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1787, 01-02, n. 1-2, 4-8 (6, 13, 27 janvier, 3, 10, 17, 24 février)
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; lesPièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts; les Spectacles;
les Causes Célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces; la Notice des Édits ,
Arrêts; lesAvis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 6 JANVIER 1787 .
APARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou;
rue des Poitevins , No. 17.
Avec Approbation & Brevet du Roi.
A
ib.
49
TABLE
Du mois de Décembre 1786.
PIÈCESFUGITIVES.
AMadame ... ; 3
| Sonne raisonnable & fenfi.
ble
67
Le Moqueur moque , Anec- Nouveaux Synonymes Fran-
4 fois ICO
Misanthropie , traduite du Pensées Philosophiquesfur la
dote,
GrecdeMenandre,
Acrostiches ,
Vers àMme Belli... ,
Impromptu à Mlle Denison, Tableau des Révolutions de la
Nature, 119
6 Elémens d'Histoire Naturelte
&de Chimie , 118
٢٥ Littérature ansienne & mo-
Chanson, ib. derne, 152
Morceau fur les Serres chau- Theatre Moral, 170
des, 97HistoiredeProvence, 202
M. d'A*** à Mme d'His- Discours de M. le Comte de la
que . 145
Tourailles, 211
Romance, 147 Cécile , fille d'Achmet III,
Réponse à la queſtion , 148 Empereur des Tures , 216
Epitre àM. Balze, 193 Tableau du travail fait par
AMlle Warefoot, 199
Charades , Enigmes& Logoles
Rédacteurs & Cooperateurs
du Mercure , 219
gryphes , 77,, 62 , 98 , 150 ,
Variétés , 34 , 38 , 70 , 120
SPECTACLES .
Concert Spirituel , 179
200
NOUVELLES LITTÉR. Acad. Royale de Mufiq. 39 .
Satyres,parM. Cle*** 9
Traitéfur les propriétés & les
72 , 125 , 186
Comédie Italienne , 83,134 ,
181
26 Annonces & Notices , 44 91 ,
544 138 , 186 , 237
effetsdu Café ,
Voyages dans les Alpes ,
Les Loisirs d'une jeune Per
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
* delaHarpe , près S. Come.
Comphsets
7-
2410009
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 6 JANVIER 17879
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A un de mes Amis , qui a fait de
mauvais Vers.
ARTISAN de mauvaiſes rimes,
Je verrai toujours dans tes vers
Des fadeurs que tu crois ſublimos,
Ta raiſon tournée à l'envers ,
Le ſens coupédans la céſure ,
Unbon vers, mais fans compagnon ,
Des chevilles pour la meſure ,
Un ſtyle du plus mauvais ton ,
Chaque vers offrant un emblême,
La rime arrivant au galop ,
Le raiſon s'échappant de même.
Pard onne fi j'en ai dit top ;
A
MERCURE
Mais , crois-moi , prenons ſans ſcrupule
Tous les deux ce qui nous convient ,
Toi , ta grammaire & ta férule , *
Moi , le fuſeau qui m'appartient.
(ParMmeB..... à Nevers.)
LE LOIR , Fable.
UN Loir faifoit ſa réſidence
Dans ungrenier abandonné ,
Où l'animal infortuné
Dépériſſoit par l'abſtinence ;
Mais en dépôt l'ony mit du froment
Etle reclus ſe vit dans l'abondance ;
Alors Souris& Rats vinrent joyeuſement
Prendre part à ſon opulence
Et le féliciter ſur ſamagnificence,
En peu de temps le voilà frais, diſpos ,
Se pavanant & faiſant le gros dos,
Comme ces parvenus fortis de la pouſſière,
Cependantun beau jour on enleva le grain
Et notre Rat le lendemain
Se retrouva dans la misère,
Onn'a plus d'amis en cecas :
Chacun ſe retire àgrands pas ;
* Il eſt Maître ès-Arts.
DE FRANCE.
Etvoilà ce que fit la troupe mercenaire.
De tous nos vils écornificurs
C'eſt auſſi l'uſage ordinaire:
Perdez votre or , plusde flatteurs.
ร
(ParM. Adhémar, ComtedeMarfane. )
CHANSON
Chantée à Mme DE VALLÉESSEURS ,
par Mile DE VALLÉESSEURS.
Sur l'Air : Jefuis Lindor.
TOUCHANTàpeine au printemps de monâge,
Merveille n'eſt ſi j'ai quelque beauté ;
J'ai les couleurs& la légèreté ,
Nonlesdéfautsdu papillon volage.
LORSQUE ma voix a brillé ſur la ſcène ,
Il faut me voir dans un bal voltiger ;
Là, cent rivaux brûlent de m'engager ,
Tousdans leurs mains voudroient tenir la mienne,
MAMAN inſtruit mon enfance ingénue ,
C'eſt dans ſes bras que ſont nés mes tålens;
Quand je parois ,je me fais mille amans ;
Je n'en ai plus , hélas! dès qu'on l'a vue.
(Par M. de **** , Officier au Regiment
de l'Isle de France. )
A ii)
MERCURE
Sur la Mort de M. BEAUJON.
BIAUJON , HAUJON , par un trait ſeul, eſt aſſez honoré:
Il étoit opulent; le pauvre l'a pleuré.
(ParM. D.. Τ... )
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eſt.Théâtre ; celui
de l'énigme eſt Clef; celui du Legogryphe
eſt Serrure, où l'on trouveferre , rue , ré
rufe.
CHARADE.
VICONQUE eft bas flatteur , eſt toujours mon
premier;
L'innocence ſans fard habite mon dernier ,
Et chaque grande ville a toujours mon entier.
(Par M. le Chevalier de Meude-Monpas.)
DE FRANCE.
7
ÉNIGME.
Je ſuis léger au féminin ,
Je ſuis léger au maſculin ;
Mais léger d'une autre manière
Feme'le , on m'admire & je plais
Quand on voit en moi de beaux traits ;
Quand je ſuis d'un beau caractère ,
Sur-tout d'un caractère égal ;
Quand je ſuis droite & bien réglée ,
Nette , propre , point barbouillée ;
Ma moindre tache eſt un grand mal :
J'ai mon rang , ma place & mes tities ;
J'entre ſouventdans les Chapitres.
J'ai de l'eſprit &du ſavoir ,
Au moinsje devrois en avoir :
J'ai bien des ſooeurs ; mais leur fortune
Et leur mérite eſt différent ;
Une quelquefois en vaut cent ,
Ou mille n'en valent pas une.
(Par M. L. F. , Avocat au Pail, de Lorraine. )
DE
LOGOGRYPHE
E ſept pieds montout
ſe compoſe,
Etje nourris grand & petit.
T
Aiv
8 MERCURE
Hélas ! je ſuis fragile , & fi l'on ne m'emplit,
Je ne vaux rien ou peu de choſe.
On trouve dans mon examen
Cet élément conquis par Charles & Pilatre ,
Et celui qui naguère aux exploits de Suffren
A ſervi de théâtre .
