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1787, 09, n. 35-39 (1, 8, 15, 22, 29 septembre)
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22.60 Mo
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511
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Texte
MERCURE
DE FRANCE ,

DEDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DELETTRES,
CONTENANT 13361
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ;les Pièces Fugitives nouvelles
envers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts; les Spectacles
; les Causes Célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces; la Notice des Édits ,
Arrêts ; les Avis particuliers , &c. &c.
SAMEDI I SEPTEMBRE 1787 .
GEFILDE
APARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thow,
rue des Poitevins , No. 18 .
AvecApprobation & Brevet du Roi.
TABLF FLCI
Du mois d'Ao&t 1787.
ECES FUGITIVES . Le Paradis Ferdu , 75
AZulmė , 3. Zuvres complettes deM.Mar-
Rondepour lejour deS. Anne, mont-l, 105
4 Caufes Celebres & intéreſſfan-
Le Misantrope Scythe, tes, 121
AM. de Marmontel ,. 49 Physique du Monde, 128
Sur les Soufcriptions pour le Difcours tus la manière de
Hopitaux,
combate de la Cavalerie
5 L
Le Petit Prince & les Cartes contre Infanterie
1
Apologue,
Melanges de Littérature 33
&desMoeurs, ISI
Fragment traduit du Poëme De la Décaiencedes Letras
des Jardins , 97
Fin du Fragment traduit du
Poëme des Jardins ,
Charades, Rimes&
145
Loge
Discoursfur la découverte de
Amérique, 170
Pièces intéressantes & peu connues
, 184
gryphes,17, 52,102, 149 ατός, 81 ,89136
NOUVELLES LITTER
LesMétamorphofes dOvide
SPECTACLES.
19 Comédie Françoise , 91 , 188
Mémoires Philofophiques,his Comédie Italienne, -40
33 Annonces& Notices,45 92 ,
Obfervations Fondamentales
toriques ,&c.
fur les Langues , 551
140,188
A Paris de l'Imprimerie de M. LAMBERT
cue de laHarpe , près S.Come.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI I SEPTEMBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
AMile DELA F *** , qui me demandoit
un nom pour fon fett Chin.
V
ous demandez , gentille Pakourelle ,
Que pour Tenton j'invente unjol nem ;
Bien fast fera , fi croyez l'avis bon ,
De le nominer ou Charmant ou Fide'e.
Nom de Charmant , Égé , lui ſiéra bien ,
• Puifque fera celui de fa maîtreffe ;
Si prenez l'autre , aurai grande allégreſſe ,
Alui donner le nom de ſon patrein.
(Par M. Ladmiral.)
A
4
MERCURE
JUPITER VENGÉ , Apologue.
JADIS Jupiter en colère
De voir déſerter ſes autels ,
Pour exterminer les mortels ,
S'arma , dit- on , de ſon tonnerre.
Chacun,alors , s'empreſſe à qui mieux-mieux
Pour appaifer le Souverain des Cieux.
On offre de l'encens , on brûle des victimes ;
L'air retentit de ſaints concerts ;
Mais c'eſt en vain que ces pervers
Cherchent le pardon de leurs crimes.
Ingrats , dit Jupiter, je connois votre effroi:
C'eſt à la terreur des ſupplices
Que vous faites des ſacrifices ,
Et non pas à l'amour que vous avez pour moi.
Il parle;& la foudre
Aréduit en poudre
Tous les infracteurs de ſa loi.
E
Rendons grâces aux Dieux des tréſors qu'ils nous
donneet ;
Maispour les adorer n'attendons pas qu'ils tonnent.
(Par M. Lar.... , de Falaise , Etudiant en
Drois en l'Université de Caën.)
DE FRANCE.
S
Explication de la Charade, de l'Enigme &
duLogogryphe du Mercureprecédent.
Le mot de la Charade eſt Charroi ; celui
de l'énigme eſt Soupir ; celui du Logogryphe
ett Porc , où l'on trouve or.
C'EST
CHARADE.
:
'EST par l'hymen que ſe faitmon premier ;
C'eſt toujours du haſard que provient mon dernier;
Mon tour, Lecteur , ſur l'élément liquide ,
N'eſt diſpoſé que pour être homicide.
LE
ÉNIGME.
E plaifir loinde moi précipite ſes pas.
Je ſuis triſte en tout temps&dans tous les climats3
J'aime beaucoup le faſte & la cérémonie ;
On eſt sûr de me voir dans les cercles nombreux ,
A la table des Grands , dans un char ſomptueux.
Je tiens aux couttiſans fidèle compagnie.
Qui que tu fois, Lecteur , quelque foit ton emploi,
Tu n'as pas d'ennemi plus à craindre que moi ;
On abeau me chaſſer , en tout licu je me loge,
Ainj
6 MERCURE
Le Libraire me vend, toujours avec éloge.
Je mais au ſein de la ſatiété ,
Du dégoût , de l'oiſiveté ;
Il n'eft aucun ſéjour qu'au couventje préfère;
J'y fais , avec raifon , ma demeure ordinaire .
Je vais à l'Opéra , même au bal quelquefois ;
Quandje vois deux époux , près d'euxje me retire;
Je me plais à la Cour; j'y viſite les Rois ;
Ainfi que lesBergers ils font ſous mon empire.
(Par M. F. G..... , de Séian. )
LOGOGRYPHE
UN fage dit toujours ; parlez peu , parlez bien;
Le dire cit très aisé , le faire ft difficile;
Pour fuivre ce confeil , le feul & vrai moyen
Eſt de retrancher l'inutile.
Au faitdonc : fur huit piedsje te ſeis de ſoutien ,
Soit que le fort au jeu ſoircontraire ou propice;
Prends garde toutefois que le pied ne te gliffe;
De toi dépend, mon cher , ma runs ou monbien ;
En courant après moi ,je te vois perdre haleine :
Allons, reprends courage , & de tous mes enfans
Si tu trouves les noms , le reſte ira ſans peine .
Quoique d'un même père ils font peu reſſemblans;
Écoute tour- à-tour parler mâle ou femelte ;
Je parois en hiver beaucoup plus qu'en été;
DEFRANCE. 7
Quelquefois très mal-propre , & ne ſuis jamais belle;
Aux grands comme aux petits je donne la clarté,
Enbavardage on dit que je fais un modèle :
P
De deux malheurs ce qu'il faut éviter ;
Ce qui dans un vaſſeau n'est jamais par- derrière.
Me voit on en fublic ? c'eſt pour épouvanter ;
Avec un fourd ce qu'il faur faire ,
Et ce qu'il fait lui même avec difficulté;
Le parti le meill.ur pour avoir quelque choſe;
Un plaifir qui vient de gaîté ;
4
Jamais autour de mai je Marin ne s'expoſe;
Ce qu'en chillait le cerfen entend dans les bois ;
Je'u's louvert té ent quand on vous emprifonde ;
J'ai donné mon beau nom à l'aſyle des Roi ;
Je ſuis en Danemarck la première pe: fonre;
A Paris comme à Rome un paffage public;
An couve tgros & gras, &jeboisà laglace.
Mettre actuell ment chaque lettre à fa place ,
Et puis me deviner , voilà vraiment le hic.
:
:
(Par M Prévost , Garde du-Corps de
Mgr. Comte d'Artois )
Aiv
MERCURE
11
NOUVELLES LITTERAIRES.
0
OEUVRES de M. l'Abbé Spallanzani , conte
nant, fes Opufcules de Physique animale
& végétale: 2°.fon Traité de la Dir
geftion: 3º.fes Expériencesfur la Génération:
le tout traduit de l'Italien par M.
Sennebier , Bibliothécaire de la République
de Genève , z Vol. in 8°. avec fig. A
Paris, chez Pierre Duplain , Libraire , cour
du Commerce, rue de l'ancienne Comédie
Françoiſe. Prix , 15 liv. brochés & 18 liv.
reliés.
IL y a dans la Phyſique générale des vérités
qui tiennent à l'homme de fi loin , dont l'utilité
eſt fi peu immédiate , qu'on ſeroit tenté
de les confidérer comme des objets propres
ſeulement à repaître la curioſité ou l'amourpropre
de ceux qui s'en occupent. L'intérêt
que doit inſpirer la Phyſique animale & végéra'e,
ſe fait tout à coup fentir aux perfonnes
les moins accoutumées à penſer ; il eſt
zife de voir que l'étude des animaux & des
êtres organiſés mène à la connoiſſance de
l'homme, qui a tant de rapports avec eux.
Mais cet intérêt s'accroît lorſque l'homme
lui - même devient le fujet des recherches du
Philofophe ; lorſqu'on nous annonce de nou
DE FRANCE. ,
velles lumières ſur les points les plus importans
de l'économie animale , tels que la digeftion
& la génération , fonctions eſſentielies ,
dont l'une conſerve notre exiſtence , & l'autre
la perpétue en la tranſmettant; fonctions
couvertes de ténébres , que les hypothèſes
multipliées des Médecins & des Naturaliſtes
n'avoient fait qu'augmenter , en augmentant
l'embarras de celui qui cherchoit la
vérité.
Les Expériences de M. l'Abbé Spallanzani
ont certainement applani le chemin qui y
conduit, ſi elles ne mènent point tout-à- fait
juſqu'à elle. Ces Expériences ont un attrait
dont ceux qui ne jugent du mérite d'un Livre
que par le ſtyle, ſont bien loin de ſe douter.
C'eſt un défaut trop général peut-être parmi
les Gens de- Lettres de n'attacher du prix
qu'à certaines formes brillantes du diſcours ,
fur-tout depuis que quelques grands Écrivains
les ont introduites dans les Sciences.
Qu'ils liſent les OEuvres de M. l'Abbé Spallanzani
, & ils verront juſqu'à quel point on
peut captiver l'eſprit ſans l'appareil du langage;
ils feront furpris d'y trouver une nouvelle
ſource d'intérêt , non-ſeulement dans
cet éclat pur de la vérité qui pénètre l'ame
&s'empare de toutes ſes facultés, mais dans
lamanière dont ce Phyſicien la cherche. On
aime à voir un homme aux priſes avec la
Nature qui ſe cache. Tantôt il l'épie pour
la ſurprendre , tantôt il la bruſque & l'afſiège
en forme. On admire ſes inventions ,
Av
10 MERCURE
1
ſes machines, les reffources qu'il trouve dans
le fond d'une ſagacité inépuiſable. On en
attend l'effet avec impatience ; on en voit le
fuccès avec une vive fatisfaction ; de forte
que ceux qui ne font amulés que par une
fuite d'événemens vrais ouimaginaires, trouveroient
encore ce genre de plaitir en lifant
les Expériences de M. l'Abbé Spallanzani , &
tout le charme d'un Roman dans l'hiſtoire
d'une vérité phyſique.
L'art d'obſerver n'eſt pas aufli paflif qu'on
pourroit le croire , il demande beaucoup
d'invention dans l'eſprit. S'agit- il, par exemple,
de chercher la cauſe de cet engourdiffement,
de cette mort apparente que fobiffent
certains animaux au retour de l'hiver? Rien
de plus ingénieux que les moyens qu'emploie
cet habile Phyficien pour s'en affurer.
Le commun des Phyſiciens avoit dit que les
animaux qui préfentent certe alternative de
vie&de mort apparente, font des animaux à
fang froid, c'eſt à dire , des êtres qui n'ayant
point de principe de chaleur intérieure, n'ont
de mouvement que ce que la chaleur de
l'athmosphère entretient dans leur fang ; de
forte que lorſque l'athmosphère fe refroidit,
leur fang perd auffi fa chaleur & fon mouve
ment. M. l'Abbé Spallanzani a voulu d'abord
s'affurer fi pluſieurs des animaux qu'on diſoît
être à fang froid étoient tels réellement , &
il a trouvé , en plaçant la boule d'un thermomètre
dans leur bouche ou ſous leur épaule,
qu'ils en faifoient monter la liqueur comme
1
DE FRANCE. 1
les animaux à ſang chaud , & que par conféquent
on étoit dans l'erreur à cet égard. Mais
le point de la queſtion le plus difficile à refoudre,
étoit de favoir fil'engourdiflementde
ces ammaux est un effer du refroidiffement,
du fang ou des folides , ou s'il eſt produit par
le refroidiffementde tous les deux. Pour parvenir
àce but , il falloit trouver un animal qui
pût ſurvivre a la perte de ſon fang ; car ti
l'impretlion du froid produifoit fur cet animal
priyé de fon fang le même effet qu'elle
produit lorſqu'il eſt dans ſon état naturel , il
feroit clair que ſon engourdiffement ne dépend
point de la modification que le froid imprime
à ſes fluides. M. l'Abbé Spallanzani a
trouvé cet animal fingulier. Il avoit vu dans
ſes Expériences , qu'après avoir ouvert le coeur
&coupé les gros vaiſſeaux à des grenouilles ,
ces animaux fautoient encore , couroient ,
plongeoient dans l'eau , nageoient, avoient
l'uſage de la vue & les autres ſens, en un
mot rempliffoient toutes leurs fonctions vitales.
Il a cru que ces animaux pouvoient fervir
à réſoudre la queſtion. Il en enfevelit pluſſeurs
dans de la neige, quelques unes dans
toute leur intégrité, un certain nombre vuides
de ſang, mais toutes également vives. Après
huit ou dix minutes il en retira quelquesunes
de la neige ; cel'es qui n'avoient point
de ſang & celles qui l'avoient tout, ſe trouvèrent
également engourdies & hors d'état
de fuir. Quinze minutes après il en retira
quelques autres ; elles étoient tout- à- fait con- :
Avj
12 MERCURE
tractées par le froid, immobiles & preſque!
gelées. M. l'Abbé Spallanzani les ayant tranfportées
dans un lieu chaud, peu à- peu elles
s'allongèrent , ouvrirent les yeux , fautèrent
&fe mirent à fuir ſans qu'il y eût aucune
difference entre- elles. Ce Phyficien a conclu
avec raifon de cetteExpérience , que l'engour--
diffement léthargique de ces animaux eft une
affection du principe immédiat de la vie , &
que le froid n'agit dans ce cas qu'en détruifant
ou fufpendant l'irritabilité des fibres motrices
de l'animal.
L'Ouvrage de M. l'Abbé Spallanzani , où
laméthode, l'eſprit d'invention , l'exactitude
&la fagacité ſe montrentleplus, eſt ſonTraité
de la Digestion. On ne parle pas ici de ſon
utilité; car il ſeroit ridicule de chercher à
prouver qu'il eſt important de bien digérer.
Quoique la digeftion ſoit de toutes les fonctions
animales celle ſur laquelle on peut avoir
le plus de priſe , & que l'eſtomac foit , pour
ainſi dire , l'entrée de l'animal , où les matières
étrangères qui doivent devenir parties
conftituantes d'un nouvel être , commencentà
changer de nature , cette fonction n'en avoit
guères été mieux connue juſqu'à préſent.
Onn'avoit fait que difputer ſans s'éclairer fur
cet objet; &, ce qui arrivera toujours tant
qu'on s'obſtinera à appliquer les idées de la
Phyſique courante , les théories de la Chimie&
de la Méchanique au ſyſtème animal,
on n'avoit faitque changer d'erreurs. La trituration
&la fermentation étoient les prin-
:
DE FRANCE.
F3
cipaux moyens par leſquels les Médecins&
les Phyficiens expliquoient la digestion. Les
Experiences de M. l'Abbé Spallanzani font
voir clairement que la trituration n'est qu'un
moyen auxiliaire de la digeftion dans les oiſeaux
gallinaces, &qu'il ne s'opère point de
fermentation dans tout eſtomac qui digère
bien. La digeftion, felon ce Phyficien , n'eft
que le réſultat de l'action diffolvante du fuc
gaſtrique, une ſimple diſſolution des alimens
opérée par ce fuc , qui a éminemment la
vertu anti- feptique, c'eſt à dire , la propriété
d'arrêter ou d'empêcher la putrefaction des.
matières qu'il pénètre. Rien n'eſt plus intéreflant
que le détail des propriétés de ce fingulier
diffolvant, après celui des procédés ingenieux
par leſquels M. l'Abbé Spallanzani
eſt parvenu à les connoître. Les confequences
utiles à l'humanité qu'on peut tirer des tra
vaux de ce Phyficien ſont évidentes , puif
qu'ils dérerminent les conditions & les cir
conftances qui peuvent augmenter ou dimi
nuer l'énergie des ſucs digeftifs , & le genre.
d'alimens qui ſe prêtent ou fe refufent à leur
action.

Les Obſervations microſcopiques de M.
P'Abbé Spallanzani fur les prétendus animal
culesdes infufions , fans être ni moins pie
quantes ni moins curieuſes , ne portent pas , à
beaucoup près, lemêmecaractère d'évidence,
que ſes Expériences ſur ladigeſtion.Ces êtres
enmouvementque laiſſe voir au microfcope
ladécompofitiondes ſubſtances régétales &
14 MERCURE
animales , font parmi les Phyſiciens un grand
fujet de difpute. M. Needham prétend qu'ils
font animés par une force vegetatrice qui en
fait tantôt une grenouille , tantôt un chien ,
un moticheron , un éléphant , une araignée ,
une baleine , un beaf, ma homme. Ces
fortes d'idees ne manquent jamais d'en impoſer
au vulgaire, parce qu'elles ont un air
de profondeur. Mais lorsqu'un efprit attentif
les foumet à un examen reflechi, il n'y voit
bientôt qu'un vain fantôme philofophique
que la lumière de la raison fait évanomr. Une
force végetatrice qui est incapable de rien pro-,
duire par elle même, eſt une force fterile&
nulle. On aura le droit de nier ſon exiſtence
juſqu'à ce qu'on ait vu une baleine , un chien
ou un boeuf naître ſpontanément dans une
prairie ou une voirie. Si la lumière , l'air &
l'humidité qu'une plante pompe , ont beſoin
d'être élaborés par les forces intérieures de
ce végétal pour acquérir une exiſtence &
une forme organiques , à quoi leur fert cette
force végétatrice qui , dit- on , rend ces principes
propres àdevenir tout, & avec laquelle
cependant ils ne produiſent rien, s'ils ne font
affimilés à un type déjà préexiſtant ; en un
mot, s'ils font foumis à un ordre conſtant de
génération qui leur imprime ſucceſſivement
diverſes formes que leur prétendue farce végératrice
n'auroit jamais pu réaliſer toute
Teule?
M. l'Abbé Spallanzani rejette l'idée de M.
Needham; & au heu de regarder les moleDE
FRANCE. 15
cules mouvantes des infuſions comme les
matériaux actifs d'un animal ou d'un végetal
, il les confidère comme de vrais animaux.
Mais cette opinion a autli fes difficultés. E'le
eftfondée tur un genre d'obſervation trèsſujetpar
la nature à l'illufion . On n'a guères
d'autre raiſon pour affirmer que les molecules
des infufrons font des animaux , que le
mouvement dont elles paroiflent agitées.
Nous fomunes naturellement portés à regarder
comme fpontane tout mouvement
dontnous n'appercevons point la raiſon fuffifante
hors du corps qui est imû. Accoutumés
àne voir que des maffes agir les unes fur les
autres par impulfion , & exercer entre- elles
des forces méchaniques , nous voulons réduire
tous les êtres à ce genre d'action , lorfqu'ils
ne manif ſtent point ce principe intérieur
de mouvement qui eft propre aux
êtres organiſés. Autfi n'eſtil pas ſurprenant
que faute d'appercevoir la cauſe de celui qui
agite les molécules actives des infufions , on
foir tenté de les prendre pour des animaux.
Mais fi on penſe que toute ſubſtance végétalé
& animale tend à une prompre décompofition,
& que les élémens qui la compoſent,
lorſqu'ils ne font plusliés & retenus par la
force vitale qui les enchaînoit , font un effort
continuel pour ſe ſeparer & voler à de nouvelles
combinaifons , on ne fera peut- être
pas éloigné de croire que les molécules des
infufions n'exercent que des forces purement
physiques,&que ce mouvenient auquel ellés
16 MERCURE
doiventune faufſe apparenced'animalité, n'eſt
que le réſultatde ces loix d'atfinite qui tiennent
les parties élémentaires des corps dans
une perpétuelle vicifiitude de rapports & de
mouvemens.
Nous ſommes d'autant plus portés à penſer
ainti,quelesmatières les plus propres àproduire
le phénomène qu'offrent lesinfufions , font
autli celles qui font les plus diſpoſées à la fermtantation:
relles font les parties gélatineuſes
sanimaux, toutes les graines qui contiennent
beaucoup de fubſtance mucqueule. Toutes
ces matières , lorſqu'elles font feparces de
L'animal ou du végétal dont elles faifoient
partie, font livrées à un mouvement inteftin
plus ou moinsrapide, juſqu'à ce qu'elles foient
reduites à leurs élémens , ou qu'elles forment
de nouveaux compoſés. L'obſervation unicroſcopique
fait voir comment les parties
qui , par leur réunion , formoient des fibres ,
parviennent , par leur diviſion , à n'être plus
que des globules iſolés auxquels le mouvement
général de la liqueur où ils ſont contenus,
ou bien leur propre force d'affinité , imprime
differentes directions. Il n'est pas furprenant
que l'ébullition des graines, bien loin
de tuer les animalculis, en favoriſe le déve-
Joppenment ; car il y a lieu de croire qu'en
macérantces fubſtances, elle lesdiſpoſe davantage
à ce mouvement fermentatif qu'elles
doivent fubir. M. l'Abbé Spallanzani a trouvé
que le camphre , les liqueurs huileuſes, ſpiritueuſes,
l'électricité, le défaut d'air, fontmou
DE FRANCE. 17
sir les prétendus animalcules ; mais on fait
que ces fubftances ont la propriété d'en pè
cher oude ſuſpendre la fermentation dans les
corps auxquels on les applique. L'air eſt un
agent néceffaire à cette opération de la Nature.
Quant à ces prétendus animaux , ils ne
préſentent aucune trace d'organiſation bien
car Etériſee.Ce font tantôt des filamens qui
fe réſolvent en perits grains, tantôt des moléculesd'une
forme ſphérique on ovale. Peuron
dire qu'ils ſe fécendent &fe propagent
lorſqu'ils viennent àſe divifer, ou bien qu'ils
fe devorent lorſque ſe trouvant en contace
ils ſe reuniffent comme feroient des globules
de mercure ?
Les animalcules des infuſions ont fait un
grandplaifir aux Philoſophes qui ne veulent
point de lacune dans la Nature , & qui la
voient remplie parune gradation de mandes
animés , qui s'étenddepuis le trône de l'Éternel
juſqu'au dernier atôme. C'etoit l'idée
chériede Platon ; elle avoit été puiſée chez
une Nation & dans un Pays où , par la nature
du climat , l'anse n'étant pas capable d'un
grand effort, cherche dans la contemplation
un plaifir & un travail qui l'exercent fans la
fatiguer. L'idée d'une chaîne graduée d'êtres
qui compofent l'Univers a dû naître dans
untel climat.Une gradation préſente toure la
Natured'une feule vue à celui qui n'en contemple
qu'une partie; elle fait l'effet de la
fymmétrie dans les Ouvrages de Farr. L'immenfité&
la variété font les attributs conf
18 MERCURE
tans de la Nature; & fi quelquefois dans les
opérations&dans les ouvrages , elle offre des
gradations &des nuances, c'eſt parce qu'étant
tout, elle renferme toutes les manièresd'étre .
Amfi l'idee de la grande chaine des étres qui
paroit fi fublime n'est peut-être qu'une res
thode fuggeree par l'influmet de la parell , Se
elle ne prait tant a l'imagination , que parce
qu'elle lafoulage dans la contemplation dun
objet dont la grandeur l'accable. 20
LesPhyficiens qui pretendent que tous les
végétaux& tous les animaux tirent, leur originede
germes qui ont été emboires les uns
dans les autres, trouveront dans les Obierva
tions de M. l'Abbé Spallanzani , des fais qui
paroiffent javorables a leur ſyſteme , tels fpat
ceux que preſente le vo yox, animal microl
copique qui avoit déja été obſerve par Leuwenhoek
; c'eſt un globule transparent qui
tourne continuellem no fur lui-meme. Si les
idées de quelques Obfervateurs partifans de
l'emboîtement des germes étoient fondées ,
aucun animal ne prouveroit mieux leur opinion
que le volvox ; car ils prétendent avoir,
vu en lui juſqu'à la cinquième génération , A
l'on peut appeler générations les cercles concentriques
qu'il paroît renfermer comme
une bulle d'air qui en contiendroit d'autres.
M. l'Abbé Spallanzani dit à l'appui de ce fait ,
qu'on a trouvé plus d'une fois un oeuf dans
un autre coeuf. Cette expreſſion n'eſt pas
claire. A til voulu dire qu'on a vu ſouvent
deux jaunes d'oeuf enfermés dans une même
DE FRANCE.
19.
coque ?Mais dans ce cas un oeuf n'eſt point
enfermé dans un autre oeuf, c'est un eat à
côte d'un autre,&le. parafans de l'embos
tementne peuvent tirer aucun avantage de
ce fair. Il faudroit, pour Finterêt de leur hypothère
, que dans le germe contenu dans un
oeuf, on cất vụ an autre cent infiniment plus
petit, ce qu'on n'a point wn && ne verra janais.
Il est à craindre dans les Sciences que
le defir trøp ardent d'érayer un ſyſtème, ne
faffe quelquefois abufer des tetines & mème
des experiences , & n'altère , fins qu'on s'en
apperçoive, cet amour du vrai que et la
confcience du Philofophe. :
L'Onvrage de M. l'Abbé Spallanzani offie
au des exemples, d'ainmanx quon pomo
tuer & retfuf. iter à fon gré , tels font is rot
rifère, le tardigiave,&c. Ce fat des anis..
maux microtcop ques qui ne donnent des
fignes du vie que forfeu'ils font dans l'eau ,
&qui pe dent le mouvement loriqu'on les
met à fec. On trouve les rorifères dans le
fable des gouttières. M. l'Abbé Spallanzani
avoit confervé pendant quatre ans de ce
fable très tec dans un vate de verre fermé.
Cependant après l'avoir humecté les roti
tères y reffufcitèrent promptement. Ces animaux
ſe deſsèchent & ſe raccorniffent lans
doute fans que leur organiſation , qui eſt
très-funple, comme celle des plantes , s'altère
ſentiblement. Ce qu'on appelle ici mort
du rotifere , n'en est vraiſemblablement que
Papparence. Il n'est pas plus mort qu'un ar
20 MERCURE
briffeau ou une branche d'arbre qu'on garde
quelque temps dans une chambre , & qui
recommencent à végéter lorſqu'on les plante
dans un terrein favorable. Ces eſpèces d'êtres
doivent avoit leur manière de mourir après
laquelle ils ne reſſuſcitent plus ; car il feroit
contre le plan géneral de la Nature qu'ils
puſſent ſe propager & vivre toujours. Les
limites tranchantes que nous avons voulu
poſer entre les êtres du règne animal & ceux
du règne végétal,&qui ne font point celles
que la Nature leur a aſſignées, ont éré une
ſource d'erreurs; elles nous ont fait ſouvent
tranſporter la manière d'exifter d'une claſſe
d'êtres à une autre claſſe dont la nature eſt
d'exifter différemment. Nous avons vu que
le mouvement ne pouvoit être ſuſpendu pendant
un certain temps dans l'homme& dans
la plupart des animaux, ſans que cette ſuſpenfion
antenâr une mort irrévocable. Nous en
avons conclu que le rotifere , lorſqu'ilceſſede
fe mouvoir, perd la vie , & qu'il reffafcire
lorſqu'il reprend le mouvement. On fe garantiroit
de cette manière vicieuſe de raiſonner
, filon ſe ſouvenoit ou fi l'on pouvoit ſe
perfuader que la Nature n'a point tellement
féparé les facultés qui font propres à la plante
&celles qui appartiennent àl'animal, qu'elles
ne ſe trouvent quelquefois confondues dans
le même individu. Il eſt des êtres dans lefquels
les facultés du végétal font tellement
dominantes , qu'on ne devroit pas même les
mettre dans la claſſe des animaux , tels font
DE FRANCF. 24
les polypes. Le mouvement progreſſif & la
faculte qu'ils ontde prendre & de faifir, en
ont impote a leur egard ; car une plante ne
ſe diriget elle pas vers la lumière , &ne faifit-
elle point à la manière l'eau & les parties
de l'airqui lui conviennent ? Le caractere diftinétifdu
végétal, ſi on peut lui en afligner
quelqu'un, eſt de pouvoir être divife ,
faire un tout de chaque partie feparée. Les
polypes l'ont éminemment,& il s'erend plus
ou moins loin dans les divers ordres des infectes&
des reptiles; de forre que le lézard ,
quia la facultéde régénérer des parties qu'il a
perdues , offre l'exemple d'un genre d'etre
qui eſt tout- à- la- fois un végétal par la queue
&un animal par la têre .
Les Expériences de M. l'Abbé Spallanzani
fur la génération , ont un caractère original ,
& offrent des réſultats auxquels on n'avoit
pasmême encore penſé. Ici le Phyſiciens eſt
placé à côté de la Nature, & a oſe l'imiter.
Il s'eft emparé de cette matière active qu'elle
prépare pour animer les germes qui Tartendent;
&, comme un nouveau Prométhée ,
il a répandu la vie à fon gré. Cette liqueur
vivifiante àlaquelle l'homme doit ſa fice&
la perpétuité de fon eſpèce, n'avoit point en-
*core éré examinée dans tous ſes rapports
comme elle l'a éré par M. l'Abbé Spallanzani
.En en faiſant connoître toute l'énergie
il éclaire ſur ſa nature, & nous déſabuſe de
T'idée qu'on en avoir. Les myſtères les plus
profonds n'étonnent point la froide faga-
}
22 MERCURE
:
cité; il marche d'am pas tranquille & inébranlable
à travers les obstacles qui defendent
l'accèsde la vérité, Perfonne n'a mieux fait
connotre tout ce qu'on peut attendre du
talent de l'obfervation ; & l'on peut dire
que tidepuis que les hommes ont commencé
àpenfer, la Nature eût forme dans chaque
fiècle un Obfervateur de fa trempe , elle au-
Toit plus fait pour le progrès des Sciences
que toutes les Écoles qui ont exifte. A
OEUVRES complettes d'Antoine - Raphaël
Mengs, premier Peintre du Roi d'Efpagne,
&c. contenant differens Traité'sfur
la théorie de la Peinture , traduit de l'icalien.
2 vol . in 4. Prix , 18 liv, brochés ,
& 24 liv. reliés. A Paris, chez Moutard ,
Imprimeur - Libraire de la Reine & de
l'Acadeinie des Sciences , hôtel de Cluny ,
rue des Mathurins.
L'ARTISTE qui n'a reçu de la Nature que
des facultés communes , qui eft bon ſtaruaire
comme il auroit eté bon artiſan , pourra donner
à ſes Élèves des leçons preparatoires à
des études plus profondes. Si même il pub ie
des leçons , elles ne feront pas fans utilité ,
parce qu'elles ſerout fondées ſur l'expérience
de fes Maîtres & fur la propre expérience :
on n'y trouvera pas , il eft vrai , les apperçus
du génie ; mais on y puiſera des inſtructions
potitives , qui font le réfaltat des chef-d'ouDEFRANCE.
23
vres que le génie a infpires aux grands
Maitres.
Mais l'homme que la Nature a deſtiné au
grand dans quelque lituation qu'il foit placé
par le halard ; l'homme qui eft grand Artiſte,
parce qu'il auroit éte grand Primce , grand
Honime d'Étar, grand Magiftrat , grand Poëte;
l'homme dont les fens ne font affectes que de
: ce qui eft noble , beau , utile , majeftueux ,
cet homme, en croyant ne donner que des
leçons de fon Art , echauffera du feu qu'il
récèle, tous ceux de les Lecteurs dont l'âme
elt capable de ſe mettre d'accord avec la
henne.S'il eft Peintre , on ne cherchera dans
fes Ouvrages que des preceptes de Peinture,
& Ton y puifera ce qui conduit à tout ce
qu'il y a de grand ; l'amour du beau , l'indifference
pour le médiocre , le mépris pour
tout ce qui eft bas, tout ce qui est melquin.
Enlifant lesOuvrages de Raphaël Mengs,
on voit que cer Artiſte , qui a dû la célébrité
àl'art de peindre , auroit trouvé la gloire dans
toutes les carrières où la fortunel eûr pouffé,
parce que dans toutes, il n'auroit eu qu'un
même but : la recherche du vrai beau.
La Narure offre tant de parties qu'il est
impollible à l'Art d'imiter , qu'elle feroit le
defeſpoir de l'Artiſte ; mais il fe confole & fe
pénètre d'un urile orgueil , en condérant
qu'il eſt une partie dans laquelle il peut vaincre
la Nature elle même : cette partie eſt la
beauté.
" La Nature eſt, dans ſes productions, fu24
MERCURE
"
"
>>jette àpluſieurs accidens; mais l'Art opère
librement. Il peut choitir dans le ſpectacle
> entierde laNature ce qu'elle offre de plus
> partait , raiſembler différentes parties de
• pluſieurs endroits , & la beauté de plulheurs
individus. L'homme peut donc être
repréſenté par la peinture plus beau qu'il
> ne l'eft en effet..... Comme le miel ne ſe
trouve pas dans une ſeule fleur particu
>> lière, mais que chaque Heur en contient
>> une partie , dontTabeille fait un allemblat
" ge pour compofer fon tréfor ; de nieme
" l'Artiſte peut choiſir ce qu'il y a de meil
leur dans la Nature , & par ce moyen rét
pandre liplus grande grâce & la plus grande
expreffion dans les Ouvrages de l'Art.
C'est de ce choix que réfulte le beau qu'on
appelle ideal , & qu'un autre Artiſte , M.
Falconet , a nommé beau de réunion, parce
qu'il fe forme de l'union des différentes beautés
qu'on a obſervées en differens modèles.
En effer , s'il eſt impoflible de ſe former aucune
idee dont l'image n'ait été tranſmiſe à
la faculté intellectuelle par la voie des ſens ,
une beauté qui n'auroit jamais frappé les ſens
de l'Artiſte ſeroit au- dellus de fa conception .
Mais s'il a vu dans un modèle vivant me
belle rète , dans un autre de belles mains ,
dans un autre encore une belle poitrine, il
pourra faire une figure dont ces differentes
parties foient également belles , quoiqu'un
ſeul modèle ne lui ait pas offert la réunion
de ces différentes beautés . Il créera la beauté
comme
DE FRANCE. 25
comme il pourroit créer un monftre , s'il
réuniffoit dans une même figure le buſte d'un
homme, le corps d'un quadrupède & les ailes
d'un oiſeau.
ود
« Il y a, dit Raphaël Mengs , de l'idéal
danstoutes lesparties de la peinture. Dans
> le deſſin , c'eſt la beauté des formes au-
>>> deſſus de la Nature , &l'art d'unir de belles
>> parties bien agencées enſemble; dans le
>> clair-obſcur, ce ſont les maffes & les ac-
ود cidens ſuppoſés ou recherchésde lumière,
>> pour accroître la beauté d'un ouvrage ,
>> dans le coloris , c'eſt le choix du ton qui
>>donne aux objets repréſentés des couleurs
>> localesplus fières &plus tendres ; dans la
>> compofition , c'eſt l'invention de choſes
*» qu'on n'a pas vues ,&d'expreffions qu'on
>> ne peut copier d'après nature; enfin l'em-
>> ploi d'accidens & d'idées purement poéti-
د
ود
ques. L'idéal s'étend même ſur le caractèredes
perſonnages qu'on veut repréſen-
>> ter , ſur les attitudes , les airs de tête , les
>> mouvemens des mains , des pieds , de tour
>> le corps , ſelon le tempérament qu'on doit
leurdonner.>>
Mengs s'étoit formé une trop haute idée
de la beauté pour n'être pas ſévère dans fes
jugemens fur cette partie de l'Art. Il accordoitàRaphaël
le premier rang entre les Peintres
, parce qu'il a réuni en plus grand nombre
qu'aucun autre , &à un plus haut degré,
dos parties effentielles de l'Art ; mais en
ayouant qu'il avoit ſu porter juſqu'à l'idéal
N°. 35 , I Septembre 1787.
B
26 MERCURE
l'exécution des caractères qu'il a voulu repréfenter
, il ne lui accorde pas de s'èrre élevé
dans le detlin au- deſſus de la Nature. Ses
Vierges ne font que de belles femmes de la
campagne ; leurs bouches font une grimace
riantequi ne convient pas à la beauté. Il leur
adonné un front uni &ferein qui forme l'un
des caractères du beau idéal; mais il n'a pas
confervé l'unité de ce caractère ; car il leur a
fait des joues arrondies qui s'accorderoient
mieux avec un front partagé en differentes
parries, puiſque les muſcles du front doivent
avoir une groffeur proportionnée à ceux des
joues. 2
Il n'a pas fu élever le Créateur au-deſſus
de la nature débile & mortelle de l'homme.
Il 1 ii a donné une peau ridée , des yeux ternes,
ladégradation de lavieilleſſe : il ne falloit
lui donner du grand âge que ce qui rend cet
âze vénérable. Les belles têtes antiques de
Jupiter ne font pas jeunes; mais elles n'ont
aucun des caractères de la dégradation , aucun
de ceux qui la font prévoir. Les Grecs
n'exprimoient pas les muſcles ni même les
tendons auffi fortement dans les figures des
Divinités que dans celles des hommes ; ils ne
leur donnoient pas de veines apparentes ,
parce que l'ichor qui couloit dans les veines
ds Dieux n'étoit pas un fluide groſſiercomme
1: fang qui gonfle nos vaiſſeaux. L'imitation
des plis de la peau eft une vérité dans la repréſentationde
figures périſſables ;elle eſt un
contre lens dansla repréſentation d'une figure
"
DE FRANCE.
27
divine. La peau d'un Dieu n'eſt pas fatiguée
par le mouvement des membres qu'elle couvre;
elle ſe rétablit après ce mouvement dans
ſa première perfection, & n'en conferve aucune
empreinte: ce font ces empreintes , rendues
toujours plus profondes par le temps ,
qui forment enfin ces rides , compagnes de la
caducité.
C'étoit dans l'antique que Mengs cherchoit
les modèles de la beauté idéale , & cependant
il ne croyoit pas que nous polledaffions
aujourd'hui les plus parfaites productions
de l'art antique. Cette idée étonne
l'imagination. Quelle étoit donc la beauté des
chef-d'oeuvres qu'enfantèrent les contemporains
dePéricles & d'Alexandre , ſi les ouvragesqui
font le déſeſpoir des Artiſtes modernes,
n'en font que de foibles imitations ?
L'opinion de Mengs eſt appuyée de preuves
aumoins impoſantes.
"Perſonne n'ignore , dit il, que Rome fut
>>> ſpoliée pluſieurs fois de ſes plus magnifiques
monumens pour en embellir Conf-
>> tantinople , & que les ſtatues qui y ref-
>> toientencoredu temps de Théodoſe, furent
détruites par l'ordre de cet Empereur & de
quelques- uns de ſes ſucceſſeurs: d'où l'on
>> peut conclure que celles qui é happèrent
» à cette barbarie nn''étoient pas fort renom-
" mées , ou ſe trouvoient placées dans dos
>> lieux inconnus ou peu fréquentés , & de-
>> voient par conséquent être de peu de
prix.
28 MERCURE
Accordons , fi l'on veut , que cette preuve,
&pluſieurs autres qui l'accompagnent , ne
foient que de fortes probabilités; mais que
pourra t'on répondre quand il ſemble démontré
que le célèbre Apollon du Belvedère n'eſt
qu'un ouvrage des ſiècles inférieurs de l'Art ?
" Si la beauté de l'exécution , dit Raphaël
» Mengs , nous fait croire que certe ſtatue
>> doit être placée dans la claffé des premiers
>> chef-d'oeuvres de l'antiquité , il faut re-
» marquer qu'elle eſt de marbre de Carrara
» ou de Saravezza. Si l'on prétendoit qu'elle
» a été exécutée en Italie par quelque grand
ود ArtiſteGrec, je pourrai objecter que Pline
>> dit expreſſément que les carrières de Lunes
» ou de Carrara venoient d'être nouvelle-
>> mentdécouvertes de fon temps; il eſt donc
>> probable que cette ſtatue fut faite du tems
>> de Néron , &placée à Nettimo , où elle a
» été trouvée. Il eſt également vraiſembla-
» ble que fon Auteur n'a pas eu autant de
>>talent que les autres ſtatuaires employés
» par cet Empereur à ſes édifices de Rome,
ود où devoient néceſſairement ſe faire les
>> plus belles choſes par les plus habiles Ar-
>> tiftes. "
Comment pourroit - on ſoutenir encore
quel'Apollondu Belvedere eſt un chef d'oeu-
-vre des temps les plus floriſſans de l'Art ,
lorſqu'il eſt fait d'un marbre dont la carrière
ne fut ouverte que long temps après ces
beaux ſiècles ?
Il est vrai que nous poſſédons encore le
DE FRANCE. 29
grouppe de Laocoon , & que Pline en a fait
l'éloge comme de la plus belle production de
P'Art qu'il connût ; mais notre grouppe du
Laocoon, fait de cinq morceaux , eſt- il celui
dont parle Pline , qui étoit d'un ſeul bloc ?
• D'ailleurs, ajoute notre Artiſte , on pour-
> roit demander ſi Pline étoit un juge com-
> pétent , lui qui admire for tout les ferpens
>>qu'il appelle desdragons?Cette admiration
>> des acceſſoires ne prouve pas une grande
>>intelligence , puiſque dans ce cas ils naiſent
>> aux choſes principales. Voilà encore un
Artiſte qui , comme M. Falconer , refuſe à
Pline l'intelligence de l'Art.
Ce ſeroit un blafpheme contre le goût ,
quede nier l'excellence des belles ſtatues de
l'antiquité ; mais ondoute ſi les Peintres de la
Grèce avoient réuni au même point que les
Statuaires lesdifférentes parties de leur Art.
Mengs ſe déclare pour l'affirmative. " Exa-
>>>minons , dit il , à quel degré de perfection
>> les Peintres Grecs du meilleur temps peu-
>> vent avoir porté leur Art , & combien
>>leurs ouvrages doivent avoir été beaux,
>> puiſque ceux qu'on a trouvés à Hercula-
>> num nous paroiſſent ſi dignes de notre at-
>> tention. Nous ne pouvons douter que les
" anciens aient porté l'art du deſſin au plus
» haut degré de perfection , comme nous le
> voyons par leurs ſtatues; & quoique dans
>> les tableaux d'Herculanum la partie du
deffin ne ſoit pas celle qui eſt la plus almirable
, on y remarque cependant én
Bij
MERCURE
> général un très bon goût & une grande
>> facilité à reſter dans les juſtes bornes des
contours , c'est-à-dire , qu'ils ne font ni
> chargés , ni durs , ni fecs.On eft furpris de
» la grande intelligence de clair- obfcur qui
» y règne , &de la nature de l'air ambiant ,
lequel, étant un corps d'une certaine den-
>> fité, réfléchit la lumière& la communique
> aux parties qui ne peuvent la réfléchir en
> ligne directe. Ayant remarqué combien
> ces parties ſont bien traitées , même dans
> les plus mauvais tableaux , quoique faits
>> ſans doute avec négligence , ce n'eft qu'avec
>>> étonnement que je penſe à la perfection
que doivent avoir eu les ouvrages des
célèbres Artiſtes contemporains des Sculp
>> teurs qui ont fait l'Apollon du Belvedère ,
>> la Venus de Médicis & les autres ouvra
ود
ges de cette beauté qui , cependant , ne
>> font pas encore des ouvrages des Artiſtes
> du premier rang de l'antiquité.
> Quoique le coloris de ces peintures ne
foit pas excellent , nous ne pouvons néan-
>> moins douter que les anciens Peintres
>> aient poſſédé cette partie en perfection ,
>> lorſque nous nous rappelons qu'ils ont fu
>> diftinguer le coloris de deux Ajax , faits par
> deux differens Artiſtes, en difant que l'un
> étoit nourri derofes , & l'autre de chair.
>> Ils connurent auſſi la perſpective, comme
>> on peut s'en convaincre par les ouvrages
> trouvés à Herculanum..... Ce que les an
ciens n'ont peut- être pas fi bien connu que
DE FRANCE: 1
> les modernes , c'eſt la compoſition pitto-
>> reſque ou théâtrale, parce que leur prins
> cipale étude avoit pour objet la qualité des
>> chofes , & non pas la quantite. Il eſt à
>> croire que leur manière de compoſer les
> tableaux_étoit peu différente du ſtyle de
>> leurs bas reliefs, comme il eſt facile de le
> remarquerdans ces mêmespeinturesd'Her-
> culanum , qui ſont admirables par les con-
•traftes, la grace des figures , les belles par-
> ties de l'expreſſion. On voit auſli qu'elles
" ont été exécutées avec une grande prefnteffe,
beaucoup de franchiſe , & d'une
» bonne freſque. Si l'on compare ces ouvra
» ges avec les compoſitions des modernes ,
•& fi l'on confidère qu'ils ont été faits pour
• des lieux fi peu confidérables,oncompren
➡ dra aifément combien la peinture des an-
* ciens devoit être ſupérieure à celle de
> notre temps. »
Malgré cette apologie , ceux qui tiennent
à l'opinion contraire , pourront bien ne pas
convenir encore que la prééminence des
Peintres Grecs ſur les modernes foit entièrement
décidée. Mengs fait l'éloge de leur coloris;
mais en s'autoriſant des tableaux des
deux Ajax , il ne peut s'appuyer que fur le
témoignage de Pline ,&il lui a refuté ailleurs
l'intelligence de l'Art. D'ailleurs , ce n'eſt
jamais d'après un Livre qu'on peut juger da
coloris d'un tableau. Quoique l'Artiſte Saxon
penſe bien autrement ſur la peinture des anciens
que MM. Cochin & Falconet, il s'ac
32 MERCURE e
corde avec eux en avouant que la compofi
tion des Grecs dans leurs tableaux étoit àpeu
près la même que celle de leurs basxeliefs.
Ilparoîtdonc décidé , même par l'Apologiſte
des Peintres de l'antiquité , qu'ils ne
connoiffoient pas ce que les modernes appel'ent
la grande machine de la compoſition.
Il ne reſte plus qu'une queſtion a réſoudre ,
c'eftde ſavoir ſi cette grande machine , dont
les modernes font tant de bruit , eſt une des
parties les plus eſſentielles de l'Art , & fi en
livrant nos Artiſtes à la recherche de la dé
coration , elle ne les diſtrait pas d'une recherche
bien plus effentielle , celle du vrai beau.
Tous les Ouvrages de Mengs offrent des
préceptes utiles & des vues intéreſſantes. On
y trouvera de fréquentes répétitions. C'eſt
un defaut dans un Écrivam qui ſe propoſede
plaire, c'eſt une vertu dans celui qui veut
inſtruire. Une leçon qui n'eſt pas répétée ne
fait qu'une impreffion paſſagere .
LES Chef-d'OEuvres d'Horace , nouvellement
traduits en François , avec le latin à côté ,
& des Notes pour l'intelligence du texte,
: précédés de la Vie d'Horace , extraite de
l'Italien d'Algarotti ; par M. M***.
2 vol . petit in-12. ALyon , chez Bruyſer
: frères.
HORACE eſt , de tous les Poëtes anciens,
leplus lu, le plus médité , le plus aimé , parce
qu'i eſt celui qui convient le mieux à tous
DE FRANCE.
33
les âges. Philoſophe aimable & fans prétention
, excellent moraliſte ſans humeur &
fans auſtérité , c'eſt un ami fage qui caufe
avecvous fur tousles événemens de la vie,&
dont les conſeils vous aident à les conſidérer
ſous le point de vue le plus vrai. Cetre philoſophie,
préſentée avec une élégante fimplicité
dans ſes Satyres & dans ſes Épîtres ,
il l'offre encore dans ſes Odes , mais revêtue
des richeſles de la poéſie la plus brillante ; &
pour parvenir au coeur , tantôt c'eſt à la raiſon
qu'il s'adreſſe , tantôt il éveille l'imagination.
Preſque également connu des gens du monde
&des Gens-de- Lettres, jamais fon mérite.
ne fut mieux apprécié qu'il ne l'eſt de nos
jours. Mais ſi tout ce qu'a écrit ce Poëte
charmant eſt bon à lire pour les Gens-de-
Lettres, ſi dans les Pièces même les plus negligées,
ou dans celles dont le fonds eft fans
intérêt , ils ſont sûrs d'être dédommagés par
la rencontre d'une penſée fine & délicate ,
ou d'une expreffion piquante & ingénieuſe ;
iln'en eft pas de même des gens du monde
&encore moins des jeunes gens aux mains
deſquels on confie cet Auteur. C'eſt done
une idée très utile que cellede faire un choix
de ſes Chef- d'oeuvres. LesÉditionsd'Horace ,
dont on fait ufage dans les colléges, ſont purgées
de toutce que ce Poëte s'eſt permis de
•licentieux ; à cette réforme faite pour les
moeurs ,l'Auteur de l'Ouvrage que nous annonçons
en a ajouté une autre pour le goût..
Il n'a raſſemblé que les morceaux dont le
Bw
34
MERCURE
fujer lui a paru intéreſſant par lui-même ,
il lui reſte encore de quoi faire deux volumes
affez remplis. Il les a fait précéder d'une vie
d'Horace d'après Algaroni , écrite avec un
goût delicat,& remplie d'apperçus ingenieux.
LeTraducteur combat quelquefois les idées
de ſon Auteur; mais il n'a pas toujours l'avantage.
On eſt autli un peu étonné de lui voir
donner la préférence à M. Clément , même
fur Boileau. Ce jugement, dit-il, page 35
>> de fa Préface , déplaira fans doure à l'Écri-
ود vain qui , difciple&vengeurde Boileau ,
>> dont il emprunté le langage , fait revivre
>> parmi nous ce Poëte ſatyrique ; peut-être
>> même avec des traits plus forts & mieux
>> prononces. » Sans le nom de M. Clément ,
écrit en toutes lettres dans une note , peu
de perſonnes auroient pu reconnoître de
quel Écrivain l'Auteur veut parler. Au
reſte , cette opinion particulière ne fait rien
au mérite de la traduction . Pour netre
nos Lecteurs à portée de la juger , nous al
Jons citer une Ode des plus courtes. Comme
Horace eſt entre les mains de tout lemonde,
nous croyons inutile de rapporter le texte
latin. C'eſt la onzième du ſecond Livre dans
les Éditions ordinaires : Eheu fugaces , pos
thume ,&c.
C Pofthume, hélas! les années fuyent avec
rapidité , & la vertu ne peut retarder ni les
rides de la vieilleſſe , qui s'avance à grands
pas , ni l'inévitable mort. En vain chaque
jour qui s'écoute , nous immolerions trois
2
DE FRANCE.
35
censtaureaux pour fléchir l'impitoyable Pluton,
qui tient renfermés par le Styx Titius
&le tripleGéryon, nous ne ſerions pas moins
forcés de paſſer l'onde noire , tous fans exception,
Rois ou pauvres habitans de la cam
pagne. En vain nous éviterions les combats
du cruel Mars ,& les flots de la mer qui ſe
briſent en mugiſſant , en vain nous nous garantirions
des vents pernicieux de l'autonine ,
nous ne verrions pas moins un jour le Co--
cyte qui roule lentement ſes eaux épailles ,
les filles infâmes de Danais , & le fils d'Éole
condamné à des travaux éternels; il faudra
tout quitter , la terre , votre maiſon , une
épouſe aimable , &de tous ces arbres que
vous cultivez avec ſoin , l'odieux cyprès fera
leſeul qui ſuivra un maître qui n'aura vécu
qu'un inſtant. Un héritier plus libéral prodiguera
ce Cæcube que vous gardez ſous cent
clefs ,& verſera à grands flots un vin plus
exquis que celui que l'on fert ſur la table des
Pontifes..
On peut reprocher à cette verſion de manquer
d'harmonie ,& fur tout de n'avoir pas
la couleur de l'original. Beaucoup d'exprelſions
heureuſes & pittoreſques font négligées
ou affoiblies , comme labuntur anni ;
inſtanti fenecta ; triſti unda ; tingét pavimentum
fuperbum , &c. Mais elle est moins deftinée
auxGens-de-Lettres qu'aux jeunes gens
qui ont fur - tout beſoin pour leur uſage ,
comme nous l'avons dit, d'être éclairés fur le
fens rigoureux de l'Auteur. Nous croyons
Bvj
36 MERCURE
:
que cepetit Ouvrage peut leur être fort utile,
enapplaniffant pour eux lapremière difficulté ,
celle d'entendre le fonds des idées. C'eſt à
eux de chercher enſuite à rendre à chacune
des expreſſions leur véritable valeur.
TABLEAU des Variétés de la Vie humaine ,
avec les avantages, & les défavantages de
chaque conftitution , & des Avis très-imporzans
aux pères & aux mères ſur lafantéda
leurs enfans. de l'un & l'autre sexe ,
fur-tout à l'âge de puberté; par M. G.
Daignan , Docteur en Médecine de l'Univerſité
de Montpellier , Médecin ordinaire
du Roi , &c. 2 vol. in-8°. A Paris , chez
P'Auteur : , rueBergère , No. 17.
On peut placer ſur la ligne des bienfais
teursde l'humanité , ces obſervateurs courageux&
ſenſibles, qui ne conſacrent leursveilles
à l'étude d'un art difficile & ſouvent équivoque
, que pour mieux connoître ſes raps
ports avec les reſſources que la Nature offre
dans la conftitution de tous les hommes en
général, & dans le tempérament de chaque
homme enparticulier ;&qui , fatisfaitsd'avoir
trouvé des lumières nouvelles, de nouveaux
moyens de ſecourir les affligés , ne recherchent
d'autre prix de leurs travaux , que le
plaifir noble & pur qui naît de l'eſpérance
d'être utile. Parmi les Médecins qui , dans ce
fiècle , ont ambitionné cette forte de gloire ,
il faut diftinguerM. Tilfot,homme véritables
e
DE FRANCE. 37
ment recommandable , non - ſeulement par
ſes talens , mais encore par l'uſage qu'il en a
fait, en avertiffant de leurs dangers & de
leurs beſoins toutes les claſſes de la ſociété ,
&en ne dédaignant pas d'être le Médecin &
le confolateurdu pauvre.
L'Ouvrage que nous annonçons , & dont
les bornes d'un extrait ne nous permettent
pas de donner à nos Lecteurs une idée bier
étendue , va mériter à M. Daignan ce degré
deconſidération &d'eftime que tout être reconnoiffant
&juſte doit à celui qui l'éclaire.
Sonprincipal but eſt de prouver que la plupartdes
maladies qui affligent les deux fexes
dans les différens périodes de la vie , proviennent
de l'infouciance avec laquelle on confidère
les révolutions que l'on éprouve en
paſſant de l'adoleſcence à la puberté.
L'Auteur prend l'homme à ſa naiſſance ,
il le ſuitdans tous les maux, dans tous les périls
attachés à fon accroiſſement & à ſa foibleſſe
juſqu'à l'âge qu'il lui paroît le plus importantd'examiner
avec attention , parce que
c'eſt lui qui fixe , pour l'avenir, la force ou
la foiblefle du tempérament. Les détails qu'il
donne fur la première enfance font inftructifs
& curieux; ils ſont ſemés d'obfervations
effentielles , dont nous extrairons la fuivante,
qui nous paroît faite pour mériter une-attention
particulière. « Depuis qu'il ya des Hof-
>> pices pour les enfans trouvés , nos Hôpi-
> taux devroient fournir nos plus forts Soldars
, nos meilleurs Matelors , & ils ne
38 MERCURE
> fourniſſent que de miſérables Artiſans, qui
> ont toujours l'air vieux& malade. Doit on
• en être ſurpris ? La plupart de ces établiſ-
>> ſemens ſont des bercails où l'on entaſſe les
> enfans comme des troupeaux , où ils s'in-
ود fectent mutuellement , ſe corrompent&
>> pourriſſent dans la fange de la mal propreté
, de la misère & de l'inaction. Ces
>>fruits de l'erreur des premières paſſions
>> dans les meilleurs tempéramens & dans
>> les meilleures conftitutions , qui devroient
>> être pleins de force , de feu & d'énergie ,
>> ne font que végéter pour s'éteindre plus tôt
>> ou plus tard , accablés de douleurs & de
>> maladies ...... Quels ſeroient les remèdes à
» tant de maux ? La propreté , l'air & l'exercice?
On vante partout , avec raifon ,
>>l'uſage des bains. Pourquoi n'y en a t'il pas
>>dans nos Hôpitaux ? Ils ne ſont nulle part
>> autlinéceffaires. Ils ſuppléeroient en partie
>> au linge , qu'il n'eſt pas poſſible d'avoir en
>> quantité ſuffifante pour l'exacte propreté.
> Ils contribueroient d'ailleurs à augmenter
» & à entretenir les forces & la ſoupleſſe du
> corps , & à préſerver de beaucoup de ma
ladies , en favoriſant les ſécrétions de la
» peau qui y contribuent infiniment. >> Ces
réflexions nous paroiffent faites pour frapper
les perſonnes chargées de l'adminiftration in
térieure des Hôpitaux , principalement des
Hofpices deſtinés aux enfans. Il ne ſuffit pas
dedonner un aſyle paffager , ou , pour mieux
dire, d'offrir une tombe anticipée aux mal
DEFRANCE
39
heureuſes victimes de l'imprudence ou des
mauvaiſes moeurs; le but de ces établiſſemens
doitêtredeconferveràla patrie deshommes&
descitoyens;&quand lesmoyensde conferva
tion font ſimples, faciles&peu difpendieux, il
yaplusquede la légèreté àne s'en point ſervir.
J'ai
Tour ce qui regarde l'âge de la puberté eſt
traité dans cet Ouvrage avec un ſoin , une
méthode , une clarté capables de porter la
lumière dans tous les eſprits,&les détails en
fontaifés à faifir par-toutlemonde.Onne peut
qu'inviter les pères & les mères , les inftitu
teurs à les lire avec attention : cette lecture
leur eſt d'autant plus néceſſaire , qu'on a
négligé juſqu'ici les foins qu'exige l'homme
qui vient d'atteindre à la puberté.
> quelquefois , dit M. Daignan , entendu
>>parler de puberté dans les couvens de
• filles ; mais depuis trente ans que je fais la
» Médecme , jamais je n'ai entendu pronon-
>>cer ce mot dans les penſions , dans les col
› léges , dans les féminaires , dans les com
> munautés d'hommes , ni dans le Public;
>& il n'y a pas de jour où tous ceux qui font
▸ charges du foin de la ſanté des jeunesgens,
> n'ayent quelquequeſtion à faire à ce ſujet. »
Aufli l'expérience démontre t'elle que ſi la
ſanté s'altère dans les deux ſexes , à l'âge de
puberté, d'abord par une ſuite de la révolution
qui ſe fait à cette époque dans les tema
péramens,& ouvent par celle des exoès auxquels
ſe livrent les jeunes gens , foit par la
force de la ſéduction & de l'exemple , foit
!
40 MERCURE
par l'impétuofité des defirs , ſoit par unpenchant
précoce au libertinage , elle s'altère
bien plus ſenſiblement dans les garçons que
dans les filles. Eh ! comment ne s'altéreroitelle
pas !non ſeulement on ne s'occupe qu'à
peine de la ſanté des jeunes gens , non-feule
ment on ne s'embarraffe pas des moyens de
diſtraire l'un de la vivacité des mouvemens
ſubits& inconnus qui le tourmentent , d'arracher
l'autre à la langueur qui le mine , à
l'inertie qui engourdit ſes ſens;, mais encore
on néglige le ſoin de leurs moeurs ; dans leurs
jeux , dans leurs récréations , dans leurs promenades
, on les laſſe aller , venir , courir ,
diſparoître , ſans s'inquiéter de leur diſparus
tion , de leurs entretiens mystérieux , des in
convéniens attachés à l'ignorance des uns &
à la perverſité des aurres. Oui , nous avons
eu cent fois l'occaſion de nous en convaincre;
le ſtipendiaire qui garde un troupeau pour le
compte d'autrui , s'acquitte incomparablement
mieuxde fon devoir que l'homme qui
remplit l'importante fonction de précepteur;
&de-là , fans doute , eft né l'injuſte dédain
que l'on montre affez ordinairement pour
L'emploi le plus délicat & le plus effentiel au
bonheur de la ſociéré en général , & de cha--
que homme en particulier.
Pour ſe convaincre dela néceſſiréde veiller
avec un ſoin égal le phyſique & le moral de
P'homme à l'âge de la puberté, il faut lire les
recherches de M. Daignan dans ſon Ouvrage
même. Ces recherches font appuyées ſur des,
DE FRANCE.
faits dont enſuite l'Auteur analyſe les cantes
avec préciſion & clarté, &de ces analytes il
tire des réſultats auſſi intéreſſans que falutaires.
C'eſt en vain que nous voudrions faire
connoître le travail de l'Auteur; il faut marcher
avec lui , le ſuivre pas àpas, en obfervant,
enméditant , en comparant , en jugeant
enfin fur des preuves accumulées & portées
juſqu'à l'évidence. Le tableau des avantages
& des défavantages de chacun des temperamens
particuliers à l'eſpèce humaine ; celur
del'influence réciproque des affections morales
&des poſſionsfur le tempérament,& du tempérament
fur les paffions ; celui enfin des
mauvaises habitudes familières & communes
aux jeunes gens de Pun & l'autre sexe, des
avages qu'elles font à l'âge de puberté ,&
desfuites funestes qu'elles ont pour le refte
delavie ne ſe font pas lire avec moins d'intérér.
Ils ne peuvent être que très utiles au
petit nombre d'inſtituteurs qui honorent leur
état , en cherchant à s'éclairer ſur leurs devoirs
,& peut- être donneront ils à penser à
ceux qui fe chargent de l'éducation de la
jeunelle, comme un mercénaire avide adopte
un métier lucratrif.
Le ſecond volume offre des avis très-importans
aux pères & aux mères ſur la ſanté
de leurs enfans de l'un & l'autre ſexe , depuis
leur naiſſance juſqu'au moment où le
germe des paſſions cherche à ſe développer.
Ces avis ſont tous écrits avec un ton
de franchiſe qui 'perfuade : on n'y trouve
42 MERCURE
point le ſtyle d'un réformateur qui fronde
& qui gourmande , mais le Ingage d'un
ami qui cauſe pour éclairer & pour inftruire.
On ne peut que recommander la lec-
Furede cer Ouvrage à toutes les perſonnes qui
font chargées de veiller à l'education des
jeunes gens ; elle leur ouvrira les yeux fur le
plus grand nombre des abus qu'un trop long
uſage a conſacrés , & leur fer a oublier ces
méthodes pernicieuſes qui détruiſent le moral
en appauvriffant le phyſique , & rendent
fouvent nuls pour eux & pour les autres ,
des hommes qui étoient deſtinés par leur
conftitution à être utiles à la ſociété & à la
patrie.
OEUVRES Badines complètes du Comte de
Caylus , avec fi ., 10 Vol. in- 8 °. A Amf
F
4
rerdam;& ſe trouvent à Paris , chez Viſſe ,
L'ibraire , rue dela Harpe.
CETTE Collection , la plus complette& la
plus exacte que nous ayons des Ouvrages du
Comte de Caylus , a été , comme on voit ,
livrée en affez peu de temps. La réputation
de ces OEuvres eſt faite depu's long temps ,
&il feroit difficile d'en trouver de plus va
riées. Il y a preſque par-tout beaucoup d'efprit&
d'imagination .
Les Éditeurs ont divifé ce Recueil en
quatre Parties. La première contient deux
komans célebres , l'un traduit de l'Eſpagnol ,
DE FRANCE. 43
A
&l'autre de l'Iralien, le Tyran Leblanc&le
Coloandre fidèle.
La ſeconde renferme notamment les
Soirées du Bois de Boulogne , dont le fuccès
s'eſt foutenu depuis la nouveauté. C'eſt ,
ſous un cadre un peu ufé , un Recueil
d'Aventures quelquefois un peu trop romaneſques
, mais ordinairement piquantes ; le
Recueil de ces Meſſieurs , auquel pluſieurs
Gens- de- Lettres avoient contribué , mais imprimé
ſous le nom de M. de Caylus , qui y
avoit la plus grande part ; les Manteaux,
Ouvrage tout- à-la-fois de gaîté & d'érudi
tion ; le Pot-Pourri, Recueil très- varie, bigarré
même, qui étoit devenu fort rare.
Dans la troiſième Partie fe trouvent les
Contes Orientaux , & la quatrième termine
le Recueil par les Facéties , autre Cuvrage
auquel d'autres Gens de-Lettres avoient auili
contribué; il eſt d'un genre un peu paffe de
mode aujourd'hui , mais il y a de l'eſprit, de
la gaîté &de la vérité dans la peinture des
moeurs du Peuple qui en a fourni les ſujets.
D'après le voeu de pluſieurs Souſcripteurs,
on s'eſt déterminé à donner ſous le titre de
Supplément aux OEuvres Badines du Comte
de Caylus , pluſieurs autres Ouvrages qui , à
cauſe du genre & de la manière, lui avoient
été fauflement attribués. Ces agréables pro
ductions , dont on donne la liſte dans un
motd'avertiſſement , & quiméritent , comme
laCollection qui vient de paroître , une place
dans les Bibliothèques , formeront 2 Vok
44
MERCURE
in-8°. que les Souſcripteurs ne feront pas
forcés de prendre, mais pour leſquels on eft
priéde ſe faire inſcrire chez le Libraire *.....
ANNONCES ET NOTICES.
THEORIE des Matières Féodales & Censuelles ,
par M. Hervé , Avocat au Parlement. Tome VI ,
fifant le premier de la quatrième Partie. A Pasis ,
chez Knapen , au bas du pont S. Michel.
Les deux tiers de ce nouveau volume roulent fur:
le fianc alleu , & le ſurplus eft rempli par l'amortifſement,
le nouvel acquêt & l'indemnité. Ces matières
y font repriſes d'auſſi loin qu'elles peuvent
rêtre.
Nous n'avions point encore de traité complet ,
de vrai traité du franc- alleu. Les Ouvrages de Gulland
& de Cafeneutre, fur cette matière , ſont des
Mémoires dans un procès , & non des traité . Dominici
, la Thaumaſſière & Furgole , ont auſſi travaillé
ſur lefranc-alleu ; mais ils ne l'ont pas traké
avec la raême étendue & ſous les mêmes points de
vue que M. Hervé ; & ils n'ont pas tiré le même
parti que lui des faits , des monuinees & des coarumes.
En un mot, fon traite ne reffemble point
aux leurs.
= Ila répandu la même lumière ſur l'amortiſſement .
&l'indemnité ; & il a réfuté nombre de fyſtêmes &
* Pour ceux qui ſe feront fait infcrire le prix de
chaque Volume broché, étiqueté, avec gravures,
Lera de 3 liv. 12 fols ... ....
4
DE FRANCE 45
7
:
d'erreurs far fon origine , ſa cauſe& fon objet. Ce
n'eſt que par la lecture de cet excellent Ouvrage
qu'on peut bien juger de ſon mérite &de ſon utilité.
La petit Grandiſſon , troisième Partie.
Cet Ouvrage, deſtiné aux Enfans , duit former
avec les ſept Parties de Sandford & Merton , déjà
publiées , douze Volumes , dont il en paroît dix
actuellement,
Leprixde la ſouſcription eſt de 13 liv. 4 ſols pour
Paris, &de 16 liv. 4fols pour la Province. porr franc
par la poſte. Le cinquième gratis.
On ſouſcrit au Bureau de l'Ami des Enfans , rue
de l'Univerité , nº. 28.
S'adreſſfer à M. Leprince , Directeur.
REFLEXIONSfur la Peincure & la Gravure ,
ccompagnées d'une courte Differtation fur le commerce
de la curiofité& des ventes en général; Ouvrage
utile aux Amateurs, aux Artiſtes & aux Mar
chands, par M. C. F. Joullain fils aîné. A Metz,
de l'Imprimerie de Claude Lamort; & ſe trouve à
Paris, chez Demonville , Imprimeur - Libraire , rue
Christine, & Muſier, Libraire , quai des Auguſtins ,
Volume in- 12 .
CetOuvrage peut remplir les vues d'utilité que
s'eſt propoſé l'Auteur.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires relatifs
àl'Histoire de France , Tome XXX. A Londres ;
& ſe trouve à Paris , rue & hôtel Serpente.
Ce trentième Volume contient la ſuite des Mé
moires du Maréchal de Vielleville. Le prix de la
ſouſcription pour douze Volumes de cette intérefſante
Collection eſt de 48 liv. Les Souſcriptcursde
:
46 MERCURE
Province paierontde plus 7 liv. 4 fols à cause des
frais de poſte.

:
Vou d'un Citoyenfur la Navigation intérieure ,
d'où dépendem uniquement les grands progrès de
Agriculture & du Commerce, Précis des Ouvrages
de M. Allemand , publiés fous le Privilege de l'Académie
des Sciences , avec de nouvelles Obſervations
fuk ces différentes parties & fur celles des Forêts ,
in 4. de 44 pages. A Paris , chez Cellot, Imprimeur
Libraire , rue des grands. Auguftins ; Hardouin,
Gattey & la Veuve Eſprit , Libraires , au
Palais Royal,
M. Allemand eft connu par ſes connoiffances
dans les matières dout il s'eft occupé , & par le zèle
qu'il a mis à les pablier.
HISTOIRE du Charbon de terre& de la Tourbe ,
Suivie de laMéthode d'épurer ces deux Combustibles ,
&d'en employer avec utilité & avantage les differens
produits , par M. de Pfeiffer , ancien Conſeiller Intime
actuel de S. M. Pruffienne, & Profeſſeur de
KUniverſité de Mayence , Ouvrage traduit 'de l'Allemand.
A Paris , chez Deſenne , Libraire , au Palais
Royal , près les Variétés.
Ce bon Ouvrage tire des circonstances actuelles
un nouveau degré d'intérêt. ?
ÉLÉMENS du Jardinage utile, ou Manière de
cultiver avec ſuccès le potager & le verger , in - 12.
A Metz , chez Lamort , Imprimeur-Libraire , rue
Fournirac.
Cet Ouvrage mile eſt fait d'après les Principes
&les Expériences de Roger Schabol , & des meil
Ieurs Auteurs qui ont écrit fur cette matière.
१.
DE FRANCE. 47
NOUVEAU Plan de Législation financière adapté
aux circonstances préſentes & au génie national,
Brochure de 23 pages . ABruxelles; & ſe trouve à
Paris , chez Royez , Libraire , quai des Auguftins.
}
TABLES Chronologiques des principalesÉpoques
&des plus mémorables Evénemens de l'Histoire
Univerſelle tant facrée que profane , depuisle com
mencement du Mondejusqu'au temps préfent , Brochure
in-24 de 144 pages. Même Adreſſe que cideffus,
Ce petit Livre eft fait avec ſoin , & fera ut'le.
IDLESfur la Météorologie, par J. A. de Leu ,
Lecteur de la Reine de la Grande Bretagne , des
SociétésRoyales de Londres & de Dublin , Corefpondant
de l'Académie des Sciences de Paris , &c. ,
2 Parties in-89 . A Paris , chez la Veuve Ducheſne ,
Libraire , rueS. Jacques.
C'eſt l'Ouvrage d'un de nos plus célèbres Phykciens
il peut répandre des lumières dans l'étude de
la Ph ſique , & il doit être accueilli avec empreſſe
ment par tous ceux qui parcourent cette carriere.
DISSERTATION fur la Betterave & la Poirée
Prix , 3 liv. avec figures coloriées, fur une nouvelle
espèce de Sainfoin. Prix, 2 liv., & fur la Brucée,
Prix, 2 liv .
Cesd fférens morceaux ſe trouvent chez l'Auteur ,
M. Buc'hoz, ruede la Harpe , au-deſſus du Collége
d'Harcour.
NOUVEAUX Mémoires de l'Académie de Dijon
pour lapartie des Sciences & Arts, ſecond Sematre
de1785.
CetOuvrageprécieux aux Lettres , ſetrouve you
48 MERCURE
jours à Dijon , chez Cauffe ; & à Paris , chez Barrois
le jeune, Libraire , quai des Auguſtins , & chez
Croullebois , rue des Mathurins , nº. 32 .
1
-Qui eft là? gravée d'après Mouchet , par L.
Darcis , & le Réveil importun , gravée par Darcis.
AParis , chez Mouchet , quai de Bourbon , nº. 9 .
Ces deux agréables Ettampes font pendans.
ΝυΜέκο 7 de la Collection de Musique deM.
Grétry, par M. Corbelin , pour le Clavecin, Vio-
Jon ad libitum , & le même Numéropour la Harpe ,
contenant tous deux l'Air : afſuré de ton innocence ,
du Comte d'Albert , & de mes tendres voeux , de la
Suite, & un Due de l'Amitié à l'épreuve. Prix ,
2 liv. 8 fols chaque Numéro. A Paris , chez M.
Corbelin , Place Saint- Michel , maiſon du Chandelier.
TABLE.
AMile de la F***, 3 Les Chef- d'oeuvres d'Horace ,
4 32 Jupiter Venge ,Apologue ,
Charade, Enigme & Logo-
5
8
Tableau des Variétés de la
Viehumaine, 36
OEuvres Badines du Comtede
Caylus.
gryphe
Cuvres de M. l'Abbé Spallan
:
zani ,
Cuvres complettes d'Antoine Annonces&Notices
RaphaëlMengs , 22
42
44
APPROBATION.
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux,le
Mercure de France, pour le Samedi : Sept. 1987. Je n'y
i den trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion .A
Paris, le 31 Août 1987. RAULIN,
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 17 Août.
APrès une
abfence de fix mois & quatre
jou's , l'Impératrice de Ruſſie eſt revenue
le 22 à Czarsko-Zelo.
Nous ne donnons pasles détails qu'on
va lire , comme un Journal fidele du der
nier voyage de cette Soaveraine ; mais la
fingularité de cette lettre, l'enthousiasme
de l'Ecrivain , ſes prophéties , fon hume r
contre les Papiers publics rébelles à fon
idolâtrie , dédommageront,pent- être nos
Lecteurs de ce qui manque de juſteſſle à
cette brillante narration. C'eſt de Moſcou ,
en date du 3 Juillet, que l'Auteur anonyme
N°. 35 , 1 Septembre 1787. a
1 ( 2 )
écrit en ces termes , dont nous foulignons
les plus étonnans.
>> Il y a aujourd'hui deuxmoisque nous sommes
partis de Kiovie ; & arrivant ici tous en borne
lanté du voyage le plus intéreilant , le plus
triomphal & le plus magnifique qui ſe ſoit jamais
fait , fans la moindre contrariété & le plus
petit accident , il ne m'eſt pas poffible de m'er.
pêcher de raconter que les gazettes qui ont eu
la bonté de s'occuper de nous , nous ont bien
amuſés. Pour raflurer tant de gensbien intertionnés
pour la Ruffie , je leur dirai qu'après
une navigation charmante fur le Boryſtrene , nous
ayons trouvé des ports , des armées , & des flottes
dans l'état le plus brillant ; que Cherfon &
Sebattapol furpatient tout ce qu'on peut en dire ,
& que chaque jour étoit marqué par quelque
grand événement. Tantôt c'étoit la manoeuvre
de 70 elcadrons de troupes réglées & fuperbes
qui chargeoient en ligne à merveille ; tantôt
un nuage de Coſaques qui exerçoient autour
de nous à leur maniere ; tantot les Tartares de
la Crimée qui ,infideles jadis à leur Kan Seim
Guerai , parce qu'il vouloit les enrégimenter ,
avoient formé d'eux- mêmes des corps pour venir
au- devant de l'Impératrice. Les espaces de
déſert qu'on avoit à traverſer pendant deux ou
trois jours aux lieux d'où S. M. Impériale a
chaffé les Tartares Nogais & les Zaporaviens ,
qui , il y a dix ans encore ravageoient ou menaçoient
l'Empire , étoient ornés de tentes
magnifiques , aux dinées , aux couchées ; & les
campemens de pompe afiatique avec Pair de
fête qui ſur l'eau comme fur la terre nous a
fuivis par-tout , préſentoientle ſpectacle le plus
militaire .
:
( 3 )
>>Que ces déferts mêmes n'alarment point les
gens bien intentionnés , comme les gazetiers
du Bas -Rhin , de Leyde , le Courier de l'Europe
, &c. Ils feront lientit transformés en
grains , en bois & en villages . On y en bâtit
déjà de milraires qui étant Thabitation d'un
régiment , deviendront bientôt celle de payfans
qui s'y établiront , à cauſe de la bonté du terrein.
Si ces Meſſieurs apprennent que dans
chaque ville de Gouvernement, l'Impératrice a
laillédes préſens pour plus de cent mille écus ,
&que chaque jour de repos étoit marqué par
des dons de diamans , des bals , des feux d'artifice
& des illuminations à deux ou trois lieues
à la ronde , ils s'inquiéteront peut-etre des
Finances de l'Empire: elles ſont dans l'état le
plus floriffant ; & la banque nationale ſous la
direction du Comte André Schouvalow , l'un
des hommes qui a le plus d'eſprit & de cornoiffances
, fource inépuiſable pour la Souveraine
& les ſujets , peut les raffurer. Si par
humanité ils font inquiets du bonheur des fujers,
qu'ils ſachent qu'ils ne font eſclaves que
pour ne pas se faire du mal , ni à eux , ni ax
autres, mi libres de s'enrichir , ce qu'ils fonc
Souvent , & ce qu'on peut voir par la richeſſe
des différens coſtunies des Provinces » .
» Pour les affaires étrangeres que les bien
intentionnés s'en rapportent à l'Impératrice
elle-même qui travailleit tous les jours en
voyage le matin avec le Comte Besbarotka ,
Minifire du plus grand mérite; & qu'ils apprennent
outre cela, que le Prince. Potemkin ,
homme du génie le plus rare , eſprit vaſte ,
ne voyant jamais qu'en grand , ſeconde parfaitement
les vues de l'Impératrice , ou le prévient
, ſoit comme Chef du département de
a 2
( 4 )
la guerre on des armées , ou de pluſieurs gouvernemens.
L'impératrice qui ne craint point
qu'on l'accuſe detre gouvernée par que qu'un ,
lui donne , ainſi qu'a ceux qu'elle emploje ,
toure l'autorité & la confiance poffibres. Il n'y
a que pour faire du mal qu'elle ne donne de
pouvoir à perſonne. Elle ſe juſtifie de fa
magnifi.ence , parce qu'elle dit : que de donner
de Jargent , lui en rapporte beaucoup , & que
ſon devoir eſt de récompenfer & d'encourager;
d'avoir créé beaucoup d'employés dans ſesProvinces,
parce que cela fait circuler les eſpeces,
éleve des fortunes , & oblige les genti'shommes
à y demeurer plutôt qu'à Pétersbourg &
Moſcou ; d'avoir bâ-i en pierres 237 villes ,
parce qu'elle dit , que tous les villages târis en
bois , ſi ſouvent brûlés , lui coûtert beaucoup ;
&d'avoir une flotte fuperbe dans la mer noire ,
parce que Pierre premier aimait beaucoup la
Marine. Elle a toujours quelque pareille excuſe
de modeaie pour toutes les grandes choſes
qu'elle fait. Il n'y a pas d'idée à fe faire
du bonheur qu'on a eu de la fu vre. On faiſoit
15 lieues le matin, on trouvoit au premier
relais à déjeuner dans un joli petit palais
de bois, & enſuite à dîner dans un autre , &
puis encore quinze lieues , & un plus grand ,
plus beau & meublé à merveille pour coucher ,
à moins que ce ne fût dans les villes de gou.
vernement , où le Gouverneur général a partout
de superbes réſidences en pierres , colonnades
, & toutes fortes de décorations. Il y a
des marchands wès riches dans toutes les villes
, & beaucoup de commerce depuis Krementfchuck
, Keursk , Orel , Toula , jusqu'ici ,
&une furprenante population dont l'Impératrice
ed adorée.
( 5 )
Dans le dénombrement qu'on en rapporte
quelquefois ans les papiers publics , on ne
parie que des males ; & dans les autres pays
On compte tout » .
>>> Siles bien intentionnés ( car je n'écris que
four eux ) craignent que la Tauride ne foit
une mauvaiſe acquifition , qu'ils ſe confolent
en apprenant qu'après avoir traverſé quelques
efpices abandonnés par des familles Tartares
qui demandent même à y revenir , on trouve
le pays le mieux cultive; qu'il y a des forêts
fuperbes dans les montagnes; que les côtesde
La mer font garnies de villages en amphithéavalions
plantés en vignes ,
grenadiers, palmiers , figuiers , abricotiers , &
to tes fortes de fruits &plantes précieuſes de
beaucoup de rapport « .
tre, & tous les
de
Je trouve enfin qu'il ne ſuffit pas que nous
ayons été fort heureux ſuivre l'impératrice ,
&que les ſujets le foient , mais il faut auffi
que les gazetiers & ceux qui peut être les ont
cru , le toient de même en apprenant la faufferé
de leurs nouvelles , & la fûreté de celles ci
que l'on garantit au point de donner mille louis
à celui qui prouvera qu'il y en a une ſeule
qui ne foit pas conforme à la plus exacte
verité «.
On apprend que le Roi de Pologne eſt
de retour à Varſovie depuis le 22 Juillet,
après cinq mois d'abfence. Deux jours après
S. M. fe readit an Confeil permanent; &
en ouvrit les ſéances.
Le Clergé, les Chapitres & les Convens
Catholiques de la Pruffe occidentale font
plus nombreux qu'on ne le croit commu
a 3
16 )
nément , ainſi qu'on l'appercevra par la notice
ſuivante :
Evêques.
D'Ermelande & de Mari.nbourg.
De Culm .
De Cujavie & Pomerelie.
Chapitres Cathédraux.
A Frauenbourg , composé de 16 individus.
A Culm , compoſé de 12 individus.
Chapitres Collégiaux .
A Guttſfedt . composé de 5 individus.
A Gros- Wifſfuk , ſur la Neze , commpolé de
6 individur .
ORDRES RELIGIEUX .
Citeaux.
A Oliva , de 48 individus.
A Pelplin , de 46.
A Crona , de 29 .
2
L'Abbé de Pelplin eſt Commiſſaire , Vicairegénéral
& Vifiteur de tous les Couvers de
Citeaux , danstoute la Pologne,
Chartreux.
A Paradies , dans la Pomerelie , de 19
individus .
Augustins.
Jésuites (1 ) .
A Coniz , de 9 individus.
A Marienbourg , de Iz individus.
A Schottland , près de Dantzic , de 29.
A Coniz , de 13 .
A Graudenz , de 20 .
A Crona , de 8 .
A Bromberg , de 23 .
( 1 ) Le feu Roi défendit en 1773 de publier dans les
Emacs laBulle du Pape qui fupprime les Jéfuxes .
( 7 )
A Culm , 19 .
Miffionnaires,
A Saint-Albent , près de Darzick , 6.
Freresde Charite. A Schotriande.
Seurs de Charité. A Culm.
Dominicains. A Culm .
Récollers. A Culm & à Cu'mfee.
Capucins, A Riward , près de Rioden.
Carmes , A Bromberg .
Carmes déchauffés réformés.
A Gaudrenz , à Strasbourg , à Lonki , à
Stalzenberg , à Neubourg & à Schwer .
Bernardins déchauffės .
A Sorinborn , à Wartinbourg, à Kidinen ,
prèsde To'kemit , à Lobau , à Jacob torf , à
Bromberg & à Lobíenz.
Religieujes de Saint - Norbert .
AQuekau , près de Danezick , 35 in lividus.
De Saint-Ben it .
A Graudenz , 30 individus , à Culm , à
Geraovez 36 , & à Billawek's .
ABromberg.
De Sainte-Claire .
Re igieuses Jésuites.
1.
AHeilsberg & à Roffel , en Ermelands.
LeRoi nomme les Evêques de Culm & -
d'Ermelande , le dernier en obſervant certaines
formalités. Quant aux autres Evêques
réſidans en Pologne , dont les diocèſes s'étendent
fur certaines parties des Provinces
Pruffiennes, le Roi ne ſe mêle nullement
de leur nomination ; & on obſerve à leur
égard les formes qui ont lier à l'égard des
Evêques d'Olmaz & de Prague , dont
a 4
( 8 )
?
les diocèses ſe pro ongent dans la Silefie
Proffienne.
Les bénéfices des Chapitres Cathed a x
ſont conférés en partie par les Chapitres.
Cette colation dansle Chapitre de Gutt-'
fradt appartient à l'Evêque d'Emelande .
Les autres bénéfices font conférés par les
Patrons. Le nombre de ceux à a nomination
du Roi eft de cent dix .
De Vienne , le 16 Aout.
D'un jour à l'autre on attend les Députés
des Pays-Bas , qui font paris le 10 deRa
tisbonne ;&l'on parle fortdiverſement de
l'étendue des pouvoirs qui leur a ront été
contiés. Le ſuccès de leur négociarien ne
dépendra pas des diſport ons des Gouvernens
Généraux , ni même de celles de Sa
Maj . Imp. , qui mettra dans cette affaire la
condefcendance compatible avec le maintien
de fon autorité fuprême , & Entérêt
de ſes ſujets des Pays Bas. Norre armée de
45 mille hommes eſt en marche toute en
riere ; mais elle n'agira sûrement en Babant,
qu'autant que Sa Maj. Imp. continuesoit
d'y éprouver la réſtance outrée
qu'on y a manifefte durant fon abfence
decetteCapiralo.
Un Décret de la Cour du 23 Juillet accorde
aux Négocians Dellazia & Brighenti
le privilege d'établir ici une Diligence par
191
eau, qui fe rendra fur le Danube au moins
cinq fois dans l'année jusqu'à Gallacz .
L'Empereur voulant détruire dans to's
fes états , juſqu'a ix veſtiges de la ſervitude ,
vient de f primer celle qui exiſto't encore
a bailliage de Vils , dans la haute-Autriche.
De Francfort , le 21 Août.
Les Cercles du Bas Rhin & de Weſtphalie
ont reçu , ainſi que ceux de Franconie
duHaut-Rhin, das lettres réquifitorales de
l'Empereur pour la marche des troupes que
S. M. envoie aux Pays Bas. Voici la tenerr
de la notification fate par le Cercle de
Fran onie , à la fuire de la lettre qui lui a
été adreſſée.
«En conféquence de la Réquifition Impériale
du6 Juillet , les Régimens de Stein , Langlois ,
Ferdinand Tofan & Pellegrini venant de laBaffe-
Autriche; Ant. Esterhazy , Nic. Esterhazy & Sam.
Gulay , venant de la Hongrie , paſſeront par la
Baviere & la Franconie , pour ſe rendre ſurCoblence
à Luxembourg , ou fur Bonn à Louvain.
Chaque Régiment ſera de 2893 hommes & fuivi
de 2 canons de 12 liv . de balles & de 4 de 6 liv.,
avec les chariots néceſſaires pour les munitions ,
en outre,il ſe trouvera près des premiers Régimens
d'Infanterie 4compagnies d'Artillerie , qui
formeront enſemble 748 hommes , conduifant
124 canons de campagne , des obufiers & des
chariots traînés par 1768 chevaux , & 208 chevaux
pour les pontons. Une compagnie de ponas
( 10 )
1 .
toniers , amenant , entr'autres , des pontons de
toile . Les vives qu'on fournira à ces troupes
ſeront payés daprè les loix de l'Empire ; on ne
leur donnera grat's que le quartier, »
Les , le régimens de Bondiratraverſé
Kelh pour te rendre à Luxembourg.
Le 8 de ce mois , écriton de Coblenz ,
600 hommes des toupes Electorales font
parties de cette ville , avec quarre pieces de
campagne . On ignore encore lear deſtination.
Les foods que les Etats d'Allemagne ont verfé
l'année derniere dans la caiffe pourl'entretien de
la Chambre Impériale de Wezlar mortent à
95.874 rixdalers. En ajoutant à cette'omme les
intérêts des fonds que ceste caiſſe a places , &
qui font un objet de 4.278 rixdalers , la recette
de la caiffe a été de 99,133 rixdalers. Sur certe
fomme on a payé en appointemens , &c. celle
de 87,798 rixdalers , de for e qu'il a reſté en
caiffe 11,733 rixdalers . -Les appointemens
annuels dug and Juge de la Chambre moment à
11,733 rix alers , & ceux de chacun des deux
Préſidens à 3,656 .
Le Tyrol eſt peut être le pays de l'Europe
le plus ſujet aux nondations. On fe
rappelle le danger que courut l'Empereur
à cette occafion , dans fon dernier voyage à
Milan. Ces malheurs ſe renouvellent prefque
chaque année. Le 8 du mois de nier,
le Courrier de Veniſe pour l'Allemagne ,
furpris pendant la nuit par un débordement,
n'a dû fon falut qu'à une eſpece de
miracle. Il étoit tombé avec fon cheval dans
( 1 )
un foTé, rempli de 24 pieds d'eau. Le cheval
s'étant debarraffé de ion Cavaller , ſe
fauva à la nage , & retourna à l'hôtelerie.
Quant au courrier , il s'accrocha par bonheur
à une branche d'arbre fur lequel il
monta. Arrivéà une certaine hasteur, il fentit
ſes mains priſes par deux ferp ns. Il eut cependant
la préſence d'eſprit & la force de
jetter ces reptiles dans le foſſe : mais ils
s'entortillerent au tronc de l'abre. Le mal
heureux reſta long - temps dans cet éat
d'angoiſſe ; enfin les gens de l'auberge qui
avolent vu revenir ſon cheval , de hârerent
de venir à ſon ſecours , & affez tôt
pour le délivrer vivant.
GRANDE -BRETAGNE.
De Livourne , le 21 Juillet.
Les Anniverſaires du Prince de Galles &
du Duc d'Yorck, la ſemaine derniere , forment
à-peu près le ſeul aliment des nonvelles
publiques. Ceux qui n'ont rien de
mieux à faire , ſe nourriſſent de ces petits
détails & de tout ce qui conceme en co
momen le Duc d'Yorck , quà toute forme
on veut marier avec la Princefle Frédérique-
Charlotte , fille aînée du Roi de Prafie &du
prem er lir. On a ſigné ces jours derniers à
la Trésorerie l'ordre du premier paiement
de 40,000 liv. ſterl, pour la Libération des
denes du Prince de Galies. De certe fomine
a 6
( 12 )
10,000 liv. Aerl. font deſtinées à poursuivre
les travaux du Palai de Carleton ,& le refle
aux créancies de S. A. R.
LeGouvernement ayant créé un Evêché
dans la nouvelle Ecoffe, S. M. y a nommé
le Docteur Inglis , qui a été facré ces jours
derniers à Lambeth par l'Archevêque de
Canterbury , afliſté des Evêques de Chefter
&de Rochester .
Le 13 un courier a porté en Irlande l'ordre
de paffer en revue tous lesRégimens
qui s'y trouvent , & de drefe: actuellement
un état exact de leur compoſition.
Le Chevalier John Macpherson , qui vient
d'arriver de l'Inde , a rapporté , diſent les
Nouvelliftes , les avis les plus favorables de
l'état florflant des poſleſſions Britanniques
Au Bengale , toutes les opérations de Lord
Cornwallis ont le plus grand ſuccès. La dette
fondée eſt réduite àun crore & so laks de
roupies , & les ordonnances de fa nouvelle
Tréſorerie de la Compagnie n'étoient efcomptées
qu'à 7 pour cent. A Madrafs ,
la fituarion généra' e des affaires n'étoit pas
moins fatisfaiſante. L'acquittement des arxérazes
dûs à l'armée, des troupes ſuffifantes,
&parmi leſquelles regre la meilleure di cipline;
enfin , la population & le commerce
rétablis dans le Carnate, fi long- temps pauvre&
défert . Tel eſt le rab eau qu'offrent de
l'Inde nos Folliculaires , juſqu'à ce cu'on les
paye pour en préſenter un tout différent. :
1
( 13 )
• Les marchandiſes Angloiſes ont éprouvé
juſqu'ici beaucoup de retard à leur impo-tation
en France , par la difficulté de prouver
qu'elles étoient réellement de fabrique Angloiſe.
Les mouffelines & les perfes manu
facturées en Angleterre , font particuriérement
dans ce cas , parce qu'il est très difficile
de les diftinguer de celles fabriquées dans
Inde. Sr les plantes du Commerce au
Gouvernemen , les Lords de la Tréſore ie
ontdonné ordre à toutes les Douanes d'angleterre
de délivrer pour les moutſe ines&
toi' es de coton des certificats en forme , qui
atteſtent qu'el'es ont été tab iquées dans les
Etars de S. M. Britannique , & dans le cas
où elles doivent être marquées , qui tallent
connoître la marque prefcrire. Certe forma
lité aura lieu , tant que les deux Gouve nemens
ne feront point convenus des marques
qui devront être appofees re pectivement ſur
les marchandises de cette e'pece.
Se'on un état publié par M. Pitt, il paroît
queles Commiflaires chargés de l'extinction
de la detre publique , ont déja racheté pour
1,343,100 liv. Aeri . d'effets publics , favour;
Des 3 pour cent conſolidés ,
Des annuités réduires ,
Ancienne Compagnie de la Mer
du Sud,
Nouvelle dito ,
Compagnie de la Mer du Sud ,
• 483,050
329,400
291,900
180,650
( 14 )
1751 ,. 58,100
1
TOTAL.
1
1,343,100
« M. Howard , écrit on de Glasgow , ce
Citoyen cé èbre qui a conſacré ſa vie aux
malheureux , eſt arrivé ici le 30 du mois
dernier. Il a viſiré nos prifons , & a'fort approavé
les changemens que les Magiſtrats
ont ordonné. Il s'est ren tu audi à l'Hôpital ,
& a té fatisfait des ſoins qu'on y rend aux
malades & de l'ordre qui y eſt établi.>>>>
<<Le Comité des So ſcripteurs pour fInfirmerie
qu'on va établir en certe ville , lui
a renda vifie , & il y a paffé une grande
partie du jour a examiner les plans pro olés
pour l'édifice , & à donner ſes avis a Comité
ſur l'étab iffement projetté. >>
Les heureux effets de l'opération deMr.
Pitt, fur les thés, le font ſentir de plus en
plus , foit par la diminution du commerce
intedope, foit par l'accroiffement duRevenu
public. La maifon Hope d'Amſterdam , la
premere de l'Europe , dansle monde commerçant
, cette ma fon , qui a payé en un
our juſqu'à 180,000 liv. fterl. ( plus de 4
milions tournois ) pour le compte des contrebandies
, avoue que c'eſt l'opération la
plus vafte & la plus hardie. Il eſt cependant
vrai que dans ce moment-ci le commerce
interlope commence à fe remontrer ; mais
c'est l'ouvrage de quelques Entrepreneurs
audacieux , à qui le dé eſpoir a fait armer
( 15 )
des bâtimens , ſupérieurs en force aux cutters
du Roi , chargés de croifer contr'eux.
L'Amirauté vi nt de prendre des arrangemens
pour prévenir ce défordre , & quelques
frégares mett ont inceſſamment en
mer pour nettoyer la côte.
«Conflérant , dit un de nos papiers , l'état
de création des Pairs d'Irlande , en eft furpris du
prodigieux accroiſſement que l'ariſtocratie a pris
en Irlande depu's que la Couronne a paité dans
la Maiſon de Brunswick. Voici la table des
créations depuis le regne de Henti II juſqu'à nos
jours.
Henri II, 7. Elizabeth ; 4.
Jean, 4. Jacques 1 , 5 .
Henri III , 1. Charles I , 54.
Edouard II , 4. Charles II , 43.
Edouard IV, 4. Jacques il , 5.
Richard II , 2. Guillaume III , 14.
Heri VI , 2. Anne , 8.
Edouard IV , 3. George I, 54.
Henri VIII , 17. George II , 75.
Edouard VI , 2. George III régn. 141 .
>>D'après cette table il paroît que les Princes
de la Maiſon de Hanovre ont créé à eux feats
272 Pairs en Irlande , tandis que les dix- sept
Rois qui les ont précédé n'en ont créé tous enſemble
que 87; & cependant fix fiecles ſe ſont
écoulés ſous les premiers , & pas encore un entier
ſous les derniers » . ( Comme nous n'imitons
pas certains papiers publics qui rapportent
fans di cernement toutes les affertions des Gazettes
Angloiſes , nous venons de vérifier leprétenducalcul
ci-deſſus . Au lieu de 141 Pairs d'Irlande
créés par le Roi actuel , il s'en trouve à
peine 70 , encore la plupart font- ils des Pairs ,
( 16 )
Barons antérieurement , & élevés à la dignité
de Comre ou de Vicomte ſous le préſent regne.
George Il n'en créa que 27 , &c. &c. ) .
On fait que Christophe Colomb , après avoir
découvert l'Amérique en 1492, forma fon premier
établiſſement à Saint Domingue , & qe
pour honorer la Reine Iſabelle ſa Souveraine , il
donna fon nom au premier fort qu'il éleva dans
cene ifle. Quelque tems après cette époque , la
famine la plus affreuſe ſe répandit dans toute
1.fle. Pierre Marault en éroit alors Gouverneur,
&ce fut dans ces circonstances même qu'il ft
une de ces belles actions qui conſacrent à jamais
l'humanité & la générosité d'un Commandan .
Un Sauvage indien lui apporte une paire de pigeons
rami.rs ; le Gouverneur récompenfe libéralement
le Sauvage , & reçoit fon préſent.
Puis , ayant aſſemble la majeure partie de la
garnifon , il monte avec elle au point le plus
élevédu fort : « Mes amis , leur dit- il , en te-
>> nant les deux pigeons à la main , vous voyez
>>>que ces oiſeaux ne pourroient pas fuffire pour
>vous repaitre tous. Je ne puis cependant me
réfoudre à faire un bon repas , tandis que vous
manquerez du néceſſaire ». En finiſſant ces
mets , ildonna la volée aux deux pigeons , & leur
rendit la liberté , au milieu des acc'amations
&des larmes de ceux qui l'entouroient.
FRANCE.
De Versailles , le 26 Août.
Le fieur Dumouchet, Recteur de l'Univerſité
de Paris , accompagné des quatre
plus anciens de la même Univerſité , a cu ,
( 17 )
le 14 , l'honneur de remettre au Roi , à
Mondeur , Montegner Comte d'Artois ,
ſuivant l'ufage, la diſtribution qui a été faite
des paix pour cette anne.
Le lendemain, tête de l'Afſomprion de
la Vierge, Leurs Majestés & la Fami le
Royale affifterent, dans la Chapelle du châ
tau , à la grand' Meffe , célébrée par l'Evêque
de Béziers , & chantée par la Muſique
du Roi. La Comteſſe Joſephe de la Ferronaye,
Dame pour accompagner Madams
Victoirede France , y fit la quêre. L'aprèsmidi,
la Cour fe ren lit àla Chapelle , &
alliſta à la proceflion qui a lieu tous les ans
pour l'accompliffement du voi de Louis
XIII.

