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1787, 07-08, n. 27-34 (7, 14, 21, 28 juillet, 4, 11, 18, 25 août)
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30.80 Mo
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797
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Texte
MERCURE
3
J
DE FRANCE ,
!
DEDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
LeJournal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions&Découvertes,
dans les Sciences & les Arts ; les Specracles;
les Causes Célebres; les Académiesde
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits,
Arrêts ; les Avis particuliers, &c. &c.
4
SAMEDI 7 JUILLET 1787.
APARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou
rue des Poitevins , No. 17.
AvecApprobation & Brevet du Roia
TABLE
Preis
Du mois de Juin 787
IECES FUGITIVES .
Kers, M. ***
Bouquet
àMme la
de C***
Marquise
LePhenix & le Moineau , Fa
ble ,
Ama Femme,
Romance ,
Les deuxRofes,
4
45
Le Riche parvenu & l'Indi
T
i'lioteque choisie de
Sec.
L
deContes,
41
funtcrisinedce Difcours fur
nicipatie's $5
Suite des Obfervations fur la
Virginie, 69
Histoire d'Henri III Roi de
France,
81
97Eplere
mon Boële, 85
Recueil de Comédies nougent,
98
velles,
102
Epigramme,
99 Guide des Amateurs
145
Voyageurs à Pa is ,
des
Acoftiche ,
146 Hiftoired'Elifabech,
OdeàM. Laverne . 193 Difcours prononcés ononcés dans l'A-
206
Stances au Duc de Mouchi ,
LeTemps préfem ,
116
cadémic rençoise ,
196 Confidérationsfur la Société ,
Petit Pierre de Barcelonette, Varités,
197 Académie Françoise, Charades , Enigmes & Logo
215
Anecdote,
176 , 184,228
123
gryphes , 7 , 53 , 100, 150,
NOUVELLES LITTER.
SPECTACLES.
-204 AcadémieRoy. de Mulig. 125.
106220
Suitedes Eloges lus à la So- Comédie Françoise, 43 , 88 ,
137
ciétéRoyalede Med eme, Annonces &Notices, 44 93 ,
Les Amans d'autrefois , 22
Obfervations fur la Virginie,
141 , 190, 236
29
AParis de l'Imprimerie de M. LAMBER ,
cuc de laHarpe, près S-Come
Couplisets
744431
24009
MERCURE
7
DE FRANCE.
SAMEDI 7 JUILLET 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
RÉPONSE à une Invitation de diner
à la Campagne.
V
ous m'invitez en vers charmans
Aubanquet le plus agréable;
Vous troublez ma tête d'encens
Avantde m'enivrer àtable.
Vous parlez d'un ſexe attrayant
Qui doit embellir cette fère;
Mais vous taiſez modeſtement
Que c'eſt Horace qui l'apprête.
Un refus ſeroitpeu décent.
Jeudi je quitte ma retraite
EtnosBergères d'à-préſent ,
21
יכ . 2
A ij
MERCURE
Sans eſpritcomme ſans houlette ;
Et je vole dans vos climats ,
Ames pieds attachant des ailes ,
Preffer un ami dans mes bras ,
Et tomber aux genoux des Belles.
Je vous promets de la gaîté
Quoique, ſans rompre le traité ,
Je plaide au milieu des Orgies.
Vos Dames feront averties
Que dans ce grand jour je défends
Et tous les fidèles amans
Et toutes les Beautés trahies.
:
Vous , vous ferez , comme toujours ,
-Bel-efprit gai , Poëte aimable;
Vous ferez courir ſur la table
Les airs que chantent les Amours,
Les jolis contes, les bons tours
Et de l'Histoire & de la Fable ,
Et même quelques calembours.
Vous aurez pour vous les ſuffrages
De nos Calypfos aux beaux yeux :
Ce ſera le feſtin des Dieux
Şi ce n'eſt pas celui des ſages.
:
( Par M. Lebrun fils , Avocat.
Σ
DE FRANCE .
رد
A une Dame comme il y en a peu,
Madrigal.
Untimide mortel qui dans un coin végère ,
Pour toi depuis long-temps nourritun feu ſecret;
Il ſe tait, voyant bien que ta pudeur rejette
Tous les hommages qu'on lui fait.
Trop prudent pour tenter une épreuve indiſcrette,
LaG...... le croirois- tu ? '
Le plaiſir de te voir en tous points ſi parfaite
Le conſolede ta vertu.
(Par un Chevalier de Saint- Louis. )
LES ANES, Fable imitée de Gellert
PoëteAllemand.
LES
ES Anes ſe plaignoient aux Dieux
De leur traitement chez les hommes :
4311
Voyez, leur diſoient- ils ,l'eſclavage oùnousſommes;
Ah ! daignez adoucir notre ſort rigoureux.
Mes enfans, leur répond le Maître duTonnerre
Avec un regard de bonté
Allez travailler ſur la terre ,
Et recevez de moi l'inſenſibilité.
(ParM. Crommelin , de Guiſe. )
Ain
MERCURE !
Explication de la Charade, de l'Enigme &
duLogogryphedu Mercureprecédent.
LEmot de laCharade et Théâtre ; celui
del'énigme eft Dictionnaire; celui du Logo
gryphe eſt Anachronisme , où l'on trouve
Roi,maifon,roche , Caron , maron , Rhône,
chien , rime, anse , mâchoire , or Rome
Enoc, rofe,rime, Cana.
دن
M
CHARADE.
AINTami de Bacchus eſt ſouvent mon premier ;
Mahn verificateur excite mon derniers
Heureux lorſque Zulmis accorde mon entier.

(ParMlle de la F***.)
:
NIGME.
Dansuntuyaujepaffe,fans foulier,
Les plus beaux jours de cette courtevie;
Et pour prouver que telle est mon envie ,
Dès le matin je cours le publier.
(Par un Abonné au Sallon de la Ville d'Apt.
1
DE FRANCE. 7
;
1
LOGOGRYPHE.
Mon emploi leplus ordinaire
Eſt d'agir chaudement , Lecteur , pour fatisfaire
Devos bef ins les plus intéreſſans,
Etpour flarer un de vos lens.
2
Dan mon nom l'on trouve un infecte;
Un amas d'cau tranquille & quelquefois infecte;
Une cau plus vive ; un inftrument
Qui de cette onde auroit le mouvement 3
Un autreque l'on voit cauſer biendu ravages
Un très-habile imitateur
Auquel on doit maint excellent ouvrage;
L'antique nomd'une forte d'Acteur ,
Indécemmentjouant ſon perſonnage ;
Ceque dans chaque égliſe a conſacré l'usage ;
Un poiffon plat&large; un chétif animal
Qui répugne à la vue & ne fait que du mal ;
Un reſpectable nom que portent bien des filles;
Un être lans lequel tomberoient les familles;
Un noble Turc , fier d'unedignité
M
:
10
Quedugrand Impoſteur donne la parenté;
Deux notes;deux pronoms; celui qui vaut un frère,
Etque même àbon droit toujours on lui préfère ..
Lorſqu'encefrère onne le trouvepas ;
Un fynonyme de colère;
[
Aiv
8 MERCURE
L'opposé d'une chaîne; un eſprit; un viſcère;
Un mois dont fréquemment on vante les appas ,
Mais qui n'eſt pas toujours digne de ces louanges;
Un Prélat autrefois très-célèbre ici-bas ,
Et qui revit dans le ſéjour des Anges,
Unjeu de cartes bien joli ,
Mais qu'une Déeffe inconftante ,
La Mode , a de nos jours tout-à-fait aboli;
Undes contraires de poli ;
1
Un mets dont ſe nourrit la vieilleſſe impuiſſante;
Ledoux nom qu'un enfant donne à ſa gouvernante;
Du terme de défaut certain équivalent ;
15
Une place ſouvent brûlante
Dans le ſein d'un appartement;
Unetrès-quinteuſe femelle
Qu'on ne peut toujours accorder
Avec ſa ſoeur , qui vaut mieux qu'elle ,
Et par fois cependant devient encore plus belle
Quand celle-là daigne la ſeconder;
Une fingulière coëffure ,
Qui pour quelques humains eſt un ſigne d'honneur ,
Et pour d'autres mortels un objet de douleur ,
Une marque de flétrifſſure ;
De plus , en admettant l'i ſimple pour l'i grec,
Une Cité jadis puiſſante dans l'Aſie ;
Un arbre que ſouvent on nomme en poéſie ;
Puis encore.... Alte- là , Lecteur , je ſuis à ſec.
( Par M. N.... d' Arras. )
T
DE FRANCE.
9
NOUVELLES LITTERAIRES.
DISCOURSfur le Droit Romain , destiné à
être prononcé devant la Faculté de Droit
d'Orléans , par Me Lambert , Avocat au
Parlement , avec cette Épigraphe , tirée de
: Monteſquieu: Je me trouve fort dans mes
: maximes , lorsque j'ai pour moi les Romains.
Brochure in-4°.Ide 92 pages. A
Paris , chez Nyon , Libraire , rue du Jardinet
, & chez les Marchands de Nouveautés.
:
:
CE Diſcours n'eſt autre choſe que le projet
d'uneTraductiondu Corps du Droit Romain.
L'Auteur démontre la néceſſité d'une telle
Traduction ; & il faut convenir qu'après la
lecture de ſon Difcours, on eſt un peu furpris
que cette entrepriſe ſoit encore à exécuter.
Mais quand on fait que le Chancelier
d'Agueſſeau & d'autres grands Magiſtrats s'y
font oppofés , & l'ont crue dangereuſe , on
eſt moins étonné de n'avoir pas encore une
Traduction du Droit écrit .
Les raiſons qu'allèguent les ennemis de ce
projet ſont ſi foibles , que nous ofons à peine
les préſenter à nos Lecteurs. Ils fontfemblant
de craindre que fi le Corps entier du Droit
Av
Jo MERCURE
étoit traduit , les écoles ne fuſſent bientôtdéfertes
, & que le goût de la latinité ſe perdir
en peude temps: comme ſi c'étoit dans les
Livres&dans les Écoles de Droit qu'il fallût
chercher le goût de la belle latinité ! Ils diſent
encore qu'une telle Traduction ne peut jamais
être fidelle,& qu'il vaut mieux juger (ur
letexte pur que fur des verſions & des glofes:
comme fi toutesles fois qu'un Juge applique
un texte de la Loi à une affaire quelconque
, il n'en faiſoit pas ſecrettement , &
malgré lui , une Traduction mentale dans ſa
tête ! ne fuffit- il pas pour cela que le Juge
parle une autre langue que celle de la Loi;
qu'il foit Anglois ou François ,& la Loi Latine
ou Grecque ? L'Évangile lui-même eſt- il
autre choſe qu'une Traduction des paroles
de Jésus- Chrift : Et fi le genre-humain a pu
être ſauvé ſur des traductions , pourquoi les
affaires des hommes, purement temporelles ,
ne feroient-elles jugées que ſur des textes ?
Suppofons que dans une Affemblée de Députésde
toutes les Provinces , on exécutât la
Traduction du Corps entier du Droit , cette
Traduction-là nedeviendroit elle pas un texte
invariable & facré , où la valeur de chaque :
terme feroit à jamais fixée ? Ne ſeroit- ce pas
làmême le ſeul moyen de couper les têtes à
P'hydre de la chicane &des diſputes ? Enfin
n'est- ce pas une choſe extraordinaire que chez
un peuple éclairé , & dont la langue jouit
d'une forte d'univerſalité en Europe , quinze
ou vingt millions d'homines foient jugés d'un
DE FRANCE 11
bout de l'année à l'autre fur des Loix dont ils
n'entendent pas le texte? Quand François Ier
ordonma qu'on neplaideroit plus en latin , les.
ennemis de la Traduction du Droit auroient
pu ſe ſervir de tous leurs argumens ,& combattrelaſageréſolution
de ce Prince. Les Grecs
ont eu le bon eſprit de ſe donner des Traductions
du Corps entierdes Loix Romaines ,
& cela dans les plus beaux ſiècles de 1Empire.
Accoutumés àune langue célèbre par
tant d'écrits , & répandue dans preſque tout
l'Univers , ils dédaignèrent la connoiffance
detoute autre langue. En vain, dès le temps
de Sévère & d'Antonin Caracalla , il étoit ordonné
aux Préteurs ou. Magiſtrats de rendre
enlatin leursdécrets, l'empire de la Loi céda
àcelui du goût &de l'uſage; les Juges grecs
continuèrent de rendre leurs fentences en
langue grecque; &lesEmpereurs furent enfin
obligés d'en venir à les y autorifer par une
Loi. En vain Conſtantin donna à ſa nouvelle
Capitale , à ſes quartiers ,àſes édifices publics
des noms grecs ,&enſemble des noms latins;
la langue latine fut preſque renfermée dans
faCour,&bannie , comme barbare , du reſte
de la ſociété. Si ce Prince harangue en latin
le Concile de Nicée,il ne peut ſe faire entendre
des Pères grecs que par la voix d'un
Interprète. Sidefcendu de ſon trône , iladmet
ces Pères à ſa converſation familière , il faut
qu'il oublie , pour un moment , qu'il eſt Empereur
Romain , qu'il laiſſe à l'écart la langue
de Rome, & qu'il ſe prête à leur parler celle
Avj
12 MERCURE
de laGrèce. Depuis cetEmpereur,& fur-tout
depuis le grand Théodoſe , l'Empire , les
Sciences , les langues penchèrent continuellement
vers la décadence. La Liturgie rappeloit
d'ailleurs les Grecs à leur langue; la différence
des caractères les éloignoit encore de
l'étude de la langue latine. Autli Juftinien
même fut obligé de donner en grec les Loix
qu'il publioit pour l'Empire d'Orient , & d'en
faire deux exemplaires ,l'un grec, l'autre latin .
Lorſqu'après ſes conquêtes , ſon autorités'érendit
ſur les deux Empires , ennemi des commentaires
, il permit de traduire le Digeſte
en grec , afin de mettre les Juges & un plus
grand nombre d'Érudits de cette Nation à
portée de le lire.
De nos jours l'impératrice de Ruſſie vient
de publier fon nouveau Code en quatre ou
cinq langues , & on ne fait , en parcourant
ce Livre admirable , quelle eſt celle qui pourtoit
ſe vanter d'être le texte; quand on fe
rappelle fur - tout que la Souveraine eſt Ruſſe ,
qu'elle est née Allemande , & qu'elle parle
toujours François.
هیا
M. Lainbert , en traitant de la manière&
de la néceſſité de traduire le Droit Romain ,
ſe permet une infinité d'excurſions fur la nature
des langues & fur la prééminence de la
nôtre. Il accole ſes idées la-deſſus à celles de
l'Auteur du Diſcours ſur l'univerſalité de la
langue Françoiſe; ce qui forme la plus con
fidérable des notes qui terminent fon Ouvrage.
Mais nous ne faurions être de ſon avis
DE FRANCE. 13
quand il avance que c'eſt à la gaîté des François
qu'eſt dûe la fortune de leur langue; &
nous craignons bien que plus d'un Lecteur
ne prenne ceci pour une ſimple gaîté de M.
Lambert , qui ne ceſſede dire combien il eſt
triſte d'apprendre le latin,& fur-tout le latin
des Colleges. Nous n'entreprendrons point
l'analyſe de tout ce que dit l'Auteur touchant
le fonds , la nature& la beauté du Droit Romain.
Jamais un Corps de Loix ne ſera l'Ouvrage
d'un ſeul homme; cet édifice ne peut
être bâti que des mains du temps; il ne peut
S'achever que chez de vieilles nations , parce
que chaque Loi particulière n'étant que l'application
dù bọn ſens à des événemens imprévus
, il faut que les ſiècles dans leurs immenſes
révolutions, épuiſent toutes les chances
où les paſſions, les intérêts& les affaires
peuvent jeter un grand peuple. Une ſociété
naiffante, fût-elle fondée par un grand génie,
ne peut recevoir de lui que des ſtatuts &des
réglemens ; & c'eſt ainſi que Lycurgue , &
rous les fondateurs de religions & d'ordres
réguliers en ont uſe , ſans compter les emprunts
qu'ils ont faits aux législations des autres
peuples. D'où il faut conclure que la
collection des arrêts & des jugemens eſt à la
longue la plus complettedes Juriſprudences.
M. Lambert fait une réflexion un peu af-
Higeante ſur la carrière du Jurifconfulte ;
" carrière longue & pénible , & où rien ne
" ſoutient l'émulation , ni gloire ni argent.
>> Il n'en eſt pas ainſi , dit-il , du Général
14 MERCURE
» d'Armée & du Poëte. Mais que revient il
> à celui qui tourne ſes talens& ſes travaux
» du côté du Droit Romain ? En vain quelques
Gensde Loix applaudiront avec éclat >
> avec enthouſiaſme même à ſes efforts , à
* ſes ſuccès ; le Public , léger & incapable
* d'apprécier ſon grand mérite , ne répétera
>>jamais des éloges dont il ne ſent pas lajuf-
> rice. S'il louoit ce grand Jurifconfulte , ce
>>ne pourroit être que ſur parole , & ce qu'on
>>fair fur parole eſt toujours foible ; ce n'eft
- guère que le vain ſon d'un écho qui ne
> répond que quand on l'interroge , & dif
> tribue affez indifferemment la louange&
>> les fortiſes. Pluſieurs ſciences abſtraites ,
ود
par exemple , les mathématiques , participent
juſqu'àun certain point à ce défagre-
> ment. Car tel qui fut le plus grand Mathé
>> maticien de l'Europe , eſt preſque oublié
>> en un jour ,fi même il eſt poſſible qu'il ait
» jamais fait impreſſion par cet endroit.Et
» pourtant les mathématiques tiennent aux
>> ſciences , & même ont accès dans les Aca-
➤ démies ; au lieu que fi on y recevoit le
>> Jurifconfulte , ce ne ſeroit qu'à titre d'Ora-
» teur.
" Enforte que la gloire attachée , même
>> aux plus grands ſuccès, dans la partie du
>> Droit Romain , ne peut jamais être qu'une
>> gloire obfcure , concentrée , incertaine ,
> contredite par ceux- ci dans le même temps
>> qu'elle eſt celébrée par ceux-là , & ne tron-
>>vant guère au total que des incrédules ou
DE FRANCE.
>> des indifférens. Auflije ſuisperfuadé que ti
• Dumoulin & Cujas revenoient aujourd'hui
>> parmi nous , ils ſe garderoient bien de
• fonger à nous donner tous ces in-folio qui ,
➡ vu l'inſtant de ferveur où l'on étoit alors
>> pour le Droit Romain, leur ont procuré
- une exiſtencefiHatteuſe.
» Et quant à l'argent ,de toutes lesparties
» auxquelles peut ſe livrer un homine de
* mérite , il n'en eſt pas de plus ingrate que
CS ledévouement àl'étude des LoixRomaines .
• Iln'y a là ni penſions ni bénéfices, comme
- pour ceux qui ſe ſont conſacrés au ſervice
•des autels; & M. Pothier ſeroit mort vic-
➡ time du facrifice de toute ſa vie au Droit
* Romain , s'il n'eût publié beaucoup d'Ou-
> vrages, comine pour ſe dédommager un
• peu par ſes mains. » 4
Nous ne pouvons nous diſpenſer de citer
encore la douzième &dernière note, qui eſt
à-la-foisbien penſée&affez bien exprimée. t
-Les révolutions qui détruifent unpeuple ,
> dit M. Lambert, ruent toujours fa langue
>> du mêmetrait. Certe langue ſe traîne bien
>>encore plus ou moinsde temps parmi les
>>reſtes fangeux qui furvivent à la patrie;
>> mais elle areçu le coup mortel , & comme
» qu'elle lutte& ſe débatte, il faut qu'elle
>> ſuccombe à la fin. Cependant la langue
>> Romaine penfa échapper , du moins en
» Europe , à cette deſtinée commune. En
>>Aſie , où elle trouva des Nations toutes ci-
>> viliſées ,que l'ardeurduclimat rend comme
16 MERCURE
>>immuables dans leurs habitudes , les Em-
>> pereurs d'Orient & quelques Romains ,
>> quin'étoient guères là que d'heureux étran-
> gers , ne furent pas affez puiſſans pour la
>> foutenir , & elle tomba ſubitement. Mais
en Europe , elle eut une toute autre for-
>> tune. Comme les peuples qui envahiffoient
>> cette partie du monde étoient tous encore
> barbares ou à peu près , & qu'il ſe trou-
>> voit parmi eux plus de Romains , on adopta
>> avec joie , avec enthouſiaſme une langue
>> toute faite, charmante , & qui tranſinet-
>> toit d'ailleurs des Sciences & des Arts dont
> on n'avoit nulle idée. Enforte que par une
>>fingularité bien frappante , tandis qu'en
>>>Aſie elle avoir été contrainte de céder aux
>> vaincus , en Europe elle commanda aux
» vainqueurs même. »
Obfervons , en terminant cet article , que
fi le ftyle de M. Lambert manque quelquefois
de correction & de goût , il eſt en général
ſemé d'images & fort animé. On ne
peut d'ailleurs s'attendre qu'un Avocat écrive
comme un Homme-de -Lettres , & les Académies
mêine ne l'ont pas exigé.
1
: ( Cet Article est de M. le C. de R. )
DE FRANCE. 17
2
:
:
:
VIESdesgrands Hommes du Chriſtianisme,
&de ceux quisefontfait connoître relativement
à cette Religion, avec une Analyſe
critique de leurs Ecrits ; Ouvrage orné
de Portraits, par M. l'Abbé Robin , Chapelain
du Roi. A Paris, chez l'Auteur, rue
Bailleul S. Honoré , à côté de l'ancien
Grand-Confeil , 1787. Prix, 4 liv . 10 fols,
&4 liv. pour les Souſcripteurs qui auront
les premières Épreuves des Gravures. On
ſouſcrit pour les trois premiers Volumes.
:
On fera tant de Livres pour prouver la
Religion , qu'il n'y en aura plus du tout ,
diſoit le bonhomme de Sainte - Marthe , Général
de l'Oratoire. Rien ne lui a fait tant
de tort que les diſcuſſions , que les controverſes
qui depuis dix-ſept ſiècles défigurent
la plus fublime comme la plus pure des
Doctrines.
:
Sans doute la Religion , la Morale de
Jésus-Chriſt eſt augufte, touchante , & il
n'y en a point qui s'occupe davantage de la
félicité publique; elle eſt la ſeule qui par
principe ne ſe mêle pas des Gouvernemens.
Mahomet, Numa, Moyfe lui- même ſembloient
n'imaginer leurs Inſtitutions religieuſes
que pour appuyer & conſacrer les
ordonnances de leur police. C'étoient des
Peuples qu'ils vouloient fubjuguer & commander.
Le Législateur de l'Univers , qui
-
ne vouloit que perfuader & éclairer, ne
18 MERCURE
demandoit ni richeſſes , ni pouvoir, ni honneurs.
Docile Tributaire des Cefars , fon
Royaume n'est pas de ce Monde. Si fidèles à
fes maximes , les Papes, contens des clets de
Saint Pierre , n'euſlent jamais tiré l'épée de
Saint Paul , modeſtes Médiateurs entre le
Ciel& laTerre, ils feroient encore plus puifſans
que les Rois : ils auroient l'empire des
coeurs.
Iln'eneſt pas moins vrai que l'Évangile ,
malgré les fautes de ſes Interprètes & de fes
Miniftres, eft le ſyſtème de conduite lemieux
ſuivi, un code complet de moeurs & de vertus.
Indépeidant des climats &des temps , il
ne contient que de ces douces leçons qui
doivent réunir tous les hommes. La charité
sy peint fous des emblèmes attendriſfans.
Ici, c'eſt une femme qui , courbée ſous le
poids des ans à Sarepta, près de Sidon , fait
un gâteau d'une poignée de farine & d'un
peu d'huile qui lui reſtent , pour calmer la
him du Prophère Élie: là, un Samaritain
diſpateun malheureux à des voleurs , bande
fesplaies,& le conduit fur ſa monture dans
une hôtellerie. D'après les éloges que Jéſus-
Chriftdonne àceSamaritain,dont il réprouvoit&
le ſchiſme & les dogmes , comment
a-t-on pu imaginer qu'il falloit hair & perfécuter
les hérétiques , ne pas vivre avec
eux, ne pas même les ſaluer; que voler leurs
biens c'étoit prendre ce qu'ils ne pouvoient
pas poffeder , &qu'enfin toutes leurs actions
Goientdes péchés! Ce n'étoit guères là l'ef
DE FRANCE. 19
prit de celui qui ne voyoit dans les foibles
humains qu'une aſſemblée de frères. Tour
ce qu'il adit, ce qu'il a fait porte un caractèrede
fimplicité, de bienveillance , de manſuétude.
Toujours indulgent, il corrige fouvent
ſanspunir.
S'aimer& ſe pardonner , voilà la baſe de
cetre Morale qui deſcend pour nous des
Cieux. Ni les conſeils , ni les préceptes , ni
les exemples, tien n'eſt épargné pour qu'elle
ſegravedans nos ames. Tantôt c'eſt une maxime
familière, mais profonde : " Otez pre-,
mièrement la poutre de votre oeil , & vous
verrez enfuite comment vous tirerez la paille
de celui de votre prochain. " Tantôt c'eſt un
apologue.
UnRoi ſe fait rendre compte par ſes ſerviteurs.
On lui en preſente un qui lui doit
dix mil e talens. Infolvable, il fera vendu ,
lui , ſa femme & ſes enfans. Le Maitre eſt
ſupphé ,& il remet la dette. Ce même ſervireur
ingrat, puiſqu'il ne ſavoit pas être bon ,
fait arrêter un de ſes compagnons qui lui
devoitcentdeniers; & s'il n'a pas d'argent, il
va mourir. Au récit de ce procedé barbare le
Maître le rappelle, révoque la grace , & la
Juſtice s'en empare.Eſt-il poſſible de montrer
ſous une image plus vraie, àdeshomines
deſtinés àpartager leurs peines comme leurs
plaisirs , que l'indulgence fait la gloire des
Rois&le bonheur des ſujets. ;
On vance la Philoſophie. Sans doute cette
four de la Religion mérite comme elle de
20 MERCURE
conduire les hommes. Ils lui do
rités & des vertus. C'eſt elle qu
Platon , les Socrate ; mais qu'il
core éloignés de connoître & 1
leur fin!A leur École on n'acqu
qualités du Pharifien , qui reme
vidence de ce qu'il n'étoit ni v
jure; enfin ces petites vertus
leſquelles mon fils ſera damu
mère de Fontenelle. A l'École d
ſous les yeux d'un Dieu qui éto
des coupables , l'ami des infortu
de tous les hommes , avec de ne
tifs la ſageſſe prit de nouvelle
terre n'étoit plus qu'un paſſage
auCiel , & il falloit tracer ſes pa
nes actions. Alors parut cette c
&humble qui oublie les injures
nemis de s'embraffer, qui de la
rend des ſervices que la main ga
&ne craint pas de faire des ing
Voilà l'idée que donne du
l'Ouvrage de M. l'Abbé Robi
comme Monteſquieu , qu'il e
garant que l'on puiſſe avoir des
vées, il s'eſt fait un devoir d'étr
lopper l'origine , les principes a
Rien n'étoit plus propre à ren
que l'Hiſtoire raiſonnéede celui
& de ceux qui l'ont ou défend
Celle de Notre - Seigneur pr
Peintre a long-temps étudié fon
le diſpenſoit de nous tranfcri
DEFRANCE. 21
qu'ont faits les Juifs , & les Fidèles qu'il veur
inſtruire ont-ils beſoin de ſavoir qu'un
nommé Jofeph Pandera , homme débauché
& violent devint amoureux d'une jeune
Coëffeuse nommée Miriane.... & que c'eſt
parce que les cheveux de Jeſchu furent arrachés
que les Moines ſe rafent ? Toutes ces
ſottiſes, ces invraiſemblances , ces anachronilmes,
il faut les laiſſerdans la pouſſière qui
les couvre,
On connoît la vie de Saint Pierre. Doué
d'un bon coeur, le caractère un peu verſatil ,
il fir des fautes qu'il expia par des larmes ;
mais ſes Epitres font moins connues. M.
Robin les analyſe avec autant de goût que
de préciſion;& l'on n'eſt point étonné que
Grotius y ait trouvé une force, une véhémence
, une vigueur dignes du Prince des
Apôtres. Ses ſimilitudes , ſes expreſſions ſont
ſouvent celles de Saint Paul. Il donne les
mêmes avis aux Évêques , aux époux , & recommande
fur-tout l'obéiſſance aux Princes
&aux Magiftrats. Comme Pape , ſa pauvreté
nous rappelle la réponſe que fit un Prélat àun
de ſes Succeſſeurs , qui plus riche étoit moins
puiffant. Saint Thomas entroit dans une des
falles du Palais au moment où des facs s'y
vuidoient dans des caiffes d'airain. Vous
voyez lui dit le Chefde Rome , que l'Égliſe
n'eſt plus dans ce fiècle où elle diſoit : Je n'ai
ni or ni argent. Il est vrai , Saint Père , reprit
leDocteur; mais auffi elle ne peut plus dire
au paralytique : Lève- toi & marche.
22 MERCURE
:
:
Qui fit plus de miracles que Saint Paube
Ils étoient l'objet, la preuve & le prix de la
foi. Avec un caractère måle & des talens qui
nes'acquièrent pas, il avoit un de ces gémes
quedéveloppent les révolutions. Ennemi des
Chretiens , c'etoit leur bourreau. Poufle par
laGrace dans le ſein de l'Eglife , il en devint
l'Apôtre , le Héros&leMartyr.
Pour pouvoir juger quels devoient être les
fervens Miffionnaires de la Religion naifſante,
quels moyens furnaturels ils recevoientde
leur Maître pour forcer l'opinion ,
il étoit néceſſaire de connoître les rivaux qui
leurdiſputoient leMonde.Quelhomine que
cetApolloniusde Thyanes ! Inftruit dans les
Écoles les plus fameules, chez les Prêtres les
plus révérés , ſobre & muet comme Pythagore,
toujours allez fort pourbraver labeauté
même, le père des pauvres , l'oracle dos
riches, il inſtruiſoit les Peuples,& plus d'une
fois des Députés vinrent depoſer a ſes pieds
le tribut des Villes. Les Brachmanes des Indes
, les Mages des Perſes,lesGymnofophiftes
d'Égypte s'honoroient de ſes entretiens. A
Ninive, à Éphèſe, à Smyrne, à Athènes, à
Corinthe il reçut de ces hominages qui ne
flartent que quand ils font libres. Quand les
Monarques lui offroient leurs Palais : - Je
ne loge qu'avec mes égaux. Celui de Babylone
lui demandoit ce qu'il falloit faire pour
régner avec ſécurité : Honorer plufieurs
perfonnes; mais n'accorder ſa confiance qu'à
unpetit nombre. Les leçons qu'il donna à
-
DE FRANCE. 23 :
Vefpafien font bien voir qu'il ne connoilloit
d'auiresDetpotes fur la terre que la vérité
& la vertu. " Soyez le père de vos Cités,
Aimez les richelles, non celles qui ont coûté
des larmes aux indigens , non pour les enfever
Ir dans les coffres , mais pour les répandre ſur
les malheureux, & pour protéger les talens.
Encore que vous ſoyez au deſſus des Loix ,
obéitlez leur. Montrez d'autant plus de véné
ration pour les Dieux que vous êtes plus
élevé, & que vous en avez reçu plus de
bienfaits; conduiſez-vous en Empereur dans
ce qui regarde l'adminiſtration publique ;
mais foyez homme dans la vie privée. Ne
Jaillez eſpérer l'Empire à vos fils que par
leur mente , & non par leur naiſſance.
Parlent-ils avec plus de hardieſſe & de fran
chiſe, les Précepteurs de nos Rois, dans ce fie
cle eclaire où l'art de régner deviendra l'art de
conquérir les toputs ?
Cenfeur utile dans toutes ces contrées où
les anciens Philoſophes de la Grèce, ſes Ló
giflateurs , ſes Poëtes même avoient jadis
puiſe des lumières, il ſe contentoit de cortiger
les abus, bien different des réformateurs
qui ne renverſentun arbre que pour en man
ger les fruits. Ades plaiſirs qui énervent ou
qui dégradent , il ſubſtituoit des inſtitutions
qui donnent au Citoyen le ſentiment de ſes
forces&defesdroits.
1
Avec ſa célébrité il ſeroit difficile de n'avoir
pas tous les talens , ceux ſur-tout qui
dependent de l'opinion. On s'imagina qu'd
24 MERCURE
avoit tous les ſecrets d'Eſculape , & il parut
le croire. Un débauché, dont le vice avoit
flétri & défiguré les traits, las des Dieux,
implore ſes conſeils. - Jeune homme , bfculape
te promet la ſanté , mais ne te la
donne pas : change de moeurs , & tu ſeras
guéri.-La recette étoit ſimple , & de nos
jours c'eſt encore la meilleure que connoiffe
même la Société Royale de Médecine .
Voilà donc ce Sage que Philoſtrate&beaucoup
de ceux qui ont lu Philoſtrate , oppoſent
au Légiſlateur des Chrétiens! C'eſt ce parallèle
impie que M. l'Abbé Robin a décrié
avec un ſuccès que ſon zèle ſeul ne lui affuroit
pas. Il falloit queſes raiſonnemens fuſſent
des preuves , & il prouve. On ne lui reprochera
pas d'avoir affoibli le caractère du Prophète
payen. Son portrait eſt noble , impofant;
il étonne, il attache ; mais est- ce ſa
faute ſi dans le même tableau il y a des géans
de quinze pieds, des pygmées d'une coudée
&demie, des ſciopodes qui s'ombragent le
corps avec leurs pieds , des arbres qui ſaluent
le thaumaturge de Thyane ? C'eſt ſon fidèle
compagnon Damis , qui dans ſa Vie atteſte
ces merveilleuſes inepties *..
* Les Portraits en biſtre font honneur aux talens
des Artiſtes que M. l'Abbé Robin a employés.
GENEVIÈVE
DE FRANCE:
15
GENEVIÈVE de Cornouailles , & le
Damoifel fans nom , Roman de Chevalerie,
parM. de Mayer, troiſième Édition .
2 vol. in- 12. Prix , 3 liv . brochés. A Paris ,
chez Buiſſon , Libraire , rue des Poitevins ,
hôtel de Meſgrigny.
UNE lettrequi ſe trouve placée à la tête de
ce Roman , annonce quelle a été l'intention
de M. de Mayer. - " Oui , Madame , j'en
conviens , peut- être avons-nous beſoin de
Romans de Chevalerie , quoique la mode en .
foit paflée; car quel eſt le caractère de ce
genre d'Ouvrage? C'eſt d'élever l'âme , d'infpirer
tout- à- la-fois l'orgueil du nom , la ſen
libilité la plus vive,&une galanterie décente
&délicate. L'honneur , la gloire, l'amour en
compoſoient le fonds.Quand on les avoit lus ,
on étoit plus tenté de croire à tous les prodiges
de la valeur & de la tendreſſe , on le fentoit
exalté autant qu'ému. Les principes fondarnentaux
de nos devoirs envers le Prince ,
envers l'État, envers les hommes, s'y faifoient
aimer par le charine des fictions qui les paroient....
»
Nous convenons volontiers avec M. de
Mayer , que dans la foule des Romans dont
nous ſommes accablés , ceux de Chevalerie
méritent la préférence , parce que la fable
poſe fur des baſes reſpectables. La nobleffe
fur- tout a tout à gagner à ces lectures .
M. de Mayer nous préſente dans le Dai
No. 27,7 Juillet 1787 . B
26 MERCURE
moiſel un jeune Chevalier toujours brave ,
toujours vertueux , bon ami , bon fils , élève
refpectueux , amant ſenſible. Les épreuves
multipliées par leſquelles le Damoifel paffe
continuellement, font auſſi ingénieuſes que
morales. C'eſt par tout un heureux alliage de
la fleur de la galanterie & de la plus excellente
morale. Les tableaux font gracieux ,
les allirfións fines&délicates. On pénètre ai
fément l'allégorie du ſiège de Silley ,&les
perſonnages de la Cour de la Reine Judith,
Les Princes François ſont également recon
noiffables , & préſentés avec vérité. On fait
de quelle Reine & de quel Enfant Royal M.
deMayer veut parler. Sa romance intitulée
la Berceufe , eſt pleine de naïveté , & c'eſt aune
louange adroite fans flatterie.
On trouve dans ce Roman des ſituations,
neuves& touchantes. De ce nombre font le
tombeau d'Alfred, le bûcher de Geneviève ,
le combat de Palmeria & celui de Griel ; la
douleur d'Onolnic, le défefpoir de Geneviève
&du Damoifel , la mort de la PrincefleGra-,
filinde. Parmi ces allégories on diſtinguera le
palais de Beauté , le temple du Caquet , de la
Mode, & tout ce qui ſe paſſe dans le Vexin
François.
Nousallons nous borner à une citation qui
nous paroît peindre avec la naïveté qui caractériſe
les anciennes moeurs de la Chevalerie,
les momens, les premiers inftans où
l'on aime.
Geneviève vient le mettre ſous laprotec-
:
DE FRANCE.
27
1
tion du Damoifel. La Nourrice parle. -
Sire Damoifel , voilà Geneviève , que l'honneur&
les devoirs de Chevalerie affurent de
votre protection .-Vrai Dien! &je la dérendrai
, Nourrice , vous pouvez y comprer. -
Et ſe tournant vers Chapelle: - Quelle est
belle !- Je n'ai pas beſoin de ſavoir ce que
vous êtes , belle & gentille Damoiſelle; puifque
vous implorez afſitance de Chevalier ,
il faut que vous ſoyez née Damorfelle; je
vous en crois,& crois que vous êtes une Di- :
vinite; au moins ell il vrai que vous êtes une
merveille. -Geneviève fir la révérence ,
rougit & trembla. Le Damoiſel vouint la reconduire
,& lui préſenta la main. Ahlil trem-
-boit auſli fort qu'elle. Effet charmant d'un
attrait irpénétrable ! J'ai tremblé , dit le Damoifel
àChapelle.-Saurez demain tout ce
que cela veut dire.
C'en étoit fait , il ne devoir plus oublier
la belle Geneviève de Cornouailles ; il n'alloit
plus ſe préſenter aux combats fans ces emblèmes
heureux , qui font l'âme de la Chevalerie,
fans tapporter à ſa bien- aimée toutes
ſes proueffes & ſes victoires. Le matin , en
fortant de fon lit, ilne fait que dire : ah !
Chapelle, j'ai trouvé ma Dame.
Geneviève n'avoit point paffe une nuit
plus tranquille ; mais fon infomnie n'avoit
rien que de doux. Le ſentiment qui l'agitoit
étoit fi nouveau ! elle en ignoroit & la caufe
&les fuites. Eh ! quelle crainte pourroit inf
pirer un penchant qui naît & ſe déclare fang
B 11
28 MERCURE
effort? Il ſembloit à Geneviève qu'elle venoit
de connoître un nouveau befoin , un beſoin
fi doux , fi naturel , ſi néceflaire ! Il n'étoit
partie de ſon être qui ne répondît à fon coeur,
&à laquelle ſon coeur ne répondît. Le Damoiſel
étoit jeune , elle étoit jeune auſſi. Ces
rapports de jeuneſſe ſont ſi puiſſans ! Ily en
avoit un autre auquel n'échappent point les
âmes neuves & reconnoiffantes , c'étoient les
ſervices que le Damoiſel étoit prêt de lui
rendre: cette eſpèce de paternité que la force
qui aime à obliger, exerce envers la foibleſſe ,
eſt bien attachante ! Nourrice, diſoit-elle , que
vous en ſemble du Damoiſel , il eſt gentil ?
-C'eſt de quoi me ſuis aviſée.-Le hafard ,
Nourrice , a eu pitié de moi. Je penſe
comme vous.
-
Nous ſommes forcés de ne pouvoir faire
connoître , par plus de citations , ce joli Roman
, où l'on trouve un agréable mêlange
d'eſprit&de fentiment ,&une parfaite étude
de laChevalerie.
*
DE FRANCE. 19
:
LES Terriers rendus perpétuels , Ouvrage
utile à tous Seigneurs de Fiefs , Notaires ,
Commiffaires à Terriers , &c. &c. , fixième
&dernière Livraiſon , contenant le réſumé
général de l'Ouvrage , ſuivi de la réimpreffion
de Introduction. On y a joint un
Avis ſur la reliûre en deux Volumes, au :
quel on engage tous les Souſcripteurs de
ſe conformer , attendu l'inconvénient de
mettre le tout en un. A Paris , chez M.
Aubry de Saint - Vibert , Commiſſaire à
Terriers , rue de la Vieille - Monnoie ,
nº. 12 , près celle des Lombards. Prix ,
60 liv. en feuilles , rendus franc de port
par la poſte dans le Royaume , en affranchiffant
l'argent & la lettre d'avis.
L'AUTEUR de cet Ouvrage ne pouvoit
pas le terminer dans une circonstance plus
heureuſe, ou tous les eſprits en fermentation
fur ce qui conftitue l'économie politique &
rurale , ſemblent ſe diriger univerſellement
vers cet important objet. Il ſemble ſur-tout
qu'il ait prévu l'intéreſſante révolution qui
ſeprépare, tant ſa marche a de rapports avec
les opérations dont on s'occupe aujourd'hui ,
tant elle a d'influence ſur le regime des pro-
-priétés des Citoyens. Ce qui diſtinguera le
plus cette production , c'eſt l'érendue de fon
plan, la fimplicité de ſes moyens & la multiplicité
des détails qui n'empêchent pas l'harmonie
entre les différentes parties. La marchede
cet Ouvrage exigeroit des détails ſi
Biji
MERCURE
multipliés &fi étendus , que nous préférons
de renvoyer le Lecteur au Livre même , perfuadés
qu'il reconnoîtra dans l'Écrivain les
qualités du véritable Citoyen & de l'homme
inftruit.
SPECTACLES.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
Si nous ne confultions ſur le Poëme de
Tarare que l'opinion la plus générale , comnie
nous le faiſons ordinairement , nous n'aurions
qu'un ſeul mot à en dire , & ce mot
feroit dur. Il manque , dit-on , de plan , de
vraiſemblance , de but moral , de décence ,
de vérité de caractères & de coftume ; c'est
un amas bizarre d'incidens entailes ſans ordre,
ſans intérêt , &dialogués dans un ſtyle
où la langue, le goût &même les premières
règles de la verfification font bleſſes à chaque
inſtant. Dans les premiers jours , les amis de
l'Auteur & ceux de la modération objectoient
à tant de critiques , qu'au moins cette
Pièce étoit remplie d'imagination. Cette refſource
vient de leur être ôtée. On a décou--
vert que le plan de Tarare eſt calqué mot-àmotfur
un Conte oriental , imprimé depuis
long temps. Et lorſqu'on emploie ce raiſonnement
ordinaire: "qu'il faut bien que cet
"Opéra ait quelque mérite , puiſqu'on y
DE FRANCE.
>> court en foule; " ony répond par des parallèlesdont
l'amour-propre de l'Auteur pourroit
être offenſé. On attribue cette affluence
au jeu excellent des Acteurs , aux beautés de
la muſique , à celle du ſpectacle& des décorations.
Il ſemble que cer Opéra n'ait d'autre
avantage ſur la lanterne magique , que celui
d'amufer les oreilles en même temps que
les yeux.
...Quoique ce jugement ſoit en effet celui
du plus grand nombre, il nous paroit d'une
ſéverité bien outrée. Sans doute que l'opinion
très favorable qu'on avoit conçue de
cette Pièce long- temps d'avance , a dû influer
furcelle qu'on en a priſe aux repréſentations ,
&que les eſprits ſe font armés d'une rigueur
proportionnte aux motifs d'admiration ſur
Jeſquels ils comptoient. Beaucoup de perfounes
avoient annoncé cetOpéra comme le
modèle futurde tout ce qu'on écriroit déformais
pour ce Théâtre:l'amour-propre révolté
adû rendre l'examen plus rigide , &jeter plus
de jour ſur les défauts de ce modèle propoſe;
néanmoins il faut qu'il y ait encore quelque
autre cauſe plus perſonnelle , plus dépendante
des circonstances actuelles pour motiver
certe animofité. On a beaucoup déclamé
contre Figaro ; mais Figaro avoit encore
plus d'amis que de détracteurs : peu de perfonnes
au contraire ofent prendre le parti de
Tarare. Cependant , quoique ce Poëme mérite
en grande partie les reproches qu'on lui
fait,nous croyons qu'il ades beautés réelles ,
١٧
32 MERCURE
indépendantes de ſes acceſſoires , & auxquelles
on ne rend pas affez de juſtice. La
preuve que c'eſt le fonds même quí intéreſſe
plutôt que les acceſſoires , c'eſt qu'on applaudit
fort peu pendant ce long ſpectacle , &
qu'on y reſte pourtant ſans ennui. N'eût- il
doncquele mérite d'amuſer , c'en eſt un , c'eſt
lepremier fansdoute ,&les meilleurs Opéras
ne l'ont pas toujours.
C'eſt un mérite que d'avoir prêté autant au
jeu des Acteurs. Le meilleur Acteurdu monde
ne peut faire fentir dans ſon rôle que ce que
P'Auteur y a mis. Nous convenons que Tarare
n'agit point dans la Pièce , qu'on ne voit
aucun effet de ce grand caractère qu'on lui
prète , que rien ne juſtifie l'amour que les
Soldats ont pour lui , ni la moralité qu'on en
tire au dénouement; nous convenons qu'il
pleure toujours quand il faudroit agir , qu'il
compte beaucoup plus ſur le ciel que ſur ſon
courage; cependant M. Lainez ne pourroit
rendre ce rôle avec tant d'intérêt & de chaleur
, fi ce rôle n'en avoit pas intrinsèquement.
Nous ne diffimulerons pas non plus les invraiſemblances
du rôle de Calpigi. Dans l'état
où on l'a réduit , privé des cauſes qui donnent
à l'âmede l'énergie, c'eſt une faute fans doute
que de lui avoir donné plus de grandeur , de
nobleffe , d'activité qu'à Tarare même , tandis
que le caractère propre de ces demi-hommes
eſt ia molleſſe , l'inertie , la foibleſſe , le
rétréciſſement des idées , &c. Mais qu'im
:
DE FRANCE.
33
:
porte? L'effet n'en est - il pas le même au
Theatre ? Pourvu qu'il y ait du mouvement ,
pourquoi s'embarraſſer de ce qui le produit?
Atar eſt , à la vérité, le plus atroce de tous
les Deſpotes. Il révolte ſans attacher. Rien
ne peut juſtifier l'imprudence avec laquelle
il confie à tout le monde la haine qu'il porte
à Tarare , & le deffein qu'ilade ſe défaire de
lui , ni celle de différer fon fupplice pour obtenir
du Grand-Prêtre ſa condamnation , dont
il n'a que faire, tandis qu'il avoit tout droit
&toute raiſon de le faire poignarder en le
-ſurprenant dans ſon Sérail , &c. Mais enfin
ceTyrandonne une idée allez juſte des moeurs
afiatiques ; & quoique l'Auteur les air violées
dans preſque tout le reſte, on doit lui ſavoir
gré de les avoir confervées en cela.
:
:
On ne peut nier que le caractère duGrand-
- Prêtre , & fur-tout ſa Scene avec l'Enfant ,
ne foit très-piquante & très -neuve à ce Théâ
tre , quoiqu'on ſoit un peu étonné d'entendre
parler parmi des Bramines, des Augures
qui appartenoient à la religion des Romains.
Il y a à cet égard une confufion de moeurs &
de coſtumes que nous ne prétendons pas défendre.
Les expreffions de Déeffe, defils des
Dieux, &c . ne conviennent pas plus à cette
mythologie que les mots de Sultan , de Bostangi
, &c. qui font des mots Turcs , ne conviennent
à une ville de l'Inde , ſous la domination
Perfane .
Il y a auſſi des invraiſemblances dans les
ſituations ; celle où le Tyran oblige Tarare de
By :
34 MERCURE
Louhaiter qu'Irza réponde à ſon amour , ne
fert à rien, ne peut rien produire ; car ce
voeu qui ne ſauroit être entendu d'Irza ne la
déterminera point. Il amène ſeulement ce
mot de Calpigi: Jefers un homme affreux ,
commes'il pouvoit l'ignorer , & comme li ce
dernier trait n'étoit pas le moindre de tous
fes crimes. La fituation où Tarare eſt nommé
Chefde l'Arméen'eſt pas aſſez motivée; on ne
fait pourquoi ſon nom eft prononcé par l'Enfant.
Cependant elle fait un grand effet , parce
qu'à ce Théâtre ſur tour, comme nous l'avons
ditpluſieurs fois , il s'agitbien plus de frapper
fort que de frapper jufte.
Onnepeut conteſter qu'il n'y ait de l'intérêt
au moment où Calpigi , qui craint de
voir arriver Tarare , eſt obligé pourtant de
chanter fon hiſtoire ſur un ton de gaîté. Seulement
on demande comment le nom de Tarare
pourra rendre la nuit dans des jardins
éclairés par des milliers de lampions le long
des plates-bandes , & de lanternes dans tous
les arbres. On ne conçoit guères comment
• Tarare a pu traverſer ces jardins fans être
vu , & comment il ne reconnoît pas Calpigi
au milieu de tous ces feux qu'on n'a pu étein-
* dre en un inſtant. Mais on ſe prête à l'illufion
en faveur de l'intérêt qui en réſulte.
:
On critique aufli le moment où Tarare
voyant que le Tyran eſt chez ſa maîtreffe ,
s'ainuſe à invoquer Brama ,& à crierde toute
fa force, malgré le danger qu'il court , malgré
les prièresde fon ami , au lieu d'entrer & de
DE FRANCE.
35
poignarder ce dangereux rival , ce qui ſeroit
plus convenable à la ſituation , à fon caractère,
aux moeurs du pays; mais on peut répondre
que ſon reſpect pour ſon Souverain
ne luipermet pas de prendre ce pasti ,&qu'il
a tant de raiſons de compter ſur le ſecours
du ciel , qu'il ne riſque rien de s'y adreſſer
encore.
Si l'on demande ceque produit l'échange
entre Aftafie & Spinette, d'où naît enfuire un
équivoque également inutile & prolongé jufqu'au
dénouement , nous répondrons qu'il
produit un mouvement qui ſoutient toujours
l'attention , & qu'il en réſulte un très - joli
duo , ce qui n'eſt pas fi futile qu'on le croiroitdans
unOuvrage Lyrique.C'eft certainement
un grand mérite d'amener des ſituations
muſicales , & on a droit à ſe faire pardonner
beaucoup de chofes quand ony est parvenu.
C'est un mérite encore de donner lieu à
unbeau ſpectacle, & on ſera forcé d'avouer
que celui de Tarare eſt d'une grande magnificence,
très-varié , & d'un genre très-neuf.
Tant d'avantages devoient , à ce qu'il nous
ſemble, obtenir un peu plus d'indulgence en
faveur du ſtyle , qui eſt à la vérité rempli de
négligences & d'incorrections, qui manque
quelquefois de goût , & ſouvent de clarté ,
mais dans lequel on trouve cependant de la
chaleur & de la force. Nous ne prétendons
pas juftifier la tirade ſuivante; elle raffemble
preſque tous les défauts: c'eſt le Génie du
Feu qui , dans le prologue, demande à la Na-
B vj
36 MERCURE
ture ſi elle exerce ſur les individus le pouvoir
abſolu qu'elle a ſur l'eſpèce humaine.
Elle répond :
Oui , ſi je defcendois à quelquessoins perdus.
Mais pour moi qu'est une parcelle
Atravers cesfoules d'humains
Que je répands à pleines mains
Sur cette terre , pour y naître ,
Briller un inſtant , diſparoître ,
Laiſſant à des homines nouveaux,
Preſſés comme eux dans la carrière ,
De main en main les courts flambeaux
De leur exiſtence éphémère ?
Cette période,dont la longueur, l'enchaînement
& la forme ſont entièrement oppofees
'à la muſique , cette métaphyfique inintelligible
n'eſt qu'un tiſſu d'expreſſions impropres
&vicieuſes. C'eſt le défaut général du prologue
, qui n'a pas du moins , comine l'Opéra,
le mérite d'être amuſant. Mais on y trouve
ees vers qui renferment une belle idée :
Mon oeil entre- eux cherche un Roi préférable.
Nature , l'erreur d'un moment
Peut rendre un fiècle miſérable.
Voici un antre exemple d'obſcurité dans
lePoëme. Calpigi dit, en parlant de Tarare :
Il est vrai , ſon nom adoré
Dans labouche de tout le monde
DE FRANCE.
37 .
:
Eſtun proverbe révéré.
Parle-t'ondesfureurs de l'onde
Oudu fléau le plus fatal ;
Tarare eſt l'échogénéral,
Comme fi ce nom ſecourable
Éloignoit , rendoit incroyable
Le mal , hélas ! le plus certain....
L'Auteur veut dire probablementque lenom
de Tarare eft une expreflion proverbiale qui
fert à révoquer une choſe en doute. Mais
-cela eft il exprimé ici? Quel rapport y a-t'il
entre Tarare & les fureurs de l'onde ? Atar
dit à Calpigi , dans la ſeptième Scène : Sois
inintelligible. On voit que ce n'eſt pas lapremière
fois que cet ordre lui eſt donné.
M. deBeaumarchais fait rimer certain avec
chrétien , chalit avec Calpigi ; idée aves enchantée;
livrée avec vengée; ces rimes font
inadmiſſibles . Il y a des vers qui ne font pas
céſurés , comme ceux- ci :
Achève-donc... Ne crains-rien , ſuperbe Altamort.
Sa perfidie.... Il s'en- éloigne avec douleur.
Il eſt inſtruit.... inu-tile & vaine faveur.
... Moi.... vous Moi .... Vous , vous Spi-nette , il y
va desjours.
Ontrouve auffidans cetOuvrage une foule
d'expreſſions incorrectes ou impropres , &
d'inverſions forcées. Nous en citerons quel
ques- unes :
Qui voulez-vous auprès d'elle qu'on mette ?
38 MERCURE
Tarare avoit , au-lieu d'ancêtres ,
Déjà vaincu dans cent combats.
Jamais dans nos climats heureux
La beauté ne tremble afſervie.
Chez nos maris , preſque à leurs yeux ,
Un galanten fait ſon amie.
Cette conftruction manque tout - à - fait de
claré.
D'algues impurs.
1
Algue eſt féminin , &, comme nom généririque
, ne s'emploie point au pluriel. On dit
de l'algue , & non des algues . 1
Je ſuis ſauvé , grâce à ton coeur ,
dit Tarare à Calpigi , au- lieu de: grâce à ton
intelligence , ou, ſi l'on veut même , à ton
amitié.
Apprends lui que ma tendre flamme
La donne à ce moastre pour femme .
Ah!je mefens altéré de leurs peines ,
Et j'ai foifde les voir ſouffrir.
Aſtaſie réponddeux vers plus loin :
Le rugiſſementde toncooeur
Annonçoit ta faim dévorante ,
Et moi je t'ai bravé , &c.
Tarare dit:
Encore uneminute ,
1
Et notre amour conſtant
)
DE FRANCE.
39
Ne ſera plus en butte
Aux coups d'un vil Sultan.
ATAR.
Orage! affreux tourment!
C'est moi , c'est moi qui tutte ,
Et leur coeur eft content.
Nous n'avons cité que les fautes, qui n'ont
beſoind'aucune diſcuſſion pour être ſenties.
Nous les avons relevées avec courage ; mais
nous ajouterons avec plus de courage peutêtre
encore , que malgré ſes défauts nombreux
, cet Ouvrage nous paroît fait pour
plaire long-temps au Théâtre ; qu'il a plus de
mouvement & d'intérêt que le genre n'en
paroiffoit fufceptible ; que ſi les ſituations y
font invraiſemblables & forcées , il y en a
beaucoup plus que dans lesOpéras ordinaires,
& qu'elles font preſque toutes beaucoup
d'effer. Enfin ſi ce Poëme ne doit pas être
propoſe pour modèle , ainſi qu'on l'avoit annoncé
, il doit au moins apprendre aux Auteurs
Lyriques qu'on peut étendre cette carrière
beaucoup plus loin qu'aucun d'eux n'a
oſé le faire juſqu'ici.
:
40
MERCURE
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure,
MONSIEUR ,
IL s'eſt gliſſé dans un Ouvrage très-intéreſſant
qui vient de paroîtrefur les rapports de commerce de
la France & des Etats- Unis *, une expreſſion
équivoque qui a donné lieu à pluſieurs diſcuſſions
dans une Société qui s'occupe de Peltique , & dont
je ſuis Membres peut- être ne ſera-t-il pas inuole de
l'éclaircir ici Dans la ſection fu les Draps les Au-
*teurs de ce Traité s'attachent à prouver que la France
peut fournis aux Étrangers des Draps plus fins quς
ceux d'Angleterre ; mais ils obfervent qu'elle n'en
peut pas fournir une grande quantité, & que nos
Draps de la feconde claſſe , dont la conſommation
eſt bien plus grande, font généralement inférieurs
aux Draps Anglois. Ils attribuent cette infé ior té à
la cherté de nos laines , & au bas prix des laines
Angloiſes ,&la cherté de nos laines ne provient ,
ſuivant eux , que du petit nombre de nos moutons
comparé avec celui des moutons Anglois , & de l'éducation
défectueuse que nous leur donnons. Au
nombre des obstacles qu'ils citent , & qui s'oppofent
à la belle organiſation & à la propagation de
*Voyez l'Ouvrage de la France &des États- Unis , &c. ,
parÉtienne Claviere & J. P. Briffot de Warville. A
Paris , 1787, chez Defenne.
DE FRANCE. 4
nos moutons, eſt la crainte des loups , qui force à
faire eſcorter perpétuellement les troupeaux par des
Bergers&des chiens. Ils obfervent qu'à cette oc
cafion en Angleterre la deſtruction des loups , en
diſpenſant du beſoin des Bergers & des chiens , a
procuré aux troupeaux une tranquillité néceffaire à
leur développement.
Après cette conſidération ſur l'utilité de détruire
les loups pour rendre inutiles les Bergers & les
chiens, les Auteurs de cet Ouvrage remarquent
qu'on a peut-être cru trop légèrement à l'impoffibilité
de détruire en France les loups.... « Il eft
probable , difent- ils, qu'une récompenſe de mille
écus ſolidement afſurée & exactement payée à celui
qui tueroit un loup ſur terre de France en délivreroit
pour toujours le Royaume..... Mille écus
une tête de loup ! eh ! oui, &y en cût- il cent mille
àpayer, ce qui est difficile à imaginer, l'État feroit
une excellente ſpéculation , &c. >>
L'équivoque dont je vous parlois ſe trouve dans
certe dernière phrase. Un Membre de la Société
-prétendit qu'on avoit voulu dire cent mille têtes de
loups. Partant de cette ſuppoſition , le pius fort Calculateur
de Club computa qu'il faudroit facrifier
trois cent millions pour délivrer la France de loups ,
ce qui nous paretàtous unpeu cher.
Cependant en y réfléchiſſant je penſai qu'il étoit
impoſſible que cette exagération fût échappée à des
Auteurs qui me paroiſſoient d'ailleurs avoir recherché
par-tout l'exactitude des idées. Je crus qu'ils
avoient voulu dire y eût-il cent mille écus à payer
par an, ce qui bornoit par an la tuerie des loups à
une centaine.
Ce nombre est peutêtre un peu foible; mais ,
quoi qu'il en ſoit, ce ſens eſt le plus favorable.
Au furplus, l'idée de cas Écrivains n'eſt point à
dédaigner ; mais je crois qu'il faudroit , pour effec
42 MERCURE
taer 14deſtruction des loups , offrir la prime d'une
autre manière , ce ſeroit de propoſer dans les commencemens
une prime moins forte par tête de loup ,
de deux ou trois louis par exemple, enfuite de l'augmenter
à mesure que le nombre des loups dimi
nueroit , & cette gradiation ſercit fondée en raiſons
car la difficulté de tuer les loups augmenteroit en
zaiſon de leur rareté , & la force de la prime doit
toujours fuivre la raiſon de la difficulté. -
En agiflant ainfi , nous imiterions les Anglois , &
fansdoute nous aurions un ſemblable ſuccès. Quand
ils ontpris la ferme réſolution d'exterminer les loups
de leur Ifle, ils ont commencé par une prime d'une
guinée ; à meſure que le nombre des loups dimi
nuoit ils ont augmenté la prime ; elle a été portée
juſqu'à cinq cent louis par tête de loup , ce qui
prouve d'un côté toute l'importance que les Anglois
attachent à la deftruction totale des loups, & d'un
autre côté que les Auteurs de l'Ouvrage cité ne font
pas i mal fondés à propoſer melle écus pour la tête
d'un loup .
On me fera ſans doute l'objection ternelle que
l'Angleterre est une Ifle, & que la France ne l'eft
pas; qu'elle eft entourée de montagnes & de forêts
qui vomiront toujours , fur tout dans les hivers , ces
Béaux denos troupeaux .
Mais en ſuppoſant qu'il fût impoffible de détruire
chez nous, comme chez les Anglois , juſqu'au dernier
lous , au moins par une forte prime en rendroit-
on le nombre fi petir & les ravages ſi pen darables
& fi bornés que ces animaux voraces ferotent
peu redoutables.Avant qu'ils en effent gagné lintérieur
ils ſeroient certainement découverts & ar
rêtés par les bandes de Volontaires que la force de
laprime armeroit contre eux, & ces irruptions paffagères
ne feront pas affez importantes pour forcer
àconferver des Bergers & des chiens.
DE FRANCI
43
Jene crois plusd'ailleurs à l'impoſſibilité de déwuire
juſqu'au dernier loup , depuis que j'ai entendu
dire à unhabileChaffeur qu'il répondoit de leur deftruction
complette fi le Gouvernement l'y autoriſoit,&
fi l'intérêt du Corps de la Louveterie & des
Chaſſeurs ne s'y oppoſoit plus.
Dans l'idée que je vous propoſe d'après les Auteurs
de l'Ouvrage cité , la certitude du ſuccès repoſe
ſur la prime ; &, comme ils l'obſervent bien,
il faudroit qu'elle fût ſolidement aſſurée & exactement
payée; c'eſt la conditionfine qud non.
Enfiniſſant cette Lettre je dois remarquer que la
petite critique de ce paſſage faite dans ma Société
politique ne l'a point empêché de rendre hommage
aux grandes vérités qui fontdéveloppées dans cetOuvrage
tout à la fois avec énergie & modération.
Nous avons tous ſouhaité que la Nation s'occupât
enfinde ces connoiffances vraiment utiles , & qu'on
mit à exécution quelques-uns des projets utiles recommandés
parles Auteurs de ce Fraise.
J'ai l'honneur d'être très-parfaitement,&c.
UnAbonné.
ANNONCES ET NOTICES.
LETTRES
PETTRES de Jenny Bleinmore , par Mme Monnet
, Auteur des Contes Orientaux , deux Parties in-
12. Prix , 3 liv. brochées. A Surate, & ſe trouve à
Paris, chez Regnault, Libraire , rue S. Jacques.
Quelques-unes des Lettres de ce Roman ont été
inférées dans ce Journal avant leur publicité , & le
plaisir qu'on a cu à les lire a dû faire efpérer à
l'Auteur le ſuccès de l'Ouvrage entier. On y re44
MERCURE
:
marquera une imagination fleurie & animée , de
Télégance, de la ſenſibilité , le langage de l'amour ;
& c'eſt en partie le mérite qu'on a reconnu aux autres
Ouvrages de Mme Monnet.
LAUSUS & Sydie , Tragédie en cinq Actes & en
vers. A Paris , chez Brunet, Libraire , rue de Marivaux
, près de la Comédie Italienne.
Le ſujet de cette Tragédie eſt connu. Il eſt tiré
d'un Conte de M. Marmontel. On eſt ſurpris , en
lifant cet Ouvrage , de trouver des fautesde verfification,
des hiatus &de fauſſes rimes à côté de vers
bien faits , quelquefois même de phraſes écrires
avec harmonie & facilite. Cette inégalité de ſtyle
prouve que ce n'eſt pas le dernier effort du talerit
de l'Auteur, & qu'il peut faire beaucoup mieux qu il
n'a fait. Ceite Tragédie étoit ſuſceptible d'améliorasion
, & telle qu'elle est esteanacoceda
Le petit Grandifſſon , première Partie.
Cet Ouvrage , deſtiné aux Enfans , doit former;
avec les ſept Parties de Sandford & Merton déjà
publiées , douze Volumes , dont il en paroît huit
actuellemenn.
Le prix de la ſouſcription eſt de 13 liv. 4. fols
pour Paris , & de 16 liv. 4 fols pour la Province
port franc par la poſte. Le cinquième Exemplaire
gratis.
On ſouſcrit à Paris , au Bureau de l'Ami des
Enfans, rue de l'Univerſité , au coin de celle du
Bac , nº. 28 .
S'adreſſer à M. Leprince , Directeur.
Les Folies du Luxe réprimées , ou le véritable
Ami, Intendant comme ily en a peu , Comédie en
DE FRANCE. 45
:
trois Alles, par M. Carrière- Doiſin . A Paris , chez
Leroy , Libraire , rue Saint Jacques.
L'idée de cette Pièce reſſemble un peu à celle du
Diffipateur de Deſtouches. C'eſt une femme dont
on réprime le goût pour le luxe, en lui faiſant faire
des pertes imaginaires , & que l'on corrige ainſi en
lui montrant le danger qu'elle a couru. Ce quiprouve
la reſſemblance , c'eſt que cette Comédie pourroit
s'inttuler l'Honnete Fripon , comme celle de Deftouches
s'appelle par ſon double titre l'Honnête
Friponne.
Ilyades longueurs , des inutilités ; mais on y
trouve un bon goût de Comédie , des moeurs & du
naturel dans le ſtyle , quoiqu'avec des incorrections.
L'Ant de l'Adolescence , par M. Berquin ,
dixième volume. La Souſcription pour 12 volumes
eſtde 13 1 v. 4 fols pour Paris , & de 16 liv. 4 fols
pour la Province , port franc par la poſte. S'adreſſer
à M. Leprince , Directeur du Bureau de l'Ami des
Enfans , ruede l'Univerſité, Nr. 28 .
MEMORIAL de l'Europe , ou Tableau Chronolo
gique des principaux Evénemens arrivés dans cette
partiedu Monde ; Ouvrage deſtiné à conferver la
mémoire des Actions de courage &de bienfaiſance ,
des Découvertes ſur la Phyſique, la Médecine ,
l'Hiſtoire Naturelle , l'Économie Rurale , les Arts ,
les Métiers & les Sciences , des Établiſſemens utiles ,
des Révolutions remarquables , & à perpétuer le
ſouvenir des principaux Traits des Hommes célèbres,
année 1787 , in- 12 . A Paris , chez Leroy ,
Libraire, rue Saint Jacques.
CetOuvrage, dont le titre explique le ſ jet & le
plan, paroîtra tous les ans au premier Février.
DICTIONNAIRE Géographique, Historique &
46: MERCURE
Politique de l'Alface, in-4°. , Tome I. A Strafbourg
, de l'Imprimerie de Levrault , & ſe trouve à
la Librairie Académique.
Un Profpectus publié en 1785 avoit annoncé ce
Dictionnaire , qui ſuppoſe beaucoup de recherches ,
&la rédaction parois en avoir été faite avec ſoin. ,
Alappui des faits qu'il rapporte & des tires qu'il
cire, il indique les ſources où il a puife , & nomine
les Auteur, qui peuvent fournir de plus grands éclairciſſemens
fur chaque objet.
Essar d'un Art de fusion à l'aide de l'air du
feu, ou Air vital, par M. Ehrmann , avec une
Planche gravée en taille-douce, traduit de l'Allemand
par M. Fontallard , & revu par l'Auteur ,
ſuivi des Mémoires de M. Lavoifier , de l'Académie.
Royale des Sciences , ſur le même ſujet, in-8 ° .
Prix , 4 liv. 10 ſols broché , s liv. to fols relié. A
Strasbourg, chez Jean George Trettel , Libraire ;
&à Paris, chez Cuchet , Libraire , rue & hôtel
Serpente.
M. Ehrmann &M. Lavoifier ont fait léparément
&en même temps d'heareuſes Expériences ſur le
genre de fuſion dont traite cet Ouvrage , & il eft
prouvé que l'un n'a pas pu profiter des idées de
l'autre. Cette conſidération laiſſe en entier à ces
deux Savans la gloire de cette utile Découverte , &
en démontre mieux la réalité.
La Traduction de cet Ouvrage Allemand eſt un
ſervice important rendu aux Sciences.
...
LETTRES d'un Cultivateur Américain adreffées à
W.P ou Écriture depuis l'année 1770 juſqu'en
1786 , par M. Saint- John-de-Crevecoeur , traduites
de l'Anglois , 3 Vol. in- 8°. , nouvelle Édition augmentés
& ornée de quatre Planches & de cinq
DE FRANCE . 47
Cartes Géographiques. Prix, 15 liv. brochés ,
18 liv. reliés. A Paris, chez Cucket , Libraire , rue
&hôtel Serpente. :
: Nous avons été les premiers àrépondre an Public
damérite de cetOuvrage anffi original qu'intereffarr.
Sonfuccès ajuſtifié nos éloges , & ne permet
pasdedouter que cette Édition, plus ſoignée&augmentée,
ne ſoit accueillie avec empreſſement.
:
LE Repos de l'Amour & l'Amour en ambuscade,
deux Estampes delfinées d'après C. Monner , par
RofalicThomas. Prix , I liv. 4 fos pièce au biftre ,
&1 liv. 16 fols coloriées. A Paris , chez Beljambe ,
Graveur , rue Mignon Saint-André , vis-à-vis l'Imprimeur
du Parlement.
Cesdeux Eftampes font agréables ; c'eſt un eſſai
qui annonce un talent faitpour être accueilli par les
Amateurs.
La Chemise enlevée peinte par H. Fragonard,
Peintre da Roi , gravée par E. Guerfant. Prix ,
3 liv. A Paris , chez Matlard, Graveur du Roi , rue
& porte S. Jacques ,No. 122.
Cette Eftampe fait pendant à celle de l'Amour
chatié parsa mère.
Vue de la Ville d'Alger, deſſinée par M. de
Bourville , Gravure dirigée par M. Ponce, Prix ,
1 liv. 4 fols. A Paris, chez M. Ponce, rue Sainte-
Hyacinthe , nº. 19 .
Dans la dernière annonce que nous avons faite
des illuſtres François du même Artiſte , ils eſtgloffE
une faute pour le prix; c'eſt 9 liv. les fix Eſtampes ,
&non ; liv, comme on l'avoit imprimé par erreur.
Acts fecond du Roi Théodore , Opéra Héroï48
MERCURE
:
$
-
Comique en deux Actes & en vers , parodié sur la
Musique de M. Paiſiello , par M. Moline. Prix ,
24 liv. les deux Actes. Trois Sonates pour le
Piano-Forte, avec Violon & Baſſe ad libitum , par
M. J. L. Duſſeck , OEuvre I. Prix , 9 liv . A Paris ,
chez l'Auteur , rue Thérèſe , Butte Saint Roch ,
n°. s . -Trois autres non difficiles , du même Auteur
Même Adreſſe. Prix, 9 liv.-Numéros 29 à
32 des Feuilles de Terpſychore pour la Harpe &
pour le Clavecin. Abonnement 30 liv. franc de
port pour cinquante- deux Numéros , dont il en pa--
roît un tous les Lundis. Chaque Numéro ſéparé
I liv. 4 ſols. A Paris, chez Coufincau père & fils,
Luthiers de la Reine , rue des Poulies.
NUMÉRO 6 du Journal de Violon , dédié aux
Amateurs, compoſé de différens Airs arrangés pour
deux Violons ou Violoncelles. Prix , ſéparément
2 liv. Abonnement pour douze Numéros 15 &
18 liv. A Paris , chez M. Bornet l'aîné , Profeffeur
de Muſique & de Violon , rue Tiquetonne , n° . 10,
TABLE.
RÉPONSE à une Invitation, Chriftianifine , 17
de diner à la Campagne , 3 Geneviève de Cornouailles
Madrigal,
LesAnes, Fable ,
؟
Charade, Enigme & Logo-
25
ibid. LesTerriersrendusperpétuels ,
29
gryphe, 6 Acad. Royale deMusiq. 30
Discours fur le Droit Ro Variétés, 40
main, 9 Annonces & Notices , 43
Viesdes,Grands Hommes du..
-
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde- des-Sceaux , le
Mercurede France , pour le Samedi 7 Juillet 1787. Je n'y
ai zien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 6 Juillet 1787. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
DANEMARCK .
De Copenhague , le 13 Juin.
N vertu du rapport que le Conſeil des
Efinances a fait an Roi, de l'état actuel
de la Compagnie de la Baltique &deGuinéc
, S. M. l'a reconnue hors d'état de ſe
foutenir , & a réſolu de prendre toutes les
actions qui n'auront pas été remboursées ,
conformément à la réſolution du 14 Jufllet
1786 , & d'offrir pour chacune aux propriétaires
un contrat de 70 rixdalers , portant
4 pour cent d'intérêts. Ces contrats ſeront
amortis ſucceſſivement, & dans l'efpace
de 28 années. On croit que diverſes
branches du commerce de cette Compa-
N°. 28 , 7 Juillet 1787. a
( 2 )
gnie feront confiées à quelques particuliers.
Le Comte de Rode, Miniſtre plén potentiaire
de la Cour de Berlin , eſt allé taire un
voyage en Suede .
On apprend de Chriſtianſand, que le 29
Mai il y est arrivé un bâtiment François ,
chargé de bied. C'eſt le premier de cette
nation qui y ait porté des grains , & chargé
en retour des marchandiſes du Nord.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 17 Juin.
Les lettres de Cherſon , du 28 & 29
Mai , nous ont apporté un grand nombre
de particularités , mêlées de beaucoup de
fables , ſur la réunion des deux auguſtes
Voyageurs dans cette fauvage contrée.
L'Impératrice de Ruflie & l'Empereur font
arrivés à Cherſon pleinsdeſanté. Lapremiere
ayant notre Souverain à ſa droite , le Prince
Potemkin à ſa gauche , & fuivie d'une brillante
Cour , a parcouru à pied l'enceinte de
la ville. L'Empereur étoit en petit uniforme
verd , ſon chapeau & fon épée ſous le bras .
Ces deux Souverains ont dîné en public ,
& ont affifté à un bal où l'Empereur a danſé
lui - même. L'Impératrice a tracé une
nouvelle enceinte de Cherſon , qui porte
cette ville au milieu des champs; on y a
marqué la place de quelques portes à venir,
dont l'une a été pompeuſement appellée
( 3 )
Porte triomphale, & décorée d'une infcription
Grecque , dont le ſens eſt , c'est ici
qu'ilfaut pafferpour aller àByzance. D'ailleurs
, il n'a été queſtion encore ni de couronnement
, ni de preſtation d'hommage ,
ni d'aucune cérémonie analogue. Le lende.
main de ſon arrivée , l'Impératrice ſe rendit
à la Métropole où elle entendit le Fe
Deum, & tint ſur les fonts de baptême
deux Tatars , qu'on dit convertis au Chriftianiſme.
Pour completter l'appareil , on a lancé à
l'eau trois vaiſſeaux de guerre , auxquels on
travailloit depuis quelques années , & que
fix mille ouvriers , tant bons que mauvais ,
n'avoient pu encore mettre en état de quitter
le chantier. L'un de ces vaiſſeaux eſt de
80 canons , le ſecond de 70 , le troiſieme
de so.
:
Après avoir paſſé 4 jours à Cherfon ,
LL. MM. II. ſont parties le 28 pour la
Tauride. Quoiqu'on ignore le temps précis
qu'elles donneront à viſiter la preſqu'ifle ,
on ſuppoſeque ce voyage emploiera 12 ou
14 jours : ainſi l'Empereur ne ſera pas de
retour ici , à l'époque qu'on avoit indiquée;
&, felon toure apparence, il n'arrivera en
Gallicie que vers le 20 de ce mois.
Les Régimens cantonnés en Styrie , Carinthie&
Carniole défilent, pour rendre
a 2
( 4 )
au camp dePettau , dont les grandes manoeuvres
doivent avoir lieu le 23 , le 24 &
le 25 ; fi toutefois l'absence de 1Empereur.
qui ne pourra y aſſiſter , ne fait pas reculer
ce terme.
Le Réglement qui attribue au ſieur Barkum
& Compagnie le privilege d'une banque
de prêt & d'eſcompte , pour 25 ans , a
déterminé de la maniere ſuivante les conditions
des prêts &de l'eſcompte.
Cette Banque prêtera , 19. des fonds à 4 pour
cent aux propriétaires de terres & immeubles ,
dans lesEtats héréditaires en Allemagne , & às
pour cent à ceux dans la Hongrie , la Gallicie &
Ja Tranſylvanie ; 2°. des fonds à 2 pour cent par
mois aux Fabriquans & Commerçans , ſur des
marchandiſes en bon état ; 3°. e'le eſcomptera à
2pour cent par mois de bonnes lettres - dechange
; 4°. elle prêtera des fonds à 2 pour cent
par mois fur des effets précieux , ayant la valeur
de mille florins & au-deſſus ; 5°. elle prendra en
dépôt des fonds ou autres choses ; & 6°. elle ſe
chargera de négocier des ſommes d'argent fur
des biens-fonds ſitués dans les Etats de l'Empereur.
Le réglement général de cette Banque
ſera publié inceflamment.
Il eſt mort ces jours derniers , dans le
Comitat de Barany, un vieillard qui avoit
épousé ſucceſſivement & légitimement huit
femmes encore filles , de chacune deſquelles
il eut des entans, ce qui lui compofa une
famille de 42 perſonnes , tant enfans que
petits enfans , qui partageront ſa ſucceſſion.
De pluſieurs endroits de la Hongrie , de l'Efclavenie
& de la Croatie , on écrit que depuis
le commencement du mois d'Avril juſqu'au 15
mai , il eſt tombé des pluies continuelles qui
ont tellement hauffé le Danube , & les rivierés
de Saw & de Draw , qu'ils ont débordé &
mis ſous l'eau une étendue conſidérable de la
campagne. Le grand pont près d'Eſſek a été
emporté par la violence du torrent , & les eaux
ont pénétré à Vieux-Gradiſca juſqu'à la place
d'armes.
De Francfort , le 22 Juin.
Le Duc d Yorck & le Prince Elocard ,
ſon frere , font arrivés à Lunebourg le 10 ,
& le lendemain les troupes Hanovriennes
ſe font rendues au camp près de cette ville.
La revue & les manoeuvres dureront jufqu'au
22.
LeBaron de Platen,Généralde laCavalerie
Prullienne, Gouverneur de Konig berg , &
Chevalier de l'Ordre de l'Aigle Noir , eft
mort dans cette ville le 7 , dans ſa 73 °. année.
On apprend aufli de Stolpe , que le
Major Général de Schulenbourg , y eſt
mort le 9 de ce mois .
L'Abbé Felliger vient de publierun écrit dans
lequel itentreprend de prouver que les paratonnerres
ne promettent une fûreté que pour une
diſlance d'environ 40 pas de chaque coté du bâ
timent qui en eft muni.
a3
16 )
L'Académie des Sciences dePétersbourg
a publié la nouvelle Carte de l'Empire de
Ruffie , d'après fa diviſion actuelle en Gouvernemens.
Cette Carte , compoſée de trois
feuilles , eſt écrite en langue Ruffe. On y
voit à l'eſt le détroit entre l'Afie & l'Amérique
, le cap Alæska ſur la côte de l'Amérique
, les ifles découvertes entre ce cap &
Kamtſchatka & les ifles Kuriles. On eft
occupé dans ce moment de graver la même
carte en caracteres Latins; elle doit paroître
vers la fin de l'année .
Il a auſſi paru deux feuilles du nouvel
Atlas de l'Empire Ruſſe , qui fera compoſée
de 47 feuilles . Elles repréſentent les gouvernemens
de Mohilof& de Saratof. Cet
ouvrage eſt dirigé par le Major Général &
Confeiiler privé du Cabinet , de Soimonof.
Un Journal politique a publié l'état fuivant
de la recette annuelle des Colonels ,
Lieutenant-Colonels , Majors & Capitaines
en chef du 15. régiment d'Infanterie Hanovrienne
, en garnison à Madaff&Arcot.
Argent des Indes Orient. Argent d'Angleterre.
Pagodes.
Colonel . 2,309
Lieuten. Col. 2,081
Major.
Capitaine..
1,353
890
liv . fols.
923 14
و 832
541
8
356 4
Les retenues font déduites dans cet état ; mais
laBatta ne s'y trouve point. On appelle Batta
( 7 )
la paye additionnelle que l'on fait aux troupes
dans les Indes Orientales en temps de guerre ,
ou lorſqu'elles ſont en marche. La Compagnie
Angloiſe eſt même dans l'uſage de faire payer
en temps de paix la demi-Batta aux garniſons qui
font dans l'intérieur du Bengale ou du Carnatic.
On fait que Lord Pigot voulut fruſtrer les troupes
decettegratification , & que cette tentative lui
a fait perdre , en 1776 , la liberté & la vie.
-La Batta , pour le Colonel , eſt par jour ,
de 6 pagoles. La pagode , monnoie d'or informe,
vaut 8 sh. 9 pences ; le fanam vaut8 pences ;
36 fanams font une pagode ; 80 dash font un
fanam.
ITALI E.
De Naples , le s Juin.
Le 23 du mo's dernier , on a reçu la nouvelle
certaine , que la Régence d'Alger ,
nonobſtaut la treve conclue avec notre
Cour, a réfolu d'agir hoftilement envers le
pavillon Napolitain. On a fait partir auflitôt
un courrier pour Livourne , où doit ſe
trouver l'eſcadre Napolitaine , compoſée
de 2 frégares & de 2 corvettes , avec ordre
de protéger notre navigation. On va mettre
en mer pluſieurs a tres vaiſſeaux de guerre ,
pour réprimer l'audace des Barbareſques .
Il ne reſtoit plus que quatre membres de
l'Académie d'Herculanum. S. M. defirant
la reſtauration de cette Compagnie , vient
de lui donner onze nouveaux Aſſociés , à
a4
( 8 )
chacun deſquels il a été écrit de la Secrétai
rerie d Etat , en ces termes :
« Le Roi , par un effet de ſa générofité , defi
>> rant de procurer à ſes Peuples toutes fortes
>>>d'avantages , & aſſuré que du progrès des
> Siences & des Beaux-Arts dépend en grande
>> partie le ſuceès deſes ſoins,paternels &de fes
>> vues , il a plû à S. M. de rétablir l'ancienne
» Académie d'Hercu'amum , preſque éteinte par la
> perte ſucceſſive de ſes premiers Aſſociés , & de
>> confier à fon application & à ſa diligence la
>> continuation des Ouvrages d'Antiquité , objets
>> de tant de dépenſes &de ſoins : & S. M. étant
>> bien informée des connoiſſances très- étendues
> que vous poſſédez dans la partie des Belles-
>> Lettres , non moins que dans l'Hiſtoire des an-
>> ciens temps , elle a bien voulu gracieuſement
>> vous déſigner pour être un des 15 Aſſociés ,
> dont elle veut que cette Académie ſoit exclu-
>> fivement compoſée , s'affurant que vous em-
» ploierez avec zèle vos talens à la gloire de ſon
regne , à l'avantage de la République des
Lettres , & à la réputation de votre Patrie, En
>> vous remettant en même temps la liſte de
>> ceux qui partageront avec vous cet honneur
diftingué , c'eſt avec un plaifir infini que je
vous fais part de ces ordres du Roi , en y
>>> ajoutant que vous ferez averti dans le temps
du jour que ſe tiendra la premiere Ailemblée ,
>> dans laquelle l'on réglera la manière de les
>> tenir à l'avenir , conformément aux intentions
>> du Souverain. >> A Caferte , le 15 Avril 1787.
(Signé ) Le Marquis CARACCIOLO.
Dans le nombre des nouveaux Membres
ſe trouve le célebre Abbé Galliani.
(و )
:On croit que la ſtatue de Caligula , qui a
étérendue au Marquis Venuti , comme le
premier produit de l'excavation qu'il fait
faire fur l'emplacement de l'ancienne Minturne,
avoit été trouvée, il y a long-temps ,
par les ouvriers ; mais qu'on lui avoit caché
cette circonſtance pour l'engager à continuerla
fouille. Outre la ſuperbe ſtatuede Caligula,
pluſieurs colonnes & le buſte tronqué,
portant ſurun gros Sphinx,dont nous avons
parlé , ona trouvé dans la mêmeexcavation ,
une autre ſtatue drappée , que l'on croit être
unAdrien , un bas relief, appartenant à un
Aurel , avec deux Sphinx , un très - grand
piédeftal , chargé d'une inſcription qui paroît
mériter l'attention des Erudits ,pluſieurs
médailles bien conſervées , & beaucoup de
fragmens de bronze & de marbres précieux.
Le Marquis Venuti ſe rendia inceſſamment
à Rome pour faire tranſporter ici les ſtatues
du Palais Farneſe, parmi lesquelles ſe trouveront
, à ce que l'on aſſure , l'Hercule & le
Taureau ..
GRANDE - BRETAGNE,
De Londres , le 26 Juin.
Les jeunes Princeſſes Amélie &Marie ont
été derniérement attaquées de la rougeole à
Windfor. A peine entroient elles en convaleſcence
, que la même maladie s'eſt communiquée
à la PrinceſſeRoyale , ſur l'état de
as
( 10 )
laquelle la violence de la fiévre alarma un
moment Leurs Majeſtés. LeChevalierGeorge
Baker , Medecin dela Reine , fut appellé
deLondres pendant la nuit du 21 ; mais heureuſement
ce danger n'a pas eu de ſuites ,&
S. A. R. avance dans fa guériſon.
Le Commodore Leveſon Gower a hiſſé
fon pavillon à bordde l'Edgar de 74 canons .
On continue à preffer l'approviſionnement
de fon eſcadre àPortsmouth , où font arrivés
de Plymouth 4 navires de tranſport. L'Amirauté
a fait paſſer dans ce dernier port l'ordre
d'équiper ſur le champ 3 frégates , miſes en
commiffion. Il n'y a aucun Warrant d'expédié
pour la preſſe des matelots ; mais on a
ouvert des maifons de rendez vous à Wapping
, Southwarck , Portsmouth , Chatham,
Rochester & Bristol , pour y recevoir des
volontaires qu'on fait paſſer à bord des alléges
placées ſur la Tamiſe. Les uns envoient
l'eſcadre du Commodore Gower aux
Indes; les autres au Dogger's-Bank ; incertitudes
qui ne feront pas longues , puiſque
ces vaiſſeaux ne tarderont pas à appareiller.
Ce qu'il y a de conſtant , c'eſt qu'ils ne ſont
pas approviſionnés pour une ſtation éloignée.
Le floop le Wasp & le cutter la Surprise
ont fait voile de Chatham pour le ſervice de
la Manche. L'Alert a été mis en commiſſion
dans le même département , où il ſe trouve
actuellement 80 à 99 vaiſſeaux de tout rang,
( 11 )
preſque tous enbon état , & où l'on attend
des ordres pour en mettre pluſieurs en activité.
L'Afia de 64 can. eſt forti du chantier ,
après avoir reçu une réparation complette ,
&ony a briſe le Newarck de 80 can. , vaifſeau
hors de ſervice .
La nuit étoit cloſe à Plymouth , le 15 , &
la retraite battue , lorſqu'une frégateHol'andoiſe
, que l'on avoit vu courir des bordées
pendant le jour, ſe dirigea vers le port , &
eut lahardieſſe de pénétrer juſqu'à l'entrée.
Queſtionné ſur ce procédé extraordinaire ,
le Capra'ne répondit que fon Pilote ne connoiffoit
point le mouillage. Le Commandant
de Plymouth n'a point été ſatisfait de
cette excule , & a fur le champ inſtruit la
Cour de cet événement.
LeGénéral Elliot , ce brave Véréran , qui
a défendu Gibraltar avec tant de courage &
de jugement , a débarqué à Portſmouth , où
il a été reçu avec toutes les démonstrations
de la joie, de l'admiration & de la reconnoiſſance.
Il eſt à Londres depuis quelques
jours , & a eu une audience ſecrette d'une
heure avec S. M. qui l'a accueilli avec la
plus rare diſtinction.
La Compagnie des Indes a fixé ſon dividende
pour les fix premiers mois de 1787
à4 pour cent; ce qui établit à 8 pour cent le
dividende annuel.
Ces jours derniers , il lui eſt arrivé 4 nouveaux
vaiſſeaux; le Royal Contractor, le Char
a 6
( 12 )
lotte & le Ranger , de la Chine, & leKent
venant de Bencoolen. Ils avoient quitté Ste.-
Helene ler Avril. Le Belvédère que la Compagnie
a expédié derniérement à Bombay ,
étoit chargé de marchandises navales pour
/ les chantiers de cet établiſſement , où l'on a
fait paſſer environ 3,000 tonneaux de cette
eſpece de munitions , tirées des magaſins du
Roi à Portsmouth.
Le 22 de ce mois, les agioteurs ont mis
en oeuvre un eſcamotage, d'une hardieſſe
bien étonnante. Vers midi , on a vendu à
la Bourſe & aux environs , un papier im .
primé , ſous le titre de Gazette extraordinaire
de Londres , PUBLIÉE PAR AUTORITÉ,
S. James, 22 Juin 1787. Cette prétendueGazette
annonçoit , « qu'un Exprès , envoié
>>>par Mylord Torrington , Min ſtre du Roi
>>à Bruxelles , avoit donné avis qu'un corps
>> de troupes Françoiſes , confiſtant en 20
>>>mille hommes d'Infanterie , & douze mille
>> chevaux , étoient raſſemblés à S. Amand ,
>> avec un train d'artillerie , ſous les ordres
>> du Maréchal de V... , & prêts à paſſer en
>> Hollande » . Cette fraude a réuíli quelques
momens , en faiſant baiſſer les fonds .
On a arrêté une femme qui co'portoit cette
annonce ; à ſon interrogatoire devant l'Alderman
Pickett , elle a atteſté que ce papier
lui avoit éré remis par un inconnu , pour le
vendre à fon proit trois fols & demi ; làdeſſus
, on l'a relâchée , à charge de ſe re(
13 )
préſenter devant le Juge , à la premiere réquifition
.
Les trois répétit ons&les quatre concerts
de l'Abbaye de Westminster , qui ont eu
lieu au commencement de ce mois , ont
rendu 15,465 liv. ſterl . ( environ 360,000
liv. tournois.)
Les 3 p. C. conſolidés , qui les premiers
jours du mois étoient à 77, Hottent aujourd'hui
entre 71 & 73 ; ils font même tombés
un moment à 70. Les fauſſetés de toute efpece
qu'on fait circuler ſur la place , & les
conjectures plus raifonnables qu'autoriſent
les armemens actuels , expliquent ces variations
qui ne font pas à leur terme.
Hy a actuellement 222 ans que les patates
ou pommes-de- terre ſont connues en Europe.
Elles furent d'abord introduites en Ir'ande ſous
le règne de la Reine Flifabeth en 1565 , par
John Hawkins , qui les avoit apportées de Santafé,
dan l'Amérique méridionale . Le premier qui
s'occupa de leur culture fut le Chevalier Walter
Releigh qui avoit des terres en Irlande ; mais
Phiſt ire naturelle de la patate étoit fi peu
connue , que le Chevalier Raleigh déſeſpéra
quelque tems de I's faire réuffir en Irlande.
Lorſqu'après les avoir plantées , il vit pouſſer
au ſommet des tiges une eſpece de pommes
vertes il crut que c'étoit-là le fruit de la
plante & les fit cuire; mais les ayant trouvé
déſagréables au goût, il conclut que la plante
n'étoit bonne à rien , & réſolut de n'y plus
fonger. Cependant au bout de quelque tems
ayant fait labourer le champ où il avoit planté
les patates , il fut très-ſurpris d'y trouver en
,
( 14 )
L
abondance un fruit également agréable &fain.
Sa patate devint bientôt d'un uſage général
& forma la principale nourriture des gens de
campagne. D'Irlande , elles paſſerert en Angleterre
, où l'on crut long-tems à tort que
cette plante étoit originaire d'Irlande.
Le 11e. & le 1se. Régiment de Dragons
ont reçu ordre de ſe cantonner ſur les côtes
de Kent , de Suſſex & de Hampshire, depuis
Deal juſqu'à Portſmouth. Ils y reſteront ,
dit on, fix mois , & affiſteront les Employés
du Revenu à prevenir la contrebande.
Le premier Bataillon du Régiment de
Norfolck , Milice , eſt parti le 11 Juin pour
ſe rendre à Yarmouth , où il eſt arrivé le même
jour. L'habillement de cette troupe conſiſte
en un ſurtout de drap écarlate , qui defcend
plus bas que les genoux , & des culottes
longues en toile. On a jugé que cet habit
convenoit mieux à des hommes tirés de la
campagne & des manufactures , que celui
des troupes réglées . Le Colonel du Régiment
est LordOrfood. CeBatailion eſt compofé
de 200 hommes.
Le i de ce mois , le Roi en ſon Conſeil
rendit une Proclamation pour l'encouragement de
la Piété & de la Vertu , & pour prévenir & punir
le vice , les profanations & l'immoralité. Le
Souverain s'y plaint des déſordres & des ſcandales
qui regnent actuellement : « Il défend ſé-
>> verement de jouer aux Dés , aux Cartes , ni
à quelqu'autre jeu que ce ſoit , le jour du
>> Dimanche , ſoit en public , ſoit même dans
>>les Maiſons particulieres : il enjoint à tous
( 15 )
>& chacun d'aſſiſter ce jour-là au Culte pus
blic , ſous peine de ſa plus haute diſgrace ,
»&même des pourſuites les plus rigoureuſes ,
ſtatuées par la Loi. Tous les Magiftrats &
>>> Officiers Civils font chargés de veiller à la découverte
& à la punition des perſonnes , qui
>> ſe rendront coupables d'ivrognerie , de blafphemes
, de juremens , de libertinage & de
>profanation du jour du Seigneur ; & il leur
>>> eft enjoint de maintenir les Loix , qui dé
>>fendent de boire du Vin , du Chocolat , du
• Café , dela Biere & d'autres liqueurs pendant
➤le Service Divin . Les Officiers de la Marine
>& de l'Armée ont ordre de veiller fur les
>>moeurs de leurs Soldats , & de les réformer
>>par leur exemple nonmoins que par leur au-
>> torité ».
CetteOrdonnance renouvelle ſimplement
celles qui conſacrent le reſpect du Dimanche;
reſpect porré en Angleterre à un plus
haut degré que dans les autres Etats Proteftans,
où , cependant , les Spectacles font généralement
interdits ce jour là , excepté depuis
l'année 1782 , dans une ville qui fut
jadis le Séminaire de la Réformation. Cette
obſervation du Dimanche eſt une pratique
facrée pour le Peuple en Angleterre , où l'on
s'imagine ailleurs que les principes religieux
font effacés , tandis que nulle part ils n'ont
encore autant de force.
Le Juge Jefferies , cruel Miniſtre de Jacques
II , ſe rendit un jour à Hastings , pour influer
fur une élection , & ſe plaça à côté du Maire
de la Ville , qui fit ſemblant de ne pas le
( 16 )
connoître. Le Mare ayant rejetté un fuffrage
incompétent donné en faveur d'un candidat de
la Cour , Jefferies s'emporta , ſe ſervir de pluheurs
expreffions indécentes , & inſiſta à la fin
ſur ce que le ſuffrage de cet Ele&teur füt reçu ;
en ajoutant , & croyant par-là faire trembler
toute l'affemblée : « Je ſuis le Lord Chancelier
d'Angleterre , & je m'attends à être obéi ».
Le Maire , homme ferme , perſiſta a refuſer le -
fuffrage illégal , & ordonna à l'Huiflier «de
chaſſer le drôle qui uſurpoit le nom & le titre
de Chancelier du Royaume , comme un impofteur
. Le Chancelier étoit dans ſon tort; il le
fentit ,& il eut la prudence de ſe retirer..
FRANCE.
De Versailles , le 27 Juin.
LeRoi a accordé les entrées de fa Chambre
au Duc de Luxembourg , au Duc de
Chabot , au Marquis de Choiſeul- la Baume,
au Marquis de Champcenetz , fils , au
Marquis de Bouzo's & au ſieur Lambert ,
Confeiller d'Etat.
Le fieur Bernard de Balainvilliers , Maît.e
des Requêtes , Intendant du Languedoc , a
eu , le 17 , l'honneur d'être préſenté an Roi
par le Contrôleur- général des finances , &
de prendre congé de Sa Majesté pour re .
tourner à Con Intendance .
Le Maréchal de Mouchy ayant prié le Roi
d'agréer la démiflion du commandement de
Guyenne , Sa Majeſté en a diſpoſé en faveur du
Comte de Brienne , Lieutenant-général de ſes
( 17 )
2-
armées , qui a eu , le 21 de ce mois , l'honneur
de faire ſes remerciemens au Roi ; il a enfuite
eu P'honneur de fa're ſes révérences à la Reine
&à la Famille Royale.
Le même jour , la Marquiſe de Montgaillard ,
laMarquiſede Chaumont Guitry , & la Vicomneffe
de Sérent , ont eu l'honneur d'être préſentées
à Leurs Majeſtés & à la Famille Royale ;
la premiere , par la Comteffe de Gontaut ; la
ſeconde , par la Marquiſe de Lage ; & la troi,
féme, par la Baronne de Sérent.
Le lendemain , 25 , le Roi a aſſiſté , dans
l'Egliſe de la Paroiſſe Notre-Dame , au Service
anniverſaire fondé pour le repos de l'ame de la
feue Reine , auquel le fieur Jacob , Curé de la
Paroiffe, a officié. Madame Elifabeth de France
y a également affitté .
De Paris , le 3 Juillet.
Lettres Patentes du Rei , du 7 Février
1787 , porrant établiſſement d'un Cops
d'Ingénieurs en instrumens d'Optique , de
Phyſique & de Mathématique.
Les profeſſions d'Ingénieurs en inſtrumens
d'Optique , de Phyſique & de Mathématiques ,
eſt-il dit dans le Préambule , tenant plus particuliérement
aux Sciences qu'aux Arts mécaniques ;
& ne pouvant néanmoins s'exercer dans toutes
leurs parties , à cauſe des gênes que pourroient
leur oppofer les Maitres de pluſieurs Communautés
rétablies par notre Edit du mois d'Août 1776,
Nous avons cru qu'il étoit àpropos de les en af- .
franch r; & pour exciter par des diſtinctions honorables
, ceux qui s'arrachent à des profeſſions
ſi néceſſaires aux progrès de la Phyſique , de
( 18 )
l'Aſtronomie&de laNavigation , il convenoit
d'en former un Corps particulier , compoſé d'un
nombre limité d'Artiſtes, dont le mérite aura été
reconnu par notre Académie des Sciences , &
auxquels,fur la préſentation qu'elle nous en fera,
nous accorderons pour l'exercice de leurs talens
toute la liberté qui pourra ſe concilier avec les
vues de bon ordre que nous voulons maintenir
parmi les diverſes claſſes de nos Sujets .
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 31
Mai 1787 , par lequel Sa Majeſté , en exé
cution du Traité de navigation & de commerce
, conclu entre elle & le Roi de la
Grande-Bretagne , le 26 Septembre 1786 ,
déclare que tous les Ports , Terres , Etats ,
Villes , Lieux & Rivieres de Sa Majesté en
Europe , feront dès à préſent ouverts aux
ſujets de Sa Majesté Britannique.
LeRoi , dans l'intention de faire jouir ſes Sujets
&ceux de laGrande Bretagne &de l'Irlande , dès
le to de ce mois , jour fixé pour l'exécution du
Traité de Navigation & de Commerce conclu
entre Sa Majefte & le Roi de la Grande -Bretagne,
des avantages qui en doivent réfulter pour
les deux Nations , ayant reconnu que d'après
l'Ordonnance des Fermes du mois de Février
1687 , les Ports de Calais & de Saint-Valéry
étoient les ſeuls ouverts pour recevoir certa nes
marchandiſes apportées de l'Etranger , tels que
lainages & étoffes de coton , Sa Majefté ſe ſeroit
empreſſée , par l'Arrêt rendu en fon Conſeil le
6Mai préſent mois , de déſigner pour l'entrée des
marchandiſes d'Angleterre , dont l'introduction
eſt permiſe par ledit Traité , & la convention
additionnelle du 15 Janvier dernier , neuf Ports
de ſonRoyaume, au lieu des deux ſeulement ré
( رو
ſervés par laditeOrdonnance des Fermes de l'année
1687 ; & Sa M jeté ayant pris depuis les mefures
nécefa res pour la réc.ption, dans tous fes
Ports en Europe , des marchan lifes de laGrande-
Bretagne, elle ſe hâte aujourd'hui de l'annoncer,
afin de faire ceffer toute restriction à la liberté
réciproque , établie par l'article 5 du Traité, aux
Sujets reſpectifs des deux Nations , d'aborder
avec leurs vaiſſeaux & marchandiſes non prohi
bées , dans tous les lieux ſitués en Europe de
l'une & de l'autre domination ; Sa Majesté déclare
en même temps que le tarifannexé audit
Arrêt pour ſervir à l'évaluation des marchandiſes
ſur laquelle les droits fixés par ledit Traité
feront perçus , enſemble les diſpoſitions dudic
Arrêt , relatives , tant à ladite évaluation qu'audittaraf&
à la perception deſdits droits , ne doivent
être conſidérés que comme une inſtruction
donnée aux Préposés de ſes Fermes &Domaines ,
pour ſervir à leur faire connoître le prix des
choſes,&noncomme une dérogation à l'article z
delaConvention du 15Janvier, ſuivant lequel les
déclarations de la valeur des marchandifes feront
données par les Marchands ouFacteurs , fauf aux
Préposés & Officiers desDouanes qui trouveront
leſdites déclarations infuffisantes , à prendre ces
marchandiſes au prix de ces déclarations , en y
ajoutant dix pour cent de plus , & en reftituant
ce qui pourroit avoir été payé pour les droits.
Aquoi voulant pourvoir , &c. &c.
Déclaration du Roi pour la liberté du
Commerce des grains, donnée à Verſailles ,
le 17 Juin 1787 , regiſtrée en Parlement ,
toutes les Chambres aſſemblées , les Princes
&Pairs y féant , le 25 Juin 1787 .
Le préambule & le diſpoſitif de cette
Déclaration portent ce qui ſuit :
( 20)
Dès les premiers inftans de notre avea
nement au Trône , notre principale attention
s'eſt portée ſur ce qui intéreſſe la production
des Grains & leur commerce dans le
Royaume. Nous avons reconnu qu'encourager
leur culture & faciliter leur circulation dans
toutes les Provinces , c'étoit le moyen dien affurer
l'abondance , & de les faire arriver partout
où le beſoin s'en feroit ſentir ; que ce
double avantage ne pouvoit être que le réſultat
de la liberté ; qu'elle ſeule étoit con
forme aux principes de la juſlice , puiſque le
droit de diſpoſer à ſon gré des productions que
F'on a fait naître par ſes avances & fes travaux ,
fait partie effentielle de la propriété ; qu'elle
ſeule auſſi pouvoit entretenir habituellement un .
prix favorable auxdifférentes claſſes de citoyens ,
qu'elle en prévenoit les variations trop rapides ,
& qu'elle préſervoit du monopole , qui devient
rigoureuſement impoſſible , lorſque chaque
vendeur peut jouir de la concurrence de tous
les acheteurs , & chaque acheteur de celle de
tous les vendeurs .
Ces principes ont dité l'Arrêt que Nous
avons rendu en notre Conſeil , le 13 Septembre
1774 , & nos Lettres - Patentes expédiées
fur ſon contenu , le 2 Novembre de la même
année ; nous y avons ordonné que le commerce
des Grains & des Farines jouiroit d'une entiere
liberté dans l'intérieur de notre Royaume ,
& Nous nous sommes réſervé de ſtatuer fur la
liberté de la vente à l'étranger , lorſque les
circonfiances'feroient devenues plus favorables.
Ce qui ſurvint à cette occafion , ne fervit
qu'à Nous apprendre que ſi les difettes réelles
font fort rares , des alarmes populaires peuvent
( 21 )
en produire momentanément l'apparence , &
qu'il et d'une ſage adminiſtration de ſe tenir
en état de remédier promptement aux maux
que l'opinion égarée pourroit produire,
Dês l'année suivante , la récolte ayant été
généralement abondante dans nos Etats , la
permiffion d'exporter des Grains à l'étranger
Nous fut demandée de toutes parts. Nous l'accordâmes
par notre Déclaration du to Février
1776, ſous les mêmes regles qui avoient été
adoptées par le feu Roi , notre auguſte aïeul ,
dans l'Edit du mois de Juillet 1764 ; & y
ajoutant même encore plus de facilité , Nous
orionnâmes , par nos Lettres-Patentes , du 25
Mai , & par notre Déclaration du mois de
Septembre de la même année , que la ſortie
des Grains à l'étranger auroit lieu ou ſeroit
ſupendue d'elle-même , ſuivant que le prix des
bleds ſeroit au-deſſus ou au-deſſous de 12 liv.
10 f. le quintal.
•Quelques inquiétudes s'étant élevées ſur la
récolté de 1777 , l'exportation des Grains fut
interdite au mois de Septembre de la même
année , & dans le cours de la fuivante. Depuis,
l'exportation des Grains a été différentes fois
permiſe ou défendue par voie d'adminiſtration.
Nous avons conſacré ce tems à l'expérience
& à de mûres conſidérations ſur le paſſe. 11
n'eſt pas rare que les vérités politiques aient
beſoin de tems & de diſcuſlion pour acquérir
une forte de maturité ; ce n'eſt qu'inſenſiblementque
les préjugés s'affoiblſſent, que les fauſſes
lumieres ſe diſſipent , & que l'intérêt , connu
inſéparable de la vérité , finit par prévaloir &
ſubjuguer tous les eſprits. Il eſt maintenant
reconnu , comme Nous nous en ſommes con
( 22 )
vaincus, que les mêmes principes qui récla
ment la liberté de la circulation des Grains
dans l'interieur de notre Royaume , follicitent
auſſi celte de leur commerce avec l'étranger ;
que la défenſe de les exporter , quand leur prix
s'éleve au-deſſus d'un certain terme , eſt inutile ,
puiſqu'ils reſtent d'eux-mêmes par tout où ils
deviennenttrop chers ; qu'elle est même nuitible ,
puiſqu'elle effraie les eſprits, quelle preffe les
achats dans l'intérieur , qu'elle refferre le commerce
, qu'elle repouſſe l'importation , enfin
que toute hauſſe de prix déterminée par la
Loi , pouvant être provoquée pendant pluſieurs
marchés con confécutifs par des manoeuvres coupables
, elle ne ſauroit indiquer ni le moment
où l'exportation pourroit ſembler dangereuſe ,
ni celui où elle eſt encore néceſſaire ; & que
c'étoit aux inconvéniens de cette diſpoſition
qu'on devoit attribuer les atteintes portées
àl'exécution & aux yues de l'Edit de Juillet
1764 , & des Loix ſubſéquentes.
Nous avons en conféquence jugé que le
tems étoitvenu de fixer les principes fur cette
matiere & de déclarer que la liberté du commerce
des Grains doit être regardée comme
l'état habituel &ordinaire dans notre Royaume ,
ſans néanmoins que Nous ceſſions jamais de
veiller à la ſubſiſtance de nos Peuples , avec
tous les ſoins qu'exige cet objet eſſentiel de
notre ſollicitude paternelle. Les moyens que
Nous avons pris pour être toujours intruits du
véritable état des récoltes , & continuellement
enmeſure de pourvoir , dans les premiers momens
, aux beſoins ſubits & paſſagers , doivent
ſuffire pour raſſurer les eſprits les plus prompts
às'alarmer ; & cependant cesmoyens , toujours
conformes ànos principes , toujours analogues
( 23 )
aux circonstances , font tels, qu'ils ne pourront
jamais inquiérer le commerçant , ni troubler
en aucune forte ſes opérations. Si Nous nous
fommes réſervé de ſupendre l'exportation par
des défenſes locales , ce ne ſera que quand elles
auront été reconnues néceſſaires , & qu'elles
Nous auront été demandées , ſoit par quelquesuns
de nes Etats , ſoit par quelques-unes de nos
Aſſemblées provinciales que Nous venons d'établir,
ou par leur Commiſſion intermédiaire ; &
ces défenſes, quiferont des exceptions momentanées
à la regle générale , ne pourront jamais
nuire aux Provinces qui ne les auront pas demandées
, & ne pourront jamais être portées
pour plus d'un an , ſauf à les renouveller , A
la continuation des beſoins l'exigeoit , & nous
en faifoit folliciter par les mêmes Provinces
qui les auroient obtenues. A ces cauſes , &e.
Dans la nuit du 14 au 15 Décembre dernier
, il s'eſt élevé à l'iſle de France un ouragan
furieux , qui a jetté à la côte , détruit
ou avarié 12 navires , dont la liſte a éré
apportée au Cap , & de-là à Bordeaux , par
le bâtiment l'Adif , venant du Cap de
Bonne Eſpérance. Voici les noms de ces
vaiſſeaux.
-
Le Pacifique , de Bordeaux , arrivé de l'Inde la
veille , perdu en grande rade , hors de ſervice , &
ſa cargaiſon très- avariée. Les Bons-Amis ,
de l'Ile-de-France , Cap . M. L'huillier , ven. de
la côte d'Afrique , perdu ſans reſſource , 5 à 6
hommes noyés. - Le David , de Bordeaux,
Cap. M. Gelineau , ven. dudit lieu , hors de fervice;
on a ſauvé la cargaiſon. - Le Comte
d'Artois , de Marseille , Capit . M. Brillant , fur
( 24 )
-
ſon départ pour France , avec partie de ſon fret
à bord , perdu ſans reſſource. La Louise ,
de l'Ifle-de- France , Capit. M. Labée , ſur fon
départ pour l'Inde , perdu ſans reſſource.-Les
Bien-Aimées , de Nantes , Cap. M. Bonen , perdu.
- La Chanceliere de Brabant , de Bordeaux ,
Capit. M. Beaulieu , échoué , la cargaiſon peu
avariée , le navire très endommagé. -L'Actif,
de Bordeaux , & l'Aftrée , de Saint- Malo , Capit.
MM. Taudin & Rouſſel , ſur leur départ pour
St. -Domingue , échoués dans le port , & relevés
avec peu d'avaries. -Le St.-Esprit , de Saint-
Malo ; la Rosalie , de Nantes ; le Confolateur , de
Marſeille ; le Boukous , de l'Iſle-de-France ; le
Colon , de l'Orient , tous fur leur départ pour
France , échoués dans le port , & relevés , 15
ou 20 jours après , avec beaucoup d'avaries.
-L'Amphitrite , Flûte du Roi , Capit. Mr.
Mayon ; la Colombe , de l'Ile- de-France , ſur leur
départ pour Madagascar , échoués dans le port.
-L'Aurore , Flûte du Roi ; le Fidèle , de Pondichéry
; le Télémaque , de Marseille ; la Marie-
Jeanne , de l'Ile-de- France , & un navire Hollandois
, échoués dans le port , peu avariés.
- Le Nicobard & l'Harmonie , de Ile-de-
France , jettés ſur la chauſſée : ces deux navires
étoient ſur leur départ pour l'Inde.-Pluſieurs
autres vaiſſeaux condamnés , Pontons , Caboteurs
, &c . , échoués dans le port.
>> On écrit de Breſt , qu'on y a lancé un
>> vaiſſeau de ligne de 74 can. , nommé le
>>> Léopard , & que le 12 de Juin une eſca-
>> dre d'évolution avoit mis à la voile , ſous
>>>le commandement du Comte de Nieul ;
>> mais qu'une gabarre venue de Rochefort
*lui
( 25 )
>>lui avoit depuis porté l'ordre de rentrer
>>d>ans leport.
>>> Mardi 13 Juin , entre midi &deux heures ,
la ville deMelun & les environs ont été aſſai'lis
d'un orage affreux mélé de grêle & d'un torrent
d'eau qui a ruiné dix à douze paroiſſes des environs
de cette ville . On a ramaflé dans les
jardins du château de la Rochette , des grains
de grêle qui préſentoient une ſurface de ſept
pouces& demi. Toutes les vitres du château ont
été caffées , excepté les carreaux de verre de
Boheme, dont on n'a perdu que quinze. Les ardoiſes
des combles font fort endommées , & on
a trouvé beaucoup d'oiſeaux & de gibier tués
par la gréle. L'orage a duré près d'une heure
entiere;fa marche a été dirigée d'abord du couchant
au levant , & au moment que l'on a cru
čet orage paffé , il eſt revenu du levant au couchant
avec une violence inconcevable : la rócolte
en tout genre eſt abſolument perdue. >>
U s'eſt répandu dernierement ici & ailleurs
des bruits arroces ſur le compte de la
fille Salmon, aujourdhui femme Savary ;
bruits enfantés par la rage maladroite des
persécuteurs de lon Défenſeur. Ce dernier
vient de nous écrire à ce ſujet; & nous nous .
hâtons de publier ſa lettre , pour empêcher
le cours d'une ca omnie auffi extravagante..
Monfieur, le désespoir des ennemis de la fille
Salmon , femme Savary; leur jalousie for la réuffite
qui a couronné mes peines & mes dépenſes
fans aucun autre eſpece de dédommagement en
cette affaire à jamais mémorable , font circuler
dans le public , juſques dars les provinces , que
la femme Savary a empoisonné ton mari. J'at-
N°. 28 , 7 Juillet 1787.
b
( 26 )
teile for ma tête que le mari & la femme vi
vent très-tien enſemble à Montargis ; qu'ils accroiflent
en protection , en fortune & en bonne
fanté , qu'ils viennent l'un & l'autre très fréquemment
à Paris , & je provoque les auteurs
de la nouvelle calomnie ; je la dénonce à tous
les gens d'honneur ; je défie ces auteurs de te
nommer. Enfin , cette abominable nouvelle a
circulé fi promptement dans les provinces , qu'un
Officier ſupérieur& de mérite m'écrit de Bayeux
que cette nouvelle accuſation y fait le plus grand
progrès, En conféquence je déclare que je
recevrai avec bien de la reconnoiſſance les
renſeignemens poſitits qu'il plaira aux prudens
amis de la vérité , de m'adreſſer contre les auteurs
de ce nouvel attentat, Que les méchans
m'attaquent , mais qu'ils reſpectent la foibleſſe
d'une payſanne qui ne peut le défendre
contreeuxque comme elle le faiſoit aux approches
du bûcher que la calomnie lui avoit préparé.
Vous m'accuſez ; mais auparavant , aſſurezvous
donc s'ily a un délit ; s'il y ena unje n'en
>> fuis pas coupable : & s'il n'y en a pas , vous
cres doublement des calomniateurs ; & en ce cas
là, la Loi de toutes les nations prononce contre
vous la peine du fouet. (fuftibus feriatur )
Daignez, Monfieur , employer cette juſte réclamation
dans votre prochaine feuille , ce ſera
pour moi un nouveau ſurcroît à ma reconaoiffance,
Je fuis , &c.
LECAUCHOIS , Avocat,
Paris 27 Juin 1787.
Le 14 du mois dernier, le tonnerre oft
>>> tombé dans le bais de Riencourt, à ; lieues
>>d'Amiens , fur huitperſonnes qui s'étoient
( 27 )
>> retirées , à cauſe de l'orage , dans une ca
>> bane taite avec des fagots fous un arbre.
>> Le Garde du bois, & deux ouvriers du
>> village de Montagne ont été tués : les
>> cinq autres qui ont été bleſſés, ſe plai-
>>gnent de mal-aiſe , d'un briſement dans
>>les parties frappées du tonnerre , & ont
>>>tous des fillons de brûlure plus ou moins
>> larges.
Le Parlement de Normandie a rendu, le
22 Mai de nier , un Arrêt très intéreſſant ;
dont voici l'objet :
aCet Arrêt , rendu par les Chambres afſem
blées , ſur le réquisitoire du Procureur-Général
, ordonne que , par proviſion , tous les
>> parens , juſqu'au ſeptiéme degré , des orphelins,
enfans mineurs , au-deſſous de ſept ans ,
dont le pere ou la mere feront décédés , & des
>>>vieillards grabataires dont la pauvreté ſera
>>ſuffifamment conſtatée , feront tenus de contribuer
à leur garde , nourriture & entretien,
>>à la requête des Subtituts du ProcureurGénéral
du Roi , & ſur l'Ordonnance du Juge , ainſi
» qu'aux frais que les convocations & contefta-
>>>tions qui pourroient s'élever à ce ſujet , auront
>>>occafionnés, leſquels , ſans tirer à conféquence,
>> feront taxes comme pour les affaires du Roi ;
>> deſquels frais ne pourront être prenables les
>> parens qui , ſe préſentant ſans allignation , ont
>>conſenti à la contribution , auſſi tôt qu'elle a
» été demandée , ni ceux qui prouveront , par
>> des certificats de pauvreté , devoir même étre
>>exempts de ladite contribution : ne pourra
néanmoins la contribution être requiſe , ni or-
>* donnét , lorſqu'il fera conſtant que les offres
>>
b 2
( 28 )
faites par des parens au pere ou à la mere de
> prendre à leur charge le plus grand nombre
de leurs enfans , auront été par eux refuſés
> ſans juſtification , de leur part , d'impuitſance
d'élever l'enfant qui leur ſeroit laiflé. >>
,
Deux perſonnes reſpectabies nous mandent
du Lyonnois un trait de courage &
d'humanité au deſſus du ſexe & de l'âge de
la jeune fille qui en a été l'héroïne.
<<Mardi dernier , 5 du courant , nous écrivent
>> nos Correſpondans , nos occupations nous ayant
α
appellés à Cheffy, petit bourg du Lyonnois ,
»baigné par la riviere d'Azergue , le temps de-
>>>vint orageux dans l'après- midi ; les montagnes
, où ce torrent prend ſa ſource , étoient couver-
>> tes d'épais nuages , qui bientôt répandirent
>>>une pluie abondante qui s'étendit juſqu'à Cheffy.
Peu d'heures après , la riviere augmenta
conſidérablement. Sur les cinq heures du foir ,
le nommé Antoine Michon , âgé d'environ
> 14 ans , ſe rendoit de Cheffy au hameau de
> Courbeviile ; pour y parvenir , il étoit contraint
>> de traverſer la riviere ſur une planche de la
>>>largeur de 15 pouces, qui n'a point de garde.
,, fous. A peine fut - il au milieu , que le pied lui
>> ayant manqué , il tomba dans la riviere qui
>>> l'entraînoit avec rapidité. Les cris de ce malheureux
enfant furent entendus par trois jeunes
filles , occupées près de- là à arracher de Ther-
>>be ; elles coururent au bord de l'eau pour lui
>> tendre du ſecours ; l'une d'elles , nommée
Marguerite Rellieu , âgée de 13 ans , plus agie
> ou plus ſenſible que les autres , arriva la pre-
>> miere ; elle appelloit du ſecours , il ne venoit
pas. Elle veut le précipiter dans les flots pour
fauver la vie àſonjeune compatriote, La mere
( 29 )
>> de cette fille qui ſurvient , & qui craignoit de
>>>la voit périr , pluſieurs fois par les cris& fes
menaces arrête ſes mouvemens . La fille ſuit
>> des yeux, & en courant de scutes ſes forces , le
>>>nouveau Moyfe , l'eſpace de 200 pas ; enfin ,
>ne voyant paroître perſonne plus fort qu'elle ,
>appercevant que lavictime , de temps entemps
difparoiſſoitde deſſus la ſurface , elle brava le
danger & les alarmes de fa mere; elle se met à
» l'eau juſqu'au cou ; ésendant la main , elle fai-
>> fit le jeune Michon par les cheveux , & l'amène
>> à bord; déjà il étoit fans poulx & fans mouve-
>>ment. Il fut néanmoins rappellé à la vie au
>> moyen des ſels qui lui furent adminiſtrés par
>>>une perſonne du voiſinage. >>>
L'Académie Royale des Beles Lettres
de la Rochelle tint le 9 Mai une Séance pablique
, à laquelle M. l'Evêque aſſiſta , en
qualité d'Académicien honoraire.
M. Seignette Desmar is , Directeur , en fit
l'ouverture par le précis des événemens intéreffans
pour l'Académie , qui ont eu lieu de.
puis la derniere féance.
M. Bri'au'elut un mémoire ſur l'homme Phyfque
& moral.
M. Desparoux lut un diſcours ſur les bienfaifances
fociales..
M. Charpentier de Longchamps lut un éloge
deGreffet.
M. Alquier lut pour M. Croisiere , affocié abfent
, une allégorie en vers , dont le titre est
les roffignols& le pinfon.
La féance fut terminée par la lecture du programequi
fuir,
L'Académie de la Rochelle décernera , dans la
b3
( 30 )
féance publique , d'après Pâques 1788 , un Pris
de trois cents livres , à la meilleure. Piece de
vers françois qui lui ſera adreſſée avant le quinze
Février de la même année.
Elle laiſſe aux Auteurs le choix du Sujet.
L'Académie n'admettra au concours que des
Pieces de cent vers , au moins , & de deux cens
vers , au plus.
Les membres titulaires de l'Académie & les
'Aſſociés réſidens , ſont ſeuls exclus du concours ;
les Auteurs qui ſe feront connoître , directement
ou indirectement , n'y feront point a 'mis.
Les paquets doivent être adrellés, francs de
port, ou fous le couvert de M. l'lotendant, à
M. SEIGNETTE , premier Secrétaire perpétuel de
l'Académie.
:
Suitedu Traité de Commerce entre la Franer
&iaRuffie.
35°. Si les navires des ſujets des Hautes-Parties
contractantes échouoient ou faifoient raufrage
fur les côtes des Etats reſpectifs , on s'empreffera
de leur donner tous les ſecours & aſſiſtances
poſſibles , tant à l'égard des navires & effets ,
qu'envers les perſonnes qui compoferont l'équipage.
A cet effet , on aviſera le plus promptement
qu'il fera poſſible, le Conſul ou Vice- Conful
de la Nation du navire naufragé , & on lui
remettra , à lui ou fonagent , la direction du
ſauverage ; & où il ne ſe trouveroit ni Conful
ni Vice- Conful , les Officiers prépoſés de l'endroit
veilleront audit fauverage , & y procéderont
en tous points de la maniere urée à l'égard
des ſujets mêmes du pays ,en n'exigeant rien au-
1
-( 31 )
delàdes frais &droirs auxquels ceux ci ſone affujettis
en pareil cas ſur leurs propres côtes , & on
procédera, de part &d'autre , avec le plus grand
ſoin,pourque chaque effet ſauvé d'un tel navire
naufragé ou échoué , ſoit fidelement rendu au
légitime propriétaire.
36°. Les procès & autres affaires civiles concernantles
ſujets commerçans reſpectifs , feront
rég és &jugés par les Tribunaux du pays auxquels
reſſortiffent les affaires du commerce des
Nations avec leſquelles les Hautes-Parties contractantes
ontdes Traités de commerce. Ces tri
bunaux leur rendront la plus prompte & la plus
exacte jullice , conformément aux lois & formes
judiciaires preſcrites auxſuſdits tribunaux. Les
ſujets reſpectifs pourront confier le ſoin de leurs
cauſes àtelsAvocats , Procureurs ou Notaires que
bon leur ſemblera , pourvu qu'ils soient avoués
par leGouvernement.
37°. Lorſque les marchands François & Ruffes
feront enregiſtrer aux douanes reſpectives , leurs
contrats ou marchés pour ventes ou achats de
marchandiſes par leurs commis , expéditeurs eu
autres gens employés par eux , les douanes où ces
contratss'enregiſtreront, devront foigneufement
examiner fi ceuxqui contractent pour le compte
de leurs commet: ans , fost munis par ceux-ci
d'ordre ou pleins pouvoirs en bonne forme, auquel
cas lefdirs commettans feront refponfables,
comme s'ils avoient contracté eux -mêmes en
perfonnes ; mais fi lesdits commis expéditeurs,
ou autres gens employés par les ſufdits maschands,
ne font pas munis d'ordres ou pleins
pouvoirs faffifans, ils ne devront pas en être
crus fur leur parote , & quoique les douanes
toient dans l'obligation d'y veiller, les contracsansne
feront pas moins tenus deprendre garde
b4
( 32 )
eux-mêmes que les accor's ou contrats qu'ile
feront en'emble , n'outre - patient pas les termes
de procurarions ou pleins pouvoirs confiés par
les propriétaires des marchandises , ces derniers
n'érant tenus à répondre que de l'objet & de
la valeur énoncés oans leurs pleins pouvoirs .
--38°. Les Hautes-Parties contractantes s'engagent
réciproquement à accorder toute affiftance
poffible aux fujers reſpectifs , contre ceux qui
n'auront pas rempli les engagemens d'un contrat
fait & enregiſtre ſelon les loix & forines pref
crites ; &le Gouvernement , de part & d'autre ,
employera , en cas de beſoin , l'autorité néceffaire
pour obliger les parties à comparoître en
Juſtice, dans les endroits où lesdits contrats auront
été conclus & enregiſtrés , & pour procurer
l'exacte & entiere exécution de tout ce qu'on y
aura ſticulé .
39°. On prendra réciproquement toutes les
précautions nécellaires pour que le brac foit confié
à des gens connus par leur inte ligence & probité,
afin de mettre les sujets reſpectifs à l'ari
du mauvais choix des marchandises & des emballages
frauduleux; & choque fois qu'il y aura des
preuves fuffi antes de mauvaiſe foi , contravention
ou negligence de la part des bracqueurs ou
gens prépolés à cet effet , ils en répondrone en
Ieurs perſonnes & leurs biens , & feront obligés
de bonifier les pertes qu'ils as ront caufées.
40°. Les marchands François établis ou qui
s'établiront en Ruſſie , peuvent & pourront acquitter
les marchandises qu'ils y achetent, en la
même mornoie courante de Ruſſie qu'ils reęci
vent pour leurs marchandises vendues , à moins
que , dans les contrats ou accords faits entre le
vendeur & l'acheteur , il n'ait été ftipulé le contraire
: ceci doit s'entendre réciproquement de
( 33 )
même pour les marchands Ruſſes établis ou qui
s'établiront en France .
41°. Les ſujets reſpectifs zuront pleine liberté
de tenir dans les endroits où ils feront domiciliés
, leurs livres de commerce , en teile langue
qu'ils voudront , ſans que l'on puiile rien leur
prefcrire à cet égard, & l'on ne pourra jamais
exiger d'eux de produire leurs livres de compte,
ou de commerce , excepté pour leur juſlification
en cas de banqueroute ou de procès; mais , dans
ce dernier cas , ils ne feront obligés de préſenter.
que les articles néceſſaires à l'éclairciſſement de
l'affaire dont il fera queûion.
41°. S'il arrivoit qu'un ſujet François établi
en Roffie , ou un ſujet Ruſſe établi en France , fit
banqueronte , l'autorité des Magiſtrats & des
Tribunaux du lieu fera requiſe par les créanciers
pour nommer les curateurs de la maffe auxquels.
leront congés tous les effets , livres & papiers de
celui qui aura fait banqueroute. Les Confuls ou,
Vice confuls refpe&ifs pourront intervenir dans,
ces affaires pour les créanciers & débiteurs de
leur Nation abſens , en attendant que ceux ci
aient envoyé leurs procurations; & il fera donné.
copie des actes qui pourront intéreſſer les ſujets
de leur Souverain , afin qu'ils soient en état de
leur en faire parvenir la conneiſſance. Leſtits
créanciers pourront auſſi former des affemblées
pour prendre entr'eux les arrangemens qui leur
conviendront concernant la diſtribution de ladite
maffe. Dans ces aſſemblées , le fuffrage de ceux
des créanciers qui aurant àprétendre aux deux,
tiers de la maſſe ſera toujours prépondérant , &
les autres créanciers feront obligés de s'y ſoumettre
; mais quant aux ſujets refpc&ifs qui anront
été neutralifés , ou auront acquis le droit
debourgeoiſe dans les Etats de l'autre Puiſſance
bs
( 34 )

contractante, ils ſeront foumis en cas de banqueroure
, comme dans toutes les autres affaires ,
aux loix, ordonnances & ftatuts du pays où ils
feront naturaliſes .
33 °. Les marchands François établis ou qui
s'établiront en Ruffie , pourront bâtir , acheter ,
vendre & louer des maiſons dans toutes les villes
de l'Empire qui n'ont pas de privileges muni.i
paux ou droits de bourgeoifie contrairs à ces
acquifitions. Toutes maiſons poſſédées & habitées
parles marchands François à Saint-Pétersbourg ,
Mofcou, Archangel , Cherfon , Sevastopol &
Theodofia , ſeront exemptes de tout logement
auffi long-tems qu'elies leur appartiendront &
qu'ils ylogeront eux mêmes; mais quant à celles
qu'ilsdonneront ou prendront à loyer, elles ſerontaſſujetties
aux charges &logemens preſcrits
pour ces endroits. Les marchands François pourront
auſſi s'établir dans les autres villes de l'empire
de Ruffie ; mais ies maisons qu'ils y batiront
ou acheteront ne jouiront pas des exemptions
accordées ſeulement dans les fix villes dénommées
ei deffus; cependant fi Sa Majesté l'imperatricede
toutes les Ruflies jugeoit à propos , par
la fuite , de faire une ordonnance générale pour
acquitter en argent la fourniture des quartiers ;
les marchands François y feront afſujettis comme
les autres.
Sa Majefté Très-Chrétienne s'engage réciproquement
à accorder aux marchands Ruſſes établis
ou qui s'établiront en France , la même permiffion&
les mêmes exemptions qui ſont ſtipulées
par le préſenta rticle , en faveur des François en
Ruffie , & aux mêmes conditions exprimées cideſſus
, en défignant les villes de Paris , Rouen ,
Bordeaux , Marseille , Certe & Toulon , pour y
faire jouir les marchands Ruffes des mêmespré
( 35 )
rogatives accordées aux François dans celles de
Sain-tPétersbourg , Mofcou, Archangel , Cherfon
, Sevaſtopol & Theodofia .
44°. Lorſque les ſujets de l'une des Puiffanees
contractantes voudront ſe retirer des Etats de
l'autre Puiffance contractante, ils pourront le
faire librement , quand bon leur ſemblera , fans
éprouver le moindre obstacle de la part duGouvernement,
qui leur acccriera , avec les pré
cautions poffibles , les paffeports en ufige pour
quitter le pays , & emporter librement les biens
qu'ils auront apportés on acquis , apres s'éte
affaré qu'ils auront fatisfait àtoutes leurs denes
ainſi qu'aux droits fixés par les loix , tants &
or donnances du pays qu'ils voudront quitter.
.
45°. Afin de promouvoir d'autant mieux le
commercedes deux Nations, il eſt convenu que ,
dans le cas où la guerre ſurviendroit entre les
Hautes-Parties-contractantes (ce qu'à Dieu se
plaiſe),il ſera accordé, de part & d'autre , au
moins l'eſpace d'une année après la déclaration
de la guerre , aux ſujets commerçans reſpectifs ,
pour ratſembler, tranſporter ou vendre leurs effets
ou marchandises , pour ſe rendre dans cette
vue par tout où ils jugeront à propos ;& s'il leur
étoit enlevé ou connſqué quelque choſe , ſous
prétextede laguerre contre leur Souverain , qu
s'il leur étoit fait quelqu'injustice durant la luf
dite année, dans lesEtats de la Puiffance ennemie,
il ſera donné , à cet égard , une pleine &
entiere fatisfaction . Ceci doit s'entendre pareillementde
ceux des ſujets refpe&ifs qui feroient
au ſervice de laPuiffance enneme il fera libre
aux ans & aux autres de ſe retirer dès qu'ils autontacquittés
leurs dettes;& ils pourront , avant
leur départ , diſpoſer ſelon leur bon plaifir &
convenance de ceux de leurs effets dont ils n'au
b6
( 36 )
roient pu ſe défaire , einſi que des dettes qu'ils
auroient à prétendre , leurs débiteurs étant tenus
de les acquitter , comme s'il n'y avoit pas eu de
rupture.
46°. Le préſent Traité d'amitié & de commerce
durera douze années , & toutes les ſlipulations
en feront re'igieufement obſervées , de pare
&d'autre, durant cet éſpace de tems. Mais comme
JesHautes- Parties contractantes ont également à
coeur de perpétuer les liaiſons d'amitié & de commerce
qu'elles viennent de contracter , tant entr'elles
qu'entre leurs ſujets reſpectifs , elles ſe
réſervent de convenir de ſa prolongati ; n ou d'en
contracter un nouveau avant l'expiration de ce
terme.
47°. Sa Majefté le Roi Très-Chrétien, & Sa
Majesté l'Impératrice de toutes les Ruffies, s'engagent
à raufier le préſent Traité ;& les ratifications
en bonne & due forme ſferont échangées
dans l'eſpace de trois mois, à compter du jour
de la date de ſa fignature , ou plutôt , fi faire ſe
peut.
En foi de quoi , nous fouſſignés , en vertu de
nos pleins pouvoirs , avons figné ledit Traité , &
y avons appoſé le cachet de nos armes . Fait à
Saint-Pétersbourg , le 31 Décembre mil ſept cent
quatre- vingt fix ( vieux ftyle ) , & le 11 Janvier
mil ſept cent quatre-vingt ſept ( nouveaustyle ) ..
(L. S.) LOUIS PHILIPPE, Comte de Ségur..
(L. S.) COMTE JEAN D'OSIERMANN.
(L. S.) COMTE ALEXANDRE DE WORONSOW.
(L.S)ALEXANDRE COMTE DE BESBORODKO
(L.S) ARCADI DE MARCOFF.
Nous , ayant agréable le ſuſdit Traité de navigation
& de commerce en tous & chasun les
points & articles quiyfons contenus & déclarés,
avons iceux , tant pour nous que pour nos héri
( 37
siers , fucceffeurs , royaumes , pays , terres , feigneuries
& ſujets , acceptés & approuvés , ratifiés
& confirmés ; & , par ces préſentes, Antes de
notre main, acceptons , approuvons , ratifions&
confirmons , & le tout promettons en foi & parole
de Roi , ous l'obligation & hypothéque de
tous& un chacun nos biens préſens & à venir ,
garder & obferver inviolablement , ſans jamais
aller ni venir au contraire, directenent ou indirectement
, en quelque forte & maniere que ce
foit ; en témoin de quoi nous avons fait mettre
noire ſcel à ces préſentes. Donné à Verailles ,
le quinzieme jour du mois de Mars, l'an de grace
milſept cent quatre-vingt fpt, & de notre regne
le treizieme. Signė LOUIS . Et plus bas , par le
Roi . Signe СоMTE DE MONTMORIN .
Suivent les formulaires des paſſeports & lettres
de mer qui ſe doiventdonner dans les Amirautés
reſpectives des Eats des deux Hautes - Parties
contractantes , aux vaiſſeaux & bâtimens qui en
fortiront, conformément à l'article 31 du préſent
Traité.
Louiſe - Françoiſe - Alexandrine Guérin
de Tencin , épouse du Geur Armand-François
de la Tour-du-Pin de Montauban ,
Marquis de Soyans , Brigadier des Armées
du Roi , Meſtre- de- camp, Commandant
du régiment dInfante.ie de Rouergue , &
Gouverneur des ville & ciradele de Monte.
limart , eſt morte à Grenoble , le 22 Mai
dernier , âgée de 25 ans .
» P. S. M. S ..., de Toulon, dont nous
>> avons imprimé une lettre ſur la prétendue
>>catastrophe de la frégate la Fleche , nous
> prie de publier , qu'en parlant d'un Capi(
38 )
1
>> taine de vaiſſeau , connu parfa cruauté , il
»n'a en aucune maniere prétendu déligner
>> qui que ce foir , & encore moins le Capi
taine de la Fleche.
Les Numéros fortis au Tirage de la
I oterieRoyale de France, le 2
font : 76 , 40 , 22 , 43 & 71 .
de ce mois ,
Les Payeurs des Rentes , 6 derniers mois
de 1786 , payent toutes lettres.
:
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 30 Juin.
Depuis quelques jours , on paroît un peu
moins agité dans cette vile; mais la fermen
tarion n'a pas diminué aillers. Outre les
ſe firions & les pillages commis à Anvers &
àLierre , il s'eſt élevé des tumultes à Cour
trai , Tournai , Malines , Tirlemont & Vilvorden
, où la populace s'eſt portée fur les
maiſons de ceux qui avoient accepté des
places dans la nouvelle Adminiftration , rejetrée.
Cent vingt deux des féditieux ont éré
arrêtés à Anvers; l'un de leurs chefs , diton
, a même été pendu, & pluſie irs autres
fouettés & marqués. Le Bourgrave de la
même ville a été démis de fa place , & exilé
pour 30 ans , & l'un des Commiſſaires de
Cercles conduit ici pour ſa sûreté perfonnelle
, à ce qu'on croit , par deux Cavaliers
de Maréchauffée.
Le 26 de ce mois , il eſt arrivé 800 hom
mes de troupes Pruſſiennes à Goch , à trois
lieues de Cleves , pour y tenir quartier.
Les nouveaux Erats d'Utrecht ayant enf
( 39 )
voié à la Haie trois
Députés à
l'Affemblée
de LL. HH. PP. , il y fur
délibéré le is
fur lear
admiffion.
L'extra't
authentique des
réſolutions des Erats-
Généraux porte à ce
ſujet que, la
province de
Hollande opina
>>fur le champ à
légitimer ces
Députés; que
>>la
province
d'Utrecht ,
repréſentée par les
>>Etats
d'Amesfoort ,
déclara qu'elle re-
> noit cette
dépuration pour illégale & illé-
>>>gitime, & qu'elle
proteſtoit contre fon
>>admillion; les
Députés de la Friſe conſi
>>dérant cette
affaire
comme
purement
>>
domeſlique , dirent avoir renvo é a choſe
>>à leurs
commettans , & fe
déciderent à
>> recevoir les
Députés
d'Utrecht
provifionnellement:
la
province d'
Overyffel fut de
» même avis; les
Dépurés de celle de Gro-
> ningue en
référerent
abſolument à leurs
>>
Souverains; les
provinces de
Gueldles &
>>de
Zélande
rstuferent de
reconnoître la
»
noive'le Députat on. La
concluſion avant
>>été formée fur ces
différens asis , lés Députés
furent adm's; les
provinces d'opi-
>>nion
contraire firent leurs
proteſtations » .
La pluralité des
provinces de
Hollande ,
Overyffel , Frife & les
nouveauxEtats d'Utrecht
fit
également
révoquer les de nieres
réſolutions des Etats-
Généraux .
relatives à
la
ſuſpenſion du Général van Ryſſel , à la
marche des
troupes de la
Généralité en
Gueldres, cc. mais le
Confeil, d'Etat fie
difficulté d'obéir à cette
révocation, & lailla
( 40 )
fubfifter les premiers ordres.. Peu de jours
après , les Etats de Frie ont défavoué la
conduite de leurs Députés , leur ordonnant
de plus fort de ſe conformer à l'avis des
provinces de Gueldres & de Zélande , &
de refuſer les Députés préſentés par lesErats
affemblés à Utrecht , ce qui a été exécuté ,
& a ramené la ma orité précédente contre
les provinces de. Hofande & d'Overyffel.
Celle de Groningue eſt partagés d'opinion ,
& ne s'eſt point encore expliquée ultérieurement.
C
Le jour de l'admiſſion momentanée des
Députés des nouveaux Etats dUtrecht , il
s'éleva une querelle violente dans l'Affembléemême
des Erats- Généraux, entre M. d'Averhoult,
l'undes Députés des Erarsaflembiés
à Utrecht , & M. de Thuyll, Ba on de Zuv
len , & Député des Etats d'Amersfoort. Ce
dernier tira ſon épée contre M. d'Averhoult;
mais onparvintà ſéparer ces deux adverſaires
qui ſebattirent le lendemain près de laHaye.
Comme diverſes feuilles publiques avoient
rendu un compte calomnieux de cette affaire
, en avançant que le Baron de Zuylen
s'étoit battu lachement , qu'il avoit fait des
excuſes, &c. &c. les ſeconds ont fait, à ce
ſujet une déclaration publique , appuiée de
celle de M. d'Averhoult lui - même , qui
porte :
Le ſouſſigné, indigné de voir offenſer unhomme
d'honneur d'une maniere calomnieuſe , dclare
au public par la préſente , que ce qui eſt
( 41 )
rapporté dans le Nº 73 de la Gazette de Harlem
eſt un compofé de mentonges , & que
Monfieur van Tuyll van Zuylen , bien loin de
s'être conduit lâchement , a prouvé par la miniere
dont la diſpute a eu lieu entre le ſouſſigné
&leditMonfieur van Zuylen , & a été terminée ,
qu'il est un homme brave & d'honneur.
La Haye le 19 Juin 1787.
J. A. D'AVERHOULT.
M. de Thuył a publié une déclaration
pareille ſur la conduite de M. d'Averhoult.
La Commiflion militaire , nommée par
les Etats de Hollande , s'eſt rendue à Woerden
, & s'occupe de remplacer par des détachemens
des Corps Francs ,les garni ons
qu'ont abandonné les troupes réglées. La
ville d'Amſterdain leve un corps de 700
hommes , pour aſſiſter la ville d'Utrecht , &
il en eſt parti le 21, 300 Bourgeois pour relever
ceux qui depuis 15jours montoient
la garde à Muyden. Les Etats aſſemblés à
Utrecht ont nommé le Rhingrave de Salm
leur Généraliſſime , & M. van der Borch ,
Général -Major. Ils ont auſſi invité par une
proclamation les Régimens à la répartition
de la Province , à ne reconnoître que leur
ſeule autorité.
Les ſoldats de la garniſon de la Haye
commencent à déſerter; 30 foldats des Gardes
Hollandoiſes &une vingtaine des Gardes
Suifles ont quitté la place , la nuit du
19 au 20. La garniſon du fort de Wieringen
eſt allée rejoindre le Lieutenant Colo(
42 )
nel Balnéavis , le même qui a emmené la
garniſon d'Oudewater. Une compagnie de
Canonniers , cantonnée à Gorcum , s'eſt
retirée dans la Gueldre , ainſi qu'un bataillon
de Hardenbroeck , qu'on faiſoit marcher
de Heusden àViane.
Les Dépurés du Conſeil de Rotterdam
ont propofé les points ſuivans à l'Affembléedes
Etars de Hollande.
I. Saufles délibérations ſur la propoſition de
la vile de Leiden concernant la fufpenfion
du Stadhouder , de défendre à tous les Odiciers
diſpenſés , fufpendus &démis , de demeurer plus
de deux fois 24 heures ſur le territoire de la Hoflande
, fous peine de mort.
II. D'accorder une amniſtie à tous les ſoldats
qui ont été au Cordon &l'ont abandonné.
III . De former d'abord d'autres Régimens , à
la place de ceux qui ont déſerté.
IV. D'effectuer au plutôt les Délibérations
fecrettes , & de fixer à cet égard au plutôt
le jour.
V. Que toutes les rivieres qui environnent
la Hollande , foient pourvues de bâtimens nécef
faires armés,
VI. D'ordonner auxDéputés à la Généralité ,
de ne pas s'attacher à leur ſyſtème particulier ,
mais à celui de la Province .
VII. De décliner le Rapport du Comité
concernant fecret, la Médiation en date du
2Jain .
Tous ces points ont été rendus commiſſoriaux
au grand Comité.
Les Constitués de ſeize mile Bourgeois
ou habitans d'Amſterdam ont remis à leur
( 43 )
Conſeil de Régence une Requête, te minée
par la concluſion ſuivante :
- Les repréſentants ſe retirent par devers Vos
Nobles Seigneurs , avec reſpect , mais néan
moins avec inſtante priere , pour que Vos Nobies
Seigneurs veuillent prendre inceſſamment
en Délibération , s'il ne conviendroit pas de
faire propofer par les Députés de cette ville ,
à l'Affemblée de L. N. & G. P. de charger les
Députés à la Généralité , de propoſer à l'Affemblée
de L. H. P. comme un moyen d'ajuſter '
les Différends actuellement exiſtans de Provinces à
Provinces , la Médiation de S. M. Très- Chrétienne
, & de l'invoquer au nom de l'Etat ,
comme Allié de la République , pour prévenir
par-la, la diſſolution autrement infaillible de
l'Union , & pour mettre cette Province hors
de toute reſponſabilité des malheurs qui doivent
ſuivre d'une guerre civile , devenue alors
inévitable , en cas que cette propoſition ſoit
rejettée à la Généralité.
:
La Régence s'eſt conformée à cette réquifition
, qui a été porrée par les Députés
d'Amſterdam , à la délibération des Erars
de Hollande; ceux ci l'ont prife ad refe
rendum , & s'expliqueront définitivement le
16de ce mois. ( Gazette d'Amsterdam , nº.
40,50, 51. )
S. A. R. Madame la Princeſſe d'Orange
eft partie le 21 de Nimezue pour Amerffoort
, où l'on apprend qu'elle eſt arrivée.
Les Corſtitués de la partie de la Bourgeoiſie
d'Amſterdam , dont nous avons parlé
, & fon Conſeil mi ivaire ont caffé le 22
les Bourguemeſtres Dedel & Beets ; la mai(
44 )
:
1
fon de ce dernier avoit été pillée dans
derniere émeure .
1.Inquifition de Madrid vient de profcrire
la traduction des Pensées du Comte
d'Oxenstiern , comme fentantle Matérialifine
; fouvrage des Corps politiques , ou
Extrait de la République de Bodin :les (E1-
vres de Puffendorf, les Recherches fur les
Américains , par M. de Paw; les Penfees
Chrétiennes du P. Bouhours ; les Réflexions
fur le bon goût , &c. de Muratori, &c.
Nous venons de recevoir des détails
ultérieurs de la tournée de l'impératrice
de Ruffie en Crimée , détails extraits d'une
lettre authentique , écrire ſur les lieux .
De Sébastopolis , en Crimée , le 3 Juin 1787.
>> L'Impératrice de Pallie , partie le 29
Mai de Kifiterman , autrement Lommé Pe
revoslaw , palla le. Dn'oper , & trouva en
débarquant one troupe de Tarrares qui l'at
tentoient pour lui rendre hommage& pour
Peſcorter. Le même jour cette Princeiſe traverſa
une partie du défert , fitué entre le
Dneper & Perecor , & s'arrêta à Kamenoymost,
ainſi nommé , à cause d'en pont de
pierre quiy exilte depuis un temps immémorial
. On avoit établi dans ce leu un pes
tit camp retranché , au centre duquel une
maiſon , conſtruite pour l'Impératrice. Le
Prince Potemkin donna le mênie jour à cette
Princeſſe un ſpectacle auffi curieux que no1-
veau. Un corps très nombreux de Cofa(
45 )
ques du Don , qu'il avoit fait venir au-devant
de S. M. I. ,
repréſenta un
Amulacre
de combat,en ſe
répandant dans la plane ,
y
eſcarmouchant&y faiſant pluſieurs charges.
Une forêtde lances, les cais des Cofaques
, leur
habillement
Aſiatique ,
l'adreſle
avec laquette its
manioient leurs
chevaux ,
firent une finguliere
imprellion . >>
>>Le 30,
l'Impératrice le remit en route ,
paſſa lematin les
céléb.es lignes de
Perzcop,
qui ne font plus
aujourd'hui qu'un objet de
carioſité , entra en
Tauride; & après avoir
taverle plus de 60 verſtes deſteps (déſerts)
où l'on ne
rencontre que des debris de villages
, elle s'arrêta pour paſſer la nuit à Acbar
, où l'on avoit établi un camp & un
logement pour S. M. I. »
>> Le 31 ,
continuant la
marche, on
découvritbientôt
les haures
montagnes qui font
au fud de la
preſqu'ile de
Crimée. En entrant
dans la
premiere chaîne de ces
montagues,
la ſcene
changea
totalement , & à la
placede ces ſteps ,
dénués
d'arbres & d'habitans
, on
découvrit de beaux
valons , des
champs cultivés , des vergers & des villages
aſſez
fréquens.
د و
>>
L'Impératrice arriva le foir à
Batshefaray,
après avoir paſſe à gué la riviere d'Al
ma, &logea dans le pala's des Khans. Avant
d'y arriver , un corps de près de mil'e Tar
tares
réguliers , armés de lances , & parfaitement
montés , vint à la
rencontre de cett
Princeſſe , & lui ſervit
d'eſcorte. »
( 46 )
>>>La ville de Batchesaray , ſituée dansun
vallon étroit , s'étendant en amphithéâtre
fur les montagnes qui l'entourent , & dont
les immenfes rochers ſuſpendus paroiſſent
prêts à l'écraſer , préſente un des plus finguliers
points de vue. Elle contient près de
neut mille habitans , preſque tous Tartares.
Ils y ſuivent leurs anciens uſages ; on n'y
gêne ni leur commerce ni leur culte. On
ſe trouvoit dans ce palais comme tranſpor
té dans une ville de Turquie ou de Perſe ,
avec cette différence , qu'on pouvoit y voir
en liberté la Moſquée , les bains fecrets , ces
jardins mystérieux , & tout l'intérieur de
ces fameux harems , dont ailleurs nul Chré .
tien ne peut ſeulement connoître la diſtribution.
>>
>>On aremarqué que ces Tartares , Soumis
Seulement depuis trois ans , font gouvernés
avec tant de douceur , qu'ils s'attachent à leur
joug , & qu'on peut déjà se reposer fur leur
fidélité , & que c'eſt ſous leur eſcorte
ſeule, que l'Impératrice eſt arrivée dans leur
Capitale. Cette Princeſſe , après y avoir féjourné
un jour & demi , en eſt repartie le
2Juin , & est arrivée le lendemain à Sébaftopol's
, après avoir dîné à Inkerman. En
s'arrêtant au pied d'une montagne , remarquab'e
par les cavernes autrefois habitées ,
dont cet immenſe rocher eſt criblé , & fur
le haut duquel font les débris d'un fort bâti
par les Genois , le premier ſpectacle qui
( 47 )
- trappa ſes regards , fut une ligne de Tartares
à cheva , qui laiſſoient voir derriere eux
le fond d'une baie très-large , & profonde
de 12 ou 15 verſtes. Au milieu de cette rade,
la flotte conſtruite & armée en deux
ans étoit rangée en ligne , en face de l'appartement
où ainoit l'Impératrice , & falua Sa
Majesté du feu de tous ſes canons. L'aprèsmidi
elle s'embarqua au fond du golphe ,
&paſſa le long de cette ligne , voyant à
droite& à gauche les anſes larges & profondes
que la nature a creſées dans ce
golphe , pour en faire un port sûr& commode,
& au bout de 8 verſtes elle débarque
au pied d'une montagne, fur laquelle
Sebastopolis s'éleve en anmphithéâtre.
Les nouvelles dYafli annoncent que le
çi devant Kan de Crimée, Sahim Gueray ,
a quitté Choczim , & qu'il ſe promene en
Moldavie , ſuivi d'un Capigi Pachi & d'un
certain nombre de fideles ferviteurs .
Parag. extraits des Pap, Angl. & autres.
Extrait d'une Lettre de Hanore , en date du Ta
Juin .
Il a écé donné ordre depuis peu de dreſſer un
état général des troupes de cet Electorat , d'après
lequel il paroît que , quoique pluſieurs
des Régimens foient incomplets , l'Infanterie
monte à 23,200 & la Cavalerie à huic
mille 640 hommes. Les Officiers - Comm..n-
,
( 48 )
:
dans ont reçu des inſtructions qui leurs enjoignent
de completer leurs Régimens le plus
promptement poffible , & le 4 de ce mois ,jour
où l'on a célébré l'anniverſaire de la naiffance
de l'Electeur , les Lords de la Régence ont ordonné
qu'il fut lû à la tête de chaque Régiment
, qu'il ne feroit point accordé de congé
pendant l'eſpace de fix mois , ſous quelque prétexte
que ce puille dire. Le Duc d'Yorck est
parti pour Zell le 21 de ce mais; il ſe rendra
de là à fon Evêché où il reſtera quelques jours,
&enſuite àBerlin , où il eſt attendu au mois
d'Août. ( Morning Chronicle. Gazeteer ).
L
2
Un Batelier , nommé Holmes , mécontent
de la multitude des taxes , dont on eft accablé
en Angleterre , a imaginé un expédient très
fingulier pour n'en point payer. Il a venduune
maston qu'il poſledoit fur les bords de la
Tamiſe ; & du produit de cette maiſon , il act
acheté un bateau couvert , où il fait fa rédence
avec ſa fumme & fa nombreuſe famille.
Toute la riviere eſt ſon domaine ; il ſe fixe où
il veut, felon les tems & les circonstances; &
vit dans l'endroit qui lui paroît le plus agréable
& le plus commotie. Il eſt actuellement à
l'ancre , vis à-vis l'endroit que Fon appelle
York-Buildings , où la propreté de fon habitation
flotrante , la fittrarion intéreſlante de fa
femme & de fos enfans , & le caractere facétieux
de ce Patelier, attirent un grand nonbre
de curieux. Morning Herald.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 14 JUILLET 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS préſentés à S. A. S. Madame la
D. DE B. , voyageant ſous le nom
Comteffe DE D........, dans une Fête
donnée à Bordeaux par le Régiment de
Champagne, le 20 Août 1786.
LorOsRqSu'auxyeuxd'un peuple enchanté,
Dans ces lieux que Champagne élève à la gaîté ,
Sous cet incognito vous venez à paroître ;
Nos coeurs voudroient en vain ſe faire illuſion ,
Le reſpect n'eſt plus que le nom
Detous les ſentimens que vous y faites naître.
Nº. 26 , 14 Juillet 1787 . C

so
MERCURE
VERS
A M. D'HERMITE DE MAILLANE,
Confeiller au Parlement de Provence , en
lui envoyant des versfur l'Immortalité.
Vou
ous dédaignez cette Divinité ;
Une poſthume volupté
Pour vous n'a rien de desirable ;
Er , content des faveurs d'une mortelle aimable,
Vous renoncez gaîment à l'immortalité.
Confervez ces erreurs puiſqu'elles vous ſont chères.
Ingat! abandonnez à l'inconſtant Zéphyr
Ces vers fi dangereux pour nos tendres Bergères;
Mais de vos hymnes bocagères
N'eſpérez point fruſtrer les fiècles à venir.
Ma déïté de l'oeil ſuit vos feuilles légères ,
Et finira par s'en faifir.
Oui , tous ces jolis riens , charme de tant de Belles ,
Auront leur coin dans ſon palats ;
Les fleurs de vos bouquets feront des immortelles,
Et vos vers du moment ne périront jamais.
(ParM. Morel , Doctrinaire. )
DE FRANCE.
SI
LA FÊTE DE L'AIGLE , Fable Allégorique ,
à M. l'E. D'A.. , Ministre d'Etat.
CERTAINS oiſeaux voulant un jour
De leur Roi célébrer la fête ,
Députèrent le Paon dans les bois d'alentour ,
Pour prier le Gerfaut , l'Épervier , le Vautour ,
Le Cygne & le Héron de ſe mettre à leur tête ;
C'étoit l'orgueil qui formeit cette Cour :
Il leur manquoit pourtant un interprète ;
Car, bien qu'on n'aime pas , il faut parler d'amour
Si l'on ne veut paſſer pour bête.
Le talent de parler aux Rois
N'eſt pas toujours un don de la naiſſance ;
On fait d'ailleurs que les hôtes des bois
Ne ſe piquent pas d'éloquence.
Pour haranguer le Prince au nom du comité ,
On jeta les yeux fur la Pie ;
Elle eſt ſémillante , hardie ,
Dit l'un d'entre-eux ; ce choix par la raiſon dial ,
Fait honneur à notre génie ,
Et doit plaire à Sa Majeft .
Précédés de la babillarde ,
Nos Milords , prompts comme l'éclair ,
Vont à l'oiſeau de Jupiter
Offrir leurs voeux... A peine il les regarde,
:
Cij
MERCURE
Da bruyant orateur l'allure & le caquet
Prévinrent contre le bouquet, .....
Nouvellement échappéde ſa cage,
Un Étourneau , qui n'étoit pas muet ,
Jaſoit pour lors tout ſeul dans le fond du bocage;
Chacun l'invite à chanter un couplet ;
Mais préludant d'un ton pour le moins indiſcret ,
Compère Sanfonnet ne plutpas davantage.
Des coartiſans qui prindroit la douleur ?
Pour réparer la commune diſgrâce ,
Et ſe promettant bien un triomphe flatteur ,
Le chantre du printemps en ce jour ſe ſurpaſſe ;
Ses airs mélodieux ont un charme vainqueur ;
Mais s'ils flattoient l'oreille , ils n'alloient pas au coeur
De l'Aigle; il étoit près de regagner ſon aire ,
Lorſque perché sur un ormeau
Il entend roucouler un jeune tourtereau ,
Qui par reſpect avoit juſques-là ſu ſe taire.
«A ce tendre gémiſſement ,
Dit le Monarque débonnaire ,
>> Je reconnois le ſentiment ,
" C'eſt l'hommage que je préfère, »
ENVOI,
MINISTRE bienfaiſant, vous dont la vérité
Rappellera les vertus d'âge en âge,
Si ma Fable vous plaît par fa moralité ,
Votre Fête est pour moi du plus heureux préſage.
(Par M. Abbé Dourneau. )
DE FRANCE.
53
Explication de la Charade, de l'Énigme &
duLogogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Sourire ; celui
de l'énigme eſt Ramoneur; celui du Logogryphe
eſt Marmite, où l'on trouve mite, more ,
mer, rame , arme, art, mime, rit ou rite ,
raie, rat Marie,mari ,Emir , mi, ré, ma
me , omi , ire , trame , ame , rate , Mai ,
` Remi , tri , mat , mie , mie, tare , atre ,
rime, mitre, Tyr, myrte.
JE
CHARADE.
CHACUN
HACUN poſsède mon premier;
Chacun déreſte mon dernier ;
Chacun exalte mon entier
(Par un Commis de la Marine du
Département de Rochefort. )
ÉNIGME.
Efuisbonne& flatteuſe , avec excès peut-être ;
Mais auprès des humains puis-je jamais trop l'être !
Il n'en exiſte point, qu'il soit ſujet ou Roi ,
Qui veuille un ſeul inſtant vivie privé de mei.
Ciij
54
MERCURE
:
Afon plus noir dépit je fais ſouſtraire une âme ;
De l'amant malheureux j'alimente la flamme ;
A l'étude, au combat , au plaifir , au tourment,
L'homme me doit ſa force & l'encouragement;
J'anime ſes defirs dès ſa plus tendre aurore ;
Aux portes du trépas je le ſoutiens encore.
