f5
( 130 ) -
Il ſe préſente un nouveau concurrent à
l'invention de la Machine Polycreſte ; c'eſt
M. le Chevalier de la Maltière , ancien
Capitaine d'Infanterie , & de l'Académie
de Rouen. Ses titres remontent fort haut ,
( en 1753 ) . M. Sorel ſon confrère , s'eft.
chargé de les expoſer ; & à ſa requête
preſſante , nous allons donner la ſubſtance
de fon imprimé.
>> C'eſt une machine appelée Phyſi-techniope ,
parce qu'elle fert à diſtinguer & à groffir les objets
de la nature & ceux de l'art. L'auteur , M. Lange
de la Maltière , Capitaine au Régiment Dauphin
infanterie , de l'Académie des Sciences , Belles-
Letores & Beaux-Arts de Rouen , diftingue fort
cette machine des autres microſcopes folaires ; il
la croit plus univerſelle &plus vive dans ſes effets .
Nous ſommes témoins des expériences ſuivantes :
» Une petite tête en miniature , de la grandeur
d'une pièce de vingt - quatre fous , étoit
rendue grande comme nature , avec toute la fraîcheur
de fon coloris & toute la préciſion de ſes
traits.
ככ Une eſtampe gravée au burin , dont la tête
étoit encore plus petite que celle de la miniature
précédente , paroiſſoit grande comme nature , avec
toute la clarté qu'on pouvoit deſirer.
>> On voyoit un écu de trois livres & une
médaille antique avec tout le relief plus grand que
nature .
>> En mettant dans la machine une petite agate
gravée, ayant cinq lignes dans ſon plus grand
diamètre , la tête de la figure ſortoit avec tout fon
relief , toutes les couleurs de la pierre , & d'une
grandeur qui égaloit le naturel.
(131 )
1
>> La machine préſente eſt un fonds inépuiſable
d'expériences & de ſpectacles optiques. Elle brille
fur-tout dans l'obſervation des ouvrages de la nature
; par exemple :
» Un cloporte de trois lignes paroiſſoit de trois
pieds de diamètre , avec toutes les couleurs& les
inégalités de ſes écailles , & un relief proportionné
à cette grandeur.
» Les mites du fromage étoient repréſentées ,
les unes de trois , d'autres de quatre , de cinq &
même de fix pouces de longueur , toutes animées
&dans un mouvement continuel.
» Divers végétaux étoient rendus avec toutes
leurs couleurs , tous leurs filamens , tous leurs détails;
en ſorte qu'un deſſinateur auroit pu ne rien
perdre des particularités les plus intimes de ces
petits objets.
>> On ne peut que donner des éloges à l'induſtrie
&aux attentions de l'Auteur , d'ailleurs très-expert
dans ſa profeſſion & très-cultivé dans les lettres.
Si ſa machine pique la curioſité du Public , comme
il paroît qu'elle en eſt digne , ce ſera le moment
d'expliquer en quoi & comment elle diffère des
autres microſcopes ſolaires , déja exécutés par quelques
phyſiciens . Il nous ſemble que cette explication
n'eſt point difficile à faire , & qu'elle peut
relever beaucoup le mérite de cet inſtrument. "
" Cette nouvelle découverte eſt conſignée fur
les Regiſtres de l'Académie de Rouen , dès l'année
1783. Perſonne avant l'Auteur , n'étoit parvenu
au point de forcer , pour ainſi dire , les objets opaques
de ſe repréſenter eux-mêmes avec tout leur
relief , leurs couleurs reſpectives , fur une furface
plane, ſur un plan horizontal , vertical ou incliné ,
de manière que l'image ou le fantôme de ces
objets opaques ſeroient réfléchis d'une grandeur
très-conſidérable à l'oeil du ſpectateur .
f6
( 132 )
» Tel étoit , il y a trente ans & plus , le réſultat
du Phyſi- techniope de M. le Chevalier de
La vialtière. &c. &c .
D'après cette analyſe , il n'eſt pas aifé
de diftinguer cette machine d'un microfcope
folaire. Nous croyons qu'elle n'a rien
de commun dans fon principe , & la plupart
de fes effets , avec le Polycreſte de
M. de Segrave , qui ſurement s'expliquera
bientôt à ce ſujet.
Le nommé Jean Seguin , Laboureur à
Goix , Paroiffe de Villargoix , Bailliage
de Sanlieu en Bourgogne , est mort le rer.
Octobre , âgé de centfix ans ; il a toujours
joui d'unefanté vigoureuse , & a travaillé
jusqu'au moment defa mort , fans aucunes
incommodités , qu'unefurdité commencée à
cent trois ans.
Les Numéros fortis au tirage de la LoterieRoyale
de France , le 16 de ce mois ,
font : 54,61,5 , 22 & 43 .
PROVINCES - UNIES.
Dela Haye , le 10 Octobre.
Sur l'élection du Prince Stadhouder ,
les Etats de Hollande ont diſpoſé , le 2 ,
des places vacantes depuis la mort du
Baron de Noordwyck , ſavoir ; de celles
d'Intendant des digues du Rhinland & de
Curateur de l'Univerſité de Leyde , en
faveur du Comte de Waffenaër-Starranburg;
& de celle de Grand Baillif de la
( 133 )
Haye , en faveur du Comte de Bentinck
deRhoon .
Sur la propoſition des Députés de la
ville de Horn , tendante à biffer des regiftres
de l'Aſſemblée , tous les actes contraires
au Stadhouder , les mêmes Etats de
Hollande ont pris , le 28 Septembre ,
la réſolution ſuivante .
« Les Requêtes , Remontrances , Déclaratoireś
&Mémoires préſentés & remis à cette Affemblée
pendant le cours des dernières années , & par lefquels
l'on taxe d'une manière ſi indécente & fi
injurieuſe , l'honneur , la conduite & les intentions
de S. A. S. doivent leur origine à l'eſprit
de parti qui a eu lieu dans cette Province , aux
écrits calomnieux qui ont paru en ſi grand nombre ,
&avec une licence effrénée , ſans que la justice
ait eu fuffisamment le pouvoir de les réprimer ,
&qui ont donné lieu à une tyrannie exceſſive
de la part des Corps Francs , des Bourgeoifies
particulières & des Sociétés des Villes & du plat
Pays , aux excitations de toute eſpèce & à des
entrepriſes inouies & arbitraires , qui ont contraint
les Régens de preſque toutes les Villes , de
concourir à ces Réſolutions ; qu'en outre toutes
les accufations & les imputations flétriſſantes allé
guées dans leſdites Requêtes , Remontrances ,
Déclaratoires & Mémoires , paroiſſent deſtituées
de fondement ,& ne doivent leur exiſtence qu'à
l'irritation malheureuſe de perſonnes très - mal
intentionnées , mal inſtruites ou abuſées. Qu'il
faut auſſi attribuer la foi ou l'approbation plus
ou moins homologuée qu'y ont ajouté quelques
membres de l'Aſſemblée , malgré le ſentiment &
la proteftation de quelques autres , aux fuites des
( 134 )
!
:
temps de faction , mais que L. N. & G. P. entièrement
perfuadées de la pureté des intentions de
S. A. S. & ayant une confiance entière à ſes intentions
patriotiques & à fon zèle bien intentionné
pour les vrais intérêts de cette Province , ne peuvent&
ne doivent conſidérer l'acceptation deſdites
Requêtes & Adreſſes , & les Réſolutions qui ont
eu lieu à cet égard , que comme les effets de contrainte
à bras armé qu'exerçoient leſdites Sociétés
& Pourgeoifies nouvelles , & qui a obligé les
Régens des Villes à les approuver.
» Il a été trouvé bon & arrêté , que toutes
ces Réſolutions feront abrogées , rendues nulles &
miſes hors d'effet , comme cela ſe fait par la
préſente,de manière qu'on ne puiſſe jamais induire
contre le véritable ſentiment deL.N.&G.P.quelque
doute touchant la pureté des intentions de S. A.S.
&de ſa fidélité éprouvées envers le pays ; &
afin que cela paroiſſe en effet , en faiſant la lecture
même deſdites Réſolutions , comme auſſi des Notules
infcrits dans les Regiſtres , il ſera noté à côté
de chaqueRéſolution ou diſpoſition , & à la ſuite
de ce qui eft noté en marge : Qu'elles font abrogées
, annullées & mises entièrement hors d'effet &
de conféquence, en vertu de cette Réſolution de L. N.
&G. P. priſe aujourd'hui.
>> Le tout cependant ſauf toutes les pourſuites
que la Juſtice du Souverain exige , contre les
Auteurs de ces menaces violentes , injuſtes & criminelles
, & les excès commis. Et enfin qu'on
priera Mr. le Conſeiller Penſionnaire , comme
cela ſe fait par la préſente , de communiquer en
perſonne cette Réſolution de L. N. & G. P. à
S. A. S. & de lui déclarer en leur nom , que L. N.
&G. P. verront avec plaifir S. A. S. affiſter de
temps en temps , dans ces jours fâcheux , aux
Délibérations de L. N. & G. P. pour le prompt
( 135 )
avancement du repos , pour la fureté de la conftitution&
le rétabliſſement de la confiance générale.
«
: Le 21 du même mois , L. N. & G. P.
avoient conclu une autre réſolution , dont
voici la teneur.
>>Sur la Propofition de Mrs. les Députés de
la Ville de DORDRECHT, ayant été pris en conſidération
qu'attendu que , dans les préſentes circonftances&
la conjoncture heureuſe des affaires ,
les cauſes & les motifs ſur leſquels étoit fondée
la Réſolution de L. N. & Gr. Puiſſances du 10
Septembre , contenant les inſtances les plus prefſantes
près de la Cour de France , pour ſecourir
par des forces militaires ſuffiſantes cette Province
contre l'approche des Troupes Pruffiennes , font
venus à ceſſer , & conſidéré la néceſſité la plus
extrême & la plus urgente , ainſi que les égards
dus à cette Cour , il a été trouvé bon & arrêté
qu'encore aujourd'hui Mrs, les Ambaſſadeurs de
cetEtat en France feront requis , en leur envoyant
parExprès Extrait de la préſente Réſolution , d'informer
S. M. le Roi de France , que les différends
entre cette Province & M. le Stadhouder-Héréditaire
ont été heureuſement terminés , & que S. A.
Royale , va auſſi s'arranger avec la Cour de
Pruffe ; qu'ainsi , comme il n'y a plus ici d'Ennemis
, la Réſolution du 10 Septembre a ceſſé d'avoir
effet : Que L. N. & Gr. Puiſſances ſe ſont cru
dans l'obligation d'en donner le plus promptement
poſſible avis à S. M. Très- Chrétienne , ne doutant
point qu'elle ne veuille bien prendre à ce rétabliſſement
de la tranquillité dans un Pays , la part
qu'elle a toujours montrée ày étouffer la discorde
&à en avancer la proſpérité , pour lequel effet la
bonne affection de S. M. fera toujours hautement
(136 )
agréable à L. N. & Gr. Puiffances. Et fera de plus
donné connoiſſance de cette Réſolution au Chargéd'Affaires
de la Cour de France , en lui remettant
Extrait de la préſente Réſolution , ainſi que par
Extrait aux Bourguemeſtres des Villes d'Amſterdam
& de Parmerend , en leur communiquant , que ,
l'Afſemblée s'étant déja augmentée au nombre de
feize Membres préſens , L. N. &Gr. Puiſſances
prient itérativement leſdites Régences d'envoyer
ici leurs Députés le plus tôt poſſible. »
Le 27 , les Etats de Hollande ont accordé
une Amniſtie générale à tous ceux
qui précédemment avoient été punis , empriſonnés
, bannis ou accuſés , pour avoir
contrevenu aux Placards de L.N.P. , par un
zèle outré pour laMaiſond'Orange,lesrétabliffantdans
leur honneur& dans tous leurs
droits , nommément le fameux Morrand .
La réſiſtance ultérieure d'Amſterdam a
été précédée de circonstances &de négociations,
dont nous préſenterons l'abrégé à
nos lecteurs . Les reres, inſtructions données
aux quatre Députés qui ſe rendirent, le 27
Septembre , auprès du Duc de Brunswick ,
étoient compoſées des articles ſuivans .
« I. De prier S. A. S. de s'ouvrir fur les raifons
de l'attaque hoſtile contre la Ville , puiſqu'elle
n'a donné aucune offenſe à S. M. Pruffienne , dont
Mgr. le Duc commande les Troupes.
>> II. Si la raiſon de cette attaque eſt la fatisfaction
que S. M. Pruffienne exige concernant le
Voyage arrêté de Madame la princeſſe d'Orange ,
de lui repréſenter , qu'on ne s'eſt porté à cette
démarche que par des raiſons de néceſſité con
( 137 )
nues : mais que , fans entrer en diſcuſſion ultérieure'
, le Vénérable Conſeil eſt prêt à donner à
ce fujet à S. A. S. des ouvertures convenables &
convaincantes en lui remettant pour préalable
toutes les Pièces , relatives à cette affaire, traduites
ea langue Françoife.
و
» III. De lui expoſer que la Ville d'Amsterdam
ſe flatte , que S. A. S. ne voudra point pouffer
une attaque hoftile contre elle , vu que déja elle
a éprouvé une perte des plus ſenſibles par l'inondation
formée en partie autour de ſes murs ,
comme la défenſe principale & naturelle de cette
Ville; & que fi les hoftilités continuoient , il ne
pourroit en réſulter qu'une boucherie des plus
effroyables , une ſcène de carnage & de pillage
général , dont les ſuites feroient infiniment préjudiciables,
tant pour la Ville que pour la Province
de Hollande entière , même pour les Etats de S. M.
Pruffienne , & pour toute l'Europe en général , à
raiſon de l'intérêt univerſel du commerce , & des
bénéfices qui réſultent des Douanes fur le Rhin.
IV. » Qu'en conféquence la Ville avoit décerné
cette Commiffion folennelle , pour donner à S.
A. S. une véritable ouverture des choſes ; &
qu'elle oſoit ſe promettre de la façon de penſer
magnanime de S. A. Séréniffime , qu'Elle voudroit
bien mettre ces ouvertures ſincères ſous les yeux
de Sa Majesté , afin que l'objet de ſon mécontentement
ceſſant , Elle agréât d'autant plus volontiers
les afſurances du reſpect , que la Ville ſouhaite de
conferver pour Sa Majesté & pour toute ſon illuftre
Maiſon,& qu'ainſi Elle réſolût de retirer les
Troupes qu'Elle avoit fait avancer dans le Pays ,
du moins & en tout cas, qu'on pût convenir d'une
fufpenfion d'hoftilités. »
En réponſe , les quatre Députés reçurent
:
( 138 )
du Duc de Brunswick une note qui portoit
:
» La fatisfaction que S. M. Pruffienne demande ,
doit, comme vous ſentirez vous-mêmes , MESSIEURS
, être entièrement conforme aux Articles
énoncés dans le dernier Mémoire de M. de Thulemeyer.
>> Tous les autres Membres des Etats de la
Province ſont prêts à donner cette fatisfaction, &
n'attendent que votre concurrence. Du momert
que vous y aurez confenti par vos Députés aux
Etats , je regarde ma Commiſſion comme terminée
, & les Troupes du Roi quitteront immédiarement
le voiſinage de votre Ville & les Places
circonjacentes. Vous connoiſſez trop bien , MESSIEURS
, les fentimens de Son Alteſſe Royale
Madame la Princeſſe d'ORANGE , pour douter
qu'Elle n'aimera mieux paſſer ſur beaucoup de
chofes , que d'expoſer votre Ville à des inconvéniens
fâcheux. «
LEYMUYDEN , le 27 Septembre 1787.
(Signé) CHARLES , Duc-Régnant de
BRUNSWICK.
Au retourdes Commiſſaires , on réſolut
d'envoyer à la Princeſſe d'Orange le Bourguemeſtre
Geelvinck , & M. Temminck ,
Membre de la Régence , avec charge de
>> témoigner à S. A. R. tout le regret qu'a-
>> voit la ville du funeſte incident qui
>> avoit eu lieu ; que la choſe étoit arrivée
>> à ſon inſcu ; que la ville voyoit avec
>> douleur la ſenſibilité de S. A. R. à ce
>> ſujet ; mais qu'elle eſpéroit de fa fa-
>> geſſe, deſa vertu&de ſa piété , qu'elle
( 139.)
» n'inſiſteroit plus ſur la punition des per-
>> ſonnes qui , dans cette occurrence ,
» n'avoient fait qu'exécuter les ordres
>>> dont ils avoient été munis . »
La Princeſſe répondit à cette déclaration
par une note conçue en ces termes :
« Je ſens , MESSIEURS , avec la plus grande
fatisfaction , que le langage de mon coeur s'accorde
parfaitement avec les idées de généroſité
que vous voulez bien reconnoître en moi ; je ne
defire en effet rien moins que la punition des
torts qu'on s'eſt permis .
>> Je ſuis profondément affectée du fort des
Auteurs& des Inſtigateurs de ces torts , & bien
particulièrement de l'état de calamité dans lequel
la Ville d'Amſterdam ſe voit réduite. Je ne defire
rien avec plus d'ardeur , que de voir aſſurer les
moyens & les réſolutions qui doivent faire évanouir
les défordres & les injustices précédentes ,
rétablir les régences conftitutionnelles , &les prémunir
contre tout armement dangereux des habitans
; & par ce moyen rétablir la tranquillité publique
, & rendre à la Patrie ſon ancienne profpérité.
Je m'offre avec plaifir , en me contentant de
vos témoignages , d'engager le Roi mon Frère à
ſedépartir de tous autres point de fatisfaction ,&
àfaire retirer ſes Troupes de devant votre Ville ,
auſſitôt que la ſincérité de ces témoignages me
fra confirmée par la concurrence de la Ville
d'Amsterdam , & par fon acceſſion à toutes les
réſolutions qui ont été priſés ces jours , pour le
rétabliſſement des affaires , agiſſant ainſi de concert
avecles autres membres desEtats de cette Province,
pour prendre telles autres meſures & réſolutions
falutaires , propres à remplir mes voeux les plus
purs & le but de la proſpérité que je me propoſe
( 140 )
de faire renaître dans la Patrie. J'aurois fait de
grandes difficultés de me rendre ici , ſur l'invitation
qui m'en a été faite par les Seigneurs Etats , s'ils
n'y avoient ajouté l'aſſurance que mon Epoux feroit
rétabli en tout.A cette fin, je m'aſſure qu'on
ne croira pas , que je defire voir les ſuſdits Auteurs
& Inſtigateurs attaqués , ni dans leur honneur , ni
dans leurs biens , & beaucoup moins expoſés à
perdre la vie ; mais que fans ſoupçons ultérieurs,
ils ſoient démis de leurs poftes , dans leſquels ils
pourroient encore exciter de nouveaux troubles.
WILLELMINE.
Le Duc de Brunswick avoit accordé
une armiſtice de 24 heures , qui expiroit
le 30 Septembre au foir. L'eſpoir d'un
accommodement s'étant évanoui , le rer.
de ce mois , S. A. S. fit attaquer par l'armée
Pruffienne tous les avant-poſtes de
la ville. L'attaque dura depuis quatre à
ſept heures du matin , & fut très- viva
pendant une heure. Ilyeut beaucoup de
morts&de bleſſés , dont peut- être a-t-on
exagéré le nombre au premier moment.
Tous les dehors étant inondés , les affiégeans
ne pouvoient s'avancer que fur des
chauffées étroites à trois ou quatre
hommes de front. Ils furent repouflés à
J'attaque detrois poftes ; celui de la digue
de Harlem , affailli de différens côtés ,
fut abandonné preſque ſans réſiſtance ;
Amſteelven fut emporté dans l'après-midi ,
& entraîna la perte de Ouderkerk , qui fut
évacué. Le Duc de Brunswick accorda
,
2
(141 )
enfuite une trève , juſqu'au retour d'une
nouvelle députation envoyée à la Haye ;
&le 3 , les Bourguemeſtres & le Confeil
d'Amſterdam déclarèrent à la Bourgeoifie,
par un placard , que pour prévenir la ruine
immanquable de la ville , ils étoient for
cés d'acquiefcer aux demandes des autres
Membres de la Province , & même à la
démiſſion des nouveaux Régens .
Dans les conférences qui ont eu lieu
depuis , entre la Commiſſion des Etats , &
MM. Hoofd & Temminck , Députés d'Amſterdam
, ces derniers ont demandé au nom
des Bourgeois armés , les art. ſuivans .
ART. I. Que le peuple ait une influence convenable
dans l'adminiſtration.
II. Que la Milice - Bourgeoiſe conſerve ſes
armes , comme elle les a toujours eues.
III. Que la Régence actuelle & tous les Em
ployés confervent leurs Poſtes reſpectifs .
IV. Que la ville reſte exempte de toute Garniſon
& de tous Quartiers .
V. Que l'on n'exigera point la publication du
Placardconcernant le port des cocardes Orange, &c.
dans la Ville d'Amſterdam ; qu'auſſi l'on ne fera
point forcé à s'en garnir , afin de prévenir les
excès qui en réfulteroient certainement.
VI. Que toutes perſonnes , tant Politiques que
Militaires , qui ſe ſont retirées en cette Ville , ou
dans les autres Places qui fervent à couvrir
Amſterdam , ou qui ont été priſes en la protection
dela Ville , ne feront point inquiétées ni moleſtées
dans leurs Perſonnes ni leurs biens ; dans lequel
nombre l'on devra comprendre tous les Membres ,
( 142 )
qui ont été employés dans les Commiffions d'état
ou Municipales.
Les Commiſſaires ont répondu à ces
articles.
RÉP. A L'ART. I. Qu'attendu qu'une Commifſion
d'État s'occupe déjà relativement au premier
Article , il faut en attendre le rapport.
Au II. Que toutes les Milices-Bourgeoiſes légitimées
pourroient conſerver leurs Armes , au cas
qu'on le trouve municipalement utile.
Au III. Qu'on ne peut l'accorder , comme étant
contraire àla réſolution de L. N. &Gr. Puiffances
du 22 Septembre , par laquelle des Rémotions ont
été déſapprouvées , comme inégales & violentes , &
qui ont enjoint de rétablir à cet égard toutdans
ſon premier état.
Au IV. Qu'on pourroit l'accorder , conformément
à la Satisfaction ( Convention , par laquelle
la Ville d'Amſterdam s'eft jointe à la République
contre les Eſpagnols ) , accordée à Amsterdam en
1578 .
Au V. Qu'on pourroit être facile à cet égard,
pourvu que perſonne ne ſoit moleſté , parce qu'il
porte la couleur orange.
Au VI . Relativement à cet article , les Commiſſaires
de L. N. & Gr. Puiſſances ne fauroient
rien dire , attendu que cela appartient à la Satif.
faction , que S. M. Pruffienne exigeroit pour fon
Alteſſe Royale.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 13 Octobre .
Les Etats de Brabant , en envoyant aux
diverſes Provinces la ratification Impériale
( 143 )
du 21 Septembre , l'ont accompagnée.
d'une lettre circulaire , qui porte :
Cher& bien-Amé , Nous croyons de nos foins ,
comme de notre devoir , de vous faire parvenir
Copie de laDéclaration donnée le 21 de ce mois ,
par Son Excellence le Gouverneur & Capitaine-
Général par interim , au nom de l'Empereur &
Roi ; par laquelle vous verrez , que les dernières
diſpoſitions infractoires aux Loix fondamentales
dece Pays viennent entièrement à ceſſer; que les atteintes
feront rødreſſées au plus tôt ſur le piedde ces
mêmes Loix fondamentales , leſquelles reſteront in,
tactes , en conformité des actes de l'Inauguration de
Sa Majeſté. Nous fommes certains qu'au moyen de
ce, la confiance & la tranquillité les plus parfaites .
renaîtront par-tout , &que la furetéde nos Libertés
& Propriétés étant maintenant raſfurée , les
différens Ordres de Citoyens pourront profiter des
avantages que leur préſente l'excellence de nos
Conftitutions , & la criſe actuelle des Pays voiſins.
Nous vous réitérons encore les aſſurances de
notre attachementà procurer le bien commun , &
fur-tout, à maintenir les Privilèges précieux du
Pays. Atant , &c.
Le Général Murray a également ſurfis
à l'exécution des ordres de l'Empereur ,
relatifs à l'Univerſité de Louvain .
Paragraphes extraits des Papiers Anglois.
De Kinston à la Jamaïque , le 13 Juin. Les vaifſeauxde
guerre ſuivans ont appareillé , le 11 au
matin, de Port-Royal , ſavoir ; le Pégase de 28 çan .
commandé par le Prince Henri , pour Halifax
dans la nouvelle Écoſſe ; les sloops le Kattler ,
& la Proferpine pour l'Angleterre , & l'Amphion
( 144 )
de 32 can, pour l'Amérique. L'intention du Prince
Henri eft , dit-on , de revenit ici au mois de Novembre
prochain , & on ſuppoſe qu'il y reſtena
cinq ou fix mois .
Le grand nombre de vaiſſeaux étrangers qui font
actuellement dans ce Port , particulièrement François
& Eſpagnols , ont porté ſi loin les demandes
d'Efclaves , que les Negres ordinaires ſe paient un
prix très-honnête.
Les Paquebots que le Gouvernement emploie
pour la correfpondance entre cette Nation & Lifbonne
, New-York , les Ifles-du-Vent , Halifax &
la Jamaïque , font établis de la manière qui fuit :
Leur nombre est de 22 .
Leur tonnage de 200 à 300 tonneaux.
Leur équipage eſt de 30 hommes.
Il eſt alloué à chacun de ces hommes , 8 fols
&demi par jour , pendant toute l'année , quoiqu'ils
ne foient employés que la moitié de l'année , ou
même moins.
La paie des Officiers eſt de deux shellings par
jour.-
En temps de guerre , le Gouvernement alloue
pour munitions 800 livres par an pour chaque
vaiſſeau,
Le montant de la dépenſe pour chaque vaiſſeau ,
d'après un terme moyen , eſt d'environ 3200 par
an.
La réforme que ſe propoſe le Gouvernement eft,
1º . de réduire le tonnage des vaiſſeaux , & de le
porter à 150 tonneaux , ou un peu moins.
2°. De réduire les équipages à quinze ou vingt
hommes; & 3 °. de réduire le taux de l'allouance,
lorſque ces bâtimens ne ſont pas employés. L'économie
qui réſulteroit de cette réforme , feroit de
15,000 liv. par année.
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 17 OCTOBRE 1787 .
Nota. Pour répondre aux déſirs du Public , on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier, entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
MERCURIALE
D'UN vieux Gentilhomme à fon jeune
Parent , qui , non moins infatué de sa
noblesse que de fa perfonne , parloit avec
une vanité ridicule d'un ancien Mausolée
de leurfamille.
Nobilitas unica virtus.
στ
Le propre de l'eſprit , c'eſt d'orner la raiſon.
Que fans elle il eſt vain , ſi j'en crois ta jactance!
Nº. 43. 27 Octobre 1787. G
146 MERCURE
1
Toujours de ton côté doit pencher la balance;
Rien ne peut approcher de ta condition ,
Et ton mérite au moins égale ta naiflance.
Dans l'air , quelle fierté ! dans le propos, quel ton !
Jamaishomme de Cour n'eut tant de ſuffiſance.
Quoi! pour ſe croire illuſtre & digne de ſon nom ,
Suffit-il d'être iſſu d'une illuſtre Maiſon ?
La Noblefie , crois-moi , ne peut être réelle
Qu'autant que la vertu nous la rend perſonnelle,
Comment ſe faire honneur des qualités d'autrui ,
Se parer de fon nom , fans agir comme lui ?
Ce n'est qu'en l'imitant qu'on vante ſon modèle.
Rien toutefois, hélas ! n'eſt plus rare aujourd'hui,
La Nobleſſe eſt ſans doute utile autant que belle ;
Et ſon luftre aux grands coeurs n'offre que trop
d'appas ;
Mais lorſqu'on la mérite , on ne s'en prévaut pas.
Dans cebeau monument , qui contre toi dépoſe ,
De nos pères communs , oui , la cendre repoſe ;
Comme toi, je le fais , & n'en parle que bas :
Peut-être n'offre-t-il qu'une pompe illuſoire.
De ces braves Guerriers , prétendus immortels ,
Non , l'Art ne pouvoit mieux honorer la mémoire ;
Mais ſouventun flatteur, pour nous en faire accroire,
Ade faux demi-Dieux prodigue des autels :
Tout s'enveloppe ici de l'ombre la plus noire.
Veux-tu de leur grandeur bien connoître l'hiftoire
?
Ce qui cauſe ta morgue en deviendra l'écueil,
DE FRANCE. 147
Sous ce marbre impofant qui conſacre leur gloire ,
Ofe en chercher l'objet, oſe ouvrir leur cercueil :
Vois fi ce qu'il contient peut flatter ton orgueil.....
Quoi ! tu crains ce ſpectacle & l'odeur qu'il exale !
Mais avant que de fuir , ſaiſis-en la morale :
Sur ces hideux débris confonds ta vanité.
Lagloire , en lettres d'or , retraçant un beau fonge,
Pour cacher ce qu'ils font , dit ce qu'ils ont été :
C'eſt ſur la tombe enfin que règne le menſonge ;
Et c'eſt deſſous , ami , que gît la vérité.
Quel que foit cependant l'Oracle redoutable
Qui ſemble retentir au fond de ces tombeaux ,
Ates yeux leur éclat doit paroître honorable ;
Tu peux de nos aïeux exalter les travaux :
Mais leur reffembles-tu , pour te croire un Héros ?
Ainſi qu'eux , tu reçus la valeur en partage ;
Soit; mais fans la prudence à quoi ſert le courage ?
L'on connoît un vrai Noble aux ſentimens du coeur :
Toujours franc, généreux, fon Idole eſt l'honneur ;
Il ſait ſe tempérer , ſans rougir d'être ſage ;
A l'homme délicat tout excès fait horreur,
L'amour du bien l'enflamme ; & voilà cette ardeur
Qui , fur le Plébéïen lui donnant l'avantage ,
Conſtate fa nobleſſe & prouve ſa grandeur.
Tels furent nos aïeux. Quelle est donc ton erreur ?
Envain te vantes-tu d'être de haut parage ;
Crois-tu fonder ta gloire en ufurpant la leur ?
Entre-nous , qu'as-tu fait ? examinons ta vie :
Qu'as-tu fait qui réponde à ta forfanterie ;
Gij
148 MERCURE
Qui , flattant ton orgueil , te faffe , en ſes accès ,
Prendre pour un éloge une plaifanterie
Que t'adreſſe , en riant , quelqu'un qu'il humilie ?
Șur quoi donc fondes-tu tes diſcours indiſcrets ? )
Pour défarmer, comme eux, le ſarcaſime & l'envie ,
Avec leur renommée as-tu leur modeſtie ?
Saurois-tu des Railleurs , émouſſant tous les traits ,
Changer , par ta bonté , leurs mépris en refpects
Aux charmes de l'eſprit , joins-tu la bonhomie ,
Et la difcrétion à la galanterie ?
Reſpectes-tu les moeurs , répands-tu des bienfaits ?
Preux , loyal , grand fans fafte , & courtois fans
manie ,
Es-tu plein de l'eſprit qui raſſemble & qui lie
Les talens de la guerre aux vertus de la paix ?
Dois-tu , nouveau Bayard , par de ſublimes traits ,
ベ
Signaler ta valeur , ton zèle , ton génie ;
Et digne du renom des Chevaliers François ,
Mourir comme d'Aſſas pour ſauver la Patrie ?
Mais que dis - je ? fais plus ; confonds tous les
caquets ;
Fais briller tour à tour les dons les plus parfaits ;
Que ta préſomption enfin ſe juſtifie ;
Sois l'homme qu'en ſecret ton orgueil déifie ;
Sois ce que tu crois étre : alors , de bonne foi ,
Je conviendrai que nul n'eſt plus noble que toi.
(ParM. le Baron de Thomaſſin de Juilly. )
DEE FRANCE.
149
A Mme. la Marquise de N.... , le jour
de Sainte Félicité , ſa Patrone.
CHARME de l'Univers , Félicité ſacrée ,
O toi , dont le fantôme enchaîne les mortels ,
Ne règnes-tu qu'au ſein du tranquille Empyrée ?
Ne puis-je ſur la terre embraſſer tes autels ?
Ainſi du Pinde folitaire ,
En dépouillant le verdoyant boſquet ,
Je veux donc couronner un être imaginaire :
Non , non , l'Olympe s'ouvre , un jour brillant
m'éclaire ;
N.... , tu viens accepter mon bouquet;
Tu réaliſes ma chimère.
( Par M. Balfe , d'Avignon. )
Giij
ISO MERCURE
LE PAUVRE DIABLE ,
CONTE , A 1
Traduit de l'Anglois de Goldsmith.
JAIME à me divertir dans quelque fociété
que ce ſoit ; & l'eſprit en guenille ne
m'en plaît pas moins. J'allai , il y a quel
ques jours , faire un tour de promenade
dans le Parc de Saint-James , vers l'heure
à peu près où chacun s'en va dîner : il
étoit reſté peu de monde , & la plupart
ſembloient, à leur extérieur, défirer plutôt
d'oublier qu'ils avoient faim , que chercher
à gagner de l'appétit. Je me mis fur un
banc , à l'extrémité duquel étoit aſſis un
homme couvert de haillons.
Nous fûmes un moment à cracher , à
touffer , à prendre du tabac , chacun de
notre côté, fans proférer une parole, mais en
nous regardant de temps en temps, comme
il arrive d'ordinaire lorſque deux inconnus
veulent lier converſation : à la fin , je me
hafardai à lui adreſſer la parole. » Pardon ,
" Monfieur , lui dis-je ; mais il me ſemble
ود vous avoir déjà vu quelque part : votre
>>phyſionomie me revient dans ce moment.
» Oui , Monfieur , répondit - il , j'ai une
> figure aſſez revenante , & mes amis me
» l'ont dit quelquefois : je ſuis aufli connu.
DE FRANCE.
1st
>> dans toute l'Angleterre , qu'un Droma-
>> daire ou un Crocodile vivant. Il faut
>> vous dire que j'ai été pendant ſeize ans
>> attaché comme Polichinelle à une Troupe
>> de Marionnettes ; mais à la dernière Foire
» de Saint - Bartholomée , je me pris de
» querelle avec mon Maître ; nous- nous
>>roſsâmes d'importance,& nous nous ſépa
" râmes , lui pour vendre ſes Marionnettes ,
» &moi pour mourir de faim dans le Pare
>> de Saint-James ".
» Je ſuis faché , Monfieur , qu'une pers
>> ſonne d'auſſi bonne mine que vous ſe
>> trouve dans le beſoin. Ah ! Monfieur,
>>
---
répondit - il , quant à ma bonne mine ,
» elle est bien à votre ſervice ; mais quoi-
>> que je ne faſſe sûrement pas grande chère,
» je puis cependant me vanter qu'il y a
ود
ود
peu de perſonnes d'une humeur plus gaie
que la mienne. Si j'avois 20000 liv . de
>> rente , oh ! je ſerois bien gai ; & , grace
» à Dieu , ſans avoir une obole , je ne fuîs
>> point triſte pour cela : ai-je trois fous en
" poche , je les partage volontiers pour
>> avoir un compagnon de table ; fuis -je
> ſans le fou , je ne demande pas mieux
ورا
que d'être défrayé par quiconque veut
» bien payer mon écot. Que diriez - vous
» d'un beaf- ſteak & d'un pot de bière ?
>>Allons , Monfieur , régalez - moi aujour-
>> d'hui ; je vous régalerai à mon tour , fi
>> je le puis , lorſque je vous trouverai dans
>> le Parc mourantde faim &fans le fou ".
Giv
152 MERCURE
Comme je n'ai jamais héſité de faire une
petite dépenſe pour le plaifir de jouir de
la fociété d'un homme enjoué , nous nous
acheminâmes auffi - tôt vers l'auberge prochaine
; & dans l'inſtant on nous fervit un
plat de beaf-ſteak tout fumant , & un pot
d'une bière mouſſeuſe. Il eſt impoffible d'exprimer
combien la vue de ce dîner réveilla
la vivacité de mon compagnon. » Monfieur,
>> me dit-il , j'aime ce repas par trois rai-
رد fons : 1º. parce que le beaf-ſteak eſt mon
» mets favori ; 2°. parce que j'ai faim;
> 3 ° . parce qu'il ne me coute pas une obole.
» Ah ! Monfieur , qu'y a-t-il de comparable
» à un repas que l'on prend pour rien " ?
Le voilà donc qui donne ſur le plat , &
ſon appétit parut être bien d'accord avec
fon goût. Après le dîner , il me dit qu'il
avoit trouvé le beaf- ſteak un peu dur :
>>Malgré cela , Monfieur , continua - t - il ,
>>quelque mauvais qu'il ait pu être , je l'ai
» mange comme un morceau délicieux :
>> vivent les jouiſſances de la pauvreté &
>> d'un bon appétit ! C'eſt nous autres Gueux
» qui ſommes les véritables favoris de la
>> Nature : le Riche , elle le traite en marâ-
>> tre ; il n'eſt content de rien : coupez-lui
>> un ſteak de la meilleure qualité , il lui
» paroîtra toujours dur ; accommodez - le
» avec des pickles ( 1 ) , les pickles même
>>ne pourront aiguiſer ſon appétit . Mais le
(1 ) Eſpèces de cornichons accommodés au vinaigre .
DE FRANCE.
153
" monde entier eft rempli de délices pour
> le Pauvre : pour lui la barrique de Cal-
» vert ( 1 ) furpaſſe le Champagne, & la bière
>> de Segdeley (2) a le goût du Tokai : eh !
» vive la joie ! quoique nos biens ne foient
" dans aucun pays , nous trouvons des for-
رد tunes par-tout. Une inondation ſubmerge-
" t- elle une partie de la province de Corn-
>>wallis ? cela m'eſt égal , je n'y ai point
" de terres : les fonds viennent-ils à baif-
>>fer ? je ne m'en inquiète en aucune ma-
» nière ; je ne ſuis point un Juif « .
La vivacité de ce garçon , jointe à ſa misère
, excita fi fort ma curiofité , que je
voulus connoître un peu l'hiſtoire de ſa vie ;
je l'invitai à me fatisfaire ſur ce point.
» Avec grand plaifir , Monfieur , me dit-il ;
» mais commençons par boire , afin de ne
ود pas nous endormir ; &tandis que nous
» veillons encore , faiſons venir un ſecond
ود pot; car eft- il rien d'auſſi charmant que
>> la vue d'un pot de bière écumant « ?
>> Vous faurez donc , Monfieur , que je
defcends d'une très-bonne famille : mes ancêtres
ont fait quelque bruit dans le monde,
car ma mère crioit des huîtres , &mon père
battoit de la caiſſe ; j'ai même ouï-dire que
nous avions eu des Trompettes dans notre
famille : affurément bien des gens de qualité
ne pourroient produire une généalogie auffi
(1 ) Mauvais Cabaretier de Londres.
(2) Autre Cabaretier.
Gv
154
MERCURE
reſpectable. Mais n'importe. Comme j'étois
fils unique , mon père voulut me faire hé-
-ritier de ſes talens , afin que je pufſe prendre
fon état, & comme lui être attaché , en
qualité de Tambour , à une Troupe de Marionnetres.
Il m'éleva en conféquence ; tout
le temps de ma jeuneſſe ſe paſſa à interpréter
les paroles de Polichinelle & celles
du Roi Salomon dans toute ſa gloire.
Quoique mon père s'amusât beaucoup àme
faire battre fur le tambour les différentes
marches de guerre, mes progrès n'en étoient
pas plus rapides pour cela ; naturellement
je n'avois pas l'oreille muſicale : en forre
qu'à quinze ans je m'évadai de la maifon
paternelle &m'engageai comme Soldat. Autant
je m'étois ennuyé à battre du tambour,
autant je me laſſai à porter le moufquet ;
l'un & l'autre état ne me convenoient en
aucune manière : mon inclination me portoit
à être Gentilhomme. D'ailleurs j'étois
obligé d'obéir à mon Capitaine ; il a ſes fantaiſies
; moi , j'ai les miennes ; vous avez les
vôtres. De tout cela , j'ai fort raiſonnablement
conclu qu'il étoit infiniment plus
agréable d'obéir à ſes propres volontés qu'à
celles d'autrui.
>>>L'état de Soldat me donna bientôt le
ſpléen ; je demandai à me retirer du ſervice ;
mais j'étois grand , fort ; & mon Capitaine
me remercia pour ma louable intention, m'affurant
qu'il me vouloit trop de bien pour
DE FRANCE. 155.
m'éloigner de lui. J'écrivis à mon père une
lettre très - humble & très - repentante , le
priant de m'envoyer de l'argent pour payer
moncongé: le compère,malheureuſement,aimoit
à trinquer bien autant que moi ; ( Mr.,
je bois à votre ſanté ) .... & ceux qui font
doués de cette belle qualité , ne lâchent pas
volontiers leur argent. Bréf, jamais je ne
reçus de réponſe à ma lettre : que faire ? Si
je n'ai pas de quoi me dégager , dis -je en
moi - même , il faudra bien chercher un
moyen qui équivale à l'argent ; & ce moyen
ſera de m'enfuir. Mon parti fut bientôt
pris , je déſertai ; & de cette manière , je
remplis mon intention tout auffi bien que
fi j'avois débourſé de l'argent.
» Me voilà donc entièrement quitte du
militaire je fis argent de mon uniforme ,
j'achetai à la place un mauvais habit ; &de
crainte d'être pincé , je me fauvai par les
routes les plus écartées. Un foir , en entrant
dans un village , j'apperçus un homme renverfé
de ſon cheval ſur un très - mauvais
chemin , & preſque enterré dans la boue :
c'étoit le Curé de la paroiſſe. Il m'appela
à ſon ſecours ; j'y volai , & avec beaucoup
de peine je le retirai du bourbier où il étoit
enfoncé. Après m'avoir remercié de mon
honnêteté, il s'en alloit ; mais je le ſuivis
juſque chez lui : j'aime affez que les gens
me remercient à leur porte. Le Curé me
fi,t mille queſtions; il voulut ſavoir de qui
j'étois fils , d'où je venois , s'il pourroit
Gvj
1456 MERCURE
compter ſur ma fidélité. Je répondis à tout
d'une manière qui le ſatisfie pleinement , &
je me douai moi-même , fort modeſtement ,
des plus belles qualités imaginables , telles
que la fobriété , ( Monfieur, je bois à votre
fanté ), la difcrétion , & la fidélité . Le fait
eſt qu'il avoit beſoin d'un Domestique , &
il me prit à ſon ſervice : je ne vécus avec
lui que deux mois ; nous n'étions pas faits
pour nous convenir : j'aimois à manger copieuſement
, & lui me donnoit une trèsmaigre
pitance : j'aimois les jolies filles , &
Ja Servante de la maiſon étoit vieille , laide ,
&de mauvaiſe humeur. Comme je voyois
qu'ils vouloient me faire mourir de faim ,
je pris, moi, la pieuſe réfolution d'empêcher
ces bonnes gens de commettre un homicide
: dès lors je volai les oeufs aufli-tôt
qu'ils étoient pondus , je vidai les bouteilles
qui me tomboient ſous la patte ; tout ce
que je rencontrois d'un peu mangeable ,
difparoiffoit à l'inftant. Bref, ils trouvèrent
que je n'étois point du tout l'homme qu'il
leur falloit ;& un beau matin on me congédia
: je reçus trois ſchellings & demi pour
deux mois de gage .
>>Tandis que le Curé étoit à compter
l'argent qui me revenoit , j'étois occupé, de
mon côté , à faire les préparatifs de mon
départ : j'apperçus au fond de la baffe-cour
deux poules qui pondoient ; vîte je fus
m'emparer de leurs oeufs , & pour ne pas
ſéparer les mères d'avec leurs petits , je
DE FRANCE.
157
fourrai les poules auſſi dans mon havreſac.
» Après cette action de fidélité , j'allai
recevoir mon argent ; & le havreſac ſur le
dos , un bâton en main , je pris congé de
mon vieux bienfaiteur , les larmes aux yeux.
Je n'étois pas à quatre pas de la maiſon, que
j'entendis crier derrière moi : Arrête , arrête
.... au voleur ! Mais , loin d'arrêter , je
doublai le pas ; j'aurois été un franc fot de
ne pas continuer mon chemin , puiſque je
ſavois fort bien que cela ne pouvoit me regarder...
Mais à propos , il me ſemble que
tout le temps que nous venons de reſter là
chez le Curé , nous n'avons pas bu un ſeul
coup ; allons , dans cette faiſon il règne une
cruelle ſéchereſſe...... Je veux mourir , fi
jamais de ma vie j'ai paffé deux mois plus
fots que ceux-là. 4
» Après avoir cheminé quelques jours ,
je rencontrai une Troupe de Comédiens
ambulans ; auffi - tôt que je les apperçus ,
j'éprouvai un ſaiſiſſement de plaifir , un
mouvement de ſympathie qui m'entraînoit
vers eux : j'ai toujours été porté d'inclination
pour la vie vagabonde. Ces Meſſieurs
étoient occupés à raccommoder leur voiture
, qui avoit verſé dans un chemin étroit ;
je m'offris à leur aider , & l'on m'accueillit
avec honnêteté : dans le moment , nous
fîmes ſi bien connoiflance , qu'ils m'engagèrent
comme Domeſtique. Cette condition
étoit un véritable paradis pour moi ; ils
chantoient, danſoient, buvoient, mangeoient
1
1-58 MERCURE
& voyageoient tout à la fois. Palſambleu ,
il me ſembloit n'avoir pas vécu juſqu'à ce
jour ; je devins gai comme un pinçon , &
je riois à chaque parole que l'on proféroit.
J'eus le bonheur de leur plaire autant qu'ils
m'avoient plu : j'avois une bonne figure ,
comme vous voyez , & quoique pauvre , je
n'en étois pas plus modeſte pour cela.
ود Peut-on rien comparer à une vie ambulante
? tantôt chaud, tantôt froid; aujourd'hui
bien , demain mal ; mangeant quand
on en trouve l'occaſion ; buvant ( Monfieur,
il n'y a plus rien dans le pot ) quand il y a
de quoi.
2
>> Nous arrivâmes ce ſoir-là à Tenterdene;
nous louâmes au Lion d'or une grande
chambre,qui devoit nous fervir de théatre.
La Troupe vouloit jouer Romeo & Juliette,
avec la Proceffion funèbre , la Foffe , & la
Scène du Jardin : le rôle de Romeo devoit
être rempli par un Acteur du Théatre Royal
deDrurilane ; celui de Julietre par une Actrice
qui n'avoit encore paru fur aucun
Théatre ; & moi je devois moucher les
chandelles : chacun de nous , comme vous
voyez , parfait dans ſon genre. Nous avions
bien allez d'Acteurs , la difficulté étoit de
les habiller : l'habit de Romeo , avec un
petit paffe-poil , alloit auſſi à ſon ami Mercutio;
une large pièce de crêpe ſervoit à
la fois de jupon à Juliette & de drap mortuaire
; au défaut d'une cloche , on avoit
emprunté le mortier & le pilon de l'Apo
DE FRANCE.
159
thicaire du voiſinage ; enfin, pour compofer
le gros de la Proceflion , toute la famille de
l'Hôte avoit été affublée de linceuls blancs.
En un mot , il n'y eut que trois perſonnages
qui purent ſe vanter d'être bien coſtumés ;
je veux dire la Nourrice , le maigre Apothicaire
, & votre Serviteur. Nous jouâmes
tous nos rôles à la grande ſatisfaction du
Public , qui fut enchanté de nos talens.
>> Il y a une règle qui peut affurer à tout
Acteur forain un très-grand ſuccès ; c'eſt ,
pour m'exprimer en termes de l'Art , de
bien faire valoir ſon rôle : parler & geſticuler
, comme dans la converſation ordi
naire , ne s'appelle pas jouer ; ce n'eſt pas
non plus ce que vient voir le Spectateur :
un débit naturel eſt ſemblable à un vin délicat
, qui chatouille doucement le palais ,
&laiſſe à peine un léger déboire ; mais un
débit forcé eft comme du vinaigre qui gratte
&fait éprouver une longue ſenſation quand
on le boit. Pour plaire dans la Capitale ,
comme en Province , il faut beaucoup crier,
ſe démener comme un poffédé , tordre fes
bras , ſe battre les flancs , &faire des geſtes
violens , comme ſi l'on étoit attaqué de
convulfions : voilà , voilà le vrai moyen de
faire retentir la Salle d'applaudiſfemens ,
c'eſt le ſeul qui ſoit infaillible.
>> Notre début nous avoit fait une grande
réputation ; il étoit donc naturel que je
m'attribuaſſe une partie de l'honneur du
ſuccès , car je mouchois les chandelles ; &
1
160 MERCURE
!
1
vous me permettrez de vous obſerver que ,
fans un Moucheur de chandelles , le Spectacle
auroit été privé d'une grande partie
de ſon éclat. Nos ſuccès ſe ſoutinrent encore
l'eſpace de quinze jours ; nous faifions
d'affez bonnes recettes : tout alloit à merveille.
La veille du jour fixé pour notre
départ , nous nous étions propoſé de jouer
la meilleure Pièce du Répertoire , & d'y
déployer tous nos talens. Cette repréfentation
devoit nous rapporter un argent
énorme ; on comptoir là-deſſus comme ſur
une choſe sûre. Les prix des places avoient
été doublés , la Pièce annoncée avec emphaſe
, lorſque , ô comble de l'infortune !
l'un des Chefs d'emploi eſt attaqué d'une
fièvre violente , & menacé d'une mort prochaine:
ce fut un coup de foudre pour la
Troupe. On avoit réſolu d'aller en Corps tancer
le moribond de s'être laiffé ſurprendre fi
mal àpropos par une maladie qui devoit nous
être ſi funeſte : en habile politique , je ſaiſis
ce moment , & je m'offris de jouer à ſa
place. Le cas étoit preſſant ; il falloit remédier
à l'accident, & je fus accepté.
: » Aufſi-tôt je vais dans ma chambre , je
m'aſſeois à ma table , un pot de bière devant
moi ( Monfieur , je bois à votre ſanté ) , &
tenant la Pièce qu'on devoit répéter le lendemain
& jouer quelques jours après.
>> Je fus étonné de voir à quel point la
bière m'aidoit la mémoire. J'appris mon
rôle en moins de rien ; & dès-lors je pris
DE FRANCE. 161
!
congé pour toujours de l'état de Moucheur
de chandelles : je trouvai que la Nature
m'avoit deſtiné en naiſſant à des emplois
plus nobles , & je me laiſſai aller à fon
impulfion. Nous nous raſſemblâmes pour
la répétition : je commençai par faire part
à mes Camarades , qui n'étoient plus mes
Maîtres , de l'étonnante révolution qui s'étoit
opérée en moi. Ne vous inquiétez
plus , leur dis- je , de la guériſon du malade ;
je me flatte de remplir ſon rôle à la fatisfaction
de tout le monde , & même il peut
mourir ſi cela lui fait plaifir , je vous promets
que perſonne n'y trouvera à redire.
Je me mis donc à déclamer devant eux ; je
marchai à grands pas ; je fis un tapage du
diable, je geſticulai comme un forcené , &
l'on me trouva merveilleux .
» Auſſi - tôt la Troupe fit afficher qu'un
nouvel Acteur du premier mérite devoit
débuter le lendemain : on s'empreſſa de
louer toutes les loges , les places étoient
toutes retenues ; l'affluence fut prodigieuſe.
Cependant , avant de monter ſur les planches
, je fis réflexion que , puifque c'étoit
moi qui procurois une recette auffi confidérable
à la Troupe , il étoit juſte que j'euſſe
une bonne part au profit : Mrs. , dis - je en
m'adreſſant à notre Compagnie , je ne prétends
point vous faire la loi ; vous avez répandumon
nom dans les affiches d'une manière
trop flatteuſe, pour que j'aye l'idée de
vous traiter avec tant d'ingratitude ; mais
162 MERCURE
au point où en font les choſes, vous ne
pouvez guère vous paſſer de moi ; c'eſt
pourquoi , Meſſieurs , pour vous témoigner
toute ma reconnoiſſance , j'eſpère que vous
voudrez bien me donner part entière dans
votre recette ; autrement je ſuis bien votre
ſerviteur , je m'en tiendrai à mon premier
état , & je recommencerai à jouer de la
mouchette. La propofition leur parut dure ;
que faire ? il n'y avoit pas moyen de
s'y refuſer ; mes raiſons étoient preſſantes
&ſans réplique : il fallut confentir à tout ,
&les difficultés une fois levées , je parus
dans le rôle de Bajazet , ayant les fourcils
froncés , l'air fier , le regard terrible : un bas
arrangé fur ma tête me fervoit de turban ,
& d'énormes chaînes , priſes d'un tournebroche
, tenoient mes bras captifs , & retentiffoient
au loin. La Nature ſembloit
m'avoir créé pour ce rôle ; j'étois grand, &
j'avois la voix forte : mon entrée ſeule me
valut des battemens de main incroyables. Je
parcourus des yeux tout le théatre avec un
fourire de fatisfaction , & m'avançant fur
le bord de la ſcène , je fis une révérence
très-profonde & très-reſpectueuſe; car c'eſt
l'uſage parmi nous. Comme j'avois un rôle
à grands mouvemens , avant de commencer
, j'avalai trois bons verres d'eau-de-vie
( Monfieur , il n'y a preſque plus rien dans
le pot), pour foutenir mes forces : corbleu !
il eft incroyable avec quelle ſupériorité je
m'en acquittai. Tamerlan n'étoit qu'un petit
i
DE FRANCE.
163
-
garçon auprès de moi ; ce n'eſt pas qu'il
n'eût de rudes poumons auſſi , & que de
temps en temps il ne criât bien affez fort :
mais c'eſt que je criois autrement encore
que lui ; c'eſt que j'avois de plus une variété
de geftes , un phyſique , une voix ...... il
falloit me voir : pour l'ordinaire , mon bras
droit étoit placé ainſi ſur le haut de l'eſtomac;
les Acteurs de Drurilane ont auffi ce
maintien , & il eſt toujours d'un bon effet.
Nous pourrions mille fois couler à fond ce
pot de bière avant que je vous euffe fait
l'énumération de mes diverſes qualités ; en
un mot, je m'en tirai comme un prodige.
>> Tout ce qu'il y avoit d'un peu hupé
dans la ville , tant en hommes qu'en femmes
, vint me voir après la Pièce, pour me
faire compliment ſur le grand ſuccès que
j'avois eu : l'un faifoit l'éloge de ma voix ,
l'autre celui de mon phyſique : d'honneur
dit une jeune élégante, il deviendra un des
premiers Acteurs de l'Europe ; c'eſt moi qui
vous le dis , & je crois m'y connoître un
peu . La louange flatte notre amour-propre,
& nous la recevons d'abord avec reconnoiſſance
; mais lorſqu'elle nous eſt prodiguée,
nous ne la regardons plus que comme
un tribut payé à notre mérite , & que lui
ſeul eft capable d'attirer : au lieu de remercier
les perſonnes qui me donnoient
des éloges , j'avois un air triomphant , & je
m'applaudiffois au dedans de moi - même.
Onnous engagea à redonner la même Pièces
164
MERCURE
H
nous la jouâmes , & mon ſuccès fut encore
plus grand qu'à la première repréſentation.
>>A la fin , nous quittâmes la ville pour
nous rendre à une courſe de chevaux qui
ſe faiſoit à quelques lieues de là. Je ne me
rappellerai jamais de Tenterdene fans verfer
des larmes de reconnoiſſance : Ah ! Monſieur,
fi vous ſaviez quel tact, quelle fineſſe
de goût , quelle connoiflance du Théatre
l'on a dans ce pays ; non , jamais je n'ai vu
mieux juger des talens d'un Acteur. Allons ,
Monfieur , buvons un coup à la ſanté des
Melfieurs & des Dames de Tenterdene .
Je vous difois donc que nous quittâmes la
ville ; mais que j'en fortis bien différent de
ce que j'y étois entré ! Moucheur de chandelles
en y arrivant , j'en partois un Héros !
Ainſi va le monde ; aujourd'hui dans la
boue, &demain ſur un trône. Je pourrois
vous en dire bien davantage ſur les inégalités
de la fortune , & des choſes vraiment
fublimes ; mais cela pourroit nous donner
le ſpléen à tous deux, j'aime mieux n'en pas
parler.
>> Les courſes de chevaux étoient déjà
finies , lorſque nous arrivâmes à cette autre
ville ; ce qui ne laiſſa pas que d'être un
contre - temps fâcheux pour la Troupe.
Quoi qu'il en ſoit , nous étions toujours
réſolus de prendre tout ce que nous pourrions
faire d'argent. Je continuois à jouer
les premiers rôles , & je m'en acquittois
avecmon ſuccès ordinaire ; fincèrement je
DE FRANCE. 165
1
1
1
penſe que je ſerois devenu un des premiers
Acteurs de l'Europe , ſi mes talens naiſſans
euſſent été encouragés : malheureuſement
j'eifuyai un revers terrible , qui me replongea
dans ma première obſcurité. Je
jouois Sir Harry Wildair ; j'avois enchanté
toutes les femmes de province. Si je ſortois
ſeulement ma tabatière de ma poche , on
applaudiffoit à tout rompre ; & lorſque je
faifois marcher Martin - bâton , on étouffoit
de rire,
» Dans cet endroit ſe trouvoit alors une
femme qui avoit fait un ſéjour de neuf
mois a Londres : d'après cela , elle avoit de
grandes prétentions au bon goût ; c'étoir
elle qui donnoit le ton par-tout; on la confultoit
comme un Oracle , & ſes déciſions
étoient fans appel. Elle avoit beaucoup entendu
parler de mon talent ; tout le monde
me pronoit ; cependant elle avoit conſtamment
refuſé d'aller me voir jouer. Elle ne
pouvoit attendre , diſoit-elle , rien que de
bien médiocre d'un Acteur de province;
puis elle lâchoit quelques mots à la louange
de Garrick d'un air empeſé , & étonnoit
toutes les fenames par ſa facilité à s'énoncer,
par ſes manières , par ſes graces. Cependant
elle fut tant tourmentée , qu'elle conſentit
à la fin à venir au Spectacle : on me fit ſavoir
que la première fois que je jouerois , j'aurois
parmi mes ſpectateurs un Juge ſévère ; mais
inoi, fort peu intimidé par la préſence de
la Dame , je parus auſſi tranquille qu'à mon
166 MERCURE
ordinaire dans le rôle de Sir Harry , une
main dans la poche de ma culotte , & l'autre
paffée dans ma veſte , comme font les
Acteurs à Drurilane. Je m'apperçus cependant
que le Public , au lieu de me regarder,
étoit tourné vers la Dame qui avoit
paffé neuf mois à Londres. On attendoit
d'elle l'arrêt qui devoit me mettre en main
le fceptre de Thalie , ou me reléguer dans
la claſſe des plus vils Bateleurs. J'ouvris ma
boîte , je pris du tabac; la Dame garda fon
férieux, & le Public fit de même : je caffai
ma canne fur le dos de l'Alderman Smugler;
toujours un ſérieux à glacer : la Dame
fit un geſte de pitié & hauſſa les épaules.
J'eſſayai , en riant moi-même , de faire au
moins fourire ; mais , le D..... m'emporte ,
s'il y eut un muſcle dans l'Aſſemblée qui
ſympathisat avec les miens. Je vis que les
choſes n'alloient pas bien ; toute ma gaîté
dès lors devint forcée , mon rire n'étoit plus
qu'une grimace ; & tandis que je voulois
paroître gai , mes yeux déceloient la trifteffedemoname.
Bref, la Dame étoit venue
avec l'intention d'être mécontente , & elle
le fut. Toute ma célébrité s'évanouit : je
ſuis ici, &...... (le pot de bière n'eſt déjà
plus) .
(ParM. le Prince Baris de Galitzin, )
DE FRANCE. 167
Explication de la Charade , de l'énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
L
1.
E mot de la Charade eſt Potage ; celui
de l'énigme eſt les Chenets; celui du Logogriphe
eſt Mai ( le mois de), où l'on trouve Ami.
CHARADE.
CONSULTEZ votre Cuisinier ;
Il vous dira que mon premier
Lui fournit volaille & gibier ,
Qu'il habille de mon dernier.
Jadis inſtrument meurtrier ,
Mon tout armoit plus d'un Guerrier.
(Par M. Laurent de Charleville. )
ÉNIGME.
J'AI quatre pieds , deux bras , la taille contrefaite
Par-tout je ſers utilement ;
Tantôt paré ſuperbement ,
Quelquefois nu comme un ſquelette,
Dans mes bras j'invite au repos :
Mais voyez un peu l'injustice ,
)
P
1
168 MERCURE
Tous ceux à qui je rends ſervice
A l'instant me tournent le dos.
Où trouver donc de la reconnoiſſance !
Même avec les Savans j'éprouve un fort pareil;
Je ſuis pourtant chez eux le prix de la ſcience ,
Et l'on ne m'obtient point ſans un grand appareil.
Pour ſavoir qui je ſuis en faut-il davantage ?
Tu dois me connoître à ce trait .
Auprès du Roi , Lecteur , jamais aucun Sujet
De moi ne ſçauroit faire uſage.
(Par M. Sebire de Beauchefne , Officier
deMarine.)
LOGOGRIPHE.
HUIT pieds font tout mon être ,
Par la moitié je ſuis porté.
La coquette Beauté ,
L'arrogant Petit - Maître ,
Ghez moi viennent ſouvent étaler leurs appas ,
Ou bien pour prendre leurs ébats.
Je brille en toute Académie ;
Magiftrat , Financier , & tout homme important ,
En parfaite ſanté , pendant la maladie ,
Me fréquentent également.
Mais
DE FRANCE.
169
Mais le Ruftre , qui fuit les agrémens factices ,
Fait peu de cas de mes ſervices.
Je puis t'offrir deux élémens qu'en vain
Tu voudrois accorder ; une liqueur amère ,
Qu'on prend au figuré pour ſigne de colère ;
Une interjection qui marque le dédain ;
Cet aliment qu'à ron enfance
Adû donner ta mère ; une Iſle de la France ;'
L'eſpace occupé par un corps ;
Ce qui dans l'honnête homme excite le remords ;
Certain individu jaloux de fa parure ;
Une refſource ordinaire au poltron ;
Un arbre que jamais la plus rude ſaiſon
Ne dépouilla de ſa verdure ;
Deux pronoms maſculins, deux notes de Plein-chant,
Un lieu que tu verras ce ſoir , j'en ſuis garant.
(Par Mlle. Gavinet , épouse de M. Maret,
Avocat à Lyon. )
Nº. 43. 27 Octobre 1787. H
179
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE de M. SERRAO , premier Médecin
du Roi de Naples , &c,
ÉLOGE de M. SCHÉELE, de l'Académie des
Sciences de Stockholm , & c .
ÉLOGE de M. WATELET , de l'Académie
Françoise , & c. & c. Prononcés à la SociétéRoyale
de Médecine, par M. VICQ
D'AZYR.
Ces Éloges font partie d'une Collection
d'Ouvrages pareils , que le même Ecrivain
publie depuis dix ans.
د
Toujours des Eloges , diront des perſonnes
qui , intérêt particulier ou non
ne permettent plus qu'on loue le mérite
quoiqu'elles confentent affez facilement
qu'on l'infulte & le dénigre. Changeons
les mots, puiſque leur répétition y attache
l'ennui de la monotonie. Diſons que ce
genre d'Ouvrages eſt devenu une Hiſtoire
des Sciences , & une appréciation des Savans ,
Et certes , un tel travail vaut bien que les
hommes qui en font dignes , y raſſemblent
DE FRANCE . 172
toutes les forces de leurs talens , & que
le Public l'accueille avec l'intérêt d'une
grande inſtruction , & l'attrait d'une curiofité
utile.
Il n'en eſt pas des Eloges des Savans ,
comme de ceux des Littératuers. Ces derniers
appartiennent , pour ainſi dire , à la
multitude qui peut les entendre , & , jufqu'à
un certain point , les juger. Le mérite
des Savans ſe renferme dans une ſcience
qu'ils cultivent ſouvent au milieu de l'indifférence
publique , ſcience qui ajoute à
la gloire de l'eſprit humain , à l'amélioration
de la ſociété , ſans que la plupart de
ceux qui jouiffent de ſes bienfaits , ſachent
ni les admirer , ni les bénir. L'inſtitution des
Eloges dans nos Académies , répare un peu
cette injuftice & ce malheur. Ils nous
expliquent les progrès de chaque ſcience ,
& nous avertiſſent de la meſure de reconnoiſſance
que nous devons au génie de
chaque Savant. Ce n'eſt pas tout. Ces Savans
qui obfervent ſans ceſſe la Nature , pour
lui arracher ſes voiles , & la féconder par
leurs combinaiſons , vivent plus près d'elle.
Ils exiſtent dans la ſociété , d'une manière
qui eſt à eux. L'originalité de leurs carac
tères & de leurs moeurs enrichit la morale ,
comme leur génie étend la phyſique. C'eſt
en eux qu'on apperçoit mieux , & cette
deſtination impérieuſe qui nous appelle &
nous retient dans les occupations qui nous
ſont propres , & la fimplicité primitive de
Hij
172 MERCURE
:
:
Thomme affranchi des chaînes d'une vie
artificielle , & l'analogie naturelle de cerraines
moeurs avec certains travaux , & le
contraſte - piquant des fingu arités de la
Nature , avec la bizarretie de nos conventions
ſociales, Trois hommes d'un grand
mérite ſe ſont particulièrement voués à
cette fonction , Fontenelle , M. le Marquis
de Condorcet , & M. Vicq- d'Azyr. Bien des
Ouvrages loués & célébrés périront ; les
leurs ſe perpétueront avec les Sciences
qu'ils ont éclairées & rapprochées de l'ignorance.
Mais il ne fuffit pas de faire l'éloge des
Savans , & de tracer les progrès fucceflifs
&corrélatifs des Sciences, pour faire un
Ouvrage deſtiné à cette longue & univerſelle
attention. Il faut s'élever à la ſupériorité
de lumières & d'eſprit que cette
fonction exige. La facilité des études s'eſt
étonnamment accrue par l'abondance des
fecours & la perfection des méthodes. Mais
on devra toujours diftinguer comme des
hommes fort rares , ceux qui ſe trouvent
en état de faire marcher de front toutes
les Sciences , d'en être les dépoſitaires auprès
des Savans , les interprètes devant le Public,
& qui joignent encore à cette étendue de
connoiffances , ce talent philoſophique avec
lequel on marque l'influence des Sciences
fur le cours des Sociétés , ces apperçus
profonds ou fins , néceſſaires pour apprécier
des homines ſouventtrès-particuliers & très
DE FRANCE. 173
divers , & cette éloquence noble & fimple ,
fans laquelle on ne peut ni préſenter dignement
les grandes découvertes & les grandes
inventions , ni leur obtenir toute l'admiration
& la reconnoiffance qu'elles méritent.
Tous les honneurs littéraires ſont bien dus
à de tels talens. Le mérite de bien écrire
s'ennoblit de la dignité des objets auxquels
il s'applique.
Le premier eſt celui de M. Serrao, premier
Médecin du Roi de Naples , premier
Profeſſeur de Médecine-pratique , Doyen
de la Faculté , & ancien Secrétaire Perpétuel
de l'Académie des Sciences de la même
ville , Affocić Etranger de la Société Royale.
Il paroît par l'Eloge de M. Vicq-d'Azyr ,
que M. Serrao fut plutôt un bon Médecin
qu'un grandHomme, qu'il ſervit les Sciences
par fon courage contre les préjugés , plutôt
que par les découvertes. Il contribua beaucoup
à faire tomber dans les Ecoles d'Italie ,
la Philofophie Scholaſtique & le Carthéfianiſme
; ce ne ſont pas là de médiocres
ſervices , & ces ſervices ne peuvent appar
tenir qu'aux eſprits ſupérieurs à leur fiècle
finon par le génie , du moins par la perfection
de leur raiſon. La partie de ſes
travaux qui honorera le plus ſa mémoire ,
eſt la deftruction d'une de ces erreurs , que
le charlataniſme établit dans un moment ,
& que la vraie ſcience a long - temps à
combattre.
Ce morceau eft long ; mais ilpréſente un
Hiij
474 MERCURE
fait curieux , & tracé avec une philofophie
qui en rendra les détails auffi inſtructifs
que piquans.
>>De l'abus que l'on a fait de la Religion ,
de la Médecine & de l'Aftronomie, ont refulté
trois grandes ſources de maux, le fanatiſme
, le charlataniſme , & la ſuperftition.
Le moyen le plus efficace que l'on puiſſe
oppofer à ces égaremens de l'eſprit , c'eſt
d'en faire connoître l'origine , les caufes&
les dangers , en les dénonçant au Tribunal
de la raifon. Telle a été la conduite de.M.
Serrao , lorſqu'il a publié fur les accidens
mal à propos attribués à la morſure de la
Tarentule , des recherches où eft conſignée
P'hiſtoire d'une des plus fingulières erreurs
qui ayent fubjugué non ſeulement le peuple,
mais les Savans eux- mêmes ". Je demande
la permiffion d'entrer ici dans quelque
détail ſur ce genre de preſtige qui conſerve
encore des partiſans dans les pays où l'Ouvrage
de M. Serrao n'eſt point connu.
On donne le nom de Tarentule à une
des plus groffes araignées d'Europe , qui ſe
trouve dans la partie méridionale de la
Provence, en Sardaigne , en Sicile , dans
le Royaume de Naples , & fur-tout dans
la Pouille , près de la ville de Tarente.
Cette araignée ſe creuſe dans la terre un
trou perpendiculaire & cylindrique , dont
elle tapiſſe les parois de quelques fils. Ses
tenailles font très-groffes , & terminées par
des pointes très-fortes. Dans le mois de
DÉ FRANCE. 17
Juillet , le mâle clierche la femelle : c'eſt
alors fur-tout que l'on rencontre ces infectes ,
& qu'ils font le plus diſpoſés à mordre
mais ils ne font pas bien à redouter , leurs
morſures produifant tout au plus quelques
taches éryfipélareuſes,& des crampes légères .
Voilà le vrai ; on a exagéré , & l'on a dit :
La bouche de la Tarentule eſt armée de
douze crochets , toujours agités & toujours
menaçans ; fon poiſon détruit le ſentiment
& la vie ; la Mulique & la Danfe peuvent
ſeules prévenir des ſuites auffi facheuſes.
Quelquefois , a - t- on ajouté , le mal ſe
reproduit après la révolution d'une année.
On a recours alors au même remède , avec
le même fuccès ; & rien de ce qui ſe paffe
dans le paroxiſme ne refte préfent à la
mémoire du bleffé.
Une circonftance incroyable , mais que
perfonne n'ofoit révoquer en doute , étoit
que le venin de la Tarentule produifoit
dans ceux qu'elle avoit mordus , une répugnance
invincible pour les couleurs noires
& blenes , & qu'il leur donnoit un penchant
décidé pour le blanc , le rouge & le
vert. Un Docteur qui avoit obſervé ces
infectes de plus près, diſoit-il , qu'on n'avoit
fait avant lui , prétendit s'être aſſuré qu'ils
aimoient beaucoup la Muſique , & il s'empreſſa
de publier cette découverte. On alla
plus loin encore ; un autre écrivit qu'il
avoit furpris des Tarentules danſant en
meſure comme les malades eux-nrêmes , art
Hiy
176 MERCURE
fon des inftrumens ; & ces fables trouvèrent
des protecteurs. On l'avoit vu , diſoit- on ,
il falloit bien le croire.
Ceque le Peuple racontoit , les Phyſiciens
- s'efforçoient de l'expliquer. Suivant Mead ,
le premier effet du venin ſe portoit ſur le
fang. Suivant Geoffroi , il agiffoit fur les
nerfs ; ainſi l'aveuglement étoit général , &
la maladie que l'on appela Tarentiſme
trouva place dans les Traités de Médecine.
>>Mais d'après les recherches de M.
Serrao , nul Auteur n'en a fait mention
avant le quinzième ſiècle de notre Ere. Il
n'en exiſte pas la moindre trace dans les
Ouvrages de Strabon , de Pomponius-Mela ,
deTite- Live , de Florus, de Trogus-Pompée ,
deTacite. Comment Pline & Varron, qui ont
écrit ſur les diverſes productions , &vanté
les ſites de ces campagnes , auroient-ils gardé
le filence fur les Tarentules , ſi on les avoit
redoutées alors ? & fur-tout commentHorace,
qui parcourut cette Province avec Mécènes ,
pendant une des négociations d'Antoine &
d'Octave , auroit-il pu dire d'une terre
jonchée d'inſectes venimeux :
>>Je me retirerai dans ce pays que le
Galèze arrofe de fes eaux limpides , où les
troupeaux font couverts de riches toiſons ,
où coule un miel délicieu. Ceft là, men
cher Septimius , où tu pleureras fur la condre
de ton ami ".
>>O>n conçoit bien que le génie& les.
moeurs des Tarentins ont dû éprouver de
DE FRANCE.
grandes variations , & que les Habitans de
ces contrées n'ont rien de commun , ni
avec les Lacédémoniens qu'y conduifit Phalante
, ni avec ces ſages & heureux contemporains
de Pythagore & d'Architas ,
ni avec ces hommes efféminés , que Tire-
Livre a peints célébrant les fêtes dePlurus,
mais les infectes de ces climats n'ont pas
dû changer , & s'ils n'étoient pas venie
meux alors , comment le ſeroient - ils aujourd'hui
?
» A ces témoignages tirés de l'Hiſtoire ,
j'ajouterai les faits fuivans , que M. Serrao
nous a tranfmis. Déjà le Docteur Epiphane
Fernandi , Médecin habile , avoit affure que
la morſure de la Tarentule n'étoit point
mortelle , & qu'il avoit vu pluſicurs perſonnes
y furvivre , ſans le fecours de la
Danfe & de la Muſique ; mais l'impulfion
étoit donnée , & l'on aimoit mieux s'en
rapporter aux écrits du célèbre Baglivi
partiſan zélé de cette erreur , qu'aux obſervations
fimples & vraies d'un Médecin peu
connu.
>>Heureuſement , une diſpute des plus
vives s'étant élevée à ce ſujet , entre les
Docteurs Sangineti & Claritio , celui - ci
provoqua fon adverfaire à une expérience
publique. Il ne craignit point de le faire
mordre par des Tarentules dans la faifors
des plus grandes chaleurs ; il ne s'en ſuivir
aucun accident facheux , & le courage d'ur
feul homme triompha d'un préjugé de trous
fiècles. Hv
178 MERCURE
» M. Serrao multiplia ſes eſſais ; il les
publia dans un Ouvrage italien , écrit avec
élégance ; on le lut , & on ſe détrompa. Il
y a donné la deſcription exacte des ſpaſmes
violens , des convulfions & de l'angoiſſe
qu'éprouvoient les malheureux dont l'eſprit
étoit agité par la crainte de la mort. Ily a
dévoilé l'art trompeur des Hiftrions , qui
fimuloient ces déſordres , pour offrir à volonté
le ſpectacle du Tarentiſme aux
voyageurs . On y trouve une image fidèle
des fourberies renouvelées tant de fois
& dont le ſouvenir eſt encore ſi récent
parmi nous ; on y apprend à ſe défier des
grands noms trop fouvent attachés à de
petites choſes; on y voit l'impoſture & la
crédulité préparer leur ruine par la rapidité
même de leurs progrès : l'imagination s'y
montre avec tout ſon empire ; d'autant
plus àcraindre qu'elle commande lorſqu'elle
paroît obéir , fa force ſe compoſe de notre
foibleſſe , & c'eſt fur-tout en trompant les
yeux , qu'elle fait égarer la raiſon s.
-de
Cette longue citation nous prive du plaiſir
rapporter un grand nombre de morceaux
bien penſés & bien écrits , qu'il eût peutêtre
fallu préférer ici , pour donner au
talent de l'Ecrivain tout ſon éclat. Mais
dans de tels ſujets , le plus grand intérêt
eſt pour les choſes utiles à connoître & à
obſerver..
L'Eloge de M. Scheele eſt d'un caractère
différent;, le ſtyle de l'Auteur change avec
!
DE FRANCE. 179
les ſujets. Il ne s'arrête plus ſur des détails ,
pour y découvrir le mérite d'un homme
qui ne fut pas d'un ordre éminent. Il procède
à grands traits , il offre des maſſes
impoſantes ; tout ſe lie plus intimement
dans ſon difcours , tout y reffent l'impreſfion
du génie d'un grand homme qui a
agi ſur l'ame d'un grand Ecrivain. La
ſenſibilité , l'imagination , la penſée , ſe
mêlent dans ſes tableaux , & y dominent
chacune à leur place. Il nous ſemble que
jamais le talent de M. Vicq- d'Azyr n'a réuni
plus de force & de goût , & que cet Eloge
peut être placé parini les plus beaux Ouvrages
de ce genre.
On en jugera par les morceaux que nous
allons citer.
د
Auparavant il faut donner une idée
rapide de l'homme rare & fingulier que
l'Auteur avoit à louer.
Schéele eft connu maintenant pour un
des premiers Chimiſtes de l'Europe. Ses
travaux font immenfes , & preſque tous
l'ont conduit aux découvertes les plus brillantes&
les plus précieuſes. Il faut en voir
le tableau dans l'analyſe riche & facile qu'en
a faite M. Vicq-d'Azyr. Son nom , longtemps
ignoré , fera l'honneur de l'Académie
d'Upfal & de la Suède , comme ceux des
Linnée & des Bergman. Quel fut fur
cet homme qui a imprimé ſes traces dans
toutes les parties de ſa ſcience ? Il avoit
commencé par être un Garçon Apothi
180 MERCURE
7
caire , & il ne fut jamais autre choſe. Il
vécut dans la pauvreté & la fimplicité de
cet état. Il lui fallut un art prodigieux , &
une application non moins extraordinaire ,
pour ſe paſſer tout à la fois de livres &
d'inftrumens. Il poffeda les vertus de la
pauvreté , comme il fut en vaincre les
malheurs. Il épouſa la veuve d'un Apothicaire
, pour ſe procurer les inftrumens de
fon art; ſon premier mari ne lui avoit
laiſſé que des dettes , il redoubla de travail
& de patience , pour tout acquitter ; il y
parvint. La partie morale de cet Eloge s'y
joint fans ceffe à la partie ſcientifique , &
-y répand un intérêt qui rend l'admiration
plus douce& plus vive. L'ame de l'Orateur
s'en eft fingulièrement pénétrée , & il communique
toutes ſes émotions. C'eſt ce qu'on
va éprouver , en l'écoutant lui-même.
Voici comment il peint la première entrevue
de Schéele , pauvre, jeune , & s'ignorant
lui-même , avec Bergman , qui étoit
déjà à la tête des Chimiſtes de l'Europe.
>>Vous devriez vous préſenter à M. Bergman
, lui diſoit-on fans ceſſe ; mais M.
Schéele craignoit cette entrevue , au moins
autant qu'il la défiroit , & il n'ofeit s'y
déterminer. Il redoutoit le coup d'oeil d'un
grand maître qui devoit , d'un ſeul regard,
juftifier ou aneantir ſes eſpérances. C'étoit
cependant ce jugement dont il avoit beſoin,
&qu'il étoit venu chercher à Upfal. Pendant
qu'il délibère, & que pour la première
DE FRANCE. 181
fois peut- être , l'inquiétude de l'amour-propre
lui fait éprouver quelque tourment, Ferr
gman apprend ſon embarras ; il court à lui.
Quelle ſurpriſe ! Schecle , les yeux bailles ,
&dans la contenance d'un homme qui
demanderoit une grace , lui montre , quoi ?
non quelques ſels ſurajoutés à la lifte de
ceux que l'on connoît déjà ; mais des terres ,
des acides , des régules nouveaux ; mais
les principes d'un grand nombre d'affi
nités complexes ; mais les élémens d'une
nouvelle théorie de l'air & du feu : il
tremble; il ne fait pas encore s'il ne s'eſt
point égaré. Bergman , muer d'étonnement,
ne comprend pas comment tant de découvertes
peuvent être l'ouvrage d'un jeune
homme inconnu. Quelle ſcène fut jamais
plus dramarique & plus touchante ? Après
quelques momens de filence Bergman
faiſit Schéele avec tranſport. Ce ne fontpas
des applaudiſſemens qu'il lui donne ; ce font
des reſpects qu'il lui rend ; c'eſt le génie
qui apprend au génie à s'eſtimer ce qu'il
vaut , qui lui révèle le ſecret de ſa deftinée
; c'eſt un Elève obſcur qu'il place au
rangdes grands Homines. Qu'ils apprennent,
à cette vue , ceux qui font à l'entrée de la
carrière , combien eſt puiſſante la véritable
paffion de la gloire , qui reçoit & donne
de ſemblables récompenfes «.
,
Voyez enfuite comment cet homme ſi
fimple ſent la reconnoiffance & exprime
l'admiration !
J
182 MERCURE
1
" Cette aſſociation intime de MM. Bergman
& Schéele, qui s'eſt étendue juſqu'aux
fautes qu'ils ont commiſes , cette union de
penſées& de travaux , ne les ont pas mis
à couvert des traits de l'envie. On a reproché
à l'un de s'être emparé des découvertes
de l'autre. Que la calomnie écoute ,
ſi cependant elle fait écouter , M. Schéele
lui – même annonçant dans le Journal
Allemand de M. Crell , la mort de fon
illuftre Compatriote.
>>La Chimie , dit - il , a perdu tout ce
qu'elle peut perdre dans un ſeul homme;
il n'eſt plus ce Profeſſeur , le premier de
tous ceux que l'on a connus juſqu'à ce jour,
& dont la bonté faifoit diſparoître entre
nous tout intervalle de connoiffances & ?
d'âge : que ne puis je lui élever un monument
durable ! Son ſouvenir au moins me
fera toujours préſent , & j'écrirai l'hiſtoire
de ſa vie ; car je veux que l'on fache qu'il
fut mon ami. Il ne l'a point écrite cette
hiſtoire, continue M. Vicq- d'Azyr ; c'eſt moi
qui l'ai tracéc , & lui - même n'eſt plus.
Leurs noms réunis à jamais , recevront les
mêmes hommages , & s'ils ont mérité quelques
reproches, ils les partageront encore ;
c'eſt le triomphe de l'amitié".
Il est bon d'obſerver que ces lignes de
Schéele, font d'un fublime, d'un pathétique,
qu'on ne retrouve preſque plus que dans
les Anciens. Quel charme de bonté , & quel
tendre mouvement de l'amedans cesdernières
DE FRANCE. 183
paroles : Etj'écrirai ſon histoire , carje veux
qu'onfache qu'il fut mon ami ! On croiroit
entendre Fénélon , & c'eſt un Pharmacien
qui parle ! Il eſt juſte auffi de remarquer
que le mouvement avec lequel l'Orateur
reprend ſon récit, eſt d'une beauté qui participe
de ce genre d'éloquence , fans contredit
le premier de tous : il ne l'а раз
écrite cette histoire , c'est moi qui l'ai tracée,
& lui-même n'est plus. Ce fouvenir , que la
circonftance réveille dans ſon ame
duira naturellement ſes Lecteurs à relire le
bel Eloge qu'il a déja conſacré , il y a deux
ans , à la mémoire de Bergman , & à le
faire mieux goûter .
con-
Il n'eſt pas moins intéreſſant de voir
Schéele dans ſes travaux , & dans l'appréciation
qu'en fait ſon Panegyriſte. Nous ſommes
malheureuſement obligés de mettre des
bornes à cet extrait.
» De fix cents livres qu'il gagnoit par
année , il en conſacroit cinq cents à ſes
recherches ; & ce fut avec ce foible ſecours
qu'il alluma tant de fois le feu de ſes fourneaux
, & qu'il opéra tant de prodiges.
Comme à l'aide d'un ſavoir profond , &
d'un coup d'oeil fûr , il ne tentoit qu'un
perit nombre d'effais pour arriver à chaque
réſultat , il procédoit à chaque eſſai de la
manière la plus ſimple , qui eſt preſque
toujours auffi la moins diſpendieuſe ; de
forte que l'eſprit d'ordre & celui d'économie
ſe confondoient & n'en formoient
184 MERCURE
qu'un ſeul en lui. L'expérience qu'il préféroit
, pouvoit toujours décider pluſieurs
queſtions , & fervir à pluſieurs ufages. Son
travail ne fut jamais fans ſalaire , parce
qu'il n'opéra jamais fans detlen; il eût peutêtre
moins fait avec plus de fortune , parce-
'qu'en prodiguant les dépenſes , il auroir plus
attendu du hafard , & moins obtenu de fon
talent.
>>> Pour fon temps , il n'étoit point à lui ;
il appartenoit au Maître chez lequel il
demeuroir , & M. Schéele étoit incapable de
manquer à ſes engagemens ; mais fon génie
n'étoit à perſonne , & fon activité le menoit
à tout. A côté de l'appareil néceffaire
pour l'opération pharmaceutique qu'il dirigeoit
, il en plaçoit un autre , qu'il conduiſoit
en même temps , & qui ſervoit à ſes
recherches. Quelquefois le même feu , dirigé
avec intelligence , les animoit tous
deux. D'une part, fidèle à ſon devoir , il
exécutoit des procédés grofliers , & , pour
ainſi dire, mécaniques ; de l'autre , entraîné
par ſon penchant , il analyſoit les corps les
plus réfractaires , & il s'élevoit aux plus
hautes conceptions. Ici , ſeulement Imitateur
ou Artifan ; là , grand Obfervateur ,
Inventeur même , & par- tout exact & rigoureux
; il donnoit le même temps &le
même ſoin à la potion qu'il préparoit pour
un malade , & à la découverte qui devoit
l'immortaliſer. Mélange ſublime de bonheur
& d'infortune , de grandeur & de ſimpli
DE FRANCE. 185
cité, de ſavoir & de modeſtie ! Qui pourroit
dire s'il falloit plaindre ou envier fon
fort«?
Je ne puis me refuſer à rapporter encore
le parallèle de Bergman & de Schéele. Ilme
ſemble qu'il foutiendroit la comparaiſon
avec pluſieurs morceaux de Fontenelle , qui
excelloit fur-tout dans ces morceaux .
>>Nos regrets s'accroîtront encore, finous
comparons leurs diverſes qualités entre elles.
L'un , formé par l'étude des Sciences exactes
, & févère dans le choix des preuves ,
appliqua le calcul aux détails , & traita les
grands ſujets avec autant de méthode que
d'élévation ; l'autre , abandonné aux ſeules
impulfions de la Nature , entraîna par la
conviction des faits qu'il accumula ſans défordre
, & qu'il rapprocha ſans les enchaîner
: le premier vous conduit à la vérité par
la voie de la démonftration , & vous la découvrez
avec lui; avec le ſecond , c'eſt elle
qui ſe montre à vous , & qui ſemble vous
chercher. M. Bergman vivant au ſein d'une
Académie célèbre , entouré de Diſciples ,
&toujours en commerce avec les Savans ,
avoit acquis certe étendue de connoiffances
&cette fûreré de goût que donnent une
Société choiſie &des relations nombreuſes :
M. Schéele travaillant feul , dominé par la
vigueur , j'ai preſque dit par la rudeſſe de
fon talent , n'avoit point appris à ſe défier.
de ſes propres forces, qui le portèrent fouvent
au delà du but. M. Bergman étoit
186 MERCURE
peut-être plus loin de l'erreur, & M. Schéele
plus près des vérités nouvelles. Diviſés , ils
auroient peut-être eu chacun quelque fouhait
à former ; réunis , ils poffédoient tout,
génie , ſavoir , méthode, élégance, & clarté.
Que n'en ont-ils joui plus long-temps « !
Il ne nous eſt plus poſſible de nous arrêter
ſur l'Eloge de M. Warelet, qui termine
ce Recueil. On ſera étonné de trouver cer
Eloge avec ceux dont nous venons de parler
; auſſi l'Auteur commence-t- il par expliquer
cette fingularité. Cet Eloge a été trèsbien
apprécié dans un autre Journal , où
l'on en a détaché avec goût pluſieurs morceaux
qui prouvent que M. Vicq-d'Azyr eſt
propre à louer tous les genres de talens.
Nous oferons exprimer ici une autre forte
de regrets , celui de ne pouvoir mêler aux
juſtes louanges de M. Vicq-d'Azyr, nos fentimens
particuliers pour un homme dont
nous avons éprouvé les bontés , comme les
✓qualités aimables , que ſes talens & fon
goût rendoient précieux aux Arts & aux
Lettres , & qui a été un modèle de l'honnêteté
& de l'urbanité qui devroient toujours
diftinguer ceux dont elles font la
gloire & le bonheur.
(CetArticle est de M. de la Cretelle. )
DE FRANCE. 187
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
د
LE Mardi 16 de ce mois on a repris
l'Opéra de Pénélope avec des changemens.
M. Marmontel , éclairé par les conſeils du
Public , ou plutôt par l'effet theatral , qui
lui a fait voir , comme à tout le monde , quelques
vices de conſtruction qui s'oppoſoient
àl'intérêt général, eſt revenu ſur ſon premier
- plan , d'une manière très heureuſe. Il a fenti
que les Rois , amans de Pénélope , raffemblés
autour d'une table , & fe livrant à la
joie d'un feſtin , n'offroient pas une idée
très-noble ; & il a fupprimé ce banquet.C'eſt
un Divertiſſement chanté & danſé qui le
remplace aujourd'hui.
Dans la première édition , Télémaque
étoit menacé , pendant tout le premier Acte ,
d'être la victime d'un complot formé par
les pourſuivans;& ce complot ne s'effectuoit
pas, quoique ni lui ni ſa mère ne cherchafſent
à le détourner par aucune précaution.
On ſe plaignoit auſſi de ce que ce jeune
Prince , en âge de porter les armes , ne
faifoit aucun effort pour délivrer fon pays
de l'oppreffion. Ces défauts ont diſparu au
moyen d'une idée très-dramatique . Au lieu
de la Scène de Laërte qui ralentiffoit & re
188 MERCURE
froidiſſoit l'action , la Reine ouvre le ſecond
Acte en venant confier ſon fils aux Pasteurs
qui habitent l'un des rivages de ſon Iſle.
Télémaque les invite à prendre les armes ,
&le ferment qu'ils lui font de le défendre ,
de lui obéir , de le ſuivre partout , produit
une ſcène remplie , pour les paroles & pour
la muſique , de chaleur &de mouvement.
Peut être ſeroit-il à déſirer que l'on fupprimât
, ou que l'on raccourcît au moins de
beaucoup , l'air que chante Pénélope . C'eſt
Télémaque , & non pas elle , qui anime la
ſcène en ce moment : & ce qui ſemble juftifier
l'inutilité de ce morceau , c'eſt que le
Muficien , moins excité ſans doute par la
fituation , paroît n'y avoir pas mis autant
d'intérêt que dans les autres.
M. Marmontel a quifi changé le dénouement.
Il n'y a plus de pompe funèbre: Ulyffe
demande des armes à fon fils ,& des qu'il
les a, il ſe découvre à Pénélope , & tombe
furles pourſuivans dont il revient vainqueur.
Minerve , environnée des Arts , deſcend ,
&lui annonce la gloire d'Ithaque. Un grand
Ballet termine cet Opéra.
On trouve encore trop prolongée la belle
ſcène entre Ulyſſe & Pénélope , où ce Prince
met à une douloureuſe épreuve tous les ſentimens
de cette tendre épouse. Il nous ſemble
qu'il feroit très facile d'y remédier.
Télémaque eſt inutile ſur la ſcène : s'il y eſt ,
les armes qu'Ulyffe attend font prêtes , il
n'a donc plus d'intérêt à gagner du temps.
DEFRANCE
. 189
Si, au contraire, il attendoit Télémaque, &
avec lui le ſecours qui lui eſt néceſſaire ; fi
cejeune Prince n'arrivoit que vers la fin de
la ſcène, Ulyffe , certain de ce ſeul moment
qu'il ſera ſecondé , pourroit alors ſe faire
connoître , & fon retard feroit motivé. Au
reſte nous préſentons cette idée avec la défiance
qui nous convient. M. Marmontel a
donné trop de preuves du goût le plus fûr,
pour avoir beſoin des confeils de perſonne.
La muſique nouvelle ajoutée à cet Quvrage
, eſt digne du talent de ſon célèbre
Compofiteur , M. Piccinni. On a ſurtout applaudi
le Choeur du Serment , chanté par
les Bergers , & un air d'Ulyffe au ze. Acte .
Madame Saint-Huberty a rendu le rôle
de Pénélope avec cette perfection inouie
qu'on ne ſe laſſe point d'admirer , quoiqu'elle
nous en faſſe une douce habitude.
Le rôle d'Ulyſſe a été auffi très-bien joué &
chanté par M. Chéron. Les deux Ballets ,
celui des Nymphes au deuxième Acte
par M. Farre , & le Divertiſſetnent de la
fin par M. Gardel , ont fait le plus grand
plaifir. Nous ne nommerons pas tous ceux
qui y déploient leurs talents , pour ne pas
répéter d'inutiles éloges ; nous ne citerons
que Mile. Rofe , dont les progrès , de jour
enjour plus ſenſibles , lui donnent de nouveaux
droits à la faveur du Public.
L'Adminiſtration a mis à la repriſe de
cet Opéra beaucoup de ſoin & de magnificence
dans les habits & les décorations.
190
MERCURE
On a remarqué ſeulement une négligence
aflez plaiſante ſur un objet , à la vérité , fort
peu important : c'eſt que l'égide de Minerve,
qui deſcend à la fin , au lieu de repréſenter
la tête de Méduſe , étoit tout fimplement
un écuſſon aux armes de France .
ANNONCES ET NOTICES.
DICTIONNAIRE de Danse , contenant l'Hiftoire
, les règles & les principes de cet Art , avec
des Réflexions critiques , & des Anecdotes curieufes
concernant la Danfe ancienne & moderne ; le
tout tiré des meilleurs Auteurs qui ont écrit fur
cet Art. Ouvrage dédié à Mlle G***. In - 12
d'environ 400 pages. A Paris , chez Cailleau ,
Imp. -Lib. , rue Galande ; & chez les Marchands
de Nouveautés.
Le Public François doit s'entéreſſer plus qu'aucun
autre à un Ouvrage ſur la Danfe ; & aucun
temps ne fut plus favorable à la publicité d'un
pareil Ouvrage. Nous accédons volontiers à l'opinion
du Cenſeur , qui s'exprime en ces termes :
>> Cet Ouvrage intéreſſe par l'érudition & par le
>> goût ; on y trouve l'Hiſtoire d'un Art que les
>> Grecs aimèrent autant que nous; & que nous
>> avons perfectionné autant qu'aucune Nation de
>>l'Europe, les règles de la Danſe, ſa perfection,
ſes progrès , ſes caractères , & ſes agrémens «. ১১
INSCRIPTIONS pour mettre au bas des différens
Tableaux exposés au Sallon du Louvre , en 1787.
DE FRANCE.
191
A Londres; & ſe trouvent à Paris , chez Royez ,
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mieux en Peinture , qu'il ne ſe diftingue en Verſification
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Paris , chez Buiſſon , Libraire , Hotel de Mefgrigny
, rue des Poitevins , Nº. 13..
OEUVRES complettes de Lucien , Traduction
nouvelle , par M. l'Abbé Maſlieu , de l'Académię
de Rouen. A Paris , chez Moutard , Imp . -Lib. de
la Reine , Hôtel de Cluni , rue des Mathurins.
Nous rendrons compte inceſſamment de cette
importante Traduction. Le nom de l'Auteur eft
de favorable augure dans les Lettres. Nous devons
àun Abbé Maſſieu divers Ouvrages ſavans , & ,
entre autres , une Hiſtoire eſtimée de la Poéfie
Françoife, Celui-ci ſoutient l'honneur du nom de
fon parent. Littérateur auſſi eſtimable que modefte,
le grec , le latin & le françois lui font également
familiers .
(
DISSERTATION fur l'Arbre au Pain , de première
néceffité pour la nourritur d'un grand nombre
d'habitans , & qui mérite d'être cultivé dans
nos Colonies ; in-folio. Prix , 4 liv. , avec Figures
coloriées. A Paris , chez l'Auteur , M. Buch'oz ,
rue de la Harpe, au deſſus du Collège d'Harcourt,
192
' MERCURE DE FRANCE .
Le triomphe de l'humanité dans le dévouement
héroïque du Prince Maximilien- Jules Léopold de
Brunswick ; Ode qui vient d'obtenir à l'Académie
Françoiſe la ſeconde mention honorable pour le
Prix extraordinaire ; par M. de Morvan , Avocat
à Quimper . = La mort du Duc de Brunswick ;
Ode qui n'a point concouru pour le Prix extraordinaire
de l'Académie Françoiſe ; par M. de Chenier.
A Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
Ces deux Odes arrivent trop tard pour nous.
Iln'eſt plus temps de revenir ſur cet objet ; mais
nous ne pouvons nous diſpenſer de dire que l'Ode
de M. Morvan a mérité cette mention honorable,
&que celle de M. de Chenier l'auroit fans doute
obtenue , fi elle avoit concouru. Le ſuffrage de
l'Académie conſolera bien facilement M. de Morvan
de notre ſilence ; mais nous devons , à la vérité
, dire qu'il y a de grandes beautés & un véritable
talent dans l'Ouvrage de M. de Chenier.
M
TABLE.
ERCURIAALLEE.. 145
AMme. la Marq. deN... 49
Le Pauvre Diable, Conte. 150
Charade , Enig. Logog. 167
ElogedeM. Serran. 170
Académ. Roy. de Musiq. 187
Annonces & Notices. 190
APPROBATION. :
J'AI 'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
IC MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 27 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher
l'impreſſion. AParis , le 26 Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
14
DE
BRUXELLES.
1
POLOGNE.
De Varsovie , le 30 Septembre 1787.
C'EST un courier de Vienne qui a apporté
à Pétersbourg la première nouvelle
de la déclaration de guerre très- inattendue
, faite par la Porte Ottomane : un
exprès venu de Cherſon l'a confirmée , en
donnant les détails des préparatifs de défenſe
qu'on méditoit dans la Tauride. II
eft douloureux que le grand âge de l'ancien
vainqueur des Ottomans , le Feld-
Maréchal de Romanzof, ne permette pas
de lui confier le commandement de la
grande armée , qui paſſe au Prince Potemkin.
Quoique malade à Krementſchuk , ce
dernier fe charge de la protection de la
Crimée , ayant ſous lui le fils de M. de
Romanzof , avec un corps de 20,000
hommes ſur l'Hypanis , que des géographes
N°. 43. 27 Octobre 1787 . g
১
( 146 )
barbares ont dénommé le Bog. Entre Cherfon
& Kinburn , 30,000 Ruſſes ſeront aux
ordres des généraux Hayking & Suwarof.
Suivant une liſte qu'on dit exacte , les
forces navales de l'Empire Ottoman étoient
réparties au commencement d'août dernier
, de la manière ſui vante :
« A la rade vers la droite d'Oczakof, sur l'em-
>> bouchure du Dnieper , quatre vaiſſeaux de ligne
» de 64; fix frégates de 40 ; onze bombardes &
« canonnières ,& une galère.
>>En croiſière dans la Mer-Noire , trois vaiſſeaux
>> de ligne , depuis 30 juſqu'à 64 ; ſept frégates
» & corvettes depuis 30 juſqu'à 40; trois galiottes
>> à bombes ; cinq aviſe ou quirlanguiées , depuis
>> 12 juſqu'à 18 ; ſept bombardes ou canonnières ;
>> quatre galères ; une flûte de 34 canons; 12
>> bâtimens de tranſport , portant depuis 12 juſqu'à
20 canons.