Le Roi a nommé à l'Abbaye de Signy , Or
dre de Cite us , dioceſe de Rheims , l'Archevêque
de Narbonne , à celle de Greſtain , Or
dre de Saint-Benoît , dioceſe de Libens , PADS
deTiliy- Blaru , Vicaire Général de Langres ; à
celle de Madion , même Ondre dio ere de
Santes, l'Abbé de Luchet , Vicaire-Général
du même Dioceſe à celle de S. Vincent dư
Bourg, Ordre de S. Augurin , dioceſe de Ro .
deaux , l'Abbé d'Heral , Vicaire Général cu
meme Dioceſe ; & à cette de Kerlot , Or'rede
Citeaux , Dioceſe de Quimper , la Jame Kergw,
Religieute profelleàl'Abbaye de Saint Georges
deRennes .
Les Députésdes Etats de Languedoc ont été
admis , le 21, à l'audience du Roi. Ils furent
préſentés par le Comte de Caraman , Gran'-
Croix de l'Ordre de S. Louis , Lieutenant-
Général de ladite Province , & par le Baron de
( 18 )
1
Breteuil , Miniſtre & Secrétaire d'Etat , ayant le
département de cette Province , & conduits par
1: fieur de Watronville , Aide des Cérémonies :
la Députation eut enſuite audience de la Reine
& de la Farnille Royale .
Le 23 , jour anniverſaire de la naiſſance du
Roi ,l'on a chanté , fuivantl'uſage , un Te Deum
dans l'Egliſe paroiſſiale de Notre-Dame de cette
Valle.
Le Roi a nommé aux places de Grand- Croix
vacances dans l'Ordre de S. Louis , pour le
fèrvice de terre , le Baron de Blaiſel , le Comte
Louis Drummond de Melfort , le Comte de
Turpin de Criffe , & le fieur du Roſel de Beaumanoir,
Lieutenans-Généraux ; & à celles de
Commandeurs dudit Ordre , vacantes dans le
mene ſervice , le Marquis de Marcieux , Lieu .
tenant-Général , commandant en troisieme en
Dauphiné ; leBaron de Grandpré Lieutenant-
Général ; le Baron de Veteuil , Lieutenant-
Gnéral , Gouverneur de l'ifle d'Oléron , le B
ron de Livri , Maréchal-de Camp ,Inſpecteur ;
le Comte de Gontaut Sint-Geniez , Marécha:-
de-Camp; le ſieur Daldar , Maréchal-de- Camp,
Lieutenant-Colonel en ſecond du Regiment des
Gardes-Françoiſes ; leContre Dulau , Maréchalde-
Camp , In pecteur ; & le Comte de Béthizi ,
Maréchald- e-Camp.
Le 25 , Fête de S. Louis , le Roi reçut dans
fon cabinet ces divers Officiers générauxGrands-
Croix & Commandeurs de l'Ordre de Saint-
Louis.
Ce jour , les Princes & Princeſſes , les Seigneurs&
Dames de la Cour eurent l'honneur de
sendre leurs reſpects au Roi , à l'occaſion de la
fère de Sa Majeſté.
Le même jour , le Corps-de-Ville de Paris
( 19
eut audiencedu Roi, & eut l'honneur de rendre
fes reſpectsàla Reine & àla Famille Royale.
De Paris , le 29 Août.
,
Editdu Roi portant fuppreffion des
deux Vingtiemes & Quarre fous pour livre
du premier Vingtieme ; & établiſement
d'une Subvention teritoriale dans tour le
Royaume . Donné à Versailles an mois
d'Août 1787. Regiſtré en Parlement le 6
deldats mois & an . :
Louis , &c . Les beſoins de l'Etat exigeant une
augmentationdes revenus publics , nous avons
du re liercher parmi les Impoſitions exiftantes ,
celles dont une répartition plus égale & plus
juſte pourroit aſſurer , avec les autres moyens
que nous avons employés , ou dont nous nous
propofons encore de faire uſage , un produit
fuffifant pour faire difparoître bidifférence qui
exide entre la recette & la dépenſe.
Nous avons en conféquence porté nos premiers
regards ſur l'impoſition des deux Vingtiemes
& Quatre ſous pour livre du premier ,
dont une partie eſt établie pour un terme indéfini
, & l'autre juſqu'à une époque déter
minée.
Cette impoſition a dû fixer principalement
notre attention , parce que portant directement
fur les revenus de laterre , &s'annonçant comme
toujours proportionnée à ſes véritables produits,
elle offre l'idée de la moins arbitraire des impofitions
, & de celle dont la perception , expoſée
à moins de non-valeur , doit être la plus
facile& la moins diſpendieuſe.)
Mais nous avons conſidéré que , par des reſtric.
(-20 )
tions fucceffivement introduites dans la diftributions'e
cette impontion , elle ne s'étendoit pas ,
d.rns la realté , tur tous les revens qu'elle
annonçoit devoir comprendre ; & que , tandis
qu'on y avoit effojet induſtrie & les émolamens
de diff rens offices & commillions , dont
les produits , dep ndans entierement du degré
d'activité & d'intelligence de ceux qui les exercent,
ne préfentent aucune baſe certaine , plufieurs
portions de revenus territoriaux s'en trouvoient
difpenftes , à raiſon d'abonnemens& d'exceptions
, d'après lefquels une grande artie de
nos ſujets ne fatisfaitoit pas à cette impofition
dans l'étendue que la dénomination Tuppore ,
ce qui devoit produire des plaintes & des ré
clamations qu'il est de notre ſageſſed, prévenir.
La feule fuppreilion de ces a. onnemens &
exceptions au ot pu donner au produit de l'impoſition
des Viegticmes , un accroiffement équiva'ent
à l'augmentation de recette que les circmilances
abuelles rendent nécefisire ; mais a
diftribution feroit toujours reſtée inégale &insextaine,
tant qu'elle n'auroit eu d'autre bae
que les déclarations top fouvent incomplettes
ou infideles des propriétaires , ou des vérifica
tions, dont les formes inquiétantes pour nos fujets,
ne peuvent par ce meme motif,nous int
pirer une entire co: fiance.
Nous avonsfur out conti béré que l'impofiti n
des Vingtiemes auroi: toujours , par la nature ,
Pinconvénient réel à nos yeux , de d reminer
la contribution de nos ſujets par la feule pro
portion de leurs revenus , tandis que nous ne
voulons exiger d'eux que ce qui est ind ſpene
fablement néceflaire aux besoins de l'Etat.
Cetze derniere confidération nous a princir
palement déterminés , en laiffant fubfifter an
.
de
( 21 )
impôt fur les terres , à faire cover les formes
& l'incertitudedu produit éventuelds Vingtiemes
, & a substituer à cette imp fitica , ure
Subvention territoriale , dont la ſomme fera
dérerminée , & dont la répartition n'aura pas les
memes inconvéniens .
CetteSubvention portera for tous les revenus
des biens fonds & droits réels de notre royaume ,
fans aucune exception . Les domaines même de
notre Couronne y feront aſſujetis ; & le promier
effet de cette diſpoſition tera que l'impofition
, rappellant ainsi à elle les differens objets
qui en avoient été ſouftraits , fera tellement
d.Aribuéefur tout notre royaume , que , malgré
la fixation à quatre-vingt milions , exigée par
les beſoins actuels , nous pouvons eſpérer que
ceux de nos ſujets qui paient ſur leurs revenus ,
Is deux Vingtiemes effectifs & les Quatre ſous
pour livre du premier Vingtieme , éprouveront
plutôt une diminution qu'une augmentation,
Cette elpérance réfulte naturellement de tous
les calculs recomus qui portent la totalité des
revenus ferratoriaux, de notre royaume beaucoup
au- delà de huit cents millions.
Un autr avantage auſſi impo tant , & dont
Jes effets feront par la ſuitedenplus ſenfibes
, refultera pour tous nos sujets , de la
forme quenous avons adop ée dans l'établiſſemant
de la répartition de la ſubvention terri
toriale.
La fixation de cere impoſition étant déterminde
à quatre- vingts milions , fans pouvoir
jamais être augmentée que ſuivant la meme
forme dans laquelle eile eſt établie , la répar
tition qui en ſera faite contradictoirement entre
les differens propriétaires & entre les différentes
paroilles,par les Aſſemblées provinciales & mu(
22 )
2
nicipales , procurera néceſſairement les moyens
de comparer les forces des diffé entes généralités
d'après des bales certaines & des calculs précis
, & affurera ainfi , par la ſuite , à chaque
propriétaire cette certitude confolante , que la
proportion générale par laquelle ſa cotiſation
particuliere fera réglée , ne pourra être moindre
Bi différente pour aucun autre propriétaire dans
toute l'étendue du royaume , & que tous conribueront
réellement dans la même proportion.
Dans l'état actuel des Vingriemes , nul contribuable
n'a intérêt qu'un autre y fatisfaffe
avec exactitude. Si l'un s'y ſouſtrait , l'autre
n'en fouffe pas. Lerſqu'au contraire l'impoition
tora déterminée que chacun profitera de
la çortribution des autres , l'intérêt particulier
dont l'effet et fi actif & fi sûr lorſqu'il eſt ſagement
dirigé par l'adminiſtration , les évaluations
plus fideies , donnera les moyens d'en découvrir
l'erreur & d'en réparer les inexactitudes .
La diviſion de cette impofition entre les différentes
provinces & les différentes paroiſſes ,
pourra dans les premiers tems éire défectueuſe
tous quelques rapports ; mais elle le ſera moins
que la diftribution actuelle des Vingtiemes , &
elle contienfra d'ailleurs en elle-meme le principe
aſſuré de fa rectification.
En effet la répartition de la ſubvention entre
les propriétaires de chaque paroiſſe , ſera faite
par les Membres des Affemblées municipales
de chacune d'elles , c'eſt à-dire , par leurs prcpres
répréſentans. De cette répartition il naîtra
dans chaque paroiffe un taux commun qu'il ne
ſera pas permis d'excéder.
Ce taux porté aux aſſemblées d'élections ou
de départemens & aſſemblées provinciales , procurera
le taux commun des élections ou depar
:
4
:
A
( 3 )
temens & des provinces , enfin la comparaiſon
de ces différens taux ,'remiſe ſous les yeux de
notre Confeil , produira avec le tems un taux
commun dans toute l'étendue de nos Etats.
Quoique nous ayons lieu d'eſpérer que ce
taux ſera définitivement inférieur dans toutes
nos provinces au dixième de tous les revenus
territoriaux de notre royaume , Nous avons jugé
néanmoins convenable de ne point diminuer
quant-à- préſent la retenue des deux Vingtiemes
& des quatre ſous pour livre que les débiteurs
ſont autoriſés à faire fur les rentes qu'ils ont
contractées. Les propriétaires de ces rentes n'aurent
point à ſe plaindre , puiſque leur condtion
reſtera la même , & qu'elle auroit été
moins favorable , ſi , au lieu de cette Subvention
, nous euffions cherché à opérer le même
produit , en établiſſant , comme par le paffé ,
un troiſieme Vingtieme.
A CES CAUSES & autres à ce nous mouvant ,
de l'avis de notre Conſeil , & de notre certaine
ſcience , pleine puiſſance & autorité royale ,
nous avons dit , ſtatue & ordonné ; & par notre
préſent Edit perpétuel , diſons , ftatuons & ordonnons
, voulons & nous plaît ce qui ſuit :
ART. I. A compter du rer. Juillet 1788 ,
Nous avons éteint & fupprimé , éteignons &
fupprimons l'impoſition des deux Vingtiemes
& Quatre ſous pour livre du premier Vingtieme
fur tous les biens fonds de notre
royaume , l'industrie & les émolumens des
-offices & droits , autres que ceux compris dans
les états qui s'arrêtent annuellement en notre
Confeil.
II. Au lieu & place deſdits deux Vingtiemes
&Quatre fous pour livre du premier Vingtieme
des biens- fonds , de l'induſtrie & des offices &
( 24)
droits , il ſera établi , à compter du mêmejour
Ier Juillet 17-8 , une ſubvention territoriale
d'une fomme annuelement déterminée tur les
feuis biens fonds de notre royaume , &fur tous
fans exception. Voulons en contéquence que
les domaines de notre Couronne , non feulement
ceux tenus à titre d engagement , par aucuns
de nos tujets , ou donnes à titre d'apar
nage à des Princes de notre tang , mais meme
coux étant entre nos mains , foient foumis ,
commetoutes les autres propriétés , au paiement
de ladite fobvention territoriale .
III . a tomme de la tubvention teritoria'e
qui entrera en notre Tréfor rosal , fera & demeurera
fixée à quatre-vingts in lions parchaque
année. Il pourra néanmoins , fur les propolitions
qui nous teront faite, par les Atiemblées
provinciales , etre impote , au marc la livre de
Jadite fubvention , la tomme qui fera par nous
jugeenécellaire pour les sécharges & moderations
que les perres de revenus annues pourroient exiger,
& pour les tax ons des Collecteurs des Paroffes
; laquelle ſomme ne pourra toutefois excéder
le ſol pour livre de ladite fubvention , ni
entrer , en aucun cas , en notre Tréfor royal ;
nous réſervant , à l'époque du dernier Décembre
1790 , terme de la prorogation du ſecond Vingtieme
, ſuivant I Edit du mois de Février 1780,
de vérifier ſi l'érat de nos finances nous permettra
de procurera nos fuets propriétaires , fur la
fixation ci-deilus déterminée de la fubvention
territoriale , une diminution correſpondante à
celledont ils auraient joui , la cellation du ſecond
vingtieme arrivant .
IV. Itfera annuellement arrêté & expédié en
notre Conteilun brevet génerai de la ſubvention
territoriale , contenant la diftribution de la
fomme
( 25 )
1
fomme totale de ladite ſubvention entre toutes
les Provinces , Généralités & Elections ou autres
arrondiſſemens . Seront des expéditions dudit breyêt
général déposées chaque année aux Greffes
de nos Chambres des Comptes , & de nos Cours
des Aides ; & des extraits d'icelui pour chaque
Généralité , envoyés à nos bureaux des finances
en la meme forme preſcrite par notre Déclaration
du 13 Février 1780 , pour le brevet général
de la taille , des impoſitions acceſſoires , & de la
capitation de nos pays d'élections & pays con
quis.
V. Il ſera pareillement expédié annuellement
en notre Conſeil un ſecond brevet des ſommes
dont , aux termes de l'article III ci deſſus , nous
aurons autorisé l'impoſition dans chaque Province
, au marc la livre de la ſubvention térritoriale
, ſur les propoſitions des Aſſemblées Provinciales.
Les expéditions dudit ſecond brevet
feront dépotées , & les extraits d'icelui adreſſés
en lamême forme preſcrite par l'article précédent
pour le brevet général de ladite fubyention.
VI. La fomme fixée pour chaque Généralité
ou Province de pays d'Etats , par le brevet gé
néral de la ſubvention , arrêté en notre Confeil
, fera répartie dans chacune d'elles , par
Jefdits Etats ; & quant aux autres Généra'ités &
Provinces, la ſomme fixée par ledit brevet général
, pour chaque Election ou arrondiffement
deſdites Provinces , ſera répartie entre chaque
Paroiſſe ou Communauté ,par les Affemblées fupérieures
ou inférieures y établies , telon les réglemensqui
feront par nous arrêtés pour chaque
Province ouGénéralité ; de maniere que chaque
Paroiffe , avant qu'il foit procédé a la répartition
de l'impoſition ſur les propriétés particulieres
N° . 35 , 1 Septembre 1787 .
b
( 26 )
connoille la portion fixe & déterminée de la
fubvention territoriale qu'elle fera tenue d'acquitter.
VII. La portion contributive de chaque Paroiffe
étant ainſi déterminée , ſera diſtribuée
par l'Affemblée municipale de cette même Paroiſſe
, ſur tous les biens-fonds qui y feront fitués
, fans aucune diftin&ion , au marc la livre
de l'évaluation des revenus deſdits biens- fonds.
VIII. Tous les fonds ou droits réels , productifs
ou fufceptibles de revenus annuels , feront impoſés
annuellement dans les rôles de chaque Paroiſſe
, ſelon l'évaluation deſdits revenus , foit
que leſdites propriétés foient louées , exploitées
ou occupées par les propriétaires , même les
châteaux , maiſons d'habitation , de plaiſance ou
autres, & les parcs & jardins , favoir ; leſdits
parcs & jardins. felon l'étendue du terrein qu'ils
occuperont , & qui fera répuré de la meilleure
qualité des terres de la Paroiſſe ; & toutes les
maiſons ou autres bâtimens , d'après l'eſtimation
de leur valeur locative ,de maniere toutefois que
les châteaux ne puiſſent être impoſés au-delà du
double de la maiſon la plus conſidérable de la
Paroiffe.
IX. Les futaies hors des parcs&jardins ne ſeront
pas impoſées annuellement , mais lors de
leurs coupes ſeulement. L'impoſition deſdites
coupes , lorſqu'elles auront lieu , fera réglée
au même taux auquel ſeront impoſés les revenus
annuels de la Paroiſſe où la futaie ſera ſituée.
Ladite impoſition ſera acquittée dans les mêmes
termes des adjudications deſdites coupes , qui
auront été paffées par les propriétaires , ou de la
durée de leur exploitation . Le produit de l'impofition
appartiendra à la Généralité dont les futaies
feront partie ,& fera placé en effets permis
( 27 )
par l'Edit d'Août 1749 , pour fervir à acquitter,
juſqu'à concurrence du revenu annuel deſdits
effets , une portion de la ſubvention territoriale
fixée pour ladite Genéralité ,dont chaque propriétaire
éprouvera enconféquence une diminution
annuelle, en proportion de ſa cottifation.
X. La comparaiſon des rôlesde chaque Paroiffe
par lesAſſemblées ſupérieures& inférieures
*de chaque province , donnera le taux commun
de chaque partie de la province , & ſucceſſivement
de la Généralité, en proportion du dixieme
effe&if; & de la comparaiſon de ces taux communs
par chaque Province ou Généralité , réfultera
le taux général du Royaume.
ne
XI. Lorſque le taux commun du Royaume aura
été fixé d'après une expérience ſuffiſante ,
aucune Généralité , Election ou Paroiffe
pourra être impoſée au- deſſus dudit taux général
; comme dès à préſent aucun contribuable
ne pourra être taxé au-deſſus du taux particulier
de chaque Paroiffe ; nous réſervant & à notre
Confeil la connoiſlance des réclamations des
Provinces, Généralités , Elections & Paroiſſes ,
fur la fixation de leurs impoſitions ; & d'expliquer
plus amplement par la ſuite nos intentions
fur la forme dans laquelle les réclamations des
:contribuables feront jugées par les Juges qui en
-doivent connoître.
: XII . Dérogeons , par notre préſent Edit , aux
diſpoſitions de l'Edit du mois de Mai 1749 , des
Lettres-Patentes du 10 Novembre ſuivant , &
desEdits de Novembre 1771 , & Février 1780.
N'entendons néanmoins rien innover , quant à
préſent , aux diſpoſitions des ſuſdits Edits
cequi concerne la retenue des deuxVingtiemes
&Quatre fels pour livre du premierVingtieme
, CH
b 2
( 28 )
fur les rentes par nous dues à nos ſujets , & foumiſes
à ladite retenue , & celle que tous debiteurs
de rentes conftituées continueront de pouvoir
faire comme par le paffé , & qui auront
également lieu à l'avenirjuſqu'à ce qu'il en toit
par nous autrement ordonné , pour toutes les
rentes dues par nos fuets indistinctement , ſi
l'exemption deſdites impofitions n'a pas éé ſtipulée
par les contrats de conftitution desdites
rentes , en vertu des Lettres-Patentes par nous
accordées , à l'effet de permettre lesdites conyentions.
Si donnons en mandement , &c .
Lu & publié , le Roiféant en fon Lit de Justice ,
&registre au Greffe de la Cour , ce requérante Procureur-
Général du Roi , pour être exécuté felonSa
forme& teneur, & copies collationnées duit Edit
envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées du reffort ,
pour y être pareillement lu , publié & régistré. Enjoint
aux Substituts du Procureur - Général du
Roi d'y tenir la main , & d'en certifier la Cour au
mois . FAIT en Parlement , le Roi tenant fon Lit de
Justice, à Versailles lefix Août milſept cont quatrevingt-
Sept. Signé LEBRET.
Edit du Roi , donné à Versailles au mo's
d'Août 1737, regiſtré en Parlement le 10
defdits mois & an , portant fuppreffion des
Offices de Directeur général des Poftes
aux chevaux , Relais & Meſſageries , &d'Intendant
des Poſtes aux chevaux , Relais &
Meſſageries .
2 Nous avions , par notre Edit du mois de
» Décembre 1785 , jugé convenable de lepa-
>> rer l'adminiſtration de ce ſervice de celle des
Poſtes aux lettres , & d'établir à cet effet
> une Direction générale qui (eroit chargée
( 29 )
de régir & admin'ſter , ſous notre autorités
>> tout ce qui concerneroit la Pofte aux che-
>> vaux & relais ,ainſi que les Meſſageries , en
>> tant qu'elles auroient rapport aux Poſtes anx
>> chevaux; mais l'expérience nous ayant appris
> qu'il y avoit quelques inconvéniens à ſépa .
>> rer ainfi le régime des Poſtes aux chevaux
de celui des Poſtes aux lettres , & ayant reconnu
que leur réunion produirois une
économie , nous avons réſolu de rétablir les
>>>choſes à cet égard , comme elles étoient
>>>avant notredic Edit , &c.
Arrêt da Con'eil d'Etat du Roi , du 14
Juillet 1787 , po tant Réglement pour les
nouveaux Delfins que les Fabricans d'écoffes
de folerie& de dorure du Royaume auront
compofés ou fait compoſer.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 30
Juin 1787 , qui preſcrit les formalités à
remplir , non ſeulement par les Maîtres dés
Communautés par différens Edits , mais
encore par les Artiſans qui exerçoient des
profetlions libres avant leſdits Edits ; &
enfin par ceux qui exercent ou exerceront
des profeffions reftées libres .
Un bateau de poſte deſcendoit le Rhône,
le 28 Juillet , chargé de cinq perſonnes ,
(MM. Desgranges &de Viefville , l'un ancien
Officier de Cavalerie , & l'autre de la
Marine , tous deux Chevaliers de S. Louis ;
M. & Mde. Minuty, ancien Procureur au
Parlement d'Aix , & une autre dame ) &
traverſoit le canal de Givos , par un temps
allez mauvais. Deux grandes barques char .
b3
( 30 )
1
gées , détachées du rivage , &que levent
empêchoit de conduire , tomberent fur ce
frêle bâtiment , ſans pouvoir l'éviter ; en un
inſtant il fut écrasé & fubmergé : la vîteſſe
du Rhône ne laiſſoit pas même l'eſpérance
defauver les voyageurs , malgré l'empreffement
des gens de la côte , ſi l'Officier de
Marine n'eût fauté dans une des barques &
retena le bateau coulé , qu'entraînoit le
courant. Les deux dames expirantes de
frayeur lui tendoient les bras , avec les cris
dudéſeſpoir : il parvint à les ſauver avec autant
de célérité que de courage & d'adreſſe,
fans que l'une d'elles , avancée dans ſa groffeffe,
éprouvat aucun accident. MM, Def
granges &Minuty ne furent fauvés qu'avec
beaucoup de peine par les bateliers.
Une Société de Citoyens réunis par le goût
des Arts utiles , a déposé une ſomme de
12000 liv, deſtinée aux Auteurs qui , au jugement
de l'Académie des Sciences , donneront
les meilleurs moyens de perfectionner ou de
» changer le mechaniſine des machines du
Pont Notre- Dame & du Pont- Neuf, foit
› en étab iffantde meilleures proportions entre
les parties de ces machines , ou en y chan-
> geant le ſyſtème de la communication des
>>>mouvemens , foit en exécutant ces mêmes
>> machines avec plus de préciſion , foit enfin
>> en employant le même moteur avec plus
>> d'avantage.
Les Concurrens ne feront pas obligés de
préſenter des modéles , mais feulement de
joindre un plan à leur Mémoire aves un des
(3)
vis eſtimatif détaillé, tant des frais de conf
truction premiere , que des frais annuels d'entretien.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adrefferont
leurs Ouvrages , francs de port, à Paris ,
au Secrétaire perpétuel de l'Académie , ou les
lui feront remettre entre les mains .
Les Ouvrages ne feront reçus que juſqu'au
premier Août 1788 , excluſivement; ce terine
eft de rigueur.
L'Académie , à fon Aſſemblée publique de
la Saint Martin 1788 , proclamera la Piece
qui aura mérité ce Prix.
« Le 13 du mois dernier, entre les quatre
& cinq heures du ſoir, un orage confidérable,
chargé de grêle , fondit tout- à coup fur
plaſieurs paroifies du pays Chartrain , mais
fur-tout fur celles de Saumeray, Bonville,
Vitray & Andeville, & avec tant de violence,
qu'en moins d'un quart-d'heure tout
le territoire fut couvert de près d'un pied
d'épaiffeur de grêle : toutes les vitres ont
été caffees, les toîts de tuiles en partie brifés,
des hommas, des chevaux grievement
b'eſſés; le gibier, les oiſeaux , tout a été tué:
tous les grains , qui préſentoient la plus riche
moiſſon, ont été hachés &emportés par les
torrens, de maniere qu'il ne reſte pas apparence
de récolte dans ces malheureuſes Paroiffes,
dans les trois premieres fur- tout , &
qu'une très-chétive dans la derniere ; la grêle,
de forme angulaire , étoit communément de
la groſſeur d'un oeuf de poule, & un grand
nombre de grains plus gros que le poing .
4
( 32 )
Les habitans de ces Paroiffes , réduits
par
cet accident à la plus affreuſe mifere , reclament
la pitié & les ſecours des ames ſenſibles
& généreuſes pour avoir de quoi vivre ,
cultiver & enſemencer leurs terres ; celles
qui, touchées de leur ſituation , voudront
bien les aider , font priées de remettre leurs
aumônes à M. Brichard, Notaire, rue Saint-
André-des-Arcs.
>>On aſſure qu'il a été porté cette année
>>pour 45 millions de marchandites à la
>>>Foire de Beaucaire , & qu'il y en a été
>> vendu pour 29 ou 30. La draperie , la
>>t>oilerie, la quincaillerie , la mercerie&la
>> droguerie ont eu aſſez de cours. La tan-
>>>nerie , les laines , les mouſſelines , les étof-
>> tes & les bas de ſoie affez pea. En géné-
>> ral la foire n'a pas été bonne , & les paie-
>> mens s'y font faits aſſez péniblement.
>>>De tous les articles de Niſmes , celui .
>> des mouchoirs de ſoie a été le plus mal
>>> vendu. Les Fabricans de mouchoirs de
>>>foie de Barcelone & des environs de certe
>> ville ont abondé cette année à la foire.
>>Ayant pu vendre beaucoup meilleur mar-
>> ché que nos fabricans , à cauſe du prix
>>des ſoies, beaucoup plus bas cette année
>> en Eſpagne qu'en France , il a été impof-
>> fible à nos fabricans de foutenir leur con-
>>>> currence ; & les marchandiſes de ces der-
>>>nie s leur font reſtées , tandis que les Ef-
>>>pagnols n'en ont point eu affez.
( 33 )
১১
و ر >>Iln'yaapaseuàBeaucaireunhuitieme
des foies qui font apportées ordna re-
>>ment. Elles s'y tont vendues avec ang-
>>mentation de 40 pour 100 fur les inté-
>>rieures , & de so pour foo ſur les fines .
> Cette augmentation a été encore plus :
forte fur les foies de Piémont.
Cette difette eſt un fléau pour nos Ma-
>>>nufactures de Lyon. Elle va réduire à
>>l'extrémité la plus grande partiedes ouvriers
auxquels on ne pourra plus fournir
>>>de taval. On vient d'ouvrir une fouf-
>>cription pour les foulager. On ſe propoſe ,
>>fi on peut obtenir des moyens fuftilans ,
>>de donner 8 fols par jour & par têre aux
>>familles compoſées de deux perſonnes
>> ſeulement & lans ouvrage ; 6 fols par tête
> à celles compotées de trois à quatre per-
>>fonnes , & s ſols auſſi par tête à celles
> compofées de cinq perſonnes& au deſſus.
L'Académie des Sciences , Belles- Lettres &
Arts de Lyon a fait annoncer qu'elle tiendroit ,
le 28 du mois d'Août 1787 , la Séance publique
deſtinée à la proclamation des trois Prix qu'elle
à propoſés pour cette année. Le nombre trèsconſidérable
de Diſcours & de Mémoires qui lui
ont été adreſſfés pour les trois Concours , l'oblige
de différer la diſtributionjuſqu'à la Séance publique
de ſa rentrée , après les féries , qui ſe tiendra
le 4 Décembre prochain .
Les habitans de Lifle en Périgord effuyerent ,
le 28 de Juin dernier ,une inondation qui , après
avoir dévaſté les campagnes & enterré ſousdes
tas de fable la plus belle récolte de toute eſpece ,
bs
( 34 )
ſe porta avec impétuofité ſur les maiſons du fauxbourg
, remplit les maiſons à la hauteur de 4,5
&6 pieds d'eau , abattit les murs de quelquesunes,
noya les beſtiaux qu'on n'avoit pas eu le
temps ou la précaution de faire fortir de leurs
étables , entraîna tous les meubles des malheureux
habitans , logés à rez-de-chauſſée , engloutit
les vins & les huiles dans les celliers . On vit les
peres & meres , portant leurs enfans les plus foibles
, ſe ſauver fur des planches de toît en toît.
Une malheureuſe mere , malade dans fon lit,
entouréede ſes petits enfans , eut la douleur d'en
voir deux précipités dans les flots d'un torrent ,
qui abattit un mur latéral de la maiſon. L'un de
ces enfans a été trouvé mort dans la prairie de
Lifle , où les flots l'avoient porté ; l'autre fut fauvé
d'une maniere preſque miraculeuſe , ayant été
arrêté entre les rayons de roue d'une charrette
ce qui donna le temps à ſon aïeul , qui le voyoit
périr de ſa fenêtre , ſans pouvoir lui donner de
fecours , de lui jetter un cable , à la faveur duquel
on lui ſauva la vie , en l'attirant vers cette fenêtre.
La perte qu'a éprouvé cette infortunée Pa-
-roiffe s'éleve à plus de 200,000 liv. Les perfonnes
compâtiffantes qui voudront fournir quelque
foulagement à la portion la plus ſouffrante de
cette multitude d'infortunés , pourront s'adreſſer
M. Broffard , Curé de Lifle en Périgord.
Les Montres Boufſoles , offertes au Public
par le Sr. Neſeda , ont eu un ſuccès affez décidé
, pour qu'il foit inutile d'en parler avec
éloge. Perſonne n'ignore aujourd'hui que ers
inftrumens,auſfiingénieux que commodes , unif
ſentàl'utilitéd'une montre , dont on lui adonné
la forme, l'avantage précieux de la régler par
( 35 )
uncadran ſolaire qui y eſt joint. On fe contentera
ſeulement de répéter ici le procédé
qu'il a indiqué pour s'en fervir.
Le fond de la bouffole eſt divisé de dix en
dixdegrés , juſqu'a trente (graduation néceffaire
pour la déclinaison de l'aiguille aimantée ) ;
au-deffus , on atracé un petit cadran folaire ,
de laplus exacte préciſion. Il indique les heures
vraies du ſoleil . Pour les connoître , on poſe
la montre Colaire horisontalement ; l'aiguille de
la bouffole a deux extrémités , l'une, blanche ,
indique le midi , l'autre , bleue , indique le
nord . La Heche bleue étant au nord , on tourne
aboutlove , jusqu'à ce que cette fleche ſoit
précisément à 20 degrés du côté de loueſt
ators'ombre formé par le ſtilet du méridien,
indique Pheare vrae du ſoleil. Rien de plus
Emale que ce procédé.
Les Payeurs des Rentes, 6 premiers mois
de 1787 , font à la Lettre B.
1.
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 25 Août.
C'eſt les 11 , 12 & 13 de ce mois , que
les régimens de Ligne & de Murray , deux
divifions de Dragons & un bataillon des
Grenadiers , auxquels doivent ſe joindre au
premierjour deux bataillons de Wurtemberg,
qui fortent de Luxembourg , ont pris poſte
aux environs de cette Capitale. Leur canronnement
en eſt tellement voifa. qu'elle
ſe trouve affez étroitement reſſere. Ileft
( 36 )
1
.
défendu aux ſo'da's d'entrer en ville , d'où
il fort journellement beaucoup de curieux
pour voir le camp. On a pris toutes les mefures
propres à prévenir les querelles entre
les Bourgeois &les foldats, ainſi que tout
attroupement. L'artillerie & les magaſins
d'armes qui étoient à Malines , ont été
tranſportés à Luxembourg.
Le 14 de ce mois , le Chevalier Harris ,
Miniſtre plénipotentiaire de la Cour de
Londres à la Haye , a remis aux Etats Généraux
, de la part du Roi d'Angleterre , un
Mémoire dontyoici la teneur :
Hauts & Puisfans Seigneurs !
>> Le Roi animé des ſentimens de l'amitié la
plus vraie & la plus fincere pour VosHautes
Puiſſances , ne peut voir qu'avec une peine
extrême la continuation des malheureux troubles
qui fubfident dans la République des Pro
vinces -Unies , & qui par leur durée lamenacent
des ſuites les plus fâcheuſes ".
» Les Mémoires que le foufſigné Envoyé
Extraordinaire & Minigre Plénipotentiaire a
préſentés à Ves H. P. depuis qu'il a l'honneur
de réſider auprès d'Elle , font foi que le Roi
fon maître , en bon voiſin & Ami de la République
, n'a ceffé de défirer d'y voir rétablir
le calme , & Sa Majesté ſeroit toujours difpoſée
à y coopérer de ſon mieux dès que Vos
H. P. le jugeroiert àpropos ১১.
>> Sa Maj ſté ayant obſervé que les Etats des
Provinces de Zelande & de Friſe ont déclaré
leur difpofition , de demander la médiation de
quelques Paillances , ( au cas que Vos H. P.
jugealſent une telle intervention néceſſaire )
&que celle de Zelande a même rappellé à cette
137
occaſion, les affurances réitérées que le Roi a
données de fon amitié pour les Provinces-
Unies, le ſouffigné a ordre exprès , d'aſſurer Vos
H. P. , que Sa Majesté a conſtamment à coeur
le rétabliſſement de la tranquillité de la République,
la conſervation de la véritable conftitution&
le maintien des juſtes Droits & Privileges
de tous ſes Membres. Sa Majesté éprou
veroit la plus grande fatisfaction , s'il y avoit
lieu de croire que des moyens internes , fours
nis par la conſtitution même , pourroient fuffire
à l'accompliſſement d'un objet auſſi ſalutaire ;
mais en même temps , fi Vos H. P. décident
qu'il eſt eſſentiel de recourir a une médiation
étrangere , & d'y inviter Sa Majeſté , alors par
une luite naturelle de ſon affection & de la
bienveillance pour la République , le Roi s'em
preffera de prouver à Vos H. P. , ſon defir fincere
d'employer tous les foins qui pourront
dépendre de Sa Majesté , pour conduire la Négociation
à une iſſue heureuſe , ſolide & per
manente».
La Haye ce 14 Août 1787.
( Signé ) Le Chevalier HARRIS.
Lorſque ce Mémoire a été pris en déli
bération par les Etas Généraux, la Province
de Hollande a perfiſté dans ſademande
de la médiation de la France; les fix autres
ont renvoié la choſe à l'examen de leurs
Commettans.
A la pluralité des voix , LL. HH. PP.
ont rendu une Ordonnance , qui en ontle
deſarmementde tous les Corps-francs dans
les villes & diſtricts de la Généralité. Elles
ont également défendu ſur le même terri
( 38 )
toire toute levée de tecrues pour la pros
vince de Hollande, &de laiſſer paſſer aucun
Officier ou foldat étranger , même munis
de paffe ports.
- Après de longs & vielens débats , les
Etats de Hollande ont adhéré aux inſtances
de la Commiffion de Woerden, en prometrant
des dédommagemens aux veuves
& aux enfans des Membres du Corps -franc ,
qui feroient tués ou bleſſés en ſe battant
pour la cauſe de la Majorité de laProvince.
La propoſition d'accorder à cette même
Commiffion de défenſe un pouvoir illimité,
n'a pas occafionné de moins vives alterca
tions dans l'Affemblée. La Majorité s'eft
plainte d'être contrecarrée en tout , ainſi que
la Commiffion, par les divers Colleges de
('Etat , & en particulier par celui des Conſeillers-
Députés , qui s'arrogent , ſuivant le
Gazetier d'Amſterdam , le droit de contredire
le Souverain. Nonobſtant ces affligeantes
diviſions , dans l'Aſſemblée même de cette
Souveraineté provinciale , la propofition ci.
deſſus aprévalu.
La querelle ſurvenue dans l'une des dernieres
délibérations entre le Comte de Wafnaër
- Srarrenburg , Préſident de l'Ordre
Equestre , & M. van Berkel , Penſionnaire
d'Amſterdam , n'eſt pas aſſoupie. Amsterdam
ademandé fatisfaction de l'infulte faire à fon
Magiſtrat ; l'Ordre Equestre a répondu que
će Magiſtrat étoit l'offenfeur : difpute per
( 39)
:
fonnelle pouſſée de part & d'autre avec la
plus vive animoſité ,& que les avis des gens
modérés n'ont puterminer encore.Au milieu
de ſi nombreuſes & fi violentes diſſenſions ,
on ne perd pas toute eſpérance de les voir
amener à une fin , par l'interpoſition des
Puiſſances alliées ou amies de la République.
On parle de baſes d'une médiation
propoſées par la Cour de Pruſſe; mais le
Parti Patriotique ne paroît en aucune ma
niere difpoſé à traiter fur ces préliminaires.
Voici la ſuite de l'extrait, du Journal de
M. de la Peyrouſe , entamé au Journal pré
cédent.
Bientôt M.teVicomte de Langle , Comman
dant de l'Aftrolabe , arriva à mon bord , aufli
accab'é de douleur que moi- même , & m'apprit
en verfant des larines , que le malheur étoit en
core infiniment plus grand que je ne croyois.
Depuis notre départ de France , il s'étoit fait une
loi inviolable de ne jamais détacher les deux
freres , MM,de la Borde de Marchainville & de la
Borde de Boutevi liers, pour une même corvée
&il avoit cédé dans cette feule occafion au defir
qu'ils avoient témoigné d'aller fe promener &
chaffer enſemble : car c'étoit preſque ſous ce
point de vue que nous avions envisagé l'un &
Pautre la courſe de nos canots , que nous croyions
auffi peu expoſés que dans la rade de Brest , lorfque
le temps eſt très-beau .
Les Pirogues, des Sauvages vinrent dans ce
même moment nous annoncer ce funeſte événe
ment. Les fignes de ces hommes groffiers exprimoient
qu'ils avoient vu périr les deux canots , &
que tous ſecours avoient été impoffibles. Nous
【40 )
1
.
les comblâmes de préfens & tâchâmes de leur
faire comprendre que toutes nos richeſſes appartiendroient
à celui qui auroit fauvé un teul
bomme. Rien n'étoit plus propre à émouvoir leur
humanité ; ils coururent ſur les bords de la mer,
&ſe répandirent ſur les deux côtes de la Baye.
J'avois déja envoyé ma chaloupe , commandée
par M. de Clonard , vers l'Eſt , où , ſi quelqu'un ,
contre toute apparence , avoit eu le bonheur de
ſe ſauver , il étoit le p'us probable qu'it aborderoit.
Mr. le Vicomte de Langle ſe porta fur la
côre d'Ouest , afin de ne rien laiſſer àvisiter ; &je
refai à bord, chargé de la garde des deux vaifſeaux
, avec les équipages néceſſaires , pour
n'avoir rien à craindre des Sauvages , contre lefquels
la prudence vouloit que nous fuflions toujours
en garde. Preſque tous les Officiers & plufieurs
autres perſonnes avoient ſuivi MM. de
Langle & de Clonard ; its firent 3 lieues ſur le bord
de la mer, où le plus petit débris ne fut pas même
jetté. J'avois cependant conſervéunpeu d'eſpoir:
Pefprit s'accoutume avec peine au paſſage ſi ſubit
d'une fituation douce à une douleur auffi profon
de. Mais le retour de nos canots & chaloupes détruifit
cette illufion & achevade mejetterdans
une confternation , que les expreffions les plus
fortes ne rendront jamais que très imparfaitement.
Je vais rapporter ici la propre Relation de
M. Boutin : il étoit ami de M. d'Efcures , & nous
ne penſons pas également l'un & l'autre ſur l'im,
prudence de cet Officier.
>> LE 13 Juillet,às heur, so minutes du matin,
je partisdu bordde la Bouffole dans le petit canot :
j'avois ordre de ſuivre M. d'Efcures qui commandoitnotre
Biscayenne ; & M. de Marchainville devoit
ſe joindre à nous,commandant la Biscayenne
( 41 )
de l'Aftrolabe ; les inftructions que M. d'Efcures
avoit reçues par écrit de M. de la Peyroufe , & qui
m'avoient été communiquées , lui enjoignoient
d'employer ces trois canots à ſonder la Baye ; de
placer les fondes , d'après les relévemens , ſur le
p'an qui lui avoit été donné ; de ſonder la Paſſe ,
Ji la mer étoit belte , & même d'en meſurer la largeur.
Mais il lui étoit expreſſsément défendu d'expoſer
au moindre danger les canots qui étoient fous ſes
ordres , & d'approcher de la Paffe , pour peu qu'elle
brisat , ou même qu'il y eût de la houle. Après avoir
doublé la pointe O de l'Iſle , près laquelle nous
étions mouillés , je vis que la Pafſe briſoit dans
toute la largeur , & qu'il feroit impoffible de s'y
préſenter. M. d'Escures étoit alors de l'avant les
avirons levés , & ſembloit vouloir m'atendre ;
mais lorſque je l'eus approché à portée du fufil ,
il continua fa route ; &, comme ſon canot marchoit
beaucoup mieux que le mien , il répéta
pluſieurs fois la même manoeuvre, fans qu'il me
fût jamais poſſible de le joindre. A 7 heures un
quart , ayant toujours gouverné ſur la Pafle
nousn'en étions plus qu'à deux Encablures (1 ) .
>>Notre Biſcayenne vira de bord ; ie ſuivis ſon
mouvement dans ſes eaux: nous fimes route
pour rentrer dans la baye , laiſſant la paſſe derriere
nous , & mon canotderriere notre Biſcayenne,
à portée de la voix. J'appercevois celle
de l'Aftrolabe (commandée par M. de Marchainville)
à un quart de lieue au- dedans de la baye :
M. d'Eſcures me héla alors en riant : « Je crois
>> que nous n'avons rien de mieux à fare que
>> d'aller déjeuner , car la paſſe briſe horrible-
(1) Et j'avois expreſſement défendu d'approcher cette
Paffe , fi elle brifor. ( Note de M. de la Peyrouse. I
( 42)
ment " .... Ic répondis : certainement ;
j'imagine que notre travail ſe bornera à fixer les
» limites de la baie de fable qui est à bas bord en entrant
.... M.dePiertevert , qui étoit avec
M. d'Eſcures , alloit me répondre ; mais ſes yeux
s'étant tournés vers la côte de l'Eſt , il vit que
nous étions entraînés par leJuſan : je m'en apperçus
auſſi ; &dans l'inſtant nos canots furent
nagés avecla plus grande force le capau Nord,
pournous éloigner de la paſſe , dont nous étions
encore à cent toiſes ; & je ne croyois pas être expoſé
au moindre danger , puiſqu'en gagnant
Teulement vingt toiſes ſur l'un ou l'autre bord ,
nous avions toujours la reſſource d'échouer nos
canots ſur le rivage. Après avoir nagé plus d'une
minute ſans pouvoir refouler la marée , j'eſſayai
inutilement de gagner la côte de l'Et. Notre
biſcayenne , qui étoit devant moi , eſſaya auſſi
inutilement de gagner la côte de l'Oueſt . Nous
fümes donc forcés de remettre le cap au Nord ,
pour ne point tomber en travers dans les brifans.
Les premieres lames commençaient à déployer
à peu de diſtance de mon canot. Je crus
devoir mouiller le grapin ; mais il ne tint pas.
Heureuſement le cablot n'étoit pas étalingué à
un des bancs , il fila en entier dans la mer &
nous déchargea d'un poids qui auroit pu nous
être funeſte. Dans d'inſtart je fus au milieu des
plus fortes lames , qui remplirent preſque man
canot. Il ne eoula cependant pas , &ne ceſſa de
gouverner , de maniere que je pouvois toujours
préſenter l'arriere aux lames ; ce qui me donna
le plus grand eſpoir d'échapper au danger. >>
>>Notre biſcayenne s'étoit éloignée de moi pendant
que je mouillois le grapin , & ne se trouva
que quelques minutes après dans les briſans : je
Pavois perdue de vue en recevant lespremieres
( 43 )
lames; maisdans un des momens où je me trou .
vois au- deſſus de ces brifans , je la revis entre
deux eaux àtrente on quarante toiſes del'avant;
elle étoit en travers , je n'apperçus ni hommes
ni avirons. Ma ſeule eſpérance avoit été qu'elle
pourroit refouler le courant ; mais j'étois trop
certain qu'elle périroit ſi elle étoit entraînée ,
car pour échapper , il falloit un canot qui portât
ſon plein d'eau , & qui dans cette ſituation pût
gouverner , afin de ne pas chavirer. Malheureuſement
notre biſcayenne n'avoit aucune de ces
qualités.»
>>J'étois toujours au milieu des briſans , regardant
de tous côtés , &je vis que derriere mon
canot , vers le Sud , les lames formoient une
chaîne que mon oeil ſuivoit juſqu'à mon horizon .
Les brifans paro ſfoient auſſi aller fort loin dans
l'Oueſt. Je vis enfin que ſije pouvois gagner
ſeulement cinquante toiles dans l'Eſt , je trouverois
une mer moins dangereuſe. Je fis tous
mes efforts poury réuffir , en donnant des élans
fur le tribord dans l'intervalle des lames ; & à
ſept heures vingt-cinq minutes je fus hors de
tous dangers , n'ayant plus à combattre qu'une
forte houle & de perites lames produites par la
brife du O. N. Oueſt. »
Après avoir vuidé l'eau de mon canot , je
cherchai les moyens de donner des ſecours à mes
malheureux camarades ; mais je n'avois plusdèslors
arcun eſpoir. Depuis le moment où j'avois
vu notre biſcayenne couler dans les brifans , j'a
vois toujours donné des élans dans l'Eft , & je
n'avois pu en ſortir qu'au bout de quelques minutes;
il étoit impoſſible que les naufragés , au
milieu d'un courant auffi rapide , puſſent jamais
s'éloigner de ſa direction , & ils devoient être en
trainés pendant tout le refte de la marée , qui
(44)
a porté au large juſqu'à huit heures quarantecinq
minutes. D'ailleurs , comment le meilleur
nageur auroit-il pu réſiſter quelques inſtants
feulement à la force deces lames. Cependant ,
commeje ne pouvois faire aucunes recherches
raiſonsables que dans la partie où portoit le
courant , je mis le cap au Sud , côtoyant les brifants
, qui me reſtoient à tribord , & changeant
de route à chaque inſtant , pour m'approcher de
quelques loups marins ou goemons qui me donnoient
de tems en tems quelque eſpérance.
Comme la merétoit très-houlen'e lorſque j'étois
fur le ſommet des lames , mon horifon s'éten
doitaſſez loin , & j'aurois pu appercevoirun aviron
ou un débris à p'us de deux cents toiſes.
Bientôt mes regards ſe porterent vers la pointe
de l'Eſt de l'entrée , j'y apperçus des hommes
qui avoient des manteaux, & faifoient des fignaux:
c'étoient des Sauvages , ainſi que je
P'ai appris depuis ; mais je les pris alors pour
l'équipage de la biſcayenne de l'Aftrolabe ; &
j'imaginois qu'elle attendoit l'étale de la marée
pour venir ànotre ſecours. J'étois bien loin de
penser que mes malheureux amis étoient les
viaimes de leur hardieſſe généreuse. >>
>> Ahuit heurestrois quarts (1 ) , la marée ayant
reverſé , il n'y avoit plus de brifans , ma's eulementune
forte houle : je crus devoircon inuer
mes recherches dans cette houle, ſuivant la direction
durjuſant , qui avoit ceſſé, Je fus aufli
malheureux dans cette ſeconde recherche que je
(1) Et c'étoit l'heure que j'avois indiquée dans mon
inftruction , pour approcher la Paſſe fans,danger, pa ce
que le courant dans tous les cas eſt porté en dedans.
Note de M. de la Peyrouse.]
( 45 )
Pavois été dans la premiere. Avant neufheures ,
voyant que le flot venoit du Sud- Oueft , que je
n'avois ni vivres , ni grapins , ni voiles , mon
équipage mouillé & ſaiſi de froid , craignant de
ne pouvoir rentrer dans la baye lorſque le floc
auroit acquis toute ſa force ; voyant d'ailleurs
qu'il portoit avec violence au Nord- Eit , ce qui
m'empêchoit de gagner au Sud , où j'auroi: dù
continuer mes recherches , fi la marée l'avoit
permis,je rentrai dans la baye , faiſant route au
Nord. La palle m'étoit déja preſque fermée par
la pointe de l'Est la mer brifoit encore fur
les deux pointes ; mais elle étoit calme au milieu.
Je parvins enfin àgagner cette entrée, rangeant
beaucoup la pointe du bas-bord , fur laquelle
étoient les Américains qui m'avoient fait
dfignaux , & que j'avois cru François. Its
m'exprimerent par leurs geſtes qu'ils avoient vu
chavirerdeux embarcations ; & ne voyant pas
la biſcayenne de l'Aftrolabe , je fus certain du
fort deM. de Marchainville , que je connois trop
pour croire qu'il eût réfléchi ſur Pinutilité du
danger auquel il alloit s'expofer Comme on
aime cependant à fe flatter , il me reſtoit un
très-léger eſpoirque je le trouverois à bord de
nos vaiſſeaux , où il étoit poſſible qu'il eût été
demander du ſecours. Mes premieres paroles en
arrivant à bord : Avez- vous des nouvelles de M.
de Marchainville ? - Non.- Ce fut pour
moi la certitude de ſa perte. »
» Après tous ces détails , je crois devoir expli
quer les motifs de la conduite de M. d'Eſcures.
Il eſt impoffible qu'il ait jamais ſongé à ſe préſenter
dans la paffe ; il vouloit ſeulement s'en
approcher ( 1 ) ; & il a cru le tenir à une diſtance
(1) Et il lui étoit défendu par mon inftruſtion d'en approcher.
Note de M. de la Peyrouse. ]
( 46 )
qu'il a mal jugée ainſi que moi , ainſi que les
dix-huit perſonnes qui étoient dans nos deux canots.
Je ne puis dire combien cette erreur eſt
pardonnable , ni pourquoi il étoit impoſſible
de juger la violence du courant : on croiroit
que je m'excuſe moi - même ; car je répete ,
je jugeai cette distance plus que suffisante , & l'afpectmême
de la côte, qui fuyoit dans le Nord
avec la plus grande viteſſe , ne me cauſa que de
l'étonnement. Sans vouloir détailler toutes les
raiſons qui devoient contribuerà nous inſpirer
une confiance bien funeſte , je ne puis m'empêcher
de faire remarquer que le jourde notre entrée
dans cette baye nos canots ſonderent la
paffe en tous ſens , pendant plus de fix heures ,
fans éprouver aucun courant. Il eſt vrai que
lorſque nos frégates s'y préſenterent , elles furent
repouffées par le juſant ; mais le vent étoit
fi foible , que dans le même inſtant nos canots
refouloient la marée avec la plus grande facilité.
Enfin , le It Juillet, jour de la pleine- lune ,
nos deux Commandans furent eux-mêmes ,
avec pluſieurs Officiers , ſonder cette paſſe :
ils ſortirent avec le juſant , rentrerent avec le
flot , & n'y remarquerent rien qui pût faire juger
qu'il y eût le moindre danger , fur-tout
avec des canots bien armés. Ainsi l'on doit
conclure que le 13 Juilletla violence du coutenoitàà
des cauſes particulieres , comme
à une fonte extraordinaire de neiges , ou des
vents forces , qui n'avoient pas pénétré dans
labaye, mais qui ſans doute avoient ſoufflé avec
violence au large. - M. de Marchainville
étoit à un quart de lieue en-dedans de la
paſſe , au moment où j'y fus entraîné. Je ne l'ai
-pas vu depuis ce moment , & je ſens trop bien
que je nele reverrai jamais ! Mais tous ceux qui
rant
2
5
( 47 )
le connoiſſoient ſavent ce que fon caractere
noble & généreux l'a porté à faire. Il eſt probable
que lorſqu'il a apperçu nos deux canots au
milieu des briſants , ne pouvant concevoir comment
nousy avions été entraînés , il a ſuppoſé
ou un cablot caffé , ou des avirons perdus. Dans
l'inſtant il aura nagé pour venir à nous juſqu'aux
piésdes premiers . Nous voyant lutter au milieu
des lames , il n'aura écouté que fon courage &
aura cherché à franchir les brifans pour nous
porter des ſecours en-dehors , ou périr avec nous.
Cette mort ſans doute eft glorieuſe ; mais combien
elle eſt cruelle pour celui qui , échappé aux
dangers , n'a plus la poſſibilité d'eſpérer de res
voir jamais aucun de ceux qui l'ont accompagné,
ou des héros qui venoient pour le ſauver ! >>>
« Il eſt impoſſible quej'ais voulu omeitre aucun
fait effentiel , ou changer un de ceux que j'ai
rapportés . M. Mouton , Lieutenant de Frégate,
qui étoit en ſecond dans mon canot , eſt à portée
de relever mes erreurs , fi(ce que je ne croispas)
ma mémoire m'avoit trompé. Sa fermeté , celle
du Patron du canot & des quatre canotiers , n'ont
pas peu contribué à nous lauver. Mes ordres ont
été exécutés au milieu des briſans avec la même
exactitude que dans les circonstances les plus
ordinaires . Signé BOUTIN. >>>
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres . )
« Il y a eu derniérement à Brightelmſtone
>>une courſe à pied pour cent guinées , entre
>>>un nommé Plaine d'Applédore , dans la Pro-
> vince de Kent , & le nommé Fline de Chat-
>>>wood dans le Surry. L'étendue du terrein à
( 48 )
>parcourir étoit de 110 verges ( 330 pieds ):
Fline , qui a l'air très- robuſte , a ſouvent fait
de ces fortes de courtes , & en est toujours
>> forti victorieux. Plaine paroît très- maigre ,
» & a l'air d'etre en conſomptton. Ily avoit
>> dit- on , des parispourplus de 10,000 liv . fterl .
>>Avant que ces deux coureurs partiſſent , les
>>paris étoient en faveur de Fline , de 50 liv . ft .
>> a 30 ; mais à 20 verges du but Plaine devança
fon antagoniſte avec une viteſſe incroyable ,
>& gagna le but avant lui , au grand contente-
>>ment des ſpectateurs. C'eſt ainſi que l'argent
>>> circule& change à tout moment de poches en
>>Angleterre » . ( Courier de l'Europe , nº . 13 ) .
N. B. Laporte , Imprimeur-Libraire , rue des
Noyers , donne avis que les éditions in 4°. &
in 8° . du Roland furieux en 46 Chants , de la
traduction de M. d'Uffieux , & ornées de 93
Pianches gravées par les meilleurs Artifles , étant
depuis long temps achevées , Meſſieurs les Soufcripteurs
qui n'ont pas retiré 1s cahiers qui leur
manquent pour completter cet Ouvrage , & ceux
qui voudront l'acquérir complet , ſont priés de le
faire avant la fin de Décembre prochain , parce
qu'à cette époque , on en diſpoſera de maniere
àne plus en trouver en France , ni de complets ,
ni de cahiers ſéparés.
Le prix du format in 4. eſt de 184 liv. broché
, ou de 4 liv . le cahier ; & le format in- 8 °. ,
115 liv. broché, ou 2 liv. 10 fols le cahier.
:
:
1
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
Regrets d'Achille fur le corps de Patrocle
imitation du dix-huitième Chant de l'Iliade
d'Homère.
ACH
CHILLE , enveloppé dans un fombre nuage ,
Sur Patrocle ſanglant pleure , exhale ſa rage ,
Tantôt morne, penſif& tantôt furieux ;
Il dévore les pleurs qui coulent de ſes yeux.
Tu n'es plus .... O douleur! ton ombre en vain m'implore.
Hector , féroce Hector , tu reſpires encore !
Ah! je cours , dans ton ſein..... Il n'eſt plus temps....
ODieux!
N°. 36 , 8 Septembre 1787 . C
٢٥ MERCURE
Il arrache ſoudain l'or de ſes blonds cheveux ,
Souille de ſes habits la pourpre étincelante;
Il répand ſur ſa tête une cendre brûlante ,
Il ſe meurtrit le ſein , pouſſe des cris perçans.
Antiloque le preſſe & rappelle ſes ſens ,
Il le repouſſe , il court ſans ſuivre aucunes traces ,
Il outrage ſes traits que formèrent les Grâces.
Au ſein profond des mers ſes cris ont pénétré,
Thétis entend la voix de ſon fils égaré ;
Et , s'arrachant des bras de ſon père Nérée ,
Se livre au déſeſpoir d'une mère éplorée.
Elle s'écrie : Achille , ô mon fils malheureux !
OHéros! que j'ai vu s'élever ſous mes yeux !
Tel qu'un tendre olivier qu'à peine on voit paroître,
Eſt l'eſpoir & l'orgueil du ſol qui l'a fait naître,
La mort va re'ravir peut- être à mon amour :
Déplorable Déeſſe , ôjour! funefte jour ,
Où par un trifte hymen, ſur la terre appelée ,
Je devins , immortelle , épouſe de Pélée.
Mers , ouvrez à ma voix vos abymes profonds !
O vents , portez au loin mes lamentables ſons!
Du bout de l'Océan & des plaines liquides
Amenez près de moi toutes les Néréides !
Elle dite . Amphinome, Ianaſſe , Actéa ,
La tendre Galathée & la douce Iéra ,
Orithie & Glauci , Doris , Callianire
Raſent l'onde en ſuivant les traces de Zéphyre.
Aux pieds de l'immortelle un grouppe eſt aſſemblé;
:
DE FRANCE.
SI
La touchante Alia parle à ſon coeur troublé ,
Et la jeune Ianire , & la blonde Amathée ,
Font retentir l'écho de l'enceinte argentée.
De la caverne ſombre où s'enchaînent les vents ,
Eole à leurs foupirs mêle ſes ſifflemens :
Quittons , mes chères ſoeurs , cette grotte profonde,
Suivez moi , dit Thétis , ſortez du ſein de l'onde .
Sur les bords phrigiens allons trouver mon fils ;
Sachons quel nouveau trouble agite fes eſprits.
D'un pied léger , des mers ces filles immortelles
Careſſent la furface, & les vents de leurs aîles
Agitant fur leur front leur voiles ondoyans ,
Oppoſent au ſoleil leurs replis tranſparens.
Elies touchent bientôt à la rive embellie
Où l'on voit les vaiſſeaux du Roi de Theſſalie.
La fille de Nérée accourt à ſes accens ,
Et preſſe le Héros en ſes bras languiſſans .
Oma mère ! il n'eſt plus , dit Achille; un barbase.
Un Hector ! de Patrocle àjamais me fépare.
Hélas! il eſt tombé ſous le fer inhumain ,
Etje n'ai pas puni ſon indigne aſſaſſin !
Vai fardeau de la terre , oifif & privé d'armes ,
J'avilis cette main que je baigne de larmes ;
Mon nom qui du carnage étoit l'affreux ſignal ,
Dans Ilion tremblant a trouvé ſon égal !
Tu périras , Hector. Ta tête enſanglantée
Sera fur ton palais en triomphe portéc .
Je fais que je preſcris l'arrêtde mon trépas ,
C
52 MERCURE
Que ma mort eſt le prix des efforts de mon bras.
Eh bien, j'aurai vengé mon ami d'un perfide.
Victime du deſtin je mourrai comme Alcide ,
Je mourrai . Mais , couvert de lauriers immortels ,
Dans Pergame en débris j'obtiendrai des autels ,
Et les Grecs ſentiront , en voyant ma victoire ,
Qu'Achille étoit rentré dans les champs de la gloire.
(Par Mile Aurore , de l'Académic
Royale deMusique . )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
duLogogryphe du Mercureprécédent.
LE imot de la Charade eſt Brûlot ; celui
de l'Enigme eſt Ennui ; celui du Logogryphe
eſt Croupier , où l'on trouve roupie ,
jour, pie pire , proue , rous, crier, ouir
prier, rire , roc, cor, écrou, cour , Roi ,
rue,Prieur.
CHARADE.
L'ÉGOTSTE ſouvent prononce mon premier;
Une négation vous donne mon dernier ;
Un Carme , un Capucin , Lecteur , eft mon entier.
(Par M. Juhel , à Loches. )
DE FRANCE.
53
ÉNIGME.
LEESs Perſes m'ont fait naître ,&dans l'antiquité
Pendant mes premiers ans je me montrai peu vive.
Je vins en France , & l'Univerſité
Bientôt me rendit plus active,
J'aimois à voyager ; en courant nuit &jour
Je me rendis utile à la Ville , à la Cour.
Fidelle à la patrie , en paix tout comme en guerre ,
Pour être enmême- temps aux deux bouts de la terre ,
Je montai des courſiers , je montai des vaiſſeaux.
Sans trompette je vaux ma ſoeur la Renommée
Qui , trop vieille à préſent, ne ſe voit plus aimée...
Je parle des hauts faits des fameux Généraux ,
Et fans péril je les ſuis à l'armée.
J'ignore, & j'ai pourtant tous les plus grands ſecrets
Des Courtiſans , des Rois , de leurs ſujets ,
Des ſavans & des ſots , des petites maîtreſſes ;
Je donne autfi mille promeſſes ,
Dont rarement on voit tous les effers.
Dangereuſe ſouvent, ſaas fiel & fans malice,
Je fais favoriſer l'intrigue , l'artifice ,
Et même ſeconder quelquefois des forfaits .
Je fais rire , pleurer , je ſurprends , je conſole ,
J'ai toujours de l'argent & ne m'en ſers jamais ,
Cependant je répands ſans ceſſe des bienfaits.
Cinj
34 MERCURE
Quand fans deſſein je manque à ma parole ,
Je renverſe bien des projets.
Celui que j'affligeai revient encore à moi ,
Je le ſoutiens par l'eſpérance .
Lecteur , es tu Marchand ? Je commence avec toi ,
Et j'ai toute ta confiance.
Ma main du tendre Amour décoche auſſi les traits .
La ſenſible Amitié , dans l'horreur de l'abſence ,
Se réchauffe en mon ſein , y trouve des attraits.
Par mes ſoins vigilans j'aſſure la conſtance ,
On diroit qu'on m'a faite exprès.
Les Grâces , le Deſtin avec le prompt Mercure ,
Sont en croupe avec moi ſur la même monture.
J'attends cent bras ſur ce vaſte Univers ,
Et parmi mes enfans j'ai l'Auteur de ces vers.
(Par M. Lemaire , Contrôleur des Poftes
à Abbeville. )
LOGOGRYPΗ Ε.
JE ſuis un être à peine en vie ;
Je n'ai ni plames ni toifon ;
Je vais , ſelon ma fantaiſie ,
Par-tout ſans quitter la maiſon .
Si je me mets à la fenêtre ,
C'eſt pour infulter le paſſant ;
Amon Lecteur vingt fois peut- être
DE
55
FRANCE.
J'ai fait cet affront innocent ;
Peut- être auffi dans ſa colère
S'eſt-il vengé cruellement:
Unjaloux ne pardonne guère
Ce qui rappelle ſon tourment.
Mais comment fuir ou me défendre
Contre un ennemi ſi puiſſant ?
Je n'ai ni pieds ni mains ,&j'ai la peau fort tendre ;
Son triomphe n'eſt donc pas grand.
Qu'un curieux me décompoſe ,
J'ai de quoi contenter ſon goût ;
Et fans dénaturer mon tout ,
Jepeux ſubir pour lui mainte métamorphofc.
A l'Avare j'offre de l'or ;
A la Beauté j'offre une roſe;
Au Chaffeur je fournis un cor ;
A l'oiſeau d'Iris une cage.
Mais ce qu'on ne comprendra pas ,
Onpeut en moi trouver un ſage ,
Etje n'en ai pas moins des rats.
De cet afſſemblage bizatre
Le pire , c'eſt d'y voir un fot ,
(Mais la rencontre n'eſt pas rare )
Figurant avec un cagot.
Sans être beauje poſsède les Grâces;
On ne me perdra point; je ne ſuis pas fans traces ;
Ma cuiſine eſt fort maigre, & j'ai pourtant du rou
Mais j'en dis trop , & la gaze eſt trop claire ;
:
Civ
56 MERCURE
Prenons plutôt la méthode ordinaire.
Faiſons d'abord voguer notre Lecteur
Sur un fleuve d'Eſpagne ; & puis , s'il n'a pas peur ,
Je l'embarque pour la Colchide ,
Sur le vaiſſeau du Héros intrépide
Qui déroba la célèbre toiſon.
Je le ramène après dans le champ de ſes pères ,
Reprendre l'inſtrument qui donne la moiſſon ,
Inſtrument dédaigné par des mains meurtrières .
Pour derniers traits j'offre à ſes yeux
L'aſyle ridicule oùGéronte , peureux ,
Croyant d'un Spadaſſin éviter l'eſtocade ,
D'un fripon de Valet reçut la baſtonnade ,
Ce que Poliphème amoureux
Lança contre un rival heureux ;
Ce quà Londres la populace ,
Qui s'amuſe d'un jeu ſanglant ,
Chez deux coqs , d'une égale audace ,
Pour le combat garnit d'un fer tranchant.
Huit lettres ont produit tout ce beau radotage;
Devine , ou non , Lecteur ; je ne dis plus un mot ;
Car s'il t'en falloit davantage ,
Tu ſerois bête alors autant qu'un eſcargot.
(ParM. C....... )
DE FRANCE. 17

NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUTS Politiques & Militaires de
Tamerlan, proprement appelé Timour ,
écritspar lui- même en Mogol , & traduits
en-François d'après la verſion Perfanne
d'Aboutaleb- al- hoſſeim , avec la Vie de
ce Conquérant, d'après les meilleurs Auteurs
Orientaux , des Notes & des Tables
Hiftoriques , Géographiques , &c. ; par L.
Langlès , Officierde Noſſeigntu's les Maréchaux
de France. A Paris , chez Née de
la Rochelle , Libraire , rue du Hurepoix ;
Lottin de Saint-Germain , Imprimeur- Libraire
, rue Saint- André-des-Arcs ; Didor ,
Libraire , rue Dauphine.
LE
E nom de Tamerlan placé à la tête d'un
Ouvrage de Législation & de Tactique doit
exciter l'étonnement du Lecteur ; nous
ajouterons même qu'il mérite une attention
particulière. Il peut ſervir également au Philofophe
& au Savant , & doit faire époque
dans les annales de l'eſprit humain. Cette,
production du plus grand Conquérant de
l'Afie , porte l'empreinte du génie de ſon
illuſtre Auteur. L'on n'y trouve aucune trace
de cette férocité que le nom ſeul de Tartare,
Cv
ع MERCURE
ſemble annoncer , & dont Tamerlan luimême
n'étoit pas exempt dans ſa conduite;
car en comparant ſes Inſtituts avec ſa Vie ,
on voit facilement que ſes actions ne répondoient
pas toujours à ſes diſcours. Mais ſes
actes de barbarie étoient l'ouvrage de fon
ſiècle & de ſa nation. En les commettant ,
c'étoit un tribut qu'il payoit à la foibleſſe humaine.
Si ce Souverain , profeffant une religion
intolérante, éleva des tours avec des
têtes, & pourſuivit les infidèles à toute outrance,
Saint Louis , le vertueux Saint Louis
ne fit - il pas des Croiſades ſanguinaires ? n'atraqua-
t- il pas les Muſulmans , dont il n'avoit
pas plus à ſe plaindre ? On plaint les erreurs
de ce pieux Monarque; il fut entraîné par les
préjugés de ſon temps ; mais fes vertus &
toutes ſes qualités ſupérieures , il ne les dut
qu'à lui même: tel fut auffi Timour.
Pour fentir toute la vérité de ce que nous
venons d'avancer, il ſuffit de lire attentivement
l'Ouvrage de ce Conquérant. Comme
il ledeſtine à l'inſtruction de ſes defcendans ,
il s'y peint fans détour, découvre avec naïveté
les motifs ſecrets de ſa conduite , &
donne des préceptes pleins de ſageſſe qu'il
appuie fouvent de ſon propre exemple. Son
entrepriſe eſt vaſte& impoſante ;elle demandoit
un génie tel que le ſien.
Dans la première Partie il donne un plan
de Légiflation Militaire , Politique &Civile ,
&enſeigne la Tactique ; dans la feconde il
DE FRANCE.
59
raconte lui-même ſes principaux exploits.
Rien de plus noble que ſon débur.
A mes enfans , heureux Conquérans des
>> Royaumes ; à mes deſcendans , fublimes
Souverains du Monde . ود
>>Qu'ils ſachent que plein de confiance
>> en la bonté du Très-Haut , j'eſpère que
>> pluſieurs d'entre- eux s'affoieront après
» moi ſur le Trône de la puiſſance ; c'eſt ce
» qui m'engage à recueillir pour eux les ma-
>> ximes que je me ſuis faites à moi -même.
ود Leur fidélité à les obſerver leur aſſurera
>> une fortune pour laquelle j'ai en à furmon-
>> ter tant d'inquiétudes , de fatigues & de
>> dangers , & dont je ſuis redevable à la pro-
>> rection du Ciel , à l'heureuſe influence de
ود
ود
la religion de Mohammed ( à qui Dien
faffe paix ) , & à la puiſſante protection de
>>> ſes deſcendans & des compagnons de les
travaux.
Il ajoute plus bas : " En me revêrant du
>> manteau Impérial je renonçai à la tran-
" quillité que l'on goûte fur le lit du repos.
ود
ود
ود
ود
ود
ود
Dès l'âge de douze ans je parcourois les
» Provinces , je luttois avec l'infortune , je
concevois des projets , je renverfois des efcadrons
ennemis, je m'accoutumois à
voir des feditions s'élever parmi les Officiers
& les foldats, & à entendre de leur
part des paroles dures ; mais je parvenois
>>à les appaiſer en me réfugiant vers la pa-
>> tience , & en affectant une infouciance
➤ dont j'étois très-éloigné ....
Cvj
60 MERCURE
"
» J'arrachai l'opprimé des mains de l'op-
>> preffeur; & une fois bien informé du, tort
fait à la perſonne ou aux biens , je pro-
» nonçai ſuivant la loi , & je n'enveloppai
>> jamais l'innocent dans la punition du cou-
>> pable.
ود Tout homme qui avoit tiré l'épée
>> contre moi pour traverſer mes deſſeins,
>> dès qu'il imploroit mon ſecours étoit ac-
ود cueilli avec bonté. Je l'élevois aux digni
> tés , je paflois ſur ſes torts la plume de l'ou-
>> bli ; & fi fon coeur étoit encore ulcéré ,
رد telle étoit ma conduite àſon égard , que je
>> parvenois enfin à effacer la cicatrice de ſa
دم bleſſure....
>> J'eus ſoin de m'abſtenir des concuffions
>> de l'oppreffion ; je n'ignorois pas que ce
font de ces-crimes qui produiſent des fami
nes & des Héaux de toute eſpèce , & qui
fauchent des races entières....
ود
ود
ود
"
ود
4
>> Enfans , petits- enfans , amis , alliés ,
>> tous ceux qui avoient avec moi quelque
liaifon eurent part à mes bienfaits. L'éclat
>> dema fortune ne me fit oublier perfonne ;
chacun recevoit ce qui lui étoit dû. La clé
>>> mence eut auſſi des droits fur mon coeur. »
Enfuite vient un Décret très- curieux des
Docteurs Musulmans qui nomment Timour
le Restaurateur de la Foi. On y trouve plufieurs
Anecdotes relatives à leur Hiſtoire
Eccléſiaſtique. L'Auteur continue & donne
une idée de ſes réglemens. Il commence par
diviſer ſes ſujets en douze claffes. On n'y
-
DE FRANCE. 61
voit que des hommes recommandables par
leur piété ou utiles par leurs talens. Il s'occupe
d'abord de la ſubſiſtance des deſcendans
du Prophète , & bientôt rend compte de la
propre conduite envers ſes Soldats & fon
Peuple: Mes Soldats & mon Peuple , dit- il ,
m'étoient également précieux. Il entre dans
les détails de l'adminiſtration . :
" Les Viſirs & les Secrétaires faifoient l'or-
» nement du Divan ; c'étoient les miroirsde
>> monEmpire. Ils me réfléchiffoient tous les
> événemens ſurvenus au fond des Provinces
> parmi les Soldats ou le Peuple. »
Au milieu de ſes grandes occupations on
eft furpris de l'attention que ce Légiflateur
donne aux Beaux- Arts, & de l'importance
qu'ily attache; il réunit autour de lui les Mé
decins, les Astrologues, les Géomètres ; car
tous ces hommes, dit- il, contribuent à la
gloire & à la prospéritéde l'Empire....
Ildonned'autres Réglemens pour les Hordes,
les Tribus & pour tous les Etrangers qui
venoientse réfugier auprès de lui. Son grand
ſyſtême eft d'accueillir tout le monde, de far
vorifer l'Agriculture en accordant des encouragemens
aux Laboureurs.
Timour ayant pourvu à la fûreté de ſes
Érats, va développer ſon caractère ambitieux
dans un article intitulé : Réglemens pour
l'agrandiffement de ma puiſſance. Mais avaut
tout iltrace les devoirs importans d'un Souverain.
* Il faut que ſes actions auſſi-bien que ſes -۱
62 MERCURE
>> paroles ſoient à lui , c'est- à-dire , le Peuple
» & l'Armée doivent être perſuadés que tout
>> ce que fait oudit le Souverain , il le fait& il
ود le dit lui-même, & qu'il n'eſt dirigé par
>> perſonne.
> Il eſt effentiel qu'en ſuivant les confeils
> & l'exemple des autres , un Monarque ne
>> les faffe pas affeoir à côté de lui ſur le
>> Trône ; obligé d'adopter les bons avis de
tous, il ne doit pas ſe livrer à eux juſqu'à
>> les rendre d'abord ſes égaux , & enfin ſes
>> ſupérieurs dans le Gouvernement.
>>C'eſt une obligation indiſpenſable peur
>> un Souverain d'obſerver en tout la juf-
>> tice; qu'il ait ſoin de prendre un Vifir
» (premier Miniſtre ) intègre & vertueux ;
>> car un Viſir équitable répare les vexations
>> commiſes par un Prince tyran ; mais ſi le
>> Viſir eſt lui même oppreſſeur , l'édifice de
» lapuiſſance ne tardera pas à s'écrouler.
ود
ود
Les ordres & les défenſes exigent de la
fermeté. Il faut rendre foi-même ſes or-
>> donnances, de peur qu'on ne les inter-
>> cepte ou qu'on ne les altère.
>>Que le Souverain ſoit inébranlable
> dans ſes réſolutions ; que dans toutes ſes
>> entrepriſes ſon ardeur ſoit toujours égale ,
>>-&qu'il ne retire la main qu'après le fuccès. »
Ces préceptes , qui conviennent à tous
les Monarques , font honneur à la plume &
au caractère de Tamerlan. A traversla ſageſſe
qui les a dictés on découvre l'idée innée du
deſpotifime. Nous regrettons bien de ne pas
DE FRANCE. 6;
:
pouvoir nous étendre ici davantage. Après
une digreffion ſur la manière de former une
armée , ſur le paiement des troupes , & c .
notre Auteur conquérant donne des réglemenspour
les Ministres , fidèles & refpectables
appuis de la grandeur.
Il dicte aux Monarques la conduite qu'ils
doivent tenir envers leur premier Miniſtre ;
il preſcrit les qualités dont celui- ci doit être
doué ; & il faut avouer qu'un Miniſtre tel
queTamerlan le peint, feroit un homme bien
-précieux dans tous les pays.
Il donne auffi des inſtructions ſur la manière
de conduire les troupes, de les payer
&de percevoir les revenus des Provinces'; il
a l'attention d'indiquer quelles récompenfes
on doit accorder aux Énirs & aux Vifirs ; &
comme ce ſage Politique a ſoin de donner
des marques honorables afin d'épargner l'argent
, on ſe doute bien que cet article renferme
des notions curieuſes ſur les moeurs
&les coutumes des Tartares. Nous invitons
nos Lecteurs à les lire dans l'Ouvrage même.
La néceffité d'être court nous oblige de pafſer
ſous filence pluſieurs morceaux pleins de
vues ſages & profondes, tels que le fervice
des Visirs , les réglemens pourla conduite du
ferviteur envers fon Maître, & du Maître
enversfonferviteur.
Nous allons paffer à un article où fedéploie
tout entier le caractère religieux & ambitieux
du Prince Tartare. Ce ſont ſes régle
64 MERCURE
mens pour la conquête des Royaumes.
ود
" Lorſqu'un Royaume devient la proie
de-la tyrannie , de la vexation & de la
>> cruauté, il eſt du devoir des Princes fidè-
>>les à la juſtice de travailler fortement à
>> l'extirpation de ces fléaux, en faiſant une
>> irruption dans la contrée.
σε
Si dans une contrée le Peuple a une
>> croyance différente de celle des deſcendans
du Prince des Apôtres ( que les
>> graces de Dieu ſoient fur lui ! ) un Monar-
>> que doit fubjuguer ce pays pour tirer le
» Peuple de la mauvaiſe voie. »
Ces deux principes, dont l'adoption rigoureuſe
pourroit tirer à conféquence , font
d'unegrande commoditépour un Conquérant.
Il donne enſuite quatre maximes pleines
de ſageſſe , qu'il adopta en commençant fes
conquêtes. Tous les réglemens qui ſuivent
ne font pas moins ſages , & l'on voit que
c'eſt le même génie qui les a tous dictés .
Le titre du dernier réglement politique
ſuffira pour donner une idée de ce qu'il
contient.
« Réglemens pour la collection des reve-
>> nus&des contributions du Peuple ; ordre
" &difpofition de l'Empire ; culture & po-
>> pulation; sûreté & police des Provinces. >>
Par le commencement on peut juger du
refte.
ود
1
" Que dans la perception des impôts fur
le Peuple on ſe garde bien de vexer les
> contribuables, ou de faire déferter la ProDE
FRANCE. 65
>> vince; car la ruine du Peuple fait la ruine
ود du Tréſor ; la ruine du Tréfor cauſe la
>> difperfion de l'Armée , qui entraîne à fon
>> tour la décadence de l'autorité.»
La fin de cette première Parție eſt confar
crée à l'Art Militaire; elle fait bien connoître
la Tactique des Orientaux .
Timour donne à ſes Généraux des pré
ceptes dont on peut fort bien ſe ſervir ſans
être Tartare.
La ſeconde Partie de cetQuvrage intitulée:
Projets & Entrepriſes , contient la Vie Militaire
de l'Auteur. On y voit quelles manoeuvres
il employa pour parvenir à l'empire..
D'abord fimple Emir, il profita de la protection
du grand Khan de Jagataï pour ſe former
un parti , & s'en ſervit contre le fils de
fon protecteur, qui à la mort de fon père
écrâfoit l'État par ſa tyrannie. Avec une
poignée de foldats il battit pluſieurs fois le
Monarque oppreffeur. Ces exploits lui acquirent
une grande conſidération dans la
Tranfoxiane. On le regarda comme l'Ange
tutélairede la Patrie. Le Peuple ſe ligua avec
lui par un Traité ſolemnel qui eſt rapporté
tout entier dans les Inſtituts. Mais les Confadérés
tardèrent à ſe rendre auprès de leur
Chef, & Timour abandonné par le petit
nombre de foldats qu'il poſſedoit , réduit à la
dernière extrémité , fut pris par Ali- Beg , Of
ficier du grand Khan, qui le renferma dans
une prifon pleine de vermine ; une garde
veilloit à la porte de cet infâme cachot , où il
66 MERCURE
demeura ſoixante-deux jours ; il ne dut ſa
délivrance qu'à ſa valeur.
ود
« Après avoir , dit - il, médité ſur les
moyens de mon évaſion , aidé du Tout-
>>Puiffant , armé du bras de la valeur, j'ar-
>> rache une épée à mes gardes ; je fonds ſur
» eux , & ces ſatellites abandonnent leur
>>poſte. Aufſitôt je vais me préſenter devant
>> Alı -Beg. Honteux de l'infâme conduite
>> qu'il a tenue envers moi , ce Prince balbu-
>> tie , & me fait des excuſes. »
Cette heureuſe réuſſite lui inſpira une audace
nouvelle . On le voit auffitôt parcourir
laTranſoxiane & le Khoraſſan en combattant&
en raffemblant des Guerriers ; il racontedes
exploits qu'on regarderoit comme
incroyables s'ils n'avoient pour garant la naïveté
même de la narration. Le Peuple & les
Soldats s'étoient déclarés pour lui . Les armées
du-grand Khan avoient éré repouffées au-delà
de l'Oxus , & il n'avait plus à redouter qu'un
Prince de ſes parens,dans lequel il trouvoit
un rival . Mais cet Émir ambitieux & jaloux
s'étant rendu odieux à ſes propres foldats en
fut abandonné. Des Officiers ennemis le
tuèrent , & par cette mort Timour devint
maître abtolu de la Tranfoxiane ; il gouverna
ceRoyaume à la faveur d'un fantôme de Khan
de la famille de Genghis, dont il paroiffoit
n'être que le Lieutenant; mais fon autorité
n'en étoit pas moins abſolue. Bientôt on le
voit prendre un eſſor plus rapide ; il vole de
conquêtes en conquêtes. On s'étonne de la
DE FRANCE. 67
facilité avec laquelle il range ſous ſa domination
l'Aſie preſque toute entière , une partie
de l'Europe & de l'Afrique.
En expoſant les principales difficultés qu'il
rencontra, l'Auteur explique comment il parvint
à les ſurmonter; ſes plus puiſſans moyens
furent l'aſcendant de ſon génie & la force de
la ſuperſtition . L'armée, harraſſée des fatigues
d'une longue guerre , refuſoit-elle d'en recommencer
une autre , l'Empereur ouvroit
le Coran , & ne manquoit pas d'y trouver
des ordres précis , avec la promeſſe de la
victoire; graces à ſes ralens ſupérieurs les
Oracles du Livre Saint n'étoient jamais
démentis par l'événement.
Tous les faits de cette ſeconde Partie font
fi étroitement liés qu'il faudroit citer un artiele
entier, & nous nous ſommes déjà trop
étendus.
Le Conquérant Tartare écrivit lui-même
eet Ouvrage en langue Mogole , & c'eſt un
fait qu'aucun Savant de l'Orient ne révoque
endoute.Un Auteur nommé Abou Taleb le
traduifit en Perſan ; & c'eſt d'après cette
verſion Perſanne publiée à Oxfort en 1783 ,
que M. Langlès a fait ſa Traduction Françoiſe.
Il a ajouté au commencement une
Vie du Prince Tartare d'après les meilleurs
Auteurs Arabes & Perfans.
On fent facilement que l'obſcurité qui
ſemble envelopper toute l' Hiſtoire de l'Orient
rend cette addition indiſpenſable. L'Hiſtorien
commence par nous apprendre que
68 MERCURE
Genghis & Timour avoient pour ancêtres
communs deux fils d'un grand Khan Mogol ;
mais que la Couronne étant héréditaire dans
la branche aînée, Timour, iſſu de branche
çadette, n'oſa jamais prendre le titre de Khan ,
quoiqu'il en eût toute l'autorité.
camps,
Il donne enfuite une idée de l'état où ſe
trouvoit l'Afie à l'époque de la naiſſance du
Héros Tartare. Après pluſieurs détails trèsintéreſſans
fur ſon éducation & fur ſes premières
années , l'Auteur le préſente ſur la
ſcène du monde,& le ſuit dans les
dans fon cabinet,&, pour ainfi dire , juſques
dans l'intérieur de fa maiſon. Pluſieurs points
de l'Histoire y font diſcutés avec ſoin , & ces
difcuffions nous prouvent que Timour ne
faccagea jamais Moskou , & qu'il ne commit
jamais envers Bayazed aucune des lâches
atrocités qu'on lui impute.
Les morceaux cités ont été traduits d'après
les Textes Arabes ou Perfans , ainſi l'on doit
les regarder comme incontestables , aufli-bien
que le diſcours de Tamerlan à Bayazed, lorfque
ce dernier fut amené dans la tente du
Vainqueur.
L'expédition de la grande Tartarie , celles
de l'Inde & de l'Anatolie méritent une place
dans les Faſtes de l'Hiſtoire ; car il eſt peu
d'exploitsqui foient dignes de leur être comparés.
Comme M. Langlès vouloit faciliter la
lecture de ſon Ouvrage , il a eu le ſoin d'y
répandre un grand nombre de Notes , & de
DE FRANCE. 69
mettre à la fin des Tables Hiſtoriques & Géographiques
qui contiennent des Notices fur
tous les perſonnages &fur tous les lieux dont
la connoiffance eſt indiſpenſable pour l'intelligence
du Texte. Dans la première Table
il rapproche exactement la Chronologie de
l'Hégire avec l'Ere Chrétienne ; danslaſeconde
il éclaircit différens points de la Geographie
de l'Orient ; il indique même le commerce
&les principales productions de chaque pays ;
il a pris pour guides les Hiſtoriens & les
Géographes de l'Aſie, & les Voyageurs les
plus accréditésde l'Europe.
A la fin de la Table des Matières on trouve
unepartiedu fameuxCode de Genghis Khan ,
qui exiſte encore tout entier dans l'Afie , mais
qui n'apas encore paffé en Europe. Ces précieux
fragmens que M. Langlès a eu la patience
de recueillir dans différens Écrivains
Orientaux , méritoient bien d'être placés immédiatement
à la fuite des Inſtituts.
CetOuvrage eſt un bienfait envers la Littérature
, & donne une idée avantageuſe des
connoiſſances&du talent de M. Langlès .
70
MERCURE
Le Provincial à Paris , ou État actuel de
Paris , Ouvrage indiſpenſable à ceux qui
veulent connoître & parcourir Paris , fans
faire aucune queſtion , en 4 vol . in - 24 ,
& cinq cartes nouvelles , dont une contient
le plan général de Paris , avec ſes
accroiſſemens fucceffifs , depuis Philippe-
Auguſte juſques à Louis XVI, & les quatre
autres chacune une des quatre diviſions de
Paris , Sud - Eft , Nord- Est , Sud - Ouest,
Nord-Oueſt . A Paris , chez le Sieur Watin
fils , Éditeur , rue Ste Apolline , N°. 33 .
Prix les 4vol. , les 5 cartes& l'étui , 10 liv. ,
& 11 liv. 10 fols franc de port en Province.
PLUS la ville de Paris s'augmente & reçoit
d'embelliſſemens , plus elle devient difficile
à connoître & à parcourir , non- ſeulement.
pour les étrangers qui la viſitent dans ce dofſein
, mais même pour ſes propres habitans.
Un courant d'affaires , à-peu près toujours le
même , circonfcrit toutes leurs connoiſſances
dans un affez petit eſpace ; & fi quelque
motif extraordinaire les en écarte , ils femblent
voyager dans un pays inconnu , & ne
laiſſent pas d'avoir de la peine à s'en tirer,
Onn'a que la reſſource des voitures , défagréable
en ce qu'elle empêche de voir ce
qu'il y auroit de reinarquable ; ou celle plus
déſagréable encore , plus ennuyeufe , & fouvent
infructueuſe d'importuner les paflans
de queſtions. D'ailleurs, lorſque dans cette
poſition on eft venu à bout de trouver fon
DE FRANCE. 71
chemin , on ſe croit trop heureux , & l'on ne
s'aviſe pas , dans la crainte de le perdre , de
s'en détourner le moins du monde pour viſiter
des monumens , des manufactures , ni
aucun des objets qui ſeroient dignes de fixer
l'attention. On ne fait même ſouvent où les
trouver au beſoin , &plus d'une fois on paſſe
à côté d'eux fans ſoupçonner lear exiſtence.
Cen'eſt pas que nous manquions abſolument
de ſecours contre cet inconvénient. Nous
avons une foule de Livres , d'Almanachs , de
Deſcriptions qui annoncent au Voyageur ce
qu'il doit viſiter dans cette Capitale ; mais
aucun de cesOuvrages n'eſt fait avec une méthode
affez claire pour être d'une grande utilité.
Aucun ne joint à la deſcription de ces
objets celle des routes qui y conduiſent. La
plupart de ces deſcriptions ſont mal faites, on
y adopte mille contes populaires ; ſouvent
leurs Auteurs ne cherchent qu'à faire des
phrafes , qu'à courir après l'eſprit , tandis
qu'on ne leur demande que des faits hiftoriques
, racontés avec ſimplicité.
Ce qui manque à ces Ouvrages nous paroît
faire le mérite de celui que nous annonçons.
Tout cequi peut piquerla curiofitéy eſt détailléavecunfoin&
une clarté remarquables.Paris
yeſtdiviſe en quatre partiesà-pes - près égales
par deux lignes. L'une, de l'Eſt à l'Oueſt, eft formée
naturellement par la rivière qui traverſe
cette ville ; l'autre , du Nord au Sud , par une
rue preſque droite , qui s'étend depuis la barrière
S. Denis juſqu'à la barrière d'Enfer. L'enceinte
de la nouvelle muraille eſt la circon-
P
12 MERCURE
férence où aboutiſſent les rayons de ces quatre
parties. Cette diviſion eſt , ſans contredit,
beaucoup mieux imaginée que celle par
quartier. Les quartiers , tels qu'ils exiftent aujourd'hui
, font très-inégaux entre eux. " On
> compte pour deux , diſent les Auteurs, ce-
» lui de la Cité & l'étendue de S. Jacques
la Boucherie , tandis que la Chauffée
➡ d'Antin& le Fauxbourg S. Honoré ne font
> pas même nombres pour un. » On pourroit
ajouter qu'une même rue tient quelquefois
àpluſieurs quartiers , ce qui répanddans
cette manière de diviſer une confufion extrême.
La rue S. Honoré , par exemple , tient
par un bout au quartier de la place LouisXV,
par le milieu à celui du Palais Royal,& à celui
des Halles par l'autre extrémité. Le mot de
quartier lui-même déſigne que c'eſt en quatre
parties que de tous temps les villes ontdû être
diviſées.
Le premier eſt celui de Notre- Dame. Si
les rues qui le compoſent étoient contiguës ,
elles offriroient une longueur de 24,000
toiſes. C'eſt la plus petite des quatre divifions
& la plus chargée de monumens. Le
ſecond eſt le quartier de Saint - Germain. Il
comprend juſqu'à l'École Militaire , & contient
30,000 toiſes à-peu-près. Le troiſième
en a 40,000 comme le quatrième , c'eſt celui
du Temple ou du Marais. Le dernier eſt
celui du Palais Royal ou du Louvre. Chacun
de ces quartiers forme ſéparément un petit
volume in- 24. avec la carte indépendantedu
plan
DE FRANCE. 73
T
plan général de Paris. Ces volumes font diviſés
en deux parties ,dont la première contient
, par ordre alphabétique , toutes les
rues de la divifion avec leur toife , les tenans
&les aboutiſſans , ainſi que la quantité des
portes qu'on y trouve. Ce qu'il y a de remarquabledans
chaque rue, comme monument ,
manufacture , établiſſement utile , demeure
d'Artiſte , &c. eſt indiqué par ordre de nº.
Les objets qui méritent une deſcription particulière
d'une certaine étendue , font marqués
d'une * , qui renvoie à la ſeconde partie
où ils font détaillés. On en indique l'origine
hiſtorique , les changemens arrivés , &c. &c.
Ala faite du nom de chaque rue , on place
ſon toifé , le nombre de ſes portes , enfuite
les rues aboutiffantes ; le No. 1 , par lequel a
commencé le nombre des portes , & audeſſous
celui de la porte en retour de la rue
à gauche. Nous en citerons un exemple qui
achèvera de faire connoître l'Oavsage , &
rendra plus ſenſible l'extrême clarté de cetrę
divifion.
Rue des Moulins, 48 toiſes, 22 portes.
1 -abouțit à la rue des Orties.
9-à la rue des Moineaux.
Nº. 11 , Bureau de M. l'Agent des États de
Bourgogne , M. Bertin ,
25 , Hôtel d'Holback.
28 , de Clermont - d'Amboife.
32 , Bureau de M. Derbanne , Agent- de-
Change.
N°. 36,8 Septembre 1787 . D
74 1
MERCURE
:
34, * Inſtitution des Sourds & Muets ,
- par M. l'Abbé de l'Épée , page 100.
Cette étoile annonce qu'à la page 100 de
la ſeconde partie, on y rend compre de cette
Inſtitution ; & voici ce qu'on en dit.
"
" La maiſon d'Inſtitution des Sourds &
> Muets , par M. l'Abbé de l'Épée , mérite
aurant les regards de l'obſervateur ſenſible
» qu'aucun des plus célèbres établiſſemens
-> de cette Capitale; elle offre le tableau in-
.>.>. téreſſant des victimes infortunées aux-
> quelles la Nature a refuſé l'ouie & la pas
>> role , & que l'Art d'un mortel a ſu leur
>> remplacer.
>>I>lne ſuffiſoit pas à M. l'Abbé de l'Épée
: >> de recueillir des enfans fourds &muets de
>>naiffance , preſque toujours l'objet de
" l'averſion, ou au moins de l'indifférence de
>>leurs parens , pauvres ou riches , qui ne
>> voient dans ces infortunés que des rebuts
de la Nature, dont ils ne peuventjamais
>> eſpérer le moindre retour de reconnoif-
ود ſancepour les foins qu'ils leur prodiguent.
» Partager avec ces enfans ſa fortune , adou-
د cir leur fort , étoit déjà fansdoute une oeu-
» vre de miféricorde digne d'une belle âme
& d'une ſenſibilité déſintéreſſée , puiſque
>> le bienfait ne pouvoit pas être ſenti ; mais
>> tenter de leur remplacer des fens que la
Nature leur a refuſes , vouloir que des êtres
condamnés par la Providence à reſter nuls
dans la ſociété , y vécuſſent néanmoins
comme nous , qu'ils s'y fiffent entendre ,
"
DE FRANCE.
75
quoique muets , & qu'ils nous comprif-
>> fent , quoique fourds; le tenter , y réullir ,
>> c'eſt prouver que la foible humanité peut ,
par le ſeul effort du génie , s'affocier en
>> quelque forte à la toute-puiſſance céleſte :
» M. l'Abbé de l'Épée a créé ce miracle in-
>> connu; aufli avons-nous vu des Tères cou-
>> ronnées venir rendre leurs hommages au
>> créateur de cette fainte & touchante Inf-
» titution , & notre Roi s'en rendre le pro-
» tecteur déclaré ,&c. " A
L'Auteur ne néglige pas les détails hiſtoriques,
il les donne avec beaucoup de précifion
. Voici ce qu'il dit ſur le Fort-l'Évêque.
« Le Fort- l'Évêque , avant ſa démolition ,
>> arrivée en 1780 , a ſubi plus d'une méta-
>> morphoſe. Dans fon principe ce lieu, dit-
>>on , n'étoit qu'un four bannal , où tous les
>> vaſſaux de l'Évêque de Paris étoient obli-
>> gés de porter à cuite leur pain. Ii eſt plus
>>vraiſemblable que ce fut l'endroit où ce
ود Prélat exerçoitſa jurisdiction , comme l'an-
>> nonce le mot latinforum. Quoi qu'il en
foit , four ou non , on y renferına par la
>>ſuite les priſonniers juſqu'au moment où ,
» par Arrêt du Conſeil , ils ont été trans-
→ férés àl'hôtel de la Force, & ce monument
>> hideux a été détruit. >>
Voici des détails intéreſſans ſur la Chancellerie.
« Le Chancelier de France eſt de
> premier Magiftrat de la Juſtice , & le pre-
>> mier Grand Officier de la Couronne: il
> prête ferment entre les mains du Roi . 11
Dij
76 MERCURE
e
jurede conſeiller Sa Majesté bien & loyalement
, de garder le patrimoine du Roi &
>> la choſe publique du Royaume , de ne fervir
d'autre Seigneur & d'autre Maître que
» le Roi,& de ne recevoir aucun don ni
>> penſion d'autres Seigneurs fans ſa permif-
> fion. Il eſt , comme diſent les Auteurs , la
bouche du Roi & l'interprète de ſes vo-
>> lontés pour tout ce qui a rapport à la juf-
>> rice. Il préſide aprèsle Roi à tous les Con-
>> ſeils d'État , il entérine toutes les Lettres
- de grâce; il eſt toujours appelé Monfei-
C
gneur,&dans lescérémonies il ſe fait pré-
>>céder par des Huiffiers de la Chambre.
> Quatre Hocquerons qui portent maſſes
>> aux armes du Roi en habits d'ordonnance ,
>> accompagnent ſa voiture. Dans fon hôtel,
>> il a droit de tendre en fleurs de lys d'or ,
» avec les armes de France & les attributs
>> de ſa dignité. Il ne porte jamais le deuil ,
» & n'aſliſte à aucune pompe funèbre. Il eſt
» inamovible. »
Nous terminerons cet article par une
Anecdote fur la Cour des Miracles, qui nous
aparu écrite avec gaîté.
«Lorſqu'au commencement du ſiècle der-
>> nier on bâtit de grandes maiſons dans les
» rues de la Truanderie , des Francs-Bour-
ود
23
geois & autres , les fripons , les gueux ,
les mauvais pauvres qui les habiroient ſe
„ refugièrent dans la cour de François Ier,
2rue S. Denis ; & dans cette cour on affure
» qu'il ſe retira plus de 100 familles de man;
DE FRANCE
dians qui fe répandoient tous les jours dans
>> Paris, contrefaifant les borgnes,les boî
>> teux,les aveugles , les moribonds. Le Gou-
>> vernement ayant réſolu de les enfermer à
>>Bicêtre , fit à l'improvifte inveſtir la cour
>> pour les enlever. Omiracle!! les av eugles
>> virent, les boîteux marchètent droit , &
>>les moribonds recouvrerent tout-à- coup là 1
>>fante la plus florillante. En memoire dep
>> cet événement , li cour où il ſe paik far !
>>nommée Cour des Miratles. » . L..
ور
::
On voit par ce diverſes citations que le
ſtyle del'Auteur eſt toujours propre à ce qu'il
raconte ,& n'est point embarraffé dorne
mens fuperflus. Trois tables qui terminent!
chaque partie achèvent de lui donner toute
P'utilité qu'onypeütdefirer.On vend chaqueit
quartier féparément avec ou ſans fa carre ;
mais il y a plus d'avantage à prendre l'Ouvrage
entier. i
Le Souterrain ,ou Matilde , par MiffSophie
Lée; traduit de l'Anglois ſur la deuxième
Édition . 3 vol. in 12. A. Paris , chez
Théophile Barrois le jeune , Libraire , quai
des Auguſtins .
Ce Roman eſt in des plus intéreſſfans que
nous ayons lus depitis nombre d'années. Les
deuxHéroïnes font deux foeurs ,filles jumelies
de l'infortunée Marie Stuart , mariée ſecrè
tement avec le Duc de Norfolck. Leurs aventures
forment une chaîne de malheurs qui
1
4
Diij
MERCUREA
nourriffent fans ceſſe l'attention du Lecteur,
&le frappent de moment en moment par
des fituations auſſi pathétiques qu'inattendues.
L'Auteur, qui prétend avoir écritd'après
unmanufcrit ancien , n'a pas ofé , dit- il , par,
reſpect pour la vérité , remplir des lacunes.
que le temps a laiſſées dans cette Hiſtoire.
Mais quel que foit le degré de confiance
qu'elle mérite , il eſt certain que ſi ce n'eft .
pas un récit purement hiſtorique , c'eſt au
moins un Roman des plus attendriflans.
L'époque que l'Auteur a choiſie dans l'Hiftoire
d'Angleterre , le lieu de la Scène , &
les perſonnages qu'il fait agit, donnent , par
la vérité de l'imitation , une phyſionomie
vraiment hiſtorique à ce tiflu d'événemens
fi la réflexion peut difpurer fur la vraiſemblance
de quelques uns , le ſentiment les
adopre tous fans peine ; & fi quelque choſe
paroît quelquefois moins vraiſemblable, c'eſt,
bien moins chaque événement en particulier
, que la cumulation de ces mêmes évé
nemens.
Nous nous garderons bien d'en défigurer
le recit par une analyſe qui en feroit difparoître
tout l'intérêt. Nous nous contenterons
de dire que les deux ſoeurs , victimes d'une
ſuite d'événemens déſaſtreux , périffent éloignées
l'une de l'autre , l'une ſurvivant à fa
raiſon , dérangée par une paflion malheureuſe,
après avoir vu ſon amant fur un échafaud
; & l'autre expirant de douleur après,
avoir vu fon époux affaffiné , & fa fille
T
DE FRANCE. 79
éteinte par le chagrin d'un amour réduit au
déſeſpoir.
Les noms de l'infortunée Marie d'Écoſſe ,
de la célèbre Élifabeth , & de ſes favoris ,
ajoutent à l'intérêt des événemens ; & la vérité
hiſtorique des caractères qui y eſt fidè
lement confervée , aide à completter l'illufion.
Le ſtyle du Traducteur mérite auſſi des
éloges. Soit qu'il traduiſe fidèlement , ou qu'il
enrichiſſe ſon original, il prête à l'intérêt de
l'action celui des détails & des penſées qui
fe mêlent au récit des faits & aux portraits
desperſonnages.Le portraitdu Lord Iincefter
époux deMatilde , peut en donner une idée.
Il étoit naturellement impétueux & inca-
>> pable de cacher fon reffentiment. Nourri
>> dans une Cour, où il ne reconnoiffoit de
>> ſupérieur que la Souveraine , l'habitude de
>>la grandeur avoit ajouté à ſon caractère
>> une fierté perſonnelle , indépendante de
"
ود
"
ود
celle qui provient d'une haute naiſſance.
La partialité marquée de la Reine , dont
l'affection le diſpenſoit de l'obéiflance ,
l'avoit auſſi diſpenſe de cacher ſes imperfections
aux yeux des autres courtifans;
c'étoit à eux à feindre , s'ils le vouloient ,
de ne pas les appercevoir. Ainfi , Lord
>> Linceſter étoit favori ſans être hypocrite.
Ceux qui l'aimoient allez pour lui pardonner
ce défaut , & une vanité que je puis à
>> peine nommer de ce nom, lorſque je me
>> rappelle les grandes & nombreuſes qua-
ود
"
"
4
Div
80- MERCURE
ود lités qu'il poffedoit , trouvoient en lui de
» quoi ſe dédommager de leur indulgence.
>> Ardent , généreux , noble , & d'un excel-
ود lent naturel, lorſqu'il s'étoit une fois atta-
>>>ché , ſen honneur & fa vie étoient au fervice
de les amis; mais il bornoit fon affection
au petitnombre qu'il favoit être digne
de ce nom , &c. »
ود
2
: Il y a dans cette manière de peindre des
traits qui ont un mérite philofophique & un
talent d'obſervation. Mais quelle noble &
touchante ſcène que celle où les deux filles
de l'infortunée Marie cherchent à aller voir
fecrètement leur déplorable mèree,, emprifonnée
par l'artifici uſe & cruelle Élifabeth !
Elles trouvent fes gardes incorruptibles ; &
tout ce qu'elles peuvent obtenir , c'eſt de la
voir fans en être vues , à travers une fenêtre
grillée, " On nous conduifit , dit Matilde , à
>>une petite fenêtre grillée , fort élevée , où
» Pon nous permit de reſter ſans témoins.
" Nous la vîmes deſcendre pour aller à la
>> promenade. Que ſa figure nous parut alté-
>> rée , & pourrant encore charmante ! L'hu-
ود midité des appartemens avoit affoibli ſes
- genoux , ſes beaux bras étoient paffés au-
>> tour du cou de deux femmes , ſans le ſe-
> cours deſquelles elle n'eût pu marcher. La
>> réſignation étoit empreinte dans tous ſes
>> traits , dont la pâleur n'avoit pas encore
» éteint la beauté. La majeſté royale n'étoit
>> point éclipſée par l'ampleur de ſes vête-
» mens , ni parle voile qui couvroit ſes che
DE FRANCE. 81
• veux. Un roſaire & quelques croix étoient
>>ſes ſeuls ornemens; car ſa piété vraie &
> ſes ſouffrances avoient confondu la Sainte
> avec la Reine. Elle nous parut en ce mo-
>>ment plus qu'une femme , plus qu'une
>> Reine. Nos émotions furent trop rapides
» & trop vives pour que j'entreprenne de
>>les décrire. Nous pleurions , nous pouf-
> ſions des cris inarticulés , nous efforçant
» d'ébranler les barres de fer , & conjurant
>>toutes les puiſſances du ciel de venit les
>>rompre. Plus affligée de la voir ainfi , que
>>fi nous ne l'avions pas vue, je m'efforçois
>>dene pas pleurer, pour ne pas perdre un
> des inftans qui nous étoient accordés pour
la voir. Elle s'arrêta un moment près du
>>lieu où nous étions, &nos mains que nous
>> tâchions de joindre en les paffant entre les
>>barres de fer , attirèrent ſon attention
elle leva ſes beaux yeux vers la fenêtre.
>>Elle entendit fans doute nos gémiſſemens';
>>mais elle ne les reconnut pas , & fes yeux
>> ſe baiſsèrent vers la terre. Ce regard fi tou-
>>chant, fi céleste , fut , hélas ! le premier ,
>> le dernier , le ſeul que nous ayons reçu
>> d'une mère. Toute ma force m'abandonna ,
» & je tombai évanouie dans les bras de ma
>> foeur. »
:
Voilà fans doute un tableau déchirant ; &
remarquez que la ſimplicité de l'expreffion y
laiſſe à la ſeule vérité le ſoin de faire reffortir
cette fituation auffi importante que pathétique.

1
Dv
82 MERCURE
Nous invitons nos Lecteurs à lire l'Ou
vrage même, dont nous ne pourrions qu'affoiblir
l'intérêt fi nous, entreprenions de leur
en donner une idée.
LES Trois Exemples de l'importance des..
choix en Politique , en Amour & en
Amitié; avec cette Epigraphe : Qui choifit
prend le pis. SANCHO, A Lausanne, & fe
trouve à Paris , chez Belin , Libraire , rue
S. Jacques, près S. Yves ..
e
して
CETTE Brochure ne ſera pas médiocrement
goûtée par ceux qui n'aiment lamorale ,
même la plus judicieuſe , qu'autant qu'elle
eſt animée par les traits piquans d'une fatyre
délicate , par des peintures vives & d'après,
nature , & par des faillies amufantes. L'Auteur
, qui ſe diftingue par ſa philoſophie enjouée
, n'a point prétendu faire un traité
ni donner des leçons ſur les bons choix en
politique , en amour & en amitié. Chacune
de ces matières un peu approfondie auroit
demandé un gros Livre ; & à cet égard il n'y
en a point qui vaille l'expérience des hommes
& des affaires. C'eſt de cette expérience
que l'Auteur offre tout ſimplement trois
Exemples en forme d'Anecdotes hiſtoriques.,
Chacune de ces Hiftoriettes eſt un cadre
agréable où le Philoſophe jovial a ſu enchafſer
une ſatyre fine de certains abus , une
critique adroite & enjouée de quelques- uns
de nos préjugés les plus chers , & des réfleDE
FRANCE. 83
xions tantôt badines , tantôt ſolides. La première
Anecdote remonte à l'Hiſtoire ancienne.
Faiſons connoître par des citations le
genre & le ſtyle de cette Anecdote .
ود
"
ود
ود
وو
ود
" Bélus , comme on fait , fut le fondateur
d'un des plus anciens & des plus mémo-
,
:
rables Empires de l'Afie. Après avoir chaffe
>>de ſon pays les Arabes Itimaëlites , après
» avoir éloigné ſans retour ces bandes guerrières
& vagabondes des bords enchantés
de l'Euphrate , après avoir jeté ſur ce
Heuve les fondemens de la ville de Baby-
>> lone aux cent portes d'airain , devenue par
ſa ſituation , par fon. commerce , & par
les prodiges de fa magnificence, la Métro-
>>pole des Nations orientales ; ce grand Roi
voulut faire fuccéder aux agitations belli-
>> quenfes d'un Héros le repos philoſophique
d'un particulier , & refpirer le calme & la
>> paix après avoir effuyé ſi long-temps les
orages de la guerre....... Preffé par fon
> penchant vers une douce oifiveté, juftifiée
par tant de travaux glorieux , il ſe déter
mina à laiffer fon fils Ninus , jeune encore ,
ſous la direction de ſes inſtituteurs , bien
>>payés fans doute pour lui apprendre l'art
>> fi facile de gouverner les hommes & de:.
>> les rendre heureux.
ود
39
"
:
Cette phraſe renferme une expreffion
qui n'a pas la juſteſſe qu'on remarque d'ailleursdans
la diction de l'Écrivain. Porté eût .
mieux valu que preffé. Per-être eft-ce une
faute d'impreffion...

Dvj
84 MERCURE
" Sans abſolument abdiquer l'empire 3
>> comme un bon père de famille déjà vieux
» & défabuſé , il voulut mettre ſes ſujets ,
c'eſt à- dire fes enfans , juſqu'à la majorité
de ſon ſucceſſeur , ſous la garde vigilante
d'un ami ſage & fidèle .
ود
ود
ود
ود
Il avoit
beſoin d'un Miniſtre ſévère, c'est-à- dire ,
d'un homme juſte dégagé de tout intérêt
>> perſonnel , terrible dans la guerre , habile

ود
"
dans la paix , conciliateur afſidu des diffé-
>> rens ordres de l'État, preſque toujours ennemis
les uns des autres par le froiffement
" journalier de leurs prétentions reſpectives ,
• quand elles ne ſont pas réglées par la fa-
>> geſſe de l'autorité ; d'un eſprit affez délié
ور pour découvrir & déconcerter les ma-
>> noeuvres des intrigans......... Il vouloit
>> encore trouver dans ſon premier Miniſtre
>>un Légiflateur capable d'écarter les abus
>> de la juſtice , qui dégénère quelquefois en
>> chicane , malgré la bonne-foi & l'inalté-
>> rable défintéreſſement qui règnent parmi
> les hommes civiliſés. Il vouloit , en un
>> mot , que la loi fût indiviſible , & que la
>> juftice fût une choſe de droit , au - lieu
>> d'ê re une parole de convention. >>
Un tel Chef , ajoute M. le Conite de la
T..... , n'étoit pas, comme on voit , fort difficile
à trouver , & cependant le Roi Bélus y
fut un peu embarraffe. Tous les Ordres de
l'État ſe mirent ſur les rangs. Un Chef de
Troupes , nommé Belefis , jeune & beau ,
favant & heureux dans l'art des combats ,
1
DE FRANCE. 85
X
fembloit faire pencher la balance. Il avoit le
voeu général des plus jolies femmes de la
Cour ; mais le Roi penſoit bonnement que
celui qui fait empêcher la guerre eſt bien
plus utile au monde que celui qui fait la
C
faire. Un Homine d'État , dont on n'avoit jamais
oui parler à la Cour ni en bien ni en
mal , ſe preſentoit ſouvent à la penſte du
Monarque. « C'étoit un petit Satrape d'une
>>petite Province , du fond de laquelle il
> avoit ſouvent étonné le cabinet de l'admi-
>> niſtration par la ſageſſe de ſa correfpon-
>> dance. Il avoit oſé adreſſer au Roi un pro-
» jet d'éducation national , propre à former
» des hommes utiles , quand ils font libres
» des préjugés populaires qui les abrutiffent
, & gouvernés par des loix poſitives
» qui les défendent. Ce ſujer reſpectable
>> s'étoit formé des principes moraux ſi ex-
>> traordinaires , qu'aucun peuple de la terre
>> ne s'eſt avisé de les ſuivre. Il prétendoit ,
» par exemple , que perſonne ne devoit ni
>> rougir ni s'énorgueillir de ſon état , tel
>> qu'il fût ; que pour juger l'homme, il fal- t
ود
رد
loit le fortir de fon rang , & lui ôter fa
parure , puiſque les rangs & les parures
>> de la vie dépendent preſque toujours des
>.>caprices du fort; il mettoit en preuve fon
" expérience , qui lui avoit appris à trouver
ود ſouvent plus de vertu dans les dernières .
>> claſſes de la ſociété que dans les premières.
>> Le titre de Seigneur, qui en langue Affy-
>> rienne veut dire Maitre , étoit interdit
86 MERCURE
>> dans les actes publics à tout particulier
» qui n'étoit maître de rien , comme celui
de Chevalier à celui qui n'avoit jamais éré
» qu'à pied........ Il defiroit fincèrement
>> convertir l'efprit de corps en esprit de Citoyen;
mais il s'étoit apperçu que l'intérêt
>> général étoit trop foible pour lutter con-
>>+ tre l'intérêt perfonnel ; aufli laiſſa t'il les
>> choſes dans l'etar où elles ſe ſont mainte-
>> nues depuis ce temps-là...... Ces petites
>> idées pouvoient convenir à la Province ,
> & même plaire à Bélus ; mais en général
ود elles n'étoient pas admillibles à la Cour de
>>Babylone. Nous ne pouvons entrer dans
de plus longs détails ſur cette Anecdote ,
pour des raiſons aiſées à deviner . On calomnia
l'honnête Satrape , on le chanfonna , &
après l'avoir ridiculife , la Cour n'y penſa
plus. Pluſieurs grands perſonnages , dignes
de concourir à l'éminent emploi dont on
alloit diſpoſer , furent ballottés par la crainte
&l'eſpérance; mais enfin Beleſis l'emporta.
On a pu voir que la chaleur & la rapidités
d'un récit, affaifonné de farcaſmes & d'épigrammes,
caractériſent cet Opufcule; il abonde
en faillies , qui ne portent jamais à faux. Les
deux autres Hiſtoriettes font encore plus
agréables. La feconde est une Anecdote Francoiſe,&
la troiſième une eſpèce de Nouvelle:
Eſpagnole. Cette variété donne lieu à des "
peintures piquantes , par la différence des
moeurs & des couleurs locales. Il y règne ,
camme dans preſque tous les Ouvrages de
DE FRANCE. 87
M. le Comte de la Tourailles , une joyeuſe,
&ſage ironie , dans le goût de Démocrite &
de Lucien. Mais enattaquant les fortifes& les
travers en général , il n'a jamais detlein d'offenfer
perfonne en particulier. Ce n'eſt point
un de ces frondeurs amers dont la morgue
anti philofophique ne reſpecte ni la Religion
ni l'Etat, Enfin il nous ſemble que les Opuf
cules de M. le Comte de la Tourailles , en,
offrant des leçons utiles ſous les traits de la,
plaifanterie , font faits pour amuſer les gens,
du monde, & pour être goûtés par les ſages.,
:
)
RÉFLEXIONS fur la néceſſité d'affurer
l'amortiſſement des dettes de l'État , ainfi
que les reffſources néceſſaires en temps de
guerre , avec l'indication des plus sûrs.
moyens d'y parvenir, Mémoire expofitif
&juftificatif des opérations , procédés &
formulesproposéspar le projet d'Edit qui
a été rédigé dans les vues & l'esprit des
Réflexions ci- deſſus , en 144 pages in-4°.
A Londres; fe trouve à Paris , chez Deſenne
, Libraire , aauu Palais Royal, près des
Variétés ,& à Verſailles , chez Blaizot , rue
Satory , 1.787 . Prix broché , 3 liv..
L'ABONDANCE des matières ne nous per
metpas encorede rendre un compte détaill,é
de cet intéreſſant Ouvrage. Tout ce que nous,
en pouvons dire , quant à préſent, c'eſt qu'il
nefaut pas le confondre avec les ſyſtemes que
batiffent tant, de particuliers fur les affaires,
88
:
MERCURE
duGouvernement. L'Auteur n'y avance rien
qu'il ne démontre. Il eft vrai qu'il lui a fallu
fe créer des matériaux. Connoillances financières
, vues politiques , principes de jurifprudence
, méthodesde calcul qu'il s'eſt faites
àlui-même, tout lui a fervi de baſe pour cet
important édifice. Dans ſon étonnant Ouvrage
, les differentes ſciences qu'il a miſes à
contribution , ſe prêtent un jour réciproque ,
& réfléchiffent le plus vif éclat ſur le grand
objet qu'il ſe propoſe , l'amortiffement des
dettes de l'Erat. Mais que le Lecteur ne
craigne point de trouver la matière au - deſſus
de fon intelligence. Si l'Auteur s'eſt élevé jufqu'aux
notions les plus tranſcendantes , il a
fu les traduire en quelque forte dans le langage
vulgaire , & par- là , les mettre à la portée
des différentes claffes de Citoyens.
LAURE , ou Lettres de quelques Perſonnes
de Suiffe , Tomes V, VI & VII. A
Paris, chez Buiffon , Libraire , hôtel de
Meſgrigny , rue des Poitevins , nº. 13 .
Prix, liv. 10 fols brochés , & 6 liv.
s fols francs de port par la poſte.