Dans ce propre moment tu me goûtes , Lecteur ,
Je foutiens ta recherche & pique ton ardeur.
(Par M. André Honoré. )
LOGOGRYPΗ Ε.
Avec ſept pieds le deftin m'a fait naître, VEC
Suis -je brillant ? alors c'eſt vanité;
Car le but principal eſt d'être pour mon maître
D'une très-grande utilité.
De mes ſept pieds retranchez le deuxième ,
De ce maître aux paſſans montrant la dignité,
Je ſuis bien éloignéd'être toujours le méme;
Car loin d'étre porteur , alors je ſuis porté ,
Pour me changer , ôrez mon chef encore ,
Je deviens néceſſaire à mon premier état ;
Mais haïde celui que mon ſecond décore ,
Il me vend à Paris ,où fans ceſſe on me bat;
Voulez-vous me venger de parcille mière ,
Mon centre encore à bas , le tendre & beau Tircis
Va me cueillir pour parer ſa Bergère,
DE
FRANCE...
Et fans ymettredu myſtère ,
Un innocent baiſer du bouquet eſt le prix .
SS
(Par M. Prévost , Garde- du- Corps de
Mgr. Comte d'Artois. )
NOUVELLES
LITTÉRAIRES.
ATLAS du
Commerce , dédié au Roi, publié
par M. le Clerc,
Chevalier de l'Ordre du
Roi , &c. , & par M. le Clerc fils, Officier
au
Régiment de
Durfort,
Dragons. Depreſſum
refurgit. A Paris , chez Froullé ,
Libraire, quai des
Auguſtins , 1786.in-4° .
I vol. de so8 pages.
D Clerc EPUIS près de deux ans , MM. le
pu lient en
livraiſons
ſucceſſives , un Atlas
du
Commerce,exécuté par
d'habiles Artiftes ,
fur les
meilleures Cartes
marines
exiftantes.
L'Ouvrage que nous venons
d'annoncer en
eſt
l'introduction
raiſonnée.
Sous ce titre
d'Atlas du
Commerce , MM.
leClerc on réuni trois
traités
abſolument
diftincts : le
premier offre un
tableau des
richeſſes
naturelles & des
reſſources de la
France; le
ſecond un eſſai ſur le
commerce
de Kuffie; le
troiſième des
obſervations particulières
ſur
différentes
Cartes de IAtlas,
& ſur
l'hydrographie des mers , dont il doit
Civ
7
MERCURE
ſervir à diriger la navigation. Comme on le
voit , cette dernière partie a ſeule un rapport
immédiat avec Pobjet géographique;
les deux autres ſont des cours d'économie
publique ſur la France & fur la Ruſſie.
Population , agriculture , induſtrie ,commerce
, aſſurances , banque nationale , loix
prohibitives , navigation , colonies , toutes
les branches de l'Adminiſtration publique
en France , patfent en revue dans le premier
Traité de ce volume. Pluſieurs de ces grandes
queſtions ſontſouſtraites àl'examen des Journaux
, d'autres en paſſent les limites ; ainſi au
milieu de ces écueils , nous nous contenterons
de gliffe rconcurremment , quelques unes
desidées de MM. leClerc&des nôtres propres.
Par -tout les Auteurs poſent ce qu'on
appelle trop légèrement des principes , &
de ces idées générales , ils s'élèvent àdes concluionsquelquefois
non moins fystématiques.
C'eſt le défaut de la plupartdes livres modernes
d'économie publique , rêvés plutôt
que médités par des hommes , qu'a trèsbien
définis l'un des plus grands Écrivains
&des plus vertueux Adminiſtrateurs , en difant:
" ils outrent toutes les maximes géné-
ود rales , afin de ſe déguiſer à eux-mêmes
>> l'impuiſſance où ils font d'en poſer lesli-
>> mites , & pour donner , par de l'exagé-
>> ration , un air de force à leurs penſees. (1 ) "
Que dans les ſciences exactes , où les
(1 ) Éloge de Colbert , page 46.
DE FRANCE.
57
opérations de l'analyſe repoſent ſur d'intariables
fondemens , on arrive à des réfultats
non moins invariables , & à des contequences
de rigueur , cela doit être ;mais dans
la légiflation, où les règles poſitives ne peuvent
jamais être ſéparées de leur application
preſcrire indiftinctement les préceptes d'une
doctrine ſpéculative à tous les fiècles , à.
tous les États ; anéantir à coups de plume .
les différences qu'apportent à leur régime ,
celles de leurs loix politiques , de leur pofition
, de leurs rapports avec tout ce qui les
entoure, c'eſt, àmon avis, une des plus graudes :
erreurs de l'eſprit humain. Les nations ne
font pas des pièces de charpente , qu'on
puiſſe aſſembler de cette manière ſur un
plan uniforme d'attelier. Ce qui eſt praticable
dans un État ne l'eſt pas dans un autre; il
faut que les théories Héchiffent devant les
circonſtances locales , & fans ces modifications,
elles ne feront jamais que d'ingénieuſes
inutilités.
Perſonne n'a mieuxſenti que Montesquieu
cet accord néceſſaire des loix , confidérées,
métaphyſiquement , avec leur application :-
perſonne n'a mieux déraillé la variété infinie
qui réſulte dans les inſtitutions particulières
, de la forme élémentaire & primitive
des Gouvernemens ; mais comme l'étude de
ces différences eſt pénible , qu'elle coûte à
l'intelligence des Auteurs & des lecteurs ,
& qu'enfin il eſt bien plus commode de ſavoir
par coeur ou de compoſer une légiflation
Cy
58 MERCURE
univerſelle avec une demi douzaine de
dogmes , dont on peut faire un catechiſine
de deux pages , pareil à un livret d'arithmétique,
la méthode de l'immortel Écrivain que
nous venons de citer , a été remplacée par
celle des docteurs tranchans , prophétiques ,
qui dédaignent les traces de Montesquieu ,
fans en laiſſer eux- mêmes ( 1) .
Nous ſomines très- éloignés d'envelopper
M. le Clercdans ce reproche: nous nousbornons
à croire ſeulement qu'il a donné trop de
confiance aux maximes abſolues ; qu'il n'a pas
affez diftingué ceuxde ſes projets conformes
(1) Lorſqu'on ne diſpute plus ſur ſes principes ,
une ſcience quelconque eſt fixée. Au contraire , tant
que ces principes ſont un objet de conteſtation ,la
ſcience eſt encore indéterminée , & les charlatans
ſeuls ne doutent plus . Si l'on applique cette maxime
àl'économie politique, on verra que nous ſommes
encore bien loin d'avoir une dotrine fur ces matières.
Il en eſt de même pour l'éducation , ſur laquelle on
nous donne chaque année des ſyſtemes différens. La
raiſon en eſt que l'éducation , comme l'économie
Politique, varienéceſſairement dans ſon application.
Auſſi les meilleurs Ouvrages d'économie , tels que
ceux d'Adam Smith , en Angleterre , de MM. de
Forbonnois & Necker en France , font moins des
Traités généraux , que des Livres à l'uſage particulier
des États où ils ont été composés. Les Docteurs
modernes trouvent cette circonſpection très-puérile
&indigné du génie, opinion qui ne doit pas furprendre
des gens accoutumés àgouverner avec des
mots le globe entier, de la pointe du Spitzberg an
CapdeBonne- Elpérance.
DE FRANCE. 59
à la nature& au principe duGouvernement
d'une grande Monarchie , de ceux qui y répugnent
eſſentiellement.
Dans le nombre des faits douteux auxquels
l'Auteur nous ſemble avoir accordé
trop d'autorité , on trouve celui-ci : " Avant
>> la dernière guerre , les exportations du
>> royaume ſurpaſſoient , année commune ,
> les importations d'environ 70 millions.
>>Onne peut révoquer en doute le réſultat
> numéraire de la balance de nos échanges ,
» c'est un fait démontré. Quel ſpectacle im-
>>pofant ! un ſeul Royaume eſt en état d'ae-
» quérir une créance de commerce qui fur-
>> paſſe la moitié de l'or & de l'argent que
>>l'Europe reçoit chaque année ». Le refpectable
Ecrivain de qui M. le Clerc a emprunté
ce fait, s'eſt bien gardé de le donner
comune poſitif; au contraire , il a détaillé les
cauſes de l'incertitude des recherches & des.
réſultats ſur ce ſujet. J'ajouterai que ces bilans
nationaux, offrent une objection qui
mériteroit d'être difcutée. Si la France compre
en fa faveurune balance annuelle de 70 millions
dans ſes échanges ; fi d'autre part , l'Angleterre
, conformément aux tables deWhitworth
, de Sheffield , de Chalmers , qui
ont travaillé d'après les regiſtres des douanes
remis au Parlement , a emporté , durant le
même période de 18 ans , une balance annuelle
de 4,100,000 liv. ſterl.; il s'enfuit que
cesdeux États ont prélevé , ſur le reſte de
l'Europe , un tribut annuel d'environ 160
Cvj
60 MERCURE
millionsde liv, tournois. Pour acquitter cetté
fomme , l'Eſpagne& le Portugal leur auront
livré, par confequent, les 120 millions d'or
ou d'argent qu'ils importent d'Amérique
chaque année ; & les deux feptièmes , foib
les 40 millions reftans, auront éré fournis par
les autres narions de l'Europe. Ces tributaires
malheureux auront donc été épuiſés dans l'ef
pace de dix huit ans, d'environ deux milliards
de numéraire. Conçoit-on, fila choſe exiſtort,
le degré d'appauvriſſement dans lequel tous
cesEtats ſeroient plongés ? Rediſons le; ces
balances prétendues font très imparfaites
&il faut bien ſe garder d'en tirer jamais des
conféquences trop préciſes. :
M. le Clerc preſente des remarques &
des réflexions en général très -ſages , ſur les
defrichemens des biens communaux. Il reprend
fous oeuvre cette queſtion tant difeutée
ilyaquelques années,&qui pourroitl'être
encore; enfin, il propoſe un plan qui lui paroît
lever tous les inconvéniens , & par lequel
ces terreins communs feroient abandonnés à
des Conceffionnaires , ſous certaines réſerves.
Quelle que foit la juſteſſe des idées de
l'Auteur , il a traité , ce me ſemble , un peu
légèrement la queſtion politique de ces defrichemens.
On a bientôt dit que l'intérêt de
l'État eſt que la terre ne refte pas inculte
mais il importe prodigieúſement de déterminer
au profit de qui elle doit être cultivée.
Les Communes étoient le droit facré du
pauvre , le dernier reſte de l'age d'or , le
DE FRANCE. 61
dernier mémorial de cette égalité dans les
fortunes , que les révolutions de la ſociété
civile ont fait diſparoître. Ces terreins fans
doute , peuvent acquérir une plus grande valeur;
une Adminiſtration vigilante doit encourager
cet accroiffement ; mais livrer ces
Communes à des Compagnies de cellionnaires
, en les obligeant cependant à reſpec
ter le but primitif de cette inſtitution , c'eſt
ſe tromper , je crois,ſur les vérirables effers
d'un pareil accord. Pour obéir à la loi , les
Ceflionnaires riches partageront , accenferont
quelques portioncules miferables , à
des journaliers. Au premier beſoin , ceuxci
ne manqueront pas de rétrocéder à la
Compagnie ce chétif patrimoine ; infenfiblement
toutes ces diviſions ſe réuniront en
un petit nombre de mains. Le canton ne fera
plus couvert que de mercenaires aux gages
des grands propriétaires , & de ces denrées
commerçables , qui annoncent par-tout un
fuperflu immenſe d'un côté , & de l'autre
une parfaite indigence.
Le feul moyen juſte & humain d'exciter
ces défrichemens , eſt d'en diviſer les
terreins aux membres de la Communauté.
M. le Clerc objecte que le pauvre& le journalier
feront hors d'état de ſe livrer à ces
travaux , qu'ils aliéneront aux riches la portion
qu'on leur aura cédée , & que cette con
fidération a toujours embarraffé les Ministres
qui ont voulu favorifer le partage des
Communes.
62 MERCURE
•J'ignore quels étoient ces Miniftres embarraflès
à ſi peu de frais. Des exemples décififs
euffent diſſipé leurs inquiétudes. Depuis
20 ans le gouvernement de Berne laiffe
aux Communautés de la plaine , le droit de
diftribuer des portions du terrein vague à leurs
membres indigens. En moins de trois ans ,
toutes ces parcelles ont été labourées , enſemencées
, & ont fourni d'abondantes récoltes
de poinmes de terre. Une ſeule loi en
a prévenu la réunion , l'aliénation , oul'hypothèque.
On a conſervé à la Communauté
ſon droit patrimonial ſur ces terreins , accenſés
par des baux de moins de dix ans.
La même méthode a été ſuivie dans les
États du Roi d'Angleterre en Allemagne ,
& a peuplé de nouvelles Colonies les landes
du Duché de Brême ; mais la loi a interdit
à tout Colon , ceſſionnaire d'un bien communal
, & à ſes defcendans , de poffeder en
aucun temps une portion de ce terrein ;
plus conſidérable que celle qui lui a été coneédée.
On peut étudier ce plan admirable ,
fiheureuſement exécuté dansl'Electorat d'Hanovre
, ſous la direction de M. le Baronde
Bremer , dans les Lettres physiques & morates
à la Reine d'Angleterre , par M. de
Luc , tom. 3.
M. le Clerc a ſemé ici detrès bonnes vues
fur le commerce intérieur & maritime de la
France ; mais en général , il nous paroît
faire intervenir trop ſouvent dans ſes proiets
, l'action du gouvernement fupreme.
DE FRANCE. 63
Que feroit l'induſtrie d'une nation , ſi après
un ſiècle de developpement , il falloit encore
la foutenir aux liſières ? L'activité du
commerce , laiſſée à elle même ne ſurpaffera-
t-elle pas celle d'une Adminiſtration
partagée entre tant d'objets ? Les fonctions
de celle-ci doivent-être de vigilance plutôt
que de commandement ;& dans les encouragemens
qu'elle accorde , ſa fin principale
doit être de mettre le commerce, en
étatde marchertout ſeul. Ceuxqui admettent
ces principes verront , je penſe , beaucoup
d'inconvéniens à l'établiſſement que demande
MM. le Clerc , d'un grand bureau
d'aſſurance à Paris , bureau cautionné par le
Souverain , & hypothéqué ſur les dépôts des
Princes du Sang , des Grands , de tous les
Ordres de l'État.
L'hiſtoire du Commerce de Ruſſie, ſeconde
diviſion de ce volume , parut en 1777 , ſous
le titre d'Effai &c.: Elle formoit le ſujet d'un
Mémoire,remis par l'Auteur au Miniſtre des
Affaires Étrangères en 1775 , & ce Mémoire
avoit été rédigé ſur les meilleures informations,
recueillies en Ruffie même. Un abus
de confiance lui fit voir le jour ; l'Editeur ne
ſe nomma point ,& garda le même filence
fur le véritable Auteur : l'Ouvrage fut accueilli
comme très- exact & très- inſtructif;
M. le Clerc lui a donné un nouveau mérite
par des additions intéreſſantes. « J'airefondu,
>> dit-il , mon premier Méntoire , & j'y ai intercallé
tout ce qui a été dit & écrit de
64 MERCURE
>>vrai , de bon , d'utile fur cet objet impor-
>>tant , afin de ne rien laiffer à défirer, à cer
égard à l'Adminiſtration & aux Arma-
" teurs " .
Letableau rapide du Commerce intérieur
& extérieur de la Ruffie , forme le plan général
de cette Hiftoire. Si la première ſection
eft fort courte , ce n'eſt ni la faute de l'Auteur,.
ni celle de la Nature. " La Ruilie eſt envi-
>> ronnée de quatre mers, fans compter celle
ود
ود
"
du Kamtchaſtka , & d'une quantité pro-
>> digieuſe de rivières qui ſemblent deſtinées.
à faire circuler l'abondance dans ſes Provinces,&
à les rapprocher par la communication.
Pendant fix à ſept mois que dare.
l'hiver dans ces climats , le trainage fup-
>>piée à la navigation , & facilite aux marchandiſes
un tranſport commode , rapide
» & peu difpendieux. Ces avantages en
>>ſuppoſent d'autres plus importans , & fans .
>>leſquels ils perdroient une grande partie de
2
ود leur prix , je veux dire la fertilité &les
>> productions du ſol. De ce côté , la Ruffie
» n'a rien à defirer ; chacune de ſes Pro-
> vinces lui en fournit d'une eſpèce diffé-
>> rente , & preſque toutes dans une quantité
furabondante à fes beſoins » . 2
M. le Clerc explique ſuccinctement pourquoi
tantd'avantages naturels reſtent inutiles.
L'Impératrice actuelle a cependant fondé des
Profefleurs d'Agriculture , des Profefleurs de
Navigation intérieure , des. Profeſſeurs en
édifices de fabriques. Toutes ces profeffions
DE FRANCE.
65
-
ne changent pas le cours néceſſaire d'une
inertie , qui prend ſa ſource dans la nature
duGouvernement. Aucuns ſavans n'ontdonné
aux Anglais le ſecret de leur admirablè
agriculture, ni aux Hollandois celui de leurs
canaux. On peut prédire hardiment qu'il n'y
aura jamais ni commerce , ni induſtrie , m
terres floriflantes , là où il eſt beſoin d'E
coles & d'Académies , pour apprendre à ſe
ſervir de ſes bras& de ſes richeſſes naturelles.
Dans la ſection qui a pour objet le Commerce
des Ruſſes ſur la Mer Noire , l'Auteur
, après quelques détails techniques , examine
la poſſibilité , les obſtacles , l'étendus
les conféquences de ce Commerce. Malgré
la briéveté de ces conſidérations , ce chapitre
eſt digne d'être médité , & les conjonctures
lui donnent une nouvelle importance.
Tout François doit des éloges & de la reconnoiſlance
au zèle de M. le Clerc , en faveur
du Commerce de ſa patrie avec les
Ruffes: ſes efforts ſont ſouvent aufli éclairés
qu'énergiques. Il démontre avec évidence
combien il importeroit à la France de reprendre
à elle la navigation directe de la
Baltique , qu'elle abandonne à des Commiffionnaires
étrangers ; d'entretenir en Ruffie
desMaiſons de Commerce Françoiſes ; de ſe
paller de l'entremiſe des Facteurs intermédiaires
, pour charger ces Maiſons des ventes
& achats du Commerce François ; enfin ,'de
66 MERCURE
د
laiſſer à ces établiſſemens , l'approvifionnement
des marines marchande & militaire.
Toutes ces commiſſions s'exécutent
comme on le fait , par les Hollandois , dont
les vaiſſeaux ſe chargent des marchandiſes de
France pour la Ruffle , & en exportent des
marchandiſes pour la France. En temps de
guerre ſur-tout , le commerce n'eſt exercé
quepar les revendeurs : auffi, felon M. Coxe,
en 1778 , il ne parut qu'un vaiffeau François
à la rade de Cronftadt , quoiqu'on y eût debarqué
pour 3,400,000 liv. de marchandises
deFrance.
Les réflexions de M. le Clerc fur cet abus
& fur les moyens d'y remédier , font parfaitement
judicicuſes : nous ne trouvons pas
la méme folidité , ni la même exactitude
dans les remarques ſur le Commerce des Anglois
en Ruilie. Ce commerce eſt abſolument
différent de celui des Hollandois , auquel
l'Auteur l'affimile. La Factorerie Angloiſe
à Pétersbourg complette peut - érre quelques
affortimens en articles de France ,
qu'elle rachette des Hollandois ; mais les
soo navires que la Grande -Bretagne envoie
àCronſtadt , année commune , ne font chargés
, à quelques légères exceptions près , que
de marchandiſes Britanniques , & leurs exportations
de Ruffie font preſque en entier
deſtinées à la conſommation de l'Angleterre:
les Regiſtres des douanes ne laiflent aucun
doute ſur ce double fait .
En 1782 , la Grande - Bretagne a exporté
DE FRANCE. 67
de Ruſſie , pour la valeur de 1,408,000 liv.
ſterl.; elle y a importé au plus une valeur
de 350,000 liv. fterl. (1). D'après Buſching,
M. le Clerc évalue à 400,000 liv. ſterl. la
perte annuelle de l'Angleterre dans ce Commerce;
mais on voit qu'elle s'élève preſque
au double. Cette, balance a ſouvent varie ,
fans deranger beaucoup la proportion cideſſus.
Elle n'eſt pas ſi défavorable aux Anglois
qu'elle le paroît au premier coup-d'oeil,
parce qu'ils tirent de la Ruffie beaucoup
d'articles ; le fer , entr'autres , dont ils revendent
une partie à cette nation , avec bénéfices
, en ouvrages de fabrique. D'ailleurs ,
l'avantage politique d'entretenir un grand
nombre de matelots & de bâtimens, pour ſe
procurer les matériaux bruts d'une immenfe
conftruction navale, balance la perre économique
qui réſulte de ce trafic.
Son érendue explique les faveurs dont il
jouit en Rutie. Cette puiſſance n'a aucune
pratique auſſi importante , & elle l'eſt devenue
encore davantage , depuis la révolution
d'Amérique. Les Anglois conſtruiſent aujour
d'hui chez eux les navires , qu'ils tiroientde
leurs Colonies; ils ont également ceflé en partied'enexporter
les matériaux de ces conftructions,&
le Nord a profité de ce changement.
(1) Voyez l'Appendix , Containing Tables ofthe
imports , and exports of Great Britain, à la fin des
observations on the Commerce ofthe Americanstates.
By Lord Sheffield , dern. édit.
4
68 MERCURE
Il s'enfuit donc que la Ruſſie a le plus grand
intérêt de ménager des conſommateurs qui,
chaque année , achettent pour près de quarante
millions de ſes produits. Par cela même,
elle eft obligée de favoriſer leurs importations
, car aucun Commerce ne ſe ſoutient.
long-temps ſans quelque réciprocité. Cette
cauſe très-ſimple diſpenſe , à ce qui nous paroît
, de recourir auxraiſonnemens fur leplus
ou moins d'aptitude des différentes nations
au Commerce ; diſcuſſion que M. le Clerc
entreprendſans l'approfondir ſuffifamment. Il
auroitdû diftinguer un État commerçant , d'un
État qui a beaucoup de produits commerçables.
Onn'apas encore vuuneſeuleMonarchie
devenir , comme Tyr , Carthage , Venife ,
Gènes , Amſterdam & Londres , le centre
d'un grand commerce. Les États régis par un
ſeul, ontd'autres reſſources , d'autres moyens
de force, de proſpérité , de population .
Nous ne nous arrêterons pas aux obfervations
hydrographiques qui terminent ce Volume
, comme peu fufceptibles d'analyſe.
Quant à l'Ouvrage en lui-même , il eſt rel en
général qu'on devoit l'attendre d'un Écrivain
qui réunit les connoiſſances que donnent les
voyages , l'érudition , & une longue expérience.
Peu de perſonnes étoient aufli en état
queM. le Clerc de dire juſte ſur le commerce
de Ruſſie , & peu de François ont mérité , par
des travaux plus utiles , l'eſtime& la reconnoiffance
de leurs compatriotes.
( CetArticle estde M. Mallet-du-Pan. )
DE FRANCE 69
HISTOIRE de la dernière Guerre entre la
Grande- Bretagne & les États - Unis de
l'Amérique , la France , l'Espagne & la
Hollande,depuis ſon commencement en
1775 , juſqu'à la fin en 1783 , ornée de
cartes géographiques & marines , 1 vol,
in- 4°. Prix , 12 liv. en feuilles. A Paris ,
chez Brocas , Libraire , rue S. Jacques,
CETTE Hiſtoire eſt diviſée en trois parties:
L'Auteur expoſe d'abord la prépondérance
qu'avoient données à la Grande-Bretagne les
ceffions qu'elle avoit obtenues par le Traité
de Paix. Enſuite il développe l'origine & les
cauſes de la révolution qui a amené l'Indépendance
des États-Unis, juſqu'au momentoù
la France jugea que ſa sûreté ne lui permettoit
plus de différer d'y prendre part. Les
Traités de Cominerce & d'Alliance de la
France avec les États-Unis , la déclarationde
cette Puiſſance à la Grande Bretagne , l'arrivée
d'une Eſcadre Françoiſe ſur les parages
de l'Amérique Septentrionale , le combar
d'Oueſſant , la priſede la Dominique , la déclaration
de guerre de l'Eſpagne à la Grande-
Bretagne , l'entrée de l'armée navale combinée
dans la Manche, la priſe de Ste- Lucię
par les Anglois, la conquête des Ifles de Saint-
Vincent & de la Grenade par les François ,
le combat naval qui en fut la fuite , enfin
l'attaque infructueuse de Savannah par les
70 MERCURE :
François; tels font les principaux événemens
renfermés dans la première Partie.
Laſeconde contient l'expoſe clair &détaillé
du ravitaillement de Gibraltar par l'Amiral
Rodney , des trois combats que ſe livrèrent
aux Ifles-du- vent , les eſcadres Françoiſe &
Angloiſe , de la priſe de Charles-Town par
les Anglois , & des événemens qui la ſuivirent;
de la conduite de la Grande-Bretagne
envers la Hollande juſqu'au moment où elle
lui déclara la guerre , de la priſe de Tabago ,
du plan d'attaque formé par les Généraux
Washington&deRochambeau contrele Lord
Cornwallis ; de la campagne de ce Lord dans
les deux Carolines & la Virginie avant l'arrivée
de l'armée navale Françoiſe dans la
Chéſapeak ; de la priſe d'Yorck-Town , de
la conquête de la Floride occidentale par les
Eſpagnols , enfin des combats du Doggers-
Ban: & de la Praya.
L'Auteurdécrit dans la troiſième la repriſe
de S. Eustache & la priſe de S. Chriftophe par
les François , les événemens qui ſuivirent ces
deux conquêtes , la conduite ferme & généreuſe
des Etats-Unis, l'attaque & la priſe de
Minorque par les Eſpagnols , l'attaque infructueuſe
de Gibraltar par les Eſpagnols & les
François réunis. Il termine ſon Ouvrage par
la campagne navale des François dans l'Inde ,
&par la lignature du Traité qui a afſuré aux
Américains leur indépendance. Certe Hiftoire
eſt précédée d'un Difcours Préliminaire,
dans lequel l'Auteur expoſe les moyens
DE FRANCE.
71
&les refſources que la France& l'Angleterre
déployèrent l'une contre l'autre durant le
cours de la dernière guerre , & d'une explication
par ordre alphabétique de pluſieurs
termes de navigation & de tactique navale
dont il a ſouvent été obligé de faire uſage.
Les événemens de la dernière guerre , la
première uniquement maritime que la France
ait eu à foutenir , nous ont paru expoſés
avec beaucoup d'ordre , de clarré , de précifion
, & fur- tout avec une grande impartiaité.
L'Auteur annonce des connoiffances profondes
dans la géographie & dans la tactique
navale. Plus on réfléchit ſur la difficulté de
lier entre- eux une inultitude d'événemens
qui ſe ſont paſſes preſqu'au même moment
fur les quatre parties du globe , & de donner
à tous un développement proportionnel à
leur importance & àleur intérêt , mieux on
apprécie les obſtacles qu'il lui a fallu furmonter
dans la compofition de ſon Ouvrage.
Ce qui nous a patu principalement digne
d'être remarqué , ce ſont les tranſitions dans
les faits , qui ſont auffi heureuſes que naturelles.
Les cartes géographiques & nautiques
qui accompagnent cette Hiſtoire , & qui font
très-foignées , contribuent beaucoup à l'intelligence
du texte. C'eſt un flambeau à la
heur duquel l'Auteur promène , pour ainfi
dire , ſes Lecteurs ſur les différens theâtres de
la dernière guerre. Enfin , ce qui ne peut que
donner le plus granddegré de confiance à fa
manière d'expoſer les faits , c'eſt d'avoir in
72
MERCURE
diqué en marge ou en notes ſes autorités , &&&
les fources dans leſquelles il les a puiſées.
Quant au ſtyle de l'Ouvrage , il nous a paru
correct , rapide & convenable à la dignité de
l'Hiſtoire . Les bornes de ce Journal ne nous
permettent pas d'en extraire des morceaux ,
nous renvoyons à l'Ouvrage même , dont le
Diſcours Préliminaire eſt écrit avec force,
préciſion & nobleſſe, & contient des vûes
faines &des réflexions judicieuſes. Il en eſt
demême de la fin de l'Ouvrage, dans laquelle
'Auteur expoſe l'influence de l'indépendance
Américaine ſur le commerce de la Grande-
Bretagne.
f
:
OPTIQUE de Newton , Traduction nou--
velle , faite par M***, ſur la dernière
Édition originale , ornée de vingt-une
Planches , & approuvée par l'Académie
Royale des Sciences ; dédiée au Roi , par
M. Beauzée , Éditeur de cet Ouvrage, l'un
des Quarante de l'Académie Françoiſe , de
celle Della Crufca , des Académies Royales
de Rouen, de Metz & d'Arras , ProfeffeurÉmérite
de l'École Royale Militaire , &
Secrétaire - Interprête de Mgr. Comte
d'Artois , deux Volumes in - 8°. A Paris ,
chez Leroy , Libraire , rue Saint Jacques ,
vis-à-vis celle de la Parcheminerie.
!
LE fameux Traité d'Optique de Newton
parut pour la première fois en 1704 en Anglois.
Il fut bientôt traduit dans toutes les
Langues.
DE FRANCE.
73
Langues. La Traduction Françoiſe faite par
M. Coſte parut en 1720; mais le nouveau
Traducteur ſe plaint de ce que cette première
Traduction eſt mal écrite & infidelle ,
que les tours de phrases y font ſervilement
rendus, qu'on a cenſervé des répétitions inutles,
& que quelquefois l'Auteur y eſt rendu .
d'une manière inintelligible. Nous avouerons
que nous n'y avons pas remarqué tous
ces défauts , & que pour un Auteur comme
Newton ón pouvoit préférer une traduction
rigoureuſe à une traduction libre; mais enfin
une nouvelle Édition de ce Livre eſſentiel
pouvant ſervir à le répandre davantage , c'eſt
toujours une choſe utile ; on trouve d'ailleurs
iciquelquesnotes fur les découvertespoſtérierres
,& cela augmente le mérite de l'Édition.
CetOuvrage de Newton eſt celui où l'on
apprit pour la première fois que la lumière
du Soleil étoit compoſée de ſept couleurs
principales,violet, indigo, bleu, vert,jaune ,
orange , rouge ; ce n'eſt pas que ces couleurs
foient fimples & primitives comme on le
dit fouvent ; mais elles contiennent unedivifion
fuftifante pour qu'en les décompoſant
de nouveau l'on n'y trouve plus de différence
fentible. Newton détermina le degré
de réfraction de chacune de ces couleurs ;
mais il crut qu'en détruiſant la réfraction
d'un priſme par celle d'un autre prifime , on
réunifloit toutes les couleurs , & en cela il ſe
tompoit. Dollond , forcé par les calculs de
M. Euler, à répéter cette cxpérience, trouva
N°. 28 , 14 Juillet 1787. D
74-
MERCURE
que les couleurs n'étoient point anéanties
comine Newton l'avoit cru , & qu'il y avoir
des prifines dont la matière diſperſoit les
couleurs plus ou moins ; c'eſt ce qui a donné
naiſſance à la belle découverte des lunettes
acromatiques.
Cette légère mépriſe n'empêche pas que
l'Optique de Newton ne contienne un grand
nombre de vérités importantes , dont la découverte
eſt dûe à ce génie immortel. On y
voit comment ſe forme l'arc en ciel par une
réflexion & deux réfractions dans chaque
goutte d'eau , & l'arc - en - ciel extérieur par
deux réflexions. Antoine de Dominis avoir
apperçu cette différence ; mais comme il
n'entendoit point la véritable origine des
couleurs, il étoit réſervé à Newton de faire
voir que la diſtance des deux arcs en- ciel eft
de 8 degrés 25 minutes , que le plus grand
rayon de l'arc intérieur eſt de 42 degrés
17 minutes , & le plus petit rayon de l'arc
extérieur so degrés 42 minutes , & que la
largeur totale de l'iris intérieur eſt de deux
degrés un quart .
Les eſpaces occupés par les différentes
couleurs dans le ſpectre folaire , ſont proportionnels
aux intervalles des cordes qui, dans
ba Mutique , donnent un ton majeur, une,
tierce mineure, une quarte , une quinte ,
une fixte majeure, une ſeptième & une octave:
de là les rapports entre les tons & les
couleurs , d'où le Père Caſtel avoit tiré fon
Clavecin oculaire,
DE FRANCE.
75
Newton fait voir auffi dans ce Livre combien
les couleurs nuiſent à la perfection des
lunettes,& il y ſubſtitue le teleſcope à réflexion
; il explique les couleurs compofées
par le mélange des couleurs fimples ; il montre
I effetdes plaques minces ou des couches
d'air qui font très-minces pour réfléchir des
rayons de différentes couleurs ou les tranfmettre;
& toutes ces vérités y font prouvées
pardes expériences fi ingénieuſes qu'elles auroient
fuffi pour immortalifer celui qui en
avoit imaginé l'enſemble, les conféquences
&les applications .
Le génie de Newton paroît également
dansles trente une queſtions qui terminent
fon Optique , où il propoſe ſous ce titre modeſte
les idées les plus lumineuſes & les plus
fingulières pour ce temps-là; il explique , par
exemple , la diffraction par une force de ré
pulfion qui commence où finit l'attraction .
Les ombres des corps expoſés au Soleil in
troduit dans une chambre obfcure par un
fort petit trou , font non-feulement plus amples
qu'elles ne devroient l'être ſi ſes rayons
paffoient en ligne droite le long de ces corps ;
mais elles font bordées de trois franges colorées
parallèles. Grimaldi avoit fait autrefois
ces obſervations ; mais Newton les fit avec
beaucoup plus de fom, & il trouva que la
lumière qui ſouffre le moins d'inflexions
paſſe àla plus grande diſtance des tranchans
entre leſquels on la fait pafler, diſtance qui
eft environ la huit centième partie d'un
Dij
76. MERCURE
pouce. Newton demande à cette occafion fi
les rayons qui different en réfrangibilité ne
different pas aufli en réflexibilité , & fi féparés
les uns des autres par leurs différentes
inflexions ils ne produiſent pas les trois franges
colorées; mais pour les produire comment
font-ils infléchis? Les rayons qui paſſent
le long d'un corps ne s'infléchiflent-ils pas
pluſieurs fois en divers ſens par un mouvement
ſemblable à celui d'une aiguille , & les
trois franges colorées ne font - elles pas produites
par trois inflexions de cette eſpèce ?
C'eſt à cette occafion que Newton parle des
répulfions. Comme en Algèbre les quantités -
négatives commencent où les affirinatives
finiffent, de même en méchanique la force
répulſive doit commencer d'agir où la force
attractive vient à ceſſer. Qu'il y ait dans la
Nature de pareilles forces , c'eſt ce qu'on
peur inférer des réflexions & inflexions de
la lumière; car dans ces deux cas elle eſt repoufiée
par les corps avant qu'il y ait aucun
contact immediat. On peut tirer la même induction
ce ſemble, dit Newton , de l'émiſfion
de la lumière ; les rayons lancés audehors
par les vibrations du corps lumineux
étant à peine fortis de la ſphère d'attraction ,
font poufles en avant avec une viteſſe exceffive;
car dans la réflexion la force ſuffifante
pour repouffer un rayon peut l'être pour
le pouffer en avant. Il faut voir fur les forces
répulſives le bel Ouvrage du Père Boſcovich,
intitulé : Leges Natura, &c. La queſtion &
DE FRANCE.
77
renferme des vues ingénieuſes ſur les affinités
chimiques. La déliquefcence du ſel de
tartre n'eſt- elle pas produite par une attraction
entre les particules falines & les vapeurs
aqueuſes de l'atmosphère ? Pourquoi le fel
com.mun , le ſalpétre & le vitriol ne deviennent-
ils pas de même déliqueſcens ſi ce n'eſt
faute d'une pareille attraction; & pourquoi
le fel de tartre n'attire-t-il qu'une certaine
quantité d'eau ſi ce n'eſt parce qu'auſſitôt qu'il
en eſt ſaturé il n'a plus de force attractive ?
Quel autre principe que cette force empêcheroit
l'eau qui ſeule s'évapore à un degré
dechaleur aflez foible de ne le détacher du fel
de tartre qu'au moyen d'une chaleur violente?
Tout cet article de Chimie , qui eſt trèsétendu
, auroit bien mérité un commentaire
de la part du Traducteur par rapport à l'état
actuel de la Chimie moderne; mais on peut y
•fuppléer en conſultant le Dictionnaire de
Chimie de M. Macquer au mot Pefanteur ,
lesDigreſſions Académiques de M. de Morveau,
les Élémens de Chimie théorique &
pratique pour ſervir aux Cours publics de
l'Académie de Dijon , 1777 , Tome I , p. so
&ſuiv. , les Expériences faites en préſence
de l'Académie de Dijon le 12 Février 1773 ,
par M. de Morveau, dans le Journal de Phytique
de M. l'Abbé Rozier, Tome I , p. 172
&460: on y voit que les forces par leſquelles
le mercure retient les plaques de differens
métaux ſuivent lordre des affinités chimiques
ou de la difolubilité plus ou moins
Diij
78 MERCURE
grande de ces métaux par le mercure.
Dans les Notes qui font à la fin de IGu
vrage on affure que les télescopes catoptri
ques font fort au deflous des lunettes acromatiques,
mais actuellement que M. Herſchel
fait un télescope de quatre pieds d'ouverture ,
on ne pourra pas mettre en parallèle les
lunettes avec les télescopes; d'ailleurs on
avoit cru juſqu'à préſent que les lunettes
acromatiques donnoient plus de lumière que
les télescopes à pareille ouverture ; mais on
n'eſt plus de cet avis en Angleterre depuis
que M. Edwards a trouvé une compoſition
de miroir qui donne plus de lumière même
que les lunettes; elle eſt dans le Nautical
Almanach de 1787 , & nous croyons qu'on
la trouvera volontiers dans cet Extrait. Il
s'agit de mettre trente-deux livres de cuivre
rouge, quinze livres d'étain , une livre de
cuivre jaune , une livre d'argent & une
livre d'arfénic.
Nous ne parlerons pas du ſuccès de cer
Ouvrage; il ſuffit de dire que M. Beauzée
en eſt l'Éditeur. Si l'on y trouve quelques
expreffions , comme celle - ci : malgré que les
cauſes demeuraſſent cachées , il faut croire
que ce célèbre Grammairien a cru les devoir
autorifer en connoiſſance de cauſe en les
laiffant ſubiſter dans un Livre dont il étoir
l'Éditeur. Nous lui avons certainement obligation
de la peine qu'il a priſe pour nous procurer
une nouvelle Édition d'un Ouvrage
aufli important que celui-là.
DE FRANCE
49
Nous finironsen ajoutant que M. Roume
de Saint Laurent , riche habitant de l'Ifle de
laGrenade, avoit fait, il y a plus de dix ans ,
tune Traduction Françoiſe du même Livne ,
dont nous avons le manufcrit entre les
mains, & qui étoit également digne de l'impreflion.
(CetArticle estde M. de la Lande. )
د
des
ESSAI Historique fur l'Hôtel- Dieu de
Paris, ou Tableau Chronologique defa
fondation & de ses accroissemens fucceffifs;
des Réglemens quiy ont maintenu en
vigueur la difcipline , l'administration fpirituelle
& temporelie , & la police
Édits, Lettres-Patentes, Arrêts, &c. &c. ,
concernant les priviléges , franchiſes &
exemptions accordés ou confirmés par nos
Rois en faveur de cet Hopital, terminé
per une Notice des divers projets qui ont
été proposés depuis 1737 jusqu'en 1787
pourfon déplacement &fa reconstruction ,
dédié à tous les Citoyens qui ont ſouſcrit
en faveur des quatre nouveaux Hôpitaux ;
par M. Rondoneau de la Morte. A Paris ,
chez l'Auteur, à l'hôtel de Noailles , rue
Saint Honoré , & chez Nyon laîné , Libraire
, rue du Jardinet , un 8°. de 250 pag. ,
avec une Gravure.
CET Ouvrage curieux & intéreſſant par
ſanature eſt exécuté d'une manière propre à
Div
80 MERCURE
faire naître dans le coeur des Citoyens le
defir de concourir au bien d'un Étabillement
fi utile à Thumanité. Les Perſonnes qui pofsèdent
les excellens Mémoires publies depuis
quelques mois ſur cet objet en auront
pour ainſi dire le complément dans cet Eilai
Hiſtorique rempli de recherches exactes , &
écrit du ton qui convient à ces fertes d'Ouvrages.
On y remarquera fur-tout un précis
analytique très bien fait des projets deMM.
Lejeune, Carré , de Nevers , de Chamouffer ,
Renier , Panferon , Petit , Caqué , Poyet , &
enfin de MM. Les Commiffaires del'Académie
des Sciences. La révolution actuelle prouve
combien eſt sûre & puiffante l'influence des
Écrits philofophiques fur les opérations du
Gouvernement. Un bon Livre eſt un ſerment
qu'on jette parmi la Nation ; il faut que
tôt ou tard il en échauffe h maſſe entière.
Mais cette gloire, apanage de quelques Penſeurs
philantropes, qui travaillent dans un
fiècle pour jouir dans un autre , est trop fouvent
ufurpée par le peuple des Écrivains
ſubalternes qui ne favent que tourmenter les
idées de ceux qui ont penſé pour eux.
1
LOUISA , ou la Chaumière , traduit de l'Anglois
, deux Parties in- 12. Prix, 2 liv . S fols.
A Paris , chez Didor l'aîné , Imprimeur-
Libraire , rue Pavée- Saint André.
CE Roman a eu trois Éditions en un mois
enAngleterre. Si ce n'est pas ce qu'on ap
DE FRAN.C.E. 8
pelleun très-bel Ouvrage , c'eſt au moins un
Ouvrage agréable & intereſſant. 7
Louiſa ſe croyant fans naiſſance, fans fortune&
fans parens ſe trouve expoſée à divers
gerrés de dangers; elle n'y échappe que par
fon courage& fa vertu. Après bien des tra
verſes elle retrouve les auteurs de ſes jours ;
on l'unit à un amant adoré , & la Nature
& l'Amour s'empreffent d'effacer juſqu'au
ſouvenir de ſes malheurs.
L'Auteur a mis beaucoup d'adreſſe dans
l'art de préſenter les événemens , de ménager
des ſurpriſes au Lecteur , de développer
les motifs des perſonnages , & de ſuſpendre
Pintérêt de la narration.
Quant au ſtyle de la traduction, ony trouve
quelquefois de la négligence. Le Traducteur ,
qui réclame à cet egard l'indulgence de ſes
Lecteurs , ayant appris par les Papiers publics
qu'on travailloit à Londres à une traduction
du méme Ouvrage, a cru devoir
hater ſon travail pour n'être pas gagné de
vîreffe,& trop de célérité ne s'accorde guères
avec la grande correction. Heureuſement le
genre du Roman eſt un des Ouvrages littéraires
qui peuvent s'en paffer le plus facilement,
parce que l'intérêt du ſtyle peut y être
fupplée par celui de l'action & des perfonnages.
Dv
82 MERCURE
SPECTACLE S.
COMÉDIE FRANÇOISE.
ON a remis à ce Théâtre Zuma , Tra
gédie en cinq Actes, par M. Lefevre.
Cette Tragédie , jouée pour la première
fois au mois de Janvier 1777 , avec un brillant
ſuccès , n'a pas été vue à cette repriſe
avec un plaifir moins vif. M. Lefévre y a
fait quelques changemens qui ont ajouté
à ſon mérite , ainſi qu'à l'effet qu'elle
avoit produit pendant le cours de ſes premières
repréſentations. Dans l'état où elle eſt
aujourd'hui , on peut la regarder comme une
des productions modernes les plus capables
d'occuper ſouvent & utilement le Répertoire
du Théâtre François. Les caractères de
Zuma & de Pizarre font deſſinés avec fierré ,
&contraſtent heureuſement avec ceux d'Azé
lie & de Zéliskar. Tel eſt le fort des Ou
vrages qui ſont établis ſur une action intéreſſante
: quand ils paroiffent, la critique s'attache
à leurs défauts; mais l'inſtant de l'obfervation
paſſe , l'eſprit ſe tait, le coeur fent
&ſe livre au plaifir d'être ému; alors l'Aureurjouit
du fruit de ſes travaux, & ſes jouiffances
font d'autant plus douces , qu'elles ne
DE FRANCE. 83
ſont plus altérées par le choc public de quelques
idées particulières.
On vient de donner après huit mois la
ſeconde repréſentation d'Azémire , Tragédie,
dont nous avons rendu compte au mois
deNovembre dernier.
Que ce foit l'abſence de Mlle Sainval ou le
peu d'intérêt qu'avoit inſpiré la première repréſentation
de cet Ouvrage qui ait ſi longtemps
retardé la ſeconde , il eſt certain que
l'Auteur a profitéde cet intervalle pour faire
d'heureux changemens à ſa Tragédie. Le rôle
d'Azémire , qui étoit long , & plutôt trifte
que touchant , a beaucoup gagné à être refferré.
Il eſt réellement devenu intéreſſant ,
la couleur en eſt plus prononcée , & il n'eſt
plus écrâſé comme il l'étoit par celui de
d'Amboiſe. Nous ne pouvons que répéter ce
que nous avons dit fur cet Ouvrage. Quelques
défauts qu'on veuille ou qu'on puiſſe
lui reprocher, il annonce un beau germe de
talent;& fi l'on y apperçoit quelques maffes ,
quelques écarts qui indiquent une tête encore
jeune & peu exercée dans la carrière
dramatique , on y remarque auffi des beautés
bien capables de racheter ces défauts ,
qui tiennent à l'inexpérience. L'effet de cette
ſeconde repréſentation n'a pourtant pas été
très-heureux; on a fort applaudi le rôle de
d'Amboiſe , le reste de l'Ouvrage l'a été beau
Dvj
84 * MERCURE
coup moins , & le dénouement a excité quel
ques murmures,
COMÉDIE ITALIENNE.
DEPUIS fix ſemaines ce Théâtre a repré--
ſenté un aflèz grand nombre de nouveautés ,
qui toutes , ou à peu- près , peuvent être confidérées
comme des bagatelles. Nous allons
donner une idée rapide de chacune d'elles
mais ſuffiſante pour la curioſité de nos Lecteurs.
,
1º. La remiſe du Poëte Suppofé, Comédie
en trois Actes , par M. Laujon , muſique de
M. Champein . Cet Ouvrage , repréſenté pour
la première fois en Avril 1782 , avoit été ac-
•cueilli avec diftinction . M. Laujon , dont
l'amabilité & les qualités perſonnelles rendent
le talent plus intéreſſant , a fait à ſa Comédie
des changemens qui ont rendu l'action
plus vive & plus occupante. M. Champein ,
de fon côté, a refait pluſieurs airs &des morceaux
d'enſemble qui ont été fort applaudis.
Ce foin a afſuré le ſuccès de cette repriſe qui,
d'ailleurs , a dû beaucoup au jeu piquant &
fpirituel de Mme Dugazon dans le rôle de
Georgette.
2º. Le Minutieux , Comédie nouvelle , en
un Acte & en profe. Un homme que fon éternelle
préoccupation pour des futilites& pour
:des misères,prive des avantages les plus réels ,
DEFRANCE. 85
:
&qui voit paſſer ſa maîtreſſe entre les mains
d'un autre par une ſuite néceſſaire de ſa bizarre
conduite avec ſa famille ;tel eſt le fonds
de ce petit Ouvrage , où l'on rencontre des
détails agréables , des nuances de comique
un peu foibles , & plutôt de l'eſprit que de
ladiſpoſition au talent.
3°. La Négreffe, ou le pouvoir de la Reconnoiffance
, Comédie en deux Actes & en
vaudevilles. On connoît l'Anecdote d'Inkle
& Yariko : c'est cette Anecdote que MM.
Radet& Barré ont arrangée pour ce Théâtre.
Dorval,jeté par la tempête dans une Ifle ſauvage,
doit ſon ſalut à la jeune Zilia , qui lui
predigue les ſoins les plus tendres , & cache
fon amant à tous les yeux. Un tigre déſole
ces parages , il eſt ſur le point d'arracher la
vie au Chefde la contrée:Dorval terraſſe le
tigre; il obtient grâce aux yeux des Negres;
mais Zilia l'a protégé , elle est coupable &
condamnée à être venduecomme eſclave. Le
père de Dorval debarque dans l'ifle , apprend
ce qui ſe paſſe , achette Zilia , & confent
nême a lunit a fon fils. Ce petit Ouvrage a
été réduit en un Acte depuis ſa première
representation , & ilya gagne. Beaucoup
d'efprit, des ſituations agreables , des
couplets bien tournés & coupes avec grâce ,
ont affure ſon ſuccès juſqu au denouement,
qui n'a pas paru plaite genéralement ; majs
uncouplet adreffe au Fublic , & qui demande
fon aveu pour le matiage projeté entre Dor
86 • MERCURE
val & la Négreffe , a obrenu grâce&applaus
diffement.
4°. Isabelle & Rofalvo , Comédie en un
Acte, mêlée d'ariettes. En 1781 , M. Patrat
a fait repréſenter à ce Théâtre une Comédie
en vaudevilles , intitulée les deux Morts ,
&qui n'eut point de ſuccès. C'eſt cetteComédie
qu'il fait reparoître ſous un nouveau
titre , après y avoir fait beaucoup de changemens.
Un Marchand qui a fait fortune à
Séville s'eſt fixé à Cadix. Il a changé de nom
&pris celui d'Alcandre. Il attend le retour
de fon neveu Roſalvo , qui , depuis un certain
nombre d'années , eſt parti pour les Indes
, & qu'il veut marier à ſa pupille Iſabelle
Roſalvo revient, croit fon oncle à Séville ,
paffe par Cadix , où il eſt arrêté par les char
mes d'Iſabelle , dont il a le bonheur de ſe
faire aimer. La tendreſſe des deux amans eſt
ſervie par un Valet & par une Soubretre,
qui leur facilitent les moyens de ſe voir. Alcandre
& Béatrix ſa femme ont des ſoupçons
qu'ils veulent éclaircir ; le jeune homme
échappe à leur pourſuite ; mais comme on
apprend que les deux amans doivent ſe voir
la nuit ſuivante , Beatrix prend la place d'Iſabelle
, on appelle main forte ; Roſalvo vient
pour enlever ſa maîtreſſe; il eſt arrêté. Il ſe
nomme , on le reconnoît,&les deux jeunes
gens font unis. Cette petite Pièce , où il y a
de la gaîté& de l'eſprit , a été fort bien reçue.
La muſique eſt deM. de Propiac,jeune Ama
DE FRANCE. 87
teur: on y a diftingué de la grâce , de la fraî
cheur & de la légèreté. Un air de bravoure
où l'inimitable Mile Renaud imite le chant
du roffignol , a excité le plus vif enthoufiafme..
J.Pauline& Valmont, Comédie en deux
Actes & en proſe. Imitationde Laurette,
Conte moral de M. Marmontel. Sujet difficile
à mettre au Theatre , & qui n'y a
paru juſqu'ici que pour en diſparoître prefqu'auflitôt.
La marche de cette petite Comédie
eſt à peu près la même que celle du
Conte; mais l'Auteur a ſu la rendre plus dramatique
; & l'adreſſe avec laquelle il a vaincu
un grand nombre des difficultés de ſon ſujet
mérite les plus grands encouragemens. Ilajeté
dansl'intrigue un perſonnageneuf, celui d'un
M. de Gercourt , eſpèce de Financier qui a
des vues ſur Pauline ,&qui la regarde à peuprès
du méme oeil que l'on jette ſur toutes les
filles qu'une première paffion entraîne dans
le gouffre du vice. Ce caractère jette de la
gaîné dans l'Ouvrage, & fait reffortir l'honnêteté
de l'âme &des principes de Valmont.
Le tout ſe termine comme dans le Conte :
le père de Pauline la retrouve , veut la reconduire
au village: les remords de Valmont ,
fon amour vrai pour Pauline , ſa propoſition
del'épouſer ramènent levieillard, qui conſent,
parhonneur,àun mariage qu'ilauroittoujours
refuſéparraiſon. L'Auteur a bien vufon fujet;
mais il falloit une tête exercée dès long-tems
dans l'Art Dramatique pour en préſenter les
88 MERCURE
développemens de manière à exciter comme
àfoutenir la curioſité&l'intérêt.Les ſituations
en ſont plutôt apperçues qu'exprimées ; mais
il y a de la nobleſſe dans les caractères de
Valmont & d'Ambroiſe : celui ci a cette éloquence
qui tient aux âmes fortes & honnêtes.
L'Auteur eſt M. Bodard. Le Public a demandé
à le voir, & lui a prodigué des applau
diſſemens dont il nous paroît digne. Le rôle
de Valmont eft joué par M. Granger avec autant
de chaleur que de décence; la manière
dont il a rendu ce perſonnage en a doublé
l'intérêt , & lui a mérité un ſuccès bien rare
aujourd'hui , celui qui réſulte de la fatisfaction
qu'éprouvent à la fois l'eſprit , le coeur
&la raifon.
6°. Les Promeffes de Mariage , ſuite de
l'Epreuve Villageoise , Comédie nouvelle en
deux Actes & en vers , mêlés d'ariettes . On
ſe rappelle que dans l'Épreuve Villageoiſe,
Deniſe perfiffle aſſez cruellement M. de la
France. Celui -ci , pour ſe venger d'elle , cherche
à reculer fon mariage avec le cher André.
Il le retient à Paris pendant une année entière
, tantôt ſous un prétexte & tantôt ſous
un autre. Il lui apprend à écrire lui-même ,
&lui fait faire une promeſſe de mariage à
une fille nommée Nicole. André , qui eft
très- éloigné de ſoupçonner le mauvais tour
qu'on lui a joué, revient enfin au village ; il
eft fur le point d'épouſer Deniſe , quand Nicole
s'oppoſe au mariage,& fit valoir ſes
droits. On s'imagine aifement quelle eſt la
DE FRANCE. 89
colère de Deniſe, quand elle apprend la fauffe
infidélité d'André : elle fait à fon tour une
promefle à M. de la France , dont la vengeance
ſe trouve complette. André multiplie
les facrificespour retirer des mains de Nicole
la promeflè qu'on lui a extorquée ; il en
vient à bout , & la remet à Deniſe pour lui
prouver ſon innocence. Celle-ci eſt au déſefpoir
,& fupptie en vain M. de la France de
renoncer à elle. On mande le Tabellion , qui
vient avec un contrat de mariage ; mais Denife&
André font auffi ſurpris que fatisfaits ,
quand ils entendent que ce contrat de mariage
eſt pour eux , & qu'on ne les a tourmentés
que pour punir un peu Denife de fon
perfifflage. Le fonds de cet Ouvrage eſt trèsléger
; mais les détails le font valoir & lui ont
mérité un ſuccès très agréable. La muſique a
éré généralement goûtée. Elle eſt de M. Berton
, fils de feu M. Berton , Directeur de
l'Académie Royale de Muſique. C'eſt l'Ouvrage
d'un jeune homme qui a un peu multiplié
les reſſources de fon Art , vraiſemblablement
pour donner une idée de tout ce
qu'il peut faire. Ce defaut eſt parconnable à
l'âgedeM. Berron , fur-tout quand il eſt une
ſuite du defir de ſe montrer dans la carrière
ſous un aspect digne du nom ton: il chetche
à renouveler l'honneur. Le chant en eſt
fouvent agréable , quoiqu'etranger par fois
à l'état des perſonnages ; les mo ceaux d'enſemble
font bien faits , & la partie de
Porcheſtre est très foignee. Le Public a de
MERCURE.
mandé très - vivement ce jeune Compoſiteur
, & a proportionné ſes encouragemens
aux eſpérances qu'il donne. M. Berton
annonce qu'il foutiendra avec diſtinction le
nom que fon père s'eſt fait dans l'Art muſical;
c'eſt un éloge que ne méritent pas ſouvent les
filsde ceux qui ſe ſont préſentés avec ſuccès
dans la carrière des Arts .
ANNONCES ET NOTICES.
ATLAS de la Chine , de la Tartarie Chinoise &
ex Tibet, par M. d'Anville , premier Géographe du
Roi.
CetAtlas est compoſé de quatre Cartes générales
qui embraſſent ſes différentes parties , ayant chacune
leurs fubdiviſions en une quantité de Cartes
féparées diviſées par Provinces , qui font connoître
en détail ce vaſte Empire , & rendent cet Atlas
précieux. Il est compoſe de ſoixante- fix Cartes &
Planches relatives à la deſcription géographique &
à |Hiftoire de cet Empire: le tout relié en un Volume
grand in -folio Prix , 48 liv . L'on vend (éparément
les Cartes ſuivantes : carte générale de l'a
Chine, de la Tartarie Chinoiſe & du Tibet. Prix ,
3liv. Carte particulière de la Chine. Prix , 3 liv.
Carte générale de la Tartarie Chineiſe , de la Corée&
du Japon. Prix , 3 liv. Carte particulière de la
Corée. Prix , 2 liv. -A Paris , chez Dezauche , Géographe,
fucceffeur des fieurs Delifle & Phil Buache ,
premiers Géographes du Roi , & de l'Académie
Royale des Sciences , rue des Noyers.
1
DE FRANCE
.
و أ
Le mérite de cet Ouvrage, la réputation de for Aureur, le peu de connoiſſance que l'on a de ce pays& la défectuofité des Cartes qui en ort été publiées juſqu'à ce jour rendent cet Ouvrage très recomanandable
. C'eſt par ceste raifon que le fieur
Dezauche a cru devoir pub'ier cet Atlas qui étoit refté comme enfoui , perfuadé que c'eſt rendre un véritable ſervice que d'en faciliter l'uſage en en vendant
les feuilles ſéparément.
1
LHEUREUX Retour , Comédie en deux Aîtes & enprofe, repréſentée pour la première fois fur le Théâtre de Genève le Mercredi 14 Septembre 1785. Prix , 1 liv. A Genève , chez Barde, Manget & Compagnie, Imprimeurs Eraites, & ſe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire , rue des Porevins ,
hôtel de Mefgrigny.
Cette Comédie ne mérite pas de reſter dans l'obe curité. Elle eſt ſagement conduite, malgré quelques longueurs; elle eſt écrite avec une facilué aimable ; le dialogue en eſt naturel , & le dénouement fatis- faitbeaucoup , quoiqu'un peu trop prévu. Il y a un rôle de mère, rivale de ſa belle- fille , très - bien mis
en ſituation.
COLLECTION des Mémoires particuliers relatifs
à l'Histoire de France , Tomes XXV, XXII , XXVII , XXVIII & XXIX. A londres ; & fe
trouve à Paris , rue & hôtel Serpente.
Ces nouveaux Volumes , qui font très curieux, contiennent les Mémoires de Montuc, de Ta- vannes & de Vielleville. Il paroît chaque mois in Volume de cette importante Collection , dont le prix eſt de 48 liv. Les Souferipicurs de Province
paient de plus pour les frais de poſte 7 liv. 4 fols.
f
92
MERCURE
ET AT des Etoiles fixes au ſecond fiècle, par
Claude Ptolémée, comparé à la poſitiondes mêmes
Éroiles en 1786 , avec le Texte Grec & la TraductionFrançoile;
par M. l'Abbé Montignot , Chanoine
de Toul , de la Société Royale des Sciences &
Belles- Lettres de Nancy.
CetOuvrage que nous avons annoncé avec de
juſtes éloges ne ſe trouve actuellement qu'à la Librairie
Académique à Strasbourg ; & à Paris , chez
Mußer, Libraire , quai des Auguftins. Prix , 9 liv .
CUVEES choifies de Boffuet, par M. l'Abbé de
Sauvigny, Tome V , in- 8 °. & in 4º. A Nimes ,
chez Beaume , Imprimeur- Libraire , grande rue ; &
àParis, chez Barrois l'afné , Libraire , quai des Augustins,
&Guillot, Libra re , rue Saint Jacques.
Ce Velume n'est pas le moins intéreſſant des
Ouvres de fon Auteur; il contient ſes Oraiſons Funèbres
avec le Sermon ſur l'unité de l'églſe ,
& un autre Sermon prononcé à la Proffion
Religieuſe de Mme la Vallière. Ces Ouvrages ne
pouvant fournir la groff.ur des Volumes précédens
, l'Édicer a eu l'heureute idée d'y jandre
les Oraiſons funèbres de Fléchier , avec des Notices
for la vie& fur la mort des perfonnes que ce Prélat
célebrées. On ſent que cela doit former un Volume
très-précieux.
Cette idée en a fait naître une autre qui ne manque
a pas d'être accueillie , c'est qu'on offre de
vendre ce Volume séparément à ceux qui ne voudront
pas acheter les OEuvres complettes de ces deux
i'luftres Aureurs. On les donnera au prix des liv , en
feuil & il eſt divité de manière qu'on pourra reher
les Oraifons funèbres des deux Prélats enſembie
ou léparément,
DE
FRANCE
. 93 LISTE générale des Rêves , avec les noms des
chofes révées, leurs interprêtations
& leurs numéros correspondans
pour les tirages de la Loterie Royale de France, Ouvrage tradust de l'Italien, de Fortunato
Indovino, enrichi de figures analogues
à
ladite Loterie , ſon origine hiſtorique
, le nom de
l'Inventeur
; fa pren ière fondation
à Gênes en
1720; l'époque de ſon établiſſement
en France en
1758 ſous le nom de Loterie de l'Ecole Royale Militaire
, & depuis le's Septembre
1776 dénommée Loterie Royale de France, ſuivie de Tables & Cal
culs progreffifs, ainſi que des Tirages faits juſqu'a
cejour. Prix , 2 liv, brocké , & 2 liv. 10 fols relié.
AGênes; & ſe trouve à Paris , chez Sorin , Li- braire, quai des Auguſtins, au coin de la rue Gît.
le-Caur.
-HISTORIA
Natural, general y particular
, efcrita
en Francés por el Corde de Buffon , y traducida por
D. Jofeph Clavijo y Faxardo , Vice-Director
del
Real Gabinete
de Hiſtoria
Natural
, Tomes
II &
III. Madrid , por la Viceda de Ibarra, Hijos y
compania
.
Nous avons annoncé
le premier
Volume
de
cette Traduction
Eſpagnole
. Au mérite très-réel &
yes - reconnu de l'Ouvrage
elle joint celui d'une foxx beile exécution
typographique
,
La Henriade
, avec les Variantes
, nouvelle Élirion , ornée de figures. On y a joint l'Ellai fur
la Pośie Épique du même Auteur , & diverſes Pièces concernant
la Henriade, in-12. Prix, 3 liv.
relié en veau, A Paris, chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques.
Cette Edition eſt laplus complette
qui ait cacore
paru.
:
:
:
94
MERCURE
POASTES diverſes de Mille Poulain de Nogent,
Auteur des Lettres de Mme la Comteile de la Rivière
, du Tableau de la Parole , de l'Anecdote intéreſſante
de l'Amour Conjugal, de la nouvelle Hitsoire
abrégée de Port Royal , &c. &c. , in- 12 . A
Paris , chez Varin , Libraire , rue du Petit-Pont.
Prix, t liv. to fo's broché , & en papier fin 2 liv.
broché , & 2 liv. 10 ſols relié.
OEUVRES
d'Agriculture de M. de Planazu ,
Traitéfar les Abeilles , avec les moyens d'en tirer
leparti le plus avantageux. A Paris, de l'Imprimerie
de Grange, rue de la Parcheminerie.
Lss Embarras du Père de Famille, Comédie en
wers & en cinq Actes , imitation libre du Théâtre
Allemand. A Amſterdam; & ſe trouve à Paris ,
chez la Veuve Ducheſne , Libraire , rue Saint Jacques;
Prevoſt & Royez , Libraires , quai des Auguttins,
& Méquignon jeune , Libraire , au Palais.
OEτιυς , Tragédie de M. l'Abbé Métaftafe,traduite
en vers , & adaptée à la Scène Françoiſe , avec
l'italien à côté, par M. F. Paftorer. A Montauban ,
chez Cazaméa , Litraire.place de la Parciſſe.
Il y a dans cette Traduction des vers affez bien
faits pour prouver que l'Auteur avec p'us de travail
auroit pu y donner beaucoup plus de perfectior, Sa
manière décrite eſt en général facile & libre.
LES Actions célèbres des grands Hommes de toutes
les Nations , deffinées par les meilleurs Maîtres , &
gravées par P. Moithey, accompagnées d'une Notice
& d'un Effai de ſtyle lapidaire, par M. P. SyIvain
Maréchal , troiſième Livraiſon, Prix, 4 liv.
fur beau papier, & 6 liv, fur papier d'Annonay ,
:
DE FRANCE. 25
Eſtampe & Texte. A Paris , chez l'Auteur , rue du
Jour , n° , 30 , maiſon d'un Marchand de Vin , &
Cail'eau , Imprimeur Libraire , rue Galande,
Gette Livraiſon contient Marcus Atticus Regulus
; Eléonore , Reine d'Angleterre ; la mort de
Bayard& C. de Coſſé.
LeMuseum de Florence , ou Collection de Pierres
gravées, Médailles , Statues & Peintures du cabinet
dugrand Duc de Toscane , avec leurs explications
françoises, dédié à MONSIEUR , Frère du Roi,
gravé par 7. A. David , Graveur. A Paris, chez
l'Auteur , rue des Cordeliers , au coin de celle de
l'Obſervance.
M. David eſt Auteur de pluſieurs Ouvrages de ce
genre qui ont réußi , & qui doivent lui faire bien
augurer de cette nouvelle Collectior . Il en paroît
deux Numéros. Le prix de chacun , composé de
huit Planches imprimées ſur papier veln & Expli
cations eſt de 6 liv ,, & au biſtre ſanguin Anglois
9 liv. )
Lajoyeuse Orgie, agréable Eſtampe gravée d'après
P. H. Carefme, par A. Fr. Hemery , de l'Académie
Royale de Penture , Sculpture , &c. de Marseille.
A Paris , chez l'Auteur , rue Saint Jacques , entre la
Place de Cambrai & le Collége du Pleſſis , nº. 64.
NUMEROS 9 à 12 des Délaſſemens de Polymnie
ou les petits Concerts de Paris , contenant des Airs
de différens genres , mélés d'obſervatiors fur l'Art
du Chant & l'expreffion muſicale , avec Violon &
Baffe. L'Abonnement de trente fix Numéros qui
parmiffent les 10 , 20 & 30 de chaque mois eft de
18 liv. franc de port, Chaque,Numéro : liv,
96 MERCURE
4fols. AParis, chez MM. Baillon & Porro , rue du
petit Repoſoir, près la Place des Victoires .
CAPRICEpour le Clavecin ou Forte-Piano , par
M. Muzio Clementi , Quvre XVIII . Prix , 3 liv.
12 fois franc de port. Même adreſſe que ci-deſſus..
LES Directeurs de Province qui deſireront faire
repréſenter le Jaloux , Comédie de M. Rochon de
Chabaunes , telle qu'on la joue aujourd'hui au
Théâtre François , ſont priés de s'adreſſer à Mme
la Veuve Duchefſne , Libraire , rue Saint Jacques , an
Temple du Goût, en demandant la dernière Édition
avec les cartons . Cette dernière Édition est la ſeule
que l'Auteur approuve, & ſe vend avec le Recueil de
les OEuvresde Théâue.
TABLE.
S. Hiftoire dela dernière Guerre,
Vers àM. d'Hermite de Marl- Opzique de Newton ,
VERS préſentés à S. A.
MmelaD de B. , : و 9
72
lane , 50 Efai historique fur l'Hôte-
La Fée del'Aigle, FableAl- Dicu de Paris , و
légorique , 51 Lou fa , ou la Chaumière , la
Charade, Erigine & Logogry- Comédie Françoise , 82
anhe , 13.Ar tonces &Notices,
Atlas du Commerce , SS
:
APPROBATIΟΝ.
J'AI lu , par eidre de Mg , le Garde- des-Sceaux , le
Mercure deFrance , pour le Samedi 14 Juillet 1787. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher limpresion. A
Paris, le 13 Juillet 1787. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
:
DE
BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 28 Juin.
pendant l'année derniere , il eſt ſorti du
port d'Archangel 139 vaiſſeaux , dont 29
pourr la Norwege, 15 pourHambourg , 49
pour divers ports de la Grande Bretagne ,
4pour la France ,; pour la Hollande, &c.
Le to Mai , M. Dietz , ci-devant chargé
des affaires de Prufſe à Conſtantinople , a
eu ſa premiere audience de S. H. , fous le
nouveau caractere d'Envoié de la Cour de
Berlin ; qualité en laquelle il avoit déja fait
le 20 Mars ſa vifite publique au Grand-
Viſir. Le Gouvernement lui a envoié la
garde d'honneur comme aux Miniſtres
étrangers , reconnus.
,
Nº. 29 , 14 Juillet 1787. Ç
( 50 )
Lex . Prince Royal de Danemarck ,
Gené arde Huth,du Lieuteale
e d,dMa échal de Cour
dans Gén ra rx de Blow
& d'a ties perfonnes de ſa
fuit , eft ar . de Copenhague pour les provinces
où 5. A. R. era la revue ces troupes .
& de
on
On fait qu'àla dernier diete de Suede il fut
queſtion de racheter du Roi le droi de brafſer
des eaux de vie , droit que peut s'élever par
an à un revenu de 500,000 rixdaier. de Suede ,
(troismillions de livres de France ). Afin de déterminer
l'équivalent que l'on pouvoit offrir au
Roi , fi S. M. permettoit à chaque pere de famille
de braſſer des eaux-de-vie , fit le dénombrement
des males dans le royaume. On
compte 8638 nobles & 27,26; pertonnes à leur
ſervice , 12,558 ecclefiatiques , & 15,980 per.
ſonnes à leur service , 63,123 hommes de qualité
, & 41,8-9 perſonnes à leur service , &
1,070,037 paylans , y compris leurs domeſtiques
, ce qui donne un total de 1,322,201 hommes
, en ajoutant à ce nombre celui des fem-
&des enfans ; le royaume de Suede qui a une
furface de 12,997 milles carés gé graphiques ,
peut contenir une population d'environ 2,850,000
ames.
De Berlin, le 27 Juin.
Le Roi a élevé le Conte d'Eglofſtein au
grade de Lieutenant General , & lui a confé
le gouvernement de Kongsberg , vacant
par la mort du General de Platen. l'infpection
des régimens d'infanterie dans la
Prufſe occidentale a été donnée au Major-
Général , Comte de Schewerin.
( 51 )
Le Docteur Herz , Médecin Juif , d'un
très-grand icavoir, ayant publié ici dernierement
un ouvrage eſtimé fu la Phytique
expérimentale , S. M. lui a écrit en ces termes
:
-Très - Savant & fidele am!!
>> Il y a long temps que jai remarqué vos
talens finguliers & vos connoitlances dans la Payfique
expérimentale. Je vous ai toujours regardé
-comme un excellent Profeſſeur en cette facuité .
La permiſſion que vous m'avez demandée de
me dédier l'inftr ction que vous vous propoſez
d'enſeigner , ne foudre aucune diffi vité ; & je
vous Paccorde avec le plus grand plair. Le
Comtede Bruhl , Lieutenant Général & Inſticuteur
de mes fils , m'ayant i formé que vous
étiez prêt à leur enſeigner les principes fondamentaux
de cette ſcience , 'accepte certe offre
avec plaifir & gratitude. Pour la mettre en pratique
, vous pourrez avoir les conferences ultéreures
& néceſſaires avec le ſuſdit Lieutenant
Général , & être aſſuré que les foins que vous
prendrez dans cette inſtruct on , feroticonnus
, par les faveurs de votre gracieux Roi.
A Marc Herź , Conſeille Aulique du Prince
Waldek , & Mecin du Lazaret de Berlin .
Poſtdam le 24 Avril 1787 .
FREDERIC GUILLAUME.
De Francfort , le 2 Juillet.
On a exné lé un Courrier à Pettalu , pour
préveni lesG néraux , que "Empe ear n alfifte
oit point al camp qui y eſt a embé
Il a paru nouvellement un recuei. de piete
C2
( 52 )
concernant l'armée Autrichienne , en 2 volumes
in - 8° . Cet ouvrage paroît renfermer des détails
exacts , fur-tout ce qui concerne les troupes
de l'Empereur. l'état complet d'un régiment
d'infanterie Allemande & Hongroiſe y eſt porté
à 3,175 hommes répartis en 18 compagnies.
L'armée Autrichienne eſt compoſée de 77 régimens
d'infanterie , dont 37 Allemands ; les
étrangers incorporés dans ces derniers montent
en tems de paix à 35,820hommes ; les grenadiers
font recrutés dans les compagnies de fufiliers
; on n'admet que rarement des étrangers
dans le corps des grenadiers. Les régimens
de cavalerie font au nombre de 37 , dont 2
de carabiniers , 10 de cuiraſſiers , 6 de dragons ,
6 de chevaux-legers , & 13 de huſſards . L'érabliſſement
de paix de toute l'armée eſt de
298,063 hommes & celui de guerre de 358,701 .
Une Députation du Chapitre de Worms
a apporté , le 19 , à l'Electeur de Mayence
, la nouvelle que fon Coadjuteur , le Baron
de Dalberg , a été élu auffi Coadjuteur
de l'Evêché de Worms.
1
ITALIE.
De Malthe, le 27 Mai.
L'eſcadre Vénitienne , deſtinée à reſter
dans ces mers , ſous les ordres du contr'Amiral
Condulmer , après une coifiere de 3
ſemaines , vient de rentrer dans notre port.
Le Chevalier Emo eſt à Corfou avec ſa diviſion
, & a reçu ordre de retourner à Ve
nife.
( 53 )
La corvette Angloiſe la Caryofort , de
26 canons , & 180 hommes d'équipage ,
commandée par le Cap. Sm.th,a mis à la voile
d'ici , le 23 , pour Tripoli de Barbarie , où
elle ramene l'Ambaſſadeur que cette Régence
avoit envoié l'année paſſée en Angleterre.
M. d'Aguesseau , Conſeiller d'Etat , &
Prévôt- Maître des cérémonies de l'Ordre du
S. Eſprit , vent de Conſtantinople fur un
bâtiment Raguſais , eſt débarqué ici , pour y
faire ſa quarantaine , & entreprendre enſuite
le voyage d'Italie.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 3 Juillet.
Le 27 du mois dernier, leComte deDunmore
a pris congé de Sa Maj. pour ſe rendre
aux Iſles de Bahama , dont il a été nommé
Gouverneur. Le même jour , S. M. donna
au Réſident de Veniſe une audience fecretie
d'une heure.
Hier 2 , un Exprès envoyé de la Haye par
le Chevalier James Harris , a apporté des
dépêches au Gouvernement qui , fur le
champ ont été remiſes à S. M. à Windfor ,
&qui ont occaſionné , ce matin, une Aſſemblée
du Conſeil , dont le réſultat n'eſt pas
connu. Seulement , on eſt informé par ce
Courier que S. A. R. Madame la Princeſſe
€ 3
( 54 )
d'Orange , allant d'Amersfoort à la Maiſon
du Bois , pros de la Haye, a été arrêtée dans
ſa roure , & obligée de reb oufler , par un
déra hement armé du Parti anti Stathoudérien.
L'e cadre du Commodore Gower eft rafſemblee
à Spithéad , & compofée des vaiſe
feaux fuivans :
L'Edgar , Commod. Gower , Cap.
1-homofon .
Le Magnificent , Cap. Berkeley.
can.
74
Le Ganges , Cap, Sir Roger Curtis (1). 74
Le Bedford , Cap. Mann.
Le Crown , Cap. Po e.
Le Standart , Cap. Chamberlain .
74
64
64
Tro s frégates & deux floops. On équipe
àCharham le Scipion de 64 can . , qu'on préf
me devoir te joindre a x vaſſeaux précédens.
Toute l'eſcadre doit être rendue , le 6
de ce mo's , aux Dunes , d'où elle fera voile
pour la Mer d'Allemagne. Le Commodore
Gower eſt venu prendre ici les dernieres inftructions
, le 29 du mois dernier. Son efcadre
eft approvifionnee pour trois mois .
Un des navires baleiniers , arrivé à Hull ,
du Groenland , a apporté la fâcheste nou-
( 1 ) Le même généreux Officier , qui s'expoſa avec
tant d'humanité à Gibraltar , pour fauver les malbeureux
, abandonnés fur les batteries Bostances , embra
Tees,
( 55 )
velle que 14 bâtimens employés à cette pêche,
ont péri au milieu des glaces , amoncelées;
cette faifon , dans ces pa ages , à un
degré où l'on ne les avoit pas vues depuis
longues années. Il a été impoflible aux pilotes
deprévenir ce dé'aftre , & aux autres navires
de leur prêter fecours. Heureuſement ,
onaſſure que la plus grande partie des équipages
ont été ſauvés. Trois de ces bâtimens
perdus apparteno ent au port de Londres ,
les autres à Hull , Newcastle , Lynn , &c.
Le 26 Juin , un Meſſager de l'Amirauté a
porté à Plymouth& autres ports de guerre,
L'ordre d'augmenter le nombre d'ouvriers
emp'oyés dans le département. Pluſieurs
navires de transports font en chargement
dans la riviere , & doivent poster des munitions
à Gibraltar.
L'Adamant de so can. eſt en réparation à
Sherneſs , où l'on conſtruit le Léopard, auſſi
de so canons , qui ne tardera pas à ſo tir du
chantier. L'état de ce port conſiſte , au moment
, en 7 vaiſſeaux de ligne , I de so can. ,
10 frégates & 9 floops; en tout 17 voiles .
Le Chapman &le Bridgewater , venant de
Canton , font arrivés aux Dunes ces jours
deniers . Trois autres vaiſſeaux de la Compagnie
ſont attendus inceſſamment.
La Cour du Banc du Roi a prononcé , le
26 Juin , ſur le délit du ſieur Bowes , raviſſeur
de la Comreſſe deStrathmore ſon épouse ,
avec les circonstances aggravantes que nous
C4
( 56 )
rapportâmes dans le temps. Le coupable a
été condamné à une amende de 300 liv. ſterl.
envers le Roi ,à trois ans de détention dans
la prifon du King's - Bench , & à donner enfuiteune
sûreté de 20,000 liv. ſterl. pendan
14 ans. Ses complices ont été punis propor
tionnellement.
Le même Tribunal a jugé le lendemain
I'Imprimeur de Lord George Gordon , convaincu
lui même d'avoir été l'auteur de deux
libelles , pourſuivi en conféquence , & main
tenant enfuite en Hollande. Cet Imprimeur,
nommé Wilkins , a mis au jour un de ces libelles
, qui eſt un pamphlet incendiaire , deftiné
à ſoulever les malfaiteurs détenus dans
les prifons , ou condamnés à être tranſportés
àla Baye Botanique. Après avoir eſſayé ,
dans fa défenſe , tous les fubterfuges que
pouvoit lui offrir ſa cauſe, il a été condamné
ſans rémiſſion. Commece: exemple fert,avec
mille autres , à prouver aux Etrangers que, fi
l'uſage de la preſſe eſt entiérement libre en
Angleterre , l'abus en eſt puni comme ailleurs
, mais juridiquement , d'après une procédure
en forme devant les Jurés , & fur le
texte de la loi , nous allons rapporter la Sentence
prononcée dans le cas actuel par Mr.
Ashurst , l'un des Juges du Banc du Roi.
>> Thomas Wilkins , vous avez été jugé
»& trouvé coupable , fur une évidence
>>> complette , d'avoir pub'ié un libelle ſcan-
>> daleux & palpable, dont la Cour vient
( 57 )
>> d'entendre la lecture. Lebut de cet écrit
>> étoit d exciter une révolte parmi les Pri-
>>fonniers , de répandre parmi les ſujets de
>>S. M. l'opinion que les loix criminelles
>>du Royaume , ſont arbitraires & tyran-
>>niques , & de flétrir les Magiſtrats de la
>>même calomnie. Nos loix & leur admi-
>>>niſtration fontjuſtement célébrées comme
>> les plus douces qui exiſtent. Elles font le
>> plus glorieux privilège d'un Anglois , &
>> l'envie des autres Nations. Comment
>>donc un citoyen qui repoſe à l'ombre
>>de ces loix , qui leur doit ſa sûreté & fon
>>bonheur , peut-il les outrager ? Quant à
>>la partie de ce libelle qui attaque les
>>Juges même , elle ne mériteroit de leur
part que mépris ; mais il eſt indiſpen-
>>lable de protéger la dignité de l'Etat
>> contre les atteintes des méchans , qui , en
>>calomniant des magiſtrats intégresſappent
>> les fondemens du reſpect dû aux loix &
>>par degrés ceux de tout Gouvernement.
>> ( Ici le Juge refute les prétextes allégués
>>par l'Accuſé pour ſa défenſe ). La fen-
>> tence de la Cour eſt que vous ferez em-
>>prifonné , pour le temps de deux années ,
>> dans la Priſon de Newgate «.
ככ
du
Le 25 de ce mois , un étranger en coftume
Oriental, a jetté l'épouvante dans les Bureaux du
Lord Sidney où il vint demander de l'argent
pour s'aider , diſoit-il , à retourner dans ſon pays.
MM. Nepean & Pollock auxquels il s'adreffa
n'ayant pas jugé à propos de le défrayer de
( 58 )
:
fon voyage , il entra dans un accès de fureur
inexprimable , les accabla d'inyectives , &
titant fon poignard , menaçoit avec des impr
carions de s'en percer le coeur à l'inftant.
Les Expédit onnaires épouvantés ſertirerentdans
eur chambre cùis ſe barricaderent.
Or envoya auſſi- tôt demander main forre à un
Officierde police , qui arriva avec deux Archers.
Ceux - ci après avoir préalablement & pour
plus de sûreté atroché le poiguard des mans de
ce torcené , e conduifirent en prifon pour y être
interrogé par un Magiftrat .
Se on on relevé qua pubié la Compagne
de In es des vaiſſea ex qui mouillo
ent dans la riviere de Canton , au ter.
Janvier 1787 ce pot enfermoir à certe
époq e 19 va fleaux Anglois , Hollan tois
2 Danois , 1 Seos , Fanco's , I Portugai
, 4 Américains. Au bas de cet état ,
on a ajouté a note luivante.
>>Dapr sla tupérioritéreconnue de no re
>> commerce ſur ce ut des autres nations à
>> a hine on e'pere ob nar in flamment
>> daGouve nement Chinois , les privileges
>> quela Compagnie fo'licit depuis filongtems.
Cet oft tha fel emen en rego-
>> ciation à 1. Con de P kin , & l'on exp re
que les effo ts réunis du Mnittere An-
>> glos & des gens de la Compagnie ,
abere ont le fuccès que l'on en arten . כנ
Le prive horbitant des lentes , & furtout
de ' a viande , a déterminé un particulier
à tabe l'expérience fuvane, no ir découvrir
fi cette chesté n'étoit point caufee
,
( 59 )
plutôt par la friponnerie des Bouchers que
par la hiette réelle des vivres. Il envoya
q arre hommes au marché de Smithfind
pour acheter un beut , qu'ils payerent onze
gu nées. Al'aide d'un garçon Boicher , is le
therent; après avoir dépe é , i's en vendirent
la viande aux o viers d'une bra ferie
confiderable qui toit dans le voidnage. La
meilleur viande fur vendue à quatre pences
lativre , la moyenne à deux pences & demie
, & la baile boucherie ſe ilemen à deax
pences. Tout compe fait , il re a fur la
vente entre 4 & 5 res iterlings de bénéfice.
Des avis certains de la côte des Moſquites
apprennent que les naturels de pays ont renu ,
dans le commencement d'Avril , ure Affer blée
générale de teurs guerriers ; pour s'o potrala
priſede poffeffiondes Eſpaznols. aére réfolu
unanimément que l'on défendroit juſqula
mort les planteurs Anglois établis fur la ore.
Le Chefdes Sauvages , appellé Brion , a fit
la clôture de l'Aſſemblée en aloare pa illon
britannique , & en jurant qu'il voor vivre
mourir ſous la domination britannique , & qu'il
extermineroit de ſes moins le premerds 2.erriers
qui jeroit affez ache pour se June the aux
Efragro s . L'Ailemolée ſous les armes appdit
au ferment & le confirma par trois décharges
de moufqueter e .
1
Les fauvages fon abo domment fournis d'arme
& de muni ions . Ils font prers à combre ,
& ont déja mis leurs femmes & teu's entasen
lin eréd n les gorges des mangoes .
En conféquence de ces difpofitions hagigs ,
Fer
( 60 )
un autre Chef des Sauvages , appellé Thomas
Lee , a renvoyé au Commandant eſpagnol de
Truxillo une ſuperbe épée dont il lui avoit fait
préſent , en lui faiſant favoir qu'il dédaignoit
de faire uſage de cette arme contre lui ou les
fiens , & qu'il fauroit en trouver parmi les confreres
les Anglois.
FRANCE.
De Versailles , le 4 Juillet.
LeComte d'Adhémar , Ambaſſadeur du
Roi près Sa Majefté le Roi de la Grande-
Bretagne, de retour par congé , a eu l'honneur
, à ſon arrivée , le 28 du mois dernier ,
d'être préſenté à Sa Majesté par le Comte
de Montmorin , Miniſtre & Secrétaire d'Esat,
ayant le département des Affaires étrangeres.
Le lendemain , 29 , le Roi , accompagné
de Monfieur & de Monseigneur Comte
d'Artois , s'eſt rendu , vers les cinq heures
de l'après midi , à la pleine de Marly , où Sa
Majeſté a paſſé en revue les quatre Compagnies
de ſes Gardes du Corps. Le Roi ,
Monfieur & Monſeigneur Comte d'Artois ,
après avoir paſſé dans les rangs , ont vu défiler
par colonnes , par eſcadrons & demieſcadrons
, les quatre Compagnies : elles
ontauſſi paſſé devant la Reine , qui s'étoit
rendue à cette plaine , accompagnée de Madame,
de Madame Comteſſe d'Artois , &
deMadame Elifabeth de France.
( 61 )
LeComte de Caraman , Lieutenant gé
néral des Armées du Roi , que S. M. a
nommé Commandant en chef en Provence
, a eu , le 21 du mois dernier , Phonneur
de faire ſes remerciemens au Rơi .
Le ſieur Blin, Imprimeur en taille-douce,
a eu , le 27 du mois dernier , l'honneur de
préſenter au Roi la fixieme Livraiſon des
Portraits des grands Hommes , Femmes ifluſtres
, & ſujets mémorables , gravés & intprimés
en couleurs, dédiés au Roi (1 ) .
De Paris , le 10 Juillet.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 15
Juin 1787 , qui preſcrit les formalités à obſerver
dans la ville de Dunkerque , relativement
à l'exécution du Traité de commerce
conclu avec l'Angleterre.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 22
Juin 1787 , qui fixe l'établiſſement de quatre
nouveaux Hôpitaux pour la ville de Paris
, à khôpital Saint - Louis , à l'hôpital
Sainte-Anne , aux Hoſpitalieres de la Ro-
(1) Cet ouvrage ſe trouve chez le ſieur Blin , place
Maubert, no. 17 , vis- à vis la rue des Trois-Portes, Le
prix de chaque Livraiſon eſt de 8 liv. & de 9 liv. port
franc par la poſte, La fixieme renferme les portraits de
Catinat & de Henri de Lorraine , Comte de Harcourt ,
auxquels font joints la bataille de Stafarde , & un trait
d'humanité remarquable du Comte de Harcourt au firge
de Turin. Les notices&les eſtampes ſoutiennent la te
putation des précédentes,
( 62 )
quette , & à l'Abbaye royale de Sainte-
Périne à Chail or.
Lettres parentes du Roi , du 17 Juin
1787 , registrée en Parlement , le 19 def
dis mois & an , qui , par ſuite de ! Edit de
Mai denier , portant création de Six millions
de rentes viageres , affectent de préférence
le produit des Tailles au paiement
des artérages deſdites rentes viageres , &
ordonnent que les extinctions foient emploiées
annuellement à la diminution de
l'impôt de la Taille.
Déclaration du Roi, donnée à Versailles ,
le 27 Juin , & en exiſtrée en Patement le
28 , toutes les Chambres aſſemblées , les
Princes & Pairs y féant , pour la converfion
de la Corvée en une preſtat on en argent.
,
Nous avons précédemment or donné l'eſſai ,
pendant trois ans , de la converfon de la corvre
en nature pour la conſtruction & l'entre .
tien des grandes routes en use preſtarion en
argent. Nure intention dans cet effii , etoit de
nos affure encore davantage in voeu gin ral
de la N on en faveur de ce nouveau régime ,
-qui s'éto. éj de lui meme iuro uit
puffeur de no. Provinces Il ne peut d'us au .
jourthus nous roftr le mointe doute for la
préhence qu'il mérite , paitqu'il vien derunir
tou Is foff ges de Notables de
RyuLummee ,, we nous avions appelés auprès de
no pour nous éc afrer inde vérita Isané.
،
rêrs de no.
ans
orre
uples, en cont quence nous avons
réfota d'a' olir dès à préfe & pour jamais ,
la Corvée en nature , & de lui fubdituer une
!
( 63 )
3
Ample preſtation on contribution pécuniaire.
Les Aflemblés provincia es , créées par notre
Edit, registré le 22 de ce mois , vont être incelamment
et blies dans les diffrentes parties
dentre Royaume. Chargées ſous notre autorité
&surveillance , & fos l'in'pection de votre
Conteil , de tout ce qui regarde la confection
&des réparations des chemins royaux & des autres
ouvrages publics , ces affemblées nous propo
-ront , dès leurs pr mieres frances , les me
fures quil ur proîtront les plus avantageuſes ,
tanr our ces divers travaux eux- mêmes , que
pour la forme & le montat de l'impolirion qu'il
fera nécefaire d'y affecter , & qui ſe ort autorifes
pa Nous. Mais comme les Alſemblees provin
iales ne pourrots'occuper de ces différens
obiet que pour l'année 1788 , Nous croyons
indiſpont be de fire , pour l'année prétenre ,
plufieurs difpofitions , ſans lesquelles les chemins
ou autres ouvrages publics , ci devant entrepris
ou en retenus par le moyen de la cr
vée, épr uveroient des rerards & des déperintemens
également préjudiciables aux communicartons
du commerce & au bien généra de nos
ſujets.
Les articles de cette déclaration , font 1 °.A
l'avenir , & a commencer de la préſente année ,
tous ' es ' ravaux relatif tant a la confection qu'à
Tentreten dag an es routes & autres ouvrag s
pu lics en lépendans , feront ex cotés dans tout
le Royaume , au moien dune preſt non ou
contribution en arent , repréſentative de la
corve, que Nous avonstopprimée& fuppinens
par ces pr lentes.
2º Les Affemblées provinciales établi sor
nor Edt, rgiſtré le 22 de ce mois
àcommencer du ser. Janvier 1788 , chargées ,
3
1
( 64 )
Tous notre autorité & notre ſurveillance , de
zout ce qui concerne la contribution repréſentative
de la corvée , la confection & l'entretien
des chemins & grandes routes , chacune
dans le diſtrit & arrondiſſement qui leur ſeront
par nous fixés.
3°. A compter du jour de l'enregiſtrement
& publication des préſentes , juſqu'au prémier
Janvier 1788 , il ſera par Nous pourvu à tout
ce qui peut avoir rapport aux confections & en .
tretiens des grandes routes de notre royaume ,
au moyen d'une addition au brevet genéral de
la taille , dont la répartition ſera faite fans diftinction
ſur tous les ſujets taillables , ou tenus
dans la capitation roturiere , fans néanmoins que
ladite contribution additionnelle puiſſe excéder
lę fixieme de la taille , des impofitions acceffoires
, & de la capitation roturiere réunie pour
les biens taillables , non plus que les trois cinquiemes
de ladite capitation roturiere , par rapport
aux villes& communautés franches & abonnées
, ainſi que dans le pays de taille réelle .
4°. Les deniers provenans de la contribution
de chaque ville ou communauté feront , jufqu'audit
jour , ler. Janvier 1788 , & juſqu'à
ce qu'il en ait été par Nous autrement ordonné
ſur les demandes des Affemblées provinciales
, levés , en vertu d'un rôle ſéparé ,
par les mêmes Collecteurs chargés du recouvrement
des impoſitions ordinaires , lesquels
jouiront de fix deniers pour livre de taxations ,
pour leur tenir lieu & les indemnifer de
tous frais de confection de rôle & de perception
,& feront , les deniers provenans dudit
recouvrement , verſés directement des mains
deſdits Co'lecteurs dans celles des Entrepreneurs
& Adjudicataires pour la confection & Penaretien
des routes.
( 65 )
Editdu Roi , donné à Verſailles au mois
de Juin , & regiſtré en Parlement le 28 ,
portant fuppreffion du droit d'Ancrage fur
les naviresFrançois dans les ports du Royaume;
de celui de Leſtage & Déleſtage , &
autres ; des fix fols & huit fols pour livre
fur les droits attribués à l'Amiral de France ;
des quatre deniers pour livre ſur le produit
des ventes , &c. & qui ordonne qu'il fera
procédé à la liquidation des droits qui ſe
perçoivent ſur le commerce , la navigation
& la pêche nationale , ainſi qu'à la vérification
des ſalaires des Officiers des Amirautés
& autres frais de juſtice.
Réglement fait par le Roi , le 23 Juin
1787, fur la formation & la compofition
des Affemblées qui auront lieu dans la province
de Champagne , en vertu de l'Edit
portant création desAſſemblées provinciales.
Le Roi ayant , par fon Edit de ce mois ,
ordonné qu'il ſeroit inceſſamment établi dans
les provinces & généralités de ſon Royaume ,
differentes Aſſemblées , ſuivant la forme qui
ſera déterminée par Sa Majesté , Elle a réſolu
de faire connoître ſes intentions ſur la formation
& la compoſition de celles qui auront lieu
dans la province de Champagne. Les difpofitions
que Sa Majeſté a ſuivies , ſont généralement
conformes à l'eſprit qui a dirigé les délibérations
des Norables de fon Royaume ,
qu'Elle a appellés auprès d'Elle ; mais en les
adoptant, & malgré les avantages qu'Elle s'en
promet , Sa Majesté n'entend pas les regarder
comme irrévocablement déterminées : Elle fait
( 66 )
que les meilleures inſtitutions ne ſe perfectionnent
qu'avec le tems ; & comme il n'en eſt
point qui doive plus induer ſur le bonheur
de ſes ſujers que celle des Aſſemblés provinciales
, Elle ſe réſerve de faire à ces premiers
arrangemens , tous les changemens que l'expérience
lui fera juger nécellaires ; c'eſt en conſéquence
qu'elle a voulu que les premieres
Aflemblées ,dont Elle ordonne l'établiſſement ,
reſtent pendant trois ans , telles qu'elles ſe.
ront compofées pour la premere fors : ce délai
mettra Sa Majesté à portée de iuger des effers qu'elles auront produits , uits , & d'affurer ensuite la
confiſtance & la perfection qu'elles doivent
avoir : en conféquence Sa Majesté a ordonné &
ordonne ce qui ſuit :
L'adminiſtration de la province de Champagne
ſera diviſée en er is eſpeces d'Aſſemblées
différentes , une municipale , une d'election &
une provinciale.
L'Affemblée provinciale ſe tiendra dans la
villede hâlons-fur- Marne ; celle de l'élection ,
dans le chef lieu ; e fin les Ailembtes municipales
, dans les villes & les paroiffes qu'elles
repréſentent .
Elles teront élémentaires les unes des autres ,
dans ce ſens que les Membres de l'Aſſemblée
de a pro ince feront chofis parms ceux des
Affemblées d'életon ; & ceux ci preillement ,
parmi ceux qui composeront les Ailemblées municipales.
Files auront toutes leurs baſes conftitutives
dans ce dernier élément formé dans les villes &
paroiffes.
Aſſemblées Municipales.
ART. I. Dans toutes les communautés de
( 67 )
Champagne où il n'y a pas actuellementd'Afſemblée
municipate , il en fer formé une conformément
à ce qui va être preſcrit , Sa Majeſté
n'entendant pas changer pour le moment ,
la forme & l'adminiſtration des municipalités
établies.
2. L'ATembiée municipale qui aura lieu dans
les communautés de 'a province de Champagne
, où i n'y a point de municipalité établie ,
fera compoſte du Seigneur de la paroiſſe & du
Curé , qui en feront toujours partie , &de trois ,
fix ou neuf Membres choiſis par la communauté
; c'er dire , de trois , fi la communauté
contient moins de cert feux ; de fix , fi elle en
contientdeux cents ; &de neuf , ſi elle en contient
davant ge.
3. Lor qu'il y aura pluſieurs Seigneurs de
la même paroitſe , ils feront alternativement ,
& pour une année chacun , Membres de l'Afſemblée
municipale , en cas que la ſeigneurie
de la paroiſſe ſ it entr'eux également partagée;
fi au contraire la ſeigneurie eſt inégal--
ment partagée , ce'ui qui en poſſétera la moitié
fera de deux années une , Membre de ladite
Aſſemblée ; celui qui en poſſédera un tiers , de
trois années une ;& les autres qui en poffideront
une moindre partie , feront tenus d'en
choiſir un d'entr'eux pour les repréſenter ; &
pour faire ledit cho'x , chacun aura autant
de voix qu'il aura de portion de ſeigneurie .
4. Il y aura en outre dans leſdites Aflem lées ,
un Syndic qui aura voix délibérative , & qui
fera chargé de l'exécution des réſolutions qui
auront été délibérées par l'Aſſemblée & qui
n'auront pas été exécutées par elle.
5. Le Syndic & les Membres électifs de laditeAſſemblée
, feront élus par l'Affemblée de
toute la paroiffe convoquée à cet effet.
( 68 )
6. L'Aſſemblée de la paroiſſe ſera compofée
de tous ceux qui paieront dix livres & au deſſus ,
dans ladite paroiſſe , d'impoſition fonciere ou
perſonnelle , de quelqu'état & condition qu'ils
foient.
7. Ladite Aſſemblée paroiſſiale ſe tiendra cette
année le premier Dimanche d'Août , & les années
ſuivantes , le premier Dimanche d'Octobre ,
à l'iſſue des vêpres .
8. Cette Aſſemblée paroiſſiale ſera préſidéo.
par le Syndic , le Seigneur & le Curé n'y aſſiſteront
pas.
9. Le Syndic recueillera les voix , & celui
qui en réunira le plus , ſera le premier élu Membre
de l'Affemblée municipale , & il ſera de
même procédé ſucceſſivement à l'élection des
autres .
10. Ces élections , & toutes celles qui feront
mentionnées dans le préſent Réglement , ſe fe
ront par la voie du ſcrutin .
II . Toute perſonne noble ou non noble ayant
vingt-cinq ans accomplis , étant domiciliée dans
la paroiſſe au moins depuis un an , & payant au
moins trente livres d'impoſitions foncieres ou
perſonnelles , pourra être élu Membre de l'Afſemblée
municipale.
12. Chaque année , après les trois premieres
années révolues , un tiers des Membres choiſis
par l'Aſſemblée municipale ſe retirera , & fera
remplacé par un autre tiers nommé par l'Affem .
blée paroiffiale ; le ſort décidera les deux premieres
années , de ceux qui voudront ſe retirer , enfuite
l'ancienneté .
13. Nul membre del' Aſſemblée municipale ne
pourra être réélu qu'après deux ans d'intervalle.
Le Syndic ſera élu tous les trois ans , & pourra
être continué neuf ans , mais toujours par une
nouvelle életion.
( 69 )
:
14. Le Seigneur préſidera l'Aſſemblée munia
cipale; en ſon abfence le Syndic. Le Seigneur
qui ne ſe trouvera pas à l'Aſſemblée , pourra
s'y faire repréſenter par un fondé de procuration
qui ſe place a à la droite du Préſident ; les Corps
Jaïcs cu eccléſiaſtiques qui ſeront Seigneurs , ſeront
repréſentés de même par un fondé de procus
ration.
15. Le Curé fiégera à la gauche du Préfi
dent , & le Syndic à la droite , quand il ne
préſidera pas ; les autres Membres de l'Aſſemblée
fiégeront entr'eux , ſuivant la date de leur
élection.
16. L'Aſſemblée municipale élira un Greffier
qui ſera auffi celui de l'Aſſemblée paroiſſiale ;
il pourra être révoqué à volonté par l'Aſſemblée
municipale.
Assemblée d'Election .
ART. 1. La généralité de Champagne étant
partagée en douze élections , il ſera établi dans
chacune une Aſſemblée particuliere .
2. Nul ne pourra être de ces Affemblées , s'il
n'a été Membre d'une Aſſemblée municipale ,
foitde droit comme le Seigneur eccléſiaſtique
ou laïc & le Curé , ſoit par élection comme
ceux qui auront été choiſis par les Aſſemblées
paroiffiales . Les premiers repréſenteront leClergé
&laNoblefle, les autres le tiers-Etar.
3. Dans les villes ou paroiſſes dans lesquelles
il y a des municipalités établies , les Députés
deſdites villes ou paroiſſes aux Aſſembléés d'élection,
feront pris dans les Membres de ladite
municipalité , ainſi que parmi les Seigneurs &
Curés deſdites villes & paroiſſes , & ce juſqu'à ce
qu'il en ait été autrement ordonné.
4. Les fondés de procuration des Seigneurs
laïcs à une Aiſemblée municipale , pourront
( 70 )
auſſi , ſi le Seigneur qu'ils repréſentent n'eſt pas
lui meme de l'Aflemblée d'élection , & un ſeul
pour chaque Seigneur, quand même il auroit
pluſieurs teigneuries , être nommés pour y alfitter
pourvu qu'ils folent nobles , & qu'ils pofledent
au moins mille livres de revenu dans l'élect.
on.
5. Lorſqu'une ſeigneurie ſera poſſédée par des
Corps & Communautés , un des Membres defditsCorps
& Communautés , pourvu qu'it ſoit
noble ou eccléſiaſtique , pourra à ce titre être
Membre deſdites Alemblées d'élection fans
néanmoins que le même Corps puille avoir plus
d'un Député à la même Affemblée.
,
6. Leſdites Aſſemblées teront compoſées de
vingt- quatre perſonnes , dont douze priſes en
nombre égal parmi les Eccléſiaſtiques & les Seigneurs
laïcs ou Gentilshommes les repréſentans ,
&douze parmi les Députés des villes & des paroiffes
.
7. Ces vingt quatre perſonnes feront priſes
dans fix arrondiſſemens , ent e leſqueis chaque
élection ſera diviſee , & qui enverront chacune
à l'Aſſemblée , ainſi qu'il tera dit ci- après , quatre
Députés; & ſera cette diviſion faite par la premiere
Affemblée d'élection .
8. La premiere Affemblée d'élection ſetiendra
au jour qui ſera indiqué par les perſonnes
quenous nommerons ci - après , pour former l'AG
ſemblés provinciale.
9. Les mêmes perſonnes nommeront la moitié
des Membres de ceux qui doivent compoſer
l'Affemblée d'élection , & ceux -ci ſe completteront
au nombre qui est ci-deſſus exprimé.
10. Quand les Aſſemblées d'élection feront
formées, elles reiteront compoſées des mêmes
perſonnes pendant les ames 1788 , 1789
& 1790.
( 71 )
n'ef
ilan
ar
de
fot
25
plas
ef
1-
,
11. Ce tems expire , les Aſſemblées ſe régénéreront
en la forme ſuivante :
Un quart fortira chaque année par le fort ;
en 1791 , 1792 & 1793 , & après ſuivant l'ancienneté
, de maniere néamoins que par année
il torte toujours un Membre de chaque arrondiſſement.
Pour remplacer ceni qui ſortira , il ſe formera
une Affemb ée repréſentative des paroiffes
de chaque arrondiſſement.
Cette Aflemblée ſera compoſée des Seigneurs,'
des Curés & des Syndics deſdites paroiiſes , &
de deux Députés pris dans l'Aflemblée municipal
, & choiſis à cet effet par l'Aſſemblée
paroiſſiale.
Ces cinq Députés ſe rendront au lieu où ſe
tiendra l'Aſſemblée d'arrondiſſement , & qui ſera
déterminé par l'Aſſemblée d'élection , & As eliront
le Député à l'Affemblée d'élection , dans
le même ordre que celui qui ſera dans le cas d'en
fortir.
Cette Aſſemblée d'arrondiſſement ſera préſidée
alternativement par celui des Seigneurs eccléſiaſtiques
ou laïcs qui devra fiéger le premier,
'ſuivant I ordre ci- après établi.
En cas d'ablence de Seigneur , la préſidence
ſera dévolue au Syndic le plus anciennement élu ,
& en cas d'égalité dans l'élection , au plus ancien
d'âge.
0
12. En cas qu'il ne ſe trouve pas de Seigneur,
ni même de perſonne fondée de la procuration
des Seigneurs , qui puiffe être députée à
l'Affemblée d'élection , il ſera ibre d'en choiſir
dans un autre arrondiffement , mais de la meme
élection .
13. La compoſition des Aſſemblées d'élection
ſera tellement ordonnée , que les Membres du
( 72 )
, Clergé& de la Nobleffe ou dutiers-Erat, feront,
le moins qu'il fera poſſible , tirées de la
même paroiffe , & la paroiffe dont ſera celui
qui fortira de l'Aſſemblée , ne pourra pas en
fournir du même ordre , qu'après un an au moins
révolu.
14. Les Députés des paroiſſes ſeront , autant
qu'il ſe pourra , toujours pris moitié dans
les villes & moitié dans les paroiffes de campagne.
15. La préſiience ſera dévolue à un Membre
du Clergé ou de la Nobleſſe indifféremment ;
ce Préfident ſera nommé la premiere fois par
Sa Majetté ; il reſtera quatre ans Préſident ,
après quoi , & tous les quatre ans , le Roi choifira
celui que Sa Majeſté jugera convenable
entre deux Membres du Clergé & deux de la
Nobleſſe qui lui auront été propoſés par l'Alſemblée
, après avoir réuni la pluralité des fuffrages.
16. L'ordre des ſéances ſera tel que les Eccléfiaftiques
feront à droite du Préfient , les Seigneurs
laïcs à gauche , & les repréſentans le
tiersEat en face.
17. En l'absence du Préſident , l'Aſſemblée ,
s'il eſt eccléſiaſtique , ſera préſidée par le premier
des Seigneurs laïcs , & s'il eſt laïc , par le
premier des eccléſiaſtiques.
18. Les Eccléſiaſtiques garderont entr'eux
l'ordre accoutumé dans leurs féances.
19. Les Seigneurs laics fiégeront ſuivant l'ancienneté
de leur admiffion & l'âge décidera
entre ceux qui feront admis le même jour.
,
20. Les ſéances entre le tiers-Etat , feront
fuivant l'ordre des paroiſſes qui ſera déterminé
d'après leur contribution.
21. Les voix feront priſes par tête , &de
maniere
( 73 )
,
&
maniere qu'on prendra la voix d'un Eccléſiaſtique,
enfuite celle d'un Seigneur laïc , enſuite
une voix du Tiers , & ainſi de ſuite juſqu'à
la fin. Le Préſident opinera le dernier
aura voix prépondérante en cas de partage.
Ce qui eſt dit du Préſident de cette Affemblée
, aura lieu pour toutes les Aſſemblées ou
commiffions dont il eſt queſtion dans le préſent
Reglement.
22. Leſdites Aſſemblées d'élection auront deux
Syndics , un pris parmi les repréſentansdu Clergé
&de la Nobleffe , & l'autre parmi les repréſentans
du Tiers. Les deux Syndics ſeront trois
ans en place , & pourront être continués pendant
neuf années , mais toujours par une nouvelle
élection , après trois ans accomplis , & de
maniere cependant que les deux ne foient pas
changés àla fois.
23. Il y aura de plus un Greffier qui fera
nommé par l'Afſemblée , & révocable à ſa volonté.
24. Pendant l'intervalle des Aſſemblées d'élection,
il y aura une commiffion intermédiaire,
compoſée d'un Membre du Clergé , d'un de la
Nobleſſe , & de deux du tiers Etat , qui , avec
les Syndics , ſeront chargés de toutes les affaires
que l'Affemblée leur aura confiées .
Le Greffier de l'Affemblée ſera auſſi le
25.
Greffier de cette commiſſion interm diaire.
26. Le Préfident de l'Alemblée d'élection préfidera
auſſi , quand il ſera préſent , cette commilion
intermédiaire.
27. En fon abſence , elle fera préſidée par
celui des repréſentans du Clergé & de la Nobleffe
, qui fera nommée de ladite commiffion ,
& ce, ſuivant que le Préſident ſera de l'ordre du
Nº. 29 , 14 Juillet 1787 .
d
( 74 )
6
Clergé& de la Nobleſſe , ainſi qu'il a été dit cia
deflus.
28. Les Membres de ladite commiſſion ſeront
élus par l'Aſſemblée ; les premiers reſteront les
mêmes pendant trois ans , après leſquels un
fortira chaque année , d'abord par le fort , enſuite
par ancienneté , & fera remplacé dans ſon
ordre par l'Aſſemblée .
29. Ladite commiſſion intermédiaire rendra
compte à l'Aſſemblée , par l'organe des Syndics ,
de tout ce qui aura été fait par elle dans le cours
de l'année.
Assemblées Provinciales.
ART . 1. L'Aſſemblée provinciale de Champagne
, ſe tiendra pour la premiere fois , le 4 du
mois d'Août .
2. Elle fera compoſée du ſieur Archevêque
de Reims , que Sa Majesté a nommé Préſident ,
&des vingt-trois perſonnes qu'Elle ſe propoſe
de nommer à cet effet , & qui ſeront priſes ,
ſavoir , cinq parmi les Eccléſiaſtiques , fix parmi
les Seigneurs laïcs , & douze pour la repréſentation
du tiers-Etat.
3. Le ſieur Archevêque de Reims & les autres
perſonnes nommées dans l'article précédent ,
nommeront vingt-quatre autres perſonnes , pour
former le nombre de quarante- huit , dont ladite
Aſſemblée ſera compoſée.
4. Ils nommeront pareillement les onze
perſonnes qui , avec le Préſident que le Roi
Aura nommé , commenceront à former les Afſemblées
d'élection , qui doivent enſuite nommer
les autres Membres deſdites Aſſemblées .
5. Ils nommeront pareillement deux Syndics ;
un ſera pris parmi les repréſentans du Clergé
& de la Nobleffe , & l'autre parmi les repré
fentans du tiers-Etat, & un Greffier.
( 75 )
6. Ils nommeront auſſi une commiſſion intermédiaire
, compoſée du Préſident de l'Alſemblée
, des deux Syndics , d'un Membre du
Clergé , d'un de la Nobleffe , & de deux du tiers-
Etat.
7. Des quarante- huit Membres dont ſera
compoſée l'Aſſemblée provinciale , vingt- quatre
feront Eccleſiaſtiques & Seigneurs laics ou
Gentilshommes les repréſentans ; les uns &
les autres en nombre égal , & vingt-quatre pris
dans les Députés des villes & des paroiſſes , &
de maniere que quatre ſoient toujours pris dans
chaque élection , & que dans ces quatre , il y
en ait toujours un du Clergé , un de la Nobleſſe&
deux du tiers-Etat .
8. Parmi les Menibres de ladite Aſſemblée , il
ne pourrra jamais s'en trouver deux de la même
paroiffe.
9. La premiere formation faite reſtera fixe
pendant les trois premieres années ; & ce terme
expiré, l'Aſſemblée ſera régénérée par le procédé
ſuivant .
10. Un quart ſe retirera par le ſort en 1791 ;
1792 & 1793 , & enſuite par ancienneté : ce
quart qui ſe retirera chaque année , ſera tellement
diftribué entre les élections , qu'il forte
un Député de chaque élection , & de Député
qui ſortira ſera remplacé dans ſon ordre par
un autre de la meme élection , & nommé à ect
effet par l'Aſſemblée d'élection .
11. Celui qui aura été élu par l'Aſſemblée
d'élection pour aſſiſter à l'Aſſemblée provinciale ,
pourra reſter Membre de l'Aſſemblée d'életion ,
& ainſi être tout-à- la- fois ou n'être pas partie
des deux Aſſemblées ; mais les Membres de
la commiſſion intermédiaire des Afſemblées
d'élection , ne pourront être Membres de la
:
d2
( 76 )
1
commiffion intermédiaire de l'Aſſemblée provinciale.
12. Tout Membre de l'Aſſemblée provinciale
qui aura ceſſé d'en être , pourra être réélu , après
toutefois qu'il aura été une année Membre de
Affemblée d'élection,
13. En cas qu'un Membre de l'Aſſemblée
provinciale meure ou ſe retire avant que fon
temps ſoit expiré , il ſera remplacé dans ſon
ordse par Affemblée d'élection , & celui qui
le remplacera , ne fera que remplir le temps
qui reſtoit à parcourir à celui qu'il aura remplacé.
14. Le Préſident de l'Afſſemblée provinciale
reſtera quatre ans Préſident.
15. Ce terme expiré , le Roi nommera un
autre Préſident , pris parmi quatre des Préfidens
des élections , dont deux du Clergé & deux
de la Nobleffe , qui lui ſeront préſentés par l'AfС-
ſemblée provinciale .
16. Ce qui a été dit des élections , des rangs ,
ainſi que des Syndics ,des Greffiers & de la coinmiſſion
intermediaire , pour les Aſſemb'ées d'élection
, aura également lieu pour les rangs , les
Syndics , les Greffiers , & la commiffion intermédiaire
de l'Aſſemblée provinciale.
17. Les Affemblées municipales d'élections ,
ainſi que les commiſſions intermédiaires qui
en dépendent , ſeront foumiles & fubordonnées
à l'Aſſemblée provinciale & à la commißion
intermédiaire qui la repréſentera , ainſi qu'il
fera plus amplement déterminé par la Majuté.
18. Sa Majefté ſe réſerve pareillement de
déterminer d'une maniere particuliere , les fonctions
de ces diverſes Afiemblées , & leur re-
Jacion avec le Commiſſaire départi dans la
) ל (
dise province' ; Elle entend qu'en attendant
qu'Elle ſe ſoit plus amplement explique , las
réglemens faits par Elle à ce ſujet , pour l'ACſemblée
provinciale du Berry , foient provi
fionellement ſuivis , ainſi qu'ils se comportent
, &c. &c.
Le vaiſſeau de la Compagnie des Indes ,
le Mirofmenila eſt arrivé du Bengale à l'Orient,
avec une riche cargaifon .
M. le Maréchal Prince de Rohan Sou
bife , Ministre d'Etat ,& dernier mâle de fa
branche , eſt mort içi le 4Juillet , à la ſuite
d'une apoplexie , âgé de 72 ans. Il laiſſe vacans
le Gouvernement de Flandres , ceux
particuliers des vile & citadelle de Lille,
&la place de Capitaine- Lieutenant des
Gendarmes de la Garde de S. M.
Le 11 du courant , le feu a pris dans une
>> ferme conſidérable , nommée le Val, Pa-
>> roiſſe de Naſſandre , en Normandie. L'at-
>> moſphere étoit chaud & brûlant. Dans
>>>l'eſpace de deux heures le feu a confumé
>> cent quatre-vingt-dix pieds de bâtiment.
>> Le fermier , qui ſe nomme Charles Lepe-
>> teur , a tout perdu , & s'eſt trouvé dénué
>>de tout avec ſept jeunes enfans & une
>> femme, accouchée depuis trois jours , de
>> deux filles qu'elle allaite. Il avoit dix-huit
>> à vingt tonneaux de cidre.Tout le bled
>>>de ſa récolte , les fourrages néceſſaires
>>pour la nourriture de ſes beſtiaux , tout a
>>été la proie des flammes ; de maniere
qu'il eſt réduit à la derniere miſere: Un
d 3
( 78 )
>>> événement auſſi malheureux est bien ca-
>>pable d'intéreſſer la compaſſion des ames
>>> ſenſibles. Ce fermier ſe recommande à
>>leur générofité. Elles pourront s'adreſſer
>>>à M. le Curé de Naſſandre , paroiſſe de
>>> la Riviere -Thibouville.
« Le 13 de Juin , entre 3 & 4 heures après-
>> midi , Il s'éleva un orage conſidérable à Mou-
>> zon en Lorraine. Le ſecond coup de tonnerre,
qui éclata avec fracas , renverſa 4 perſonnes
dans un tambour ſervant de veſtibule & d'en-
>> trée à la maiſon iſolée de Paul Léger , Jardinier,
> ſur le chemin qui conduit de la ville au faux-
> bourg de Mouzon ; 3 de ces perſonnes étoient
>> fes filles , âgées de 14 , 10 & 4 ans ou environ ;
la quatrième , âgée d'environ 30 ans , eſt la
>> femme d'Albert Lannoy , autre Jardinier du
- même fauxbourg. La plus jeune des filles a été
→ étourdie du coup , & eſt morte dans l'eſpace de
10 à 12 minutes . Les trois autres perſonnes ont
> été engourdies , & n'ont pu ſe re'ever que
>>>quelques momens après elles diſent n'avoir
rien vu qu'une fumée épaiſſe dans la maison ,
qui a laiſſé pendant long temps un goût fem-
>> blable à celui d'herbes fortes ou aromatiques
>> brûlées.
>>>Le cadavre de la petite fille avoit ſur l'omo-
>> platte gauche une petite cicatrice rouge de la
>>longueur d'un grain d'avoine , qui ne préſentoit
> qu'une égratignure légere à la peau ; mais au-
>> deſſous , depuis l'omoplatte juſqu'à la hanche ,
>>>& le long de l'échine , toute cette partie étoit
>> remplie de taches noires & d'un jaune verdâtre,
>> provenant de l'effet d'une forte preſſion ou con-
>>tufion.
» La vaiſſelle d'étain , placée ſur un buffet dans
( 79 )
>> la même chambre , a été frappée avec fufion
>> ſur les deux côtés , c'eſt-à dire , en-deſſus &
>> deſſous & en différens endroits , de la largeur
>> d'une groſſe lentille plus ou moins grande , en-
>>vironnée d'une couleur noire & fulphureuſe ,
>>>telle que la poudre à canon.
Une perſonne du Dauphiné , émue de
compaffion envers les pauvres qui ont des
droits & des prétentions à diſcuter en Juftice
, a deſtiné les revenus d'une fomme
conſidérable , à entretenir un comité de
quatre gens d'affaires , éclairés , laborieux
& d'une délicateſſe reconnue , qui ſe chargeront
d'examiner les procès de tous les
indigens , ( bien certifiés pour tels , ) de les
leur terminer par des voies pacifiques , &
de les foutenir lorſque leurs moyens de
conciliation feront rejettés par les adverfaires.
On donne avis de Bordeaux , aux navigateurs
, qu'on a apperçu vers Rochebrune
àdix lieues en mer , au milieu des courans
formés par les côtes d'Oleron & la Gironde
, le bout d'un mât qui s'éleve environ 5
pieds au deſſus du niveau des flots à haute
marée. La violence des vents qui entraînoient
à l'ouest , a empêché d'en approcher
plus près que d'une portée de fuil ; mais
enjettant la fonde à cette diſtance , on ya
trouvé 40 braſſes d'eau. Tout fait préſumer
que c'eſt quelque gros navire ſubmergé ,
qui peut former un nouvel écueil .
d 4
( 80 )
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 7 Fuillet.
Quoiqu'il foit difficile de fixer les ſuites
des événemens qui ont eu , & qui ont lieu
encore journellenent dans nos Provinces ,
il ne l'eſt pas d'apprécier l'extrême prudence
du Gouvernement dans ces circonfiances ;
prudence qui rend encore plus repréhentibles
les excès maladroits qu'on ſe permet
en divers lieux. On pourra juger combien
is font indifcrets & dangereux , par la lettre
pleine de ſageſſe que le Prince de Kaunitz
a écrite à LL.. AA. RR. , le 18 Jun
dern'er , & que celles-ci ont rendue pub ique.
En voici la teneur :
MADAME & MONSEIGNEUR ,
La derniere dépêche que V. A. R. m'ont fait
l'honneur de m'écrire par le Courier Strens , m'a
été bien rendue la nuit du 15 ou 16 ; & com
me ellesn'ignorent pas le vif intérêt que j'ai toujours
pris au bien être des Pays - Bas , depuis
que j'ai eu l'honneur d'être préposé à leurGouvernement
, elles imagineront fans peine , com
bienj'ai dû être affecté de la continuation de l'état
des choſes dans ce pays-là , bien facheux déjà
actuellement , & dont je craindrois très-fort les
fuites , fi je ne me fondois encore fur l'ancienne
connoitfance que j'ai de la loyauté , du bon
eſprit&de la ſageſſe de la Nation , que nonſeulement
elle neſe laiſſera aller à aucunes démarches
ultérieures capables d'empirer le mal &de
( 81 )
Rendre les remedes plus difficiles . J'eſpere qu'elle
attendra tranquillement le moment auquel l'Empereur
peut faire parvenir à¡V. A. R. ſes ſous
veraines intentions ſur la ſuite des relations , qui
m'ont étéadreſſées depuis le commencement du
mois de Mai dernier , que je n'ai pas manqué de
faire paſſer conftamment à S. M. & dont le retard
n'a rien d'étonnant & encore moins d'inquietant
lorſque l'on confidere qu'il n'y a à peuprès
que quatre ſemaines que les premieres ont
pu lui être rendues , que la progreffion des nouvelles
ſucceſlives n'admettoit pas une réfolution
finale , avant que les choſes ne fuffent parvenues
àun état de ſtabilité que conque ; & que l'immenſe
diſtance des lieux dans lesquels s'eft
trouvé depuis lors & ſe trouve encore Sa Majefté,
mettoit un obſtacle phyſique à plus de
célérité.
Je defirerois donc qu'avant tout , la Nation
commençat à ſe tranquiliſer ſur ledélaides réſo-
Jutions de S. M. En peſant les circonstances ,
dont je cro's de bonne foi , qu'elle le peut &
qu'elle le doit, parce que je connois aſſez la
rectitude des intentions de S. M.pour Etre perſuadée
, que n'ayant voulu certainement que le
bien, elle conſentira à ce qu'il ſe faſſe de la
façon qui pourra être la plus agréable auxEtats
&aux peuples de ces Provinces - Belgiques ;
qu'elle écoutera avec bonté ce que l'on jugera
pouvoir lui propoſer ; qu'elle concertera volonziers
avec les Etats de ces Provinces tout ce
qui pourra tendre à cette fin ; ainſi je ſuis
perfuadé qu'en attendant,elle daignera ratifier
nommément la Déclaration que V. A. R. ont
donnée aux Etats de Brabant , en date du 30
Mai dernir , & laiſſer juſques là, toutes choſes
fur le pieddede ladite Déclaration. Les chofesace
ds
( 82 )
tuellement dans cet état , il me semble que nonſeulement
ondevroit être tranquille , mais même
faire rentrer toutes choſes ſans exception dans
leur ordre naturel ; pour prouver par-là , à Sa
Majesté , de la part des Etats , une rectitude
réciproque d'intentions de confiance & de bonne
volonté.
Par ce que je viens d'avoir l'honneur de dire à
V. A. R. , je leur ai dit ſans réſerve , ce que je
crois & ce que je déſire pour le bien d'un pays
&d'une Nation que j'aime , & à laquelle j'ai
rendu toujours , je rends actuellement & continuerai
avec plaiſir , à rendre auſſi par la ſuite ,
tous les bons offices qui pourront dépendre de
moi : Suppoſé toutefois , que d'ici à l'arrivée
des réſolutions finales de S. M. , dont il n'eft
guere poſſible de ſe flatter avant ſon retour , on
Tuivemes conſeils& on ſe conduiſe en conféquence.
Je ſuis perfuadé en même-temps , que l'Empereur
donnera à V. A. R. les pleins- pouvoirs
néceſſaires à un arrangement convenable avec
ſesfidelesEtatsdes Pays-Bas : pourvu qu'à ſon retour
, il y trouve les choſes dans un état qui
puiſſe le lui permettre : & comme je fais que
S. M. n'a point fait venir dans ce pays-ci , le
Négociant de Hondt , pourle ſouſtraire àſon Juge
naturel , mais ſeulement parce que la confrontation
avec ſon Principal a paru néceſſaire ,
j'ai pris ſur moi de le faire remettre en liberté ,
&de le renvoyer à Bruxelles pour y être jugé
, comme je m'en flatte , avec impartialité ,
d'après les Actes judiciaires qui ſeront envoyés
d'ici au plutôt , au Gouvernement des Pays Bas.
J'ai appris avec bien de la fatisfaction , la confrance
dont V. A. R. me mandent que m'honore
encore la bonne Nation Belgique. Je ſupplie
Vos Alteſſes Royales d'en faire témoigner ma
( 83 )
reconnoiſſance à tous ceux quiveulent bien penfer
à moi ; & j'ai l'honneur d'être avec le plus
profond reſpect .
,
Signé KAUNITZ . R.
Ala date de cette lettre , comme on peut
l'obſerver , les ſcenes d'Anvers , de Lierre ,
de Malines , &c. ſcenes dont , pour de bonnes
raiſons nous n'avons pas rapporté
la dixieme partie , étoient encore à venir.
Antérieurement à cette miſſive du Prince
de Kaunitz , les Etats de Brabant ont
envoié à ce Chancelier d'Etat des repréſentations
, accompagnées de lalettre ſuivante:
MONSEIGNEUR ,
Nous prenons la liberté reſpectueuſe de ſoumettre
à la protection de V. A. , nos humbles
-remontrances à la perſonne ſacrée de l'Empereur.
En qui pourrions- nous mieux placer nos
eſpérances que dans un Miniſtre qui depuis longtemps
préſide avec une divine ſageſſe au deſtinde
la Monarchie ? c'eſt à vous , Monſeigneur , qu'il
a été réſervé d'aſſurer les Pays Bas à l'Autriche ,
par l'habileté de vos négociations ; c'eſt encore à
V.A. qu'il eſt réſervé de diffiper les nuages élevés
fur notre bonheur.
Daignez , Monſeigneur , préſenter , appuyer
nos remontrances avec la prudence conſommée
quivous eſt ſi particuliere. Que V. A. veuille porter
aux pieds du trône la candeur , & les motifs
de nos démarches , dictées uniquement par la
perfuafion intime , que le nouveau tyſtême eft
auſſi deſtructif des intérêts de S. M que du bien
*deſes peuples Belgiques , dictées par notre amour
héréditaire , par notre attachement inviolablé à
notte auguſte Monarque.
d 6
( 84 )
C'eſt dans la pureté de ces fentimens que nous
attendons de l'interceffion de V. A. , que S. M.
daignera confirmer a déclaration des Sérén flimes
Gouverneurs-Ginéraux du 30 Mai , & munir
IL. AA. RR. des pleins pouvoirs néceſſaires à
Pexécution .
Dans cet inſtant daignez , Monſeigneur ,
faire fentir au Souverain que ce ne ſont pas nos
Joix fondamenta'es fi ſimples , ſi juſtes , qu'il
Saur accuſer d'abus , uniquement provoqués par
la fuite naturelle de l'inobery tion des regles
Tagement établies , & fur-tout de l'arbitraire qui
*ſe gliffe dans les reſſorts d'un gouvernement
arbitraire.
C'eſt ce même arbitraire qui a été cauſe ,
Monseigneur , que des hommes ſans talens,
tenant aux claſſes les plus iles , ne jouiſſant
d'aucune confance , ont occupé les places les
plus importantes contre l'opinion générale; les
défaſtres que 'eur mathabileté a excitées,indiqueroient
ſeuls la néceſſi é de les mettre hors d'état
de nuire davantage au bien p.blic .
Nous proteſtons bien fincerement que nous ne
fommes conduits par aucun ſentiment de perſonnalité
: ce qui nous conduit , c'eſt le ſervice
de S. M. c'eſt le cri unanime de la nation .
Daignez donc , Monseigneur , apérer lebien
que nous attendons autant de la profondeur de
vos lumières , que de votre affection pour un
pays qui a eu le bonheur d'être gouverné par
yous , dont vous connoiſſez parfaitement les insérêts
, comme le caractere national de ſes ha-
Ditans.
Que V. A. veuille accepter nos voeux pour
ſa précieuſe conſervation , avec l'hommage de
la plus juſte reconnoiffance des bienfaits que
( 85 )
quenous
ueS
Maires
pasnes
éspar
regts
mess
fe,
و
fant
les
les

no
e
e
1
2
nousavons reçu & partagés avectantde millions
d'hommes, fous votre miniftere.
Les Prélats , &c.
Du 22Juin .
Il ſe fo me ici , pour préferver la ville des
Seditions , un corps de 1206 Volontaires , en
habt noir , culotte jaune , veſte écarlatre.
*200 homines font des patrouilles jour &
nuit , & affurent la tranquillité.
SA. R. Madame la Princeſſe d'Orange
avoit pris la réſolution courageuſe de te
ren're àlaHaye, ſeale, fans autre eſcorte
que deux Chambellans & une Dame d'honne
r. Elle étoit en effet partie d'Amersfoot
avec MM. les Comtes de Bentinck
l'aîné , & de Rendwyck, lorſqu elle a
été arrêtée le 29 par un parti d'auxiliaires
bourgeois,à Haftrecht à uneleue de Gouda.
la Commiſſion Houlandoiſe , cantonnée à
Woerden , a empêhée S. A. R. de paſſer
outre , & la inctée à se rendre à Woerden
même , domicile de cette Commiffion.
S. A. R. s'érant refufe à certe demande ,
s'est rendue à Leerdam , terre de la maison
dOrange , entre Schoonoven & Gorcum ,
d'où elle eſt repartie le 30 , pour retourner
à Nimegue , où elle eft arrivée le même
jour, dans la ſoirée.
Ce événement a donné lieu à une affem--
blée ex rão dinaire des Etats Généraux , du
Conſe'l d'Erat , des Erats de Hollande , &
de leur Conſeil Comitté. Les Etats-Gonéraux
ſe ſont encore raſſemblés le lendemain
à l'extraordinaire , & ont pris, dit la Ga(
86 )
zette d'Amſterdam, » la réſolution de ſom-
>> mer les Etats de Hollande de faciliter à
> S. A. R ſon arrivée à la Haye , menaçant
>>leſdits Etats des ſuites les plus fâcheuſes ,
>> en cas de refus .
M. Fagel , Greffier des Etats Généraux ,
a remis à L. H. P. une lettre de S. A. R. ,
conçue en ces termes .
« Le cas fingulier où je me trouve aujourd'hui,
m'a fait écrire la Lettre ci - jointe à M. le
>> Conſeiller - Penſionnaire de Hollande , dans
>>>laquelleje lui fais connoître les motifs de mon
>> voyage , & je le prie de les mettre ſous les
>> yeux de Leurs Nobles & Grandes Puiſſances.
» J'ai cru en même tems de mon devoir ,
>>>de vous en donner connoiſſance , pour vous
>> mettre en état d'en inſtruire LL. HH . PP. foit
>> au Comité ou à l'Aſſemblée générale , comme
vous le trouverez le plus convenable. Je
» n'entrerai en aucunes réflexions ſur cet événement.
Quiconque me connoît , comprendra
>> facilement , combienje dois être touchée d'un
incident fi contraire à mes ſentimens & à mes
>> deſſeins ; mais j'eſpere d'être bien- tôt en état
de poursuivre ces derniers avec tout le zele & la
>> fidélité qu'exigent de moi les vrais intérêts de la
>> patrie & de ma Maiſon , l'affermiſſement de
>> la Conſtitution & le rétabliſſement du repos
>> public. C'eſt avec ces sentimens que je me
» dis , &c. »
Signé , WILHELMINA .
Schoonhoven , le 28 Juin 1787.
La lettre de S. A. R. au Grand-Penſionnaire
de la province de Hollande , porte ;
<<<Leſouhait le plus ardent de mon coeur , dans
( 87 )
>>l>e moment dangereux où se trouve laRépubli
>> que,& où le Pr. Stathouder eſt empêchéde venir
>> lui même à la Haye , eſt de contribuer par mon
>>>>intervention , s'il étoit poſſible , à prévenirune
guerre civile imminente , & à terminer les différends
(ur les fondemens de la Conſtitution
établie . Voilà les ſeuls motifs de mon
>> voyage vers la Haye , que j'eſpérois devoir
>> reſter ſecret juſqu'à mon arrivée à la maiſon
>> du Bois , d'où j'aurois communiqué mon
but à Leurs Hautes & Grandes Puiſſances ,
>> comme auffi aux Etats- Généraux. Je n'aurois
jamais cru voir échouer ce deſſein ſalu-
>> taire , avant que je fuſſe miſe en état d'employer
tous mes efforts a cet égard. Vous ſe-
>> rez informé , Monfieur , que je ſuis empêchée
-de continuermon voyage : néanmoins j'eſpere
que ce retard ne mettra point la choſe hors
* d'effet', mais j'ai cru néceſſaire de vous donner,
>>>connoiſſance des vrais motifs de mon voyage
➤ en Hollande ,vous priant de les porter ſous les
> yeux de LL. NN. & GG. PP . & fuis , & c.
Signé , WILHELMINA .
Schoonhoven , le 28 Juin 1787.
Le Chevalier Harris , Miniſtre d'Angleterre
, & M. de Thulemeyer , Envoyé
de Pruſſe , ont envoié dès le lendemain
un Expres à leurs Cours reſpectives ,
pour les inſtruire de cet événement.
Les Etats de Hollande ont approuvé la
conduite du Comité de défenſe , ſiégeant à
Woerden , en renvoyant les plaintes de
S. A. R. & des Erats Généraux aux délibérations
de lears Commettans. Cette rélolu(
88 )
tion a été rejettée par l'Ordre Equefire , &
par es villes de Delfi , de la Brille , de Horn ,
Enckruisen , Gorcum , Edam , & Medenblick ,
qui ayant coté précédemment contre laformation
même de ce Comité de défenſe ,
ont à plus forte raiſon proceſté contre ſa
derniere démarche.
Le jour même de ceste délibération , ( 29
Juin ) le Stathouder a écrit d'Amersfoort ,
aux Etats-Généraux , une lettre où il les
inſtruit de la detention de S. A. R. , & qu'il
termine par ces mots : « V. H. P. coopé e-
>>ront ſans doute à réparer l'affront fa tà la
>>perſonne de mon épouse , & je me flatte
>> que les Maiſons Royales auxquelles nous
>>>ſommes alliés par le ſang , ne reſteront
>>pas ind.fférentes à un traitement autli vio-
>> lent » .
A fon retour à Nimegue , la Princeſſe a
été reçue par le Corps des Grenadiers Wallons
en parade, & po tant tous la cocar de
Orange , ainſi que le reſte de la ga niſon &
la ville entiere. Le drapeau Orange a été arboré
fur la tour , & S. A. R. eſt entrée au
château a x acclamations univerſe les. La
crain e d'un ſoulevement géné al à la Haye
&aux environs , paroît avoir déterminé la
Commiſſion des Etars de Holande , à refufer
le paſſage à S. A. R.
Les Patriotes de Zuphen en Geldres
ayant fat craindre quelque ſo levement ,
pour changer la Magiftrature, celle-ci , ai(
89 )
dée de la garniſon , les a tous déſarmés au
nombre de 7,0. Le même délarmement a
eu lieu à Arnheim & à Doesburg , & le foir
même dans ces trois villes , les cocardes
ange ont été univerſellement arborées ,
&les maiſons illuminées. La même ſcene
àpeu près s'eſt paſſée à Helvoetsluis.
Dans la Gueldre entiere , les Patriotes ont
été déſa més. Cette opération a été précédée
, à Arnheim , de beaucoup de défordres
&d'excès comm's par les Soldats& les Partifans
du Srathouder , ainſi qu'à Bomnal',
Doëbourg & Thiel ; mais elle s'eſt paffée plus
paiſiblement à Nimègue , où 400 Patriotes ,
la plupart étrangers à la Province , ont cru
prudent d'arborer la cocarde Orange.
Lavillede Haffelt , en Overyſſel , a été
furpriſe par un parti de foldats deferteurs du
Cordon Hollandois. La Régence elle-même
aconnivé à cet événement, & a mandé aux
Etats Généraux , qu'inviolablement attachée
à l'ancienne Conſtitution , elle a ot
fortifié la ville , reçu des troupes , & qu'elle
demandoit l'aſliſtance de L. H. P. Jn dérachement
des Francs est forti de Zwoll pour
tâcher de faire rentres Haffelt ſous l'obéiffance
des Etats d'Overyſſel. ( Gazette dAmfterdam,
nº. 54. )
Dans l'inftant , l'on a prend qu'il eſt arrivé
un nombre conſidérable de canons de
)
و ه
(
gros ca'ibres à l'armée d'Amersfoort , & que
le 4 , une partie des Régimens ont levé le
camp de Zeyſt . On ignore encore l'expé
dition à laquelle le Stathouder les a deſtinés
; les Bourgeois Francs qui forment aujourd'hui
le Cordon Hollandois , ont eu
ordre de ſe tenir ſur leurs gardes. ( Idem . )
Pour juger ſainement de la conduite des
Officiers, qui ont préféré l'obéiſſance aux
Erats Généraux à celle due aux Etats de
Hollande , nous donnerons ici la formule
du ferment que prêtent les Officiers des Régimens
au ſervice de L. H. P.
« Je promets & fais ferment d'être fidèle aux
>Etats- Généraux des Provinces - Unies , qui
>>>reſteront attachés à l'Union & à la religion
>>>Réformée , de même qu'aux Etats de la pro-
>> vince dans laquelle je ſerai employé . Je pro-
>> mets d'être fidele aux Régens des villes dans
>>leſquelles je ſerai mis engarniſon ; de les fervir
fidelement ſous les ordres de S. A. S.
>>>Mgr. le Gouverneur & Capitaine-Général de
>> ce pays ; je promets d'obéir aux Seigneurs
>> Etats-Généraux & particulièrement à S. A. S.
>> de même qu'aux autres Chefs ſous leſquels je
• ſuis , ou qu'on pourroit me donner. Je pro-
>>>mets de reſpecter leurs ordres , de leur obéir
>> & de ſuivre les Ordonnances militaires , faites
>>> ou à faire , comme je veux que Dieu me
>> ſoit en aide. »
La nouvelle répandue , que les troupes
de S. M. le Roi de Sardaigne s'étoient emparées
de quatre châteaux Génois & de la
ville de Savonne , eſt entierement fauſſe. Ce
bruit a été occaſionné par quelques différens
) وا (
qui ſe ſont élevés entre les Paſteurs limitrophes
des deux Etats .
N. B. Il eſt non moins faux que le
Bourgrave d'Anvers ait été démis & exilé ,
comme l'ont avancé diverſes Feuilles publiques
, & nous mêmes, d'après elles , dans le
Journal précédent.
Parag . extraits des Papiers Angl. & autres .
On apprend de la Jamaïque , que le 30
Mars dernier , on a vu à Kingſton un jeu de
la nature très fingulier. C'eſt un poulet ,
couvé dans la baſſe cour d'un particulier
( M. Ifaac Furtado ) & né avec un corps
double , quatre aîles , quatre jambes trèsbien
conformées. L'animal n'a véçu que quelques
minutes après être ſorti de la coque.
M. Furtado a fait tirer par un homme de
l'art , les viſceres &les entrailles du poulet auquel
on a trouvé preſque toutes les parties intérieures
également doubles. On l'a confervé
dans del'eſprit-de-vin , & le projet de M. Furtado
eſt d'en faire préſent à la Société Royale
d. Londres. ( Universal& Régifter. London Chronile.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE .
Cause entre le fieur Yvonet , fourniffeur des viv es
de la Marine, accusé ; les ſieurs Audiguier .
Delaunay , de Saugeſte , Denis , Rideau de Grandpre
& conforts , accusateurs ; -Et Me.
Obreau , procureur du Roi au Bailliage de Rochefort
, demandeur en revendication d'un de ses
Justiciables , poursuivi dans le Tribunal de
Bordeaux .
QUESTION de Compétence , de Diſtraction de
( 92 )
reffort , ſur une accuſation de banqueroute
frauduleuſe .
,
Une plainte , une accuſation d'eſcroquerie ,
d'enlevement de beſtiaux , & de complicité de
Banqueroute frauduleuse , contre le ſieur Pain
marchand de beſtiaux , & le ſieur Yvonet , fourniſſeur
des vivres de ia marine , tous deux domiciliés
dans le Bailliage de Rochefort , rendue
devant le Lieutenant - Criminel de la Sénéchauffée
deGuyenne , les 7 & 17 Février 1786 ,
a été fuivie d'informations , de décrets de priſe
de corps contre les ſieurs Pain & Yvonet , de
décret d'ajournement perſonnel , & de ſoit oui,
contre plufieurs autres. La fuite de Pain le
ſouſtrait à l'exécution du décret de criſe de
corps lancé contre lui; mais le ſieur Yvonet,
plus rafſuré ſur ſon innocence , s'eſt laillé conſtizuer
prifonnier ; la procédure s'en done inſtruite
devant le Sénéchal de Guyenne : déjà elle y avoit
été réglée à lextraordinaire &deux fois le
fieur Yvonet avoit ſuccombé dans deux demandes
en liberté proviſoire. --Dans le même temps ,
des condamnations felidaires obtenues par les
Créanciers de Pain contre le fieor Yvonet ,
dans les tribunaux civils de la Guyenne , pour
tous les engagemens pris par Pain , comme
commis d'Yvonet pour achat de beſtiaox ;
condamnations confirmées par Arret du Parlement
de Bordeaux , firent craindre au ſieur
Yvonet l'événement du procès criminel qui
tendoit à ſa fin. Les recollemens étoient futs
&les confrontations alloient commencer. Dans
cet état , il faiſit le Parlement de Paris , comme
juge ſupérieur de Rochefort , lieu de for domicile,
de quelques contellations exiſtantes entre
lui& des Créanciers de Pain , relativement à
une police , ou achat de beftiaux , parlée entre
( 93 )
eux deux le 22 Octobre 1785 ; il obtint même ,
Ie 19 Mai 1786 , en la Grand Chambre , un
Artet relatif à cet objet civil. Le lendemain
ze Mai le ſieur Yvonet préſenta à la Tournelle
du Parlement de Paris , une requête , dans laquelle
il établit une connexité entre le procès
criminel qui s'inſtruiſoit à Bordeaux , & l'affaire
civiledont la Grand Chambre du Parlement de
Paris étoit ſaiſie ; il expoſa que le procès criminel
de Bordeaux , & le procès civil pendant
en la Cour , avoient une ſeule & meme baſe ,
qui étoit une police pourachat de beſtiaux; que
fon domicile étoit Rochefort , ville du reffort
de la Cour ; que quand le delit dont il eſt accuſé
eûtété réel , c'eût été à Rochefort , & non
devant le Sénéchal de Guyenne , qu'il devoit
être pourſuivi ; il demandoit en conféquence
à être reçu appelant , tant comme de diſtraction
de reffort, de nullité , qu'autrement , de la
procédure criminelle commencée contre lui à
Bordeaux; qu'il fût fait défe ſes de paffer outre
, & aux Parties , de faire pourſuites ailleurs
qu'en la Cour; qu'il fût ordonné qu'il feroit
transféré dans les priſons de la Conciergerie du
Palais , & que les charges , informations& pièces
jointes au procès , fuſſent apportées auGreffe
de la Cour du Parlement de Paris . -Sur
cette requête , il a obtenu , ſur les conclufions
du miniftere public , un Arrêt qui a reçu ſon
appel , Joi a permis d'intimer qui bon lui ſemb'eroit,
& a ordonné l'aport des charges &
informations , toutes chofes demeurantes en état.
Un autre Arrêt , du 23. Juin 1786 , a ordonné
fon transport des prifons de Guyenne , en celles
de la Conciergerie du Palais à Paris. Sa fortie
des priſons de Guyenne a donné lieu à une
plainte du Procureur du Roi de Bordeaux, ſuivie
( 94 )
de décrets de priſe de corps , & autres , contre le
Geolier , l'Huiſſier , & tous ceux chargés par
l'affirmation , d'avoir coopéré à l'événement .
-Le 2 Août 1786 , le ſieur Yvonet a fait
intimer de Launay & conſorts , pour procéder
fur l'appel reçu par Arrêt du 20 Mai , déclarant
en même temps , que la tranſlation de ſa
perſonne , ordonnée par l'Arrêt du 20 Mai , de la
géole de Guyenne , en celle de la Conciergerie
du Palais à Paris , étoit exécutée . -Une
des ſignifications de ces Arrêts du Parlement de
Paris étant tombée entre les mains du Procureur-
Général du Parlement de Bordeaux , la
Chambre des Vacations de ce Parlement , d'après
le rapport d'un des Subſtituts , rendit , le 17
Septembre 1786 , Arrêt qui caſſa & annulla les
deux Arrêts du Parlement de Paris des 20 Mai
& 21 Juin , & ordonna que le ſieur Yvonet ſeroit
capturé & reconduit dans les priſons de
Guyenne , pour, la procédure commencée contre
lui , être continuée juſqu'à ſentence définitive.
M. le Procureur-Général du Roi , ou putôt ſon
Subſtitut en vacation , ayant eu communication
de l'Arrêt du Parlement de Bordeaux & de ſes
motifs , fit rendre , le 30 Octobre 1788 , ſur ſes
conclufions , Arrêt quile reçoit oppoſant à l'exécution
des deux Arrêts dos 20 Mai & 21 Juin ,
& les déclare comme non-avenus . Le
fleur Yvonet alloit être forcé de retourner en
Guyenne , pour la continuationde ſon procès ,
lorſque le Procureur du Roi du Bailliage de
Rochefort a formé en la Cour , le 5 Décembre
dernier , ſa demande en revendication , par une
requête dans laquelle il a expoſé que le ſieur
Yvonet n'étoit juſticiable que des Juges de Rochefort
pour le fait des plaintes & accuſations
intentées & poursuivies contre lui à Bordeaux ,
( و )
demande acte de la revendication qu'il faifoit de
ſon Justiciable , & qu'il fût ordonné que , ſous
bonne& sûre garde , le ſieur Yvonet ſeroit tranfféré
dans les priſons de Rochefort , pour ſon procès
lui être fait juſqu'à fentence définitive ; à
l'effet de quoi , il fût enjoint au Greffier de la
Sénéchauffée de Bordeaux , d'envoyer au Greffe
du Bailliage de Rochefort les procédures commencées
contre le ſieur Yvonet . La
Cour a ordonné la ſignification de cette requête
du Procureur du Roi de Rochefort à toutes
les Parties intéreſſées , a indiqué unjour , pour
en venir à l'audience , ſur cette revendication ,
depuis , a été jointe à la cauſe, ſur l'appel interjetté
par Yvonet , reçu par l'Arrêt du 20 Mai
1786 , pour être ſtatué ſur le tout par un ſeul
& même Arrêt. Le ſieur Yvonet eſt intervenu ,
&a adhéré à la revendication faite par le Procureur
du Roi de Rochefort , & fubfidiairement
a formé des demandes , ſoit afin que la Cour
recint la connoiſſance & l'inſtruction de ſon procès
commencé à Bordeaux , ſoit afin de conver
fionde ſon décret de priſe de corps , en un décret
d'aſſigné pour être oui , ou d'ajournement
perſonnel , avec offre de donner caution. Le ſieur
Delaunay & conforts ont défendu à toutes ces
demandes , & ont foutenu que , ſoit le Procureur
du Roi de Rochefort , ſoit le ſieur Yvoner ,
devoient être déclarés non-recevables & mal fondés
, ou en tout cas déboutés , & ont conclu
àce que le procès & les Priſonniers fuſſent renvoyés
dans les tribunaux de Bordeaux , & que
le ſieur Yvonet fût reconduit dans les priſons
deGuyenne.
La cauſe en cet état a été plaidée en la Tournelle
, ſur deux chefs d'accufation : Enlevement
de marchandises , Banqueroute frauduleuse ,
:
( 96 )
oudéfautdepayement de la marchandise.- L'Arrêtdu
31 Janvier 1787 , a prononcé ce qui ſuit :
>> Notredite Cour reçoirnotre Procureur-
Général oppoſant à notre Arrêt du 30 O&obre
dernier, reçoit le ſieur Yvonet oppoſant à notre
Arrét par défaut , & appelant comme de dif
traction de reffort , de la procédure contre lui
commencée au Sénéchal de Guyenne , donne
acte au Subſtitut de M. le Procureur Général
à Rochefort , de la revendication qu'il fait en
notredite Cour de ladire accufation ; faiſant droit
tant fur l'appel que fur la revendication , ordonnequeleprocès
criminel commencé au Sénéchal
deGuyenne , ſera continué , fait&parfait
pac le Lieutenant Criminel de Rochefert ,jur,
cu'à Sentence définitive incluſivement, ſaufl'appei
en notre Cours à cet effet , ordonne que le
Greffier de la Sénéchauffée de Guyenne fera
tenu d'envoyer dans un mois , à compter du
jourde la ſignification qui lui ſera fa te denotre
profent , au Greffe dudit Bailliage , expédition
en forme de leur procédure , enſemble les pièces
de conviction , 6 aucune y a ; ordonne pareillament
, que le feur Yvonetſera , à la requéte
de notre Procureur-General , transféré , ſous
bonne & sûre garde , des prifons de la Conciergeriedu
Palais, en colhes du Bailliage de Ros
chefort;fa't de fenfes aux Parties , de procéder
alleurs qu'audit Pailliage de Rochefort , à peine
denulité, caſſation de procédure , &dépens
dommages & intérêts , fauf à Yvones à former
felles demandes qu'il arrivera , en converfion de
decrets, s'il y a lieu : fur le ſurplus des demandes
, fins & conclufions des Parties , les met
quantà préſent , hors de Cour , dépens réſervés ,
fur leſquels le premier Juge pourra ftatuer. Si
mandons.... &c.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 21 JUILLET 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LES CACHOïs , Élégie.
Je ne puis qu'approuver les priſons & les chaînes.
Formidables cachots , demeures ſouterraines ,
C'eſt votre obſcurité , c'eſt votre profondeur
Que mon oeil ne fauroit contempler fans horreur.
Des autres ténébreux font- ils faits pour deshommest
Pourquoi les retenir , barbares que nous fomnies.
Sous des portes de fer engloutis , expirant ,
Dans des tombeaux profonds ensevelis vivans ?
Faim , foif, peur de mourir , déſeſpoir , esclavage,
Que peut notre vengeance exiger davantage ?
Devons-nous joindre encore à leur calamice
Leshorreurs du filence & de l'obſcurité ,
N°. 27 , 21 Juillet 1787.
E
:
ود MERCURE
Et leur faire éprouver le fortde Bélifaire ?
C'eſt arracher les yeux que ravir la lumièra
Que le riche inſenſible air plus d'humanité ,
Les ſcélérats auront moins de perverſité.
Devons- nous , les cauſant , punir leurs injuftices ?
La rigueur des tyrans ſied- elle à des complices ?
Quels que foient les forfaits des coupables mortels ,
font plus malheureux qu'ils ne ſont criminels.
Entrons dans cet aſyle ouvert à la fouffrance ,
Dans ces lieux conſactés à guérir l'indigence ,
Le tableau des revers qu'éprouvent les humains
Attendrira nos coeurs , défarmera nos mains.
L'an brûle de finir ſa pénible carrière ;
L'autre voit en tremblant la parque meurtrière ,
Sans reſpecter en lui la ſaiſon des plaifirs ,
Dans un cercueil précoce inhumer ſes defirs .
Cetautre gémiſſant ſur les bords de la tombe,
Ranime, mais en vain , ſa vigueur qui ſuccombe,
Celui- ci , riche ingrat , ne vivant que pour toi ,
Et redoutant la mort qu'il verroit ſans effroi ,
Eſclave infortuné d'un maître qu'il adore ,
Rachette ſa ſanté pour te la vendre encore.
Geux-là , précipités du haut de ton palais ,
De ton fatal orgueil font les barbares frais.
Cepauvre renversé par ton courſier rapide ,
Étendu , mutilé ſous son char homicide ,
De la perte d'un membre est contraint d'acheter
Le moyen de guérir , l'eſpoir de végéter,
1
1
DE FRANCE.
99
Vois comme il appréhende un inſtrument terrible !
Entends comme il mugit ſous un fer inſenſible !
Ton coeur , d'un triple airain fût-il environné ,
S'attendriroit aux cris de cet infortuné .
Mais verrons-nous ſans fruitles pleurs des miſérables ?
Hommes de fang, pour eux faiſons grâce aux coupables.
Confultonsmoins nos loix , écoutons plus nos coeurs ;
De nos arrêts leurs inaux proſcrivent les rigueurs.
Quoi! ces groupes nombreux d'innocentes victimes
Des pervers à nos yeux n'expiroient pas les crimes ?
Du ſouveraindes cieux imitons la pitié;
Du ſang d'un innocent fon courroux s'eſt payé.
Trop de calamités aligent la Nature ;
Frémiſſons d'ajouter aux tourmens qu'elle endure.
J'évite vainement les ſcènes du malheur ;
Par-tout je vois , j'entends la plaintive douleur.
De l'homicide faim tout offre les images ,
Des hameaux aux cités eile étend ſes ravages ,
Renverſe la vieilleſfe , écrâſe les berceaux ,
Détruit l'âge robuſte & peuple les tombeaur.
Cequ'épargne la faim la guerre le dévaſte.
L'empire du malheur n'eſt- il pas aſſez vaſte?
Faut-il , pour agrandir ſes théâtres ſauglans ,
Quenos mains de la terre aillent ouvrir les flancs ?
(ParM. l'Abbé Ferrand. )
Eij
100
MERCURE
VERS à Miles CAROLINE & SOPHIE
DESCARSIN , après les avoir entendu
jouer un Duo de Harpe à leur quatrième
Concert à Bordeaux .
Que d UE de grâces ! que de talens !
Est- ce Apollon ou Polymuje
Qui , par une fecrette magie ,
Animent ces deux inſtrumens ?
i
Non, c'eſt vous , Deſcarin , couple charmant & rare ,
Vous qui réuniſſez tant de goût , tant d'attraits.
Ah! que jamais le fort ne vous ſépare
Pour que nos plaiſirs ſoient parfaits.
(Par M. Perry , Trésorier & Officierdu
Muséede Bordeaux. )
SUR L'AMOUR.
Des habitans d'Olympe il eſt le plus volage ;
Il eſt auſſi le plus conſtant.
Timide & fier , cruel & bienfaiſant ,
Il élève , il abaiſſe, il briſe ſon ouvrage :
Careffez-le , c'eſt un enfant;
Mais c'eſt un Dieu quand on l'outrage.
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade, de l'Enigme &
duLogogryphedu Mercureprecédent.
Le mot de la Charade eft Courage ; celui
de l'énigme eſt Espérance; celui du Logogryphe
eft Carroſſe , où l'on trouve croffe ,
roffe, rofe.
CHARADE.
A
TTENDS que mon ſecond devienne mon premier
Si tu veux en tirer un plus grand avantage ;
Quant à mon tout , Lecteur, pour en ſavoir l'uſage ,
Il charme par ſes ſons 1écho demondernier.
ÉNIGME.
Sans le luthd'Amphion , ſans la lyred'Orphée,
Sans les enchantemens que poſsède une Féc ,
Sans déranger enfin la nature& ſes loix ,
Je fais mouvoir auſſi les rochers & les bois.
Ceprodige , il est vrai , n'a lieu qu'à ma naiſſance;
Les Arts , en l'opérant, me donnent l'existence.
L'un me fait à grands frais eſcalader les airs ,
L'autre ouvre ſous mes pieds la route des enfers ;
Tous s'occupent du ſoin plus ou moins difficile
Ein
102. MERCURED
De me rendre agréable ou de me tendre utile.
Qui peut compter mes foeurs ? L'Univers en eſt plein.
On n'approche de nous que le fer à la main.
Contemplez lecaſtor ; en le prenant pour maître ,
Le monde, jeune encor , apprit à me connoître ;
De la ſociété j'ai ſuivi les progrès ;
3 Dèsque l'homme eut quitté le ſéjour des forêts ,
Je quittai comme lui mon coſtume fauvage ;
On me vit à la Cour , on me vit au village;
Je devins , en un mot , d'un ſi commun emploi ,
Qu'on n'eût jamais fondé Rome ou Paris fans moi.
CHEZ
(Par un Habitant de Bréda, près Montmil,
ex Picardie. )
LOGOGRYPΗ Ε.
HEZ l'un & l'autre ſexe on mevoit employé:
A l'un je ſuis d'un néceſſaire uſage;
Par l'autre , que la mode a mis en esclavage ,
Je ſuis tantôt repris , tantôt congédié.
:

J'offre dans mes ſept pieds un ornement d'Égliſe;"
Un titre révéré dans l'Empire Ottoman ;
Puis un féminin vêtement ,
Mais qui n'eſt plus guère de miſe ;
Ce qu'un Marin a peur de rencontrar;
Uneboiffon dont ilne ſe régale ;
Une plante médicinale ;
Ceque chez Aglaé ma bouche aime à preſſer.
:
(Par M. Belle de Neuvy. )
DE FRANCE
103
NOUVELLES LITTERAIRES.
PÉRISTÈRE , ou la Colère de l'Amour ,
Poëme en cinq Chants. A Paris , chez
Royez , Libraire , à la defcente du Pont
neuf , & chez les Marchands de Nouveautés..
QUELLE ſource de ſujets intéreſſans pour
د
tous les Arts & pour tous les Talens , que
cette Mythologie charmante qui étoit la religion
des anciens ! Il y a plus de vingt ſiècles
que les Peintres , des Sculpteurs & les Poëtes .
puiſent dans cette fource ,& toujours elle eft
inépuiſable , toujours elle eft féconde. Comment
s'eſt- il trouvé des eſprits chagrins qui ,
les uns par ſcrupule ſuperſtitieux , les autres
par ſévérité philoſophique ce qui eſt pourtant
très- different , ont voulu profcrire ces
fictions où le génie de l'antiquité a répandu
fi abondamment tout ce qu'il avoit de grâces
&de beautés ? J'en demande pardon aux ombres
de Paſcal & de d'Alembert ( ce dernier
en vieilliffant étoit devenu plus indulgent à
la poéſie; ) mais le coſtume & l'armure de
l'Amour , fon bandeau & fon flambeau , fes
cheveux blonds & ſes ailes , ſon carquois &
ſes flèches , tout cela n'eſt plus neuf depuis
trois mille ans , &tout cela plaît encore par
Eiv
T04
*MERCURE
un charme éternel ,plus puiſiſant ſur nos imaginations
que celui de la nouveauté. Qu'importe
que ces beautés poétiques aient trois
mille ans , elles font neuves pour chaque génération
nouvelle. Quand j'ai lu Ovide , non
pas précisément au collége , mais un ou deux
ans après , lorſque j'avois eu déjà d'autres
maîtres que ceux qui m'avoient appris le latin,
je crus que les Métamorphofes d'Ovide
venoient de paroître; elles paroiſloient en
effet pourmoi. Et il ne faut pas croire que ce
qui me charmoit dans un Poëte du ſiècle
d'Auguſte , m'auroit paru üfé dans un Poëte
de nos jours. Je me rappelle encore qu'on venoitdepublier
dans le même temps un Poëme
de M. de Malfilâtre , dont tout le fonds eſt
tiré de ces mêmes fictions de la Mythologie ,
dont les plus heureux details font ou des traductions
ou des imitations & d'Ovide &de
Virgile. Eh bien ! l'imagination poétique des
anciens m'enchantoit également dans Malfilitre
; c'étoit même un autre plaifir de retrouver
le même génie dans deux langues fi
différentes . Lifez Ovide traduit par M. de
Saint- Ange , & vous vous croirez encore dans
ces fiècles de création où tant de grâces &
de beautés venoient de naître. Jene demande
pas au Poëte des idées nouvelles , mais des
vers nouveaux. Qu'il rajeuniſſe pour moi les
fenfations qui dans tous les ſiècles ont charmé
l'Univers ; chaque printemps a droit de nous
plaire comme le premier qui bralla fur notre
enfance ou far celle du monde; & cependant
DE FRANCE.