On y rencontre auſſi ce doux nom ſi commun ,
Si rarement au coeur , ſi ſouvent à la bouche
Que l'on prodigue à l'importun
Autant qu'à l'objet qui nous touche ;
De la coquette un titre redouté ;
Un don divin , mais ſujet à diſpute ,
Don refaſé par Deſcarte à la brute ,
Et par l'erreur à l'homme conteſté;
Un poiſſon délicat ; un animal iminonde ;
L'aliment du vieillard ; la raiſon duguerrier ;
Le gagne-pain du batelier ;
Unmélange fangeux de la terre &de l'onde ;
Du Poëte François l'écueil trop dangereux ,
Et l'ornement altier du Prélat faſtueux.
Mais c'eſt en dire affez pour que l'on me devine ,
Sinon, va me chercher , Lecteur , dans ta cuiſine,
( Par M. le V... )
*
DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES.
IDÉESfur lesfecours à donner aux pauvres
Maladesdans les grandes Villes. A Philadelphie,
& fe trouve à Paris, chez Moutard,
Imprimeur- Libraire , rue desMathurins
, hôtel de Cluni.
DEP
EPUIS quelquetemps , dans touteslesparties
de l'Europe , les bous Citoyens, les Écrivains
politiques , les Phyficiens & les Adminiftrateurs
ont plus particulièrement porté
leur attention & leurs foins fur le régime
des Hôpitaux.De nouvelles vues , propofées
&difcutées , ont déjà amené d'heureuſes réformes
,&en préparent de plus grandes. C'eſt
un des progrès de notre ſiècle qu'il eſt juſte
de reconnoître & de louer dans toutes les occaſions.
Le petit Ouvrage que j'annonce en
offre une bien naturelle.C'eſt un des meilleurs
qu'on ait encore publiés fur cet intéreſfant
ſujet.
On ne voit pas que les nations anciennes
ni les nations étrangères à l'Europe ayent
connu l'établiſſement des Hôpitaux. Il paroît
que, chez elles , la conſtitution ſociale & la
bienfaiſance particulière rendoient inutiles
ces hofpices ouverts par la miféricorde puz
1
Av
10 MERCURE
blique. Ce qui paroît certain au moins , c'eft
que leurs établiſſemens , qui avoient le même
objet , n'avoient rien de pareil dans le plan
&l'exécution . Cette inſtitution appartenoit à
une religion qui a particulièrement adopté les
pauvres , qui préſente ſans ceſſe leurs befoins
à la confcience des riches , & dans ſes
menaces & dans fes récompenfes.
Depuis qu'on a beaucoup examiné ces établiſſemens
, on les a vus fons des aſpects bien
divers. Nous en ſommes peut- être trop près
pour bien recevoir les impreſſions qu'ils doivent
laiffer. Tranſportons - les un moment
loin de nous ; donnons- les à juger à ces peuples
qui ne les connoiffent pas ; nous apperceverons
mieux les véritables idées qu'on en
doitprendre.
Je ſuppoſe qu'un Concitoyen de ces peuples,
qui auroit long-temps féjourné parmi
nous , & , ce qui est moins commun & moins
facile , qui y auroit bien obſervé , revenu
dans ſon pays , & choiſiſſant dans les objets
qui ontattiré fon attention, ceux qui tiennent
au bonheurde l'humanité , & qui annoncent
le plus les progrès de la civiliſation , parla
einfi: " L'Europe doit à ſa religion une vertu
• publique qu'on ne voit point ailleurs . Dans
> toutes ſes contrées , &depuis des ſiècles ,
- elle a élevé des aſyles pour les pauvres , les
enfans abandonnés & les infirmes. Par-
>> tout le voyageur eſt frappé de quelque édi-
> fice conſacré par cette touchante infcription.
Cette religion porte la piété pour les
DE FRANCE. 11
> malheureux ,juſqu'à former des ames pour
" la ſamte fonction de les foulager. Ainti, il
» n'y a rien de ſervile dans un foin qui ré-
>> pugne fi fort à notre foibleſle ; des récom-
>> penſes céleſtes en font un fublime dévone-
> ment. Ce font les femmes qu'elle y a ap-
>> pelées , comme pour ſignaler davantage fa
» puiſſance , en triomphant de cette aver-
>> fion plus vive que la nature leur a donnée
>> pour l'aspect des ſouffrances & de la
» & comme pour faire un plus doux préfent
» aux misères humaines , en les confiant à
>> une ſenſibilité plus délicate. Dans pluſieurs
>>villes, la bienfaiſance eft quelquefois obli-
>>gée de refferrer ſes ſecours ; mais dans
>> d'autres , elle les étend en proportion du
ود
mort,
nombre des infortunés. La plus célèbre des
>> Capitales offre dans ce genre un ſpectacle
ود tel qu'il faut l'avoir vu pour s'en former
>> une idée. Elle a un hôpital qui eft comme
>> une ville de refuge pour toutes les infir-
> mités.Vousyvoyez quelquefoisjuſqu'à cinq
ود millemalades.Onne demande ni dequelle
>> religion , ni de quel pays , ni de quel érat
» vous êtes , ſi vous faites le bien ou le mal ,
ود
ود
ſi on vous doit récompenſe ou punition.
Vous êtes pauvre & fouffrant ; vous avez
>> beſoin d'un aſyle & des ſecours d'un art
falutaire. Entrez , prenez place parmi tant
>> de malheureux. Venez repoſer vos douleurs
dans le ſein d'une charité inſpirée
par Dieu même, & attendre avec réſigna-
ود
ود
"
>> tion ce que la Nature vous réſerve. »
Avi
MERCURE
J'entends du milieu de ce peuple s'élever
des cris de bénédiction , & des tranſports
d'admiration s'y meler. " O humanité ! ô pa-
>> triotiſme , qui ne pouvant empêcher l'indigence
, en retranchent au moins les plus
extrêmes malheurs , qui ne permettent pas
ود
ود à des hommes , à des citoyens de reſter
>> privés des premiers beſoins&des derniers
>> ſecours de la vie , pourquoi r'êtes vous
>> pas la loi , la religion de tous les peuples !
>> vous , qui nous gouvernez , ſoyez touchés
d'un ſi noble , d'un ſi ſaint exemple. Nous
fommes auffi expoſés à toutes les détreſſes
de la pauvreré ; mais nous n'avons de refſource
que dans la pitié toujours lente &
foible de ceux qui nous entourent ; autant
ود
ود
ود
ود
دد elle eft douce, quand elle vient ànous, au-
>> tant elle eſt cruelle, quand il faut l'implo-
>> rer. Sauvez- nous de ce dernier malheur ,
ود de cette profonde humiliation. Accordez-
>> nous auffiune maiſon commune , qui ſoit
ود celle de tous ceux qui n'ont pas unaſyle ,
>>>ni pour vivre , ni pour mourir. "
Telle feroit la première impreſſion de ce
peuple fur des inſtitutions que nous regardons
avec indifférence , &dont nous parlons
ſouvent avec murmure.
Mais ces cauſes de nos murmures , un étranger
, quoique de loin , pourroit les appercevoir
avec un peu de réflexion. Suppofons un
Philoſophe parmi ce peuple , ne pourrat'il
pas ſe lever & dire: " O mes concitoyens ,
>> quelle vaine illufion touche vos coeurs !