Nous avons analyſé les quatre premiers
Volumes de ce Roman. Ceux qui viennent
de paroître le tèrminent. Le compte détaillé
que nous avons rendu eſt une preuve de l'intérêt
qu'il nous a inſpire ; car nous ne donnons
pas ordinairement la même étendue à
rous les Romans. Les événemens que l'Au-
>
DE FRANCE 89
7
teur de Laure a réunis dans cette dernièrej
Livraiſon ſe font lire avec une forte d'atrendriflement
, quoiqu'ils ſoient un peu trop
preſſes. Laure eſt ruinée , Saint-Ange l'eſt àpeu
près; mais il va à Paris pour rétablir la
fortune de Laure , dont l'agiotage a dilipé
les fonds . Nous ne voudrions pas que le
tendre Saint-Ange imitât Saint - Preux , &
qu'il donnất comme Saint- Preux des dérails ,
fur nos Théâtres , fur nos Auteurs , fur les
filles publiques, ſur le ton de nos ſociétés.
Ces hors- d'oeuvres ont beſoin de beaucoup
d'art pour être ſupportables. Saint-Ange
réaliſe cinquante cinq mille liv. C'eſt tout
cequ'ila pu recueillir. Il va partir ; il va les
offrir à Laure. Un laquais le vole , & il revient
à Yverdun avec ſoixante liv . , ſeule
reffource & feul aliment d'un voyage affez
long. Il trouve Laure dans une habitation
modefte & conforme à ſon état. Il eſt accueilli
par le père de ſa maîtreſſe, qui attend
un emploi pour pouvoir vivre avec plus de
décence. Une lettre anonyme , écrite par des
voiſins envieux, peut lui faire perdre ſes eſpérances.
Saint-Ange remonte à la ſource , connoît
les calomniateurs , & force le coupable
à ſe rétracter. Il eſt aſſaſſiné à fon retour , &
fur le point de perdre la vie. Dans le même
temps un Anglois, parent de Laure, la nomine
ſa légataire de vingt mille liv. de rente. Laure
offre ſa fortune & fa main à Saint Ange.
Il y a de l'intérêt dans ce Koman & des
fituations attachantes. Le tableau des moeurs
وه MERCURE
bourgeoiſes , des bonnes moeurs , y eſt peint
avec vérité. Nous defirerions moins de differtations
étrangères , moins de définitions
ſur la nature de nos devoirs & de nos paffions
, moins d'uniformité & de longueur
dans certaines Lettres. Le ſtyle n'est pas affez
varié. Tous les perſonnages ont le même ton
&la même attitude. Le ton du Roman eft
en général ferme, lesdemi- teintes manquent;
mais tel qu'il eſt ce Roman doit être diftingué.
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
)
M. LE COMTE DE HERTZBERG m'a adreffe,
Monfieur , un jeune Avocat qui a envoyé à Bersin !
une épitaphe de Frédéric II; elle m'a patu mériter
d'être rendue publique. Je crois que vous la trou
verez aufli préciſe , auffi énergique , auffi exacte
qu'elle eft fideile. Les grands talens , le génie & les
qualités d'un Roi qui ſera à jamais célèbre , font
rapprochés & préſentés d'une manière qui vous fatisfera.
Son Excellence M. le Comte de Hertzberg a
écrit à l'Auteur le billet fuivant. « J'ai reçu votre
>> Lettre du 14 Mai , avec l'infcription latine que
» vous avez faite à la mémoire de Frédéric ſecond.
>> Elle fait honneur à votre goût & à vos fentimens,
ב Berlin & Juin 1787.
;
1
:
DEFRANCE. 24
3
Inscription à Frédéric II.
Hic
Alexander, Augustus , Cicero
Virgilius , Plato ,
Cartefius& Cata
Renovati quiefcunt ; congregati in unum
Corpus fimul occuparunt .
Frederici Magni
Qui
Fuit fuorum
Pater, falus , lumen , gloria
Deous, & Rex :
Hoftium terror
Principum exemplar
Sacli & ornamentum
Jacet
Qui ferè nunquam jacuit :
Silet
Philofophus , Orator & Poeta .
Dormnat Heros.
t
i
:
:
:
i
:

J'aurois entrepris la traductionde cette Infcrip
tion , fi je n'avois cru devoir en laiſſer le ſoin à
M. Thomas de Plainville , qui en est Auteur, &
qui certainement peut la rendre dans toute ſa précifion.
Je dois en même-tems vous annoncer , Monfieur ,
la traduction françoiſe de la belle inſcription lating
qui a éte faite en Allemagne à la mémoire de
Frédéric II. C'eſt le tableau de fon règne & le récis
1
وم MERCURE
de toutes ſes actions. Vos Lecteurs liront avecplai-
Ar l'original: puiſſent-ils en prendre à la lecture de
la copie! on ne doit point s'étonner de voir tant de
plumes s'exercer for un ſujet auſſi beau. C'eſt bien
de Frédéric II , qu'on peut dire : Incufabunt fatum
pofteri ;fuiffe mortalem.
Je ſuis , &c. DE MAYER.
Paris, ce 24 Juin 1787 .
১ te Sping ituros E
ACADÉMIES.
ACADÉMIE FRANÇOISE.
LE 25 Août , jour de S. Louis , l'Académie
Françoiſe a tenu ſa Séance publique ordinaire.
M. Terraffede Mareilles, Officier de la
Chambre de la Reine , a obtenu le Prix de
Poéfie propoſé , il y a deux ans , par une perfonne
de la première diftinction, pour le
meilleur Poëme fur la mort du Prince Léopold
de Brunswick. La lecture en a été faite par
M. de la Harpe. On a donné des Acceffit à
deux autres Odes , dont l'une eſt de M. Noel ,
Profeſſeur de l'Univerſité , & l'autre de M.
Moreau , Avocat. Les extraits qui en ont été
lus ont fait une vive ſenſation, On a réſervé
pour l'année prochaine le Prix de Poésie ordinaire,
qui fera double, c'est à-dire de cocoliv.
On a refervé auſſi , pour l'année 178 ,
le Prix d'Éloquence deſtiné à l'éloge de
Louis XII , & pour l'année 1789 celui de
l'Éloge du Maréchal de Vauban.
DE FRANCE. 93
M. Marmontel , en annonçant encore
pour l'année 1788 un Prix d'Eloquence , dont
le ſujet doit être l'Eloge de d'Alembert , en a
donné un précis fait pour ſervir de modèle
aux Auteurs qui voudronty prétendre. Cette
efquiffe , tracée avec la ſupériorité de talent
la plus marquée, a excité les plus vifs applaudiflemens.
La fille Lablonde , dont la belle action a
été célébrée dans les Papiers Publics , a ob
¡tenu le Prix de Vertu. Les nouveaux traits
qu'on en a rapportés ont excité, les tranfports,
& fait couler les larmes de toute l'Af
ſemblée. Les enfans qu'ont laiſſe les Maîtres
de cette généreuſe fille , & dont elle a pris
foin à leur mort , étoient préſens à cetre
Séance. Une perſonne très-diftinguée à tous
égards , a propoſe de faireune quète en leur
faveur, & il en eſt réſulté une fomme d'environ
800 liv. , qui , avec les 1200 liv. du
Prix , a produit la ſomme de 2000 liv. , dont
un particulier très - connu s'eft: chargé de
rendre dix pour cent fans en aliéner le fonds.
Le Prix deſliné à l'Ouvrage le plus utile
qui ait paru dans l'année , a été donné à
M. de Lacroix , Avocat au Parlement , pour
ſes Obfervations for la Société , & fur les
moyens de ramenertorare & lafécuritédans
fonfein *. Le Prix d'Encouragement , fondé
* Cet Ouvrage ſe vend à Paris , chez Royez,
Libraire , quai des Auguſtins,
:
94 MERCURE
parfeuM.de Valbelle, a étédonnnéé ààM. de
Wailly , Grammairien très-eſtimé.
:
ANNONCES ET NOTICES.
V
OYAGES & Réflexions du Chevalier d'Oftalis ,
oufes Lettres au Marquis de Simiane , 2 Vol. in-
12. AParis , chez Prevoſt&Royez , Libraires , quai
des Auguſtins.
Le plan de cet Ouvrage eſt fort ſimple s'il en a
un. Le titre annonce des Voyages & des Réflexions ;
mais on y trouve plus de réflexions que de voyages.
Il eſt vrai que l'Auteur ſemble annoncer une ſuite à
ces deux Volumes. Ce Chevalier d'Oſtal's eſt un
amant malheureux qui voyage pour ſe diſtraire , &
ſes réflexions ſont des Notices fur divers pays. Il y
en a fur la France & ſur l'Angleterre qui ſuppoſent
des recherches , & qui ont des détails curieux.
1.1 Cet Ouvrage n'eſt pas ſuſceptible d'analyſe ,
parce que les meilleurs morceaux ſont eux - mêmes
deseſpèces d'analyſe , dont le mérite eſt la clarté &
da précifioni
ÉPITRE à un Philosophe ſur l'alliance de la
Poésie & de la Philosophie , & fur les avantages
qui en résultent , par M. de Saint- Ange. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur de l'Académie Françoife
, fue Chriſtine.
Le titre de cettePièce annonce affez l'importance
da ſujet L'Auteurs dont le talent pour la Poéſie eſt
ficonuu , a ſu joindre àl'intérêt de la matière un intérêt
plus grand encore en y rendant hommage à la
DE FRANCE.
95
2
mémoire de M. Turgot, & aux vues bienfaiſantes
d'une adminiſtration éclairée.
La Morale en action , ou Élite de Faits mémorables
& d'Anecdotes inſtructives propres à faire
aimer la vertu & à former les jeunes Gens dans
I'Art de la Narration , Ouvrage ut le à MM. les
Élèves des Ecoles Militaires & des Colléges , nouvelle
Édition , confidérablement augmentée en deux
Volumes , contenant environ 900 pages in 12 .
Prix , 4 liv. 4 ſols. A Lyon , chez les frères
Periſſe, grande rue Mercière ; & à Paris, chez Periffe
le jeune, Libraire , Pont Saint Michel.
CetOuvrage a eu du ſuccès.
TOME XI des Vies des Hommes illuftres , pour
fervirdefupplément à celles de Plutarque , avec les
Notes de M. de Vauvilliers , & le Tome XXII &
dernier des Huvres- mêlées , avec de nombreuſes
Notes & Observations , par M. l'Abbé Brotier
neveu.
Le Tome XII & dernier des Vies des Hommes
illuftres , qui eſt ſous preſſe , contiendra , outre les
Vies des neuf grands Capitaines , celles de pluſieurs
grands Philoſophes, ainſi que celles de Plutarque &
d'Amyot comparées. Les Tomes XXII & XXIV
formeront les Tables de toute la Collectior .
Le Tome X du Théâtre des Grecs paroîtra inceffamment.
A Paris , chez Cuſſac, Libraire , carrefour
S. Benoît.
MÉTHODE de Harpe, avec laquelle on peut a
compagner à livre ouvert toutes fortes d' Ariettes&
Charſons avec le fecours de la Buffe chiffrée , &
trois Recueils d' Ariettes arrangées fuivant ces prinsipes
, Ouvrage utile aux Amateurs de cet Inftru94
MERCURE
par feu M. de Valbelle, a été donné à M. de
Wailly , Grammairien très-eſtimé.
"
ANNONCES ET NOTICES.
VOYAGES & Réflexions du Chevalier d'Oftalis
oufes Lettres auMarquis de Simiane, 2 Vol. in-
12. AParis, chez Prevoſt&Royez , Libraires , quai
des Auguſtins.
Le plan de cet Ouvrage eſt fort ſimple s'il en a
un. Le titre annonce des Voyages & des Réflexions ;
mais on y trouve plus de réflexions que de voyages.
Il eſt vrai que l'Auteur ſemble annoncer une ſuite à
ces deux Volumes. Ce Chevalier d'Oſtal's eſt un
amant malheureux qui voyage pour ſe diſtraire , &
ſes réflexions ſont des Notices fur divers pays. Il y
en a fur la France & fur l'Angleterre qui ſuppoſent
des recherches , &qui ont des détails curieux.
1. Cet Ouvrage n'eſt pas ſuſceptible d'analyſe ,
parceque les meilleurs morceaux font eux - mêmes
deseſpèces d'analyſe , dont le mérite en la clarté &
da précifions
٢٠
ÉPITRE à un Philosophe ſur l'alliance de la
Poésie & de la Philofophie , & fur les avantages
qui en résultent , par M. de Saint-Ange. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur de l'Académie Françoife
, fue Christine.
Le titre de cettePièce annonce affez l'importance
da ſujet L'Auteur, dont le talent pour la Poéſſe eſt
ficonpu , a ſu joindre à l'intérêt de la matière un intérêt
plus grand encore en y rendant hommage à la
DE FRANCE.
95
5
i
2
mémoire de M. Turgot, & aux vues bienfaiſantes
d'une adminiſtration éclairée.
La Morale en action , ou Elite de Faits mémorables
& d'Anecdotes inſtructives propres à faire
aimer la vertu & à former les jeunes Gens dans
I'Art de la Narration , Ouvrage ut le à MM. les
Élèves des Ecoles Militaires & des Colléges , nouvelle
Édition , confidérablement augmentée en deux
Volumes , contenant environ 900 pages in 12 .
Prix , 4 liv. 4 ſols. A Lyon , chez les frères
Periſſe , grande rue Mercière ; & à Paris, chez Periffe
le jeune , Libraire , Pont Saint Michel.
Cet Ouvrage a eu du ſuccès.
:
TOME XI des Vies des Hommes illuftres , pour
fervirdeſupplément à celles de Plutarque , avec les
Notes de M. de Vauvilliers , & le Tome XXII &
dernier des Huvres- mêlées , avec de nombreuſes
Notes & Obfervations , par M. l'Abbé Brotier
neveu.
Le Tome XII & dernier des Vies des Hommes
illuftres, qui eſt ſous preſſe , contiendra , outre les
Vies des neufgrands Capitaines , celles de pluſieurs
grands Philoſophes, ainſi que celles de Plutarque &
d'Amyot comparées. Les Tomes XXII & XXIV
formeront les Tables de toute la Collection .
Le Tome X du Théâtre des Grecs paroîtra inceffamment.
A Paris , chez Cuſſac, Libraire , carrefour
S. Benoît.
MÉTHODE de Harpe, avec laquelle on peut aocompagner
à livre ouvert toutes fortes d'Ariettes&
Charſons avec le fecours de la Baffe chiffrée , &
brois Recueils d' Ariettes arrangées ſuivant ces prinsipes
, Ouvrage utile aux Amateurs de cet Inftru94
MERCURE
par feu M. de Valbelle, a été donné à M. de
Wailly , Grammairien très-eſtimé.
1
ANNONCES ET NOTICES.
V
OYAGES & Réflexions du Chevalier d'Oftalis ,
oufes Lettres auMarquis deSimiane, 2 Vol. in-
12. AParis , chez Prevoſt & Royez , Libraires , quai
des Auguſtins.
Le plan de cet Ouvrage eſt fort ſimple s'il en a
un. Le titre annonce des Voyages & des Réflexions ;
mais on y trouve plus de réflexions que de voyages.
Il eſt vrai que l'Auteur ſemble annoncer une ſuite à
ces deux Volumes. Ce Chevalier d'Oſtal's eſt un
amant malheureux qui voyage pour ſe diſtraire , &
ſes réflexions font des Notices fur divers pays. Il y
en a fur la France & fur l'Angleterre qui ſuppoſent
des recherches, & qui ont des détails curieux.
1.1 Cet Ouvrage n'eſt pas ſuſceptible d'analyſe,
parce que les meilleurs morceaux ſont eux - mêmes
deseſpèces d'analyſe , dont le mérite eſt la clarté &
da précifion
EPITRE à un Philosophe ſur l'alliance de la
Poésie & de la Philosophie , & fur les avantages
qui en réfultent , par M. de Saint- Ange. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur de l'Académie Françoite
, rue Chriſtine.
Le titre de cettePièce annonce affez l'importance
da fujet L'Auteurs dont le talent pour la Poéſie eft
ficonuu, a ſu joindre àl'intérêt de la matière un intérêt
plus grand encore en y rendant hommage à la
DE FRANCE.
95
mémoire de M. Turgot, & aux vues bienfaiſantes
d'une adminiſtration éclairée.
La Morale en action , ou Élite de Faits mémorables
& d'Anecdotes instructives propres à faire
aimer la vertu & à former les jeunes Gens dans
I'Art de la Narration , Ouvrage ut le à MM. les
Élèves des Ecoles Militaires & des Colléges , nouvelle
Édition , confidérablement augmentée en deux
Volumes , contenant environ 900 pages in 12.
Prix , 4 liv. 4 ſols. A Lyon , chez les frères
Periffe, grande rue Mercière ; & à Paris, chezPeriffe
le jeune, Libraire , Pont Saint Michel.
CetOuvrage a eu du ſuccès.
1
TOME XI des Vies des Hommes illuftres , pour
fervirdeſupplément à celles de Plutarque , avec les
Notes de M. de Vauvilliers , & le Tome XXII &
dernier des OEuvres- mêlées , avec de nombreuses
Notes & Observations , par M. l'Abbé Brotier
neveu.
1
Le Tome XII & dernier des Vies des Hommes
illuftres, qui eſt ſous preſſe , contiendra , outre les
Vies des neufgrands Capitaines , celles de pluſieurs
grands Philoſophes , ainſi que celles de Plutarque &
d'Amyot comparées. Les Tomes XXII & XXIV
formeront les Tables de toute la Collectior .
Le Tome X du Théâtre des Grecs paroîtra inceffamment.
A Paris , chez Cuſſac, Libraire , carrefour
S. Benoît.
M COA
MÉTHODE de Harpe, avec laquelle on peut accompagner
à livre ouvert toutes fortes d' Ariettes&
Charſons avecle secours de la Baffe chiffrée, &
Parois Recueils d' Ariettes arrangées fuivant ces prinsipes
, Ouvrage utile aux Amateurs de cet Inſtru
96 MERCURE
ment ; par M ***. Prix , 15 liv, la Méthode, &
chaque Recueil 7 liv. 4 ſols. A Paris, chez Bouin ,
Marchand de Muſique & de cordes d'Inſtrumens ,
- rue Saint Honoré , près Saint Rock , au Gagnepetit,
nº. 504.
... La Harpe , cet Inſtrument ſi noble , avoit toujours
paru ſe refu er à l'accompagnement proprement
dits c'eſt donc un ſervice eſſentiel que l'Auteur
rend à la Muſique en publiant ane Méthode qui
la rend propre à cet uſage. Les Recueils qu'il y
joint nous ort paru remplir leur objet.
Ontrouve chez le même, & à Versailles , chez
Blaizot , rue Satory , l'Apothéoſe du Comte de Vergennes
, Acroftiche propoſé au Mercure de France,
& un Rondeau intitulé Demain , Muſique de M.
Atg. Prix , tliv. 1o ſols le premier , & Iliv. 4 ſols
l'autre.
TABLE.
REGRETS d'Achille fur le Les Trois Exemples , 8
corps de Patrocle , 49 Réflexionsfur la néceffizéd'af-
Charade, Enigme& Logo gry furer l'amoriiſſement des
phe ,
Instituts Politiques &
deties de l'Etaι ,
25.11
52 87
Mili- Laure 88
taires de Tamerlan ,. 57 Parikrės, 90
Le Provincial à Paris ,
Le Souterrain
92
77 Annonces & Notices, 94
70 Académie Françoise ,
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des-Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 8 Sept. 1787. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion. A
*Paris , le 7 Septembre 1787. RAULIN.
2
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE. ”
De Hambourg , le 24 Août.
L'Impératrice de Ruffie envoie une Ambaſſade
à Iſpahan , pour renouveller ſes
anciens Traités avec le Schah de Perfe .
Un Ukafe de cette Souveraine , figné le
28 Juin dernier, accorde à toutes les claſſes
de ſes ſujets de nouveaux bienfaits. Entre
autres objets , S. M. I. tait remife de la Capitation
& d'autres impoſitions à ceux qui
les doivent des années précédentes , & ré
duit les intérêts ſur les contrats de vente.
Nous donnâmes , il y a trois ſemaines ,
une notice fort incomplette , tirée de Lertres
d'Italie ſur le Gouvernement de l'E
gypte. Le Journal Politique de Hambourg
vient de publier un Mémoire beaucoup plus
N°. 36, 8 Septembre 1787. C
( ١٥ )
exact à ce ſujet ; mémoire où l'on explique
les motifs de l'expédition actuelle du Capitan-
Pacha.
>>>L'origine de la conſtitution de l'Egypte ,
dit l'auteur , ſe perd dans l'antiquité. Les Saracenes
, les Arabes , les Circaffiens , les Georgiens
&d'autres , qui en firent la conquête tour à tour
établirent un gouvernement , qui reſſemble
beaucoup à la forme actuelle. Pluſieurs chefs de
districts qu'on appeloit Beys , étoient fubordonnés
à un chef fuprême , avec le titre de Sultan
d'Egypte. Lorſque Selim I. , Empereur des
Turcs , conquit l'Egypte en 1517 , il fit avec
les Beys une capitulation & un traité, qui leur afsûra
de grands privileges & les principaux emplois
dans l'adminiſtration , en les ſubordonnant
àun Pacha réſidant au Caire , qui préſideroit le
Divan ou le Confeil ſuprême , qui maintiendroit
l'autorité ſouveraine , & qui recevroit &
enverroit les tributs annuels au tréſor impérial.
Cette capitulation , qui juſqu'à préſent n'a pas
été révoquée , accorde aux Beys des prérogatives
confidérables . Les principales dignités du
Royaume deivent leur être données , ainſi que
les Gouvernemens des Provinces , qui ſont au
nombre de 24. Le Corps des Beys eſt dans l'uſage
de laiſſer vacans 5 ou 6 Gouvernemens , &
de répartir entre eux les revenus qui en proviennent.
Les trois premiers Beys occupent les
trois principales dignités de l'Etat. Le premier ,
appellé Check - Elbelet , c'est- à- dire , Prince du
pays , eſt regardé comme le Chefdu Royaume ;
le ſecond occupe la dignité de Defterdar , ou de
Grand- Chancelier , & le troiſieme eſt le Chef
des Caravannes. Chaque Bey a une Cour parti
culiere , & entretient ungrand nombre de gens
àſon ſervice; on les appelle Mammeluques on
eſclaves . C'eſt parmi ces eſclaves que les Beys
choiſiſſent leurs affidés , qu'ils prépoſent ſous le
nom de Cachef aux bourgs & villages. Il arrive
quelquefois que ces Cachefs montent à la dinité
même de Bey; ce ſont les Beys qui les y
appellent , lorſqu'il ſe préſente des vacances ,
&ils font enfuite approuver leur nomination
par le Pacha , qui ſeul eſt nommé par la Cour
Ottomane , & dont l'autorité varie , ſelon les
circonstances. Les Beys devroient refider dans
les Provinces , mais ils préferent de refter au
Caire , afin de pouvoir mieux veiller à leurs
intérêts. Les habitans de l'Egypte , ſont un
mêlange de toutes les Nations; les Arabes cependant
font les plus nombreux ; ils profeſſent
la religion Mahometane. Les autres habitans
font des Turcs , des Juifs , des Cophtes ( ſecte
Chrétienne ) , des Grecs , des Arméniens , des
Chrétiens du levant , qui ont entre leurs mains
la direction des Douanes , & des Francs , qui
vivent ſous la protection des Confuls.-Tous
les revenus du royaume d'Egypte montent 1
douze millions de piaftres ; ils font le produit
de la capitation , dont perſonne n'eſt exempt ,
d'une impoſition ſur les Terres & les Douanes.
Les Beys ant eu juſqu'à préſent l'adminiſtration
de ces revenus , & ils étoient auffi chargés
des dépenſes publiques. L'épargne annuelle
, qui pouvoit monter à environ 500,000
piaſtres , devoit paffer comme tribut à Conftantinople
, mais depuis pluſieurs années les
Beys n'y ont rien envoyé ; ils ont négligé l'expédition
des caravannes , & ſe ſont emparés
des fonds pour cet obet ; en un mot, ils ont
adminiſtré & dépensé les revenus à leur gré ,
&exercé des vexations fans nombre. Cette
1
C2
( 52)
circonftance & l'évenement qui s'eſt paſſé lors
de l'arrivée du Conſul Ruſſe à A'exandrie ,
ont à la fin déterminé la Porte Ottomane à
envoyer en Egypte , au mois de Juillet 1786,
le Capitan- Pacha , pour punir les Beys , & pour
rétablir dans ce Royaume , l'ordre & la tranquillité
publique. Voici les particularités relatives
à l'établiſſement du Conſul Ruſſe à
Alexandrie. Ce Conſul qui avoit de fortes
lettres de recommandation du Miniftre de
Vienne à Conſtantinople , de celui de Veniſe &
d'autres , vint en 1785 dans cette Ville , accompagné
d'un Major au ſervice Ruſſe. Ne pouvant
trouver ſur le champ une maiſon convenable
, ildemanda celle d'un nommé Affani ,
Chrétien du Levant. Ce Particulier refuta de
donner ſa maiſon au Conful , qui , ſur ce refus ,
s'adreſſa aux Beys , & le força par leur autorité
à la lui livrer. Affani , proteſta contre ce
procédé violent , & s'adreſſa au Couvent des
Peres de la Terre- Sainte , pour faire enregiſtrer
ſa proteſtation dans leur Chancellerie , & la
revetir ainſi de la forme requiſe d'une plainte
en regle. Muni de l'acte de proteſtation , il
ſomma le Conſul Ruſſe de lui rendre ſa maiſon ,
mais celui-ci le renvoya durement , & réſolut
de ſe venger du Couvent. L'occaſion étoit favorable;
les Beys Ibrahim & Murat , avoient beſoin
de fonds ; on leur propoſa de faire valoir
la conduite déplacée des Peres de la Terre-
Sainte , dans l'affaire d'Affani , & d'exiger des
Francs , ſous ce prétexte frivole , une certaine
ſomme d'argent. Ibrahim & Murat ſaiſirent
ce moyen avec empreſſement ; ils envoyerent
fur le champ , un Cachef , accompagné de
quelques Mammeluques aux Confuls des Francs .
& firent demander la ſomme de 50,000 pial(
53 )
,
trës, comme une amende que le ſuſdit Couvent
avot encourue , avec la déclaration que s'ils
refuſoient de payer cette ſomme , le Couvent
& l'Egliſe de ces Peres ſeroient démolis. Les
Confuls refuferent avec fermeté de fatisfaire à
cette demande ; les Beys renouvellerent leurs
menaces; enfin , les Confuls las de ces menaces
, firent embarquer leurs familles & leurs
effets envoyerent aux Beys une copie de
leur proteſtation , adreſſée au Grand- Seigneur ,
&firent partir ſur le champ un bâtiment pour
Conſtantinople , qui y portoit leurs plaintes .
Dans l'intervalle un Cachef fit mettre la main
à l'Egliſe des Peres , & on commença à la démolir,
mais les mouvemens que cette circonftance
produisît au Caire , firent prendre aux
Beys le parti d'arrêter la démolition de cette
Eglife, de la faire réparer , de rappeller le
Cachef, auquel les Chrétiens Douaniers ont
donné 5,000 piaſtres pour ſes frais de voyage ,
&d'écrire aux Confuls une lettre très-polie.
Cependant le bâtiment porteur des plaintes des
Confuls , étoit parti pour Conſtantinople , où il
arriva auſh ſans accident. La Porte Ottomane
fut inſtruite des vexations des Beys , & comme
elle apprit en même-temps qu'Ibrahim Bey
avoit envoyé des lettres ſecrettes au Miniftre
de Ruffie , elle réſolut d'envoyer en Egypte
une flotte & une armée , pour punir les Beys
rebelles , & les faire rentrer dans l'obéiffance.
De Berlin , le 23 Août.
Le 14le Roi eſt parti pour la Siléfie , où
S. M. fera la revue de ſes troupes. Elle
compte revenir dans cette Réſidence le
C3
( 54 )
Septembre. Avant ſon départ elle a aſſigné
une fomme de 60,000 rixdalers , pour l'amélioration
des baras. Voici l'itinéraire de
Sa Maj .
Le 14 , à Grunberg , le 15 , àGlogau , Lubben
& Liegniz : le 16 , à Jauer , Goldberg &
Hirschberg ; le 17, à Schmiedeberg , Landshut
& Schweidnitz ; le 18 , à Reichenbach . Silberberg
&Glatz; le 19 , à Cofel; le 20 , à Neiſſe ; le
21 , revue particuliere ; les 22 &23 , grande revue
; le 24 , par Brieg à Breſlau , où S. M. reftera
les 25 , 26 & 27 ; le 28 , au camp près de Leuthen;
les 29 &30 revue ; le 31 , au camp près de
Grunberg ; le fer. Septembre , retour à Berlin.
Le Baron de Lenthe , Miniſtre plénipotentiaire
de la Cour Electorale de Hanovre ,
eft arrivé ici.
De Vienne, le 23 Août.
Il n'y a plus de doute fur la réalité de
l'alliance projettée entre la Maiſon de Saxe
&celle du Grand Duc de Toscane. M. de
Schoenfeld , Envolé extraordinaire de la
Courde Dreſde , a informé notre Gouvernement
, qu'il étoit chargé par S. A. E. de
ſe rendre à Florence , &d'y faire la deman -
de formelle de l'Archiducheſſe Marie- Therefe
, fille aînée du Grand-Duc , pour le
Prince Antoine de Saxe . On attend ici l'augulte
fiancée vers la fin de Septembre , &
M. de Schoenfeld l'accompagnera à Dreſde.
Les 30 Députés des Pays-Bas font arrivés
içi le 13. Le lendemain ils curent une au(
55 )
dience du Prince de Kaunitz , & ſe rendirent
enſuite auprès de L. A. R. C'eſt le 15
que l'Archiducheſſe les préſenta à l'Empereur
, à fon paſſage pour la Meſſe : ils furent
introduits de là dans le Cabinet de Sa
Maj . Imp. qui les reçut avec bonté. Depuis ,
notre Souverain leur a accordé une ſeconde
audience. Après la harangue de ces Députés
, S. M. I. prit la parole , & leur dit ces
mots remarquables :
« Le juſte mécontentement que je reſſens de
tout ce qui vient de ſe paſſer dans mes Provinces
Belgiques , ne peut s'affoiblir par un vain étalage
de paroles. Il faut des faits ſuivis pour me
prouver la réalité des ſentimens de fidélité &
d'attachement , dont vous me donnez les affurancesde
la part de vos Commettans.
« J'ai chargé le Prince de Kaunitz de vous
communiquer par écrit , & pour la notice des
Etats , les ordres que j'ai fait paſſer à mon Gouvernement
, & dont l'exécution doit avoir lieu ,
préalablement avant d'entrer en délibération
quelconque.
« Le prompt & entier accompliſſement de ces
volontés eſt d'autant plus néceſſaire , qu'en faiſant
rentrer toutes chofes dans l'ordre , il fera enmême
temps ceffer l'état de ſouffrance dans lequel ſe
trouvent la circulation & le commerce.
« Le bien- être de mes Sujets eſt le ſeul objet
de toutes mes démarches ; ce dont je donne journellement
les preuves les plus réelles . Que je ne
veux point renverſer vos Conſtitutions, vous vous
en perfuaderez à l'évidence , en vous rappellant
que c'eſt dans le moment où vous aviez tout ofé
&mérité mon indignation , qu'avec tous mes
C4
( 56 )
1
4
moyens de puiſſance , je vous ai néanmoins rei
téré l'aſſurance de les conferver.
De Francfort , le 27 Août.
Le premier événement qu'a amené l'oppoſition
des Provinces Belgiques , eſt la
marche d'une armée Autrichienne , qui n'eſt
point contrermandée , quoi qu'en diſent des
Folliculaires mal inſtruits ; mais dont l'entrée
aux Pays Bas ſera décidée par l'iffue
des négociations actuelles. Pluſieurs des
Régimens de cette armée ſont arrivés en
cette ville , & en ſont repartis , pour ſuivre
leur deſtination. Le ſecond incident de ce
débat eſt le rappel du Comte de Belgiojoſo .
Ce Miniftre plénipotentiaire de S. M. I. à
Bruxelles , eſt remplacé dans ce poſte , par
le Comtede Trautmansdorf, Miniſtre plénipotentiaire
de l'Empereur à Mayence. Ce
Seigneur eft parti d'ici le 8 pour aller recevoir
fes inſtructions à Vienne.
Le Miniſtre Imp. a crédité près les Princes &
Etats du Haut Rhin , a remis aux Directeurs des
Lettres requifitoriales , pour le paffage des Régimens
ſuivans , favoir ; les Régimens d'Infanterie
de Bender , de Neugebauer , d'Alton , de la Tour ,
de Reiski , de Stein , de Langlois , de Ferdinand
de Toscane , de Pellegrini , d'Archiduc Ferdinand,
d'Antoine Esterhazy , de Nicolas Esterhazy
& de Guilay , chacun de 2,893 hommes ; de
2 bataillons de Waraſdins , de 4 compagnies
d'Artillerie , & d'une de Pontonniers , & les
Régimens de Cavalerie de Waldek , Dragonsa
( 57 )
de 1,439 hommes ; de Handik , Hufſards , de
2,248 hommes ; de l'Empereur & de Richecourt
, Chevaux- léger , chacun de 1,846 hommes.
Ces Régimens forment en tout une arinée
d'environ 50,000 hommes.
Le 13 , écrit on de Lipſtadt, en date du
24, le régiment de Marwitz , Infanterie Pruffiennne
, a paffé ici, & continué ſa route
vers les frontieres de Holande. Woldeck le
jeune a ſuivi le 16 ; le 17 , Knobelsdorff ;
Renouard & Langlois le 20; hier les Cuiraffiers
& l'Artillerie traînée par 600 chevaux
; aujourd'hui , la Caiſſe militaire & les
chariots de munitions avec 1200 chevaux ;
tous les conducteurs portant cocarde Orange.
Après demain , les Dragons de Lottum.
Extrait d'une Lettre de Dortmund, du 18 .
Les troupes Pruffiennes font en pleine
marche. Budberg , Infanterie eſt parti ce
matin pour Wezel , ainſi que dix Compagnies
deGrenadiers. Demain , nous attendons
le régiment de Natalis.
Comme l'armée ne doit être réunie , &
prête àſe mettre en mouvement , que du
Sau 10 Septembre , le Duc de Brunswick a
accordé 3 femaines de congé aux foldats
Provinciaux quí ſe trouvoient à Wezel.
<<La chaleur des Partis qui diviſent les Provinces-
Unies ne ſe rallentit point , à ce qu'on
écrit des Pays-Bas , & les eſpérances d'une conciliation
amicale ſemblent s'éloigner depuis que
l'armée Pruſſienne s'approche des frontieres ; les
Papiers Anglois annoncent mêmeque la Cour de
CS
( 58 )
Londres ſe diſpoſe àſoutenir le parti de laMaiſon
d'Orange , de concert avec la Cour de Berlin.
Enfin , s'il faut en croire des avis reçus de Flandres
, 18 nouveaux bataillons & 22 efcadrons ont
ordre de ſe tenir prêts à aller groffir le camp
projetté ſous Givet , & compoſé déja de 24 bataillons
: ce qui formera un corps d'armée refpectable
; on ajoute cependant que les Régimens
François , déſignés pour ſe rendre à Giver , ont
ordre ſeulement de ſe tenir prêts & d'en attendre
un ſecond pour former leurs équipages ; il ſembleroit
naturel d'en conclure que les voies de médiation
ne font pas entièrement fermées , & que
l'eſpérance de conſerver la paix ſubſiſte encore.
Pluſieurs préparatifs qui ſe font à Hanovre
, & nommément la circonstance que
chaque régiment d'Infanterie ſera augmenté
de 300 hommes , font préſumer que les
troupes de cet Electorat ne tarderont pas à
être emploiées.
Le Miniſtre du Prince-Evêque d Oſnabruk
a remis au Corps des Etats Evangéliques une
Convention faite , entre l'Evêque & ſon Chapitre
, ſous la médiation de l'Archevêque de
Cologne , comme Métropolitain , par laquelle
il a été établi que les Catholiques & le Proteſtans
pourront exercer librement & publiquement
leur culte , dans la ville de Furſtenau &
le village de Schle-Dehauſen.
( 59 )
ITALIE.
De Naples , le 7 Août.
La Reine eſt ascouchée heureulement
dans la nuit du 31 Juillet, d'une Princeſſe
qui a éré baptifée par l'Archevêque , & qui
a reçu les noms de Henriette Carmel.
Le St. Joachim a ramené d'Alger le Brigadier
Don Juan Thomas , qui avoit été
chargé du rachat des eſclaves Napolitains ,
&de conclurre un Traité de paix. A force
d'argent , il a en effet délivré nos captifs;
mais il n'a pu parvenir à une pacification
durable. L'on craint que celle de la Cour
d'Eſpagne avec cette Régence Barbaretque
n'ait pas plus de ſolidité. A l'arrivée du S.
Joachim , le Roi s'eft tranſporté à bord de
ce vaiſſeau de guerre , & a témoigné fon
approbation del'état dans lequel il l'a trouvé.
On apprend de Pétersbourg , que le célébre
Compoſiteur Sarti , comblé déjà des
bienfaits de l'Impératrice , vient d'être élevé
au rang de Noble de la premiere claſſe de
Catherinaflaw . Sarti doit ces ſuccès , nonfeulement
au charme de fa mufique fur des
paroles Italiennes , mais encore à la réuffite
de fes compoſitions fur des Poëmes en langue
Rufle; ce qui ne doit pas ſurprendre ;
cette langue étant une des plus doutes de
l'Europe.
C6
( 60 )
De Milan , le 12 Août.
M. l'Abbé Spallanzani, compté depuis
long-temps entre les meilleurs Naturaliſtes ,
&le petit nombre de vrais Philofophes ,
avoit entrepris un voyage à Conftantinople ,
pour perfectionner ſes connoiſſances , &
pour procurer à l'Hiſtoire Naturelle de nouvelles
richeſſes; il accompagna dans ce but
M. Zuliani , Bailli de la République de Venife
auprès de la. Porte , & il n'imaginoit
gueres , pendant ſon abſence , qu'on dût
Hétrir ſa réputation , en l'accuſant de s'être
approprié diverſes pieces d'Hiſtoire Naturelle
du Cabinet de Pavie , dont il étoit le
dépoſitaire & le Préfet. S. M. I. après avoir
fait examiner l'imputation avec l'exactitude
laplus ſcrupuleuſe , par l'Adminiſtration de
Milan , a rendu juſtice à l'intacte probité de
M. l'Abbé Spallanzani , dans le Décret Imp.
dont voici là teneur; il eſt du 8 Août 1787.
« Sa Majesté a reconnu réguliere & fidelle
>> l'adminiſtration de l'Abbé Spallanzani dans ſon
Office de Profeffeur & Préfet du Cabinet
Royal de Pavie ; elle a jugé & déclaré par fon
>>Décret ſouveram , que l'imputation faite à
L'Abbé Spallanzani , d'avoir diſpofé ou ſouf-
>trait quelques pieces du Cabinet d'Hiſtoire-
Naturelle, étoit entièrement fauſſe. En conſéquence
, le Conſeil Imp. & Royal du Gouver
>>nement deMilan communique à l'Abbé Spallanzani
,avec le plus grand plaifir , cette décihon
souveraines il l'exhorte à se préſenter en
( 61 )
perfonne devant lui , pour apprendre toure
la fatisfaction qu'il reſſentde ſes ſervicesutiles
> & glorieux; & comme les diſpoſitions de
>> Sa Majesté ſont telles qu'elles ont réparé devant
le Public le tort fait à l'Abbé Spallanzani
, Sa Majesté veut qu'onimpoſe un filence
> perpétuel ſur cette affaire , qui a compromis
l'honneur d'un des plus illuſtres Profeſſeurs ,
>> & en même-tems la réputation de l'Univer-
>> fité de Pavie , comme du Corps reſpectable
>>> des Profeſſeurs.
Signé, PECEI , ex Confilio Huberti Caftellini .
2
Les diſpoſitions , dont S. M. I. parle
dans ſon Décrer , font relatives au Chanoine
Volta. S. M. ordonne que ledit Volta
comme faux accuſateur , ſera privé de tous
fes emplois , &chaſſé de l'Univerſité&de la
ville de Pavie. Quant aux Profefleurs Scopoli
, Fontana & Scarpa , qui ont excité ,
après l'accuſation , le Chanoine Volta à de
plus grandes diffamations , & qui , pouffés
par leurs propres paffions , ſe ſont empreffés
à répandre cette affaire dans toute l'Europe
, il leur eſt ordonné de ſe préſenter devant
le Conſeil Royal &Impérial , poury
recevoir , au nom de Sa Majesté , une ſérieuſe
réprimande , de même qu'une menace
de châtiment , s'ils ne gardent dans cette
affaire le plus rigoureux filence , & pour
qu'on leur communique la défapprobation
totale que S. M. a formellement manifeſtée
de leur conduite dans cette affaire.
3
( 62 )
1
ESPAGNE.
De Madrid, le 10 Août.
2
On a publié dans un de nos Journaux la
relationd'un voyage, du CommandantCorregidor
de Loxa , pa mi quelques peuplades
Indiennes indé,endantes , qui habitent
les montagnes de Zamora au Perou. Lebut
de cette ex, édition , faite au mois de Septembre
1785 , éroit de convertir ces ſauvages
au Chriſtianisme , afin de les aſſujettir
plus ai ément. Vo ci quelques particularités
de cette relarion volumineuse .
Don Manuel Villano y Cuesta , Commandant
Corregidor de Loxa , ſe mit en marche le
10Août 17: 5 , pour les montagnes de Zamora ,
accompagné du Docteur Don Siméon de Torres ,
-Pretre ; "u Procureur général de Loxa Don Juan
de Vivanco , de deux autres particuliers , & d'un
nombre convenable de ſoldats . Dès le lendemain
on atteignit les hauteurs , ou , ſelon le terme du
pays,le paramo de la cordeliere royale , & l'on
parvint à vaincre ' a difficulté des chemins qui
étoient tracés dans des rochers preſqu'impraticables
. On perdit cependant une bête de ſomme
qui roula dans les précipices avec lesivres qu'elle
portoit : & les autres s'étant fort affoiblies , ou fut
oblige de les recondre a Laxa .
Le 12 le Commandant Corregidor & toute
ſa ſuite furent cor traints de marcher à pied dans
la montagre du Condor. Les chemins étient fi
dangereux qu'il falut renoncer aux bêtes de
fomme , & faire portér les équipages aux In(
63 )
diens. On fut réduit à paſſer la nuit fort in
commodément ſur des feuilles dans la plaine de
Savanille , expoſé aux intempéries de l'air . Le
Commandant expédia de cet endroit un exprès
àZamora , pour épier les mouvemens des Sauvages
Indiens , qui pouvoient s'être avancés par
bandesjuſqu'à ce village.
L'exprès revint le 13 , & annonça qu'il avoit
reconnu un parti de douze Indiens arrivés la
veille. Le Corregidor accéléra ſa marche ſans
attendre les vivres. Aquatre heures du ſoir, le
même jour , on apperçut le village de Zamora ;
on diftinguoit même les Sauvages à l'aide d'une
lunette. Il fut arrêté que les perſonnes qui compoſoient
l'expédition ne défileroient qu'une à
une, afin de ne point effrayer les Sauvages
par leur apparition ſoudaine. Cette précaution
réuffit ; ils nous reçurent ſans crainte , & nous
les trouvâmes en habits de gala , c'eſt-à dire ,
une pampanille , ou petit tablier decoton , large
de hait pouces , attaché à la ceinture , & le viſage
peint de roucou , pluſieurs avoient le corps
couvert de raies noires faites avec de l'encre de
Yagua , les oreilles ornees de bendans .
V
Réunis dans la place de Zamora , les Sauvages
nous témoignerent la furprite & la jove que leur
cauſoit l'arrivée de gens inconnus , & ils ipnoroient
les deſſeis; i's nous embraſicient étroi
tement , en répétant fans ceſſe le mot amico ,
amico [1] . Us demandoient des préfens , & nous
n'avions rien à leur donner , parce que les équi
[1] Il eft affez extraordinaire: que ces Sauvages entendiffent
l'Eſpagnol, & s'ils l'entendoient pour avoir
déja vu des Européens , il n'est pas moins merveilleux
qu'ils les reçuffent avec tant d'allegrefle,
( 64 )
pages étoient reſtés en arrière. Le Commandant,
fatigué de leurs inſtances , leur diftribua tout ce
qu'il avoit , & voyant que les eſpérances qu'il
leur donnoit d'autres préſens ne ſuffifoient point
à leur impatience , il coupa les brandebourgs
&les boutons de ſes habits & les leur partagea .
Au bout de deux heures , nous nous apperçûmes
que les Sauvages avoient détaché trois
d'entr'eux pour porter la nouvelle de notre approche
à leurs compatriotes. Cette démarche
nous parut luſpecte , cependant nous réſolumes
d'en attendre tranquillement le réſultat. Le ſoir
de ce jour , le Commandant ayant examiné le
genre de leur nourriture , leur fit préſent d'un
d'un très-beau porc , dont ils parurent trèsfatisfaits.
Le lendemain , ils le pendirent au lieu
de l'égorger. Lorſqu'on leur demanda pourquoi
Hs s'y prenoient de cette maniere , ils répondirent
qu'ils ne ſavoient pas répandre le fang , &
qu'ils ne connoiſſoient pas d'autre méthode.
Du 15 au 19 , les équipages retardés par la
crue des rivieres , arriverent ſucceſſivement.
Pendant cet intervalle , le Commandant s'attacha
à faire concevoir aux Indiens le butde for
voyage ; mais ce fut inutilement , & l'on n'eut
d'autre reſſource que de leur montrer par les
faits nos inten:ions pacifiques. Ils s'imaginoient
que nous étions venus pour les tuer ,& en marquoient
vivement leur chagrin. Dans toutes nos
explications , nous les comprenions fort peu ,&
eux-mêmes encore moins, de forte que ſans pouvoir
rien terminer , on perdoit le tems à parler
&à faire des fignes inutiles .
Le 20, la troupe des Sauvages Indiens partit
pour regagner ſon territoire. Ils paroiſſoient fatisfaits
, & fembloient annoncer qu'ils alloient
pous attendre.
( ৎ )
Ce même jour , les vivres qui devoient nous
ſervir pour continuer notre voyage arriverent
enfin . On avoit perdu quatre charges , dontune
de riz qui avoit roulé dans la riviere .
Le 22 , le Commandant continua ſa marche ;
il avoit partagé ſon monde en deux troupes .
Vers les trois heures après midi , le Docteur
Torres tomba dans un foſſé plein d'eau ſans
ſe faire de mal ; une heure après , il s'égara dans
la montagne ; l'on fut obligé de le chercher fort
long- tems , & on le trouva enfin ſous un arbre ,
rendu de fatigue , & agité des mêmes inquiétudes
que fon abſence nous avoit occafion
→nées.
Le 24 , on apperçut huit Sauvages vigoureux
qui, ayant traverſe le fleuve à la nage , vinrent
au-devant de nous à Cumbaraza , village
auquel commence leur territoire. Ils nous firent
beaucoup d'amitié&nous donnerent du maïs,&
engagerent le Commandant de s'arrêterdans ce
village , en l'aſſurant que leurnation nous verroit
avec plaiſir. La troupe qui venoit par eau
arriva le même jour vers les fix heures du
foir,& nous apprit que celui des canots qui portoit
la plus grande partie de nos vivres avoit
chaviré. Cette nouvelle jetta la conſternation
parmi nous , & l'on parloit déja de ſe retirer.
Le Commandant Corregidor tint conſeil ; il fut
décidé que l'on feroit revenir de Loxa , le plutôt
poſſible ; les vivres qui manquoient avec du bétail,
& que l'on continueroit l'expédition . On
ſe mit en marche après un jour de repos. Le 27,
à onze heures , on apperçut les deux embouchures
de la riviere de l'ancienne Zamora , &
à midi les deux troupes arriverent à la place de
Chiganaza. Le ſoleil que nous n'avions pas vu
depuis long- tems, s'étoit enfin montré. Nous
166
mimes ſécher tous les effets & les proviſions
avariées par les pluies continuelles .
Le Commandant , voulant profiter du beau
tems , donna ordre de pourſuivre notre route ;
mais les ampoules qu'il avoit aux pieds ne lui
permettant pas de marcher , il s'embarqua dans
cet endroit avec le Prêtre Simon qui avoit éprouvé
dès la veille la même incommodité. A cinq
heures du ſoir, nous arrivâmes à Menpaga ,
nous logeâmes dans une ſpacieuſe & belle mai-
Con des Sauvages Indiens , ſituée ſur un côteau,
àune demi- lieue de la riviere . Cette maiſon quer
nous meſurâmes , avoit vingt- quatre vares [ 1 ] &
un quart de long , fur dix &demie de large &
huitdehaut:ſes portes font expoſées au Nord
& au midi, & furmontées chacune par en haut
d'unjour en maniere de manſarde. L'édifice confiſtoit
en une feule ſalle ſans diviſion , & étoir
conſtruit avec différens bois précieux qui abondent
en ce pays.
Le Commandant Corregidor reſta huit jours
dans cet endroit fans pouvoir continuer fon
voyage. Il fit même partir ſur-le- champ pour
Loxa treize des Indiens qui nous avoient ſervi
au tranſportdes bagages , afin de nous foulager
&de prévenir la diferte des vivres. Il envoya
auſſi un canot à Zamora pour en rapporter des
bananes le plutôt poſſible. Dans l'intervalle nous
cherchâmes à favoir ſi les Sauvages connoiffoient
l'uſage de la racine de barbaſco [2] pour la pêche.
Mais l'embarras de n'avoir perſonne qui
entendit la langue , nous affligeoit anguliére-
[1] La vare a 3 pieds , meſure d Eſpagne,
[2] Cene plante eſt connue , par la vertu qu'elle a
d'ennivrer le poiffon .
( 67 )
mont, fur-tout dans ce moment où il s'agiſſoit
d'une circonstance très-importante pour nous.
Cependant à force de geſtes , de ſignes &de comparaiſons
, nous parvimes à nous faire entendre.
La difficulté avec laquelle nous y avions réuffi
les amura beaucoup , & ils ſe mirent auffi-tôt à
cueillir decette racine pour la pêche . Le lendemain
matin ils revinrent chargés de poiſſon
ils nous en diftribuerent à tous, & pendant
quatre jours nous trouvâmes ce ſecours qui
ſembloit nous être envoyé du ciel, Ils joignirent
Louvent au poiffon des yucas & des camotes ou
patates.
Pendant notre ſéjourdans cette maiſon , qui
eſtle rendez-vous de tous les Sauvages qui habitent
les bords de la riviere de Zamora , nous
fûmes à portée d'examiner leurs moeurs & leur
maniere de vivre. Ils ont des plantations qu'ils
ſement de maïs & de racines , &d'un peu de coton
& de mani ; ces biens ſont communs entre
eux. Ils gardent la loi naturelle , la loyauté & la
délité , &ne témoignent de mauvaiſe humeur
en aucune occafion. Ils ne reconnoiſſent point de
fupérieur. Parmi les Sauvages que nous avons
vu, ily en avingt de mariés ; trois d'entr'eux
ont deux femmes. Les hommes chez eux ſe parent
plus que les femmes ; ils ont les oreilles percées
, & y portent des ornemens en plumes. La
parure du fexe conſiſte à ſe lier le haut des bras
avec des fils de coton ; les deux ſexes au reſte
vivent preſque nuds ; ils ſe nourriſſent de maïs ,
de yucas , de patates , de porcs , de poiffons , de
finges rôtis & bouillis dans des vaſes de terre
cruds , fans ſel ( quoique actuellement ils commencent
à s'y accoutumer ) , &de fruits ſauvages
qui nous font inconnus.
Ils ſuſpendent en maniere de trophée à loue
( 68 )
foyer les têtes & les principaux os des animaux
qu'ils mangent. Ils font uſage du poivre& du
tabac en feuille pour des breuvages & des ſorbets
qu'ils prennent parle nez; ils prennent auffiune
herbe appellée Guayufa , & dont les montagnards
de Nalladolid & de Jahen dans ce royaume font
le même uſage. Ils guériſſent leurs maladies par
des traitemens finguliers & révoltans. Unde ces
Sauvages étant incommodé , à ce qu'il paroiffſoit .
d'un mal de reins , il prit pour ſe guérir des bains
d'eau chaude ,& une décoction de poivre par le
nez , après l'avoir fait conſacrer par un vieillard
qui paroiſſoit faire parmi eux l'office d'augure
, de devin ou de prêtre , & à qui le Com .
mandant fit préſentd'un de ſes habits d'uniforme,
comme une marque de distinction. Mais le remede
le plus en uſage parmi eux eſt bien étonnant.
Le malade ſe fouette les épaules & le
ventre avec une eſpece d'ortie très piquante qui
croît dans les montagnes , traitement effroyable
qui nous faiſoit trembler. Nous appliquâmes
ſur ſes plaies un peu de nitre ; heureuſement
le malade ſe trouva mieux dès le lendemain , &
ils avouerent dès-lors la ſupéri: rité de notre remede
fur les leurs.
Ces Indiens font bien proportionnés , vigonreux
& membres fortement ; ils aiment l'eau ,
nagent parfaitement , & gouvernent leurs radeaux
avec beaucoup d'adreſſe Leurs armes ſont des
lances de Chonta , longues de quatre vares ( 12
pieds ) de long , & armées d'une pointe d'une
vare de long , travaillée avec ſoin. Ils ont des
boucliers de bois , de grands javelots de cinq
yares , fits auffi de chonta , & des farbacanes
qui leur ſervent à lancer des fleches empoifonnées.
Le Commandant voulant achever de rесен.
( 69 )
noître la riviere , & ſavoir ſi dans la partie qui
reſtoit encore à parcourir il y avoit d'autres nations
ſauvages , renvoya la plupart de ſes gens ,
toujours dans la vue d'épargner les vivres , &
parce qu'il croyoit d'ailleurs venir plus aisément
à bout de ſon deſſein avec peu de monde.
S'étant donc aſſuré de la diſpoſition des Sauvages
par des préſens de toute eſpece , tels que
des habits , des ſabres , des haches , des couteaux,
des rubans , du clinquant , des aiguilles , des miroirs
& d'autres bagatelles , il établit des conférences
avec ceux d'entr'eux qui paroiſſoient les
plusintelligens. Les grains de riz fignificient les
hommes , ceux de mais défignoient les journées
& les chemins , enfin de petits morceaux a bois
marquoient les riveres & les fondrieres . Par ce
moyen le Commandant parvint a converſer avec
les Sauvages , & à concevoir qu'il y avoit dans
le pays adjacent deux nations , les Bombugras
&lesYunguanzas; la premiere éloignée d'environ
vingt journées de la ville de Loxa , & le ſeconde
de vingt- fix , aſſez diſtantes l'une de l'autre , &
toutes deux fort nombreuſes. Il comprit qu'ils
avoient connoiſſance d'un Dieu ſous le nom de
Cumbanama , & qu'ils étoient idolatres ; car
ayant formé en cire la figure d'un monſtre armé
d'un bouclier , qu'ils appelloient Ayumba-
Cumbanama , tous les ſauvages, grands & petits
vinrent la baiſer avec reſpect. Il apprit que les
Sauvages parmi leſquels il étoit , avoient jadis
habité entre les deux nations des Yunguanzas &
des Bombugzas , d'où ils avoient été chaſſés à
force de perfécutions & de pertes d'hommes ;
que ces deux nations étoient gouvernées par un
certain nombre de Capitaines qui avoient le titre
de Ayumbas , & qui avoient tous deux femmes ;
quelanationdesYunguazas étoit très- fiere & très(
68 )
3
,&
foyer les têtes & les principaux os des animaux
qu'ils mangent. Ils font uſage du poivre & du
tabac en feuille pour des breuvages & des forbets
qu'ils prennent par le nez; ils prennent auffiune
herbe appellée Guayufa, & dont les montagnards
de Nalladolid & de Jahen dans ce royaume font
le même uſage. Ils guériſſent leurs maladies par
des traitemens finguliers & révoltans. Un de ces
Sauvages étant incommodé , à ce qu'il paroifſſoit .
d'un mal de reins , it prit pour ſe guérir des bains
d'eau chaude une décoction de poivre par le
nez , après l'avoir fait conſacrer par un vieillard
qui paroiſſoit faire parmi eux l'office d'augure
, de devin ou de prêtre , & à qui le Commandant
fit préſentd'un de ſes habits d'uniforme,
comme une marque de distinction. Mais le remede
le plus en uſage parmi eux eſt bien étonnant.
Le malade ſe fouette les épaules & le
ventre avec une eſpece d'ortie très piquante qui
croît dans les montagnes , traitement effroyable
qui nous faiſoit trembler. Nous appliquames
ſur ſes plaies un peu de nitre ; heureuſement
le malade ſe trouva mieux dès le lendemain , &
ils avouerent dès-lors la ſupéri rité de notre remede
ſur les leurs.
Ces Indiens font bien proportionnés , vigonreux
& membres fortement ; ils aiment l'eau ,
nagent parfaitement , & gouvernent leurs radeaux
avec beaucoup d'adreſſe Leurs armes ſont des
lances de Chonta , longues de quatre vares ( 12
pieds) de long , & armées d'une pointe d'une
vare de long , travaillée avec foin. Ils ont des
boucliers de bois , de grands javelots de cinq
vares , faits auſſi de chonta , & des farbacanes
qui leur ſervent à lancer des fleches empoifonnées.
Le Commandant voulant achever de recen
( 69 )
neître la riviere , & ſavoir ſi dans la partie qui
reſtoit encore à parcourir il y avoit d'autres nations
ſauvages , renvoya la plupart de les gens ,
toujours dans la vue d'épargner les vivres , &
parce qu'il croyoit d'ailleurs venir plus aiſément
à bout de ſon deſſein avec peu de monde.
S'étant donc aſſuré de la diſpoſition des Sauvages
par des préſens de toute eſpece , tels que
des habits , des ſabres , des haches , des couteaux,
des rubans , du clinquant , des aiguilles , des miroirs&
d'autres bagatelles , il établit des conférences
avec ceux d'entr'eux qui paroiſſoient les
plusintelligens. Les grains de riz fignificient les
hommes , ceux de mais défignoient les journées
& les chemins , enfin de petits morceaux a bois
marquoient les riveres & les fondrieres . Par ce
moyen le Commandant parvint a converſer avec
les Sauvages , & à concevoir qu'il y avoit dans
le pays adjacent deux nations , les Bombugras
&les Yunguanzas; la premiere éloignée d'environ
-vingt journées de la ville de Loxa , & le ſeconde
de vingt- fix , aſſez diſtantes l'une de l'autre , &
toutes deux fort nombreuſes. Il comprit qu'ils
avoient connoiſſance d'un Dieu ſous le nom de
Cumbanama , & qu'ils étoient idolatres ; car
ayant formé en cire la figure d'un monſtre armé
d'un bouclier , qu'ils appelloient Ayumba-
Cumbanama , tous les ſauvages, grands & petits
vinrent labaiſer avec reſpect. Il apprit que les
Sauvages parmi leſquels il étoit , avoient jadis
habité entre les deux nations des Yunguanzas &
des Bombugzas , d'où ils avoient été chaſſés à
force de perfécutions & de pertes d'hommes ;
que ces deux nations étoientgouvernées par un
certain nombre de Capitaines qui avoient le titre
de Ayumbas , & qui avoient tous deux femmes ;
que lanationdesYunguazas étoit très- fiere & très
( 70 )
beliqueuſe; enfin il prit une juſte idée des ti
vieres qui ſéparent l'une & l'autre nation ,
comme auſſi des couchées & autres circonstances
locales , qu'il fut arracher des Sauvages à force
d'induſtrie & de patience.
Onobſervera ici un trait de vivacité d'un des
Indiens ſoumis que nous connoiſſions déja ſous
le nom de Manue. Fatigué un ſoir de répondre
aux queſtions redoublées que lui faiſoit le Commandant
Corrégidor, il obſerva le ſoin avec lequel
Don Juan de Vivanco prenoit note de tout
par écrit ; s'interrompant alors , il examina ſoi
gneusementcomment on écrivoit , commença à
fon tour à nous faire des queſtions ſur ces objets
nouveaux pour lui , & ayant appris les noms de
chaque choſe , il nous contrefit avec beaucoup de
gaieté, & mouillant ſon doigt à la bouche , fit
femblant de les écrire ſur ſon bouclier qui nous
ſervoit alors de table.
Le Corrégidor s'étant afſuré qu'il n'y avoit
pointd'autres Indiens Sauvages ſur les bords des
rivieres de Zamora & de Bombuhra juſqu'à
l'endroit où elles ceſſent d'être navigables , &
conſidérant que les deux nations des Yunguanzas
& des Bombugzas étoient trop éloignées pour
prendre ſur lui d'aller les reconnoître , réſolut de
ſe retirer & de revenir àLoxа,
Nous comptâmes environ 95 Sauvages dans
la grande maiſon où nous ſéjournâmes , & il
eſt vraiſemblable que la peuplade n'eſt compoſée
que d'une centaine d'hommes environ. Le
Curé de Zamora & le Docteur Torrez en avoient
déja baptiſé trente- cinq juſqu'à la date de notre
départ. Le Commandant a emmené trois deces
Sauvages qui l'ont ſuivi volontairement.
( 71 )
GRANDE - BRETAGNE,
De. Londres , le 28 Août.
Les Conſeils font toujours auſſi fréquens
que les courriers qui arrivent de Hollande.
Riende certain ne tranſpire touchant les réfolutions
du Cabinet. Elles n'en donment
pas moins lieu à une foule de paragraphes ,
d'aſſertions , de commentaires qui remplifſent
nos Feuilles publiques , & tous également
indignes d être rapportés. M. Grenville
eſt de retour , depuis la ſema ne derniere. Nos
papiers le fontporteurd'un plan d'accommodement,
dont ils ont même imprimé les
articles , de leur invention. Il paroît que M.
Grenville eſt venu rapporter & prendre de
nouvelles inſtructions ; car , dit- on , il repartira
pour Nimégue dans dix à douze
jours.
On n'apprend pas qu'on ait augmenté à
Portsmouth le nombre des vaiſſeaux en armement.
La frégate le Boreas , de 28 can.
yeſt arrivée des Ifles, & doit être déſarmée
dans la Tamiſe. On attend à Portsmouth
deux frégates Napolitaines , commandées
par le Chevalier Fortiguerri , & qui ont à
bord un beau ſervice de porcelaine , dans la
forme des vaſes Etruſques , dont le Roi de
Naples fait préſent à S. M. B. Le Zealous ,
de 74 can. , dernierement lancé à Chatam ,
( 72 )
3
eſt deſcendu à Sherneff, par ordre de l'Amirauté.
Le Swiftfure , auſſi de 74 can. , lancé de
puis peu à Rotherhite , & mis en ordinaire
à Woolwich , a reçu ordre également de ſe
rendre à Portſmouth , pour y être mis en
commiflion. Le floop le Race - Horse , de
16 can . , a pris des vivres pour fix mois , &
va mettre en mer. On équippe divers vaifſeaux
de guerre, qui formerontune eſcadre
pour les Indes Orientales , ſous les ordres
du Commodore Chevalier C. Douglas.
:
S. M. reçut , il ya quelques jours , une
lettred'unparticulier , quiſedéclaroltenhammédelapaſſion
laplus violente pour la PrincefleRoyale,&
qui lademandoiten mariage ,
dans l'eſpoir que cette union ſeroit parfaitement
heureuse. Le lendemain , ce particulier
ſe préſenta à S. James , & demanda d'être
introduit; on ne lui répondit pas : il prit ce
filence pour un conſentement. Dans cette
illufon , il parut Jeudi dernier à Kew , où
il a été arrêté , & conduit devant le Magiftrat.
Le Chevalier Sampson Wight , qui l'a
interrogé , l'a déclaré lunatique , mais réellement
fou par amour. Son nom eſt Stone.
Le 22 , les Directeurs de la Compagnie
des Indes ont tenu une Aſſemblée extraordinaire
, pour prendre en conſidération la
conduite
( 73 )
conduite da Capiraine & des Officiers du
Hartwell , qui s'eſt perdu à l'ifle Bonavitla .
Après une information de quelques heures ,
Ja Cour a réíolu de renvoyer le Capitaine &le
Lieutenant de ce vaiſſeau , & defufpendre du
Service le 2° . Lieutenant.
Les Directeurs ont auſſi fretté leBrigantin
le Lark , du port de 120 tonneaux , commandé
par le Capitaine Nadham , pour l'envoyer
fur le chanis au ſecours de cette partie
de l'équipage du Hartwell ,'qui eſt restée
à Bonavitta. M. Braithwaite& fon fils s'embarqueront
fur ce bâtiment avec tous les
apparaux néceſſaires pour plonger & pour
repêcher le numéraire & les autres objets de
la cargaiſon que l'on pourra ſauver. Les
Lords de l'Amirauté ont permis au floop de
S. M. , le Bulldog, Capitaine Fancourt, d'ac--
compagner le Lark dans cette expédition.
Il n'y a jamais eu ici , depuis la paix , une
aufli grande abondance de Ruméraire. Les
Banquiers cherchent par-tout du papier , &
ſi cela continue , comme il y a lieu de le
croire , on elcomptera au taux de 4 à 4 &
demi pour cent par an.
Les récoltes font en général très belles.
Aux dernieres pluies l'orge & l'avoine ſe
font améliorés ; les bleds ont pen fouffert ,
&les turneps font vigoureux. La moifon
eſt par tout à peu près achevée. En beaucoup
d'endroits , l'orge a mûri auſſi tôt que
le froment.
N°. 36 , 8 Septembre 1787 .
d
( 74 )
LeGazeteervient de rapporte l'épitophe
ſuivante , qui fut inférée dans cette Feuille
de l'Oppoſition , loriqu'on travailloit au
monunient élevé dans Westminster , à la
mémoire du feu Comte de Chatam .
Ci gît le corps
de William Pitt , Comte de Chatam ,
Miniftre éloquent & grand Politique ,
que le Roi n'employa ni ne confulta jamais,
& que le Roi avoit réſolu de ne jamais
employer ni confulter ;
Senateurinftruit & éclairé ,
dont l'eloque de étoit auili
mâle que per uafive.
Le Parlement n'écoutoit les opinions &
fes avis
qu'avec la plus injuſte împarience ,
& traitoit fes arguments du plus louverain
4
mépris.
Te's firent envers lui
les ſentiments & la conduite du Roi & du
Sénar.
Pour perpétuer la mémoire
deſes talents & de leur ſageſſe ,
ce méme Roi & ce même Sénat lui ont
érigé ce monument.
Un Indien en ayant tué un autre , le frere du
défunt alla trouver le meurtrier. Il apperçoit
dans la cabane une femme & des enfans , &lvi
demande à qui ils font ? Le meurtrier lui apprend
qu'ils font à lui. L'Indien lui dit alors que puifque
fes enfans étoient encore trop jounes pour
afurer leur propre exifience & celle de four
-
mere , il différeroir fa vengeance& les quitta.
Les deux Indiens qui étoient de la méme tribu ,
vécurent en bonne inteligence depois ce moment;
maisle fils du meurtrier ayant un jour
tué un cerfà la chaſſe , PIndien alla trouver le
pere& lui déclara que le reins de fatisfaire les
mânes de fon frete étoit venu , & que puiſque
ſon fils avoit tué un cerf, il étoit en érie de
foutenir ſa famille. Le meurtrier le remertiadu
délai qu'il lui avoit accordé jusqu'alors , & dit
qu'il étoit prêt à mourir. Sa femme & fes enfans
témoignerent leur déſeſpoir par leurs Con
glots & leurs cris. Il leur reprocha leur foible!le,
celle de ſon fils : « avez vous répandu des lar-
>> mes , lui dit-il , quand vous avez tué le
>> cerf ? Si vous l'avez vu mourir d'un oeiltec ,
»pourquoin'en faites-vous pas de même envers
» moi , qui ſuis réſigné à ſouffrir la peine à la-
>> quelle les coutumes de notre nation me condamnent
» ? En achevant cesmots 1 fit figne
àl'offenſé de le frapper , & mourut fans pouiler
le moinire foupir.
Miſtriſs Kerr eſt morte derniérement à
Akeld , dans le Comté de Northumberland
, âgée de 11 ans. Elle a conſervé jufqu'à
la mort l'ulage de tous ſes ſens.
On vient de rendre compte à la Société
Royale d'un phénomène très- extraordinaire,
qui paroît conftaté. Une Négreſſe , née en
Virginie , faiſant l'office de cuiſiniere , acrue'
lement âgée d'environ 40 ans , jouiſſant
dela meilleure ſanté &de la conſtiturion la
plus robuſte , étoir d'une couleur auſſi foncée
que celle des plus beaux noirs d'Afrique ; il
yaenviron r-sans qu'elle obſerva , pour la
dz
( 76 )
première fois , que ſa peau , à la racine des
ongles , devenoit blanche; fa bouche épro
va bientôt le même changement de co aleur,
qui s'étendit enſuite graduellement fur tout
le corps. Dans fon etat actuel , environ les
quatre cinquièmes de ſon individu font
blancs , unis , & tranſparens comme chez les
Européens , & montrent même les ramifications
des veines ; les parties qui font encore
noires , perdent journellement cette
teinte , & participent en quelque façon à la
couleur dominante. On croit que dans
quelques années la transformation fera complette.
Le col & le dos , le long des vertebres
, font les parties qui ont le plus conſervé
leur couleur primitive. La tête , le
viſage,le fein, le giron , les bras , les jambes
, les cuifies , font preſque totalement
blanches. Les aiſſelles ſont bigarrées ; la
peau , dans les endroits où elle eſt b'anche,
eſt couverte de poils blancs , & dans
les endroits où elle eſt noire , porte des poils
de même couleur. Enfin , toutes les fois que
les paffions , telles que la colère ou la hone
l'ont agirée , elle rougit de même que les
blancs , & lorſqu'en exerçant fon emploi ,
elle reſte trop long-temps au feu, ſa peau le
tache également par l'activité de la chaleur.
FRANCE.
De Versailles , le 2 Septembre .
M. l'Archevêque de Toulouſe , Chef du
( 77 )
Confeil-Royaldes Finances &Miniſtre d'Etat
, que le Roi a nommé fon principal Mi-
-niſtre, a eu , le 27 , l'honneur de faire , en
cette qualité, ſes remerciemens àSa Majefté.
Il a auffi eu celui de faire ſes révérences à la
Reme & à la Famille Royale.
Lears Majestés , & la Famille Royale ,
ont figné , le 26 , le contrat de mariage du
Vicomte de Bourzac , avec demoiselle de
Courcy.
De Paris , les Septembre.
Arrêt du Conſeil d'Erar du Roi , du 12
Août 1787 , concernant les Contre ſeings
&Franchiſes des Lettres .
Le Roi étant dans la ferme réſolution ,
comme il l'a annoncé , de porter ſur chaque
partiede la recette & de la dépente , les retranchemens
& bonifications , au plus haut point
qu'il eſt poſſible d'atteindre , Sa Majefté s'eft
fait repréſenter l'état des contre ſeings & des
franchiſes de Ports de Lettres & Paquets qui
avoient été accordés par Eile ou ſes prédécefleurs;
& ayant conſidéré qu'il y en avoit
pluſieurs que le ſervice Public , ſeule meſure
équitable de cette eſpece d'exemption , n'exigeoit
pas , Elle s'est déterminée à les ref
treindre ».
>>C'eſt avec peine que Sa Majeſté retire à des
perſonnes , qu'Elle honore de ſa bienveillance ,
une faveur dont elles ont joui , mais il n'en
eſt aucune qui fe permette des regrets, quand
elle faura que la Reine & l.s Princes freres
du Roi ont été les premiers à renoncer à leurs
d 3.
( 78 )
contre-feings , & que les facrifices particuliers
preſcrius par ce Réglement , & qui font peu
ſenſibles à ceux qui les éprouvent , produiront
par leur réunion , une augmentation de
plus d'un million 2 .
A quoi voulant pourvoir, vu la foumiffion
faite le 15 juillet dernier par les Fermiers des
Poftes , d'augmenter de douze cens mille liv. le
prix annuel de leur bail , pendant la durée
d'icelui , aux conditions portées en leerdite
Leumition : & c. » .
Les Réglemens de S. M. pour la format'on
& la compofition des Affemblées , qui
auront lieu dans les Généralités de Caën ,
de Rouen & d'Alençon , font diviſées en
Affemblées municipales , de département .
& provinciale. L'Aſſemblée provinciale de
Rouen a dû s'ouvrir le 18 du mois paflé , &
celle d'Alençon , le 25. L'Adm niftration
de la Généralité de Caen eft diviſée en une
Aſſemblée municipale ,. une d'Election ,
une Provinciale. Celle -ci a dû s'ouvrir le
20 d'Août. is
&
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 14
Juillet 1787 , qui déclare le ſieur Cagliosto
non recevable & mal-fondé dans toutes les demandes
, tant contre le ſicur Delunay , que
contre le Commiſſaire Chenon, fils . :
Et ordonne que le Mémoire imprimé , com .
mençant par ces mois: Déclaré innocent , fri
fant par ceux ceux- ci : de vos fuperler citus
& figné Thilorier & Gervais , fera & demurera
Supprimé comme injurieus & calomnieux.
>> L'Affemblee Provinciale de l'ifle de
>>>France s'est tenus pour la premiere fois à
1 .
( 79 )
>>Me'un , le 11 de ce mois. Elle étoit com-
>>pofés de M. le Duc du Châtelet , Préfi-
>>dent , &des vingt-trois perſonnes nom-
>>>mées par le Roi , ſavoir fix parmi les Ec-
>>>c'éſiaſtiques , cinq parmi les Seigneus
>>>Laïcs , & douze pour la repréſentation
>> du Tiers Etar.
Le 16 , on a procédé, à l'élection de 24
>> perſonnes , pour former le nombre de 48 ,
>>dont eſt composée l'Aſſemblée Provin-
>>ciale.
>> Le 17 , l'Aſſemblée a nommé Syndic
du Clergé & de la Nobleſſe M. le Mar-
>>quis de Crillon; Syndic du Tiers Erar
>>M. Dailly, ancien Premier Commis des
>>Finances ; & Greffier, M. Lefèvre , ancien
>>Secrétaire de l'Intendance.
On a fixé au 13 Octobre pochain louverture
des Aflemblées de désain ment ,
» & au 17 Novenibre cele de Paſſemblés
>>provinciale.
Le 18 , ont été nommées pour chaque
>>Affemblée de département , les douze
>>perſonnes qui doivent commencer ces
>>Affemblées, & fe completter enfuite an
>> nombre de 24.
>> La Commiflion intermédiaire , réfi -
>>dante à Paris , eſt compoſée des deux.
>>Syndics , & en outre de MM, l'Abbé de
>>Tilly, Chanoine de Paris ; le Marquis de
Bethisy ; de le Noue , ancien deutenant-
4
( 80 )
>> g'né'al de Meaux ; & Hennin , Procureur
> du Roi de Verfailles .
On écrit de Flandres que les récoltes y
font parfaitement belles. Les foins , les b'és ,
les lins, les colſa's ſont abondans & bien
nourris ; les tabacs & les grans d'automne
s'annoncenttrès favorablement.
Le Journal de Saintonge , qu'il faut dißinguer
de la plupart des Feuilles de ce genre ,
&qui eſt rédigé par un Homme de lettres ,
digne de l'eſtime de ſes lecteurs , vient de
publier les deux événemens ſuivans.
Un Caporal du régiment d'Agèncis, vétéram,
ayant été condamné à recevoir so coups
de plat de- fabre , & à être dépouillé publiquementde
ſes galons , pour avoir été au cabaret
avec un fimple ſoldat , & s'être , ( diton ) ,
permis quelques murmures en parlant à un
Sergent , s'eft tellement affecté de cette flécriffure
, fi cruelle pour un brave Militaire , qu'il
a cherché à pluſieurs repriſes à ſe détruire ,
dans la prifon même où les moyens lui ont manqué
, le Mercredi , premier du mois , lorſqu'on
le conduifoit au fupplice,l'idée de l'opprobre
qu'il ne pouvoit éviter a égaré cet infortuné ,
il a feint , en paffant ſur le pont , quelques beſoins
pour tromper la vigilance de ſes gardes ,
s'eſt précipité dans la Charente , auprès de
l'arc dédié à Germani us César , & eſt ton bé
fur la poitrine qui a été violeminent meurtrie
par des pierres , l'eau n'ayant qu'un pied &
demi de hauteur en cet endroit . L'amour de
lavie, fi naturel à tous les étres animés , & qui
ſe développe avec plus d''nergie encore dans
Pinfant prochain de la mort, a parlé avec force
:
( 81 )
- à fon ame abattue, il s'eſt traîné ſur une petine
ifle où la garde l'a été chercher , & la conduit
à l'hôpital de la charité; il eſt preſqu'entiérement
rétabli aujourdhui; un Religieux de
cet hopital , auffi recommandable par la capacité
que par fes qualités perſonnelles ,, aobtenu ,
la révocation de la peine infamante ; il étoit
à craindre que le vétéran n'attentat une autre
fois à ſes jours, & la vie d'un ſeul homme eſt,
fi précieuſe pour la ſociété , qu'on doit des
remerciemens & un hommage public à l'efti
mable philantrope qui a cherché à la conſerver.
Nous ne ferons aucunes réflexions fur cet évenement
: il ne nous appartient pas d'accuſer :
de rigueur un Jugement Militaire , parce que :
nous ne connoiffons pas le code des Guerriers ,
&qu'on doit penſer , pour l'honneur des chefs ,
qu'ils n'ont eu en vue , en le prononçant , que
le maintien de la diſcipline ».
>> Nous allons ramener la ſenſibilité de nos
Lecteurs , douloureuſement affectée par le ſpectacle
d'un ſuicide , ſur une ſcene bien oppoſée,
& qui fera naître en leur ame la douce
émotiond'un ſentiment paiſible.
&Pluſieurs enfans ſe baignoient , le 5 du mois ,
au lieu de la Charente , appellé Petit-Saint-
Jean ; un d'eux , ne fachant pas nager , tombe
dans un trou , un autre étant accouru pourle
ſecourir , eſt ſaiſi par le malheureux qui ſe
noyoit , alors un troiſieme âgé de 13 ans , fils
du nommé Chaffenil , tonnelier de cette Ville ,
ſe jette à l'eau tout habillé ; les herbes aquatiques
, ( très-longues & très- épaiſſes dans la
Charente) , & les efforts des deux enfans qui
cherchoient à l'accrocher n'arrêterent pas fon
courage, il les repouſſe bruſquement , reviens
4
ds
:
( 82 ))
fur l'eau pour reprendre haleine , & plongeant
une feconde fois avec intrépidité , it les retire
tous les deux en même teraps...
» Cette action , capable de toucher la fenfi
bilité & d'exciter la bienfaiſance qui en a récompensé
de moins éclatantes , prouve que l'amour
de l'humanité commande à tous les âges ,
quand on ea fait pour le fentir, & que la
vertu n'eſt étrangere à aucune condition.
L'année derniere nous rendines compte
du ſuccès de l'entrepriſe périlleuſe du Docteur
Pacard, & du guide Jacques Balmat ,
tous deux habitans de la vallée de Chamouni
, dans le Haut- Faucigny , pour arriver
à la cîme du Mont Blanc , préfumée
inacceffible. Antérieurement, Al. de Sauffure
avoit fait la même tentative infructueuſement
, & il en a rendu compte dans
le ſecond volume de ſes voyages. Les Juillet
de cetre année, l'intrépigs Balmat eft
remonté à la cime du Mont Blanc , avec
deux autres guides ; &un mois après ,M.
de Sauſſure lui même a effectué certe te rible
eſcalade. Voici la relation que ce Phyficien
vient de publier; elle est intéreſſante
pour les ſimples curieux , comme pour les
Naturaliſtes.
Je me mis en marche de Geneve , le premier
Août , accompagné d'un domestique & de dixhuit
Guides , qui portoient mes inftrumens da
Phyoque & tout l'attirail dont j'avois beſoin.
Mon fils aîné reſta au Prieuré , & fit avec beaucoupde
ſoindes obſervations correſpondantes à
celles que je faifois ſur la cime.
(83 )
Quoiqu'il y ait à peine deux lieues&un quart
en ligne droite du Prieuré de Chamouni à la cime
du Mont-Banc , on y'a toujours mis au
moins 18 heures de marche , parce qu'il ya de
mauvais pas , des détours , &environ 1920 toiſes
àmonter.
Pour être parfaitement libre fur le choix des
lieux où je paſſerois les nuits , je fis porter une
tente,& lepremier ſoir j'allai coucher ſous cette
tente au fommet de la montagne de la côte , qui
oft élevé de 779 toiſes au-deffus du Prieure
cette journéeeſt exempte de peines & de dangers
, on peut aiſément faire la route en 5 ou 6
heures.
La ſeconde journée préſente plusde dificultés,
Il fautd'abordtraverſer le glacier de la core pour
gagner le piedd'une petite chaîne de tous qui
font enclavés dans les neiges du Mont-Blanc .
Ce glacier eſt dificile & dangereux. Il ek enrecoupé
decrevaſſes larges , profondes & irrégulieres
, que ſouvent l'on ne peut franchir que
fur des ponts de neige qui ſont quelquefois très
minces & ſuſpendus fur des abîmes. Un de mes
Guides faillit à y périr. Il étoit allé la veille
avec deux autres pour reconnoître le paſſage:
henreuſement ils avoient eu la précaution de ſe
her les uns aux autres avec des cordes , la neige
ſe rompit ſous lui au milieu d'une large & profonde
crevaffe , & il demeura ſuſpendu entre fos
deux camarades. Nous paſsâmes tout près de
l'ouverture qui s'étoit formée ſous lui ,& je frémis
àla vue du danger qu'il avoit couru . Le paf.
ſage de ceglacier eſt ſi difficile & fi tortueux qu'il
nous fallut trois heures pour aller du haut de la
côtejuſques aux premiers rocsde lachaîne iſolée,
quoiqu'il n'y ait gueres plus d'un quart de lieue
enlignedroite.
d6
( 84 )
Après avoir atteint ces recs , on monte en ferpentant
dans un vallon rempli de neiges , qui va
du nord au ſud juſques au pied de la plus haute
cime. Ces neiges font coupées de loin en loin par
d'énormes & fuperbes crevaſſes. Leur coupe vive
&nette montre les neiges diſpoſées par couches
horizontales , & chacune de ces couches correfpond
à une année. Quelle que ſoit la largeur de
ces crevaſſes , on ne peut nulle past en découvrir
le fond.
Mes Guides défiroient que nous paſſaffions la
nuit auprès de quelqu'un des rocs que l'on rencontre
ſur cette route ; mais comme les plus élevés
ſont encore de6 ou 700 toiſes plus bas que
la cime , je voulois m'élever davantage. Pour
cela il falloit aller camper au milien des neiges
&c'eſt à quoi j'eus beaucoup de peine à déterminer
mes compagnons de voyage. Ils s'imaginoient
que pendant la nuit il regnedans ces bautes
neiges un froid abfolument inſupportable , &
ils craignoient ſérieuſement d'y périr. Je leur
dis enfin que pour moi j'étois déterminé à y aller
avec ceux d'entr'eux dont j'étois fur; que nous
creuferions profondément dans la neige; qu'on
couvriroit cette excavation avec la toile de
la tente; que nous nous y renfermerions tous
enſemble , & qu'aini nous ne ſouffririons point
du froid , quelque rigoureux qu'il pût être.
Cet arrangement les raſſura , & nous allames
en avant.
Aquatre heures du ſoir nous atteignîmes le
ſecond des trois grands plateaux de neiges que
nous avions à traverſer. C'eſt-là que nous campâmes
à 1455 toiſes au-deſſus du Prieuré , & à
1995 au-deſlus de la mer; 90toiſes plus haut que
JacimeduPicdeTénériffe. Nous n'allames pas :
jufqu'au dernierplateau , parce qu'on ycit expos

( 85 )
ſe auxavalanches. Lepremier plateau par lequel
nou venions de paſſer n'en eſt pas non plus
exempt. Nous avions traverſé deuxde cesavalan.
ches tombées depuis le dernier voyage de Balmat,
&dont les débris couvroient la vallée dans
toute fa largeur.
Mes Guides ſe mirent d'abord à excaver la
place dans laquelle nous devions paſſer la nuit ;
mais ils ſentirent bien vite l'effetde la rareté de
l'air ( le baromètre n'étoit qu'a 17 pouces 10 lignes
) . Ces hommes robuſtes , pour qui fept!
ou huitheures de marche que nous venions de
faire ne font abſolument rien , n'avoient pas ſoulevé
cinq ou fix pelléesde neige qu'ils ſe trouvoientdans
l'impoſſibilité de continuer ; il falloit
qu'ils ſe relayaſſent d'un moment à l'autre . L'un
d'eux , qui étoit retourné en arriere pour prendre
dans un baril de l'eau que nous avions vue
dans une crevaſſe , ſe trouva mal en y allant ,revint
fans eau&paffa la ſoirée dans les angoiſſes
lesplus pénibles. Moi même qui ſuis fi accoutumé
à l'air des montagnes, que je me porte mieux
dans cet airque dans celui de la plaine, j'étois
épuisé de fatigues , en obfervant mes inftrumens
de météorologie. Ce mal - aife nous
donnoit une foif ardente & nous ne pouvions
nous procurer de l'eau qu'en faiſant fondre
de la neige; car l'eau que nous avions vue en
montant ſe trouva gelée quand on voulut y retourner
,& le petit réchaud à charbon que j'avois
fait porter ſervoit bien lentement vingt perfonnes
altérées.
,
Du milieu de ce plateau , renfermé entre la
derniere cime du Mont-Blanc , ſes hauts gradins
à l'eſt & le dôme du Goûté à l'oueſt , on ne voit
preſque que des neiges , elles ſont pures , d'un e
blancheur éblouiſſante,& furles hautes elles fors
( 86 )
ment le plus fingulier contraſte avec le ciel pretque
noirde ces hautes régions. On ne voicun
etre vivant , aucune apparence de végétation
; c'eſt le féjour du froid & du filence. I orf-,
quejeme repréſentois le Docteur Paccard& Jacques
Balmat , arrivant les premiers , au déclin
du jour , dans ces déſeres , fans abri , fans fecours
, fans ſavoir où ils paſſeroient la nuit , ſans
avoir même la certitude que les hommes puifent
vivre dans les lieux cù ils prétendoient alter , &
pourſuivant cependanttoujours intrépidementleur
carriere , j'admirois leur force d'eſprit & leur
courage. :
MesGuides , toujours préoccupés de lacrainte
du froid, fermerent fi exactement tous les jours
de la teme , que je fouffrois beaucoup de la chaleur
& de l'air corrompu par notre reſpiration .
Je fus obligé de fortir dans la nuit pour reſpirer.
La lune trilloit du plus grand éclat au milieu.
d'un ciel d'un noir d'ébène. Jupiter ſortoit tous
rayonnant aufli de lumiere de derriere la plus
haute cime à l'est du Mont-Blanc , & la lumiere
réverbérée par tout ce baffin de neiges étoit ſi
éblouiflante, qu'on ne pouvoit diftinguer que les
étoiles de la premiere & de la ſeconde grandeura
Nous commencions enfin à nous endormir, lorfque
nous fùmes réveillés par le bruit d'une gran ie
avalanche qui couvrit une partie de lapente, que
nons devions gravir le lendemain.A la pointe du
jour le thermometra étoit àtroisdegrés au deſſous
de la congellation.
La Suite à l'Ordinaire prochain.
Jacques Conway, Conite de Conway ,
Chevalier de Saint- Louis , ancien Colonel
au ſervice de France , Chef de la branche
de ſa Maiſon , établie en France , eſt mort
( 87 )
àParis, le 9 du mois dernier, dans la 9 : 0
année de ſon âge .
Très Lante& très- puiſſante dame,Marie-
Rense d'eſtier , veuve de M. Jofeph Hyacinthe
de l'ange , Chevalier , Baron de
l'Ange,dela province de Nivernois , &c.
et décétée en fon hôtel , à Pons en saintonge,
le 14 Août 1787.
Les Payeurs des Rentes, 6premiers mois
de 1787 , font à la Lettre C..
Les Numéros fotis au Trage de la
Loterie Royale de France, let de ce mois,
font : 12 , 15,32,25 & 77.
1
PAYS- AS
De Bruxelles, le 2 Septembre.
Le 21 du mo's dernier , le Courrier de
Cabinet Strens eit a rivé en certe Capitale ,
avec des dépêches au Gouverneur général ,
& une copie adreſſée aux Era's Brabant ,
des intentions déclarées de S, M, L, au jet
des affaires de nos Provinces . Les Erats onr
auflrêt mandé leurs Membres abfens ,
ont en deux heures d'an ience an Gouvernement.
On parle encore d'une maniere
affez vague des réſolutions de l'Empe eur.
S. M. , dit- on , réitéfe l'afflurance qu'il n'a
jamais fongé à établir dans les Pays Bas ni
la conſcription militaire , ni un impõe de
40 pr. 100 fur le revenu territorial. En
effet ces deux projets n'ont exifté que dans
les libelles incendiaires , où l'on a eu la
hardieſſe de ſuppoſer ces deux nouveautés ,
( 88 )
comme conftatées par les papiers fa'lis
chez des Capitaines de Cercles . S. M. ,.
à ce qu'on ajoute , ſupprime ces Capitaines
de Cercles & ceux de premere instance , &
entend que les choſes ſoient remiſes au même
état qu'elles étoient au 1 Avril dernier.
En conféquence , les ſubſides doivent être
payés , les ſuppreſſions de Couvens , de
Confrairies , &c. confirmées , les établiſſemens
, tels que le Séminaire général de Lou
van & autres , maintenus , la nomination
des Abbaies faite par LL. AA. RR. aux
inſtances des Etats , révoquée.
Ces articles préliminaires exécutés , MM.
de Trautmansdorf& de Cobentzel ſe rendront
ici pour concerter avec les Etats la
réforme des abus dans l'adminiſtration de
laJuſtice. Si ce plan eſt authentique , celles
des réformes qui , ſuivant les Conſtitutions
nationales , exigent le conſentement des
Etars , s'opéreroient avec cette formalité ;"
&les autres changemens dont la décifion
ſemble appartenir excluſivement au Souverain,
auroient leur plein effet , fans ulté
rieure difcuffion.
Ce font là , dit-on, les dernieres vo'ontés
de l'Empereur. La fermeté de ſa réponſe à
nos Députés , qu'on a lue à l'art. de Vienne,
fortifie cette conjecture. Dans peu dejours
ce milieu conciliatoire ſera mieux déve-
Jopoé.
Le même courrier , chargé de ces dé
:
( 89 )
pêches décifives , a porté au Gouverneur
général in Reſcrit Impérial du 14 Acûr,
qui ordonne de mettre ſur le pied de guerre
tous les Régimens cantonnés dans les Pays-
Bas , & d'en completter les toiſiemes batailons.
Les Dragons , les Grenadiers ont
reçu l'avis de ſe tenir prêts à marcher , &
de ne pas fortir de leurs caſernes; les Officiers
des deux camps ont les mêmes ordres.
L'artillerie des Régimens eſt arrivée le 22 ,
& a été auſſitôt diſtribuée aux bataillons
reſpectifs . L'Empereur , en accordant aux
troupes de ces Provinces la gratification de
guerre , charge le Général Murray , de leur
témoigner ſa parfaite fatisfaction de leur
zele& de leur fidélité, malgré toutes les
colomnies , par leſquelles on a tâché de les
compromettre auprès de lui.
Le 18 , on apprit à la Haye , que les
Corps- Francs , poſtés près de Woerden , au
nombre de 8 à 900 , avoient levé leur camp:
avec art llerie & bagages , & qu'ils avoient
paſſé la nuit à Vorſchooten , à une très-petite
diſtance de la Haye. Cette appa ition
fubite répandit l'allarme; & fur les ordres
du Comtede Waffenaër- Starrenburg , Préſidentdes
Committeer de Raaden , ( College
desConfeiilers-Députés ) (1) , des détachemens
de la garniſon ſe porterent aux avenuesde
la Haye ; on renforça de 80 hon:-
(1 ) Ce Conſeil - Comité eſt le Sénat ou Corps exécutif
des Erais, & lesrepréſente , lorſqu'ils ne fiégent pas,
( 90 )
mes la garde ordinaire de la maison du Bois ,
appartenante au Sathouder , & les pottes
dans la ville même furent augmentés. M. de
Waffenaër ayant convoqué pour le 20 les
Etats qui ne devoient s'aſſembler que le 22 ,
onydifputa fur les meſures prites & fur fa
marche des Bourgeois armés Sciffion d'avis
fir ces deux points , comme ſur tous les
autres ; enfin , à la majorité de douze voix
contre celles de l'Ordie Equestr: & de fix
Villes , les mouvemens du Corps Franc turent
appronvés , & des preva arifs militai
res contre leur approche , déc'arés inutiles.
En conféquence,les divers poftes campés
hors de la Haye out été levés. Ce n'eſt pas
en effet à cette Réſidence même qu'en vou-
Joient les Bourgeois armés. Ils fe fontpréſentés
aux portes de Delft , ville dévouée au
Stadhouden; les habitans patriotes qui s'y
trouvent , ont profité de la circonstance; &
àmain armée , ont caffé onze Régens qui
décidoient la pluralité. En même temps , le
Corps Franc s'eſt emparé de l'arſenal & du
magaſin de la Généralité. Chemin faifant ,
il a défarmé tous les Partiſans Orange , à
Overſchie , Verſchooten , &c. &c. faiſi leurs
papiers , & fermé leur lieu d'aſſemblée . On
prétendoit qu'après cette expédition , ils en
tente olent une ſeconde ſur la Brille , berceau
de la République , & ville fortifice ;
mais comme elle eſt gardée par le Régiment
Suiffe de Sturler, onpréſume que la
( 91 )
Régence feroit moins traitable que cellede
Delft.
La minorité des Etats de Friſe ayant arrêté
le 26 Juillet, contre les reſolutions de
la Province , une proreſtation , où ils inculpent
es Eta's fans détour & fans mefure,
le quartier de Zeeven Wouden , un des
quare qui votent à l'Affemblée provinciale ,
& le plus démocratique de tous , a voré
pour faire fortir fur le champ de l'Aflemblée
les auteurs de la proteſtation , & il a été
arrêté de les pourſuivre criminellement. Le
même jour , les Erats ont défendu aux
Bourgeoifies armées rout exercice militaire.
La partie des Etats d'Utrecht fiégeant
àAmersfoort , ont déclaré qu'ils accepteroient
la médiation de la France , avec celle
des Cours de Londres , de Vienne & Berlin ,
lo ſque les Dépités de la ville d'Utrecht
adniis aux Etats Généraux en feroient expulés.
LaGuelire a auf accepté cere médiation
, pourvu qu'elle eût lieu concurremment
avec celles de l'Angleterre & de la
Pruffe.
Les Etats de Hollande も ont fignifié à
L. H. P. qu ils ne contribaeroient plus qu'at
paiementdes ſeules troupes , à leur répartition
, qui leur font reftées fideles. Is tâ
chent de remplacer les Oficiers qui les ont
abandonnés , & en caffent journellement.
Le Prince de Heffe- Philipstadt, Colonel
d'un très beau régiment de Cavalerie , vient
de fubir cette deſtinée. Un des.Roargue
( 92 )
$
meſtres de Leyde , Membre du Confeil-
Comité, eft auffi congéd.é.
220 Députés des Corps- Francs & Socié
tés patriotiques de la Province de Hollande.
ſe font affemblés à Amſterdam , le 24 du
mois dernier. Le Gazetier d'Amſterdam
prétend que leurs importantes résolutions
mettrontfin aux troubles de la République.
Malgré les bruits répandus ſur de prétendus
contr'ordres , dornés à l'armée Pruf-
Genne & aux Directeurs des approvifionnemens
, cette armée eſt arrivée fucceffivement
dans le Duché de Cleves , où environ
30 mille hommes fe trouvent réunis
en ce moment. Voici l'érat de répartition
actuelle de la plus grande partie des Régimens
, non compris les bataillons de garnifon.
4
A Wesel , 3 bataillons d'Eichman , 3 de Gaudi
, 2 d'Eckartsberg , une divifion d'artillerie :
àGenderich & wallach , une compagnie d'antilles
rie ; à Hisfeld , wafam , Hamborn , Dieflaken ,
Benk, Sterkrath , Holten & Méderich , 5 efcadrons
du Régimem de Rolir ; à Gortersnaherhim,
Spellsn , Voyde , Dalen , Bruhl , Hinx & Trudenlurg
, 5 eſcadrons de Kalkreuth ; à Rées , 2 ba
taillons de Budberg ; àXanten , a bataillons de
Knobelſdorf; à Sirsdec , un bataillon deGrenadiers
de Knobelſdorf; à Emmerich , 3 bataillons
de Waldek , & 1 bataillon de Grenadiers de Budberg
; Sevenaw , I bataillon de Langlois ; à
Knethausen , 2 compagnies de Chaſſeurs à pied ;
àHaffen , Mehr , Haldern , wefterdrac & Mittingen,
seſcadronsde Lottum; à Hueth , Offenberg ,
Bienen , Præft , Dornik & Fraffeil , 3 cicatrons
( 93 )
d'Eben ; à Husberden & Warbeyen , 2 eſcadrons
d'Eben ; à Limers , Gouffen, D. ven , Loo & Wehl,
5 eſcadrons de Goltz ; à Kalkar , 1 bataillon de
Marvitz; à Udem, 1 bataillon de Marvitz ; àGoch,
le ze. batallon de ce Régiment & r bataillon
d'Ekartsberg ; à Cleves , I bataillon de Benouard.
S. E. le Baron de Heinitz , Miniſtre d'Etat,
de guerre &des finances , ayant le département
des Provinces Prutlinnes en
Westphalie , est arrivé le 22 à Cleves. Le
Colonel de Pfau & l'Ingénieur Major de
Scholen ſe ſont rendus à Nimegue , & de'à
àZeft , dont ils ont été viſiter le camp. Si
les voies amiables ne fuccedent pas incefſamment
aux hoftibt's qui en ce moment
déolent les Provinces Unies , on ne doute
pas que l'armée Pruflienne n'entre fur le
territoire de la Hoilande.