105
le printemps ne crée rien: c'eſt la même
verdure , ce font les mêmes fleurs. Les couleurs
feulement ont d'autres nuances , les formes
font légèrement variées: il n'y a que le
parfum&le plaiſirqu'elles donnentqui ſoient
entièrementnouveaux.Ehbien! le génie poétique
eſt peut- être comine la Nature , qui ne
crée rien, mais qui renouvelle tout , & qui
paroît toujours jeune après des ſiècles de durée.
Est- ce que je refuſerois donc aux Poëtes
ledondecréer , qui fut toujours leur grande
prétention ? Je ne leur refuſe rien , je voudrois
qu'ils euſſent tous les dons; car j'aime à
avoirtous lesplaiſirs; maisl'invention doitêtre
la choſe la plus rare dans les Poëtes; & la raifon
en eſt ſimple, c'eſt la force de la réflexion
&de la penſee qui crée , & c'eſt une organifation
fenfible & mobile qui fait fur- tout les
Poëtes. Un jeune homme heureuſement
pour l'harmonie entend les vers de Racine ,
de Boileau &de La Fontaine ; il en eſt ravi ,
'enchanté; il veut auſſi faire des vers , il veut
être Poëte. Sa voix répétera les fons qui ont
charmé fes oreilles , ſes pinceaux reproduiront-
les images dont ces grands Hommes ont
frappé fes yeux. Plus ce jeune homme fera
ſenſible , & plus il fera l'eſclave des beaux
génies dont il eſt l'adorateur , & moins il inventera
; car l'eſclave n'invente rien , il exécute
les ordres qu'il a reçus. Le génie qui crée
doit être, par la nature des chofes , moins
rare dans les Écrivains qu'on appelle Philo-
Tophes. Et voyez comme les faits s'accorné
Ev
106 MERCURE
dent avec ce principe. C'eſt dans l'empire
des Beaux - Arts qu'on s'eſt toujours plaint
de rencontrer les troupeaux d'imitateurs
ſerviles. Dans la philoſophie, au contraire ,
on s'eſt plaint toujours de ne voir que
partis , que ſectes , que diviſions & opinions
différentes. Ici , ily a autant de façons
de penſer qu'il y a de Philoſophes , & cela
prouve que chaque Philoſophe a la fienne.
On leur a même reproché amèrement & imprudemment
ces orages de leurs écoles ,
comme on a reproché aux Républiques ces
diſſentions fi favorables à la liberté & au
maintien de la force des moeurs , ſi propres à
développer les grands talens & les grands caractères
. Voici ma concluſion : il doit être
fort rare que les Poëtes poſsèdent le génie
de création ; on doit les admirer infiniment
lorſqu'ils en font doués ; mais ils peuvent
en être privés & enchanter encore les
hommes, parce qu'une muſique délicieuſe ,
après qu'on l'a entendue cent fois , fait un
plaifir tout nouveau lorſqu'elle est chantée
par une voix nouvelle. Cette comparaiſon
n'eſt pas, je le ſais , d'une exactitude rigoureuſe;
mais fi elle ne prouve pas ce que je
dis , elle le fait mieux entendre , & c'eſt à
quoi fervent fur- tout les comparaiſons.
Je n'ai pas encore prononcé le nom du
Poëme que j'annonce , mais j'en ai pourtant
toujours parlé , je l'ai toujours eu en vue. Le
fujetde Périflère , ou la colère de l'Amour,
eſt puiſé dans ces ſources de la Mythologie ,
DE FRANCE.
107
qui ont éré pour tant de Poëres anciens &
modernes les véritables ſources de l'Hipocrène;
& le ſimple récit de certe Fable , dénué
de tous les ornemens poétiques, va mon
trer combien ce ſujet eft d'un choix heureux
pour la poéſie.
Vénus avoit autour d'elle rrois Grâces ,
& un grand nombre de Compagnes , &
les Compagnes de la Déciſe de la Beauté
étoient des Grâces encore. Périſtère fin de ce
nombre. Déjà elle avoit paſſe quinze ans ,
elle vivoit auprès de la mère de l'Amour ,
dans des lieux où tout l'inſpiroit , le reſſentoit
& l'adoroit , & l'Amour étoit cependant encore
ignoré de Périſtère. Elle pouvoit ajouter
au bonheur éternel d'un Dieu ; un fimple
Berger paroît à ſes yeux ſous les habits d'un
Chaffeur, & c'eſt Hylas qu'elle aime. Hylas ,
quelapoſſeſſiond'un coeurdevroit rendre affez
heureux,demandeunautre bonheur. L'Amour
veut tout accorder , la pudeur ordonne -de
tout refuſer. Périſtère s'arrache des bras d'Hylas
, en lui criant: Hylas , à demain. Tandis
que le Berger & Périſtère elle-même , peutêtre
, attendent le moment du rendez-vous ,
il sélève une querelle entre la Déeſſe de la
Beauté & fon fils. Vénus prétend que c'eſt
elle , que c'eſt la Beauté qui règne ſur les
coeurs , que ſans elle l'Amour n'a plus d'empire.
L'Amour ſoutient que c'eſt par lui que
la Beauté& Vénus elle même exercent un fi
grand pouvoir ſur les mortels &fur les Dieux.
On fent que l'un & l'autre ont raiſon , & que
Evj
103 MERCURE
cette querelle , comme tant d'autres , ſeroit
bientôt terminée ſi on vouloit bien s'entendre.
Mais heureuſement Vénus & l'Amour
ne s'entendent point du tout; & dans leur
diſpute pour établir leurs droits , ils rappellent
ces fidions ingénieuſes , ces aventures
poétiques de la mythologie qui peignent avec
tant d'intérêt & de grâce tout ce que peut la
beauté &teat ce que pert l'Amour. Les Ji-
Vines, dans leurs quereles , ne font pas
moins opiniâtres que les mortels; on en vient
aux paris & aux défis après avoir vu que les
raiſons font inutiles. L'Amour de fa mère ſe
défient donc à qui remplira pluto de fleurs
deux corbeilles de grandeur égale. Les champs
de Guide font dépouillés fous leurs mains
diligentes. L'Amour, comme plus agile, alloit
peut-être l'emporter. Vénus ( on dit que la
beauté triche volontiers au jeu ) Vénus appelle
en Tecret Périffère à fon fecours ,&fa
corbeille eſt la première remplie. L'Amour
fevoitvaincu ; mais on ne le trompe pas aifément,
& il voit comment ſa mère a remporté
la victoire. Dans ſa fureur, c'eſt de la
Nymphe , c'eſt de Périſtère qu'il veut ſe venger.
Il prend un trait de ſon carquois , le
lance ; mais ce trait n'eſt pas de ceux qui infpirent
l'Amour , il eſt bien plus cruel encore.
Apeine Périſtère en eſt touchée , ſes charmes,
les formes même commencent à diſpasoître;&
la Nymphe n'eſt plus bientôt qu'un
oifeau charmant, elle n'eſt plus qu'une cobombe;
mais fa forme eſt changée , & fon
DEFRANCE.
109
:
coeur ne l'eſt pas. Elle cherche encore les
lieux & le boſquet où , par ſon amant , elle
étoit attendue. Hylas , qui ne la voit pas arriver
, n'est pas tourmenté ſeulement par fon
impatience, il commence à l'être par de jaloux
ſoupçons. Tandis qu'il gémit on qu'il
exhale ſa colère , la colombe vole autour
d'Hylas. Elle gémit aufli , elle ſoupire , &
ſemble lui annoncer tous les malheurs qu'il
redoute. Qui le croiroit ! & combien les
coeurs jaloux font injustes !Cet oiſeau , qui
compatir aux peines d'Hylas , lui devient
odieux. Il croit qu'une colombe peut annoncerdes
malheurs , il va lui lancer une flèche :
L'arc eſt rendu, la flèche va partir ;
Mais tout à coup les immenfes campagnes
Ont tre trailli par de longs tremblemens;
Les pins courbés, les chênes ondoyans
Semblent tomber du ſammetdes montagnes;
La foudre gronde , & d'horribes éclairs
Ont embrâféle vaſte champ des ais :
Puis à ce bruit ſuccède un long filence ,
Un calme doux renaît au fond des bois ,
Etdans la nue on entend une voix
Qui du Berger révele l'imprudence.
Tremble , dit- elle , & matheureux Hylas !
Quand ta fureur s'exhale en vains éclats.
Le ciel t'épargne un crime irréparable ,
Crains d'immoler une Colombe aimable ,
C'est le plus cher des oiſeaux de Vénus.
110 MERCURE
Cette voix qui ſe fait entendre du haur de
la nue, eſt celle de Vénus elle-même. Hylas ,
qui ne fait point quel malheur on lui épargne ,
ne fent que celui de ne point voir arriver ſon
amante au rendez- vous . Toutes les douleurs
&toutes les fureurs de la jalouſie s'emparent
de lui : la nuit & le ſommeil pouvoient les
calmer un inftant ; mais l'Amour encore implacable
contre les deux amans , fait fortir
des enfers le plus affreux des ſonges , celui qui
tourmente les coeurs jaloux : Hylas voit fa
maîtrefle dans les bras d'un rival heureux.
Vénus a pitié des matix qu'elle a caufés; elle
vole auprès de cet amant infortuné , elle
l'esporte ſur ſon char , traîné par des colombes
, dans un temple élevé dans les airs ,
bâti ſur des nuages : c'eſt le temple de la vanité.
Les mortels ſe partagent entre tous les
autres temples , ils courent & fe raſſemblent
tous dans celui- ci : on y retrouve tout le genrehumain.
A peine un defir eſt formé , que la
Déeſſe le fatisfait. Là , tous les Monarques
croient aux éloges des courtiſans , tour Écrivain
eſt sûr d'être un homme de génie , toute
femmé a de la beauté & des grâces , tout
amant eft afſuré de la fidélité de ſa maîtreſſe.
A peine Hylas a pénétré dans le parvis , ſes
cruelles agitations ſe calment , le repos & h
confiance entrent dans ſon coeur ; la Déeſſe
lui fouriant avec bonté , offre Périſtère à ſes
regards plus tendre , plus amoureuſe qu'au
moment où elle lui donna la promeſſe du
rendez- vous . Mais fon bonheur même ré
DEE FRANCE. III
veille le Berger ; & la Déeſſe , le temple , tout
diſparoît au réveil , parce que tout ce qu'offre
la vanité de confolant n'eſt qu'un ſonge.
Le déſeſpoir alloit s'emparer de nouveau du
coeur d'Hylas : l'Amour , qui eſt cruel , mais
qui n'eſt pas inexorable , le conduit au bofquet
où ſes tourmens ont commencé ; il y
amène Périſtère, toujours ſous la forme d'une
colombe. Un vautour qui l'apperçoit du haut
des airs fond ſur elle, elle ſe refugie auprès
d'Hylas , & le careſſant de ſes aîles frémiſfantes
, & l'implorant par ſes roucoulemens
plaintifs ,elle ſemble le ſupplier de lui ſauver
la vie. Hylas , touché de ſes dangers , tend ſa
main à l'oiseau ; l'oiſeau vole & ſe place fur
fa main. Pour la raffurer , il la careffe , il
preſſe de ſa bouche le plumage argenté de la
colombe ; la colombe approche ſon bec de
rofe de la bouche du Berger. Un défordre
bien différent trouble le coeur & les ſens
d'Hylas; en tenant la colombe , ſon imagination
enflammée croit tenir Périſtère ; il
croit la voir , & bientôt il la voit en effer.
L'Amour rend ſa première forme à la jeune
compagne de Vénus , & Périſtère reparoît
fous les careſſes de ſon amant
Telle eſt le fonds de ce petit Poëme. On
voit que l'imagination de l'Auteur a ſu s'affocier
heureuſement à l'imagination de ceux
qui ont inventé les fictions de la mythologie.
En leur empruntant le fonds de fon Ouvrage
, il l'a étendu &l'a enrichi par des accefſoires
du même genre & du même caractère,
112 MERCURE
L'idée & la deſcription du temple de la
Vanité font d'une imagination poétique ; &
ſous le voile de cette allégorie on découvre
encore un eſprit qui fait obſerver les paflions
&les foibleffes du coeur humain .
Peut-être cependant les convenances fontellesun
peu bleffées , lorſque c'eſt un Berger
amoureux & jaloux qu'on conſole par les illufions
& les fonges de la vanité. Ce genre de
confolation conviendroit mieux à un homme
du monde , à ce qu'on appeloit autrefois un
petit maître, & à ce qu'on appellera toujours
'un far. La vanité eſt dans la nature ; mais c'eft
dans la ſociété qu'elle se développe ; & lorfqu'un
Berger rêve dans ſon aſyle champêtre,
fes fonges ne le tranſportent guères , je crois ,
dans un temple élevéfur des nuages;& même
dans les hommes de toutes les claffes , la
vanité foulagebien plus les bleſſures faites à
l'amour-propre que les douleurs de PAmour.
Il eſt bien rare qu'on foit très- vain en aimant.
Dès qu'on aime , la vanité méme tremble de
'n'être pas aimé.
Ce défaut feroit aifément corrigé , ou du
moins adouci , ſi l'Auteur donnoit à Hylas un
caractère à peu - près ſemblable à celui de
Pâris , qui étoit Berger auffi . Il conviendroit
même qu'Hylas , qui approche de ſi près une
Déeffe & fes Compagnes , fût un Berger un
peu diftingué : l'imagination a de la vanité
pour leszamans auxquels elle s'intéreſſe .
Si l'on veut voir actuellement comment
l'Auteur écrit en vers, ce qui eſt la choſe im
DE FRANCE.
113
portante & difficile dans un Ouvrage de
poélie, nous citerons deux ou trois morceaux
pris au hafard , & les Lecteurs en jugeront
eux-mêmes; nous ne ferons preſque pas d'obſervations.
L'Auteur d'un Journal ſe croit un
Horace , & s'il n'a que peu de vanité un
Quintilien , au moins , lorſqu'il indique en
gros caractères italiques ce que tout le monde
a vu avant lui& mieux que lui. Iln'y a guères
que les injuftices& les faux jugemens qui lui
appartiennent. Aujourd'hui toutes les critiques
juſtes font faites par les Lecteurs un
per éclairés , & il en eſt beaucoup plus que
de bons Journaliſtes.
Voici comment l'Auteur de la Colère de
l'Amour peint la jeune Périſtère.
Ce crime , Hylas , étoit bien loin de vous.
Objer touchantdont un Dieu fut jaloux ,
Nymphe timide , aimable d'ériſtère!
Vous aviez ſu réunir, au contraire ,
Une âme pure aux attraits les plus dour ,
Et le beſoin d'aimer ardon de plaire.
C'étoit ainſi que la mère d'Amour
Vous fit fentir ſon heureuſe influence
Lorſque ſa main , propice à votre enfance,
Vint vous choifir pour embellir ſa Cour.
Dans tous les jeux vos Compagnes fidelles
Avec tran port vous voyoient auprès d'elles ,
Et celoient même à vos naiſſans appas ;
Elles cédoient; mais leur foule immortelle ,
114 MERCURE
Sans vous hair , ſavoit être moins belle.
Lajalousie& ſes tourmens affreux
N'habitent pas en des cooeurs généreux
Eh ! qui n'eût point adoré Périſtère ?
Déjà Vénus aux Grâces la préfère;
Dans ces grands jours ſi révérés ,ficraints,
Quandla Déeſſe àGuide ou dans Cythère
Daignoit s'offrir à l'encens des humains ,
La Nymphe , admiſe à ces honneurs divins ,
Suivoit ſes pas juſqu'en ſon ſanctuaire ;
Même à Pinſtant où plus tendre , moins fière ,
Foyant l'éclat & craignant les témoins ,
Vénus cherchoit les ombres du myſtère ,
Deſa compagne elle agréoit les ſoins ,
Et la rendoitſeuledépoſiraire
Desdoux penchans qu'elle avouoitle moins.
Pour arranger ſa blonde chevelure ,
Elle empruntoit le ſecours de ſa main ,
Près d'elle encore dénouoit ſa ceinture ,
Lui dévoiloit les tréſors de ſon ſein ,
Et rejetant une vaine parure ,
Nue à ſes yeux s'élançoit dans le bain.
;
Pourquoi l'Auteur dit - il que les grands
jours de Gnide ou de Cythère étoient fi
craints ? Comment les adorateurs de Vénus
pouvoſent ils craindre ſa préſence ? L'Auteur
du Temple de Gnide dit que les habitans de
Gnide n'éprouvent point en la prefence de
Vénus ce frémiſſement involontaire qu'onfent
DE FRANCE.
115
àl'approchedes Dieux;& cela est bien plus
conforme à l'idée qu'on ſe fait du caractère
de la Déeffe&de celui des adorateurs .
Nous ne deinandons pas pardon à l'Auteur
, qui écrit en vers , de lui citer l'exemple
d'un Ouvrage écrit en profe. Il y a beaucoup
de poéſie dans cette proſe de Montesquieu,
comme il y a beaucoup de fentimens vrais&
naturels dans ce ſtyle fi ingénieux, fi fin , dáns
ce ſtyle dont les Grâces les plus naïves font
encore piquantes. Tout le monde ne penſe
pas comme nous fur le Temple de Gnide , &
chacun fait bien de ne s'en rapporter qu'à
fon goût & à ſesplaiſirs; mais on veut tout
foumettre à une loi, & la nature en a cent.
On veut que Tibulle ſeit le modèle unique;
&Ovide, qui a tant de charmes , n'écrit pas
commeTibulle;& Properce ,quinous touche
tant par ſes douleurs , n'écrit ni commeTibulle
ni comme Ovide. On a eu raiſon de
dire qu'il n'y a rien de ſi inſupportable que
l'eſprit là où on attend le ſentiment; mais je
voudrois qu'unbonJuge,Voltaire , par exem
ple , eût décidé juſqu'à quel point un ſentiment
très-vrai peut être fin & ingénieux , ou
dans quel degré l'eſprit peut ſe mêler au ſentiment
fans lui nuire , &même en ajoutant à
l'effet qu'il doit produire ſur les âmes. Je
reviens du Temple de Gnide au morceau que
j'ai cité de la Colère de l'Amour.
Ony aura obſervé d'autres négligences en
core. Dans ces deux vers :
Pour arrangerfa blonde chevelure
:
116 MERCURE
Elle empruntoit le ſecours defa main.
Le pronomsa doit ſe rapporter la première
fois à Vénus , & la ſeconde à Périſtère; mais
cette différence de rapport n'eſt pas marquée
par la conſtruction de la phraſe.
Enfindans tout ce morceau il ne ſe trouve
pas peut- être de beauté remarquable de verlification
ou de poéfie. Mais le charme d'une
facilité aimable & d'une élégance qui eſt
leproduit nondu travail, maisdu ſentiment ,
fait aimer ces vers où l'on n'a rien à admirer.
Etle talentdelapoéfie le montre moins peutêtredans
quelques beautés éclatantes que tout
homme d'efprit pourroit trouver avec beaucoup
de travail, que dans cette continuité de
vers d'une forme heureuſe, qui s'enchaînent
d'eux - mêmes les uns aux autres , qui éloignent
toujours toure idée d'effort , d'art &
d'ouvrage, & fomblent être comme la langue
naturelle de l'Auteur que vous lifez. A trois
ou quatre morceaux près , où Malilâtre et à
la- fois l'imitateur & l'égal de Lucrèce &de
Virgile , c'eſt- là le caractère du talent de
Malfilâtre; c'eſt la facilité élégante & abondantede
ſes vers , encore plus que leurs beantés
, qui marque ſon génie. Le morceau de la
Colère de l' Amour que nous avons rapporré ,
pourroit avoir été trouvé dans le Poëme de
Malfilâtre.
On remarque le même mérite dans ladefcription
des lieux où l'Amour & Vénus prirent
difpute en jouant enſemble .
DE
117
FRANCE.
Figurez vous cette plaine riance
Où de Saint-Cloud s'étendant vers Neuilli ,
Parmi les fleurs la Seine tournoyante
Cherche à fixer fon cours énorgueilli .
L'on n'y voit point ces brillantes caſcades,
Dontnos regards ſont ailleurs attriſtés ;
Mais de ces bords les tranquilles Naïades
Invitent l'âme aux douces voluptés.
Du goût Anglois, imitateur fidèle ,
L'art en ces lieux furpaſſe ſon module.
Flore & Vertumne y reçoivent ſes loir.
Pour mieux orner leur beauté naturelle ,
Detous côtés leur adreſſe entreméle
Les verds gazons & les fleurs & les bois.
Apollon trouveune gloire nouvelle
As'y montrer ſous les traits de d'Artois ;
• Et ce jardin que ſa voix immortelle
En ſe jouant a nomméBagatelle ,
Peut éclipſer les jardins de nos Rois.
FIGUREZ- VOUS ce lieu brillant qu'Armide
Avoit créé pour raſſembler fa Cour ,
D'Alcinous le ſuperbe ſéjour ,
Ou les vergers de la riche Heſpéride ;
Etvous verrez ces campagnes deGnide,
Qù folâtroient & Venus & l'Amour .
Souvent l'Amour , dans ſa courſe légère ,
Prenoit plaiſir àpourſuivre ſamère ,
118 MERCURE
Etquelquefois par de nouveaux défis
Vénus couroit fur les pas de ſon fis .
Dans la deſcription du Temple de la Vanité,
on voit un talent d'un autre genre , celui
qui tourne bien l'épigramme & le vers fatyrique.
Enfin on voit par-toutque ce n'eſt pasle
talentqui manqueàl'Auteur, mais quelquefois
le travail. On a pardonné beaucoup de négligences
& de fautes à Chapelle & à Chaulieu ,
parce que perſonne avant eux n'avoit écrit
dans le même genre avec autant de grâces &
de charmes. Depuis, les Voltaire , les Greffet ,
les Bernard , les Saint -Lambert ont égalé
leurs grâces en évitant leurs négligences. L'un
d'eux a dit :
La régligence eſt la parure
Des Grâces & de la Beauté.
i
Et il appliquoit ces deux jolis vers à ſon ſtyle.
La négligence , à la bonne heure ; mais les
négligences ne parent rien , & peuvent gâter
un très-heureux talent. Le temps de l'indulgence
eft pafle pour les Écrivains; & cette
ſévérité eſt juſtice. Lorſque prefque tout le
monde parle correctement , il ne doit plus
être permis d'être incorrect en écrivant. Ce
genre de poéſie exige fur -tout l'emploi le
plus heureux & le plus pur de la langue. La
Muſe qui s'approche des Grâces&de la Beauté
doit être pure & brillante comme elles.
DE FRANCE. 119
DISCOURS choisis de Cicéron, à l'usage des
Caffes ,traduits en François par M.Pabbé
Auger , Vicaire-Général de Leſcars , de
l'Académie Royale des Inſcriptions &
Belles- Lettres. 3 vol. in- 12. Prix , 3 liv.
relié. A Paris , chez Didot fils , Jombert
jeune , rue Dauphine ; Debure l'aîné &
: Theophile Barrois , quai des Auguftins ;
Paul-Denis Brocas , rue S. Jacques ;Nyon
jeune,place des Quatre- Nations , &Colas ,
place de Sorbonne.
On fait combien de ſervices importans
M. l'Abbé Auger a déjà rendus à la Littérature,
par diverſes traductions pleines de mérite,
dont le nombre annonce un de nos Écrivains
les plus laborieux. Nous nous diſpofions
à parler de ſa traduction de Saint- Jean
Chryfoftome, dont pluſieurs raiſons nous ont
fait différer de rendre compte, lorſque nous.
avons reçu du même Traducteur trois volumes
deDifcours choiſis de Ciceron à l'ufage
des claffes. Nous allons parler de ce dernier
Ouvrage , pour ne pas nous expofer à le laiffer
arriérer pour la mention que nous en devons
au Public; mais nous ferons précéder
cet article d'un coup d'oeil rapide ſur la Traduction
de S, Jean Chryfoftome. ( 1 )
(1) Cet Ouvrage ſe trouve aux memes adreſſes
que ci -deſſus,
120 MERCURE
M. l'Abbé Auger , dans un Diſcours Préliminaire
, écrit avec autant de goût que de
fageffe , fait connoître la perſonne &l'éloquence
de S. Jean Chryfoftome. C'eſt un des
plus beaux génies qui aient paru , non- feulement
dans l'Eglife , mais dans le monde Littéraire.
Les Philoſophes eux -mêmes , & les
Rhétheurs de ſon ſiècle qui n'avoient pas
embraffé le chriftianiline , ont reconnu &
célébré ſon grand talent pour l'éloquence.
Extrêmement ſimple dans toute ſa vie &
dans tout fon extérieur , ſévère dans fa doctrine,
& fur- tout dans ſa conduite , il étale
dans ſes Difcours un luxe vraiment aſiatique
, que lui avoit fit adopter le goût de fon
fiècle , & un peu la nature de fon génie. Il
n'a pas , à beaucoup près , la ſévérité de ſtyle
qui diftingue l'éloquence de Démosthène ,
dont il avoit fait une grande étude , ni même
celle de Cicéron , à qui on reprochoit de ſon
temps un ſtyle trop fleuri. Mais quels que
ſoient les défauts de ce Père de l'Églife , qui
ſavoit ſi bien faire goûter par le charme de la
diction la morale auſtère de l'Évangile , il eſt
certain que la Traduction de M. l'Abbé Auger,
& par le choix des morceaux, & par la
manière dont il les a traduits , ſera infiniment
utile aux jeunes Eccléſiaſtiques qui ſe
diſpoſent à la prédication. Nous ajoutons
qu'elle peut être intéreſſante pour les ſimples
fidèles qui voudront s'édifier ,& mème pour
les Littérateurs & Amateurs des Lettres qui
ſcront curieux de connoître les productions
nobles
...
DEFRANCE. 121
nobles & fublimes de l'imagination la plus
feconde, peut- être , après celle d'Homère.
Nous allons nous arrêter un moment fur
Cicéron , qui eft connu d'un plus grandnom
bre de perſonnes , dont la lecture a occupé
Pénfancedela plupart de nos Lecteurs,&dont
les grands traits ont enflammé d'abord , ont
exalté leur imagination dans ſa première effervefcence.
M. l'Abbé Auger a choiſi les
principaux Difcours dont on s'occupe dans les
claſſes. Il dédie fon Ouvrage à l'Univerſité
dans laquelle il a été élevé ; & il témoigne à
čette mère des études toute la reconnoiffance
, rout le reſpect, toute l'affection dont
il paroît pénétré pour elle. Dans une courte
Préface, écrite avec ſoin ,& qui annonce un
fage Critique & un Littérateur judicieux , il
montre combien il eſt difficile de traduire
Cicéron ; il rend compte de tous les ſoins
qu'il a pris pour y réuflir ,& prouve qu'une
bonne Traduction de cet Orateur peut être
également utile aux Maîtres& aux Diſciples.
C'eſt une vérité qui ſera beaucoup mieux
prouvée par ſa Traduction même que par la
Préface qui la précède. Nous regrettons que
lamultiplicitédes Ouvrages dont nous avons
à parler depuis quelque tems , nous laiſſe peu
d'eſpace à remplir , & nous force de nous
bornerdans nos citations.
Parmi les Diſcours traduits par M. l'Abbé
Auger , on diftinguera celui qui eſt intitulé
de Signis , fur les ſtatues , ou plutôt ( car le
titre latin eſt beaucoup plus étendu ) ſur les
N°. 28 , 21 Juillet 1787. F
22 MERCURE
vels de tous les monumens des Arts ,ſtatues,
vafes , tableaux , tapifleries & autres. C'eſt
peut être le Difcours où Cicéron déploie le
mieux toutes les retfources de l'éloquence &
toutes les richefles de fon génie. Quoique les
objets nombreux dont il y traite le reffemblent
affez , il y règne une variété qui étonne,
Récits & mouvemens , ſtyle plaitant ou férieux
, faits développés ou accumulés , magnificence
ou legèreté de ſtyle , tour y est
mélé avec un art admirable. Le Traducteur ,
à l'exemple de Ciceron , a ſu varier ſes formes
en écrivant ; & il a triomphe heureuſement
des plus grandes difficultés , ſans laiffer
rien perdre à la liberté de ſon ſtyle .
M. l'Abbé Auger avoit anoncé qu'il don
peroit à la fuite du Diſcours contre Verrès
fur les Supplices , ceux pour la loi Manilia
&pour Rofcius d'Americ ; mais il a préferé
la feconde Philippique , comme une Pièce
bien plus intéreſſante. Elle termine le troihème
volume. Nous allons en citer l'exorde :
<<Par quel effet de ma deſtinée arrive-t'il ,
>> pères confcrits , que dans ces vingt dernières
années , perſonne n'ait été l'ennemi
» de la République , fans m'avoir en même-
>> temps déclaré la guerre ? Ceux dont je parle
> font préfens à votre ſouvenir; il n'eſt pas
* beſoin que je vous チャ les rappelle. J'ai été
vengé pleinement, & plus que je ne l'aurois
defiré moi-même. Je ſuis furpris , An-
>> toine , que les imitant dans leurs excès ,
yous ne redoutiez pas leur fin déplorable,
DEFRANCE. 123
• Limimitié des autres m'étonnoit moins
"
"
"
"
Aucun d'eux ne s'étoit annoncé le premier
mon ennemi : c'étoit moi qui les avois at-
- taqués pour l'intérêt de la République.
Mais vous , que je n'ai pas même offenfé
de parole, jaloux de paroître plus audacieux
que Catilina , plus furieux que Clodius ,
» vous m'avez provoqué par vos injures';
>> vous vous êtes perſuadé que rompre avec
- moi vous feroit un mérite auprès des Ci-
>> toyens pervers. Que dois-je croire ? Que
» j'ai été mépriſé ? Je ne vois ni dans ma
» vie , ni dans mes actions , ni dans mon
crédit , ni dans mes talens , quelque mé-
>> diocres qu'ils ſoient , ce qu'Antoine peut
>> trouver de mépriſable. A-t'il penſé pou
> voir facilement me noircir aux yeux du
>> Sénat? Mais cet ordre qui a rendu à un
>> grand nombre de Citoyens diftingués le
>> témoignage d'avoir illuſtré la République
>> par leurs conquêtes , n'a rendu qu'à moi
> ſeul celui de l'avoir ſauvée par mes con-
>> ſeils. A- t'il voulu faire aſſaut d'éloquence
>> C'eſt un bienfait de ſa part , puiſque je ne
ود ſaurois trouver un plus beau champ que
>> d'avoir à parler pour moi & contre An-
> toine. Voici , fi je ne me trompe , quel a
>> été ſon vrai motif: il n'auroit pu perfuader
>> aux gens de ſon eſpèce qu'il étoit l'ennemi
" de la patrie, s'il ne ſe fûtdéclaré le mien.
Voilà bien l'art , l'adreſſe , & même la
teinte d'amour- propre qui caractériſe l'éloquencedeCicéron.
Citons encore , pour faire
Fij
124 MERCURE
mieux connoître le ſtyle du Traducteur , un
morceau du Difcoursfur les Supplices. L'Orateur
, après avoir décrit , avec une éloquence
autli noble que pathétique , le ſupplice de
Gavius , Citoyen Romain , que Verrès avoit
condamné au ſupplice infamant de la croix ,
s'écrie: " Mais pourquoi m'occuper ſi long-
>> temps de Gavius ? comme ſi vous eufliez
>> été l'ennemi perſonnel de cet homme , &.
> non pas en général l'ennemi du nom & des
privileges de tous les Citoyens. Non , ſans
>> doute; ce n'eſt pas contre la perſonne de
Gavius , mais contre la liberté commune
> que vous étiezdéchaîné. Car enfin, Verrès ,
» les Mamertins ayant drefle la croix , fui-
>> vant leur uſage , derrière la ville , ſur la
» voie Pompeia , pourquoi ordonner qu'on
❤la dreſsát du côté qui regarde le détroit ,&
» ajouter même ( vous ne pouvez le nier ,
l'ayant dit en préſence de tout le peuple )
>> que vous choififliez cette place pour que
Gavius , qui ſe diſoit Citoyen Romain ,
» pût appercevoir l'Italie du hautde ſa croix,
» & découvrit de loin ſa patrie ? C'eſt la
> ſeule croix, depuis la fondation de Meſline ,
> qu'on ait dreflée en ce lieu. Sidonc Verrès
> a choiſi de préférence l'aſpect de l'Italie ,
c'étoit afin que le malheureux Gavius , expirant
dans la douleur& les tourmens , reconnût
qu'un bras de mer fort étroit étoit
➤ le ſeul eſpace qui ſéparoit pour lui la liberté
» & la fervitude ; c'étoit afin que l'Italie vit
ود
وم
anh
unde ſes enfans attaché à une croix, fubic
DE FRANCE.
125
>> le ſupplice ignominieux des eſclaves. Faire
>> enchainer un Citoyen Romain , eft un at-
>> tentat ; le faire battre de verges , eſt une
>> atrocité ; le faire mourir , eſt preſque un
>> parricide; que dirai-je de le faire attacher
>> à une croix ? Est- il une expretlion affez
>> forte pour un crime auffi horrible ? Verrès
>> n'eſt pas encore content : qu'il regarde ,
>> dit- il , ſa patrie; qu'il meure à la vue des
>>> loix & de la liberté. Ce n'eſt pas Gavius,
>> ce n'eſt pas un ſeul homme , ce n'eſt pas
>> un ſeulCitoyen Romain que vous avez fait
>> attacher à une croix & périr dans les tour-
• mens : ce font les privilèges de la liberté
> commune , ce ſont les droits de la Cité
>> Romaine que vous avez immolés , autant
» qu'il étoit en vous , ſur cet inſtrument du
>>plus infame ſupplice. Et remarquez l'au-
>> dacede cet homme. Penſez-vousqu'iln'ait
ود
pas regretté de ne pouvoir dreffer cette
>> croix pour les Citoyens Romains , dans le
>> Forum de votre ville , dans la place des
>> Comices , à la tribune aux harangues ? L'en-
>> droit de ſa Province le plus voifin de Ro-
• me , le plus ſemblable à nos places publi-
>> ques , par l'affluence des navigateurs , ce
>> tyran l'a choiſi; il a voulu que le monument
de ſa ſcélérateſſe & de fon audace
ور fût placé àla vue de l'Italie, à l'entrée de
> la Sicile , &c. »
La traduction de ce Difcours, ainſi que des
autres , nous a paru auſſi facile qu'exicte ,
deux qualités qu'on ne concilie pas aiſement.
Fiij
26 MERCURE
M. l'Abbé Auger ſe propote de publier par
la fuite tous les Difcours de Cicéron , en les
faifant précéder, comme il l'a déjà faut pour
Demosthène,delongs préliminaires ſur l'éloquence
chez les Romains ; fur la vie, le caractère
& l'éloquence du plus beau géme qu'ils
aient en; fur les Loix , le Barreau &yla Jurifprudence
de Rome,&c. Nous croyonsqu'une
Traduction de Cicéron , faite avec autant de
foin, peut donner une idée de cet Orateur aux
perſonnes qui ignorent ſa langue , être infinimentutileàceux
qui ne la faventpas affez bien,
&agréable à ceux qui la poſsèdent le mieux.
1-
47
HISTOIRE des troubles de l'Amérique An
gloife, écritefur les Mémoires les plus authentiques.
4Vol. in -8°., avec des Cartes.
Prix , 16 liv. brochés, 20 liv. reliés; par
François Soulés. A Paris, chez Buiffon ,
Libraire , hôtel de Meſgrigny , rue des
Poitevins , nº. 13 .
ENFIN nous allons donc avoir des Hiftoires
complettes d'une révolution imporcante
dont nous avons été les ſpectateurs , &
en quelque fo te les agens. Nous faurons
cortiment&pourquoi des ſujets ſe ſont ar-
'inés,& juſqu'à quel point leurs motifs furent
excufables. Grace à la multiplicitédes Feuilles
périodiques,& à la liberté queles Anglois ont
confervée d'expoſer en public dans le Parlement,
dans les Communes, dans des Pamphletsla
ſituation de l'Angleterre , nous avons
DE FRANCE. 127
des notions à-peu-près étendues & trèsexactes
de tout ce qui s'eſt paflè tant enAmérique
qu'en Europe. Le travail des Hiſtoriens
ſe réduit pour nous au talent de bien expofer
la néceſſité ou l'occaſion de cette grande
révolution, d'en déduire clairement les fuites,
&de faire paffer fous nos yeux tous les Perfonnagesqui
ont coopéré à cette étonnante
infurrection. Le ſiècle à venir y trouvera un
plusgrand prix, parce qu'il y apprendra tout
ce qu'il ignore; mais il pourra confronter ,
rapprocher les différens Écrivains , donner fa
confiance au plus véridique,& eſtimer celui
dans l'Ouvrage duquel il retrouveraces grands
apperçus& cesbaſes législatives qui annorcent
l'homme de génie. Nous ne pouvons encoreétablirdes
parallèles ; le temps ne nous
a point affez inſtruit. L'Historien même ne
préſente point des vérités généralement reconnues.
Les détails n'ont point cette certitude
invariable qui guide le Lecteur. Nous
pourrions peut être affurer que c'eft trop ſe
hater de donner l'Hiſtoire des États- Unis ,
dont la Conſtitution n'eſt point affermie , &&
qui ne comprent pasun luitre de liberte. Its
ſe réveillent à peine d'un long ſommeil. Les
cendres du volcan ſur lequel ils ont marche
fument encore autour d'eux. Nous regarderons
donc comme des Etfais toutes les Hiftoires
qui vont paroître juſqu'à ce que l'opinion
les ait conſacrées.
Il n'eſt pas douteux que le ſujet ne ſoit capable
d'échmuffer des ames patriotes , celles
F
128 MERCURE
pourqui le ſeul nom de liberté eſt un objet
d'idolatrie , & les hommes de génie qui
demandent de grands traits,de grandes crifes,
des commotions, pour offrir des tableaux
frappans & des leçons utiles. Le temps des
Républiques paroiffoit évanoui. Il ſembloit.
que la liberté n'avoit plus dans aucun coin dụ
Monde une place pour de nouveaux autels.
Les Dominateurs des deux Mondes -paroifſoient
s'entendre trop bien pour laiſſer eſpérer
que les Suiffes& les Hollandois alloient
avoir des imitateurs. Il ſembloit que le dixhuitième
fiècle, qui a fi long-temps plaidé
en faveur des droits impreſcriptibles de
Thomme , n'avoit point affez de force pour
tenter cette fublime & dernière épreuve !
Combien on a dû être étonné. Eh ! quels mazériaux
offerts à la Philoſophie ! Qu'on ouvre
toutes les Hiftoires, on y cherchera en vain
une révolution auffi prompte , aulli pure
dans les motifs , aufli régulièrement exécutée
dans une domination auffi vaſte. Les armes
desGrecs& des Romains firent de lentes &
pénibles conquêtes. C'eſt la raiſon , c'eſt la
connoiffance des grands principes qui en
moins de deux luſtres a conquis la liberté
dans le nouveau Continent.
Tous les eſprits étoient préparés à la révolution,
& tous l'ont accueillie avec un ſentiment
qui en a haté les progrès. Telle eft
l'influence de la Philoſophie fur un fiècle qui ,
certes, fera un des plus remarquables dans les
faftes du Monde. Venons en à l'Hiftoire que
-
DE FRANCE.
129
M. François Soulés vientde nous donner des
troubles de l' Amerique Angloife.
M. Soulés ſe tranſporte au delà du théâtre
de la guerre ; & avant d'en venir à l'hiſtoire
de ladiviſion entre la Métropole & les Colonies
, il préſente le tableau de la Constitution
Britannique , afin de pallier la rebellion des
Infurgens. Ce tableau n'eſt pas neuf, les couleurs
en font uſées. Rien de frappant dans
les reflexions de l'Auteur; mais il n'en eſt
pas moins vrai que ce tableau devenoit néceflaire.
Par lui, la révolte des Américains
paroît ſeulement une déduction de leurs
droits & des Chartes en vertu deſquelles les
Colonies ſe ſont formées & peuplées. Ce
qui eût été rébellion dans tout autre État
n'étoit en Amérique que l'expreffion d'une
défenſe légitime. L'Auteur paffe enſuite à
la forme d'adminiſtration établie dans chaque
Colonie , & par ces deux rapprochemens on
eft forcé de convenir que lesAméricains pouvoient
ſe croire preſque libres, ou du moins
foumis à des conditions que le Gouvernement
Britannique devoit reſpecter .
F
Enfin arrive l'époque de la guerre. M.
Soules trace l'hiſtorique des débats pour l'impôtdu
thé qui la précedèrent; mais ilne parlo
point du célèbre interrogatoire fubi par Benjamin
Francklin à la Barre du Parlement
d'Angleterre , qui eſt un modèle de légiflation
& un morceau unique par la force des
raiſons & par leur préciſion lumineufe. Il
n'eſt pas non plus queſtion de celui de Penn ;
Fv
130 MERCURE
l'un&l'autre avoient annoncé au Gouvernement
une ſcillion inévitable s'il ne prenoit
pointdes meſures plus équitables. M. Soulés
ne nous paroît point affez appuyer fur les
détails préliminaires & fi curieux des premières
Aſſemblées des Colonies & de la formation
de ces Comités Provinciaux qui enfin
ſe conſtituèrent en un Congrès permanent.
Il nous femble qu'il pouvoit trouver des ſecours
fatisfaiſans ſur cette première partie
de fon Ouvrage.
Maisnous ne lui reprocherons rien àl'égard
des premières opérations hoftiles qu'il décrit
avec vérité & dans le plus grand détail. La
conduite des Gouverneurs Bernard & Dunmore
eft expoſée dans toute ſon intégrité,
ainſi que les préparatifs des Philadelphiens
&des Virginiens. Il nous femble autfi qu'il
élève auGénéralat de l'armée Américaine le
célèbre Washingten une année plus tardqu'il
n'y a été promu , & qu'il recule aufli Pépoque
où lesjeunes gens riches de Boſton s'enrégimentèrent
d'eux- mêmes , & vinrent offrir
à la Patrie leur bras , leur fang& leur fortune.
La manière de M. Soulés eſt en général
très- ſage. Il n'outre rien, & ſe tient continuellement
en meſure. S'il décrit les horreurs
de la guerre civile , il ne force point le
crayon ni le pinceau; s'il parle d'un ſuccès, il
ne s'y arrête point avec trop de complaifance.
Il fuit les progrès de la révolution ſans y mettre
ni enthouſiaſme ni chaleur. Les prodiges
ſe multiplient; il les annonce, cela lui fuffit.
DE FRANCE.
131
Montgommery , Arnold , Gatt , Sullivan ,
Washington reçoivent chemin faiſant un tribut
circonfpect d'éloges. Cependant , à la juftification
près du General Bourgoyne & de
celle de Keppel , on voit que M. Souiés a un
peu néglige les Généraux Anglois. Sa prédilection
pour l'Amérique perce , & il s'en
faut bien que nous l'en blamions. Il nous
ſemble auſli qu'il n'eſt pas revenu affez fouvent
au Congrès, & qu'il n'a point allez fait
connoître la fermeté & la tenue de cette
nouvelle Magiſtrature , dans laquelle un
Citoyen fuccédoit à l'autre , & y apportoit
'du courage , des lumières & de l'opriâtreté.
M. Adams, qui a mis tant d'activité dans
toutes les actions ; M. Jefferson , qui fut un
des premiers à prononcer contre la tyran-
Hie; M. Dean , qui cherchoit en Europe des
amis , des protecteurs , de l'or & des foldats ,.
paroiffent trop en ſubalternes. M. Soulés
n'étoit point embarraiſe par la foule des
grands noms. Il n'écrivoit point les faſtes
d'une Monarchie dans laquelle une Nobleſſe
nombreuſe environne fans ceſſe le
Temple de la gloire. Il préſentoit une République
naiffante. Kien ne l'empêchoit de graver
ſur l'airain immortel les tétes qui l'ont
créée , & de les graver avec leur caractère. Si
les harangues ont été trop prodiguées par les
*Hiſtoriens Romains , & méme par les Modernes
, on n'en doit point conclure qu'elles
font devenues un luxe inutile & une pure
redondance, hiſtorique. Elles euffent jeté
Fvj
132 MERCURE
dans l'Ouvrage de M. Soulés de grands traits
&un intérêt foutenu . On eût aimé entendre
ces hommes dont il raconte les actions .
Pourquoi n'a- t il jamais placé un Orateur
dans le Congrès & dans les Affemblées Provinciales?
Ce qu'il a fait en expoſant les
débats parlementaires, ne pouvoit- il pas l'exécuter
en rendant compte des réſolutions du
Congrès? Une grande Hiſtoire n'eſt point un
Abrégé, & trop de rapidité eſt un defaut. 7
Nos Lecteurs nous entendroient al s'ils
penſoientqu'ils ne doivent qu'une demi confiance
à l'Ouvrage de M. Soulés. Il voit bien
engénéral; il eſt ſimple, mais clair; il eſt peu
de détails qui lui ſoient échappés ; on connoît
l'Amérique & les Infurgens dans fon
Hiſtoire. Il n'eût tenu qu'à lui que nous y
trouvaſſions la clefdes operationsde la France ,
de 1 Eſpagne , & de cette neutralité armée
dûe au grand Frédéric II , qui apprit à
P'Allemagne comment elle devoit s'y prendre
pour faire reſpecter ſes pavillons.
M. Soulés nous fait connoître fans partialire
la ſituation de l'Angleterre , mais pas
affez peut être le génie , les retlources de Lord
North dont il expie toutes les fautes.
Le quatrième Volume renferme les événemens
des années 1781 , 82 , 83 , tant dans
l'Amérique Septentrionale que dans les Indęs
& dans la Méditerranée. Ce ſont les époques
les plus remarquables , & tout devient
important à compter de l'entrepriſe trop mal
fecondée ſur l'Iſte de Jerſey juſqu'au fiége de
DE FRANCE.
133
Gibraltar. Le combat de la flotte de M. de
Graffe y eſt rapporté d'une manière qui ne
déplaira certainement point , & on lira avec
encore plus de fatisfaction le détail un peu
trop rapproché des campagnes& des combats
duBaillide Suffren. Les Officiers François reçoivent
de l'Auteur , à meſure que l'occaſion
s'en préſente, de juſtes éloges. Nous ſommes
fâches que l'Auteur réduite à une menace
puérile le fort du Capitaine Aſgil!, qui offroit
un épiſode fi touchant ,& une leçon fi frappante
fur ledroit affreuxdesrepréfailles. L'Auteur
ſe borne en général à la narration hiſtorique
, fans profiter des réſultats philoſophíques
ou légiflatifs que chacun des faits importanspouvoitproduire.
Il eſt cependant vraique
fans l'interceffion du Ministère de France , s
Capitaine Aſgill eût été la victime de la ſcélérateffe
de Lippencott. On lira avec un ſentiment
d'admiration la Lettre que le Général
Washington adreſſa au Congrès en dépoſant
ſa dignité & ſon épée. Ses vues font celles
d'un homme de bien, d'un grand Légiflateur
&de l'ami de la paix.
Ce Volume eſt terminé par un apperçu ſur
ladette&les finances des États- Unis , contenant
des détails exacts ſur l'état du papiermonnore
& fur fon établiſſement. L'Auteur
s'eft fervi de l'Effaifur les États- Unis , que
M. Demeunier a publié ,& qui lui a paru mériter
toure la confiance. Comme l'argent fut
toujours le nerfde la guerre , il eſt curieux de
s'inſtruire des moyens par leſquels les États
134 MERCURE
Unis font parvenus à établir un équivalent
d'une monnoie qu'ils n'avoient point , &
comment le crédit des États & la confiance
des particuliers ſe font foutenus ma'gré des
variations qui pouvoient avoir des ſuites
funeftes; car le diſcrédit eût amené la défertion
,& la Patrie n'auroit eu ni Soldats ni
Citoyens. Ces détails financiers deviennent
intéreſlans ,& jettent un grand jour fur les
démarches & la conduite du Congrès & des
Américains. C'eſt ainſi que l'efprit philofophique
fait rapprocher tout ce qui eſt utile,
&fondre tous les traits enſemble pour produire
un grand tableau. Ce n'étoit pas ainfi
que l'Histoire étoit écrite ſous le frècle de
Louis XIV. Ce n'eſt pas ainſi qu'on a reproduit
à nosyeuxles révolutions anciennes. Les
combats de Salamine & de Marathon font
très-connus ; mais on ignore comment les
Grecs ont alimenté leurs flottes & foudoyé
PÉtranger. On ne fait où les Achéens ont
pris l'or avec lequel ils s'affranchirent. Les
Hiſtoriens du fiècle préſent l'emporteront de
beaucoup fur tous les autres ,&nous fommes
perfuadés de cette vérité honorable pour nos
Écrivains modernes.
Nous ſommes convaincus que l'Hiſtoire
des Américains fera accueillie des François.
On y lira avec plaifir tout ce que la France a
fait pour eux, la protection que M. de Vergennes
leur a accordée , les fecours que M.
Necker leur a donnés ,& le défintéreſſement
de Louis XVI ; ony verra des noms qui nous
DE FRANCE.
ris
:
font devenus chers , & dont la guerre a refpecté
les perſonnes.
La partieMilitaire, tous les détails des campemens,
des marches , des opérations de campagne
forment la partie la plus complette du
travaildeM. Soulés. Rien n'y eſt omis , & il
paroît qu'il a eu des notions sûres.
Ondoit voir que malgré nos obſervations
critiques , nous avons pour cette Hiſtoite un
fonds d'eſtime que nous ne prendrons point
la peine de diffimuler. Nous ne dirons rien
du ſtyle de M. Soulés, qu'il auroit pu , ſans
beaucoup d'efforts , rendre plus correct &
d'un ton noble& foutenu. Il eff certain qu'il
n'a point prétendu à ce mérite, qui cependant
est devenu aujourd'hui une qualité effentielle
, dont nous ne difpenfons plus l'Écrivain
, quelque profond, quelque penfeur qu'il
foit. Lebon Abbé de Saint-Pierre ſe fit pardonner
ſes négligences en faveur de ſes motifs;
mais il n'a point cru devenir un modèle..
LOUISE , ou la Chaumière dans les marais ,
traduit de l'Anglois, 2 Vol. in- 12. Prix ,
2 liv. 8 fols brochés , & 3 liv. francs de
port par la poſte. A Paris , chez Buiffon ,
Libraire , hôtel de Meſgrigny , rue des
Poitevins, nº. 13.
In eſt important de tranſcrire pour cette
fois l'avis du Traducteur , qui prévient avec
modeſtie ſes Lecteurs ſur les négligences de
ſtyle qu'on pourroit lui reprocher. Il paroît
136 MERCURE
qu'il s'eſt mis à fon aife , & qu'il a cru devoir
ſe contenter de rendre l'Anglois intelligible
à quiconque n'entend que le François .
"Le petitOuvrage dont on offre ici laTraduction
aux Perſonnes qui ne pourroient en
jouir dans l'original , a le double mérite d'étre
écrit par une femme , & d'être fonde fur des
faits récens généralement connus dans le
Comté de Cumberland. Si la peine que l'on
a priſe à conferver dans la Traduction la
noble & intéreſſante ſimplicité de ſtyle qui
lui a fait une réputation ſi rapide dans Londres,
produit l'effet que l'on oſe en attendre, il
n'y a rien à dire ſur le mérite de l'Ouvrage ;
il doit ſe recommander de lui-même. Les
Papiers- Nouvelles, les Journaux, tout retentit
encore de ſes éloges. On en préfere la
manière& le faire à ceux des Romans les plus
modernes qui ont eu le plus de réputation. Il
n'eſt donc pas douteux que fi la Traduction ne
faiſoit pas la même ſenſation, c'eſt la fautede
l'Auteur de cet avis. Il ne la prend cependant
ſur lui qu'à la condition raifonnablequ'en
ouvrant le Livre on ne s'attendra pas à trouver
un ſtyle peigné , corrigé par l'Académie
dans toute la rigueur de la phraféologie Francoife
, malheureuſement trop confultée par
la plupart des Traducteurs . >>>
>>Ce qu'on va lire eſt de l'Anglois rendu intelligible
pour quiconque n'entend que le
François. On a précieuſement confervé les expreſſions
& les images qui , dans les circonftances
où elles font employées , different le
DEFRANCE. 137
plusdecelles qu'employeroit un François. On
regarde cette manière de traduire comme
l'unique moyen de faire connoître à l'Écranger
le vrai génie de la Langue Angloife.>>> راد
Nous pourrions faire quelques obſervations
ſur la véritable manière de faire paffer
dans notre Langue le génie d'une Langue
étrangère,& nous en concluerions qu'on peut
tranſporter parmi nous des beautés étrangères
fans que nous ſoyons diſpenſés de bien
écriredans notre Langue. On a tant differté
fur la meilleure manière de traduire, que nous
n'avons rien à ajouter à tant de demonftrations.
Le ſecret de l'art conſiſte à calquer une
Langue ſur l'autre, fans que celle qui reçoit
l'empreinte de la première en ſoit altérée. Il
faut ſavoir réduire les grands tableaux qu'on
ne peut conferver en entier fans les rendre
ridicules. Ce Roman eſt en effet plein d'intérêt
, quoique la charpente ſoit très-peu de
choſe; mais tel eſt lefaire des Anglois , tour
eft racheté par le naturel des détails , & par
une peinture de moeurs qui reffemble toujours.
Nous avons ditdeux mots de l'intrigue en
annonçant l'Édition qui en a été faite par
un autre Libraite. Cerre concurrence à tra
duire le méme Ouvrage , prouve certaine
ment en faveurde l'original.
133 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
@
OVRES de Jurisprudence de M. Bouhier, Prés
fidentàMortier au Parlement de Dijon , de l'Académie
Françoise, &c. , recueillies & mife, en ordre,
avec des Neres & Additions , par M. Joly de
Bevy , Préſident à Mortier au même- Parlement,
Tome I. A Dijon, chez Louis Frantin , Imprimeur
du Roi,
Les Ouvrages du Préſident Bouhier jouiffent de la
célébrité la p'us méritée. Nous reviendrons fur ce
premier Volume.
La petit Grandiſſon, ſecond Volume.
Çe Volume eſt is neuvième de la ſouſcriptionde
Sandford& Merion ,& du petitGrandifsion, 12 Vol.
La ſouſcription pour les douze Volumes elt de
13 liv. 4 fols pour Paris , & de 16 liv. 4 fols pour la
Province port franc par la reſte.
:
On foufcrit au Bureau de l'Ami des Enfans , rue
de l'Univeraré , nº. 28.
S'adreſſer à M. Leprince , Directeur.
VOYAGE de Henri Swimburne en Espagne , tra
duit de l'Anglois , I Vol. in 8° . fur grand raiſin.
Prix, 6 liv . broché. On en a tiré quelques Exem .
p'aires fur grand raiſin ſuperfin. Prix , 12 liv, broché.
A Paris , chez Didot Faîné , Imprimeur du
Clergé, rue Pavée-Saint-André.
La Religion conſidérée comme l'unique base du
bonheur&de la véritable Philofophie , par Mme la
DE FRANCE. 139
Marquiſe de Sillery , ci-devant Mme la Comteffe
de Genlis , nouvelle Édition , revue, corrigée &
augmentée , in 8 ° . Prix , s liv. broché , & 6 liv.
relié , in 12. 2 I v. 8 ſols broche, 3 liv. relié. A Ore
léans , de l'Imprimetie de Courer de Vileneuve , &
ſe trouve à Paris , chez Cachet , Libraire , tue &
hôtel Serpente.
On voitque cette Édition a ſuivi de bien près la
première,dont nous avons rendu compte dans ce
Journal.
AZEMIA , ou les Sauvages , Comédie en trois
Actes & en profe , mêlée àAriettes, repréſentée à
Fontainebleaudevant Leurs Majestés, le 17 Octobre
1786, & àParis le 3 Mai 1787. Priz, 1 liv. 10 fols..
AParis , chez Brunet , Libraire , rue de Marivaux,
près la Comédie Italienne.
Cette Pièce , qui a réuſſi , eſt d'un Homme de
Lettres connu par d'autres Ouvrages eſtimés.
Le même Libraire a mis en vente la Negreffe;
Opéra-Comique de MM. Radot & Barré, qui eft
encore à préſent au milieu de ſon ſuccès.
TRAITE de la Péremption d'Instance , par feu
M. J. Melenet, ancien Avocat. au Parlement de
Dijon , nouvelle Édition , augmentée d'un Traité
de feu M. le Préſident Bouhier ſur la même matière,
avec des Additions &des Notes , in- 8º. d'environ
200 pages. Prix , 2 liv. 8 fols broché. A
Dijon , chez L. N. Frantin , Imprimeur- Libraire ;
&ſe trouve à Paris , chez Delalain l'aîné , Libraire ,
rue Saint Jacques.
Le même Libraire a mis en vente le trente- rofſrème
Volume du Dictionnaire des Auteurs Claſſt-;
ques.
Il vient d'acquérir à lui (eul le Traité des Teste
140
MERCURE
mens & des Substitutions de Furgole , 3 Vol. in-41.
Prix , 36 liv. reliés .
BIBLIOTHÈQUE Universelle des Dames
Tome IX du Théâtre. A Paris, rue & hôtel Serpente.
!
CeVolume contient deux Comédies de Molière,
leDépit Amoureux & les Précieuses Ridicules . Les
deux Préfaces font de Voltaire. La ſouſcription pour
les vingr-quare Volumes reliés eſt de 72 liv. , & de
54 liv. pour les Volumes brochés ,
ANALYSE Critique de Tarare , Brochure in 8 .
de 26 pages. A Orimutz; & le trouve à Paris , hôtel
de Melgrigny , rue des Poitevins , & chez les
Marchands de Nouveautés.
ANNALES Poétiques depuis l'origine de la
Poesie Françoise , Tome XXXVIII, A Paris ,
chez les Éditeurs, rue de la Juſſienne , vis-à-vis le
Corps-de-garde , & chez Mérigot le jeune , Libraire,
quai desAuguſtins.
Les Éditeurs de ce grand & intéreſſant Ouvrage
touchent bientôt au bout de leur carrière. La Litte.
rature leur fera redevable d'une Collection qui
devenoit dejour en jour plus néceſſaire.
SACRORUM Bibliorum Vulgata Editiones Consordata
, ad recognitionem juſſu Sixti V. Pont. Max.
Bibliis adhibiram, à Franciſco Luca primum recenfite;
deinde à Nuperto Phalefio expurgate ; nunc
verò rursum emendaræ , ac pluſquam quater mille
verficulis auctx , curâ & ſtudio Balthazaris Tourniaire,
Presbyteri Seſtaricenſis , & in Ecclefia Bellocarenfi
Beneficiati , Editio noviffima , ampliſlima ,
&cum ipfo Bibliorum textu verbo ad verbum col
DE FRANCE. 141
lata, 4 Vo' . in- 12. Avenione , Typis Francifci
Seguin , Typographi & Bibliop. juxta plateam S.
Defiderii.
L'EMPRUNTEUR , Comédie en un Acte & en
vers , par M. de Saint- Marrin . Prix , 1 liv. 10 ſols.
AParis, chez Royez , Libraire , quai des Auguftins.
LUSURE conſidérée relativement au droit naturel,
ou Réfutation , 1º. de Grotius , Puffendorf,
Noodt , Wolff & autres Jurifconfultes étrangers ;
2º. de Dumoulin ; 3 ° . du Traité des Prêts de Commerce;
4°. de la Théorie de l'intérêt de l'argent, 2 vol.
in- 12. Prix , f liv. 10 fols brochés franc de port
par-tou: le Royaume. A Paris , chez Benoît Morin ,
Libraire , rue Saint Jacques.
L'Auteur traite ſon ſujet en quatre chapitres , fousdiviſés
en pluſieurs articles & paragraphes. Il foutient
que l'Ufure ( & par ce mot il entend même le
fimale intérêt de l'argent) eft contraire au droit
nature! & à la ſaine raiſon. Il appuie cette affertion
fur le témoignage des Théologiens, & même des
Jurifconfultes François. Cet Ouvrage peut être
utile à ceux qui écrivent ſur ces ſortes de matières.
TRAITE de la Fièvre maligne fimple & des
Fièvres compliquées de malignité, par M. Chambon
de Montaux , de la Faculté de Médecine de
Paris . de la Société Royale de Médecine , Médecin
de l'Hôpital de la Salpétrière , &c. , 4 Vol. in- 12.
Prix , to liv. brochés , & 12 liv. reliés. A Paris ,
ru:&hôtel Serpente.
CetOuvrage en deux Parties, dont l'une traite
de la Fièvre maligne ſimple , & l'aurre des Fièvres
compliquées de malignité , paroît avec une Approbation
très-honorable des Commiſſaires de la So
142 MERCURE
ciété Royale nommés pour l'examiner. Il ſeroit
inutile de rien ajouter au jugement qu'ils en ont
porté. I's y ont trouvé beaucoup d'érudition , une
critique judicieuſe , un plan méthodique , une théotie
fondée fur des obſervations de pratique.
CARTE de la Lune, par J. Dominique Caffini.
Cette Carte , la plus grande & la plus exacte qui ait
été publiée, eſt de 20 pouces de diamètre ; elle eft
intéreſſante par ſon objet, par ſon Auteur, par fes
détails& par la beauté de ſon exécution. Prix , 6 liv.
A Paris , chez Dezauche , ſucceſſeur des ficurs
Delifle & Phil. Buache , premiers Géographes du
Roi , de l'Académie Royale des Sciences , rue des
Noyers.
,
4
-PLAN de Saint- Jean- de- Luz , avec les différens
Projets d'agrandiffement du Port, dédié & préfenté
le 10 Juin 1787 , à Mgr. Comte d'Artois par
les Geurs Thouars & Dupuis , Graveurs , ayane
27 pouces de large , ſur 22 de hauteur. Prix ,
8 liv. en papier de Hollande enluminé , 6 liv.
en papier de France enluminé , & 3 liv. en
papier de France en noir. A Paris, chez le Geur
Thouars , rue Pavée , au Marais , nº. 6 , & chez le
Geur Dupuis , Graveur , rue Mignon , en face de
l'Imprimerie du Parlement, Ce Plan , qui réunit au
fini du burin une exactitude peu commune , ne peut
qu'intéreſſer les Amateurs, &principalement les Armarcurs&
Négocians; il eſt enrichi d'Obſervations
qui ne laiſſent rien à defirer pour avoir une idée des
travaux & de l'importance du Port de Saint-Jeande-
Luz ; les travaux ſont les mêmes que ceux de
Cherbourg; on y emploie également les cônes. Ce
Plan repréſente le Port, la.Ville , les rues, les digues ,
les rivières, les marais ,les bois, &c. Saint Jean-deDEFRANCE.
143
Luzeſt ſitué fur les frontières de la France, aux pieds
des Pyrénées , àtrois lieues de Bayonne.
Vus Perspective de la Ville de Rouen , peinte
par J. F. Hus , Peintre du Roi, & de fon Académic
de Peinture & de Sculpture , gravée par F. Gode
froy , de l'Académie Impériale de Vienne , &c.
Prix, 6 liv. A Paris, chez l'Auteur , rue des Francs-
Bourgeois, près le Théâtre Franço's , vis-à- vis la
tue de Vaugirard , nº. 127 , & chez M. Hue , rue
du Fauxbourg Montmartre, au coin de la tuc
Bergère.
:
Cette Eſtaupe eſt gravée avec beaucoup de
Coin, & d'un effettrès-gracieux,
HUMANITÉ & Bienfaisance du Roi , Eſtampe
gravée d'après P. L. de Bucoart , Peintre du Roi ,
par Guyot. Prix , liv. A Paris , rue Saint Jacques
nº. 9 ; & à Versailles , chez Blaizot , rue Satory.
Ccate Estampe en couleur repréſente une des
Acions d Humanité de notre Monarque ; elle est
la troiſième d'une ſuite que donne l'Auteur ſous le
titre de l'Heroilme National . Le ſujet de celle qui
fuyra eſt Henri IV aux portes de Paris...
:
COLLECTION de la Musique de M. Grétry ,
Numéro 1, pour deux Violons , contenant l'Ouverture
& trois Airs du Mariage d'Antonio, par M.
Corbelin, ſeul chargé par M. Grétry d'arranger la
Muſique de ſes Opéras pour tous les Inſtrumens.
Prix , 2 liv. & fols. On peut vendre ce Numéro
par moitié, chacune coûtera i liv. 10 fols. A
Paris, chez M. Corbelin , Profeffeur de Muſique ,
Place Saint Michel , maiſon du Chandelier.
NUMEROS 5 & 6 du Journal de Clavecin , par les
meilleurs Maîtres. Prix,ſéparément 3 liv. Abonne144
MERCURE
-
ment is liv. pour douze Livraiſons , qui ſe font
tous 1.s feconds Dimanches de chaque mois. Numéros
21 à 24 du Journal de Harpe , par les meilleurs
Maitres. Numéros 31 à 34 du Journal
Hebdomadaire , composé d'Airs arrangés pour le
Forte-Piano. Prix , chaque Numéro 12 fols. Abonnement
pour cinquante-deux Numéros 15 liv.
franc de port. AParis , chez Leduc, au Magaſin de
Muſique&d'Inftrumens , rue du Roule , nº . 6.
:
• NUMÉROS 203 & 204 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , contenant un Air du
Pittor Parigino , Muſique del ſignor Cimaroſa.
Prix , 2 liv. 8 ſols,&une Scène de l'Incognita Pera
feguitata del ſigror Anfoſſi . Prix , 3 liv. 12 fols . A
Paris, chez M. Bailleux , Marchand de Muſique de
Ja Famille Royale , rue Saint Honoré , près celle de
la Lingerie, à la Règle d'or. Prix de l'Abonnement
pour vingt-quatre Numéros 36 & 42 liv.
TABLE.
Les Cachots, Elégies 97 Discours choisis de Ciséron
Vers à MllesDefcarsin ,
Sur l'Amour,
100
ibid. Hiftoi e des Troublesde l'A
Charade, Enigme & Logo- mérique Angloise ,
119
126
gryphe,
Périſtère,
101 Louise ,
103 Annonces & Notices , 138
KI
APPROBATIΟΝ.
1.
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des- Sceaux,le
Mercurede France, pour le Samedi 21 Juillet 1987. Je n'y
ai rien trouvé ari puiffe en empêcher l'impreffion. A
Paris, le zo Juillet 1987. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le s Juillet.
IL a paru, le 8 de Juin, deux Réglemens
du Roi de Danemarck , concernant les
droits & les devoirs réciproques des Seigneurs
fonciers & des fermiers. On te promet
de ces Réglemens fondés ſur la juſtice ,
la liberté & la sûreté , de grands avantages
pour l'agriculture.
La Compagnie d'Afie fera inceſſamment
ladiftribution du dividende de l'année derniere;
il monte a 60 rixdalers par action .
La permiſſion d'importer dans les Evêchés
d'Aggershaus & de Chriſtianſaud , du
ſeigle , de l'orge , de l'avoine & de la farine
d'avoine venant de l'étranger ſur des bâti-
No. 30 , 21 Juillet 1787. C
!
( 98 )
1
mens nations, x ou étrangers , a éré prorogee
jusqu'à la în du mois de Juiller de
Pannée prochaine ; le droit de doane pour
ces denrées eft de 7 ſchellings & demi par
tonne.
On apprend d'Odenſée , que le Prince
Royal de Danemarck y eſt arrivé le 17
Juin , après avoir fait la revue des troupes
engarniſonà Neftved, Slagelſe & Nybourg.
Depuis le 13 juſqu'au 1i5s on a vu entrer
dans le Sund 194 bâtimens de diverſes nations.
On écrit de Sendomir en Po'ogne , que
Ic tonnerre eſt tombé fur l'Eglife pendant
Foffice , & qu'il a tué la Comteſſe de Popiel
& 10 autres perſonnes.
Suivant des lettres de Pétersbourg , le
Gouvernement a rendu un Ukafe contre
les duels ; les contrevenans feront punis
d'exil & de prifon dans la Siberie. Elles
ajoutent que la petite eſcadre qui va faire
voile pour les Indes Orientales, dot examiner
les côtes de la Chine & du Japon ,
& tenter des découvertes fur les côtes de
Kamtſchatka.
La grande chaleur a occaſionné des maladies
épidémiques fur les frontieres de la
Turquie. Pour en garantir le cordon des
troupes Ruffes , les Commandans ont fait
diftribuer des préſervatifs , & ils veillent à
ce qu'il ne s'établiſſe aucune communication
avec les ſujets Ottomans. Les troupes
( وو (
duGrand Seigneur font en mouvement&
ſe reſſerrent près de Chozim.
De. Berlin , le 4 Juillet.
Le Roi ayant jugé à propos d'établir un
Confeil ſupérieur pour toutes les affaires
re'atives à l'arme , S. M. en a confié la
Présidence en chef au Duc regnant de
Bran wick , la vice-Préſidence au Général
de Mollendorf, la troiſieme place au Lieutenant-
Gené al de Rohdig , que S. M. a
nommé en même temps premier Miniſtre
de la guerre , & la quatrieme p'ace au
Major-Général de Kannewurf. Ce Conteil
eſt réparti en ſept départemens , dont chaun
aura un Directeur & un Allefleur.
Dans le premier département feront réunies
toutes les affaires relatives à I Infanterie ; le Directeur
eneſtie Major généérraall ddee Viettinghofen,
& l'Alſeſicur le Major de Manſtein ; le fecond
département s'occupera de toutes les affaires de
la Cavalerie ſous la direction du Major-général
de Pfuhl ,le Major-Baron de Schroetter , Affeffeur
; le troiſieme département s'occupera
de l'Artillerie , ſous la direction du Colonel
de Ditmar , le Colonel de Muller , Alfeffeur
; de quatrieme département s'occupera
des affaires du Corps de Génie. Le Directeur
& l'Affefleur ne font point encore nommés
. Le cinquieme département s'occupera de
sout ce qui eſt relatifà la ſubſiſtance de l'armée ,
ſous la direction du Lieutenant-général & Mniſtre
de la guerre de Schulenbourg ; Affef-
Leurs , le Major-général de Froideville & le Co.
C2
( 100 )
Jonel de Bockelberg. Le fixieme département
s'occupera des affaires relatives à l'habillement
des troupes & aux muni ions de guerre , ſous la
direction du Major général de Boyen ; Ailefleur ,
te Major de Vofs. Le ſeptieme département s'occupera
des affaires relatives aux Invalides ,ſous
la direction du Major-général de Colong ; Affoſſeur
, le Lieutenant-Colonel de Pan'sdorf.
S. M. a fupprimé entierement le nouvel
impôt ſur la farine de ſeigle, par une lettre
écrite le 24 Juin au Miniſtre d'Etat, le Baron
de Werder , & dont voici la traduction
fidele :
,
Mon cher Ministre privé d'Etat de Werior ,
ayant examiné l'état actuel des revenus de l'Etat
, j'ai trouvé que je pouvois procurer à mes
bons ſujets quelque ſoulagement. En conféquonce
, je vous ordonne de ſupprimer entiérement
dans le tarif d'acciſe , la nouvelle taxe ſur la
fatine de ſeigle. Ma volonté eſt que , dans le
cours de l'année , vous balanciez avec exactitude
les droits d'acciſe & de douane , & que vous me
faffiez le rapport de leur produit , afin que ,
fuivant cette balance , je puiſſe modérer encore
davantage les impoſitions actuellement ſubſiſtanres
, autant que les beſoins de l'Etat le permettront;
car le bien être de mon peuple eſt le
principal objet de mes ſoins. Les preuves que
vous m'avez données de votre probité , de votre
habileté & de votre zele pour mon ſervice , ne
me laiſſent pas douter un inſtant que vous ne
faffiez tout ce qui dépendra de vous , pour que
je puiſſe effectuer mes vues paternelles . Vous
pouvez publier cette Lettre , qui renferme mes
ordres & mes véritables intentions. Je ſuis votre
( 101 )
bienaffectionné Roi. A Charlottenbourg , le 24
Juin 1787.
FRÉDÉRIC-GUILLAUME.
S. M. a auſſi réduit à 2 pour cent les
droits de tranfit ſur l'Oder , pour les marchandiſes
& productions de Ruffie , & à 3
pour cent les mêmes droits ſur l'Elbe.
Un payſan de la Pruſſe , qui avoit appris
le ſuccès du mennier Arnold, préſenta au
feu Roi de Pruſſe un mémoire contre le
Tribunal , devant lequel il avoit perdu un
procès. Le Roi ayant ordonné à ce Tribunal
de revoir l'affare , les Juges confirmerent
leur premiere Sentence. Enfin , après
une troiſieme reviſion , toujours contre le
payſan , le Roi écrivit au Préſident de
Munchhausen , ces mots : mal informé , mal
ixaminé, mal jugé. Le Préſident répondit
ſur le même papier : Sire , V. M. peut difpofer
de ma téte, mais non de ma confcience ,
la Sentence reftera telle qu'elle a été prononcée.
Certe noble hardieſſe frappa le Roi , & l'on
crut d'abord que le Préſident feroit puni ;
mais quelques heures après S. M. lui écrivit
le billet ſuivant : Mon cher Président de
Munchhausen , je loue votre intégrité & votre
fermeté , & je vous accorde un fupplément
d'appointement de 800 dahlers.
De Vienne , le 4 Juillet.
L'Empere ir que l'on attendoit ſeulement
e3
( 102 )
le 2 du courant , eſt arrivé en cette Capt. -
tale , le 30 Juin , à 5 heures du ſoir ; & fon
retour a caufé une joie univerſelle .
L'eſprit de ſédition parmi les Valaques
de la Transylvanie n'a pas encore ceffé; ils
continuent de ſe permettre des déford es
affligeans pour les habitans paiſibles de cette
Province. A ce fléau ſe joint dans ce moment
une grande diſette de denrées , qui a
occaſionné une maladie épidémique trèsmeurt
iere. On aſſure qu'un grand nombre
d'habitans ſe nourrit de fon & de racines
fauvages.
Pluſieurs lettres , écrites par des perfonnes
refpectables , à la ſuite de lEmpereur,
affurent que la plus grande pa tie de la lau
ride eſt abſolument nou te & dépeuplée , &
qu'il s'en faut que la ville de Cherion &
fon commerce folent dans un état auſſi Aoriffant
, que le prétendent pluſieurs Gazetiers
&Journalistes.
De Francfort , le 9 Juillet.
Le 24 Jun on a reconna à l'Obfervatoire
de Manheim , une aurore toréale fur
les 11 heures du foir. Sa durée a été à peine
de 20 minutes; fes colonnes , au nombre
de ſept, baſſes & bien marquées , ne montoient
gueres au-deſſus du 40º. degré , &
( 103 )
s'inclinoient preſque perpendiculairement
l'horifon . Une heure avant la formation de
ce météore , on avoit remarqué un changement
conſidérable dans les inſtrumens
météorologiques; le vif- argent dans le barometre
avoit deſcendu de 4 dixiemes de
ligne , dans le thermometre d'un degré , &
dans l'hygrometre de 2 degrés & demi.
L'aiguille aimantée avoit rétrogradé de 16
minutes.
L'Aſſemblée du Cercle de Souabe , tenue
àUlm , a arrêté de lever un fubfide extraordinaire
, de 17 Romains .
Il eſt certain , dit une lettre de la Molda
vie, du 16 Mai. que Sahim Gueray , ancien
Khan de la Crimée , eſt arrivé ſur le Pruth,
& que le 1 Juin il a fait dreffer un camp
près de la ville de Focfani. Il a avec lui ung
eſcorte de soo hommes.On aſſure que le
Capidgi Bachi , qui l'accompagne , a ordrede
faire paſſer ce Prince àAdrianople.
Pluſieurs Feuilles Allemandes ont publié
dernierement les particularités ſuivantes ,
touchant la mystérieuſe deſtinéede ce Sahim
Gueray, actuellement vagabond.
Sahim Gueray avoit , ſous divers prétextes ,
refuſé de ſe rendre aux invitations de S. H.;
mais enfin , au mois d'avril , il fi: ſavoir au
Commandant de Choczim qu'il étoit réfolu de
partir; & effectivement il fortit de la ville ac
compagné de 60 domeſtiques d'un Pacha &
de deux Capidgi-Bachi ; ces derniers devant lui
fervir d'eſcorte & lui procurer toutes les com
e4
( 104 )
modités durant ſon voyage. Cependant, au lieu
d'aller en droiture vers la Siliſtrie , il ne faiſoit
qu'aller & venir d'un endroit à l'autre dans la
principauté de Moldavie , incommodant par-là
infiniment les habitans , forcés à lui fournir
des vivres de toute eſpece. Le Pacha qui le
fuivoit ne pouvoit jamais lui parler & encore
moins l'approcher pour lui communiquer les
dépêches qu'il recevoit de Conftantinople ; le
prince le traitoit conftamment avec le dernier
mépris ; & lorſque dans les cas indiſpenſables
il avoit à lui parler , il le faiſoit de fort loin
&toujours indirectement par le canal des interpretes.
La Porte , informée de la conduite hauraine
de Sahim-Gueray &de ſon extrême irréſolution
, donna ordre à un Capidgi Bachi &
à quelques autres officiers de ſe rendre enMoldavie
, & de prendre ſi bien leurs meſures pour
que l'Ex-Kan paſſåt le Danube , bon gré , malgre.
Ces Officiers arriverent dans ladite principauté
, le 20 du mois de Mai , & communiquerent
auffi- tôt à l'Hoſpodar les ordres dont
ils avoient été chargés par S. H. Ils firent en
conféquence toutes les diſpoſitions néceſſaires
avec tant de diligence &de ſecret , que Sahim-
Gueray ſe trouva hors d'état de leur oppoſer aucune
réſiſtance , avant d'avoir eu la moindre
connoiſſance de ce qu'on tramoit contre lui :
dès le 16 il fut forcé de ſuivre les nouveaux
guides qui le tranſporterent en Valachie où il
entra le 29. Comme tout étoit préparé ſur le
Danube , on croit qu'il aura pu paſſer ce fleuve
au commencement de ce mois. Le bruit eſt général
qu'on doit le tranſporter dans l'ile de
Négrepont , qui eſt le lieu ordinaire où la Porte
envoie les Princes exilés de la Cour Ottomane .
( 1ος )
ESPAGNE.
De Madrid , les Juin.
L'Evêque d'Arequipa , à fon arrivée d'Amérique
à Cadix , a eu ordre du Roi de ſe
rendre aux Capucins juſqu'à nouvel avis de
Sa Maj . pour avoir quitté ſon Dioceſe ſans
permiffion.
Le Roi vient d'élever , au grade de Lieutenant-
Général de ſes Armées , le Comte
Montijo, Capitaine d'Halebardiers ; le Marquis
de Villena , Grand-Ecuyer ; le Comte
de Fernan Nugnès, Ambaſſadeur à Verfailles
; & Don Jérôme Caballero , Commandant
la Brigade des Carabiniers.
Les fievres tierces continuent de régner à
Aranjuès . Preſque tous les Miniſtres & plufieurs
de leurs Commis en font attaqués.
L'Infant Don Gabriel , s'alita Dimanche dernier
avec la fievre précédée de friſſons. Le
mardi ſuivant , il a été déclaré que S. A. R.
avoit la fievre tierce ſimple.
On écrit du Ferrol que , depuis huit mois
que le vaiſſeau le Saint- Jofeph eſt forti de la
Havane richement chargé , & ramenant en
Europe le Marquis de Périja , ancien Commandant
duRégiment de Cavalerie de Farneye
, on n'en a eu aucune nouvelle , ce qui
fait craindre qu'il n'ait péri corps &biens.
Une femme de Fuen-Salida , village de la
Caſtille nouvelle , agée de 64 ans , nourrit
es
( 106 )
unde ſes petits fils , & a du lait très abondamment.
Le Roi & la Famille Royale ont
vou'ula voir , & lui ont donné des aumônes
confiderables.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le to Juillet.
Mercredi denier , 4 de ce mois , S. M. a
élevé le Général George-Auguste Elliot à la
dignité de Pair d'Angleterre , ſous le titre
deBaron de Heatfield. On lui avoit offert ,
daton , de le nommer Lord Gibraltar ,
comme le Général Stanhope , au commencement
du fiecle , fut créé Lord Mahon ;
mais la modeſtie qui a diftingué toutes les
actions du Chevalier Elliot , lui a fait préférer
de porter le ſimple nom d'une de ſes
terres , dans le Comté de Suſſex.
Le jour précédent , le Chancelier s'étant
rendu chez M. Pitt , on tint ſur les affaires
de Hollande un Conſeil de deux heures ,
dont les réſolutions furent immédiatement
tranſmiſes à l'Amirauté. Par un effet des
mêmes conjonctures , leDuc de Richmond ,
Grand - Maître d'Artillerie , a renvoyé la
tournée qu'il ſe propoſoit ſur les côtes du
Royaume.
Enfin hier , après Farrivée d'un Exprès ,
expédié de la Haye par notre Miniſtre plénipotentiaire
, M. le Chevalier Harris , le
Conſeil s'eſt aſſemblé tout de ſuite , & a
( 107 )
convoqué pour aujourd'hui le Bureau de
l'Amirauté.
-Le Capitaine H. Clobury Chriſtian eſt
nommé au commandement du Coloffus , de
74cap. , dernierement lancé à Woolwich ,
& que l'Amirauté vient de mestre en com
miflion, pour le réunir à l'eſcadre du Commodre
Gower , qui n'a pas encore fait un
mouvement. On preſſe à Chatam la conftruction
du Royal George & de la Reine
Charlotte , tous deux de tre canons ; & au
premier jour on lancera du même chantier
le Leviathan, de 74 can.; le Marlborough,
& la Défense , de la même force , font en
réparation dans les baſſins. Le Prince de
Galles , de 90 can. , dernierement lancé à
Woolwich , a pris ſes agrès , & eſt arrivé à
Gofport. ( Station des vaiſſeaux de guerre
dans la rade de Spithéal. )
Vendredi dernier , Lord Rodney eut une
longue conférence avec S. M. au palais Saint-
James , & le Commodore Gower un entre .
tien de pareile durée avec Mylord Hoive ,
prem'er Lord de l'Amira né.
Depuis 4 jours les Fonds publics font retombés.
Les 3 pr. 100 conſolidés ſe trouvent
en ce moment à 71 & demi .
I'ordinaire de la Marine Royale , fuivant
l'état dreſſé par les Commiſſaires des differens
ports, le 30 Juin dernier , priſente :
A Plimouth , 38 vaiſſeaux de ligne deux de
so canons , onze frégates, 2 floops , un cutser
un yacht. 2
( 108 )
A Porstmouth , 46 vailleaux de ligne , un de
so canons , 26 frégates & 6 floops
A Chatham, 35 vaiſſeaux de ligne, 5 de 50
canons , 20 frégates & 9 floops .
A Sheerneff, 7 vaiſſeaux de ligne , un de 50
canons , 9 frégates & 10 floops.
A Woolwich , I de 50 , 19 frégates , II floops
& trois cutters.
A Deptfort , 17 frégates , 9 loops &
cutter .
,
:
Depuis que cet état a été dreſſé , il a été
mis en commiſſion trois vaiſſeaux de ligne ,
le Bedford , le Magnificent &le Coloffus de
74 canons , & 2 frégates , & le Prince , vaif
ſeau de ligne de go canons a été lancé à
Woolwich comme nous venons de le rapporter.
,
,
Les droits paiés la ſemaine derniere à la
Douane de Londres , fur les marchandiſes
importées de nos Colonies & des Etats
d'Amérique , indépendamment de ceux
qu'on a perçus ſur les marchandiſes de toutes
les autres parties du monde, ſe ſont élevées
à 6000 liv fterl. par jour. Samedi dernier
ces entrées monterent même à 10,000
liv. ſterl . L'exportation des marchandifes
Britanniques a excédé encore de beaucoup
cette immenſe importation ; ce même ſamedi
il en fut enregiſtré à la Douane pour
la valeur de 350,000 liv. fted . dont les deux
tiers ſortoient des Manufactures d'Angleterre
& d'Irlan le.
Le Général Elliot a fait tranſporter ſes
chevaux de Gibraltar. On diſtingue particu(
109 )
liérement dans ce haras trois fuperbes éralons
Arabes , un vieux cheval que le Général avoir
emmené avec lui à Gibraltar ily a près de 20-
ans , & trois ânes d'Eſpagne.
Un particulier a tanné des peaux de chèvre&
de veau pour l'uſage desRe ieurs, dans
la marre chaude d'une eau où l'on avoir fait
cuiredes artichaux . Ce moyen a auſſi - bien
réufli que ſi l'on s'étoit fervi de galles blanches
ou de l'écorce de ſaule.
La feuille de prunellier, bouillie dans une
décoction d'eau d'orge détrempé , pour en
faire de la dreche , lui a paru également efficace
pour pénétrer ces veaux de la matiere
végétale néceſſaire à leur deſtination .
Par les expériences qu'il a faites ſur la racine
de l'iris jaune , il s'eſt aſſuré qu'elle produiſoit
le même effet que la meilleure galle
blanche , qui est bien ſupérieure en force &
en beauté à celui que donne la meilleure de
toutes les écorces.
Il a teint quelques - unes de ces peaux en
rouge , en jaune & en bleu , & elles ſe font
trouvées preſqu'auſſi belles que le maroquin,
&très peu inférieures aux cuirs de Lisbonne,
Le fait ſuivant arriva il y a quelques années
à bord d'un des vaiſſeaux de la Compa
gnie des Indes. Ce navire étant en chargement
à Bencoolen un des Matelors difparut.
Après bien des recherches inutiles ,
foit à foit à bord des autres bâtimens
, on juge a qu'il s'étoit accidentellement
terre
و
,
( 1101 )
noyé. Sa perte fut d'autant plus ſenſible, que
c'etoit un bon matin & un excellent nageur.
Au bout de quelque tems , le vaiſſeau , ayant
completté une cargaifon de poivre , mit à la
voile , & arriva à Deptfor 1. On déchargeoit
le vaiſſeau , lorſqu'au grand étonnement de
l'équipage , on trouva ſous le poivre le
Matelot qu'on avot tant cherché. Ses habits
étoient parfaitement conſervés & fon corps ,
ſans autre altération que celle caufée par la
preſſion , ne donnoit pas le moindre figne de
putridité , quoique la traverſée eût duré cinq
mois entiers.
L'un de nos Journaux a recueilli dernierement
quelques faits affez carieux fur le
Numéraire & fur la valeur des ſalaires , à
différentes époques de la Monarchie Am
gloife.
Vers l'an 900 , le Roi Alfred laiſſa à chacune
de ſes filles 100 liv. ſterl. par an.
En 1221 , Jeanne , fille aînée du Roi Jean,
à fon mariage avec Alexandre , Roi d'Ecoffe,
eutun douaire de mille liv. ſterl. par an .
En 1278 , Edouard I donna au fils du Roi
des Romains , qui épouſoit ſa fille Jeanne,
10,000 marcs ſterl. , à condrion cependant
que cette ſomme ſeroit reſtituée , file Prince
mouroit avant fa femme.
(1
En 1314 , on affigna à la Princeſſe Elifabeth,
épouse de Robert Bruce, Roi d'Ecoffe,
qui étoit détenue en Angleterre , une fomme
de 20 fchel, par emainepout fon entretien&
celuide fa famille .
11 )
1
En 1350 , Jeanne d'Oxfort , Nourrice
du l'rince Noir, obtint une penfion de rol.
fterl . far an ; & Madeleine Plumpton , Berceufe
eut 10 marcs fterl .
Les penſions , accordées par le Roi aux
Cardinaux & aux grands Officiers du Pape ,
qui étoient en quelqueforteretenusà la Cour
d'Angleterre, s'elevoient au plus à jo marcs
par an.
En 1351 , les Ouvriers reçevoient le montant
de leurs falaires en bled , ſur le pied de
10 den. ſterl . le boiſſeau. Un Maître Charpentier
, Maçon ou Couvreur avoit 3 den.
par jour; ſes Ouvriers z den . , & ſes Mancoeu
vriers 1 den. & demi.
En 1402 , le ſalaire du Lord , premier
Jage du Banc du Roi , étoit de 40 liv. ft. par
an.
En 1408 , le Lord , premier Juge de la
Cour des Cormon's Pleas , avoit ss marcs
Far an.
En 1545 , on augmenta le falaire du pre
m'er Juge du Banc du Roi de 301. fterl . ,&
celui de chaque Juge du méme Tribunal.
Celui des Commen's Pleas fut augmenté à
la même époque de 20 liv. ſter.
Sous le regne de Henri VII , qui , en fuivant
l'ordre chronologique , devoit êve
placé plus haut , n Amiral en activité avoit,
s' 1 étoit fimple Chevalier , 4 ſchel , par jour ;
s'il étoit Baron , 6 fchel. 8 deniers; s'il étoit
Comte , 13 ſchel. 4 den.
( 112 )
Fea М. Едолаrt Wortley Montague , nen content
de courir l'Egvate comme un Arabe , eut
envie de ſe faire Mahometan . I. en prit efectivement
Phabit & les habitudes , on le vit
enfin lailler croitre ſa barbe , fumer avec une
longue pipe croifer les jambes , prendre de
l'opium , ne boire que du café , & bannir les
tableaux de ſes appartemens. Il n'oublia pas de
former un joli ſérail . Ce mortel original mourut à
Veniſe, en revenant en Angleterre , où il vouloit
finir ſes jours ſans quitter cependant l'habit ni
les moeurs turques. N'ayant point d'héritiers ,
& poffedant des biens confidérab'es il chargea
par lettre , M. Becknock , qui fut enſuite peniu
en Irlande avec Fitz Gerald , de lui chercher
une femne Il l'avoit averti qu'une femme enceinte
s'il la trouvoit , lui conviendroit encore
mieax. La mort dérangea ce projet , & fa for.
tune pafla à Milady Bute, ſa ſoeur , qu'il vouloit
précisément fruſtrer de cet héritage.
,
Suivant le rapportduComité de laChambre
baffe , chargé d'examiner les comptes
des Inſpecteurs de la taxe des pauvres , il
conte , qu'année moyenne , le total de
cette taxe s'eſt élevée en Angleterre & dans
laPrincipauté deGalles feulement , à deux
millions quatre mille deux cent trente huit
liv. fterl. A 1500 liv. fterl. près , en moins ,
ladépenſe a égalé la recette. Le Comité a
indiqué pluſieurs économies à faire , qui diminueront
la taxe , & mettront les Paroiffes
à même de diftribuer les ſecours avec plus
de discernement.
;
( 113 )
FRANCE.
De Versailles , le II Juillet.
Le 24 du mois dernier , Leurs Majeſtés
& la Famille Royale ont ſigné le contrat de
mariage du Baron de Saint- Paër , Officier
au régiment des Gardes Françoiſes , avec
demoiselle de Gorenflors .
Le Prince de Croy ,le Marquis de Cuftine
& le Baron de Livron , qui avoient el
l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu ,
le 2 , celui de monterdans les voitures de
Sa Majesté , & de la fuivre àla chaffe.
Le ſieur Gifors , Architecte , ancien penſionnaire
du Roi à Rome , a eu , le 3 ,
T'honneur de préſenterà Sa Majesté le projet
d'une place pour la ſtatue du Roi , en face
de celle de Henri IV , & devant la place
Dauphine , qui ſe trouveroit décorée d'un
arc de triompe.
Le 8 de ce mois, les Députés des Etats d'Artois
furent admis à l'audience du Roi , & préfentés
à Sa Majeſté par le Maréchal de Lévis ,
Gouverneur-Général de la Province , & par le
Maréchal de Ségur , Miniſtre & Secrétaire d'Etat
, au Département de la Guerre , ayant celui
de la Province d'Artois. La députation , conduite
à l'audience du Roi par le ſieur de Watronville
,Aide des cérémonies , étoit compoſée ,
pour le Clergé , de l'Abbé de Fabry , Chanoine
& Vicaire-Général de Saint-Omer , qui porta
la parole ; pour la Nobleffe , du Marquis d'Ef(
114 )
tourme , Maréchal des Camps & Armées du
Roi ; & pour le Tiers-Etat , du fieur Queſnoy ,
Ecuser , Avocat en Parlement , & ancien Echevin
de la ville d'Arras. Ils eurent enfuite l'honneur
de faire leurs reverences à la Reine & à
la Famille Royale.
De Paris , le 18 Juillet.
Lettres- Parentes du Roi , du 18 Join
1787 , quineglent les procédures qui feront
fuivies par la Chambre des Comptes , pour
la difcuffion des biens du ſieur Megret de
Serilly.
On nous mande du Soiffonnois un acte
d'intrépidiré de la pat d'une jeune fille de
22 ans , bien digne des recompenfes qui en
ont été la ſuite. Le public , en lifant ce
trait, partagera fans doute les ſentimens
des rémunérareurs .
« Derniérement , une béte carnaciere inconnue
, qu'on a ſu depuis être un loup de la
>>grande eſpece , s'étoit cachée dans un champ
>> enfemencé en ſeigle , dans la Paroiſſe de
Caillonel , près de Chaulny , & avoit enlevé
>>un enfant de it ans. Auſfitôt , une fille de
>>>cette Paroiffe , nommée Marie- Anne Bara
âgée de 22 ans , attirée par les cris de la mere
>>> de l'enfant , court feule & fans a mes , en pré-
>> fence de pluſieurs hommes qui n'ofent la fui-
>> vre , atteint la bête , la combat , la poursuit à
travers un marais , franchit comme elle un
>> foffé ; l'atteint de nouveau , lui arrache enfin
>>>ſa proie de la gueule , emporte l'enfant encore
>> tout palpitant , & le rend à ſa mere . Malheu
( 115 )
reuſement l'enfant étoit mort , quoique fon
>>corps fut encore entier. M. l'Intendant de Soif .
tons , informé de cette action courageuſe , a
>>>chargé le ſieur Goulliut , ſon Subdélégué à
>Chaulny , ainſi que le ſieur de Bonnival , Maire
>>>de la ville , de remettre à la fille Bara une gra-
>> tification de ſa part , & de lui fire tous les
henneurs qui dépendroient d'eux. En confé
>>>quence , la fille Bara a été mandée , & s'ell
>>>rendue à Chaulny le jour de la Saint Pierre ,
> accompagnée de ſes pere & mere , frere &
>> foeur , de 8 jeunes filles , vêtues comme elle ,
>> en blanc , & de tous les habitans du village ,
> ayant le Curé à leur tête . La Milice Bourgeoife
a éré au-devant d'elle , & l'a conduite à l'Hôtelde-
Ville , à travers de plus de 4,000 Specta-
-> teurs . Là , le Subdélégué & le Maire lui ont
>>remis , dans une bourse que Matime de Maucare,
Abbeffe de l'Abbaye Royale de la Fere ,
> avo': faite pour elle, les gratifications qui lui
ércient destinées . Les Dames de la vile le forc
plu également à honorer & récompen er le cou-
> rage de cette fille par des préfens de différentes
efpeces . Après la cérémonie , 1. fille Bara a été
>>conduite avec fes com ages , fon Cure & au-
>>>tres , shez le Maire , qui lui avoit fait préparer
une collation .
• Il a été fait des battues pour tâcher de tuer
leloup ; juſqu'à préſent , elles ont éré inutiles. >>>
Jufqu ici les avantages de l'inoculation
ont été à-peu-près reſſerrés dans l'enceinse
des grandes villes , & les campagnes y ont
peu participé. Il ſe oit donc à fouhaiter que
l'exemple que nous a fons publier fût imité
par les Seigneurs attentifs au bonheur de
leurs vaflaux,
( 116 )
M. de Chamiſot de Boncourt voulant faire
inoculer ſes enfans , pria M. Pinson , Chirur .
gien- major des Cent - Suiſſes , de vouloir ſe
charger de ce ſoin. "
>>>Mais il ne ſuffiſoit point à ce ſeigneur de
voir ſes enfans à l'abri de ce cruel fléau , fes
tendres follicitudes s'étendent fur chacun de ſes
vaſſaux. Il fait part de ſon projet à M. Pinson ,
qui l'adopte avec joie. On fait venir au Château
les peres & meres des enfans qui n'ont pas eu
la petite vérole : on leur inontre les enfans de
leur ſeigneur innoculés . Cette vue les amena facilement
à la propoſition qu'on vouloit leur
faire. Le Chirurgien leur offre de leur rendre
le même ſervice gratuitement , & le ſeigneur
le charge des fecours dont ils pourront avoir
beſoin; il donne même des lits à ceux qui ne
pourroient pas être innoculés chez eux. Tous
ſouſcrivent unanimement avec des témoignages
de reconnoillance à la propoſition , & non-feulement
les enfans du village qui ſe trouverent
en état furent inoculés ; mais le bruit s'en
étant répandu , on en amenoit des environs . M.
Pinfon leur prodigua à tous ſes ſoins déſintéreffés.
Le plus heureux ſuccès a couronné la
bienfaisance de ces deux amis de l'humanité .
Tous les enfans jouiſſent de la meilleure ſanté ;
les peres & meres béniſſent leurs bienfaiteurs
à qui ils croient devoir la conſervation de leurs
enfans.»
>>Les états de la population de la Séné-
>> chauffée d'Angers portent le nombre des
>> naiſſances , en 1786 , à 10,530 , dont
> 5352 garçons & 5178 filles ; celui des
>> morts à 10,174 , dont 6262 hommes &
>> 3912 femmes ; & celui des mariages à
( 117 )
>>2734. La différence en plus des naiſſances
>> aux morts eſt de 356. Les naiſſances des
>>> garçons ont furpaílé de 174 celles des
>>filles ; mais il eſt mort auffi 350 hommes
>>de plus que des femmes. Ily a eu 15 pro-
>>fellions religieuses , 4 d'hommes & 11 de
>>> femmes , & il eſt mort en religion huit
>> hommes & 13 femmes , en tout 21. L'an-
>> née 1786 , comparée pour les naiſſances
>> aux deux années précédentes , a été une
>> des plus favorables; celle de 1785 l'a feule
>>emporté , puiſqu'il y a eu 468 naiſſances
>> de plus. Il en réſulte que la population a
>> reçu un accroiſſement qui ſera ſentible
>>dans la fuite, s'il ne ſurvient point de ma-
>>ladies épidémiques , & fi les récoltes font
>>ſutiſantes pour procurer la ſubſiſtance né-
>>ceſſaire à la claſſe indigente.
François Bochard & Jeanne Muffault , Métayer
au château de la Soriniere , ayant eu
quatre garçons & une fille de leur légitime mariage
, les ont tous mariés , le 19 de ce mois ,
dans l'Egliſe de S. Pierre de Chemillé , ſavoir :
deux garçons avec deux foeurs , & la fille avec
leur frere , & les deux autres garçons avec deux
foeurs d'une autre famille . M. de la Soriniere ,
connu par ton zele pour l'agriculture & fon
amour pour la claſſe reſpectable des cultivateurs
n'a pas cru pouvoir mieux ajouter au
plaifir de cette fête , qu'en donnant à tous ces
jeunes gens dont il connoît l'induſtrie & l'activité
, chacun un établiſſement dans ſes terres.
,
Un particulier , qui prenoit les boues de
S. Amand en Flandre , fit un voyage à Tour,
( 118 )
nay, dans la Flandre-Autrichienne , à cinq lienes
del . Il rapporta dans une ſacoche , à cheval ,
in lac de deuze cents francs , qui , s'étant ap.
parement délié ou troué , ſe vuida comp'e.e.
ment le long de la route. Il comprit , en arrivant
aux boues ,qu'il avoit perdu tout fon argent
en détail , car , un quart-d'heure auparavant
, il avoit encore fenti des pieces dans fon
fac. Il fit publier ce qui venoit de lui arriver :
c'étoit un jour de marché ; & la route de
St.-Amand à Tournay , étoit peuplée d'habitants
des villages voiſins , qui alloient à la ville
ou qui en venoient.Au bout de quelques jours ,
chaque Curé ayant annoncé à for prône la peste
de douze cents francs , & l'adreſſe du proprétaire;
celui-ci reçut , par écus de fix francs ,
par petits écus , toute la ſomme qu'il avoit
perdue , à l'exception de douze francs seul
ment. Plus de cent payſans la lui rapporterent
endétail; l'un avoit trouvé 3 liv . l'autre 9 francs ,
& ainfi du reſte. Je demande fi notre fiecle
fournitbeaucoup d'exemples d'une fidélité fi form
puleuſe , & d'une probité ſi générale. ( Journal
de Normandie ) .
A
-
Ilya quelque tems , un payſan s'arrêta devant
In Salle du Spectacle de Rochefort. Il s'adreſla au
receveur des billets : Je n'aijamais vu la Comédie,
dit-il en fon patois. Jai envie de voir ce que c'eft.
Jeveux bien payer , mais je veux être à la premiere
place. Undes Acteurs étant alors dans le Bureau ,
Toi promit de le fatisfaire , le conduifit fur le
Théâtre , où il le plaça dans un fauteuil. On
jouait ce jour-là Gafton & Bayard. La vue de ect
homme, fon cofuime , égayerent les Spectateurs ,
& l'on conçoit que la Fiece ne fut guères entendue.
Le paylin ouvroit de grands yeux pour voir
tous les mouvemens des Acteurs. Lorſque l'on
( 119 )
fut parvenu à la ſixiéme Scène du cinquiéme
Acte , où Altemore veut maffacrer Bayard , le
paylan, qui vit l'Acteur s'avancer , la lance à la
main , s'élance auſſi tốt ſur lui , le défarme , le
prend à la gorge , le terraſſe en lui diſant : Ily
a afſfer long temps que tufais fouffrir ce brave homme
là par tes trahisons , mais tu ne lui en feras pas
davantage. On eut toutes les peines du monde à
arracher l'Acteur de ſes mains. La Piéce ne fut
pas achevée . ( Affiches de Caën. )
>>On écrit de la Guadeloupe que M. de
Nadau , d'une famille originaire d'Aunis , ancien
Gouverneur de l'île de la Guadeloupe , eſt
mort à la Grande Terre dont il étoit natit , le
2 Janvier dernier , âgé de quatre-vingt- trois
ars huit meis & demi , pere d'une nombreuſe
poſtérité , diftingué par ſes ſervices & ſes alliances.
M. Nadau , a rendu de grands ſervices à l'Etat,
lors du ſiege de la Guadeloupe par les Anglois
commandés par le Chef d'eſcadre Moore , qui
avoit à fes ordres douze vaiſſeaux de ligne ,
quatre galiotes àbombes , quatre- vingt navires
de transport , fix mille hommes de troupes réglées
, non compris les milices & les negres
travailleurs des iles voiſines , qui donnerent
Tartaque le 22 Janvier 1759 , bombarderent la
Baffe-terre, le fort , & firent une defcente au
bourg Saint-François . La garniſon abandonra
le fort , & ce fut alors que feu M. Nadau , le
premier qui ait établi un ordre général de
Service, & un plan de défenſe pour les colonies ,
les mit en pratique , & defendit cette ile, avec
feulement cent cinquante hommes de troupes ,
deux mille M liciens , preſque ſans munitions&
fans fecours de la Martinique , pendane trois
mois & demi, Cette finance , dont la jalouſie
( 120 )
lui avoit ravi la récompenfe , lui fit obtenir
une capitulation auſſi glorieuſe pour les armes
de France , qu'avantageufe aux infulaires : c'eſt
ce qui lui mérita les fuffrages les plus flatteurs
de la part de tous les Généraux & autres Officiers
en place dans les Colonies , ainſi que de
pluſieurs Miniſtres . Louis XV , voulant perpétuer
à la poſtérité les ſervices ſignalés d'un i
brave guerrier , fur le rapport qui lui en fut
fait par M. de Boynes , lui fit expédierun brevet
honorifique , donné à Versailles le'31 Décembre
1771 , regiſtré au Conſeil ſupérieur de
l'ile de la Guadeloupe , le 8 Novembre 1773.9
La Société Royale d'Agriculture a tenu
ſa Séance publique , le 19 Juin , à l'Hôtel
de l'Intendance , en cette Capitale.
Pluſieurs diſcours & mémoires ont été lus dans
l'ordre ſuivant.
>> 1 °. Le diſcours de M. le Duc de Charoft
> où il a fait voir toute l'influence que l'agri-
>> culture a néceſſairement ſur laproſpérité de
>> l'Etat .
2 כ º . Un Mémoire de Dom Franc , Reli-
>>gieux de la Congrégation de St. Maur , fur
>> la chaffe des bizets ou pigeons ramiers qui
..>.> ſe fait dans laBigorre. >>>
>> 3º . Un Mémoire de M. Turgot ſur les dé-
>> gâts que font dans les jeunes plantations , les
habitans des campagnes , & fur la néceſſité de
réformer ces abus déſaſtreux . »
ود
>>4°. Des Obfervations de M. Desmarest
> ſur la maniere d'é'ever les bêtes à corne
>> dans l'Auvergne , la Marche & te Limoufin ,
> & fur les différens voyages qu'on leur fait
faire. »
5°. Un Mémoire de M. Parmentier fur la
>> culture
( 121 )
culture des pommes deterre qu'il a faite fur
> près de 60 arpens , pris dans les plaines des
>> tablons & de Greneile , terrains ingrats dont
>> on n'avoit jamais tenté de tirer aucun parti ,
> & dont le produit ſe a diſtribué parmi les
>>> cultivateurs de la généralité , pour qu'ils
>> puiffent varier & renouveller les bonnes ef-
>> peces de pommes de terre qui commencent
>> à dégénérer. »
» 6°. Un Mémoire de M. Thouin ſur la plantation
à faire de diverſes e'peces d'arbres fur
>>les bords du nouveau canal de Bourgogne.
» Un Mémoire de M. Cadet Devaux aur la
maniere de préſerver les bleds de la carie. »
» 8°. Un Mémoire de M. de Guerchy fur les
meilleurs moyens d'améliorer les races des
beftiaux dans la généraité. »
>> Enfin un Expo é des travaux de la ſociété
* Pendant l'année 1786 , par M. Brouffonet ,
» qui a rendu compte de ce qui s'eſt paílé
aux Comices , aſſemblées de laboureurs qui ſe
tiennent dans les différens cantons des environs
de Pars. »
Plafieurs dames ont fait elles-mêmes la
ciſtribution de differens prix ; les uns accor-
» dés aux meilleurs Mémoires fur les quaf-
> tions propoſées par la Société l'année der-
- > niere ; & les autres accordés comme motif
>> d'encouragement , aux cultivateurs à qui l'on--
>> eſt redevable de l'introduction de quelque
> procédé nouveau , ou de l'amélioration de
>>>quelque culture. >>
.Dans l'un de nos précédens Numéros on
a lu un projet de ſubſtiquer les Fn'ans trou-
>> vés aux Milices , qui forment les recrues
des Régimens ; on a lu pare.llement une
N°. 30 , 21 Juillet 1787. 1
( 122 )
critique un peu vive de ce projet , dont
l'auteur , M. l'Abbé de la Motre , Chanoine
& ancien Militaire , ſe plant avec autant
de vivacité dans une lettre qu'il nous adreſſe.
Pour ne plus revenir ſur cet objet , qui nous
eſt étranger, nous extrairons de cette lettre
la juftification, fommaire que l'Auteur préſente
de ſes idées .
« Il y a bien de la légereté , dit M. l'Abbé
de la M... dans la maniere dont M. Poucher a pris
le plan de mon mémoire. Il eſt le ſeul qui au
premier coup d'oeil n'ait pas vu que mon principal
but eſt d'abolir le tirage du fort& les claffes
des matelots. Mais comme dans un projet do réforme
, il ne ſuffit pas de détruire , & qu'il faut
encore édifier , en ſupprimant les milices , il faut
les remplacer . Je propoſe pour cela les Enfans-
Trouvés , dont le nembre augmente tous les
jours; & je ne déſavouerai pas que , quoique ce
ne ſoit là qu'une idée accefioire de mon plan ,
j'ai cru qu'il ſeroit avantageux à l'Etat , même
fous un ſecond point de vue » ,
>>E>n effet, la plupartdesEnfants-Trouvés s'échappent
ou font chaffés des hôpitaux. Sans feu
ni lieu , fans ſurveillans , fans parens , fans amis ,
ils deviennent des mendiants, des filous , des brigands
; c'eſt une eſpece de miracle quand ils ne
tournent pas mal. Ici ils auront une nourriture ,
un entretien , un état aſſuré . Ce qui rend déſefpérant
l'état de la plupart des Miliciens & autres
foldats forcés ou ſurpris , c'eſt la maiſon paternelle
& les petites propriétés qu'il faut abandonner
; ce font les liens du ſang qu'il faut rompre,
ce qui ne peut ſe faire fans déchirer le
coeur : cette maiſon paternelle , ces propriétés ,
ces liens du fang n'existent point pour les Enfans
د.
( 123 )
Trouvés. Ils feront foldats dès l'âge de 14 ans,
&' avant d'avoir connu d'autre état : on ne régrenejamais
& on n'ambitionne guere les états
qu'on ne connoît point » .
Pour que la critique de M. Peuchet fût juſte,
it falloit done attaquer l'enſemble de mon mémoire
: partir de la néceffiré où eſt l'Etat de ſe
procurer des troupes fans les acheter ; comparer
enſuite les enfans des laboureurs qu'on fait tirer
aufort , avec les Enfans-Trouvés ; examiner dans
Ia balance de l'équité , s'il y a p'us d'injuftice &
d'inhumanité de prendreun Enfant-Trouvé pour
en faire un toldat , que de prendre le fils dun
Jaboureur , au moment qu'il commence d'ètre
en état de donner du ſecours à ſes parens ; de
Parracher de leurs bras , & de plonger ainſi dans
le défeſpoir un pere & une mere qui ſe verront
bienzót dans I impoffibilité de cultiver le petit
champ qui les a nourris juſqu'ici ; examiner s'il
y a plus d'injuftice & d'inhumanité de prendre un
Enfant-Trouvé , que d'enlever un malheureux ,
qui , en aidant a conduire un bateau d'Orléans à
Nantes , ou de Toulouſe à Bordeaux , faifoit fubfifler
unefemme & trois enfans , forcés de mourir
de ftim après l'enlevément de leur pere . Voilà
la qushion que M. Penchet devoit examiner
d'apris mon pin, la décider en faveur des Enfins
-Trouvés , & appuyer ſa déciſion ſur des raifonssolides.
C'eſt ce qu'il n'a pas fait : il n'a pas
du tout parlé des Miliciens ni des Matelos enclaffés:
infenfible au fort de ceux- ci , il ne montre
a's entrailies paternelles que pour ceux-là » ,
Le tien , nous dit- il , qu'on leur a fat en les recevant
dans les hôpitaux , donne -t-il le droit de difpofer
de leur liberté? Le bien , lui répondra- t- on,
qu'a fait un laboureur en fécondant par les foins
un champ qui auroit reſté en fiche , donne t- il
le droit de diſpoſer du jeune compagnon de ſes
f2
( 124 )
travaux, deſtiné à les continuer ? Pourquoi vouloir
qu'ils emtraffent un état pour lequel ils peuvert
avoir une grande averfion? Je demande fi d'après
les faits que j'ai cités dans mon mémoire , & de
la plupart deſquels j'ai été témoin oculaire , on
peut conclure que les pauvres payſans qu'on fait
tirer au fort aient beaucoup d'inclination pour
cet état ? Sont- ils votre propriété, pour que vous
ayez le droit d'en diſpoſer aussi abfo'yment ? Des
enfans que l'Etat a recueillis , nourris & élevés
juſqu'à 14 ans , font-ils moins fa propriété que
les enfans d'un laboureur qui ne lui ont rien
coûté?
M. Peachet me traite de barbare , parce que j'ai
dit qu'ils feroient foldats a vie , qu'il n'y auroit
pour eux ni congé ni fémeſtre: mais c'eſt ici une
fuite de l'état des choſes : cù ircient-ils paſſer
leur fémeftre ? Où ſe retireroient-ils aprés leur
congé abfolu?
Il n'y aurois que les beaux hommes qui auroient la
libertédesemarier , ajoute- t- on .
>>> Voici ma propoſition , telle qu'on la lit
dans votre Journal nº. 19 : « On permettra
facilement aux foldats de ſe marier , mais ce
>> ne fera qu'aux plus beaux hommes & aux plus
fages n. Perſonne n'ignore avec quelle difficulté
on permet aux foldats françois de ſe ma
rier . Le célibat forcé me paroît contraire au droit
naturel , & dangereux pour les moeurs ; je voudrois
qu'on ſe re'achat fur ce point , & qu'on
permitfacilement de ſe marier. La reftition que
j'en fais aux plus beaux hommes & aux plus
fages , eſt une propoſition vague qui laiſſe la Eberté
d'en marier la moitié. Il faut être bien
aveuglé par la paſſion de déclamer , ou avoir l'ef
prit bien faux, pour conclure de ma propofition ,
queje veux les condamner à un écernel célibat
( 125 )
«Comme je me suis engagé à répondre a
toutes les objections , permettez- moi , Monfieur ,
encore deux lignes pour réfuter l'idée du militaire
qui prétend que les Enfans-Trouvés ne font
pas dignes d'étre ſoldats. Je me contenterai de
lui dire qu'on ne les ajamais refufés dans la
troupe ; que les gentilhommes Eſpagnols qui ſe
connoiffenten fentimens & en délicateſſe , ne ſe
croient pas deshonor's en admettant les Enfans-
Trouvés dans des ordres de Chevalerie , qui exigentd'ailleursdes
preuves de noblelſe; & qu'enfin
tout le mondefait que chez les Turcs , le fameux
corps des Janiſſaires a été long-tems uniquement
compofé des enfans de tribut, auxquels on peut
abfolument aſſimiler nos Enfans Trouvés ».
Montauban , le 20 Juin 1787 .
Joſeph Ignace- Magnus , Comte de Sparre,
Baron de Coonenberg , Maréchal des
camps & armées du Roi , Commandeur de
l'ordre royal & militaire de Saint- Louis ,
Général-major en Suede , Commandeur de
l'Ordre de l'Epée , eſt mort à Paris , le 23
du mois dern'er.
Céfar Eléonore, Comte de Sarcus, Commandeur
de l'Ordre de Saint Lazare , Brigadier
des Armées du Roi , & ancien Capitaine
de Grenadiers au Régiment des Gardes-
françoiſes , eſt mort , à Paris , le mois
dernier.
L'utilité de la poudre anti-hémorragique du
fleurFaynard, eftdémontrée par ſes ſuccès cont
tans; ils ont mérité à ſonAuteur un privilege
exclufif de 30 ans , & l'ordre d'en approvifiennerles
hôpitaux de la guerre & de la marine ,
ainſi que tous les hôpitaux du Royaume. L'effet
f3
( 126 )
de cette poudre eſt d'arrêter les hémorragies ,
tant internes qu'externes , vomiſſemens , crachemens
de fang , d'arrêter ou guérir les perses,
faignement de nez , &c. Dans les amputations ,
il ne faut pas de ligatures ; & fur toutes les coupures
& bleſſures quelconques , il ſuffit de l'appliquer
; elle ne caufe ni inflammation ni irritation.
On fent , par ces effets conflatés , l'avantage
dont feroit cette poudre dans les armées,
fur les champs de bataille , dans toutes les
circonstances où les ſecours font preffans , &
toujours trop tardifs , lorſqu'ils ne font pas à
portée. Le fieur Faynard en a établi un dépôt
chez lefieur Billotte , Receveur de la Loterie
royale de France , rue de la Ferronerie ; un
autre auſſi chez lui , rue Beaubourg , nº. 74 ; à
Verſailles , chez le ſieur Lavallée , à'la Brafſerie
, avenue de Paris ; & à Meaux , chez te
fieur Defetel , rueau Lin . Le prix desboites eft
de 12 & 24 livres .
Les Payens des Rentes, 6 premiers mois
de 1787 , font à la Lettre A.
P. S. Cinquante lou's d'or de récompense à
la perſonne qui indiquera la demeure actuelle
des fitur & dame Marguerite Saltos , Commit
fionnaires de Correſpondance , qui demeuroient
- 1773 , 74 & 75 au village ou hameau de
Sange , en Bourgogne , ouen Gatinois; qu'ils
ont quitté dans le courant du mois d'Avril de
ladite année 1775 , pour aller (a-ton- dit ) e
fixer dans la Province d'Auvergne , d'où ils font
originaires ; ayant mille louis à leur remettre ,
ainſi que des papiers de la plus grande conféquence.
S'adreſſer à M. Robert de Villeneuve, Avocat
en Parlement , rue du Fouare , maiſon de M.
( 127 )
de S. Geny , Auditeur des Comptes. A Paris.
Les Numéros fotis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 16 de ce mois ,
font : 1 , 44 , 8 , 57 & 6 .
PAYS -BAS.
De Bruxelles , le 14 Juillet.
La Lettre du Prince de Kaunitz que nous
avons rapportée , & que ce Miniſtre , ainſi
que les Obfervateurs impartiaux , avoient
cru propre à rallentir l'effervescence & à
ſuſpendre de nouvel'es démarches de la part
de nos Provinces , juſqu'au retour de l'Empereur
, n'a pas rempli ce but defirable.
Non ſe alement les Etats de Brabant ont
maniteſté de nouveau la defiance la moins
équivoque ; mais ils diſputent aujourd'hui à
l'Empereur le droit de LEUR PROPOSER
même que qu'innovation dans les Conftitutions
Belgiques , & ils exigent peremptoirement
entr'autres le rétabliſſement des Couvens
fupprimés. On n'aura pas de doute fur
ces diſpoſitions , en lifant la Requêre fuivante
, dreſſée le 30 du mois dernier , par
les Erars de Brabant , & remiſe à Leurs
Alteſſes Royales.
MADAME ET MONSEIGNEUR ,
Nous avons délibéré ſur le contenu de la dé.
pêche du Prince de Kaunitz du 18 de ce mois ,
que Vos Alreſſes Royales ont eu la bonté de
nous communiquer par le moyen de nos Commiſſaires
députés : Nous ne pouvons rendre trop
de graces au Miniare de la bienveillance que
f4
( 128 )
Son Alteſſe veut bien porter à la Nation Bekgique
en général; nulle Nation n'en eit plus
digne , ſoit par fon attachement , ſoit par a
ſenſibilité.
Qu'il nous foit permis d'expoſer à Vos Alteſſes
Royales que la dépêche du Prince Minittre
nous tranquiliſe d'autant moins, que nous
y trouvons avec tout le public éclairé , les plus
fortes raiſons d'inquiétudes ; Vos Alteffes Royales
pourront ſe convaincre des plaintes du public
par la repréſentation ici jointe des Syndics des
Nations de Bruxelles , tant pour eux que comme
conftitués : en effet , nous ne pouvons croire que
la réclamation de nos droits incontestables , le
redreſſement des infractions fa tes à nos loix fondamentales
, afſurées par le ferment du Souverain
, aient pu être envisagés de bonne foi
comme une affaire problématique , ou fujette à
quelque diſcuſſion ſer.euſe , ſurtout après des
remontrances auffi énergiques que générales ;
d'ailleurs il eſt tout naturel que plus la Nation
a vu multiplier & prolonger les vues de lui
enlever ſes droits , plus elle ait annonce ſes offorts
pour ſe les conferver.
Nos inquiétudes redoublent, lorſque nous conſidérons
qu'il réſulte de la dépêche minifterielle
qu'on ne renonce pas ſans réſerve à ce régime
terrible & deftructeur , qui eût réduit ces Provinces
floriffantes en un déſert effroyable , qui
eft oppoſé en tout à nos loix conſtitutives ,
celles que nous reclamons depuis fi long-tems
fur les titres les plus évidens , les plus farés,
celles dont nous ne pourrons nous départir jamais
en lamoindre partie.
Vos Alteles Royales avoient daigné déc'arer
le 30 Mai , que les infractions faires à nos priviléges
feroient redreſſées & remiſes dans je
meme état , comme elles étoient pailé deux cens
( 129 )
ans, qu'elles ſe conficient pleinement que Sa
Majesté confirmeroit cette déclaration .
Mais la lettre du prince de Kaunitz fait efpérer
ſeulement que >> SaMajeſté n'ayant voulu
>certainement que le bien , elle confentira à
>> ce qu'il ſe faſle de la façon qui pourra être la
plus agréable aux états & aux peuples de fes
>>P>rovinces Belgiques ; qu'elle écoutera avec
>>>bonté ce qu'on jugera pouvoir lui propoſer,
qu'elle concertera volontiers avec les états de
ces Provinces tout ce qui pourra tendre à cette
fin ».
Il ſemble , Sérénißimes Gouverneurs-Géné
reux ,que tout l'augure que nous pouvons tirer
de ces expreffions , c'eſt que les négociations
fubtiles ſeroient miſes à la place d'une violence
qu'on a trouvé impoflible : nous avons d'autant
plus de raifons de le croire , que la lettre du
Miniſtre fait entrevoir les pleins pouvoirs qui
feront donnés à Vos Alteſſes Royales , comme
devant être bornés toujoursdans le meme ſens ,
à, un arrangement convenable avec ſes felles
états des Pay - Bas : enfin il nous paroît qu'on
ne peut pas douter de ces vues , lorſqu'on fait
attention que le Miniſtre eſt perfuaté que ce
n'est qu'en attendant que Sa Majesté daignera
ratifier nommément la déclaration que Vos
Alteſſes Royales nous ont donnée , le 30 Mai derer
, & laiffer , juſques là , toutes choſes ſur le
piéd de cette déclaration.
Il eſt plus preſſant que jamais de diſmper les
allarms de ja Nation par le redreſſement effectif
des infractions faites à ſes droits , de méme
qu'aux droits quelconques , publics & particuliers
, fir le pied de la déclaration de Vos Alteſſes
Royales : qu'elles daignent donc nous donner
les affurances les plus pofitives que d'abord
fs
( 130 )
on entamera ce falütaire ouvrage; de plus , que
dans l'arrangement qu'on médite de faire avec
les états , il ne fera pas question de propoſer
même quelque choſe qui puiſſe tendre à des
innovations contraires en rien que ce puiſſe étre
au Pacte inaugural qui lie Sa Majeſté comme
Duc de Brabant .
C'eſt avec raiſon que nous mettons à la tête
des infractions la violation des propriétés ecclé.
ſiaſtiques , ſur tout la ſuppreſſion arbitraire des
Couvens.
Le placard ſur les Monaſteres prétenduement
inutiles , n'ayant été homologué par le Confeil
qu'avec la limitation précise de ne pouvoir pré
judicier aux priviléges , il s'enfuit que la publication
qui en a été faite , eſt, inopérante pour
le droit , & que les individus des maiſons ſupprimées
peuvent à toute heure réclamer leur état
&leurs biens .
C'eſt ce qui nous fait eſpérer que Vos Alterſes
Royales ne trouveront pas de difficulté d'ordonner
, en nous donnant les aſſurances fuldites
que les Couvens fupprimés foient rétablis incefſamment&
qu'on commence par ceux qui pourront
l'être le plus facilement , qu'elles daigrerontordonner
encore que les fonds de tous les Monafteres
fupprimés en Bratant , nous foient renſeignés
& rémis à notre adminiſtration pléniere ;
se qui ne peut amener aucune confufion , par.e
que nous fomn es sûrs que dans tous les cas les
individus Religieux ſe contenteront de vivre proviſoirement
en communauté au moyen de leurs
penfions.
Que Vos Alteſſes Royales veuillent donc
peſer dans leur ſageſſe combien l'objet de nos
préſentes remontrances eft important , appuié fur
les titres les plus indubitables , comme fur la
( 131 )
néceſſité indiſpenſable d'une prompte exécution .
Nous ſommes &c .
Les Prélats , Nobles , & Depatés
des Chefs Viles représentant
les trois Etats de ce Pays
& Duché de Brabant
De notre Affeblée
générale tenue à
Bruxelles le 30 Juin 1787 .
• Voici la réponſe des Gouverneurs Généraux
à cette Requête.
MARIE CHRISTINE , &C . ALBERT CASIMIR &c.
Lieutenans-Gouverneurs & Capitaines Généraux
des Pays - Bas , &c. &c. &c.
Très-Révérends , Révérends Peres en Dieu ,
nobles , chers & bien amés , nous avons examné
les deux délibérations que vous avez préſentées
, & nous avers obſervé avec peine , qu'il
réſultoitde la première , que la communication
de la dépêche que nous avons reçue de Vienne
en date du 18 du mois dernier , n'avoit point
raſſuré les eſprits à l'égard de la ratification prochaine
de Sa Majesté fur notre déclaration du
30 Mai dernier , que même au contraire on
en avoit conçu quel qu'ombrage. Et pour le
ditliper & fa're difparoure toute defiance , nous
vous déclarons que nous ne doutons nullement
que Sa Majefté ne donne cette ratifieation
& ne nous muniste des pleins pouvoirs
tels que nous lui avons demandé , pour procéder
à votre entiere fatisfactions , ainſi que refpetivement
à celle des états des différentes Pro
vinces Belgiques , non- feulement au prompt
redreſſement de toutes les infr.tions aux conftitutions
& priviléges, fur le pied repris dans
la fufdite déclaration du 30 Mai , mais auffi à
f6
( 132 )
1
l'examen & arrangement , le tout corcurfivement
avec vous & les autres états des Provinces
, ce pluſieurs obj ts importans au bien des
ſujets Belgiques , & qui n'intereſſferont d'ailleurs
ten aucune maniere les conftitutions & priviléges.
Vous ſentez toute la convenance d'attendre ,
pour opérer cet ouvrage vraiment ſalutaire , les
pouvoirs du Souverain ; ceux qui nous ont cré
donnés pour le Gouvernement de ce Pays ,
étant, dansleurexercice , bornés à ne pouvoir
pas opérer contre des ordres directs de Sa Majeſté,
ainſi que nous l'avons dit par notre déclaration
fufinentionnée du 30 Mai .
Vous devez être convaincus , que dans les
arrangemens qu'on examinera avec tous , il
ne ſera aucunement queſtion de propoſer quelque
chose qui puille être contraire aux conftitutions
& priviléges publics & particuliers.
Nous nominerons inceſſamment aux Abbayes
vacantes , & non- réſervées à la nomination de
Majesté , tant en Brabant que que dans les autres
Provinces , & cela par une ſuite de notre
conviction à l'égard de la rat fication de Sa Ma
jefté & confidérant que cette ratifica ion fast
ceſſer la ſuſpenſion proviſionnelle aux Abbayes
laiffées à notre nomination .
Quant à votre demande relativement à la
caiffe de religion , & au rétabliſſement des Cou.
vens ſupprimés , il eſt ſenſible que ces deux
objets font intimément liés enſemble & avec
l'examen que vos Commiſſaires doivent faire
des revenus , prétentions , fonds & charges de
cette caifle , dans laquelle d'ailleurs ſe trouve
confondu tout ce qui concerne les autres Provinces
; de façon que pour arréter un plan d'exécution
, à l'égard du rétabliſſement deſdits Con(
133 )
vens , qui ne rencontre point d'embarras , &
n'occaſionne point d'inconvéniens , notamment
par le défaut de fonds pour les penfions & fecours
des individus dont les maitons n'avoient
aucun bien ou encore , pour les individus
qui nedéfireroient pas de ſe réunir , il faut néceſſairement
avoir ſous les yeux les états de
biens & charges , tant généraux que particu-
Hèrs .
,
Nous recevrons volontiers les plans & projes
que vous formerez à cet égard ; & fi dans le
moment , les individus de quelques Covens ,
dontlesbâtimens exiſteroient encore , défirojent
de ſe réunir parmi les penſions qui leur ſont
accordées , & quelques ſommes d'argent ou ſecours
qui leur ſeroient ultérieurement néceſſaires
, nous vous déclarons , que nous donnerons
d'abord à cet égard les ordres afferans , d'après
ceque votre prudence , à la quelle Nous nous
confions , vous portera à nous ſuggérer : & nous
Rous flattons que notre préſente dépêche fera
ceffer entiérement toute défiance ultérieure. A
tant Très-Révérends , Révérends Pères en Dieu ,
Nobies Chars & Bien -Amés , Dieu vous ait en
ſa ſainte garde. De Bruxeles, le 2 Juillet 1787..
Etoit paraphé CR. vt. figné MARIE & ALLERT.
Plus bas, par Ordonnance de Leurs Alteſiles
Royales , contrefigné DE REUL:
Pour Copie DE COCK.
On répand qu'à l'ouverture des Etats de
Hainaut , le Penfonnaire de cetre Affemblée
a publié du balcon de l'Hôtel - de-Ville
l'Alliance de la Province avec le Brabant &
la Gueldre Autrichienne. Dans une de leurs
déclarations à l'Empereur , les Etars de
Flandres ont conſigné la iiſte des revenus
( 134 )
que S. M. I. a retirés de cette Province ,
Pune des plus riches & des plus peup'ées
de l'Europe , depuis le mois de Novembre
1755 juſqu'en Octobre 1786. Il réſulte de
cette notice , qu'y compris non ſeulement
les fubfides proprement dits , mais encore
les dons gratuits & frais de Gouvernement
, la Flandres a payé en trente années
74,581,484 Horins de Brabant.
avec
Le Prince Evêque de Liege a envolé, le
26 Juin , un détachement de 140 homnies ,
du canon , à Spa, pour y maintenir
l'ordre, & faine exécuter ſon Réglement qui
déf.nd de jouer des je ix de hafard , ailleurs
qu'aux Vauxhall &à la Redoute. La Chambre
Impériale de Wetzlar a également rendu,
le 28 du même mois , un Décrt qui
interdit ar fier Levoz d'ouvrir aucune affemblée
pour les jeux de hafa.d.
L'importance de l'événement qui a arrêté
le voyage de la Princeſſe do ange à
la Haye , & les fuites qui peuvent en réfulter
, rendent néceffaire la lecture des
principales pieces officiel'es & des réfolations
qui y font relatives. Trois inſtances
réirérées des Etats Généraux auprès des
Etats de Hollande , ayant été infructueuses ,
L. H. P. , dans une quatrieme délibération
à ce ſujer , ont pris lecture de la lettre écrite
Ni megue , le de Juillet , par S. A. R. !
( 135 )
aux Etats de Hollande , & dont voici la teneur
:
Nimegue , le premier Juillet 1787 .
«Quelque grande qu'ait été notre ſurpriſe ,
lorſque Jeudi dernier 28 juin , nous avons été
arrêtée par ordre de la Commiſſion de V. N. &
G. P. , établie pour la défenſe de leur province
&de la ville d'Utrecht , & lorſque nous avons été
empêchée par elle de pourſuivre notre voyage à
notre château du Bois , près de la Hale, malgré
les affurances les plus fortes que nous donnâmes ,
que notre voyage avoit pour unique butle rétabliſſement
de la tranquillité & de la paix ; & que
pour prévenir toute eſpece de mouvement , nous
l'avions tenu auffi ſecret que poffible : Nous ne
pouvons diffimuler à V. N. &G. P. que nous
avons été encore plus ſenſiblement touchée de la
maniere dont elles ont envisagé & traité cerre
démarche. Lorſqu'étant revenue à Schoonhoven ,
de l'endroit où nous avions été retenue , nous
donnames connoiffance à V. N. & G. P. & à
L. H. P. de cet événement extraordinaire , &
que, de la maniere la plus modérée , nous leur
eûmes démontré combien un pareil traitement
quadroit pou avec nos fentimens & nos delfeins ,
combien nous defirions de pourlaivre notre
voyage pour les réalifer , nous nous Aattions
alors , qu'en confidération des égards que nous
croyons nous être dus de la part de V. N. & G. P. ,
elles déſapprouveroient la conduite de leurs députés
envers nous ; qu'au moins à cette nouvelle,
elles ſe hiteroient de convoquer leur afſemblée
, & qu'avec toute la promptitude polliole
elles nous auroient donné les moyens de nous
rendre à notre destination & d'exécuter le plan
que nous avions fait pour le bien de la patrie.
( 136 )
Nous avons été étrangement f. rpris que V. N.
&G. P. nous aient non-feulement fait attendre
leur répon e juſqu'au famedi matin 30 join ;
mais qu'encore cette réponſe ne nous apprit
autre choſe , ſinon qu'elles n'avoient pu prendre
aucune réſolution fur notre lettre , tandis qué
par celle que nous reçûmes de ladite commif.
fion , nous apprimes que fa cond ite avoit été
approuvée par V. N. & G. P, Cette approbation
, N. & P. S. l'empêchement mis à notre
voyage , & les difficultés que l'on a fait à la
pluralité de votre aſſemblée de nous la.ffer pa
fer librement à notre Château , quoique nous
euſſions ſuffisamment fait connoître nos inten.
tions , verbalement & par écrit & malgré les
plus fortes inſtances de la part des Sgrs. Etats+
Généraux de nous laiſſer paſſer ; tout cela nous
a prouvé d'une maniere non équivoque qu'on
ne ſe fioit pas à notre parole ſacrée , ni aux
intentions que nous avions déja manifedées ; ce
que nous conſidérons comme un obstacle mis
de propos delibéré & par violence , à la liberté
qui appartient à chacun d aller où bon lui ſemble
, & fur- tout à nous , vu nos relations avec
toute la république , & avec votre province
en particulier. »
,
« Sur cela , nous n'avons pas héfiré N. G. &
P. S. , de fortir de votre province & de revenir
ici. Puis donc qu'il a pu à V. N. & G. P.
de faire échouer par une telle conduite , nos
vues (alutaires & pacifiques , nous croyons nous
devoir à nous-même , non-feulement d'exiger
de la maniere la plus ſérieuſe une réparation
convenable & publique , mais encore de décla .
rer folemnellement , que nous regardons comme
reſponſibles des ſuites fâcheuſes que pourroient
avoir dorénavant les diſſenſions actuelles , fûr
( 137 )
ce même une guerre civile , que nous avons
voulu prévenir par notre entremiſe ; que nous
regartons , difons- nous , comme reſponſibles de
ces ſuites fâcheuſes , ceux qui , par leur intuence
, vous ont forcé à vous oppoſer à nos vues
avec tant de violence : Cependant nous ne cefferons
jamais de veiller avec le plus grand zele
aux vrais intérêts d'une nation , de laquelle
nous avons reçu en général , même au milieu
de ſon égarement & des outrages que V. N.
& G. P. nous ont faits , plus de marques de
vénération & d'amour , que nous n'aurons ofe
en attenire , après les procédés & les réſolutions
infultantes de V. N. & G. P. à notre
égard » .
Sur ce, N. & P. S nous prions Dieu , qu'il
vous ait en ſa ſainte & digne garde.
(Signě) WILHELMINE.
Les Députés des Provinces reſpectives
on: pris copie de cette lettre , & ont manifeſté
l'attente où ils ſent , que les Erats de
Hollande te rendront à leurs inſtances iteratives
, afin de prévenir à tems de nouveaux
désastres. La province de Groningur a accédé
à cerre ré olation des quatre voix de
Gueldres , Zélande , Friſe & Utrecht ; celle
de Hollande s'y eſt retufe , & les Députés
d'Ove yſſel ont réſervé les ultérieures délibérations
de leurs commettans . Le 7 , POrdre
Equestre & les villes qui votent avec
lui , ayant inſiſté à l'Aſſemblée des Erats de
Hollande, fur la néceſſité de prier inſtam
men la Princeſſe d'Orange de ſe rendre à
la Haye , la ville d'.Amſterdam a preffé l'avis
contraire, en ſe ſondant fur les dangers de
( 138 )
ce voyage ; les autres villes ne ſe ſont pas
encore expliquées : mais il eſt très probab'e
qu'elles déclineront l'avis de l'Ordre Equeftre.
Le 6 de ce mois , ces mêmes Erats de
Hollande ont pris la réſolution de demander
la Médiation du Roi de France , furle
pied propoſé par la ville d'Amſterdam. 12
voix contre 7 ont formé la majorité; & le
Grand-Penſionnaire a été chargé de donner
connoiffance de cet arrêté à M. le Marquis
de Verac , Ambaſſadeur de France : le
lendemain il a été propofé aux Etats-Généraux
qui l'ont pris ad referendum.
La Commiſſion de défenſe , réſidant à
Woërden , a remis aux Etats de Hollande
une déclaration des Bourgeois armés , qui
forment aujourd'hui le cordon de la Province
, contenant des menaces de repréfailles
contre les adhérans du parti contra:-
re, étendues à tous les Adminiſtra ears d'E
tat, Régens des viles , Officiers , Miniſtres
de Police , qui donneront des preuves de
lenteur&de foib'effe dans le maintien des
loix propres à arrêter le tamudre , les pil ages&
la violence , ou qui técheroient d'excufer
leur indifférence , en affectant une activité
trompeuse , &c. &c. On a retiré de Gorcum
le détachement du Corps Franc de la
Haye, qu'on y avo't envoié, pour fortifier la
garnifon de cette Réſidence.
CG Le Dioffart van der Mer a découvert
>>>derriere de Leg ment du Doelen , lieu d'af-.
( 139 )
ſemblée ordinaire du Confeil de guerre de
>> la Bourgeoisie de la Haye, & maifon princi-
>>palement destinée aux aſſemblées des bour-
>> geois armes , dont même elle porte le nom
(Schutters Doelen ) cinq caiſſes remplies d'ar-
>> mes à feu , & 22000 cartouches à bale ; ces
>> munitions avoient été encaiflées dans ledit lo-
>> gement par trois Officiers de cette bourgeoi-
* fie armée : la dénonciation en ayant été faite
au CollegedeMrs. les Conseillers Députés ,
>> ces caiſſes furent apportées par leur ordre ,
>> chez eux : mais le Magiſtrat de la Haye
>> étant intervenu , & ayant demandé d'etre
>> mis en poffeſion de ce dépôt dangereux , le
>>>Souverain a confenti que ces caiffes fuffent
>> tranſportées dans un fouterrain de la maiſon .
(Gazette d'Amsterdam , no . 55.
Le Conſeil Comité des Etats de Hollande
a fait arrêter & conduire à la prifon criminelle
M. Timmerfman, Capitaine de Cava
lerie, accusé d'avoir voulu emmener deux
efcadrons du régiment de Heſſe Philipſtade
qu'il comnandoit à la Haye.
2 Le 6 ,, fur les ordres des Etats d'Utrecht ,
fiégeant à Amersfoort & du Prince Stathouder,
le régiment le Bade Doorlachet
entré , ſans éprouver de réſiſtance , dans la
petite ville de Wyck , près Duurstede. Elle
eſt ſituée à l'endroit où le Leck ſe ſépare du
Rhin C'est une dess villes qui ont voix a x
Etats de la Province d'Utrecht. !
Le défarmement des Corps Francs dans
les Provinces où ils ont perlu la ſupériorité
, continue à s'effectuer en pluſieurs
( 140 )
:
lieux , avec tous les excès qui accompagnent
la guerre civile. Le peuple de Midaelbourg
s'eſt jetté ſur les maiſons des Patriotes
, les a faccagées , & s'eſt livré contr'eux
à toutes les fureurs qu'on doit artendre
, par tout où la violence eſt devenue la
ſeale loi. La Bourgcoifie de Fleſſingue , dans
la même Province, a forcé ſa Magiftrature
à an antir le Corps patriotique. Les Etats de
Gueldres &le Stathouder ayant envoié le
régiment des Mariniers de Salm à Harderwick
, ville de Gueldre ſur le Zui- der Zée ,
Jes Membres du Corps Franc qui s'y trouvoient,
ſe font retirés à Amſterdam.
Le 7, les Députés du Conſeil de guerre
& de la Bourgeoifie Patriote d'Amſterdam ,
eſcortés d'en detachement de Grenadiers ,
ont fait nommer par la Régence deux nouveaux
Bourguemaîtres , à la place de MM.
Dedel & Bee's , dernierement caffés. ( Gazette
d'Amsterdam , nº. 5.5 . )
Les deux partis en étant venus aux mains
àDeventer, la premiere ville de l'Overyffel,
le Stathouder, dit- on , y a envoié de Zutphen
un bataillon du régiment de Sulyard
&un détachement du régiment de Pous,
Cavalerie.
Le 9 , dans l'après midi , eſt arrivé à la
Haye un courrier extraordinaire de la Cour
de Berlin , au Baron de Thulemeyer, Miniſtre
de S. M. P. Cer Envoié ſe trouvoit à
Nimegue , d'où il eſt revenu peu d'heures
( 141 )
après la venue du courrier ; & le lendemain
il a été en conférence avec le Préſident des
Eras Généraux , auquel il a remis un Mémoise
de la part du Roi de Prufle , dont
voici la teneur :
Mémoire préſenté à CL. HH. PP . les Seigneurs
Etats -Généraux des Provinces Unies , par Son
Excellence Mle Baron de Thul-mayer , Envoye
extrordinaire de S. M.le Roi de Pruffe.
Hours &Puiflans Seigneurs ,
La fagelle de Vos HH. PP. a prévu l'étonnement&
ladouleur profoude dontS. M. Proffienne
a dû être atteinte en apprenant que le voyage
projeté de ſon auguſte ſooeur pour La Haye ,
entrepris dans les vues les plus falutaires , a été
traverſé près de Schoonboven par des gens armés
: le Ro eſt inſtruit de l'opinion éclairée qui
a privalu dans l'Aſſemblée de LL. HH. PP. à
l'égardde cet attentat imprévu & atroce , autant
que des réſolutions qui en font réſultées , & y applaudira
certainement .
C'eſt par ordre exprès de S. M. P. quele ſouftigné
a communiqué L. N. & G. P. les Etats de
Hollande, le Memoire dont une copie se trouve à
Ia fuite de cesligne , & par lequel il infifte fue
une fatisfaction éclarante autant que fur la punition
des auteurs de l'injure commife. VV HH.
PR. ý coopéreront fans doute avec le zele ema
preffe qus le Souffigné a eu de bonheur de leur
Fecorncitre dans plus d'une occafion pour le
maintien de l'ainitié & de l'harmonie qui jufqu'ici
ont fubfiflé entre les deux Etats ,
Ala Haye , le 10 Juillet 1787 :
Mémoire présenté à LL. NN. & GG. PP. les
Seigneurs Eta's de Hollende Er de West-Frife ,
par Son Excellence M.Ve Baron de Thulemeyer
1
( 142 )
r Envoyé extraordinairede S. M. le Roi de Pruffe .
Nobles , Grands & Puiſſans Seigneurs ,
Le Roin'a pu apprendre qu'avec une forte ſenfibilité
Pastentat commis près de Schoonboven
contre la perſonne de fon auguſte foeur , que les
vues les plus falutaires conduiſoient à La Haye.
Son Altetie Royale , retardée dans ſa route , s'eſt
vue entourée de gardes , & des gens armés ont
même été placés dans fon appartement.
C'eſt par ordre exprès de S. M. Pruffienne que
le ſouſſigné , ſonEnvoyé extraordinaire , à l'honneur
de s'adreſſer à Vos N. & G. P. pour infifter
dela maniere la plus preffante & laplus fortefur
une fatisfaction éclatante de cette injure , & fur
la punition de ceux qui l'ont commite. Il s'emprefera
à inftruire le Roi ſon maître de l'impreſſion
que les repréſentations de ſon Miniftre
auront produite for P'Affemblée fouveraine de' a
Hollande. Sa Majesté jugera, par le réſultatdes
délibérations de Vos Nobles & Grandes Puiffances
à cet égard, du prix auquel ellesévaluent fon
amitié & fa bienveillance .
A La Haye ,le 10 Juillet 1787.
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Lorſque feu le Lord Foley eut achevé fa
maison de Londres ,un fameux Manufacturier
de Birmingham fournir toutes les ferrures , à
l'exception d'une,, laquelle étant deſtinée à fer
umer le cabines de fa Seigneurie, devoit être
conftruite expres à Londres , & d'une forme par
ticulier . Le Manufacturier , quelque tems après,
éent venu à Londres , eut occafion de voir le
Lord Foleys Colujci lui montra avec emprefle
ment fa ferngгега честен
cisequi fenvoit à Poppy , di
& Jui préſentant la
roit pu lui en faire une pareille. Le Manufacdemanda
s'il au(
143 )
turier témoigna beaucoup de ſurpriſe , & en
ayant demandé le prix , fut qu'elle avoit coûté
quatorze guinées . Il pria le Lord de lui permettre
de démonter la ferrure ; & fa Seigneurie y ayant
confenti , il lui montra la marque particuliere ,
l'aſſura qu'elle étoit de ſa fabrique , & ul
l'avoitvendue au Marchand de Londres , la fomir e
de trois guinées.
L'Evêque d'Exeter ayant établi une maiſon de
charité pour le maintien de vingt- cing vieilles
femmes pauvres , demanda au Lord Mansfield
une infr.ption pour cet hofpice. Sur quoi ſa
Seigneurie prit un crayon & du papier , & écrivit
ce qui fuit :
Sous ce toît
Le très- révérend Se gneur , Evêque d Exeter ;
ENTRETIENT
Vingt- cinq Femmes . ( Moming Herald ) :
Un Légifliteur aliatique, dans la vue de réformer
les vices de la Conftitution , avoit pron
mulgué un nombre infini de Loix , dont la plupart
ne concernoient que des oujets de peu d'importance.
Se trouvant un jour indiſpoſe, il fit
appeller fon Médecin , homme d'eſprit , & fort
attaché aux inſtitutions de tès ancêtres. Il ordonna
au Malade une quantité de médicamens
& de drogues qu'il devoit prendre à la fois. Le
Patient allarmé lui demanda pourquoi il prodiguoit
tart, de remedes . C'et pour vous
rendre la ſanté le pamô: poſſible , répondit le
Médecin. -Mais parmi tantde remedes , ob.
ferva le malade , n'eſt-il pas à craindre qu'il n'y
en ait qui contrebalancent , ou même qui détuifent
l'effet des antres ? -Vous avez raiſon ,
cela pourrait arriver , dit le Médecin , j'avoue
mon fort ; mais mon intention étoit de traiter
votre indiſpoſition de la même maniere que vous
---
( 144)
creirez notre Conſtitution. Que conclure de cet
apo ogue , finon que la mutiplicité des Loix
prouve la foibleffe d'un Gouvernement ? ) Pub .
Avertifer (Londo-n Chronicle. )
Le 27 , M. Lunardi a fait fur la Tamiſe l'expérience
d'une machine à nager qu'il avoit anhoncée.
Il s'eſt livré au courant de l'eau dans
cette machine ; à trois heures & demie , paflé visà-
vis Sommerſet- Piace , il a ſuivi la marée faus
aucun rifque & fort commodément ; en paſſant
par la grande arche da pont de Londres où la
chute d'eau eft le plus conſidérable , & s'eſt ar
rêté à Tower- Stairs . It a remonté la riviere
dans un bateau , & s'eſt retiré dans un Yacht
qui étoit mouillé & Billinſgate.
La-riviere étoit couverte de barques remplies
de ſpectateurs ; les rivages , les deux ponts de
Friards - Bridge , & London Bridge , juſqu'a
la Galerie du monument , étoient remplis de
morde.
-
Mais la plupart des ſpectateurs ont été trompés
dans leur attente. Les barques entouroient
de fi près M. Lunardi qu'il étoit impoffible de
le difcerner. Les at plaudiſſemens ont été affez
répétés pour inſpirer un peu de vanité àThomme
le plus moteße : mais ils auroient été encore
plus généraux fi l'intrépide nageur avoit
lié plus àdécouvert. La machine eft feite
en fer blanc. Vers fon milieu est une ouverture
circulaire qui entoure le corps du Nageur.
Dans la partie fupérieure font ménagées plufieurs
cellules propres à ferrer les provifions &
apparaux , qui dans le beſoin peuvent fervir de
left. L'effet de la machine eſt infaillible dans la
mer même la plus orageuſe , & l'individu qui
s'en ſerviroit , feroit vraiſenibl blement plutôt
affamé que noyé. ( Morning Herald. )
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 28 JUILLET 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
TRADUCTION d'un morceau du Paftor
Fido : Care ſelve , beate , &c.
FORÊT folitaire & chérie
Qu'habitent le repos , la paix & le bonheur ,
Belle& filencieuſe horreur,
Devous revoir que mon âme eſt ravie !
Si leciel , augré de mes voeux ,
M'cfitpermisde vivre tranquille,
Pour le ſéjour même des Dieux ,
Je ne changeroispas l'ombre de cet aſyle.
Qui , tout ce qui ſéduit les aveugles humains,
Cesvainstréſors pour qui le vulgaire s'empreffe,
N°. 30 , 28 Juillet 1787.
:
146 MERCURE
Sontplutôt à mes yeux pauvreté que richeſſe,
Plutôt de vrais maux que des biens.
Loinde les poſſéder nous en ſommes eſclaves.
Ce ſontdes chaînes d'or , de ſuperbes catraves
Qui nous cauſent mille tourmens.
Eh! que nous fert de joindre à la jeuneſſe
L'éclat de la beauté, les grâces , les talens ,
.. .. une illuftre nobleſſe ,
Tous les bienfaits de la terre & des cieux ,
De vaſtes & riches domaines ,
Et des troupeaux féconds dans de fertiles plaines,
Si parmi tant de biens le coeur n'eſt pas heureux ?
J'aime mieux mille fois le fort de la Bergère,
Qui, fimple & propre en ſes habits
Ne connoît point l'orgueil d'une pompe étrangère,
Etdont les feuls attraits font le luxe & le prix.
Riche des dons que la Nature
Sur elle a verſés ſans meſure ,
Sa pauvretépour elle eſt le vrai bien ;
'Auſſi loindes beſoins de l'affreuſe indigence ,
Quedes ſoucis cuiſans qui ſuivent l'opulence ,
Ellepoſsède tout en ne deſirant rien.
Elleeſtpauvre, il eſt vrai ; mais ſonâme eſt contente,
Lemielde ſes eſſaims , le lait de ſes brebis ,
Les plus ſimples des mets ſont ſes mets favoris,
Le lait n'égale pas ſa blancheur éclatante ;
Le miel moins qu'elle a de douceur,
La même Najade en ſon onde
:
DE FRANCE. 147
1
Lui préſente un miroir , un bain , une liqueur.
A ſon bonheur qu'importe tout le monde ?
Pour elle c'eſt en vain que le ciel tonne & gronde;
Peut-elle craindre ſa fureur ?
Non , il n'eſt rien qui l'épouvante :
Elle eſt pauvre, il eſt vrai ; mais ſon âme eſtcontente,
Un ſoin pourtant l'occupe & remplit tout ſon coeur,
Ce ſoin bien doux jamais ne la tourmente;
C'eſt celui des troupeaux &d'un Berger chéri ,
:
. que l'Amour , l'Amour ſeul a choiſi,
Al'ombre d'un myrte Acuri
Elle donne& reçoit ſans ceſſe ,
Sans défiance , ainſi que ſans détour ,
Denouveaux gages de tendreſſe :
Ses charmes & ſon coeur l'aſſurent du retour,
Belle , ſenſible , heureuſe amante ,
.3
Elle eſt pauvre , il eſt vrai ; mais ſon âmeeſtcontente;
bonheur que j'envie ! ô trop fortuné fort!
Lemien eſtde mourir cent fois avant ma mort,
Bij
MERCURE
LE CYGNE ET LES CANARDS , Fable.
LES
LES Canards dès long-temps animés &jaloux
Contre un Cygne fameux par ſoncharmantplumage,
Tinrent confcil &conſpirerent tous
Deternir ſa blancheur , qui leur faiſoit ombrage.
On lepropoſe, on le réſout;
Etpour mieux en venir à bout
Ons'en approche , on l'entoure , on le loue
Sur ſon chant&fur ſa beauté,

2 Et cependant chacun tâche de ſon côté,
Du pied , du bec , de l'aîle à le couvrir de boue.
LeCygne, par hasard , qui ſe mire dans l'eau ,
De ces vils animaux apperçoit l'artifice.
Il s'y plonge auſſitôt , il en revient plus beau ,
Et de ces ennemis il confond la malice.
CONNOIS-TU de ces vers le ſens mystérieux?
C'eſt l'innocentDamon, ce ſont ſes envieux
Quepar tous ces traits on déſigne.
Qu'ils l'attaquent de toutes parts ,
Le Cygne ſera toujours Cygne ,
Et les Canards feronttoujours Canards.
(ParM. Guérin. )
DE FRANCE. 149
Peplication de la Charade , de l'Enigme
duLogogryphe du Mercureprécédent.
Lemot de la Charade eſt Hautbois ; celui
de l'énigme eſt Maiſon; celui du Logogry
phe eſt Chapeau , où l'on trouve chape,Pa
cha , cape , ache , cap, eau , peau.
CHARADE.
EN
N parcourant lagamme on trouvemonpremior;
Souvent à certain jeu l'on gagne mondernier ;
Pour t'aſſurer la nuit tu portes mon entier,
(Par M. Gaudriot, Sergent au Régiment
de Picardie, Infanterie. )
ÉNIGM E.
SOUTIEN du Trône & de l'autorité ,
Plus d'un Monarque populaire
Faitde mon affreux ministère
La vertu de néceſſité.
Lecteur, ladéfiance eſt ma ſeule ennemie;
Mais malgré ſon flambeau, par un charme vainqueur,
En Sorbonne , au Palais , même à l'Académie ,
J'ai couvert plus d'un ſot du bonnet de Docteur ;
Giij
So
MERCURE
Dans la paix comme dans la guerre ,
Compagne de la rufe & de la fauſſeté,
Juſqu'aux pieds des autels je marche en sûreté
Sous le voile épais du myſtère.
Trompeuſe avec impunité ,
Jamais la bonne- foi n'aura fur mei d'empire;
Carj'emprunte pour mieux ſéduire
Le maſque dela vérité.
(ParM. Sebire de Beauchesne.)
LOGOGRYPHE.
LEjour comme la nuit je ſuis utile au monde
Demême que le froid j'écarte la chaleur.
L'on m'oppoſe au ſoleil au milieu de ſa ronde,
J'éloigne de la nuit la trop grande fraîcheur.
Toujours difcret témoin de l'ivreſſe amoureuſe
Jedérobe au grand jour l'ardeur voluptueuſe ,
Les ſoupirs des amans, le mal craint des époux,
Ontrouve en mes fix pieds, quoiqu'en dife l'Athée ,
L'Etre dont l'existence eſt par-tout démontrée ;
Deux des quatre élémens que ſa main a formés ;
Un ſeul de tous les tons que le chant a créés ;
Un lieu cher aux Marins après un long voyage;
Cequi de la beauté vient effacer l'image;
Lamontagne où Pâris en jugeant la querelle
De trois Divinités , proclama la plus belle .
(ParM. F....jeune Abonné. )
DE FRANCE. ISE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE Hiſtorique de M. de Burigny , de
l'Académie Royale des Inscriptions &
Belles-Lettres, par M. Dacier, Secrétaire
Perpétuel de l'Académie.
Nous avons affez fait connoître le talent
deM. Dacier pour ces fortes d'éloges , la pureté
de ſon goût , la douce élégance de fou
ſtyle , la ſageſſe& la fineſſe de ſes réflexions ,
la grâce dont il accompagne les critiques délicates
& preſque imperceptibles que la
vérité le force quelquefois de mêler aux
louanges.
Nous avons pris plaiſir auſſi à rendre , il y
a quelques années , au vertueux Littérateur
qui eſt aujourd'hui le ſujet de cet éloge , un
hommage public & inattendu auquel il a
bienvoulu paroître ſenſible. ( Voyez le Mercuredu
25 Janvier 1783 , pages 169 & 170. )
Nous allons ſeulement tirer de cet éloge
lu dans la féance publique de la Saint Martin
1786 , quelques anecdotes qui feront de plus
enplus connoître & M. de Burigny & M.
Dacier.
Jean Leveſque de Burigny naquit à Reims
en 1692 , d'une famille honorable à tous
égards, mais dont nous remarquerons ſeule
Giv
152
MERCURE
ment ici que dans un eſpace de temps affez
borné , elle a fourni trois ſujets à l'Académie
des Belles-Lettres , M. de Burigny & MM. de
Pouilly père & fils ; M. de Champeaux , troiſième
frère de M. de Pouilly le père , & de
M. de Burigny , fut Miniſtre du Roi dans différentes
Cours , & ſe diftingua dans la carrière
des négociations. M. de Pouilly le père
étoit un de ces ſavans rares, qui ſavent fur .
tout éclairer l'érudition par la critique, &
P'hiſtoire par la philoſophie. C'étoit d'ailleurs
un Philoſophe aimable & ſenſible. On en
peut juger par ſa Théorie des fentimens
agréables.
En parlant de la diſpute qui s'éleva dans
l'Académie ſur la certitude ou l'incertitude
de l'Hiſtoire des premiers fiècles de Rome ,
M.Dacier dit que la décence & l'eſtime mutuelle
en bannirent l'aigreur ; cela est bien
aiſé à dire à M. Dacier qui , dans la diſpute
laplus prolongée,ſauroit ne mettrejamais d'aigreur
; M. de Pouilly n'en mit jamais non
plus; mais les deux ſavans qui lui répondirent
ne purent pas démentir ſi long temps
le caractère de ſavans.A la ſeconde ou troiſième
réplique , l'aigreur ſe montre. Au reſte ,
ils gagnèrent leur procès auprès des Savans,
ils le perdirent auprès des Philoſophes,
Nous ne dirons rien de M. de Pouilly le
fils , il eſt vivant , & les fonctions de la Magiftrature
le diſputent aux occupations Littéraires
fans le leur enlever.
M. de Burigny n'a ceflé de travailler pen
DE FRANCE.