DE FRANCE.
13
>> quelle admiration inconſidérée vous en-
» traîne ! êtes vous las de vos vertus qui vous
ود rendent inutiles ces établiſſemens ? Puif-
>> que notre patrie n'en a pas encore élevés ,
c'eſt ſans doute que les malheureux n'ont
encore été délaiſſes ni de leurs parens , ni
>> de leurs amis , ni de leurs voiſins , de tous
>>ceux à qui les ſentimens de la Nature &
رد
ود
ود les rapportsde la ſociété impoſoient de les
>> foulager. Voulez-vous ne plus rien faire ,
>> ne plus rien ſentir pour eux? Livrez- les à
" la pitié publique ; elle ſera votre excuſe ,
» & elle fuccombera ſous le fardeau que vous
ود lui laiſſerez. J'ai peu de confiance dans
>> cette vaſte charité, qui n'embraffe toutes
>> les misères que pour ne s'attacher à au-
>> cune , qui les raſſemble , comme fi elles
>> ne pouvoient s'adoucir qu'en préſence les
>> unes des autres. Un grand hôpital ne m'an-
>> nonce que des riches ſans companion , des
>> malheureux fans reſſource, & un gouver-
>> nement qui leur laiſſe tous leurs maux ,
>> content de les défendre de la mort. Mais
>> ne nous trompe pas par de fauſſes appa-
>> rences , toi qui nous vante des uſages
>>étrangers. Ce n'eſt pasaffez de nous annon-
» cer ces lieux de miféricorde ; dis
>> qui s'y paffe ; voyons comment une bienfaiſance
fi étendue remplit ſes promeffes. >>
Homme juſte & ſage » répondroit le
Voyageur , " tu préviens ce que je dois t'ap-
>> prendre. Ces inſtitutions ont un but grand
» & facré ; mais elles n'atteſtent que leur
"
nous ce
/
(
14 MERCURE
» impuiſſance à le remplir. Elles ne font
» bonnes que dans les lieux où la charité pri-
>>vée pourroit les rendre inutiles , où peu de
>> malades font réduits à la charité publique ,
ود
ود
ود
où celle- ci peut réparer les maux de l'extrême
pauvreté , & remplacer un peu les
>> ſoins des affections domeſtiques. Ailleurs ,
les abus s'étendent à proportion de la multiplicité
des ſecours qu'il faut donner.
» Pourrai -je vous dire ce que j'ai vu , ce que
>>j'ai fenti dans le plus conſidérable & le plus
>> triſtement célèbre de ces établiſſemens ?
>> Pourrai-je contrifter vos coeurs , fouiller
» vos imaginations d'un ſpectacle qui ſou-
> lève toute la ſenſibilité ? En parcourant
>> cet édifice , qui , au ſein d'une immenſe
>> capitale , contient quatre mille malades
» qu'ilsinfectent , &dont ils font infectés ,
>> en voyant la pitié qui les reçoit , réduire à
>>devenir barbare dans le traitement qu'elle
>> leur accorde , les entaſſer juſqu'à quatre
- dans un même lit , ne les foigner qu'avec
>> cet ordre néceſſaire dans une vaſte admi-
>> niſtration , & fans cette compaffion , qui
» s'arrête & ſe proportionne à chaque be-
>>ſoin , à chaque douleur , j'ai cru être amené
>> en ce lieu pour recevoir , dans un feul fen-
>> timent , l'impreffion de tous les maux que
> la Nature, dans ſes rigueurs , que la fociété
>>dans ſes déſordres , peuvent accumuler fur
» P'humanité. Aufſi les miférables , pour qui
>> ſeuls peut exiſter un pareil établiſſement ,
>> en ont une frayeur telle que les loix auDE
FRANCE.
15
roient pu en faire une peine très- répri-
>> mante. Ils en redoutent l'air , les ſecours;
ود ils n'y viennent que lorſqu'ils ont perdu ,
> avec tous les moyens de vivre , le courage
>>de mourir. Tout ce que ce ſéjour a de ré-
ود voltant en fait même une humiliation ;
>> quiconque y échappe à la mort , n'en
>> fort qu'avec la crainte du mépris ; & ce-
>> pendant le peuple de cette capitale eſt ſi
>> profondément dénué de reſſources , que
>> ſon affluence dans ce ſéjour est la princi-
>>pale cauſe des dangers , des afflictions qu'il
» y rencontre. Dieux , protecteurs de mon
גנ pays,Dieuxqui vouslaiſſez toucher auxmi-
>> sèreshumaines, rendez-nous toujoursaffez
>> miféricordieux , pour retenir toujours nos
>> pauvres&nos infirmes près de nos fecours
ود &de nos foins ,&pour ne les reléguerja-
> mais dans ces hofpices meurtriers ! »
Ainſi , en honorant les principes ſacrés qui
ont préſidé à ces établiſſemens, en béniffant
les ſeeours que l'humanité ſouffrante en a
reçus, en les contemplant encore avec cette
reconnoiffance& cette confolation qu'ils infpirent
à toute âme ſenſible , on ſent avec
amertume , on voit avec étonnement , qu'ils
pallient les grands maux de la ſociété plutôt
qu'ils ne les carrigent , qu'ils ne réparent les
plus grands défordres que pour en entretenir
la ſource , qu'ils affoibliſſent même les vertus
qui les ont fait naître ,& qui peuvent ſeules
les faire atteindre à l'étendue de leurs objets .
Onn'a pas affez vu que les hôpitaux étoient
16 MERCURE
le plus infuffiſant des remèdes à appliquer
aux misères humaines , qu'ils accuſent la fociété
à meſure qu'ils fe multiplient. Ce n'eſt
pas affez d'ouvrir un azyle au pauvre dans
ſes maladies ; il faut lui affurer des moyens
detravailler ſans s'excéder , d'amafler quelque
choſe au de-là de ſes beſoins journaliers , de
ne pas être réduit à paſſer le temps de ſes
fouffrances comme un être qui ne tient à rien
dans le monde. Conſidérez auſſi que la vertu
publique eſt ſans force , ſi elle n'entretient &
ne dirige les vertus privées; qu'autant ce qui
s'inſpire dans les oeuvres de la bienfaiſance
eft abondant, autant ce qui s'y commande eſt
borné. La nature a mis dans nos âmes des
impreſſions , la ſociété nous place dans des
rapports , qui nous appellent au ſecours des
miférables. Fiez- vous davantage à la compaffion
naturelle , à ces devoirs de convenance
dont il nous eſt ſi aiſe de contracter
l'habitude; ou plutôt accroiſſez en la force
par le beſoin d'y céder , par le cours de l'opinion
, par des diſtinctions que vous y attachérez
. Ne voyez-vous pas que lorſque vous
élevez un hôpital , chacun ſe dégage des liens
de parenté , d'amitié , de confraternité , de
voilinage. On devient dur , parce qu'on paye,
parcequ'on fent moins la voix tendre & impérieuſe
de la pitié , & qu'on croit n'avoir
plus à répondre de rien, méme à ſon propre
cceur. Je ne fais ſi une partie de l'égoïfime
qu'on remarque dans les grandes villes , ne
vient pas de cette ſource. Ne pourroit- on
DE FRANCE. 17
pas auffi foulager les infirmités humaines ,
fans enlever les malheureux à tout ce qu'ils
aiment , à tout ce qui les conſole, ſans les
entaſſer enſemble , tandis que , pour leur
ſanté& leur bonheur , il faudroit les dérober
les uns aux autres ? Ceux qui les ſoignent ,
feront - ils plus empreſſes , plus attentifs ,
lorſqu'ils feront obligés de retirer leur affection,
ne pouvant la partager à tant d'objets;
dene faire que comme un devoir , ce qui demande
toute la vigilance d'un tendre intérêt?