P. S. Les réſolutions de l'Empereur , aujourd'hui
connues , font beaucoup plus févères
que nous ne les avons annoncées fur
lepremier bruir. Elies ſont confignées dans
une lettre de S. M. 1. au Comte de Murray ,
en date du 16 , que nous rapporterens an
Journal fuivant, ainſi que le Mémoire remis
au Prince de Kaunitz par les Députés ; Mémoire
où i's expriment leurs doléances ſur
les intentions du Souvera n.
LeGénéral Murray a fait aſſembler ,le
26 , tous les Officiers des Corps de Volontaires
qui s'éto ent rendus les garans de la
tranquillité publique , & leur a fignifie de
pofer leur uniforme & leurs cocardes , fous
( 94 )
peine de rébellion; ils ſe ſont ſoumis paiftblement
à cet ordre , & ont donné leur démillion
a Magiftrat qui apareillement licentié
fes Volontaires. دل
Le 18 , les Députés , dont le ſéjour à
Vienne naura pas été long , ont eu leur
audience de congé , & font repartis le 22.
On les attendici au premier jour. Les Etats
s'aſſemblent journellement; il ſera intéreſfant
d'apprendre le parti auquel ils ſe ſeront
décidés , dans l'extrénité où desdémarches
qui ont ſembré précipitées les ont conduits.
Autre P. S. Dans l'inftant on apprend
que les Etats ont remis une remontrance au
General Murray , dans laquele ils perfif
tent à refufer les fubfides .
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS, GRAND CHAMERE.
Procès entre François Courier & Marie Durou,
Ja Femme , appellante . & les Herties
de Claude Collor.
PEUT-ON attaquer un teftament , ſous prétexte
que le Notaire instrumentaire eſt parent
de la teßatrice, & de ſa légataire ?
Le 27 Février 1776 , Rarbe Collot , femme
de Nicolas Baffuel , fit ſon teftament , par iequel
elle légua à Marie Durou , ſa niece &
fa filleule , fomme du feur Couturier , ſes
meubles, contrats de conſtitution & autres effets.
( 95 )
Ceteftament fut reçu en préſence de témoins,
p.r Me. Marchand , Noraire , à Clermont en
Argone , & fut ſigné de la teſtarice , des témoins
& du Notaire. La teftatrice s'étant
trouvée veuve en 1778 , & abandonnée de ſes
proches parens , ſe retira chez la femme Corturier
, auprès de laquelle ele trouva tous les
fecours que ſon âge lui rendoient néceſſaires .
Le 16 Mai 1780 , elle fit un codicile, par lequel
elle changea quelques diſpoſitions particulieres
de ſon testament , & confirma au farplus
celles faites au profit de la femme Coururier.
Elle ne ſurvécut pas long-temps
à ce codicile , éant morte au commencement
dumois foivant. Claude Collot ne tarda pas à
attaquer ſon teſtament; il en demanda la nullité,
fur le fondement que le Notaire étoit
Coufin iſſu de germain de la teſtatrice &de la
légataire . Le 22 Août 1785 , Sentence
en la Prévôté de Clermont en Argonne , qui
en ordonne l'exécution . Sur l'appel interjté
par le Sr. Collot , au Bailliage de Clermont ,
feant à Varennes , autre Sentence du 21 Décembre
1782 , qui , en infirmant celle de la
Prévôté , prononce la nullité du teſtament .
Les ſieur & dame Couturier ont à leur tour
interjeté appel de ce dernier Jugement , &
pour en obtenir l'infirmation , ils ont foutenu
qu'il n'y avoit pas d'Ordonnance qui conſtituat
les Noraires dans l'incapacité de recevoir des
actes, pour leurs coufins iffus de germain ; que
cuand il exiſteroit une Loi ſemblable , l'oge
& la poffeffion cù font les Notaires de Ciermont
en Argonne , d'inſtrumenter entre leurs
parens , feroient valider le teftament dont il
s'agit. Les adverſaires foutenoient le fyßé.
me contraire , & citoient l'Ordonnance de
1550 , qui défend aux Notaires d'adinettre au
.
( 96 )
nombre des témoins pour les réſignations des
bénéfices , des gens qui ſeroient parens , & que
cette diſpoſi ion devoit s'appliquer aux teftamens.
Les appellans répondoient qu'elle ne
regardoit que les Notaires Apostoliques , &les
actes faits en matieres bénéficiales , & que
cette exception devoit ſe renfermer dans les
bornes de l'eſpece , pour laquelle elle avoit
été introduite ; que d'ailleurs dans les procurations
ad refignandum , la prohibition ne tomboit
que far des actes , faits par des Notaires
parens au degré de coufin-germain , & que d'
près cela, la procuration reçue par un Notaire,
coufin islu de germain , devoit être vaizbe
, & concluaient que comme il n'exiſtoit
aucune Loi prohibitive qui conftituât les Nota
tes , dans l'incapacité de recevoir des teftamens
, foit de leurs parens , ſoit en faveurde
légataires , leurs parens, on ne pouvoit pas ſe
faire de cette circonstance un moyen , une voie
de nullité , pour faire anéantir le teftament de
la veuve Baſſuel ; enfin aux prétendes fai's
de fuggeſtion & d'extorfion , hafard's par les
incimés, &dont ils demandoient à faire preuve ,
Jes appelans oppoſoient les confidérations les
plus puiffates , tirées de la faveur de ce teſtament;
c'étoit une tante qui diſpoſoit en far
veur de fa niece & de fa filleule; d'une niece
qu'elle avoit aimée , & qui avoit bien méri é
d'elle., de la modicité du legs , & de la pure
té des moti's qui avoient déterminé la teftatrice
à faire cette péralité . Telle a éré la défenſe
des appellans; elle étoit faite pour leuc
procurer un fuccès complet; autii la Cour ,
par fon Arrêt , rendu le 29 Juillet 1785 , en
infirmant la Sentence du Bailliage de Chermont
, a ordonné l'exécution du teftament ,&c.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI IS SEPTEMBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
TRADUCTION de la quatorzième Ode
d'Horace.
0
Onavis referent in mare te novifluctus ?
VAISSEAU tant de fois battu par la tempête ,
Ouvas-tu ? que fais-tu ? Je t'en conjure... Arrête.
Neva point ſur les flors, avec un mat briſé,
Teater encor les Dieux qui t'out favorife. C
N'entends-tu pas crier & gémir tes ante unes ?
Crains les autans. Renonce àdes courſes lointaines,
Demeure dans le port , où la bonté des cieux 3.
Te permet les douceurs d'un repos glorieux.
Il ne te reſte plus ni voiles ni cordage.
Comment prétends-tu ſeul lutter contre l'orage ?
N°. 37 , 15 Septembre 1787 . E
و MERCURE 98
Quelles Divinités du Ciel ou des Enfers
Veillent pour te ſauver de mille écueils couverts ?
Tu fortis , il est vrai , d'une tige divine ;
De la forêt de Pont tutiens ton origine.
Mais le nom des Héros ſur ta pouppe vernis
Tiendra-t'il lieu de rame à tes flancs dégarnis ?
Entendsmesderniers voeux. Ne quitte pointnos radess
Et garde- toi fur- tout du détroit des Cyclades.
(ParM.le Marquis de Ximenès. )
L'ÉPÉE, LA PLUME ET LA ROBE ,
Fable.
L'ÉPÉE unjour ſur ce vaſte Univers
Promenoit ſans pitié ſa pointe enſanglantée,
La Plume , à ſon aſpect juſtement irritée ,
* Arrête , cria -t'elle , inſtrument des enfers !
Pourquoi ta rage meurtrière
• Dévaſte- t'elle ainſi ce monde que j'éclaire ?
Soumis à mes leçons , ſans toi , ſans ta fureur
» Les hommes goûteroient le ſuprême bonheur.
* C'eſt bien à toi , dit l'Épée en colère ,
>> A me parler avec ce ton !
Source d'erreur & de diviſion ,
>> Le noir venin que tu diſtilles
«
» Eſt, plus que moi , funeſte au genre-humain.
-Qui , quand je ſuis dans la main des Zoïles,
DE FRANCE.
99
> Mais j'inſtruis les mortels dont ta perces le ſein
>> Quand c'eſt Homère qui me guide. >>>
Leconflit par degrés devenoit ſérieux ,
Et l'on voyoit l'inſtant où l'Épée incrépide
Alloit couper la plume en deux ,
Quand la Robe à propos vint ſe jeter entre-elles ,
La Robe toujours prête à vuider les querelles.
« Ah ! vous voilà , Madame du Palais !
» Très-humblementje vous ſupplie
• Qu'il vous plaiſe dans ce procès
> Étre notre juge & partie.
» Décidez , ſans beaucoup de frais ,
» Qui de nous trois eſt plus nuiſible à l'homms.
>> Tenez , en vérité , vous méritez la pomme. »
Ace diſcours la Robe s'échauffa ,
On s'étourdit , on chamailla.
Rendue à la railon , la Robe enfin jugea
Que toutes trois étoient les fléaux de la terre.
Et l'on ne peut rien dire à ce jugement- là ,
Sinen que pour la Plume il eſt un peu ſévère.
(Par M. Reymond. )
100 MERCURE
:
COUPLETS AUX FEMMES,
AIR: Tandis que tout fommeille , &c.
EHquei ! l'on vous accuſe
D'être un ſexe trompeur ?
Je ſens bien que mon coeur
De ce tort vous excuſe.
८ .
Dans vos amours ,
Toujours , toujours
Vos erreurs font les nôtres ;
Et fi vos coeurs un peu changeans
Vous dictent de légers fermens ,
Croyez que ceux de vos amans
Sont l'image des vôtres,
FLEURS , vous fouffrez l'hommage
De tous les papillons ;
Zéphyrs , nous nous prêtons
Avotre humeur volage ;
Également
Le tendre Enfant
Atousprête ſes aîles :
De leur plumage officieux
Nous nous ſervons àqui mieux mieux ;
Ainſi vous tromperiez des Dieux....
Et nous.... des immortellos,
DE FRANCE. 101
2
?
:
Le ſage envain murmure
De nos goûts paſſagers;
Si nous fommes légers ,
C'eft la loi de Nature :
Enfans ſosmis
A ſes avis ,
Mépriſons la cenfure ;
Et, ſuivant l'uſage du jour ,
Dans les bocages d'alentour ,
Trompeurs & trompés tour-a-tour ,
Errons à l'aventure .
MAIS pourtant fi la mode
Maîtriſant nos penchans ,
Beaux ſexe,des amans
Vouloit changer le code ,
Écoutez-bien
Le vrai moyen
D'établir la conſtance ;
Dans vos mains l'a remis l'Amour ;
Pour fixer nos coeurs ſans retour ,
Daignez vous montrer , dès cejour ,
Fidèle..... à la défenſe.
( Par M. le Chevalier de N., Offi. au C. R. D. G. )
RÉPONSE.
TES couplets , je l'avoue , ont failli me féduire:
Déjà ja ſouriois à ta coupable erreur ;
Ei
102 MERCURE
L'Amour voit le danger.... Jaloux de ſon empire
Il me préſente Atis , & l'Amour est vainqueur.
Ace Dieu ſeul j'off irai mon hominage ;
Et puiſqu'il faut un coeur léger ,
Chaquejour me verra changer
Mais ce ſera pour aimer davantage.
(Par Mile A. Du ***. )
S
MAKANDAL, Histoire véritable.
L'HISTOIRE des illuftres ſcélérats devroit
être effacée des Annales des Nations, fi les
tableaux du crime ne ſervoient pas à le
rendre plus odieux. Mais les Écrivains qui
ontdaigné employer leur plume à tracer les
forfaits de quelques monftres , n'ont peutêtre
pas été moins utiles au bonheur du
genre-humain , que ceux qui ne nous ont
préſenté que la peinture des vertus.
LeNègre dont je vais raconter la vie , n'a
été ni un Mahomet ni un Cromwel ; mais on
jugera, par ce qu'il a entrepris, de ce qu'il auroit
pu faire s'il s'étoit trouvé dans les mêmes
circonſtances que ces deux fanatiques ambitieux.
On n'a pas befoin , pour faire voir
combien ſes projets étoient horribles & dangereux
, d'ajouter un mot à la vérité. Depuis
environ vingt- cinq ans l'Ifle de Saint Domingue
frémit au nom ſeul de Makandal.
Né en Afrique , dans une de ces contrées
DE FRANCE.
103
qui font adoſſées au mont Atlas, il étoit fans
doute d'un rang affez illuftre dans ſa patrie,
puiſqu'il avoit reçu une éducation bien plus
foignée que celle qu'on donne ordinairement
aux Nègres. Il ſavoit lire & écrire la langue
Arabe ,& ce n'eſt pas le ſeul Nègre tombé
par hafard dans l'eſclavage , & conduit dans
nos Colonies , qui ait eu le même talent. Makandal
avoit encore un goût vif & natured
pour la Muſique, la Peinture& la Sculpture ;
&quoiqu'il ne fût âgé que d'une douzaine
d'annéesquandon le conduifit en Amérique ,
il poſſedoit une grande connoiffance de la
Médecine de ſon pays , & de la vertu des
fimples, fi utile &fouvent fi dangereuſe ſous
la brûlante zône qui s'étend entre les Tropiques.
Tranſporté à Saint Domingue & vendu
à un Colon des environs du Cap- François ,
Makandal ſe rendit très-agréable à ſon Maî
tre par fon zèle& ſa grande intelligence , &
il ſe fit chérir & révérer de tous les eſclaves
par le foin qu'il eut de leur procurer des plaifirs
en multipliant leurs fêtes , & de guérir
leurs maux après que les Médecins blancs
les avoient jugés incurables. Bientôt il fur
l'ame de tous les Calendas , ſorte de rendezvous
de danſe que les Nègres aiment avec
paffion , & d'un bout de l'Ifle à l'autre les
malades abandonnés invoquoient le nom de
Makandal, & lui envoyoient demander quelque
feuille d'herbe ou quelque racine qui
preſque toujours leur portoit la ſanté.
Eiv
104 MERCURE
Le jeune Makandal n'étoit alors connu
que par ſa bienfaiſance & fon goût extrême
pour les plaiſirs. Heureux s'il n'eût fait qu'un
li doux uſage de ſes belles qualités ! Mais
elles ne tardèrent pas à devenir la fource des
plus grands crimes .
Al'âge de quinze ou ſeize ans , l'amour ſe
développa dans ſon ame avec la plus éronnante
impétuofité. Loin d'éprouver un penchant
exclufifpour une ſeule femme, toutes
cellesqui poffedoient quelques attraits avoient
part à ſes hommages & enflammoient ſes
fens. Sa paflion acquéroit plus d'énergie &
plus d'activité ameſure que les objets qui
l'infpiroient ſe multiplioient à ſes yeux. De
tous côtés il choiſiſſoit des maîtreſſes. On
fait que parmi les Nègres la jouillance ſuit
de près le defir, & que l'indifférence & la
fatiété accompagnent ordinairement la jouiffance;
mais Makandal , au contraire , paroiffoit
toujours plus épris des femmes qui contribuoient
à ſon bonheur , & une orgueilleuſejaloufie
défendoit l'empire deſon amour.
Le Chef blanc de l'habitation où Makandal
étoit eſclave , commençoit à aimer une
jeune Négreffe dans le temps que Makandal
endevint auſſi amoureux. On fent combien
cette fille dut ſe trouver embarraffee pour
choifir entre un Maître defpotique & rigoureux
, & le plus diſtingué de tous les Nègres ;
mais enfin ſon coeur pencha pour fon égal,
&le Chefblanc fut rebuté.
Indigné de cet affront, il découvrit que
4
1
DE FRANCE. 1ος
د
Makandal en étoit la cauſe , & il réſolut de
s'en venger. Makandal , malgré ſes courſes
nocturnes & tous les ſoins qu'il donnoit au
plaifir , remplifloit ſon devoir d'eſclave avec
tantde zèle & de ponctualité , qu'il n'avoit
jamais été expoſé au moindre châtiment
choſe étonnante dans un pays où les coups
de fouet déchirent fans ceffe le corps des malheureux
Nègres , & rempliſſent de serreur &
depitié l'amedes Européens qu'une horrible
habitude n'a pas encore endurcis à ce ſpectacle
affreux.
Le Chef blanc , jaloux de ſurprendre Makandal
en défaut, redoubla de vigilance , mais
en vain. L'eſclave fut toujours irréprochable.
Cependant fon ennemi ne trouvant aucune
raiſon de le punir , en chercha le prétexte ; &
un jour , au milieu d'une plantation nouvelie
de cannes à ſucre, il lui ordonna de ſe coucher
par terre& de recevoir cinquante coups
de fouet. L'orgueilleux Makandal parut révoltéde
cette injustice. Loin de s'humilier&
d'implorer les prières& l'interceffion de tous
les autres eſclaves étonnés & attendris , il
jeta fièrement les inftrumens du labourage
aux pieds de fon rival , & il lui dit que cet
ordre barbare devenoit pour luile ſignal de la
liberté. En même temps il prit la courſe vers
les montagnes , & il ſe ſauva malgré la
fureur du Blanc & les pourſuites feintes
des Negres , qui n'eurent gardede l'attraper.
Il fut donc dès-lors au nombre des Nègres
marrons , c'est-à-dire , déſerteurs , & il
Ev
тоб MERCURE
l'a été douze ans de fuite avant qu'on ait pu
le prendre. Il vivoit cependant ſans ceſſe au
milieu de ſes camarades. On ne donnoit pas
une fète un peu intéreſfante qu'il n'en fût
le coriphée. Mais comment les Negres auroient-
ils ofé trahir leur ami , leur confolateur&
leur prophète ? car il étoit enfin parvenu
à leur faire croire qu'il avoit des vertus
furnaturelles & des révélations divines.
Il avoit ſculpté avec beaucoup d'art au
bout de fon bâton d'oranger, unepetite figure
d'homme qui , lorſqu'on la touchoit un peu
au-deflous de la tête, remuoit les yeux & les
lèvres , & paroiſloit s'animer. Il prétendoit
que ce fétiche répondoit à ſes queſtions , &
rendoit des oracles ; & quand il lui faiſoit prédire
la mort de quelqu'un , il eſt certain qu'il
Re ſe trompoitjamais.
La grande connoiffance que Makandal
avoitdes fimples lui fit découvrir à Saint-Domingue
plafieurs plantes vénéneuſes , &
c'eſt par-là fur-tout qu'il s'acquit un grand
crédit. Sans expliquer les moyens dont il ſe
fervoit, il annonçoit que tel Nègre ou telle
Négreffe , qui demeuroit quelquefois à cinquante
lieuesde l'endroit où il parloit , mourroitle
même jour ou le lendemain , & ceux,
qui l'avoient entendu apprenoient bientô
avec terreur que ſa prédiction étoitaccomplie.
• Voici comment il s'y prenoit pour exécuterdes
crimesdont on ne s'eſt apperçu que
lorſqu'ils ont éré porrés à l'excès.
LesNègres out en général beaucoup d'apDEFRANCE.
107
titude au commerce. Il y en a un très grand
nombredans nos Colonies qui vont revendre
des marchandiſes d'Europe dans les habitations
, & qu'on nomme Pacotilleurs . C'eſt
parmi ces Pacotilleurs que Makandal avoit
ſesdifciples& ſes partiſans les plus affidés , &
c'eſt d'eux fur-tout qu'il ſe ſervoit pour le
bien&lemal qu'il vouloit faire.
Ily aencore un autre uſage parmi les Nègres
, c'eſt d'exercer avec un ſoin religieux les
vertus hoſpitalières , & de prendre enſemble
quelque aliment lorſqu'ils ſe revoyent après
la moindre abſence. Or dès que Makandal
vouloit faire périr quelqu'un , il chargeoit un
Pacotilleurde ſes amis de lui préſenter ou un
fruitou un calalou qu'il lui remettoit en lui
déclarant qu'ilcontenoit la mort de celui qui
lemangeroit. Le Pacotilleur , au lieu d'imaginer
que Makandal eût empoiſonné le fruit ,
trembloit au pouvoir de ſon fétiche , exécutoit
l'ordre du prétendu prophète fans ofer
enparler àperſonne ; la victime expiroit , &
onadmiroit au loin lapreſciencede Makandal.
Sés amis trouvoient toujours en lui un
vengeur redoutable , & ſes rivaux , fes maîtreffes
infidelles , fur- tout celles qui lui refuſoient
leurs faveurs , n'échappoient jamais
à ſa barbarie. Mais enfin l'amour qui l'avoit
tant favoriſé , l'amour pour lequel il commettoit
fans ceſſe des crimes innombrables ,
l'amour fut la cauſe de ſa perte &de fon juſte
châtiment.
Makandal avoit auprès de lui deux com
Evj
108 MERCURE
plices ou lieutenans aveuglément dévoués à
ſes volontés. L'un ſe nommoit Teyſſelo &
l'autreMayombé,&il est vraiſemblable qu'eux
ſeuls étoient en partie inſtruits des fecrets
qu'il metroit en uſage pour établir fa domination.
C'eſtdans les hautes montagnes qui couronnent
le Margaux & le Liubé qu'il fe retiroit
pendant le jour , & qu'il raffembloit ,
avec ces deux Chefs , un nombre conſidérable
d'autres Nègres marrons. Ils avoient fur le
ſommet preſque inacceſſible des montagnes
leurs femmes , leurs enfans , avec des plantations
très-bien cultivées; & des bandes de
ces brigands armés deſcendoient quelquefois ,
aux ordres de Makandal, pour répandre la
terreur & le ravage dans les habitations des
plaines voifines , ou pour exterminer ceux qui
avoient déſobéi au prophète.
Il paroiffoit en outre affectionner pluſieurs
jeunes Nègres qui lui rendoient compte de
tout ce qui ſe paſſoit ſur les habitations où ils
étoient eſclaves, &de ce nombre étoit le Sénégalois
Zamí , âgé d'environ dix-huit ans ,
beau comme l'Apollon du Belveder , & plein
d'eſprit&de courage.
Un Dimanche Zami s'étoit rendu à un
Calenda qu'on célébroit dans une habitation
àtrois lieues de diſtance de celle de ſon Maî
tre. En arrivant il vit une danſe commencée.
La foule entouroit avecdes tranſports de plaifir
&d'admiration une jeune NégreffeCongo
nommée Sainba , qui danſoit avec une grace
:
:
DE FRANCE.
109
raviſſante , &qui allioit le regard le plus tendre&
le plus voluptueux à la timide modef
tie. Sa taille étoitélégante , ſouple , &femblable
à ces roſeaux flexibles que balancent les
vents. Des étincelles s'échappoient a travers
ſes longuespaupières à demi voilées. Sesdents
effaçoient la blancheur de la neige, & fon
teint, auffi noir que l'ébène , donnoit un air
plus piquant à ſa rare beauté.
Zami la regarda , & tout-à-coup il ſensit
dans ſon coeur le premier mouvement de
P'amour. Dans cet inſtant le hafard fit que
Samba porta ſes beaux yeux for Zami , &
elle fut frappée du même trait qui venoit de
percer le jeune Nègre .
Après que la danſe fut finie, ils ſe cherchèrent,
ils ſe réunirent, ils furent toujours
enſemble ; & lorſqu'il fallut ſe quitter , ces
nouveaux amans ſe promirent de ſe revoir
auſſi ſouvent qu'ils le pourroient. Pendant le
jour leur travail les occupoit chacun de fon
côté; mais dès que le ſoleil diſparoiffoit de
P'horiſon , ils ſe retrouvoient à un rendezvous
fecrer. Là, dans un boſquet d'orangers
odoriférans, fur des gazons toujours fleuris ,
fous un Ciel pur & fans nuage , & à la face
des aſtres brillans & filencieux de la nuit , ils
e renouveloient les témoignages ardens de
leur amour , & ils ſe conſoloient , par les
plus rendres careſſes , de 'a gêne de leur condition
qui les obligeoit de ſe ſéparer dès que
l'aurore matinale revenoit dorer l'azur des
Cieux.
110 MERCURE
Lear bonheur duroit depuis près de fix
mois , lorſque Samba s'apperçut qu'elle deviendroit
enfin mère. Elle fit part de certe
découverte à Zami , & il eft impoflible d'exprimer
les tranſports de la joie qu'il en eut.
Cen'eſt point quand on commence à connoître
une maîtrelſe qu'on l'aime le plus , ce
n'eſt pas même quand elle nous accorde les
premières preuves de fa tendreſſe, mais c'eſt
dès qu'elle porre dans ſon ſein un gage de
notre amour. Il ſemble qu'alors elle va doubler
notre être. Elle nous en devient mille
fois plus chère & plus précieuſe. Nous tremblonsduplus
peritdanger qui la menace. Ses
légers déplaifirs font pour nous des peines
cruelles, & ſes moindres joies font nos délices.
Zami étoit encore dans le délire de fon
enchantement, lorſqu'en quittant Samba à la
pointe du jour, & rentrant dans fa chaumière
, il y trouva Makandal qui l'attendoit.
Makandal ignoroit la paffion & le bonheur
de Zami ,& voici le diſcours qu'il lui tine :
« Zaimi , tu connois la puiſſance terrible
de mon fériche. Réjouis-toi donc d'avoir
> trouvé grace devant lui & mérité ſa confiance.
Rends-toi dans telle habitation.
› Cherche 11 Négreſſe Samba , qui juſqu'à
» préſent a dédaigné les voeux de tous fes ad-
>> mirareurs, & qui depuis une année m'hu-
ود milie moimême par d'horribles refus.
>> Demande- lui l'hospitalité , & dans l'inf-
>> tant qu'elle voudra manger , répands adroi
DEFRANCE. I
rement dans ſon calalou la poudre que
>>>voici ; elle doit donner la mort à Samba. »
En même-temps il lui remit un morceau de
feuillede bananier qui contenoit la fuweſte
poudre.
Zami , frappé de ces paroles comme d'un
coupde tonnerre, ſe jera aux pieds de Makandal
, & lui dit, en verſant un torrent de
larmes :
O Makandal ! dois - tu exiger que je
>>facrifie à ta vengeance la beauté la plus
>>parfaite , l'ame la plus pure dent nos cli
ود mats puiffent s'honorer ? Apprends que
» j'adore Samba ; que j'en ſuis tendrement
» aimé , & que fon amour va bientôt faire
>>> donner le titre de père à l'infortuné
» Zami. "
Pendant ce temps-là il embraſſoit les genoux
du féroce Makandal , qui , furieux de
voirun rival préféré, tiroit déjà fon coutet
las, & alloit fans doute l'immoler , ſi la voix
des Blancs , qui appeloient les eſclaves au
travail , ne s'étoit pas faite entendre. Makandal
n'eutque le remps deſe ſauver avec précipitation
, & il laiſſa étourdiment dans les
mains de Zami la poudre empoiſonnée.
Zámi réfolut d'abord de découvrir tout
anxChefs blancs ; mais il craignoit encore Makandal;
il craignoit far tout ſon fétiche , & il
garda le filence.
Lajournée lui parut d'une longueur inſupportable.
Il étoit accablé d'une trifteffe &&
d'une inquiétude mortelles; enfin dès que le
112 MERCURE
1
travail eut ceffé , il franchit les trois lieues qui
le ſéparoient de Samba, & il ſe rendit au
bofquet d'orangers.
:
Samba n'y étoit point arrivée. Son amant
l'attendit avec une impatience inexprimable ;
bartu par un flux & reflux d'eſpoir & de
crainte , à tout inſtant il croyoit l'entendre
marcher; le moindre bruit, le plus léger frémiſſement
des arbres redoubloit ſon illufion
& retentiffoit dans ſon coeur. Mais voyant
que l'heure du rendez-vous étoit paffée, de
noirs preſſentimens l'accablèrent ; il ſe livra
aux plus terribles conjectures , & il perdit
enfin l'eſpérance de voir venir ſa maîtreffe,
lorſque le char de la grande ourſe lui fit connoître
qu'il étoit minuit. Soudain il s'élance ,
&vole vers la demeure de Samba. La crainte
de porter le trouble dans une habitation
étrangère ne l'arrête pas. Il ne peut plus
long-temps tarder à apprendre ce que fon
amante elt devenue.
Qu'on ſe repréſente l'effroi , la douleur,
le déſeſpoir du malheureux Zami, lorſqu'en
approchant de la cabane de cette fille adorée
il entendit les gémiſſemens de pluſieurs Négrefles.
Il entre; il voit Samba étendue ſur
fa natte; il ſe précipite vers elle. Alors elle
tourne ſur lui ſes yeux mourans , lui rend la
main, & expire en prononçant le nom de
Zami.
Zami tomba lui- même ſans connoiffance
à côté de l'objet de ſon amour. Il fallut
l'emporter, & ce ne fut que le lendemain
:
DE FRANCE.
113
qu'il apprit qu'une Négreſſe pacotilleuſe étoit
venue dans l'habitation , & avoit diné chez
Samba. Il découvrit alors tout ce qu'il ſavoir
du projet de Makandal ,& il remit la poudre ,
qu'un Chimiſte du Cap-François examina ,&
reconnut pour un poiton violent .
La cauſe d'un nombre inmense de morts
foudaines fut enfin ſoupçonnée. On frémit
du péril qui menaçoit la Colonie entière .
Onmit toutes les Maréchauffées en campagne
pour prendre Makandal ; mais on déſeſpéroit
déjà d'y réuffir, lorſque Zami ofrit de l'arréter.
Il ne s'arma que d'une petite maſſue de
bois de goyavier , & il alla le mettre en embuſcade
dans un des défilés de la montagne
où Makandal ſe retiroit. Là, il fut cinq jours
à Partendre. Enfin , le fixième , avant que
l'aube parat , il l'entendit marcher avec deux
autres Nègres marrons. Zami fond auflitôt fur
eux,&aflomme les deux camarades de Makandal.
Celui-ci tire fon coutelas pour frapper
Zami , qui d'un coup de maſſue le lui fait
tomber de la main , & le terraſſe lui même.
Alors il lui arrache les bras derrière le dos
avec la longue ceinture , & il le conduit au
Cap.
Parmi les complices de Makındal , Teyfſelo
& Mayombé furent auffiarrêtés ,& confeſsèrent
dans les tourmens le fecret des poifons.
Mais Makandal lui-même ne vantur
jamais rien avouer. Il conſerva juſques dans
les Hammes ſon audace & ſon fanatifme ,
114 MERCURE
ce qui fit croire à la foule des Nègres igno
rans que le fétiche le ſauveroit. Une circonftance
fingulière parut même un inftant
favoriſer à leurs yeux cette opinion . On
avoit planté dans la terre un poteau autour
duquel on dreſſa le bûcher de Makandal ,
& on l'attacha avec un carcan à ce poteau .
Les efforts qu'il fit lorſque l'on mit le feu au
bûcher furent ſi violens , qu'il arracha le
poteau , & qu'il fit dix à douze pas au milieu
de la foule. Tous les Nègres crièrent foudain
au miracle; mais un ſoldat , qui étoit à côté,
lui prouva d'un coup de ſabre qu'il étoit plus
puiſſant que lui , & on le rejeta dans le bucher.
Pour Zami, dès qu'il eut vengé l'infortunée
Samba, il ſe donna lui-même la mort
dans l'eſpoir d'aller rejoindre une amante
fans laquelle il ne pouvoit vivre.
(Par M. de C.... )
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure precédent.
Lemot de la Charade eſt Moine ; celui
de l'énigme eſt Poſle aux Lettres ; celui du
Logogryphe eſt Escargot , où l'on trouve
or rofe, cor cage ,foge, rats ,fot, cagot ,
traces , grâces , rot Tage , argo , foc ,fac
roc ergot Rob
DE FRANCE. INS
CHARADE.
1
L'ALPHABETH ,
'ALPHABETH , cher Lecteur , t'apprendra mon
premier;
La muſique à ſon tour t'apprendra mon dernier ;
Maiston coeur doit t'apprendre à choiſir mon entier.
( Par un Sablais. )
ENIGME.
SOoUuSs quatre acceptions j'exiſte ſur leglobe;
Jelance ici la most; là,j'honore la robe ;
Ici,je retentis ſous des soups redoublés
Et là , par mon ſecours des murs ſont élevés.
Telme trouva la nuit de trop ſur ſon pallage ,
Qui n'oſa ſe vanter après de ſon dommage.
(Par'un Membre de la Chambre Littéraire
de Chantepie. )
LOGOGRYPΗ Ε.
DAMIS, iltefautdonc encoreunLogogrypher
Ates plaiſirs jamais puis -je me refuſer ?
Grâces au mot tombé par hasard ſous ma griffe ,
Dans ce genre aujourd'hui je veux me ſurpaſſer , 4
116 MERCURE
Etrendre ton ſuccès s'il ſe peut apocryphe.
C'eſt trop de verbiage , & je vais commencer.
D'abord en me cherchant to me trouves moi-même
Heu eux dans ſes projets qui ne me connot pas !
Se raccommode t'on avec l'objet qu'on aime ,
Alors à ines neuf pieds on trouve des appas.
Maintenant , bien ou mal ,que mon énigane eſt faite ,
Il faut que je décrive avec certains détours ,
Les mots que je compofe , &la tâche eſt complette;
Le premier reſpecté ſe voisdans pluſieurs Cours ;
Le ſecond aux Marins inſpire de la crainte;
Le troiſième à Montmartre eft d'un très-grand ſecoors
Lequatrième enfin d'una plafond fait l'enceinte.
Cen'eli pas la le tout , je vois paroître encor
L'endroit qui loge un Saint dans mainte &mainte
Eglife,
Once qui pargaité très-ſouventprendl'effor 3.
Celui qui dans Patis mène un facre , un remife;
De tous les animaux , dit-on , le plus petit ;
Ce qu'on brûle à la Cour & qu'une abeille amaſſe.
Tout ceci , je le crains , te déplaît& te laffe;
Mon cher Damis , pardon , devine , j'ai tout dit.
(Par M. Prévost , Garde- du-Corps de
Mgr. Comted'Artois. )
DE FRANCE.
117
NOUVELLES LITTERAIRES.
OEUVRES de M. Léonard , quatrième
Édition , ornée de figures. 2 vol. in- 12 .
A Paris , chez Praalt, Imprimeurdu Roi ,
quai des Auguftins.
LA Poésie champêtre ne fleurit point au
ficele de Louis XIV comme au fiècle d'Auguſte
, tantde fois comparés enſemble. Aufſi
lorſque Deſpréaux traça des préceptes fur le
genre paſtoral , il ne pouvoit offrir pour exemples
que Theocrite & Virgile. Cet excellent
eſprit fur lequel l'antiquité ſeule eut de l'influence
, & qui par cette raiſon en eut tant
lui-même ſur le goût de ſes contemporains ,
dutbiex moins pardonner encore aux Bergers
deDurfe qu'aux Héros de Quinault. Les
Idylles de Mme Deshoulières ne parurent
qu'après l'Art Poétique. Ainfi Boileau nevoit
àlouer dans les Bucoliques Françoites que les
Églogues de Racan &de Segrais.
Malhabed'un Héros peut vanter les exploits ,
Racan chanter Philis , les Bergers & les bois,
Lorſqu'il invite les Poëtes à célébrer le
nomde Louis XIV, c'eſt a Segrais qu'il confie
laHûte paſtorale :
QueSegtais dans l'églogue encharme les forêts.
118 MERCURE
On ne lit plus guères ces deux Auteurs , qui
offrent quelquefois des détails d'un goût fimple
& d'une facilité intéreſſante. L'indifférence
de notre ſiècle pour eux ſemble contredire
les éloges dont les a honorés le Légiflateur
du Parnaffe .
Cette indifference & ces éloges ne font
pas inexplicables. Boileau récompenſoit dans
ces deux Poëtes les modeſtes imitateurs des
anciens : la pofterité , pour laquelle ceux qui
ne font plus, font anciens àleur tour, ne juge
que le talent ; elle allie Horace & Boileau ,
& ſépare Segrais de Virgile. Ainfi , choſe
digne d'être remarquée , fur-tout par les Saryriques
de profeffion , Racan & Segrais ont
trouvé le temps bien moins indulgent que
Boileau , comme Quinault l'a trouvé bien
moins févère.
Les Idylles de Mme Deshoulières ont conſervé
quelque réputation. Peut- être même
notre fiècle leur a- t'il été plus favorable encore
que le précédent. Dans celui-ci , Racine
Boileau donnoient le ton , & ni lun ni
l'autre nedut etre bien difpoſe pour lesIdylles
d'après le Sonnet contre Phedre. D'environ
dix Idylles imprimées ſous le mondeDeshoulières
, quelques -unes n'eurent point le carac
tère dugenre , & lameilleure n'eſt point d'elle.
Dans les autres , il eſt bien un peu queſtion
des champs , mais toujours pour amener des
reflexions fur les misères de l'homme. Aucune
action paftorale n'y repréſente les plaifirs
, n'y manifeſte les patlions des Bergers. La
DEFRANCE. 119
même phytionomie confond chaque Idylle.
Ce qui a été dit aux moutons :
Vous êtes plus heureux & plus ſages que nous,
Elle le redit aux Heurs :
Plusheureuſes que nous , ce n'eft que le trépas
Qui vous fait perdre vos appas.
Elle le répète aux oiſeaux :
Les filets qu'on vous tend ſont la ſeule infortune
Que vous avez à redouter.
Ellen'en fait pas grâce au ruiffeau :
Qu'avez-vous/mérité, ruiſſeau tranquille & doux ,
Pour être mieux traité que nous ?
Voilà le ſujet , le cadre & le défaut des
Idylles de Deshoukares. Tous les Poëtes Bucoliques
ont pour objet de retracer le bonheur
de l'homme champêtre; Mme Deshoulières
met au-deſſus de tour, le bonheur d'un
ruiffeau ou d'une fleur ; on croit entendre
un enfant miſanthrope. Cette difference ,
qu'on n'a pas généralement remarquée , eſt
la cauſe du peu d'intérêt de ſes Idylles , que
caractériſent d'ailleurs une facilité aimable
&une délicateſſe ingénieuſe.
4 Lorſqu'on a lu les Égloguesde Fontenelle,
il eft amuſant de le voir,dans ſon Difcours fur
la nature de l'Églogue , reprocher à Durfe
d'avoir fait quelquefois des courtiſans de ſes
Bergers , & fournir ainti à ſon Lecteur l'expreſſion
de la penſée que fønt naître les ſiens.
120 MERCURE
۱
meme. Comme tous les courtifans , ils ſédu.
font& ne charment pas; & l'on ſent malgré
les efforts de Fontenelle & de la Motte , ou
plutôtpar ces efforts-la meme, que la nature
del'tglogue est le naturel.
C'ein un beau teraps pour les Critiques ,
celuioù, malgred'antiques modèles,malere des
principes généralement convenus , un genre
de littérature eſt denaturé par l'eſprit avant
d'etre rétabli par le talent.On endoctrine &
on cenſure alors tout afon aiſe. Le genre paftoral
offrant aux Ariſtarques une fi heureuſe
circonftance , on préſume bien que l'Abbé
Desfontaines profita du privilege de fa fonction
; & qu'en écrivant fur l'Eglogue , il ne
fir pas grace à la méthaphyſique du coeur ,
que malheurentement pour fornom -
ma la moufle de esprit. Ce ſtyle vengeoit
Fontenelle.
La poétie paftorale s'eſt remontrée de nos
jours avechonneut. L'laylle, amenée du pied
des Alpes en France , a reparu avec ſes vrais
Bergers , fimple comme aux plaines de Syracufe
, champêtre comme en Arcadie , pure
comme aux jours de l'âge d'or. Elle a même
ajouté un nouveau caractere à ſes grâces antiques
; elle est devenue plus touchante , plus
morale , plus variée, elle a rajeuni l'amour ,
&elle a pu s'en paſſer. Voilà l'ouvrage& la
gloire de M. Geſner.
Le Journal Étranger qu'avoient entrepris
deux Hommes-de-Lettres d'un eſprit excellent
, & la traduction en proſe des Poeties
Allemandes

DEFRANCE. 121
Allemandes par M. Huber, mirent en vogue
parmi nous la Littérature Germanique , & lui
donnèrent des imitateurs. Parmi les jeunes
Poëtes qui s'exercèrent alors dans ce genre
nouveau , quoique naturel , M. Léonard eſt
celui que ſon talent & ſon caractère ont rapproche
le plus contamment de M. Gefner.
On a eu louvent occaſion dans ce Journal
d'apprécier ſes Idylles. Nous éviterons de
n'offrir au Lecteur que ce qu'il put lire
alors ; cette quatrième édition nous en procure
le moyen par les choſes nouvelles qu'on
y trouve. Elle renferme quatre Livres d Idyl .
les , un Poëme en quatre Chants fur les Saifons
, le Temple de Gnide en vers , pluſients
Poéſies diverſes, un Roman Paftoral & une
Lettre étendue ſur un voyage aux Antilles.
On peut être curieux de voir quel genre
de travail M. Léonard a fait fur fon modèle ,
de quelle manière il l'a imité , & à quel
degré il s'en rapproche; nous allons en citer
un exemple. Voici Ioriginal traduit en
profe.
"Daphné répondit, en lui paffant tendre-
" ment un de ſes bras autour du cou : vois
>> comme les zéphirs de retour balinent
> avec les fleurs; vois comme les gouttes de
pluie étincellent fur ces fleurs ranimées ;
>> regarde ces papillons bigarés & ces ver-
" mmilleaux aîlés qui folâtrent dans l'air au
>> rayon du ſoleil ,& cet éring voifin.... Oh!
>> comme ces builfons mouilles , & ces faules
tremblans brillent autour de ſes bords :
N°. 37 , 13 Septembre 1787. F
122 MERCURE
ور vois- tu comme ſes eaux tranquilles répè-
> tent de nouveau l'image du ciel ferein &
" des arbuites d'alentour? >>
M. Léonard a conſervé le caractère de
cette poéfie , qui ſe plaît dans les détails ; &
malgré la gêne de notre verfification , il l'a
rendue avec aiſance & grâce. Voici ſes vers :
Daphné répondit à ſon tour ,
Enpreſſant le Berger d'un de fes bras d'albâtre :
Comme fur ces roſiers le papillon folâtre!
Vois le doux zéphyr de retour
Seconer les gouttes brillantes.
Dont la pluie a mouillé le calice des plantes!
Vois jouer dans les airs ces vermiſſeaux allés
Qu'agite le ſoleil par ſa chaleur adive !
Et cet étang voiſin .... Oh ! comme far la rive
Das ſaules d'alentour les rameaux ſont perlés!.
Comme ſon cristal pur répète encor l'image,
Etdes cieux azurés &du prochain feuillage!
F
M. Berquin , dont le talent & le caractère
s'honorent mutuellement , a fait aufli des
Idylles , imitées de M. Gefner. Après avoir
oppofé M. Léonard à fon modèle , on ne fera
pas fachéde le comparer un inftant avec un
rival diftingué. Ce parallèle a pour but l'intérêt
du Lecteur & l'éloge des deux Emules.
M. Gefner, dans l'Idylle des tombeaux , met
en ſcène un Voyageur & un Berger. Le premier
rencontre un tombeau brife & une urme
renverſée: une bataille y eft repréſentée; le
!
DE FRANCE.
1
123
Berger apprend au Voyageur que ce tombeau
eſt celui d'un tyran. Voici les réflexions da
Berger dans M. Berquin .
Et voilà cependant ſon tombeau renverſé !
Voilà dans le bourbier ſa cendre croupiſſante ,
Einſecte le plus vil rampe ſans épouvante
Le long de fon glaive émouſſé.
Non , quand on m'offriroit la puiſſance fuprême ,
S'il me falloit l'acheter à ce prix ,
, J'aime mieux vivre en paix avec moi-même
Et n'avoir pour tout bien que deux ſeules brebiss
Encore aux Immortels irai-je en offritune ,
Pour les remercier de mon humble fortune.
M. Léonard a rendu ainſi ce morceau :
Etvoilà maintenant fon monument brifé !
Lafange eſt confondue avec ſes cendres viles ;
Et dans ce vaſe délaiſſé
On entend fiffier les reptiles !
Qui ne ritoitde voir au caſque du vainqueur
S'affeoir la grenouille paiſible ,
Etd'impurs limaçons ſe traîner ſans frayeur
Le long de ſon glaive terrible?
Non , je ne voudrois pas de l'or du monde entier,'
Si par un crime il falloit le payer.
J'aimerois mieux en paix avec moi-même
N'avoir que mesbrebis ,n'en euffé-je que deux!
J'en immolerois une aux Dieux
Pour bénir leur bonté ſuprême.
Fij
:
124 MERCURE
1
Les vers de deſcription font plus ſoignés
dans ce dernier morceau; mais ces deux vers
qui terminent le premier :
Encore aux Immortels irai je en offrir une ,
Pour les remercier de mon humble fortune !
nous paroiffent rendre le ſentiment qu'ils expriment
avec plus d'intérêt & d'harmonie
que ceux-ci de M. Léonard ;
J'en immolerois une aux Dieux
Pour bénir leur banté ſuprême,
M. Léonard , qui a ſi heureuſement imité
M. Gefner , n'a pas, àbeaucoup près , fi bien
réuſſi dans ſa traduction de deux églogues de
Virgile; Virgile, i difficile à traduire en vers,
comine a dit Voltaire , pour tout autre que
M. l'Abbé de Lille. Cependant voici quelques
vers de la première Eglogue , qui ſont
tournés avec intérêt.
Adieu , troupeaux ! adieu , chèvres jadis heureuſes
Je ne vous verrai plus du fond des aneres verds ,
Pendre aux flancs éloignés de ces roches mouffeuſes,
Vous n'écouterez plus mes chanſons amoureuſes
En brouttant le citiſe & les faules amers,
On trouve dans l'Almanach des Muſes de
l'année dernière , une traduction de certe
Églogue , par M. Notaris. Il a rendu ce
même morceau en vers aufli touchans & plus
fermes.
Et vous , chèvres , jadis mes compagnes heureuſes
DE FRANCE. 12
:
Marchez. Aſſis au fond de ces grottes mouffeuſes ,
Je ne vous verrai plus ſur la croupe des monts
Pendredu haut des tocs hériſſés de buiſſons ;
Ettandis que je chante au bord d'une onde pure
Du citiſe ou du ſaule ébrancher la verdure.
On nous pardonnera de citer les mênis
vers traduits par Greffet , parce que leur inferiorité
eſt un honneur pour M. Léonard ,
fans être une honte pour l'Auteur de Vert-
Vert & du Méchant.
Troupeau toujours chéri dans desjours plusheureux,
Mon exil te prépare un fort bien rigoureux.
Du fond d'un antre frais , bordé d'une onde pure ,
Je ne te verrai plus bondir ſur la verdure...
Suivez moi , foible reſte, infortunés moutons ,
Pour la dernière fois vous voyez ces cantons.
L'Idylle dans M. Léonard quitte quelquefois
ſes ornemens de Bergère pour revêtir les
longs habits de deuil de l'Élégie , & l'imitateur
de Gefner devient celui de Tibulle.
Moi-même conſumé d'une triſteſſe amère ,
Je péris , je m'éteins ſur des bords étrangers ;
Bientôt peut- être aux vents légers
J'abandonnerai ma pouſſière.
Celle que j'adorois n'eſt plus ;
Mesmânes dans ces lieux gémiront inconnus .
Et fur ma tombe folitaire
Les pleurs d'aucun ami ne feront répandus.
:
3
Fuj
126 MERCURE
Ah! détournede moi ta flèche meurtrière !
Mort cruelle ; épargne mes jours !
Ma foeur n'est pas ici pour fermer ma paupière,
Je ne puis d'une tendre mère
Implorer les derniers ſecours.
Voilà les vers de Tibulle dans l'Élégie à
Meffala :
Abstineas , mors atra, precor. Non his mihi mater
Qua legat in mæſtos offa peruſta ſinus .
Non foror Affyrios cineri qua dedat odores
4Etfleat effufis antefepulchra comis.
Il nous ſemble que M. Léonard a fait
preuve de beaucoup de goût en renonçant
aux images de Tibulle , qui ont pour objet
les honneurs que les anciens rendoient aux
morts , & en leur ſubſtituant des ſentimens
aufli confolans & plus tendres,
Le Poëme des Saifons est une imitation
très abrégée de celui de Thompfon. Notre
poéſie a fur ce fijet un monument qui l'ho
nore , l'Ouvrage de M. de Saint - Lambert ,
où les beautés de la Nature font peintes aves
fes couleurs , où les nfations de l'homme
font exprimées avec leur variété. Nous avons
cru voir dans l'imitation du Poëte Anglois ,
l'intention d'éviter beaucoup de tableaux importans,
que la reffemblance du ſujet a livrés
aux pinceaux de M. de Saint Lambert. Ces
facrifices d'un talent modefte font un hommage
à un talent ſupérieur , & c'eſt un bel
DEFRANCE. 137
Cloge pourM.de Saint-Lambert que l'imitateur
de Thompſon ait paru craindre davantage
le rivalde fon modèle que ſon modèle
-même.
Le caractère de cette imitation , il faut
lavouer , juftifie la crainte intéreſſante de
M. Léonard. Son talent poétique ſemble plus
particulièrement proportionné au ton de la
poétie paſtorale,pour laquelle Boileau a dit :
Son tour fimple&naïf n'a rien de faſtueux,
Et n'aime point l'orgueil d'un vers préſomptueux.
Mais la poéſie champêtre , qu'il ne faut pas
confondre avec le genre paftoral , demande
des accens plus fermes. C'eſt pour elle qu'eſt
fait ce vers de l'Art Poétique:
Soyez riche & pompeux dans vos deſcriptions.
Cependant on auroit tort de croire cet Ouvrage
de M. Léonard indigne de ſon talent;
une marche qu'il a ſu rendre rapide , des
images qu'on ſe plaît fans ceſſe à revoir , un
ſtyle quelquefois pittoreſque , toujours facile,
le font lire avec intérêt.Il eſt terminé par un
morceau charmant , qui n'eſt point dans
Thompfon , & que nous tranfcririons ſi les
bornes de cet article nous le permettoient.
M. Léonard mertoit en vers le Temple de
Gnide,en même temps que Collardeau. On
trouve dans les OEuvres de ce dernier une
note intéreſfante fur cette concurrence. Collardeau
eroit un des hommes que la Nature
a le plus heurenfenient doués du ralent des
Fay
128 MERCURE
vers , & le Temple de Gnide eſt un de fes
Ouvrages où il a le plus multiplié les preuves
de ce talent. Remarquons que dans Gollardeau
les prodiges d'un Art enchanteur ont
•ſervi à la gloire de Monteſquieu , puifque
l'original eſt relu de préférence. C'est une
victoire que la proſe du génie a dû remporrer
fur les vers du talent. La traduction de
M. Léonard , dans ce ſens , honore moins
Montesquieu ; mais quoique la verification
ne s'y falle pas auili ſouvent pardonner que
celle de Collardeau , elle a pourrant le méritede
la facilité & de l'élégance. F
Le Roman Paftoral d'Alexis eſt d'une îmagination
delicate & gracieuſe. Il offre des
ſcènespleines d'intérêt , &donne à l'âme ces
douces émotions qu'elle aime : on y retrouve
ee charme antique que Fenélon attache à ſes
defcriptions , & que M. de Florian a fu imiter
avecſuccès dans ſa Galathee. M. Léonard,
dans ſa Lettre ſur un Voyage aux Antilles ,
décrit en peintre , obferve en Philofophe
une naturedifferente , des moeurs qui ne font
pas les nôtres,donne àſes récits un air étranger
qui attache , & cet attrait eſt encore
augmenté par les ſenſations d'une âme douce,&
l'élégance pittoreſque d'une profe harmonieuſe.
Telle nous paroît être l'idée qu'on peut ſe
faire des OEuvres de M. Léonard dans cette
édition, qui ſera la dernière. Nous regrettons
de n'avoir pas pu citer plus de morceaux
de ſes Idylles , nous aurions choiti de préfé-
!
i
DE FRANCE.
129
rence dans Hermitage , dans la Solitude ,
dans les dernières Plaintes, dans le Village
abandonne , des détails dont ces titres inaiquent
le caractère. M. Leonard a peu écrit
de création; mais les ſenſations qu'imite,
il paroît les avoir éprouvees ; & l'on peut dire
à la louange de celles qui lui appartiennent,
qu'il tes rend affez bien pour qu'on les croye
encore imitées. Son Idylle du Ruban eſt regardee
comme un petit chef d'oeuvre ; aocunedes
autres ne la depare. H eſt glorieux
pear M. Leonard qu'on ne puitſe lui oppofer
pour le ſtyle qu'une Idylle de Racine,& celle
de Vauclute, par-Mme Verdier. Sans doute le
grand talent du Verfificateur eſt de créer de
nouvelles formes dans le moule des Maîtres ;
mais n'oublions pas que c'eſt auili un mérite
de conferver à un genre fon ton propre.C'eſt
le merite des vers de M. Léonard.
Telle , aimable en ſon air , mais humble dans ſon
ſtyle , i
Doit éclater ſans pompe une élégante Idylle.
Enfin ſi la plus grande partie de ces deux
Volumes eft compoſée d'imitations , il nous
ſemble que M. Leonard peut s'appuyer de
Collardeau , dont l'exemple raccommoderoit
preſque avec les imitateurs ,
Mais fans tirer jamais à conféquence.
Fv
130 MERCURE
VOYAGE de Provence, par M. l'Abbé
Papon . 2 vol. in- 12 . Prix , f liv. broché ,
6 liv. relié. Nouvelle Édition. A Paris ,
chez Moutard , Imprimeur-Libraire , rue
des Mathurins , hôtel de Cluni.
Ce n'eſt point ici un de ces Voyages où
on ne voit que le Voyageur , & où on ne retrouve
que de légers apperçus ſur les
lieux par où il paffe en courant la poſte, dans
lequel on n'apprend que ce qu'il a penſé &
mal vu. Ce Voyage n'a pas non plus ces idées
philofophiques , politiques& créatrices , qui
ſemblent métamorphoſer le très obſcurVoyageur
en cenfeat de nations & en réformateur
univerſel. M. l'Abbé Papon ne critique
rien , ne juge point , ne prend point la pa
lette pour faire de petits portraits ; il n'a
pas toujours dans la bouche les moeurs , les
loix, les costumes. Il n'efuni Solon , ni Lucien,
Il ne change point la morale reçue , &
ne perfiffle ni les Magiftrats ni la Religion. Iiz
a la ſageſſe de croire qu'ayant à parler d'une
Province avantageuſement ſituée , & par
cette raiſon ſuffisamment connue , il est difpenſé
de bien des détails inutiles & rebattus.
Ilnedit point fi l'on eſtjoliment vêtu , fi l'on
danſe gracicuſement , fi les habitans font
vifs , &c. &c. Il ſuppoſe avec raiſon qu'on
DE FRANCE.
131
,
fait tour cela. Il n'a pas tracéun fillon , &
n'a point longuement differté ſur les pots
de ſa route. Il a fenti que cette manière ne
pouvoit fournir qu'un Voyage incomplet. Il
a fuivi la diviſion des Dioceſes de la Province
, & nous fait connoître chaque Diocèſe.
On trouve dans ſon Livre un Abrégé
'de l'Hiſtoire Naturelle du pays , de toutes
ſes productions , de ſa minéralogie , de fes
poiſions, de ſes oiſeaux ; on apprend à quelle
époque la Provence s'eſt enrichie de plantes
&d'arbres étrangers. Cette partie du Voyage
deM. l'Abbé Papon eſt de la plus grande uzilité
, & en fait un Livre claſſique. On y voit
ce que les habitans manufacturent & pourroiene
fabriquer. On fe promène ſur le fol
d'un oeil atrentif, & rien d'irile n'échappe à
nos regards. On connoît la forme de Fadminiſtration
intérieure , qui ne reſſemble point
à celle de bien des Provinces , & qui eftfr.
propre à conferver les propriétés individuelles.
C'eſt aux Romains qu'on a dû ces
differentes réunions de petites commanatités
en pluſieurs diſtricts on vigueries , qui leur
donnent une force collective que de petits
corps ifolés ne peuvent jamais avoir. On retrouve
par-tour des traces de la domunation
Romaine ,&des monumens de ce peuple, quin
fumbloit ne fubjuguer les autres que pour
décorer leurs Cites & pour les forcer à s'occuper
de fondations miles. Sous ce ſecond
pointde vue, le travailde M. FAbbe Papom
Fvj
132
MERCURE
eft intéreſſant. Les Colonies Romaines fe
multiplient à l'infini ; Rome avoit tout conquis
, tout détruit& tout réparé. Nulle Pro-,
vince de France ne préſente à l'Hiftorien autant
de ſouvenirs. M. l'Abbé Papon avoit de
grande reffources. Il venoit de quitter la
plume avec laquelle il a écrit l'Hiftoire de
Ton Pays ; il étoit plein d'origines , de faits &
de dates : il a reſtitué dans ſon Voyage ce
qu'iln'avoit pas inféré dans ſon Hiftoire , &
a abrégé ce qu'il avoit dit ailleurs.
Nous ne pouvons rien citer de ce Voyage ,
parce qu'il y auroit trop de choſes à extraire.
Il faut le placer dans les bibliothèques , & le
confulter en temps& lieu. Si on veut le comparerà
la Deſcription de la France , par Piganiol
dela Force , on verra tout ce qui manque
à ce dernier. On peut le rapprocher auffi
des Ouvrages compoſes ſur cette Province
par Bouche , par le Père Hardouin , par Sánfon,
Ablancourt , qui ont multiplié les erreurs
en voulant mal expliquer les origines par de
fauffes étimologies .
M. l'Abbé Papon termine le ſecond Volume
par cinq Lettres ſur les Troubadours.
L'Edrion que M. le G, a donnée des Fabliaux
, & dans la Préface de laquelle il dépouilloit
les Troubadours de la prééminence
Littéraire pour la donner aux Trouvères Picards
, a donné lieu à une eſpèce de difcuffion
polémique. Pluſieurs Écrivains font entrés
en lice. M. l'Abbé Papon répondit par
DE FRANCE.
133
trois Lettres- M. de Mayer inféra dans le
Mercure une réponſe remplie d'érudition ,
&un tableau de la Littérature Provençale .
M. Bérenger ſe montra , &doutint la gloire
de fon pays. M. l'Abbé de Fontenai prononça
contre M. le G.; toute l'Europe ſavante avoit
déja jugé ce procès , & la prééminence eſt
reftée auxProvençaux.
M. l'Abbé Papon a ajouté deux nouvelles
Lettres aux précédentes , & les a toutes déve
loppées avec une plus grande étendue. Nous
ne pouvons entrer ici dans une diſcuſſion
détaillée , & nous renvoyons les Lecteurs à
l'Ouvrage de M. l'Abbé Papon. Ses preuves
ſont ſans réplique. Sa méthode eſt claire &
convaincante ; il eſt appuyé ſur l'Histoire ,
fur le caractère des habitans & fur les faits,
&fur la fituation locale de la Province qui
l'avoifinoit avec l'Italie & la Grèce. Les Provinces
ſeptentrionales du Royaume , dont les
limites ne s'étendoient point juſqu'aux ports,
n'avoient ni les mêmes reffources ni les
mêmes correſpondances. On voit tout ce
que lesProvençaux ont emprunté des Arabes ,
desOrientaux, des Italiens ,& ce que l'Italie
doit aux Provençaux; car , fuivant Muratori ,
le premier Poëte Italien ne remonte pas audelà
de l'an 1209. L'Auteur prouve enfuite
que les Trouvères ont imité & copié les
Troubadours . On fait que la langue Provençale
fut générale dans tout le Midi , & que
les Poëtes de cette Province étoient recher
134 MERCURE
chés en Italie , en France, en Angleterre , en
Eſpagne. " Croit-on que leur langue eût été
» connue dans la plus grande partie de l'Oc
>>cident avant le milieu du treizième ſiècle ,
>> fi long-temps auparavant elle n'avoit éré
>>polie par des Auteurs eſtimables ? » La
langue Françoiſe étoit elle ſous le règne de
Charles IX anti univerſelle que fous celui
de Louis XIV : Elle ne l'eſt devenue que
quand elle a éré polie par des hommes der
génie, On peut voir ce que Ducange dit de
la langue Provençale dans la Préface de fon
Gloffaire. M. l'Abbé Papon n'a rien négligé
pour la défenſe des Troubadours ,& nous ne
croyons point qu'on puiffe le refuter. Sa dernière
Lettre prononce fur le méritedes Trous
badours & fur P'utilite de leurs Poeties. Il
étonnera fans doute M. L. G., qui n'a voulu
voir dans ces Poëtes augtime forte de mérite,
&qui ne les a jugés que d'après des traductions
infidelles . Quant à l'utilité , voici coma
ment M. l'Abbe Papon s'y prend : "NosTrou
>>badours, font les peintres des moeurs &&&
» des uiages. L'eſprit de leur fiècle reſpire
» dans leurs poésies. Vous le voyez ardent
" & impetueux dans les combats , magnifis
que, libéral dans les Cours , loyal dans les
» locistés, fidèle dans les liens de l'amitié ,
>> reſpectueux & tendre ſous la loi de l'amour,
mais vous le voyez auíli emporté dans la
haine,groflier dans la jaloube , fatyrique
dans le dépit, deftructeur dans le brigant
DE FRANCE. 3
> dage , barbare dans le fanatiſme , cruel
>> dans la vengeance ; en un mot, il s'y mon
>>,>the ſous toutes les faces ,& les Ouvrages
>> des Troubadours forment un tableau qui ,
>> malgré ſes défauts, eſt précieux pour
>>quiconque veut connoître l'homme, P'Hiftoire,
les familles, les uſages, les moeurs
En effet , combien d'anecdotes n'y trouvetron
pas touchant le caractère & la conduite
privée des Princes & des autres, perſonnes
qui ont eu le plus de part aux événemens
du temps !Combien de faits inconnus ſur les
- Croiſades, fur la guerre des Albigeois , fur les
guerres particulières de Seigneur à Seigneur ,
fur les Légats du Pape, ſur le Clergé, ſur les
Moines combien de lumières ſur tout ce quit
regarde l'état des perſonnes , la vie privéedesi
grands & des gensdupeuple , leur education ,
lesLettres, les Arts !- Nous n'irons pas plus
loin, & on conviendra, qu'on ne pouvoin
mieux embraffer cette queſtion ni la rendret
plus intéreſſante,
136 , MERCURE
LA France Chevaleresque & Chapitrale
un Volume in-1 2. Prix , 3 liv. broché. A
Paris , chez Leroy , Libraire , rue S. Jacques,
vis-à- vis celle de la Parcheminerie.
Nous pouvons affurer que cet Ouvrage
nous manquoit ,& qu'il ne contient rien qui
ne foit très utile & même très néceſſaire à
une portion affurément bien reſpectable de
l'Étar , c'eſt à- dire, à la Nobleffe.
Depuis quelques années la Nobleffe paroît
être jalouſe de jouir du plus beau de fes priviléges
, de celui de s'approcher de fon koi;
&comme elle ne peut ſe procurer cet honneur
que ſous des conditions , elle a raffemblé
ſes titres avec ſoin , a mis de l'ordre dans
ſes archives , & il en réſulte que ces preuves ,
devenues néceſſaires, font dans le fait une véritable
recherche des vrais Nobles & des
fauxNobles qu'on peut affimiler à celle qui
fut faite en 1666. Le Livre que nous annonçons
contient une lifte de tous les Chapitres
Nobles d'hommes & de femmes qui exiftent
en France , &de tous les Nobles qui les
compoſent. Le ſoin avec lequel l'Auteur a
rédigé ſon travail lui affure tous les caractères
d'authenticité.On trouve dans ſon Ouvrage
toutes les preuves qui font requiſes, la
manière de les préſenter,&ceux à qui il faut
s'adreffer.
L'Auteur commence par l'Ordre du Saint-
Eſprit , &donne une lifte de tous les ChevaDEFRANCE.
137
liers des Ordres du Roi. Les autres Ordres
fuivent avec les mêmes détails & la même
vérité. L'Auteur n'omet point de parler des
Maiſons d'Éducation, telles que Saint- Cyr ,
l'Enfant-Jéſus & autres pour les Demoifelles ,
&de l'Ecole Royale Militaire & autres Colléges
pour les Gentilshommes.
Le Livre eft terminé par la liſte desGentilshommes
qui ont été préſentés au Roi , & qui
font montesdans les carroffes durant Pannée
1786. L'Auteur donnera tous les ans une liſte
de ceux qui auront eu le même honneur dans
l'année. Il joindra auſſi l'année prochaine une
nomenclature desChevaliers de l'Ordre Royal
&Militaite de Saint Louis qui auront été affociés
dans l'année.
Ony trouve celle des Dames préſentées
& les Contrats de mariage ſignés dans l'année
par la Famil'e Royale.
Onvoitqu'ily adans ce Livre beaucoup de
chofes utiles , &de celles qui contenteront à
coup-sûr la vanité de bien des gens .
Qu'il nous foit permis de faire une obſervation
fur les Contrats de mariage ſignés par
leRoi, c'eſt que nous voudrions que M. Bertier
fût obligé de certifier qu'on n'a pas pris
de fauffes qualités dans le Contrat , c'eſt une
ſupercherie auſſi commune que celle qui fait
dans Paris tant de Comtes &de Marquis qui
font fils de pères très-bourgeois. Il feroit pofſible
de remédier à cet abus par la vigilance
d'un Juge d'Armes prépoſé à cette recherche.
1
138 MERCURE
TRAITÉ des Droits de l'État & du Prince
fur les biens poffédés par le Clergé, où il
est parlé des Affemblées des États-Géné
raux tenus à Paris & autres lieux ; de la
Dixme & des Décimes; des Impoſitions
auxquelles ils ont été soumis, & de celles
dont ils n'ont point été exempts ; de fes
Contributionsfous Henri IV, LouisXI
• Louis XIV & Louis XV; de ses Affemblées,
defes Emprunts & Dons gratuits,
&c. &c . & c. , 6 Vol. in- 12 . Prix, 12 liv.
brochés. A Paris , chez Servières , Libraire ,
: rue Saint-Jean-de-Beauvais.
DANS les circonstances actuelles, la grande
queſtion que préfente le titre de cet Ouvrage
eſt fans doute très-intéreſfante à diſcurer;
mais fi le moment préfent prête un nouvel
intérêt à ce genre d'Ouvrage, it ſemble
nous impofer aufli une forte de circonfpection,
& nous interdire de mêler notre opinion
particulière au compte que nous devons
en rendre au Public. Nous allons donc nous
borner à faire connoître le but de ce nouveau
Traité.
L'Auteur commence par établir que
l'exemption de toutes charges publiques réchmée
par quelques Auteurs en faveur du
Clergé , n'eft nullement fondée fur le Droit
divin; & loin de voir cetre exemption dans
PÉvangile ou dans les Apôtres , il y voit des
:
:
DE FRANCE.
139
paſſages très-poſitifs qui les y affujériffent formellement.
L'immunité eccléſiaſtique n'étant pas de
Droit divin , l'Auteur parcourt les différens
fiècles de l'Égliſe , & examine s'ils ont pu
la tenir de la libéralité des Princes ou du
confentement des États. Dans les trois premiers
fiècles de l'Églife , la Religion Chré
tienne étant regardée comme digne de per
fécution ,n'étoit pas propre à obtenir des privilèges
à fes Miniſtres. Dans des temps plus
heureux , cette Religion étant devenue domi
nante dans l'Empire , le Clergé a obtenu des
dons, des priviléges , mais jamais l'exemption
des charges publiques.
Les Eccléſiaſtiques en France , quoique plus
favoriſes , ont toujours contribué aux beſoins
de l'État comme les autres Propriétaires de
fonds. Sous les deux premières Races de nos
Rois,& même ſous la troiſièmes l'Auteur les
voit toujours affujétis aux communes impofitions;&
quant à ce qu'on appelle le don gra .
tuit , il prétend que le mot ne fait rien à la
chofe.
* Mais en ôtant au Clergé l'exemption des
charges publiques , il reconnoît un droit qui
lui appartient incontestablement , celui d'être
admis comine un Corps de l'État aux Affemblées
générales de la Nation , ainſi que la Nobleſſe.
Dès la fin de la première Race ils ont
commencé à connoître des affaires d'État , &
à n'être impoſés , comme les autres Corps ,
quedeleur confentement.
140 MERCURE
Après toutes ces diſcuſſions, l'Auteur de
ceTraité rend justice à la conduite du Clergé
envers l'État ; il prouve que dans les cinquantepremières
années de ce fiècle leClergé
a payé réellement trois cens millions , &
qu'outre les charges qui lui ſont communes
avec les autres Membres de l'État, il donne
chaque année le ſeptième ou même le fixième
de fon revenu.
ANNONCES ET NOTICES.
TRAITE fur l'Administration du Comté de
Provence , par M. l'Abbé de Coriolis, Conſeiller
du Roi en la Cour des Comptes , Aides & Finances
de Provence, Tomes I & II , in-4°. A Aix , de
l'Imprimerie de la Veuve d'Auguſtin Adibert, Inprimeur
du Roi , rue Plate-forme.
Il paroît deux Volumes de cet important Ouvrage
, qui doit en avoir trois . L'Auteur l'a divifé
en trois Parties; la première contient l'Adminiſtration
générale du pays; la ſeconde celle des Vigneries,
& la troiſième comprendia celle des Communautés.
On voit que ce plan ne la ſſe rien à defirer ,,
& l'exécution nous a paru mériter également des
éloges,
SAINTE BIBLE , traduite en François. Nouvelle
Édition , miſe dans un meilleur ordre pour la diftribution
des volumes , & augmentée de pluſieurs
Pièces nouvelles , Notes , &c. in-8 °. A Niſmes ,
DE FRANCE 141
chez Pierre Beaume , Imprimeur- Libtaire , & fe
trouve à Paris , chez G. Deſprez , Imprimeur , rue
S. Jacques
Ce nouveau volume eſt le premier du Nouveau
Teftament.
NOUVELLE Méthode pour apprendre à lire& à
prononcer correctement le Latin , avec un Manuel
des Clercs , & c. Prix , is fols broché , & 1 v
$ ſols relié en parchemin. A Paris , chez Auteur ,
au Colsége de Navarre.
Cet Ouvrage eſt un Alphabeth complet. On y
trouve des règles pour la prononciation du latin,
qui ſont à la portée des enfans &de ceux qui n'ont pas
énié la grammaire latine. Dans le Manuel dés
Clercs , l'Auteur , qui a eu l'honneur d'eue longtemps
dans le ministère , a réami tout ce qu'un enfant
doit favoir pour affiſter déceniment le Prêtre dans la
célébration de la Meſſe & l'adminiſtration des Sacremens,
ATLAS & Description du Canal Royal de
Languedoc , ou Architecture Hydraulique du Canal
des deux Mers , compoté de la Carte générale du
Canal & de ſes Environs, des Plans & Élévations
des Aquéducs , Écluſes , Baffins , Voûres , Ré
fervoirs , &c. , avec lear Deſcription; par M. de la
Roche , ancien Ingénieur des Ponts & Chaudées,
Prix . 10 liv, relić,
La Carte générale du Canal re vend (éparément
I liv. 4 Cols. A Pasis, chez Dezauche , Geographe ,
fucceſſeur des ficurs Delide & Phil . Biache , pre
miers Géographes du Roi , de l'Académie Royale
des Sciences , rus des Noyers.
ATLAS Historiqus , Chronologique & Géogra
142 MERCURE
phique du règne de Henri IV, depuis 1589 jusqu'en
1610 , précédé du Portrait , caractère & moeurs de
Henri IV, de ſa généalogie & de ſa poſtérité , avec
des Cartes géographiques combinées reſpectivement
à l'objet. Prix , 7 liv. 10 ſols relhé.
La Carte de France où ſont indiqués les fiéges,
batailles , combats , &c. ſe vend ſéparément I liv.
10 fols, ainſi que la Carte qui comprend la partie
d'Europe qui y a eu part. Prix , I liv. 4 fols. Même
Adreſſe que ci-deſlus .
CARTE du Diocese de Grenoble , dédiés à M.
de Bonreville , Évêque & Prince de Grenoble, avec
une Notice de Grenoble , du Dauphiné & de ſes
merveilles. Prix , I liv. 10 fols. Même Adreſſe que
ci-deffus.
HUITIÈME Livraiſon des Estampes pour les
OEuvres de Voltaire in-88. A Paris , chez l'Auteur,
M. Moreau , Deſſinateur & Graveur du Roi & de
fon Cabinet , rue du Coq-Saint-Honoré.
Le plus grand éloge qu'on puiffe faire de cette
Livraiſon, c'eſt de dire qu'elle eſt digne des précédentes.
COMBAT des Horaces , Eftampe gravée par
Avril, d'après le Tableau peint par Lebarbier l'aîné,
de l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture.
Prix , 16 liv . A Paris , chez l'Auteur , rue de la Huchette
, nº. 20.
Cette Eſtampe, gravée avec fermeté, rend l'effet
du Tableau , &fait honneur au burin de l'Auteur.
:
CARTES détaillées des Pays-Bas & des Provinces-
Unies en quatre feuilles , par M. Mentelle ,
Hiftoriographe de Mgr. Conte d'Artois. Prix ,
DE FRANCE.
143
-
4liv. chacune enluminée. A Paris , chez l'Auteur ,
rue de Seine , nº . 27 , & chez le fieur Vignon , rue
Dauphine, vis-à-vis celle d'Anjou.
VUE de la Place de Louis XV au moment où l'on
place la Statuefurfon piédestal , d'après le Tableau
peint par M. Machy , gravée par A. F. Hemery.
Prix , 12 liv. A Paris , chez Hemery , Giaveur , rue
Saint Jacques , entre la Place de Cambrai & le Collége
du Pleffis ,, п . 64.
Cette Eſtampe , qui mérite d'être accueillie , eft
de même grandeur que les Vues intérieures de Paris
deffinées par M. leChevalier de Leſpinaffe , & gravées
parM. Berthaux.
VINGT- NEUVIÈME & trentième Suités d'Air's
d'Opéras Comiques en quatuors conertans , avec
Ouverture pour deux Violons , Alto & Baffe choifis
, la vingt-neuvième dans l'Opéra de Nina , arrangés
par M. Alexandre , & la trentième dans
l'Opéra de Phedre , arrangés par M. G. Cambini.
Prix , 6 liv. chaque Numéro. Cette Collection fe
diftribue par Opéras ſéparés. - Premier Recueil
Ariettes de l'Opéra de Phedre , avec Accompagnement
de Guitare , par M. Alberti. Prix , 4 liv.
4 fols. Troisième Concerto pour le Clavecin ,
deux Violons , Alto & Baſſe , par J. Haydn. Prix ,
6 liv .-Numéros 7 & 8 du Journal de Clavecin ,
par les meilieurs Maîtres. Prix , ſéparément 3 liv.
Abonnement 15 liv. -Numéros 29 à 34 du Journalde
Harpe, par les meilleurs Maîtres , & ة 39
44 du Journal Hebdomadaire , compoſe d'Airs de
Chant, avec Accompagnement de Clavecin. Prix ,
chaqueNuméro 12 fols. Abonnement pour chaque
Journal de cinquante-deux Numéros is liv. Tous
cesOuvrages rendus francs de port par la poſte. A
144
MERCURE
Paris, chez Leduc , au Magaſin de Muſique & dInf
trumens , rue du Roule , nº. 6.
-
SONATE pour le Clavecin ou le Forte-Piano,
avec Accompagnement de Flûte , par L. Jadin. Prix ,
liv. -Numéro +4 du Journal de Pièces de Clavecin,
par différens Aureurs. Abonnement des douze
Numéros 30 liv, franc de port. Trois Sonates
pour le Clavecin , Violon ad libitum , par M. С.
Broche , Claviciniſte de M. le Prince de Bouillon ,
luvre III . Prix , 7 liv. 4 fols. A Rouen , chez l'Auteur,
bôtel d'Ernement, rue Saint Laurent; & fe
trouve à Paris , ainsi que le précédent , chez M.
Boyer , rue de Richelieu , à la Clef d'or , Paſſage da
Café de Foy , & chez Mme Lemenu , rue du Roule ,
àlaClefd'or.
T
TABLE
1
RADUCTION de la qua- gryphe ,
trième Ode d'Horace , 97 OEuvresdeM.
115
Léonard , 117
L'Epée, la Plume& la Robe, Voyagede Provence , 10
98 La France Chevalereffe& Chapitrale,
136
Fable,
Couplets aux Femmes , 100
Wakandal , Histoire vérita- Traite des Droits de l'Etat &
ble , 102 du Prince 138
Charade, Enigme & Logo- Annonces & Notices , 140
APPROΟΒΑΤΙΟΝ.
J'ai lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux , le
Mercurede France , pour le Samedi 15 Sept. 1787. Je n'y
ai tien trouvé qui puiffe enempecherl'impresion.A
Faris, le 14 Sept. 1987. RAULIN .
SUPPLÉMENT
AU MERCURE * .
JOURNAL HEBDOMADAIRE de la
Librairie Etrangère , ou Catalogue rai-
Sonné de la Librairie Académique de
Strasbourg , contenant le titre , le prix
& une Notice détaillée des Ouvrages
nouveaux dans toutes les parties des
Sciences & des Arts ; dédié à M. de
Lamoignon de Malesherbes , Ministre
d'Etat .
1
SECONDE ANNÉE 1787.
QUOIQUE le titre de Catalogue raisonné
n'annonçât qu'imparfaitement au Public le
but & l'utilité de ce Journal , la Librairie
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Profpectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cette Feuille , les Profpectus qui cidevant
ſe perdoient & n'étoient pas lus du Public ,le conferveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs fraisſe trouveront confidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du rirage , du pliage , &c . de
venant une dépenſe commune pour chacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles , on ne pouvoit auſſi y parler que très impar-
Supplém . No. 37. 15 Septembre 1787. *
( 2)
Académique ne peut que ſe louer de l'aecueil
qu'on lui a fait dans les différentes
parties de la France & de l'Europe où il eſt
parvenu. Encouragée par le fuffrage de ſes
Souſcripteurs & d'un grand nombre de Savans
, & par la protection que le Gouvernement
daigne lui accorder , elle cherchera
de plus en plus à s'en rendre digne.
Cette feconde Année remplira mieux encore
, à ce qu'elle eſpère , le double but
qu'elle s'eft propoſé. On trouvera dans ce
Journal une eſpèce d'avant-coureur , où les
Notices des Livres nouveaux de tout le nord
de l'Europe , de l'Allemagne , de la Hollande
, de l'Angleterre , de l'Italie , de l'Efpagne
, &c . , feront affez détaillés pour ſuppléer
à des Journaux très-multipliés& trèschers
, & mettre les Savans & les Amateurs
à portée d'apprécier les Ouvrages. D'un autre
côté , la Librairie Académique , promptement
& abondamment pourvue de toutes
les Nouveautés qu'elle annoncera , pourra
faire avec la plus grande célérité les envois
qu'on lui demandera , & n'épargnera rien
pour ſatisfaire ceux qui voudront s'adreſſer
àelle.
faitement des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts,
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement
fur ces objets.
On doit s'adreſſfer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4 pages 84 liv . , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donner au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
1.
( 3 )
Chaque Numéro de ce Journal fera accompagné
d'Annonces & Nouvelles Littéraires
, où l'on rendra compte des découvertes&
inventions nouvelles dans les Sciences
&dans les Arts , des Prix propoſes & accordés
par les Académies étrangères , des
honneurs & encouragemens diftribués aux
Savans & aux Artiſtes , des entrepriſes utiles,
& de la mort des hommes célébres .
On y annoncera avec la plus grande exactitude
les Traductions que les Etrangers feront
des Ouvrages françois , & l'opinion
des Journaliſtes Etrangers les plus accrédités
fur les Livres françois qu'ils auront fait
connoître ; mais ſeulement lorſque l'on
croira que leurs obſervations peuvent être
utiles à l'Auteur, ou réveiller l'attention du
Public en faveur d'un Ouvrage qui n'aura
pas été affez connu ,
En un mot , la Librairie Académiquen'a
d'autre déſir que de pouvoir contribuer , par
cetOuvragepériodique, au bien des Sciences,
-des Arts&du Commerce ; & elle ſe propoſe
d'offrir de temps en temps des Feuilles de
ſupplémens , lorſque les matières feront trop
abondantes.
Le prix de la Souſcription pour l'année ,
compoſée de quarante-huit Numéros , chacun
d'une demi-feuille d'impreſſion in- 8º. ,
:d'une Table des Matières , eſt , à Paris & à
Strasbourg , de 12 liv. , & de 13 liv. 4 f.
pour la Province , rendu franc de port par
la Pofte.
ij
( 4 )
On s'abonne à Paris chez MuSIER , Libraire,
rue Pavée-Saint-André , la première
porte cochère à droite en entrant par le quai
des Auguftins , Nº. 28 ; à Strasbourg , à la
Librairie Académique , chez les principaux
Libraires , & à tous les Bureaux de la Pofte
de France.
Nouvelles Lettres fur les montagnes , Livre
claſſique , particulièrement destiné cux
gens du Monde , & aux jeunes perſonnes
qui veulent acquérir des connoiſſances utiles
&fatisfaisantes fur la formation des montagnes
, accompagné d'une Collectionſyſtématique
des Pierres , par M. Voigt.
On cultive aujourd'hui avec tant de ſoin
toutes les parties de l'Hiſtoire naturelle ,
cette Science a tant d'attrait pour tous les
ſexes & tous les âges , ſon utilité eſt ſi dé
montrée , qu'elle entre dans l'éducation de
toutes les perſonnes que l'on veut bien
élever. Mais la plupart des Livres ſyſtématiques
qui ont été publiés, ſemblent particulièrement
destinés à l'uſage des Savans ,
ou de ceux qui, ayant déjà un fond de connoiſſances
, déſirent de les fixer & de les
augmenter. Nous avons beſoin de Livres
élémentaires , dans lesquels les objets préſentés
avec clarté & fimplicité , dépouillés
de l'appareil ſcientifique qui les rend plus
difficiles à ſaiſir, foient mis à la portée de
tout le monde. Ces Livres ne ſont pas fi
faciles à faire que l'on penſe , & il ne fuffit
pas d'être Savant pour y réuffir.
( 5 )
M. Voigt , Secrétaire des mines du Duché
de Weimar , peu connu en France ,
mais célèbre en Allemagne , où l'on compte
tant de Savans Minéralogiſtes , réunit au
plus haut degré toutes les qualités que l'on
peut ſouhaiter dans un Auteur élémentaire.
Ades connoiſſances pratiques d'une étendue
peu commune, il joint une méthode ,
une clarté , & une briéveté qui ne ſont pas
moins rares.
Les Lettres ſur la formation des montagnes
primitives & ſecondaires , peuvent
être regardées comme le meilleur Ouvrage
de ce genre. Pour les rendre plus inteligibles
, il les fait accompagner d'une Collection
des matières qui entrent dans la compoſition
des montagnes.
CetteCollection est compoſée de ſoixante
morceaux , dont quatorze ſonttirés desmontagnes
primitives , vingt-ſept de celles qui
ont été formées par les eaux , quatorze morceaux
volcaniques , &cinq pierres qui font ,
pour ainſi dire, dans le moment deleur croiffance.
Chaque morceau pèſe environ une
demi-livre ; le tout coute trente livres .
Ce ſimple expoſe ſuffit pour faire connoître
l'utilité de cet Ouvrage. Il n'eſt pas
une Maiſon d'éducation publique , pas un
Inſtituteur particulier qui ne doive ſe le procurer.
Ilne fera pas moins agréable à toutes
les perſonnes qui veulent apprendre à obferver
laNature, en voyageant ou en ſéjournant
à la campagne.
* iij
( 6 )
Il faut s'adreffer à la Librairie Académique
à Strasbourg , ou le faire infcrire à
Paris chez MUSTER , Libraire , rue Pavéé
Saint-André , la première porte cochère à
droite par le quai des Auguſtins , Nº. 28 ,
qui aura inceſſamment le Livre & la Collection.
Lu & approuvé , ce ; Août 1987. DE SAUVIGNY .
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer , ce z Août 1787.
DE CROSNE.
MACHINE POLYCHRESTE , verticale
& horizontale.
LA Machine Polychrefte que nous offrons
au Public , eſt une de ces découvertes
heureuſes qui ſe préſentent rarement dans
les Arts, il faut le hafard, ou un de ces
génies profonds qui , bravant tous les obftacles
, parviennent , à force de calculs &
de combinaiſons , à trouver des réſultats
heureux de leurs recherches.
On doit cette agréable invention à M. le
Chevalier de S *** , qui , par des raiſons
particulières , après l'avoir annoncée au Public
par une Souſcription , a enfuite rendu
les engagemens , & en a dérobé le ſecret
à tout le monde , ayant par - là enfeveli
dans l'oubli la plus belle découverte pour les
Artiſtes & les Amateurs.
Pénétrés d'un juſte regtet , & animés par
1 .
( 7)
l'eſpoir, nous nous ſommes occupés de cette
Machine , & ni peines ni dépenfes ne nous
ont arrêtés : en effer , nous avons été récompenfés
au delà de nos eſpérances ; nous
avons non ſeulement réuſſi à produire les
mêmes effets dans la même perfection ,
mais encore nous y avons donné toute
l'extenfion dont elle étoit ſuſceptible , ayant
enchéri fur ce que l'Inventeur lui - même
avoit déjà fait , en pouffant au ſuprême degré
l'utilité de cette Machine dans les Arts ,
& nous pouvons nous flatter que c'eſt un
véritable préſent à faire aux, Amateurs & aux
Artiftes.
Nous ne nous étendrons point fur l'analyſe
& defcription des effets étonnans de
cette Machine ; le Public en a déjà eu une
notion fuffifante dans le Profpectus publié
dans le temps par l'Inventeur , & par l'infpection
oculaire des effets. D'ailleurs les
atteſtations & les éloges qu'ont prodigués
trois des plus renommés Membres de l'Académie
Royalede Peinture & de Sculpture ,
M. Cochin , M. de Saint-Aubin , & M.
Halle (*) , nous font un sûr garant que les
Amateurs & les Artiſtes ſauront apprécier
le mérite de cette découverte. T
Pour donner une idée de cette Machine à
cette portion du Public qui en ignore les
effets, nous ne pouvons mieux faire que
(*) Voyez le Journal de Paris, du 21 Janvier
1785 ,& le Profpectus de l'Inventeur.
* iv
( 8 )
د
de tranſcrite ce que l'Inventeur lui même
en a dit dans ſon Profpectus. L'uſage de
cette Machine ſurpaſſe de beaucoup tous
les moyens dont on s'eſt fervi juſqu'à préfent
pour ſe procurer des copies fidèles des
différens chef- d'oeuvres de l'Art ; cette Machine
met ſous les yeux , ou plutôt ſous la
main de la perſonne qui veut copier , un
tableau fidèle & précis de tous objets quelconques
que l'on défire voir deſſiner ou
peindre , & cela , de la proportion & grandeur
que l'on veut avoir. Une miniature ,
gravure , plan carte géographique , basrelief
, coquilles , minéraux , & univerſellement
tous objets qui ne feroient que de
la grandeur d'un pouce , peuvent , à volonté,
être portés dans l'inſtant ou par degré
, à deux cents fois la grandeur originale
; de même un objet de pluſieurs pieds
peut être réduit à n'être qu'une miniature ,
confervant dans fon augmentation ou diminution
la plus grande exactitude de defſein
& préciſion de couleurs. On peut ,
avec cet inſtrument , faire l'analyſe de toutes
les productions de l'Art. Un Amateur
dépourvu des talens néceſſaires , ſans ſavoir
même deſſiner , peut fans peine s'en procurer
les copies les plus fidèles , l'objet
étant deſſiné & peint dans toutes fes couleurs
devant lui .
En même temps que nous rendons toute
la juſtice qui eſt due à l'Inventeur de cette
Machine , nous devons obſerver qu'elle
) و (
étoit bornée du côté de les effets , relativement
à l'utilité , car en général elle étoit
limitée à repréſenter en grand des objets
d'une petite étendue , à moins que d'en
rendre la conſtruction fort incommode &
dans certains cas , vu ſa pofition preſque
impraticable : c'eſt à quoi nous nous fommes
principalement occupés ; car le but &
le beſoin des Artiſtes ne ſe borne point ,
ſoit à copier en grand une miniature , un
camée , un petit bas-relief, &c. mais tous
les objets de telle grandeur que ce ſoit ,
nature morte , & principalement la nature
vivante ; l'effet de la nôtre a furpaffé nos
eſpérances ; nous ſommes parvenus à faire
repréſenter à cette Machine depuis les plus
petits objets juſqu'à une figure naturelle ,
de façon à pouvoir même faire le portrait
d'une perſonne de telle grandeur & proportion
que l'on défire.
Quoique nous ayons été obligés de fuivre
le même principe , nous avons été contraints
cependant d'en faire une particulière , pour
repréſenter les objets depuis trois à quatre
pouces juſqu'à fix pieds , ce qui fait une
Machine ſéparée horizontale (*) . Ses effets
ne ſont pas moins ſurprenans ; car , à
(*) La Machine Polychreſte horizontale do nne
la projection de l'image fur une table poſée horizontalement
, & celle verticale la donne fur
un plan poſé perpendiculairement fur un chevaler.
( 10 )
l'aide de cet inſtrument , on furmonte toutes
les plus grandes difficultés de la Feinture
; ſavoir ,la compoſition, la perſpective ,
& l'effet du clair obfcur; par conféquent
nous affectons plus volontiers cette Machine
aux Peintres .
Perfonne n'ignore la grande difficulté qui
arrête les Artiſtes lorſqu'il s'agit de compofer
un tableau. La complication des figures ,
l'art de les grouper , la perſpective , le
clair obfcur , difficilement s'accordent enſemble
à la première eſquiſſe , qui a déjà
couté une peine infinie pour les perſonnes
auxquelles la compofition n'eſt pas familière;
il faut la recommencer , ſoit parce
que les figures ne ſont pas groupées fuivant
fon imagination , foit pour s'affurer
fi la perſpective eſt régulière , & pour y
femer plus de contraſtes dans le clair obtcur
: infenfiblement le Peintre eſt fatigué,
l'imagination ne fournit plus d'idées , l'exécution
n'eſt plus conforme au plan qu'on
s'eſt formé; d'après cela on ſe rebute , &
la plus brillante invention reſte enfouie dans
lenéant.
Nous ofons nous flatter d'avoir , par ce
moyen , furmonté toutes ces difficultés , à
l'exception de l'invention , qui n'appartient
qu'aux génics doués par la Nature de cette
fublime qualité ; mais une fois la première
idée conçue , nous répondons de l'exécurion,
foit pour grouper les figures , foit pour la
perſpective & l'effet du clair obſeur , trois
( II )
objets effentiels dans cet Art. Combien de
jeunes Elèves , qui , fachant parfaitement deffiner
, ayant des idées très-riches , & fourniſſantmême
aux autres plus exercés qu'eux ,
des ſujets à traiter , ne peuvent pas par euxmêmes
exécuter le plus petit projet , faute
de cette étude particulière d'invention ? leur
génie reſte circonfcrit & refferré dans des
très bornes étroites ; avec tout leur talent ils
ne peuvent atteindre juſqu'à l'Hiſtoire .
Nous réuniffons avec cette Machine tout
ce qui peur intéreſſer l'Art de la Peinture ;
elle conduit , pour ainſi dire , l'Artiſte par
la main progreſſivement depuis la première
idée à l'ébauche , aux études de chaque figure
&autres acceſſoires , en particulier juſqu'à
la parfaite terminaiſon d'un tableau .
Quelque compliqué que ſoit un objet ,
quand même il ſeroit imparfaitement modelé,
cette Machine offre la perſpective immédiate
, déterminée ,& calquée d'après la
Nature même. On y verra avec la plus
grande facilité produire les jeux & la variété
de ces accidens de la lumière , qui ,
pris d'après nature, ne ſçauroient être que
très difficilement prévus ou inventés par
les Artiſtes les plus exercés : on pourta dans
une minute changer toute la difpofition
d'un tableau , éclairer différemment les mafſes
, & la varier à volonté, juſqu'à ce qu'on
s'apperçoive que l'idée eft remplie & l'imagination
fatisfaite .
Rien donc de plus agréable pour un Pein(
12 )
د
tre , que de voir devant lui le modole de
fon tableau , avant même qu'il ait donné
un ſeul coup de pinceau ; il peut même
dans un inſtant lui donner plus d'étendue
en le portant à la proportion qu'il défire
il peut le réduire à une ſimple miniature.
Mais quand même tous ces moyens réunis
ne ſerviroient que pour lui faire produire
la ſeule ébauche de ſon tableau , qui eſt
cependant la partie eſſentielle , & d'où dépend
toute la réuſſite , nous penſons que
nous aurions aſſez fait ; néanmoins nous conduiſons
l'Artiſte aux plus petits détails : une
fois ſa maſſe arrêtée , nous lui facilitons
l'étude particulière de toutes les autres parties
de fon tableau , ſoit qu'il les prenne
d'après nature , ſoit d'après la boſſe ; quelque
objet qu'on place dans cette Machine ,
foit naturel , ſoit artificiel , ſe peint d'après
nature , ou , pour mieux dire , on la force
de ſe peindre elle-même pour ſervir de modèle
; ainſi les draperies & autres acceſſoires
, dont il feroit trop long de faire ici
l'énumération , ſur-tout lorſqu'on s'adreſſe
à des Artiſtes .
C'eſt avec cette Machine que les Peintres
verront combien la lumière varie ſes
couleurs ; ils pourront analyſer le plus petit
trait de lumière; ils verront les couleurs
homogènes qui compoſent la lumière d'une
petite perle d'or , d'acier , ou de tous autres
objets , qui , quoique compoſés de plufieurs
couleurs , dans un éloignement convena(
13 )
ble' , paroîtront confondus & n'en formeront
qu'une feule. Enfin cette Machine
ſera la pierre de touche des portraits en
miniature , quant àla reſſemblance &quant
au fini ; il eſt conſtant qu'un portrait de ce
genre , qui eſt porté à grandeur naturelle ,
laiſſera mieux appercevoir s'il reſſemble ou
non , s'il eſt fini ou ſimplement ébauché ,
& fi le deſſein en eſt correct.
Les Amateurs trouveront dans cette Machine
un champ vaſte d'amuſement ; rien
n'eſt plus agréable que de voir l'imitation
parfaite de la Nature ; tous les objets qui
tomberont fous leur main , pourront être
peints en un inſtant; on pourra avoir en
peu de temps les portraits très- reſſemblans
de toutes les perſonnes qui compoſeront
une fociété un groupe de deux ou trois
figures naturelles , enfin varier ce plaifir à
l'infini.
Nous pouvons donc conclure que l'illrfion
ne ſçauroit être plus agréable ; & nous
nous flattons d'offrir aux Artiſtes une invention
tout-à- fait particulière pour foulager
leur imagination , & pour apprécier
toutes les productions de l'Art; & aux Amateurs
l'amusement le plus agréable & le
plus ſimple que le génie puilie jamais preduire,
puifque , fans aucune connoillance de
peinture, ils pourront , en ſuivant les traits ,
exécuter les deſſeins les plus difficiles , & de
la grandeur qu'ils déſireront : un peu d'habitude
les mettra bientôt au fait de pro
( 14 )
duire d'eux- mêmes ce que la théorie ne
leur aura point montré , car ils apprendront
à peindre comme on apprend parmi une
Nation étrangère une Langue ſans l'avoir
étudiée par principes.
e Les dépenfes conſidérables dans leſquelles
nous avons été entraînés pour la conſtruction
& perfection de cette Machine , nous
ont déterminés à la propoſer au Public par
ſouſcription.
Avant que de ſouſcrire , le Public pourra
s'aſſurer par ſa propre inſpection , de la
réalité de ce que nous annonçons : on verra
l'effet de ces Machines chez le ſieur Nofeda ,
Opticien , au Palais Royal , n°. 93 , depuis
le 23 Août juſqu'au 15 Octobre incluſiver
ment , tous les jours depuis dix heures du
matin juſqu'à midi , toutes les fois que le
foleil brillera dans toute ſa force , fans quoi
la démonſtration ſera remiſe au lendemain
ou bien au premier jour que le ſoleil luira.
Les Billets d'entrée ſont de trois livres , &
feront diftribués par le ſieur Noſeda .
CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.
:
Nous délivrerons à chaque Souſcripteur les
deux Machines ci-deſſus , telles que le Public les
-verradans les démonstrations ; les perſonnes qui
déſireront des embelliſſemens extraordinaires ,
payeront ces augmentations à part , ainſi que
les objets à voir .
Le prix de ces deux Machines ſera de huit
louis; on payera quatre louis en ſouſcrivant ,
& le reſte au moment de la livraiſon .
1
( 15 )
La Souſcription est actuellement ouverte , &
on ne délivrera les Machines qu'au 15 Octobre ,
par ordre des numéros de l'infcription. On foufcrit
chez M. CASTEL , Notaire , rue S. Honoré ,
preſque vis-à-vis S. Roch , qui délivrera à chaque
Souſcripteur une reconnoiffance conçue en
ces termes :
MODÈLE DE SOUSCRIPTION .
Je reconnois que M. afoufcrit
pour une Machine Polychreste , verticale &horizontale
, & qu'il m'a remis la fomme de quatre-vingt-
Seize livres à comptejur celle de cent quatre-vingtdouze
livres , prix total de la Soufcription , dont
il s'engage de remettre le ſurplus en recevant les
Machines . A Paris , ce 1787.
Nota. Chaque Souſcripteur rendra la reconnoinfance
de fa Soufcription lorſqu'on lui livrera
les Machines , & c'eſt avec cette même reconnoiffance
que nous retirerons de chez M. CASTEL,
Notaire, la ſomme qui lui aura été déposée , &
cet Officier en ſera déchargé vis-à- vis des uns
&des autres.
۱
Et on s'adreſſcra an ſieur Noſeda pour tout ce
qui eſt relatif à ces Machines ; il ſe fera un plaifir
de fatisfaire à toutes les demandes qu'on pourra
lui faire , & on aura ſoin de donner liſiblement
fon nom & fa demeure , ainſi que d'affranchir
les Lettres & le port de l'argent.
Lu &approuvé, ce 6 Août 1787. COCHIN.
Vu l'approbation. Permis d'imprimer , be 10 Août 1787.
DE CROSNE.
( 16 )
AVISfur l'Histoire Univerſelle , traduite de l'Anglois
, 126 Vol. in-8 ° . , dont il paroît 102 Vol.
A Paris, chez MOUTARD , Libraire - Imprimeur
de la REINE , rue des Mathurins , Hotel
de Cluni.
CETTE Traduction , commencée en 1778 , a
été ſuivie ſans interruption juſqu'à ce jour , &
ſera irrévocablement terminée à la fin de 1788
ou au commencement de 1789.
Les Tomes 97 , 98 & 99 renferment l'Hiftoire
d'Allemagne; les Tomes 100 , 101 &102,
les Hiſtoires des Provinces-Unies & du Danemarck
; le Tome 103 , qui va paroître , contiendra
la fin de l'Hatoire duDanemarck & le
commencement de l'Hiſtoire de Suede. Il ne reſte
plus à donner au Public que l'Hiſtoire de la Pologne
, de la Ruffie , de l'Amérique , & de l'An
gleterre ; & le Public aura la ſeule Collection
complette des Hiſtoires de tous les Peuples du
Monde.
Depuis long-temps nous n'avons plus d'exemplaires
complets; nous nous ſommes déterminés
à réimprimer les Volumes qui manquent , &nous
ſommes en état de fournir les 36 premiers Volumes
aux perſonnes qui voudront ſouſcrire , &
les 24 ſuivans à la fin de l'année. Le prix de chaque
Volume eſt toujours de 4 liv. 10 f. pour les
nouveaux Souſcripteurs. Pour la commodité de
ceux qui défireront fe procurer cet Ouvrage ,
nous laiſſons la liberté de n'en prendre que fix
Volumes à la fois .
Nous invitons MM. les anciens Souſcripteurs
qui ont négligé de ſe compléter , à le faire inceffamment;
ils riſqueroient de n'avoir qu'un Ouvrage
imparfait.
Lu&approuvé. AParis , ce 11 Septem. 1787. NYON l'alné ,
Adjoint .
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 30 Août.
TE Roia contéré le
commandement de
Pillau & de Memel au Major- général
Comte de Henkel. Le Lieutenant d'Ammon ,
un des Adjudans du Lieutenant général de
Gaudi , et arrivé ici le 20 , & a continué
fur le champ fa route pour la Siléfie où ſe
trouve S. М.
L'Académie des Sciences a tenu le 23
une Séance publique , en préſence du Prince
Royal & du Prince Louis de Pruffe. M.
Formey , Secrétaire perpétuel , l'ouvrit par
ún di cours , dans lequel il entreprit d'établir
la ſupériorité du Roman de Sethos par
l'Abbé Terrafſon , ſur le Télémaque ; il ap
N°. 37. 16 Septembre 1787 .
e
( 98 )
prit enſuite à l'Académie que le Roi avoit
approuvé le choix qu'elle avoit fait du ſieur
Herder , Surintendant général à Weimar ,
commeMembre étranger. Dans cette Séance
M. le Comte de Hertzberg , Miniſtre d'Etat
&du Cabinet , lut un Mémoire hiftorique
des bienfaits du Roi actuel , depuis fon
avénement au trône , & en général fur
tout ce que Sa Majesté a fait exécuter pour
le bien de ſes Provinces. M. Achard
remit à l'Académie ſes obſervations méréorologiques
du mois de Juillet , & il lui préſenta
deux échantillons de chapeaux , qui
lui ont été envoiés par le Docteur Schafer ,
de Ratisbonne , & dont l'en eſt fabriqué
avec de la foie épluchée , l'autre avec de
l'herbe à laine .
Leri , on a fait à Francfort ſur l'Oder
l'inauguration folemnelle du monument érigé
fur la place où le Duc Léopold de Brunfwick
périt fi malheureuſement. Ce monument
a 22 pieds de haut ſur 16 de large. Le
piedeſtal ſupporte un groupe de trois figures
principales , qui repréſentent l'Humanité ,
la Fermeté , & l'Humilité. Ces figures ſoutiennent
une Urne de marbre noir , ornée
de trois couronnes; au-deſſus le buſte trèsreſſemblant
du Duc , exécuté en marbre
blanc de Carare , Une tablette de même
marbre , plus grande &placée ſur le derriere
, porte une inscription Allemande ,
( وو (
dontvoici la traduction littérale : L'humanité,
la fermeté & Thumilité , ces troisfoeurs
célestes portent ton urne , ó Léopold; elles gémiffent
avec la Déeſſe de la ville , dont tu allois
fauver les citoyens , & avec le Dieu de
l'Oder , dont les vagues t'ont englouti , que l
terre ait perdu par ta mort un de ses plus
beaux ornemens. Le piédeſtal eſt entouré de
trois degrés ſur leſquels on voit à droite la
figure d'une femme , ayant fur la tête une
couronne murale , & dans l'attitude de placer
ſur l'image du Duc une couronne de
feuilles de chêne ; à gauche on apperçoit le
Dieu de l'Oder dans une attitude qui exprime
la douleur. Sur le derriere du piédeſtal
une cotte d'armes , furmontée d'un caſque ;
deux génies s'occupent à l'entourer de
guirlandes.
On compte actuellement à Breſlau & dans ſes
fauxbourgs 3,149 édifices , y compris les Eglifes
& les Couvens. Sa population s'éleve à 50,000
ames. Au mois de Juin , il y eſt arrivé 122
bâtimens , parmi leſquels on en a compté 53 de
Stettin , chargés de ſucre brut &d'autres marchandiſes
, & 30 de Berlin , chargés de tabac ,
café , épicerie , &c. Les bâtimens , partis le
même mois , ont été au nombre de 68 ; leur
cargaiſon a conſiſté en bois , cire , faulx , fer ,
toile , plomb , &c .
De Vienne , le 30 Août.
L'ancien Miniſtre de S. M. I. aux Pays-
Bas , le Comte de Belgiojoſo , eft aujour
e2
( 100 )
d'hui formellement rappellé , & remplacé
par le Comte de Trautmansdorff, ainſi que
nous l'avons annoncé il y a huit jours. On
ne fait point encore ſi M. de Belgiojoſo aura
quelque autre deſtination , ou s'il retournera
en Italie , au fein de ſa famille. Quant au
départde ſon ſucceſſeur pour Bruxelles , il
dépend de l'obéiſſance qu'on y montrera
pour les dernieres diſpoſitions de l'Empereur.
Le Comte de Noftitz , Grand Burgrave
de Bohême , eft auſſi demis de ſa charge ,
pour s'être justifié , dit-on , en termes peu
meſurés , de quelques négligences dans l'exercice
de ſes fonctions. D'autres attribuent
ſa retraite à l'état de ſa ſanté ; & quoi qu'il
enfoit, il eft remplacé par le Comte de Cavriani
, Noble Mantouan , Chef Préfident
duGouvernement de la Moravie,
Au paſſage du beau régiment d'Antoine
Esterhazy , l'Empereur en a fait la revue
hors des lignes; ce corps eſt de 3 mille
hommes. On affure que l'ordre de continuer
route a été donné aux 3400. Croates
qui font en mouvement!
L'Empereur a donné de nouveaux ordres
pour achever cette année l'opération de
l'arpentage dans la Hongrie. S. M. a auffi
enjoint que les Juifs établis dans ce Royaume,
jouiſſent des mêmes libertés & privileges
qu'ils ont obtenus dans les autres Etats
héréditaires.
2.
( 101I )
Le 31 Juillet , le feu ayant pris dans la
ville royale de Kæſmarck , en Hongrie , y
a réduit en cendres , en moins de 4 hemes ,
325 maiſons , 2 Eglifes , le Presbytere,
'Hôtel de Ville & 25 édifices dans le fauxbourg.
On apprendde Conſtantinople , qu'il en
eſt parti 13 frégates & pluſieurs brigantins
pour la mer Noire. On ajoute que soco
hommes de troupes Aſiatiques font arrivées
dans certe Capitale,ils doivent ſe rendre
du côté de la mer Noire.
A
De Francfort , le 3 Septembre.
ةر
Onpeut ſe rappeller la réponſe que fit la
Porte aux articles demandés par la Ruffie ,
relativement au Cuban & à la Georgie. La
protection Ruffe , prolongée juſques dans
ces contrées , étoit également défagréable
au peuple & au Gouvernement Turc , &
des cris tumultueux ſe ſont élevés , dirom ,
à Conſtantinople contre le démembrement
de ces Provinces. Le Grand- Vifir , à ce
qu'on prétend , s'eſt déterminé à y faire
marcher une armée , & déja il eſt parti pour
ces contrées divers détachemens de troupes
avec un train d'artillerie. On affure que les
Tartares ſe joindront à l'armée Turque
pour fecouer lejoug de la Ruffie.
On écrit de Berne le détail d'un ſingulier
accident , arrivé à un Aubergiſte du Grn-
,
€ 3
( 1021
dewald , dans les glaces des montagnes , le
7Juillet dernier.
1
Chrétien Bohren , accompagné de ſon domestique
, revenoit de Wetterhorn , conduisant des
chevres & des moutons , qu'ils vouloient faire
paffer ſur le Mettemberg , lorſque tout-à-coup
s'enfonça ſous ſes pieds une maſſe de glace , de
8pieds de large , ſur 19 de long , qui ouvrit un
gouffre de 64 pieds de profondeur , au fond duquel
il fut précipité. Cet infortuné ſe démit le
poignet de la main droite , & eut le bras caffé ;
mais tant par ſa préſence d'eſprit , que par un
bonheur inoui , il découvrit au bas de ce précipice
, ſous la glace , une petite ouverture ,
commeune eſpece de mine , qui a une iſſue près
de la montagne , & qui ſert de canal au ruiſſeau
nommé Welsbach , qui vient de Wetterhorn.
Cette excavation ou canal a 130 pieds de longueur,&
ſe termine à Pembouchure des glaces
par cette ouverture , Bohren , ſuivant le cours de
l'eau , ſe ſauva en rampant ſous la glace , à tra
vers de laquelle il put ſe faire un paſſage & fortir
de ce terrible tombeau , où il ſeroit péri de
la maniere la plus cruelle , fi le fort n'eût ſecondé
fon courage.
Suivant des lettres de Mayence , le 3 du
mois prochain , on procédera à Conſtance
à l'élection folemnelle du Baron de Dah!-
berg, comme Coadjuteur de cet Evêché:De
cette maniere ce Prélat réunira un jour l'Archevêché
de Mayence & les deux Evêchés
de Worms & de Conſtance.
Oncharge àTrarbarch une grande quantité
de bled ,deſtine , dit-on , pour les ma
( 103 )
gaſins Prufſiens dans le Duché de Cleves.
Les greniers du Hundsruk ſe vuident ſucceflivement
, &le prix des grains augmente.
La garniſon de Weſel ne ſe mettra enmouvement,
que lorſque tout le Corps d'armée
ſera en marche. Il eſt certain que pluſieurs
Régimens , qui n'étoient d'abord pas déſignés
pour ſe rendre dans le Duché de Cleves
, ont reçu ordre de partir. On nomme
entr'autres tous les Corps qui ſe trouvent
à la répartition du Duché de Magdebourg.
Le Commandant de la garniſon de
Hildesheim ſe tient prêt à en ſortir avec les
troupes.
Toute l'armée Pruſſienne ſera raſſemblée
dans le Duché de Cleves , les Septembre ;
le 13 , les abfens par congé de la garnifon
deWeſel rejoindront , &le 15 l'armée doit
ſe mettre en mouvement , s'il n'arrive pas
de contr'ordre dans l'intervalle.
On dit que l'Electeur Palatin fera renforcer
de 6 à 8000 hommes les garniſons dans
leDuché de Berg .
Le Landgrave de Heſſe -Caſſel a augmenté
le Corps des Canonniers , & établi à
Caffel une Eco'e d'Artillerie.
On fait que l'Impératrice de Ruffie a ordonné
un voyage maritime aux Indes
Orientales . Cette expédition , aux ordres
du Capitaine Mulofski , a pour objet le
commerce avec cette partie du monde. II
C4
( 104 )
ſe trouvera à bord de cette flotille un Hil
toriographe , un Aftronome, un Botaniſte
&un Deffinateur. M. Pallas eft chargé du
choix de ces ſujets. On affure que le Profeffeur
Forfter, de Wilna , fera de ce voyage
en qualité d'Hiſtoriographe.
Il exifte actuellement dans plufieurs endroits
de l'Allemagne des Albinos. Un jeune ouvrier
de Wirzbourg eſt de cette eſpece; ſes cheveux
ſont tout bancs ,les yeux , rouges comme
ceux des lapins , tournent continuellement dans
leur orbite , & ne peuvent fupporter la lumiere;
ce jeune homme lit dans l'obſcurité & diftingue
parfaitement les pieces de monnoie. Un autre
Albinos , nommé Gaspard Warmath , demeure
àRottershaufen , à a lieues de Killingen ; cet
homme eſt marié depuis 12 ans; il a trois enfans,
mais aucun d'eux n'eft attaqué de la maladie du
pere. Un parent de cet Albinos, qui a la même
maladie , demeure à Sulzthal ; il eſt âgé de so
ans & marié ; ſes enfans n'ont rien qui annonce
la conformation de leur pere.
ITALIE.
De Florence , le 30 Juillet.
(
L'Antiquaire Giacchi a découvert nou
vellement dans les ruines de la ville de Luni
une Urne cinéraire Etruſque affez grande
: elle renfermoit un caſque de métal ,
trois fléches de cuivre & une de fer , avec
une épée très courte , à moitié conſumée
&repliée. Le ſieur Giacchi a trouvé avec
( τος
:
cette urneun beau vale d'une grande capacité
, avec ſes anſes; pluſieurs autres vaſes
de différente grandeur & ſtructure , abfolument
verniflés &de même eſpece que ceux
qui ſe font à Volterra ; une Divinité de terre
cuite , repréſentant une Veſtale voilée ;
deux pateres bien conſervées ; un ftrigille
de bronze très -pur ; pluſieurs médailles aufi
de bronze, & trois autres d'argent. On a
reconnu que celles- ci repréſentoient , la premiere
, Manlia Scantilla; la ſeconde , Ælius
Pertinax ; & la troiſieme, une Cornelia Supera
, avec Lune ſous ſon bufte. On n'a
pu diftinguer ſi l'oiſeau placé à la droite du
buſte eſt un Paon , ou une Corneille. On
lit les deux belles Inſcriptions Romaines
que voici :
A. Octavio Eroni
Majori
Coloni & Inquilini.
S. C.
Lunæ Etrufcæ Incolis
Inquiliniſque
Populus Rom. Amicitiam B. M. A. mari
AdAlpes , ad montes Ligurum
Ad Aumen Apuanam Agros
Jmm. Colere Vectigal A Viatoribus
Exigere Portus Ericinaſque
Stationes
Hyem tenere
Conceffit
L. Menenius P. Set. Coff.
es
( 106 )
GRANDE -BRETAGNE.
De Londres , le 4 Septembre.
Le Cheva'ier Wroughton , notre Miniſtre
plénipotentiaire à la Cour de Suède , érant
reparti malade de cette Capitale pour Stockolm
, a été obligé de s'arrêter à Maſtricht ,
où l'on apprend qu'il eſt mort le 22 du mois
dernier.
Suivant les nouvelles , vraies ou fauffes ,
qu'apporte la malle de Hollande , les fonds
baiflent ou remontent ; les Politiques pronoſtiquent
la guerre ou la paix , & les Papiers
publics flee perdent en raiſonnemens.
Ils affirment aujourd'hui que le Chevalier
Harris , notre Ambaſſadeur à la Haye , a
non-ſeulement renvoyé ici ſa vaiſſelle pour
la mettre en sûreté , mais encore ſes chiffres ,
& que le Gouvernement a hautement approuvé
ſa prudence. Des dépêches de ce
Miniftre , arrivées la ſemaine derniere , ont
donné lieu à deux Conſeils , auxquels S. M.
a aſſiſté.
L'Amirauté a donné ordre d'envoyer ſans
délai à Portsmouth & à Plymouth la plupart
des vaiſſeaux de haut-bord , lancés depuis
peu ſur la riviere , & mis en ordinaire
à Wolwich & à Deptford. Lundi dernier ,
LL. SS. enjoignirent également aux Com(
107 )
miſſaires des chantiers de Portsmouth &de
Plymouth , de commander les journées doub'es
aux charpentiers. Tous les vaiſſeaux en
commiffion doivent completter au plutôt
leurs équipages , & l'on annonce , comme
allant mettre à la voile , l'eſcadre ſuivante,
commandée par Lord Hood.
Le Triumph ,
Le Pégase ,
L'Edgar ,
Le Goliath ,
Le Ganges ,
Le Bedford ,
L'Elifabeth ,