153
dant une vie de quatre-vingt- quatorze ans ;
& c'eſt peut être le ſeul Homme-de-Lettres
qui n'ait jamais mis ſes Ouvrages au-deſſus
de leur valeur; ils avoient tous un grand mé
rite d'érudition & de recherches ; ſes Vies de
Grotius , d'Eraſme , du Cardinal du Perron ,
de Boffuet , & d'autres productions plus conſidérables,
contiennent preſque toujours tout
ce qu'il eſt poſſible de ſavoir ſur la matière
traitée dans chacun de ces Ouvrages ; &
quand on voudroit ne les regarder que comme
des Mémoires pour ſervir à l'Hiſtoire , on
n'en pourroit pas trouver de plus sûrs , de.
mieux rédigés , ni de plus fidèlement tirés
des ſources les plus pures.
« Peu d'Écrivains , dit M. Dacier , ont été
» plus laborieux & plus féconds que M. de.
>> Burigny , & aucun peut - être n'a réuni plus
ود de vertus&de qualités eſtimables , & ne
> les a poſſédées à un plus haut degré. Il étoit
>>bon , vrai , ſimple, indulgent & facile; il
>>avoit cette candeur naïve , cette franchiſe
>> aimable , cette bonhommie intéreſſante ,
>> cette égalité de caractère qui annoncent
>> une âme dont toutes les affections font
» douces , pures & innocentes. Savant fans
>> faſte , fans prétention, ſans intrigue , ſans
>> envie , it a offert, pendant ſa longue car-
>>rière , le ſpectacle rare & digne de remar-
>> que d'un Homme-de-Lettres entièrement
>> dépouillé de toute eſpèce d'amour propre,
» & qui n'ambitionnoit ni la gloire ni la re
>> nommée , & moins encore les titres&les
Gy
154
MERCURE
>> récompenfes Littéraires. Iltravailloit , parce
>> qu'il étoit heureux en travaillant , parce
> que l'étude étoit ſon unique paſſion; il pu-
>> blioit ſes Ouvrages , parce qu'il ſe croyoit
>> obligé de communiquer aux autres les lu-
> mières qu'il avoit acquiſes.
«Un de ſes amis lui parloit un jour avec
➤ éloge de quelques articles de l'Europefa-
>> vante, dont il le croyoit l'Auteur : Vous
> avez raiſon, dit M. de Burigny, ces articles
font excellens,ils ne sontpas de moi. Cet
ami ajoutant que les derniers volumes de ce
Journal lui paroiſſoient inférieurs aux autres :
" Ilsfont presque tout entiers de moi , re-
>> partit M. de Burigny. Ne cherchez pas à
» vous rétracter, poursuivit-il , ilya long-
» temps queje les aijugés comme vous. »
M. de Burigny chériffoit la mémoire de
fes amis morts , autant qu'il les avoit chéris
vivans. Une perſonne d'un rang élevé parloit
un jour très-mal de M. de Saint - Hyacinthe
dans un cercle nombreux. M. de Burigny ,
qui étoit préfent , fit tous ſes efforts pour
défendre ſon ami ; mais preſſe de plus en
plus , & pénétré de douleur de ne pouvoir
détruire les imputations dont on le chargeoit :
« Monfieur , s'écria- t'il en fondant en lar-
>> mes , je vous demande grâce, vous me dé-
>> chirez l'âme ; M. de Saint - Hyacinthe eſt
» un des hommes que j'ai le plus aimés ;
>> vous le peignez d'après la calomnie , & je
>> protefte fur mon honneur qu'il n'a jamais
reffemble au portrait que vous en faites.
-
DE FRANCE. 155
M. deBurigny avoit alors quatre-vingt ans,
& il y en avoit au moins trente que Saint-
Hyacinthe ne vivoit plus.
Unhomme ſi digned'avoirdes amis, trouva
dans ſes amis & les parens les confolations
les plus touchantes dans ſa vieilleſſe &dans
ſadernière maladie ,qui fut peut être la ſeule.
<< Sollicité anciennement par Mme Goffrin
>> d'occuper un appartement chez elle , il
>> avoit cédé aux inſtances de l'amitié : re-
ود
ود
cueilli enſuite par Mme la Marquiſe de la
» Ferté-Imbault , comme une portion précieuſe
de l'héritage de ſa mère , il avoit
>> retrouvé en elle les mêmes ſentimens &
>> les mêmes procédés. Elle avoit pour lui
>>>cette amitié prévenante , ſi douce , ſur- tout
ود àla vieilleſſe , ces attentions nobles&dé-
>> licates qui partent d'un coeur excellent ,
>> poli par l'uſage du grand monde, cette con-
>> ſidération & ces égards qu'une âme bonne
» & vertueuſe ſe plaît à témoigner au mé-
>> rite & à la vertu rendus encore plus ref-
» pectables par l'âge ; & perſonne n'a plus
>> contribué qu'elle au bonheur de ſes der-
" nières années. En publiant ici ce que M. de
>> Burigny devoit à la mère & à la fille , &
ود ſa reconnoiſſance , je ne ſuis que ſon or-
>> gane , dit M. Dacier , je ne fais que répé-
>> ter ce qu'il diſoit ſans ceſſe , ce qu'il m'a
>>chargé de redire, & j'acquitte en ſon nom
>> ladetre de ſon coeur. >>
Il s'éteignit le 8 O&obre 1785 , entre les
bras de M. de Pouilly, fon neveu , &de Mime
Gvj
156
MERCURE
>
de Broca , ſa nièce , fille de M. de Champeaux
, qui avoit renoncé à tout pour ſe dévouer
ſans réſerve à M. de Burigny , « & loi
>>> a prodigué avec un courage , une conftance
>>& une affiduité au deſſus de ſes forces , les
>> ſoins les plus touchans& les plus empref-
ود ſés. Une fille tendrs n'auroit rien fait de
>> plus pour le meilleur & le plus chéri des
» pères.
" Ainſi mourut dans ſa 94º année , ſans
• douleur, ſans remords & fans crainte , le
>> reſpectable Doyen de la Littérature de la
>> France & de l'Europe , dont la vie entière
>> a été la preuve de ce qu'a dit Cicéron , du
> bonheur que procurent les Lettres dans
>> tous les âges. Elles avoient nourri ſa jeu-
> neffe , elles embellirent ſes plus beaux
>> jours , elles furent fon refuge & ſa confo-
>>lation dans ſes peines, elles le rendirent
>> heureux par- tout & dans tous les mo-
> mens; elles ont fait le charme de ſa vieil
ود leſſe ; & pour dernière faveur elleshono
>> rent ſa mémoire. »
DE FRANCE.
157
RECHERCHES Hiſtoriques ſur les Maures,
& Histoire de l'Empire de Maroc , par M.
D. Cheniés , chargé des Affaires du Roi à
Maroc ; Ouvrage dédié à Mgr. Comte
d'Artois , 3 Vol . in- 8 °. , avec des Cartes
Géographiques. Prix, 15 liv. A Paris, chez
l'Auteur , rue Couture- Saint - Gervais ,
n°. 7 ; Bailly, Libraire, rue Saint Honoré,
& Royez , Libraire , quai des Auguſtins.
Les Maures ſont d'anciens Peuples répandus
en Afrique , plus occupés de la vie paſtorale
que de projets ambitieux. Entraînes par
le cours des événemens , ils ont participé aux
principales révolutions que l'Afrique & l'Europe
ont éprouvées ; & comme on n'a preſque
point parlé d'eux , l'Ouvrage que nous annonçons
a le mérite de la nouveauté. L'Auteur
s'étoit borné à ne donner que l'Hiſtoire iſolée
de l'Empire de Maroc, qu'il a été à portée de
bienconnoître par le ſéjour qu'il y a fait pour
le ſervice de S. M.; mais après avoir vu les
Maures répandus dans cet Empire, accablés
fous le joug d'un pouvoir abfolu , il a été
d'autant plus avide de les connoître dans
leurs beaux jours , & de les ſuivre dans les
différentes époques de leur origine, de leur
élevation & de leur décadence. C'est ainfi
qu'il s'annonce dans l'Épître dédicatoire à
Mgr. Comte d'Artois, où il développe rapidement
le plan de ſon Ouvrage. Le Difcours
préliminaire eſt plein de diſcuſſions hiſtori
I158 MERCURE
ques; elles ſont d'autant plus intéreſſantes
qu'à défaut de notions exactes ſur les Peuples
qui ont habité la Mauritanie, on eſt forcé de
ſe livrer à des conjectures pour démêler l'origine&
la filiation des Tribus qui les compoſent.
Cet Ouvrage eſt diviſé en quatre Livres.
Dans le premier l'Auteur donne une idée
ſuccinte de la Mauritanie dans les ſiècles appelés
fabuleux , de ce qu'elle a été pendant la
rivalité de Rome & de Carthage, ſous la dépendance
des Romains & ſous la domination
des Vandales, juſqu'à l'expulfion des derniers
ſous l'Empirede Juſtinien.
La religion de Mahomet ayant donné à
l'Univers une nouvelle face , après que ce
Législateur eut armé ſes proſélytes du glaive
du fanatifme , l'Auteur fait de cette révolution
le ſujet de ſon ſecond Livre, qui paroît
étranger à ſon Ouvrage , & qui ne l'eſt pas ,
puiſque ce n'est qu'après que les Arabes &
les Maures furent unis par une même religionqu'ils
s'emparèrent d'une partie de l'Europe.
Avant de parler des ravages qui réfultèrent
de cette union , il a paru néceſſaire de
montrer le rapport qu'il y avoit entre ces
Peuples , auxquels une conformité dans la
façonde vivre ,dans le langage, les ufages&
les moeurs ſemble donner une même origine.
Cette Differtation contient des détails intérefſans
fur les Arabes , ſur Mahomet , ſur l'in-
Auence qu'eut ſa religion dans la chaîne des
événemens, ſur les Califes , & fur les variaDE
FRANCE.
درو
vions qu'éprouvèrent les Califes juſqu'au moment
où les Arabes , devenus maîtres de la
Mauritanie , ſe confondent avec les Maures .
A peine les Arabes eurent-ils envahi les
bords ſeptentrionaux de l'Afrique , qu'unis
auxMaures ils participent enſemble à la plus
étonnante révolution ; ils s'emparent de l'Efpagne
, qui étoit au pouvoir des Goths, &
qui, gouvernéepar des Souverains livrés à la
diffipation & au goût du plaisir, n'étoit pas en
étatde réſiſter à une invasion que l'éloignementdesArabes
n'avoitpas même permis de
craindre , & contre laquelle la rapidité de
leurs armes n'auroitpas donné le temps defe
préparer. Tome I, page 217. Cette conquere
&les guerres que les Eſpagnols & les Arabes-
Maures eurent à foutenir pendant près de
huit ſiècles, font le ſujet du troiſième Livre.
Dans les premiers momens de cette invaſion ,
on voit les Arabes- Maures s'étendre dans la
GauleGothique, & porter leurs armes téméraires
juſques ſous les murs de Tours , d'où
ils font chaſſes par Charles Martel. Concentrés
enfin enEſpagne , ils y éliſent des Califes
d'Occident , & ne reconnoiffent plus la fouveraineté
des Califes d'Aſie. L'élection des
Califes ayant occaſionné des troubles parini
les Mahométans Eſpagnols , quelques Chefs
ambitieux profitent de l'inconſtance des Peuples
pour s'emparer de l'autorité , & diviſent
cetEmpire enpluſieurs petits Royaumes , qui
n'ayant qu'une foible exiſtence , ſont contraints
à la fin du onzième ſiècle d'appeler les
160 MERCURE !
Empereurs de Maroc à leur ſecours ,&de les
reconnoître pour Maîtres. Les diviſions dont
leur Empire fut continuellement agité n'ayant
pas permis aux Conquérans de Maroc d'aller
au ſecours de l'Eſpagne , ils en perdent
inſenſiblement la ſouveraineté. Dans cette
ſuite de révolutions les Royaumes de To
lède , de Sarragoffe, de Cordoue, de Valence
, Séville & autres furent anéantis ;& la
puiſſance Mahométane en Eſpagne ſe borna
au Royaume de Grenade, qui ſuccomba luimême
à la fin du quinzième ſiècle , lorſque
les Royaumes de Léon , de Caſtille , de Navarre
& d'Arragon , qui avoient éré fi long.
temps diviſés , furent enfin réunis en une
ſeule Monarchie ſous Ferdinand & Iſabelle.
Après la conquéte du Royaume de Grenade
l'Eſpagne éprouva de nouvelles calamités.
Les Maures, qui ne ſupportoient qu'avec ré
pugnance la domination Eſpagnole , ſuſcitèrent
des ſéditions ; & pour en prévenir les
ſuites Philippe III , au commencement du
dix-ſeptième ſiècle , les fit fortir de fon État.
En terminant ce Livre , l'Auteur fair quelques
réflexions politiques ſur l'état de l'Efpagne
après le quinzième ſiècle , ſur les eſpérances
qu'elle dut concevoir des ſoins que
Charles III ne ceffe de donner à ſa proſpérité
, & ſur divers uſages qu'elle a confervés
Les conquêtes des Portugais dans l'Empire de
Maroc, dont il a paru néceſſaire de parler ſéparément,
font le ſujet du dernier Chapitre.
Ces trois Livres, qui forment les deux preDE
FRANCE. 161
miers Volumes, réuniſſent les événemens qui
intéreſſent les Maures depuis les premiers
âges de l'Hiſtoire juſqu'à leur expulfion d'Ef
pagne. Repouffés dans les déſerts de l'Afrique,
d'où ils étoient ſortis , onles y retrouve
dans le quatrième Livre , qui forme le dernier
Volume , accablés ſous le jougdu deſpotifine ,
n'ayant conſervé aucune idée des Sciences ,
dont ils ont eux-mêmes tranſmis les premiers
élémens à l'Europe. Ce quatrième Livre comprend
l'Histoire de l'Empire de Maroc , fur
lequel nous n'avions que des relations vagues
&imparfaites , qui donnent un nouveau prix
à cet Ouvrage. On y trouve les détails les
plus exacts ſur l'étendue, les villes , les ports
&rades, le climar , les productions , le commerce
, la Religion & le gouvernement de
cetEmpire, ſur les uſages & moeurs de ſes
habitans ,& fur les forces militaires & maritimes,
& les revenus du Souverain . Ces détails
ſont ſuivis de l'Hiſtoire des Souverains
de Fez & de Maroc , & fur les différentes
Dynasties depuis la fondation du Royaumede
Fez dans le huitième ſiècle juſqu'à ce jour. En
voyant cette ſuite de ravages & de dévaſtations
qu'a éprouvé l'Empire des Maures depuis
le dixième ſiècle, on croiroit que ſes
ufurpateurs n'avoient conſacré leurs armes
qu'à la tyrannie& au malheur de l'humanité ,
&on voit avec plaiſir que le joug qu'ils portent
ſous l'Empereur régnant eſt un peu
moins rigoureux. Le dernier Chapitre de ce
Livre donne une notion des relations & inté462
MERCURE
rêts de commerce entre les Puiſſances Euro
péennes & l'Empire de Maroc. Ce léger apperçu
hiſtorique & politique eſt traité avec
autantdeconnoiſſance que de circonſpection.
L'Histoire de la Mauritanie moderne ,
comme l'obſerve M. de Chéniés dans ſon
Diſcours préliminaire , quoique variée par
unefucceſſion d'ufurpations , de perfidies &
deſcènes tragiques, n'a pas cet intérêt qu'im
prime l'Histoire des Nations éclairées qui ont
fu allier des vertus morales à des projets
ambitieux. Ondoit lui ſavoir d'autant plus de
gré d'avoir tiré parti de ce fol ingrat &
aride, & d'avoir rendu ſes recherches auffi
intéreſſantes par leur exactitude que par leur
variété. Il y a répandu des réflexions très-judicieuſes
amenées par les circonstances ſur le
rapportqu'il y a entre les Mahométans orienraux&
les occidentaux , qui , unis par une
même religion , different par quelques uſages
qui tiennent au climat , aux habitudes & à la
nature du gouvernement. Quoiqu'en ait
beaucoup parlé des Ottomans, on trouve
toujours quelque choſe à en dire, & on eſt
d'autant plus curieux de les mieux connoître ,
que l'influence qu'ils ont ſur l'état politique
de l'Europe , fait que dans ce moment ils infpirent
encore plus d'intérêt.
Cet Ouvrage , dont le plan nous a paru
bien fait , & qui eſt écrit avec ſageſſe, ne
peut qu'être agréable au Public dans un ſiècle
où l'on eſt ſi avide de connoître les moeurs , les
uſages, le commerce & les intérêts politiDE
FRANCE: 163
quesdes Peuples répandus ſur le Globe. L'accueil
favorable que ces recherches hiſtoriques
ont reçu avant que nous ayons pu en
parler , a prévenu les éloges que nous étions
dans le cas d'en faire,&juſtifie l'approbation
qui en a été donnée par le Cenſeur.
OEUVRES de Jurisprudence de M. Bouhier ,
Président à Mortier au Parlement de
Dijon , de l'Académie Françoise , &c.
recueillies& miſes en ordre avecdes notes
&additions , par M. Joly de Bevy , Préſident
à Mortier au meme Parlement ;
dédiées au Roi. Tome Icr . A Dijon , chez
Louis - Nicolas Frantin , Imprimeur du
Roi , & ſe trouve à Paris , chez Delalain
l'aîné , Libraire , rue S. Jacques. Prix ,
24liv. enfeuilles.
De tous les monumens deſtinés à augmenser
la maſſe de nos connoiſſances , il n'en eſt
peut être point de plus utiles que ceux qui
ontpour objet de ramener la Juriſprudence
à cette uniformité qui doit être l'objet de
toutes les loix & le voeu de tous ceux qui ſe
conſacrent à l'adminiſtration de la juſtice. Il
n'en est même point qui aient un rapport
plus direct& plus néceſſaire avec nos moeurs,
&les principesduGouvernement ſous lequel
nous vivons. "Car il fautdes Tribunaux dans
>> une Monarchie , ainſi que l'a judicieuſe-
> ment obſervé l'Auteur de l'Eſprit des
► Loix. Ces Tribunaux donnent des déci
164 MERCURE
>>fions , elles doivent être conſervées ; elles
>> doivent être appriſes pour que l'on juge
• aujourd'hui comme l'on jugea hier , &
» que la propriété & la vie des Citoyens y
>>foient aſſurées & fixées comme la conſti-
>> tution même de l'État. * ,,
Pénétré de cette grande vérité , M. le Pré
fident de Bevy , propriétaire de tous les Ou
vrages de Juriſprudence du célèbre Préſident
Bouhier, s'eſt déterminé à les rendre publics;
& il s'eſt dépouillé, comme il l'annonce lui
même , du préjugé de pluſieurs propriétaires
de manuscrits, qui ne les estiment qu'autant
qu'ils les confervent pour euxfeuls.Rien afſurément
ne juſtifie mieux le choix qu'a fait
de lui le petit- fils de M. Bouhier **, enl'appelant
pour recueillir l'héritage le plus précieux
de ce ſavantMagiſtrat, le fruit de ſes travaux
&de ſes veilles.
Ainſi , grâce au zèle & aux ſoins de M. de
Bevy , notre Littérature va s'enrichir de la
Collection complette des OEuvres de Jurifprudence
de M. le Préſident Bouhier. C'eſt
s'acquérir des droits à la reconnoiſſance pu-,
blique , que de faire un auſſi noble emploide
ſes momensde loiſir & de délaſſement.
Nous connoiffions déjà une partie de cetre.
Collection par les deux volumes in-folio d'obſervationsfur
la Coutume du DuchédeBourgogne
, imprimés en 1742 & 1746 , & l'Édi-
* Eſprit des Loix , Liv. 6, Chap. premier.
** M. le Préſident de Bourbonne.
1
DE FRANCE.
165
teur remarque avec juſteſſe que tout ce que
l'on auroit pu reprendre dans cet Ouvrage ,
c'eſt le titre trop modeſte qui lui avoit été
donné ; car les queſtions qui y ſont traitées
n'intéreſſent pas moins les habitans de tous
les autres pays coutumiers ou de droit écrit
de ceRoyaume, que les perſonnes qui réſident
dans le Duché de Bourgogne. Aufſi à
peine cet Ouvrage parut- il , qu'il fut également
recherché par les Magiſtrats & les Jurifconfultesde
tous les Tribunaux de la France
, & même des pays étrangers. 1
Cet empreſſement eſt d'un augure favorable
pour la nouvelle Édition que l'on annonce.
En effet, à en juger par le Profpectus
&par la Table des matières du Recueil qui
encompofera la ſeconde partie, il n'eſt pas
poſſible de concevoir un plan plus vaſte &
plus utile pour ceux qui ſe deſtinent àl'étude
dela Jurifprudence.
Depuis long - temps on gémiſſoit ſur la
forme de nos Recueils , parce qu'étant divi
ſés par lettres alphabétiques , ils ne préſentoient
point cet enſemble , cette ſuite de vérités
qui appartiennent à une même ſcience ,
ou qui forment la baſe conſtitutive d'une de
fesparties.
Mais le Recueil de M. le Préſident Bouhier
, loin d'avoir cet inconvénient , nous
offrira au contraire une méthode ſimple &
fuivie , d'après laquelle il ſera facile de ſaiſir
lachaîne de tous les principes qui lient entre66
MERCURE ;
elles les différentes branches du ſyſtème de
notre Jurisprudence.
Comme cette partie ne ſera quela dernière
de l'Édition complette des OEuvres de ce
Magiſtrat , nous ne pouvons en donner, dans
ce moment , que cette idéegénérale.
Al'égard du premier Volume , qui paroît
actuellement , il comprend le texte des anciennes
& nouvelles coutumes du Duché de
Bourgogne , & l'Hiſtoire de leurs Cominentateurs
, le tout imprimé dans le même ordre
quedans l'édition de 1742 .
Mais ce qui n'étoit point dans cette ancienne
édition , c'eſt une conférence raiſonnée
où l'Auteur propoſe toutes les queſtions
qui peuvent naître ſur chaque article de la
coutumedeBourgogne , & où il indique les
fources auxquelles on peut recourir pour les
réfoudre. Cette conférence eſt faite avec tant
d'ordre , elle annonce une ſi grande érudition
, elle eſt d'ailleurs l'ouvrage d'un homme
ſi verſedans la connoiffance des Loix , qu'elle
ne fauroit manquer d'être regardée comme
un répertoire très-précieux pour toute perſonne
qui cherche à s'inſtruire dans la ſcience
à l'étude de laquelle M. Bouhier avoit
conſacré toute la vie.
C'eft fur-tout dans les queſtions qu'il a rafſemblées
ſous le titre des Droits de Justice ,
fous celui des Succeffions & ſur la matière
des Retraits , que l'on reconnoîtra avec
quelle juſteſſe il ſavoit faifir les rapports qui
fe trouvent entre le droit particulier de la
DE FRANCE. 167
Province pour laquelle il écrivoit , & celui
de tous les autres pays coutumiers ou de
droit écrit de ce Royaume.
Les recherches les plus pénibles , les détails
les plus minutieux ne rebutent point ce
Magiftrat; on reconnoît par-tout l'homme
de génie qui ſait placer à-propos tous les
matériaux de l'édifice dont il a conçu l'enſemble
, &dont il poſe les fondemens. Mais
il faut étudier l'Ouvrage même pour pouvoir
l'apprécier,& pour bien comprendre les principes
que l'Auteur développe en indiquant
les ſources où l'on doit les puiſer , & en clafſant
toutes lesconféquences qui en dérivent ,
ainſi que toutes les exceptions qui les modifient.
Geſt à la ſuite de cette conférence que
l'Éditeur a placé les différentes diſſertations
que M. Bouhier avoit données en 1742 , ſous
le titre d'Obſervations ſur la Coutume du
Duché de Bourgogne. Quoique toutes annoncent
également une profonde connoifſance
des principes adoptés par nos Tribunaux
, il en eſt cependant qui méritent une
méditation plus particulière &plus réfléchie.
Telle eſt , par exemple , la differtation
dans laquelle M. Bouhier trace les caractères
qui ſervent àdiſtinguer les pays dedroit écrie
de ceux que l'on appelle plus particulièrement
pays coutumiers. Telle eſt auſſi celle
intitulée de l'excellence du droit Romain pardeſſus
celui de nos coutumes , &c. Il ſe-
Foitmême à defirer que notre jeuneſſe pût
168 MERCURE
|
1
i
avoir fans ceſſe ſous les yeux les ſages réflexions
par leſquelles l'Auteur combat l'opinion
de ceux qui croient ſuppléer par les
ſeules lumières de la raiſon à l'étude des loix ,
ſans leſquelles l'équité n'eſt plus qu'un mot
vuide de ſens , & une règle aufli arbitraire
qu'incertaine.
Cetre étude ſi négligée actuellement , eſt
cependantd'autant plus néceſſaire , que ſi aujourd'hui
toutes les Provinces de ce Royaume
peuvent, à de certains égards , être aſſimilées
aux pays coutumiers , l'on ne peut douter
que de toute ancienneté , &preſque juſqu'à
cesderniers temps, le droit Romain n'ait été
reconnu pour droit commun dans toute la
France , fans en excepter même les pays coutumiers.
Les preuves que M. Bouhier donne
de cette affertion ſont ſi ſenſibles , qu'il eſt
biendifficile de réſiſter à leur évidence.
Mais c'eſt principalement dans ſes differrations
ſur la perſonnalité ou la réalité des
tatuts, que ce Magiſtrat développe cette étenduede
connoiſſances& cette profondeur de
génie qui lui ont fait aſſigner parmi les Jurifconfultes
un rang auſſi diſtingué que celui
qu'il occupoit déjà comme Littérateur. On
fait combien il y a de diverſité dans les opinions
des Auteurs qui ont écrit ſur cettepartie
importante de notre droit. On fait que
malgré les recherches des Voët , des Slockmans
, des Rodenburg , des Dumoulin , des
d'Argentré , des Boullenois , des Froland ,
les principes qui devoient fixer notre indécifion,
DE FRANCE. 169
ciſion , étoient preſques auſſi incertains qu'ils
étoient peu connus. En diſcutant de nouveau
cette matière , M. Bouhier démontre nonſeulement
les défauts des règles qu'on avoit
propoſées juſqu'alors , mais il établit encore
celles qui doivent ſervir d'une manière invariable
àdiftinguer les ſtatuts , & qui caractériſent
leur perſonnalité ou leur réalité. Il
va plus loin , il fait l'application de ſes principes
à tous les cas qui peuvent ſe préſentera
Rien n'eſt plus ſatisfaiſant que les détails dans
leſquels il entre à cet égard ſur la qualité des
ſtatuts qui règlent en général l'état & la condition
des perſonnes, leurs droits & leurs
devoirs perſonnels , leurs conventions &
les formalités des actes qui en conſtatent
l'existence. Rien également n'eſt plus ſolide
que lesobſervations que propoſe M. Bouhier
fur les ſtatuts qui règlent la nature & la qualité
des immeubles , ſur ceux qui regardent
les ſucceſſions légitimes & la confervation
des biens dans les familles , fur ceux enfin
qui ont introduit des précautions en faveur
detierces perſonnes,&qui ont pour objet la
police civile ou criminelle.
Maisque cet Auteur est grand , lorſqu'après
avoir difcuté ces queſtions importantes, il
termine cette partie de ſon Ouvrage par la
réflexion modeſte que l'on ne peut ſe refuſer
le plaifir de préſenter , ne fût-ce même que
pour donner une légère idée de ſon ſtyle.
" Je finirai ici , dit M. Bouhier , mes réfle-
> xions ſur la réalité ou la perſonnalité des
N°. 30 , 28 Juillet 1787. H
170 MERCURE
ود ſtatuts. Je ne ſais ſi j'aurai été affez heu-
>> reux pour y donner des règles qui puiffent
ود
"
ود
fixer déformais l'incertitude dans laquelle
- on a florté juſqu'à preſent ſur cette matière.
En tout cas , je ne faurois me repentir
de mon travail , s'il peut engager quel-
>> que meilleur eſprit à perfectionner un Ou-
> vrage ſi important pour le bien public. »
Combien cette modeſtie & cette fimplicité
précieuſes ſont rares aujourd'hui !
ASPASIE , traduit de l'Anglois , 2 Vol. in-
12. Prix , 3 liv. brochés. A Paris , chez
Buiffon , Libraire , hôtelde Meſgrigny , rue
des Poitevins , nº. 13 .
CE Roman doit être diftingué du trop
grand nombre de traductions modernes dont
chaque mois nous offre preſque un effai. Il
doit tenir finon une place abſolument remarquabledans
la claſſe des Romans d'amour , au
moins un rang bien au-deſſusde la médiocrité.
L'action eſt ſimpi :, l'intrigue n'eſt point embrouillée,
rien n'eſt forcé dans les perfonnages,
& fi chacun n'a pas une phyfionomie
tranchante& particulière, du moins la couleur
totale de l'Ouvrage est-elle affez douce
pour ne pas fatiguer par ſon uniformité. Ce
font d'honnêtes gens mis à côté de quelques
fripons; mais ces derniers font toujours tenus
fur le ſecond plan ,& les dangers qu'Afpafie
court, ſans nous faire frémir St ſans nous
épouvanter, ne produiſent ni trop ni trop
DE FRANCE. 171
peu d'interer. On la voit aller , venir , craindie,
ſe combattre, ſe vamcre; & onlarrouve
-fi bien foutenue de toute ſa vertu, ſi ſage
avec ii peu d'oftentation , qu'on n'eſt jamais
fortement ſecoué , & on ne ſe ſent point
tenté de la perdre de vue. Afpatie & Milord
Derville font les deux ſeuls perſonnages que
l'Auteur ait ſoignés. Le reſte rentre dans la
maffe des tituations & des caractères romanelques
, & ne préſente que le vieux magafin
des Romans mis à contribution.
Lifayons de donner une courte analyſe de
ce Roman. Afpafie a perdu ſon père , tué
d'un coup de piſtolet par Richard ton free.
Le vieux Hanbury, fon ayeul, prend ſoin
d'elle. Elle grandit, & toutes ſes années ſont
marquées par des traits de bienfaiſance.
L'affaffin de fon père n'avoit pas été connu.
Richard , deshérité par ſon père à cauſe de
l'attentat qu'il s'étoit permis ſur la mère
d'Afpafie, s'étoit marié , & vivoit en France ,
d'où il étoit revenu ſecrètement pour commettre
l'affaffinat de Henri Hanbury , fon
frère. Fatigué d'errer dans un pays étranger ,
&convoitant la riche ſucceſſion de ſon père ,
il étoit revenu s'établir aux environs du châteaude
Hanbury. Edward ſon fils fut chargé
d'intéreſſer Afpafie ,&de la déterminer à engager
le vieux Hanbury à lui pardonner. Afpafie
réuffit à les réconcilier ; mais quelle
fut fa récompenſe? Richard découvrit le reftament
de fon père, le ſcella , & en fit fabriquer
un autre qui dépouilloit Aſpaſie de toute
Hy
172 MERCURE
ſa fortune. Le vieux Hanbury mourut. Afpafie
perdit un ami , un père & tous ſes biens.
Elle vint ſejeter dans les bras de Miladi Derville
, qui vivoit à Londres. Miladi vivoit
avec fon mari dans des termes qui font affez
communs dans nos moeurs , c'est-à-dire ,
qu'elle étoit très-diflipée ,& qu'elle n'aimoit
ni ne recherchoir ſon mari. Milord vit Afpa-
Ge , l'eſtima & l'aima. Il ne ſe déclata point
ouvertement; mais il en dit affez , & une
aventure fur mer en apprit affez à Afpafie
pourqu'elle lui imposât filence. Miladi, devenue
amoureuſe d'un Colonel , perſonnage
merveilleux & décrié , prend la fuite avec
Jui , & ſe réfugie en France. Afpafie quitte la
maiſon de Milord , & après quelques revers ,
dont le plus affreux eſt de tomber dans un
Jieu de debauche lorſqu'elle fuyoit pour éviter
la rencontre de Derville, elle mène une
vie tranquille dans une habitation champêtre,
C'eſt là que dévorant tous ſes ſouvenirs, voulant
oublier Milord qui avoit oſé lui écrire
une lettre peu ménagée , le haſard fait trouver
dans le fils de fon hôteſſe le fauffaire qui
avoit fabriqué le teſtament de ſon ayeul. Ce
ſcélérat, emprifonné pour d'autres crimes, &
prêt à ſubir ſon châtiment, remet à Afpafie le
véritable teſtament. Elle a la bonté d'en pré-
-venir ſon oncle , qui ſe tue pour échapper à la
rigueur des loix. Afpafie prend poffeffion de
rous fes biens ſans reprendre ſa première
tranquillité. Son coeur étoit trop agité.
EnfinMiladiDerville ſe retrouve ſous les
DE FRANCE. 173
pas, mais pauvre, fouffrante ,& fous les traits
hideuxdela debauche défiguree par la honte
&par la misère ; elle meurt dans les bras,
Milord Derville,devenu libre par cette mort,
ſe juſtifie de la lettre dont Afpafie ſe plaignoit
, & qu'il n'avoit point écrite. Afpatio
conſent à l'épouſer.
Cefimple expoſe annonce le degré d'intérêt
que le Roman renferme. Nous ſommes
affures qu'il trouvera des Lecteurs. Le ſtyle
de la traduction n'eft point brillant ; il eſt
ſimple, fans recherche; le Traducteur dit ce
qu'il veut dire ſans rien outrer , fans rien
embellir.
5:
EXTRAIT du Raprort fait à l'Académie
Royale des Sciences , le 4 Juilier 1787 ,
d'une expérience de M. Diller , Phyficien
Hollandois.
L'ACADÉMIE ROvale des Sciences a chargé
MM. le Roy , Briffon , Lavoiker , Monge ,
Bertholet& de Fourcroy d'examiner un nou
veau genre de feux produits par la combuftion
des gaz inflammables , & exécutés par
M. Diller, Phyficien Hollandois. Les Commiffaires
nommés ont aſſiſté au ſpectacle que
M. Diller leur en a donné auPanthéon . Leur
miſſion paroiſſoit particulièrement deſtinée
àpréſenter dans leur rapportde ſimples concluions
fur l'agrément & le peu de danger
de ce ſpectacle. Mais ils ont reconnu que le
ſpectacle propoſé par M. Diller conftitue un
Hiij
174 MERCURE
art nouveau , où des expériences Phyſiques
très - agréables font dirigées par des moyens
de mécanique ingénieux , & où se trouvent
réunis & comme oppofés les uns aux autres
l'appareil le plus compliqué en apparence ,
&l'exécution la plus fimple , les matériaux
les plus inflammables & la combuftion la
plus tranquille. Ils ont étendu leurs obfervations
ſur toutes les parties de ce nouvel
art. Voici l'abrégé des détails qu'ils ont expofés
à l'Académie .
M. Diller emploie trois différens airs ou
gaz inflammables , qu'il déſigne par la couleur
de leurs flammes , l'air blanc , l'air bleu &
l'air vert. Sans faire un myſtère de ſes recherches
, M. Diller n'a point dit par quels
pro.edés il retire ces trois Auides élastiques .
Ladivertité de la couleur de ces flammes dependdu
mélange des différens gaz. L'air blanc
frappe fur- tout par l'éclat & l'intensité de ſa
flamme. M. Diller le propoſe pour l'uſage
des phares. Une propriété bien précieuſe de
ces trois gaz eſt de ne point détonner avec
l'air atmoſphérique. Le mélange de cet air
avec ces gaz en modifie ſeulement les flanames
en affoibliflant leurs nuances , de forte
que M. Diller en fait un de ſes procédés les
plus utiles. M. Diller ne fait point uſage du
gaz inflammable préparé avec le fer , qui a
l'inconvénient de détonner , & qui d'ailleurs
produit une flamme beaucoup moins helle.
Par une petite addition de ces gaz , on fait
perdre au gaz inflammable préparé avec le
7
DE FRANCE 175
fer , cette propriété de détonner avec l'air
atmoſpherique.
M. Diller emploie un art très- ſimple pour
extraire fes gaz inflammables. Des bouteilles
ordmaires , un grand nombre de veflies gar
nies de tubes& de robiners lui fuffitent. La
manière de contenir de grandes quantités de
ces gaz fans riſque de les perdre , & les
moyens de fe procurer des refervoirs légers
&commodes au-deifous des machines deftinées
à offrir le ſpectacle de leur inflammation
, font aufli un des procédes les plus fimples
& les plus ingénieux imaginés par ce
Ihyſicien. Il est impoſible de donner ici l'extrait
de la defcription qu'en fait le rapport
des Commiffaires, parce que dans ce genre
l'extrême precifion peut étre a-la fois obfcure&
infidelle. Les appareils imaginés par
M.Diller, pour faire pafler les gaz inflanmables
dans les machines à l'extrémité defquelles
ils doivent brûler, font plus compliquésque
les précedens. Il faudroit en citer la
defcription entière pour les faire bien connoitre
; nous devons nous borner à en faire
concevoir le mecaniſme général , tel que
l'expofé le rapport. Qu'on le figure une fuite
de canaux qui ſe remplitfunt féparément de
trois divers fiuides élastiques inflammables.
Qu'on termine les extrémités de cs canaux
par une infinité de tubes ouverts , & qu'on
fe peigne os ouvertures de ces tubes tournés
enhaut, en bas , de côté & en devant , ayant
les formes de trous ronds , de quariés , de
Η ιν
176 MERCURE
fentes , d'étoiles , &c. & l'on concevra quelle
variété d'effets on peut attendre de ces machines.
Les appareils à feu de M. Diller reçoivent
une nouvelle variété par les mouvemens qu'il
a ſu imprimer à des tubes à flamme , ſoit
par le gaz , foit par le mécaniſme. L'enſemblede
ces tubes repréſente différens ſujets.
Une mécanique neuve , plus recherchée , a
fourni à ce Phyſicien des moyens d'offrir des
effets plus finguliers. Il a communiqué le
mouvement à deux animaux , l'un repréſentant
un ferpent , & l'autre un dragon , qui
parcourent une courbe très - irrégulière , en
prenant eux- mêmes diverſes figures par des
mouvemens particuliers communiqués aux
différentes parties de leurs corps , effet qu'il
étoit extrêmement difficile de produire.
L'examen des procédés & du mécaniſme
imaginés par M. Diller , a donné aux Académiciens
qui l'ont fait une idée encore p'us
avantageuſe de ſes talens, que le ſpectacle
même auquel ils ont affitté. Mais le motif
principal de leur miſſion ayant été de rendre
compte de ce ſpectacle , ils le garantiffent
très - agréable & fans aucun danger. On nous
faura gré d'extraire encore quelques détails
de leur rapport.
Ce ſpectacle a deux parties. Dans la première
, les effets ſont dûs à la manipulation
même opérée par M. Diller. Des vefies pleimes
chacune en particulier des trois gaz que
nous avons deſignés, placées ſous ſes bras,
DE FRANCE. 177
qui les compriment plus ou moins fortement,
donnent, par l'inflammation de ces gaz , &
par lemoyendes tubes diverſement percés ,
par leſquels elles font terminées , des flammes
différentes de couleur, d'étendue , d'éclat
&de formes. Ce ſont ſucceſſivement des ſoleils
, des étoiles , des triangles , des croix de
Malthe , dont les nuances varient fans ceffe
au gré de M. Diller.
Dans la ſeconde partie, les effets ſont produits
par les machines dont il eſt queſtion
plus haut. Ces machines offrent en général
des figures d'animaux , de plantes , & d'autres
objets dont la décoration eſt intéreſſante . A
l'aide des tubes communiquans , M. Diller
les offre pår parties ; des troncs d'arbres ſe
chargent de feuilles , de fleurs & de fruits.
Des animaux ſe pourſuivent & s'évitent ;
l'oeil eſt toujours agréablement frappé,
M. Diller, avec ces trois machines , peut
former cinq à fix ſpectacles différens. Enfin ,
un avantage que ſes feux ont ſur l'artifice ordinaire
, c'eſt que la combustion des gaz inflammables
n'eſt accompagnée d'aucune mauvaiſe
odeur.
Il réſulte donc de l'examen des procédés
&du ſpectacle de M. Diller , que ce Phyſicien
a pouffé très-loin l'art qu'il a pour ainſi
dire créé; que ſon travail annonce des con
noiffances exactes de phyſique & de méchanique;
que les effers produits par ſes machines
ne font accompagnés d'aucun danger , &
que l'enſemble de ſes procédés eſt digne des
Hy
178 MERCURE
éloges de l'Académie. M. Diller joint au mérite
de l'invention, celui de pouvoir fabriquer
lui-même ſes machines avec un foin qui ne
laiffe rien àdefirer...
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure
MONSIEUR ,
M. ROBINSON , qui vient de traduire le Roman
de Galathée & les Nouvelles de M. le Chevalier de
Florian , a fait voir qu'il poſſédoit à fond les richeſſes
de notre langue &de la fienne , mérite qui manque
àla plupart des Traducteurs . L'élégance de ſon ſtyle ,
le choix de les expreffions, la couleur propre quil
donne aux tableaux répandus dans les deux Ouvrages
, annoncentun Ecrivain exercé à ſentir avec
délicateſſe & à s'exprimer avec grace. Le goût que
Pon a depuis quelque temps en France pour la langueAngloife
, ne peut que gagner à voir fe reproduire
dans cette largue les Écrits qui nous ont
charmés. L'union plus intime qut s'établit entre les
deux Nations , doit les engager à ſe communiquer
Kurs richeſſes littéraires ; c'eſt un commerce qui
tourne à l'avantage de toutes les deux. Si l'excellente
Traduction de l'Histoire de Charles - Quint a
Servi dans le temps à aider les efforts des Anglois
qui veulent ſe perfectionner dans notre langue ,
pourquoi ne verrions-nous point Galathes & les
DE FRANCE. 179
Nouvelles qui l'ont ſutvie, procurer le même avantoge
aux perfonnes de l'un & l'autre fexe , pour
qui l'Anglois eft devenu une étude auffi utile qu'a
gréabk?
ου ת
,
Les calens de M. Robinson , déjà ſi avantageuſement
connus dans ſa patrie , méritent de l'étre parmi
& mon but eft de relever ici quelques idées
quil a jetées dans une Epître dédicatoire qui précède
ſa Traduction de Galachée. Il faut voir avec
quelle fagacité il y a démélé les principes du Roman
paftoral Cette Epitre eft adeffée à Mill Harlow
, fille aînée du Lord-Char.ccher d'Angleterre ,.
auſſi diftingué par ſes dignités que par son mérite
perfonnel& fon goût pour les Sciences. Les idées
deM. Robinfon fur le ggeenntte paftoral font neuves
& rendues avec élégance. Il eft heureux pour nous
queGalathée l'ait ti bien inſpiré , puiſque cette production
charmante lui a donné heu de développer
les refforts fecrets qui ont conduit M. le Chevalier
de Fior'an au fuccès brillant qu'a eu fon Ouvrage ,
faitpour ſervir de modèle aux Ecrivains qui ent.eront
dans la même carrière.
Mais il eſt temps d'écouter M. Robinfon.
Les Italiens , dit - il , en exceptant cependant
Paminthe du Taſſe , prouvent par leur exemple
que le langage & l'imagination travaillent en vin
dans l'abfence de la Nature. Tout l'esprit de Guatni
, le génie de Boranelli & le brillant de Marin
ne peuvent lotter avec les beautés ſimples de l'inimitable
Gefner. Un Allemand fent, & il écrit comme
il fent , & tandis qu'il écrit le coeur lui fournit une
langue facile & expreſſive, ſans qu'il ait beſoin du
fecours de l'art. Nous nous trompons dans la pour
fuite de la Nature. Il est impoffible qu'une ame
affo blie par l'art l'atteigne jamais. Il n'y a que 'e
premier mouvement d'un génie naturel qui puiife
la falur dans fes véritables formes, & il faut plas
Hvj
180 MERCURE
7
de talent pour éviter l'art que d'art pour atteindre
la Nature.
Cette dernière obſervation eſt très- fine , & ren .
ferme une cenfure ingénieuſe de tant d'Ouvrages
où la Nature eft comme accablée ſous les faux
ornemens de l'art .
M. Robinfon ne ſe borne point à établir que le
naturel & le ſentiment doivent être la baſe du
Roman Pastoral , il le compare avec l'Églogue , &
l'un & l'autre avec l'Epopée & la Poésie Dramatique.
Cet apperçu , qui eſt abſolumentneuf, fait inaniment
d'honneur à l'eſprit d'obſervation qui
femble diftinguer M. Robinson.. Voici comme if
s'exprime ſur ce ſujet.
Le Roman Pastoral eſt précisément à la ſimple
Eglogue ce que la Poéſie Epique eſt au Poëme
Dramatique; l'un& l'autre doivent former un tour
complet. Quoiqu'ils ſeient ſemés d'Epiſodes & cmbelis
d'ornemens, il faut qu'ils aient toujours en vue
un objet principal & unique qui s'apperçoive dans
tour le cours de l'Ouvrage. L'étendue du ſujet ne
fait rien à cette règle que la Nature elle-même
femble nous tracer ; car la Tragédie a fon but ainſt
que l'Epopée ; & un Berger qui chante ſur ſon cha-
Jumeau, doit avoir un objetdans ſa chanſon comme
s'il faiſoit un récit de pluſieurs Volumes.
Les réflexions de M. Robinfon fur l'unité de
temps , & de lieu ne font pas moins juſtes. Il remarque
que le Roman Paftoral relativement à l'unité de
temps , eſt dans une juſte diſtance de l'Epopée & du
Drame; il n'est ni auffi borné que le dernier ni auſſi
étendu que le premier.
Il ajoute que c'eſt le nom en lui-m'me qui détermine
l'unité de lieu. La ſcène doit être champêtre;
& comme les ſoins,les intérêts & les entrepriſes
des gens de la campagne s'étendent rarement au delà
de l'ombrage de leurs bois ou des bords de leurs
DE FRANCE. 181
ruiſſeaux , de m'me l'enſemble d'une aventure paftorale
doit être renfermé dans les limites d'un ſeul
manoir , ou , ſi lon veut, d'un ſeul village. Le
ſujet, en donnant p'us de carrière à l'imagination,
ſe refferre dans un plus petit eſpace , parce qu'une
Fée & une Dryade font p'us avec leur pouvoir magique
dans l'emplacement étroit d'une petite colline
ou fur l'écorce ſacrée d'un vieux chêne , que
Jes Héros dans de vaſtes plaines ou ſur l'immenſe
Ocean.
M Robinfon s'élève avec raiſon contre les Auteurs
qui s'embrouillent dans les fils embarraſſés
d'aventures trop compliquées qui font perdre de
vue l'abjet principal. Il cite à ce ſujet un Roman
Paftoral de ſon pays, c'eſt l'Arcadie de Sidney ,
Ouvrage qui eut une grande réputation dans ſon
temps: il prend un autre exemple pour appuyer ſes
principes, c'eſt l'Aftrée de d'Urfey, qui fit les délices
de nos ayeux , & qui a précisément les mêmes
défauts que M. Robinson reproche à fon compatriore
, c'est-à-dire, trop de réflexion dans les détails,&
trop de confufion dans les aventures.
M. Robinfon compare avec beaucoup d'eſprit les
excurfions de la Muſe Paftorale à celles des Abeilles,
fi bien décrites dans les Géorgiques.
Un fimple Extraitne nous permet point de faire
connoître tout le mérite des idées répandues dans
l'épître de M. Robicſon. Nous nous contenterors
de citer ce dernier morceau , où l'Auteur ſe propoſe
de faire ſentir de quelle manière on peut rapprocher
les Héros & les Bergers dans le Roman Paftoral.
Je conviens, dit- il, qu'il n'est pas aifé de lier enfemble&
de mettre en rappert les grandes actions
& les aventures du Village; mais la cabane peut fe
vanter d'une grande action faite avec fimplicité
commeon envoit tant de petites faites avee faſte
182 MERCURE
dans les Palais. La grandeur d'ame depuis le trône
juſqu'à l'herbe eſt toujours environnée de la même
gloire: il n'y a que les ombres de différence ; de
manière que le Prince qui aime véritablement , &
qui eſt noble & vertueux , ſe rapproche du Berger
qui a les mêmes inclinations . C'eſt l'ame qui forme
les rapports. Les ſituations de la vie font accidentelles
; nos fentimens font inhérens à notre ame ; &
ſi deux ames ſont également douées de vertu , mettez
de niveau le Palais & la chaumière, & une
action faite dans un Village fera auſſi grande que
celle qui a pour théâtre une Capitale.
On voitque ceci n'est pas moins heureuſement
exprimé que profondément ſenti , & que le plus
grand honneur que M. le Chevalier de Florian pouvoit
recevoir en Angleterte, étoit d'avoir un Traducteur
du mérite de M. Robinson .
La Traduction de Numa va ſuivre celle de Galathée.
M. Robinfon s'en occupe dans ce moment, &
elleparoîtra bientôt.
J'ai l'honneur d'être , &c.
SPECTACLES . :
COMÉDIE FRANÇOISE.

LE Jeudi 19 de ce mois , on a repréſenté,
pour la première fois , les Amis à l'Epreuve,
Comédie en un Acte & en vers .
Dorival aime Éliſe, jeune veuve qu'un premier
hymen a rendue malheureuſe. Une timidite
inturmontable ne lui a pas encore
DE FRANCE. 183
permis de faire l'aveu de ſa tendreffe. Enfin
le jour est vena où Florville, père d'Élife ,
veut abſolument que Dorival fe déclare; il
l'y engage ,& le preffe mème de profiter de
Pinttant où la fille eſt ſeule. Dorival fe décide
avec beaucoup de peine ; il ſe rend en
effet auprès d'elle; mais il revient comme il
étoit partų. Un brunt inopiné lui a fait craindred'etre
interrompu. Il ſedétermine à écrire.
Florville exhorte fa fille à renoncer au veuvage;
ilne lui cache point qu'un galant homme
dont il approuve la recherche afpire à fa
main. Élife reconnoît Dorival au portrait
qu'a fait fon père ; elle témoigne les plus
vives alarmes , parce qu'elle n'eſt point indifferente
aux ſoins de Floricourt , ami de
Dorival, qui a ſervi avec lui en Amérique ,
qui lui doit & la vie & la connoillance de
Florville. Floricourt paroît ;Élife lui coramunique
ſes inquiétudes , & fort. A peine eftelle
fortie , que Dorival rentre , apprend à
fon ami qu'il aime &qu'il n'oſe le dire. A
l'embarras de Floricourt, il forme des ſoupçons
fur le quels il eſt bientôt raffuré. En
confequence il reprend courage, & forme la
réſolution de s'expliquer avec Elife. Florville
lui en fait un devoir, en lui annonçant
que s'il ſe tait, il parlera pour lui. Il rifque
donc fon aveu , dont la fin eſt ſuſpendue par
une lettre de Floricourt. Celui- ci immole
l'Amour à la reconnoiffance , il va retourner
en Amérique. Dorival court après fon
ami ; en vain Florville Vent arrêter fes pas ,
184 MERCURE
parce qu'il croit qu'il n'a point déclaré fon
amour. Une lettre queje laiſſe entre les mains
d'Éliſe vous apprendra tout, répond Dorival.
Cette lettre , que Florville ſoupçonne être de
Dorival , produit un quiproquo affez plaiſant
, après lequel Florville apprend que fa
fille aime Floricourt. Il ſe fache , s'emporte ;
mais Dorival revient avec ſon ami , calme le
père d'Éliſe , lui demande pour un autre ce
qu'il eût été trop heureux d'obtenir pour luimême.
Florville ſe trouve obligé de céder
aux inſtances de Dorival, de Floricourt&de
La fille.
Il y a peu de comique dans cette perite
Pièce; mais il y règne un intérêt doux. Les
Scènes en font filées & coupées avec adreſſe.
Le dialogue en eſt généralement naturel &
agréable ; on a même applaudi à quelques
vers tournés avec facilité , &dans lesquels on
trouve enſemble de l'eſprit & de la grâce.
CetOuvrage, dont le fonds reſſemble un peu
àcelui de l'Amitié à l'Epreuve , Conte moral
de M. Marmontel , ne peut que faire honneur
à M. Pierre , Auteur de l'Ecole des
Pères,dont les repréſentations ſe continuent
avec ſuccès.
DE FRANCE .
185
COMÉDIE ITALIENNE.
LE même jour on a repréſenté , pour la
première fois , Renaud d'Aft , Comédie en
deux Actes & en proſe, mêlée d'ariettes .
L'Oraiſon de Saint-Julien , Conte que le
bon La Fontaine a imité de Bocace, eft dans
les mains ou dans la mémoire de tout le
monde. Il eſt donc inutile d'en rappeler l'idée;
l'analyſe de Renaud d'Aſt , qui en eſt une
imitation , fuffira pour établir la différence
qui exiſte entre l'action du Conte & celle de
la Comédie dont ila fourni le fonds .
Céphiſe, amante aimée de Renaud d'Aſt ,
croit que fon amant eſt mort. Il s'eſt trouvé
à une bataille dans laquelle on l'a dit tué. Pour
ſe rappeler les traits d'un objet chéri , elle a
peint Renaud de mémoire ; & fon tuteur,
M. Lifimon , Gouverneur de la ville de.....,
lui a laiflé cette triſte fatisfaction. Pendant
'que Céphiſe donne les derniers coups de pinceau
au portrait de ſon amant, on entendune
voix plaintive; c'eſt celle d'un homme égaré
dans les bois , dépouillé par des brigands ,
mourant de froid & de faim , qui demande
un aſyle. Marton , Femme- de-Chambre de
Céphiſe , prend pitié du pauvre malheureux ,
demande à ſa maîtreſſe la permiffion de l'introduire
dans la maiſon , le voit , s'y intéreflè
davantage , & parvient à lui obtenir la -
186 MERCURE.
faveur de s'approcher du feu. Céphiſe ſe retiredans
ſa chambre , & Marton introduit le
jeune homme , qui n'eſt autre que Renaud
d'Aft. Il raconte à la Soubrette comment il a
ére dépouillé dans la forêr. Marton , qui le voit
preſque nud, va lui chercher un habit de Litimon.
Pendant ce tems, Renaud , reſte ſeul, remarque
un portrait , s'y reconnoît. Sa ſurpriſe
eſt extrême. Marton rentre, reconnoît a fon
tourl'originaldu portrait,luidemandes'ilneſe
nomme point Renaud d'Aft. Sur l'affirmative
elle s'écrie , appelle fa maîtreffe , qui revient,
&les amans font dans les bras l'un de l'autre.
Apeine ont-ils eu le temps de ſe parler, que
Lifimon rentre avec fon Valer Allain . Renaud
ſe cache derrière le portrait. Lifimon faitapporter
les habits de Renaud , qu'on a trouvés
entre les mains des voleur . Il le ſupporè
mort , cherche à confoler Céphiſe de ce malheur
, dont , au fond , il n'est pas très-chagrin;
& comme ſa Pupille tourne ſouvent la
têre du côté du portrait, il préfume que c'eſt
un objet dont il faut lui ménager la prefence;
il ordonne donc à Allainde le placer dans un
cabinet. Allain prend le tableau , Renaud
recule , & fe trouve introduit dans le cabinet,
toujours caché par le tableau; après quoi tout
le monde fort pour aller fouper. Kenaud, enfermé,
cherche à fortir , & fort en derangeane
un deſſus de porte. Il entreprendde ſe
faire entendre , car il neurt de faim; il trouve
une guitarre , en rattache les cordis , & s'accompagne
en chantant à voix baffe une Ro--
-
DE FRANCE. 187
mance. Allain , à qui Marton a ordonné de
porter une collation en cachette dans le fallon ,
& qui a entendu la guitarre , entre avec inquietude,
ſe raflure , & ſe demande à qui
cette collation eſt deftinte; il penſe qu'elle'
ne peut étre deſtinée qu'a lui ; mais Renaud
s'en est empare ; il s'effraie , crie ; Marton
vient, le tranquilliſe , le renvoie. Céphiſe ne
tarde point à revenir ; mais elle veut que fon
aunant ne la comproinette point , & qu'il
s'eloigne le plus tôt qu'il lui fera poflible. On
entend Limaon , on cache Renaud derrière,
un paravent. La préfence de Lifimon inquiette
beaucoup les deux femmes ; mais leur mqulerude
redouble quad Lirimon prend la gaimarre
, & demande qui l'aufe f'accord.
Marton de fare que c'eſt elle . Liliaron la veur'
co traindre à en pincer ; elle feint une tinudité
mfurmontable & une impotlibilite abfolue
d'en jouer devant perfonne. Lati non lui
propoſe d'aller ſe placer derrière le paravent;
elle accepte; Lifimon chante ,& Renaud ac
compagne. Lilimon , ſtupefart, veur chanter,
un ſecond couplet, & pour ne point gêner
Marton , palle derrière le paravent , Ren ud
s'eſquive par l'autre côté , prend la guitarre ,
& accompagne encore. Mais Liamontevient
à pas de lomp , & furprend les amans . Il eſt
furieux; il avoit far fa Pupille des vues que
le retour de Renaud annulle. O kui appelle
que , ce jour même , il a donne fi parole
d'honneur que fi Renaud für revenu , il tai
188 MERCURE
eûtdonné la main de Céphiſe ; il cède , &
tout le monde eft content.
Il ne faut point juger un Opéra-Comique
comme une Comédie. L'action principale
de Renaud d'Aſt eſt lente & même un
peu nue ; mais ce défaut eſt racheté par une
foule d'incidens agréables , plaifans , & par
des tableaux d'un très heureux effer . Le
premier Acte a des longueurs dont il eſt
très-aifé de ſe débarraffer ; le ſecond eſt oс-
cupant& comique. Les Auteurs font MM.
Radet& Barré. La muſique eſt de M. le Chevalier
d'Aleyrac ; elle a été très applaudie. En
général l'Ouvrage a eu un très- grand ſuccès.
Mlle Renaud y chante avec une perfection
dont elle ſeule , juſqu'ici , a préſenté le modèle.
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mois , hôtel de Thou , rue des Poitevins , n . 17 ,
la vingt-troiſième Livraiſon de l'Encyclopédie.
Cette Livraiſon eſt compofée du Tome I première
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Partie des Finances , du Tome III première
Partie de la Marine, du Tome VII première Partie
remiere
de la Jurisprudence. Le prix de cette Livraiſon eſt
de 24 liv. brochée , & de 22 liv. en feuilles. Le
port de chaque Livraiſon eſt au compte des Souf
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189
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traduction libre de l'Allemand de M. Vieland , for
mat w 8°. I hv . 10 fols. Le même, format
petit in- 18 , I liv. to fols.
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TRADUCTION d'Homère , par M.Gin , Confeil
ler au Grand- Conſeil , nouvelle Edition , qui se fait
chez Didot l'aîné , Imprimeur - Libraire, rue Pavée-
Saint-Andre-des-Arts.
La publication du fecond Volume de cette fuperbe
Édition eſt retardée par de nouveaux ar angemens
qu'a pris M. Didot pour donner à fon papier fin un
plusgrand degré de perfection. L'impreffion recommence
dans ce moment, & le Graveur a eu le temps
DE
191
FRANCE.
de préparer les Estampes du deuxième & du troiſième
Volumes.
Il ne reſte qu'une foixantaine d'Exemplaires de
l'in 4º. tiré à huit cens , qui feront du prix de
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avec le Texte Grec au lieu de 54 liv. pour ceux qui
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appliquée au Commerce , à la Banque & à la Finance ,
avec un Traité complet des Changes étrangers &
arbitrages opérés par la règle conjointe , & plufieurs
Faltures & Comptes fimulés des Pays étrangers,
par J. Cl . Ouvrier Delille , Expert Écrivain &
Arithméticien Juré , ancien Profeffeur , Membre du
Bureau Académique d'Ecriture , & grand Meſſager-
Juré de l Univerſité de Paris, quatrième Edition ,
corrigée & confidérablement augmentée par l'Auteur,
in 8 °. Prix , 4 liv. 4 fols broché. A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Foin-Saint Jacques , nº. 14 ,
& chez la Veuve Deſaint , Libraire , rue du Foin-
Saint-Jacques ; Durand , Libraire , rue Galande ;
Nyon , Libraire , rue du Jardiner ; Savoye , Libreire,
rue Saint Jacques , & Delalain jeune , Libraire,
rue Saint facques.
Ces Ouvrages ſont d'une utilité réelle. Comme
pour les Livres de calcul, tels que celui-ci ,les fautes ,
trop ordinaires aux Contre- facteurs , peuvent être
de contéquence , l'Auteur a jugé à propos de figuer
tous les Exemplaires qui ſe vendront,
PARIS & la Province, ou Choix des plus beaux
Monumens d'Architecture anciens & modernes en
France, deſſiné par A. Sergent , gravé en couleur
par Jofeph-Alexandre Lecampion , augmenté d'un
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Texte explicatifde M. P. Sylvain Maréchal , premier
quartier , la Cité , deuxième Livraiſon . Prix,
6 liv. A Paris , chez l'Editeur , rue Saint Jacques , à
la Ville de Rouen , n°. 8 , & chez Leſclapart , Lis
braire, rue du Roule , nº . 11 .
REFORMES de S. M. l'Empereur Jofeph II,
grande Eſtampe , gravée d'après de France , par
Gottemberg. Prix, 24 liv. A Vienne en Autriche ,
chez Artaria ; & ſe trouve à Paris , chez Guttemberg,
rue Saint-Hyacinthe , nº . s .
Čettebelle Eſtampe repréſente un des événemens
politiques d'Allemagne les plus remarquables , &
qui ont été les plus remarqués dans ces dernières arnées.
Cet Ouvrage , qui a dû coûter beaucoup de
travail à l'Artiſte , & qui fait Anecdote , joint au
mérite du burin celui de préſenter les détails les plus
piquans.
TABLE.
TRADUCTION d'un mor M. Bouhier ,
ceau du Paftor Fido , 145 Aspasie,
163
170
Le Cygne & les Canards , Extrait du Rappers fait à l'A-
148 cadémie des Sciences , 173-
Charade, Enigme& Logogry- Variétés .
Fable,
whe , 149 Comédie Françoise ,
Eloge deM. deBurigny , 151 Comédie Italienne ,
Recherchesfur les Maures, 157 Annonces & Notices,
Cuvres de Jurisprudence de
APPROBATΙΟΝ.
178
182
185
188
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 28 Juillet 1787. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris, le 27 Juillet 1787. RAULIN.
SUPPLÉMENT
AU MERCURE * .
TRAITÉ D'ÉCRITURE SUR L'ENSEIGNEMENT,
ou nouvelle Méthode
plus claire & plus facile que toutes
celles qui ont para jusqu'à present..
Par DEFARGUES .
LE point capital d'un Traité élémentaire,
eſt d'expoſer ſi clairement la matière qui
en eſt l'objet , qu'elle puiſſe être ſaiſie de
tous les eſprits , & de faciliter l'exécution
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Prospectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cette Feuille, les Proſpectus qui cidevant
ſe perdoient & n'étoient pas lus du public , le conferveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs frais ſe trouveront confidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du rirage , du pliage , &c. devenant
unedépense commune pourchacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles , on ne ponvoit auſſiy parler que très imparfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts .
On pourra dans les Proſpectus s'étendre particulièrement
fut cesobjets.
On doit s'adreſſer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4 pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donner au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém. N°. 30. 28 Juillet 1787 *
( 2)
des Préceptes , au point que chacun puiffe
jes mettre en pratique de foi-même .
Cel à quoi on s'eſt attaché dans l'Ouvrage
qu'on préſente au Public ; cer Cuvrage
eit le fruit de vingt-cinq ans d'étude ,
d'expérience & de réflexions ſur l'Art de
L'Écriture , que l'Auteur a profefle avec
fuccès , tant à Lyon que dans les différentes
villes de commerce du Royaume .
On commence par avertir des défauts à
Eviter dans l'enſeignement & dans l'exécution
, fans ſe permettre ni cenfure , ni critique
, ni perfonnalité.
On procède enſuite à faire connoître les
inftrumens de l'Art , & la manière de les
difpofer &de les mettre en oeuvre; de là
on paffe aux Principes généraux , defquels
on deſcend dans le détail des Principes particuliers
fur tous les Caractères de l'Alphabet
, pris à part; & on fait un article pour
chacun , en commençant par les Lettres
mineures , & en finiflant par les majeures.
Ondébute par les Préceptes de l'Ecriture
dite Bâtarde , parce qu'elle a plus d'analogie
avec la Coulée. L'uſage plus étendu de ces
deux fortes d'Ecritures a paru les faire
marcher devant toute autre .
De la Coulée on paffe à l'Expédiée, gonre
d'Ecriture dont on n'avoit encore point
trai é, On trouvera dans cet Ouvrage une
Méthode facile & très abrégée de ſe former
cerre Ecriture , très-utile à tous ceux qui ,
n'ayant beſoin d'écrire que pour leur cor-
-aſpondance épiftolaire , fe fornient en peu
3
de mois un caractère agréable à la vue ,
&facile à lire.
On traite en dernier lieu de la Ronde.
Quoiqu'on n'ait pas fuivi l'ordre des Maîtres
de Paris , on n'a pas prétendu le blâmer.
Comme il est néceſſaire de faire marcher
enſemble la pratique & la théoric , on a
inféré dans l'Ouvrage , des Planches , où la
forme de chaque lettre eft analyſée & démontrée
par l'Exemple qui fert de Maître ,
en mettant fous les yeux l'application des
Préceptes. Ces Planches ont été cxécutées
avecle plus grand foin, par le ſicur Beaublé,
un des plus célèbres Artiſtes dans ce genre.
Voilà tout le plan de cet Ouvrage , dans
lequel on a deux points de vue principaux
le premier , d'avancer les progrès de l'Ecriture
en général; le ſecond, d'en faciliter la
pratique & le ſuccès à ceux qui , ayant reçu
de la Nature les difpofitions pour y réuffir ,
font éloignés des grandes villes , dans lefquelles
ſe réuniffent les bons Maitres , & à
ceux qui font trop pen favorités de la Fortune
pour ſe procurer leurs fecours ; inconvéniens
qui font périr le germe des talens
chez un grand nombre , faute de culture.
Le prix de cet Ouvrage oit de 18 liv. On
s'adreſfera pour les Envois en Province ,
directement à M. JOURDAN , Négociant ,
rue Aumaire , chez qui eſt le Dépôt général ,
& chez BEAUBLÉ , Graveur , rue & Hôtel
Saint- Severin , Nº. 27 .
* ij
:
COMMENTAIRE SUR LA LOI DES
DOUZE TABLES . Dédié au Roi.
ParM, BOUCHAUD , Confeiller d'Etat,
de l'Académie des Inſcriptions&
Belles - Lettres , Docteur - Régent de
la Faculté de Droit , &c. I Vol. in-4° .
de 863 pag, Prix , 15 liv. br . , & 18 liv.
rel. A Paris , chez MOUTARD , Imprimeur-
Libraire de la REINE , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni.
L'OUVRAGE que l'on préſente au Public
eſt le réſultat des études de M. BOUCHAUD ,
fur les Antiquités de la Juriſprudence Romaine,
Malgré les détracteurs du Droit Romain
, on ne peut diſconvenir que la Loi
des Douze Tables ne ſoit un des monumens
les plus curieux de l'Antiquité parmi les
Anciens. Les Auteurs les plus graves , Diodore
de Sicile , Denys d'Halicarnaffe , Cicéron
, Tite-Live , Florus , Tacite & autres ,
ont regardé cette Loi comme un chefd'oeuvre
de législation. Parmi les Modernes,
les plus habiles Juriſconſultes ſe ſont empreſſes
d'en recueillir les fragmens , & de
Ies commenter. Ce fut ſans doute avec raifon
qu'ils confacrèrent leurs veilles à nous
faire connoître une Loi empruntée en grande
partie des plus ſages Législateurs de laGrèce,
&qui , chez les Romains , étoit la baſe de tour
Droit public , privé & facré. Dans un Difcours
préliminaire , l'Auteur difcute divers
points d'Hiſtoire , d'Antiquité & de criti
( 5 )
que , qui fervent à donner des notions genérales
de la Loi des Douze Tables. Il examine
, par exemple , quelles furent les villes
de la Grece d'où les Romains empruntèrent
cette Loi ; fi les Loix des Rois de Rome &
les anciennes Coutumes du peuple Romain
furent inférées dans la Loi des Douze Tables ,
ſi l'on peut faire remonter l'origine de cette
Loi juſqu'à celle de Moïse ; s'il eſt poſſible
&s'il eſt de quelque utilité de reſtituer l'ancien
langage de la Loi des Douze Tables .
M. BOUCHAUD diftingue les vrais fragmens
dela Loides Douze Tables d'avec ceux
qui lui font mal à propos attribués. Il fait
voir que les Loix des Décemvirs , malgré
l'extrême rigueur de quelques- unes , furent
en général recommandables par leur fageffe
&leur équité. Ce Commentaire a trois principaux
objets.
1º. De déterminer le ſens de chacune de
ces Loix , en donnant la vraie fignification
des mots dont elle ſe ſert.
2º. De faire voir que la Loi des Douze
Tables renferme divers points d'Antiquité,
par exemple , la perquiſition du vol , cum
lance & licio ; l'OBVAGULATION , c'est-à-dire ,
la plainte faite à haute voix pendant trois
jours de marché , à la porte de la Partie
adverſe , ou du Témoin qui refufoit de venir
rendre témoignage , plainte où il étoit
permis par la Loi de dire des injures. La
CONFARRÉATION , c'est-à-dire , le mariage
le plus augufte & le plus folennel qui für
* iij
autrefois en ufare chez les Romains ; de
quelle manière fe faifoit anciennement à
Rome la confecration des chofes réſervées
pour le cute des Dieux; quelle fut Torigine,
le progrès & la marche , foit des jugemens
du peuple , foit des jugemens pu
blics; quelles formalités s'obfer voientquand
il étoit greftion de faire, paffer une nouvelle
Loi , &c . & c.
Ce fecond objer du Commentaire appar
tieut également à la Littérature & à la Jurifprudence.
3º . Dans la troiſième partie de ce Commentre
, qui eſt purement de Droit , l'Aureer
établit & développe la vraie difpofition
de chaque chef de la Loi des Doize
Tales , & fait voir l'influence qu'il cat fur
une - Jurifprudence plus moderne , où l'on
a peine à trouver un point de Droit de
quelque importance , qui ne découle de ma
Loi des Douze Tables comme d'une fource
féconde.
Les Amateurs de l'Antiquité , ceux qui
cultivent la Littérature ou la Philofophie ,
peuvent puiſer dans cet Ouvrage des connoiffances
utiles . On n'avance rien ici qui ne
foit confirmé par Cicéron , Voici comme
cet Orateur parle de la Loi des Douzé l'ables(*).
(*) Voyez la nouvelle Traduction de Cicéron
, par M. Clément , tome II , page 104 de
P'édition in - 12 ; & tome I , page 242 de
l'édition in-4º . , premierDialoguedel'Orateur ,
chapitre43.
( う)
» Les Loix civiles , les Douze Tables ,
" les Livres des Pontifes , donnent à ceex
» qui aiment à s'inſtruire , des lumières fur
>> l'Antiquité , ſur la Langue & la manière
ود
ود
de vivre de nos ancêtres. Si vous avez
du goût pour la Politique & P'Adminif
>> tration , ſciences qui, ſuivant Scævola ,
» ne font pas du reffort de l'Orateur , ne
>> les trouvez -vous pas dans les Douze Ta
ود bles? Si la Philofophie a pour vous des
>> attraits , je dirai hardiment que le Droit
>> civil en eſt la fource.
► Les Loix n'inſpirent-clles pas l'amour
>> de la vertu , puifqu'on y voit la gloire
» & les récompenfes décernées aux actions
délicates ou utiles av I ublic, et le crime St ود
ود la mauvaiſe foi punis par l'amende, l'igno-
>> minie l'exil & la moit ? Elles nous appren-
» nent , non par la voie lente des difputes ,
mais par l'empire de l'autorité , à modérer
>> nos délirs & dompter nos patlions, à veiller
ود fur nos propriétés , &à ne point ufur
» per ou envier celles des autres " .
N. B. Il a été tiré cinquante exemplaires de
cet Ouvrage fur grandpapier fin vélin d'Anno
nay, dont le prix en feuilles eſt de 30 liv .
,
Le Grand LIVRE DES PEINTRES , ou l'An
de la reinture , confidéré dans toutesses parties
& démontré par principes , avec des Reflexions
fur les Ouvrages de quelques bons Maitres , &far
les défauts qui s'y trouvent , par Gérard de
Laireſle, auquel on a joint les principes du Def
* iv
(8 )
fein, du même Auteur ; traduit du Hollandois
furlafeconde édition , avec 35 Planches en tailledouce.
1787. A Paris, chez MOUTARD , IMprimeur-
Libraire de la REINE , rue des Mathurins,
Hôtel de Cluni. 2 vol. in4. Prix 24 liv.
bl. &30 liv. rel.
LE talent ſupérieur que La'reffe ammontré dans
toutesles parties de la Peinture,&les beautés admirables
de tous genres qui caractériſent la plupart
de ſe, chef- d'oeuvres , rendront à jamais
précieuſe la connoiffance des principes qu'il s'étoit
formés fur fon Art , & des procédés qu'il
a employés pour le porter au plus haut degré
de perfection; ce qui a fait dire àun homme de
génie&de goût (*) » quele grandLivre desPein-
>> tres de Laireffe , ſi ſecourable pour les jeunes
>> Elèves , lui a mérité le titre de Bienfaiteur des
>>>Afts , que ſes travaux ont illuftrés «. Auffi
cet Ouvrage a-t il été traduit en pluſieurs Langues
,& a-t- il obtenu à fon Auteur la reconnoiffance
& les é'oges de tous les Artiſtes .
Gérard de Laireſſe , né à Liège en 1640 , étoit
fils de Reinier de Laireſſe , Peintre du Princede
Liège.
En 1690 , à l'âge de cirquante ans , Laireſſe
fut frappé de cécité ; mais , malgré ce malheur ,
il conferva un fond de gaite , comme on le
-verra en lifant fon Ouvrage. Il joignoit à fes
zalens pour la Peinture, la Mufique & la Poéfie;
ce qui a fait dire de lui par un Poëte Hollandois:
Il peint en Poésie , & décrit en Peinture.
Laireſſe mourut à Amſterdam le 28Juillet1711,
âgé de foixante- onze ans. On voit dans l'égliſe
de Sainte-Urfule , deux grands tableaux deLai-
(*)Gefner, Lettre fur le payfage.
(و )
reſſe, laPénitence de St. Augustin , & fon Baptême
; le martyre de Sainte Urfule dans l'égliſe
de ce nom , à Aix- la-Chapelle.
Le fallon du château de Soefdyk en Hollande ,
Pancien théatre d'Amſterdam qui a été brûlé il
ya quelques années , étoit auffi de lui.
Houbraken a donne dans ſes Vies des Peintres
Hollandois , une ample deſcription des Ouvrages
en bas- relief que Laireſſe a faits pour décorer
la maifon de M. de Flines à Amſterdam , & qui
fuffiroient pour immortaliſer cet Artiſte , par le
beau génie , le grand ſavoir & la richeſſe de la
compoſition allégorique qu'on y trouve.
CUVRES complettes d'Antoine-Raphaël Mengs ,
premier Peintre du Roi d'Espagne , &c. , contenantdifférens
traitésfur la théoriede la Peinture,
traduites de l'Italien. Paris. MOUTARD . 1787 .
2vol. in-4° . avecſon Portrait, 181.bl & 241. rel.
Doué d'un génie vaſte , d'une ame ſenſible,
&d'un eſprit auſſi délicat que philofophique ,
Mengs a réfléchi toute ſa vie fur fon Art , ainfi
qu'on peut s'en convaincre par ſes Ecrits. Cette
édition eft enrichie des Notes de M. le Chevalier
d'Azara , Miniſtre de la Cour d'Eſpagne ,
&des Mémoires ſur la Vie de Mengs.
N. B. Il a été tiré vingt-cing exemplaires de Laireff
&de Mengs fur papier de Hollande , dont le prix est de
24 liv. pour Mengs , & de 36 liv. pour Laireife.
AVIS SUR LA GALERIE HISTORIQUE UNIVERSELLE
DEM DE P *** , dont il rarott neuf Livraisons, chez
MÉRIGOT lejeune , Libraire à Paris , fur le quai des
Augustins ; chez GIARD , Libraire à Valenciennes , fur
la place; & chez les principaux Libraires de l'Europe.
Prix , 3 liv. 12 f. chaque Livraison de huit Portraits.
Μ. DE PUJOL, Auteur de toutes les parties de cet Ou
*
( 10 )
יזי 1
en fa qualité de Prévôt de la ville de và
qucine tutor de fe rendre à Paffemble
da lafpondre Font avail percant le etinps
le cette 'cambiće fou'km nt l' a The cur
tertums le Sonferiorenr & ce'ni de tes
4
5,
ndu à ứ riême , il fera d'aurant plus
tempit fes engagengene , qu'i veit , aprant qui
eft en'u , misiter Pechal favorab e que le Public a fait
à fon Ouvrage. La dixime Livration., compofce des Poktraits
& des Abrég's Je la Vie d'Ariftote , de 2. Altus,
de Caton de Charlemagne , d'A. van Dyc
*d'Efp . Flechier , de Madame de Graffigny , & du Marechal
de Noailles , paroîtra vers la fin d'Août prochain.
;
tiques ,
NOUVEAU PORTE- FEUILLE AGENDA,
ou Souvenir portatif, divifε επ
cing Parties , composé de fix Cahiers
pour chaque année , le Cahier contenant
deux mois. Premide Livraiſon ,
fix derniers mois de la préſente année
1787. Premier Cahier , Juillet & Août ;
deuxième Cahier , Septembre & Ce
zobre ; troisième Cahier , Novembre &
Décembre .
Li
CE Porte-feville réunit à l'avantage de
pouvoir contenir beaucoup de papiers , celui
de préfenter , chaque jour féparément ,
tout ce que le beſoin peut exiger ; ſouvenir
, recette , dépenſe , rentrée & payehens
, perte & gain; le tout partagé par
des feuillets blancs pour les notes & obſervations
, cu pour fuppléer aux endroits
qui n'auroient pas fuffi pour l'objet.
Le Répertoire alphabétique & indicatif;
( 11 )
le tout eſt avec la préciſion la plus exade
pour fuffire à Fannée entière fans aucune
interruption . :
Les fix derniers mois de la préſente année
y feront diviſés en trois Cahiers , qui
feront datés & intitulés pour les deux mois
qu'ils contiendront; & fe remplaceront fuccellivement
dans le Porte-feuille à la fin
des deux mois , fans aucune interruption
de dates.
Par le moyen de ces Cahiers de remplacement
, l'on ne ſera plus obligé de porter
continuellement fur foi ce qui est devenu
inutile depuis les premiers mois de l'année ;
& lorſque le beſoin néceſſitera quelques
recherches ſur les Cahiers précédens , icn
aura le Répertoire qui fera continuellement
adapté d'un. Cahier à l'autre ſuivant , qui
indiquera promptement le Cahier , la page ,
le jour , & l'article qu'on aura beſoin.
La grandeur de ce Porte-feuille eſt de fix
pouces de long fur quatre de large. La fermeture
' ordinaire fera à patte , dite à l'Angloife
, étant celle la plus commode pour
contenir un grand nombre de papiers , &
s'ouvrant plus facilement.
Ily en aura qui réuniront , dans l'intérieur,
une partie fermante à clef, pour y
pouvoir mettre des billers en sûreté.
Le fieur SALMON ſe chargera d'adapter
ſes Cahiers aux Portes-feuilles que les perſonnes
pourroient avoir.
:
* vj
( 12 )
Il a paru au commencement de l'année
un Livre d'ordre in-4°. Beaucoup de perſonnes
ont paru défirer d'en avoir un à
peu près femblable , qui fût commode &
portatif. C'eſt pour fatisfaire aux demandes
qui lui en ont été faites , que le ſieur SALMON
s'eſt empreſſe de donner ce dernier,
qui a commencé au premier Juillet, & fe
continuera le premier Janvier 1788 , ainſt
de fuire pour chaque année. Il n'y aura que
les Cahiers étant abſolument les mêmes
pour la grandeur.
Prix des différentes fortes dudit Porte-feuille.
Porte- feuille ſimple en marroquin , doublé
enpeau.... ... 12 liv.
Le même avec ferrure en dedans ...... 15
Le même doublé en foie ...
Le même doublé en marroquin& ferrure
en dedans ....
..
18
24
Les perſonnes qui déſireront y faire ajouter
unePlume économique, payerontde plus 71.10f.
(Nota Le papier & l'impreſſion des Cahiers
ferontde même à tous. Prix, brochés ſans Portefenille...
6liv.
Il y a encore quelques exemplaires de celui
in-4°.
TRADUCTION LITTÉRALE DES
OEUVRES D'HORACE , pour fervir
à la Nouvelle Méthode d'Enſeignement.
Suite de la vraie manière d'apprendre
une Langue quelconque, vivante
ou morte, par le moyen de la Fran
( 13 )
çoise. -- 2 Vol. in 8 °. -- Prix 7 liv.
broch. A Paris , chez l'Auteur , près
du Luxembourg , rue Sainte- Catherine
d'Enfer , Nº. 16 , vis-à-vis le cul-de-
Sac Saint- Dominique ; chez Morin , Libraire
, rue Saint-Jacques , à la Vérité ;
&chez La Porte , Imprimeur- Libraire,
rue des Noyers.
En général on traduit un Auteur, d'une
Langue dans une autre , pour le faire connoitre
& entendre. Mais à qui prétend- on
le faire connoître & entendre ? Ceux qui
favent la Langue de l'original , n'ont pas beſoin
de traduction , à moins qu'on ne fuppoſe
qu'ils ne favent pas la leur propre.
C'eſt donc uniquement pour ceux qui , ou
ne la favent point encore cette Langue étrangère
, ouqui ne la ſavent qu'imparfaitement ,
qu'un Traducteur doir travailler , afin de les
mettre en état de comprendre clairement &
fans peine le Texte étranger aufli bien que
lui-même.
Nous avons en françois un affez grand
nombre de Traductions d'Horace ; pourquoi
donc ce Poëte chéri paſſe-t il encore
pour ſi difficile à entendre ? & pourquoi
en effet l'entend- on encore fr pe malgré
les belles & magnifiques Traduction qu'on
en a faites ? La raiſon en eſt claire deft
qu'on ne l'a traduit juſqu'ici que pour
Lecteurs qui étoient cenfes l'entendre , &
non pas pour ceux qui , convaincus de leu
( 14)
ignorance, l'étudient pour s'inftruire & por
de fortifier dans la Langue du Poëte Latin .
Or c'eſt pour ces derniers feuls que l'on
donne aujourd'hui cette Nouvelle Traduction
des OEuvres d'Horace , dans un goût
tout-à-fait neuf , & avec une tournure , qui ,
quoique françoiſe , ne dérobe cependant
point aux yeux du Lecteur attentif la marche
grammaticale de l'idiome latin ; connoiffance
effentielle & indifpenfable pour
s'aſſurer que l'on entend véritablement le
Texte original.
La routine ordinaire de l'explication confiſte
à lire d'abord le latin , que l'on conftruit
comme on peut , & que l'on rend
enfuite en François tant bien que mal. La
Nouvelle Méthode d'enseignement , qui ne
laiffe rien à deviner, mais qui conduit droit
au but , en marchant toujours du connu à
l'inconnu , fuit précisément l'inverſe de la
routine , & preſcrit au contraire de lire, d'abord
le françois , qu'il ne s'agit plus que
de reconnoitre parfaitement dans le Lam.
Par ce moyen , vous voilà à l'abri de tout
contre-fens, parce que vous favez d'avance
- le vrai ſens de ce que vous voulez explii
quer , & par conféquent en état de le rendre
er françois ſelon votre goût particulier,
au cas que vous ne vouliez pas vous
atenir à la traduction littérale , laquelle
cependant fera probablement prefque toujours
la meilleure , comme plus reſſemblante
1. à l'original., .
4
:
i
છે )
Car prenons pour exemple , chire une
infinité d'autres , le premier vers de la prdmière
Ode d'Horace , Mecenas , atovis
edire Regibus , auffi-tat que vous avez in
dans li traduction a ' côté Mécenes , illu
"d'ateux Rois , ne voyez -vous pas du premiet
coup d'oeil, par le francois foul , qu'e
elite , au vocatif , elt Pedjeauf de Manas;
& que atavis Regibus et à Pablarif
à cause de ce méme 'adjectif edite , qui ch
un participe paflé paflif? Donc vous entendez
ce premier vers autant bien qu'il cit
potible de l'entendre .
Si vous aimez prieux traduire ce même
vers , en difint : Micenes , qui compter des
Rois 'parmi vos ateux ; ou bien', qui tirez
'votre origine de Lace royale ; cu defcendu
d'aïeux de fang royal ; ou , noble rejeton
de Rois vos aïeux; ou dont la noble extraction
remonte aux anciens Rois d'Etrarie',
&d. &t. A la bonne herre , j'y confens;
mais quelque tout pompeux que vous preniez,
quelques belles périphrafes que vous
emploviez , direz - vous autre chofe que,
"iffu d'aïeux Rois? Vous ne faites qu'alorfger
le Texte original pour lui donner une
emphaſe qu'Horace auroirpu vraisemblablement
étaler tout aufli bien que vous', &
qu'il a néanmoins rejetée. Car vous ne
"nierez point qu'il n'eût pur dire aufli on
fa Langue ('à la mesure près qu'il auroit fh
"fans doute y adapter) , comme vous lui
faires dire dans la vôtre : Mecenas , qui
tuosinter avos Regest numéras qui ruath
( 16 )
:
à regali ftirpe ducis originem ; Regum ,
avorum tuorum nobilis foboles ; cretefanguine
regio ; clarum cujus ad veteres Eiruria
Reges genus refertur (voyez Livre III,
Ode 23 , comment Horace exprime cette
même penſée ) . Il a préféré la belle fimplicité
dont vous le dépouillez; & il a dit
uniquement: ifſſu d'ancêtres Rois; ce qui ,
ſelon lui , fait une aufi belle figure que
toutes vos paraphrafes.
D'ailleurs , où voulez - vous qu'un com
mençant , qui ne fait que fes deux Grammaires
Françoiſe & Latine ( quoiqu'elles
foient ſuffifantes pour lui faire entendre
Horace avec une traduction littérale ) , puiffe
trouver dans le latin tous ces mots inutiles
: qui comptez parmi vos , qui tirez votre
origine , race royale , fang royal, dont la
noble extraction remonte , Etrurie ? Aucune
de ces expreſſions , quoique bien adaptées
au ſens de la phrafe , ne paroît dans le
latin. Par votre élégante traduction , vous
ne faites que préparer une torture à l'Etudiant
, qui a bien de la peine à reconnoître
votre françois dans ces quatre mots
uniques , Mecanas , atavis edite Regibus ,
que vous prétendiez pourtant lui expliquer ;
au lieu que la traduction littérale , exprimée
aufli en quatre mots : Mécenes , iſſu
d'aïeux Rois , rend trait pour trait l'original
en bon françois , fans ajouter ou retrancher
la moindre choſe ; & par conféquent
eft meilleure à tous égards que tontes
celles que vous pourriez lui ſubſtiquer.
( 17
Si vous dites qu'elle eſt plate , dites done
auſſi que l'original eſt plat ; car fi je calque
une eſtampe ſur un deſſein que vous
trouvez parfait , il faut de deux chofes l'une ,
ou que vous conveniez que la copie calquée
ſur lui eft excellente auffi , ou ,
vous la rebutez , que vous confelliez de
même que vous vous êtes trompé dans
le jugement que vous aviez porté fur l'original.
Tels font les principes d'après leſquels la
Traduction que nous annonçons a été faite.
Elle eſt littérale autant que notre Langue a
pu le permettre ſans la rendre plate ; &
lorſque les latiniſmes ont obligé le Traducteur
d'ajouter quelques mots au Texte ,
ees mots font preſque toujours imprimés en
italique , ou bien le latiniſme eſt accompagné
d'une note qui fert à le faire connoître
& à l'éclaircir. Il a été néceſſaire de
prendre cette précaution , parce que notre
Traduction ( qui n'étoit point deſtinée à
voir le jour , mais ſeulement à ſervir aux
études domeſtiques d'une jeune perſonne
dont on vouloit faire un jour une Inſtitutrice,
profeſſion dont la Sociétéauroit grand
beſoin ) devoit ſeule & par elle-même, fans
le ſecours d'aucun Maître , rendre l'Ecolière
capable d'entendre ſon Horace en peu
de temps; ce qu'elle n'avoit pu obtenir par
le moyen des autres Traductions exiftantes ,
&cela parce qu'aucune n'eſt littérale . On a
même pouflé le ſcrupule juſqu'à refondre
.
( 18 )
fucceſſivement tous les paſſages françois qui
ne contribuoient pasefficacement à lui faire
reconnoître du premier coup la marche &
le ſens figuré & poétique de l'original ;
en forte que c'eſt la jeune Elève elle- même,
&non pas tout-à- fait l'art du Traducteur, qui
a donné à cet Ouvrage le vrai ton qui lui
convenoit pour REMPLIR L'OBJET QU'ON
S'ÉTOIT PROPOSÉ.
On apprendra en partie dans la Préface
du Livre , & tout au long dans une Bro--
chure toute récente , intitulée: Démonstration
& Pratique de la Nouvele Méthode
d'enseignement , à comprendre enfin ce que
c'eſt que ce nouvelErftignement, quin'eſt pas
encore à beaucoup près auffi connu qu'il
devroit l'être pour l'utilité publique , tant
pour s'inftruire foi-même , que pour enſeigner
à d'autres.
Car cette Nouvelle Méthode n'eſt pas ce
que l'on appelle communément un fif
tême : c'eſt une véritable découverte , démontrée
en rigueur , & qui mérite ſeule de
prendre la place de l'ancienne routine trèsdéfectueuſe
ufitée parmi nous depuis plus
de huit cents ans , puiſqu'elle eft capable ,
comme l'expérience l'a prouvé , & le prouve
encore tous les jours , de changer preſque
en mois le remps employé ci devant aux
études qui demandoient un ſi grand nombre
d'années , & dont néanmoins on retiroit
ordinairement fi peu de profit .
C'eſt fur-tout de ces fortes d'Ouvrages ,
( 19 )
utiles à la Société , que le Public défireroit
trouver dans les Journaux, des annonces, des
analyſes , & des extraits propres à les faire
connoitre ; mais MM, les Rédacteurs font
fi accablés du ſepal travail d'annoncer , qu'ils
n'ont pas le temps de s'occuper, d'autre
chofe. Il faut donc chercher un moyen d'y
fuppléer, au rifque de pafler pour Panep
rifte,de foi même. C'eſt une extrémité aflez
dure , il eſt vrai ! mais qu'y a- t- il à crain
dre lorſqu'on ne dit que la vérité , dorit
tout Lecteur impartial eſt naturellement .
juge?
Nous dirons donc en peu de mots ce
que renferme l'Ouvrage intitulé : Demonstration
& Pratique de la Nouvelle Méthode
d'enseignement que le Public a intérêt de
connoitre.
Il eſt diviſé en deux Farties.
Dans la première Partic , après avoir fait
voir le mauvais état des études , tant en
France que dans les pays étrangers , & l'abfurdité
de la routine actuelle , l'Auteur
propoſe de mettre à ſa place une pratique
diametralement Goppofée , c'eft- a- dire , une
Nouvelle Méthode d'enseignement , qui , de
puis le premier pas dans la carrière de
Pinftruction, juſqu'à la parfaite acquifition
des Langues que l'on veut apprendre , con
duit conftamment , sûrement & agréablement
les Elèves à leur but , en les faifant
toujours pafier, inſenſiblement du connu à
l'inconnu ; de manière que fans fatigue &
-(20 )
fans dégoût ils y parviennent,infailliblement
& dans le moins de temps poffible.
De l'exemple d'un enfant qui d'ordinaire
he parle point encore à trois ans , & qui
parle à quatre , ſe tire une induction toute
naturelle ; ſavoir , qu'un an , ou dix-huit
mois tout au plus , doivent fuffire pour
apprendre & ſavoir le latin, ou toute autre
Langue , ſi on l'apprend moins par préceptes
que par uſage , comme l'enfant a
appris le françois.
Mais comment ſe procurer cet uſage
dans un pays où l'on ne parle point latin
, italien , anglois , allemand , &c.?
L'Auteur prouve très-bien que fans ſe déplacer
on peut aifément ſe le procurer en
France.
En premier lieu : par le moyen d'une petite
Grammaire Françoiſe véritablement élémentaire
, très-courte , très-claire , à la porrée
de tout le monde , & débarraffée de
toutela métaphysique des Grammaires favantes;
de façon qu'elle ne renferme précifémentque
les définitions des dix parties du
diſcours avec leurs exemples , la déclinaifon
& conjugaifon de la Langue nationale ,
& l'influence qu'ont ces mêmes parties
les unes fur les autres .
En fecond tieu: par le moyen d'une ſeconde
Grammaire , ou Latine , ou toute autre
étrangère , calquée ſur la Françoiſe ounationale
; dans laquelle Grammaire Latine ou
étrangère on ne fera entrer , comme dans
( 21 )
l'autre , que ce qu'il y a de véritablement
élémentaire.
En troisième lieu : par le moyen de Livres
claſſiques à quatre faces , tels que les
deux qui ont déja paru ; ſavoir , les Fables
latines de Phédre , & le Traité de Morale ,
intitulé , les Quatre Chapitres .
En quatrième lieu : par le moyen des
Traductions littérales que l'on fera d'Auteurs
étrangers , pareilles à celle que l'on
annonce aujourd'hui d'Horace , pour le la
tin , & à celle qu'on a donné ci-devant
de Raffelas, Prince d'Abyſſinie , pour l'anglois.
Y
L'énumération de ces Livres deſtinés aux
études eſt ſuivie d'une leçon unique de latin
, ſous la forme de Dialogue ou Scène
affez amusante , entre une jeune Demoiſelle
& un Homme de Lettres , qui , en
une ſeule féance , rend ſon Ecolière du
moment capable d'apprendre le latin toute
ſeule avec la plus grande facilité , en lui
montrant ſimplement la manière dont elle
doit s'y prendre pour ſe ſervir utilement
des Livres du Nouvel Enſeignement,
Et pour prouver ſans réplique que ce
même procédé doit & peut s'étendre à toute
autte Langue étrangère , l'Auteur a ajouté
une autre leçon ou Scène d'Allemand ,
entre une Dame Allemande de haut parage,
mariée en France , ſa fille, & une gouvernante.
Ces deux Scènes , appliquées au
latin & à l'allemand, ſont également ap.
plicables à toute autre Langue étrangère,
( 22 )
&feront d'un fiès-grand ſecours , tant pour
les Maîtres qui jugeront à propos d'enfeigner
felen la Nouvelle Methode , que pour
tout Adulte qui voudra apprendre par luimême
fans autre aide que ſes Livres élémentaires
La feconde partie de cet Ouvrage , imprimée
à Londres , eſt un Effai en forme
deMémoire,fur l'éducation de la Jeunesses
pout fervir de Réponſe à deux Queſtions
générales, qui renferment toutes celles que
Fon peut faire fur cette matière ; ſavoir :
1. Quels font les vices de l'éducation
actuelle , tant par rapport à l'esprit , que
par rapport au coeur? 2°. Quels font les
moyens de les corriger?
I
Il n'étoit pas difficile de faire la lifte
des vices de l'éducation actuelle. Tout le
monde les connoît plus ou moins , & furtout
les parens qui ſont obligés de faire ,
durant un grand nombre d'années , des dépenſes
très - confidérables pour entretenir
leurs enfans dans des maisons dd''eéducation
où ils ne font , pour ainſi dire , que végéter
, & d'où ils ſortent la plupart fans
être devenus meilleurs.
La difficulté confifte à trouver ce qu'il
faudroit mettre à la place des abus , pour
procurer aux jeunes gens une éducation procurer
raifonnable & effective.
Tel eſt l'objet dont l'Auteur s'eſt occupé
dans fon khai , qui , n'étant guère fufceptible
d'extrait, doit ſe lire dans le Mé
moire même. Il ſuffit , pour en donner une
( 23 )
idée , d'expoſer à la curioſité du Lecteur
un petit nombre de vérités fingulières dont
peu de gens ſe doutent , & dont on ne
peut pourtant s'empêcher d'être convaincu
après en avoir lu la preuve.-Par exemple :
Que le vice radical de l'éducation ac
tuelle parmi nous , c'eſt l'ignorance de la
Langue Françoiſe par principes.
coeur
Que dans toutes les maifons d'éducation,
il ne faut faire apprendre par
d'autres leçons que les définitions du Catéchifme
, de la Morale , &de là Grammaire
nationale , & que ces leçons doivent être
appriſes en commun .
Que l'éducation doit être générale pour
tous , & uniforme dans toutes les parties
du royaume.
Que nuls Elèves ne doivent être admis
à l'étude du latin, ou autre Langue étrangère
, finon ceux qui ſavent parfaitement
la Grammaire Françoiſe nationale élémentaire.
Que le papier , l'encre & les plumes ,
ainſi que les Dictionnaires , font inutiles
dans les écoles de latin ou autres Langues.
Que dans quelque claſſe que ce ſoit , il ne
doit y avoir aucun mauvais Ecolier , & que
s'il s'en trouve un ſeul , ce n'eſt pas la
faute du Diſciple , mais de la pratique de
l'enſeignement mal exécutée.
Que dans toutes les maiſons quelconques
d'éducation , il faut abſolument abolir
tous les jours de congé ſurajoutés aux
( 24 )
Dimanches & Fêtes , & fur-tout les vacances
, &c. &c.
Comme la Grammaire Allemande , promiſe
depuis long-temps , & retardée par
des contre - temps , eſt enfin ſous préfle ,
elle paroîtra ſans faute avant la fin du mois
d'Août prochain. L'Auteur oſe ſe flatter
qu'elle ne fera pas plus mal reçue que ne
P'ont été la Latine , l'Angloife & l'Italienne
, puiſqu'elle eſt calquée comme celles--
ci , ſur la Françoise , qui leur ſert debaſe
à toutes , & qui fait , pour ainſi dire , la
moitié de chacune d'elles. On a eu foin
aufli de l'accompagner d'un grand tableau
delaDéclinaiſon &Conjugaifon Allemande ,
d'une Table fort exacte des Verbes irréguliers
avec toutes leurs variations , & enfin
d'un petit Traité de la Prononciation , fuffifant
pour apprendre à bien lire , & vérifié
par la peinture de tous les fons qui
peuvent ſe rencontrer dans la Langue Allemande.
Cet exercice de la prononciation
eſt exécuté le moins mal qu'il a été poffible
, fur pluſieurs Fables , tant en profe
qu'en vers , préſentées ſous quatre colonnes
de face : la première contient le Texte allemand;
la ſeconde peint la Prononciation ;
la troiſième explique ſervilement le Texte
& ſert de Dictionnaire ; & la quatrième eſt
une Traduction françoiſe.
Lu &approuvé le 24 Juillet 1789. MERIGOT le jeune .
Adjoint.
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 12 Juillet.
LAGazette de la Cour de Pétersbourg a
publiéune relation circonstanciée , mais
fort ſtérile du ſéjourde l'Impératrice à Cherfon
& en Crimée. Des audiences & des
complimens forment la moitié de ce récit ,
dont la plupart des particularités étoient
déjà connues. Nous ajouterons à celles que
nous avons rapportées , que S. M. I. a fait
grace à 48 criminels , & que des trois vaifſeaux
de guerre lancés à Cherſon , l'un de
80 can. a été baptilé le Joseph 11, le ſecond
de 60 can. , le Wolodimir ; & le troiſieme ,
de so can. , l'Alexandre. L'Impératrice à
ſon retour ſéjournera à Moſcou , où le
N°. 30, 28 Juillet 1787.
g
( 146 )
bruit public lui faiſoit même paſſer l'hiver.
Les Grands- Ducs Alexandre & Conftantin
s'y ſont rendus le 2 Juin.
Quatre bâtimens baleiniers , qui viennent
d'arriver ici du Groënland , ont apporté la
nouvelle , que 8 bâtimens Anglois , deux
Hollandois & un Danois ont péri , que
120 autres étoient enfermés par les glaces ,
que ces bâtimens en fortiront probablement
, mais que la cargaiſon de chacun
n'excédera pas 2 ou 3 poiflons.
Du 19 au 22 Juin il eſt arrivé dans le
Sund 129 vaiſſeaux de diverſes nations' ,
parmi lesquels ſe ſont trouvés les vaiſſeaux
Hollandois , le Delft , de 64 can. , & le
Caftor , de44.
Le 23 entrerent dans le Sund 54 navires,
dontentr'autres 2 brigantins de guerre Rufſes.
Le même jour une chaloupe du vaiſſeau
Hollandois le Castor fut fubmergée avec 9
hommes & un cadet de marine.
Un Reſcrit du Roi de Danemarck a ordonné
un dénombrement général de la population
du royaume. L'opération a com
mencé le t de ce mois .
Un Ouvrage périodique Allemand , dont
on eſtime les recherches & l'exactitude , a
publié récemment un dérail économique
fur la Nouvelle Ecoſſe , qu'il n'eſt pas indifférent
de rapporter,
Cette province qui , depuis la derniere paix.
de Paris , a reçu des accroiſſemens confidérables
depopulation , mérite d'être connue plus partis
( 147 )
culièrement. Les Loyaliſtes y ont formé de nouveaux
établiſſemens; plufieurs des nouvelles vila
les fur la côte renferment aujourd'hui juſqu'à
dix mille habitans. L'hiver n'y eſt pas auſſi rudë
qu'on l'a prétendu , & il s'en faut que ſon ciimat
ſoit auſſi froid que celui de la Nouvelle-
Angleterre , où les ports ſontpris de glace , tane
dis que ceux de la Nouvelle-Ecoffe font encore
libres. Le chêne blanc , qui est très-recherché
pour le commerce des Indes occidentales , eſt
rare dans cette Province & éloigné de la côte
mais elle eſt couverte de bois de ſapin; les has
bitans en coupent pour des mâts , des chevrons
& d'autres bois de conſtruction . L'orne à ſucre
y-croît auffien abondance. Seize livres peſant
de ſon ſuc produiſent cent livres de ſucre brun.
Les gros ornes peuvent être percés deux fois
dans l'année , & chaque fois on en retire envi
ron 20 gallons ou 80 pots de ſuc. Les pommiers
réefiffent bien aux environs d'Anapolis , & en-
- tre Hallifax & Minas ; mais les poiriers & les
pruniers ne profperent que difficilement. La
pêche de la merluche ſe fait dans toutes les
ſaiſons ſur les bancs de ſable , à une profondeur
de 30 à 60 braffes. Les barques employées à
ceste pêcherie , tiennent la mer depuis deux
jours juſqu'à huit ; lepoiſion pris eft falé auſſi
tôt dans les barques , & conduit enſuite à terre
pour y être ſeché. Cette pêche a occcupé dix
mille perſonnes dans l'été de 1785 : 120,000
quintaux de poiſſon ont été pris ; on en a exporté
40,000 , qui ont valu aux habitans 26-
mille liv. fterl (1). Le nombre des naturels di-
(1) Ce calcul prouve que , malgré Paugraentation de
la population dans la Nouvelle-Ecoffe , la pêche de la
g2
( 148 )
minue ſenſiblement . Les canots d'écorce d'ar
bre dont ils ſe ſervent , ont 18 pieds de long
fur 2 de large , & peſent 80à 90 livres; malgré
la fragilité de ces canois , les naturels y naviguent
par-tout & paſſent même le Fundy-bay.
Les loups ſont très- rares dans la Nouvelle-Ecotie ;
mais on y trouve une grande quantité d'élans du
poids de 800 à 1000 livres ; on en a tué environ
4000 près d'une habitation pendant l'hiver
de 1785.- La rivière de Sainte- Croix ,
qui ſe jette par trois bras dans la Paffa-maquod
ditay , ſépare la Nouvelle-Ecoſſe des Etats-Unis ;
les limites entre ces deux pays ne ſont pas déterminées
exatement ; elles doivent pafler par
la riviere principale : mais on demande , avec
raifon , lequel des trois bras de la riviere Sainte-
Croix mérite cette dénomination ? Les
établiſſemens des Loyalistes , dans cette Province,
ſont conſidérables. Saint André , fur la riviere
de, Sainte- Croix , renferme 600 maiſons :
on compte, dans la ville de Parr-Town fur la
riviere de Saint -John , dix mille habitans , dont
la plupart font aifés ; beaucoup d'habitans de
New- Yorck ſont venus s'établir dans cette ville
après la paix; les bâtimens qui en partent par
an , tant pour la pêche de la baleine que pour
les Indes occidentales , montent à 60. La ville
deBarrington ſur la côte orientale , a une population
de 4000 habitans , & celle de Shelburne
merluche n'eſt pas beaucoup augmentée , puiſque l'exportationde
ce poiffon avoit produit , il y a plus de zo
ans , 20,000 liv, ſterl. , Ainfi cette province ne ſera pas
de long-temps en état d'approviſionner de merluche les
Ifles à fucre , où la confommation annuelie de ce poiſſon
s'élève au moins à 140,000 quintaux,
( 149 )
ou de Port-Roseway une de 13,000 ; le commerce
de ceste derniere ville emploie environ 300 bâ .
timens : avant la derniere guerre , on n'y comptot
que 50 habitans ; les Loyalites & les fugitifs
des Etats Unis ont porté la population de
cette ville & des environs à 30,000. En général
, les côtes de la Nouvelle-Ecoffe font cultivées
aujourd'hui par tout , & la population de
ce pays eft quatre fois plus forte qu'autrefois .
On a báti à Sh-lburne, 400 bâtimens depuis, l'évατ
cuation de New- Yorck : fon port eſt excellent ,
&on trouve dans fon voisinage, du bois de
conſtruction de toute eſpèce. La population
de Lunebourg , qui fut établie en 1763 par des
Colons Allemands , monte actuellement , y compris
les environs , à 9000 habitans.
De Berlin, le 11 Juillet.
Le 2 , le Lieutenant Général de Rohdig
&le Miniſtre de guerre de Schulenbourg
prirent place dans le Conſeil privé d'Etat.
En vertu d'une promotion dans le Corps
Diplomatique , S. M. a nommé Miniftre
d'Etat privé & de guerre le Baron de
Schwarzenau ; fon Miniſtre plénipotentiaire
à la Diete de Ratisbonne , M. de Buchholz
, Conſeiller privé de Légation , & Envoié
extraordinaire à la Cour de Varſovie ;
l'Abbé Ciofani , Réſident à la Cour de Rome;
le Comte de Cattaneo , Conſeiller de
Légation & Réſident à Veniſe ; & les Secrétaires
de Légation Ganz , à Ratisbonne ; &
de Vigneulle, à Paris , Conſeillers de Légation.
g3
( 150 )
S. M. a donné ordre de raſſembler fur
les frontieres de Hollande , dans le Duché
de Cleves , 40 bataillons & 30 eſcadrons ,
une partie des Houzards de Zieten & des
Dragons , formant une armée de so à 60
mille hommes , ſous les ordres de S. E. le
Général de Gaudi. Le département de la
guerre a expédié dans le Duché de Magdebourg
des ordres de préparer en diligence
tout ce qui est néceſſaire au paſſage , au séjour
& à l'approviſionnement de ces troupes
. On affure qu'e les font deſtinées à ob-
Tenir des Erats de Hollande une ſatisfaction
éclatante, de la démarche qu'on a haſardée
contse la Princeſſe d'Orange.
Dans cette conjoncture , nos Lecteurs.
verront ſans doute avec plaifir un état déraillé
de l'armée Pruffienne , telle qu'eile eſt
compoſée actuellement. Nous répondons
de l'exactitude de cette nomenclature , qui
n'eſt priſe d'aucun Papier public , & que
nous tenons de bonne main .
CUIRASSIERS.
1.Gardes du Corps .
2. Gens d'armes .
3. Royal Carabiniers .
4.Géneral Régiment .
5. Général de Cavalerie , Dalwig.
6. Lieut. Gén. Panwitz .
7. Bohlen.
8. Major Gén . Rohr .
Prince Louis de Wurtemberg.
10, Marwitz.
( 151 )
21.
12 .
13.
-
Backhof.
Braunschweig.
Mendgen.
Chaque Régiment de Cuiraſſiers a sof
cadrons , ou to Compagnies , excepté le
N°. I. qui n'eſt que de trois eſcadrons ou
6Compagnies . Chaque Compagnie de 75
Maîtres. Force totale du Régiment , 750
hommes.
Cuiraffiers , 9450 .
DRAGONS ..
1. Général de Cavalerie , Platen .
2. Lieut. Gen. Margrave Anſpach , Bar.
3. Count Lottum .
4. Poſadowsky.
Than ,
6. Boffe.
7. MajorGen. Kalkreeuth.
8.
9.
10.
11 .
12.-
Borak .
Mahlen.
Zitwitz.
Rofenbruck.
-Goetzen.
Chaque régiment de Dragons , de cing
eſcadrons , ſauf les Nos. 2 & 4 qui font
doubles , ou de 10 eſcadrons. Force du Régmen
t ſimple , 750 h. , double 1500 .
Dragons , 10,305
H USSARS , ( Cavalerie légère. )
1. Lieut . Gen. Czettritz .
2. Ufedom.
3. MajorGén. Hohn@ock.
4. -Bofniaken.
84
( 152 )
۲۰
6.
Schulenburg.
Groeling.
7 . Koelzeggy .
8.- Pr. Eugene ofWurtemberg.
. و
Eben.
10. Wolky.
Chaque régiment de Houzards , 10 efcadions
, chacun de 150 chevaux. Force du
Régiment , 1500 h.
Huffards, 15,000 .
Corps de Chaſſeurs à cheval, 200 hom .
INFANTERIE .
1. Premier régiment desGardes.
2. Second régiment des Gardes .
3.Grenadiers Gardes .
4. Gén. Feld Maréchal Duc de Brunswick ...
5. Général d'Infant. Prince Henry de Pruſſe,
6.-
7.
8.
9. -----
10.
Prince Ferdinand de Pruſſe .
Tauenzien.
Prince Fred. de Brunswick .
Wunſch .
Moellendorf.
11. Lieut . Gén . Eichmann .
12. Comte Crockow .
13.
Lengefeld.
14.
------
Schwarz .
15 .
Braun .
16. Comte Anhalt.
J7 .
Knobelſdorf.
18. Comte Schlieben .
19.- Erlach .
20.- Lehwald.
21 . Vieux Woldeck.
22. Vieux Bornflaedr.
23.- Pfuhl .. 1
24. Gaudi.
25.-
- Trofchke .
26. Maj. Gến , Margrave Hen. de Pruffe.
:
(153 )
27.
28.
29.
Stwoilinsky
Comte de Goltz .
1
30.
Budberg .
Wen leifen .
31. Woldtek le jeune.
32. Comte d'Eglofftein .
33 . Schoenfeld.
34.- Comte Henkel .
35. Leipziger.
36. Koenitz.
37.-
Comte Schwerin .
38.
-
Hager.
Romberg.
1
39.
40.-
41.
Bruning.
Raumer.
42. Kofchenbahr.
43. Wolframſdorf.
44. Goetzen .
45. Beville. CA
46.- Prince d'Hohenlohe .
47. Bonin.
48.-
49.-
50.-
Bornſtaedt lejeune,
Schotten .
Lichnofsky.
51.- Favorat...
52.- Eckartsberg. 1
53. Vofs .
54.- Menfel.
55.- Wildau.
56. Prince de Pruſſe , fils ainé du Roi.
Chaque Régiment d'Infanterie confifte
en 2 bataillons , ou 10 Compagnies de Fufiliers
, à 142 h. par Compagnie, & 2 Compagnies
de Grenadiers , chacune de 152 h .
Force du Régiment, les Grenadiers compris,
1704 h.
g5
( 114 )
Les Grenadiers de deux baraillons for
ment enſemble en bataillon de 4 Compagnies.
L'armée Pruffienne a 33 de ces bataillons
de Grenadiers , en comptant ceux
des Régimens de garnison qui ſont dordonnance.
Infanterie , 95,424 h.
RÉGIMENS DE GARNISON.
1. Lieut . Gén. Saleumon , 1 bataillon.
2. Saffe , 4 bataillons .
3.- -Kowalsky , 4 bataillons.
4. MajorGén. Coubiere , 1 bat.
5.-
6.
7.-
8.-
- Natalis , 4 bat.
Hullen , 1 bat.
Heuking , 4bat.
Vittinghof, 1 bat.
9. Colonel Berrenhauer , 4 bat..
10.
12.
- Pirch ; 4 bat.
Hallemann .
Koenitz , 4 bat .
36 bataillons de garniſon , chacun de
710 hom.
Troupes de garniſon. 29,560 hom.
(Leurs fix bataillons de Grenadiers forment
4260 hom . )
VOLONTAIRES ou RÉGIMENS FRANCS.
1. Major Gén. Chaumontet.
2. Arnauld.
3. Colonel. Muller. Suiffe (1) .
fans Grenadiers.
Chacun de 10 Compagnies , à 142 hom.
4260 hommes.
(1) On vien: de donner deux Compagnies deGrenadiets
au régiment de Muller.
( 455 )
RÉGIMENS DE MILICE.
Sont an nombre de 4, en quartier à Ber-
Jin , Koënigsberg , Stettin & Magdebourg.
Chaque Regiment , 10 Compagnies de
142 hom. fans Grenadiers.
5660 hommes.
CORPS DE L'ARTILLERIE.
Sous le commandement du Général Ditmar,
& conſiſte en fix Régimens , chacun
de to Compagnies , de 165 hom.
Artilleurs , 9900.
BATAILLON DE CHASSEURS.
Major-Gen. des Granges , 710 hommes,
BATAILLON D'INGÉNIEURS.
Colonel , Regler, 710 hom .
さいま
•BATAILLON D'INVALIDES.
Colonel, Pelchrzim , 710 hom.
RECAPITULATION,
CAVALERIE.
Cuiraffiers
9450
Dragons, 10,500
Haffars , 15,000 35,150
Chaſſeurs à cheyat . 40000
INFANTERIA
Infanterie
Troupes de garnison , 25,560.
Gareif, Grenad. 4260
Volontaires, 4260
Milice', 5680 147,24
Artillerie nu
9900
Chaffeurs ? 710 1
Ingénieurs, Jays στα
Invalides celev.c 1710円
Total
182,364 raem
6
( 156)
Le Roi a aligné ſur ſa caffette une fomme
annuelle de 8000 dahlers pour le foutien
des pauvres de cette Capitale. S. M. a
auſſi augmenté de $ 500dahlers fur les fonds
de ſa caffette , le traitement annuel des Prédicateurs
Allemands de cette Capitale.
Les fonds que le Roi vient d'accorder
pour les nouveaux établiſſemens fur laWartha
, montent à 300,000 dahlers .
S. M. a établi un College ou département
particulier pour les affaires relatives
aux Ecoles , & à l'inſtruct'on publique dans
ſes états , & lui a affigné les ſommes néceſſaires
pour cet objet.
De Vienne, le 11 Juillet.
Le 1 de ce mois , l'Archiduc François
eſt parti de cette Capitale , pour ſe rendre à
Brinn & à Olmuz ; de- là S. A. R. ira à Pleſſ
&Theresienstadt , & enſuite au camp près
dePrague. :
Une Ordonnance de l'Empereur , du 20
Février , que l'on vient de publier dans la
Hongrie , enjointde traiter la claſſe de gens
appellés Bahémiens , comme les autres fujets
de S. M. , & de faire fortir de ſes Etats
ceux qui ne voudront point prendre une
demeure fixe , ou apprendre un métier.
L'Empereur ayant examiné les fonds de
laCaiſſe de Religion, &les ayant trouvésga
fuffiſans à l'entretien des nouvelles Cures &
à d'autres établiſſemens pieux , a mis en
( 137)
économat les revenus de tous les Couvens
d'hommes & de femmes exiftans dans ſes
éra's. On fixera des penfions aux Religieux
& aux Religieuſes , & le ſurplus ſera verſé
dans la Caiſſe de Religion .
- د
Le Gouvernement de l'Autriche intérieure a
fait publier le relevé ſuivant: pendant l'année
1787 , on a compté dans les trois Provinces ,
qui compoſent l'Autriche intérieure , 49,753
naiſſances, dont 26,113 , en Stirie , 8,748 en
Carinthie , & 14,892, en Carn'ole ; 41,193
morts , dont 22,134en Stirie , 6,825 en Carinthie
, & 12,234 en Carniole ; & 11,267 mariages,
dont 6,256 en Stirie , 1,570 en Carinthie ,
&3,441 , en Carniole. L'excédant des naiſſances
fur les morts étoitde 8,560.
La Ponte Ottomanne continue de faire
des armemens maritimes. La premiere divifion
, qui fit voile le mois dernier pour la
mer Noire , est composée de 6 vaiſſeaux de
ligne , de 6 frégates , 6 galiotes bombardieres
, 6 galeres & beaucoup de perits bâtimens
armés , elle eſt aux ordres de Haflan
Bey. "Dix rieuf autres vaiſſeaux de i
& 25 căn, font Je
Deux vaiſſeaux de ligne & quelques netits
bâtinmens,font allés dans l'Archipel faire
le recouvrement du tribut annuel.
!
De Francfort , le 17 Juin.
310
On écrit de Vienne , que l'on travaille
en ce moment dans les fonderies Impériales
à fondre du canon pour le compte de la
( 158 )
Cour de Pétersbourg. Ces canons feront
tranſportés ſur le Danube à Cherfon.
Suivant les mêmes lettres , l'Empereur a
choiſi le Comte de Cobenzel , vice-Chan
celier d Etat , pour remplacer dans les Pays-
Bas le Comte de Belgjoioſo; mais cette nouvelle
ne prend pas faveur.
:
On apprend de Caſſel , que le Général
Anglois Faucett y eſt arrivé , & l'on préfume
qu'il eſt chargé d'une négociation relative
aux troupes Heſſoiſes.
On écrit de Dreſde , que le Comte de
Baudiffin , qui a tué en duel le Comte de
Gersdorf, a été condamné à 6 mois de priſon
au château de Konigſtein , à payer au
fifc 2000 rixdalers & à perdre ſa place. Le
Major deThiele & le Lieutenant de Loben,
qui avoient affiſté au duel, feront démis de
leurs places , & emprisonnés pour 4 mois
dans une forterefle ..
La Régence de l'Electorat d' Hanovre ayant
reconnu qu'il étoit avantageux à la Principauté
de Calenberg , de cultiver le lin , non ſeulement
pour en faire de la filaſſe , mais auſſi pour en tirer
la graine que jusqu'ici on failoit venir des Provinces
fur laBaltique , vient de publier des Lettres
circulaires , dans lesquelles elle exhorte les
cultivateurs de cette Principauté à cultiver du
lin pour en tirer la graine , & accorde à ceux
qui s'en occuperont un gratification de 5 rixdalers
par acre.
En 1786, on a compré dans l'Electorat d'Hanovre
, 7,198 acres enſemencés de lin. Le produitde
toiles& des fils dans la même année, a été
de 288,8 52 rixdal. On peut évaluer aujourd'hui
( 159 )
Jun million de rixdal.rs le commerce des toiles
& fils des états du Roi d'Angleterre en Allemagne.
Le Magazin hiſtorique de Gottingue préſente
un état de la furface & de la popula
t'on des pays qui compo'ent l'Electorat
d'Hanovre. D'après ce tableau , rédigé fur
les réſultats d'un arpentage nouveau & gé
néral, l'Electorat contient ſeulement 513 &
fept huitiemes milles carrés géographiques ,
&la population eſt actuellement de 850,000
ames , ce qui donne 1653 individus par
mille carré. La population de la Principauté
de Calenberg eſt la plus forte. Ony compte
par mille carré 2556 iudividus .
Dans une fouille faite au bourg de Darowar ,
enEsclavonie , ona déterrédes veſtiges bien confervés
d'un ancien Temple , dont le pavé eſt en
mofaïque. Pluſieurs tombeaux de marbre ont été
auſſi découverts , dans l'un desquels on a trouvé
des offemens , un anneau d'or avec un gros rubis,
une chaîne d'or garnie en perles & émé
raudes ,& un tuyau de verre rempli d'une matiere
balfamique ; l'infcription de ce tombeau
porte les mots ſuivans : Cofta divi Commodi de
Jefcro.
On a publié en Hongrie un Decret de
l'Empereur , daté du 3 Mai , dans lequel
S M. permet aux Juifs, qui demeurent dans
des quarties ou des rues particulieres , de
travailler les dimanches & les Fêtes dans
leurs maiſons, & de tenir boutiqué ouverte.
Mais elle leur interdit dans ces jours la
yente de leurs marchandises , s'ils demeu(
160 )
rent dans des rues ou quartiers habités par
des Chrétiens .
L'éducation du ver à foie & la culture du
mûrier réuſſiiſent parfaitement dans les Comitats
de Sza'nd , de Samogitie , d'Eiſenbourg
& d'Oedenbourg. L'année derniere
on a recueilli dans le premier de ces Comitats
2800 liv . peſant de foie .
Le fieur Adrien Riedel , Capitaine-Ingénieur-
Géographe & Conſeiller de l'Electeur Palatin ,
ſe propoſe de publier inceſſamment un Atlas
de toute la Baviere. Cet Ouvrage preſqu'entiérement
achevé eſt , dit - on , fait avec la plus
grande exactitude; il ſera composé de 24à 28
feuilles de la grandeur de celles de la Baviere
que l'Ingénieur Michel a commencées. Les cartes
ſeront exécutées d'après le plan que le Comte
Schmetzau a ſuivi pour lacarte de Mecklenbourg-
Streliz.
On a fait un re'evé exact des ſommes
d'argent qui , depuis 280 ans , ont paffé
d'Allemagne à Rome , pour des Brefs de
confirmation & de diſpenſes , & pour les
annares & les Pallium. Le total monte à
87,773,400 Horins du Rhin . Les fomnies
envaiées à Rome, dans cet efpace de tems ,
par des particuliers , par les Ordres mendians,&
c . s'élevent pour le moins aufli
haut; enforte que l'Allemagne ſeule a fait
paffer à Rome , en moins de trois fiecles ,
1,755,468,000 florins, foit 351,093,600 liv.
de France.
«Près de Stadthauſen , dans l'Autriche
antérieure ,&de la petite riviere laSchlichem,
( 161 )
ſe trouvent les montagnes , appellées Heaberg,
dont une partie te détacha , il y a 14
ans , & combla dans la vallée une étendue
de bois , de ter es & de prés. Le 14 Mai dernier,
la même montagne crevaffa à la cime ,
&ilen roula dans la vallée des rochers épormes
de pierres calcaires. Depuis certe époque
, la chûte de pierres & de terres continua
, & ces décombres couvrent déja une
grande partie de la forêt. On a obſervé que
dans une demie heure , la terre s'eſt déplacée
de dix pouces. Le 17 du même mois , les
crevaſſes étoient prolongées juſqu'à 20 pas
des terres labourabiles de Stadthauſen. Les
habitans ſont dans une anxiétéinexprimable.
Ils craignent pour leurs champs , leurs maifons
& leur vie . Les Naturaliſtes expliquent
cet événement de la mariere ſuivante. Il ſe
trouvoit autrefois au deſſo us dela pente des
rochers calcaires un petit étang d'une profondeur
confidérable. Juſqıvà la profondeur
de 10 à 12 pieds , la montagne eſt formée
d'une argile b'euâtre , facile à diſſoudre ; &
au-deſſous de cet argile ſe trouve une autre
couche d'argile, plus compacte & plus grafſe
, qui reſiſte à l'impreſſion de l'eau. Il eſt a
préſumer que les eaux de cet éta ng ont paffé
entre ces deux efpeces d'argiles ,& qu'elles
diffolvent ſucceſſivement la coouche ſupérieure;
cette diffolution produit 'hes crevaſſes,
& tant que la maffe , qui fuit, ne trouvera
pas ſuffilamment de réſiſtance die l'autre côté
de la riviere de Schlichem , où s'élevé une
(162 )
و
antre montagne ,rien ne pouftra arrêter la
chûte des terres & des rochers dans la vallée.
ITALIE.
De Rome , le 20 Juin.
Le 12 de ce mois , le Tribunal de la
Rote a définitivement jugé le Procès célébre
de la donation faite à la famille du Pare,
& enſuite révoquée par D. Amanzio Lepri.
Cette donation a été déclarée nulle , & les
biens du défunt adjugés à l'héritiere Lepri.
Ce jugement équitable a été reçu avec un
applaudiſſement général , & honore l'impartialité
des Juges.
ESPAGNE .
De Madrid, le 25 Juin.
:
Les accidens arrivés depuis peu dans cette
Capitale ,, par l'étourderie des cochers , ont
détermine le Roi à rendre un Edir, qui eſt
fous preffe , & par lequel il eſt défendu de
faire atteler am: carroſſes , au-delà de deux
mules ou de deux chevaux. Les cochers qui
contreviendroit à l'Edit feront condamnés
à dix ans d'exil , ainſi que ceux qui s'aviſeront
à l'ave nir de dompter des chevaux ou
desmules dans la ville ou dans la banlieue.
Le Corte de Fernand-Nugnez , notre
Ambaſſade ur à Versailles , doit partır incefſamment
pour ſa deſt nation .
On affure que le Duc de Villa Hermoſa
eſt nommé à, l'Ambaſſade de Londres.
( 163 )
On apprend de Plazencia , vifle Epiſtopale
de la province de Guipucoa , que
Jeanne Ibaſeta , épouse d'Emmanuel Trevinijo
, Armurier , y a accouché , le 2 de ce
mois , de deux filles & d'un garçon. Elle
avoit accouché le 20 Septembre dernier de
deux garçons & d'une fille , & de deux filles
environ un an auparavant ; de forte que
dans l'eſpace de 20 mois elle a fait 8 enfans..
On écrit du Ferrol , que la frégate la
Sainte- Léocadie, de 36 can. , y a été lancée
àl'eau , le 2 de ce mois.
Durau 8 il eſt entré à Cadix deux ré
gates& un paquebor, venant de Campêche,
de la Havane & de Carthagene , avec des
cargaiſons de la valeur d'environ 900 mille
piaftes fortes en argent & en marchandifes
ou autres effets.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 17 Juillet.
Jeudi 12 , on ſcella au Bureau duMarquis
de Carmarthen, Secrétaire au département
de la Politique étrangere , des dépêches qui
furent expédiées en diligence à la Cour de
Berlin. Le courrier , qui en eſt chargé , a eu
ordre de prendre à Harwich un cutter , ou
tel autre navire bon voilier, s'il n'y trouvoit
aucun des paquebots , que les vents contrai
res retlennent à Helvoetluys .
On a furmonté la réſiſtance du Général
( 164 )
Elliot à accepter le titre caractériſtique de ſa
gloice , qu'on lui deſtinoit; le Roi l'a créé
Baron Heatfield de Gibraltar , en lui accordant
, ainſi qu'à ſa poſtérité , le droit de
joindre l'écuffon de Gibraltar à celui de la
famille Elliot de Stobbs .
Le General Faucett , Adjudant Général
de l'armée , après diverſes conferences avec
S. M. , s'eſt embarqué pour l'Allemagne , &
doit ſe rendre à Hanovre, Caffel & Berlin .
L'Amirauté a remis à S. M. & au Conseil
privé la lifte exacte de tous les vaiſſeaux qui
ſe tro wolent en commiſſion au Juillet.
Voici le détail des vaiſſeaux de ligne.
Plymouth.
Amiral T. Graves.
Powerful ,
74 Capit . Sutherland.
Bombay- Caſtih , 74 R. Fanshaw.
Culloden ,
Carnatic ,
74. Sir Thomas Rich.
74 Hon . P. Bertie.
Triumph ,
Portsmouth,
Amiral Lord Hood.
74 2 Capit . John Knight .
LePégaſe ,
Magnificent ,
Bedford ,
74 S. Marshall.
74 G. Berkley.
74 Robert Mann.
Elizabeth , 74 J. Bourmaſter.
Edgard ,
$Comt L.Gower.
74
2Capit. Thompson .
Ganges, 74 SirRoger Curtis.
Goliath , 74 A. Dickſon.
Standard, 74 C. Chamberlin.
Crown , 64 C. M. Pole.
Ardent, 64 F. J. Harwell..
( 165 )
Sheerneff.
Irréſiſtible ,
Scipio ,
74 Sir A. S. Hanmond.
64 S. Ludwidge,
Woolwich. :
74 H. C. Chriftian. Coloffus,
Escadre de la Méliterranée. 1 vaiſſeau de
so can. 4frég. & 2 floops.
De la Jamaïque, 1 vaiſ. de so can. 5
frég. & 3 floops.
=Ifles- du - Vent. 1 vaiſ. de so can. 4 frég .
& 2 floops.
=Amérique Septentrionale. I vaiſ. de so
can. 2 frég. & 2 floops.
=Terre Neuve. 1. vaiſ. de so can. 2 frég.
& 1 floop .
=Cote d'Afrique. 2 floops.
En équipement. 3 fréz.
En croifiere dans la Manche, mer du Nord,
côte d'Irlande . 7 frég. & 28 floops.
Six yach's .
Total en commiſſion .
Vaiſſeaux de ligne , 18
=De so can.
:
5 :
Frégates. 28
Sloops. 39
Yachts. 6
96
Le bruit s'étoit répandu qu'une grande
partie de la derniere flotte marchande , partie
pour Quebec avoit péri ; heureuſement
cette nouvelle vient d'être détruite. Un ſeul
2
( 166 )
i
navire a échoué à la hauteur des bancs de
Terre Neuve , mais l'équipage s'eſt ſauvé ;
un autre a été fort endommagé , & les dix
autres font arrivés ſaufs à Quebec .
Plufieurs de nos Lecteurs qui , journellement
entendent parler des Pompes à feu ,
feront ſans doute bien aiſes de connoître l'origine
& les auteurs de cette invention , les
perfectionnemens ſucceſſifs qu'elle a acquis
enAngleterre, enfin les uſages innombrables
auxquels on l'applique aujourd'hui dans
cette me. La plupart de ces notions font
abfolument inconnues en France , où l'on
ne ſe doute pas de la nuultitude d'emplois
qu'on fait ici de la Pompe à feu.
C'eſt le Marquis de Worcester qui a donné le
premier l'idée d'appliquer llaa force expanfive de
l'eau réduite en vapeur à la méchanique : cer
homme fingulier fit imprimer en 1663 un petit
ouvrage intitulé Centurie a'inventions : fa deſcriptiond'une
machine pour élever l'eaupar le moyen
du feu , s'accorde affez bien avec celle que publia
dans la ſuite le Capitaine Savery , & qu'il
donne comme de ſon invention. En effet , le
Marquis de Worcester ne s'eſt pas expliqué ſi
clairement , que Deſaguliers ait eu raiſon d'accuter
Savary de lui avoir dérobé ſon invention.
Affurément l'homme qui a pu conſtruire une
pompe d'après la petite notice du Marquis de
Worcester , mérite d'être rangéparmi les inventeurs
.
Le Capitaine Savary ayant bu dans une tayerne
une bouteille de vin de Florence , & mis
Jevaiſſeau vuide ſur le feu , il enplongea enſuite
le goulot dans un baffin d'eau , & vit remplir
( 167 )
tout-à- coup la bouteille par Peau qui s'éleva
pour prendre la place de la vapeur condenſée.
Deſaguliers affure qu'il n'a jamais pit parvenir à
répéter cette expérience , parce que la bouteille
s'eft briſée dans ſes mains au moment méme que
le fluide s'y précipitoit : mais depuis , l'on a
été plus heureux ; avec quelque promptitude que
l'eau ſe ſoit élevée dans ſa bouteille , elle a
conftamment réſiſté. Il eſt certain que le Capi
taine Savary acheta & détruiſit tous les exemplaires
du livre du Marquis de Worcester , qu'il
put ſe procurer. Nous ne croyons: pas nean
moinsque ce ſoit une raiſon de le regarder com
me un plagiaire ; un inventeur réel découvrant
enſuite qu'il a été prévenu , auroir agi de même,
La premiere pompe à feu confiftoit en une
chaudiere , un vaiſſeau à vapeurs ou recipient ,
& un tuyau garni de deux ſoupapes , s'ouvrant
en haut comme relles des pompes ordinaires.
La chaudiere communiquoit avec le récipient
par le moyen d'un tuyau , dont les deux extrê
mités touchoient d'une part à la chaudiere , de
P'autre au récipient ; & ce dernier communiquoit
avec le tuyau principal par un tube fortant de
fon intérieur , & implanté dans le tuyau principal
entre la foupape ſupérieure & l'inférieure.
La chaudiere remplie d'cau à certaine hauteur &
chauffée , le récipient également rempli : on
tournoit le robinet du tuyau de communication
entre les deux vaiſſeaux. La vapeur qui s'élevoit
de la chaudiere , paſſoit immédiatement
à travers ce tuyau ; & en preſſant fur la ſurface
de l'eau contenue dans le récipient , la faifoit
jaillir dans le tuyau principal , dont la ſoupape
ſupérieure lui ouvroit l'entrée ; les deux ſoupapes
ne s'ouvrant que par en haut, il étoit ima
poffible que l'eau retombatpar l'inférieur, Quard
( 168 )
l'homme employé au ſervice de la machine ,
s'appercevoit que toute l'eau étoit ſortie du récipient
, ( ce qu'il étoit aifé de vérifier par le
degré de chaleur du bas de ce vaiſſeau ) , il
tournoit un robinet placé de maniere à rafraichir
l'extérieur du récipient en l'arrogant d'eau froide;
on avoit eu foin auparavantde fermer le robinet.
du tube, de communication avec la chaudiere ,
pour empêcher l'introduction de nouvelle vapeur.
Il eft aifé de voir l'effet de cette opération.
La vapeur ainfi refroidie dans le récipient ,
ſe condentoit en gouttes adhérentes aux parois
intérieures ; il n'y avoit plus ni air ni vapeur ;
en un mot , le vuide s'opéroit. On remarquera
que la partie inferieure du tuyau principal eſt
ſuppoſée plongée dans l'eau qu'il s'agit d'élever.
Cette eau doit donc s'élever dans le récipient
par le tuyau principal , en raison de la preſſion
de l'air anbiant comme dans les pompes ordinaires
& pas plus haut ,c'est-à-dire , à 33 pieds
angiois. Le froid de la furface externe avertic
Pouvrier quand le vaiſſeau eſt rempli ; alors il
tourne les deux robinets,dont on a parlé cideſſus
. Il interromptainſi le jet d'eau deſtiné à
refroidir le récipient ; la vapeur recommence à
s'élever de la chaudiere , reprend ſon cours ,&
fait monter l'eau comme ci-devant par la pref
fion.:
L
Autrefois on étoit dans l'usage d'adapter à
ces machines deux récipiens ou vaiſſeaux à va -
peur , dont l'un élevoit l'eau par condenſation ,
tandis que l'autre la recevoit réduite en vapeurs.
On a perfectionné depuis ce méchaniſme , en
faifant entrer l'extrémité du tube de condenſation
dans le récipient. De cette maniere , on
-opere le vuide beaucoup mieux & plus promptement
qu'en faiſant jaillir un filet d'eau ſur les
parois
( 169 )
parois extérieures du récipient pour le res
froidir.
Les avantages de cette machine font qu'on
peut ladreſſer dans pretque toutes les fituations ;
qu'elle n'exige qu'un très-petit emplacement , &
enfin que les parties éprouvent très peu de frottement.
Quant aux défavantages , les voici : une
grande partie de la vapeur ſe condenſe & perd
la force en entrant en contact avec l'eau du récipient
, & il faut augmenter la chaleur & l'élafſlicité
de cette vapeur en proportion de la
hauteur à laquelle on ſe propoſe d'élever l'eau .
Ces deux circonstances exigent un grand feu &
beaucoup de force & d'épaiſſeur dans le cuivre
quand la hauteur eft conſidérable , autrement
Pappareil eſt en danger de crever.
L'art d'élever l'eau par la vapeur fut fingu
liérement avancé par Thomas Neweomen ,
marchand de fer , & John Calley vitrier , tous
deux de Dartmouth. Ils firent , en 1710 & 1711 ,
des expériences pour s'aſſurer ſi l'on pouvoit
mettre un piston en feu au moyen de la vapeur.
Nous renverrons nos lecteurs à la notice
intéreifante que denne à ce ſujet le Docteur De-
Laguliers dans le ſecond volumede ſes leçons de
Phyfique,
Dansla pompe à feu de Newcomen & Calley ,
exécutée comme on l'a vue pluſieurs années à
Pimlico près de Londres , le récipient de la machine
à feu du Marquis de Worcester eſt remplacé
par un cylindre vertical de fer fondu ,
dont l'orifice inférieur admet la vapeur qui s'exhale
d'une chaudiere. Un piton garni de fon
ouir de maniere a remplir exactement le corps
de pompe , eſt ſuſpendu àun des bras d'un le
vier , de façon qu'il peut ſe mouvoir perpendiculairement
dans le cylindre. A l'autre bras de
N°. 30, 28 Juillet 1787 . h
( 170)
levier pend un poids très-peſant , qui eft atteché
à la partie ſupérieure d'une pompe afpirante &
foulante , conſtruite comme elles le font ordinairement.
La machine er- elle en repos ? le poids exerce
ten- dion , & tire en haut le pifton qu'il
amene preſque juſques à la tête du cylindre. H
faut obierver qu'indépendamment du tuyan qui
-communique avec la chaudiere , il y en a
-deuxautres dans le corps du cylindre ,l'un deftiné
à y faire entrer de l'eau froide , & l'autre
appellé tuyau d'illue qui fort à évacuer Feau introduite
, toit ſous laforme de vapeur , foit dans
fon état de fluide par le tuyau d'injection. Le
tuyau d'iflue ſe prolonge fous un réservoir d'eau
& eft coudé à ſon extrémité , recourbé en huut
&couvert par une foupape. Quand on veut
faire jouer cette machine , onremplit la chaudierejuſqu'àune
cerraine hauteur, & on fait bouillir
l'eau . Le tuyau de communication étant ouvert
', la vapeur monte à la partie ſupérieure du
-cylindre ,& l'air renfermé , beaucoup plus pefant
, s'échappe par la foupape du conduir d'iflue.
Alors deux ouvriers tournent deux robinets dont
J'un ferme le tuyau à vapeur , & l'autre ouvre
celui d'iſſue qui lance un filetd'eau froide contre
Je fond du pifton. Cette eau retombe en gouttes
&fait le vuide en mo'ns de deux ſecondes ,en
condenfant la vapeur. Dans cette ſituation . la
partie ſupérieure du piſton éprouve la preſtion de
toute la colonne atmosphérique , poids qui n'est
contrebalancé par aucune force agiſſante fur la
furface oppofée , puiſque l'air & la vapeur ont
ét évacués ; en conséquence le piston cede ,
sabaille , & fa deſcente dans le corps de pompe
fai mouvoirun levier qui éieveun poids confidérable
, & une verge de pompe à fon autre ex(
171 )
trémité. L'ouvrier s'attend pas que le piſton touche
le fond; it tourne de nouveau les deux robinets
; Linjection colle , & la vapeur rentre dans
le cylindre . Il y a rupture d'équilibre , le poids ſufpendu
à l'autre bras du levier s'abaiſſe à fon tour
&tire le piſtonfoulant dans ſon corps de pompe.
La répétition alternative de ce procédé d'injecter
de l'eau froide & de couper communication
àla vapeur , faitdeſcendre le piſton comme cidevant.
Opération que l'on peut continuer tant
qu'on le veut. Dans cette machine , les robinets
font ouverts & fermés en méme-temps par un
mechaniſme attaché au levier même ; les gens
artachés à la ſervir , n'ont donc gueres autre
choſe à faire que de veiller à entretenir la chaudiere
& à empêcher que le feu s'éteigne .
Le principal avantage qu'a cette pompe fur la
premiere , c'eſt qu'on peut porter l'eau à telle
élévation qu'on veut , ſans augmenter la force de
la vapeur qui n'a jamais beſoin de ſurpaſſer de
beaucoup la preſſion de l'atmosphere. Il n'eſt pas
néceſſaire d'ajouter que la chaudiere court ingniment
moins de riſque de crever. Le maximum
de la puiſſance de cette machine dépend de la
furface dupiſton Plus elle eſt grande , plus grande
eſt la colonne atmosphérique qui la prefle , &
en confequence d'autant plus peſant doit être le
poids deſtiné à contrebalancer ſon action. Si le
piſton a 36 pouces de diametre , il fera preffe par
une colonne d'atmosphere qui peſera autant
qu'une colonne de mercure de ce diametre , &
de 32 pouces de hauteur , ce qui équivaut au
moins à 7 tonnes .
La fin à l'ordinaire prochain.
h2
( 172 )
FRANCE.
De Versailles , le 15 Juillet.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Chantemerle
, Ordre de S. Augustin , dioceſe de
Troyes , l'Abbé de Caſtres , Vicaire général
de bordeaux; à celle de Belleville , même
Ordre, dioceſe de Lyon , l'Abbé Clément
du Mez , Aumônier de Sa Majesté , Vicairegénéral
de Senlis ; à celle de Solignac , Ordre
de S. Benoît , dioceſe de Limoges ,
J'Abbé de Foucauld, Vicaire général d'Arles;
&à celle de Doue , Ordie de Prémontré
, diocele du Puy, l'Abbé des Granges ,
Vicairs-général du même dioceſe.
De Paris , le 25 Juillet.
RÉGLEMENT FAIT PAR LE ROI , le S
Juillet 1787 , fur la formation & la compofi
ion des Affemblées qui auront lieu dans
la province de l'ifle de France , en vertu de
l'Edit , portant création des ASSEMBLÉES
PROVINCIALES.
Le Roi ayant , par fon Elit du mois de Juin
dernier , ordonné qu'il feroit inceſſamment établi
dans les provinces & généralités de fon
Royaume , differentes Aßemblées , fuivant la
forme qui fera déterminée par Sa Majefté , elle
a réfolu de faire connoître les intentions fur la
formation &la compoſition de celles qui auront
liu dans la province de l'Ifle-de-France . Les
dſpoſitions que Sa Majeſté a ſuivies, font gé
( 173 )
néralement conformes à Beſprit qui a dirigé les
délibérations des Notables de fon Royaume qu'elle
a appellés auprès d'elle ; mais en les adoptant ,
&malgré les avances qu'elle s'en promet , S
Majesté n'entend pas les regarder comme irrévocablement
déterminées , elle fait que les meil .
leures inftitutions ne ſe perfectionnent qu'avec
le team ; & comme il n'en eſt point qui doive
plus influer ſur le bonheur de ſes ſujets que celle
des Aſſemblées provinciales , elle ſe réſerve de
faire à ces premiers arrangemens , tous les changemens
que l'expérience lui fera era juger néceſſaires
: c'eſt en conféquence qu'elle a voulu que
les premières Affemblées dont elle ordonne l'etablitfement
, reſtent pendant trois ans telles
qu'elles feront compoſées pour la premiere fois :
ce délai mettra Sa Majefté à portée de juger des
effets qu'elles auront produits , & d'affurer enfuite
la conſiſtance & la perfection qu'elles doivent
avoir : en conféquence Sa Majesté a ordonné
ce qui fuit :
L'adminiſtration de la province de l'iſle-de-
France ſera diviſée en trois eſpeces d'Aſſemblées
différentes , une municipale , une de département
&une provinciale.
L'Aſſemblée provinciale ſe tiendra dans la
ville de Melun : celle de département , dans le
chef-lieu ; enfin les Affemblées municipales ,
dans les villes & les paroiſſes qu'elles repréſentent.
Elles feront élémentaires les unes des autres ,
dans ce ſens que les Membres de l'Affemblée de
Ja province feront choiſis parmi ceux des Affemblées
de département , & ceux-ci pareillement
parmi ceux qui compoſeront les Aſſemblés mu .
nicipales.
- Elles auront toutes leur baſe conſtitutive dans
h3
( 174 )
ce dernier élément formé dans les villes& paroiffes.
( Voyez pour le diſpoſitif le Réglement
des Affemblées Provinciales de la Champagne.
)
Idem du's Juillet 1787 , fur la formation
&compofition des Aſſemblées dans laprovince
de Soiffonnois , &c .
Idem , du 8 Juillet 1787, dans la pro
vince d'Auvergne .
Idem , dus Juillet 1787, dans la pro
vince des trois Evéchés.
Idem , du 8 Juillet 1787 , dans la Généralité
d'Amiens .
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 14
Juillet 1787 , par lequel le Roi révoqué la
Commiflion établie par l'Arrêt du 22 Septembre
1786, renvoie devant les Juges or
dinaires les inſtances relatives aux marchés
illicites d'Effers publics , & ordonne qu'à
l'exception des Actions de la Caiffe d'Efcompte
, aucuns des Papiers & Effets de
Compagnies & Affociations particulieres ,
ne pourront être négociés à la Boure de
Paris , que comme des Billets & Lettres de
change entre particuliers.
Le Roi s'élant fait repréſenter, en fon Cor
feil , les Arrêts des 7 Août & Octobre 1785 &
22 Septembre 1786 , par leſquels renouvellane
les Ordonnances & Reglemens concernant la
bourſe , Sa Majesté avoit proſcrit les négociations
abuſives qui s'y faifoient ,& évoquéà elle
&à fon Conſeil toutes les conteſtations nées S
ànaître , au ſujer deſdites négociations ;&Sa
( 175 )
Majesté étape informée que , malgré les diſpofitions
def its Arreis , l'agorage qu'elle avoit
vo du réprimer , ſe perpétue & s'étend encore
tous les jours , elle a cru devoir changer quelques-
unes des diſpoſitions-deid. Arrets, & y en
ajouter d'autres qui allaſſent autant qu'il eſt poffible
à la source du mal , & en prévinſſent. en
core plus certainement les fuites.
Salajeſté a en offet reconnu que ce n'étoit
pas par fa furveillance directe & celle de fon
Confeil , que l'agio age pouvoit étre arrêté. Si
ceux qui s'y livrent emploient , pour affured
leu gain , des moyens contraires à la probicé &
profcrits par les loix, les Tribunaux ordinaires
font leurs Juges naturels & fuffitent pour les
réprimer S'ils n'emploient pas des moyens illis
cites , ils font encore condamnab'es ; mais fem
biables à ceux dont les actions ſont contraires
aux moeurs , fans être con raires aux loix , i's
doivent être abandonnés aux remords , à la honte
& aux ma heurs que , malgré quelques exemples
rares . entraînent tôt ou tard des ſpécula
tions auxquelles une extrême avidité ne parmet
pas de mettre de meſures. Mais en même rems
que le Roi ne veut gêner les actions de ſes Su
jets que conformément à la loi , & qu'il eſt dans
l'intention de Sa Majeſté de renvoyer aux Tris
•bunaux ordinaires lesjugemens de celles qu'elle
défend , il eft de ſa ſageſle & même de la jußice ,
d'örer aux ſpéculations qui offenfent l'honnêteté
publique , toute facilité & tout aliment , & furtout
de ne leur pas permettre certe afpece de
publicité , qui ne doit être accordée par le gonvernement
qu'à celles qu'il eſt dans le cas d'approuver.
D'après ces principes , Sa Majesté ayant confidéré
que l'agiotage portoit principalemenatür
h4
( 176 )
sir .
les Papiers & les Effets des Compagnies & Affociations
particulieres , dont les profits incertains
& calculés d'après la ſeule avidité , donnoient
lieu à des ſpéculations hafardées , elle a
jugé convenable de reſtreindre dans de juſtes
bornes la négociation qui eſt faire de ces Papiers
& Effets dans la Bourſe de Paris , & même
d'interdire dans les Journaux & Papiers publics ,
la publication du cours qu'ils peuvent
Cettepublication peut être regardée comme une
forte d'autoriſation capable d'induire en erreur
les ſujets du Roi en leur faiſant, confondre
comme également folides , tous les Etfets auxquels
elle s'étend ; & la Bourſe qui , par fon
inßitution , doit être le théatre de la bonne foi
&de la confiance , ne doit pas offrir le ſpectacle
d'un jeu indifcret & ruineux , également
préjudiciable au crédit public & à la fortune
des particuliers. A quoi voulant pourvoir , &c .
,
Un vaîlean de la Compagnie Angloiſe
des Indes , parti de Macao le 15 Janvier
dernier , y avoit laillé le Comte de la Payrouſe
radoubant ſes vaiſſeaux , qui parolfoient
avoir beaucoup ſouffen. L'efcadre
devoit mettre à la voile , dès que ſes barimens
feroient réparés, & fes équipages:a .
fraîchis. Depuis , on a eu des nouve les directes
des voyageurs , qui confirment , à ce
qu'on dit, ce premier rapport.
On mande de Cherbourg qu'ony a coulé
le dernier des ciną cônes , préparés pour
cette année. En voilà 15 de placés ; mais
les cinq derniers embraſlent autant d'efpace
que ſet à huit des précéden .
La nuit du 28 Juin le tonnerre eſt tombé
( 177 )
,
la
fur un pavillon du Château de Thins , en Saintonge
, ( à 3 lieues & demie de Saintes ) , lagirouette
lai a fervi de conducteur , la metiere
fulminante a cooru fur l'angle extérieur du
denjon , & s'eſt diſipée avec une exploſion terrible
: pluſieurs tuiks ont été arrachées
thorpente n'a pas été endommagée. Les giroentes
des châteaux & les creix des Eglifes
colvent être regardées comme les conducteurs
de la marere du tonnerre , ces corps électriques
formant par leur poſition un couran: d'air ,
attirent puifamment je foudre , forgueil des
gran's pourron , fans déroger à ces pretentions ,
faire de ces vains atributs de la nobleffe , autant
de paratonneres qui préſerveroient les cháteaux
des effets de ce météore redoutable , dont
la phyfique enchaine le pouvoir.- La fondre
eſt tombée quelques jours après dans plufieurs
endroits des environs : le defir d'étre utile
nos concitoyens nous dicte ces obfervations ,
que nous étendrons dans le numéro fuivant , en
indiquant les moyens d'élever les paratonnerres.
La nuit du 16 au Juin , la femme Jaulin
, de Caftres fur Garonne, cit accouchée
à terme de 3 filles ben conftituées. Par un
heureux hafard , trois de ſes belles- fooeurs fe
font trouvées nourrices en même temps , &
ont pris les trois enfans qui ſe portent bien
ainſi que la mere.
I. LA SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE de
Paris avoit propoſé , dans ſa Séance publique
du 30 Mars 1786 , pour ſujet d'un Prix de
Icoo livres & d'un jeton d'or de la valeur de 100
livres , la qution fuivante':
« Quelles font les eſpèces de Prai les a
hy
( 178 )
>> cielles qu'on peut cultiver avec le plus d'avan-
>>tage dans la Généralite de Paris , & quelle en
>> e la meilleure culture ? >>
La Société a adjugé le Prix à M. Gilbert ,Profeffeur
àl'Eco'e Royale Vétérinaire.
II . La Société avoit annoncé quelle diſfaribueroit
dans cette Séance des Prix aux Agricu'teurs
qui te feroient diftingués dans le courant
de l'année par l'emploi de quelque procédé
nouveau , ou du moins peu connu , ou qui lui
auroient adreffé des Alémoires qu'elle aurois
approuvés : elle en a dikingué fix auxque's elle
adéce né des Prix de la valeur d'un jeton d'er
dans d'ordre fluivant :
A. Colleau , Fermier à l'Epine.
A Madame Cretté de Palluel , réudante à
Dugry,
AM. Leduc , Meunierà Creteil.
AM. Bidault , Curé de Bazo hes.
AM. Pierre Deſouche , habitant de Villetaneufe.
Un pareil Prix avoit été adjugé à M. Heurtault
, Fermier à Pereuſe , Paroille de Jouarre
pour avoir chaulé ſes grains pendant pufours
années avec beaucoup d'intelligence & deluccès;
mais ce Cultivateur étant mortdepuis peu
de tems , la Société , pour ne point priver fa
famille de cette marque d'encouragement , a
voulu que le Prix fût remis entre les moins de fa
veuve,
PRIX PROPOSÉS.
1. La Société propoſe pour ſujet d'un rouveau
Prix , de déterminer par des expériencesfui
vies & comparées , queiles font les meilleures me
thodes qu'on doit fuivre pour obtenir les parties fu
breuſes des végétaux ,& pour en reconnoître les quas
Hoes.
( 179 )
.
Le Prix fera de 600 livres , auxquelles on
ajoutera un jeton d'or. Les Mémoires feront requs
juſqu'au premier Mars 1-90.
II. La Société avoit propoſe pour fulet d'un
Prix extraordinaire de trouver une Eroffe de
plus de durée , plus chaude , moins chere & moins
re méable à 'a plie que les étoffer employées on
dinairement aux vêtemens des gens de la campagre;
non ſeulement elle n'a reça aucune étoffe
propre à remplir les conditions demandées dans
fon Programme; ma's , par l'examen du travail
des concu rens , elle a reconau qu'il étoit trèsdifficile
de réunir dans une étoffe toutes les
qualités qu'elle avoit paru exiger. Elle a donc
cru devoir ſe borner à une des conditions les
plus importantes , celle de préſerver de lapluie.
En conféquence elle propose pour sujet d'un
nouveau Prix , de faire conscire quelies font les
droffes qui peuvent être en usage dans les difjór
rentes provinces de France ou des Pays étrangerst,
E fur- tout dans les Pays de montagnes , & dont
les Bergers & les Voyageurs se fervent pour fe
garantir des pues longues or abondantes,
Le Prix fera deudoptives, les Mémoires feront
reçus juſqu'au premier Mars 1789.
II. La Société propoſe , pour ſujet d'un Prix
de 300 livres, la question ſuivante:
«Queles font les plantes qu'on peut cufr
tiver avec le plus d'avantage dans les terres
> qu'on ne laille jama's en jichères, & quel
>>>eſt l'ordre ſuivant lequel eiles doivent être
>> cultivées ? ,,
Ce P.ix ferad ftribué dans la Séancepublique
de 1788 : les Mémoi esteront misavant le premier
Mars de la même annte.
IV. La Société propote un Pax de la va
leur de 600 livres en faveur du meilleur Mé
h
( 180)
moire qui lui aura été adreſſe ſur le ſujet Cuivant
:
« Perfectionner des differens procédés employés
pour faire éclore artificiellement & élever
des poulets , & indiquer les meilleares
>> tiques à ſuivre dans un établillement de ce
gence fait en grand ».
pr-
CePrix fera distribué dans la Séance publique
de 1788 , & les Ouvrages ne feront reçus quejufqu'aupremier
Mars de la même année .
V. La Société annonce qu'elle décernera un
Prix de 300 livres à l'Auteur du meilleur Mémoire
fur la queßion, ſuivante :
«Quels font les moyens les plus efficaces de
>>détruire la cufcute ou seigne qui le trouve
> communément dans les Juzernieres ? »
VI . La Société propoſe un Prix de 600 livres,
qui ſera adjugé dans la Séance publique de 179 ,
àl'Auteur du meilleurMémoire ſur la queſtion
fuivante :
» Quels sont les moyens les p'us sûrs pour
obtenir de nouvelles variétés des végétaux
utiles dans l'Economie rurale & domeſtique ,
&quels font les procédés à fuivre pour aclimater
dansun pays les diferentes variétés de vé-
>>>gétaux »
もい
LesOuvrages deſtinés au Concours , ne feront
reçus que juſqu'au premier Mars 1790.
VII. La queſt on ſuivante forme le fujet d'un
autre Prix de 600 livres qui ne ſera diſtribué que
dans la Séance publique de 1795 :
CC «Quels font les Végétaux croiffant naturelle-
➤ment dans le Royaume , ou dont la culture y
> ſeroit facile , qui peuvent fournir une matiere
colorante en bleu , & quels font les moyens de
déterminer avec préciſion la quantité de cette
ſubſtance dans les diverſes plantes qui la contiennent
? >>
( 181 )
Les Mémoires ne feront reçus que juſqu'au
premier Mars 1790,
VIII. II fera accordé dans la Séance publique
de 1788 , un Pr x de la valeur d'un jeton d'or à
la perſonne qui aura préſenté dans l'année un
Instrument , foit nouveau, foit perfectionné,dont la
Société aura reconu l'utilité en Economie rurale
ou domeftique.
IX. Un Prixde même valeur que le précé
dent fera adjugé dans la même Séance , à l'Auteur
de l'Ouvrage que la Société aura jugé être
Je plus à la portre des Habitans de la campagne ,
& le plus propre à leur donner des connoiffan
ces utiles en mora'e & en Economie rurale & domedique.
Les Orvrages deſlinés à concourir pour ce
Prix, ne feront reçus que juſqu'au premier Mars
1788 .
Charles de Beauclerc , Baron d'Achères ,
Chevalier de l'Ordre royal & militaire de
Saint Louis , ancien Capitaine au régiment
d'Harcourt , Dragons , est mort, le 24 du
même mois , à Saint Liez , dans 1 Orléanois ,
âgé de 82 ans.
:
1
PAYS - BAS.
De Bruxelles, le 21 Juillet.
:
:
b
Les eſpérances conçues ici fur les difpo
ſitions de S. M. I. fe font évanouies. Déjà
une lettre de ce Monarque , datée de Lemberg,
le 24 Juin , nous avoit annoncé fon
mécontentement , & le plan qu'il alloit fuivie.
On s'eſt confirmé dans ces craintes ,à
( 182 )
la réception d'une dépêche de L.L. AA. BR.
nos Gouverneurs-Généraux , anx Etats
Brabant, & dont a teneur po te :
Le Chancelier de la Cour & Ministre d'Etir',
Prince de Kaunitz , nous a fait connoître , par un
Meilage , en sare du 25 Juin dernier , qu'il avoit
fait à S. M. I. P'Expoſe des différens rapports du
Gouvernement-Général , y compris celui du 18
du méme mois , touchant les Affaires importantes
qui ſe traitent aquellement aux Etats des
Provinces des Pays Bas: 11 nous mande , que
S. M. n'a pas trouvébon de ſuivre la voie que
le ſuſditChancelier luia propoſée , fuivane Pavis
& la propofition du
Gouvernement même ; mais
qu'il ſe promet qu'on pourroit atteindre le même
but en ſuivant la voie , que S. M. a preferite ,
étant à Lemberg, par fa Lettre du 24 Juin.