Et combien dedépenſes pour faire aller un
grand établiſſement , qui font perdues pour
l'utilité de ſa deſtination ? Combien d'abus ,
de déſordres s'y introduiſent bientôt & s'y
maintiennent long- temps? Etquelle difficulté
de les détruire, quand ils ont leur excufe dans
une adminiſtration néceſſairement compliquée
?
Telles font les vues que développe , d'une
manière auſſi ingénieuſeque touchante, l'Auteur
de l'Ouvrage que j'annonce ; &, ce qui
eſt encore mieux , d'où il part pour propofer
des remèdes ſimples & faciles à des maux
trop réels. J'aurois peut- être dû n'employer
que ſes idées & ſes paroles. Mais comment
peut-on toucher à la cauſe des infortunés ,
fans y faire entendre ſa foible voix ? Un Écrivain
n'aque ſes penſées à offrir dans le ſoulagement
des misères humaines; il croit acquitter
ſa dette , lorſqu'il en trace le tableau ,
&qu'il y répand les mouvemens & les voeux
de fon âme.
18 MERCURE
L'ouvrage , dont nous allons préſenter les
principales idées,apourbutdes'oppoſerauplan
d'unnouvelHôtel-Dieu,propoſeparM. Poger.
Veut- il donc priver les infirmes & les malades
de tout fecours ? Au contraire , il veut
leur en afſurer de meilleurs & de plus nombreux.
Son plan feroit qu'il n'y eût plus
d'Hôtel-Dieu , au moins qu'il fûr réduit à un
grand hofpice; que les revenus en fuſſent
appliqués au foulagement des pauvres-malades
, ſous la direction de l'adminiſtration
qui régit maintenant cet établiſſement ; que ,
dans chaque Paroiffe , il y eût une fondation
de charité , telle que celle qui ſubſiſte dans
celle de Saint-Roch , deſtinée à pourvoir au
foulagement des pauvres-malades qui ont un
domicile ; qu'il y eût des hofpices,dans chaque
Paroifle, pour les malades fans domicile ; enfin
qu'on autorisât les particuliers à établir des
infirmeries à penfion, ſéparées des hofpices ,
où les Maîtres & les perſonnes charitables
pourroient placer leurs domeſtiques ou des
ouvriers qui les intéreſſeroient.
Ce n'est point du tout faire connoître un
plan, dont toutes les vues font fondées ſur des
obſervations auſſijuſtes qu'utiles,&dont toutes
les idées ſont bien liées , que de s'arrêter à un
ſimple énoncé. Il faut lire cet Ouvrage ,
qui , au mérite d'un grand intérêt , joint
l'avantage d'être très- court. Ce feroit une
forte de crime pour la Nation & pour le ſiècle,
que de pareils objets y fuffent traités fans
obtenir une grande attention , &qu'ils l'ayent
DE FRANCE
19
té avec une ſagacité ſi heureuſe, ſans obtenir
à l'Auteur une reconnoiſſance publique.
Plus ce Journal eſt répandu , plus il doit
particulièrement s'arrêter ſur des Ouvrages
pareils.
Rien de plus juſte &de plus fin en mêmetemps
que les principes d'où part l'Auteur
pour vouloir qu'on commence par ne pas
faire fortir de leurs familles les malades qui
en ont une.
" Il n'eſt pas dans la Nature de demander
>> à autrui ce que l'on peut faire foi -même
" fansun trop grand effort.
>> L'homme ſouffrant commence par ſup-
>> porter ſon mal, & par y apporter de lui-
>> même, avec ſes propres moyens , le ſou-
>> lagement qu'ils peuvent lui procurer.
>>Quand les moyens de foulagement qui
>> dépendent de lui font inſuſtiſans , il ſe
>> plaint; il commence à implorer le ſecours
>> de ſes parens & de ſes amis , & chacun
> d'eux l'aſſiſte par la fuite d'un penchant
>> naturel que la compaſſion met du plus ou
>> moins dans le coeur de tous les hommes.
"
رد Cette aſſiſtance a cependant des bornes;
>> elle eſt limitée par les moyens & par la
volonté de ceux qui la domnent; elle ne
>> peut s'étendre au delà du terme où les
>> ſoins & la fatigue qu'ils prendroient leur
> ſembleroient plus pénibles que la compaf-
>> fion qu'ils reffentent ; ce terme s'élève
>>très haut , quelquefois juſqu'au ſacrifice de
→ la vie chez les coeurs ſenſibles & vivement
20
MERCURE
>> affectionnés ; il a peu de portée chez les
>>indifférens ; mais, ſi l'on pouvoit s'expri-
>> mer ainſi , il préſente toujours une forte
>> d'équation, en raiſon de laquelle l'aſſif
> tance eſt donnée tant qu'elle paroît à
>>l'homme qui s'y dévoue , un moindre far-
>>deau que celui de la compaſſiondont il eſt
» ému.
>>C'eſt ce qui fait que les ſecours de la
>>famille unie par l'amour & par l'amitié
>> ſont toujours les premiers, les plus atten-
>>tifs, les plus énergiques , & ceux dont eſt
>> le plus véritablement ſoulagé l'être ſouf-
>> frant , qui dans l'aſſiſtance qu'il reçoit ,
>> compte pour beaucoup la confolation qu'il
>> éprouve, & a beſoin de trouver une jouiſ
>> ſance morale jointe à un ſervice phyſique...
» Mais quelquefois , & trop ſouvent fans
>> doute, les efforts de la famille ne peuvent
>> ſuffire aux beſoins urgens & multipliés de
> l'individu qui ſouffre. Qu'arrive-t il alors ?
>> La famille à fon tour invoque le ſecours de
>>ſes voiſins. Ceux- ci en donnent , qui de.
>>viennent utiles , qui ſuppléent un peu à
>> l'inſuffifance des premiers, mais qui , offerts
>> avec moins de zèle , & ſuivis avec moins
>> d'intérêt , font loin d'avoir, par leur nature,
>> la même efficacité.
>>C'eſt bien pis quand, au-lieu de l'affif-
>>tance des voiſins, il faut avoir recours à
>>celle du Village, ou de la Paroiſſe , ou de
>>la Municipalité , ou de la Province , ou de
و د
l'État. Plus le ſecours vient de loin, moins
1
DE FRANCE. 21
ود il vaut,&plus il paroît lourd à ceux qui
>> l'accordent.