• •
Le Magnificent ,
Le Crown ,
L'Ardent ,

de74 can.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
• • id.
64. i
64.
Ces 10 vaiſſeaux de ligne ſont réunis dans
behayre de Portsmouth.
Cette nouvelle aun peu affecté les Fonds
publics qui , depuis quelques jours , varient
de 2 à 3 pour cent. On a renouvellé à tous
les Officiers de Marine la défenſe de s'ab
ſenter.
M. Rose , Secrétaire de la Tréſorerie , a
écrit une lettre circulaire aux principaux
Magiſtrats de tous les ports du Royaume ,
pour les charger de convoquer les Négocians
, qui devront examiner la réforme que
ſe propoſe laTréforerie dans le département
e 6
( 108 )
des Douanes , & dont voici les articles.
1º . S'il ne ſeroit pas utile au Commerce de
Tupprimer les émolumens des Employés dans
les Douanes ; & d'y ſubſtituer un fonds de 300
mille liv. fterl ., qui ſeroient levées par une impoſition
de 9 ſols par tonneau fur les navires
chargés pour l'Etranger ?
2º. S'il ne conviendroit pas de ſupprimer également
les autres revenus de cette eſpece , en
exceptant ceux ſur les entrées , & d'y ſubſtituer
un fonds de 75,000 livres ſur les navires en
charge pour le dehors , à la réſerve des Cabozeurs?
39. S'il conviendroit de faire ſimplement des
retranchemens à cet égard ?
48. A quelle heure il conviendroit d'expédier
les affaires à la Douane ?
eCes queſtions ſeront décidées par l'avis combiné
des Négocians, au jugement deſquels elles
font foumiſes ».
Extraits des Papiers Américains.
Du 25 Mai 1787 .
>> L'Etat de Maſſachuſſett a paſſe l'Acte
recommandé par le Congrès , pour révoquer
toutes les loix en vigueur dans cet
Etat, incompatibles avec leTraité de paix
entre les Etats-Unis & le Roi de la Grande-
Bretagne.
>> 790 Infurgens de l'Etat de Maſſachuffett
ont reçu leur pardon des Commiſſaires
nommés à cet effet. Des douze même qui
avoient été condamnés à mort , il n'y en
aura que quatre d'exécutés ».
( 109 )
De New York le 19 Mai. Nous apprenons
par un Particulier arrivé à Boſton de Great .
Barington , qu'un grand nombre de Rebelles
fugitifs ſe raſſemblent journellement en petit
Corps dans l'Etat de New- York , près des limites
de cet Etat , dans l'intention de délivrer
les Traitres qui doivent être exécutés le 24
de ce mois , & qui font renfermés dans les
Priſons de Great Barrington , & qu'en conféquence
les Manutemens qui forment environ HA
tiers de la Milice , ont ordre de ſe mettre en
marche , & d'être rendus le 20 à Great- Barrington
, pour aider le Scheriff à faire mettre
la loi à exécution >>.
La Confédération fédérative , dans la vue
d'accélérer ſon travail , a réſolu de nommer
un Député de chacun des Etats de l'Union
pour former un Comité , auquel tous les
autres Membres remettront les Mémoires
&autres matériaux à rédiger. Ce Comité
foumettra ſon travail à la déciſion de l'Afſemblée,
qui prononcera enſuite définitivement.
Cette maniere de procéder évitera
beaucoup de débats & de diſcuſſions oifeufes.
DeBoston, le 16 Mai .
>> Le Gouverneur a reçu le 14des lettres
de pluſieurs perſonnes diftinguées du Comté
deBerkshire, par leſquelles on apprend que
les rébelles , au nombre de ſept à huit cents
hommes , ſe ſont raſſemblés dans l'Etat de
Vermont, & qu'ils ont intention de ſe répandre
dans différentes parties de cet Etat ,
( 110 )
&d'y mettre tout à feu & à fang. Les Chefs
des Rébelles font toujours Shays , Day &
d'autres. Ces lettres ajoutent que la ville de
Sharon, dans le Connecticut , a envoié un
corps de troupes pour les aſſiſter.
>>La Milice du Berkshire a déja reçu ordre
de ſe tenir prête à réprimer l'audace de
ces rébelles , &à les faire rentrer dans le
devoir» .
D'Albany le 3 Mai 1787. On a vu le premier
de ce mois à la pointe de la Chevelure
(Crow point ) les principaux Chefs des Rebelles
, dans l'Etat de Maſſachuſett ; c'eſt , à
ce qu'il paroît , le lieu de leur rendez- vous , &
toutes leurs forces s'y raſſembloient. On ya
remarqué Shays , Day , Wheelen & Parfon :
plufieurs perſonnes ont entendu dire aux deux
premiers qu'ils alloient ſe rendre dans les parties
de l'Etat de Vermont , qui confinent à
celui de Maſſachuſett , où leurs amis avoient
enrôlé un grand nombre qui n'attendoient
que leur préſence pour commencer les hoftilités.
En général tous ces féditieux traitent
avec le plus grand mépris les proclamations
rendues pour s'aſſurer de leurs perſonnes , &
ils ſe vantent même que les amis du Gouvernement
n'oſeront point les mettre à exécution
».
,
>> Il s'eſt formé à New Yorck une Société
conſidérable pour encourager la manumiffion
des Noirs dans cet Etat. On compte
parmi ſes membres les perſonnages les
plus diſtingués des Erats-Unis & du Congrès
» .
» Les vaiſſeaux que les Américains ont en1
)
:
voyé dans l'Inde & à la Chine, ont donné de
ſi grands bénéfices à leurs Propriétaires , qu'il
s'eſt ouvert à Philadelphie une ſouſcription ,
pour former une Compagnie permanente , pour
faire ce Commerce . Un papier obſerve à ce
ſujet que cette Compagnie aura deux moyens
de s'aſſurer le monopole de ce Commerce , l'un
par une loi de cet Etat , l'autre au moyen de
cette force collective des grands Corps , qui
écraſe toujours les Particuliers par ſa concurrence.
La conſtitution s'oppoſe au premier de
ces moyens ; il ne reſte donc plus qu'à confdérer
, s'il eſt à propos que le Gouvernement
emploie ſa puiſſance pour prévenir le ſecond
.
FRANCE.
De Versailles , le 5 Septembre.
:
Le ſieur de Villedeuil , ayant prié le Roi
d'agréer ſa démiſſion de la place de Contrôleur
général des Finances , Sa Majefté en
a diſpoſe en faveur du ſieur de Lambert ,
Conſeiller d'Etat , qui a eu , le 31 du mois
dernier , l'honneur de faire ſes remerciemens
au Roi , lui étant préſenté par l'Archevêque
de Toulouſe , principal Miniſtre d'Etat , &
Chefdu Conseil Royal des Finances.
Sa Majeſté a accordé une place de Conſeiller
d'Etat au Conſeil Royal des Finances,
au ſieur de Villedeuil , qui a eu , à cette occaſion,
le 2 de ce mois , l'honneur de faire
ſes remerciemens à Sa Majefté.
Cejour, le ſieur de Lambert , Contrô
( 112 )
leur-général des Finances , a eu l'honneur
defaire , en cette qualité , ſes révérences à
la Reine & à la Famille Royale.
1
Le Maréchal de Ségur ayant remis au
Roi la démiffion de fa charge de Secrétaite
d'Etat de la Guerre , Sa Majesté a chargé ,
par interim , de ce département le Baron de
Breteüil.
Le Maréchal de Caftries ayant également
donné ſa démiſſion de Secrétaire d'Etat de
la Marine , Sa Majesté a chargé , par interim
de ce département le Comte de Montrorin.
Leurs Majeſtés &la Famille Royale ont
ſigné, le 2 de ce mois, le contrat de mariage
du Comte de Polignac , Capitaine de
cavalerie , avec demoiselle de Livry.
Le même jour , le Comte de S. Priest ,
que le Roi a nommé à l'ambaſſade près des
Etats-généraux des Provinces-unies , vacante
par la retraite du Marquis de Vérac , a
eu , en cette qualité , l'honneur de faire fes
remerciemens à Sa Majesté , étant préſenté
par le Comte de Montmorin , Miniftre &
Secrétaire d'Etat , ayant le département des
Affaires étrangeres .
De Paris , le 12 Septembre.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , qui caffe
les Arrêtés du Parlement de Paris , des 7 ,
12 , 22 & 27 Août 1787 , du 2 Septembre
1787.
( 113 )
LeRoi eſt informé qu'au préjudice de Penregiſtrement
fait en ſa préſence,&de ſon très- exprès
commandement , S. M. féant en fon Lit de
Juſtice , le 6 Août dernier , d'un Elit portant foppreffion
des Deux Vingtièmes & Quatre fous
pour livre , & établiſſement d'une Subvention
territoriale , & d'une Déclaration concernant le
Timbre , ſon Parlement , féant à Paris , auroit ,
le lendemain 7 Août , déclaré , toutes les Cham
bres aſſemblées , la tranſcription faite , en préſence
de S. M. , nulle & illégale ; d'où il paroîtroit
réſulter , vis- à- vis des Peuples , que les Cours
peuvent réformer les Actes émanés du Roi , ou
leur ôter leur force par les qualifications qu'elles
leurappliquent : Que non content d'une irrégu-
Jarité auſſi ſcandaleuſe , ſon Parlement , par for
Arrêté du 13 du même mois , a eſſayé de perſuader
au Peuple que c'étoit parune déférence volontaire
pour les deſirs du Roi, que de tout tems
il s'étoit prêté à enregiſtrer les impôts ; qu'il
n'avoit aucun pouvoir à cet égard, & qu'il n'en
pouvoit pas recevoir du Roi : Que cette erreur
avoit duré affez long- tems , & qu'il déclaroit que
LeRoi ne pourroit , à l'avenir , obtenir aucun impôt,
fans au préalable avoir convoqué & entendu
lesEtats généraux du Royaume, voulant aing
profiterdu beſoin des circonstances , pour forcer
leRoi à cette convocation qui appartient à lui
ſeul , & que lui ſeul peut juger néceſſaire qu
inutile: Il paroîtra fans doute inoui que des Offi
ciers du Roi te déterminent à attaquer ainſi ſa
pu flance, & profitent du titre dont S. M. a bien
voulu les revêtir, pour exciter les Sujets à la fermentation
, par un prétendu examen des bornes
de l'autorité royale , pendant que , dans le même
moment , ils ſe reſuſent à examiner les Edits qui
leur font envoyés , &, par cette conduite , mettent
( 114 )
endoute l'amour duRoi pour la vérité, ſajuftice
& ſa bonté : S. M. , perfuadée que la réflexion
rameneroit le Parlement à ſon devoir ,n'a voulu
prendre d'autre voie que de le rendre à lui-même,
enle ſéparantde la fermentation qu'il excitoit &
recevoit de la Capitale. Sans doute , il appartient
au Roi de déterminer le lieu où il juge à propos
que la Juſtice ſoit rendue dans ſon Royaume , &
de changer , par ſon autorité , le lieu déſigné par
les Ordonnances , pour être le Siége de fon Parlement
: S. M. eſt également informée que les
Officiers de ſon Parlement , en enregiſtrant ſes
Lettres de tranflation à Troyes , ont profité de la
délibération ſur ces Lettres pour perſiſter , le 22
Août , dans leurs précédens Arrétés , & ſe préſenter
à la Nation , comme ayant des droits indépendans
de l'autorité du Roi , & le pouvoir ,
ſans ſa volonté , d'exercer leurs fonctions dans
les lieux où il lui plairoit d'envoyer leurs perfonnes
: Que tous ces Actes irréguliers ont reçu
leur complément , par l'Arrêté du 27 Août , plus
attentatoire que tous les autres à l'autorité du
Roi , & plus indécent dans ſes expreſſions , puif
que le Parlement s'y oublie au point de déclarer
leGouvernement capable de réduire la Monarchie
françoise à l'état de despotisme , de difpofer des perfonnes
par lettres de cachet , des propriétés par des
Lits de Justice , des ffaires civiles & criminelles
par des évocations ou caffations , &fufpendre le cours
de la Justice par des exi's particuliers ou des tranflations
arbitraires .
Que non content d'inscrire dans ſes regiſtres ,
une déclaration aufli fauſſe & auſſi injurieuſe ,
il en a ordonné l'envoi aux Siéges inférieurs
comme si elle contenoit des diſpoſitions qu'ils
duſſent faire exécuter , ou des principes qu'ils
duſſent ſuivre. Qu'en même temps il a ordonné
1
( 115 )
que l'Arrêté ſera imprimé dans le jour, & envoyé
aux Bailliages & Sénéchauffées , dans les
vingt-quatre heures , précipitation qui n'accompagne
jamais que le doute qui naît de l'abus du
pouvoir ou du mauvais uſage que l'on en fait :
Que cette doarine nouvelle , reçue par le Parlement,
eſt également contraire à ſa propre
conftitution , & attentatoire à la puiſſance du
Roi : Que ſon Parlement s'étoit permis d'affoiblir
, aux yeux des Peuples , l'obéiſſance dûe
à l'autorité royale , en ſuppoſant , contre tout
principe , qu'il avoit le droit de frapper de
nullité, deux Loix enregiſtrées par les ordres
du Roi : Que ſuivant les Loix du Royaume ,
dont les diſpoſitions ſont rappellées dans l'article
XXVI de l'Ordonnance du mois de Novembre
1774 , regiſtrée le 12 du même mois ,
& contre laquelle les Officiers de ſon Parlement
n'ont jamais cru devoir ſe permettre au
cune réclamation , lorſqu'il aura plu à Sa Majesté
, après avoir répondu aux remontrances defes
Parlemens, de faire publier & enregistrer , end
préſence , dans ſon Parlement de Iaris, ou
les Parlemens de province , en préſence des per-
Sonnes chargées de ses Ordres , aucunes Ordonnances
, Edits , Declarations & Lettres patentes,
rien ne peut en fufpendre l'exécution , & que
fon Procureur-Général eſt tenu de les envoyer
dans tous les Sièges du reffort , pour y être publiés
5 exécutés: Que par l'article XXVII de
la même Ordonnance , Sa Majeſté a bien voulu
néanmoins permettre aux Officiers de ſes Parlemens
de lui faire encore , pour le bien de
ſon ſervice , de nouvelles repréſentations après
lesdits euregiſtremens , mais ſans que pour cela
l'exécution des Ordonnances , Edits , Déclarations
& Lettres- patentes pût être suspendue en
Aucune maniere ni ſous aucun prétexte : Sa Majeftédevoitpréſumer
que les Officiers de fon Par
lement n'oublieroientjamaisles difpofitions préciſes
d'une Loi qui a accompagné leur réta
bliſſement dans l'adminiſtration de la Juftice:
Il eſt da devoir de Sa Majeſté d'arrêter une
entrepriſe également contraire aux Loix & au
reſpect dû à ſes volontés , & de faire ceffer
promptement le ſcandale d'un abus de pouvoir
de la part d'an Corps qui ne peut prétendre
l'exercice d'une portion de l'autotité royale ,
que pour s'occuper plus efficacement du foin
de la maintenir. A quoi voulant poarvoir : Oui
le rapport ; LE ROI ETANT EN SON CONSEIL ,
a caffé & annullé lesdits Arrêtés des 7 , 13,
22, 27 Août dernier , comme étant attentatoires
à ſon autorité , contraires aux Loix & au refpect
dû à ſes volontes , tendant à détourner de
P'obéiſſance qui lui eſt dûe , les Peuples auxquels
les Parlemens doivent l'exemple de la
foumiffion, Fait Sa Majeſté défenſes aux Officiers
dudit Parlement , ſous peine de désobéiiſance ,
Joaner fuite auxdits Arrêtés , en quelque
iere que ce puiffe être ; & à fes Baillis &
Sénéchaux , & à tous ſes autres Officiers qu'il
appartiendra , d'y avoir égard : Enjoint pareillesment
aux fieurs Intendans & Commiſſaires départis
dans les provinces , de tenir la main à
l'exécution du préſent Arrêt , qui ſera par eux
envoyé aux Bailliages & Sénéchauffées du refført
dudit Parlement , qui ſe trouveront dans
leursGénéralités , imprimé & affiché partout
ou beſoin ſera , & fignifié au Greffe du Parlement
, en la perſonne du Greffier en chef,
&notifié à ſonProcureur-Général. Fait au Conſeil
d'Etat du Roi Sa Majeffé y étant , tenu
à Verſailles le deux Septembre mil fep cent
quatre-vingt- fept.
Signé LE BARON DE BRETEUIL.
( 117 )
L'eſcadre de Breſt eſt toujours dans le
port , d'où font fortis ſeulement les deux
vaiſſeaux le Superbe & le Léopard, de 74
can., pour effayer les nouvelles manoeuvres
dudernier.
,
>>>Le Jeudi 30 Août, le feu a pris au châ-
>> teau de Chantilly , par la négligence ,
>>dit on d'un Plombier qui travailloit
>> dans, les combles. L'incendie a éclaté
>>> vers midi , & en moins de deux heures a
>>>cauſé un dégât d'environ 150 mille liv.
>> on a ſauvé les appartemens inférieurs à
5l'aide des ſecours prompts qui ont été ad-
5 miniftrés. Le dégât eſt dans la partie du
>>Château qui fait face à la Statue Equeſ
>> tre du Connétable de Montmorenci.
>> Le même jour , le Comte Robert Dil
>> lon , chaſſant à S. Maur , ſon fufil a crevé
>>& lui a fracaffé la main gauche. On a été
>> obligé de lui faire l'amputation du poi-
>>gner.
Les 18 , 20 , 21 & 22 Août l'Affemblée
Provinciale de la Généralité de Rouen a
tenu ſes premieres ſéances , dans leſquelles
elle a élu ſes membres de différens Ordres
&de différentes claſſes . L'Aſſemblée Provinciale
reprendra ſes ſéances, le 29 Novembre
, celle de Département l'a repriſe le
24 du mois dernier.
L'Affemblée provinciale de Poitou a en
lieu le 25 Aoûr , préſidée par l'Evêque de
Poitiers.
2
( 118 )
4 * Les Comices agricoles de la Généralité de
>> Paris tinrent , le 13 du mois dernier , leur pre
>> miere Séance générale à Melur . L'Intendant ,
>> accompagné du Corps-de-Ville & des Commif-
>> ſaires de la Société Royale d'Agriculture, ſe
>> rendit , avec les Laboureurs députés des Co-
>> mices de Melun & d'Etampes , dans l'Egliſe
>> Paroiſſiale de S. Etienne , où le Curé célébra
une Meſſe du S. Eſprit , & fit une inſtruction
>> analogue à la circonstance. Après une confé-
>> rence publique , faite en préſence d'un grand
>> nombre d'amateurs diftingués , &de pluſieurs
>> Membres de l'Adminiſtration provinciale , le
fieur Brouſſonnet , Secrétaire de la Société
>> Royale d'Agriculture , rendit comptedes travaux
des Comices réunis ; le Marquis de
>> Guerchy , Membre de l'Adminiſtration pro-
>> vinciale & de la Société Royale d'Agricul-
>> ture , prononça un diſcours auquel le Duc du
Châtelet , Préſident de l'Adminiſtration pro-
>> vinciale & Membre de la même Société , répondit
d'une maniere bien propre à exciter le
› zèle des Cultivateurs , en leur rappellant les
>> avantages qu'ont toujours droit d'attendre ceux
در qui le diftingueront dans la pratique de leur
>> art. Il fut enſuite procédé à la diſtribution des
>> Prix , conſiſtant en des médailles d'argent ,
>> qui furent décernées , au choix des Laboureurs,
>> à ceux de leurs confreres qu'ils en avoient
jugés les plus dignes. Après cette cérémonie ,
>> les Laboureurs & les différens aſſiſtans dînerent
affis à la même table . »
>> Pendant le mois de Juillet , il eſt entré
dans le port de Bordeaux 64 navires étrangers
de grand cabotage , & 30 François :
il en eſt forti pendant le même terme 77
( 119 )
étrangers & 23 François. Il en eſt également
entré 166 de petit cabotage François
& III font fortis. Le I Août il exiſtoit 9
navires fur divers chantiers ; 29 ont été mis
pendant le mois de Juillet en coutume ou
armement.
>>> Au château de Decize en Nivernois eſt
une petite promenade , de deux rangs de
prunters , tranſplantés depuis 8 ans. Un de
ces jeunes arbres , depuis 4 ans , porte régulierement
& ſucceſſivement trois leurs &
trois fruits de la même eſpece; la premiere
fleur paroît au Printemps , comme fur les
autres arbres ; la feconde, lorſque le premier
fruit eſt à- peu-près au tiers de ſa groſſeur ,
& la troiſieme , lorſque le deuxieme eſt àpeu-
près au tiers de ſa groſſeur. Pendant
les quatre premieres années de production ,
chacundes fruits eſt venu à ſa maturité dans
le temps proportionné : on obſerve que le
deuxieme eſt moins gros que le premier ,
&le troiſieme moindre que le ſecond. Le
fruit imite la ſainte Catherine , & ne quitte
point le noyau.
Certe année le prunier a eu deux fois des
fleurs & les deux fruits font beaux.
La Société Royale de Médecine a tenu
le Mardi , 28 Août dernier , ſa Séance pu
blique au Louvre. :
La diftribution de ſes Prix a été faite dans
P'ordre ſuivant : le Prix de la valeur de 1200
livres , dont 600 livres ſont dues à la bienfaiſance
( 120 )
de Meſieurs les Adminiſtrateurs del'Hôpital .
Général de Paris , fur la nature & le traitement
du Muguet ou Millet des enfans nouveaux nés ,
a été partagé. Le premier Prix confiftant en
une Médaille d'or , de la valeur de 400 livres a
été adjugé à M. Sanponts , Profeſſeur de Médecine
à Barcelone ; le ſecond Prix confiftant
en une Médaille de la même valeur , l'a été
à M. Auvity , Chirurgien des Enfans-Trouvés
de Paris; le troiſieme Prix , conſiſtant en une
Médaille de la valeur de 200 livres , a été décerné
à M. Van de-Wymperffe , Médecin à
Leyde; le quatrieme Prix , de la même valeur ,
a été remporté par M. Coopmans , Profeffeur
en Médecine à Franeker. L'Acceffit à été par
tagé entre M. Arnemann , Médecin àGottingue,
&M. Lentin , Profeſſeur de Médecine à
Lunebourg.
Le Prix de la valeur de 600 livres , propofé
fur f'utilité des Eudiometres en Médecine , a
été remporté par M. Jurine, Maître en Chirurrie
à Geneve. M. Gattoni , Chanoine à Come ,
en Sardaigne , a obtenu l'Acceffit..
Les trois Prix d'encouragement , deſtinés aux,
Auteurs des meilleurs Memoires ſur la Topographie
Médicale , ont été décernés à M. Lafcoulx,
Médecin à Juilbac ; à M. Catrin , MEdecin
à Nolay , & à M. Amoreux , Docteur en
Médecine à Montpellier. Il a été fait une
mention honorable de pluſieurs autres Me
moires.
La Société a décerné deux Médailles d'or ,
chacune de la valeur de 100 livres , comme
Prix de Médecine Pratique , Pune à M. Laumonier
, Chirurgien en chef du grand Hôpital
de Rouen , Auteur d'une Obfervation fur
l'extirpation de l'ovaire , opération qu'il a faite
avec
( 121 )
favec ſuccès , & qui n avoit point été tentée
avant lui. L'autre Médaille a été adjugée à M.
Boucher , Docteur en Médecine à Lill , pour
les foins qu'il a donnés , malgré fon âge , aux
malades attaqués d'une épidemie très défattreuſe.
Après la dißribution de ces Prix , M. Jeanroy
a lu des Réflexions ſur le traitement des
Fievres malignes.
M. Vicq- d'Azyr a lu l'Eloge de . M. Delamure
, Doyen des Profeſſeurs Royaux de l'Univerſité
de Médecine de Montpellier , Aifocié
Regnicole de la Société.
On a enfuite entendu la lecture d'un Mémoire
de MM. de la Porte & Doublet , fur la
Maladie qui a régné cette année dans les Prifons
de la ville de l'Orient , & fur les moyens
propres à rétablir l'ordre & la ſaluorité dans les
Maisons de force.
M. Vicq-d'Azyr a la l'Eloge de feu M.
Maret , Secrétaire perpétuel de l'Académie de
Dijon , précédé d'une notice ſur la vie de MM.
Blein , de Joubert , Mollin & Come d'Angerville,
Affociés regnicoles & Correſpondans de
la Société , tous les quatre morts , ainſi que M.
Maret , de différentes épidemies , dont le traitement
leur avoit été confié,
LLaaSéance a été terminée par la lectured'un
Mémoire de M. Andry , fur une Maladie récemment
obfervée dans les enfans nouveaux ,
nés , à laquelle il a donné le nom d'endurciſſement
du tiflu cellulaire .
Dom Camille Ferouillat, ſavant Bénédictinde
la Congrégation de S. Maur, pour
la partie gnomonique , vient de conſtruire
dans l'égliſe l'Hôpital deTonnerre , un me
N°. 37 , 15 Septembre 1787. f
J
( 122 )
nument unique emfom gente, c'eſt un grand
gnomon ou ligne mend enue , conſtruit
d'après ceux de Bianchi, à Rome de Tof
canella , à Florence ; d'Egnario Lante , à
Bologne ; de M. Lemonner , à S. Sulpice
de Paris. Ce qui diftinguele monument de
Tonnerre , c'eſt qu'il offre de plus que les
autres la courbe de l'équation folaire dans
une longueur de 70 pieds .
Dom Ferouillat a tracé cette ligne méri
dienne fur un plan horisontal bien nivellé ;
il a tracée fur ce plan , outre la ligne dit
midi, celle de 11 h. trois quarts & midi un
quart; il a encore tracé la méridienne du
temps moyen , qui eft incrustee avocados
bandes de cuivre ; & tout altour de ce te
méridienne , il a gravé les différens mois de
T'année. Dans toute la longueur de la méridienne
du temps vrai , il a tracé & incruké
en cuivie pluſieurs lignes qui indiquent le
paflage
aukodifférens fignes du
zodiaque , quiy fontrepréſentes &&incruitus
du foleil
en cuivre
1

5
Cette méridienne fervira d'abord aux
ufages généraux , mais par des calcu's cor
refpondans avec ceux qui festont dansılos
villes ciuffins eltées ellei ferviral às décerminer
les mouvemens de Tob iquire date
cliptiqtre , que l'onoreal puifinet jufqucă ce
joar d'une maniere fatisfaidantel a mіз
८८ Une galiote turque et entre le premier
d'Août dans notre port , écrit on de Cateyerle
171231))
yeſten quarantaine; ce navire louvoyoit depuis
deux jours autour du fort qui termine le mole.
Sa manouvre parot fufpecie : on tira deflus à
boulet; & cet accueil le détermina de ſuite à
venir mouiller dans notre baſſin. Il attire une
quantité de peuple , & les Etrangers s'empref-
Ment à venir le voir. C'eſt un corſaire à rames
& à trois mâts , monté de quarante - quatr
hommes , tellement génés dans leur bâtimente
qu'ils ne peuvent y faire un pas ; chacun reße
allis à la place , où il dort à demi- couché. Le
peu d'eſpace que ces hommes ont à occuper ,
ne leur permet pas d'autre exercice que celui de
-grimper au haut des mats. Au reſte ils font tou-
-jours expofés à l'air , le bâtiment étant à découvert
& n'ayant ni pont , ni entrepont , pås
le moindre réduit pour ſe mettre à couvert.
P. S. La galiote en queſtion eſt armée de
trois canons fur la proue , à l'inſtar des galè-
Ares. Elle a ordre de ne point fortir du port , à
cauſe d'un nombre de batimens Romains , Génois,
Napolitains , &c , qui font fur nos parages
, & d'autres prêts à partir d'ici : pour les
tenir en reſpect , on a placé des ſentinelles qui
ne les perdent pas de vue ; & l'on a braqué trois
piaces de 24 ; l'une qui porte dans le baſſin ,
l'autre à l'entrée du port , la troiſieme dans la
pleine mer ».
F
Septieme livraiſon des Portraits des
Grands Hommes , Femmes illuftres &ſujets
mémorables de France ; collection pour laquelle
on continue de ſouſcrire à Paris ,
chez Bi'n , Maître Imprimeur en taille-douce
, Place Maubert , No. 17 , 8 liv. chaque
Livraiſon priſe à Paris; 9 liv. port franc pour
12
( 124 )
2
la Province. Ce'le ci contient les portraits
du célébre Amiral Abraham Du Queſne , &
de M. de Tourville , ainſi que les deux actions
du bombardement d'Alger & de celai
de Gênes. Ces Gravures continuent d'être
traitées & coloriées avec ſoin. Le portrait
de Da Queſne & la vue de Gênes , méritent
en particulier des éloges.
Nouveau Plan de Paris , & de ſes environs ,
en 9 feuilles , dans lequel on trouvera détaillés
topographiquement les villages , chateaux ,
grands chemins , routes pavées , fentiers &auares
lieux de paſſage: les hauteurs , les montagnes
, bois , vignes , terres , prés , & enfin teut
ce que l'on peut defirer d'y vor : levé géo
métriquement par M. Rouffel , Capitaine , Ingénieur-
Géographe du Roi , & Chevalier de
St. Louis. Dédié & préſenté au Roi. Prix
18 livres.
Seconde édition , corrigée & augmentée , pro
poſée par ſouſcription.
Le ſieur Deſnos qui a fait l'acquifition des
Planches , invite les Amateurs de venir voir
*ce Plan , afin qu'ils puiſſent ſe convaincre euxmêmes
de la préciſion géométrique qui y
regne , & de la beauté de ſon exécution . Ces
Planches ont été gravées par les plus célebres
Artiſtes, dans le genre Topographique. MM,
Coquard, Delahaye , Cordier , Villaret & De
Poilly , ont commencé cet Ouvrage , & les
talens du Sr. Croiſey , qui s'eft chargé du
ſoinde corriger , augmenter & terminer ce
Pan , font généralement connus ..
Ce terme érant expire, les neuf feuilles ſe
( 125 )
pajeront 27 livres, différence de 9 livres fur
la totalité.
On pourra encore ſe procurer un autre neuveau
Plan de Paris , qui fait pendant à celui
des environs de M. Rouffel : M. d'Harme ,
Ingénieur Topographe du Roi , eſt l'Auteur de
ce Plan , divisé par Quartiers, contenus en
36 feuilles.
C'eſt au Sr. Deſnos , Ingénieur Géographe
du Roi de Danemarck , à Paris , Fue Saint-
Jacques , au Globe , qu'il fau: s'adreſſer directement
, & il fera paffer ces Ouvreges partout
le Royaume : les leures con affranchies ne
feront point reçues.-
M. Deſnos croit devoir prévenir le Public
qu'il va metire au jour ſucceſſivement les Cartes
des Provinces du Royaume , conformément
aux Réglemens des Aſſemblées Provinciales.
Ces Cartes formeront un Atlas , perit in-folio ,
auſſi intéreſſant que curieux. Elles feront drefſées
par M. Brion de la Tour , Ingénieur
Géogr phe du Roi. Chacune de ces Cartes ne
coûtera que 25 fols , aux perſonnes qui s'engageront
à les prendre , à mesure qu'elles pas
roîtront .
4. Par la cinquieme Liſte des perſonnes qui
ont fa't leurs déclarations & foumillions de
contribuer à l'établiſſement de quatre nouveaux
Hôpitaux , la ſomme montoit à
2,226,807 liv. 12 f. 4 den. Par la fixieme
Lifte , depuis & compris le 22 Juin , juſques
&compris le 21. Juillet , le total monte à
2,258,159 liv. 12 f. 4 den.
f3
( 126 )
(
Jacques Abraham Anfrie , Marquis de
Chaulisu , Seigneur de Fontenai, Beauregard
, Guitry , Foret & autres lieux , anelen
Officier de la Marine royale, eſt mort
àAlais, dans la 70º. année de lon âge.
L
Robert- Pierre Néel , Vicomte de Néel ,
Signeur de Sainte Marie Laumont , Lig
nières & autreslieux , Chevalier de l'Ordre
royal & mihitaire de S. Louis , Lieutenantcolonel
d'Infanterie , eſt mort le 14 Août ,
en ſon château de Sainte- Marie, près Vire.
N. B. A l'article des Commandeurs de
l'Ordre de Saint Louis , que Sa Majesté a
nommés le 25 Août , on a mis le fieur Daldart,
il faut lire le Baron d'Aldart ; il def
cend d'Alexandre d'Aldart , créé Baronnet
d'Angleterre par lettres patentes de Charles
II , Roi d'Angleterre , & iſſu , comme il
eftdit dans ces Lettres patentes , d'ancêtres
nobles , qui avoient tenu un haut rang parmi
la Nobleffe du royaume d'Ecoffe.
Les Payeurs dés Rentes, 6premiers mõis
de 1787 , font à la Lettre C.
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 8 Septembre, 49
?

33
Les pieces officielles relatives à la négociation
de nos Députés à Vienne , & à la
( 127 )
1
ſituation actuelle des affaires , font trop vo
lumineuses , pour être toutes rapportées. La
plus effentielle eft la lettre de l'Empereur au
Comte de Murray , lettre dont nous avons
fat mention , & qui porte littéra'ement.
ftComte de Murray , &c. , &c. Vous verrez
par la copie du préſent ci -joint, dans quels termes
je me fuis expliqué envers la députation des
Etats de mes Provinces Belgiques , dans l'au
dience que je leur ai accordée , & je vous fais la
preſente , pour vous faire connoître plus particur
lierement mes intentions & ma volonté au ſujes
des préalables indiſpenſables dont il etfait mension.
Tous les procédés , dont ſe ſont rendus cou
pables plus ou moins les Etats &une partie des
peuples de mesPays-Bas , à mon égard , font no .
toires ; en conféquence , je ne ſaurois me per
mettre de me livrer aux fentimens de clémence
auxquels je ſuis porté , & aux diſpoſitions favo
rables que j'ai témoignées à la Députation des
Etat , qu'après qu'il ne reſtera plus le moindre
veſtige de tout ce que l'on a ofé d'attentatoire à
Pautoritéfouveraine depuis le ter Avril de cette
année.
El cet effer iFranch sh
51. Que , dans toutes les Provinces des Pays-
Bas, toutes choſes ſoient remifes ſur le piedqui
exiftoit avant le Ler Avril de cette année.
2. Il faut que l'Univerſité & le Séminaire-
Général de Louvain, avec tous los Employés à
J'un & à l'autre , Coient rétablis dans l'écat on
étoient oudevoient être lleess chofes audit premier
Avril, conformément àamos Ordonnances ,α&xil il
£4 :
( 1281)
en eſt de même du Séminaire du Luxembourg.
3. Il faut que les Etats de toutes les Provinces
ſe remettent complettement en regle , au fu
jet des fubfides arriérés ainſi que ceux du cou
fant.
> 4. Il faut que les compagnies bourgeoiſes ,
leurs exercices , uniformes , cocardes & toutes
autres marques d'eſprit de parti , ainſi que d'autres
congrégations ou corporations illégales ,
folent inceſſamment abolis ; & à défaut de troupes
, chaque Magiſtrat prendra les meſures qui
feronttrouvées les plus convenables pour le main
tiende lapolice&du bon ordre.
5. Les Convers, fupprimés avant l'époque
du terAvril dernier , reſteront fupprimés à perpétuité,&
lesnominations , qui peuvem avoir été
faites depuis cette époque à des Abbayes vacan
tes , font nulles & ne doivent produire nul effet
en faveur des Religieux nommés. 19
26. Il faut que tous les Employés , que l'on a
ofé dép'acer , foient remis en place , à l'exception
des Intendans & des Membres des nouveaux Tribunaux
de juftice : ces deux objets fe trouvant
être du nombre de ceux fur lesquels je ſuis difpofé
à entendre mes Etats , & à m'entendre avec
eux.
>> 7. Il faut de même que tout ce qui regarde
les Chapitres des Chanoineſſes , les Confréries &
tout ce qui a trait aux perſonnes du Clergé ,
comme Citoyens & Sujets de l'Etat , & généralement
toutes choses foient remiſes dans l'Etat , &
fur le pied conforme aux Ordonnances qui exiftoient
avant l'époque ſuſdite .
>>En un mot , il faut qu'il ne reſte pas le moindre
veftige d'aucune des choſes quelconques con
traires àmes ordonnances ou à mes intentions
depuis ladatedu premier Avril de cette année.
( 129 )
Ma dignité rend tous ces rétabliſſemens
préalables abfolument indiſpenſables . Les Affemblées
des Etats de mes Provinces en ſentirom,
j'eſpere,la néceſſité , & je ma flatte per conféquent
que chacune d'elles concourra à ce qu'ils
aient lieu inceſſamment & paiſiblement , s'il fe
peut.
>>Mais , s'il arrivoit , contre toute attente , que
quelqu'un osat s'oppoſer à l'exécution de cette
reſtitution qui doit étre complette & préalable ,
je vous autorile , par la préſente , à employer ,
pour ceteffer , tous les moyens d'autorité que je
vous ai confiés , & qu'avec beaucoup de regret ,
mais néceſſairement , je me verrois obligé d'augmenter
autant que pourroit l'exiger de beſoin ,
ainſi que vous ſavez que j'y ſuis déterminé, s'il le
falloit.
» Aufſi- tôt que vous m'aurez informé que tous
les préalables ſuſdits ſe trouvent exécutés ,& que
tout eſt rentré dans l'ordre , je tâcherai de concerter
avec les aſſemblées des Etats ou leurs Députés
duement autoriſés , ce que je pourrai faire
pour le mieux poſſible dans les différentes branches
de l'Adminiſtration , Cans étre contraire à la
Confitution fondamentale de mes Provinces Belgiques
; ou , dans le cas contraire , je me verrois
dans la nécefiré de devoir employer , pour faire
lebien , tous les moyens qui font abondamment
en mapuiſſance , &dontje ne defirerois pas moins
vivement ne pas devoir faire uſage , en confe
quence de l'affection que je conſerve encore pour
mon peuple belgique, quoiqu'il ſe ſoit rendubien
coupable à mon égard. A tant , très- cher & féal ,
Dieu vous ait en ſa ſainte & digne garde.
>> De Vienne , le 16 Août 1787. SignéJOSEPH » .
Après avoir été informés chez le Prince
de Kaunitz des réſolutions qu'on vient de
;
:
£5
(130 )
lire , lesDéputés remirent à S. E. un Mémoire
plein de leurs doléances , & où ils
expriment la funefle ſenſation que feront
chez les Belges & chez l'Etranger la roideur
de S. M. I. toachant la chose Ecclésiastique ,
qui , à ce que difent les Députés , ne fait
qu'un tout indiviſible avec les droits des autres
claffes de citoyens. Suivent après trois précis
ou relations des audiences qu'ils ont eues ;
elles font peu importantes : ce ſont des détails
d'étiquette , auxquels nous ne nous arrêterons
pas , pour préſenter à nos Lecteurs
la Remontrance au Comte de Murray, qui
aréſultédel'aſſemblée des Etats de Brabant,
délibérant ſur la lettre ſouveraine reçue par
de Gouverneur-général.
àcaufede
«Les Etats de Brabant , après avoir remercié
Son Excel ence de la prompte communication
des ordres qui lui ont été adreſſes ſous la date
du 16 de ce mois , ne peuvent que témoigner
à Son Excellence leur fenfibilité & leur
douleur , ainſi que le deuil où la nation eſt
plongée , l'inculpation contenue dans
la dépêche de S. M. , & dans le difcours qu'Elle
a daigné a freffer aux Députés envoyés aux pieds
de fon Trone; comme fi les Eratsou les peuples
des Pays Bas ſe fuffent permis quelque procédé
contraire à la ſoumiffion due à l'autorité ſouveraine.
Les Etats ſe croient obligés de remontrer
à Son Excellence , que dans toutes leurs
repréſentations &. dans toutes leurs démarches
il n'y a jamais eu rien de contraire à l'orice
ni à l'obéiſſance , & à la fidélité la plus pure >>.
a Ils 'e font bornés , dans leurs remontrances ,
&dans le cours des embarras actuels , à réclamer
1----
(1 )
ieurs dro'ts avec foum fion , & en même temps
avec la fermeté qu'exigeait indiſpenſablement
Pérzt d'inquiétude & de détreſſe de le na-
<< Il eſt plus que natoire que les inquiétudes &
Lémotion générale de la mation ant pour cause
unique llaa terreurdunouveauulyftéme& leboule
verſement des droits de la Conſtitution .
• Son Excellence eſt ſuppliée de vouloir bien
retracer encore pour vérité à Lauguffe Souve-
& de n'omettre aauuccuunnee occafion de le
perfuador que l'état de ſouffrance dans lequel
le trouvent la circulation Se de commerce ne
peur, ceffer, que lorſque toutes choles feront
heureuſement rentrées dans l'ordre conftitur
i
Les Etats de Brabant prennent encore la
Jiberté d'expofar à Son Excellence , que lordqu'il
s'eſt agi de l'envoi des Députés virs la
partonne facrée de l'Empereur, à leur a été
gis par une depêche , en date du 18 du mois
palle se du moment que les Provinces
envolent des Députés aux pieds da Trone ,
les embarras dont il s'agic depuis quelques
mois, font regard scomme terminés & finis » .
Se
7
Après que l'envoi destits Députés eut été
reou & effect vé , Son Excellence fit connaître
aux Etats reſpectifs , que S. M. jugecit une concentration
des troupes néceſſaire , a la conduite
>>de la nation à l'égard de la concentration
dont il s'agit , étant d'ailleurs regardée par
Sa Majesté , comme la pierre de couche de
la confiance & de la fid lite p.
Les Etats de Brabant , ainfi que Son Exc xcellance
en est convaincue , opt d'abord annoncé
Jeur confiance fur cette concentration , malgré
que par la ſuſdite dépêche du 18 Juillet , je
16
( 132 )
déplacement des troupes avoit été jugé inutile
".
ceMaintenant les Etats, qui , avec toute la
nation , avoient lieu de croire que S. M. auroit
été fatisfaite par ces épreuves , les Etats voient
avec douleur que l'Empereur a déterminé en
core pluſieurs points ,dont l'exécution doit avoir
lieu préalablement avant d'entrer en délibération
quelconque ; S. M. annonce que ſa dignité
rend tous ces préalables abfolument indiſpenfables
, &en ordonne l'exécution à Son Excel
lence ».
"
F
aLes Etats de Brabant font perfuadés que
Son Excellence eſt aſſez informée que preſque
tous ces préalables , dont la réintégration eft
ordonnée, ſont contraires aux Loix fondament
tales affurées par le ferment du Souverain , que
par conféquent il eſt impoffible aux mêmes
Etats de donner les mains directement ou in
directement à cette reintegration , ni de ceſſer
en aucun temps , conformément à l'ar icle
42 de la Joyeuse Entrée , ci - joint per ex
trait ( 1 ) , de faire à S. M. les repréſentations
les plus ſoumiſes comme les plus preffantes
pour le redreſſementde ces infractions des droits
de la Province : les Etats ſe frattent & ne perdront
jamais l'eſpoir , que la justice du Monarque
accueillera favorablement leurs récla
mations ».
( 1 ) L'article auquel on fait ici allufion , eft
probablementle second paragraphede cetarticle42,
& qui porte : Chacun pourra dire librement
fon opinion dans les Etats , fans pour cela en
courir l'indignation ou ladiſgrace du Souverain,
(Note du Rédacteur ). 1
( 133 )
C'eſt dans ces sentimens de foumiffion&
deconfiance , que les Etats de Brabant déclarent ,
qu'i's ont toujours été abſolument éloignés ,
comme ils le ſont encore , d'employer contre
l'exécution des préalables ordonnés par S. M.
quelqu'autre moyen que celui des repréſentations
telles que l'exige la dignité du Souverain
: proteſtant à Votre Excellence , d'un autre
côté , que ſi l'exécution des préalables que Sa
Majeſté exige , occaſionnoit quelque déſordre
ou quelque tumulte local , les Etats ni la nation
ne pourront en aucune façon en être ref
ponfables .
C'eſt dans les mêmes fentimens & toujours
dans les voies conftitutionnelles ; que les Etats
de Brabant ſe trouvent dans l'impofliblité abſolue
, enfuite de l'article 59 ( 1 ) de la Joyeuſe
Entrée ,d'accorder la continuation des impôts ,
& qu'ils feront toujours dans l'impodibilité de
confentiraucun fubfide au profit du Souverain ,
auſſi long-temps que les infractions faites ne
feront pas réparées & redreſſées ; & cela enfuite
du ferment folemnel que leflies Etats ontprêté
fur l'obſervation de la Joyeuſe Entrée.
A la fin de la premiere Audience , l'Em
pereur dir aux Députés : actuellement la
cérémonie eſt finie; vous n'êtes plusDér
>>putés; je fuis citoyen comme vous. Vous
4
( 1 ) ce S'il arrivait que S. M. ceffat d'ob-
>>Server lesprivileges, entout ou en partie, Elle con-
>>fent , en ce cas , queſesſujets ceſſent de lui faire
Service,jusqu'à ce que ees contraventions aient dé
réparées . ( Idem ) ...
ال
( 134))
>>voudrez bien me regarder comme tel , je
Terai bien aife de m'inftrare , &vous ne
>>ferez pas faché de m'entendre. Lorsqu'on
?? ma parte , on ne m'a jamais tro ivé dérai
"onnable ; venez, q and vous voudrez ,
>> en tel nombre qu'il vous plaira ; ce que
vous me direz, ce que je vous dirai ne
tiera à aucune confequences
Les lettres de Hollande noffrent ren
d'important. Le 31 da mois dern er , le
Rhingave de Salim , à la tête de
mes
I1500hom&
avec de canon , a fait une fortie fur
un détachement de 700 hommes de l'armée
de Zuilt , qui s'étoitapproché di Gilt pour
y former une barrerie. Il ya eumquelques
coups de canons tirés, la garnison d'Utrecht
eft rentrée fans ultérieur événe
menfsist
sup
Les Conftituts de 3000 Francs dela Pro-
Vince de Trife ont adreffe laGazerte
d'Amſterdam , une respetheuse Requête ank
Eraisi len Silive ain's par dabelle alsdeur
demandeisides ne rang, être dessefillonesc
Tempus quStadhouder sthillsabrosa leurs
placeris qarils re mettent site Franes de
s'exercer au canon , qu'on réformeles abus ,
&c. &c. &c . Pour faire prendre aux Etats de
Frive les fentimens patriotiques il fufficit,
dit la même Gazette , de rumener à L'ordre
wing wu fix Chefs PAR TOUTES SORTES DE
Vores faccroise que ce Gazetier en
excepte l'empoisonnement.) για
Neuf Régens de Gorcum ont été calés
par les Patriotes , ce qui leur affure la pluralité
dans e Confeil de cette ville , comme
ils l'ont obtenue à Amſterdam , Rotterdam
& Delft. On n'a encore trouvé que quatre
fuccefleurs à ces neuf Régns.
: Voici la fin de la leste de M. de Sauſſure
, ſur ſon voyage à la cime du Mont-
Blanc , dont on a lu la premiere partie au
Journal dernier.
Nous ne partines que tard , parce qu'il fal
lut faire fondre de la neige pour le déjeuné &
pour la route; elle é oit bue auffi ôt que fondue
&ces gens qui gardsient religieu ement le vin
que j'avois fast porter me déroboient continuel
lement lezu que je mettois en réſerve.
0
Nous commençâmes parmonter au croifieme
&dernier platean , puis nous tirâmes à gauche
pour arriver ſur le rocher le plus élevéà l'eft de
la cime. La pente eſt extrêmement rapide, de
39 degrés en quelques endroits parteur elle
abousit àdes précipices , & la furface de la neige
étoit fi dure , que ceux qui marchoient les premiers
ne pouvoient pas aſſurer leurs pas, lans Ja rompre avec une hache. Nous mimes deux
heures àgravir cette pente qui a environ 250
toiſes dehauteur. Parvenus au dernier rocher ,
nous reprimes àdroite à l'oueſt pour gravir la
derniere pente qui a 150 toiſesde hauteur perpendiculaire.
Cette perte n'en inclinée que de
28 à 29degrés , & ne préſente aucun darger,
mais l'air y eſt ſi rare , que les forces s'épuiſent
avec la plus grande promptitude. Près de la cipouvois
me je
que 13 ou 16pas fans
reprendre haleine ; j'éprouvois même de tems
ne faire
০১
1136 )
entems un.commencement de défaillance qui
me forçait à m'afleoir , mais a meſure que la
refpiration ſe rétabliſſoit, je ſentois renaître mes
forces , & il me ſembloit , en me remettant en
marche , que je pourrois monter tout d'une traite
ju'ques au fommet de la montagne. Tous mes
Guides , proportion gardée de leurs forces
étoient dans le même état. Nous mêmes deux
heures depuis le dernier rocher , & il en étoit
onze quand nous parvinmes à la cime.
Mes premiers regards furent fur Chamouni ,
oùje ſavois ma femme & ſes deux ſoeurs l'oeil fixé
au télescope , ſuivant tous mes pas avec une inquiétude
, trop grande ſans doute , mais qui n'en
étoitpas moins cruelle , & j'éprouvai un ſentiment
bien doux & bien conſolant , lorſque je
vis flotter l'étendard qu'elles m'avoient promis
d'arborer au moment où , me voyant parvenu à
la cîme , leurs craintes ſeroient au moins fufpendues.
Je pus alors jouir fans regret du grand ſpectacle
que j'avois ſous les yeux. Une légere vapeur
ſuſpendue dans les régions inférieures de
l'air me déroboit , à la vérité , la vue des objets
les plus bas & les plus éloignés , tels que les
plaines de la France & de la Lombardie ; mais je
neregrettois pas beaucoup cette perte , ce que
je venois voir& ce que je vis avec la plus grande
clarté , c'eſt l'enſemble de toutes les hautes
cîmes dont je défirois depuis fi long - temps de
connoître l'organiſation. Je n'en croyois pas mes
yeux; il me ſembloit que c'étoit un rêve, lorfque
je voyois ſous mes pieds ces cîmes majeltueuſes,
ces redoutables aiguilles , le Midi ,
PArgentiere , le Géant , dont les baſes même
avoient été pour moi d'un accès fi difficile &
dangereux. Je ſaiſiſſois leurs rapports , leur liai-
مال
( 137 )
fon, leur ftructure , &un ſeul regard levoitdes
doutes que des années de travail n'avoient pas pu
éclaircir.
Pendant ce tems-là mes Guides montoient ma
tente , &y dreſſfoient lapetite table fur laquelle
je devois faire l'expérience de l'ébullition de
l'eau. Mais quand il fallut me mettre à diſpofer
mes inftrumens & à des obferver, je me trouvai
à chaque inſtant obligé d'interrompre mon travail
pour ne m'occuper que du ſoinde refpirer .
Si l'on confidere que le barometre n'étoit là
qu'à 16 pouces i ligne , & qu'ainſi l'air n'avoit
gueres plus de la moitié de ſa denſité ordinaire
on comprendra qu'il falloit ſuppléer à la denſité
par la fréquence des inſpirations. Or , cette fré
quence accéléroit le mouvement du ſang , d'autant
plus que les arteres n'étoient plus contrebandées
au-dehors par une preffion égale à celle
qu'elles éprouvent à l'ordinaive : auſſi avions
nous tous la fievre , comme on le verra dans le
détail des obſervations .
Lorſque jedemeurois parfaitement tranquille,
je ne ſouffrois pas ou du moins je n'éprouvois
qu'un peu demal-aiſe , une légere di pofition au
mal de coeur. Mais lorſque je prenois de la peine
, ou que je fixois mon attention pendant
quelques momens de ſuite, ſurtout lorſqu'en me
baiſſant je comprimois ma poitrine , il falloit me
repoſer , & haleter pendant deux ou trois minutes.
MesGuides éprouvoient des ſenſations analogues.
Ils n'avoient aucun appétit ; & , à la vé
rité, nos vivres qui s'étoient tous gelés en route
n'étoient pas bien propres à l'exciter : ils ne ſe
foucioient pas même du vin & de l'eau-de-vie
qui augmentoient cette indiſpoſition , fans doute
en accélérant encore la viteſſe de la circulation .
Deux d'entr'eux ne purent pas y tenir, &furent
( 138 )
obligésde'redefoendre. Il n'y avoit quell'eau! frata
che qui fir du bien & causârs dur phony &il fal
Int du teme & de la peine pour allumer du feina
fans lequel nous ne pouvions poim emavoir
e
Je reſtai cependane ſur la cimajuſques à orain
heures & demie, & quoique je ne perdiffe pas
un feall moment, je ne pusipas faire dansuces
quatre heures & demie toutes les expériences
quej'ai fréquemment achevées emmoinsdetrois
heures au bord de las merade fis cependant, avec
foin celles qui étoient les plus effentiellestol 1
Je deſcendis beaucoup plus aisément que je
ne l'avois eſpéré. Comme le niouvementque
Kon fait en defendant ne comprime point le
diapluagme , il ne gene pas la refpiration ,184
Ponn'en point obligé de reprendre haleine. ba
defeente do rocher ain premier plateau étoitices
pendant bien péniblespar fa rapidités &elé fo
Jeit écairoics ſe vivement les précipices que nous
avione ſous nos pieds qu'il faltoit avoir la tête
bonne pour n'en être pas effraiévije vins loka
chèn encore fur la neige à octosfes plus bas
que to moisprécédence ; we fterditique j'acheva
de me convaincre que c'évoir bieneta rareté de
Fair quilnens incommodoit fer la como cat fi
c'eût été haifatigue porousalauntons érépbim plus
malades après cettedingue & pénible defcente
&au contraire nousſoupâmes tous de con appé
sit, &je fis mes obfervations fans aucun femin
ment de malaiſe. Je crois même que la hauteur.
où commencercetresindiſpoſition , efe parfaite
ment tranchée pour chaque individu . Je fuis
très bien:juſques à 1900 coiſes audeſſus de la
met; mais je commence à étre incommodé tor
que je m'eleve plus haut.
.:Ledendemain nous trouvâmes le glacier de la
côte changé par la chaleur de ces deux jours , St
( 189 )
plus difficile encore à traverſer qu'il nel'étoit en
mon ant. Nous fûmes obligés de deſcendre une
pente deneige inclinée de so degrés, pour éviter
une crevaffe qui s'étoit ouverte pendant notre
voyage. Enfin à neuf heures,& demie nous abordâmes
à la mortaznnee de la côte , très contensde
nous retrouver ſur un terrain que nous ne craignions
pas de voir s'enfoncer ſous nos pieds.
Je rencontrai là M. Boucrit qui vouloit enga
ger quelques-uns de mes Guides à remonter ſur
le champ avec lui , maisils ſe trouverent trop
fatigués , & voulurent aller ſe repofer à Chamouni.
Nous deſcendirmes donc tous enſemble
gaiement au Prieuré , où nous arrivâmes pour
diner. J'eus un grand plaifir à les ramener tous
fains & faufs , avec leurs yeux & leur viſage
dans le meilleur état. Les crêpes noirs dont je
m'étois pourvu , & dont nous nous étions tous
enveloppé le viſage , nous avoient parfaitement
préſervés ; au lieu que nos prédécelleurs étoient
revenus préſqu'aveugles & avec le vitage brûlé,
& gerlé juſques au fang par la réverbération des
neiges
Il ferois étranger à ce Journal de rappor
ter la notice e riele des expériences & des
obfervacions faites par M. de Sanflure à la
cine du Mont Banc, le 3 Aoûr derse
nous en extrairons celles qui peuvent int
reffer un plus grand nombre de Letears,
inte
Forme de la cime. C'est un dos d'âne dirige
de l'eſt à l'over ; ſa pente du côté du midi eft
douce , de 15 à 20 degrés , mais de 4 à 50
du côté du nord. L'arrête de ce dos-d'âne et
preſque tranchante à la cime , arronlie du côté
de l'eft , & en avant toic , faillant au nord
du côté de lovefn ce dos d'âne eſt entierement
couvert de neige , on n'en voit fortir au-
-
11401
eun rocher, fi ce n'eſt à 60 ou 70 toiſes audeſſous
de sa cite.
Rochers. Les plus élevés ſont tous de granit;
ceux du côté de l'eſt font mélangés d'un peu
de ſtéatite ; ceux du midi & de l'ouest contiennent
beaucoup de ſchorl & un peu de pierre
de corne. Un des plus élevés à l'eſt preſente
évidemment des couches à peu-près verticales.
Les plus hauts que l'on rencontre ſont deux petits
rocs de granit très rapprochés l'un de
Pautre , & fitués à l'eſt de la cime , & à 60 ou
70 toiles au -deſſous. On ne peut pas douter
que le plus élevé des deux n'ait été fracaffé
depuis peu par la foudre , car nous trouvámes
les fragmens épars tout autour de lui fur la
nrige nouvelle à pluſieurs pieds de diſtance.
Animaux. Nous n'avons vu d'autres animaux
que deux papillons ; l'un étoit une petite pha.
lene grife qui traverſoit le premier plateau;
l'autre étoit un papillon de jour , que je crois
être le myrtil; il traverſoit la derniere pente
da Mont Blanc a environ 100 toiſes au deſſus
de la cime. Vraiſemblablement ils avoient été
porrés là par les vents.
Végét ux. La plante parfaite cù à fleurs dif
tinctes que j'ai rencontrée à la plus grande hauseur
, c'eſt la Silene accaulis ou le Carnillet
Mouffier de M. de la Marck ; j'en trouvai une
touffe fleurie dans le roc , près duquel je couchai
à mon retour , environ à 1780 toiſes audeſſus
de la mer. Mais j'ai vu de petits lichens
tuberculés , juſques fur les rochers les plus élevés:
& entr'autres le Sulphurens & le Rupeſteſtris de
Hoffman Enum : lichenum.
Barometre. J'avois pris pour ce voyage trois
Barometres ; j'en laiſſai un au Prieuré de Chanouni,
à mon fils, pour qu'il fit des obferva(
141 )
tions correſpondantes & aux miennes , & à
celles que M. Senebier avoit bien voulu ſe
charger de faire à Geneve. Je fis porter les
deux autres Barometres fur le Mont Blanc
pourqu'ils le contrôlaflent réciproquement. Le 3 .
Acût à midi , à 3 pieds au-dellous de la cine
du Mont Blanc , is étoient à 16 pouces o lig.
de lig . , correction faite de lt condenfation
du mercure par le froid & de la petite différence
qu'il y avoit entre les deux inſtrumens.
Dans lemême moment , le Barometre de M Senebier
, àGeneve , étoit toute correction faite ,
à 27,2 , Le Barometre à l'ombre étoit
a
1.805
1600
fur le Mont Blanc a 2 deg. au- deſſous de
la congellation , & à Geneve , à 22 , 6 , audeſſus.
Le calcul fait ſuivant la formule deM. de
Luc , donne 2218 toiſes au- deſſus du cabinet
de M. Senebier ; & fuivant celle de M. Trembley
, 2272. Il faut y ajouter la hauteur du
cabinet de M. Senebier au deſſus du lac , qui eſt
d'environ 13 toiſes . Donc la hauteur du Mont
Blancfur le Lac , feroit de 2231 toiſes ſuivant
la premiere formule & de 2285 fuivant la
feconde.
L
On peut conclure que le Mont Blanc ne
s'écarte pas beaucoup de la hauteur que lui
donne le Chevalier Schuckburgh , ſavoir , 2550
toiſes au-deſſus de la mer...
Thermometre de mercure , à boule iſolée;
fufpendu à4 pieds au-deſſus de la cime à midi
au foleil , 3 ; à la même hasteur , mais
Tombre du bâton auquel il étoit ſuſpendu-
2,3 ; & un autre Thermometre dont la boule
étoit teinte en noir + , 9 .
Les mêmes au même lieu à 2 heures au
foleil- 1,3 ; à l'ombre- 2,5 ; & le noir au
foleil+1 , 9.
( 142 )
Electrometre. Les boules divergesient de 3 lig.
Pélearicité auit poſitive. Jefus étonné de ne
pas da trouver plus forte , cela vient vraiſemblablement
de la Téchereſſe de l'air.
D
Couleur du Cel. J'avois teint des bandes de
papier avec du bleu d'azur de 16 nuances differentes
, depuis la plus foncée que j'avois cort'e
no.1,juſqu'à la plus pâté poſſible cottée nº.46;
j'avois pris fur chacune de ces bandes trois
carrés égaux, & j'avois ainſi formé trois fuires
parfaitement ſemblables de ces nuances; jelaif-
Jai l'une de ces fuites à M. Senebir , l'autre
à mon fils , & j'emportai la troifieme. Le 4
Août à midi , le ciel au zénitli Geneve , pa-
Toiffcit dela ze, nuance , à Chamouni entre
la 5* & la 60, & fur le Mont Blan: entre la
Fre. & la 20 ; c'eſt-à- dire , tout près du bleu
de roi le plus foncé
Déclinaison de l'aiguille aimantée. La même
qu'an Prieuré ( dans la valée de Chamouni ) .
Ombres. Sans couleur.
1
L'Odorat &le Goût. Avoient là toute leur
perfection
Son . Un coup de piſtolet tiré fur la cime ne
fit pas plus de bruit qu'un petit pétard de la
iChine n'en fait dans une chambre.
هب
Witeffe du pouls. Après quatre heures de ſéjour&
de repos fur la cime, le pouls de P. Balmat battoitos
polations par minute : celui de Têtu , mon
domeſtique & te mien , 100. A Chamouni
, les mêmes dans le même ordre , 49,
60 72.
SLHauteur relative de la cime du Mont Blane .
Les ſommités les plus élevées que je puffe
udécouvrir , étoientle Schre khorn dans leGrin-
#delwald & de Mont Rofa en Piemont; je les
( 143 )
voyois l'un &diautre ſous un angle de 30min.
au deffous de l'horifon : or , malgré l'abaidement
difi niveauapparent juostrangle Jaileencore
au Mont Blanc une ſupériorité decidée. -
P. S. Par un courrier extraordinaire arrivé
à Vienne , on vient d'apprendre d'une
maniere authentique , que' a Porte , a dé
claré formellement la guerre à la Raffi ,
& ficentenner aux fept- Tours fon Enyoié,
M. de Buigakof.
にっ
i
Parag, extraits des Pap. Angl.& autres.
4
AheapHanif , le plus celebre Docteur des
Mefalmans ! & Chef de la Sele des Hanifires ,
éruit né Caufa. Houtenvaes rapporte un trait
golierit der on extrem moderation. Hanifé
ayant reque d'une perfonne un violent coup für
le vitage! il lui tint dediscours! Je portrois
te rendre l'inſelte que tu m'as White , mais je
ne le veak points jjee ppoouurrrrooiiss porter plainte
maisje heye contre toi au Calife , ne veux point
faire le métier de Délateurs pourrois dans
-womes Lorieneasad Dieu ,lui rep enterta viosotencedont
rutas rent coupane envers moi ,
Smals je event point foulher mes prieres
opardin Hell rellentimere , je pourfois du jour
du jugement demander vengeance Dieu ;
-mais ce von eft bien loin de mon coins, au
contraire , ce jour terrible étoit celui qui
nours éclaire ce moment meme bu tunicatrages
fans la moindre provocation qua que
tomfort fut dans mes mains , je fupplierois
>> cet Etre Tout-Puiſſant de ne me point dadler
(144)
+
entrer dans le Paradis fans toi . (Morning
Chronicle. )
«Jeudi , 9 du courant , le Docteur Pekwell,
qui étoit , quoique Miniſtre de l'Evangile ,
>>undes plus habiles Anatomiſtes de Londres ,
>> alliſta à l'ouverture du cadavre d'une jeune
femme , morte d'une maladie de poitrine
» dans l'Hôpital de Weſtminſter. En exami-
>> nant fes poumons , qui étoient dans un état
* de putridité preſque général , il s'attacha de
> la matiere à fes doigts. Comme le Docteur
>> Pekwell tenoit la peau , pendant que le Chi-
>> rurgien recouſoit le cadavre , l'aiguille piqua
>> un des doigts couverts de matiere purulente ,
>> ce qui lui inocula l'humeur putride dans le
>> fang ; il fit d'abord peu d'attention à cet accident;
mais le Vendredi , ſon bras commença
à enfter : il prêcha cependant le méme ſoir
» dans la Chapelle de Westminster. Le Dimanche
, à deux heures du matin, il s'éveilla
avec la fiévre la plus violente , & envoya
>>cchheerrccher fur le champ quelques Médecins de
>>> ſes amis , qui firent de vains efforts pour abattre
l'ardeur de la fièvre ; on perdit malheureuſement
quelques jours dans ce vain efpoir;
enfin, après une confultation , on ſe décida
- à lui, faire l'amputation du bras ; MM. Bromfield
& Ports accompagnés de Sir Lucas
Pepys, du Docteur Waren & de M. Young, fe
- rendirent en conféquence chez le ma'ade pour
faire faire l'opération ſous leurs yeux ; mais
>> après une ſeconde conſultation , on le déciida
à y renoncer , parce que la putridité étolt
>> répandue dans toute l'habitude du corps :
deux jours après , cet Eccléſiaſtique eſt mort ,
regretté de tout le monde. ( Courier de l'Eu .
rope,
CT
1
MERCURE
190
DE FRANCE.
SAMEDI 22 SEPTEMBRE 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
IMPROMPTU.
Gr- oir le Chaffeur Cyprien .
Qui de tuer fit fon bonheur ſuprême ;
Qui , faute de gibier , tua ſouvent ſon chien ,
Et qui fiuit enfin par ſe tuer lui-même.
i
No. 18 , 22 Septembre 1789. G
i
146 MERCURE
LES MOUTONS ET LE BUISSON,
DES
Fable. *
ES Moutons s'égayoient dans un verd pâturage;
Voici venir l'appareil d'un orage.
Unleintain & lugubre fon
Demonts en monts roule & ſe fait entendre ;
Un nuage qu'on voit s'avancer & s'étendre ,
D'un voile ténébreux couvre tout l'horifon ,
Son lourd fardeau fatigue l'atmosphère.
Philomèle a déjà déſerté le vallon ,
Et vers un ciel horrible élevant ſa prière ,
Le Fermier , l'oeil en pleurs , tremble pour ſa moiſſo,n
Dans ce trouble de la Nature ,
Le timide troupeau fugitif, confterné ,
Gagne un Buiffon , qui bien peu le raſſure
Contre l'orage déchaîné.
Plus le vent , la foudre & la grêle
Dans les champs éperdus exercent leur fureur,
Plus l'animal bêlant en proie à fa frayeur ,
Sous le toit épineux ſe ſerre & s'amoncèle.
Enfin vers l'Occident le ciel s'eſt éclairci;
Iris paroît , Moutons de regagner la plaine;
* Séneque le Philoſophe m'a fourni l'idée de cette
Fable.
ن
DE
FRANCE.
147
Mais en ſortant, pour grand merci ,
Il leur fallut laiſſer la moitié de leur laine.
IL en coûte maints ducatons
Pour écarter un maléfice.
Plaideurs , vous êtes les Moutons ,
Et le Buiffon , c'eſt la justice,
(ParM. Morel, Doctrinaire , l'un des Profeſſeurs
deRhétorique au Collége Royal Bourbon d'Aix.)
COUPLETS à une jolie Femme , qui ne
craint rien tant que de vieillir.
AIR: Je l'ai planté , je l'ai vu nattre , &ct
A
:
RMÉ de ſa faulx meurtrière ,
Que peut le temps ſur vos attraits ?
CeDieu reſpecte l'art de plaire ,
Et vous ne vieillirez jamais.
TANT qu'à nos jours Vénus préſide ;
Nous fommes dans notre printemps
Qu'importe que mon front ſe ride ?
Mon coeur eſt encore à vingt ans .
Four éternifer la jeuneffe ,
Songez doncqu'il faut s'enflammer ,

いす
Gij
146 MERCURE
LES MOUTONS ET LE BUISSON,
Fable. *
D
Es Moutons s'égayoient dans un verd pâturage;
Voici venir l'appareil d'un orage.
Un leintain & lugubre fon
Demonts en monts roule & ſe fait entendre ;
Un nuage qu'on voit s'avancer & s'étendre ,
D'un voile ténébreux couvre tout l'horiſon ,
Son lourd fardeau fatigue l'atmosphère.
Philomele a déjà déſerté le vallon ,
Et vers un ciel horrible élevant ſa prière ,
Le Fermier, l'oeil en pleurs , tremble pour ſa moiſſon,
Dans ce troublede la Nature ,
Le timide troupeau fugitif, confterné ,
Gagne un Buiffon , qui bien peu le raſſure
Contre l'orage déchaîné.
Plus le vent , la foudre & la grêle
Dans les champs éperdus exercent leur fureur :
Plus l'animal bêlant en proie à fa frayeur ,
Sous le toit épineux ſe ſerre & s'amoncèle.
Enfin vers l'Occident le ciel s'eſt éclairci;
Iris paroît , Moutons de regagner la plaine;
* Séneque le Philoſophe m'a fourni l'idée de cette
Fable.
>
DE FRANCE.
147
:
Mais en ſortant, pour grand merci ,
Il leur fallut laiſſer la moitié de leur laine.
IL en coûte maints ducatons
Pour écarter un maléfice.
Plaideurs , vous êtes les Moutons ,
Et le Buiſſon , c'eſt la justice,
(Par M. Morel, Doctrinaire, l'un des Profeſſeurs
de Rhétorique au CollègeRoyalBourbon d'Aix.)
COUPLETS à une jolie Femme , qui ne
craint rien tant que de vieillir.
AIR: Je l'ai planté , je l'ai vu nattre , &ot
ARMÉ de ſa faulx meurtrière ,
Que peut le temps ſur vos attraits ?
Ce Dieu reſpecte l'art de plaire ,
Et vous ne vieillirez jamais.
TANT qu'à nos jours Vénus préſide ,
Nous fommes dans notre printemps
Qu'importe que mon front ſe ride?
Mon coeur eſt encore à vingt ans.
Four éternifer la jeuneſſe ,
Songez doncqu'il faut s'enflammer ,
۲
1
Gij
148 MERCURE
Et qu'on ne to ache à la vieilleſſe
Que lorſqu'on a ceſſé d'aimer.
D'une triſte mélancolie
Fuyez le dangereux poifon ;
Il faut quelques grains de folie.
Qui nous vicillit , c'eſt la raiſon,
Le Dieu qu'à Paphos ou adore
Eſt toujours frais , jeune & brillant ;
Aubout de deux mille ans encore
Ce ne ſera qu'un foible enfant.
1
D'UNE Criſtence fugitive
Fixons l'éclair par nos plaiſirs ;
Si jamais la vieilleſſe arrive,
Il reſte au moins des ſouvenirs,
(ParM. le Chevatier de Laurenval. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Ami; celui
de l'énigme eſt Mortier; celui du Logogryphe
eſt Anicroche , où l'on trouve Rói
roc , âne , corniche , niche de Saint & niche
plaifanterie , Cocher, ciron , cire.
DE FRANCE. 149
DOUBLEZ
CHARADE.
OUBLEZ de mon premier la ſyllabe facile ,
C'eſt le premier des mots que prononce un enfant;
Sur les lèvres d'Iris mon dernier eſt errant ;
Montont , un Thaumaturge , un Berger , une ville.
A
(Par M. de F. )
ÉNIGME.
RMÉ d'un fer , lebandeau ſur les yeux ,
Comme l'Amour , je me montre en tous lieux ;
Je cours ſouvent de la brune à la blonde ,
De la bourgeoiſe aux femmes dugrand monde;
Le cloître même a pour moi des appas ,
Etdu boudoir je paſſe au galetas :
Tout m'eſt égal , Préſident ou Notaire ,
Comte , Marquis , Tailleur , Apothicaire ,
Je vais par-tout fans égard& fans choix
De la cabane au Palais de nos Rois ,
De l'homme en Place à l'homme de Finance.
,
L'Amour , dit-on , toujours en uſe ainfi ,
C'eſt un enfant, & je le ſuis auffi.
Voilà , je crois , bien de la reflemblance;
Etcependant combien de différence
Entre nous deux ! inconftant , inhumain ,
.
i
Ginj
150
MERCURE
:
On le dépeint une torche à la main ;
Crainte du feu je couche ſans chandelle ,
Je ſuis humain, je paſſe pour fidèle.
Son naturel eſt de tout embrâfer ;
A ſes deffeins le mien veut s'oppoſer.
On le redoute , au -lieu que l'on m'appelle.
Du mal qu'il fait il vit malignement ;
Oh ! fi j'en fais c'eſt fort innocemment.
Abien des gens it tourne la cervelle ,
Sonmeilleur tour paſſe pour clandeſtin ;
Si j'étourdis , j'avertis le prochain .
On dit qu'il fait de profondes bleſſures ;
Moi , je ne fats que des égratignures..
On le dit beau , mais beau comme l'Amour !
Je ſuis ſi laid que je fais peur au jour.
( Par un Abonné au Sallon de la ville d'Apt. )
LOGOGRYPH Ε.
LECTEUR ,
4
۱
ECTEUR , je ſuis fort grand, & je n'ai que cing
pieds,
Cequi n'eſt paint contradictoire,
Vous trouverez en moi , ſi vous m'étudiez,
La divinité du grimoire ;
Ceque le François ſuit le plus exactement ;
Ce qu'on donne aux enfans quand ils viennent de
naître ;
DE FRANCE.
Cequipour bienfaiſant doit nous faire connoître;
Un pronom pofleſſif qui plaît aſſez ſouvent ;
Cequi par føis termine un bâtiment.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LETTRES de Jenny Bleinmore, par Mme
*Monnet, Auteur des Contes Orientaux ,
deux Parties in- 12 . Prix , 3 liv. brochées.
A Paris, chez Regnault , Libraire , rue
Saint Jacques , vis-à-vis celle du Plâtre.
(On trouve chez le même Libraire les
Contes Orientaux , premier & fecond
Tomes. Prix, 3 liv. ).
CES Lettres font ſuite aux récits du ſage
Caleb. Jenny les lui laiſſa en quittant les
Indes. On verra par quelle aventure cette
Angloiſe s'y trouve tranſportée , & quelle
fatalité l'arrache à ſa patrie. Les premières
de ces Lettressont paru dans nos Mercures .
Nous allons rendre compte de la ſuite de
l'Ouvrage , qui , aux graces d'un ſtyle élégant,
réunit le mérite de la difficulté vaincue ; car
l'Auteur a trouvé le moyen d'intéreſſer ſans
événemens extraordinaires , ſans intrigues ,
ſans ſurpriſes , ſans épiſodes. On n'y lit que
quatre Lettres de Sady ; mais Jenny met dans
les ſiennes tant de chaleur , d'intérêt, des
Giv
132 MERCURE
T
nuances fi diverſes que le Lecteur eft tonjours
attaché. On retrouve cette tournure
Orientale que ſaiſit ſi bien Mme Monner ,
ce ſtyle poétique & animé, cette douce &
confolante Philofophie , & ces deſcriptions
pleines de chaleur & de vérité qui caractériſent
ſes premiers Ouvrages.
Caleb dérobe à Jenny ſes Stances fur le
bonheur de la Sageffe. En les lifant on penſe
d'abord que l'Auteur a manqué à la vraiſemblance
en donnant trop de philofophie à une
fi jeune perſonne. Une Note nous apprend
qu'elle-même les a faites à l'âge de ſeize
ans. Nous en citerons deux ſtrophes paur
donner une idee de ſa manière de verſifier.
Ouvrez-vous , élégans portiques ;
Recevez-moi , palais dorés,
Temples galans & magnifiques ,
AuDieu du plaifir conſacrés.
Là, ſur le duvetde l'aiſance,
Dans les bras de la nonchalance ,
Je vois ces mortels enviés :
Près d'eux le chagrin ſe retire ,
D'ennui la molleſſe ſoupire ,
Et l'Amour s'endort àleurs pieds.
Les inconvéniens attachés à la profeffion
d'Homme- de- Lettres ſont peints avec précifion
& vérité.
Hélas! après de longues peines
Votre partage le plus doux
DEFRANCE
. $531
:
Sera quelques louanges vaines
Qui n'iront pas juſques à vous !
Je vois de cruelles épines
Hériſſer vos palmes divines.
L'eſprit eſt un préſent fatal.
Que je plains le ſort dugénie !
Onlecraint , on le calomnie :
Son ami devient fon rival.
La Philofophie de Caleb eſt plus confo-
Jante. " Ne calomntez pas la Nature , écrit il
و د
و د

ر د

"
و د
àJenny dans ce ſtyle figuré qu'il ſoutient
» par tout; elle vous fit ſenſible ; elle vous
donna une ame & de la beauté : croyez au
bonheur. L'idée du bonheur nous vientdu
Ciel ; fon image brillante eſt du moins fur
la terre , & fon temple offre à nos voeux
plus de portes que la fameuſe Thèbes n'en
>> comptoit jadis dans les jours de ſa gloire.
Ce temple confolateur eſt par-tout : entrez
dans ſon ſanctuaire , & couronnez votre
>> jeune front des roſes du bonheur. Voyez
la foule des êtres ſe preſſer autour de lui.
L'homme à leur tête l'appelle & vole audevant
de ſes pas. Quelquefois déçu , ja-
» mais laſſé , il le pourſuit juſques ſur le
>> bord du tombeau ; il le demande à la
>> pouffière; il l'eſpère encore dans le ſein
de la deſtruction & du néant. »
Ces idées plaiſent à l'imagination ; elles
perfuadent, parce qu'elles reſſemblent à la
"
"
vérité.
G
I154 MERCURE
C'eſt à Caleb que Jenny fait la confidence
de fon amour pour Sady. " Quel feu circule
>> dans mes veines & allume mon fang ? Qui
ود faitbattre mon coeur avec cette violence ?
» Qu'a-t- il? Que veut il ? Que peut-il eſpé-
» rer? .... Serois-je réſervée au malheur
در
ود
affreux d'aimer un indifférent? Suis-je
>>venue de ſi loin pour ſouffrir , me plaindre ,
brûler .... oui , brûler : je ne crains plus
> de l'écrire ; vous le ſavez , vous l'avez vu :
pouvois-je vous dérober tant d'amour ?
" Cache-t-on à ſes voiſins l'incendie de ſa
>> maiſon ?
C'eſt encore dans le ſein de Caleb qu'elle
dépoſe le fecret de ſa deſtinée. Son père en
expirant l'avoit unie à Sir Foxters qu'elle
n'aimoit pas. Elle avoit cédé malgré elle aux
volontés d'un père mourant; mais elle n'avoit
pasquitté ſa demeure ni fon nom. La Religionn'avoitpoint
mis le dernier fceau à certe
union mal affortie. Jenny étoit malade. Les
Médecins,nefachant plusqu'ordonner, avoient
conſeillé le voyage d'Iralie , & elle étoit partie
avec fon tuteur. Elle paſſe de l'Italie dans
laGrèce , de la Grèce aux Indes. Le récit de
ceVoyage eſt intéreffant&pittoreſque.Jenny
s'embarque àBaffora. Le même vaiffeau portoitCaleb&
Sady. Les progrès, les développemens
de fon amour pour ce grand Poëte,
fes confidences , les conſeils qu'elle demande,
les projets qu'elle forme, toutes ces nuances
Bien ménagées font oublier au Lecteur qu'on
ne l'entretient que d'une ſeule paflion. Les
DE FRANCE. 155
ſentimensy tiennent lieu de faits ; & quoiqu'il
n'y ait que trois perſonnages , tous trois
vertueux, point de contraſtes frappans , point
d'événemens extraordinaires, il y a cependantunevariétéque
nous croyons devoir plaire
aux perſonnes d'un goût délicar. D'ailleurs.
le ſtyle oriental , lorſqu'il eſt auffi bienfaili,
aufli bien foutenu, a un certain charme qui en
traîne. Lorſqu'en écrit comme Mme Monnet,
onpeut ſe paſſer des reſſources ordinaires à la
plupart des Romanciers. Dès qu'on fait intéreffer
le coeur , qu'eft-il beſoin d'amufer l'efprit!
Nous regrettons que les bornes de cet Extrait
ne nous permettent point de donner en
entier les Lettres & les Vers de Sady , dont les
tournures ont l'air tout-à-fait étranger &
Oriental. Nous nous bornerons à cette ſeule
citation.
" Puiſſante enchantereſſe , ce n'eſt plus
>> moi , c'eſt vous qui commandez à préſent à
>> mon coeur. Vous avez dit, qu'il aime ,&il a
>>aimé. Des deſirs inquiets , l'orgueil , auſſi
>> turbulentque les deſirs, le maîtriſent tour-
» à tour.... Je ne ſuis plus à moi; je n'appar
>>tiens plus qu'à ma bien-aimée.... Je vivrai
pour l'aimer. Je crains à préſent la célé-
>>brité , la gloire ; j'ai dit : Je ne veux ni
>>gloire ni célébrité, je ne recherche plus
>> qu'une choſe ,les careffes de celle qui ſur
>> paſſe les Houris en beauté & les Péris en
intelligence. Prodigues-moi tes careſſes ,ô
» ma bien-aimée ! mais commande à tes
Gvj
156 MERCURE
ce
>> yeux , lorſque tu me regardes en public.
Poſe ton joli doigt couleur de neige fur tes
>>lèvres de roſes .... Femme, belle & ſage ,';
>> diffimule tes perfections , & cache bien
» notre amour.... Aftre étincelant , voilez
» vos rayons à l'oeil de l'envie..... L'homme
>> en proie aux fouffrances du corps , ou livré
>> aux tourmens d'un amour ſans eſpérance ,
ود celui que l'ambition ou l'avarice dévore,
>> celui-là même dont la haine ronge les en-
>> trailles , dorment quelquefois ; mais l'âme
> envieuſe ne repoſe jamais.... »
Jenny écrit des Lettres brûlantes ; Sady
n'a que de l'eſprit & de l'enthoufiafme. Sa
froideur la déſeſpère; elle ne ſouhaite plus
que la mort. Mais Sir Foxters a ſuivi S. Louis
enÉgypte. Il eſt bleſſe dans un combat : on
letranſporte dans l'Iſle de Chypre. Il y apprend
que celle qu'il regarde comine fon
épouſe eſt à Surate. Il l'appelle auprès de lui :
elle part. Ses adieux à Sady portent dans
l'âme une impreflion déchirante.
• Je cède à une foibleſſe à préſent fans
» danger ; je vous écris. Une puiflance in-
>>connue , ſupérieure à ma volonté , me
> force à vous écrire; je prends la plume
>>malgré moi , & je vous dis adieu..... pour
>> jamais adieu. Tout s'apprête , ou plutôt
>> tout eft irrévocablement arrêté pour mon
> départ. Mes femmes vont, viennent, s'agi-
>> tant autourde ma perſonne. Immobile , je
د les regarde avec l'airde la ſtupidité ; mais
- le déſeſpoir eft au fond de mon coun ..
DE FRANCE.
137
>> Un vaiſſeau m'attend ; c'eſt cette femme.
>> qui t'aime encore , qui t'aimera toujours ,
» qui mourra en t'idolâtrant , qui l'a fait préparer
; il m'enlève à ta vue , à tes cruautés...
>> à tes deſirs peut- être... Tous ces objets , fi
chers à mon ſouvenir, préſens à tous mes
>> ſens , feront perdus pour moi.... Plus de
liens entre nous , plus de rapports enfem-
>> ble; tout eſt fini à jamais , anéanti pour
>> toujours. Tout&jamais , horribles mots !
>> accablante penſée! vivre ſans toi ! .... Je ne
ود le pourrai point.... Le ſoleil touche déjà
>> aux bornes de l'horizon. Dieu ! l'inſtant
>> mortellement redouté approche.... Il eſt.
>> venu. Une effrayante nuit va in'envelop- ,
>> per de fon ombre .... Et le bruit des vagues ,
» & les cris des Matelots que j'entends......
» qui retentillent dans mon coeur.... Quoi ,
» déjà !..... Adieu , Sady.... Une froide ſueur,
>> couvre mon corps ; elle inonde mon front ,
&ſe mêle à des larmes amères ; mon coeur ,
ſemble ſe déchirer , & ma main trem
blante n'écrit plus qu'à peine.... Trop cher.
>>Sady , je ne faurois te quitter ; je tombe
affoiblie ſous le poids de la douleur.... Qu'il,
>>me feroit doux d'expirer à cette place , de
m'enſevelir ſous cette terre !... Tu la foules,
>> à tes pieds; elle m'eſt chère , elle m'eſt ſa-
>> erée. Que ne puis-je , toujours près de toi ,
> trouverdans ſon ſein le repos de la mort!
2
"
ود
"
ود
On trouve à la ſuite de ces Lettres diffézentes
Pièces fugitives pleines d'eſprit &
d'intérêt ; le Conte des deux Hermites , im-

156 MERCURE
ce
>> yeux , lorſque tu me regardes en public.
Poſe ton joli doigt couleur de neige fur tes
>>lèvres de roſes.... Femme, belle & fage ,
>> diflimule tes perfections , & cache bien
» notre amour.... Aſtre étincelant , voilez
> vos rayons à l'oeil de l'envie...... L'homme
>> en proie aux fouffrances du corps , ou livré
>> aux tourmens d'un amour ſans eſpérance ,
ود celui que l'ambition ou l'avarice dévore,
> celui-là même dont la haine ronge les en-
>> trailles , dorment quelquefois ; mais l'âme
> envieuſe ne repoſe jamais.... ”
Jenny écrir des Lettres brûlantes ; Sady
n'a que de l'eſprit & de l'enthouſiaſme. Sa
froideur la déſeſpère; elle ne ſouhaite plus
que la mort. Mais Sir Foxters a ſuivi S. Louis
enÉgypte. Il eſt bleſſé dans un combat : on
letranſporte dans l'Iſle de Chypre. Il y apprend
que celle qu'il regarde comme fon
épouſe eſt à Surate. Il l'appelle auprès de lui :
elle part. Ses adieux à Sady portent dans
l'âme une impreſſion déchirante.
• Je cède à une foibleſſe à préfent fans:
>> danger ; je vous écris. Une puiflance in-
>> connue , ſupérieure à ma volonté , me
> force à vous écrire ; je prends la plume
>>malgré moi , & je vous dis adieu..... pour
>> jamais adieu. Tout s'apprête , ou plutôt
>> tout eft irrévocablement arrêté pour mon
» départ. Mes femmes vont, viennent, s'agi
>> tant autourde ma perſonne. Immobile, je
د les regarde avec l'airde la ſtupidité ; mais
- le déſeſpoir ett au fond de mon coeur...
DE FRANCE.
157
>> Un vaiſſeau m'attend ; c'eſt cette femme.
>> qui t'aime encore , qui t'aimera toujours ,
» qui mourra en t'idolâtrant , qui l'a fait pré-
" parer ; il m'enlève à ta vue , à tes cruautés...
>> à tes deſirs peut- être... Tous ces objets , fi
" chers à mon ſouvenir, préſens à tous mes
>> ſens , ſeront perdus pour moi.... Plus de
» liens entre nous , plus de rapports enfem-
>> ble; tout eſt fini à jamais , anéanti pour
>> toujours. Tout&jamais , horribles mots !
>>accablante penſée ! vivre ſans toi !.... Je ne
ود le pourrai point.... Le ſoleil touche déjà
>> aux bornes de l'horizon. Dieu ! l'inſtant
>> mortellement redouté approche .... Il eſt .
>> venu. Une effrayante nuit va in'envelop-,
>> per de fon ombre.... Et le bruit des vagues ,
>> & les cris des Matelots que j'entends......
» qui retentillent dans mon coeur.... Quoi ,
» déjà ! ..... Adieu , Sady.... Une froide ſueur,
>> couvre mon corps; elle inonde mon front,
2
"
ود
&ſe mêle à des larmes amères ; mon coeur ,
ſemble ſe déchirer , & ma main tremblante
n'écrit plus qu'à peine.... Trop cher,
>>Sady , je ne faurois te quitter ; je tombe
affoiblie ſous le poids de la douleur.... Qu'il,
>> me feroit doux d'expirer à cette place , de
>> m'enſevelir ſous cette terre !... Tu la foules,
"
ود àtespieds; elle m'eſt chère , elle m'eſt fa-
>>erée. Que ne puis-je , toujours près de toi ,
> trouverdans ſon ſein le reposde la mort!»
On trouve à la ſuite de ces Lettres diffézentes
Pièces fugitives pleines d'eſprit &
d'intérêt , le Conte des deux Hermites , ime
I MERCURE
primé dans le Nº. 8 du Mercure de cerre
année : un autre récit du fage Caleb, dont le
but eſtde prouver que l'homme ne peut éviver
fa deſtinée ni l'effet des malédictions. Le
fonds de cet apologue eſt tiré d'un manufcrit
Indien , appartenant à M. le PréſidentTacher.
Mme M. , qui l'a fort étendu& embelli d'une
foule d'idées & d'images à elle , le termine
parces mots.
"ToutGuzarare appeloit Nazour , fils de
» Negmedden, au trône de fon père. Nazour
>> étoitdans l'adolefcence;& les peuples ſuppoſent
dans un jeune Prince toutes les
>> vertus dont ils auront beſoin. Cette eſpé-
>>>rance, une fois du moins, n'a pas été trom-
>> pée. Nazour aime la paix , & peut faire la
>> guerre. Juſte , bienfaiſant , ſimple en ſes
>>goûts, fage en ſes moeurs , il rend le peuple
qu'il aime .&dont il eſt aimé , le plus
>> fortuné de l'Univers.... Oh ! quel bien
» qu'un bon Roi ! c'eſt le plus beau préſent
" que le ciel dans ſa faveur puiſſe faire à la
terre. "
On lira avec plaiſir l'Idyle les Fleurs,quel
ques Scènes d'une Comédie , que l'Auteur
ne donne que comme un effai fans conféquence
, & une allégorie charmante de feu
M. Thomas.
Il ſuppoſe qu'un Sultan , ennuyé dans fon
Serrail , demande un Conte.
Lors de Caleb on lui lut les récits,
Profond filence autour de Sa Hauteffe:
:
DE FRANCE. I
Lui-même écoute.

Sage Caleb , avec quel art tu contes !
Parfums d'amour , exhalés de tes contes ,
:Ont ranimé tous mes fens abattus.
Tagrâce même en leçons eſt féconde ;
Tu fais chérir les deux biens de ce monde,
Le tendre. Amour & les douces vertus.
Oui , je te fais Bacha pour ton génie.
• • •
Ce dernier vers eſt très piquant. Le bon
Sultan apprend que l'Auteur est une femme.
Ils'écrie :
i
Quedebeautés ſon eſprit me promet!
• •
Vous , diamans de Golconde & d'Olinde ,
Perles d'Ormus , émeraudes , rubis ,
Tiffus brillans de la Chine & de l'Inde ,
Uniffez-vous pour ſes riches habits.
Que dans ſes bains ſe diſtille la roſe;
Que les parfums embaument ſon ſommeil ,
Lesharpes d'or enchantent fon réveil.
Obéifſez, coureza que l'on s'empreffe ;
Qu'on me l'amène.
Mais
.. •
Elle naquit parmi les Mécréans ,
&Sa Hauteſſe eſt au déſeſpoir.