Qu'aint le deſſein de S. M. eſt que toutes les
Provinces envoyent des Députés , qui doivert
être pourvus d'un Mémoire , contenant routes
les plaintes & les
appréhenſions de leurs Corps
reſpectifs; que S. M. veut bien entrer en difcuf
fion fur ces objets & les expliquer avec eux,
puiſque de cette maniere , il fera plus facile de
s'entendre
mutuellement , qu'en traitant les affaires
par écrit, & que les Députés feront en
même- temps en état, de voir & rechercher par
eux- mêmes , toutes les Institutions de ce Pays:
Que S. M. a rulou de ſe rendre en perfonne
dans les Pays Bas , quand Elie aura été en conférence
avec les Députés ; mais qu'en attendant
sout dait refter fu pendu. Que de plus , S. M.
confidérant la juſte confiance que nous avons
acquife près des Etats des Pays-Bas , l'inten' ion
de S. M. eſt , que nous, nous rendions en toute
diligence près de fa Perlonne ; nous en avons
( 83 )
reçu l'ordre particulier par une Lettre écrire de
la propre wain de S. M. , afin que nous puiſſions
nous y trouver , comme Médiateurs des Etats
près du Souverain : S. M. veut , que fon Mniſtre
Plénipotentiaire , le Comte de B Igjoiofo
ſe rende auſſi à Vienne. Nons espérons qu'en
vous faifant part des ordres de Sa Majefté, vors
vous arrangerez quant aux objets qui nous fort
relatifs. Avec quoi &c.
(Signés)
MARIE. ALBERT.
Immédiatement après cette communica
fon, les Etats de font affemblés , & ont
adreſſé à LL . AA. RR. des repréſentations ,
dans lesquelles ils ſupplient LL. AA. RR.
d'attendre de nouveaux ordres de l'Empereur,
avant de quitter les Pays Bas; ils an
noncent qu'ils craignent d'avoir été repréſentés
commeun peup'e rébelle , tandis que
leur fo:miflion & leur zele ont toujours
éclaté ; de forte que le falut ou la perte du
peuple dépend du départ de LL. AA . RR.
Si elles partent , rout eſt perdu; fi elles reftent
, tout eſt ſauvé : enfin ils de'arene
qu'ils n'enverront pas des Députés à Vienne.
Un courrier de Vienne a apporté également
des dépêches directes de l'Empereur ,
en date du 3. S. M. I. ydéclare, « que fon
>> intention n'a jamais été de renverfer la
>>constitution de ſes Provinces Belgiques ,
>>mais feulement de tendre au plus grand
>>avantage du pays , fans altérer ſes privi-
>>leges ; que les réformes , ordonnées dans
>>>l'adminiſtration de la Justice , ont été
( 184 )
-
>>m>otivées fur les demandes réitérées de fes
fujets; & que loin de prevoir de logo-
>> firion & de la réinance à fes vues , S. M.
>> devoit s'attendre à la recoanoiffance g
>>>nera'e : cependant , a o tefEmereur , je
> veux bien , en bon pare & en homme qui
>> fait compâtir à la dérailon , n'attrb er ce
>>> qui s'eſt pafle, & ce que sous avez ole ,
>> qu'à de tauifes interprétations fakes par
>> lintérêt privé , & ron par l'amour -du
>>>bien général , qui n'a rien à perdie dans
>>les réformes que j'ai prolettées . Cette dépêche
, qui mérite beaucoup de réflexions ,
finit par les deux paragraphes laivans ,
Quoi qu'il en ſoit ,je veux bien que l'exécu
tion des nouvelles Orlonnances en queßion refte
préſentement en fufpens , & lorique LL. AA.
RR. , me Lieutenan's & Gouverneurs Générex
, conformément aux intentionsque je leur
ai fait connoitre en dernier lieu , de feront rendues
à Vienne , avec les Dép tés des differens
Etats , pour me repréſenter de vive voix leurs
griefs , & apprendre mes intentions , qu'ils trouveront
toujours calquées ſur les principes de l'équité
la plus parfaite, & uniquement tendantes
au bien-être de mes ſujets , nous conviendrons
enſemble des difpofitions à faire pour le bien
général, felon les loix fondamentales du pays.
Mai ha contre toute attente, cette derniere
démarche de ma bonté envers vous étoit méconnue
, au point que vous vous refufiez à me venir
porter vos plaintes , vos craintes , vos doutés
, & à m'entendie avec confiance , & que vous
continuiez vos excès honteux &vos démarches inexcufables
alors vous en tiférez vous -memes
( 185 )
toutes les malheureuſes conféquences qui en réſulteront
, ce qu'à Dieu ne plaiſe .
Les Etats de Flandres , qui ſe ſont afſfemblés
le 8 , ont adreſſé de nouvelles repréſentations
très fortes à L. A. R. , & l'on attend
avec impatience la réponſe à celles qui
ont été envoiées à Vienne , le 6.
Quelque choſe de plus extraordinaire ,
c'eſtune adreſſe de la Nobleſſe de Flandres
aux Etats de cette Province. On le croit
aux jours du Duc d'Albe & de Philippe II ,
an lifant ce morceau étrange , dont nous
rapporterons quelques fragmens .
Si le ſpectacle d'un grand homme , aux priſes
avec l'infortune, eſt digne d'un Dieu , que
dirons- nous de celui d'une Nation courageuſe
& fiere , qui , avec les ſeulesarmes de la juſtice
& de la raiſon , triomphe des efforts du pouvoir
arbitraire ? Ce fpectacle augule nous étoit réſervé
; nous en jouiffons en ce jour; heureux
de vivre , puiſque nous vivons avec vous . Déjà
la Patrie renailfante oſe lever un front radieux ;
les manes de ces Héros, qui cimenterent de
leur fang la liberté publique , attachent fur nous
des regards approbateurs , & ſemblent ſe dire ,
nous ne fommes pas morts tout entiers..Efclaves ,
il y a peu de jours , votre zele inmortel a brifé
nos fers& nous a rendu tous les droits de i honme
& de citoyen, Nous ne reiraçons pas à vos
yeux le déplorable tableau de la conftitution
arrachée de ſes fondemens antiques , de nos
Joix fondamentales détruites & foulées aux
pieds ; nous ne vous parlons pas de cette exécrable
magiftrature, qui, refrainte en apparence aux ſtules
affaires d'adminiftration .... Encore un pas, & nous
( 16 )
euffions vu renaître ces jours funeftes de l'empire,
expirant , où le métier infame dedélateur étoir la
feule route aux honneurs & àla fortune. Nous
cuffions vu s'érendre le crime de leze-majefté ,
fur l'époule désolée , ſur la mere inconfolable ,
dont les pleurs auroient baigné la cendre d'un
doux ou d'un fils immole ; nous eutliors vui
pour'uivre comme, facrileges ceux qui aucieno
ofé douter de la vertu de Narciſſe ou de Sejan.
Déjà la fuppreffion illégale de pluſieurs maifons
religieuſes nous amontré ce que l'on doir
attendre d'un pouvoir qui ne connoît point de
frein ; les poffeflions mêmes d'un ordre de citoyens
, qui verſa des flots de ſang pour les
défendre & pour les foutenir , ne font p'us
reſpectées. On nous enleve la plus brile prérogative
de nos fiefs , la jurisdiction ſeignenriale
; cette jurisdiction , le patrimoine de nos
peres , le prix de leurs exploits glorieux ; cette
jurisdiction qui nous a été gar ntie tant de fois
par le Souverain même , fois par les actes d'invetiture
, ſoit par le pacte inaugural.
Et cependant ſi quelque choſe doit être ſacré,
c'eſt la propriété du citoyen ; c'eſt le premier
qui entoura un champ d'une ha'e & s'en réſerva
les fruitsà lui ſeul , qui fut le véri able fon
dateur de la ſociété civile. La conſervation des
fruits de ce champ furent la baſe du contrat
fecial; point de propriété, point de peuples
point de Souverain.
Les Etars de Hollan le ont déjà répondu,
dit on , auMémoire que leur a remis l'Envoyé
dePruſſe , de la part du Roi ſon Maîtr
& ont expédié à Berlin , par un Courier extraordinaire
, cette Réponſe déclinatoire, ea
( 187 )
core incor nue au Public , quoique les Gazetiers
en aient deviné le contenu.
Les Erats d Utrecht ont publié une Amnifte
générate en faveur des Habitans de
Wyck, rent ée ſous leur obéillance ; mais en
en exceptant les nommés de Nyff, Chef du
Corps Franc , le Miniſtre Evangélique van
derKempt , qui s'étoit armé dès l'origine , &
le Bourguemaître la Faille , tous trois traduit
à Amersfoort , & deſtinés à un procès
criminel . Les habitans d'Utrecht, par repréfailles
, difent ils , ont fait enfermer toutes les
familles & les Membres de l'ancienne Ri
gence dans leurs maisons , les regardant
commedes ôrages.
L'ancienne Conſtitution & les droits du
Stathoudé at , tels qu'i's furene érablis an
1747, & conſolidés en 1766, ayant été co
firmés par la Régence de Middelbourg ,le
calme s'eſt rétabli dans cette Capirale de la
Zé'ande , & au même prix , à Fleſingue &
Zriczée, deux villes dont les Conſeils avoient
penché vers le Parti Patriote.
Les Erats d'Overyſſel , qui vo entde con
cert avec ceux de Hollande , ont fair rentrer
la vile deHaſſeit dans le devo r, en pardon.
nant la révolte qui l'y avoir fouftraire. Ils ,
ent auffi fufpendu le Prince d'Orange de fa
d gnité de Stathouder & de fes cha ges de
Ca itaine & d'Amiral -Général de la Province;
enfuite , ils ont mis à la tête de leurs
Corps Francs un Officier François , nommé
Ternant.
( 188 )
Le 18 de ce mois , M. le Marquis de
Verac, Ambaíladeur de France , a remis ,
de la part du Koi fon Maître , au Greffier
de LL. HH. PP. , un Mémoire dont voici
la teneur :
Hauts & Puiſſans Seigneurs.
Le Roi a été informé que les Etats de la
province de Hollande ont propofé le7 de ce
mois à V. H. P. de recourir à ſamédiation poύς
la conciliation des différends qui diviſent la Ré
publique. Sa Majefté a été intiniment ſenſib'e à
cette marque de confiance , & elle a ordonné au
fouffigné ton Ambaſſadeur , de déclarer à Vos
Hautes Puiſſances , non ſeulement qu'elle est
diſpoſée à y répondre , mais auſſi qu'elle s'empreſſera
, autant qu'il pourra dépendre d'elle ,
au rétabliſſement du calme dans la République ,
&de la bonne harmonie entre les differens membres
de l'Union. Le Roi ſaiſit avec empreflement
cette occafion , pour exprimer à V. H. P. la
vive douleur que lui caufent les troubles qui
agitent les Provinces-Unies , & pour fixer leurs
regards ſur les défaires qui en ſeroient la ſuite ,
s'ils n'étoient bientô: arrêtés.
Sa Majesté penfe , que pour atteindre ce
but falutaire , il eſt inſtant que V. H. P. prennent
les meſures les plus promptes & les plus
efficaces , pour arrêter dès à préſent les meſures
hoftiles auxquelles on ſe livre dans plufieurs proe
vinces : V. M. P. préviendront ainſi la guerre
civile , & faciliteront le ſuccès de la conciliation
, qu'il eſt ſi defirable d'effectuer. Cette exhortation
de la part du Roi lui eſt dictée par l'a .
mitié qu'il porre àla République , l'intéret qu'il
prend à ſa confervation & à fa prospérité , &
4
( 189 )
PaTetion particuliere qu'il a pour chacun des
membres qui la conftiruent.
La Haye, le 18 Juillet.
LE MARQUIS DE VERAC
Des lettres authentiques de la Weitphalie
& da Duché de ( leves confirment, que
toutes les troupes Pruſliennes de ces quartiers
font en mouvement. C'eſt le 7 que le
Général de Gaudi reçut à Welel les ordres
de ſa Cour. Un courrier pafla fur le champ
à Cleves , avec des dépêches au Préſident
dela Régence. Tous les Colleges de guere
&d'Etat s'aſſemblerent immédiatement , &
ordonnerent les livraiſons de chevaux &
d'approvisionnemens néceſſaires. A la parade
de 11 heures à Weſel , on avertit tous
les Officiers de préparer le irs équipages de
campagne , & de ſe tenir en état de marcher
au premier ſignal. Le lendemain 8 , on
tira les canons du parc , & on en fit l'examen.
Des courriers ont été expédiés en diligence
à tous les Régimens cantonnés à
Ham, à Bielefeld , Hervorden , Minden ,
Embden , &c. avec ordre de ſe mettre en
marche. Deux Régimens de Cavalerie font
déjà partis , & l'on a tracé deux camps , l'un
àGoch , l'autre à Emme ick. On a mis un
embargo fur tous les bâtimens Hollandois
qui ſe tronvoient à Wefel, afin de les em.
p'oyer au transport des munirions de guerre.
Le ic on avoit à peu près achevé de
préparer les cartouches , & ce jour là on a
fait l'inspection générale des magazins d'approvisionnement.
( 190 )
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
αaLe bruit court qu'il exifte un trait d'alliance
offerfif & défenfif entre la Grande-Bretagne
& la Pruſſe , qui a été ſcellé du grand
Sceau Jeadi dernier. Ce traité a éré , ajoute-
»t- on , immédiatement envoyé à la Cour de
>>>Berlin par un Courier particulier , qui avoit
ordre de louer un Custer , ou tout autre navire
qu'il pourroit trouver pour faire la traverſée,
s'il n'y avoit point de paquebot à Harwich.
(Morning -Herald, Gazetteer. London Chronicle.)
En 1777 , M. Hal- « En 1787 , M. Haf
tings , Gouverneur général
, reçut une pétition
de la part de Shaw
'Allum , Empereur du
Mogol , & defcendant
de Tamerlan , par laquelle
cet Empereur
lui demandoit du ſe-
_cours contre les Marattes
.
دد
-
«En 1777 , M. Pitt
plaida deux caufes dans
Westminster Hall ,
pour lesquelles il reçut
deux guinées . L'audience
finie , il alla
manger ſa cotelette au
café d'Holyland , & ſe
retira dans ſon cabinet,
dans Lincoln's Inn. >>
«Επ1777 , M. Burck
étoit regardé comme le
premier Grateur dela
tings fut pris & mis
ſous la garde de l'Huiffier
de la Chambre des
Communes, & fut obligéde
s'age ouiller devant
celledes Pairs , &
de demander à être
élargi fous caution.
1
En 1787 , M. Pitt
donna une audience au
Cock-Pitt , à laquelle
la plus grande partie de
Ja Nobleſſe qui étoit en
ville , & tous les Miniltres
étrangers afſiſterent
, pour lui rendre
leurs hommages. "
«En 1787 , on n'a
fait que touffer dans la
même Chambre ; lorf
(191 )
Chambre des Communes
, & comme le
plus formidable antagoniſte
des Miniſtres. >>
« En 1777 , le Lord
North tenoit le timon
de l'Etat , & dirigeot
toutes les affaires publiques
du Royaume.
- En 1777, Sir
étoit garçon de taverne
, &n'étoit remar.
quable que par la propreré
avec laquelle il
ſe mettost, par ſonactivité&
la maniere refpectueuſe
dont il faifoit
la révérence à ceux qui
1ai donnoient un ſchelling.
"
En
1777, un nomméArnold,
étoit à la tête
des troupes Américaiqui
ſe retirerent
du Canada : il fut un de
ceux qui firent prifon-
-nier le Général Burgoyne
à Saratoga , n
que M. Barck parle, on
le laiffe parler ſeul , &
il n'eſt formidable , dit
la même Feuille , qu'au
parti avec lequel il
vote.
En 1787 , on a vu
par les Feuilles publiques
que le pauvre Lord
North (1) fut conduit
par la mair hors de
l'Abbaye de Welminttec
, par une de ſes
fil'es."
«En 1787 , Sir
eſt Nabab , Baronec
& Repréſentant d'un
Comté en Parlement.
Il a beaucoup d'argent
dans les fonds publics ;
il a des poſſeſſions immenfes
,& faitdes precès
à ceux qui ofert
chaſſer ſur ſes terres
fans être qualifiés .
En 1787 , cemême
Arnold a des coférencesà
la Cour de S.
James , &c. &c. &c.
En1777, leColo- «En 1787 , ce mên:
1Conway, étoitAide- me Militare a prêché
(1) Le Lord North oft devenu aveugle.
( 192 )
de-campde ſir Herry
Clinton , & apporta en
Angleterre les dépêchés
de ce Généra . »
a En 1777 , le Docteur
Prettyman étoit
Bourfier d'un College ,
& Précepteur d'un
jeunehomme : en 1783 ,
il devint Secrétaire de
fon Eleve , devenu Miniftre;
il ſe trouva dan's
lagalerie de la ChainbiedesCommunes
pour
Tentendre parler , &
fut obligé d'en fortir
avec les aures fpectareurs
, fur la motion de
fir J. Lowaher.
un ſerinon ſur le texte
ſuivant: « Si quelqu'un
ste frappe fur la joue
>> gauche , préſente-lui
>> la droite. »
« En 1787 , le Docteur
Prettymanp it fon
fi ge dins la Chambre
des Pairs , & parla en
faveur dun Voiturier
infolent , arrêté ſur
l'ordre du Chancelier;
tandis que M. Pitt étoit
debout au-deſſous de la
barre , pour l'entendre.
1
J
こな
(Extrait du Woorld.)
Lorſque la Princeſſe d'Orange fut derniérement
arrêtée en aliant à la Haye ,Je Comuę de
Bentinck dit au fi's ainéde S. A. R.: Il faut
>> non-Prince , que votre pere imite Amilcar ,
pere d'Annibal , & vous fafle jurer aux pieds
>> des Autels de ne. jamais pardonner à ces auda-
>>cieux infurgens. >> A quoi le jeune Prince répondit
avec eaucoup de fang- froid , mais avec
fermeté: a Monfieur le Comte , je crois pouvoir
>>>me flatter de ne jamais manquer à ce que je
>>dois à mes auguſtes parens; je fers ar ffi que je
n'oublierai point ces infultes récentes; mais
fi Fon vient à réparer ces torts , je me flatte
d'étre trop bon Hollandois pour ne pas pardonner
& oublier, »
(Morning- Chronicle : Universal Regifler .)
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
LeJournal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts; les Spec
tacles; les Causes Célebres ; lesAcadémies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits ,
Arrêts; lesAvisparticuliers,٤٠٠٤٠
SAMEDI 4 AOUT 1787 .
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure, Hôtel de Thou;
rue des Poitevins , No. 17 .
AvecApprobation & Brevet du Roi.
TABLÉ
Du mois de Juillet 1787.
55 PIECES FUGITIVES . Atlas du Commerce ,
Réponse à une Invitation de Histoire de la dernière Guerre,
diner à la Campagne ,
Madrigal,
LesAnes, Fable,
Vers préfentés à S. 4.
Mme la D.de B. ,
de
Optique de Newton ,
69
72
ibid. Essai historique fur l'Hôtel-
79
,ou la Chaumière , 80
S. Dieu de Paris,
49 Loufa,ou
VersàM.d'Herm Mail- Periftive, τος
lane, SoDifcours choisis de Cicéron ,
LaFêtedel'Aigle, FableAl-
119
légorique , 51 Histoire des Troubles de l'ALes
Cachots, Elégie,
Vers àMiles Descarfin ,
mérique Angloiſe , 326
100
97Louise 135
Sur l'Amour , ibid. Elogede M. deBurigny , 151
Traduction d'un morceau du Recherchesfur les Maures,197
PaftorFido, 145
Le Cygne & les Canards ,
OEuvres de Jurisprudence de
M. Bouhier , 163
Fable, 148 Afpafie,
170
Charades, Enigmes& Logo
gryphes , 6 , 13 , 101 , 149
NOUVELLES LITTER .
Variétés,
Extrait du Rapportfait à l'Académie
des Sciences , 173
40 , 178
Discours fur le Droit Ro
main,
Vies des Grands Hommes du
Chriftianisme , 17
SPECTACLES.
Acad. RoyaledeMusiq.
Comédie Françoise ,
Comédie Italienne ,
82, 182
185
Geneviève de Cornouailles, 25 Annonces &Notices,43,90,
LesTerriersrendusperpétuels ,
138,188
30
29
A Paris de l'Imprimerie de M. LAMBERE ,
rne de laHarpe, près S.Come.
MERCURE
DEFRANCE.
SAMEDI 4 AOUT 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A ZULMÉ , en lui envoyant un Bouquet ,
le jour de Sainte - Madeleine.
LAA
céleste Beauté, qu'on célèbre en cejour ,
Fur ſenſible, dit-on , &même un peu fragile;.
Mais à la voix du ciel fon coeur devint docile ,
Et l'Amour répara les fautes de l'Amour.
De fon fort , ô Zulmé , que le votre diffère!
Sans avoir fes panchans , vous avez les appas
Jadis , ainſi que vous , Madeleine fut plaire ;
Mais elle cut des remords , & vous n'en aurez pas.
(Par M. D... à Moulins . )
:
Aij
4 MERCURE
RONDE pour le jour de Sainte- Anne,
Fête de Mme la Comteſſe DE CH......
AIR: Connoissez-vous l'AmiralAnfon ?
LES Ris, les Plaiſirs & les Jeux
Nous procurent des jours heureux.
-Ici-bas, ils prirent naiſſance
• Pour nous faire aimer l'exiſtence :
Par eux , les Dieux nous font ſentir
Qu'il faut ſe preſſer de joüir.
De nos momens faiſons un prompt uſage ,
De roſes ſemons, ſemons notrepaſſage ,
De roſes ſemons notre paffage.
N'EST- IL pas vrai , mes bons amis ,
Qu'ici tous ces Dieux ſont admis ?
Autrefois leur troupe infidelle
Voloit bientôt de Belle en Belle ;
Par ſa gaîté , par ſes talens ,
Ma Nanette les rend conftans,
De nos momens , &c.
L'AMOUR , ce petit Dieu fournois ,
Dans ces lieux loge en tapinois.
Nanette interdit à ſon âme
Les tranſports d'une vive flamme;
DE FRANCE. S
Mais on m'a dit que le mutin
Par fois lui chante mon refrain .
De nos momens , &c.
SACHONS écouter nos defirs;
Il n'eſt qu'un temps pour les plaifurs.
La riante & fraîche jeuneſſe
Bientôt nous fuit & nous délaiſſe .
Avec elle , nous dit l'Amour ,
Inſenſés , pourquoi perdre un jour ?
De vos momens faites un prompt uſage ;
De roſes ſemez , ſemez votre paſſage ,
De roſes ſemez votre paſſage,
QUAND la vieilleſſe aux cheveux gris
Nous viſitera , mes amis ,
Du charmant Dieu de la tendreſſe
Nous ne goûterons plus l'ivreſſe :
L'Amitié , Bacchus reſteront;
Avec nous ces Dieux chanteront.
De nos momens faiſons encore uſage , &c
En attendant ce bon vieux temps ,
Metions à profit nos inſtans.
Le charme de notre exiſtence ,
Ma Nanette , c'eſt ta préſence ;
Le ſecret de nous rendre heureux
Eſt dans ton coeur, eſt dans tes yeux.
De nos momens , &c .
(Par Mme de M ..... )
Ain
6 MERCURE
LE MISANTROPE Scythe , ou Hiftoire
d'Afem , tirée des Eſſais du Docteur
Goldsmith , Auteur du Vicaire de Wakefield.
Dans ces contrées où le Taurus, élevant
fa tête au-deſſus des orages , ne préſente aux
yeux du voyageur étonné que des rochers
eſcarpés , d'où ſe précipitent des torrens
écumeux , & qu'environnent toutes les variétés
d'une nature fauvage ; vers le milieu
de cette montagne horrible , loin de toute
fociété, & déteftant le commerce des hommes
, vivoit le milantrope Aſem.
Aſem avoit paffe la jeuneſſe parmi ces
mêmes hommes qu'il haiſſoit ; il partagea
long temps leurs plaitirs , & reffentit pour
eux la plus vive affection. Sa fortune fut entièrement
épuiſée à ſecourir les malheureux.
Jamais le pauvre n'eut en vain recours à lui.
Jamais le voyageur fatigué ne manqua de
trouver l'hospitalité dans ſa maifon ; enfin
Aſem ne cefla de faire le bien, que lorſqu'il
n'en eut plus le pouvoir.
Après avoir diffipé toutes ſes richeſſes dans
des actes de bienfaiſance, il crut qu'il trouveroit
quelques ſecours reconnoillans chez
ceux qu'il avoit aidés , & il s'adreſſa à eux
DE FRANCE .
7
avec une confiante ſécurité; mais ces hommes
ingrats le jugèrent bientot importun ;
car la pitié eſt de tous les ſentimens celui qui
dure le moins.
Afem vit alors le genre-humain fous un afpect
biendifférentde celui quilui avoit d'abord
tant plu . Il decouvrit des vices innombrables,
où il n'en avoit point auparavant foupconne,&
de quelque côté qu'il ſe retournát ,
la diffimulation , l'ingratitude , la trahifon
qu'il apperçut , augmentèrent for horreur
pour la fociete. Ainfi , réfolu de la fuir , il
fe retira fur le fommet fauvage & fterile du
Taurus pour s'y abandonner tout entier à
fon reffentiment , & ne vivre qu'avec le feul
homme honnête qu'il connut au monde ,
c'est-à-dire avec lui même.
t
Là , une caverne lui ſervoit d'abri contre
Pinclémence de l'air; des fruits ſauvages qu'il
recueilloit avec peine ſur le penchant de la
montagne , le nourtiffoient, & l'eau d'un torrent
étoit fa boiffon. Farouche & folitaire ,
il paffoit ſes jours livré à de profondes meditations
, & il s'enorgueilliffoit de pouvoir
exifter dans une indépendance abfolue.
Au pied de la montagne un lac immenfe
préſentoit ſa ſurface brillante , & réfléchiffoit
comme un miroir les horubles rochers qui
le couronnoient, Afem defcendoit quelquefois
au bord de ce vaſte laç , & promenoit un
reged trifte fur l'etendue des eaux. & Oh
que la Nature eſt admirable ! s'écripit-il
>> alors. Oh qu'elle eft belle , meme dans ſes
Aiv
8 MERCURE
■ aſpects les plus ſauvages ! quel fublime
• contrafte entre la plaine unie que l'onde
>> offre à mes yeux , & l'effrayante mafle de
>> ce mont , dont le ſommet eſt caché dans
ود la nue ! mais la beauté de ces objets eſt
>> encore bien au-deſſous de leur utilité. De-
>> là ſortent cent fleuves qui vont porter la
vie & la fécondité aux diverſes contrées
» qu'ils arrofent. Tout ce qui exiſte dans
>> l'Univers eſt beau , juſte & ſage , excepté
" l'homme. L'homme ſemble une erreur de
ود la Nature , & le ſeul monftre qui ait éré
» créé. Les ouragans & les tempêtes ſont
>> ſouvent utiles ; mais l'homme ingrat &
>> criminel eſt une tache à l'éternelle beauté.
» Pourquoi ſuis - je né parmi cette eſpèce
>> odieuſe , dont les vices font le ſeul reproche
qu'on puiſſe faire à la ſageſle du
Créateur ? Sans doute il n'y auroit dans la
>> Nature qu'uniformité , ordre & harmonie
ود
ود
ود ſi les hommes n'étoient point vicieux. Eh
>> pourquoi le ſont ils? Pourquoi un monde
>> parfait n'est- il pas l'ouvrage d'un agent,
> parfait ? O Alla! peux tu me laiſſer ainfi
>> dans les ténèbres , le doute & le déſeſpoir ?
En achevant ces mots il alloit ſe précipiter
dans le lac pour ſe débarraffer de tant
d'incertitude , & mettre un terme à ſon anxiéré.
Mais il apperçut tout- à- coup un être
majestueux , marchant ſur la furface des eaux ,
&s'avançant vers le côté où il étoit. Un objet
auſſi imprévu changea le deſſein d'Aſem
qui , en le confidérant attentivement
د
DE FRANCE.
9
crut voir en lui quelque choſe de divin.
" Fils d'Adam , lui cria le Génie , ne
t'abandonne plus à ton déſeſpoir. Le père
>> des croyans a vu ta juſtice & tes malheurs ,
ود
ود &il m'envoye pour te fecourir. Donne-
>>moi la main , & fuis moi , ſans crainte où
» je vais te conduire; je ſuis le Génie de la
» Conviction , employé par le grand Pro-
>> phère à guérir de leurs erreurs ceux qui ſe
>> trompent, non par un vain eſprit de curioſité
, mais avec des intentions juſtes.
» Viens . ,
"
Aſem obéit immédiatement. Son conducteur
le fit marcher quelque temps ſur le lac.
Quand ils furent parvenus vers le milieu , ils
s'enfoncèrent , & ils deſcendirent pluſieurs
centaines de coudées. Aſem ſe crut perdu
ponr jamais; mais lui & ſon célefte guide ,
arrivés au fond des eaux , ſe trouvèrent dans
un autre monde , où aucun pied mortel n'avoit
encore pénétré. L'étonnement d'Afem
fut irconcevable , quand il vitun ſoleil ſemblable
à celuiqui nous éclaire , un ciel ferein
au-deſſus de ſa tête , & une verdure fourie
fous ſes pieds.
«Te voilà plein d'admiration , lui dit le
> Genie; mais fufpends-là pour un moment.
>> Ce monde a été formé par Alla , à la prière
» & ſous l'inſpection de notre grand Pro-
>> phète , qui avoit un jour les mêines doutes
>> dont ton âme étoit remplie au moment
» que je t'ai rencontré , & dont les confé-
>> quences ont manqué de t'être fi fumeſtes.
Av
10 MERCURE
"
"
Les habitans raiſonnables de ce monde
font formés d'après tes propres idées ; ils
font abfolument fans aucun vice , & ne
>> font jamais de mal. D'ailleurs ce globe
ود
ود reflemble parfaitement à la terre. Si tu le
>>. trouves meilleur que celui que tu viens de
>>laiffer, tu es le maître d'y paffer le reſte
ود
ود
ود
de ta vie. Mais avant que tu te décides ,
permets - moi de te faire connoître les
>> compagnons de ta nouvelle demeure. >>
>>Un monde ſans vice , des étres raifonnables
fans immoralité , s'écria Afem avec
un tranſport de joie ! Je re rends grâce , ô
Alla ! puifque tu as enfin entendu mes
>> prières. C'est ici, fans doute, c'eſt ici qu'on
>> doit rencontrer la joie, la tranquillité &
>>>le bonheur.
ود
"
ود
ود
>>Point tant d'exclamations , lui répliqua
le Génie; regarde autour de toi , réfléchis
for tous les objets qui te frapperont , &
>> fais-moi part de tes remarques. Mais par-
>> coutons un peu le pays , dirige- toi du côté
>> que tu voudras , je te ſuivrai , & je t'éclai-
>> rerai fur tout ce qui t'intéreſſera. »
Afem& fon compagnon marchèrent quelques-
temps en filence. Aſem étoit confondu
d'éronnement ; mais enfin recouvrant un peu
fon fang-froid , il obſerva que la campagne,
quoiqu'égale à celle qu'il avoit laiſſfee ,
ſembloit conferver l'afpect rude & ſauvage
des premiers jours de la création.
Je vois là des animaux de proie ,
dit
DE FRANCE. Π
>> Afem,& d'autres qui paroiſſent ſeulement
>> créés pour leur ſubſiſtance. Il en eſt de
» même du monde qui eſt au- deſſus de nos
- têres. S'il m'avoit été permis de donner
>> mes conſeils à notre faint Prophète , il fe
ود ſeroit épargné cette faute , & on n'auroit
>> point vu des animaux voraces & deftruc-
>> teurs , qui ne ſont employés qu'à tour-
>> menter les autres eſpèces. Ta bienveil-
→ lance pour les animaux est bien remar-
> quable , dit le Génie en ſouriant ; mais
>> quant à ce qui concerne les créatures privées
de raifon , ce monde reſſemble exactement
à l'autre , & cela par une caufe
bienſenſible. La terre peut fupporter une
>>plus grande quantité d'animaux , parce
>> qu'ils ſe mangent les uns les autres , que
72
ود
ود
ود
ود
s'ils vivoient tous des productions végétales.
Ainli , des étres d'une eſpèce diffé-
>> rente , formés pour s'entrenourrir , au-
>> dieu de diminuer leur multitude, fubfif-
>> tent dans le plus grand nombre poffible.
>> Maisavançons du côté du pays habité , qui
ود
ود
eſt devant nous , & vois ce qu'il t'offre
pour ton inftruction . »
Ils eurent bientôt traverſé la forêt , & ils
entrèvent dans une campagne où vivoient
des hommes fans aucun vice. Afem jouiffoir
d'avance en idée des plaiſirs qu'il alloit avoir
parmi une innocente ſociété. Mais à peine
fortoient- ils du bois , qu'ils rencontrèrent un
homme épouvanté , courant de toute la
force , & poursuivi par une avance d'eau-
Av
12 MERCURE
ود
ود
reuils. " Bon Dieu , s'écria Aſem , pourquoi
fuit-il ? Peut-il avoir peur d'animaux fi mé-
>>prifables? Comme il prononçoit ces
mots , il apperçut deux chiens prêts à faifir
un autre homme qui ſe ſauvoit , non moins
effrayé que le premier. " Ceci me ſemble
ود bien furprenant , dit Afem à fon guide ; je
>> ne puis en concevoir la raifon. Chaque
>> eſpèce d'animaux , répondit le Génie , eft
>>devenue ici très- puiſſante , & d'autant
>> plus nombreuſe , que les hommes ont jugé
> qu'il feroit injufte de rien détruire ;
ود auſſi leur pays eft il ſans cefle troublé &
>> ravagé par les animaux. On auroit dû les
>> combattre , s'écria Afem , ne voyez vous
ود
ود
pas le danger d'une telle négligence ? Où
eſtdonc cette tendre affection que tu avois
>> pour les étres foibles , répliqua le Génie
ود enfouriant? Tu ſembles avoir déjà oublié
>> tes principes d'équité. Je dois avouer mon
>> erreur , ajouta Aſem, je ſuis maintenant
» convaincu que nous devons néceflaire-
>> ment être coupablesd'injuſtice & de tyrannie
envers les êtres privés de raiſon, fi nous
>> voulons exiſter tranquillement. Mais ne
nous arrêtons pas plus long temps à ce que
les hommes doivent aux brutes , & examinons
leur rapport entre-eux. »
ود
ود
A mefure qu'ils s'avançoient dans la campagne,
Afem étoit extrêmement ſurpris de
ne rencontrer ni joties maiſons , ni villes , ni
aucune marque d'induſtrie. Son conducteur
obſervant fon étonnement, lui dit que les
DE FRANCE.
habitans de ce nouveau monde étoient fatisfaits
de leur fimplicité première ; que chacun
d'eux avoit fa chaumière qui, quoique pauvre,
lui fuffitoit pour loger ſa petite famille; qu'ils
étoient trop honnêtes gens pour s'amuter à
bâtir des maiſons commodes, qui leur donneroient
de l'orgueil , & reveilleroient l'envie
des ſpectateurs , & qu'enfin celles qu'ils
conftruifoient étoient pour leur néceflité , &
non point pour faire une folle parade d'élégance.
" Ainfi , dit Afem , ilsn'ont ni Archi-
» tectes , ni Peintres , ni Sculpteurs ; ils
» s'épargnent des arts inutiles. Cependant je
>> vous prie de me préſenter fans délai dans
>>la fociété des hommes ſages. Iln'y a rien
» qui me plaiſe plus au monde qu'une con-
>> verſation agréable, rien que j'aime autant
و د
que la ſageſſe. La ſageſſe , répondit le
» Génie , combien elle eſt ridicule ! nous
» n'avons point ici de ſageſſe; car elle y fe-
>> roit inutile. La vraie ſageſſe eſt la connoif-
و د
ſance de nos devoirs envers les autres , &
>> des devoirs des autres envers nous. Or , à
» quoi cette connoiffance ſerviroit- elle ici ?
>>Chaque individu fait ce qui hui convient
" lui feul, & il laiſſe ſes voians en faire de
même. Si par ce mot ſageſſe tu entends
>> une frivole curiofité , des ſpéculations va
و د
و د
gues , & ces fortes de plaisirs qui rirent
> leur origine de la vanité ou de l'intérêt ,
و د
nous formes trop bons pour les recher
> cher. Tout ceh peut être juſte , dit Aſem ,
» mais j'obſerve que le goût de la folitude
14 MERCURE
>> paroît être général; chaque famille eſt ſé-
>> paréedesautres& renfermée en elle même.
>> Cela est vrai , répondit le Génie , nous
>>n'avons point içi de ſociété , ni nous ne
ود pouvons en avoir. Toutes les ſociétés ſont
>> formées par la crainte ou par l'amitié. Ici ,
le peuple eſt trop humain pour infpirer
aucune crainte ; & comme chacun a le
» même mérite , nul ne peut s'attirer une
> amitié particulière.
ود
ود
>> Fort bien , dit le Miſantrope ! Mais
» comme je dois paffer ma vie au milieu de
ود ce peuple , ſi je n'y trouve ni beaux- arts ,
" ni fageffe , ni amitié , je ferai au moins
>> bien-aiſe d'y rencontrer un compagnon
» qui me communique ſes penfees , & à
» qui je puiffe faire part des miennes. Et
>> pourquoi cela , répliqua le Génie ? La flat-
>> terie & la curioſité font des vices qu'on
> n'admet point en ces lieux ; & quant
>> l'inftruction , nous n'en avons pas beſoin.
>>Au moins , repritAfem, les habitans doi-
>> vent être heureux. Contens de ce qu'ils
>> poſsèdent , ils ne ſe tourmentent pointpar
> avarice pour amaſſer au delà de ce qu'il
>> leur faut; ils ont le temps & le defir de
>> fecourir ceux qui font dans l'infortune.>>>
Dans le même inſtant ſon oreille fut frappéepar
les cris &les lamentations d'un malheureux
couché fur le côté du chemin , &
qui deploroit ſa misère. Afem vola vers lui,
& le trouva plongée dans les cruelles angoiffes
de la faim.
DE FRANCE. 15
"
"Que ceci me paroît étrange , s'écria le
fils d'Adam ! Comment des hommes , qui
n'ont aucun vice , peuvent-ils voir des
>> malheureuxfans les foulager ?
ود
>>N'en fois point étonné , lui dit le mou-
>> rant , il feroit de la plus grande injuftice
>> que des êtres qui n'ont abfolument que ce
» qu'il leur faut pour eux- mêmes , ſe pri-
> vaffent du peu qu'ils ont, afin de me le
>> donner. Comment leur feroit-il poſſible de
ود s'en paſſer ? Ils devroient ſe procurer au-
>> delà de ce qui leur est necefinire , s'écria
Afen. Oui , j'abandonne l'opinion que
j'avois il n'y a qu'un moment , & je vois
> que tout est doute , perplexité & confinion.
ود
>>Ce n'est pas même une vertu parmi ces
hommes, que de n'èrre point ingrat , puif-
>> qu'on n'y reçoit jamais de bienfair. Mais
ود
ود ils ont fans doute quelque autre bonne
>> qualité: l'amour de la patrie eſt, ſans doute,
ود dans leur coeur.
>>Paix , Afem , lui dit fon conducteur avec
>> une contenance mêlée de févérité & de
>> nobleffe , raiſonne plus conféquemment.
ود Le motifparticulier qui nous fait préférer
» notre intérêt à celui des étrangers , eſt le
même qui nous engage à chérir notre pays
>>plus quetoutautre . Mais rien n'eſt plus éloi-
> gné du vice qu'une bienveillance générale,
>> comme tu vois qu'on la pratique ici .
>>Quelle bienveillance , s'écria avec douleur
le trifte Alert! & dans quel etrange
16 MERCURE
→ monde ſuis-je maintenant ! la tempérance
>> eſt la ſeule vertu qu'on y trouve. La gran-
>> deur d'ame , la liberalité , l'amitié , la fa-
>>geile , les converſations inſtructives , l'a-
> mour de la patrie ſont des vertus incon-
ود
nues. Il me ſemble à préſent que de ſe
>> borner à ne pas connoître le vice , ce n'ett
>> point être vertueux. O bon Génie ! rame-
ود
ود
ne - moi dans ce monde que je mépriſois.
Un monde dont Alla a été le Légiflateur ,
>> vaut mieux que celui qu'a inventé Maho-
» mer. Je puis à préfent fupporter l'ingra-
>> titude, la haine & le dédain; je lai peut-
>> être mérité. Quand j'accuſois la fageffe de
>> la providence , je prouvois la foibleiſe de
>> mes vues. C'eſt pourquoi je vivrai défor-
>> mais exempt de vice moi même ; mais
» j'aurai pitié de ceux que le vice féduira. >>>
Apeine il eut prononcé ces mots , que le
Génie prenant un air fatisfait , raffembla fes
foudres autour de lui ,& difparut comme un
éclair. Afem , rempli d'étonnement & de
terreur , cherchoit encore fon monde imaginaire;
mais jetant les yeux fur ce qui l'entouroit
, il ſe trouva à la même place & dans
la même ſituation où il étoit en cominançant
à s'abandonner à fon defeſpoir. Son pied
droit étoit levé pour ſe précipiter dans le lac,
kerſque la Providence l'arrêta tout-à- coup ,
&le frappa par le tableau des vérités qu'elle
imprima dans fon âme. If quitta alors lebord
du grand lac avec tranquillité , renonça à
Thorrible féjour qu'il habitoit , & marcha
DE FRANCE. 17
vers Ségeſtan , lieude ſa naiſſance. Là, il s'appliqua
au commerce , il profita de cette fagelle
qu'il avoit acquiſe dans ſa ſolitude. Son
travail & fon économie lui procurèrent en
peu d'années une affez grande opulence. Le
nombre de ſes domeſtiques s'accrur. Ses amis
revinrent de tous côtés ; il les reçut avec
bienveillance ; &une jeunelle malheureuſe
fut ſuivie d'une vieilleſſe remplie d'aiſance ,
de joie & de tranquillité.
(ParM. de Larival. )
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphedu Mercure precédent,
LE mot de la Charade eſt Falot ; celui de
l'Enigme eſt Politique ; celui du Logogryphe
eſt Rideau , où l'on trouve Dieu , air, eau ,
resive , ride , Ida.
Tu
CHARADE.
Utrouveras , mon cher Damon ,
Quatre voyelles dans mon nom.
Dans la première , une exclamation ;
Prenons-en deux , une conjonAion ;
Joignons en trois , une affirmation ;
18 MERCURE
Etde mon tout dans la réunion
Ce qu'il faut en confeffion .
(Par le F. Venance Dougados , de Carceffonne,
Religieux Capucin , brudiant en Theologie,
au Couvent d'Orient en Rouergue. )
JE
ÉNIGME.
E fuis une Dame étrangère;
Je ſers l'intérêt , le plaifir ;
J'en rougis pourtant d'ordinaire ,
Car quoique femme on peut rougir.
Mais admirez mon caractère ,
Caractère raje en effet ,
Je ſuis la dupe du myſtère,
Et je brûle pour le ſecrer.
(Par le même. )
LOGOGRYPHE.
MELANGE trop confus , peut-etre,
De lueur & d'obscurité ,
L'oiſiveré me donna l'être ,
Er je vis de l'oiſiveté.
Pour ſavoir qui je ſuis, épargne un foin extrême ;
Cher Lecteur , tu me tiens , tu me vois , c'eſt moimème.
Dérange mes dix pieds , d'abord ta trouveras
DE FRANCE.
19
Cequi porte un Héros au milieu des combats ;
Deux fleuves renommés ; un produit de la terre ;
Une Belle qui plut au maître du tonnerre;
Un inſtrument chéri du plus ſavantdes Dieux ;
Un oiſean babillard ; un fruit délicieux ;
De la mort des Martyrs un inftrument funefte ;
Cequemon pauvre auteur doit fuis comme tapeſte;
Ce qui de ſes pareils fixe l'ambition ,
Et dont le fort jaloux prive encor ſon menton;
Un monftre fabuleux , vorace , carnivore ;
Cequi compte le temps par un airain fonore;
Un mortel qu'on élève au ſouverain pouvoir ,
Et cequi nous contient dans un juſte devoir.
R
(Par le même. )
NOUVELLES LITTERAIRES.
LES Métamorphofes d'Ovide , en vers
François; Livre IV, avec une Préface &
des Notes ; par M. de Saint-Ange. AParis ,
chez Moutard , Imprimeur - Libraire , rue
des Mathurins , hôtel de Cluny ; Valleyre,
Imprimeur- Libraire , rue de la Vieille Bouclerie
, & au Palais Royal, 1787 .
Le mérite de cette Traduction eft connu ;
occupons- nous de ce quatrième Livre.
Ovide compare les embraffemens de Sal
20 MERCURE
macis & d'Hermaphrodite , qui ſe débat contre-
elle , au ſerpent emporte en l'air par un
aigle , malgré tous les efforts qu'il lui oppoſe :
Denique nitentem contra elabique volentem
Implicat, utferpens quem regiafuftinet ales ,
Sublimemque rapit. Pendens caput illa , pedesque
Alligat , & candâfpatiantes implicat alas.
Un ferpent par un aigle emporté dans les airs ,
Tel entoure à la fois de longs anneaux divers ,
Et ſa tête & ſes flancs , & ſes ſerres cruelles ,
Et de noeuds redoublés embarraſſe ſes ailes.
Cetableaudu combat de l'aigle &du ferpent
femble avoir plu particulièrement aux Poëtes
Latins. M. de Voltaire , dans la Préface de
l'Orphelin de la Chine , cite , à ce qu'il nous
ſemble avec un peu trop d'éloge , un tableau
à peu-près pareil, qui ſe trouve dans des vers
de Cicéron :
Sicjovis Altifoniſubitò pennataſatelles
Arboris è truncoSerpentisfaucia morfu
Subjugat ipfaferis transfigens unguibus anguem.
Semanimum & varia graviter cervice micantem ,
Quem se intorquentem lanians roftroque cruentans ,
Jamfatiata animos ,jam duros ulta dolores ,
Abjicit efflantem , & moribondum affligit in unda.
M. de Voltaire a honoré ce morceau d'une
Traduction que nous trouvons bien ſupérieure
à l'original.
DE FRANCE 21
Tel on voit cet oiſeau qui porte le tonnerre ,
Bleſſépar un ſerpent élancé de laterre :
Il s'envole , il entraîne au ſéjour azuré
L'ennemi tortueux dont il eſt entouré.
Le ſang tombedes airs; il déchire , il dévore
Le reptile acharné qui le combat encore ;
Il le perce , il le tient ſous ſes ongles vainqueurs ;
Par cent coups redoublés il venge ſes douleurs..
Le monftre en expirant ſe débat , ſe replie;
Il exhale en poiſons les reſtes de ſa vis ;
Et l'aigle tout ſanglant , fier & victorieux ,
Le rejette en fureur , & plane au hant des cieux.
Mais c'eſt dans Virgile & dans un Livre de
l'Énéïde où on ne va guères chercher de
grandes beautés , ( le onzième ) qu'on trouve
ce même tableau tracé véritablement par la
main d'un grand Peintre.
Uique volans alıè raptum cùm fulva draconem
FertAquila , implicuitque pedes atque unguibus hefit;
Faucius atferpensſinuoſa volumina verſat ,
ArrectisquehorretSquamis &fibilat ore ,
Arduus infurgens ; illa haud minùs urget adunco
Luftantem roftro ,fimul ethera verberat alis.
Quelles images ! quelle énergie & quel bonheur
d'expreffion! Implicuitque pedes atque
unguibus hafit ; vous voyez l'aigle enfoncer
tranquillement & fortement ſes ongles dans
le corps du ferpent pour le tenir affujetti ,
finuofa volumina verſat,arrectis horretSqua
22 MERCURE
:
mis ; il eſt impoſſible de peindre plus énergiquement
les efforts inutiles & la colère impuiſſante
du ferpent. A ce trait qui termine
le tableau , fimul athera verberat alis , vous
croyez entendre le battement des ailes &
voir leur mouvement. C'eſt bien véritablement
L'aigle fière & rapide aux alles étendues.
Le tableau de Cicéron a été traduit par M. de
Voltaire, celui d'Ovide par M. de Saint Ange ,
celum de Virgile attend enco e un Traducteur.
Ovide n'ayant peint le combat de l'aigle&
du ferpent que pour faire une comparaiſon ,
y a joint encore deux comparaiſons differentes.
Utque folent hedera longos intexere truncos,
Uive fub aqueribus deprenfum Polypus hoftem
Continet, ex omni dimiffis parteflagellis.
Ces vers affurément n'étoient pas faciles à
rendre , & la difficulté nous ſemble heureu-.
ſement vaincue.
Telau tronc d'un érable ou d'un 'chêne noueux
Serpente &s'entrelace un lierre tortueu
Tel encor reſſerrant les réſeaux qu'il déploie ,
Un Polype fous l'onde enveloppe ſa proie.
M. Dorat a imité cette Fable de Salmacis ;
M. de Saint Ange le juge avec une ſévérité
qu'on ne peut guères taxer d'injaſtice , &
۱
DE FRANCE.
23
qui offre des obſervations utiles pour le goût.
Les amis de M. Dorat en rabattront ce qu'ils
võudront ; mais il faut que les jeunes gens
fachent cequuee les Gens de-Lettres ont à dire
contre le genre &le talent deM. Dorat .
ود
Decipit exemplar vitiis imitabile.
•Toutes ces images , fi heureuſes & fi.
poétiques ( celles que nous venons de rapporter
d'Ovide & de M. de Saint-Ange) ſont
effacées , dit ce dernier , dans l'imitation de
M. Dorat. Il choifit précisément la moins
>> neuve pour la conferver ; encore l'exprime-
t'il d'une manière triviale , rebattue &
>> défectueuſe :
"
ود
Tel le lierre en naiſſant , ſur la terre couché ,
Serpente autour du chêne & s'y tient attaché.
ود
> Qu'importe ici la circonſtance du lierre en
>> naiſſant fur la terre couché? Qui ne ſent
combien elle eſt inutile , fauffé & hors de
>>place ? Veut-on voir quel heureux ufage
>> Deſpréaux a ſu faire de la même figure?
Comme on voit dans les champs un arbriſſeau débile
Qui, fans l'heureux appui qui le t'ent attaché ,
Languiroit triſtement fur la terre couché.
>>Belle preuve que fouvent l'emploi d'une
>> image ou d'une penſée en fait tout leprix !>>>
On ne peut nier que ces rapprochemens &
des comparaiſons ne foient très - propres à
former le goût. M. Dorat n'eſt pas mieux
24 MERCURE
traité ſur pluſieurs autres détails de la même
Fable de Salmacis .
• S'agit- il de décrire la fontaine de Salma-
> cis? Il remplace par des images vagues &
factices lapoéſie la plus vraie & la plus pit-
ود
>>toreſque :
D'un ombrage éternel leprintemps la couronne ,
Et Flore n'y craint point le retour de l'automne.
ود
Ces rapprochemens froids & meſquins
>>de Flore & de l'automne ne ſont point
>> d'Ovide , mais de M. Dorat, » à qui M. de
Saint - Ange applique ici , fuivant l'intenzion
& l'esprit du fondateur, ces deux vers
bien connus :
Et rebattant toujours leurs infipides airs ,
Sans Flore & lesZéphirs n'auroient pointfaitde vers.
Ovide avoitdit avec ſimplicité :
Non illic canna palustris ,
Nonfteriles ulva nec acutâ cufpidejunci;
Perfpicuus liquor eſtſtagni tamen ultima vivo
Cespite cinguntur, femperque virentibus herbis.
Rienn'en ternit laglace unie & diaphane ;
Ni l'algue ni le jonc jamais ne la profane.
Un tapis de gazon qui berde le baffin ,
D'une verte ceinture environne ſon ſein.
On voit quelle eſt l'attention du Traducteur
à refter toujours auſſi près de l'original
que les entraves de la poéſie peuvent le permettre.
DE FRANCE.
mettre. La verte ceinture, qui moins bien
placée & moins bien employée , pourroit
avoir quelque air de recherche , eſt parfaitement
juſtifiée ici par les deux mots cinguntur
&virentibus.
i
2
Le portraitdufils de Mercure&de Vénus ,
tracé par le Poëte François, qui avoit l'ambition
d'ètre le Peintre des Graces, ( toujours
M. Dorat ) n'a pas plus que tout le reſte le
fuffrage de M. de Saint-Ange.
Il découvre à la Nymphe en quittant ſes habits ,
Lajeuneſſe en ſa fleur prête àdonner des fruits :
Cene font point ces traits , cette expreſſion male ,
Etces muſcles nerveux qui fatiguoient Omphale .
Nide nos demi-Dieux les brillans attributs ,
Soyez bien perfuadé , dit M. de Saint-Anger
qu'iln'eſt queſtion dans Ovide ni d'Omphale ,
ni de Vénus , ni d'Adonis ; qu'on n'y trouve
point cette petire antithèſe de fleur & de
fruits, fi froide& fi déplacée. Ajoutons que
la rime de fruits avec habits eſt plus qu intaffifante.
Les muscles nerveux qui fatiguoient
Omphole : cette expreſſion ne déplaira pas
à tout le monde ; mais pourquoi nous dire
tout ce que le jeune Hermaphrodite n'eſt
pas , au lieu de nous dire ce qu'il eſt ? Je fais
qu'on peint aufli par les contraſtes & les négations;
mais il faut fur-tout peindie poſitivement
& diftinctement ſon objet.
On ne trouve pas davantage dans Ovide ,
ditM. de Saint-Ange , les deux vers ſuivans
Νο. 30 , 4 Αούτ 1787. B
26 MERCURE
:
:
pour exprimer la métamorphoſe du jeune
homme &de la Nymphe :
Sur une même tige ainſi l'on voit deux roſes
Mourir en même-temps , en même-temps écloſes,
Toujours des rofes ! & puis qui parle ici
d'éclore&de mourir en même-temps ?Ovide
n'a rien de ſemblable. Son ſtyle n'offre au
cune de ces mignardifes.
Velutfi quis , conduciâ cortice , ramos
Crescendojungi ,pariterque adolefcere cernat.
Tels deux jeunes rameaux , ferrés de noeuds étroits,
Ne forment qu'une tige , &croiſſent à-la- fois.
C'eſt beaucoup pour un Traducteur, fur- tout
pour un Traducteur en vers , de n'être pas
trop inférieur à l'original , c'eſt une grande
gloirede l'égaler; oferions nous dire qué dans
quelques détails M. de Saint Ange nous paroît
avoirde l'ayantage ſur le tien , & qu'il
lui arrive quelquefois de l'embellir, mais tou
jours en prenant ſon eſprit , toujours en le
ſuivant pas à pas , & comme il eſt permis à
l'art d'embellir la Nature , en la ſervant& en
lui obéiſſant,
Lorſqu'Apollon s'introduit chez Leucothoë
, ſous les traits d'Eurynome , ſa mère ,
&demande à l'entretenir en particulier :
Res, ait , arcana est : famule , difcedite, neve
Arripite arbitrium matri ,ſecreta loquenti.
DE FRANCE.
27
Éloignez-vous , dit- il ,& laiſſez une mère
Avec ſa fille ici s'expliquer ſans myſtère.
Nous ne citons pas ces vers comme bien
difficiles, ni comme bien remarquables ; nous
obſervons ſeulement que les vers François
nous paroiſſent l'emporter pour la précifion
&le naturel ſur les vers latins; ceux-ci ont
peut-être le défaut d'être un peu traînans.
Quand on a dit: Res areana eft, famula difcedite
, tout paroît dit , & l'action & le motif,
& ce qui ſuit fait un peu longueur.
Neve
Aripite arbitrum matriſecreta loquenti.
Dans le François, au contraire, il n'y a rien
de trop ; car le motif n'eſt expliqué qu'après
qu'Eurynome adit :
Et laiſſez une mère
Avec ſa fille ici s'expliquer ſans myſtère.
Apollon , ſeul avec Leucothoë , ſe fait connoîtreàelle:
Omnia qui video , per quem videt omnia tellus,
Mundi oculus : mihi , credeplaces.
Parmoi ſeulon voit tout; ſeulje voistout au monde;
Mais je n'y visjamais riende ſi beau que vous.
Je vous aime , & vous plaireeſt monvoeu le plusdoux.
Nous remarquons deux choſes ſur ces vers;
l'une , qu'à la réſerve du ſeul mot que nous
avons ſouligné dans le ſecond vers, tous les
Bij
28 MERCURE
autres mots font des monofyllabes , de forte
que ce ſont preſque trois vers monofyllabiques
de ſuite; fingularité dont on ne trouveroit
peut-être point d'autres exemples ;
mais fingularité abſolument in différente , &
qui n'eſt ni un mérite ni un défaut.
La ſeconde choſe eſt qu'à toute rigueur ,
le ſecond vers :
Mais je n'y vis jamais rien de fi beau que vous,
n'eſt pas dans l'original , & qu'il a l'air d'une
galanterie Françoiſe ; mais il lie parfaitement
bien le premier vers avec le troiſième , & il
eſt bien dans l'eſprit de l'original , puiſqu'il
s'agit d'une déclaration d'amour qu'Apollon
fait a Leucotho ;
Pavet illa : metuque
'Er colus , &fufus digitis cecidere remiffis ;
Ipfe timor decuit : nec longius illemorates ,
In veram rediitfaciem folitumque nitorem.
Atvirgo , quamvis inopino territa vifu ,
Victa nitore , Dei ,pofitâ vim paſſa querela eft,
Leucothsë pâlit. Une frayeur ſoudaine
Fittomber ſes fuſeaux de ſa main incertaine .
Mais ſa pâleur encore ajoute à ſa beauté,
Le Dieu , jaloux de vaincre un reſte de ficrzé ,
Semontre à ſes regards ſous ſa forme immortelle ,
Et ſon front de rayons & d'amour étincelle ;
L'amante , à cet aſpect qui trouble tous ſes ſeos.
Eède,ſans trop ſe plaindre , à ſes deurs preflaus.
DE FRANCE. 19
Dans ce morcean le Traducteur nous paroît
ajouter diverſes beautés à l'original .
Le Dieu , jaloux de vaincre un reſte de fierté,
Se montre à ſes regards ſous ſa forme immortelle.
Le premier de ces deux vers n'est pas dans
Poriginal ; mais le ſentiment qu'il exprime
devoit être dans le coeur d'Apollon , & par
antour & par vanité , ſi on peut appeler va
nité dans un Dieu le ſentiment de les forces
&la connoiffance de ſes moyens de plane.
Il ſavoit qu'en ſe montrant fous ſa forme divine
, il accéléreroit ſa victoire , il ſe hare
doncde la prendre ,
Nee longius ille moratus.
LeTraducteur ne faut donc que développer
avec goût un ſens très fin , caché fous les expreſſions
fimples d'Ovide , & julifié après
coup par cet hémiſtiche:
Victa nitore Dei.
Il en eſt à peu-près de même de ce vers:
Etſon frontde rayons & d'amour étincelle.
Ovide dit ſeulement folitum nitorem , ce qui
ne déſigne que les rayons ; mais l'Amour qui
entlaminoit les regards du Dieu , & pallionnoit
ſon viſage , étoit une autre beauté ,
nitor , qui appartenoit au moment & à la
fituation , & que le Traducteur a bien fait
de lui donner.
Pour offrir des exemples de genre & de
F
:
Biij
30.
MERCURE
A
caractère divers , rapportons ici la métamorphoſe
d'Atlas en rocher, à l'aſpect de la têre
de Méduse ; c'eſt un tableau qui demande de
la vigueur dans l'expreſſion .
Quantuserat, monsfaitus Atlas. Jam barba comaque
Infylvas abeunt:jugafunt humerique manuſque ;
Quòdcaput antèfuit,fummo est in monte cacumen,
Offa lapisfiunt: tùm partes aučtus in omnes
Crevit in immenfum , (fic Di ftatuiftis ) & omne
Cum tot fideribus cælum requievit in illo.
Soudain à cet afpect d'horreur inanimé ,
En un mont ſourcilleux Atlas eſt transforme.
Sa taille s'agrandit: fon front ſombre & terrible
Eſt la cîme d'un roc neigeux , inacceffible.
Sa barbe , ſes cheveux fe changent en forêts ;
Sesépanies , fes bras , en côteaux , en ſommets.
Ses vaſtes ornemens derechers ont la forme ,
Sa baſe inébranlable eſt une maffe énorme,
Sa hauteur est immense ; &, par l'ordre des Dieux,
Ce coloſſe à jamais porte le poidsdes cicux.
T
Dans la Fable d'Andromède & de Perſée ,
le Traducteur décrit plus fortement qu'Ovide
lemonftre marin qui vient pour dévorer Andromède:
Avec un bruit affreux
L'onde s'enflè , & vomit de ſes ſlancs écumeux
Un menſtre armé de dents , à la gueule béante ,
Qui fous fon corps au loin preſſe la mer bruyante,
:
DE FRANCE. 31
-
Ovide s'étoit contenté de dire :
Unda
Infonuit, venienfque immenso bellua ponto.
Eminet , & latum fub pectore poſſidet aquor.
1
M. de Saint-Ange paroît avoir voulu tout
autant lutter contre Racine , dans le récit de
Théramène , que contre Ovide dans cette
deſcription du monftre.
Ovide continue :
Conclamat virgo : genitor lugubris & amens
Mater adeft : ambo miferi ,fedjustius illa.
Andromède dans l'air jette un cri plein d'horreur;
Céphée& Caffiope, éperdas de terreur ,
Père trop malheureux , mère trop criminelle .
Sont punis dans leur fille , &plus juſtement qu'elle,
Ici M. de Saint-Ange paroît avoir cru que
dans ces mots :
Sedjuftius illa.
Le mot illa étoit à l'ablatif , puiſqu'il a traduit,
&plus justement qu'elle. Ce feroit une
erreur ; illa eſt au nominatif. Ovide ne compare
point Céphée & Cafliope avec Andromède,
mais Caſſiope ſeulement avec Céphée ,
tous deux malheureux ; mais Caſſiope l'ayant
plus mérité que Céphée.
Ambomiferi , fedjustius illa.
En effet , on ne reproche rien à Céphée, aulieu
qu'on reproche à Cafliope des diſcours
BV
32 MERCURE
.
pleins d'orgueil & d'irrévérence envers les
Dieux.
Andromèle expioit le crime de ſa mère.....
De l'orgueil maternel elle expioit le crime.
M. de Saint-Ange lui-même fait entreCéphée&
Caffiope ce partage du malheur d'un
côté ,& du crime de l'autre.
Père trop malheureux , mère trop criminelle.
M. de Saint-Ange termine deux vers par le
mane mor , & les fait rimer ainſi fort commodément.
Voici l'exemple , page 40 .
Ses hydres irrités ſur ſa tête frémiſſent ,
Sur fon des , dans ſon ſein ils rampent, ils frémiffent.
Voilà pour les petits Critiques une grande
occafion de faire bien du bruit; mais nous
fommes obligés de leur enlever cette joie ,
de leur avouer qu'il ne s'agit-là que d'une
faute d'impreſſion , & que dans le ſecond
vers, au lieu de ces mots: ils frémiſſent , il
faut lire: ilsse gliffent.
Ils pourront fe dédommager ſur ce vers
qui abonde un peu trop en confonnances:
Et rodant en grondant dans les bois ſe retire.
On trouve chez les Libraires indiqués dans
le titre , les trois premiers Livres , formant
le premier volume, de même for.nat & de
même caractère que ce quatrième Livre.
DE FRANCE.
33
MÉMOIRES Philosophiques , Historiques,
Physiques concernant la Découverte de
l'Amérique ,ses anciens habitans , leurs
moeurs , leurs usages, leur connexion avec
les nouveaux habitans , leur religion ancienne
& moderne , les produits des trois
règnes de la Nature , en particulier les
mines, leur exploitation , leur immense
produit ignoréjusqu'ici ; par Don Ulloa ,
traduit par M..... 2 Vol. in- 8°. Prix ,
8 liv. brochés , 10 liv. reliés , 9 liv. brochés
franc de port par la poſte. A Paris ,
chez Buiflon , Libraire, hôtel de Meſgrigny,
rue des Poitevins , nº. 1 3 .
It exoit déjà de cet Ouvrage deux
Traductions , mais qui n'ont pas encore
éré imprimées. Lans ſon Avant - Propos ,
le nouveau Traducteur fait ſentir toute
l'utilité de l'Ouvrage de Don Ulloa ; & en
recommandant d'y joindre la lecture de celui
que M. Reinhold Forſter a écrit før les Découvertes
faites dans le Nord par les Anciens,
& les Lettres du Comte Carlo Carli
fur l'Amérique, il met ſes Lecteurs en état
de prendre des notions exactes & approfondies
fur les Antilles & le Nord de l'Amérique.
Don Ulloa commence par examiner les
différentes poſitions des terreins fur la furface
du Globe , & les effets qui en reſultent.
By
34
MERCURE
:
:
Cet examen commence la chaîne de ſes obſervations
, & annonce que l'Hiſtoire Naturelle
eft la partie dominante de ſes recherches.
La poſition des terreins de l'Amérique
& la var été étonnante qu'on y obſerve lui
offrent des réſultats curieux & juftes. Il parcourt
toutes les contreeess,,&lespreſente avec
leurs vrais caractères , leurs rempératures &
lesdifférens climats , les cauſes de leurs inégalités,
ſoit accidentelles , foit locales , & les
variétés dans les productions végétales de
chaque terroir. Don Ulloa donne un précis
de toutes ces productions qui intereffe infiniment
' Hiftoire Naturelle; il le fait ſuivre
de celui des animaux quadrupedes , volatils ,
infectes , poiffons ; il n'omet aucun détail ſur
ce qu'il y a de particulier ſur les lacs & les
rivières , & fur les qualités des différentes
eaux. Il traite très au long des foſſiles & des
pétrifications. Les maladies particulières aux
climats font comme la conclufion des obfervations
de l'Auteur.
L'argent & la manière de le tirer eſt le
ſujet du douzième Diſcours. Ses réflexions
font très- philofophiques fur ce metal. L'or
& l'argent, dit- il, font donc actuellement
des matières qui font les liens de l'intérêt réciproque
chez toutes les Nations. Le temps ,
-le travail, les ſoins, les vedies, le repos, la
vie , la mort même, tout eſt réglé, eſtimé par
le prix de ces métaux.... L'Hiftoire nous
apprend que dès les temps les plus anciens
For & l'argent avoient éré employés ; mais
DE FRANCE.
35
depuis la découverte de l'Amérique ces métaux
ont été comme le reffort qui a mis toutes
lesNations en mouvement,& qui entretient
leur activité & la paflion qu'ellesont de s'en
procurer. Le commerce réciproque qu'ils
ont fait naître a civilité nombre de Nations
barbares, a couvert la mer de flottes qui font
devenues comme autant de républiques ſur
les ondes. Les Arts ont été pouflés plus
loin ; l'induſtrie s'eſt perfectionnée par une
nouvelle impulfion ; les Peuples ſe ſont
éclairés, la terre a été plus connue, ſes productions
plus examinées , mieux apperçues,
appliquées à des uſages plus avantageux , mais
fi ces avantages font incontestables , on peut
dire que d'un autre côté la découverte de ces
trétors a éte ſuivie des plus malheureuſes
confequences , fur-tout pour la Nation chez
Inquelle ils etoient renfermés. Les vexations ,
la barbarie même qu'on a exercées contre
elle l'ont preſque fait difparoître de deſſus la
furfaceduGlobe. Les guerres que l'envie , la
cupidité ont fufcitées ne ceffent de temps à
autre qu'en laiſſant ſous la cendre un feu
caché qui les rallume bientôt. Ce n'est pas
qu'il n'y ait jamais eu de guerre auparavant
-entre lesdifférentesNations qui rampent fur
le Globe; car le coeur de l'homme ne fait jamais
s'arrêter dans les bornes du beſoin , ni
mêmede l'aiſance&des plaiſirs; mais on ne
ſe fixa plus que fur ces richetſes factices qui
deviennent la ruine des États où elles le
trouventactuellement en plus grande abon
B vj
36 MERCURE
dance. Toutes ces obſervations ne font
que trop fondées. L'Auteur , après les avoir
pouffées aufli loin que l'humanité l'exigeoit,
reprend ſa carrière, & fuit en Phylicien
éclairé tous les fillons indicateurs de ces puiffans
metux. Il peint l'avidité des mineurs
fans reliche fixés fer la furface de la terre ,
brûlant d'en ouvrir les entrailles & d'en arracher
le métal dont ils font affamés. Les facilités
que le Gouvernement lui donne , les
avances de mercure qu'il fait à tous les Entrepreneurs
n'échappent point à Don Ulloa,
&en général il fait connoître toute l'Adminiftration
Royale & l'état actuel desmines.
Le détail de cette dernière partie eſt trèscurieux;
il donne des notions exactes ſur la
richefle de l'Efpagne.
Le fecond Volume renferme tout ce qu'il
importoitde ſavoir ſur les Indiens indigènes
des deux parties de l'Amérique , ſur leurs
moeurs comparées enſemble , leur religion ,
leurs ſépultures , les caufes de leur diminution,
les caſtes des étifs , l'antiquité des
Indes occidentales & des chofes qui s'y font
confervées. L'Auteur parle de différens Ouvrages,
de pluſieurs figures d'idoles , de leur
langue. Ce Volume eſt terminé par des obſervations
qui ajoutent à l'Ouvrage de Don
Ulloa , ou qui le rectifient. Ces additions
forment une partietrès intéreſſante ,& nous
ne pouvons que conſeiller à nos Lecteurs
de les lire avec foin.
Le motif de Don Ulloa n'a point été de
DE FRANCE.
37
:
faire un Livre , mais celui bien plus noble de
nous donner des notions fûres dont nous
manquions ſur l'Amérique. A peine connoiffons-
nous la Phyſique, les antiquités , le
caractère , le génie, les inſtitutions des Américains.
Les Conquérans de cette partie du
Monde ont été ſi preſſés d'égorger les habitans
qu'ils n'ont point laifle au Naturalifte
le loifir de les obſerver , & il ſemble que les
Modernes aient dédaigné de les étudier.
DonUlloa fupplée à ce filence, & on doit
lui en ſavoir gré. Nous ne marquerons que
les Diſcours qui nous ont le plus attachés.
Celui où il traite des maladies particulières
à chaque climat, dans lequel il ſe trouve
d'accord avec M. Deſportes , Auteur d'un
bon Ouvrage ſur les maladies de Saint-Domingue.
Il obſerve que dans la partie haute
duPérou la petite vérole fait des ravages affreux
, & il recommande l'infertion. M. de
la Condamine, qui a tant combattu en faveur
de l'inoculation , y eft rappelé. Don Ulloa
indique d'autres caufes de mortalité. Il ſemble
que les hommes foient occupés à tranfporter
les Peuples des deux parties du Monde
ancien dans le Monde nouveau , en voyant
l'Amérique continuellement recrutée de
Nègres d'Afrique & d'Européens. Les naturels
ne font plus. Nous échangons les hommes
pour de l'or &de l'argent.
Den Ulloa , après avoir parlé des mines ,
examine quel fut l'état du Monde primitif.
Il confulte la terre,& fuit les degres de fes
38 MERCURE
différentes révolutions. Ce font les monumens
les plus certains, puiſque la tradition
ne remonte pas chez les Américains au delà
de l'ère Chretienne , époque du premier des
Incas. L'Auteur de l'Etfai ſur la Population
de l'Amérique avoit aſſuré hardiment qu'elle
avoit été peuplée avant le déluge , & que le
déluge avoit épargné ce continent. M. de
Buffon a réfuté cet Écrivain. Don Ulloa ne
s'écarte point de la Genèſe. Il examine enfuite
comment l'Amérique s'eſt peuplée. II
croit que les Hebreux en font les premiers
populateurs , & s'appuie ſur la conformité
de caractère & de langue. Il penſe que des
Navigateurs Hébreux ou allies de ceux - ci
ont peuplé le Nouveau - Monde. Il voit
dans l'arche de Noe , le premier modèle
dos vaiſſeaux , & tout eſt expliqué par
cette antiquité. De l'Afie , de l'Afrique , des
parties méridionales de l'Europe aux Indes le
pallage ne fut pas difficile; il n'y avoit quà
ſe confier aux vents. Ceux que des vents favorables
avoient poufles les trouvèrent contraires
au retour , & furent contraints de refter.
On les crat engloutis, & on abandonna
la navigation comme une invention funeſte,
Ce ſyſtème eſt conjectural ; mais il eſt probable,&
nous ne croyons point qu'on puiſſe
le combattre par un autre plus demonftratif.
La population de l'Amérique eſt du moins
expliquée. Nous ſavons qu'il y a beaucoup
d'opinions différentes fur cette population.
M.deBuffon penſe que les Tartares font les
DE FRANCE.
39
fondateurs d'une partie de l'Amérique ; que
les habitans du nord de ce continent au
détroit de Davis&des parties ſeptentrionales
dela terre de Labrador font venus du Groënland,
antérieurement peuplé par les Lapons.
Grotius donne pour origine aux Américains
ſeptentrionaux les Peuples de Norwège , aux
meridionaux les Chinois & les Éthiopiens ;
d'autres peuplent l'Amérique de Scythes Nomades
, d'autres de Carthaginois , de Tyriens ,
de Juifs. Mais quand ils y ont jeéré les hommes,
ils font embarraſſes d'y tranſporter les
végétaux& les animaux de leurs clunats. Les
probabilités du ſyſtème de Don Ulloa nous
paroiffent plus ſimples&plus déterminantes .
Nous terminerons cette analyſe par un doute
qu'il ne ſera pas ſi facile de refoudre. Les monumens,
les pierres monstrueuſes de la fortereffe
de Cuſco qui ont fait croire que les
Indiens ont connu l'art de fondre lespierres ,
prouvent que les Arts ont été en vigueur
parmi eux. Comment un Peuple qui les a connus
peut- ilen perdre juſqu'au moindre fouvenir
, & retomber dans l'enfance du premier
âge ? Il eſt des degrés dans Pignorance;
mais undénuement total, une réduction abfolue
ſont preſque impoffibles. Je penſerois
plutôt que des Etrangers ſe ſont ſervis des
naturels du pays pour élever ces monumens
, & que PArchitecte ayant difparu , le
manoeuvre a jeté le cifeau.Les Indiens en font
réduits à la vie animale,& la tradition la plus
40 MERCURE
reculée chez eux eſt le ſouvenir des Incas
leurs Souverains .
SPECTACLE S.
COMÉDIE ITALIENNE.
LES Comédiens de ce Spectacle ont eſſayé,
leMardi 24 Juillet, de remettre ſous les yeux
du Public , la Vie est un Songe , Comédie
héroïque de Boifly , en trois Actes & en
vers .
Cer Ouvrage , qui offre un mêlange continuel
du bouffon & du pathétique , eſt une
traduction , on, pour mieux dire , une imitation
de la Vita è unfogno , Comédie Italienne,
traduite en François en cinq Actes &
enprofe,&repréſentée à Paris , avec ſuccès,
en 1717. La Pièce Italienne n'étoit elle-même
qu'une copie de la Vida esfueno, ComédieEfpagnoleducélèbre
Caldéron. L'imitation faite
parBoiffy fut jouée, pour la première fois , au
mois de Novembre 1732 ; elle réuffit. Le
Public François , qui avoit vu avec une avide
curiofité une ſtatue de pierre marcher , agir
&parler fur la Scène , vit ſans ſurpriſe , &
même avec intérêt, un Arlequin multiplier
les lazzis , les bouffonueries , les caricatures
à côté d'un Prince, dont le caractère impéDE
FRANCE. 41
tueux & terrible parle tour-à-tour à l'âme
par l'effroi & par la pitié. Ce goût ultramon
rain eutde la vogue pendant quelque temps ,
par la feule raifon qu'il étoit bizarre & nou -
veau , & les François trouvèrent bon que
P'Arlequin qu'ils avoient adopté déshonorar,
comme le Gracioso des Eſpagnols , un ſujet
moral par des charges balles & dégoûtantes.
Il étoit impoffible que certe extravagante
union de la bouffonnerie& du tragique trouvât
un grand nombre d'approbateurs dans,
un temps où les idées ſur l'Art Dramatique
font devenues généralement plus faines , où
les eſprits ont acquis plus de délicateſſe :;
auſſi avons nous vu avec éronnement remet
tre au Théâtre la Vie eſt un Songe ; autfi
la tentative des Comédiens Italiens n'at'elle
eu aucun ſuccès. Ce n'est pas que la
Pièce ait été mal rendue par les Sujets qui
repréſentent aujourd'hui le genre Frerçois à
la Comédie Italienne , il y agrot de l'injuf
tice à le dire ,&de l'indifcrétion àdemander
ſi elle a été mieux jouée autrefois. Nous ne
l'avons point vu repréſenter dans ſa nouveauté;
mais nous l'avons vu joner , il y a
environ vingt ans , par des Acteurs dont les
talens étoient eftimables , & la repréſentation
n'en étoit guères to'érée qu'en faveur du jeu
toujours intéretfant, plaifant & comique du
célèbre Carlin. Cet homme vraiment inimitable,
dont la fineſſe , l'eſprit , la légèreré
guidoient tous les mouvemens , dont toutes
les attitudes étoient naturelles & vraies , qui
42
MERCURE
ſembloit animer ſon maſque par le caractère
de toutes les paſſions, qui ſavoit être balourd
avec grace , & bère avec eſprit , pouvoit ſeul
attacher , comme malgré eux , des hommes
éclairés , à un perſonnage factice , dont la
figure eft révoltante , le coſtume invraiſemblable
& l'eſprit ſouvent plus que bouffon.
AvecCarlin le règne des Arlequins eft paffé
fans retour. Ceux qui imitent aujourd'hui ſa
charge ſurdes tréreaux réuſliſſent ,parcequ'ils
paroiſſent ſur des tréteaux,&devantdes ſpectateurs
dont le goût , l'eſprit & les connoiffances
fontà la hauteur de leurs talens. On
nous dira peut- être que le ſuccès des Arlequins
de M. de Florian parle contre notre
opinion ; nous répondrons que cet Écrivain
leur a créé un caractère neuf, qui ne reſſemble
en rien à celui des Zanni du Théâtre Italien
;& que fi ſes Arlequins ont réufli , ce
n'eſt pas par leur maſque, mais par l'etprit
qu'il leur a donné.
LEVendredi 27 , on a repréſenté pour la
première fois Lanlaire, Parodie de Tarare ,
en un Acte & en proſe , mêlée de vaudevilles.
On a vu dans ce Journal un extrait fidèle
des cinq Actes de Tarare & de fon Drologue.
Comme la Parodie , à l'exception de quelques
Scènes , ſe traîne pas à pas ſur l'intrigue
deTarare , il eſt inutile d'en donner l'analyſe .
Il ſuffira de dire que le faroucheAlareſt pa
DE FRANCE.
43
rodié par Cochemar , le Grand- Prêtre par
Bartette, Aftafie par Larmoyante , Catpigi
parMagigi, Tarare par Lantaire , Altamort
par Braquemort , l'Enfant par Nicodème , *
&c. &c.
On fit dans le Dictionnaire Dramatique,
article Parodie: « Les règles de la Parodie
> regardent le choix du ſujet & la manière
• de le traiter. Le ſujet qu'on entreprendde
>> parodier doit être un Ouvrage connu , té-
> lèbre , eſtimé; nul Auteur n'a été aurant
> parodié qu'Homère. Quant à la manière
➤ de parodier , il faut que l'imitation foit
• fidele ; la plaiſanterie , bonne , vive &
• courte; & l'on doit y éviter l'eſprit d'ai-
> greur, la baffeffe d'expreffion & de l'obf-
> cénité. Il eſt arſéde voir par- là que la Pa-
>> rodie & le burleſque ſont deuxgenres très-
> différens..... La bonne Parodie eſt une plai-
>> ſanterie fine , capable d'amuſer & d'inf-
• truire les eſprits les plus fenfes & les plus
- polis; te burleſque eſt une bouffonnerie
> miférable qui ne peut plaire qu'à la po-
> pulace. »
D'après cet extrait , dont toutes les idées
font juſtes & fondées , en raiſon comme en
principes , nous pouvons avancer que Lanlaire
eſt une mauvaiſe Parodie.Elle porte ſur
*Ce perſonnage eſt repréſentéparM. Thomaſſin,
vêtu d'un fourreau, & la tête couronnéed'un bourrelet;
ce qui , comme on voit , eſt une charge trèsplaifante
& d'un excellentgoût,
44
MERCURE
un ſujet célèbre & connu ; mais la plaifane
tetie en eſt triſte , lente & pleine d'aigreur.
L'expreffion en eſt négligée , plus ſouvent
baffe&triviale. Si l'on y rencontre quelques
épigrammes , elles annoncent une intention
déterminée d'artaquer moins l'Ouvrage parodié
que la perfonne de ſon Auteur. Les efprits
ſenſés & polis n'y ont rien trouvé qui
fût digne de leur plaire; & comme on y a
très-vigoureuſement applaudi quelques miférables
bouffonneries , on peut croire que
cejour-là , comme à l'ordmaite , le Parterre
Italien étoit occupé en partie par cette populace,
qui fait les ſuccès des Ouvrages qui
échappent de temps en temps aux treteaux
poor venir fouiller le Théâtre de la Comedie
Italienne , dont ils éloignent les honnées
gens. Les huées Se les fifflets ont accompa
gné le dénonement , & ont continué de le
faire entendre long remps après la defcente
du rideau. Du fein de ce bac.hanal fe font
élevées quelques vois qui ont appelé Tauteur;
infeniblement les Spectateurs ſe font
écoulés , & l'on n'a plus vu für le viſage des
uns que le regret d'avoir perda leur temps ,
&fur celui des autres , que le chagrin de
n'avoir pas pu fatisfaire, à leur gré , la malignité
qui les avoit conduits au Spectacle.
*
DE FRANCE.
45
ANNONCES ET NOTICES.
GALE
ALERIE Universelle des Hommes qui se font
illustrés dans l'Empire des Lettres depuis le fiècle de
LéonXjusqu'à nos jours , des grands Ministres &
Hommes àEtat les plus diftingués , ornée de leurs
Portraits, hutième , neuvième & dixième Livrai
fons, A Paris , chez Lottin de Saint-Germain , Ιια-
primeur- Libraire , rue Saint-André-des-Arcs , &
Leroy , Libraire , rue Saint Jacques .
Nous avons annoncé avec des éloges mérités les
premières Livraiſfons de ce grand Ouvrage.
L'ART de vérifier les Dates , parDom Clément ,
in -folio , troiſième Edition, Prix , 24 liv. A Paris ,
chez Johibert jeane , actuellement rue Pavée-Saint-
Andrédes-Arcs , maiſon de M. Didot l'aîné.
Voici la cinquième Livraiſon qui complette le
ſecond Volumede cet excellent Ouvrage fi digne
de ſa célébrité. Le prix des deux Volumes eſt de
108 liv. Le ſuivant doit compléter l'Onvrage. On a
tiré de cet Ouvrage vingt- cing Exemplaires en
grand papier. Prix, 150 liv. pour chacun des trois
Volumes .
MÉMOIREfur les Haies destinées à la clôture
des prés , des champs , des vignes & des jeunes
bos, on Ton traite des diffeerreenntteess eſpèces de
Haies, de leur conſtruction & de leurs avantages ,
couronné par l'Académie des Sciences , Belles-Lerttes&
Arts de Lyou , dans la Séance publique du
31. Août 1784, par M. Amoreux fils , Docteur en
Medecide en l'Univerſité de Montpellier , Biblioth
46 MERCURE
eaire, Membre de pluſieurs Académies , in - 8° . de
238 pages, AParis , chez Cuchet, Libraire , rue &
hôtelSerpente.
Le fuffrage de l'Académie qui a couronné cet
Ouvrage doit le recommander au Public. Cette production
peut être utile aux Propriétaires & aux Habirans
de lac ampagne.
L'ART de préparer les alimens ſuivant les diffé
rens Peuples de la serre, auquel on a joint une
Noticefuccintefur leurfalubrité ou infalubrité; par
M. Buc'hoz, Auteur de différens Ouvrages économiques,
in - 8 ° . , deuxième Édition , Tome I. A
Paris, chez l'Auteur , rue de la Harpe , au-deſſus
du Coliéged'Harcour.
MANUEL de l'Artilleur , ou Traité des différens
objets d'Artillerie-Pratique dontlaconnoiffance
est néceſſaire aux Officiers du Corps-Royal, par
M. le Chevalier d'Urtubie , Chef de Brigade au
Corps-Royal d'Artillerie, ſeconde Edition augmentée,
in- 12. AParis , chez Didot fils aîné, Libraire ,
rueDauphine.
CetOuvrage corrigé & augmenté , a le double
mérite d'une méthode ſimple & préciſe & d'une
utilité réelle. Les jeunes gens qui ſuivent la carrière
de l'Artillerie ne peuvent lire qu'avec fruit cet
Ouvrage Elémentaire.
LE Sicur CONTE , Maître de Langues Françoiſe
&Angloiſe, s'étant apperçu que ſes Écoliers ne parvenoient
à la comeitfance de la conjugaiſon des
verbes qu'avecgrande peine, & après un eſpace de
temps qui ea rebautoit pluſieurs , a compofé & publié
à Londres , d'où il eſt nouvellement arrivé, une
wès-grande Tablepourcette parte du diſcours, ac
DE FRANGE. 47
compagnée d'un Traité de cette même partie ; l'une
&l'autre écrits dans les deux Langues.
La Table préſente en un ſeul point de vue les terminaiſonsde
tous lestemps dans les deux Langues ,
avec les diverſes manières emphatiques de conjuguer
enAnglois &une phraſe Françoiſe & Angloiſe
fur chaque temps , & le Livre explique la manière
des'en fervir.
Cet Ouvrage ſe vend par l'Auteur , rue des
Vieux Auguftins, hôtel de Beauvais , & par le heur
Barrois lejeune, Libraire, quai des Auguſtins. Prix,
4liv. 10 lols.
Le Sicur BURLANDEUX , Maître Perruquier, rue
du Mail , nº . 36 , au premier , Inventeur des nouvetles
Perruques annoncées dans pluſieurs Journaux,
offiede les fournir aux Amateurs toutes pei
gnées , moyennant prix convenu , & promet qu'à
quelque diſtance que l'on demeure, on ſera ſervi auſſi
exactement que ſi l'on habiteit le quartier du ſieur
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L'Amour couronné par les Graces , & les
Graces enchaînées par l'Amour, deux Eſtampes ca
manière Angloiſe , de forme ovale en hauteur , gravées
par Alexandre Chaponnier , d'après les Deffins
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chent l'Orgue, avec le mêlange des joux & la manièred'imiter
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48 MERCURE
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Amateurs , compoté d'Airs connus de tout genre
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Séparément 2 liv. A Paris , chez M. Bornet l'aîné ,
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Ies douse Numéros 30 liv. port franc. A Paris ,
chez Boyer, rue de Richelieu , à l'ancien Café de
Foy, & chez Mme Lemenu , rue du Roule , à la
Clefd'or.
TABLE.
3 Les Métamorphofes d' Ovide,
1
Azulme ,
Rande pour le jourdeS. Anne, 19
4Mémoires Philosophiques,hif-
LeMisantrope Scythe , 6 toriques, &c. 33
Charade, Enigme & Logo Comédie Italienne, 42
• gryphe ,
Annonces& Notices, 45
4
APPROBATION.
J'AI lu, par ordre de Mgr.le Garde-des-Secaux, le
'Mercure de France, pour le Samedi 4 Acht 1987. Jen'y
P. cien trouvé qui puiffe en empêcher l'imprefion. A
Panis, le3 Août 1987. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
TURQUIE
De Conftantinople , le 25 Juin.
i
IA deuxieme diviſion de l'armée Ottomanne
, forte de 30 voiles, eſt entrée
dans la mer Noire, le 10 de ce mois, &
un vent favorable l'a conduite en 4 jours à
ſa deſtination. Il eſt reſté 10 bâtimens à
T'entrée du Boſphore , & ils vont être joints
par un pareil nombre fortis le 19 du pot
de Conſtantinople. Les troupes continuent
de ſe raſſembler avec une grande activité .
& ne commettent dans les environs de
cette Capitale aucun des défordres dont on
s'étoit plaint en de pareilles circonstances.
L'heureux Prefage , de 74 canons, conftruit
par les Ingénieurs François , a été lan-
No. 31 , 4 Août 1787 . a
1
( 2 )
céavec le plus grand ſuccès, en préſence
du Grand-Seigneur&de toute fa Cour;
Les Ingénieurs ont été revêtus de pelifes , &
Sa Hauteiſe leur adonné des marques de
fa fatisfaction.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 19 Juillet.
L'Impératrice de Ruſſie, dans ſa tournée
en Tauride , a laiſſé partout des marques
de ſa munificence. Eile a falt diftribuer
de l'argent aux troupes de cette province ,
&alligné des fonds pour la conſtruction de
deux Moſquées; l'une à Karafu Bafar , l'autre
à Baktſchiſarai .
Pluſieurs feuilles publiques aſſurent que
Joſeph II & l'Impératrice deRuffie ont ar-
'TêtéàCherfon les préliminaires d'un Traité
éventuel. La Ruffe , ajoute-t- on , ſe contente
de ſes poſſeſſions actuelles , & s'engage
à ne point s'oppoſer aux projets d'aggrandiſſement
de l'Empereur du côté des
provinces Ottomannes , auſfi- tôt que les circonstances
lepermettront. Dans le cas où le
Nieſter ſerviroit de frontiere aux deux Empires
, alors la navigation ſur ce fleuve ſeroit
commune à leurs ſujets reſpectifs.
On a inféré dans les Actes hiſtoriques qui
paroiſſent à Weimar &dans le Journal des
Francmaçons une lettre du Profeſſeur Woog
de Leiplic , dont voici l'extrait ;
( 3 )
» Les Clercs des Francmaçons de l'ob-
>> ſervance ſtricte, ſont des fanatiques qui
>>ſe vantent de pouvoir cater & de repré-
>> ſenter les eſprits , & de poſſéder la pierre
>> philoſophale ; ils ſe propoſent d'etablir
>> l'empire de mille ans , &c. Ils récitent
>> tous les jours des heures en latin , & chan-
>> tent des hymnes ; la langue latine eſt leur
>>>langue chapitrale. Le Baron de Hund ,
>>un de leurs membres zélés , a embraſſé ,
>>depuis ſon adoption , la Re igion Catho-
>>>lique ; & il eſt toujours accompagné d'un
>>Capucin. Les Supérieurs connus de ces
>> Francmaçons ſont le Baron de Raven de
>>Ranefeld , dans le Meklenbourg ,le Con-
>> ſeiller privé d'Uffel à Zelle , le Baron de
>> Hand & le prédicateur Stark de Koënigs-
>> berg. ( Ce dernier eſt aujourd'hui premier
>>>Prédicateur de la Cour de Darmſtadt.
>> Madame la Comteſle de Recke , née
>> Comteſſe de Meden , en parle aufli dans
>> ſon Ouvrage ſur Cagliostro. ) Le plus
>> grand nombre de ces Francmaçons fana-
>> tiques ſont dans les loges de Pruffe & de
>> Courlande ; ils ont auſſi des loges à Rof-
>>> tock , Zelle & Darmſtadt, mais ils fone
>> peu nombreux dans ces villes. Ces Franc-
>> maçons ne reçoivent dans leurs loges que
>> ceux qui ont tous les degrés militaires de
>> la ſtricte obſervance. Les Supérieurs pren-
>>nent dans les loges l'habillement des
>>Evêques Catholiques ; les autres
,
des
a 2
( 4 )
1
i
>>longs frocs blancs , avec une croix rou-
>>ge fur e côté gauche , & ils couvrent la
>> rête d'un chapeau rouge hexagone. A la
>> réception le récipiendaire eſt ſfacré & oïnt
>> comme un Paêtre , & on kui place tur
>> l'oec put un petit bonner rouge de fix
>> pieces.
De Berlin , le 18 Juillet.
S. M. vient de consacrer un fonds additionnel
de 35,000 dahlers à l'adminiſtration
de la Justice. En notifiant cette réfolution
au Grand-Chancelier , le Roi lui a écrit en
ces termes :
Mon cher Chancelier DE CARMER , « Je vous
renvoie ci-joint le plan de répartition qui m'a
été préſenté concernant les 35000 écus qui doivent
ſervir d'un nouveau fonds à l'adminiftration
de la juſtice dans mes Etats ; lequel plan a mé
ritétoute mon approbation. Je donne avec plaifir
cette fomme , pour vous mettre en état de
conſerver la justice diſtributive dans toute fon
ancienne dignité , & de travailler toujours de
p'us en plus à ſon amélioration. Vous avez
juſqu'ici choiſi la meilleure route pour y parvenir
; c'eſt de quoije vous témoigne par la préſente
toute ma fatisfaction , en vous encourageant
à ne point abandonner cette route, malgrétout
ce qu'une envieufe & téméraire critique
ourroit dire& inventer pour vous en détourner.
Vous pourrez comprer conftaniment fur toute
mon afſiſtance , parce que je fais que vous abhorez
, comme moi , toute injustice & toute partia-
Vé. Efforcez- vous donc de faire dominer fans
( 5 )
ceffe dans tousles tribunaux pruffiens ce ton de
la plus fcrupuleuſe impartialité , qui les a rendus
juſqu'ici fi reſpectables , & faites tout
votre poſſible pour que le dernier des Officiers
de Juſtice s'y conforme habituellement. A cette
occafion , je vous exhorte à porter particulièrement
toute votre attention aux cauſes litigieuſes
ſuſcitées par les payſans , leſquelles fontune
véritable peſte pour la campagne ; elles fatiguent
fans néceſſité les propriétaires des terres , & réduiſent
à la mendicité le malheureux & contentieux
cultivateur. Je veux qu'on remédie
avec toute la prudence poſſible à cet inconvé
nient. J'ai trop de confiance en l'équité de
l'Ordre de la Nobleſſe de mes Etats , pour
pouvoir me perfuader qu'il cherchera à opprimer
mes ſujets ; & je ſuis convaincu que la
plupartde ces conteftations naiſſent par d'infidieuſes
ſuggeſtions de quelques inſtigateurs que
cherchent à exciter les laboureurs contre leurs
ſeigneurs territoriaux. C'eſt de cette eſpece
d'hommes dangereux dans l'Etat , qu'il faudra
faire dorénavant une exacte enquête , & leur
inftiger les peines corporelles qu'ils méritent ,
en les condamnant aux travaux dans les forcereſſes.
A cette fin , vous aurez à faire publier
les ordres précis que je vous donne à cet égard .
par-tout où beſoin ſera ,afin que la connoillance
en parvienne à chacun. Au reſte , je vous renouvelle
par la préſente l'aſſurance queje ſuis
toujours votre affectionné Roi ».
Signé FRÉDÉRIC GUILLAUMS
A Charlottembourg , le 6 Juillet 1787.
La Claſſe de Philoſophie ſpéculative de l'Académie
de Pruſſe , avoit proposé pour le Prix de
1787 la Queſtion ſuivante.
>>>Quels font dans l'état de la nature les fon
a 3
( 6 )
-
-demens& les bornes de l'autorité des parens
fur les enfans ? Y a-t- il de la différence enwe
>> les droits du pere & ceux de la mere ? Jusqu'à
quel point les loix peuvent-elles étendre ou
limiter cette autorité » ? :
Les Pieces envoyées au concours ont été reques
jusqu'au premier de Janvier 1787 , & le
Prixde voit être adjugé le 31 de Mai de la même
année.
Mais , comme le nouveau Regne a caufé des
changemens dans la date des Affemblées publiques
, on a renvoyé cette déciſion juſqu'au 24
de Janvier 1788 ; & ceux qui voudront encore
travailler ſur ce ſujet, peuvent envoyer leurs
Ecrits juſqu'au premier de Novembre 1787 ,
à M. le Confeiller privé Formey, Sécretaire perpétuel
de l'Académie , en ſe conformant d'ailleurs
aux clauſes ordinaires , énoncées dans les
Programmes.
De Vienne , le 18 Juillet.
En conféquence des dernieres dépêches
reçues des Pays Bas , au commencement
du mois , le Conſeil Aulique de guerre tut
affemblé dans la nuit du sau 6 , & la ſéance
dura juſqu'au lendemain. Ce jour là (6) ,
S. M. I. fit expédier des lettres réquifitoriales
à dive's Princes de l'Empire , pour leur
demander le paſſage d'une armée de 60
mille hommes. En même temps, 12 régimens
d'Infanterie , cantonnés en Bohême ,
Autriche , Tyrol , Briſgaw , ement ordre
de ſe mettre en marche , ainſi que 4 régimens
de Cavalerie, 4 compagnies de Ca-
Ronniers & une de Pontonniers. Il eſt en
( 7 )
joint à tous ces Régimens de ſe mettre fur
le pied de guerre ; enſorte que ceux d'Infanterie
feront de 3 mille hommes , les Officiers
& Bas Officiers compris. 10,000 Croates
doivent joindre cette armée. Lescamps ,
conſtruct ons & revues générales ont été
contremandées. Les Officiers achetent partout
des chevaux , & les paient fost cher :
l'Empereur en a fait donner de ſes écuries.
Voici la liſte des Régimens qui ont ordre
de marcher. INFANTERIE. Stein , Langlois ,
Ferdinand de Toscane , Pellegrini , Giulay ,
Archiduc Ferdinand, Ant. Esterhazy , Nicol.
Esterhazy , Thurn , Kinsky , Neugabauer &
Bender. CAVALERIE . Waldeck , l'Empereur ,
Richecourt , Haddick. Les Généraux nommés
pour commander les Brigades & les
Corps détachés , font : le Comte Emmanuel
Efterhazy ; les Généraux Tercy , Neuge
bauer , Gemingen , Brechenville , Lewenher ,
Stader , Eder , Alviney , Winckheim , Thirheim
Schinder & Nadafty. On ne connoît
point encore le Général en chef ; les uns
nomment le Duc Albert de Saxe- Teſchen ,
d'autres le Maréchal de Laudhon ; d'autres
enfin M. de Lafſcy. A l'exception du régiment
de Preiff, toute la garniſon de cette
Capitale doit ſe tenir prête à marcher. "
Le Feldt- Maréchal La adhon & d'autres
Généraux ſe rendent tous les jours au palais
de l'Augarten , où l'Empereur ſéjourne actuellement.
24
( 8 )
de
Le Colonel Legisfeld avoit été chargé
l'adminiſtration de l'armée qui paſſa dans
les Pays-Bas , il y a trois ans. A fon recour ,
il fut acculé de péculat , & arrêté. On vient
de juger ſon procès, ainſi que celui de tes
complices. Voici l'extrait de cette Sentence
mémorable :
Légisfeld démis de ſa charge , dégradé de
nobleife & déshonoré , conduit à la place de juftice
, pour y être pendu , étrang'é ju qu'à ce que
la mort s'enfuive .
« L'Empereur a modéré la peine de mort , &
>> l'a condamné à être expoſé trois jours au car- 33
can , avec un écr teau portant : Fauſſaire , In-
>> fidele , Voleur du Tresor de S. M. , & enfuite
>> à tirer les batteaux pendant douze années ,
>> après quoi il ſera bannide tous les Pays héréditaires
, & ſes biens confiſqués ».
Léopold Lafolaye , condamné à deux ans d'artet
dans une forterelle.
« L'Empereur l'a condamné à un an d'arret aux
fers dans les petites ca emates» .
2
Ettlinger , démis de ſa place , déc'aré inhabil,e
à tout emploi , condamné à reftituer le double
à être envoyé aux travaux publics & pendant
deux ans aux fers .
« L'Empereur l'a condamné à être expoſe
>>>avec le ſuſdit Legisfeldà la honte , avec écri-
>> teau portant : pour avoir divulgue des fecrets d'office
, accepté des préfens auservice , & favorisé
>> les tromperies d'autres Officiers , enfuite étre
>> détenu aux fers pendant deux années dans les
>>grandes caſemates , & balayer les rues ».
De Sonnefeld , démis de ſa p'ace , condamné à
reſtituer le double de la va'eur des préſens qu'il
aacceptés , être détenu un an aux arrêts , y
، (و )
compris le tems qu'il a déjà ſubi depuis le 15
Octobre 1786 , & enſuite libre .
« L'Empereur le condamne à être remis au
>civil pour être détenu pendant un an dans les
•petites caſemates , ſans cependant le déclarer
>> inhabile du ſervice de Sa Majeſté , ni dégradé
de nobleſſe » .
J. Winter relâché de ſes arrêts .
J. Kubin condamné pour un mois au prévôt
aux fers .
Charles Lafolaye banni pour la vie des Pays-
Bashéréditaires ".
<<L'Empereur le condamne à être mis dans
>>une prifon qu'il déſignera , juſqu'à nouvel
ordre ».
Nicolas Pols , démis de ſa place , déclaré inhabile
au ſervice , & condamné à reſt tuer le
double.
« L'Empereur lecondamne a étre démis de ſa
place & à reftituer le double , & enſuite aux
>>arrets aux fers pendant un an.
La veuve Maderers , relâchée des arrêts ,
perdant fa penfion.
Schmelossky eſt déclaré entiérement inn ocent ,
& recevra un dédommagement de deux cents
A
du cats .
DeHondt ſerajugé à Bruxelles.
L'AuditeurAllen , qui a conduit le procès , eft
faitAuditeur de l'Etat-Major , & récevraunpréfent
de 100 ducats.
De Francfort , le 24 Juillet.
Le LieutenantGénéral , Baron de Gaudi,
Inſpeteur Général des troupes Pruffiennes
en Westphalie , a adreſſé une lettre circuas
( 10 )
!

1
"
:
laire aux divers Officiers Généraux ſous for
ordres. Le Généra' de Budverg , qui commande
à Lipitadt ( 1) & dans le Comté de
la Marck, y afait publier cette dépêche ,
qui po te :
>> Le Ro ne pouvant regarder avec in-
>>>diffé ence linfulte faite en Ho lande , le
28 Juin , à S. A. R. la Princetſe d'Oran-
>> ge, tant déterminé à la venger , ſi 'on
>> ne dorne pas une fatisfaction éclarante à
>> cate Pancoffe , S. M. a ordonné de te-
> nir prêts les Régimens en Veſtphalie ,
>>>pour qu'ils puiſſent ſe mettre en marche
au premier ordre.
熱。
Les batailions de Grenadiers , en garnifon
à Soeft , te font mis en marche , & les
ord es ont ete expedies de tous côtés pour
l'achat des chevaux néceſſaires à l'artille.ie
& aux bagages. On enleveles magaſins de
grains & de fourrages de toute eſpèce.
L'Armée , à ce qu'on croit , marchera fur
deux colonnes , dont l'une par Duisberg
fur le Rhin , & l'autre par Vetel .
Le 6 de ce mois , les trois Co'leges de
l'Empire ont pris en conſidération la promorion
des Généraux de l'Empire ; le Margrave
Chriftophe de Bade & le Prince de
Ho enzollern Hechingen , ont été déſignés
(1) Comme Comte de la Marck , le Roi de Pruſſe
partage la fouveraineté de Lipstadt avec le Come de
la I ippe Detmold, & tout ce qui regarde le militaire
Mui appartient à lui ſeul.
*
( 11 )
pour la dignité de Fe'd Maréchal de l'Empire;
le. Prince Lou's George de Heſſe-
Darmſtadt , & le Comte de Koenig erg
pour celle de General d'Artillerie de l'Empire
; le Landgrave de Furstenberg pour
cele de Général de Cavalerie ; les Princes
de Solms Braunfels , d'Oettingen-Spielbe g
& le Comre Herman de Hohenzollern Hechingen
pour celle de Lieutenant Feld-Maréchal.
PORTUGAL.
De Lisbonne , le y Juillet.
Par un Décret , en date du 18 Juin,
S. M. T. F.. dans la vue de relever les
pêcheries du Royaume & des iflsacentes
, a accordé pour dix ans une ex em tion
de tous droits ſur leThon , peché dans le
soyaume d'Algarve , & iur tout autre poiffon
ſéché ſur les côtes de festas en Europe.
La pêchede la Sardine , il exception
de celle qui eſt ſaupoudrée de fel , jouira à
l'avenir de a même faveur.
La néceſlité de repeupler la province
d'Alemtejo , où les bras manquent depuis
long temps , a dérerminé S. MT. F. à
permettre que 900 familles des Istes Açores
vintſent s'érable dans l'Alemte o , où le
Surinten ant général de la police du royaume
a reçu o dre de leur faire prepare des
habirations , &de leur fournirles inftrumens
&uftenfiles néceſſaires.
26
( 12 )
"
1
On vient d'apprendre la facheuſe nouvelle
, que le vailleau Portugais , Saint-
Sacrement & Notre Dame d'Arrabida , vulgairement
appellé le Navire de l'huile, parce
qu'il appartient à la Ferme de la pêche de
la baleine, a été brûlé lelendemain de fon
arrivée à Rio de Janeiro. Sa cargaiſon étoit
très importante : on n'en a pu ren fauver.
Heureuſement perſonne n'a péri dans cet
accident.
ESPAGNE.
De Madrid , le 12 Juillet.
M. de Caballero, nouveau Miniſtre de la
guerre , a fait , le 1 de ce mois , fes remerciemens
an Roi, & a éé en certe qualité
préſenté à la Famille Royale. C'eſt unOfficier
de très bonne mine , & qui montre
beaucoup de vigueur , quoique âgé de 63...
ans.
On apprend de Carthagene , que l'eſcadrede
M. de Langara e entrée en ce port,
le 25 Juin , & que les bâtimens à la ſuite
font reſtés dans isbaie.
Depuis te 17 du mo's paſſé juſqu'au 28
il eſt entré à Cadix 17 frégates , brigantins ,
faïques oupolacres , venant de Honduras ,
de la Havanne , de Montevideo , de la
Guara, de Cam èche , de Vela Cruz & de
la nouvelle Orléans. lis porrent pour le
compte de S. M. environ 800 mille piaftres
, &plus d'un million pour le commerce.
:
:
( 13 )
GRANDE - BRETAGNE .
De Londres, le 10 Juillet.
Le Baron de Nolcken , Envoyé extraordinaire
de la Cour deStockholm , remit le ri
de ce mois à S. M. ſes nouvelles Lettres de
créance qui lui donnent le caractere additionnel
de Miniſtre plénipotentiaire .
Le 21 , le Comte de Lufi, Envoyé de
Pruſſe , accompagné des Secrétaires dEtat ,
aeu une conférence ſecrette avec Sa Majeſté.
L'Amitauté vient de mettre en commif
fion le Narciſſe de 24 canons , derniérement
équipé à Woolwich. Cette frégate , commandée
par le Capitaine d'Auvergne, a ordre
de croifer dans la Manche pendant 3 mos ,
&d'établir à Portsmouth ſon lieu de rendez-
VOUS,
Mardi dernier , 800 bons marelots , fur
deux alléges , ſont partis de la riviere pour le
Nore , d'où un navire les conduira à Portfmouth.
Le Vanfittart , venant de la Chine & du
Coromandel , eſt arrivé au Land's End; il
étoit parti des Dunes le 19 Février 1786.
Peu de jours auparavant , le Comte deTalbot,
aute vaiſſeau dela Compagnie des Indes ,
eſt arrivé à la hauteur de Portsmouth. On
attend au premier jour le Valentine : lePitt.
Les lettres apportées par le vaiſffeat le
Comte de Talbot, apprennent que leRajah de
( 14)
**
Tanjaour eſt mort le 31 Janvier , après une
long emaladie. Ce Prince avoit eu le malhe
ir de perdre tous ſes enfans & ſes petitsenfans
qui lui ont été enlevés à la fois par
une maladie contagieufe. On croit que le
chagrin qu'il en a conçu a bea:coup accéléré
a mort Peu de temps avantde mourir ,
i avoir adopté pour fils & pour héritier, avec
to ate a folemnité d'u age en cetre occation ,
unjeune homme de la Cour. On ue fait pas
en ore fi le Nabab d'Arcate laiſſea tranquillement
ce jeune homme gouverne: un pays
dont il a depuis ſi ong-t mps medité la concuêre.
D'ailleurs , a guerre entre Tippoo-
Saib , le Nizam & les Marattes , n'eſt point
po ſſée avec vigueur,& ſe réduit à quelques
efcarmouches.
Des nouvelles aur hentiques diminuent de
beaucoup la perre annoncée de divers navires
at Groënland. Le Capitaine Wolfe
commandant le John & Mary , a rivé à Hul
leis de ce mois , rapporte qu'à fon départ
le 23 Jurin dernier , 4bâtimens ſeuls avoient
péri , & que les équipages avoient été ſauvés.
Il est déja rentré dans différens ports
d'Angleterre & d'Ecoffe , 52 bâtimens venant
de cette pêche de la balene , aver des
cargaifons plus ou moins conſidérables.
L'Amiranté a reçu & publié laliſte des
vaiſſeaux de guer e qui ſe tro vent en conftruction
, plus ou moins avancée dans les
différens chantiers du Roi ou des Particu
( 15 )
liers, au comprede S. M. Ces vaiſſeaux font:
Le Royal-George . 110 can..
La Re ne Charlotte. 110
LeGlory. 98
Le Boyne. • 98
Le Windfor Castle. 98
Le Prince deGales. 98
Le Brunswick.
74
Le Céfar... . 74
L'Fxcellent. 74 Prêt à être lancé.
Le Leviathan.
74 Idem.
Le Capira'ne. 7+
Idem.
Le Swiftfure.
74 Idem.
L'Illuftre.
74
Le M.noture.
74
L'Or on . • 74 Idem.
Le Vétéran . 64 Idem.
Le Léopard. 50 Idem.
Le Sheerneſs.
44 Idem.
Le Faurel. 28
Le Serpent , ſloop. 16
Ona mis ſous les yeux des Lords dela
Tréforerie un plan de conſolidarion & d'économies
, dans lesdifférentes branches de
l'Excie , qui ſa veront au Gouvernement
200,000 liv. ſteil . par an .
rece tes , tel
De mémoire d'homme on n'avoit vu un
état de
que ce'ui qu'offre la
De ane. depuis le 7 Avrit dernier , juſqu'au
s de ce mo's. Le revenu des droits paies
perdant ce trimeſte s'éleve à la ſomme
étonnante de 9.48,624 liv. ſterl. , ce qui fait
environ 23 millions tournois .
Rien ne prouve mieux le juſte reſ ect que
4 ( 16 ) 4
P
l'on porte ici au peuple , &fon pouvoir ,
que le fait ſuivant. La ſemaine derniere , le
ſieur Walter , Imtimeur très-intelligent ,
paſſant dans la rue de Poultry , fut rencontri
par le détachement des Gardes , qui est
de piquet à la Banque, depuis la ſédition
de 1780. Les soldats marchoient deux à
deux fur le trottoir , & pouſſerent à trois
repriſes le ſieur Walter dans la rue. Dès le
jour même , cet Imprimeur alla porter plainte
de cet attentat ſur la liberté perſonnelle à
l'Alderman Wilkes , & la répéta dans une
lettre au Lord Maire; lettre imprimée le len
demain dans l'Universal Régifter , dontle
ſieur Walter eſt Editeur. Dune voix unanime
,le Colege desAldermans chargea le
Lord Maire de s'adreſſer officiellement au
Secrétaire d'Erat du Département de la
Guerre. Le Miniſtre manda le Capitaine
Trevelyan qui commandoit le détachement
en queſtion , lui adreſſa une forte réprimande
,& ordonna qu'à l'avenir ,les ſoldats défileroient
un à un ſur les trottoirs.
Fin des Obfervations fur la Pompe àfeu.
1
Quelqu'ingénieuſe que foit cette machine ,
quelqu'art qu'on y ait déplové , il en exiſte une
bien plusparfaite & à laquelle elle doit céder à
tous égards . Ce font MM. Watts & Boultonde
Birmingham qui l'ont intentée & perfectionnée.
Dans leur pompe , au lieu de ſe ſervir du poids
de l'air pour abaiſſer le piſton , ils emploient la
( 17 )
vapeur lancée contre ce même piſton ; la partie
ſupérieure du cylindre eſt fermée , & la verge
du piston liſſe & polie paſſe par une ouverture
garme d'un cuir qui intercepte communication,
al'air. On fait monter le piſton en conduiſant
la vapeur hors du cylindre dans un autre vaif
ſeau à diſtance confidérable où elle rencontre un
jet d'eau fraîche qui la condenſe , tandis que
l'action de la pompe qui chaſſe l'eau injectée
maintient un vuide conſtant dans la partie inférieure
du cylindre. La force de la vapeur enaployéedans
cette machine ſurpaſſe ordinairement.
d'un quart celle de la colonne atmosphérique,
& le jeu régulier de tout l'appareil eſt entretenu
par le principal levier .
Les avantages qu'offrent ces différences dans
la conſtruction , ſont de pouvoir augmenter l'action'de
la pompe , en augmentant ſeulement la
force de la vapeur ſans aggrandir le diametre du
cylindre, & une moindre dépenſe de cette vapeur
, puiſque la condenſation s'epere à diſtance
au cylindre qu'on n'a pas beſoin de réfroidir en
jettant de l'eau deſſus . Cette derniere diſpoſition
rend la machine capable de frapper plus de coups
en une minute & avec beaucoup moins de combuſtible
qu'il n'en folloit dans l'ancienne. Dans
quelques-unes des dernieres perfectionnées , on
a rendu égale l'action de la vapeur ſur le levier
en courbant fon extrémité. En effet de cette maniere
on l'allonge vers la fin du coup , point où
l'effort de la vapeur eſt foible.
MM. Watts & Boulton ont appliqué la force
immenſe de cette machine à une multitude d'opérations
utiles ; ils remplacent aing une infinite
de bras conſervés à l'agriculture : pour y parvenir
, il leur a fallu non-ſeulement faire des
dépentes prodigieuſes , mais encore déployer
4
( 18 )
un art , une induſtrie quidonne la plus haute
confiance en leurs lumieres , & fait honneur à
leur patrie. La premiere application de ces machines
, eſt de fournir d'eau les grandes villes ,
de deſſecher les marais , d'épuiſer les mines ;
il n'y a que quelques années qu'on a ſongé à en
tirer parui pour les moulins de toute eſpece ,
dont le travail ne ſouffrira plus d'interruption,
puiſque voilà un premier moteur trouvé qu'on
a toujours ſous la main. Nous nous croyons difpenſés
d'infiſter ſur l'avantage inconcevable de
pouvoir dreffer à for gré des pompes , des moulins
,des uſines& toute autre machine de ce genre
miſe en mouvement juſqu'ici au moyen de
l'eau , du vent ou de la force des animaux , dans
quelque ftuation que ce foit, pourvu qu'on puiſſe
ſeprocurer du combustible à bon compte.
Eneffet , pour peu que l'on confidere combien
l'action du Vent eſt variable&fouble dans lesmachines
établies juſqu'à préſent , que la dépenſe
de l'eau,même quand on peut s'en procurer ,
n'eſt jamais allez peu confidérable pour ne pas
entrer en ligne de compte; & enfin , qu'il n'y
pas de coin ſur le globe où on puiffe entretenir
ſoit des chevaux , foit des boeufs , à auffi
bon marché que le feu qu'il faut pour obtenir
une quantité de vapeur qui faite le même ouvrage
, on fera forcé d'avouer que cere derniere
condition n'en borne l'ufage en aucun lieu
particu ier ; on ſera convaincu & on fedira
qu'il eſt sûr qu'on en peuttirer les plus grands
avantages , quelques foient les eſpérances qu'on
fonde fur certe heureuſe invention , elles seront
remplies , elles feront palées .
,
Nous poſſédons déjà des moulins à vapeur
pour la filature du coton , le tirage des huiles ,
jerapagedu tabac, la preparation des drogues ,
( 19
des épiceries &des couleurs , la forge des métaux
& la mouture des grains. Les moulins
d'Albion , près du pont de Black Fryars à Londres
, du côté du Comté , ſont le plus beau
modele en ce genre. La defcente du piſton y
donne lieu à un mouvement volontaire par le
moyen d'une manivelle coudée , fixée à l'autre
bras du levier , qui agità peu-près comme nous
le voyons tous les jours dans les rues , torſque
les rémouleurs mettent en jeu avec le pied
leur meule à aiguiter. Ici une pompe à feu fait
tourner dix paires de meules , dont chacune
mout jour & nuit neuf boiſſeaux de bled par
heure. Cette même pompe met encore en mouvement
les bluteaux , les tamis pour ſaffer la
farine& en faire de différentes qualités ; elle
charge & décharge les corbeilles , vanne exactement
le bled , & enfin lui fait fubir toutes
les préparations juſqu'à la derniere qui le met
en état d'êare employé par le boulanger.
Il eſt impoſſible de décrire dans un elai auſſi
court que nous donnons , l'état où doivent être
les inventions multipliées , toutes aufli ingénieufes
les unes que les autres , qui lient ces différentes
parties avec le premier moteur , les
font agir enſemble ou ſéparément ,&les meuvent,
les détachent , les arrêtent à la volonté
de quelques ouvriers qui ſurveillent la machine.
Nous promettons à tous les amateurs des
ſciences , à tous des amis de l'humanité , une
fatisfaction faite pour leur coeur à la vue de
cette magnifique invention ; & ce qui ajoutera
fans doute à leur plaifir , ce ſera d'apprendre
que les profits honorables qu'elle procure àſes
inventeurs les ont dé à placés dans ce degré
d'opulence auquel ils étolent & dignes d'are
ziver.
( 20 )
De Paris , le 31 Juillet.
Réglement fait par le Roi , du 12 Juillet
1787 , fur la formation & la compoſition
des Aſſemb'ées qui auront lieu dans la Géné
a'ité d'Auch , en vertu de l'Edit portant
création des Assemblées Provinciales.
Idem du 12,Juillet 1787, fur la formation.
& la compoſition des Aſſemblées qui au- .
ront lieu dans la province de Limolin , en
vertu de l'Edit portant création des Affemblées
provinciales .
Idem , même date , ſur la formation & la
compoſition des Aſſemblées qui auront lieu
dans la province de Poitou , en vertu de
l'Edit portant création des Aſſemblées provinciales
.
Idem, même dare , ſur la formation & la
compofition des Aſſemblées qui auront lieu
dans la province d'Alface , en vertu de l'Edit
portant création des Affemblées provin
ciales .
Réglement fait par le Roi , du 8 Juillet
1787 , fur la formation & la compoſtion
desAſſemblées qui auront lieu dans les Du¹
chés de Lorraine & de Bar , en ve.tu de
l'Edir portant création des Affemblées provinciales
.
Le Roi ayant , par ſon Edit du mois de Juin
dernier , ordonné qu'il ſeroit inceffamment établi
dans les Provinces & Généralités de fon
Koyaume , différentes Aſſemblées , ſuivant la
( 21 )
forme qui ſera déterminée par Sa Majesté,elle
a réo'u de faire conroître ſes intentions ſur la
formation & la compofition de celles qui auront
lieu dans les Duchés de Lorraine & de Bar. Sa
Majesté a cru devoir le borner, quant à préfent ,
à déterminer ce qui regarde la formation de l'A1-
ſemblée provinciale. Cette Affemblée lui procurera
, fur ce qui concerne les autres , tous les
éclairciſſemens qui lui font néceſſaires ; & quard
Sa Majeſté les aura reçus , elle pourra donner à
cesdivertes Aſſemblées, la nature & la perfection
qu'elles doivent avoir. En conféquence ,&c.
Réglement fait par le Roi , du 12 Juillet
1787 , pour la premiere Aſſemblée de la
province de Haynaalt, en vertu de l'Edit
portant création des Affemblées provinciaies .
Le Roia , par ſon Edit du mois de Juindernier
, ordonné qu'il ſeroit établi dans les Provinces
&Generalit'sde fon Royaume , des Adminiftrations
provinciales. Occupé d'un objet auffi
important . Sa Majesté a pris connoiſſance du
régime ſuivi anciennement dans laGénéralité du
Heynault ; & voulant connoitre ſi ce régime devoit
être remplacé ar celui qu'elle a préféré
pour les autres Provinces du Royaume , ou s'il
étoit poffiblede le modifier de maniere que le retour
de cette Province à les anciens uſages né
nuisit point à ſes intentions , elle a déterminé
qu'il feroit convoqué dans la ville de Valenciennes
, une Aſſemblée contultative qui Gra
compoſée du Duc de Croy , que Sa Majesté en a
nommé Préſident , & de dix- sept perſonnes ,
choifies par elle dans l'Ordre Eccléiraſtique , dans
celui de la Nobleſſe & dans le Tiers Etat : Veut
& enten ! Sa Majesté que leſ ites perſonnes par
elle choisies , s'aſſemblent le 3 du mois d'Août
( 22 )
prochain , dans ladite ville de Valenciennes , à
l'effet de prendre une connoiſſance particuliere
& approfondie des formes des Administrations
provinciales que Sa Majesté vient d'établir dans
les autres Généralités de ſon Royaume , & de
s'occuper en même temps de l'examen attentif
des formes anciennes de l'Adminiſtration de ladite
Généralité du Haynault , & de celles qui
ſubſiſtent encore à l'effet de voir les rapports
qui peuvent exiſter entre cet ancien régime&
celui deſdites Adminiſtrations provinciales , &
les avantages reſpectifs de ces deux formes d'adminiſtration.
Autoriſe Sa Majeſté le Duc de
Croy & les dix- sept autres perſonnes qui s'affembleront
avec lui , à s'en aſſocier encore fix autres
à leur choix pour procéder audit examen ; &
lorſque ledit examen aura été fait , veut Sa Maj.
que les Mémoires en réſultant lui ſoient auffitôt
renvoyés , pour être ſtatué par elle ſur la
forme à établir dans la Généralité daHaynault ,
de la maniere la plus utile à ladite Généralité ,
& la moins éloignée qu'il ſera poſſiblede ſes cou,
tumes & uſages , &c ,
Le Conſeil ajugé l'affaire de MM. Tourton
& Ravel. Ces Banquiers avoient préſenté
Requête en caſſation du Jugement de
la Commiſſion , qui les avoit condamnés à
payer le montant des lettres - de - change
adultérées. Leur requête a été rejettée , &
le Jugement confirmé.
«Le 2 de ce mois , au commencement d'un
> orage qui a duré 5 heures ,le tonnerre eſt tom-
>> bé ſur la pointe du clocher de l'Egliſe iſolée
> de Notre-Dame de la Roque Bruſſane en Provence.
Il a abattu une partie de la fléche, cou-
-pé la chaîne de fer de la cloche , & conduit
( 23 )
> par la corde qui y étoit attachée , il a renvera
> ſé mort le ſonneur au pied de l'Autel . Le bruit
de cet accident a conſterré tous les habitans ;
mais le ſon des cloches de la Paroiſſe n'a point
>> diſcontinué , ni pendant la ſuite de cet orage ,
> ni pendant l'orage ſurvenu le lendemain . Ce
n'eſt pas tout : on s'occupe de rétablir la fléche
>> de ce clocher , quoiqu'on ait vérifié qu'à l'épo-
➤ que du 7 Septembre 1731 , elle fut écrasée
ود par un accident ſemblable. Si ces effets , ſi les
>>>inſtructions d'un Curé reſpectable , fi les inſpi
>> rations de quelques bons Citoyens ne peuvent
> éclairer le peuple ſur le préjugé qui attache
>> une efficacité à la ſonnerie des cloches pendant
>>> les orages , & une forte de mérite aux clo-
>> chers terminés en pointe , il n'eſt point étonnant
que les catastrophes éloignées , retracées
>> annuellement , & les réflexions répandues fur
>> cette pratique ſuperſtitieuſe & meurtriere ,
>> n'aient fait encore qu'une impreſſion par
tielle , &c. »
LETTRE écrite au Rédacteur.
Monfieur ,
>>>La fille Salmon , femme Savary , jouit
>> en paix , & avec toute la ſécurité d'une
>> confcience intacte , du triomphe de fon
>> innocence. Elle partage avec ſon époux
>>>les bienfaits de L. A. S. M. le Duc &
>> Madame la Ducheſſe d'Orléans. Ce cou-
>>> ple , que l'on peut citer comme un mo-
>> dele de l'union conjugale , coule des jours
>>> heureux , fans soupçon & fans défiance ;
>>>il ſe croit à l'abri des impoſtures & des
>>perfidies. Cependant la calomne la p'us
>>affreuſe vient de publier & dans la Capi
( 24 )
>>tale & dans la Province, que cette femme
>> a empoitonne ſon mari. Permettez que
> je me ſerve de la voie de votre Journal
>>>pour détromper le public tur une telle
>>>atrocité , qui doit faire frémir les ames les
>>p>lus apathiques.
Montargis , Juillet 1787.
GASTELLIER , Maire.
Le 16 de ce mois , vers une heure de relevée;
le feu prit à une maiſon du Bourg d'Oilemont
qui en contenoit 256.Dans l'eſpace de deux heures
, 205 maiſons , les bâtimens en dépendans ,
unegrande partie des meubles ,grains , fourrages
& effers qu'ils renfermoient , les Titres , Papiers ,
Minutes des Notaires & du Greffe , Régiſtres du
Contrôle , & les Rôles d'Impoſitions , furent la
proie des flammes. L'Eglise , quoique nouvellement
& folidement reconſtruite fut enveloppée
d. ne cet Incendie. On évolue la perte à 1500
mille liv. Plus de 1200 habi ans ſont aujourd'hui
privés d'aſyles : un très grand nombre manque
de vêtemens& de reſſources pour la ſubſiſtance.
M. d'Agay , Intendant de Picardie , a , ſur le
camp , pourvu à la nourriture de tant de ma
heureux , par des diſtributions de pain. Il a faic
donner les autres fecours qu'un événement auffi
trifle pouvoit rendre néceſſaires dans les premiers
momens , en attendant les foulagemens plus conſidérables
que ja bienfaiſance du Gouvernement
&des coeurs ſenſibles leur fait eſpéter. (Affiches
de Picarie. )
:
Le Parlement de Toulouſe vient de rendre
un Arrêt ſolennel , qui venge à la tois
la natore & la juſtice ; Catherine Estinés ,
qui languiſſoit depuis deux ans dans les
prifons ,
( 25 )
prifons , ſous une accuſation d'empoifonnement
& de parricide , vient d'être jullifiée.
L'Arrêt calle la procédure faite précédemment
contre cette infortune , & condamne
le Procureur du Roi de Cazaux & fon pere ,
contumaces ; le Juge & le Greffier en 4000
liv. de dommages & intérêts envers l'accuſée;
en outre , condamne à dix ans de galeres
les contumaces , & les autres à dix ans
de banniſſement, ordonne la rayure &bitfurede
la Sentence des Officiers de la Riviere
Baffe , &c.
Pour la de niere fois nous revenons ſur
une diſcuſſion interminable , & nous o'ons
le dire , inutile , qui a trop long temas partagé
deux antagoniſtes , dont le dernier
nous écrit en ces termes :
Monfieur ,
Ce n'eſt point ſans avoir profondément examiné
le projet de M. l'Abbé de la Moue , que
je l'ai qualifié de tarbare. Quel autre nom ,
eneffet, peut--oonn donner à un ſyſtême qui tend
directement à établir le pincipe fondamental
de l'eſclavage ? Qui ſuppoſe que l'on peut difpoſer
de la liberté d'un homme ſans le confulter
, fans paffer avec lui au une tranſation
volontaire ? L'induction que M de la Morte
veut tirer de la milice ne prouve rien ; car en
ſuppoſant qu'il y eût quelques abus dans cette
partie de la police intérieure de F'Etat , feroitceune
raiſon pour l'autoriſer dans une autre .
Mais outre cela le deſpotiſme qu'il propoſe
d'exercer ſur les Enfans Trouvés differe abfo
Jument de la néceſſité où font les fils de labou-
N°. 31 , 4 Août 1787.
b
( 26 )
reurs de tirer à la milice. 1º. Parce que le fils
de labou eur peut ſe ſouſtraire à cette obligation
en ſe mariant. 2°. Parce qu'avec de l'argent
, il peut avoir un homme pour tenir ſa
place. 3°. Parce que le milicien eft le ſoldat
national choifi par le fort , & deſtiné à défendre
ſa propriété , ou celle de ſa famille. Mais
l'enfant-trouvé qui n'a pour tout bien que ſa
liberté , pour toute reſſource que l'eſpoir de ſe
diftinguer & d'acquérir de l'aiſance par fon
travail ; lui qui n'a ni propriété , ni famille ,
& à qui le titre de bâtard fait perdre une partie
des droits de l'homme civil ; vous voulez
lui arracher ſa liberté , le rendre eſclave pour
toute sa vie , l'aſſujettir à devenir le gardien de
gens qui le mépriſent au point de lui ravir le
droit de diſpoſer de lui-même ? Ajoutez de
plus que le foldat milicien ne ſert que pour
un tems , qu'il a l'eſpérance prochaine & bien
fondée de rentrer au ſein de ſa famille , qu'il
en reçoit de petits fecours , que ſouvent meme
il paſſe ſes huit années de ſervice au milieu
des ſiens. Mais l'enfant trouvé à qui vous donnez
des chaînes forcées pour toure ſa vie , quel
dédommagement trouve-t-il d'un ſi dur aſſujettiſſement
? Quel eſpoir le ſoutiendra au milieu
de ſa captivité ? Ilſera nourri & logé , ditesvous
; mais les forçats font auſſi nourris &
logés. D'ailleurs , ne voyez-vous pas que vous
allez multiplier les déſertions , & les châtimens
qui les accompagnent , par cette crainte éternelle?
Et que dira l'homme ſenſible , quand il
verra que cette déſertion n'est qu'une infraction
faite à un engagement forcé , & par confé
quent illégal ?
Il eſt malheureux , ſans doute , que les enrôlemens
qui ſe font ſur nos côtes arrachent
( 27 )
des bras à l'agriculture , & dépcuplent les campagnes
. C'eſt à la ſageſſe du Gouvernement à
modifier les réglemens qui les preſcrivent de
maniere à en diminuer les inconvéniens . Mais
il manqueroit ſon but , & facrifieroit inutilement
un grand nombre d'individus , en voulant
recruter ſes flottes avec des enfans - trouvés ,
d'une maniere arbitraire . Pourquoi donc lui en
ſuggérer le deſſein ? L'Ordonnance de la Marine
de 1681 ( Liv . 2. Tit . 1. Art. 6. ) prefcrit
, à la vérité , aux Armateurs de prendre
des enfans dans les Hôpitaux , près des ports ,
pour en faire des moufles ; mais cette diſpoſition
n'a proſque jamais été remplie exactement,
fans doutepar la difficulté d'un pareil ſervice.
( Commentaire for l'Ordonnance de 1681 , par
Valin , au lieu cité ). Ce ſeroit donc une contrainte
gratuite & deftructive d'y vou'oir for.
cer des ſujets nourris & élevés loin de la mer .
Ceux des enfans trouvés qui ſe fentent du
goût pour cet état , ſont très à même de s'engager
pour la marine , fans qu'il foit néceſſaire
de les y aſſujettir arbitrairement,
L'Auteur du projet afſur que la plupart des
enfans trouvés s'échappent ou font chsfés des Hopitaux
pour devenir des filox & des triganas . Cette
aftertion injurieuse & dénuée de preuves , n'eft
fondée que fur un préjugé vague & fans fondement.
L'Admirißration des enfans-trouvés a
pourvu , en tres grande partie , à leur aſſurer
un fort dans le monde. Voyez le Reg'ement
fait en 1761. pour cet objet , l'Arrêt du ro
Août 1783 , &c . & vous verrez combien plus
que moi M. L. D. la M. s'expole au reproche
delégereté,
Enfin , les enfans-trouvés ne fort point inutiles
, bien loin d'être dos brigands, dans les ene
b2
( 28 )
droits où ils ſe trouvent. Ils apprennent des
metiers , deviennent domeſtiques , quelques-uns
des artiſtes intelligens ; d'autres deſſervent les
Hôpitaux , un grand nombre ſe marient , même
ceux qui ne font pas beaux hommes. En un
mot , rien en eux n'autoriſe à les dépoſſéder
arbitrairement de leur liberté , le feul bien
qui leur reſte , & que perſonne n'a droit de leur
ôter.
Je crois toutes ces raiſons juſtes & faciles à
ſentir , c'eſt pourquoi je vous prie de vouloir
bien encore les rendre publiques pour fervir
de réponſe à la lettre de M. l'Abbé dela Moeite.
J'ai l'honneur d'être , &c . PEUCHET.
>>On regarde communément les fouines
>> comme des animaux dangereux pour la
>> volaille; mais on ne s'étoit pas encore
>> aviſé de penſer qu'elles puſſent i étre pour
>>>les hommes: l'exemple ſuivant fera voir
>> ce qu'on doit penſer ſur cet article. Au
>> commencement de 1758 , une femme du
>> village de Chaumeny , près l'Aigle en
>> Normandie, laillaun enfant de 9 mois dans
>> fon berceau pour aller dans ſa cour ; les
>> cris de l'enfant la rappellerent bientôt au-
>>près de lui ; elle trouva tout en fang fon
>> bonnet ôté , la tête percée de deux tous ,
>>>le front & les mains ecorchés ; el e cher-
>> cha la cauſe de cet accident ; & ne la
>> trouvant pas , elle appella ſes voisines;
> ce les ci , à force de recherches , crurent
>> apperce soir un animal caché dans un trou
>> de la muraille , & elles ſe tinrent tran-
>>>quil es pour tâcher de l'attra er , sil re(
29 )
>> venoit à 'a charge ; il y revint en effet ,
>>& eles le prient : c'étoit une fouine , qui
> la nuit précédente avoit étranglé fix pou-
>> lets à cette temme. Elles avoient été pen-
>> dues au plancher : la fouine , attirée par
>> l'odeur , é- oit entrée & en avoit fait tom-
>> ber une qu'el'e avoit mangée ; elle s'étoit
>> enſuite adreſſée à l'enfant , qu'elle anroit
>>>vraiſemblablement dévoré , ſi on lui en
>> avoit donné le temps. Heureuſement les
>>>plates qu'e'le lui avoit faites n'étoient pas
>>mortelles , & il eſt guéri de cet accident.
(Journal de Provence.)
La Société Littéraire de Grenoble , dans la
Séance du 2 Mai de cette année , avoit décerné
à M. Achari de Germanes , Avocat au Partement
, un prix de 300 liv.; mais M. de Ger
manes a prié la Société de difpofer de certe
ſomme , pour en faire l'objet d'une nouvelle
queſtion à propoſer. En conféquence , la Société
propole au concours l'Eloge hiſtorique du ChevalierBayard.
Le prix ſera une médaille d'or de
la valeur de 300 livres , qui ſera diftribute dans
La féance publique du mois de Mai 1788. -On
recevra des mémoires jusqu'au premier Avril.
Dans la même ſéance du 2 Mai , on a annoncé
le programe ſuivant. La ſociété adjugera
un prix dans la féance publique du mois de
Février de l'année 1788 , au meilleur mémoire
« fur les moyens de perfectionner la filature
>>>des foies , afin de pouvoir obtenir, dans les
>> derniers apprêts , les ſoies de premiere qua-
>>> lité ; & fur les avantages ou inconvéniens
> qui réſulteroient de l'afage du charbon de
>> pierre dans les triages de foie » .
b3
( 30 )
:
-Le prix ſera une médaille d'or de la valeur
de 300 livres , & une de 150 livres pour l'acceffit.
Les mémoires ſeront envoyés avant le premier
Janvier 1788 .
Dans la mê ne ſéance , la Société a renouvelé
l'annonce du ſecond prix qu'elle diftri .
buera , cette année , dans la féance publique
qu'elle tiendra au mois de Septembre prochain ,
" fur les branches d'induſtrie qui conviendroient
le mieux aux Cantons de cette Province qui
en font dépourvus , & notamment dans le
Hau:-Dauphiné ; fur les moyens d'accroître
les progrès de l'agriculture dans ceux qui ne
feroient lufceptibles d'aucun genre d'induſtrie ,
>>>fans préjudicier néanmoins au rétabliſſement
des bois ,
Ce prix ſera une médaille d'or de la valeur
de 300 livres , & une de 150 livres pour l'acceffit.
Le ſieur Delnos , Ingénieur Geographe & Libraire
de Sa Majesté Danoiſe à Paris , rue Saint-
Jacques , au globe , vient de mettre en vente
quinze Almanachs nouveaux pour l'année 1788 ,
qui, réunis à ſa Collection, la complettent à cent,
y compris ceux de Géographie & d'Hiſtoire .
Ces Almanachs , pour n'être pas confondus avec
les autres , feront compoſés de 96 pages d'impreffion
, de chanfons , romances , vaudevilles ,
par les meilleurs Auteurs. Ils feront enrichis
de 12 jolies gravures , à côté deſquelles les
chanfonsanalogues ſeront gravées en taille-douce,
avec perte & gain , & un ſtylet pour écrire
qui en fait la fermeture. Vol. in- 24 , relié en
maroquin , du prix de 4 liv. 10 fols pour Paris
& 5 liv. pour la Province , rendus francs de port .
Ceux qui defireront s'en procurer , n'auront
qu'à les déſigner par leurs numéros , ſous lef-
,
( 31 )
quels ils ſe trouvent dans le Catalogue qui ſe
diftribue gratuitement pour éviter les mépriſes .
Le ſieur Deſnos affure aux Commerçans une
remiſe honnête ſur le prix; il donnera en ſus
à ceux qui en prendront douze le treizieme
gratis. Il faut que les demandes en ſoient faites
avant le premier Septembre. Il n'en ſera pas
relié plus que le nombre de ceux qui ſe ſeront fait
infcrire d'ici à ce temps- là ; les lettres non affranchies
ne feront pas reçues.
PAYS -BAS.
De Bruxelles , le 28 Juillet.
Le départ de L. A. R. pour Vienne &
l'envoi d'une Députation des Provinces
Belgiques , exigés par l'Empereur , n'avoient
pas moins rencontré d'oppoſitions que tout
ſereſte.Dansune repréſentation du 8 ,les Etats
de Flandres avoient déclaré ce départ& cette
députation abſolumentinutiles; ils s'écrioient
qu'ils étoientà deux doigts de leurperte, fil'une
& l'autre s'effectuolent ; qu'ils n'avoient
aucun beſoin de médiateurs , & que jamais ,
entr'autres , on ne les convaincroit de la néceffié
d'établir les nouveaux Tribunaux
& un Séminaire général où l'on enseigne une
doctrine hétérodoxe. Les Papiers publics
exagéroient encore la fermeté de cette réſiſtance.
Le 20 Juillet, la Gazette de Leyde
informa l'Europe queles Etats réun's étoient
d'accord fur l'impoſſibilité de fatisfaire aux
ordres de l'Empereur; qu'il n'y avoit pas de
,
b4
( 32 )
doute là deſſus , que la Nation Belgigue étoit
unanime à cet égard, que la milice Bourgeoise
formoit déjà une armée de combottans , qe
les Ecoliers de Louvain s'étoient charges
du rôle de défenſeurs de l'ordre public ,
violé par S. M. I. , & que leurs Patrouilles
&leurs Inſcriptions tendoient ces Ecoliers
dignes de l'eſtime de l'Univers. C'eſt le 20
Juil'et qu'on écrivoit ces hiſtoires ; & le 18 ,
on décidoit ici de reſpecter les volontés de
l'Empereur. Cette ſage réſolution , à laque'le
il faut croire que la prudence ſeule a contribué
, a été précédée de quelques dé
marches publiques , dont voici le précis.
En date du 16 , les Etats de Brabant
avoient adreſſé à L. A. R. de nouvelles repréſentations
, dans lesquelles ils ſe mentoient
a'larmés des mouvemens militares ,
qui fe faifoient dans les Erats de l'Empereur
en Allemagne , &c. Nos Go iverneurs
Généraux répondirent à cette Adreſſe, par
la lettre ſuivante.
Très Révérends , Révérends Peres en Dicu ,
Nobles , Chers & Bien-Amés . Nous avons examiné
votre repréſentation en date du 16 du courant
, par laquelle vous témoignez vos inquiétudes
fur ce que , même après la nomination
des Députés des Etats des Provinces pour ſe
rendre aux p'e's du Trône , la multitude ne
ſe porte àdes excès ſur des préparatifs militaires
ſimplement ordinaires , en les confondant avec
des préparatifs inquiétans , qu'elle prendroit pour
des projets de ſévérité , contradictoires à la dé-
Pêche de S. M. en date du 3 du courant : excès
( 33 )
qui ſeroient doublement déſagréables dans les
circonftances : ſur quoi , pourles prévenir , vous
nous ſuppliez de raſſurer les eſprits ; nous vous
faiſons en conféquence les préſentes pour vous
dire: que du moment que les Etats des Provinces
envoyent des Députés aux pieds du Trône,
les embarras dont il s'agit depuis quelques mois ,
font regardés comme terminés& finis ,&nous
ſommes perfuadés avec vous , que le calme &
la ſérénité renaîtront d'abord ; cependant , pour
calmer le peuple , nous n'hélicons point de déclarer
, qu'il ne peut s'agir & qu'il ne s'agira
pas de faire aucun déplacement des troupes ou
préparatifs militaires inquiétans , de quoi nous
nous ſommes aſſur's & concertés avec le Géneral
Commandant.
Quant aux mouvemens qu'on annonce parmi
les troupes de S. M. en Allemagne , nous vous
affurons qu'ils ſe bornent aux ordres donnés à
différens régimens de ſe concentrer ſur les trontieres
des Provinces Allemandes de leur cantonnement
, fans pater outre , & à celui de Bender ,
qui eſt encore dans la garnison à Fribourg, de
ſe tenir prêt; mais ces mouvemens ne doivent
point vous alarmer dans la perfuafion où nous
ſommes que la fidélité envers S. M. de tous les
ordres de l'Etat , de chaque membre en particulier&
de la Nation en général , les rendra d'abort
fans ebiet , ainſi qu'il eſt de la connoif-
Since des différens membres des trois ordres des
Etats à qui nous avons fait communiquer les
informations qui nous ont été tranímites à cet
égard.
Quant au Tréſor- Royal , au Gouvernement ,
aux mazafins & munitions à Ma'ines & autres
effers Royaux , comme le calme ſera retabli ,
& qu'aucun mouvement ou préparatif in quiétant
bs
( 34 )
ne le troublera , nous aſſurons avec vous , que
tout tumulte , qui porteroit vers ces établiſſemens
, eſt peu probable , il ſuffira par conféquent
dans le cas non prévu d'un tumulte quelconque
, que la Bourgeoiſie ſe mette d'abord en
devoir de l'appaiſer ſur le pied uſité daras ſemblable
cas , & que ſelon qu'il s'éléveroit au
point que le civil ne pûty obvier , qu'on s'adreſſed'abord
en forme au militaire pour agir de
concert : du reſte , on pourra , ſelon le beſoin ,
placer un détachement de la Maréchauſſee aux
environs du magaſin à poudre proche de la
ville de Malines , outre la garde militaire qui
yeſt ſtationnée.
Le lendemain ( 19 ), les Etats donnant au
peuple l'exemple de l'obéiſſance , ont nommé
leurs Députés à Vienne , & ont informé
de cette réſolution L. A. R. , qui font parties
le 20 à 1 heure du matin. Le 21 , le
Comte de Belgiojoſo s'eſt également mis
en route pour Vienne , où les Députés des
différentes Provinces ſe rendront inceſſamment.
En attendant l'heureuſe iſſue de ces préliminaires
de conciliation , on travaille à
maintenir partout la tranquillité , à prévenir
les tumultes , & à calmer le peuple , qu'il
eſtplus aiſé de mettre en mouvement , que
de diriger & de retenir.
Le Cardinal de Frankenberg , Archevêque
de Malines , eſt arrivé ici le 22 , de retour
de Vienne , & a aſſiſté le lendemain à
la tenue des Etats.
On apprend de Breda , que le régiment
( 35 )
du Général d'Envie y a arboré la cocarde
Orange, que ce mouvement est devenu genéral
, que les Patriotes y ont été déſarmés ,
& que les plus ardens d'entr'eux ſe ſont
rendus à Rotterdam .
Le Corps des Officiers du régiment de
Heiſe- Philipſtadt Cavalerie , a fait imprimer
dans les Papiers publics la déclaration fuivante
:
« Le corps d'Officiers du Régiment de C.-
>>> valerie de S. A. S. le Lieutenant-Général
➤ Landgrave de Heſſe-Philipſthal , en garniſon
à Doesburg , ayant appris tant par les papiers
>> que par les bruits publics , que S. A. R. a été
› arrêtée à Schoonoven par un détachement du-
>>>dit Régiment , ſe trouve obligé , pour la confervation
de l'honneur & réputation dudit
>>> corps , d'avertir le Public que ceux qui ſe
> font laiſſes employer à cette action indigne ,
»n'ont été ni des Officiers ni des Cavaliers ap-
>> partenans au fufdit Régiment ; mais quelques
>>déſerteurs qui ont abandonné leurs étendards ,
>>>ayant à leur tête un Lieutenant nommé van
Mare , qui par des raiſons à lui connues a pré-
>> féré le métier de partiſan à l'honneur de ſervic
>>>dans un Corps qui o'e ſe vanter d'avoir tou-
>>jours ſervi avec distinction ».
« Le ſouſſigné , ainſi que tout le corps d'Of-
>>ficiers ici preſent , ſe flattent donc que le public
équisable& éclairé ne leur imputera pas
>>>une action auſſi lâche , pour laquelle ils ont
>> toute l'horreur qu'elle mérite , n'ayant jamais
>>> renié leur attachement légitime pour l'ancien-
>ne conſtitution , & pour la férénulime naiſon
> d'Orange ».
b6
( 36 )
:
4
Par un Edit. daré d'Amersfoort , le 9 de
de ce mois , les Erats d'Utrecht ont accordé
une amniſtie générale à tous les habitans
de Wyck. Ils font même érendue fur
les ſieurs Nys & van der Kemp , actuellemens
detenus , quoique , difent les Erats ,
ils s'en foient rendus absolument indignes ,
en excitant les habitans àsefoulever contre
leur Souverain légitime. « Pour prévenir de
>>>nouvelles tentatives de'a part de ces deux
perfonzes, elles fontmiſes provifionnelle-
>> mount ſous une garde sûre.
La Cour provinciale d'Arnheim a rendu,
au nom des Erats de Gueldres , une proclamation
qui ordonne à tous les ſujets de
la Province qui , en qualité d'auxiliaires , ſe
font rendus à Utrecht, pour y prendre du
ſervice , de l'abandonner ſans délai , ſous
peine d'être pon's ſelon l'exigence du cas.
Par le même Elit, il et défendu à aucun
des habitans , ſous des peines pareilles , de
ſe rendre à Utrecht & de s'y enrôler.
Le Baron de Thulemeyer , Miniſtre de
Pruſſe à la Haye , a reçu un nouveau Cou
rier de Berlin , après l'arrivée duquel il a
demandé une conférence au Grand Pentionnaire
de Hollande. On ſuppoſe qu'il a remis
à ce Magiſtrat une décla ation, ultérieure
de S. M P. touchant la réponſe des Erats de
Hollande au Mémoire que nous avons rapporté
il y a quinze jours. Cette réponſede
I.. N. &G. P. , telle qu'elle circule dans
( 37
les Gazettes nationales , eſt de la teneur ſuivante.
Que L. N & G. P. ont trop d'égards pour
S. M. le Roi de Pruffe , & pour fon illudre
Maiton , pour pouvoir ſouffrir qu'il fût commis
dans ce pays quelque attentat , ( expreffion
dont s'eſt ſervi le fusdit Envoyé ) contre Madame
la Princeffe d'Orange , foeur de S. M.
Qu'auffi , L. N. & G. P. ne fauroient douter
que S M. le Roi de Pruſſe ne veuille avoir pour
L. N. & G. P. les égards que les Puillances
Souveraines ſe doivent les unes aux autres :
qu'ainſi L. N. & G. P. ne peuvent pas attentre
de la façon de penſer de S. M. , que le Roi
conſidéreroit comme des attentats contre la perſonne
de S. A. R. , les mesures de L. N. & GP .
qui , en qualité de ſeul & uniqne Souverain
de cette Province, ont cru devoir les prendre ;
meſures d'ailleurs qui ne tendoient qu'à la conſervation
de la tranquillité publique , à la sûreté
des habitans & au bien-être de l'Etat , & cela
uniquement parce que S. A. R. Seſt trouvée
impliquéedans les mesures priſes à ce ſujet. Que
L. N. & G. P. auroient defiré que S. M. eût
été exactement informée avant tout des circonſtances
qui ont eu lieu dans ce cas ſingolier ,
par un récit fidele de ce qui s'y eſt parfé L. N.
&G. P. ont raiſon de ne pas douter qualors ,
le Mémoire de M. l'Envoyé Thulemeyer n'aaroit
pas été remis comme il l'a été : que cependant
, L. N. & G. P. ne fauroient atten fre
de l'élévation des ſntimens de S. M. le Roi
de Pruffe , que ce Monorque voulût exiger que
S. A. R. Madame la Princeſſe d'Orange , fat
ſupérieure au Souverain même de cette Proviace;
& fur ce fondament , que S. M. voulue
( 38 )
aum confidérer comme un attentat , ou comme
une injure faite à la perſonne de Madam: fa
Soeur , tous les empêchemens qu'elle a pu rencontrer
dans ſon voyage pour ſe rendre à la
Haye; voyage contraire aux intérêts de l'Etat.
,
Que cependant , L. N. & G. P. pour donner
une preuve éclatante du prix qu'Files mettent
à l'amitié & à la bienveillance de S. M. ne
font aucunedifficulté de déclarer de leur côté ,
que quant à ce qui regarde le fait même , Elles
en ont été vivement touchées , & qu'elles ne
defiroient rien avec plus d'ardeur , que d'avoir
eu les moyens de le prévenir ; qu'il eſt plus
quevraiſemblable , qu'effectivement cet accident
auroit été prévenu , ſi S. A. R. , au lieu de
partir à l'improviſte , après une abfence d'environ
deux ans , pour rentrer ſur le territoire de
cette Province , eût prévenu,d'une maniere con -
venable , L. N. & G. P. du defir qu'Elle avoit
de venir dans la Maiſon du Bois ( près de la
Haye ) , & des motifs qu'y l'y conduifolent ,
puiſque de cette façon , non ſeulement L. Ν.
&G. P. auroient été dans la poſſibilité de juger
d'avance du fondement de ce defir & des motifs
de S. A. R. , mais que même Elles auroient
pu faire part à Madame la Princeſſe , des conſidérations
que ce voyage devoit naturellement
leur ſuggérer : que même alors , L. N. & G. P.
auroient pu & auroient dû faire reſſouvenir Madame
la Princeſſe de la maniere que le Prince
Stadhouder quitta, avec toute ſa Famille , cette
Province , au mois de Septembre 1785 .
Le mécontentement du Prince contre le Souverain
de la Province de Hollande , montré clairement
& à pluſieurs repriſes , rapproché d'une
foule de démarches viſiblement tendantes à faire
fentir à cetre Province les ſuites& les fruits de ce
( 39 )
mécontentement , & l'emploi même de toutes les
forces de la République qui étoient ſous ſa main ,
dirigé à cette fin ; le contenu de ce Déclaratoire ,
qui a fait tant de bruit , & donné par le ſuſd.c
Prince, le 26 Mai dernier ; Mémoire où l'on perd
abſolument de vue toutes les idées d'une reconnoiſſance
effective de l'indépendance entiere de la
Souveraineté de cette République , d'où il eſt réfulté
malheureuſement que toutes les relations
entre L. N. & G. P. & le Stadhouder actuel , font
devenues très - incertaines & très- indécifes ; &
enfin la diviſion extrême qui regne dans les fentimens
de la Nation , dont la plus conſidérable &
la plus reſpectable portion , en réclamant ſes libertés
, eſt extraordinairement prévenue contre
le Stadhouder, en voyant clairement le but auquel
il tend , pendant qu'une autre partie , nourriflant
des ſentimens oppoſés , & que la populace trompée
& fans jugement , compriſe dans cette ſeconde
portion , a déja abuſé de la maniere la plus ſcandaleuſe
, en pluſieurs endroits , du nom d'Orange,
qu'elle en fait même un cri de révolte , pour ainfi
ouvrir fa ſcene la plus affreuſe de ſédition & de
deſtruction ; que tout cela méritart les plus férieufes
conſidérations , auroit pu être remis ſous
les yeux de S. A. R. , comme pouvant beaucoup
influer ſur la tranquillité de cette Province ; que
de plus , par rapport au deſlein & au motif du
voyage deMadame la Princeſſe d'Orange , on auroit
pu auſſi lui repréſenter , qu'autant que ſon arrivée
ici pouvoit avoir pour objet de faire diſparoître,
ſoit par ſon entremiſe , ſoit en entamant
des conférences avec le Souverain , tous les différends
& les diſſentions qui ſe ſont élevés dans
P'Etat; que ce bat , quelque louable & quelque
eftimable qu'il ſoit en lui-même , conſidéré dans
ſon principe général , n'auroit jamais produit ce(
40 )
,
le pendant le fruit qu'on s'en ſtoit promis , vu
manque d'impartialité néceſſaire ; impartialité ,
qu'après tout ce qui eſt arrivé ,la Nation ne pourroit
pas ſuppoſer dans Madame la Princeſſe; impartialité
néanmoins qui est la premiere qualité
requie dans une Médiatrice , puiſque les conférences
qu'on avoit en vue d'enramer , n'auroient
au moins pu avoir lieu , auffi long-temps que le
Stadhouder , comme principale perſonne , auroit
perťévéré opiniâtrement dans la façon de penſer
&d'agir connue , contre le Souverain de cette
Province; luppolé toutes fois que les termes de
Mediation & autres , dont on s'eſt ſervi , puiſſent
être employés dans un ſens propre, entre le Stadhouder
& ſon Souverain ou la perſonne qui
l'auroit repréſenté. Que conféquemment , L. N.
&G P. n'auroient pu s'empêcher de conciure de
toutes ces conſidérations , les choſes étant aing ,
que d'un côté , il auroit été impoffible que l'arrivée
de Madame la Princefle dans cette Province
eût contribué aux deſſ eins pacifiques qu'elle
dit avoir eus ; que d'un autre côté , le but de ſa
venue ayant malheureuſement été trompé , ce
voyage même devoit être différé encore pour
quelque temps , pour contribuer au repos & à la
tranquillité de cette Province , qui étoit fans doute
le but que S. A. R. ſe propoſoit , en v nant à
la Maiſon du Bois. Ce retard étoit indiſpenſable
pour éviter les nouvelles agitations , que l'arrivée
de S. A. R. auroit infailliblement caufées dans les
eſprits , dont la façon de penſer eſt ſi différente ;
que par l'occaſion qu'elle auroit donne à une
populace emportée , cette popolace , ſous les apparences
de ſe livrer à une joie publique , dans
l'idée fauſſe de s'acquitter par là de ſes devoirs
envers la Maiſon d'Orange & de lui fatre honneur
, auroit lâché la bride aux dears qu'on nour,
( 41 )
rit& qu'on excite parmi elle , & fe ſeroit livrée
à la fédition & au défordre de toute eſpece , su
grand préjudice du Pays & des Citoyens qui l'habitent
. L'expérience mall eureuſe de ce qui eſt
arrivé dans plus Pune Province , le même jour
qu'on croyo : Madame la Princeſſe arrivée à la
- Haye, les 'ditions affreuſes , les pllages & les
cruautés auxquelles on s'y eſtlivré préciſément
ee même jour , ne confirment malheureuſement
que trop les conſidérations que nous venons d'indiquer,
ſur les fuites infaillibles qu'auroit cues
l'arrivée de Madame la Princeſſe à la Maiſon
duBois.
La fin à l'ordinaire prochain.
Leg de ce mois , les Erars de Zé'ande
ont pris une é olution , par laquelle ils approuvent
le re'us qu'on fait leurs Députés
aux Etats Généraux , de recoanoſtre les
Député à la même atſemb'és , nomm's
par la vil'e d'Utrecht. Ils ap rouvent également
la réſiſtance du Conseil d'Etat à exécuter
les révolutions pri es à la même éoque
( 15 Juin ) , & le pient de perfifter dans
ces preuves de leur zele & de leur conftance à
conferver les privileges de la Confélération .
Ils ajoutent qu'ils font d'intention de ref-
>>> ter fideles à l'Union , autant que la choſe
>> ſera poflible; mais que dans le cas où l'on
>> des Confédérés viendroit à la rompe ,
>> ou employeroit des démarches violentes ,
>>>foit contre l'Aſſemblée de L. H. P. , foit
>>>contre quelques uns dedes Membres , foit
>> enfin conte des Colleges de la Gené ali
>>té, leurs Députés & coux des autres Pro(
42)
>> vinces qui reſteroient unis , tranſporte-
>>> roient l'Aſſemblée des Etats-Généraux
>> hors de La Haye , dans un lieu für , afin
>> de concerter avec le Conſeil d'Etat les
>> meſures à prendre pour protéger avec vi-
>> gueur les privileges de la Confédération,
La Friſe ayant également déclaré illégitimée
la nouvelle Députation de la ville
d'Utrecht , les Etats de Hollande l'ont prife
ſous leur protection , & on fast déclarer
aux Etats Généraux , que fi cette Députation
étoit exclue de l'Assemblée , ils interdiroient
aux Députés des Etats d'Amersfoort le territoire
de la Hollande. Cette Déclaration , à
ce que diſent quelques Gazettes , a été priſe
ad referendum par les fix autres Provinces.
Les Etats d'Utrecht aſſemblés à Amerffoort
, s'étant plaints à L. H. P. des obſtacles
que deux cutters d'Amſterdam , en
croiſiere dans le Zuy-derzée , mettoient à la
libre navigation de l'Ems , le Stathouder ,
dit- on , avoit ordonné d'armer quelques bâtimens
pour réprimer ces courſes. D'après
cela, les Etats de Hollande ont défendu aux
Amirautés de la Province , d'obéir à S. A. S.
&de laifler armer aucuns navires. Le Stathouder
, ajoute-t- on , avoit révoqué ces
ordres; mais le Conſeil d'Etat a paſſé outre,
en enjoignant à l'Amirauté d'Amſterdam de
faire entrer deux vaiſſeaux dans le Zuy derzée
, pour en chaſſer les deux cutters. C'eſt
le Gazetier d'Amſterdam qui fait mention
( 43 )
de ces nouveaux ordres , qui paroiſſent inconciliables
avec leur révocation de la part
de S. A. S. , fi elle a exiſté.
Le Conſeil de guerre de la Bourgeoife
armée d'Utrecht , a déclaré au Comité de
défenſe , » qu'il n'entend pas que jamais on
>>>penſe à livrer la ville , quelle que foit l'ex-
>>>trémité à laquelle elle feroit réduite ; qu'on
>> doit la défendre juſqu'à ce qu'elle foit un
>> monceau de cendres , & que s'il le farr ,
>> ceux qui ſurvivront au carnage , mettront
>> lefer aux quatre coins de la ville , avant
>> de l'abandonner. C'eſt encore le Gazetier
d'Amſterdam qui fait part au Public de
cette réſolution .
Trois Officiers de Marine du département
de Horn ayant arboré la cocarde
Orange , hiſſé le pavillon du Prince audeſſus
de celui des Erats, & manqué de refpect
à l'un des Conſeillers Députés , ont eré
caffés&mis en jugement. Ces petits faits ſe
multiplient à l'infini dans la République , &
ne tarderont pas à faire place à de plus ſérieux
événemens .