ود Cet inconvénient ayant ſa ſource dans
>> la conſtitution de l'homme & de la So-
>> ciété, il eſt impoſſible d'y échapper , & il
> en réſulte que, lorſqu'il s'agit de ſoulager
>> l'infortune & la maladie , la Société elle-
ود même, pour exercer une véritable cha-
>> rité, doit s'employer le moins qu'il ſoit
>>poſſible,& faire autant qu'il peut dépendre
>>d'elle , uſage des forces particulières des
familles & des individus.».
Parmi les avantages de cette manière d'adminiſtrer
les ſecours publics , l'Auteur en
fait remarquer un principal , celui de faire
concourir les ſoins de la famille à la guériſon
du malade, & les ſecours du malade au ſoulagement
de la famille elle-même.
" Toutes les fois qu'on ſe rapproche de la
» Nature , les biens ſe cumulent. Lorſqu'on
» s'en éloigne , ils ne ſe font plus qu'aux
»dépens les uns des autres. Un Artiſan , un
» Ouvrier , pères de famille, tombent ma-
>> lades; leur ſalaire , qui faiſoit vivre leur
>> ménage , eſt interrompu. Si on les tranf-
>> porte dans un Hôpital , ils quittent avec
>> une double affliction leur femme & leurs
>> enfans , dont ils regrettent les foins ; leur
" femme & leurs enfans , qu'ils laiſſent ſans
>> pain & réduits à la mendicité.
» Si au contraire on ne les ſépare point ,
>> le père ſoigné & confolé ſera moins long-
>> temps & moins dangereuſement malade;
초고 MERCURE
34 fans la depente que in Chirich devra
e pour y en a me parte qui , fans
Ace Stars matter as tras, peat
samez as proet de tame. Lot bien
* que quelques mange avanie door on
Kata fut da bocillon , & en chauffant
* lathanneil n'en coûte pas plus de chauffer
antil fes enfins. La femme & les enfans
> peuvent donc le trouver Leaves de la mi-
>> sere, fi au-lieu d'envoyer le malade depen-
• fer trente fois par jour dans un Hotel-
> Dieu, on le life, aide de leurs foins , en
> confommer vingt au milieu de ceux qui
> l'aiment,& qui lui font chers. »
Cette forme étendroit les liens de l'amitié
chez le peuple. Ceux même qui n'auroient
> point de familles, ſe verroient ſouvent
> affiftés par un zèle véritable , ou préférable
du moins à celui des infirmiers, ſi ce
• zele étoit aſſuré d'etre foutenu& réchauffé
> par un partage dans la petite penſion jour-
- nalière , & par le droit de conſommer la
viande des bouillons: tout ſentiment naturel
peut étre tourné à bien ,& l'intérêt
> même peut perfectionner les moeurs , s'il
eftmis fur une bonne voie par une intel-
> ligente charité. "
On ne peut ſe refuſer aux raiſons que développe
l'Auteur contre les grands hôpitaux,
& aux avantages qui réſultent de la multiplicité
des hofpices. Il faut les voir dans l'Ouvrage
même. L'Auteur avoit ici un modèle
DE FRANCE.
23
à citer , & il s'eſt plu à rendre un hommage
que tous les coeurs partageront.
« Il faut bénir la dame étrangère qui a
>> profité du crédit dont elle jouiſſoit , & de
ود
la vénération dont elle jouira toujours ,
» pour nous donner l'exemple d'un hoſpice
où les malades , ſoignés avec humanité ,
» meurent moins que dans aucun des autres
>> hôpitaux de la capitale ; & il faut ſouhaiter
» qu'un zèle trop ardent ne conduiſe pas à
>> multiplier les lits de cet hoſpice , de ma-
" nière à en former à ſon tour un grand
>>hôpital. Ses ſuccès tiennent principalement
» à ce que l'entrepriſe eſt bornée. ود
"Moins ces maiſons feront conſidérables,
» &plus il ſera facile à des hommes d'une
» capacité ordinaire, & tels que ceux qu'on
>> trouve à employer , d'y établir & d'y main-
" tenir le bon ordre, les bonnes moeurs ,
>> l'économie & la probité de détail. »
Dans le quatrième chapitre , l'Auteur établit
le projet nouveau d'avoir des infirmeries
àpenfion , qui ſeroient ſous l'inſpection des
Curés& des Dames de la charité de chaque
Paroiffe. Il entre dans des détails qui appuient
-& confirment ſes idées. Nous regrettons de
ne pouvoir ni les abréger, ni en détacher quelque
partie.
Le dernier chapitre eſt un réſumé du plan
de l'Auteur , où il l'établit ſur de nouvelles
preuves ou de nouvelles confidérations.
On jugera de l'eſprit général de cet Ouvrage
par les dernières phrafes ;
/24
MERCURE
در
"
"
"Comment ſommes-nous arrivés à mettre
ſur la voie de ce terme heureux , où , avec
la moindre dépenſe poſſible , on aſſiſtera
leplus grand nombre poſſible de pauvres-
>> malades , en foulageant autant qu'il ſera
>> poſſible leur coeur affligé , & rendant plus
>> efficaces de toutes les manières , les foins
>> auxquels ils ont droit de prétendre ? C'eſt
> en tachant de ne pas laiſſer perdre un des
>>> ſentimens , un des penchans , une des ver-
>> tus , une des paffions, undes intérêts , &
» même une des foibleſſes que l'on pourroit
>> tourner à leur profit. Toute faculté de de-
>> penſer en argent eſt bornée; tout pouvoir
>> phyſique eſt limité. Il n'y a que l'eſprit &
>>>l'âme qui , plus rapprochés , fi l'on peur
> ainſi dire, de la divinité , tiennent d'elle
>> une activité , une puiſſance , une bienfai-
>> ſance preſqu'incommensurables . »
On ne fera pas furpris d'apprendre qu'on
doit cet excellent Mémoire à un Écrivain
qui s'eſt particulièrement voué aux études&
aux travaux d'adminiſtration , qui joint un
eſprit ſupérieur à des connoiſſances immenſes
, dont le zèle infatigable rend les talens
plus utiles , & qui , ayant mérité la confiance
du Gouvernement , aura un jour la
gloire d'avoir ſenſiblement contribué à érendre
les lumières & à préparer beaucoup de
biens , par un grand nombre d'écrits qui ont
tous , comme celui-ci , des objets d'utilité.
publique.
( Cet Article est de M. de La C.)
ZELIE
DE FRANCE.
ZÉLIEdans le Désert , par Mme D***.A
Londres ,& ſe trouve à Paris , chez Belin ,
rue S. Jacques; Deſenne , au Palais Royal,
&Royez , quai des Auguſtins.