Le Chantre du Czar , le Panégyriſte de
Marc-Aurèle ne s'étoit point encore montré
160 MERCURE
?
ni auſſi gai ni aufli gracieux que dans cette
jolie Pièce. Son génie , male & auguſte dans
l'épopée , favoit ſe plier aux formes aimables
des vers de ſociété. Les témoignages d'eftime
de cet Homme célèbre , & ceux que
MM. de Vo*. Ch. *, & quelques autres ont
rendus à Mme M., font d'un heureux augure
pour fon nouvel Ouvrage.
OBSERVATIONS de M. de Trebra fur
l'intérieur des Montagnes, précédées d'un
Plan d'une Histoire générale de la Minéralogie
, par M. de Velthen , avec un
• Discours préliminaire & des Notes, par
M.le Baron de Dietrich , Secrétaire géné
ral des Suiſſes & Grifons , Membre de
l'Académie Roya'e des Sciences , &c. &c.
A Paris, de l'Imprimerie de MONSIEUR ;
&ſe trouve à Paris, chez Didot le jeune,
Libraire , quai des Auguſtins ; & à Strasbourg,
chez Treuttel, Libraire , 1787 , un
Volume in folio de 308 pages , orné de
Cartes& de Planches. Prix, 69 liv.
Les trois Minéralogiſtes dont le travail
forme ce Recueil , méritent d'autant plus de
confiance que leurs Obſervations ne font pas
excluſivement le fruit des études ſpéculatives
du cabinet. M. de Veltheim a été Intendant
desMines duHartz , M. de Trebra eſt encore
aujourd'hui Vice- Intendantdes mêmesMines
appartenantes au Roi d'Angleterre dans l'Électorat
d'Hanovre, &M. leBarondeDietrich
DE FRANCE. 161
remplit en France avec autant d'activité que
de connoiſſances la place de Commiſſaire du
Roi à la viſite des Mines du Royaume. L'utiliré
de cetOuvrage pour la Minéralogie-Pratique
& l'Hiftoire Naturelle exigeroit une
plus longue analyſe que celle à laquelle la
nature d'un Journal Littéraire nous réduit.
Dans la première Partie de fon Difcours
Préliminaire , M. le Baron de Dietrich , ſous
les yeux duquel cette traduction de l'Allemand
paroît avoir été faite , compoſe le plan
d'Hiftoire Minéralogique propoſe par M. de
Veltheim , & le perfectionne par des remarques
critiques ſur quelques-unes de ſes divilions.
L'une de ces remarques contredit une
opinion de quelques Naturaliſtes ſur le caractère
élémentaire &propre des montagnes
granitiques ou primitives. Suivant M. de
Dietrich , le quartz , le feld ſpath & le mica
s'y rencontrent fréquemment réunis en
grains ou enmaſſes , tantôt ſéparées , tantôt
confondues, ainſi que le ſchiſte & la pierre
calcaire même; mais ce fait , comme en convient
l'Auteur , eſt purement accidentel ,&
ne nous ſemble pas affoiblir celui de l'homogénuité
de la maſſe des montagnes granitiques.
: La converſion de la tourbe en charbon ,
dont on a voulu faire en France une découverte,
& publiée l'année dernière comme
telle , dans quelques Journaux , occupe une
place intéreffante de ce Difcours. Depuis
long-temps cette pratique étoit en uſage an
1
162 MERCURE
Hartz; Bruckman en décrivit le procédé en
1747. Près d'un ſiècle auparavant , Guy
Parin , en 1668 , avoit parle des charbons de
tourbe préparés dans les Pays bas par fuffocation.
M. de Dietrich détaille enſuite les
moyens employés en France en divers temps ,
entre- autres en 1986 , par M. Cénolle , &
conclut que juſqu'ici les moyens de fabriquer
le charbon de tourbe par diftillation ont
été trop difpendieux. Les Allemands y emploient
également la diftillation & la fuffocation.
Le plan de M. de Veltheim eſt contenu
dans un Avertiſſement Préliminaire de ce
Minéralogifte ,& dans cinq tableaux de elaf
fifications , qui comprennent tous les fotfiles
diviſes en metaux , en fels , en terres , en
fubſtances inflammables & en gites de ces
fofliles , montagnes primordiales , argilleuſes
ou à filons , calcaires ſimples , à couches &
volcaniques. Ce morceau eſt terminé par
lanomenclature des Auteurs qui ont traité
du Règne Minéral.
: Les Obſervations de M. de Trebra font
divifces par Lettres ,dont la première a pour
objet la conformation extérieure des parties
demontagnes qu'il a trouvées abondantes en
minerai ; dans la feconde il décrit la ſtructure
des malles de rochers dans l'intérieur de ces
montagnes ; la troiſième contient des Remarques
fur l'infiltration & la cireulation
des eaux dans les montagnes, ſur la chaleur ,
les vapeurs, les diſſolutions & les compotes
1
DE FRANCE. 163
. qui en réſultent. Ici l'Auteur ne traite point
la queſtion de la première formation des
montagnes , parce que , dit il avec raiſon ,
les obfervations ſur cet objet ne paroiffent
pas fuffifantes pour établir un ſyſteme fatisfaifant.
La quatrième Lettre renferme les
Pièces Juftificatives des remarques précédéntes
; & la cinquième une Deſcription minéralogique
des montagnes du Hartz. Cette
dernière partie eſt d'autant plus intéreſſanté
pour les Lecteurs François , qu'à la réſerve
de M. de Luc , qui a vilité le Hartz , & en
décrit divers districts dans ſes Lettres Phyfiques
à la Reine d'Angleterre , aucun Ouvrage
en notre langue n'a parlé avec quelque
détail de cette chaine, ſi inſtructive pour les
Minéralogiftes. La plupart des filons s'y trouvent
alternativement dans le grès de couleur
grife & le ſchiſte argilleux. La ſominité la
plus élevée du Hartz s'appelle le brocken ,
diviſé en deux têtes , qui porte le nom de
grand& petit brocken.
Ala ſuire de ces Lettres l'Auteur expoſe le
projet ſuivi en Saxe pour reprendre les travauxde
la galerie de Gédéon , mine importante
du cantonde Marienberg. Pendant que
M. de Trebra en étoit Directeur général il
rédigea unTraité ſur l'économie& l'augmentation
des produits dans l'exploitation des
Mines: ce morceau termine ſon Ouvrage aetuel,
dont l'étude eſt eſſentielle aux Métallurgiftes.
M. le Baron de Dietrich leur a donc
rendu unnouveau fervice en publiant. ceRe
164 MERCURE
cueil, dont ſes Notes & celles de M. Schruber
forment une portion intéreſſante. Seulement
est- il à regretter que ce Livre , fait pour
devenir uſuel parmi les gens de l'Art , ſoit imprimé
avec une magnificence ſi diſpendieuſe.
Celle- ci devroit être réſervée aux Ouvrages
deparade ou aux frivolités qui ont beſoin de
ce luxe pour acquérir quelque valeur ; mais la
ſcience ne ſauroit jamais être trop économique.
VARIÉTÉS.
EXIOSITION des Peintures , Sculptures
&Gravures deMM.del'AcadémieRoyale,
dans le Sallondu Louvre, depuis le 25 Août
jusqu'à lafin de Septembre 1787 .
DANG
Ans le compte que j'ai rendu de l'Expofition
des Peintures , Sculptures &Gravures faite en 1785 ,
je me ſuis efforcéde faifir plutôt le caractère d'un
Hiftorien que celui d'un Critique; je n'ai pourtant
point négligéles obſervations qui m'ont paru néceffaires
aux progrès de l'Art. J'ai indiqué lestaches
que j'avois remarquées dans les productions de MM.
Jes Profeffeurs ; j'ai re'evé les défauts de ceux de
nós Académiciens que leur répuration & leurs
fuccès pouvoient déja offrir comme des modèles;
j'ai rappelé les principes de la Peinture trop longtemps
régligés & même oubliés en France : enfin,
j'ai quelquefois pourſuivi le mauvais goût , qui ,
L
DE FRANCE. 165
après avoir régné pendant vingt ans dans nos Ecoles ,
yconſerve encore quelques traces du ridicule empire
qu'il y avoit uſurpé. Je ſuivrai aujourd'hui la
même méthode. Lemême Artiſte dont les lumières
ont éclairé mes obſervations à i Expolition précé
dente , veut bien encore me fervir de guide ; les
connoiffances & ſon impartialité m'autoriſent à
affurer mes Lecteurs qu'ils peuvent me lire avec
confiance, parce que je ne prendrai d'autre langage
que celui de la vérité. Je louerai beaucoup ce qui
ſera ſuſceptible d'être beaucoup loué; mais j'adoucirai
, autant qu'il me ſera poſſible , le ton
de la critique lorſque je ferai forcé d'en faire
uſage. C'eſt avec un véritable chagrin que Ton
voit ſe multiplier journellement de petits Pamphlets
dictés par 1 ignorance ou par la haine. Ces Ecrits
clandeſtins, dont les Auteurs font tour àtour vendus
à l'éloge outré ou à la ſatyre déchirante , ſont
moins redoutables encore par le découragement
qu'ils peuvent porter dans l'ame des Artiſtes que par
•les fauſſes idées qu'ils répandent & par les notions
erronées qu'ils font germer dans les eſprits patelfeux&
fuperficiels. J'ignore ſi l'impreffion de ses
Pamphlets peut être de quelque utilité à ceux qui
• les compoſent , ſi leur vente produit un revenu pafſager
à leurs miférables pères. Mais fi on les commpoſe
en ſe diſant, avec un Satyrique connu , il
faut que chacun vive, on doit s'attendre à la réponſe
non moins connue de feu M. d'Argenſon :
Je n'en vois pas la néceffité. On ſent bien que je
ne veux, ne puis ni ne dois avoir rien de comunua
avec les Ecrivains dont je viens de parler , & que
faifir , dans un temps proſtitué à l'indécence dela
louange ou de la ſatyre, un ton de modération pour
l'une & de décence pour l'autre , c'eſt être tout fimplement
honnête & jufte.
Apeme le Salion de cette année a-t-il été ouvert
166 MERCURE
que de toutes parts l'on a entenda répéter que nos
Peintres avoient bien dégénéré depuis deux ans ;
jugement hatif ſur lequel on a été forcé de revenir;
maistel eſt ici le caractère des prétendus Connoifſeurs
, qu'ils cèdent d'abord au beſoin de prononcer
d'une manière quelconque , ſauf enſuite à ſe rétracter
de leur première décifion . Il en réſulte toujours du
mal, car les mauvaiſes impreſſions ſe propagent
bien plus facilement que les bonnes , & la réputa-
'tion des gens de l'Art en eſt au moins altérée pour
quelque temps dans l'idée des gens opiniâtres , & il y
en a beaucoup , parce qu'il y a beaucoup d'ignorans.
Au refte , que feroit à l'art la décadence ou la
négligence de quelques Artiſtes, ſi l'étude de la Peinture
évoit aujourd'hui plus ſure &plus éclairée qu'elle
l'eûtjamais été enFrance; ſi ceux qui ont annoncé
le caractère du vrai talent avoient conſervé ce caractère;
fi les jeures Athlètes qui ſe préſentent dans
la carrière offroient déjà les eſpérances les mieux
fondées; ſi enfin l'Académie de France à Rome ,
déjà régénérée par des Directeurs d'un vrai mérite ,
paroiſfoit devoir auginenter ſa célébrité , & rendre
plus utiles les études qui s'y feront par les ſoins d'en
nouveau Directeur dont le talent fut univerſelle
ment reconnu ? Voilà pourtant où nous en ſommes,
M. Vien , M. David , M. Vincent , M. Taillaffon
dans l'Histoire ; M. Robert , M. Vernet & d'autres
Peintres chacun dans leur genre , ſe montrent
dignes de leur réputation ; M. Valenciennes , M.
Perrin & M. Girouſt s'annoncent d'une manière
brillante ; leurs premiers pas ſont des ſuccès ;
enfin, l'on peut eſpérer que les Élèves de l'Académie
de France à Rome , guidés par le Peintre de
Léonard de Vincy, qui vient d'en être nommé Directeur
dans la fleur de fon âge & dans la vigueur
de ſon talent , y profiteront pour l'avantage de
l'Art , & des progrès que nos Artiſtes ont déjà faits
DE FRANCI 167
!
T
3
15
:
J
E
depuis pluſieurs années, & des modèles qu'ils auronc
fous les yeux , & des leçons qu'ils recevront d'un
Maître éclairé par le goût& par le génie. Laiſſons
donc ſe plaindre ceux qui voyent tout en mal ,
puiſqu'ils le plaiſent à voir ainfi ; mais tandis que
noure École s'enrichit journellement de ſes nouvelles
acquifitions , ne laiſſons pas s'accroître l'idée
de ſa décadence imaginaire.
Les détails dans lesquels jevais entrer , pronveront,
malgré quelques obſervations critiques , une
partie de ce que je viens d'avancer. Je ſuivrai ,
comme à l'ordinaire , l'ordre des Numéros du Livret
pour ne pas revenir pluſieurs fois ſurle même Artiſte,
PEINTURE.
M. VIEN . NO. 1 à 4. Les Adieux d'Hector &
d'Andromaque , 13 pieds de long , for 10 de haut,
pour le Roi. Une belle ordonnance , un bon ton de
couleur , & beaucoup de ſageſſe. La figure du fier
Hector qui ſe décompoſe pour ſourire à la frayeur
d'Aſtyanax mérite beaucoup d'éloges. Le ſoldat
Troyen qui confidère d'un oeil impatſible la terreur
de l'enfant , l'attendriffement du père & la follicitude
d'Andromaque,forment une oppofition bien entendue
avec l'expreſſion d'Hector, La tête d'Andromaque
n'a pas le caractère que l'on devoit attendre d'un
des ples habiles imitateurs du Guide Parmi les
trois petits Tableaux de ce Maître , il faut diftinguer
celni de Sapho chantant fes vers en s'accompagnant
defa lyre. La touche en eſt močileuſe , l'expreffion
de la tête eft pleine d'eſprit & de grace. Les
lauriers reverdiſſent pour M. Vien à l'âge où ils ſe
fanent pour les autres Artiſtes,
M. DE LA GRENÉE l'aîné. No. 5 à 7. Fidélité
d'un Satrape de Darius , 16 pieds de long , fur
10de haut , pour le Roi. Esquiſſe de ce Tableau.
L'Amitié confolant la Vieilleffe de la perte de la
166 MERCURE
!
que de toutes parts l'on a entenda répéter que nos
Peintres avoient bien dégénéré depuis deux ans ;
jugement hâtif ſur lequel on a été forcé de revenir;
mais tel eſt ici le caractère des prétendus Connoifſeurs,
qu'ils cèdent d'abord au beſoin de prononcer
d'une manière quelconque , ſauf ensuite à ſe rétracter
de leur première décifion. Il en réſulte toujours du
mal, car les mauvaiſes impreſſions ſe propagent
bienplus facilement que les bonnes , & la réputation
des gens de l'Art en eſt au moins altérée pour
quelque temps dans l'idée des gens opiniâtres , & ily
en a beaucoup , parce qu'il y a beaucoup d'ignorans.
Au refte, que feroit à l'art la décadence ou la
négligence de quelques Artiſtes, ſi l'étude de la Peinture
évoit aujourd'hui plus ſure &plus éclairée qu'elle
l'eûtjamais été en France ; fi ceux qui ont annoncé
le caractère du vrai talent avoient conſervé ce caractère;
fi les jeunes Athlètes qui ſe préſentent dans
la carrière offroient déjà les eſpérances les mieux
fondées; fi enfin l'Académie de France à Rome,
déjà régénérée par des Directeurs d'un vrai mérite
paroiffoit devoir auginenter ſa célébrité, & rendre
plus utiles les études qui s'y feront par les ſoins d'un
nouveau Directeur dont le talent fut univerſelle
ment reconnu ? Voilà pourtant où nous en ſommes,
M. Vien , M. David, M. Vincent, M. Taillaffon
dans l'Histoire ; M, Robert , M. Vernet & d'autres
Peintres chacun dans leur genre , ſe montrent
dignes de leur réputation ; M. Valenciennes , M.
Perrin & M. Girouſt s'annoncent d'une manière
brillante ; leurs premiers pas font des ſuccès ;
enfin, l'on peut efpérer que les Élèves de l'Académie
de France à Rome , guidés par le Peintre de
Léonard de Vincy, qui vient d'en être nommé Directeur
dans la fleur de fon âge & dans la vigueur
de ſon talent , y profiteront pour l'avantage de
l'Art , & des progrès que nos Artiſtes ont déjà faits
:
DE FRANCE. 167
depuis pluſieurs années , & des modèles qu'ils auronc
fous les yeux , & des leçons qu'ils recevront d'un
Maître éclairé par le goût& par le génie. Laiffons
donc ſe plaindre ceux qui voyent tout en mal,
puiſqu'ils le plaiſent à voir ainfi; mais tandis que
noure École s'enrichit journellement de ſes nouvelles
acquifitions , ne laiſſons pas s'accroître l'idée
de ſa décadence imaginaire.
Les détails dans lesquels je vais entrer , pronveront,
malgré quelques obſervations critiques , une
partie de ce que je viens d'avancer. Je fuvrai ,
comme à l'ordinaire, l'ordre des Numéros du Livret
pourne pas revenir pluſieurs fois ſurle même Artiſte,
PEINTURE.
M. VIEN. NO. 1 à 4. Les Adieux d'Hector &
Andromaque , 13 pieds de long , ſur 10 de haut,
pour le Roi. Une belle ordonnance, un bon ton de
couleur , & beaucoup de ſageſſe. La figure du fier
Hector qui ſe décompoſe pour ſourire à la frayeur
d'Aſtyanax mérite beaucoup d'éloges. Le foldat
Troyen qui confidère d'un oeil impatfible la terreur
de l'enfant , l'attendriffement du père & la follicitude
d'Andromaque, forment une oppofition bien entendue
avec l'expreſſion d'Hector, La tête d'Andromaque
n'a pas le caractère que l'on devoit attendre d'un
des ples habiles imitateurs du Guide Parmi les
"trois petits Tableaux de ce Maître , il faut diftinguer
celui de Sapho chantant fes vers en s'accompagnant
de fa lyre. La touche en eft moëlleuſe , l'expreffion
de la tête eſt pleine d'eſprit & de grace. Les
lauriers reverdiffent pour M. Vien à l'âge où ils ſe
fanent pour les autres Artiftes,
M. DE LA GRENÉE l'aîné. No. 5 à 7. Fidélité
d'un Satrape de Darius , 16 pieds de long , fur
10 de haut , pour le Roi. Esquiſſe de ce Tableau.
L'Amitié confolant la Vieilleffe de la perte de la
168 MERCURE
Beauté & du départ des Plaisirs. J'ai déjà regrené
que M. de la Grenée eût quitté les Tableaux de chevalet
pour les grands Tableaux , & je le regrette en
core. Le ſtyle de celui qu'il vient d'expoſer eft foible
&découfu. Son Alexandre, d'un deſſin fort incorrect,
n'a ni le caractère d'un Héros ni celui d'un homme
dont la colere se tourne en rage ; il y a du caractère
dans celle du Satrape ; le dédain s'y peint ſous des
traits bien marqués. Le choixdu ſujer peut encore être
reproché au Peintre ; quand on prend un trait dans
la vie d'un grand homme , il ne faut pas en choifr
un qui le déshonore. Le ſtyle du coftume d'Akx-ndre
n'a pas toute la ſévérité du coſtume Grec. L'exécution
totale ade la fermeté, néanmoins l'Eſquiffe
de ce Tableau me parcît lui être fort ſupérieure.
Celui de l'Amitié conſolant la Vieilleſſe eſt fo
blement compoſé ; il a peu d'effet; je voudrois que
la femme repréſentant la Vieilleſſe fût plus marquée,
& qu'elle ne dennât pas l'idée d'une femme de
trente- fix ans accablée plutôt par la maladie que par
le retour de l'âge .
M. LE MARQUIS DE TURPIN , Honcraire.
Aſſocié libre. No. 8 à 10. Vue de Villa Madama,
les Portiques d'une rue de Tivoli , plusieurs Diffins.
Que diroient les Nobles des treize , quatorze & quinzième
ſiècles , s'ils voyoient leurs deſcendans manier
tour-à tour la plume, le ciſeau, le compas , le pinceau
, cux qui dédaignoient d'apprendre à lire ? Il y a
del'eſprit&de l'effet dans toutes ces compofitions ,
qui feroientencore honneur à un homme qui pren
droitun titre moins modeſte que celui d'Amateur.
,
M. DOYEN , Nº. II , Priam demandent à
Ashiile le corps d'Hector 10 pieds quarrós. J'ai
toujours estimé le talent de M. Doyen , non
pas que je n'aie remarqué de très - grandes imperfections
dans les tableaux de cet Artiſte , mais
parce qu'il a toujours montré de l'imagination &
de
DE FRANCE. 169
-
de lachaleur. Je l'avouerai , je ne le retrouve point
ici. Son Achille manque de nobleſſe & d'expreffion ;
la figure de Priam eſt déſagréablement jetée ſur la
tetre , on n'y retrouve ni la douleur d un père , ni
la nobicffe d'un grand Roi , ni l'abandon d'un vieillard
au déſeſpoir. Les ombres épaſſies dans le
fondde la tente contraſtent durement avec la lumière
jaunâtre qui éclaire Achille & la tête de Priam. La
jambe droite de Priam & la jambe gauche d'Achille
ſont tellement diffimulées ſous les draperies qu'on
ne les devine que difficilemenr. En général le ſtyle de
la compoſition a peu de vigueur. Eſt ce le retour de
M. Doyen vers le genre actuel qui en eſt caufe Cela
ſe peut. Je ne ſais pourquoi Mercure s'envole après
avoir amené Priam , puiſqu'il doit le reconduire à
Troye : au total l'effet de cetableau eſt triſte pour
l'oeil & ne dit rien à l'ame.
M. BRENET , N°. 12 , Lejeune fils de P. Scipion
rendu à son père par Antiochus 8 pieds de
large ſur 10 dehaut. La compoſition de ce tableau
eſt ſage , il y a de l'expreſſion dans la tête de
Scipion , mais le caractère des autres n'a pas aſſez
de ftyle. Le talent de M. Brenet a de la tévérité ,
mais il a auſſi de la molleſſe : on deſireroit qu'il fût
quelquefois animé par de la grâce ; qu'il donnât
plusdeton à ſes chairs , qui alors prendroient de la
rondeur.
M. DE LA GRÉNÉE LE JEUNE , Nos. 13 à 16 ,
Ulyffe arrivant dans le palais de Circé , 10 pieds
quarré , pour le Roi. Euterpe , ou la Musique.
Jésus enfant priant dans un lieu folitaire , 8 pieds
& demi de haut fars & demi de large. M. de la
Grénée le Jeune , n'a pas voulu que , cette année ,
on lui reprochâtd'iſoler ſes figures, il les a entaffées ,
elles s'étouffent. Le Mercure ne rappelle pas l'idée
d'un Dieu qui vole au fecours d'un mortel , mis
d'une figure qui tombe lourdement. Il y a pourtant
N°. 38 , 22 Septembre 1787 .
H
170 MERCURE
one certaine énergie dans l'action d'Ulyſſe, de la
vérité dans la ſurpriſe qu'éprouve Circé , & de la
grâce dans le grouppe de femmes qui l'entourent.
Les lumières de cette compoſition font trop diſperſées;
le tapis & le bas du tableau ſont trop bruns.
Je crois que fir M. de la Grénée le jeune eût établi la
lumière ſur le tapis , en éteignant le bas de la draperie
de ſa Circé, l'accord du tableau eût été plus parfait.
Euterpe ou la Muſique , morceau de peinture
collé fur une glace ronde, propre à faire une petite
table , eſt d'un genre où cet Artiſte excelle. Celui de
Jeſus priant rappelle les bons Maîtres de l'École des
Carrache. Le choix des draperies , l'expreſſion &
l'entente du clair- obſcur ne laiſſent rien à deſirer.
M. SUVÉE . NO 16 à 21 , L'Amiral de Coligny
en impose àses afſaſſins , 10 pieds ſur 8 , pour le
Roi. Baptême de Jésus - Christ , des portraits , &
un deſſin d'un tableau d'Autel. Deux objets frappent
d'une manière déſagréable dans le tableau de l'Amiral
de Coligny ; la figure principale & la diftribution
de la lumière . Coligny eſt petir & mefquin
, la figure eſt ſans caractère , & fon costume
très - arrangé , qui ne paroît pas être celui du
temps , n'annonce point le déſordre d'un hom.
me qui s'arrache au ſommeil pour ſe préſenter devant
ſes affaffins. La ſcène ſe paſſe de nuit , un
des meurtriers tient un flambeam , & ce flambeau
ne paroît pas diſtribuer de la lumière , il ſemble
au contraire que ſa lueur eſt amortie par une lumière
plus active. Le grouppe des afſaſſins eſt trèsbeau
, Beſme , ſeul debout & portant le caractère
de la férocité , produit un bel effet , & annonce pofitivement
la catastrophe qui va ſuivre. De la vé
rité & de la reſſemblance dans les portraits de M.
de P... & de M. de C...
M. VINCENT. No 22 à 24. Renaud & Armide,
5 pieds 7 pouces de large , ſur 4 pieds 7 pouces de
DE FRANCE. 171
ک
1
haut. Henri IV & Sully , 6 pieds de large fur s
dehaut, Clémence d'Auguste envers Cinna ; ; pieds
2 pouces de large , fur , pieds de haut. Je n'ai
point retrouvé M. Vincent dans le Tableau d'Armide
ni dans celui de Sully. Dans le premier , Ar
mide , ſur le point de ſe donner la mort après la défaite
de Sarraſins , eſt arrêtée par Renaud. Le Héros
ne préſente aucune nuance des ſentimens qui doivent
l'agiter ; la figure eſt immobile , elle eft
morte. La cuiraffe qu'on a beaucoup louée , paroît
d'éraim , plutôt que de fer. L'attitude contrainte d'Armidepréſente
celled'une femme quiva faireune chûte,
&l'expreffion indéterminée de la tête , ne laiſſe pas
foupçonnerqu'il ſe paſſe riendans ſon âme; le tonde
caractère brillanté dans toutes les parties du Tableau,
produit à l'oeil un effet très-déſagréable. Trop d'objets
fout raſſemblés dans le Tableau qui repréfente
Henri IV rencontrant Sully , bleffé après la ba
taille d'Ivry : les figures s'y nuiſent mutuellement ,
elles ſe preſſent ſans ſe groupper . Je n'aime point
le caractère de Sully , il n'exprime point ce que
doit lui faire éprouver la tendre inquiétude de ſon
Maître , & la tête de Henri n'offre point cette
teinte de bonté qui caractériſoit ce Prince adorable.
Il auroit fallu auſſi faire ſaiſir autrement que
par un amas inutile d'armes le moment où Sully
ſe trouve. La lumière de ce Tableau eſt partout la
même , nulle ombre , nulle oppoſition de maſſes , à
peine eſt-il poſſible d'y distinguer les plans. Mais ſije
n'ai point reconnu M. Vincent dans ces deux morceaux
je l'ai retrouvé tout entier dans la Clémence
d'Auguste. La compoſition en eſt grande&
noble , l'ordonnance en eſt ſage & bien entendue ,
la couleur ferme & aimable. La figure de Cinna
eft habilement deſſinée , ſon attitude est vraie &
bien ſaiſie , l'expreſſion de la tête eſt belle , animée
&locale: j'aime beaucoup dans celle d'Auguſte cene
,
Hij
172 MERCURE
dégradation de févérité qui commence à s'éloigner
pour faire place au noble effer de la clémence. Je
ne dirai pas la même choſe de la manière dont
Livie témoigne ſon admiration ; ſes deux bras levés
également par-deſſus ſa tête me ſemblent produire
un effet monotone , dur & abfolument contraire à
la grâce de l'expreſſion. A cette tache près , ce tableau
me paroît digne d'un Maître. Les effets de
lumière y font diſtribués & ménagés avec un grande
intelligence , le fond bien pris en perspective ,
& d'un ton très-harmonieux , ajoute à la vérité des
plans & au jeu des figures qui doivent fixer l'attention
principale.
M. DE MACHI . No. 25 à 27. Vue de la démolition
de l'Eglise des SS.Innocens, priſe de la rus S. Denis.
Autre vûe intérieure de la méme Eglife , éclairée par
la lumiere d'un feu: autre vûe intérieure du même
Edifice. C'est toujours la même vérité , le même
foin, la même exactitude qui ont mérité juſqu'ici des
éloges à M. de Machi, Le Tableau , où l'Egliſe
détruite en partie eſt éclairée par un feu , eſt d'un
très-bon effer.
M. VERNET. NO 28 à 39. C'eſt de M. Vernet
qu'on peut dire que l'Artiſte est toujours ſupérieur
aux éloges qu'on lui. doune. Il eſt inconcevable
qu'après avoir donné pendant long-temps une auſſi
longue fuite de Tableaux du même genre , M.
Vert er puiſſe ſe fuccéder ainſi à lui-même: toujours
neuf , toujours vrai , toujours énergique, toujours
fublime& toujours varié ! Il faudroit citer tous les
Tableaux qu'il a expoſés cette année , ſi l'on vouloit
faire connoître toute la vigueur de ſon pinceau
&toute la richeſſe de ſon génie ſupérieur à lui
même dans cette expofition. Mais les détails me
meneroient trop loin ; je me contenterai d'indiquer
un lever du Soleildans un brouillard , & une
tempête avec le naufrage d'un vaiſſeau. Ces deux
DE FRANCE. 173
1
compofitions font remarquables par la variété des
objets , par le firi de l'exécution. Dans le premier ,
le brouillard s'étend ſur un immenfe canaldans lequel
on apperçoit des Vaiſſeaux , & dans une perfpective
très-éloignée , éteinte en partie par l'opacité
du brouillard , on apperçoit des tours , des maitons,
des édifices , une Ville. Le Tableau eſt éclairé par
les rayons du Soleil levant , qui viennent ſe briſer
&ſe fondre dans les flots du brouillard , & la lumière
ſe diftribue ainſi ſur les différens plans par
la dégradation la plus heureuſe & la plus vraie.
Les autres Tableaux de M. Vernet ne font pas
moins dignes d'éloges ; les jeunes Peintres de Marine
& de Payſags ne fauroient choiſir des modèles
plus fûrs : c'eſt la nature embe lie de tous les
charmes de l'art .
M. ROSLIN. No 40 à 45. Portrait defou M. le
Maréchal de Nicolai, defeu M. de Nicolai, Evêqne
de Verdun , de M. de Nicolai, premier Président du
Grand Confeil, de M. de Crofne . Une Invocation à
l'Amour , & e . Les Portraits de MM. de Nicolai font
d'une extrême reſſemblance , ainſi que celui de
M. de Crofre; mais il y a de l'indéciſion dans
la couleur. L'Invocation à l'Amour me paroît
d'une compoſition bizarre & fans effet. On voit
dans le milieu du Tableau la ſtatue de l'Amour
qui en remplit preſque tout l'eſpace , & au bas
on apperçoit quelques têtes dont la couleur contrafte
fingulièrement avec le ton de la ſtatue.
L'exécution de ce Tableau répond fi peu au titre
qu'd porte , qu'il n'eſt pas poſſible de ſe permettre
la moindre obſervation ſur l'idée du Peintre .
M. ROBERT. No 46 à 15. Une touche hardie ,
une manière large & expéditive , une grande harmonie
, une connoiffance parfaite de la perſpective ,
des effets de lumière bien entendus & très-habilement
oppoſés aux maſſes d'ombre , toujours des
Hiij
174 MERCURE
aſpects nenfs & piquans: voilà ce que l'on remarque
dans tous les Tableaux que M. Robert a expoſés . &
dont l'examen ne peut qu'ajouter à la brillante réputation
de leur Auteur.
M. ROLAND DE LA PORTE. No 56 à 58. M.
de la Porte avoit fait une grande lacune dans les
expofitions , on l'y a vu reparoître avec plaiſir,
Un Crucifix imitant le relief en talc , a produit une
illuſion parfaite , mérite principal de cette eſpèce de
compoſition.
M. HUET. NOS 59 à 67. Des Paysages , des
Vûes , des Deffins , des figures & des animaux. Partout
de la manière , & une aſſez heureuſe diſtribution
des plans ; mais encore des réminiſcences :
il faudroit ſe ſſoouuvvenir des grands Maîtres pour les
imiter& non pour les copier.
Mme WALLAYER COSTER . No 68 à 75. Des
Animaux , des Fleurs , des Tableaux de nature morte
&deux Portraits. Je ne dirai rien des Portraits , je
ne puis que donner de grands éloges aux autres
compofitions de cette Artiſte , dont le deſſin eſt
correct, la touche énergique & la couleur excellente.
M. WEYLER . No 76 à 82. Des Portraits en
Email , des Miniatures De la fineſſe dans la tou
che , de l'eſprit dans les caractères , & de la refſemblance
dans les Portraits ; mais on peut defirer
que M. Weyler attache davantage ſes contours s'il
veut donnerplus de vérité à ſes Ouvrages.
M. CALLET. No. 83. L'Automne ou les Fêtes
deBacchus, 10 pieds quarrés , pour le Roi . Il y a
dans cette compoſition un déſordre bien relatifà la
Fête qu'il repréſente, peut- être même y en a-t-il
trop . La figure de la femme tombée me paroît d'un
deffin peu correct , & celle de la femme qui danſe
& ſe préſente en face eſt un peu lourde ; la cou-
Icur eft outrée , factice ; les différens tons me
DE FRANCE. 171
paroiffent s'oppoſer d'une manière dure : quelle
diſtance de ce tableau au tableau de réception de
l'Auteur !
,
M. VAN- SPAENDONCK . No 84 & 85. Un
Tableau repréſentant un piedestal de marbre
enrichi de bas-reliefs , fur lequel eſt une corbeilie
defleurs ; il a été vu pendant quelques jours à la
précédente expofition , & je lui ai donné alors les
éloges qu'il mérite. Autre tableau repréſentant une
corbeille remplie de diverſesfleurs, ſur une encoignure
de marbre Sculpté. Cette compoſition n'est point
inférieure à la première , & place M. Van- Spaendonck
à côté du cé'èbre Van Huyſum.
M. HUE. Nº . 86 à 91. Les différens morceaux
que cet artiſte a mis cette année ſous les yeux du
Public, fontregretterqu'il ne ſoit pas reſté plus longtemps
en Italie. Son tableau de Tivoli , éclairéa
foleil couchant, nous a rappelé les bons Ouvrages
Claude Lorrain. C'eſt avec de tels Maîtres & la
belle Nature qu'on peut fortir de la claſſe des Peintres
ordinaires .
M. SAUVAGE. Anacreon & Lycoris , une BBaaccthante
, & autres morceaux imitant le bas- relief.
Une grande vérité dans l'imitation,&l'art de cacher
la monotonie du genre .
Mad. LE BRUN. Nº. 97 à 108. Le portrait de la
Reine tenant ſur ſes genoux M. le Duc de Normandie
, accompagné de Monſeigneur le Dauphin
& de Madame , Fille du Roi , eſt d'une compofition
auffi ſage que noble; la vérité des têtes ,
l'expreſſion relative à chacune des figures , la fraîcheur
du coloris , l'illufion des étoffes , le fini de
l'exécation , tout cela forme un enſemble ſur lequel
l'oeil ſe promène & ſe repoſe tranquillement , &
fappelle dans toute leur fraîcheur & dans toute leur
beauté les Portraits en pied du célèbre Vandeyck.
Les mains de la Reine font rondues d'une manière
Hiv
176 MERCURE
queje crois inimitable. Iln'y a pas moins de talent
dans le portrait de Mme Dugazon , peinte dans
le rôle de Nina au moment où elle croit entendre
Germenil ; l'altération des traits , le trouble des
regards ne nuit en rien au caractère de la tête
qui conſerve de la grâce & de la ſenſibilité. Le
portrait de Mme Reymond eſt vivant ; on le
voit marcher , il va franchir la bordure : le
caractère de la tête eſt plein de vivacité, d'expreffion
& d'efprit. Le portrait de M. le Baron d'Efpagnac
le fils eſt un petit chef d'oeuvre : la
tête de l'enfant est étonnante de vérité , on la voit
ſe mouvoir & fourire: rien de plus fini que l'exécutionde
ce tableau , où les couleurs font fondues
avec un alt admirable. J'ai reconnu le célèbre
Caillot en habit de chaſſeur : c'est lui , on l'entend ;
c'eſt le Weſternn de Tom Jones dans fa belte
humeur ; ce tableau , fait en treis heures , eſt d'une
vérité frappante. Je négligerai quelques tableaux
de cetre Artifle , & je parlerai ſeulemens de celi
où elle s'eſt repréſentée tenant ſa fille entre ſes
bras. L'expreffion de l'amour, de la complaiſance
maternelle , ſe peintdans les traits & dans les re
gards de la mère , la fatisfaction brille dans les
yeux de l'enfant : tout eſt moëleux , aimable
fenti dans cette compofition ; les deux figures font
drapées avec autant de goût que de grace , & chaque
objet s'y détache par le ton de couleur qui lui eſt
propre: mérite qu'il faut difinguer dans tous les
tableaux de Mme le Brun. Il ſemble que cette Artiſte
ſe ſoit propoſé de nous offrir dans le dernier
l'aſpect d'un Dominicain ſous la couleur fine &
féduifante de Vandeyak .
,
Mme GUYARD , No 109 à 118. Certe Artiſte
eſt élève de M. Vincent ; elle a dans le poſtel une
manière molle & dénuée de tout effet ; mais dans
les portraits à l'huile elle a la touche , le deffin , la
DE FRANCE. 177
5
compofition, le coloris, enfin toute la manière de
fonMaître. Cette manière eſt ſi frappante fur- tout
dans les deux beaux, très beaux Portraits de Mine
Adélaïde &de Mme Élisabeth , que, fans le témoignage
du Livret , on ſeroit tenté de les croire de M.
Vincent. Le Public balance depuis long-temps entre
Mme Guyard & Mme Lebrun ; il ne ſat à laquelle
desdeux accorder la prééminence du talent; je crois
qu'il feroit facile de terminer cette indécifion, fi ces
deux rivales ſe peignoient réciproquement face à
face dans le même attelier. On a répandu dans le
monde certains bruits facheux qu'il feroit important
de faire ceffer pour l'avantage de leur réputation ,
&fans doute ils ſeroient invinciblement anéantis
par l'eſpèce de lutte que je propoſe.
M. DAVID , Nº. 119 , Socrate au moment de
prendre la ciguë , 6 pieds de large fur 4de haut. Le
ſtylede ce tableau n'a rien de commun avec celui d'aucun
de nos peintres ; il eſt d'une ſévérité & d'une
fierté qu'on ne diftingue que dans les grand kommes.
M. David a confervé à Socrate la tête qu'un buſte antiquenous
adonnée pour celle de ce célèbre philoſophe:
on ſait que fur cette figure le crime , parune fingularité
remarquable , paroiſſoit ſe peindre dans
toute la difformité ; cependant , l'expreffion fublime
que le talent du peintre lui a communiquée , ôte à
ſes traits leur caractère ſiniſtre ſans rien enlever à
la reſſemblance. Le mouvement énergique du bras
gauche qui ſe lève vers le ciel , ferme une oppofition
ſavante avec celui du bras droit quis'avance
indifféremment vers la coupe qui contient la ciguë :
en effet , qu'est-ce que la perte de quelques miférables
journées pour un homme enflanimé par la
grande idée de l'immortalité de l'ame parcelle
d'un Dieu juſte & rémunérateur ! Voilà comme le
génie fait tirer parti de tout , tour embellir tour
aggrandir. Le grouppe des Diſciples , la vérité
و
Hv
178 MERCURE
des caractères , le ſtyle parfait des draperies ,
la manière dont la douleur ſe différencie fur les
viſages , les détails des acceſſoires , tout annonce
un peintre à qui rien n'eſt indifférent , qui rapporte
tout à l'enſemble de ſa compoſition. I
n'eſt pas juſqu'au jeune Bourreau , qui préſente
la ciguë endétournant la tête , qui n'ajoute à l'intérêt
du tableau: le deſſin de cette ſeule figure
prouve un homme familiariſé avec l'art de vaincre
les difficultés. Je deſirerois pourtant que le fond
eût plus de vapeur , qu'il fût plus légèrement touché;
les effets de la lumière en deviendroient plus larges
,&donneroient au tableau une harmonie plus
générale.
M. REGNAULT , Nos . 120 & 12.1 , la Reconnoiffance
d'Oreſte & d'Iphigénie dans la Tauride ,
13 pieds fur 10 , pour le Roi. Mars défarmé par
Vénus.
Le tab'eau de la reconnoiſſance d'Iphigénie eft
d'une belle ordonnance & d'une grande compofition
: les effets de lumière s'y fondent bien avec
les maſſes d'ombres : le deſſin eſt correct & pur ,
le coloris bon , ferme & vrai ; mais j'ai des reproches
à faire à l'auteur. Pourquoi Iphigénie eſt elle
enſevelie fous un coſtume roide qui la vieillit&déguiſe
en partie ſon ſexe ? Pourquoi Oreste eft il nud ,
& Pylade couvert de ſon a mure & de ſon caſque ? -
Tous deux ont fait naufrage enſemble , tous deux
ont couru les mêmes dangers. C'eſt Oreſte qu'lphigénie
vouloit délivrer ; c'eſt donc à lui qu'on devoit
d'abord rendre ſon armure. Et puis , pourquoi cette
nudiré devantdes prêtreſſes, devant de jeunesviergest
Pour faire oppofition fans doute , à la bonne heure ;
mais tout cela ſent la convention ,& ce n'eſt point.
à un artiſte habile qu'il convient de laiſſer appercevoir
les efforts de l'art. Le tableau de Mars &
DE FRANCE.
179
Vénus eſt d'une couleur agréable , & plus fini dans
toutes ſes parties que celui d'Iphigénie.
M. TAILLASSON , Nº. 122 à 127 , Virgile
lifant l'Enéïde à Auguste & à Octavie ; Electre
Héloïse , une tête de Nymphe , &c. La tête d'Héloïſe
ne donne point une idée affez aimable de cet intéreſlant
perſonnage ; il y a du caractère dans celle
de la Nymphe. La compoſition du Virgile lifant
l'Enéide eſt bien relative au ſujet ,& elle a l'efprit
qui convient à la ſituation. Octavie s'évanouiffant
quand le Poëte articule tu Marcellus
eris... eſt d'un très-bon effet , le ton de couleur
eſt un peu gris , M. Taillaſſon devroit tourner ſes
études vers la couleur ; je defirerois encore que l'ombre
s'épaissît un peu moins fur le viſage du Poëte.
,
Je garderai le filence ſur les tabicaux compris
fous les Nos. 128 & 129.
M. CESAR WANLOO , NO . 130 à 136 , Les
restes d'un Aqueduc ; Vue d'un port aux environs
de Soubiaque,&c. Les plans de ces compoſitions
font plus décidés que ceux des précédens tableaux
deM. Warloo, le ton de couleut en eſt plus aimable
, les choix des ſites eſt heureux , & l'exécu
tion annonce du travail & une étude ſuivie de la
nature.
M. LE BARBIER l'ainé , No. 137 à 140 , Le
courage des femmes de Sparte , 10 pieds quarrés ,
pour le Roi. Un grand deffin repréſentant le combat
des Horaces , deux figures Académiques , plu
fieurs deſins pour les oeuvres de Geffner. Tout eft
confus dans la compe fition du premier de ces morceaux,
dela crudité dans le ron , de mauvais effetsde
Jumière, peu de caractère dans les têtes & rien de déterminé
dans l'action. Le deſſin repréfentant le combar
des Horaces eſt vigoureux: ceux qui font destinés
ax oeuvres de Geſſner ont de l'eſprit &de la fa
H.vj
178 MERCURE
des caractères , le ſtyle parfait des draperies,
la manière dont la douleur ſe différencie fur les
viſages , les détails des acceſſoires , tout annonce
un peintre à qui rien n'eſt indifférent , qui rapporte
tout à l'enſemble de ſa compoſition. Il
n'eſt pas juſqu'au jeune Bourreau , qui préſente
la ciguë en détournant la tête , qui n'ajoute à l'intérêt
du tableau : le deſſin de cette ſeule figure
prouve un homme familiariſé avec l'art de vaincre
les difficultés. Je deſirerois pourtant que le fond
eût plus de vapeur, qu'il fût plus légèrement touché;
les effets de la lumière en deviendroient plus larges
,&donneroient au tableau une harmonie plus
générale.
M. REGNAULT , Nos. 120 & 12.1 , la Reconnoiffance
d'Oreſte & d'Iphigénie dans la Tauride ,
13 pieds fur 10 , pour le Roi. Mars défarmé pars
Vénus.
Le tab'eau de la reconnoiſſance d'Iphigénie eft
d'une belle ordonnance & d'une grande compofition
: les effets de lumière s'y fondent bien avec
les maſſes d'ombres : le deſſin eſt correct & pur ,
le coloris bon , ferme & vrai ; mais j'ai des reproches
à faire à l'auteur. Pourquoi Iphigénie eſt elle
enſevelie ſous un coſtume roide qui la vieillit &déguiſe
en partie ſon fere ? Pourquoi Oreſte eft il nud ,
&Pylade couvert de ſon a'mure & de ſon caſque ? -
Tous deux ont fait naufrage enſemble , tous deux
ont couru les mêmes dangers. C'eſt Oreſte qu'lphigénie
vouloit délivrer ; c'eſt donc à lui qu'on devoit
d'abord rendre ſon armure. Et puis , pourquoi cette
nudirédevantdes prêtreſſes, devant de jeunes viergest
Pour faire oppofition fans doute , à la bonne heure ;
mais tout cela fent la convention ,& ce n'eſt point.
àun artiſte habile qu'il convient de laiffer appercevoir
ies efforts de l'art. Le tableau de Mars&
DE FRANCE. 179
Vénus eſtd'une couleur agréable , & plus fini dans
toutes les parties que celui d'Iphigénie .
M. TAILLASSON , Nº. 122 à 127 , Virgile
lifant l'Enéide à Auguste & à Octavie ; Electre
Héloïſe , une tête de Nymphe , &c . La tête d'Héloïſe
ne donne point une idée affez aimable de cet intéieflant
perſonnage ; il y a du caractère dans celle
de la Nymphe. La compoſition du Virgile lifant
l'Enéide eſt bien relative au ſujet ,& elle a l'efprit
qui convient à la ſituation. Octavie s'évanouiflant
quand le Poëte articule tu Marcellus
eris ... eſt d'un très-bon effet , le ton de couleur
eſt un peu gris , M. Taillaſſon devroit tourner ſes
études vers la couleur ; je defirerois encore que l'ombre
s'épaissît un peu moins fur le viſage du Poëte.
Je garderai le filence fur les tabicaux compris
fous les Nos. 128 & 129.
,
M. CESAR WANLOO , No. 130 à 136 , Les
restes d'un Aqueduc ; Vue d'un port aux environs
de Soubiaque , &c. Les plans de ces compoſitions
font plus décidés que ceux des précédens tableaux
de M. Wanloo, le ton de couleut en eſt plus aimable
, les choix des fites eft heureux , & l'exécu
tion annonce du travail & une étude ſurvie de la
navure.
M. LE BARBIER l'ainé, No. 137 à 140 , Le
courage des femmes de Sparte , 10 pieds quarrés ,
pour le Roi. Un grand deſſin repréſentant le combat
des Horaces , deux figures Académiques , plu
fieurs deſins pour les oeuvres de Geffner. Tout eft
confus dans la compofition du premier de ces mor--
ceaux, de la crudité dans le ron , de mauvais effets de
Jumière, peu de caractère dans les têtes & rien de déterminé
dans l'action. Le deſſin repréfentant le combar
des Horaces eſt vigoureux : ceux qui font destinés
ax oeuvres de Geſſner ont de l'eſprit &de la fa
H.vj
180 MERCURE
cilité : en général , le crayon de M. le Barbier lui
fait plus d'honneur que ſon pinceau.
M VESTIER . Nº. 141 à 142. Portraits de M.
Doyen , de M. Brenet , de Mme Rouillé, de Mme
Cromotde Fougy , de Mme Veftier; un tableau de
famille; d'autres portraits . Une grande facilité dans
routes ces compoſitions , mais une facilité quelquefois
préju liciable à la correction du deſtin ; un
coloris aimable , mais quelquefois mou. Les portraits
de M. Brenet &de M. Doyen font ſupérieurs
à tous les autres , le ton en eſt ferme & la couleur
prononcée. On peut ſeulement reprocher à M. Veſtier
d'avoir ſacrifiélesacceſſoires pour en éclairer les têtes.
M. PEYRON . N°. 153 & 154. Curius refusant les
préfens des Samnites , spieds de large , ſur 3 pieds de
haut. Mort de Socrate , 4 pieds 2 pouces & demi. A
Pinſtant où j'écris , le ſecond tableau n'eſt point encore
expofé. Le ſera- t- il? Il aura dans ce cas un
dangereux rival. Le premier , morceau de réception
de l'Auteur eſt d'un ſtyle ſévère ; mais il
me ſemble que la ſévérité y nuit beaucoup à l'expreffion.
M. DE L'ESPINASSE. NO. 155 à 163 Des Vues
de Paris & autres endroits, priſes à un point d'éléva
rion très- confidérable. Un travail immenfe , des détails
infinis , un courage d'exécution preſqu'inconcevable.
& par tout le mérite de la difficulté vaincue:
telles font les principales qualités de ces pro
ductions .
M. PERRIN. No. 164 à 170. Cyanippe , Roide
Syracuse , facr fié par sa filie à l'autel de Bacchus ,
&mort de fa file qui s'immole aux mânes de fon
père , 12 pieds & demi de haut , fur 9 pieds de large.
Cetableau annonce très-avantageuſement ſon Auseur.
La compoſition a de la chaleur & de la ſageſſe;
& il y a de l'énergie dans les grouppes , qui ſe conwaſtent
d'une manière heureuſe & favante: la couDE
FRANCE. 181
leur & les formes me paroiffent ſuivre la Nature dans
ſa pauvreté ; M. Perrin devroit dans ces parties étu
dier à fond les grands Maîtres. Le tableau d'Antoine
qui confent à laiſſer panser sa bleffure , dans
l'espérance de revoir cléopâtie , eſt ſagement deſfiné
, mais vuide d'expreſſion ; j'aime mieux celui cù
Esculape reçoit aes mains de Vénus les fimples
néceffaires à la guérison d'Enée ; l'ordonnance en
eft bien ſentie , la couleur en eſtabonne & l'expreffion
vraie : quelques efquiſſes & une figure académique
font encore honneur à M. Perrin , dont
les premiers pas promettent un Peintre d'un grand
mérite, fi pourtant il ne néglige pas de ſe rendre
de plus en plus digne des éloges qu'on lui prodigue.
M. DE VALENCIENNES. No. 171 à 174. Cicéron
découvrant à Syracuse le tombeau d'Archimede
l'ancienne ville d'Agrigente; un Paysage de l'ancienne
Grèce ; un autre Paysage. Voici encore un
Artiſte qui donne les plus heureuſes efpérances . U
eſt à defirer qu'après s'être occupé des grands effets
de la Nature , il étudie plus précieufement la variété
des ombres, la vérité des eaux ; qu'il meste plus de
vigueur dans fes devants , & qu'il combatte l'indécifion&
la molleſſe qui nuiſentàl'effet de fon talent,
M. HALL. Nº. 175. Des Miniatures. C'est toujours
le même talent , le talent agréable que l'on
connoît depuis long-temps à cet Artiſte.
M. MARTIN . Nº . 176. Une Sainte Famille, 6
pieds 6 pouces de haut , fur 4 pieds 6 pouces de
large. Production très-foible, ſans intérêt & fans
vices.
M. ROBIN. NO . 177 à 180. Saint- Louis aborde
en Egypte ; Saint Louis panfe les malades de fon
armée, deux tableaux de 16 pieds 6 pouces de
large, fur 12 pieds de haut. Deux portraits. Les poraits
font reffemblans ; les grands tableaux fout def
és à la Cathédrale de Blois , ils pourront y tros182
.
1
MERCURE
ver des admirateurs dans les âmes dévotes à Saint-
Lou's.
M. WILLE , fils. No. 181. La mort du Duc
LéopolddeBrunswick M. Wille ſaiſit toutes les ancedotes
avec empreſſement, il les rend toutes avec
le même efprit , & il attire la foule autourde ſes
productions : c'eſt le Peintre dont le peuple connoît
lemieux le nom & les ouvrages..
M JULI N. Nº. 182 à 190. L'Étude qui réşand
des fleurs fur le Tems ; unescène du Paftor Fido ,
deux eſquilles, des deſſins. Toujours des compofitions
qui n'ont rien de décidé , & qui rappel ent
confufement toutes les manières .
M. DE MARNE. Nº. 191 à 199. Des marches
d' Animaux , des Paysages , des Vues , &c. P'ai retrouvé
les mêmes qualités & les mêmes défauts que
j'ai déjà remarqués en lui. Sow ſtyle eft agréable ,
mais il ſeroit important qu'il s'occurât de lier ſes
grouppes avec les contraſtes de fes effets de lumière
& d'ombre , qu'il ne les diſpersât poiſt au haſard ,
ce qui nuit beaucoup à ſes meilleure productions.
M. NIVARD. Nº. 200 à 205. Un Paysage dans
le genre héroïque , un' autre au foleil couchant , &c
M. Nivard a de l'exactitude dans le deffin & une
certaine vigueur dans le pinceau; it aime les objets
compliqués , & il les développe avec intelligence;
maisil eft crud dans les verds , & il eſt ſouvent liffi
cile , quelquefois même impoffible de déterminer
quelle eſpèce d'arbres il place dans ſes Payſages .
M. TAUNAY . Nº. 206 à 213. Naufrage d'une
chaloupe, le Contemplateur , une Marche detroupes ,
Le.Bénédiction des drapeaux à Rome, la Rosieres
une marche d'animaux , le retour de Tobie , un Her
mite prêchant Une graade intelligence dans les fires,
une belle diftribution de plans , de l'effet dans lest
compoſitions , une touche ſpirituelle & facile ; telles
font les qualités de M. Taunay , à qui ſon ſéjou
DE FRANCE. 183
on Italie a donné une manière grande , variée δε
rare dans les Payſagiſtes modernes.
M. LE MONNIER. No 214 à 216. Amour Conjugal
, 10 pieds de haut fur 8 pieds de large , pour
le Roi Préfentation au Temple, 15 pieds de haut
fur 9 de large. Esquiſſe d'un Tableau allégorique
pour la Chambre du Commerce de Rouen. M. le
Monnier s'eſt diſtingué à l'expoſition de 1785 par un
Tableau repréſentant la peste de Milan , dans lequel
on a remarqué de grandes beautés : il eſt à
celle - ci bien au-defſous de lui -même ; ſa Préfentation
au Temple eſt foible; mais elle l'eſt beaucoup
moins que ſon tableau de l'Amour Conjugal.
Commela compoſition en eſt pauvre & tourmentée
! Comme le caractère des têtes eft triſte dans
Céombrotus & dans Chelonis , & comme il eſt
exagéré dans Léonidas ! Le ton de la couleur eft
dur, il a plus d'éclat que de vérité , & les effets de
lumière ſe font ſentir trop également dans toutes les
parties du Tableau. On y remarque encore des
incorrections choquantes ,je ne citerai que l'avant
bras de Chélonis , qui eſt d'une longueur déme .
furée.
M. BILCOQ. No 217 à 219. Un Philofophe &
fon Élève , Un Astronome , l'Instruction Villageoife.
On apperçoit dans ces Tableaux une touche facile
& fpirituele , mais un peu de manière & de l'incorrection
dans le deſſin. Celui qui repréſente une:
inſtructionVillage iſe offre une ſcène agréable, mais.
des figures trop fostes de proportions & de l'embar
as dans le ſtyle. Celui du Philoſophe marque:
plus letalent.
M. GIROUST. No 220 & 221. S. François
d.Affife , un Christ . Ces deux Tableaux , d'un deffin.
pur, d'un bon ton de couleur & d'an effet bien relatifàl'expreſſion
qu'ils exigent, annoncentM.Giroufe
d'une manière très - avantageuſe, Si dans des ſujers
184 MERCURE
1
plus compofés & fufceptibles d'un ſtyle moins ſévère,
M. Garouſt ſe montre avec autant d'avantage , il acquerra
bientôt une belle réputation.
M. MOSNIER . NO 222 à 227. Portrait de M. le
Baron de Breteuil , de Mme la Comteſſe de Marguerye
, de M. Bridan & autres portraits. Le Portrait
de M.le Baron de Breteuil eſt fait dans de grandes
proportions ; celui de M. Bridan eſt remarquable
par un faire facile & prononcé , par une manière
large & décidée, mais les cuiſſes ſont d'un ton
trop facrifié , & n'ont pas l'air de porter le corps .
Celui cù le Peintre s'eſt repréſenté avec deux de ſes
parentes , eſt brillant par les étoffes ; mais les têtes
font trop forres & les figures trop courtes. Dans le
portrait de ſa femme il a fuvi à la piſte la manière
de Nattier. M. Moſnier paroît doué d'une trèsgrande
facilité quelques-uns de ſes Portraits
ſemblent avoir éré faits au premier coup : il faut
qu'il forge à ne pas abuſer de cette facilité.
M. MONSIAU. No. 221 à 231. Alexandre domprant
Bucépale ; mort de Caton d'Utique ; mort de
Phocien , deux deffins. L'énormité de Bucépale&
l'exiguité d'Alexandre, forment une oppofition trèsbizante
: on ne peut qu'engager M. Monfiau à ſe
livrer à l'étude des proportions : il ne ſuffit pas d'avoir
de la liberté dans le pinceau ,il faut encore
bien choifir ſes ſujets ,& en rapporter le choix à la
nature de ſon talent .
SCULPTEURS.
M. PAJOU. No. 232 à 234. Vénus recevant la
pomme de l' Amour ; Marbre de 18 pouces de haut ;
M. de Crofne , Buſte en plâtre , un Deffin. De la
vérité dans le Buſte , de la fineſſe dans la Statue.
M. CAFFIERI . Nos 235 & 2.36 . Pocquelin de
Molière, Statue en marbre de 6 pieds de proporDE
FRANCE. 185
tion , ordonnée pour le Roi. Jean- Baptiste Rousseau,
Buſte en Marbre. La Statue de Molière eſt parfaitement
exécutée ; le corps eft vrai , bien pofé , bien
drapé , la tête a du caractère , & donne bien l'idée
de l'homme de génie que Boileau appeloit le conemplateur.
Le Buſte de J. B. Rouſſeau eft refſemblant.
:
M. BRIDAN. Nº. 237 à 239. Bayard parlant à
fon épée, modèle en plâtre ; M. le Marquis Dupleix ,
bufte en marbre ; M. le Cardinal de Luynes , modèle
en plâtre. De la facilité dans les buſtes , mais
toujours de l'incertitude dans le ciſeau. Quant à la
ſtatue de Bayard , elle n'a ni ſtyle ni nobleſſe , ni
caractère. L'action de Bayard eft tellement indéciſe ,
qu'elle peut donner lieu à mille mauvaiſes plaiſanteries
; c'eſt un modèle à refondre en entier.
M. MOUCHY, Nº. 240. Le Maréchal de Luxembourg.
Une grande régularité de coſtume, d
belies propertions , de la fierté dans la poſe , mais
dans la têre de la féchereffe, & l'expreſſion d'un
glo ieux plutôt que celle d'un grand homme .
M. BERRUER. N°. 241 2 246. Modèle en p'âtre
d'environ 9 pieds de long , représentant la Religion
appuyéefur un globe ; M. Hae, buſte en terre cuite ;
Greffet , buite en marbre , &c. De la vérité dans Ics
buſtes , de l'intelligence & un faire facile dans le
modèle de la Religion .
M. LE COMTB. N ° . 247 & 248. M. Rollin, ſtatue
en plâtre de 6 pieds de proportion; le Lectour
mécontent. L'actitude de Rollin eſt contrainte &
gênée , elle eſt drapée lourdement , & le caractère de
la tête annonce plutôt un homme qui s'efforce de
paroître doux , qu'un homms bienveillant par caractère
& par habitude. Un bon diffin & un monvement
vrai dans le Lecteur mécontent.
Μ. ΒΟΙΖΟΤ. Ν° . 249 à 251. Racine, ſtatue en
marbre de 6 pieds de proportion , pour le Roi ;
186 MERCURE
Mme Cromot de Fougy en Prêtreffe de l'Hymen;
Jupiter& Junon. La tête de Racine eſt d'une excellente
expreffion, le corps eſt lourd , épais , les vê
temens ſemblent quattés , ce qui donne de la molleſſe
&de l'incertitude dans les formes . Le buſte
deMme de Fougy a de l'eſprit & de la fineffe. Les
têtes de Jupiter & de Junon ont du caractère.
M. HOUDON. Nº. 252 à 239. Le Roi , le Prince
Henri de Pruſſe , M. le Bailli de Suffren , M. le
Marquis de Bouillé , M. le Marquis de la Fayette ,
leGénéral Washington , une Veitale , une Tête de
jeune fille. Unegrande liberté de ciſeau , un faire
facile dans tous les buſtes , qui ont en outre le mérite
de la reſſemblance. Dans la Veſtale, un joli caractère
de tête , de belles draperies & une exécution
ſpirituelle & finie; mais le corps trop long de preportions.
M DE JOUX. Nº. 260 à 262. Cafſſandre enlevée
par Ajax, grouppe en plâtre de 8 pieds de proportion
; M. Paris du Vernay , buſte en marbre;
Phrixus monté ſur un belier &parcourant les airs ,
bas-relief. De l'énergie dans le grouppe de Caffandre,
de la reſſemblance &de la vie dans le buſte de
M. du Vernay ; de la difficulté , de la gêne dans le
bas-relief de Phrixus.
M STOUF . Nos. 263 & 264. Saint-Vincent de
Paule, ſtatueen plâtre de 6 pieds de proportion ;
M.l' Abbé Maury, buſte en plâtre. Beaucoup de foibleſſe
& de contrainte dans la ſtatue du Miffionnaire
, une expreſſion très-indéciſe dans la tête; une
forte reſſemblance dans le bufte de M. l'Abbé Maury.
M. ROLAND. NOS. 265 & 266. Le grand Condé,
figure en marbre de 6 pieds de propostion , pour le
Roi ; M. le Grand, Architecte , buite en plâtre. J'ai
déjàdonné dejuſtes éloges au modèle de cette ſtatue ,
qui abeaucoup gagné à l'exécution dans la nobleffe
DE FRANCE. 187
3
2
}
;
&dans lecaractère de la tête. De la facilité dans le
buſte de M. le Grand.
M. MOITTE . Nº. 267 à 271. Figure du Commerce
, autre repréfentant la Normandie , modeles ,
une tête en plâtre , des deſſins. Le talent de cet
Artiſte ſe fait mieux ſentir dans les compoſitions ingénieuſes
que dans les morceaux d'une grande exécution.
M. MILOT. Nos. 272 & 273. Minos , études
de têtes & bustes . Trop de facilité dans tous ces
morceaux ; point aſſez de vérité , & une exécution
trop équivoque.
M. DE SEINE. N. 274 à 278. Une tête de
Scévola qui a du caractère , un Bacchus , modèle
enplâtre exact de proportions ; mais point de foupleſſe
ni de grace. M. de Seine a prouvé qu'il avoit
étudié l'antique , qu'il cherche donc à s'en rapprocher.
M. DE LAISTRE , Nº. 279. Une Vierge , figure
de fix pieds de proportion : un caractère de tête
agréablement ſaiſi, mais de la foibleſſe dans la
compofition. La main de l'enfant eſt beaucoup trop
forte.
M. BLAISE. Nos. 280 & 281 , Un Berger , une
Léda. La figure du berger eſt touchée avec grace ,
celle de Léda eſt moëlleuſe ,& le faire en eſt facile.
M. BOQUET. Nos. 282 & 284. Archimede ; une
figure de l'étude en marbre , un bufte de femme.
La figure d'Archimède eſt d'un très-beau faire , elle
a de l'expreffion , du caractère & de la vérité ; c'eft
undes beaux morceaux de réception que l'on puifle
citer ; on remarque dans la figure de l'étude un
ciſeau incertain & de la foibleffe.
GRAVURES.
Je dirai peu de choſe de ce genre , parce que la
plus grande partie des objets qui le compoſent , eft
188 MERCURE
déjà connue du Public. M. le Comte de Parois,
Honoraire , Aſſocié libre , a expoſé des gravures
intant le lavis , le deſſin , le crayon , où il y a de
l'eſprit &de la finefle. Deux gravures d'après M.
Greuze , font honneur au butin de M. le Vaffeur.
Vénus coreffant l'Amour , par M. Porporati , eft
d'une touche moëlleuſe & d'un burin facile.
Trots Fortraits de M. Cathelin ,ſont touchés avec
une certaine vigueur. Beaucoup de ſoin dans deux
Portraits de M. Klauber , mais des tailles dures . Un
burintrès foible& une touche très incertaine nuiſent
à l' ffer de quelques eſtampes deM Denon, Académi
cien.De l'effet, maisde lafoibleffedans le maſſacredes
Innocens deM Aliamet Un beau faire, un ſtyle ferme
&une touche délicate caractériſent l'apethéoſe des
deux fils du Roi d'Angleterre & une Annonciation,
parM. Strange. Tous les morceaux de M. Delaunay
font connus. Deux grands deffins par M. Moreau
lejeune , dont l'un repréſente l'affemblée des Notables
, & l'autre Tullie faiſant paffer fon char fur
le corps de fon père , ont du caractère & du ſtyle.
Les defins deftinés aux oeuvres de Voltaire , ont
l'efprit qui convient au genre. On connoît l'Estampe
de M. Maffard , qui repréſente Adam & Eve ,
d'après Cario Cignani . Dédale attachant des ailes
àfon fils Icare, donne une idée avantageuſe de M.
Preafter ,dont le basin peut acquérir plus de fermeté.
C'eſt l'amour de l'art & de la vérité qui a dicté
les obſervations qu'on vient de fire : il en réſulte
que le genre de la Peinture eſt , certe année , trèsſupérieur
aux deux autres , qui ont eu long, tems fur
lui une ſupériorité marquée. Quelques uns de nos
peintres laiſſent encore échapper dans leurs productions
lesdéfauts qui ont long tems déshonorénotre
école ; mais quand on a pris l'habitude de ſe
hvrer à des vices brillans , quand on a long-tems
DE FRANCE. 189
été loué pour avoir cédé à l'effet du mauvais goût
&de l'opinion , il eſt difficile de revenit très-proniptement
ſur ſes pas. Si nous ne ſommes pas encore
auſſi riches que nous pourrions l'étre , nous avons
l'espérance de le devenir. On n'encenſe pus les
ridicules idoles qu'on avoit adoptées , ou pourfit
par-tout le mauvais goût & le charlatanifine , on
étudie les bons modèles ; on en trouve déjà de coveaux
parmi les profeſſours ; la plupart de nos jennes
peintres ont des connoillances sûres , abandonnent
les vieilles erreurs pour étudier le ſtyle des ginnds
maîtres; tout ſe reunit donc pour confirmer l'efpérance
de voir notre école ſe relever &établir
La gloire for une baſe folide, comme les bons principes
Tur leſquels elle a fixé les études.
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VOYAGES imaginaires , romanesques , merveil
leux , allégoriques , amufens , comiques & critiques,
Suivis des Songes & Visions & des Romans Cabalif
tiques , ornés de figures , quatrième & cinquième
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Anglois , les Aventures- d'un Corfaire Portugais,
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travaux en ce genre ſont avancés; ils préſentent un
tableau des matières qu'ils vont traiter,&le nom des
différens Coopérateurs ne peut que prévenir favorablement.
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1
DE FRANCE.
191
enaffranchiſſant le port de l'argent & de la lettre
d'avis.
Quoique cet Ouvrage paroiſſe au premier abord
ne convenir qu'aux Propriétaires des grandes Terres ,
telles que Duché , Comté , Marquilat , Baronnie ,
&c. &c. Il n'eſt pas moins vrai ( comme on l'a dit
dans le Proſpectus ) qu'il convient indiſtinctement à
toutes les claſſes de Propriétaires , & que diviſé
comme ill'eſt en exploitations , fermages & adjudications
, chacunytrouvera les exemples dont il aura
beſoin.
On prévient qu'il y a près des deux tiers de Gravures
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de l'Amitié à l'épreuve & deux Airs d'Antonio.
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6 de la même Collection pour la Guittare ,
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à l'épreuve , un Air de la ſuite du Comte d'Albert
, & un de Caroline. Prix , 2 liv. 8 ſols.-Numéro
8 de la même pour la Harpe , Violon ad libitum
, contenant l'Ouverture & un Entre-Acte de
l'Amitié à l'épreuve , ainſi qu'un Air d'Antonio.
Prix, 2 liv. 8 fols. ---Numéro 8 de la même , contenant
les mêmes Airs pour le Clavecin. Même
prix , par M. Corbelin , ſeul chargé par M. Grétry
d'arranger ſa Muſique pour divers Inſtrumens. A
Paris , chez l'Auteur , Place Saint Michel, maiſon
du Chandelier.
ROMANCES & Chansons de différens caractères ,
avec Accompagnement de Clavecin , compoſées par
J. Hayden , traduites ou imitées de l'Allemand en
François par une Société de Gens-de-Lettres , pre
192 MERCURE
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pour la Harpe & pour le Clavecin. Prix , chaque
Numéro 1 lv. 4 fols. Abonnement pour cinquantedauz
Numéros , qui paroiſſent tous les Lundis ,
30 liv. pour chaque Inſtrument port franc. A Paris ,
chez Coufineau père & fils, Luthiers de la Reine ,
rue des Poulies.
TABLE.
:
145 Lettres de Jenny Bleinmore , IMPROM MPROMTU
Les Moutons & le Buiffon,
Fable,
151
146 Obfervations ſur l'intérieur des
Couplets à une jolie Femme , Montagnes ,
147 Variétés ,
149
160
64
Charaic, Enigme& Logogry- Annonces &Notices, 189
phe ,
APPROBATIΟΝ.
J'AI lu, par ordre deMer le Garde-des-Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 22 Sept. 1787. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impresion. A
Paris, le 21 Septembre 1787. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 7 Septembre.
M
r. de Buchholz , ancien Réſident de la
Cour de Berlin à Varſovie , a eu une
audience du Roi de Pologne , dans laquelle
il a remis à S. M. fes lettres de créance ,
comme Envoié extraordinaire du Roi de
Pruſſe auprès du Roi & de la République
de Pologne.
L'eſcadre Ruſſe , de trois vaiſſeaux de
ligne & de deux frégates, qui a croiſé dans
laBaltique , eſt partie de Copenhague le 28
Août pour ſe rendre à Cronſtadt.
De Berlin, le 6 Septembre.
S. M. eſt revenue ici , le i de ce mois , de
N°. 38 , 22 Septembre 1787. g
( 146 )
fon voyage en Siléſie , & s'eſt rendue int
médiatement à Charlottenbourg. Le 30
Août elle étoit encore au camp de Breſlau ;
ſon retour s'eſt fait avec la plus grande diligence.
Le College ſupérieur de guerre a expédié
àla fin du mois dernier , des ordres aurégiment
de Natalis de ſe mettre en marche ,
&de ſe rendre à Minden juſqu'à nouvel
ordre.
Il vient de paroître un Réglement , daté
du 13 de Juillet , qui preſcrit en 14 paragraphes
tout ce qui ſera obſervé à l'avenir ,
relativement à l'entretien & à la police des
pauvres de cette Capita'e.
La Régence abbatiale de Quedlinbourg
a reçu des dépêches de la Princeſſe Sophie
Albertine de Suede , par leſquelles cette
Princeſſe lui notifie qu'elle ſe mettra en
route de Stockholm avec ſa ſuite , au commencement
de ce mois , pour prendre poffeffion
de fon Abbaye.
Le 26 d'Août un incendie à détruit à
New Ruppin , dans la Marche, à huit lieues
d'ici , plus de cinq cents maiſons , trois
Eglifes , l'Hôtel de Ville avec les archives,
le Magaſin militaire , l'Hôpital , & plus de
700 familles font réduites à l'indigence. Il
aété impoffible de rien ſauver , tant le progrès
des flammes étoit rapide. On ignore
encore le nombre des perſonnes qui ont
péri. La Reine & le Prince Henri ſe ſont
(147 )
1
:
tendus ſur les lieux , ainſi que M.de Mauf
chwitz, Miniſtre d'Etat.
De Vienne , le 6 Septembre.
Lorſque les Députés des Pays Baseurent,
le 19 du mois paílé , leur audience de congé
, l'Empereur leur parla avec autant de
franchiſe que d'affabilité. Ils le prierent ,
dit on, de ſe rendre dans le Brabant; fur
quoi S. M. prenant ſon chapeau, leur dit :
Vous voyez , Meſſicurs , que je n'ai qu'une cocarde
noire. Ces Députés ſont partis à jours
fucceffifs , & ont eu depuis leur audience
de congé , une conférence particuliere avec
le Comte de Trautmantdorff, qui les a rafsûrés
, comme l'avoit fait S. M. I. fur les
intentions du Souverain , qui révoquera ou
traitera à l'amiable avec ſes Provinces Belgiques
, tout ce qui pourroit être contraire
aux Conſtitutions nationales , en maintenant
fon autorité ſur tout le reſte.
Les Régimens en marche vers la Baviere
prendront leurs quartiers ſur les frontieres
de ce Duché. Quant à la premiere colonne
des Croates & au Régiment cantonné on
Gallicie , qui devoient ſe porter en Mora
vie , ils ont eu contr'ordre , & retournent
dans leurs cantonnemens reſpectifs .
L'Empereur vient de nommer aux ſept
Evêchés vacans en Hongrie depuis pluſieurs
années, ſans rien retrancher des revenus qui
leur étoient attachés. C'eſt M. de Spleny
qui remplace le Cardinal Migazzi dans le
dioceſe de Waitzen.
g
( 146 )
fon voyage en Siléſie , & s'eſt rendue in
médiatement à Charlottenbourg. Le 30
Août elle étoit encore au camp de Breſlau ;
ſon retour s'eſt fait avec la plus grande diligence.
Le College fupérieur de guerre a expédié
àla fin du mois dernier , des ordres au régiment
de Natalis de ſe mettre en marche ,
&de ſe rendre à Minden juſqu'à nouvel
ordre.
Il vient de paroître un Réglement , daté
du 13 de Juillet , qui preſcrit en 14 paragraphes
tout ce qui fera obſervé à l'avenir ,
relativement à l'entretien & à la police des
pauvres de cette Capita'e.
La Régence abbatiale de Quedlinbourg
a reçu des dépêches de la Princeſſe Sophie
Albertine de Suede , par leſquelles cette
Princeſſe lui notifie qu'elle ſe mettra en
route de Stockholm avec ſa ſuite , au commencement
de ce mois , pour prendre poffeffion
de fon Abbaye .
Le 26 d'Août un incendie à détruit à
New Ruppin, dans la Marche , à huit lieues
d'ici , plus de cinq cents maiſons , trois
Eglifes , l'Hôtel de Ville avec les archives ,
le Magaſin militaire , l'Hôpital , & plus de
700 familles font réduites àl'indigence. Il
a été impoſſible de rien ſauver , tant le progrès
des flammes étoit rapide. On ignore
encore le nombre des perſonnes qui ont
péri. La Reine & le Prince Henri ſe ſont
(147 )
tendus ſur les lieux , ainſi que M. de Mauf
chwitz, Miniſtre d'Etat.
De Vienne, le 6 Septembre.
Lorſque les Députés des Pays Baseurent,
le 19 du mois paílé , leur audience de congé
, l'Empereur leur parla avec autant de
franchiſe que d'affabilité. Ils le prierent ,
dit on , de ſe rendre dans le Brabant; fur
quoi S. M. prenant ſon chapeau , leur dit :
Vous voyez, Meſſicurs , que je n'ai qu'une cocarde
noire. Ces Députés ſont partis à jours
fucceffifs , & ont eu depuis leur audience
de congé , une conférence particuliere avec
le Comte de Trautmanfdorff , qui les a rafsûrés
, comme l'avoit fait S. M. I. fur les
intentions du Souverain , qui révoquera ou
traitera à l'amiable avec ſes Provinces Belgiques
, tout ce qui pourroit être contraire
aux Conſtitutions nationales , en maintenant
fon autorité ſur tout le reſte.
I.es Régimens en marche vers la Baviere
prendront leurs quartiers ſur les frontieres
de ce Duché. Quant à la premiere colonne
des Croates & au Régiment cantonné en
Gallicie , qui devoient ſe porter en Moravie
, ils ont eu contr'ordre , & retournent
dans leurs cantonnemens reſpectifs.
L'Empereur vient de nommer aux ſept
Evêchés vacans en Hongrie depuis pluſieurs
années, fans rien retrancher des revenus qui
leur étoient attachés. C'eſt M. de Spleny
qui remplace le Cardinal Migazzi dans le
dioceſe de Waitzen.
g
(148 )
Un Profeſſeur de notre Univerfité s'étoit falt
une collection de médailles en or & argent ,
qui pouvoit être eſtimée 2000 flerins. Cette
collection lui fut volée avec 300 ducats &une
montre d'or. Malgré toutes les perquiſitions de
la Juſtice , on ne pouvoit découvrir ni les effets ,
ni l'auteur du vol. Enfin on commença à ſoupçonner
un étudiant en Médecine , qui de temps
en temps alloit chez ce Profeſſeur. On fondoit
ces foupçons ſur ce que le jeune homme trèspauvre
, faiſoit tout-à- coup une dépenſe extraordinaire
en habits & autres effets . Un Commiſ
faire de police ſe rendit chez lui , il y a quelques
jours , pour l'arrêter , & le trouva mort
dans ſon lit , étouffé par un ulcere qui étoit
crevé dans ſes poumons. On faiſit chez lui tes
médailles & la montre , mais les ducats avoient
diſparu.
: Les Régimens qui font arrivés ici fucceſſivement
pour ſe rendre dans les Pays-
Bas , ont quitté cette Capirale , & contipuent
leur marche. Les régimens de Samuel
Giulai & de Nicolas Esterhazy venant
de la Hongrie reſteront ici en garnifon .
Deux courrie's ont été expédiés à Lintz ,
pour y porter à tous les Regimens deſtinés
à fe rendre dans les Pays-Bas , à l'exception
des 4 régimens Hongrois , l'ordre de continuer
leur marche.
Suivant le dernier relevé des malades reçus
à l'Hôpital-général , depuis 3 ans , leur
nombre a été de 30,764 , dont 2642 font
morts.
L'Empereur a donné au Major-général
( 149 )
Comte de Nadafty, le régiment d'Infan
terie , vacant par la mort du Général de
Preiſſach.
Par un Réglement du 23 Juillet dernier ,
Sa Majefté a ordonné que les Juifs domiciliés
dans ſes Etats, fuſſent obligés à l'avenir
de ſe donner un prénom Allemand , & de
prendre un nom invariable de famille.
Un Décret de la Cour , du 9 Août ,
rend abſolument libre & fans prix fixe la
vente de la viande de veau , d'agneau , de
mouton & de porc.
Les préſens , écrit-on de Conſtantinople ,
que la Porte Ottomane fait remettre par fon
Ambaſſadeur Mafif Effendi à la Cour de
Madrid , conſiſtent dans les articles ſuivans ;
un vaſe d'or rempli d'eſſence de roſe ,
& orné du chiffre du Sultan , monté en
brillans ; une ſelle richement garnie de
pierres fines , so caſſes de café Moka , fix
caiſſes d'étoffes d'or , une canne montée
d'une pomme précieuſe , des ſabres , co 1-
teaux , pipes , marchandiſes de bijouterie &
de modes à laTurque.
De Francfort , le 10 Septembre.
La nouvelle de la rupture de la Porte
avec la Ruffie eſt confirmée. On prétend
que, fortant enfin de la léthargie où on les
avoit retenus , les Ottomans ont demandé
formellement à l'Impératrice de Ruſſie, de
regarder comme non- avenu le Traité de
g3
( 150 )
Kainardgi , &de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires
, c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
deMahomet déploie. Des corps de trou
pes nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boriſthene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares enwera
dans le Cuban. }
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléſie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff, &
allant à Weſel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick.
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il fure
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain .
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ont continué le ir marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire.
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auſſitôt leur route pour les Pays - Bas.
On achete les grains de toute e pecedans
les Erats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'eſprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville , paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiſtration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour ; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution. Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , &de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires,
c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
deMahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux ſont partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boriſthene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crimée , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares entrera
dans le Cuban. }
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléfie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff, &
allant à Weſel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick .
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il fire
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
:
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué le ir marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire .
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne; ils ont continué
auffitôt leur route pour les Pays- Bas .
On achete les grains de toute e pece dans
les Erats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'efprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville, paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale ; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour ; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution, Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , & de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires,
c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
deMahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette invitation ; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boristhene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crimée , tandis que
l'armée dela Georgie réunieaux Tartares enwera
dans le Cuban. 3
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléſie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff , &
allant à Wesel , avec des dépêches pour le
Ducde Brunswick .
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich . Il fure
fuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
3
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué le ir marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire .
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auſſitôt leur route pour les Pays- Bas.
On achete les grains de toute e pecedans
les Erats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'esprit de diſſenſion , qui diviſe cette mal-
| heureuſe ville, paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour ; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays- Bas Autrichiens
& leur Conſtitution, Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , & de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes . Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires
, c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
de Mahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boriſthene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieaux Tartares entrera
dans le Cuban. 1
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléfie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff , &
allant à Weſel , avec des dépêches pour le
Ducde Brunswick .
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il fue
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
:
( 151 )
}
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ont continué leur marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire .
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne; ils ont continué
auſſitôt leur route pour les Pays-Bas .
On achete les grains de toute e pecedans
les Etats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'esprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville , paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiſtration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution. Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , &de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires
, c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
de Mahomet déploie. Des corps de trou
pes nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette invitation ; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boriſthene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares entrera
dans le Cuban.
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléſie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff , &
allant à Wefel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick .
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich . Il fire
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
3
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué le ir marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire .
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques font arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auflitôt leur route pour les Pays- Bas.
On achete les grains de toute e pecedans
les Etats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruffienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'efprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville, paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour ; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution. Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , & de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires,
c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
deMahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boriſthene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares entrera
dans le Cuban. 1
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléfie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff , &
allant à Wesel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick.
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il furt
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
?
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain .
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué leur marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire .
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auffitôt leur route pour les Pays- Bas.
On achete les grains de toute e pecedans
les Etats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix- la-Chapelle affarent que
l'eſprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville , paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abſo. bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour: on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution. Comme ce
84
( 150 )
Kainardgi , &de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires,
c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
de Mahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boristhene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares enweradans
le Cuban. }
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléfie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff, &
allant à Weſel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick .
Le 22 Août, le bataillon des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il fut
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers&foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
!
!
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué leur marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire.
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auffitôt leur route pour les Pays- Bas .
On achete les grains de toute e pece dans
les Erats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne .
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'eſprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville , paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour; on ne prévoit pas quand elle finira
ſon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution, Comme ce
84
(148)
Un Profeſſeur de notre Univerfité s'étoit falt
une collection de médailles en or & argent,
qui pouvoit être eſtimée 2000 flerins . Cette
collection lui fut volée avec 300 ducats &une
montre d'or. Malgré toutes les perquifitions de
la Juſtice , on ne pouvoit découvrir ni les effets
ni l'auteur du vol. Enfin on commença à ſoupçonner
un étudiant en Médecine , qui de temps
entemps alloit chez ce Profeſſeur. On fondoit
ces foupçons ſur ce que le jeune homme trèspauvre
, faiſoit tout-à-coup une dépenſe extraordinaire
en habits & autres effets . Un Commiſ.
faire de police ſe rendit chez lui , il y a quelques
jours , pour l'arrêter , & le trouva mort
dans ſon lit , étouffé par un ulcere qui étoit
crevé dans ſes poumons. On faiſit chez lui tes
médailles & la montre , mais les ducats avoient
diſparu.
: Les Régimens qui font arrivés ici fucceſſivement
pour ſe rendre dans les Pays-
Bas , ont quitté cette Capitale , & contipuent
leur marche. Les régimens de Samuel
Giulai & de Nicolas Eſterhazy venant
de la Hongrie reſteront ici en garnifon.
Deux courriers ont été expédiés à Lintz ,
pour y porter à tous les Regimens destinés ,
à fe rendre dans les Pays-Bas , à l'exception
des 4 régimens Hongrois , l'ordre de continuer
leur marche.
Suivant le dernier relevé des malades reçus
à l'Hôpital -général , depuis 3 ans , leur
nombre a été de 30,764 , dont 2642 font
morts.
L'Empereur a donné au Major-général
( 149 )
Comte de Nadafty, le régiment d'Infan
terie , vacant par la mort du Général de
Preiſſach.
Par un Réglement du 23 Juillet dernier ,
Sa Majesté a ordonné que les Juifs domiciliés
dans ſes Etats, fuſſent obligés à l'avenir
de ſe donner un prénom Allemand , & de
prendre un nom invariable de famille.
Un Décret de la Cour , du 9 Août ,
rend abſolument libre & fans prix fixe la
vente de la viande de veau , d'agneau , de
mouton & de porc .
Les préſens , écrit-on de Conſtantinople ,
que la PorteOttomane fait remettre par fon
Ambaſſadeur Mafif- Effendi à la Cour de
Madrid , conſiſtent dans les articles ſuivans;
un vaſe d'or rempli d'eſſence de roſe ,
& orné du chiffre du Sultan , monté en
brillans ; une ſelle richement garnie de
pierres fines , so ca'ſſes de café Moka , fix
caiſſes d'étoffes d'or , une canne montée
d'une pomme précieuſe , des fabres , corteaux
, pipes , marchandiſes de bijouterie &
de modes à la Turque.
De Francfort , le 10 Septembre.
La nouvelle de la rupture de la Porte
avec la Ruſſie eft confirmée. On prétend
que, fortant enfin de la léthargie où on les
avoit retenus , les Ottomans ont demandé
formellement à l'Impératrice de Ruffie , de
regarder comme non - avenu le Traité de
$ 3
( 150 )
Kainardgi , &de leur reſtituer la Crimée ,
ainſi que les territoires qui leur ont été arrachés
ſucceſſivement. En même tems , à ce
qu'on ajoute , ils avoient déclaré que ſi , à
un terme donné , ces propoſitions n'étoient
pas acceptées , ils ſe feroient juſtice par les
armes. Quoi qu'il en ſoit de ces préliminaires
, c'eſt le 16 Août que M. de Bulgakoff a
été conduit aux Sept-Tours , & l'étendard
deMahomet déploie. Des corps de troupes
nombreux font partis pour la Georgie ,
& il a été publié un Manifeſte à tous les
Tartares , pour les inviter à rentrer ſous la
domination du Grand - Seigneur. On ne
doute pas que le plus grand nombre ne
s'empreſſe d'obéir à cette inviration; on dit
qu'une armée Ottomane va traverſer le
Boristhene , pour faire une invaſion ſubite
dans la Beſſarabie & la Crime , tandis que
l'armée dela Georgie réunieauxTartares entrera
dans le Cuban.
Le Lieutenant Ammon , qui avoit été
envolé en Siléfie , pour porter des dépêches
au Roi de Pruſſe , a repaſſé par Lipſtadt le
27 du mois dernier , venant de Neiff, &
allant à Wesel , avec des dépêches pour le
Duc de Brunswick .
Le 22 Août, le bataillen des Grenadiers
'de Debitſer eſt arrivé à Emmerich. Il furt
ſuivi deux jours après par le régiment de
Woldeck le jeune. Les Officiers & foldats
portoient des cocardes Orange. :
( 151 )
1
Trois cents chariots , chargés de bagages
pour l'armée Pruſſienne , raſſemblée
dans le Duché de Cleves , arriverent le 21
Août à Wolfenbutel , & continuerent leur
route le lendemain.
On apprend de Vienne , que l'Empereur
a nommé l'Evêque de S. Hippolyte à la
Coadjuto erie de l'Archevêché de Malines.
Les régimens de Stein & de Langlois
ontcontinué le ir marche de Linz & d'Ems .
Ils s'arrêteront à Braunau , où ils prendront
l'artillerie néceſſaire.
Le 30 Août une partie des Députés des
Provinces Belgiques ſont arrivés à Manheim
venant de Vienne ; ils ont continué
auffitôt leur route pour les Pays - Bas.
On achete les grains de toute e pece dans
les Erats d'Hanovre & de Brunswick pour
le compte de l'armés Pruſſienne.
Des lettres d'Aix-la-Chapelle affarent que
l'eſprit de diſſenſion , qui diviſe cette malheureuſe
ville , paroît augmenter. Les Commiſſaires
, chargés d'examiner l'adminiftration
, n'ont encore rien fait dans l'affaire
principale; les incidens abfo.bent tout leur
temps. L'entretien de cette Commiſſion
coûte à la ville environ so louis d'or par
jour ; on ne prévoit pas quand elle finira
fon travail .
Une Feuille publique a donné un précis
hiſtorique touchant les Pays - Bas Autrichiens
& leur Conſtitution. Comme ce
و
84
( 152 )
morceau paroît tiré de bonnes ſources , &
nous a paru exact , nous en préſenterons la
ſubſtance , en addition à ce que nous avons
dit nous-mêmes antérieurement ſur ce ſujet .
« On fait que les dix - ſept Provinces des
Pays-Bas pafferent à la Maifon d'Autriche , par
le mariage de Marie , fille de Charles le Téméraire
, Duc de Bourgogne , avec Maximilien
, Archiduc d'Autriche. A la mort de
cette Princeffe il s'éleva dans ces Provinces
des troubles qui furent enfin appaiſés
fous Charles - Quint. Le mécontentement cependant
ne fut jamais entièrement détruit. Les
Flamands étoient exceſſivement jaloux de leurs
anciennes libertés & franchiſes ; un ſoulévement
preſque général éclara ſous Philippe II , Roi
d'Eſpagne , qui perdit les ſept Provinces Unies,
dont l'indépendance fut reconnue à la paix de
Westphalie par toutes les Puiſſances de l'Europe.
Depuis cette époque les troubles intéricurs
& extérieurs ne cefferent preſque jamais
dans les autres Provinces , qui refferent
ſous la domination autrichienne ; ily eut ſouvent
des conteſlations très-vives entr'elles & le
Souverain ; mais on parvint chaque fois à les
applanir , en laiffant à ces Provinces la jouiffance
de leurs anciens privileges.
>>Les Provinces Belgiques ont chacune des
Etats particuliers , dont les prérogatives font
de donner leur conſentement aux impoſitions
& aux fubfides demandés par le Souverain , &
de veiller à l'adminiſtration de la justice , fans
que cependant i's puiffent s'arroger à ce ſujet
aucune autorité publique. Les Etats du Brabant
ſont compoſés de Prélats , de Nobles &
de villes; les premiers au nombre de 13. Aus
(153 )
trefois toutes les villes & même des bourgs
envoyoient des Députés aux Affemblées ; mais
depuis long tems cet uſage n'a plus lieu , &
les ſeules villes de Louvain , de Bruxelles &
d'Anvers ont conſervé ce droit. Le choix des
Députés dépend des Magiſtrats de chaque ville .
Les arrétés des Etats de Brabant ne peuvent
être faits que du conſentement unanime des
trois claſſes. Les Aſſemblées ordinaires ſe tiennent
aux mois de Février ou Mars , & aux mois
de Septembre ou d'Octobre ; les Aſſemblées
extraordinaires , chaque fois que le ſervice du
Souverain ou le bien public paroiſſent l'exiger.
Les Etats, en général , ne peuvent s'affembler
dans aucun cas , ſans la convocation préalable ,
faite par le Souverain. Ceux de Brabant entretiennent
conftamment des Députés à Bruxelles ,
qui ſont compoſés de deux Prélats & d'autant
de Nobles , que l'on renouvelle tous les trois
ans ,da premier Bourguemeſtre &du Penfionnaire
de Louvain , de Bruxelles & d'Anvers .
Les Etats de Limbourg , du Hainault & de Namur
ont à-peu-près la même compofition que
ceux de Brabant. Le Clergé n'a aucune part
au corps des Etats de Gueldre , & la Nobleffe
eſt exclue de ceux de Flandre & de Tournay.
A Malines le Magiſtrat forme le corps des
Etats , &, dans le diſtrict de Malines , les Etats
confiftent dans les principaux notables des Paroiffes
&des villages.
>>>Les principales libertés & prérogatives
communes à toutes les Provinces Belgiques ,
-confiftent en ce qu'aucune impofition ne peut
être aſſiſe ſans le confentement des Etats ; cha-
-cun doit être jugé par fon juge compétent ,
auquel appartient de tems immémorial l'adminiſtration
de la justice , períonne ne peut
85
-
( 155 )
vileges & uſages , ſous prétexe de ne les avoir
pas confirmés nommément ; enfin , de permettre
à ſes ſujets la ceſſation de leurs ſervices
envers leur Souverain , dans le cas où il cefferoit
lui-même d'obſerver leurs privilèges entièrement
ou en partie.
>> Depuis l'année 1479 , la dignité de Gouverneur-
Général des Pays-Bas eſt entre les mains
d'un Prince ou d'une Princeſſe du Sang. Son
pouvoir eſt très - étendu ; il a la direction de toutes
Jes affaires civiles & eccléſiaſtiques , & peut afſembler
à ſon gré les divers départemens des
Provinces , le Conſeil d'Etat , le conſeil privé ,
& celui des Finances, L'inſpection de la justice ,
de la police , des finances , des troupes , & en
général de toutes les affaires civiles & militaires ,
Tui eſt confiée. Les loix ſont promulguées par
lui : il diſpoſe , au nom du Souverain , des
places & des penſions vacantes ; il convoque
les Etats : en un mot il repréſente la perſonne
du Souverain. La Cour du Gouverneur - Général
eſt brillante , il a deux Compagnies de
Gardes du- Corps : le Roi de France & les Etats-
Généraux entretiennent à ſa Cour des Miniftres
plénipotentiaires , & le Roi d'Angleterre un réfident.
La perſonne du Gouverneur - Général
peut-être repréſentée de ton vivant par le Miniſtre
plénipotentiaire des Pays-Bas Autrichiens ,
mais le pouvoir de ce Repréſentant eſt plus limité
que celui du Gouverneur - Général. Le
Secrétaire-d'Etat & des Guerres eſt chargé de
la correſpondance miniſtérielle du Gouverneur-
Général , avec le Souverain & les Miniſtres »
ESPAGNE.
De Madrid, le 27 Août.
Les malheurs occaſionnés par un trem
86
( 194 )
trè traduit devant un Tribunal hors du pays
les Etats prêtent au Souverain le ſerment de
fidélité , & le Souverain s'engage par un ferment
àgouverner ces Provinces , comme il convient
à un Seigneur bon & juſte , & à les maintenir
dans leurs privileges , uſages & coutumes.-
Indépendamment de ces prérogatives générales
& communes à toutes les Provinces , chacune
d'elles jouit encore de privileges particuliers
qui lui ont été aſſurés par des pactes. Les principaux
de ces contrats font la joyeuse entrée,
pour le Brabant & le Limbourg ,& la Bulle
d'or de Brabant . La Bulle d'or exempte ces
Provinces de toute Jurifdi&ion quelconque de
'Empire d'Allemagne , & la joyeuſe entrée détermine&
confirme les privileges accordés ſucceſſivementparles
Souverains. Cedernier pacte,
tel qu'il fut juré en 1744 au nom de Marie-
Therese , confiſte en cinq articles , dont voici
le contenu principal : le Souverain promet de
s'abſtenir de tout pouvoir arbitraire , &de gouverner
les ſujets ſelon le droit & le jugement
de ſes Juges compétens ,de ne commencer aucune
guerre , relativement aux Provinces de
Brabant& de Limbourg ,ſans le confentement
des Etats ; de ne faire aucune convention qui
puiſſe être préjudiciable à leurs droits & intérêts
; de donner aux Brabançons la plupart des
places dans les Tribunaux : de ne faire battre
des eſpeces d'argent ou de les décrier ſans le
conſentement des Etats ; de laiſſer à chaque
Membre , dans l'Aſſemblée des Etats , la permiffiondedire
ſon ſentiment , ſans riſque d'encourir
la diſgrace du Souverain ; de conférer
les Abbayes , Prélatures & autres dignités eccléſiaſtiques
à des Eccléſiaſtiques ; de nepoint
ſe fouſtraire de l'obſervation des droits , priz
( 155 )
vileges & uſages , ſous prétexe de ne les avoir
pas confirmés nommément ; enfin , de permettre
à ſes ſujets la ceſſation de leurs ſervices
envers leur Souverain , dans le cas où il cefſeroit
lui-même d'obſerver leurs privilèges entièrement
ou en partie.
>> Depuis l'année 1479 , la dignité de Gouverneur-
Général des Pays-Bas eſt entre les mains
d'un Prince ou d'une Princeſſe du Sang. Son
pouvoir eſt très- étendu ; il a la direction de toutes
Jes affaires civiles & eccléſſaſtiques , & peut afſembler
à ſon gré les divers départemens des
Provinces , le Conſeil d'Etat , le conſeil privé ,
& celui des Finances, L'inſpection de la juſtice ,
de la police , des finances , des troupes , & en
général de toutes les affaires civiles & militaires ,
lui eſt confiée. Les loix ſont promulguées par
lui : il diſpoſe , au nom du Souverain , des
places & des penſions vacantes ; il convoque
les Etats : en un mot il repréſente la perſonne
du Souverain. La Cour du Gouverneur - Général
eſt brillante ; il a deux Compagnies de
Gardes du- Corps : le Roi de France & les Etats-
Généraux entretiennent à fa Cour des Miniftres
plénipotentiaires , & le Roi d'Angleterre un réfident.
La perſonne du Gouverneur - Général
peut-être repréſentée de fon vivant par le Miniſtre
plénipotentiaire des Pays-Bas Autrichiens ,
mais le pouvoir de ce Repréſentant eſt plus limité
que celui du Gouverneur - Général. Le
Secrétaire-d'Etat & des Guerres eſt chargé de
la correſpondance miniſtérielle du Gouverneur-
Général , avec le Souverain & les Miniftres » ,
ESPAGNE.
De Madrid, le 27 Août.
Les malheurs occaſionnés par un trem
86
( 156 )
blement de terre à Mexico , Capitale de la
Nouvelle-Eſpagne ſe confirment de totes
parts. Les pertes & les dommages font immenfes
, & les détails ſi défagréables , que
l'on évite de les raconter.
Le feu prit le dimanche 19 au Palais du
Roi à S. Ildephonſe & à l'Egliſe collég ale
de ce nom. Cet édifice brûloit dans quatie
endroits différens , & on a eu bien de la
peine à éteindre l'incendie. Pluſieurs Seigneurs
ont perdu leurs effets qui ſe trouvoient
dans la partie du Palais livrée aux
flammes. Heureuſement perſonne n'a péri ,
quoiqu'il y ait eu bien des perſonnes bleffées.
ITALI Ε.
De Naples , le 30 Août.
Par des lettres de Sicile on a appris la
nouvelle d'une éruption extraordinaire du
mont Etna , dont il n'y a point d'exemple
de mémoire d'homme : un bruit fourd &
diverſes petites ſecouſſes de tremblement
de terre ont précédé cette éruption ; mais
le 18 du mois dernier , vers les trois heures
de la nuit , fortit avec éclat un tourbillon de
feu , d'une hauteur ſi prodigieuſe , qu'il ſembloit
que la montagne s'étoit ouverte , &
la colonne de feu étoit deux tiers plus hau -
te que le ſommet : un nuage immenfe de
fumée précéda la flamme; mais la clarté devint
fi grande , qu'on pouvoit lire à 2 mille
( 157 )
-
4
dediſtance; outre cela , une grêle de fable
ou de lave calcinée, & des maſſes énormes
de pierres , lancées à une hauteur prodigieuſe
, retomboient avec un bruit effroyable :
des pierres fulphureuſes , des éclairs &
un bruit horrible ſuivirent cette éruption.
La colonne de feu avoit pris ſa direction
vers la mer Ionique , du côté de la
Morée à l'Eſt , mais à une certaine diftance
elle a divergé vers l'Afrique. On fait
que la grêle de ſable & de pierres eſt tombéejuſques
ſur la ville& les campagnes de
Meſſine & de la Calabre , ſur toute l'ifle &
les côtes adjacentes, juſqu'à Malte. Toute
la neige & les glaces du ſommet des montagnes
ont été fondues , & quelques perſonnes
bleſſées par les pierres qui ſont tombées
dans les campagnes voifines. Les habitans
ont ſouffert par l'odeur fuffocante de ſouffre
& de bitume , & de l'extrême chaleur
de l'air. Les légumes , les olives , les fruits
&les grains d'Inde ont été brûlés. A la diftancede
pluſieurs milles , le terrein reflemble
à celui des déſerts brûlés de la Libie . Il
eſt à remarquer , que preſque dans le même
temps le Véſuve a recommencé à jetter des
flammes , & que la lave coule à préſent le
long du vallon , qui ſépare cette montagne
de cellede Somma.
Il faut atten tre des détails plus exacts
que ceux qu'on vient de lire dans cette relation
, où l'on parle de l'effet de l'éruption
( 158 )
fur Meffine & la Calabre , ſans dire ce qu'i
a été pour Catane & autres lieux circonvoifins
de l'Etna.
Les éruptions du Véſuve continuent avec
la même force. La lave deſcend toujours
dans la vallée de la Vétrana , où ce ſpectacle
attire ungrand nombre d'Etrangers.
De Venise , le 27 Août.
I a République a conclu avec la Régence
'deTunis une Trêve qui doit expirer le 15
Septembre. Quant aux propoſitions exorbitantes
, faites par le Bey , on affure que la
République préfere la dignité à l'intérêt ;
qu'elle est décidée à les rejetter , & à n'offrir
que 40 mille ſequ'ns de préſens.
✓ Le 16 , on a lancé à l'arſenal la Galère
neuve la Stella , conſtruite pour en remp'acer
une autre qu'on vient de condanner.
On arme une troifiéme Galere qui fera inceſſamment
prête à mettre en mer. Les
conſtructions font ſuivies avec beaucoup
d'ardeur , & les ouvriers ſont obligés de
travailler la nuit.
GRANDE - BRETAGNE,
De Londres , le II Septembre.
Le torrent d'abſurdités que nos Périodiſtes
copient des Gazettes du Continent ,
ou font circuler de leur chef ſur les plus
ترو
t
4
douteuſes autorités , relativement à la crife
actuelle de la Hollande , tiennent la place
des nouvelles sûres , & après avoir dépouillé
l'immenſité de ces Papiers publics , à
peine en ce moment reſte-t-il un fait à préfenter
à nos Lecteurs .
Le Général Faucett , que le Public avoit
fait partir , il y a un mois , pour l'Allemagne
, vient en effet de ſe mettre en route.
Il ſe rend à Hanovre pour y raſſembler ,
dit- on , les troupes de l'Electorat , qui ,
réunies à celles de Heſſe &de Brunswick ,
formeroient une armée de 30 à 40,000 h .
On a ouvert ces jours derniers de nouvelles
maiſons de rendez vous aux matelots
qui voudront fervir ſur les vaiſſeaux en armement.
Deux bâtimens de tranſport arrivés
dans la Tamiſe ont tranſporté à Portfmouth
ceux de ces matelors déja enrôlés.
Les affaires de la Hollande & l'incertitude
des événemens ſur le continent , retarderont
pour quelque temps le petit voyage que le
Roi vouloit faire à la campagne. II ne veut
point s'éloigner de ſes Miniſtres , ni des
Confeils.
Les Directeurs de la Compagnie des
Indes ont donné ordre à tous les Officiers
chargés de recruter des hommes pour fon
ſervice militaire , de faire rejoindre ceux
cus'ils ont engagés à Londres, Gravefend &
Portsmouth , pour la fin de Novembre pro .
chain , attendu que tous les vaiſſeaux , qua
( 154 )
Strè traduit devant un Tribunal hors du pays
les Etats prêtent au Souverain le ſerment de
fidélité , & le Souverain s'engage par un ferment
àgouverner ces Provinces , comme il convient
à un Seigneur bon & juſte , & à les maintenir
dans leurs privileges , usages & coutumes .-
Indépendamment de ces prérogatives générales
& communes à toutes les Provinces , chacune
d'elles jouit encore de privileges particuliers
qui lui ont été aſſurés par des pactes . Les principaux
de ces contrats font la joyeuse entrée,
pour le Brabant & le Limbourg ,& la Bulle
d'or de Brabant . La Bulle d'or exempte ces
Provinces de toute Jurifdi&ion quelconque de
'Empire d'Allemagne , & la joyeuſe entrée détermine&
confirme les privileges accordés ſucceſſivementparles
Souverains. Ce dernier pacte,
zel qu'il fut juré en 1744 au nom de Marie-
Therese , confiſte en cinq articles , dont voici
le contenu principal : le Souverain promet de
s'abſtenir de tout pouvoir arbitraire , & de gouverner
les ſujets ſelon le droit & le jugement
deſes Juges compétens , de ne commencer aucune
guerre , relativement aux Provinces de
Brabant&de Limbourg , ſans le confentement
des Etats ; de ne faire aucune convention qui
puiſſe être préjudiciable à leurs droits & intérêts
; de donner aux Brabançons la plupart des
places dans les Tribunaux : de ne faire battre
des eſpeces d'argent ou de les décrier ſans le
conſentement des Etats ; de laiſſer à chaque
Membre , dans l'Aſſemblée des Etats , la permiffionde
dire ſon ſentiment , ſans riſque d'encourir
la diſgrace du Souverain ; de conférer
les Abbayes , Prélatures & auares dignités eccléſiaſtiques
à des Eccléſiaſtiques ; de ne point
ſe foustraire de l'obſervation des droits , priz
( 155)
1
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vileges & uſages , ſous prétexe de ne les avoir
pas confirmés nommément ; enfin , de permettre
à ſes ſujets la ceſſation de leurs ſervices
envers leur Souverain , dans le cas où il cefſeroit
lui- même d'obſerver leurs privilèges entièrement
ou en partie.
>> Depuis l'année 1479 , la dignité de Gouverneur-
Général des Pays-Bas eſt entre les mains
d'un Prince ou d'une Princeſſe du Sang. Son
pouvoir eſt très- étendu ; il a la direction de toutes
Jes affaires civiles & eccléſiaſtiques , & peut afſembler
à ſon gré les divers départemens des
Provinces , le Conſeil d'Etat , le conſeil privé ,
& celui des Finances, L'inſpection de la juſtice ,
de la police , des finances , des troupes , & en
général detoutes les affaires civiles & militaires ,
lui eſt confiée. Les loix ſont promulguées par
lui : il diſpoſe , au nom du Souverain , des
places & des penſions vacantes ; il convoque
les Etats : en un mot il repréſente la perſonne
du Souverain. La Cour du Gouverneur - Général
eſt brillante ; il a deux Compagnies de
Gardes du- Corps : le Roi de France & les Etats-
Généraux entretiennent à fa Cour des Miniftres
plénipotentiaires , & le Roi d'Angleterre un réfident.
La perſonne du Gouverneur - Général
peut-être repréſentée de ton vivant par le Miniſtre
plénipotentiaire des Pays Bas Autrichiens ,
mais le pouvoir de ce Repréſentant eſt plus limité
que celui du Gouverneur - Général. Le
Secrétaire-d'Etat & des Guerres eft chargé de
la correſpondance miniſtérielle du Gouverneur-
Général , avec le Souverain & (es Miniſtres ».
ESPAGNE.
De Madrid, le 27 Août.
Les malheurs occaſionnés par un trem
86
( 156)
blement de terre à Mexico , Capitale de la
Nouvelle-Eſpagne ſe confirment de toutes
parts. Les pertes &les dommages font im .
menfes , & les détails ſi défagréables , que
l'on évite de les raconter.
Le feu prit le dimanche 19 au Palais du
Roi à S. Ildephonſe & à l'Egliſe collég ale
de ce nom. Cet édifice brûloit dans quatie
endroits différens , & on a eu bien de la
peine à éteindre l'incendie. Pluſieurs Seigneurs
ont perdu leurs effets qui ſe trouvoient
dans la partie du Palais livrée aux
Aammes. Heureuſement perſonne n'a péri ,
quoiqu'il y ait eu bien des perſonnes blef.
fées.
ITALIE.
De Naples , le 30 Août.
Par des lettres de Sicile on a appris la
nouvelle d'une éruption extraordinaire du
mont Etna , dont il n'y a point d'exemple
de mémoire d'homme : un bruit fourd &
diverſes petites ſecouſſes de tremblement
de terre ont précédé cette éruption ; mais
le 18 du mois dernier , vers les trois heures
de la nuit , fortit avec éclat un tourbillon de
feu, d'une hauteur ſi prodigieuſe , qu'il ſembloit
que la montagne s'étoit ouverte , &
la colonne de feu étoit deux tiers plus haute
que le ſommet : un nuage immenfe de
fumée précéda la flamme; mais la clartédevint
fi grande, qu'on pouvoit lire à 2 mille
( 157 ) .
dediſtance; outre cela , une grêle de fable
ou de lave calcinée , & des maſſes énormes
de pierres , lancées à une hauteur prodigieuſe
, retomboient avec un bruit effroyable :
des pierres ſulphureuſes , des éclairs &
un bruit horrible ſuivirent cette éruption.
La colonne de feu avoit pris ſa direction
vers la mer Ionique , du côté de la
Morée à l'Eſt , mais à une certaine diftance
elle a divergé vers l'Afrique. On fait
que la grêle de ſable & de pierres eſt tombée
juſques ſur la ville& les campagnes de
Meſſine & de la Calabre , fur toute l'ifle &
les côtes adjacentes , juſqu'à Malte. Toute
la neige &les glaces du ſommet des montagnes
ont été fondues ,& quelques perſonnes
bleſſées par les pierres qui ſont tombées
dans les campagnes voifines. Les habitans
ont ſouffert par l'odeur fuffocante de ſouffre
& de bitume , & de l'extrême chaleur
de l'air. Les légumes , les olives , les fruits
&les grains d'Inde ont été brûlés . A la diftance
de pluſieurs milles , le terrein reflemble
à celui des déſerts brûlés de la Libie . Il
eſt à remarquer , que preſque dans le même
temps le Véſuve a recommencé à jetrer des
flammes , & que la lave coule à préſent le
long du vallon , qui ſépare cette montagne
decelle de Somma.
Il faut atten tre des détails plus exacts
que ceux qu'on vient de lire dans cette relation
, où l'on parle de l'effet de l'éruption
( 1 )
fur Meffine & la Calabre , ſans dire ce qu'i
a été pour Catane & autres lieux circonvoifins
de l'Etna.
Les éruptions du Véſuve continuent avec
la même force. La lave deſcend toujours
dans la vallée de la Vétrana , où ce ſpectacle
attire un grand nombre d'Etrangers .
De Venise , le 27 Août.
I a République a conclu avec la Régence
'deTunis une Trêve qui doit expirer le 15
Septembre. Quant aux propoſitions exorbitantes
, faites par le Bey , on affure que la
République préfere la dignité à l'intérêt ;
qu'elle est décidée à les rejetter , & à n'offrir
que 40 mille ſequ'ns de préſens.
Le 16 , on a lancé à l'arſenal la Galère
neuve la Stella , conſtruite pour en remp'acer
une autre qu'on vient de condamner.
On arme une troifiéme Galere qui fera inceſſamment
prête à mettre en mer. Les
conſtructions font ſuivies avec beaucoup
d'ardeur , & les ouvriers ſont obligés de
travailler la nuit.
GRANDE - BRETAGNE,
De Londres , le II Septembre .
Le torrent d'abſurdités que nos Périodiſtes
copient des Gazettes du Continent ,
ou font circuler de leur chef ſur les plus
ترو
douteuſes autorités , relativement à la crife
actuelle de la Hollande , tiennent la place
des nouvelles sûres , & après avoir dépouillé
l'immenſité de ces Papiers publics , à
peine en ce moment reſte-t-il un fait à préfenter
à nos Lecteurs .
Le Général Faucett , que le Public avoit
fait partir , il y a un mois , pour l'Allemagne
, vient en effet de ſe mettre en route.
Il ſe rend à Hanovre pour y raſſembler ,
dit- on , les troupes de l'Electorat , qui
réunies à celles de Heſſe &de Brunswick,
formeroient une armée de 30 à 40,000 h .
و
On a ouvert ces jours derniers de nouvelles
maiſons de rendez vous aux matelots
qui voudront fervir ſur les vaiſſeaux en ar
mement. Deux bâtimens de tranſport arrivés
dans la Tamiſe ont tranſporté à Portfmouth
ceux de ces matelors déja enrôlés.
Les affaires de la Hollande & l'incertitude
des événemens ſur le continent , retarderont
pour quelque temps le petit voyage que le
Roi vouloit faire à la campagne. Il ne veut
point s'éloigner de ſes Miniſtres , ni des
Confeils.
Les Directeurs de la Compagnie des
Indes ont donné ordre à tous les Officiers
chargés de recruter des hommes pour fon
ſervice militaire , de faire rejoindre ceux
did'ils ont engagés à Londres , Gravefend &
Portsmouth , pour la fin de Novembre pro.
chan , attendu que tous les vaiſſeaux , qui
( 160)
:
ne ſeront pas deſtinés pour laChine en droiture
, feront chargés de porter des renforts
aux différens Etabliſſemens.
Etat général de la Marine Angloiſe , dreſſe le 31
Août dernier , & remis ensuite à Sa Majesté.
En commiſſion , ſeize vaiſſeaux de ligne , ſeize
de 50 , trente - trois frégates , & foixante - ſept
Corvettes.
En ordinaire , cent vingt- trois vaiſſ. de ligne,
treize de 50 , cent ſept frégates , & cinquantefix
corvettes .
En construction , dix ſept vaiſſeaux de ligne,
un de so , une frégate , & deux corvettes.
Les vaiſſeaux en ordinaire font répartis de la
maniere ſuivante , ſavoir :
A Plimouth , trente- ſept vaiſſeaux de ligne,
deux de 50 , douze frégates & cing corvettes.
A Portsmouth , quarante - quatre vaiſſeaux de
ligne , un de 50 , vingt- huit fregates , & fept
corvetres .
A Chatham , trente-cinq vaiſſeaux de ligne ,
hait de so , vingt deux fregates , & dix corvettes
.
;
ASherness , quatre vaiſſeaux de ligne , un de
50 , dix frégates ,&huit corvettes .
A Woolwich , trois vaiſſaux de ligne , un de
50 , dix- neuf frégates & quatorze corvettes .
A Deptford , ſeize frégates de 28 à 44 canons ,
&dix floops & cutters de 12 à 16 canons,
Récapitulation de toutes les forces maritimes de la
Grande-Bretagne , au 31 Août 1787 .
delig. , de 50 , freg. corv.
En commiffion , 16 S
En ordinaire , 123 13
33
107
67.
57.
En con trution , 17 I I
2.
Total , 156 19 141 125.
( 161 )
Le ſeul vaiſſeau de plus , dont la conftru&ion
eft ordonnée , eſt l'Empire , de go canons , à
Portsmouth .
Le 6 , on a reçu du Sénégal des dépêches
qui annoncent l'arrivée fur cette côte de
plufieurs bâtimens de Londies , Liverpool
& Briſtol. Les mêmes dépêches nous apprennent
qu'un vaiſſeau François , ayant
400 Noirs à bord , a ſauté en l'air par quelque
accident , & qu'il a péri corps & biens .
T. Stone , ce fou par amour , dont nous
avons parlé , après examen & interrogatoire
, a été conduit à Bedlam , ſon domicile
naturel. Il a avoué aux Juges ſa paffion
pour la Princeſſe Royale , & ajouté qu'il
plaignoit moins fon propre fort , que celui
de S. A. R. , dont il connoiſſoit la ſenſibilité
&l'attachement pour lui. Si ce délire n'eût
pas ſuffi pour juſtifier fa détention , la lettre
de ce malheureux à la Reine prouvoit de
refte combien il avoit beſoin d'un pareil régime.
Voici la teneur de cette étrange mif
five , telle du moins que la rapportent nos
Papiers.
Anotre gracieuſe Reine Charlotte , Souveraine de
la Grande Bretagne , Irlande , &c. , & c.
Madame
•En vous diſant qu'un trouble extrême agite
mon coeur , & qu'il eſt cauſé par les charmes
de votre fille aînée , c'eſt excuſer en quelque
forte ma témérité , pour peu que vous vouliez
conſidérer les rares perfections qui brillent
dans la perſonne de la Princeſſe Royale. Combien
je m'eſtimerois heureux , Madame , fi ma
(162 )
baiſſance & les autres titres que donne le haſard
m'autoriſoient à demander cette Princeffe
pour épouſe , en appuyant ma demande
des droits d'une heureuſe égalité ; mais , comme
nous arrivons dans ce monde ſans y penſer , &
ſans l'avoir defiré , on ne peut nullement nous
blâmer , quand nous n'y paroiiſons pas iſſus des
premieres maiſons qui partagent entr'elles le
fouverain pouvoir. Quoi qu'il en ſoit , je vais
au fait. J'ai vu la Princeſſe Royale , Madame ,
&je puis aſſurer V. M. que l'éclat radieux de
beauté ſurpafle de beaucoup à mes yeux celui
du rang où elle ſe trouve placée .
» Les mariages , fuivant la définition d'Hudibras
, ne font, dans le fiecle où nous vivens ,
qu'une eſpece d'affaire de finance ; mais je ſuis
bien éloigné d'adopter des ſentimens ſi bas : les
affections de mon coeur ne s'étendent point audelà
de l'objet qu'il deſire , & je compte pour
sien tous les avantages qui l'environnent. Mes
affaires , à la vérité ,fontun peu embarrafſées ,
je l'avoue; mais qu'importe ? La pureté de ma
flame ſuffira ſeule pour me faire fortir de l'obſcurité
où j'ai vécu juſqu'ici. Je m'en rapporte à
votre ſageſſe , Madame • pour faire part de mes
intentions au Roj. Si j'ai votre aveu ,je ſuis
preſque sûr d'obtenir celui de S. M.
>> D'après un axiome très-ancien , les ma
riages ſont écrits dans le ciel ; ſi le mien
ſe réaliſe , c'eſt du Tout-Puiſſant que je dois
attendre mon bonheur , plutôt que de la volonté
d'un foible mortel. Puiffé-je voir l'Hymen , en
comblant mes voeux , illuminer tout mon étre
des doux rayons de fon flambeau ! J'oſe me
flaster , Madame , qu'on n'aura jamais vu un
couple plus heureux.
( 163 )
>>En attendant une prompte réponſe , je fum
avec la plus profonde vénération ,
MADAME ,
De VOTRE MAJESTÉ ,
Le très-obligé , le très - ſoumis & le
très-dévoué ſerviteur & ſujet ,
T. STONER
Suivant le relevé de l'Exciſe , 16000 voitures
ont paié l'année derniere les droits
impoſes fur cet objet de luxe , & ont produit
un tribut de 50,000 liv. ſterl .
On peut juger de l'activité actuelle du
commerce dans le port de Londres , par
l'état ſuivant des enregiſtremens d'exportation
fait à la Douane la derniere ſemaine
d'Août.
Enregiſtremens .
Le Lundi 27 , 80 . • •
Le Mardi 28 , 122. •
Le Mercredi 29 , 101 .
Le Jeudi 30 , 1.17.
Le Vendredi 31 , 131.
Le Samedi 1. Septembre , 86.
644
De ce nombre d'enregiſtremens
, il y en a eu , en
manufactures Angloiſes &
Irlandoiſes , libres à leur exportation
, ou ayant droit à
des gratifications ,
En manufactures & productions
Britanniques , &
364
( 164 )
productions étrangeres , fujettes
à des drots ,
En marchandı es étran.
geres , certifiées telles ,
TOTAL.
,
• •
-
81.
199.
644.
La maniere de trouver la longitude en mer
par l'observation de lune ayant été mise en
uſage depuis quelque tems avec ſuccès , nous
rapporterons les obſervations faites à bord du
bâtiment le Précédent , de Whitehaven. On verra
que la méthode dont nous parlons donne la
longitude d'une exactitude ſuſiſante pour l'us
ſage pratique de la navigation.
Le 23 Mai 1787 , la latitude obſervée fut
de 76° 25' . La longitude par eſtime , de 10
à l'eſt du méridien de Greenwich , la terre du
Spitzberg nous reſtant alors au nord eft.
A la montre , après midi , nous avions 80°.
31' 32".
h. m. f.
Hauteur du limbe inférieur du ſo'eil,
Hauteur ſupérieure de la lune,
Diſtance des limbes les plus voiſins ,
11 53 20
17 51
0
87 2 20
Nota. Ce font les moyens de trois
obſervations , d'où il a réſulté que
la diſtance des centres étoit de 87 24 0
h. m. f.
Temps apparent à Grenwich ,
Temps apparent à bord ,
Différence des méridiens ,
751 6
8 31. 32
h. m. f.
040 26
d. m.
( 165 )
1060 ou longitude orientale du vaiſſeau ,
D'où l'on voit que le réſultat de ces obſervations
ne differe que de 6 minutes de l'eſtime.
D'après un calcul qui vient d'être fait des
terres de l'Ecofle, il paroît que ce Royaume
contient une ſuperficie de 17,728,000 acres,
dont 11 millions d'acres ſont en terres propres
à être cultivées. En accordants acres
par habitant , l'Ecoſſe pourroit nourrir
2,200,000 ames , c'eſt à- dire , 700,000 hommes
de plus qu'elle n'en poſtede. L'Angleterre
contient 31,648,000 acres de terre ,
dont 25,300,000 ſont cultivables . On peut
conclure de là que l'Angleterre & l'Ecoffe
réunies pourroient nourrir 6 millions d'hommes
, au-delà du nombre actuel de leurs habitans.
Oneſtime la population del'Irlande à 3,001,200
ames , ſavoir ;
Service militaire , y compris les
* Invalides , 12,000.
Service du revenu public , 4,000.
Hommes &femmes employés à des
travaux utiles , 600,000.
Enfans , 400,000.
Employés dans les Manufactures , 500,000.
Matelots, Pêcheurs , & Bateliers , 46,000 .
Artiſans & ouvriers , 580,000.
Négociants , 2,500.
Boutiquiers , Brocanteurs & Col.
porteurs , 260,000
Nobles & Gentilshommes réſidens ,
Clergé de toutes dénominations ,
Gens de loi , Médecins & Chirur-
11,500.
10,000.
( 166)
giens;
Pauvres ſans emploi &vagabends ,
Population totale ,
5,200
550,000 .
3,001,200.
On ne compte pour l'armée , y compris les
Invalides , que 12000 hommes , quoique l'Irlande
ſoit toujours ſuppoſée avoirtoujours ce nombre
de troupes effectives ſur pied; mais comme
les régimens ne fontjamais complets , les Invalides
compenfent la différence.
L'article des employés à des travaux utiles
comprend tous les agriculteurs , fermiers &gens
de campagne.
Quant à la derniere dénomination , ſavoir ;
les pauvres ſans emploi & vagabonds , elle comprend
les mendians & les proſtituées ; quoiqu'on
ſoit perfuadé que leur nombre excede 200,000
ames, celui porté dans cet article , on ne l'a
eſtimé à 550,000 perſonnes , que par égard pour
l'opinion de ceux qui penfent que la population
de l'Irlande ne ſe monte qu'à 3 millions
de perſonnes. Au reſte , beaucoup de gens afſurent
qu'il y a aujourd'hui très-près de 3,500,000
ames en Irlande.
On vient de former au Bengale un jardin
botanique ſous la direction du Colonel
Kydd. Les lumieres de cet Officier dans
'Histoire Naturelle , & fur - tout dans la
Botanique , rendront ce jardin extrêmement
utile. La Compagnie a donné ordre au Lord
Cornwallis de n'épargner aucunes dépenses
pour ſeconder les vues de ce Savant. Elle a
recommandé particulièrement la culture de
la canelle& du palmier qui donne le fagou.
La canelle promet beaucoup au Bengale ,
( 17 )
&ſa qualité approchera , dit-on , de trèsprès
cellede la canelle de Ceylan; quant au
fagou , s'il y réuffit , il offrira des reſſources
inappréciables dans les temps de difette.
M. Archdeacon a publié des obfervations
fur différens objets d'utilité , parmi lef
quelles on diftingue les ſuivantes.
<<On ne connoît pas encore tous les avand
tages que l'on peut retirer de l'air inflammable.
A l'aide de cet agent , on rendroit des barques
portantdeux à trois cens tonneaux de marchandiſes
ſur les canaux , affez légeres pour
qu'un ſeul homme pût les trainer. Par ce moyen
on navigueroit ſur des rivieres , juſqu'à préſent
impraticables parleur peu de profondeur , & on
paſſeroitdes barres &des basfonds. On fait que
des corps très - peſans peuvent être ſuſpendus
dans l'air athmosphérique , par la force aſcendante
de l'air inflammable , 10 fois plus léger
que l'aircommun . Ce dernier eſt environ 900 fois
moins peſant que l'eau , de maniere que la
proportion de l'eau à l'air eſt de 1 à 9,000.
>> Les expériences faites juſqu'ici ſur le gaz
n'ont eu que l'athmoſphere pour théatre , mais
les plus belles & les plus utiles ſont celles qui
reſtent à faire ſur l'eau ».
Préſervations des corps humains. On peut former
de grandes maſſes d'ambres , en réuniſſant
pluſieurs morceaux de ce bitume , après les
avoir humectés d'huile de tartre à une chaleur
modérée. On pourroit conſerver dans cette matiere
les corps humains pendant des fiecles, &
dans un état de préſervation beaucoup plus parfait
que les mommies d'Egypte. Nous nous
conſolerions en quelque façon de la perte des
Rois , de nos grands Hommes , fi nous powe
( 168 )
vions contempler leurs corps entièrement préſervés
de la corruption. Les gens riches devroient
eſſayer ce procédé. Au reſte , la plupart
des réſines ſont propres à remplir l'objet
propoſé.
FRANCE.
De Versailles , le is Septembre.
Le 9 , M. le Pelletier de Morfontaine ,
Conſeiller d'Etat, Prévôt des Marchands ,
a prêté ferment entre les mains du Roi, en
qualité de Grand- Tréſorier de l'Ordre du
Saint-Efprit.
LeDuc de Coigny, dont le Roi a érigé
le Duché en Pairie , a eu l'honneur de faire
ſes remerciemens à Sa Majesté, & de faire
ſes révérences à la Reine & à la Famille
Royale.
1
Le Comte de Mouſtier , que le Roi a
nommé ſon Miniſtre plénipotentiaire près
les Etats Unis de l'Amérique ſeptentrionale,
& le Marquis de la Coſte , que Sa Maj.
a nommé fon Miniſtre plénipotentiaire près
leDuc des Deux-Ponts , ont eu l'honneur
de faire leurs remerciemens à Sa Majesté ,
étant préſentéspar le Comtede Montmorin,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant leDépartement
des Affaires Etrangeres. Ils ont
enfuite eu l'honneur de faire leurs révérences
à la Reine & à la Famille Royale.
M. de Villedeuil , Confeilier d'Etat , a
auſſi eu le même honneur en cette qualité.
La
( 169 )
La Comteſſe de Alexandre de Sparre, la
Comtefle de la Palfie & la Vicomteſſe ae
Briqueville , ont eu l'honneur d être préientées
à Leurs Majestés & à la Famide Royale;
la premiere , par la Comteſſe de Sparre ;
la ſeconde, par la Comtefle de Chabannes ,
& la troiſieme , par la Marquiſe de Briqueville.
M. le Comte de Waroquier de Combles ,
Officier d'Infamerie , aeu l'honneur de préſenter
au Roi , le 15 Août, le quatrieme & cinquieme
volume de ſon Tableau Généalogique , Hiftorique ,
Chronologique , Héraldique & Géographique de la
Nobleffe , enrichi de Gravures. Prix , 3 liv. le
vol. broché , 3 liv. 12 ſols relié, & 3 liv. 12 fols
broc. franc. de port dans tout le Royaume.
A Paris , chez Nyon l'aîné , rue du Jardiner ,
quartier St. André-des Arts.
De Paris , le 19 Septembre.
Edit du Roi , du mois de Juillet 1787 ,
qui partage entre l'Intendance de Bordeaux
&celle d'Auch , le département qui compoſe
aujourd'hui l'Intendance de Pau &
Bayonne.
Réglement fait par le Roi , le 18 Juillet
1787 , fur la formation & la compoſition
des Aſſemblées qui auront lieu dans lagénéralité
d'Orleans , en vertu de l'Edit portant
création des Afſemblées provinciales.
Réglement fait par le Roi, du 30 Juillet
1787 , fur la formation & la compofiton
des Afſemblées qui auront lieu dans la gé-
N°. 38 , 22 Septembre 1787. h
*
( 170)
néralité de Lyon , en vertu de l'Edit portant
création des Aſſemblées provinciales.
Réglement fait par le Roi , du 15 Août
1787 , fur la formation & la compofition
des Aſſemblées qui auront lieu dans la province
de Rouffllon.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 22
Août 1787 , qui ordonne que , dans le dioceſe
de Rouen, les Cures régulieres dépendantes
des Maifons de Chanoines réguliers
qui n'étoient point en Congrégation ,
&font éteintes par le défaut de ſujets ,
pourront être obtenues & poſſédées à l'avenir
par tous Prêtres ſéculiers , à l'exclufion
des Religieux des Congrégations.
Dans la Séance du 22 Août, que nous
avons indiquée ſommairement , l'Aſſemblée
provinciale de la géneralité de Rouen , a
arrêté les instructions ſuivantes , à donner
àla Commission intermédiaire.
1º. Que la Commiſſion intermédiaire s'allurera
du montant des impofitions , de la forme des
rôles ; du régime actuel des répartitions de la
taille & de ſes acceſſoires , de la capitation des
privilégiés , & des dépenses relatives , tant à
la perception des impofitions qu'à l'Adminiftration
de la généralité.
2°. Que la Commiffion intermédiaire demasdera
a l'ingénieur en chef, un état des travaux
publics qui auront été arrêtés pour l'année 1787 .
un tableaude la dépenſe de ces ouvrages , &
un devis eſtimarif de tous ceux qui ferent à
faire en l'année 1788 , afin que la prochains
Affembiće provinciale puiſſe ſe déterminer , par
( 171 )
l'examen de ces états , & fur le choix de ceux
qui devront être préférés , & fur la quorité
des fon's à y employer.
3°. Que la Commiffion intermédiaire ſe fera
remettre un état des attéliers de charité qui ont
eu lion cette année , afin de connoître ceux qui
peuvent être continués utilement , & juſqu'à
quel point il deviendroit néceſſaire d'en établir
de nouveaux.
4°. Qu'elle ſe procurera de même un état
de toutes les dépenses , tant fixes que variables ,
à faire pour l'année 1788 , & dont les fonds
font ordinairement aſſignés ſur la retette générale
des finances , & autres caiſſes , pour le
ſervice de la généralité.
5°. Qu'elle recueillera toutes les inſtructions
relatives à la ſituation actuelle des manufactures
& des autres branches de commerce ou d'induſtrie
qui peuvent avoir beſoin de lecours &
d'encouragement , & ſpécialement de celles qui
fouffrentdavantage par la concurrenee des marchandises
de fabrication étrangere.
6°. Qu'elle s'occupera auffi d'acquérir la
connoiffance , & d'accélérer l'uſage de tous les
moyens qui pourroient conduire le plus efficacement
à faire ceſſer l'affligeant inconvénient
de la mendicité , & à augmenter l'utilité réelle
des établiſſemens de charité.
, pour
7°. Qu'enfin elle ſera chargée de pourvoir au
choix & à la diſpoſition d'un lieu convenable
pour tenir les féances de l'Affemblée
le ſervice de ſes bureaux & pour le dépôt de fes
-archives ; & qu'elle fera à la prochaine Affemblée
le rapport de fes obſervations fur la fixation
du traitement de MM, les Procureurs- Syndics
& de M. le Secrétaire Greffier , ainſi que
h2
( 172 )
fur les gages des Huifiers , & des autres perſonnes
employées à ſon ſervice.
Preſque tous les jours , écrit- on de Charenze,
des navires entrent dans ce portpour
y charger des eaux de vie ; de ce nombre
font deax Anglois depuis la ratification du
Traité de commerce avec la Grande-Bretagne
, on a vu ici plus de 20 va ſſeaux de
cette narion : le port de Charente eſt un de
ceux du Royaume qu'elle fréquente le plus.
Les chargemens qui s'y font faits , & qui ne
peuvent qu'augmenter , ont déterminé de
tous les temps , les Fermiers-Généraux à y
établir un bureau en regle , enforte que les
expéditions s'y font avec toute l'activité
qu'exige le commerce maritime.
On mande de Bordeaux , que le feu ayant pris
à la charpente du choeur de la Métropole de
cette ville par la négligence dun Plombier , le
25 Août , vers les dix heures du matin , cette
belle partie de l'Egliſe de St. André , qui étoit
couverte en plomb , a été preſque ſubitement
embrafée , depuis la nef, juſqu'à l'extrémité du
choeur au Levant , & depuis la porte ſeptentrionale
juſqu'à la porte méridionale. L'activité des
flammes étoit teile , que la cloche du petit clocher
, revêty en plomb , a été entiérement fondue.
La chûte du fronton , du côté du Nord , a
écrafe deux hommes , & en a bleffé deux autres .
Les flammes ont gagné juſqu'aux poutres & à la
charpente de la fleche où font les grandes cloches
, & les Architectes , appellés au procès ver
bal du dommage , ont décidé que les deux belles
flêches devoient être démolies juſqu'à la galerie.
Il s'eſt détaché un grand nombre de pierres du
( 173 )
haut de la voûte qui parou calcinée , & les culsde
lampe de la réunion des arceaux font tombés
réduits en chaux. Le Régiment de Champagne a
montré dans cette occafion autant d'intelligence
que d'activité. La nefa été lauvée par le courage
&la préſence d'efprit des ſieurs Sibarot & Beraud
qui , à la tête de 50 Charpentiers , au moment où
une pluie de plomb fonds faiſoit fuir tous les ouvriers
, ont ofé monter ſur la voûte pour couper
une partie de la charpente , intercepter la communication
des flammes , & faciliter le ſervice
de la pompe.
M. l'Archevêque de Bordeaux & M. le Comte
de Brienne , Co amandant pour le Roi dans la
Province , ont donné dans cette triſte circonftance
de grandes preuves de zèle &de ſenſibilité.
Le Chapitre s'est réfugié dans la petite Eglife
des Irlandois pour y faire l'Office divin.
Il y a deux ans que nous annonçâmes le
Prospectus de la Machine Polycrafte , publiée
par M. le Chevalier de Segrave. Autear
de cette invention auffi utile que curieule
, & à laquelle il étoit parvenu par des
travaux & des dépenſes ſuivies. Ce Gentilhomme
Irlandois , au ſervice de France ,
auſſi inſtruit que déſintéreſſé , retira quelque
temps après la ſouſcription ouverte
pardes motifs de délicateſſe , & a été auffi
éronné que nous , de voir ſa machine ufurpée,
produire en public,&mife àl'enchere au
Palais Royal . Il a dû s'élever contre cette
appropriation , & no is forumes obligés de
publier la lettre qu'il nous a écrite à ce fujet.
> Je viens de recevoir un paquet , conteh3
( 174 )
nant un Profpectus , qui a pour titre Machine
Polycreste , verticale & horizontale; j'ignore
qui l'a fait imprimer , & qui me l'envoie ; on
veut bien m'y donner beaucoup de louanges ,
& me reconnoître pour l'Auteur de cette précieuſe
& intéreſſante découverte , en ſe vantantcependant
de lui avoir donné p'us d'extension,
&d'avoir enchéri fur ce que l'Inventeur lui-même
avoit fait. Prétention un peu hafardée , puifque
bien certainement ils ne peuvent ſavoir ,
ni connoître les effets inconcevables , & inconnus
de tout le monde , produits par des nouveaux
calculs & combinaiſons , que je n'ai
ceffé d'y ajouter à la ſuite d'un travail de
près de quatre ans : époque à laquelle elle
avoit déjà obtenu la plus flatteuſe approbation
des premiers Artiſtes du royaume , & des ama
teurs de la p'us haute diftin&ion ; entr'autres de
Monſeigneur le Duc d'Orléans , qui me témoigna
infiniment de regrets , lorſqu'en lui
tendant l'argent qu'il avoit avancé pour cinq
Soufcriptions , je lui eus déclaré que des raiſons
de délicateſſe , ( dont il ſeroit inutile
d'entretenir le public ) me décermincient à renoncer
à toute eſpece de ſouſcription >».
» Je ne puis donc qu'être infiniment étonné
qu'il ſe trouve des perſonnes , qui , fans me
confulter , ou m'en faire part , s'aviſent nonſeulement
de propoſer au Public par foufcription,
& de montrer chez le feur Noseda ,
Opticien , comme une Lanterne magique , à
trois livres par perſonne , les effets d'une Machine,
dont ils me reconnoiffent pour l'Inventeur;
mais même d'avancer dans leur Profpetus
que pour donner une idée de cette Ma- .
chine à la portion du Public qui en ignore les
( 175 )
=
:
2
effets , iils ne peuvent mieux faire que de transclire
ce que l'Auteur hui-même en ait dans ſon
Profpectus ; de quel droit donc s'approprientils
cette découverte , ſans mon aveu ? & s'attribuent-
ils les atreſtations & les éloges , qu'ont
prodigués trois des plus renommés Membres
de l'Académie Royale de Peinture & de Soulpture
; Meffieurs Cochin , Saint - Aubin &
Halle».
>> Je ne réclame rien pour moi ; mon état ,.
ni ma façon de penſer , ne me le permettent
pas; mais je le fais pour l'humanité ſouffrante.
C'eſt pourquoi , je vous prie , Monfieur , d'inférer
cette Lettre dans votre prochain Journal.
Je déclare donc , que , comme maitre de difpoſer
de ce qui m'appartient , fi huit jours
après la publication de ceste Lettre , les Démonfirateurs
ne remettent point entre les mains
de Meſſieurs les Secrétaires de la Société Philantropique
, deux mille écus , pour être employés
par cette Société de la maniere qu'il
lui paroîtra la plus convenable ; je déclare ,
dis-je , ſur mon honneur , que j'enverrai à Paris
immédiatement le modele de la Machine Polycreſte
, avec tous les calculs & combinaifons
qui y ont du rapport ; il fera expoſé chez
the perfonne , dont on donnera l'adreſſe au
public , qui pourra aller voir non teulement fes
effets , mais même toutes ſes parties ; elles font
d'one telle fimplicité de contruction , qu'une
fois démontrée , tout ouvrier un peu adroit
pourra l'exécuter , & aurou , je crois , un profit
honnête , en les fournitſant à un louis d'or la
piere. A ce prix , certainement nul Artiſte , nul
Amateur ne voudra s'en paſſer >> ..
>> Je prie Meſſieurs les Secrétaires de la Société
Philantropique , de vouloir bien m'ascu
h4
( 176 )
fer , par la voie de votre Journal , fi la ſomme
mentionnée leur a été remiſe dans le temps indiqué
».
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le Chevalier De Segrave , Cap. d'Inf.
A Tours , ce 2 Septembre 1787 .
>> La nuit du 23 au 24 Août , le vent
fouflant de l'O . N. O. , la mer étant belle ,
un Céracée s'approcha affez près des côtes
de la Rochelle , pour être entendu par les
Emploiés de la Ferme. Le bruit que faiſoit
l'animal , en pompant & en rejettant l'air
par l'eſpce d orifice en forme de croiſſant ,
fermant très - exactement par une ſoupape
qu'il porte ſur la rête , fixa l'attention des
Emploiés , qui profiterent des premiers
rayons de l'aurore pour aller où le bruit les
appelloit. Ils trouverent l'animal à ſec , la
mer perdant déjà depuis trois heures , & le
tvanſporterent dans la cour de leur corpsde-
garde , où il eſt reſté vivant plus de deux
fois 24 heures.
Il eſt de la premiere eſpece du genre des
Dauphins , qui eſt le Delphinus Phocoena de
Linné; le Phocæna de Geſner, de Rondelet ,
de Willughbi , &c. & appellé en françois
Porc de mer ou Poiffon Porc.
>>Cet animal avoit huit pieds a pouces,
6 lignes de long, du bout du muſeau à la
fourche de la queue , & 4 pieds 1pouce de
circonférence. La queue horisontale & en
forme de croiſſant eft caractériſtique de l'ordre
des Cétacées , & paroît leur fournir un
( 177 )
point d'appui , nécellaire pour faciliter leur
alcenfionà la fuperficie de l'eau. lis en ont
un beſoin fréquent; le méchaniſme de la
reſpiration & de la circulation érant le même
dans ces animaux que dans I homme &
les quadrupedes , l'air leur est néceflaire.
L'Académie Royale des Sciences , Infcriptions
&Belles- Lettres deToulouſe , propo'e
les Prix ſuivans .
Pour le Prix de 1790 , qui ſera de soo lives :
Déterminer les effets de l'acide phosphorique dans
L'économie animale.
Elle avoit proposé en 1784 , pour le Prix de'
1787,1º. d'indiquer dans les environs de Tou ouse ,
& dans l'étendue de DEUX OU TROIS LIEUES A LA
RONDE , une terre propre à fabriquer une poterie légere&
peu coûteuſe , qui réſiſte au feu , qui puiſſe
Servir aux divers veſoins de la cuiſine & du ménage
&aux opérations de l'Orfévrerie & de la Chymie.
2°. De propofer un vernis fimple pour recouvrir la
poterie definée aux usages domestiques,fans nul dangerpour
lafanté.
Elle propoſe de nouveau ces deux queſtions
pour le Prix de 1790 , qui ſera de too piſtoles ,
avec cette différence , qu'elle a cru devoir étendre
à dix lieues aux environs de Toulouse , l'eſpace
circonfcrit par l'ancien Programme , à deux ou
trois lieues ſeulement .
Eile avoit proposé dans le Programme de
1782 , pour 1785 , d'expofer les principales révolutions
que le Commerce de Toulouse a effuyées , &
les moyens de l'animer , de l'érendre & de détruize
les obstacles , foit moraux ,foit physiques , s'il en est ,
qui s'opposent à fon activité & àſes progrès . L'Académie
n'ayant reçu que très-peu de Mémoires ,
hs
T
( 178 )
elle repropoſa l'année derniere le même ſujet
pour 1788. Le Prix double ſera de 1000 liv.
L'Académie propoſe pour ſujet du Prix ordinaire
de 500 liv. qui ſera diſtribué en 1789 , de
déterminer la cauſe & la nature du vent produit par
les chûtes d'eau , principalement dans les trompesdes
forges à la Catalane , & d'affigner les rapports &
les différences de ce vent , avec celui qui eft produit
par l'éolipyle.
Les Mémoires ſeront adreſſés à M. Caſtilhon ,
Avocat , Secrétaire perpétuel de l'Académie.
Les Ouvrages ne feront reçus que juſqu'au
dernierjour de Janvier des années pour les Prix
deſquelles ils auront été compoſés. Ce terme
eſtde rigueur.
Jean la Chaumette , dit la Tour , Proteftant
, eſt mort en Poitou , le 2 Août dernier
, âgé de 99 ans & fix mois , ayant joui
d'une fanté conftamment robuſte.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 17 de ce mois ,
font : 33 , 82 , 14 , 76 & 89 .
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le 15 Septembre.
L'iſſue de la trifte liviſion qui exiſte entre
le Souverain & nos Provinces , continue à
reſter dans l'incertitude. Le 28 du mois dernier
les Etats de Brabant remirent au Comte
deMurray le Mémoire apologétique, que
nous avons rapporté au Journal précédent.
Le Gouverneur Général a eſſayé de nouveau
, parune lettre aux Etats , en date dit
( 179 )
1 , d'éclairer leur réſiſtance , de tranquillifer
leurs craintes ſur les infractions aux
droits nationaux , & de rappeller les promeſſes
poſitives de l'Empereur à ce ſujet ;
mais en même tems les conditions préliminaires
qu'il mettoit à un arrangement amiable.
L'une des plus importantes eſt le paiement
des ſubſides, & le Général Murray
y a infifté ; inutilement , juſqu'ici , puiſque
les Etats , en lui répondant , ontperfiftédans
leur premier refus.
Les Cocardes & autres marques diſtinctives
ont été défendues de nouveau par une
Ordonnance de l'Empereur , publiée le 28
Août. Son exécution a trouvé quelque réſiſtance
à Gand, & le Conſeil de Brabant ,
craignant quelque tumulte , en a juſqu'ici
ſuſpendu la publication. Les Députés à
Vienne des diverſes Provinces ſont tous de
retour.
On a répandu à la Haye un Imprimé ,
ſous le titre d'Avis au Public contre la légitimité
de l'Assemblée actuelle des Etats de
Hollande , la valeur de ſes emprunts , engagement
, &c. Le Confeil-Comité a promis
1400 florins de récompenſe à qui découvrira
l'Auteur de cet Ecrit. Il yais jours
que les Députés des Etats d'Utrecht aux
EratsGénéraux remirent fur le bureau , une
lettre écrite à chacun d'eux , au nom d'une
Société de la Jufte Revanche , timbrée de
Leyde, & lignée A. J. L. Gits , le 19 Août.
b6
( 180 )
anh
On les avertit par cette miſſive , que la Société
a mis leur tête au prix de 6000 flor. ,
ainſi que celle du Stathouder , de la Princeſſe
ſon épouse & de ſes enfans , au cas
qu'on attaque la ville d'Utrecht ou la provincede
Hollande. LesEtats de Gueldres
ont promis 2500 flor. à celui qui indiquera
la réſidence de la Société & de ſon Secrétaire.
La minorité des Etats de Friſe s'eſt retirée
avec les Patriotes à Franeker , où ils
ſe propoſent de faire réſiſtance , & de tenir
eux-mêmesl'Aſſemblée ſouveraine. Les Erats
ontrappellé les Régimens à leur répartition,&
ont fommé d'ajournementperſonnel lestrois
Membres de la Minorité , renfermés à Franeker;
les ajournés ont répondu qu'ils comparoîtroient
devant la Cour Provinciale à
Leuwarden , Capitale de la Friſe, & fiége
des Etats , pourvu qu'on leur accordât d'y
arriver fous une eſcorte de Bourgeois armés.
Les de ce mois , M. de Thulemeyer a
remis au Préſident des Etats-Généraux un
Mémoire très - court , portant ce qui ſuit :
Hauts & Puiſſans Seigneurs !
«Le Souffigné , Envoyé-Extraordinaire de Sa
>>M>ajesté Pruſſierne , s'empreſſe d'exprimer à
» V. H. P. la fatisfaction avec laquelle le Roi
> fon Maître a appris le voeu que plufieurs Provinces
ont annoncé , de recourir aux bons offices
des Puiſſances Amies & Voiſines de la
>>République , pour calmer les troubles inté
( 181 )
1
55 rieurs & prévenir les ſuites dangereuſes qui
>> pourroient en réſulter. S. M. a été en particu-
>> lier très-ſenſible à la réclamation que les Etats
de Gueldre & d'Utrecht ont faite de ſa Média-
>> tion combinée avec celle des Cours de Ver-
>failles & de Londres. Elle y applaudit parfaite.
ment & témoigne avec plaisir à V. H. P.
>> qu'elle ſe rendra volontiers à l'invitation qui
>> pourra lui être faite. Le Roi s'y déterminera
→avec d'autant plus d'empreſſement , que les
>> ſentimens que ce Monarque a consacrés à la
République , ont été conſolidés par la conduite
que vous avez tenue , Hauts & Puiſſans
Seigneurs ,à ſon égard. S. M. m'ordonne de
renouveller à V. H. P. l'aſſurance qu'elle s'in-
>> téreſſera dans toutes les occaſions au'repos &à
>> la proſpérité de cetEtat, qu'elle defire ardem-
>>> ment que le maintien de l'ancienne Conftitu-
> tion , fi malheureuſement ébranlée , ſoit raf-
>> fermi par un arrangement amical , qui , en
>> détruiſant le mal dans ſa racine , prévienne
>> les maux dont la République eſt menacée , &
>> lui aſſure un bonheur contant , qui ne peut
>> être que l'objet des voeux de ſes Amis & de
>> ſes.Voiſins. »
ود •AlaHaye le 5 Septembre 1787. »
(Signé ) DE THULEMEYER.
La Commiffion de Woerden a informé
les Etats de Hollande , que vu l'approche
dextroupes étrangeres , & le vuide de celles
de la Province, ils projettent de mettre Gorcum
en état de défenſe , en y envoyant les
nouvelles levées du régiment de Sternbach ,
de préparer les inondations , de percer les
digues , &c.
( 182 )
C'eſt dans cette ſituation des chofes & à
l'approche des Francs , qui parcourent tous
les environs de la Haie , en en défarmant
les habitans, attachés à la Maiſon d Orange ,
que M. de Kalitſchef , Envoié extraordinaire
de Ruffie , a cru devoir remettre au Prélident
des Etats-Généraux , au nom du Corps
diplomatique de tous les Miniſtres étrangers
réſidens à la Haie , à l'exception de M.
le Marquis de Verac , Ambaſſadeur de
France & , à ce qu'on ajoute , de M. de Sanafé
, Miniſtre dEſpagne , la Note que
voici :
ככ
CC Les Troubles qui affectent la République ,
& en particulier la Province de Hollande ,
>> s'annoncent de jour en jour d'une maniere
>>>plus inquiétante , & paroiffent exciter une
> alarme générale , au point de faire appré-
>> hender pour la tranquillité & la sûreté pu-
>> blique dans cette Réſidence.
>> Le Corps Diplomatique eſt , comme de
>> raiſon , très-perfuadé que le Droit des gens
>> le met hors de toute atteinte pour ce qui le
>> concerne.
Mais comme , dans le cas d'un tumulte
>> populaire , toute la ſageſſe du Gouverne-
> ment le plus éclairé ne ſauroit quelquefois
>> empêcher les déſordres qui peuvent en être
>> la fuite, nous sommes requis de vous prier ,
>> Monfieur , de la part du Corps Diplomatique
, de vouloir bien communiquer à Leurs
Hautes Puiffances ſes ſentimens . & de leur
témoigner en même temps ſa juſte attente ,
>> qu'Elles reconnoîtront ſans doute Elles-mêmes
( 183 )
>>>l'importance , & la néceſſité de prévenir à
tems , par des meſures convenables , tout
>> danger quelconque à cet égard.
Le 9 au foir , après l'arrivée d'un courrier
extraordinaire du Duc regnant deBranfwick,
M. de Thulemeyer a remis au Grand-
Penſionnaire une Note qui porte littéralement.
>>>Les conditions que le Roi réclame touchant
une fatisfaction proportionnée à Poffense faite
à l'auguſte Soeur de ce Monarque , telles qu'elles
pourroient réparer l'affront commis contre la
perſonne de S. A. R. en s'oppoſant avec force
au voyage que cette illuftre Princeſſe , animée
par les vues les plus falutaires , avoit projeté
à la Haye , font les ſuivans , que le ſouſſigné
Envoyé Extraordinaire du Roi , d'taillera par
cette Note Verbale , qu'il a l'honneur d'adreſſer
àM.le Confeiller Penſionnaire de Hollande ,
après les lui avoir déjà communiqués de bouche
dans une conférence antérieure » .
<<>> Le Roi s'attend que L N. &Gr. P. écriront
une Lettre à S. A. R. , qu'Elles feront connoître
au Miniſtre de S. M. avant de la faire paſſer
à ſa deſtination , renfermant l'aveu de l'erreur
de la ſuppoſition que cette Princeſſe avoit pu
avoir des vues contraires aux vues de la République
» .
Qu'Elles lui feront des excuſes de l'oppofition
faite à ſon voyage , & du manque d'égard
dont S. A. R. a à ſe plaindre . Que L. N. &
G. P. s'engageront de punir , à la requifition
de la Princeſſe , ceux qui pourroient s'être
rendus coupables d'offenſes contre ſon auguſte
Perſonne »,
Qu'Elles révoqueront les Réſolutions inju
( 184 )
rieuſes & errorées qui avoient été priſesà l'occafion
de ce Voyage , révocation accompagnée
de l'invitation que S. A. R. ſe rende à la Haye ,
pour entrer en négociation avec elle , au nom
du Prince Stadhouder , afin de concilier , par
un arrangement convenable , les différends qui
fubfiftent actuellement »,
>>Le Soufligné eſt obligé de déclarer , d'ailleurs,
à M. le Conſeiller Pentionnaire , que
dans le cas où L. N. & G. P. ſe preteront fans
difficulté à une fatisfaction avili modérée ,.
S. A. R. interviendra auprès du Roi ſon auguſte
Frere , pour borner toute réclamation ultérieure
de fatisfaction à cet égard ».
>>Il aura de plus l'honneur de vous informer ,
Mr. , que fi , dans la ſuite , la fixation du fiege
de la Négociation à la Haye , rencontroit quelques
difficultés , on pourroit faire choix de
quelque Ville neutre , pour s'occuper des Négociations
qui ſerviroient de baſe à la conci-
Liation & à la médiation » .
>> Le Soufligné ne diſſimulera point à M.
le Conſeiller Penſionnaire , que S. M. attend ,
de la maniere la plus expreſſe , que , dans l'intervalle
, les Etats d'Hollande laifferont fubfifter
au moins les choſes dans leur état actuel; qu'on
ne procédera à aucune ſuſpenſion , deſtitution
&autre, meſures offenſantes , préjudiciables à
la perſonne du Prince Stadhouder , Capitaine
& Amiral Général , puiſque par là on rendroit
toute conciliation illuſoire , impoſſible , & qu'on
accumuleroit les offenſes » .
Cette déclaration étoit accompagnée d'une
autre Note , remiſe également à M. de
Bleifwyck, Grand - Penſionnaire , par laquelle
M. de Thulemeyer demande une
( 185 )
1
E
1
réſolution finale des États de Hollande
dans le terme péremptoire de quatre jours ,
&déclare abſolument inſuiſante , celle délibérée
la ſemaine derniere par L. N. P.
,
Il eſt à remarquer que la veille , à la pluralité
de 10 voix , les Etats de Hollande
avoient arrêté & expédié à Berlin une nouvelle
défenſe apologétique de leur conduite.
Ainſi la déclaration que l'on vient de lire
prouveroit , que S. M. P. regarde cette démarche
des Etats comme inutile , & qu'elle
s'en tient à des conditions très différentes
de la réſolutiou de L. N. P. , à laquelle les
vil'es d'Amſterdam , de Harlem & de Delft
aujourd'hui gouvernée par d'ardens Patrio--
tes , n'ont point adhéré, en vertu de motifs
oppoſés à ceux qui l'ont fait également rejetter
par l'Ordre Equeſtre & les villes de
fon parti.
Extrait d'une Lettre de Vienne, du 30 Août.
>>> Le Divan préfumant que la Ruffie avoie
fomenté la rébellion des Beys d'Egypte ,
qu'elle n'avoit pas nui à la priſe deBaffora
par les Arabes , s'eſt aſſemblé extraordinai
rement, & après une délibération de plus
de neuf heures , a pris le parti extrême de
déclarer la guerre à la Cour de Saint. Pétersbourg
; & a commencé par envoier
l'Ambaſſadeur Ruſſe au château des Sept-
Tours. C'eſt la coutume qu'il y reſte , jufqu'à
ce que ſa Cour venant à le reclamer ,
on le renvoie ſur les frontieres ſous eſcorte.
Cette déclaration a dû avoir lieu le 18 ou
( 186 )
le 19 , pniſque les courriers mettent à-peuprès
10 jours de Conſtantinople à Vienne.
Le 29 on a vu paſſer deux autres courriers
qui portoient les mêmes nouvelles à Paris
&à Londres. >>>
L'Ambaſſa eur & l'Internonce Impérial
ont vanement tout tenté pour engager la
Porte à mettre en liberté M. de Bulgakof.
Le Miniftere Ottoman a tenu ferme , & a
répondu quen changeant de ſéjour , l'Envoié
de Ruffie n'avoit pas changé de qualité
, & qu'il étoit toujours leur hôte trèscher
& très- honoré. On fait que la Cour Ottomane
n'envoyant jamais d'Ambaſladeirs
ordinaires , ne reconnoît pas à leur égard le
Droit des Gens , qui eſt un droit de réciprocité.
Au reſte , le priſonnier eſt logé chez le
Commandant des Sept Tours , & traité
avec beaucoup d'égards. On ne le laiſſe
manquer de rien. Ses maifons de ville &de
campagne font gardées contre touteinfulte;
aucun Ruſſe n'a été maltraité, lus févere
police regne dans Comtantinople.
L'Ambaſſadeur de France a recueilli pour
quelques jours la famille du Dragoman de
M. de Bulgakof, qui eſt enfermé avec lui
aux SeptTours.
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Le Miniſtre plénipotentiaire de Ruffie ayant
été appellé à une conférence particuliere avec
ceux de la Porte , il ſe rendit , le 26 Juillet , vers
les 10 heures du matin, à Beylerbey , fur le canal
où se trouvoit le Reis Effenti avec le Séraskier
de Natalie , un Secrétaire & le premierDrago(
187 )
man. La conférence dura juſqu'à 5 heures de Paprès
-midi ; & , comme M. de Bulgakow avoit,
été invité à un grand repas que donna ce jour-là
l'Internonce Impérial , M.le Baron de Herbert,
en l'honneur de pluſieurs Dames Potonoiſes , il
ne fut pas poffiole au Minigre Ruffe de cacher au
Public la longue conférence qu'il venoit d'avoir;
& dès le ſoir les politiques s'exerçoient à deviner
le ſujet qui y avoit pu être diſcuté. M.deBulgakow
, après avoir mûrement réfléchi ſur les propofitions
que le Réis Eff ndi lui avoit faites de la
part au nom de S. H. , demanda , le 28 , une
ſeconde entrevue avec ce Miniſtre , que celui- ci
remit au 30 du même mois. Le Miniſtre de Ruf.
fie , qui s'étoit propoſé de contrebalancer les prétentions
de la Porte par d'autres prétentions
qu'il formoit à la charge de cette derniere , eut,
dit-on, le défagrément de n'être pas entendu , le
Rei--sEEffffeenndiluiayantfaitobſerveerr qu'il s'agiſſoit
deconſentir , comme Miniſtre plénipotentiaire de
*. 'Impératrice de toutes les Ruffies , aux demandes
de S. H., qu'on lui avoit communiquées le 26 ;
&non de produire les ſiennes , qui , d'ailleurs,
étoient envifagées par la fublime Porte comme
réchauffe abſolument hors de raſon. Ce
fut ,ajoute-t- on , dans cette derniere conférence .
que le Reis - Effendi exigea du Miniffre de Rufie.
qu'il eût à expédier aufi ro un Courier à Pétersbourg
, pour ſavoir définitivement les intentions
de ſa cour ; c'eſt ce que ce dernier refuſa
d'abord de faire , étant perfuadé que l'Impératrice
ne condeſcendra jamais auxdites demandes ;
mais enfin , fur les inſtances réitérées , faites par
leMiniftere Ottoman à ce ſujet , il convint de dépêcher
le Courier en quetion. Cependant M. de
Bulgakow, ſoit par empêchement , ſoit auli pour
donner le tems aux Miniſtres de la Porte de-faire
لا
( 186 )
le 19 , pniſque les courriers mettent à-peuprès
10 jours de Conſtantinople à Vienne.
Le 29 on a vu paſſer deux autres courriers
qui portoient les mêmes nouvelles à Paris
&à Londres. >>>
la
L'Ambaſſa eur & l'Internonce Impérial
ont vanement tout tenré pour engager
Porte à mettre en liberté M. de Bulgakof.
Le Miniftere Ottoman a tenu ferme , & a
répondu quen changeant de ſéjour , l'Envoié
de Ruffie n'avoit pas changé de qualité
, & qu'il étoit toujours leur hôte trèscher
& très - honoré. On fait que la Cour Ottonane
n'envoyant jamais d'Ambaſladeiirs
ordinaires , ne reconnoît pas à leur égard le
Droit des Gens , qui eſt un droit de réciprocité.
Au reſte , le priſonnier eſt logé chez le
Commandant des Sept Tours , & traité
avec beaucoup d'égards. On ne le laiſſe
manquer de rien. Ses maifons de ville &de
campagne font gardées contre toute infuke;
aucun Ruſſe n'a été maltraité Aus févere
police regne dans Contantinople.
L'Ambaſſadeur de France a recueilli pour
quelques jours la famille du Dragoman de
M. de Bulgakof, qui eſt enfermé avec lui
aux Sept Tours.
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Le Miniſtre plénipotentiaire de Ruffis ayant
été appellé à une conférence particuliere avec
ceux de la Porte , il ſe rendit , le 26 Juillet , vers
les 10 heures du matin , à Beylerbey, fur le canal
où se trouvoit le Reis Effenti avec le Séraskier
de Natalie , un Secrétaire & le premier Drago(
187 )
une
man. La conférence dura juſqu'à 5 heures de Paprès
-midi ; & , comme M. de Bulgakow avoit
été invité à un grand repas que donna ce jour-là
l'Internonce Impérial , M. le Baron de Herbert,
en l'honneur de pluſieurs Dames Polonoiſes , il
ne fut pas poffiole au Minigre Ruſſe de cacher au
Public la longue conférence qu'il venoit d'avoir;
&dès le foir les politiques s'exerçoient à deviner.
le ſujet qui y avoit pu être diſcuté. M. de Bulgakow
, après avoir mûrement réfléchi ſur les propolitions
que le Réis Effndi lui avoit faites de la
part au nom de S. H. , demanda , le 28 ,
ſeconde entrevue avec ce Miniftre , que celui- ci
remit au 30 du même mois . Le Miniſtre de Ruf.
fie , qui s'étoit propoſé de contrebalancer les prétentions
de la Porte par d'autres prétentions
qu'il formoit à la charge de cette derniere , eut,
dit-on, le désagrément de n'être pas entendu , le
Reis-Effendi lui ayant fait obſerver qu'il s'agiſſoit
de confentir, comme Miniſtre plénipotentiaire de
l'Impératrice detoutes les Ruffies , aux demandes
de S. H., qu'on lui avoit communiquées le 26 ;
&non de produire les ſiennes , qui , d'ailleurs,
étoient envisagées par la fublime Porte comme
réchauffe abfolument hors de raiſon . Ce
fur , ajoute-ton , dans cette derniere conférence,
que le Reis-Effendi exigea du Miniffre de Rufie
qu'il eût à expédier auffi ro un Courier à Péterſbourg,
pour ſavoir définitivement les inten
tions de fa cour; c'eſt ce que ce dernier refuſa
d'abord de faire , étant perfuadé que l'Impératrice
ne condeſcendra jamais auxdites demandes ;
mais enfin , ſur les inftances réitérées , faites par
leMiniſtere Ottoman à ce ſujet , il convint de dépêcher
le Courier en queſtion . Cependant M. de
Bulgakow , foit par empêchement , ſoit aufli pour
donnerle tems aux Ministres de la Porte de-faire
( 188 )
quelque réflexion fur la démarche aufſi hardie
que précipitre qu'ils venoient de faire , n'envoya
fon Courier que le 3 d'Août, quatre jours après la
derniere conférence. Dans cet intervalle l'Amballadeur
de France , aufli bien que l'Internonce ,
ſe donnerent bien du mouvement , pour ouvrir
le chemin à une conciliation ; mais ce fut inatilement
, les Turcs inſiſtant avec la plus grande
fermeté ſur ce que la Ruffie cut à fatisfaire à
leurs demandes. Quoique juſqu'ici on ne ſoit pas
encore inſtruit à fond de la nature des nouvelles
prétentions inattendues , que la Porte forme àla
charge de la Ruffie , on convient généralement
que les plus effentielles ſe reduiſent au rappel des
Houpes de la Georgie ; à la viſite des vaiſeaux
Rules qui paſſent par le canal de Conſtantinople;
à l'érabliſſement des Confuls Turcs dans les ports
que la Ruffie poſſede ſur la mer Noire , & l'on
ajoute à ces conditions celle de tranſmiſſion du
Prince Maurocordato , qui ,le 7 Février dernier ,
a pris la fuite de Taffi , & s'eſt retiré en Ruffie .
Courier du Bas- Rhin , nº 73 .
L'achat que le Prince Potemkin a fait de la
belle Terre de Siemarycz & des autres biens
confidérables , que le Prince Xavier Lubomirski
pofſédoit en Ukraine , entraîne des défagrémens
pour les nobles Polonois qui ont des
biens dans les environs. L'on apprend que le
Prince Potemkin prétend avoir trouvé dans
les anciennes archives de Kiovie , Ville qui
appartient actuellement à la Ruſſie , des documens
par leſquels il peut prouver que les bornes
de la Seigneurie qu'il vient d'acquérir , ont été
autrefois beaucoup plus étendues qu'elles me le
font à préſent , & qu'on ne lui a pas livré ces
Terres dans l'état ni l'extenſion qu'elles devoient
avoir ſuivant ces renſeignemens. En
( 189 )
conféquence , il ſe croit en droit de révendi.
quer la poſſeſſion de ce qu'il foutient avoir été
ufurpé ſur ſes Devanciers . La Maiton Potocki
eſt celle qui perdroit le plus par ſes réclamations
, fi elles ſont juſtifiées ; & la perte ne
ſeroit pas peu conſidérable . Le Prince Potemkin
La ciré auffi au Tribunal de la Couronne tous
les Créanciers qui voudroient former des pré.
tentions à la charge des Terres qu'il a achetées
; & ce Tribunal a établi une Commiffion
ſubalterne pour les vérifier. ( Gaz.de Leyde ) .
Les détails de l'incende qui , la nuit du 11
au 12 d'Août , à deux heures du matin , a conſumé
partie du Palais de St. Ildephente , & partie
de l'Eglife Collégiale , ne font pas encore publics.
On fait ſeulement , que ſi on n'avoit pas
détruit l'arceau qui communique du Palais à
l'Egliſe , auprès de l'Infant Dom Gabriel , tout
le Palais auroit été réduit en cendres. Le Roi ,
le Prince & l'Infant donnoient eux - mêmes les
ordres, Le Prince s'expoſa pluſieurs tois affez
près des flammes pour être bleffe & pour courir
les plus grands rilques. Les Marquis de Sainte-
Croix , de Valdecarfna & de Villana, & plufleurs
autres Seigneurs ont perdu tous leurs
effets . Le Roi leur en a demandé l'état , mais
ils ont fupplié S. M. de permettre qu'ils fiflent
ce facrifice , & l'ont affurée qu'ils étaient
prêts à faire celui de leurs vies pour le ſervice
& la conſervation de la facrée perſonne du Roi
& de toute la Famille Royale. Le feu faifoit
de fi grands progrès , que les chevaux étoient
mis aux coroffes de S. M. & des Princes & Princelles
, & les Gardes- du- Corps à cheval pour
le premier fignal de départ. Heureuſement is
artilleurs de Ségovie & différens ouvriers , accourus
, aiderent a ccuper le feu. On évalue
,
( 190 )
les peries & dommages aa plus de deux millions
de pisſtres fortes . Les titres , archives , papiers ,
orcements & autres effets du Chapitre , les écrí-
Kures du Patriarche des Indes , & celles de différens
bureaux tenant au Miniſtere & à la Maiſon
du Roi , ont été la proie des flammes.
Les Miniſtres , écrit- on de Madrid , s'ocupent
férieuſement à donner des ordres dans nos ports
pour porter des ſecours de toute eſpece en Amérique,
cù les malheurs phyſiques d'un côté, &
le mécontentement des habitans de l'autre , les
rendent urgens & indiſpenſables.
Le 25 Août , il eſt arrivé en fait curieux , intéreſſant
pour les Chaſſeurs. Des Particuliers
avoient lancé un renard à Totteridge ; après
l'avoir long-temps poursuivi , la bêre gagna le
grand chemin , où ayant rencontré un grand
troupeau de pores , il trompa tous les Chaſſeurs
& ſe fourra au milieu des cochons. Tandis qu'il
marchoit tranquillement parmi eux , les chiens
perdirent la trace. Les Chaffeursdemanderent au
conducteur du troupeau s'il n'avoit pas vu le
renard. Il leur répondit qu'il le leur découvriroit
, s'ils vouloient lui donner une récompenfe.
On fit à l'inſtant une quête affez confidérable
parmi les Chaſſeurs ;& après l'avoir empochée ,
le Porcheron , à leur grand étonnement , leur
montra le renard parmi ſes cochons. On le fit
déguerpir à coups de fouet ; & prenant challe de
plus belle , il amuſa beaucoup les Chafleurs &
les conduifit encore une demi - lieue plus loin.
(Univerfal Regifter. )
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Parlement de Dauphiné.
Tout ce qu'un Légataire reçoit , à titre gratuit , de
fes pere & mere , fuit comme donataire , foit
(191 )
59
comme héritier , est impütable ſur la légitime , à
moins qu'il n'y ait une diſpoſition contraire &
expreffe.
Le 29 Mars 1725 , Jean -Louis Achard , Marchand
Salpetrier , du Leu de Sauzer , contracta
mariage avec Marie Reboul. La dot de celle- ci
fut fixée à 156 liv. , fon augment à 15 liv . , &
les bagues & joyaux à la même ſomme ; cette
union donna le jour à 3 enfans , Auguße , Joſeph
& Marie Achard. Par le contrat de mariage
de leur fils aîné , les Achard lui firent donation
de tous leurs biens préſens & à venir ,
fus la réſerve 1º. de 300 hv. pour la légitime
de Jofeph Achard , Marie ayant reçu la fienne ,
de la mème ſomme lors de fon mariage avec
Jean-Jacques Mirabel. 2°. D'une terre & d'un
jardin , pour en diſpoſer par le furvivans , par
acte de cerniere volonté . Jean Louis Achard décéda
, fans avoir diſpoſé de la réſerve ; & Marie
Rebout, qui lui ſurvécut , fit ſon teftament , par
lequel elle inſtitua pour ſes héritiers Jofeph &
Marie Achard , ſes deux enfans caders. Jofeph
Achard décéda également , laiſſart courton keritiere
teftamentaire Marie Achard , fa coeur , qui
a continué de jouir du fonds réſervé par fes
pere & mere. En 1733 Mirabel , en qualité de
mari & maître des droits de Marie Achard , fit
affigner devant le vice-S néchal de Motelimar
Augustin Achard , donataire univer el de ſes
pere & mere , pour ſe voir condamner à lui
payer les ſupplémens de légitime afférens à 'a
femme& à Joſeph Achard , dont elle étoit héritiere.
Après quelques conteflations inutiles à
rappeller , le vice-Sénéchal rendit Sentence ,
par laquelle Achard fut mis , fur la demande
fins & conclufions de Mirabel , hors de Cour &
de procès , avec dépens, Mirabel appella de
,
1
7
( 190)
les peries & dommages à plus de deux millions
de piafires fortes. Les titres , archives , papiers ,
orcements & autres effets du Chapitre , les écri-
Kures du Patriarche des Indes , & celles de différens
bureaux tenant au Miniſtere & à la Maiſon
du Roi , ont été la proie des flammes.
Les Miniftres , écrit- on de Madrid , s'ocupent
frieuſemem à donner des ordres dans nos ports
pour porter des ſecoursde toute eſpece enAmérique,
cù les malheurs physiques d'un côté , &
le mécontentement des habitans de l'autre , les
rendent urgens & indiſpenſables.
Le 25 Août , il eſt arrivé un fait curieux , intéreſſant
pour les Chaſſeurs. Des Particuliers
avoient lancé un renard à Totteridge ; après
l'avoir long- temps poursuivi , la tête gagna le
grand chemin , où ayant rencontré un grand
troupeau de peres , il trompa tous les Chaffeurs
&ſe fourra au milieu des cochons . Tandis qu'il
marchoit tranquillement parmi eux , les chiens
perdirent la trace. Les Chaffeursdemanderent au
conducteur du troupeau s'il n'avoit pas vu le
renard. Il leur répondit qu'il le leur découvri
roit s'ils vouloient lui donner une récompenfe.
On fit à l'inſtans une quête affez confidérable
parmi les Chaffeurs ; & après l'avoir empochée ,
le forcheron , à leur grand étonnement , leur
montra le renard parmi ſes cochons. On le fit
déguerpir à coups de fouet ; & prenant challe de
plus belle , il amuſa beaucoup les Chafleurs &
les conduifit encore une demi- lieue plus loin.
(Univerfal Regifter. )
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Parlement de Dauphiné.
Tout ce qu'un Légataire reçoit , à titre gratuit , de
Ses pere & mere, fuit comme donataire , foit
(191 )
comme héritier , est impütable ſur la légitime , à
moins qu'il n'y ait une diſpoſition contraire &
expreffe.
Le 29 Mars 1725 , Jean - Louis Achard , Marchand
Salpetrier , du leu de Sauzer , contracta
mariage avec Marie Reboul La dot de celle- ci
fut fixée à 156 liv. , fon augment à 15 liv . , &
les bagues & joyaux à la meme ſomme ; cette
union donna le jour à 3 enfans , Auguße , Joſeph
& Marie Achard. Par le contrat de mariage
de leur fils aîné , les Achard lui firent donation
de tous leurs biens préſens & à venir ,
Fons la réſerve 1º . de 300 liv. pour la légitime
de Jofeph Achard , Marie ayant reçu la fienne ,
de la mème ſomme lors de fon mariage avec
Jean- Jacques Mirabel. 2°. D'une terre & d'un
jardin , pour en diſpoſer par le furvivant , par
acte de cerniere volonté . Jean Louis Achard décéda
, fans avoir diſpoſé de la réſerve ; & Marie
Reboul, qui lui ſurvécut , fit ſon teftament , par
lequel elle inſtitua pour ſes héritiers Jofeph &
Marie Achard , ſes deux enfans caders. Jofeph
Achard décéda également , laiffart pourton béritiere
reſtamentaire Marie Achard , fa coeur , qui
a continué de jouir du fonds réſervé par fes
pere & mere. En 1733 Mirabel , en qualité de
mari & maître des droits de Marie Achard , fit
affigner devant le vice-S. néchal de Mo telimar
Augustin Achard , donataire univer el de ſes
pere & mere , pour ſe voir condamner à lui
payer les ſupplémens de légitime afférens à va
femme& à Joſeph Achard , dont elle étoit héritiere.
Après quelques conteflations inutiles à
rappeller , le vice-Sénéchal rendit Sentence ,
par laquelle Achard fut mis , fur la demande
fins & conclufions de Mirabel , hors de Cour &
de procès , avec dépens, Mirabel appella de
۱
7
( 190)
les pertes &dommages a plus de deux millions
depiaftres fortes. Les titres , archives , papiers ,
orcements & autres effets du Chapitre , les écri-
Kures du Patriarche des Indes , & celles de différens
bureaux tenant au Miniſtere & à la Maiſon
du Roi , ont été la proie des flammes.
Les Miniftres , écrit- on de Madrid , s'ocupent
frieuſement à donner des ordres dans nos ports
pour porter des ſecours de toute eſpece en Amérique
, où les malheurs physiques d'un côté , &
Je mécontentement des habitans de l'autre , les
rendent urgens & indiſpenſables.
Le 25 Août , il eſt arrivé un fait curieux , intéreſſant
pour les Chaſſeurs. Des Particuliers
avoient lancé un renard à Totteridge ; après
l'avoir long-temps poursuivi , la tête gagna le
grand chemin , où ayant rencontré un grand
troupeau de pores , il trompa tous les Chaffeurs
&ſe fourra au milieu des cochons. Tandis qu'il
marchoit tranquillement parmi eux , les chiens
perdirent la trace. Les Chaffeurs demanderent su
conducteur du troupeau s'il n'avoit pas vu le
renard. Il leur répondit qu'il le leur découvriroit
, s'ils vouloient lui donner une récompenfe.
On fit à l'inftans une quête affez confidérable
parmi les Chaffeurs ;& après l'avoir empochée ,
le Porcheron , à leur grand étonnement , leur
montra le renard parmi ſes cochons. On le fit
déguerpir à coups de fouet ; & prenant challe de
plus belle ,il amuſa beaucoup les Chafleurs &
les conduifit encore une demi - lieue plus loin.
(Univerfal Regifter. )
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Parlement de Dauphiné.
Tout ce qu'un Légataire reçoit , à titre gratuit , de
Ses pere &mere, Suit comme donataire , foit
( 191 )
comme héritier , est impütable ſur la légitime , à
moins qu'il n'y ait une diſpoſition contraire &
expreffe.
Le 29 Mars 1725 , Jean-Louis Achard , Marchand
Salpetrier , du leu de Sauzer , contracta
mariage avec Marie Reboul. La dot de celle- ci
fut fixée à 156 liv. , fon augment à 15 liv. , &
les bagues & joyaux à la meme ſomme ; cette
union donna le jour à 3 enfans , Auguße , Joſeph
& Marie Achard . Par le contrat de mariage
de leur fils aîné , les Achard lui firent donation
de tous leurs biens préſens & à venir ,
fous la réſerve 19. de 300 liv . pour la légitime
de Jofeph Achard , Marie ayant reçu la fienne ,
de la mème ſomme lors de fon mariage avec
Jean-Jacques Mirabel. 2°. D'une terre & d'un
"jardin , pour en diſpoſer par le furvivan' , par
acte de cerniere volonté . Jean Louis Achard décéda
, fans avoir diſpoſé de la réſerve ; & Marie
Reboul , qui lui ſurvécut , fit ſon teftament , par
lequel elle inſtitua pour ſes héritiers Jofeph &
Marie Achard , ſes deux enfans caders. Jofeph
Achard décéda également , laiſſant courton béritiere
reſtamentaire Marie Achard , fa coeur , qui
a continué de jouir du fonds réſervé par fes
pere & mere. En 173; Mirabel , en qualité de
mari & maître des droits de Marie Achard , fit
affigner devant le vice-S.néchal de Mortelimar
Augustin Achard , donataire univer el de ſes
pere & mere , pour ſe voir condamner à lui
payer les ſupplémens de légitime afférens à 'a
femme& à Joſeph Achard , dont elle étoit héritiere.
Après quelques conteflations inutiles à
rappeller , le vice-Sénéchal rendit Sentence ,
par laquelle Achard fut mis , fur la demende
fins & conclufions de Mirabel , hors de Cour &
de procès , avec dépens, Mirabel appella de
,
\
7
( 192 )
cette Sentence en la Cour : l'Inſtance liée ;
Achard a conclu à la confirmation de la Sentence
, & fubfidiairement à ce que , avant faire
droit définitivement , la compofition de maffedes
biens de Jean-Louis Achard & Marie Reboul
fût ordonnée , à l'effet de fixer les ſupplémens
de légit me compétens à Marie Achard , tant de
ſon chef, que comme héritiere de Joſeph fon
frere , fur le pied d'un neuvieme , à la charge
par ladite Achard d'imputer ſur ledit ſupplément
le prix du folds réſervé par ſes pere & mere
dans le contrat de mariage d'Augußin Achard.
L'affaire portée à l'Audience, il a été rendu Arrêt
le 13 Juillet 1787 , par lequel il a été ordonné
que , par Experts convenus par les Parties
, ou , à ce défaut , pris & nommés d'office ,
devant le premier Notaire Royal requis , non
fufped , ayant ferment en la Cour , & à ces fins
commis , il fera procédé , à la pourtnite deMirabel
& à ſes frais , fauf à les répéter , s'il y
échecit , à la compoſition de maſſe de tous les
biens délaiflés par ladite Achard & Reboul , &
à l'eſtimation deſdits biens fur leur valeur , à
l'époque de leur demande ; les améliorations
faites par le donataire univerſel , poſtérieurement
à la donation contenue dans ſon contrat
de mariage , compenfables avec les détériorations
, lors de laquelle procédure , Mirabel rapportera
dans la maſſe l'immeuble door la femme
jouit en vertu du reſtament de la Reboul , & en
imputera la valeur fur les portions légitimaires
à elle afférentes , enſemble les deux ſommes de
300 liv. qui avoient été aſſignées par les pere &
mere communs auxdits Joſeph & Marie Achard
pour leurs légitimes ; & a condamné Mirabel
aux trois quarts des dépens , l'autre quart réservé.
1
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 29 SEPTEMBRE 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
IMPROMPTU adreſſe à M. P. D. L. M. , le
jourqu'il a étéfait Chevalier de S. Louis .
PQUR avoir bien fervi ſa patrie & ſes Rois,
6
Il a reçu le prix de la vertu guerrière.
Si toutes les vertus obtenoient une croix ,
Il enporteroit une à chaque boutonnière. :
(Par M. de Jarfal.)
N°. 19, 19 Septembre 1787.
194
MERCURE
ASPASIE , ou le pouvoir des Talens ,
IPHIS.
Cantate,
:
PHIS , du Dieu d'Amour la plus parfaite image,
Des Belles de la Grèce attiroit tous les voeux ;
Tour- a-tour à chacune il portoit ſon hommage,
Etdevenoit ingrat dès qu'il étoit heureux.
De ſa flamme la plus légère
On briguoit la frivole ardeur :
Cen'eſt jamais le caractère ,
Belles , qui prévient votre coeur ;
Lorſqu'un amant a ſu vous plaire ,
Vous le croyez tendre , doux & fincère ;
Mais il paroît vainou pour devenir vainqueur,
ASPASIE entreprit d'attacher l'infidèle ;
Sans armer ſes appas, ſon orgueil la ſervit;
Et pour former les noeuds d'une chaîne éternelle,
Elle fit moins pasler ſes yeux que fon eſprit.
La con quête d'un coeur envers l'Amour rébelle ,
N'eſt que l'ouvrage d'un inſtant ;
Mais le triomphe d'une Belle
Eftde fixer un inconftant.
V
ELLE n'eut point recours à l'art d'une coquette
Qui differe un bonheur qu'elle-même ſouhaite ,
DEFRANCE. 19 :
Et change en épines les fleurs.
Iphis devint heureux , mais encore plus tendre;
Des talens réunis les charmes enchanteurs
Le faiſoient chaque jour prétendre
Ade nouvelles faveurs.
La voix touchante d'Aſpafie ,
De Philomèle imitoit les accens ;
Et du Dieu de la poéfie
Ses beaux vers éraloient les ſecrets raviffans ;
Sur une toile ſenſible
Elle peignoit l'Amour qui ſembloit lui parler ;
Etſes doigts, par les ſons d'un inſtrument flexible,
Charmoient l'Enfant malin , l'empêchoientde voler.
Lavolupté s'exprime par ſa danſe;
Les Grâces forment ſes atours ;
Les jeux animent ſa décence ;
Et ſon eſprit brillant , cultivé tous les jours,
Fait pétiller la ſcience
Et diſſerter les Amours.
IPHIS , malgré ſon goût volage,
De tant d'appas ne put ſe dégager ;
Envain il eût voulu briſer ſon eſclavage ,
Il ne trouva jamais un inſtant pour changer.
La Beauté fait naître l'ivreſſe ,
Et l'ivreſſe n'a qu'un moment ;
Pour fixer un volage amant
I ij
196 MERCURE
Il faut plus d'art quede tendreſſe.
Belles , pour mieurnous enflanımer ,
Des talens exercez l'empire ;
Dans le bonheur l'Amour expire :.
Ils peuvent ſeuls le ranimer.
L'amant qu'un nouveau charme attire ,
Croit toujours commencer d'aimer,
(Par M. Sabatier de Cavaillon , &c. )
COUPLETS à Mme DE..... , en lui
envoyant une Rhétorique Françoise.
AIR : Philis demande fon Portrait.
Tour ce pédanteſque ſavoir
N'eſt qu'un vain étalage ;
Le ſecret de nous émouvoir
Eſt dans votre langage,
Vous ſavez rendre ingénieux
Juſqu'à votre filence ,
Et l'Amour est dans vos beaux yсик
Le Dieu de l'éloquence.
/
(ParM. Morel. )
DEFRANCE. 197
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure precédent.
Le mot de la Charade eſt Paris ; celui
de l'Énigine eſt Ramoneur ; celui du Logogryphe
eſt Monde , où l'on trouve démon ,
mode, nom, don , mon , dome.
CHARADE.
PLUS l'on chauffe LUS ou moirs, cher Lecteur ,
premier ;
Souvent la mort devient l'effet de mon dernier ;
S'il faut pour l'éviter vivre de mon entier ,
De même qu'un cheval , cours vite an ratelier.
mon
(Par M. de C.... , Copitaine au Régiment de
Strasbourg , Artillerie. )
Po
ENIGME.
Our être auſſi bon que fuperbe ,
Il faut , dit- on , d'après certain proverbe ,
Queje raſſemble en moi, dans mon tout, dans mon
corps ,
Avee dix animaux trois importans rapports.
Linj
198 MERCURE
Les voici tous nommés dans l'ordre convenable.
Le premier , le feul raiſonnable
Eſt la femme; il en reſte nenf.
J'en trouve trois , le cerf, le renard & le boeuf.
Il en faut fix encor fi je fais bien mon compte :
Le lion , le ferpent , ce mouſtre que l'on dompte ,
د
Le mouton , le lièvre & le loup ,
Les voilà tous dix pour le coup .
( Par M. de Bouffanelle , Brigadier des
Armées du Roi. )
LOGOGRYPHΗ Ε.
F
ERME ſur mes fix pieds je fais tête à l'orage,
Éole contre moi déchaîne en vain fa rage ,
En vain du fier Neptune il ſoulève les flots ,
Deces Dieux en fureur je brave les complots.
Si cela n'eſt pas clair, ſous d'autres traits peut être,
Lecteur , auras - tu moins de peine à me connoître.
Coupes l'un après l'autre & fans nulle pitié,
Mon dernier, mon cinquième & quatrième pré;
Je deviens tour- a- tour ma foeur , un Saint , mon frère.
Mais , chur ! c'eſt trop jaſer, il eſt temps de le taire.
(Par M. Boutroue , Avocat. )
*
DE FRANCE. 199
:
NOUVELLES LITTERAIRES.
ODEfur la Mort héroïque du Duc Léopold
de Brunswick , qui a remporté le Prix
extraordinaire propoſé au jugement de
l'Académie Françoife; parM. Terrafle des
Mareilles . A Paris , chez Demonville
Imprimeur de l'Académie Françoiſe , rue
Chriftine.
,
La Mort du Due Léopold de Brunswick ,
Ode qui a obtenu la première mention
honorable au jugement de l'Académie
Françoife; par M. l'Abbé Noël, Profefleur
en l'Univerſité de Faris au College de
Louis le-Grand. A Paris, à la méme adreſſe
que ci-deſſus.
LeDuc de Brunswick , Ode , par M. Grouvelle
, Secrétaire des Commandemens &
du Cabinet de S. A. S. Mgr. le Prince de
Condé , de l'Académie de Dijon, A Paris ,
chez Prault, Imprimeur - Libraire , quai
des Auguftins.
LOROSRSQQUUEE l'Académie Françoiſe couronne
un Ouvrage, elle ne prétend point dire qu'il
foit un chef- d'oeuvre. On fait que ce Tribunal
éclairé ſe propoſe uniquement de déliv
200 MERCURE
clarer que de toutes les Pièces qui lui ont éré
préſentées , celle qui remporte le Prix a été
jugée la meilleure. On devoit s'attendre cette
année que les Ouvrages répondroient à l'intérêt
de la matière. L'héroïſme de l'humanité
, dans qui ? dans un Prince. Quoi de plus
capable d'élever l'âme &de réveiller la fenfibilité
du génie? Si le courage civique du brave
Bouffard a excité dans le temps un enthoufiafime
fi vif& fi général , combien l'action
généreuſe du Prince Léopold de Brunswick ,
martyr de l'humanité,& victime de fon zèle
pour des malheureux , n'eft- elle pas plus intéreſſante
? Et d'ailleurs , combien de riches
acceſſoires ajoutoient encore à l'intérêt d'un
fi beau fonds ? Le débordement inspiné d'un
fleuvé , une contrée entière ſubmergée , fes
inalheureux habitans entraînés par les courans
, ou foſpendus au faîtede leurs maifons
chancelantes, les uns déjà perdus fans reffource
, les autres prêts à périr, tous implo
rant à grands cris une aſſiſtance que la pitié
s'empreſſeroit de leur donner, fi le danger
perſonnel n'avoit pas répandu par-tout l'effroi
de la confternation. Voilà ce que les-comcurrens
avoient à peindre. Ces tableaux
frappans par eux mêmes , offroient de grandes
reſſources à la poéſie deſcriptive. Pourquoi
diffimuler que les Pièces de concours ont
trompé l'attente du Public ? Pourquoi ne pas
avouer que celle même qui a éré couronnée
a paru exceſſivement foible? Nous ne prétendons
point décider du mérite ni des dé-
,
DE FRANCE. 201
fauts des trois Odes qui font le ſujet de cet
article. Loin de vouloir réformer les arrêts de
l'Académie , nous ne fongeons pas même à
décliner ſa jurisdiction. Dans tous les cas ,
nos jugemens ne font , à proprement parler ,
que des délibérations. C'eſt en nous renfermantdans
ces bornes que nous allons mettre
le Lecteur à portée de juger lui-même , en
rapprochant ſous fes yeux les ſtrophes de ces
trois Odes , qui peuvent être miſes en parallèle.
Nous aurons attention de choiſir les endroits
les plus dignes d'être cités , fans nous
permettre aucune obſervation critique fur
LaPièce couronnée.
L'Auteur , au-lieu d'étendre ſa matière,
l'a reſſerrée dans un cadre très -borné. Il a
omis pluſieurs acceſſoires ; & laillant de
côté la plupart des difficultés du ſujet , il
n'a ſaiſi que les circonstances indiſpenſables.
Le débordement de l'Oder étoit du nombre
de celles- ci . On va voir quel parti il en a fu
tirer.
6
Dieu! quelles funeftes images
S'offrent en foule àmes pinceaux!
Un fleuve ſans frein, ſans rivages ,
Une ville au milieu des eaux ;
Le ciel armé contre la terre,
Et mêlant le bruit du tonnerre
Au fracas des murs écroulés;
Le peuple qui ſe précipite,
:
202 MERCURE
Et s'ouvre un chemin à la fuite
Sur des débris amoncelés .
Le début de l'Ode , qui a obtenu la première
mention honorable , eſt très-défectueux.
Les douze premières Stances font un
lieu commun hors de propos ; & ce horsd'oeuvre
eſt d'autant plus blamable , qu'il n'eft
pas racheté par la tournure des vers. La dictionen
eſt vague , incorrecte & embarraffée.
L'Auteur entre enfin en matière par la defcription
de l'Oder.
Filles des monts voiſins , centſources vagabondes
A l'Oder ont porté le tribut de leurs ondes.
Ces deux vers ſont repréhenſibles. Le premier
hémiſtiche , qui pourroit être ailleurs
unebeauté poétique, ſi elle étoit bien placée,
n'eſt ici qu'un abus de poéſie. Sources n'eſt
pas le mot propre. Des torrens occaſionnés
parun amas de glace &de neiges fondues ,
ne ſont pas des fources. Tribut eſt encore plus
impropre. Le débordement de l'Oder eſt un
ravage ,& non pas un tribut. Lorſqu'une armée
ennemie ſe répand dans un pays , dirat'on
qu'elle yapporte un tribut de déſolation?
Non , fans doute. Eh bien, la faute eſt ici la
même. Ce qui ſuit vaut beaucoup mieux.
IL s'enfle , il gronde, il bat ſes bords épouvantés ,
Et bientôt franchiffant ſabarrière impuiſſante ,
La vague mugiffante 4
' élance, sefe répand à flots précipités.
DE FRANCE.
203
FRANCFORT s'émeut , & tout redouble encor ſa
crainte;
Des citoyens ſurpris dans cette humide enceinte ,
Les geſtes ſupplians , les cris tumultueux ,
Ladigue qui ſe rompt , & le toit qui s'écroule ,
Et le débris que roule
Du fleuve déchaîné le cours impétueux.
Ces ſtrophes font harmonieuſes ; le talent
s'y décèle ; mais j'avoue que je préfère à tout
ceci ces quatre vers de M. Grouvelle :
L'Oder s'émeut , s'enfie , s'imite ;
Il rompt ſes glaçons entrouverts ,
Comme un torrent ſe précipite ,
S'étend comme les vaſtes mers.
C'eſt-là peindre en grand : c'eſt achever un
tableau en deux coups de pinceau pleins
d'énergie&de vérité.
L'Auteur n'a pas moins bien exprimé la
circonſtance du pont brifé :
i
Les digues laiffent le rivage
En proie au fleuve débordé;
Un pont refte encor.... ſeul paſſage ,
•Seul eſpoir du bord inondé.
Battu par le glaçon qui roule,
Le ponttremble , gémit, s'écroule ,
Se perd dans les gouffres mouvans ;
Et cent familles défolées
I vj
204 MERCURE
Semblent par ſa chûre exilées
De la demeure des vivans .
Cette circonftance frappante & effentielle a
été omiſe par M. l'AbboNoel; mais on trouve
ici dans ſa Pièce une ſtrophe admirable. On
fera charmé de la lire .
Du plus hardi nocher lecourage ſeglace ,
:
Et l'or même ne peut ranimer ſon audace.
Brunswick paroît ,& ſeul promet un prompt ſecours.
Bruniwick ne connoît cette vertu tranquille
Dont la pitié ſtérile
Et le zèle menteur s'uſent en vains diſcours.
La ſeconde ftrophe , après celle-ci , offre
une grande idée. Elle eût produit beaucoup
d'effet ſi elle eût été rendue avec force , en
vers plus précis & moins communs. Il s'agit
deCéfar, s'expoſant pour l'empire du monde
fur une barque fragile , au même péril que
Léopold , pour ſauver des malheureux. L'idée
de ce parallèle eſt heureuſement faifie.
Lorſqu'aux fiers aquilons , à la nuit à Neptune
Céſardansun eſquif oppoſe ſa fortune ,
Lavictoire& l'empire eſt le prix qu'il attend.
D'un dévoûment obfcur autant que volontaire ,
Quel est donc le ſalaire ?
,
i
Ah! qu'il fauve un ſeul homme , & Brunswick meurt
con'ent
Il eſt manifeſte que M. l'Abbé Noël a
DE FRANCE. 205
calqué cette ſtrophe ſur une belle comparaiſon
de la Henriade. Mais en imitant fon
modèle de trop près , ſon imagination a perdu
de ſa force , & il a affoibli ſa penſée. Voici
les vers de Voltaire :
Tel & moins généreux au rivage d'Épire ,
Lorſque de l'Univers il diſputoit l'empire ,
Confiant ſur les flots aux aquilons mutins
Le deſtin de la terre & celui des Romains ;
Défiant à- la-fois & Pompée & Neptune ,
Céſar à la tempête oppoſoit ſa fortune.
Le moment où la barque chavire , heurtée
par un ſaule , étoit encore une circonſtance
frappante. M. l'Abbé Noël a fait des efforts
pour la rendre avec ſuccès.
Parun choc imprévu la timide nacelle
Sous ſon noble fardeau fuit , recule , chancelle....
Le Héros voit la mort&pourſuit ſon deſſein.
Il tombe... L'onde s'ouvre... En vain il lutte encare,
Un gouffre le dévore ,
Et les flots écumans ſe referment ſoudain .
Onfera bien aife de comparer ici deux ftrophesde
l'Ode couronnée. M. Terraſſe a ſenti
que cet endroit devoir être le plus intéreſſant
de l'Ouvrage; auffi a- t'ilſu yrépandredu monvement
, de l'élégance & de l'harmonie.
On m'écoute: an Guerrier s'avance ;
Je ſerai leur libérateur ,
Dit- il. Ogloire! & bienfaiſance!
206 1 MERCURE
C'est lui , c'eſt ſa voix , c'eſt ſon coeur;
C'eſtBrunswick.... Prince magnanime ,
Révoquez cet arrêt ſublime
Qui nous a prononcé la mort...
Inflexible , il fuit , il s'élance ;
Et l'eſquifquele flot balance ,
Déjà l'emporte loin du bord.
Nous ne faiſons aucune remarque, comme
nous l'avons annoncé. Nous paffons une
ftance , & nous trouvons celle- ci :
Ciel! ôciel! ma voix gémiſſante
Va ſe perdre au milieu des cris ,
Etdéjà l'onde mugiffante
N'effre à mes yeux que des débris.
Surnagez , débris ſecourables ,
Sur ces gouffres épouvantables
Portez Brunswick ... voeux ſuperflus!
La pouppe au gré des flots errante
Échappe à la main expirante.
C'en eft fait , Léopold n'eſt plus !
Voilà unebelle image bien exprimée. Tout
*ce morceau eſt plein d'intérêt. En y joignant
les vers ſuivans ſur la pompe funèbre du
Prince, c'eſt ce que nous aimons le mieux
dans l'Ouvrage.
Suivez ſa dépouille mortelle,
Soldats , dont il fut le modèle ,
Malheureux dont il fur l'appai.
DE FRANCE. 207
Il faut citer encore la dernière ſtrophe ;
car , comme on le fait, la fin couronne l'oeuvre
: finis coronat opus Elle va d'ailleurs
nous ramener à M. Grouvelle , & nous fournir
un nouvel objet de comparaiſon avec la
fin de fon Ode.
Enfin ſous un tombeau modeſte
Le Miniſtre des ſaints autels
Vient de renfermer ce qui reſte
Du plus généreux des mortels.
Sur ſon urne patriotique
Qu'embraſſe le rameau civique ,
En traitsde feu je vais graver :
Digne des beaux fiècles de Rome,
Ci-gît un Prince qui fut homme ,
Et s'immola pour le prouver.
M. Grouvelle , comme on va voir, a eu
aufſi l'idée de confacrer au Prince une eſpèce
d'épitaphe.
r
Brunswick , vers l'humanité ſainte
Aton nom les coeurs ont volé ;
Que l'infortuné dans ſa plainte
L'invoque.... il ſera confolé.
Et moi ſur la tombe honorée ,
Que de ta patrie éplorée
Teconſacre lejuſte amour ,
L'oeil humide & l'âme artendrie
J'écris: chaque jour de ſa vie
Fut digne de fon dernier jour,
208 MERCURE
Ce dernier trait eſt d'une belle fimplicité : if
ditbeaucoup. On ne pouvoit mieux lower le
Prince. M.Grouvelle a ſu y joindre un aurre
éloge que le Prix propoſe amène naturellement
, & qui ne pouvoit guères en être
féparé.
MA Muſe , hélas ! trahit mon zèle .....
Mais ce Prince qui nous appelle
Al'éloge d'un Prince humain ,
Bienmieux que nous , il l'a ſu faire ,
Et c'eſt à hai que je défère
Le prix que nous offre ſa main.
: Our , Prince , à tracer ſon image
Toi qui voulus nous exciter ,
Tu fais par ton public hommage
Le voeu publicde l'imiter.
Ti t'a légué tous tes ſemblables
Qui cou-bent leurs fronts refpectables
Sous un malheur non mérité.
Recueille ce noble héritage ,
Et conſole enfin le veuvage
De la plaintive humanité.
Au furplus , on a été étonné de voir repa
roître le genre de l'Ode , aujourd'hui fi decrié
par nos beaux eſprits , & depuis longtemps
entièrement négligé. L'Ode veut quelque
choſe de plus que de l'eſprit : elle ne
tolère pas la médiocrité : elle veurdu ſublime,
du génie, du merveilleux Rouffeau est
{
DE FRANCE. 209
après Corneille le Poëte qui ait obtenu le
titre de Grand. La magnificence des images ,
la force des tours , les grands mouvemens du
ſtyle , l'effor fublime de l'imagination , voilà
ce qui lui a mérité ce ſurnom , comme l'Aureurdu
Cid le doit à l'élévation de ſes ſentimens&
à la hauteur de ſes penſées .
ESSA: fur la Nature Champêtre. A Paris ,
chez Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Augustins , 1787. in - 8 °.
CETOuvrage eſt un Poëme ſur les Jardins.
Il eſt diviſé en cinq Chants. On trouve à la
ſuite l'Építre à mon Curé , imprimée il y a
quelques années dans l'Almanach des Muſes.
Les Amateurs de la poéſie & de la campagne
ſe plairont à la relire. C'eſt de cette Pièce
qu'on a retenu ce vers heureux :
3 L'âge d'or étoit l'âge où l'or ne régnoit pas.
L'Auteur du Poëme que nous annonçons eft
encore connu par deux petits Ouvrages d'un
atre genre , dont l'un, intitulé le Bonheur
dans les Campegnes , offre des vues trèsutiles;
& dont l'autre, ſous le titre de Plan
de Lecture pour une jeune Dame , annonce
dans M. le Marquis de M.... les principes
d'un goût ſain , une Littérature variée ,& le
reſpectable amour des Arts & de la Philofophie.
L'E@ai ſur la Nature Champêtre eft précédéd'un
Difcours Préliminaire , où l'Auteur
210 MERCURE
:
rend compte des circonstances qui ont occaſionné
, interrompu , & enfin terminé la compofition
de fon Poëme. On y voit que pendant
un fejour de fix ans , fur une des hauteurs
du Jura, M. de Mar... , Peintre pour
embellir ſes campagnes , & Poëte pour les
chanter , a compote ion Poeme dans l'intention
de doubler ſes jouiſſances champêtres ,
& qu'il le publie dans l'espérance qu'il lui
retracera d'aimables ſouvenirs.
Dans la Préface de la ſeconde partie d'un
Poëme fur l'Agriculture , où l'Auteur traite
des Jardins , &qui parut il y a trois ou quatre
ans , on trouve ces mots: Lefort de ces Ou
vrages n'a rien changé à mon projet. Un de
cesOuvrages eft le Poëme des Jardins de M.
l'Abbé de Lille. Comme le fort de ce Poème
étoit alors d'être en vogue , il est bon detappeler
à quelques perſonnes que cette vogue
n'a ceffe d'en être une que pour devenir un
ſuccès permanent; & pour oppofer à cette
fécuritéd'un concurrent d'ailleurs eftimable ,
l'inquiétude modeſte&intéreſſante d'un nouvel
émule , voyons comment M. de M.....
s'exprime M. l'AbbédeLille: Chaquefois
quej'ai lu fon Ouvrage , & je l'ai lufouvent ,
j'aifortement été tenté de livrer mes foibles
vers auxflammes.
fur
M. de Mar... paſſe en revue dans ce Difcours
Préliminaire les Ouvrages didactiques
fur l'Art des Jardins , & caractériſe avec beaucoup
de juſteſfe les vues de M. Morel , de
M. le Marquis de Girardin , &des étrangers
DE FRANCE. 211
:
:
qui ont écrit fur cet Art. Les Poëtes qui chantent
la campagne , & qui la font aimer , reçoivent
auffi de M. de M.... l'hommage que
toutes les âmes ſenſibles ſe plaiſent à rendre
aux grands talens. Le beau Poëme des Saiſons
de M. de Saint- Lambert méritoit bien cet
hommage , & c'eſt avec plaiſir qu'on voit
M. deM... placer cet Ouvrage dans le petit
nombre des Ecrits qui honorent notre fiècie ,
&quiferont chers à la poſlérité.
Mais en parlant de M. de Roffer , Auteur
d'un Poëme ſur l'Agriculture , dont nous
avons fait mention plus haut, M. de M.... en
fait un éloge exagéré , qui nous force à rappeler
l'opinion générale fur cetOuvrage. On
nepeut lui refuser, écrit-il, la gloire d'avoir
concouru avec le Traducteur des Georgiques ,
àmontrer aux François les reſſources de leur
languepoétique.
Je ne veux point ici lui faire ſon procès.
Mais on peut affurer que c'eſt préciſément la
langue poétique qui manque à l'Auteur du
Poëme de l'Agriculture. Il n'offre preſque
pointcet Artde ſtyle , qui fait tout embellir ,
Qui dit ſans s'avilir les plus petites choſes ,
Faitdes plus ſecs cliardons des oeillets &des rofes ,
Et fait même au diſcours de la ruſticité
Donner de l'élégance &de la dignité. BOIL.
Qu'est- ce qu'un Poëme didactique où l'on
n'entend jamais ces accens de Virgile & de
212 MERCURE
ſon étonnant Traducteur , accens qui aſſocient
à leur nobleſſe la roture des termes
techniques, à peu- près comme une belle mufique
protège de foibles paroles ? On fait par
coeur de cet Ouvrage la deſcription du Coq ,
&quelques vers élégamment tournés ; mais
c'eſt àce ſimple honneur que la critique doit
réduire cette gloire que M. de Mar.... accorde
trop aiſement à l'Auteur du Poëme de l'Agriculture.
Chaque Chant de l'Eſſai ſur la Nature
Champêtre eſt ſuivi de notes. Elles ne tirent
point leur agrément d'une ſcience d'emprunt
, elle le doivent à des connoiffances
bien digérées , à une ſenſibilité philofophique,
à des diſcuſſions qui ne paroiffent jamais
fuperflues, & à quelques traits hiftorrques
& littéraires, heureuſement préfentés
parl'amour des Beaux- Arts &de l'humanité.
Deux Lettres inférées dans ces nores , l'une
deM. l'Évêque de N. , l'autre de M. Dupaty,
ſe font remarquer , la première par une narration
pittoreſque, la ſeconde par une préciciſion
fingulièrement piquante , où l'eſprit &
-la philofophie ſemblent lutter de traits. Le
ſtyle de ces Notes & du Difcours Preliminaire
eft en général élégant & ferme. Seulement
on y trouve quelquefois des penſées
que le bon goût réprouve , celle ci , par exemple
, il eſt queſtion du Cardinal de Richelieu :
Comme Alexandre , il ne s'amuſoit point à
délier; mais il tranchoit les noeuds, & ces
noeuds étoientsouvent des têtes.
.:
DE FRANCE. 213
Comme Poëme ſur les Jardins, l'Effai fur
la Nature Champêtre trouve la mémoire des
Amateursde la poéfie , remplie du Poëme de
M. l'Abbé de Lille , & cette circonftance eft
dangereuſe. Parmi les grands talens , il en eft
dont la rivalité eſt plus particulièrement redoutable
, & ce ſont ceux dont les compoſitions
offrent ces proportions de la beauté ,
qui forment la perfection dans les Ouvrages
del'Art comme dans ceux de la Nature. Sous
cet aſpect le talent de M. l'Abbé de Lille doit
vivement inquiéter un concurrent; & quand
on fonge qu'au caractère du grand Poëte , il
joint les ſecrets du verſificateur le plus éronnant,
le concurrent eſt encore plus loin d'ètre
raſſuré. Quel ton oppoſer à l'hoimme qui les
atous , & qui précisément eſt l'heureux Écrivaindont
Boileau parle , qui fait d'une voix
légère
Paffer dugrave au doux , du plaiſant au ſévère ?
-Comme Poëme didactique & deſcriptif,
l'Ouvrage de M. de Mar... attire l'attention
de la critique ſur deux écueils inhérens à ee
genre plus qu'à tout autre , la difficulté du
plan& celle des tranſitions. Le Poëte , dans
cette forte d'Ouvrages , par deux procédés
contraires & fimultanés , eſt obligé de diviſer
ſes préceptes pour l'entendement , & de réunir
ſes tableaux pour l'imagination ; & qu'on
ne croie pas que cette diviſion & cette réanion
foient arbitraires. L'ordre y dépend des
gradations; il faut que celles ci courent au
214 MERCURE
complément , comme dans le Drame& dans
l'épopée chaque pas de l'action doit courir à
l'événement. Mais une action a fa marche
déterminée par la nature du fait même ; le
Poëte n'a qu'à ſuivre ou guider le mouvement
, au- lieu que dans le genre dont il s'agit,
c'eſt ce mouvement la même que le Poëte
doit créer ; & pour fortir bien vite de ces
idées métaphyſiques par quelques images ,
il nous ſemble , ſous ce rapport ſeulement ,
voir dans l'un Prométhée guidant les pas de
Pandore vivante , & dans l'autre Prométhée /
vivifiant Pandore inanimée.
Le ſujet du Poëme que nous annonçons
eſt l'art d'orner la Nature Champêtre; l'Auteur
, dans le premier Chant , rappelle l'origine
des jardins , & caractériſe les genres
adoptés en Angleterre , en Hollande , en
Allemagne & en France. La deſcription des
jardins de l'ancienne Rome , & celle des jardins
de la moderne Aufonie, la critique du
goût craintifde le Nôtre en France, font l'objetdu
ſecond Chant. Des préceptes généraux
fur l'art dont il s'agit commencent le troiſième
, viennent enfuite les leçons de détails.
Le Poëte traite au quatrième de la différence
des terreins & de la diverſité des ſites ; &
d'après les idées très- poétiques de M. Morel,
Auteur de la Théorie des Jardins , il enſeigne
l'Art d'une relation pittoreſque entre la diftribution
des ſcènes & les quatre points du
jour. Dans le dernier Chant , M. de M.....
donne encore despréceptes généraux fur cet
DE FRANCE. 215
Art , & il finit par en préſenter un modèle
dans le tableau très-étendu d'une grande habitation
champêtre.
Ce plan , il ne faut pas le diſſimuler , ne
fatisfait pas le Lecteur. On peut pourtant , &
nous le diſons avec un fentimentde plaifir
qui nous conſole de la néceflité de nos critiques,
on peut y découvrir les intentions d'un
eſprit juſte & confequent. On y voit que
l'Auteur a pour but trois objets bien diftincts
de rappeler ce qui a été fait dans l'art des jar- .
dins , d'enſeigner ce qu'il faut faire , enfin de
juſtifier ſes principes par un exemple. Mais à
l'exécution , cette diviſion de l'Ouvrage n'a
point paru bien ordonnée. Un même objet
eſt traité dans le premier & dans le ſecond
Chants, puiſque dans tous les deux il eſt queftion
des genres adoptés par des nations dif-:
férentes , objet qu'il falloit circonferire , parce
que ſon étendue finit à la proportion de l'enſemble.
Le troiſième & le quatrième n'offrent
point une diftinction marquée ; car les
mêmes préceptes s'y retrouvent. On lit au
troiſième Chant :
7
Mais avant de créer interrogez la terre ,.
Obſervez , méditez , ſuivez fon caractère .
Guide certain , par lui laiſſez vous inſpirer;
Vous devez l'embellir & non pas l'altérer .
La terre fait parler ; l'homme qui fait l'entendre
Rend ſon langage encor plus ſenſible & plus tendre,
On lit au quatrième:
Al'homme qui l'entend fait parler la Nature
216 MERCURE
Chaque fite a ſa voix , ſon charme & fon empire.
Voukz vous l'embellir ? Il faut qu'il vous inſpire ;
Recevez ſa penſée , & du fond de vos coeurs
' Faites ſortir vos traits , empruntez vos couleurs.
Les mêmes leçons ſe renouvellent au cinquième
:
...
Sachez dans ſon temple écouter la Nature.
Que notre âme attentive , heureuſe d'admirer ,
Interroge, médi.e , & ſe laiſſe inſpirer
Quand le fite a parlé.
L'inévitable effet de ces répétitions eft de
donner à la marche d'un Ouvrage de l'incertitude&
de la lenteur. La fucceilion des préceptes
en perd ſa progreſſion , l'enchaînement
des tableaux , la gradation effentielle ,
&la diftribution des parties offre alors je ne
fais quoi d'arbitraire qui dénature la concep
tion primitive du ſujet. Sans doute la méthode
du Poëte n'eſt pas celle du proſateur ,
comme l'a remarqué M. l'Abbé de Lille, dans
fon excellent Diſcours Préliminaire de la
Traduction des Géorgiques. Mais ſi la variété
eſt une loi , la confulon eſt un défaut. Il
nous ſemble que l'ordre dans le Poëme didactique
étant un effet de l'art , comme le beau
défordre de l'Ode , le ſecret du Poëme didactique
eſt d'avoir dans cet ordre un air de
liberté , comme le focret de l'Ode , dans un
rapport
DE FRANCE. 217
rapport contraire , eſt d'avoir dans ſon défordre
une régularité inviſible .
Ces réflexions ont été occaſionnées par
quelques défauts de plan dans l'Eſſai fur la
Nature Champêtre. Mais elles ne s'adreſſent
point à l'Auteur diftingué de cet Ouvrage.
Avec des eſprits éclairés comme le fien, la
critique n'enſeigne point , elle cauſe. Elle
ſentque le mérite ne doit être qu'averti.
Parler du Poëme didactique , c'eſt rappeler
les deux Ouvrages de ce genre dont la Poefie
Françoiſe s'honore le plus , l'Art Poétique de
Boileau & les Jardins de M. l'Abbé de Lille.
L'examen du Pian de 1 Effai fur la Nature
Champérre, ſemble devoir nous conduire à
jeter un coup- d'oeil ſur le plan de ces deux
Poëmes . Ce n'eſt peint fortir du ſujet qui
nous occupe , puiſque ces Ouvrages offrent
dans leur rapport avec celui de M. de Mar... ,
le premier , un modèle conſacré du Poëme
didactique , & l'autre la double identité du
genre & du ſujer. Le goût aime ces rapprochemens
lorſqu'ils ſervent à éclairer l'opinion
, & fur- tout quand ils ne ſont point envenimés
par l'intention commune à quelquês
critiques , facrificateurs littéraires , qui
ſe plaiſent à immoler un Ouvrage récent à
unOuvrage antérieur. Un homme d'un efprit
auſſi philofophique que M. de Mar.... ne
peut voir dans cette comparaiſon que l'amour
de l'art qu'il cultive , & l'utile occafion de
ramener notre mémoire à cette belle Littérature
, autrefois tant aimée , naguère ſi bien
N°. 39 , 29 Septembre 1787. K
218 MERCURE
défendue par la même voix qui , aujourd'hui ,
en publie folemnellement les ſecrets, au ſein
de ce Lycée où le moderne Quintilien nous
ſemble remplir précisément la fonction que
Voltaire donne à la critique dans ſon temple
du Goût :
Car la critique , à l'oeil ſévère & juſte ,
Gardant les clefs de cette porte auguſte ,
D'un bras d'airain fièrement repouſſoit
Le peuple Goth , qui ſans ceſſe avançoit.
La méthode est certainement une beauté
dans le Poëme didactique , a dit Voltaire ;
l'Art Poétique&les Jardinsſonttracés d'après
ce principe. Le premier Chant de ces deux
Poëmes eft conſacré aux règles générales de
l'art qu'ils enſeignent. L'un détaille les qualités
néceſſaires au Poëte , l'autre les qualités
propres à l'Artiſte des Jardins , & tous deux
nous mènent par gradation aux préceptes
particuliers , objet du reſte de l'Ouvrage.
La Nature fertile en eſprits excellens ,
Sait entre les Auteurs partager les talens,
Ces vers du premier Chant de l'Art Poétique
renferment le ſujet du ſecond &du troiſième.
C'eſt dans l'un la deſcription didactique
de l'Idylle , de l'Élégie , de l'Ode , de la
Satyre ; & dans l'autre, le tableau de la Tragédie
, de l'Épopée ,de la Comédie. De même
ces vers du premier Chantdes Jardins :
Je dirai comment l'art dans de frais payſages
DE FRANCE.
219
1