Le 23 , un courrier extraordinaire venant
de Berlin , a apporté à la Chambre des Domaines
, guerre & finances du Duché de
Clèves , des ordres confirmatifs & immé
diats , fignés de S. M., de preſſer tous les
préparatifs neceſſaires à l'armée qui doit arriver.
M. Fleſch , Commiſſaire général des
vivres , s'eſt déjà rendu à Weſel, où l'on at(
44 )
tend au premier jour les huſſards de Schul
lenburg, partis de la Pomeranie , ainſi que
les troupes du Duché de Magdebourg &
de la Principanté d'Halberstar, qui ſont en
marche avec toute leur artillere. Les divers
Régimens qui forment l'armée ont ordre
d'être raflemblés , & prêts à entrer en campagne
, le 30 de ce mois.
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
<
Il n'y a que quelques mo's, dit leMorning-
Hérald , qu'un batelier de la Tamiſe hérita,par
la moitd'un oscle qu'il avoità Deptford, d'une
fortune confid rab'e. Le teſtateur ne l'avoit pas
nommé; il avoit ſeulement dit dans ſon teſtament
: « Je laiſſe tout mon bien à mon héritier
legitime ». Lorſque le batelier eut pris
poffeffion de cet héritage , il invita à un diner
de famille les autres pauvres parens du défunt ,
qui avoient d'abord cru que l'oncle étoit mort ,
lans faire de test ment. Après le diner , il partagea
entre eux la ſomme de ſept mille livres fterling
,s'en réſervant environ 2,000 & un domaine
de 160 livres ſterl. de revenu ansuel , Stué près
de Graveſend , où il s'eſt retiré. Il s'amuſe fou
vent à conduire des paſſagers à Londres ; mais il
ne le fait jamaisgratis, pour ne pas faire tort à
ſes anciens cam tades.
, que tous
Dans une aſſemblée qui a été tenue à Londres,
par les courtiers des fonds publics, il a
été réſolu , nemire contradicente
les courtiers qui ne feroient point honneur à
leurs engagemens auroient leurs noms infcrits
ſur un tableau publiquement exposé dans le
( 45 )
café où ſe tranfigent ces fortes d'affaires : ceux
qui nommeront les perſonnes qui les auront
fait opérer ne ſeront point inſcrits , mais les
joueurs qui leur auront donné des ordres , lé
feront à leur place.(Gizerteer public. Ledger).
On vient de jeter à Woolwich un canon
de bronze , d'après un plan donné par un officier
ingénieur. On doit en faire bientôt l'effai
en préſence des officiers de l'artillerie , pour
en déterminer l'utilité. Selon le rapport de
l'inventeur , un canon conſtruit d'après les principes
n'aura beſoin que de cinq huitiemes de
la quantité de poudre qu'on emploie ordinairement
, & portera cependant plus loin ; il croit
qu'on peut le perfectionner encore ; l'économie
ſeule , dans l'article de la poudre , rend cette
invention très-importante . ( Morning- Poft ) .
Le Gazetter raconte que le Chancelier de
l'Echiquier, qu'il allure être remarquable , par
la maniere tranchante avec laquelle il donne
Con opinion , & la fermeté avec laquelle il'a
foutient , par'ant dans un diner miniſtériel de
l'énergie & des beautés de la langue latine,
obſerva qu'elle étoit infiniment fuperieure à
la langue Angloiſe. Ayant ajouté , pour prouver
ce qu'il avançoit , que deux négationsrendoient
une choſe plus poſitive en latin , qu'ure
affirmation fimple : « il faut en ce cas , répliqua
le lord Thurlow , que votre pere & votre
mere fullent tousles deux négatifs , carje neconnois
rien d'auſſi poſitif que leur als .
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRILUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE .
Cause entre les Sieurs & Dame Paulet , & B...
& Rojalie le Quint , tant enson nom que comme
( 46 )
:
Tu'rice d'Etienne de Mazieres , fils naturel
du feu Sieur de Mazieres.
ALIMENS demandés par un enfant naturel à la
ſucceſſion de ſon pere , &dommages-intérêts
accordés pour injures proférées contre la
mere.
Le ſieur de Mazieres , Tréſorier de France ,
au Bureau des Finances de ... , libre de ſes actions
dès l'âge de 10 ans , par la mort de ſes
pere & mere , ſe livra d'abord aux écarts des
paſſions : enſuite fatigué de ce tourbillon de
plaifirs , qui n'entraine après lui que dégoût
& les remords , il s'attacha à une jeune gouvernante
, qu'il avoit priſe pour avoir ſoin de
ſa maiſon. Cette fille , nommée Rosalie le Quint,
ne réfifta pas à l'attrait féduisant d'etre courtiſée
par un jeune maitre ; devenue mere , elle ſe
flatta bientôt de l'eſpoir de légalité , & d'amener
infenfiblement le ſieur de Mazieres à légitimer ,
par le maria , les noeuds illicites qui l'attachoient
à elle. En effet , plein d'attention pour
Rofalie le Quint pendant ſa groſſeſſe , il ne dédaigna
pas d'avouer , par ſa préſence au baptême
& fa fignature ſur le regiſtre , l'enfant dont
elle étoit accouchée ; il le fit ſeulement préſenter
comme fils légitime de Jofeph Albert ,
ſes deux noms de baptême véritables , auxquels
il ne voulut pas ajouter celui de Mazieres , avec
ſa qualité de tréſorier de France ; il y ſubſtitua
celui de Bourgeois de Paris ; mais il paya fort
exactement les mois de nourrice de cet enfant ,
qu il alloit très - fréquemment viſiter; il ſe propoſoit
d'épouſer la mere , & alors il lui auroit été
faci'e de faire rectifier l'erreur qui ſe trouvoit
fur l'extrait baptistaite de ſon fils ; mais une
mort fubite enleva le ſieur de Mazieres avant l'âge
de 25 ans. Il laiſſoit pour héritiers deux fours
( 47 )
-
mariées, l'une à M. P... , l'autre à M. B... ; leur
fortune déjà conſidérable, s'augmenta bientôt du
double par celle de leur frerc . -La mere
de l'enfant naturel du fieur de Mazieres ſe
préſenta pour demander des alimens à fa fucceffion
opulente; les deux foeurs , ou plutôt leurs
maris ne jugerent pas à propos de ſa reconnoître
, ni de lui faire un fort; alors elle ſe vit
forcée à former ſa demande en Juſtice : elle
demanda une penſion pour ſon enfant ,& une
ſomme pour lui tenir lieu de dot lorſqu'il ſeroit
en âge d'être établi. Une Sentence
par défaut adjugea à Roſalie le Quint les conclufions
qu'elle avoit priſes ; les deux foeurs du
fieur de Mazieres en ont porté l'appel à la
Cour. Elles ont révoqué en doute la paternité ,
parce que l'acte de baptême ne faifoit pas mentiondu
nom de Mazieres ; elles ont attaqué la
conduitede la fille le Quint ; elles ont prétendu
qu'elle avoit déjà été mere , avant d'etre entrée
au ſervice de leur frere , que la paternité
étoit plas que douteuſe , que la fille le Quint
avoit fait même , au commencement de ſa grofſeſſe
, une déclaration de paternité ſur le compte
d'un Eccléſiaſtique . - Rofalie le Quint a
prouvé la paternité dont il s'agit , par le rapport
des noms de baptême du pere , préſent à
L'acte & fignature dudit acte , avec ceux de
Mazieres dans ſes lettres ; elle l'a prouvée par
comparailon d'écritures , ordonnée & faite par
Experts ; elle l'a prouvée par la dépoſition de
différentes perſonnes , qui ont affirmé que le
ſieur de Mazieres avoit , non ſeulement reconnu
ſa paternité , mais encore qu'il avoit promis de
ſe marier avec la mere de ſon enfant naturel
; elle a prouvé la fauſſeté des imputations
de débauche qui lui étoient faites , ſoit d'une
( 48 )
premieregg offeſſe avant qu'elle connût le ſeur
de Mazieres , fo't d'une déclaration de groffetſe
fur le compre d'un Ecclésiastique , foit enf.n
fur les manieres libres avec plutneurs hommes ;
elle a demandé la fuppreffion de ces injures ,
& des dommages , interets . - Arrer du 13
Avril 1785 , qui a condamné les dames P...
& B... folidairement , comme héritieres du
fieur de Mazieres , a faire au nomné Erienne
de Mazieres une pention a'imentaire de 1900
livres fans retenue , payable par quartier, entre
les mains de la mere Roſalie le Quint , & for
ſes quittances , jufqu'à la majorité de l'enfam ,
& après fa majorité , ſur ſes ſimples qu'itances ;
en outre , à lui payer 6000 liv. lors de ſon
établiſſement ou mariage ; a ordonné la réforme
de l'extrait baptiftaire dudit enfant fur les tegiſtres
de la paroiſſe de St. Sulpice , pour l'ennée
1782 ; & qu'au lieu des mots , fils de Jo-
Seph Altert , Bourgois de Paris , & de Rofalie
te Quint ,fon Epouse , feront mis ceux-ci : fils
naturel de Joseph Albert de Mazieres , Ecuyer ,
Président , Trefoier de France du Bureau des Finances
, de la Generalité de Montauban , & de
Rofalie le Quint ; a ordonné la fuppreffion des
termes injurieux répandus dans les Requêtes
deſdites dames P ... & B... , les a condamnées
en 1000 liv. de dommages-intérêts envers Rofalie
le Quint , & en tous les dépens.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI II AOUT 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
ENVERS ET EN PROSE.
AM. DE MARMONTEL , en lui envoyan
un exemplaire de Pauline & Valmont ,
Comédte imitée de Laurette, Conte moral.
DSIGNERAS- TUla reconnoître,
Ma Pahline , enfant égaré ,
Qui de toi jadis reçut l'être,
Et fans doutea dégénéré ?
Labienveillance paternelle
Sollicite&preffe tou cear ;
-Tu dois , en faveur du modèle ,
Faire grâce à l'initäreb ,
Eh! combien de fois a ta Muſe
No. 32 , 11 4061 1757 . C
so MERCURE ,
"
N'a-ton pas fait d'heureux larcins ?
Des tréſors ravis àtes mains
Ta richeſſe devient l'excuſe.
Ainſi j'ai vu l'Agriculteur ,
Sage & modefte bienfaiteur ,
Reffentir un plaifir extrême ,
Quand ſur ſes pas l'enfant joyeux
S'emparoit des épis nombreux
Qu'il eût pu recueillir lui même.
(Par M. Bodard. )
SUR le grand nombre de Soufcriptions ,
(depuis un écu juſqu'à soooo liv. ) que
chaque jour mu'tiplie relativement aux
Hôpitaux à construire. *
MOIOINN'Ss gais que les François , Meſſieurs les
étrangers ,
Croyez vous pour cela votre âme plus humaine ?
Lesbons Parificas , que la nouveauté mène ,
Dès qu'il faut s'attendrir, ceſſent d'être légers.
La bienfaisance règne au pays des charades ,
Et fi bien captive les coeurs ,
* Cette petite Pièce a été lue le 18 Juillet , à la
Séance publique du Musée de Paris , ainſi que la Fable
ſuivante,
DE I FRANCE.
Que l'Hôpital bientôt parmi ſes bienfaiteurs
Comptera juſqu'à ſes malades.
(Par M. le Marquis de Fuivy. )
Le Petit Prince & les Cartes , Apologue.
D'UN beau Poupon Royal la majete future
Avec des cartes s'amuſoit.
Ignorant leur emploi , l'Enfant ne s'y plaiſoit
Que par l'attrait de leur peinture ,
Et rejetoit, non ſans délain ,
Tout ce qui n'étoit pas figure.
L'une , plus ſenſible à l'injure
D'être priſe pour du frétin ,
Fit cette remontrance au petitSouverain.....
Paintutes font chez nous ce qu'eſt votre nobleffe
Elie a bien ſon mérite : occupez- vous des Grands
Mais les petits aux yeux de la ſagelie
Doivent- ils être indifférens ?
Gardez-vous donc de jamais croire
Que le jeu fublatte fans nous.
Lifez.... confu'tez notre Histoire ;
Interroger nos Rois de couleurs rouge & noire.
Bonnement its vous diront tous
Qie de notre union réſultent les gran is coups ,
Et que d'un Roi fon people eſt la force Sala gloire.
Pour vous défendre enfin de prendre un ton i haut
Cij
رد MERCURE
Avec la carte la plus mince ,
Apprenez qu'au piquet, mon joli perit Prince,
* Faute d'un huit on eft capot.
(Par le même. )
Explication de la Charade , de l'énigme &
duLogogryphe du Mercureprécédent.
Lemot de la Charade eſt Ouie ; celui de
l'Enigme eſt. Cire. d'Espagne ; celui du Logogryphe
eſt Logogryphe , où l'on trouve
gloire , Po , Loire , orge, Io , lyre , pie ,
poire gril or poil agre, horloge , Roi ,
loi.
-
:
CHARADE.
UN pronom poffeffif, feminin , Angulier ,
Qu'admet entretien familier ,
Devinez mon premier.
Uneépithète ,
Ou même mon entier , qu'à l'envi l'on répète ,
Non ſans étonnement , non ſans ſe récrier ,
A qui diroit : Souventje voisfemme mucite ,
Devinez mon dernier.
Un très -fameux ouvrage
Que la crisique sur dousd'acier
.
DE FRANCE .
53
Mord avec rage ,
Devinez mon entier.
(Par l'Auteur du Manueldes Oisifs. )
Sile
ÉNIGM E.
I le tendre Amour me chérit ,
Au Dieu du vin ſi je fais plaire ,
C'eſt qu'à l'un je préſente un lit ,
Et qu'à l'aure je donne un verre.
( Par M. Lar... , de Falaise, Etudiant
en Droit.)
LOGOGRYPH Ε.
Jen'habite point dans les villes ,
Je hais le fafte de la Cour ;
C'eſt ſur les montagnes ſtériles
Quej'aime à fixer mon ſéjour ,
Et ne plais qu'aux âmes tranquilles.
Mes neufpieds vous offrent, Lecteur ,
Du Meſſfie un adorateur ;
Un art qu'enhardit l'ignorance ;
Ce qui met rimeur aux abois ;
Un Saintilluſtre en pays Champenois ,
Qui baptifa l'un de nos plus grands Rois ,
Giit
54
MERCURE
:
1 Et dont l'ampoule en merveilles féconde,
Pleine ſerajuſqu'à la fin du monde ;
Un nom bien doux, mais trop commun ;
Un être par fois importun ,
Et pour qui ſoupirent les filles
Autant laidronnes que gentilles ;
Je vous offre encore ailément
D'un Préat le riche ornement ;
Ce que cacheÉglé qui veut plaire;
Chez le Ture un titre éminent;
Un Empereur maffacré par ſon frères
Et de l'Eſpagne une rivière ,
Avec mon fidèle habitant;
Enfin , pour ôter tout myſtère ,
Vous avez mon nom ſous les yeux
Lorſqu'on vous fert un vin fameux ,
De Bacchus préſent admirab'e ,
Et que tout gourmet véritable
Doit toujours avoir à ſa table.
Lecteur , qiri m'avez deviné ,
Éces- vous aſſez fortuné
Pour avoir en votre puiſſance
De ce nectar par-tout vamé;
Bavez-en par reconnoiſſance
Une bouteille à ma ſanté.
(Par un Amateur impartial )
;
1
DE FRANCE.
SS
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
OBSERVATIONS fondamentales fur les
Langues Anciennes & Modernes , ou Prof
pečius de l'Ouvrage intitulé: La Langue
primitive confervée , par M. le Brigant ,
Avocat ; in-4º de 112 pages. Prix , 3 liv.
: AParis, chez Barrois l'aîné , Libraire , quai
des Auguftins.
LE but de M. le Brigant , dans ce Profpectus
&dans l'Ouvrage qu'il annonce , eſt de prouverqu'il
y a eu une langue primitive monofyllabique
, des élémens de laquelle routes
celles qui exiſtent ſur le globe ont été formées;
que cette langue eſt l'ancien Celtique ;
qu'ellen'eſt point perdue , ainſi que les Savans
Pont cru généralement; qu'elle eſt parlée
dans quelques Provinces avec plus ou moins
d'altérations ; ſavoir , en France , dans l'ancienne
Armorique, appelée Petite-Bretagne ,
& en Angleterre , dans le pays de Galles;
enfin qu'elle s'eſt conſervée dans toute fa
pureté, ou à très peu de choſe près , dans
une partie du Diocèſe de Tréguier , c'est-àdire
, à Pontrieux, & dans le perit territoire
qui environne cette ville. Il en conclut que
'c'eſt rendre un véritable ſervice aux Savans ,
Civ
16
MERCURE
quede mettre à leur portée cette langue matrice,
dans laquelle on retrouve avec la même
fignification preſque tous les monofyllabes
dont font compoſes les motsde tous les idiomes
connus ; cette langue uſuelle , facile à
apprendre , foumiſe aux mêmes règles de
grammaire que les autres , & au moyen de
laquelle ils feront en état d'entendre diverſes
langues , en moins de temps qu'on n'en lacrifie
aujourd'hui à l'étude d'une feule.
En confequence M. le Brigant propoſe par
fouſcription unOuvrage diviſé en quatre parties,
dont la première contiendra: la filiation
>> hiſtorique & critique des langues de l'an-
* cien & du nouveau monde, depuis l'origine
du Celtique juſqu'à préfent. Cette
filiation , établie fur les monumens de
» l'Histoire & fur ceux de la Nature , ſera
fortifiée de preuves que cette langue , qui
>> remonte à la plus haure antiquité , s'eft
>> conſervée entière , & qu'elle eſt actuelle-
>> ment parlée & uſuelle. La ſeconde contiendra
la grammaire & la ſyntaxe de la
langue celtique exiſtante ; la troiſième ,
une méthode pour décompoſer les mots
>> des autres langues par leurs élémens primitifs
, c'eſt à dire , par les monoſyllabes
>> radicaux du Celtique ; & la quatrième , un
Dictionnaire & un Vocabulaire complet
>>des radicaux monofyllabiques ,&des mots
>> compoſésde cerre langue , ſous chacun def.
quels on a raſſemblé les altérations , les
modifications , les extenfions de leur fens
23
DE FRANCE
> propre ou figuré chez les différens peu-
» ples. »
C'eſt une grande découverte que celle
qu'annonce M. le Brigant , ſi elle n'eſt pas
chimérique , fi ce n'eſt pas un vain eſprit de
ſyſtème qui en a conçu , qui en a lié les rapports.
C'eſt ce qu'il s'agit d'examiner ; & 6
elle eſt ſuffifamment prouvée , il eſt inutile
de développer aux yeux des Savans la foule
d'avantages qui en réſulte pour l'étude de
l'antiquité.
Cette idée d'un peuple primitif & d'une
civiliſation ſucceſſive portée d'une extrêmité
de laterre à l'autre , a été long -temps l'objet
de l'examen des Savans. Sans parler de ce
qu'en ont dit les Philoſophes anciens , &
fans fortir de ce ſiècle, on faittout ce qu'on
doit à cet égard auxrecherchesde MM. Freret,
Boullanger,dont les Ouvrages très- connus il
y a vingt ans , ne méritoient pas peut- être
l'oubli dans lequel ils paroiffent tomber , &
de M. Poinfinet de Sivry , Auteur d'un ſyftême
fort ingénieux, qui ſert de ſuite & de
complément à celui de M. Boullanger *. Au-
* C'eſt ce même M. de Sivry dont on remet
aujourd'hui avec tant de faccès la Tragédie de
Britéis. Fait pour ſe distinguer également dans la
carrière des Sciences & dans celle des Beaux-Arts ,
il a fu tranſporter dans notre poéfie les beautésdes
langues anciennes avec leſquelles il eſt familier , &ε
cependant il a vécu dans l'infortune , &c'est à ſes
malheurs mêmes qu'on doit la repriſe d'un Ouvrage
dont on avoit entièrement oubliéle mérite &l'Auteur,
C
MERCURE
7
jourd'hui la plume eloquente de M. Bailly ,
l'érudition immenſe de M. Courtde Gébelin';
&de quelques autres ,& plus récemment encore,
le ſtyle élégant de M. Rabaut de SaintÉtienne
,&c. ont répandu ſur ce point d'Hif
toire ancienne un nouveau degré d'intérêt.
Tous s'accordent à reconnoître que dans un
canton de la terre , qu'il ne s'agit plus que de
déterminer , un peuple a connu le premier
les charmes de la civiliſation , & les a fait
connoître aux autres par l'empire de la perfuafion
ou de la force , & par le droit de
conquête.
Quelle que foit l'origine des ſociétés , il
paroît en effet très probable qu'elles ont
commencé par un feul peuple. Du moment
qu'éclairé par un événement quelconque ,
deshonimes ont pu renoncer à leur vie errante
, ifolée & précaire ; dès qu'ils ont ſenti
l'avantage de vivre raffemblés ,& de ſe prêter
des fecours mutuels , ils ont eu beſoin de
s'entendre , &de convenir de fignes fixes &
invariables pour exprimer entre - eux leurs
premiers beſoins. Le geſte , trop borné ,
trop équivoque ,n'a pu leur fuffire. La voix ,
&cette faculté d'en varier à l'infini les accens
, les articulations , exclufivenient accordée
à l'eſpèce humaine, leur a paru d'un
bien plus grand ſecours. Ainfi s'eſt formée
la langue; mais bornée d'abord à peindre les
objets qui frappoient les ſens,elle a dû être
monofyllabique. Pourquoi en effet l'homme
auroit- il employé deux fons pour exprimer
DE FRANCE.
59
une ſeule idée ? Les voyelles ſimples , ces fons
que la voix profère avec le moins de travail
&d'effort , ont été conſacrées aux mots d'un
plus fréquent uſage; les conſonnes ont ſervi
àles modifier. Ce n'eſt que par degrés & dans
un état de civiliſation dejà bien établi , que
les idées métaphyſiques ont ſervide liaiſon aux
idées matérielles; & qu'en ſe multipliant
dans l'eſprit par de nouveaux rapports , elles
ont produitdes mots compolės.
En fuivant toujours cette hypothèſe , le
goût de la ſociété a dû produire celui des
conquêtes. Dans un temps où l'art de cultiver
la terre étoit encore ignoré , ou ne faifoit
que de naître, le même canton n'a pu longtemps
ſuffire à ſes habitans nouvellement
raffembles , & qui ſe multiplioient en raiſon
de leur civiliſation . Il a donc fallu qu'une
partie de ce peuple allât chercher plus loin
une nourriture un aſyle , des jouiffances
que leur terre maternelle ne pouvoit plus
leur procurer. Delà ces émigrations fréquentes
, dont l'antiquité nous a laiffé tant
de traces. Ameſure qu'ils ont rencontré d'autres
hommes , ou ils les ont foumis par le
nombre & la force, ou ils les ont attirés par
Peſpoir de jouir des avantages qu'ils devoient
à leur réunion. Ils ont dû par conſequent leur
communiquer les ſignes d'expreffion à l'aide
deſquels ils s'entendoient eux-mêmes, &qui
auront été d'autant plus facilement adoptés
par leurs nouveaux compagnons , que ceuxci
n'en avoient point d'autres à leur oppofer.
Cvj
MERCURE
Ainſi, de proche en proche , la terre a été enrièrement
habitée , & la langue du premier
peuple , qui n'en étoit encore qu'à les premiers
élémens, a éré la même par tout.
Lorſqu'enfin les idées ſe ſont compliquées ,
& n'ont pu être rendues que par des mots
compoſes , ces nouvelles combihaifons n'ont
plus été le réſultat d'une convention unanime;
les peuples ſéparés les uns des autres
en employant les mêmes radicaux , les on
modifiés avec un degré d'énergie ou de mollefle
proportionné à l'influence du climat
qu'ils, habitoient. C'eſt là ce qui explique la
diverſité que l'on trouve dans les mots de
differentes langues, dans lesquels ont reconnoît
cependant des élémens ſemblables qui
ont confervé l'identité de ſon & de ſignification.
Nous en avons des exemples approchés
dans nos langues modernes. Un mot grec
approprié à l'anglois , à l'eſpagnol , au françois,
ne ſera pas le même , il aura ſubi dans
chacune de ces langues une différente altération.
De CHOLEè , qui ſignifie bile , & de
MELAINA , qui veut dire noire , les Italiens
ont fait malinconia , & les françois mélan
cholie.
Si l'on nioit que cette civiliſation univerfelle
ait été l'ouvrage d'un ſeul peuple ,
l'on prétendoit que pluſieurs ſociétés ſe font
formées à-la- fois dans divers climats , & que
chacune d'elle , inſpirée par le beſoin , a
conçu l'idee fublime du commerce de la
parole , ondemanderoit comment il eſt pofDE
FRANCE. 61
ſible que chaque langue ayant été formée
ſéparément , ait confervé néanmoins tant
de reſſemblance avec les autres; pourquoi la
ſyntaxe eft- elle par tout à peu-près la même?
Pourquoi tant de mors de differens idiomes
ont-ils gardé entre eux un air de confrater,
nité ? « Tout publie , dit M. le Brigant , que
les idiomes de tous les pays ſont ſortis d'une
» langue matrice ; comme tous les animaux ,
>> tous les végétaux, malgré les variétés frap
>>pantes dans quelques eſpèces , ſont ſortis
» d'un germe indeſtructible qui en a affure
la perpétuité. Mais s'il étoit potlible de
douter qu'une première langue ait été la
>>mère féconde de tant de ſoeurs de carac
>>tères différens, les doutes réſitteroient ils
» à ces innombrables rapports , à cet air de
famille , qui déclare une origine com-
>> mune? »
Mais quelle eſt cette première langue , la
fource unique de toutes les autres ? Pluſieurs
Savans ont accordé la préféance , tantôt à
Thébreu , tantôt à l'arménien , tantôt au
phrygien , tantôt au phénicien. De toutes les
njectures fur la langue primitive , celle qui
place l'hébreu à la tête des autres paroît la
plus impoſante àM. le Brigant. « On fe con-
>>tentera , dit- il , de rappeler un principe
» affez généralement reçu ſur cette matière ;
» les motsdemêmeſignification dans lesquels
il entre le plus d'élémens , doivent être re-
»gardés comme les plus éloignés de leur
n fource. D'après cette règle de critique , il
62 MERCURE
:
:
» étoit naturel de prendre l'hébreu pour la
> tige des autres langues orientales , & d'af
> figner à celles-ci le rang de fimples dia-
» lectes . »
Si la maternité n'eſt accordée que conjec
turalement à l'hébreu pour les langues orientales,
ce tirre n'eft conteflé par perſonne au
celtique pour les langues du Nord. Mais ces
deux langues ont entre elles beaucoup de refſemblance;
elles ont une foule de mots communs
; elles ne fauroient donc être toutes
deux originales; l'une a évidemment ſervi à
former l'autre. Laquelle maintenant eft la
plus ancienne ? • En fuivant cette même
>> règle , ajoute l'Auteur , l'hébreu lui même
>> ne paroîtroit que le premier ou le plus
> ancien dialecte de la langue celtique. Celle-
>> ci , débarraſſée de toute ſuperfuité , de
>> toute rédondance , même dans ſes mots
>> compofés , ( parce qu'ils ne font formés
>>que de ſes propres radicaux ) répond par
> des fons accompagnés de la même idée aux
>>fons de beaucoup de mots hebreux com-
>> poſes , & dont la langue hébraïque , telle
» que nous l'avons aujourd'hui , n'a pas les
>> radicaux ...... Il ſemble donc que c'eſt au
>>celtique qu'on doit remonter pour trou-
> ver l'originede ces différentes langues. »
La langue la plus monofyllabique doit être
regardée comme la langue formatrice. L'ancien
celtiqué a cet avantage: il ne s'agitdone
plus que d'examiner ſi ſes élémens ſe retrou
vent en effet dans toutes les autres languess
DE FRANCE. 63
&M. le Brigant a multiplié les exemples qui
tendent à le prouver. Il s'eflaye fur quelques
phrafes de la Bible , parce que ce Livre , traduit
en grand nombre d'idiomes , offre plus
de moyens de comparaiſon. Mais il ne ſe
contente pas d'appliquer ſa méthode aux langues
anciennes & connues de l'Afie & de
l'Europe , il trouve dans le Hanſcrit , cette
langue ſacrée des Brames , ignorée même des
peuples de l'Inde, où elle est née , & myſtérieuſement
concentrée dans un petit nombre
de Prêtres; il trouve dans le Chinois qui ,
par l'uſage de ſes clefs monofyllabiques ,
ſemble être entièrement ſéparé de tous les
autres langages de l'Univers ; il trouve enfa
dans tous les dialectes ſauvages une identité
de radicaux avec le celtique , qui ne permet
guères de douter que cette langue n'ait fervi
a'les former."
Rapportons l'une des expériences de M. le
Brigant fur les langues orientales . " Tout le
• monde connoît le fameux paſſage de la
» Genèſe: Dieu du , que la lumière ſoit , &.
la lumière fut.... Si les élémens ordinaires
>. du langage de l'homme ſe ſont anéantis en
>> s'étendant , en fe modifiant chez les diffé-
>> rens peuples , il n'en doit refter aucune
- > trace. Si , au contraire , l'expreffion de la
>> même idée , la peinture de la même image
>> reparoiffent par- tout avec des fons em-
> pruntés d'une ſeule langue, la conferva-
» tion des élémens primitifs n'eſt plus dou
ود reuſe.
64
MERCURE
» Dans le Celtique , ce que nous nom
>>>mons lumière , a été conſidéré comme un
>> objet éclatant qui s'ouvre un paflage à tra-
» vers la voûte céleste. Le mot or , qui exprime
cette idée,& qui s'eſt conſervé dans
>> les langues orientales ,&dans mille ocea-
>> fions , fignifie alternativement lumière ,
>> ouverture , porte. * C'eſt aussi le met ſpé-
>> cifiquement propre à rendre le texte de
>> la Genèſe dans la langue des Armoricains,
Véhi or
ouverture
2 νοέ
foit-elle & fur
ou lumière
Or
ouverture
ou lumière.
Voici cette même phrafe en hébreu , en
chaldeen, en fyriaque.
Hébreu, Ichi va léhi or
Chaldéen , Ichinhora va havah phona
Syriaque, Nehvé nouero va vahvo noutro
" L'hébreu s'écarte ſipeu des fons du cel
tique , qu'on ne peut douter que ces deux
* Comme dans aurore, en latin aurora , que l'on
prononçoit , ainſi que les Italiens , aourora. Ce n.or
eft composé de deux monofyllabes celtiques ; or,
qui fignifie porte , & aour , qui fignifie or, de l'or.
Lautore , cette lumière brillante qui précède le foleil
, eſt doncdéſignée par l'expreſſiondeportedorée,
«Dans notre langue même , les mois lumière &
>> ouverture ſe remplacent l'un par l'autre. La lumière
d'on fufil eſt l'ouverture par laquelle le feu
ſe communique. >>
DE FRANCE. 65
ود >> langues ne ſoient à peu-près de la même
antiquité. Le chaldéen joint des lettres
» emphatiques aux mots hébreux fans rien
>> ajouter au ſens des mots. Le ſyriaque est
encore plus chargé de ſyllabes inutiles.
» Son caractère eſt de placer par - tout la
>>lettre O. » Mais les élemens celtiqués fe
reconnoiffent facilement dans les trois autres
langues. Il faut lire dans le Profpectus méme
les raifons fatisfaiſantes que donne l'Auteur ,
des variations qui ont déguiſé ces mots.
" Les Arabes , en traduifant la Genèſe ,
>> ont employé le verbe nature pour le verbe
étre. Au lieu de l'expreſlion qui nous élève
>>juſqu'à la penſée de la création , ils n'ont
>> préſenté que l'idée de naiſſance , qui eſt
plus à notre,portée. »
Arabe , licon il nour nour facan il
naiffe la lumière &naquit la tumière
Celtique, hi gan - an or foe gan an or
elle naiſſe la lumière fut née la lumière
M. le Brigant rend encore raiſon d'une
manière ingenieuſe &ſolide , de ladifférence
qui ſe trouve entre les mots nour&or.
« Le Perſan a lié l'idée de lumière à celle
>> de rougeur. » L'analogie en eſt ſenſible.
Perfan, baſchat rouchnai vou houd
foit rougeur & Etre
Celtique, bezet ruenai bout
r
rouchnai
rougeur
ruénai
foit rougeur & fera être rougeur
Les Grecs , comme les Arabes , ſe ſont
66 MERCURE
1
ſervi , en tradaifant le texte hébreu , duverbe
naître. La verſion des Septante porte :
Gree, genetheto phos kai egeneto phos
foitnée lumière & fut née lumière
feor ag ganeraou feor
néefoit l'ouverture & née fut l'ouverture
:
Celt. gancré
Voici cette même traduction en latin :
Latin, fiat lux & facta est lux
foitfaite lumière & fuite fut dumière
Celt. feet Jah a feag et luh
foit lumière &faite fut lumière
ou ce qui luit ou ce qui luit
que la
ké al
lumière foit faite & la
al
& la
Enfin la voici en françois :
luhmeïerai bezet feag-et a
que la qui à moi luire fait foit faite
lumière
luhmeierai
fut faite.
foé feet.
qui àmoi luire fait fut faite.
• Voilà donc une langue exiſtante , pas-
- lée, ufuelle , qui fournit des fons & une
>> fignification qui répondent aux fons diver-
>> fitiés qu'emploient pour exprimer la même
> idéeles langues anciennes, celles du moyen
âge& les langues modernes. Quelle autre
>> langue ſoutiendroit cette épreuve ? >>>
M. le Brigant défie les Savans d'en trouver
une : en effet , ce privilege eſt annexe à une
Jangue compofee de monotyllabes , & aucune ,
6cen'estpeut-être la Chinoiſe, ne l'eft auDE
FRANCE. 67
tant que le Celtique. C'eſt avec la même méthode
& le même bonheur que M. le Brigant
s'eſt eſſayé ſur les premiers vers de l'Eneide,
fur le Chinois , fur quelques ſtances de Hanfcrit,
fur les langues des Caraïbes & fr celle
de l'Ifle Taïti , qui, ainſi que routes celles des
Ifles de la mer Pacifique ,paroît dérivée de la
langue des Malais , felon le ſentiment de M.
Anderſon , dans le troiſième Voyagede Cook.
Par tout il a trouvé des rapports extraordinaires
avec la langue originelle. Les altérations
que ces élémens ont éprouvées en
changeant de climat, ne ſont pas même aufli
conſidérables qu'on pourroit le craindre , &
il n'en eſt aucune qu'il n'explique avec affez
de probabilité. Ses réflexions fur la différence
qui exiſte dans l'arrangement des mots de
langues differentes, & fur la difficulté qui
en réſulte pour la traduction , ne font pas
moins fatisfaifantes La diverſe acception
même que prend chaque mot en paffant d'un
idiôme dans l'autre ,& qui eſt employé tantôt
au figuré , tantôt au propre, forme dans
ce Proſpectus un article à part qui jette encore
plus de jour ſur le ſyſtème de l'Auteur.
Toutes ces preuves raſſemblées tendent
donc à démontrer que toutes les langues oitt
été formées d'une langue primitive, & que
cette langue eſt la Celtique , puiſqu'on reconnoît
les élémens dans la plus grande partie des
mors de tous les idiomes de l'Univers . Il furt
avouer qu'il eſt difficile de ſe refuter aux raiſons
ſéduisantes qu'il en apporte , &que dans
68 MERCURE
la manière de les préſenter M. le Brigant ,
loinde craindre les objections paroît mettre
toute fon attention à les appeler, à les prévenir.
Il reſte à prouver que cette langue Celtique
eſt la même que celle qui eſt parlee aujourd'hui
dans une partie de la Bretagne , &
qu'elle s'y eſt confervée à-peu- près dans toute
ſa pureté. La première de ces preuves eft facile
àdonner; elle exiſtoit même avant le ſyſtême
deM. le Brigant. Tous les mors Celtiques qui
ont été conſervés par les Conquérans des
Gaules , ont été retrouvés dans la langue des
Armoricains , dans celle qu'on parle au pays
de Galles , & même , affure-ton , dans celle
des Baſques , nation qui a confervé en grande
partie fon caractère primitif & originel au
milieudu mélange des autres Nations.
Quantà ceque le Celtique que l'on parle à
Pontrieux doit être regardé comme plus pur
que les autres, la preuve en eſt dans l'abondance
de ſes monoſyllabes. Il eſt certain
qu'une langue s'altère en ſe compoſant, &,
comme l'a déjà dit l'Auteur , que les mots ou
il entre le plus d'élémens doivent être regardés
comme les plus éloignés de leur ſource.
Ainſi de ce que le dialecte de Pontrieux eſt
plus monofyllabique que les autres, il en réſulte
la preuve de ſa plus grande antiquité,
Mais, dira-t-on, le ſyſtême de M. le Brigant
eſt- il donc inconteſtable ? Ne fait on pas
combien tout ſyſtême eſt arbitraire , combien
ce qu'on y trouve de ſéduiſant dépend fouvent
de l'adreſſe de ſon Auteur ? Croura-r- on
DE FRANCE. 69
qu'il ſuffife d'apprendre le Celtique pour
être en état d'entendre tous les idiomes du
Monde: Croira- t- on qu'une langue autli bornée
puiſſe contenir affez de mots pour correſpondre
à la foule innombrable de ceux
qui compoſent le langage des Peuples différens?
Il faut entendre l'Auteur lui-même répondre
de la manière la plus fatisfaiſante à ces
deux dernières queſtions; mais il me ſemble
cependant que M. le Brigand donne un peu
trop d'érendue à ſon ſyſtème. Toutes les fois
quedans une phraſe de quelque langue il s'eſt
rencontré des mots dont l'analogie avec la
fienne a été perdue par de trop grandes altérations,
il a peut-être cherché trop loin le fil
qui pouvoit les renouer. Pourquoi ne pas
convenir qu'il eſt des mots qui à force de
déguiſemens deviennent méconnoitfables ?
Ne fuffit -il pas que le plus grand nombre lui
ſerve à prouver ce qu'il prétend?
Peut-être auflieft-cetrop reſtreindre la formation
des langues que de les borner-au Celtique
pour unique ſource. N'est- ce pas affez
que cette langue, dont on ne peut contefter
l'ancienneté , ait ſervi à former le plus
grand nombre des langues connues ? Le Cninois
, par exemple, qui par ſes eléfs , ſes monoſyllabes
, paroît n'avoir aucun rapport avec
les idiômes des autres Nations , femble être
aufli original que le peuple qui le parle. Ce
peuple, qu'il faut peut-êne regarder comme
Autochtone, malgré le ſentiment des Savans
70 MERCURE
:
:
:
qui l'ont fait deſcendre tantôt des Phéniciens,
tantôt des Egyptiens; ce peuple qui
toujours conquis , a tu faire adopter à fes
vainqueurs , & preſerver de tout mélange ſes
moeurs, ſes coutumes, ſes habillemens , ſa
religion , a dû conſerver auſſi ſa langue primitive.
Ennemi de route communication , fa
langue, qui ne s'eſt point étendue au- delà de
fes limites, peut de même n'avoir été formée
par aucune autre.
C'eſt par les conquêtes , nous l'avons
déjà dit , qu'une langue ſe répand, c'eſt auſſi
l'opinion de M. le Brigand; mais nous fommes
étonnés qu'il prétende que la langue
Celrique, la même que la Gauloiſe , ſoit venue
de proche en proche du fond de l'Afie
juſqu'à nous . L'Atie eſtun pays abondant &
fertile. Il l'étoit autrefois encore plus qu'aujourd'hui.
Or ce n'eſt guères dans un pays
abondant que la civiliſation a pu commencer,
ou du moins ce n'eſt pas de là que les
émigrations ont dû partir. Il eſt naturel de
refter on l'on est bien. Il eſt plus vraiſemblable
que c'eſt du Nord de l'Europe que
font forries ces Colonies qui ont peuplé le
refie de la terre. A meſure que les hommes
s'y font multipliés, ce fol ingrat n'a pu fournir
à leur fubliftance. L'Afie , dont i's étoient
voifins, leur offroir plus d'avantages ; il eſt
naturel qu'ils aient coinmencé par s'en emparer.
Pour en revenir à l'Ouvrage de M. le
Brigand, en fuppofant que fon lyſtème n'ait
DE FRANCE. 71
pas réellement toutel'étenduequ'illuidonne,
que ſon imagination , exaltée par labonté de
ſadécouverte , trouve dans quelques motsdes
rapports qui n'y ſont pas effectivement, il
n'en eſt pas moins vrai que louvrage qu'il
annonce fera infiniment utile. On ne peut
nier que la langue Celtique ne ſoit d'une antiquité
très- reculée; que par conféquent elle
n'ait fervi à former, finon toutes les langues ,
au moins un grand nombre de langues. Il eſt
donc fort à defirer d'en avoir la Grammaire ,
Je Dictionnaire , un Vocabulaire complet; &
M. le Brigand , dont elle est la langue maternel'e
, &dont les recherches profondes & la
connoiffance de beaucoup d'autres langues
vivantes& mortes ont encore éclairé l'eſprit ,
eſtplus fait qu'un autre pour exécuter cette
tâche avec ſuccès. La dernière ſection du
Proſpectus traite en détail des vices eſſentiels
desDictionnaires Celtiques que nous avons ,
&de lanéceflité d'en faire un meilleur,
Nous nous fommes fort étendus ſur cet article
, quoiqu'il ne ſoit encore queſtion que
du Profpectus; mais c'eſt que ce Profpectus
contient l'idée développée de l'Ouvrage
meme , & que c'eſt cette idée qu'il s'agiffoit
d'examiner. Si elle eſt juſte la question eſt
décidée; l'Ouvragone peut manquer d'être
bon,& il ne reſte aucun doute ſur la manière
dont il ſera exécuté. Ce Proſpectus d'ailleurs
écrit avec beaucoup de méthode, de clarté,
de chaleur &d'énergie , eſt fait pour inſpirer
la plus favorable prévention. L'Auteur a eu
12 MERCURE
1 l'art de répandre même des traits de ſentiment
dans une matière qui paroît fi peu fuf
ceptible d'élégance & de grace. Nous eri
citerons pour exemple ce qu'il dit au ſujet
du motfemme dans les langues Sauvages.
" M. Forſter a cité le mot fefeine comme
>> une expreffion des Iflesde la mer du Sud
>> pour dire unefemme. Il est compoſé de trois
radicaux Celtiques fé-en-né , qui mor à
>> mot veulent dire feroit lui , est ; (elle eſt
>> ce qui ſeroit lui; elle eſt lui. ) Le mor
>> latinfamina & notre motfemme ont pour
>> racine foe-men ( qui fut moi.) Hymen en
>>Grec eft formé de hi-men ( elle , moi. )
» L'hymenaios des Grecs & Thymenée des
> François viennent de hi mene , qui figni-
" fient littéralement elle , moi , eft ( elle eſt
moi. ) Cette tournure peut nous paroître
>> fingulière , parce que les peuples nouveaux
>> ont altéré , dénaturé les expreffions pleines
” de vie des premiers temps. Nous avons
>>réduit à de fimples & froides dénomina-
» tions , la réunion de mots qui , dans leur
>>origine , préſentoient un ſentiment ou une
>> image. Cependant rien ne prouve mieux
>>combien ces tournures fontnaturelles , que '
>> l'adoption unanime de peuples phices à de
ود
"
ſi grandes diſtances. Tous ont defigne la
femme par l'expreffion du ſentiment vif&
> profond qu'elle inſpire.Ce n'est point un'
>>* étranger, c'est un autre moi-même , e'le eft
» moi , c'est moi : nous ne ferons qu'un
»elle, moi. »
L'Ouvrage
DE FRANCE. 75
L'Ouvrage annoncé contiendra deux Volumes
in 4°. , & coûtera 24 liv. en papier
d'une qualité ſupérieure, 48 liv. en papier
vélin. On payera 12 liv. en ſouſcrivant &
12 liv. en recevant le premier Volume.
L'impreffion ſera commencée & la foufcription
fermée dès qu'on aura reçu de quoi couvrir
les fraisde la moitié d'un Volume. Ceux
qui n'auront pas ſouſcrit payeront chaque
Exemplaire 30 liv. , &63 liv . en papier velin.
On foufcrit à Paris, chez Barrois l'aîné , Libraire,
au haut du quai des Auguſtins. Il délivreraune
promeſſe de fournir l'Ouvrage ou
de rendre l'argent.
LE Paradis Perdu , Traduction nouvelle.
3 vol. petit in- 12. A Paris , chez Royez ,'
Libraire , quai des Auguſtins.
LES conceptions de l'homme ſont les
mêmes ſur toute la terre; mais la manière
de les exprimer , l'opinion & le goût varient
comme le climat & le gouvernement. Ici ,
les images que préſente la Nature different ;
la, l'organiſation de l'État introduit dans le
langage une diffimulation qui s'étend infenfiblement
ſur toutes les matières. Tandis
qu'en Turquie une diſcuſſion ſur la liberté
politique ſeroit couverte du voile de l'allégotie,
on traitée avec un reſpect religieux ,
en Angleterre elle est agitée en riant. On
voit dans ce pays l'élite de la nation mêler
Νο. 32 , 11 Αον 1787. D
74 MERCURE
1
la bouffonnerie aux diſcours les plus graves
fur cet objet. Le Théâtre, qui eſt le miroir
des moeurs d'un peuple , eſt chez celui - ci
for-tout fortement empreint de ce mêlange.
On auroit tort de condamner ce goût , parce
qu'il tient au gouvernement , & que tout
confidéré , la liberté vaut encore mieux que
le bon goût. Cependant il eſt certain qu'il ne
peut ni ne doit nous plaire , à nous autres
François. Voilà pourquoi les Pièces de Shakefpear
ont tant de ſuccès chez cette nation ,
& en auroient fi peu chez nous ; voilà pourquoi
la meilleure traduction de cet Auteur
ne réuflira jamais .
Quoique ces différences nationales ſoient
particulièrement frappantes dans les producfions
deſtinées au Theatre , elles ſe fontaufii
reffentir dans tous les autres Ouvrages de
Littérature. Le Poëme épique, ſuſceptible de
toutes lesteintes de l'imagination&du ſentimens
,y eft fur- tout afſervi. Il y auroit bien
unmoyen de faire diſparoître dans une tras
duction ces différences quelquefois ſi choquantes;
ce ſeroit de naturaliter cette traduction
pour le peuple à qui elle eſt conſacrée
, en fupprimant les diſparates de l'original
, & y ſubſtituant des équivalens appropriés
au goût de ce peuple. Mais ce grand
travail exigeroit avec une connoiffance parfaire,
preſque impoſſible , des deux langues
des deux peuples , de leur gouvernement, de
leurs moeurs , de leurs uſages reſpectits , un
senie tout auffi rare. Et malgré cela encore
DE FRANCE.
75
il refteroit toujours un defir , ce ſeroit de
voit les vraies formes de l'original .
Ainfi , il faut en revenir à ces deux grands
principes de l'art de traduire ,l'elégance & la
fidélité. Ces principes font bien plus difficiles
à appliquer qu'on ne ſe l'imagine. Ce n'eſt
pas l'elegance des mots, mais celle des chofes ;
ce n'eſt pas la fidélite de la lettre , mais celle
de l'eſprit. Le Peintre Traducteur ne doit
pas copier en mosaïque & faire un tableau
de rapport. Il faut qu'il copie l'original comme
celui-ci a copié la nature , que l'on voye ſa
touche & fon génie dans la reſſemblance la
plus parfaite que permette l'eſprit de ſa
Langue.
Ces principes , qui ont été fiheureuſement
mis en pratique dans les verſions d'Homère ,
du Talle& del'Arioſte , il eſt bien étonnant
qu'on ait différé juſqu'à ce moment à en
faire uſage pour le Poëme certainement le
plus original , & peut être le plus fublime
qui ait été compoté dans aucune langue.
Nous connoiflions deux Traductions du ParadisPerdu,
l'une par Dupré deSaint-Maur,
l'autre par Racine le fils. La première eſt
une imitation lâche & traînante, qui aprefque
par-tout affoibli ou fupprimé entièrement
les grandes beautés de l'Homère Anglois,
l'autre eſt une verſion mot pour mot
d'un Écolier de ſixième. Cependant celle-la
ouvrit les portes de l'Académie à ſon Auteur,
elle jouit encore d'une certaine réputation.
Mais il faut convenir que la récompenſe étoit
Dij
76 MERCURE '
;
une exceſſive faveur , & que l'eſpèce de fuc
cès de l'Ouvrage doit être bien moins attribué
àfon propre mérite, qu'à l'ignorance où
l'on étoit de la langue Angloiſe dans le temps
où il parut , & au penchant qui entraînoit
déjà les François vers cette Nation.
Les voeux du Public viennent enfin d'étre
remplis ,& nous annonçons une Traduction
du Paradis Perdu , où la plus exacte fidélité
eft unie à la plus poétique élégance ;où toutes
les beautés d'imagination , de fentiment &
d'expreffion du Poëme Anglois ſont confervées
, où les formes originales ſont exprimées
avec un air de liberté qui les rend comme
propres au Traducteur. Il y a bien quelques
taches , mais elles font légères , & il fera facilede
les faire diſparoître. Nous allons juſtifier
notre affertion , en citant quelques pafſages
pris au hafard de cette verfion, &des
deuxprécédentes.
Commencement du deuxième Chant , par
Dupréde Saint-Maur.
" Affis ſur un trône, érigé par le crime ,
Saran dominoit ſur les rebelles eſprits.
L'éclat qui fortoit de ſa couronne effaçoit
>>>les plus brillantes productions de l'Ormus
& de l'Inde , & des riches contrées où
>> l'Orient ſomptueux répand , d'une main
prodigue , ſur ſes Rois barbares , l'eſcarboucle&
le rubis. Cependant fon orgueil
n'étoit point encore fatisfait, il en vouloit
DE FRANCE. 77
→àla monarchie ſuprême , & fans fonger
>> aux événemens paſſes , ſon imagination
>> ſuperbe , portée dans un avenir chimeri
>>que , lui dicta ces mots.
Mêmepaffagepar Racine.
«Élevé ſur un trône , dont la richeſſe ſur
>> patle celle d'Ormus & de l'Inde , & toutes
>>celles de l'Orient pompeux , qui d'une
>>main fi prodigue verſe l'or& les perles fur
>> ſes puitlans Monarques , Satan étoit aflis
»dans une royale majeſté. Il doit ſa criminelle
grandeur à ce qui paroît aux démons
>> fon mérite. Du déſeſpoir même , paſſant à
>> des eſpérances fans bornes , il afpire bien
>> plus haut , infatiable d'une folle guerre
qu'il veut continuer encore contre le ciel;
» & incapable de prendre pour leçons les
⚫ événemens paffés , il développe en ce Difcours
les projets de ſon orgueilleuſe ima-
>>>gination. »
Il eſt inutile de relever tous les défauts de
ces deux fragmens, ainſi que de celui dont
nous allons les faire ſuivre; le Lecteur les
appercevra facilement de lui même , & ils
deviendront fur- tout frappans par la comparaiſonde
la nouvelle traduction.Voici comme
elle nous rend ce paſſage.
" Eminemment éleve ſur un trône , dont
la pompeuſe majesté eût éclipſé fans peine
&us richelles de l'Inde & de l'Ormus , &
>> tout ce que l'Orient peut , de ſa main opu-
Jente , répandre de perles & d'or ſur ſes
Diij
78 MERCURE
وو Rois barbares , Satan étaloit ſon orguei .
>> Porté par ſon mérite à cette périlleuſe
>> grandeur , & du ſein du déſeſpoir parvenn
>> au- delà de toute eſpérance, il aſpiroit en-
>> core plus haut. Infatigable ſoutien d'une
ود folle guerre contre l'Éternel , c'eſt en ces
>> mots qu'il donna l'effor à ſa fière ima-
> gimtion.>>
Fragment du quatrième Chant , par
Dupréde Saint-Maur.
« La nuit s'approchoit , & le crépuscule
>> avoit revêtu les campagnes de ſes ſombres
livrées. Le fileennccee venoit à ſa fuite. Les
animaux & les oiſeaux s'étoient retirés aux
ود lieux de leur repos; tous, hors le roffignol,
» qui , accoutumé aux veilles amoureuſes,
>> paffe les nuits entières à chanter. Il enton-
>> noit déjà ſes doux ſons; le filence étoit
ود ravi. Déjà le firmament étinceloit de virs
>> faphirs : Heſpérus , conducteur des bandes
>> étoilees, brilloit à leur tête ; mais bientôt la
ود lune ſe levant dans une majeſté nébuleuſe,
>> avec un port de reine , dévoila ſa tendre
>> lumière , & jeta ſur l'obfcurité fon man-
>> teau d'argent. "
Nous croyons devoir nous diſpenſer de
citer d'autres morceaux de la traduction de
Racine. Celui que nous avons copié plus haut
a donné une idée ſuffiſante de fou extrême
pauvreté; ainſi , nous paſſerons tout de fuite
àla nouvelle Traduction .
« La nuit s'approchoit ,& déjà le gris cré
DE FRANCE 79
> pufcule , accompagné du ſilence , avoit
» étendu ſes modeſtes couleurs ſur la Na-
>> ture : tout repoſoit; les animaux , fur leur
>> lit de verdure; les oiſeaux, dans leur nid.
> Le ſeul roffignol ſe faiſoit entendre; ſeul,
> durant la nuit entière , il chantoit fes
>> amours , il charmoit le filence. Déjà la
>> route céleste étincelloit d'ardens ſaphirs,
>> le chef des bandes étoilées , Heſpérus ,
» montoit dans les airs brillant du plus vif .
>>éclat; & la lune , enveloppée à ſon lever
>> dans une ſombre majesté , Reine des cieux,
> ſe dégageoir enfin du voile qui couvroit
> ſon incomparable lumière , & jetoit fur
> les ténèbres fon manteau d'argent. >>>
Fragment du fixième Chant , par Dupré
de Saint-Maur.
« L'Apoſtar , entouré de Cherubins , cou-
>>verts de boucliers dorés, paroiffoit comme
un Dieu ſur ſon char. Il defcendit de fon
trône éclatant. Les deux armées n'avoient
> plus entre-elles qu'un intervalle étroit ,
" mais d'autant plus terrible. On les voyoit
>> en préſence l'une de l'autre , front contre
>> front , dans un ordre formidable. Avant
>> que l'on en vint aux mains, Satan , ſous
" une armure d'or & de diamant , s'avança
>> à grands pas , & ſe poufſa comme une tour
" à la tête de ſon avant-garde ténébreule. >>
Mêmefragmentpar le nouveau Traducteur.
«Élevé comme un Dieu au centre de ſon
Div
30 MERCURE
>>armée, l'Apoſtat étoit porté ſur un char
>> aufli brillant que le ſoleil; d'ardens Ché-
>> rubins , armés de boucliers d'or , entou-
>> roient ce fimulacre de majeſté ſuprême. »
»Déjà la bataille alloit s'engager , déjà il
> ne reſtoit plus qu'un étroit intervalle entre
>>le front immenfe & terrible des deux
> armées; Saran s'elance de ſon trône éblouifſant
ſur cette arene redoutable , revêtu
>> d'une armure de diamans & d'or ; d'un pas
vaſte & fuperbe il s'élance comme une
> tour à la tête de fa fombre avant garde. >>>
Nous ne prolongerons pas davantage ces
citations ; mais nous avons lu & comparé
attentivement , & nous pouvons affurer que
cettenouvelle traduction eſt par- tout infiniment
ſupérieure aux deux qui l'ont précédée.
Nous invitons les amateurs de l'Anglois à la
Fapprocher de l'original; nous penſons qu'elle
fouriendra avec un égal ſuccès cette dernière
épreuve.
Tout homme qui traduit bien un Poëte
doit être un Écrivain réfléchi , capable de
bonne productions originales. Dans le petit
nombre de notes imprimées à la fin de cette
traduction , comme un eſſai dans ce genre
de travail, nous en avons remarqué une ſur
les langues qui annonce le talent d'exprimer
avec éloquence des penſées neuves & profondes.
Nous ſommes d'ailleurs inſtruits que
l'Auteur a fait d'autres notes avec un précis
fur Milton , qui nous confirment dans notre
opinion.
DE FRANCE. 81
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
MONSIEUR ,
Vous avez sûrement Thiſtoire de La Fontaine,
Ce Poëre qui , comme on peut bien croire ,nnee litoir
pas ſouvent les Prophètes , en trouve un jour un
Tous ſa main : c'étoit Baruch . La b auté des images .
Téclat des expreffi ns de l'homme inſpire , qui
lit dans le ciel les événemens de la terre , & raconte
ce qui doit arriver dans deux ou trois mille ans ,
comme une choſe qui ſe paſſe ſous les yeux: toutes
ces beautés enfin, bien plusimmo telles que celles du
génie, puiſqu'e les ſont émanées de celui qui a créé
tous les génies de l'Univers , frappent d'étonnement
&d'admiration le bon & raif Fabulifte. La Fontaine
h'eſt plus o.cupé que de Baruch. I demande à τους
ceux qu'il rencontre: avez vous lu Baruch ?Il voudroit
que Baruch fût lude tout le monde. Pour moi ,
Monfieur, qui ne vais pas ſouvent au Palais , j'y
fuis allé hier ; j'ai entendu plaider M. Gerbier; &
au fortirde cette au lience , j'étois tenté de demander
à tous ceux que je rencontrois dans les rues: avez
vous entendu plaider Gerbier ? J'avoue que je ne
croyois point que le Barreau dennår encore des
modele d'une éloquence fi exempre de toute eſpèce
dedéclamation& de mauvais goû , d'une éloquerce
fi vraie , fi noble & & touchante. La cauſe eſt du
p'us grand intérêt & dan intérêt univerſel ; elle
avoit auire un concours prodigieux de Citoyens de
DyV
82 MERCURE
: tous les ordres qui rempliſſoient le Palais des Loir
L'avidité ordinaire d'entendre un Orateur fi renommé
, & dont l'éloquence depuis près de quarante
ans ajoute aux folemnitésde la justice , étoit hier
Angulièrement augmentée: on diſoir de toutes parts
que c'étoit la dernière fois qu'il parloit , que c'étoit
pour la dernière foisque le Barreau alloit l'entendre
: lui-même l'annonça dans ſon exorde; & tous
les coeurs émus aſſiſtoient à ces derniers efforts d'un
fibeau talent comme à une cérémonie ſacrée. Je
voulois connoître un peu la cauſe avant que l'Orateur
prit la parole , & je ſavois qu'elle avoit dé
été plaidée par l'Avocat que M. Gerbier devoir
combattre. Je m'adreſſai àun homme en robe, qui,
je crois , étoit Avocat auſſi ; je ne le choiſis ni trop
vieux , parce que je voulois qu'il fût poli & complaifant,
ni trop jeune, parce que je voulois qu'il
fût bien inftruit& qu'il fût fans paffion. Mon choix
fut très-heureux ; je tombai ſur un homme de robe
qui parloit bien ,& ne faisoit point de phrases , qui
avoir l'eſprit affez net pour mettre un procès à la
portée de l'intelligence humaine ; il fut ou m'épargner
les mots du Palais , ou me les expliquer , ou
Jes employer de manière qu'ils n'avoient pas beſoin
d'explication. Dans l'affaire qui attire sant de
monde , me dit-il, il eſt queſtion dune jeune femme
qui a ignoré sa naiſſance pendant vingt ans , qui
pendant vingt ans a erré dans ces conditions de la
fociété où ſont preſque tous les malheurs. Ayant
toujours l'idée qu'elle appartenoit à une de ces pre
mières Familles du Royaume qui poſsèdent tous les
biens & toutes les distinctions de la ſociété , elle
demande aujourd'hui à prouver qu'el'e eſt fille légi
time de la Marquise d'Huchen , & ferer de Mme la
Marquiſe de Roquelaure. C'eſt ce que nous appe-
Jons au Palais une queſtion d'Etat On penſe affez
généralemem que les dépoſitions des témoins font
DE FRA'N CE. 83
toutes en ſa faveur , qu'elle prouve avec aſſez d'évidence
que la naiſſance & l'état qu'elle réclame li
ont été ravis par un crime ; mais voici la grande difficulté.
De favans Jurifconfultes , qu'elle a pris pour
conſeils & pour guides, lui on: fast attaquer les auteurs
de ce crime devant le Tribunal deſtiné à punir
tous les délits , par la voie criminelle , dans le langage
des Jurifconfultes ; & l'on prétend qu'une
question d'État ne peut pas être portée devant ce
Tribunal; que c'eſt par la voie civile & non par la
voie criminele qu'il faut prouver ſon étar. P'étois
un peu étonné , je l'avoue: je ſavois que fa on me
voloitvingt écus , je pouvois poursuivre l'auteur de
ce léger délis par la voie criminelle ; & je ne pouvois
trop comprendre comment cette vo'e n'éto't
pas ouverte à une perſonne à qui on a volé une
naiflance illuſtre , avec une grande confidération &
degrands biens qui y font attachés d'ordinaire. Je
me gardai cependant d'imiter la légèreté de ceux
qui jettent du ridicule ſur les formes de la justice ,
parce qu'ils ne pénètrent pas dans cette profonde
raiſon des ſiècles qui les a dictées. Je n'étois qu'un
auditeur ; je m'impoſai le devoir d'un juge. Avant
de prononcer je voulus être inſtruit. Je ne tardai
pas à l'être. Dès les premiers mots de l'exorde,l'Orateur
éclaircit la difficulté par une distinction lumineuſe.
Il diftingua les queſtions d'état dans lesquelles
il eſt conſtaté qu'il y a eu un état fupprimé où le
crime eſt déjà prouvé , & où l'on cherche ſeulement
les coupables; & les queſtions d'État où il n'eſt pas
encore établi qu'on ait jamais eu un état , comme
Jes enfans trouvés , comme les enfans préſentés au
baptême par des perſonnes qui ignoroient leur naiffance.
Dans les questions d'état de ce dernier genre ,
a dir M. Gerbier , la raiſon comme la loi s'oppofe
àce qu'on prenne la voie criminelle; car lorſqu'il
w'eſt pas établi qu'il y a cu un crime , il n'est pas
Dj
$4 MERCURE
raifonnable d'aller à la recherche des criminels;
mai par une ſuite du même princise , lorſqu il eſt
conflaté qu'il y a un crime , la loi & la ratnon exigent
qu'on en poursuive les auteurs par la voie criminelle.
J'ignore juſqu à quel point cette diftinction
eft tondée en Jurisprudence , car je ne fuis pas Juriconfulte
mais j'apperçus d'une manière ſenſible
l'effet qu'elle produifit fur les Magiſtrats & fur la
foule atentive aux paroles del Orateur; je vis que
tous les eſprits fortoient comme d'un état de gene
&d'inquiétude. La Loi parut triompher en quelque
forte dans le temple de la Justice , lorſque l'éloquence
eut démontré qu'elle s'accordoit parfaitement
avec la raiſon , qu'elle n'étoit que la raiſon
elle-même. Je vis encore combien unOrateur donne
de faveur à ſa cauſe lorſqu il débute par une vérité
importante , & qu'il la rend très- fenfible. M. Gerbier,
après cet exorde, entra dans l'expofition des
faits , & tous les eſprits étoient d'avance diſpoſés à
le crore. Le reſte du plaidoyer , qu'il n'a pu achever
dans cette audience, fut l'hiſtoire des malheurs de
lajeune yeuve dont il défendoit la diftinée, Et ce
récit , où l'Orateur ne montroit jamais l'ambition
d'être pathétique , fut tou ours touchant. On ne verfoitpoint
de larmes , mais il y en avoit dans tous
tes yeux ; & ces larmes étoient à-la- fois l'effet des
malheurs qu'il racontoit , & de l'admiration qu infpiroit
for talent. On n'applaudit guère le Ditcours
que lorsqu'il fut achevé; car on auroit craint d'h
perdre une ſeule parole dans le bruit des applaudisfemens
; mais après que l'Orateur eut ceffé de
parler, la foule des Citoyens qui avoient accouru
pourl'entendre , les jennes Avocats qui étoient venus .
chercher un ſouvenir qui doit les inſpirer toute leur
vie, les Magiſtrats auxquels cette voix é'oquente a
fi ſouvent embelli leurs pénibles forAions , toute
cetteanatitude immenfe qui remplifioit le Palais,
DE FRANCE.
85
ſepreſſoit autour de lui, les uns pour le voir , les
autres pour l'embraſſer , un grand iombre pour
T'approcher ſeulement. Je fus convaincu que les
triomphes des Cicéron & des Démosthène ſe renouvellent
encore pour ceux qui en ont l'éloquence. En
même - temps que j'étois rempli de l'impreſſion
de toutes ces âmes & de la mienne , je cher
chois à me rendre compte de ce qui la produi .
fois. Je ne voyois point dans le plaidoyer de M.
Gerbier aucune de ces beautés ambitieuſes & éclatantes
; ce n'étoit pointune diſcuſſion dont on cût
peine à meſurer toute la profondeur; point d'images
très-neuves & très-vives , point de ces apoſtrophes
par leſquelles chaque Auditeur ſe ſent interrogé
& preflé de répondre; il me paroiffoit qu'un
faiſeur de Rhétorique n'auroit pas pu prendre un ſeul
exemple de ſes pédanteſques préceptes dans le plaidoyer
de M. Gerbier. Qu'est- ce qui en faiſoit donc
la force , l'intérêt& le charme ?Un eſprit excellent;
la plus claire & la plus faire logique répandue dans
chaque phrafe & dans toute l'étendue du Discours ;
Une éloquence très -ſage, mais rendue très- touchante
pardes mots fortis de l'âme de l'Orateur , & portes
dans celledes Auditeurs par ane voix & par des accenstrès-
pathétiques : une de ces phyfionemies de
caractère &de vérité que la Nature donne à prefquetous
les hommes d'un grand talent , & qui devienrent
plus fiappantes encore lorſque l'âge de la
beauté eft paffé, parce que toutes les impreſtions
de la vie s'y voient comme raſſemblées , uמ
débit à- la- fois familier & noble , qui par ſa familiarité
pénètre comme un entretien intime , & par ſa
nobleffe tranſporte l'imagination dans une ſcènc
majestueuſe & folemnelle. Voi'à quels font non
pas les fecrets , mais les moyens du talent de M.
Gerbier, & c'eſt par ces moyens que l'homme éloquent
atoujours été comme un Souverain au milieu
86 MERCURE
:
de ſes ſemblables. Je fortois enchanté d'avoir eu le
courage de venir à une Audience , lorſque j'entendis
dire: Voilà MmeSirey. Elle arrivoit ſeulement,elle
s'étoit entendue traiter un peu dorement dans l'Audience
précédente, & parje ne fais quelle circonftance
elle n'avoit pu arriver à temps pour entendre
l'Orateur qui avoit fait tourner tout l'intérêt public
vers elle. C'éroit un véritable malheur , & Mme
Sirey en paroiffoit extrêmement touchée. On voyoit
qu'elle avoit peine à retenir ſes pleurs , & il n'en
faut pas tant pour fixer les regards ſur une femme
jeune& joliedont on vient d'entendre raconter les
infortunes. M. Gerbier avoit dit qu'elle étoit l'image
vivante de la Marquised'Huchen ſa mère. Un heureux
hafard en effet a imprimé ſur tous les traits &
dans toute ſa phyfionomie cette grac:, cette fineſſe
& cette élégance qui ſemblent être particulièrement
les attributs de ceux qui ſont nés dans un rang
noble & diftingué. On diroit que prévoyant le malheur
auquel elle étoit deſtinée, la Nature a voulu
faire de la perſonne même comme un titre de plus pour
établir fa naiſſance. On m'a aſſuré que ceste eſpèce
de preuve n'eſt pas rejetée par les Lois , & cela fait
honneur à la philofophie de ceux qui ont dicté les
Codes. -Permettez - moi , Monfieur , de fare en
finiſſantune réflexion qui ne doit pas offenſer les
véritablesGens-de- Letires , & qui est très-honorable
pour le Barreau. Il n'eſt fi mince Littérateur qui
ne ſe mette ſans façon au- deſſus des talens les plus
diftingués du Palais. Pour parler avec dédain des
Gerbier& des Target, il leur offi: d'avoir imprimé
des Libelles ou un Diſcours écrit en François & couxonné
dans une Académie d'Allemagne , ce qui eft
à-peu- près auffi honorable que fi un Difcours écrit
en Allemand étoit couronné par l'Académie Francoife.
Cependant ces Ouvrages du Palais qu'on voudroit
dédaigner , occupent aujourd'hui la Nation,
DE FRANCE.
87
qui , depuis quelque temps, lit plus de Mémoires
que de Discours, d'Epttres & de Poëmes, & qui en
cela eſt approuvée par le bon goût comme par la
raifon; car elle retire ſans doute plus de plafir
comme plus d'utilité de ces Plaidoyers & de ces
Mémoires éloquens où l'on agire avec une philoſophie
fi nouvelle les intérêts éternels de toutes les
Sociétés , que de ces Poëmes & de ces Épîtres d'un
Poëte
Qui dans ſes vers pillés nous répète aujourd'hui
Ce qu'on a dit cent fois , & toujours mieux que lui.
Rien n'eſt au- deſſus du génie qu'exige une belle
Tragedie, & un Poëme épique qui peut être lu après
cenx d'Homère, de Virgile & du Taſſe ; mais les
Plaidoyers de M. Gerbier, les deux Mémoires ou
M. de Lacretelle a lié les plus grandes queſtions du
gouvernement des États à la caufe de quelques particuliers
le Mémoire par lequel un Magiftrat intré
pide a fufpendu & arrêté en l'air , pour ainſi dire ,
Jabarre qui alloit frapper trois malheureux déjàprefque
étendus ſur la roue ; le Mémoire où M. Target
a approfondi pour la première fois les vrais principes
dumariage avec une érudition qui parcourt tous
les ſiècles,& une philoſophie qui n'apparsientqu'au
nôtre ; les Mémoires par leſquels M. de Seize s'eſt
placé au premier rang des Écrivains du Palais en
traitant d'arides queſtions ſur les lettres-de-change ;
le Mémoire par lequel M. Godard a réhabilité la
mémoire de pluſieurs innocens à qui il auroit ſauvé
la vie ſi les bourreaux ne la leur avoit pas arrachée
avant que fa voix ſe fit entendre'; pluſieurs Mémoires
dans lesquels M. de Comyras a traité des
queſtions de jurisprudence avec cette clarté, ce bon
goût& cette difcuffion facile, préciſe & lumineuſe
qu il a transportéede la Littérature dans ſa Profef
Son; tous ces Ouvrages font, par le talent même
88 MERCURE
d'écrire , au- deſſus des productions qui donnent tant
d'orgueil à nos Littérateurs & fi peu de gloire.
Pour les égaler , il ne fuffit pas de jeter par hafard ou
àforce de travail quelques périodes de vers dans les
moules des vers de Boileau ou de Rouleau , & pour
les furpaſſer il faut laiffer à la Poſtérité de grads
Ouvrages où la Philoſophie & l'Eloquence ſe trouvent
réunies au plus haut degré, des monuineus
telsque leNovum Organum , T'Eſprit des Loix &
l'émile, qui perfectionnent les inſtitutions humaines
ou l'efprit humain.On (e plant que le goût des Lettres
ſe perd; cegoût ne ſe perd point ; mais l'eſpèce
humaine change,d'âge ; elle paſſe de l'adolescence à
l'âge mûr; on laiſſe le tableau des paſſions qui a été
trace cent fois ,& qui feroit toujours le même pour
aller à la découverte des vérités qui peuvent être infinies.
Les Beaux-Arts n'ont pour objet que ce qu'il
yade plus ſenſible , de plus au- dehors dans l'homme
&dans la Nature. La Philofophie a pour objet la
Nature toute entière & l'homme tout entier ; &
pourquoi diftinguer même la Philoſophie des Beaux-
Arts ?Ah! fars doute il n y a rien de ſi beau , il n'y
arien de fi digne de rotte admiration que lait qui
arrache des profondeurs du coeur humain ou des profondeurs
de la Nature les vérités les plus propres à
ajouter quelques inftans heureux à ce cercle de foibleffes,
de misèrs & d'ennui qui compoſent notre
destinée. On accuſe la Philofophie de deſſecher les
ames en éclairant les eſp its : quelle étrange accuſa .
tion! & comme à ſon abfurdité on reconnait le
délire de l'envie! Non , dans l'homme ainſi que dans
'Univers la lumière & la chaleur naiff nt de la même
ſource. L'Écrivain qui me doans le plus d'émotions
eſt auſſi celui qui élève & qui érend davantage mes
idées.Gens-de- Le't es , gens du monde , i'ignore ce
quevou avez fenti dans vos 1. Aures. Je vais vous dire
moi ce quej'ai éprouvé dans les miennes. Je ne fuis
DE FRANCE. 89
jamais fi prompt à recevoir cette impreſſion délicieuſe
qui porte aux yeux de douces larmes , que dans les
momens où je lis des Ouvrages qui montrent au
genre humain l'eſpérance d'un nouveau bonheur.
Ungrand nombre de pages du Télémaque , de l'Efprit
des Loix & de l'Émile ont été couvertes de mes
farmes , comme le quatrième Livre de VÉncide,les
belles Tragédies de Racine & de Voltaire , & les
derniers Volumes de Clariffe. Je ne connois pas
même de belle & grande penſée qui , bien méditée
dans le recueillement, ne foit la ſource d'une multitude
de ſentimens touchans & pathétiques. Mais
vous voulez que legénie vous émeuve , & vous ne
lui en laiſſez pas le temps. Dans votre légèreté , cn
courant après tous les plaifits , vous échappez à
toures les fortes impreſſions , & vous perdez à-lafois
les grandes paſſions & les grandes idées. Que
peut il vous refter poar le bonheur ? Et vous vous
plaignez encore que l'ennui vous accable ! Me voila
bien loin de M. Gerbier , de Mme Sirey & de leur
cauſe; mais je ne m'en ſuis éloigné qu'après m'être
ſéparé d'eux. M. Gerbier doit plaider encore Samedi
, & je pourrai bien vous parler encore de ſon
éloquence.
DON COSSEPH D'USTARITZ .
AF. aux R. , ce 28 Juillet 1787 .
EXTRAIT d'une Lettre de Rome.
L'ÉLÉGANT 'ÉLÉGANT ciſeau de M. François Carradori de
Pistoie, Sculpteur de S. A. R. J. le Grand Duc de
Toſcane , vient de produire le buſte du célèbre Antonio
Sacchini , qu'on a placé avec une inſcription
en fon honneur dans la Chapelle du Panthéon contiguë
au pilaſtre où se trouve déjà le monument de
90 MERCURE.
1
1
Timmortel Raphaël d'Urbin. Par une heureuſe combinaiſon
de pofition&de circonſtances on ne pourra
plus, en viſitant ceTemple, ſe rappeler le ſouvenir
de ce Peintre admirable fans y joindre celui d'un
Compofiteur qui , dans un genre différent , en approcha
de fi près par l'amour qu'il eut toujours pour fon
Art, l'eſtime qu'il inſpira aux Artiſtes ſes confrères ,
la douceur de ſon caractère & lamabilité de ſes
mocoeurs. L'inſcription latine eſt du très ſavant Abbé
Louis Lanzi. Elle eſt courte , mais elle exprime avec
beaucoup d'énergie les regrets qu'a excité dans toutes
lesparties les plus polícées de l'Europe la perte d'un
génie aufi élégant & auſſi original. On ſera ſans
doute bien aiſe de la lire ici :
ANTONIO . SACCHINIO . DOMO . NEAPOLI
QUEM IN FACIENDIS. MUSICIS. MODIS.
PRASERTIM . AD . HEROAM . SCANAM
ITALIA. GERMANIA . ANGLIA. GALLIA
PRASENTEM. ADMIRATE. SUNT
MORTUUM. LUGENT
ANTON. BART. DESFEBVES. DANNERYUS -
AMICO OPTIMO . QUI , VIX. AN. LI
DECESS. LUTETIE. PARISIOR.
AN. M. DCC. LXXXVI.
:
DE FRANCE.

SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LEMardi 31 Juillet , on a repréſenté , pour
Ja première fois , Antigone , ou la Piété
Fraternelle , Tragédie en cinq Actes.
1
Le ſuccès de cet Ouvrage a été équivoque
àlafeule repréſentation qui en ait é édonnée
au moment où nous écrivons ; avant de le
comparer aux Tragédies de Sophocle , de
Rotrou & de Pader d'Affezan , fur le même
ſujet , nous attendrons que l'Auteur ait fait
à quelques parties de ſa Pièce , & principalement
à la catastrophe , les changemens
que le Public lui a indiqués. On prétend
qu'Antigone eſt la production d'un Écrivain
qui paroît pour la première fois dans la
carrière Dramatique; c'eſt une raiſon deplus
pour lui donner le temps de ſe juger , & pour
retarder nos obſervations.
MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
PLUSIEURS Mémoires deM. de Forge, Chevalier,
ancien Ecuyer de main du Roi. A Bruxelles ;
&ſe trouve à Paris, chez les Marchands de Nouveautés.
M. de Forge a propofé divers Établiſſemens qui
méritent d'être examinés , mais ſur leſquels il ne
nous appartient pas de prononcer.
Son Projet fur les eaux tend à procurer aux
Citoyens une cau pure & falubre , à la Ville un niillionde
revenu ſans aucune charge pour qui que ce
foit , & de procurer au Roi une épargne de plus de
Ax millions que lui coûte roient deux ponts en pierre.
Comme ce plan combat celui des pompes à feu
deChaillot , M.de Forge annonce un moyen infaillible
d'afferer le fort des Act onnaires , quelle que
foit leur ſituation actuelle, fi routefois on fait profiter
de fon Mémoire.
Enfin il a donné un troisième Mémoire , dans
lequel nous avons cro trouver des vues & des obier
vations importantes , & qui rend à l'extenfion du
commerce extérieur , à la fureré du commerce interieur&
à l accroiffement de la Marine militaire .
HISTOIREdesTroubles de l'AmériqueAigloiſe ,
beritefur lesMémoires lesplus authentiques , dédiée
à S. M. T. C.. par M. François Soulés , 4 Vol. in-
8° , avec des Cartes. Prix, 16 liv. brochés , 20 liv.
reliés & 18 liv. brochés francs de port par la poſte.
A Paris , chez Buiffon , L.b aire , hôtel de Meſgrigay,
rue des Poitevins.
C'eſt par eireur qu'en rendant compte de cet Ou
DE FRANCE
93
vrage, on a ditque l'Auteur n'avoitpas faitmention
du célèbre interrogatoire de M. Penn. On le trouve
pages 248 à 251 du premier Volume. On s'eſt éga
lement trompé en doutant de l'année où M. Was
hington fut élevé au Généralat. Le Journal da
Congrès de 1775 en fixe la date au is de Juin.
TÉRÉE, Tragédie, par M. le Mierre, de l'Aca
démie Françoiſe, repréſentée pour la première fois
fur le Théâtre François le 25 Mars 1761 , & remiſe
le 28 Février 1787. Prix , 1 liv. to fols. A
Paris , chez la Veuve Ducheſne , Libraire , rue $.
Jacques.
BIBLIOTHÈQUE . Univerſelle des Dames. A
Paris , rue & hotel Serpente.
Il paroît de cette Collection le quarorzième
& le quinzième Volumes de l'Histoire. La
ſouſcription pour les vingt-quatre Volumes reliés
eſtde72 liv. & de 54 liv, pour les Volume bro
chés. Les Souſcripteurs de Province payeront de
plus7 liv. 4 fols à cauſe des frais de poſte.
COSTUMES Espagnols, deuxième Livraiſon. A
Paris, chez Gauguery, Libraire , rue Jacob , a
face de celle des deux Anges , ou à Verſailles , au
grand eſcalierde marbre , au premier perron.
CetOuvrage curieux & bien exécuté peut faire
pendant aux Costumes François.
COURS d'Hydrographie ou deNavigation profeffé
à Paris, & mis à laportée de tous les Navigateurs
, par M. de Laffale, Profeſieur de Mathe
matiques & d'Aftronomie , a Vol. in 8°. Prix ,
6 liv. brochés , & 7 liv. 4 ſols francs de port. A
Paris , chez Royez , Libraire,quai desAuguſtins,
94
MERCURE
CetOuvrage eſt le même Cours d'Hydrographie
que l'Auteur donne à Paris depuis 1784. Il n'a fait
que le ſimplifier par la méthode pour le mettre à la
portéedetous lesNavigateurs.
COMMENTAIRE fur la Loi des Douze Tables ,
dédié au Roi , par M. Bouchaud , Conſeiller d'Etat ,
de l'Académie des Inſcriptions & Belles Lettres ,
Honoraire de l'Académie de Dijon , &c . , in - 4 °. A
Paris, chez Moutard, Imprimeur- Libraire , rue des
Mathuries , hôtel de Cluni.
Nous reviendrons ſur cet utile & ſavant Ouvrage.
:
LETTRE à M. le Marquis de Ximenes fur l'Influence
de Boileau en Littérature. A Paris , chez
Royez, Libraire, quai des Auguſtins.
Quand l'Académie de Dijon propoſa pour le
ſujet d'un Prix d'Eloquence la fameule queſtion des
Sciences& des Arts , J. J. Rouſſeau prouva d'une
manière très-éloquente qu'elles avoient été funeſtes
aux moeurs. L'Académie de Niſmes ayant propoſé
Influence de Boileau ſur ſon ſiècle , l'Auteur de
cette Lettre a pris parti contre Boileau. La Lettre ne
fera pas la même fortune que l'Ouvrage du Philoſophe
de Genève, mais elle ne lui cède en rien da
côté de l'eſprit paradoxal. Au reſte , on y trouvera
des idées ingénieuſes & cette facilité de ſtyle
qui caractériſe l'Auteur à qui on l'attribue , M. le
Chevalier de Cubières, dont nous avons parlé pluſieurs
fois avec éloge.
DICTIONNAIRE Univerſel de Police, par M.
Deſeſſarts , Avocat, Membre de pluſieurs Académies,
Député de la Ville de Cherbourg, Tome III.
DE FRANCE.
95.
A Paris, chez Moutard , Imprimeur-Libraire , rue
des Mathurins , hôtel de Cluni.
Nous avons parlé des premiers Volumes de cer
intéreſſant Ouvrage.
:
Cours Élémentaire de Chimie Théorique &
Pratique, pour fervir à l'Education des Enfans de
S. A. S. Mgr. le Duc d'Orléans, par M. A ***
Lecteur de Mgr. le Duc d'Orléans, in-88. A
Paris , chez Royez, Libraire , quai des Auguſtins,
On a raffemblédans cet Ouvrage utile la plupartdes
procédés agréables & utiles qui dérivent de
cette Science.
MEMOIRE fur l'amélioration de la Sulogne .
par M. d'Autroche , Membre de la Société Royale
d'Agriculture d'Orléans. A Orléans , chez Jacob
Aimé , Imprimeur-Libraire , rue & vis-à- vis Saint
Sauveur ; & ſe trouve à Paris, chez la Veuve Valade
, Imprimeur-Libraire , rue des Noyers.
CetOuvrage nous a paru mériter l'éloge qu'en
fait leCenſeur, en diſant qu'il y a remarquéles vues
d'un homme ſage & d'un excellent Citoyen.
RADE de Cherbourg en trois Cartes bien gravées,
A Paris , chez Tilliard , Graveur , quai des Auguftins
, près la rue Pavée , nº. 42 .
Le même Artiſte s'occupe d'une ſuite relative à
cet objet, & il annonce pour la fin de l'année le
Tableau de l'immerfion d'une caiſſe conique en préfence
du Roi , & de la Flotte d'évolution qui fut
envoyée à cet effer.
NUMEROS 205 & 206 du Journal d'Aricates.
Italiennes, Jédiés à la Reine, contenant un Air del
fignorCimaroſa. Prix, 2 liv. 8 fols, & un Air de
96 MERCURE
Sacchini , même prix. Abonnement pour vinge
quatre Numéros 36 & 42 liv. A Paris, chez M.
Bailleux, rue SaintHonoré,près celle de la Lingo
rie, à la Règle d'or.
PARTITION & Parties séparées de la Négreffe,
ou le Pouvoir de la Reconnoiſſance , Comédie en
un Ate & én Vaudevilles , mêlée de Divertiffemens,
parMM. Radet & Barré , repréſentée au
Théâtre Italien le 15 Juin 1787. Prix , 12 liv. A
Paris , chez Imbault , rue Saint Honoré , entre
l'hôtel d'Aligre & la rue des Poulies , n°. 627.
Cette jolie Comédie doit être agréablement reçue
en Province. Les Airs très-bien arrangés par M.
Leſcot, Muſicien du Théâtre Italien , font choiſis
avec beaucoup d'intelligence &de goût.
TABLE.
AM. deMarmontel, 49 Observations Fondamentales
Hôpitaux .
Apologue,
Sur les Soufcriptions pour les fur les Langues ,
LePetit Prince & les Cartes , Varié és ,
Charase,Enigme& Logogry- Απnonces&Noticer,
55
5o Le Paradis Perdu, 73
$1,89
51 Comédie Françoise , 91
92
pke, $2
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux , le
Mercurede France , pour le Samedi 11 Août 1787. Jen'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impression. A
Paris, le to Août 1787. RAULIN.
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES .
Eu
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 27 Juillet.
Pavant avant l'arrivée du Roi de Suede
en
ony a publié une permiffion
de S. M. aux ſujets de cette province , de
braſſer des eaux de vie , moyennant une
modique redevance au tréſor royal. On afsúre
que les autres provinces du Royaume
obtiendront la même faveur , les grandes
villes exceptées.
Le 11 de ce mois , le Prince Royal de
Danemarck eſt arrivé à Gadebuſch avec ſa
fuite. Son Alteſſe Royale ſe rendit auſſitôt
à Wackenſtadt, pour y examiner le terrein
où en 1712 ſe donna une bataille ſanglanre
entre les troupes Danoiſes & Suédoifes , &
N°. 32 , 11 Août 1787 .
( 50 )
۱
elle repartit dans l'après-midi pour Ratzebourg.
On voit circuler ici l'état ſuivant de laMazine
de la Porte Ottomane & de la Ruſſie dans
JaMer Noire.
Etat de la Marine Ottomane .
Enconstruction , 2 de 74 can. I de72, 1 de64,
2 de 36 , 2 de 32 , 2 de 14 , 1 de 10, &4 chaloupes-
canonieres ;en tout, 16 vaiſſeaux.
Enmmeerr,4de52, I de44, I de 32 , 1 de 22 ,
I de 20 , 2 de 16 , & 15 de 12; en tout , 25 .
En rade , de 72 , 2 de 66 , 4 de 58 , 1 de38 ,
I de 34 , 2 de 32 & 1 de 20 ; en tout , 12 .
En armement , 2 de 52 , 2 de 32 , 2 de 30 , 1 de
50,3 chaloupes-canonieres & 6 galeres ; en
tout , 15.
Dans le port , 2 de 66 , 1 de 56 , 4 de 52 , 3 de
32, 2 de 20 , I de 14 & 3 de 12 ; en tour , 16 .
Etat de la Marine Ruſſe ; a Sewastopole le 17
Janvier 1787, de 66 , 10 de 40 , 2 de 50 & !
de 36.
A Cherfon , 1 de 66 , 1 de 50,
En construction , 1 de 80 , 1 de 66 & 1 de so .
(lancés pendant le ſéjourdel'Impératrice àCherfon.
)
ATaganrok , 4 de 40 , pluſieurs tranſports &
autres petits bâtimens,
De Vienne, le 26 Juillet.
Les Lettres réquiſitoriales pour le paſſage
de nos Régimens, expédiées aux Princes-
Directeurs du Cercle du Haut Rhin , font
datéesdu 6 de ce mois. Le premier corps
qui paroît s'être mis en mouvement , eſt le
ا (
régiment de Bender , parti de Fribourg en
Brisgaw , pour ſe rendre à Luxembourg :
il eſt de 2930 hommes , & mene avec lui
fix pieces de campagne.
Le Baron de Wenſtern a eu dernierement
ume audience de l'Empereur , dans laquelle
il a remis à S. M. I. fes lettres de créance ,
en qualte de Miniſtre plénipotentiaire de
Electora d'Hanovre.
Le 13 de ce mois on obſerva ici de nouveau
une aurore boreale , plus conſidérable
que celle du 13 Mat. Elle parut vers les 11
b. du foir , & dura presque toute la nuit.
Le temps étoit calme ; le barometre marquoit
27 pouces & 8 lignes , & le thermometre
de Reaumur 14 degrés au-deſſus de
zéro.
La Sentence du Colonel Legisfeld & des
autres accutes de prévarications s'exécute
journellement. Le Baron de Laflolaye , condamné
à ê re enfermé à perpétuité dans une
fortereſſe , a été conduit , le 9 de ce mois ,
àMunkatſch enHongrie.
Le 17 , deux compagnies du régiment
de l'Artillerie de campagne font parties de
Prague , pour ſe rendre à Budweis & de-là
àLinz.
Une partie du Corps des Bombardiers a
reçu le 12 l'ordre de ſe tenir prête à marcher
dans les Pays Bas.
Le8 , un courrier a apporté à Lintz ordre
aux régimens de Langlois & de Steina
C2
( 52 )
deſe tenirprêts à marcher.En conféquence
on a rappellé les temeſtriers .
Les régimens de Terz: & de Durlach , en
garniſon à Graz doivent ſe rendre à Bude &
Peft.
Le 11 , le Prince Charles Egon de Furftemberg
, Chevalier de la Toiſon d'or
Chambel an & Conſeiller privé de l'Empereur
, eſt mort à Prague , dans ſa 69. an
pée.
De Francfort , le 31 Juillet.
,
Suivant nos lettres de Berlin , le Roi a
conféré le commandeinent de Weſel au
Lieutenant général Baron de Gaudi ; elles
ajoutent que le Général Hollandois Dumoulin
entrera au ſervice du Roi , & qu'il aura
la direction du Corps du Génie & de l'Artillerie.
Il paſſe pour cerrain que le Duc régnant
de Brunswick commandera l'armée
Pruffienne à Cleves, où S. A. S. a déja envoié
so chevaux de ſes écuries.
S. M. P. vient d'aſſigner une fomme de
100,000 dahlers pour la conſtruction d'une
grande route depuis Magdebourg juſqu'à
Bærenbourg , & de-là à Groskugel.
Le commerce de la viile d'Erlangen dans
la Principauté de Bayreuth ſe ſoutient toujours
d'une maniere très avantageuſe. On
fait que cette ville doit ſes principaux établiſſemens
manufacturiers aux Réfugiés françois,
dont les deſcendans ont ſu les confer
( 53 )
ver dans un état Horiſſant. Voici les prin
cipales fabriques dans cette ville : ſavoir ,
de mégiſſerie , dont les entrepreneurs font
tous François ; ils n'admettent point d'apprentifAllemand
; 6 pour ganrs : on en fabrique
par an de toutes les couleurs a1-
deli de 10,000 douzaines ; 30 pour chapeaux:
elles fourniſſen par an plus de 600
douzaines de chapeaux fins , qui tous paffent
à l'étranger; 13 de bonneterie qui oc .
cupent continuellement 580 métiers ; pluſieurs
d'Indienne & de toile de coton ,
dont la plus conſidérable eſt celle du heur
Hartner , qui occupe 6 à 700 perſonnes ;
4 pour pains d'épices , dont il paſſe une
grande quantité à l'étranger , & une fabrique
deglaces.
ESPAGNE.
De Madrid, le 19 Juillet.
Les différens bâtimens qui arrivent d'Alger
, rapportent qu'il y périt chaque joue
de la peſte 150 à 200 perſonnes : ce fléau
ne cele ſes ravages que dans les lieux qu'il
a dépe iplés; les Religieux attachés à Thôpital
des Catholiques ont fuccombé , &
laiffent cette maiſon ſans ſecours fpirituels.
La Co ir vient de recevoir des dépêches de
notre Conful auprès de cette Régence. It
n'en a rien tranſpiré; mais on craint quelque
rupture , avec d'autant plus de fonde
C3
( 54 )
ment , que le Dey a trouvé mauvais que
M. de Langara , en coifant avec ſon eſcadie,
ſe ſoit approché des côtes de cette
Régence. Il eſt d'ailleurs certain que le Dey
a retulé de rendre deux bâtimens de notre
nation pris en dernier lieu par les Algériens ,
& qu'il a également retenu douze hommes
de l'equipage , ſous prétexte qu'is n'étoient
pas munis d'un Paffe port du Roi. Enfin
on a o te que le Dey a fixé au 11 de ce
mois la fortie des chebecs & autres corſaires,
& qu'il leur a permis de s'emparer indiftinctement
de tout ce qu'ils trouveroient
fur leur chemin .
Les lettres du Mexique des mois d'Avril
&Mai annoncent la conſternation des habitans
, occaſionnée par de fréquens trembemens
de terre.
S. M. , par Ordonnance du 22 Juin dernier
, permet à tous fabricans d'étoffes de
foie & de velours & autres , tant nationaux
que François , & autres étrangers , d'érablir
dans tout le Royaume le nombre des métiers
qu'il leur conviendra de mettre en oeuvre
, & accorde à cet effet une liberté illimirée.
La fégate la Fortune , fretée pour le
compte des finances royales , est arrivée à
Cadix , de Cartagene en Amérique , avec
2,832,099 piastres fortes , & quantité d'autres
marchandises , & fept autres bâtimens
font auffi entrés dans ce port, venant de
( 55 )
Honduras, de la Louiſiane , de Campêche
& de la Havanne , avec 122,569 piattres
fortes ,& pour plus de 200 mille piaſtresde
marchandiſes .
Il eſt également entré le 30 Juin & le 2
de ce mois à la Corogne , à S. Sébastien &
à S. André , 3 frégares venantde la Guayra
& de la Havanne , avec 228,993 piastres
fortes & beaucoup d'effers précieux.
L'on a enfin reçu à Cadix de bonnes nouvelles
du vaiſſeau de la Compagnie royale
des Philippines & d'une frégate du Roi ,
fretée pour le compte de la même Compagnie.
Le vaiſſeau , appellé la Conception ,
commandé par Don Ramon de Anfoategi ,
& parti de Malaga les Janvier dernier ,
eſt très heureuſement arrivé à Montevideo ;
& la frégate l'Aſtrée , aux ordres de Don
Alexandre Maleſpina, partie de ce port au
mois de Décembre dernier , eſt arrivée au
Callao ſans aucun accident. L'équipage de
l'un & de l'autre jouiſſent de la meilleure
ſanté ; ce qui détruit complettement les
faux bruits qui avoient couru ſur le ſo.t de
ces deux navires.
Le Roi , par deux décrets du 8 de ce
mois , a diviſé en deux départemens celui
des Indes. Don Antoine Porlier a été chargé
de celui de juſtice & de grace , & S. M.
a nommé Don Antoine Valdez à celui de
guerre , de finance , de commerce & de
navigation.
1
C4
( 56 )
Par un de ces décrets , le Roi diviſe ces
deux départemens , & par l'autre elle crée
deux nouvelles placesde Secrétaire d'Etat
en faveur de MM. Porlier & Valdez. S. M.
a auſſi rendu un autre deeret du même jour,
8 de ce mois , par lequel elle ordonne l'établiſſement
à perpétuité d'une Junta ( affemblée
) ſuprême d'Etat , compo'ée des Secrétaires
d'Etat de tous les départemens ,
qui ſe tiendra au moins une fois par ſemaine
, & qui connoîtra de toutes les affaires
, qui font portées aujourd'hui aux Bureaux
& aux Tribunaux de chacun des différens
départemens; des réglemens & lois
du Royaume , établis ou à établir , changer
&réformer. Dans des cas graves &des circonſtances
critiques onyadmettra les Confeillers
d'Etar , nommés par le Roi à cet
effet , les Officiers généraux & autres perſonnes
inſtruites , dont S. M. jugera la préfence
& l'intervention néceffaires .
ITALI E.
De Livourne , le 11 Juillet.
Nos Gazettes Italiennes , en particulier
celle de ce port , fertiles en inventions & en
nouvelles hafardées du Levant, viennentde
faire arriver un bâtiment d'Alexandrie
avec la relation que voici ,& dont la moindre
attention fera connoître la valeur. C'eſt
un prétendu Négociant , qui raconte en ces
,
( 57 )
termes les nouveaux faits militaires de l'Egypte.
>> On a vu avec une joie univerſelle arriver
ici du Caire le fameux Capitan Pacha ,
déterminé à abandonner ces lieux , & qui
doit s'embarquer ſur la caravelle la Sultane,
de 60 canons , pour ſe rendre à Conſtantinople.
Il emporte avec lui le riche tréfor
qu'il a enlevé à ces malheureux marchands ,
&pa ticulierement à ceux qui furent foupçonnés
d'être les fecrets amis d'Amurat Bey *.
Il a porté la tyrannie à l'excès ; &to it le
monde attend avec impatience le moment
de ſon départ. Il a dépouillé tous les Arabes
, &faccagé leurs fortereſſes , quoiqu'ils
ſe foient toujours montrés obiſfans aux
ordres du Divan. Les contributions qu'il a
levées en argent montent à des ſommes
incroyables ; &, malgré tant d'innovations ,
il n'a pas ſu rendre le calme à l'Egypte où
tout est encore dans la plus grande confaſion.
Le Capitan Pacha voyant enfin que
pendant quelques ſemaines les rebelles qui
s'étoient réfugiés dans les montagnes de la
haute Egypte , ne paroiſſoient pls, réfolut
de faire prendre des quartiers à ſes troupes
au Caire, & de quitter ce pays , laiſſant la
direction des opérations à Ismaël Kiaja , en
lui donnant plein-rouvoir ſur les enne nis.
Tout à coup les Beys fugitifs reparurent de
Le Narrateur pourroit bien être du nombre de ces
amisfecrets , fi toutesfois cette leure n'eſt pas imaginaire,
CS
( 58 )
nouveau avec de nombreuſes troupes , &
Carpritent l'avant garde de l'armée Oto .
manne , qu'i's chargerent avec tant de courage
, qu'après différentes attaques , le vaillant
Ammat remporta une victoire competre
, & détruifit entierement l'armée ennemie
Au mien d'en ſi grand défordre le
Commandant en chefjugea qu'il ne pou
vat meux faire que de se retirer ici , où il
y a une forte à ſes ordres .
Un Capitaine de bâtiment a rapporté
qu'il avot laiſſé à 30 milles au couchant
une eſcatre de 18 bâtimens , qu'il avoit jugés
étre Vénitiens *. On ne ſcant pas à quelle
fin ces bâtimens peuvent parcourir les côtes
de Syrie , à moins qu'on ne veuille conjesturer
que leurs opérations doivent ſe diriger
contre l'eſcadre Tusque , qui eſt à l'ancredans
ceport.
Une autre lettre d'Alexandrie détaille en
ces termes l'organiſation du Gouvernement
actuel de l'Egypte.
« Vous me priez de vous donner une idée du
Gouvernement actuel de Egypte. Je pourrai
vous fatisfaire en faif nt une defeription ſuccincte
de ce qu'il devroit être & de ce qu'il étoit avant
les guerres de la Syrie de 1771 , qui donnerent
naiffance , ſous le fameux Aly-Bey , à tous les
troubles qui ont agité plus ou moins ce Royaume
juſqu'à ce jour. En général , il y a déja nombre
* Notez que cette eſcadre eft rentrée dans les ports
depuis deux mois.
( 59 )
d'années que les Conftitutions fondamentales de
ceRoyaume font éorables. La confufion & le
détordre regnent aujourd'hui dans ces Provinces
floridantes qui ſe trouvent opprimées par les tyrannies
, les extorfions & la mauvaiſe foi des Citoyens
les plus riches , par l'esprit d'indépendan
ce & par la foif infatiable d'accumuler des richeſſes.
Maisje vais vous donner une relation du
Gouvernement , tel qu'il devroit être auGrand-
Caire , Capitale de l'Egypte , dont dépend zout
le reſte.
>> Un Pacha que le Grand-Seigneur envoie
tous les ans au Caire , ou qu'il confirme dans ſa
place chaque année. Vingt-quatre Beys , appellés
Sangiak , quiſont comme Gouverneurs des Provinces
; mais leur nombre n'est jamais complet.
Unde ces Beys eft Defterdar ou Grand- Chancelier
, qui devient enſuite Caïmacan ou Lieutenant
en l'absence du Pacha, dont il fait dans ce cas les
fortions . Un autre d'entre les ſuſdits Beys eft
Schich el-Belad , c'est -à-dire , Chef du rays , qui
forme la ſeconde charge. Un troifiéme Bey eſt
l'Ehmire- el -Hag , conducteur de la caravane de
Ja Mecque , qui part régulièrement tois fes ans
du Caire le 27 de la Lune de Schianal & revient
Ie 5 ou le 7 de la Lune de Safar. Les ſuſdites trois
charges ſedonnent tous les ans par le Grand-
Seigneur. Trois autres Beys font deſtinés annuellement
par le Pacha aux départemens de laGéorgie
dans la Haute- Egypte & de Manufic &
Bekere qui embraſſent les deux parties du Nil ,
depuis les confins de la Haute-Egypte , juſqu'à
Damiette & Alexandrie. Un autre Bey eft au
nommé tous les ans par le Pacha pour porter le
Kafné ou Tribut d'Egypte au Grand-Seigneur.
Ce Kaſné doit étre composé de 1200 bo ríes du
Caire , chacune contenant 625piastres de 40Pata,
C6
( 60 )
:
&formant entout 187,500 ſéquins. CeBey part
du Caire par terre pour Conſtantinople , & s'en
retourne par mer. Les autres Beys reßent au
Caire & devroient tous être ſous la domination
du Pacha ; mais il y a déjà très- long-temps qu'ils
s'en ſont ſouſtraits , & ſouvent le Pacha eſt obligé
d'agir à leur fantaisie ; autrement , ils le dépoſent.
Ily a en Egypte ſept Ogeaks ou ſept fortes
de Milices , dont deux de Fantaſlins & cinq de
Cavaliers . Les Fantaſſins ſont les Janiſlaires& les
'Azabs , & les Cavaliers font les Mutfarraca , les
Sciantlies , les Giumélies , les Tufekgies & les
Sécrakſés . Les fortereſſes ſont ſous la dépendance
du Mutfarraca , dont l'Aga & celui des Scianſſies
font une eſpece de Maitres des Cérémonies du
Pacha , qui font obligés de marcher à pied devant
lui , avec un bâton à la main , dans toutes les
fonctions qu'il remplit. Les Ogeaks ont chacun
un Sardar dans la Haute Egypte , à Suez , à Damiette
, à Roffetto & à Alexandrie , & le Pachaa
unAgadans chacun de ces endroits . L'Ogeak des
Janillaires , qui eſt le plus reſpectable & le plus
fort , nomme unAga particulier , qui doit faire
ſa rondedans la ville du Caire , & qui a droitde
mort ſur toutes fortes de perſonnes. Ily a encore
au Caire un Vali qui marche pendant la nust&
qui a auſſi droit de mort ſur tous ceux qui ne
font pas foldats , ou qui ne ſont pas au ſervice
des Commandans. Il y a auffi au Caire un Mohtefeb
qui doit inſpeter les poids & mefures. Celui
ci a le droit de baſtonnade ſeulement . & ce
droit eſt auffi accordé à l'Andobaſey-el-Boab ,
qui eſt une eſpece de petit Lieutenant de Police
qui etnommé tous les trois mois par la Porte &
tiré des Janeſſaires. Dans les autres endroits prinpipaux
de l'Egypte , il y a également des Lieutenans
de Police fous différentes dénominations ,
( 61 )
qui ont auſſi le droit de donner la balonnade
Il y a au Caire un Kadi Aker , qui eſt envoyé
tous les ans de Conſtantinople , & il y a en outre
beaucoup de Mehkemes protégés par les Sciehs
ou Chefs de loix. Dans d'autres endroits princicipaux
, il n'y a qu'un fimple Kadi. Ces Kadis
jugent toutes les affaires en dernier reffort , &
en général, tous les contrats doivent être faits
dans leurs Mohkemes ; autrement , ils font nuls.
Le mépris que l'on a pour ces Conſtitutions fondamentales
, auxquelles on s'eſt refuſé de ſe
conformer depuis fi long - temps , a été & eſt
encore la ſource des maux que nous éprouvons
aujourd'hui. Je vous donnerai dans une autre
lettre le détail de tout ce que pourroit être le
riche commerce que nous faiſons ,& de fes dif
férentes branches. >>>
>>Suivant quelques avis récens , il y a eu
le 30 de Mai dernier un combat ſanglant à
>>>la vue de Meſſine , entre un vaiſſeau de
>>guerre Maltois , & un corſaire Algérien
>> de même force. Les Algériens commen-
>> cerent l'attaque , en lachant une bordée
>> qui emporta le mât de mi'aine , & tua ou
>> bleſſa 20 hommes. Les Maltois rendi-
>>rent le feu avec la plus grande bravoure.
>> L'engagement dura près de deux heures.
>> Le feu prit aux deux vaiſſeaux , mais il
>>fut bientôt éteint par l'activité des équi-
>>pages. Malgré cette périlleuſe ſituation ,
>> ils ne diſcontinuerent pas de ſe battre
>>>avec le plus grand acharnement , réfolus
>> de périr ou de vaincre. Le brave Cheva-
>> lier qui commandoit le vaiſſeau Ma'tois ,
( 62 )
:
>> fat tué d'un coup de canon, au moment
>> où il c'osoit le drapeau au mît. Sa
>> mort ne rallentit cependant pas les ef-
>> forts de fon équipage. Les corſaires ne
>> montrerent pas moins d'intrépidité , fai-
>> fantun feu continuel de toutes les parties
>>> de leur vaiſſeau. Au moment où ils furent
>>>a.Tez près les uns des autres pour en venir
>>>à l'abordage , plus de 60 de ces barbares
>>>ayant un Officier à leur tête, ſauterent à
>>>bord du vaiſſean Malro's , l'épée à la
>> main , jurant de ne donner ni de recevoir
>> aucun quartier. Cette astion hardie pro-
>>duifit un des plus horribles combats qu'on
>>>ait jamais vu , avec des piſtolers & des
>>>lances , & qui dura juſqu'à ce que les Al-
>> gériens avec leur intrépide chef fuſſent
>> tois tués. Le maſſacre n'empêcha pas les
>>>pirates de faire un fecond abordage , dans
>>>Je quel les Maltois accablés par le nombre
>>>furent contraints de ſe ſoumettre; mais
>>avant que les infideles paſſent prendre
>> poſſeſſion du vaiſſeau , il fauta en l'air,
>> & tous ceux qui étoient à bord , périrent ,
>> excepté quelques matelots Maltois qui ſe
>> fauverent fur des débris , & furent reçus
>>>le lendemain par une barque Nacolitai-
>> ne , qui les conduifit à Naples. I's affu-
>>rent que le corps du vaiſſfeat Algérien a
>> eté ſi endommagé dans l'engagement ,
>>>ainſi que les voiles & les cordages , &
>> qu'il reſtoit ti peu d'hommes à bord , qu'il
>> étost impoſible qu'il gagnât Alger .
ככ
( 63 )
De Florence , le 13 Juillet.
On a déja commencé par ordre du Souverain
& fous la direction immédiate du
Gouvernement , l'impreſſion des Actes &
Mémoires de l'Aſſemblée tenue à Florence
par les Evêques de la Toſcane.
On écrit de Rome l'anecdote ſuivante.
« Les au foir , environ quatre heures après
le coucher du ſoleil , on vit fur le cours de
Rome , qui étoit en grande partie éclairé par la
June , ſe promener à pied une très- grande dame
qui portoit un turban garni de gaze , fait a la
nouvelle mode , orné de plumes & de galons , &
un collier pareillement garni de gaze ; elle étoit
vêtue en habit de ga'a , & portoit un large mantelet
ſur ſes épaules; elle étoit ſervie par deux
écuyers qui fe relevoient alternativement , précédée
de deux laquais portant chacun une grande
lanterne , & fuivie d'un page qui lui portoit ta
queue. Ce cortege qui fit pluſieurs tours ſur le
cours , attira la curiofité d'un grand nombre de
perſonnes qui vouloient voir quelle étoit cette
grandeDame; d'abord par reſpect on ſe tint éloi- .
gné ; mais la foule s'étant accrue , on s'approcha
deplus près , & onvit avec ſurpriſe que c'étoit
un jolie bourique à laquelle les deux Ecuyers
foutenoient les pieds de devant. Cette farce a
beaucoup amuſé toute la ville ; mais la tendre
& ſenſible moitié du genre humain ſe trouvant
ridiculiſée par cette plaifanterie , a fait les inftances
les plus preſſantes pour faire punir les auteurs
de leur effronterie.
( 64 )
GRANDE - BRETAGNE
De Londres , le 31 Juillet.
Le Parlement qui , au terme de ſa premere
prorogation , devoit s'aſſembler aujourd'hui
, a été prorogé de nouveau au 16
Octobre prochain. Le Parlement d'Irlande
l'eſt au Mardi 25 Septembre.
Le 27 , le Roi , après le lever , eut une
conférence avec les Secrétaires d'Erar , le
Secrétaire de la Guerre & Lord Howe. Ine
heure après le départ de S. M. pour Windfor
, il arriva un Exprès de Hollande au Bureau
du Marquis de Carmarthen , avec des
dépêches qui ſur le champ furent envoyées
à Windfor.
Le lendemain 28 , il s'eſt tenu un Conſeil
extraordinaire , occaſionné par ces dépêches;
Conſeil qui a duré près de fix heures.
Le Public Advertiser & le Morning- Poft
aſſurent que le réſultat de cette délibération
a été de mettre fin aux projets du parti appe'lé
Patriotique , ſur les prérogatives du
Sradhouder , & de maintenir ce Prince dans
tous les droits que lui aſſure la Constitution.
On ajoute qu'il y a eu ordre de rédiger en
conféquence des dépêches pour l'Etranger ,
qui , fuivant le bruit public , ont été expér
diées le ſoir même ; & annoncent la réfolu
tion préciſe de ſecourir le Stadhouder, quetques
puiſſent être les ſuites d'un parti auſſi
vigoureux.
( 5 )
M. Eden , nommé par S. M, ſon Miniftre
plénipotentiaire à Madrid , eſt parti le 29
pour ſa deſtination .
C'eſt Mylord Hood que les rumeurs du
moment mettent à la tête de l'eſcadre en
armement, ou plutôt armée; mais immobile
encore,
Le Commodore Gower , diſent à ce ſujet
divers Papiers , a accepté le commandement
d'une autre eſcadre pour l'Inde , qui fera
compoſée d'un vaiſſeau de 74 canons &de
trois frégates. Ce Commodore aura le choix
de ſes vaiſſeaux & des Officiers ; mais ces
forces maritimes, ſi peu conſidérab'es , n'appareilleront
qu'au mois d'Octobre au plutôt
, vû que la ſaiſon pour doubler le Capde
Bonne- Efpérance eſt paſſée.
Indépendamment des vaiſſeaux de garde
qui font à Spithead , il s'y trouve actuellement
l'Aventure de 44 canons , deſtinée pour
l'Afrique , le Boreas de 28 , & le floop le
Ratler. Ces deux derniers doivent faire voile
inceſſamment pour la Jamaïque.
Les vaiſſeaux le Lord North , le Carnatic,
le Ganges & le Sullivan , venant de la Chine
& d'autres établiſſemens de la Compagnie
des Indes , ſont arrivés ſaufs ces jours
derniers , & n'ont apporté d'autre nouvelle
intéreſſante , finon que l'on goûtoir de plus
en plus l'adminiſtration du Comte de Cornwallis.
Mercredi dernier , on a lancé à Harwich
( 66 )
l'Excellent , vaiſſeau neut, de 74 can. qui
depuis cinq ans étoit en conſtruction .
On prétend que la ſaiſon derniere , la
Compagnie des Indes a envoie d Europe &
de l'Inde à la Chine 700,000 liv. ſterl. d'argent
en eſpeces , & pour 3,000,000 liv. ſterl.
dedraperies.
Suivant les dernieres lettres de Dublin ,
ony a eſſuyé , le 26, l'orage le plus terrible ,
Leséclats de tonnerre ſe ſuivirent ſansinterruption
, & la pluie étoit fi forte , que dans
certaines rues , l'eau s'élevoit juſqu'aux roues
des voitures. Pendant cette tempête , on a
obſervé un globe de teu qui avoit à -peu-près
la forme d'un tonneau . Il deſcendit dans
une direction oblique , & lorſqu'il fut aſſez
près de terre , il finit par une exploſion plus
bruyante que celle de pluſieurs peces de
canon tirées à la fois.
Ce météore fut remplacé par une petite
boule de feu qui s'éleva avec la rapidité
d'une fufée volante , & creva dans l'air .
<<O<n fait de grands prépa arifs à l'Obler-
>> varoire du Roi à Windfor. Leur objet eſt
>> de s'occuper de certa nes obſervations af
>>>tronomiques ſur la ſituation actuelle des
>> corps célestes. On prétend qu'el'es font
>> remarquer dans les aftre errans ( fidera
>> errata ) des phénomènes auffi curieux
>>> qu'extraordinaires.On doit faire en même
>>>temps des expériences fur les inftrumens
>>inventés depuis peu. >>
( 67 )
N. B. Ce Paragraphe a bien l'air d'une
allégorie.
FRANCE.
De Versailles , le 1 Août.
Les ſieurs Foullonde Doué , de la Villeur
noy , & Rouillé , Maîtres des Requeres ,
nommés aux Sous- intendancesd: Bayonne ,
de Pau & de Champagne, ont eu l'honne r
de faire leurs remerciemens ad Roi , préſentés
par le ſieur de Villedeul, Contrô'eur
général des Finances.
Le ſieur de Sauvigny, Chevalier de Saint-
Louis , Cenſeur - roval , a eu l'honneur de
préſenter au Roi es 35 , 36 , 37 & 8es
Cahiers de ſes Effais historiques fur l' Hiftoire
des Francs , dont deux contiennent les Lettres
de Sidonius Apollinaris .
Le ſieur Lagrange , Libraire , rue Saint-
Honoré , vis- à-vis le Lycée , a eu l'honneur
de préſenter à Sa Majesté le rome III de la
Collection des meilleurs Ouvrages françois ,
compoſés par des femmes , par la demoifelle
de Kéralio.
De Paris , le 8 Août.
>> Un des voyageurs qui ont accompa-
>>gné le Comte de la Peyrouſe , dans fon
expédition autour du monde , & à qui l'état
de ſa ſanté n'a pas permis de le ſui ,
>> vre , l'a quitté à Macao , & eſt de retour
:
168 )
>> ici. Il contredit le rapport du Capitaine
>>Anglois , qui diloit que la Boufſfole & l'Af-
>> trolabe avoient été fort mal-traitées . Il
>> fait le plus grand éloge du Commandant
>> & des foins qu'il prend de ſes équipages ,
>>qui ont été conſtanıment dans le meilleur
>> état. Selon ſes rapports , le Comte de la
>>Peyrouſe a viſité la riviere de Cook; il a
>> vu quelques nature's de ces côtes defertes
>> qui lui ont préſenté d'aſſez belles pelle-
>>>teries ; ils donnoient à enten fre qu'ils en
>> alloient chercher d'autres , & qu'ils aver-
>> tiroient les peuplades voiſines. Mais le
>>>Comte de la Peyrouſe n'étant point là
>>>pour trafiquer , ne crut pont devoir les
>>>attendre. Ses inſtructions n'étant pas de
>>s'é'ever dans le nord, ni de trop s'expofer
>>dans les glaces , il n'a été qu'au 60º. de-
>> gré nord. En quittant la Chine , il ſe pro-
>>>poſoit de longer les côtes du Japon , de
>>>viſiter la mer de cet Archipel , & d'aller
>>>hiverner aux iſles des Amis. Il verra Ota-
>>>hiti , la Nouvelle Zélande , la Nouvelle-
>>>Hollande , & reviendra en Europe par le
>>capde Bonne- Efpérance.
Les Aflemblées Provinciales dont nous avons
annoncé les Réglemens de formations s'aſſembleront
dans le courant de ce mois , S. M. a
nommé les Préſidens & un certain nombre de
Membres ; celle de la Généralité de Paris ſe
tiendra à Melun , où les logemens ont été déjà
marqués. M. le Duc du Châtelet , dit-on , en
eſt nommé Préſident ; les cinq Membres de la
( 69 )
Nobleſſe nommés par Sa Majeſté , font , à ce
qu'on aſſure , M. le Duc de
Montmorency ,
le Vicomte de Noailles , le Prince de
le Comte de Crillon & le Marquis de Guer
Chalais ,
chy; ceux du Clergé font MM. les Abbés de
la Bintinaye , Vicaire Général de Paris , de
Blanc , Chanoine de Notre-Dame , de Damas ,
de Treſſan , de Chambertrand , & le Général
des Mathurins; & pour le Tiers- Etat , M.
de la Noue , ancien Lieutenant - Général de
Meaux , Henri Procureur du Roi , de Verfailles
, Sarazin de Maraiſe , Secretaire du Roi ;
Borel , Lieutenant-Général de Beauvais , Jobert
, propriétaire de Tonnerre , & Bailli faboureur
à Trapes.
Sa Majesté a nommé auffi les Préſidens des
Aſſemblées de diſtrict de la Généralité; à Cor.
beil M. le Bailly de Crayfol ; a Saint-
Germain , M.
l'Archevêque de Paris ; à Beauvais
, M. l'Evêque. Au
Département de Senlis
, qui comprend Senlis , Compiegne &
Pontoiſe , M. l'Evêque de Senlis ; à Montfort
- Lamaury , qui comprend Montfort
Dreux & Mantes , le Comte de Surgeres ; a
Meaux , M. l'Evêque de cette Ville ; à Roſoy ,
qui comprend Roloy , Provins & Coulomiers ,
le Marquis de Montelquiou ; a Melun & Erampes
, le Baron de Juigné , à Nemours & Montereaux
, le Comte d'Oſſonville ; à Sens & Nogent,
le Ducde Mortemar ; à Joigny & Saint-
Florentin ,le Vicomte de la
Rochefoucault ; à
Tonnerre & Vezelay , le Doyen du Chapitre
de Tonnerre. Les Préſidens des autres Atiemblées
Provinciales font : pour le Poitou , M.
l'Evêque de Poitiers; pour le Limoufin , le Duc
d'Ayen ; pour le Hainault, le Duc de Croy;
pour la Lorraine & le Duché de Bar , M. LEve
( 70 )
:
que de Nancy ; pour PAlface , le Bailli de
Flachſlanten ; pour la Généralité d'Auch , M.
'Archevêque d'Auch ; pour l'Auvergne , le
Vicomte de Beaune , &c.
Le treize de Juillet , vers les dix heures
du matin, il s'éleva un nuage pouffé par un
vent du nord - ouest, qui vint fondre en
greis für Revelen Dauphiné , & qui , dans
P'eſpace de moins d'un quart d'heure , ravagea
trois Paroiſles de cette communauté ,
Revel , Primarette & Pizieux. Elle tomba
entrès grande quantité ; & il y avoit beaucoup
de g ains gros comme des noix. Les
malheureux habitans de ces Paroiſſes commençoient
leurs moiſſons de la plus belle
eſpérance. Ils eurent à peine le temps de ſe
mettre eux mêmes à l'abri ; & leurs récoltes
de toute eſpece furent toralement perdues.
L'année derniere , ils avoient éprouvé le
même accident , qui a réduit plus de 250
familles à la mendicité. Les perſonnes
charitables qui voudront s'intéreſſer à leur
triſtefort,&les aider de quelques bienfaits ,
font priées de les faire remettre à Vienne en
Dauphiné , chez M. Fornier , Avocat &
Subdélégué de l'Intendance,
Le Dimanche 22 Juillet , une grande af-
Auence de Spectateurs à Rouen s'étoit portée de
toutes parts pour voir le ſieur Gervais de Colongesmarcher
ſur la riviere , à pieds levés, avec des
Jabots élastiques defon invention , comme il l'avoit
annoncé,
L'expérience devoit avoir lieu à fix heures;
mais l'habile Phyficien fit d'abord un acte de
( 71 )
prudence , en attendant la chute du jour. Ce
fut alors qu'il fortit de l'iſle de mad. Lucas , luivi
d'un petit bareau , qui avoit fair d'etre là en
cas d'accident. Tout alla bien tant qu'il reſta
dans un très-grand éloignement. Ses pieds enveloppés
de deux grandes boi es de fer - blanc ,
qu'il agitoit avec force , & plus encore l'impoffibilité
de voir son petit manége , firent croire
qu'en eff z il marchoit à pieas levés. Mais le malheur
est que , réduit par quelques applaudiſſemens
qui s'éleverent ,il oublia la prudence au
point de s'approcher à cinquante pas des Spec
tateurs. Et alors le moinsintelligent put difcerner
le radeau nageant à fleur d'eau , fur lequel
il étoit affis , au moyen d'un montant de
fer, armé d'un petit ſtrapotin , qui lui ſervoit
de ſiege. La mal adreſſe avec laquelle il remuoit
les pieds , dans une direction oppoſée à
fa marche réelle , fit même jager que le radeau
étoit fixé au bateau qui le ſuivoit pour lui
imprimer le mouvement. En forte que toure
l'Expérience du ſieur Gervais de Colonges a conofté
à lever les pieds , & à ſe montrer dans une
poſture auffi comique que gênée qui , d'un
peu loin , lui donnoit aſſez l'air d'un homme
empalé. Les gens ſenſes ſe ſont contentés de rire
pour leur argent ; mais , ma heureuſement pour
* lui , il ſe crouvoit parmi les Spectateurs quelques
étrangers, qui , accoutumés chez eux à
punir , par des voies de fait , les Histrions &
les Bateleurs qui leur déplaiſent . lui jetterent
des pierres. Probablement cet exemple dangereux
eût été ſuivi par un grand nombre , fi la
douceur nationale & ſa gaieté naturelle n'avoient
pris le deſſus , & ne ſe fuſſent exaltées en bro
cards & en fiffiers. ( Journal de Normandie. )
( 72 )
Lettre au Rédacteur.
« Je n'ai pas pu lire , Monfieur, fans beaucoup
d'étonnement , la copie de la lettre écrite de la
Guadeloupe , inférée dans le Mercure de France
du Samedi 21 Juillet. Perſonne ne reſpecte plus
quemoi la mémoire des Officiers qui fe fontdiftingués
endéfendant l'Etat ; mais je ne puis être
aſſez étonné du deſſein que manifeſte l'Auteur
de ces détails ſur la vie militaire de M. Nadau ,
dedifcréditer un Officier général qui eſt pour
le moins auffi reſpectable ſous tous les rapports
que pouvoit l'être feu M. Nadau , pour faire
l'éloge de ce dernier.
<<M. Nadau, dit l'Ecrivain de laGuadeloupe,
n'a capitulé que parce qu'il manquoitdes ſecours
qui luiétoient néceſſaires. Un peu de mémoire
ſeulement , & ce fait ſera promptement
éclairci. Il m'eſt meme inutile de réviſer ce
qui eſt conſigné dans l'hiſtoire de la derniere
guerre pour prouver qu'il eſt faux.
«Permettez-moi , Monfieur , de parcourir rapidement
des faits ſi connus qu'ils ſuffiſent pour
démontrer que la reddition de la Guadeloupe
étoit indépendante des ſecours que l'on dit que
M. Nadau ſe plaignoitde n'avoir pas reçu .
« Lorſque les Anglois eurent inutilement tenté
le ſiege de la Martinique , ils rembarquerent
leurs troupes , & les conduirent à laGuadeloupe
avec l'eípérance de s'emparer de cette
ifle. C'eſt dans cette circonſtance que leGouverneur
de la Martinique fit paſſer ſur des pirogues
& des bateaux les ſecours que la prudence
lui permettoit de ſouſtraire à la défenſe
de la Martinique & d'offrir à M. Nadau ; mais
Μ.
( 73 )
M. de Bompar étant arrivé avec des ordres péremptoires
de la Cour pour ſe faire fournir tout
cedont il auroit beſoin , il fut décidé , d'après
les repréſentations du Gouverneur de la Martinique
ſur la ſituation fâcheuſe de M. Nadau ,
qu'il ſeroit embarqué avec quinze cents hommes
de troupes à ſes ordres ſur les vaiſſeaux &
frégates que commandoit M. de Bompar. M.
Nadau fut informé par l'Officier qu'il avoit envoyé
à la Martiniquedemanderdes ſecours , qu'ils
arriveroient à jour nommé , & ce fut le lendemainde
cette nouvelle qui étoit encourageante ,
que la capitulation fut ſignée , quoique M. Nadau
eût écrit poſitivement qu'il pouvoit tenir
encore quinze jours. Cela peut être prouvé ,
diſons plus , tout cela l'a été juſqu'à l'évidence.
Pourquoi donc l'apologiſte de M. Nadau ſe
fait ilun plaiſir d'altérer les faits , & d'annoncer
que la Guadeloupe fut endue parce que eet
Officier n'avoit feulement que cent cinquante hommesde
troupes , deux mille miliciens presque Sans
munitions&Sans Secours de la Martinique pendant
trois mois & demi ? Pourquoi attendre la mort
de M. Nadau , qui ſavoit le contraire , pour s'ex
primer ainfi ? &pourquoi enan veut- il perfuader
que la jalouſie a cherché à ravir à M. Nadau
ſagloire &ſon mérite militaire ? Il ſemble que
le brevet honorifique qui lui fut donné le 31 Décembre
1771 eſt plus que ſuffifant pour attirer
lajaloufie.
Qu'il eſt malhonnête de troubler la tran
quillité d'un brave Militaire encore exiſtant , &
devouloir lui arracher le laurier mérité pouren
couvrir la tombe d'un Officier qui repoſe après
quatre-ving trois ans d'une vie agitée , & qui ,
s'il pouvoit être rappellé à la lumiere , démenciroit
lui-même co que ſon apologifte a fait im-
No. 32, 11 Août 1787. d
( 74)
primer. J'ai l'honneur d'être , &c. Paris, le 3
Αοίπ 1784.
Autre Lettre au Rédacteur.
Monfieur ,
Lyon , ce 26 Juillet 1787.
« J'ai lu dans votre Mercure du Samedi 21
Juillet dernier , que M. Lunardi avoit fait fur
la Tamiſe l'expérience d'une machine es ferblanc
propre a refter dans l'eau ſans danger.
Je ſuis le premier inventeur de cette machine
machine , à laquelle j'ai donné le nom d'anneau
hydroflatique , dontune brochure intitulée , Théorie
de l'anneau hydrostatique , qui ſe trouve chez
Roflet , Libraire , rue Merciere , à Lyon , &
dans laquelle j'explique la conſtruction de cetre
machine , les principes ſur leſquels elle et tondée
la maniere de ſe l'adapter au corps , air h
que tous ſes effets ,dont les principaux ſont de
pouvoir prendre les bains fans danger , faire
pluſieurs lieues en profitant du courant de l'eau
(ayant les pieds & les mains en liberté , & le
corps dans une poſition verticale ) , & traverſer
les rivieres»,
,
«Cette machine peſe environ ſept livres ,&
déplace quarante-cinq livres d'eau plus ou
moins, ſuivant la partie du corps qu'on veut
faire furnager ; elle coûte environvingt-quatre
livres , & peut durer pluſieurs années ; c'eſt
un anneau ou cylindre évidé en fer blanc , de
fix pouces &demi de hauteur , fur dix-neufpouces
dediametre total , le canal circulaire , dont
l'épaiſſeur eft de trois pouces&demi, eft remplide
veffies ,dans lesquelles on introduit de
fair, enforte que par ce moyen l'on feroit encore
exempt de tousdangers, quand même par
une caure quelconque l'eau viendroit à pénétrer
( 75 )
à travers la machire , ce qui ferait le cas le plus
extreme ».
au-
« Pour fe l'adapter au corps , il faut placer les
pieds dedans , & la lever à deux pouces
deffous des bras , où il faut la fixer avec des
treffes , demaniere qu'elle ne puiffe monter ni
deſcendre de l'endroit que je viens d'indiquer ,
afin que le centre de gravité du corps ſoit toujours
au-deſſous de la machine. J'en ai fait .
faire plufieurs expériences fur la Saóne l'année ,
derniere , qui ont toutes conſtaté les effets cideffus
.
ETEVENARDS , Profoffeur de Mahématiques ».
Ily a long temps que l'on defi oit une tradustion
comp'ette des voyages du fieur Pallas en
différentes provinces de l'Empire Ruffe & dans
l'Afſie ſeptentrionale ; les obfervations qu'il a
faites fur l'Hilloire Naturelle , les minéraux ,
la botanique , la physique , laſtronomie , & tout
ce qui concerne les moeurs , les uſages ,les religions
, les cuites , les langues , les traditions ,
les monumens & antiquités des peuples qui habitent
les contrées qu'il a parcourues en philofephe
& en obfervateur , intéreſſent génér lement
les fciences ; & c'eſt un ſervice que leur a rendu
Je fieur Gauthier de la Peyronie , Commis des
Affaires Etrangeres , en entreprenant de les traduire.
Cet Ouvrage , qui formera cinq volumes
in - 4°. & un de planches , fera accompagné des
notes , corrections & additions que le fieur Pallas
a eu l'occaſion de faire dep is la publication de
ſes voyages , & qu'il a communiquées à fon Traducteur.
Le premier volume & les p'anches qui
lui appartiennent , parcitront au mois de Mars
1788 , & les autres de fix en fix mois. Le prix de
chaque volume eſt de 24 div. , la foufcription
ouverte chez le ſieur Lagrange , Libraire , rue
d 2
( 76 )
:
Saint-Honoré , vis-à vis le Lycée , ſera fermée
le 31 Janvier prochain ; après cette époque , le
prix de chaque volume fera de 32 liv . On paie
24 liv. en ſouſerivant , autant en recevant le ſecond
, & airſi des autres juſqu'au dernier , qui
ſera délivré gratis aux Souſcripteurs .
Les Mémoires deſtinés à concourir aux
Prix propoſés par la Société Royale d'Agriculture
, & annoncés précédemment , le ont
adreſſés , ſous le couvert de M. l'Intendant
de Paris , à M. Broufſonet , Secrétaire perpétuel
de la Société , rue des Blancs-Manteaux
, N°. 57 ; & s'ils lui font remis entre
les mains , il en donnera un récépiſſé , où
ſeront marqués la ſentence de l'ouvrage &
le numéro indiquant l'ordre de la réception.
Très haute , très puiſſante & très-illuftre
Dame Madame Marie Louiſe-Urſule Comteſſe
de Baſſompierre, Abbeſſe de l'infigne
Chapitre Noble de Pouſſay , y eſt morte le
6 Juillet 1787 .
Les Payeurs des Rentes, 6 premiers mois
de 1787 , font à la Lettre A.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le i de ce mois ,
font: 64 , 12 , 31 , 54 & 4 .
PAYS - BAS.
De Bruxelles, le 5 Août.
On a publié ces fours derniers une Déclaration
de S. M. I. , qui portte :
( 77 )
Sa Majesté étant informée qu'on continue à
faire & répandre des écrits ou imprimés , renfermant
des perſonnalités odieuſes ſur différens individus
, ou des aſſertions ou réflexions dont le but
eſt évidemment d'empêcher le retour du calme &
de la tranquillité publique , elle a , à la délibération
du Lieutenant-Gouverneur , & Capitaine
général des Pays-Bas , par interim , défendu
comme elle défend par les préſentes tous libelles
imprimés ou écrits diffamatoires , ainſi que ceux
qui tendroient à empêcher le retour du calme &
de la tranquillité publique , à peine de 500 florins
d'amende à charge des Auteurs , Imprimeurs ,
Distributeurs ou Colporteurs de temblables écrits
ou imprimés , chargeant bien expreſſément les
Conſeillers Fiſcaux de veiller particulièrement à
l'exécution de la préſente Déclaration , & de
faire , le cas échéant , les devoirs & pourſuises y
afferans , &c.
Fait à Bruxelles ſous le cachet ſecret de Sa
Majesté , le 25 Juillet 1787. Signé , DE REUL.
Le 27 Juillet , l'Abbé de Grimberghe , la
Comte de Limminghe , & M. Beeckman de
Vieufart , Députés des Etats de Brabant à
Vienne font partis pour cette Capitale. Ils
font chargés de préſenter à l'Empereur les
griefs de chacune de nos Provinces ; mais ,
à ce qu'on aſſure , ſans pleins-pouvoirs de
tranfiger , avant d'en avoir référé à le irs
commettans. En l'absence de LL. AA. RR.
le Général Murray, Commandant des troupes
de S. M. aux Pays Bas , exercera les
fonctions de Gouverneur-général , par interim.
d 3
( 78 )
Les Etars de Hollande terminent en-ces
ternres leur Réponée au Memoire du Roi
de Pruffe; Reponſe dont nous avons donné
la premiere partie au Journal précédent.
« Que L. N. & G. P. penfent que ces réfléxions
appuyées par des inftances , telles que
l'importarce de la theſe les exigeoit , mifes
tous les yeux de S A. R. l'auroient convaincue
de la né, effité de différer ce voyage ; que par- là
Madame la Princefle auroit compris l'importance
pour elle de travailler de concert avec L. N. &
G. P. au bien-être du pays , & à y rétablir la
tranquillike & le bon ordre; & que de plus
code auroit empêché que fon but louable & pacifi
que n'eût précisément tourné contre fon intention
, au détriment de la choſe publique ,
enla faifant fervir elle-même au tumulte & au
pillage qui auroient éré les ſuites infaillibles de
fon arrivée dans la Province : L. N. & G. P.
penfert avec d'autant plus de confiance que ces
rédexions auroient fait une vive impreſſion ,
qu'elles veulent bien fe perfuader que S. A. R.
auroit été réellement diſpoſée à prouver par
des effers les fentimens eftimables qu'elle a décla
é avoir pour le bien de l'Etat .
« Que cependant-l'arrivée imprévue de S. A.
B. que certainement qui que ce ſoit , connoiffant
l'état des chofs , n'auroit pu prévoir,
ayant été toute occafion à L. N. & G. P. de
faire part de leurs fufdites conſidérations à Madame
la Princeſſe , doit être confidérée comme
Punique cause de l'accident qui fait le ſujet du
Mémoire de M. l'Envoyé extraordinire ; accident
auquel L. N. & G. P. ont été certainement
auffi tenfibles que S. M. le Roi de Pruiſe a pu
Têtre lui-même.
( 79 )
Que néanmoins , pour ce qu! regarde cene
arrivée , à laquelle perſonne nedevoit s'attendre ,
& attendu que L. N. & G. P. par cette raiſon ,
Pignorant eux-mêmes , ne pouvoient donger
aucuns ordres quelconques qui y fuſſent celatifs
, l'empêchement qui a été apporté à la continuation
du fufdit voyage de S. A. R. nedoit
paroître étrange à qui que ce foit , puiſque ,
comme L. N. & G. P. en ont été inforinées dans
la fuite , Meſſicurs les Députés , chargés des
moyens de défenſede cette Province , & auquel
A avoit été particulièrement enjoint d'écarter
tout ce qui pouvoit être préjudiciable à cette
Province , en vertu de leur obligation à c
égard , avoient donné un ordre général d'arrerer
toute perſonne quelconque qui voudroit
entrer dans la Province , fans aucune excер-
tion , & dont la préſence pourroit étre nuiſible
à lat anquillité publique, de la retenir juſqu'à
ce que Meflieurs les fuíditsDéputés auroient donné
des ordres ultérieurs à ce ſujet; qu'en conféquence
de cet ordre général, qui a été donné
fans penfer abſolument à un voyage que Madame
la Princeſſe pourroit faire dans cette Province
, S. A R. a été effectivement retenue :
iHne peut donc pas paroître aucunement étrange
que les foſdits Députés ayant été promptement
informés da fait, aient fait difficulté de
Fermettre que Madame la Princeſſe pourſuivit
Gon voyage , & qu'avant tout ils aient voslu
connoître l'intention de leurs hauts commettans
, qui devoit leur être parfoitement inconnie
pour ce cas particulier & imprévu ; fur- tout
Mefieurs les Députés , auxquels l'état des cho-
Fes étoit parfaitement connu , & qui dejin'ignoroient
pas les mouvemens que le voyage de
Madame la Princeſſe avoit occafionnés , pou-
1
d 4
( 80 )
voient facilement prévoir combien cette venue
donneroit occafion aux troubles & aux déprédationsdont
il a été parlé plus haut ; & qu'ainfi
confidérant que le ſecret ſoigneuſement gardé
for ce voyage , & la maniere cachée dont il
avoit été entrepris , enrendoit les effets poffibles ,
d'autant plus dangereux , du moins pour L. N.
& G. P. , l'on ne peut pas dire qu'ils aient
outrepaflé les bornes d'une prudence néceſſaire ,
lorſque craignant de prendre pour leur compte
les fuites dangereuſes qui étoient plus que probables,
ils ont perfuadé à S. A. R. de ſuſpendre
ſon voyage juſqu'à ce qu'ils euſſent reçu les ordres
de L. N. & G. P. , & qu'on eût le tems de
prendre des meſures pour la conſervationdu repos
public.
Que tout ce qui a eu lieu dans cette rencontre,
pour autant que L. N. &G. P. en ſont informées
, s'eſt paffé d'une maniere très décente; de
forte que quelques-uns de Meſſieurs les Commiffaires
fufdits ont accompagné S. A. R. , à
ſa propre requifition & pour la sûreté de ſa perfonne
, avec une eſcorte de cavaliers jusqu'à
Schoonhoven : qu'arrivée en cette ville , & y
étant reſtée un peu plus d'un jour , S. A. R.
a jugé à propos , après avoir appris les Délibérations
proviſionnelles de L. N. & G. P. fur cette
affaire , de retourner à Nimegue; deſſein , à
l'exécution duquel elle n'a éprouvé aucune oppoſition
quelconque ; preuve évidente qu'on ne
lui a ôté rien de fa liberté , tandis que de plus!,
il n'eſt parvenu ni par les lettres de S. A. R.
ni d'ailleurs aucunes plaintes à L. N. & G. P.
ſoitau ſujet de la conduite tenue par Meſſieurs
les Commiffaires ſuſdits envers S. A. R. dans
cette rencontre , ſoit ſur tel autre fait quelconque
qui eût ſeulement l'ombre d'un traitement
4
( 81 )
indécent ou injnrieux , ou d'un manque d'égards
convenables pour ſon illuſtre perſonne , au ſujet
de quoi L. N. & G. P. pourroient ſe croire en
quelque façon autoriſées ou endroit de décerner
quelque peine ou correction envers Meſſieurs les
Commiſſaires ſuſdits , dont ladémarche a prévenu
plus que probablement un tumuite populaire
:
«Que L. N. &G. P. s'affurent avec raiſon que
S. M. Pruffienne , après avoir reçu ces détails ,
voudra bien ſe convaincre qu'elle n'avoit pas été
informée auparavant avec l'impartialité requiſe,
concernant le fait mentionné dans le Mémoire de
M. l'Envoyéextraordinaire de Thulemeyer;que de
plus M. de Thulemeyer ſera prié d'allurer S. M.
Pruſſienne que L. N. & G. P. mettant le plus
haut prix à l'amitié de S. M. , ſouhaitent d'en
donner les preuves les plus indubitables dans toutes
les occafions , particulièrement autli de leur
conſidération&de leurs égardspour la perſonne
de S. A. R. Madame la Princefle d'Orange & de
Nattau ; mais qu'elles croient aulli, pouvoir
attendre en même tems de l équité de S. M.
qu'elle n'exigera jamais de leur part qu'elles nég'igent
en quelque façon de prendre toutes les
meſures néceſſaires , auxquelles tout Souverain
eſt indiſpenſablement tenu & obligé pour la conſervation
du repos &du bien- être des Citoyens
confiés à les foins ; tandis que finalement L. N.
& G. P. peuvent encore donner à Sa Majesté
Pr. ffienne l'allurance la plus pléniere que dans
leurs délibérations ultérieures ſur cet objet ,
elles ne feront mues par aucun autre motif que
par ceux qui ten tent au but falutaire de la tranquillité
publique , qu'en outre , attendu que ,
ſuivant les informations données par M. l'Envoyé
de Rhede , S. M. Pruffienne s'eſt auſſi adrefds
( 32 )
féc fur cette affaire à la Cour de France , M. le
Confeiler Penſionn.ire fera prié , ainſi qu'il eſt
prié par la préſente , de donner connoillance de
cette Réolution à M. le Marquis de Verac , Am--
balladeur de S. M. T. C. près la République ,.
avec priere d'en faire parvenir à ſa Cour les informations
nécefaires : enfin qu'il fera auſſi envoyé
par le tre copie de cette réſolution aux Seis.
gneurs Etats des autres Provinces.
«Mefferrs de l'Ordre Equestre & les Nobles
ont inhéré leur annotation contraire , & ce qu'ils
ont fait inférer dans les Regifrs , à la dare dis
7 & 19 dece mois , & y ont perfifté.-Les
Députés es villes de Delft, la Frile , Edam &
Mederbik ont inhéré la déclaration qu'ils ont
fate le 10 de ce mois . Menieurs les Députés
des villes de Hoorn & dEnkhuifen ont
inhéré l'annotation qu'ils ont fa te le 10 du cou
rant.
-
Les Erats Généraux ont fait au Mémoire
particu fer qui leur fur semis le mo's dernier
par Envoié de Pruſſe , une Réponſe
d andtralement oppotée à celle qu'on vient
de lire. Ils y diſant , qu'après les plus vives
& es pus inutiles intances auprès des
Erat de Hollande , n'ayant obtenu aucun
ſuccès, <« ils laiſſent entierement au compte
>> detdirs Etars de Hollande , les fuites qui
porort referer de ces événemens , &
qu'ils n'en veulent être aucunement ref-
>> on ab es » . L'extrait de cette Réponſe a
été expédié au Baron de Rheede , Envoié
dela Republiq e à la Cour de Berlin , pour
lui fervi. d'inſtruction.
:
( 83 )
I a province d'Overyſſel a accepté laMé
dirion de la France. Celle de Fiſe l'a déclinés
, étant d'avis qu'au préalable il falloit
eflayer to's les moyens intérieurs qu'oitre
la Constitution. Les quatre Provinces de
Gueldres , Zélande, Utrecht & Groningue
n'ont pas encore fait connoître lear réfoliu
tion à ce ujet.
La nuit du 26 au 27 , il y a eu encore
une efcarmouche nocturne entre les troupes.
dUtrecht & celles des Etars -Généraux.
380 hommes de' a garnifon d'Utrecht ayant
fa't uns forie fur le château de Zoeftdyk
appartenant au Stathouder , ils y ont trouvé
200 foldatsdu régiment de Heſſe-Darmftadt
, qui les ont repouffés & fo cés à la retaste.
Elle fe fit fans ordre; une partie du
détachement d'Utrecht y rentra le lendemain
; une autre ſe rendit à Hilversum , &
une tro ſieme s'eſt égarée. Les aſſaillans ont
perdu quatre hommes tués, huit bleſſés reftés
fur le champ de bataille , & 14 prifonniers.
Tel eſt du moins le compte que rendent
de cette affaire les Gazettes patriotiques
, entr'autres celles d'Amſterdam.
Suivant les nouvelles de Zeiſt , le Co'onel
Erpel, Commandant du ſecond bataillon
de Heffe-Darmſtadt, qui a foutenu la
rencontre dont il vient d'être palé, a été
légerement bleffé; & le Major Seiffat , du
même Corps , a eu le bras caffé. Le Prince
deHefſe Darmſtadt, ayant appris l'engaged
6
( 84 )
ment , ſe mit à la tête d'un détachement de
Cavalerie, que la retraite des aſſaillans rendit
inutile; mais qui a ramené , s'il faut en croire
les rapports du camp , so prifonniers.
Les Bourgeois armés d'Amſterdam ont
ajouté aux caſſations précédentes , celle de
M. W. Backer , Grand Officier de la ville.
Les Etats de Zélande ont défendu par
un Edit , & fous des peines rigoureuſes , à
toute perſonne, Bourgeois ou Militaires ,
d'entrer & de traverſer la Province en armes
, ſans la permiſſion de L. N. P. , ou de
leur comités , ou fans patentes du Stadhouder.
Interdiſant le tranſport de canons,
armes & munitions de guerre , ſans la permiſſion
de l'Amirauté de Middelbourg ,
qu'ils autoriſent à équipper quelques vaifſeaux
armés pour la sûreté des ports & fleuves
de la Province.
Le 26 , les Etats Généraux prirent la réfolution
de donner ordre au Fifcal de Leurs
Hautes-Puiſſances de pourſuivre criminellement
tous les Officiers des troupes nationales
à la répartition de la Hollande , qui
ont obéi aux ordres de cette Province. Le
lendemain , les Etats de Hollande ont pris à
leur tour une réfolution , par laquelle ils défendent
au Fifcal des Etats-Généraux d'exécuter
ſur leur territoire les ordres deſdits
Etats Généraux, ſous peine de punition afflictive
& corporelle. Leurs Nobles & Grandes-
Puiſſances ont en même tems donné
( 85 )
ordre aux Officiers , commandans les Régimens
à leur folde , de faire arrêter tout employé
qui ſe préſenteroit pour donner ſuite
contre eux à cette réſolution des Etats-
Généraux.
L'Electeur de Cologne , en fa qualité
d'Evêque de Munſter, a reçu de la Cour de
Berlin , & agréé les lettres réquifitoriales
pour le paſſage d'un corps de troupes Pruffiennes
, fur le territoire de Munſter. Les
liſtes qui courent des Régimens qui doivent
former l'armée de S. M. P. dans le
Duché de Cleves ne font pas bien exactes .
On fait ſeulement qu'il s'y trouvera les
régimens d'Infanterie de Meufel , Woldeck
lejeune, Budberg , Eichman , Gaudi , Eckartsberg
, Knobelsdorf , Leipziger , Natalis &
deux bataillons de Grenadiers de Langler &
de Renners; les régimens de Cuiratiers de
Marwitz , de Rohr & de Kalkreuth ; les
Dragons de Lottum , les Houzards noirs de
Ziéthen , aujourd'hui Eben , & de Schulenburg,
& deux Compagnies d'Artillerie
avec le canon de quatre groſſes batteries.
,
Il est arrivé à Wefel 10 millions de rixdalers
pour le ſervice de l'armée Pruſſienne ,
qui ſe raſſemble avec activité , & qui pour le
moment ne paſſera pas 40 mille hommes.
On a ici , écrit on de Smyrne , des nouvelles
très favorables de l'Egypte , & il paroît
que la Capitan-Pacha y a remporté une victoire
complette ſur les Beys Rebelles. Voici
( 86 )
l'Extrait d'une Lettre écrite d'Alexandrie,
en date da 15 Mai dernier , qui donne une
idée de l'état des choſes dans certe contrée.
«L'armée du Capitan Pacha , comme j'eus
Thonneur de vous marquer par ma derniere ,
ré nie aux armées des Beys de fon parti ,
après avoir remporté une victo re ſur les
Bays rebelles , les avoient ob igés de fuir &
de ſe retirer dans les déferts. Après cela , le
Capitan- Pacha a rappellé fon armée , ne
laiſſant fur les frontieres que ſon HaffanBey
& autres Beys avec peu de monde. Haffan--
Bey a fait ſemblant de ſe retirer du lieu où
il éroit campé; là deſſus les Beys rebelles ont
quitté les déferts pour ſe procurer des:
vivres, ce qui fait conclure aux partiſans.
des Rebeles , que ces Reys peuvent ſe re-.
mettre en état de réſiſter opimâtrement au
Cap tan-Pacha ; mas les gens ſenſés concluent
avec fondement , que cette déma che
n'étoit qu'un trai de politique de la part du
Capitan Pacha & Hatſan Bey, pour engager
les Rebelles à rentrer dans l Egypte , les
opérations y étant plus ailées que dans les:
vaſtes déſerts , & fe rendre par là maîtres
non-ſeulement de leur perfonne , mais aufli
de leurs richeſſes , qui peuvent être d'un
grand fecours au Capiran Pacha. L'on avoit
publé qu'il devoit ſe retirer ; mais ce n'étoit
qu'en faux bruit, puiſqu'on ne l'i pe met.
pas de quitter ce pays avant qu'il ait laifié
les affaires dans le meilleur ordre poſlible.
( 87 )
Il fait préparer de nouvelles troupes , qui
parrivent dans cet pour la Haute Egypte ,
&fe combineront avec celles de Haifan-
Bey. "
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
Les lettres d'Amérique nous ont appris que le
20 du mois d'Avril dernier , vers les fix heures
&demie du foir, un incendie terrible éclata dans
la partie méridionale de la ville de Boſton , dans
la Nouvelle Angleterre; & qu'avant qu'on pûc
l'éteindre , une égliſe ,& plus de cent autres bâtimens
furent conſumés par les flammes. Comme
le vent étoit très violent , le feu ſe communiqua
rapidement de la premiere maiſon à pluſieurs
autres qui l'environnoient, ce qui ayant produit
vingt incendies à la fois , il fut impoffible aux
habitans d'en arrêter les progrès. Pluſieurs de
ceux dont les maiſons étoient embrûlées ne favoient
où transporter leurs effets , qui étoient
gagnés par les flammes dans les endroits où ils
croyoient les conferver. Cette catastrophe a ruiné
un grand nombre de familles qui ſont dénuées
de tout. On a ouvert dans ce pays une ſouſcrip
tion volontaire pour les foulager.
Les moteurs de cette oeuvre charitable ſe flattent
que les ames bienfaiſantes s'empreiferontd'y
contribuer , fans avoir égard à la diſſance où ſe
souvent les malheureuſes victimes de cet incendie
, & à la différence de leurs opinions politiques
. Ils annoncent que le montant des contributions
fera transmis à un comité à Boſton , par
le Capitaine Triſtram Barnard , du nevre la
Mary, qui doitmettre à la voile pour Boſton le
( 88 )
30 du courant , & qu'à fon retour il ſera préſenté
aux bienfaiteurs un état de la maniere dont
leurs dons auront été employés. Les auteurs de
laſouſcriptiondiſent qu'elle n'a été ſollicitée ni
par les Américains , ni par aucun des parens ou
ainis des infortunés .
Onreçoit les contributions volontaires chez
pluffeurs Banquiers de Londres. Ce moyen de
ſubjuguer les Américains eſt sûrement plus efficace
que ne l'a été la guerre : auffi peut-on
dire avecaffez de vérité que ſi l'Amérique a été
enlevée à la couronne d'Angleterre , elle ne l'a
pas été àla bourſe de Londres , qui a confervé
une grande partie de ſon influence & de ſes
liaifons mercantiles ſur le continent américain.
Le moment de voir ce nouvel Empire ſe diviſer
n'eſt peut- être pas auſſi éloigné qu'on le penſe.
C'eſt àBofton qu'on acommencé la révolution ,
& c'eſt -là qu'on voit déjà s'en préparer une
autre. Les Etats de Vermont ont pris depuis la
paix une conſiſtance enviée déjà par les Boſtoniens
, qui tronveront dans les Etats de New-
York , Connecticut & Rhode- Iſland , les diſpoſitions
les plus favorables pour opérer le ſchiſme
politique qui paroît aujourd'hui vouloir ſe former(
Gazeter) .
Lettre d'un Officier à bord de l'un des vaiſſeaux
destin's pour Botany-Bay , datée de Ténériffe ,
le5 Juin.
«Après trois ſemaines d'une traverſée fort
agréable , nous ſommes arrivés ici Dimanche au
foir. La meilleure ſanté a conſtamment régné
fur la flotte,& les choſes n'ont pas encore changé
àcet égard , puiſque nous n'avons perdu depuis
l'embarquement que cinq d'entre les malfaiteurs.
Sur la plupart des vaiſſeaux , on a ôté les
fers àces miférables, & leur conduite a justifié
( 89 )
cette condeſcendance. De plus , pendant notre
ſéjour ici , tout le monde a eu fa part des produtions
de ce pays ſtérile & avare. On a fait
des diſtributions générales de tout ce qu'on a pu
ſe procurer en fait de viande &de légumes, de
forte que nous avons tout lieu d'eſpérer pour
⚫long-tems une continuation de bonne ſanté.
S'il n'arrive rien d'extaordinaire , nous mettrons
à la voile pour Rio-Janeiro , le 8 de ce mois , &
peut-être nous arrêterons- nous un jour ou deux
à Saint-Jago , en traverſant les ifles du Cap-
Vert. Maisje ne vous garantis point ce dernier
article ; au contraire , je pense que le Commodore
ſe hatera le plus qu'il luiſera poffible d'atteindre
Rio-Janeiro , vu que ce port eſt celui où
l'on trouve en plus grande abondance les provifions
néceſſaires pour un ſi long voyage. J'avois
preſque oublié de vous dire que'le Commodore
Philip a conduit cematin vingt Officiers , c'eſt-'
à-dire le plus grand nombre qu'il pouvoit tirer
des vaiſſeaux fans nuire à l'ordre , chez le Marquis
de Branciforte , le Gouverneur Eſpagnol
de cetre ille. Votre ſerviteur étoit du nombre.
Son Exc llence a bien voulu nous recevoir avec
politeſſe & affabilité , deux vertus qui le diſtinguent
d'ordinaire , au rapport de tous les habitans
de Ténériffe , &c. ( Morning Chronicls ).
« Shaïk Soliman , ſimple ſoldat du vingtieme
bataillon des Cypayes , en garnison à Chepauk ,
a été convaincu . à la ſeſſion du diſtria de Madras
du mois d'O &obre dernier , d'avoir tué ſa
femme. Le fait étoit clairement prouvé , mais
le prifonnier a propoſé pour ſa défenteles moyens
extraordinaires que nous allons rapporter. Ila
dit , qu'étant tombé , par différentes circonftanes
, dans un état de mitere inſupportable , il
avoit penſé , de même que fa femme , que la
) وه (
mort étoit inaniment préférab'e aux tourmens
continuels de la plas malheureuſe exiſtence ,
qu'après avoir dileuté long-tems ce triſte ſujet ,
ils étoient conrenus qu'il feroient d'abord leur
enfant ( c'étoit une petite fille ) , enfuite la femme
, & qu'il finiroit par le tuer lui-même. Ce
plan horrible , mais froide ment concerté ,aveit
été dérangé , difoir- il , peria tendreffe maternelle
, ſa fomme ne pouvant ſupporter l'idée de
voirégorger fon unique enfant , l'avoit engagé
àla ruer la premiere ; il n'avoit pu lui refuter
fa demande , & avoit terminé fes fouffrances en
lui plongean un poignarddans le ſein. Tandis
que dans les angailles du déſeſpoir il ſe préparoit
àdétruire fa fille, les gardes alarmés partes cris
étoient en rés , & l'avoient empêché d'exécuter
fon pojet.
« Les Jurés ayant égardà ces différentes cir
conftantes , l'avoient déclaré dans leur Verdict ,
coupable fans malice; mais la Cour leur ayant remontré
l'ilégalité dun tel prononcé , ils ont
confenti àle juger ſeulement coupable, en le
recommandant fortement à la clémence de
Sa Maieft . Cut infortuné criminel eſt en prifon
, juſqu'à ce que le Roi ait décidé de ſon
fort.
Le projet favori de Cromwel étoit de réunirla
Grante-Bretagne & les Provinces-Unies , & de
n'en former qu'une République. Voici ce quedit
à ce fuiet le Protecteur à FAmbaſTadeur Holandois
, & que nos Feuilles ent traduit des Annales
des Provinces -Unies , par Bafnage.
Nous profeffons la même Religion , nous ne
pouvons donc rien faire qui foit plus agréable à la
Divinité , ou qui puiſſe nous mettre àmême de
rifter plus efficacement aux ennemis de notre
fainte réformation , que de nous réunir de la ma
)
و ا
(
niere la plus ſtricte. Aucun intérêt perſonnel ne
m'engage à propoſer la réunion des deux Républiques.
Le ſeul objet qui dirige mes actos , eft
uniquement la gloire de Dieu ; je le prends a témoin
dema fincérité. Satisfait d'etre l'indrament
du ciel dans l'exécution d'un ouvrage d'une fi
grande conféquence pour la Religion , je ne defire
point qu'il en rejailliſſe ſur moi aucun avantage
perſonnel. Que les deux Nations ne soient
plusqu'un ſeul & même peuple. Qu'elles foient
gouvernées par un Parlement ſouverain , dans
lequel les Provinces-Unies auront leurs Députés.
J'obéirai moi- même , comme tout autre
ſujet, à ce Tribunal auguſte , &je ne conferverai
d'autre autorité , que celle qu'il jugera
convenable de me confier. »
Une Princeſſe Polonoiſe , qui loge à l'hôtel de
Grenier , dans Jermyn-ftreet , où tous les étran
gers confidérables deſcendent à Londres , ayant
ces jours derniers fait porter une lettre par un
porteur de chaiſe, fut fi contente de ſa diligence,
que quoique la commiſſion valût à peine unachelin
, elle fit donner une demi - guinée à l'honnête
Irlandois , qui avoit eu la modeftie de demander
trois ſchelins pourſes peines. Cettedemande étoit
exorbirante,mais la Princeſſe , contente de la
promptitu avee laquelle il avoit fait ſa commiffion
, voulut lerécompenſer.de ſon activité.
Quelques momens après , le porteur revint , en
difant que lademi-guinée étoit trop légere , &
qu'illui enfalloit une autre à laplace. La Princeffe
ayant entendu le bruit qu'il faiſoit dans ſon antichambre
,demanda à ſes gens ce quec'étoit : on
lui dit qu'il manquoit fix fous à la demi guinée
qu'elle avoit donnée au porteur, & qu'il n'en
vou oit point. « Eh bien! reprenez- la , & don-
> nez-lui les trois ſchelins qu'il a demandés,
( 92 )
Voyant qu'il falloit en paſſer par-là , le porteur
redemanda humblement , mais en vain, la demiguinée
qu'il avoit rendue ; obligé de ſe retirer ,
ilſe promit bien, en damnant toute la création ,
&commençant par lui , qu'il ne ſeroit pas une
autre fois fi difficile.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Cause entre la demoiselleG ...fille dufeuſieur G ...
Noraire Royal , Intimée.
Et le fieur D ...... Docteur en Médecine ,
Appellant.
DIFFAMATION , injures atroces répandues
contre une Demoiſelle par un Médecin qu'elle
avoit refuſé d'épouſer.
...