" A la rade de Bukjuidere&dans le port de
» Constantinople , prêts à fortir , ſept vaiſſeaux de
>>ligne , depuis 50 juſqu'à 70 ; une galère ; deux
>> flûtes de 32 ; huit tranſports , depuis 12 juſqu'à
>> 20 ; 12 quirlanguiées de 10 & 12 ; trois bom-
>> bardes ou canonnières .
" Dans la Mer - Blanche & en Egypte , neuf
>> vaiſſeaux de ligne , depuis 50 juſqu'à 64 ; huit
>> frégates & corvettes , depuis 30 juſqu'à 40 ;
» unegaliotte à bombes ; deuxbombardes & 14
>> quirlanguiées , depuis fix juſqu'à 12.
>> Vaiſſeaux de guerre qui ſe trouvent en conf-
>> truction. Dans le chantier de Constantinople , un
» de 74 , lancé le 30 mai , mais qui n'eſt pas
>> encore armé ; & un de 70 , qui ſe trouve à un
>> quart de conſtruction. Dans le chantier de
( 147 )
» Sinop , un de 54 à un quart ; un de 70 à trois
>>quarts , & 4 bâtimens de tranſport.
» Dans le chantier de Galaz , deux frégates
» de- 36 , prêtes à être mâtées ; un de 64 à un
» quart , & une frégate de 36 à un quart.
>> Dans le chantier de Metelin , un vaiſſeau de
» 54 , prêt à être lancé , & en mer quatre bâti-
>> mens de tranſport. Dans le chantier de Boudron,
✔un vaiſſeau de 64 à trois quarts , & un vaiſſeau
» de 54 , prêt à être lancé.
Il réſulte du dénombrement exécuté
ſous les ordres du Maréchal Gurovsky ,
que cette capitale renferme une population
de 89,448 ames , dont 46,633 hommes
& 42,815 femmes. Dans ce nombre on
a compté 914 eccléſiaſtiques , 8,797 perſonnes
attachées à la cour , & feulement
2,977 gens de métier.
L'importationdes grains à Dantzik s'eſt
élévée l'année dernière , à 29,618 laſts ,
& l'exportation ,y compris la conſommation
de la ville , montant à 36,728 laſts .
1,025 bâtimens font arrivés à Dantzik ,
dans le courantde l'année , ſavoir: 445 Danois
, 227 Suédois, 85 Anglois, 69 Hollandois
, & 38 Pruffiens. La plupart des bâtimens
du nord étoient du port de 20 à 40 laf.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 7 Octobre.
Le Roi a nommé le Duc régnant de
Saxe-Weimar , Major-général de cavale-
3
1
g 2
( 148 )
rie , et le Colonel de Romberg Major-général
d'infanterie.
Les nouveaux membres étrangers que
l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Pruſſe s'eſt aſſocié , font , M. Pütter ,
célèbre Juriſconſulte , Conſeiller- privé &
Profeſſeur de Droit public à Gottingue ,
M. Addelung , Bibliothécaire de l'Electeur
de Saxe , & M. de Marum de Harlem .
1 A la ſuite de l'expoſition générale que
fait M. le Comte de Hertzberg , des opérations
de S. M. P. l'année dernière , & que
nous avons rapportée, le Ministre préſente
rapidement le détail des améliorations
faites au crédit public , dans les écoles ,
les univerſités , & continue en diſant :
« La célèbre union Germanique , qui a été
conclue dans la dernière année de la vie de Fréderic
H, eſt en grande partie l'ouvrage du Roi
régnant. Il ena eu lapremière idée dès l'année 1784 .
C'eſt ſous ſes auspices ſecrets , & par la confiance
que les princes d'Allemagne avoient dans ſes principes
, que j'y ai travaillé & en ai préparé les voies ,
juſqu'au moment où les circonstances connues en
amenèrent laconcluſion publique au mois de juillet
1785. Dès que le Roi eſt parvenu au trône , il n'a
rienoublié ,& a beaucoup fait , pour affermir &
pourrefferrer les liensde cette union patriotique ,
qui n'a d'autre but que d'aſſurer & de conſerver
le maintiende l'ancienne & véritable conſtitution
de l'Empire , & d'entretenir une harmonie efficace
entre tous ſes membres. Le Roi a parfaitement
réuſſi dans ce deſſein , & même dans celui d'aug(
149 )
menter le nombre des aſſociés. La conteftation
imprévue qui s'éleva ſubitement au commencement
de cette année ,entre le ſéréniſſime landgrave
de Heffe - Caffel & la famille du comte de Lippe-
Bückebourg , au fujet de la ſucceſſion& des effets
du vaſſelage, menaça pendant quelques mois la
baſe de l'union Germanique , par la difficulté de
concilier les intérêts des parties oppoſées , avec la
confiance que le ſyſtême de l'union devoit inſpirer ;
mais leRoi a heureuſement ſurmonté ces difficultés
par une intervention auſſi efficace qu'amicale , &
en faiſant valoir les lois & les décrets d'une juſtice
d'ailleurs médiocrement reſpectée dans l'Empire. Sa
Majesté a donné elle-même un grand exemple de
ſa juftice & de ſon déſintéreſſement , en rendant
au féréniſſime duc de Mecklenbourg quatre grands
bailliages dont ſes prédéceſſeurs avoient tiré grand
parti àtitre d'hypothèque.>>>
«Ce qui a le plus occupé le Roi ,& de la
manière la plus difficile& la plus épineuſe pendant
le cours de cette année , ce font les troubles& les
diſſentions internes qui diviſent la république de
Hollande depuis nombre d'années. Sa Majeſté les
trouvadéjà montés au plus haut point , & elle ne
put pas se diſpenſer de continuer l'intervention
que le feu Roi avoit dejà commencée.
Nous ſupprimons ici le tableau des démarches
du Roi & des troubles qui ont
déchiré la Hollande ; tableau qui fournit
à M. de Hertzberg l'occaſion de rappeler
quelques faits hiſtoriques importans.
Le Grand- Electeur , dit-il , contribua peut-être
leplus à ſauver la république de ſon anéantiſſement ,
lorſque Louis XIV l'attaqua en 1672 , avec des
forces ſi ſupérieures. Ce Grand-Electeur Frederic-
Guillaume , fut le premier à ſe déclarer pour la
:
83
( 150 )
!
:
république , cequi obligea Louis XIVà évacuer les
principales villes de la Hollande , & encouragea
l'Empereur , l'Empire & l'Espagne , à prendre les
armes pour la république , & celle-ci à rétablir le
Stadhouderat , à renoncer au funeſte projet de la
retraite aux Indes , & à oppoſer aux François une
réſiſtance vigoureuſe. Ces efforts généreux du
Grand- Electeur trouvèrent ſi peu de retour de la
part des Provinces- Unies , qu'elles l'abandonnèrent
à la paix de Nimegue ,& que dans les années ſuivantes
, elles employèrent les moyens les moins
jufticiables pour contrecarrer & pour détruire
l'établiſſement d'un commerce médiocre du Bran
debourg fur la côte de Guinée. Malgré cette ingratitude
, l'Electeur Frederic III , enfuite premier
Roi de Pruffe , n'a pas ceffé d'aſſiſter les
Hollandois de toutes ſes forces , dans les guerres
qu'ils ont eues depuis la révolution d'Angleterre
juſqu'à la paix de Ryfwik , & enſuite pendant
toute la guerre de la fucceffion d'Espagne. C'eſt
un fort fingulier de la maiſon de Brandebourg ,
qu'elle n'a preſque jamais éprouvé de retour de
ce qu'elle a fait pour ſes voiſins , témoin cet
exemple des Hollandois , ainſi que celui de la
Pologne , de la maiſon d'Autriche , & d'autres Etats
auxquels elle a toujours prêté une aſſiſtance auſſi
généreuſe que gratuite ; mais il faut penſer que
c'eſt la fuite naturelle du grand ſyſtême de la balance
du pouvoir, qu'une Puiſſance médiocre par
fon état , mais vigoureuſe par ſon eſprit & par
ſa conſtitution , tient & obſerve mieux que les
Puiſſances ſupérieures , qui , ſe repoſant trop fur
leurs forces intrinfèques , ne font pas ſi ſcrupuleuſes
à maintenir l'équilibre néceſſaire entre les puifdances
voifines. Un obſervateur judicieux & impartial
ne manquera pas de tirer de cette réflexion
la juſte conféquence , que toutes les Puiſſances ,
( 131 )
fur-tout les moins ambitieuſes , ſont d'autant plus
intéreſſées à la conſervazion & au bonheur de ces
Puiſſances, qui , par leur médiocriténaturelle, prennent
le plus de part à laconſervation d'un équilibre
général. C'eſt un principe que je crois avoir
encoreplus conſtaté dans mon diſcours académique
de l'année 1786.
Ce mémoire intéreſſant eſt terminé par
Ja note de quelques ſommes que le Roi a
aſſignées extraordinairement à ſes états &
à ſes ſujets , depuis fon avénement au
trône.
I. Pour tout le pays .
10. Au grand- Chancelier de Carmer , pour augmenterlefonds
de lajustice, en 1786
& 1787,
2º . Au miniſtre d'état baron de
Zedlitz , pour une nouvelle commiffion
préposée aux écoles
3°.Pouraugmenter le fonds des
univerſités .
4°. Auminiſtre d'état de Werder ,
pour foutenir & améliorer les fabriques
•
5°. Pour les haras à établir en
Pruffe ,
6°. Pour bâtir des égliſes & des
cures à la campagne
7°. Pour 20,000 boiſſeaux de
blé à pluſieurs particuliers ruinés
par les inondations
80.Subvention accordée au pays,
pour la livraiſon des fourrages pour
la cavalerie ..
43,000 écus.
13,000
10,000
J
100,000
250,000
5,000
18,000
12
22,000
9 °. Pour l'entretien du nouveau
confeil fupérieur de guerre 70,000
:
g4
( 152 )
10º. Pouraugmenter les appoin.
temensdesminiſtres étrangers,ceux
de la chambre des comptes , du
collége de fanté& autres colléges 100,000
11°. A la caiſſe du Mont - de-
Pieté
12°. Pour augmenter les appoin
temens des prêtres François
II. Pour la Marche Electorale
deBrandebourg.
4,000
8,000
693,000
13 °. Pour des bâtimens & réparations
à Berlin & à Potsdam 600,000
14°. Aux inſtituts établis en faveur
des pauvres àBerlin • : 8,000
15°. Pour l'augmentation des
appointemens des miniſtres Luthériens
&Réformés Allemands à Berlin 5,500
16°. Pour diverſes améliorations
à la campagne , à des particuliers 40,000
17°. Afſigné à compte , pour la
bâtiſſe d'une maison de pauvres&
de travail à Strausberg • ...
18°. Pour le paiement de certainesdettes
contractées pour d'anciennes
bâtiſſes des domaines
.. 43,500
60,000
19°. Pourdes ouvrages hydrauliques
fur la Havel • 20,000
20°. Pour améliorer les bains de
Freyenwalde 6,000
21 °. Pour des écuries pour les
houfards d'Eben 29,000
812,000
( 153 )
III . Pour la Nouvelle - Marche!
22°. A la maison des orphelins
de Zullichau , pour payer ſes dettes 22,000
23°. Pour l'amélioration des
établiſſemens formés ſur le terrain
deſſéché de l'Oder & de la Warte
IV. Pour la Poméranie.
24°. Pour des améliorations des
terres des cultivateurs particuliers
en Pomeranie & dans la Nouvelle-
Marche •
25°. Secours accordé aux villages
appartenans au chapitre de Colberg .
V. Pour la Pruſſe Orientale
& Occidentale .
26°. Secours accordé aux villages
des environs de Marienbourg ,ruinés
par les inondations
27°. Pour des améliorations &
pour le canal de Bromberg
28°. Pour des bâtimens à
Konigsberg .
29°. Pour une maiſon d'école
à Culm , deſtinée à 40 nouveaux
cadets
** 30°. Pour la fortereſſe de
Graudenz . • • •
80,000
102,000
200,000
1,000
201,000
6,000
238,000
: ./15,000
16,000
: 150,000
31°. Pour le fort de Lyck . 2,000
427,000
g5
( 154 )
VI. Pour les pays de Magdebourg
&de Halberstadt.
32º. Pourdesnouvelles chauffées 100,000
33 °. Pour des améliorations de
terres dans ces deux provinces 109,800
34°. Pour l'exploitation des
charbons de terre à Wettin 100,000
35 °. Pour faciliter le cours de
l'Elbe près de Magdebourg 13,200
36°. Pour unemaiſondepauvres
à Magdebourg 12,000
37°. A l'égliſe Vallonne & à la
maiſon des orphelins àMagdebourg 1,000
38 °. A l'inſtitut des pauvres à
Halberstadt 2,000
39. De même à Halle 1,700
40º. Pour bâtirune égliſe à Thale
dans le pays de Halberstadt • 2,400
د
1 342,100
VII. Pour les provinces de
( >Westphalie..
41°. Avancé pour 10 ans ,&fans
intérêts , aux négocians de Bielefeld,
pour étendre leur commerce de
toiles. ..
42°. Pour acquitter les dettes
contractées pendant la guerre par
la ville de Minden ........
..
17
VIII. Pour la Siléfie.
43°. Pour la bâtiſſe des fortereffes
50,000
7,800 円
57,800
• 150,000
( 155 )
44 Pour bâtir une caferne
pour l'artillerie à Breslau1215,000
245 °. Pour bâtir de nouvelles
maiſons dans les villes ,&pour les
habitans des faubourgs de Landsh
ruinés par le feu
Bi
46°. Pour les arrangemens contre
les incendies àNamslau&Polckwitz 6,300
470.
briques
Secours accordé aux fa-
•48°. Pour conſtruire des chauſſées
2
49 Pourdesaméliorations,&c .
8,000
10,000
& pour réparer le dommage des
inondations 83,000
50% Pour bâtir deless égliſes&
maiſons d'écoles ,&pour payer des
maîtres d'école
1.
18,300
505,7000
10. Somme totale 3,160,600 écus.
De Vienne , le 6 Octobre.
L'Empereur a nommé à laplace de fon
Miniftre plénipotentiaire auprès du Roi
des deux Siciles , le Baron de Thugut ,
ci-devant fon envoyé à Varfovie. Le
Comte de Schlick , Ministre de S. M. I.
en Danemarck , femplace à Mayence le
Comtede Trautmansdorf, aujourd'huiMiniſtre
plénipotentiaire aux Pays-Bas.
Sans énumérér le détail faftidieux de
chaque fac d'avoine , cheval , bateau , canon
, chariot de poudre , embarqué fur le !
>
g 6
( 156 )
Danube , ou cheminant par terre vers nos
frontières orientales , nous tedirons que
ces préparatifs militaires ſecontinuent fans
interruption , avec la plus grande activité.
Vers la fin du mois dernier , l'Empereur
a déclaré Commandant en chef de la
grande armée ſous ſes ordres , le Feld-
Maréchal Comte de Lafcy. Les Généraux
Brown & Kinsky ont été nommés Aidesde-
camp-généraux , le premier de S. M. I.
qui paroît devoir commander en perſonne
fon armée ; le ſecond , de l'Archiduc
François , qui fera ſa première campagne.
On eft ici abfolument déſabuſé du bruit
faux répandu par certaines vues , qu'on
doit aux ſuggeſtions du Miniſtre d'Angleterre
à la Porte , la rupture de cette puiffance
avec la Ruffie. La cour de Londres
en a été indignée , & a fait expreſſément
détruire cette imputation , tant auprès de
notre Cour, qu'à celle de Pétersbourg. Les
dernières lettres de Conſtantinople ont
confirmé la fincérité de cette déclaration .
Quant aux raiſons fur leſquelles on bâtif
foit cette démarche du Chevalier Ainslie ,
telle que l'exiſtence d'un traité ſecret entre
la Porte & l'Angleterre , dont la ceffion
de l'ifle de Candie faiſoit, un des articles ,
elles n'ont trouvé ici un moment de
créance que chez les politiques des cafés .
Un décret de la Cour du 20 de ce mois,
( 157 )
-
défend la fabrication , la vente & l'impor
tation du fard blanc , que l'on regarde
comme nuiſible à la ſanté. Le fard
rouge , y compris le papier appelé de Circaffie,
ſera timbré , & paiera un droit de
-timbre de 4 florins par livre peſant ...
Six cents pièces de campagne ont été
envoyées dans la Hongrie , pour être ré
parties parmi les régimens.
Le Commandant de Semlin a fait publier
que tous les marchands Grecs pouvoient
entrer librement dans les états de
l'Empereur , & qu'en général on y recevra
tous les Chrétiens , ſujets de la Porte
Ottomane , qui voudront s'y établir.
7
:
Deux bataillons de Pellegrini font entrés
à St. Hyppolite , où ils reſteront jufqu'à
nouvel ordre.-La levée des recrues
qui doit ſe faire cet hiver dans les états
héréditaires d'Allemagne , ſera de 24,000
hommes.bus
Les employés de la douane ont arrêté
ici un bâtiment venant d'Ulm , & chargé
de pain. A la viſite , il s'eſt trouvé que
pluſieursde ces pains renfermoientdesmontres
d'or à répétition, dont l'entrée eſtdéfendue
dans les états héréditaires. 201
De Francfort , Le 13 Octobre.
Il ſe forme en ce moment , àcequ'on
affure , une armée combinée de 50,000
( 158 )
:
hommes , qui doit ſe réunir vers la fin du
mois à Hildesheim. Elle fera compoféede
14,000 Heffois , commandés par le Landgrave
lui-même , de 16,000 Hanoveriens ,
8,000 Brunswickois , & 12,000 des ,Mar
graviats d'Anſpach& Bareith. Onpréfume
que , felon les circonstances , ils'yjoindra
un corps de troupes Britanniques , comme
dans la guerre de 1756. Leer de ce
mois , les deux régimens en garnison à
Hanau reçurent ordre de ſe préparer à
marcher , & les, Officiers de faire des re
crues. Les payſans du Landgraviat de Heffer
ont reçu défenſe de vendre leurs che
vaux. Quant aucorps de troupes Heffoifles,
il fera compofé des Gardes à cheval , des
Gendarmes , Carabiniers , Dragons de Ja
Garde & du Prince Frédéric , & d'un régiment
de Huſſards ; l'infanterie , des, 1
2 , & 3 , régimens des Gardes àpied , des
Fufiliers de la garde du corps , des régimens
d'Alt Losberg Knyphausen Donop ,
Dit furth , &le jeune Losberg , un régiment
de chaffeurs , & une légion d'infanterie
légère. Il ne teſtera à Caſſel que deux
régimens de garnon
e
29
Nos feuilles publiques font remplies de
nouvelles fur les premièrs événemens de
la guerre entre la Porte & la Ruffie. Voici
un exemple de ces rapports .
ss Des trois divifions de l'armée navale
( 159 )
>> Ottomane , l'une , de 17 vaiſſeaux de
>> guerre , a été coulée à fond par la frégate
>> Ruſſe le Boriſthéne . » ( Ce qui paroît
certain , c'eſt qu'en effet cette frégate ,
après une vive canonnade , a échappé à
quelques vaiſſeaux ennemis , & eſt entrée
affez endommagée à Sébastopolis. Si les
Ottomans étoient dans l'uſage de penfionner
des gazetiers , ou de s'en faire craindre,
la frégate Ruſſe eût immanquablement
été coulée à fond. )
Pluſieurs régimens de l'Electeur de Saxe
ont reçu ordre de rappeler les ſemeſtriers,
&de ſe tenir prêts à marcher .
"
On écrit de Trente qu'il arriva de Londres
, en 10 jours , un courier chargé de
dépêches importantes pour les poffeffions
angloiſes de l'Inde. Il ſe rendit le 22 feptembre
à Veniſe , où il s'embarquera pour
Alep. Delà il traverſera le Déſert ,& pénétrera
dans l'Inde par Baffora&leGolphe
Perfique .
La récolte des grains , écrit- on de la
Pologne & de la Ruffie , n'a pas été
auffi abondante cette année, qu'on l'avoit
cru d'abord . On a fait beaucoup de gerbes ,
mais elles rendent peu. A Dantzick & à
Elbingue , on achète de la farine, & du
feigle pour le compte de la Ruffie. Le
( 160 )
prix des grains augmente ; le laſt de ſeigle
vaut 320 à 330 florins ;&celui de froment,
430 à 460.
ESPAGNE.
De Madrid , le 30 Septembre..
L'Envoyé du Grand-Seigneur est arrivé
le 24 , à 5 heures du ſoir, dans cette capitale
, aux avenues de laquelle s'étoit rafſemblée
une foule innombrable & quantitéde
voitures. Le Marquis d'Ovieco avoit
été au-devant de lui dans un carroſſe du
Roi , où l'Envoyé entra , & dans lequel
il fut conduit à l'hôtel de l'Eſquilée ,
eſcorté de deux piquets des régimens du
Prince & de Ségovie. M. le Comte de
Florida Blanca fut lui rendre vifite , &
l'invita à dîner pour le dimanche ſuivant.
Il eſt arrêté que cet Ambaſſadeur fera
fon entrée publique le lundi 1er. octobre ,
à St. Ildephonſe , avec les mêmes cérémonies
& étiquettes qui s'obſervent à
Madrid en pareil cas. La Cour le recevra
cejour-là en grand gala.
9
On écrit de Saragoſſe , du 28 ſeptembre
, que le 24 , vers minuit , la rivière
d'Aragon ſe déborda fi confidérablement ,
qu'elle entraîna preſque toute la ville de
Sangueſa dans la Navarre ; il n'a été conſervé
que 22 maiſons & le couvent de
1
(161 )
1
ود
St. François. 2,500 perſonnes ont péri ,
&le reſte des habitans eſt ſans biens &
fans habits . Les villages d'Eréa , de Vioté,
d'Erla , & pluſieurs autres fitués au confluent
de cette rivière ont infiniment
ſouffert. Les religieux de St. François ont
montré dans cette circonſtance beaucoup
de zèle & de charité , fourniſſant tous
les fecours poffibles , des alimens & leurs
propres manteaux ,
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 16 Octobre.
En vertu de la dernière prorogation ,
le Parlement devoit ſe raſſembler aujourd'hui
; mais S. M. vient d'étendre cette
prorogation juſqu'au 15 novembre ; terme
plus avancé que celui des Seffions ordinaires
, qui s'ouvrent un mois plus tard.
C'eſt l'effet des circonstances préſentes :
elles exigent que le Parlement ſoit promp.
tement inſtruit des motifs qui néceſſitent
les armemens astuels , & de la ſituation
politique de la Grande-Bretagne . 1
Sans nous arrêter à toutes les viciffitudes
de l'opinion ſur la paix ou la guerre ,
&à mille raiſonnemens en l'air, qui prouventuniquement
que ceux qui les forment,
n'ont pas écouté aux portes des cabinets ,
nous nous bornerons au récit des faits ca(
162 )
pables de déterminer à cet égard le jugement
de nos lecteurs . ol show a
Le 10 , M. Wyndham Grenville , de retour
de Paris depuis quelques jours , eut
à St. James une conférence de deux heures
avec S. Majeſté. Il étoit accompagné de
M. Dundas , Tréſorier de la marine , qui
l'introduifit auprès du Roi , avant l'arrivée
desMiniftres. Deux jours avant , M. Grenville
avoit aſſiſté chez le Chancelier , à un
conſeil du cabinet , où se trouvèrent les
Lords Thurlow , Sydney , Howe , le Duc
de Richmond & M. Pitt. Ce conſeil dura
de neuf heures du matin juſqu'à cinq heures
du foir. Le Duc de Richmond , M. Pitt
&le Chancelier paroiſſent appuyer le plus
fortement les meſures priſes & à prendre ,
auxquelles , à ce qu'on prétend , le Duc
de Portland a promis l'appui de l'oppofition.
Le Vicomte de Thownsend , ci-devant
Viceroi d'Irlande & Grand-Maître de l'artillerie
, vient d'être élevé par le Roi à la
dignité de Marquis de Raynham ; & fi
malheureuſement la guerre éclate , on lui
deſtine un commandement dans l'armée
de terre. Son fils eft Comte de Leiceſter,
& fon neveu , après la mort de ſa mère,
ſera Lord Greenwich ; ainſi il y aura trois
Pairies dans cette Famille , l'une des plus
anciennes du royaume, rodamunt coo
ل ا
( 163 )
L'Amiral Pigot a certainement reçu ſa
commiffion de Commandant en chef de
la flotte de la Manche : il eſt parti pour
Portsmouth où fon pavillon eſt hiſſé à bord
du Victory de 100 can. momentanément ,
car il doit monter , à ce qu'on affure , le
Royal Sovereign, de 110 can . Les ſeconds
Amiraux de cette flotte feront , ſuivant les
apparences , les Vice- Amiraux Barrington,
Milbanck, les Chevaliers Drake & Levefon
Gower. Le Contr'Amiral Hotham commande
aux Dunes,à bord duPrinc-e George,
de 98 can . qu'on arme à Chatam. Outre
ce dernier bâtiment, le Victory & le Royal-
Sovereign , on a déſigné , pour recevoir
les Officiers à pavillon , le St. George de
98 can. , l'Impregnable de 98 canons, que
montera l'Amiral Barrington,& le Barfleur
deſtiné à Lord Hood , à qui l'on donnera
un commandement diſtinct .
L'Amiral Edmund Affleck , qui a ſervi
avec tant de diſtinction aux ifles , pendant
la dernière guerre , a reçu avis du premier
Lord de l'Amirauté , que ſes ſervices pourroient
être agréables en temps de guerre ;
&en conféquence cet Amiral ſe tient prêt
à arborer ſon pavillon. On ſuppoſe qu'il
aura le commandement de l'eſcadre de la
Jamaïque . Il doit monter le Bedford, de
74 canons .
Les mouvemens des ports n'ont rien
1
( 164 )
perdu de leur vivacité , & la flotte de
Spithead ſe forme rapidement. Le 10, s'y
font réunis leBombay- Castle , le Carnatic,
le Culloden de 74 canons,& le Standardde
64 venant de Plymouth : ils devoient être
ſuivis,deux jours après, du Powerful, de 74
can. Le Cumberland & l'Hannibal, de 74
can. attendoient leur complet de matelots
pour ſortir du même port , & ſe rendre à
Portſmouth , où l'on fignala hier l'Irréfiftible,
de 74 canons , qui a fait voile de
Sherneff.
L'état des vaiſſeaux en ordinaire , le 6
octobre , en portoit le nombre à 98 de
ligne , 12 de 50 canons , 91 frégates , &
45 floops ou cutters , auxquels il faut joindre
24 vaiſſeaux de ligne , 7 frégates &
3 floops mis en commiſſion depuis le 6
ſeptembre. Vendredi 12 , l'Amirauté remit
au Conſeil la liſte de 36 vaiſſeaux de
ligne armés ou en armement actuel , &
que nous donnerons l'ordinaire prochain .
L'eſcadre aux ordres du Commodore Gardner ,
ſtationnée à la Jamaïque eft compoſée des vaiſſeaux
ſuivans , ſavoir :
L'Europa de 50, monté par le Commodore; l'Expédition
de 44. L'Amphion , l'Aſtrée , le Solebayde
32 , la Proferpine , la Calypso & le Cygnet de 16.
L'Aurora & le Dido de 28, qu'on arme actuellement
enAngleterre , ſont deſtinés à joindre cette
efcadre.
>> Tout paroît ici annoncer la guerre ,
( 165 )
> écrit-on de Plymouth , en date du 8. Le
» 38°. régiment a reçu ordre de ſe tenir
» prêt à s'embarquer. Les ouvriers tra-
>> vaillent double journée ; on prépare &
>> on équipe dans le chantier les chalou-
>> pes canonnières ;les artilleurs éprouvent
>> les canons ; on garnit les remparts d'ar-
>> tillerie , & la preſſe ſe continue tou-
>> jours vivement. Jamais les efforts n'ont
» été auſſi grands dans ce port pendant
>> la dernière guerre , excepté lorſque les
>> eſcadres combinées de France & d'Ef
>> pagne vinrent nous tirer de notre lé-
>> thargie, <<
Le 17. régiment doit s'embarquer à
Portsmouth , ainſi que trois autres , pour
les Indes orientales & occidentales. Les
deux nouveaux bataillons de Royal-Américain
feront commandés par les Généraux
Gordon & Rowley , & formés d'Américains
loyaliſtes .
Le Lord Maire , & le Conſeil de la
cité (Common Council) , n'ont pas conſenti
à l'exercice de la preſſe dans cette
partie de la ville ; mais pour y ſuppléer ,
ils ont fait enlever tous les vagabonds ,
gens ſans aveu , &c. , & promis une
gratification de 40 shellings en ſus de
celle accordée par Sa Majeſté , à tout
matelot qui prendra du ſervice volontairement.
C'eſt donc une prime de cinq
( 166 )
guinées , que chacun d'eux eſt ſûr de
gagner en entrant ſur un vaiſſeau de Roi.
Huit cents boeufs & mille porcs ont été
achetés à Smithfiel , par le ſieur Mellish ,
pour l'uſage du gouvernement : ils doivent
être envoyés à Deptford , où ils ſeront
falés ,& embarqués enſuite ſur les vaiſſeaux
de guerre à Portsmouth .
:
On a conſtruit un ſigrand nombre de
vaiſſeaux de ligne depuis la paix , qu'il
y en a peu fur les chantiers en ce moment ,
& ce nombre ne ſera pas augmenté fitôt.
On compte en conſtruction à Deptford ,
le Windsor - Castle , 98 canons , & le
Brunswick , 74 canons ; à Woolwich , le
Boyne, de 98 canons ; le Duc d'Yorck , 90 ;
le Minotaure , 74 canons ; à Chatam , le
Royal-George & la Reine Charlotte , de
110 canons chacun ; à Sherneſſ, le Léopard.
50 canons ; à Portsmouth , le Prince de
Galles, de 98 canons , & deux autres ;
à Plimouth , le Glory , de 98 canons ; le
Cæfar, 80 canons , & le Bulwarck , 74
canons ; à Harwich , l'Exeter , 74 canons .
On parle d'établir ſur les côtes d'Irlande
deux ou trois chantiers pour les réparations
, felon le plan qui en avoit été
donné par le Marquis de Lansdown.
( 167 )
FRANCE.
Γ De Versailles , le 17 Octobre.
Le 14 , le Comte de Fernand-Nunnès,
Ambaſſadeur extraordinaire & plénipotentiaire
du Roi d'Eſpagne , a eu une audience
particulière du Roi , pendant laquelle
il a remis ſa lettre de créance à Sa
Majeſté . Il a été conduit à cette audience ,
ainſi qu'à celle de la Reine & de la famille
Royale , par le ſieur de la Garenne ,
Introducteur des Ambaſſadeurs ; le fieur de
Séqueville , Secrétaire ordinaire du Roi ,
pour la conduite des Ambaſſadeurs , précédoit,
:
Le même jour , le Garde-des-Sceaux de
France a prêté ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Chancelier & Surintendant
des Finances de l'Ordre du St.
Eſprit , vacante par la mort de l'Archevêque
de Bourges ..
Le Bailli de Suffren , Chevalier des
Ordres du Roi , que Sa Majesté a nommé
au commandement de l'armée navale , a
eu l'honneur de faire ſes remercîmens au
Roi , lui étant préſenté par le Comte de
Montmorin , Miniſtre & Secrétaire d'Etat,
ayant le département des affaires étrangères
, & chargé de celui de la marine par
interim.
La Marquiſe de Montholon a eu l'hon
:
( 168 )
neurd'être préſentée à Leurs Majeſtés & à
la Famille Royale par la Comteſſe Louiſe
de Narbonne , dame pour accompagner
Madame Victoire de France.
De Paris , le 24 Septembre.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du
13 octobre , qui autoriſe la ville de Paris
à ouvrir un emprunt de douze millions ,
rembourſables en un an , par voie de loterie
, au profit des hôpitaux .
S M. au milieu des affaires les plus impor
tantes & les plus multipliées , n'a pas perdu de
vue le grand projet qu'Elle a formé de diviſer
l'Hôtel-Dieu en pluſieurs aſyles , où le pauvre
ſouffrant puiſſe recevoir avec ſuccès les ſoins &
les remèdes qui lui font néceſſaires.
Par une ſuite de cet intérêt , Sa Majefté s'eſt
fait rendre compte du réſultat des foumiſſions &
déclarations faites juſqu'à ce jour , pour la conftruction
de ces aſyles , en vertu du proſpectus
publié par ſes ordres ; &, d'après le rapport qui
lui a été fait , Elle auroit remarqué que , malgré
l'empreſſement d'une partie de ſes ſujets pour
ſeconder ſes vues bienfaiſantes , &dont le réſultat
a excité ſa ſenſibilité , malgré l'attention qu'Elle
a particulièrement recommandée, de concilier , par
le choix des emplacemens , & par la fimplicité des
bâtimens , l'économie avec l'utilité, ſes intentions
pour le foulagement de la claſſe de ſes ſujets à qui
l'infortune donne le plus de droits à ſes, bontés
paternelles , ne pourroient être remplies auffi
promptement qu'Elle le deſireroit , fans de nouveaux
ſecours indépendans de ceux qui ont été
offerts , & dont , malgré l'importance de leur
deſtination ,
:
:
( 169 )
deftination , l'état actuel des finances lui fait deſirer
de foulager , autant qu'il fera poſſible , le tréſor
royal ; Sa Majesté s'eſt déterminée en conféquence
à approuver la demande qui lui a été faite par
les Prévôt des marchands & Echevins de fa bonne
ville de Paris , à l'effet de les autorifer à créer
une loterie dont le produit accéléreroit l'exécution
des plans arrêtés .
En adoptanr ce moyen , Elle a confidéré que
les billets de la loterie propoſée devoient être fixés
à un taux affez modique pour y faire participer
la partie de ſes ſujets qui ne peuvent faire de
grands ſacrifices ; que , dans les différens Etats de
P'Europe , il y a des loteries ſemblables , & par
leur objet & par leur application ; qu'il s'agit ici
de faire tourner au profit d'un établiſſement intéreffant
pour l'humanité , un jeu modéré , qui ,
faute d'exifter en France, procure à l'étranger
l'avantage d'attirer une partie du numéraire national
; qu'enfin les porteurs des billets perdans auront
moins de regrets à former, par l'idée de la deſtination
des fonds livrés à l'eſpoir d'une chance heureuſe.
Cette loterie fournira donc un fonds de
douze millions de livres ,& fera compoſée de cinquante
mille billets de deux cents quarante livres
chacun , leſquels pourront être diviſés en demibillets
de cent vingt livres , & même ſubdiviſés
en moindres portions', pour la plus grande facilité
du public ; & elle préſentera à ceux qui s'y intéreſſeront
, des chances avantageuſes , & calculées
ſur le pied d'un billet gagnant fur cinq. Ces
chances s'éléveront à la totalité de douze millions ,
formant le capital deſdits cinquante mille billets ,
& il ſera ſeulement prélevé le dixième fur chaque
lot gagnant , pour être ladite retenue , déduction
faite des frais de l'opération , remiſe dans la caiſſe
du tréſorier-général de la ville de Paris , & em-
No. 43. 27 Octobre 1787. h
( 170 )
A
ployée , ſans délai , aux premières dépenfes d'établiſſement
des nouveaux Hôpitaux : A quoi voulant
pourvoir , vu la requête du procureur du Roi
de laVille ,& la délibération des ſieurs Prévôt des
marchands & Echevins : ouï le rapport , &c.
1º. Il ſera ouvert au bureau de la Ville de Paris ,
auſſi-tôt après la publication du préſent Arrêt ,
une loterie , dont Sa Majesté a fixé le fonds à la
fomme de douze millions.com A
2°. Ladite loterie ſera compoſée de cinquante
mille billets de deux cents quarante livres chacun ,
leſquels pourront être fubdiviſés , par le tréſoriergénéral
du domaine de la Ville , en demi - billets
&en quarts de billets .
3°. Leſdits cinquante mille billets feront tous
viſés par le premier Echevin , & fignés par le ſieur
de Villeneuve , tréſorier-général du domaine de
laVille, qui gardera en dépôt les billets originaux
dont il aura délivré des portions fubdiviſées , ainſi
qu'il eſt porté dans l'article ci-deſſus.
4°. La totalité des douze millions , formant le
montant de la loterie , ſera rembourſée par le fort
d'un ſeul tirage , qui ſe fera , avec les formalités
accoutumées , dans la grand'ſalle de l'Hôtel-deville
de Paris, en préſence des ſieurs Prévôt des
marchands & Echevins. Ce tirage ſera effectué dans
lecourant du mois d'Août prochain. Les cinquante
mille billets feront , à cet effet, mis dans une
roue, à laquelle correſpondra une roue ſéparée ,
contenant pareil nombre de billets , dans lesquels
feront compris les dix mille lots déſignés dans le
tableau annexé au préſent Arrêt. اد
5°; Il ſera , en outre , attribué au premier& au
dernier numéro qui fortiront de la roue, une
prime de faveur de vingt mille livres , laquelle
fera payée outre & par-deſſus le lot qui leur pourra
écheoir, 2
( 171 )
6°. Les dix mille lots & les deux primes de
faveur feront payés a bureau ouvert , en deniers
comptans , par le tréſorier-général du domaine)
de la Ville , trois mois après le tirage ; le tout
d'après la liſte imprimée ſur le procès-verbal des
ſieurs Prévôt des marchands & Echevins .
* 7°. Il fera retenu& prélevé fur chacun des lots ,
comme auſſi ſur les primes de faveur , le dixième
de la ſomme deſdits lots & primes ; & le montant
de cette retenue , déduction faite des frais de l'emprunt
, reſtera dans la caiſſe du tréſorier-général
de laVille , pour être employé, ſous les ordres des
ſieurs Prévôt des marchands & Echevins , aux dépenſes
qui ont pour objet l'établiſſement des nouveaux
Hôpitaux ordonnés pour ſuppléer à l'inſuffisance
de l'Hôtel-Dien .
• 8°. Tous les ſujets de Sa Majesté , de quelque
âge , ſexe , qualités & conditions que ce puiſſe
être , pourront s'intéreſſer à ladite loterie , comme
aufli les étrangers , Sa Majesté ayant renoncé &
renonçant , en faveur deſdits étrangers , même à
l'égard de ceux qui ſont ſujets de Princes & Etats
avec leſquels Elle pourroit être en guerre , à tout
droit de marque , de confiſeation&de repréſailles
qui pourroient lui appartenir.
95. Attribue Sa Majesté aux Prévôt des marchands
& Echevins la connoiſſance de toutes les
conteſtations auxquelles l'opération de ladite loterie
pourra donner lieu , icelle interdiſant à toutes
fes Cours & Juges , ſauf l'appel au Conſeil . Fait
au Conseil d'Etat , &c. Signé , LE BARON DE
BRETEUIL.
1
Les 10,000 lots, dont le tirage ſe fera au mois
d'Août 1788 , & le paiement à compter du rer.
Octobre ſuivant , feront diſtribués ainſi : un de
400,000, liv. unde 200,000, un de 100,000, deux
de80,000, quatrede 60,000 , fix de 50,000, quinze
h2
( 172)
de 30,000, vingt de 25,000 , trente de 20,000 ,
quarante de 15,000 , foixante de 10,000 , cent de
6000, deux cents de 4000, trois cents de 3000 ,
quatre cents de 2000, fix cents vingt de 1000,
huit cents de800 , douze cents de600 , deux mille
cinq cents de 500, trois mille ſept cents de 400,
&les deux primes de faveur de 10,000 liv. chacune.
pour lepremier &le dernier billets fortans.
Réglement du 9 octobre , fait par le
Roi , portant établiſſement d'un Conſeil
d'adminiſtration du département de la
guerre , ſous le titre de CONSEIL DE
LA GUERRE.
Sa Majeſté ayant examiné , avec la plus profonde
attention , tant l'état préſent du département
de la guerre ,que les divers changemens qui ſeſont
faits dans cette branche d'adminiſtration depuis
fon avénement au trône ; Elle a reconnu que fi
quelques-uns de ces changemens ont intimément
amélioré la conſtitution , la difcipline &l'inftruction
de ſes troupes , il reſte beaucoup de points :
importans qui ont encore beſoin d'être perfectionnés
, beaucoup d'abus qui ſont ſuſceptiblesde
réformes , beaucoup d'objets de dépenſe ou de
comptabilité qui peuvent être réduits ou éclairés ;
que le ſyſtême politique des autres grandes puiffances
militaires de l'Europe étant maintenant de
tenir leurs armées toujours prêtes à entrer en
action , il eſt néceſſaire ; pour la dignité de ſa
couronne , ainſi que pour l'honneur de la nation ,
qu'elle mette ſes forces ſur lemême pied ; qu'Elle
peut fe livrer d'autant plus volontiers à leur
donner cette nouvelle diſpoſition , que bien loin
qu'il en doiveréfulter une augmentation de charge.
pour ſes peuples, ce fera aux dépens des abus
4
!
( 173 )
feulement,& par un ordre mieux entenda qu'Elle
opéreracette amélioration , & que l'excédent des
économies qui en réſulteront , produira encore ,
tant pour le moment qu'éventuellement , un grand
foulagement pour ſes finances. Sa Majefté confidérant
en même-temps que pour parvenir , dans
l'adminiſtration du département de la guerre , à
un double réſultat auſſi important & auffi avanta.
geux, il ne fuffit pas du zèle & du travail d'un
feul homme ; qu'il faut appeler autour du chef
de ce département , les idées & les fecours de
pluſieurs militaires éclairés ; qu'il n'y a qu'un
Conſeil ainſi compofé ,& conftitué d'une manière
permanente , qui puiſſe créer un plan , faire de
bons réglemens , & fur-touten maintenir l'éxécution
, mettre de la ſuite dans les projets , de
l'économie dans les dépenſes , de l'ordre dans la
comptabilité , empêcher la fluctuation continuelle
des principes , oppoſer une digue aux prétentions
&aux demandes de la faveur , & enfin donner
une confiftance & une baſe à l'adminiftration du
département de la guerre ; Elle a établi & arrêté
cequi fuit:
1º. Sa Majefté crée & établit , par le préſent
Réglement , un Conſeil permanent d'adminiſtration
du département de la guerre , ſous le titre
de Confeil de la guerre.
L'adminiſtration de ce département ſera ainſi ,
à l'avenir , partagée entre le ſécrétaire d'état de
la guerre & le conſeil de la guerre, de manière
que le premier refte chargé de toute la partie
active& exécutive de l'adminiſtration , & que le
conſeil de la guerre le foit de toute la partie légiflative&
confultative. Sa Majeſté détaillera & fixera
ci-après , d'une manière plus préciſe , les fonctions,
& les limites qu'Elle leur aſſigne.
2. Le conſeil de la guerre fera compofé de
1
h3
( 174)
huit officiers - généraux & d'un officier - général
ou ſupérieur , qui fera les fonctions de rapporteur
& de rédacteur , ſous la direction immédiate du
préſident du conſeil. Entend Sa Majesté que la
préſidence du conſeil ſoit invariablement attachée
àla charge de ſécrétaire d'état du département
de la guerre , de quelque état & de quelque grade
qu'il puiſſe être , fon fecrétaire d'état devant être
regardé comme ſon organe & fon repréſentant
dansledit confeil . Ainsi , la totalité des voix complètes
du conſeil de la guerre , ſera de 11 , y
compris la voixdu rapporteur&celle du préſident ,
qui fera comptée pour deux. :
3°. Il y aura au moins la moitié des membres
du conſeil qui feront lieutenans-généraux. Un
des huit officiers-généraux fera tiré du corps
du génie , & un de l'artillerie; les autres feront
choiſis de manière qu'ils n'aient fervidans la
pas
mème armée.
4°. Sa Majesté nommera ſeule , cette fois , les
officiers-généraux qu'Elle aura choiſis pour la
formation du conſeil de la guerre ; mais voulant
aſſurer de plus en plus la parfaite compoſition
de ce confeil , & fentant que les corps qui ſe régénèrent
eux-mêmes par la libre nomination de leurs
membres , ont un grand intérêt à fe rendre ſévères
fur leur choix , autoriſe le conſeil de la guerre à
lui propoſer , en cas de vacance , trois ſujets élus
par la voie du ſcrutin , dans le nombre de tous
les officiers-généraux de ſon armée (en ſe conformant
aux conditions de l'article précédent) ,
entre leſquels Sa Majesté choiſira celui des trois
ſujets le plus convenable..
Sa Majeſté regrette que les raiſons ſupérieures
qui la déterminent à affecter à jamais la Préſidence
du conſeil à la charge de ſecrétaire d'état
du département de la guerre , l'empêchent , dans
( 175 )
i la circonſtance actuelle , d'appeler dans le confeîl
de la guerre , quelques-uns de MM. les Maréchaux
de France ; mais elle ne compte pas , pour cela ,
ſe priver de leurs lumières , & Elle ſe réſerve d'y
avoirrecoursquand Elle le jugera néceſſaire , &ainſi
qu'il ſera indiqué ci-après.
6°.Lesofficiers-généraux , employés activement ,
étant ceux fur l'expérience & les talens deſquels
Sa Majeſté doit le plus compter , Elle déclare que
les fonctions de membres du conſeil de la guerre
*ne font incompatibles avec aucune autre manière
d'être employés , foit dans le commandement de
ſes provinces , ſoit près de ſes trouppes ; & Elle
n'entend exclure de la poſſibilité d'être en mêmetemps
membres du conſeil de la guerre , que ceux
qui feroient en réſidence permanente dansſesplaces,
ou employés dans ſes colonies.
7°. Mais pour que les membres du conſeil de la
guerre puiſſent en même-temps vaquer aux autres
deſtinations qui leur feroient aſſignées pour le
ſervice de Sa Majesté , le conſeil de la guerre
⚫ne ſera en exercice que depuis le 1. novembre
juſqu'au 1. mai , à moins de circonſtances particulières
, qui mettroient le préſident dans le
cas de prendre les ordres de Sa Majesté , pour
prolonger le temps dela ſeſſion , ou pour le convoquer
extraordinairement .
8°. Si le conſeil de la guerre avoit entamé
quelque objet de travail qui lui parût eſſentiel à
›continuer pendant les fix mois de vacances , ſans
qu'il fût beſoin pour cela du concours de tout
le conſeil de la guerre , il pourra établir , à fon
choix , une commiſſion intermédiaire, de trois de
fes membres ,&la charger de pourſuivre ce travail
pourle mettre ſous les yeux du conſeil , à l'époque
de ſa rentrée.
9°. Mais lors même qu'il n'y aura pas de comh4
( 176 )
miffion intermédiaire , il ſubſiſtera toujours à
Verſailles , pendant le temps des vacances du confeil
de la guerre , un bureau de renvoi , chargéde
recueillir tous les projets , mémoires ou plaintes
qui pourroient être adreffés au confeil de la guerre ;
cebureau , qui fera aux ordres immédiats du rapporteur,
fera en même-temps le bureau d'expéditions&
de fervice du conſeil de la guerre pendant
le temps qu'il fera en activité.
10º . Sa Majesté voulant d'avance annoncer ,
par la manière dont ce bureau fera monté , les
diſpoſitions générales de retranchemens & d'économie
qu'Elle veut introduire dans tous les bureaux
du département de la guerre , règle que
tout le ſervice du bureau du conſeil de la guerre
fera fait par deux ſecrétaires , ſauf au rapporteur
dudit conſeil , en cas qu'il y ait , pendant les
fix mois d'aſſemblée , des travaux multipliés &
preffans , de ſe pourvoir paſſagèrement de copiftes.
11 °. Il ſera préparé inceſſamment , ſoità l'hôtel
de la guerre , ſoit dans une des maiſons qui dépendent
de ce département , un emplacement
convenable , tant pour les aſſemblées du conſeil
de la querre , que pour lui ſervir de bureau &
de dépot.
compo-
12º. Sa Majefté fixera auſſi inceſſamment , avec
les même vues d'économie qu'Elle s'eſt invariablement
preſcrites , la ſomme qu'Elle affecte aux
dépenſes annuelles du conſeil de la guerre , ſoit
*pour les honoraires des membres quuii le
feront , ſoit pour les frais de bureau , foit pour
-les dépenſes des voyages des membres dudit
conſeil, chargés , ainſi qu'il fera dit ci - après ,
de viſiter , pendant l'été , les troupes & les établiſſemens
militaires ; & cette fomme , une fois
1
fixée , ſera adminiſtree pa
lui-même , relativement aux obj
n'aura pas déterminés , & dont Elle aura
le bien de ſon ſervice , abandonné la difpofition
au confeil.
13 °. Sa Majesté voulant que la plus parfaite
harmonie règne entre le conſeil de la guerre &
le ſecrétaire d'état de ce département , &fentant
que cette harmonie dépend beaucoup de la fixation
la plus préciſe de leurs fonctions , & des limites
refpectives de leur reffort , Elle s'eſt attachée ,
avec la plus grande attention , à établir cette fixation
,& Elle l'a déterminée de la manière ſuivante.
1.4°. Le ſecrétaire d'état de la guerre confervera
excluſivement dans ſa main toute la partie
active & exécutive de l'adminiſtration , & ainfi
par conféquent le travail avec le Roi & avec le
principal miniſtre , les rapports à faire aux conſeils
actuels ou autres , que Sa Majesté jugera à
propos de former ; la direction & la diſpoſition
de toutes les meſures relatives à la guerre ; la
correſpondance avec les généraux , commandans
de provinces , intendans , commandans des divifions
inſpecteurs diviſionnaires , & généralement
tous employés militaires ou relatifs au militaire.
Il conſervera pareillement la propoſition à tous
les emplois & à toutes les graces du département ,
de quelque eſpèce qu'elle foient , en demeurant
toutefois aſſujetti aux principes & aux règles que
Sa Majesté a deſſein de ſe faire propofer incef--
famment , à cet égard , par le conſeil de la
guerre.
15. Le conſeil de la guerre ſera chargé dela
confection & du maintien de toutes les ordonnances
de la connoiſſance & de la difcuffion de
l'emploi , ainſi que de la comptabilité de tous
,
i
!
anement , de la contracesinarchés
, de la furveillance de
✓es fournitures ayant rapport aux troupes ;
lfera également chargé de maintenir l'obſervation
des principes & des règles que Sa Majesté va
établir pour la diſpenſation des emplois , & de
toutes les graces militaires ; & à cet effet , pour
que le confeil de la guerre puiſſe ne rien ignorer
de ce qui fera fait , à cet égard , par le ſecrétaire
d'état , & éclairer Sa Majesté , ſi ſon miniftre
s'étoit écarté des règles & principes qu'Elle aura
fixés , le ſecrétaire d'état ſera tenu de donner
communication , au conſeil de la guerre ,
toutes les expéditions qui auront été faites.
de
16°. Sa Majeſté attribue encore au conſeil de
la guerre la connoiſſance & l'examen de toutes les
affaires de diſcipline militaire & de contravention
aux ordonnances ; la propoſition des punitions à
décerner , quand elles n'auront pas été déterminées
par les ordonnances ; la diſcuſſion de tous les
projets d'amélioration ſur quelque partie de la
conftitution & du ſervice que cela puiſſe être ;
l'examen de tous les ouvrages militaires qui paroîtront
, ſoit pour accorder à cet égard les permiffions
que demanderont leurs auteurs , foit pour
recueillir les idées utiles & les lumières qu'ils pourroient
renfermer.
17°. Enfin comme une adminiſtration éclairée
doit toujours être en mouvement pour s'améliorer
, le conſeil de la guerre enverra tous les
ans , à fon choix , un ou pluſieurs de ſes membres
pour viſiter , tantôt dans une partie du royaume ,
tantôt dans l'autre , fats que cela foit annoncé à
l'avance , les troupes , les garniſons , les camps
d'inſtruction , les places de guerre , les hôpitaux ,
les établiſſemens de vivres & autres établiſſemens
militaires de tout genre. Ces membres du conſeil
de la guerre porteront , p
/
leur commiſſion , le titre de viſiteurs
feront revêtus de lettres de ſervice dans
grade , auront le droit de prendre connoiſſance
de tous les objets indiqués ci-deſſus , ſans pouvoir
toutefois donner aucun ordre ;& ils rapporteront au
conſeil de la guerre des mémoires détaillés fur
les tranfgreffions , négligences ou abus qu'ils
auront reconnus dans leur tournée , ainſi que fur
les changemens qui leur paroîtront avantageux à
introduire.
18°. Le conſeil de la guerre pourra auſſi , quand
illejugeraà propos , envoyer , avec la permiffion
du Roi , foit des officiers-généraux choifis parmi
ſes membres , ſoit des officiers qu'il choiſira dans
l'armée , pour voyager dans les pays étrangers , en
connoître les armées , obſerver leurs méthodes ,
leurs principes , les comparer aux nôtres , & rapporter
ces connoiſſances au conſeil de la guerre ,
en forte que ce conſeil ſoit toujours en activité
d'obſervation& de travail , pour perfectionner de
plus en plus l'art & la conſtitution.
19° . Indépendamment des moyens établis cideſſus
, le conſeil pourra appeler momentanément
à fes diſcuſſions ou délibérations , tel officier-
général , ou fupérieur , ou particulier de l'armée,
dont il jugera que les connoiſſances lui font
néceſſaires ſur l'objet qu'il s'agira de diſçuter.
20°. Le conſeil de la guerre pourra de même
appeler à ſes aſſemblées , ſoit pour ſe procurer
les éclairciſſemens néceſſaires , ſoit pour le conſulter
, tel chef des bureaux de la guerre qu'il
jugera à propos , & de même tel commiſſaire des
guerres ou autre employé militaire , ou relatif au
militaire , tel qu'il puiſſe être.
(La fuite à l'ordinaire prochain. )
h6
du Roi, du 28 août 1787 ,
at réglement fur les lettres de ratification
des actes tranſlarifs de propriété des
rentes aſſignées ſur les revenus du Roi.
Les Officiers , Bas- Officiers et Soldats
de trente-un régimens , ont reçu l'ordre
de rejoindre leurs corps , les uns au rer.
novembre, les autres au 30 du même mois.
Voici la liſte des premiers. Breffe , Beauce ,
Anjou, Rohan , Penthièvre , Normandie ,
Bourbon , Ifle-de-France , Lyonnois , Dauphiné
, Guyenne. La deſtination ou l'emplacement
actuel des huit premiers eft en
Bretagne ; des trois autres , à Toulon &
Nîmes. Ceux qui doivent rejoindre au 30
novembre , font , Royal , Touraine , Provence
, Viennois , la Reine , Artois , Maréchal
de Turenne , Picardie , Navarre , Lorraine
, Vivarais , Armagnac , Aunis , Royal-
Auvergne , Royal-Corfe , Royal Vaiffeaux,
Flandres , Conti , Beaujolois , Corps de
Monreal; les quatre premiers en Bretagne,
ſept en Normandie , deux en Picardie , un
en Artois , & les deux derniers en Flandre
&Hainault.
Les payeurs de rente , fix premiers mois
de 1787, font à la lettre J.
PROVINCES - UNIES.
De la Haye , le 17 Octobre.
Le fort d'Amſterdam eſt aujourd'hui en(
181 )
tièrement décidé; voici la ſuite des circonftances
qui ont accompagné cet événement.
Le 6, la Régence ſe conformaunanimement
&fans aucunes réſerves, aux réſolutions des
Etats de Hollande , qui ont eu pour objet
l'entier rétabliſſement du Prince Stadhouder
, dans ſes charges & dignités , la
liberté de prendre la couleur orange , la
caſſation des Sociétés armées , & la deſtitution
des Régens , que les bourgeoifies
avoient mis en place dans le courant de
l'année , en divers lieux . En conféquence ,
les Bourguemeſtres Beels & Dedel , & les
autres Régens d'Amſterdam , caffés il y
a quelques mois , furent rétablis , &
fiégèrent au Confeil. Auſſitôt , une
Commiffion des Etats de Hollande ſe .
rendit auprès de la Princeſſe d'Orange ,
pour s'informer de la fatisfaction qu'elle
exigeoit fur le fait des empêchemens mis
à fon voyage à la Haye. S. A. R. remit
aux Députés la réponſe écrite que voici .
en
Nobles , Grands & Puiffans Seigneurs ,
Autant j'ai été affetée de toutes les circonftances
qui ont rendu néceſſaires les inſtances
du Roi mon frère , & qui ont confifté
grande partie dans les réfolutions léſives , priſes
par une petite majorité abſolument illégale
de l'aſſemblée , qui compoſoit alors les Seigneurs
Etats de Hollande , contre les avis preffans& revêtus
des argumens les plus irréfragables , tant de
Mrs. de l'Ordre Equeftre , que les députés des villes
qui ſe ſont oppoſées à ladite majorité ; autant
fuis-je ſenſible aujourd'hui à la propoſition de cette
( 182)
députation , faite au milieu d'une aſſemblée de
L. N. &Gr. Puiſſances , conſtitutionnellement
établie , & compoſée de commettans légitimes
& compétans. Je puis donc auffi confier en fureté
à cette aſſemblée le ſoin de prendre les réſolutions
& meſures néceſſaires pour anéantir celles
par leſquelles la ci-devant pluralité illégale n'a
pas craint d'approuver & de louer la conduite des
commiſſaires à Woerden , & en général celle de
tous les auteurs & coopérateurs de l'arrêt violent
de ma Perſonne , & pour défavouer publiquement
tout ce qui s'eſt paffé lors de cet attentat fans
exemple.
Loin de n'être pas touchée du fort de ces auteurs
& coopérateurs coupables , je ſens une véritable
averſion de toute punition proprement dite ; mon
attachement aux intérêts d'un pays que je regarde
comme ma patrie , ainſi que mon eſtime pour
une nation libre , de laquelle j'ai reçu pendant
⚫environ 20 ans pluſieurs marques d'affection , me
font ſouhaiter avec ardeur de manifeſter ultérieurement
les vrais ſentimens de mon coeur , &
d'adoucir le fort desdites perſonnes , autant que
l'équité & le bien-être du pays peuvent le permettre
, & fans bleſſer les égards que je dois à
ma maifon & à la nation même .
Comme par les réſolutions unanimes de L. M.
&Gr. Puiſſances , pour le rétabliſſement des droits
héréditaires du Stadhouderat , ainſi que des autres
dignités éminentes deS. A. S. mon époux , &pour
l'avancement du répos , de l'harmonie & de la
confiance dans la province, par l'anéantiſſement
total des nouveautés dangereules & illégales qu'on
avoit introduites , & au moyen deſquelles la patrie
a été conduite ſur le bord de fa ruine , je vois
qu'il a déja été fatisfait en grande partie au voeu
général de la partiela plus nombreuſe & la meilleure
>
( 183 )
de cette même nation , dont les vrais ſentimens
avoient été étouffés depuis quelque temps par violence
& par oppreffion ; & attendu qu'il eſt entièrement
hors de mes vues de m'expliquer aujourd'hui
ſur des objets à l'égard deſquels la juſtice
pourroit juger qu'il eſt de ſon intérêt de devoir
faire des recherches juridiques , conformément aux
loixdu pays, je me bornerai, pour prouver combien
je ſuis éloignéede tout defir de voir porter atteinte
à l'honneur ou aux biens , & fur-tout aux vies des
fusdits auteurs & coopérateurs , à demander à
leur égard , que , reſtant pour toujours éloignés
de ma cour , ils foient & reſtent démis de tous
les poſtes de gouvernement & d'adminiftration
afin que le public , qui a été léfé en ma perſonne ,
ſoit pleinement rafſuré que déſormais il ne pourra
plus être commis par eux de nouveaux excès , &
porté atteinte à la liberté & à la ſureté générale
; & que ceci ſoit inféré & confirmé dans la
fanction folennelle par laquelle V. N. & Gr.
Puiſſances voudront bien ratifier toute cette affaire.
C'eſt ſur ce pied que pour moi-même j'acquiefce
pleinement à la fatisfaction qui m'eſt offerte
aujourd'hui unanimement par L. N. & Gr. Puif-
Sances.
و
Au reſte , auſſitôt que tout ce que deſſus aura
reçu fon plein & entier accompliſſement ; que
par la ville d'Amſterdam il aura été fatisfait à
tout ce que V. N. &Gr. Puiſſances ont réſolu ,
& à tous les points de la fatisfaction auxquels
la ville a pleinement conſenti , & qu'en confé-
⚫quence l'on aura effectivement éxécuté , tant le
rétabliſſement de la régence que de la milicebourgeoiſe
, fur l'ancien pied légal , en défarmant
les corps d'exercice aſſociés , je n'aurai rien de plus
preffé que d'intercéder S. A. S. Monſeigneur
le Duc de Brunswick , pour qu'il renonce à toutes
( 184 )
:
1
entrepriſes ultérieures contre la villed'Amſterdam ;
&au deſſein de la réduire à un plus grand état
d'angoiſſe ; & je prierai inſtamment le Roi mon
frère , de s'en contenter avec moi , &de rappeler
par conféquent ſes trouppes du territoire de la
république.
Je proteſte auſſi de la manière la plus ſolennelle
, que je ne defire rien avec plus d'ardeur ,
que de voir bientôt rétablir & affurer fur des
fondemens folides l'harmonie , le bien-être &
le luftre de cette nation , jadisſi heureuſe , &
qui m'a toujours été chère. Mes efforts feront
non interrompus& zélés , pour y coopérer toujours
de toutes mes facultés ; je tâcherai nonſeulement
d'oublier les torts paſſés ; mais je m'eſtimerai
heureuſe en manifeſtant ultérieurement
mes vues les plus pures , &une tendre follicitude
pour le bien-être de la république , particulièrement
de cette province. Je continuerai
infatigablement à cultiver les mêmes ſentimens
dans mes enfans que j'ai tâché ďd'élever comme
enfans de la patrie , afin qu'ils puiſſent ſe rendre
dignes de l'eſtime , de l'amour & de de la confiance
des régens & des habitans , & qu'ils les
méritent conftamment pour l'avantage & l'utilité
du pays.
Signé WILHELMINE.
Les Députés demanderent enfuite à
S. A. R. la défignation des perſonnes dont
elle requéron l'éloignement , & reçurent
la liſte des noms fuivans : MM. Camerling ,
Conſeiller de Harlem ; Blok , Echevin de
Leyde ; de Witt, Echevin d'Amſterdam ;
Van- Toulon, Confeiller de Gouda ; Van-
Foreeft, Conteiller d'Alckmaar , Cofterus ,
( 185 )
Secrétaire à Woerden; de Lange, Conſeiller
de Gouda ; de Gyfelaar , Penfionnaire
de Dordrecht , Van - Zeeberg , &
Van de Kasteele , Penſionnaires de Harlem ;
Van - Berkel & Wischer , Penſionnaires
d'Amſterdam ; de Kempenaer , Confeiller
d'Alckmaar ; en outre , MM. Van- Leyden ,
Abbema , Hovy le jeune & Bicker , Conſeillers
d'Amſterdam , & Membres de la
Commiffion de défenſe de cette ville. La
plupart des voix des Etats de Hollande
conſentirent à ces démiſſions ; & le 11 ,
les Députés d'Amſterdam y adhérèrent .
Dès la veille , tout étoit convenu pour
la reddition de la ville. Le 9, le Duc de
Brunswick avoit demandé , par une Lettre
aux Bourguemeſtres , le déſarmement des
Auxiliaires & Volontaires qui ſe trouvoient
à Amſterdam , & la remife de la
Porte dite de Leyde , à un détachement
Pruffien , avec aſſurance de ne laiſſer
entrer aucun ſoldat dans la ville , de
maintenir la diſcipline , & de retirer les
troupes après le déſarmement ; un Bour
guemeſtre&deux Conſeillers ſe rendirent
le lendemain auprès de S. A. S. & convinrent
avec Elle des articles ſuivans ...
I. Les troupes du Roi occuperont la porte dite
de Leyde , par un détachement de 150 hommes ,
10 chaſſeurs , 4 huſſards , I ordonnance ; & il
ſera placé deux'pièces de canon près de la porte.
( 186 )
۱۰
1
II. Il ſera mis deux bataillons avec les chaffeurs
en quartier à l'Overtoom(faubourg d'Amſterdam).
III. Il n'entrera perſonne des troupes du Roi
en ville , fans avoir obtenu à cet effet le confentement
préalable du magiftrat , afin qu'il ne foit
point donné par-là occaſion d'animer les eſprits.
IV. Les bourguemeſtres & conſeil de la ville
prendront les meſures néceſſaires pour s'aſſurer
des écluſes aux portes de Haerlem & de Muſden.
V. L'on medonnera journellement connoiſſance
légale , juſqu'à quel point les réſolutions des Etats ,
auxquelles la ville d'Amſterdam a déjà accédé ,
auront été miſes en éxécution.
VI. M. de Haaren ſera informé , en qualité
de commiſſaire de ma part , de tout ce qui eſt
relatif au défarmement , afin de pouvoir m'en
faire un rapport exact.
Fait à l'Overtoom , le 10 octobre 1787.
Signé CHARLES G. F. Duc de Br.
DEDEL , ELIAS ARNOUTZ , BICKER.
Le même jour , 150 Pruffiens ont
occupé cette Porte de Leyde ; 2000
autres font cantonnés dans le faubourg
d'Overtoom , & le Duc de Brunswick a
rouvert la communication interrompue
entre Weſop & Amſterdam. Pour accélérer
le départ de ces troupes étrangères,
la Régence a demandé aux Etats , de les
remplacer par des détachemens nationaux.
En conféquence , le régiment Suiſſe de
May , le premier régiment d'Orange-
Nafſau infanterie , & les Gardes à cheval
fontentrés à Amſterdam. L'on adégarni les
4
( 187 )
remparts de leur artillerie , licentié &
défarmé les Auxiliaires , prohibé la plupart
des Gazettes du parti patriotique ,
&arboré le drapeau orange ſur la Maiſonde-
Ville , l'Hôtel de la Compagnie des
Indes & l'Amirauté. La Régence ayant
exhorté , pour fſureté , le public à prendre
cette couleur , un grand nombre d'habitans
l'ont adoptée ; mais , afin que perſonne
ne foit forcé à en faire autant par des
violences particulières , une Milice bourgeoife
choifie a veillé à la tranquillité
publique.
Comme on continuoit à la Haye , à
caſſer les vitres des patriotes , à piller
leurs maiſons , à les arrêter & à en
livrer même aux Prufſiens , les Etats de
Hollande ont rendu une nouvelle publication
contre ces excès , promettant
une prime de mille florins , à quiconque
en dénoncera les auteurs , qui feront punis
de mort.
L'Ordre Equeſtre a fait, le 8 , à l'affemblée
, la propoſition d'augmenter confidérablement
les forces de terre de la
république , & de prendre à ſa ſolde des
troupes Allemandes .
Le 3 , les Etats de Hollande ont
arrêté , ſur la propoſition des Députés
de Dordrecht , de caffer le Rhingrave
!
ン
( 188 )
1,
r
:
de Salm de toutes ſes charges militaires ,
& de le faire pourſuivre criminellement
pour crime de déſertion. Les Etats généraux
ont confirmé cette réſolution , &
défendu de recevoir le Rhingrave dans
aucunes de leurs Colonies , & arrêté
d'écrire à leurs Miniſtres à Hambourg ,
& en Danemarck , de demander la faifie
de cet Officier , en cas qu'il voulût s'embarquer
pour l'une des poſſeſſions de
l'Etat dans l'Inde ou en Amérique.
(Gazette de Leyde , No. 83 ) .
465 prifonniers , la plupart des Corps-
Francs , pris à l'attaque des différens lieux
qui ont fait réſiſtance , ont été transférés
dans lesEtats du Roi de Pruffe.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 20 Octobre.
On attend ici vers la fin de ce mois ,
le Comte de Trautmansdorf, nouveau Miniſtre
plénipotentiaire de l'Empereur auprès
de nos provinces ; aujourd'hui , on
apprend qu'il eſt arrivé le 10 à Cologne.
Les troupes qui font aux Pays -Bas , &
qui depuis peu ont ſubi déja pluſieurs changemens
de deſtination , vont en eſſuyer -
un nouveau , c'est-à-dire , qu'elles feront
placées en d'autres garniſons ou cantonne.
( 189 )
mens que ceux qu'elles occupent aujourd'hui
. L'artillerie de Malines& toutes les
munitions ont dû partir pour Luxembourg,
depuis le 19.
Par une ordonnance des Bourguemeftres
, Echevins de cette ville , &c. pour affurer
la tranquillité publique , il eſt défendu
à tous cabaretiers de garder qui que
ce foit paffé 1 i heures du ſoir , à peine de
25 flor. d'amende. Item , de porter de nuit
de gros bâtons courts , ou autres inftrumens
perturbateurs . On a interdit également
tout attroupement de vagabonds ,
ſous peine envers les contrevenans de
deux ans de captivité dans la maiſon de
force.
*Quoique la dernière ratification de S.
M. 1. ait mis le ſceau au maintien des conftitutions
nationales , en tout ce qui paroiſſoit
en altérer l'eſſence ou la forme ,
& intéreſſoit la liberté & les droits du public
, cet acte de juſtice du Souverain n'a
pas fatisfait encore les eſprits. On ſe croit
toujours lézé , tant que les affaires de difcipline
eccléſiaſtique , qu'on imagine être
celles de la religion , ne feront pas terminées
au gré des prêtres du pays , c'eſt ddire
, tant qu'on fera privé de quelques
couvens ſupprimés , des confrairies , &
de la théologie ſcholaſtique de Louvain ,
-telle qu'on l'enſeignoit en Europe , il y
( 190 )
1
a trois fiècles . Il paroît à ce ſujet une longue
remontrance des Etats de Brabant, que
nous rapporterons au journal prochain.
Pour dédommager nos Lecteurs des récits
très-ſuſpects qu'on fait circuler dans
les Gazettes , nous nous empreſſons de
publier l'extrait de lettres authentiques de
Conftantinople , du 25 ſeptembre dernier.
Les premières hoſtilités ont eu lieu le 31 août ,
dans l'embouchure du Boriſthêne . II chaloupes
canonnières turques ont attaqué une frégate& un
paquebot Ruſſes , qui vouloient defcendre dans
la mer Noire , & qui ont été forcés de remonter
le fleuve. La frégate s'eſt échouée au deſſous de
Globock. LeCommandant de Cherfon a fait paffer
4000 hommes à Kilbourn , & ils élèvent fur
cette côte des batteries qui en défendront les
approches.
Le 19ſeptembre, une nouvelledivifion, compoſéede
4 vaiſſeaux & de 3 frégates , mouillée depuis
un mois à l'entrée du Boſphore , eſt entrée dans
la mer Noire, pour aller joindre la grande diviſion
qui a dû partir elle- même de Echingéré-Iskeleſſi ,
rade au ſuddeVarna , &ſe réunir près d'Ockſakow
à la première diviſion.On préſumoit qu'elle rencontreroit
l'eſcadre Ruſſe ſortie de Sebaſtopole;
mais celle-ci a été accueillie le matin à la hauteur
des bouches du Danube , par une violente tempête
qui a déſemparé tous les bâtimens.
:
Hier matin un vaiſſeau Ruſſe de 70 canons ,
démâté de tous ſes mâts , eſt entré dans le canal
l'eſpace de trois lieues , a mouillé près de Bukjui-
1
( 191 )
déré,&s'est déclaré priſonnier à la première barque
qui s'en eſt approchée. Le Capitaine vouloit s'échouer&
ſe brûler ; mais l'équipage s'eſt soulevé,
dans la crainte d'être maſſacré par les habitans ,
& ils ont remis le gouvernail à un eſclave Turc
pris la veille , & qui les a pilotés pour entrer dans
le canal . Les Officiers dépoſent que l'eſcadre compoſée
de 12 voiles & de quelques brûlots , a dû
être jetée à la côte ; ils préſument même que les
frégates ont péri en mer.
Les Ambaſſadeurs de Tipo-Saïb , arrivés depuis
un an à Baſſora , viennent de faire leur entrée
dans cette capitale ; malgré la perte de trois de
leurs vaiſſeaux naufragés ou brûlés dans le golfe
Perſique , leur ſuite eſt encore fort nombreuſe ,
& ils apportent de riches préſens à Sa Hauteſſe.
« Suivant des lettres de Paris , le camp
>> qui devoit être formé ſur la Meuſe ſera-
>> différé ; mais les préparatifs maritimes
>> ſont en activité. Huit régimens fontdef-
>> tinésà s'embarquer , & 54 bataillons bor-
>>>"deront les côtes de Normandie & de
>> Bretagne . Trois régimens qui s'embar-
>> quent feront diftribués , à ce qu'on dit ,
> ſur des frégates armées en flûtes , & qui
>>>mettront en mer ſous l'eſcorte de fix
>> vaiſſeaux de ligne commandés par M.
» de Soulanges. On croit qu'ils font def-
>> tinés aux- ifles d'Amérique. Les autres
>> cinq régimens mettront à la voile , à
>> ce qu'on croit , pour l'Iſle -de-France . Le
" Duc de Dorfet eſt de retour ici ; mais
>> le public eſt fort mal inſtruit de l'état
( 192 )
?
>> actuel des négociations , quoique cha-
>> cun prétende en avoir le fecret. Cepen-
>> dant , en général , les eſpérances de paix
>> paroiſſent ſe fortifier. >>>
« Les deux fonderies de canons de Montcenis
dans le Bourbonnois , &d'Indrette ſur la rivière
deNantes , ſe ſont chargées de fournir à laMarine
200 pièces de canon par mois , juſqu'à concurrence
de 1200 canons néceſſaires pour compléter
l'armement de tout nos vaiſſeaux de ligne. Sa
Majeſté a ordonné en même temps , de mettre fur
les chantiers 12 vaiſſeaux neufs , & leurs conftructions
feront d'autant plus promptes , qu'il y a
actuellement des bois & des matures raſſemblés
dans nos ports , pour environ 30 vaiſſeaux de
ligne. » Paragraphes extraits des Papiers Anglois.
Il eſt arrivé cet été un événement qui devroit
biendétourner les malades , vrais ou imaginaires , "
de faire uſage en même temps de l'air de mer ,
&des bains d'eau ſalée , fi fort en uſage depuis
un certain nombre d'années. Pluſieurs Dames ,
de l'avis de praticiens ignorans , ſe logèrent près
de la mer , & ſe baignèrent régulièrement tous les
jours. Il en réſulta , que de cinq perſonnes jouiſſant
d'une bonne ſanté, ou au moins paſſable , trois
devinrent étiques, crachèrent le fang , & eurent
tous les ſymptômes de pulmonie. Comme elles
vivoient enſemble , elles conſultèrent un habile
médecin qui leur ordonna ſur le champ de
dſcontinuer l'uſage des bains , & d'aller reſpirer
un air plus pur.Ea es ſuivirent fon avis , & graces
à la diète & a médicamens qu'elles prirent ,
elles fortirent promptement
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU RỌI , 23282
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décauvertes
dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Causes célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces ;la Notice des Édits ,
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 6 OCTOBRE 1787 .
Colegi
A PARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de
rue des Poitevins , Nº . 18 .
1
UNIVERSIDAD
CENTRAL
CIBLIOTECA
DEPA
FA
DEMEDICINA
Avec Approbation , & Brevet du Roi
TABLE
مس
Du mois de Septembre 1787 .
PIÈCES IÈCES FUGITIVES . OEuvres badines du Comte de
A Mlle. De la F***.
3 Caylus, 42
Jupiter venge , Apologue , 4 Inſtituts politiques & mili-
Regrets d'Achille fur le corps taires de Tamerlan ,
dePatrocle ,
Traduction de la quatrième Le Souterrain ,
Ode d'Horace ,
L'Epée , la Plume & la Robe , Réflexionsfurla néceffué d'af-
57
49 Le Provincial à Paris , 70
77
97 Les Trois Exemples , 82
Fable , 98 Surer l'amortiſſement des
Couplets aux Femmes , 100 dettesde l'Etat , 87
Makandal , Histoire vérita- Laure , 88
ble,
Im-promptu ,
Fable,
102 OEuvres de M. Léonard , 117
Les Moutons & le Buiſſon , La France Chevaleresque &
Couplets à unejolie Femme . Traité des Droits de l'Etat &
145 Voyage de Provence , 130
146 Chapitrale , 136
Fable, 147 du Prince , 138
Im-promptu 193 Lettres de Jenny Bleinmore ,
Afpafie, Cantate , 194 151
Couplet à Mme de.... 196 Obfervationsfur l'intérieurdes
Charades , Enigmes & Logo- Montagnes , 160
griphes , 5 , 52 , 115 , 149 , Ode fur la mort du Duc Léo-
197. pold , 199
NOUVELLES LITTER. Ejjaifur la Nature champêtre ,
OEuvres de M. l'Abbé Spallan-
8.Variétés ,
209
90,164
ACADÉMIES.
zani ,
OEuvres complettes d'Antoine-
Raphaël Mengs , 22 Académie Françoise , 92
Les Chef-d'oeuvres d'Horace , Académie Roy. de Musiq.228
32 Annonces & Notices , 44 , 94 ,
Tableau des Variétés de la
vie humaine , 3.61
140 , 189 , 238
A Paris , de l'Imprimerie de MOUTARD , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni,
MERCURE
1
DE FRANCE.
SAMEDI 6 OCTOBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
L
A M. DE LA HARPE , de l'Académie
Françoise, après l'avoir entendu au Lycée,
le 6 Août 1787 .
: Dévoué dès l'enfance au culte'd'Apollon ,
Et maintenant ſon plus fidèle organe ,
O vous , qui , dans ſon art ignorë du profane ,
Nous donnez , à la fois , l'exemple & la leçon ,
LA HARPE ! qu'en ce temple on aime à vous
entendre ,
Lorſque , défenſeur de Boileau ,
Vous confondez ce .... nouveau ,
Qui .....
Du ſommet du ſacré côteau !
efſaie à le faire deſcendre
A ij
4. MERCURE
Eh quoi ! la ſtupide ignorance
Voudroit-elle , d'accord avec le mauvais goût
De fes flots inonder la France ?
Quels ouvrages,bons Dieux ! & quelsJuges, fur-tout!
Annoncent-ils des Arts l'entière décadence ? ....
Mais non : à ce Théatre où Corneille étonna ;
Où le Peintre éloquent de Phèdre & d'Athalie ,
Balança les ſuccès d'Horace & de Cinna ;
Où de terreur notre ame ſe glaça ,
Et de pitié pourtant fut encore attendrie ,
Malgré les durs crayons dont Crébillon traça
Atrée , Electre & Zénobie ;
Où , loin d'être éclipſé par ces rivaux fameux ,
Prêt à ceindre ſon front de la couronne épique,
Voltaire , ce génie heureux ,
Plus éclatant & plus pompeux ,
Plus moral & plus pathétique ,
Luiſeul nous inſtruifit en nous charmant comme eux ;
A ce Théatre , où , démentant votre âge ,
Dans Warwick , à vingt ans , vous fites admirer
Et des beautés de l'Art ce brillant aſſemblage ,
Et ce jugement ſain , & cette raiſon fage ,
Que l'on oſe à peine eſpérer
Du génie hors d'apprentiſlage ;
A ce Théatre , dis-je, en vain des nouveautés ,
L'attrait , au bon goût ſi contraire ,
Fait de bravos retentir le Parterre
Ade froides moralités ,
Ades ſentimens exaltés ,
Ades Héros fans caractère,
DE FRANCE.
5
A des vers durs & fans verve enfantés :
Rafiurons-nous; malgré ce ſuccès éphémère ,
Le beau , le grand , le vrai , toujours accrédités ,
Sont ſurs encor d'y frapper & de plaire .
Oui , lorſque de Sophocle empruntant les couleurs,
Vous tranſportez ſur notre Scène
Le tableau déchirant deces longues douleurs ,
Qui de l'ami d'Hercule alimentent la haine ,
Non moins intéreſſant qu'au Théatre d'Athène ,
De pitié ce Héros attendrit tous les coeurs ,
Et La Rive , aujourd'hui ſi cher à Melpomene ,
: I
Sous fon nom fait couler nos pleurs. -
Puiffent , ainſi que vous , nos modernes Tragiques ,
De ce divin Sophocle heureux imitateurs ,
Nous rappeler , en des vers enchanteurs ,
Cebeau, ce naturel , & ces graces antiques ,
Qui, de nos jours encore , ont tant d'admirateurs ;
Ou, ſi , ne ſe livrant qu'à leur propre genie ,
De la Grèce on les voit négliger ces tréſors
Puiſſe naître de leurs efforts
Quelque nouvelle Mélanie ! ....
Mais entrons dans ceTemple où veillent tous les Arts,
Où de leurs fruits nombreux les récoltes choiſies ,
Et de nos Périclès & de nos Afpafies ,
Avec tant d'intérêt appellent les regards.
T C'eſt là qu'à de nobles Séances
Un sèxe aimable ajoute un nouveau prix ;
Qu'il y fourit à de charmans Ecrits ;
Que de ce lieu facré, doctes intelligences ,
1 A iij
1
6 MERCURE
Aux plus fublimes connoiſſances
Vos Collègues & vous élevez nos eſprits ;
Que des talens à leur aurore
Vous dirigez la marche & les premiers élans ,
Et qu'à vos entretiens ſavans ,
Les talens exercés vont profiter encore.
Ah ! doit-on craindre déformais
Que chez les Filles de mémoire
Puiffent leur échapper ces lauriers que la Gloire
Attacha de tout temps ſur le front des François !
Ade ſi beaux lauriers tous aſpirent ſans doute ,
Et pour eux ils ſont préparés.
Si cependant , ainſi qu'on le redoute ,
Loin du but un faux goût les avoit égarés ,
LAHARPE, que par vous leurs pas ſoient éclairés
Vous connoiſſez la bonne route ,
Et vous les y ramènerez,
(Par M. Mugnerot. )
RÉPONSES A LA QUESTION :
Ya-t-ilplus de plaisir à voir arriver ce qu'on
aime , que de peine à le voir partir ?
I.
LE plaifir eſt un bien trompeur ;
Le déſeſpoir eſt un martire :
L'un ne fait qu'effleurer le coeur ,
L'autre à chaque inſtant le déchire .
( Par M. de Monrocher. )
5
人
DE FRANCE.
1 1.
Air : Faire voudrois , belle Marie.
VERS moi pauvret quand vient l'amie ,
Vois naître roſes du bonheur.
Part-elle ? épines de la vie
S'enfoncent toutes dans mon coeur.
Quand loin elle eſt , du moins eſpère
De bientôt la voir revenir.
Eſpoir conſole ma misère ,
Parce qu'eſpérer c'eſt jouir.
۱
Dès que la vois , bientôt oublie
Tourment d'abſence & long malheur ;
Car ſeul doux regard de Marie
Efface fiècle de douleur ;
Mais ſi bien chère eft jouiſſance
Qu'éprouve quand la vois venir ,
Mortelle , affreuſe eſt déplaiſance
Que reffens quand la vois partir.
Las ! quand ma Dame , après filence
Soupirant , dit : M'en vais partir ,
Lors plaiſirs , bonheur , exiſtence ,
Avec elle , vois tout s'enfuir.
Ains quoiqu'heureux dès qu'elle arrive,
Supporter puis tant doux plaiſir ;
Mais du départ peine eſt ſi vive
Que fuccombe & n'ai qu'à mourir.
(Par M. Charon. )
A iv
MERCURE
III.
D'UN SUISSE.
Pour répondre, en deux mots, d'une façon fortable,
Voici l'avis que je vais vous donner :
On a plus de plaifir lorſqu'on s'en va dîner ,
Que de regrets en ſe levant de table .
( Recueillie par le Ch. de Meude-Monpas. )
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE .
La crainte de perdre est- elle auſſiforte chez
l'Avare, que l'eſt chez l'Ambitieux le défér
depoffeder?
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
I Emot de la Charade eft Fourrage ; celui
de l'Enigme eſt Cheval ( 1 ) ; celui du Logogriphe
eſt Rocher , où se trouve Roche, Roch
( Saint ) , Roc.
(1) Le Cheval a trois rapports avec la Femme ;
la poitrine , le feffier , & les crins , c'est-à-dire ,
poitrine large , croupe remplie , & les crins longs :
trois avec le Lion ; le maintien , la hardieffe , & la
fureur : trois avec le Boeuf; l'oeil , la narine , lajointure
:trois avec le Mouton ; le nez , la douceur,
lapatience : trois avec le Mulet ; laforce , la conftance
au travail , & le pied : trois avec le Cerf; la
tête , lajambe , & le poil court : trois avec le Loup;
la gorge , le col , & l'ouïe : trois avec le Renard;
Poreille , la queue , le trot : trois avec le Serpent ; la
mémoire , la vue , le contournement : trois avec le
Lièvre ; la course , le pas , laſoupleſfje.
DEFRANCE.
-
CHARADE.
:
4
GARDE- TOI , cher Lecteur , d'un coup de mon
premier ;
Ne t'amuſe jamais non plus à mon dernier ,
Car tu pourrois un jour éprouver mon entier.
( Par Mlle. Florence. )
ÉNIGME.
1
SANS Ans avoir , j'en conviens , une grande valeur ,
Trois plus petits que moi ne me feroient pas peur ;1
Je les vaux tous les jours ; c'eſt à la connoiffance !
Des moindres ſujets de la France ;
Et malgré que je fois fort chétif, fort meſquin ,
Même , ſi l'on veut , un faquin ,
Je me trouve parfois en bonne compagnie ,
Avec de beaux Meſſieurs tout d'argent ou tout d'or :
Que vous dirai-je encor ? ES
Mais je ferai mieux de me taire PLAY
Rouge (non de cheveux) mon nom est bien vulgaire.
(Par un Membre de la Ch. Litt.
de Chantepie. )
LOGOGRIPHE.ημά
FILS d'une fage mère , on m'a vu furieux
Commettre des forfaits en atteſtant les Cieux,
Av
10 MERCURE
Aveugle enma fureur, j'ai dévasté laTerre
En allumant par-tout le flambeau de la guerre.
Je poffède en Eſpagne encor quelques autels ,
Toujours rougis du fang des malheureux mortels.
Le nouveau Continent , devenu ma victime ,
Eut, dès que j'abordai , connoiſſance du crime.
J'armai ton bras , Clément, je fis périr Valois ,
Je privai les François du plus grand de leurs Rois.
Mais le Monde troublé par ma funeste rage ,
Voit luire enfin la paix que défire le ſage.
Si tu m'as devine , Lecteur , je peux finir.
Dans neufpieds j'ai pourtantbiendes mots àt'offrir,,
D'abordun joli mois , ce qui donne la vie ;
UnmontSicilien, un autre dans l'Afie ;
Cequi porte en ſon ſeindes tréſors précieux ;
Unmétal, un vrai fot ; plus, un de nos aïeux ;
Untermede mépris , des bonbons , ce qui paffe
Et ne revient jamais ; l'animal dont la race
Eſtbelle enArcadie , & puis une boiffon
Néceffaire au malade , & le nom du Démon .
Tu trouveras ce que tout bon Prêtre doit dire
Plus, ce qui tous les jours revient& fe retire 5
Un petit animal ; trois tons de l'Arétin;
De l'Empire Chinois un Royaume voiſin ;
Anos châteaux ailés choſe très-néceſſaire :
Ajoutez à ces mots, un fleuvedd''Angleterre.
Devine-les bien tous ; ſi tu fais combiner ,
Dans peu, mon cher Lecteur,tu pourrasme trouvers
(ParM.de Bourrienne , de Sens.)
DE FRANCE. 11
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de la Révolution d'Amérique ,
par rapport à la Caroline Méridionale ;
parM. DAVID RAMSAY , Membre du
Congrès Américain. Traduite de l'Anglois
; ornée de Cartes & de Plans. A
Londres ; & se trouve à Paris , chez
Froullé , Libraire , quai des Augustins ,
1787. 2 vol. in-8°. Prix , 10 liv.
br.; pour la Province , francs de port,
12 liv.
10.
Dès qu'une choſe eſt imprimée , a dir
>>Voltaire en parlant des menſonges hifto-
>>riques , pariez qu'elle eſt faufſe; je ſuis de
>>moitié avec vous , & votre fortune eft
» faite ". Cela eſt ſur-tout vrai de ces compilations
précipitées , où l'on recueille des
évènemens récens ,& dont on fonde le ſuccès
ſur la vanité d'un Parti ou d'une Puiffance,
en répétant les fauſſetés qu'ils ont fait
circuler pendant la guerre. La multiplicité
des Gazettes , les impoſtures vénales des li
belles périodiques , qu'on enchaîne par la
crainte ou l'intérêt , &que l'on accrédite par
des autoriſations ſpéciales ; enfin , les Ecrits
Polémiquesqu'enfante chaque faction , &où
elles diſent preſque toujours le contraire de
:
:
:
A vij
12 MERCURE
P
ce qu'elles ont vu ou penſé , en ſe gardant,
bien de laiffer paroître les vrais motifs de
leur conduite, deviennent les matériaux avec
leſquels des Ecrivains preffés édifient ces
monumens de ſable. Le ridicule ſe joint
àl'abus , lorſqu'à ces recueils de bruits incertains
on mêle des réflexions , comme on le
fait aujourd'hui. S'il faut être très-réſervé à
raiſonner ſur les faits , on doit l'être bien davantage
à raiſonner ſur des menſonges. Si
quelque choſe inſpire de la pitié , c'eſt de
voir un Ecrivain , étranger à la guerre & aux
affaires , mais riche de quelques dates , de
quelques pièces officielles, de rapports fourmis
par gens dont il ne peut apprécier la véracité
, porter ſentence ſur les acteurs des évènemens
, les peindre, & trop ſouvent lesdiffamer
, comme s'il eût vécu dans leur intimité,
trancher ſur les queſtions politiques , réfoudre
des problêmes qui feront problêmes encore
pour la Poſtérité , & juger les querelles
desEtats.
L'Hiſtoire ne devroit- elle donc jamais être
écrite par les contemporains ? Bien au contraire,
ils font les meilleurs garans de fa fidélité;
pourvu toutefois , ainſi que le demande
un célèbre Souverain qui a mis autant de
dignité dans l'Hiſtoire que de grandeur dans
ſes actions , que ces Auteurs ayent eu des
charges , ayent été eux-mêmes acteurs , ou
attachés à la Cour, ou autorifés des Souve->
rains à fouiller dans les archives. Encore au
ront-ils à combattre les préjugés de circonf
1
1
DE
13
FRANCE .
tance, qui ne s'effacent qu'à la longue , &
T'ambition de publier , de leur vivant , des
révélations que mille obſtacles rendroient
alors imparfaites.
Cesconſidérations n'ont pas arrêté les Ecrivains
nombreux qui ont déjà traité de la Révolution
d'Amérique. Nous en avons trois
ou quatre Hiſtoires en françois , & il s'en
prépare d'autres ; M. Andrews en a auſſi
compilé une en Angleterre ; l'Amérique va
donner la fienne ; & en attendant , voici
le Docteur Ramſay qui ouvre fon portefeuille.
Cedernier mérite fans doute une attention
particulière . D'abord fon Hiſtoire n'eſt point.
générale , & comprend ſeulement la Révolu
tion de la Caroline méridionale. Cette province
eſt la patrie de l'Auteur; témoin d'une
partiedes faits qu'il raconte , il a pu recueillir
des informations exactes ſur le reſte, en ſa
qualité de Membre du Corps Légiflatif & du
Congrès : enfin , il n'a fait mention des évène
mens arrivés dans les Etats voiſins , qu'autant
queleur rapportavec les affaires de laCaroline
méridionale&leur influence fur fon fort l'ont
rendu néceſfaire. De ce reſſerrement du plan,
adû naître la facilité d'étendre les détails , fans
leſquels une Hiſtoire de ce genre eſt un ſquelette,&
de développer les pricipaux faits
pour en fonder la certitude. J
Dans le premier Chapitre , qui forme une
introduction de l'Ouvrage , le Docteur Ramfay
jette un coup d'oeil ſur l'état de la Caro
14 MERCURE
line & ſur les évènemens antérieurs à la révolution.
Voici de quelle manière un Membre
du Congrès dépeint la ſituation de ces
Colonies, que les enthouſiaſtes d'Europe nous
repréſentoient comme gémiſſantes ſous une
oppreſſion intolérable. " On eût à peine trou-
>>vé , dit l'Hiſtorien , dans la Caroline mé-
>> ridionale , un ennemi de la ſucceſſion de
>> la Maiſon d'Hanovre , ou de la Conſtitu-
» tion Britannique. Ses habitans poufſoient
» même à l'excès leur attachement aux uſa
» ges Anglois. La plupart d'entre eux en-
» voyoient leurs enfans recevoir leur édu-
وو cation enAngleterre , &ne parloient de
>> ce pays que ſous le tendre nom de patrie.
» Ils étoient remplis d'enthousiasme pour
>> le ſyſtême de bonheur civil & religieux ;
» qui avoit fait croître &fleurir la Colonie.
>>Ils obéiffoient généralement & avec joie
» aux Loix du Parlement Britannique. Peu
>> de pays ont offert , dans aucun age , un
>> exemple aufli frappant de proſpérité pu-
>>blique&particulière, que la Caroline mé-
>>ridionale , depuis 1763 juſqu'à 1775. La
>> populationde la province futplus que dou-
» blée dans ce court eſpace de temps. L'o-
>>pulence ſe verſoit fur les habitans pardes
>>milliers de canaux. Il n'y avoit d'indigens
رد
1
que les fainéans & les hommes pourfui-
>>vis par la deſtinée. En paix avec l'Univers
entier, les Colons jouiſſoient à la fois
>>de la tranquillité domeſtique , & d'une en
>> tière fûreté pour leurs perſonnes & pour
DE FRANCE.
ry
1.
>>>leur propriété. En même temps ils étoient
> parfaitement contens de leur Gouverne-
>> naent , & ne défroient pas le plus léger
>>changement dans leur Conftitution poli-
» tique ". :
Un Ecrivain très- célèbre avoit tracé le
même tableau de la proſpérité des Colonies ,
ce qui lui valut des reproches amers ; aujourd'hui
, & fur l'autorité du Docteur Ramfay,
on peut regarder comme un fait authentique,
cette proſpérité &cet amour des
habitans de la Caroline pour l'adminiftration
de la métropole : il n'eſt donc pas exac
d'avancer , comme l'a fait récemment un
Auteurd'un mérite reconnu , que les Américains
ne reſpectoient pas les actes légif
latifs d'une nation qui avoit montré fi peu
deſageſſe dans la direction deſes Colonies.
L'Hiſtorien expoſe avec beaucoup d'art ,
de clarté & d'impartialité , les cauſes géné
rales qui bouleverfèrent cette harmonie..
Loin d'attribuer fauſſement , à l'exemple
d'autres Ecrivains , aux vûes ambitieufes du
Miniſtère Tory de George III , le projetde
taxer les Colonies , il indique très-judicieuſement
, que ce Miniſtère fut porté à cette
innovation par le poids immenſe de la dette
nationale. En effet, il ſuffit d'un inſtant de
réflexion , pour appercevoir que la prérogative
royale étoit intéreſfée au foulévement des
Américains contre la fuprématie du Parle
ment. En accordant ſur eux, à la Couronne ,
une autorité indépendante des Comices BriG
MERCURE
tanniques , ils euſſent rendu ce pouvoir bien
dangereux à la Grande-Bretagne , & un Miniſtère
corrompu eût ſaiſi cette occaſion de
l'obtenir. L'embarras des finances ſous l'adminiſtration
de M. Grenville , fut donc la
première origine de ce plan de taxation. A
l'imprudent acte du timbre , on joignit l'imprudente
révocation de cet impôt. » L'effet
> decette condeſcendance , obſerve M. Ram-
>> ſay , fut d'inſpirer aux Américains de
>> hautes idées du beſoin qu'avoit la Grande
>> Bretagne de conſerver leur commerce.
ود
Rien ne pouvoit être de plus mauvaiſe
politique que cette révocation , en ſuppo-
>>fant que le Ministère Anglois ſe propoſat
férieuſement de revenir au plan d'impo-
>> fer les Américains ; au lieu que rien n'é-
>>toit plus ſage , ſi l'on y eût renoncé pour
» jamais « .
L'Hiſtorien ne diffimule point que les efprits
dans la province étoient très-partagés
fur la néceſſite d'une infurrection formelle .
>> Comme la plupart des habitans , dit-il , ne
>> ſentoient aucune inquiétude pour leur
>> liberté perſonnelle ni pour leur propriété ,
>>il n'étoit pas difficile de combattre dans
>>leur efprit le parti de renoncer aux dou-
>> ceurs préſentes pour éviter des maux à
>> venir, Ceux qui conduiſoient le peuple
>> n'avoient au contraire d'autre moyen de
>> le preffer de courir les dangers & de
>>fupporter les dépenſes de la guerre , que
>> de lui faire enviſager la néceſſité de pré-
-
DE FRANCE. 17
>> venir les conféquences très - alarmantes
» qui pourroient s'enfuivre un jour , fi on
ود laiſſoit paffer un exemple auſſi dange-
>> reux que les réſolutions du Parlement Bri-
» tannique ". Cette guerre de prévoyance ,
que les meſures violentes de la Métropole ,
& le caractère encore plus violent de leur
exécution , rendirent de néceſſité , fut conduite
d'abord dans la Caroline avec une
graride retenue . On ne s'y permit aucuns des
actes exceſſifs des Boſtoniens. Le thé Anglois
arrivé à Charles-Town n'y fut point incendié ,
mais gardé dans les magaſins , avec défenſe
de le mettre en vente .
Du récit des premières hoftilités , l'Auteur
paſſe à la formation du nouveau Gouvernement
en Caroline , à celle duCongrès , &à la
déclaration d'indépendance. Ces faits généraux
de l'Hiſtoire de la Confédération , font
rapportés ici très-briévement , &ne contiennent
aucune particularité ignorée , ſi l'on en
excepte le trait ſuivant, peu digne de créance.
Après avoir juſtifié le refus du Congrès d'écouter
les propoſitions conciliatoires que lui
fit la Métropole en 1778 , l'Hiſtorien ajoute :
>> De plus , il eſt connu à préfent , par des
» informations qu'on s'eſt procurées depuis ,
que quand même les États d'Amérique ſe
feroient accordés avec les Commiſſaires
>>Royaux , le Gouvernement de la Grande-
» Bretagne n'auroit pas ratifié la conven-
» tion ". Lorsqu'un Hiſtorien avance de pareilles
accuiations , il ne doit pas tenir fes
ود
رد
18 MERCURE
preuves en réſerve. Si ces preuves font incomplètes
, le ton affirmatif eſt inexcufable .
Jamais affertion ne fut plus dénuée de toute
vraiſemblance . Un Miniſtre mal honnête , un
Souverain trompé , peuvent en venir à des
violations de leur parole ; mais à qui perfuadera-
t-on que des conditions offertes à
l'Amérique , ſous le ſceau d'un acte dư
Parlement Britannique , & ſous la garantie
de la nation entière , euſſent été éludées ?
Si le Cabinet de Saint -James avoit projeté
une pareille infidélité , pouvoit-il ſe
flatter d'en rendre complice un Parti puifſant
que les revers de la guerre animoient
& groffiffoient de plus en plus ; qui faifoit
anathématiſer en chaire les ſoldats armés
contre les Infurgens , comme des aſſaſlins ;
qui levoit des ſouſcriptions publiques en faveur
des prifonniers Américains , à l'inſtant
où il rejetoit celles propoſées par le Gouvernement
pour la levée de nouveaux régimens
, & qui eût fait décapiter les Miniſtres
affez infames pour conſeiller au Parlement
une telle perfidie ? Perfidie gratuite , fi elle
n'eût pas été très - dangereuſe , puiſqu'en
rompant cet accord préliminaire , on ſe fût
enlevé tout droit à d'ultérieures négociations,
&toute excuſe dans la pourſuite de la
guerre .