لات
Dirige l'eau , les fleurs , les gazons , les ombrages ,
préſentent le ſujet des deux Chants qui ſuivent.
Dans l'un vous trouvez la deſcription
de l'arbre , du bois , du bocage ; l'autre vous
offre des leçons ſur les nouveaux objets que
la Nature fournit à l'Art , les gazons , les
fleurs , les rochers & les eaux. Voilà une
marche ſemblable. C'eſt le même procédé ,
avec les modifications qu'occaſionne la différence
des ſujets. Boileau , dans ſon quatrième
Ghant , a pour objet la morale néceſſaire dans
les Ouvrages , & les moeurs indiſpenſables
dans les Auteurs :
Que votre âme, toujours peinte dans vos Ouvrages,'
N'offre jamais de vous que de nobles images.
Mais nous pardonnera - t'on de remarquer
comme undéfaut, que ce dernier Chant, ſoit
inconvénient du ſujet , ſoit erreur paſſagère
de cet excellent eſprit, rentre ſouvent dans
les préceptes généraux du premier , comme
le prouve ce vers :
Je vous l'ai déjà dit , aimez qu'onvous ceaſure.
M. l'Abbé de Lille , dans le quatrième
Chant de ſon Poëme , a de même pour objet
lapartie morale des jardins , c'est-à-dire , l'art
d'une relation directe entre l'homme & les
paylages. Ce complément plein de goût &
de philofophie , auquel tendent rapidement
les trois premières parties de l'Ouvrage , est
d'une exécution irréprochable. Le Poëte a pu
1
Kij
220 MERCURE
:
1
fans doute profiter de l'avantage de ſon ſujet,
'mais n'est- il pas permis de croire aufli qu'il a
pu créer lui-même cet avantage ? Lorſque
nous olons un inſtant lui donner dans ce dernier
Chant la ſupériorité ſur un grand maître
, s'il faut à toute force en demander grâce ,
ce n'eſt point aux vrais admirateurs de Boileau
, qui le ſont de tout grand Poëte , que
nous en ferons l'injure , c'eſt aux envieux de
M. l'Abbé de Lille que nous en faifons la politeffe.
Certe reffemblance de méthode que
nous avons remarquée dans l'enſemble de
ces deux Poëmes , ſe retrouve conféquemment
dans les détails , & , ce qu'il n'eſt pas
inutile d'obſerver., quelques formes de tranfitions
& de réſultats qu'on a critiquées dans
les jardins , ſont confacrées par l'exemple de
P'Art Poétique même. M. l'Abbé de Lille en
finiſſant la deſcription du bois :
:
Telle on aime d'un bois la ruſtique nobleſſe ,
paffe ainſi à un autre genre :
Le bocage moins fier avec plus de molleſſe.
Ne croit-on pas entendre Boileau qui , terminant
la defcription de l'Idylle par ce vers :
Telle eſt de ce Poëme & la force & la grâce ,
paſſe au genre de l'Élégie :
D'unton unpeuplus haut , mais pourtant ſans audace,
Laplaintive élégie,
Puiſque nous parlons des tranſitions, cet auDE
FRANCE. 221
tre écueildela poéſie deſcriptive , c'eſt le cas
d'en rappeler une qu'on peut regarder comme
un modèle , & que nous offre le Poëme des
Jardins. Le Poëte , au troiſième Chant , après
avoir parlé des fleurs & des rochers , veut
enfin donner à ſes payſages l'ornement des
eaux. Voyez ſa tranſition :
Eh bien! fi vos ſominets jadis tous dépouillés
Sont , grâce à mes leçons ,richement habillés ,
Orochers ! ouvrez- moi vos ſources fouterraines !
Et vous , fleuves, ruiſſeaux , beaux lacs , claires fontaines,
Venez , portez par-tout la vie & la fraîcheur.
Voilà un Art ſupérieur qui ôte à la férie
des tableaux tour ce qu'elle pourroit préfenterd'arbitraire.
C'eſtavecunArtégal que Boileau
, dans fon Poëme, nous mène du fimple
au fublime , c'eſt à- dire, de l'Idylle à l'Ode ,
&met entre ces deux genres le fentiment intermédiaire
de l'Élégie, & que par des nuances
toujours obfervées il donne l'épigramme
pour tranfition à la fatyre. Remarquez encore
cette contexture fi bien combinée qui
préſente, comme les deux extrémités contraftantes
de cet enchaînement, le tableau de
la vie champêtre dans l'Idylle , & dans la fatyre
le tableau de la vie civile. Seroit- ce enfin
fubtiliſer l'éloge que de voir la même adreſſe
de compofition au troiſième Chant , où le
Poëte, ayant à parler delaTragédie, de l'Épopée&
de la Comédie, évite le reproche d'une
Kij
222 MERCURE
diftribution arbitraire , en faiſant fuccéder
aux préceptes ſur les deux premiers genres
qui intéreſſent nos paſſions, des leçons ſur
ledernier qui les corrige ?
Telle paroît done devoir être la méthode
convenable au Poëme didactique. C'est ainſi
que d'une ſage ordonnance dérivent la correfpondance
dans les divifions , l'art des gradations
& des contraſtes , & les proportions
de l'enſemble. Nous avions à préſenter
l'exemple d'un plan régulier dans le genre
didactique. Notre but n'a pu être , en exa .
minant par occafion l'Art Poëtique & les
Jardins , que de les conſidérer ſous l'unique
rapport
D'un Poëme excellent , où tout marche & ſe fuit.
Si l'Eſſai fur la Nature Champêtre , par la
différence entière de ſon plan , n'étoit pas à
l'abri d'un parallèle toujours effrayant , nous
aurions évité d'amener ce rapprochement
des Ouvrages de deux grands Poëtes. Et fi ces
fortesde comparaiſons n'étoient pas quelquefois
néceſſaires , nous nous faurions mauvais
gré d'avoir retardé le plaifir de donner à beaucoup
de détails du Poëme de M. de M.... tous
les éloges qu'ils méritent. Cependant , ſoit
que la plume de la critique ait ſon invincible
influence , foit eſtime même pour le talent
diftingué de M. de Mar... , nous allons à regret
exercer un inftant notre cenſure.
Fixé par la raiſon , loin du trouble des villes ,
هخ
DE FRANCE. 223
1
1
1
Je chante l'art d'orner les champêtres aſyles ,
L'art heureux d'attacher l'homme dans tous les lieux,
En parlant à ſon âme encor plus qu'à ſes yeux.
DesAnglois créateurs , des Hollandois tranquilles ,
Des Romains faſtueux & des François mobiles ,
Je dirai les efforts en des jardins rivaux.
Si l'Auteur a voulu établir une oppoſition
dans les qualifications qu'il donne ici aux peuples
qu'il nomme , on ne voit pas pourquoi
les Hollandois ſont tranquilles & les Anglois
créateurs , conſidérés comme Artiſtes des
Jardins ; & fi M. de M. ne leur donne ces
épithètes que comme l'expreſſion de leur caractère
national , il nous ſemble qu'elles font
déplacées lorſqu'il ne s'agit que de leur goût
dans l'art d'orner la Nature. Nous croyons encore
devoir remarquer comme un défaut au
début d'un Poëme , où l'on doit éviter d'indiſpoſer
le Lecteur , le retour des mêmes rimes
à ſi peu de diſtance.
Toujours pourfa boufſole il prend le diadême.
Ce vers , qui exprime que le François ſuit
l'exemple de ſes Rois , n'a point paru l'expri
mer avec goût.
Les efforts du travail caches ſous l'apparence
De la nature libre & de la négligence ,
Yplaient d'autant plus qu'on les foupçonne mains.
Voilà les formes d'une proſe commune :
c'eſt ſur ces détails que l'art du Verſificateur
Kiv
224 MERCURE
doir exercer toute ſa magie. Nous ſommes
forcés d'avouer que ſouvent le ſtyle de l'Effai
fur la Nature Champêtre préfente le même
défaut.
Tandis que tout ſouffroit , languiſſoit ſur la terre ,
Morval dormoit en paix dans ce lieu ſolitaire ;
Sa bouche ſourioit : fans doute un fonge heureux
Retraçoit ſes bienfaits à ſon coeur généreux.
Ces quatre rimes à l'hémiſtiche , & ces
mêmes confonnances dans le cours des vers,
nuiſent beaucoup à l'harmonie. Boileau a dit:
Fuyez des mauvais fons le concours odieux.
La faute des vers qui ſuivent eſt d'un autre
genre :
Comme l'amant trompé pour charmer ſa triſteſſe,
Dans un délire heureux ſe crée une maîtreſſe ,
Pour la micax embellir lui prête des attraits
Qu'une ſeule beauté ne raſſembla jamais ;
Moderne Prométhée, un ciel ravit fa flamme,
Et de l'âme des Dieux il lui compoſe une âme.
Il eſt de trop dans la conſtruction de cette
phrafe. C'eſt une inadvertance fans doute ;
mais la langue doit être reſpectée :
Mais la voyant languir ſous des mains défaillantes ,
Accorder à regret quelques débiles plantes ,
La rivière , égarée en ſon cours vagabond ,
Couvrir, fécher les prés de ſon ſable infécond.....
DEFRANCE. 225
1
Pour que cette phrafe fût correcte , il faudroit
répéter & voyant la rivière ; on s'étonne
que M. de Mar... foit tombé dans de pareilles
fautes. Hâtons- nous de finir par avertir M. de
M.... d'un vers de réminiſcence :
Le beau ne plaît qu'autant qu'il ſe joint à l'utile.
M. de Saint- Lambert a dit , dans le beau
Poëme des Saiſons :
Le beau ne plaît qu'un jour fi le beau eft utile.
Nous laiffons à des Critiques qui crient
plus que nous, le droit d'être difficiles ,leſoin
fâcheux de citer d'autres fautes , & nous allons
faire connoître le talent poétique de
l'Auteur , en préſentant des morceaux que
d'autres Journaux n'ayent pas choifis , & en
préférant ceux qui appartiennent plus particulièrement
à l'eſprit & au coeur de M. de
Mar... Voici la deſcription d'une Église de
compagne.
Sur un tertre élevé , au fond de cette enceinte ,
Du vrai confolateur eft la demeure fainte ;
Les temples des cités , de marbre & d'or couverts ,
Ne fonedepuis longtemps que d'auguſtes déſerts.
La foibleſſe a ceffé d'y demander des armes ;
Le repentir troublé n'y verſe plus de larmes ,
Et l'homme avec ſon Dieu , dans l'oubli des vertus ,
Même par le remords ne communique plus.
Un agneau dans ſes bras , le Dieu de nos campagnes
Invite les Bergers , appelle leurs compagnes.
Kv
226 MERCURE
Venez à moi , dit-il , je ſuis le bon Pasteur ,
Venez chercher vers moi le calme & le bonheur.
Ils volent aux autels , y portent pour offrandes
Leurs naïves vertus &de fraîches guirlandes .
Pour Sélicourt au ciel ils adreſſent leurs voeux ;
Qu'il prolonge ſes jours , leurs jours ſeront heureux.
Voilà un morceau très-bien fait ; voilà des
vers harmonieux , élégans , qui expriment
des idées intéreſſantes , & qui s'enchaînent
fans contrainte; ils offrent le ton propre au
ſujet , un mélange heureux de ſentiment &
de hilofophie , & cette meſure du talent
qui dit ce qu'il faut dire ,& qui fait ne dire
que cela. L'obligation de mettre des bornes
à cet article nous empe he d'offrir beaucoup
de preuves du talent de M. de M.... ; mais
nous ne devons pas reſiſter au plaifir de citer
le morceau ſuivant , qui décèle le coeur le
plus fenibie & l'âme la plus belle. L'Auteur
ſe peint dans un village.
J'y ſens mon coeur en paix s'ouvrir à la tendreſſe.
J'y cède au ſentiment qui m'anime & me preſſe.
Je le pu's , je le dois , & fur tout je le veux.
Je ne ſongerai p'us qu'à m'entourer deheureux.
Titus demon hameau , ſon protecteur , ſon père ,
Je veux autour de moi que tout vive & proſpère.
Je veux que fur ma tombe on puiſſe écrire un jour ,
Il ſema les bienfaits & recueillit l'amour.
Le moyende répandre plus d'agrément fur
DE FRANCE. 227
;
cettediſcuſſion littéraire , eût été de comparer
avec pluieurs morceaux du Poëme des
Jardins, les morceaux correſpondans de l'Effai
fur la Nature Champêtre ; mais il y auroit eu
peu d'équité dans cette oppoſition. Si M. de
Mar... a été forcé par la nature de ſon Ouvrage
de peindre quelquefois les mêmes objets
, nous devons diffimuler le tort de ſon
fujer , c'eſt une loi que nous fait fur-tout la
redoutable ſupériorité du Poëme de M. l'Abbé
de Lille; & quelque juſtice qu'il y eût à publier
la victoire , il y a plus de généroſité à
ne pas prouver la défaite ; car , comme l'a dit
fen M. Saurin dans Spartacus :
La loi de l'Univers eſt malheur aux vaincus.
Dans l'examen que nous venons de faire
de l'Eſſai fur la Nature Champêtre , la vérité
nous a arraché des critiques ; mais auffi elle
adicté nos éloges. M. de M... avoit un but ,
il l'a pris peut être pour un plan ; il a tracé
une diviſion , il l'a priſe pour de la méthode.
Mais ſi le mérite du deſſin ne ſe fait pas fentir
dans fon Ouvrage , & ſi l'accent poérique
n'y retentit pas affez haut , du moins on y
reconnoît l'homme d'un eſprit exercé , le
Philoſophe ſenſible, l'ami des talens , de la
nature& des vertus. Aces qualites , qui ont
bien leur prix , l'Eſſai ſur la Nature Champêtre
joint ſouvent le mérite d'une imagination
poétique , &d'une verſification élégante
& facile. Ajoutons à cet éloge qu'on ne fauroit
trop conſidérer un homme du monde
K
1
226 MERCURE :
Venez à moi , dit- il , je ſuis le bon Pasteur ,
Venez chercher vers moi le calme & le bonheur.
Ils volent aux autels , y portent pour offrandes
Leurs naïves vertus & de fraîches guirlandes .
Pour Sélicourt au ciel ils adreſſent leurs voeux ;
Qu'il prolonge ſes jours , leurs jours ſcront heureux.
Voilàun morceau très-bien fait ;voilà des
vers harmonieux , élégans , qui expriment
des idées intéreſſantes , & qui s'enchaînent
fans contrainte; ils offrent le ton propre au
ſujet , un mêlange heureux de ſentiment &
de hilofophie , & cette meſure du talent
qui dit ce qu'il faut dire , & qui fait ne dire
que cela. L'obligation de mettre des bornes
à cet article nous empe he d'offrir beaucoup
de preuves du talent de M. de M.... ; mais
nous ne devons pas reſiſter au plaifir de citer
le morceau ſuivant , qui décèle le coeur le
plus fenible & l'âme la plus belle. L'Auteur
ſe peint dans un village.
J'y ſens mon coeur en paix s'ouvrir à la tendreſſe.
J'y cède au ſentiment qui m'anime & me preſſe.
Je le pu's , je le dois , & fur tout je le veux.
Je ne fongerai p'us qu'à m'entourer deheureux.
Titus de mon hameas, ſon protecteur , ſon père ,
Je veux autour de moi que tout vive & proſpère.
Je veux que fur ma tombe on puiſſe écrire un jour ,
Il ſema les bienfaits & recueillit l'amour.
Le moyende répandre plus d'agrément fur
DE FRANCE. 227
F
cettediſcuſſion littéraire , eût été de comparer
avec pluieurs morceaux du Poëme des
Jardins, les morceaux correſpondans de l'Effai
fur la Nature Champêtre; mais il y auroit eu
peu d'équité dans cette oppoſition. Si M. de
Mar... a été forcé par la nature de ſon Ouvrage
de peindre quelquefois les mêmes objets
, nous devons diffimuler le tort de ſon
ſujet , c'eſt une loi que nous fait fur-tout la
redoutable ſupériorité du Poëme de M. l'Abbé
de Lille; & quelque juſtice qu'il y eût à publier
la victoire , il y a plus de générofité à
ne pas prouver la défaite; car , comme l'a dit
fenM. Saurin dans Spartacus :
La loi de l'Univers eſt malheur aux vaincus.
Dans l'examen que nous venons de faire
de l'Eſſai fur la Nature Champêtre , la vérité
nous a arraché des critiques ; mais auffi elle
adicté nos éloges. M. de M... avoit un but ,
il l'a pris peut être pour un plan ; il a tracé
une diviſion , il l'a priſe pour de la méthode.
Mais ſi le mérite du deſſin ne ſe fait pas fentirdans
fon Ouvrage , & ſi l'accent poérique
n'y retentit pas affez haut , du moins on y
reconnoît l'homme d'un eſprit exercé , le
Philoſophe ſenſible, l'ami des talens , de la
nature& des vertus. Aces qualites , qui ont
bien leur prix , l'Eſſai ſur la Nature Champêtre
joint ſouvent le mérite d'une imagination
poétique , &d'une verfification élégante
& facile. Ajoutons à cet éloge qu'on ne fauroit
trop conſidérer un homme du monde
1
Kvj
228 MERCURE
qui conſacre ſes talens à chanter ſes jouiffances
, & dont les jouiſſances font de rendre
heureux fes vallatux. N'oublions pas enfin de
rappeler que M. de Mar... eſt le premier à
placer l'Auteur du Poëme des Jardins au rang
qui lui eſt dû ; & que , comme il le dit luiméme
: Il n'a point la preſomption d'eſpérer
qu'on le regardera commefon rival.
Voilà le vrai mérite , il parle avec candeur ;
L'envie eſt à ſes pieds , la paix eſt dans ſon coeur.
VOLT.
( Cet Article eft de M. de Boisjolin. )
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
L'ABONDANCE des matières ne nous a pas
permis de rendre compte dans le dernier
Nº. de la première repréſentation du Roi
Théodore à Venise, Opéra Héroï - Comique
en trois Actes , parodié par M. Moline ſur la
mufique de M. Paiſiello. Cet Ouvrage a réuſſi
médiocrement& ne pouvoit pas réuffir davantage,
malgré les beautés innombrables dont
cette muſique étincelle , & qui ont été vivement
ſenties ailleurs. Cedéfaut de ſuccèsdoit
être attribué à pluſieurs cauſes , indépendantes
même du peu de foin avec lequel
l'Opéra eſt parodié.
DE FRANCE. 229
!
On a dit dans quelques Journaux que le
Roi Théodore avoit été repreſenté d'abord
en Italie , qu'il y avoit été peu goûté , & qu'il
n'avoit pleine ment réufſi qu'à Vienne . Cela
n'eſt pas exact. M. Paiſiello paſſant par Vienne
après avoir quitré la Cour de Pétersbourg
pour s'en retourner à Naples , y fut arrêté
par un Souverain , qui fait allier l'amour des
Arts avec les occupations les plus ſérieuſes.
Ce Prince chargea un homme de beaucoup
d'eſprit de faire un Poëme Italien , que M.
Paiſiello devoit mettre en muſique , & lui
donna lui-même pour ſujet lefouper des fix
Rois , dans Candide. Il fut repréſenté d'abord
à Vienne avec un ſuccès prodigieux , & de- là
dans plufieurs villes d'Italie , & même à Rome
& à Naples .
Les règles de l'Art Dramatique fur lef
quelles nous ſommes ſi ſévères , mais que les
autres Nations négligent , ne font pas fort
reſpectées dans l'Ouvrage de M. FAbbé Cafti;
mais le dialogue en eſt plein d'eſprit , de
fineffe & de gaîté. C'eſt certainement une
fituation piquante que celle d'un aventurier
qui , après s'être fait nommer Roi par une
troupe de bandits , ſe voit tout à coup reduït
au fort qu'il mérite , & qui étale en mémesemps
le contraſte des inclinations bades
qu'il doit à ton éducation & à ſa naiſſance ,
avec l'orgueil du rang Souverain dont il a joui
un moment , & qu'il voudroit conferver . Il
faudroit live le dialogue original pour favoir
comment M. P'Abbé. Cafli a tire parti de
230 MERCURE
cette idée. Nous ne pouvons que ſuivre la
marche du Traducteur .
Théodore , chaffe de Corſe , après y avoir
eu le titre de Roi , ſe trouve dans une auberge
de Veniſe, ſous le nom du Comte Albert
, dénué de ſecours & noyé de dettes. Il
a pour confident & pour compagnon Gafforio
, qui a pris le nom de Garbole , tous
deux craignent d'être arrêtés à chaque inftant.
Cette inquiétude n'empêche pas Theodore
de devenir amoureux de Lifette , fiile de
l'Aubergiſte ; mais cette Lifetre eſt amou
reuſe de Sandrin , Capitaine d'un Vaiffeau
Marchand. L'Aubergiſte Taddee , qui depuis
quelque temps nourrit les deux étrangers fans
en recevoir une obole , preſente à la fin fon
mémoire. Il eſt fort mal reçu. Cependant en
écoutant aux portes , il entend Gafforio donner
le titre de Roi à Théodore ; il en parle à
ce Confident , qui, ſe voyant découvert, ſonge
à tirer parti de la circonftance & de l'amour
defonMaître pour obtenir quelques fecours.
Il perfuade à Taddée qu'en effet fon Maître
eft Roi de Corſe; il le lui prouve même par
l'inſpection de pluſieurs diplômes , & lui
promet que Théodore le fera Général de fes
Armées , & mettra fa fille ſur le Trône; feulement
il lui demande quelques avances en
argent.
Pendant ce temps Achmer , Empereur des
Turcs , détrőné par fon frère , eſt venu paſſer
le Carnaval à Veniſe. Il y devient amoureux
d'une certaine Belife, qui ſe trouve foeur de
DE FRANCE. 23
Théodore , & qui eſt là on ne fait comment.
Sandrin reconnoît Achmet, qu'il avu àConftantinople
; il s'intéreſſe à ſon amour pour
Bélife; & dans une Scène qu'il a avec elle ,
&où il lui parle en faveur du Sultan détrôné,
il eſt écouté par Liſette , qui le croit amoureux
pour fon compte ,& projette de ſe venger
de ſon infidélité. Ce motif, & l'éclat de
la Couronne qui lui eſt offerte , lui font accepter
la propoſition de Théodore , & en
conféquence Sandrin eſt éconduit. Celui- ci ,
pour ſe venger à fon tour , ſe fait paſſer une
lettre de-change de joo ducats fur Theodore;
&comme elle eſt échue , & qu'il ne peut la
payer , il le fait arrêter. Au milien de cet
imbroglio les deux amanss'expliquent. Theodore,
plus jaloux de ſa liberté que de ſa maîtreſſe,
ſe croit trop heureux de retrouver
-P'une en perdant l'autre,&la lettre eft acquitrée
aumoyend'une bague donnée par Achmet
à Bélife , par Féliſe à ſon fère Théodore
parThéodore à Lifette ,& que celle-ci donne
àSandrin, en le prenant pour époux. Taddée ,
également dégoûté des grandeurs , renonce
au Généralat , revient à ſon hôtellerie , &
marie ſa fille au Capitaine de Vaiſſeau.
6
Nous ne dirons rien de l'irrégularité de ce
canevas , que le Traducteur n'étoit guère
maître de changer ; mais il l'étoit davantage
de ſoigner un peu plus ſon ſtyle. M. Moline
a demandé de l'indulgence , & certainement
fon entrepriſe en mérite; mais comme cette
indulgence a des bornes , ſa négligence auroit
232 MERCURE
:
dû en avoir auſſi. On fait que les entraves de
la parodje ne permettent pas à un Poëte un
choix d'expreſſions bien rigoureux ; qu'il eſt
ſouvent forcé de ſacrifier enpartie l'élégance
de la langue aux formes de la muſique ; qu'aftreint
à fuivre la penſée de l'Auteur , &furtout
celle du Muſicien , on doit lui pardonner
de la foibleſſe , & même quelques incorrections
légères. Mais cette condefcendance
ne s'étend pas juſqu'à lui permettre de violer
de la manière la plus formelle toutes les loix
de la langue & de la verſification. Elle feroit
mêine dangereuſe , en ce qu'elle acheveroit
de répandre le plus profond mépris ſur les
paroles des Ouvrages Lyriques , & M. Moline
, qui s'eſt diſtingué dans ce genre , eft
plus intéreſſe qu'un autre à éviter ce danger.
Ce n'est pas ainſi qu'il a écrit l'Opéra d'Orphée,
qu'il auroit dû prendre pour modèle.-
Le ſtyle de cet Ouvrage eſt le point juſte
qu'il falloit atteindre , & le Traducteur ne
devoit pas refter au-deſſous. En lifant Orphée
& Théodore , on ne peut concevoir que ces
deux Ouvrages ſoient de la même main , &
les fautes du dernier ſont d'autant plus reprochables
, qu'on les retrouve même dans le
récit , & juſques dans l'Épître Dédicatoire ,
qui ne font pas parodiés ; & que dans lesairs ,
loin d'être autoriſées par la muſique , la plupart
ne fervent qu'à la déformer& à détruire
-la grâce du chant.
Ce qu'on peut croire en faveur de M. Mo-
-line , c'eſt qu'il n'avoit pas d'abord deſtiné cet
DE FRANCE.
233
Ouvrage à l'Opéra , puiſqu'il l'a fait graver
avec un ſimple dialogue , & que l'écrivant
pour ſon ſeul amusement, il s'y eft permis
des négligences , une incorrection dont il ſe
feroit abſtenu , s'il eût cru le voir un jour fur
la Scène Lyrique.
Nous infifterions moins fur ces défauts ,
s'il s'agiffoit d'un Ouvrage ordinaire; mais le
Public, qui ne juge que fur ce qu'il voit , n'eſt
que trop diſpoſé à croire qu'une bonne Parodie
eſt un Ouvrage impoflible. Les difficultés
qu'offre ce genre , & dont on peut
triompher avec du travail , lui paroiffent in-
Surmontables , parce qu'elles font rarement
furmontées. On a trop oublié que la Servante
Maîtreffe , parodiée par Beaurans , & pluſieurs
Ouvrages de M. Favart , ajuſtés avec
encore plus de talent & d'intelligence , fuifoient
grand plaisir à côté même des originaux.
On a trop oublié qu'Orphee & qu'Alceſte
ne fontque des Parodies ,& l'on accuſe
ce genre lui-même de ce qui ne vient que
de la négligence des Traducteurs .
Ce n'eſt pas- là cependant ce qui a nui le
plus au ſuccès du Roi Théodore. Jamais le
genre burleſque (& cette Pièce , malgré fon
titre , n'est pas autre choſe ) ne pourra ſe ſoutenir
ſur le grand Theître de l'Opéra. Les
Ballets font néceffaires fur ce Theatre ,
fur tout dans les Ouvrages qui ne font pas
d'un grand intérêt,& les Bailers naison tdjours
à une fuite de morceaux auffi étendus
que le font les morceaux Italiens. Le récitarif
:
}
234 MERCURE
far-tout eſt l'ennemi mortel de la gaîté dans
le dialogue , & c'eſt la gaîté du dialogue qui
fait le plus grand mérite de ces Drames.
On objectera peut - être que ces mêmes
Drames Italiens ſont en récitatif comme les
nôtres , & que cependant ils ſont très-plaifans.
Mais quelle différence dans la manière
de le dire ! Nos Acteurs chantent perpétuellement
,&les bons Bouffons Italiens ont toujours
l'air de parler. L'exécution de nos Acteurs
, non-feulement dans le récitatif, mais
même dans les airs ,&fur-tout dans les morceaux
d'enſemble , eſt donc encore une des
cauſes qui empêchera toujours ce genre de
réuſſir à l'Opéra. M. Lays joue certainement
le rôle de Taddée avec beaucoup de comique
&de gaîté ; mais il n'a pas encore ce qui
convient à cette muſique , & nous ne prétendons
pas lui en faire un reproche. Si M.
Lays & les autres Acteurs de l'Académie
Royale de Muſique poſſédoient mieux l'efpèce
de caricature qu'exigent les bouffonneries
Italiennes , ils feroient moins propres
à leurs autres rôles , & nous y aurions plus à
perdre qu'à gagner. Il y a une certaine dignité
attachée à la forme vaſte & noble de
ce Théâtre , peut être auſſi à l'habitude , &
àlaquelle on ne peut renoncer ſans danger.
Ondoitſavoirgréàl'Académie royale d'eſſayer
de laMuſique Italienne , mais ce n'eſt pas fur
desDramesBouffons qu'elle doit faire cet effai.
Qu'elle choififfe des Ouvrages dans le genre
galant& agréable , où les Ballets , les Choeurs,
DE FRANCE. 235
la magnificence du Spectacle ſoient mieux
placés , cette muſique alors paroiſſant avec
tous ſes charmes , elle pourra efpérer des
ſuccès. Qu'elle laiſſe les Draines Bouffons au
Théâtre où l'on eſt dans l'habitude de les rendre,
& qu'elle ceſſe de lui interdire un genre
dontelle ne peut elle- même tirer aucun parti.
Le ſuccès prodigieux du Roi Théodore à
Fontainebleau , à Verſailles , a ébloui l'Académie.
Elle a cru que cette muſique devoit
réuffir de même, ſous quelque forme qu'elle
'fût préſentée; ellea cru que la muſique étoit
tout; que le ſujet , que l'arrangement des
paroles n'étoit rien , & c'eſt en cela qu'elle
s'eſt trompée.Dans le Théodore deVerſailles ,
commedans celui de Paris , l'accent muſical
& la profodie ſont ſouvent bleſſés d'une manière
pénible ; mais celui de Verſailles
malgré les critiques qu'on en a faites , eſt
mieux écrit ; il eſt ſur-tout mieux arrangé ,
puiſqu'il eſt en ſimple dialogue , & par conſéquent
il a été mieux exécuté.C'eſt ce qui l'a
fait réuffir , & c'eſt la privation de cet avantage
qui , ſur le Théâtre de l'Académie
Royale de Muſique,doit empêcher ſon ſuccès.
Au ſurplus , cette expérience doit éclairer
l'Adminiſtration ſur la différence des genres
dans la muſique Italienne , & lui faire diſtinguer
celui qu'elle peut choifir de celui qu'elle
doit abandonner.
Malgré le peu d'effet qu'a produit à l'Opéra
le Roi Théodore , il y a quelques morceaux
dont la beauté ſupérieure atriomphe de tous
236 MERCURE
les obstacles , & qui ont été vivement ſentis.
Tels que l'air : Sur l'élément perfide ; celui ,
O ciel ma fille; lefinal du premier Acte ;
Fair du ſecond Acte: Par honneur perdre la
vie , parfaitement chanté par M. Lays , &c.;
mais il en eſt un plus grand nombre qui,
quoique fort beaux , ont manqué tout leur
efft , ſoit parce que les mouvemens en ſont
akeres , parce qu'ils ne conviennent point
aux voix qui les exécutent , ou enfin parce que
les paroles Françoiſes en ont changé totalement
, & changé l'expreſſion L'air : Filles
charmantes , au premier Acte , eft d'un chant
délicieux dans l'original. Celui : quel embarras
pour Taddée, eſt aufli fort beau ; mais il eft.
trop bas pour M. Lays , & il y a dans les pa-,
roles Italiennes unecaricature que nerendent,
point les paroles Françoiſes . Nous ne devinons
pas pourquoi le morceau : Croyez tous
ces titres,& fur tout letrait qui le termine ,
ingénieuſement répété tout le long de l'Ouvrage
, & qui a tant fait d'effet à Verſailles ,
n'en fait point du tout à Paris. Tous les airs
chantés par Mile Gavaudan cadette , font
d'unmouvement trop rallenti. Le quatuor du
fecond Acte perd auſſi beaucoup de fon prix
par l'exécution. Le choeur des Gondoliersferoit
beaucoup plus joli s'il étoit mené moins
vîte. Mais c'eſt fur- toutle morceau du fonge,
au troiſième Acte , que toutes ces cauſes reunies
ſemblent avoir anéanti , & cependant
nous ne craignons pas de dire que c'eſt le plus
beau morceau de l'Ouvrage, ilne lui manque
DE FRANCE.
237
2
que d'être parodié , chanté , exécuté dans le
ſtyle qui lui convient.
M. Chardini a fait avec beaucoup d'intelligence
le récitatifde cette Pièce , il y a joint
de courtes cavatines qui ne déparent point le
chantde Paifiëllo. M. Lays rend fon rôle auf
bien qu'il eſt poſſible fans compromettre ſon
talent; Mlle Joinville mérite aufli d'être diftingué.
Les décorations font d'un bel effet ;
mais le coftumeEſpagnol donné aux Acteurs
eft ridicule.
: Nous ne dirons qu'un mot ſur les Ballets ,
parce qu'ils font pour cette fois étrangers à
notre objet. Ils font très-bien compoſes , &
parfaitement exécutés par les premiers Sujets
de ladanſe. On trouve dans l'un l'air des Folies
d'eſpagne , arrangé à deux mouvemens
d'une manière très-ingénieuſe. Il eſt beaucoup
plus applaudi que tous les airs de Théodore.
L'autre offre une lutte infiniment intéreflante
entre Miles Saulnier & Roſe , Mme
Pérignon & Mile Langlois , MM. Gardel &
Veſtris. Avec de pareils Ballets il n'y a point
d'Ouvrage qu'on ne ſoutienne , & ils ſoutiendront
celui- ci. Mais il eſt triſte que la mufique
de Paiſiello ait beſoin de cette reffource...
*
238 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
Les grandes Prophéties du grand Nostradamus
Sur legrandSallon de Peinture, de l'andegrace 1787 ,
contenant des Prédictions en vers & en proſe ſur les
Tableaux qui ſont expoſés au Sallon , & fur les critiques
qui paroîtront cette année , le tout dicté par le
Prophète à Jean Lait-par Mil , mis en ordre & en
langage moderne par le même, Brochure de
44 pages. Prix , I liv. 4 ſols. A Paris, chez les
Marchands de Nouveautés.
Le cadre de cette Brochure , affez expliqué par
le titre même, eſt piquant. Tous les Artiſtes ne
ſeront pas contens de l'Auteur ; mais l'Ouvrage.annonce
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être utiles aux Arts.
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nunc verò rursum emendatæ , ac pluſquam quater
mille verficulis auctx , curâ & ſtudio Balthazaris
Tourniaire , Presbyteri Siſtaricenſis , & in Ecclefia
Bellocarenſi Beneficiati. Editio noviffima , amplilfima
, & cum ipſo Bibliorum textu verbo ad verbum
collata. In- quarto , Tomi duo. Avenione , Typis
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plateam S. Deſiderii . M. DCC. LXXXVI. Superiorum
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retardée que par les précautions qu'on a priſes pour
la rendre plus exacte. Elle fait honneur aux Preſſics
d'où elle fort , & mérite l'accueil du Public. Cet Ouvrage
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J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux,le
Mercure de France , pour le Samedi 29 Sept. 1987. Je n'y
zi men trorvé qui puiffe en empêcher l'impreffion.A
Paris , le 28 Sept. 1987. RAULIN.
a

JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 12 Septembre.
Lao Premier de
E ſieur Starck , premier Prédicateur de
la
Confiftoire , a intenté un procès aux Editeurs
du Journal de Berlin , qui l'avoient
accuſé d'être membre d'une Société ſecrette
dont les principes s'écartent entierement de
ceux de l'Eglife Proteftante. Ce procès a été
jugé le 16 Août. Le ſieur Starc a été débouté
de ſa plainte- en diffamation , & con
damné à tous les dépens .
L'on a expédié les ordres néceſſaires pour
les manoeuvres d'Automne qui auront lieu
ſelon l'uſage , près de Poizdam , où S. M.
le trouve actuellement.
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fur 1 Ouvrage.
Les talens ſupérieurs de M. Krumpholtz comme
Exécutant & comme Compositeur , & la connoiffance
parfaite qu'il a de cet Inſtrument , doivent
inſpirer l'idée la plus favorable de cette Collection..
IMPROMPTU,
TABLE.
Afpafie, Cantate ,
Cou let à Mme de...
193pold, 199
194 Effai fur la Nature Champê-
196 tre , 209
Charade, Enigme & Logo Académie Roy. de Muft. 228
gryphe , 197 Annonces & Notices , 1238
Odefur la mort du Duc Léo-
1
APPROBATION.
7
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux,le
Mercure de Frances pour le Samedi 29 Sept. 1987. Je n'y
zi men trouvé qui puitſe en empêcher l'impreſion. A
Paris, le 28 Sept. 1987. RAULIN.
a
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 12 Septembre.
IE ſieur Starck , premier Prédicateur de
la Cour de Darmstadt , & Conſeiller du
Confiftoire , a intenté un procès aux Editeurs
du Journal de Berlin , qui l'avoient
accuſé d'être membre d'une Société ſecrette
dont les principes s'écartent entierement de
ceux de l'Eglife Proceſtanre. Ce procès a été
jugé le 16 Août. Le feur Starc a été débouté
de ſa plainte- en diffamation , & con
damné à tous les dépens.
L'on a expédié les ordres néceſſaires pour
les manoeuvres d'Automne qui auront lieu
ſelon l'uſage , près de Poizdam , où S. M.
le trouve actuellement.
N°. 39 , 30 Septembre 1787. i
( 194 )
+
Ona fupprimé en Siléſie l'Inſtitut d'éducation
régi par les Jéfuites. On en conſerve
ſeulement le nombre néceſſaire aux Ecoles .
15,000 rixdalers des fonds de cet établiſſement
paffent à l'Univerſité de Halle , & une
gale ſomme à l'Univerſité de Francfort fur
l'Oder. On a vendu pour 300,000 rixdalers
la Seigneurie de Wartenberg qui appartenoit
aux Jésuites , dont on payera les dettes.
Le reſte de leurs biens ſera adminiſtré par le
Miniſtre dirigeant de la Province.
De Vienne , le 13 Septembre.
Les premiers jours de ce mois , on a envoié
des estafettes à tous les Commandans
des places frontieres de la Hongrie , de la
Tranſylvanie & de la Gallicie , pour les
avertirde ſe mettre à l'abri de toute inſulte.
Les dernieres nouvelles de Conftantinople
ont entierement confirmé la vigoureuſe réſolution
qu'a priſe la Porte, les démarches
inutiles de notre Internonce & de l'Ambaffadeur
de France , pour faire relâcher M. de
Bulgakof, & les meſures priſes par les Ottomans
pour commencer la guerre avec activité.
Les demandes de la Ruſſie re'atives
à Oczakof, à l'établiſſement de ſes Confuls ,
à l'indépendance de la Georgie , l'aſyle accordé
au traître Hoſpodar de Moldavie ,
Mauro Cordato , aujourd hui réfugié ſur les
terres de l'Impératrice , la révolte du Pacha
de Scutari , foutenu, dit on, par des émif
( 193 )
faires étrangers , ont décidé la Porte à un
retour férieux ſur ſa ſituation. En conféquence
donc de ces prétentions continuel
les , qu'elle appelle des hoftilités , elle avoit
fait déclarer à la Cour de Pétersbourg , que
prête à obſerver religieuſement toutes les
conditions duTraité de Kaidnargi , elle regardoit
l'ufurpation de la Crimée & tout ce
qui s'eſt enſuivi , comme abſolument nuls.
M. de Bulgakof ayant été invité à Agner
cette révocation , ſur ſon refus , on l'a prié
de fe rendre aux Sent-Tours , ſuivant l'uſage;
carlesOttomans, répétons-le, n'envoiant
jamais d'Ambaſſadeurs ordinaires , ce qu'on
appelle le Droit des Gens , qui eſt un droit de
réciprocité , n'existe pas pour eux .
Les trois efcadres qu'ils ont envoiées
dans la mer Noire , ſont compoſées de 80
vaiſſeaux de guerre; on compte trois cents
mille hommes ſur les différentes frontieres :
le Grand- Viſir fait préparer ſes équipages
de campagne.
La Gazette de la Cour vient de publier
le Réglement ſuivant , concernant le Pavil-
Ion Autrichien .
1º. La permiſſion de ſe ſervir du pavillon Aud
trichien ne ſera donnée qu'aux Sujets des Etats
héréditaires propriétaires de bâtimens. ,
2º. On réputera , relativement à la conceffion
du pavillon , comme Sujets Autrichiens , ceux
qui ſont nés dans les Etats héréditaires , ceux
qui par un ſéjour de dix années dans ces Etats ,
ont acquis la qualité de Sujet , & qui s'y font
12
( 196 )
établis avec leur famille & biens , & qui ont
obtenu des lettres de naturaliſation .
3°. Les Sujets naturaliſés , qui veulent obtenir
le pavillon Autrichien , doivent être , ou des
Négocians , faiſant pour leur propre compte , &
fans aucun ſecours étranger , le commerce en
gros dans les Etats héréditaires , ou domiciliés
dans ces Etats avec leur famille , & ayant un
fonds de 5000 florins , ou enfin , domiciliés avec
un fonds de 10,000 florins , lorſqu'ils n'auront
point de famille.
4°. Les propriétaires de bâtimens , Sujets des
Etats héréditaires , peuvent céder à d'autres Sujets
de ces mêmes Etats des parts de propriété ;
cette ceſſion ne pourra jamais avoir lieu en faveur
desEtrangers.
5°. S'il arrivoit qu'on prouvât que des Etrangers
participent à la propriété d'aucun bâtiment,
le bâtiment ſera confiíqué & le propriétaire
condamné en outre en une amende de mille ducats
d'or.
* 6°. La même amende ſera encourue par celui
des propriétaires de bâtiment qui auroit prété
fon nom & fa patente àun Etranger.
7°. Celui qui dénoncera la contravention aura
la moitié de l'amende.
:8°. Le bâtiment , pour lequel on demandera
une patente de pavillon , ſera conſtruit , acheré ,
armé & équipé , ſoit dans un des ports des Etats
héréditaires , ſoit dans un de ceux des Puiſſances
qui feront en paix avec la Porte-Ottomane & les
Régences Barbareſques. On déclarera toutes ces
circonstances aux Confuls Impériaux dans les
ports étrangers , leſquels les vérifieront & enverront
le bâtiment immédiatement à Trieſte ou à
Fiume. L'équipage de ces bâtimens doit être
compoſé au moins moitié de Sujets des Etats
héréditaires.
( 197 )
De Francfort , le 16 Septembre.
Le mariage prochain du Prince Antoine ,
fiere,de l'Electeur de Saxe avec l'Archiducheſſe
Théreſe , fille aînée du Grand-Duc de
Toſcane , a été publié le 12 à la Cour de
Dreſde. Cette Princeſſe partira de Florence
le 10 de ce mois , & eſt attendue à Dreſde
vers le milieu d'Octobre .
On écrit de Vienne que la groſſe artille-
Tie, que l'on vouloit tirer de la Bohême , y
reſtera. Les deux régimens Hongrois & les
Waraſdins , qui s'étoient avancés juſqu'à
Klagenfurt , ont reçu ordre de s'y arrêter ;
les derniers , dit on . retourneront dans la
Croatie. Cinq Régimens Allemands ſe rendront
dans les Pays - Bas avec l'artillerie de
campagne.
Suivant d'autres lettres , une partie des
troupes Impériales en marche vers les Pays-
Bas , retourneront dans l'intérieur des Erats
de S. M. I. , & l'on tirera un cordon ſur les
frontieres des Provinces Ottomannes.
Une partie du Corps de l'Artillerie Impériale
a paſſé le 29 Août ſur le territoire de
Baviere. Les autres Régimens à cette date
étoient encore dans le quartier de l'Inn où
ils attendoient des ordres ultérieurs. Les
15,000 hommes campés aux environs de
Braunau ont prodigieuſement fait renchérir
lesvivres.
13
( 198 )
De Souabe 0 1 apprend que les Régimens
de l'Empereur, qui devoient ſe rendre du
Tyrol par le Cercle de Souabe , ont reçu
l'ordre de faire halte juſqu'à nouvel ordre.
Le régiment de Neugebauer , parti d'Infpruck
le 15 Acût , étoit le 8 de ce mois à
Bregenz & à Tettnang , & celui d'Alton
entre Bregenz &Bludenz .
On continue dans la Baviere les pourſuites
les plus rigoureuſes contre la Société des
Illuminés. Un ordre de l'Electeur , du 16
Août , porte que les recruteurs de ces aſſociations
feront pourſuivis criminellement ,
&punis de mort ſans distinction de perfonnes
&d'état; les Aggrégés perdront leurs
biens , & feront chafies des Erats de l'Elec
teur.
ESPAGNE.
r
De Madrid, le 3 Septembre.
Lanuit du 23 au 24 d'Aqût , il est tombé
une fi grande quantité de grêle de la plus
groſſe efpece , que tous les carreaux du Palais&
tous ceux des maiſons de la ville
expoſées au levant & au midi ont éré caffés
Le dommage du Palais eſt évalué à douze
mille piaſtres , & celui des autres édifices à
plus de 2 millions de réaux. Le même orage
s'eſt fait reſſentir au Retiro & au Fardo ,
&adétruit une immenfité de gibier de tou
teeſpece.
Ce n'est que le 24 du même mois , que
( 1991
le Comte de Fernand Nungnez eſt parti
pour Paris.
On aſſure qu'il va s'établir un Comité de
guerre , compofé d'Officiers- généraux. Les
délibérés feront préſentés au Roi , & les
ordres de S. M. donnés enſuite ſur les objets
de cette partie de l'Adminiſtration at
Miniſtre de ce département.
On apprend d'Alicante , du 23 , qu'il y
eſt arrivé un batiment Eſpagnol , venant
d'Alger , avec des dépêches pour la Cour ;
que la peſte y a ceſſé depuis un mois , qu'il
n'entre plus de ma'ades aux Hôpitaux , que
toutes les tentes font ouvertes , & que le
Dey a permis à tous les chebecs & galiotes
de fortir du port , avec des Patentes deſanté.
On écrit de Pedro Bernardo , petite ville
du dioceſe d'Avila , dans la Caſtil'e vieille ,
du 14 Août , que Don Jofeph Sanchez
Gallardo , Médecin de cette ville , a fait
inoculer avec le plus grand ſuccès 223 perſonnes
des deux ſexes & de différens âges ,
dontil n'en apéri aucune , & dont pluſieurs
n'ont ſeulement pas gardé le lit, tan lis que
dans le nombre de ceux qui ont eu naturellement
la petite vérole , il en eſt mort
trente-cinq.
Du Hau 17 de
ports de Cadix & de S. André , 5 frégates ,
une fayque , un brigantin&un paquebot ,
venant de la Havane , Vera- Cruz , Callao &
Campêche , avec 735,009 piastres fortes ,
cemois , il eſt entré aux
1
i 4
( 200 ) 二
&plus de 500,000 piaſtres en argent ou
vre ou autres effets.
Le 30 du mois paſſé, l'Envoié du Grand-
Seigneur , qui avoit débarqué à Barcelone ,
a pris par terre & par Valence la route de
Madrid. L'équipage de S. E. eſt compofé
de 4 carroffes, 4 chaiſes , 20 charriots .
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 18 Septembre.
Hier , 15 de ce mois , eſt arrivé un courrier
du Chevalier Harris ,notre Ambaſſadeur
à la Haie , avec la nouvelle cerraine , que
les troupes Prufſiennes étoient entrées ſur le
territoire de la Hollande. Dimanche dernier
le Gouvernement avoit également reçu de
Paris des dépêches de M. Eden , relatives
encore aux troubles de Hollande. En conſéquence
, on a expédié ſur le champ des
dépêches aux Membres du Conſeil qui
ſe trouvoient abſens , à M. Dundas , en
Ecoffe, à M. Rofe, Secrétaire de la Tréforerie
, &c. , pour les prévenir de ſe rendre immédiatement
à Londres. Les fonds ont baifſé
hier d'un & demi pour cent.
Le Major-Général Meadows , que la Compagnie
des Indes a nommé Gouverneur de
Bombay , avec des appointemens très- conſidérables
, va partir inceſſamment pour fa
deſtination , fur un paquebot qui doit porter
des dépêches à Mylord Cornwallis.
:
ام
( 201 )
Les ouvriers de nos chantiers redoublent
'de travail & d'activité. A Chatam , on preffe
la conſtruction du Royal- George & de la
Reine Charlotte , de 110 can. Le Leviathan ,
de 74 can. , fera lancé la ſemaine prochaine;
le Sandwich , de 90 can. , la Vengeance , le
Monarque & le Marlborough , de 74 can . ,
font en réparation.
FRANCE.
De Versailles , le 19 Septembre .
Le Comte de Vergennes , que le Roi a
nommé fon Miniſtre plénipotentiaire près
l'Electeur de Treves , a eu , le 16 , l'honneur
de faire ſes remerciemens à Sa Majesté , lui
étant préſenté par le Comte de Montmorin ,
Miniſtre & Sec éraire d'Etat , ayant le département
des Affaires étrangeres. Il a auffi
eu , en cette qualité , l'honneur de faire fes
révérences à la Reine & à la Famille royale.
Leurs Majestés & la Famille Royale ont
ſigné , le 16 de ce mois, le contrat de mariage
du Marquis de la Pommeraye de Berville
, Capitaine de Cavalerie , Ecuyer du
Roi , avec demoiselle de Combray.
Le Comte de Saint- Priest , Ambaſſadeur
du Roi prés les Etats généraux des Provinces
unies , a eu , le 16 de ce mois , l'honneur
de prendre congé de Sa Majeſté , pour
ſe rendre à ſa deſtination , étant préſenté par
le Comte de Montmorin , Miniſtre & Seis
( 202 )
crétaire d'Etat , ayant le département des
Affaires étrangeres .
De Paris, le 12 Septembre...
Le 21 Septembre 1787 M. le Premier
Préſident du Parlement de Paris a prononcé
le Difcours ſuivant devant S. M. , à l'occaſion
de l'Edit qu'on lia plus bas , enregiftré
au Parlement.
SIRE ,
VOTRE MAJESTÉ vient de donner à ſes peuples
une preuve bien ſignalée de fon amour
poureux& de ſa juſtice. Héritier du fceptre &des
vertus de Charles V , vous ferez compté , Sire ,
parmi les plus ſages d'entre les Rois. Votre
Parlement , empreſſé de concourir aux vues
bienfaiſantes de Votre Majesté , ſenſiblement
touché de l'afſurance que vous daignez lui donner
par vore Edit , qu'il n'est pas de moyen
que Votre Majesté ne ſoit diſpoſée à employer
lorſqu'il pousra tendre au bonheur & au foulagement
de ſes peuples , a ordonné l'enregiſtrement
de l'Edit , & m'a chargé , par la même
délibération , de porter aux pieds du Taône de
Votre Majesté l'hommage de la reconnoiſſance
publique , de ſon profond reſpect & de ſa fidén
ité inaltérable.
RÉPONSE DU ROI.
Je ſuis ſa isfait des marques de fidélité &
d'obéiſſance que mon Parlement vient de me
Donner ; je compte qu'il s'empreſſera toujours
de concourir à mes vues pour le bonheur de
mes peuples , & de mériter ma confiance.
( 203 )
Edit du Roi , donné à Verſailles au mois
de Septembre 1787, regiſtré en Parlement
le 19 Septembre audit an , par lequel S. M.
révoque tant celui du mois d'Août dernier ,.
portant fuppreffion des Deux Vingtiemes
& établiſſement d'une Subvention territoria'e
, que la Déclaration du 4 du même
mois , concernant leTimbre , & proroge le
Second Vingtieme pendant les années 1791
& 1792 .
Louis , &c. Pénétré de l'importance d'apporter
le plus prompt remede au déficit qui
s'eſt trouvé dans nos finances , nous avions , d'après
les obſervations des Notables de notre
Royaume , adopté deux moyens qui , avec les
retranchemens & bonifications que nous avions
projettés , nous avoient paru néceffaires pour
le remp'ir.
Mais , par l'examen approfondi que nous fai--
fons journellement de l'état & de la nature de
nos revenus , nous avons reconnu queleur affiett:e
& leur perception ſont ſuſceptibles de changemens
propres a opérer de grandes améliorations
& qu'en particulier la converſion de la gabelle
, dont nous ne ceſſons de nous occuper
Je reculement des Traites & pluſieurs autres objets
ſemblables, fur lesquels nous nous propofons
de porter de grandes réformes , doiveng
amener un ordre nouveau & produire dans nos
finances la révolution defirée depuis long-tems ,
qui eſt la véritable reſſource que nous ne ceſſerons
de nous propoſer , puiſqu'elle peut &doir
accroître nos revenus , ſans être à charge à nos
Peupics.
Dans ces circonstances , nous avons perfe
16
( 204 )
que, fi les beſoins actuels exigeoient un ſecours
preffant , il y auroit peut- être de l'inconvénient
à le chercherdans un nouveau droit ,
qu'il pourroit étre enfuite de notre ſageſſe de
fupprimer , & même à fixer , à une ſomme
préciſe , l'impoſition ſur les terres , dont le moncant
feroit mieux déterminé , d'après l'enſemble
& le produit des autres impoſitions .
Nous avons donc jugé à propos , proviſoirement
ſeulement , & en attendant que nous ſoyions
en état d'adopter un plan définitif , d'après les
recherches que nous avons ordonnées , tant fur
nos revenus , que ſur la dépenſe des différens
départemens , de chercher principalement & pour
un tems determiné , dans la perception des
Vingtièmes , la reſſource extraordinaire qu'il eft
indiſpenſable de nous procurer.
Nous avons calculé que leur perception , jointe
aux économies .& bonifications , & aux autres
moyens que nous avons employés & que nous
emploierons , & dont le réſultat paſſera nos premieres
eſpérances , pourroient fuffire aux beſoins
actue's , & nous comptons que cette même perception
, bien dirigée & confiée à la vigilance
& aux ſoins des Aſſemblées provinciales , ſera
un moyen d'autant plus certain de nous procurer
des rentrées , dont la perception ne cauſe
aucune inquiétude à nos Sujets , qu'ils feront
aſſurés qu'aucun d'eux ne pourra payer au delà
des Vingtiemes & des Quatre ſous pour livre
des revenus qui yſont ſoumis , en même tems que
nul ne pourra s'y ſouſtraire. Si nous sommes
forcé de prolonger cette perception proviſoire ,
c'eſt que la durée que nous lui affignerons ,
eſt néceſſaire pour préparer & effectuer plufheurs
des changemens utiles que nous defirons
, & que le plus grand nombre même ne
1
( 205 )
,
de
pourroit avoir lieu qu'autant qu'il ſera ſuffifama
ment reconnu que , pendant cette durée , le
niveau aura été complettement rétabli entre la
recette & la dépense. Mais , au moyen des retranchemens
que nous avons déjà faits
ceux que nous nous propoſons encore , des
améliorations que nous avons opérées , & de
celles dont nous avons ordonné qu'on s'occupât ,
nous conſervons l'eſpérance que nos ſujets , avant
cette époque , pourront reſſentir , au moins en
partie , les effets heureux du grand ouvrage
que nous nous proposons . Les états de recette
& de dépense que nous farons publier tous les
ans , feront connoître à nos peuples le réſultat
& les progrès de nos ſoins , & il n'eſt point
de moyen que nous ne ſoyons diſpoſé à employer
, lorſqu'l pourra tendre à leur bonheur
& à leur foulagement. A ces cauſes , &c . Nous
avons ,par notre préſent Edit , perpétuel &
irrevocable , révoqué & révoquons notre Edit
du mois d'Août dernier , portant fuppreffion
des deux Vingtiemes & Quatre ſous pour
livre du premier Vingtieme , & établiſſement
d'une Subvention territoriale dans tout
*notre Royaume , & notre Déclaration du 4 du
même mois , concernant le Timbre. Voulor's
& ordonnons que les Edits & Déclarations précédemment
intervenus relativement aux Vingtiemes
, autres que ceux qui ont été donnés à
l'occaſion du troſieme Vingtieme , ſoient exécutés
comme avant nosdits Edit & Déclaration
du mois d'Août dernier. Prorogeons néanmoins
le ſecond Vingtieme pour la durée des années
1791 & 1792. Voulons que leſdits Vingtiemes
&Quatre ſous pour livre du premier Vingtieme
foient perçusdanstoute l'étendue de notre Royaume
, Pays , Terres & Seigneuries de notre obéif
( 206 )
Ance, fur l'univerſalité du revenu des biens quri
y font foumis par lesdits Edits & Déclarations
précédemment intervenus , ſans aucune diſtinetion
ni exception , telle qu'elle puille être ,
même fer les fonds de notre Domaine , ſoit
qu'ils soient poſſédés à titre d'apanage ou d'engagement
, ou même qu'ilsſoiententre nos mains,
& régis par les Adminiſtrateursde nosDomaines
& ce dans la juſte proportion des revenus effec
tifs qui doivent ſupporter lesdites impofitions ;
aux déductions néanmoins que les Edits & Déclarations
ont accordées ſur les biens qui exigent
des réparations plus onéreuſes aux propriétaires
; le tout , nonobſtant toutes choses à ce contraires
, &c.
,
Registré, oui & ce réquérant le Procureur- Général
du Roi , pour être exécuté ſelon sa forme &
teneur & copies col'ationnées envoyées aux
Brilliages & Senéchauffées du reffort , pour y être
lû, publié & registré: enjoint aux Subſtiruts dus
Procureur-Général du Roi csdits Sieges d'y tenir
la main , & d'en certifier la Cour dans le mois
Suivant l' Arrêtde ce jour.ATroyes , en Par'emens,
toutes les Chambres afſfemblées , le dix- neuf Sep
tembre mil ſept cent quatre-vingt-fept.
Signé LEBRET.
L'Académie royale des Inſcriptions &
Belles- Lettres , dans ſon affemblée du 4de
ce mois , a élu Académicien - honoraire ,
l'Archevêque de Toulouſe , Principal Miniftre
, à la place vacante par le décès din
Marquis de Paulmy.
L'Affemb'ée générale des trois Provinces
de la Généralité deTours a eu lieu da 15
( 207 )
au 16 Août incluſivement, au palais Archi
pifcopal.
>>On mande de Breſt , que les deux vaiffeaux
de ligne , le Superbe & le Léopard ſont
rentrés , & que l'eſſai d'un nouveau gréement
& d'une nouvelle manoeuvre fur le
Léopard, fait par M. de Kerlaint a parfaitement
réuffi. Il eſt auſſi entré à Breſt une
petite eſcadre Hollandoiſe , composée d'un
vaiſſeau de 56 canons , de 2 frégates &
d'un bricq. Cette diviſion vient des Dunes
&ſe diſpoſe à y retourner , après s'être rafraîchi
à Breſt . M. le Comte d'Hector , qui
commande dans ce département , étoit allé
paffer quelques jours à la campagne , aux
environs de Breſt , ce qui détruit le bruit
qu'il avoit été appellé à la Cour ».
>>>Le Superbe va remettre en mer , avec
quelques frégates pour la ſtation de St. Domingue,
Van fredi dernier , la frégate las
Réunion , commandée par M. de la Motte-
Grouet, Capitaine de vaiſſeau , & le bricq
le Ballon , par M. de Treou , Lieutenant, ont
mis à la voile de Breſt pour St. Domingue ,
en conféquence d'ordres de la Cour , dont
on ignoroit la teneur.
Le ſieur de Coëtnempren, Lieutenant des
vaiſſeaux du Roi , & commandant ' e paquebot
de Sa Majesté , le Courier de l'Orient , a
rencontré , il y a quelques mo's , un vaiſſear
Anglois , nommé la Branche d'Olive , venant
des côtes d'Afique , dans la plus gran
(-208)
de détreſſe , faute de proviſions : tout l'équipage
étoit mort , excepté deux perſonnes
auxquelles cet Officier a fourni les ſecours
dont elles avoient le plus preſſant befoin;
il a également ſauvé le vaiſſeau pour
les propriétaires , & a agi avec tant d'humanité
, que les aſſureurs ont fait frapper une
médaille d'or, pour lui marquer leur reconnoiſſance
.
>> Le 1 Septembre, jour de foire , à Pons
en Saintonge , quelques filoux ayant choiſi
l'inſtant où le plus grand nombre des particuliers
étoit occupé à compter l'argent des
marchés , pour jeter dans le champ de foire
des poudres volatiles propres à exciter dans
les beſtiaux une fureur vagabonde , l'effet
en a été très prompt & dangereux; les animauxſe
ſontrépandus de toutes parts, briſant
&renverſant tout ce qui s'offroit à leur rencontre
, pluſieurs perſonnes ont été bleffées
par des boeufs , ( on compte dans le nombre
deux ou trois femmes enceintes ) d'autres
renverſées; il y a eu auſſi quelque argent
perdu , dans ce déſordre , qui a duré
long- tems . Les payſans ayant déſigné un
Opérateur Allemand , comme l'objet de
leurs foupçons , la Maréchauffée a cru devoit
s'en faiſir , moins pour le charger d'un
crime , dont il étoit vraiſemblablement innocent,
que pour le ſouſtraire , par cette
feinte punition , à la fureur aveugle de la
populace.
Une lettre de Marseille offre les détails
(209 )
ſuivans. Lesde ce mois , il entra dans ce
port 1.5 navires , venant des Colonies françoiſes
de l'Amérique , chargés de ſucre , de
café & d'autres denrées : pluſieurs étoient
hors du port , & ne devoient pas tarder à
paroître. Le même jour, il arriva un bâtiment
de Mogador , un autre ruſſe chargé
de blé , venant de Cherſon , dans la mer
Noire, & un troiſieme deTunis. Les lettres
<qu'on avoit reçues d'Alger , annonçoientque
la peſtey avoit ceffé. Le premier navire françois
, venant de la pêche de la morue , étoit
arrivé dans le même port , le 4 ; toute ſa
cargaiſon fut vendue ſur le champ à 40 liv.
le quintal , prix avantageux pour le bâtiment
le plus diligent , qui devance les autres &
profite de la nouveauté. Le prix ordinaire
eſt de 30 à 32 liv. On étoit aſſuré , dans ce
port , que la récolte des menus grains , gros
millet & haricots, qui font la nourriture
principale du peuple , manque entierement
dans toute lItalie, & que celle du blé eſt
moins abondante dans le royaume de Naples
qu'on ne l'avoit annoncé. Les prix de
ces denrées ont en conféquence augmenté
dans tous les marchés de la Méditerranée.
Dans le N°. 33 de ce Journal , nous
avions rapporté , d'après quelques Feuilles
de Province , un article où l'on prétendoit
qu'une diviſion du Régiment de Marine de
Rochefort étoit forti de la Rochelle , pour
Se garantir des fievres qui regnent dans cette
J
(210 )
derniere ville. C'étoit une faute d'impreſſion ,
&il falloit lire , Rochefort , au lieu de la
Rochelle.
>>L'Académie de la Rochelle , qui avoit
annoncé pour les premiers jours de ce mois
un prix de mil'e liv. , qui devoit être décerné
au meilleur Mémoire fur la diftillation
des vins , conformément au Programme
qu'elle a publié l'année derniere , ſe trouve
forcée de différer juſqu'à l'Aſſemblée qu'elle
tiendra après Pâques de l'année prochaine.
Ce dělai est néceffaire pour examiner tous
les Mémoires , & répéter pluſieurs expésiences
qui y font indiquées. L'Académie
prévient les auteurs , que leurs corrections
&fupplémens feront reçus juſqu'au 1 Mars
prochain , & juſqu'à ce terme , qui fera de
rigueur , elle recevra auſſi les nouveaux Mémoires
qui feront adreffés , francs de port à
M. Seignette , premier Secrétaire perpétuel.
Le Cours d'accouchemens en faveur des Eleves
Sages-Femmes , établi à Arles en Provence, par
ordre de SaMajeſté , ſous les auſpices de MM. les
Conſuls , eſt un monument de patriotiſme & de
bienfaifance.
M. l'Archevêque d'Arles , dont le zèle éclairé
pour le bien public eſt ſans borres , a app lié à
ce Cours les Sages-Femmes de fon Diocèſe ; il
paie les frais de voyage & de ſéjour , & récompenſe
encore pardes Prix d'encouragemens celles
qui ſe diftinguent par leurs prog ès.
Déja des ſuccès éclatans font la noble récompenſe
des travaux de M. Pris , Médecin , Profeffeur
Royal , & de M. Pontric , Chirurgien ,
( 211 )
DémonftrateurRoyal , qui depuis plufieurs an
nées ſe dévouent à cette inſtruction avec autant
de zèle que de défintéreſſement.
Les Communautés voiſines s'empreſſent d'envoyer
à Arles des Eleves pour répondre aux vues
patriotiques&bienfaiſantes deM. l'Intendant qui
protegecetEtabliſſement , encourage les travaux
de ces dignes Citoyens auxquels on doit la conſervation
de la mere & de l'enfant dans des cir-.
conſtances épineuſes ; ce qui confirme les précieux
avantages duCours public d'accouchemens
que nous annonçons.
Le Baron de Monteil , Lieutenant-général
des armées navales, Commandeur des
Ordres de S. Louis & de S. Lazare , eſt
mort, le 10 Septembre , au château de la
Couarde , en Beauce.
Le ſieur Bejor , Garde des Manuscrits de
laBibliotheque du Roi , Lecteur & Profeffeur
royal , Membre de l'Académie royale
des Inſcriptions &Belles- Lettres , eſt mort
le 31 du mois dernier.
Anne Marie de Saint-Jullien , des premiers
Ba ons de la Marche , épouſe du
Marquis de Montazer, Comte de Plaſſac,
Seigneur de Quirfac , &c. Chevalier de
l'Ordre royal & militaire de Saint- Louis ,
Maréchal des camps & armées du Roi , eſt
morte au château d'Oullins , près Lyon , le
14 du mois d'Août.
,
M. Anſelin , Chirurgien & Membre de l'Académie
d'Amiens connu par l'invention de
divers inſtrumens de Chirurgie très - utiles , a
découvert une maniere nouvelle de peindre
for verre , fans le ſecours des inftrumens ordis
1
(212 )
naires des Deſſinateurs & d'imiter des mor
ceaux d'Hiſtoire naturelle , comme ſerpens ,
papillons , &c . M. Cochin , Artiſte très-célè
bre , déclare , dans un certificat donné à l'Auteur
, «que ces imitations rendent très-bien en
blanc & noir les diverſes nuances de la nature ,
&y confervent un moelleux plus peint que ne
pourroit le faire la gravure en taille - douce ,
& que ce nouveau procédé peut avoir beaucoup
d'utilité , & mérite d'être accueilli » . On
peut voir des eſſais de ce nouveau genre de
peinture chez la Veuve Lagardette , galerie à
droite du Palais -Royal .
Les Payeurs des Rentes, 6premiers mois
de 1787 , font à la Lettre E.
PROVINCES - UNIES.
De la Haye , le 20 Septembre.
1
Il n'eſt pas un homme inſtruit& fenfé
qui n'ait prévu , ma'gré toutes les aſſertions
des Gazertes , le danger dans lequel la province
deHollande alloit être enveloppée. La
Majorité de ſes Etats avoit eſpéré de la prévenir
par la réponſe faite le 8 au dernierMémoire
de M. deThulemeyer; réponſe ſur laquelle
il y eut trois avis différens dans l'Afſemblée
: l'un pour la rejetter comme infuffifante;
le ſecond pour la rejetter également
comme trop polie , & le troiſieme qui eut
10 voix en ſa taveur , pour l'envoyer telle
quelle à Berlin . En voici le contenu :-
* Que L. N. & G. Puiffances ont répondu
( 213 )
au premier mémoire préſenté par M. de Thu
lemeier de la part de S. M. Pruſſienne , dans
la ferme perfuafion qu'étant éclairée à l'égard
des faits qui regardent le voyage connu de Madame
la Princeſſe d'Orange , elle ne ſuſpeteroit
plus L. N. &G. Puiſſances de deſſeins , qu'elles
n'ont jamais eu , & qu'elles ſe croient obligées
de déſavouer de la maniere la plus folemnelle;
qu'en conféquence S. M. Pruffienne ne trouveroit
rien dans le procédé de L. N. & G. Puifſances
, finon l'emploi de telles précautions , que ,
dans leur opinion , quoiqu'à leur grande douleur
, les circonstances avoient rendues nécefſaires
; précaution qui , à ce que L. N. & G.
Puiſſances croient , auroient été priſes par tout
Souverain , que même il eût été de ſon devoir
de prendre en pareille conjoncture.
> Qu'aujourd'hui , aprés avoir de nouveau
conſidéré cette matiere avec l'attention la plus
ſcrupuleuſe , L. N. & G. Puiſſances ſe ſont
trouvées dans I obligation de perſiſter dans leur
ſentiment , qu'il n'a point été commis d'attentat
quelconque envers la perſonne de Madame la Princeffe
d'Orange , ainſi que S. M. Pruffienne le
verra conſtaté de la maniere la plus évidente
& la plus complette par le récit de ce qui s'eſt
paffé dans cette occaſion ; rapport qui a été
fait , en vertu de l'ordre exprès de L. N. &
G. Puiſſances , par leur commiſſion établie à
Woerden pour la défenſe de cette Province , &
qu'elles ont l'honneur de joindre à la préſente ,
ainſi qu'une lettre des Bourguemeſtres & Conſeil
de la ville de Schoonhoven , concernant le
même ſujet : qu'il conſtera fur - tout par ces
pieces que le fait , qu'on repréſente ultérieurement
dans ladite note de M. l'Envoyé extraordinaire
de Thulemeier , comme arrivé à S. A.
( 214 )
R. près de l'écluſe de Goverwel , n'a pas eu
lieu par ordre ou de la part de cette commiffion
, puiſqu'elle n'a pas été préſente dans cet
endroit , lorſqu'on arrêta le voyage ultérieur de
S. A. Royale ; que cette commiffion n'en amême
aucune connciſſance ; & qu'au contraire elle a
traité S. A. R. avec toute la diſtinction & l'attention
poffible , au point même que S. A. R.
l'a remerciée à Schoonhoven , d'une manière
amicale , des égards qui lui avoient été témoignés
, & qu'enfuite elle a fait réitérer encore
une fois le même point en fon nom par
M. de Bentinck , tandis que L. N. & G Puiſſances
ne font pas la moindre difficulté de déclarer
qu'au cas que , dans cette rencontre , cù
Pon arrêta le trajet ultérieur de S. A. R. , it'
fût arrivé quelque choſe d'irrégulier ou de contraire
aux égards qui lui ſont dûs , elles le
déſavouent de la maniere laplus fatisfaiſante ».
>> Que , d'après ce qu'on vient de dire , L.
N. & G. Puiflances penſent qu'il ſera conſtaté
également qu'on doit avoir repréſenté ſous un
faux jour les marques d'honneur & les témoignages
de reſpect qui ont été donnés par la
ſuſdite commiſſion , ou de ſa part , à S. A. R.
Que L. N. & G. Puiſſances ne peuvent non
plus avoir eu l'idée de ſuſpecter S. A. R. de
vues finiſtres , ni avoit eu de la défiance à
l'égard de la ſincérité de ſes motifs pour ce
qui concerne ſon deſſein de ſe rendre à la Haie;
qu'ainfi , à ce ſujet , il n'y a pas eu la moindre
offenſe de la part de L. N. & G. Puiſſances :
qu'aucontraire el'es ont toujours dû être pré
cédemment , &doivent encore être aujourd'hui ,
dans la perfuafion de la pureté des vues qui
ont dirigé S. A. R.; mais que , comme cette
Princeſſe ne pouvoit étre garante de la fermenta-
هلل
(215 )
tion d'une populace aveugle & d'une multitude!
Léduite , les Commiffaires de L. N. & G. Puif
ſances ſe ſont vus dans la néceſſité de préve
nir un éclat qu'ils étoient convaincus devoir .
être cauſé par l'arrivée ſubite , inattendue , & ;
ſecrette de S. A. R. , & dont il auroit pu réſulter
des ſcenes de carnage & de confufion ,
qui auroient dû frapper le coeur de S. A. R.
de la maniere la plus ſenſible , en la rendant .
témoin des funeſtes effets de ſa venue inopinće
, mais qu'alors elle auroit été dans l'impoſſibilité
de prévenir» .
>>> Que , ſi cette Princeſſe , conſidérant ſa
qualité d'épouſe de M. le Stathouder , avoit
pris la précaution , qui étoit fi naturelle , de
prévenir L. N. &G. Puiſſances de ſes deſſeins ,
elles auroient eu l'occaſion de lui mettre ſous
les yeux leurs conſidérations à cet égard , tant
par rapport à la conjoncture actuelle qui rendoit
l'exécution du deſſein de S. A. très-épineuſe
, que relativement aux moyens qui auroient
été les plus propres à rétablir lå tranquillité
& l'union dans ce pays , &, par con
réquent , à remplir les vues de S. A. R.
:
Que ces ſentimens & cette diſpoſition de L..
N. & G. Puiſſances ſont encore les mêmes ,
& qu'ainſi ils peuvent être témoins du regret
qu'elles ont de la néceſſité où s'eſt trouvée
Madame la Princeſſe de ſuſpendre ſon voyage :
que L. N. & G. Puiſſances manifeſtent d'autant
plus volontiers les ſentimens qui les animent
à cet égard , qu'elles ſe flattent de donner
par-là fatisfaction à S. M. Prufſienne : que
dans les mêmes intentions , non moins que
pour convaincre S. M. Pruſſienne de leur defic
de conſerver ſon affection & ſon mitié , L.
N. & G. Puiſſances affurent S. M. que , bien,
( 216 )
loin qu'elles aientdeffein de s'oppoſer au voyage
que Madame la Princeſſe d'Orange feroit en.
core dans l'intention de faire à la Haie , L.
N. &G. Puiſſances inviteront, au contraire ,
avec plaifir S. A. R. à effectuer ce voyage ,
auffi -tôt que la tranquillité générale permettra
que l'entrepriſe de ce voyage ait lieu fans danger;
danger que L. N. &G. Puiſſances croient
même encore aujourd'hui ne pouvoir s'éviter
d'une manière ſatisfaiſante , & qui raſſure parfaitement
les Citoyens du pays : mais que L. N.
&G. Puiſſances ſouhaitent ſur- tout que S. A.
Royale , en conféquence des vues lowables qui
la guiddeenntt,, pour coopérerer à une réconciliation,
differe ſa venue juſqu'à ce que cet onvrage
ſalutaire puiſſe s'entreprendre , c'est-àdire
, juſqu'à ce qu'on aura pu aſſurer la tranquillité
générale.
- > Que L. N. & G. Puiſſances ſe flattent que
les explications , où elles viennent d'entrer ,
fatisferont pleinement S. M. Pruſſienne ; qu'elles
diſſiperont entièrement les nuages que des
circonstances inattendues , qui font une peine
infinie à L. N. & G. Puiſſances , ont raſſem -
blés au -deſſus d'elles : que S. M. Pruffienne conſervera
pour elles les mêmes ſentimens ,qu'elle
a nourris ju qu'à préſent à leur égard , à l'exemple
de ſes g'orieux ancêtres , & que par tous
les bons offices de médiation , qui ſont en fon
pouvoir , elle voudra bien concourir , en bon
voiſin & ami , à aider de procurer à ce pays la
tranquillité dont il ſe voit privé aujourd hui ,
& qui fait le principal objet des foins & des
voeux de L. N. & G. Puiſſances » .
M. de Thlemeyer ayant enſuite donné
quatre jours ( du to au 14 ) aux Etats ,
pour délibérer ſur les deux Notes verbales
remifes
(217)
remiſes le 9 auGrand Penſionnaire , & que
nous avons rapportées , l'Aſſemblée con-.
clut le 12 par s'en référer à la réponſequ'on
vien de lire , en offrant d'envoyer à Berlin
deux Députés pour détromper S. M. P. , &
Léclairerfur la véritablefituation des chofes.
Cette réfolution n'étant pas conforme
aux demandes exigées par le Roi de Pruſſe ,
dont les troupes attendoient les derniers
ondres pour marcher vers le territoire de la
République , les Etats de Hollande rendirent
le to une publication , qui prévient
les habitans de la néceſſité prochaine d'une
inondation partielle , au moment où des
troupes étrangeres menaceroient la Province
d'invaſion ; promettant au furplus une
inlemnité à ceux des ſujets de l'Etat , dont
les terres ſeroſent ſubmergées. Gorcum &
Nrerden étant ſuppoſées les deux clefs de la
Province , au midi & au nord , on a formé
le projet d'en fortifier la défenſe. Le commandement
de la premiere de ces places a
été donné au Baron de Capelle de Marich ,
ci-devant Commandant des Gardes-da-
Corps du Prince d'Orange , & celui de la
ſecondé au Général van- Ryſſel. Sur la demande
faite à la Commiflion de Woerden
d'indiquer un Commandant en chef, capable
de ſe ſervir des forces qui peuvent refter
à la Province , ce choix eſt tombé fur le
Rhingrave de Salm , aujourd'hui G.néraliffime&
Feld- Maréchal dela Holande.
N°. 39 , 30 Septembre 1787 . k
( 218 )
De fon côté , le Ducregnant de Brunfwick
, Général en chef de l'armée Pruffienne
, avoit reflerré ſes cantonnemens depuis
les , en les rapprochant de Cleves. Le
7, rous les Officiers-généraux s'aſſemblerent
àWeſel chez S. A. S. A l'iſſue de ce Confeil
de guerre, on notifia à l'Etat Major &
aux Officiers fubalternes , que le y l'armée
ſe mettroit en marche. 60 cartouches à bale
furent diftribuées à chaque ſoldat. Le Roi
de Pruffe avoit demandé le paſſage aux
Erats de Gueldres & d'Overyſſel , far une
lettre du 1 , dont voici a teneur :
« FRÉDÉRIC GUILLAUME , par la grace de
Dien , &c. Après vous avoir afferés de notre
amitié&de toutcequi eſt en notre pouvoir, &c .
nous nous trouvons obligés , contre notre inten-
>> tion , de faire marcher un corps de troupes aux
ordres de notre bien amé le Duc régnant de
Brunswick, pour nous procurer ure juſte ſatisfatrion
de l'inſulte qui nousa été faite ouvertement&
à notre chere Soeur par une moitié
des Etats d'une Province , contre la volonté
connue de l'autre moitié des ſusdits Etats ;
& à cet effet , nous devons faire marcher
une partie de notre milice par la Province
d'Over-Yffel . A cet effet , nous prions Ves
Nobles Puifſfances très-instamment , que nos
troupes , von ſeulement marchent librement
dans votre Province, mais que vous leur falfiez
procurer des logemens néceſſaires
rendre tous les bons offices poflibles. Се
faiſant , Vos Nobles Puiſſances peuvent fe
tenir afſurées que nos troupes obferveront la
*plus exacte diſcipline , conformément aux
2
&
( 219 )
>>ordres qu'elles ont reçus. Nous reconsolo
» cette marque de bon voisinage, & ferons .towe
jours prers à vous rendre les mêmes ſervices
(Berain , le 1 Septembre 1787 ) .
En conféquence, le 13 , l'armée Pruffienne
selt mise en marche fur trois co'onnes ;
l'une de 6000 hommes eſt entrée en Overyf--
ſel ; la feconde de 10,000 homines enGueldres
,& s'eſt portée par Arnhem fur Amers
foort; la troifiéme , de 9000 hommes, part
Nimègue, ſe dirigeant vers la Hollande máridionale.
Au paſſage de celle ci à Nimègue ,
Hes foldats demandèrent par- acclamation à
voir la Princefle d'Orange , & tous les principaux
Officiers deſcend rent de cheval pour
lui témoigner leur attachement& leur refpect.
La marche des troupes avoit été
fi fecrette , que le Officiers même n'en
fétoient pas inſtruits la veille. Le Duc régnant
de Branſwick , Commandant en chef
de l'armée, dirigeoit lui - même cette troifiéme
colonne qui a defcendu le Wahal ,
en paſſant à Thel & à Bommel , & s'ell préfenté
devant Gorcum , clef dela Province '
de Hollande au Sud. Le Duc de Brunswick
fit élever une batterie , & à cinq heures
du matin ſomma la ville de ſe rendie. Un
imprudent ayant tiré fur l'Officier qui accompagnoit
le Trompette , l'un & l'autre
réitérerent leur propofit on , reçurent la même
réponte , revincent au Corps d'armée
faire leur rapport, d'après lequel S. A. S.
1
k2
(1220 )
ordonna le jeu de la batterie. Au troifiéme
coup , on apperçut du teu dans la ville , &
beaucoup de défordre , occaſionné par la
chûte d'un boulet rouge fur la maifon d'in
Patriote. Au trentiéme coup , l'on arbora le
pavilon blanc , les portes s'o ivrarent, & les
Huſſards d'Eben entrerent dans la ville. Son
nouveau Commandant , le Baron de Capelle,
la abandonnée , avec une partie de la garnifon.
La colonne Pruſſienne a pénétré enſu'te
juſqu'à la Haye , fans trouver la moindre
réſiſtance.
A l'approche de la ſeconde Colonne
commandée par le Général de Gaudi , qui
s'étoit dirigé fur Amersfoort , la garnifon
d'Utrecht a abandonné cette place la nuit du
15 at 16 ,& s'eſt réfugi. e,dit- on, à Naerden
& àAmſterdam , avec les Patriotes les nouveauxRégens
, & fon Généraliſlime le
Rhingrave de Salm. Les troupes des Etats
ont pris poffeffion de la ville qui ſe trouvoit
dans le plus grand déſordre ; le pavillon
Orange a été arboré fur le dôme , & Fancienne
Magiſtrature rétablie.
Une partie des Etats de Hollande s'eſt
retirée àAmſterdam , ainſi que la Commifſion
de Woerden. Elle y tient ſes affeinblée ,
& a concerté avec les Partiſans qui lui
reftent , les Corps Frarcs & le Confeil
d'Amſterdam , les moyens de défendre
:
1
( 221)
(
cette ville, dont on parle d'inonder les environs.
Pendant ce tems , l'autre diviſion des
Etats eſt reſtée à la Haye , & a abrogé
toutes les réſolutions priſes contre le
Starhouder & la Province d'Utrecht . La
ſuſpenſiondes charges de Son Alteffe.Sérén.
a été levée, le Commandement de la Haye
lui eſt rendu; la Princeſſe invitée à revenir ,
la Commiffion de Woerden anéantie ; ordre
à' a Nation de prendre les cocardes Orange.
A lapriere desEtats , le Duc de Brunſwi.k
a conſenti , fans héſiter , àce que ſes troupes
n'ent affent point à' a Haye. LesEratsGénéraux
ont ordonné derecevoir les Pruſſiens
dans toutes les villes de Hollande. Jamais
révolution n'a éré plus rapide & plus paif:-
ble juſqu'à préſent ; la Gazette d'Amfterdam
annonce des meſures plas viriles de la
part du parti Patriote , qui ſe trouve reſſerré
dans cette Ville .
En entrant ſur 'e territoire de Hollande ,
leDc de Brunswick a informé les Habitans
des motifs de fa marche , des ordes
du Roi de Proffe , & de fes propres intentions
par une Déclaration que voici , & dont
nous verranchons ce qu'on a la ci-devant
fur l'obſtacle mis au voyage de la Piincelſed'Orange.
« Le Roi n'ayant pu être indifférent à l'affront
fait de propos délibéré à une Scur
k3
(222 )
:
» chérie , & qui rejaillit par conféquent for
>> ſa propre perſonne s'eft adreſſé d'abord ,
>>tant aux Etats de Hollande qu'aux Etats-Ge-
,
néraux , par des Mémoires que ſon Minifire le
>> ſieur de The emeyer , leur aremis pour deman-
>> der une fatisfaction prompte & éclatante de
cette injure , & la puni ion de ceux qui l'ont
>> commife. Quoique les Etats-Généraux alent
>>>fortement conſeilé aux Etats de Hollande de
donner la fatisfaction demandée , ceux ci ont
pourtant jugé à propos de la décliner entiere-
*>> ment par une réponſe aufli précipitée que haute
>>& évafive , dans laquelle , en tâchant de pallier
>> la conduite de leurs délégués par des défaites ,
ils s'attachent principalement à faire valoir les
>>prérogatives du Souverain de la Hoilan 'e , & le
->> danger auquel ce Souverain & la Province au-
>roient été expoſés par le voyage de Madame la
Princeſſe ; tandis qu'elle les avoit affez raſſurés,
par les déclarations fur de prétendu danger , &
>> qu'ils avoient eux mêmes tant de moyens de
s'en garantir, s'il en exiſtoit S. M. ne pouvant
>> ſe contenter d'une réponſe aufli peu fatisfailante
, a pourtant choin la voie modérée de ré-
>>>clamer encore une fois une fatisfact on propor-
>> tionnée à l'offenſe , par des Mémoires que le
>> ſieur de Thu'em yer a de nouveau remis le 6
>> d'Août , tant aux Etats de Hollande qu'aux
>> Etats-Généraux , & dans lesquels on a prouvé
>> aux premiers par des faits incon eſtables la réa
>>lité des offenſes perſonnelles faites à Madamela
>> Princeſſe , la non-existence du danger prove-
>>>nant du voyage en queſtion , & l'incongruité
>d'alléguer toujours les droits du Souverain
>>>contre le principal Membre de la même Sozveraineté,
& envers une Puiſſance Etrangere ,
pour laquelle la Souveraineté des Provinces(
223 )
>Unies n'eſt repréſentée que par les Etats-Ginéraux
. »
du
« C'eſt depuis le 6 d'Août que le Roi attend en
>> vain une réponſe des Etats de Hollande li ne
>> peut pas s'en promettre une tant foit peu fatisfaifante
, quand on voit& apprend de tour côté
que la prétendue majorité de cesmmeêmmeessEtats
ne s'occupe que des moyens d'eluter ſous de
>> vains prétextes la fatisfaction qu'on leur denande
, &ne travaille qu''àà la fufpenfion
>> Stad ouder de ſes charges héréditaires , à l'inju-
>> rier tous les jours par des libelles diffamatoires,
>à dépoſſéder les anciens Magiftrats par des vio-
>>lences illégales & inouies , & à faire en général
>> tout ce qui eft poffible pour amener l'ancan-
>>tiſſement & la deſtruction entiere du Stadhoudérat
héréditaire de l'illuſtre Maiſon de Naffau ,
>> qui a fondé de ſon ſang toute labaſe de laRépublique
Batave.
"
« S. M. a donc pris la ferme réſolution de
>> prenire & de ſe procurer elle même la fatis.
>> faction qu'elle ne peut plus eſpérer d'obtenir
> par la voie des repréſentations.Elle m'a chargé
>>d'entrer pour cet effet dans la province de Hol-
>> lan le avec un corps de troupes , dont elle m'a
> coonnffiiéé le commandement, Comme ces troupes
feront obligées de paſſer par quelques pro
vinces appartiennent au corps.de la
republique
>> part a c
7
ود
r
qui
de
ne , mais qui ne prennent point
la conduite offenfante des Erats de Hoilande
, les habitans de ces provinces peuvent
>> être afſurés , que les troupes du Roi ne leur
>> feront pas le moindre mal , & ne prendront
> que le libre paffage par leur territoire. C'eſt
>pourquoi ils font requis , de ne pas s'oppoſer
à la marche de ces troupes , mais de lear
>>>procurer plutôt les commodités & tout aide &
3.
P
4
( 224)
>>affillance amicale, dont elles pourront avoir
• beſoin. Quant aux habitans de la province de
>Hollande , & des autres provinces qui pren-
>nent parti pour la prétendue majorité des Eta s
>>>decerte province , comme on fait , que la plus
>>grande & la plus ſaine partie de la nation
Hollantoiſe eſt bien intentionnée pour l'ancien
ſyſtême patriotique & conftitutionel , &
que ce n'eſt que par la violence & une force
>> tupérieure , qu'elle a été entraînée à ſuivre le
ſyſteme d'un parti factieux , on affure folemnellement
de la part& au nom de S. M. Te
Roi de Pruffe : Que certe démarche ne ſeft
aucunement pour porter aneinte a la conſtitution
, à la liberté , & au bien- être de la République
& des provinces qui la conſtituent;
>> mas uniquement pourprendre la fatisfaction ,
»qui eſt dûe au Roi & à Madame la Princeſſe
d'Orange, ſa foeur , & pour réparer l'affront
perfor nei qui leur a été fait ; que par confé-
>quent les troupes du Roi obſerveront par tout
cetre bonne & exacte diſcipline , qui les a
to toujours caract riſées ; qu'elles ne feront point
de mal aux habitans de la campagne , qui
>>fe tiendront tranquilles & qui ne s'oppoſeront
pas a leur marche , ni aux villes , qui leur
>ouvriront leurs portes de bon gré ; qu'on traitera
les uns & les autres avec toute la douceur
& modération convenables ; & que ce
n'est que contre ceux qui vou roient s'oppofer
aux troupes de S. M. , qu'on emploiera
laforce pour vaincre leur oppofition & leur
vo'onté. C'eſt par toutes ces raiſons que moi
foaffigné Général Commandant en chef du
corps de troupes de S. M. Pruffienne , deſtinées
pour cette opération , je réitere les affurances
fusdites à tous les habitans de la pro-
>vincede Hollande &autres : &je les requiers
1
(225 )
>& exhortede la maniere la plus forre & la
plus convenable , de ne pas s'oppoſer à la
>>marche & aux opérations des troupes que je
>> commande ; mais de leur accorder plutôt partout
the libre entrée & toute bonne volonté ,
>> aide & afſiſtance , que les circonstances pourront
exiger .
On apprend qu'à l'entrée des Huſſards
de Goltz dans lOveryſſet , le Corps franc
deZwol a imité celui d'Utrecht , a évacué
la ville , & s'eſt réfugié à Campen.
PAYS-BAS.
;
De Bruxelles , le 22 Septembre.
Le régiment de Bender eſt arrivé à Namur,
où il ſera ſuivi par le régiment de
Wurtenberg; ceux d'Alton & Neugebauer
remplaceront ce dernier à Luxembourg. Le
régiment de Ligne doit entrer ici au premier
jour ; on lui a préparé les Couvens de
Sre.Eifabeth & des Annonciades .
Depuis leur retour , les Députés ont rendu
un compte détaillé de leur miffion , &
l'ont fait d'une maniere fi fatisfaiſante, que
plufieurs Provinces ont auſſitôt levé les obí
tacles qu'elles avoient apporté au paiement
des ſubſides. Les Etats deBrabant n'ont pas
encore imité cet exemple. La Bourgeoifie
d'Anvers a même temoigné le plus grand
é'oignement de ce retour à l'harmonie, &
nousne pouvons mieux faire connoître fas
diſpoſitions , qu'en rapportant la conclufion
d'une Remontrance , remiſe aux Etars, le
3 de ce mois , par les Chets de cette Bourgeoifie.
ks
-26 )
des
, difent- ils , à l'époque de
promeffes de S. M. , &
réintégration de nos droits. Voilà , fans doute ,
à quos la aation devoit s'attendre , lans craindre
d'être foudre des fruits récens de fa foumiſſion
& de fa fidelité , quand malheureuſement
elle voir remplacer ſes juſtes attentes par
de nouvelles conditions plus onéreuses , plus dures
,que celles qu'on venoit de remplir avec
la plus grande exactitude. Nous n'ofons exprimer
les noms que l'alarme générale prête à
une maniere d'agir fi extraordinaire.
>> Toujours est- il très - vrai & très - ſenſible
que les conditions ,exigées de nouveau, comme
préalables à la justice qu'on veut nous rendre ,
ne paroiffent pas ſeulement dures , autant que
déplacées , mais que , vu les circonstances que
l'on a fit naître , l'exécution en paroît impossible.
Vouloir extorquer le paiement des impôts &
des fubfides , dans le tems que le peuple irrité
le regarde comme libre , prétendre la reftitution
des effets des Confrairies , &c. , fi peu
de tems apres qu'on les a rendus aux poffeffeurs
légitimes avec le conſentement de LL.
AA. RR. & ſfeelonles droits conftatés du pays,
préſente un contrafte fi affreux avec la promeſſe
fincere de red effer les infractions quelconques
portées à la conſtitution nationale , qu'il n'y
a pas d'être penſant , qu'il ne doive frapper
& affecter , ſelon l'intérêt qu'il peut y avoir.
Aufſi a - t - il affecté ſi vivement tout le
peuple , que l'on doit s'attendre aux effets de
Son reſſentiment , d'autant plus qu'il voit ſes
préjugés & fa méfiance , que nous avons furmontés
avec tant de peines , vérifiés & juſti –
fiés par la chûte de la confiance , qu'on lui
avoit tant vantée.
i
1
1
( 227 )
C'eſt à vous , peres de la Patrie, à prévenir
les ſuites fâcheuſes que doitmen la
conſternation générale par un redreſſement de
prétentions ſi révoltantes , fi dangereuſes & fi
menaçantes. C'eſl à vous à perfuader à S. М.
combien on ſurprend ſa bonté & fon defir de
faire du bien à Tes ſujets , en lui fuggérant ,
fous des apparences trompeuſes , des moyens
fi contraires à fon honneur & à notre félicite.
לכ Continuez,nous vous en fupplions ,,avec
-cette prudérice & fermeté qui vous ont guides
&foutenus juſqu'à préſent; le ſuccès couronnera
votre zele , nos ſouhaits , & l'intention
pure de S. M...
Malgré l'inutilité de ſes premières démarches
enfaveur de l'Envoyé de Ruffie , l'Internonce
de la Cour de Vienne à Conſtan
tinople a cru devoir inviter les autres Miniſtres
Etrangers à réunir leurs bons offices
aux fiens. Certe nouvelle tentative à laquelle
preſque tout le Corps Dip'omatique s'eft
prêté avec empreſſement , n'a eu aucun
ſuccès. Le Reys Effendi , ainſi que le Grand
Viſir , ont répondu , que cerien ne pouvoit
>>> les engager àſe déſiſter d'un ancien uſage;
qu'ils continueroient à maintenir le bon
>>>ordre& à protéger le moindre ſujet Ruſſe;
>>> que l'on prodigue.oit à l'Envoyé de cet
>>Empire tous les égards dus à un Muſſafir
*" ( hôte diftingué ) de la Porre , qu'on ne
>> devoit pas inſiſter davantage ſur une me-
>> ſure abſolument impraticable , puiſque
>> les Miniſtres Ottomans qui tenteroient
>> cette innovation , ſeroient infailliblement
ز
k 6
( 228 )
-> accuſes de corruption ,&bientôt facrifiés
>>> àla haine du peuple >>.
Tous les vaiſeaux Ruſſes qui avoient éré
arrêtés dès le premier moment , ont été
conduits dans l'Arsenal & leurs équipages
emprifonnés ; cependant , avec des ménagemens
&des formes juſqu'à préſent inuſitées
en Turquie...
On a li le 22 Août à la Porte , en pré
fence des Miniſtres & de tous les Officiers
de l'Empire , le Hatti- Cherif du Gran
Seigneur , contenant la Déclaration de
Guerre. Il ynomme le grand Viſir , Géné
raliſſime de ſes Armées , avec un pouvoir
fans bornes , l'autorisant à choisir tels Miniſtres
& tels Officiers qu'il voudra. Le
Grand Seigneur a fourni en même tems
trente mille Bourſes ( 1 ) pour les frais de
cete première campagne ; un tiers a été
donné par le Miri, ou Tréfor public; le
reſte,tiréde ſon tréfor particulier.
La Porte a nommé un Khan de Crimée.
Son choix eſt tombé sur Chahbaz-Gueray ,
neveu du fameux Krim Gueray. Son pere
Arslan Gueray étoit Kan en 1714
Voici la traduction exacte du Manifeſte
dela Sublime Porte contre la Ruffie , remis
aux Miniſtres de France , le 24 Août
1787.
« La Paix conclue entre la Sublime Porte
>>& la Cour de Ruffie , en 1187 ( 1774 ),
2 avoit pour objet principal le repos &la
(1) 45 millions tournois.
( 119 )
tranquillité des ſujets reſpectifs ; cepeff-
> dant laCour de Ruffie n'a ceffé , depuis,
d'élever & de foutenir des prétentions
>>>propres à troubler la bonne harmonie qui
>>devoit être le fruit de cette paix . Elle a
>> été même juſqu'à s'emparer de la Crimée,
procédé diamétralement oprolé aux ac-
>> cords convenus pour ſervir de fondentent
>> au Traité de Kainardgi. Il étoit ftipaté
>>dans le Diplôme donné alors de part &
> d'autre , qu'il n'y auro't plus de dfeuf-
>> ſion entre les deux Empires , & quơn
>>jouiroit d'une fûreté parfaite. Il étoit ſpé-
>> cifié dans les Capitulations qu'on évite-
>> roit à l'avenir toute intrigue quelconque
>>& toute menée ſecrette ou publique .
>>Néanmoins , la Cour de Ruffie a for-
>> levé le Prince Héraclius , qui étoit muni
>> d'un Diplôme d'inveſtiture , comme
>> Vaſſal de la Sublime Porte; Elle a mis
>>des troupes Ruſſes dans Tiflis ; Elle s'est
>> déclarée fuzeraine dudit Prince , & dès
>>cemoment le dé ordre a été général dans
> la Géorgie comme fur nos frontieres li-
>> mitrophes; lorſqu'on lui a décaré que ce
>procédé étoit une contravention forme le
>>a>uxTraités , elle afoutenu le contraire.
>> 1 étoit expreffément convenu que les
Oczacowiens auroient l'extraction libre&
>> limitéedu ſe des Marais falans , affectés
>>>detous tems aux habitans de cetre fron-
>>>tière; cependant onya toujours rencon-
> tré mille entraves; l'on y a éprouvé toutes
(230 )
>> fortes de mauvais traitemens de la part
>> des Ruſſes ; & lorſqu'on a reclamé l'exé-
>>>cution des Conventions , la Cour de
>> Ruffie s'y eſt conſtamment re'uſée. Le
>>Conful de cette Cour a féduit le Vaivode
>> de Moldavie qui a le rang de Prince , elle
>> en a favorisé la fuite;&lorſque la Sublime
>> Porte l'a reclamé , l'Envoyé de Ruffie a
>> répondu que ſa Cour ne le rendroit point;
>> refus formellement contraires auxTraités.
La Cour de Ruſſie a manifeſté ſes mau-
>> vais deſſeins en donnant ainſi des inter-
>>>prétations à ſon gré à pluſieurs parei's
>>>articles . Elle a débauché des Sujets de la
„ Sublime Porte , en établiſſant des Confuls
en Valachie, en Moldavie, dans les Ifles, &
>> dans des endroits où la préſence de ces
>>> Officiers étoit inutie , même préjudi-
>> ciable aux vrais Croyans. Elle a fait paſſer-
>>>dans ſes Etats des ſujets de la Sublime
» Porte ; elle en a employé d'autres à ſa
>> Marine ou à d'autres ſervices ; Elle s'eſt
fur tout ſouvent ingérée dans les diſpo-
>> ſitions intérieures de notre Adminiſtra-
>> tion , en follicitant, ſoit la révocation ,
>> ſoit la punition des Gouverneurs , des
> Juges , des Employés & de tous les Offi-
>> ciers qui ne convenoient point à ſes inté-
» rêts , & même du Pacha de Géorgie &
>> des Princes de Valachie & de Moldavie.
>> Tout le monde ſait avec quelle généro-
>> ſité la Sublime Porte s'eſt comportée à
( 231 )
>>l'égard des Marchands Ruſſes. Ils exploi-
>> toient en toute fûreté & liberté leur Com-
>>>merce dans les Erats Ottomans ; ils étoient
>> les maîtres de ſe rendre par-tout où ils
>>> vouloient .
« D'après cela , nous étions fondés à pré-
>> tendre à une réciprocité de procédés pour
>>> les Marchands , Sujets de laSublimePorte.
>>T>elles étoient nos conventions ; mais la
>> Cour de Ruſſie voulant s'approprier tout
>>le commerce , exigeoit des droits dedoua-
>>>ne beaucoup plus forts des Sujets de la Su-
>> blime Porte que de ceux des autres Puif-
>>fances. Lorſque les Sujets de la Sublime
>> Porte vouloient recouvrer leurs créances
>>>dans les Etats Ruſſes , ils y trouvoient
>> mille obſtacles ; ne pouvant paſſer libre-
>> ment , & obligés de s'en retourner ſans
>> recouvrer leur bien , pluſieurs même d'en.
>> tr'eux ont diſparu , ſans qu'on ait jamais
>> pu avoir aucun indice fur leur fort . Lorf-
>> que les vaiſſeaux marchands de la Sublime
>>>Porte vouloient aborder à quelque échelle
>>Ruffe , contraints par le mauvais temps ,
*" ou pour faire de l'eau , ou par quelqu'au-
>> tre néceſſité urgente , les Ruſſes les en
>>éloignoient à coups de canons. Ils ont
>tiré auſſi quelquefois ſur nos bâtimens qui
>>>faifolent les voyages de Soghoudgiak. La
>>Cour de Ruſſie a voulu comprendre l'ar-
>> ticle relatif au Prince Héraclius dans d'au-
>> tres articles de beaucoup moins d'impor
( 232)
tance,& elle a fait not fier miniſtérielle-
>> ment par fon Envoyé à la Sublime Porte ,
>> de tournir unTraité commun pour tous
>>> ces objets ; que dans le cas contraire , elle
>>> avoit donné ordre au Général Potemkin
>> de ſe porter ſur nos frontieres , à la têre de
>> 60 à 70 mille hommes , pour exiger l'exé-
>> cution de tous les articles , & que l'impe-
>> ratrice devoit s'y rendre elle même. Certe
>> notification étoit une provocation claire
>> & formelle à la guerre. L'ordre donné au
Général Potemkin de ſc rendre ſur nos
>> frontieres , à la tête de tant de troupes ,
>> eſt analogue aux procédés de la Cour de
>>Ruffie , lors de l'ufurpation de la Crimée.
>> Si les Ruſſes continuent à en être les maî-
>> tres , l'on ne peut plus ſe flatter d'aucune
>> sûreté pour l'avenir , & l'on aura toujoum's
>> leurs mauvais deſſeins à craindre. Ces con-
>>fidérations ont engagé la Sublime Porte à
> témoigner à l'Envoyé de Ruſſie le defir
>>qu'elle auroit que la Crimée fût rétablie
>> ſur l'ancien pied,& que l'on fit un nou-
>> veau Traité qui cimentât l'amitié entre
>> les deux Empires. L'Envoyé a répondu
>> qu'il ne pouvoit point faire ces propoſi-
>> tions à ſa Cour , & que quand même il
>les feroit, il prévoyoit qu'il n'en réfulre-
>> roit aucun fruit ; il a rejetté ou éludé l'ob-
>> ſervation des articles ſur lesquels porroient
>> nos griefs , & il a répondu formellement
>>que ſa Cour ne renonceroit pas à laCri(
233 )
1

:
>>mée. D'après toutes ces raiſons , & d'au-
>>tres , foit fecrettes , ſoit publiques , qu'il
>> eſt impoflible d'énumé er , la loi de l'Iſla-
>> mifme impoſe à la Sublime Porte l'obli-
>> gation de déclarer la guerre. En confé-
>>>>q>uence, elle donne ce Manifeſte à la ref-
>> pectableCourde France,pour lui nor fier la
>> réfolurion qu'elle a priſe de fa re la guerre
>> à la Ruffie. La Sublime Porte ſoumet les
motifs qui la font agir aux lumieres & à
l'équité de ſes amis. >>
4
1
Le 11 de Zilcadé , l'an 1201. ( le 24 Août
1787. )
M. Bourit de Geneve , connu par ſes ta
bleaux& ſes relations des G'acieres , a publié
une lettre où il rend compte de les tentatives
pour atteindre le ſommet du Mont-
Blanc , depuis le fuccès de M. de Sauſſure ,
d'un voyage à la même cîme , exécuté auffi
heureuſement par M. Beaufoy , Anglois &
Phyſicien , & d'une traverſée en Piemont
qu'a fait l'hiſtorien lui même , par la valice
de glace de Chamouni . Quoique peu de
perſonnes nous aient paru concevoir l'uti
litéde cescourſes pé illentes , qui juſqu'ici
n'ont abouti qu'à des obſervations peu importantes
aux progrès des ſciences néceflaires
, nous allons extraire quelques morceaux
curieux de cette relation de M. Bou ir.
M. Beanfoy, jeune , pleinde courage , partit
Je 8 Août avec dix guides& ſon domeftique :
je le v's atteindre le ſommet lejeudi , & ven
( 234)
dredi il fut de retour le matin ( 1 ) Il a beaucoup
fouffert ; il s'eſt cru aveagle ,& fon viſage a
été enflé. Au pied du Mont-Blanc , il fentit
une eſpece d'impoffibilité d'achever ſa courte ,
& ſe repentoit vivement de ſon entrepriſe . Cependant
, arrivé au ſommet , il en prit la latitude
; qu'il trouva de 45 dégrés so minutes
11 fecondes . Il eſtima le Mont Blanc être à
60 milles de Neufcliatelyou à peu près 20 lieues
en droire ligne de cette ville. Son épouſe
qui n'a que 19 ans , a joui du ſuccès de fon
époux. Senfible , très- inſtruite , c'eſt elle qui a
tiré les réſultats des opérations faites au fommet
, avec facilité , & qui prouve avec quel
ſoin l'éducation des Angloiſes eſt ſoignée ». 1.
«Après le retour de M. Beaufoy, j'ai pr's pour
la treifième fois la réſolution de monter le
Mont Blanc. Il falloit conſtruire une échelle
de cinq pieds plus longue que celle de dix qui
avoit fervi , & qui ne peut plus atteindre les
extrémités des crevaſſes aggrandies par la faute
des glaces & des neiges. Mais ces préparatifs
ont été inutiles par le changement du temps.
Le vent n'eſt plus le même , & les nues couvrent
les fommets. Aujourd'hui les guides craient
qu'il n'eſt plus poſſible de paffer les crevaſſes
fans danger , & les avalanches ſont fi fréquentes
qu'elles rendent les paſſages méconnoiſſables ».
«Surl'inſouciance que l'on éprouve au Mont-
Blanc , je demandai à M. Beaufoy , & en préfence
de ſon aimable épouſe , ſi ſur le Mont-
Blanc il avoit penſé à elle . Il répondit parun
non abfolu. Le vin , les liqueurs y font perni-
( 1 ) M de Sauſſure a employé quatre jours à
mo ter , obferver& redescendre , & il a paffe trois
ruitsfur les pentes du Mont Blanc A *
1
( 235 )
cieuſes, & l'on n'y foupire qu'après de l'eau :
à peine s'en étoit-on procuré , par la fonte ,
une bouteille ,qu'elle étoit vuidée.& pluſieurs
des guides n'étoient occupés qu'à fouffler le charbon
qu'ils avoient pour cet objet » .
<<Jacques Balmat voulut deſtendre du côté
du midi , pour y chercher quelques parties de
Tocs , & se trouva quelques inſtars dans l'impuiflancede
remonter , par l'affoibliſſement dont
la rareté de l'air étoit la cauſe: il fut con raint
de s'étendre fur la neige pluſieurs fois pour
reprendre haleine ».
> Jacques Balmat , à quil'on doit cette eſcalade
du Mont-Blanc , eſt un jeune homme de vingtquare
ans , déjà pere de famille ; il étoit connu
par fa force & fon agilité dans les marches. Le
Roi de Sardaigne l'a honoré d'une gratification .
M.le Baron de Gerſdorff, de la haute Luface ,
a ouvert dans ſon pays une ſouſcription en fa faveur
, de dix fept louis , qu'il m'a fait parvenir ,
&que je lui ai remis. M. de Sauſſure lui a donné
aufli ce qu'il avoit toujours promis à celui qui le
condairoi fur leMont Blanc, ou quien trouveroit
-lepremier la route Les Angloisavoientauſſi offert
une honnêre récompenſe à celui qui rendroit le
Mont-Blanc acceffible ; &, en confequence , j'ai
fait parvenir à Londres des exemplaires de ma
Lettre, imprimée l'année derniere , ſur cette in.
téreſſantedécouverte . Elle a même été traduite en
anglois. Balmat non-ſeulement eſt le premier qui
foit parvenu ſur le Mont Blanc , mais il y a été
trois fois , & ces courſes l'ont épuisé affez pour
lui ôter l'envie d'y aller une quatrieme ».
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres .

L'Ambaſſadeur de France a ſouvent des cona
(236 )
1
fé-encesavec lePrince de Kaunitz ; elles roulent
fur les affaires de la République de Hollande ;
mais ceux qui prétendent être bien au fait , affurent
que S. M. 1. a fermement réſolu de ne
point ſe méler de ces différends , & d'observer
une exacte neutralité dans tout ce qui ſe fait à
cet égard , tant dans la République même que
dans d'autres Cours. ( Courier du Bas- Rhin ,
n°. 74 ) .
Pluſieurs lettres de Conſtantinople s'accordent
à affurer qu'on y attribuoit en partie la révalution
inattendue qui vient d'y avoir lieu, aux inſinuations
de l'Ambaſſadeur Britannique. Comme
ce Miniſtre eſt étroitement ié avec le Grand-
Vihr , qu'il a un grand crédit ſur l'eſprit de
quelques Membres du Divan ; qu'il a été confuité
en ceste occafion exclufivement aux autres
Miniſtres étrangers ; & que M. de Choiseul-
Gouffier même a été écarté de toutes les affaires;
on en aura peut être conclu que M. Ainſley
a pu conſeiller la guerre ; mais pluſieurs raifons
très fondées rendent ce te of inion entierement
infoutenable. Quoi qu'il en foit , & fans
chercher d'autre moteur de cette guerre hors
du Miniſtere Ottoman , il eſt conftant que le
Grand-Vafir , depuis ſon élévation , a conftamment
ſuivi le plan qu'il a formé en ſecret , &
que nous venons de voir éclore. On ſe rappelle
les réponſes hardies qu'il a données àlaRuffre
en Juillet 1786 , & en Janvier de l'année courante.
On fait qu'il a fait prodiguer à la Por e
destréſors immenfes pour les préparatifs de cette
guerre. ( Idem ).
第一
Lo Public- Ledger donne le récit d'un accident
arrivé dernierement dans la ménagerie de la
Tour de Londres...
:
(237)
L
Un petit garçon de trois ans , porté ſur les
bras de fa mere , qui vouloit lui montrer les
lins, ayant approché de trop près l'un de ces,
animaux qui paroiſſoit fort tranquille; le lion
allongea la patte ſubitement; & ſaiſiſſant l'en
fint avec les griffes , ils'arracha à ſa mere ,
&le ferrant de ſon autre parte , il preſſa tellement
ce petit malheureux contre les barreaux
de ſa grille , en cherchant à le faire paſſer
àa travers , & le tournant dans tous les ſens
pout ſaiſir unbras ou une jambe , que les ſpeccateurs
reſterent immobiles & glacés d'effroi ,
ſans ſavoir quel parti prendre pour le ſecourir .
La mere éperdue voyoit ſon enfant entre les
griffes du lion , & prêt à être dévoré. Ce malheur
fut prévenu par la courageuſe réſolution d'un
étranger, qui ſaiſit l'enfant , & qui , malgré tous
les riſques qu'il avoit à courir lui -méme , en
voulant retirer la proie à cet animal féroce ,
parvint à la lui arracher. Les rugiſſemens du
lion , qui ſe jetra pluſieurs fois avec fureur contre
ſagrille quand on lui eut enlevé l'enfant , f,i ent
trembler juſqu'à fon gardien.
L'enfant a reçu deux larges bleſſures , une
de chaque côté de la poitrine ; mais les chairs
ſeules ont été déchirées , & les griffes n'ont
point pénétré. Un, Chirurgien appelé fur-lechamp,
ſe flatte de guérir ſes plaies. On ne
peut s'en prendre au garlien , du malheur qui
a été prêt d'arriver ; cependant comme on devroit
avertir les perſonnes qui vont à la ménagerie,
de ne pas approcher trop près des loges
des animaux qui y font renfermés , il faut croire
que cet événement fera donner des ordres pour
placer une grille extérieure , qui puifle garantir
des ſuites de leur imprudence , les perſonnes
que la curioſité conduit à la Tour.
( 238 )
Il y a quelques jour qu'un ficu, habillé propremient
, entra dans la boutique d'un Bonnerier
de Londres , & demanda qu'on lui envoyat une
douzaine des meilleurs bas de foie à ſa demeure
qu'il indiqua. Le garçon de boutique les lui
porta , & le filou les trouva convenable ; rirant
en même temps ſes bottes , il lui demanda s'il
avot des gros bas temblables à ceux qu'il avoit
àla jambe. Le garçon l'ayant allure qu'il en
avoit de pareils , lailla les bas de ſoie & fortit
pour aller les chercher. On ſe doute bien que
lorſqu'il revint , il ne trouva ni l'homme , oi
fes bas . Ce même filou avoitla ve lhe enlevé à
un autre Marchand , par ſuper-he - ie , une paire
cu'ores de peau; mais le Marchand l'ayant rencontré
par haſard dans la rue , reconnut le filou
& ses culottes. L'ayant pris fur le champ au
collet , le filou lui demanda grace , & le dépouillant
fur le champ , Jui rendit ſes culottes.
Mais malgré cette reftitution , le Marchand le
fit arrêter pour le bien de la Société. Cet homme
ſe trouve coupable d'une quantité de filcuteries
de cegenre , & principalement exercées fur des
Marchands. ( Un verfal Régister. ) 2
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
Parlement de Dauphiné.
Arrêt de la Cour de Parlement , Aides & Finances
de Dauphine , du 27 Juil'et 1787 , qui foie
defenses à tous Bouchers d'acheter & matter des
veaux qui n'aient au moinsfixſemaines; comme
auſſi leur défend d'en tuer ayant plus de dix
semaines , à peine de 24 liv. d'amende.
1
Sur la Requête préſentée au Parlement par
le ProcureutGénéral du Roi , diſant que des
faux calculs d'intérêt déterminent les habitans
des campagnes à vendre leurs veaux aux bou- ১
( 239 )
1
chers avant qu'ils aientleur huitieme jour , &
quelquefois plutôt , d'où il réuite des incon..
véniens & des abus qu'il eſt ellentiel de réprimer.-
Ileft reconnu que la viande de ces jeunes
veaux , n'ayant pas encore acquis la confittance
qui lui est néceſſaire , eſt mal faine ; & parconféquent
il importe d'en défendre a diſtribution
, pour prévenir les maladies que peut
occafionner l'ufage des viandes de mauvaiſe qualité.
Les Bouchers, ſoit qu'il ſoient preſſés deremplir
leur fourniture , foit auffi par un appåt de
gain , achetent indiſtinctement tous les veaux
qu'on leur préſente , & notamment les plus .
jeunes , qu'ils ont à vil prix , & qu'ils vendere
cependant au même taux que la bonne qualité
de viande ; cette facilité des Bouchers nuit néceffairement
à la multiplication des betiaux ,
la consommation s'augmente du double , en
tuant des veaux qui n'ont pas acquis la moitié
de la grolleur néceſſaire pour que la chair ſoit
faine ; & il est bien clair que cette grande conſommarion
, en rendant l'eſpece plus rare ,
augmente conſdérablement le prix du bétail ,
& conféquemment nuit à l'agriculture ,
merrant la plupart des particuliers dans l'impoſſibilité
d'acheter celui néceſſaire à l'explotation
de leurs terres.-Tous ces rapports d'utilité
pub'ique ſont faits pour exciter la vig
gilancede fon miniftere , & pour l'armer contre
des abus que la Cour va ſe hater de réprimer.
A ces cauſes , requiert qu'il ſoit fait de très.
expreſſes inhibitions & défenſes à tous Bouchers
du reffortde la Cour, d'acheter & matter des veaux
qu'ils n'aient au moins fix ſemaines ; comme
auſſi qu'il leur ſoit fait défenſes d'en tuer qui
aient plus de dix ſemaines , à peine de 24 liv.
d'amende , applicables , un tiers aux dénoncíaen
( 240 )
-
teurs , &deuxtiers aux pauvres, laquelleame nde
ſera payée ſur les verbaux des Officiers de Communauté
dans les campagnes , & des Commifſaires
de Police dans les villes, & ne pourra
étre remiſe ni modérée ; & qu'il soit enjoint
aux Lieutenans Générauxde police , aux Juges
& Châtelains exerçant la Police des villes ,
villages & bourgs du reffort,de tenir la main
chacun en droit ſoi , à l'exécution de l'Arrêt
qui interviendra , à peine d'en répondre en leurs
propres & privés noms ; & qu'il ſoit ordonné
que leditArrêt ſera imprimé , publié & affiché
dans toutes les villes , bourgs & villages du
reffort , & aux endroits accoutumés.-Vu la.
dice Requête , ſignée de Reynaud : La Cour fait
très expreſſes inhibitions & défenſes à tous les
Bouchers du reffort , d'acheter & matter des
veaux qui n'aient au moins fix ſemaines , comme
auſſi leur fait defenfes d'en tuer ayant_plus de
dix ſemaines , à peine de 24 livres d'amende
pour chaque contravention , applicables, un tiers
aux dénonciateurs , & les deux tiers aux pauvres ;
Jaquelle amende ſera payée ſur les verbaux des
Officiersde Communauté dans les campagnes,
&des Commiſſaires de Police dans les villes ,
&ne pourra être remiſe ni modérée. Enjoint
aux Lieutenans-Généraux de Police, aux Jugos
& Chatelains exerçant la Police des villes
bourgs & villages du reffort , de terir lamain
chacun en droit ſoi , à l'exécution du préſent
Arrêt , à peine d'en répondre en leurs propres
& privés noms. Ordonne qu'à la diligence du
Procureur-Général du Roi , ledit Arrêt ſera
imprimé , publié & affiché dans toutes les villes ,
bourgs & villages du reffort , & aux endroits
accoutumés. Fait en Parlement , le 27 Juillet
1787. Signé MORANDE.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le