M. Favard , Avocat de la'demoiselle G....
a fait imprimer pour ſa cliente , un Mémoire ,
dontvoici l'exorde . La demoiselle G.... outragée
, diffamée , maltraitée par le fieur D
avec un acharnement incroyable , doit-elle obtenir
contre lui une réparation éclatante & des
dommages- intérêts proportionnels à la gravité
de l'offenſe faire tant à fon honneur qu'à la
perſonne ? Tour homme honnête & fenfible
peut juger cette queſtion. Voici les faits qui
Pont fait naître. -Le ſieur D .... fils d'un
Médecin de L ... vint s'y fixer en 1780 , & y
exercer la même profeſſion ; il y trouva la demoiſelle
G .... la vit , conçut de l'inclination
pour elle , & la demanda en mariage; elle refuſa
de s'expliquer. Le ſieur D .... s'eſt établi
depuis , il a épousé une femme dont la fortune
étoit de beaucoup ſupérieure à celle de la demoiſelle
G.... Depuis ce mariage , la demoiselle
G... a mené au ſein de ſa famille une vie
douce & paiſible. Cependant le ſieur D.... con
( 93 )
ſervoit le projet de ſe venger de la demoiselle
G.... , qui avoit refuſé de l'épouſer : on prétend
qu'il ne tarda pas à le mettre en exécution
, quoique les liens dans lesquels il s'étoit
engagé , euſſent dû lui faire oublier celle qu'il
avoit inutilement recherchée. 11 ne craignit
donc pas de proſtituer ſa qualité de Médecin
pour la faire ſervir d'inſtrument à ſa haine.
-Infruit que pluſieurs perſonnes de confidération
demandoient en mariage la demoiſelle
G.... , il alla les trouver & leur fit entendre
que ſa ſanté étoit dérangée , qu'elle ne leur convenoitpas
, qu'el'e ne pouvoitpasſe marier , qu'il en
parloit Savamment , parce que fa qua ité de Médecin
l'avoit mis à portée de se convaincre, en la
voyant , comme malade , qu'elle n'étoit pas propre
au mariage. Certe inculpation ne manqua pas
d'opérer l'effet que le ſieur D... en attendoit ;
mais ce n'étoit point aſſez , il voulut joindre
des voies de fait à la diffamation . Ayant un jour
rencontré la demoiselle G.... dans la rue , il
lui donna des coups de pieds , lui cracha pluſieurs
fois au viſage , & prit la fuite en criant
& répétant : Adieu , je te méprise, & toutes les
fois queje te trouverai , je t'enferai autant. On
prétend , qu'indépendamment de ces atrocités ,
le ſieur D..... interceptoit les lettres qui étoient
adreſſées à la demoiselle G..... Celle ci ne put
ſouffrir plus long tems les excès auxquels le
ſieur D.... ſe livroit contre elle : elle rendit
plainte devant le Juge de C.... F.... ; on informa,
& le ſieur D.... fut décrété d'ajournement
perſonnel. Sentence contradi&oire , qui , fans
régler le procès à l'extraordinaire , a fit défente
>> au ſieur D.... de récidiver , à peine de pu-
>>nition exemplaire , le condamna en6000 liv.
de dommages- intérêts applicables,du conſentes
(94)
ment de la demoiselle G.... moitié aux pauvres
de ſa paroiſſe , & moitié aux prifonniers
de C .... F... , & ordonna l'impreffion & affiche
>>du Jugement ». -ie fieur D.... a inter.
jetté appel de cette Sentence le 6 Septombre 1786 .
Arrêt ett intervenu qui a confirmé la Sentence
des Juges de C ... dans toutes ſes diſpoſitions ,
a condamné l'appellant en l'amende & aux dépens
; & cependant par grace , a modéré les
dommages - intérêts de 6000 liv. applicables aux
pauvres , à 600 liv. , faifant droit fur les nouvelles
& plusamples concluſions priſes ſur l'appel
par la demoiselle G.... , a condamné le fieur
D.... à lui payer la ſomme de 3000 livres par
forme de réparation civile , ſupprimé les termes
injurieux& calomnieux répandus dans le Mémoire
du heur D.... , ordonné l'impreſſion & l'affiche
de l'Arrêt à fes frais.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE.
Cause entre leſieur Cousin , tumeur à laſubſtitution
du Comte d'Eftourmel , - & la Comreffe
d'Estourmel , légataire univerſelle de la Demot-
Selle Flavi d'Estournel. Validiré du legs de la
chose d'autrui. J
Un legs fait par un mari , de la toralité d'un
conquêt de Communauté eſt-il valable pour le
tout , ou ſeulement pour la portion appartenante
au mari dans ledit conquet ? Telle étoit la
queſtion à décider dans cette cauſe ; l'Arrêt a
jugé l'affirmative. -Le feu Comte d'Eftourmel
avoit avant fon mariage acquis la moitié de
laterred Eccuvilly , il adepuis acquis l'autre moitiéde
cette terre, qui par conféquent étoit , pour
ladite moitié , un conquêt de communauté, il en
devoit appartenir le quart à la femme commune
enbiens , ouàſes héritiers. LeComte d'Eftour(
95 )
mel a fait, le 12 Mars 1768, ſon telament , par
lequel il a légué à la dame d'Eſtourmel ion
Epouſe Tufufruit & jouillance de tout ce qu'il
poiledoit , autant que les Coutumes de la fitnation
des biens le lui permettaient , & inflitué
la demoiselle Fiavi d'Eſtourmel la foeur légataire
univerſeile en ufufruit de tous ces mémes
biens , en cas qu'elle ſurvive la Comteffe d'Etourmel
; & a inſt tué fon frere legitare uni
verſel en proprietéde ſes termes d'Eccavilly &
de Buſſy , & généralement de tous les autres
biens , avec charge de ſubſtitution à ton fils alné
, à ſes deſcenians , de mâle en mâle , & à
défaut de mâle dans cette branche , il y a ſubritué
celle de ſon frere le Chevalier de Malte , en cas
qu'il ſe marie , mais toujours de mâleen måle
auffi long-tems que la ſubſtitution puiffe avoir
lieu. LeComte d'Eſtourmel eſt mort en Janvier
1778. Il a éte fait un partagede la communauté
entre la dame Comteſſe d'Eſlourmel & la de.
moiſelle Flavy , par acte du 24 Septembre; &
par acte du 2 Janvier 1779, il a été fait auth va
partageentre la demoiselle Flavy , héritiere du
Comte d'Eltourmel , le Marquis d'Elourmet ,
légataire univertel en propriété des terres d'Eccuvilly
& de Buſſy , ainſi que des portions difponiblesdes
autres terres , & le tuteur à la ſubſtitution.
Le mentant du legs du Marquis
d'Eſtourmel été liquidé à la ſomme de
398,051 liv. pour les trois quarts ſeulement de la
terre d'Eccuvilly. On a pensé que l'autre quart
appartenoit à la Comteffe d'Eſtourmel , comme
commune & ayant droit dans la moitié de la
moitié de ladite terre a chétée durant le mariage,
& étant par cette raiſon conquêt de communauté
La demoiselle Flavy, héritiere du
Comte d'Eſtourmel , et depuis décédée , & a
a
( 96 )
fait la Comteffe d'Eſtourmel ſa belle - ſeur ;
ſa légataire univerſeile: celle-ci , pour affurer
ſa propriété , a ſollicité un Arrêt d'homo'ogation
de l'acte de liquidation & partage , du 2 Janvier
1779 , qui lui a donné le quart de laterre
d'Eccuvilly , & a fait afligner le tuteur à la
ſubſtitution d'Eflourmel , pour voir déclarer
l'Arrêt commun avec lui ; mais le tuteur réfléchiffant
fur la maniere dont on avoit opéré
le partage& liquidation , a cru que les intérêts
de la ſubſtitution avoient été lélés dans cette
diſtraction du quart de ladite terre d'Eccuvilly ,
au profit de la Comtefle d'Eſtourmel , parce que
l'héritier du Comte d'Eſtourmel auroit dû ne pas
confentir aucune diſtraction de la terre léguée
& ſubſtituée , & auroit dû ſe charger , conformément
aux principes en matiere de legs de la
choſe d'autrui , de payer ſeul à la veuve le quare
de ladite terre , formant pour la Comteſſe d'Eftourmel
ſa part de moitié dans le conquêt de
communauté. En conséquence , il a pris des lettresde
reſciſion contre cet acte , dont il a follicité
l'entérinement . - La veuve Comteffe
d'Eſtourmel a ſoutenu la validité des opérations
de partage , & que ſon mari n'avoit pu diſpoſer
deſondroit incontestable dans le quart decette
terre , comme conquêtde communauté , pour la
moitié acquiſe pendant le mariage. L'Arrêt
du 4Mai 1787 a entériné les lettresde reſciſion
priſes par le tuteur; ce faiſant , a remis les
parties au même & ſemblable état qu'elles
étoient avant l'acte du 2 Janvier 1779 , &condamne
la Comteffe d'Eftourmel aux dépens.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDITS AOUT 1787.
1
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
FRAGMENT traduit du Poëmedes Jardins ,
par le Père Rapin.
J
;
Commencement du premier Chant.
'ENSEIGNE à cultiver le domaine de Flore ,
Et les fruits délicats des larmes de l'Aurore ;
Docile à mes leçons le bois s'élevera ;
Prompte à ſe diriger l'onde m'obéira ,
Et Pomone à ma voix deviendra plus féconde.
2-2
Ovous , dont les regards embelliffent le monde
Dieux ! ouvrez aux Zéphits un ciel pur & ferein !
Rempli du feu (acré qui brû'e dans mon fein ,
Joſe enfin parcourir cette route inconnue ,
Ν. 33 , 18 Αθût 1787. E
>
)
1
:
98 MERCURE
L
Du cygnede Mantoue autrefois apperçue ,
Quand, terminant ſa courſe & regagnant le port,
Il voulut , ranimé par un nouveauitranſport ,
Chanter l'art des jardins aux peuples d'Auſonic :
Pu ffe-t'il n'enflammer de ſon divingénie !
Et quand d'un vol ſublime il plane dans les cieux ,
Puiſſe-je en l'admirant le ſuivre au loin des yeux !
Τοι , l'honneur & l'appui du Barcau de la France,
Toi qui rends à nos Loix leur force &leur puiſſance,
Detes devoirs ſacrés ſi le poids important
Permets que l'amitié te dérobe un inſtant ,
Parois , ô Lamoignon ! préſide à cet ouvrage,
Porce ta modeſtie à fouffrir mon hommage;
Et tandis que Themis , sure de ta vertu ,
Toppoſant pour modèle au ſiècle corrompu ,
Abandonne à tes ſoins ſon orageux empire ,
Daigne aux filles du Pinde accorder un ſourire !
Mais que vais je entreprendre, illustre Lamoignon ?
Soutiendrai -je la gloire & l'éclat de ton nom ? ....
Qui, pour te célébrer ma timide muſette
Ofera s'élever au ton de la trompette;.
Oui , chanté dans mes vers ton nom s'agrandira ,
Es de ines ſimples fleurs ton front s'honorera.
D'ABORD il faut chercher ſous un ciel ſalutaire
Un terrein qu'en naiſſant l'aſtre du jour éclaire.
Malhar, ſí dun côteau le jardin dominé ,
Pardes maraisdormans étoit empoisonné!
DE
FRANCE.
99
D'un ciel ouvert &pur les fleurs ſe réjouiſſent ,
Et ne font que languir près des eaux qui croupiffent.
Erudie avant tout la nature des lieux ;
Le ſol humide & gras aux fleurs plaira le mieuxs
Lui-même il ſe trahit par l'herbe qui le couvre ,
Et jamais ſans ſuccès la bêche ne l'entrouvre.
Mais au fonds argileux , du lézard habité ,
Mats à celui qui n'offre, en ſon aridité,
Que le tuf dévorant ou la craie infertiles
Ne vas pas conſacrer un travail inutile ,
Et ne permets jamais que le hoyau trompé
S'attache au fol rougi, par la pierre ufurpé.
Interroge la terre ; à ſa ſuperficie
De verdure ſouvent elle rit embellie ;
Mais plus profondement ſon ſein est-il creuſt?
Le vice ſe découvre à l'oeil déſabuft.
Si la terre & le ciel à la fin te ſecondent,
(Car leciel & la terre enſemble correſpondent )
Qu'abattus ſous tescoups les bois tombent ſoudain;
Recules ton enclos , affranchis ton jardin;
Al'ombrage ennemi ſans pitié fais la guerre ;
Qu'alors d'un bras nerveux on retourne la terre ,
Et que chaque monceau , ſous la bêche écrasé .
Au loin laiſſe le champ s'étendre égalité.
Mais ne fatigues point un terrein neufencore ;
En cadres deſſinés quand le buis le décore ,
Il faut quedeſes caux le ciel l'ait humecté ;
,
Lij
TOO MERCURE
Du pluvieux automneattends t'humidité;
Enfin crois-tu la terre aſſez défaltérée ?
L'hiver de ſes frimats l'a-til bien pénétrée,
Et déjà revois-tu le printemps de retour ?
Aton champ repoſé donne un ſecond labour ;
Qu'avec foin le rateau de nouveau l'applaniffe ,
Etde ſes feſtons verds que le buis le garniffe.
T
:
:
Les jardins autrefois n'empruntoient riende l'art;
Sans culture , ſans ſoins , la Nature au hafard ,
A côté de la rose, auprès du lys ſuperbe,
Commeen unchamp lauvageylaiſfoitrégnerl'herbes
Etlebuis ferpentant au loin pe traçoit pas
Ces chemins alignés ou fe plaiſent nospas.
De cet art élégant Flore fit la conquête.
Du Dieu de la vendange on célébroit la fête :
On s'empreſſe , on accourt; les Dieux des champs
voisins .
1
Viennent tous rendre hommage au père des raifins3
Sür ſa lourde monture , au milieu d'eux , Silene
Penché nonchalamment arrive hors d'haleine,
Et lui-même excitant les convives joyeux ,
Bacchus verſeà longs Roistonjus délicieux.
Chère aux bords Purygiens , foudain parut Cybele,
Orgueilleuſe, peut- être , ou sure d'êre belle ,
Flore,cheveux épars , Flore, fans nul atour ,
Suivoit negligemment les Nymphes d'alentour.
Arailler toujours prompte, une folle jeunedo
:
DE FRANCE.
101
2
D'un rire univerfel accueillit la Déeſſe ,
Qui , timide & honteu e, alors baiſſa le front.
Gybèle , par pitié , veut réparer l'affront ,
Conduit Flore à l'écart & fpigne fa parure; -
Quelques fleursen guirlande oinent ſa chevelures
D'autres , d'un teint vermeil relèvent l'incarnat ,
Et des feuilles de buis en tempèrent l'éclat.
Ainfi , l'art fut venger cette jeune immortelle ,
Etrendre à ſes ast: aits unegrâce nouvelle,
AINSI , par la culture embellifſſant les fleurs,
Dès-lors l'art inventa les ja dins enchanteurs,
Inconnus à la Grece, à l'antique Aufonie.
Là , tout bravoit la règle & blefſoit l'harmonie :
Nos deſſins Agans, nos chemins gracieux
Dans leursjardins groſſiers ne charmaient point les
yeux ;
Et leurs ruſtiques mainsne favoient pas encore
Diſtribuer les fleurs, ni de bois les enclore.
Qui pourroit diſputer le talent aux Françoist
Aucun peuple ne furavec plus de fuccès
4
: D'un parterre brillant varier l'artifice :
Leur ciel eſt-il plus doux ou leur fol plus propice?
Aleur génie heureux cet art feroit-il dû ,
Ou ſur les pas des ans l'auroient- iis attendu?
Ne tehâte done point, fans un habile maître ,
De former ton jardin ni ta maiſon champêtre :
Par ſon crayon ſavant que le plan definé,
E
102 MERCURE
Soit d'un oeil rigoureux long-temps examiné;
Craios que l'art en défaut trop tard ne te ſurprenne;
Obſerve avec prudence ,avant qu'il entreprenne ,
S'il ne tolère point quelque difformité ,
Et fonges qu'un ſeul trait dépare labeauté.
Lafuite au Mercure prochain.
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprecédent.
LE mot de la Charade eſt Tarare ; celui
de l'énigme eſt Fougère ; celui du Logogryphe
eſt Hermitage , où l'on trouve Mage,
magie , rime , Remi ( faint ) , ami , mari ,
mitre , âge, Emir,Geta , Tage ,Hermite.
MON
CHARADE.
On premier des ſaiſons meſure la diſtance
Mon ſecond naît d'un inſtrument ;
Men tout enfin eft cequ'attend
Un Laboureur de fa ſemence.
:
:
(Par la Rév. Mère C... des V. , de Tournon.)
:
DE FRANCE. 103
ÉNIGME.
Jetiens d'un élément mapremière ſubſtance,
:
Un autre m'adonné ma force & ma couleur ,
Un troiſième a des droits ſur ma reconnoiſſance ,
En purgeanttoute tache empreinte dans mon coeur ;
Carje fuis , malgré moi , ſouvent dépofitaire
De biende vilains cas qui fut terre ſe font;
Mais jaloux d'être net , ennemi du myßère ,
Atrahir tout ſecret on me voit toujours prompt.
Quandje ſuis bien poli , riche , &de taille fine ,
J'habite des palais , d'élégantes maiſons ;
On m'envoie à la Cour , la Reine m'examine,
Je lui touche la main fans beaucoup de façons ;
Mais quelque ſoit mort air & ma belle origine ,
Mêmes deſtins &mêmes noms ,
Me mettent au niveau de tous mes compagnons.
Tout Médecin prudent me conſulte ſans ceſſe,
Et je dicte ſouvent l'ordonnance qu'il laiſſe.
J'étois léger le ſoir ,je pèſe le matin ,
Bientôt vous me verrez léger comme la veille;
L'illuftre Jeanne d'Arc, dont vous ſavez la fin ,
Opéroit tous les jours cette heureuſe merveille.
(Par Mme la Marquise de B... , en Vivarais.)
Eiv
04
MERCURE
T
LOGOGRYPHE.
J'EXERCE EXERCE mon pouvoir d'une manière étrange.
Le matin je refuſe & le foir je permers ;
L'in oustance est mon lot, & dict: mes arrêts.
Otoi ſexe trompeur , maisqu'on trompe enéchange,
A ma bizarre los que d'amans tu oumes !
Sur mes ſept pieds , Lecteur , réfléchis & combine.
Très- réquemment dans ta cuiſine
Le poiffon que je porte àtes yeux eſt offert,
Ainſi que le pet't fruit verd
Avec lequel on l'affaiſonne.
Décompofe toujours , à l'inſtantje te donne
Ce qu'au coeur de l'été le villageois moiffonne ;
Un wifean babillard ; une arme des anciens ;
Ce qu'il faut rechercher pour avoir de bons chiens;
Ce que dans les cafés très-fouventl'onpropoſfc;
Ce que l'on éprouve au piquet ;
D'une bouche ſans ſoin le dégoûtant effer ;
Et dès l'inſtant qu'elle est écloſe ,
De l'abeille qui va picorant mainte fleur ,
L'utile & précieux labeur ;
Plus , ce qui porte en l'âme une fureur ſoudaine;
Enfin un bois enceint qui décore un domaine.
(Par M. Duriou , Contrôleur des Aydes.
à la Châtre en Berri. )
DE FRANCE.
105
:
NOUVELLES LITTERAIRES
OEUVRES Complettes de M. Marmontel ,
....Historiographe de France , & Secrétaire
Perpétuel de l'Académie Françoise. Edition
revue& corrigée par l'Auteur. Tomes
V, VI , VII & VIII in- 12 . A Paris , chez
Nee de la Rochelle , Libraire , rue du
Hurepoix , près du pont S. Michel.
:
ON a déjà remarqué que la gloire des Lertres,
une fois parvenue à ſon plus haur de-
-gré, avoit toujours penché vers fon déclin.
Il ſeroit inutile de chercher à prouver que
-cette époque eſt arrivée pour nous. Il eſt évi-
-dent que nous n'ajoutons plus rien àla gloire
de nos grands Orateurs & de nos grands
Poëtes..
: Ne cherchons point ailleurs , que dans la
nature des chofes humaines , lacauſede cetre
degradation inévitable. Diverſes influences
peuvent accélérer ou retarder les progrès des
talens ; mais une fois montés au plus haut
point , c'eſt naturellement qu'ils en defcendent;
ils touchent à leur déclin , par la feule
raiſon qu'ils font à leur apogée. A cette époque
, environné de chef d'oeuvres immorteis
, qui d'ailleurs ont formé tant de juges fi
habiles& fi zélés dans l'art des comparaiſons ,
Ev
106 MERCURE :
déſeſpérant de faire mieux que ſes maîtres,
on ſe fatigue à faire autrement ; on croit innover
, créer , quand on ne fait que dénaturer;
perfuadé que le génie eſt au-deſſus des
règles , on croit qu'il ſuffit de braver les règles
pour fairepreuve de genie ; on veut s'ouvrir
des routes nouvelles ; chaque nouveau
principe adopté eſt une erreur, chaque production
est un monftre.
Mais fi ce moment de dégénération eſt
funeſte au goût , c'eſt auſli le moment le plus.
favorable pour donner des règles au talent ;
c'eſt , pour ainſi dire , l'inftant d'une bonne
légıflation littéraire. Alors tous les principes.
de goût ont été ſi ſouvent foumis à ladifcuffiondes
connoiffeurs ,du Public même! alors
on a comparé tant de chefd'oeuvres entreeux!
ſans doute , il eſt naturel que les règles
d'un genre foient tracées d'après le premier
chef-d'oeuvre qu'il a produit. Ces règles forment
un code ſacré , d'après lequel le pédant,
& même l'homme de goût , jugent toutes les
productions. Et cependant le génie , maîtriſé
par ſon inſtinct créateur , invente ce qu'il
produit , développe dans ſes créations des
moyens qu'on n'avoit point prévus , & enfante
des, chef d'oeuvres que les règles ne
fauroient avouer. H s'agit alors de prononcer
:entre lesrègles & lui ; dela, des diſcuſſions ,
des guerres Littéraires qui , ſielles pouvoient
ſe terminer aboutiroient à diffamer un
grand Homme pour en illuſtrer un autre.
5.
C'est quand les chef-d'oeuvres abondents,
DE FRANCE.
107
c'eſt quand des eſſais nombreux out arraché
al'Art tous ſes ſecrets ,& que le génie a déployé
tous ſes divers moyens de création ;
c'eſt alors qu'éclairé tout à-la fois par l'autorité
de la raiſon & par celle des grands modèles
, on peut , à l'aide de l'expérience , af
figner à chaque genre de juſtes limites , &
tracer des règles invariables au talent ; ou
plutôt c'eſt alors qu'on peut lui enſeigner ſes
devoirs , fans lui laiffer ignorer ſes droits ;
concilier les loix & les privileges du génie ,
&infcrire parmi les règles mêmes des exceptions
à ces mêmes règles. En un mot , les
loix qu'on a dictées dans des momens où l'art
n'avoit pas encore multiplié ſes chef d'oeuvres
, deviennent l'arme du pédantiſme &
l'épouvantail du talent ; celles qu'on rédige
d'après la comparaiſon & la difcuffion des
divers modèles ,guident le goût ſans l'effrayer ;
le réſultat des unes eſt , pour ainſi dire , un
culte ſuperſtitieux qui retrécit l'empire des
Arts; celui des autres forme une religion
fage & éclairée , qui y maintient le régime
le plus utile &le plus glorieux.
Jamais aucun moment ne futplus favorable
pour tracer unCode Littéraire; & pour en ve
nir à l'Ouvrage dont nous avons à entretenir
nos Lecteurs , aucun Littérateur n'avoit des
droits plus réels &plus reconnus que fon Auteur,
pour rédiger ce même Code. Familiarifé
aveclesgrands Maîtres, anciens & modernes ,
éclairé par l'expérience de fon propre talent,
portant dans les diſcuſſions Littéraires unt
Evj
৭০৪ MERCURE
goût fécondé par la philofophie, non cetre
philoſophie sèche & aride dont les calculs
deftructeurs glacent l'imagination , mais celle
qui la rend utile ſans la rendre moins aimable;
M. Marmontel vient de réunir à la nouvelle
Édition de fes OEuvres ſes Élémens de
Littérature , imprimés dans l'Encyclopédie ,
&dont le ſuccès n'avoit fait que s'augmenter
& s'affermir juſqu'à ce jour. Moyennant
beaucoup de nouveaux articles qu'il vient
d'y ajouter , on peut donner ſon Ouvrage
pourleplus complet qui exiſte dans ce genre.
Il a cru devoir préférer l'ordre alphabétique ,
qui convient , comme il eſt dit dans l'averffement,
à un Livre élémentaire , où chaque
article porte avec foi le développement ,
le complément de fon idée , & où il s'agit de
defnir plus que de raiſonner. Mais pour ne
Jaiffer rien à defirer à ceux qui voudroient
faire de ſés élémens une étude raiſonnée &
fuivie , il ſe propoſe de donner à la fin une
table méthodique , où chaque article ſera
claffé dans l'ordre le plus naturel.
On n'attend pas de nous l'analyſe d'un Ouvrage
qui n'en eſt point ſufceptible. Mais en
parcourant ces quatre volumes fans ordre ,
comme ils ferore lus , nous en détacherons
quelques traits , quelques dérails qui pourront
donner une idée de la manière dont
Ouvrage eft conçu & exécuté. Nous citerons
néanmoins bien peu , en conſidérant la
foule des morceaux que nous aurions à citer.
Nous n'avons pas même la prétention de les
DE FRANCE.
109
indiquer tous ; c'eſt une nomenclature qui
n'apprendroit rien à nos Lecteurs , & qui
prendroit trop d'étendue dans le court eſpace
que cet article doit occuper.
M. Marmontelmarchoit entredeux écueils ;
& il nous paroît les avoir évités tous deux
avec un égal bonheur. Il avoit à ſe garantir
de cet aveugle fanatiſme qui adopte toutes
les règles íans restriction , & cet eſprit d'indépendance
fi fort à la mode aujourd'hui ,
qui affecte de n'en admettre aucune , mais
qui les craint bien plus qu'il ne les mépriſe .
M. Marmontel a fait éclater par-tout cet efpritde
ſageſſe qui ſe rend compte de ſes opi- /
nions ; il fait modifier les règles qu'un cenſeur
mal- adroit applique toujours matériellement
ſans jamais les interprêter; il n'ignore
pas que les Légiflateurs Littéraires , n'ayant
pu prévoirtous les cas , n'ont pu indiquer
toutes les exceptions ; & qu'on devroit établir
en principe que les loix qu'on donne au
talent font moins faites pour gener ſon effor
que pour le diriger vers le ſuccès.
Par exemple, Voffius , en parlant de la diviſiond'une
Pièce en cinq Actes , établit en
règle , que dans le premier on expoſe , que
dans le ſecond ondéveloppe l'intrigue , que
le troiſième doit être rempli d'incidens qui
forment le noeud , que le quatrième prépare
les moyens du dénouement , auquel le cinquième
doit être uniquement employé.
" Mais , dit M. Marmontel , i la Fable eft
>> telle qu'une Scène l'expofe & qu'an mot
-
10 MERCURE
» la dénoue , comme il arrive quelquefois,
>> que devient la diviſion de Vollius ? C'eſt
ainſi qu'un ſage critique ſait voir dans les
principes du goût ce qu'on doit ſuivre à la
lettre&ce que l'ondoit modifier.
Parmi d'excellentes obſervations que renférme
l'article Action , nous avons remarqué
cette réflexion ſur la pantomime. " On a pu
> voir que , dans le baller des Horaces , tout
* le génie de Corneille étoit perdu. Aucun
>> des ſentimens , ni d'Horace le père , ni
>> d'Horace le fils , ni de Corneille , n'étoit
>> rendu nettement , ni ne pouvoit l'être.
>> Afſurément ce n'eſt pas que l'action ne
ود ſoit vive& tragique , fur tour depuis la
>> Scène du qu'il mourut , juſques à la mort
>> de Camille. Mais le moyen d'exprimer
ود par le geſte les mouvemens de l'âme du
>> vieil Horace & de fa fille! La pantomime
>> eſtun canevas que chaque Spectateur rem-
>>plit dans ſa penſée. Or , quand le Parterre
• ſeroit plein d'hommes de génie , & d'un
>> génie égal à celui de Corneille', il feroit
>> encore loin de fuppléer à la méditation du
> Poëte dans le filence du cabinet. »
Le talent de l'Écrivain fait toujours diſparoître
dans cet Ouvrage la ſéchereſſe duprécepte.
Parmi les exemples nombreux que
nous pourrions en donner , nous choififfons
la définition de l'éloquencefacree.
" Ce qui nous reſte de l'éloquence poli-
>> tique de ces temps-là , s'eſt réfugié dans
>>les États Républicains. Quant àl'éloquence:
DE FRANCE 111
> morale , la Religion lui a élevé , non pas
>> une tribune , mais un trône ; & ce trône
eſt la chaire .
• Pour ſe faire une idée du miniſtère
» qu'elle y exerce, il faut ſe figurer dans un
-> temple , au pied des autels , ſous les yeux
" de Dieu méme,& en préſence de tout un
>> peuple , une lice ouverte , où l'eloquence ,
>> aux priſes avec les paflions, les vices , les
>> foibleffes , les erreurs de l'humanité , les
وو provoque les unes après les autres , quel-
>> quefois toutes enſemble , les artaque , les
>> combat , les terraſſe avec les armes de la
>> foi , du ſentiment & de la raiſon. »
" L'homme qui parle eſt l'envoyé du ciel;
>>& par la ſainteré de ſon caractère , il ſem-
>> ble porter ſur le front le nom du Dieu dont
>> il eſt le Miniſtre ; la cauſe qu'il defend eſt
cellede la vérité &de la vertu: ſes titres
> ſont les droits de l'homme , la loi de la
>> Nature empreinte dans tous les coeurs , &
» la loi révélée , écrite &conſignée dans le
» dépôt des Livres Saints; les interêts qu'il
agite font ceux du ciel & de la terre , du
>>temps & de l'éternité. Enfin les, cliens.
-> qu'il raſſemble autour de lui , & comme
fous fes aîles, font la Nature, dont il défend
-> les droits ; l'humanité , dont il venge, l'in-
>> jure ; la foibleſſe, dont il protège le repos.
>>-& la sûreté; l'innocence ,à laquelle il prére:
-> une voix fuppliante pour défarmer la calomnie
, ou des accens terribles pour l'ef-
>> frayer ; l'enfance abandonnée , pour qui
MERCURE
:
»dans l'auditoire , il cherche des coeurs paternels;
la vieilleffe fouffrante , l'indigence
>> timide , la grande famille de J. C., les
> malheureux en faveur deſquels il emeut
" les entrailtes du riche & du puiſſant . Tel
>> eſt le fidèle tableau du plaidoyer évangé-
>> lique. »
Avant dequitter cet article , qu'on nous
permette de rapporter ici un fublime trait
d'eloquence que M. Marmontel a entendu
lui-même du célèbre Miſſionnaire Bridaine.
" Un homme accuſe d'un crime dont
>> il étoit innocent , étoit condamné à la
» mort par l'iniquité de ſes Juges. On le
» mène au fupplice,& il ne ſe trouve ni
>> porence dreffee ni bourreau pour exécuter
" la fentence; le peuple , touché de compaf-
>> fion , efpère que ce malheureux évitera
ود la mort. Unhomme élèvela voix,&dit:
» Je vais dreffer une potence , & je fervirai
debourreau. Vous frémiſſez d'indignation !
ود Eh bien , mes frères, chacun de vous eft
*>> cet homme inhumain. Iln'y a plus de Juifs
>> pour crucifier J. C.; vous vous levez , &
>> vous dites : c'eſt moi qui le crucifierai .>>>
M. Marmontel cite avec raiſon cette parabole
comme un trait fublime d'éloquence ;
& l'on n'est pas ſurpris que ces mots atent
fait retentir de ſanglots tout l'auditoire .
:
Cet article chaire , ainſi que barreau ,
beau , Comédie&comique, offrentdesdiffertarions
intéreſſantes,& font ſemés de traits
* curieux.
DE FRANCE.
113
Dans l'article délibératif, c'eſt avec autant
de précifion que de vérite que M. Marmontel
fait voir comment a difference des moeurs
d'Athènes & de Rome a dû influer ſur l'éloquence
de leurs Orateurs . « Le peuple Athé-
>>nien étoit plus délicat & plus fenible que
و د
le peuple Romain aux charmes de l'elocu
>> tion; ſes écoles & fon théâtre , la poefie
> & la muſique , la culture de tous les Arts
> l'avoient poli juſqu'à l'excès; & quoiqu'on
و د
lui dit, il filloit lui parler avec élégance.
» L'Orateur même qui , comme il arrivait
ود
ſouvent à Demosthène , étoit obligé de
>> monter ſur le champ dans la tribune , &
>> d'y parler à l'improviſte & d'abondance ,
>> avoit à ménager des oreilles que Ciceron
> appelle tretes & religiofas. Un mot dur
» auroit tour gâté.
" Le peuple Romain étoit plus occupé des
>> chofes , & moins curieux des paroles , quoi-
>> qu'ille fût beaucoup plus encore qu'il n'ap-
>> partenoit à un peuple uniquement politi-
"
que & guerrier; mais il étoit fier, épineux,
difficile ſur tout ce qui touchoit fon or-
>> gueil , & par confequent très- ſenſible aux
» bienféances du langage , vu que les bien-
و د
ſéances ne font que des égards. Ce qu'il
> falloit reſpecter ſur tout , c'étoit l'opinion
>> qu'il avoit de lui-même. Indigne d'être
>> libre , depuis qu'il ſe laiſſoit corrompre , il
>> n'en éroit que plus jaloux de cette idée de
>> liberté qu'il portoit dans ſes aſſemblées. A
> des factieux mercénaires, qui ne deman
114
MERCURE
>> doient qu'à ſe vendre ,& que lesGrands
> achetoient à vil prix , il falloit parler de
>> liberté , de dignité , de majeſté publique ;
" à ceux qui avoient laiffe malfacrer les deux
» Gracques , & Sylla mourir dans fon lie , il
> falloit parler comme aux Romains du rems
ود de Publicola; & ſi l'éloquence Romaine
» n'eût pas été adulatrice , ce n'eût pas eré
» l'éloquence. »
>>Le peuple d'Athènes étoit vain , mais
> d'une vanité dont il rioit lui-même. Il
>> étoit léger , mais docile ; d'une imagina-
» tion vive , mais mobile comme le fable ,
" où les impreſſions ſe gravent aiſement &
» s'effacent de même; & fur le Théâtre &
>> dans la Tribune, il trouvoit bon , comme
>> unenfantaimable , mais incorrigible , qu'on
>> lui reprochat ſes défauts.
Ariftophane & Démosthène auroient
» été mal reçus à Roure ; & Cicéron , à qui
>> l'on reprochoit d'être flatteur & de man-
>> querde nerf, n'étoit que ce qu'il falloit
> être pour les Romains. Il ſavoit mieux
>>>qu'un autre employer à propos la véhé-
>> mence& l'énergie; mais ce n'étoit jamais
➡ au Peuple que l'invective s'adreſſoir.
13
..
Démosthène connoiſſoit de même ſon
>> Auditoire,&le ménageoit moins.
"
....
Le Peuple Romain étoit naturellement
>> féroce; il falloit l'adoucir , l'apprivoiſer :
» une éloquence infinuante & perfuafive
>> étoit cellequi lui convenoit : ce fur l'élo-
> quence de Cicéron. Le Peuple d'Athènes
DE FRANCE.
115
> étoit fenfible & doux , mais léger , diſtrair,
> diſſipé; il falloit le fixer , l'aſſujettir, le
" dominer par une éloquence preffante ,
>> vigoureuſe & rapide, pleine de force &
> de chaleur: ce fut celle de Démosthène.
>> Je ne parle pas de la différence des ſujets ,
>> qui devoit influer encore ſur le génie &
ور la manière de l'Orateur ; mais j'oſe dire
>> que l'un & l'autre étoient à leur place, &
> je ne doute point que Démosthène à Rome
>> n'eût tâché d'être Cicéron , & que dans
Athènes Cicéron n'eût tâché d'être Dé-
>> mosthène. »
ود
Le plaiſir que nous avons eu à tranſcrire a
prolongé un peu cette citation ; mais nous ne
doutons pas que nos Lecteurs ne ſoient entraînés
comme nous en la fant. Tout ce
morceau préſente dans un degré bien éminent
l'homme inſtruit, l'Obſervateur, lePhiloſophe
& l'Écrivain.On voit par cet article
&une foule d'autres que cet Ouvrage n'eft
pas conçu d'une manière sèchement didactique,&
qu'il n'eſt point d'âge auquel la lecture
ne puiſſe en profiter. Les plus fines
nuances du goût y ſont ſaiſies avec la plus
grande ſagacité. Dans l'article Délicatesse,
après avoir cité pluſieurs morceaux où ſe
trouve cette qualité du ſtyle, tel que ce vers
de Phèdre àHyppolite :
Quand vous me haïriez , je ne m'en plaindrois pas.
M. Marmontel ajoute : " Dans aucun de
>> ces exemples la bouche ne dit ce que le
116 MERCURE
:
> coeur fent; maisl'expreffion le laiffe entre
>> voir,&en cela la finefje &la delicateffe
ود ſe reffen blent; mais lafinelle n'a d'autre
>> intérêt que celuide la malice ou de la va-
> nite:fon motifest le fain de briller & de
>> plaire; au icu que la del cutele a l'inté-
>.rêt de la modenie, de la pudeur, de la
>> fierte; de la grandeur d'ame; car la gené-
» rofite , Throitme ont leur delicateffe
> comme la pudeur.>>>
Quand M. Marmontel eſt obligé de combattre
l'autorité de quelque grand nom , c'eft
avec une circonfpection qu'on pourroit trouver
trop modeft. , mais qu'on voudrost voir
imiter plus fouvent. En obfervant que fur
P'entremiſe des Dieux dans la Tragédie, Ariftote&
Voltaire ont été d'un avis oppofé , il
s'exprime ar fi : En ceci peut etre a-t il
(Ariftote ) railon , quoique l'Auteur de
» Semiramis foit d'un avis oppofe au hen.
» Jevoudroisfer-tout dit celui ci , que l'in-
> tervention de ces êtres f naturels ne pa-
» sûtpas abfolument néceffaire,& c'est ainfi
» que l'ombre de Ninus vient arrêter le ma-
>> riage inceſtueux de Semiramis avec Ni-
> nias, tandis que la lettre déposée dans les
"
"
mains du Grand Prêtre auroit fufa pour
» empêcher l'incefte. Malheureuſement la
lettre de Ninias eft néceſſaire pour la reconnoiffance,&
elley produit un ſi grand
" effet qu'il n'eſt point de raiſon qui n'ait
dû céder au beſoin qu'en avoit le Poëte. Il
>> ne m'appartient pas de décider entre ces
DEFRANCE.
117
-
deux avis; cependant il me ſemble que
>>plus le prodige a parú néceſſaire pour te
" veler un crime ou pour en empecher un
> autre, plus il est vraiſemblable que le Ciel
last permis. Si par un moyen naturel la
>>même révolution avoit pu s'operer, à
» quoi bon le prodige ? Ce ne ſeroit qu'un
jeu de théâtre d'autant plus évident qu'il
• ſeroit fuperflu. »
:
Au relle, ce raiſonnement nous paroît
ſans replique.
Donnois une idée de la manière dont M.
Marmontel définit. On verra qu'elle n'eft
nullement ſervile, & qu'il m'adopte rien
qu'après l'avoir cité au tribunal de fa raifon ."
ELOQUENCE. " Lorſqu'on l'a definie l'Art
de perfader , on n'a penfe qu'a l'élo
quence du Barreau & de la Tribune;
>> mais , 1º. l'éloquence étoit un don avant
>> que d'être un Art,& l'Art même en feroit
>> inutile à qui n'en auroit pas le don. L'Elo
quence artificielle n'eſt donc que l'Élo
> quence naturelle , échirée & réglée dans
l'uſage de ſes moyens. 2°. Perfuader n'eft
pastoujours l'intention de l'Éloquence ; &
> ni celle du Théâtre ni celle de la Chaire
>> n'a eſſentiellement ni habituellement la
> perfuafion pour objet. Tres ſouvent elle
>>> la ſuppoſe, & ne fait que s'en prévaloir
ود Pour donner une idée plus étendue &
>> plus complette de l'éloquence , je croirois
>> donc po voir la définir la faculté d'agir
• fur les efprits&fur les ames par le moyen
18 MERCURE
:
:
N de la parole. Sur les efprits, c'eſt le talent
>> d'inſtruire ;fur les ames , c'eſt le talent
>> d'intéreſſer&d'émouvoir, &de ces deux
>> talens réſulte au plus haut point le talent
> deperfuader. » Au reſte, ce qu'on remarquera
dans ces Elemens , & ce qui eſt un
point bien important dans ces fortes d'Ouvrages,
c'eſt la vérité des principes. Les déciſions
ſont marquées au coin du bon goût , &
Ies raifonnemens à celui d'une excellente logique.
Nous ſavons bien qu'on a accuſé M.
Marmontel d'avoir trop ou trop peu loué
quelquesÉcrivains célèbres, tels que Lucain
&Boileau; mais même en admettant ce reproche
dans ſon intégrité , nous ne croyons
pas qu'on pût en rien conclure contre ſes
principes. Comme c'eſt l'eſprit ſeul qui
adopte les principes,&que le ſentiment influe
ſur leur application , on peut eſtimer
trop ou trop peu tels & tels Auteurs fans errer
ſur l'Art qu'ils ont cultivé. C'eſt ainſi
qu'on peut avoir des idées très-ſaines ſur la
beauté , & trouver plus jolie telle femme qui
doit paffer pour l'étre moins,
Au reſte, on peut dire en général que
quandM. Marmontel parledenos plus grands
modèles , c'eſt avec le ton de l'eſtime la p'us
profonde; & fi la critique peut attaquer
quelques - uns de ſes jugemens , ce ſeroit
dans quelques- unesde ces queſtions ſur lefquelles
on adiſputé juſqu'à nos jours , & il
faut avouer que dans des queſtions qu'on a
difcutéesplufieurs mille ans, ildoit être pers
1
i
DE FRANCE. 119
mis à chaque Littérateur dehafarder ſon opinion
particulière.
Si nous nous étions propoſé de parler des
morceaux les plus importans , nous ne pafferions
pas ſous filence l'article Genie , qui eſt
rédigé avec autant de clarté que de fagelle &
de raiſon. Au reſte, ce talent de preſenter
avec clarté, mème des ides métaphyſiques ,
ſe trouve au plus haut degré dans ces Élémens,
L'Auteur veut-il parler de l'illution
théâtrale qui ne doit pas être complette ?
" Dans le comique , dit-il , rien ne repugne
à une pleine illufion , & fimpreffion du
ridicule n'a pas beſoin d'être tempérée
> comme celle du pathétique; mais ti dans le
>> comique même l'illuſion étoit complette ,
" le Spectateur croyant voir la Nature ou-
>> blieroit l'Art, & feroit privé par la forcede
>> l'illuſion de l'un des plaiſirs du ſpectacle. >>
En effet, ce n'est pas un grand plaifir de
voir un Avare; mais c'en eſt un de voir un
Avare bien repréſenté.Qu'on vous faſſe voir
le portrait d'une perſonne qui vous eft connue
, mais indifférente, il vous fera plaifir;
yous l'admirerez ſi vous le trouvez parfaitement
reſſemblant: fi vous rencontrez la pérfonnemême
,vousn'y ferez aucune attention,
Qu'on nous permette d'ajouter ici une relexion.
Au Theatre , lorſqu'un amant , par
exemple , ou un perſonnage qui veut le paroître
, pour tromper ou pour s'amuſer , fait
une faufſe déclaration d'amour , l'Auteur, par
Ja teintede ſes expreſſions,&-l'Acteur même
120. MERCURE 1
par le geſte& le debit, peignent ce défaut de
fincérité de manière que le Spectateur foit
dans la confidence, tandis que l'autre perſonnage
en eſt la dupe. Le Critique qui cher
che la vérité complette , criera que le perſonnage
ne doit pas s'y tromper,puiſque le Spectateur
ne s'y trompe point ; mais il aura tort
decrier. Il nous ſemble que d'après ce même
principeon pourroit encore juſtifier les aparte
que tant de gens condamnent , & qui font
fréquensdans nos meilleurs Auteurs Dramatiques.
!
On fent combien il nous feroit facile de
prolonger cet article ; mais pour nous renfermer
dans les bornes que nous nous fommes
preſcrites , nous allons finir par une réflexion
ſur Corneille à propos de la Tragélie
de Nicomède. C'eſt une choſe digne d'admiration
, dit M. Marmontel , que les
> diverſes tentatives qu'a faites le génie de
Corneille en créant parmi nous a Tragé-
>> die, pour en étendre & varier le genre. Il
atout ofé, juſqu'à riſquer au Theatre un
>> Héros moqueur, &c.
"
On avoit bien admiré juſqu'ici l'inimitabletalent
avec lequel Corneille avoit varié
les caractères de ſes Trag dies ; mais per
ſonne n'avoit encore préſenté cette fecondité
comme un effort pour étendre & varier
le gente tragique. En adoptant cerre idée ,
ajoutons que ce qui rend ici Corneille bien
admirable en effet, c'eſt qu'en même temps
qu'il étendoit le domaine de la Tragédie , il
en
-
DE FRANCE.
121
en étoit le légiflateur par ſes préceptes & fes
exemples, de manière qu'il laiſſoit à la Tragédie
un empire plus étendu & mieux gouverné
, ce qui n'eſt pas la marche ordinaire
des autres conquérans.
C'eſt avec regret, & fans doute au grand
regret de nos Lecteurs, que nous nous arrètons
ici pour les inviter à ne pas juger cet
Ouvrage d'après la très foible idée que nous
venons d'en donner. C'eſt un Livre vraiment
claſſique , utile par ſon objet , précieux
par la manière dont toutes les matières y
font traitées , très - agréable à lire par l'art
avec lequel l'Auteur a ſu le ſemer à propos
d'anecdotes & de dérails piquans , digne en
un mot de fon Auteur, qui s'y montre partout
comme un excellent Écrivain & un profond
Littérateur.
CAUSES célèbres & intéreſſantes , avec les
Jugemens qui les ont decidées, rédigées
de nouveau par M. Richer , ancien Avocat
au Parlement, Tomes XIX & XX ,
in- 12. A Amſterdam ; & ſe trouvent à
Paris, chez Duplain , Libraire , cour du
Commerce , 1787. Prix , 6 liv. les deux
Volumes reliés..
PEU d'Ouvrages ont eu plus de ſuccès &
eſſuyé plus de critiques que le Recueil des
Causes célèbres & intéreſſantes de M. Gayot
N°. 33 , 18 Αούι 1787. F
122 MERCURE
de Pitaval. Le ſuccès naiſſoit de la nouveauté
du genre , & la critique de l'exécution. On
fait que ce Rédacteur n'a ſuivi aucune méthode
dans ſon Recueil , que les fairs y font
jetés ſans ordre, qu'ils y font noyés dans un
tas de réflexions triviales ; que le Lecteur eſt
ſouvent obligé de deviner les circonstances
les plus importantes ; que les moyens y font
expoſes avec une prolixiré qui leur fair perdre
tout l'intérêt dont ils ſont ſufceptibles.
Il étoit donc effentiel de donner à cet Ouvrage
une forme nouvelle. C'eſt ce travail
que M. Richer a commencé en 1772 , &
qu'il a continué depuis avec beaucoup de.
zèle&de ſuccès . Ila placé les faits dans un
ordre méthodique ; il les a debarraſſes de
tous les acceſſoires qui leur étoient étrangers
, & qui faisoient diſparoître l'intérêt
principal ; il s'eſt attaché , autant que les efpècesdes
cauſes le lui ont permis, à diſpoſer
la narration de manière que le Lecteur ne
prévit point le jugement de la caufe , & que
fon opinion reſtât incertaine juſqu'à la fin. Il
a cru avec raiſon que cette méthode rendroit
chaque cauſe plus intéreſſante en éveillant
la curiofité du Lecteur , & en tenant ſon efpriten
ſuſpens.
M. Richer ne s'eſt pas contenté de ſubſtituer
ſon ſtyle à celui de M. Gayot de Pitaval ,
&de renverſer l'ordre vicieux que ce Rédacteur
avoit ſuivi dans chaque cauſe; il a ajouté
des moyens à ceux que ſon prédéceſſeur
avoit employés, à ceux mêmes qui ſe trouDE
FRANCE .
123
vent dans les Mémoires où il a puiſé. Pour
donner à ce Recueil un nouveau degré de
ſupériorité ſur l'autre , M. Kicher a interealléun
grand nombre de cauſes importantes,
que le premier Éditeur n'avoit pas connues
où avoit négligées. Elles font indiquées par
un figne placé à côté du titre. M. Gayot de
Pirival avoit inféré dans ſa Collection beaucoup
de morceaux hiſtoriques , qui paroilfent
au premier coup-d'oeil ne devoir pas être
compris dans un Recueil de Cauſes. M. Richer
avoit d'abord éré tenté de les fupprimer;
mais il eſt vraiſemblable, puiſqu'illes a
confervés , qu'en réfléchiffant mieux fur ce
genre d'histoires, il aura fenti qu'elles répandent
trop d'intérêt & de variere ſur le fonds
principal, & que d'ailleurs elles ne s'éloignent
pas affezde l'objet de l'Ouvrage pour les rejeter.
Les deux Volumes que nous annonçons
renferment fix Caufes principales. La première
est une fuppofition de part relative à
la fucceffion du Duc de Douglas , ouverte en
Écoffe. Cette grande affaire a occupé en
même temps , il y a vingt-ſept ans , les Tribunaux
de France & de la Grande -Bretagne ,
& afait naître entre eux une efſpèce de conflit
de jurisdiction. L'enfant dont on conteftoit
l'état a été déclaré par la Cour des Pairs de la
Grande - Bretagne fils légitime de Miladi
Jeanne Douglas , & par confequent héritier
du feu Comte de Douglas fon oncle.
A la fuite de cette Cauſe on trouve celle
Fij
124
MERCURE
de Pierre de Rohan , connu ſous le nom du
Maréchal de Gié , qui , après avoir joui ſous
Louis XI & Charles VIII d'une faveur que
juſtifioient ſes exploits militaires & ſes talens
dans les négociations , s'attira la diſgrace
d'Anne de Bretagne, épouſe de Louis XII,
en arrêtant les préparatifs que cette Reine
faifoit dans une maladie de fon mari pour ſe
retirer dans ſon duché de Bretagne. Anne de
Bretagne perfuada à Louis XII que cette réfiftance
étoit un crime de leſe majeſté. Elle
fit nommer une Commiffion pour juger le
Maréchal ; mais quoique le Procureur-Général
eût conclu à ce qu'il eût la tête tranchée ,
&que ſes biens fuffent confiſqués , l'Arrêt le
priva ſeulement de ſes places, le fufpendit
pour vingt ans de l'office de Maréchal , & lui
fie défenſes d'approcher pendant ce temps de
dix lieues de la Cour.
Certe Cauſe eſt ſuivie de celle du Connétable
de Bourbon, condamné comme rébelle
au Roi & ennemi de l'État. On fait que ce
Prince , perſécuté par la Ducheffe d'Angoulème
qui en étoit devenue amoureuſe , &
qu'il n'aimoit pas, après avoir effuyé beaucoup
de déſagrémens à la Cour, & le voyant
menacé, àla mort de la Ducheffe de Bourbon
ſa femine,de perdre tous les biens de la Maifon
de Bourbon s'il n'épouſoit la Duchefſe
d'Angoulême , qui prétendoit avoir droit à
cette fucceffion, ſe détermina à paffer auprès
de l'Empereur Charles-Quint , & en combattant
pour les Impériaux reprit le Milanez,
DE FRANCE.
125
affiégea Marſeille , gagna la bataille de Pavie,
où François I. fut fait prifonnier ,& après pluſieurs
autres opérations militaires tomba au
pied des murs de Rome, trois ans après la ré
bellion, percé d'un coup d'arquebuſe qu'il
reçut de la main d'un des liens . Pendant qu'il
avoit les armes à la main contre l'État , le
Parlement de Paris inftranſoit ſon procès.
On le continua après ſa mort ; & le 26 Juillet
1527, le Roi étant au Parlement, aſſiſte des
Pairs , fit prononcer par le Chancelier du
Prat , au Parquet, & par le Greffier criminel, à
l'entrée du Parquet,l'Arrêt quidéclareCharles
de Bourbon criminel de leſe-majesté, rébellion
& felonie : « Ordonne que fes armes
>> feront effacées, le prive du nom de Bour-
>> bon , abolit fa mémoire à jamais , & déclare
⚫ tous ſes biens confifqués & réunis à la
> Couronnede France. »
Cette Cauſe eſt terminée par des détails
fur un grand nombre de complices du Connérable
. M. Richer y a ajouté le procès dé
Jacques de Beaune , Baron de Samblançai ,
Sur Intendant des Finances ſous Charles VIII ,
Louis XII & François 1, & qui fut auffi la
victime de l'eſprit vindicatif de la Ducheſſe
d'Angoulême. Samblançai avoit conftamment
joui de la réputation d'homme irréprochable.
François I. l'appelot ſon père. Malheureuſement
pour Samblançai, la Ducheſſe d'Angoulême
, mère du Roi , déteſtoit Lautrec ; elle
jura ſa perte, parce qu'il avoit parle trop
librementde ſes intrigues amoureuſes. Lau-
Faij
126 MERCURE
tree , étant Gouverneur du Milanez , avoit
demandé cent mille écus pour la folde de
T'armée d'Italie . Cette fomme ne lui fut point
envoyée. Les Suiffes l'abandonnèrent : de là
la perte du Milanez. Le Roi , qui ſavoit que
cette ſomme avoit été miſe en réſerve ,
demanda à Samblançai pourquoi il ne l'avoit
point envoyée. Celui-ci répondit avec l'ingénuité
qui lui étoit naturelle, que la mère du
Koi étoit ventre elle-même à l'épargne, &
qu'elle avoit voulu être payée de tout ce qui
lui étoit dû; qu'elle l'avoit menacé de le perdre
s'il refuſoit de lui accorder ce qu'elle
demandoit, &lui avoir promis de le mettre à
couvert de toute pourſuite fi Lautrec ne
trouvoit point d'argent à ſon entrée dans
Milan. Le Roi manda ſa mère ,devant laquelle
Samblançai répéta tout ce qu'il venoit de
dire. Elle lui donna un démenti , & demanda
justice au Roi contre ce téméraire. Comme
ſes propres quittances auroient pu dépoſer
contre elle , un Italien nomméGentils , Comm
mis de Samblançai , avoit été chargé auparavant
de les lui derober. Îl les avoit remiſes à
la Ducheffe d'Angoulême , qui pouvoit par
cemoyen nier fans aucune crainte d'avoir
reçu de l'argent du Sur Intendant. Samblançai
nepouvant repréſenter les titres de ſa juftification
, fut arrêté dans l'anti- chambre da
Roi,& mis en priſon. On lui nomma des
Commiffaires. Ce furent le Chancelier du
Prat , qui devoit, comme on fait, toute fa
fortune à la mère du Roi , l'Italien Gentils ,
DE FRANCE . 127
qui étoit devenu depuis Préſident aux Enquêtes
, & quelques autresConſeillersdévoués
au Chancelier. Le malheureux Samblançai
fut condamné comme coupable de péculat,
& pendu à Montfaucon le 14 Août 1523 , à
l'âge de ſoixante-deux ans. « Mais fa mé
>> moire , dit M. Richer , fut rétablie par
>> l'aveu que la Ducheffe, à Particle de la
>>mort, fit as Rorfon fils. Elle lui révéla les
→ artifices qu'elle avoit employés pour per-
ود
ود
dre Samblançai , & lui en demanda pardon;
& le Roi crut que, toute confidéra-
>> tion à part, il devoit à la mémoire de Sam-
>> blançai & àl'honneur de la famille de pu-
ود blier cette confeffion.» M. Richer ajoute
qu'il ne paroît pas que la condamnation de
Samblançai ait fait beaucoup de tort à ſa mémoire,
même dans le temps où il fut exécuté.
Marot , ſon contemporain , ne craignit pas de
faire&de publier une pièce de vers en fon
honneur. Ces traitsde courage & de noblerſe
fonttrès communs dans l'Hiſtoire des Gensde-
Lettres.
Laplace de Sur-Intendant fut donnée à un
certain Ponchet, auquel Gentils joua le înême
tour qu'il avoit joué à Samblançai. Il lui re
tint furrivement des acquits, dont la fuppreffion
lui ôta la facultéde justifier ſes comptes,
&il futpendu comme convaincu du crime
de péculat. Mais la perfidie de Gentils ne
marda pas à être découverte & prouvée , &
il fut pendu à fon tour.
Ce Volume eſt terminé par des obſerve-
Fiv
128 MERCURE
tions fur le crime de leſe-majeſté. Le Volume
ſuivant renferme l'Hiſtoire de Marie Stuart ,
Reine d'Écoſſe , condamnée à mort par Élifabeth
, Reine d'Angleterre ; l'Histoire du
Prêtre Pierlot , condamné à Liége , il y a deux
ans,àêtre rompu vif après avoir été tenaillé
huit fois , pour avoir aſſaſſiné les deux fervantes
de fon for hi bienfaiteur , & fon bienfaiteur
lui même de la manière la plus féroce. A la
finde ce Volume eſt une Cauſe relative aux
droirs des Curés concernant les pouvoirs de
leurs Vicaires .
On trouve chez le même Libraire les dixhuit
premiersVolumes,dont il vient de faire
l'acquiſition.
PHYSIQUE du Monde, avec des Planches
enluminées. A Paris , chez Viſſe , Libraire ,
rue de la Harpe.
LES ſept volumes de cet Ouvrage , dont le
huitième eſt ſous preſſe, renferment les matières
ſuivantes :
Le premier volume contient l'examen critique
de tous les ſyſtèmes préſentés ſur la
Coſmogonie , particulièrement de celui de
M. le Comte de Buffon , & un effai ſur l'hiftoire
de la Coſmogonie.
Le ſecond volume renferme toute l'Aſtronomie
phyſique & la table ſynoptique de
tous les mouvemens & de toutes les vîteſſes
des planètes , tant principales que ſecondaires.
DE FRANCE. 129
Le troiſième volume renferme l'examen
critique de tous les ſyſtèmes ſur la lumière,
&la théorie complette des Auteurs.
Le quatrième préſente l'examen critique
detoutes les opinions ſur les couleurs& la
théorie des Auteurs.
e Le cinquième expoſe l'hiſtoire de l'examen
des opinions de tous les anciens Philoſophes
fur le feu , depuis les temps mythologiques
juſqu'àNollet.
Le ſixième préſente l'examen critique de
tous les Phyſiciens modernes depuis Nollet ,
&celle des principaux Chimiſtes ſur le feu .
• Le ſeptième préſente la théorie des Auteurs
appliquée à tous les phénomènes du feu.
Cela forme une hiſtoire complette des opinions
fur le feu , un examen exact de toutes
les idées des Phyſiciens ſur ce grand agent
de la Nature , &une théorie complette dans
laquelle on conſidère ſes effets ſur les trois
règnes. Or , la théorie du feu eſt la baſe de
la Phyſique &de la Chimie.
Le huitième volume , qui eſt ſous preſſe ,
traitera de l'irradiation ſolaire & de tous les
effers qu'elle produit.
Ontrouve au commencement ou à la fin
de chacun de ces volumes differentes diſſertations
intéreſſantes , ainſi que les critiques
qui ont été faites de cetOuvrage ,&leur réfutation.
Fv
MERCURE
130
DISCOURSfur la manière de combattre de
la Cavalerie contre l'Infanterie en plaine.
- Démonstration de la Commenfurabilité.
de la Diagonale & de fon rapport exact
avec le côté du quarré ; par René-Alexandre
, 2º du nom , Marquis de Culant ,
Meſtre de Camp de Dragons. Brochures
in-8 °. A Cologne , & ſe trouvent à Paris ,
chez lesMarchands de Nouveautés.
OUTRE Ces deux Ouvrages , qui font d'un
genre biendifferent , nous avons déj. annoncé
de M. le Marquis de Culant une nouvelle
règle de l'Oclave , & un Discours d'unMandarinfur
la nature de l'âme ; il nous étoit
échappé un Recueil de Fables , Contes , Épigrammes
, Pièces fugitives & penfees diverſes
, imprimé deux fois ſous le titre de Morale
enjouée ; & en nous occupant de cet article,
nous venons de recevoir de lui une
Ode fur là Mort du Duc de Brunswick ,
Pièce qui a concouru pour le Prix de l'Académie
Françoiſe.
1
La liſte ſeule de ces différens Écrits eſt un
éloge pour leur Aureur. Il eſt rare qu'un homme
du monde , ayant ſuivi la carrière que fa
naiſſance lui indiquoit, puiſſe réunir un fi
grand nombre de connoiffances , au point de
pouvoir écrire dans autant de genres que l'a
fait M. le Marquis de Culant.
Nous nous abftiendrons de prononcer fur
DE FRANCE.
13
ſa découverte en géométrie ; & nous nous en
rapportons à lui-même furla juſteſſe des principes
qui compoſent ſa manière de combattre
de la Lavalerie. Au refte , cet Ouvrage a obtenu
un fuffrage affez glorieux, celui du Roi
de Pruffe , dont on peut voir une lettre imprimée
à la fuite de ce même Ouvrage. Mais
nous profiterons de cette occaſion pour tirer
de fon Recueil de Fables , dont nous n'avons
pas rendu compte , un apologue qui trèssûrement
obtiendra le fuffrage de nos Leeteurs.
Le Roi de Perfe.
Un Roi de Perfe , anti-chrétien ,
Etcependanthomme de bien ,
Faiſoit bâtir un palais magnifique ;
Rien n'y manquoit, ſi ce n'est qu'na portique ,
Trop étroit d'une toiſe ou deux ,
Défiguroit l'entrée & déplaifoit aux yeux.
Pour y remédier, il ne falloit qu'abattre
La maiſon d'un voiſin ; mais cetopiniâtre,
Quoique pauvre , & dans l'embarras ,
Refufoit tout , honneurs , charges , ducats.
Le Roi peut bien , diſoit-il , me la prendre;
Mais je ne la lui donne pas ,
Et veux encor moins la lui vendre.
Certains Ambaſſadeurs de quelques autres Cours ,
Surpris , choqués de ce diſcours ,
Sécrièrent ,faite-sle pendre;
:
Fvj
132
MERCURE
Sire , montrez quel eſt votre pouvoir.
Le Roi leur dit ſans s'émouvoir :
Il augmente ma gloire encor par ſon caprice ;
Car mon palais , ce ſuperbe édifice ,
N'eſt que pure oftentation ,
Et fa maiſon fait voir ma modération.
Un plus grand Prince auroitdit, ma justice.
La multiplicité des Ouvrages dont nous
fommes chargés encore , ne nous permet pas
de citer d'autres Pièces. Mais nous allons
tranſcrire au moins l'envoi de l'Ode ſur la
mort de Léopold, que l'Auteur adreſſe àMgr.
Comte d'Artois.
GRAND Prince, en tout temps acceſſible ,
Tu veux qu'on chante Léopold ;
Vers les cieux ton âme ſenſible
T'eût fait prendre le même vol ;
Mais i l'occaſion offerte
T'eût ainſi conduit à ta perte ,
Chacun gémiroit ſur ton fort ;
Et j'aime mieux , tu peux m'en croire ,
Voir ce trait manquer à ta gloire
Que d'avoir à pleurer ta mort.
4
133
DE FRANCE.
MELANGES de Littérature étrangère ,
Tomes V & VI. A Paris , chez Née de
la Rochelle , Libraire , rue du Hurepoix ,
près le Pont Saint Michel.
LORSQUE l'amour des richeſſes eſt devenu
l'eſprit dominant d'une Nation , qu'elles font
ſeules conſidérées, que l'eſtime publique eſt
un bien ſtérile ; la ſeule affaire importante
eſt celle de l'argent & du plaifir. On ne lit
plus; on dénigre les Auteurs qui ont encore
l'amour de la véritable gloire & le zèle pur
du bon goût; on recueille avec ſoin tout ce
qui peut les noircir. Les hommes qui portent
envie au mérite perſonnel, parce qu'ils
n'en n'ont qu'un d'emprunt, triomphent ;
la Littérature tombe dans le diſcrédit ; &,
comme l'a fi bien remarqué Voltaire ,
On paſſa du Permeſſe au rivage du Gange ,
Et le facré vallon fut la place duchange.
Enfin ſi les Belles- Lettres ne ſont pas entièrement
négligées , elles ne font plus qu'un
objet de curioſité comme les Nouvellos Politiques.
Alors les Journaux & les Recueils
deviennent à la mode. On fait combien les
Recueils purement agréables ſe ſont multipliés.
Celui de M. de Grandmaiſon ſe diftingue
de tous les autres en ce qu'il eſt ſurtour
utile & inſtructif, Il a cherché à flatter
le goût de ſes contemporains, plus propres à
faifir le vrai & le bon qu'à le chercher ; il
134
MERCURE
leur faut des lectures qui les inſtruiſent ſans
les appliquer. Diverſifions , s'eſt - il dit ſans
doute, fi nous voulons plaire; les meilleures
chofes , mais trop uniformes, ennuyent les
Lecteurs François. Il a mis ſur- tout à contribution
la Littérature Angloiſe & Italienne.
Il n'a pas négligé l'Antiquité grecque. On
peut dire qu'ilfait cueillir& mettre en oeuvre
les fleurs du ſavoir & de l'érudition. Nous
avons annoncé ſucceſſivement les quatre
premiers Volumes. En publiant le cinquième
&le fixième , M. de Grandmaiſon vient de
completter cette Collection intéreſſante .
Pièces contenues dans le Tome V: 1 °. Lettresdiverſes
ſur la Muſique traduites deMétaſtaſe:
2º. Obſervations fur une hydropifie
extraordinaire de l'ovaire , par M. Philippe
Meadows , Chirurgien de Norfolck & de
'Hôpital de Norwick, traduites du ſoixantequatorzième
Volume des Tranſactions Philoſophiques
: 3 ° . Effai fur les Habitans de la
Pologne , traduit de William Coxe : 4°. Vie
de Samuel Foote , traduite de la Biographie
Dramatique Angloiſe : 5º. la Toilette ,
ContePoétique: 6º. Plan général de la Société
Afiatique , tiré d'un Diſcours prononcé
par M. William Jones, le jour de l'inſtallation
de la Société établie à Calcuta pour étudier
l'Hiſtoire Civile & Naturelle, les Antiquités,
les Arts , les Sciences & la Littérature de
P'Afie : 7°. de l'Homme-de-Lettres : 8°. Ménexène
ou l'Oraiſon Funèbre , Dialogue traduit
de Platon: 9º. Mémoire fur la quantité
DE FRANCE.
135
d'eau qui s'évapore de la ſurface de la terre
pendant l'été , traduit des Effais de Chiunie
deM. Warfon , Évêque de Landaff.
Pièces contenues dans le Tome VI & der
nier: 1°. Effai fur les moeurs des premiers
Grecs, traduit de M. Mitford : 2°. Obfervations
fur la fenfibilité des végéraux , traduites
de M. Percival : 3º. Notice fur Saadi , Poëte
Perfan , par M. l'Abbe Guillon , de l'Acadé
mie des Antiquités de Caffel: 4º. Obfervations
ſur la Logique d'Ariftore , tirées de
Ouvrage du Lord Momboddo ſur les anciens
Métaphyficiens: 5º. Notice ſur Huer ,
Évêque d'Avranches , & la Traduction de
fon Voyage en Suède , par M. Crignon :
6°. Épitre de M. Hayley ſur les anciens Hiftoriens,
traduite de l'Anglois , ſuivie de Notes
curieuſes & favantes : 7 °. Anecdotes Biographiques
fur Sarpi : 8°. Notice ſur Ellis ,Aufeur
Anglois, fuivie de la Traduction de ſon
Mémoire fur les Gorgones : 9°. Differtation
de Philippe Venuti ſur l'Égide, traduite de
l'Italien.
On voit que cette Collection offre un
choix varié d'Opufcules ſavans, curieux ou
littéraires; elle doit orner toutes les Bib'io
thèques; elle prouve que le Rédacteur y a
montré beaucoup de connoiſſances & d'inftruction
. C'est à nous à profiter des divers materiaux
qu'il a pris la peine de raffembler ,
lorſqu'il pourroit édifier lui même.
:
136 MERCURE
VARIÉTÉS.
: LETTRE au Rédacteur du Mercure.
:
M。
ONSIEUR ,
IL peut être agréable à vos Lecteurs d'apprendre
quelques détails ſur la Troupe Italienne qui joue
maintenant ſur le Théâtre de Versailles. Je ne
puis vous parler de tous ceux qui la compofent ,
parce qu'ils n'ont pas encore eu l'occaſion de déployer
leurs talens; mais ceux qui ſe ſont fait enrendre
donnent une idée affez avantageuſe de cette
Compagnie, pour faire préſumer favorablement des
autres.
Elle eſt formée d'une partie des Sujets qui , la ſaifon
dernière , jouèrent l'Opéra bouffon à Londres
fur le Théâtre de Hay-Market. La prima Donna ,
Mme Benini , joint à une figure un peu ſérieuſe
mais très- agréable, une voix pleine de douceur &
d'intérêt , elle a même plus d'habileté que le genre
bouffon n'en exige pour l'ordinaire , auffi a t-elle
voulu en faire preuve dans un très joli Air de bravoure
qu'elle a placédans Glischiavi per amore, &
qu'elle chante parfaitement. Son maintien a beaucoup
degrace, mérite qui n'eſt pas commun parmi
les Actrices Italiennes. A Londres ce fut Mme Storace
qui joua le premier rôle dans cet Opéra ,
repréſenté ſur la fin de la ſaiſon au bénéfice de
Mme Seftini. Mme Storace a refufé les offres que
la Direction de Verſailles lui a faites , ainſi nous ne
:
DE FRANCE, 137
pouvons pas juger de ſes talens ; mais quoiqu'elle
ait en beaucoup de ſuccès dans cet Ouvrage, quand
on y entend Mme Benini il eſt impoſſible d'en regretter
aucune autre.
La feconda Donna eſt une Angloiſe qui n'étoit
point au Théâtre de Londres. Elle a peu de moyens ,
mais elle a de t'habitude & de l'aiſance ; & quoiqu'avec
une prononciation un peu dure , elle chante
fort agréablement.
Le premier Buffo , M. Morelli , a une voix de
baſſe ſuperbe. Les cordes graves ſur-tout en font
de la plus grande beauté. Sa méthode eſt excelente;
il chante avec beaucoup de feu & de ſenſibilité. On
n'a point à lui reprocher , comme à la plupart des
Comiques italiens , l'abus des caricatures ; ſon jeu
cependant eft vif& animé. Il avoit eu un très-grand
fuccès à Londres, où il a ſuccédé au fignor Gattolini.
Son ſuccès n'eſt pas moins b: il ant fur le Theatre
de Verſales , & n'eſt pas moins mérité.
: La voix de la ſeconde Baffe , M. Moriggi , eft
auffi fort belle . Son jeu eſt ſimple & vrai; il débite
parfairement la ſcene. Engénéral inregne danstout
cette Compagnie une ſageſſe dans la manière de res
préfenter, qui paſſeroit peut être pour'de la froideur
en Italie, mais qui , je crois, doit paroître en France
beaucoup plus voifine du bon goût.
M. Calvefi chante le tenore dans l'Opéra dont je
vous rends compte. ALondres c'étoit M. Mengozzi
qui rempliffoit ce rôle , & il y étoit fort applaudi.
M. Mengozzi eſt auſſi engagé dans cette Compagnie;
mais une indiſpoſition ne lu a pas permis de chanter,
& l'ob'ige de ſe repoſer encore quelque temps.
Il ne paroîtra que dans l'Italienne à Londres , Opéra
qui doit fuccéder à celui de Giannina e Bernardone.
Ondit infipimentde bien de ſa voix & de ſon jeu.
Quant àM. Calvesi il eſt fortjeune , & il ſeroit injuſte
delejugeràla rigueur ſur les prémices d'un talent qui
138 MERCURE
abeſoin d'être formé. Au farplus , il nefaut pas ſe
faire une idée de l'Opéra Italien d'après celuide France,
où les Acteurs fixés à demeure montent de grade en
grade avec un fort toujours conſtant. Celui des
Chanteurs Italiens eft errant & précaire; il eſt proportionné
à leurs talens. Or fi ceux qui jouent les
ſeconds rôles étoient auffi bons que ceux qui rempliffent
les premiers, ils cefferoient dès lors d'être
feconds, &n'accepteroient plus que des engagemens
convenables à leur mérite.
En général, cette Compagnie très - bien aſſortie
m'a paru fort ſupérieure à celle que nous avons entendue
fur le Théâtre de l'Opéra de Paris en 1778 .
Elleadu moins fur celle-ci le mérite d'être compe
lée de perſonnes habituées à jouer cafemble , &
d'avoir une prima Donna buffa à qui le genre buffo
n'eſt point étranger. Ceux qui ſe rappellent d'avoir
entendu ici le chef-d'oeuvre de Paifiello , la Frafcatana,&
qui en connoiffent la part tion originale , ſe
fouviennent avec regret que les plus beaux Airs en
avoient été changés par la première Actrice.
1
Cette entrepriſe med calculée infini
ment mieux que la première. L'Opéra bouffon Ita
lien peut plaire aux véritables Amateurs de Muſique ,
qui luipardonnent ſes nombreux défauts en faveur
des grandes beautés de compofition & d'exécution ;
mais cegenre de ſpectacle ne ſe ſoutiendra jamais à
demeure au milieu d'une Nation où la Langue Iralienne
eſt peu coltivée , d'une Nation peu ſenſible à
la Mufique , quelles que foient ſes prétentions à cet
égard, &qui au contraire a porte l'Art Dramatique
àun point qui la dédommage de tout ce qui lui
manque d'ailleurs. Céoit donc une ſpéculation excellente
que celle de prendre une Compagnie toute
faite, & de n'en exiger qu'un petit nombre de repréſentarions
ſuffisant pour nous faire connoître les
bons Ouvrages nouveaux de l'Italic. Les trente re
DE FRANCE .
139
préſentations annoncées ſont bien affez pour exécuter
ce qui ſe fait de très bon en Italie dans le cours
d'un an ou deux.
Il eſt fâcheux ſeulement qu'un projet ſi bien
combiné ne s'exécute qu'à Verſailles , & qu'il foit
& coûteux & fi difficile à la Capitale d'en jouir.
J'avois propoſé en 1776 à l'Adminiſtration de
l'Opéra une entrepriſe tout-à- fait ſemblable. Il
s'agiffoit d'engager de même la Compagnie teure
raffemblée àLondres, pendant la ſaiſon où les grands
Spectacles y font fermés, c'est- à-dire, dans les mois
de Juillet , d'Août & de Septembre. Les fonds principaux
devoient de même être formés par des abonnemens
. Mon but étoit de donner aux Compofiteurs
& aux Chanteurs nationaux des objets d'émulation
& d'étude dont ils auroient pu dire beaucoup
de mal mais qu'ils n'auroient pas laiffé que d'imi
ter. Jevou ois une izile qui fit affez petite pour
être toujours pleine, je voulois fur tout que is
nombre des repréſentations ne fürjamais affez confidérable
pour en fatisfaire& en éteindre le defir . Ma
propofit on fut refuféeen contdération du projet qui
fut exécuté enſuite. L'Opérabouffon , fixé parmi nous
avant que l'on sût s'il devoit plaite, placé for un
grand Theâ re &dans une ſale rop vaſte pour 1: petit
nombre d'Amateurs qu'elle devoit contenir, cauſa plus
dedégoûtqu il neprocura dejouiſſances ,&penfa rui.
nerà jamais un projet qui pouvoit avoir tantd'utilité,
Le ſuccès de cette entrepriſe ſur le Théâtre de
Verſailles prouve affez combien elle en, auroit dans
la Capitale, & combien elle y eſt defirée, Si l'em
barras & les frais du voyage ne rebutent pas une
foule de Spectateurs , combien ne leur feroit il pas
agréable d'avoi; ce ſpectacle an milieu de Paris. On
doit favoir beaucoup de gré fans doute à la direction
de la Comédie de Verſailles , d'avoir rappro.
ché denous une fi douce jouiſſance ; mais on en
-
140 MERCURE
fauroit bien davantage à ceux qui auroient le crédit
de l'amener juſqu'à nous ; & fi l'Opéra n'est pas curieux
de faire lui-même cette tentative , il devroit au
moins la permettre àceux qui l'ont ſi bien exécutée
ailleurs .
J'ai l'honneur d'être , &c. FRAMERY.
ANNONCES ET NOTICES.
VOTICE OYAGE au Cap de Bonne-Espérance & aniour
du Monde avecle Capitaine Cook , & principalement
dansle pays des Hottentots & des Caffres , par
André Sparman , Docteur en Médecine , de l'Académie
des Sciences , & Directeer du Cabinet Royal
d'Histoire Naturelle de Stockholm, traduit par M.
Letourneur. AParis, chez Buiffon, Libraire, hôtel
de Melgrigny , rue des Poitevins , 3 Vol. in-8 .,
avec des Cartes , Figures & Planches en tailledouce,
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FRANCE. 141
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MOYENS de prévenir la difette des Bois , &
den procurer l'abondance , Mémoire couronné en
1786 par l'Académie des Sciences de Châlons-fur-
Marne , ſurvis d'un Effui fur le repeuplement des
rivières , & d'une Lettre d'un Citoyen à un Confeiller
d'Etat fur le projet de faire exploiter par une
Compagnie tous les Bois du Roi dans l'étendue de
la France, par M. Henriquez , Procureur du Roi ,
&Procureur Fifcal de S. A. S. Mgr. le Prince de
Conde. A Dun en Clermontois , in- 12. A Paris ,
chez Delalain le jeune , Libraire , rue Saint Jacques,
On trouve dans cette Brochure nombre d'obfervations
qui peuvent être très-utiles à la Science
économique.
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de Réflexions fur Homère & fur la Traduction
des Poëtes , par M. Bitaubé , de l'Académie
Royale de Berlin , & de celle des Inſcriptions &
Belles Lettres de Par's , trofième Edition , trois
premiers Volumes in - 18 avec le Poftrait de l'Auteur.
A Paris , de l'Imprimerie de Didot l'aîné , &
ſe trouve chez Lany , Libraire , quai des Auguſtins
, & chez Varin , Libraire , rue du petit Pont ,
n° . 22 .
Cette Édition , dont on vient de pablier les trois
premiers Volumes , comprendra en douze Volumes
in- 18 la Traduction générale des Buvres d'Homère
, &paroîtra en quatre Livraiſons. Le prix oft
142
MERCURE
de 24 liv. brochés & 36 liv. reliés. On paye la
moitié de l'Ouvrage en ſe faiſant inſcrite ; les Livraiſons
rendues franches de port ; l'autre moitié ſe
payera en recevant les trois premiers Volumes de
l'Odyffée, Dans cette nouvelle Édition M. Biraubé
a-revu ſa Traduction avec la plus ſcrupuleuſe exactitude
, il l'a conférée de nouveau avec l'original ; il
aporté le même ſoin ſur la correction , l'élégance ,
la poéſie du ſtyle; le Diſcours & les Notes font enrichis
d'é lairciſſemens & de nouvelles recherches ;
enfin ce travail eſt tel qu'il diſpenſe l'Auteur d'y revenir
de nouveau, & c'eſt ici la dernière Édition
qu'il en dounera. Le Priviége & l'Approbation de
l'Académie des Belles- Lettes ſous lesquels paroît
l'Ouvrage ſe trouveront à la fin du dernier Volume.
ABREGE des Transactions Philosophiques de
la Société Royale de Londres, Ouvrage traduit de
l'Anglois , & réd gé par M. Gobelin , Docteur en
Médecine , Membre de la Société Médicale de
Londres , &c. , première Livraiſon , formant les
Tomes I & II in-8 °. , avec des Planches en tailledouce.
Prix de chaque Volume brochés liv. , relié
liv. , & franc de port par la poſtes liv. to ſols
broché. A Paris , chez Buiſſon, Libraire , hôtel de
Meſgrigny, rue des Poitevins , nº . 13 .
Le nombre de Planches dont cette première Livraiſon
eſt chargée, les ſoins qu'il a fallu apporter
en compulſant les immenfes originaux Anglois ,
font la cauſe du retard que cette Livraiſon a
éprouvé. On annonce que la ſeconde & les ſuivantes
paroîtront avec plus de régularité. On ne
paye qu'en recevant chaque Livraiſon , & rien à
l'avance. Les Perſonnes qui veulent acquérir cet
Ouvrage font priées de ſe faire infcrire à l'adreſſe
ci deſſus; l'on s'inscrit auffi chez tous les Libraires
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DE
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Volume des Tragédies , contenant Mithridate
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Lyrique des Italiens , contenant les Pièces ded'Hèle ;
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Jardins Anglois , contenant ceux de M. le Comte
de Bentheim à Steinfort près de Munſter. Ce Jardin
a plus de cent arpens. La Nature y est emballe de
toute parr. On y trouve des bâtimens, des ponts ,
des rochers & aurres décorations dans les boſquets
comme ſur l'eau en quarante neuf Planches. Prix ,
24 liv. les deux Cahiers compris le Plan général &
la Deſcription deſſinés ſur les lieus par Lebrun ,
Ingénieur-Lieutenant au ſervice de M. le Comte de
Bentheim, A Paris , chez Lerouge, Ingénieur - Géographe
, rue des grands Auguftins,
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d'un Précis Historique en vingt-cing Cahiers de
144
MERCURE
douze Estampes chaque, ſeptième Livraiſon. Prix ,
15 liv. A Paris , chez l'Auteur , M. de Mysis , cour
des Princes , au - deſſus de l'appartement de Mgrs.
les Ducs de Chartres & de Montpenfier.
Cette ſeptième Livraiſon eſt auſſi ſoignée que les
précédentes . Tout l'Ouvrage eſt imprimé ſur papier
velin.
L'AVEU difficile , faiſant pendant à la Corparaiſon
, Eſtampe en couleur gravée d'après Lavrcince,
par F. Janinet , rue Haute- Feuille , No. 5 , & chez
Efnauts & Rapilly rue S. Jacques , No. 259.
Prix , 9 liv.
,
Le ſujet de cette Eſtampe eſt une idée ingénieuſe.
Cet Aveu difficile fait à une mère par fa
file, nes'explique que par la manière dont le corſer
de la jeune perſonne eſt lacé
TABLE.
FRAGMENT traduit du' Physique du Monde, 128
Poëme des Jardins , 97 Discours fur la manière de
Charade Enigine & Lego- combature de la Cavalerie
gryphe, contre Infanterie , 130 102
Cuvres complettes deM.Mar Mélanges de Littérature , 133
moniel 105 Variétés
Causes Célibres & intéreſſan- Annonces & Notices ,
136
140
tes, 121
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'ai lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux, le
Mercure de France, pour le Samedi 18 Août 1787. Jen'y
ai tien trouvé qui puitſe en empêcher !'imprefion. A
Paris, le 17 Août 1987. R'AULIN,
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
DANEMARCK.
De Copenhague, le 26 Juillet.
TE Prince Royal eft revenu de ſon voyage
dans les Provinces , deux jours plutôt
qu'on ne l'avoit cru . S. A. R. , arrivée
le 22 au foir , s'eſt rendue au château de
Frédéricsberg , où le Roi & la Famille Roya
le ſont actuellement .
Les affaires de la Compagnie de Baltique
& de Guinée viennent d'être remiſes par le
College des Finances aux Conſeillersd'Etat
wendt & Zoéga.
Depuis le 14 juſqu'au 16 , il eſt entré
dans le Sund 102 navires , parmi leſquels
s'eſt trouvé un cutter Hollandois , de 16 c.
N°. 33 , 18 Aoilt 1787.
;
( 98 )
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 3 Août.
Depuis un mois , on avoit preſque perdu
de vue l'Impératrice de Ruffie , & l'on ne
nous apprend point encore ce qui s'eſt paſſé
àCherfon après le départ de l'Empereur ,
ni les circonstances de celui de Catherine II :
ſeulementfait-on aujourd'hui que le 14 Juin
elle étoit à Bielgorod d'où elle devoit repartir
le 16 , pour arriver à Moſcon le 3 Juiller.
Elle a ſignalé ſa magnificence en cette
occafion , comme dans toutes , par des
promotions & des largeſſes. Le Prince Po
temkin a été le principal objet de ces
graces ; il a reçu 100,000 roubles , & le
furnom de Taurien , en mémoire de la réuniondela
Tauride à la Ruſſie.
Uneeſcadre Ruilede fix vaiſſeauxde ligne,
&de deux frégates, eſt en croifiere depuis
quelques jours dans la mer du Nord, ſans
autre but , à ce qu'il paroît , que d'exercer les
équipages.
LePorte-FeuilleHistorique , qui s'imprime
à Berlin, vient de publier l'état général ſuivant
du commerce de Pétersbourg , pendant
l'année 1786.
Marchandises exportées.
roubles, cop.
Parles ſujetsRuſſes , pour..2,480,504 134
ParlesAnglois - • 9,029,533 31
i
1
( حوو
Parles Dano's
502,635 61
Par les Sujets de l'Empereur. 290,151 25
Par les Hollandois 62,629 2
-Les Suédois
65,964 46
Les habitans de Lubeck .
51,260 51
Les François 357,740 55
Les Italiens
201,226 49
- Les habitans de Hambourg
. 20,744 6
-Les Pruffiens
302 92
Les Saxons 1,509 60
LesPortugais 4 78,069 41
LesEſpagnels . 113,145 56
- Les Commerçans & les
Paſſagers de diverſes Nations
32,688 63
- Les Patrons des navires .
71,805 89
TOTAL
13,360,011 46
Marchandises importées.
Par les ſujets Ruſſes , pour ..6,706,216 5
LesAnglois 3,092,756 76
LesDanois
359,497 34
Les Sujets de l'Emp. 112,818 35
Les Hollandois
217,858 17
Les Suédois . 81,201 90
-Les habitans de Lubeck. 89,174 75
LesFrançois 39,567 86
Les Italiens
44,103 60
Les habitans de Hambourg
145,067 734
LesPruffiens . 6,737 40
Les Suiffes
7,607
Les Saxons
20,061 25
Les Portugais
Les Eſpagnols
154,712 70
• 25,099 95
C2
( 100 )
-Les Mecklenbourgeois. 31,326 .
Les Commerçans & les
Paſſagers de diverſes Nations
Les Patrons de: navires.
TOTAL
496,982 764
144,787 89
11,775,577 49
Balance en faveur du commerce de Pétersbourg
, 1,584,434 roubles .
Les droits de douane , y compris 293 rixdalers
d'amende , ſont montés , la même année , à
3,278,050 roubles & 60 copeiks ; en 1785 , ces
droits avoientproduit la ſomme de 3,082,698 гоυ-
bles , & 79 & demi cop. Indépendamment de ces
droits , on a levé aux douanes 55,092 roubles &
copeik pour Fentretien des chamiers & des éco-
Ics , 8,267 roubles & un quart cop. pour confiftcations,
& 1,011 roubles & 12 cop. pour des
marchandites prohibées.
Les douanes de Pétersbourg & de Cronſtadt
ont produit , depuis 1773juſqu'en 1780 , la ſomme
de 13,149,963 roubles & 78 & demi cop .; &
depuis 1780 juſqu'à la fin de 1786 , celle de
20,077,733 roubles & 6 cop . Par conséquent , le
produit des 7 dernieres années a ſurpaílé celui des
7 premieres de 6,927,769 roubles & 27 cop. &
demi . Autrefois , ces droits étoient affermés
àuneCompagnie , quidans l'eſpacede 7 années
n'avoit verſé dans le tréſor Impérial que
10,620,677 roubles &76 copeiks.
Le nombre des bâtimens arrivés dans la même
année eſt monté à 883, dont 46 nationaux , 406
Anglois, 108 Danois , I Impérial , 72 Suédois ,
40 de Lubek , 10 Américains , 43 de Roſiok , It
de Breme , 66 Hollandois , 43 Pruffiens , 6 de
Dantzick , 8 de Hambourg , 3Eſpagnols, 10Por
1
:
( 101 )
tugais , 9 François & Vénicien Le part ini
de ces bâtimens étoit de 69,201 laès . Les
bâtimens partis ont monté à 840 , leur port étois
de 64,687 'lafts .
De Berlin , le 2 Août.
Onn'eſt occupé ici , depuis quinze jours,
que des d. poſitions relatives à la formation
&à la marche de l'armée de la Westphalie.
Les préparatifs ont été achevés avec allez de
promptitude, pour que les Artillers a ent
été en érat de partir le 26 Juillet , afin de
joindre le train d'artillerie qui est forti de
Magdebourg. Hier, les Houzards d'Eben
ſe font mis en route , & aujourd'hui nous
avons vu paſſer ici les Dragons de Lottum,
qui ſe ont ſuivis les par les Houzards de
Goltze : divers régimens de la Vieille-Marche
&un bataillon de Chaſſeurs à pied s'y réun'ront.
La boulangerie de campagne &
Thôpital ambulant font en avant depuis
deux jours.
Le Prince Rofpigliofi , Chambellan de
l'Empereur , & le Conſeiller d'Etat de Sonnenfils
font arrivés de Vienne , & ont eu
une audience de S. M. Ce voyage donne
lieu à beaucoup de conjectures & de railonne
mens .
Le Duc de Saxe-Weimar eſt arrivé à Potzdam
, & a pris ſon logement al chiteas
neuf.
Le Gouvernement a donné connoiſſance
e 3
( 182 )
au nom du Roi , au Prince de Reuf, Miniſtre
de l'Empereur, que S. M. P. faifoit
aſſembler un corps de troupes fur les frontieres
du Duché de Cleves , fans deſſein de.
faire la moindre conquête ſur les Provinces-
Unies , mais uniquement pour obtenir des
Etats de Hollande ſatisfaction de leur conduite
envers la Princeſſe d'Orange.
Nous rapportâmes , il y a deux mois , une
notice très-fuccincte des obſervations mé
téorologiques du Docteur Fries à Uſting-
Welikoi , vil'e du gouvernement de Wologda
, ſous le 60 degré 55 minutes de latitudenord.
Nouspenſons intéreſſer les Amateursde
l'Hiſtoire Naturelle , d'ajouter à ce
précis les réſultats plus détaillés que vient
de publier le Docteur Busching, de ces obſervations
faites depuis le 1 Octobre 1786 ,
juſqu'au 1 Mai 1787.
Le froid le plus fort ſe fit ſentir le 8 Janvier ,
vieux ſtyle ; le thermometre de Delifle marquoit
261 degrés au deſſous de zero.
On éprouva la plus forte chaleur vers la fin
d'Avril; le thermometre monta au-deſſus de 110
degrés.
Différence , 150 degrés.
Le vif- argent ſe ſoutint au-deſſus du point de
congélation pendant 42 jours , ſavoir ; 6 au mois
d'O &obre , 6 au mois de Décembre , 2 au mois
de Février , 9 au mois de Mars & 19 au mois
d'Avril .
Pendant 159 jours , le vif- argent fut au-deſſous
du point de congélation;& pendant 54jours , audeſſous
de 15 degrés , ſavoir ; 5 jours au mois
:
( 103 )
d'Octobre , it au mois de Novembre , ro'
mois de Décembre , 18 au mois de Janvier , 7 au
mois de Février , I au mois de Mars & 1 au mois
d'Avril.
Pendant 27 jours , le vifargent fut au deſſous
de 20degrés , ſavoir ; 3 jours au mois d'Octobre ,
6 au mois de Novembre , sau mois de Décembre
, 7 au mois de Janvier , 4 au mois de Février,
I au mois de Mats & 1 au mois d'Avril .
Pendant 19 jours , le vif-argent baiſſa au -defſous
de 25 degrés , ſavoir ; 2 jours au mois de Novembre
, 9 au mois de Décembre , 8 au mois de
Janvier & 1 au mois de Février.
Le froid le plus fort ſe fit ſentir le 4 Novembre;
le thermometre de Réaumur marquant à
3heures du matin 34 degrés au-deſſous de zero ;
les 1 , 2 & 3Décembre , le vif-argent , expoſé à
l'air , congéla & devint malleable ; le thermomètre
marquant , le 3 Décembre au matin , 51 degrés
au- deſſous de zero ; les 7 , 8 & 9 Janvier , le
thermometre de Réaumur marquant 60 degrés
au deſſous de zero ; le vifargent congéla dans
Pair libre , mais il reprit à midi un moment fa
fluidité .
Le nombre des jours de pluie , pendant Phiver,
a été 15 , & 29 celuides jours où il a neigé. Le
temps fut ferein pendant 86 jours , & nébuleux
pendant 70.
Pendant 17 jours il régnades vents violens du
N. N. O. & du N. E.
Les aurores boréales ont été au nombre de 7 ;
une au mois d: Novembre , une au mois de Décembre
, & 5 au mo'sde Mars.
Le tonnerre ſe fit entendre pour la premiere
fois le 10 Mars , & enſuite le 27 & le 29 Avril .
On pouvoit aller en traîneau depuis le 11 Octobre
juſqu'au 13 Avril. La riviere commen-
C4
( 104 )
ça à ſe couvrir de glace le 12 Octobre ; le 16 Oc
tobre , elle étoit fermée , & le 22 Avril , la glace
fondit.
Le 26 Avril , on a commencé à labourer la
terre & à remuer lesjardins. - Le 30 du même
mois , on vit arriver à Uſting les premiers bâtis
mens venant de Wologda .
De Vienne , le 2 Août.
Le départ du premier bataillon de Ferdinand-
Toscane eſt fixé à après - demain ;
le ſecond bataillon ſuivra quatre jours
après. Les différentes colonnes de l'armée
feront en mouvement la ſemaine prochaine ,
fi de nouveaux ordres ne ſuſpendent l'exécution
des premiers. Déjà l'on annonce qu'il
a été enjoint à quelques Régimens en route
de faire halre &de camper. C'eſt le Comte
Henri d'Esterhazy que le public continue de
mettre à la tête de cette armée deſtinée pour
lesPays Bas. :
On parle toujours du voyage de l'Empereur
vers les mêmes Provinces. Les Officiers
des deux Gardes nobles Hongroiſe & Gallicienne
, doivent accompagner le Monarque ;
pluſieurs Secrétaires du Cabinet & de la
Chancellerie de Guerre le ſuivront , & l'on
prépare ſes équipages de campagne. Onévalueà
sono le nombre des chevaux néceffaires
à l'artillerie & aux bagages , & à
400,000 florins la dépenſe de cet objet.
Il est également queſtion d'un mouvement
( 105 )
dans le Corps Diplomatique. On donne au
Comte de Belgiojoſo un ſucceſſeur dans, la
perſonne du Comte de Cobentzel , Ambaffadeur
de S. M I. en Ruflie , & qui fera rem .
placé à Pétersbourg parleComte de Rewitzky
astuellement à Londres , où paſſeroit le
Baron de Swieten , dont la place de Bibliothécaire
ſeroit occupée par le Baron de
Martini.
Un bataillon du régiment de Pelegrini ,
en garniſon dans cette Capitale , s'eſt rendu
le 19 Juillet à S. Hippolire.
Quatre autres Régimens ont encore reçu
l'ordre de ſe tenir prêts à marcher , ce qui
fait en tout 18 Régimens.
L'Archiduc François est arrivé le 12 dans
la fortereſſe de Pleil , S. A. R. comptey
reſter 10jours.
:
De Francfort , le 7 Août.
L'Empereur ayant demandé le paſſage
pour 15,000 hommes parle Cercle de Souabe,
le Duc de Wirtemberg , en ſa qualité
de Directeur du Cercle , a envoié des Commiſſaires
à Fribourg , pour régler tout ce qui
eſt relatif à cette demande.
Le régiment Impérial de Neugebauer
s'eſt mis en marche du Tyrol , & doit être
arrivé à Bregenz , le 28 du mois paffé.
Les nouvelles de la Praffe &de lawetphatie
annoncent éga'ement les plus grands
es
( 106 )
préparatifs militaires. Le 24, la premiere
diviſion des Huſſards Pruſſiens , qui ſe rendent
dans le Duché de Cleves , a paflé par
Brunswick.
«Laguerre paroît inevitable , écrit- on deBrandebourg;
tout eſt en mouvement à Berlin &
dans les provinces voiſines de la Hollande. Le
Conſeil Supérieur de Guerre a eu pluſieurs conférences
avec le Directoire général. Les ordres
gul rappellent les ſemeſtriers de l'Artillerie ,
ſont partis ; ils doivent joindre leurs Régimens
lepremier Août. Le Régiment de Dragons de
Lottum , en garnison à Schwedt, le premier
bataillon des Huſſards de Golz & celui d'Eben ſe
ſont mis en marche le premier du même mois.
Les deux Régimens de Cuiraſfiers en garniſon à
Salzwedel & a Aſchersleben , le Régiment d'Infanterie
de Knobelſdorf à Stendal , & deux bazaillons
de Grenadiers à Halle ſont prêts , & attendent
les derniers ordres . On aſſure que
J'armée ſera en mouvement vers le to Aoούς » .
Le 9 on a fait à Emmerick le dénombrement
des maiſons pour déterminer les logemens
des troupes. Le 12 on publia que ceux qui
voudront prendre du ſervice comme valets d'artillerie
, pouvoient ſe préſenter à l'hôtel-deville.
On aſſure que l'armée du Roi marchera
en deux colonnes des deux côtés du Rhin ,
&qu'elle fera commandée par le Feld-Maréchal
Duc de Brunswick.
Un courrier arrivé de Moſcou à Pétersbourg,
le 28 du mois de Juin , a apporté la
nouvelle que l'Impératrice étoit arrivée dans
la premiere de ces Capitales , le 23 , &
qu'elley ſéjourneroit probablement juſqu'au
de Juillet.
( 107 )
'Plufſeurs papiers publics aſſurent que le Divan
a remis au Miniſtre de Ruſſie , peu de
tems avant ſon départ pour Cherſon , une note
circonftanciée dans laquelle il ſe plaint entre
autres chofes de la conduite du Conſul Ruſſe à
Alexandrie , qui a entretenu une correſpondance
dangereuſe avec les Beys rebelles d'Egypte,
de celle des Confuls dans la Moldavie&
la Vallachie qui , contre le droit des gens ,
protegent l'émigration des ſujets de ces Provinces,&
de l'aſyle accordé par la Ruſſie àAlexandre
Mauro Cordato , ancien Hoſpodar fugitif de
la Moldavie , ce qui eſt contraire aux diſpoſitions
du Traité de Kainardgi. La PorteOttomane demande
fatisfaction de ces griefs , & attend à ce
Sujet la réponſe delaCour de Pétersbourg.
ITALIE.
De Florence , le 30 Juillet.
Pourdétruire tout arbitraire,& toute inégalité
dans la perception des droits ſur les
marchandiſes , en quarantainedans les Lazarets
du port & de la ville de Livourne , le
Grand-Duc a fait publier un Edit , en date
du 1 5de ce mois, qui établit un nouveautarif.
Les marchandises y font taxées en faveur du
commerce, à raiſon de 30 pour cent au def-
1ous des plus bas prixddee llaaplace, entemsde
calme& de longue paix.
« On avoit éprouvé , pour la premiere fois ,
l'été dernier , dans la campagne de Volterre ,
>>l>es funeſtes effetsde la morſure d'une eſpece
>> de grenouille rouge , dont le venin droit &
c
( 108 )
1
>>fubtil , qu'il cauſoit , dans l'inſtant même de la
morſure, des convulfions violentes très-difficiles
à calmer. On craigreit beaucoup la
>>>multiplication de ce redoutable fléau ; mais
il eſt heureuſement devenu fort rare cet été ,
>& la morſure de l'animal paroît être beau-
>> coup moins dangereuſe &plus facile à guérir.
(Nous avouons ne pas connoître la grenouille
rouge , & encore moins la grenouille véni
meuſe. Il exiſte en Amérique une eſpece de
grenouille rougeâtre , mais qui ne paroît pas
avoir été tranſportée en Italie ).
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 7 Août.
Le Duc d'Yorck , Evêque d'Osnabrück
eſt arrivé le 2 au Palais S. James , d'où il
s'eſt rendu à Windſor. S. A. R. qui vient
d'Hanovre , après une abſence de ſept ans ,
atraverſé la mer de Douvres à Calais , accompagnée
du Colonel Grenville : en débarquant,
Elle a paru , comme ici, dans l'Uniforme
de ſon régiment des Gardes à pied ,
&a été reçue du peuple & de la Famille
Royale avec les plus vives marques d'allégreſſe
. Ce Prince , âgé de 24 ans , a pris de
l'embonpoint depuis ſon départ d'Ang eterre;
& ſa figure égale , fi elle ne forpaſſe
celle du Prince de Galles. Son arrivée aattiréun
grand concours à Windfer , & l'on
préſume que ſon ſéjour dans ſon pays natal
fera d'environ deux mois .
!
( 109 )
Preſqu'en même temps on a reçu des
nouvelles du Prince William Henri qui , de
Port Royal en Jamaïque , alloit s'embarquer
pour la Havanne ſur la frégate qu'il
commande. De l'iſle de Cuba le Prince pafſera
en Floride , & viſitera les principaux
ports de l'Amérique ſeptentrionale , afin de
prendre une idée exacte de ces côtes. La
croifiere de S. A. R. ne finira qu'à la fin de
1788. Peu d'Officiers ont fait l'apprentifſage
de leur état avec plus de foin & d'affiduité
. Le Prince William Henri compte à
peine 22 ans ; & il a déjà vu l'Amérique Angloſe
& les Indes Occidentales , la Méditerranée
& l'Afrique , & il a aſſiſté à cinq
batailles. S. A. R. projette , après ſon retout
, un nouveau voyage aux indes Orientales.
Les Lettres des ports confirment les
nouveaux ordres expé iés par l'Amirauté ,
de completter d'hommes & de vivres les
vaiſſeaux en armement. Tous les Oiticiers
de l'eſcadre du Commodore Gower ont eu
injonction, ces jours derniers , de ſe rendre à
leur bord , & il a été défendu à ceux qui
font revenus des Indes Occidentales & de
l'Amérique de nierement , de ne pas quitter
le Royaume , ſans une nouvelle permiffion ,
ſous peine de n'être plus emploiés à l'avenir.
Les courriers de Hollande & les Conſeils
font toujours très- fréquens, ce qui affujettit
le Marquis de Carmarthen , Stcré-

( 110 )
faire d'Era au département de l'Etranger ,
à ne pas quitter la vil'e Pluſieurs Seigneurs
ont demandé au Roi la liberté d'aller offrir
leurs ſervices au Prince d'Orange.
: La frégate la Vestale de 28 can. , actuellement
enarmem nt à Deptford , doit ſe rendre
à la ſtation de la Méditerranée & con .
duire en même temps à Gibraltar leGénéral
Frédéric Haldimand , qui vient d'être nomméGo
iverneur de cette fortereſſe, à la place
duGénéral Elliot , maintenant Lord Heath
field. Le Major Général O'Hara remplace le
Général Boyd , en qua'ité de Lieutenant-
Gouve neur de la même place; Mr. Boyd
ayant obrenu fa retraite. Mr. Haldimand eſt
originaire du Canton de Berne en Saiffe , & il
eſt peu d'exemples enAngleterre d'une pareille
fortune militaire , acquiſe par un Etranger.
Le nouvear Gouverneur de Gibraltar a
été Commandant à New- Yorck , avant la
rupture des Colonies , Gouverneur du Canada,&
faitChelier de l'Ordre du Bain .
«Les liens du ſang, dit le Morning Poft ,
>> ne font pas les feu's qui uniffent le Roi
>>>d'Angleterre au Prince d'Orange ; l'in-
>>>fluence de la Maiſon de Naſſau aſſure à
>>>l'Angleterre un commerce très lucra it en
>>>Hollande , & cette conſidération doit être
>>d'un grand poids pour le Conſeil Britanni-
>>que. On peut ſe former une idée de l'im -
>> portance de ce commerce , en apprenant
>> que pen fant l'année qui a précédé la dé
>>claration de la gterre derniere aveclaHollande
, les importations faites de la Gan-
>>de-Bretagne aux Provinces-Uniss , font
>>montées , ſelon les calculs les plus modé-
2 res, à 2,026,722 liv. ſterl . ; & les exporta-
>>tions de la Hollande en Angleterre , à
400,273 liv. ſeulement; ce qui a procuré
>> à cette derniere unebalance en ſa faveur ,
>> d'un million fix cens fix mille quatre cens
> liv. fterl. » ( Ce calcul eſt très exagéré. )
Le prix des grains vient de s'élever au taux
fixé par la Loi , pour faire ceſſer la libre exportation
& les primes accordées aux exportateurs.
En conféquence , il a éré defendu
d'exporter des grains & de la farine à d'au
tres endroits qu'aux Co'onies.
Les pluies abondantes qui font tombées
derniérement , retarderont conſidérablement
le moment de la récolte. Les plantations de
houblon font très retardées & ne pourront
être à leur maturité qu'à la fin du mos , &
même plus tard dans certaines Provinces.
L'humi dité de la ſaiſon ayant occaſionné
différentes maladies chez les mourons , mais
particul iérement the Murrain, ( leTac ) nous
croyons rendre ſervice au Public de lui indiquer
la recette ſuivante , qui a réuſſi généra'ement.
Prenez parties égales de ſuie , de poudre à
canon ,de ſoufre & de fel , & donnez en à
l'animal malade une cuillerée , avec la quantité
d'eau ſuffiſante pour faire deſcendre le
( 112 )
+
tout, en ayant ſoin de ſaigner la bête aupa
ravant. L'uſage de la racine de garance eſt
auſſi ſalutaire dans certe maladie. LLoorrſque
l'on ſoupçonnera quelque mouton d'être
infecté , on examinera ſa langue, on gratte a
les puſtules dont elle ſera couverte , avec un
inſtrument d'argent ,garnide petites dents ,
juſqu'à ce qu'elle faigne abondamment ;
alors on l'eſſuiera avec un linge& on la lavera
pluſieurs fois avec du vina gre &du ſel .
Enſuite, on fera prendre à l'animal , trois ou
quatre fois par jour , la potion ci-deſſus indiquée
, & on éprouvera conſtamment les
bons effets de ce traitement.
Laplace de premier Lord de l'Amirauté
ne donne pas entrée au Cabinet ; il faut une
nomination ſpéciale. Le Comte de Sandwich
n'y fut admis qu'en vertu de ſes grandes
connoiſſances politiques . Pendant que
Lord Anſon préſidoit ce Bureau de l'Amirauté
, il reçut ordre de M. Pitt , alors Secrétaire
d'Erat , d'équiper une puiſſance
flotte. S'étant permis de demander au Miniſtre
la deftination de cet armement , l'immortel
Homme d'Etat lui demanda s'il éroit
capable de garder un ſecret ? Oui, répondit
Lord Anfon. Et moi auſſi, répliqua M. Pitt.
On peut juger de l'importance de la Pèche
de la Baleine au Groenland , d'après le tableau
des profits paffés qu'y firent les Hollandois.
Pendant les quarante - fix années antérieures à
1721 , ils employerent à cette Pêche 6959
( 113 )
Bâtimens , qui pêcherent 32908 Baleires ,
eſtimées environ 16,000,000 livres ſterling.
Tel eſt le produit pécuniaire de cette branche
d'industrie , indépendamment des autres avantages
qu'elle procure à l'Etat qui fait l'encourager
, tels que la popularion , & la formation
de Marins également habiles & intres
pides.
FRANCE.
De Versailles , le 12 Août.
Le Roi tint ici , le 6 de ce mois , un Lic
de Justice , pour l'enregiſtrement de la Subvention
territoriale , & de l'impôt du Tim
bre. Monfieur, Monseigneur Comte d'Artois
, le Prince de Condé, le Duc de Boirbon
& le Prince de Conti y ont alité ,
ainſi que les grands Officiers , les Miniſtres
&toutes les autres perſonnes , ayant féance
aux Lits de Justice , qui y avoient été convoquées.
De Paris , le 15 Août.
Réglement du Roi , du 9 Août 1787 , fur
quelques dépenses de ſa Maiſon & de celle
de laReine.
SA MAJESTÉ a ordonné aux perſonnes chargées
des différens départemens qui ne la touchent
pas perſonnellement , de lui préſenter les économies
dont ils eroient ſuſceptibles. Plufieurs retranchemeris
effentielsy ont déja été opérés , ou
déterminés ,& les autres ſeront ſucceſſivement
( 114 )
portés au plushaut point qu'ils puiſſent atteindre.
Mais Sa Majefté s'eſt reſervée à elle -même ce qui
concerne ſa propre Maiſon ; e'le ne regrettera
jimais, ni la ſplendeur aapppparente du Trône , ni
le faſte de la Cour , ni même f'eſpece d'aiſance&
de commodité qu'on ſuppoſe réſulter du grani
nombre d'Officiers qui l'environnent ou qui la
fervent: ce qu'elle regrette ,& qui eſtun véritable
ſacrifice pour ſon coeur , c'eſt la privation
qu'éprouveront des perſonnes qu'elle honore de
fa bienveillance ; c'eſt l'éloignement de ſerviteurs
dont elle connoît le zèle & la fidélité ; c'eſt la
ceſſation du bien qu'elle avoit fait aux uns & aux
autres , &degraces ſur la durée deſquelles its
avoient en quelque forte droit de compter. Ces
conſidérations ont vivement touché Sa Majesté ,
&enmême tems qu'elle n'hésite pas à ſacrifier à
ſon amourpour ſes peuples , toute dépenſe inutile
, elle ſe réſerve de donner à ceux à qui cette
reforme peut porter préjudice , des preuves de ſa
bonté &de ſa bienveillance. Quoique Sa Majefté
ne puiffe pas encore ordonner &régler tous les
détails qui tiennent aux réformes qu'elle a projettées
dans ſa Maiſon , elle a réſolu d'en faire
connoître les principaux objets , afin que ceux
qui doivent les exécuter, puiſſent lui préſenter ,
fans differer , les expéditions & les réglemens
néceſſaires pour y parvenir. En conféquence , Sa
Majeſté, indépendamment de l'ordre &de l'économie
qu'elle veut être ſuivis dans toutes les
dépenses qui ſubſiſteront ,& fans préjudice d'un
examen encore plus approfondi de celies quipourroient
être retranchées ou modifiées , & dont le
réſultat ſera connu par les états de recette & de
dépense qu'elle ſepropoſe de publier , a ordonné
:
:
!
( IIS )
&ordonne ce qui ſuit: 1. SaMajefté a conſidéré
que , fi ceux qui font attachés à ſon ſervice ne
peuventtellementyêtre fixés toute l'année , qu'ils
n'aient aucun tems pour vaquer à leurs affaires ,
il n'en eſt pas moins vrai , que les ſervices par
quartier multiplient à l'excès , fans néceffiué ,&
&même ſans utilité réelle pour ſa perſonn , des
places , dont pluſieurs font coûteuſes, tant par
elles-mêmes que par les priviléges qu'elles entraînent;
en conféquence , à l'exception des premiers
Gentilshommes de la Chambre , &des premiers
Valets-de- chambre , qui refteront au nombre de
quatre , Sa Majeſté a ordonné qu'à commencer du
Ier. Janvier prochain , tous les ſervices de ſa
Chambre, qui ſe faiſoient par quartier, ſe feroient
par ſemeſtre ,&qu'en conséquence , la moitié des
places actuelles ſeroit ſupprimée : Sa Majesté a
arrêté que cette réduction tomberoit ſur les moins
anciens , à moins qu'Elle ne jugeât à propos d'accorder
une retraite à quelqus-uns des plus anciens.
Sa Majesté ſe propoſe encore d'examiner
fi le nombre des places , que cet arrangement
laiſſe ſubſiſter , ne pourra être diminué , ſon intention
étant de ne conſerver que celles qui lui
font néceſſaires .
2º. Sa Majeſté veut que la ſuppreffion des ſer.
vices par quartier ait lieu dans ſa Garde-robe
commedans ſa Chambre , & de la même maniere.
S. M. s'eſt auſſi déterminée , ſur la propoſi
tion du ſieur Duc de Liancourt , Grand-Maître
de la Garde- robe , à ordonner la ſuppreſſion des
vingt huit offices privilégiés d'arts & métiers
qui fontdans le caſuel de ſa charge.
3º. S. M., ayant par ſon Edit du mois d'Août
1780 , & par ſon Réglement du 17 Août 1780 ,
fait dans ladépenſe de labouche tous les retran:
( 116 )
chemens dont elle eſt ſuſceptible , il ne refle
qu'à y affurer dans tous les détails P'ordre & l'économie
que Sa Majeſté a ordonnés. Il en eff
demême de la dépenſe des Mernus & du Gardemeuble,
laquelle dépend principalement des circonſtances
, & Sa Majesté a ordonné que les
dépenses y fuſſent reſtreintes , & qu'on mit
le plus grand ordre dans celles qui ſeront
nécellaires.
4°. Quoique Sa Majefté ne puiſſe que ſe
louer des projets d'économie qui lui ont été
préfentés par ſon grand Ecuyer & fon premier
Ecuyer ; quoique ces économies , & particulièrement
celles qui lui ont été propoſees pour la petite
Ecurie , ſoient très-confidérables , & ſe porsent
auſſi haut que le régime actuel ſemble le
permettre , Elle a cependant confidéré que ff
lesdeux Ecuries étoient réunios ſous une ſeule &
même adminiſtration , il en réſulteroit encore un
bénéfice pour ſes finances; en conféquence &
malgré la fatisfa&ion qu'Elle a toujours eue des
ſervices du fieur Duc de Coigny , & dont Elle
eſt diſpoſée à lui donner des preuves , Elle a
réſolu qu'à commencer du premier Octobre
prochain , il n'y auroit plus qu'une ſeule Ecurie,&
de diminuer aini les Pages, les Ecuyers ,
les bureaux , les ſervices doubles & tous les
frais que deux adminiſtrations différentes
peuvent manquer de multiplier. Sa Majesté a
de plus conſidéré que les traitemens en chevaux&
voitures , accordés à certaines perſonnes
étoient plus diſpendieux pour le Tréſor-royal ,
que des traitemens en argent , & pouvoient
donner lieu à plufieurs abus , Elle a déclaré &
déclare que ſon intention eſt que nul Ecuyer ,
mêmeleGGrraand-Ecuyerr ,, & généralement toutes
les perſonnes employées au ſervice de ſon
ne
:
( 117 )
Ecurie, ne puiſſent , pour leur uſage perſonnel,
& fi ce n'eſt pour accompagner Sa Majefté , ſe
ſervir de chevaux , voitures , harnois , cochers ,
poſti lons , palefreniers , & généralement d'aucune
choſe , & aucune perſonne attachée à
ſon Ecurie. Par la même raiſon , Sa Majesté a
révoqué & révoque toute conceſſion de ce genre
faite juſqu'à ce jour , ſe réſervant , s'il y a lieu ,
de dédommager , ainſi qu'Elle jugera convena.
ble , les perſonnes à qui elles avoient été accordées.
Sa Majefté a encore ordonné que les
Ecuyers du Roi , ſervant par quartier , fuſſent
diminués de moitié , & que leur ſervice fût
réduit & par ſemeſtre. Sa Majesté a ordonné ,
en même temps , que le nombre des chevaux ,
des voitures , & des perſonnes attachées au ſervice
de l'Ecurie , fût réduit à ce qui eft abſolument
néceſſaire pour ſon ſervice & celui de
la Famille royale ; & Elle a ordonné qu'il lui
fût préſenté un Réglement , pour déterminer,
de la maniere la plus économique, toutes les
parties de dépenses qu'il n'est pas poſſible de
retrancher.
5°. Sa Majesté a ordonné que toutes les dépentes
de laVénerie fuſlent réduites,& enmêmetempsElle
a arrêté : que la grande Fauconnerie,
en ſon entier , & une grande partie du Vol du
cabinet; la Louveterie & tout ce qui y a rapport;
Je Vautrait & tout ce qui en fait partie , ſeroient
fupprimés , & ce , de maniere que la dépenſe
deldits équipages foit rayée des états de dépenſe ,
au premier O&obre prochain.
6°. Quoique Sa Majesté , depuis ſon avenement
au Trone , ait déjà infiniment réduit ſa
Maiſon militaire, ne voulant cependant rien
négliger de ce qui peut contribuer au ſoulagement
de ſes ſujets , & ne retenir de l'éclat
( 118 )
qui l'environne que celui qui eft abfolument
eſſentiel à la dignité de ſa Couronne , Elle a
arrêté : que les Gendarmes & Chevau-légers
de laGarde ordinaire du Roi ſeroient réformés.
Les Officiers de ces Corps , ainſi réformés , ſeront
remplacés , ſuivant leur grade , dans les
Troupes de Sa Majeſté; ils conſerveront leur
traitement juſqu'à cette époque, ouà celle de leur
promotion au grade de Maréchal-de camp , &
feront dans l'un ou l'autre cas rembourtés de
leur finance. Sa Majeſté a pareillement arrêté
que la compagnie desGardes de la Porte ſeroit
réformée.
7°. En acquérant de nouvelles habitations , Sa
Majefté a toujours eu intentionde ſe défaire de
pluſieurs maiſons qui avoient été lademeure des
Rois ſes prédéceſſeurs , & qui , en conféquence ,
étoient à la charge des bâtimens. En conféquence
, Elle a ordonné la démolition ou la
vente des châteaux de Choisy , la Muette , Madrid
, Vincennes , Blois , & , en même temps ,
Elle a ordonné que toutes les maiſons qu Elle
poffede à Paris , & qui n'entrent pasdans les plans
du Louvre , ſoient vendues. Outre la réduction
des dépenses qui réſultera de la fuppreffion defdites
maiſons , Sa Majesté a ordonné que l'état
général des dépenſes desbâtimens fût remis tous
les ans au Conſeil royal des finances , avant d'y
étre flatué , comme il eſt dit au Réglement concernent
ledit Conſeil. Sa Majefté a ordonné que
ledit état fût réduit au néceſſaire , & particulierement
aux réparations ſur leſquelles la négligence
ſeroit plutôt une diſſipation qu'une économie.
8°. La Reine animée des mêmes vues que le
Roi , pour le ſoulagement des peuples , a porté
Elle-même ſes recherches ſur toutes les parties
( 119 )
de ſaMaiſon : la Bouche, laChambre , l'Ecurie,
tout a éprouvé une réduction conſidérable. Toutes
les places inutiles of teté ſupprimées, & quoique
plufieurs de ces places exigent leur rembourſement
& quelques retraites indiſpenſables
le bénéfice actuel , pour le Tréſor-royal , réfultant
des retranchemens ordonnés par la
Reine , ſera de plus de neuf cens mille livres.
9°. Le Roi en conféquence du préſent Réglement
, arrêté par lui , a ordonné que tous Edits ,
Arrêts &Réglemens néceſſaires à l'exécution des
articlesy contenus , tant pour la Maiſon que de
celle de la Reine , lui ſeroient inceſſamment préſentés
, pour que ſes intentions fuſſent ſuivies de
l'effet qu'elles doivent avoir. FAIT à Verſailles ,
le 9 Août 1787. Signé , LOUIS. Et plus bas ,
LE BARON DE BRETEUIL .
L'eſcadre d'évolution , aux ordres de M
de Nieul , n'eſt point encore rentrée , à ce
qu'on écrit de Breſt ; mais l'aviſo qui lui
avoit été expédié avec des dépêches à ouvrir
àune certaine hauteur , a regagné le port ,
fatigué par les gros temps qui ne lui ont pas
permis de tenir plus long temps la mer.
Suivant quelques avis reçus de l'Inde , le
13 Décembre dernier , il y eut une action
entre l'armée de Tippoo Saïb , & celle des
Marattes qui a été ſurpriſe , taillée en pieces ,
& a perdu 7 mille chevaux , s éléphants ,
20 mille boeufs & la caiſſe militaire. Les
nouvelles en grand nombre reçues à Londres
par 8 à 10 bâtimens très récemment
arrivés de l'Inde , ne repréſentent pas cette
affaire comme auſſi confidérable àbeaucoup
près ; mais elles confirment que Tippoo
( 120 )
Saib a pillé une partie du camp des Marattes.
Ondit que les Envoiés de ce Prince en
France ont dû partir de Pondichery , pour
artiver en Septembre dans nos ports.
>>>Le 16 du mois dernier , 27 batimens ,
>>partis de différens petits ports de la côte
>>de Morlaix , ſe réunirent & ſe porterent
>> en haute mer, pour y faire une pêche plus
>>>abondante de maquereaux. Un teul des
>>bateaux réunis eſt ordinairement pourvu
>>>d'une bouſſole, &tous les autres reglent
>> leur marche ſur la ſienne , ce qui eſt au
>> moins très imprudent. Depuis deux heu-
>> res , ils avolent perdu la terre de vue ; ils
>>>étoient à 10 ou 12 lieues au large , la mer
>>> éroit belle , tout leur promettoit une på-
>> che heureuſe. Un nuage noir s'éleve tout-
>>>à coup du couchant , & obfcurcit peu à-
>>>peu l'horizon, le bateau principal donne
ود
Je ſignal de retourner vers la rene , &re-
>> prend ce chemon; les autres le ſuivent ;
>> mais un vent impétueux du fud-oueſt ſe
>> déclare : il ſepare les bateaux; les nuages
>> en s'amoncelant , dérobent le foleil; une
>> des barques reſte ſeule avec trois hom-
» mes , un vieux pêcheur , ſon fils & fon
» neveu, tous de la Bretagne ; après une
>> priere courte & ardente , ils réuniſlent
>>>leurs efforts , le vieillard au gouvernail
>> réglant la marche du bateau ſur le toleil
>> qui perce les nuages par intervalle , les
>> deux autres s'occupant ſans relâche à le
vuider
( 121 )
>> vuider de l'eau qui y entre à grands flors.
>>>Le vent augmente , la driffe & les écon-
>>tes crient& ſe rompent à la fois , la voile
>> tombe, il faut que le travail y ſupplée. Le
>>>vieillard , plus accostumé à ces ſcenes
>>effrayantes , confole fan fils &fon neveu,
>>& leur donne des eſpérances qu'il n'a pas
>> lui-même. Une lame fond tout à coup
>> fur le bateau , lui donne une ſecoufle vio-
>> lente , emporte ſon fils , & le précipite
>>dans la mer. Le pere accablé , forcé de
>>quitter le gouvernail pour prendre la ra-
>>me , affoibli par la douleur , épuiſé bien-
>>> tôt par le travail , ſuccombe & tombe
>ſans conno flance. Son neveudéſeſpéré ,
» quitte lui-même 'a rame, ſe couche au-
>>>près de lui , n'attendant que la mort , &
>> s'abandonnant à la fortune. Il paffe la
>>>nuit dans cet état; le lendemain , à la
>>>pointe du jour, il aprerçoit l'iſle de Batz ;
>> mais le vent l'en eloigne , &'e porte vers
>>>la terre ferme, il eſſie de redreſſer la
voile pour en profiter ; & il y arvient.
>>>Le 17 à 4 he res du foir, il arriva à 1 re-
>>>meneach , côte éloignée de deux lieues du
>>port d'où il étoit parti. Son oncle vivoit
>> encore , & n'eſt mort que 24 heures après
>> ſon accident. Les perſonnes bienfaiſantes ,
>>qui voudroient donner quelques fecours
>>à la famille de ces info tunés , ſont priées
>>de les adreſſer au Subdélégué de Lene-
N°. 33 , 18 Août 1787.
دو
f
( 122 )
>> ven , & au Recteur de Landeda , évêché
de Léon .
Le regiment de la Marine ( diviſion de
Rochefort ) , pour ſe ſouſtraire à la fievre
qui ravage la Rochelle, vient de campet
fur les coreaux de la Taniere , près Charente,
devant un bo's très-épais : on a prariqué
au bas de la coline une piece d'eau , à
l'aide d'une fontaine , qui , dit on , a la propriété
de guérir la fievre.
Depuis très peu de temps , on a chargé
dans le portde Charente, po ir les Ang'ois ,
une quantité conſidérable de pieces d'ea:1-
de -vie ; il y a encore cinq valffeaux étrangers
en rade , qui font fur le point de mettre
àla voile.
Le navire le Commerce , de l'Orient , a
reçu à 60 ficues de IIfle de France , le coup
de vent du 14 au 11 Décembre dernier ; &
'comme il en a conſidérablement fo ffer,
il a éré condamné , après être rentré dans
cette ifte. ( Journal de Guienne. )
On écritde Bordeaux que le 8 de Juillet on
y affaffina M. Benoît , Horloger , qui viva't
Yons parens & fans demeſtiques. Un particulier
ſe préſente chez lui le Samedi 7. il lui acheta
une montre de 25 louis , lui donna ro loui à
compte, & ſe retire en lui laiſſant la montre ,
& en dui promettant de lui apporter le lanes
main le turplus de la fomare convenue. Erfec
tivement le même particulier wint chez lui le
lendemain Dimanche, il lui annonça qu'il ne
seroit pas muni de la fomme , parce qu'il ne &
( 123 )
croyoit pas ſe trouver à portée de paſſer ce
jour- là dans ce quartier , & il perfuada à l'Horlogerde
ſe rendre lui même chez lui , pour y
recevoir fon argert. L'Horloger le fuvit dans
une affez belle maifon que ce particulier avoit
louée depuis trois jours , rue des Andouilles ; il
y fut atlaffin' , dépouillé de ſes clefs , coupé
par morceaux & jette dars les latrines , à l'exception
de la tête qui se trouva trop groſſe ,
relativement à la circonférence du tuyau ,
qui fut jettée dans un puits bannal & voifin .
Les a fallins , ( car on croit qu'ils étoient plu-
Gours , )ſe transporterent pendant la nuit du
Dimanche au Lundi dans la maison de leur
victime y volerent des objets précieux pour
envi on 20 mille livres , & prirent la fuite.
Cet événement a été découvert par les recherches
que fit faire le Corps Municipal , chargé
de la police de Bordeaux , lorſqu'il s'apperçut
de la d ſparution de l'Horloger , & les atfaffins
ont eu tout le tem de s'eroigner du théâtre
de leur crime , parce que les traces n'en ont
été découvertes que le 15 .
,
Le Journal de Médecine du mois de Ju'n
dernier , cite une obſervation de M. La Flife ,
Docteur en Médecine , Prefident du Collège
Royal de Chirurgie de Nancy , fur
un empoisonnement caufé par une trop
grande doſe de nite. Ce Médecin avot
ordonné à une Dame une once de fel de
Sedlitz , comme purgatif. Elle envoya une
de ſes femmes chercher le ſel , le Droguiſte
chez qui on s'adreſſa donna , par
mépriſe , une once de fel de mitre. La Dame
le prit , éprouva bientôt tous les accid.ns
12
( 124 )
qui accompagnent l'empoisonnement , &
au bout de trois heures mourut. = Cet
événement engagea M. la Flife dans des
recherches ſur l'uſage intérieur du ſel de
ritre , & il a trouvé dans un Auteur ang'ois
des dérails circonstanciés fur les dangers
d'adminiſtrer le nitre à grande doſe, entr'autres
une obſervation du même genre. La
femme d'un Epicier d'Edimborg fut for
le point de périr par l'erreur d'une fille de
boutique qui lui fit prendre du nitre tour
du fel de glaubert. Le nitre eſt un excellent
remède en Médecine , mais à dis
dotes modérées . Comme on en abufe quelquefois
, fur tout parmi les gens du peuple
, nous avons cru devoir donner de la
publicité à cette obſervation .
LETTRE écrite au Rédacteur.
>> Monfieur ,
>> Hier au foir , 23 Juillet , je traverſois 'a
>> p'a'ne d'Azincourt , tamenfe par la dé-
>> faite des Francois , en 1415 , & qu'on
>> appelle avecraiſon dans le pays le cimetiere
>> des François , puifque 10.000 d'entr'eux
>>yfurent ente res; il étoit dix heures : le fi-
>> lence& f'obſecurité de la nuit , les appro-
>> ches d'un oraze , qui paroiſſoit prêt à
>> fon lre ſur ma tête , & quelques réflexions
>> que le lieu m'inſpiroit ſur les maux quela
>>légereté Françoiſe & la bravoure inconſi-
>> dérée ont faitdans tous les temps , & le-
2 sont à la Nation, m'avoient plongé dans
( 125 )
>> une rêve je profonde. Il tomboit une pluie
>> légere : toutà coup te ciel s'eclaircit en
>>> partie ve s le Sud Ouest , la lune parut; &
>>>je vis ſe former vers le Nord un arc en
>> cel, qui demeura imparfait : fa bale pa .
>>>roifloit toucher la terre ; il n'avoit point
>> la variété & la vivacité des couleurs qu'a
>> l'arc en ciel fonné par le ſoleil; il étoit
>> terne & grifate ; &il ſemble que cela
>>devo t être : fi l'on a obſervé quelquefo's
>>>des arcs en ciel lunaires bien forms &
> avec des couleurs brillantes , la lune étoit
>> dans ſon plein. J'oubliois de vous dire
>> que cet arc en ciel dura hait ou dix mi-
,” ites ככ
Saint Omer , 24 Juillet 1787 .
MÉVOLKON , Chanoine de l'Eglife
de Saint-Omer.
Dans lanuit du 24 au 25 de Juillet , la
riviere d'iſere enda tout à coup , & vers les
neufheures du matin elleſe déborda à Grenoble
dans , le fauxbourg très Cloîtres , qui
eſt le quartier le pius expo é à cet accident.
Heureuſement ſes progrès cafferent bientôt
a) ès. Cette crue ſubite eſt l'effet des pluies
abondantes qui ont eu lieu pendant trois
jours de fuire. Elle a occaſionné beaucoup
de perte dans les campagnes , ſur tous les
fon is riverains que l'on moiffonne actueliement;
l'on voyoit fur la riviere paſſer une
très grande quantité de gebes. Le Draca
été également très enflé.
£ 3
1126 )
Le 4 du mois de Juillet , la Société l'bre &
littéraire d'Agen a tena fa féance publique .
M. de Cazabenne de la Jonquere , Avocat Général
de la Cour d's Aides de Montasban , &
Membre de l'Acad mie de la mene ville , a fait
les fonctions de Directeur en lastence de M.
Viqué , & a ouvert la féance par un Pifcours
Jur laSupériorité des femmes dans les ouvrages d'efprit.
M. de Bergognié , Confeiiter au Predtial ,
a lu une traduction en vers de deux Ols d'H
race ; M. de Saint -Amans , de l'Académie de
Bordeaux , un Difcours fur l'hi oive de la Buras
nique . Er la maniere d'étudier cette foience ;Mde
Bergognié a lu une Ole contrele ſyſteme d'E
picure ; M. l'Abbé Gignix , Prieur de Nogar
ret , lapremere partie d'un Ouvrage intitulé :
de Pinfluence des I ngues fur le developpement de
nos connoiffances ; M. Hébrard un Poeme
fur les charmes dla poéfre ; M. de la Fond du
Cujula , Se tétaire Perpétuel de la Société , &
Cortefoondant des Mafées de Paris & de Bordeaux
, a terminé la Séance par'e compte rendu
des travaux de la Soviéré d rant le cours de
Faunée , & par des réflexions fur les Sociétés
libres.
,
François Paſchal Dumeſnil , Baron de
Maricourt, Seigneur de Bretencourt & de
Lizines , en Brie , ancien Lieutenans Colosel
du régiment royal-étranger , Cavalo
rie , Chevalier de l'Ordre royal & militaire
de Saint Louis , eſt mort , en Normande,
âgé de 85 ans. Il avoit eu deux doigts du
pied gelés en Bohêmes & il étoit le dernier
de cinq freres , tous au ſervice du Roi dans
le même temps , & qui ſe ſont trouvés à la
même bataille.
4
( 127 )
Les Payeurs des Rentes, 6premiers mois
de 1787 , font à la Lettre A.
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 12, Aorit.
Les Députés de la Flandre, de la Seigneirie
de Malmes & du Haina alt ont fuivi
ce ix de Brabant , & ſe réuniront à Ratifbonne
, où ils devoient être rendus le 8 ,
four fuivre de'à leur route à Vienne , où
L. A. R. font arrivées très-heureulement.
On écrit de Bruges qu'il y a éclaré le 31
da mois dernier , une émeure affez violente.
Le Magiftret craignant que les propos fedit'eux
de quelques habitans n'échauffallent
les eſprits déjà très allumés , avoit fait ,
dit-on , élever ſur la place quelqués potences
pour intimider les mutins. Cette melare,
imprudente & déplacée,a produit un mauvais
effet. Le peuple s'eſt ameuté , a détruit
& incendié les inftrumens de fupplice , &
s'e è rendu en inite chez le Magiſtrat qu'il a
menacé , même maltraité, ſi ces rappotts
font bien exacts .
,
Les Corps Francs de la province de Hollande
ont tenu une aſſemblée générale à
Ley le & ont fait remettre an Grand .
Penfionnaire un Manifeſte, ou Déclaratoire
de leur part, que fon ve'une ne nous permet
pas de rapporter en entier. En voici les morceaux
les plus remarquables.
1
«Nous , hommes , bourgeois & habitans des
f4
( 128 )
villes de laHollande, par la grace de Dieu parvenus
à l'âge de difcernement,&doués d'eſprit
&de jugement , par conséquent dans l'obligation
de veiller à la proſpérité de nos vilies & de
lapatrie : A tous ceux qui verront ou entend:ont
lire ceci , falut » .
<<<Savoir faiſons , que depuis long-tems nous
avons då remarquer , à notre grand chagrin , que
l'ingrat , l'infidele , &de jour en jour plus infupportable
le premier ferviteur dela République ,
connu fous le nom de Prince d'Orange & de
Nafſau , s'eſt ſi indignement conduit dans les
eminentes charges de Stadhouder-héréditaire ,
Cpitaine-général &Amiral , contre fon honneur
& le ferment prêté au pays en général & particulièrement
à la province de Ho lande , que nonfeulement
l'attachementde la nationment.ere pour
lui & fa maiſon , s'eſt changé en une haine légitine
; mais auſſi qu'ayant ofé s'oppoſer par les
vues & actions despotiques aux deifeins & aux
buts ſalutaires de L. N. & G. P. , l'unique & ltgitime
Souverain repréſentant dupeuple de cette
iluftre province ; & qu'au lieu d'exécuter leurs
ordres légitimes ; il les a contrecarrés : il a été la
ſeule cauſe de tous ces troubles , peines & défordres
qui ont tellement ébranlé & déchiré
notre chere patrie , qu'étant plus que perſonne
intéreſlés à ſa fituation , nous aurions été auroriſés
depuis long -tems à publier ce préſent déclaratoire
, & à prendre de telles meſures que
nous aurions jugé les plus propres à contrecarrer
les vues & deffeins de Guillaume V, & de qelques
régens indignes , parce qu'ils abuſent de
P'influence qu'ils ont fur l'esprit de celui qui ,
au lieu d'être le défenſeur des droits du peuple ,
en eſt devenu I ufurpateur ; ſur l'eſprit d'use
partie de la nation qui eſt ſéduite , & par l'af-
Lociationde la cabale aristocratique , fur les con-
1
:
( 129 )
1
ſeilsdu Souverain même , dans aucune autre vue
que cellede caufer des déſordres , & derenverfer
par leurs liaiſons illicites avec la Cour perfile
d'Angleterre , non-feulement l'heureuſe
conftitutiondes provinces en particulier , mais
celle de l'union même ; & de mettre à fa place
un nouveau plan de deſpotiſme » .
«Quoiqu'on puiſſe regarder tout cela comme
fort indifférent par rapport à notre propre influence&
pouvoir , fi néceſſaires pour la conſervation
de la République , il faut cependant
convenir ,que fondé ſur un avantage propre &
imaginaire de lui Guillaume V & de ſon parti
pernicieux , il peut devenir très-dangereux au
bieneſſentielde la chere patrie ».
"On doit attribuer uniquement à notre penchant
viſible à la tolérance & à la concorde ,
mais fur-tout à notre attachement connu pourla
conſerva ion de la tranquillité & du bonheur
public, fi nous avons paflé fous filence & mépriſé
juſqu'ici la continuation des troubles excités
par cet objet déteilé de la nation , & les
corrupteurs du pays &du peuple , en conſervant
ou en tâchant de conſerver uniquement notre
droit inné par les voies les plus douces & les
plus modérées , voulant éviter ſoigneuſement
tout ce dont on aurait pa ſoupçonner quelque
nouveau mécontentement , ou allumer davantagele
feu de ladifcorde &des diſſenſions réci
proques parmi les vrais patriotes & la cabale
Orange& aristocratique » ....
..... Lors donc que l'ardeur infame de l'ambition
démeſurée de cette pernicieuſe cabale ,
après avoir tâché de porter le citoyen à s'armer
contre les meilieu's & les plus fideles régens , &
concre leurs concitoyens , après avoir attentéà
la vie les régens légitimes de quelques villes ,
ts
( 130 )
proſtitué honteuſement les autres , mis le défordre
dans toutes lesparties du gouvernement ;&
qu'actuellement encore elde propose de faire
commettre à toute l'armée de l'Etat la plusgrande
infidéité , & de lui faire prendre les armes
contre les bourgeois , de forſtraire les meilleurs
& les plus habies Officiers à l'obéiſſance des
SeigneursEtats de Hollande,de les diviſer entre
eux,enfin de faire du territoire ci-devant paid
fible & florifiant des province de Hollande
Utrecht & Overyſſel , le théatre d'une guerre
civile, où beaucoup de citoyens malheureux 80
féduits feront conduits de fang froid à la bous
cherie , & épuiſeront par l'effution de leur fang
&de celui des militaires les forces de la Répu
blique , uniquement pour faire pader le plan de
dfptifme. Alors , dis-je , le cour de chaque
digneHollandois doit ſe fendre à l'idée du danger
préſent qui nous menace , de voir bientôt
notre heureuſe union pour jamais rompue , la
ferme de notre gouvernement ,jadis fi heureuſe ,
entiérement renversée , notre liberté ſi cherement
acquiſe , anéantie pour jamais , & facrifiée
àun Stadhouder qui ne reſpire que le deſpotifme;
& par une conféquence néceffaire , la
décadence du commerce &de la navigation , &
voir tout à la fois tous ces avantages & le bientre
perdus , leſquels par la bénédiction divine
&la bonne direction de nos vrais repréſentans ,
nous ont mis en état d'être la terreur de nos ennemis
voifins , & defaire l'admiration de toute l'Eu-
тере ».
«Nous ſouſſignés ne pouvons , dans cet inf
tant , cacher combien nous ſommes affectés de
la triſte ſituation où se trouve notre chere patrie,
en voyant que le favori de l'Etat, qui a été
plus que tout autre Stadhouder privilégié , & a
( 131 )
reçu dés ſaplus tendre enfance tant de bienfaits ,
eft linftrament qui cherche a poster un coup
mortel à notre liberté , nous reffentons plus
que jamais la f rce de cet amour qui nous lie
ànotre patrie dont nous maintiendrons & défendrons
la liberté ſuivant notre ferment & notre
devoir »....
..... Nous croirions manquer à notre ferment
& ànotre devoir , par lequel chaque bourgeois
doit veiller à la liberté du pays, au maintiende
la religion & de ſes privileges : oui , nous
croirions déshonorer le fang & les cendres de
nos ancêtres , fi nous n'aidions à delivrerdu joug
des tyrans , nos braves régens , nos chers concitoyens
, de quelque rang qu'ils foient, & fi nous
attendions plus long-tems à réclamer le redre
fement de nos droits, & à déclarer à l'Europe
entiere notre façon de penſer ſur les diffenfions
préfentes , & à nous montrer prêts , autant qu'il
dépend de nous , à travailler à les faire ceſſer in
nous oppoſant aux défenſeurs d'une faction
Orange ou Aristocrate ; de mettre un frein à la
tyrannie , & de faire voir aux malheureux &
trompés partiſans , en leur prouvant par des raifons
valables, combien il eſt néceſſaire que le
chefdes féditieux , l'inſtigateur des mutins eſt
indigne d'occuper plus long-tems quelque pofte ,
& qu'on témoigne dorénavant à lui & à ſa poftérité
la moindre faveur; mais qu'au contraire
on le dépouille de toutes ſes dignités , & qu'il
foit regardé comme le traître de ſa patrie ,
comme parjure à ſon ſerment , & désobéiſſant
aux or tres de ſes Seigneurs & maitres ; qu'on
le prive de tous ſes avantages quels qu'ils foient,
& qu'on répare & compenie la perte qu'il a cau
Fée au pays, par la confiication de ſés biens ,
tant ici que dans les autres provinces ; & que
f6
( 132)
!
cant qu'il ſe conduira comme un ſecond Duc
d'Albe , il doit être proſcrit & livré entre les
mains du Souverain pour recevoir la récompenfe
due à ſes mérites ».
« Et , pour que nous puiſſions travailler plus
efficac ment en uniffant nos forces, nous voulons
inviter ' es Seigneurs Etas de Hollande & de
Weftfriſe , comme nos ſeuls véritables Souverains
repréſentans , ainſi que les braves régens,
tant de cette ville que des autres , & du platpays,
auffi bien que la bonne bourgeo fie & les
habitans de cette province deHollande , pour ,
dans cepreffant danger , travailler avec nous
chacun autant qu'il dépendra de lui , & les affurer
dela maniere la plus folemnelle, que notre
ferment& notre devoir exigent de nous la caffation
de l'ingrat , du pe fide tyranGuillaumeV,
dela façon que nous l'avons indiqué plus haut ,
le plutôt, le mieux; & s'aider à faire enforte
que la patrie ſauvée des griffes de ce bâtard
hollandois , chaque bourgeois puiſſe alors rentrer
enpaix dans ſa maifon , & s'aider à rétablir
le commerce & les fabriques languiſſantes
dans leur ancien luftre. Nous ſouhaitons de tout
notre coeur que la bonne providence qui a mis
juſqu'à préſent un frein à la tyrannie , veuille
bien nous être propice ».
L'affaire fi férteuſe de l'expulfion des Dé
putésd'Utrecht aux Etats Généraux , propoſée
par la Zélande, devant avoir proba-
Element des ſuites de la plus grave importance
, nous ajouterons à ce que nous en
avons dit, la concluſion textuelle de la ré
folution priſe le 23 Juillet , à l'Aſſemblée
de L. H. P. Les Députés des Etats deHol(
133 )
lande , après avoir expoſé le irs motifs , ont
terminé leur avis , en difant :
«Qu'à ces cauſes, les Seigneurs leurs commettans
déclarent proviſoirement , « que ceuxci
tiennent pour légale l'admiſſion deſdits nouveaux
Députés à l'Aſſemblée des Etats-Généraux,
qui y ont été reçus le 14 Juin dernier ,
après avoir exhibé leurs commiſſions des Etats
d'Utrecht , fur leſquelles aucun des Députés des
autres Provinces n'a fait des remarques quoad
formam ; que de plus ils ſont d'avis que l'Af-
Lemblée de L. H. P. eſt incompétente às'immiſcer
dans les différends enare les Membres des
Etats de la province d'Utrecht , attendu que
cene affaire eſt purement domeftique ; qu'en
conféquence , dans le cas qu'il fût employé
quelques mosens pour expulſer par voies de fait
Jeſdits Députés de l'Affemb'ée de L. H. P. , les
Seigneurs Etats de Hollande ſe trouveroient
obligés de prendre leſdits Députés en leur protection
, &d'interdire en revanche le territoire
de cette Province aux Députés des Membres des
Etats de la Province d'Utrecht , qui s'aſſemblent
à Amersfoort ; ſe réſervant leſdits Seigneurs
leurs commettans telles démarches , par rapport
au contenu ultérieur deſdites réſolutions
zeelandoifes & autres qu'ils jageront convenables
».
Sur quoi délibéré , Meſſieurs les Députés des
fix autres provinces ont pris copie de la propofition
ſuſdite pour être communiquée à leurs
Commettans ;& en attendant il a é étrouvé bon
& arrêté , que copie d'icelle ſera miſe entre les
mains de M. de Welderen& des autres Députés
de L. H. P. pour les affaires de Loi & de Réglemens
, afin de l'examiner avec quelques
(134
Commiſſaires du Conſeil d'Etat , à choifir par
eux memes , & pour faire rapport du tout à
l'Affemblée :
Meſſieurs les Députés de la Province de Zeelande,
ont déclaré , qu'its perfiſtent dans leur
révolution précédente , & qu'ils en réclament
l'effet , part.culièrement pour ce qui concerne
l'expulfion des prétendus députés d'Utrecht,
fans s'en écarter en rien ; mais que vu la teneur
finguliere & leſive de la propoſition de Meheurs
Is Députés de Hollande , ils en prendront copie
pour la porter à la connoiſſance & aux délibérations
des Seigneurs Etats leurs Commettans ;
déclarant de plus qu'ils font d'avis , que dans
un comité de L. H. P. avec le Conſeil d'Etat il
faudroit aviſer aux meſures à prendre contre les
menaces faites par la province de Hollande , &
pour le maintien de la liberté qui appartient
Meſſieurs les Députés des Confédérés » .
à
Les Etats de Hollande ont caffe divers.
Oliciers-Géné aux, plus attachés aux ordres
de L. H. P. qu'à ceux de la Province. Dans
ce nombre eſt le Général Major Grenier
Suiſſe d'origine , Colonel du régiment Wal
Ion de ſon nom , & Commandant de Gertruydenberg
; M. Verduyn , Colonel au rés
giment de Pallardy ; M. de Bentinck, Colonel
à celui de Dundas , &c. ont eu le mênis
fort.
Les Etats de Zélande ont donné leur avis
fur la médiation demandée par la Province
de Hollande , dans une Réſolution du 30
Juillet, dont voici la teneur.
Après délibération , il a été trouvé bon &
arrété , que les Députés ordinaires de cette Pro
( 135 )
vince feront chargés & autorifés , comme ils, le
font par la préfente , de déclarer à l'Affemblée
de L. H. P.: que leur N. P. ne font pas moins
affectées que les Seigneurs Etas de Hollande ,
du danger des circonstances actuelles , & qu'elles
en appréhendent également les fuites affligeantes.
Que cette Province a toujours été inclinée à
ne rien épargner de ce qui peut fervir a rétablir
la concorde débrée , & à foutenir l'Union , à
laquelle Elle a déclaré fi folemnellement vou-
Ioir demeurer attachée.
"
Que L. N. P. fouhaitent cordialement , que
les diffenfions qui ont lieu dans pluſieurs P.owinces
, fur des objets de différente nature ,
& qui en font venues à de triſtes extrémités ,
aux dépens des Priviléges acquis lég timement
de Ja liberté Politique , & de la sûreté perſonnelle
, puiſſent ſe terminer par. les Confédéréς,
eux- mêmes , & fans la médiation de quelques
Puittances Etrangeres. L'Alliance de l'Union
fourniſſant à cet effet des movens , qui n'ont
pas encore été eſſayés affez ſérieuſement , pour
déſeſpérer de leur fuccès.
Que. L. N. P. font donc d'avis , que les Con-.
fédérés doivent préalablement recourir à ces
moyens conftitutionnels , & ſpécialement à ceux
del'Article 16 de l'Union ( qui eſt de la plus
grande application aux circonstances actuelles ) ,
où il eſt dit diſtinctement : s'il arrivoit ( ce
» qu'à Dieu ne plaiſe ) qu'il s'élevât quelque
méſintelligence , diſpute ou diſſenſion , ent e
les Provinces , qu'elles ne pourroient accorder
entr'elles , quant à ce qui concerne quelques
Provinces en particulier , elles ferons
>> affoupies & terminées par les autres Provin-
>> ces , ou par ceux qu'elles députeront à cet
> effet ».
( 136 )
Qu'enfuite , fi de moyen ſe trouvoit infructue
x , ou que la crainte d'une guerre civile
-exitât encore après la déciſion des Confédérés ;
qu'alors ſeulement on ſe verroit dans la néceſfité
de réclamer les offices de médiation étrangere
voifine , & qu'alors même , il faudroit
préalablement concerter les points , qui feroient
les objets qui devroient engager à rec'amer la
médiation des Puiſſances Etrangeres.
Que dans un tel cas , L. N. P. feroient auffi
de l'avis des Seigneurs les Etats de Hollande ,
qu'il faudroit d'abord réclamer la Cour de
France , à cauſe de ſon Alliance avec cet Erat ,
&de l'intérêt manifeſte qu'elle prend à ſa profpérité
& à ſes intérêts.
•Que d'un autre côté , il y a des raiſons importantes
pour la République , de réclamer
non-feulement le ſecours de la Cour de France ,
mais encore celui d'autres Puiſſances .
Que durant les troubles actuals , la République
a eu plus d'une fois le contentement de
recevoir ſucceſſivement de ſes autres voiſins ,
les proteſtations les plus fortes & les mieux intentionnées
, du deſir qu'ils avoient de voir le
repos& la concorde rétablis dans cet Etat..
Que S. M. Pruffienne avoit auſſi témoigné
au mois de Septembre de l'année derniere , par
une Ambaſſale extraordinaire , combien elles'intéreſſoit
au bonheur & à la proſpérité de cet
Etat ; & a par- là confirmé les offres bien intenrionnées
de médiation , faites L. H. P. environ
une année auparavant , par le feu Roi fon
Prédéceſſeur.
۲
Que S. M. Britannique n'avoit pas donné
moins irérativement des Aſſurances de fon inclination
&de ſon amitié envers la République ,
ſpécialement par les Mémoires préſentés par ſes
( 137 )
ordres le 20 Mai 1784 & le 5 Juillet 1786 , ré.
mémorant le lecours que les deux Natios s'étoient
pluſieurs fois mutuellement prêté pour la
confervation de leur Religion & de leur liberté .
Que l'on peut auffi ſe fl tter avec fondement ,
de l'intére particulier que la Cour de Vienne.
conferv-ra pour la Prospérité de cette République
, tant à cauſe des anciennes Aliances
avec elle , que des intérêts du voiſinage , & en
contéquence du Traité conc'u avec cette Puifſance
l'année 1785 , fans parler des relations
particulieres que ladite Cour a de concert avec
L. H. P. à l'égard de S. M. T. С.
Qu'en conféqsence , L. N. P. s'imaginent ,
que L. H. R. , avant de conciure finalement fur
la propofitien faite par laHollande à laGénéralité
touchan: la réclamation de la médiation
de la France , il falloit décider , s'il n'y a pas
moyen de réunir les Provinces , entre leſquelles
les malheureuſes diffenfions ont lieu , d'une maniere
conſtitutionnelle , & fi en conféquence il
n'y a pas d'autre voye , que de réclamer l'inter
ceifion des Puiſſances Etrangeres ; & qu'en ce
cas L. N. P. font d'opinion , qu'il faud oit amplier
ladite propofition , en taifant la prière à
cet effet au même temps , aux Cours de Vienne ,
Londres & Berlin. Autoriſant en outre leflits
D putés ordinaires d'en faire l'ouverture à
L. H. P.; déclarant de plus , que L. N. P.
ne concourront en aucune façon à la médiation
propoſée , que ſur ce pied la ; & qu'au défaut
de ce Ellles feront reſponsables des ſuites
ultérieures , qui doivent néceſſairement rétulter
de la continuation des circonstances actuelles.
,
On a remarqué , avec quelque étonne
( 138 )
ment , que la Zélande diſigna au nombre
des médiate us de la Répubique , un Souverain
, avec lequel elle refia de rat fier le
Traréde 1784.
Depuis quelques jours , les Corps Francs
or com ren é de former un corps d'oblerva
ion de 7 à 800 hommes près de Wolrden.
M. de Trameleyer . Miniltre de Proffe à
la Haye , a on effet remis le 6 aux Etats de
Holande un nouveau Mémoire du Roi on
maître , qui infiite for la demande d'une latisfaction.
Nous sommes forcés de cavo er
ceste piece im ortante auJomal fuivant.
>> Le lendi 30 Juillet, comme nous l'a'-
>> vonsaznoncée précédemment, M. Biond: 1,
>>>Maître des Requêtes & Intendant des Fi-
>> nances , a fa't le rapport au Conſeil de la
fameuse affaire destrois Condamnés de ১১
>>Chaumont. Ce rapport a expofé dans
>> tout fon jour l'irrégularité de la premiere
>> procédure qui a ſervi de baſe à torres les
>> autres; en conféquence le Confeil a caffé
>>> d'une voix unanime l'Arrêt du Parlement
>>>contre Lardoife , Bradier & Simare , &
>> renvoié l'affaire pardevant un Bailliage ,
>> au choix de M. le Garde des Sceaux ,
laiffant la liberté aux trois Condamnés de
>>prendre à partie les Juges de Cha imont .
>>La nullité du témoignage de Thomailin
>>a déterminé tous les ſuffrages pour la caf-
>>> fation ; & M. le Garde des Sceaux , en
>>>opinant , a fait connoître la néceſſité d'o
( 139 )
>> pérer dans la procédure une réforme. Une
>> no ivele affairs du même genre , dans
>> laquelle 7 hommes ont été condamnés à
>> Phalsbourg , occupe a jourd'qui le Ma-
>> giftrat qui a voté à la défenſe des trois in-
>> fortunés de Chaumont: il s'agit de quat e
>> hommes pendus & de tois envo és aux
>> gale es. le Mémoire qui paroîc fur certe
>> affaire , fait applandir au projet de M.le
>>> Garde des Sceaux , de revor & de co riger
les abus de nos formes crimineles ,
>> contre lesquelles tant de Jurifconfultes
>>>éclairés , d'écrivains honnêtes & fenfib eş
> & fur tout tant de funeſtes méprifes s'é-
>> levent depuis fi long temps. ( Nous ne
garantiffons aucune des circonstances de ce
rapport.)
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres .
,
,
non-
L'enlevement du jeune LordGormanſtown ,
conluit de Dublin à Liège felon les intentions
exprimées par fon pere dans ſon teſtament
a paru mériter l'intervention ,
feulement du Gouvernement Irlandois , mais
aufli celle du Cabinet de la Grande-Bretagne .
Le Marquis de Carmarthen ayant en conféquen
ce écrit , au nom de S. M., au Prince Evéque de
Liège , pour le prier de faire remettre le jeure
Lord entré les mains de telles perſonnes que S. M.
nommeroit pour le recevoir ; S. A. répondit :
«Que le Souverain de Liége étoit lié lui-même
par les loix & par la conſtitution de la Principau
11401
té; qu'il ne pouvoit donc pas prendre ſur lui de
décider de cette affaire , fans l'avis & la concurrence
de ſon grand Chapitre & de ſon Confeil ;
qu'il allo't leur comuniqurl'affaire , ainſi que
la demande de S. M. , & qu'd inſtruiroit fans dé
Jai le Marquis de Carmarthen du ré ultat de ſa
démarche. » L'affaire a été en conféquence mirement
exarninée & difcutée dans leC nſeil du
Prince, & il y a été réſolu que S. A. ne pouv it
point , fans violer les loix du pays , forcer un
Catholique à fortir de les Etats , pour le mettre
entre les mains de ceux qui voudroient en faire
un Proteftan .
Il a été adreſſe au Prince de Liége une ſeconde
remontrance , au fujer de l'enlèvement du jeune
LordGoma flown ; on la dit très-vive , & on ne
doutepoint que cette derniere démarche ne produiſe
l'effet qu'on en attend. Cour. de l'Europ.
LeCapitaine Stanhope , vulgairement appellé
Stanhope- Heli-fire , ( feu d'enſer ) le trouvant à
Portimouth , a l'époque où un vaiſſeau de guerre
Holiandois venoi: de ſe perdre près de Portland ,
avec la plus grande partie de ſon équisage , ſe
trouva dans un café où quelques Of ciers Hollandois
parloient de la fupériorité qu'ils avoint
fur les autres Nations dans la navigation ; il les
interrompit en låchant une bordée d imprécations
&de juremens, & leur dit que les matelo's Hol-
Jandois étoient les p'us grands ignorms qui exiftatlent
; que les meilleurs matelors qu'i's cullent,
quand ils avoient une pipe à la bouch: & les
ains dans leurs poches , aimeroient mieux couler
à fond dans cette attitude , que de ſe donner
le moindre mouvement dans le danger. Pour vérifier
ce qu'il venoit d'avancer , il leur dit publiquement
, que fi l'on pouvoit trouver quel
( 141 )
ques-unsdes cadavres des,Hallandois qui venoient
de faire naufrage, qui ne furent pas dans la fituation
qu'il venoit de décrire , il con'entoit perdre
un pari affez conſidérable qu'il propo'a. Les Ofticiers
ayant accepté le pari tans héſiter, il trouva
le moyen de les amuſer , & fit partir en poſte des
gens qui ayant ramaffé dans des cabarets des pipes
a moitié pleines de tabac , les mirent , felon ſes
inftructions,dans la bouche de cha un des cadavres
Hollandois que la marée avot jettés ſur le
rivage , & placerent leurs mains dans leurs poches.
Les Officiers Hollandois s'étant tranſportés
fur la plage avec les amis duCapitaine Stanhope,
furent tres ſtupéfaits à la vue de leurs compatriotes.
Ils perdirent leur pari , & furent & confus ,
qu'ils quitterent Portfinouch dès le même jour.
Idem.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS .
DEUX EME CHAMBRE DES ENQUÊTES
Cause entre le Sr. Péin , ancien Procureur du Roi
au Bailliage de Frenay-le-Vicomte , appellant ,
- & le Mineur Minois 5fon Curateur , intimés.
QUELLE eſt dans la Coutume du Maine l'éten
tue d'une donation que peut faire une femme
veuve , ayant enfant , en ſe mariant ? - L'action
de l'emploi des propres aliénés entre-t-elle
dans ledon?
Le Sr. Emmanuel Jacques Péan étoir appel
ant d'une ſentence de la Sénéchauffée de
la Fleche , du 6 Septembre 1785 , laquelle avoit
( 142 )
jugé 1º. que le don à lui fait, par fon contrat
de mariage , par Julienne de Valoray , fa
femme , auparavant , veuve du frem Midois,
ne s'étendoit que fur les meubles & acquets ,
dans letquels il ne pouvoit avoir qu'un tiers ,
en conformité de l'article 336 de la Coutume.
2º. Que l'action de remploi des propres alié
nés , quoique mobilière , n'entroit pas dans le
don , en con orm té de l'article 314 de la Coutume.
Il foimenoit fur la premiere queſtion ,
vis-à-vis du fieur Guillaume-Gabriel Millois ,
mineur , & du ſieur Millois de Leſlang , oncle
& curateur du mineur , que le don à lui fait
ne devoit pas ſe régler par l'article 336 qui
n'avoit de rapport qu aux conjoints, mais bien par
Varticle 332 , qui iaitloit à lafemme la liberté ,
en fe miariant , de donner le tiers de ſes propres ,
& la mo'tié de ſes meubles & acquers, quoiqu'e'le
cût un enfant de ton premier mariage.