L'invaſion de la Georgie par le Général
Prevoſt , le fiége de Savannah , la priſe de
Charles-Town ,&les campagnesdu Comtede
Cornwallis en Caroline , forment la moitié
DE FRANCE. او
du ſecond volume de cette Hiſtoire. On
pourroit ſe défier peut-être de ces détails
militaires écrits par un Médecin ; mais il
retrace ſeulement les principaux évènemens ,
il le fait ſur les Mémoires des Capitaines
du Congrès , & d'une manière affez plaufible
, pour expliquer les viciffitudes de ces
hoftilités , fouillées de toutes les énormités
de la guerre civile. Si quelque choſe prouve
ledécouragement où ſe trouvoient les Amé
ricains du midi à cette époque , & le peu
d'enthouſiaſme qui les animoit , c'eſt le fait
ſuivant. >> LeGouvernement de la Caroline ,
>>dit P'Hiſtorien , fit tout ce qui lui étoit
>>poffible pour maintenir ſes premières le-
>> vées , & pour en augmenter le nombre.
" On offrit en 1779 , cinq cents dollars de
>> gratification (2500 liv. tournois) , comme
22-
un encouragement propre à multiplier les
>>recrues. Quoique cette ſomme , qui étoit
> en papier monnoie, fût à peu près équi
>>valente à cinquante dollars en argent , les
détreſſes des ſoldats étoient fi grandes ,
» qu'on ne put déterminer qu'un très-petit
>>>nombre d'hommes à entrer dans les ré-
» gimens réguliers. Vers le même temps, on
> paſſa une Loi pour enlever les vagabonds,
>>les fainéans & les gens de mauvaiſe con-
>>duite , & les forcer à ſervirdans les troupes
>> régulières ". C'étoit donc la lie de l'Amérique
qui combattoit la lie de l'Europe , pour
le plus noble & le premier des intérêts . Ce
n'eſt pas ainſi que la liberté fonda ſon em
20 MERCURE
pire dans les montagnes de la Suiffe , ni
dans les marais de laHollande.
Entre pluſieurs faits de guerre intéreſſans ,
que contient ce volume , l'un des plus curieux&
les mieux développés , eſt le combat
de King's-Mountain en Octobre 1780 , où
neuf cents Montagnards défirent onze cents
Torys & tuèrent leur Chef , le partiſan Fergufon.
Le Colonel Cleveland , qui commandoit
les vainqueurs , leur dit avant l'action ;
» Mes braves amis , quand vous ferez aux
" priſes , n'attendez pas de moi le mot du
commandement. Je tâcherai , par mon
» exemple , de vous montrer comment il
>> faut combattre. Que chaque ſoldat ſe re-
>> garde comme un Officier ; tout ce que je
>> vous demande , c'eſt de ne point prendre
>> la fuite. S'il en eſt parmi nous qui ſoient
> intimidés , je les engage à ſe retirer tout
» à l'heure ".
ود
La création du papier monnoie , ſon accroiffement
inconſidéré , ſa dépréciation graduelle
, enfin ſon anéantiſſement , font traités
ici , dans le Chapitre X , avec netteté. Le
Lecteur y prendra une idée juſte de ces mefures
étranges que les détracteurs des Etats-
Unis ont caractériſées de banqueroute formelle,
& que d'autres ont juftifiées par des
calculs& des fophifmes , dont l'obſcurité
du moins réufli à embrouiller une queſtion
fort ſimple. La néceſſité , voilà la ſeule excuſe
valable qui puiſſe être alléguée : elle n'a rien
decommun avec la morale & la justice qu'on
a
-
DE FRANCE. 21
a mêlées indiſcrètement à cette apologie.
M. Ramſay ne déguiſe pas les ſuites de cette
révolution fifcale. »Cette funefte néceffité ,
>>dit- il , de faire des injuftices particulières
» pour l'avantage public , porta atteinte , à
>> beaucoup d'égards , aux intérêts politiques
ود
"
د
ود
de l'Etat , & au caractère moral de ſes habitans.
Les maux ne prirent pas fin avec
laguerre. En fermant les Cours de Juftice ,
» & en autoriſant par une Loi les particuliers
à payer leurs dettes avec un papier
tombé de prix, on rendit ſi familier au Public
le procédé de ne point remplir ſes
» engagemens , que certains habitans , de-
>> puis la guerre , ont été beaucoup plus né-
>> gligens à s'acquitter honorablement de
» ceux qu'ils avoient pris ".
"
"
Nulle province n'éprouva plus que la
Caroline méridionale les horreurs de la guerre
domeſtique , jointes à la calamité d'une invafion
étrangère , ſi l'on peut donner ce nom
à celle de l'armée Angloiſe. Expoſés aux
rigueurs inouies de la ſoldateſque &des Commandans
de la Métropole , les Colons divifés
, ſe pourſuivoient entre eux avec un
acharnement dont l'Hiſtorien n'a pas affoibli
le tableau . Durant les mémorables révolutions
qui libérèrent la Suiffe & la Hollande
, comme l'excès de la tyrannie avoit
été intolérable , le foulèvement fut preſque
univerſel. Cette unanimité prévint les malfacres
des factions , & les Républicainsn'eurent
pas à combattre leurs propres conc
12 MERCURE
toyens. On n'y vit donc point cette oppreffion
mutuelle & fanguinaire des partis,
qui déſola la Caroline. Enormités de tout
genre , meurtres , incendies , pillages , furent
alternativement exercés par les Torys
& les Whigs nationaux , à meſure que le
fort des armes redonnoit aux uns ou aux
autres un inſtant de ſupériorité : tel eſt le
véritable caractère de la guerre civile , qu'il
he faut pas confondre avec une révolte univerſelle
pour la liberté.
La Caroline eut à ſouffrir un autre fléau ,
dont le Docteur Ramſay peint les ravages
avec énergie. Lorſque les Anglois eurent
occupé Charles-Town & les diſtricts voiſins,
les prifonniers & les Infurgens qui avoient
pris les armes , achetèrent leur liberté &
leur repos par une nouvelle preſtation d'allégeance
au Gouvernement Britannique. A
la rigueur , elle emportoit pour ces ſujets le
devoir de ſe joindre aux milices , obligées
de défendre , au beſoin , l'autorité qu'ils venoient
de reconnoître. En conféquence , &
très-imprudemment , les Commandans Anglois
rendirent une proclamation qui forçoit
ces Infurgens ſoumis , à prendre une part
active aux opérations militaires. Ils obéirent
pour l'inftant , & à la première occafion favorable
, ils retournèrent aux drapeaux du
Congrès. Plufieurs de ceux qui retombèrent
aux mains de leurs ennemis , furent impitoyablement
exécutés. L'eſprit de vengeance
rendit atroces ces actes de juſtice militaire ,
DE FRANCE.
23
dont l'infortuné Colonel Haynes fut la dernière
victime. L'Hiſtorien expoſe fort au
long le procès de cet Officier , qui , libéré
ſur ſa déclaration d'allégeance , & fommé
enfuite de ſervir le Gouvernement Anglois ,
reprit les armes contre lui , fut fait prifonnier
de nouveau, & exécuté à Charles Town,
à la fin de la guerre , à l'inſtant où il ne
reſtoit aux Anglois aucune eſpérance de réduire
l'Amérique , & où , par conféquent ,
cette févérité devenoit une barbarie gratuite.
M. Ramſay n'avoit pas beſoin de chercher
de longues excuſes embarraſſées de la conduite
du Colonel Haynes , pour arracher des
larmes ſur ſa deſtinée; il ſuffiſoit de peindre
en traits attendriſſans , comme il la fait ,
les derniers momens de cet Officier. Il nous
paroît clair , même par les documens qui
accompagnent ce récit , que Haynes avoit
manqué aux loix de la guerre & de l'honneur
: mais fon fupplice fut un acte de vengeance
non moins inexcuſable ; il falloit le
renvoyer au Congrès , qui ſans doute l'eût
caffé avec opprobre , en le privant de la
gloire de défendre la liberté .
La quantité de pièces juftificatives & de
notes finales qui accompagnent cette Hiftoiree,,
nous ſemblent quelquefois contredire
les récits & les opinions de l'Auteur ; mais
elles forment une portion très-inſtructive
de fon travail. Pluſieurs de ces morceaux
n'étoient pas encore connus en Europe.
Cet_Ouvrage , d'ailleurs fi eſtimable par
24 MERCURE
le fond de la narration , eſt écrit avec modération.
Il s'en faut de beaucoup que les
Ecrivains de notre hémiſphère, qui ont traité
le même ſujet,, ayent conſervé la décence
& l'impartialité du Docteur Ramfay ; qualités
qui font l'éloge de ſon caractère comme
celui de ſes connoiſſances .
Quoique le ſtyle du Traducteur ſoit fouvent
négligé , quelquefois même incorrect ,
il ne manque ni de clarté ni de mouvemens.
Ne connoiffant point l'original , nous ne
pouvons rien dire de l'exactitude avec laquelle
il eft tranfimis en notre Langue ; mais
le choix qu'en a fait M ..... , & la manière
dont , en général , il a exécuté cette entrepriſe
, font honneur à ſon difcernement &
à ſa capacité.
( Cet Article eft de M. Mallet du Pan . )
OMMENTAIRE fur la Loi des Douze
Tables, dédié au Roi, par M. BoUCHAUD,
Confeiller d'Etat , de l'Académie des
Belles - Lettres , &c. Profeffeur en Droit
au Collège Royal.
Leges itaqueSemper curiofe legende inupretandeque erunt.
Aggenus in Frontinum , de Limitibus Agrorum.
AParis , chez Moutard , Imp . - Lib. de
la Reine, rue des Mathurins , Hôtel de
Cluni , 1787. in-4 °. Prix , 18 liv. rel.
La Loi des Douze Tables , monument
précieux de l'Antiquité , a eu des Panégyriftes
,
DE FRANCE. 25
riſtes & des Commentateurs célèbres ; elle
a eu aufli , elle a fur-tout aujourd'hui des
détracteurs , ainſi que toute la Jurifprudence
Romaine dont elle est la baſe ; c'eſt principalement
à la venger des attaques de ces
derniers , & à la rétablir dans tous ſes honneurs,
que M. Bouchaud.confacre ce ſavant
& immenfe travail. Parmi les Anciens , Diodore
de Sicile , Denys d'Halicarnaffe , Cicéron
, Tite-Live , Florus Tacite , ont donné
des éloges à la Loi des Douze Tables : ce
ne font pas là de médiocres autorités ; Cicéron
vante cette Loi non feulement comme
Loi , & relativement à l'influence naturelle
de la Légiflation ſur la Morale , mais
relativement à la Littérature,comme un monument
qui retrace les uſages antiques , &
qui fait connoître les vieux mots de la
Langue Romaine, ces motsplus vieux encore
que ceux dont Horace diſoit avec regret :
Speciofa vocabula rerum ,
Quæ prifcis memorata Catonibus atque Cethegis
Nuncfitus informis premit & deferta vetuftas.
Plurima eft, dit Cicéron, in Duodecim Tabulis
Antiquitatis effigies , quòd & verborum
priſca vetuftas cognofcitur , & actionum
genera quadam Majorum confuetudinem vitamque
declarant. J
Politique , Science civile , Morale , Philofophie
, Cicéron trouvoit tout dans les
Loix , & preſque tout dans la Loi desDouze
Nº. 40. 6 Octobre 1787. B
26 MERCURE
:
Tables; il la trouvoit même plus utile que
toutes les Bibliothèques des Philoſophes :
mais il paroît que , de ſon temps , tout le
monde n'étoit pas de fon avis; car, de la
manière dont il l'énonce , il a l'air de s'attendre
à de grandes contradictions , & il
dit preſque comme Rouſſeau :
4. Mais je vois déjà d'ici
Frémir tout le Zénoniſme.
1
Fremant omnes licet , dicam quod fentio :
-bibliothecas , me hercule , omnium Philofophorum
unus mihi videtur Duodecim Tabularum
libellus ..... & auctoritatis pondere &
utilitatis ubertate fuperare.
dif-
Tacite regarde la Loi des Douze Tables
comme ayant été le dernier Ouvrage de
l'équité à Rome , finis aqui Juris. Celles qui
fuivirent, dit- il, naquirent le plus ſouvent
de la difcorde, de l'ambition, de la violence:
Namfecuta Leges ...... fapius .....
fentione ordinum & adipifcendi inlicitos honores,
aut pellendi claros viros aliaque ob
prava, pervim lata funt. Tite-Live appelle
la Loi des Douze Tables , la ſource de tour
Droit public & privé : Fons omnis publici
privatique Juris.
Denys d'Halicarnaffe y voit la Politique ,
la Jurifprudence, & la Philofophie contenues
en entier,
Quant à l'hiſtorique de cette Loi , vers
la fin du troiſième fiècle de la fondation de
DE FRANCE . 27
Rome , le Tribun Caïus Terentillus Arfa
propofa de former un corps de Loix pour
ſervir de règle aux particuliers dans la conduite
de leurs affaires , & aux Juges dans
l'adminiſtration de la juſtice : une propofition
fi naturelle & fi juſte , qui le croiroit ?
fut mal reçue , & long - temps éludée par
le Sénat ; les Juges étoient tirés de l'Ordre
des Sénateurs , & des décifions arbitraires
étoient bien plus favorables à leur autorité.
>>Les Loix , dit M. Bouchaud , font l'égide
>> du foible &le frein de l'homme puiffant.
» Il est donc dans la nature des chofes hu-
>>imaines que le Peuple demande un Code ,
» & que les Grands s'y oppoſent ".
Il eſt donc dans la nature des chofes humaines
que le Peuple ait raifon , & que les
Grands aient tort ; & c'eſt peut - être ainſi
qu'on peut répondre à cette queſtion de La
Fontaine :
En quel ſens eſt donc véritable
Ce que j'ai lu dans certain lieu ,
Que la voix (celle du Peuple)eſtla voixdeDiet?
Cependant le Peuple infiftoit ; & l'an de
Rome 301 , T. Romilius , qui avoit été
Conful l'année précédente , ouvrit l'avis
d'envoyer en Grèce pour en rapporter les
Loix de Solon ; le Sénat chargea de cette
commiffion Spurius Poſthumius , Aul. Manlius
& Ser. Sulpitius. Après leur retour, les
Décemvirs furent établis pour former , des
Bij
28 MERCURE
4
د
différentes Loix que les trois Députés avoient
rapportées de Grèce , un corps de Juriſprudence
. Les Loix des Dix Tables furent rédigées
par les Décemvirs : les deux derniè-'
res furent publiées de l'autorité des Confuls
Lucius Valerius & Marcus Horatius
après la fuppreffion du Décemvirat. Ces
Loix étoient contenues dans douze tables
d'airain ; on y inféra , outre les Loix rapportées
de la Grèce, pluſieurs Ordonnances
des Rois de Rome ; c'eſt un point que M.
Bonamy a très-bien établi dans une Differtation
fur l'origine de la Loi des Douze
Tables, diviſée en trois Parties , lues à l'Académie
des Belles - Lettres les 23 Juin
1735 , 18 Mai 1736 , & 15 Février 1737 :
mais ce Savant va trop loin , felon M. Bouchaud
, lorſqu'il paroît croire , contre le
rémoignage formel d'une foule d'Ecrivains
anciens , qu'aucun chefde la Loi des Douze
Tables ne fut emprunté des Loix de la
Grèce , & même qu'on ne fit jamais à ce
fujet de députation en Grèce. M. Bouchaud
détruit cette partie du ſyſtême de M. Bonamy
, principalement par deux Fragmens
de Caïus , où ce Jurifconfulte interprétant
deux chefs de la Loi des Douze Tables ,
rapporte le texte grec des Loix de Solon ,
d'où ces chefs furent empruntés.
M. Bonamy n'avoit examiné qu'une
queſtion relative à la Loi des Douze Tables ,
celle qui concerne ſon origine ; le Lecteur
trouvera réfolues dans le Commentaire de
DE FRANCE . 29
M. Bouchaud , toutes les queſtions auxquelles
ce monument peut donner lieu.
Les Romains eurent-ils raiſon d'adopter
des Loix étrangères ?
Oui , ils durent autant s'applaudir d'avoir
recueilli les Loix de la Grèce pour en former
celle des Douze Tables , que d'avoir
adopté dans la ſuite les Loix Maritimes
des Rhodiens , & en général d'avoir introduit
à Rome tout ce qu'ils trouvèrent
ſagement établi chez les différens Peuplesde
la terre. Toute Loi ne convient pas fans
doute à tout climat , à toute eſpèce de
Gouvernement , & on peut dire dans le
fens moral comme dans le ſens phyſique :
: Non omnis fert omnia tellus.
Mais il ſera toujours très-ſage d'emprunter
à nos voiſins , à nos rivaux , à nos ennemis
même, tout ce qui nous manque de bon &
d'utile , & de perfectionner la Legiflation
Nationale par l'étude des Légiflations Etrangères
.
Quelles furent les villes de la Grèce
d'où les Romains empruntèrent la Loi des
douze Tables ?
Ce fut principalement Athènes , & des
cinq fameux Légiflateurs de la Grèce , Lycurgue
, Zaleucus , Charondas , Dracon , &
Solon ; ce dernier eſt celui qui a le plus
fourni d'idées pour la formation de la Loi
des Douze Tables .
Pourroit-on faire remonter l'origine de
Biij
犯MERCURE
la Loi des Douze Tables juſqu'à celle de
Moïfe par les Loix Attiques ?
On apperçoit ſans doute quelque conformité
entre les Loix Judaïques & les Loix
Romaines; mais cette conformitén'eſt , ſelon
M. Bouchaud , ni affez générale , ni affez
frappante , pour qu'on ſoit autoriſé à donner
à laLoi des Douze Tables cette originefacrée.
Il ne nous reſte plus de la Loi des Douze
Tables qu'un centon , compofé de divers
lambeaux, dont on peut dire , ſelon M. Beuchaud
, ce que Dion Chryfoftome difoit de la
Grèce, que rienn'atteſtoit mieux ſa grandeur
paſſée, que fes ruines mêmes: il n'eſt pas trèsfacile
de diftinguer les vrais fragmens de
la Loi des Douze Tables , d'avec ceux qui
lui font mal à propos attribués. Parmi les
Savans , plufieurs s'y font trompés ; les uns
ont cru que toutes les Loix rapportées par
Cicéron dans fon Traité de Legibus , furent
empruntées de la Loi des Douze Tables ;
d'autres ont cru reconnoître dans les formules
inventées par les Jurifconfultes , des
fragmens de cette même Loi ; d'autres ont
regardé comme autant de chefs de la Loi
des.Douze Tables , tous les articles dont il
eſt dit qu'ils furent ordonnés par cette loi ,
quoique ces articles foient ſeulement émanés
des premiers qui interprétèrent cette Loi.
L'équivoque du mot Loi , par lequel plufieurs
entendoient la Loi des Douze Tables
comme étant la Loi par excellence a encore
induit en erreur une multitude de
د
DE FRANCE. 31
Savans: enfin la licence des conjectures
tirées de quelques reſſemblances de quelque,
analogie ſoit dans le fond , foit dans la forme
de certaines diſpoſitions légales anciennes ,
a encore multiplié les erreurs à ce fujet ;
M. Bouchaud emploie une ſection entière
àdémêler ces diverſes ſources d'erreur. Ce
morceau fait honneur à ſa critique autant
qu'à fon érudition.
Les changemens conſidérables qu'éprouva
de bonne heure la Langue latine , font
cauſe que les anciens Auteurs , en rapportant,
les différens chefs de la Loi desDouze
Tables , n'ont pas pris à tâche de conferver
les propres termes de la Loi , & qu'ils ne
s'accordent pas même entre eux dans lamanière
d'énoncer chaque Loi : M. Bouchaud
examine s'il eſt poſſible & s'il eſt de quelque
utilité de reſtituer l'ancien langage de la
Loi des Douze Tables; il ſe décide pour
l'affirmative , d'après desraiſons &des exemples.
Son principal objet érant de juftifier le
Droit Romain & la Loi des Douze Tables ,
il fait voir , toujours en joignant les raiſonnemens
& les exemples , que les Loix
des Décemvirs , malgré l'extréme rigueur
de quelques-unes de ces Loix , furent pour
la plupart recommandables par leur ſageſſe
&leur équité.
De ces Loix , la plus difficile à juſtifier
eft celle qui concerne les Débiteurs infolvables
, fur-tout s'il faut prendre à la lettre
Biv
32
MERCURE
les termes de cette Loi , comme l'ont fait
divers Auteurs , nommément. Aulu-Gelle ,
qui nous a conſervé ces propres termes.
Le Créancier avoit droit d'emmener & de
charger de fer le Débiteur infolvable. Le
Débiteur ainſi emmené par fon Créancier ,
pouvoit prendre avec lui des arrangemens,
s'il n'en prenoit pas, le Créancier le tenoit
en charte privée pendant ſoixante jours.
Dans cet intervalle on amenoit le Débi- :
teur dans la place publique , trois différens
jours de marché , le Crieur annonçoita
haute voix la ſomme que cet homme devoir ,
pour voir fi quelque parent , quelque ami ,
ou ſeulement quelque ſpectateur touché
de pitié , confentoit à payer pour lui. S'il
ne ſe préſentoit perfonne , & fi le Débiteur
ne parvenoit point à faire un accommodement
avec for Créancier , celui-ci pouvoit
ou le faire mourir , de capite addicti
pænas fumito , ou le vendre pour être payé
fur le prix. S'il y avoit pluſieurs Créanciers ,
alors fiebat fectio : mais comment cette
ſection ſe faifoit-elle ? coupoit-on en effet
ce malheureux en morceaux , pour que ces
morceaux fuſſent diftribués aux Gréanciers ?.
• Terrullien , Quintilien , Aulu-Gelle , &
pluſieurs Modernes, l'ont cru ainfi, & cette
opinion a été long-temps l'opinion reçue.
Aulu-Gelle nie ſeulement qu'il y ait jamais
eu d'exemple qu'un Débiteur ait fubi un
fi cruel fupplice. Il croit que la Loi n'étoir
que comminatoire ,& qu'on n'avoit voulu
!
DE FRANCE.
33
qu'inſpirer de la terreur. D'autres Commentateurs
obfervent que fectio ſe, prend quelquefois
pour auctio , vente à l'encan ; qu'on
appeloit fectores ceux qui achetoient les
biens mis à l'encan. Dans cette phrafe :
de capite addicti pænas fumito ; ils entendent
par caput le capital , & par pænas les intérêts
qui font la peine de n'avoir pas payé
cecapital; Horace emploie caput dans ce ſens:
Fufidius vappæ famamtimet ac nebulonis ,
Dives agris , dives pofitis infænore nummis.
Quinas hic capiti mercedes exfecat , atque
Quantò perditior quisque est, tantò acrius urget.
Ainſi , ſelon eux , le Débiteur qui n'a pas
payé le capital au terme marqué , eſt condamné
à payer des intérêts ; s'il ne paye
nìintérêt niprincipal , il eſt vendu à l'encan
&le prix eſt diſtribué entre les Créanciers.
L'Auteur adopte cette explication comme
plus raiſonnable , quoiqu'il y trouve encore
quelques difficultés : mais , dit-il , tombe-,
til ſous le ſens qu'on ait permis à des
Créanciers de couper par morceaux le corps.
de leurs Débiteurs ? qui pouvoit être allez
inſenſé pour » ne pas préférer de tirer du
fervice de ſon Débiteur, ou de le vendre « ?
qui auroit jamais voulu commetre une
atrocité pareille , dont il ne lui ſeroit revenu
aucun profit ?
t
2
L'Auteur a évidemment raiſon , & celk
le cas de dire avec Horace :
By
34
MERCURE
:
Vendere cùm poffis captivum , occidere noli,
Serviet utiliter,fine , paſcat durus, aretque.
Naviget , ac mediis hyemet mercator in undis ,
Annonaprofit, portetfrumenta penusque..
On a trop reproché aux Jurifconfultes ,
aux Commentateurs des Loix , leurs excurfions
dans la Littérature , leurs citations.
d'Orateurs & de Poëtes ; on a trop regardé
ces ornemens comme étrangers à leur genre :
plus ce genre eft naturellement ſec & auftère
, plus il a beſoin de ces embelliſſemens ,
&ils ne lui font point étrangers : les Loix
font par - tout une partie importante de
l'Hiſtoire ; l'éloquence a dans tous les pays
les Loix pour baſe & pour objet , les
Poëtes y font continuellement allufion ;
tantôt on trouve dans une Loi l'explication
d'un paffage littéraire obfcur , tantôt on
trouve dans des paſſages littéraires l'interprétation
naturelle d'une Loi difficile à en
tendre : tout ſe tient, tout peut être rapprochéheurerſement&
utilement. Il eſt évident,
par exemple , qu'on trouve dans pluſieurs
vers d'Horace des particularités curieuſes
fur l'ajournement, ſur les cautions à donner
dans de certains cas , fur l'anteftation ou
la manière de prendre à témoin chez les
anciens , fur la formalité de ſe laiffer toucher
l'oreille lorſque l'on confentoit à
rendte témoignage , &c .
4
DE FRANCE.
35
-
Ille datis vadibus, qui rure extractus in urbem eft...
Et cafu,tunc refpondere .... vadatus (ou vadato )
Debebat , quod nifeciffet , perdere litem.....
Cafu venit obvius illi
Adverfarius , & , quò tu turpiſſimè , magnâ
Exclamat voce , & licet anteftari ? ego verò
Oppono auriculam , rapit injus.
M. Bouchaud recueille avec ſoin dans la
Littérature Romaine ces alluſions aux Loix
du pays & aux uſages du Barreau , il les
fait ſervir & de développement à ſes idées ,
& d'ornement à ſon ouvrage. Peut - être
va-t-il un peu trop loin , lorſqu'il croit que
pour faifir le vrai ſens de ce vers deVirgile ,
dans l'énumération des crimes punis aux
enfers ,
Pulfatufve parens &fraus innexa clienti ,
il faut connoître la Loi de Romulus ,
laquelle paſſa depuis dans la Loi des Douze
Tables:
Si Patronus clienti fraudem faxit , facer esto.
Quand on connoît cette Loi , on voit
bien que le vers de Virgile y a rapport ;
mais fans cette connoiffance , on entendroit
ce vers de Virgile comme on entend ceuxci
d'Horace , qui font auffi un crime de
la fraude :
Nonfraudemfocio puerove incogitat ullam
Pupillo.
Bvj
36 MERCURE
En conſidérant la Loi qui établit la puifa
ſance paternelle , M. Bouchaud , fans ap-,
prouver que cette puiſſance ait été portée
juſqu'au droit de vie & de mort , cite fort
à propos ce mot de Chremès dans PAndrienne
de Térence :
Propeccato magno, paulum fuppliciifatis eftPatri.
Cette citation nous fournit une réflexion
qui n'a nul rapport à l'ouvrage de M. Bouchaud;
c'eſt que Racine a traduit preſque
littéralement ce mot de Chremès , dans ces
deux vers de Phèdre :
L
Un père , en puniſſant, Madame, eſt toujours père
Unfupplice léger ſuffit à ſacolère.
t
Cette imitation a échappé aux Auteurs.
du Commentaire fur Racine , qui ſe ſont
attachés à indiquer toutes ſes imitations.
Plus on connoît les Anciens , plus on
voit combien Racine, en étoit nourri , &
avec quel art charmant il favoit les employer.
Ce qui nous paroît caractériſer cet art ,
& diftinguer les imitations de Racine de
celles de tout autre , de celles de Boileau
même , c'eſt que le perſonnage, qu'il fait
parler , ne peut pas , d'après fon caractère ,
ou d'après la fituation , ne pas dire ce qu'il
dit, & que l'imitation paroît toujours s'être
faite par hafard ou par la nature même
des chofes , fans intention de la part de
l'Auteur.
DEFRANCE.
none, voulant, raſſurer-Phèdre ſur la
crainte que le reſſentiment de Théfée ne
foit porté trop loin , doit lui dire les deux
vers que nous avons cités , & doit les dire
fi néceſſairement , qu'on ne s'aviſe guère
de ſe ſouvenir que Chremès a dit la même)
choſe dans l'Andrienne.
Théſée , prévenu par Enone , qui lui
a donné pour preuve du crime d'Hippolyte
F'épée de ce Prince reftée entre les mains
de Phèdre , doit s'écrier dans ſa colère :..
J'ai reconnu le fer, inſtrument de fa rage ,
Ce ferdont je l'armai pour un plus noble uſage;
& c'eft , pour ainſi dire , par un effort, de
mémoire qu'on ſe ſouvient que Virgile dit
dans une fituation toute différente & dans
un fens preſque oppoſé :
:
Non hos quæfitum munus in ufus.
De même quand Racine dit :
٤
A
4
Miniſtres du fefſtin , de grace dites-nous
Quels mets à ce cruel , queľ vin préparez-vous ?
on ne fait pas s'il s'eſt ſouvenu de ce vers
de Virgile :
Quas illi Philomela dapès, quæ dona pararit.
Il n'en eſt pas de même des imitations les
plus heureuſes de Boileau , elles font toujours
évidemment faites à deffein.
Mais M. de Voltaire nous paroît avoir
{
38 MERCURE
le même mérite que Racine , lorſqu'en déplorant
lamort du Duc de Bourgogne ,de
La femme&de ſon fils , il s'écrie :
O jours remplis d'alarmes !
0 combien les François vont répandre de larmes ,
Quand ſous la même tombe ils verront réunis
Et l'époux & la femme ,& la mère & le fils !
Il eſt certain que la force des chofes auroit
pu, auroit dû lui arracher cette exclamation
& ce mouvement , quand Virgile n'auroit
pas dit en parlant de la mort de Marcellus :
:
Quantos ille virúm magnam Mavortis ad urbem
Campus aget gemitus ! vel qua Tiberine , videbis ,
Funera , cum tumulum præterlabere recentem !
Nous voilà bien loin du Livre de M. Bouchaud
, & on ne s'attendoit pas à voir
finir l'Extrait d'un Commentaire ſur la Loi
des Douze Tables , par une Differtation
fur les imitations de Racine & de Voltaire ;
nous n'entreprenons pas même de justifier
cette fingularité bizarre , & nous avouons
de bonne foi qu'il s'en faut bien que
notreEpiſode ne ſoit auſſi intimement liéau
ſujet , que la partie littéraire l'eft à la
partie législative dans le ſavant& profond
Ouvrage de M. Bouchaud!,
T
DE FRANCE.
39
L'ASSEMBLÉE DES OMBRES , Ou
l'Immortalité de J. J. Rousseau aux
Champs - Elisées , parM. DE LA HOUSSAYE.
A Paris , chez la Ve. Duchefne , &
chez Jombertfils , Lib. Prix , 1 liv. 45.
CETTE apothéoſe vient un peu tard , dirat-
on : mais enfin , pourroit répliquer l'Auteur,
vaut mieux tard que jamais. D'ailleurs
l'intérêt qu'inſpire la mémoire d'un grand
homme, n'eſt pas moins durable qu'univerfel.
Un Ouvrage dramatique , conſacré
à l'honneur du Philoſophe de Genève , ne
peur manquer d'attirer en foule, au Théatre ,
tous ceux qui liſent & admirent ſes écrits ;
&ce nombre n'eſt pas facile à déterminer.
On faura gré à M. de la Houſſaye d'avoir
ellayé de faire paroître & applaudir fur
la Scène , l'Ombre toujours folitaire de
ce Philofophe ſi juſtement célèbre.
L'Editeur de la Pièce penſe qu'elle doit
réuſfir , fi elle eſt repréſentée par de bons
Acteurs, ſi elle eft accompagnée d'une bonne
muſique , & embellie de la pompe desdécorations.
Il ne doute pas que le jeune Com
poſiteur , à qui l'on doit la musique des
Promesses de Mariage, ne doive obtenir
un ſecond ſuccès , s'il ſe charge d'exprimer
dans Affemblée des Ombres , une foule
d'images pittoreſques , qui doivent ajouter
à la magnificence de la repréſentation . Ce
Muficien a montré , dans fon début, une
1
40
MERCURE I
imagination riche , une tête vraiment maficale
, & ur talent qui lui promet de nouveaux
applaudiſſemens. Venons au plan de
la Pièce , & traçons-en une efquiffe rapide.
L'Ouvrage eſt diſtribué en deux Actes : c'eſt
ce qu'on appelle une Pièce à tiroir ; & il ne
pouvoit pas être autre choſe. La Scène
s'ouvre par un, ſpectacle impofant. Pluton
paroît allis "fur ſon trône , environné des
Juges infernaux , Minos , Eaque , & Radamante.
L'auguſte Vérité , à laquelle le
Citoyen de Genève s'étoit confacré durant
fa vie , & pour laquelle il a éprouvé tant
de perfécutions , préſente à Pluton une Requête:
elle demande que les partiſans & les
admirateurs de Rouſſeau ayent la liberté de
lui offrir leurs hommages dans les Champs--
Eliſées . Les voeux de la Vérité font écoutés.
Le palais du Roi des Morts diſparoît. Les
champs du Bonheur le remplacent. Ce
coup d'oeil magnifique étonne la Vérité.
Julie d'Etanges & fon Amant font les premières
Ombres. L'un &l'autre brûlent aux
Champs - Eliſées des mêmes feux dont ils
brûloient fur la terre. La Vérité les conduit
au boſquet folitaire , qui dérobe à tous les
regards l'Ombre du Philofophe. Une bonne
mère vient enſuite, accompagnée d'une jeune
fille qui lui doit doublement la vie , puifqu'elle
en a été allaitée . Un enfant , qui nel
veut pas quitter ſa Nourrice , ni voir celle
qui lui a donné le jour , parce qu'elle l'a
aulli-tôt abandonné aux mains d'une étran--
DE FRANCE.
45
-
gère , offre à toutes les mères , qui ne le
font pas plus que la ſienne , une leçon trop
frappante pour être oubliée. Les Ombres .
de la bonne Mère , de la Nourrice & des
jeunes enfans , s'avancent avec reconncif-,
fance au boſquet de l'Auteur d'Emile. Suit
une ſcène entre Lulli & Rameau , relative
aux changemens arrivés dans la muſique.
Le premier Acte ſe termine par un Diver-,
tiffement analogue au genre & an caractère
de cetre ſcène .
Le ſecond Acte s'ouvre par une ſcène
entre Sophie & Emile. On fait avec quel
intérêt l'éloquent Genevois a écrit cette
dernière partie de ſon Traité d'éducation.
Touchante Sophie, jeune & vertueux Emile ,
dans l'Ouvrage qui porte votre nom , vous .
nous raviſſez , vous nous rempliffez de cette
indéfiniſſable ivreffe , qui n'appartient qu'au,
premier, délire de l'amour auprès de la
beauté. M. de la Houffaye a cherché à retracer
ſur la Scène ces douces émotions .
A peine ces jeunes Amans , qui vont rejoindre
leur Maître , ont- ils quitté le théatre ,
le Fanatifme fort du fond de l'Enfer , entouré
de Furies . D'une main il 'tient un
poignard , de l'autre une torche ardente .
Il te précipite vers le boſquet du Philofophe
qui a combattu ce Monftre toute fa
vie. La Vérité frémit, & s'oppoſe à fa
rage. Elle invoque une ſeconde fois la
puiſſance de Pluton ; le Spectre affreux retombe
dans l'abîme. La Vérité apoftrophe.
4
MERCURE
Jupiter elle ſe plaint des attentats du Fanatiſme
, trop ſouvent renouvelés ſur la
terre. L'Immortalité deſcend ſur un char
lumineux ; elle conſole la Vérité , & lui
dit que l'éternelle paix & le bonheur durable
ne ſe trouvent que chez les Morts.
Le boſquet ſolitaire , qui cache l'Ombre
du Philofophe, s'entr'ouvre , & la couronne
eſt miſe ſur ſa tête par les mains de la
Déeffe. Tous les Acteurs du Devin du Village
affiftent à l'apothéoſe. Un Divertiſſement
termine cette fête donnée à une Ombre
célèbre , que l'imagination ſe plaît à voir
errer ſous les peupliers d'Ermenonville , &
que M. de la Houſſaye auroit voulu tranfporter
ſur la Scène. Son idée est heureuſe :
mais la repréſentation ſeule peut faire juger
ſi elle est bien exécutée. Nous ſouhaitons
que l'Auteur parvienne enfin à obtenir des
Comédiens le droit d'être jugé par les
Spectateurs , ſoit au Théatre François , foit
à la Comédie Italienne .
LES FRANÇOISES , ou trente- quatre
Exemples choifis dans les moeurs actuelles,
propres à diriger les filles , les femmes ,.
les épouses & les mères ; 4 vol. in- 12 .
A Neuchâtel ; & fe trouve à Paris,chez
Guillot , Libraire , rue St- Jacques.
L'AUTEUR de cet Ouvrage ( M. Rétif de
la Bretonne ) a voulu donner, un Cours de
DE FRANCE.
43
Morale pratique pour les femmes ; le titre
ſeul en indique le plan , & la multiplicité
des Exemples qu'il a imaginés, nous interdit
la voie de l'analyſe. Le premier volume eſt
confacré aux filles; le ſecond , aux femmes ;
le troiſième , aux épouſes ; & le quatrième ,
aux mères. Ces exemples font parfemés de
lectures , morales auffi , fur differens ſujets
Il s'y trouve des Cuvrages dramatiques de
différens genres, mais tous d'un genre qu'on
ne connoiffoit point ailleurs ; telle eſt notamment
la Cigale & la Fourmi, Fable dramatique
, Pièce dans laquelle , en faveur de
amorale , de jeunes garçons s'habillent
en fourmis , & de jeunes filles en cigales .
On ſent que les plus petits garçons formeront
toujours d'affez groffes fourmis. En
général , cet amour des chofes bizarres gâte
ſouvent le talent de cet infatigable Ecrivain.
Cette bizarrerie qui ſe gliffe trop ſouvent
dans ſes expreſſions , bleſſe les oreilles un
peu délicates. On ne ſent point , par exemple
, la néceffité de ces locutions : la forabilité
du local ; la mignonneſſe au moins partielle
lui eſt eſſentielle ; cette agréabilité fait
oublier , &c. L'Auteur du Paysan perverti ,
de la Vie de mon Père , & autres Ouvrages
vraiment eftimables , doit trouver affez de
refſources dans ſon talent naturel , fans recourir
à ces triftes moyens , qu'on veut donner
pour du génie , & qui n'annoncent jamais
que l'abfence du goût.
•Au reſte, parmi les Exemples , on retrouve
.
44 MERCURE
ſouvent le talent vrai & pourtant original
de cet Ecrivain , notamment dans la Femme
bien entendue , dans la Femme jaloufe , &c.
&des momens d'intérêt dans le Drame intitulé
La Fille naturelle , dont le ſujet eft
trop romaneſque.
ANNONCES ET NOTICES.
NOUVEAUX RASOIRS, &c . chez le Sr. LETHIEN,
Md. Coutelier , rue Neuve Saint-Merry , Hôtel
Jabach .
حل
avec LEE
Sr. LETHIEN , dont nous avons déjà parlé
de juſtes éloges , vient d'inventer des Rafoirs à fix
lames & à rabot d'argent , toutes détachées , avec
leſquelles on ſe raſe, fans courir le riſque de ſe
couper, faites en Damas corroyé & raffiné au feu ,
& trempé avec des ſels qui les font refifter aux
barbes les plus fortes . Ces lames ont un avantage
bien précieux fur celles même d'Angleterre , en .
ce qu'elles n'ont jamais beſoin d'être repaffées ſur
la meule , mais ſeulement ſur la pierre à l'huile ,
ou ſur un cuir qu'on ne trouve que chez lui , préparé
avec une compofition nouvelle qui les ravivent
, & leur confervent leur première qualité , le
tout dans un étui de maroquin. Prix , 24 liv.
Un Rafoir avec fon rabot d'argent , 9 livres ;
Raſoir à fix lames , à rabot d'argent , en vrai Damas
, à garantie , même boîte & même étui , avec
un cuir, 48 liv. ; un Rafoir en vrai Damas , avec
fon rabot, à garantie , 27 liv.
Rafoir à fix lames , non à rabot , renfermées
DE FRANCE.
45
dans une boîte d'ébène , avec un cuir , le tout dans
un étui de maroquin , 18 livres ; Rafoir à fix
James , en vrai Damas , à garantie , même boîte &
même étui , avec un cuir , 36 liv . ; un Raſoir en
vrai Damas , à garantie , 24 liv .
Rafoir ordinaire , première qualité , 9 liv ; feconde
qualité , 6liv. ; & troiſieme qualité , 3 liv .
L'Auteur eſt ſi sûr de la trempe de ſes Rafoirs
qu'il la garantit fix mois à l'épreuve ; ils ont été
approuvés par les Syndics des Maîtres Perruquiers .
Des Cuirs formant un petit néceſſaire.portatif ,
contenant vingt-deux pièces , toutes concernant la
toilette , & le propreté de la bouche ; ſavoir , un
Rafoir à fix lames , un Cuir , un peigne , une paire
de ciſeaux , un couteau de toilette , un compas ,
des pinces , un coupe corps , un paffe-cordon, une
petite boîte de fer-blanc , ſervant à mettre le ſavon
& la broffe ; trois outils pour les dents , un gratelangue
, une petite broſſe pour les dents , un curedent
ſervantde cure-oreilſe d'un côté , un miroir
au couvercle de la boîte , qui ſe démonte facilement
pour l'accrocher où l'on veut ; le tout dans
une petite boîte , fermée par une clef. Et ceux qui
voudront des Raſoirs en vrai Damas , 60 liv.
Couteaux à deux lames , dits à couliſſe & à má
daillon , où l'on peut faire mettre ſon chiffre ; à
ceux en argent , une lame d'argent ; à ceux en or,
une lame d'or , qui ſe change en trois parties , ſe
démontant par lebas facilement par une vis , pour
les nettoyer , qui coupe le fer comme lebois, étant
faits de vrai Damas : première qualité , en or ,
192 liv. ; ſeconde qualité , 144 liv.: première qualite
, en argent , 72 liv. ; ſeconde qualité , 36 liv.
Couteaux à deux lames , dont une en vrai Damas
, & l'autre en or , avec une cuillier , fourchette
, falière , auffi en or , avec leur médaillon ,
un canif& un tire -bouchon , qui ſe démontent
rès-aifément en trois parties , 360 liv.; Couteaux
1
46 MERCURE
3
faits de même, & dans le même goût , en argent,
72 liv. ; avec beaucoup d'autres divers objets cu
rieux & de différens prix.
P. M. Augustini Brouſſonet , Medicina Doftoris
, Societ. Reg. Londinenfis & Monſpelienfis
Socie , Ichthyologia Siſtens Piscium Defcriptiones
& Icones. In - 4°. Prostat Londini , apud Petr.
Elmfly ; Parifiis , apud P. Franc. Didotjun.;
Vienna & Lipfia , apud Rudolp. Graffer ; Lugduni
Batav. , apud Andr. Koſter & Soc .
La réputation de l'Auteur est un préjugé avantageux
en faveur de l'Ouvrage, & l'exécution nous
en a paru très-ſoignée.
Les Lampions du Palais-Royal , ou les Etoiles
duCousin Luc. A Meaux , chez Charles , Libraire ;
& à Paris , Hôtel Landier , No. 5 , rue Haute--
Feuille, au coin de celle Poupée. Prix , I liv. 4f.
GOD-DAM, Brochure in-12, paraphée de l'Auteur.
Prix , I liv. 4 f. A Paris , au Palais-Royal ;
& chez les Marchands de Nouveautés.
Les Pièces de poéfie qui compoſent ce petit Recueil
, ont été rejetées par les Editeurs de l'Almanach
des Muſes & des Étrennes Lyriques ; l'Auteur
en appelle au jugement du Public.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires particuliers
relatifs àl' Hiftoire de France; Tom. XXXI
& XXXII , in-8 ° . ALondres , & ſe trouve à Paris ,
rue & Hôtel Serpente.
Ces deux Vol. contiennent la ſuite des Mémoires
de Vieilleville. Le prix de la Souſcription pour 12
Volumes eſt de 48 liv. Les Souſcripteurs de Paris
payent de plus 7 liv. 4f. pour les frais de Pofte.
DE FRANCE.
47
;
;
LES Promenades de Clariffe , ou Principes de
laLangue Françoise , ze. Partie ; par M. Tournon
, de l'Académie d'Arras, A Paris , chez l'Auteur
, rue St-Martin , en face de celle du Cimetière
; & chez Bailly , Libraire , rue St - Honoré ,
Barrière des Sergens.
Cet Ouvrage ſe publie par une Souſcription
-ouverte en faveur de la nièce du Grand Corneille.
:
LE Rendez-vous de chaſſe de Henri IV , deſſiné
par B. Borel , gravé par Guttenberg. Prix , 6 liv.
faifant fuite, pour la grandeur , aux dernières pa
roles de J. J. Rouſſeau , gravée par le même ; &
à l'arrivée de Rouſſeau & Voltaire au Champs-
Elifées , par Macret. A Paris , chez Guttenberg ,
place de l'Eſtrapade, au Magafin de papier.
Cette Eſtampe agréable repréſente Henri IV avec
le Payfan à cheval, qui arrivent ; on voitGabrielle
d'Eftrées , Sulli , & d'autres Seigneurs de ſa Cour
qui l'attendent.
Sur le ſecond plan , on apperçoit la voiture du
Roi & des chaffeurs de fa fuite.
Le troiſième plan eſt terminé par un hameau &
fond depayſage.
PARTITION DE TARARE , Opéra ens Actes,
avec un Prologue , repréſenté pour la première fois
fur le Théatre de l'Académie Royale de Muſique,
te8 Juin 1787 , paroles de M. de Beaumarchais ,
muſique de M. Salieri , Maître de Chapelle de la
Chambre de S. M. l'Empereur. A Paris , chez Imbault,
Marchand de Muſique , au Mont d'Or , ruę
Saint-Honoré , entre l'Hôtel d'Aligre & la rue des
Poulies , N°. 627. Prix , 30 liv.
On avertit à la tête de cette Partition, que les
morceaux fufceptibles d'une ſimple déclamation
font diftingués de ceux qui doivent être chantés
B
48 MERCURE
néceſſairement , par les mots parlé & chanté ; en
conféquence on invite les Directeurs de Spectacle
de Province d'effayer cet Ouvrage en fimple Dialogue
, dans la forme des Opéras Comiques. :
Cette idée n'eſt pas nouvelle , mais elle eſt
bonne ; elle a été déjà propoſée dans un Journal
de Muſique , en 1770 , à propos de l'Opéra d'Ernelinde
, & l'on en a fait à Bruxelles & ailleurs uưn
eſſai qui a réuſſi.
NUMEROS 9 & 10 du Journal de Violon , dédié
aux Amateurs, pour deux Violons ou Violoncelles ,
compoſé d'Airs de Théatre , & d'autres de tous les
genres. Le chant eſt dans le premier Deſſus. Prix
féparément , 2 liv. Abonnement pour 12 Cahiers,
5 liv. , & 18 liv. chez M. Bornet l'aîné , Profeffeur
, rue Tiquetonne , Nº. 10 .
TABLE.
A
6 24
3 Commentaire fur la Loi des
Douze Tables.
L'Assemblée des Ombres. 39
Les Françoises .
M. de la Harpe.
Réponſes à la Question.
Charade, Enigme & Logog.
Hiftoire de la Révolution de
l'Amérique. 11 Annonces & Notices.
42
44
J'Arlu,
APPROBATION.
, par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 6 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empê
cher l'impreſſion. AParis , les Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
TURQUIE.
De Constantinople , le 26 Août.
Depuis ladéclaration de guerre contre la
Ruffie , on a accéléré la marche de divers
corps de troupes d'Afie & d'Europe
vers Oczakof , & l'on aſſure que notre efcadre
croiſe à l'embouchure du Dnieper ,
pour favoriſer le débarquement des tranfports.
On annonce toujours le retour du
Capitan- Pacha qui n'arrive point. L'ancien
Kan de Crimée Sahim-Gueray eſt confiné ,
à ce qu'on aſſure , dans un château de l'ifle
de Rhodes , où il eſt étroitement gardé.
D'autres le diſent étranglé. Selon le bruit
public , la Porte a rejetté les propoſitions
de l'Arabe Muteſik , qu'on dit s'être em-
N°. 40 , 6 Octobre 1787.
( 2 )
paré de Baſſora , & l'on a donné ordre au
Pacha de Bagdat de le réduire à l'obéifſance.
Suivant quelques rapports douteux ,
les Perſans mécontens des progrès de la
laRuffie fur les bords de la mer Caſpienne ,
ont déja pris les armes; diverſion qui ſeroit
très- favorable à nos intérêts.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 18 Septembre.
On a donné des ordres en Pologne pour
mettre fans délai la fortereſſe frontiere de
Kamin eck en bon état de défenſe.
Les lettres de Conſtantinople nous ap
prennent , que l'on y travaille ſans relâche
aux tentes & à l'équipage du Grand Viſr.
Les forces de terre Ottomanes ſur les frontieres
confiftent en 300,000 hommes , & celles
de mer en 80 voiles , dont la plupart ſe rendront
dans lamerNoire. L'armée près d'Oczakof
eſt forte de 60,000 hommes.
Lorſqu'il fut queſtion dans le Divan de
déclarer la guerre à la Ruffie, pluſieurs membres
, dit-on , étoient d'avis de la ſuſpendre
juſqu'au Printems prochain , mais cette opinion
fut rejettée. Immédiatement après le
Conſeil , on expédia des Spahis à tous les
Pachas tant en Europe qu'en Afie , avec les
ordres les plus précis de déſarmer tous les
Grecs , & d'exhorter les Musulmans à ſe
ranger ſous l'étendard de Mahomet contre
( 3 )
les Infideles . Tous les Grecs dans cette capitale
ont été déſarmés ſur le champ ; on
leur a ôté même les couteaux. On a auffi
arrêté dans le canal deux bâtimens Ruſſes
chargés de marchandises.
Un incendie a détruit à Moſcow 400
maiſons ou boutiques.
De Berlin , le 18 Septembre.
Sa Maj . , ainſi que nous le dîmes dans le
tems , avoit ordonné la réviſion du fameux
procès du Meûnier Arnold , qu'un Jugement
définitif vient de terminer . Cette Sentence
annulle celle qui l'avoit précédée ſous
le dernier regne ,& condamne les héritiers
du meûnier à indemnifer de tous frais &
dommages tant M. de Gersdorff & Madame
la Comteſſe de Schmettau , qu'Arnold
avoit fauſſement accuſés de l'avoir opprimé
, que les Conſeillers de Régence , démis
pour avoir rejetté cette accufation. La
vente du moulin devoit ſervir à acquitter
cette indemnité ; mais le Roi a eu la bonté
d'écrire au Chancelier Baron de Carmer ,
un ordre du Cabinet qui porte :
>>>Mon cher Baron de CARMER , j'ai approuvé
le jugement envoyé par le départementde Juf-
>>>tice , que le Tribunal a prononcé ſur l'affaire
>> d'Arnold contre Gersdorff : j'ai agréé égale-
>>>ment les principes de Droit qui y ont été
>> allégués ; & cette ſentence peut être communiquée
aux Parties reſpectives. Comme néan
a 2
( 4 )
>>moins Arnold , quand même ſon moulin ſe
roit vendu , eſt hors d'état de reſtituer les
>> 1784 thalers auxquels il eſt condamné ; ſça-
>>>voit , 200 à Gersdorff , 600 à Schmettau ,
> & 984 thalers aux Conſeillers ruinés , j'ai
>> pris la réſolution, pour indemnifer ces per-
>> ſonnes &bonnifier les pertes qui ont réſulté
de ce qui eſt arrivé d'affigner les 1784
thalers. Vous pouvez les retirer de mon Con-
>> ſeiller & Receveur Buchholtz , & ordonner
> ce qui convient pour la répartition. Je ſuis
votre gracieux Roi. FRÉDÉRIC GUILLAUME.
(
,
De Vienne, le 18 Septembre.
Le 10 , S. M. I. eſt partie pour la Bohệ-
me , où elle est allée juger de l'eſſai d'une
nouvelle mine à la fortereſſe de Théréſienftadt;
elle fera de retour ici après demain.
On ne peut douter que notre Courn'ait
au moins le projet de former un cordon de
troupes conſidérable ſur les frontieres Ortomannes.
On raſſemble en Hongrie &
avec diligence d'immenſes proviſions. Les
régimens de Nicolas Esterhazy & de Samuel
Giulay , arrivés ici depuis peu de
jours, en font repartis le 12 , & fe rendent
par le Danube à Péter-waradin. Le Corps
des Sapeurs & celui des Mineurs prennentla
même route. Les troiſiemes bataillons de
Preiff & de Teuthmeiſter , augmentés de
deux Compagnies , feront repartis à Eſſeck
& Péter-waradin. Les troupes qui étoient
cantonnées enBaviere reviennent fur leurs
( 5 )
pas ,&rentrent dans leurs anciens quartiers .
Tous les régimens de Cavalerie qui font
en Hongrie , ont ordre de ſe mettre ſur le
pied de guerre. Le cordon ſera , dit-on , de
60 mille hommes. On formera auſſi des
corps ſéparés enGallicie& enTranſylvanie.
Le Comte Charles de Palty, Chancelier
deHongrie, ſe trouvant à ſa terre de Malatzka
, S. M. I. lui envoya, ces jours paffés ,
une eſtafette pour lui ordonner de ſe rendre
près de ſa perſonne. Ce Miniſtre eut avec le
Monarque une longue conférence. On dit
qu'il lui a fortement repréſenté que la Hongrie
étoithors d'état de fournir par elle ſeule
aux besoins de l'armée deſtinée aux frontieres
; que la famine avoit déſolé pendant
deux années confécutives des diſtricts éten
dus de ce Royaume ; que les magaſins de
l'Etat avoient été vuidés pour envoyer du
ſecours aux malheureux ; qu'il avoit été impoſſible
de les remplir , parce que les récoltes
avoient été ou tout à fait mauvaiſes , ou
tout au plus médiocres , & que comme Sa
Maj . Imp. avoit permis la ſortie du bled ,
l'avoine valoit actuellement 2&demi- florins
à Idemberg , auffi-bien qu'à Eiſenſtad ; &
qu'il eſt à craindre que tous les vivres ne
hauſſent de prix.
Suivant les derniers avis de Conſtantinople
, à peine le Miniſtre de Ruſſie ſe trouva
aux Sept-Tours , que le Divan fit arrêter
tous les confuls de cette nation , & fit no
a 3
( 6 )
tifier aux autres ſujets Ruſſes de quitter les
Etats Ottomans dans le terme de 6 mois .
On ajoute qu'il exigea des autres Miniſtres
Européens , de déclarer par écrit , au nom
de leurs Cours reſpectives, ſi la Sublime-
Porte pouvoit compter ſur leur neutralité.
Les Ambaffadeurs de France , d'Angleterre ,
de Pruſſe , d'Eſpagne &de Suede ſe déclarerent
neutres ſans la moindre difficulté ;
mais le Baile de Veniſe ne donna cette déclaration
, que ſous la réſerve qu'elle ſeroit
ratifiée par le Sénat. L'Internonce déclara
qu'il ne figneroit rien, qu'après en avoir reçu
l'ordre formel de ſa Cour. Il fut intimé au
Baile de Veniſe que, vu les circonstances ,
la Porte ne pouvoit point permettre qu'une
flotte Vénitienne tint la mer , que par conſéquent
ſes maîtres feroient bien de la rappeller.
Le Baile répondit ſeulement que la
guerre qui fubfifſtoit entre ſa République &
Tunis exigeoit cette précaution. Nous apprenons
que le Hoſpodar de Valachie a ordre
de faire arrêter M. Sergius , Conful-général
de Ruffie à Bucharest. Ce dernier rapport
eſt plus vraiſemblable que le précédent.
Le bruit s'étant répandu , que le Chevafier
Ainflie , Miniſtre d'Angleterre à la Porte ,
avoit contribué par ſes conſeils aux réſolutions
hoftiles de cette Puiſſance , le Chevalier
Murray Keith , Miniftre Britannique auprès
de notre Cour , a déclaré , dit- on , formellement
aux Miniſtres de S. M. I. , que
( 7 )
tette rumeur étoit deſtituée de tout fondement
, & fa Cour fort éloignée de donner
de pareils avis à la Porte Ottomanne.
Le Prince Nicolas d'Efterhazy ayant demandé
& obtenu ſa démiſſion de la place
de Capitaine de la Garde-Noble Hongroiſe ,
S. M. l'a donnée au Général Comte Antoine-
Karoly de Nagy Karoly , qui le 9 de ce
mois , a prêté en cette qualité ferment entre
les mains de S. M.
:
De Francfort , le 23 Septembre .
Le 27 Août , à une heure du matin , on ref
ſentit à Munich une forte ſecouſſe de trem
blement de terre . Beaucoup de perſonnes farent
réveillées; des meubles vacillerent . La ſentinelle
de la grand-garde entendit un bruit éloigné qui
reffembloit à celui d'une maiſon qui croule .
Une autre , en faction dans le quartier , dit
l'Anger , chancela dans ſa guérite , & la quitta
d'épouvante. Les Sentinelles diftribuées ſur les
remparts hors de la ville , n'entendirent qu'un
grand bruit ſouterrein qui les effraya . Cette
ſecouſſe dura trois fortes ſecondes .
A Talz à Wolfrathshausen & à Bénédict-
Bayern, dans la Haute-Baviere , ce tremblement
de terre fut également ſenti , le 27
minuit & demi , & à Landshut , dans la Baſſe-
Baviere , à une heure moins fix minutes. A Talz ,
on en éprouva quatre ſecouſſes dans un quartd'heure.
La quatrieme étoit légere ; mais les
trois premieres furent fi violentes , qu'elles
détacherent les tableaux des murs , déplacerent
les meubles , & cauferent aux maiſons un ébran
1
a 4
( 8 )
lement tel que les habitans les
abandonnerent,
&
chercherent leur ſalut dans les rues & les
campagnes voifines.
و
A Landshut , quatre
ſecouſſes , dans l'eſpace
de deux ſecondes ,
agiterent les fenêtres & les
gens dans leurs lits. Dans l'égliſe
collégiale , les
tuyaux d'orgue furent déplacés
énorme, dont
& la tour
la fleche paſſe pour être l'une des
plus hautes de
l'Allemagne , en reçut un choc
violent , dont les gardes de nuit qui y veillent
furent tellement troublés , qu'ils ne ſe trouverent
pas en état
d'annoncer l'heure , ainfi
qu'il eſt d'uſage. Les habitans des
montagnes
voiſines
entendirent
également un fracas fouterrein
ſi
épouvantable , qu'ils crurent la ville de
Landshut
totalement
abîmée.
A
Augsbourg & dans les environs de cette
ville impériale , ce
tremblement de terre a eu
lieu
précisément à minuit ; l'effroi &
l'empres
ſement de ſe
ſouſtraire au
déſaſtre dont on ſe
croyoit menacé , onr été les mêmes qu'à Tæls .
L'inquiétude s'y ſoutint pendant une demi-minute
que la terre trembla. On n'en a
heureuſement
éprouvé aucun
dommage dans ces diffé--
rens
endroits. La
direction de ce
mouvement
convulfifde laterre venoit du ſud- ouest , & portoit
avec violence au nord-efſt. Depuis cet inftant
il pleut dans ces contrées ; le froid y eſt
exceffif; il tombe beaucoup de neige à Æolfrathshausen
& à Bénédict-Bayern , & lesmontagnes
du Tyrol en ſont couvertes.
GRANDE -
BRETAGNE ,
De Londres , le 25
Septembre.
Un Courier du
Chevalier Harris , qui a
( 9 )
fait , en vingt-une heures , le trajet de la
Haie à Whitehall , a mis fin aux incertitudes
& aux raiſonnemens , en apportant les
détails de la révolution qui vient de s'opérer
en Hollande. La Gazette de la Cour
en a inſtruit le Public ; tous les Miniſtres
ſe ſont raſſemblés ; & , depuis que ces nouvelles
ont été répandues , les fonds , qui
avoient baiffé depuis trois jours , font remontés.
Les trois pour cent conſolidés , qui
étoient à ſoixante- neuf Samedi , ſe trouvent
aujourd'hui à ſoixante-dix &demi.
-
LeGouvernement cependanta pris toutes
les meſures d'uſage aux approches d'une
guerre. Le 21 , S. M. a rendu une proclamation
, pour encourager les Matelots volontaires
à ſe rendre ſur les vaiſſeaux en
armement. Tous les gens de mer faits , audeſſus
de vingt ans & au deſſous de
cinquante , recevront trois liv. ſterlings de
gratification , & les Matelots ordinaires
deux liv. Par une ſeconde proclamation du
même jour , on a rappelé tous les Marins
qui pourroient ſe trouver au ſervice étranger
, & féverement défendu tout engagement
hors de la Grande-Bretagne. Il eſt
à remarquer que S. M. y déclare que , fi
quelque Patron , Pilote , Charpentier , Matelot
, &c . , étoient pris à bord de quelque
navire étranger par les Turcs , les Algériens
ou autres , ils ne feront point réclamés
comme Sujets du Roi,
as
1
( 10 )
• Samedi , la preſſe fut exercée ſur la Tamiſe
, & procura 1800 matelots qui , fur le
champ furent conduits au Nore , pour être
de là repartis ſur les vaiſſeaux auxquels ils
ſont deſtinés. A Portsmouth & à Plymouth
la même exécution s'eſt répétée ; cinq cents
ſujets ont été preſſés dans le premier de ces
deux ports , & 200 volontaires ſe ſont offerts
dans le fecond .
Le Miniſtre de la guerre a expédié l'ordre
général de completter les Régimens , & de
les augmenter chacun de deux Compagnies,
Le Grand-Maître de l'Artillerie a averti tous
les Officiers de fon département de ſe tenir
prêts au premier beſoin , & le Bureau des
vivres a reçu l'ordre de hâter les approvifionnemens.
Trente vaiſſeaux de ligne ont été mis en
commiffion. On en ajoutera quelques-uns à
ceux qui font armés à Spithead , pour en
compoſer ſur le champ une flotte de 19 vaifſeaux
de ligne. Le Sandwich , de 90 can . ,
a été mis en commiffion , fous les ordres du
Cap. Tomkins , & l'Orion , de 74 can . , fous
ceux du Chevalier Hyde- Parker , fils du feu
Amiral de ce nom.
Le Coloffus & le Théſée , deux vaiſſeaux
neufs de 74 can , font deſcendus , l'un de
Chatham à Sherneſſ , l'autre de Woolwich ,
pour ſe rendre à Spithead.
Vendredi dernier , il eſt ſorti de Portfmouth
une petite eſcadre volante , avec des
( 1 )
ordres cachetés , & compoſée de l'Hébé ,
36 can . Cap . Thornborough. Le Myrmidon ,
22 can. Le Cygne & l'Alert , de 14 can . C'eſt
le même jour ( Vendredi ) , que les Warrant
pour la preſſe ont été expédiés par
l'Amirauté aux Capitaines de Vaiſſeau.
On débite que le Miniſtre de Ruffie auprès
de certe Cour , a fait demander au
Gouvernement un abri pour les Vaiſſeaux
de Guerre de ſa Nation , dans les ports
d'Angleterre , & qu'on lui a refuſé une réponſe
, juſqu'à l'arrivée des dépêches du
Chevalier Ainslie , notre Envoyé à la Porte .
M. Fitzherbert , Miniſtre plénipotentiaire
du Roi auprès de l'Impératrice de Ruffie ,
devoit , diton , revenir inceſſamment ; mais
l'on aſſure qu'il a reçu un contre ordre qui
l'obligera de retourner à Pétersbourg,
Le Marquis del Campo , nommé par le
Roi d'Eſpagne ſon Ambaſſadeur extraordinaire
auprès de notre Cour , a remis , en
certe qualité , ſes lettres de créance à S. M.
Les deux Frégates , la Cérès & la Mi
nerva , ſous les ordres du Chevalier Fortiguerri
, font arrivées à Portſmouth , ayant
àbord un ſervice de porcelaine magnifique ,
envoyé à S. M. par le Roi de Naples. Le
Comte d'Oxford , l'Europa , le Midlesex &
le Posborne , tous quatre de la Compagnie
des Indes , font arrivés ſaufs ces jours dermiers
, en différens ports.
a 6
( 12 )
FRANCE.
De Versailles , le 30 Septembre..
Le Marquis de Vérac, ci devant Ambaſſadeur
du Roi auprès des Etats-généraux
des Provinces- unies , de retour de ſon Ambaſſade
, a eu , à ſon arrivée ici , le 20 de ce
mois , l'honneur d'être préſenté à Sa Maj .
par le Comte de Montmorin , Miniſtre &
Secrétaire d'Etat , ayant le département des
Affaires Etrangeres.
Le 23 de ce mois , le Comte d'Aranda ,
Ambaſſadeur extraordinaire & plénipotentiaire
du Roi d'Eſpagne , a eu une audience
particuliere du Roi , pendant laquelle il a
pris congé de Sa Majeſté ; il a été conduit à
cette audience , ainſi qu'à celles de la Reine
&de la Famille Royale , par le ſieur de la
Garenne , Introducteur des Ambaſſadeurs.
Le ſieur de Séqueville , Secrétaire ordinaire
du Roi , pour la conduite des Ambaſiadeurs
, précédoit.
Le Comte de Brienne , Commandant en
chef pour le Roi dans la Haute & Baffe-
Guienne, que Sa Majeſté a nommé Secrétaire
d'Etat au département de la Guerre ,
a eu , le 24 , l'honneur de faire ſes remerciemens
au Roi, étant préſenté par l'Archevêque
de Toulouſe, principal Miniſtre d'Etat,
& Chef du Conſeil royal des finances,
( 13 )
Il a eu , le même jour , l'honneur de faire ,
en cette qualité , ſes révérences à la Reine
& à la Famille Royale.
Le Chevalier de Viviers , ci-devant Miniſtre
plénipotentiaire du Roi près les Princes&
Etats du cercle de la Baſſe Saxe , a eu
à fon retour ici , l'honneur d'être préſenté à
Sa Majesté , par le Comte de Montmorin ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant le département
des Affaires Etrangeres.
Le 27 , le Comte de Brienne a prêté ferment
entre les mains du Roi , en qualité de
Secrétaire d'Etat au Département de la
Guerre.
De Paris le 3 Octobre.
,
Déclaration du Roi , donnée à Verſailles ,
le 20 Septembre , regiſtrée en Parlement le
24 du même mois , qui transfere & rétablit
le ſiége du Parlement en la ville de Paris , &
y établit une Chambre des vacations pour y
rendre la juſtice en la maniere accoutumée ,
pendant les fix ſemaines qui auront cours , à
compter du 1er. Octobre juſqu'au 10 Novembre
prochain.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du ro
'Août , qui regle la forme de l'adminiſtration
municipale de la ville de Meaux.
Autre du 31 , portant établiſſement d'une
Imprimerie à Verſailles , en faveur du ſieur
Pierres , premier Imprimeur ordinaire de
Sa Majesté,
( 14 )
Autre , du 25 Mai dernier , pour la priſe
'de poffeffion du bail de la Ferme-générale
*des biens des Religionnaires fugitits & réfractaires
aux ordres du Roi , ſous le nom
d'André Piotton , Bourgeois de Paris , pour
neuf années , à commencer du 1 Janvier
1788 .
Autre , du 7 Septembre , qui ordonne un
nouvel examen des plans , devis & marchés
relatifs à la conſtruction de la clôture de
Paris , enſemble des ouvrages déja faits &
de ceux reſtans à faire; ordonne que les
conſtructions concernant ladite clôture ,
non encore commencées , ne pourront être
exécutées qu'après ledit examen , & l'approbation
détaillée du ſieur Contrôleur général
, & fur le compte qu'il en aura rendu
à Sa Majefté.
>> LeRoi s'étant fait rendre compte de l'érat
actuel des travaux de la nouvelle enceinte
de Paris , dont Sa Majesté a ordonné
l'établiſſement par ſa déciſion du 23 Janvier
1785 ; & Sa Majesté ayant reconnu
que, contre ſes intentions , on avoit prodigué
les ornemens dans les bâtimens deftinés
à fervir de Bureaux pour la perception
des droits d'entrée à Paris , & que les effets
de ce luxe défavoué par l'opinion publique ,
& contraire à l'objet même d'une entrepriſe
qui n'a été formée que dans des vues d'éco
nomie , avoient été d'en augmenter confidérablement
les dépenſes : Sa Majesté, en
:
( 15 )
regrettant que tous les travaux ſoient trop
avancés pour qu'elle puiſſe étendre les réformes
ſur tous les objets qui en ſeroient
ſuſceptibles , a cru du moins devoir prendre
des meſures convenables pour réprimer
à l'avenir cette prodigalité , pour retrancher
des conſtructions qui reſtent à faire , tout
objet de ſuperfluité & de luxe , & pour ſe
faire rendre un compte exact de toutes les
dépenſes. A quoi voulant pourvoir , &c . »
Arrêt de la Chambre des Comptes , qui
regle la forme des certificats de vie à fournir
pour la perception des rentes viageres.
On vient de publier les Réglemens faits
par le Roi , pour la formation & compofition
des Aſſemblées qui auront lieu dans la
Généralité de Tours & la province de Dauphiné
, en vertu de l'Edit portant création
des aſſemblées provinciales. L'un eſt du 18
Juillet , l'autre du 4 Septembre. L'affemblée
générale de la Généralité de Tours a
été ouverte le 11 Août , & l'aſſemblée provinciale
de la province de Dauphiné l'a été
le 1 Octobre .
L'achat des ſoies s'est faite à la foire d'Alais
avec une rapidité étonnante , le 28 & le
29 Août : elles ſe ſont vendues de 20 à 40
fous par livre de plus qu'à la foire de Beau
caire derniere. Toutes les foies ont été
vendues , & il y en a été peſé 565 quintaux.
Dans les bonnes années , il arrive pour l'ordinaire
à cette foire 15 ou 1800 quintaux
( 16 )
de foie , ſur lesquels il y en a 3 ou 400
quintaux dinvendus . Cette année il n'en
reſte point; on peut juger par-là combien
la récolte a été mauvaiſe.
Le Procureur du Roi du Bailliage de
Cany en Normandie a fait inférer dans le
Journal de Normandie l'annonce d'un attentat
récent , qu'il raconte en ces termes :
Il a été commis dans nos cantons , la nuit
du 14 au Is Août dernier , un aſſaffinat prémédité
, ſur la perſonne d'un jeune étranger
voyageur , par trois particuliers inconnus , avec
leſquels il faiſoit route du bourg de Valmont
à celui de Cany , & qui lui ont volé une partie
de ſes effets & de ſon argent .
Quoique frappé à la tête de violents coups
de bâton , & à la gorge de divers coups de
couteau , portés avec une force ſupérieure , &
pénétrant tranſverſalement l'oesophage & la tra
chée-art ere , l'homicidé à ſurvécu près de quinze
heures à cet affaffinat. On a employé utilement
une partie de ce temps à lui adminiſtrer
les ſecours ſpirituels , & à prendre ſes déclarations.
Le Procès-verbal que j'en ai requis &
fait dreſſer , annonce qu'il s'appelloit Jacques
Lefevre ; qu'il étoit domicilié à Lisieux , & au
fervice d'un fieur Leger , Maître Boucher de cette
ville , lequel devoit être alors à Dieppe , où ledit
Lefevre avoit ordre de l'al'er rejoindre.
L'état de foibleſſe où étoit le malade lui permit
à peine de raconter ſon malheur , & de
nous donner le ſignalement de ſes meurtriers .
Il expira , pour ainſi dire , en parlant , le 15
Août , vers l'onzieme heure du matin. Le 16 ,
il fut inhumé ſous le nom qu'il avoit pris dans 20
( 17 )
le Procès-verbal de vifite , & le 17 j'informai
de l'affaffinat M. le Procureur - Fifcal de Lifieux
, en le priant de faire avertir la famille
de Jacques Lefevre , ou le ſieur Leger ſon Maître.
Nous trouvons dans les Affiches de Lorraine
une lettre au Rédacteur , qui peut intéreſſer
l'Agriculture.
Les papiers publics ,dit l'auteur , annoncent
les ravages que la nielle a faits cette année
dans preſque tous les bleds de la France. La Lorraineainſi
que les Trois-Evêchés ont éprouvé
également ce fléau. Cependant , au milieu de
la contagion générale , un village preſqu'entier
eſt parvenu à en garantir ſes grains. Ce
phénomene eſt aſſez ſurprenant pour mériter
l'attention des cultivateurs.
Le village dont il s'agit eſt Deſtrich , fitué
dans la Lorraine. Tout le ſecret à confifté dans
le choix de la chaux , & dans la maniere dont
on l'a employée pour chauler la ſemence. Un
homme reſpectable , qui mérite à plus d'un
titre la reconnoiſſance de ſes Paroiſſiens , a bien
voulu être leur guide , & le ſuccès a couronné
ſes eſpérances.
Voici la méthode qu'on a ſuivie . On s'eſt
ſervi de chaux vive & pure. Pour ſe la procurer
dans toute ſa force , il eſt eſſentiel que lescultivateurs
du même lieu s'arrangent avec un
Chaufournier pour n'en faire proviſion que la
veille de la ſemaille. Il eſt bon d'obſerver que
pour la conſerver parfaitement en nature de
pierre , il faut la placer dans un lieu ſec & dans
untonneau bien fermé. Si on la répand ſur la
terre , elle contracte de l'humidité.
Les Laboureurs de Deſtrich ont ajouté de
bonnes cendres faites de bois neuf & non pourri ,
( 18 )
:
1
ade l'excellente chaux qu'ils ont employée. Il
eſt important de faire connoître en détail la
maniere dont ils ont opéré. Pour préparer une
quarte de bled péſant cent livres , ils ont fait
infuſer pendant trois jours dans de l'eau de ris
viere ou de fontaine un demi-foural de cendres
, en remuant de temps en temps les cendres
, afin que leurs ſels puſſent ſe diſſoudre
plus facilement. Ils ont verſé enſuite cette efpece
de leſſive dans un cuveau dans lequel ils
ont fait fondre un demi- foural , & même aus
delà , de chaux vive. Suivant cette méthode ,
forſque dans le fond du cuveau il ſe trouve
des pierres non fondues , on les en tire avec une
écumoire , avant d'y verſer du bled. Lorſqu'il
eſt verſé , on écume le deſſus de l'eau , qui doit
furnager d'un ou deux pouces ſur le grain qu'on
aſoin de temuer d'heure en heure , ayant l'at
zention d'enlever avec l'écumoire les grains de
mauvaiſe qualité qui s'élevent au- deſſus de l'eau,
On laiſſe tremper le bled pendant douze ou
quinze heures ; en le retirant de l'eau , on le
répand ſur le plancher , & on le remue avec
un rateau. On le ſeme auſſitôt que les grains
font reſſuyés au point de ne plus tenir en
ſemble..
Pour plus grande précaution , je crois devoir
ajouter , qu'il eſt bon de n'employer pour ſemence
que du vieux bled , & de ne le ſemer
que dans des terres labourées depuis quinze
jours ou trois ſemaines.
J'ai l'honneur d'être , &c.
L'extrait du Procès verbal de 1 Afſemblée
provinciale de la Baſſe-Normandie , dont
nous avons rapporté le premier article , préſente
cequi fuit :
( 19
1º . Que la Commiſſion intermédiaire deman
'dera à l'Ingénieur en chef un état des travaux
publics arrêtés dans cette Généralité pour I année
1787 , & des adjudications qui en ont été pallées ,
foit pour ouvrages neufs , ſoit pour entretien;
la communication des plans & devis des che
mins à conſtruire , & autres travaux publics ,
& des ouvrages d'arts , ponts , canaux , ports ,
deſsèchemens projettés ; l'état des fonds deſtinés
annuellement à chaque nature d'ouvrages ; &
généralement les renſeignemens propres à mettre
l'Aſſemblée en état de remplir les intentions du
Roi .
:
2° . Que la Commiſſion intermédiaire ſe fera
remettre l'état des ſommes qui font payées anmuellement
pour les indemnités dans cette Généralité
, & le montant de celles qui pourroient
être en arriere , & reſter à payer après la préſente
année révolue : qu'elle ſe procurera pareillement
l'état des fonds de charité accordés
par le Roi à cette Généralité pour l'année 1787 ,
P'emploi qui en a été fait , afin que l'Aſſemblée
Provinciale puiſſe avoir un apperçu des
ſecours que les beſoins la détermineront à folliciter
des bontés de Sa Majeſté , & s'occuper
de l'emplacement & diſtribution des atteliers
à venir.
3 ° . Qu'elle fera des recherches ſur les dif
férentes manufactures qui ont été & ſont actuelle
ment en vigueur dans cette Généra'ité , celles
qui méritent plus particulierement l'attention
de l'Adminiſtration , & celles qui pourroient être
établies avec le plus de ſuccès .
4º. Qu'elle rétablira une correſpondance avec
les Commiſſions intermédiaires de Rouen &
Alençon , afin que les trois Aſſemblées puiſſent
ſe communiquer mutuellement leurs vues &
( 20 )
leurs obſervations pour le bien de l'adminiſtration
généra'e de la Province.
5°. La Commiffion intermédiaire eſt chargée
de pourvoir au choix & à la diſpoſition d'un
lieu convenable pour tenir les Séances de l'Af
ſemblée Provinciale , & de la Commiſſion intermédiaire
, pour l'emplacement de ſes Bureaux ,
dont elle réglera l'ordre & le ſervice , & pour
ledépôt de ſes archives , ainſi que de mettre la
prochaine Aſſemblée en état de ſtatuer fur la
fixation du traitement qu'elle devra faire au Secrétaire
Greffier , ſur les frais de Bureaux &
autres dépenſes indiſpenſables pour la tenuedes
Affemblées Provinciales & de la Commiſſion
intermédiaire .
Extrait d'une Lettre de Dunkerque , du 9
:
Septembre .
,
>>>Une machine conſtruite pour prendre
les bains de mer , & appartenant à M. Field
de cette ville , ayant conduit dix perſonnes
fur les ſables pour le baigner aufli-tôt
qu'elles furent déshabillées , la marée qui
montoit avec une rapidité extraordinaire ,
parce que le vent s'étoit fort élevé , emporta
une des roues de cette machine , qui
avant qu'on pût apporter du ſecours aux
perſonnes qui étoient dedans , fut miſe en
pieces par les vagues. Trois perſonnes périrent
par cet événement, & les autres eurent
toutes les peines du monde à ſe ſaus
ver , en perdant leurs habits. Une des perſonnes
noyées a été trouvée par des pêcheurs
à plus de huit lieues en mer. Le cadavre
a été apporté par eux à Oſtende.
( 21 )
L'académie des jeux Floraux fera , fuivant
l'uſage , la diſtribution des prix , le troiſieme
Mai 1788.
Ces prix font une amarante d'or de la valeur
de 400 livres , deſtinée à une ode. :
Une églantine d'or , de 450 livres , pour le
prix du diſcours, dont le ſujet ſera pour l'année
prochaine : quelle a été l'influence de Lou's XI
fur le gouvernement & les moeurs de la nation .
M. Chaz , Avocat au Parlement , eſt l'auteur
de l'éloge de J. J. Rouſſeau , auquel l'académie a
adjugé le prix.
Une violette d'argent de 250 livres , pour
un poême de ſoixante vers au moins , &de cent
au plus , dans le genre noble ; ou pour une épis
tre d'environ cent cinquante vers.
Un fouci d'argent de 2000 livres , deſtiné à
une élegie , à une idylle ou à une églogue : ces
trois genres concourant pour le même prix . M.
Jamme le fils , s'eſt déclaré l'auteur de l'idylle
intitulée , le bilboquet , qui a été couronnée ; &
M. Blanchard , de l'idylle intitulée , les oiseaux,
à laquelle l'académie a adjugé un prix réſervé.
Un lis d'argent de 60 livres , pour un fonnet
ou hymne à l'honneur de la vierge. M. Daram ,
écuyer , âgé de quatre-vingt-quatre ans , s'eſt
déclaré l'auteur du fonnet couronné.
Le ſujet des autres ouvrages de poéſie , eſt au
choix des auteurs .
Les auteurs feront remettre pendant les quinze
premiers jours du mois de Février 1788 , trois
copies liſibles de chaque ouvrage à M. Caftilhon ,
Avocat au Parlement , Secrétaire perpétuel de
l'Académie , au College Royal.
Ceux qui auront remporté trois prix , l'un
deſquels ſera celui de l'Ode , pourront obtenir ,
ſelon l'ancien uſage, des lettres de maître des
jeux Floraux.
( 22 )
M. Bechade- Cazaux , du musée de Bordeaux ,
s'eſt déclaré l'auteur du diſcours en vers , ayant
pour titre : Hommage à Rouſſeau de Geneve.
M. Tre eule , du musée de Toulouſe , eſt l'au
teur de l'épître à M. Lecochois.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 1 de ce mois ,
font : 73 , 34 , 33 , 8 & 71 .
PROVINCES- UNIES .
De la Haye , le 26 Septembre.
Déclaratoire de S. A. S. le Prince d'Orange
& de Naſſau , Stathouder , Gouverneur-
général & Amiral héréditaire des Provinces
Unies.
Lorſque nous nous vîmes obligés , il y a peu
de mois , par la ſituation de la patrie , d'inviter
ſolemnellement par notre Déclaratoire du
26 Mai dernier , tant les Seigneurs Etats-Généraux
, que les Seigneurs Etats des provinces
particulieres , tous les Colleges du Gouvernement
de l'Etat ou de Juſtice & leur membres
particuliers , de même que les bonnes bourd
geoifies& autres habitans des villes & du platpays
de ces Provinces , de concourir avec nous
àles ſauver : nous nous flattâmes qu'en déclarant
notre bonne volonté à cet égard , & furtout
l'aſſurance ſolemnelle de la pureté de nos
intentions , que nous aurions l'approbation générale
, & que nos efforts ne ſeroient pas infructueux.
Mais , quoique la conduite & les réſolusions
des Etats de la plus grande partie des Pro
( 23 )
vinces-uniesdu Conſeil d'Etat ,& d'autres illuftres
Colleges , quoique les requêtes unanimes de la
plus grande & de la meilleure partie de la Nation
au Souverain , aient répondu entiérement
à notre attente , la pluralité actuelle de l'Aſſem
blée de Hollande , a pris & appuyé des mefures
, par leſquelles la violence de quelques habitans
armés s'eſt élevée peu à peu au-deſſus des
loix , marche par troupes armées d'une ville
à l'autre , fait changer les Régences d'une maniere
arbitraire , & en violant les privileges ,
les octrois & les libertés les plus facrées , admet
dans les Régences des villes des perſonnes dont
l'unique but eſt la diſſolution entiere de la Conf
titution. Ils ſe ſont permis , ſous les prétextes
les plus offenfans , non ſeulement d'attaquer nos
droits légitimes par pluſieurs ſuſpenſions ; mais
les démarches les plus injuſtes & les plus violentes
à l'égard de l'Armée & de la Marine de la
Généralité , envers les illuftres Confédérés de
l'Union en général , & envers la plupart d'entre
eux en particulier ; enfin ils ne ceſſent d'allumer
& d'attiſer ouvertement ou ſecretement dans
quelques-unes des Provinces -Unies , de même
que dans la Hollande , le feu d'une guerre civile
, afin d'y changer ou diviſer auffi les Régences
, &de ſe rendre maîtres de l'Union enziere
par les armes de leurs créatures.
Il faut attribuer , à une perſévérance ſoutenue
dans ce deſſein , l'empêchement mis au voyage
vers la Haye de S. A. R. notre chere épouſe ,
le 28 Juin dernier , & les nouveaux efforts pour
lui fermer l'entrée de la Province de Hollande ,
jusqu'à ce que le repos , comme on juge à propos
de s'exprimer , foit afſuré ; c'est- à- dire , afin que
cettePrinceſſe ne put réuſſir dans ſes vues conciliatrices
, avant que cette révolution de Gou
( 24 )
vernement ne fût effectuée d'une maniere violente,
que quelques chefs de la cabale tâchentde
faire adopter par une Nation oppreſſée ſous
les armes de quelques habitans abuſés &mercenaires
, ou par quelques étrangers cachés .
Cependant cette injure publique à notre Epouſe
, & le caprice opiniâtre de refuſer la fatisfaction
exigée à cet égard par Sa M. le Roi de
Pruffe , nonobtant les repréſentations les plus
fortes de la plus grande partie des Confédérés , a
contraint ce Monarque d'obliger la pluralité
actuelle de l'Afſſemblée de Hollande par la voie
des armes , à ce que les Régens légitimes de
cette Province euſſent accordé ; & nous voyons
avec douleur notre patrie expoſée à toutes les
infortunes d'une guerre, & la p'upart de nos
meilleurs co- Bourgeois aux malheurs , qu'ils
n'ont point mérités , & uniquement caufés par
les meſures violentes de leurs Tyrans armés.
D'un autre côté , nous n'avons ni aſſez d'influence
, ni aſſez de pouvoir contre tant de
violences armées , pour nous oppoſer à ces vio .
lations de la Conſtitution , pour rétablir ou
maintenir , par la voie d'une délibération libre,
les Régences légales , & ramener par - là la
Province d'Hollande ſous le gouvernement du
Souverain légitime .
Rien ne nous touche davantage que de voir
approcher la deſtruction entiere d'une Nation ,
à laquelle nous ſommes allié par les relations
les plus facrées & les plus tendres , au bonheur
&à la liberté de laquelle notre gloire , notre
proſpérité& cellede notre Maiſon ſont inſéparablement
attachées. Nous exhortons donc, & fupplions
encoreune fois de la maniere la plus férieuſe
& la plus expreſſe , tous les Régens ,
Bourgeois & habitans de Hollande &de West-
Frife ,
SUPLÉMENT à l'article de Paris , composé des Nouvelles tirées des
Gazettes & Journaux qui entrent en France.
»
Le 22 Décembre 1787.
N attend de jour en jour la publicationde deux Ouvrages
, qu'on dit déjà imprimés , en faveur des Proteftans ; l'un
eſt attribué à M. de Malesherbes , Miniſtre d'Etat , & l'autre à
M. de Rulhière , de l'Académie Françoiſe. (Gazette d'Amst. n. 95.)
> Les changemens qu'on fait au travail , concernant les
retranchemensprojettés dans les quatre Compagnies des Gardes
du Roi , ſont cauſe que cette opération a fouffert quelque
retard. Il y a toute apparence que les quatre villes deGarniſon
(Amiens , Beauvais , Châlons & Troyes ,) feront fupprimées.
S. Germain & peut-être Vincennes , feront , à ce que l'on
croit , à l'avenir les quartiers de ce Corps. » ( Idem. )
+ > On a loué pour les Ambaſſadeurs de Typo-Saib , l'hôtel
qu'occupoit ci-devant M. Necker , rue Bergere. Ces Ambaſſadeurs
n'arriveront probablement pas de fitôt à Breft , puiſque
fuivant les dernieres nouvelles de Pondichery , ils n'ont dû
partir de ce port , pour Pile de France , qu'au mois de Juin
dernier. Les Ambaſſadeurs que Typo -Saïb a envoyé au Grand-
Seigneur , & qui ont déjà fait leur entrée à Conftantinople ,
font auffi attendus ici. ». ( Idem. )
>>On aſſure que le GénéralWashington a été nommé DirecteurdesEtats-
Unis, pour quatre ans: il avoit, dit-on , d'abord
refufé; mais il a été enfuite obligé de céder aux preffantes
inſtances de ſes compatriotes. » ( Idem. )
» L'Abbé B** , qui a affaffiné fon frere , a été arrêté à
Venite. On a appris ces jours-ci de Lyon , qu'il a été conduit
à Pierre-en-Sciſe où il eſt enfermé dans un cachot. Ce ſcélérat
eft véhémentement ſuſpecté d'avoir auſſi aſſaſſine ſa maîtreffe
, avec laquelle il s'eſt enfui d'ici , après avoir commis
fonpremier crime. » (Idem. )
>> On croit connoître actuellement l'objet des conſtructions
qui ſe font au centre du Palais Royal : l'intérieur préſentera
unterreinpropre à faire un manége , & c'eſt-là , dit-on , que
les jeunes Princes feront leurs exercices d'équitation ; mais au
moindre fignal , toute cette forme diſparoîtra ; des colonnes
fortiront de l'intérieur de la terre ; des planches ſe ſouleveront
de toute part , ſe chercheront , s'adapteront , & de tous ces
mouvemens magiques , il en réſultera , comme à l'Opéra , une
ſalle de bal en forme de temple , où la foule viendra jouir du
ſpectacle varié de mille fêtes. Il fera libre d'entrer dans ce lieu
de féerie , moyennant un abonnement de quatre louis par an.
Huit poëles énormes y convertiront en printemps la ſaiſon la
plus froide de l'année. L'extérieur de cet édifice ſera revêtu
d'un treillage ſemblable à celui des quatre pavillons qui or
1
1
19
A
( 2 )
nent le baffin ; & ce treillage feul, coûtera cent quatre-vingt
mille livres. Tout autour du bâtiment , régnera un canal qui
empruntera & rendra fes eaux à un autre canal dont le faite
du monument ſera environné , & duquel s'éleveront dans les
airs pluſieurs jets d'eau. Ce faîte offrira , dans les beaux jours ,
un boſquet d'orangers , qui , l'hiver , iront ſe ranger dans les
niches pratiquées autour de la ſalle d'équitation. Ce lieu
agréable ſera entièrement fini au mois de Mars prochain. »
( Courier d'Avignon , n . 95. )
大Les lettres de Béthune portent qu'on a reçu ordre de
Verſailles , deloger dans les cafernesde cette ville, les foldats ,
fergens & officiers des corps francs des Patriotes hollandois ,
qui ont quitté leur patrie , & ſe ſont réfugiés , partie dans les
Pays-Bas autrichiens , & partie enFrance. Il paroît décidé que
le Roi les prendra à ſa folde , & qu'il ſera créé exprès une
légionpour eux. On aſſure que pluſieurs hollandois très-riches ,
ont acheté des terres conſidérables en Normandie ; on fait
même monter le total de leurs acquiſitions à fix millions. »
(Idem, n. 96. )
«La commiffion chargée de la connoiſſance àprendre de ce
qui eft relatif au prêt des onze millions cinqcents mille livres
fait à des perſonnes chargées de ſoutenir le cours des effets
publics ſous l'adminiſtration de M. de Calonne , vient d'être
fupprimée , & l'affaire eſt évoquée au Conſeil Royal des finances
» . ( Idem. )
11 paroît que le jeune Prince Cochinchinois , qui eſt venu
demander en France des ſecours contre l'ufurpateur des
Etats de fon pere , n'aura pas fait un voyage inutile ; on aſſure
qu'onvient de lu accorder un corps de fix cents volontaires,
qui vont s'embarquer avec lui ſur les frégates la Driade &
la Méduſe. Cette petite expédition ſera aux ordres de M. de
Kerſain , dont les inftructions portent de débarquer à Pondichéri
, pour y prendre les renſeignemens & les meſures néceffaires
pour tenter cette entrepriſe en faveur du Roi détrône,
ſans compromettre juſqu'àun certain point les forces
qui lui font confiées ». ( Idem ,n. 97.)
!
«M, le Maréchal de Ségur a obtenu , dit-on , le commandement
en chef de la Guienne , & en outre la ſurvivance de
M, le Marechal de Richelieu dans le gouvernement do cette
Province v. ( Idem. )
*D'après la demande de MM. les Maréchaux de France ,
les penfions des Militaires , depuis quatre cents livres juſqu'à
quine cents , n'éprouveront point la réduction ordonnee par
le dernier arrêt concernant les penſions ». ( Idem. )
<<M d'Amécourt eſt de nouveau chargé du rapport des af
fairesde la Cour. M. l'Abbé Tandeau s'en eſt demis , & il a
la promeſſe d'une Abbaye ». ( Courier du Bas-Rhin , n. 93. ) .
M. Petit , célebre Médecin de cette ville , né à Orléans ,
( 3 )
P
vient de placer un fonds de cent mille livres , dont il deftine
le revenu à penſionner , dans fa ville natale , quatre Médecins
&quatre Chirurgiens , qui ferontchargés de foigner les pauvres
GRATIS. Les Médecins auront huit cents livres & les Chirur
giens fix cents , le reſte des revenus ſervira à payer les drogues
priſes chez les Apothicaires. « (Gazette des Pays-Bas.n.98.)
» M. le Duc d'Angoulême vient d'acquérir , de M. le Duc
de Liencourt , le Regiment de la Rochefoucault , qui prendra
le nom de ce Prince « ( Idem. )
>>La Compagnie des Indes a obtenu du Miniftere un delai
d'un mois , pour répondre au Mémoire répandu contre fon
privilege exclufif; cependant elle a préparé ſes cargaiſons &
ſes armemens pour ſa premiere expedition dans l'Inde & à la
Chine « ( Courier de l'Europe , n 42.)
» Les Tribunaux viennent d'être chargés d'une affaire criminelle
qui va fixer quelque tems l'attention de la Capitale ,
feuM. M*** , Curé de S.R***, avoit réſigné ſaCure àM.
ſon Neveu , qui l'occupe aujourd'hui ; perſonne ne s'étoit
permis de croire qu'on pût troubler cette poſſeſſion comme
illegitime. On avoit ſu que l'oncle avoit long-tems refuſé
d'accorder ſa réfignation ; mais on préſumoit que des réflexions
plus mures l'avoient enfin décidé à préférer ſon Neveu à tout
autre pour ſon ſucceſſeur. Tout-à-coup un nouveau prétendant
vient d'attaquer cette réſignation comme ſuppoſee, accufant
le Curé actuel de l'avoir fabriquee de concert avec les
Notaires qui l'ont ſignée , & d'avoir tenu la mort de ſon Oncle
cachée pendant fix jours, pour ſe donner le tems d'executer
toutes ſes meſures. Cette accuſation eſt ſi grave & fi ſcandaleuſe
, qu'on ne la croit pas fondée, « ( Idem. )
a
>> Le Club des Echecs a eu la permiſſion de s'aſſembler
fous une nouvelle forme : c'eſt le Concierge qui annoncé à
tous les afſociés ,qu'on le trouveroit toujours cchhez lui. C'eſt
une Académie d'Echecs , & non une congrégation excluſive.
Il ne paroît pas encore que les autres Aſſemblées de la
même eſpece ſoient rétablies. Celle-ci eſt la moins nombreuſe
de toute , & paroît avoir un objet déterminé ».
( Idem. )
« Malgré l'opinion qu'on a depuis quelques années que le
ſyſtêmepolitique eſt de n'avoir plus de Cardinaux en France,
le bruit court qu'il y a deux Chapeaux accordés , IN PETTO ,
l'un à M. l'Archevêque de Toulouſe , & l'autre à M. le Grand-
Aumônier, qui avoit depuis long-temps la promeſſe de celui
qui étoit à la nomination du Roi ». ( Idem. )
« Il eſt fort queſtion d'un travail immenſe ordonné par
M. le Garde des Sceaux , pour la réforme de la Juriſprudence
Criminelle. Pluſieurs Juriſconſultes y font employés , & ont
des conferences chez M. de Malesherbes » ( Idem , n. 43. )
« Le Roi vient, dit-on , d'accorder des Lettres-Patentes à
( 4 )
une Compagnie ,à la tête de laquelle ſe trouve M. de Beaumarchais
: cette Compagnie doit faire conſtruire à ſes dépens
un Pont de fer , en face de l'Arsenal & du Jardin du
Roi , avec le droit de lever un péage fur ce Pont pendantun
tems qui fera limité. On dit auſſi qu'il eft queſtion de conftruire
un autre Pont quitraverſera la riviere entre le Guichet
du Louvre & le College des Quatre-Nations. Ce Pont qui
doit, à ce que l'on aſſure , être conftruit ſur des bateaux,
d'après le modele de celui de Rouen n'apportera aucun
obftacle à lanavigation de la Seine. » ( Idem.)
,
>> L'Affemblée Provinciale de Paris, qui ſe tient àMelun ,
aconfenti à l'abonnement qui lui a été demandé pour l'augmentation
des vingtiemes , & chaque jour on apprend la
même choſe de quelqu'autre Aſſemblée Provinciale. Il vient
d'être envoyé aux Préfidens de ces Aſſemblées , de même
qu'aux Intendans , un nouveau Réglement qui réforme celui
dus Août dernier , d'après la demande qui avoit été faite
par les Affemblées , & qui regle l'ordre de ſéance des
Commiffaires départis , leſquels ne déplaceront plus les Préfidens.
» ( Idem , n. 45. ) :
Il vient de paroître des Obfervations de la Ville de Saint-
Michel en Lorraine , fur l'échange du Comté de Sancerre , en
réponſe à la Requête de M. de Calonne au Roi. Elles forment
deux volumes affez conſidérables , dont le ſecond
contient les Pieces juftificatives & les différens tableaux explicatifs.
La Ville de Saint - Michel affure que dans cet
échange M. d'Eſpagnac a retiré trente pour cent. » Gazette
deLeyde;n. 97.)
Le premier jour que l'Emprunt fut ouvert , il ne fut
porté au Tréfor-Royal que trois mille livres ; mais le lendemain
il reçut trois millions , & le ſamedi 24 Novembre ,
il avoit déjà pour cinquante millions , ſoit en eſpeces , foit
en foumiffion des principales Maiſons de Banque ; ainſi on
ne doute pas que cet Emprunt ne ſoit bientôt rempli »
(Idem. )
N. B. On ne garantit ni la vérité , ni l'hauthenticit,é d'aucunede
cesnouvelles.
SUPLEMENT à l'article de Paris , composé des Nouvelles tirées des
Gazettes & Journaux qui entrent en France.
Le 10 Octobre 1787 ,
EUX qquuii rreeggaarrddent les Angloiscommeles inftigateurs
de la guerre actuelle , prétendent qu'ils ont tenté de diminuer
le crédit de M. le Comte de Choiſeul Gouffier à la Cour
Ottomane , & même de lui procurer des déſagrémens , en
faiſant ſavoir aux Turcs que l'ouvrage intitulé : VOYAGE DE
LA GRÈCE , dont M. le Comte de Choiſeul Gouffier eſt Auteur
, contient nombre de paſſages qui ne leur font pas avantageux
» . ( Courier d'Avignon , n. 78. )
« On annonce comme prochaine une Déclaration fur les
Traites. Son objet ſera de débarraſſer le commerce des entraves
qui le génoient dans l'intérieur du Royaume , fans
diminuer néanmoins le produit de cette impoſition ».
( Idem, n. 79. )
« Le Mémoire de M. de Calonne eft toujours attendu avec
beaucoup d'impatience. On a fait dans les Bureaux un relevé
des penſions quecet ex-Miniſtre aaccordées dans l'eſpace de trois
ans&quatre mois qu'il a été dans le Miniftere , elles montent
dit-on , à la ſomme de cinq millions quatre cents mille liv. »
( Gazette d'Amft. n. 78 )
<<On dit que M. le Chevalier de la Luzerne , frere du
Comte , & Miniftre - Plénipotentiaire du Roi près les Etats-
Unis de l'Amérique , remplacera M. le Comte d'Adhémar en
qualité d'Ambaſſadeur de Sa Majeſté en Angleterre . MM. de
la Luzerne font neveux de M. de Malesherbes , Miniſtre
d'Etat; & ils font proches parens de M. de Lamoignon ,
Garde-des-Sceaux » . ( Idem. )
<<< Outre le bénéfice de douze millions du dernier bail des
Fermiers - Généraux , qu'ils ſe ſont engagés de verſer au
Tréfor Royal pour en être rembourſés dans cinq ans , à raiſon
d'un cinquieme par an , à commencer de l'année prochaine .
Cette Compagnie fait encore un autre facrifice en faveur du
Gouvernement , ayant fait fa foumiſſion de payer 500,000 1.
par an pendant la durée du bail de fix ans , commencé le
premier Janvier dernier. Le nombre des Fermiers-Généraux
étant de quarante-quatre , la contribution pour chacun d'eux
ſera d'environ 12000 liv. par an ». ( Idem.)