UNE femme jeune& belle eſt ſéparée d'un
père & d'un amant qu'elle adore , par une
tempête qui briſe le vaiſſeau ſur lequel ils
s'étoient embarqués pour les Indes ; elle eft
obligée de chercher un aſyle dans les bois , &
de paſſer pluſieurs années dans un endroit inhabité
de l'Iſle de Sumatra. Tel eſt le fond
du Roman que nous annonçons. Nous croirions
diminuer beaucoup le plaiſir de ceux
qui s'emprefleront de le lire , ſi nous leur
parlions en détail des divers événemens qui
le compofent , & qui les intéreſſeront d'autant
plus qu'ils feront moins prévus. Mais
nous ne pouvons nous refuſer à la fatisfaction
de direque le plan de l'Ouvrage deMme
D. eft bien conçu ; les incidens y naiffent néceffairement
les uns des autres ; & l'on s'apperçoit
que les moindres ſont prévus par
l'Auteur dès le commencement de l'Ouvrage,
Mme D. indique ce qui les produit , de manière
cependant que l'illuſion ne ſoit jamais
détruite, & elle les a d'ailleurs fi bien enchaînés
, qu'en en ſupprimant un ſeul , on renverſeroit
tous les autres. Nous infiftons fur
ce mérite, parce qu'il eſt très-rare , & parce
quenous ne voyons que trop de romans uniquement
compofés d'événemens ſi peu lies
Nº. 1 , 6 Janvier 1787 .
B
MERCURE
les uns avec les autres , que l'on pourroit
prendre au hafard telle partie que l'on voudroit
pour le commencement ou la fin de
l'Ouvrage.
Dans la chaîne des événemens qui compaſent
leRoman de Zélie, il en eſt d'heureux;
mais il en eſt auſſi qui attrient l'ame & la
déchirent ; les ſituations les plus fortes y font
peintes avec énergie ; mais comme aucun
des perſonnages introduits par l'Auteur , n'eſt
repréſenté avec un caractère odieux , ils ne
font jamais verſer des larmes amères ; les
ſentimens qu'ils inſpirent ne font mêlés d'aucun
mouvement d'indignation oude haine,&
il ſe répand ſur le récit même des malheurs ,
une teinte de mélancolie tendre qui en adou-
*cit la peinture au point d'y attacher un charme
plus grand peut- être que celui que produit
l'image du bonheur. En n'offrant ainfi
que des caractères aimables, l'Auteur s'eſt inverdit
fans doute une grande ſource de variété
; mais la beauté des ſituations& l'intérêt
qu'inſpirent les principaux perſonnages , le
diſpenſoient d'avoir recours fans celle aux
*contraſtes les plus frappans. D'ailleurs , en
traçant ſes divers caractères , Mme D. a atrache
à chacun une nuance de bonté relative à
l'état , au fexe , à l'âge, à l'éducation , à l'efprit
de ſes perſonnages ; & comme elle a eu
l'art plus grand encore de foutenir ces mêmes
caractères juſqu'à la fin de ſon Roman , les
diverſes nuances qui les diftinguent ne changent
point dans le cours de l'Ouvrage , &ne
a
DE FRANCE.
27
peuvent point par conféqueut ſe rapprocher
affez les unes des autres pour ſe confondre.
Les ſentimens qui animent les perſonnages
ſe développent donc toujours de la manière
laplus conforme à leurs differens caractères ;
&l'on doit compter bien peu de Romans cù
l'on ait repréſenté avec autant de vérité tous
les degrés par leſquels un ſentiment affez
foible dans la naiſſance , devient une paflion
impérieuſe; l'on s'en appercevra fur tout
dans le caractèrede Ninette , la jeune élève
de Zélie.
Ces vertus paiſibles , cette tendre boaté
aſſignées aux divers perſonnages , out influe
fur le ſtyle de l'Auteur; il règne en effet dans
la marche de ſes idées, une forte de douce
tranquillité. Mme D. emploie rarement ces
mouvemens impétueux qui ne conviennent
le plus ſouvent qu'aux pallions extrêmes ; il
ſemble que l'expreſſion des ſentimens qu'elle
2voulu repréſenter , eſt toujours retenue par
une aimable modération; on ſent toujours
une impreſſion de calme , même en voyant
la peinture des orages du coeur ; mais ſi le
Lecteur eft frappé par des traits moins rapides
, ils n'en pénètrent pas moins profondément
; & l'on ſe trouve vivement ému
même long- temps après avoir ceſſé de lire le
Roman.
La diction eſt d'ailleurs pure , élégante &
facile. Mais ce qui caractériſe particulièrement
le R man de Zélie , c'eſt l'eſpèce da
ferme dramatique que l'Auteur lui a très
Bij
28 MERCURE
Couvent donnée ; Mme D. ceſſe de temps en
temps d'employer le ton de la narration ;
elleoffre tout d'un coup une peinture vive ,
tranſporte ſes Lecteurs au lieu de la ſcène ,
les plonge dans l'illuſion par la vérité des tableaux
, & laiſſe parler ſes perſonnages. Les
penſées s'élèvent alors ; l'expreſſion s'anime ;
les ſentimens de ſes interlocuteurs ſe déploient
dans toute leur force , & ils peignent
eux-mêmes avec l'éloquence du coeur , leur
fituation heureuſe ouinfortunée. Malheureu,
fement pour nos Lecteurs , les bornes de cer.
extrait ne nous permettent de citer que les
morceaux fuivans de l'intéreſſant Roman de
Mme D..
ود
" Tour l'équipage étoit encore dans lajoie
que cauſe la découverte de la terre ; nous
arrivions à la hauteur de Sumatra , ſans
» avoir éprouvé aucuns vents contraires. Il
» s'éleva tout-à- coup un violent ouragan qui
>> emporta toutes nos voiles & nos mars,
Qu'onnſſee peigne , s'il eſt poſſible,(ditZélie
>> elle-même ) cet inſtant d'horreur , les cris
de tant de perſonnes épouvantées , le
>>multe, le déſeſpoir , la mort. Ce ſpectacle
affreux n'étoit éclairé que par la foudre qui
» éclatoit ſur nos têtes. Hélas ! je reçus à
peine les derniers adieux de mon père,de
monamant, de mon amie. J'étois évanouie
>> dans leurs bras , lorſqu'une vague terrible
briſa notre vaiſſeau fur la pointe d'un ro- "
cher , & me ſépara d'eux.
J'ai ſouvent cherché ,
tutoujours
en
ה
DE FRANCE. 29
» vain , à me rappeler les circonftances de
>> cet affreux naufrage , où je fus portée pref-
ود que ſans vie ſur ce fatal rocher. Je m'y
>> trouvai comme ſortant d'un ſonge. Je fixai
>> d'abord les objets fans les diftinguer , mal-
>> gré la clarté du jour; mais peu-à- peu je
» repris mes ſens , &je vis toute l'horreur
> de ma ſituation. Le péril que j'avois évité
>> me parut préférable à celui auquel je me
>> trouvois expoſee. J'enviai le fort de mes
>> amis que la tempête avoit enſevelis ſous
ود les eaux.Un inſtant après,je frémitloisdu
>>> genre de mort que je les avois vus prêts à
>> fubir. J'entendois retentit au fondde mou
>> coeur, la voix triſte & plaintive de M. d'Er-
>> mancourt , qui ſouffroit plus de mes maux
>> que des ſiens. Je le voyois encore , tâchant
>> de me raſſurer ſur un danger qui lui pa-
>>roiſſoit inévitable, mais qu'il auroit voulu
>>>mecacherjuſqu'au dernier moment. Hélas!