Sur la deuxieme queſtion , que l'action de remploi
étoit mobilière , elle entroit dans le don
qui lui avoit été fait , ſuivant la jurifſprudence
réfulrante de trois Arrets de la premiere Chambe
des Enquêtes : du 13 Avril 1764 , de la
troiſieme Chambre des Enquêtes de l'année 1780,
&de la Grand-Chambre du 19 Janvier 1732 .
On repliqucit au fleur Péan que si le minear
Millois n'eût point exifté , le don auroit compris
ta totalité du mobilier & des acquéis avec
le tiers des propres ; mais qu'au moyen de
L'existence de ce mineur , l'étendue du den re
pouvoit fe régler ainfi,& devoit au contraire le
réduire fuivant l'art. 336 de l'Edit des fecondes
noces. Que c'étoit une erreur de prétendre
que cet art . 336 re s'appliquoit qu'aux gens miriés
, fors de leur donation , & non aux veufs
ou veuves , ayant enfans d'un précédent ma
(143 )
riage , que les mots conjoints ou l'un d'eux dont
ſervoit la Coutume , s'entendoient & se oient
toujours entendus des personnes actuellement
ou ci-devast mriées , liberis exftantibus ; que
jamais il n'avoit été interprété ni exécuté autremens
dans la province depuis la réformation
de la Coutume. Que c'étoit en faveur des enfans
& pour kur intérét , qu'elle limitoit la
faculté de diſpoſér des gens mariés , qu'il n'y
avoit que les gens libres & fans enfans qui
pullentsufer de la plenitude de diſpoſer accordée
par l'article 332.- Que quoique l'action
de rexploi für mobilière , elle ne devoit pas
tomber dans le don , par la raiſon que la loi
prohibant la difpofition des propres , elle ne
pouvoit la permettre en les dénaturant ; que .
cette armon étoit & devait être répurée immobilière
& propre , à l'effet de ne point entrer
dars le don des meubles & acquets ; qu'autrement
il feroit dans le pouvoir eu mari & de
la femme de ſe faire , pendant le mariage ,
des avantages indireas en vendant leurs pro
pres , & par ce moyen en faire tomber le prix
dans le den mutuel , comme étant des meubles
on des elfers mobilers. Par Arrêt du 11 Juillet
1787 , rendu en la troiſieme Chambre des Er
quotes , la Sentence de la Sinéchauffée de la
Fleche à été confirmée.
Tournelle de Paris .
On plaide actuellement au rôle des Samedis
uns quedion d'Etat qui préſente le plus grand
intéret.
La dame Siret , batiſée comme iſſue de pere
& mere inconnus , mariée à l'âge de 16 ais
theur Siret , audi comme née de pere & mere
( 144 )
inconnus , prétend étre fille de la Marquiſe
Douchin.
Elle a rendu plainte au Châtelet deParis ;
fur l'information qui a été faite , deux particuliers
ont été décrétés , l'un d'affigné pour être
oui , l'autre d'ajournement perſonnel.
☐ La Dame Siret a depuis demandé le renvoi
de la cauſe à l'audience & fait civilifer la procédure;
elle l'a dénoncée enſuite au Marquis
de Roquefaure & a la demoitelle Douchin fa
femme , file légitime du Marquis & de la Mar
quiſe Douchin ; elle a demandé qu'ils fuſſent
tenus de lareconnoître pour leur foeur.
Le Marquis & la Marquise de Roquelaure
ſoutiennent qu'une pareille procédure eſt nule ;
ils prétendent que la dame Siret n'a ni titre
ni pofiefſion de l'érat qu'elle vient réclamer
pour la premiere fois à l'âge de vingtquatre
ans.
Cette affaire exige le développement des
grands principes qui reglent l'état des hommes.
La quefi onde validité de procédure n'eſt pas
moins impor ante ; c'eſt celle qui fait en ce
moment Pobjet principal.
Le concours eft prodigieux aux plaidoiries .
& lepublic n'eſt pa moins attiré par l'intérêt
que preſente la cauſe , que par la célébrité des
Avocats qui la défendent.
M. Gerhier , Bâtonn er de l'Ordre desAvocars
p'aide pour la Dame Stret.
M. de Bon jeres pour le Marquis &JaMarquiſe
de Roque'aure..
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 25 Aour 1787 .
}
PIECES, FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
FIN du Fragment traduit du Poëme des
Jardins , par le Père Rapin.
En détours infinis tantôt le buis s'égare ,
Imitant ce pal. is qui renfermoit Icare ,
Où par mil'e chemins oppofés , confondus
En vain des pas erroie t, indécis & perdus ;
Tantot l'art nous féduit par une autre magie,
Il peint les ornemens qu'inventa la Phiygie :
Ou cherche à retracer les tiffus précieux ,
Des filles de Sidon ouvrage induſtrieux,
Souvent le goût préfère à ces confus dé lales
Νο. 34 , 25 Αοûι 1787.
G
:
1
146 MERCURE 1
1
Le cadre ſymétrique , où mille fleurs rivales
Aux yeux des ſpectateurs ſemblent s'énorgueillir ,
Et par- tout inviter les mains à les cueillir.
Mais , quoi ! faut- il de l'art révéler la richeſſe ?
J'en appelle à ton goût: choiſis avec ſageſſe ;
Il fuffit qu'à mon gré le plus heureux deſſein
Eſt celui qui le mieux correſpond au terrein.
QUAND tout fera prévu , que la bêche y repaſſe;
Tourmente encor le champ , applanis ſa ſurface ,
Ou ton jardin perdra l'attrait le plus flatteur.
L'hiver commence-t'il d'adoucir ſa rigueur ?
Il eſt temps de planter ; accélère l'ouvrage ;
D'une active jeuneſſe excite le courage ,
Hâte- toi ; d'un ciel pur , tandis que tu jouis ,
Que le champ ſoit couvert de guirlandes de buis.
IL en eſt qui du ſort reçurent en partage
D'un jardin plus borné le modefte héritage ;
Et l'art au-lieu de buis leur aiſſe pour tout choix
Ou la tuile rougeâtre ou l'humble clos de bois ;
Lebuis feroit funeſte: ufurpant le parterre ,
Son luxe parafite épuiſeroit la terre,
Ne crois pas toutefois , prompt à le condamner ,
Que dans un champ plus vaſte il ne puiſſe régner;
Honneur de nos jardins , ſa fidelle verdure
En fera de tout temps la grâce & la parure.
Les Açurs vienacut s'offrir à moncoeil enchanté.
DE FRANCE 117
Quel éclat ravidzar que le t
Obtervons leur nature : id eft temps de connoître
Dans quel fol , ſous quel aftre elles aument a naitre .
Mais qui peut diftinguer tous les genres de fleurs ,
Leurs parfums odorans , leurs brillantes couleurs ,
Et la vertu donnée à la balle féconde ,
Et les graines enfin dont chaque eſpèce abonde ?
Se dérobant ſous terre aux rigueurs des Autans ,
Les unes pour éclore attendentde printemps ;
Les autres de l'hiver craignent peu les ravages ,
Et des froids aquilons affrontent les outrages ;
Celle-là du ſoleil demande la chaleur ,
Celle- ci de l'ombrage aimera la fraîcheur.
Du terrein qui leur plaîtleur nature décide :
Qu'il foit tantôt plus ſec & tantôt plus humide
Souvent l'une préfère un fol facile & doux ,
Et l'autre un fol ingrat , hériſſé de cailloux .
LORSQU'A la terre enfin ta main les abandonne,
(Net'écartes jamais du conseil que je donne ! )
Que le livre du ciel fe déploie à tes yeux :
Suis des aſtres divers le cours harmonieux;
Examine comument dans ſa marche ordonnée
Le Dieu du jour décrit le cercle de l'année;
Apprends à diftinguer les Rois bruyans de l'air ,
Les préſages d'Eurus , l'influence d'Auſter;
Confulte de foleil ſortant du ſein de l'onde,
Ou lorſque pour Thétis il ſe dérobe au monde :
Gij
148 MERCURE
Interroge Pbébé : tu liras fur fon front
Le vent qui ſoufflera , les eaux qui tomberont ;
Difcerne enfin du ciel les promeſles douteuſes;
Tantôt des foeurs d'Hyas les urnes pluvieuſes ,
Tantôt de Bootès le char tardif & leat ,
Tout fert à diriger le colon vigilant ;
De ces aftres puiſſans il fait quel eſt l'empire ,
Etcombien de malheurs la négligence attire.
Je dois le répéter: ſi tu ne preſſens pas
Des vents &des ſaiſons les éternels combats ,
Tu verras vainement , avec un oeil d'envie ,
Des jardins d'alentour la culture fleurie,
Au déclin de l'hiver , ne t'endors pas toujours
Sur la foi des Zéphins , précurſeurs des beaux jours ;
Imprudent qui trop tôt ſe livre aux fils d'éole!
Sur leurs alles fouvent l'eſpérance s'envole .
Meffager du printemps , fier de fa toiſon d'or ,
Oui , même le bélher peut'te traher encor ; -
C'eſtdans ces temps douteux que le courrour céleste
Semble nous menacer d un défaſtre funefte;
C'eſt alors que des airs les orageux torrens
Fondent fur nos jardins & ravagent nos champs.
Crains auffi pour tes fleurs un reſte de froidure :
Quand l'hiver laiſſe enun reſpirer la Nature ,
Obſerves-bien les pas qu'il imprime en fuyant,
Et qu'ils n'échappentplus àton oil clairvoyant,
Avantde confier les graines à la terre ,
DE FRANCE.
149
Souviens-toi quel eſt l'aſtre ou fatal ou proſpère ;
Confultes donc le ciel , choiſis les temps heureux.
&c.
(Par M. Reynier , Secrétaire Perpétuel de
la Société d'Emulation de Liège. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Moiffon ; celui
de l'énigme eſt i've-de-chambre ; celui du
Logogrypne eſt Caprice , où l'on trouve
carpe , câpre , épi , pie , arc , race , paris.
repic , carie , cire , ire , parc.
:
DANG
CHARADE.
Ans les rangs ennemis autrefoismon dernier
Avec beaucoup d'éclat dirigeoit mon premier ;
D'un pas pénible & lent , l'inhum ain Charretier
Tous les jours eſt celui qui conduit mon entier.
(Pur Mmela Marquise de B... , en Vivarais. )
Giij
MERCURE
ÉNIGM E.
QUELQUEFOIS au plaifirjedois mon exiſtence;
Mais plus ſouventencore aux malheurs des humains;
C'eſt ſur le lit de la ſouffrance ,
C'eſt chez l'homme courbé ſous le poidsdes deſtins,
Quejenais mille fois , & que ma courte vie
Se-reproduit & multiplic.
Sur les traces de la Beauté
Je m'empreſſe auſſi de pareître.
Cruelle & charmante Myrthé ,
Combien de mes pareilstes beaux yeux font- ils naître !
C'eſt donc de la douleur , du plaifir , de l'amour
Que mes frères & moi nous recevons lejour.
Lecteur , juge combien notre famille eſt belle!
Mais vois en même temps l'atrocité du fort :
Le temps frappe fur nous ſon empreinte cruelle;
L'inſtant où nous naiſſons nous apporte la mort.
(Par M. Garnier , Commiſſaire Feudiste. )
:
DE FRANCE. I151
LOGOGRYPH.Ε.
J
E fuis fur quatre pieds, ſale, malpropre, immonde,
C'eſt à qui me rebutera ;
Sans premier & dernier je plais à tout le monde ,
Et c'eſt alors à qui m'aura.
(Par un Arcien Militaire. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
De la Décadence des Lettres & des Moeurs ,
depuis les Grecs & les Romains jyq
nos jours ; par M. Rigoley de Juvigny ,
Confeiller Honoraire au Parlement de
Metz , de l'Académie des Sciences , Arts
& Belles Lettres de Dijon ; dédié au Roi ..
AParis, chez Mérigot le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins, 1787. 1 vol. in 8°.
LA ſeconde Édition de cer Écrit a devancé
l'analyſe & l'examen que nous en allons préfenter.
Les uns l'ont conſidéré comme un
Ouvrage de parti ; d'autres comme une défenſe
du bon goût & des bonnes moeurs : tandis
que les opinions extrêmes flottent ainfi
& fe combatrent , on a foi même le temps
Giv
152
MERCURE
de laiffer repoſer la fienne , &de l'exprimer
avee plus de calme. A quelques égards , c'eſt
ici un de ces Livres polemiques qu'il eſt auii
dangereux de defendre que de blamer , dont
on peut admettre la doctrine , fans approuver
toujours les exemples qui l'appuient ,
où la raifon & la justice prennent quelquefois
le langage de la paſſion , & dont on ne
peut guères rendre compte impartialement
fans érre accufe de partialité. Quoi qu'il en
foit de ces dangers & de ces confiderations ,
celui qui expoſe ſon jugement avec franchife,
fans pretendre à aucun droit fur celui
d'autrui , ne doit craindre la haine de perfonne.
Un Journaliſte feroit le plus méprifable
des prévaricateurs, s'il latifort enchainer
ſa liberté par l'intolérant amour propre ,
qui veille fans relâche à la tyrannie des opinons.
En d'autres Ouvrages d'une ſaine Littérature
, M. Rigoley de Juvigny avoit déja manifeſté
les principes & les plaintes auxquels
il revient plus en détail dans ce moment. Le
titre, feul de fon Livre a dû lui , perfuader
qu'il rencontreroir plus d'adverfaires que de
difciples ; aufli n'est- ce pas fans courage qu'un
Auteur peut le ſouſtraire à la politique de
Montaigne : " Quia fes moeurs , étables en
>> réglement au-deſſus de fon fècle , ou qu'il
" torde & émoulle ſes règles, ou , ce que
>> je lui conſeille plutôt , qu'il ſe retire à
> quartier , & ne te mêle point de nous. Qa'y
>> gagneroit- il ? »
DE FRANCE.
113
Le deſſein de M. de Juvigny, en peignant
les révolutions qu'ont éprouvées les Lettres&
les Moeurs , a été fans doute d'en fufpendre
la décadence actuelle ; mais ne ſe fait ilpoint
illuſion ſur le ſuccès de cette entrepriſe ? Le
mauvais goût , le bel- efprit , la faufſe philofophie
auxquels on attribue cette corruption ,
enfont moins les cauſes que les effers. Il faut
remonter plus haut pour arriver à la racine
du mal. La plume ſanglante de Juvénal n'arrêta
pas le débordement de Rome; les efforts
de Quintilien &de Longin ſe brisèrent
contre les progrès de la faufle éloquence. Ici
F'ondécouvre les limites du pouvoir de l'opinion
, lorſqu'elle combat des cauſes plus
fortes qu'elle vouloir detruire celles ci avec
des Livres , c'eſt oppoſer à la tempére des
feuilles de papier.
>>Les Arts & les Sciences , dit le Sceptique
>> Hume , font des plantes qui exigent un
> fol encore nouveau ; & quelque riche qu'il
>> puiſſe être , telles refſources artificielles
» qu'on employe pour le rajeunir , lorſqu'une
>> fois il eſt épuiſe , il ne produira plus rien
ود de parfait en aucun genre. * L'Hiftoire
confirme cette obſervation . Jamais , fans
doute , le ciel n'ôte à l'eſpèce humaine
fon génie naturel ; mais les conjonctures fociales
endéterminent feules la corruption ou
l'effor. Quelle est la marche conſtante de ces
* Vid. Effay on the Ride ofArts and Sciences.
y
954
MERCURE
viciſlitudes ? D'une imitation groſſière de la
Nature , les talens s'élèvent bientôt à des
créations choiſies & épurées ; les modèles
naiffent , les grands Écrivains ſe forment;
bientôt leur exemple devient règle , & bientốt
auſſi l'étude des règles fait négliger celle
du génie; les raffinemens du goût ſuccèdent
à ſes conceptions; enfuite on fe lafle d'imiter
ce qu'on ne peut égaler; la vanité remplace
l'émulation. Comme il eſt impoſſible de fixer
l'efprit&l'imagination par des préceptes , on
S'ecarte inſenſiblement de la roure tracée :
l'ambition d'être ſoi- même originalgagne les
talens & même la médiocrité. * Dans la philofophie
, les Leucippes & les Protagoras
prêchent l'athéïſine , parce que Socrate a
défendu l'exiſtence de la Divinité; les principes
de nos devoirs ayant été enſeignés par
les Sages antérieurs , on entendra des metaphyficiens
nouveaux réduire la vertu au calcul
de l'intérêt perſonnel , imprimer que les
pères haïffent leurs enfans comme leurs
héritiers , que les remords ſont l'ouvrage de
la fuperftition , que les courtiſannes font à
préférer aux femmes chaſtes , parce qu'elles
achettent des breloques , &c. &c. Le ſtyle
des Sciences , gâté par le bel-eſprit , fera un
** Le Docteur Hurd , Évêque de Worcester , a
meité cette matière avec beaucoup de ſagacité , de
goût & de philofophie , dans ſes Commentaires fur
Horace , l'un des meilleurs Ouvrages qu'ayent les
Anglois fur l'étude des Bolles-Leures.
DEFRANCE.
FSS
jargon métaphyſique & métaphorique en
même-temps , & fe compofera d'abſtractions
recherchées , en ſtyle peſant qui viſera à l'élégance
. Les Lettres offriront des nouveautés
non moins étranges. Chaque Auteur fera une
rhétorique pour ſon propre ouvrage. Les
principes& les modèles étant également dédaignés
, le goût , le ſtyle , le caractère général
des compofitions , varieront tous les
dix ans. On verra d'éclatans ſuccès de trois
mois ; l'art d'écrire devenant plus indépendant
de l'étude & de la réflexion
l'élégance & l'agencement des mots formeront
le premier mérite ; on fera plus
de cas d'un compliment ſpirituel que
d'une differtation profonde ; le talent des
phraſes ſera le plus recherché ; & comme
tout le monde prétendra à en tourner , cette
émulation amènera bientôt l'afférerie &
les écrits vuides , l'emphaſe & l'exagération
; des peuples entiers deviendront Auteurs
, & on pourra leur appliquer ce que
ditHorace de la rage poétique de ſon temps:
Populus levis hoc calet uno
Scribendi ftudio , pueri patresquefeveri
Fronde comas vincti , coenant & carmina dictant.
2
Si , à cette cauſe primitive , néceffaire
de l'altération du goût & de la raiſon, on
ajoute la force qu'elle tire , ſelon les circonſtances,
de la nature du gouvernement ,
des habirudes desGens-de-Lettres&de leurs
Gvj
156 MERCURE
rapports dans la ſociété , du caractère de
celle- ci,de l'eſprit que lui donnent lesmoeurs,
les coutumes , la diftribution des richeffes ,
lespaflionsdominantes , le choixdes plaiſirs ,
&c. , on fe convaincra de l'infuffisance des
raiſonnemens contre une révolution auffi inévitable
que celle des ſaiſons. Le génie des
Romains fous Trajan & fes fucceffeurs ,
n'étoit-il pas éclairé par les Ouvrages des
Grecs , de Cicéron , de Virgile , d'Horace , de
Sallufte ? On chantoit les vers des grands
Poëtes ; mais il n'y avoit plusde Poëtes. Cependant
à peine un ſiècle s'étoit écoulé depuis
les beaux jours de la Littérature , & on
ne les vit renaître en Europe que ſeize cens
ans après.
L'influence réciproque des Lettres & des
Moeurs doit fans doute les faire participer
mutuellement à leur dégénération. Aufli M.
deJuvigny, pour rendre fon tableau complet ,
a-til embratié Phiſtoire de ce double aviliffement.
Peut être eft il aufli difficile , à certaines
périodes, derégénérer lescaractères que
de redreffer les eſprits par des cenfures ;
mais comme les principes de la morale ont
une baſe bien plus profonde que ceux du
goût ; qu'il eſt d'ailleurs fouverainement important
de bien vivre , &qu'il l'eſt aſſez peu
debien écrire, il n'eſt jamais inutile de reparlerà
l'humanité de ſesdevoirs.De cette digreffion
préliminaire , venons maintenant à l'Ouvrage
même, dont le but général la occafionnée.
DE FRANCE.
157
L'Auteur paſſe d'abord en revue , & rapidement
, l'état des Lettres chez les Grecs ,
leur naiſſance , leur perfectionnement , leur
chûte: galerie de portraits claſſiques , deſlinés
avec plus de goût que d'invention ; mais où
l'on découvre un Écrivain nourri de la Littérature
ancienne , aux beautés de laquelle il
oppofe dans chaque genre les défauts de quelques
Écrivains modernes.Dans ce parallèle,
que des traits plus précis euffent rendu plus
piquant, font ſeméesd'excellentes réflexions,
telles , par exemple , que celle qui ſuit , relativement
à l'éloquence :
" Rien ne lui eſt étranger , dit l'Auteur.
>> La philofophie la rend auſtère , folide &
>> profonde; les Sciences , riche, intéreſſante,
>> inſtructive; les Beaux- Arts , riante , pitto-
>> reſque & Heurie; la Nature ſeule la rend
>> fimple & fublime. Ainfi dès que notre
>> eſprit eſt inculte , dès que nous n'avons
>> rien étudié , rien approfondi , & que nous
ود ſommes privedegoût, l'éloquencen'eſt plus
» qu'un ſom bruyant de paroles , vuides de
>> penfees , qu'un pur galimatias dont l'igno-
>> rance ſe ſert pour faire illation .
Dans cette première partie M. de Juvigny
a entièrement paffé ſous filence ladeca lence
des moeurs de la Grèce, il célèbre au contraire
l'époque même où cette corruption
fe développa & devint irréméliable. « Ja-
>> mais Athènes, nous dit il, ne fut plus flo-
> riffinte que fous l'adminiſtration de Péri-
½ cles. Les magnifiques monumens dont il
158 MERCURE
>> l'embellit , le nombre immenſe de ſtatues
ود dontil ladécora en firent la Ville la plus
>> impoſante de la Grèce. Quelle haute idée
>> tant de magnificence & de grandeur ne
>> devoient - elles pas donner aux Étrangers
>> de la puiſſance & du bonheur des Athé-
» niens ? .... Tous les Arts, tous les grands
>> Hommes y fleurirent à la fois.... Ces jeux
ود où le génie difputoit la victoire au génie ,
» élevoient l'ame, & entretenoient dans tous
>> les eſprits une noble émulation , &c.....
Admire qui voudra tant de merveilles &
leur Auteur, il n'en eſt pas moins vrai qu'elles
coûtèrent aux Athéniens leurs vertus publiques
, leur ancienne police, la ſageſſe de leur
adminiſtration au-dedans & au-dehors. Dans
la conduite des États , comme on l'a fort
bien dit avant moi, il ne s'agit pas d'elever
des ſtatues, mais de bien gouverner les hommes.
Or c'eſt à cette époque, tant célébrée,de
l'illuſtration des talens à Athènes, que l'on vit
pour la première fois le Peuple acheté publiquement
par un Démagogue ; celui ci, à
l'aide de cette vénalité,ſapper le Gouvernement
, qui juſqu'alors avoit fait la gloire
de la République &de la Grèce entière; faire
exiler Cymon & Thucydide qui s'oppofoient
à ſes prodigités & à la rupture avec Lacédemone;
voler le tréſor de Délos pour bâtir
le Temple de Minerve; corrompre les citoyens
en détail après avoir corrompu le
peaple même; convertir à l'uſage des ſpectacles
les fonds deſtinés à la défenſe de l'État;
DE FRANCE.
159
préparer la guerre du Péloponèſe , qui perdit
laGrèce pour éluder le compte de ſes diflipations,
énerver enfin par la molleſſe, les plaifirs
, l'oiſiveté , la Nation à qui ſes Tragédies,
ſes ſtatues &ſes colonnades firent bientôt
oublier ſes moeurs, fa modération & fa
liberté. Il eſt donc vrai que le luxe des Arts
&des Sciences accompagna à Athènes une
corruption publique qu'on vit ſe reproduire,
& toujours au milieu des chef- d'oeuvres du
génie , ſous le règne d'Auguſte & au ſiècle
de Leon X. M. de Juvigny a évité de marquer
cet accord, qui prouve , contre fon fentiment
, que l'époque de la décadence des
Lettres trouve dejà les moeurs dégénérées.
Rome lui fourniſſoit le ſujet de la même
obſervation; il l'indique paffagèrement pour
s'attacher en entier à l'hiſtoire de l'eſprit
humaindans cette République. Après avoir
analyfe , d'après l'opinion de tous les gens de
goût , les qualités des principaux Orateurs ,
Poëtes , Hiftoriens, il paſſe à ceux du ſecond
rang qui ouvrirent la carrière de la médio-
Grité. Voici entre-autres cominent il a caractériſe
Lucain, dont le Poëme a obtenu de
nos jours un inſtant de réſurrection .
σε
"
- Ce Poëme, dont les défauts ſans nombre
effacent le peu de beautés qu'il renferme ,
eſt à la vérité l'Ouvrage de la jeuneffe de
l'Auteur; mais ce n'est point une excuſe.
Il eſt même plus que douteux que Lucain ,
enlevé à la fleur de l'âge , eûr fait mieux fi
>>de plus longs jours euffent permis qu'il
ود
"
30
160 MERCURE
>> retouchât ſon Ouvrage. Ce doute eſt fondé
>> ſur le caractère propre de ce Poëre.... Lu-
>> cain auroit toujours été bourfoufié fans
>> ſubſtance , & giganteſque ſans étre grand.
>> Choix du ſujet , ordonnance , unité , élé-
>> gance de ſtyle, harmonie , précifion , tout
ود
ود
ود
manque à la Pharſale .... Elle est compofee
>>de pièces rapportées, que le Poëte , danscertains
momens de verve , travailloit au hafard&
fans fuite pour les coudre aux en-
>> droits foibles qu'il vouloit relever. Ce qui
>> le prouve c'eſt cette multitude de vers
>> durs, froids , fecs & brifes, le defaut de
>>clarté , le coloris fombre & monotone ,
>> cette marche languiſſante quirègnent dans
>> tout le Poëте..... »
Si l'on compare ce jugement ſévère à celui
tout oppoſe qu'on porta il y a quelques années
fur le même Ouvrage, on ſe perfuadera que
les enſeignes du goût,raſſemblent bien des
infidèles , ou qu'elles font étrangement meconnoiflables.
Dans cette revue de la LittératureRomaine,
M. de Juvigny a confacré un article judicieux
à Pline le Naturaliſte, dont il a cependant
trop exalté le ſtyle. Ce morceau rappelle à
l'Écrivain comme à la penſée de les Lecteurs
, cet Octogénaire étonnant qui tient
pami nous le fceptre de l'eloquence & du
génie ; modèle unique de l'accord qui peut
exifter entre laſcience&les beautésde l'elocution,&
que nous comparons avec douleur
DE FRANCE. 161
à la colonne Trajane au milieu des débris de
l'ancienne Rome.
L'Auteur a tracé un parallèle court & fenfe
des Lettres de Pline le jeune & de celles de
Cicéron ; il donne ablolument la préférence
à celles ci contre l'opinion oppoſée , defendue
un moment en France avec plus d'eſprit que
de Tolidité. « Ciceron, dit forr bien M. de
» Juvigny , n'écrivoit à ſes amis que pour
>> depofer dans leur ſein le ſecret de ſon
>> ame; autti fes Lettres ont elles de l'aifance
> &de la franchite ; elles renferment l'hif-
>> toire de fon'temps , prefentent & peignent
م le caractère, les paffions, les projets , les
>>>intrigues des hommes de fon fiècle ; elles
>> jettent unjour ſur les affaires générales &
>> ſur les cauſes des troubles qui agitoient la
>> République .... Pline au contraire , néà la
>> Cour des Rois , obſerve dans ſes Lettres le
>>> filence d'un Courtiſan . Sa réſerve eſt ex-
>> trême; il ne s'ouvre avec ſes amis ſur au-
>> cun événement public , &c. &c . »
les
Après avoir décrit la chûte des Lettres ſous
l'Empire Grec, les ſoins de Charlemagne pour
diminuer la barbarie du moyen age ,
ténèbres qui couvrirent l'rurope durant plu
fieurs fiècles , la lente renaiſſance des études
&des talens , enin leur perfection en tout
genre ſous le règne de Louis XIV, M. de Juvigny
appelle fon fiècle en jugement , & en
fit le tableau le plus honteux. Des defordres
de la Regence il voit naître une dépravation
univerfelle , dont les progrès fuccellifs
162 MERCURE
font preſque à leur terme ; le Fel Efprit &
une audacieuse Philofophie briſant les règles
& les devoirs ; tous les genres d'éloquence
altérés , la Société pervertie , l'éducation
perdue. Du milieu de ces anathemes
il ne s'élève pas une parole de confolation
; point d'arc- en- ciel qui annonce la
fin du déluge. Nous examinerons dans l'inftant
ſi cette peinture de. profil , malheu
reuſement trop fidelle à beucoup d'égards,
eſt en tout aufli juſte qu'elle est animée ;
mais auparavant il faut décompoſer quelques-
uns des traits dont elle est formée.
Ala tête des Écrivains que M. de Juvigny
accuſe d'avoir gâté les eſprits, ſe trouve Fon
tenelle. Il est à croire que le Public lui abaudonnera
volontiers cer Academicien qu'on
prône encore , qu'on ne lit plus guères , &
n'ayant compoſé avec infiniment d'eſprit, de
connoiflances , même du ralent, que des Onvrages
médiocres , en exceptant toutefois
quelques uns de ſes Éloges, dont la réputation
feroit encore moins brillante fi en ce
genre il n'avoit eu des imitateurs. M. de Juvigny
obſerve avec juſteſſe qu'il eft abſolument
dépourvu d'invention. Ce reproche
n'a pas beſoin de preuves , fi l'on contidère
Fontenelle foit comme Poëte, foit comine Lietérateur.
Quant aux Sciences, a-t- il avancé d'un
pas aucune d'elles? Pourroit on citer de lui
un Écrit, une idée qui ait ajouré aux progrès
des connoiflances exactes ? Bien au contraire
il travailla peut- être à les retarder par fon
DE FRANCE.
163
entêtement pour le Cartéſianiſime. Jamais il
ne put comprendre que la gravitation étoit
un fait, un phénomène, non un ſyſteme; &
la preuve qu'il avoit légèrement étudié Newton
, c'eſt qu'il perſiſta dans la première doctrine.
Soit qu'on le compare à ſes devanciers
, tels que Bacon, Gaffendi, Defcartes ,
&c. , foit qu'on le rapproche de ſes contemporains,
de Locke , de Leibnitz , de Newton ,
de Bayle , il ſe trouve comine Philofophe &
comme Homme de génie à une distance fans.
meſure: difproportion non moins frappante
loiſqu'on place Fontenelle dans le fiècle qui a
ratſemble Pope & Euler, Montefquien &
J. J. Rouffeau , Voltaire , Hume & M. de
Buffon.
Il s'en faut, à notre avis que l'Auteur ait
mis la même raiſon & la même équité dans
ſes jugemens ſur Voltaire & fur J. J. Roufſeau.
Il prodigue à l'un & à l'autre les épi-:
thètes les plus humiliantes , & les diffame
plutôt qu'il ne les juge. En reprochant au
premier les excès dans la critique & même
dans la fatire, falloit- il imiter ſon amertume ?
En huit pages peut-on porter une ſentence
bien morivée ſur un Auteur qui a compoſé
ſoixante Volumes? Lorſque par la nature de
fon travail on s'abſtientde joindre la preuve
à l'accufation , celle ci ne doit-elle pas être
plus réſervée, fur-tout lorſqu'on inculpe àla
fois le caractère& le talent d'un Écrivain.
célèbre? En s'elevant avec force contre l'en
164 MERCURE
thoufiafine des fanatiques admirateurs de
Voltaire , M. de Juvigny n'eſt aucunement
en garde contre celui des détracteurs. Un
eſprit modéré pouvoit conteſter aux Tragedies
de Voltaire la ſupériorité ſur celles deRacine
& de Corneille: les eût-il placees audetfous
de celles de Crebillon ? Voltaire ,
felon M. de Jovigny , n'étoit point original,
& a dù ſes meilleures Pièces à Shakespeare ,
à Crebilon , à Maffei; mais de qui avoit-il
emprunté Brutus , Alzire & Mahomet ? Et
le père de ces trois chef d'oeuvres avoit- il
beſoin de perfonne pour compofer Orefie
ou Semiramis ? Qu'on le defiede l'exactitude
de Voltaire comme Hiftorien , qu'on lui reproche
des erreurs & des légèretés, le triſte
dogme du fataliſme qui rend l'Auteur & le
Lecteur indifférens au vice & à la vertu ,
l'affectation ſyſtématique de charger les attentats
de l'autorité facerdotale , & d'oublier
preſque toujours ceux de l'autorité civile, leſtyle
même & la forme découſue de ſes Ouvrages
hiſtoriques; qu'on le trouve en un
mot un Hiftorien précieux à lire, & le plus
ſouvent inutile à confulter ;cejugement aura.
des fuffrages; mais en relevant les défauts de
P'Effai fur PHiftoire générale, peut on s'avengler
fur les beautes folides & brillantes du
Siècle de Louis XIV , ſur la perfection du
ſtyle rapide , élégant& foutenu de l'Hiftoire
de Charles XII ? Briſons ſur les exemples ,
& répérons qu'à bien des égards M. de
DE FRANCE. 165
Juvigny montre ici trop de prévention .
Elle est encore plus étonnante à l'égard de
J. J. Roufleau . Il eſt impoflible de juftifier
l'emportement avec lequelM. de Juvigny l'a
déchiré. Par- tout ce fublime Écrivain eſt une
imagination folle & déréglée ....; une tête
foile & exaltée .... ; il n'a foutenu que des
par. doxes , & n'a écrit que des rêves extravagans;
sa main a tendu des pièges à l'innocence
; il afouventfait rougir la pudeur.....
EN PAROISSANT CROIRE UN DIEU ,
il a fappé les fondemens de toute Religion.
-L'esprit vempli de noires chimères , le coeur
rongé d'orgueil , il prêche hautement la
liberte , &c. & c. On nous diſpenſera , je crois ,
d'examiner ſérieuſement de ſi étranges affertions.
Le chafte Aureur de la Lettre fur
les Spectacles tendant des pièges à l'innocence!
Comment peut- on ſe permettre d'accuter
d'hypocrifie &d'une foi fimulée en la
Divinité, celui des Ecrivains de tous les fiècles
qui a démontre les principes de la loi
natureile avec le plus d'énergie & de fincérité
, à qui il n'eſt jamais échappé un doute à
cet egard ; qui profeffoit les dogmes fondamentaux
avec enthouſiaſme ,& qui le ſepara
de quelques prétendus Philofophes , uniquement
par fon averfion pour les ſyſtèmes empoiſennes
qui ont fait tantde ravages parmi
nous? J'ai toujours eu peine à comprendre
la maladreſſe des eſprits bouillans & déraiſonnables
qui , en voyant Roulſeau défendre
166 MERCURE
par-tout les premières verités de toute religion
, les moeurs, les devoirs domeftiques,
les vertus publiques & privees , n'ont celle
de l'aflimiler aux fophiftes qui décruifoient
les racines de toute obligation morale,
& de s'unir contre lui à ces derniers
avec un acharnement plus furieux que celui
qu'on manifeftoit contre des Athées effrenés.
Il eft au reſte bien extraordinaire d'entendre
reprocher à Rouffeau , Républicain de
naiflance, de devoir, de caractère; fon
amour pour la liberté. Autant vaudroit crimina
ifer M. de J. de fon zèle pour la Monarchie.
Roufleau , Genevois , auroit été
bien coupable de diffimuler un fentiment que
les loixde fon pays lui preſcrivoient.
L'Auteur établiſſant que depuis Louis XIV
l'efprit humain eſt tombé en enfance ou
en délire, a gardé le filence ſur les Écrivains
tels que Montefquieu, Mably & d'autres
, pour lesquels l'Europe entière a de
Pindalgence. Sans dérentir en aucune manière
les juftes éloges qu'il prodigue aux
talens du dernier fiecle, il eſt à croire que
l'Eſprit des Loix vaut les Provis ciales; Priftoire
Naturelle de M. de Buffon les Saryres
de Boileau , & les trois quarts d'Emule
les Caractères de la Bruyère. On ne pent
enfarter toujours des Athalie , un Art
Poétique & des Fables de La Fontaine. Si
dans la première moitié de ce ſiècle les érudes
& leg nie fe tournerent vers d'autres
DE FRANCE. 167
genres d'application , on a tort de dire qu'il
n'y eut plus ni lumières ni génie. Nous
n'avons pas Quinaut & Fenelon , mais depuis
eux les Sciences exactes ont plus fait
de conquêtes qu'ils n'en firent depuis l'origine
du Monde juſqu'à Galilée. Quelques
parties de la Philoſophie rationnelle ont
participé à cet effor nouveau. Limpartialité
exigeoit que M. de J. en fit l'obfervation ,
& qu'il balançât nos pertes & nos avantages.
Enfuite il eût été fort en arrivant au moment
préſent ; il eût comparé plus heureuſement
l'effrayante nullité qu'on nous reproche
, avec la gloire du dernier fiècle & les
talens du dernier règne ; il eût montré comment
les ufurpations de l'eſprit philosophique
ſur la Littérature avoient éteint l'imagination
; comment, à force de chercher les
cauſes & le pourquoi du beau , nous avions
eu des bibliothèques de raiſonnemens metaphyſiques,
& plus d'Art Dramatique , plus de
Poetie , plus de Littérature productive. Peffant
enfuite à l'état actuel de la raiton , il eût
cherché fi les lumières réſultent en cifet
de la multitude d'Auteurs qui ſe difent
lumineux ; fi l'eſprit de ſyſtème , refugié des
Sciences dans la Philofophie ſpéculative , n'a
pas rendu problématiques plus de vérites importantes
qu'il n'en a découvert ; s'il en eſt
réſulté autre choſe que de l'exagération duns
des doctrines utiles qui ont celle de l'étre ,
qu'une anarchied'opinions,unſcepticifine uni
168 MERCURE
verfel qui nous montre en même- temps l'excès
de la crédulité & des préjugés à côté des
connoiſſances les plus certaines; fi. les demilumières
ne font pas pires que l'ignorance ; fi
la hardieſſe actuelle des idées n'a pas fa caufe
dans le défaut de réflexion plutôt que dans
l'utile indépendance des eſprits, enfin ti les
opinions mutuellemen oppoſées de quelques
milliers d'Écrivains conſtituent la philofophie
&lavérité.
Au lieu de déplorer avec un zèle quelquefois
déclamateur la dépravation de notre fiècle,
& de la caractériſer par nos modes ou
autres détails peu importans, M. de J. pouvoit
examiner quelle a été l'influence de nos
lumières fur nos moeurs. Grande & belle
queſtion à laquelle il touche ſans l'approfondir.
Il eût obſervé que l'eſſentiel n'etoit pas
de précher la vertu, mais de la pratiquer; &
que s'il étoit vrai , comme Helvetius & d'autres
l'ont foutenu , que fans une profonde
connoiffance de la Philofophie on ne peut
être homme de bien , il s'enfuivroit que Céfar
devoit être beaucoup meilleur Citoyen
que Cincinnatus; & Neron , ſi bien élevé par
le fage Sénèque, un modèle de ſageffe &d'humanité
en con.paraiſon de Henri IV. " A ce
>> compte, diſoit J. J. Rouffeau , il n'y a de
>> véritable probité que chez les Philofophes :
>> ma foi ils font bien de s'en faire compli-
>> ment les uns aux autres . » Après cela l'Auteur
eût demandé comment nous avions tant
d'immoralité avec un déluge de Moraliftes ,
tar.t
DE FRANCE. 169
tant de babillards qui ne penfent qu'à eux-
_mêmes , & qui s'enthouſiaſinent de l'amour
du prochain ; tant d'égoïſme dans les actions
&d'humantédanslesJournaux; tantd'amour
en paroles pour la liberté avec tant de vices
qui en excluent le ſentiment; comment enfin
tant de gens ſcandaleux ſe diſpenſent d'être
honnêtes pourvu qu'ils parlent d'honnêteté ?
Le tableau de cette hypocrifie morale , plus
déteftable cent fois que celle de religion à
laquelle elle a fuccédé , méritoit une attention
particulière. Il eû été curieux de rechercher
comment l'inconféquence de quelques
doctrines modernes a produit ce
menfonge entre les moeurs & l'opinion.
Quant au problême ſi la propagation des
connoiflances depuis un demi-fiècle a amélioré
le genre humain, il ſuffit, pour le réfoudre,
de demander ſi ces lumières ont diminué
l'empire des paſſions funeftes , ſi les loix
domeſtiques ſont plus reſpectées, les feinmes
plus réſervées, les fils moins indépendans ,
les contrats d'honneur plus facrés, les dépoſitaires
plus fidèles, le mépris des bienſféances
plus châtié par le mépris public, tous les
devoirs en général plus religieuſement gardés
par l'honnêteté générale&particulière.
En voilà trop peut-être ſur un ſujet que
nous ne pouvons qu'effleurer. Ceux qui le
traiteront auront des matériaux dans le Livre
qui vient de provoquer ces réflexions. C'eſt
l'Ouvrage d'un Écrivain plein d'une faine
érudition , d'un goût châtie, de zèle pour la
Νο. 34, 25 Αοά 1787 .
170 MERCURE
:
gloiredes Lettres&lateftaurationdesMoeurs;
mais ce zèle a desbornes; celui qui publie des
verités utiles , doit fur-tout le garder de les
franchir.
( CetArticle efideM.Mallet- du-Pan. )
DISCOURSfur les avantages ou les défa
vantages qui refultet, pour l'Europe , de
la decouverte de l'Amérique ; objet du
Prix propoſe par M. l'Abbe Raynal ; par
M. P***, Vice Conful à E***. A Paris ,
chez Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Auguſtins,
Ce Difcours , qui réſout la queſtion donz
M. l'Abbé Kaynal a fait l'objet d'un Prix qu'il
afoumis au jugement de l'Académie de Lyon ,
n'a pas été envoyé au concours. Qu'il nous
foit permis de faire à cette occafion quelques
réflexions ſur les Prix des Académies.
La loi de toute Académie , relativement
aux Prix , eft que toutes perſonnes ſoient admifus
à y concourir , à la réſerve des ſeuls
Membres de l'Académie qui décerne le Prix.
La raiſon de cette exception unique eft
fentible , c'eſt qu'on ne peut être à la fois
juge & partie ,& que nul ne peut être juge
dans la propre caufe.
Acette feule exception légale ſe joignent
dans l'uſage d'autres exceptions qu'on croir
de bienféance. La plupart des vieux Littérateurs
font comme ce fameux Montécuculli
DE FRANCE.
A
171
qui , après avoir combattu les Condés & les
Turennes , ne vouloit pas compromettre fa
vieille gloire contre la gloire naiflante des
Généraux qui les remplaçoient. LestMembre's
d'uneAcademieréputée fupérieure,croiroient
déroger en difputant des Prix dans une Académie
réputée inférieure ; les Gens-de-Lettres
parvenus à quelqu'une des grandes Académies
de Paris , ne ſe permettent guères de
> concourir dans une Académie de Province.
Nous ne ſavons s'il n'en résulte pas un inconvénient
contraire au progrès des Lettres ;
il arrive affez fouvent que des Académies de
Province ont le mérite de choiſir , ou que
des particuliers y propoſent de très - beaux
Yujets qui demanderoient la main d'un maitre
, & qui reftent abandonnés à des écoliers
par l'effer du malheureux petit point d'hon
neur dont nous avons parlé ; il ſemble donc
qu'on devroit diftinguer les cas & les circonftances
, & ne pas dédaigner de traiter les
ſujets qu'on auroit choifis foi-même.
Ce point d'honneur , qui paroît n'être autre
choſe que la crainte de ſe compromettre ,
Endi putant des prix indignes de ſes mains ,
a encore une réaction facheuſe. Le dédain
pouvant toujours ſe rendre , dût- on oppofer
un faux dédain à un dédain réel ; les Académiciens
de Province , qui ſe croyent dédaignes
par le refus que font ceux de Paris , de
concourir pour leurs Prix , dédaignent à leur
tour de concourir pour ceux de la Capitale
λ
Hij
172 MERCURE
Voilà donc tous ceuxqui ont un rangdansles
Lettres naturellement exclus de tout concours;
de-là , moins d'ardeur pour ces concours
, parce qu'on les regarde comme abandonnés
à des jeunes gens qui ne font qu'entrer
dans la carrière, ou qui du moins n'ont
pas encore reçu leur récompenfe , & dont le
talent n'a pas la ſanction publique. Il s'en
trouve , à la vérité , parmi eux qui égalent ou
furpaſſent les plus grands Maîtres; mais c'eſt
un bonheur auquel on n'avoit pas droit de
s'attendre , & auquel le préjugé que nous atraquons
, met obſtacle autant qu'il eſt poftible.
Il peut donc en réſulter , & il doit en réfulter
le plus ſouvent que de beaux ſujets
font manqués , parce que le concours , loin
d'inviter les Maîtres de l'Art à deſcendre dans
l'arène , les détourne au contraire de traiter
pour leur propre compte ces mêmes ſujets
dans la crainte de la comparaiſon .
Quia turpe putant parere minoribus.
Le remède à cet inconvénient ſeroit que
Tufage établi dans la plupart des Académies
für uniforme dans toutes , & qu'on pût y
comprer. Cetuſage eſt de n'ouvrir jamais que
le billetdu vainqueur,&de ne ſe permettre
fous aucun prérexte l'ouverture du billet de
Pacceffit. Or , ily a des Académies qui le prérendent
autoriſées à ouvrir le billet de l'acceffit
, parce que c'eſt une eſpèce de Prim
C'eſt un abus, à ce qu'il nous ſemble, Tout
DE FRANCE. 173
Homme en général , à plus forte raiſon tout
homme parvenu aux honneurs de fon état ,
ale droitde ne vouloir point paroître air ſecond
rang , & dans un état d'infériorité à
l'egard de qui que ce foit; mais quand on eſt
sûr de n'être connu quedans le cas du triomphe
,quel orgueil mal-entendu pourroit faire
dédaigner une couronne décernée par les'
fuffrages d'une Sociétéd'Hommes de Lettres ,
quelle qu'elle ſoit ? Se croire ou ſe dire en
pareil cas attaché au rivage parfagrandeur,
n'est qu'une petiteſſe orgueilleuſe , c'eſt le
maſque de la pareſſe ou de l'impuiſſance ,'
c'eſt le dédain du renard pour les raifins
auxquels il ne peut atteindre. Que més t'on à
la place de ce concours qu'on dédaigne ?"
L'inaction. Et quel eft le mérite de l'inaction ?
N'est- il pas évident qu'en tout érarde cauſe
it vaut mieux faire que de ne pas faire , qu'il
vaut mieux fur-tout bien faire que de ne pas
faire, & qu'il vaut incomparablement mieux
avoir fait mieux que tous les autres au jugement
d'une Compagnie Littéraire &favante,
que de n'avoir rien fait du tout :
Sedit qui timuit nenon fuccederet , efto :
Quid qui perfecit , fecit ne viriliter ?Atqut
Hic est aurnusquam quod querimus; hic onus horres
Utparvis animis &parvo corpore majus ,
Hicfubit & perfert; aut virtus nomen mane eft,
'Aut decus &pretium recte petit experiens vir.
Quant au casdu partage , point de difficultés
Hiij
174
MERCURE
celui qui partage le Prix , le remporte. Vous
pouvez , a force de travail & de talent , approcher
de la perfection , autant qu'il eſt poffible,
mais il n'est pas en votre pouvoir d'em- ,
pécher votre concurrent d'en approcher autant
que vous. L'orgueil de Celar , qui ne
vouloit point de ſuperieur , étoit juſte; celui
dePompée, qui ne vouloit point d'égal , étoit
injufte.
Au reſte , ceux qui ſe ſont beaucoup exer
cés dans ce genre d'eſcrime , ſavent que le
Prix obtenu ou manqué, mérite ou non , ne
conclut rien dans la comparaiſon des talens;
& qu'entre des concurrens de force à peuprès
egale, qui ſo ſont ſouvent meſurés , il
n'en eſt point qui n'ait pluſieurs fois vaincu
ſes rivaux , & qui n'ait pluſieurs fois été
vaincu par eux. L'un traite mieux un ſujet ,
l'autre en traite mieux un autre , d'après des
convenances & des rapports difficiles à ſai'ir
&à déterminer; & s'il est vrai qu'un rel fur
brave un tel jour , il est vrai auſſi qu'un tel
fut éloquent & bon logicien un tel jour,&
lès juges ont aufli leurs jours pour bien ou
mal juger. Mais la ſauve -garde de tous les
concurrensindiftinctement, eſt la loi de n'être
pas connus , s'ils ne veulent pas l'être , à
moins d'être vainqueurs .
Eh bien ! dira-t'on , fans s'expoſer à ces
incertitudes , & fans s'aſſujétir aux leix d'un
concours , ne peut on pas traiter d'office &
hors d'un concours les ſujets qui paroiffent
en valoir la peine ?
DE FRANCE Iןלז
Sans doute; mais qu'y gagnerez - vous ? Le
concours eft ce qui fixe l'attention du Public
fur le ſujet traité , & c'eſt un avantage dont
lesOuvrages des particuliers ont preſque toujoursbeſoin.
Eh bien ! ne pourroit- on pas , en profitant,
de cet avantage , & en ſaiſiſſant l'occafion
d'un concours ouvert, traiter pour ſonpropre
compte le même ſujet ſans l'envoyer au
concours?
Sans doute ; & c'eſt ce qu'a fait l'Auteur
de l'Ouvrage que nous annonçons ; mais
c'eſt ce que ne voudroient jamais faire ceux
que retient le faux point d'honneur dont
nous avons parlé ; ils ne craignent tien tant
que de donner lieu à des parallèles. Or, traiver
un ſujet pour lequel il y a un concours
établi , fi ce n'eſt pas entrer dans le concours ,
c'eſtdu moins en être à côté & s'en tenir bien
près, c'eſt donner lieu à des comparaiſons ,
&c'eſt un premier éloge qui eſt dû à l'Au
teur dont nous parlons , quel qu'il foit , Academicien
ou non Academicien de la Capitale
ou des Provinces; il faut lui ſavoir gré de
n'avoir pas privé le Public d'un bon Ouvrage ,
dans la crainte que ce même Public ne vint
un jour à lui égaler ou à lui préférer quelques-
uns de ceux que le concours pourra faire
naître. En attendant , voilà toujours le ſujet
fort bien traité , la queſtion ſolidement difcutée
& fagement réfolue. Elle ne pouvoit
même l'être ainſi à beaucoup d'égards
parun Écrivain Philoſophe,un penfeur pioe
Hiv
176 MERCURE
:
fond , à qui l'Amérique eſt connue , qui l'a
obſervée , qui l'a étudiée , qui a eu des relations
neceffaires avec ſes plus illuftres defenfeurs
, qui a été du nombre de ceux- ci , &
Aſtingué parmi eux ; qui peut dire des grandes
révolutions opérées dans cette contrée
pour en affurer la liberté:
Etquorum pars magnafui.
Qui enfin, fi nos conjectures ne nous trompent
pas , & s'il nous eſt permis de les hafarder
, a donnéde cette même contrée , de
fes habitans , de leurs moeurs , de leurs intérêts
, de leur conftitution , de leurs vues
pour la fixer & l'améliorer , une defcription
très - agréable & très intéreſſante , que des
traductions ont déjà rendue aufli familière à
Londres qu'à Paris , à ceux même qui ne favent
pas le françois.
"Un des plus illuftres Écrivains de notre
>> fiècle , dit-il , qui s'eft appliqué à con-
>>>noître , à décrire toutes les Legiſlations ,
>> tous les Gouvernemens , afin de les éclairer
» & de les améliorer , afin d'allier un jour ,
ود s'il étoit poffible , la politique à la philo-
>> fophie , le commerce à la politique , & le
>> patriotiſme au commerce ; M. l'Abbé Ray-
» nal, enfin, car il vaut mieux pour ſa gloire
ود
le nommer que le dépeindre...... Après
>> avoir développé tous les rapports qui exif
> tent entre les differens États de l'Europe ,
entre les différentes parties du monde ,
ſemble ſe replier fur lui-même , & ne
1
DE FRANCE. 177
- rentrerdans le ſanctuaire de ſa propre conf
>> cience que pour y retrouver le doute à la
> place des erreurs dont il a purgé la terre..
>>Sa penſée hardie & infatigable a parcoura
> les deux hémisphères ; il a fcruté toutes les
>>loix , pénétré dans tous les confeils ; il a
>> préſidé aux armemes , au départ des flot-
>> tes , & conduit leurs riches chargemens
>>juſques dans les magatins deſtinés à les
„ recevoir ; le Négociant n'a pas craint de
lui ouvrir ſes livres,& de le rendre cons
>> fident de ſes craintes & de ſes efpérances ,
>>' il a ſu tout ce qu'on peur apprendre , tour
>> ce qu'on peut deviner ; & cependant c'eft
>>encore un problème pour lui , fi la décou-
>> verte de l'Amérique a été utile ou nuiſible
>>à l'Europe....... Qui ofera décider ce qui
>> paroît douteux à l'illuftre Auteur par qui
>>le Prix eft propofé ?......Quels arbitresjuge-
>> ront ce qu'il n'a pas jugé ? »
"L'Auteur de ce Difcours décide cependant
cette queſtion , & il la décide par le principe
le plus fimple & le plus lumineux. Si le commerce
eft utile au monde, la découverte de
l'Amérique a étéutile àl'Europe. Mais comme
if pourroit arriver que dans la difcution de
cette queſtion parmi les Ouvrages que le
concours doit faire élore , l'éloquence & la
perfuafion ſe trouvent du côté de ceux qui:
peindront avec plus de force les inconvémens
que les avantages, qui rendront préſentes
dans leurs vives defcriptions la déva
ration de l'Amérique , la férocité des vains
Hv
178 MERCURE
queurs Caftillans ,&cette plaie, la plus hor
rible que la barbarie humaine ait encore
faite à l'humanité ,& cette autre plaie fi honreuſe,
qui ſemble en avoir ére la peine , mais
qui s'eſt étendue trop loin , & tous les autres
Héaux phytiques & moraux nés de cette fourcefuneſte
:
Summi materiem mali.
Nous ne nous preſſerons point de prendre
unparti fur cette grande queſtion ; nous nous
contenterons de donner le précis & le réfultat
des idées de l'Auteur ſans l'adopter , fans
le combattre. En effet, fi des ſophifmes éloquens
contre les Lettres , fi des paradoxes
éblouiſſans ont pu, contre l'attente de l'Auteur
, contre le voeu des juges qui eſpéroient
&defiroient couronner l'éloge des Lettres ,
&non pas leur fatyre , obtenir , & même juftement,
à l'illuftre Rouſſeau le Prix de l'Académie
de Dijon , combien l'Orateur , qui gémira
éloquemment ſur les déſaſtres par lefquels
l'Europe expie encore les cruautés
qu'elle exerça far l'Amérique , ne trouveravil
pas de facilité à entraîner les eſprits , à
mouvoir les coeurs ? L'Auteur du Diſcours
que nous examinens , quoiqu'il conſerve les
formes oratoires , n'a rien voulu devoir à ces
preftiges de l'imagination; c'eſt par la force
feule des raiſons qu'il veut triompher , c'eſt
un Difcours philoſophique qu'il veut faire ,
&il a raifon ; car toutes les fois qu'il doit y
avoir une conduite à tenir en conféquence
DE FRANCE.
179
des vérités dont on fera convenu , on ne peut
mettre trop de fang- froid dans la recherche
& dans l'examen de ces vérités , ni prendre
trop de précautions pour s'affurer que ce font
des vérités.
Que le commerce foit favorable à la profpérité
des Nations , c'eſt de quoi , Melon l'Au
teur , on ne peut raifonnablement douters
c'eſt le ſeulmoyen de corriger l'inconvenient
de l'extrême inégalité des fortunes qui decoule
néceffairement de lapropriété, c'eſt le
ſeul moyen de faire rentrer le riche à cerr
tains égards dans la dépendance du pauvre,
& de tirer le pauvre de la dépendance bien
plus facheufe & bien plus funefte où il feroit
à l'égard du riche. Donnez au riche des goûts,
des pations , des beſoins , l'idée & le defir de
jouillances nouvelles , où ſes richeſſes refreront
accumulées ſans profit ni agrément
pour lui ni pour les autres , & au grand detriment
de la ſociété. C'est le commerce qui
rétablit la circulation & l'activité dans tous
les membres du corps politique, en faifant
entrer l'induſtrie en partage du ſuperflu des
riches , & en débarraffant ceux ci d'un fit
perila incommode , auquel l'induſtrie ſeule
du pauvre peut donner une valeur.
Si tels font les avantages du commerce ,
gardons - nous bien de les børner ; le comamerce
intérieur ne fuffit pas ; c'eſt peu que
Tinduſtrie puiſſe réclamer ſa part dans la richefle
du propriétaire regnicole ; par- tour on
il exiſte des terres, des alimens, de la richeiſe
Hj
180 MERCURE
enunmot, Pinduſtrie peut exercer ſes droits :
elle ira chez le Kuſſe , chez le Polonois por
ter ſes ouvrages , & leurs greniers, lui feront
ouverts; les moiffons qu'elle y aura trouvé
raflemblées manqueront dans quelque autre
partie de la terre, elle ira les yporter; utile
ainſi àdes climats diverſement traités par la
mature & par la fortune; utile fur- tout à
elle-même.
En un mot , l'homme ſans propriété ne
peut ſubſiſter que par l'induſtrie ; l'induſtrie
ne peut profpérer ſans le commerce inté-
✓rieur, ni le commerce intérieur ſans le commerce
extérieur. C'eſt ainſi que tout ſe tient
dans le monde, & que tous les beſoins réci
proques forment la chaîne phyſique & mo
rale qui doivent rapprocher & unir les habitans
de toutes les contrées de la terre.
D'après ces notions , il eſt évident que la
découverte de l'Amérique eſt un bien , puifqu'elle
a donné au commerce un monde nouveau;
il eſt évident qu'on ne peut trop mul
tiplier les découvertes , trop ouvrir de routes
au commerce , & de ſources à l'induſtrie ,
trop donnerdebeſoins au riche , trop fourni
de reffources au pauvre.
22
وو
ود
32
• Souffrez , dit l'Auteur, que ce grandpof
ſeffeur de fiefs , que ce Seigneur qui domine
ſur toute une contrée , devienne un
homme ſenſuel & recherché dans toutes
ſes jouiffances; car bientôt il trouveraFem-
>> ploi de ſes richeſſes , il n'aura plus de ſu-
* perflu , & c'eſt le ſuperflu qui donne le
DE
FRANCE. 181
>> ſentiment de l'indépendance , dont l'op-
>>preffion & la tyrannie font les funeftes
>> conféquences. Qu'il n'entaffe donc plus
" lesproductions de ſon ſol , pour les laiffer
>> périr ou les diftribuer au gré de ſes capri-
>> ces , mais qu'il s'empreſſe de les échanger
>> contre les denrées coloniales , ces nobles
enfans du commerce & de l'induſtrie , qui
>> ne connoiffent pas d'autres maîtres , & qui
* ſemblent argueilleux de n'être pas nés ſous
>>la verge de la féodaliré.
Mais les inconvéniens de la découverte dè
l'Amérique ne balancent- ils pas , n'égalentils
pas , ne furpaſſent-ils pasineine ſes avantages
? L'Auteur fait très bien voir que les
inconvéniens, les crimes , les fureurs qui accompagnèrent
la découverte de l'Amérique ,
n'enétoient nullement inféparables , & n'appartenoient
pas plus effentiellement à cette
expédition qu'à toute autre. C'eſt le tort du
fiècle, ou d'une nation dans ce fiècle , ou de
quelques particuliers dans cette nation. Il ea
évidentqu'on pouvoit découvrir l'Amérique,.
établir avec cette contrée un commerce utilá
à l'Europe , fans égorger un million d'hommes
dans l'Iſle Hifpaniola, fans faire dévores
par des chiens ces malheureux ſauvages.
" Étoit- il donc beſoin que les Européens
>> traverſaffent les mers pour devenir injuf
>> tes & fanguinaires? Rendrons - nous la
» découverte de l'Amérique reſponſable de
> tous les vices du ſiècle où le haſard l'a
>> placée : N'est- ce pas dans ces temps mal
182 MERCURE

!
!
> heureux que les Maures&les Juifs éprou-
ود voient en Eipagne la plus ſanglante perfé-
> cution ? N'est- ce pas alors que l'Italie étoit
" défolée par des tyrans domeſtiques & des
>>brigands étrangers? Que le defpotiſme &
l'intolerance courboient fous un joug de
> for le noble & antique empire des Ger-
>> mains; que les échafauds étoient dreſſes
"
" chez l'Anglois & chez le Batave ; que le
>> fang de l'étranger & du citoyen inondoit
la France ; que le fanatiſme & la fuperf-
>> tition régnoient dans toute l'Europe? >>
"
Ily a dans tous les ſiècles & chez toutes les
nations , des exemples de ces erreurs&de ces
cruautés ; les cruautés exercées par les Eſpagnols
en Amérique , font d'un genre à part ,
&ont fait époque; mais ces cruautés , encore
un coup , loin d'être inſeparables de ladécouverte
de l'Amérique , ne pouvoient que nuire
beaucoup aux avantages qu'on avoit lieu d'en
attendre.
, Quant à la dépopulation de l'Eſpagne
P'Auteur ne Pattribue point à la découverte
de l'Amérique , mais à l'expulfion des Maures
& des Juifs , à l'Inquifition , à la ſuperſtition
qui a multiplié les Moines&les célibataires ,
àla foibleffe des derniers Rois Autrichiens ,
aux guerres & à diverſes autres maladies politiques;
il obſerve qu'une partie de ces caufesdedeſtruction
n'exiſtant plus aujourd'hui ,
P'Eſpagne , toujours maîtreſſe des Indes , &
plus appliquée que jamais à faire valoir cette
DE FRANCE. 183
riche poſſeſſion , a augmenté ſa population à
un degré conſidérable.
Je voudrois , dit- il, qu'il fût auſſi aiſé d'abfoudre
l'Amérique d'un autre reproche qu'on
lui fait , celui d'avoir infecté l'Europe d'une
maladie cruelle & honteuſe; mais le parti
qu'il a pris ne le rend point injuſte. Il ne cherche
pas même à prendre ſes avantages ; il
n'adopte point l'idéedu Docteur Sanchez, qui
foutenoit contre l'opinion de M. Aftruc, que
ce mal n'avoit point été apporté de l'Amerique
en Europe; il convient de bonne-foi de
cet inconvénient de la découverte de lAmérique
; mais il obſerve que ce funeſte événement
, ( l'acquiſition de la maladie du nouveau
monde ) pouvoit arriver ſans que les
Européens formaſſent aucun établiſſement en
Amérique; qu'il ſuffiſoit du haſard qui auroit
égaréun vaifleau dans quelques- unes des Ifles
du golphe du Mexique , & que ce hafard devoit
arriver tôt ou tard , les Canaries & les-
Açores étant déjà fréquentées ,& la navigation
ayant fait des progrès qui rendoient tous
les jours les Marins plus hardis & plus entreprenans.
Mais quand ce haſard ſeroit arrivé , c'eût
été la découverte de l'Amérique ; & c'eſt en
effet à cette découverte qu'il faut attribuer
l'acquiſition du mal dont il s'agit ; il eſt vrai
qu'un plus grand inconvénient encore , &
qui étoit dans l'ordre des poffibilités, auroit
été de ne connoître l'Amérique que par hafard,
& pour y prendre ce mal fans tirer au
154 MERCURE
1
cundes avantages qu'on a tirés de cette de
couverte relativement au commerce.
Plus cer Ouvrage eſt ſubſtantiel , & plus
nous ſommes forcés de nous borner au réful.
tat des idées principales , ſans nous engager
dans le détaildes idées acceffoires qui les fortifient&
les embelliffent : c'eſt untiflu plein
&ferrédonton nepeutrien détacher fansfaire
tort à l'Ouvrage. Il plaira beaucoup aux penfeurs
, car il fait beaucoup penfer; nous ne
ſerions pas ſurpris que ceux à qui les idées
philofophiques & politiques font moins familières
, trouvaſſent une étude où les autrespe
trouveront qu'une lecture agréable , &
qu'ils ne ſe plaigniffent quelquefois de cetre
fuppreffion des idées intermédiaires , fi ordinaire
aux bons Écrivains, qui donne plus de
rapiditéà leur ſtyle , &qui épargne du dégoût
&de l'ennui aux Lecteurs intelligens.
PIÈCES intéreſſantes & peu connues , pour
Servir àl' Histoire& à la Littérature ; par
M. D. L. P. Tome Ve. A Bruxelles , & ſe
trouve à Paris , chez Prault, Imprimeur
du Roi , quai des Auguſtins.
:
Nous avons fait connoître le genre de
ce Recueil intéreſlant & utile , en rendant
compte des quatre premiers volumes , qui
ont joui d'un ſuccès mérité. C'eſt une Collection
très- variée d'Anecdotes , de Lettres,
de morceaux curieux , tant huſtoriques que
Littéraires , très -propres à remplir le double!
DE FRANCE 185
but de l'Auteur , qui cherche à être utile aux
Lettres& à ceux qui ſuivent la carrière de
Hiftoire. M. D. L. P. , par d'illuſtres liaiſons,
tant enLittérature qu'en Politique, & par la
confiance qu'il a toujours méritée perſonnellement
, a dû trouver des reffources dans
fon porte fenille; & il y ajoure encore le
fruit de ſes lectures & de ſes recherches.
Nous invitons nos Lecteurs à lire se nouveau
volume , dont nous allons citer un morceau
pu deux. Voici une Anecdote peu connue
deBoffuet.
ود
"
" Dès l'âge de ſept ou huit ans, le fameux
> Bolſuet déclamoit un Sermon avec une facilité
& des grâces au deſſus de ce qu'il
étoit poflible d'attendre de cer âge. Il endébitoit
un au fameux hôtel de Rambouilles,
> après le ſouper ,& environ fur le minuit.
>> La compagnie , qui étoit nombreuſe , ad-
>> miroit cet enfant; lorſque quelqu'un ayant
» demandé à Voiture ce qu'il en penſoit ;
- Ma fri ,s'écria-t'il ,je n'entendis jamais
» prêchernifi bien , ni fitôt, nifi tard. »
Lebon Louis XII ne laiffa pas que d'avoir
quelques maîtreffes. Nous allons finir par
une de ſes aventures. C'est une liaiſon affez
fingulière qu'il eut à Gênes avec la belle Thomaffin
Spinola, la plus belle femme qu'eut
alors l'Italie .
" Louis XII , fans être ce qu'on appelle un
>> bel homme , étoit vraiment aimable : il
> avoit le regard riant &doux , des manières-
>> aiſées , le ton gracieux , & cet air de bonté
1
186 MERCURE
» qui charme toujours dans les Souverains;
fon eſprit répondoit à ces dehors , & fa
» converfarion étoit aufli animée qu'agreable.
>> Aufli la belle Thomaſſin ne put voir tant
* de mérite dans Louis, fans concevoir le
>> defir de lui plaire. Sa pudeur combattic
>> long- temps ; mais l'amour triompha , &
> d'autant plus aisément , que le Monarque
» n'avoit pu voir impunement tout ce que
>> valoit Thomallin .
>> Ils eurent en conféquence,( dit Johan
>> d'Anthon , fon Hiftorien) differens entre-
» tiens , & devisèrent ensemble de pluſieurs
>> chofes par honneur. Thomaffin en vint
➤ même au point de prier le Roi de trouver
>> bon qu'elle fût fa moîtreffe de Cour ,&
luifon amant , ou , commel'on pule en
> Italie , fon Intendio , c'est-à-dire , l'objet
>> auquel l'un & l'autre ropporiaffent leurs
penfies. On fent bienque Louis n'ayant eu
garde de lui refuſer, la Dame regardant
" cette faveur comme le bonheur le plus
▸ précieux qui pût lui arriver , oublia pour
ود
cet auguste amant tout le reſte du monde,
› ne voulut plus penſer , vivre & refpirer
» que pour lui , & au point que le mari
• mêmeyperdit ſes droits. Ce qui pourrait
>> donner à penser ce qu'on voudroit , ( dit
.. très - prudemment le Chroniqueur de
» Louis XII ) mais fuivant les mêmes inf-
>> trufts , ajoute-til, il n'y eut jamais que
>> l'esprit & le coeur de la belle qui foDenz
» pour quelque chose dans l'aventure.
ود
۱
33
2
دد
ود
"
ود
ور
ود
DE FRANCE.
187
>> En effet , le Roi ayant quitté Gènes , la
> tendre Spinola ne ſe mit point en devoir
de le ſuivre; mais fon amour ne ſe ſoutint
2
و د
pas moins avec la même vivacité ; car le
>> Roi étanttombé malade en Italie en 1507 ,
>>& y ayant paſſe pour mort, la belle &
>> tendre Génoiſe en fut accablée au point
>> qu'elle en mourut trois jours après, & le
>> Roi y fut allez ſenſible pour ordonner à
>>l'Abbé d' Authon,fon Chroniqueur, de con-
" ſacrer à la Poſtérité le mérite & la vertu
>>de la belle Thomaſline. C'eſt ce que celui-
>>ci prétendit faire dans quatre longs Poëmes
>>>qui ſe trouvent manufcrits dans la Biblio-
>>thèque du Roi , où il donna à la défunte le
>>>>titre de Dame Intendio du Roi.... Outre
"
ود
les circonstances de ſa mort, on y apprend
que Thomaffine étoit jeune encore & dans
>>tout l'éclat de la beauté lorſqu'elle mourat
> victime de Louis .
ود
و و
Mais ce qui prouve, à n'en pouvoir
>> preſque douter , l'innocence de ce com.
» merce , c'eſt que le Roi, ſuivant cet Hiſto-
>>rien, envoya tous ces vers à Gènes pour
» qu'on en ornat la pompe funèbre & le
>>- tombeau de Thomaſſine, enfigne de conti-
» nuelleſouvenance &ſpectacle mémorable. »
í
188 MERCURE.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
L'AUTEUR d'Antigone ayantretiré ſaTra
gédie , après la ſeconde repréſentation , pour
y faire les changemens qui peuvent ajouter à
fon effet , & en rendre l'intérêt plus pref- 1
fant , nous remettrons l'article que nous
avons promis au moment où elle reparoîtra;
ce qui fera vraiſemblablement au commencement
de l'hiver prochain.
ANNONCES ET NOTICES.
CARTE Élémentaire de la Navigation du
Royaume , fur laquelle est indiqué tout ce qui a été
dit& pensé , & ce qui reſtoità propoſer de plus important
fur cette matière intéreſſante. A cet effet on
yatracé un ſyſtême général de Navigation ; & afin
derendre cetteCarte plus généralement utile , on a
exprimé ce ſyſteme de manière que d'un ſeul coupd'oeil
il ſoit facile de reconnoître , à l'aide de quelques
marques dont on donne l'explication , nonfeulement
l'intérêt que chaque branche de ce fyf
têmeparoît mériter, mais encore le degré de puffiDE
FRANCE. 189
bilitépublique de ſon exécution ; par M. de Fer de
la Nouerre , ancien Capitaine d'Artillerie , Acadeéinicien-
Correſpondant de l'Académie Royale des
Sciences de Turin , &c. A Paris , chez l'Auteur , rue
Guénégaud , nº . 30. Prix , 6 liv.
On trouve chez le même Auteur la Science des
Canaux navigables , 3 Vol. in - 8 °. , Ouvrage chimable
& vraiment utile.
NOUVELLE Description des Curioftrés de
Paris , feconde Édition corrigée & augmentée ,
2 Parties in 16. Prix, 3 liv. brochées , 3 liv.
12 fols reliées en un Volume , & 4 liv. 4 fols en
deux. A Paris , chez Lejay, Libraire , rue Neuve
des Petits-Champs.
Nous avons annoncé avce éloge la première
Édition de cet Ouvrage.
La Porte - Feuille des Enfans , Mélange intéreffant
d'Animaux , Fruits , Fleurs , &c. , nº. 12 .
Prix, liv. 4 ſols. A Paris, chez Nyon l'aîné , Libraire,
rue du Jardinct; Mérigot jeune , Libraire,
quai des Auguſtins; Née de la Rochelle , Libraire ,
rue du Hurepoix, près le Pont Saint Michel , &
Chéreau, Marchand d'Eſtampes , rue des Mathurins:
& à Versailles , chez Blaizot , Libraire , rue
Satori.
DISSERTATION fur le Quinquina , in-folio de
trois feuilles. A Paris, chez l'Auteur , M. Buchoz ,
rue de la Harpe , au deſſus du Collège d'Harcour,
19. 109. Prix , 3 liv. avec figures coloriées .
TRAITĖ des Maximes du Droit François, par
- M. J. A. D. J. E. A. 4. P. D. T. E. D. P. C. R. in.
190
MERCURE
15. Prix , 2 liv. to fols relié. A Paris , rue des grands
Auguftins .
L'Auteur de cet Ouvrage, qui n'eſt pas fufceptibie
d'analyſe , a recueilli & commenté les Maximes
du Drost François , ceſt-à dire , des règles qui en des
termes courts & précis expoſent ce qui ſe pratique en
certains cas , comme le Koi ne meurt pas , &c. Ce
Recueil peut être utile.
La Folle de Paris , ou les Extravagances de
IAmour & de la crédulité , Ouvrage rédigé & mis
au jour par M. Nougaret, 2 Parties in- 12 . Prix ,
3 liv A Londres, & ſe trouve à Paris , chez Baltien ,
Libraire, rue des Mathurins , nº. 7.
LHéroïne de ce Roman enchérit ſur toutes les
folles qué la mode a fait éclore depuis quelques
temps, ele réunit tous les genres de folie. Elle est
folle par amour , elle croit aux revenans ; s'occupe
de la ſcience des nombres pour la loterie qui la
rune ; ſe livre au magnétiſme en faratique; croit
aux filtres , aux génies ,&c. &c. A la fin fon amant ,
qu'elle avoit cru infidele , revient , & qui rend ſa
raiſon par un baifer , & par la menace de fe percer
devant elle de ſon épée.
La voilà qui ceſſe d'être folle par amour ; il y a
apparence que toutes les autres folies lui reflent ,
car l'Auteurn'en parle plus .
FIGURES des Métamorphoses d'Ovide, gravées
par Coiny , d'après les Doffins de M. Regnauld,
deuxième Livraiſon. Prix , 4 liv. A Paris ,
rue Pierre- Sarrazin , nº, 16 .
Cette feconde Livraiſon eſt auſſi ſoignée que la
première. Ces Eſtampes font faites pour la Traduction
de M. l'Abbé Bannier , imprimée in- 18 par
M. Didot l'aîné ſur papier velin.
DE FRANCE. 191
LE Pot au Lait & le Verre d'Eau , deux E
tampes taifant pendans , gravées d'après Hon Fragonard
, par Nicolas Ponce , rue Saint Hyacinthe,
nº. 19 .
Ces deux Estampes ſont d'une compofition & d'un
effet agréables.
NUMÉROS 33 à 37 des Feuilles de Terpsychore
pour la Harpe & pour le Clavecin, formant cinquante
deux Numéros pour chaque Inftrument
Prix , 1 liv, 4 fols ſéparément Abonnement pour
chaque inſtrument 30 liv . A Paris , chez Coufineau
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meilleurs Maitres. Prix , ſéparément ; liv. Aboanement
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Numéros 25 à 28 du Journal de Harpe , par les
meilleurs Matres , & 35 à 38 da Journal Hebdomadaire
, contenant des Airs de tout genre arrangés
pour le Piano-Forte. Prix , 12 fols chaque Numéro
ſéparé, Abonnement pour cinquante - deux
Numé os is liv. franc de port. A Paris, chez
Leduc , au Magaſin de Muſique & d'Inftrumens ,
ruc du Roule, n°. 6.
MONTRES Solaires ou Boufſotes portatives façon
de Montres.
:
L'Auteur des Cadrans Horisontaux avec équation,
dont nous avons parlé , notamment le 19 Mai dernier,
voyant que cette eſpèce de bijou eft fort re
cherché, s'eft efforcé d'y donner plus de juſteſſe &e
de perfection , & après plusieurs effais il croit y
avoir réutli , & ne laiffer rien à defirer du côté du
choix & de la trempe de l'acier , de la main doeuvre
&da fini. Il faut avouer que ces Montres-là reu
792 MERCURE
Le
niffent l'agrément à l'utilité. Comme il poſsède les
différentes latitudes, il peut en faire pour tous les
pays en deux Cadrans d'émail pour chaque Bouf
Lole, grandeur proportioncée pour être juste.
prix eit de 72 liv. en finilor furdoré. On s'adref-
Tera à l'Auteur, M. Pellier , chez M. Benezy, hô
tel des Afturies , rue du Sépulcre , Fauxbourg Saint-
Germain. Comme ces pièces peuvent ſervir à régler
les Montres & Pendules , on y a joint un Précis
d'Équation. Il donnera aux Acquéreurs uue Note
pour faire connoître plafieurs utilités de ces pièces ,
&un avis pour diftinguer une bonne Bouflole d'une
mauvaiſe.
TABLE.
FIN du Fragment traduit du Discoursfur la découverte de
Poëme des Jatlins . 145 l'Amérique ,
Charsoe, Enigme & Logogry Pièces interessantes&peu con-
De la De alence des Lettres Coméne Françoise ,
&des Maws
170
149 nues , 184
151| Annonces&Notices,
168
ib.
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde des-Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 25 Aout 1787. Je n'y
zì zien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſtion. A
Paris, le 24 Août 1787. RAULIN.
:
JOURNAL POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 10 Août.
TE Roi de Suede a envoié à Mofcou le
Baron de Cederſtrom , fon Maréchal de
Cour , pour complimenter l'Impératrice de
Ruffie à fon retour de Cherfon .
Par des lettres du Kamtſchatka , on apprend
qu'un vaiſſeau Anglois , chargé de
thé & d'autres marchandises de Chine , eſt
arrivé dans cette preſqu'ifle , qu'il a déchargé
ſa cargaiſon & pris en retour des marchandiſes
pour la Chine. Deux autres navises
Anglois étoient artendus inceſſamment
au Kamtſchatka .
Nous avons donné l'état du commerce
de Pétersbourg en 1786 : voici celui du
N°. 34, 25 Août 1787.. g
-
1
( 146 )
:
commerce de Riga pendant la même annee
; ces notices feront utiles à ceux qui
veulent établir la balance du commerce du
Nord.
EXPORTATIONS.
Roubles Cов.
Pour l'Angleterre ...... 1,239 646 44
La Hoilande .
... 830,236 58
La France ........
• L'Eſpagne
Le Portugal ......
L'Italie .. : .
286 699 40
.. 329,397 28
146,985 98
91,185 55
Hambourg . .......
Lubeck ....
Danzick .
Roſtok .......
Breme .....
..
.....
..
..
15,464 93
234,679 80
2,094 90
11,813 70
40 96,070
532,84 83
44.584 41
443,700 40
25,271
146,213 70
4
La Suede ....
En exemption de droit ..
Le Dannemark ....
La Pruſſe .
L'Allemagne ......
Total....... ....
4,484,726 34
IMPORTATIONS .
D'Angleterre pour .......
D'Hollande..
De France .........
D'Eſpagne .......
De Portugal.......
De Hambourg .......
De Lubeck .......
.....
...
....
...
..
Roubles . Cop .
210,400 87
170,928 25
229,120 375
113.487 75
2,387 50
172,495 37
20,703 37元
Le Danzick . 4,881 75 ....
De Roſtok .......
De Breme .............
867
4,245 50
( 147 )
- De Suede ...
De Dannemark .
De Prulle ...
........
...
153.437 75 .
55,676 50
1,407 25
331,122 874
............ 1,491,167 12
D'Allemagne ...........
Total...
Balance en faveur du commerce de Riga ,
2,993,559 roubles.-
L'importation des eſpeces aété de 358,826
ducats, & de 837,229 écus d'Alber &
Les droits levés pour toutes les marchandiſes
ont monté à 748,287 roubles & 16+ copeiks.
Le nombre des bâtimens arrivés à Riga en
1781 étoit de 699 & celui des bâtimens qui en
font partis de 676.
De Berlin, le 9 Août.
Deux Compagnies d'Artillerie ſont parties
d'ici le 1 de ce mois pour Magdebourg ,
&cinq Eſcadrons des Huſſards d'Eben pour
la Westphalie. Le Général - Major d'Eben
--étoit à leur rête. Il a été expédié en même
temps des chariots chargés de vivres , de
-munitions de guerre & d'argent. Le Tréſorier
de l'armée eſt M. Krohmer , Quartier-
Maître-Géné al du régiment de Braun. Outre
les Corps en mouvement , 7 autres régimens
ont ordre de ſe tenir prêts à entrer
en campagne.
On ailure que le départ du Roi pour la
Siléſie eſt fixé au 14 de ce mois. S. M. fera
la revue près de Neiſſ, du 22 au 24, &
celle près de Breſlau, depuis le 28 juſqu'au
g2
( 148 )
30; & elle compte revenir dans cette Capitale
le 1 Septembre.
Un ordre du Cabinet , du 25 Juillet ,
permet le tranfit par les Etats du Roi des
marchandises de terre d'Angleterre & autres
, fans avoir beſoin de Paffeports particuliers
, en payant les droits du tarif.
On ne doute plus que le Duc de Brunfwick
ne commande en chef l'armée de
Westphalie; il aura ſous lui les Lieutenans-
Généraux de Knobelsdorf ,de Gaudi , de
Lottum, & les Majors Généraux de Woldeck
, de Budberg , d'Eckartsberg , de
Marwitz , de Rohr , de Kalkreuth &
d'Eben.
1
De Vienne, le 9 Août.
C'eſt le 26 Juillet, que l'Archiducheſſe
Marie-Chriſtine& le Duc Albert de Saxe-
Teſchen , ſon époux , font arrivés ici de
Bruxelles . On attend actuellement les Députés
des Provinces Belgiques. Les préparatifs
militaires ne ſont pointfufpendus , mais
Jes Régimens défignés doivent s'arrêter jufqu'à
nouvel ordre,
Le 14 Juillet un courrier a apporté à
Lemberg un ordre aux régimens de Cavalerie
de Wurmſer , de Modene & de Levenohr
de ſe rendre dans la Monavie& la
Siléfic Autrichienne.
1
:
( 149 )
De Francfort , le 14 Août.
Les bagages du Duc de Brunswick , fo
rendant à Weſel , ont traverſé Lipſtadt le
2 de ce mois. Le lendemain , S. A. S. ellemême
eſt arrivée à Minden , accompagnée
de trois Aides de-camp , & a continué ſa
route vers le Duché de Cleves. Nuit &jour
on ytravaille aux attirails de campagne. On
a enrôlé les Boulangers & les Chirurgiens
de l'armée. A la même dare, (le , 2 ) les régmens
& l'Art llerie de Magdebourg fo
font msen marche
Le landgrave de Heffe Caffel a permis
aux Catholiques Romains , qui demeurent
à Hanau , de célébrer le ſervice divin dans
une maifon, pa ticuliere , où l'on- a anangé
pour cet objet une grande ſale.
Une lettre de Luxembourg raconte le
trait fuivant , dont nous ne garantiffons pas
la vérité.
>> On parle de la disgrace da général Rutan
qui commandoit la garniſon de Luxembourg,
ſous les ordres du général Bender. Voici com
ment on raconte cene affaire. Pendant l'abſen
ce de ce dernier , que les affaires de fervice
avoient appellé à Fribourg , les bourgeois de
Luxembourg ayant fait demander au général
Rutan , s'ils pouvoient mettre des cocardes à
leurs chapeaux , celui-ci leur fit répondre qu'ils
pouvoient faire ce qu'ils voudroient. Peu de tems
ap ès les mêmes bourgeois ayant fait demander
audit général la permiffion de pouvoir publi
83
( 150)
4
quement s'exercer aux armes , ils en reçurent
la même réponſe. Sur ces entrefaites arrive le
général Bender qui fait défenſe de porter les
cocardes , fait défarmer les bourgeois , & rétab'it
ainſi la bonne police dans la ville. Le
ſouverain ayant été informé de ce qui s'étoit
paffé à Luxembourg , en l'absence du général
Bender , & après avoir fait divers changemens
& déplacemens parmi les officiers qui doivent
commander , tant en Flandres , que dans le
duché de Luxembourg , ajouta , dit- on , au bas
de ſes ordres , ces paroles remarquables : Pour
le général Rutan , il peut faire ce qu'il voudra.
Allufion à la réponſe que cet officier avoit
faite imprudemment aux bourgeois de Luxem
bourg. Un lieutenant-colonel qui parut le premier
au milieu de la place avec une cocarde ,
fut mis en arrêt par ordre du commandantgénéral
».
Sur l'état des Généraux actuels de l'Empire
on trouve les noms ſuivans.
Quatre Feld-Maréchaux , le Duc de Saxe-
Teſchen,le Prince de Hohenzollern-Hechingen
, le Prince Louis de Brunswick , & le
Prince Chriſtophe de Bade.
Six. Généraux d'Artillerie , le Duc des
Deux - Ponts , le Landgrave Frédéric de
Furstenberg , le Comte de Konigsegg Aulendorf
, le Prince d'Anhalt Zerbit , le Prince
de Hohenlohe- Ingelfingen &le Prince
Louis Georgede Heſſe-Darmstadt.
و
Six Feld Maréchaux Lieutenans le
Comte Truchsès de Zeil - Wurzach , le
Prince Herrman de Hohenzollern Hechin(
1st )
gen; le Prince d'Oettingue-Spielberg , le
Prince Frédéric de Naſſau - Uſſingen , le
Landgrave de Heſſe-Hombourg &le Prince
de Solms .
Le riche Banquier Hafner d'Inbachtshauſen,
eſt mort à Salzbourg , le 24 Juin ; il
n'étoit pas marié. Il a diſpoſé de ſon bien
par teſtament , & fait pour plus de 300000
Horins de legs pies ,&pour environ 400000
d'autres legs. Le jour de ſon enterrement
on a diſtribué parmi les pauvres la ſomme
de 13,740 florins .
On prépare dans les Pharmacies de Munich
un firop de ſavon balfamique , de l'inventiondu
ſieur Bader , & que l'on regarde
comme un remede ſpécifique dans les maladies
provenant d'humeurs obftruées. Ce
firop eſt compoſé de ſel de ſoude très pur ,
& d'huile d'olives fine ; ony ajoute de la
meilleure térébenthine de Chypre, du ſucre
clarifié, &un peu d'huile de citron. Six onces
de ce ſirop ſe vendent à raiſon d'un
floxin & 12 creutzers .
ESPAGNE.
De Madrid , le 8 Août.
Selon les dernieres lettres de Barcelonne
Achmet Baffi Effendi, Ambaſſadeur de la
Porte auprès de S. M. C. , y est arrivé le 25
du mos dernier. La Junte de Santé avoit
propoſé à cet Ambaſſaleur de ſe rendre à
84
( 152 )
Mahon , pour y faire la quarantaine , mais
fur fes repréſentations , que l'airde la mer
étoit tellement contraire à ſa ſanté , que fi
on lui refuſoit de descendre à terre , it remettroit
ſur le champ à la voile pour Conftantinople;
cette Jente a contenti qu'on lui
dreſsât for le rivage ne tente , & lui a afligné
un efpace de terrein pour ſe promener.
En confequence l'Ambaiſadeur Ottoman
a debarqué le 28 avec ſa ſuite, compoſée
de45 perſonnes.
On mande de Cadix que le Brigantin de
Guerrede S. M. C. VArdilla , eſt ſorti le 11
du mois dernier de ce Port , pour ſe rendre
d'abord à Carthagenes , & enfuire à Conftantinople
, & que les Bâtimens Marchands la
Profpérité, Oiseau , venant de la Vera- Cruz ,
y font entrés le 30 , & le Saint-Christ de
Grace, ainsi que la Notre Dame du Rofaire , le
31; l'un venant de Campêche , & l'autre de
Saint-Domingue : les chargemens de ces quatre
Nav res lont évalués a environ 199,000
piafires fortes.
L'eſcadre Françoiſe , partie de Breſt le 12
du mois paffé , commandée par le Comte
de Nieul , mouil oit dans le Tage vers le
milieu du mois dernier. Elle est compoſée
d'un vaiſſeau de 74 can. , s frégates de 26
à 28 , 6 corvettes de 14 à 26 , 2 petits batimens
, & de 2664 hommes.
Les deux chebecs Algériens , dont notre
eſcadre s'étoit emparée , écrit- on de Lifbonne
, lui ont échappé , & ont été ſe brifer
fur les côtes. L'équipage a mieux aimé périt
quede refter notre prifonnier.
(153 )
GRANDE - BRETAGNE,
De Londres , le 14 Aout.
Le 8 , le Duc d'Yorck a pris ſéance , pour
la premiere fois , dans le Confeil Privé, après .
avoir prêté le ferment d'usage. Ce Prince ,
qui paroît deſtiné à figurer un jour à la tête
des armées Britanniques , vient de former
Fétabliſſement de ſa Maiſon. Il y a placé
différens Officiers des tro's Régimens des
Gardes, qui ont mérité par leur bonne conduite
en Amérique, l'approbation des Généraux.
Le Major - Général Grenville eſt
nommé Contrôleur en chef de la Maifon
de S. A. R.
Dans nos ports de guerre , les armemens
reſtent fur le pied où ils étoient, il y a 15
jours. Point de nouveaux ordres , ni de préparatifs
ultérieurs. Quelques fégares ſeulement
ontpris leurs proviſions& ſe préparent
amettre en mer. Le Vétéran, vaiſſeau neuf
de 64 canons, lancé à Cowes , s'eſt rendu à
Portfmouth.
La Compagnie des Indes a reçu la nouvelle
de l'arrivée du Barrington & du Pigot ,
venant , l'un de la Chine , l'autre de Madraſs ,
d'où il a raínené pluſieurs paſſagers , entr'autres
, Sir John Macpherson , fucceffeur immédiat
de M. Haftings , & par interim , au
Gouvernement - général du Bengale. Ces
deux bâtimens ont laiſſe à Sainte Helene le
85
( 154 )
Rockingham &le Fort William , prêts à
faire vone pour l'Angleterre. Preſqu'aumeme
mom nr, le Capitaine Flott , du Hartweli,
a a poré la nouvel e du naufrage de
ce batiment , allant à la Chine. Le 24 Mai ,
il a donné ur un récif, à 3 leves de Bona-
Viſta , l'ure de Iſles du Cap Verd. L'équi
page a été ſauvé , & l'on attribue à ſa mutinerie
cer accident , que la valeur de la cargaifon
rend d'autant plus facheux. LeHartwell,
de 37 tonneaux , & fin voilier , faifoit
ſonpremier voyage , ayant à bord une partie
du chargement du Belvaderi , retenu à
Portsmouth , 150,000 dollars pour la Chine
&une caifle de riche quallerie. Les Portugais
ont donné des ſecours très actifs à
l'équipage.
Le pro'uit des derniers trois mo's de
l'Accife & des Douanes , échus le 24 Juin
dernier , & dont l'érat vient d'être préſenté
au Ro par M. Pitt , excède de plus d'un demimillion
ſterl. celui de l'année de n'ere pour le
même quartier On aſſure de plis qu'il ſe
trouve dans la balance des comptes publics ,
du 15 Jillet 1786 , au 15 Juillet 1787 , un
excédant de recette de 99 2,000 liv. fterl. ;
dédaction fate di million ſterling, emp'oyé
dans l'année à l'amortiſſement de la dette
publique.
Su vant des lettres apocriches deBaffora ,
du 6 Mai , Saïk- Tireney , Chef des Arabes-
Montificks , a pris poſſeſſion de l'Hôtel -de(
155)
Ville , après s'être aſſuré du Mislim , des
principaux Officiers & de l'eſcadre Turque ,
mouillée devant la ville. L'intention de ce
Chef paroît être de ſe mettre à la tête du
Gouvernement de certe Province , & d'engager
la Porte à le nommer Pacha de Bagdat.
Cet homme entreprenant eſt dévoué
à l'Angleterre , & depuis ſon arrivée , il n'a
pas ceílé d'avoir pour les Anglois les plus
grands égards.
On fait actuellement dans un chantier
particu ier un eſſai auſſi nouveau qu'intéreſſant
pour la Marine. On conftruit un bâtiment
, dont toute la carene ſera en cuivre,
à l'exception de l'étrave , de l'étambord &
de la quille. Ce bordage d'une nouvelle efpece
ſera cependant foutenu par des membrures,
de même que dans les autres vaifſeaux
, mas léchantillon de ces membrures
ſerad'environ des huitiemes plus toible
que celui des bâtimens du même port. Audeſſus
de la ligne d'eau , le bordage ſera
comme à l'ordinaire , mais to jours un peu
plus léger. Les feuilles de cuivre auront environ
un huitieme de pouce d'épailear ;
elles feront attachées avec des cloux rivés ,
&en outre forrement foudées. Cetre nouvelle
conſtruction ſera très avantageuſe
poar les bâtimens qui exigent de la marche;
&tiele réulfile Governement tea a iffitôt
conſtruire plufieus paquebots dans ce
genre. Ce font les forgerons du Sh.opshire
g 6
( 156)
qui ont donné la premiere idéede ce pro
cédé : ils ont conſtruit un bateau en fer
battu , du port de 30 tonneaux , & qui fert
au tranſport des marchandiſes ſur le canal
de Birmingham.
On a trouvé en creuſant les Fondations de
L'ancienne Eglife de Crieff, près de Perch ,
enEcoffe , certain nombre de monnoies d'or ,
de la grandeur de nos quarts de guinée , mais
d'un plus pur alloi. L'empreinte d'un côté repréſente
S. André , étendu fur la croix , &
cette deviſe : Robertus Dei gratiá rex Scotiæ.
Sur le revers eft un lion , rampant ſous une arcade
gothique, avec la deviſe Liberat. D'où
l'on préſume que ces monnoies font de Robert
I , qui mérita le titre de Libérateur de fa
Patrie , en délivrant l'Ecoſſe de l'oppreffion
où les Anglois l'aveient miſe : ces monnoies ,
comme la plupart des monnoies Ecoſſoiſes ,
font ſansdates.
On a trouvé dans le même endroit , deux
Urnes , de graffe terre rouge , à brique. Elles
contenoient des cendres , & du chêne à moitié
confumé. Cette circonſtance fait croire que cer
emplacement étoit un lieu ſépulcral du temps
des Druides , que les Propagateurs de la
Religion Chrétienne , conſacrerent enſuite ſelon
Isur vie.
Une perſonne très inſtruite a imaginé
derniérement , à Clarendon , dans l'Iſle de la
Jamaïque , un procédé fort ſimple pour extraire
des gommes d'une quantité d arbres
de cette Ifle. Cette découverte promet de
grands avantages aux propriétaires qui poffedent
des terreins fort boités. La même
( 157)
perſonne a trouvé le moyen de diffoudre les
refineux & de les gommer dans de l'eau ou
dans des liqueurs ſpiritueuſes , & de les mêler
avec des huiles ſimples ou même effentielles
, ſans l'intervention d'aucun des agens
connus juſqu'ici. Ce ſecret important peut
être de la plus grande utilité pour la Médecine
& pour les Arts.
Unde nos Papiers s'eſt égaié à donner la
note ſuivante, du Mémoire hebdomadaire
des travaux d'un Auteur, emploié à la rédaction
d'une Gazette du matin.
Fait pour le compte de l'Editeur. f. d.
Un Traité d'alliance ,
Pour avoir habillé à neuf l'armée
Pruſſienne ,
Pour bulletin de Hollande ,
7
1
I г
6
Pour détail de l'habillement du
Duc d'Yorck ,
11
Pour avoir imaginé un nouveau
Théâtre à Margate,
3
Une réparation des grands chemins
dans tout leRoyaume ,
3 S
Pour avoir démoli le palais de
Saint-James, I I
=Embelli les jardins de Richmond, I
4
=Prorogé le Parlement juſqu à un
temps indéfini , 2
2
Décrit les plaiſirs du Prince de
Galles à Brigthon ,
S
Pour avoir fait tomber unevieille
femme d'une rampe d'eſcaliers,
3
( 158 )
:
Pour un nouveau moyen de paver
& d'éclairer les rues , 2
-Durant le combat de Lord Rodney avec
Mr. de Graffe , un éclat de mît frappa un
ſoldat de Marine,& lui fit fortir de l'orbite
un oeil qui tomba far le pont. Auſ tôt un
matelot qui ſe trouva préſent, recueilit foigneuſement
cet oeil&le met dans ſa poche..
Queſt onné ſur l'usage qu'il vouloit en faire ,
il répondit qu'il vouloit en faire préient à
l'un de ſes camarades , à qui le même accident
étoit arrivé dans l'engagement entre
l'Amaral Keppel & Mr. d'Orvilliers.
FRANCE.
De Paris , le 22 Août.
PROCÈS VERBAL DE CE QUI S'EST PASSÉ
AU LIT DE JUSTICE , TENU PAR LE
ROI A VERSAILLES , LE LUNDI 6 Août
1787.
Ordre de la Séance & de la marche , en la
forme accoutumée ; aprés lequel on lit ce
qui fuit :
Le Roi s'étant affis & couvert , M. le Garde
des Sceaux a dit par ſon ordre , que Sa Majesté
commandoit que l'on prit ſéance ; après quoi le
Roi ayant ôté & remis ſon chapeau , a dit :
MESSIEURS ,
Il n'appartient point àmon Parlement de
douter de mon pouvoir , ni de celui que je lui ai
confié. »
1
( 159 )
«C'eſt toujours avec peine que je me décide à
faire uſage de la plénitude de mon autorité , & à
m'écarter des formes ordinaires ; mais non Parlement
m'y contraint aujourd'hui , & le ſalutde
l'Etat , qui est la premiere des loix , m'en fait un
devoir.
«Mon Garde des Sceaux va vous faire connoî
tre mes intentions, >>
M. le Garde des Sceaux étant enſuite monté
vers le Roi , agenouillé à ſes pieds pour recevoir
ſes ordres , defcendu , remis en la place , aſſis &
couvert , après avoir dit que le Roi permettoit
que l'onle couvri , a dit :
MESSIEURS ,
« Vous n'avez pas pu douter que la réſolution
priſe par le Roi de recourir à de nouveaux Impôts
pour rétablir l'ordre dans ſes finances , n'ait
été le réſultat des plus mûres délibérations . »
« Pour mieux s'aſſurer , dans le choix des expédiens
, de la ſageſſe de ſes Conſeils , Sa Majesté
ya appellé de toutes les Provinces de fon Royaume,
desHommes que l'eſtime publique indiquoit
àſa confiance dans les différens Ordres de l'Etat. » .
«Tous les gran' s objets de l'adminiſtration
des finances ont été examinés , diſcutés , approfondi
dans ces ſéances mémorables , avec un zèle
éclairé & une loyauté réciproque dont la Nation
entiere eſt inſtruite & perfuadée. »
« C'eſt du milieu de ces conférences folemnelles
que fortent l'Edit & la Déclaration auxquels
Sa Majesté imprime aujourd'hui le ſcean
desLoix. ""
• Les comptes de dépenſe & de recette ont été
mis ſous les yeux des No ables. Tous les Bureaux
ont reconnu dans les finances du Roi un déficit
confidérable. »
•Jamais par conséquent un nouvel examen
( 160 )
des revenus& des charges de l'Etat n'a été moins
néceſſaire , Meſſieurs , qu'au moment où vous
l'avez demandé. >>
a Le Roi s'eſt vu dans l'alternative d'accroître
la maſſe des Impôts , ou de manquer à ſes engagemens
& à ceux des Rois ſes prédéceſſeurs ,
envers les créanciers qui ontconfié leur fortune
à l'Etat ; & la voix publique lui a dit , comme
la Juſtice , que l'honneur duGouvernement françois
étoit le premier beſoin de la Nation. >>
«Ainfi, réduit à la triſte néceſſité d'augmenter
les Impoſitions , le Roi a dû préférer lesTributs
qui ſerent payés à fon Tréſor , par la claſſe la
plus aisée de ſes Sujets. >>
<<Mais en ordonnant une augmentation fur le
Timbre , le Roi aſſigne un terme à cet Impôt ; &
en exigeant une Subvention territoriale , qu'il
eſpere ne devoir pas s'élever à la valeur réelle
des deux Vingtièmes déja établis , Sa Majekë a
reculé d'une année l'époque de fon produit ,
pour fixer les baſes qui doivent en déterminer
L'application avec l'équité la plus évidente. >>
" Maintenant , pour conſoler ſon coeur de
n'exercer que ſa puiſſance , dans un temps où
il ne voudroit manifeſter à ſes Peuples que fon
amour , le Roi peut ſe rendre à lui même le témoignage
de n'avoir négligé aucun des moyens
qui lui ont été indiqués par l'Aſſemblée des Notables
, foit pour réparer le déſordre de ſes finances,
foit pour raffermir la confiance publique , en
rendant àjamais inviolable laſaintetéde les engagemens,
>>Sa Majesté a d'abord déclaré quele poids des
nouvelles Impoſitions n'excéderoit ni la meſure
ni ladurée des véritables beſoins de l'Etat. 2.
>> L'accompliſſement de cette paro'e rovate
De fera plus garantie parun ſeul homme , quel
1
( 181 )
que digne qu'il puiſſe être de la confiance du i
Roi , & de l'eſtime publique. Sa Majeſté, vient
de créer un nouveau Conſeil des finances , dont
la furveillance & l'activité en garantiront l'exécution
, & rempliront par-là le voeu du, Souverain
&les eſpérances de la Nation » .
>>>Dans le même temps Sa Majeſté a formellement
annoncé qu'El'e aloit réduire & bonifier ;
au moins de quarante millions , les dépenses &
les recettes aunuelles de ſonTréfor ..
>> Ces bonifications & ces économies ſontdéjà
effectuées , Meffeurs, pour plus de vingt millions
, & ells ſont ſi irrevocablement arrêtées,
qu'elles font déjà partie des fonds deſtinés à combler
le deficit des finances ».
>> L'exécution a fuivi de près la promeſſe du
Souverain : elle a la remplir toute emiere , elle
vamême la furpaſſer; & la Nation doit trop
de confiance & Je reſpect à ſon Roi , pour pouvoir
douter de ceste importante& prochaine réduction
».
>> La méfiance publique ſeroit dans ce moment
l'obstacle le plus dangereux que l'on pût
oppoſer au biengénéral dont le Gouvernment
s'occupe ».
>>Une Adminiſtration prudente & éclairée
doit méditer en effet les objets des réformes
qu'elle prépare , en parcourant ſans précipitation
toutes les branches des dépenses publiques
».
>>Rien n'eſt plus facile ſans doute & plus
éblouiſſant , que des ſuppreſſions promptes &
irréfléchies : mais rien n'eſt plus digne aufli
des délibérations &des précautions d'un Gouvernement
fage , que d'éviter dans la réforme
des abus , ces déciſions bruſques & indiſcrettes
qui compromettroient la dignité du Trône ,
(162 )
--
,
les intérêts de la Juſtice ou la fûreté de
l'Etat .
>>U>n court intervalle ſuffira pour garantir
l'Adminiſtration de tous ces dangers qui l'environnent
dans ce moment.
Dès le mois de janvier prochain , les Peupics
verront exécuter l'ordre que le Roi a donné
de leur communiquer , chaque année , par la
voie de l'impreſſion , l'état des recettes & des dépenſes
du Tréſor public ».
Or , Meffieurs , par l'état des recettes , la
Nation connoîtra ſucceſſivement le produit des
nouveaux Impôts. Si le Timbre s'éleve au-defſusde
la ſomme préciſe qu'il eſt évidemment néceſſaire
d'en retirer , cet excédant fera auffi ot
compenfé par une égale diminution ſur les Impôts
les plus onéreux » .
>> Par l'état des dépenſes publiques , tous les
Sujets du Roi pourront évaluer avec autant de
préciſion que de facilité , les économies qui leur
ont été promiſes » .
>>Tels font les engagemens ſolemnels duGouvernement.
Refuſerd'y croire ,& en conféquence
refuſer de le ſeconder , ce ſeroit le réduire à l'impoſſibilité
de les remplir » .
>> Ce n'eſt donc pas , Meſſieurs , pour envelopper
le tableau de ſes finances de tenebres
mystérieuſes , que le Roi n'a point communiqué
à fon Parlement les états qui viennentd'être vérifiés
par une Aſſemblée reſpectable , dont prefque
tous les Chefs des Cours ſouveraines ont été
Membres »,
» Le Roi ne ſe méfiera jamais de la Magiſtrature
; il ne doute ni de vos lumieres , ni du zele
dont vous êtes animés pour ſon ſervice & pour ſa
gloire »;
Mais il a conſidéré, que par la conftitution
( 163 )
de laMonarchie, il eſt le ſeul Adminiſtrateur de
ſonRoyaume ».
>>>Qu'il doit tranſmettre ſon autorité à ſes
Deſcendans , telle qu'il l'a reçue de ſes auguſtes
Ancêtres ;
>>Que les circonstances ſont trop urgentes ,
pour le concilier avec de nouveaux délais qui
ſeroient biento: une calamité publique » ;
:
>>>Que la conviction des beſoins de l'Etat eſt .
indubitable pour toute la Nation comme pour
vous meines » ;
>>Qu'une criſe malheureuſe , mais momentanée
, dans ſes Finances , ne doit point introduire
des formes inufitées dans la vérification de
ſes Loix fur cette matiere >> ;
>> Qu'en écartantde ſon adminiſtration intérieure
le voile qui la couvroit , il ne doitpoint ſe
départirdes regles ordinaires de ſa ſageſſe pour
le maintien de ſa ſuprême puiſſance ».
>>>Enfin , que les communications inſolites, récemment
accordées par ſa bonté à l'Aſſemblée
des Notables , ne doivent point changer l'exercice
ordinaire de ſon autorité dans ſes Cours ».
Les précautions que le Roi a priſes pour prévenir
& empêcher efficacement le déſordre auquel
il oppoſe dans ce moment des remedes ſi
douloureux pour ſon coeur , méritent la plus
entiere confiance de ſes Tribunaux & de ſes
Peuples ».
Sa Majesté me permet de renouveller ici ,
en fon nom , toutes les promeſſes qu'Elle vient
de faire aux Notables de ſon royaum: ».
> Cet engagement ſacré n'eſt point une
vaine confolation , ſuggérée par la circonf
tance , pour adoucir les ſacrifices qu'on demande
aux Peuples ».
> On travaille avec ardeur , ſous les yeux &
:
3 ( 164 ),
Iqus les ordres du Roi , à l'exécution de fes
plans d'économie, & la Nation en éprouvera
inceſſamment les falutaires effets ».
Après quoi M.le Garde des Sceaux a dit
à M. le Premier Préſident , qu'il pouvoit parler;
auſſi-tôt M. le Premier Préfident ,& tous
Meſſieurs s'étant mis à genoux , M. le Garde
des Sceaux a dit : le Roi ordonne que vous vous
leviez. M. le Premier Préſident & tous Mefſieurs
levés , reſt's debout & découverts , M. le
Premier Préſident a dit :
SIRE,
>>>Votre Parlement nous a chargé , attendu
le lieu où il plaît à Votre Majefté de tenir fon
Lit de juſtice , & dans le cas où ſeroient portés
en cette Séance aucuns Edits , Déclarations ou
Lettres-Patentes , ou autres objets , qui n'auroient
pas été communiqués à votre Parlement
, pour en être délibéré au lieu & en la
maniere accoutumée; enſemble , au cas où il
feroit introduit des perſonnes étrangeres , & où..
envotre préſence il ſeroit demandé à votre Par
lement des fuffrages qui ne pourraient être
donnés à voix haute & librement , votre Parlement
ne peut , ne doit, ni n'entend donner
fon avis , ni prendre aucune part àce qui pourroit
être fait en la préſente Séance ; & dans le
cas où il plairoit à Votre Majesté de faire pu
blier les Edit & Déclaration , fur lesquels ika
déjà délibéré , votre Parlement nous a chargé
devous réitérer nostrès-humbles & très-refpec
tueuſes repréſentations , & d'avoir l'honneur de
vous dire en ſon nom >> :
>>>Que les vrais intérêts de Votre Majesté ,
inſéparables de ceux de la Nation , font les
ſeuls motifs qui ont conduit votre Parlement
danstoutes ſes délibérations ».
( 165 )
» Il ſe trouve placéd'une part, entre Votre
Majesté , à laquelle il eſt attaché par les liens
du reſpect & de l'obéiſſance & dont il aura toujours
a coeur de mériter les bontés ; & de l'aucre
, entre vos Sujets, pour lesquels votre Parlement
doit folliciter faus ceſſe votre juf
tice ».
>> Votre Parlement conçoit difficilement comment
on a pu conſeiller à Votre Majesté de
déployer l'appareil de la puiſſance ſuprême ,
dans une circonſtance où il avoit lieu d'eſpérer
de ne voir éclater que la bienfaitance & la
juſtice de Votre Maj ſté » .
» Il vous ſupplie , Sire , de prendre en confidération
, que dans la criſe où ſe trouve l'Etat ;
criſe annoncée , avouée & reconnue dans l'Afſemblée
des Notables , votre Parlement ne pouvoit
délibérer légalement qu'avec le ſecours des
•connoillances &des lumieres qu'il a ſollicitées ,
& qui pouvoient ſeules guider & déterminer
l'Aflemblée auguſte à laquelle ont été adreſlés
⚫de la part de V. M., les Edit & Déclaration foumis
à ſadelibération .
>>Votre Parlement , affligé d'avoir eu à donner
, depuis douze ans, ſon fuffrage fur des Impôts
accumulés , & dont les projets préſentés
porteroient la maſſe juſqu'à plus de deux cents
millions d'accroiſſement, depuis l'avénement de
V. M. à la Couronne , il n'a pas cru avoir des
-pouvoirs ſuffifans pour ſerendre garant de l'exé-
-cution des Edits , vis-à-vis de vos peuples , qui
ne connoiffent point de bornes à leur amour &
à leur zele , mais qui voient avec effroi les ſuites
fâcheuſes d'une adminiſtration , dont la déprédation
exceffive ne leur paroît pas méme poſſi
ble.
(166 )
.. Le principe conſtitutionnel de la Monarchie
françoiſe , eſt que les Impoſitions toiem
conſenties par ceux qui doivent les fupporter :
il n'eſt pas , Sire , dans le coeur d'un Roi bienfaifant
, d'altérer ce principe qui tient aux Loix
primitives de votre Etat, à celles qui affurest
l'autorité , & qui garantiffent l'obéiiance ».
Si votre Parlement a cru depuis pluſieurs
années pouvoir répondre à Vorre Majesté , de
l'obéiſſance des Peuples en matiere d'Impôt, il
-a ſouvent plus conſulté ſon ze e que ſon pouvoir,
puiſqu's eſt,démontré que le Troiſieme
Vingtieme n'a pas pu être payé dans pluſieurs
Provinces de votre Royaume , & les Adminiftrateurs
les plus actifs pour la perception n'ont
pas cru prudent d'ajouter la peine de la
contrainte au défaut du pouvoir des contribuables
».,
• Souvent auſſi votre Parlement qui a cru
voir le terme de la libération des dettes , l'étendue
des ſecours & la quotité déterminée de
l'Impôt , s'eſt laiſſé éblouir par les illufions que
lui ont faites ſucceſſivement pluſieurs des Adminiſtrateurs
».
>>>L'eſpoir de la libération prochaine de l'Etat
eſt , Sire , une perſpective fi douce pour les
Magiſtrats , & fi deſirable pour les Peuples ,
que Votre Parlement doit être excelé s'il s'eft
laiſſé tromper par les annonces qu'il voyoit
inférées dans chaque Edit , par un Adminiltrateur
qui a ſu deſſervir votre Parlement auprès
de Votre Majesté, & faire protéger auprès
du Trône ſes diffipatione».
33 Dans ce moment , Sire , où après cinq
ans de paix tout eſpoir de ſoulagement prochain
perdu , & où vos Sujets ſe trouvent encore
( 167 )
menacés d'une furcharge à laque'le ils ne voient
plus de terme , vos Magiſtrats ne peuvent accorder
un acquiefcement que votre Parlement
donneroit fans qu lité , ſans fruit & fans effet
pour le ſervice de Votre Majesté , à des demandes
qui excedent évidemment les facultés
de vos Sujets ».
La nature des impôts propoſes a affligé
votre Parlement , au point qu'il a eu peine à
ſe livrer à quelque détail ſur les malheurs qu'ils
annoncent .
Le Timbre , plus déſaffreux que la Gabelle
que Votre Majesté a jugée & condamnée , a
excité une conſternation générale dans le coeur
de tous vos Sujets. Le timbre tend à é ablir une
ſorte de guerre inteftine entre tous les Ordres
des citoyens ; il va juſqu'à inquiéter dans
leurs retraites les Laboureurs qui voudroient
profiter de la liberté du commerce des bleds ,
que Votre Majesté vient d'établir par une
Loi récente : le Commerçant ne ſeroit pas plus
tranquille dans ſes opérations combinées , que
le Marchand à ſon comptoir dans ſon trafic
de détail. Tous auroient à redouter également
l'inquisition , la vexation & l'extenfion , caracteres
inſéparables du projet ſeul de la Déclaration
ſur le Timbre , & qui la rendent entierement
inadmiſſible .
L'Impôt préſenté ſous la dénomination de
Subvention territoriale , a le même caractere
-d'immortalité. Au lieu de l'impoſition des Vingtiemes
, qui eſt par ſa nature une impofition
de quotité dont chaque contribuable eſt quitte ,
quand il a payé une portion fixe & déterminée
ſur ſes revenus , on conſeille à Votre
( 168 )
Majesté , Sire, une impoſition nouvelle qui étas
blit entre les Provinces une ſorte de jalouſie ak
profit du fiſc , entre les Elections d'une même
généralité une recherche reſpedive tendante
toujours à la furcharge entre les habitans d'une
même paroiffe , une contribution ſolidaire qui
expoſe chaque citoyen à une diſſenſion domeftique
établie & fomentée tous les jours par le
Gouvernement; diſſenſion capable de mettre
aux priſes les peres & les enfans , chaque membre
d'une même famille , les Seigneurs & les
vallaux , perſonne ne pouvant ſavoir au juſte
à quel terme peut finir la contribution dont
il peut être redevable à l'Etat ».
>> Dans l'impoſſibilité où se trouve , Sire;
votre Parlement de voter pour des impoſitions
aufli accablantes , il ne peut que réitérer les
inſtances les plus vives à l'effet de ſupplier
Votre Majeſté , pour le maintien de ſon autorité
, pour la gloire de ſon regne , pour le rétabliſſement
de ſes finances , qu'il vous plaiſe
accorder la convocation des Etats généraux ,
qui ſeuls peuvent ſonder les plaies profondes
de votre Etat , & donner à Votre Majesé
des conſeils utiles fur toutes les parties de
l'adminiſtration, relativesaux corrections , améliorations
& fuppreffions néceſſoires à exécuter
dans chacun des départemens des finances.
Si malgré les ſupplications , les instances&
-les repréſentations devotre Parlement , Vorre
Majesté croyoit encore devoir déployer fon pou .
voir abſolu , votre Parlement ne celleroitd'employer
tout fon zele , & d'élever la voix avec
Jautant de fermeté que de reſpect , comredes
impoſitions
( 169 )
impoſitions dont l'efience ſeroit auſſi funeſte que
la perception en feroit illégale » ,
Son discours fini. M. le Garde des Sceaux
eſt monté vers le Roi , s'eſt agenouillé pour pren .
dre ſes ordres. Deſcendu , remis à ſa place
allis & couvert , a dit : Le Roi ordonne que par
le Greffier en chef de fon Parlement , il foir
fait 1. ture , les portes ouvertes , de l'Edit portant
fuppreffion des deux Vingtiemes & Quatre
ſous pour livre du premier , & établiſſement
d'une Sulvention territoriale .
Les portes ayant été ouvertes , Meffire Paul-
Charles Cardin Le Bre , Greffier en Chef civil ,
s'est avancé à la place de M. le Garde des
Sceaux , & a reçu de lui l'Edit , revenu en fa
place , debout & découvert , en a fait lecture.
Enfuite M. le Garde de Sceaux a dit aux
aux Gens du Roi , qu'ils pouvoient parler.
Audi-tôt les Gens du Roi s'étant mis à gra
noux , M. le Garde des Sceaux leur a dit :
Le Roi ordonne que vous vous levicz ; eux
Jevés , reſtés debout & découverts , Meffire Antoine
Louis Seg jer, Avocat dudit Seigneur Roi ,
portant la parole , ont dit :
SIRE ,
« Au milieu de l'appareil impoſant de la Souveraineté
, réduits en quelque forte à un filence
refpectueux , nous ofons à peine élever nos regards
juſqu'aux pieds de Vote Majeſté. Mais
& nous appercevons auprès du Trône la puiffance
& l'autorité , nous y reconnoiffons également
la bonté , premiere vertu des Rois , & la
confiance , qui nous invite à remplir toutes les
fonctions de notre miniftere.
>>> L'Edit dont V. M. vient d'ordonner la lec
ture , préſente à vos ſujets une contribution
N°. 34, 25 Asút 1787. a
( 170 )
:
!
d'autant plus onéreuse , qu'elle eft affi'e , non
pas fur le revenu , mais tur le fonds mem des
propriétés. Le territoire entier me la Franceed
impote , plutôt que les particuliers qui front
contraints de payer pour les portions meme de
leurs h. ritages demeurées incultes , & reconnues
pour etre veritablement stériles .
>> Nous ne craigtons point d'expoſer aux regards
de V. M. lesuites alarmes du Cultivateur,
interdit en app enant qu'il va devenir détier
de l'Etat, pour ſa part d'une Subvention territoriale
de Quatre-vingts millions , indépendamment
du fol pour livre ; en forte qu en au
tant à cette nouvelle Impoſition la Tail'e , l'induſtrie
, la Capitation ; la Gabeile , les Aides &
les Droits d'entrée dans toutes esv lles du royaume
, il ne ſera aucun de vos ſu ets qui ne porte
au Tréſor royal au moins le tiers de ton revenu.
>> Mais ce qui deit menrele comble à l infortune
publique , c'eſt que cette Impoſition , dont
l'établiſſement eſt laiſſe à l'arbitrage des Affemblées
provinciales , fur es états qui leur feront
atreffés fans aucune efpece de vérificat on legale,
n'a d'autre terme que celui des besoins de
TEtat , & cette durée indéfinie épouva te s
Citoyens de tous les ordres , lors meme que leur
anour les follicite de tout facrifier pour l'intérat
général de a Patrie. V. M. fans doute do t
tout atrendre de leur zele , de leur fidélité , de
leur dévouement. Mais quand ce grand mouvement
de Patriotiſme a opéré un ſacrifice volonaie
, le Citoyen jette un regard de dou eur
fur ſes enfans; il ſe plaint à lui-meme de 'abandon
qu'il eſt contraint de faire d'une partie
de fon patrimoine, qui est enlevée à l'éducuion
de ſa famile; il eſt tenté de regretter
ſa fécondité. il négligera la culture de ſes ter.
T
:
1
:
( 171 )
res , les abandonnera tout - à- fir, ou peut être
le déſeſpoir le portera à les vendre , & à placer
en viager le produit pour conferver fon ancien
état, & trouver les fonds néceſſaires a l'entretien
de tout ce qui l'environne.
>>>Nous ne pouvons diffimuler à Votre Majeſté
ces vérités affligeantes ; mais le devoir de
notre ministere nous for e d'obéir à la volonté
connue de Votre Majesté.
>>Nous requérons qu'au pied de l'Edit , dont
la lecture vient d'être faite , il foit mis qu'il a
été lu & publié , Votre Maj ſté féante en fon-
Lit de Judice , & registré au Greffe de la Cour ,
pour cire exécuté ſelon ſa forme & tenear ; &
copies collationnées envoyées aux Bailliages &
Sénéchauiſées du reffort , pour y être pareillement
lu pubić & enregiſtré : Enjoint à nos
Subititus dy tenir la main , & d'en certifier
la Cour au mois ".
Enfuice M. le Garde des Sceaux monté vers
le Roi, mis un genou en terre pour prendre fes
Lordres, a été aux opinions , à Monfieur , M. le
Comte d'Artois , à MM. Las Princes du Sang ,
à MM. les Pairs Laics , à MM. les Grand-
Ecuyer & Grand Chimbelian , & revenu pailer
devant le Roi , lui a fait ure profonde révérence
, a pris l'avis de MM. les Pairs Eccléſiatti-
⚫ques , Maréchaux de France , des Capitaines des
Gardes du Corps ; os de cendant dans le parqut
, à MM. les Prefidens de la Cour , aux
Confeillers d'Etat & Maitres des Requêtes venus
avec lui : aux Secrétaires d'Etat , aux Confeillers
d'Honneur , aux Préſidens des Enquêtes
& Requeres , & aux Conſeillers de la Cour , &
remonté vers le Roi, s'eſt agenouillé , defcendu ,
remis à ſa place , affis & couvert , a prononcé ,
« Le Roi , ſéant en ſon Lit de Juſtice , a
h2
( 172 )
ordonné & ordonne que l'Edit qui vient d'êve
lu , tera enregiſtré au Greffe de fon Parlemek ,
& que , fur le repli d'icelui , il foit mis que
lefture en a été faite.& l'enregistremert ordomré,
oui & ce requérant fon Procureur Général , pour
ètre le contenu en icelui exécuté ſelon fa forme
& tereur ; & copies collationnées envoyées
aux Bailliages & Sénéchauffées du reffort , pour
y être pareillement lu , publié & regiſtré : Enjoint
aux Subſtituts du Procureur Général du
Roi d'y tenir la main , & d'en certifier la Cour
dans le mois ».
Pour la plus prompte exécution de ce qui vient
d'ètre ordonné, le Roi veut que , per le Graffier
en chefde ſon Parlement, il foit mis préfentement
fur le repli de l'Edit qui vient d'être
publié , ce que Sa Majeſté a ordonné qui y fuc
mis , ce qui a été exécuté à l'inftant , & ledit
Edit remis à M. le Garde des. Sceaux .
M.le Garde des Sceaux étant enfuite monté
vers leRoi , pour prendre ſes ordres , agencuillé
à ſes pieds , defcendu , remis à fa plice , afis
& couvert , a dit :
>> Le Roi ordonne que , par le Greffier en
chefde ſon Parlement , il foit fait lecture de la
déclaration fur le Timbre. »
Me. Paul- Charles Cardin Lebret , Greffier en
chef, s'étant approché de M. le Garde des
Sceaux pour prendre de ſes mains la déclaration,
ramis en ſa place , de bout & découvert ,
en a fait la lecture.
,
Après quoi , M. le Garde des Sceaux à dit
aux gens du Roi , qu'ils pouvoient parler.
Auili tot ils ſe ſont mis à genoux M. le
Garde des Sceaux leur ayant dit : le Roi ordonne
que vous vous levez , i's ſe font levés
& reſtés debout & découverts , Me. Antoine
( 173 )
Louis Seguier , Avocat Judit Seigneur Roi ,
pottant la parole ont dit :
ככ
SIRE ,
La pureté de notre zele autoriſe notre
>> miniſtere à s'expliquer fur les inconvéniens
>> qui pourront réſulter de la Loi , dont nous
venons d'entendre la lecture .
>> Que de réflexions le devoir ne nous pref-
>> crit- il pas de propofer à Votre Majesté , fur
> une Déclaration , néceffirée ſans doute par
les beſoins urgens de l'Etat , puiſque Votre
>> Majelté a bien voulu les révéler , mais qui ,
dans cette né.elité indispensable , prétente encore
à vos Sujets de toute condition une
>> gère juſqu'à préſent inconnue , & dans les
>> familles & dans le Commerce , & dans toutes
>>>les affaires de quelque nature qu'elles puiſſent
>> être. Est- il une Loi plus rigoureuſe que celle
>>dont les diſpoſi ions tendent à l'arbitraire , &
>> peuvent recevoir l'extenfion la plus indéfinie ,
>>>tuivant l'adreſſe & la volonté de ceux à qui
» Votre Mijellé en confiera l'exécution ; une
» Loi où la peine de l'infraction n'eſt pas pro-
>> portionnée au délit ; une Loi enfin où la
२०
multitude & l'énormivé des amendes , dans
>>'e cas des plus faibles contraventions , ſem-
>>>ble un code pénal plutôt qu'un ſecours mo-
>> mentané , propre à préparer le déficit des
as finances de l'Erat. Voire M jeſté ignore les
aous de tous genres , qui peuvent réfulter d'ua
tablirlement außi onéreux. Nons ne nous per-
» m tirons pas den mettre le tableau ſous les
yeude Votre majesté , les détails en feroient
trop longs & trop amers , i's zilligeroient
> le coeur ferfible & humain d'un Roi qui veur
érre Lienfaifant. Nous nous contentors de
laiffer entrevoir à Votre Majeni le malheur
h3
( 174 )
de la France , & nous renfermant dans la ti-
>>gueeuurr des fonctions , dont la préſence de Si
>>Majefté nous fait un exprés commandement,
>> Nous requérons qu'au pied de la Déclaretion
, dont la lecture vien: d'etre faire , il
>>>foit mis qu'elle a été lue & pustice , V tre
>>> Majesté ſeant en fon Lit de Jitice, & régif..
trée au Greffe de la Cour , pour ê re cχέ
cuté ſelon ſa forme & tener ; & copies colla..
>>>tionnées envoyées aux Bailliages & Séréchaullées
du reffort, pour y étre pare llement
>>> lue , publiée & regiſtrée. Enjoint a nos Subiti
>tuts d'ytenir la main & d'en certifier la Cour
au mo.5, ce
Entuite M. le Garde des Sceaux monté vers .
le Roi , ayant mis un genou en terre pour
prendre ſes ordres , a été aux opinions , à
Monfieur , M. le Comte d'Artois , à MM. les
Princes du fang , à MM. les Pars Laïcs, à
MM. les Grand- Ecuyer & grand Chambellan ,
eſt revenu paſſer devant le Roi , lui a fait une
profonde révérence.
Apris l'avis de M.M. les Pairs Eccléfatiques
& Maréchaux de France , des Capit ines des
Gardes-du-Corps , du Capitaine des Cent-Suiffes
de la Ga de , puis deſcendant dans le parquet ,
à MM. les Préſidens de la Cour , aux Conftillers
d'Etat , & Maîtres des Requêtes venus avec
lui , aux Secrétaires d'Etat , aux Conſeillers s'honneur
, aux Préſidens des Enquêtes & Requétes ,
& Confeillers de la Cour , eft remonté vers le
Roi , s'eſt agenouillé , defcentu , remis à fa
place , affis & couvert , a prononcé :
LeRoi, féant en fon Litde Justice or-
>>>donné & ordonne que la déclare in qui vient.
>>>>d'être lue , ſera enregistrée au G effe de fon
Parlement , & que , for le rep i d'icelle , il.
1
!
( 175 )
,
>>Git mis que lecture en a diffite , & Ten
registrement ordonné , oui & ce requérant fon
>>>Procureur - général pour étre contenu en
icelle exécuté telon fa forme & teneur , &
>> coples co'larionnées envoyées aux Bailliages
> & Senéchauffées du reffort , pour y étre pa-
>> r - ilement lue , publiée & regiſtrée : enjoint
>> aux Subtituts du Procureur général d'y tenir
» la main , & den certifier la Cour dans le
>> mois. »
Pour la plus prompte exécution de ce qui
v'ent d'etre ordonné , le Roi veur que par le
Greffier en chef de fon Parlement, il foit mis
préfentement fur le pi de la déclaration qui
vient d'ê re publiée , ce que Sa Majesté a ordonné
qui y fût mis,
Ce qui a été exécuté à l'inſtant , & ladire
déclareisn remiſe à M. le Garde des Sceaux .
Enfuite le Roia dit :
" Vous venez d'entendre mes volontés , je
>>compte que vous vous y conformerez >>
Après quoi , le Roi s'eft levé & a forti dant
le même ordre qu'il étoit entré.
Suivent les Edits & d'clarations , publiés& enregilrés
, le Roi tenant fon Lit de Just ce .
Antone René de Voyer de Paulmy d'Argenton,
Marquis de Paulmy , Miniſtre d'Etar
, Commandeur des Ordres du Roi ,
Grand Croix de l'Ordre royal & militaire,
de S. Lou's , Commandear & Cheval er des
Ordres royaux , militaires & hofpitaliers de
Notre Dame du Mont Carmel & de Saint-
Lazare de Jéruſa'em , Bailli honoraire de
l'Ordre de Ma'te, Lieutenant g'néral de a
province d'Alface , Baiili d'Epee de l'Artilh4
( 176 )
lerie de France , poudres & falpêtres de
tout le Royaume , Gouverneur de l'Arfenal
à Paris , l'un des Q arante de l'Académie
françoife , Honoraire de celle des Sciences
&des Belles- Lettres , eſt mort à Paris, le 13
de ce mois.
,
Marie- Catherine de Gars , veuve de Jean-
Philippe - François de Vion , Chevalier
MarquisdeGaillon , ancien Sous lietenant
des Gardes du corps du Roi, Mestre decamp
de cava'erie , Chevalier de fordre
royal & militaine de Saint Lous , eft more
le 28 Juillet, au château de Galon, pres
Meulan , dans la 8. année de on âge.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 16 de ce mois,
font: 38 , 39,74 , 14 & 22 .
PAYS -BAS.
De Bruxelles , le 5 Aout.
Ces jours derniers , il s'eſt fait un déplacement
des troupes cantonnées dans nos
Provinces. Le régiment de Clairfayt ve
nant de Gand eſt entré à Ma'ines , ainſi que
celui de Vierfet , qui étoit en garnilon à
Bruges. Le régiment de Ligne& un batail
londe Murray doivent camper à Anvers ;
Fautre batail on de Murray & Wirtemberg
feront placés entre Louvain & Bruxelles.
Ce mouve nent ayant excité des inquiétu
des, les membres de l'Aſſemblée générale
( 177 )
da Tjers Erat de Brabant fe font rendus
cez le General Murray , amourd'hui Gouvener
Général , avec une Requête où ces
inqjétures étoient exprimées . S. E. a rafsûré
les Députés , en afu ant que les trou
pes déplacées ne lerviroient à aucune infraction
des lo'x du pays , & que la tranquillité
de la nation à ce ſujet ſe oit la véritable
pierre de touche des fentimens de fidélité
dont e'le a affuré fon Souverain . On forme
diverſes conjectures fir cette concentration
des troupes ; conjectures inutiles à rapportr
. puiſqu'en peu de jours , on fera inftruit
du véritable but de ces meſures .
La Députation qui ſe rend à Vienne eſt
composée de 32 Membres de différentes
Provinces. Aux dernieres nouvelles elle
n'étoit pas encore tendue à ſa deſtination .
En répondant à la Requête dont nous
venons de parler, le Général Murray a témoigné
aix Comm'ffaires , que l'Empereur
avoit été peu fatisfait de la réponſe des
Erats à la Lettre de S. M. I. datée du 3
Jailler. Que'ques Papiers publics viennent
de rapporter cette réponſe ,& quoique certaines
expreſſions puiffent faire naître quelques
doutes fur la parfaite exactitude de
cette copie , nous allons la tranfcrire , telle
que nous la trouvons imprimée. Elle eſt datée
du 24 Juillet.
SIRE ,
Par la letre que votre Majefté a daigné
hs
( 178 )
adreſſer aux Etats de Brabant , en date du 3 de
ce mois , Vos fideles Sujets des Pays-Bas ont
appris avec autant de joie , que de reconnoif
fance , que jamais fon intention n'avoit été de
renverſer la Conftitution des Provinces Be'giques
, ni de priver le Corps de la Nation de
ſes Droits , Privileges & Libertés Quoique
Votre Majesté n'ait pas jugé à propos de nous
donner une ratification formelle de la dépéche
de L. A. R. qui déroge généralement aux innovations
contraires à nos Loix , cette Décla
ration de Votre Majesté peut en quelque fre
nous en tenir lieu. Nous n'avonsjam is dorté
de la pureté des intentions de votre Majeté ,
nos réclamations n'ont eu d'au're bur , que
d'éclairer ſa Juſtice. Les lumières des Rois les
plus inſtruits , font bornées ; il font nés hom
mes; ils peuvent ignorer , ils peuvent être
trompés , ils peuvent ſe faire illufion euxmêmes
. Jamais Prince ſage n'a douré de ce te
vérité. Si vot e Majesté a cru , que le nouveau
ſyſteme alloit s'exécuter du gré des Intérell's ,
cette perfuafion honore la difpofition bi naifante
de ſon coeur ; mais la réclama ion générale
de toutes les Provinces Belgiques , les
Remontrances raiſonntes & fortement prouvées
dans tous les Détails de leurs objets , ont
du , SIRE , vous convaincre , que les intérêts de
votre Peuple Belgique ne s'y trouvoient pas. Les
abus peuvent fans doute ſe gliſſer dans les
anciennes & les meilleures inſtitutions ; mais
en fait de Loix & de Conſtitution d Etats , c'eit
l'expérience , c'eſt la voix du Peuple ou celle
de ſes Repréſentans , qui doit décider s'il y a
abus. Si cette déciſion appartenoit au Souverain
ſeul , dès-lors les Loix feroient nulles ;
une triſte mobilité changeroit tous les jours la
:
1
1
( 179 )
facedes Empires. L'emprefTement & la reconnoiffance
de vos Peuples Belgiques ſuivront
toujours vos Bienfaits ; ils font pénétrés ,
SIRE , de ceux qu'ils ont déjà reçus , & font
ben convaincus , que leur gratitude ne man.
quera jamais de nouveaux motifs . Mais les
objets , dont ils ſe plaignent , ne font pas de
ce nombre ; ils n'auroient pas la déraiſon de
s'en plaindre . Non , SIRE , un Particulier peut
ſe meprendre en pareille occafion ; mais une
Nation entiere , une Nation des plus policées
& des plus inſtruites de l'Europe , une
Nation confiamment heureuſe , riche & flori
fante , ne peut méconnoître les moyens du
bonheur public. Votre Majesté ſait compatir ;
fans doute , l'Europe entiere connoît les traits,
de ſenſibilité qui illuftrent ſon regme; mais ,
SIRE , s'il y a parmi nous un objet qui provoque
la compaſſion Royale , ce n'est pas la déraiton
; c'eſt la douleur profonde où nous reduit
la violation d'un Pacte conſacré par des
Sermens réciproques & lerenverſement de notre
conftiturion , ce font les effets fun-ſtes qui en
ont réfulté , & dont nous avons mis ſous les
yeux de votre Majesté les Tableaux au
vrais que multipliés. Aux grands Princes on
peut dire degrandes vérités ; une maxime utile
leur est plus chere que toutes les harargues
de l'adulation . Les Rois ont un pouvoir immenſe
; its commandenten matures , I's diſpoſent
de leurs Suiers en tout ce qui eſt juſte ;
& cependant , un pouvoir , dont s'emparent
trop ſouvent les plus foibles des Hommes , ne
leur appartient sas , parce qu'il viole la Majesté
du Trône , & qu'il eſt incompatible avec
leur élévarion , le pourcir de dire des injures !
Le plaifirde pardonner , fait la gloire des
h6
( 180 )
bons Rois , & dans les faftes de votre regne, la
poilérité I admirera avec effufion de coeur. Mais ,
SIRE , rous n'avons rien fait qui puiſſe care
l'objet d'un par'on. Nous réclamons des droits ,
que Votre Majeté convient être bien fontés .
Eile les a pelés, nous dit fon Angeſte Scear ,
dans fa Justice , ces motifs , fondés fur la
conftitution , & ils ont fait impreſſion ſur fon
coeur vraiment paternel .
Quoique l'aflurance de laiſſer ſubiſter en
entier notre conſtitution , nos droits , libertés ,
privileges , tout l'effet , en un mot, du Pacte
inaugural , ſemble rendre inutile toute Dépuration
à Vienne , pour prouver à Votre Ma-
Seſté notre promptitude à lui rendre nos
hommages , & combien nos piaintes ont peu
influé fur la diſpoſition de nos coeurs , des
Députés , déjà nommés iront inceſſamment por
ter au pied du Trône , les voeux & les refpects
de la Nat'on. Sous un regne juſte , des
Sujets fideles n'ont pas à craindre de malheureuſes
conféquences ; à Dieu ne plaiſe , que
nous penfions être dans le cas de les prévoir ! ...
Qui nous ofons le croire : Réduits au dérefpoir
, fi le cas étoit poſible , nous troublerions
plus encore le coeur paternel de Votre Majeſté,
par une ſituation extrême , que ſes autres
difpofitions quelconques.
Nous sommes avec un très- profond ref
pect.
Preſqu'à la même date, ( le 25 Juillet )
les Etats ont adreſſé à lEmpereur une remontrance
, dont la teneur &le ſtyle reffemblentpeu
à ceux de la Lettre qu'on vient
de lire; nous donnerons au Journal ſuivant
ceste piece très fagement écrite , & dont la
mefure augmente la véritable force.
-
... :
( 181 )
C'est le 6 , comme nous l'avons dit ,
que l'Envolé de Pruffe remit aux Etats-G4-
néraux , & aux Etats de Holande , un fecond
Mémoire , qui contient les fentimens
oppo'és de S. M. P. envers l'ane & fautre
de ces deux Aflemblées. Voici dans quels
termes M. de Thulemeyer pale aux Etats-
Généraux :
HAUTS ET PUISSANTS STIGNEURS .
LFS ordres de Sa Majesté Pruffienne enjoignent
au fouffigné , fon Envoyé extraordinaive
, de communiquer à Vos Hautes Puillances
le Mémoire ci-joint , qu'il a eu Phornsor de
remestre a Leurs Nobles &Grandes Pui fances
les Etats de Hollande , touchant Tartentar.commis
contre la perſonne de lugufte Scoeur dece
Monarque , & la réclamation réitérée d'une tatisfaction
proportionnée. »
>> Sa Majesté s'emprefle de vous donner , Hauts
& Puiflans Seigneurs , cette nouvelle marque de
ſa confiance & de ton amitié confiante. Eile
applaudit avec reconnoiffance à la conduite que
vous vous êtes preferite dans tout le cours de
cetre affire fachen e & aux exhortations fuivies
que vous avez employées pour exciter les
diſpoſitions que le Roi a droit d'attendre de la
part d'une l'rovince intéreffée à fatisfaire à la
dignité & aux juſtes defirs d'un Prince Ami &
voiſin de la République. Sa Majesté ne doute
aucunement , que Vos Hautes Puiffances ne perſeverent
dans la même marche & qu'Elles ne contribuent
à moyenner , fans perte de tems , une
fatisfaction convenable, tel'e que le Roi l'exige .
Ala Haie ce 6 Août 1787 .
(Signé ) DE THULEMEYER.
( 182 ) .
Le Mémore préſenté a ix Etats de Hollande
, porte :
NOBLES , GRANDS & PUISSANS SEIGNEURS.
>>Le ſouffigne Envoyé Extraordinaire de Sa
Majené Proffienne a fait parvenir aux mains du
Roi fon Maitre la révolution , que V. N. &
Gr. P. lui ont fait remettre en réponse de fon
Mémoire du 10 de Juilet , touchant l'attentat
commis contre la perſonne de l'auguſte Soeur
de ceMonarque. »
,
>> Le Roi n'a pu apprendre qu'avec une furpriſe
extrême qu'au lieu de remp'ir ſa juſte
attente , par l'offre d'ure fatisfaction proprtionnée
à l'inſulte , on ait préferé d'appuyer
une réponde évaſive par des argumens infuffifans
: Sa Majefté ne vous diſlimulera point, N.
Gr. & P. Seigneurs , que l'ignorance prétendue
des motifs qui ont conduit Son A'rene Royale
à la Haye , & l'appréhenſion d'une commotion
populaire , ne colereront jamais à fesveux
les procé lés de la commislion ſiegeante àWoerden.
Un tel fourcen énoncéavec publicité , ed
une rouvelle offenfe. La parole de la Princeff
ſa délaration flemnele de n'entreprendre le
voyage de la Haye , que par les vues les plus
pures , celles de rapprocher les eſprits ; & d'effectuer
des voies de conciliation offroit aux
Députés de V. N. & Gr. P. une conviction
parfaite. Si le peuple péné re de reconnoillance
pour l'iliuſt e maisondes fondateurs de la liberté
& de l'indépendance Belgique , avot pu s'égarer
, i l'appari ion de l'auguſte Epouſe du
Stadhouder avoit produit des démontrations
d'une joie , inquiétante pour la tranquillité publique
, les moyens de mettre la réſidence du
Souverain à l'abri de toute atteinte & d'un dan-
1
r
( 183 )
ger vraiſemblablement exagéré ſe trouvoient ,
N. G. & P. Seigneurs à votre diſ oſition. "
>> Les Coins d'ailleurs avec lesquels Son Alteffe
Royale a prévenu les témoignages d'un
z le imprudent en dérobant au public la connoillance
de fon arrivée prochaine , étoient de
nouveaux titres à la gratitude du Gouvernement.
כ
>>C'est àla Haye,N. Gr. & P. Seigneurs , c'eſt
dans votre réſidence , où chaque citoyen doit
jouir d'une liberté pléniere établie par la fag-
fle échirée de vos ancêtres, qu'on prend la
réſolution de défendre l'entrée dans ' a Province
de Hollande à la Soeur d'un grand Monarque ,
à l'Epoute d'un Prince revêtu des premieres dignités
de votre Etat. >>>
>> Le Roi ne s'occuperi point à rechercher
la légtimé du droit de réſiſtance que la contmiffion
de Woerden s'eſt attribué dans cette occafion.
>> Sa Majesté fixera d'autant plus ſon attention
fur la maniere dont il a té mis en exécution.
Des gens armes ont entouré l'équipage de Son
Alteile Royale & le cortege qui l'a fuivi érait
plutôt celui d'en prifonnier d Etat , que d'une
grande Princeſſe reſpectable par fon il'uſtre
naiſſance , par ſes qualités émineners , par fes
vertus par les ſentimens qu'elle a conſacrés
de tout tems à la république : à peine ſon Alteffe
s'eft elle rendus à Schoonhoven , qu'en
établit des gardes dans toutes les avenues de
ſa maiſon , & qu'un Oficier et même placé
dans ſon appartement , armé d'une épée nue.
Des procédés aufi offenfans ont fait une impref
fion profonde dans l'eſprit du Roi mon Mature ;
Sa Majesté enviſage cette injure comme faire à
elle-même : c'eſt en conformité des ordres ex-
:
( 184 )
près de ce Monarque, que le foufligné reclame
de nouveau de la part de V. N. & Gr. P.
une faristation prompte & proportionnée à Binfure.
St Majesté m'enjoint de pus de ne point
leur laiffe ignorer qu'elle inſiſtera invariable :
ment fur cette fatisfaction , & qu'elle ne e conteatera
pont d'une difcuffion de fais ifo.es ,
d'excule vag es , os de défaite. ultérieures .
Le Roi ne méconnoît point les égards dûs à la
république des Provinces-Unies , & à Pihustré
aſſemblée des Etats -Généraux , qui répréfente
la fouveraiteté de l'E at envers les Puiffances
érongere ; Sa Majesté ſe plait à applaudir avec
une fentibilité reconnsilfante au délaveu éclatant
que Leurs Hautes Puiſſances ont manifeſté
à l'égard des meſures adoptées en Hol.
lande for l'affrire qui fait le ſujet du préfent
Mémoire. Les témoignages d'amitié que le Roi
& ſes auguſtes prédécelſeurs ſe ſont empreites
de donner à la République des Provinces-Unies
dans plus d'une occafion intéreſſante & critique
pour Ele , autoriſen: Sa Majesté à attendre de
la part de V. N. & G. P. un juſte retour d'égards
, & la réparation des griefs que le fouffigné
eſt chargé de leur énoncer itérativement.
C'eſtde votre prudence , N. G. & P. Seigneurs,
&de la repriſe de vos délibérations u'térieures
fur cet objt , que le Roi attend une répo fe
prompte & fatisfaiſante . A la Haye le 6 Août
1787 .
( étoitfigné ) DE THULEMEYER .
Les réſolutions priſes ou délibérées depuis
le commencement du mois dans l'Afſemblée
des Era's de Hollande , ont été renues
affez fecrettes . On 'a't ſeulement qu'à
l'occaſion des pouvoirs à donner à la Com-
1
( 185)
milion de Woerden , pour l'aurorifer à
completter les Régimens qui reſtent a la
Province , ona y fuppléer par de nouvelles
levées , il s'eſt élevé une iſpute perfonnelle
entre M. de Wiener Starrenburg , premier
Noble , ci devant attaché a la caufe des Patriores
, & M. van Berkel , Pentionnaire
d'Amſterdam . Cette derniere ville a pris la
réfo.urion de fufpendre le Prince d Orange
de ſes trois charges dans la Province , &
d'en retenir les émolumens . I es autres villes
da même parti ont fait des arrêtéspareils ,
&les ont remis à la délibération des Erats.
Ond be auli qu'Amſterdam a propofé de
s'affurer de la Caiſſe de la Généralité. Certe
grande ville paie 48 des 52 & demi po ir
100 , qui forme la taxation de la Province:
de Hollande , dans les fubfides de la Généralité.
Les Erats d'Utrecht affemblés à Amerffoort
out fait aux autres Provinces , celle
de Hol'ande excentée , la propoſition de
transférer l'Affemblée nationa'e à Nimegue ,
& de l'y ouvrir le 15 de ce mois , fi les Etats
de Hollande perſi olen à excime de leur
territoire les Députés d'Amersfoort , en cas
que ceux d'Utrecht fuffent exclus des Erats--
Généraux.
Les mouvemens militaires ſont très actifs
ici , écrit on de Weſel; les ſémeſtriers arrivent
de toute part. On travaille jour & nuit
aux magaſins qui feront établis dans cette
( 186 )
ville , où il eſt arrivé 1070 chevaux por
l'Arcillerie ,&c.
On pré ume que l'armée Pruſſienne fera
poſtée 1rla Bruyere, près de Straë en , &
l'autre près d'Elten. On répare les chemins
des deux côtés du Rhin , & c'eſt a Rees
qu'on p'are le pont de bateaux pour traverfer
le fleuve.
Il s'est tenu à Nimegue une conference
entre le Stadhouder,la Princeffe d'Orange,
leDuc de Brunswick & M. Grenville, frere
du Marq is de Buckingham , charge dune
lettre&dune commillion fecreste du Roi
dAngleterre auprès du Prince d'Orange .
Al'iſſue de cette conference , S. A. S. eft
Itounée à l'armée d'Amersfoort, & le Dic
de Brunswick à Cleves où il a pris ſes qar
tiers.
L'ordre final du Cabinet concernant la
marche des troupes Pufliennes , fut donné
le 18 Juiller par S. M., & corrot:
Sa Majené veut qu'on fafle inceftamment
>> à Weſel les difpofions les plus prompres
- pour l'établiſſemert d'un Magain général ;
> qu'on y raſſemble de la forine & du four
>> rage au moins pour 6 mois , & qu'en y
tranſporte , en asendant , 26000 portions ,
& 700 rations. Les régimens chriendront
da's ladite Vie , ainſi que dur ne leer
>> march" , vers la Westphalie , los fortes por-
>> tions déterminées par S. M. Elle afſigne
soo,oco rixdalers pour la formation dulit
Magafin; le Conſeiller intime des Finances ,
" M. Fleſche , ſe rendra , avec cette affigna-
לכ
בכ
1
1
( 187 )
>> tion , à Weſel , pour y diriger les opéra-
~ tions néceffaires , acheter les grains & les
>> fourrages , faire moudre la frine, cuire le
>> pain , & prendre des arrangemens fur ces
• objets , les Chambres des Finances du
Comté dela Mare , de la principauté de Min-
>> den , de Totfrfe & de Cleves
& de
>> nommer les personnes qui auront la direc-
>> tion de la caiffe militaire pour ce Corps
>> d'armée. Le haut Confeil de guerre eſt déjà
>> informé du nombre de ces perfonnes &
,
quels font les régimens qui devront mar-
>> cher.
>>Il ſera envoyé ordre au Miniſtre d'Etat de
>> Schulenbourg , que les bu eaux de Banque
>> de Minien , d'Embden & de Cleves foient.
>> prévenus de remettre au Conſeiller intime
>> des Finances Freſche , ſur ſon allignation ,
> la ſomme de 500,000 rixdalers en or , &c.
Aux triſtes derals que no savens donné
de l'acci ' ent ſurvenu aux chalompes de M.
de la Peyrouſe, ſur les côtes de la Californie
, nous jo ndrons l'extrait du Journal
même de ce Commandant , qui renferme
toutes les particularités de ce malheureux
événement.
Nous nous regardions enfin comme les plus
heureux des Navigateurs , d'être arivés àune fi
grande diſtance de l'Europe, fans avoir euun ſeul
malade, ni un ſeul homme des deux équipages ,
acteinss du ſo rbut. Mais le plus grand des malheurs
, celui qu'il étoit le plus imposible de pré .
voir, nous artendois à ce terms. C'eſt avec la
plus vivedouleur que je vais tracer l'h ftoire d'un
déſaftre , mil e fois plus cruel que les malatie &
tous les autres événemens des plus longues navi(
188 )
gations. Je cede au devoir rigoureux que je me
fuis impo e d'écrit, cette relation , &je ne crvins
pas de laiffer conn irre que mes regrets ont éé
depuis cet événement cent fois accompagnes de
mes larines ; que le temps n'a pu juſqu'à préfent
caimer ma couleur. Chaque objet , chaque inf
tant me rappel'e la perte que nous avons faite , &
dans une circonstance où nous croyions ſi peu
avoir à craindre un pareil événement.
J'ai déja dit que les fondes devoient être placéesfur
le plan de MM. de Moneron & Bertizet
par les Officiers de la Marine. En conséquence , la
Liscay nne de l'Agrolate , aux ordres de M. de
Marchanvine fut command epourle lend.main ,
& je fi lipe er celle de ma frég te , ainſi que le
petit canet , dont le donnai le commandement à
M. Burin . M. d'Efures , mon premier Lieutenant,
Chevalier de Sint-Luis , comandait la
Bocayer ne de la Bouffle, & étoit leChefde cette
ptit expédition . Comme fon zele m'avoit paru
qreipfois une arment , je crus devoir lui
donner des inftructions par écrit. Les d tails ,
dans lesquels fotos entre fur la prudence que
j'exigeois ,lai paruren fi minetieux , qu'il me
der anda , a fi je le preno's pour un enfant , ajou-
>> tant qu'il avoit d'ja commandé des bâtimens
>>> du Roi . >> Je lui expliquai amicalement le motif
de mes ordres. Je lui dis , " qua M. le Vicomte
>> de Langle & moi avions fonté la Paffe de la
> Baye deux jours auparavant , & que j'avois
2 trouvé que l'Officier Commandant le fecond
>> canet , qui étoit avec nous , avoit paffé trop
>>>près de la pointe , fur laquelle il avoit reme
>>> touché. J'ajourai , « que de jeunes Officiers
>>> croient qu'il est du bon ton , pendant les léges ,
>>>de monter fur le parapet des tranchées , & que
> ce même eſprit leur fait braver dans les canots
1
:
4
( 189 )
les roches & les brilans ; mais que cette audace
>>>peu réfléchie devoit avoir les fuites les plus f1-
>> nettes dans une campagne comme la rotre , où
>> ces fortes de périls ſe renouvelloient à chaque
>>minute. » Après cette obfervation , de lui remis
les inſtructions ſuivantes , que je lus auſſi à M.
Boutin ; elles ferot mieux connaitre qu'aucun
aure expoſé la miffion de M. d'Loures &les précautions
que j'avo's priſes .
INSTRUCTION donnée par écrir à M. d'ESCURES par
M. de LA PEYROUSE .
"Avant de faire connoître à M. d'Esu es l'ob .
>> jetde fa miffion ,je le préviens qu'il lui ett ex-
>>>preflément défendu d'expojer les cano's à aucan
>>> danger & d'approcher la paffe ,ſi eile trife Ilpa-
>>>tira a 6 heures du matin avec deux autres canots ,
>>>comman és parMM.de Marchainy l'e &Bourin,
→&fondera la Baye depuis la Paile juſqu'ana pe-
>> tire Anfe , qui eſtdans l'Est des deux Mamelons .
» Il portera les fondes fur le plan que je lui ai re
>> inis , on il en figurera un , d'après lequel on
>>pourra les rapporter. Si la Paſſe ne bis point .
>> mais qu'elle fût houleaſe , comme cette lefogre n'est
>> pas preffée , il remettroit à un autre jour de la fonder
, & ne perdroit pas de vue que toutes les cho-
>>fes de cet ordre , qu'on fait difficilement , font tou
>jours mal-faites.
« Il eft probable que le meilleur moment , pour
> approcher la Paſſe , ſera à la Mer- érale vers les
>>>8 heures & demie (1). Si alors las circonstances
>font favorables , il tâchera d'en m.furer la longeur
, avec une ligne de Lock , & placera les
Ptto's canots parallèlement , ondant dans cet
ordre ,, c'est-à-dire , dans le fons de la lonétoit
noyé à 7 heures un quarr,
( 190 )
guer , ou de l'Est à Ou-st : il ſondera enfuite
>>> au Nord au Sud; mais il n'eit guères vraiſem-
>>>blable qu'il puiſſe faire cette fonde dans la
>>> meme marée , parce que le courant aura prís
>> trop de force. En attendant l'heure de la Merétale
te
,ou en ſuppoſant que ja Merfoit mauvaise ,
>> M. d'Efcures fera fonder l'intérieur de la Baye ,
particulierement l'Anſe , qui eit derrire tes
>>>Mamelons , où je crois qu'il doit y avoir un très .
> bon mouillage : il tâcherauffi d'affigner fur le
plantes limites du fond de roche & du fond
>> fab e, afin que le bon fon1 foit bien conru ; je
>>>crois que , orſque le canal du Sud de i Ifle eit
-> ouvert per la pointe des Mamelons , on est for
>>>un bon fonddefable. M. d'Efcurs vérifiera , fi
mon opinion eſt fondée , maisje lui repete encore
, que je le prie de ne pas s'écarter de la plus
exrême prudence
"
Cette inftruction devoit- elle me laiſſer quelque
craine ? Eleitot donnée à un homme de 33 ans,
Chevalierde St. Louis , qui avoit commanté des
barimens du Roi. Combien de motifs de & curité!
Comme plufiurs de mes I esteurs feront Marirs
& connoirot les rates du Port - Iouis & de
Tor ent ! qu' is ſe repréſentent deux frégates
mouillées en de'ans de l'Ile Saint- Michel, en
voyant leurse nois ( nterlarale du Port-Louis ,
avec défenſe expreffs d'approcher de la citadelle ,
s'il y a feu'ement de houle voilà exactement
quelle étoit notre position , avec la différence
que la mer ed encore plus belle dans le port des
François , ur la côte de l'Amérique , que dans
la rade du Port Louis.
Nos cinors partirent , comme je l'avois ordonné
, à 6 heures du min . Cétoit autant une
partie de plaifir que d'inſtruction & d'utilité . On
devoit chailer & déjeûner fous des arbres . Je joi-
:
( 191 )
gnis à M. d'Efcures M. de Pierrevent & M.de Mond
ta nal , le teul parent que j'eufle dans la Marine ,
& auquel j'étois autli tendrement artaché , que s'il
eût étémon fi's . Jamais ce eune Officierne m'avoit
donné plus d'eſpérance ; & M.le Chevalierde
Pierrevent avoit déia acquis ce que j'attendois
trèsinceflamment
de l'autre. Les ſept meilleurs
foldats du
détachement compofoient l'armemert
de cette Biscayerne , dans laquelle le vaitre-Pilote
de ma frégare s'étoit autfi embarqué pour
ſonder . M. Boutin avoit pour ſecond dans ſon peat
canor M. Mouron , Lieutenant de frégate. Je favois
que le canot de l'Astrolabe étoit commandé
par M.de Marchinvlie ; maisj'ignorois s'il y
avoit d'autres Officiers. A 10 heures du matin ,
je vis revenir notre petit canot: un peu furpris,
parce que je ne l'attendois pas fi-tot , je demard i
à M. Boutin , avant qu'il fût monté à bord , a s'.1
>> y avoit quelque choſe de nouveau. » Je craignisdans
ce premier inſtart qu. Ique attaque des
Sauvages. L'air de M. Boutin n'étoit pas propre
àme raffurer : la plus vive douleur étoit peinte
fur ſon viſage. Il m'apprit bientôt le déſaare
afreux dont il venoit d'etre témoin , & auquel
il n'vo't échappé que parce que la fermeté de
fon caractere lui avoit permis de voir toutes les
refſſources qui reſtoient dans un auffi exeréne
péri . Entraîné , en ſuivant ſon Commandant
milieu des brifans qui portoient dans la Paffe
pendant que la marée ſortoit avec une viteſſe de
3 ou 4 lieues par heure , il imagina de présenter
a la lame l'arriere de fon canot , qui de cere
maniere , pouffé par cette lame , & lui c'dant
pouvoit ne pas remplir , mais devoit cependare
être entraîné au dehors par la marée. Bientôt il
vit les briſans devant lui , & il ſe trouva dans la
grande mer . Plus occupé du falut de les camarau
( 192 )
है
des que du ſien propre , il parcourut le bord des
brians ,dans l'eſpoir de fauver quelqu'un. Il s'y
rengagea même ;mais il fut toujours repouffé
par la marée. Enfin il monta ſur les épaules de
M. Meuten , afin de découvrir un plus grand
eſpace. Vain eſpoir ! tout étoit englouti ! ....
E: M. Boutin rentra à la marée écile. La mer
étant devenue belle , cet Officier avoit conſervé
quelque eſpérance pour la Biscayenne de l'Astrolate
; il n'avoit vu périr que la nôtre. M. de
Marchainville étoit dans ce moment à un quart de
lieue de la Palle , c'eſt à dire , dans une mer aufli
parfaitement tranquille que ce le du port le mieux
fermé. Ce jeune Officier , pouffé par une générofité
fans doute im rudene , puiſque tout lecours
eft impoflible dans ces circonstances , mais l'ame
trop levée, le courage trop grand , pour faire
cette réflexion , lorſque ſes anns étoient dans un
auffi extrême danger, vola à leur fecours , ſe
jetta dans les mêmes brifans , & , victime de fa
générofité & de la déſobéiſſance de fon Chef,
pérat comme lui.
La Suite à l'Ordinaire prochain.
Jean Putz, Bucheron, eſt mort à Colegne
, le 28 Juillet , âgé de 109 ans, après
avoir été marié trois fois ; il ne laiſſe qu'un
fils , âgé de 20 ans ; & deux années avant
ſa mort , il vaquoit encore aux occupations
fatigantes de ſa profeflion.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le