<<M. le Comte de Lambert, Maréchal -de- Camp , qu'on
a vu partirentoute diligencepour Givet, à ce que l'on croyoit,
aune autre deſtination » . ( Courier du Bas-Rhin , n . 78. )
<<Le Public a penſé auſſi que M. le Prince de Condé s'étoit
rendu à Givet , tandis qu'il eſt allé à Miremont , inſtaller
Mademoiselle de Condé ſa fille , dans ſes titres & dignités
d'Albeſſe ». ( Gazette des Pays-Bas,n. 80. )
15
A
( 2 )
* Les Magiſtrats du Parlement étoient , le 23 , fur le point
de quitter la ville de Troyes ; Madame d'Aligre , Premiere
Préfidente , qui leur a donné ce jour-là à diner , faifant cercle
après le repas avec cinq Dames , femmes de cinq des illuftres
exilés , a dit : Partirez-vous , Meſſieurs , fans laiffer des traces de
votre bienfaisance? L'un de ces Meſſieurs a répondu avec beaucoupde
galanterie , qu'il alloit donnerfix louis àcertaines conditions
faciles à remplir: les préliminaires accomplis , la quête a commencé
, & Madame la Premiere Préſidente a recueilli 7000 1.
employées le lendemain à retirer des priſonniers pour dettes , à
adoucir la condition de ceux qui font reſtés dans les fers , & à
foulager plufieurs pauvres familles. » ( Idem. )
« La nouvelle , qu'il y avoit eu une révolte au Cap , île St-
Domin ue , eft fauſſe ; il eſt ſeulement vrai qu'ily a eu beaucoup
de fermentation à l'occaſion de l'établiſſement des Paquebots.
» ( Gazette de Leyde nº . 79. )
« Le 21 du mois dernier M Cabarrus arriva à la Cour ,
où il a eu une conférence avec M. l'Archevêque de Toulouſe ,
principal Miniftre ; il ne paroît pas encore sûr qu'il remplira la
placede Directeur-général des finances. » ( Idem. )
6 aux
<<On donne pour certaine la fuppreffion de la Gendarmerie,
Corps extrêmement difpendi ux ; & l'on dit que M. le MaréchaldeCaftries
, commandant ce Corps, y a conſenti . » ( Idem.)
Les préparatifs qui ſe font, fuffifent , fans doute
Politiques pour préſumer que la guerre eſt inévitable ; mais
quand on confidere combien les grands Etats de l'Europe ſont
intéreſſés par la fituation de leurs finances , à chercher des
moyens moins coûteux ' applanir les difficultés élevées cntr'eux ,
on ſe perfuade aifément que ces moyens feront au moins tentés
avant d en venir aux armes. D'ailleurs , la ſaiſon qui s'avance ,
ſemble devenir de jour en jour plus propre aux négociations
entamées de tous côtés. » ( Courier de l'Europe , n. 26. )
<<M. le Baron de Breteuil , pendant l'INTÉRIM qu'il a exercé
le département de la guerre , a fait décider par Sa Majesté, la
fuppreffion&lavente del'Arfenal , qui eft effectivementun établiſſement
fortinutile & même dangereuxdans la ville de Paris :
le terrein qu'il occupe étant de plus de 60 arpens , fera diftribué
en rues , & l'emplacement des maiſons qui les borderont , ſera
vendu au profit du Tréfor- royal. On estime que cette vente
rendra près de trois millions , & qu'il en réſultera de plus
une économie de gages & d'entretien d'environ 180,000 livres
par an. » ( Idem. )
N. B. On ne garantit ni la vérité , ni l'authenticité d'aucunede ces
nouvelles. 3
( 25 )
Friſe , tant des villes que du plat-pays , les exa
hortant & les conjurant par la préſente de concourir
chacun , à ſauver la Province du danger
éminent où elle ſe trouve , & de la délivrer.
Nous avertiſſons en particulier la partie abuſée
du peuple : nous le conjurons , au nom du
ferment folemnel , prêté comme bourgeois , au
nom de leurs femmes & de leurs enfans ; au nom
de leur patrie & de tout ce qui peut leur être
précieux , de ſe déſiſter de bonne foi de leur
erreur, de tout defir téméraire de nouveautés &
de tout armement à cet égard ; d'aider au contraire
à ſoutenir les efforts légitimes , pour rétablir
l'ancienne Conſtitution de cette Province
anéantir tous les torts faits à notre honneur & à
nos prérogatives. De notre côté , nous répétons
publiquement & folemnellement ce que nous
avons déjà déclaré expreſſément & clairement par
notre Déclaratoire précédente , que nous ne
defirons aucun pouvoir , que celui qui nous eſt
acquis légitimement par les réſolutions irrévocables
de l'Etat , par la force de nos Commiffions
& par une poffeffion légale ; que de les
employer au maintien de la Religion & de la
liberté , à l'avancement des deſirs du peuple ,
joint à ſon influence légitime ſurles intérêts des
villes , & en particulier à excuſer & à protéger
même tous les habitans abuſés , qui renonceront
àla conduite criminelle à laquelle il ont été portés
par les Chefs de la cabale , ou par eſprit de
parti; il nous ſeroit trop douloureux de devoir
abandonner à la rigueur des loix, un ſeul de
nos Co- Bourgeois, à cauſe d'opiniâtreté contre
des moyens ſalutaires.
Fait à Amersfoort le II Septembre 1787 .
étois ſigné G. Pr. D'ORANGE. Plus bas , Par
erdre de S. A. R. étoit ſigné G. VAN CITTERS,
N°. 40 , 6 Octobre 1787. b
( 26 )
Outre la Déclaration du Duc de Brunfwick
, qu'on a lue au Journal précédent,
le Roi de Pruſſe , à l'inſtant où ſon armée
s'eſt introduite dans les Provinces-Unies , a ,
fait répandre le Manifeſte ſuivant :
>>>S. M. le Roi de Pruſſe s'étant vue forcéede
faire marcher ſes troupes ſur le territoire
de la province d'Hollande , afin de ſe
procurer fatisfaction de l'inſulte faite à Son
Alt. Royale la Princeſſe d'Orange , par une
cabale qui , depuis quelque tems , opprime
la Province par les moyens les plus violens
, en renverſant à main armée les pactes
les plus facrés, ſur leſquels a repoſé juſqu'ici
la proſpérité de la République , exhorte
tous les bons & fideles habitans des villes
&du plat pays de cette Province , non- feulement
de ſe tenir tranquilles dans leurs
maiſons ; mais particulierement de s'aſſurer
des écluſes , autant qu'il fera poſſible , afin
de prévenir par-là le malheur irréparable ,
que cette cabale oppreffive médite d'opérer
, en mettant fous l'eau tout le pays, ſous
le prétexte apparent de ſe défendre contre
un ennemi qui n'exiſte pas. S. M. ne demande
que fatisfaction de la part de ces
perturbateurs du bonheur public, dont la
République a joui précédemment. Le Roi
ne fouffrira pas qu'il foit fait le moindre mal
à aucun des hhaabbitans de la province d'Hollande
, ni dans les villes ni à la campagne ;
mais elle attend d'eux qu'on ouvrirales villes
( 27 )
aſes troupes; dans le cas contraire , chaque
vile qui s'y refuſera , chaque habitant qui
ſera rencontré les armes à la main , s'attribueront
à eux mêmes les effets malheureux
qui en réſulteront.
Lettre de S. A. R. Madame la Princeſſe d'Orange .
à Monseigneur le Duc régnant de Brunswick.
Nimegue , le 15 Sept. 1787 .
MONSIEUR ,
Au moment que votre Alteſſe va ſe rendre
dans la Province de Hollande à la tête du Corps
d'armée , dont le Roi mon Frere lui a confié
le commandement qu'il me ſoit permis de
lui recommander encore les intérêts de cette
Nation , qui m'eſt ſi chere , & à la proſpérité
de laquelle je me ferai toujours gloire
de contribuer autant qu'il dépendra de moi.
Je n'ai pu prévoir qu'une démarche auſſi ſimple
que celle de vouloir me rendre à la Haye, auroit
des ſuites ſi ſérieuſes , &en apparence d'une
nature toute oppoſée aux vues ſalutaires qui m'avoient
déterminée à ce voyage.
Je m'étois attendue , il eſt vrai , à rencontrer
de grands obſtacles au ſuccès de mes foins , pour
Je rétabliſſement de la paix& de la tranquillité ;
mais le ſeul auquel je n'étois point préparée
, parce qu'il n'étoit point probable , a été
malheureuſement celui qui m'a ôté tout moyen
d'atteindre mon but , en m'empêchant de pourfuivre
ma route .
Mais ſi le procédé inoui dont on auſe envers
moi en Hollande , procédé dont l'impreſſion qu'il
a faite ſur mon ame , n'a été modifiée que par
Je ſentiment intime de ne l'avoir pas mérité ;
fi ce procédé , dis-je , a révolté toutes les Cours
&en général tout homme honnête& équitable ;
b 2
( 28 )
que penſera t-on de ceux qui compoſent lapluralité
desEtats de Hollande , en les voyant méconnoître
& facrifier les intérêts de la patric
à de petites vues perſonnelles , & néceffiter le
Roi à prendre la fatisfaction qu'ils ont obſtinément
refuſée à ſes exhortations amicales ?
Le Roi , en déclarant qu'il conſidéroit l'offenſe
comme faite à lui -même , pénetre mon coeur
de reconnoiſſance , mais après la maniere dont
en oſa lui répondre , & les injuſtices que cette
prétendue majorité ne ceſſoit de commettre ,
cette déclaration auroit excité mes plus vives
alarmes pour ce pays , que depuis vingt ans je
confidere comme ma patrie , & dont les intérêts
ſont inſéparables de ceux de ma maiſon ,
ſi je n'avois été raſſurée par la déclaration des
Etats généraux, celle des principaux membres
de l'Allemblée des Etats de Hollande , & de
la plus grande partie de la Nation , ainſi que
par les ſentimens de magnanimité qui caractériſent
Sa Majefté.
Le Roi ne pouvoit donner une plus forte
preuvede ces ſentimens , qu'en chargeant votre
Alteſſe de l'exécution de ſes ordres , & les ſentimens
que vous avez bien voulu me témoigner ,
Monfieur , & que V. A. a manifeſtées dans ſa
déclaration aux habitans de la Hollande , ne
me permettent pas de douter de la ſageffe &
de l'équité de ſes vues ; que votre Alteſſe me
pardonne cependant ſi j'oſe implorer ſaclémence
envers cette partie des habitans que la paſſion
aveugle & égare , & l'affurer que je confidédérerai
les ménagemens qu'Elle obíervera envers
eux , & la protection qu'Elle accorde à la
faine partie de la Nation , comme autant de
faveurs faites àmoi-même ; je me fais en mêmetemps
un devoir de lui déclarer ici folemneller
( 29 )
ment , que parfaitement d'accord avec les prin
cipes modérés du Prince , qu'il vient dedévelopper
encore dans ſa derniere déclaration , je
ne profiterai jamais des circonstances telles
qu'elles puiſſent être pour procurer à ma
famille une autorité plus étendue que celle
que la conftitution & la vraie liberté de ces
Provinces lui accordent , & qu'en mon particulier
toujours prête à donner mes ſoins à tout
ce qui pourroit contribuer au bien- être de ce
pays &de ma maiſon, ſans craindre les peines
& les déſagrémens , je n'ambitionne aucune ins
fluence , & n'accepterai que celle que je pourrai
devoir à la confiance & à l'amitié que j'aurai
ſçu mériter ; c'eſt avec ces ſentimens , & la
reconnoiſſance la mieux ſentie , que je ſerai
toute mavie avec la plus haute conſidération.
Monfieur ,
7
Votre très-humble , &c.
WILHELMINE.
Pourcontinuer leJournal ſuccinct des événemens,
depuis l'entrée destroupes Pruſſiennes
en Hollande , nous dirons que les Bourgeois
delaHayeontdéſarméles Corps-francs
le 18 , &vuidé de munitions leurs lieux d'afſemblée.
Leurs ſociétés ont été abolics ; les
maiſons des principaux ont été inſultées ,
quelques unes mêmes pillées ,& ce défordre
eût été plus grand encore, ſans les ſoins que
s'eſt donné le Comtede Bentinck de Rhoon ,
Chefde la Société-Orange , pour arrêter la
fureur du Peuple , & garantir d'accidens les
victimes qu'il menaçoit. L'Aſſemblée Souveraine
lui en afait ſes remercîmens . Le 20 ,
le Prince Stadhouder eſt entré à la Haye, ef
b 3
( 30 )
corté desGardes Dragons&des Gardes du
Corps , aux acclamations d'une grande multitude,
qui a répété cesdémonštrations le 22,
à l'arrivée de Madame la Princefled'Orange,
&de fes trois enfans. Le jour même de fon
retour, le Stadhouder a rendu laDéclaration
fuivante.
Nous GUILLAUME , &c. favoir faiſons qu'à
notre entrée en cette place nous avons reçu aujourd'hui
avec ſatisfaction& la ſenſibilité la plus
extrême, les preuves générales de joie & d'attachement
bien intentionné des citoyens & habitans
de tout rang & de tout état , & que nous
n'avons pu nous abſtenir de témoigner à ce ſujet
notre reconnoiſſance publique ; mais que ſans
vouloir troubler par- là leſdits citoyens & habitans
dans leurdite joie & dans les témoignages
qu'ils en voudroient donner , nous avons cru de
voir exhorter tous & chacun d'eux , de la mas
niere la plus ſérieuſe & la plus amicale , à ſe
conduire dans la ſuite tranquillement & décemment
; à ne faire à qui que ce foit le moindre
outrage ou la moindre injure , bien loin de ſe
rendre coupable d'aucun excès , d'attaques violentes
de perſonnes ou de maiſons , ou de commettre
en général rien qui pût troubler la ſûreté
publique ou donner de juſtes raiſons de ſe plaindre
, mais au contraire de s'abſtenir ſoigneuſement
de tout ce qui pourroit être en aucune façon
contraire aux loix & placards du pays , afin.
que la joie & la fatisfaction générale de la préſente
révolution heureuſe des affaires, ne ſoit
troublée nulle part : & tout ce qui feroit en aucune
façon contraire à notre déclaration & à
notre avis fondé ſur l'amour de la tranquillité ,
nous feroit hautement déſagréable , & ne pous
人
( 31 )
Foit qu'exciter notre juſte indignation & notre
plus hautmécontentement.
Fait à la Haie , le 20 Septembre 1787 .
Signé W. Prince d'ORANGE .
Deux jours auparavant, les Etats de Hol
lande, dont l'Affemblée à la Haye eft aujourd'hui
complette , à l'exception des Députés
d'Amſterdam , ont fait publier un Placard
qui interdit les attroupemens ſéditieux , les
violences & mauvais traitemens de tout genre
contre qui que ce foit , & révoque les précédentes
défenſes relatives à la couleur Orange.
Dans les autres villes , particulièrement à
Harlem , Leyde , Rotterdam , en a pris les
mêmes meſures contre tout déſordre de l'efprit
de parti ; en forte que la tranquillité y,
eſt parfaitement conſervée.
Un détachement du Régiment Hollan-
'dois de Pabst eſt entré fans oppofirion à Delft,
dont l'ancienne Régence , caffée il y a un'
mois par le Corps-Franc, a été rétablie. Celle
de Rotterdam a éga'ement repris ſes places ;
lesMagiſtrats de nouvelle création ont donnédeur
démiſſion ; quelques uns même ont
abandonné la ville. Gouda , Schoonhoven ,
Schiedam ont ouvert leurs portes , & Dordrecht
a fait une eſpece de capitulation avec
M. de Wintzingerode , Officier Pruffien, qui
s'eſt préſenté à la tête d'un détachement de
180 hommes. En voici les articles :
ART. I. Que la ville de Dort reſtera ſous la
fouverainetédes Etats de Hollande . Répondu. Je ne
puis pas entrer en capitulation ſur cet article.
b4
( 32 )
II. Que la garnison ne doit pas être trop nombreuſe.
Accordé.
III. Que la ville conſervera tous ſes priviléges.
Accorde.
IV. Que les Magistrats & ceux qui ont des
emplois resteront en place.-Accordé , pendant
que je reſterai ici & juſqu'à ce que S. A. Mgr.
le duc de Brunswick en ait diſpoſé autrement.
V. Que la recette des impôts continuera d'être
au profit des Etats & de la ville.
Ce point n'eſt pas de mon reffort .
VI. Que le canon& les munitions de guerre ,
appartenant aux Etats-Généraux & à cette ville ,
leur refteront en propre. Les magaſins & arſenaux
, de même que le canon qui reſte & les
munitions de guerre , qui ſontdans la ville ref
teront dans l'état actuel, juſqu'à l'arrivée deMgr.
le Duc de Brunswick , dans cette ville.
VII. On s'attend que les troupes obferveront une
bonne discipline militaire , Er qu'on aura foin que
personne ne foit molesté , ni dans l'ifle , ni dans
la Sud-Hollande , que la vie & les propriétés des
habitans feront faines &Sauves.-Tout ce qui
*concerne la diſcipline militaire dans la ville &
dans l'ifle ſera obſervé.
VIII. Qu'on employera les troupes contre tous
ceux qui interrompront la tranquillité publique , foit
habitans ou étrangers.- Accordé.
IX. Que tous les habitans pourront librement
ortir & rentrer dans la ville pour leurs affaires&
commerce . Accordé.
X. Que les navires entreront dans le port &
en fortiront librement pour faire commerce.- Aс-
cordé. Il ſera donné une inſtrution aux patrons
des barques , pour ce qui regarde la déſertion.
XI. Qu'en cas que quelque citoyen de cette ville
ait été fait prisonnier àGorcum , on prie qu'ilsfoient
( 33 )
relachés. J'employerai mes bons offices auprès
du Duc , à cet effet , MM. les Magiftrats
employeront auſſi les leurs pour procurer l'impunité
de ceux qui ſont arrêtés pour la cauſe
d'Orange, & particulièrement pour ceux d'Oud-
Beyerland & Werkendam.
XII. On demande que la Bourgeoisie conferveſes
Armes; déclarant folemnellement qu'on n'en fera
aucun usage contre les Troupes , mais seulement
pour la confervation du repos public. -Refufé.
Tous les Citoyens armés doivent ſur le champ
mettre tous bas les armes ; c'est-à-dire, l'ancienne
Bourgeoifie ne conſervera ni bayonnettes ni cartouches
; mais la nouvelle Bourgeoifie , nommée
Bourgeoisie armée , ſera obligée de porter à la
Maiton de Ville toutes les armes .
XIII. On demande avec instance des Sentinelles
pour les Bureauxde la Province &pour la Banque
de l'Etat.-Accordé.
Signé, muni de notre Cachet. APapendrecht, le
18Septembre. (L.S.) Signé DE WINTZINGERODE.
Comma ndant.
Une Députation des Etats de Hollande
au Duc de Brunswick , ayant prié S. A. S. de
ne pas introduire ſes troupes dans la réſidence
du Souverain , le Corps d'armée qui
s'en etoit approché , reſte à Riswick , &le
quartier général à Schoonoven. Deux autres
colonnes s'approchent d'Amſterdam. Une
diviſion commandée par leGénéral-Majorde
Kalkreuth , a ſommé Naerdendecapituler , ce
qu'a refuſé leCommandant , M. de Matha.
Onn'apprend pas qu'il ait été encore formé
bs
( 34 )
d'attaque contre cette place , ni contreMuya
den. Nieuwerſluys , qui en eſt peu éloigné ,
a fait réſiſtance , & la garnifon eſt prifonniere
de guerre.
Les diſpoſitions font toujours à-peu- près
Ies mêmes à Amſterdam , dont la Régence a
promis , par un Déclaratoire du 21 , de
n'entrer en aucune négociation , ſans le
concours de la Bourgeoiſie armée. La ville ,
à ce jour , n'a éré ni ſommée , ni attaquée.
Les Membres des Etats de Hollande qui s'y
font réfugiés , n'ont tenu qu'une ſeule féance
le 20 , & ſe ſont ſéparés . Le 18 , la ci-devant
Commiſſion de Woerden s'eſt juftifiée
auprès d'eux de l'abandon d'Utrecht , par
une Nore détaillée , où , après avoir expolé
les inſtructions données au Rhingrave de
Salm , elle dit :
Sur cela nous reçûmes , dès le 16 Septembre
de grand matin , la nouvelle abſolument inatten
due, que la ville d'Utrecht avoit été évacuée ;&
nous apprîmes enſuite que ledit Rhingrave en
étoit forti fur deux colonnes , dont l'une qu'il
commandoit en perſonne , avoit marché vers
Ulthorn , Ouwekerk , l'Overtoom & Weeſp ;
&l'autre , ſous les ordres du Baron van der Borch,
s'étoit rendue au Nieuwe ſluys , Loenen , Loenderflot
,Vreeland, Muiden& Naerden . Sur cette
nouvelle , convaincus qu'une Commiffion , comme
la nôtre ne devoit pas s'expoſer à être renfermée
, puiſqu'alors toute expédition cefferoit
dès ię moment même , nous ſommes partis de
Woerden pour Amſterdam. Après y être arrivés,
nous avons demandés au Rhingrave , dans notre
( 35 )
première conférence , « quelle avoit été la caule
>> du prompt abandon de la ville d'Utrecht , &
>>> fi la néceſſité extrême avoit réellement exifté
? >> A cette queſtion il répondit , « qu'ayant
>> reçu de nouveaux avis de l'approche des trou-
>> pes Pruffiennes , & affluré que probablement la
>>> ville ſeroit attaquée le lendemain , peut- être
même ſur ſes arrières ; dans lequel cas elle
>> n'auroit pu faire aucune défenſe , il avoit jugé
>>> qu'en parlant relativement à la défenſe de cette
>>Province la néceſſité , extrême exiſtoit réelle-
>>> ment , & que pour cette raiſon il avoit jugé
néceſſaire de devoir abandonner cette Ville le
>> plutôt poſſible , mais qu'il devoit néanmoins
>>>aſſembler préalablement à ce ſujet un Conſeil-
>>>de-guerre ; que ce conſeil avoit conféré aufli en
>>>préſence des Etats - Députés , & avec eux
>> compoſé de quelques Chefs de laGarniſon , qui
tous , de même que Mrs. les Etats -Députés ,
>> à ce que déclara le Rhingrave , avoient été con
>> vaincus de la néceſſité d'évacuer Utrecht .
7
Dans cette fituation des affaires , nous avons
d'abord fait hier avec le Rhingrave les arrangemens
néceffaires , afin de tirer d'abord des troupes
qui ont marché ici , les renforts néceſſaires
pour les villes de Woerden Oudewater ,
Schoonhaven & Gorinchem ; mais l'exécution
n'en a pu avoir lieu parla nouvelle malheureuſe
qu'on a reçu , que la ville de Gorinchem eff
tombée entre les mains de l'ennemi , tandis que
nous ne pouvons manquer de mettre à cette oс-
caſion ſous les yeux de V. N. & G. P. que nous
avons bien pris fur nous la détente de cette pra
vince & celle de la ville d'Utrecht , contre les
forces qui les menaçoient , & que nous affurons
l'avoir conduite de telle façon , que nous pou
vions nous flatter , avec le plusgrand droit, d'une
b6
( 36 )
borne réuſſite; mais que nous étions dans l'im
poffibilité , & qu'auſſi nous n'avions jamais pu
nous attendre à être forcés de réſiſter avec des
forces auſſi petites que 4000 hommes , à une
très-grande ſupériorité de troupes d'une Puiſſance
étrangere , & cela au moment le plus inattendu
, dans une ſaiſon où les rivieres trop baffes&
les vents contraires empêchoient que les
inondations , pour leſquelles nous avions direc
tement donné des ordres en vertu de l'autoriſation
de V. N. &G. P. ne puiſſent avoir le ſuccès
defiré , tandis qu'enfin nous avons l'ennemi dans
notre propre ſein, &que nous devons agir avec
des troupes qui ſe révoltent , ce dont nous avons
encore vu hier l'effet le plus fâcheux , attendu
quedeux compagnies du régiment d'Onderwater
ſe ſont emparées d'une maniere traîtreuſe du
fort d'Ultermer & l'occupent encore dans ce
moment : Et c'eſt pour cette raiſon que nous
avons jugé néceſſaire d'informer V. N. & G. P.
de cette ſituation dangereuſe de la Province &
de déclarer l'impuiſſance où nous ſommes de
pouvoir réſiſter ſans autre ſecours avec notre peu
de troupes , à raiſon des circonstances acceſſoires
, à des forces auſſi ſupérieures : c'eſt pourquoi
nous devons recommander cet état de la
province , de la maniere la plus ſérieuſe a l'attention
de V N. &G. P. & nous prions V. N. &
G. P. de vouloir concerter à ce ſujet les meſures
néceſſaires & efficaces , tandis qu'en attendant ,
quoique nous ne puiſſions nous promettre un bon
fuccèsde la petiteſſe de nos forces à proportion
de celles de l'ennemi , nous continuerons néanmoins
de mettre en oeuvre tout ce qui eft poffible
pour le ſalut de notre chere patrie , afin de
remplir , autantque poffible ,l'obligation , que
V. N. & G. P. nous ont imposée , ainſi que
:
( 37
notre devoir envers notre patrie& nos concitoyens.
Au ſurplus, nous ne ſaurions manquer d'informer
par la préſente V. N. & G. P. qu'en évacuant
la ville d'Utrecht il eſt auſſi entré ſur notre
territoire un régiment commandé par le Colonel
vander Borch , & un corps d'Uhlans , qui
ne peuvent plus être payés actuellement par la
province d'Utrecht , & en conſequence nous
prions V. N. & G. P. de faire leurs diſpoſitions
à ce ſujet , afin que nous ſachions fi elles
veulent prendre ce Corps àla ſolde de la Hollande
ſur le pied d'autres Corps , ſoit provifois
rement on point du tout.
PAYS- BAS.
De Bruxelles, le 29 Septembre.
Enfin l'orage qui menaçoit nos Provinices
depuis fix mois , eſt aujourd'hui diſſipé ;
& l'allégreſſe générale a pris la place du
trouble &de l'inquiétude. Les ſubſides ont
été accordés ; & l'Empereur s'eſt rendu aux
voeux de la nation , en caſſant les diplômes
qu'elle avoit jugé les plus contraires à
ſes loix , & qui ſembloient légitimer ſes réclamations.
Ce n'eſt pas que ce jour de réunion
n'ait été précédé immédiatement d'incidens
très-férieux , ainſi qu'on en jugera par
la relation ſuivante qu'on vient de publier
dans nos contrées .
>> Le mercredi 19 , le Magiſtrat fit afſembler
les volontaires ; on leur fit lecture
( 38 )
dela réſolution du Conseilde Brabant , relativement
à la déclaration du 28 Août
dernier , & on leur demanda de ſe conformer
aux deſirs de l'Empereur, en ôtant les
marques distinctives militaires. Ils crierent
d'une voix unanime qu'ils ne le pouvoient.
Tous ces jeunes gens qui avoient ſacrifié
leurs foins , leurs veilles à maintenir le bon
ordre durant les troubles , exigeoient des
égards , & regardoient comme une dégra
dation, cette maniere de les congédier.
» Ainſi le jeudi on les vit tous paroître
en uniformes dans les rues , ſur la grande
place même , & ils accompagnerent en cet
état une députation qu'on envoyoit au
Gouverneur Général , ce qui indiſpoſa tellement
S. E. le Comte de Murray , qu'il
fongea à emploier le régiment de Ligne ,
qui ayant levé le campde matin, ſe diſpofoità
entrer en ville. A une heure on le fir
ranger ſur le rempart entre la porte de Lou
vain & cel e de Namur. Les grenadiers &
le troiſieme bataillon de Murray reçurent
l'ordre de le renir prêts à fortir ; les troupes
qui font à Malines , de ſe tenir prêtes à marcher.
Les dragons de Vilvorde & ceux des
environs de Bruxelles eurent ordre de patrouler
& dede difperfer auſſitôt qu'ils entreroient
en ville, avec injonction de faire
ôter les marques militaires ; & de mestre
aux arrêts tous les volontaires qu'on trouyeroit
en uniformes,
1
( 39 )
>> A deux heures on a commencé cette
expédition , qui au lieu d'eff ayer les habitans
, comme on s'y attendoit, caufa une
rumeur générale. Les Volontaires coururent
aux armes, la populace & les ouvriers.
prirent en main tout ce qu'ils purent trouver,
les enfans dépavoient les rues , les bourgeois
ſe munirent de ces pierres ; & fur la
nouvelle que les dragons entroient , on fonna
le tocfin , & les Volontaires ſe mirent en
devoirde les attendre.
>>>Pendant ce trouble S. E, le Gouverneur
traverſoit en voiture le marché aux
herbes , la populace l'entoura , les Volontaires
vinrent à ſon ſecours & le conduifirent
juſqu'à la place royale. Un quartiermaître
des Dragons voulant le garantisde
toute inſulte , reçut dans la poitrine un coupde
feu dont il eſt mort peu après . Comme
on avoit peſté ſur la place Roya'e un efcadron
de Dragons , la fermentation augmentant
toujours , on fit conduire 4 pieces.
de canon , qu'on plaça en face de la montagne
de la Cour , chargées à mitrailles.
Enfuite un bataillon du régiment de Ligne
vint auſſi s'y ranzer en bataillon quarré.
>>Les Généraux s'étant auffi rendus ſur
cette place près du Général Murray , pendant
qu'ils tenoient conſeil, les Etars y accoururent
pour ſupplier le Gouverneur de
retirer l'ordre qu'il avoit donné , anſi que
de faire relâcher les Volontaires déjà arrê
( 40 )
tés , s'il vouloit empêcher le maſſacré , ce
que S. E. fit auſſtôt. Cela rallentit un peu
la fureur du peuple qui ſe portoit déja à des
excès affreux. Les Volontaires étoient rangés
en bataillon quarré ſur la grande place ;
vers le marché aux poiffons , les Bourgeois
étoient montés dans leurs greniers , &de-là
faifoient voler une grêle de pierre ſur les
Dragons qui paſſoient.
>> On compte en géneral trois foldats tués
&trois ou quatre dangereuſement bleſſés ,
un Volontaire tué , & quelques uns bleſſés
légerement. Heureuſement qu'on avoit défendu
ſtrictement aux ſoldats de tirer , fans
quoi il y auroit eu un carnage.
>>Dans cet inſtant critique les Bourgeois ,
lesVolontaires& autres perſonnes de rang
preffoient vivement S. E. de faire finir ces
troubles , en communiquant la dépêche
qu'il avoit reçue de Vienne , contenant les
ordres de S. M. l'Empereur. La ſenſibilité
de ſon coeur l'y invitoit aſſez. S. E. fe rendit
auxEtats avec le Général d'Arberg ; & il
fut convenu qu'on feroit auſſitôt rentrer les
troupes dans leurs quartiers , que la patrouille
ſe feroit la nuit par les Volontaires ,
&que le lendemain , après qu'on auroit ôté
les uniformes , tout le monde ſeroit fatisfait.
>> La nuit s'eſt paſſée tranquillement. Ce
matin le Magiſtrat a fait prier les Volontaires
de ſe trouver ſur la place , ſans marques
militaires & fans uniformes ; ce qu'ils ont
( 41 )
fait. La fermentation continuoit : on avoit
achevé de dépaver les rues, les bourgeois
faiſoient proviſion de pierres dans leurs greniers.
Les Etats ſe ſont aſſemblés , & après
avoir donné au Gouverneur- général toute
la fatisfaction que S. M. exigeoit , S. E. fit
enfin connoître les intentions bienfaiſantes
de l'Empereur.
La dépêche ſatisfactoire des Etats auGénéral
Murray , en date du 20 , portoit en
ſubſtance.
>>>Nous avons repris la délibération fur les
deux lettres que vous avez bien voulu nous
>> écrire le rer. de ce mois , relativement au
>>conſentement tenu en ſuſpens pour la continuation
de la levée des impôts ; nous avons
la fatisfaction de pouvoir informer votre Excellence
, que nous venons de prendre la réſolution
de réfournir au Tréſor-Royal l'impôt
de la demi-année courante des impôts , cal-
>> culée ſur un produit commun. Nous avons
>> l'honneur de faire parvenir ſans délai la réſo-
>>>lution en forme des deux premiers Etats , afin
>> qu'après l'acceptation ordinaire proviſionnelle,
>>elle ſoit portée & finalement conclue à l'Etat
»Tiers : en attendant nous pouvons d'autant
>> moins douter d'une concluſion favorable que ,
>>>les Bourgeoifies des trois Chef-Villes viennent
de nous faire connoître leurs ſentimens. >>
>> En recevant cette preuve de notre ſoumif-
>> fion aux deſirs du Monarque , Votre Excel-
>>l>ence eſt ſuppliée de raffurer la nation par
une déclaration claire & conciſe au nom de
>>l'Empereur , ſur l'execution des promeſſes
gracieuſes de S. M. »
( 42)
>>Daignez , Monſeigneur , après avoir haté
>& donné la déclaration que nous attendons de
> votre Excellence , pour raſſurer la nation en
>> général , veuillez ſaiſir l'occaſion de vous
>> rendre propre ſa reconnoiſſance , en porrant
Sa Majesté à faire rentrer fans ultérieur délai
>> toutes choſes dans l'ordre conſtitutionnel ,
50& ramener le bonheur & la proſpérité dans
>> ces provinces . »
>> L'Empereur nous trouvera toujours dif
>>>pofés à concourir de bonne foi & fans aucun
>> eſprit de parti ni d'aigreur dans ce qui re-
>> garde le rétabliſſement des points qui après
"la déclaration de votre Excellence refteront
>> à redreifer ; notre devoir nous oblige cepen-
>> dant de prévenir votre Excellence que nous
>> aurons T'honneur de lui préſenter au plutôt
>>>nos inſtantes repréſentations ſur l'exécution
du Séminaire général , exécution irréparable
auprincipal d'un établiſſement auſſi dangereux
>>& préjudiciable par le droit , qu'impoſſible
>>dans le fait même.
C'eſt enſuite de cette démarche , que le
Gouverneur-général a expédié la Déclaration
ſuivante , au nom de l'Empereur , &
par laquelle les Pays Bas Autrichiens font
rérablis dans leurs anciens Privileges.
La députation des Etats des provinces aux
pieds du trône , pour porter le témoignage
public de la fidélité & de l'attachement de la
nation envers l'Auguſte Perſonne de SA MAJESTÉ
, le concours des Etats dans la derniere
concentration des troupes faifant une nouvelle
preuve de la ſincérité de ce témoignage , les
Déclarations enfindes Etats fur l'exécution des
préalables preſcrits par la Royale Dépêche du 16
( 43 )
hout courant , ade qui a été approuvé , ayant
fatisfait à la dignité du trône ; L'EMPEREUR a
pu ſuivre les mouvemens de ſon coeur paternel.
SA MAJESTÉ informée d'abord par nos rapports
de la maniere fatisfaiſante dans laquelle les députés
des Etats des différentes provinces s'expliquoient
fucceffivement , daigna , pour abréger
le terme des inquiétudes de ſes ſujets ,
nous faire parvenir des ordres pour , dans le
cas que les déclarations des Etats fuſſent d'abord
préſentées à l'égard de l'exécution des préa
lables , donner en fon nom royal fa déclaration
que fa dignité ne lui permettoit pas d'accorder
auparavant.
Nous avons la fatisfaction de nous trouver
dans le moment où nous pouvons faire uſage
de ces ordres : en conféquence nous déclarons
par ces préſentes au nom de L'EMPEREUR ET
Ror , & enſuite de ſes ordres.
1°. Que les Conſtitutions , Loix fondamentales
, Priviléges & Franchiſes , enfin la joyeufe
Entrée , font & feront maintenus & tefteront
intats en conformité des actes de l'Inauguration
de SA MAJESTÉ , tant pour le Clergé ,
que pour l'ordre civil.
2°. Que les nouveaux Tribunaux de Juftice
, les Intendances & les Commiſſaires des
mêmes Intendances ne ſont plus tenus en fufpens
, mais font & continueront d'être fupprimés
; les bontés paternelles de SA MAJESTÉ
& la justice , l'ayant engagé à ſe départir entiérement
à l'égard de ces objets , ainſi qu'à
l'égard de ce qui avoit été réglé par les deux
Diplomes en date du premier janvier dernier
pour les adminiſtrations , pour les Etats des provinces
, & pour la députation au Comité intere
médiaire deſdits Etats,
)
(44 )
3°. Les Tribunaux , les Jurisdictions tant
ſupérieures que ſubalternes des villes & du
plat - pays , enfin l'ordre & l'organiſation de la
Juſtice , les Etats & leur Députation , ainſi que
les diverſes Adminiſtrations des villes & du platpays
ſubſiſteront à l'avenir ſur l'ancien pied ,
ſibien qu'il ne ſera plus queſtion de la nouvelle
forme qu'il s'agiſſoit d'introduire dans ces
différentes branches de l'adminiſtration publique,
à l'égard deſquelles les deux Diplomes du pre--
mier janvier 1787 viennent entiérement à ceſſer:
en conféquence les charges de Grands Baillis &
Gouverneurs Civils continueront à exiſter , &
le maintien des Etats dans leur intégrité comprend
également celui des Abbayes dont les
Abbés ſont membres deſdits Etats , elles ſeront
pourvues d'Abbés ſelon la joyeuſe Entrée & les
Conftitutions .
A l'égard du redreſſement des objets contraires
ou infractions à la Joyeuſe Entrée , il en
fera traité avec les Etats , ainſi qu'ils l'ont demandé
; on recevra en coníéquence ce qu'ils
propoſeront à cet effet , & SA MAJESTÊ y difpoſera
d'après l'équité & la juſtice, & selon les
Loix fondamentales de la Province. A tant ,
MESSIEURS , Dieu vous ait en ſa ſainte garde.
De Bruxelles le 21 Septembre 1787. Paraphé
Cr. Vt. Signé Murray, plus bas par Ordonnance
de ſon Excellence , contreſigné De Reul.
Cette heureuſe concluſion a été annom
cée au Peuple , au ſon de toutes les cloches
: on a chanté un Te Deum dans l'Egliſe
Collégiale, & la ville a été illuminée.
La deſcription ſuccincte du paſſage récent
de M. Bourrit en Piémont , par des
vallées juſqu'ici jugées impénétrables, offre
les détails ſuivans.
( 45 )
Unedécouverte équivalente à celle du Mont-
Blanc , c'eſt celle du paſſage de Chamouni en
Piémont , par la vallée de glace du Montanvert ,
que deux guides ont ouvert cette année. Ces
deux guides , nommés Cachat le Géant & Alexis
Tournier , joints à deux autres , y ont conduit , en
dernier lieu , M. Bourrit & ſon ſecond fils , jeune
homme de 15 ans , mais exercé à parcourir les
montagnes. Ilspartirent de Chamouni le 27Août,
pour coucher ſur le Montanvert ; le tems y étoit
neigeux , &le thermometre à deux degrés ſur
zéro.
Le 28 , à fix heures trois quarts , ils atteigni
rent les bafes du Mont- Joraſſe , & à huit ils
commencerent à eſcalader les gradins du glacier
du Tacul. Ils avoient une échelle de douze pieds
& demi de longueur pour paſſer les crevaſſes ,
& ils ne tarderent pas à enfaire uſage ; l'eau des
fentes étoit gelée ,& le glacier étoit couvert de
nouvelles neiges.
A neuf heures , leurs travaux redoublerent
pour monter & franchir les crevaſſes ; leur chemin
étoit horrible ; ils ſe virent dans des vallons
fi étroits , ſi profonds , & ſous des voûtes ſi difficiles
, qu'ils ne ſavoient comment en ſortir. Il
leur falloit gravir des arêtes crevaſſées par-deffous
, environnées d'énormes précipices , & ces
arêtes ſur leſquelles ils ſe hazardoient , n'avoient
ſouvent que trois pouces de largeur. La hache
pourtailler des eſcaliers , leur fut auſſi utile que
l'échelle , & la corde dent ils s'étoient tous atrachés
;depuis dixheures juſqu'à une heure après
midi , l'échelle fut miſe trente huit fois.
Iis parvinrent enſuite à gagner des plateaux
rapides , entrecoupés de crevaſſes ſans fonds qui
tenoient toute la largeur du glacier , qui pouvoit
être d'une lieue , & fi ouverte , que l'é
( 46 )
chelle pouvoit à peine en atteindre les bords.
Il étoit environ une heure , lorſque les brouillards
vinrent découper les ſommités ; le vent les
fousttoit en tout sens , & le froid augmentoit.
A deux heures ils ne voyoient plus d'horizon ;
la mer de glace qu'ils parcouroient , leur paroifſoit
n'avoir pas de bornes : ils étoient comme
fur les glaces du pôle ; les nues ſembloient en
faire partie.
Leur inquiétude fut augmentée encore par
de vaſtes crévaſſes que recouvroient des ponts
de neiges , d'une extrême légereté. Ils y au-
_roient péri ſans la corde à laquelle ils étoient
attachés. Le guide Charlet fit céder un de ces
ponts fragiles , & fans l'échelle qu'il portoit, il
n'auroit jamais pu ſe retirer de l'abîne qui
étoit fous ſes pas ; ſa tête qui étoit entre les
échelons , lui donnoit l'air d'un homme tombé
dans une piege & ſous une trape .
Atrois heures , leur détreſſe fut plus grande
encore , parce qu'ils croyoient avoir pafié au
delà du détroit qu'il leur falloit prendre pour
s'avancer vers Cormayeur , & ils alloient retourner
ſur leurs pas à moitié effacés par le vent
& les neiges. Le froid encore commençoit à devenir
inſuportable ; le thermometre étoit alors
à fix degrés ſous zéro , & leurs cheveux , de
même que les bords de leur voile , étoient ornés
de franges de glaçons ; celui dujeune Bourrit
en avoit d'un demi pouce de long. Ce jeune
homme , qui ne ſentoit plus ſes pieds ni ſes
mains , ſupportoit ſon mal avec un courage qui
faiſoit l'admiration des guides. Le froids accrut
encore , au degré 7 du thermometre , leurs habits
ſe gelevert , de même que les courroyes de
leurs fouliers .
Les guides , toujours perfuadés qu'ils étoient
( 47 )
au-delà du point qu'il leur falloit atteindre ,cou
roient ça & là , comme des gens qui , après un
naufrage , s'échappent aux vagues en s'élançant
de rochers en rochers ; ils cherchoient quelques
rocs ou quelques paſſages pour fortir de leur
ſituation menaçante , & M. Bourrit & ſon fils qui
ne le quittoit pas , projettoient déjà de paſſer
la nuit fur la place , plutôt que de s'égarer d'avantage;
ils penſoient à briſer l'échelle pour en
faire du feu , de mettre lesjambes dans leurs facs ,
&de ſe tenir colés enſemble. Mais les guides
qui ne croyoient pas qu'il fût poſſible de réfifter
au froid de la nuit & au mauvais temps ,
étoient réſolus de les tirer , à tout prix , de cet
horrible déſert. Pendant leurs divers mouvemens
, on obſerva le barometre ; on le trouva
à dix- huit pouces cinq lignes , & le thermometre
au 7 ſous zéro. Dans ce moment ; il
furvint un coup de vent qui , chaſſant les
brouillards , leur développa quelques ſommi
tés , & ils virent diſtinctement que le champ de
neige ſur lequel ils étoient , s'abaiſſoit au-devant
d'eux : cette ſituation releva leur eſpérance ; &
par un autre coup de vent qui leur voila les
rochers qu'ils venoient d'appercevoir , il s'en découvritun
autre ſur leur droite & à peu - près
d'eux; des cris de joie l'annoncerent aux guides
les plus éloignés ; tousy accoururent , & ce roc,
qui formoit la crête du mont , fut nommé le
roc Sauveur. 11 le devint en effet , puiſque de là
ils eurent ſous les yeux toute la Val- d'Aoft & le
bourg de Cormayeur à leurs pieds ; le ſoleil y
briloit d'un vif éclat , de toutes parts il faifoit
jaillir des nappes de lumiere & fur- tout des fommités
du grand & du petit S. Bernard .
La deſcente vers Cormayeur est longue & difficile;
ils ne la franchirent qu'après cinq heures
&demie de marche,
( 48 )
Ils arriverent à Cormayeur à neuf heures &
demie , favoriſés par un beau clair de lune , leur
marche dans ce jour fut de dix- huit lieues &
demie.
Le 29 , ils prirent le chemin de la Cité d'Aoft,
où ils arriverent fur les fix heures .
Le 31 , ils deſcendirent à Martigni , monterent
le Trian & le Col de Balme , & arriverent
àChamouni .
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Les Feuilles Angloiſes obſervent qu'il y a à
Bedlam une jeune femme d'une très -jolie figure ,
qui eſt devenue amoureuſe folle du Prince de
Galles ; ſa ſeule occupation eſt de faire des
plumes de papier de différentes couleurs , en
imitation du panache de S. A. R. Au moindre
bruit qu'elle entend , elle imagine que c'eſt le
Prince qui vient la voir , & elle fait des reproches
très-amers à ſes gardiens , qui , dit-elle ,
ont la cruauté de l'empêcher d'approcher d'elle.
On aſſure auſſi qu'une ſervante de cabaret ,
dans Holborn , eſt devenue également éperduement
amoureuſe du Duc d'Yorck , en voyant ce
Prince paſſer ſonRégiment en revue , &c. &c. &c.
Courier de l'Europe , nº. 92. )
On a débarqué à la Tour , au commence .
ment du mois , un lionceau venant de la côte d'Afrique
: il n'avoit que cinq ſemaines quand on
le prit , & il a été nourri à bord du navire
qui l'a amené , avec du lait de chevre. Il eſt ſi
familier , qu'il paroît triſte lorſqu'il ne voit perſonne.
L'homme qui en a eu ſoin dans la traverſée
va ſouvent le viſiter dans ſa loge , joue
avec ſon éleve comme avec un jeune chien.
( Courier del' Europe. )
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 13 OCTOBRE 1787.
Nota. Pour répondre aux défirs du Public, on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier , & entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉLÉGIE.
Imitation libre de Pétrarque.
4
ONDE claire & tranquille , où celle que j'adore
Venoit calmer l'ardeur des feux brûlans dujour ;
Onde pure, onde heureuſe , où la charmante Laure
Crut long-temps appaiſer les ardeurs de l'Amour ;
Ormeau trop fortuné , délicieux ombrage
Qui la rafraîchiſſois pendant un doux ſommeil ;
Lits de gazon plus frais encore à fon réveil :
Jeunes fleurs , ornemens de ſon ſimple corfage ;
Nº. 41. 13 Octobre 1787. C
SO
MERCURE
Air qu'elle reſpiroit , air ſacré des Amans :
Adorable ſéjour , retraite enchantereſſe ,
Où mon coeur a connu l'amour & fon ivreffe ,
Écoutez mes foupirs & mes derniers accens.
S'il faut que de l'amour , victime mémorable ,
Je finiffe mes jours , de regrets confumé ,
O rivages chéris , d'un Amant déplorable
Recevez en dépôt le corps inanimé ;
Que, quittant fur ces bords ſa dépouille mortelle ,
Mon ame en paix retourne à ſon premier ſéjour !
Si cet eſpoir flatteur reſtoit à mon amour ,
Lamort feroit pour moi moins trifte, moins eruelle.
Hélas ! ce n'est qu'ici , c'eſt ſur ces bords charmans
Qu'avec moins de regrets mon ame fugitive
S'échappera d'un corps brifé par les tourmens .
Laure y viendra peut-être : & mon ombre plaintive
Pourra , fans l'offenſer , s'attacher à ſes pas ,
Rappeler à fon coeur un ſouvenir trop tendre ,
Exciter un foupir , que je n'entendrai pas ,
Et du moins obtenir une larme à ma cendre .
ODieux ! quand je la vis pour la première fois ..
Laure étoit en ces lieux modeſtement aſſiſfe ,
J'y venois attiré par ſa touchante voix ;
Je vis Laure , & foudain mon ame fut épriſe .
Son regard étoit doux, ſon maintien gracieux ,
Et fesmoindres difcours étoient remplis de charmes,
Le calme de fon coeur ſe peignoit dans ſes yeux ;
Laure étoit innocente , elle étoit fans alarmes.
Oſouvenir bien doux! depuis cet heureux jour
Je ne trouve la paix que dans cette prairie ;
DE FRANCE.
Tout y nourrit mes feux , j'y reſpire l'amour ,
L'amour confolateur , feul ſoutien de ma vie.
(Par M. Le Meteyer, Secrétaire du Roi . )
VERS ADRESSÉS A MME. VINCENT (1 ) .
MONTRE-NOUS les perturbateurs
Qui , dans leur infolente audace ,
T'ont cauſé de vives douleurs :
Ah ! puiſqu'ils t'ont couté des pleurs ,
Je veux les traduire au Parnaſſe !
J'inſtruirai le Dieu d'Hélicon
De leur affreuſe jalouſie :
Sans doute il m'en fera raiſon ,
Quand il ſaura qu'à ſa fille chérie
Des Cenſeurs ignorans préparent du poiſon.
(1) Note de l'Auteur. Madame Vincent , que des circonſtances
ont amenée à chanter au Spectacle des Beaujolois
, y jouit , dans le particulier , de toute la conſidération
que l'on accorde au mérite & à une excellente
éducation ; & elle n'a ceſſé d'obtenir les ſuffrages du
Public par la voix la plus fraîche, les fons les plus brillans
, & le talent le plus fini. Elle eût chanté avec avanrage
fur les premiers Théatres de la Capitale ; mais elle
s'y eft conftamment refuſée. Ayant éprouvé l'effet d'une
petite cabale en chantant la belle Ariette de la Fête de
l'Arquebufe , Pièce charmante de M. Bonet , elle en conçut
une vive douleur. Le lendemain , un Amateur ano
nyme lui envoya les vers ci-deſſus.
Cij
MERCURE
Toujours le grand fils de Latone
Des injures du ſot vengea les vrais talens :
Ce Dieu , pour le punir , te treſſe une couronne;
Reçois-la de ſa main , puiſque depuis trois ans,
Paris aſſemblé te la donne.
(De B ...)
CHANSON.
A Madame la Marquise D... M...
Air : Entends ma voix.
LE tendre Amour
Diſoit , en ſe plaignant d'Elmire :
Quoi , de ma Cour
Elle fuit le ſéjour !
Ses yeux charmans
Ne font-ils pas de mon empire
Pour les Amans ,
Ils font indifférens .
Chérir un tendre époux
Eſt ſon ſort le plus doux.
Le tendre Amour , &c.
Le Dieu d'Hymen fait naître
Leurs plaiſirs ſi parfaits ;
Ceux que je fais connoître
Ont moins d'attraits.
DE FRANCE.
En voyant le lien
Qui les unit fi bien ,
Oui , j'aimerois mieux être
Le Dieu d'Hymen.
Le tendre Amour , &c.
(Par M. Sabatierde Cavaillon.)
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEE mot de la Charade eſt Déboire ; celui
de l'énigme eſt Liard ; celui du Logogriphe
eſt Fanatisme , où l'on trouve Mai ,
Ame, Etna, Sina , Mine , Etain , Fat ,
Sem Fi , Anis , Temps , Ane , Tifane ,
Satán , Matines , Matin , Mite , Si , Fa ,
Mi Siam , Mat, Tamise.
CHARADE.
Mon premier eſt un inftruinent , -
Mon ſecond ſe fait plaiſarıment ;
Mon tout orne un appartement.
(Par M. R... , Abonné. )
t
,
Cij
MERCURE
ÉNIGME.
LA différence d'âge entre mon père&moi ,
Lecteur , eſt à peine ſenſible :
Auffi , fans les efforts d'une lutte pénible ,
Ne parviendroit-il pas à me faire la loi.
Je l'attaque , en naiſſant , avec tant de furie ,
Qu'il diſparoît ſous moi , je ſemble l'étouffer ;
Mais un heureux deſtin, pour conferver ma vie ,
Ledérobe à mes coups & le fait triompher .
Loin d'être révolté de mon ingratitude ,
Il veut que je le ſuive à toute heure, en tous lieurs
Sous les toits desBergers , dansles temples desDieux
De me voir un chacun contracte l'habitude;
Non pas qu'on ne voulût très-fort s'en diſpenſer.
Mes défauts font connus;je vous laiſſe à penfer
Si , démentant l'éclat de ma nobic origine ,
On devroit me fouffrir ailleurs qu'à la cuifine :
Mais mon père eſt utile, on l'aime , & l'on fait bien
Que l'attendre tout feul feroit une chimère ;
Il faut me recevoir , crainte de lui déplaire.
Ainfi pour avoir Roch , il faut loger fon chien.
( Par M. de Péliſſier Defgranges , Capitaine
de Cav, au Rég, de Royal-Piémont. )
DE FRANCE.
55
LOGOGRIPHE.
LE François , léger & volage ,
Pour moi ceffe d'être inconftant ;
Et du peuple le plus charmant
J'embellis ſouvent le langage.
On me cherche, on me hait ; & même en cet inſtant
De mon débile auteur je trouble la cervelle ;
Il eſt vrai qu'à ſes voeux je ſuis un peu rebelle
Et que je cauſe ſon tourment ;
Mais je le dois ; Lecteur , je ſuis femelle.
Je n'ai que quatre pieds ; en me décompoſant ,
On voit un grand Saint de Champagne ;
D'un ſucceſſfeur de Charlemagne
Un mot tendre , ſimple & touchant ;
Ce que la vieilleſſe édentée
Aime à trouver quand elle a faim.
Une dignité reſpectée
Chez un peuple , au Hongrois voiſin ,
Et du grandMahomet déterminé Sectaire .
Un terme vieux, qui veut dire colère ;
Ce qui fixe l'oeil du Chaſſeur ;
Deux notes , une particule :
Enfin un élément trompeur ,
Et qui ſéduit le moins crédule.
(Par M. G... , de Niort, Etud. en Méd. )
Civ
56 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES de M. Goldoni , pour fervir
à l'Histoire de fa Vie & à celle de fon
Théatre. 3 vol. in - 8 ° . A Paris , chez
la veuve Duchefne , Libraire , rue Saint-
Jacques.
LA critique de mes Pièces , dit très-
و >>judicieuſement M. Goldoni pourroit
› avoir en vûe la correction & la perfection
» de la Comédie ; la critique de mes Mé-
>> moires ne produiroit rien en faveur de la
>> Littérature ". ;
Cette réflexion nous a paru auſſi juſte
que raiſonnable.
Il ne s'agit donc point de meſurer l'étendue
de ces Mémoires , ni de calculer
les degrés d'intérêt des différens détails qui
les compofent. Il y aura plus de ſatisfaction
pour nous , & plus de justice envers M.
Goldeni , à n'y voir qu'une occafion d'entretenir
nos Lecteurs de ce célèbre Etranger,
qui a mérité l'attention & le ſuffrage du
Monde littéraire ; à nous applaudir de pofſéder
au fein de cette Capitale , dans la
patrie de Molière , un Auteur Dramatique,
DE FRANCE. 57
2
qui a mérité le glorieux furnom du Molière
de l'Italie .
Le ſentiment que renferme le paragraphe
qu'on va lire , nous prefcrit celui qui doit
préſider à la rédaction de cet article . » On
>>ſera curieux , dit M. Goldoni , avec plus
>>d'ingénuité que d'amour-propre ; on ſera
>> curieux peut-être de favoir qui étoit cer
>> homme fingulier qui a vifé à la réforme
>>du Théatre de fon pays , qui a mis fur
>>la ſcène & fous la preſſe cent cinquante
>>Comédies , foit en vers , foit enprofe , tant
" de caractère que d'intrigue , & qui a vu ,
>>de ſon vivant , dix-huit éditions de for
» Théatre . On dira fans doute : Cet homme
>> devoit être bien riche , pourquoi a-t-ilquitté
"fapatrie ? Hélas ! il fautbien inſtruire la
>>poſtérité que Goldoni n'a trouvé qu'en
>>France fon repos, ſi tranquillité , fon bien-
>>être , & qu'il a achevé fa carrière par une
>>Comédie Françoiſe , qui a eu le bonheur
» de réuffire.
Oui , fans doute , on ſera curieux de
ſavoir unjour quel étoit cet hommefinguliers
& le témoignage que nous venons de
tranfcrire , ne peut que tourner à la gloire
de la France ; c'eſt un double honneur
pour nous que Goldoni ait adopté à la
fois notre patrie & notre Langue , & qu'il
ait été jaloux de ſe voir infcrit parmi nos
Concitoyens & parmi nos Ecrivains
Dramatiques.
Nous ne le fuivrons point dans les dé
C
1
58 MERCURE
tails de ſa vie privée. On le voit ſouvent
tenté de ſuivre une autre carrière que celle
des Lettres , qui , en Italie, ne mène guère
à la fortune ; mais toujours entraîné par ſon
génie , devenu fourd à la voix de l'intérêt ,
aux conſeils de l'amitié , & même à l'autoritépaternelle,
il revoloit vers le Theatre ,
qui ne lui promettoit pas des tréfors , mais
de la gloire. Il ſuivit à pluſieurs repriſes
la carrière du Barreau , il s'y diftingua même.
par le gain de pluſieurs Cauſes ; mais il
init toujours par préférer cet autre
bunal , où le talent perd bien quelques.
procès , mais où le gain d'un ſeul confole
de toutes les diſgraces paffées .
Tri-
Cet impérieux inftinct s'étoit manifeſté
en lui dès fes plus jeunes années ; à l'âge
de 12 ans , il avoit déjà fait une Comédie.
M. Goldoni , dans ſes Mémoires , a
fouvent occafion de nous faire connoître
en paffant , quelques uſages particuliers de
fon pays . Tel eſt le Sibyllone, amusement
littéraire affez ſingulier.
Le Sibyllone , ou la grande Sibylle , eft
un enfant de dix à douze ans , qu'on a
placé dans une chaire. Une perſonne quelconque
de l'aſſemblée lui fait une queſtion ,
& l'enfant y répond ſur le champ par un
feul mot. Ce mot , qui eſt l'oracle de la
Sibylle , forti de la bouche d'un enfant
& prononcé fans réflexion , eſt ordinairement
dépourvu de tout ſens commun ;
mais à côté de la tribune ſe lève un
:
4
DE FRANCE. 59
Académicien , qui ſoutient que l'enfant a
bien répondu , & qui , pour le prouver ,
ſe met à interpréter l'oracle . » Pour faire
>>connoître au Lecteur , dit M. Goldoni ,
>>juſqu'où peut aller la hardieſſe & l'ima-
>>gination d'un eſprit italien , je vais rendre
>>compte de la queſtion , de la réponſe ,
>>&de l'interprétation dont je fus témoin .
>>Le demandeur , qui étoit un étranger,
>> comme moi , pria la Sibylle de vouloir
>>bien lui dire , pourquoi lesfemmes pleurent
>>plus souvent & plus facilement que les
>>hommes. La Sibylle , pour toute réponſe ,
>>prononce le mot paille , & l'interprète
>>adreſſant la parole à l'auteur de la quef-
>>tion , ſoutient que l'oracle ne pouvoit
>>être ni plus décifif , ni plus fatisfaifant.
» Ce ſavant Académicien , qui étoit un
>>Abbé d'environ 40 ans , gros & gras ,
>> ayant une voix ſonore & agréable , parla
>> pendant trois quarts d'heure. Il fit l'analyſe
>>des plantes légères ; il prouva que la
>>paille ſurpoſſoit les autres en fragilité ;
>>il paſſa de la paille à la femme ; il par-
>>courut avec autant de viteſſe que de
>>clarté , une eſpèce d'eflai anatomique du
>>corps humain. Il détailla la ſource des
>>larmes dans les deux ſexes. Il prouva la
>>délicateſſe des fibres dans l'un , la réfif-
>>tance dans l'autre. Il finit par Hatter les
» dames qui étoient aſſiſtantes , en donnant
>>les prérogatives de la ſenſibilité à la foi-
>>bleffe; & il ſe garda bien de parler des
>>pleurs de commande .
60 MERCURE
» J'avone , ajoute M. Goldoni , que cer
>>homme me furprit. On ne peut pas em-
>>ployer plus de ſcience , plus d'érudition ,
>>plus de préciſion , dans une matière
>>qui n'en étoit pas ſuſceptible. Ce font
>> des tours de force , ſi vous voulez , c'eſt
>>dans le goût à peu près du chef-d'oeuvre
>> d'un inconnu ; mais il n'eſt pas moins
>> vrai que ces talens rares font eftimables ,
» &c. «.
On trouve auſſi dans ces Mémoires
quelques Anecdotes gaies , & plaifamment
racontées. De ce nombre eſt une viſite que
M. Goldoni eut l'honneur de faire au Saint
Père , à qui il fut préſenté parfaveur dans
fon cabinet de retraite.
.3
>>Ce Pontife Vénitien, que j'avois eu
>> l'honneur de connoître dans ſa ville
>>épifcopale de Padoue , & dont ma Muſe
>> avoit chanté l'exaltation , me fit l'accueil
>>le plus gracieux ; il m'entretint, pendant
trois quarts-d'heure , de ſes neveux & de
>>ſes nièces , charmé des nouvelles que
>> j'étois dans le cas de lui en donner.
>> Sa Sainteté toucha à la fonnette qui
" étoit ſur ſa table ; c'étoit pour moi le
>>ſignal de partir : je faifois, enm'en allant
>> des révérences , des remercîmens ; le Saint
>> Fere ne paroiffoit pas fatisfair; il remuoit
>>ſes pieds , ſes bras , if touffoit , il me
>>regardoit , & ne diſoit rien. Quelle étour-
>>derie de ma part ! Enchanté , pénétré de
>>l'honneur que je venois de recevoir 21
DE FRANCE. Gr
>>j'avois oublié de baiſer les pieds du ſuc-
>> ceſſeur de Saint Pierre : je reviens enfin
>>de ma diſtraction , je me proſterne ; Clé-
» ment XIII me comble de bénédictions ,
>>& je pars mortifié de ma bêtiſe & charmé
>>de fon indulgence " .
De ces trois volumes , le plus intéreſſant
pour nous , c'eſt le dernier. C'eſt là qu'on .
voit M. Goldoni arriver à Paris , où il
avoit été appelé par les Comédiens Italiens,
qui voyant leurs Pièces abandonnées ,
tandis qu'on couroit en foule aux Pièces à
ariettes , fongeoient à enrichir leur répertoire
de quelques nouveaux Ouvrages. Deux
ans après , il fut choiſi pour enfeigner l'italien
à Meſdames ; & enfin ſon état , &
des bienfaits de la Cour , l'ont fixé en
France , où il coule depuis , dans un glorieux
repos , la quatre-vingtième année de fon
âge .
Ces Mémoires offrent l'analyſe des cent
cinquante Comédies que M. Goldoni a
publiées , & par la voie du théatrree &par
celle de l'impreffion. Une telle facilité eſt
extrêmement rare ; elle eſt plus étonnante.
encore , lorſqu'on fonge que l'Auteur s'eſt
occupé avec ſuccès , comme nous le verrons.
bientôt , du grand projet de réformer le
théatre de fon pays. En effet, le talent qui
veut s'ouvrir une nouvelle carrière , a bien
moins de temps pour produire , que celui
qui ne veut fuivre qu'un ſentier battu
le génie réformateur a fans ceffe àdifcuter ,
62 MERCURE
à comparer , à multiplier les effais ; & le
temps qu'il emploie à méditer , doit être
pris ſur le nombre de ſes productions .
La Comédie , en Italie , avec des conceptions
vraiment dramatiques , employoit
des formes , des moyens peu naturels ;
c'eſt ce qui rendoit ſévère , injuſte même
à fon égard , le connoiffeur qui cherche
l'illufion au Théatre , & qui , ſans la vérité ,
n'admet aucune illufion.
Ces moyens peu naturels font notamment
ce qu'on appelle les quatre maſques
de la Comédie Italienne. On ne fera pas
fâché d'entendre M. Goldoni lui - même ,
fur l'origine , l'emploi & les effets de ces
quatre maſques.
» La Comédie , qui a été de tout temps
>>le ſpectacle favori des Nations policées ,
>> avoit fubi le fort des Arts & des Sciences ,
» & avoit été engloutie dans les ruines de
l'Empire , & dans la décadence des
» Lettres.
» Le germe de la Comédie n'étoit pas
>> cependant tout-à- fait éteint dans le fein
>>fécond des Italiens. Les premiers qui
>>travaillèrent pour le faire revivre , ne
>> trouvant pas , dans un ſiècle d'ignorance ,
>> des Ecrivains habiles , eurent la hardieſſe
>>de compoſer des plans , de les partager
" en actes & en ſcènes , & de débiter , à
>> l'im-promptu , les propos , les pensées &
>>les plaiſanteries qu'ils avoient concertées
>>> entre eux.
DE FRANCE. 63
>>Ceux qui ſavoient lire ( & ce n'étoit
>>pas les grands ni les riches ) , trouvèrent
» que dans les Comédies de Plaute & de
>> Térence , il y avoit toujours des pères
>>dupés , des fils débauchés, des filles amou-
>>reuſes , des valets fripons , des ſervantes
>> corrompues ; & parcourant les différens
>>cantons de l'Italie , prirent les pères à
» Venife & à Bologne , les valets à Ber-
» game , & les amoureux , les amoureuſes
» & les foubrettes dans les Etats de Rome
» & de la Tofcane .
>> Il ne faut pas s'attendre à des preuves
>> écrites , puiſqu'il s'agit d'un temps où
>> l'on n'écrivoit point. Mais voici comme
>> je prouve mon affertion : le Pantalon a
>>toujours été Vénitien , le Docteur a
>>toujours été Bolonois , le Brighella &
>> l'Arlequin ont toujours été Bergamaſques ;
>>c'eſt donc dans ces endroits que les Hif-
>>trions prirent les perſonnages comiques i
>>que l'on appelle les quatre maſques de la
>> Comédie Italienne.
>>Ce que je viens de dire n'eſt pas tout-
>> à-fait de mon imagination : j'ai un ma-
>> nuſcrit du quinzième ſiècle , très - bien
>>conſervé , & relié en parchemin , con-
>>tenant cent vingt ſujets ou canevas de
>> Pièces Italiennes , que l'on appelle Co-
>>médies de l'Art , & dont la baſe fonda-
>>>mentale du comique eſt toujours Pan-
>> talon , Négociant de Venise ; le Docteur,
>>Jurifconfulte de Bologne ; Brighella &
64 MERCURE
» Arlequin , Valets Bergamasques ; le pre-
>> mier adroit , & l'autre balourd. Leur
>>ancienneté & leur exiſtence permanente
>>prouvent leur origine «.
M. Goldoni fait voir enfuite qu'on a
pris à Veniſe le modèle du Pantalon Négociant
, parce que Veniſe faiſoit alors le
commerce le plus riche & le plus étendu
de l'Italie ; & ſon coſtume theatral eſt
préciſement l'habillement de ce temps-là.
On a fait le Docteur Bolonois , à cauſe
de l'Univerſité qui exiſtoit dès-lors à Bologne;
fon coſtunie eſt l'ancien habillement de
l'Univerſité && du Barreau Bolonois ; & une
tradition adoptée en Italie , veut que les
maſque dont il a le front & le nez couverts
, ait été imaginé d'après une tache de
vin qu'avoit au viſage un Jurifconfulte dur
temps.
Enfin les Brighella & l'Arlequin ont éré"
pris à Bergame , parce que le premier étant
extrêmement adroit, & le ſecond complétement
balourd , ces deux extrêmes , dit
M. Goldoni , ne ſe trouvent que là , dans
la claſſe du peuple . Le coſtume d'Arlequin
repréſente l'habillement d'un pauvre diable
qui ramaſſe , pour raccommoder ſon habit ,
les diverſes pièces qu'il trouve, fans regarder
au genre de l'étoffe , ni à la couleur ; &
la queue de lièvre qui orne ſon chapeau ,
eft encore aujourd'hui la parure ordinaire
des payſans Bergamaſques.
Outre que le maſque anéantit nécef-
:
1
DE FRANCE.
65
fairement l'expreffion des paffions & des
fentimens du perſonnage , on-ſent que la
néceflité de jeter dans un moule adopté
quatre rôles d'une Comédie , nuit à l'effor
du Poëte comique , qui doit tranſmettre
fur la ſcène tous les replis du coeur humain
& tous les ridicules de la ſociété.
M. Goldoni , avec un talent vrai , naturel,
avec le ſentiment de ſes forces , & la
connoiffance de ſon Art & du coeur humain
,n'a pas voulu adopter un ſyſtême
auſſi funefte au vrai talent , que contraire
à la raiſon ; & loin de ſoumettre ſon génie
àune abfurde routine , il a entrepris une
réforme auffi difficile que glorieuſe . N'ayant
que des ſentimens naturels à exprimer ,
il n'a pas voulu qu'ils fuſſent retracés fur
des vifages factices ; & comme chacun de
fes perſonnages avoit ſon caractère , il a
voulu qu'il pût avoir auſſi ſa phyſionomie.
Onſent qu'il dut foulever d'abord contre lui
lefervum pecus dont parle Horace ; quand
il s'agit de vieux préjugés , l'innovation la
plus heureuſe a toujours l'air d'une profanation;
les amateurs de la Comédie protégèrent
les maſques ; le réformateur ne répondit à
ſes détracteurs que par de bonnes Comédies ,
foit d'intrigue , foir de caractère, le plaifir
qu'il donna à ſes compatriotes , fut la ſeule
féduction qu'il employa ; & à la fin , le
ſuccès de ſes Ouvrages fonda celui de fon
ſyſtême , qui eſt aujourd'hui le goût le plus
généralement adoptépar lesAuteurs Italiens,
66 MERCURE
A ce tableau , qui tourne tout entier à
la gloire de M. Goldoni , ajoutons une
réflexion qui eſt particulière aux Muſes
Françoiſes. Nous prétendons au ſceptre
dramatique , qui nous eſt diſputé par les
autres Nations contemporaines. Sans chercher
à réfuter quelques reproches qu'on
nous fait , & qui tombent plutôt ſur nos
Tragédies que fur nos Ouvrages comiques ,
voici un argument à faire valoir en notre
faveur , & qui peut-être n'a pas encore
été employé. L'expérience nous prouve ,
¬amment l'exemple de M. Goldoni ,
que les peuples qui nous diſputent le prix ,
àmeſurequ'ils ont perfectionné leur theatre,
ſe font auſſi rapprochés de notre ſyſteme
dramatique. En effet ces fortes de productions
étant le genre de Littérature qui
doit ſe reffentir le plus de l'influence des
moeurs & des uſages , le Théatre d'une
Nation doit toujours avoir chez l'autre une
phyfionomie abſolument étrangère ; mais à
cette nuance près , qu'on jette les yeux
autour de nous , & l'on ſe convaincra aifément
que les Auteurs Dramatiques étrangers
ſe font trouvés plus près de nous , à chaque
pas qu'ils ont fait vers la perfection de leur
Art. Il ſemble qu'il ne nous reſte plu à leur
faire adopter , que la règle très-gênante de
l'unité de lieu ( i ). Mais ſi les bornes de
( 1 ) Encore a-t- elle été adoptée par quelques
Ecrivains étrangers .
DE FRANCE. 67
cet article nous permettoient de développer
cette idée , peut-être réuffirions-nous à
prouver que cette unitéde lieu qu'on rejette,
eſt néceffaire à l'unité d'action qui n'eft
plus guère conteſtée , & qu'elle y touche
de ſi près , qu'elle en fait preſque partie,
Si en effet vous tranſportez ſans ceſſe la
ſcène dans des lieux peu importans , chez
des perſonnages ſubalternes ,il eſt à craindre
que vous n'attiriez trop d'attention à des
agens peu eſſentiels , que vous ne donniez
- trop d'étendue à des acceſſoires , & que
par-là l'intérêt de l'action diminue , comme
le feu qu'on éloigne de ſon foyer perd
de ſon activité & de fa chaleur ; au lieu
qu'en renfermant toute l'action dans le lieu
principal , & chez les principaux perſonnages
, le ſujet conſerve néceſſairement
plus d'unité , & par - là même l'action ,
plus d'intérêt. Nos Lecteurs fuppléeront
aux réflexions & aux exemples que nous
pourrions invoquer en faveur de cette
affertion.
Nous allons terminer cet article en rappelant
la charmante Comédie du Bourru
bienfaisant , fur laquelle M. Goldoni entre
dans quelques détails. Cet Ouvrage , dans
lequel l'Auteur a fu être à la fois intéreflant
& comique , réuffit d'abord à Paris
& à la Cour , & jouit encore de l'eſtime
du Public & des Connoiffeurs. On y fut
frappé de la vérité du dialogue & des carastères;
on s'étonna de voir un Etranger
68 MERCURE
arrivé en France à l'âge de cinquante-trois
ans, ofer écrire en françois une Comédie ;
& le ſuccès , en faiſant oublier ſa témérité,
ne fit qu'ajouter à l'eſtime qu'on avoit pour
fon talent.
Parmi ceux qui furent étonnés de cette
heureuſe hardieſſe, ſe trouve J. J. Rouſſeau ,
que M. Goldoni alla voir au moment de
donner ſa Pièce. On ne ſera pas faché de
lire le récit de cette entrevue , dans laquelle
ce célèbre Philoſophe lui marqua ſon étonnement
avec cette rude franchiſe qui le
caractériſoit. M. Goldoni , qui le trouva
copiant de la muſique , lui ayant témoigné
du regret de le voir perdre un temps fi
précieux , à une ſi frivole occupation , J. J.
Rouſſeau , après s'être juſtifié à ſa manière ,
lui demanda ce qu'il faifoit lui-même à
Paris. Vous êtes venu à Paris pour les
>> Comédiens Italiens ; ce ſontdes pareſſeux ;
>>il ne veulent pas de vos Pièces ; allez-
» vous-en ; retournez chez vous ; je fais
» qu'on vous défire , qu'on vous attend ....
Monfieur , lui dis -je en l'interrompant
" ( c'eſt M. Goldoni qui raconte lui-même
>>cette converſation ) , vous avez raiſon.
>>J'aurois dû quitter Paris d'après l'infou-
>>>ciance des Comédiens Italiens ; mais
d'autres vues m'y ont arrêté. Je viens
>>de compoſer une Pièce en françois. Vous
>> avez compoſé une Pièce en françois ,
>> reprend-il avec un air étonné ! Que voulez
- vous en faire ? - La donner au
1
DE FRANCE. اهو
-ود
-
-
-
Theatre. A quel Théatre ? - A la
>> Comédie Françoiſe . Vous m'avez re-
>>proché que je perdois mon temps ; c'eſt
>>bien vous qui le perdez ſans aucun fruit.
Ma Pièce eft reçue. Eſt-il poſſible ?
» Je ne m'étonne pas ; les Comédiens n'ont
» pas le ſens commun ; ils reçoivent & ils
>>refuſent à tort& à travers ; elle eſt reçue
>>peut-être , mais elle ne ſera pas jouče ;
»& tant pis pour vous, fi on la joue. -Com-
>> ment pouvez-vous juger une Pièce que
>> vous ne connoiſſez pas ? Je connois
>>>le goût des Italiens & celui des Fran-
>> çois ; il y a trop de diſtance de l'un à
» l'autre ;& avec votre permiffion , on ne
>> commence pas à votre âge à écrire & à
>>>compoſer dans une Langue étrangère.
هد
-
Vos réflexions ſont juſtes , Monfieur,
>> mais on peut furmonter les difficultés.
J'ai confiémon Ouvrage à des gens d'ef-
>>prit , à des connoiffeurs,&ils en paroiffent
» contens. -On vous flate, on vous trompe,
» vous en ſerez la dupe , &c. ".
Ces ſauvages bruſqueries , d'abord humi-
Kiantes pour l'Auteur , devinrent un éloge
complet , après le juſte ſuccès de l'Ouvrage.
Telles font les réflexions que nous a fait
naître la lecture de ces Mémoires ; & nous
avons eu du plaiſir à les rendre publiques ,
comme un hommage rendu à un célèbre
Etranger , hommage que nous ne craignons
point de voir défavouer par la Nation qui
s'applaudit de le compter parmi ſes Con
70
MERCURE
citoyens. Si cet Ouvrage nous laiſſe quelque
regret à former , c'eſt d'y avoir trouvé
trop peu de diſcuſſions ſur l'art dramatique.
Que d'utiles indications auroit pu nous
donner l'Auteur , ſur une carrière qu'il a
parcourue avec tant d'éclat ! Que de lumières
il auroit pu y répandre , s'il avoit
voulu communiquer à ſes Lecteurs ce que
lui ont appris la méditation & l'expérience !
On profitera ſans doute à la lecture de fon
Théatre : mais celui qui a laiſſe de ſi beaux
exemples , ne pouvoit donner que de trèsutiles
leçons ; & c'éroit un double bienfait
envers la Littérature.
( Cet Articie est de M. Imbert. )
MÉTHODE de Nomenclature Chimique ,
proposée par MM. de MORVEAU , LAVOISIER,
BERTHOLLET & DE FOURCROY.
On y a joint un nouveau Systême de
caractères chimiques adaptés à cette Nomenclature
, par MM. HASSENFRATZ &
ADET. I vol. in-8 °. de 314 pages , avec
Figures & un grand Tableau . Prix, s liv.
br. , 6 liv . rel. Le Tableau fe vend ſeparément,
1 liv. 45. A Paris, chez Cuchet,
rue & Hôtel Serpente.
DEPUIS long-temps on avoit ſenti la nécelité
de rectifier la Nomenclature de la
Chimie ; MM. Macquer & Baumé en
avoient donné l'exemple ; MM. Bergman ,
DE FRANCE.
71
Bucquer & de Fourcroy , avoient auffi
travaillé à la perfectionner ; mais , comme
le dit M. Lavoifier , dans le Mémoire qui
ſe trouve à la tête de l'Ouvrage que nous
annonçons , aucun Chimiſte n'avoit conçu
un plan d'une auſſi vaſte étendue que celui
dont M. de Morveau a préſenté le tableau
en 1782 , lorſqu'il eut pris l'engagement
de rédiger la partie chimique de l'Encyclopédie
Méthodique , & de porter en
quelque façon la parole au nom des Chimiſtes
François dans un Ouvrage national.
On ne peut donc que lui ſavoir gré & à
ſes ſavans Coopérateurs , de s'être réunis
pour mettre la dernière main à cette réforme ;
ils n'ont rien négligé pour la rendre utile
à la ſcience , & à ceux qui veulent l'acquérir
; ils ſe ſont aidés des lumières de
plufieurs Membres de l'Académie , & de
quelques Chimiſtes ; ils ont laiſſé le tableau
expoſé dans la ſalle de l'Académie , pour
pouvoir recueillir les avis & perfectionner
leur travail avant de le publier,
Ce volume contient un premier Mémoire
lu par M. Lavoifier , à la Séance
publique de l'Académie , le 18 Avril de
cette année , ſur la néceſſité de réformer
& de perfectionner la Nomenclature de
la Chimie; un ſecond Mémoire, dans lequel
M. de Morveau développe les principes de
la Nomenclature méthodique ; une explication
du tableau de Nomenclature , par
M. de Fourcroy ; deux Synonymies complettes
, par ordre alphabétique ; le Rapport
72 MERCURE
des Commiffaires de l'Académie fur cette
nouvelle Nomenclature; deux Mémoires ſur
les nouveaux caractères à employer ; enfin
le Rapport fait à l'Académie ſur ces deux
Mémoires.
On ne peut conteſter l'évidence des
principes deſquels font partis les Auteurs
de cette grande entrepriſe ; ils ſe ſont attachés
àn'exprimer que des faits abſolument
dégagés de toute hypothèſe , à porter un
eſprit d'analyſe dans cette ſcience , par le
moyen de ſa Langue , à former cetteLangue
de manière qu'elle pût s'adapter aux dos
couvertes & aux travaux qu'on pourroit
faire dans la ſuite , & que , fuivant l'expreſſion
de M. Lavoiſier , ce fût plutôt
une méthode de nommer, qu'une Nomenclature.
MM. Haſſenfratz & Adet ont
ſuivi le même plan dans la formation des
nouveaux caractères , ils font même parvenus
à mettre dans ce genre d'écriture
abrégée , plus de ſimplicité & de préciſion
qu'elle ne ſembloit le comporter.
On fera moins ſurpris , après cela , de voir
que le phlogiſtique n'eſt ici rappelé que
comme principe hypothétique de Stahl :
il y a cependant encore un affez grand
nombre de Chimiſtes qui y tiennent ; &
le Rapport fur la Nomenclature annonce
que tous les Commiſſaires ne ſont pas en
tièrement convaincus de la poſſibilité de
s'en paſſer , quoiqu'ils avouent que la nouvelle
doctrine préſente des expériences impoſantes
DE FRANCE. 73
poſantes , qu'elle a ſes avantages ſur l'ancienne",
& qu'elle ſuit de plus près les
principes des corps : mais on ne peut
douter de la vérité de la remarque que font
à ce ſujet MM. Lavoifier , Berthollet &
de Fourcroy , dans leur Rapport ſur les
nouveaux caractères ; c'eſt que le phlogiſtique
que l'on défend aujourd'hui , n'eft
plus le phlogiſtique de Stahl , que celui de
M. Kirwau n'est même plus ni celui de M.
Macquer, ni celui de M. Baumé ; en forte
qu'il n'en reſte que le nom , qu'on a confervé
en changeant la chofe , & qu'en ce
ſens la doctrine qu'on nomme nouvelle, eſt
réellement plus ancienne que toutesles théories
actuelles qui admettent le phlogiſtique .
En jetant, un coup d'oeil fur le Tableau
de la nouvelle Nomenclature , on ſe raffure '
bientôt ſur le travail effrayant qu'elle fembloit
devoir exiger pour ſe la rendre familière
; on n'y rencontre pas plus de cinq
ou fix mots nouveaux , la plupart pour défigner
des ſubſtances qui n'avoient pas encore
reçu de nom , comme la baſe du gas
inflammable , la baſe de l'air phlogiſtiqué ,
&c . &c. Tout ſe réduit au ſurplus àdes
terminaiſons nouvelles , déterminées par
des principes uniformes qui les rendent
faciles à retenir ; & la diſtribution méthodique
de tous les êtres qui y font nommés ,
ſuivant leur ordre de compoſition , fera
très-propre à faire faifir à la fois l'enſemble
de la ſcience & le ſyſteme de ſa Langue.
N° . 41. 13 Octobre 1787. D
74 MERCURE
LÉOPOLD , Poëme ; par M. GINGUENE
Illius donafepulchro
Et madefacta meis ferta feram lacrymis.
TIBULLE .
AParis, chez Prault , Imprimeur du Roi,
quai des Auguftins.
LÉOPOLD DE BRUNSWICK , Роёте ,
qui a concouru pour le Prix de l'Académie
Françoise ; par M. NOUGARET.
Les premiers beſoins , ou du moins les plus
ſenſibles , font ceux d'un coeur bienfaifant,
&tant que quelqu'un manque du néceſſaire,
quel honnête homme a du ſuperflu ?
J. J. ROUSSEAU.
A Paris, chez la veuve Duchefne , rue
St-Jacques ; & chez Lagrange , Libraire
rue St-Honoré , vis-à-vis le Lycée.
PARMI les Littérateurs qui ont célébré
en vers l'héroïfſme du Duc Léopold de
Brunswick , on doit diftinguer particulièrement
M. Ginguené. Son nom eft connu
au Parnaffe. Ses diverſes Pièces , inférées
dans l'Almanach des Muſes , lui ont donné
un rang parmi les Beaux-efprits : de la raifon
,de la verſification , une plume exercée
au ſtyle poétique , voilà ſon talent. Il
feroit étrange que , ſur une matière auffi
belle & aufli intéreſſante que l'Eloge du
Prince de Brunswick, ce talent l'eût abſo-
Jument abandonné ; auſſi nous ofons penſer
DE FRANCE.
75
que ce Poëme n'eſt point indigne de ſa
Muſe. La plupart des Concurrens n'ont
qu'effleuré le ſujet , & par-là ont évité la
peine d'en vaincre les difficultés. M. Ginguené
a fur eux l'avantage de l'avoir dumoins
eſſayé. Il a ſaiſi la matière dans ſon entier.
Toutes les actions du Duc Léopold annoncent
une ame fi belle , ſi généreuſe , ſi enflammée
de l'amour du bien public , qu'il
n'a pas cru devoir en omettre une ſeule,
A cet égard il a trouvé un rival dans M.
Nougaret. Celui-ci n'a rien oubliéd'eſſentiel,
utant que les bornes d'une Pièce de ce
genre pouvoient le lui permettre. On trouve
dans l'un & dans l'autre , des idées & des
ſentimens. Voici le début de M. Nougaret.
La vertu d'un grand Homme enflamme mon génie.
Je ſens du Dicu des vers la douce tyrannie ,
Et fans briguer l'honneur d'égaler mes rivaux ,
J'embraſſe avec tranſport les plus doctes travaux ;
Trop heureux en cédant au beau feu qui m'anime,
D'obtenir des bons coeurs le fuffrage & l'eſtime !
On voit d'abord que la diction de M. Nougaret
ne répond pas à ſa penſée , & qu'il
n'eſt pas initié dans les ſecrets du ſtyle
poétique. Comme Verſificateur , M. Ginguené
l'emporte de beaucoup. Nous ne
citerons pas fon Exorde ; tous les Journaux
l'ont rapportée. Mais voici l'invocation.
Dij
76
MERCURE
O du jeune Brunswick Déeſſe révérée ,
Viens embraſer mon coeur , Humanité ſacrée !
Sois ma Mufe , dis-moi la ſource de nos pleurs ,
Des élémens troublés lesjaloufes fureurs ,
Etquel noble tranſport, quelle ardeur magnanime
* Eleva ton Héros à cette mort fublime,
Peut-être ce dernier vers ſent- il un peu
la recherche. Souvent , en évitant d'etre
commun, on tombe dans le précieux & le
maniéré. Pluſieurs endroits du Poëme de
M. Ginguené ne font pas exempts de ce
reproche . Mais laiſſons la critique, & citons
une belle tirade ſur les premiers penchans
du Prince àla vertu , & fur les diverſes
études auxquelles il s'étoit adonné dès fon
adolefcence.
دا
La gloire l'environne , il marche à ſa lumière ;
Son oeil impatient meſure la carrière ;
De rapides ſuccès y marquent tous fes pas ;
Sa main du fer adroit , du ſévère compas ,
Du tube obfervateur chaque jour eſt armée ,
Et jamais au malheur cette main n'eft fermée.
On peut comparer ces vers avec ceux-ci de
M. Nougaret. Ce ne ſont pas précisément
les mêmes idées ; mais c'eſt le même fonds .
Obſervez que je cite toujours ce qu'il y a
de mieux,
Il aimoit les Auteurs , ainſi que leurs Ecrits
Et fut avecbonté le généreux Mécènç
DE FRANCE. 75
-
Des enfans d'Apollon buvant dans l'Hypocrène ,
De ceux que Muémoſine entraîna fur ſes pas ,
Et pour qui la Science a ſeule des appas .
S'il couvroit l'Ecrivain d'une ſplendeur nouvelle ,
La gloire étoit le prix qui couronnoit fon zèle.
Les Arts encouragés dans leurs ſuccès brillans
Répandent aütour d'eux l'éclat de leurs talens.
Mais cédant au penchant d'une ame généreuſe ,
Léopold briguoit-il une gloire flatteuſe ?
Il fongcoit au plaifir de faire des heureux.
On ne fera ici aucune remarque. On s'en
rapporte à la ſagacité du Lecteur. L'uſage
des foulignemens n'eſt convenable que
lorſqu'il s'agit d'indiquer quelques taches
dans un morceau d'ailleurs irrépréhenſible.
Les deux Auteurs ont fait alluſion à la
Maiſon d'Education Militaire , fondée par
le Duc de Brunswick. C'eſt M. Nougaret
qu'on va lire d'abord.
Ilveutqu'au champ d'honneur, marchant avec éclat,
Chacun ſoit Citoyen avant d'être Soldat .
Sa bienfaifance élève un modeſte édifice ,
Un afile afſuré pour ſa jeune Milice .
C'eſt ainſi qu'à Paris , le vertueux Biron
Sait former avec foin un nouvel efcadron
Inſtruit dans la ſageſſe & dans l'Art militaire ,
Pour groffir quelque jour l'élite falutaire ,
De Corps redoutable , épuré par ſes loix ,
Qui veille jour& nuit au palais de nos Rois.
Diij
78 MERCURE
Ce rapprochement eſt heureux : tout le
monde y applaudira. Mais d'ailleurs le ſtyle
eft fi diffus , fi incorrect , l'impropriété des
expreffions eſt ſi groſſière, que tout le mérite
de l'idée eſt perdu. M. Ginguené s'exprime
beaucoup mieux.
Ici , d'heureux enfans , libres par ſa bonté
Du joug de l'ignorance & de la pauvreté ,
Croiſſent, jeunes rivaux, ſous des palmes naiſſantes,
Et fon nom réjouit leurs bouches innocentes .
Paſſons à la circonſtance la plus eſſentielle ;
je veux dire au débordement de l'Oder , &
a la mort du Prince qui y perd la vie en
voulant ſauver des malheureux ; car voilà
le véritable ſujer du Poëme. Cette defcription
eſt très-foible dans M. Nougaret.
Nous n'en citerens rien . C'eſt le morceau
brillant dans M. Ginguené. Il a réſervé les
couleurs de ſa palette pour peindre l'événement
funefte qui fut la cauſede la mort
du Prince, & qui conſacre à jamais fa gloire .
Sur de vaſtes débris , l'Oder impétueux
Précipitoit ainſi ſes flors tumultacих.
Les digues ne font plus ,&les toits fans défenſe)
Bientôt feront plongés ſous une mer immenfe.
Tout difparoît, jardins, prés rians, champs féconds.
La colline avec bruit roule au creux des vallons.
Les vallons fillonnés par d'énormes ravines ,
Se changent en torrens tout couverts de ruines.
Tel & moins déſaftreux aux campagnes d'Enna ,
Couroit un feu liquide échappé de l'Etna
DE FRANCE. 79
Ou tellebouillonnoit fur les murs d'Héraclée ,
Du Véſuve en fureur la lave amoncelée.
Les Citoyens errans , fugitifs , éperdus ,
De l'oeil cherchent leurs toits &ne les trouvent plus:
L'un, fur les monts voiſins graviſſoit avec peine ;
Il retombe accablé d'un fardeau qui l'entraîne.
Un autre , de ſon père en vain preſſe les pas.
L'autre enlève une épouſe , & l'épouſe en ſes bras
Serre un doux fruit d'hymen à peine à fon aurore ,
Et ne craint que pour lui ce danger qu'il ignore...
Ces détails ſont poétiques & pleins de
fenfibilité . L'Auteur peint enſuite le Prince
touché de ce déſaſtre. Il veut voler au
fecours de ceux qui font en danger. On lui
fait fentir celai cù il s'expoſe lui -même ;
mais l'humanité l'emporte : il s'élance fur
une barque avec deux Bateliers.
Oh! qui peindra ce peuple éperdu fur la rive ,
Et ce frémiflement d'une foule craintive ,
Et te cri de frayeur dans les airs élancé ,
Par un morne filence auffi-tôt remplacé ?
L'étonnement ſe joint à la reconnoiffance,
L'amour à la terreur , la crainte à l'eſpérance :
Tous n'ont qu'uneſeule ame; &l'onvoittous lesyeux
Ou fixés fur le gouffre , ou portés vers les cieux.
Et cependant voguoit la nacelle intrépide.
Elle a déjà franchi l'onde la plus rapide ,
Ce centre redoutable , où les flots courroucés
Roulent en tourbillons l'un par l'autre prefiés.
1
Div
MERCURE
Brunswick déjà triomphe , & témoigne ſa joie
Par un figne éclatant que chacun lui renvoie.
Triomphe paſſager ! fignes vains & trompeurs ,
Que vont fuivre bientôt les ſoupirs & les pleurs !
La barque du rivage enfin s'eft approchée :
Sous le voile ( 1 ) des eaux une tige cachée ,
Lui porte un coup fatal : le Prince chancelant
Se courbe , fait un pas, ſe relève à l'inftant ,
Et fon front rafſuré ſourit à la tempête :
Mais d'un faule noueux l'eſquif heurte la tête ,
Se brife , difparoît ... Léopold ! ... il n'eſt plus.
Il me ſemble qu'ici très-peu de Pièces de
Concours ſoutiendroient le parallèle. L'Aureur
a répandu les couleurs de la Poéfie
fur des détails d'autant plus touchans qu'ils
font vrais. Tout ce morceau porte l'empreinte
du talent. Ce ne font point là des
vers de Collége ſur des lieux communs ;
ce n'eſt point de la verſification vague &
fans effer. Ce n'eſt pas que le Poëme , lu
de fuite , ne perde beaucoup. Des longueurs,
& une marche trop méthodique , en affoibliffent
l'intérêt. Mais au moins ces longueurs
tiennent au ſujet , & n'y ſont point
un hors- d'oeuvre .
P. S. Les Pièces envoyées au Concours.
fur le même ſujet, par MM. Didot, fils aîné,
( 1) Cette méraphore, qui feroit une beauté poétique dans
une circonftance gracieufe , telle que la Fable de Sa'macis ,
eft ici un abus de poéfie ; défaut qui caractériſe l'époque
actuelle de notre Littérature.
DE FRANCE. 81
& Firmin Didot , imprimées par M. Didot ,
leur père , avec des caractères gravés par le
plus jeune, rappellent le temps des Etiennes,
qui , peu contens d'illuſtrer l'art de la Preffe,
avoient ſu encore l'ennoblir par la culture
des Belles - Lettres .
( Cet Article estde M. de Saint-Ange) .
LE PEUPLE instruit parses propres vertus,
ou Cours complet d'Inftructions & d'Anecdotes
recueillies dans nos meilleurs
Auteurs , & raffemblées pour consacrer les
belles actions du Peuple , & l'encourager
à en renouveler les exemples. Ouvrage
claſſique , principalement destiné au Peuple
des villes & des campagnes , & à fes
enfans de l'un & de l'autre sexe , & diftribué
de manière à pouvoirfervir de lecture
amusante & d'inſtruction morale chaque
jour de l'année. Rédigé par P. L.
BÉRENGER ; 2 vol. in - 12 , 6 liv. reliés.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardinet , 1787.
Le titre de cet Ouvrage en indique
parfaitement l'objet. Le Peuple , enle lifant ,
s'inſtruira par ſes propres vertus , & fans
doute il s'eſtimera davantage.
>>Ah ! ſi le petit Peuple avoit ſes Hiſtoriens
, dit l'Editeur de ce Livre intéreſſant ,
fi au licu d'aller épier ſes ridicules pour les
expoſer ſur nos Théatres immoraux , nos
Ecrivains devenoient les Peintres naïfs des
Dv
82 MERCURE
د
.....
vertus qui brillent ſi ſouvent dans l'obfcuritéde
ces claffes infinies, on 1 ennobliroit
à ſes propres yeux ce pauvre Peuple ;
il feroit plus aimé , plus honoré : & qui
ne fait que ces faciles récompenfes ont
toujours été le mobile des plus grandes
actions chez les Peuples anciens ? La plus
pure vertu ſe nourrit ſecrétement de l'eſpoir
den'être pas oubliée. Que de traits
d'héroïfme n'a-t- on pas dû jadis àde ſumples
branches de chêne ou de laurier ! Dénonyons
donc au Public , au Gouvernement ,
à la Poſtérité ces vertus fans fafte &
fans égo ſme , qui s'ignorent , pour ainfi
dire , elles - mêmes , & ne ſouffrons pas
qu'on calomnie la portion la plus nombreuſe
, la plus utile&la plus reſpectable
des enfans de la Patrie " .
د
Les 365 Anecdotes qui compoſent ce
Recueil , font entre-mélées de fentences &
de leçons , dont la morale eft à la portée des
hommes à qui ce Livre eſt principalement
deſtiné. M. Berenger a choiſi ces inſtructions
& ces traits de vertu dans les Ouvrages
les plus eftimés; les fragmens de ſa compofition
ſe réduiſentà 12 ou 15 Anecdotes ,
& environ 15 ou 20 autres morceaux
épiſodiques , & quelques explications placées
à la fin ou au commencement des faits
qu'il a recueillis .
Quoique les différentes pièces de ce
Recueil paroiffent jetrées au hafard , le
Lecteur attentif. y appercevra un fil fecret
1
DE FRANCE. 83
&un deffein marqué. Les principes de la
Morale font établis dans les inſtructions ;
les applications en ſont faites dans les Difcours
, & les Anecdotes ſont comme les
expériences qui en atteſtent les effets . Enfin
les adages & les proverbes étant ordinairement
le réſultat de la raiſon populaire ,&
le langage de l'expérience , il convenoit
d'en faire une eſpèce de code à la fin de
chaque mois. ८
Telle eſt la manière dont M. Berenger a
formé ce Recueil , qu'on peut regarder
comme un vrai Catéchiſme de Morale
élémentaire ; quoiqu'il ſoit principalement
deſtiné au Peuple , toutes les claſſes de la
Société y trouveront le développement des
devoirs qui leur font propres.
Nous allons placer ici un morceau de
cet Ouvrage , que nous croyons propre à
inſpirer un grand intérêt : l'Anecdote eft
de l'Editeur ; on trouvera dans la narration
ce ſtyle vif, rapide & animé , qui caractériſe
toutes les productions.
» L'amitié , ce ſentiment ſi tiéde & fi
nul pour la plupart des hommes perſonnels
que nous voyons , eft encore une paſſion
vive & fublime chez les habitans de nos
Provinces Méridionales. Les Marſeillois ſurtout,
iffusdesGrecs , &, comme ces Peuples ,
fenſibles avec excès ont des faillies de
caractère admirables , & peu d'années ſe
paſſent ſans que les Citoyens de cette heureuſe
contrée laiſſent échapper quelques uns
د
Dvj
84 MERCURE
de ces traits qui rendent l'Hiſtoire ancienne
fi touchante " .. 7
>> Voici une de ces Anecdotes qui m'a été
racontée pluſieurs fois avec enthouſiaſme
par M. de Paftoret , Conſeiller à la Cour
des Aides de Paris , de l'Académie des
Infcriptions & Belles-Lettres .
» M. de Paſtoret , père , un des plus
éclairés & des plus intègres Magiftrats de
Marſeille , avoit depuis long-temps pour
Fermiers d'un de ſes héritages , deux frères
nommés Arragon. Ces deux frères s'étoient
toujours aimés de la plus inaltérable amitié.
En hiver les ſoirées ſont bien longues à la
campagne ! Ce climat d'ailleurs invite affez.
les hommes à ſe reſſouvenir que ſi la vie eft
un bienfait , on ne le reçoit de la Nature
qu'avec l'obligation de le tranſmettre. Ils
fongèrent donc à ſe marier , car il n'y a
que les malhonnêtes gens & les libertins
qui redoutent les chaſtes liens du mariage.
A
2
>>Dire qu'ils vécurent d'abord en commun
, & affez paiſiblement, on s'y attend.
Mais on ne s'attend guère , fans doute ,
que les deux femmes , formées d'un ſang
étranger , & ayant des intérêts difiérens
aient pu s'accorder éternellement. Aufſi la
paix ne dura- t- elle que quelques années .
La femme de l'aîné eut dix à douze enfans
en huit à neuf ans ; celle du cadet n'en
eut point. La première étoit d'humeur plus
difficile; la ſeconde ſentoit peut-être ſes
avantages . On avoit vécu juſque-là dans la
DE FRANCE. 85
même famille, & fans avoir fongé à partager
les dots & les profits. Une querelle furvint.