>> je le voyois comme lui,ce fatal inſtant qui
>> devoit nous ſéparer; mais je ne prévoyois
ود pas que le deſtin me réſervoit encore des
>> maux plus cruels, en me conſervant une
>> vie inſupportable , que l'abandon où je me
> trouvois me portoit à abréger pour me
>> réunir à mes amis .
>> Mes triſtes réflexions m'arrachèrent les
>> plaintes les plus déchirantes ſur ma deſti-
>> née. Je reprochois au ciel ma déplorable
ود exiſtence : je l'accuſois d'injuſtice envers
> mes amis , qui méritoient un meilleur fort.
>> J'étois dans le plus grand deſeſpoir , quant
Bi
30
MERCURE
>>j'entendis à peude diſtancedes cris plaintifs
>>qui portèrent l'épouvante dans mon ame.
ود
ود
Je melevai bruſquement du lieu où j'étois
reftée pluſieurs heures ſans pouvoir chan-
>>ger de ſituation , tant j'étois accablée &
>>briſée par les ſecoufſes du vaiſſfeau. L'idée
» de ma conſervation , ce ſentiment fi na-
> turel qui nous entraîne machinalement ,
وہ fut la feule qui m'affecta en ce moment ,&
» qui me fit retrouver mes forces preſque
>>> anéanties. Je fus enſuite touchée de com-
>> paffion pour l'étre fouffrant que j'avois
22 entendu.>>
>> Je defcendis du rocher ; j'avançai dans le
>> boisd'un pas timide & chancelant , en por-
>> tant mes regards craintifs fur tous les ob-
>>jets qui m'environnoient ;mais le même
>> ſentiment que j'avois éprouvé , la peur ,
>> avoit fait fuir la perſonne affligée au pre-
→ mier bruit que j'avois fait , en marchant
ود dans lebois,pour allerà elle; l'ayant cher-
> chée pendant quelque temps , je penſai
>> que la voix & les plaintes que j'avois cru
>> entendre , n'étoient qu'un effet de mon
>>imagination troublée ,qui me repréſentoit
> par- tout des malheureux.
>>J'étois perfuadée de cette illuſion , lorf-
>> que j'apperçus dans l'épaiffeur du bois , à
quelques pas de l'endroit où j'étois , des
arbriffeaux fort agités. J'entendis quelque
» bruit. J'avançai en tremblant, & je crus
entrevoir , à travers les branches , une
>> perſonne de mon ſexe. Cette vue me raf-
د
"
DE FRANCE.
31
ود
>>fura. J'approchai en prononçant quelques
mots pour calmer la crainte de celle que
>>>je voyois prête à m'échapper encore. Ah !
>> ne fuyez pas une malheureuſe , dis -je ,
« d'une voix douloureuſe& fuppliante. Qui
>> que vous ſoyez , j'implore votre protec-
>> tion ..... Qu'entends - je , s'étria la pauvre
>> Lizadie , que je reconnus alors ? Quoi ! c'eſt
» vous , me dit- elle en courant ſe jeter dans
mes bras ! c'eſt mon amie que je fuyois !
>> j'étois moi - mème ſi étonnée , ſi ſaiſie en
la ferrant contre mon ſein , que je ne pus
lui exprimer ma joie que par des foupirs
» & des larmes. J'avois l'ame fi troublée,
>>agitée par cette heureuſe rencontre qui
» dans l'inſtant m'avoit donné des eſpérances
>> encore plus grandes , que je tombai pref
>> que fans connoiſſance à ſes pieds .
2
ور
"
ود Revenue à moi , je demandai mon.
>> amant , mon père. Je voulois que mon
> amie me les rendit l'un & l'autre. Eh !
>>pourquoi , lui diſois-je , pourquoi ne ſe
>>feroient-ils pas ſauvés du naufrage comme
>> nous ? Ils font peut être actuellement dans
>>quelqu'endroit de cette forêt , occupés à
>> gémir ſur notre fort , comme nous fur le
>>leur. Allons , ma chère amie , courons à
ود
leur ſecours. Ah ! fi le ciel me les avoit
> conſervés ! ma vie entière ne ſuffiroit pas
» pour lui en témoigner ma reconnoiffance.
>>Mais nos recherches n'aboutirent à rien ;
» nos plaintes, nos cris furent inutiles : la
Biv
32 MERCURE
>> nature refta muette autour de nous. "
Dans le morceau ſuivant,lajeune Ninette
exprime les ſentimens que M. Sping le fils
fait naître dans fon coeur.
ود
" Pourquoi cette obſtination à vouloir me
>> faire dire que je l'aime? Que prétend- t'il?
Qu'eſpère t'il d'un aveu qu'il ne devoit exiger
de moi , que du confentement de ſes
parens , & en leur préſence ? Croit- il donc
> qu'il fuffit d'avoir ravi mon coeur pour me
>> faire oublier la vertu.... Ah ! ne le croyez
pas: non, ce coeur qui vous a fans détour
avoué qu'il vous aime, ne confentira jamais
à fa honte.... Mais me fuis je pas in-
>> juſte dans mes foupçons ? Quel févère exa-
> men! quelle ingratitude de ma pait ! quoi !
>> cet homme fi honnête, fi grand , fi ver-
>> tueux , qui , depuis que je fuis ici , ne s'eſt
pas démentiun ſeul inſtant , qui m'a donné
tant de marques du plus tendre attache-
>>ment , qui m'a facrifié tous ſes goûts , ſes
plaiſirs , tout ce qui l'occupoit avant mon
>> arrivée; c'eſt lui quej'outrage : c'eſt au plus
charmant des hommes que je cherche des
>> torts! Ah ! je rougis de mon injustice. Pardonne
, cher objet de ma tendreffe , pardonne
une défiance que mon coeur défa-
>> voue ! non , tu ne veux pas me perdre , tu
ne cherches pas à m'humilier..... Mais est- il
» en ton pouvoir de réaliſer tous les titres
flatteursquetum'as prodigués dans l'ivreſſe
» de ton coeur ? Tu m'as nommée ton amie,
1
1
DE FRANCE.
33
ta femme, ta compagne chérie. Ah! puis-
>> je eſpérer de mériter jamais ces noms fi
chers ? Quoi ! je ſerois l'épouſe de cet hom-
>> me fi recherché , ſi defiré par toutes les
>> femmes d'Achem?.... Tu me ferois tant de
ود
ſacrifices ! ah! je devrois m'y oppofer fi
>> j'étois auſſi déſintéreſſee que toi : je de-
> vrois m'éloigner. Je le devrois auffi pour
לכ
ود
la ſatisfaction de tes parens: ils ſe reprocheront
un jourde m'avoir ſi bien reçue....
>> Mais je n'aurai jamais ce barbare courage ;
> les liens qui m'attachent à toi font plus
>> forts que ma raiſon. Je ne connois plus ,
>> je déteſte même cette grandeur d'ame hé-
>> roïque qu'un honneur chimérique inſpire.
>> Je ne ſerai point grande ; mais je ferai
>> honnête& vertueuſe.Je nefuirai pas ..... >>
Il eſt difficile de trouver des morceaux écrits
avecplus de ſenſibilité & d'heureux abandon.