Les querelles Provençales font comme
les vents , les orages & les chaleurs de cet
ardent climat , c'est-à-dire , fort vives , pour
ne rien dire de plus. Il fut décidé qu'on feroit
le partage en queſtion , & qu'on ſe ſépareroit.
C'étoient les femmes qui crioient &
qui le vouloient, il falloit bien que les pauvres
maris obéiffent.
>> On ſe rendit un Dimanche matin chez
M. de Paſtoret. Il eſt d'uſage , en pareil cas ,
que l'une des deux parties falle les lots de
partage , & que l'autre choiſiſſe ce qui lui
plaît. Voilà les parts faites par l'aîné en
préſence des femmes & des dix enfans.
Des larmes couloient , une pâleur mortelle,
un filence expreffif& douloureux atteſtoient
ledéchirement des coeurs fraternels. Le cadêt
choifit enfin d'une main tremblante , &
dit : Je prends cette part , frère , mais .......
elle n'eſt pas complette. Elle l'eſt , mon
ami , dit l'aîné , elle l'eſt tu le fais bien.
- Je fais & je vois qu'elle n'eſt pas égale ,
& qu'il y manque ce que j'en aime le
plus........ Eh! crois-tu , cruel , que moi ,
qui n'ai point d'enfans , je vais divifer
nos biens , fans partager auffi ta famille ?
J'en veux la moitié ; je choiſis cinq de ces
enfans , & je prends les cadets & cadettes ,
afin que les plus grands puiſſent t'aider
dans tes travaux ; ce que j'exige-là , ma
femme le veut comme moi.-Le tondont
86 MERCURE
1
.......
tout cela fut dit, l'impreſſion qui ſe fit fur
toutes les phyſionomies , changèrent foudain
ce rendez - vous d'intérêt , en ſcène
délicieuſe. Les neveux ſautèrent au cou de
P'oncle , les belles-foeurs s'embrafferent en
pleurant , & les deux frères....... Non ,
je ne décrirai point leurs étreintes .
8 Greuze , & Vernet , que n'étiez- vous là
pour ſaiſir les éloquentes expreffions dont
l'honnêteté & la ſainte amitié animoient
les phyfionemies de ces deux frères ! J'aimerois
bien mieux voir un pareil tableau
éclore ſous vos touches morales & vraies ,
que d'admirer avec effroi vos tempêtes &
vos malédictions paternelles. Les Beaux Arts
ne devroient peindre que la belle nature ,
& s'arrêter peut-être là où l'expreffion ſe
force , s'exagère & devient hideufe ".
Nous croyons devoir inviter les Curés
& les Seigneurs , à répandre dans les campagnes
ce Livre véritablement populaire ,
fi propre à faire naître l'amourde la vertu ,
&à réveiller les plus douces affections de
l'ame. Rendre les hommes meilleurs par
l'inſtruction , c'eſt exercer ſur ſes ſemblables
le plus grand , le plus auguſte 'de tous les
empires.
DE FRANCE. 87
HISTOIRE fecrète des amours d'Élisabeth
& du Comte d'Effex ; dédiée à S. A. R.
MADAME; par M. LESCENNE
DESMAISONS , in-8°, de 128 pages.
A Paris , chez Deſenne , Libraire , au
Palais -Royal, N. 216.
:
QURL caractère pour la Tragédie & lé
Roman moral que cette Elifabeth , amalgamant
, comme ſon père , les plus fublimes
qualités & les défauts les plus haïffables !
L'Europe admira dans cette Reine les talens
d'un grand homme , les vertus d'un bon
Roi ; mais combien ces belles qualités ne
furent-elles pas déparées par toutes les petiteſſes
d'une femme coquette &méchante ?
Maîtreſſe abſolue d'un Peuple libre , Protectrice
de la liberté de la Hollande , appui
de Henri IV , redoutée de l'Eſpagne , &
révérée de Rome & du Monde entier , c'eſt
cependant au milieu d'un règne ſi glorieux
& fi fortuné , que ſon coeur , toujours malheureux
dans les objets de fon amour , eſt
dévoré d'un chagrin noir & incurable qui
lamène inſenſiblement au tombeau.
Eft-ce une Hiftoire , eſt-ce un Roman que
nous annonçons ? L'Auteur lui -même répond
: Je l'ignore. » Comment diftinguer
le vrai de fi loin , & couvert de mille
>> enveloppes des paffions humaines ? L'Hif-
>> torien recueille , compile, cite, mais fes
>> ſources ſont ſouvent corrompues , fes au88
MERCURE
>> torités incertaines , ſes garans de mau-
>> vaiſe foi ou mal inftruits. A toutes ces
ود erreurs , il ajoute les fiennes. L'Hiſtoire
>> ſe répand, & les préjugés s'établiſſent " .
Le Comte d'Eflex perdit la tête ſur un
échafaud ; c'eſt un fait : mais ſe livra-t-il à
des projets coupables , ou fut-il la victime
d'une paflion puiffante & outragée ? Lifez les
Hiſtoriens du temps. Avec eux , vous pourrez
voir dans Eflex un homme fier& ambitieux,
formant contre Eliſabeth les projets
les plus criminels , & ne tendant à rien
moins qu'à lui ravir la couronne ; avec eux
auſſi vous appercevrez l'inclination de la
Reine pour ce Seigneur , les faveurs dont
elle le combla avant qu'il y eût aucun droit.
Vous verrez l'envie des Courtiſans réunis
contre lui, leurs intrigues pour lui faire ou
lui prêter des crimes ; une révolte fans objet,
qui reſſemble plus à une querelle avec les
Miniſtres , qu'à un complot réfléchi ; enfin
une Reine aigrie , mais toujours foible , ne
pouvant ſe réfoudre à confentir à ſa mort.
>>Peut-être alors, dit M. Deſmaiſons, peut-
>> être cette Anecdote nous fournira-t-elle le
>> noeud de toutes ces difficultés ; peut- être
>> paroîtra-t-elle l'explication naturelle de
>> ce qu'offre d'obſcur l'Hiſtoire des temps;
>> finon, ce ne fera qu'un menſonge de plus
>>ajouté à la mère des menſonges hiſtori-
" ques, & je n'aurai pas manqué mon but
>> s'il paroît agréable". 1
Non ſeulement cet Ouvrage eſt agréable,
1
DE FRANCE . 89
mais il eſt plein d'un intérêt grand & attachant.
Tour y est enchaîné fortement ; on
auroit la plus grande peine à détacher des
fragmens particuliers de cette Nouveile hif .
torique , pour faire connoître le ton de narration
de l'Auteur. Point de ces brillans
placages , de ces portraits chargés d'antithefes
, de ces aphorifines de morale , & ,
pour tout dire enfin , point de mauvais
goût, point de mauvais ton dans un ſujet
paffionné , & dont les acteurs doivent ne
s'écarter jamais des inflexibles bienféances
de leur rang. De tels Ouvrages , écrits
avec cette fage ſobriété d'ornemens & de
morale , préfentent de grandes & utiles
leçons aux hommes condamnés à régner.
On ne ſe défie afſurément point d'une Hiftoire
amoureuſe ; & cependant , fous l'ap--
pât de ce titre attirant , l'Auteur donne à
leur éternelle inexpérience des confeils falutaires
, gravés enlettresde ſangdans l'Hiſtoire .
LES FASTES de la Marine Françoise,
ou les actions les plus mémorables des
Officiers de ce Corps, dont la Vie ne se
trouve point dans celles des plus célèbres
Marins ; par M. RICHER. Prix , 1 liv .
10 f. broché. A Paris , chez l'Auteur
maison de M. Reverard , rue St-Jacques ,
vis-à vis celle du Platre, Nº. 245 ; chez
la veuveHériſſant, Lib., rue Notre-Dame;
& chez l'Eſclapart , Lib . , rue du Roule.
1
En travaillant aux Vies des plus célè-
-
90
MERCURE
bres Marins , M. Richer a trouvé un trèsgrand
nombre d'Officiers de Marine qui ont
fait des actions d'éclat , &dont il n'a point
donné la vie détaillée , parce qu'ils ne commandoient
pas en chef ; mais il ſe propoſe
de faire paffer leur nom à la Poſtérité dans
les Fafles de la Marine Francoise , dont il
vient de donner le premier volume, & qui
ferviront de fuite aux Vies des plus célèbres
Marins. On y trouve le nom de chaque
Officier qui s'eſt ſignalé par quelque
action d'éclat , avec les détails néceflaires
une norice fur ſa famille, pour que la refſemblance
des noms ne cauſe pas de méprife.
M. Richer annonce dans l'Avant-propos
, qu'il ne fuit point l'ordre chronologique,
qui pourroit lui caufer de l'embarras &
du retard; chaque Officier qui s'eft fignalé
a un article ſéparé , & l'on en trouve la
table à la fin du volume, ce qui ſera exécuté
dans les fuivans.
&
Les Officiers dont on parle dans ce I",
Vol. des Faftes de la Marine Françoiſe , font
Jofeph de Montigny, Chevalier de Malte ,
Vice-Amiral fous Louis XIII & Louis XIV ;
François-Louis Rouffelet, Marquis de Château-
Renaut , Vice-Amiral fous Louis XIV;
Jacques de Cuers de Cogolin , Chef d'Efcadre
ſous Louis XIV, le premier Officier
de Marine qui ait été décoré de la Croix
de Saint Louis : Henri - François des Herbiers
, Marquis de l'Etenduere ; Louis de
Kerlerec , Capitaine de Vaiſſeaux, ancien
:
DE FRANCE. gt
Gouverneur de la Louiſiane ; Paul de Cardaillac-
Lormé, Chevalier de Malte , & Capitaine
de Vaiſſeau ſous Louis XVI ; M. le
Baron de Durfort - Deyme , Commandear
de l'Ordre de Saint Lazare , & Capitaine de
Vaiſſeau ; M. le Vicomte de Beaumont, neveu
de l'Archevêque de Paris , Capitaine de
Vaiſſeau.
Il eſt à ſouhaiter que l'Auteur continue
cet Ouvrage intéreſſant, principalement pour
les Officiers de la Marine , dont il conſacre
la gloire.
ANNONCES ET NOTICES.
LA
Amort de Maximilien- Jules Léopold , Duc de
Brunswick-Lunebourg . Foëme par M. Ronfin. A
Londres; & fe trouve à Paris , chez Royez , Libraire,
quai des Auguſtins. - Ode envoyée à l'Académie
Francoife, fur le dévouement du Duc de Brunswick ,
qui mourut dans l'Oder le 27 Avril 1785 , en fecourant
des malheureux ; par M. Chauſſard , Avocat
au Parlement. Mème adreſſe que ci-deſſus.-Poëте
fur la mortdu Prince Léopold de Brunfwick, avec
cette Epigraphe : Célébrer Léopold est un besoin de
Iame. Ode fur la mort du Prince Léopold de
Brunswick , par M. F. Vernes , Citoyen de Genève.
A Londres ; & ſe trouve à Paris,Hotel Landier ,
Nº. s , rue Haute-Feuille.
-
Nous ſommes forcés , pour ne pas revenir trop
fouvent fur les mêmes objets , de ne faire qu'an
92 MERCURE
noncer tous ces Ouvrages , für la mort du Prince
Léopold. Nous nous contentcrons de dire qu'on y
trouve en géléral des détals heureux ; mais aucun
ne nous a paru l'emporter for ceux qui ont
été couronnés ou mentionnés par l'Académic.
Le ſecond Acceffit a été donné à M. Morvan
Avocat à Quimper , que nous avons nommé par
mépriſe M. Moreu , Avocat. Son Ouvrage ne
nous eſt point parvenu ; nous ne le croyons pas
imprimé.
:
LES derniers adieure du Quri de Gévres à la
bonne Ville de Paris. Brochure in-18 de 100 pages.
Prix , 15 fous. A Londres ; & ſe trouve à Paris ,
Hôtel de Meſgrigny , rue des Poitevins ; & chez
les Marchands de nouveautés .
:
Les évènemens du jour font naître une foule de
Brochures dont les Journaux ne peuvent pas même
rapporter les titres , parce que le nombre en eft
trop grand , qu'on ne peut en parler bien vite , &-
que, lorſqu'on a laiſſe paſſer huit jours , il eſt trop
tard pour en parler. Du moins dans celle-ci, comme
dansbien d'autres qui paroiſſent fortir de la même
plume , on trouve de l'eſprit & de la gaité.
C'eſt le Quai de Gévres qui , au moment d'être
détruit , fait ſes adieux à labonne Ville de Paris.
Ses adieux font un compofé de Regrets , d'Epigrammes
& d'Anecdotes. C'eſt une fécondité de
parlage , qui étonne quelquefois & qui amuſe prefque
toujours. Cette verve de gaité amène quelques
traits que le bon goût ne peut avouer , mais qui
font bien plus excufables là que dans tout autre
Ouvrage.
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Romans. A
Paris , au Bureau , place St-Michel , au coin de la
rue Sainte-Hyacinthe,
DE FRANCE .
93
Cet Ouvrage périodique est très - connu. On
fait que c'étoit en Littérature une très-riche mine
à exploiter ; auſſi ſe continue- t-il toujours avec
fuccès. Outre l'édition du format ordinaire in- 12 ,
il s'en fait une autre concurremment in-8 ° .; &
afin qu'on puifle avoir dans ce dernier format une
Collection complette de ce précieux Recueil , on
réimprime de même les Volumes qui ont paru
juſqu'ici , & qui reparoîtront à mefure. D'après
ce nouveau plan, avec les deux derniers Volumes
dans les deux forinats de Juillet 1787 , on vient de
publier in-8 °. le premier Volume de Juillet 1775 .
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Dames. A
Paris , que & Hótel Serpente,
Les deux derniers Volumes publiés font le XVIe.
de l'Histoire , & le XIIIe, des Romans. La Soufcription
pour les 24 Volumes reliés , eſt de 72 liv. ,
&de 54 liv. pour les Volumes brochés. Les Soufcripteurs
de province payeront de plus 7 1. 4 f. ,
à cauſe des frais de pofte,
PETITE Bibliothèque des. Theatres , Tom. IIIe.
& dernier des Effais hiſtoriques fur l'origine & les
progrès de l'Art dramatique en France. A Paris ,
au Bureau de la Petite Bibliothèque des Théatres,
rue des Moulins, Butte St-Roch , Nº. 113 ; chez
Belin , Libraire , rue St-Jacques ; & chez Brunet ,
Lib . , rue de Marivaux , place du Théatre Italien,
Ce Volume , qui eſt plein de recherches comme
les précédens , complette la troiſième année de cette
intéreſſante Collection.
DISSERTATION fur l'Illecebra , ou petite Joubarbe,
découverte par le Docteur Marquet, comme
fpécifique contre le Cancer, le Charbon & la Gangrène
. in-folio. Prix , 2 liv. avec figures coloriées,
94
MERCURE
A Paris , chez l'Auteur , M. Buc'hoz , rue de la
Harpe, au deſſus du Collège d'Harcourt. - Differtation
fur le Mangoftan , un des Arbres les plus
utiles de l'Inde , tant comme aliment que comme
médicament , & digne d'être tranſporré dans nos
Colonies de l'Amérique. Prix , 6 liv. , avec figures
coloriées . Même adreſſe que ci-deſlus .
GALERIE Univerſelle des Hommes qui se font
illustrés dans l'empire des Lettres , depuis le fiècle
de Léon X jusqu'à nos jours ; des grands Miniftres
, des Hommes d'Etat les plus distingués , &
des Femmes célèbres , depuis le commencement du
Mondejusqu'à nos jours ; ornée de leurs portraits,
&c. Prix , 4 liv. A Paris , chez l'Auteur , M. le
Comte de la Platière , en ſon Hôtel , rue Meflée
Nº. 58 ; Delalain l'aîné , Libraire, rue St-Jacques ;
Moutard , Imp.-Lib. de la Reine , rue des Mathurins
; Bailly , Lib. , rue St - Honoré , Barrière des
Sergens ; Savoye , rue St-Jacques ; Belin , rue St-
Jacques ; Lottin de St-Germain , Imp. , rue Saint-
André-des-Arts ; & Blaizot , à Verſailles .
Cette onzième Livraiſon renferme la Vie de
Voltaire avec ſon portrait.
,
NUMA POMPILIUS , fecond Roi de Rome s
par M. de Florian , Capitaine de Dragons , &
Gentilhomme de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre
, des Académies de Madrid , de Florence
de Lyon , de Niſmes , d'Angers , &c . ze. édition .
I vol. in - 8 °. , papier ordinaire , broché , liv.
10 f. A Paris, chez Debure, Lib. , rue Serpente ;
& chez Bailly , Libraire , rue St- Honoré , Barrière
des Sergens.
On trouve chez le même Libraire toutes les
OEuvres du méme Auteur , imprimées par Didot,
l'aîné ; ſavoir :
DE FRANCE.
95
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Format in - 18 ..
Galatée , Roman pastoral , imité de Cervantes,
vol. figures , papier vélin , broché , 6 liv.
La méme , papier ordinaire , fig. , br. , 4 liv.
Les fix Nouvelles , I vol. figures, papier vélin ,
broché , 6 liv.
Le même , papier ordinaire , fig. , br. , 4 liv.
Les figures ſe vendent à part pour ceux qui ont
la première édition .
Théatre , contenant les deux Billets , le bon
Ménage , le bon Père , la bonne Mère , le bon
Fils , Jeannot & Colin , les Jumeaux de Bergame ,
Blanche & Vermeille, le Baifer , Héro & Léandre ,
Myrtil & Chicé. 3 vol. fig. pap. véjin , br. 18 liv .
Le même , papier ordinaire , fig . br. , 12 liv.
Le IIIe. volume pour compléter la première
édition , papier vélin , ſans figures, br. , 4liv. 10 1.
Le même , papier ordinaire , broché , 3 liv .
Les figures ſe vendent à part pour ceux qui ons
la première édition.
Numa Porpilius , ſecond Rei de Rome , 2 vol.
in- 18 , figures , papier vélin , brochés , 12 liv.
Le même, papier ordinaire , fig. br. , 8 liv .
Mélanges de Poésie & de Littérature , contenant
Ruth , Eglogue couronnée par l'Académie Françoiſe
, en 1784; Voltaire & le Serf du mont Ima
couronné en 1782 ; Eloge de Louis XII ; des
Contes en vers; Imitations & Traductions , & des
Pièces fugitives , 1 vol. fig. papier vélin , br. 6 1,
Les mêmes , papier ordinaire , fig. br. 4 liv .
Format in - 8 ° .
,
Galatée&lesfix Nouvelles , 1 vol. papier vélin ,
broché , 12 liv.
Les mêmes , papier ordinaire , broché , 3 liv .
Numa Pompilius , 1 vol, pap. vélin , br. 12 liv.
Le même, 30. édition , pap. ord. br. 4 liv. 10 f.
Elogede Louis Xil, furnommé le Père du Peuple
, Brochure in-8°,, 15 f.
96 MERCURE DE FRANCE.
COLLECTION de Pièces pour la Harpe & le
Forte- iano , par M. Krumpholttz. C'eſt celle que
nous avons annoncée dernièrement ; mais l'Auteur,
d'après les conſeils d'un très - grand nombre de
perſonnes , a réſolu de l'arranger de manière que
ces morceaux puiſſent également s'exécuter ſur le
Forte-Piano , & ils feront doigtés en conféquence.
La Collection , qui contiendra vingt morceaux différens
, avec Violon ad libit. , paroîtra le 15 Novembre
prochain. On ſouſcrit chez l'Auteur , rue
d'Argenteuil , Butte St-Roch, Hôtel de la Prévôté ,
Nº. 14. Prix , 9 liv. ; & paffé ce terme , qui eſt
de rigueur , elle coutera 12 liv .
NUMÉROE 43 à 46-des Feuilles de Terpſychore,
pour la Harpe & pour le Clavecin , chaqueNuméro
ſéparé , 1 liv. 4 f. Abonnement pour 52 Numéros
dechaque Journal, 30 liv. francs de port. AParis,
chezCoufincau père & fils , Luthiers de la Reine ,
rue des Poulies.
LÉGIE.
TABLE,
:
49 Méthode de Nomenclature 70
Vers airesses à Mme. Vin- Léopold , Poëme.
cent..
Chanfon
72
51 LePeuple inftruit par ses pro-
52 pres vertus.
Charade, Enigme& Logogi- Histoire fecrète.
phe.
81
87
$3 Les Fastes de la Marine. 89
Mémoires de M. Goldoni.56 Annonces & Notices .
J
APPROBATION.
91
AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 13 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher
l'impreſſion, AParis , le 12 Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
し
DE
BRUXELLES.
N
POLOGNE.
De Varsovie , le 16 Septembre.
Ous apprenons de Kaminieck qu'une
armée Ottomane eſt en marche pour ſe
endre dans la Moldavie. 80,000 hommes
s'avancent vers Oczakof. Les garniſons de
Choczim & de Bender ſont conſidérablement
renforcées
Le Comtede Potocki, Commandant dans
l'Ukraine , a envoié ici un courrier qui a
apporté , dit - on , la nouvelle qu'environ
6000 hommes de diverſes nations ont fait
une invaſion ſur le territoire de la République,
& s'y permettent toutes fortes de dé
fordres. Če Général a fait des diſpoſitions
pour chafler ces vagabonds , & il attend an
No. 41 , 13 Octobre 1787. C
) رق (
renfort de troupes pour mieux couvrir les
frontieres.
Ondébite que le fameux prophete Scheik
Manfur s'eſt mis en marche vers la Crimée
avec un corps conſidérable de Tartares.
D'autres lettres portent qu'une eſcadreTurque
eſt devant la fortereſſe de Taman dans
le détroit de Caffa .
Le Conſul Ruſſe , réſidanr à Jaſſy , qui
devoit être arrêté , a eu le bonheur d'échapper;
il eſt en route pour Pétersbourg : celui
de Bucharest eſt emprisonné. Les ſujets
Ruſſes qui ſe trouvent dans les Etats de la
domination Ottomane , ont reçu l'ordre de
les quitter dans l'eſpace de fix mois.
Dernierement on a vu paffer à Pinsk pour
la premiere fois un gros bâtiment , appartenant
au ſieur Luskowsky , échanſon de
Brzeſc , par le canal de la République ; il
venoit de Dantzick , & étoit chargé de
centtonneaux de ſel. Cette premiere tentative
de navigation a parfaitement réuffi. On
a lieu d'eſpérer de grands avantages de la
réunion des rivieres de Pina & de Mucha -
wiecz ; le commerce du bois deviendra des
plus importans.
De Hambourg , le 18 Septembre.
Les Députés de Dantzick ſont toujours
àBerlin , fans avoir même entamé des conférences
avec le Ministere. En attendant , le
commerce de cette ville eſt très-languiffant;
il ne peut ſe ſoutenir contre les avantages
que le Roi de Pruſſe a accordés à celui
d'Elbingue. La Bourgeoiſie eſt mécontente ;
Elle perd toute eſpérance de rétablir fon
trafic.
ALLEMAGNE:
De Berlin, le 24 Septembre.
M. Fitzherbert, Miniſtre de la Cour de
Londres à celle de Pétersbourg , eſt arrivé
ici venant de cette derniere ville .
Le 17 le Général de Mollendorf a fait
exécuter une grande manoeuvre à la garnifon
de cette ville. Enſuite les Gardes du-
Corps, les Gens d'armes & les régimens de
Bornſtedt & de Braun font partis pour Potsdam
, où les manoeuvres d'automne ont
commencé le 21 .
On achete dans le Duché de Holſtein
beaucoup de foin&d'autres fourrages pour
le compte du Roi ; & il eſt parti de Pillau ,
Memel & Koenigsberg , trente bâtimens
Pruffiens , chargés de blé , farines & autres
proviſions, qui deſcendront dans la mer du
Nord par le canal de Holſtein , & font deftinés
à notre armée de Hollande.
Le ſieur Hertzberg , de Breſlau , a trouvé
le fecret du Docteur Arfwid Faxe de Carlfcrone
, pour la compoſition du carton de
pierres , impénétrable à l'eau , & réſiſtible
C2
( 52 )
4
Al'action du feu. Les eſſais qu'il en a falts
ont bien réuffi. Il ſe propoſe actuellement
d'établir une manufacture de cette marchandise.
.....On apprend par des lettres de la Pruſſe
occidentale , que le 25 Août le feu a pris
dans la ville de Krojanke appartenante au
Prince Sulkowsky , & y a réduit en cendres
107 maiſons , Sgranges , 115 étables
& s greniers.
La derniere foire de Francfort fur l'Oder
a été beaucoup plus fréquentée que les précédentes
. On attribue cette heureuſe augmentation
à la diminution des droits Le
nombre des Juifs Polonois qui s'y font
trouvés , a monté à 1416. La vente des
marchandises a furpaſſe de 100,000 rixdal.
celle de l'année derniere , & quoique les tarifs
ſoient diminués , le revenu royal s'eſt
élevé à la même ſomme qu'autrefois ; fon
produit étoit de 40 & quelques mille rixd.
La vente des marchandiſes de Siléſie a produit
150,227rixdalers ; les draps & les cuirs
ont été très recherchés.
S. M. a affigné une ſomme de 200,000
rixdalers à la reconstruction de la ville incendiée
de New Ruppin , & 50,000 rixd.
de ſecours à diſtribuer aux malheureux qui
ont fouffert de cet accident. Elle a fait auffi
remettre 10,000 écus à la Société de phyfique,
pour l'acquiſition d'une maiſon .
Le Roi voulantfournir auxjeunes Offi(
53 )
ciers de fon armée l'occaſion d'étendre de
plus en plus leurs connoiſſances militaires ,
a fait élever des fortifications près de Schonhauſen
, ſous la direction du Lieutenant-
Colonel de Tempelhof. Ces ouvrages finis ,
on a commencé pour la premiere fois , le 6
de ce mois , à exécuter le fimulacre d'un
ſiege en regle.
:
De Vienne , le 25 Septembre.
Avant ſon départ pour la Bohême, l'Empereur
a fait une promotion militaire , dans
laquelle ſont compris , ſous le grade de Général
de Cavalerie , le Prince de Naſſau-
Ufingen, le Comte Jofeph de Kinsky , & M.
de Würmfer; fous le grade de Général d'Infanterie
, le Prince de Ligne , le Baron de
Rouvroy & M. Berncopp. Durant le court
voyage de S. M. I. , les Nouvelliſtes avoient
imaginé de la mettre en conférence avec le
Roi de Pruſſe ſur les frontieres de Siléſie ;.
entrevue chimérique dont il n'a jamais été
queſtion . S. M. eſt de retour ici depuis le
23.
Ce qu'on appelle dans les Gazettes les
armemens contre les Turcs , c'eſt à dire , les
préparatifs militaires pour la formation
d'une armée ſur les frontieres , continuent
avec une grande activité. On a mis un embargo
fur tous les bateaux du Danube : la
confcription militaire s'effectue dans notre
C3
( 34 )
ville& les fauxbourgs. On a offert de l'a
vancement aux Gardes - Nobles qui voudront
marcher ; enfin l'on a recherché , diton
, dans la Chancellerie Aulique de guerre
les actes relatifs aux précédentes guerres
avec les Ottomans .
Quant aux autres diſpoſitions authentiques
, elles ſe réduiſent aux ſuivantes , à ce
qu'il paroît : l'armée qui s'avancera du côté
deBelgrade, fera compoſéede 8 régimens
d'Infanterie , ſavoir : de Vins , Nadasty ,
Alvinzy , Karoly , Jean Palfy , François
Giulay, Charles Toscane & Deutschmeister ,
auxquels on ajoute pluſieurs bataillons de
Croates qui forment un corps de 15 mille
hommes ; de 3 régimens de Cuiraffiers ,
Schackmin , Czartorisky & Anspach; de 3
de Dragons, François Toscane, Caramelli
& Wurtemberg , & du régiment de Graeven ,
Houſards. Les régimens de Cavalerie font
augmentés d'un eſcadron & celui de Houſards
d'une diviſion; ce qui fait environ 12
mille hommes de Cavalerie. Six compagnies
de Canonniers & de Bombardiers ſuivront
cette armée. Outre cela il fera tiré un
cordon depuis les confins de la Croatie jufqu'à
ceux de la Valachie le long de la Save
&du Danube. Ce cordon ſera composé de
6 bataillons de Croates & de 8 eſcadrons
de Houſards. Un corps d'armée compofé
de 2 bataillons d'Infanterie de la même na(
55 ).
tion & de 2 régimens de Cavalerie , ſavoir;
Szeklers , & Savoie eſt deſtiné à couvrir la
principauté de Tranſylvanie.
A la tête de cette armée , les uns ont
placé le Prince de Lobkowitz : d'autres le
vieux Maréchal de Haddick ; aujourd'hui
c'eſt l'Empereur en perſonne qui préſidera
aux opérations de la guerre; & en fon abfence
nommera le Grand Duc de Tofcane
Viceroi de la Monarchie : demain ce feront
d'autres Commandans ; & au total en voilà
bien aſſez pour avertir le Lecteur de ce qu'il
doit croire de toutes ces nominations populaires.
On a expédié des ordres aux Comman
dans de Carlſtadt , d'Hermanſtadt & de
Czernowiz , de répartir les troupes , de mar
niere qu'elles forment un cordon , depuis
les frontieres de la Croatie , juſqu'à celles
de la Buckowine , & qu'elles puiffent s'afſembler
en 4 corps particuliers , dans l'efpace
de trois fois vingt quatre heures.
Les deux bataillons du régiment d'Infanterie
de Bade Durlach font arrivés à Bude.
Un bataillon du régiment de Tercy eſt entré
en garniſon à Peſt, l'autre bataillon paſſera
à Waizen .
La récolte des grains a été très médiocre
cette année en Autriche & en Styrie. On
apprend la même choſe de la Hongrie , furtout
du côté de la riviere de Theis. On
C4
( 56 )
craint une famine dans laTranſylvante où
le bled eſt déjà très rare.
En pluſieurs endroits de la Hongrie fl
regne des fievres inflammatoires qui enievent
beaucoup de monde. On a compté à
Tremeſwar 47 morts en 9 jours ; la grande
partie des habitans de cette ville eſt malade.
Cette fievre, que l'on attribue à l'air
chaud & en même tems humide de la faifon
, regne auffi à Groswaradin & autres
eux ; mais elle y fait moins de ravage.
1
On a évalué que les moutons du Bannat
produifent par an 350,000 quintaux de
laine , qui fut vendue autrefois 3,750,000
florins; mais cette vente eſt augmentée de
100 pour cent , depuis que celle des marchandiſes
étrangeresy est défendue.
Le Profeffeur de Luca, dont nous avons
quelquefois cité les dénombremens exagérés
, prétend dans ſon Journal , qu'en cinq
ans la population des Etats héréditaires de
l'Empereur s'eſt accrue d'un quart. On y
comptoit à la fin de 1780 vingt millions
533,000 ames , & au commencement de
1786 , 25,843,966. Supputation évidemment
enflée , & dont le calculateur ne donne
aucune preuve.
Un Decret de la Cour aſſujettit à la juftice
criminelle ordinaire , les Eccléſiaſtiques
qui ſe ſeront rendus coupables de crime.
On obſervera ſeulement la forma'ité de
prévenir l'Evêque diocésain de la priſe de
( 57 )
:
corps de l'Eccléſiaſtique coupable , & de
lai communiquer le jugement .
L'Empereur a permis l'exercice du culte
libre auxProteftans de la Confeffion d'Augsbourg
, qui ſe trouvent dans les villes de
Bude & de Peſt. :
De Francfort , le 29 Septembre.
On rempliroit pluſieurs Feuilles de tous
les bruits douteux , faux ou exagérés qui circulent
en ce moment , touchant la ftuation
des affaires vers la mer Noire. D'un
côté l'on tient la flotte Ottomane immo .
bile & à l'ancre à la tête du canal , tandis
que les Roffes finiſſent tranquillement leurs
préparatifs de défenſe en Crimée. De l'autre
onfaitbrûlerdéjà par cette flotte pluſieurs
vaiſſeaux Ruſſes, & l'on extermine 20,000 h.
de cette nation , ſurpris par les Tartares auprès
d'Oczakof. Toutes ces nouvelles ſans
date , fans détails , ſans autorités , ne méritent
encore aucune attention , & on ne doit
pas ſepreffernonplus de croire aux 230 mille
hommes que les Gazetiers font marcher
d'un trait de plume , de l'Ukraine & de la
Hongrie , pour repouſſer ce qu'ils nomment
l'agreffion des Ottomans. Il eſt vraiſemblable
néanmoins que ceux ci , profitant
de leurs avantages , auront tenté quelque
coup important ſur la Crimée ; mais il
ſeroit difficile d'en être encore inſtruit. Du
23 Août on mandoit de Conſtantinople que
CS
( 58 )
les troupes Aſiatiques défiloient en dili
gence , & que 13 mille hommes marchant
vers Siliftrie , avoient traverſé la Capitale.
Le Grand- Vifir n'étoit pas encore parti , &
pour éviterles frais immenfes du cortege de
ce premier Miniſtre , on parloit de l'envoier
à l'arméé , en qualité de Seraskier : lui même
, ajoute ton , avoit propoſé ce moyen
'd'économie.
On écrivoit il y a quelque tems de Varſovie
, qu'on y attendoit le Prince Potemkin,
envoié par ſa Souveraine , pour faire
préparer le palais dont elle a fait l'acquiſition
, & qu'elle deſtine au plus jeune de ſes
petits fils , qu'on parle d'élever dans le rit
Catholique. Il eſt à préſumer que les derniers
événemens auront dérangé ces mefures.
Selon quelques lettres , l'Empereur fera
aſſembler trois armées ,l'une dans la Gallicie,
& commandée par leGénéral Langlois ;
l'autre dans la Hongrie , commandée par le
Général de Fabris; la troiſieme dans l'Efclavonie
, commandée par le GénéraldAlton.
Les troiſiemes bataillons des régimens de
Pellegrini , de Preiff& de Tofcane feront
portés à 6. compagnies , & fe rendront
dans la Hongrie.
La principale Commiſſion Impériale à
Nuremberg , pour la marche des troupes ,
a reçu le 12 une eſtafetre de Vienne , qui
lui enjoint de ceſſer toutes les négociations
avec les Commiſſaires du Cercle de Franconie;
la deſtination des troupes de S. M. I.
qui devoient ſe rendre dans les Pays Bas ,
étantchangée.
On écrit d'Hanovre , que le Général Faucit
y eſt arrivé le 8 de ce mois , venant de
Londres.
Le Duc Frédéric de Brunswick a paſſé
quelques jours à Dreſde & aux environs ,
fous le nom de Baron d'Oertel. Il a eu à
Pillniz un entretien d'une heure avec l'Electeur
, & pluſieurs conférences avec le Miniſtre
de Stutterheim & le Géneral de Langenau.
On apprend de Vienne que cette Cour
eſt en négociation avec celle de Berlin ,
pour procurer à leurs ſujets reſpectifs des
avantages dont ils ne jouiſſoient pas auparavant.
On dit entr'autres , que les ſujets de
ces deux Puiſſances ne paieront plus que 10
pour 100 de retenue ſur les ſucceſſions &
legs qui pourront leur écheoir dans les deux
états. :
Une lettre de Conſtantinople , du 18
Août, donne les particularités ſuivantes für
la détention de M. de Bulgakof.
>> Le 13 de ce mois , il ſe tint à la Porte un
grand Confeil , ſur le réſultat duquel le fecret
le plus profond fut obſervé : il avoit même été
recommandé aux Membres ſous les peines les
plus grieves. Le lendemain à midi M. de Bulgakow
, Envoyé de Ruſſie , fut informé de la
part du Grand-Viſir , « qu'il étoit prié de ſe
C6
( 60 )
3> rendre le 16 en forme publique à la Porte
L'on ajouta , « qu'il n'avoit pas beſoin de ſe
mêler de prix des bateaux & des chevaux né-
>> ceſſaires , vu que le Gouvernement auroit
> ſoin de faire préparer tout ce qui étoit né.
>> ceſſaire pour ſa réception». Une invitation
auſſi ſubite & inattendue à une Audience miniſtérielle
ſurprit extrêmement M. de Bulgakow :
Et , en ayant fait part à M. de Herbert , Internonce
impérial , ce dernier Miniſtre , non
moins ſurpris de la nouvelle , envoya d'abord
un Dragoman à la Porte , pour s'informer de
la cauſe de l'invitation . Le Ministere Ottomanrépondit
, « que la Porte & l'Empire de Ruffie
▸ formoient des Puiſſances libres & indépen-
>> dantes ; qu'elles pouvoient traiter & contrac-
> ter entr'elles à leur bon plaiſir , ſans être
obligées d'en rendre compte à qui que ce fùr;
qu'en conféquence , la Porte trouvoit la que
>> tion que venoit de lui faire le Dragoman ,
très-fort hors de ſaiſon ». Il n'en fallut pas
davantage aux deux Miniſtres , pour prévoir l'orage
qui alloit éclater. L'Internonce impérial
envoya encore le ſoir à onze heures deux Dragomans
à la Porte avec un Mémoire , portant
en ſubſtance , que ſi la Porte avoit deſſein de
«déclarer la guerre à la Ruſſie , il étoit nécef-
>> ſaire de la prévenir ; que l'Empereur , ſon
> maître , étoit l'allié de l'Impératrice , & ne
>> pourroit regarder d'un oeil indifférent cette
> rupture » .
CC
>>> Il ne ſe trouvoit à cette heure au Serrail d'aus
tre Miniſtre que le Grand Vifir , qui étoit déja
au lit. S'étant levé , il reçut les deux interprezes;
& après avoir parcouru le Mémoire , il répondit
, « qu'il ne ſavoit pas de quel droit l'Empereur
ſe mêloit ſi directement d'affaires qui
( 61 )
>> ne le regardoient point ; qu'au reſte , il dona
>> neroit le lendemain une réponſe cathégorique
> à ce Mémoire ». Les Dragomans ayant ré
pliqué , « que la Cour de Vienne étoit l'alliée
>> de celle de Pétersbourg , & qu'en vertu de
> ces engagemens elle s'intéreſſoit à la confer-
> vation de la paix , le premier Miniftre re
prit , qu'il étoit libre à l'Empereur de faire &
de penſer chez lui , comme il le trouvoit
>> convenable » . L'Envoyé de Ruſſie , aſſuré
alors qu'une rupture étoit prochaine , s'occupa
pendant toute la nuit à faire tranſporter ſes papiers
de ſon hôtel ailleurs. Enſuite , en conféquence
de l'invitation qui lui avoit été faite ,
il ſe rendit le 16 à huit heures du matin avec
toute ſa ſuite à Conſtantinople : arrivé de l'autre
côté du port , il y fut reçu avec les mêmes cérémonies
que l'on obſerve à l'arrivée d'un nou.
veau Miniſtre ; & conduità la Porte , il y trouva
tous les Miniſtres aſſemblés . La conférence s'entama
ſur le champ ; & de part & d'autre , l'on
contefta ſur les points à applanir , fans pouvoir
s'accorder . Ainſi cet entretien s'étant terminé
infructueuſement , à la ſortie de l'Audience M.de
Bulgakow fut arrêté & conduit en lieu de ſûreté
, avec ordre de lui procurer toutes les commodités
poſſibles & toutes les ailes , comme s'il
ſe trouvoit dans ſon propre hôtel . On lui laiſſa
auſſi le choix de la ſuite qu'il vouloit garder
près de lui : il demanda ſes deux interpretes
ſon ſecretaire & deux domeſtiques. Le reſte de
ſa ſuite fut conduit , ſous une forte garde d'au
moins cent hommes , commandée par le Général
en chefde l'Artillerie , à l'hôtel de l'Ambaffade
à Pera. Il y avoit des ordres très - rigoureux
, qu'on ne leur fit ſur le paſſage le moindre
malni infulse. M. de Bulgakow fut transféré lui-
,
( 62 )
même , avec ceux qui l'accompagnoient , au
Château des Sept-Tours , ſuivant la coutume
àlaquelle la Porte tient encore , cependant en
obſervant tous les égards dus à ſa perſonne &
à ſon caractere. L'on plaça une forte garde aux
hôtels de l'Envoyé , tant à Pera qu'à Bujukdaré
, pour les garantir contre toute attaque de
Ja populace. Il fut auſſi mis un embargo général
ſur tous les navires Ruſſes , qui mouilloient
dans les ports de l'Empire Ottoman ».
>>>Peu avant cette rupture , il étoit arrivé un
incident , qui ſans doute ne l'a point précipitée,
mais qui a achevé d'aigrir le peuple : il ſe rendoit
ici un bâtiment Ottoman , ſur lequel étoient
embarqués quelques Turcs de distinction , envoyés
en commiffion à Conſtantinople : dans
ſontrajet ſur la Mer-Noire , il fut rencontré par
un Vaiſſeau de guerre Ruſſe , qui lui tira plus
de vingt coups de canon ; attaque qu'on a regardée
ici comme un commencement d'hoftilités
».
ITALIE.
De Florence , le 14 Septembre.
Le 2 de ce mois , le Baron de Schænteld ,
Miniſtre plénipotentiaire de l'Electeur de
Saxe à la Cour Impériale , revêtu du même
caractere à celle duGrand-Duc deTofcane ,
arriva dans cette ville ; le 6 , ce Miniftre eur
une audience privée , & le 8 il aſſiſta à la
cérémonie du mariage de l'Archiduchefle
Marie Théreſe , avec le Prince Antoine de
Saxe , qui fut célébré dans l'Eglife cathédrale
par l'Archevêque de cette ville. L'Ar(
3 )
chiduc Ferdinand de Toſcane , au nom đư
Prince Antoine de Saxe , donna l'anneau
nuptial , en préſence-de toute la Cour , du
Nonce & des Miniſtres étrangers , de la
Nobleſſe , de la Bourgeoiſie & du Peuple ,
invités à cette auguſte cérémonie.
De Rome , le 10 Septembre.
Dans la vue de rendre un hommage écla
tant à la mémoire du célébre Métaſtaſe , on
a chargé le Sculpteur Ceracchi de faire le
buſte en marbre de ce Poëte , pour être
placé dans l'Egliſe de Sainte- Marie des
Martyrs , appellée la Rotonde où font
les ſtatues de pluſieurs perſonnages célébres
dans les Belles- Lettres & dans les
Beaux Arts.
,
Par le dernier courrier d'Eſpagne , don
Joſeph Pereyra , chargé des affaires de Sa
M. T. F. auprès du S. Siége, a reçu un ordre
de fa Souveraine , par lequel il eſt réglé
, qu'à compter du i Octobre prochain
il fera affigné aux ex-Jéſuites Portugais , réfidans
à Rome , une penſion annuelle , far
voir ; aux ex-Jéſuites Prêtres , une penfion
de 80 écus , & aux laïcs une de 65 ſeulement
, avec permiſſion d'en jouir partout
où ils voudront.
Attendu la multiplicité des ma'ades &
l'infuffiſance de l'Hôpital du S. Efprit , S. S.
vient de donner ordre d'aggrandir cet édifice
, afin qu'il foit en état de recevoir tous
( 64 )
les malades qui doivent y avoir place. On
affure que le Marquis Antici fra nommé
Cardinal à la préſentariondu Roi de Pologne.
De Naples , le 6 Septembre.
Leurs Majestés ſe ſont tranſportées par
terre , le 29 du mois dernier à Caſtellamare ,
où elles referont juſqu'au 7. Le Roi s'eſt
rendu au chantier , d'où il a vu les travaux ,
& le nouveau vaiſſeau de 74 can , dont la
construction est déjà fort avancée. S. M. l'a
nommé le Roger ; elle a vu les trois corvettes
qui ſont ſur le chantier , l'une defquelles
ſera lancée dans le courant de ce
mois . Le Général Acton , qui ſe trouvoit à
Caſtellamare , pour y ſuivre une cure qui
lui a été preſcrite par les Médecins , accompagnoit
S. M.
Le Marquis Caracciolo eſt revenu le même
jour de l'ifle d'Iſchia à Caſtellamare .
Les deux galeres de la Religion , aux ordres
du Commandeur de la Bourdonnaie ,
écrit on de Malte , en date du 6 Juilet ,
font revenues de la Sicile , & les quatre autres
, commandées par le Bailli Rufpoli ,
arriveront inceſſamment. Le Capitaine Gavezzo
, de conferve avec un autre bâtiment,
a été attaqué par un corſaire de Tripo'i;
le combat a été très-vif, & le Barba -
reſque , après avoir perlu beaucoup de
monde , ſe voyant à la veille d'être pris , a
( 65 ).
i fait fauter en l'air ſon bâtiment. Il ne s'eſt
ſauvé que trois hommes à moitié brûlés.
N. B. Le Chanoine Volta , accufateur
téméraire de l'Abbé Spallanzani , que nous
avions dit dans un des Numéros précédens
exilé de Pavie , l'eſt ſeulement de l'Univerfité
, & privé de tous ſes emplois.
ESPAGNE .
De Madrid , le 16 Septembre.
On attend ici avec la plus grande impatience
l'arrivée de l'envoyé du grand Seigneur.
Les appartemens qu'il doit occuper
ſont préparés , tant ici qu'à la Grange
& à l'Eſcurial.
Depuis les dernieres indiſpoſitions du
Roi , les affaires ne ſont pas expédiées auffi
promptement , parce que le Prince des
Afturies , qui a aſſiſté très régulierement à
tous les conſeils , veut en prendre connoiffance
, & donner ſes ordres.
Le feu prit lundi dernier à l'hôtel du
Marquis de Mirabel ; il a duré plus de 24
heures , & malgré les ſecours qui ont été
donnés de toute part ; comme il avoit pris
à un grenier à foin , pluſieurs maiſons voifines
ont été brûlées.
Il eſt queſtion d'une nouvelle ſociété ou
académie de dames qui ſe propoſent différents
établiſſemens ; entre autres de prendre
foin & inſpection des ouvrages dont
166
s'occupent les femmes & les filles , comme
des filatures , coutureries , & des écoles
publiques gratuites. On en annonce la publication
prochaine avec l'approbation du
Roi.
Les joueurs de Pharaon qui avoient été
ſurpris & arrêtés dans le mois de Juillet dernier
, ont été condamnés ; ſçavoir :
Le Marquis de la Vega à être renfermé
pour quatre ans au château de Peninſerla ,
àune amendecomme ayant tenu la banque.
Le Marquis de Palacio , à une amende
'de400 ducats.
Le Marquis de Villamaria, à une de 200.
Et plufieurs autres à ſervir le Roi pen-
'dant un certain nombre d'années .
Depuis le 28 Aoûtjuſqu'au s de ce mois ,
il eſt entré à Cadix , à Malaga & à Barcelonne
, trois frégates , une polacre , trois
brigantins & deux Sayques , avec 83,758
piaſtres fortes , & plus de 40 milles piaf
tres en effets ou ma chandiſes.
GRANDE -BRETAGNE.
De Londres , le 2 Octobre.
Le 22 du mois dernier , on a célébré à
Windfor & ici l'anniverſaire du couronne .
ment de S. M. On a tiré les canons du Parc
& de la Tour , & la ville a été illuminée.
La veille , il étoit émané du Trône une
Proclamation concernant les monnoies d'or,
qui met horsde circulation , &défend de recevoir
comme de donner aucunes guinées
( 허 )
1
au-deſſous du poids des deniers, 8 grains,
les demi- guinées au-deſſous de 2 den. 6 gr.;
les quarts de guinées , 1 den. 8 gr.
On a publié l'ordre à tous les Officiers de
l'établiſſement d'Irlande de rejoindre immédiatement
leurs Corps reſpectits , à tous les
Officiers de Marine ſans emplois , de faire
connoître leur demeure , & à tous ceux , abfens
du Royaume par congé de l'Amirauté ,
de revenir enAngleterre dans ſix mois.
Le 24 , on a déclaré une promotion con
ſidérable dans la Marine. Les Vice-Amiraux
&Contr'Amiraux actuels ont été élevés d'un
grade , & 16 Capitaines nommés Contr'Amiraux
de divers pavillons. Ces derniers ſont
les Capitaines Elliot , Hotham , Sir John
Lindsay , Peyton , Carter Allen , Sir Charles
Midleton , John Dalrymple , Sawyer , Sir
R. King , Faulkner, Affleck, Sir Richard Bickerton
, l'honorable John Levefon Gower , Sir
John Jarvis , A. Duncan , & Sir Charles Dou
glas. La plupart ont commandé ci devant ,
en qualité deCommodore. Il s'est fait également
une promotion de Lieutenans Généraux
, de Majors Généraux dans l'armée , &
125 Officiers ont avancé en grade.
Le Bureau de la Guerre a donné des ordres
pour augmenter d'un caporal & de dix
hommes par compagnie les trois Régimens
des Gardes à pied , & il a été enjoint à trois
barai lons de ces Régimens de ſe tenir
prêts pour le ſervice extérieur. Chaque Régiment
eſt compoſé de deux bataillons, Le
( 68 )
1
41e. Régiment eſt augmenté d'un bataillon ,
&le 60e. ( Royal Américain , compofé en
partie d'étrangers , far tout de Suiſſes , ) de
deux baraillons.
Le 27 , le Magnificent , le Bedford , le Goliath
, l'Elisabeth , le Triumph & le Pégafe ,
tous de 74 can. , ont levé l'ancre de Porrfmouth,&
fe font réunis à Spithéad aux vaifſeaux
l'Edgar , le Gange de 74 can. , l'Ardent,
le Standart & le Crown de 64 can. qui s'y
trouvoient déja. Le Lord Hood a hillé fon
pavillon (bleu) fur le Triumph, & a été ſalué
par toute l'eſcadre .
Le 21 , l'Amirauté a remis a'u Conſeil l'état
des vaiſſeaux de ligne en parfaite condition ,
&prêts à entrer en commiſſion au premier
beſoin. Voici cette liſte .
Vaisseaux.
(1)
N. Le Royal Sovereign ,
La Victory ,
La Britannia ,
Canons.
110.
Date
deleur
construction.
1786 .
1০১ . 1765.
100. 1762 .
L'Atlas , १०. 1732.
Le Barfleur , १०. 1761 .
N. L'Impregnable , 90. $786.
N. Le Saint George , 98. 1785 .
Le Prince George , १०. 1764.
Le London , 98. 1766.-
Le Formidable , 98. 1777.
Le Duke , १०. 1778.
3
(1) L'N défigne les vaiſſeaux neufs , lancés depuis
lapaix.
( 69 )
lancé àWool
N. Le Prince 90.
{
wich , la femainederniere,
N. Le Vanguard , 74. 1787 .
N. Le Vénérable , 74. 1784.
N. Le Victorious , 74. 1785 .
LeWarior , 74.
1781 .
L'Alexandre , 74.
1781 .
L'Alfred , 74. 1778 .
L'Arrogant , 74. 1761.
N. L'Audacious , 74. 1786
L'Alcide , 74. 1780 .
N. Le Theſeus , 74, 1786 .
N. Le Terrible , 74. 1785 .
N. Le Thunderer , 74. 1783.
N. Le Tremendous , 74. 1784
N. Le Saturne , 74. 1786 .
N. Le Bellerophon 74. 1786.
N. Le Ramillier , 74. 1785
LeRobuſte , 74. 1784.
N. Le Swiftſure , 74. 1786 .
Le Cumberland, 74. 1784.
La Réſolution , 74. 17700
N. L'Orion , 74. 1787.
N. Le Captain , 74. 1787.
N. Le Majeſtie , 74. 1785.
LeMontague , 74. 1779 ..
N. Leviathan , 74. 1787.
N. L'Excellent , • 74. 1787 .
La Fortitude , 74. 1780.
N. L'Eléphant , 4, 1786,
LaDéfiance,
Le Canada,
LeBelliqueux,
L'Africa,
L'Argonaute ;
L'Agamemnori,
74. 17835
-4. 1766,
64. 1780.
64. 1781 .
64. 1782.
64. 1781.
( 70 )
L'Anſon , 64. 17813
N. Le Veteran , 64. 1787.
Le Vigilant , 64. 1774.
LeTrident, 64. 1768 .
N. Le Director , 64. 1784 .
Le Sceptre , 64. 1781 .
N. Le Stately , 64. 1784.
Le Répulſe , 64. 1780.
Le Polyphemus , 64. 1782 .
N. Le Naſſau , 64. 1785.
N. L'Indéfatigable , 64. 1784.
TOTAL . 57 .
Les 16 vaiſſeaux qui ſe trouvoient armés
le 20 Septembre , & ceux de garde ou d'hôpital
, ne ſont pas compris dans ce dénombrement.
L'Amirauté y a joint une liſte de
12 autres vaiſſeaux , actuellement en réparation.
Le 24 , le même département a mis en
commiſſion ceux qui ſuivent.
Le Royal Sovereign.
Le Prince George.
Le London .
Le Barfleur..
Le Saint-George .
L'Atlas.
L'Impregnable.
L'Alexandre.
LAlcide..
L'Alfred.
L'Arrogant,
•
• •
can.
110. • •
१०.
98.
98.
98.
१०.
१०.
• 74.
74.
74.
74
( 71 )
Le Robuſte.
La Réſolution .
: 74.
74.
74.
74.
• 74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
74.
50.
Le Victorious,
Le Canada. •
Le Berwick.
L'Eléphant.
Le Warrior.
Le Cumber'and.
La Fortitude.
L'Annibal . •
Le Valiant.
Le Vénérable.
L'Orion . -
Le Renown.
Le Public fait aller cette flotte ou telle
autre dans la Manche , & en a donné le
commandement à l'Amiral Pigot , ayant
ſous lui le Vice- Amiral Barrington & les
nouveaux Contr'Amiraux Hotham & Levefon
Gower ; mais ces nominations & la marche
de ces armemens font tout au moins prématurées.
Il n'y a encore rien de certain à cet
égard.
La frégate l'Hébé a reçu Vendredi dernier
ordre de porter les dépêches du Gouvernement
au Commodore Gardner à la Jamai
que ,& l'Alert fera chargé de celles deſtinées
au Commodore Parker à Antigoa. On équipe
avec célérité , à Portsmouth , pour un
ſervice immédiat , les frégates le Phenix , la
Nymphe & la Persévérance de 36 canons ; la
Blonde & la Blanche de 32 ; l'Hornet & le
Vultur , floops.
( 72 )
Par l'état remis Samedi à l'Amirauté , il
paroît qu'on a preſſe ſur la Tamife , 2260
matelots ; on n'a pas encore les liſtes des
autres ports..
Lannuuiitrdu 17 au 18 , le feu ſe manifeſta
affez près de la corderie , dans le chantier de
Portsmouth . Heureuſement la ſentinelle s'en
apperçut tout de ſuite , donna l'alarme , & le
feu fut éteint , ſans avoir cauſé aucun dommage.
FRANCE.
:
De Versailles , le 3 Octobre.
Le 30 du mois dernier , Leurs Majeſtés &
la FamilleRoyale out ligné le contrat de mariage
du Comte de Kergorlay , Capitaine de
cavalerie , avec demoiselle de Faudoas .
Le même jour , le Duc de Fitzjames a
prêté ferment entre les mains du Roi pour
Le Gouvernement du Haut & Bas - Limofin ,
dont il étoit pourvu en ſurvivance du feu
Maréchal de Fitzjames , fon pere.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint-
Quen , Ordre de Saint-Benoît , diocèse de
Rouen , l'Archevêque de Toulouſe , Principal
Miniftre d'Etat , & Chef du Conſeil
royal des Finances ; & à l'Abbaye régulière
de la Piété , Ordre de Citeaux , diocèſe de
Troyes , le ſieur Pierre de Velfrey , Religieux
protès du même Ordre.
DeParis ,
( 73 )
De Paris , le 10 Octobre.
Ordonnance du Roi , pour réformer la
Compagnie des Chevaux - Légerš de Sa
Garde , du 30 Septembre 1787 .
Sa Majesté ayant jugé à propos de diminuer ſa
Maiſen militaire , & de réformer la Compagnie
des Chevaux légers de ſa Garde , Elle a ordonné
&ordonne ce qui fuit :
ART. I. A commencer du premier Octobre
prochain , la Compagnie des Chevaux- légers de
laGarde ordinaire de Sa Majefté , ſera & demeu
rera ſupprimée.
II . Sa Majesté conſerve eu Lieutenant de la
Compagnie , la totalité de ſes appointemens ,
les privileges & prérogatives de ſa Charge , ſe
réſervant de fixer le remboursement de la finance
de ladite Cherge , aux époques qu'il lui plaira
d'indiquer. Elle accorde au Lieutenant en ſurvi
vance , un traitement annuel de 12000 liv . & lui
conſerve les prérogatives & priviléges de ſa
Charge , ainſi que ſon activité de ſervice.
III. Conſerve Sa Majesté aux autres Officiers
de laCompagnie , leur rang dans le militaire ,
l'activité de leurs ſervices , ſuivant les Commif
fions & Brevets qui leur ont été accordés , & les
appointemens dont ils jouiſſent actuellement ,
juſqu'à ce qu'ils aiont été promus au grade de
Maréchald- e-camp, ou juſqu'à ce qu'ils foient
remplacés à leur grade dans les troupes de Sa
Majefié.
IV. Ils feront , en ce cas , rembourſés de la
-financede leurs Gharges ; & fi l'un d'eux décédoitavant
ſon remboursement , Sa Majesté pro
No. 41 , 13 Octobre 1787.
d
( 74)
met que la famille ne perdra pas la finance de la
Charge.
V. Sa Majesté conſerve l'activité de ſervice
militaire , pendant dix ans , aux Cheveux- légers ,
Surnuméraires & Eleves de l'Ecole militaire de
ladite Compagnie ; & ils participeront , pendant
ledit tems , aux graces dont ils ſeront ſuſceptibles
, par l'ancienneté de leurs ſervices , & ce
d'après l'état qui en ſera préſenté annuellement
par le Lieutenant de la Compagnie.
VI. Sa Majefté accorde à l'Aide- Major de la
Compagnie , à l'Aide-Major-Adjoint & en ſurvi .
vance , aux Maréchaux-des - logis , Porte- étendard,
Fourrier- Major , Brigadiers & Chevauxlégers
, ſavoir , à ceux qui ont ſervi cinquante
ans , leur paye entiere ; à ceux qui ont ſervi quarante
ans & au-deſſus , les trois quarts ; à ceux
qui ont ſervi trente ans & au-deſſus , les deux
tiers ; à ceux qui ont ſervi vingt ans & audeſſus
, la moitié ; à ceux qui ont ſervi de dix à
vingt ans , le tiers ; à ceux qui n'ont pas dix ans
de ſervice , le quart de leur paye , juſqu'à ce
qu'ils aient obtenu des emplois dans ſes régimens
d'Infanterie , de Cavalerie , de Dragons ou
de Chaſſeurs.
VII. Les uns & les autres continueront de
jouir des honneurs , prérogatives & privileges
attribués à leurs emplois.
VIII. Sa Majefté accorde aux petits Officiers
&au Secrétaire de le Compagnie , la moitié de
leurs appointemens pour retraite , & la conſer
vation de leurs priviléges.
IX. Sa Majesté accorde aux Timbalier &
Trompettes , la moitié de leurs appointemens
pour retraite,
X. Veut Sa Majeſté que les regiſtre & contrôle
de la Compagnie,foient remis, au moment
1751
de la réforme , au Secrétaire d'Etat de la guerre,
arrêtés & fignés par le Lieutenant , l'Aide- Major
&leCommiffaire des guerres de lad. Compagnie,
Mande & ordonne Sa Majefté à ceux qu'il appartiendra
de tenir la main à l'exécution de la
préſente Ordonnance.
FAIT à Verailles , le 30 Septembre 1787.
Signé LOUIS. Et plus bas , LE COMTE DE
BRIENNE.
Il vient d'arriver à l'Orient deux navires
de l'Inde, la Philippine & le Comte d'Artois ,
avec de riches cargaiſons. La Compagnie
ayant une quantité conſidérable de marchandiſes
dans cette ville a indiqué une
vente pour le 22 de ce mois .
و
L'Aſſemblée Provinciale de Châlons- fur-
Marne a donné à la Commiſſion intermédiaire
l'inſtruction des demandes ſuivantes à
faire auxAſſemblées d'Election .
1º. Un dénombrement exact de la population
actuelle de la province , en claſſant les individus
des deux ſexes. 2° . Des obſervations relatives à
chaque paroiſſe ſur les maladies regnantes, &un
état des incendies arrivés dans le cours de l'année
derniere . 3º. Un dénombrement détaillé des
beftiaux de chaque eſpece ,&des éclairciſſemens
fur les moyens que l'on pourroit employer pour
leur multiplication & amélioration. 4° . L'affemblée
défirant connoître toutes les reſſources de la
province , voudroit que la commiffion intermédiaire
ſe procurât un état exact de toutes les
propriétés foncieres , de quelque nature qu'elles
foient , privilégiées & autres , même de celles des
communautés d'habitans . 5°. Qu'elle s'aſſurât
également du montant des impoſitions , de la
d2
1761
forme des rôles , du régime ſuivi dans les répartitions
générales & individuelles de la taille &de la
capitation des privilegiés , enſemble des dépentes
relatives à la perception des impofitions &
àl'adminiſtration de la province. 6 ° . Egalement
arrêté , que ladite commiffion intermédiaire
demandera à l'ingénieur en chefde la province ,
un détail eſtimatif de tous les travaux eifentiels à
faire ſur les routes en 1788 , en ſubordonnant la
dépenſe à l'impoſition fixée ſur cette partie , que
l'adminiſtration voudroit réduire à une proportion
moins forte que celle du ſixieme de la taille
&capitation impotée pour cet objet ; auquel état
l'ingénieur ajouteroit celui de toutes les adjudications
paffées en 1787.7 °. Que ladite commif-
Gon fe procurera auſſi un état de toutes les dépentes
aſſignées ſur la caiſſe des ponts &chauffées , ſoit
fixes , ſoit variables , en préſentant le tableau de
celles à faire en 1788. 8°. Un état des atteliers
de charité qui auront lieu en 1787. 9° S'informera
quelles font les communications les plus
fréquentées pour le paſſage des productions de la
province à l'étranger ; les marchés les plus confidérables
pour la conſommation intérieur des
denrées , & quels ſeroient les communications &
marchés qu'il ſeroit plus avantageux d'établir.
<<Dans la nuit du 23 au 24de Septembre,
le feu a pris à un corps de bâtiment dépendant
du Palais Epiſcopal de Rennes. On s'en
eſt apperçu vers minuit ; ſes progrès ont été
grands & rapides, malgré les ſecours des Citoyens
de toutes les claſſes; cependant ces ſecoursont
ſauvé une grande partie de ce corps
de bâtiment, & ont heureuſement empêché
quelefeu ſecommuniquât au bâtimentprin
( 77 )
cipal . La perte eft conſidérable; la plus grain -
de partie des meubles de la partie incendiée
a été ou brûlée , ou briſée par le déplacement
&dans le tranſport.
Marie-Agnès Deleval , âgée de 78 ans ,
&le nommé Guillain Luttun , ſon troifiéme
mari , âgé de 80 , ont fait leur jubilé de so
aus de mariage , le 26 Septembre , à Premefque
en Flandres. M. Riquet , leur Curé , a
enmême temps marié leur fille , âgée de 34
ans , avec le nommé J. B. Delobel , Fermier
du même lieu . Elle est le troiſiéme enfant de
ces reſpectables époux , dont deux font actuellement
ma iées , de 12 qu'ils ont eu de
leur union. Il exifte dans ce même village un
vénérable Fermier , nommé Pau , âgé de 97
ans, qui panfe & conduit tous les jours ſes
chevaux. La nommée Antoinette Ovelaque ,
Veuve de Cardon , eſt morte hier , âgée de
97 ans. Elle ne s'eſtjamais ſervi de lunettes ,
& a conſervé juſqu'au dernier inſtant de ſa
vie tous ſes ſens. >>
Lettre au Rédacteur .
MONSIEUR ,
Puiſque vous avez cru qu'il étoit devotre juf
tice d'inférer dans votre Journal du 22 Septem
bre , N. 38 , la réclamation de M. le Chevalier
de Ségrave , qui inculpe notre délicateſſe , en
nous accuſant d'uſurper la découverte de la machine
Polychreſte, avec injonction de verſer deux
mille écus dans la caiſſe de la Société Philantropique
; faute de quoi , il nous menace , fur
fon honneur , de révéler au public le ſecret du
notre machine.
b3
( 78)
Nous eſpérons que par le même ſentiment de
juſtice , vous voudrez bien inférer dans votre
prochain Journal les déclarations ſuivantes , en
attendant que nous publiions la réfutation des prétentions
de M. le Chevalier de Ségrave.
1º. Nous ne conteſtons pas à M. le Chevalier
de Ségrave , la premiere idée du Polychrefte vertical;
mais nousdiſons que nous ſommes parvenus à
compoſer cette machine par nos propres recher
ches, & fans aucun ſecours, ni aucuns renſeignemens
fournis par lui , de maniere que nous lui,
avons ſeulement obligationde nous avoir mis ſur
la voie .
2°. Nous perfiſtons à foutenir que nous avons
confidérablement perfectionné cette machine , &
que nous avons enchéri fur ce que l'inventeur n'avoit
pas fait lui même , à l'époque où il la montroſtau
publicmoyennant cinq louis d'or. S'il est vrai que
M. le Chevalier de Segrave l'ait lui-même perfectionnée
depuis trois ans dans ſon cabinet , de
maniere à lui faite produire des effets inconcevables
& inconnus à tout le monde , nous ne prétendons
pas appliquer notre affertion à cette derniere
circonſtance ; car nous ne pouvons pas déciderde
ce que nous ne conooiffons pas.
3°. Nous déclarons nous regarder comme les
premiers inventeurs du Polychreſte horisontal
fans que M. le Chevalier de Ségrave ſoit même
endroit de revendiquer le mérite de dée , vu
qu'il ne l'a jamais annoncée ni dans ſon Prof.
pectus , ni dans ſes demonßrations publiques , &
qu'il eſt même douteux qu'il ait jamais tenté cette
exécution .
4°. Nous nous regardons comme légitimes
propriétaires & les maîtres abfolus des machines
Polychreſtes verticales & horiſantales, que nous
avons fait fabriquer ,&du produitde la vente&
( 79 )
;
de la démonstration , ſans qu'il convienne à per
ſonne d'y prétendre aucun droit , aucun partage ,
ni d'en faire l'objet d'aucune délégation.
5 °. La Lettre de change de 6000 liv. tirée ſur
nous par M. le Chevalier de Ségrave au profit de
la caiſſe de la Société Philantropique , ne ſera
point acquitée.
nous
à
6°. Bien loin d'être alarmés de la menace qu'il
fait ſur ſon honneur d'envoyer Paris le
modele de ſa machine , & d'en communiquer au
public le méchaniſme , nous ſommes enchantés
qu'il ait pris cet engagement d'une maniere ſé,
rieuſe , qui ne lui permet plus de ſe dedire.
7°. Mais nous deſirons qu'il effectue fon enga
gement avant le 15 Octobre prochain , époque
àlaquelle nous ferons notre livraiſon , afin qu'on
ne puiſſe pas le ſoupçonner d'avoir profité de nos
tre invention , pour perfectionner la ſienne.
Nous avons l'honneur d'être , &c.
Paris , ce 23 Septembre 1787 .
Les Démonftrateurs des
Machines Polichreftes
verticales & horifontales
, au Palais -Royal,
N°. 93 .
Comme le Rédacteur a connu dès l'origine
l'invention de M. le Chevalier de Ségrave,
en attendant que cet eſtimable Officier
réponde lui même ſoit juridiquement ,
foit d'une autre maniere , à la Lettre qu'on
vient de lire , nous l'accompagnerons de
quelques remarques préliminaires.
1º. M. de Ségrave a ſi bien mis ſur la voie
le Démonſtrateur de ſa Machine au Palais
Royal , que celui ci a copié le Profpectus
d4
( 80 )
de l'Inventeur preſque mot à met, & qu'il
a été admis chez lui très féquemment dans
la plus grande confiance; ce dont le Rédacteur
a été témoin oculaire.
! 2°. Il eſt faux que M. de Ségrave ait jamais
expoſé ſa Machine au premier venu ,
pourcing louis d'or. C'étoit la prime de ſouſ.
cription de la machine même , qu'on ne
pouvoit voir fans ſouſcrire , & qui eft reftée
fermée à tous ceux qui n'étoient ni acheteurs
, ni amis de l'Inventeur. C'eſt attaquer
trop violemment un Gentilhomme, un Militaire
, qui n'eſt pas fait pour montrer la
lanterne magique, & dont l'extrême déſintéreſſement
a des témoins de la plus haute
naiſſance & de la plus grande conſidération.
30. Le Public jugera des perfectionnemens
réclamés par les Démonftrateurs actuels.
La comparaiſon de leur copie avec la
machine originale , rendue publique , mettra
fin à toute difcuffion.
4°. Lecalcul du 15 Octobre *, époque à
Jaquelle les Démonſtrateurs ſomment l'Invenceur
avoué de paroître avec ſa machine
eſt aſiez ingénieux. Ce Journal paroîtra à
Paris le 13.; il arrivera le 15 à Tours , réſidence
de l'Inventeur ; & en ſuppoſant qu'il
tombe ſur le champ entre ſes mains , M. de
* Cette lettre devoit être placée ily a 8 jours ,
& n'a pu l'être qu'aujourd'hui.
1
( 81 )
Ségrave aura juſte 7 jours pour emballer fa
machine , la voiturer en poſte à Paris , &
l'exhiber.
Nous ne pouſſerons pas plus loin ces remarques
, qui , ainſi que celles que nous fîmes
dans le tems ſur les Lampes de M. Argand&
d'autres inventions modernes , auxquelles
nous avons aidé à rendre juſtice ,
n'ont d'autre but que de mettre la gloire
des Artiſtes & des hommes à talent , à l'abri
de plagiats devenus un peu trop communs.
Selon des lettres de Bordeaux , vers la fin du
mois d'Août , on a apperçu vers Rochebrune ,
écueil à 10 lieues de ce port , au milieu des courans
qui ſe trouvent entre les côtes d'Oléron &
de la Garonne , le bout d'un mât , qui , à marée
haute , paroît à cinq pieds ou environ au-deſſus du
niveau de l'eau ; on a été le reconnoître à la
diſtance d'une portée de fuſil , qui eſt le point le
plus près dont on a pu s'approcher , à cauſe de la
violence du vent , qui étoit alors à l'oueſt : en
fondant à cette diſtance , on a trouvé 40 braſſes
d'eau , ce qui a fait préſumer que c'étoit le mât
de quelque grand vaiſſeau qui a été ſubmergé
en cet endroit , & qui y formera peut-être un
écueil que l'on doit s'empreſſer de faire connoître
d'avance aux navigateurs qui fréquentent ces
parages .
<<Le Dimanche 16 Septembre , vers les
> quatre heures du ſoir , un bourdonnement
>> fourd & lointain ayant été le ſeul indice
>> du tonnerre , un nuage électrique très-bas,
>> & porté du midi au nord par un courant
>>atmoſphérique , s'eſt ouvert tou-t à-coup
ds
( 82 )
4
>> fur le Convent des Filles de Sainte-Claire
» de Saintes ; la croix qui le ſurmonte a fervi
>> de conducteur à la matiere fulminante ,
>> qui a éclaté , avec une exploſion terrible ,
>>>auprès d'un pilier buttant,& a fait une ou-
>> verture de 2 ou 3 pieds de longueur dans
>>>le mur , d'où pluſieurs pierres de taille ont
>>>été arrachées; c'eſt dans cet endroit que le
>> tonnerre s'eſt diviſé en pluſieurs jets , let
>>plus ſubtil s'eſt élevé vers un horloge , les
>>cordes des poids ayant ſervi de conduc->
>> teur à la foudre , elle a fondu pluſieurs
>> verges de fer , qui ont brûlé les planches
>> ſur leſquelles elles ont été jettées , brifé la
>> porte , & a entraîné , en ſe diſſipant, des
>> ferrures qui ont été trouvées à quelque dif
>> tance de là. La matiere la plus groſſiere
>> s'eſt portée vers la Sacriſtie , où elle a pénétré
par la fenêtre , en brifant les vîtres ,&
>> faiſant une crevaſſe dans un murtrès-épais ;
>> de là , elle a paſſé à la cave, dont elle a en-
>> dommagé la voûte , & a roulé en globe de
>> fen aux pieds d'une Soeur. Parvenue à l'ef-
>>>calier , dont la corde lui a encore fervi de
conducteur , elle s'eſt introduite dans le
>> Choeur des Religieufes , au moment de
>>l'Oraifon , elley a produit un vif éclat de
>> lumiere quis'eſt diviſé en pluſieurs fafcicu-
>> es de feu qui voltigeoient autour d'elles
fans leur faire le moindre mal & fans ex-
>>>ploſion. Une ſeule s'eſt évanouie ; il n'y a
>> eu aucune perſonne de bleſſée , quoique la
( 83 )
>> foudre ait pénétré au penſionnat, où ellea
>> roulé en globules lumineux , dans un pou-
>>lailler ,&preſque dans tous les endroits du
>>>Couvent. >> ( Journal de Saintonge. )
Le 11 du mois dernier , entre ſept &
huit heures du ſoir , le feu a pris dans la
paroiffe de Torigny, près du pont qui la
ſépare de la ville de Lagny , à une grange
qui contenoit la récolte de cette année.
En huit heures , 24 travées de bâtimens ,
16,000 gerbes de bled & autres grains ,
les marchandises , meubles & effers de dif-,
férents particuliers , font devenus la proic
des flammes , dont on a eu de la peine
à arrêter l'activité , ma'gré les ſecours des
charpentiers , maçons & autres ouvriers de
Lagny, a'nſi que des habitans de 'a paroifle ,
tous dirigés par le fieur de la Baume , Contrôleur
des ponts & chauffées. L'Evêque
de Pergame, Abbé & Seigneur de Lagny,
& le fie'r de Courmont , Seigneur de
Pompone , ſe font rendus ſur le lieu de
l'incendie où , ſecondés des perſonnes de
lear fuite & des gens de leurs maiſons ,
ils ont , en travaillant eux-mêmes , porté
des ſecours & l'encouragement. Dom Bevi ,
Procureur des Bénédictins , a donné , en cette
occafion , un exemple bien rare de dévouement
& d'intrépidité , en ſe portant dans
toutes les parties des bâtimens embraſés. Le
fieur de la Pourielle , fubdélégué du dépar
tement, s'eſt auſſitôt tranſporté ſur les lieux,
d6
( 84 )
tant pour conſtater cet événement défaftreux
, que pour pourvoir au ſoulagement
des incendiés , qui fe trouvent obligés de
recourir à la commifération publique , à
laquelle ils ont des droits.
Georges-Louis Phelipeaux , Patriarche-
Archevêque de Bourges, Primat des Aquitaines
, Chancelier Commandeur des Ordres
du Roi , Supérieur de la Maiſon & Société
royale de Navarre , eſt mort à Paris ,
le 23 du mois dernier.
Le Baron de Pierre Buffiere, dernier de
ce nom , eſt mort au chateau de Chavenet ,
près d'Argenton en Berry.
Suſanne-Elifabeth de Loflanges , veuve
d'Antoine- François , Marquis de Cugnac ,
Vicomte, Seigneur de Puycalvel & aut es
lieux , eſt morte le 24 Juin, au château de
Sermet en Périgord.
Gabriel - Louis , Comte de Buat & de
Nançay, Seigneur de Neuvy &autres lieux ,
ancien Miniſtre plénipotentiaire duRoi près
la Diete générale de l'Empereur & de IElecteur
de Saxe , aſſocié honoraire de l'Académie
des Sciences de Baviere , Député de
la Nobleſſe du Berry , aux Etats de cette
province, eſt mort en ſon château de Nançay,
en Berry.
Les Payeurs des Rentes, 6premiers mois
de 1787 , font à la Lettre H.
( 85 )
4
PROVINCES- UNIES .
De la Haye , le 3 Octobre .
Les états de Hollande ont rendu le 22
deux publications , dans la premiere defquelles
ils annoncent à la nation la révolution
qui vient de s'effectuer , & leur défir
de prévenir toutes démarches qui lui ſeroient
contraires,
,
>> C'eſt à ces cauſes , diſent- ils , que nous voulons
exhorter ſérieuſement par les préſentes tous
& chacun , de quelque état ,, rang , & condition
, qu'ils puiſſent être en cette Province ,
particulierement ceux qui pourroient encore
s'y trouver revêtus de la qualité de Commiſſaires
pour la direction ou la défenſe de quelque
Ville ou Place , ou qui pourroient ſe l'arroger ,
à titre de quelques Sociétés d'exercice , qui y
auroient exiſté & de toutes leſquelles nous
avons ordonné la diſſolution par notre réſolution
du 20 de ce mois , en leur retirant notre
protection , ou à quelque autre titre que ce ſoit ,
& qui en vertu de cette prétendue qualité ou
influence tâcheroient d'empêcher les Régences
de quelques Villes de ſe joindre aux réſolutions
que nous avons priſes actuellement pour ſauver
la Patrie , ou les forceroient à s'oppoſer à l'entrée
des troupes Pruſſiennes , comme fi elles
étoient ennemies , ou qui tâcheroient , ſoit en
perçant des digues ou en employant d'autres
moyens de défenſe , non ſeulement de ruiner
d'une maniere irréparable les bons habitans du
Pays dans leurs poſſeſſions , mais auſſi de provoquer
inévitablement par là à des hoſtilités ces
( 86 )
Troupes, quoique venues à toute autre fin dans
cette Province , & certainement point dans des
vues hoftiles , & d'expoſer ainſi ces habitans
dans leurs perſonnes & leurs familles à la fureur
de quelques milliers de gens de guerre , agris
par une réſiſtance infructueuse , & par contéquent
aux fuites les plus terribles : & nous
avertiſſons férieuſement leſdites Perſonnes de ſe
déſiſter de leurs machinations ſi pernicieuſes
pour le Pays , attendu que nous déclarons ique
tous & chacun , quels qu'ils soient , qui coopéreroient
de conſeil ou de fait ou aideroient à
porter ultérieurement quelque atteinte à la
conftitution légale & anciennement établie , ou
qui voudroient traverſer le rétabliſſementde lad.
tranquillité , union & harmonie dans cette Province
, nous les tiendrons pour ennemis de la
vraie proſpérité du pays & pour perturbateurs
du repos public , contre lesquels nous voulons
qu'il ſoit procédé comme tels de la maniere la
plus rigoureuſe , & qu'ils soient punis comme
tels , ſuivant l'exigence des cas ».
La ſeconde publication eſt de la teneur
fuivante.
nous
Les Etats de Hollande & de Weſt-Friſe , à
tous ceux qui ces préſentes verront ou entendront
lire , falut : ſavoir faiſons , que pour de
bonnes raiſons , à ce nous mouvantes
avons jugé à propos d'ordonner à tous les Com
mandans des villes & Places reſpectives en cette
Province , à l'apparition des troupes Pruſſiennes
&en cas d'attaque , de ne point faire de réfiftance
, & de ne reſpecter aucuns ordres de la
commiffion de défenſe que nous avons démiſe ,
ou de qui que ce ſoit , à peine de caſſation : Et ,
afin que chacun puiſſe en avoir connoiſſance ,
1
( 87 )
nous ordonnons & nous enjoignons que la pré
ſente ſoit publiée dans les villes respectives de
la Province , ainſi que dans les endroits où il y
a des troupes , & affichée par-tout où il convient
& ce faire eſt d'uſage.
Fait à la Haye ſous le petit- ſceau du pays , le
22 Septembre 1787.
Le Prince Stathouder a aſſiſté le 25 à
l'Aſſemblée des Etats-Généraux , où il a été
complimenté. I. L. A. A. l'ont été également
par la plupart des Miniſtres étrangers
, par les divers Colleges d'Etat , les
Députés des villes , &c.
L. H. P. ont rétabli tous les Officiers
qui avoient été démis précédemment , &
ontcaffé àjamais ceux qui ont défobéi à leurs
ordres dans le temps.
Nieuwerſluys , qui a été pris par le Géné
ral Kalkreuth , ne s'eſt pas rendu ſans effufion
de ſang. Les Pruſſiens ont perdu à
cette attaque ſept hommes du régiment
d'Eichman , & ont faiſi dans la place 750
hommes , 66 Officiers & 36 canons. Naërden
Wefop , & les autres petits forts qui
avoient tenu contre les ſommations , ont
éré évacués par ordre des Etats de Hollande
, & ont reçu garni on Pruſſienne.
Le Duc de Brunswick a porté ſon quartier
général de Gouda à Alphen , dans le
but de refferrer Amſterdam , la ſeule ville
de la province , ayant féance aux Etars qui
n'y ait pas envoyé de Députés. A l'approche
des Prufliens,quatre Commiſſaires nommés
(
( 88 )
par la Bourgeoiſie armée , ont demandé
une conférence au Duc de Brunswick qui
l'a accordée. Leurs inſtructions portant de
répéter à S. A. S. à peu près le contenu
de la réponſe des Erats aux mémoires de
M. de Thulemeyer ; cette conférence a
éré infructueute. Bientôt on a envoyé de
nouveau deux Bourguemaitres , avec l'offre
d'une fatisfaction ; mais l'on n'apprend pas
encore que cette démarche ait réuffi , car
le premier de ce mois, les dehors de la
ville étoient inveſtis , & même attaqués.
PAYS - BAS.
:
De Bruxelles , le 6 Octobre.
Le 27 Septembre , les Etats de Brabant
ont fait chanter une Meſſe ſolemnelle , en
actions de graces du retour de la tranquillité
publique , & la ville a été illuminée à
deux repriſes. Les Volontaires ont été remerciés
, & ont cependant continué les
gar les& patrouilles , mais fans Uniformes.
Si les affaires civiles , qui intéreſſoient
fortement la liberté publique , ſont terminées
, celles deThéologie ne le font pas. Le
Séminaire général de Louvain bleſſe encore
très vivement les confciences timorées ,
ainſi qu'on en jugera par la Dépêche ſuivante
des Etats de Brabant , adreſſée aux
autres aſſemblées provincia'es .
* Entre les préalables que Sa Majeſté a exigé à
raiſon de ſa dignité , un des points principaux &
qui doit le plus exciter notre attention communel,
c'eſt le rétabliſſement du Séminaire Général à
:
( 89 )
Louvain. Lorſque par notre mémoire à Son Excellence
en date du 28 Août dernier , nous avons
ditque nous ne pouvions donner les mains ni directement
ni indirectement à ce quitendoit à léter
nos privileges , que nous réſervions là-deſſus les
repréſentations les plus preſſantes, notre intention
a été , Meſſieurs , de regarder le rétabliſſement
du Séminaire Général non ſeu'ement comme
une infraction caractériſée des droits de la Province
, mais comme ſubverfifdes droits les plus
facrés de la religion , comme tendant à introduire
une doctrine nouvelle , & fur- tout à enlever
l'enſeignement des vérités & pratiques
évangéliques aux ſupérieurs légitimes auxquels
il appartient par le droit divin & celui des
faints Conciles de l'Eglife.
En conséquence nous comptons de préſenter
au plutôt nos repréſentations ſur l'exécution
quelconque de ce Séminaire général , irréparable
au principal , auſſi impoſſible d'ailleurs ,
quant au droit , que dans le fait même.
Tout nous eng ge donc , Meſſieurs , à vous
inviter par tout les motifs les plus chers à la religion
dans laquelle nous voulons vivre & mourir;
par toutes les conſidérations qui tiennent
au bonheur de la Patrie , de joindre vos réclamations
aux nôtres , & de vouloir bien nous en
adreſſer la copie , afin de pouvoir mieux agir
de concert ; de notre côtê nous aurons l'honneur
de vous faire parvenir les nôtres.
Nous avons l'honneur d'être .
Les Prélats , Nobles & Députés , &c.
Proclamation rendue par le Roi d'Angleterre,
le 21 Septembre , pour encourager
les matelots à entrer au Cervice de S. M.
Georgius Rex.
Attendu que notre intention royale eſt de don
ner tout l'encouragement convenable aux matelots
& novices qui entreront volontairement
dans notre ſervice ; nous avons jugé à propos ,
par & de l'avis de notre Conſeil privé , de publier
la préſente proclamation royale , & de
promettre & déclarer par icelle , que tout matelot
de haute paie , dont l'âge ne paſſera pas
cinquante ans& ne ſera pas au-deſſous de vingt ,
propre à notre ſervice , qui , juſqu'au vingt
unieme jour d'Octobre prochain , entrera volontairement
dans le ſervice de notre marine
royale , ſoit avec les Capitaines ou Lieutenans ,
de nos vaiſſeaux , ou les Officiers employés dans
les gabarres , ou dans les rendez-vous du ſervice
de la marine à terre , recevra , à titre de grati
fication , la ſomme de trois livres sterling par
homme ; que tout matelot ordinaire , propre à
notre ſervice , qui entrera comme il eſt dit cideſſus
, recevra la ſomme de deux livres ſterling
par homme, & que tout novice dont l'âge
ne paffera pas trente cinq ans , ni ne ſera point
au-deſſous de vingt , qui ſe préſentera comme
ci- deſſus , recevra la ſomme de vingt Schellings
par homme , à titre de gratification ; lesdites
ſommes reſpectives devant être payées immédiatement
après la troiſieme revue desdits matelots
& novices , par les commis reſpectifs de l'Echiquier
, réſidant aux ports& places où ſeront les
vaiff aux à bord deſquels ils ſeront enrőlés ; nous
déclarons que les qualités de matelots & novices
qui ſe préſenteront comme il eſt dit ci-deſſus ,
feront certifiées par le Capitaine , le Maître &
leBoſſeman du bâtiment ou vaiſſeau où ils ſeront
enrôlés. Et pour prévenir les abus qui auroient
lieu , fi des hommes abandonnoient les vaiſſeaux
auxquels ils appartiennent & ſe préſentoient à
ول
-
bord d'aucun autre vaiſſeau ou navire, dans la
vued'obtenir ladite gratification , nous déclarons
que tout matelot & novice , appartenant à aucun
navire ou vaiſſeau , qui s'abſentera desdits nad
vires ou vaiſſeaux , & entrera à bord d'aucun,
autre dans la vue d'obtenir ladite gratification ,
non ſeulement perdra les gages qui lui ſeront
dûs àbboorrdd des navires&vaiſſeaux qu'ils aban
donneront , mais feront ſévérement punis , con.
formément à leurs démérites. Dieu garde le Roi.
Autre Proclamation pour rappeller les
matelots Britanniques , & leur défendre le
ſervice des Princes & Etats étrangers , &
pour accorder des récompenſes à ceux qui
découvriront les matelots qui ſe ſeront cas
chés.
Georgius Rex.
Attendu que nous ſommes informés qu'un
grand nombre de matelots & de marins , nos
ſujets naturels , ſont dans le ſervice de divers
Princes & Etats étrangers , au préjudice de
notre Royaume , nous avons en conféquence
jugé à propos , de l'avis de notre Conſeil privé ,
de publier cette proclamation royale , par laquelle
nous ordonnons ſtrictement à tous maî
tres de navires , pilotes , marins , matelots ,
charpentiers & autres gens de mer quelconques
( nos ſujets naturels ) qui font à la paie
ou au ſervice d'aucun Prince ou Etat érranger ,
ou qui ſervent à bord d'aucun navire ou vaiſe
ſeau éttangers , que ſur le champ , tous & chacun
d'eux ( conformément à leur devoir & ferment
de fidélité ) , aient à ſe retirer & quitter
leſdits ſervices étrangers , & revenir dans leur
pays natal. Nous défendons ſtrictement à tous
maîtres de navires , pilotes , matins , matelots ,
( 92 )
1
charpentiers&autres gens de mer quelconques
(nos ſujets naturels ) d'entrer à la paie ou au
ſervice d'aucun Prince ou Etat étranger , ou de
fervir dans aucun vaiſſeau ou bâtiment quelconque
, ſans notre permiſſion ſpéciale , qu'ils
devront obtenir au préalable. Nous publions &
déclarons que tous ceux qui contreviendront .
aux préſentes , encourront non ſeulement notre
juſte déplaiſir , mais feront encore pourſuivis
ſelon toute la ſévérité de la loi. Que ſi quelques
maîtres de navires , pilotes , marins , matelots
, charpentiers ou autres gens de mer nos
ſujets , ſont pris dans un ſervice étranger par
les Turcs , Algériens ou aucun autre , ils ne
feront point réclamés par nous comme ſujets
de la Grande-Bretagne. Nous promettons &déclarons
qu'il fera donné une récompenſe de denx
livres ſterling pour chaque matelot , de haute
paie , & de trente shellings pour chaque matelot
ordinaire , à route perſonne qui découvrira
aucun matelot ou matelots qui auroient
pu ſe ſequeſtrer , pourva que leſdis matelot ou
matelots foient enfuite rendus à notre ſervice
par aucun officier de marine employé à lever
des hommes ; leſlites récompenfes pour tout
matelot ou matelots ainſi découverts & arrêtés
dans & autour de Londres , devant être payées
par les principaux officiers & commiſſaires de
notre marine , & dans les ports du dehors , par
les officiers , s'il y en a , & à leur défaut , par
les collecteurs de nos douanes , qui payeront
auffi-tôt qu'il leur ſera préſenté par la perſonne
qui aura découvert ledit matelot ou matelots ,
un certificat qui atteſte ſon nom , & le nom
ou noms & le nombre des matelots ainſi découverts
; leſdits certificats devant être délivrés par
les officiers qui auront pris ledit matelot ou
L
( 93 )
matelets à notre ſervice. Donné à notre Cour
à Saint - James , le vingt - unieme jour de ſeptembre
de l'année mil ſeps cent quatre- vingtſept
, & la vingt ſeptieme de notre regne.
Dieu garde le Roi.
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
LETTRE écrite à l'Auteur de ia Gazette des
Tribunaux , le 28 Août 1787 .
« Vous avez rapporté , Monfieur , dans le
N° . XXI de votre Gazette , l'eſpece de l'Arrêt
rendu en laGrand Chambre du Parlement de Paris
, entreMadame la Comteſſe d'Eftourmel & le
fieur Cousin , tuteur à la ſubſtitution établie par le
teſtament du feu Comte d'Eftourmel. Vous y
expoſez que le Comte d'Effourmel avoit inftitué
ſon frere ſon légataire univerſel , quant
à la nue propriété de ſes Terres d'Euvilly &
de Buffy ; enforte qu'il paroîtroit que Madame
la Comteſſe d'Eftourmel auroit conteſté au frere
de ſon mari une Terre qu'il defiroit conſerver
dans ſa famille. Vous aviez peut- être penſé ,
Monfieur , qu'il n'auroit fallu rien moins que
des rapports auſſi immédiats entre le teftateur
& le légataire , pour déterminer à juger que
le legs fait par un mari , d'une Terre acquiſe
pendant ſa communauté , comprend non ſeulement
la part qui lui appartient , mais même
cellede ſa femme.On ne vous a pas , Monfieur ,
rendu un compte exact des faits ; le légataire
nommé par le teſtament du feu Comte , eſt le
Marquis d'Estourmel , ſon coufin à un degré fort
éloigné. Je me fuis perfuadé , Monfieur , que
vous vous empreſſeriez de rectifier un exposé
qui pourroit donner à Madame la Comteſſe
d'Eſtourmal un air d'injustice , qui ne convient
nullement à ſon caractere , ni au rôle qu'elle a
joué dans cette affaire. Inſtituée héritiere
(94 )
par fon mari , de tout ce dont les coutumes de la
ſituationde ſes biens permettoient qu'il diſposât
en ſa faveur , comment pouvoit- elle croire qu'il
eût jamais eu intention de la dépouiller pour
enrichir untiers ? La connoiſſance qu'elle avoit
•de ſes volontés , le reſpect qu'elle conſerve pour
ſa mémoire , ſont les motifs qui l'ont déterminée
à détendre ſa fortune perſonnelle , contre
un légataire qui trouve encore , de fon aveu ,
398,051 liv. dans le don de ſon bienfaiteur.
La ſeule conſolation qui reſte à la Comteffe
"d'Eftcurmel , d'après la perte de ſa cauſe , c'eſt
d'avoir eu en ſa faveur les conclufions d'un
Magiftrat dont l'opinion marche preſque d'un
pas égal avec la Loi , & de penser que le Public
pourra la plaindre , mais qu'il ne fauroit jamais
la blamer. J'ai l'honneur d'être bien fincé
rement ,
MONSIEUR ,
Votre très humble, &c
Signé DE BONNIERES ,
Avocat au Parlement de Paris.
PARLEMENT DE PARIS . GRAND CHAMBRE .
CAUSE entre M. le Prince de Lambesc , Duc
d'Elbeuf; les fieurs Andrieu & Lemarchand ,
Huiffiers , l'un de la Connétablie , l'autre de
la Cour des Monnoies ; le fieur Fontaine , commis
à l'exercice de la Sergenterie noble d'Elbeuf.
Sergenterie noble , ſes privileges ; Huiffiers ne
peuvent exploiter dans l'étendue d'une Sergenrerie
noble , au préjudice du Commis à
l'exercice de ladite Sergenterie.
Les Sergenteries nobles, connues dans la pro
vince de Normandie , ſont le droit qui appartient
à certains Seigneurs , d'établir dans un
certain diſtrict des Sergens , pour y exercer tous
les actes & exploits relatifs à la Jurifdition ordis
naire , à l'excluſion de tous autres Huiffiers ou
Sergens. M.le Prince de Lambesc , comme Duc
d'Elbeuf, poſſede une Sergenterie noble ; il eſt
par conféquent en droit d'établir un Sergent
qui , concurremment avec les Huiffiers de la
Jurisdiction ordinaire , & excluſivement à tous
autres , a le privilege d'exercer dans ſa Sergenterie
noble , tous les actes relatifs à la Juriſſiction
ordinaire : mais comme la Jurisdiction ordinaire
d'Elbeuf eſt le Bailliage Ducal , & que M. le
Prince de Lambesc , qui ſeul auroit le droit d'y
établir des Huiſſiers , n'en a point établi , il
en réſulte que le Sergent noble d'Elbeuf a le
droit de faire ſeul , & à l'excluſion de qui que
ce ſoit , dans l'étendue de la Sergenterie , tous
les actes relatifs à la Jurisdiction ordinaire.
Cependant les ſieurs Andrieu & Lemarchand ,
Huiffiers , l'un de la Connétablie , l'autre de
la Cour des Monnoies , au mépris des droits
de M. le Prince de Lambesc , & du privilege
exclufif qui appartient au ſieur Fontaine , Commis
à l'exercice de la Sergenterie noble , & contre
le texte même de leurs proviſions , qui fixent
leur réſidence au Bailliage du Pont- de-l'Arche ,
ont établi leur domicile à Elbeuf , & ſe ſont
permis d'y faire tous actes & exploits quelconques
, même de mettre à exécution les Sentences
du Bailliage d'Elbeuf. Le ſieur Fontaine ,
pour réprimer ces atteintes journalieres portées
à ſes droits , a obtenu d'abord une Ordonnance
du Bailliage du Pont-de-l'Arche , qui lui permet
de compulſer dans les regiſtres du Contrôle ,
les actes qui conſtatent les entrepriſes des ſieurs
An rieu & Lemarchand : ceux-ci ont formé oppoſition
à cette Ordonnance , comme n'étant
coupables d'aucunes prévarications , & n'ayant
fait que ce qu'ils avoient droit de faire . Une
( 96 )
Sentence du 24 O&obre 1785 a ordonné la
mite en cauſe du Prince de Lambesc , qui auffitốt
a , par Arrêt du 20 Juin 1786 , fait évoquer
la conteſtation en la Cour , comme s'agiflant
des droits de ſa pairie. Comme le point de fait
n'eſt pas conteſté , & que les ſieurs Andrieu &
I marchand ne déſavouent pas les entrepriſes
multipliées qu'ils ont commiſes , M. le Prince
de Lambefe a conclu contr'eux à être maintenu
& gardé dans ſon droit de Sergenterie noble
e'Elbeuf; que défenſes leur ſoient faites de plus
faire à l'avenir , dans l'étendue de cette Sergenterie
noble , aucuns actes relatifs à la Jurifdiction
ordinaire , ni de troubler le ſieur Fontaine
dans ſes fonctions de Sergent nable ; & pour
l'avoir fait, qu'ils ſoient condamnés en l'amende,
aux dommages-intérêts &dépens ; enfin , qu'ils
foient tenus de ſe retirer au Pont - de - l'Arche .
lieu fixé pour leurs provifions. Un Arrêt proviſoire
du 7 Septembre 1786 , a fait les défenſes
demandées : nonobſtant cet Arrêt , les feurs
Andrieu & Lemarchand ont continué leurs entrepriſes
, dont le ſieur Fontaine a adminiſtré
les preuves , au moyen d'un extrait des actes
de la Jurisdiction ordinaire , exercés depuis le
mois de Septembre , qu'il s'est fait délivrer par
le Costróleur des actes d'Elbeuf. En vertu d'un
ſecond Arrêt de la Cour obtenu à cet effet ,
M. le Prince de Lambesc & le ſieur Fontaine ont
pourſuivi à l'Audience le Jugement du fond ;
& l'Arrêt du 7 Juillet 1787 a adjugé au Prince
de Lambesc & au fieur Fontaine les conclufions
par eux priſes , a condamné les ſieurs Andrieu
& Lemarchand à payer au Geur Fontaine les dom.
mages & intérêts , à donner par état & décla
ration , & en tous les dépens.
:
0%
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 OCTOBRE 1787.
I
Nota. Pour répondre aux déſirs du Public , on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier, entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIECES FUGITIVES
MEN VERS ET EN PROSE.
LE TOMBEAU DE LESBIE.
Élégie dialoguée , imitée de l'Anglois.
Theach mewith thyſoftſentiments toglow ,
And in Sweetmusic bidmyforrowsflow.
ARISTE.
Le crêpe de la nuit , déployé dans les airs ,
S'abaiffe , s'épaiffit , & couvre l'Univers .
Tout ſe taît. Les vents même ont ceſſe leur murmure.
Rien n'oferoit troubler la paix de la Nature.
Nº. 42. 20 Octobre 1787. E
98 MERCURE
Lorenzo, tout tepoſe ... excepté nos douleurs !
Toutdortquandnous veillons pour répandre des pleurs
Viens ! de l'aſtre des nuits la lueur pâliffante
Eclaire en vacillant notre marche tremblante.
Entrons dans ce ſentier ! ... tu te preſſes vers inoi !
Tu frifſonnes d'horreur ! ... Ah ! calme ton effroi !
Des lugubres accens de ton ame plaintive
N'attrifte point encor cette tranquille rive.
LORENZO .
Silencieuſe enceinte , & vous , fombres cyprès ,
Témoins de mes douleurs , témoins de nos regrets ,
Marbres , qui nous frappez du néant de la vie ,
Offrez-nous le tombeau de ma chère Lesbie !
A. Des mirtes, des lauriers, fans apprêts ſuſpendus ,
En blocs échevelés s'abaiffent confondus :
Ils forment une enceinte obfcure & folitaire,
Avançons : je découvre une urne funéraire.
L. Ariſte , je frémis ! quelle ſubite horreur
S'empare de mes fens & pèſe ſur mon coeur !
Laiffe-moi ; je preſſens que l'éclair de ma vie
Va s'éteindre à jamais au tombeau de Lesbie .
A. Tremble! crains,Lorenzo,decourroucer lesDieux!
Ala lumière encore ils condamnent tes yeux ;
Vouloir te réunir aux cendres d'une Amante ,
C'eſt montrer qu'à ſouffrir ton ame eſt impuiſſante;
Songe qu'il nous eſt doux de pouvoir la pleurer ,
De venir en ces lieux tous les jours l'adorer.
1
DE
99
FRANCE
L.Tu le veux;je vivrai ,quoique mon coeur murmure;
Mais j'accuſe ces Dieux & toute la Nature ;
Ils ont maudit la terre ; elle eſt ſans ornement
Depuis que ma Lesbie eſt dans le monument.
A. Sansdoute que des Dieux la ſageſſe éternelle
Voulut , lui prodiguant des bienfaits dignesd'elle,
Que rayonnante encor de toute ſa beauté ,
Avant de s'envoler dans l'immortalité ,
Des communes douleurs elle fût affranchie.
:
L. Elle étoit mon Amante ! --A. Elle étoit mon amie !
De ſa vie àt'aimer , conſacrant la moitié ,
Elle réſerva l'autre àla douce amitié ,
Et de ſa perte, hélas ! rien, rien ne me conſole !
L.Quand nous laregrettons, va, ce monde frivole
Ces amis fi légers qui n'aiment qu'un moment ,
Ceux vers qui ſes bienfaits alloient ſecrètement ,
Geuxmême qui l'aimoient juſqu'à l'idolâtrie ,
Les Beaux-Arts , l'Univers oublîront ma Lesbic .
A. S'il eſt quelques mortels dignes de la chérir ,
D'un monde fi pervers que fait le ſouvenir ? 1
Son ombre n'attend rien des enfans de la terre.
L. Je n'en veux rien nonplus,& laraiſon m'éclaire :
Je reſte à ce tombeau que je ne puis quitter.
Duſſes- tu me haïr , duſſes- tu détester
L'ami que vers ces bords tu conduiſis toi-même ,
Je veux, ſous le fardeau de madouleur extrême ,
ມ
E ij
100 MERCURE
Succomber lentement & puis m'enſevelir.
A. L'aſtre des nuits ſe voile, & tu l'as fait pâlir !
Lorenzo , je le veux ; ah ! quittons cette tombe ;
Malgré tous mes efforts ton courage fuccombe.
Laiſſons l'afile faint où dorment les vertus ;
Ta préſence le fouille , & tes voeux entendus
Sans doute allumeroient la colère céleste.
L. Ehbien, je te ſuivrai ; mais du temps qui lui reſte,
Ah! laiſſe aumoins jouir un malheureux Amant.
Laiffe-moi contempler ce viſage touchant ;
Laiſſe-moi les couvrir , les baigner de mes larmes ,
Cestraits dont la mort même a reſpecté les charmes !
A. Eft-ce-làde Lesbie honorer les vertus ? ..
Sur toi-même répands ces pleurs trop ſuperflus !
Vil mortel ! voudrois-tu diſputer à la terre ,
Aux infectes rampans leur pâture ordinaire ?
Sa mémoire en ton coeur n'a-t-elle pu reſter ?
L. Tu m'interdis les pleurs ! que faut-il ?-L'imiter
L. Adieu , reſtes ſacrés de la belle Lesbie !
A. Adieu , fidelle Amante & généreuſe amie !
L. Adieu , je reviendrai pleurer ici demain ;
A. Et moi je vais graver ſur un durable airain :
F
De vertus aimable modèle ,
Ci-git unejeune mortelle ,
Qui de la rose eut le deſtin ;
Elle n'a brillé qu'un matin ;
:
Maisfa mémoire est éternelle.
(Par M. Charon.)
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LEmot de la Charade eſt Corniche ; celui
de l'énigne eſt Fumée; celui du Logogriphe
eſt Rime, où se trouve Remi ( Saint ) ,
Mie (mot de Henri IV ) , Mie ( de pain ) ,
Émir, Ire , Mire , Mi , Re , Mie ( particule
négative ) , Mer...
CHARADE.
UNfleuve eſt le premier, le ſecond eſt un autre ;
Le tout eſt à ma table , & fans doute à la vôtre .
<
(Par M. le Chevalier de Sufars. )
ÉNIGME.
L'ARTnous créajumeaux ;nous ne travaillonsguère
e
Dans la ſaiſon caniculaire ;
Mais l'hiver , occupés d'un ſervice affidu ,
Nous rachetons le temps perdu.
Alors plus de repos , toujours peine nouvelle 5
On nous voit dans les plus grands froids
Le long du jour porter du bois ,
Et la nuit faire ſentinelle ;
১.
Einj
162 MERCURE
Car il nous faut garder un priſonnier fournois
Moitié ſoumis , moitié rebelle ,
Qui rompant ſa chaîne une fois ,
Ne connoît plus ni frein ni lois.
Notre afile ordinaire eſt une grotte obfcure ,
Où d'objets ténébreux nous fommes entourés.
Jamais nous n'affichons l'éclat & la parure ,
Qu'en allant nous aſſeoir fur les lambris dorés.
Là , pour charmer l'ennui du Maître ,
Quand la biſe vient l'affiéger,
Sous les traits du plaifir nous aimons à paroître ,
Tantôt Nymphe , tantôt Berger ,
Tantôt nous couronnant de feuillage champêtre ,
De raiſins prêts à vendanger ,
Ou de fleurs qui viennent de naître.
Notreberceau , dit-on , fut l'atelier d'un Dieu.
Quelque titre impoſant que la Fable nous forge ,
La froide vérité nous refpecte fi peu ,
Qu'en livrant notre corps au feu ,
Elle nous met ſouvent les deux pieds ſur la gorge.
(Par un natifde Saint-Juft des Marais,
près Béarn. )
LOGOGRIPHE.
A Mlle. Sophie , P.... d'Ar....
QUEUE mon deſtin eſt fortuné !
Le temps me fait à peine éclore ,
DE FRANCE. 403
Que je vois mon front couronné
Par les mains de la jeune Flore.
Utile à Mars , cher à Cypris ,
Je plais à deux autres Déeſſes ;
De Cérès j'obtiens un ſouris ,
Et de Pomone des promeſſes.
Ma mère avec ſes douze enfans
N'en a pas un dont la préſence
Soit plus agréable aux Amans ,
Ravis de fêter ma naiſſance .
Que je me montre à l'Univers,
Tout s'anime , tout ſe féconde;
C'est moi qui peuple les déſerts ,
C'eſt moi qui rajeunis le monde.
Lecteur , je ne te peindrai pas
Tous les plaiſirs que je fais naître.
Qui voit Sophie & ſes appas,
En voit affez pour me connoître.
Son teint fleuri par les Amours ,
Ses yeux où la gaîté reſpire ,
Sont une image des beaux jours ,
Des jours fereins que je fais luire.
Heureux le mortel préféré
Qui s'entendra donner par elle
Le doux nom , le nom défiré ,
Qu'en ſes trois pieds le mien recèle !
(Par le même. )
E iv
104 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Théatre Allemand; parMM.
FRIEDEL & DE BONNEVILLE. Prix , pour
les 12 Volumes , 48 liv. port franc par
la Pofte. A Paris , chez Royez , Lib . ,
quai des Auguftins ( 1 ).
,
Nous avons rendu compte fuccef
fivement des fix premiers volumes de ce
Théatre ; nous allons jeter un coup d'oeil
fur les fix derniers. Nous ne pourrons nous
arrêter long- temps fur chacune des Pièces
qu'ils renferment ; mais ce coup d'oeil
quoique rapide , ne fera peut - être pas
inutile aux amateurs de l'art dramatique.
Les talens s'éclairent par la comparaiſoni
&c'eſt ſur-tout par l'examen des productions
étrangères qu'on apprend ou à ſe méfier
des préjugés nationaux , ou à ſe confirmer
dans les bons principes qu'on a adoptés .
La première Pièce du ferieme volume
( 1 ) C'eſt chez le même Libraire qu'on trouve le
Choix de petits Romans ,, par M. de Bonneville
vol. in- 12 , dans lequel ſe trouve l'Anecdote originale
du Roman de Caroline.
DE FRANCE. tos
eft une Tragédie de Leſſing , intitulée
Nathan le Sage. Cet Ouvrage eſt d'un
genre très - fingulier. Le ſujet eſt un Juif
riche , bienfaiſant & philoſophe, qui ayant
recueilli une orpheline Chrétienne , l'a
élevée ſous le nom de ſa fille ; qui ne l'a
pas inſtruite dans la Religion Judaïque ,
mais à qui on fait un crime , dans la
fuite , de ne l'avoir pas élevée dans les
principes du Chriſtianiſme. Le Patriarche
de Jérusalem , des Derviches , des Templiers
, des Moines , mis en oppoſition
avec là philoſophie de Nathan , donnent
lieu à des diſcuſſions peu dramatiques
mais curieuſes . L'Auteur n'avoit pas deftiné
, dit-on , cet Ouvrage au Théatre ; fon
but étoit de répondre à ſes ennemis fanatiques
, & de ſe caractériſer lui-même par
le perſonnage de Nathan. Alors il faut
convenir au moins qu'il y avoit peu de
modeſtie à intituler ſa Pièce Nathan le
Sage.
Quoi qu'il en ſoit , il y a dans cet Ouvrage
des mots fublimes , des vérités hardies
; & la lecture en eſt attachante.
Cette Tragédie eſt ſuivie d'une autre du
même Auteur ; elle eſt intitulée Philotas ;
elle n'a qu'un acte, quatre perſonnages ; &
en voici le ſujet.
Un jeune Prince , paſſionné pour la
guerre , eſt fait prifonnier ; ſon père en
même temps faiſoit prifonnier le fils du Roi,,
dans les fers de qui il vient de tomber.
Ew
106 MERCURE
Philotas ſe dit à lui-même : Mon père , au
moment de la paix , ſe trouvant le maître
du fils de fon ennemi , pourroit lui faire
la loi , s'il n'avoit pas à m'échanger moimême.
D'après cela , il forme & exécute
un projet auquel on ne s'attend guère ; il
ſe tue.
Et voilà le ſujet que Leffing a choiſi
pour en faire une Tragédie ! Quelle action
à mettre au Théatre ! La belle réſolution
que celle de Philotas ! Un fils qui ſe tue
pour faire gagner quelque choſe à fon père
dans le traité de paix ! qui n'eſt arrêté ni
par le regret de le quitter , ni par le chagrin
qu'il va lui cauſer par ſa mort ! Leffing ,
qui , comme nous le verrons bientôt, a cru
devoir s'ériger en Législateur dramatique ,
auroit bien dû s'interdire des ſujets ſi hors
de nature.
Voici en peu de mots le ſujet d'Elfride ,
Tragédie de M. Bertuch. Edgar , Roi
d'Angleterre , a eu le projet d'époufer
Elfride. Il envoie , pour ſavoir fi elle eſt
belle , un de ſes courtiſans , le Comte
Atelwold , qui étant devenu amoureux de
la jeune perſonne , trompe le Roi ſur ſa
beauté , & l'épouſe lui-même. Le Roi ,
excité par un ennemi du Comte , va voir
la fermine de ce dernier qui la tient cachée
dans une de ſes terres , eſt frappé de ſa
beauté, ſe bat contre l'époux , le tue , &
offre fa main à la Comteſſe , qui ſe tue
aufli de défeſpoir.
DE FRANCE. 107
y a dans cette Pièce des momens d'énergie
, & de très - beaux mouvemens de
paffion ; mais il y a des détails qui révolteroient
ſur nos Theatres ; notamment
la ſcène cinquième du troiſième acte . Le
Roi a tué le mari d'Elfride ; le père d'Elfride
auroit voulu en épargner la peine au
Roi ; & c'eſt ſur le cadavre de ſon mari
qu'on vient chercher Elfride , pour lui
parler de l'amour du Roi , de l'aſſaffin !
& ſon père la menace brutalement ! En
vérité , il nous ſemble que chez toutes les
Nations , fans avoir un goût bien rigoureux ,
on doit être indigné de pareils tableaux.
Un trait de Gustave Adolphe , que M. le
Baron de Dalberg avoit lu dans le Journal
Encyclopédique , lui donna l'idée de fon
Drame de Walwais & Adélaïde , qui ſe
trouve dans le huitième volume.
Walwais , jeune homme ſans naiſſance
& fans fortune , élevé chez le Comte de
Brahe , a pris de l'amour pour ſa ſoeur
Adélaïde ; mais fans ofer ſe déclarer , il
s'enfuit , & retourne dans ſon village auprès
de ſon père. Le Roi l'ayant rencontré
&entretenu par hafard , eſt charmé de ſes
diſcours , en fait ſur le champ ſon ami
& l'emmène à ſa Cour. Le Roi met , fans
le ſavoir , l'amitié de Walwais à une terrible
épreuve ; il le charge d'aller le propoſer
pour époux à Adélaïde , dont il eſt
aufli amoureux. Walwais , toujours plein
de fa paſſion , ſe ſacrifie à ſon devoir د
Evj
108 MERCURE
exhorte ſa maîtreſſe à épouſer le Roi ; mais
il s'enfuit pour n'en être pas le témoin ,
& renonce à ſa fortune. Tandis qu'il facrifie
ſon amour , on l'accuſe d'avoir trahi
celui du Roi , qui d'abord ſe livre à ſa
colère& à ſa jalouſie , mais qui apprenant
enfuite ſon innocence , immole fes propres
fentimens , & a le courage de l'unir à
Adélaïde.
Commençons par rappeler ici , qu'en
fait d'Ouvrages dramatiques , dire , cela eft
arrivé , ce n'est pas dire effentiellement ,
cela est bien ; parce qu'au Théatre il s'agit ,
non de la vérité , mais de la vraiſemblance.
L'amitié du Roi pour Walwais eft trop
prompte, n'eſt pas affez préparée. Ce défaut
eſt bien plus en évidence dans une Pièce
dramatique , que dans un Conte ou dans
une Hiſtoire , parce qu'au Théatre on a
bien moins le temps de développer les
motifs , de graduer la marche d'une pareille
intimité. Dès la première converſation , le
Roi dit à Walwais qu'il le choiſit pour
fon ami. Il ſemble lui accorder ce titre
comme il lui donneroit une des charges de
fa Cour ; mais les talens néceſſaires pour
exercer l'office d'ami, ne ſe mettent pas en
évidence dans une ſeule converſation ; &
Gustave n'eſt pas ici dans une ſituation à
Juſtifier de pareils im-promptus de confiance.
Un Prince qui ſe trouveroit dans un moment
eritique pour ſes Etats , qui auroit beſoin
d'un homme extraordinaire pour conjurer
ود
2
DE FRANCE.
109
A
Forage , & qui croiroit l'avoir trouvé , peut
fe livrer ainſi à une impreſſion prompte &
fubite , qu'il pourroit regarder comme une
inſpiration divine. Mais Gustave eſt tranquille
;& le défir d'avoir un ami , n'eſt pas
pour un Roi un beſoin affez preffant pour
justifier une liaiſon ſi précipitée. Ce défaut
degradation, qui touche à l'invraiſemblance,
nuit pendant quelque temps au moins à
F'intérêt de l'Ouvrage.
Il y a peu de mouvemens & d'effers
dramatiques dans cet Ouvrage ; mais la
conduite en eſt ſage , la marche naturelle ;
il ya des momens heureux ;& l'on conçoit
fans peine qu'elle ait réuſſi fur pluſieurs
Théatres.
:
Dans le Créancier , Comédie en trois
Actes de M. J. Richter , bien des ſcènes
inutiles , mais de la vérité & de l'intérêt.
Ce n'eſt pas par l'unité du ſujet qu'on
peut louer Gatz de Berliching , avec une
main de fer , Drame de M. de Goethe.
hes Traducteurs diſent qu'elle pourroit
être proprement appelée une Vie dialoguée.
En effet, c'eſt la vie & les faits d'armes
d'un Chevalier , qui en compoſent l'action .
Gætz eſt un de ces Redreſſeurs de torts
qui ont illuftré en Allemagne le ſiècle de
la Chevalerie. Le ſpectateur y voyage à
tous momens ; le rôle le plus fatigant &
le plus long à jouer pendant la repréſen
tation d'un pareil Ouvrage ,doit être celui
du Machiniſte. On voit à chaque Acte
110 MERCURE
entaſſer les ſréges , les aſſauts , les batailles ;
mais il y a de grandes beautés de détail ,
une fidèle peinture des moeurs de ce ſiècle ,
&de la vérité dans les caractères.
Le neuvième volume eſt terminé par la
mort d'Adam , Tragédie en trois Actes de
M. Klopstock. Nous avons lu cette Pièce
originale avec le plus grand intérêt. Il en
fort , pour ainſi dire, un ſentiment religieux.
Il n'y a , à proprement parler , qu'une feule
fituation ; mais elle est graduée , mais elle
eſt variée , autant qu'elle peut l'être , par de
grandes & touchantes idées .
L'Auteur a pris pour ſujet les approches
de la mort d'Adam , qui lui eſt annoncée
par l'Ange exterminateur , dès le commencement
de la Pièce , & même dès l'avantſcène;
les détails de ſon agonie en font le
noeud , & fa mort la catastrophe.
On fent que l'idée de la mort , image
avec laquelle on étoit ſi peu familiarifé ,
à l'époque qu'a choifie l'Auteur, doit caufer
à ſes perſonnages , des impreſſions peu
communes & leur inſpirer des idées
nouvelles ; ces deux conditions impoſées
par le ſujet , ſe trouvent parfaitement
remplies.
د
Le jour que l'Auteur a pris pour faire mourir
Adam, celui-ci a perdu le plus jeune de
fes fils , qu'il retrouve avant d'expirer ; il
doit marier une de ſes filles ; & trois femmes
de ſes fils viennent lui apporter leurs nouveaux
nés. Ce groupe d'incidens eft bien
DE FRANCE. III
choifi , & fert beaucoup à l'intérêt du ſujet
principal.
Mais une idée grande , terrible , & qui
amène une belle ſcène , c'eſt l'arrivée de
Cain , qui , pourſuivi , égaré par ſes remords,
vient maudire ſon malheureux père,
au moment de ſon agonie.
Il y a dans la bouche de la jeune Sélima ,
fille d'Adam, des traits charmans de naïveté,
tels que le mouvement de fenſibilité qui
lui fait dire à Adana : Mon père , ne meurs
pas.
L'Ange a prédit à Adam qu'il expirera
au moment où le ſoleil ſe cachera derrière
la montagne des Cèdres. La manière
dont Adam & fon fils Seth fuivent des
yeux la marche du ſoleil , eſt d'un grand
pathétique ; à tout moment le père demande
à fon fils ſi le ſoleil eſt prêt à ſe cacher ;
tous deux meſurent , pour ainſi dire
chaque pas qu'il fait vers la montagne.
و
Adams'affoiblit avant d'expirer; il éprouve
toutes les gradations de la mort , ſes ſens
s'affoibliſſent , il perd la vue , l'ouïe ; &
enfin il expire en béniſſant fa famille profternée
à ſes genoux.
Voici encore une Tragédie de Leffing ,
MiffSara Sompfon. Les Ouvrages de Leffing
font eſtimés en Allemagne ; & nous les
croyons eftimables par tout. Cet Auteur
paroît connoître les Théatres anciens &
les Théatres étrangers ; il paroît familier
avec Ariftote ; il eſt inſtruit de ce que
112 MERCURE
nous appelons les règles du Théatre ; il
peut les mépriſer , il ne les ignore pas.
Voyons , par l'examen de cette Tragédie ,
comme nous l'avons déjà fait à l'égard de
quelques autres Ouvrages du même Auteur,
voyons juſqu'à quel point ſon érudition a
tourné au profit de fon talent.
Mellefonta quitté la mépriſable Marvood,
fa maîtreſſe, pour la jeune & ſenſible Sara,
qu'il a enlevée de la maiſon paternelle. C'eſt
la vengeance de la ſcélérate Marvood qui
fait le ſujet de la Pièce. Son amant , qu'elle
engage à venir chez elle , lui permet d'aller
voir ſa chère Sara ſous un nom emprunté,
& elle profite d'une occaſion qu'offre- le
hafard , pour couler du poiſon dans une
potion cordiale , qui fait périr ſon intéreſfante
rivale.
II eft clair que c'eſt cette viſite de
Marvood qui forme le noeud , & qui produit
le dénouement de cette Tragédie. On
va voir ſi cette viſite a la moindre vraifemblance.
C'eſt après une ſcène de fureur,
dans laquelle Mellefont arrache à Marvood
un poignard qu'elle avoit caché pour
l'affaffiner ; c'eſt après cette ſcène, ou plutôt
dans la même ſcène , que Mellefont lui
permet de bonne foi de venir voir ſa maîtreffe
; à cette Marvood qu'il ſait être pleine
derage,& qu'il vient de reconnoître capable
de la plus noire trahifon. C'eſt ce qu'on
peut imaginer de plus contraire à la vraiſemblance
& au ſens commun.
DEFRANCE.
113
,
Le Lecteur s'attend que cette viſite , fi
mal motivée, produira au moins de grandes
& belles choses ; & il n'en réſulte pendant
long- temps que des ſcènes dans leſquelles
Marvood emploie le moyen vulgaire de
deffervir ſon amant dans l'eſprit de ſa rivale.
Elle ſe venge , il eſt vrai ; elle finit par empoiſonner
Sara ; mais c'eſt par hafard; cette
action ne tient pas à ſes combinaiſons
n'eſt point le réſultat de ſon plan. Elle
s'oublie , elle s'emporte , ſe fait connoître ,
inſpire à ſa rivale une terreur affez forte
pour la faire tomber à ſes pieds & s'y
trouver mal ; & comme on travaille à la
faire revenir , Marvood verſe du poiſon
dansla potion qu'on lui fait prendre. Encore
ſi elle avoit prévu , médité cet affreux incident
; mais au contraire , il n'arrive que
parce qu'elle n'a pas ſu ſe poſſéder; c'eſtà-
dire , parce qu'elle n'a pas foutenu fon
caractère. Ce n'eſt pas ainſi qu'il falloit
peindre une Marvood .
Ce n'est pas qu'il n'y ait dans cette Tra-.
gédie , de très-beaux détails , des momens
d'intérêt , ſur - tout au dénouement. Mais
ce font trop ſouvent des ſentimens exagérés
, qui refroidiſſent l'intérêt & détruiſent
l'illufion. En général , c'eſt un
reproche qu'il mérite dans tous ſes Ouvrages.
Son Dialogue manque trop de
naturel. Dans une tirade de douze vers ,
ou de douze lignes , s'il y en a quatre qur
conviennent au perſonnage , dans tout le
refte on croit entendre parler l'Auteur.
114 MERCURE
1
:
Déclamer , ſophiſtiquer , ce n'eſt pas dialoguer
; & c'eſt trop ſouvent Leſſing qui
écrit , quand le perſonnage devroit parler.
Des fentimens faux ſont ſouvent même
le réſultat de cette éxagération habituelle.
Nous n'en citerons qu'un exemple. Sara , qui
a quitté la maifon paternelle pour ſuivre
ſon amant , reçoit une lettre de fon père.
Elle refuſe de la lire , parce que le vieux
domeſtique, en la lui remettant, lui annonce
que fon père lui a pardonné. Elle prétend
que ce pardon lui fait ſentir ſa faute plus
vivement ; & elle ſe défend d'ouvrir la lettre .
Le domeſtique ne pouvant la vaincre làdeſſus
, ſe croit forcé de recourir à un
menfonge officieux , & lui dit qu'il ne lui
a parlé de la clémence de fon père , que
pour la tranquilliſer ; mais que dans la
vérité , ſon père eſt toujours courroucé
contre elle. Alors elle ſe détermine à ouvrir
la lettre , & y trouvant à la première
ligne ces tendres expreſſions, ma chère Sara,
ma fille unique , elle s'emporte contre le
valet , & ne veut pas aller plus loin , &c .
De bonne foi , où eſt la vérité ? où eſt
la nature ? Une fille coupable , qui gémit
du chagrin qu'elle a caufé à l'auteur de
fes jours , qui pleure ſa faute , peut - elle
être épouvantée du pardon de ſon père ?
Ce refus de lire la lettre qui le lui annonce ,
cette colère que lui donne le mot de ma
chère,fille , est- ce là le langage du coeur ?
&n'est- ce pas là plutôt parodier , qu'écrire
laTragédie ?
!
i
DE FRANCE.
Au reſte , il y a dans cet Ouvrage des
plaifanteries qui ne ſont pas toujours du
meilleur genre , & l'action n'eſt rien qu'héroïque
; pourquoi Leffing a-t-il abſolument
voulu que ce fût précisément une Tragédie
? Il avoit le titre générique de
Drame , fi ufité dans ſa Nation ; pourquoi
renoncer à cette dénomination ſi commode,
qui permet à un Ecrivain d'être à fon gré
noble ou familier , triſte ou gai , rien de
tout cela , s'il veut , & tout cela enſemble ,
s'il lui plaît ? Il eſt vrai qu'on meurt dans
ſa Pièce; mais ſi l'on fait des Tragédies
où l'on ne meurt pas , ne peut-on pas faire
des Drames où l'on ſe tue ?
Peut - être y a-t il plus de naturel dans
le ſtyle. En voici un détail pris dans le
rôle de Sara. Mellefont veut s'embarquer ,
dit-il, pour aller l'épouſer en France. Cruel,
lui répond Sara ! " Je quitterai donc ma
>>patrie en criminelle ! en criminelle !
» & vous croyez que j'aurois affez de
>>courage pour me confier à la mer ? Il
>>me faudroit un coeur plus tranquille ou
>>plus endurci dans le crime , pour voir
>> avec indifférence , un ſeul inftant , une
>> foible planche entre ma perte & moi.
" Dans chaque vague bondiſſant vers mon
>> vaiſſeau je verrois la mort s'élancerpour
>> mefaifir : dans le frémiſſement des voiles ,
> dans lefifflement des vents , j'entendrois
»les malédictions des montagnespaternelles,
» & le moindre nuageferoit unjugement de
fang , prêt à fondre fur ma tête ".
116 MERCURE
On nous diſpenſera de faire remarquer
la ridicule enflure de cet obfcur galimatias.
Nous n'avons pas l'original fous les
yeux; mais les Auteurs de cette Traduction
prétendent avoir traduit fidèlement. Et en
vérité , s'ils lui avoient prêté ce gigantefque
fatras , ce feroit matière à les attaquer criminellement
, comme coupables de calomnie
& de diffamation.
C'eſt pourtant ce même Leſſing , qui ,
dans une Dramaturgie ( 1 ) , dont on a
donné une Traduction Françoiſe en 1785 ,
a traité avec le plus froid mépris nos Corneille,
Racine, Voltaire , & Crébillon . Cor-
>> neille & Racine , dit- il , Crébillon &
>> Voltaire, ont peu ou rien, de ce qui fait
>> qu'Euripide eſt Euripide , que Sophocle
>> eft Sophocle , que Shakespear eft Shakefpear
".
C'eſt ce même Leſſing qui dit dans ce
même Ouvrage , que ceux qui depuis un
>> ſiècle ſe vantent d'avoir un Théatre , qui-
>> même ſe vantent d'avoir le meilleur
>>Théatre de l'Europe .... que les François
n'ont point encore de Theatre ".
C'eſt lui qui prétend que Corneille eft
fans génie , & qui croit lui faire grace en
lui accordant de l'eſprit.
(1 ) Cet Ouvrage, qui nous eſt échappé dans le
temps , ſe vend , en deux Parties , in-86. , à Paris,
chez M. Junker, à l'Ecole Royale Militaire ; & chez
Royez, Lib . , quai des Auguſtins, près le Pont-Neuf.
DE FRANCE. 117
Voulez - vous l'entendre motiver l'anathême
qu'il lance ſur notre Théatre ? Il ne
trouve rien dans les Tragédies Françoiſes ,
finon des intrigues , des coups de théatre,
des fituations. C'eſt pourtant quelque choſe
que cela ! Mais , continue Leſſing , on me
dira qu'il y a de la décence.... » Oh! oui,
>>de la décence. Toutes leurs intrigues font
>>plus décentes ..... & plus monotones ;
>>tous leurs coups de théatre ſont plus
» décens & plus rebattus ; toutes leurs
>>ſituations ſont plus décentes &plus
>> forcées. Graces à la décence « !
.....
....
Vous voyez que dans cette dernière
citation , Leſſing eſt preſque plaiſant ;
voici un endroit où il l'eſt tout-à-fait ; on
jugera par-là de ſon bon goût en plaifanterie.
Il réfute ici Voltaire , qui écrit à un
Anglois , qu'Addiſſon eſt le plus fage des
Ecrivains Anglois. » Qui reconnoîtra , dit-
>>il , Addiſſon pour le plus ſage des Ecri-
>> vains Anglois ? Je me rappelle que les
>>François appellent auſſi ſage une fille
>>qui n'a jamais fait de faux pas. Dans ce
>> fens , la choſe peut pafler , & c'eſt comme
>>ſi Voltaire avoit dit : Cet Ecrivain qui ap-
>>proche le plus de nous autres François ,
>>ſi corrects , fi fades , ſi énervés , & bons
" à faire de l'onguent miton-mitaine «.
On vient de voir un bon goût de plaifanterie
; voici maintenant de la politeffe.
>>Au reſte , ce petit paſſage ne renferme
>>que trois fauffetés; & ce n'eſt pas beauTIS
MERCURE
:
>> coup pour M. de Voltaire " . N'oublions
pas que Leſſing écrivoit ces aménítés
germaniques du vivant de Voltaire. On
prétend qu'étant à Paris , il avoit eu un
démêlé avec cet homme célèbre ; & que
le reſſentiment a influé ſur le jugement
qu'il a porté de ſes Ouvrages. Cela peutêtre
; mais fans ſa haine pour Voltaire , il
n'auroit pas traité avec plus d'indulgence la
Littérature Françoiſe. Ceux qui connoiffent
les Ouvrages de Leffing , favent qu'il n'a
pu faire des Fables , ſans écrire une Préface
contre la Fontaine.
Au reſte, nous n'imiterons pas ſon aveugle
partialité ; & nous conviendrons que dans
cette même Dramaturgie , il y a d'excellentes
obſervations ſur l'Art Dramatique ;
que c'eſt un Ouvrage curieux , & qu'il doit
trouver place dans la bibliothèque des Amateurs
du Théatre. Parmi d'injuſtes jugemens
appuyés par des fophifmes , on y trouvera
des réflexions fines , & quelquefois même
profondes.
Cette digreffion nous a menés un peu
loin ; revenons au Théatre Allemand. La
Tragédie de Leffing eſt ſuivie d'une Comédie
de M. d'Ayrenhoff, intitulée , l'Attelage
de Pofte. Cette Pièce eft preſque toute en
dialogue. Léonore eft promiſe à un Comte
qui eſt paſſionné pour les chevaux ; mais
elle aime un Major dont elle eſt aimée.
Ce Major a quatre beaux chevaux pies ; le
prétendu devient fou de ce bel attelage ;
e
:
DE FRANCE . II
& il cède ſa future à ſon rival , à condition
que ce dernier lui cédera ſes chevaux,
Il y a des traits plaiſans de ridicule. Tel:
eſt ce mot du Comte , qui voulant foire
l'honneur à un Notaire favant , de le faire
entrer avec lui dans ſa voiture , quand il
va eſſayer les chevaux , dit au Notaire qui
fait des façons pour accepter : » Non , non ,
>> point de complimens ; je ne ſuis pas fier ,
» moi , j'aime autant un ſavant qu'un
» ignorant ". )
Le onzième volume commence par Otto
de Wittelsbach , Tragédie en cinq Actes ,
publiée par M. Babo , & arrangée pour
le Théatre par M. le Chevalier de Steinfberg.
Le ſujet de cette Pièce eſt l'Empereur
Philippe de Souabe , aſſaſſiné par Otto , &
venge par Kallheim. Le caractère d'Otto
eſt bien marqué , fortement deſſiné. C'eſt
un homme très-vaillant , très- franc , qui a
mis l'Empereur-fur le trône. Ce perſon->
nage intéreſſe d'abord ; mais l'action qu'il
produit , n'eſt ni intéreſſante , ni noble.
Au troiſième Acte , Otto , qui eft veuf, &
qui a des enfans , demande en mariage la
fille aînée de l'Empereur , qui lui a été pro
miſe ; à ſon défaut , il demande la cadette ,
& au défaut de celle-ci , il veut obtenir
la fille du Duc de Pologne. Cette fureur
d'époufer n'eſt ni héroïque , ni tragique ;
c'eſt pourtant là l'action de la Pièce , &
le foyer de tous les évènemens. On y trouve
3
L
1
120 MERCURE
des expreſſions ridicules , & bien peu faites
pour la Tragédie. Otto , indigné contre
l'Empereur ingrat envers lui , dit à part :
>>>Oh! va-t-en vá monftre couronné ;
د
>>quand, avec toute ta majefté, tu pourrois
>>t>e cacher - dans une noiſette
>>f>aurois encore t'y trouver ".
د je
Ailleurs il lui dit avec une ironie amère :
>> Et moi, Sire, je veux changer mes armes
>>en batterie de cuiſine : voyez-vous, ce caf-
» que me fera une belle cafferole « ? Cela
eſt naturel; mais quelle nature !
( Il y a beaucoup de mérite à avoir tracé
le caractère d'Otto , qui eft vigoureux , foutenu
, plein d'une forte d'énergie ſauvage ,
qui étonne & qui attache. Cette énergie
ſe trouve fur-tout dans une belle ſcène qui
touche à la fin du quatrième Acte . Otto ,
indignement joué par Philippe , qui , ſous
prétexte de le charger d'une lettre de recommandation
pour le Duc de Pologne ,
a-prévenu ce Prince contre lui, entre brufquement
chez l'Empereur , tandis qu'il
fait une partie d'échecs avec un de ſes
courtiſans. Il arrive avec un air farouche ,
vient à la table du jeu , regarde la partie ,
& dit à l'Empereur : Vous êtes échec &
mat; joue lui-même le coup , & brouille
la partie. L'Empereur ſurpris , & encore
plus troublé de cette audace , dit qu'il
avoit un moyen de ſe ſauver : » Aucun ,
" répond Otto ; à moins que vous n'euffiez
>>jeté le joueur& l'échiquier par la fenêtre;
>>alors
DE FRANCE . 121
>>alors vous auriez gagné en Empereur « .
Ce mot eſt auſli fublime que hardi ; ce
qui fuit eſt encore plus énergique. Otto
ſe plaint,de la lettre du Roi qu'il a interceptée
, lui reproche ſon ingratitude, & le
fomine de prouver ce qu'il a écrit contre
lui : Ducparjure ! je n'exige aucune recon-
>>noiffance de vous , jamais je n'exigeai de
>> reconnoifface ; mais la honte , je ne la
>> fouffre pas fur moi. Prouvez une révolte ,
>>une querelle excitée par Otto , prouvez
>>une trahifon , un crime contre l'Empire ,
>> ou contre vous, prouvez,-prouvez donc.
Eh bien , écrivez aubas de cette lettres
» J'ai mentis.
- ود
Une pareille apoſtrophe à un Empereur ,
eſt d'une grande énergie , & rend la ſituation
des plus attachantes .
Pas plus de fix Plats , Tableau de Fa
mille en cinq Actes , eſt une Comédie de
M. F. G. W. Groffmann. Reinhard
Confeiller Aulique , eſt entré dans une
famille très noble &très-pauvre , qui , tout
en le mépriſant , mer chaque jour ſa for
tune à contribution. Il ſe laſſe d'être lau
bienfaiteur, ſans être leur ami ; il ſe montre
ferme envers eux, envers ſa femme, envers
ſes enfans , & jufte envers tout le monde
- Ce caractère est bien tracé, bien foutenu.
Il y a dans la Pièce de belles ſcènes ,une
fidèle peinture de moeurs ; c'eſt dommage
qu'on y trouve beaucoup de longueurs ,
des inutilités, & de mauvaiſes plaifanteries.
N°.42 . 20 Octobre 1787.
122. MERCURE
Voici une Fièce qui a eu ſur tous les
Théatresd'Allemagne un ſuccès prodigieux ;
c'eſt la Tragédic de M. Schiller , intitulée
ies Voleurs . Il s'agit d'un jeune homme
opprimé, qui devient criminel, qui s'aſſocie
à une bande de ſcélérats , & qui ſe couvre
avec eux de forfaits parce qu'il leur a
juré de venger l'innocent opprimé. A Fribourg
dans le Briſgaw , la repréſentation de
cette Pièce fit une telle impreſſion , que
toute la jeuneſſe de cette ville , & l'élite
même de la Nobleffe, jurèrent d'être comme
lui des Anges exterminateurs. Ils ſe lièrent
par les plus affreux fermens ; mais heureuſement
cette conjuration fut découverte
&diflipée.
Voilà un horrible ſuccès , & bien digne
de la Pièce. Il y eſt queſtion de deux frères ;
le plus honnête des deux , celui ſur lequel
l'Auteur a voulu fixer l'intérêt , eſt un
Capitaine de voleurs & d'aſſatſins. Le
genre des détails répond parfaitement au
fujet. Voici les deux traits qui ſervent de
dénouement. Le Capitaine retrouve ſa
maîtreffe, qui a toujours éré fidelle à l'amour
&àla veitu ; forcé de lui déclarer l'horrible
état qu'il a embraſfé , ne pouvant ni ne
voulant s'unir à elle à cauſe de ſes crimes ,
il Paffaffine en brûlant d'amour, pour montrer
fon courage , & même ſa ſenſibilité ;
enfin , pour couronner dignement une telle
action , & faire éclater le genre de vertu
dont il eft capable , il va faire gagner à
DE FRANCE. 323
un pauvre Officier qui travaille à la jour
née , cent ducats , prix auquel il fait que
ſa tête a été miſe.
Cette Pièce n'annonce pas un homme
de goût , mais un génie vigoureux. Il y a des
traits d'énergie qui vous attachent , tandis
que le genre de l'Ouvrage vous repouſſe.
Au reſte , il y auroit de la cruauté à relever
les défauts de cette Tragédie , quand l'Auteur
lui-même , par une autre fingularité ,
vient de l'imprimer , en difant que fa Pièce
eſt déteftable.
Celle qui fuit , & qui termine cette collection
, eſt d'un genre bien différent , &
peut éclaircir les horribles images dont cette
Tragédie a fali l'imagination du Lecteur ;
c'eſt le Bon Fils , Comédie en un Acte ,
par M. J. J. Engel.
Cette Comédie a peu d'action . C'eſt un
fils de payſan , qui s'eſt avancé dans le
ſervice , eft devenu Capitaine , & qui a
toujours fait à ſes parens pauvres une petite
rente par mois. Arrivé , à l'époque de la
paix , chez ſes père & mère , qu'il aime auffi
tendrément qu'il en eſt aimé , il fait punir
un Sergent , qui ayant recruté un fils unique ,
qui ſe trouve le prétendu de la foeur du
Bon Fils , veut le faire marcher , ou plutôt
tirer de l'argent de ſa famille.
La Pièce ſe dénoue fans catastrophe .
Mais le Dialogue en eft naturel , plein de
vérité , & ſe fait lire avec attendriflement.
Nous venons de jeter ſur ce Theatre un
Fij
124
MERCURE
coup d'oeil impartial. Toutes les autres
Nations nous accuſent de nouş refroidir
par une ſcrupuleuſe obſervation de ce que
nous appelons les règles théatrales. Nous
ne répondrons que par un ſeul mot ; c'eſt
que de jour en jour , comme nous l'avons
déjà dit ailleurs , toutes les autres Nations
ſe rapprochent de cette obſervation ſcrupuleuſe
; & il ne nous feroit pas difficile de
démontrer que pour l'Art Dramatique ,
les règles font bien moins des entraves, que
des moyens de ſuccès.
( Cet Article est de M. Imbert. )
OEUVRES d'Hippocrate ; Aphorismes trac
duits d'après la collation de vingt- deux
Manuscrits Grecs& des Interprètes Orien-
: taux. AParis , chez Théophile Barrois
le jeune, quai des Augustins. In-12, petit
format,
Les Ouvrages anciens & modernes dont
le Traducteur nous a donné des Verſions
Françoiſes , lui ayant mérité juſqu'ici une
approbation générale , il y a lieu de croire
que celle- ci lui fera au moins autant d'honneur
: nous diſons au moins , car il n'y a
pas un Ouvrage ancien d'une auffi grande
importance que celui-ci. On fait que les
Ecrits d'Hippocrate ont ſervi de baſe à ceux
2
;
DE FRANCE. 125
de Platon , d'Ariftote , & de tous ceux qui
ſe ſont diftingués par leur favoir dans l'an
cienne Grèce . M. de Buffon , ce célèbre
Ecrivain fi digne de nos éloges , les a fou
vent mis à contribution , & ya puifé plu
ſieurs de ces fublimes théories qui lui ont
fait tant d'honneur. Mais Hippocrate n'a
encore été interprété que dans des temps
où la Phyſique permettoit à peine de le
comprendre. De là ces contradictions perpétuelles
des Traducteurs Latins , & des
Commentateurs. Quoique ſon idiome foit
le plus pur de toute laGrèce , il n'est pas
donné à tous les Lecteurs de le bien faifir.
Un de nos Littérateurs les plus inſtruits ,
Dacier , s'étoit eſſayé fur ce travail; mais il
n'étoit qu'Homme de Lettres , & il a été
obligé d'y renoncer. Le nouveau Traducteur
a fait preuve de connoiſſances bien
plus étendues , & réunit à cet avantage
celui de pouvoir ſuivre le langage de fon
original avec toute la confiance qu'un
homme doit avoir pour entrer dans cette
carrière. L'Avertiſſement qui précède ce
premier Volume , fait voir avec quelle prudence
, quel ſoin , le Traducteur a procédé ;
une erreur devient ici de la plus grande
conféquence. Il falloit être inftruit à fond
des Théories médicales , de la Phyſique ancienne
& moderne; être même verſé dans
celle de la Chimie , & réunir les autres
branches acceſſoires , pour remplir cet objet ;
ear Hippocrate n'intéreſſe pas une ſeule
Fiij
26 MERCURE
partie des Sciences : laChirurgie même retrouve
tous les jours chez lui les grands
principes de ſes opérations. Mais à ne conſidérer
Hippocrate que comme Philofophe,
on reconnoît chez lui tout ce que les hommes
les plus diftingués de notre ſiècle ont
produit fur le ſyſteme généraldu monde ,
fur celui de l'animal, & en particulier ſur
celui de l'homme. C'est donc rendre un
ſervice eſſentiel aux Sciences que de faire
paroître en françois le Recueil de ſes Ouvrages,
au moins ceux que l'Antiquité lui
aattribués...
HISTOIRE Générale & Particulière de
Bohème ; par M. l'Abbé ANDRÉ. A
Vienne & à Strasbourg, chez les Frères
Gay ; à Paris,chez Nyon , rue du Jardinet
; Belin , rue St - Jacques ; Lamy ,
quai des Augustins.
L'HISTOIRE de la Bohème , écrite en tout
ou en partie par beaucoup de Savans Allemands
, qu'on trouve appréciés ici, eft en
général affez ignorée en France , & c'eſt un
fervice que M. l'Abbé André rend à notre
Littérature , de nous faire connoître cetre
Hiſtoire. Il a fallu pour cela , felon fon expreffion
, réduire en corps d'Histoire des
évènemens épars dans une foule d'Ecrits
baroques. C'eſt ce qui eft principalement
:
DE FRANCE. 127
S
لا
e
elt
re
Y
Hes
its
vrai de cette première Partie , qui contient
Hiſtoire ancienne de la Bohème , & qui
ne s'étend pas tout-à-fair juſqu'à la fin du
onzième ſiècle. On voit d'abord la Bohème
fous les Boïens , qui en font les premiers
habitans , & qui lui donnent leur nom, puis
fous les Marcomans , que le célèbre Maro--
boduus ( dont M. Gibert a prétendu tirer
le nom des Mérovingiens ) établit dans ce
pays ſur les ruines des Boïens. Les Marcomans
, après avoir long - temps réſiſté à
toute la puiſſance Romaine , fuccombent
fous les efforts des Barbares. La Bohème eſt
fucceffivement la proie des Lombards , des
Thuringiens , des Francs, enfin des Slaves.
LesBohèmes ou Bohémiens prennent pour
Roi , ou Juge , ou Général , le fameux S2-
mon, qui les fait triompher au dehors , &
les rendheureux au dedans. A la mort de Samon,
& peut-être long-temps auparavant ,
Hiſtoire de la Bohème devient fabuleuſe
ce qui veut dire qu'elle le devient tant
qu'il ne reſte plus aucun moyen de déméler
se qui appartient à la Fable & ce qui ap--
partient à l'Hiſtoire. Tout ce qui concerne
le règne ou la judicature de Cracus & de
fes filles , fur-tour de Limiſſa , eft abſokr
ment de ce genre. Limiſſa épouſa Przémiſ
kas I , qui n'étoir , dit-on , qu'un payfan ,
& qu'elle fit Duc. " Les fouliers de payfan
>>qu'avoit portés Przémiſlas, fon panier d'o-
>> fier, fes guêtres & fon bonner, furent ,
>>p>endant plufieurs fiècles , conſervés avec
Fiv
128 MERCURE
>>grand ſoin parmi les monumens du Royau
me. Au couronnement des Ducs & Rois
» de Bohème , on montra long-temps cette
>> antique chauſſure au peuple ". Les fucceffeurs
de Przémiſlas qui rempliſſent tout
le fecond Volume , depuis l'an 745 juſqu'à
l'an 1061 , font Nezamiflas ; Borziwoie I ;
Spitigné I ; Wratifles I ; Wenceflas I , dit le
Martyr; Boleflas I, dit le Cruel; Boleflas II ,
dit le Pieux.; Boleſlas III , dit le Roux ; Jaromir
; Udalric ; Erzétiſlas I; Spitigné II.
Du temps de Charlemagne & de fes fuccefleurs
, Rois de Germanie , l'Hiſtoire de la
Bohème , au moins dans ſes relations extéricures
, devient un peu plus certaine &
un peu plus connue par l'Hiſtoire de ces
Princes , qui firent ſouvent la guerre aux
Bohémiens avec divers ſuccès.
Cette Hiftoire en général eſt faite avec
foin , écrite avec ſageffe. L'Auteur ne néglige
pas de peindre les moeurs , & de rapporter
les traits mémorables qui peuvent
Tervir d'exemple; tel eſt celui-ci.
Les Borens avoient envoyé une colonie
en Afie ; Nicomède avoit fait alliance avec
eux , & leur avoit donné la Galatie ; ils
avoient fouvent occafion de faire la guerre
aux Romains. Dans une de ces guerres ,
Chiomar, femme d'Ortiagon , Roi des Toliftoboïens
, Tribu d'élite parmi les Boïens ,
étoit tombée au pouvoir des Romains ; on
l'avoit confiée à la garde d'un Centurion .
La beauté de cette illuftre captive frappa le
1
DE FRANCE.
129
Centurion , qui , n'ayant pu la ſéduire , ofa
lui faire violence. Sa brutalité afſouvie , il
lui offrit la liberté , moyennant une ſomme
dont ils convinrent ; deux Princes Galates ,
parens de la Reine, apportèrentla fomme , &
le Centurion conduifit lui-même Chiomar au
lieu où il devoit la remettre aux Galates. Pendant
que l'on compte & que l'on pèſe l'argent,
la Reine raconte à ſes parens , dans la
Langue de ſon pays , pour n'être pas entendue
du Centurion , l'outrage qu'elle a
reçu de lui , leur en demande vengeance ,
&les prie de faifir cette occafion ; ilsfondent
àl'infant für le Centurion, & lui abattent
la tête, elle l'emporte ,& en paroiffant
devant fon mari, elle la jette à ſes pieds :
» Voilà , lui dit - elle , la tête de l'infame
ود adultère qui a ravi mon honneur & le
» voue........ Je reviens vous rendre mon
» coeur & ma fidélité vengée dans le ſang
du criminel. Que Rome célèbre ſa Lu-
>>crèce, ajoute M. l'Abbé André, les Boïens
feront encore plus en droit de vanter leur
Chiomare " .
ود
ود
Contentons-nous d'exalter Chiomare fans
rabaiffer Lucrèce , fans prononcer ſur le
parallèle ,& fans donner de préférence. Ces
deux femmes ont l'une && lautre de grands
droits à nos refpects. Les objections qu'on
a voulu faire après coup contre Lucrèce ,
ſuppoſent , à ce qu'il nous ſemble , des
principes qui n'étoient ni de fon temps ni
de fon pays , & fur lesquels il ſeroit injufte
Fv
130 MERCURE
de la juger ; le fameux dilemme : Si adul
tera,cur laudata?fi pudica, cur occifa ? mal
gré l'autorité ſi reſpectable de ſon Auteur,
n'est peut-être pas fans réplique. Pour bien
juger d'un fait, il faut le prendre avec toutes .
fes circonstances , & n'en mettre aucune à
l'écart. Le jeune Tarquin avoit menacé Lucrèce
de déshonorer à jamais fa mémoire ,
sen la maffacrant ,&en maffacrant à ſes côtés
un eſclave qu'on auroit cru avoir été furpris
en adultère avec elle. Dans les Républiques
vertucuſes, on tient à ſa renommée
&à l'eſtime de la Poſtérité , &ce ſentiment
même est une ſource de vertus. D'ailleurs
il falloit prévenir tant de crimes. Elle fut
donc , fi l'on veut , de fait adultera ; & cependant
, c'eſt à bon droit qu'elle eſt laudata.
Elle fut pudica , & il ne faut pourtant
point demander cur occifa ? car il apparte--
noit à ces mêmes moeurs vertueuſes & Romaines
de ne pouvoir plus ſupporter la vie
après une pareille injure , de ne pouvoir
plus foutenir les regards d'un mari outragé,
ni continuer de vivre dans un hymen fouillé.
Il étoit réſervé à des principes plus purs,.
à une morale plus parfaite, inconnue alors,
de proforire , même en ce cas, le fuicide
& d'infpirer le courage de vivre. Mais s'il
falloit abfolument comparer les deux femmes
& les deux actions dont il s'agit, celle
qui , fans s'immoler elle-même , tue ou fait
tuer le coupable , en violant la foi d'un
Fraire , & continue d'habiter avec ſon mari ,
ne me paroît pas la plus admirable.
4
1
i
1
1
DE FRANCE. 131
L'Auteur cite encore un autre trait à
peu près du même genre , & où les deux
actions précédentes femblent réunies ; c'eſt
celui de Camma , qui s'empoiſonne pour
empoifonner enmême temps le meurtrier
de ſon mari. On fait que cette Histoire a
fourni à Thomas Corneille le ſujet d'une de
ſes Tragédies , qui cut dans le temps quelque
ſuccès. »Ces Héroïnes Idolâtres , ajoute
» M. l'Abbé André , ne pourroient-elles pas
> ſervir de modèles à beaucoup de femmes
>> Chrétiennes " ?
SPECTACLES.
DEpuis environ fix femaines , les nouveautés
qui ont été repréſentées aux Théa
tres François & Italien ont eu , pour la plu
part, un très-malheureux fort. Nous avons
déjà prévenu pluſieurs fois nos Lecteurs que
nous garderions le filence fur les Ouvrages
que leur peu d'importance & la foibleffe de
leur fuccès rendroient indignes de l'attention
publique. Quelques repréſentations que certainsParticuliers
nous aient faites àcet égard,
nous ne renoncerons pas au parti que nous
avons pris. Il est très- décidément inutile
doccuper par l'analyse des Productions qui
132
MERCURE
ne valent pas la peine d'être critiquées , des
pages qui peuvent être employées d'une
imanière plus intéreſſante : d'ailleurs le réfumé
que nous donnons à la fin de chaque
année dramatique , préſente une notice ſuffifante
de chacune des Pièces dont on a cru
ne pas devoir parler particulièrement , &
par cemoyen tous nos engagemens ſe trouvent
remplis. Cette réſolution a été approuvée
par un affez grand nombre d'Abonnés
, pour que nous nous perfuadions
qu'elle eft raiſonnable , & pour que nous y
tenions irrévocablement.
COMÉDIE FRANÇOISE.
Le Prix Académique , Comédie en un
Acte & en vers , repréſentée avec ſuccès à
ce Théatre à la fin d'Août dernier , n'eſt
pas un Ouvrage que nous voulions confondre
avec ceux qu'il faut rejeter dans la
foule ; mais comme il a quelque reffemblance
avec le Concours Académique , Comédie
en cinq Actes & en vers , par M. le
Chevalier de Cubieres , nous nous propofons
de faire inceſſamment le rapproche
ment de ces deux Ouvrages ſous les yeux
de nos Lecteurs : ce rapprochement pourra
faire connoître juſqu'à quel point font fondées
les réclamations que M. de Cubieres
a confignées dans le Journal deParis, fur
le Prix Académique.
DE FRANCE.
133
Le Lundi 8 Octobre , on a repréſenté
pour la première fois Augufta , Tragédie
en cinq Actes, par M. F. d'Egl...
Auguſta , avant d'être admiſe au nombre
des Veſtales, a contracté un mariage clandeftin,
dont elle a eu un fils nommé Agathocle,
qui a été envoyé en Grèce à l'école de
Socrate. Après la mort du Philofophe Grec ,
le jeune homme revient dans ſa ville natale,
où il a des entretiens ſecrets avec ſa mère dans
le temple de Veſta. Le Conful Domitius ,
amoureux d'Auguſta , croit voir un rival
dans Agathocle , & l'accuſe de profanation .
C'eſt avec une grande joie qu'il apprend
par quels noeuds il appartient à Auguſta ; &
il eſpère quepour ſauver la vie d'Agathocle,
ſa mère confentira enfin à l'époufer. Il ſe
trompe ; la mère & le fils s'indignent éga--
lement des projets de Domitius. L'amour
de celui- ci ſe tourne en rage ; & comme
Agathocle , imbu des principes de Socrate ,
éclate contre les Dieux & contre quelquesuns
de leurs Miniftres , le Conful parvient
aifément à le faire condamner à être précipité
du haut de la roche Tarpéienne.
Heureuſement une Confidente d'Auguſta,
& Vestale aufli , fe préſente au momentoù
le jeune homme va être précipité; elle uſe
du privilége accordé à ces Prêtreſſes , elle
jure qu'elle ſe trouve la par hafard , &
ellefauve les jours d'Agathocle. Ce n'eſt pas
rout , les excès que Domitius s'eſt permis
134 MERCURE
contre Auguſta , ont révolté le peuple , qui
a enfin vengé dans le ſang du Conful les
outrages faits à la Veſtale ; & c'eſt Auguſta
elle-même qui en vient faire le récit .
Cette Tragédie a excité de grands murmures
& de grands applaudiſſemens. On a
reproché à l'Auteur d'avoir marié Auguſta ,
de l'avoir rendue mère avant qu'elle fût
Veſtale , parce qu'une Loi ordonnoit qu'au
deſſus de 10 ans aucune fille ne feroit admife
au culte de Veſta : on lui a reproché encore
d'avoir donné à une femme veuve & mère ,
un dégoût pour l'hymen qui va juſqu'à
P'horreur ; mais il eût peut - être été juſte
d'obſerver que Domitius porte un caractère
odieux , incapable de plaire à la femme
la moins délicate ; & que trente années
doivent faire d'ailleurs une grande révolution
dans les idées d'une femme. On lui a
fur-tout reproché d'avoir donné à Agathocle
le caractère d'un novateur, digne , en bonne
politique , du fupplice auquel il eſt cont
damné. On a enfin remarqué qu'il y a dans
ect Ouvrage des incidens qui fentent la
machine , & dans leſquels on apperçoit plus
l'embarras de l'Auteur , qu'une vrarfemblance
palpable. A quelque point que ces
reproches foient mérités , il faut convenir
qu'il y a du talent dans cet Ouvrage , de
Pimagination , de la verve ; que ſi l'Auteur
étoit plus avare de détails , il arriveroit plus
sûrement à l'effet qu'il veut produire , &
1
1
1
1
>
1
1'35:
DE FRANCE.
que ſon ſtyle gagneroit beaucoup, s'il pouvoit
ſe réfoudre à le dépouiller des formes:
pallées , des expreffions ſurannées , des lo--
cutions hafardées qu'il ſe permet trop fouvent
, & dont il ſemble faire ufage à plaifir
& par goût. Au reſte , il a été jugé avec
une extrême rigueur , & nous allons tout à
Wheure en donner la raifon.
Mort de Mile. OLIVIER..
C'eſt au moment même où ſon talent
devenoit plus utile au Théatre François ,
& plus cher au Public connoiffeur , que
cette Actrice a été enlevée par la mort ,
dans la fleur de fon âge. Elle étoit digne
de tous les regrets qu'elle laiſſe après elle ,.
&ces regrets font bien plus vifs chez ceux
qui lui ont été attachés par l'amitié , que
chez les perſonnes qui l'ont ſeulement vue
comine Comédienne .
Jeanne - Adélaïde - Gérardine, fille de
Charles- Simon Olivier , & de Marie Louife
Romagaffe , est née à Londres le 7 Janvier
1764 , où elle a été baptifée dans la chapelle
de France. Après avoir fait en Province
quelques effais qui ne furent point
malheureux , elle débuta au Théatre François
le 26 Septembre 1780 , par les rôles
d'Agnès , dans l'Ecole des Femmes ,
d'Angélique, dans l'Esprit de contradiction.
Elle joua enfuite , pour la continuation de
fes débuts , Junis , dans Britannicus ; Julie ,
&
136 MERCURE
dans la Pupille ; Victorine , dans le Philo
ſophe fans le Savoir ; Lucile , dans la
Metromanie , & Colette , dans le Mari retrouvé.
Les charmes de ſa figure, la douceur
de fon organe , la décence de ſon maintien,
firent fur les ſpectateurs une impreſſion
plus durable & plus fûre que cette impreffion
bruyante , qui réſulte quelquefois
de l'afféterie , des minauderies , & de la
manière. Le débit de Mademoiſelle Olivier
étoit fage& raifonnable ; on s'appercevoit
ſeulement que ſa timidiré étoit extrême ,
& qu'elle arrêtoit l'effor de fon talent ; on
la reçut à l'eſſai. Pendant l'année de cet
effai, elle fit des progrès remarquables ;
audi fut- elle reçue Comédienne du Roi ,
&le Public ne tarda-t-il pas à lui donner.
des preuves flatteuſes de l'intérêt qu'elle
lui inſpiroit. Une choſe preſque perdue
aujourd'hui au Théatre , c'eſt la tradition
de l'ancienne Comédie, tradition qui tenoit ,
pour ainſi dire , fous ſa ſauve - garde , la
nobleffe & la décence. On lui a depuis
fubditué une manière prétendue fine , qui
n'eſt guère que de l'affectation , & que
bien des gens déſapprouvent encore, malgré
les nombreux fuffrages qu'on lui accorde.
Mademoiſelle Olivier devoit à la Nature
P'heureuſe impuiſſance de tomber dans cette
erreur ; modeſte , décente , timide & douce ,
elle jetoit dans tous ſes rôles les nuances
de ces qualités eſtimables ; & c'eſt ainſi
que dans le rôle d'Alcmène, rôle qui touche
DE FRANCE. 137
à l'indécence , elle s'eſt concilié les plus
juftes fuffrages , en le repréſentant avec autant
de nobleffe que d'agrément. On fait
avec quel abandon , avec quelle grace
touchante elle a joué Rofalie, dans le Séducteur
; comme elle étoit aimable, char
mante , dans le petit Page du Mariage de
Figaro ; mais on n'a peut - être point fait
affez d'attention au talent qu'elle a montré
dans la Comédie des Deux Nièces ; elle y
a mis une fermeté , une aifance , que fa
modeftie ne lui rendoit pas familières , &
qui annonçoit un talent qui ſe laiffoit entraîner
par le ſentiment de ſes forces. Elle
portoit dans la Société l'emploi des qualités
dont au Théatre elle préſentoit l'intéreſſanté
image. Sa douceur habituelle ne l'a point
quittée au fein même d'une maladie douloureuſe;
& dans le délire qui l'a conduite à
la mort , elle ne parloit que des objets qui
pouvoient émouvoir ou alarmer ſa fenfibilité
, de l'infortune qu'elle auroit voulu
foulager , de principes de décence & d'honnêteté.
Elle eſt morte à Paris , le Vendredi
21 Septembre à dix heures du matin , & a
été enterrée à Saint- Sulpice , ſans aucun
faſte , ainſi qu'elle l'avoit recommandé ,
en cas de mort , dès le commencement de
ſa maladie. Nous ne pouvons qu'inviter
les Actrices que l'on deſtinera à remplir
ſon emploi , à imiter ſa modeftie , ſa décence
, ſa docilité , & à ſe bien perfuader
que les ſuccès que l'on obtient pas à pas , &
difficilement,font les ſuccès les plusdurables.
138 MERCURE
:
:
COMÉDIE ITALIENNE.
LE 21 Septembre , ona repréſenté pour
la première fois , les Gens de Lettres , on
le Poëte Provincial à Paris , Comédie en
cinq Actes , & en vers , par M. F. d'Egl....
Nous avons tardé à rendre compre de
cette repréſentation , parce qu'on avoitannoncé
que l'Auteur faiſoit à ſa Pièce de
très-grandes corrections , comme ces corrections
retardent depuis long - temps la
ſeconde repréſentation , nous allons dire
quelque chofe de cet Ouvrage , qui a été
1
très-mal reçu du Public.
Damis , jeune homme riche , élevé en
Province , eſt venu à Paris , où tout lui
déplaît : Moeurs , Modes , Artiſtes , Journeaux
, Gens de Lettres , Philoſophes , tour
fertdebut à ſon caractère frondeur. Dans
un des cercles où il a été admis , il a vu
une femme nommée Mélite ; il la diftingue ,
en devient amoureux , & lui fait fa cour.
Cette femme mariée à un homme qu'elle
croit mort aux Indes,&mère de trois enfans,
eſt conduite par un certain Comte d'Hefpérie
, homme fans principes , fans moeurs ,
fans délicareſſe , capable de tous les excès ,
& qui établit Lefpérance de fa fortune fur
celle de la dupe dont il fera l'époux de
Mélite. Un M. Clar , frère de cette Mélite ,
DE FRANCE.
139
Auteur& Poëte , qui demeure dans l'Hôtel
garni où loge Damis , dont il eſt devenu
l'ami & le protégé , voit Mélite , la reconnoît
, apprend ſes projets , cherche à la
rendre à l'honneur, emploie tous les moyens
pour y parvenir , ſe précipite à ſes genoux
à l'inſtant où Damis entre. Celui- ci ſe croit
trahi par un ingrat , fost , ordonne fon
départ. Une lettre de Mélite éclaircit tout ,
difculpe Clar. Damis , honteux de fon
égarement , propoſe à Clar de quitter Paris
avec lui ,& de retourner en Province
pour y fervir les Muſes & la Philofophie..
2
>
Cette Comédie très longue , & dont
l'action eſt très-nue , a été fort applaudie
dans le premier Acte ; le ſecond& le troiſième
ont généralement déplu , & ils devoient
déplaire , car ils font vides de toute
action. Au quatrième Acte commence un
intérêt qui ſeroit affez vif , s'il n'étoit pas
trop long-temps attendu, &le dénouement,
heureux en lui-même , produiroit un effer
agréable, s'il étoit motivé avec plus d'adreſſe..
Voilà ce qu'on peut impartialement penfer
de cette Comédie qui eſt quelquefois
écrite avec force , mais où l'on rencontre ,
comme dans la Tragédie d'Auguſta , de
vieilles formes , des expreffions tombées
en défuétude , & un fréquent emploi de
mots devenus bizarres. Comment M. F..
d'Egl ... a-t-il pu eſpérer qu'il obtiendroit
quelque ſuccès devant des Juges que fom
د
-
140 MERCURE
i
principal perſonnage ſe fait un jeu de ra
valer de la manière la plus humiliante ?
Eſt ce avec des injures que l'on demande
le droit de Bourgeoifie ? Et les Gens de
Lettres de la Capitale , qu'il traite à chaque
ſcène d'ignorans & de fots , a-t-il cru trouver
grace devant eux , en répétant ſans
ceffe que c'eſt en Province que réſident
le ſavoir , l'inftruction & le vrai goût ?
Ne connoît il donc pas le Genus irritabile
Vatum ? Une Pièce où chaque ſcène faifoit
un ennemi àl'Auteur (1), n'auroit pas réufli
quand elle auroit été un chef - d'oeuvre ;
celle-ci eſt éloignée d'en être un, il ne faut
donc pas s'éronner de ſa chute. La rigueur
avec laquelle on a jugé Auguſta , nous
paroît une ſuite de l'humeur qu'a donnée
contre l'Auteur laComédie des Gens de Lettres,&
M. d'Egl ... peut s'attendre à être jugé
déſormais très rigoureuſement par tout le
monde. Quand on s'érige en réformateur ,
il faut mieux faire que pas un atkre. Mais
l'Auteura-t-il donc tant de tort ? Nos moeurs
:
(1) Au troiſième Acte , on voit une aſſemblée
littéraire , dans laquelle on remarque une femme
de condition, bel-efprit & précieuſe ; un M. Fastidor,
Auteur à la mode de petits vers innocens ; un M.
Lacrymant , Profateur amphigourique ; enfin , M.
Quotidien , Jourealiſte achevé , homme qui ne lit
jamais , parce qu'il n'écrit rien , qui juge & qui
copie. Ce M. Quotidien- là eſt quelquefois trèsplaifant;
tout lemonde ne fera pas de cet avis.
DE FRANCE. 141
font - elles fi bonnes ? notre goût fi für ?
nos affemblées littéraires ſi utiles ? Nos Journaliſtes
font - ils fi impartiaux ? Réponde
qui voudra à ces queſtions ; nous obſerverons
ſeulement que Molière , le plus redoutable
fléau du vice & du ridicule , s'étoit rendu
célèbre par des chef - d'oeuvres , avant de
donner les Femmes Savantes .
ANNONCES ET NOTICES,
ON vient de publier le troiſième Volume des
OEuvres de Fénelon , in-49. Prix , 12 liv. 12 ſous
broché en carton. A Paris, chez Didot l'aîné, rue
Pavéc-Saint-André.
On a tiré quelques exemplaires ſur papier grand
raifin fuperfin. Prix , 36 liv. le Volume broché en
carton,
RÉCEMMATION de la Samaritains contre un
Almanach donnéfousfon nom à MM, les Parifiens ,
Au Château de la Samaritaine ; & ſe trouve à
Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
Cette Brochure eſt une réponſe à un Almanach
qui a paru cette année. Dans de pareils procès , la
gaîté fournit la pièce la plus victoricuſe; & aà cet
egard , le Défenſeur de la Samaritaine pourroit
bien avoir tort ; il y a pourtant des détails pi
quans dans ſa réponſe,
DISSERTATION fur l'endroit appelé vieux
Poitiers ; par M. Bourignon , de Saintes , Cor
142 MERCURE ,
refpondant de la Société Royale de Médecine ,
de pluſieurs Académies , & du Muſée de Monfieur.
Petite Brochure de so pages . A Cenon ; & fe
trouve à Poitiers , chez Michel-Vincent Chevrier,
Imprimeur du Roi, rue de l'Intendance.
La Vie du vénérable P. Yvan , Fondateur des
Religicuſes de Notre- Dame de la Miféricorde ; par
M. l'Abbé de Montis , Docteur en Théologie ,
Cenſeur Royal , de l'Académic Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle. In- 12. Prix , 30 f. br. A
Paris , chez l'Auteur , rue de Vaugirard , Nº. 72 ;
& chez Pierre-François Gueffier , Imp. -Lib. , rue
de la Harpe.
LE Rapporteur exat , ou Tables des cordes de
chaque angle, depuis une minutejuſqu'à 180 degrés
pour un rayon de 1000 parties égales, à l'ufage
de ceux qui lèvent des plans au Graphomètre, & de
ccux qui s'occupent de la Gnomonique , ou l'Art de
tracer des Cadrans folaires ; par M. Banduſion ,
Arpenteur & Feudiſte ; petit format. Prix, 2 liv.
relič , 1 liv. 10 f. broché.
de
ABRÉGÉ du Toiſe des ouvrages rustiques , ou
Nouvelle Méthode Géométrique pour avoir le
contenu ſolide des travaux de terre , Maçonnerie
, &c. extrait d'un Manufcrit du même Auteur
, intitulé : Traité des ouvrages de terre , &c.
& propre à lui ſervir d'Introduction ; par M. Dupain
de Montefion , ancien Ingénieur des Camps
&Armées du Roi. Prix , 2 liv. Brochure in-8 " .
de 92 pages. A Paris , chez l'Auteur , rue Pavéc-
St-André-des-Arts . N°. 3 ; & chez Dupain-Tricl ,
Libraire , Cloître Notre-Dame.
Cet Ouvrage ſera vraiment utile à ceux que
ces objets peuvent intéreſſer.
DE FRANCE. 143
LATONE VENGÉE , Gravure très-avancée par
Balechou , terminée par Cathelin , Graveur du
Roi , de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture
; de 18 pouces de haut fur 26 pouces 6 lig.
de large. Prix , 12 liv. A Paris , chez Dulac , ruc
St-Honoré , N° . 123 .
On doit des éloges à M. Cathelin pour la manière
dont il a terminé cette Eſtampe ; elle eſt
abſolument dans l'eſprit du célèbre Balechou , qui
avoit choiſi ce ſujet pour ſervir de pendant à ſes
Baigneufes. Cet Ouvrage, auquel ont coopéré deux
Graveurs François , doit intéreſſer lePublic, comme
il mérite l'eſtime des connoiffeurs .
On en diftribue l'explication chez M. Dulac.
CARTE nouvelle de la Rade de Cherbourg , avec
ſes environs , levée par M. Madénić , Ingénieur-
Géographe , en 1787. A Paris , chez Gentot ,
Graveur , rue des Carmes , au Nom de Jéſus ; &
chez,Chéreau & Joubert , rue des Mathurins , aux
deux Piliers d'or.
a
L'intérêt qu'ont inſpiré les Deſſeins & Gravures
de la côte de Cherbourg, & de ſes travaux ,
engagé le Sr. Madénié à donner tous ſes ſoins à
celle-ci,pour la rendre plus correcte qu'une infinité
de Cartes en ce genre qui ont paru juſqu'ici . De
plus , elle a l'avantage de réunir en petit le tableau
du Départ d'un Cône , avec ſes détails explicatifs.
NUMÉRO 9 de la Collection de Muſique de M.
Grétry, pour le Clavecin , Violon ad lib . , contenant
le Monologue du Comte Albert ; l'air : Non,
je fuis incapable, des Mépriſes par reflemblance ; &
celui : Ah ! quel plaisir , du Mariage d'Antonio ;
par M. Corbelin, ſeul chargé par l'Auteur d'ar-
1
144
ranger cette muſique pour tous les Inftrumens.
Prix , 2 liv. 8 f. = Les mêmes , avec accompagnement
de Harpe , Violon ad libitum . Même prix. A
Paris , chez M. Corbelin , place St-Michel , maiſon
du Chandelier.
MERCURE DE FRANCE .
NUMÉROS 209 & 210 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , contenant un Air
del Signor Aftarita. Prix , 2 liv. 8 f.; & un Duo
del Signor Cimaroſa , 3 liv. 12 f. L'abonnement
de 24 Numéros eſt de 36 & 42 liv. A Paris, chez
M. Bailleux , Marchand de Muſique de la Famille
Royale , rue St-Honoré , près celle de la Lingerie,
TABLE,
TOMBEAU de Lesbie. 97 Histoire générale & particu-
Charale, Enigme & logogriphe.
Lève de Bohème.
tot Spectacles
Nouveau Thesure Allemand. Comédie Françoise.
104 Comédie taienne .
Cuvres d'Hippocrate. 124 Annonces & Notices .
126
131
132
136
141
APPROBATIΟΝ.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
IC MERCURE DE FRANCE, pour le Samedi 20 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher
Pimpreſſion, A Paris , le 19 Octobre 1787 .
RAULIN
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
TURQUIE.
De Conftantinople , le 12 Septembre..
IL ſe confirme que l'ancien Khan de Crimée
Sahim-Gueray, a été étranglé ou poignardé
àRhodes , après quelque réſiſtance.
Ces jours derniers , on a répandu , &
non fans fondement , qu'un autre rebelte
ſoudoyé , Mahmoud Pacha , abandonné de
la plus grande partie de ſes troupes , a été
défait par le nouveau Pacha de Scutari
&du Beglier Bey de Roumelie. Chaſſé de
Scutari où il réſidoit , on le dit bloqué
dans un petit fort , ſans eſpoir de s'échapper.
Les têtes de ſes principaux Officiers
font arrivées ici , et celle de ſon frère eſt
expoſée à la porte du Serrail. Malgré ces
démonstrations , on attend une confirma->
tion plus préciſe de ce grand avantage dont
on ne rapporte pas la date.
N°. 42. 20 Octobre 1787 .
1
(98)
:
La feconde diviſion de notre efcadre eſt
allée joindre la première , mouillée ſous
Oczakof : on attend avec impatience l'ef
fet de ſes premières opérations. Les ſujets
Ruſſes établis ici avoient obtenu un
terme de fix mois , pour arranger leurs
affaires ; mais un dernier Haticherif leur
enjoint de partir incontinent ; ce qu'ils ont
fait fur deux navires qui les portent à
Trieste.
La peſte a ceffé d'exercer ſes ravages à
Alger. 17000 habitans , entre leſquels on
compte 1000 eſclaves , en font devenus
la proie. On peut aſſurer que le nombre
des morts dans les environs de la ville ,
excède celui de 34000. Durant cette dévaſtation
affreuſe , qui dura cinq mois, les
Confuls et les Négocians Européens ſe
ſont tous retirés à la campagne, mais ils
reviennentſucceſſivement ,& le commerce
reprend une nouvelle vigueur.
ALLEMAGNE.
:
DeHambourg, le 29 Septembre.
On équipoit en diligence , à Cronstadt ,
au commencement du mois , un vaiſſeau
de 60 canons & deux frégates , deſtinés ,
difoit-on , à eſcorter une flotte marchande
dans la Méditerranée. Jour& nuit on tra-
:
1
( 99 )
vaille dans les fonderies & les arfenaux.
Le Département de la guerre à Varſovic
, a donné ordre au Lieutenant-général
de Judizvicz , Commandant des troupes de
la Lithuanie , de conduire dans l'Ukraine,
une brigade de Cavalerie nationale. Ces
troupes , &celles qui font dans cette
Province tireront un cordon ſur les
frontières.
,
Les troupes Ruffes , les plus voiſines de
la Crimée , font en marche vers cette péninfule
; elles doivent joindre l'armée qui
s'y trouve. -Le Prince de Potemkin &
le Maréchal de Romanzof font attendus
à l'armée d'un jour à l'autre . -Les bruits
qui avoientcouru de la défaite d'un corps
de troupes Ruſſes dans la Crimée , ſont
deſtitués de fondement.
L'armée Ottomane , écrivoit - on de
Cherfon , le 3 Septembre , ſe rallie & s'avance
en diligence. Les troupes Ruffes
qui étoient en-deçà de Kiof , font en
marche ; 18 Pulks de Coſaques s'approchent
de Cherfon; l'armée s'étendra de
Balta à Kaminieck .
On lit dans le Journal du Docteur Busching,
l'article ſuivant , concernant les billets
de banque de Danemarck.
Depuis 1781 , il n'y a plus de proportion
juste dans les Etats de Danemarck ,
entre les eſpèces & le papier-monnoie ;
:
e 2
( 100 )
:
i
en 1783 , cette proportion étoit comme
25 à 44. Depuis 1751 juſqu'en 1756 ,
il falloit 117 à 119 marcs & en eſpèces
ou en papiers de Danemarck , pour ſe
procurer cent marcs de banque de Hambourg
; mais il faut actuellement 142
à 143 marcs de Danemarck pour la même
fomme. Les Danois perdent non-feulement
avec les Hambourgeois , mais auffi
avec les Hollandois& les Anglois. Autrefois
la livre ſterling ne valoit que cinq
rixdallers à Copenhaque ; mais aujourd'hui
elle en vaut preſque ſix. L'inſtabilité
du cours des eſpèces &du papier-monnoie
en Danemarck , a diminué considérablement
le numéraire dans ce Royaume,& par
conféquent la fortune des Sujets & de
l'Etat. Le papier-monnoie eſt un fardeau
plus lourd pour ce pays que ſes dettes publiques.
En 1785 & 1786 , on a diminué
à la banque d'Etat le nombre des billets
debanque de 2 à 3 millions;ileſt à deſirer ,
que le reſte de ces billets , qui peuvent encore
monter à 15 millions , ſoit anéanti
ſucceſſivement .
De Berlin , le 30 Septembre.
Un Officier Ruſſe eſt arrivé ici le 21 ,
avec des dépêches qu'il porte à Londres ,
il nous eſt venu auſſi un courier de Paris,
LeDépartementdu commerce, des fabriques &
ر
( 101 )
1
acciſes , a fait publier le 17de ce mois , qu'en versu
d'un ordre du Cabinet du 9 , le Roi a permis l'importation
dans ſes provinces en deça du Weſer ,
des marchandiſes ſuivantes , en payant les droits
exprimés à chaque article , ſavoir ; papier d'emballage
, & papier bleu à ſucre ; le dernier excluſivementen
Siléſie, 3 groſcher par dahler; lunettes, 1 gr.
par dahler; petits anneaux de fer étamés & non
étamés , 3 gr. par dahler ; perles de cire, 3 gr. par
dahler ; têtes de pipes à fumer en bois , 3 gr. par
dahler ; pierres à aiguiſer les raſoirs venant de
Sonneberg , 1 gr. par dahler ; chapeaux fins de paille
&d'écorce , pour femmes , 4 gr. par dahler ; têtes
depipes à fumer d'écume de mer , 3 gr. par dahler ;
selles d'Angleterre , 3 rixd. par pièce ; éventails
tabatières d'étain,d'ivoire,d'écaille, 6gr. par dahler ;
trébuchets , 4 gr. par dahler ; marchandiſes de ferblanc
vernis , 6 gr. par dahler ; porte-feuilles , 4 gr .
par dahler ; canevas , 4 gr. par écu ; bas de fil
tricotés de Tuklenbourg & de Lengen, 4 gr. par
dahler; bas de fil de Bohême & autres , 4 gr. par
dahler ; dentelles tiſſues , 4gr. par dahler.
La Princeſſe Sophie Albertine de Suède
eſt arrivée le 20 de ce mois à Brunswick ,
avec une ſuite nombreuſe ; elle ſe rendra
inceſſamment à Quedlinbourg , pour y
prendre poſſeſſion de l'Abbaye .
Nous avons recueilli ſoigneuſement ,
chaque année , le précis des intéreſſantes
diſſertations hiſtoriques , que M. le Comte
deHertzberg, Ministre d'Etat , a prononcées
à notre Académie des Sciences. Ces mor.
ceaux , dit fort bien leur illuſtre Ecrivain ,
pourront devenir un dépôt des faſtes de l'Ee3
( 102)
tat , plus curieux et plus certain que celui
que des Auteurs ordinaires tirent de la compilation
des Gazettes et des Journaux ; il
transmettra à la poſtérité les époques et les
transactions de chaque règne , ſur des données
certaines et dignes de foi ,
Ce nouveauDiſcours commence par le
sécit des principaux évènemens qui ont eu
lieu depuis la mort du feu Roi ; enſuite
M. le Comte de Hertzberg continue en
disant:
» On voit dans le récit abrégé de ce qui s'eſt
paffé dans le cours de l'année écoulée depuis
la mort de Fréderic II, que le roi adiſpoſé ſon
temps preſquede la même manière que fon grand
prédéceſſeur , en l'employant principalement au
maintienconftant de l'ordre militaire ; mais il n'a
pas manque auffi de donner ſes ſoins & fon
application à l'adminiſtration du gouvernement
civil. Très-convaincu de l'excellent ordre , de la
bonne combinaiſon & de l'activité que le feu
roi a mis dans toutes les partiesde l'adminiſtration ,
fur-tout dans celles du militaire , des finances &
de lapolice , le Roi a afſez fait voir pendant toute fa
geftiondecetteannée, qu'il veut conferver cemême
ordre;maisayant pourtant trouvé des défauts , qui
viennent de l'imperfection humaine , il s'eſt appliqué
& a déja fait de grands pas , dans le cours
de cette année , à les redreſſer & à les corriger ,
par de nouveaux arrangemens , dont je rendrai un
compte abrégé. »
>> C'eſt ainſi que le Roi vient d'établir un directoire
général de la guerre , lequel eſt préſidé par
deshénerrooss du premier ordre , telqueleducregnart
de Brunswick , M. le général de Mollendorf, &
( 103 )
un nombred'autres généraux vétérans & diftingués
parune habileté& une routine reconnues , & partagé
en ſept départemens combinés , qui dirigent ,
chacun felon leur affignation , la recrue des régimens
, leur habillement & entretien , les magaſins
militaires , l'artillerie & le génie , l'entretien des
fortereſſes , la remonte de la cavalerie , la livraiſon
du fourrage , la difcipline & la juftice militaire ,
ainſi que toutes les autres parties de l'adminiſtration
militaire , le Roi s'étant réſervé la direction
générale des opérations entemps de guerre. L'inft?-
tution de ce directoire de guerre étoit d'autant plus
néceſſaire , que le feu Roi avoit exercé tout feul
en perſonne, toute l'adminiſtration militaire , à
l'aide de quelques inſpecteurs généraux & de
quelques aides de camp ; ce qui furpaſſoit les forces
humaines , & n'a pas laiſſé de cauſer des inconvéniens.
»
» Pour mettre la partie de l'enrôlement des
recrues étrangères ſur le meilleur pied poſſible ,
le foi a établi à Francfort fur le Mein , un Majorgénéral
, qui a l'inſpection & la direction générale
de tous les officiers qui font en recrue ; il a fait
publier une patente , par laquelle on a défendu
toutenrôlement forcé & illicite , &aſſuré le congé
aux foldats après l'expiration de leur capitulation .
On a aufli fait quelques changemens pour lameilleure
diſtribution des cantons militaires , & on a
prisdes précautions contre la déſertion des foldats ,
tant par un traitement plus doux , que par la concluſion
d'un cartel avec l'électeur de Saxe& autres
princes voiſins. Il a achevé la levée de ſixbataillons
francs , mieux compoſés que ceux du temps
paſſé. Il a augmenté les régimens d'un nombre
convenable d'officiers & de bas-officiers . Les compagnies
des grenadiers ont été réincorporées aux
régimens ; la pais des officiers a étédiftribuéed'une
e 4
( 104 )
manière plus égale ; l'habillement des troupes a
été changé en partie , pour mieux couvrir le ſoldat.
La livraiſondu fourrage de la cavalerie a été laiſſée
à la charge du pays ; mais le Roi en a conſidérablement
augmenté le prix. Il ahauffé le prix des
chevaux de remonte , pour en aſſurer le meilleur
achat , & il a pris des arrangemens pour établir
quelques nouveaux haras en Pruffe. Il fait bâtir
une grande caſerne à Breslau , pour y transférer
un régiment d'artillerie ; & de grandes ſommes
ont étéaſſignées, tant pourl'entretiendes fortereſſes
de Si efie , que pour continuer la bâtiſſe de la
fortereſſe de Graudenz & du fort de Lik en Pruffs.
Ce n'eſt-là qu'une eſquiſſe des changemens utiles
qui ont été faits pendant le cours de l'année paſſée ,
pour mettre la partie militaire dans le meilleur
état poſſible. >>
» Le Roi a fait également pour la partie des
finances& de la grande police , ce qui lui a paru
néceſſaire & convenable pour ajouter à la perfection
connue qui avoit déjà été donnée à ces
objets fous les deux règnes précédens. Il a ordonné
&recommandé pour cet effet au grand-directoire
des finances , de traiter toutes les affaires , autant
que poffible , d'une manière collégiale & par un
communconcert des Miniſtres d'État , ſelon l'inftitution
excellente & primitive du Roi Frederic-
Guillaume I. Il a établi un département particulier
pour la direction des péages , des accises , des
fabriques & du commerce. C'eſt par ce département
qu'il a fait abolir l'adminiſtration fifcale &
odieuſe des péages &acciſes , qui avoit été gérée
juſqu'ici par des officiers d'une nation étrangère ,
peu inſtruits de notre conftitution. Il l'a rendue
Afa nation , & a tâché d'alléger le fardeau des
droits par un nouveau tarif, par une diminution
confidérable des droits de tranfit& autres , &par
ン
( 105 )
des arrangemens adoucis& favorables pour la foire
de Francfort , en tâchant en général de rendre le
commerce plus libre avec les étrangers , fans pourtant
déranger les fabriques nombreuſes du pays ,
& en faiſant des traités de commerce avec les
puiſſances voiſines. Pour le rendre auſſi plus aiſé ,
il a commencé à faire travailler à des chauſſées ,
quimènent dupays de Magdebourg à Leipzig , ayant
déja affigné la ſomme de 100 mille écus , & ayant
chargé notre académie de publier un prix pour
mieux éclaircir la matière intéreſſante de la conftruction
des chauffées , négligée & peu connue
juſqu'ici dans les états Pruffiens. Le Roi a donné
cette année des ſommes tout auſſi fortes que ſon
prédéceſſeur , pour l'encouragement de l'agriculture
& des fabriques , pour l'entretien & l'amélioration
des canaux , fur-tout pour empêcher les
inondations de la Warte , de l'Oder , de la Havel
&de l'Elbe , & pour donner une meilleure direction
&un écoulement plus libre à ces rivières. Il a
beaucoup foulagé le pays en augmentant le prix
des livraiſons du fourrage juſqu'à près de 300 mille
écus , & en permettant la ſortie du blé & fon
libre commerce , quoiqu'en le chargeant d'un petit
impôt , qui empêche ſa fortie & une trop grande
hauſſe du prix. Il a aboli le monopole du tabac
&des raffineries de ſucre , en rendant la fabrication
de ces articles libre à tous ſes ſujets. Il a
fait aſſigner les prix ordinaires pour l'encouragement
de toutes les branches de l'induſtrie rurale
&des fabrications ; il a même aſſigné une ſomme
extraordinaire pour établir la culture de la foie ,
qui depuis deux ans avoit beaucoup déchu par
les mauvaiſes ſaiſons & la perte des mûriers
dansdes hivers trop rigoureux. Il a ſumplifié l'adminiſtration
des finances , en réuniſſant les députations
qui réſidoient à Cæflin & dans le pays de
5
6
( 106 )
Hoheinstein, auxchambresdeStettein& deHalberftadt.
Il afaitdes changemens utiles à la chambre
générale des comptes , & a augmenté en général
Jes appointemens de la plus grande partie des
collèges de finance. »
des
<<La partie importante de lajustice n'a pas été
oubliée. LeRoi a confirmé&autoriſé de la manière
laplus expreffe , la nouvelle réforme de la justice&
de la législation que Mr. le Grand- Chancelier de
Carmer a introduite dans les dernières années de
la vie de Frédéric II, en attribuant la principale
'inſtruction & direction des procès aux juges , & en
diminuant l'influence intéreſſée des avocats. Il a
affigné à ce miniſtre une ſomme annuelle de 35
mille écus , pour pouvoir mieux payer les collèges
de juftice , & pour diminuer pour le public la
charge des épices , & il en a promis encore davantage.
Il a autoriſé de nouvelles loix , que la facilité
dufeuRoi avoit rendues néceſſaires , pourréprimer
la manie & l'inſolence des plaideurs & des ſollicitans
, & pour contenir l'eſprit réfractaire &
inquiet de quelques payſans. Par le même motif
il a fait redreſſer & caffer les arrangemens arbitraires
que le feu Roi avoit pris dans la fameuſe
affaire du meunier Arnold , & a réparé ainſi une
injustice éclatante , que ce grand prince a commiſe
pardes erreurs & des precipitations , & par les
ſuites de ſon zèle même pour la juſtice. >>
4
( Lafuite au Journal fuivant.)
!
De Vienne, le 30 Septembre.
Pendant le ſéjour de l'Empereur à Théréfienſtadt
, on fit ſauter en fa préſence ,
les 13 & 14 du mois dernier , plufieurs
mines préparées dans ce deſſein. S. M.
!
( 107 )
examina très-foigneusement les nouveaux
ouvrages , récompenſa les foldats travailleurs
, et fit entre autres diftribuer cent
ducats à la Compagnie des Mineurs. Trois
jours après ſon arrivée ici (le 25 ) , се
Monarque , accompagné de l'Archiduc
François& du Duc de Saxe-Teſchen , eſt
allé au devant de l'Archiducheſſe Marie
Thérèse de Toscane, fiancée au Prince de
Saxe , et l'a conduite de Merfuſchlag à
-Laxembourg , d'où elle est attendue ici
aujourd'hui .
Outre la promotion militaire que nous
avons annoncée il y a huit mois , l'Empereur
en a déclaré une nouvelle , qui élève
au grade de Généraux Feld-Maréchaux ,
les Généraux-Majors de Wartensleben &
de Wallis. Le Général-Major de Gazzinelli
est nommé Commandant de l'Autriche
inférieure . Le Général Latterman , vu fon
grand âge , ayant réſigné le commande.
ment de Mantoue , ce poſte eſt accordé
au Lieutenant-Général de Drechsler,
L'opinion publique diſtribue chaque
jour , d'une manière différente , l'armée
très- confidérable qui fe raſſemble fur nos
frontières. Les uns forment une armée principale
de 75000 hommes , ſous les ordres
du vieuxMaréchal de Haddick , auprès de
Peter-waradin. Ils y ajoutent un grand
cordon & deux petits ſéparés , fous des
e 6
( 108 )
chefs qui varient à chaque inſtant. Ce
qu'il y a de certain , c'eſt l'extrême diligence
de ces préparatifs , & leur étendue ;
mais leur emploi n'eſt pas encore déterminé
pour le Public , qui ignore , malgré
beaucoup d'aſſertions aventurées , fi ces
nombreuſes troupes ſont deſtinées uniquement
à la garde des frontières
courir les Ruſſes en tout ou en partie. En
attendant que ce grand myſtère ſoit bien
éclairci , voici la liſte qui paroît la moins
apocryphe, des troupes qui formeront l'armée
& le cordon.
L'Armée.
,
ou à ſe-
Infanterie Hongroife : 6bataillons de grenadiers ,
Archiduc Ferdinand , Nicolas Esterhazy , Samuel-
Giulay , Karoly Nadaſdy , Palfy , Alvinzy , De
Vins , d'Alton , & Antoine Eſterhazy ; de chacun
les deux bataillons de campagne.
Infanterie Allemande : Dourlac , Terzy , Latterman
, Reisky , Thurn & Neugebawer. En tout
38 bataillons.
Cavalerie : Kavannagh , Zefchwitz , Karamelli ,
Schakmin , Harrach & Czartorisky , cuiraſſiers ;
de chaque trois diviſions. Joſeph Toſcane 4 diviſions
; Chevau - légers : Joſeph Kinsky , Lobkowitz
, Modene ; de chaque quatre diviſions.
Houfards : Wurmſer 4 diviſions. En tout 38
divifions.
Idem, 16 bataillons des troupesde cordon , 3 bataillons
de Nicolas Esterhazy , & 2 divifions de
houſards de Graven.
Commandant en Chef: le Maréchal Haddick.
Généraux : l'Anglois , le Prince de Ligne , Rou-
:
( 109 )
vroi , Kinsky , Gemmingen , Neugebawer , Blankenstein,
Clarfayt , Drechsler , Brechainville , Tige ,
Spleiny , Pallavicini , Harrach , Nadafty , Keil ,
Kavanagh, d'Alton , Suart , Gazinelli , Wenkheim ,
Harnancourt , Kalſchmedt , Sturm & Stader.
: En Croatie , les Généraux De Vins , Wallis ,
Schlau-Kuhn & Klebek .
Le Cordon.
En Esclavonie. Infanterie : les 3mes, bataillons
deNadaſdy, Samuel-Giulay, Archiduc Ferdinand ,
Palfy , Karoly , Teutſchmeiſter , Preiſs , & 6
bataillons des troupes de cordon.
و
Dans le Bannat de Temeswar : les 3mes. bataillons
de Devins , Alvinzy , Antoine Efterhazy
4.bataillons des troupes de cordon , 3 diviſions
de Wurtemberg dragons , &3 diviſions deGraven
houfards.
En Transylvanie : François Giulay & Orofz ;
de chaque 3 bataillons , & 6 bataillons des troupes
decordon. Savoye dragons , 3 diviſions ; 5 diviſions
d'Alexandre Tofcane , & 3 diviſions des
houfards de Sekler.
En Gallicie : 3 bataillons de Kaunitz , de Wenceſlas
Colloredo, Schrader , Pellegrini , &Charles
de Tofcane ; & 2 bataillons des troupes de cordon ,
4diviſions des houſards d'Erdody , 2 divifions de
ceux de Sekler.
EnEſclavonie, Généraux : Nitrowsky , Brentano ,
Orosz & Schmekner.
Dans le Bannat. Généraux : Papilla , Beniowsky
&Weezay.
En Tranſylvanie. Généraux : Fabris , Hall ,
Drugnik , Pfefferkorn & Enzenberg.
En Gallicie , Généraux : Prince de Cobourg ,
Sauer Merger , Thierheim & Gorsky.
Enfin le 2me, régiment d'Artillerie.
( 110)
En tout
Infanterie : bataillons .
Cavalerie : diviſions .
Généraux d'Infanterie .
Généraux de Cavalerie .
Lieutenans-Généraux .
Généraux-majors.
.........
.....
..
94
63
3
32
2
14
29
On évalue la totalité de ces troupes à
163 mille hommes.
De Francfort-fur- le- Mein , le 6 Octobre .
Suivant les lettres deVienne , le cou-
Tier attendu de Pétersbourg y étoit arrivé
le 23 Septembre , avec des dépêches
dont le contenu reſtoit ſecret. L'Impératrice
, à ce qu'on conjecture , y fait une
demande formelle des ſecours ſtipulés
entre les deux Cours. A ces bruits , on
ajoutoit celui d'une déclaration faite à la
Porte par le Baron de Herbert, Internonce
Impérial : Déclaration dont la ſubſtance
porte , à ce qu'on dit :
» Que S. M. I. s'étoit attendue avec
raifon , que la Cour Ottomane auroit demandé
ſa déclaration avec plus de décence&
avec plus d'égards pour ſa dignité
& fa qualité de bon voifin. Que la réponſe
de S. M. étoit qu'elle ne pouvoit
que déſapprouver ſouverainement la démarche
précipitée par laquelle la Cour
( III )
Ottomane a déclaré la guerre à fon alliée
l'Impératrice de Ruffie , & qu'elle
rendoit la Porte reſponſable de toutes les
ſuites fâcheuſes qui en réſulteront immanquablement.
Que celle-ci ne devoit point
ignorer que dans ces circonstances , S. M.
accordera à l'Impératrice , comme à fon
amie& alliée , les fecours ſtipulés par le
traité , en envoyant 80,000 hommes de
ſes troupes à l'armée Ruffe. Que fi la
Porte veut regarder ceci comme une hoftilité
, on étoit , de notre côté , prêt à tout
événement , & qu'en ce cas on fe verroit
obligé de repouſſer la force par la force ;
inais que fi la Porte ne vouloit point confidérer
cette démarche comme hoftile , on
pourroit , malgré le fecours à accorder à la
Ruffie , continuer , relativement aux fron.
tières reſpectives , la bonne intelligence
qui a fubfifté juſqu'ici entre les deux Empires
, & qu'alors ce ſeroit avec plaifir
que S. M. voudroit bien être médiatrice
dans cette affaire , &c. »
Quant aux nouvelles de la Mer-Noire ,
c'eſt toujours un recueil de bruits contradictoires
, dénués de toute autorité. On
affiunoit , il y a deux jours , que les quatre
vaiſſeaux de guerre Ruſſes , lancés en préſencede
l'Impératrice,avoientété interceptés
parune diviſion de la flotteOttomane ,
en defcendant de Nieper , pour aller com
( 112 )
pléter leur armement à Sébastopolis. Maintenant
c'eſt une frégate Ruſſe qui , enveloppée
par DIX - SEPT VAISSEAUX DE
GUERRE ennemis , les a diſperſés , battus
, & s'eſt retirée à Cherſon avec quelques
agrêts emportés . Voilà ce que diſent
les Gazettes d'Allemagne , copiées par
celles de Hollande & des Pays-Bas , le
tout furdes lettres authentiques &probantes
de Cherfon en droiture.
On apprend de Brunswick , que le Général
Faucett , après avoir réglé tout ce
qui eft relatif aux troupes qui doivent pafſer
à la ſolde de l'Angleterre , eſt parti de
cette ville pour Carſel , où il doit auffi
négocier des troupes .
Le Margrave d'Anſpach a défendu dans
ſes Etats toutes les loteries , & donné , du
fonds de la loterie nationale , 25,000 florins
à l'Univerſité d'Erlangen , & 5,000
à la Bibiothèque. Le reſte de ce fonds eft
deſtiné à l'établiſſement d'un Séminaire
de bons Maîtres d'Ecole.
Le Prince d'Anhaht Coëthen , Général
de Cavalerie au ſervice de Pruſſe , eſt
arrivé le 21 à Santen , & a continué le
lendemain la route pour la Haye. On le
dit chargé d'une commiffion particulière
du Roi auprès du Prince Stadhouder .
Le fieur de Mezbourg , Conſul de l'Em
pereur à Jaffis , a quitté cette ville avec
( 113 )
er
tout fon monde , & s'eſt retiré à Gernoviz
dans la Bucowine , où il eſt arrivé le
1. de Septembre . Les Ottomans , dit- on ,
commettent dans la Moldavie des violences
contre les Chrétiens qui ſe réfugient
par bandes dans les Etats de l'Empereur.
Trois cents Turcs ont fait , près
de Suczova , une invafion dans la Bucowine
; mais fur la nouvelle que ce pays
appartenoit à l'Empereur , ils ſe font retirés
fur-le-champ .
La poſition actuelle des affaires d'Hollande
attire toute l'attention publique. On
connoît cette puiſſance ; mais il eſt des
momens où l'on aime à relire ce que l'on
ſait déja , pour mieux ſuivre le fil des affaires
du temps. C'eſt dans cette vue que
l'on préſente ici , d'après un Journal allemand
qui nous paroît exact , l'eſquiſſe ſuivante
de la Deſcription géographique de
la Province de Hollande , de la population
, de l'état militaire & de la conſtitution
des ſept Provinces-unies qui forment
la République.
« La province de Hollande eſt la plus grande
des ſept Provinces-Unies ; elle eſt diviſée en deux
parties : la Sud-Hollande & la Nord- Hollande que
l'on appelle auſſi eſtfriſe. Voici les principaux
lieux de la Sud-Hollande : ſavoir , la Haye ouverte
de tous les côtés , & réſidence des Etats-généraux.
Près de là ſe trouve ,dans un bois , le Château d'Onangefarl
appartenant au Stadhouder. Amſterdam;
1
( 114 )
eny compte 27,000 maiſons ,&une population
de 200,000 ames ; elle eſt fortifiée du côté du continent
, de 26 ouvrages réguliers ,& ce côté peut
en outre être mis ſous l'eau. Vers le golfe , qui
forme l'Y, la ville n'eſt point fortifiée; mais l'entrée
en eſt garantie par deux rangs de paliſſades , qui
s'élèvent de quelques pieds au deſſus de l'eau.
Gouda; cette ville & les environs peuvent être
mis ſous l'eau en ouvrant les écluſes ; c'eſt ici que
l'on garde les archives de la province. Harlem ,
Leide, Delft; dans la dernière , ſont un grand
arſenal & les magaſins à poudre de la province.
Rotterdam , ville conſidérable , la première après
Amſterdam; Dordrecht , ſituée ſur une iſle qui ſe
formalors de lagrande inondation de l'année 1421 ;
la chronique dit que dans ce défaſtre , 72 villages
furent engloutis , & plus de 100,000 perſonnes
périrent. Heusden , une des principales fortereſſes
dans la province. Gertruidenberg , fortereſſe ;
Helvoetsluis , village avec un bon port. La Brille,
ville fortifiée ayant un bon port. Les principales
villesde la Nord-Hollande ou Westfrife , font :
Alkmar , Horn;les Députés de la Nord-Hollande
tiennent ici leur aſſemblée; on y conftruit auſſi
beaucoup de bâtimens de guerre & marchands.
Exkhuiſen , a un bon rempart , & eft flanquée de
ſept bastions. Edam , Medemblik , ville fortifiée ;
Saardam, bourg grand & riche , où Pierre- le-
Grand apprit la conſtruction des vaiſſeaux. Toute
la province de Hollande est très - baſſe ; il y a
même des endroits où elle est au-deſſous du
niveau de la mer , que l'on contient par des
digues."
« On évalue à 2,758,632 ames la population
des ſept Provinces- Unies. En temps de paix , la
république entretient environ 30,000 hommes de
troupes , & 10 vaiſſeaux de guerre , qui , en temps
-
(115 )
de guerre, font portés à cent & plus. La Compagniedes
Indes orientales entretient 150 vaiſſeaux ,
depuis 10 juſqu'à 60 canons. Les revenus ordinaires
de la République , unis , montent par an à douze
millions d'écus d'Allemagne ; le Conſeil d'Etat en
a l'adminiſtration . Le Gouvernement de la République
eſt aristocratique- électif. Les Provinces-
Unies font compofées de ſept Républiques ou
Pays Souverains; leur union eft repréſentée par
leurs Hautes-Puiſſances les Etats-généraux ; une
partie du pouvoir exécutif, eſt confiée au Stadhouder
, qui eſt en même temps Capitaine-général
&Amiralde l'Union. La dignité Stadhoudérienne
a été établie le 16 Novembre 1747 , dans la
maiſon de Naſſau Dietz , tant pour la defcendance
mâle , que pour la defcendance féminine;
de forte cependant que la Princeſſe qui
en hériteroit , ne pourroit ſe marier à un Prince
Royal ou Electoral.-L'Aſſemblée des Etats-généraux
le tient à la Haye. Chaque Province peut
y envoyer à ſes frais autant de Députés qu'elle
juge à propos; mais on ne compte àl'Aſſemblée
que ſept voix, une pour chaque Province. C'eſt
dans cette Affemblée que ſont arrêtés la guerre ,
la paix, les traités avec les Puiſſances étrangères ,
les fubfides & les lois générales : il faut pour
cesgrands objets l'unanimitéde toutes les Provinces.
Cefont ces Etats-généraux qui envoient & qui
reçoivent des Envoyés & des Miniftres publics.
Les Officiers militaires leur prêtent le ferment
de fidélité. En temps de guerre les Etats-généraux
font accompagner les troupes de quelques - uns
deleurs membres , ou de quelques membres du
Conſeil d'Etat , comme Députés , qui compoſent ,
avec les Généraux , le Conſeil de guerre , &
repréſentent la Souveraineté. Rien d'important ne
peut être entrepris ſans le conſentement de ces
( 116)
3
Députés. La Préſidence dans l'Aſſemblée des
Etats-généraux , change toutes les ſemaines , &
paſſe tour-à-tour à chaque Province.-Le Conſeil
d'Etat dépend des Etats-généraux ; il eſt compoſé
du Stadhouder , &de douze Députés des Provinces .
La direction des affaires militaires & des finances
eft confiée à ce Conſeil , où la pluralité des membres
votans décide ,& non celle des provinces. La
Préſidence de ceConſeil change auffitoutes les ſemaines
, & paſſe ſucceſſivement aux 12 Députés.
LeDéputépermanent de la province de Hollande,à
l'Aſſemblée des Etats-généraux , eſt le Grand-Penſionnaire
de cette Province ; ſon influence dans les
affaires est très-grande.
ESPAGNE.
De Madrid , le 23 Septembre.
La Cour reçoit depuis quelques jours
des plaintes multipliées des pirateries
qu'exercent les galiottes Algériennes. Ces
barbareſques ſe ſont emparés , preſqu'à la
portée du fufil des côtes de Catalogne ,
près de la tour de Carraff & de Valence ,
de deux bâtimens Génois , dont les équipages
ont eu à peine le temps de ſe ſauver.
Le Gouvernement a fait ſavoir au
Conſul Eſpagnol à Alger , la réclamation
légitime des Génois , & l'inſulte faite à
notre territoire : on eſpère que le Dey
✓ fera rendre ces bâtimens .
Les lettres de Carthagène , du 16 de
ce mois , portent que la frégate du Roi
-
(117)
la Sainte-Mathilde , eſt fortie le 15 de
ce port , pour aller à Alger. On la dit
chargée d'un million de piastres fortes .
On écrit de Cadix , du 14 , que le 9 , deux frégates
de la Compagnie Royale des Philippines ,
appelées Notre-Dame-des-Neiges et Notre-Damedes-
Plaifirs , y font heureuſement arrivées avec
4 millions de piaſtres fortes , en marchandises ,
effets ou productions de ces iſles , de la Chine , de
la côte de Coromandel & du Bengale , &qu'on en
attend une troiſième.
Le même jour , il eſt entré dans cette baie , le
vaiſſeau du Roi l'Aſtuto , une Polacre & un Paquebot
, venant de Vera-Crux , de Montevideo&de
Havane ; ils portent , pour le compte de S. M. ,
3,616,918 piastres foorrtteess ,, & plus ddee700 mille
piaſtres en effets , & environ 1100 mille piastres
fortes en argent ou marchandises pour le Come
merce,
ITALIE.
De Venise , le 15 Septembre.
Le 7 de ce mois , le Sénat a arrêté la
ſuppreſſion de 18 Fêtes dans l'année. Les
Mandemens du Patriarche de Venife &
des autres Prélats , à ce ſujet , paroîtront
au premier jour.
La République eſt décidée à conferver
dans les troubles actuels , une neutralité
armée, Dans peu de jours on lancera
deux chebecs & trois frégates , qui
iront immédiatement réjoindre l'eſcadre
Vénitienne , aux ordres du Cher . Емо ,
(118)
ſtationnée à Durazzo , pour furveiller les
mouvemens de l'eſcadre Turque.
Les dernières Lettres de Cattaro , confirment
la défaite totale du Bacha de
Scutari , qui , après avoir perdu Antivari
& Scutari , s'étoit réfugié dans la fortereſſe
de cette dernière ville. Il avoit
déja pris la fuite pour ſe rendre à Ancone ,
où il faisoit paffer la plus grande partie
de ſes richeſſes , lorſqu'il fut furpris par
l'ennemi . Il eſt actuellement entre les
mains du Bacha de Boſnie , qui ſe propoſe
, dit-on , de le faire décapiter.
De Bologne , le 14 Septembre.
Hier , jour de la fête annuelle de la
Vierge , vénérée ſous le titre de Sancta-
Maria della vita , on a découvert pour
la première fois la vaſte & magnifique
Coupole elliptique , qui vient d'être
achevée dans l'Egliſe de Ste. Marie , fur
les deffins&par les ſoins des Sr. Tubertini
& Aquifti , l'un architecte , & l'autre
ſculpteur. Ce beau monument fait pour
foutenir la réputation des Bolonois dans
les beaux arts , a 141 palmes romaines
de hauteur , ſans compter la lanterne ,
85 palmes dans fon grand diamètre , &
76 dans le plus petit.
i
C
(119 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 5 Octobre.
Toutes nos Lettres & Gazettes Angloiſes
ſe trouvant fupprimées depuis
quinze jours , nous ſommes réduits , en
cet inſtant , à l'extrait imparfait des nouvelles
plus ou moins inexactes des Gazettes
Françoiſes , qui copient celles de
Londres , fans choix & fans difcernement.
Nous ne pouvons , par conséquent , répondre
de l'authenticité de ces articles ,
dont nous rapporterons les plus vraiſemblables.
Le Bureau de la Tréſorerie a donné
ordre de livrer la ſomme de 20,000 liv.
ſterlings pour la dépenſe des recrues qui
formeront les quatre Compagnies additionnelles
à ajouter à chaque Régiment.Les
troupes de Marine feront augmentées de
vingt-cinq Compagnies.
Le Gouvernement a fretté , le 27 ,
douze bâtimens de tranſport , formant
16,000 tonneaux. Ils font deſtinés à porter
des munitions de guerre & des provi
fions aux vaiſſeaux de S. M. ſtationnés
aux ifles. Il en a été frété quatorze autres
ſur laTamiſe , à bord deſquels on a embarqué
des munitions d'artillerie pour les
mêmes lieux.
( 120 )
Le Public continue de nommer l'Amiral
Pigot au commandement de la flotte
de la Manche ; on prétend même qu'il a
reçu ſa commiffion de l'Amirauté , le 1er.
de ce mois , & qu'il montera le Victory
de 100 canons ; ſur lequel néanmoins il
n'a point encore arboré de pavillon . Le
Vice-Amiral Barrington , qu'on lui donne
pour ſecond , a hiſſe ſa flamme à bord de
l'Impregnable de 90 canons ; vaiſſeau neuf
qui n'a jamais été en mer.
D'un autre côté , l'Amiral Hood paroît
deſtiné à un commandement en chef, & il
a porté ſon pavillon du Triumph , de 74
canons , fur le Barfleur , de 98 canons .
Ce Lord eſt actuellement à la tête de
10 vaiſſeaux de ligne , réunis à Spithead ,
auxquels ſe ſont joints , le 29 Septembre ,
le Coloffus de 74 canons, & le Scipio de64,
venant de laTamiſe , & qui attendent de
Plymouth , le Standard de 64. On ignore
encore la deſtination de cette Eſcadre , &
le moment de fon départ ; mais il ſe répand
qu'elle fera portée inceſſamment à
18 vaiſſeaux de ligne . >
Le 3 , diſent quelques papiers , on a
mis en commiſſion : le Royal Sovereign ,
de 110 canons , par le Capitaine Scarbo-..
rough ; l'Impregnable , de 98 canons , part
le Capitaine Pringle ; le Barfleur , de 98 !
canons , par le Capitaine Knight ; le .
Cumberland ,
( 121 )
Cumberland , de 74 canons , par le Capitaine
Macbride ; la Bellona , de 74 can . ,
par le Capitaine Bowyer ; l'Alcide , de
74 canons , par le Capitaine Caldwell ;
le Robuft , de 74 canons , par le Capitaine
Cornwallis ; l'Arethusa, de38 canons , par
le Capitaine Conway ; le Phénix , de 38
canons , par le Capitaine Paine ; la Perfévérance
, de 36 canons , par le Capitaine
Young ; la Nymphe , de 36 canons , par
le Capitaine Bertie ; le Spitfire , brûlot ,
par le Capitaine Willis .
Nous obſervons que , quelquejuſte d'ailleurs
que puiſſe être cet état , il n'y a
dans la Marine Angloiſe aucun Capitaine
Scarborough ; ce dont on peut s'afſſurer dans
le Royal Kalendar. C'eſt ainſi que les mêmes
feuilles nomment au commandement
de l'Eſcadre de l'Inde , le Contr'Amiral Sir
John Douglas , tandis qu'il n'y a d'autre
Contr'Amiral de ce nom , que le Chevalier
Charles Douglas , Capitaine de pavillon
de l'Amiral Rodney , dans la dernière
guerre .
Le 26 Septembre , on a mis en commiffion
la Dido , l'Aurora & le Squirrel.
A Chatham , on prépare la Brune de 32
canons , & les brulôts le Pluto & l'Incendiary
: A Plymouth , quatre frégates de
44 canons , qu'on dit deſtinées à tranfporter
des troupes aux Antilles .
No. 42. 20 Octobre 1787.
f
( 122 )
Le Prince Georges de 98 canons , Capitaine
Edgar.
Il eſt arrivé , le 26 Septembre , une partie
conſidérable des vaiſſeaux attendus des
ifles , & les matelots qui ſe trouvoient à
bord , ont été preſſés ſur le champ .
Le 22 du mois dernier , l'Amirauté ,
dit-on , a déterminé , de la manière ſuivante
, le nombre d'hommes qui formeront
l'équipage complet de chaque vaiſ
ſeau de guerre.
Vaiffſeaux du premier rang , de 100 canons &
au -deffus.
Ces vaiſſeaux auront un équipage de . 875 hommes.
S'ils portent un pavillon amiral
Sic'eſt un vaiſſeau que monte le commandant
en chef
.. 900
. 920
Le complet des vaiſſeaux du ſecond rang, de 90
canons & au - deffus ,
Sera de : 780hommes.
Avec un pavillon amiral , de 800
S'ilsportent le commandant en chef . 825
Les vaiſſeaux du troisième rang , de 63 à80 canons.
L'équipagedes vaiſſ. de 64
fera de
Celui des vaiſſ. de 74 , de
Celui des vaiſſ. de 80 , de
can,
• 525 à 560 hommes.
• 575 à 625
650à 700
Les vaiſſeaux du quatrième rang , de 50 canons.
& au - deffus ,
Auront de • • 450 à 500 hommes.
( 123 )
Les bâtimens du cinquième rang, de 44 à 28 carens,
c'est- à- direfrégates , auront les équipages fuivans.
Les frégates de44 canons,de
Celles de 36 , de
Celles de 32 , de
Celles de 28 , de
•
• • 250à 300
275 à 325 homunes.
225 à 250
• 200à 230
Les bâtimens du fixième rang, de 20 à 24 canons,
auront
Les bâtimens de 24 canons , de 175 à 200hommes.
Ceux de 20 , de • 150 à 175
Les floops & cutters feront équipés de la manière
Suivante.
Les bâtimens de 8 canons auront
de •
Ceux de 16 auront de
Ceux de 14 porteront de
100 à 120hommes .
90 à 110
80à 90
Les cutters porteront de 40 à 60 ou 70 hommes
d'équipage , & juſqu'à 90 , quand ils feront deftinés
à certains ſervices .
Un particulier arrivé depuis quelques
ſemaines d'Amérique , en a rapporté un
ſerpent à fonnettes vivant , de la longueur
de cinq pieds , qu'il a mis dans une petite
boîte de bois , dont le couvercle eſt en
partie vitré , pour laiſſer paſſer le jour. Ce
qu'ily a de très-extraordinaire , c'eſt qu'il
ait vécu pendant plus de dix ſemaines ,
fans recevoir d'autre air que celui qui s'infinue
par de petits trous pratiqués à la
boîte , & fans avoir pris aucune eſpèce de
nourriture.
f2
( 124 )
Catherine M' Carthy eſt morte à Cork ,
la ſemaine dernière , âgée de 103 ans &
fix ſemaines.
FRANCE.
De Versailles , le 10 Octobre .
Le Comte de Mouſtier , Miniſtre plénipotentiaire
du Roi près les Etats - unis de
l'Amérique ſeptentrionale , a eu , le 7 de
ce mois , l'honneur de prendre congé de
Sa Majefté , pour ſe rendre à ſa deſtination
, étant préſenté par le Comte de
Montmorin , Miniſtre & Secrétaire d'Etat
, ayant le Département des affaires
étrangères.
Le même Miniſtre a auſſi préſenté , le
même jour , à Sa Majesté , le Baron de
Groſchlag , Miniſtre plénipotentiaire du
Roi près les Princes & Etats du cercle du
Haut-Rhin , qui eſt de retour ici par
congé.
:
Le ſieur Blin a eu l'honneur de préfenter
au Roi la 8°. livraiſon des Portraits
des Grands-Hommes , Femmes illuftres , &
Sujets mémorables de la France , imprimés
en couleur , & dédiés à Sa Majesté (*) .
(*) Elle ſe trouve chez l'Auteur , place Maubert , n°. 17 ,
&comprend les deux Portraits , infiniment agréables , de
Blanche de Caſtille & de Marguerite de Provence, mère
&femme de St. Louis. Les deux actions jointes aux
Portraits , font heureuſement choiſies,
( 125 )
De Paris , le 17 Octobre .
Ordonnance du Roi , du 30 Septembre
1787 , pour réformer la compagnie des
Gardes de la Porte de Sa Majefté.
Autre , même date , pour réformer la
compagnie des Gendarmes de fa Garde.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 27
Août 1787 , qui , en exécution de celui
du 13 Juin 1720, fait défenſes d'exporter
hors du royaume les écorces d'arbres fervant
à faire le tan pour l'apprêt des cuirs.
Autre du 21 Septembre 1787 , par
lequel Sa Majesté fixe au 3 Octobre prochain
, la tenue d'une ſeconde Aſſemblée
dans le Hainault, pour continuer le travail
relatif à l'établiſſement des Etats , & lui
attribue provifoirement les mêmes fonctions
& pouvoirs qu'aux Affemblées provinciales.
LeRoi ayant , en conféquence de fon Réglement
du 12 Juillet dernier , convoqué dans la ville de
Valenciennes une Affemblée conſultative , à l'effet
d'examiner les rapports qui peuvent exiſter entre -
les formes , tant anciennes qu'actuelles , de l'Adminiftration
de la généralité du Hainault , & le rés
gime desAdminiſtrations provinciales que Sa Majeſté
vient d'établir , afin de reconnoître les avantages
reſpectifs de ces deux formes d'adminiſtration ;
& s'étant enfuite fait repréſenter le procès-verbal
des féances de ladite Aſſemblée , ainſi que le
mémoire en réſultant , enſemble un mémoire par-
1
:
:
f3
1 ( 126 )
1
ticulier de la ville de Valenciennes ,& les obfervations
de fon Commiſſaire départi dans ladite
province , Sa Majesté a reconnu que , non-feulement
ladite province étoit anciennement adminiftrée
par une Aſſemblée d'Etats , mais que les
formes intérieures de l'adminiſtration deſditsEtatsſubſiſtent
encore à pluſieurs égards , & qu'une
meilleure répartition des impôts étant le but principal
qu'Elle ſe propoſe pour le foulagement de
ſes Peuples , le moyen le plus fûr pour y parvenir
dans ladite province , eſt d'en remettre le ſoin à
une affemblée d'Etats qui pourroient perfectionner
ou réformer les anciens cahiers qui ſervent encore
de baſe à la répartition actuelle. D'après toutes
ces conſidérations , Sa Majesté s'eſt déterminée à
former annuellement, à l'avenir & à commencer
dans le cours de l'année prochaine 1788 , une
Afſemblée des Etats généraux de ſa province du
Hainault , & autres parties y réunies. Elle a vu
avec fatisfaction que les points principaux , propoſés
par ladite Aſſemblée , pour la conftitution
deſdits Etats , concilient les formes anciennes de
ladite Province, avec les principes généraux établis
par fon Editdu mois de Juin dernier , portant
créationdes Aſſemblées provinciales ; mais voulant
affurer plus folidement les avantages qu'elle accorde
àla généralité du Hainault par ladite convocation ,
endéterminant avec plus de préciſion les principes
qui ſerviront de règle auxdits Etats , & ayant été
fatisfaite du travail que ladite Aſſemblée confultative
à commencé : Oui le rapport du ſieur
Lambert , Conſeiller d'Etat , & ordinaire au Conſeil
royal des finances &du commerce , Contrôleur
général des finances : LE ROI ÉTANT EN SON
CONSEIL, a ordonné & ordonne que le Duc de
Croy& les vingt-trois autres perſonnes qui ont
compoſé ladite Aſſemblée , ſe raſſembleront de
( 127 )
nouveau le 3 Octobre prochain , pour continuer
ledit travail , à l'effet d'examiner encore les points
eſſentiels qu'il fera convenable de déterminer ſur
la conſtitution deſdits Etats , ainſi que fur leurs
fonctions & attributions , tant d'après les anciens
uſages pratiqués.en Hainault , que fur ceux pratiqués
en la province d'Artois , auxquels ladite
Aſſemblée a propoſé de ſe conformer. Ayant de
plus conſidéré que ladite Aſſemblée pourra s'éclairer
par l'expérience , en s'occupant en même
temps de la direction des objets d'adminiſtration
confiés aux Aſſemblées provinciales , et voulant
qu'en attendant la convocation des Etats , la généralité
du Hainault éprouve , fans retard , les
effets falutaires que Sa Majeſté ſe propoſe par
la nouvelle forme d'adminiſtration qu'Elle vient
d'établir dans d'autres généralités : Sa Majeſté a
attribué & attribue proviſoirement à ladite Afſemblée
les mêmes fonctions & pouvoirs qu'aux
Aſſemblées provinciales qu'Elle vient d'établir.
Veut en conféquence Sa Majesté , que ladite
Aſſemblée ſoit convoquée en la ville de Valenciennes
ledit jour 3 Octobre prochain , à l'effet
de nommer un ou deux Procureurs - ſyndics , un
Secrétaire& une Commiſſion intermédiaire compoſée
de huit perſonnes , dont deux du Clergé,
deux de la Nobleſſe , & quatre du Tiers-Etat.
Autoriſe leDuc de Croy & les vingt-trois autres
perſonnes qui s'aſſembleront avec lui , à s'en aſſocier
encore d'autres à leur choix , juſqu'à concurrence
de douze perſonnes priſes indifféremment
dans les différens Ordres , & à propoſer à Sa
Majesté la fixation du jour où ladite Aſſemblée
complète reprendra ſes ſéances. Veut au ſurplus
Sa Majeſté , que ladite Aſſemblée ſe conforme
provifoirement aux Réglemens du Conſeil , concernant
l'Adminiſtration provinciale du Berry ,
f4
( 128 )
des 23 Août 1783 , & 6 Juin 1785 , en ce qui
concerne les fonétions , attributions & relations
avec fon Commiſſaire départi , qui fera l'ouverture
& la clôture de ladite Aſſemblée , & lui
communiquera tous les renſeignemens néceſſaires
pour fon inftruction & fon travail.
Autredu4Septembre 1787, concernant
le commerce de Librairie dans les lieux
privilégiés.
Selon des Lettres de la Martinique ,
le 21 Juillet on a éprouvé au Fort de
St. Pierre une vive fecouſſe de tremblement
de terre ; elle a été encore plus
forte à la montagne du Carbet , à trois
lienes de la ville, où pluſieurs maiſons ont
été renversées , & quelques perſonnes
écrasées . Il s'eſt formé dans cette montagne
une crevaffe effrayante , de 60 pieds
de large , & de près de 500 toiſes de
longueur. On n'a pu encore en fonder la
profondeur. M. Foulquier , Intendant de
l'isle , devoit s'y rendre pour vérifier
l'événement.
Le 1. O& obre , l'Affemblée Provinciale
de Dauphiné a tenu fa première
féance à l'Hôtel -de-Ville de Grenoble.
Ellea été préſidée par l'Archevêque de
Vienne.
Le 13 Juin dernier , fur les 8 heures du foir ,
SA. S. Monſeigneur le Duc de Penthièvre arriva
dansfa nouvelle terre de Chanteloup. On s'empreſſa
derendre à ce. Prince les honneurs qui lui étoient
1
(129 )
dus. Une troupe choiſie de Cadets à cheval , alla
au devant du Prince ,& unie à pluſieurs brigades
de Maréchauffée , elle l'introduiſit àAmboiſe.
Unarc de triomphe étoit placé à l'entrée de
la ville. Le Prince étoit attendu par MM. les Officiers
municipaux , lesquels , felon l'uſage , eurent
l'honneur de haranguer S. A. , & de lui préfenter
les clefs.
En cemême endroit , ſejoignit aux autrestroupes,
pour accompagnerS. A. , une compagnied'invalides
engarniſonau château d'Amboife. Sous cette eſcorte,
lePrincetraverſa laville àpetit pas : les rues étoient
garnies de fable & bordées de chaque côté d'une
haie formée par les habitans ſous les armes; &partout
fur fonpaſſage, cePrince eut la fatisfaction d'entendre
les plus vifs applaudiſſemens. Au bout de la
ville étoit placé un ſecond arc detriomphe également
bien ordonné ; à l'extrémité du faubourg qui
conduit à Chanteloup , un arc de triomphe fut
auífi élevé par les ſoins de MM. les Régiſſeurs de la
Manufacture royale d'Acier , établie en cette ville.
Le Prince arrivé à Chanteloup , une troupe de
jeune filles vêtues de blanc , ornées d'une guirlande
de lierre ,&une houlette à la main , lui débitèrent
un compliment& des couplets analogues à la fête ;
un feu de joie & des illuminations terminèrent la
journée.
Le 15 , S. A. reçut , dans une Audience publique,
les devoirs de la Nobleſſe & des différens Corps
de la ville. Tous les habitans notables des environs
ſefontauffi empreſſés de rendre leurs reſpects à ce
Prince. Après avoir paſſé quelques jours à vifiter
fes domaines & les environs de ſa terre , laiſſant
par-tout des marques de bienfaiſance&d'humanité ,
ce Prince partit le 20 , pour l'Abbaye de Fontevrault,
pour y voir Mademoiselle de Chartres ,
fon Auguſtepetite-fille. (Art, envoyé d' Amboise. )
f5
( 130 ) -
Il ſe préſente un nouveau concurrent à
l'invention de la Machine Polycreſte ; c'eſt
M. le Chevalier de la Maltière , ancien
Capitaine d'Infanterie , & de l'Académie
de Rouen. Ses titres remontent fort haut ,
( en 1753 ) . M. Sorel ſon confrère , s'eft.
chargé de les expoſer ; & à ſa requête
preſſante , nous allons donner la ſubſtance
de fon imprimé.
>> C'eſt une machine appelée Phyſi-techniope ,
parce qu'elle fert à diſtinguer & à groffir les objets
de la nature & ceux de l'art. L'auteur , M. Lange
de la Maltière , Capitaine au Régiment Dauphin
infanterie , de l'Académie des Sciences , Belles-
Letores & Beaux-Arts de Rouen , diftingue fort
cette machine des autres microſcopes folaires ; il
la croit plus univerſelle &plus vive dans ſes effets .
Nous ſommes témoins des expériences ſuivantes :
» Une petite tête en miniature , de la grandeur
d'une pièce de vingt - quatre fous , étoit
rendue grande comme nature , avec toute la fraîcheur
de fon coloris & toute la préciſion de ſes
traits.
ככ Une eſtampe gravée au burin , dont la tête
étoit encore plus petite que celle de la miniature
précédente , paroiſſoit grande comme nature , avec
toute la clarté qu'on pouvoit deſirer.
>> On voyoit un écu de trois livres & une
médaille antique avec tout le relief plus grand que
nature .
>> En mettant dans la machine une petite agate
gravée, ayant cinq lignes dans ſon plus grand
diamètre , la tête de la figure ſortoit avec tout fon
relief , toutes les couleurs de la pierre , & d'une
grandeur qui égaloit le naturel.
(131 )
1
>> La machine préſente eſt un fonds inépuiſable
d'expériences & de ſpectacles optiques. Elle brille
fur-tout dans l'obſervation des ouvrages de la nature
; par exemple :
» Un cloporte de trois lignes paroiſſoit de trois
pieds de diamètre , avec toutes les couleurs& les
inégalités de ſes écailles , & un relief proportionné
à cette grandeur.
» Les mites du fromage étoient repréſentées ,
les unes de trois , d'autres de quatre , de cinq &
même de fix pouces de longueur , toutes animées
&dans un mouvement continuel.
» Divers végétaux étoient rendus avec toutes
leurs couleurs , tous leurs filamens , tous leurs détails;
en ſorte qu'un deſſinateur auroit pu ne rien
perdre des particularités les plus intimes de ces
petits objets.
>> On ne peut que donner des éloges à l'induſtrie
&aux attentions de l'Auteur , d'ailleurs très-expert
dans ſa profeſſion & très-cultivé dans les lettres.
Si ſa machine pique la curioſité du Public , comme
il paroît qu'elle en eſt digne , ce ſera le moment
d'expliquer en quoi & comment elle diffère des
autres microſcopes ſolaires , déja exécutés par quelques
phyſiciens . Il nous ſemble que cette explication
n'eſt point difficile à faire , & qu'elle peut
relever beaucoup le mérite de cet inſtrument. "
" Cette nouvelle découverte eſt conſignée fur
les Regiſtres de l'Académie de Rouen , dès l'année
1783. Perſonne avant l'Auteur , n'étoit parvenu
au point de forcer , pour ainſi dire , les objets opaques
de ſe repréſenter eux-mêmes avec tout leur
relief , leurs couleurs reſpectives , fur une furface
plane, ſur un plan horizontal , vertical ou incliné ,
de manière que l'image ou le fantôme de ces
objets opaques ſeroient réfléchis d'une grandeur
très-conſidérable à l'oeil du ſpectateur .
f6
( 132 )
» Tel étoit , il y a trente ans & plus , le réſultat
du Phyſi- techniope de M. le Chevalier de
La vialtière. &c. &c .
D'après cette analyſe , il n'eſt pas aifé
de diftinguer cette machine d'un microfcope
folaire. Nous croyons qu'elle n'a rien
de commun dans fon principe , & la plupart
de fes effets , avec le Polycreſte de
M. de Segrave , qui ſurement s'expliquera
bientôt à ce ſujet.
Le nommé Jean Seguin , Laboureur à
Goix , Paroiffe de Villargoix , Bailliage
de Sanlieu en Bourgogne , est mort le rer.
Octobre , âgé de centfix ans ; il a toujours
joui d'unefanté vigoureuse , & a travaillé
jusqu'au moment defa mort , fans aucunes
incommodités , qu'unefurdité commencée à
cent trois ans.
Les Numéros fortis au tirage de la LoterieRoyale
de France , le 16 de ce mois ,
font : 54,61,5 , 22 & 43 .
PROVINCES - UNIES.
Dela Haye , le 10 Octobre.
Sur l'élection du Prince Stadhouder ,
les Etats de Hollande ont diſpoſé , le 2 ,
des places vacantes depuis la mort du
Baron de Noordwyck , ſavoir ; de celles
d'Intendant des digues du Rhinland & de
Curateur de l'Univerſité de Leyde , en
faveur du Comte de Waffenaër-Starranburg;
& de celle de Grand Baillif de la
( 133 )
Haye , en faveur du Comte de Bentinck
deRhoon .
Sur la propoſition des Députés de la
ville de Horn , tendante à biffer des regiftres
de l'Aſſemblée , tous les actes contraires
au Stadhouder , les mêmes Etats de
Hollande ont pris , le 28 Septembre ,
la réſolution ſuivante .
« Les Requêtes , Remontrances , Déclaratoireś
&Mémoires préſentés & remis à cette Affemblée
pendant le cours des dernières années , & par lefquels
l'on taxe d'une manière ſi indécente & fi
injurieuſe , l'honneur , la conduite & les intentions
de S. A. S. doivent leur origine à l'eſprit
de parti qui a eu lieu dans cette Province , aux
écrits calomnieux qui ont paru en ſi grand nombre ,
&avec une licence effrénée , ſans que la justice
ait eu fuffisamment le pouvoir de les réprimer ,
&qui ont donné lieu à une tyrannie exceſſive
de la part des Corps Francs , des Bourgeoifies
particulières & des Sociétés des Villes & du plat
Pays , aux excitations de toute eſpèce & à des
entrepriſes inouies & arbitraires , qui ont contraint
les Régens de preſque toutes les Villes , de
concourir à ces Réſolutions ; qu'en outre toutes
les accufations & les imputations flétriſſantes allé
guées dans leſdites Requêtes , Remontrances ,
Déclaratoires & Mémoires , paroiſſent deſtituées
de fondement ,& ne doivent leur exiſtence qu'à
l'irritation malheureuſe de perſonnes très - mal
intentionnées , mal inſtruites ou abuſées. Qu'il
faut auſſi attribuer la foi ou l'approbation plus
ou moins homologuée qu'y ont ajouté quelques
membres de l'Aſſemblée , malgré le ſentiment &
la proteftation de quelques autres , aux fuites des
( 134 )
!
:
temps de faction , mais que L. N. & G. P. entièrement
perfuadées de la pureté des intentions de
S. A. S. & ayant une confiance entière à ſes intentions
patriotiques & à fon zèle bien intentionné
pour les vrais intérêts de cette Province , ne peuvent&
ne doivent conſidérer l'acceptation deſdites
Requêtes & Adreſſes , & les Réſolutions qui ont
eu lieu à cet égard , que comme les effets de contrainte
à bras armé qu'exerçoient leſdites Sociétés
& Pourgeoifies nouvelles , & qui a obligé les
Régens des Villes à les approuver.
» Il a été trouvé bon & arrêté , que toutes
ces Réſolutions feront abrogées , rendues nulles &
miſes hors d'effet , comme cela ſe fait par la
préſente,de manière qu'on ne puiſſe jamais induire
contre le véritable ſentiment deL.N.&G.P.quelque
doute touchant la pureté des intentions de S. A.S.
&de ſa fidélité éprouvées envers le pays ; &
afin que cela paroiſſe en effet , en faiſant la lecture
même deſdites Réſolutions , comme auſſi des Notules
infcrits dans les Regiſtres , il ſera noté à côté
de chaqueRéſolution ou diſpoſition , & à la ſuite
de ce qui eft noté en marge : Qu'elles font abrogées
, annullées & mises entièrement hors d'effet &
de conféquence, en vertu de cette Réſolution de L. N.
&G. P. priſe aujourd'hui.
>> Le tout cependant ſauf toutes les pourſuites
que la Juſtice du Souverain exige , contre les
Auteurs de ces menaces violentes , injuſtes & criminelles
, & les excès commis. Et enfin qu'on
priera Mr. le Conſeiller Penſionnaire , comme
cela ſe fait par la préſente , de communiquer en
perſonne cette Réſolution de L. N. & G. P. à
S. A. S. & de lui déclarer en leur nom , que L. N.
&G. P. verront avec plaifir S. A. S. affiſter de
temps en temps , dans ces jours fâcheux , aux
Délibérations de L. N. & G. P. pour le prompt
( 135 )
avancement du repos , pour la fureté de la conftitution&
le rétabliſſement de la confiance générale.
«
: Le 21 du même mois , L. N. & G. P.
avoient conclu une autre réſolution , dont
voici la teneur.
>>Sur la Propofition de Mrs. les Députés de
la Ville de DORDRECHT, ayant été pris en conſidération
qu'attendu que , dans les préſentes circonftances&
la conjoncture heureuſe des affaires ,
les cauſes & les motifs ſur leſquels étoit fondée
la Réſolution de L. N. & Gr. Puiſſances du 10
Septembre , contenant les inſtances les plus prefſantes
près de la Cour de France , pour ſecourir
par des forces militaires ſuffiſantes cette Province
contre l'approche des Troupes Pruffiennes , font
venus à ceſſer , & conſidéré la néceſſité la plus
extrême & la plus urgente , ainſi que les égards
dus à cette Cour , il a été trouvé bon & arrêté
qu'encore aujourd'hui Mrs, les Ambaſſadeurs de
cetEtat en France feront requis , en leur envoyant
parExprès Extrait de la préſente Réſolution , d'informer
S. M. le Roi de France , que les différends
entre cette Province & M. le Stadhouder-Héréditaire
ont été heureuſement terminés , & que S. A.
Royale , va auſſi s'arranger avec la Cour de
Pruffe ; qu'ainsi , comme il n'y a plus ici d'Ennemis
, la Réſolution du 10 Septembre a ceſſé d'avoir
effet : Que L. N. & Gr. Puiſſances ſe ſont cru
dans l'obligation d'en donner le plus promptement
poſſible avis à S. M. Très- Chrétienne , ne doutant
point qu'elle ne veuille bien prendre à ce rétabliſſement
de la tranquillité dans un Pays , la part
qu'elle a toujours montrée ày étouffer la discorde
&à en avancer la proſpérité , pour lequel effet la
bonne affection de S. M. fera toujours hautement
(136 )
agréable à L. N. & Gr. Puiffances. Et fera de plus
donné connoiſſance de cette Réſolution au Chargéd'Affaires
de la Cour de France , en lui remettant
Extrait de la préſente Réſolution , ainſi que par
Extrait aux Bourguemeſtres des Villes d'Amſterdam
& de Parmerend , en leur communiquant , que ,
l'Afſemblée s'étant déja augmentée au nombre de
feize Membres préſens , L. N. &Gr. Puiſſances
prient itérativement leſdites Régences d'envoyer
ici leurs Députés le plus tôt poſſible. »
Le 27 , les Etats de Hollande ont accordé
une Amniſtie générale à tous ceux
qui précédemment avoient été punis , empriſonnés
, bannis ou accuſés , pour avoir
contrevenu aux Placards de L.N.P. , par un
zèle outré pour laMaiſond'Orange,lesrétabliffantdans
leur honneur& dans tous leurs
droits , nommément le fameux Morrand .
La réſiſtance ultérieure d'Amſterdam a
été précédée de circonstances &de négociations,
dont nous préſenterons l'abrégé à
nos lecteurs . Les reres, inſtructions données
aux quatre Députés qui ſe rendirent, le 27
Septembre , auprès du Duc de Brunswick ,
étoient compoſées des articles ſuivans .
« I. De prier S. A. S. de s'ouvrir fur les raifons
de l'attaque hoſtile contre la Ville , puiſqu'elle
n'a donné aucune offenſe à S. M. Pruffienne , dont
Mgr. le Duc commande les Troupes.
>> II. Si la raiſon de cette attaque eſt la fatisfaction
que S. M. Pruffienne exige concernant le
Voyage arrêté de Madame la princeſſe d'Orange ,
de lui repréſenter , qu'on ne s'eſt porté à cette
démarche que par des raiſons de néceſſité con
( 137 )
nues : mais que , fans entrer en diſcuſſion ultérieure'
, le Vénérable Conſeil eſt prêt à donner à
ce fujet à S. A. S. des ouvertures convenables &
convaincantes en lui remettant pour préalable
toutes les Pièces , relatives à cette affaire, traduites
ea langue Françoife.
و
» III. De lui expoſer que la Ville d'Amsterdam
ſe flatte , que S. A. S. ne voudra point pouffer
une attaque hoftile contre elle , vu que déja elle
a éprouvé une perte des plus ſenſibles par l'inondation
formée en partie autour de ſes murs ,
comme la défenſe principale & naturelle de cette
Ville; & que fi les hoftilités continuoient , il ne
pourroit en réſulter qu'une boucherie des plus
effroyables , une ſcène de carnage & de pillage
général , dont les ſuites feroient infiniment préjudiciables,
tant pour la Ville que pour la Province
de Hollande entière , même pour les Etats de S. M.
Pruffienne , & pour toute l'Europe en général , à
raiſon de l'intérêt univerſel du commerce , & des
bénéfices qui réſultent des Douanes fur le Rhin.
IV. » Qu'en conféquence la Ville avoit décerné
cette Commiffion folennelle , pour donner à S.
A. S. une véritable ouverture des choſes ; &
qu'elle oſoit ſe promettre de la façon de penſer
magnanime de S. A. Séréniffime , qu'Elle voudroit
bien mettre ces ouvertures ſincères ſous les yeux
de Sa Majesté , afin que l'objet de ſon mécontentement
ceſſant , Elle agréât d'autant plus volontiers
les afſurances du reſpect , que la Ville ſouhaite de
conferver pour Sa Majesté & pour toute ſon illuftre
Maiſon,& qu'ainſi Elle réſolût de retirer les
Troupes qu'Elle avoit fait avancer dans le Pays ,
du moins & en tout cas, qu'on pût convenir d'une
fufpenfion d'hoftilités. »
En réponſe , les quatre Députés reçurent
:
( 138 )
du Duc de Brunswick une note qui portoit
:
» La fatisfaction que S. M. Pruffienne demande ,
doit, comme vous ſentirez vous-mêmes , MESSIEURS
, être entièrement conforme aux Articles
énoncés dans le dernier Mémoire de M. de Thulemeyer.
>> Tous les autres Membres des Etats de la
Province ſont prêts à donner cette fatisfaction, &
n'attendent que votre concurrence. Du momert
que vous y aurez confenti par vos Députés aux
Etats , je regarde ma Commiſſion comme terminée
, & les Troupes du Roi quitteront immédiarement
le voiſinage de votre Ville & les Places
circonjacentes. Vous connoiſſez trop bien , MESSIEURS
, les fentimens de Son Alteſſe Royale
Madame la Princeſſe d'ORANGE , pour douter
qu'Elle n'aimera mieux paſſer ſur beaucoup de
chofes , que d'expoſer votre Ville à des inconvéniens
fâcheux. «
LEYMUYDEN , le 27 Septembre 1787.
(Signé) CHARLES , Duc-Régnant de
BRUNSWICK.
Au retourdes Commiſſaires , on réſolut
d'envoyer à la Princeſſe d'Orange le Bourguemeſtre
Geelvinck , & M. Temminck ,
Membre de la Régence , avec charge de
>> témoigner à S. A. R. tout le regret qu'a-
>> voit la ville du funeſte incident qui
>> avoit eu lieu ; que la choſe étoit arrivée
>> à ſon inſcu ; que la ville voyoit avec
>> douleur la ſenſibilité de S. A. R. à ce
>> ſujet ; mais qu'elle eſpéroit de fa fa-
>> geſſe, deſa vertu&de ſa piété , qu'elle
( 139.)
» n'inſiſteroit plus ſur la punition des per-
>> ſonnes qui , dans cette occurrence ,
» n'avoient fait qu'exécuter les ordres
>>> dont ils avoient été munis . »
La Princeſſe répondit à cette déclaration
par une note conçue en ces termes :
« Je ſens , MESSIEURS , avec la plus grande
fatisfaction , que le langage de mon coeur s'accorde
parfaitement avec les idées de généroſité
que vous voulez bien reconnoître en moi ; je ne
defire en effet rien moins que la punition des
torts qu'on s'eſt permis .
>> Je ſuis profondément affectée du fort des
Auteurs& des Inſtigateurs de ces torts , & bien
particulièrement de l'état de calamité dans lequel
la Ville d'Amſterdam ſe voit réduite. Je ne defire
rien avec plus d'ardeur , que de voir aſſurer les
moyens & les réſolutions qui doivent faire évanouir
les défordres & les injustices précédentes ,
rétablir les régences conftitutionnelles , &les prémunir
contre tout armement dangereux des habitans
; & par ce moyen rétablir la tranquillité publique
, & rendre à la Patrie ſon ancienne profpérité.
Je m'offre avec plaifir , en me contentant de
vos témoignages , d'engager le Roi mon Frère à
ſedépartir de tous autres point de fatisfaction ,&
àfaire retirer ſes Troupes de devant votre Ville ,
auſſitôt que la ſincérité de ces témoignages me
fra confirmée par la concurrence de la Ville
d'Amsterdam , & par fon acceſſion à toutes les
réſolutions qui ont été priſés ces jours , pour le
rétabliſſement des affaires , agiſſant ainſi de concert
avecles autres membres desEtats de cette Province,
pour prendre telles autres meſures & réſolutions
falutaires , propres à remplir mes voeux les plus
purs & le but de la proſpérité que je me propoſe
( 140 )
de faire renaître dans la Patrie. J'aurois fait de
grandes difficultés de me rendre ici , ſur l'invitation
qui m'en a été faite par les Seigneurs Etats , s'ils
n'y avoient ajouté l'aſſurance que mon Epoux feroit
rétabli en tout.A cette fin, je m'aſſure qu'on
ne croira pas , que je defire voir les ſuſdits Auteurs
& Inſtigateurs attaqués , ni dans leur honneur , ni
dans leurs biens , & beaucoup moins expoſés à
perdre la vie ; mais que fans ſoupçons ultérieurs,
ils ſoient démis de leurs poftes , dans leſquels ils
pourroient encore exciter de nouveaux troubles.
WILLELMINE.
Le Duc de Brunswick avoit accordé
une armiſtice de 24 heures , qui expiroit
le 30 Septembre au foir. L'eſpoir d'un
accommodement s'étant évanoui , le rer.
de ce mois , S. A. S. fit attaquer par l'armée
Pruffienne tous les avant-poſtes de
la ville. L'attaque dura depuis quatre à
ſept heures du matin , & fut très- viva
pendant une heure. Ilyeut beaucoup de
morts&de bleſſés , dont peut- être a-t-on
exagéré le nombre au premier moment.
Tous les dehors étant inondés , les affiégeans
ne pouvoient s'avancer que fur des
chauffées étroites à trois ou quatre
hommes de front. Ils furent repouflés à
J'attaque detrois poftes ; celui de la digue
de Harlem , affailli de différens côtés ,
fut abandonné preſque ſans réſiſtance ;
Amſteelven fut emporté dans l'après-midi ,
& entraîna la perte de Ouderkerk , qui fut
évacué. Le Duc de Brunswick accorda
,
2
(141 )
enfuite une trève , juſqu'au retour d'une
nouvelle députation envoyée à la Haye ;
&le 3 , les Bourguemeſtres & le Confeil
d'Amſterdam déclarèrent à la Bourgeoifie,
par un placard , que pour prévenir la ruine
immanquable de la ville , ils étoient for
cés d'acquiefcer aux demandes des autres
Membres de la Province , & même à la
démiſſion des nouveaux Régens .
Dans les conférences qui ont eu lieu
depuis , entre la Commiſſion des Etats , &
MM. Hoofd & Temminck , Députés d'Amſterdam
, ces derniers ont demandé au nom
des Bourgeois armés , les art. ſuivans .
ART. I. Que le peuple ait une influence convenable
dans l'adminiſtration.
II. Que la Milice - Bourgeoiſe conſerve ſes
armes , comme elle les a toujours eues.
III. Que la Régence actuelle & tous les Em
ployés confervent leurs Poſtes reſpectifs .
IV. Que la ville reſte exempte de toute Garniſon
& de tous Quartiers .
V. Que l'on n'exigera point la publication du
Placardconcernant le port des cocardes Orange, &c.
dans la Ville d'Amſterdam ; qu'auſſi l'on ne fera
point forcé à s'en garnir , afin de prévenir les
excès qui en réfulteroient certainement.
VI. Que toutes perſonnes , tant Politiques que
Militaires , qui ſe ſont retirées en cette Ville , ou
dans les autres Places qui fervent à couvrir
Amſterdam , ou qui ont été priſes en la protection
dela Ville , ne feront point inquiétées ni moleſtées
dans leurs Perſonnes ni leurs biens ; dans lequel
nombre l'on devra comprendre tous les Membres ,
( 142 )
qui ont été employés dans les Commiffions d'état
ou Municipales.
Les Commiſſaires ont répondu à ces
articles.
RÉP. A L'ART. I. Qu'attendu qu'une Commifſion
d'État s'occupe déjà relativement au premier
Article , il faut en attendre le rapport.
Au II. Que toutes les Milices-Bourgeoiſes légitimées
pourroient conſerver leurs Armes , au cas
qu'on le trouve municipalement utile.
Au III. Qu'on ne peut l'accorder , comme étant
contraire àla réſolution de L. N. &Gr. Puiffances
du 22 Septembre , par laquelle des Rémotions ont
été déſapprouvées , comme inégales & violentes , &
qui ont enjoint de rétablir à cet égard toutdans
ſon premier état.
Au IV. Qu'on pourroit l'accorder , conformément
à la Satisfaction ( Convention , par laquelle
la Ville d'Amſterdam s'eft jointe à la République
contre les Eſpagnols ) , accordée à Amsterdam en
1578 .
Au V. Qu'on pourroit être facile à cet égard,
pourvu que perſonne ne ſoit moleſté , parce qu'il
porte la couleur orange.
Au VI . Relativement à cet article , les Commiſſaires
de L. N. & Gr. Puiſſances ne fauroient
rien dire , attendu que cela appartient à la Satif.
faction , que S. M. Pruffienne exigeroit pour fon
Alteſſe Royale.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 13 Octobre .
Les Etats de Brabant , en envoyant aux
diverſes Provinces la ratification Impériale
( 143 )
du 21 Septembre , l'ont accompagnée.
d'une lettre circulaire , qui porte :
Cher& bien-Amé , Nous croyons de nos foins ,
comme de notre devoir , de vous faire parvenir
Copie de laDéclaration donnée le 21 de ce mois ,
par Son Excellence le Gouverneur & Capitaine-
Général par interim , au nom de l'Empereur &
Roi ; par laquelle vous verrez , que les dernières
diſpoſitions infractoires aux Loix fondamentales
dece Pays viennent entièrement à ceſſer; que les atteintes
feront rødreſſées au plus tôt ſur le piedde ces
mêmes Loix fondamentales , leſquelles reſteront in,
tactes , en conformité des actes de l'Inauguration de
Sa Majeſté. Nous fommes certains qu'au moyen de
ce, la confiance & la tranquillité les plus parfaites .
renaîtront par-tout , &que la furetéde nos Libertés
& Propriétés étant maintenant raſfurée , les
différens Ordres de Citoyens pourront profiter des
avantages que leur préſente l'excellence de nos
Conftitutions , & la criſe actuelle des Pays voiſins.
Nous vous réitérons encore les aſſurances de
notre attachementà procurer le bien commun , &
fur-tout, à maintenir les Privilèges précieux du
Pays. Atant , &c.
Le Général Murray a également ſurfis
à l'exécution des ordres de l'Empereur ,
relatifs à l'Univerſité de Louvain .
Paragraphes extraits des Papiers Anglois.
De Kinston à la Jamaïque , le 13 Juin. Les vaifſeauxde
guerre ſuivans ont appareillé , le 11 au
matin, de Port-Royal , ſavoir ; le Pégase de 28 çan .
commandé par le Prince Henri , pour Halifax
dans la nouvelle Écoſſe ; les sloops le Kattler ,
& la Proferpine pour l'Angleterre , & l'Amphion
( 144 )
de 32 can, pour l'Amérique. L'intention du Prince
Henri eft , dit-on , de revenit ici au mois de Novembre
prochain , & on ſuppoſe qu'il y reſtena
cinq ou fix mois .
Le grand nombre de vaiſſeaux étrangers qui font
actuellement dans ce Port , particulièrement François
& Eſpagnols , ont porté ſi loin les demandes
d'Efclaves , que les Negres ordinaires ſe paient un
prix très-honnête.
Les Paquebots que le Gouvernement emploie
pour la correfpondance entre cette Nation & Lifbonne
, New-York , les Ifles-du-Vent , Halifax &
la Jamaïque , font établis de la manière qui fuit :
Leur nombre est de 22 .
Leur tonnage de 200 à 300 tonneaux.
Leur équipage eſt de 30 hommes.
Il eſt alloué à chacun de ces hommes , 8 fols
&demi par jour , pendant toute l'année , quoiqu'ils
ne foient employés que la moitié de l'année , ou
même moins.
La paie des Officiers eſt de deux shellings par
jour.-
En temps de guerre , le Gouvernement alloue
pour munitions 800 livres par an pour chaque
vaiſſeau,
Le montant de la dépenſe pour chaque vaiſſeau ,
d'après un terme moyen , eſt d'environ 3200 par
an.
La réforme que ſe propoſe le Gouvernement eft,
1º . de réduire le tonnage des vaiſſeaux , & de le
porter à 150 tonneaux , ou un peu moins.
2°. De réduire les équipages à quinze ou vingt
hommes; & 3 °. de réduire le taux de l'allouance,
lorſque ces bâtimens ne ſont pas employés. L'économie
qui réſulteroit de cette réforme , feroit de
15,000 liv. par année.
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 17 OCTOBRE 1787 .
Nota. Pour répondre aux déſirs du Public , on vient de
changer le caractère de ce Journal , & de faire choix d'un
beau papier, entièrement ſemblable à celui qu'on emploie
pour la Gazette de France.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
MERCURIALE
D'UN vieux Gentilhomme à fon jeune
Parent , qui , non moins infatué de sa
noblesse que de fa perfonne , parloit avec
une vanité ridicule d'un ancien Mausolée
de leurfamille.
Nobilitas unica virtus.
στ
Le propre de l'eſprit , c'eſt d'orner la raiſon.
Que fans elle il eſt vain , ſi j'en crois ta jactance!
Nº. 43. 27 Octobre 1787. G
146 MERCURE
1
Toujours de ton côté doit pencher la balance;
Rien ne peut approcher de ta condition ,
Et ton mérite au moins égale ta naiflance.
Dans l'air , quelle fierté ! dans le propos, quel ton !
Jamaishomme de Cour n'eut tant de ſuffiſance.
Quoi! pour ſe croire illuſtre & digne de ſon nom ,
Suffit-il d'être iſſu d'une illuſtre Maiſon ?
La Noblefie , crois-moi , ne peut être réelle
Qu'autant que la vertu nous la rend perſonnelle,
Comment ſe faire honneur des qualités d'autrui ,
Se parer de fon nom , fans agir comme lui ?
Ce n'est qu'en l'imitant qu'on vante ſon modèle.
Rien toutefois, hélas ! n'eſt plus rare aujourd'hui,
La Nobleſſe eſt ſans doute utile autant que belle ;
Et ſon luftre aux grands coeurs n'offre que trop
d'appas ;
Mais lorſqu'on la mérite , on ne s'en prévaut pas.
Dans cebeau monument , qui contre toi dépoſe ,
De nos pères communs , oui , la cendre repoſe ;
Comme toi, je le fais , & n'en parle que bas :
Peut-être n'offre-t-il qu'une pompe illuſoire.
De ces braves Guerriers , prétendus immortels ,
Non , l'Art ne pouvoit mieux honorer la mémoire ;
Mais ſouventun flatteur, pour nous en faire accroire,
Ade faux demi-Dieux prodigue des autels :
Tout s'enveloppe ici de l'ombre la plus noire.
Veux-tu de leur grandeur bien connoître l'hiftoire
?
Ce qui cauſe ta morgue en deviendra l'écueil,
DE FRANCE. 147
Sous ce marbre impofant qui conſacre leur gloire ,
Ofe en chercher l'objet, oſe ouvrir leur cercueil :
Vois fi ce qu'il contient peut flatter ton orgueil.....
Quoi ! tu crains ce ſpectacle & l'odeur qu'il exale !
Mais avant que de fuir , ſaiſis-en la morale :
Sur ces hideux débris confonds ta vanité.
Lagloire , en lettres d'or , retraçant un beau fonge,
Pour cacher ce qu'ils font , dit ce qu'ils ont été :
C'eſt ſur la tombe enfin que règne le menſonge ;
Et c'eſt deſſous , ami , que gît la vérité.
Quel que foit cependant l'Oracle redoutable
Qui ſemble retentir au fond de ces tombeaux ,
Ates yeux leur éclat doit paroître honorable ;
Tu peux de nos aïeux exalter les travaux :
Mais leur reffembles-tu , pour te croire un Héros ?
Ainſi qu'eux , tu reçus la valeur en partage ;
Soit; mais fans la prudence à quoi ſert le courage ?
L'on connoît un vrai Noble aux ſentimens du coeur :
Toujours franc, généreux, fon Idole eſt l'honneur ;
Il ſait ſe tempérer , ſans rougir d'être ſage ;
A l'homme délicat tout excès fait horreur,
L'amour du bien l'enflamme ; & voilà cette ardeur
Qui , fur le Plébéïen lui donnant l'avantage ,
Conſtate fa nobleſſe & prouve ſa grandeur.
Tels furent nos aïeux. Quelle est donc ton erreur ?
Envain te vantes-tu d'être de haut parage ;
Crois-tu fonder ta gloire en ufurpant la leur ?
Entre-nous , qu'as-tu fait ? examinons ta vie :
Qu'as-tu fait qui réponde à ta forfanterie ;
Gij
148 MERCURE
Qui , flattant ton orgueil , te faffe , en ſes accès ,
Prendre pour un éloge une plaifanterie
Que t'adreſſe , en riant , quelqu'un qu'il humilie ?
Șur quoi donc fondes-tu tes diſcours indiſcrets ? )
Pour défarmer, comme eux, le ſarcaſime & l'envie ,
Avec leur renommée as-tu leur modeſtie ?
Saurois-tu des Railleurs , émouſſant tous les traits ,
Changer , par ta bonté , leurs mépris en refpects
Aux charmes de l'eſprit , joins-tu la bonhomie ,
Et la difcrétion à la galanterie ?
Reſpectes-tu les moeurs , répands-tu des bienfaits ?
Preux , loyal , grand fans fafte , & courtois fans
manie ,
Es-tu plein de l'eſprit qui raſſemble & qui lie
Les talens de la guerre aux vertus de la paix ?
Dois-tu , nouveau Bayard , par de ſublimes traits ,
ベ
Signaler ta valeur , ton zèle , ton génie ;
Et digne du renom des Chevaliers François ,
Mourir comme d'Aſſas pour ſauver la Patrie ?
Mais que dis - je ? fais plus ; confonds tous les
caquets ;
Fais briller tour à tour les dons les plus parfaits ;
Que ta préſomption enfin ſe juſtifie ;
Sois l'homme qu'en ſecret ton orgueil déifie ;
Sois ce que tu crois étre : alors , de bonne foi ,
Je conviendrai que nul n'eſt plus noble que toi.
(ParM. le Baron de Thomaſſin de Juilly. )
DEE FRANCE.
149
A Mme. la Marquise de N.... , le jour
de Sainte Félicité , ſa Patrone.
CHARME de l'Univers , Félicité ſacrée ,
O toi , dont le fantôme enchaîne les mortels ,
Ne règnes-tu qu'au ſein du tranquille Empyrée ?
Ne puis-je ſur la terre embraſſer tes autels ?
Ainſi du Pinde folitaire ,
En dépouillant le verdoyant boſquet ,
Je veux donc couronner un être imaginaire :
Non , non , l'Olympe s'ouvre , un jour brillant
m'éclaire ;
N.... , tu viens accepter mon bouquet;
Tu réaliſes ma chimère.
( Par M. Balfe , d'Avignon. )
Giij
ISO MERCURE
LE PAUVRE DIABLE ,
CONTE , A 1
Traduit de l'Anglois de Goldsmith.
JAIME à me divertir dans quelque fociété
que ce ſoit ; & l'eſprit en guenille ne
m'en plaît pas moins. J'allai , il y a quel
ques jours , faire un tour de promenade
dans le Parc de Saint-James , vers l'heure
à peu près où chacun s'en va dîner : il
étoit reſté peu de monde , & la plupart
ſembloient, à leur extérieur, défirer plutôt
d'oublier qu'ils avoient faim , que chercher
à gagner de l'appétit. Je me mis fur un
banc , à l'extrémité duquel étoit aſſis un
homme couvert de haillons.
Nous fûmes un moment à cracher , à
touffer , à prendre du tabac , chacun de
notre côté, fans proférer une parole, mais en
nous regardant de temps en temps, comme
il arrive d'ordinaire lorſque deux inconnus
veulent lier converſation : à la fin , je me
hafardai à lui adreſſer la parole. » Pardon ,
" Monfieur , lui dis-je ; mais il me ſemble
ود vous avoir déjà vu quelque part : votre
>>phyſionomie me revient dans ce moment.
» Oui , Monfieur , répondit - il , j'ai une
> figure aſſez revenante , & mes amis me
» l'ont dit quelquefois : je ſuis aufli connu.
DE FRANCE.
1st
>> dans toute l'Angleterre , qu'un Droma-
>> daire ou un Crocodile vivant. Il faut
>> vous dire que j'ai été pendant ſeize ans
>> attaché comme Polichinelle à une Troupe
>> de Marionnettes ; mais à la dernière Foire
» de Saint - Bartholomée , je me pris de
» querelle avec mon Maître ; nous- nous
>>roſsâmes d'importance,& nous nous ſépa
" râmes , lui pour vendre ſes Marionnettes ,
» &moi pour mourir de faim dans le Pare
>> de Saint-James ".
» Je ſuis faché , Monfieur , qu'une pers
>> ſonne d'auſſi bonne mine que vous ſe
>> trouve dans le beſoin. Ah ! Monfieur,
>>
---
répondit - il , quant à ma bonne mine ,
» elle est bien à votre ſervice ; mais quoi-
>> que je ne faſſe sûrement pas grande chère,
» je puis cependant me vanter qu'il y a
ود
ود
peu de perſonnes d'une humeur plus gaie
que la mienne. Si j'avois 20000 liv . de
>> rente , oh ! je ſerois bien gai ; & , grace
» à Dieu , ſans avoir une obole , je ne fuîs
>> point triſte pour cela : ai-je trois fous en
" poche , je les partage volontiers pour
>> avoir un compagnon de table ; fuis -je
> ſans le fou , je ne demande pas mieux
ورا
que d'être défrayé par quiconque veut
» bien payer mon écot. Que diriez - vous
» d'un beaf- ſteak & d'un pot de bière ?
>>Allons , Monfieur , régalez - moi aujour-
>> d'hui ; je vous régalerai à mon tour , fi
>> je le puis , lorſque je vous trouverai dans
>> le Parc mourantde faim &fans le fou ".
Giv
152 MERCURE
Comme je n'ai jamais héſité de faire une
petite dépenſe pour le plaifir de jouir de
la fociété d'un homme enjoué , nous nous
acheminâmes auffi - tôt vers l'auberge prochaine
; & dans l'inſtant on nous fervit un
plat de beaf-ſteak tout fumant , & un pot
d'une bière mouſſeuſe. Il eſt impoffible d'exprimer
combien la vue de ce dîner réveilla
la vivacité de mon compagnon. » Monfieur,
>> me dit-il , j'aime ce repas par trois rai-
رد fons : 1º. parce que le beaf-ſteak eſt mon
» mets favori ; 2°. parce que j'ai faim;
> 3 ° . parce qu'il ne me coute pas une obole.
» Ah ! Monfieur , qu'y a-t-il de comparable
» à un repas que l'on prend pour rien " ?
Le voilà donc qui donne ſur le plat , &
ſon appétit parut être bien d'accord avec
fon goût. Après le dîner , il me dit qu'il
avoit trouvé le beaf- ſteak un peu dur :
>>Malgré cela , Monfieur , continua - t - il ,
>>quelque mauvais qu'il ait pu être , je l'ai
» mange comme un morceau délicieux :
>> vivent les jouiſſances de la pauvreté &
>> d'un bon appétit ! C'eſt nous autres Gueux
» qui ſommes les véritables favoris de la
>> Nature : le Riche , elle le traite en marâ-
>> tre ; il n'eſt content de rien : coupez-lui
>> un ſteak de la meilleure qualité , il lui
» paroîtra toujours dur ; accommodez - le
» avec des pickles ( 1 ) , les pickles même
>>ne pourront aiguiſer ſon appétit . Mais le
(1 ) Eſpèces de cornichons accommodés au vinaigre .
DE FRANCE.
153
" monde entier eft rempli de délices pour
> le Pauvre : pour lui la barrique de Cal-
» vert ( 1 ) furpaſſe le Champagne, & la bière
>> de Segdeley (2) a le goût du Tokai : eh !
» vive la joie ! quoique nos biens ne foient
" dans aucun pays , nous trouvons des for-
رد tunes par-tout. Une inondation ſubmerge-
" t- elle une partie de la province de Corn-
>>wallis ? cela m'eſt égal , je n'y ai point
" de terres : les fonds viennent-ils à baif-
>>fer ? je ne m'en inquiète en aucune ma-
» nière ; je ne ſuis point un Juif « .
La vivacité de ce garçon , jointe à ſa misère
, excita fi fort ma curiofité , que je
voulus connoître un peu l'hiſtoire de ſa vie ;
je l'invitai à me fatisfaire ſur ce point.
» Avec grand plaifir , Monfieur , me dit-il ;
» mais commençons par boire , afin de ne
ود pas nous endormir ; &tandis que nous
» veillons encore , faiſons venir un ſecond
ود pot; car eft- il rien d'auſſi charmant que
>> la vue d'un pot de bière écumant « ?
>> Vous faurez donc , Monfieur , que je
defcends d'une très-bonne famille : mes ancêtres
ont fait quelque bruit dans le monde,
car ma mère crioit des huîtres , &mon père
battoit de la caiſſe ; j'ai même ouï-dire que
nous avions eu des Trompettes dans notre
famille : affurément bien des gens de qualité
ne pourroient produire une généalogie auffi
(1 ) Mauvais Cabaretier de Londres.
(2) Autre Cabaretier.
Gv
154
MERCURE
reſpectable. Mais n'importe. Comme j'étois
fils unique , mon père voulut me faire hé-
-ritier de ſes talens , afin que je pufſe prendre
fon état, & comme lui être attaché , en
qualité de Tambour , à une Troupe de Marionnetres.
Il m'éleva en conféquence ; tout
le temps de ma jeuneſſe ſe paſſa à interpréter
les paroles de Polichinelle & celles
du Roi Salomon dans toute ſa gloire.
Quoique mon père s'amusât beaucoup àme
faire battre fur le tambour les différentes
marches de guerre, mes progrès n'en étoient
pas plus rapides pour cela ; naturellement
je n'avois pas l'oreille muſicale : en forre
qu'à quinze ans je m'évadai de la maifon
paternelle &m'engageai comme Soldat. Autant
je m'étois ennuyé à battre du tambour,
autant je me laſſai à porter le moufquet ;
l'un & l'autre état ne me convenoient en
aucune manière : mon inclination me portoit
à être Gentilhomme. D'ailleurs j'étois
obligé d'obéir à mon Capitaine ; il a ſes fantaiſies
; moi , j'ai les miennes ; vous avez les
vôtres. De tout cela , j'ai fort raiſonnablement
conclu qu'il étoit infiniment plus
agréable d'obéir à ſes propres volontés qu'à
celles d'autrui.
>>>L'état de Soldat me donna bientôt le
ſpléen ; je demandai à me retirer du ſervice ;
mais j'étois grand , fort ; & mon Capitaine
me remercia pour ma louable intention, m'affurant
qu'il me vouloit trop de bien pour
DE FRANCE. 155.
m'éloigner de lui. J'écrivis à mon père une
lettre très - humble & très - repentante , le
priant de m'envoyer de l'argent pour payer
moncongé: le compère,malheureuſement,aimoit
à trinquer bien autant que moi ; ( Mr.,
je bois à votre ſanté ) .... & ceux qui font
doués de cette belle qualité , ne lâchent pas
volontiers leur argent. Bréf, jamais je ne
reçus de réponſe à ma lettre : que faire ? Si
je n'ai pas de quoi me dégager , dis -je en
moi - même , il faudra bien chercher un
moyen qui équivale à l'argent ; & ce moyen
ſera de m'enfuir. Mon parti fut bientôt
pris , je déſertai ; & de cette manière , je
remplis mon intention tout auffi bien que
fi j'avois débourſé de l'argent.
» Me voilà donc entièrement quitte du
militaire je fis argent de mon uniforme ,
j'achetai à la place un mauvais habit ; &de
crainte d'être pincé , je me fauvai par les
routes les plus écartées. Un foir , en entrant
dans un village , j'apperçus un homme renverfé
de ſon cheval ſur un très - mauvais
chemin , & preſque enterré dans la boue :
c'étoit le Curé de la paroiſſe. Il m'appela
à ſon ſecours ; j'y volai , & avec beaucoup
de peine je le retirai du bourbier où il étoit
enfoncé. Après m'avoir remercié de mon
honnêteté, il s'en alloit ; mais je le ſuivis
juſque chez lui : j'aime affez que les gens
me remercient à leur porte. Le Curé me
fi,t mille queſtions; il voulut ſavoir de qui
j'étois fils , d'où je venois , s'il pourroit
Gvj
1456 MERCURE
compter ſur ma fidélité. Je répondis à tout
d'une manière qui le ſatisfie pleinement , &
je me douai moi-même , fort modeſtement ,
des plus belles qualités imaginables , telles
que la fobriété , ( Monfieur, je bois à votre
fanté ), la difcrétion , & la fidélité . Le fait
eſt qu'il avoit beſoin d'un Domestique , &
il me prit à ſon ſervice : je ne vécus avec
lui que deux mois ; nous n'étions pas faits
pour nous convenir : j'aimois à manger copieuſement
, & lui me donnoit une trèsmaigre
pitance : j'aimois les jolies filles , &
Ja Servante de la maiſon étoit vieille , laide ,
&de mauvaiſe humeur. Comme je voyois
qu'ils vouloient me faire mourir de faim ,
je pris, moi, la pieuſe réfolution d'empêcher
ces bonnes gens de commettre un homicide
: dès lors je volai les oeufs aufli-tôt
qu'ils étoient pondus , je vidai les bouteilles
qui me tomboient ſous la patte ; tout ce
que je rencontrois d'un peu mangeable ,
difparoiffoit à l'inftant. Bref, ils trouvèrent
que je n'étois point du tout l'homme qu'il
leur falloit ;& un beau matin on me congédia
: je reçus trois ſchellings & demi pour
deux mois de gage .
>>Tandis que le Curé étoit à compter
l'argent qui me revenoit , j'étois occupé, de
mon côté , à faire les préparatifs de mon
départ : j'apperçus au fond de la baffe-cour
deux poules qui pondoient ; vîte je fus
m'emparer de leurs oeufs , & pour ne pas
ſéparer les mères d'avec leurs petits , je
DE FRANCE.
157
fourrai les poules auſſi dans mon havreſac.
» Après cette action de fidélité , j'allai
recevoir mon argent ; & le havreſac ſur le
dos , un bâton en main , je pris congé de
mon vieux bienfaiteur , les larmes aux yeux.
Je n'étois pas à quatre pas de la maiſon, que
j'entendis crier derrière moi : Arrête , arrête
.... au voleur ! Mais , loin d'arrêter , je
doublai le pas ; j'aurois été un franc fot de
ne pas continuer mon chemin , puiſque je
ſavois fort bien que cela ne pouvoit me regarder...
Mais à propos , il me ſemble que
tout le temps que nous venons de reſter là
chez le Curé , nous n'avons pas bu un ſeul
coup ; allons , dans cette faiſon il règne une
cruelle ſéchereſſe...... Je veux mourir , fi
jamais de ma vie j'ai paffé deux mois plus
fots que ceux-là. 4
» Après avoir cheminé quelques jours ,
je rencontrai une Troupe de Comédiens
ambulans ; auffi - tôt que je les apperçus ,
j'éprouvai un ſaiſiſſement de plaifir , un
mouvement de ſympathie qui m'entraînoit
vers eux : j'ai toujours été porté d'inclination
pour la vie vagabonde. Ces Meſſieurs
étoient occupés à raccommoder leur voiture
, qui avoit verſé dans un chemin étroit ;
je m'offris à leur aider , & l'on m'accueillit
avec honnêteté : dans le moment , nous
fîmes ſi bien connoiflance , qu'ils m'engagèrent
comme Domeſtique. Cette condition
étoit un véritable paradis pour moi ; ils
chantoient, danſoient, buvoient, mangeoient
1
1-58 MERCURE
& voyageoient tout à la fois. Palſambleu ,
il me ſembloit n'avoir pas vécu juſqu'à ce
jour ; je devins gai comme un pinçon , &
je riois à chaque parole que l'on proféroit.
J'eus le bonheur de leur plaire autant qu'ils
m'avoient plu : j'avois une bonne figure ,
comme vous voyez , & quoique pauvre , je
n'en étois pas plus modeſte pour cela.
ود Peut-on rien comparer à une vie ambulante
? tantôt chaud, tantôt froid; aujourd'hui
bien , demain mal ; mangeant quand
on en trouve l'occaſion ; buvant ( Monfieur,
il n'y a plus rien dans le pot ) quand il y a
de quoi.
2
>> Nous arrivâmes ce ſoir-là à Tenterdene;
nous louâmes au Lion d'or une grande
chambre,qui devoit nous fervir de théatre.
La Troupe vouloit jouer Romeo & Juliette,
avec la Proceffion funèbre , la Foffe , & la
Scène du Jardin : le rôle de Romeo devoit
être rempli par un Acteur du Théatre Royal
deDrurilane ; celui de Julietre par une Actrice
qui n'avoit encore paru fur aucun
Théatre ; & moi je devois moucher les
chandelles : chacun de nous , comme vous
voyez , parfait dans ſon genre. Nous avions
bien allez d'Acteurs , la difficulté étoit de
les habiller : l'habit de Romeo , avec un
petit paffe-poil , alloit auſſi à ſon ami Mercutio;
une large pièce de crêpe ſervoit à
la fois de jupon à Juliette & de drap mortuaire
; au défaut d'une cloche , on avoit
emprunté le mortier & le pilon de l'Apo
DE FRANCE.
159
thicaire du voiſinage ; enfin, pour compofer
le gros de la Proceflion , toute la famille de
l'Hôte avoit été affublée de linceuls blancs.
En un mot , il n'y eut que trois perſonnages
qui purent ſe vanter d'être bien coſtumés ;
je veux dire la Nourrice , le maigre Apothicaire
, & votre Serviteur. Nous jouâmes
tous nos rôles à la grande ſatisfaction du
Public , qui fut enchanté de nos talens.
>> Il y a une règle qui peut affurer à tout
Acteur forain un très-grand ſuccès ; c'eſt ,
pour m'exprimer en termes de l'Art , de
bien faire valoir ſon rôle : parler & geſticuler
, comme dans la converſation ordi
naire , ne s'appelle pas jouer ; ce n'eſt pas
non plus ce que vient voir le Spectateur :
un débit naturel eſt ſemblable à un vin délicat
, qui chatouille doucement le palais ,
&laiſſe à peine un léger déboire ; mais un
débit forcé eft comme du vinaigre qui gratte
&fait éprouver une longue ſenſation quand
on le boit. Pour plaire dans la Capitale ,
comme en Province , il faut beaucoup crier,
ſe démener comme un poffédé , tordre fes
bras , ſe battre les flancs , &faire des geſtes
violens , comme ſi l'on étoit attaqué de
convulfions : voilà , voilà le vrai moyen de
faire retentir la Salle d'applaudiſfemens ,
c'eſt le ſeul qui ſoit infaillible.
>> Notre début nous avoit fait une grande
réputation ; il étoit donc naturel que je
m'attribuaſſe une partie de l'honneur du
ſuccès , car je mouchois les chandelles ; &
1
160 MERCURE
!
1
vous me permettrez de vous obſerver que ,
fans un Moucheur de chandelles , le Spectacle
auroit été privé d'une grande partie
de ſon éclat. Nos ſuccès ſe ſoutinrent encore
l'eſpace de quinze jours ; nous faifions
d'affez bonnes recettes : tout alloit à merveille.
La veille du jour fixé pour notre
départ , nous nous étions propoſé de jouer
la meilleure Pièce du Répertoire , & d'y
déployer tous nos talens. Cette repréfentation
devoit nous rapporter un argent
énorme ; on comptoir là-deſſus comme ſur
une choſe sûre. Les prix des places avoient
été doublés , la Pièce annoncée avec emphaſe
, lorſque , ô comble de l'infortune !
l'un des Chefs d'emploi eſt attaqué d'une
fièvre violente , & menacé d'une mort prochaine:
ce fut un coup de foudre pour la
Troupe. On avoit réſolu d'aller en Corps tancer
le moribond de s'être laiffé ſurprendre fi
mal àpropos par une maladie qui devoit nous
être ſi funeſte : en habile politique , je ſaiſis
ce moment , & je m'offris de jouer à ſa
place. Le cas étoit preſſant ; il falloit remédier
à l'accident, & je fus accepté.
: » Aufſi-tôt je vais dans ma chambre , je
m'aſſeois à ma table , un pot de bière devant
moi ( Monfieur , je bois à votre ſanté ) , &
tenant la Pièce qu'on devoit répéter le lendemain
& jouer quelques jours après.
>> Je fus étonné de voir à quel point la
bière m'aidoit la mémoire. J'appris mon
rôle en moins de rien ; & dès-lors je pris
DE FRANCE. 161
!
congé pour toujours de l'état de Moucheur
de chandelles : je trouvai que la Nature
m'avoit deſtiné en naiſſant à des emplois
plus nobles , & je me laiſſai aller à fon
impulfion. Nous nous raſſemblâmes pour
la répétition : je commençai par faire part
à mes Camarades , qui n'étoient plus mes
Maîtres , de l'étonnante révolution qui s'étoit
opérée en moi. Ne vous inquiétez
plus , leur dis- je , de la guériſon du malade ;
je me flatte de remplir ſon rôle à la fatisfaction
de tout le monde , & même il peut
mourir ſi cela lui fait plaifir , je vous promets
que perſonne n'y trouvera à redire.
Je me mis donc à déclamer devant eux ; je
marchai à grands pas ; je fis un tapage du
diable, je geſticulai comme un forcené , &
l'on me trouva merveilleux .
» Auſſi - tôt la Troupe fit afficher qu'un
nouvel Acteur du premier mérite devoit
débuter le lendemain : on s'empreſſa de
louer toutes les loges , les places étoient
toutes retenues ; l'affluence fut prodigieuſe.
Cependant , avant de monter ſur les planches
, je fis réflexion que , puifque c'étoit
moi qui procurois une recette auffi confidérable
à la Troupe , il étoit juſte que j'euſſe
une bonne part au profit : Mrs. , dis - je en
m'adreſſant à notre Compagnie , je ne prétends
point vous faire la loi ; vous avez répandumon
nom dans les affiches d'une manière
trop flatteuſe, pour que j'aye l'idée de
vous traiter avec tant d'ingratitude ; mais
162 MERCURE
au point où en font les choſes, vous ne
pouvez guère vous paſſer de moi ; c'eſt
pourquoi , Meſſieurs , pour vous témoigner
toute ma reconnoiſſance , j'eſpère que vous
voudrez bien me donner part entière dans
votre recette ; autrement je ſuis bien votre
ſerviteur , je m'en tiendrai à mon premier
état , & je recommencerai à jouer de la
mouchette. La propofition leur parut dure ;
que faire ? il n'y avoit pas moyen de
s'y refuſer ; mes raiſons étoient preſſantes
&ſans réplique : il fallut confentir à tout ,
&les difficultés une fois levées , je parus
dans le rôle de Bajazet , ayant les fourcils
froncés , l'air fier , le regard terrible : un bas
arrangé fur ma tête me fervoit de turban ,
& d'énormes chaînes , priſes d'un tournebroche
, tenoient mes bras captifs , & retentiffoient
au loin. La Nature ſembloit
m'avoir créé pour ce rôle ; j'étois grand, &
j'avois la voix forte : mon entrée ſeule me
valut des battemens de main incroyables. Je
parcourus des yeux tout le théatre avec un
fourire de fatisfaction , & m'avançant fur
le bord de la ſcène , je fis une révérence
très-profonde & très-reſpectueuſe; car c'eſt
l'uſage parmi nous. Comme j'avois un rôle
à grands mouvemens , avant de commencer
, j'avalai trois bons verres d'eau-de-vie
( Monfieur , il n'y a preſque plus rien dans
le pot), pour foutenir mes forces : corbleu !
il eft incroyable avec quelle ſupériorité je
m'en acquittai. Tamerlan n'étoit qu'un petit
i
DE FRANCE.
163
-
garçon auprès de moi ; ce n'eſt pas qu'il
n'eût de rudes poumons auſſi , & que de
temps en temps il ne criât bien affez fort :
mais c'eſt que je criois autrement encore
que lui ; c'eſt que j'avois de plus une variété
de geftes , un phyſique , une voix ...... il
falloit me voir : pour l'ordinaire , mon bras
droit étoit placé ainſi ſur le haut de l'eſtomac;
les Acteurs de Drurilane ont auffi ce
maintien , & il eſt toujours d'un bon effet.
Nous pourrions mille fois couler à fond ce
pot de bière avant que je vous euffe fait
l'énumération de mes diverſes qualités ; en
un mot, je m'en tirai comme un prodige.
>> Tout ce qu'il y avoit d'un peu hupé
dans la ville , tant en hommes qu'en femmes
, vint me voir après la Pièce, pour me
faire compliment ſur le grand ſuccès que
j'avois eu : l'un faifoit l'éloge de ma voix ,
l'autre celui de mon phyſique : d'honneur
dit une jeune élégante, il deviendra un des
premiers Acteurs de l'Europe ; c'eſt moi qui
vous le dis , & je crois m'y connoître un
peu . La louange flatte notre amour-propre,
& nous la recevons d'abord avec reconnoiſſance
; mais lorſqu'elle nous eſt prodiguée,
nous ne la regardons plus que comme
un tribut payé à notre mérite , & que lui
ſeul eft capable d'attirer : au lieu de remercier
les perſonnes qui me donnoient
des éloges , j'avois un air triomphant , & je
m'applaudiffois au dedans de moi - même.
Onnous engagea à redonner la même Pièces
164
MERCURE
H
nous la jouâmes , & mon ſuccès fut encore
plus grand qu'à la première repréſentation.
>>A la fin , nous quittâmes la ville pour
nous rendre à une courſe de chevaux qui
ſe faiſoit à quelques lieues de là. Je ne me
rappellerai jamais de Tenterdene fans verfer
des larmes de reconnoiſſance : Ah ! Monſieur,
fi vous ſaviez quel tact, quelle fineſſe
de goût , quelle connoiflance du Théatre
l'on a dans ce pays ; non , jamais je n'ai vu
mieux juger des talens d'un Acteur. Allons ,
Monfieur , buvons un coup à la ſanté des
Melfieurs & des Dames de Tenterdene .
Je vous difois donc que nous quittâmes la
ville ; mais que j'en fortis bien différent de
ce que j'y étois entré ! Moucheur de chandelles
en y arrivant , j'en partois un Héros !
Ainſi va le monde ; aujourd'hui dans la
boue, &demain ſur un trône. Je pourrois
vous en dire bien davantage ſur les inégalités
de la fortune , & des choſes vraiment
fublimes ; mais cela pourroit nous donner
le ſpléen à tous deux, j'aime mieux n'en pas
parler.
>> Les courſes de chevaux étoient déjà
finies , lorſque nous arrivâmes à cette autre
ville ; ce qui ne laiſſa pas que d'être un
contre - temps fâcheux pour la Troupe.
Quoi qu'il en ſoit , nous étions toujours
réſolus de prendre tout ce que nous pourrions
faire d'argent. Je continuois à jouer
les premiers rôles , & je m'en acquittois
avecmon ſuccès ordinaire ; fincèrement je
DE FRANCE. 165
1
1
1
penſe que je ſerois devenu un des premiers
Acteurs de l'Europe , ſi mes talens naiſſans
euſſent été encouragés : malheureuſement
j'eifuyai un revers terrible , qui me replongea
dans ma première obſcurité. Je
jouois Sir Harry Wildair ; j'avois enchanté
toutes les femmes de province. Si je ſortois
ſeulement ma tabatière de ma poche , on
applaudiffoit à tout rompre ; & lorſque je
faifois marcher Martin - bâton , on étouffoit
de rire,
» Dans cet endroit ſe trouvoit alors une
femme qui avoit fait un ſéjour de neuf
mois a Londres : d'après cela , elle avoit de
grandes prétentions au bon goût ; c'étoir
elle qui donnoit le ton par-tout; on la confultoit
comme un Oracle , & ſes déciſions
étoient fans appel. Elle avoit beaucoup entendu
parler de mon talent ; tout le monde
me pronoit ; cependant elle avoit conſtamment
refuſé d'aller me voir jouer. Elle ne
pouvoit attendre , diſoit-elle , rien que de
bien médiocre d'un Acteur de province;
puis elle lâchoit quelques mots à la louange
de Garrick d'un air empeſé , & étonnoit
toutes les fenames par ſa facilité à s'énoncer,
par ſes manières , par ſes graces. Cependant
elle fut tant tourmentée , qu'elle conſentit
à la fin à venir au Spectacle : on me fit ſavoir
que la première fois que je jouerois , j'aurois
parmi mes ſpectateurs un Juge ſévère ; mais
inoi, fort peu intimidé par la préſence de
la Dame , je parus auſſi tranquille qu'à mon
166 MERCURE
ordinaire dans le rôle de Sir Harry , une
main dans la poche de ma culotte , & l'autre
paffée dans ma veſte , comme font les
Acteurs à Drurilane. Je m'apperçus cependant
que le Public , au lieu de me regarder,
étoit tourné vers la Dame qui avoit
paffé neuf mois à Londres. On attendoit
d'elle l'arrêt qui devoit me mettre en main
le fceptre de Thalie , ou me reléguer dans
la claſſe des plus vils Bateleurs. J'ouvris ma
boîte , je pris du tabac; la Dame garda fon
férieux, & le Public fit de même : je caffai
ma canne fur le dos de l'Alderman Smugler;
toujours un ſérieux à glacer : la Dame
fit un geſte de pitié & hauſſa les épaules.
J'eſſayai , en riant moi-même , de faire au
moins fourire ; mais , le D..... m'emporte ,
s'il y eut un muſcle dans l'Aſſemblée qui
ſympathisat avec les miens. Je vis que les
choſes n'alloient pas bien ; toute ma gaîté
dès lors devint forcée , mon rire n'étoit plus
qu'une grimace ; & tandis que je voulois
paroître gai , mes yeux déceloient la trifteffedemoname.
Bref, la Dame étoit venue
avec l'intention d'être mécontente , & elle
le fut. Toute ma célébrité s'évanouit : je
ſuis ici, &...... (le pot de bière n'eſt déjà
plus) .
(ParM. le Prince Baris de Galitzin, )
DE FRANCE. 167
Explication de la Charade , de l'énigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
L
1.
E mot de la Charade eſt Potage ; celui
de l'énigme eſt les Chenets; celui du Logogriphe
eſt Mai ( le mois de), où l'on trouve Ami.
CHARADE.
CONSULTEZ votre Cuisinier ;
Il vous dira que mon premier
Lui fournit volaille & gibier ,
Qu'il habille de mon dernier.
Jadis inſtrument meurtrier ,
Mon tout armoit plus d'un Guerrier.
(Par M. Laurent de Charleville. )
ÉNIGME.
J'AI quatre pieds , deux bras , la taille contrefaite
Par-tout je ſers utilement ;
Tantôt paré ſuperbement ,
Quelquefois nu comme un ſquelette,
Dans mes bras j'invite au repos :
Mais voyez un peu l'injustice ,
)
P
1
168 MERCURE
Tous ceux à qui je rends ſervice
A l'instant me tournent le dos.
Où trouver donc de la reconnoiſſance !
Même avec les Savans j'éprouve un fort pareil;
Je ſuis pourtant chez eux le prix de la ſcience ,
Et l'on ne m'obtient point ſans un grand appareil.
Pour ſavoir qui je ſuis en faut-il davantage ?
Tu dois me connoître à ce trait .
Auprès du Roi , Lecteur , jamais aucun Sujet
De moi ne ſçauroit faire uſage.
(Par M. Sebire de Beauchefne , Officier
deMarine.)
LOGOGRIPHE.
HUIT pieds font tout mon être ,
Par la moitié je ſuis porté.
La coquette Beauté ,
L'arrogant Petit - Maître ,
Ghez moi viennent ſouvent étaler leurs appas ,
Ou bien pour prendre leurs ébats.
Je brille en toute Académie ;
Magiftrat , Financier , & tout homme important ,
En parfaite ſanté , pendant la maladie ,
Me fréquentent également.
Mais
DE FRANCE.
169
Mais le Ruftre , qui fuit les agrémens factices ,
Fait peu de cas de mes ſervices.
Je puis t'offrir deux élémens qu'en vain
Tu voudrois accorder ; une liqueur amère ,
Qu'on prend au figuré pour ſigne de colère ;
Une interjection qui marque le dédain ;
Cet aliment qu'à ron enfance
Adû donner ta mère ; une Iſle de la France ;'
L'eſpace occupé par un corps ;
Ce qui dans l'honnête homme excite le remords ;
Certain individu jaloux de fa parure ;
Une refſource ordinaire au poltron ;
Un arbre que jamais la plus rude ſaiſon
Ne dépouilla de ſa verdure ;
Deux pronoms maſculins, deux notes de Plein-chant,
Un lieu que tu verras ce ſoir , j'en ſuis garant.
(Par Mlle. Gavinet , épouse de M. Maret,
Avocat à Lyon. )
Nº. 43. 27 Octobre 1787. H
179
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE de M. SERRAO , premier Médecin
du Roi de Naples , &c,
ÉLOGE de M. SCHÉELE, de l'Académie des
Sciences de Stockholm , & c .
ÉLOGE de M. WATELET , de l'Académie
Françoise , & c. & c. Prononcés à la SociétéRoyale
de Médecine, par M. VICQ
D'AZYR.
Ces Éloges font partie d'une Collection
d'Ouvrages pareils , que le même Ecrivain
publie depuis dix ans.
د
Toujours des Eloges , diront des perſonnes
qui , intérêt particulier ou non
ne permettent plus qu'on loue le mérite
quoiqu'elles confentent affez facilement
qu'on l'infulte & le dénigre. Changeons
les mots, puiſque leur répétition y attache
l'ennui de la monotonie. Diſons que ce
genre d'Ouvrages eſt devenu une Hiſtoire
des Sciences , & une appréciation des Savans ,
Et certes , un tel travail vaut bien que les
hommes qui en font dignes , y raſſemblent
DE FRANCE . 172
toutes les forces de leurs talens , & que
le Public l'accueille avec l'intérêt d'une
grande inſtruction , & l'attrait d'une curiofité
utile.
Il n'en eſt pas des Eloges des Savans ,
comme de ceux des Littératuers. Ces derniers
appartiennent , pour ainſi dire , à la
multitude qui peut les entendre , & , jufqu'à
un certain point , les juger. Le mérite
des Savans ſe renferme dans une ſcience
qu'ils cultivent ſouvent au milieu de l'indifférence
publique , ſcience qui ajoute à
la gloire de l'eſprit humain , à l'amélioration
de la ſociété , ſans que la plupart de
ceux qui jouiffent de ſes bienfaits , ſachent
ni les admirer , ni les bénir. L'inſtitution des
Eloges dans nos Académies , répare un peu
cette injuftice & ce malheur. Ils nous
expliquent les progrès de chaque ſcience ,
& nous avertiſſent de la meſure de reconnoiſſance
que nous devons au génie de
chaque Savant. Ce n'eſt pas tout. Ces Savans
qui obfervent ſans ceſſe la Nature , pour
lui arracher ſes voiles , & la féconder par
leurs combinaiſons , vivent plus près d'elle.
Ils exiſtent dans la ſociété , d'une manière
qui eſt à eux. L'originalité de leurs carac
tères & de leurs moeurs enrichit la morale ,
comme leur génie étend la phyſique. C'eſt
en eux qu'on apperçoit mieux , & cette
deſtination impérieuſe qui nous appelle &
nous retient dans les occupations qui nous
ſont propres , & la fimplicité primitive de
Hij
172 MERCURE
:
:
Thomme affranchi des chaînes d'une vie
artificielle , & l'analogie naturelle de cerraines
moeurs avec certains travaux , & le
contraſte - piquant des fingu arités de la
Nature , avec la bizarretie de nos conventions
ſociales, Trois hommes d'un grand
mérite ſe ſont particulièrement voués à
cette fonction , Fontenelle , M. le Marquis
de Condorcet , & M. Vicq- d'Azyr. Bien des
Ouvrages loués & célébrés périront ; les
leurs ſe perpétueront avec les Sciences
qu'ils ont éclairées & rapprochées de l'ignorance.
Mais il ne fuffit pas de faire l'éloge des
Savans , & de tracer les progrès fucceflifs
&corrélatifs des Sciences, pour faire un
Ouvrage deſtiné à cette longue & univerſelle
attention. Il faut s'élever à la ſupériorité
de lumières & d'eſprit que cette
fonction exige. La facilité des études s'eſt
étonnamment accrue par l'abondance des
fecours & la perfection des méthodes. Mais
on devra toujours diftinguer comme des
hommes fort rares , ceux qui ſe trouvent
en état de faire marcher de front toutes
les Sciences , d'en être les dépoſitaires auprès
des Savans , les interprètes devant le Public,
& qui joignent encore à cette étendue de
connoiffances , ce talent philoſophique avec
lequel on marque l'influence des Sciences
fur le cours des Sociétés , ces apperçus
profonds ou fins , néceſſaires pour apprécier
des homines ſouventtrès-particuliers & très
DE FRANCE. 173
divers , & cette éloquence noble & fimple ,
fans laquelle on ne peut ni préſenter dignement
les grandes découvertes & les grandes
inventions , ni leur obtenir toute l'admiration
& la reconnoiffance qu'elles méritent.
Tous les honneurs littéraires ſont bien dus
à de tels talens. Le mérite de bien écrire
s'ennoblit de la dignité des objets auxquels
il s'applique.
Le premier eſt celui de M. Serrao, premier
Médecin du Roi de Naples , premier
Profeſſeur de Médecine-pratique , Doyen
de la Faculté , & ancien Secrétaire Perpétuel
de l'Académie des Sciences de la même
ville , Affocić Etranger de la Société Royale.
Il paroît par l'Eloge de M. Vicq-d'Azyr ,
que M. Serrao fut plutôt un bon Médecin
qu'un grandHomme, qu'il ſervit les Sciences
par fon courage contre les préjugés , plutôt
que par les découvertes. Il contribua beaucoup
à faire tomber dans les Ecoles d'Italie ,
la Philofophie Scholaſtique & le Carthéfianiſme
; ce ne ſont pas là de médiocres
ſervices , & ces ſervices ne peuvent appar
tenir qu'aux eſprits ſupérieurs à leur fiècle
finon par le génie , du moins par la perfection
de leur raiſon. La partie de ſes
travaux qui honorera le plus ſa mémoire ,
eſt la deftruction d'une de ces erreurs , que
le charlataniſme établit dans un moment ,
& que la vraie ſcience a long - temps à
combattre.
Ce morceau eft long ; mais ilpréſente un
Hiij
474 MERCURE
fait curieux , & tracé avec une philofophie
qui en rendra les détails auffi inſtructifs
que piquans.
>>De l'abus que l'on a fait de la Religion ,
de la Médecine & de l'Aftronomie, ont refulté
trois grandes ſources de maux, le fanatiſme
, le charlataniſme , & la ſuperftition.
Le moyen le plus efficace que l'on puiſſe
oppofer à ces égaremens de l'eſprit , c'eſt
d'en faire connoître l'origine , les caufes&
les dangers , en les dénonçant au Tribunal
de la raifon. Telle a été la conduite de.M.
Serrao , lorſqu'il a publié fur les accidens
mal à propos attribués à la morſure de la
Tarentule , des recherches où eft conſignée
P'hiſtoire d'une des plus fingulières erreurs
qui ayent fubjugué non ſeulement le peuple,
mais les Savans eux- mêmes ". Je demande
la permiffion d'entrer ici dans quelque
détail ſur ce genre de preſtige qui conſerve
encore des partiſans dans les pays où l'Ouvrage
de M. Serrao n'eſt point connu.
On donne le nom de Tarentule à une
des plus groffes araignées d'Europe , qui ſe
trouve dans la partie méridionale de la
Provence, en Sardaigne , en Sicile , dans
le Royaume de Naples , & fur-tout dans
la Pouille , près de la ville de Tarente.
Cette araignée ſe creuſe dans la terre un
trou perpendiculaire & cylindrique , dont
elle tapiſſe les parois de quelques fils. Ses
tenailles font très-groffes , & terminées par
des pointes très-fortes. Dans le mois de
DÉ FRANCE. 17
Juillet , le mâle clierche la femelle : c'eſt
alors fur-tout que l'on rencontre ces infectes ,
& qu'ils font le plus diſpoſés à mordre
mais ils ne font pas bien à redouter , leurs
morſures produifant tout au plus quelques
taches éryfipélareuſes,& des crampes légères .
Voilà le vrai ; on a exagéré , & l'on a dit :
La bouche de la Tarentule eſt armée de
douze crochets , toujours agités & toujours
menaçans ; fon poiſon détruit le ſentiment
& la vie ; la Mulique & la Danfe peuvent
ſeules prévenir des ſuites auffi facheuſes.
Quelquefois , a - t- on ajouté , le mal ſe
reproduit après la révolution d'une année.
On a recours alors au même remède , avec
le même fuccès ; & rien de ce qui ſe paffe
dans le paroxiſme ne refte préfent à la
mémoire du bleffé.
Une circonftance incroyable , mais que
perfonne n'ofoit révoquer en doute , étoit
que le venin de la Tarentule produifoit
dans ceux qu'elle avoit mordus , une répugnance
invincible pour les couleurs noires
& blenes , & qu'il leur donnoit un penchant
décidé pour le blanc , le rouge & le
vert. Un Docteur qui avoit obſervé ces
infectes de plus près, diſoit-il , qu'on n'avoit
fait avant lui , prétendit s'être aſſuré qu'ils
aimoient beaucoup la Muſique , & il s'empreſſa
de publier cette découverte. On alla
plus loin encore ; un autre écrivit qu'il
avoit furpris des Tarentules danſant en
meſure comme les malades eux-nrêmes , art
Hiy
176 MERCURE
fon des inftrumens ; & ces fables trouvèrent
des protecteurs. On l'avoit vu , diſoit- on ,
il falloit bien le croire.
Ceque le Peuple racontoit , les Phyſiciens
- s'efforçoient de l'expliquer. Suivant Mead ,
le premier effet du venin ſe portoit ſur le
fang. Suivant Geoffroi , il agiffoit fur les
nerfs ; ainſi l'aveuglement étoit général , &
la maladie que l'on appela Tarentiſme
trouva place dans les Traités de Médecine.
>>Mais d'après les recherches de M.
Serrao , nul Auteur n'en a fait mention
avant le quinzième ſiècle de notre Ere. Il
n'en exiſte pas la moindre trace dans les
Ouvrages de Strabon , de Pomponius-Mela ,
deTite- Live , de Florus, de Trogus-Pompée ,
deTacite. Comment Pline & Varron, qui ont
écrit ſur les diverſes productions , &vanté
les ſites de ces campagnes , auroient-ils gardé
le filence fur les Tarentules , ſi on les avoit
redoutées alors ? & fur-tout commentHorace,
qui parcourut cette Province avec Mécènes ,
pendant une des négociations d'Antoine &
d'Octave , auroit-il pu dire d'une terre
jonchée d'inſectes venimeux :
>>Je me retirerai dans ce pays que le
Galèze arrofe de fes eaux limpides , où les
troupeaux font couverts de riches toiſons ,
où coule un miel délicieu. Ceft là, men
cher Septimius , où tu pleureras fur la condre
de ton ami ".
>>O>n conçoit bien que le génie& les.
moeurs des Tarentins ont dû éprouver de
DE FRANCE.
grandes variations , & que les Habitans de
ces contrées n'ont rien de commun , ni
avec les Lacédémoniens qu'y conduifit Phalante
, ni avec ces ſages & heureux contemporains
de Pythagore & d'Architas ,
ni avec ces hommes efféminés , que Tire-
Livre a peints célébrant les fêtes dePlurus,
mais les infectes de ces climats n'ont pas
dû changer , & s'ils n'étoient pas venie
meux alors , comment le ſeroient - ils aujourd'hui
?
» A ces témoignages tirés de l'Hiſtoire ,
j'ajouterai les faits fuivans , que M. Serrao
nous a tranfmis. Déjà le Docteur Epiphane
Fernandi , Médecin habile , avoit affure que
la morſure de la Tarentule n'étoit point
mortelle , & qu'il avoit vu pluſicurs perſonnes
y furvivre , ſans le fecours de la
Danfe & de la Muſique ; mais l'impulfion
étoit donnée , & l'on aimoit mieux s'en
rapporter aux écrits du célèbre Baglivi
partiſan zélé de cette erreur , qu'aux obſervations
fimples & vraies d'un Médecin peu
connu.
>>Heureuſement , une diſpute des plus
vives s'étant élevée à ce ſujet , entre les
Docteurs Sangineti & Claritio , celui - ci
provoqua fon adverfaire à une expérience
publique. Il ne craignit point de le faire
mordre par des Tarentules dans la faifors
des plus grandes chaleurs ; il ne s'en ſuivir
aucun accident facheux , & le courage d'ur
feul homme triompha d'un préjugé de trous
fiècles. Hv
178 MERCURE
» M. Serrao multiplia ſes eſſais ; il les
publia dans un Ouvrage italien , écrit avec
élégance ; on le lut , & on ſe détrompa. Il
y a donné la deſcription exacte des ſpaſmes
violens , des convulfions & de l'angoiſſe
qu'éprouvoient les malheureux dont l'eſprit
étoit agité par la crainte de la mort. Ily a
dévoilé l'art trompeur des Hiftrions , qui
fimuloient ces déſordres , pour offrir à volonté
le ſpectacle du Tarentiſme aux
voyageurs . On y trouve une image fidèle
des fourberies renouvelées tant de fois
& dont le ſouvenir eſt encore ſi récent
parmi nous ; on y apprend à ſe défier des
grands noms trop fouvent attachés à de
petites choſes; on y voit l'impoſture & la
crédulité préparer leur ruine par la rapidité
même de leurs progrès : l'imagination s'y
montre avec tout ſon empire ; d'autant
plus àcraindre qu'elle commande lorſqu'elle
paroît obéir , fa force ſe compoſe de notre
foibleſſe , & c'eſt fur-tout en trompant les
yeux , qu'elle fait égarer la raiſon s.
-de
Cette longue citation nous prive du plaiſir
rapporter un grand nombre de morceaux
bien penſés & bien écrits , qu'il eût peutêtre
fallu préférer ici , pour donner au
talent de l'Ecrivain tout ſon éclat. Mais
dans de tels ſujets , le plus grand intérêt
eſt pour les choſes utiles à connoître & à
obſerver..
L'Eloge de M. Scheele eſt d'un caractère
différent;, le ſtyle de l'Auteur change avec
!
DE FRANCE. 179
les ſujets. Il ne s'arrête plus ſur des détails ,
pour y découvrir le mérite d'un homme
qui ne fut pas d'un ordre éminent. Il procède
à grands traits , il offre des maſſes
impoſantes ; tout ſe lie plus intimement
dans ſon difcours , tout y reffent l'impreſfion
du génie d'un grand homme qui a
agi ſur l'ame d'un grand Ecrivain. La
ſenſibilité , l'imagination , la penſée , ſe
mêlent dans ſes tableaux , & y dominent
chacune à leur place. Il nous ſemble que
jamais le talent de M. Vicq- d'Azyr n'a réuni
plus de force & de goût , & que cet Eloge
peut être placé parini les plus beaux Ouvrages
de ce genre.
On en jugera par les morceaux que nous
allons citer.
د
Auparavant il faut donner une idée
rapide de l'homme rare & fingulier que
l'Auteur avoit à louer.
Schéele eft connu maintenant pour un
des premiers Chimiſtes de l'Europe. Ses
travaux font immenfes , & preſque tous
l'ont conduit aux découvertes les plus brillantes&
les plus précieuſes. Il faut en voir
le tableau dans l'analyſe riche & facile qu'en
a faite M. Vicq-d'Azyr. Son nom , longtemps
ignoré , fera l'honneur de l'Académie
d'Upfal & de la Suède , comme ceux des
Linnée & des Bergman. Quel fut fur
cet homme qui a imprimé ſes traces dans
toutes les parties de ſa ſcience ? Il avoit
commencé par être un Garçon Apothi
180 MERCURE
7
caire , & il ne fut jamais autre choſe. Il
vécut dans la pauvreté & la fimplicité de
cet état. Il lui fallut un art prodigieux , &
une application non moins extraordinaire ,
pour ſe paſſer tout à la fois de livres &
d'inftrumens. Il poffeda les vertus de la
pauvreté , comme il fut en vaincre les
malheurs. Il épouſa la veuve d'un Apothicaire
, pour ſe procurer les inftrumens de
fon art; ſon premier mari ne lui avoit
laiſſé que des dettes , il redoubla de travail
& de patience , pour tout acquitter ; il y
parvint. La partie morale de cet Eloge s'y
joint fans ceffe à la partie ſcientifique , &
-y répand un intérêt qui rend l'admiration
plus douce& plus vive. L'ame de l'Orateur
s'en eft fingulièrement pénétrée , & il communique
toutes ſes émotions. C'eſt ce qu'on
va éprouver , en l'écoutant lui-même.
Voici comment il peint la première entrevue
de Schéele , pauvre, jeune , & s'ignorant
lui-même , avec Bergman , qui étoit
déjà à la tête des Chimiſtes de l'Europe.
>>Vous devriez vous préſenter à M. Bergman
, lui diſoit-on fans ceſſe ; mais M.
Schéele craignoit cette entrevue , au moins
autant qu'il la défiroit , & il n'ofeit s'y
déterminer. Il redoutoit le coup d'oeil d'un
grand maître qui devoit , d'un ſeul regard,
juftifier ou aneantir ſes eſpérances. C'étoit
cependant ce jugement dont il avoit beſoin,
&qu'il étoit venu chercher à Upfal. Pendant
qu'il délibère, & que pour la première
DE FRANCE. 181
fois peut- être , l'inquiétude de l'amour-propre
lui fait éprouver quelque tourment, Ferr
gman apprend ſon embarras ; il court à lui.
Quelle ſurpriſe ! Schecle , les yeux bailles ,
&dans la contenance d'un homme qui
demanderoit une grace , lui montre , quoi ?
non quelques ſels ſurajoutés à la lifte de
ceux que l'on connoît déjà ; mais des terres ,
des acides , des régules nouveaux ; mais
les principes d'un grand nombre d'affi
nités complexes ; mais les élémens d'une
nouvelle théorie de l'air & du feu : il
tremble; il ne fait pas encore s'il ne s'eſt
point égaré. Bergman , muer d'étonnement,
ne comprend pas comment tant de découvertes
peuvent être l'ouvrage d'un jeune
homme inconnu. Quelle ſcène fut jamais
plus dramarique & plus touchante ? Après
quelques momens de filence Bergman
faiſit Schéele avec tranſport. Ce ne fontpas
des applaudiſſemens qu'il lui donne ; ce font
des reſpects qu'il lui rend ; c'eſt le génie
qui apprend au génie à s'eſtimer ce qu'il
vaut , qui lui révèle le ſecret de ſa deftinée
; c'eſt un Elève obſcur qu'il place au
rangdes grands Homines. Qu'ils apprennent,
à cette vue , ceux qui font à l'entrée de la
carrière , combien eſt puiſſante la véritable
paffion de la gloire , qui reçoit & donne
de ſemblables récompenfes «.
,
Voyez enfuite comment cet homme ſi
fimple ſent la reconnoiffance & exprime
l'admiration !
J
182 MERCURE
1
" Cette aſſociation intime de MM. Bergman
& Schéele, qui s'eſt étendue juſqu'aux
fautes qu'ils ont commiſes , cette union de
penſées& de travaux , ne les ont pas mis
à couvert des traits de l'envie. On a reproché
à l'un de s'être emparé des découvertes
de l'autre. Que la calomnie écoute ,
ſi cependant elle fait écouter , M. Schéele
lui – même annonçant dans le Journal
Allemand de M. Crell , la mort de fon
illuftre Compatriote.
>>La Chimie , dit - il , a perdu tout ce
qu'elle peut perdre dans un ſeul homme;
il n'eſt plus ce Profeſſeur , le premier de
tous ceux que l'on a connus juſqu'à ce jour,
& dont la bonté faifoit diſparoître entre
nous tout intervalle de connoiffances & ?
d'âge : que ne puis je lui élever un monument
durable ! Son ſouvenir au moins me
fera toujours préſent , & j'écrirai l'hiſtoire
de ſa vie ; car je veux que l'on fache qu'il
fut mon ami. Il ne l'a point écrite cette
hiſtoire, continue M. Vicq- d'Azyr ; c'eſt moi
qui l'ai tracéc , & lui - même n'eſt plus.
Leurs noms réunis à jamais , recevront les
mêmes hommages , & s'ils ont mérité quelques
reproches, ils les partageront encore ;
c'eſt le triomphe de l'amitié".
Il est bon d'obſerver que ces lignes de
Schéele, font d'un fublime, d'un pathétique,
qu'on ne retrouve preſque plus que dans
les Anciens. Quel charme de bonté , & quel
tendre mouvement de l'amedans cesdernières
DE FRANCE. 183
paroles : Etj'écrirai ſon histoire , carje veux
qu'onfache qu'il fut mon ami ! On croiroit
entendre Fénélon , & c'eſt un Pharmacien
qui parle ! Il eſt juſte auffi de remarquer
que le mouvement avec lequel l'Orateur
reprend ſon récit, eſt d'une beauté qui participe
de ce genre d'éloquence , fans contredit
le premier de tous : il ne l'а раз
écrite cette histoire , c'est moi qui l'ai tracée,
& lui-même n'est plus. Ce fouvenir , que la
circonftance réveille dans ſon ame
duira naturellement ſes Lecteurs à relire le
bel Eloge qu'il a déja conſacré , il y a deux
ans , à la mémoire de Bergman , & à le
faire mieux goûter .
con-
Il n'eſt pas moins intéreſſant de voir
Schéele dans ſes travaux , & dans l'appréciation
qu'en fait ſon Panegyriſte. Nous ſommes
malheureuſement obligés de mettre des
bornes à cet extrait.
» De fix cents livres qu'il gagnoit par
année , il en conſacroit cinq cents à ſes
recherches ; & ce fut avec ce foible ſecours
qu'il alluma tant de fois le feu de ſes fourneaux
, & qu'il opéra tant de prodiges.
Comme à l'aide d'un ſavoir profond , &
d'un coup d'oeil fûr , il ne tentoit qu'un
perit nombre d'effais pour arriver à chaque
réſultat , il procédoit à chaque eſſai de la
manière la plus ſimple , qui eſt preſque
toujours auffi la moins diſpendieuſe ; de
forte que l'eſprit d'ordre & celui d'économie
ſe confondoient & n'en formoient
184 MERCURE
qu'un ſeul en lui. L'expérience qu'il préféroit
, pouvoit toujours décider pluſieurs
queſtions , & fervir à pluſieurs ufages. Son
travail ne fut jamais fans ſalaire , parce
qu'il n'opéra jamais fans detlen; il eût peutêtre
moins fait avec plus de fortune , parce-
'qu'en prodiguant les dépenſes , il auroir plus
attendu du hafard , & moins obtenu de fon
talent.
>>> Pour fon temps , il n'étoit point à lui ;
il appartenoit au Maître chez lequel il
demeuroir , & M. Schéele étoit incapable de
manquer à ſes engagemens ; mais fon génie
n'étoit à perſonne , & fon activité le menoit
à tout. A côté de l'appareil néceffaire
pour l'opération pharmaceutique qu'il dirigeoit
, il en plaçoit un autre , qu'il conduiſoit
en même temps , & qui ſervoit à ſes
recherches. Quelquefois le même feu , dirigé
avec intelligence , les animoit tous
deux. D'une part, fidèle à ſon devoir , il
exécutoit des procédés grofliers , & , pour
ainſi dire, mécaniques ; de l'autre , entraîné
par ſon penchant , il analyſoit les corps les
plus réfractaires , & il s'élevoit aux plus
hautes conceptions. Ici , ſeulement Imitateur
ou Artifan ; là , grand Obfervateur ,
Inventeur même , & par- tout exact & rigoureux
; il donnoit le même temps &le
même ſoin à la potion qu'il préparoit pour
un malade , & à la découverte qui devoit
l'immortaliſer. Mélange ſublime de bonheur
& d'infortune , de grandeur & de ſimpli
DE FRANCE. 185
cité, de ſavoir & de modeſtie ! Qui pourroit
dire s'il falloit plaindre ou envier fon
fort«?
Je ne puis me refuſer à rapporter encore
le parallèle de Bergman & de Schéele. Ilme
ſemble qu'il foutiendroit la comparaiſon
avec pluſieurs morceaux de Fontenelle , qui
excelloit fur-tout dans ces morceaux .
>>Nos regrets s'accroîtront encore, finous
comparons leurs diverſes qualités entre elles.
L'un , formé par l'étude des Sciences exactes
, & févère dans le choix des preuves ,
appliqua le calcul aux détails , & traita les
grands ſujets avec autant de méthode que
d'élévation ; l'autre , abandonné aux ſeules
impulfions de la Nature , entraîna par la
conviction des faits qu'il accumula ſans défordre
, & qu'il rapprocha ſans les enchaîner
: le premier vous conduit à la vérité par
la voie de la démonftration , & vous la découvrez
avec lui; avec le ſecond , c'eſt elle
qui ſe montre à vous , & qui ſemble vous
chercher. M. Bergman vivant au ſein d'une
Académie célèbre , entouré de Diſciples ,
&toujours en commerce avec les Savans ,
avoit acquis certe étendue de connoiffances
&cette fûreré de goût que donnent une
Société choiſie &des relations nombreuſes :
M. Schéele travaillant feul , dominé par la
vigueur , j'ai preſque dit par la rudeſſe de
fon talent , n'avoit point appris à ſe défier.
de ſes propres forces, qui le portèrent fouvent
au delà du but. M. Bergman étoit
186 MERCURE
peut-être plus loin de l'erreur, & M. Schéele
plus près des vérités nouvelles. Diviſés , ils
auroient peut-être eu chacun quelque fouhait
à former ; réunis , ils poffédoient tout,
génie , ſavoir , méthode, élégance, & clarté.
Que n'en ont-ils joui plus long-temps « !
Il ne nous eſt plus poſſible de nous arrêter
ſur l'Eloge de M. Warelet, qui termine
ce Recueil. On ſera étonné de trouver cer
Eloge avec ceux dont nous venons de parler
; auſſi l'Auteur commence-t- il par expliquer
cette fingularité. Cet Eloge a été trèsbien
apprécié dans un autre Journal , où
l'on en a détaché avec goût pluſieurs morceaux
qui prouvent que M. Vicq-d'Azyr eſt
propre à louer tous les genres de talens.
Nous oferons exprimer ici une autre forte
de regrets , celui de ne pouvoir mêler aux
juſtes louanges de M. Vicq-d'Azyr, nos fentimens
particuliers pour un homme dont
nous avons éprouvé les bontés , comme les
✓qualités aimables , que ſes talens & fon
goût rendoient précieux aux Arts & aux
Lettres , & qui a été un modèle de l'honnêteté
& de l'urbanité qui devroient toujours
diftinguer ceux dont elles font la
gloire & le bonheur.
(CetArticle est de M. de la Cretelle. )
DE FRANCE. 187
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
د
LE Mardi 16 de ce mois on a repris
l'Opéra de Pénélope avec des changemens.
M. Marmontel , éclairé par les conſeils du
Public , ou plutôt par l'effet theatral , qui
lui a fait voir , comme à tout le monde , quelques
vices de conſtruction qui s'oppoſoient
àl'intérêt général, eſt revenu ſur ſon premier
- plan , d'une manière très heureuſe. Il a fenti
que les Rois , amans de Pénélope , raffemblés
autour d'une table , & fe livrant à la
joie d'un feſtin , n'offroient pas une idée
très-noble ; & il a fupprimé ce banquet.C'eſt
un Divertiſſement chanté & danſé qui le
remplace aujourd'hui.
Dans la première édition , Télémaque
étoit menacé , pendant tout le premier Acte ,
d'être la victime d'un complot formé par
les pourſuivans;& ce complot ne s'effectuoit
pas, quoique ni lui ni ſa mère ne cherchafſent
à le détourner par aucune précaution.
On ſe plaignoit auſſi de ce que ce jeune
Prince , en âge de porter les armes , ne
faifoit aucun effort pour délivrer fon pays
de l'oppreffion. Ces défauts ont diſparu au
moyen d'une idée très-dramatique . Au lieu
de la Scène de Laërte qui ralentiffoit & re
188 MERCURE
froidiſſoit l'action , la Reine ouvre le ſecond
Acte en venant confier ſon fils aux Pasteurs
qui habitent l'un des rivages de ſon Iſle.
Télémaque les invite à prendre les armes ,
&le ferment qu'ils lui font de le défendre ,
de lui obéir , de le ſuivre partout , produit
une ſcène remplie , pour les paroles & pour
la muſique , de chaleur &de mouvement.
Peut être ſeroit-il à déſirer que l'on fupprimât
, ou que l'on raccourcît au moins de
beaucoup , l'air que chante Pénélope . C'eſt
Télémaque , & non pas elle , qui anime la
ſcène en ce moment : & ce qui ſemble juftifier
l'inutilité de ce morceau , c'eſt que le
Muficien , moins excité ſans doute par la
fituation , paroît n'y avoir pas mis autant
d'intérêt que dans les autres.
M. Marmontel a quifi changé le dénouement.
Il n'y a plus de pompe funèbre: Ulyffe
demande des armes à fon fils ,& des qu'il
les a, il ſe découvre à Pénélope , & tombe
furles pourſuivans dont il revient vainqueur.
Minerve , environnée des Arts , deſcend ,
&lui annonce la gloire d'Ithaque. Un grand
Ballet termine cet Opéra.
On trouve encore trop prolongée la belle
ſcène entre Ulyſſe & Pénélope , où ce Prince
met à une douloureuſe épreuve tous les ſentimens
de cette tendre épouse. Il nous ſemble
qu'il feroit très facile d'y remédier.
Télémaque eſt inutile ſur la ſcène : s'il y eſt ,
les armes qu'Ulyffe attend font prêtes , il
n'a donc plus d'intérêt à gagner du temps.
DEFRANCE
. 189
Si, au contraire, il attendoit Télémaque, &
avec lui le ſecours qui lui eſt néceſſaire ; fi
cejeune Prince n'arrivoit que vers la fin de
la ſcène, Ulyffe , certain de ce ſeul moment
qu'il ſera ſecondé , pourroit alors ſe faire
connoître , & fon retard feroit motivé. Au
reſte nous préſentons cette idée avec la défiance
qui nous convient. M. Marmontel a
donné trop de preuves du goût le plus fûr,
pour avoir beſoin des confeils de perſonne.
La muſique nouvelle ajoutée à cet Quvrage
, eſt digne du talent de ſon célèbre
Compofiteur , M. Piccinni. On a ſurtout applaudi
le Choeur du Serment , chanté par
les Bergers , & un air d'Ulyffe au ze. Acte .
Madame Saint-Huberty a rendu le rôle
de Pénélope avec cette perfection inouie
qu'on ne ſe laſſe point d'admirer , quoiqu'elle
nous en faſſe une douce habitude.
Le rôle d'Ulyſſe a été auffi très-bien joué &
chanté par M. Chéron. Les deux Ballets ,
celui des Nymphes au deuxième Acte
par M. Farre , & le Divertiſſetnent de la
fin par M. Gardel , ont fait le plus grand
plaifir. Nous ne nommerons pas tous ceux
qui y déploient leurs talents , pour ne pas
répéter d'inutiles éloges ; nous ne citerons
que Mile. Rofe , dont les progrès , de jour
enjour plus ſenſibles , lui donnent de nouveaux
droits à la faveur du Public.
L'Adminiſtration a mis à la repriſe de
cet Opéra beaucoup de ſoin & de magnificence
dans les habits & les décorations.
190
MERCURE
On a remarqué ſeulement une négligence
aflez plaiſante ſur un objet , à la vérité , fort
peu important : c'eſt que l'égide de Minerve,
qui deſcend à la fin , au lieu de repréſenter
la tête de Méduſe , étoit tout fimplement
un écuſſon aux armes de France .
ANNONCES ET NOTICES.
DICTIONNAIRE de Danse , contenant l'Hiftoire
, les règles & les principes de cet Art , avec
des Réflexions critiques , & des Anecdotes curieufes
concernant la Danfe ancienne & moderne ; le
tout tiré des meilleurs Auteurs qui ont écrit fur
cet Art. Ouvrage dédié à Mlle G***. In - 12
d'environ 400 pages. A Paris , chez Cailleau ,
Imp. -Lib. , rue Galande ; & chez les Marchands
de Nouveautés.
Le Public François doit s'entéreſſer plus qu'aucun
autre à un Ouvrage ſur la Danfe ; & aucun
temps ne fut plus favorable à la publicité d'un
pareil Ouvrage. Nous accédons volontiers à l'opinion
du Cenſeur , qui s'exprime en ces termes :
>> Cet Ouvrage intéreſſe par l'érudition & par le
>> goût ; on y trouve l'Hiſtoire d'un Art que les
>> Grecs aimèrent autant que nous; & que nous
>> avons perfectionné autant qu'aucune Nation de
>>l'Europe, les règles de la Danſe, ſa perfection,
ſes progrès , ſes caractères , & ſes agrémens «. ১১
INSCRIPTIONS pour mettre au bas des différens
Tableaux exposés au Sallon du Louvre , en 1787.
DE FRANCE.
191
A Londres; & ſe trouvent à Paris , chez Royez ,
Libraire , quai des Auguſtins.
Si l'Auteur de ces Inſcriptions ne ſe connoît pas
mieux en Peinture , qu'il ne ſe diftingue en Verſification
, les Peintres peuvent appeler de ſon jugement,
VOYAGE en Allemagne, dans unefuite de Let
tres , par M. le Baron de Riesbeck ; traduites de
l'anglois , avec Portraits , Plans & Carte en tailledouce
, gravées par d'habiles Artiſtes ; 3 Volum.
in - 8°. Prix , II liv. brochés , 14 liv. reliés , &
12 liv. 10 ſous br. francs de port par la Pofte. A
Paris , chez Buiſſon , Libraire , Hotel de Mefgrigny
, rue des Poitevins , Nº. 13..
OEUVRES complettes de Lucien , Traduction
nouvelle , par M. l'Abbé Maſlieu , de l'Académię
de Rouen. A Paris , chez Moutard , Imp . -Lib. de
la Reine , Hôtel de Cluni , rue des Mathurins.
Nous rendrons compte inceſſamment de cette
importante Traduction. Le nom de l'Auteur eft
de favorable augure dans les Lettres. Nous devons
àun Abbé Maſſieu divers Ouvrages ſavans , & ,
entre autres , une Hiſtoire eſtimée de la Poéfie
Françoife, Celui-ci ſoutient l'honneur du nom de
fon parent. Littérateur auſſi eſtimable que modefte,
le grec , le latin & le françois lui font également
familiers .
(
DISSERTATION fur l'Arbre au Pain , de première
néceffité pour la nourritur d'un grand nombre
d'habitans , & qui mérite d'être cultivé dans
nos Colonies ; in-folio. Prix , 4 liv. , avec Figures
coloriées. A Paris , chez l'Auteur , M. Buch'oz ,
rue de la Harpe, au deſſus du Collège d'Harcourt,
192
' MERCURE DE FRANCE .
Le triomphe de l'humanité dans le dévouement
héroïque du Prince Maximilien- Jules Léopold de
Brunswick ; Ode qui vient d'obtenir à l'Académie
Françoiſe la ſeconde mention honorable pour le
Prix extraordinaire ; par M. de Morvan , Avocat
à Quimper . = La mort du Duc de Brunswick ;
Ode qui n'a point concouru pour le Prix extraordinaire
de l'Académie Françoiſe ; par M. de Chenier.
A Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
Ces deux Odes arrivent trop tard pour nous.
Iln'eſt plus temps de revenir ſur cet objet ; mais
nous ne pouvons nous diſpenſer de dire que l'Ode
de M. Morvan a mérité cette mention honorable,
&que celle de M. de Chenier l'auroit fans doute
obtenue , fi elle avoit concouru. Le ſuffrage de
l'Académie conſolera bien facilement M. de Morvan
de notre ſilence ; mais nous devons , à la vérité
, dire qu'il y a de grandes beautés & un véritable
talent dans l'Ouvrage de M. de Chenier.
M
TABLE.
ERCURIAALLEE.. 145
AMme. la Marq. deN... 49
Le Pauvre Diable, Conte. 150
Charade , Enig. Logog. 167
ElogedeM. Serran. 170
Académ. Roy. de Musiq. 187
Annonces & Notices. 190
APPROBATION. :
J'AI 'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
IC MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 27 Octobre
1787. Je n'y ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher
l'impreſſion. AParis , le 26 Octobre 1787 .
RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
14
DE
BRUXELLES.
1
POLOGNE.
De Varsovie , le 30 Septembre 1787.
C'EST un courier de Vienne qui a apporté
à Pétersbourg la première nouvelle
de la déclaration de guerre très- inattendue
, faite par la Porte Ottomane : un
exprès venu de Cherſon l'a confirmée , en
donnant les détails des préparatifs de défenſe
qu'on méditoit dans la Tauride. II
eft douloureux que le grand âge de l'ancien
vainqueur des Ottomans , le Feld-
Maréchal de Romanzof, ne permette pas
de lui confier le commandement de la
grande armée , qui paſſe au Prince Potemkin.
Quoique malade à Krementſchuk , ce
dernier fe charge de la protection de la
Crimée , ayant ſous lui le fils de M. de
Romanzof , avec un corps de 20,000
hommes ſur l'Hypanis , que des géographes
N°. 43. 27 Octobre 1787 . g
১
( 146 )
barbares ont dénommé le Bog. Entre Cherfon
& Kinburn , 30,000 Ruſſes ſeront aux
ordres des généraux Hayking & Suwarof.
Suivant une liſte qu'on dit exacte , les
forces navales de l'Empire Ottoman étoient
réparties au commencement d'août dernier
, de la manière ſui vante :
« A la rade vers la droite d'Oczakof, sur l'em-
>> bouchure du Dnieper , quatre vaiſſeaux de ligne
» de 64; fix frégates de 40 ; onze bombardes &
« canonnières ,& une galère.
>>En croiſière dans la Mer-Noire , trois vaiſſeaux
>> de ligne , depuis 30 juſqu'à 64 ; ſept frégates
» & corvettes depuis 30 juſqu'à 40; trois galiottes
>> à bombes ; cinq aviſe ou quirlanguiées , depuis
>> 12 juſqu'à 18 ; ſept bombardes ou canonnières ;
>> quatre galères ; une flûte de 34 canons; 12
>> bâtimens de tranſport , portant depuis 12 juſqu'à
20 canons.
" A la rade de Bukjuidere&dans le port de
» Constantinople , prêts à fortir , ſept vaiſſeaux de
>>ligne , depuis 50 juſqu'à 70 ; une galère ; deux
>> flûtes de 32 ; huit tranſports , depuis 12 juſqu'à
>> 20 ; 12 quirlanguiées de 10 & 12 ; trois bom-
>> bardes ou canonnières .
" Dans la Mer - Blanche & en Egypte , neuf
>> vaiſſeaux de ligne , depuis 50 juſqu'à 64 ; huit
>> frégates & corvettes , depuis 30 juſqu'à 40 ;
» unegaliotte à bombes ; deuxbombardes & 14
>> quirlanguiées , depuis fix juſqu'à 12.
>> Vaiſſeaux de guerre qui ſe trouvent en conf-
>> truction. Dans le chantier de Constantinople , un
» de 74 , lancé le 30 mai , mais qui n'eſt pas
>> encore armé ; & un de 70 , qui ſe trouve à un
>> quart de conſtruction. Dans le chantier de
( 147 )
» Sinop , un de 54 à un quart ; un de 70 à trois
>>quarts , & 4 bâtimens de tranſport.
» Dans le chantier de Galaz , deux frégates
» de- 36 , prêtes à être mâtées ; un de 64 à un
» quart , & une frégate de 36 à un quart.
>> Dans le chantier de Metelin , un vaiſſeau de
» 54 , prêt à être lancé , & en mer quatre bâti-
>> mens de tranſport. Dans le chantier de Boudron,
✔un vaiſſeau de 64 à trois quarts , & un vaiſſeau
» de 54 , prêt à être lancé.
Il réſulte du dénombrement exécuté
ſous les ordres du Maréchal Gurovsky ,
que cette capitale renferme une population
de 89,448 ames , dont 46,633 hommes
& 42,815 femmes. Dans ce nombre on
a compté 914 eccléſiaſtiques , 8,797 perſonnes
attachées à la cour , & feulement
2,977 gens de métier.
L'importationdes grains à Dantzik s'eſt
élévée l'année dernière , à 29,618 laſts ,
& l'exportation ,y compris la conſommation
de la ville , montant à 36,728 laſts .
1,025 bâtimens font arrivés à Dantzik ,
dans le courantde l'année , ſavoir: 445 Danois
, 227 Suédois, 85 Anglois, 69 Hollandois
, & 38 Pruffiens. La plupart des bâtimens
du nord étoient du port de 20 à 40 laf.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 7 Octobre.
Le Roi a nommé le Duc régnant de
Saxe-Weimar , Major-général de cavale-
3
1
g 2
( 148 )
rie , et le Colonel de Romberg Major-général
d'infanterie.
Les nouveaux membres étrangers que
l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Pruſſe s'eſt aſſocié , font , M. Pütter ,
célèbre Juriſconſulte , Conſeiller- privé &
Profeſſeur de Droit public à Gottingue ,
M. Addelung , Bibliothécaire de l'Electeur
de Saxe , & M. de Marum de Harlem .
1 A la ſuite de l'expoſition générale que
fait M. le Comte de Hertzberg , des opérations
de S. M. P. l'année dernière , & que
nous avons rapportée, le Ministre préſente
rapidement le détail des améliorations
faites au crédit public , dans les écoles ,
les univerſités , & continue en diſant :
« La célèbre union Germanique , qui a été
conclue dans la dernière année de la vie de Fréderic
H, eſt en grande partie l'ouvrage du Roi
régnant. Il ena eu lapremière idée dès l'année 1784 .
C'eſt ſous ſes auspices ſecrets , & par la confiance
que les princes d'Allemagne avoient dans ſes principes
, que j'y ai travaillé & en ai préparé les voies ,
juſqu'au moment où les circonstances connues en
amenèrent laconcluſion publique au mois de juillet
1785. Dès que le Roi eſt parvenu au trône , il n'a
rienoublié ,& a beaucoup fait , pour affermir &
pourrefferrer les liensde cette union patriotique ,
qui n'a d'autre but que d'aſſurer & de conſerver
le maintiende l'ancienne & véritable conſtitution
de l'Empire , & d'entretenir une harmonie efficace
entre tous ſes membres. Le Roi a parfaitement
réuſſi dans ce deſſein , & même dans celui d'aug(
149 )
menter le nombre des aſſociés. La conteftation
imprévue qui s'éleva ſubitement au commencement
de cette année ,entre le ſéréniſſime landgrave
de Heffe - Caffel & la famille du comte de Lippe-
Bückebourg , au fujet de la ſucceſſion& des effets
du vaſſelage, menaça pendant quelques mois la
baſe de l'union Germanique , par la difficulté de
concilier les intérêts des parties oppoſées , avec la
confiance que le ſyſtême de l'union devoit inſpirer ;
mais leRoi a heureuſement ſurmonté ces difficultés
par une intervention auſſi efficace qu'amicale , &
en faiſant valoir les lois & les décrets d'une juſtice
d'ailleurs médiocrement reſpectée dans l'Empire. Sa
Majesté a donné elle-même un grand exemple de
ſa juftice & de ſon déſintéreſſement , en rendant
au féréniſſime duc de Mecklenbourg quatre grands
bailliages dont ſes prédéceſſeurs avoient tiré grand
parti àtitre d'hypothèque.>>>
«Ce qui a le plus occupé le Roi ,& de la
manière la plus difficile& la plus épineuſe pendant
le cours de cette année , ce font les troubles& les
diſſentions internes qui diviſent la république de
Hollande depuis nombre d'années. Sa Majeſté les
trouvadéjà montés au plus haut point , & elle ne
put pas se diſpenſer de continuer l'intervention
que le feu Roi avoit dejà commencée.
Nous ſupprimons ici le tableau des démarches
du Roi & des troubles qui ont
déchiré la Hollande ; tableau qui fournit
à M. de Hertzberg l'occaſion de rappeler
quelques faits hiſtoriques importans.
Le Grand- Electeur , dit-il , contribua peut-être
leplus à ſauver la république de ſon anéantiſſement ,
lorſque Louis XIV l'attaqua en 1672 , avec des
forces ſi ſupérieures. Ce Grand-Electeur Frederic-
Guillaume , fut le premier à ſe déclarer pour la
:
83
( 150 )
!
:
république , cequi obligea Louis XIVà évacuer les
principales villes de la Hollande , & encouragea
l'Empereur , l'Empire & l'Espagne , à prendre les
armes pour la république , & celle-ci à rétablir le
Stadhouderat , à renoncer au funeſte projet de la
retraite aux Indes , & à oppoſer aux François une
réſiſtance vigoureuſe. Ces efforts généreux du
Grand- Electeur trouvèrent ſi peu de retour de la
part des Provinces- Unies , qu'elles l'abandonnèrent
à la paix de Nimegue ,& que dans les années ſuivantes
, elles employèrent les moyens les moins
jufticiables pour contrecarrer & pour détruire
l'établiſſement d'un commerce médiocre du Bran
debourg fur la côte de Guinée. Malgré cette ingratitude
, l'Electeur Frederic III , enfuite premier
Roi de Pruffe , n'a pas ceffé d'aſſiſter les
Hollandois de toutes ſes forces , dans les guerres
qu'ils ont eues depuis la révolution d'Angleterre
juſqu'à la paix de Ryfwik , & enſuite pendant
toute la guerre de la fucceffion d'Espagne. C'eſt
un fort fingulier de la maiſon de Brandebourg ,
qu'elle n'a preſque jamais éprouvé de retour de
ce qu'elle a fait pour ſes voiſins , témoin cet
exemple des Hollandois , ainſi que celui de la
Pologne , de la maiſon d'Autriche , & d'autres Etats
auxquels elle a toujours prêté une aſſiſtance auſſi
généreuſe que gratuite ; mais il faut penſer que
c'eſt la fuite naturelle du grand ſyſtême de la balance
du pouvoir, qu'une Puiſſance médiocre par
fon état , mais vigoureuſe par ſon eſprit & par
ſa conſtitution , tient & obſerve mieux que les
Puiſſances ſupérieures , qui , ſe repoſant trop fur
leurs forces intrinfèques , ne font pas ſi ſcrupuleuſes
à maintenir l'équilibre néceſſaire entre les puifdances
voifines. Un obſervateur judicieux & impartial
ne manquera pas de tirer de cette réflexion
la juſte conféquence , que toutes les Puiſſances ,
( 131 )
fur-tout les moins ambitieuſes , ſont d'autant plus
intéreſſées à la conſervazion & au bonheur de ces
Puiſſances, qui , par leur médiocriténaturelle, prennent
le plus de part à laconſervation d'un équilibre
général. C'eſt un principe que je crois avoir
encoreplus conſtaté dans mon diſcours académique
de l'année 1786.
Ce mémoire intéreſſant eſt terminé par
Ja note de quelques ſommes que le Roi a
aſſignées extraordinairement à ſes états &
à ſes ſujets , depuis fon avénement au
trône.
I. Pour tout le pays .
10. Au grand- Chancelier de Carmer , pour augmenterlefonds
de lajustice, en 1786
& 1787,
2º . Au miniſtre d'état baron de
Zedlitz , pour une nouvelle commiffion
préposée aux écoles
3°.Pouraugmenter le fonds des
univerſités .
4°. Auminiſtre d'état de Werder ,
pour foutenir & améliorer les fabriques
•
5°. Pour les haras à établir en
Pruffe ,
6°. Pour bâtir des égliſes & des
cures à la campagne
7°. Pour 20,000 boiſſeaux de
blé à pluſieurs particuliers ruinés
par les inondations
80.Subvention accordée au pays,
pour la livraiſon des fourrages pour
la cavalerie ..
43,000 écus.
13,000
10,000
J
100,000
250,000
5,000
18,000
12
22,000
9 °. Pour l'entretien du nouveau
confeil fupérieur de guerre 70,000
:
g4
( 152 )
10º. Pouraugmenter les appoin.
temensdesminiſtres étrangers,ceux
de la chambre des comptes , du
collége de fanté& autres colléges 100,000
11°. A la caiſſe du Mont - de-
Pieté
12°. Pour augmenter les appoin
temens des prêtres François
II. Pour la Marche Electorale
deBrandebourg.
4,000
8,000
693,000
13 °. Pour des bâtimens & réparations
à Berlin & à Potsdam 600,000
14°. Aux inſtituts établis en faveur
des pauvres àBerlin • : 8,000
15°. Pour l'augmentation des
appointemens des miniſtres Luthériens
&Réformés Allemands à Berlin 5,500
16°. Pour diverſes améliorations
à la campagne , à des particuliers 40,000
17°. Afſigné à compte , pour la
bâtiſſe d'une maison de pauvres&
de travail à Strausberg • ...
18°. Pour le paiement de certainesdettes
contractées pour d'anciennes
bâtiſſes des domaines
.. 43,500
60,000
19°. Pourdes ouvrages hydrauliques
fur la Havel • 20,000
20°. Pour améliorer les bains de
Freyenwalde 6,000
21 °. Pour des écuries pour les
houfards d'Eben 29,000
812,000
( 153 )
III . Pour la Nouvelle - Marche!
22°. A la maison des orphelins
de Zullichau , pour payer ſes dettes 22,000
23°. Pour l'amélioration des
établiſſemens formés ſur le terrain
deſſéché de l'Oder & de la Warte
IV. Pour la Poméranie.
24°. Pour des améliorations des
terres des cultivateurs particuliers
en Pomeranie & dans la Nouvelle-
Marche •
25°. Secours accordé aux villages
appartenans au chapitre de Colberg .
V. Pour la Pruſſe Orientale
& Occidentale .
26°. Secours accordé aux villages
des environs de Marienbourg ,ruinés
par les inondations
27°. Pour des améliorations &
pour le canal de Bromberg
28°. Pour des bâtimens à
Konigsberg .
29°. Pour une maiſon d'école
à Culm , deſtinée à 40 nouveaux
cadets
** 30°. Pour la fortereſſe de
Graudenz . • • •
80,000
102,000
200,000
1,000
201,000
6,000
238,000
: ./15,000
16,000
: 150,000
31°. Pour le fort de Lyck . 2,000
427,000
g5
( 154 )
VI. Pour les pays de Magdebourg
&de Halberstadt.
32º. Pourdesnouvelles chauffées 100,000
33 °. Pour des améliorations de
terres dans ces deux provinces 109,800
34°. Pour l'exploitation des
charbons de terre à Wettin 100,000
35 °. Pour faciliter le cours de
l'Elbe près de Magdebourg 13,200
36°. Pour unemaiſondepauvres
à Magdebourg 12,000
37°. A l'égliſe Vallonne & à la
maiſon des orphelins àMagdebourg 1,000
38 °. A l'inſtitut des pauvres à
Halberstadt 2,000
39. De même à Halle 1,700
40º. Pour bâtirune égliſe à Thale
dans le pays de Halberstadt • 2,400
د
1 342,100
VII. Pour les provinces de
( >Westphalie..
41°. Avancé pour 10 ans ,&fans
intérêts , aux négocians de Bielefeld,
pour étendre leur commerce de
toiles. ..
42°. Pour acquitter les dettes
contractées pendant la guerre par
la ville de Minden ........
..
17
VIII. Pour la Siléfie.
43°. Pour la bâtiſſe des fortereffes
50,000
7,800 円
57,800
• 150,000
( 155 )
44 Pour bâtir une caferne
pour l'artillerie à Breslau1215,000
245 °. Pour bâtir de nouvelles
maiſons dans les villes ,&pour les
habitans des faubourgs de Landsh
ruinés par le feu
Bi
46°. Pour les arrangemens contre
les incendies àNamslau&Polckwitz 6,300
470.
briques
Secours accordé aux fa-
•48°. Pour conſtruire des chauſſées
2
49 Pourdesaméliorations,&c .
8,000
10,000
& pour réparer le dommage des
inondations 83,000
50% Pour bâtir deless égliſes&
maiſons d'écoles ,&pour payer des
maîtres d'école
1.
18,300
505,7000
10. Somme totale 3,160,600 écus.
De Vienne , le 6 Octobre.
L'Empereur a nommé à laplace de fon
Miniftre plénipotentiaire auprès du Roi
des deux Siciles , le Baron de Thugut ,
ci-devant fon envoyé à Varfovie. Le
Comte de Schlick , Ministre de S. M. I.
en Danemarck , femplace à Mayence le
Comtede Trautmansdorf, aujourd'huiMiniſtre
plénipotentiaire aux Pays-Bas.
Sans énumérér le détail faftidieux de
chaque fac d'avoine , cheval , bateau , canon
, chariot de poudre , embarqué fur le !
>
g 6
( 156 )
Danube , ou cheminant par terre vers nos
frontières orientales , nous tedirons que
ces préparatifs militaires ſecontinuent fans
interruption , avec la plus grande activité.
Vers la fin du mois dernier , l'Empereur
a déclaré Commandant en chef de la
grande armée ſous ſes ordres , le Feld-
Maréchal Comte de Lafcy. Les Généraux
Brown & Kinsky ont été nommés Aidesde-
camp-généraux , le premier de S. M. I.
qui paroît devoir commander en perſonne
fon armée ; le ſecond , de l'Archiduc
François , qui fera ſa première campagne.
On eft ici abfolument déſabuſé du bruit
faux répandu par certaines vues , qu'on
doit aux ſuggeſtions du Miniſtre d'Angleterre
à la Porte , la rupture de cette puiffance
avec la Ruffie. La cour de Londres
en a été indignée , & a fait expreſſément
détruire cette imputation , tant auprès de
notre Cour, qu'à celle de Pétersbourg. Les
dernières lettres de Conſtantinople ont
confirmé la fincérité de cette déclaration .
Quant aux raiſons fur leſquelles on bâtif
foit cette démarche du Chevalier Ainslie ,
telle que l'exiſtence d'un traité ſecret entre
la Porte & l'Angleterre , dont la ceffion
de l'ifle de Candie faiſoit, un des articles ,
elles n'ont trouvé ici un moment de
créance que chez les politiques des cafés .
Un décret de la Cour du 20 de ce mois,
( 157 )
-
défend la fabrication , la vente & l'impor
tation du fard blanc , que l'on regarde
comme nuiſible à la ſanté. Le fard
rouge , y compris le papier appelé de Circaffie,
ſera timbré , & paiera un droit de
-timbre de 4 florins par livre peſant ...
Six cents pièces de campagne ont été
envoyées dans la Hongrie , pour être ré
parties parmi les régimens.
Le Commandant de Semlin a fait publier
que tous les marchands Grecs pouvoient
entrer librement dans les états de
l'Empereur , & qu'en général on y recevra
tous les Chrétiens , ſujets de la Porte
Ottomane , qui voudront s'y établir.
7
:
Deux bataillons de Pellegrini font entrés
à St. Hyppolite , où ils reſteront jufqu'à
nouvel ordre.-La levée des recrues
qui doit ſe faire cet hiver dans les états
héréditaires d'Allemagne , ſera de 24,000
hommes.bus
Les employés de la douane ont arrêté
ici un bâtiment venant d'Ulm , & chargé
de pain. A la viſite , il s'eſt trouvé que
pluſieursde ces pains renfermoientdesmontres
d'or à répétition, dont l'entrée eſtdéfendue
dans les états héréditaires. 201
De Francfort , Le 13 Octobre.
Il ſe forme en ce moment , àcequ'on
affure , une armée combinée de 50,000
( 158 )
:
hommes , qui doit ſe réunir vers la fin du
mois à Hildesheim. Elle fera compoféede
14,000 Heffois , commandés par le Landgrave
lui-même , de 16,000 Hanoveriens ,
8,000 Brunswickois , & 12,000 des ,Mar
graviats d'Anſpach& Bareith. Onpréfume
que , felon les circonstances , ils'yjoindra
un corps de troupes Britanniques , comme
dans la guerre de 1756. Leer de ce
mois , les deux régimens en garnison à
Hanau reçurent ordre de ſe préparer à
marcher , & les, Officiers de faire des re
crues. Les payſans du Landgraviat de Heffer
ont reçu défenſe de vendre leurs che
vaux. Quant aucorps de troupes Heffoifles,
il fera compofé des Gardes à cheval , des
Gendarmes , Carabiniers , Dragons de Ja
Garde & du Prince Frédéric , & d'un régiment
de Huſſards ; l'infanterie , des, 1
2 , & 3 , régimens des Gardes àpied , des
Fufiliers de la garde du corps , des régimens
d'Alt Losberg Knyphausen Donop ,
Dit furth , &le jeune Losberg , un régiment
de chaffeurs , & une légion d'infanterie
légère. Il ne teſtera à Caſſel que deux
régimens de garnon
e
29
Nos feuilles publiques font remplies de
nouvelles fur les premièrs événemens de
la guerre entre la Porte & la Ruffie. Voici
un exemple de ces rapports .
ss Des trois divifions de l'armée navale
( 159 )
>> Ottomane , l'une , de 17 vaiſſeaux de
>> guerre , a été coulée à fond par la frégate
>> Ruſſe le Boriſthéne . » ( Ce qui paroît
certain , c'eſt qu'en effet cette frégate ,
après une vive canonnade , a échappé à
quelques vaiſſeaux ennemis , & eſt entrée
affez endommagée à Sébastopolis. Si les
Ottomans étoient dans l'uſage de penfionner
des gazetiers , ou de s'en faire craindre,
la frégate Ruſſe eût immanquablement
été coulée à fond. )
Pluſieurs régimens de l'Electeur de Saxe
ont reçu ordre de rappeler les ſemeſtriers,
&de ſe tenir prêts à marcher .
"
On écrit de Trente qu'il arriva de Londres
, en 10 jours , un courier chargé de
dépêches importantes pour les poffeffions
angloiſes de l'Inde. Il ſe rendit le 22 feptembre
à Veniſe , où il s'embarquera pour
Alep. Delà il traverſera le Déſert ,& pénétrera
dans l'Inde par Baffora&leGolphe
Perfique .
La récolte des grains , écrit- on de la
Pologne & de la Ruffie , n'a pas été
auffi abondante cette année, qu'on l'avoit
cru d'abord . On a fait beaucoup de gerbes ,
mais elles rendent peu. A Dantzick & à
Elbingue , on achète de la farine, & du
feigle pour le compte de la Ruffie. Le
( 160 )
prix des grains augmente ; le laſt de ſeigle
vaut 320 à 330 florins ;&celui de froment,
430 à 460.
ESPAGNE.
De Madrid , le 30 Septembre..
L'Envoyé du Grand-Seigneur est arrivé
le 24 , à 5 heures du ſoir, dans cette capitale
, aux avenues de laquelle s'étoit rafſemblée
une foule innombrable & quantitéde
voitures. Le Marquis d'Ovieco avoit
été au-devant de lui dans un carroſſe du
Roi , où l'Envoyé entra , & dans lequel
il fut conduit à l'hôtel de l'Eſquilée ,
eſcorté de deux piquets des régimens du
Prince & de Ségovie. M. le Comte de
Florida Blanca fut lui rendre vifite , &
l'invita à dîner pour le dimanche ſuivant.
Il eſt arrêté que cet Ambaſſadeur fera
fon entrée publique le lundi 1er. octobre ,
à St. Ildephonſe , avec les mêmes cérémonies
& étiquettes qui s'obſervent à
Madrid en pareil cas. La Cour le recevra
cejour-là en grand gala.
9
On écrit de Saragoſſe , du 28 ſeptembre
, que le 24 , vers minuit , la rivière
d'Aragon ſe déborda fi confidérablement ,
qu'elle entraîna preſque toute la ville de
Sangueſa dans la Navarre ; il n'a été conſervé
que 22 maiſons & le couvent de
1
(161 )
1
ود
St. François. 2,500 perſonnes ont péri ,
&le reſte des habitans eſt ſans biens &
fans habits . Les villages d'Eréa , de Vioté,
d'Erla , & pluſieurs autres fitués au confluent
de cette rivière ont infiniment
ſouffert. Les religieux de St. François ont
montré dans cette circonſtance beaucoup
de zèle & de charité , fourniſſant tous
les fecours poffibles , des alimens & leurs
propres manteaux ,
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 16 Octobre.
En vertu de la dernière prorogation ,
le Parlement devoit ſe raſſembler aujourd'hui
; mais S. M. vient d'étendre cette
prorogation juſqu'au 15 novembre ; terme
plus avancé que celui des Seffions ordinaires
, qui s'ouvrent un mois plus tard.
C'eſt l'effet des circonstances préſentes :
elles exigent que le Parlement ſoit promp.
tement inſtruit des motifs qui néceſſitent
les armemens astuels , & de la ſituation
politique de la Grande-Bretagne . 1
Sans nous arrêter à toutes les viciffitudes
de l'opinion ſur la paix ou la guerre ,
&à mille raiſonnemens en l'air, qui prouventuniquement
que ceux qui les forment,
n'ont pas écouté aux portes des cabinets ,
nous nous bornerons au récit des faits ca(
162 )
pables de déterminer à cet égard le jugement
de nos lecteurs . ol show a
Le 10 , M. Wyndham Grenville , de retour
de Paris depuis quelques jours , eut
à St. James une conférence de deux heures
avec S. Majeſté. Il étoit accompagné de
M. Dundas , Tréſorier de la marine , qui
l'introduifit auprès du Roi , avant l'arrivée
desMiniftres. Deux jours avant , M. Grenville
avoit aſſiſté chez le Chancelier , à un
conſeil du cabinet , où se trouvèrent les
Lords Thurlow , Sydney , Howe , le Duc
de Richmond & M. Pitt. Ce conſeil dura
de neuf heures du matin juſqu'à cinq heures
du foir. Le Duc de Richmond , M. Pitt
&le Chancelier paroiſſent appuyer le plus
fortement les meſures priſes & à prendre ,
auxquelles , à ce qu'on prétend , le Duc
de Portland a promis l'appui de l'oppofition.
Le Vicomte de Thownsend , ci-devant
Viceroi d'Irlande & Grand-Maître de l'artillerie
, vient d'être élevé par le Roi à la
dignité de Marquis de Raynham ; & fi
malheureuſement la guerre éclate , on lui
deſtine un commandement dans l'armée
de terre. Son fils eft Comte de Leiceſter,
& fon neveu , après la mort de ſa mère,
ſera Lord Greenwich ; ainſi il y aura trois
Pairies dans cette Famille , l'une des plus
anciennes du royaume, rodamunt coo
ل ا
( 163 )
L'Amiral Pigot a certainement reçu ſa
commiffion de Commandant en chef de
la flotte de la Manche : il eſt parti pour
Portsmouth où fon pavillon eſt hiſſé à bord
du Victory de 100 can. momentanément ,
car il doit monter , à ce qu'on affure , le
Royal Sovereign, de 110 can . Les ſeconds
Amiraux de cette flotte feront , ſuivant les
apparences , les Vice- Amiraux Barrington,
Milbanck, les Chevaliers Drake & Levefon
Gower. Le Contr'Amiral Hotham commande
aux Dunes,à bord duPrinc-e George,
de 98 can . qu'on arme à Chatam. Outre
ce dernier bâtiment, le Victory & le Royal-
Sovereign , on a déſigné , pour recevoir
les Officiers à pavillon , le St. George de
98 can. , l'Impregnable de 98 canons, que
montera l'Amiral Barrington,& le Barfleur
deſtiné à Lord Hood , à qui l'on donnera
un commandement diſtinct .
L'Amiral Edmund Affleck , qui a ſervi
avec tant de diſtinction aux ifles , pendant
la dernière guerre , a reçu avis du premier
Lord de l'Amirauté , que ſes ſervices pourroient
être agréables en temps de guerre ;
&en conféquence cet Amiral ſe tient prêt
à arborer ſon pavillon. On ſuppoſe qu'il
aura le commandement de l'eſcadre de la
Jamaïque . Il doit monter le Bedford, de
74 canons .
Les mouvemens des ports n'ont rien
1
( 164 )
perdu de leur vivacité , & la flotte de
Spithead ſe forme rapidement. Le 10, s'y
font réunis leBombay- Castle , le Carnatic,
le Culloden de 74 canons,& le Standardde
64 venant de Plymouth : ils devoient être
ſuivis,deux jours après, du Powerful, de 74
can. Le Cumberland & l'Hannibal, de 74
can. attendoient leur complet de matelots
pour ſortir du même port , & ſe rendre à
Portſmouth , où l'on fignala hier l'Irréfiftible,
de 74 canons , qui a fait voile de
Sherneff.
L'état des vaiſſeaux en ordinaire , le 6
octobre , en portoit le nombre à 98 de
ligne , 12 de 50 canons , 91 frégates , &
45 floops ou cutters , auxquels il faut joindre
24 vaiſſeaux de ligne , 7 frégates &
3 floops mis en commiſſion depuis le 6
ſeptembre. Vendredi 12 , l'Amirauté remit
au Conſeil la liſte de 36 vaiſſeaux de
ligne armés ou en armement actuel , &
que nous donnerons l'ordinaire prochain .
L'eſcadre aux ordres du Commodore Gardner ,
ſtationnée à la Jamaïque eft compoſée des vaiſſeaux
ſuivans , ſavoir :
L'Europa de 50, monté par le Commodore; l'Expédition
de 44. L'Amphion , l'Aſtrée , le Solebayde
32 , la Proferpine , la Calypso & le Cygnet de 16.
L'Aurora & le Dido de 28, qu'on arme actuellement
enAngleterre , ſont deſtinés à joindre cette
efcadre.
>> Tout paroît ici annoncer la guerre ,
( 165 )
> écrit-on de Plymouth , en date du 8. Le
» 38°. régiment a reçu ordre de ſe tenir
» prêt à s'embarquer. Les ouvriers tra-
>> vaillent double journée ; on prépare &
>> on équipe dans le chantier les chalou-
>> pes canonnières ;les artilleurs éprouvent
>> les canons ; on garnit les remparts d'ar-
>> tillerie , & la preſſe ſe continue tou-
>> jours vivement. Jamais les efforts n'ont
» été auſſi grands dans ce port pendant
>> la dernière guerre , excepté lorſque les
>> eſcadres combinées de France & d'Ef
>> pagne vinrent nous tirer de notre lé-
>> thargie, <<
Le 17. régiment doit s'embarquer à
Portsmouth , ainſi que trois autres , pour
les Indes orientales & occidentales. Les
deux nouveaux bataillons de Royal-Américain
feront commandés par les Généraux
Gordon & Rowley , & formés d'Américains
loyaliſtes .
Le Lord Maire , & le Conſeil de la
cité (Common Council) , n'ont pas conſenti
à l'exercice de la preſſe dans cette
partie de la ville ; mais pour y ſuppléer ,
ils ont fait enlever tous les vagabonds ,
gens ſans aveu , &c. , & promis une
gratification de 40 shellings en ſus de
celle accordée par Sa Majeſté , à tout
matelot qui prendra du ſervice volontairement.
C'eſt donc une prime de cinq
( 166 )
guinées , que chacun d'eux eſt ſûr de
gagner en entrant ſur un vaiſſeau de Roi.
Huit cents boeufs & mille porcs ont été
achetés à Smithfiel , par le ſieur Mellish ,
pour l'uſage du gouvernement : ils doivent
être envoyés à Deptford , où ils ſeront
falés ,& embarqués enſuite ſur les vaiſſeaux
de guerre à Portsmouth .
:
On a conſtruit un ſigrand nombre de
vaiſſeaux de ligne depuis la paix , qu'il
y en a peu fur les chantiers en ce moment ,
& ce nombre ne ſera pas augmenté fitôt.
On compte en conſtruction à Deptford ,
le Windsor - Castle , 98 canons , & le
Brunswick , 74 canons ; à Woolwich , le
Boyne, de 98 canons ; le Duc d'Yorck , 90 ;
le Minotaure , 74 canons ; à Chatam , le
Royal-George & la Reine Charlotte , de
110 canons chacun ; à Sherneſſ, le Léopard.
50 canons ; à Portsmouth , le Prince de
Galles, de 98 canons , & deux autres ;
à Plimouth , le Glory , de 98 canons ; le
Cæfar, 80 canons , & le Bulwarck , 74
canons ; à Harwich , l'Exeter , 74 canons .
On parle d'établir ſur les côtes d'Irlande
deux ou trois chantiers pour les réparations
, felon le plan qui en avoit été
donné par le Marquis de Lansdown.
( 167 )
FRANCE.
Γ De Versailles , le 17 Octobre.
Le 14 , le Comte de Fernand-Nunnès,
Ambaſſadeur extraordinaire & plénipotentiaire
du Roi d'Eſpagne , a eu une audience
particulière du Roi , pendant laquelle
il a remis ſa lettre de créance à Sa
Majeſté . Il a été conduit à cette audience ,
ainſi qu'à celle de la Reine & de la famille
Royale , par le ſieur de la Garenne ,
Introducteur des Ambaſſadeurs ; le fieur de
Séqueville , Secrétaire ordinaire du Roi ,
pour la conduite des Ambaſſadeurs , précédoit,
:
Le même jour , le Garde-des-Sceaux de
France a prêté ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Chancelier & Surintendant
des Finances de l'Ordre du St.
Eſprit , vacante par la mort de l'Archevêque
de Bourges ..
Le Bailli de Suffren , Chevalier des
Ordres du Roi , que Sa Majesté a nommé
au commandement de l'armée navale , a
eu l'honneur de faire ſes remercîmens au
Roi , lui étant préſenté par le Comte de
Montmorin , Miniſtre & Secrétaire d'Etat,
ayant le département des affaires étrangères
, & chargé de celui de la marine par
interim.
La Marquiſe de Montholon a eu l'hon
:
( 168 )
neurd'être préſentée à Leurs Majeſtés & à
la Famille Royale par la Comteſſe Louiſe
de Narbonne , dame pour accompagner
Madame Victoire de France.
De Paris , le 24 Septembre.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du
13 octobre , qui autoriſe la ville de Paris
à ouvrir un emprunt de douze millions ,
rembourſables en un an , par voie de loterie
, au profit des hôpitaux .
S M. au milieu des affaires les plus impor
tantes & les plus multipliées , n'a pas perdu de
vue le grand projet qu'Elle a formé de diviſer
l'Hôtel-Dieu en pluſieurs aſyles , où le pauvre
ſouffrant puiſſe recevoir avec ſuccès les ſoins &
les remèdes qui lui font néceſſaires.
Par une ſuite de cet intérêt , Sa Majefté s'eſt
fait rendre compte du réſultat des foumiſſions &
déclarations faites juſqu'à ce jour , pour la conftruction
de ces aſyles , en vertu du proſpectus
publié par ſes ordres ; &, d'après le rapport qui
lui a été fait , Elle auroit remarqué que , malgré
l'empreſſement d'une partie de ſes ſujets pour
ſeconder ſes vues bienfaiſantes , &dont le réſultat
a excité ſa ſenſibilité , malgré l'attention qu'Elle
a particulièrement recommandée, de concilier , par
le choix des emplacemens , & par la fimplicité des
bâtimens , l'économie avec l'utilité, ſes intentions
pour le foulagement de la claſſe de ſes ſujets à qui
l'infortune donne le plus de droits à ſes, bontés
paternelles , ne pourroient être remplies auffi
promptement qu'Elle le deſireroit , fans de nouveaux
ſecours indépendans de ceux qui ont été
offerts , & dont , malgré l'importance de leur
deſtination ,
:
:
( 169 )
deftination , l'état actuel des finances lui fait deſirer
de foulager , autant qu'il fera poſſible , le tréſor
royal ; Sa Majesté s'eſt déterminée en conféquence
à approuver la demande qui lui a été faite par
les Prévôt des marchands & Echevins de fa bonne
ville de Paris , à l'effet de les autorifer à créer
une loterie dont le produit accéléreroit l'exécution
des plans arrêtés .
En adoptanr ce moyen , Elle a confidéré que
les billets de la loterie propoſée devoient être fixés
à un taux affez modique pour y faire participer
la partie de ſes ſujets qui ne peuvent faire de
grands ſacrifices ; que , dans les différens Etats de
P'Europe , il y a des loteries ſemblables , & par
leur objet & par leur application ; qu'il s'agit ici
de faire tourner au profit d'un établiſſement intéreffant
pour l'humanité , un jeu modéré , qui ,
faute d'exifter en France, procure à l'étranger
l'avantage d'attirer une partie du numéraire national
; qu'enfin les porteurs des billets perdans auront
moins de regrets à former, par l'idée de la deſtination
des fonds livrés à l'eſpoir d'une chance heureuſe.
Cette loterie fournira donc un fonds de
douze millions de livres ,& fera compoſée de cinquante
mille billets de deux cents quarante livres
chacun , leſquels pourront être diviſés en demibillets
de cent vingt livres , & même ſubdiviſés
en moindres portions', pour la plus grande facilité
du public ; & elle préſentera à ceux qui s'y intéreſſeront
, des chances avantageuſes , & calculées
ſur le pied d'un billet gagnant fur cinq. Ces
chances s'éléveront à la totalité de douze millions ,
formant le capital deſdits cinquante mille billets ,
& il ſera ſeulement prélevé le dixième fur chaque
lot gagnant , pour être ladite retenue , déduction
faite des frais de l'opération , remiſe dans la caiſſe
du tréſorier-général de la ville de Paris , & em-
No. 43. 27 Octobre 1787. h
( 170 )
A
ployée , ſans délai , aux premières dépenfes d'établiſſement
des nouveaux Hôpitaux : A quoi voulant
pourvoir , vu la requête du procureur du Roi
de laVille ,& la délibération des ſieurs Prévôt des
marchands & Echevins : ouï le rapport , &c.
1º. Il ſera ouvert au bureau de la Ville de Paris ,
auſſi-tôt après la publication du préſent Arrêt ,
une loterie , dont Sa Majesté a fixé le fonds à la
fomme de douze millions.com A
2°. Ladite loterie ſera compoſée de cinquante
mille billets de deux cents quarante livres chacun ,
leſquels pourront être fubdiviſés , par le tréſoriergénéral
du domaine de la Ville , en demi - billets
&en quarts de billets .
3°. Leſdits cinquante mille billets feront tous
viſés par le premier Echevin , & fignés par le ſieur
de Villeneuve , tréſorier-général du domaine de
laVille, qui gardera en dépôt les billets originaux
dont il aura délivré des portions fubdiviſées , ainſi
qu'il eſt porté dans l'article ci-deſſus.
4°. La totalité des douze millions , formant le
montant de la loterie , ſera rembourſée par le fort
d'un ſeul tirage , qui ſe fera , avec les formalités
accoutumées , dans la grand'ſalle de l'Hôtel-deville
de Paris, en préſence des ſieurs Prévôt des
marchands & Echevins. Ce tirage ſera effectué dans
lecourant du mois d'Août prochain. Les cinquante
mille billets feront , à cet effet, mis dans une
roue, à laquelle correſpondra une roue ſéparée ,
contenant pareil nombre de billets , dans lesquels
feront compris les dix mille lots déſignés dans le
tableau annexé au préſent Arrêt. اد
5°; Il ſera , en outre , attribué au premier& au
dernier numéro qui fortiront de la roue, une
prime de faveur de vingt mille livres , laquelle
fera payée outre & par-deſſus le lot qui leur pourra
écheoir, 2
( 171 )
6°. Les dix mille lots & les deux primes de
faveur feront payés a bureau ouvert , en deniers
comptans , par le tréſorier-général du domaine)
de la Ville , trois mois après le tirage ; le tout
d'après la liſte imprimée ſur le procès-verbal des
ſieurs Prévôt des marchands & Echevins .
* 7°. Il fera retenu& prélevé fur chacun des lots ,
comme auſſi ſur les primes de faveur , le dixième
de la ſomme deſdits lots & primes ; & le montant
de cette retenue , déduction faite des frais de l'emprunt
, reſtera dans la caiſſe du tréſorier-général
de laVille , pour être employé, ſous les ordres des
ſieurs Prévôt des marchands & Echevins , aux dépenſes
qui ont pour objet l'établiſſement des nouveaux
Hôpitaux ordonnés pour ſuppléer à l'inſuffisance
de l'Hôtel-Dien .
• 8°. Tous les ſujets de Sa Majesté , de quelque
âge , ſexe , qualités & conditions que ce puiſſe
être , pourront s'intéreſſer à ladite loterie , comme
aufli les étrangers , Sa Majesté ayant renoncé &
renonçant , en faveur deſdits étrangers , même à
l'égard de ceux qui ſont ſujets de Princes & Etats
avec leſquels Elle pourroit être en guerre , à tout
droit de marque , de confiſeation&de repréſailles
qui pourroient lui appartenir.
95. Attribue Sa Majesté aux Prévôt des marchands
& Echevins la connoiſſance de toutes les
conteſtations auxquelles l'opération de ladite loterie
pourra donner lieu , icelle interdiſant à toutes
fes Cours & Juges , ſauf l'appel au Conſeil . Fait
au Conseil d'Etat , &c. Signé , LE BARON DE
BRETEUIL.
1
Les 10,000 lots, dont le tirage ſe fera au mois
d'Août 1788 , & le paiement à compter du rer.
Octobre ſuivant , feront diſtribués ainſi : un de
400,000, liv. unde 200,000, un de 100,000, deux
de80,000, quatrede 60,000 , fix de 50,000, quinze
h2
( 172)
de 30,000, vingt de 25,000 , trente de 20,000 ,
quarante de 15,000 , foixante de 10,000 , cent de
6000, deux cents de 4000, trois cents de 3000 ,
quatre cents de 2000, fix cents vingt de 1000,
huit cents de800 , douze cents de600 , deux mille
cinq cents de 500, trois mille ſept cents de 400,
&les deux primes de faveur de 10,000 liv. chacune.
pour lepremier &le dernier billets fortans.
Réglement du 9 octobre , fait par le
Roi , portant établiſſement d'un Conſeil
d'adminiſtration du département de la
guerre , ſous le titre de CONSEIL DE
LA GUERRE.
Sa Majeſté ayant examiné , avec la plus profonde
attention , tant l'état préſent du département
de la guerre ,que les divers changemens qui ſeſont
faits dans cette branche d'adminiſtration depuis
fon avénement au trône ; Elle a reconnu que fi
quelques-uns de ces changemens ont intimément
amélioré la conſtitution , la difcipline &l'inftruction
de ſes troupes , il reſte beaucoup de points :
importans qui ont encore beſoin d'être perfectionnés
, beaucoup d'abus qui ſont ſuſceptiblesde
réformes , beaucoup d'objets de dépenſe ou de
comptabilité qui peuvent être réduits ou éclairés ;
que le ſyſtême politique des autres grandes puiffances
militaires de l'Europe étant maintenant de
tenir leurs armées toujours prêtes à entrer en
action , il eſt néceſſaire ; pour la dignité de ſa
couronne , ainſi que pour l'honneur de la nation ,
qu'elle mette ſes forces ſur lemême pied ; qu'Elle
peut fe livrer d'autant plus volontiers à leur
donner cette nouvelle diſpoſition , que bien loin
qu'il en doiveréfulter une augmentation de charge.
pour ſes peuples, ce fera aux dépens des abus
4
!
( 173 )
feulement,& par un ordre mieux entenda qu'Elle
opéreracette amélioration , & que l'excédent des
économies qui en réſulteront , produira encore ,
tant pour le moment qu'éventuellement , un grand
foulagement pour ſes finances. Sa Majefté confidérant
en même-temps que pour parvenir , dans
l'adminiſtration du département de la guerre , à
un double réſultat auſſi important & auffi avanta.
geux, il ne fuffit pas du zèle & du travail d'un
feul homme ; qu'il faut appeler autour du chef
de ce département , les idées & les fecours de
pluſieurs militaires éclairés ; qu'il n'y a qu'un
Conſeil ainſi compofé ,& conftitué d'une manière
permanente , qui puiſſe créer un plan , faire de
bons réglemens , & fur-touten maintenir l'éxécution
, mettre de la ſuite dans les projets , de
l'économie dans les dépenſes , de l'ordre dans la
comptabilité , empêcher la fluctuation continuelle
des principes , oppoſer une digue aux prétentions
&aux demandes de la faveur , & enfin donner
une confiftance & une baſe à l'adminiftration du
département de la guerre ; Elle a établi & arrêté
cequi fuit:
1º. Sa Majefté crée & établit , par le préſent
Réglement , un Conſeil permanent d'adminiſtration
du département de la guerre , ſous le titre
de Confeil de la guerre.
L'adminiſtration de ce département ſera ainſi ,
à l'avenir , partagée entre le ſécrétaire d'état de
la guerre & le conſeil de la guerre, de manière
que le premier refte chargé de toute la partie
active& exécutive de l'adminiſtration , & que le
conſeil de la guerre le foit de toute la partie légiflative&
confultative. Sa Majeſté détaillera & fixera
ci-après , d'une manière plus préciſe , les fonctions,
& les limites qu'Elle leur aſſigne.
2. Le conſeil de la guerre fera compofé de
1
h3
( 174)
huit officiers - généraux & d'un officier - général
ou ſupérieur , qui fera les fonctions de rapporteur
& de rédacteur , ſous la direction immédiate du
préſident du conſeil. Entend Sa Majesté que la
préſidence du conſeil ſoit invariablement attachée
àla charge de ſécrétaire d'état du département
de la guerre , de quelque état & de quelque grade
qu'il puiſſe être , fon fecrétaire d'état devant être
regardé comme ſon organe & fon repréſentant
dansledit confeil . Ainsi , la totalité des voix complètes
du conſeil de la guerre , ſera de 11 , y
compris la voixdu rapporteur&celle du préſident ,
qui fera comptée pour deux. :
3°. Il y aura au moins la moitié des membres
du conſeil qui feront lieutenans-généraux. Un
des huit officiers-généraux fera tiré du corps
du génie , & un de l'artillerie; les autres feront
choiſis de manière qu'ils n'aient fervidans la
pas
mème armée.
4°. Sa Majesté nommera ſeule , cette fois , les
officiers-généraux qu'Elle aura choiſis pour la
formation du conſeil de la guerre ; mais voulant
aſſurer de plus en plus la parfaite compoſition
de ce confeil , & fentant que les corps qui ſe régénèrent
eux-mêmes par la libre nomination de leurs
membres , ont un grand intérêt à fe rendre ſévères
fur leur choix , autoriſe le conſeil de la guerre à
lui propoſer , en cas de vacance , trois ſujets élus
par la voie du ſcrutin , dans le nombre de tous
les officiers-généraux de ſon armée (en ſe conformant
aux conditions de l'article précédent) ,
entre leſquels Sa Majesté choiſira celui des trois
ſujets le plus convenable..
Sa Majeſté regrette que les raiſons ſupérieures
qui la déterminent à affecter à jamais la Préſidence
du conſeil à la charge de ſecrétaire d'état
du département de la guerre , l'empêchent , dans
( 175 )
i la circonſtance actuelle , d'appeler dans le confeîl
de la guerre , quelques-uns de MM. les Maréchaux
de France ; mais elle ne compte pas , pour cela ,
ſe priver de leurs lumières , & Elle ſe réſerve d'y
avoirrecoursquand Elle le jugera néceſſaire , &ainſi
qu'il ſera indiqué ci-après.
6°.Lesofficiers-généraux , employés activement ,
étant ceux fur l'expérience & les talens deſquels
Sa Majeſté doit le plus compter , Elle déclare que
les fonctions de membres du conſeil de la guerre
*ne font incompatibles avec aucune autre manière
d'être employés , foit dans le commandement de
ſes provinces , ſoit près de ſes trouppes ; & Elle
n'entend exclure de la poſſibilité d'être en mêmetemps
membres du conſeil de la guerre , que ceux
qui feroient en réſidence permanente dansſesplaces,
ou employés dans ſes colonies.
7°. Mais pour que les membres du conſeil de la
guerre puiſſent en même-temps vaquer aux autres
deſtinations qui leur feroient aſſignées pour le
ſervice de Sa Majesté , le conſeil de la guerre
⚫ne ſera en exercice que depuis le 1. novembre
juſqu'au 1. mai , à moins de circonſtances particulières
, qui mettroient le préſident dans le
cas de prendre les ordres de Sa Majesté , pour
prolonger le temps dela ſeſſion , ou pour le convoquer
extraordinairement .
8°. Si le conſeil de la guerre avoit entamé
quelque objet de travail qui lui parût eſſentiel à
›continuer pendant les fix mois de vacances , ſans
qu'il fût beſoin pour cela du concours de tout
le conſeil de la guerre , il pourra établir , à fon
choix , une commiſſion intermédiaire, de trois de
fes membres ,&la charger de pourſuivre ce travail
pourle mettre ſous les yeux du conſeil , à l'époque
de ſa rentrée.
9°. Mais lors même qu'il n'y aura pas de comh4
( 176 )
miffion intermédiaire , il ſubſiſtera toujours à
Verſailles , pendant le temps des vacances du confeil
de la guerre , un bureau de renvoi , chargéde
recueillir tous les projets , mémoires ou plaintes
qui pourroient être adreffés au confeil de la guerre ;
cebureau , qui fera aux ordres immédiats du rapporteur,
fera en même-temps le bureau d'expéditions&
de fervice du conſeil de la guerre pendant
le temps qu'il fera en activité.
10º . Sa Majesté voulant d'avance annoncer ,
par la manière dont ce bureau fera monté , les
diſpoſitions générales de retranchemens & d'économie
qu'Elle veut introduire dans tous les bureaux
du département de la guerre , règle que
tout le ſervice du bureau du conſeil de la guerre
fera fait par deux ſecrétaires , ſauf au rapporteur
dudit conſeil , en cas qu'il y ait , pendant les
fix mois d'aſſemblée , des travaux multipliés &
preffans , de ſe pourvoir paſſagèrement de copiftes.
11 °. Il ſera préparé inceſſamment , ſoità l'hôtel
de la guerre , ſoit dans une des maiſons qui dépendent
de ce département , un emplacement
convenable , tant pour les aſſemblées du conſeil
de la querre , que pour lui ſervir de bureau &
de dépot.
compo-
12º. Sa Majefté fixera auſſi inceſſamment , avec
les même vues d'économie qu'Elle s'eſt invariablement
preſcrites , la ſomme qu'Elle affecte aux
dépenſes annuelles du conſeil de la guerre , ſoit
*pour les honoraires des membres quuii le
feront , ſoit pour les frais de bureau , foit pour
-les dépenſes des voyages des membres dudit
conſeil, chargés , ainſi qu'il fera dit ci - après ,
de viſiter , pendant l'été , les troupes & les établiſſemens
militaires ; & cette fomme , une fois
1
fixée , ſera adminiſtree pa
lui-même , relativement aux obj
n'aura pas déterminés , & dont Elle aura
le bien de ſon ſervice , abandonné la difpofition
au confeil.
13 °. Sa Majesté voulant que la plus parfaite
harmonie règne entre le conſeil de la guerre &
le ſecrétaire d'état de ce département , &fentant
que cette harmonie dépend beaucoup de la fixation
la plus préciſe de leurs fonctions , & des limites
refpectives de leur reffort , Elle s'eſt attachée ,
avec la plus grande attention , à établir cette fixation
,& Elle l'a déterminée de la manière ſuivante.
1.4°. Le ſecrétaire d'état de la guerre confervera
excluſivement dans ſa main toute la partie
active & exécutive de l'adminiſtration , & ainfi
par conféquent le travail avec le Roi & avec le
principal miniſtre , les rapports à faire aux conſeils
actuels ou autres , que Sa Majesté jugera à
propos de former ; la direction & la diſpoſition
de toutes les meſures relatives à la guerre ; la
correſpondance avec les généraux , commandans
de provinces , intendans , commandans des divifions
inſpecteurs diviſionnaires , & généralement
tous employés militaires ou relatifs au militaire.
Il conſervera pareillement la propoſition à tous
les emplois & à toutes les graces du département ,
de quelque eſpèce qu'elle foient , en demeurant
toutefois aſſujetti aux principes & aux règles que
Sa Majesté a deſſein de ſe faire propofer incef--
famment , à cet égard , par le conſeil de la
guerre.
15. Le conſeil de la guerre ſera chargé dela
confection & du maintien de toutes les ordonnances
de la connoiſſance & de la difcuffion de
l'emploi , ainſi que de la comptabilité de tous
,
i
!
anement , de la contracesinarchés
, de la furveillance de
✓es fournitures ayant rapport aux troupes ;
lfera également chargé de maintenir l'obſervation
des principes & des règles que Sa Majesté va
établir pour la diſpenſation des emplois , & de
toutes les graces militaires ; & à cet effet , pour
que le confeil de la guerre puiſſe ne rien ignorer
de ce qui fera fait , à cet égard , par le ſecrétaire
d'état , & éclairer Sa Majesté , ſi ſon miniftre
s'étoit écarté des règles & principes qu'Elle aura
fixés , le ſecrétaire d'état ſera tenu de donner
communication , au conſeil de la guerre ,
toutes les expéditions qui auront été faites.
de
16°. Sa Majeſté attribue encore au conſeil de
la guerre la connoiſſance & l'examen de toutes les
affaires de diſcipline militaire & de contravention
aux ordonnances ; la propoſition des punitions à
décerner , quand elles n'auront pas été déterminées
par les ordonnances ; la diſcuſſion de tous les
projets d'amélioration ſur quelque partie de la
conftitution & du ſervice que cela puiſſe être ;
l'examen de tous les ouvrages militaires qui paroîtront
, ſoit pour accorder à cet égard les permiffions
que demanderont leurs auteurs , foit pour
recueillir les idées utiles & les lumières qu'ils pourroient
renfermer.
17°. Enfin comme une adminiſtration éclairée
doit toujours être en mouvement pour s'améliorer
, le conſeil de la guerre enverra tous les
ans , à fon choix , un ou pluſieurs de ſes membres
pour viſiter , tantôt dans une partie du royaume ,
tantôt dans l'autre , fats que cela foit annoncé à
l'avance , les troupes , les garniſons , les camps
d'inſtruction , les places de guerre , les hôpitaux ,
les établiſſemens de vivres & autres établiſſemens
militaires de tout genre. Ces membres du conſeil
de la guerre porteront , p
/
leur commiſſion , le titre de viſiteurs
feront revêtus de lettres de ſervice dans
grade , auront le droit de prendre connoiſſance
de tous les objets indiqués ci-deſſus , ſans pouvoir
toutefois donner aucun ordre ;& ils rapporteront au
conſeil de la guerre des mémoires détaillés fur
les tranfgreffions , négligences ou abus qu'ils
auront reconnus dans leur tournée , ainſi que fur
les changemens qui leur paroîtront avantageux à
introduire.
18°. Le conſeil de la guerre pourra auſſi , quand
illejugeraà propos , envoyer , avec la permiffion
du Roi , foit des officiers-généraux choifis parmi
ſes membres , ſoit des officiers qu'il choiſira dans
l'armée , pour voyager dans les pays étrangers , en
connoître les armées , obſerver leurs méthodes ,
leurs principes , les comparer aux nôtres , & rapporter
ces connoiſſances au conſeil de la guerre ,
en forte que ce conſeil ſoit toujours en activité
d'obſervation& de travail , pour perfectionner de
plus en plus l'art & la conſtitution.
19° . Indépendamment des moyens établis cideſſus
, le conſeil pourra appeler momentanément
à fes diſcuſſions ou délibérations , tel officier-
général , ou fupérieur , ou particulier de l'armée,
dont il jugera que les connoiſſances lui font
néceſſaires ſur l'objet qu'il s'agira de diſçuter.
20°. Le conſeil de la guerre pourra de même
appeler à ſes aſſemblées , ſoit pour ſe procurer
les éclairciſſemens néceſſaires , ſoit pour le conſulter
, tel chef des bureaux de la guerre qu'il
jugera à propos , & de même tel commiſſaire des
guerres ou autre employé militaire , ou relatif au
militaire , tel qu'il puiſſe être.
(La fuite à l'ordinaire prochain. )
h6
du Roi, du 28 août 1787 ,
at réglement fur les lettres de ratification
des actes tranſlarifs de propriété des
rentes aſſignées ſur les revenus du Roi.
Les Officiers , Bas- Officiers et Soldats
de trente-un régimens , ont reçu l'ordre
de rejoindre leurs corps , les uns au rer.
novembre, les autres au 30 du même mois.
Voici la liſte des premiers. Breffe , Beauce ,
Anjou, Rohan , Penthièvre , Normandie ,
Bourbon , Ifle-de-France , Lyonnois , Dauphiné
, Guyenne. La deſtination ou l'emplacement
actuel des huit premiers eft en
Bretagne ; des trois autres , à Toulon &
Nîmes. Ceux qui doivent rejoindre au 30
novembre , font , Royal , Touraine , Provence
, Viennois , la Reine , Artois , Maréchal
de Turenne , Picardie , Navarre , Lorraine
, Vivarais , Armagnac , Aunis , Royal-
Auvergne , Royal-Corfe , Royal Vaiffeaux,
Flandres , Conti , Beaujolois , Corps de
Monreal; les quatre premiers en Bretagne,
ſept en Normandie , deux en Picardie , un
en Artois , & les deux derniers en Flandre
&Hainault.
Les payeurs de rente , fix premiers mois
de 1787, font à la lettre J.
PROVINCES - UNIES.
De la Haye , le 17 Octobre.
Le fort d'Amſterdam eſt aujourd'hui en(
181 )
tièrement décidé; voici la ſuite des circonftances
qui ont accompagné cet événement.
Le 6, la Régence ſe conformaunanimement
&fans aucunes réſerves, aux réſolutions des
Etats de Hollande , qui ont eu pour objet
l'entier rétabliſſement du Prince Stadhouder
, dans ſes charges & dignités , la
liberté de prendre la couleur orange , la
caſſation des Sociétés armées , & la deſtitution
des Régens , que les bourgeoifies
avoient mis en place dans le courant de
l'année , en divers lieux . En conféquence ,
les Bourguemeſtres Beels & Dedel , & les
autres Régens d'Amſterdam , caffés il y
a quelques mois , furent rétablis , &
fiégèrent au Confeil. Auſſitôt , une
Commiffion des Etats de Hollande ſe .
rendit auprès de la Princeſſe d'Orange ,
pour s'informer de la fatisfaction qu'elle
exigeoit fur le fait des empêchemens mis
à fon voyage à la Haye. S. A. R. remit
aux Députés la réponſe écrite que voici .
en
Nobles , Grands & Puiffans Seigneurs ,
Autant j'ai été affetée de toutes les circonftances
qui ont rendu néceſſaires les inſtances
du Roi mon frère , & qui ont confifté
grande partie dans les réfolutions léſives , priſes
par une petite majorité abſolument illégale
de l'aſſemblée , qui compoſoit alors les Seigneurs
Etats de Hollande , contre les avis preffans& revêtus
des argumens les plus irréfragables , tant de
Mrs. de l'Ordre Equeftre , que les députés des villes
qui ſe ſont oppoſées à ladite majorité ; autant
fuis-je ſenſible aujourd'hui à la propoſition de cette
( 182)
députation , faite au milieu d'une aſſemblée de
L. N. &Gr. Puiſſances , conſtitutionnellement
établie , & compoſée de commettans légitimes
& compétans. Je puis donc auffi confier en fureté
à cette aſſemblée le ſoin de prendre les réſolutions
& meſures néceſſaires pour anéantir celles
par leſquelles la ci-devant pluralité illégale n'a
pas craint d'approuver & de louer la conduite des
commiſſaires à Woerden , & en général celle de
tous les auteurs & coopérateurs de l'arrêt violent
de ma Perſonne , & pour défavouer publiquement
tout ce qui s'eſt paffé lors de cet attentat fans
exemple.
Loin de n'être pas touchée du fort de ces auteurs
& coopérateurs coupables , je ſens une véritable
averſion de toute punition proprement dite ; mon
attachement aux intérêts d'un pays que je regarde
comme ma patrie , ainſi que mon eſtime pour
une nation libre , de laquelle j'ai reçu pendant
⚫environ 20 ans pluſieurs marques d'affection , me
font ſouhaiter avec ardeur de manifeſter ultérieurement
les vrais ſentimens de mon coeur , &
d'adoucir le fort desdites perſonnes , autant que
l'équité & le bien-être du pays peuvent le permettre
, & fans bleſſer les égards que je dois à
ma maifon & à la nation même .
Comme par les réſolutions unanimes de L. M.
&Gr. Puiſſances , pour le rétabliſſement des droits
héréditaires du Stadhouderat , ainſi que des autres
dignités éminentes deS. A. S. mon époux , &pour
l'avancement du répos , de l'harmonie & de la
confiance dans la province, par l'anéantiſſement
total des nouveautés dangereules & illégales qu'on
avoit introduites , & au moyen deſquelles la patrie
a été conduite ſur le bord de fa ruine , je vois
qu'il a déja été fatisfait en grande partie au voeu
général de la partiela plus nombreuſe & la meilleure
>
( 183 )
de cette même nation , dont les vrais ſentimens
avoient été étouffés depuis quelque temps par violence
& par oppreffion ; & attendu qu'il eſt entièrement
hors de mes vues de m'expliquer aujourd'hui
ſur des objets à l'égard deſquels la juſtice
pourroit juger qu'il eſt de ſon intérêt de devoir
faire des recherches juridiques , conformément aux
loixdu pays, je me bornerai, pour prouver combien
je ſuis éloignéede tout defir de voir porter atteinte
à l'honneur ou aux biens , & fur-tout aux vies des
fusdits auteurs & coopérateurs , à demander à
leur égard , que , reſtant pour toujours éloignés
de ma cour , ils foient & reſtent démis de tous
les poſtes de gouvernement & d'adminiftration
afin que le public , qui a été léfé en ma perſonne ,
ſoit pleinement rafſuré que déſormais il ne pourra
plus être commis par eux de nouveaux excès , &
porté atteinte à la liberté & à la ſureté générale
; & que ceci ſoit inféré & confirmé dans la
fanction folennelle par laquelle V. N. & Gr.
Puiſſances voudront bien ratifier toute cette affaire.
C'eſt ſur ce pied que pour moi-même j'acquiefce
pleinement à la fatisfaction qui m'eſt offerte
aujourd'hui unanimement par L. N. & Gr. Puif-
Sances.
و
Au reſte , auſſitôt que tout ce que deſſus aura
reçu fon plein & entier accompliſſement ; que
par la ville d'Amſterdam il aura été fatisfait à
tout ce que V. N. &Gr. Puiſſances ont réſolu ,
& à tous les points de la fatisfaction auxquels
la ville a pleinement conſenti , & qu'en confé-
⚫quence l'on aura effectivement éxécuté , tant le
rétabliſſement de la régence que de la milicebourgeoiſe
, fur l'ancien pied légal , en défarmant
les corps d'exercice aſſociés , je n'aurai rien de plus
preffé que d'intercéder S. A. S. Monſeigneur
le Duc de Brunswick , pour qu'il renonce à toutes
( 184 )
:
1
entrepriſes ultérieures contre la villed'Amſterdam ;
&au deſſein de la réduire à un plus grand état
d'angoiſſe ; & je prierai inſtamment le Roi mon
frère , de s'en contenter avec moi , &de rappeler
par conféquent ſes trouppes du territoire de la
république.
Je proteſte auſſi de la manière la plus ſolennelle
, que je ne defire rien avec plus d'ardeur ,
que de voir bientôt rétablir & affurer fur des
fondemens folides l'harmonie , le bien-être &
le luftre de cette nation , jadisſi heureuſe , &
qui m'a toujours été chère. Mes efforts feront
non interrompus& zélés , pour y coopérer toujours
de toutes mes facultés ; je tâcherai nonſeulement
d'oublier les torts paſſés ; mais je m'eſtimerai
heureuſe en manifeſtant ultérieurement
mes vues les plus pures , &une tendre follicitude
pour le bien-être de la république , particulièrement
de cette province. Je continuerai
infatigablement à cultiver les mêmes ſentimens
dans mes enfans que j'ai tâché ďd'élever comme
enfans de la patrie , afin qu'ils puiſſent ſe rendre
dignes de l'eſtime , de l'amour & de de la confiance
des régens & des habitans , & qu'ils les
méritent conftamment pour l'avantage & l'utilité
du pays.
Signé WILHELMINE.
Les Députés demanderent enfuite à
S. A. R. la défignation des perſonnes dont
elle requéron l'éloignement , & reçurent
la liſte des noms fuivans : MM. Camerling ,
Conſeiller de Harlem ; Blok , Echevin de
Leyde ; de Witt, Echevin d'Amſterdam ;
Van- Toulon, Confeiller de Gouda ; Van-
Foreeft, Conteiller d'Alckmaar , Cofterus ,
( 185 )
Secrétaire à Woerden; de Lange, Conſeiller
de Gouda ; de Gyfelaar , Penfionnaire
de Dordrecht , Van - Zeeberg , &
Van de Kasteele , Penſionnaires de Harlem ;
Van - Berkel & Wischer , Penſionnaires
d'Amſterdam ; de Kempenaer , Confeiller
d'Alckmaar ; en outre , MM. Van- Leyden ,
Abbema , Hovy le jeune & Bicker , Conſeillers
d'Amſterdam , & Membres de la
Commiffion de défenſe de cette ville. La
plupart des voix des Etats de Hollande
conſentirent à ces démiſſions ; & le 11 ,
les Députés d'Amſterdam y adhérèrent .
Dès la veille , tout étoit convenu pour
la reddition de la ville. Le 9, le Duc de
Brunswick avoit demandé , par une Lettre
aux Bourguemeſtres , le déſarmement des
Auxiliaires & Volontaires qui ſe trouvoient
à Amſterdam , & la remife de la
Porte dite de Leyde , à un détachement
Pruffien , avec aſſurance de ne laiſſer
entrer aucun ſoldat dans la ville , de
maintenir la diſcipline , & de retirer les
troupes après le déſarmement ; un Bour
guemeſtre&deux Conſeillers ſe rendirent
le lendemain auprès de S. A. S. & convinrent
avec Elle des articles ſuivans ...
I. Les troupes du Roi occuperont la porte dite
de Leyde , par un détachement de 150 hommes ,
10 chaſſeurs , 4 huſſards , I ordonnance ; & il
ſera placé deux'pièces de canon près de la porte.
( 186 )
۱۰
1
II. Il ſera mis deux bataillons avec les chaffeurs
en quartier à l'Overtoom(faubourg d'Amſterdam).
III. Il n'entrera perſonne des troupes du Roi
en ville , fans avoir obtenu à cet effet le confentement
préalable du magiftrat , afin qu'il ne foit
point donné par-là occaſion d'animer les eſprits.
IV. Les bourguemeſtres & conſeil de la ville
prendront les meſures néceſſaires pour s'aſſurer
des écluſes aux portes de Haerlem & de Muſden.
V. L'on medonnera journellement connoiſſance
légale , juſqu'à quel point les réſolutions des Etats ,
auxquelles la ville d'Amſterdam a déjà accédé ,
auront été miſes en éxécution.
VI. M. de Haaren ſera informé , en qualité
de commiſſaire de ma part , de tout ce qui eſt
relatif au défarmement , afin de pouvoir m'en
faire un rapport exact.
Fait à l'Overtoom , le 10 octobre 1787.
Signé CHARLES G. F. Duc de Br.
DEDEL , ELIAS ARNOUTZ , BICKER.
Le même jour , 150 Pruffiens ont
occupé cette Porte de Leyde ; 2000
autres font cantonnés dans le faubourg
d'Overtoom , & le Duc de Brunswick a
rouvert la communication interrompue
entre Weſop & Amſterdam. Pour accélérer
le départ de ces troupes étrangères,
la Régence a demandé aux Etats , de les
remplacer par des détachemens nationaux.
En conféquence , le régiment Suiſſe de
May , le premier régiment d'Orange-
Nafſau infanterie , & les Gardes à cheval
fontentrés à Amſterdam. L'on adégarni les
4
( 187 )
remparts de leur artillerie , licentié &
défarmé les Auxiliaires , prohibé la plupart
des Gazettes du parti patriotique ,
&arboré le drapeau orange ſur la Maiſonde-
Ville , l'Hôtel de la Compagnie des
Indes & l'Amirauté. La Régence ayant
exhorté , pour fſureté , le public à prendre
cette couleur , un grand nombre d'habitans
l'ont adoptée ; mais , afin que perſonne
ne foit forcé à en faire autant par des
violences particulières , une Milice bourgeoife
choifie a veillé à la tranquillité
publique.
Comme on continuoit à la Haye , à
caſſer les vitres des patriotes , à piller
leurs maiſons , à les arrêter & à en
livrer même aux Prufſiens , les Etats de
Hollande ont rendu une nouvelle publication
contre ces excès , promettant
une prime de mille florins , à quiconque
en dénoncera les auteurs , qui feront punis
de mort.
L'Ordre Equeſtre a fait, le 8 , à l'affemblée
, la propoſition d'augmenter confidérablement
les forces de terre de la
république , & de prendre à ſa ſolde des
troupes Allemandes .
Le 3 , les Etats de Hollande ont
arrêté , ſur la propoſition des Députés
de Dordrecht , de caffer le Rhingrave
!
ン
( 188 )
1,
r
:
de Salm de toutes ſes charges militaires ,
& de le faire pourſuivre criminellement
pour crime de déſertion. Les Etats généraux
ont confirmé cette réſolution , &
défendu de recevoir le Rhingrave dans
aucunes de leurs Colonies , & arrêté
d'écrire à leurs Miniſtres à Hambourg ,
& en Danemarck , de demander la faifie
de cet Officier , en cas qu'il voulût s'embarquer
pour l'une des poſſeſſions de
l'Etat dans l'Inde ou en Amérique.
(Gazette de Leyde , No. 83 ) .
465 prifonniers , la plupart des Corps-
Francs , pris à l'attaque des différens lieux
qui ont fait réſiſtance , ont été transférés
dans lesEtats du Roi de Pruffe.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 20 Octobre.
On attend ici vers la fin de ce mois ,
le Comte de Trautmansdorf, nouveau Miniſtre
plénipotentiaire de l'Empereur auprès
de nos provinces ; aujourd'hui , on
apprend qu'il eſt arrivé le 10 à Cologne.
Les troupes qui font aux Pays -Bas , &
qui depuis peu ont ſubi déja pluſieurs changemens
de deſtination , vont en eſſuyer -
un nouveau , c'est-à-dire , qu'elles feront
placées en d'autres garniſons ou cantonne.
( 189 )
mens que ceux qu'elles occupent aujourd'hui
. L'artillerie de Malines& toutes les
munitions ont dû partir pour Luxembourg,
depuis le 19.
Par une ordonnance des Bourguemeftres
, Echevins de cette ville , &c. pour affurer
la tranquillité publique , il eſt défendu
à tous cabaretiers de garder qui que
ce foit paffé 1 i heures du ſoir , à peine de
25 flor. d'amende. Item , de porter de nuit
de gros bâtons courts , ou autres inftrumens
perturbateurs . On a interdit également
tout attroupement de vagabonds ,
ſous peine envers les contrevenans de
deux ans de captivité dans la maiſon de
force.
*Quoique la dernière ratification de S.
M. 1. ait mis le ſceau au maintien des conftitutions
nationales , en tout ce qui paroiſſoit
en altérer l'eſſence ou la forme ,
& intéreſſoit la liberté & les droits du public
, cet acte de juſtice du Souverain n'a
pas fatisfait encore les eſprits. On ſe croit
toujours lézé , tant que les affaires de difcipline
eccléſiaſtique , qu'on imagine être
celles de la religion , ne feront pas terminées
au gré des prêtres du pays , c'eſt ddire
, tant qu'on fera privé de quelques
couvens ſupprimés , des confrairies , &
de la théologie ſcholaſtique de Louvain ,
-telle qu'on l'enſeignoit en Europe , il y
( 190 )
1
a trois fiècles . Il paroît à ce ſujet une longue
remontrance des Etats de Brabant, que
nous rapporterons au journal prochain.
Pour dédommager nos Lecteurs des récits
très-ſuſpects qu'on fait circuler dans
les Gazettes , nous nous empreſſons de
publier l'extrait de lettres authentiques de
Conftantinople , du 25 ſeptembre dernier.
Les premières hoſtilités ont eu lieu le 31 août ,
dans l'embouchure du Boriſthêne . II chaloupes
canonnières turques ont attaqué une frégate& un
paquebot Ruſſes , qui vouloient defcendre dans
la mer Noire , & qui ont été forcés de remonter
le fleuve. La frégate s'eſt échouée au deſſous de
Globock. LeCommandant de Cherfon a fait paffer
4000 hommes à Kilbourn , & ils élèvent fur
cette côte des batteries qui en défendront les
approches.
Le 19ſeptembre, une nouvelledivifion, compoſéede
4 vaiſſeaux & de 3 frégates , mouillée depuis
un mois à l'entrée du Boſphore , eſt entrée dans
la mer Noire, pour aller joindre la grande diviſion
qui a dû partir elle- même de Echingéré-Iskeleſſi ,
rade au ſuddeVarna , &ſe réunir près d'Ockſakow
à la première diviſion.On préſumoit qu'elle rencontreroit
l'eſcadre Ruſſe ſortie de Sebaſtopole;
mais celle-ci a été accueillie le matin à la hauteur
des bouches du Danube , par une violente tempête
qui a déſemparé tous les bâtimens.
:
Hier matin un vaiſſeau Ruſſe de 70 canons ,
démâté de tous ſes mâts , eſt entré dans le canal
l'eſpace de trois lieues , a mouillé près de Bukjui-
1
( 191 )
déré,&s'est déclaré priſonnier à la première barque
qui s'en eſt approchée. Le Capitaine vouloit s'échouer&
ſe brûler ; mais l'équipage s'eſt soulevé,
dans la crainte d'être maſſacré par les habitans ,
& ils ont remis le gouvernail à un eſclave Turc
pris la veille , & qui les a pilotés pour entrer dans
le canal . Les Officiers dépoſent que l'eſcadre compoſée
de 12 voiles & de quelques brûlots , a dû
être jetée à la côte ; ils préſument même que les
frégates ont péri en mer.
Les Ambaſſadeurs de Tipo-Saïb , arrivés depuis
un an à Baſſora , viennent de faire leur entrée
dans cette capitale ; malgré la perte de trois de
leurs vaiſſeaux naufragés ou brûlés dans le golfe
Perſique , leur ſuite eſt encore fort nombreuſe ,
& ils apportent de riches préſens à Sa Hauteſſe.
« Suivant des lettres de Paris , le camp
>> qui devoit être formé ſur la Meuſe ſera-
>> différé ; mais les préparatifs maritimes
>> ſont en activité. Huit régimens fontdef-
>> tinésà s'embarquer , & 54 bataillons bor-
>>>"deront les côtes de Normandie & de
>> Bretagne . Trois régimens qui s'embar-
>> quent feront diftribués , à ce qu'on dit ,
> ſur des frégates armées en flûtes , & qui
>>>mettront en mer ſous l'eſcorte de fix
>> vaiſſeaux de ligne commandés par M.
» de Soulanges. On croit qu'ils font def-
>> tinés aux- ifles d'Amérique. Les autres
>> cinq régimens mettront à la voile , à
>> ce qu'on croit , pour l'Iſle -de-France . Le
" Duc de Dorfet eſt de retour ici ; mais
>> le public eſt fort mal inſtruit de l'état
( 192 )
?
>> actuel des négociations , quoique cha-
>> cun prétende en avoir le fecret. Cepen-
>> dant , en général , les eſpérances de paix
>> paroiſſent ſe fortifier. >>>
« Les deux fonderies de canons de Montcenis
dans le Bourbonnois , &d'Indrette ſur la rivière
deNantes , ſe ſont chargées de fournir à laMarine
200 pièces de canon par mois , juſqu'à concurrence
de 1200 canons néceſſaires pour compléter
l'armement de tout nos vaiſſeaux de ligne. Sa
Majeſté a ordonné en même temps , de mettre fur
les chantiers 12 vaiſſeaux neufs , & leurs conftructions
feront d'autant plus promptes , qu'il y a
actuellement des bois & des matures raſſemblés
dans nos ports , pour environ 30 vaiſſeaux de
ligne. » Paragraphes extraits des Papiers Anglois.
Il eſt arrivé cet été un événement qui devroit
biendétourner les malades , vrais ou imaginaires , "
de faire uſage en même temps de l'air de mer ,
&des bains d'eau ſalée , fi fort en uſage depuis
un certain nombre d'années. Pluſieurs Dames ,
de l'avis de praticiens ignorans , ſe logèrent près
de la mer , & ſe baignèrent régulièrement tous les
jours. Il en réſulta , que de cinq perſonnes jouiſſant
d'une bonne ſanté, ou au moins paſſable , trois
devinrent étiques, crachèrent le fang , & eurent
tous les ſymptômes de pulmonie. Comme elles
vivoient enſemble , elles conſultèrent un habile
médecin qui leur ordonna ſur le champ de
dſcontinuer l'uſage des bains , & d'aller reſpirer
un air plus pur.Ea es ſuivirent fon avis , & graces
à la diète & a médicamens qu'elles prirent ,
elles fortirent promptement
Qualité de la reconnaissance optique de caractères