L'on admirera certainement auſſi avec quelle
vérité l'Auteur peint le mélange des beautés
de la nature ſauvage , avec le charme de la
nature cultivée , dans des sites pittoreſques
qu'elle a ſu ſi bien animer par les ſcènes
qu'elle y a repréſentées.
Ceux qui auront lu leRoman de Zélie ,
lereliront sûrement pluſieurs fois ; & nous
croyons qu'il mérite d'autant plus d'être répandu
, que l'on peut le laiſſer ſans crainte
entre les mains de la jeuneſſe la plus tendre ;
elle n'y trouvera que des leçons agréables
dans des exemples touchans;& pendant que
Bv
34
MERCURE
:
P'expreffion de la vive ſenſibilité qui y règne
ravira les jeunes coeurs, la peinture d'une folitude
tranquille , l'union d'une famille heureuſe
dans un déſert preſque inacceffible , le
contratte de ſa ſituation paiſible & fortunée
avec les agitations des grandes ſociétés , charmeront
la raiſon de l'âge mûr; le vieillard
s'attendrira ſur l'image ſacrée du reſpect &
de l'amour filial ; & ceux même à qui les
douces émotions ſont trop étrangères , feront
retenus en le lifant par un attrait dont ils ne
pourront ſe défendre. Les larmes délicieuſes
que ce Roman fera répandre , les agréables
jouiffances qu'il procurera , les confolations
que lui devront plus d'une infortunée, feront
fans doute pour Mme D. une récompenfe
plus touchante& plus chère à fon coeur , que
les juftes éloges que fonOuvrage obtiendra.
ALMANACHde la Samaritaine, avec ses
prédictions pour l'année 1787. A MM. les
Parifiens. Au Château de la Samaritaine ;
&ſe trouve à Paris , hôtel de Meſgrigny ,
rue des Poitevins, & chez les Marchands
de Nouveautés , in- 16. Prix , 1 liv. broché
, & 1 liv. 6 fols franc de port par la
pofte.
CETTE petite Brochure ne doit point être
confondue avec la foule d'Almanachs dont
DE FRANCE.
35
on eſt inondé au renouvellement de chaque
année. Ce n'eſt point un Almanach véritable
, puiſqu'on n'y trouve aucune indication
des jours , des mois , ni des révolutions du
Soleil. Ce titre n'eſt que le prétexte d'une
critique agréable & gaie que l'Auteur a tracée
de nos moeurs en parodiant les prédictions
de l'Almanach de Liége.
" Il y a fi long temps , dit la Samaritaine
>> aux Parifiens , que je ſuis en poffeffion
» d'avertir la Ville de la ſucceſſion des
>> heures , & que je la réjouis par la variété
م
ود
ود
de mes fons , que mes droits dans cette
>> partie font incontestables. Mais pour les
faire valoir plaiderai - je? ne plaiderai je
pas? Je ne fais même à qui m'adreſſer.
Eſt- ce à la Cour ? eſt ce à la Ville ? eſt-ce
>> au Perſonnage qu'on nomme mon Gou-
» verneur, quoique je fois d'un âge à n'être
>> plus en tutelle ?
>> Jadis à Nuremberg un vieux Militaire
>> tombé dans l'indigence , crut devoir écrire
>>à la Patrie pour la prier de venir à fon
> ſecours.... On liſoit ſur l'enveloppe de ſa
2
lettre en gros caractères : A LA PATRIE....
» Tous les Facteurs couroient la Ville à
>> perte d'haleine , demandant par- tout inu-
ود tilement Madame Patrie, perſonne ne la
>> connoiffoit , & les Administrateurs même
du pays ſe renvoyoient réciproquement la
lettre en diſant: Nous ne ſommes pas la
Patrie.... Je crains la même aventure.....
ود
ود
ود
Bvj
36 MERCURE
» D'ailleurs, j'ai tant vu de Plaideuſes en
> triſte habit noir aller , venir , ſoupirer
ود ſans pouvoir obtenir une audience , que
cela me décourage. Prendrai-je un Procureur
? Le remède ſeroit pire que le mal.
» Bientôt forcée de vendre ma cruche , ma
fontaine, ma dorure pour ſatisfaire à ſa
» voracité, je me verrois au milieu du ruifſeau
avant qu'il eût ſeulement commencé
>> la procédure.
ود
ور
" Ne pouvant plus ni marquer les heures
» ni les fonner, j'ai voulu faire un Alma-
» nach.... Perſonne n'eſt plus en état que
moi de faire un pareil Ouvrage. Il y a fi
>> long- temps que je me tiens à la belle
>> étoile,&que j'épie les années , les mois,
les jours , quej'en puis parler favamment. >>
On voit, par ce que nous venons de citer ,
que l'Auteur écrit avec eſprit. Il n'a pas toujoursun
goût sûr, ni un ton excellentt;; mais
il eſt difficile d'allier conftamment ces deux
qualités avec le ton de la plaiſanterie, &dans
les Ouvrages de ce genre on ne doit pas y regarderde
fiprès.
Cet Almanach confifte en des réflexions
fur chacun des inois , & des prédictions pour
l'année 1787. On conçoit que les unes & les
autres ne font que de pures eritiques. Nous
en donnerons une idée qui fera connoître&
juger l'Ouvrage. Voici ce qu'on y lit fur
Février:
• A peine commence-t- il à naître qu'il
DE FRANCE.
37
> cabriole, qu'il chante, qu'il court les rues,
>> qu'il ſe traveſtit, & que la Police a toutes
" les peinesdumonde àle contenir....
>>Les gourmands aiment de préférence ce
➤ mois , parce qu'il eſt le père des indigef-
>> tions. On voit juſqu'aux avares , qui ne
>> donnent rien dans le cours de l'année ,
>> faire un effort extraordinaire au Carnaval ,
>> comme ſi l'on ne pouvoit pas ſe diſpenſer
>> de célébrer Février....
>>Ce fut pendant ce mois que Molière ,
>> dinant chez l'Ambaſſadeur de Veniſe , &
>> voyant un Cagot qui mangeoit en eſprit
>> de pénitence un plat de truffes nommées
>> en Italien tartuffoli , imagina que le nom
>> de tartuffe déſigneroit parfaitement l'hypo-
>>crite dont il nous a peint le caractère,&c. »
ود
Prédictions pour le mois de Mai. " Des
inondations fubites formeront des torrens,
>> ce qui rendra quelques chemins périlleux ,
» & ce qui rappellera le bon mot d'un
>>Cocher , qui dit à un Évêque en pareil
>> cas : Priez Dieu , Monseigneur, carje vois
» l'heure où nos deux Siéges vont être va
>> cans.
ود Les in-folio continueront d'être au ra-
>> bais , & les in 16 auront une vogue éton-
>> nante. On les tranſporte facilement ; &
>> quelque choſe de mieux , on les perd....
» Une payſanne, brute comme les bêtes
>>même qu'elle aura foignées , arrivera dan:
Paris, paroîtra toute tremblante au Palais
38 MERCURE
>>Royal, pleurant ſa mère, ſes vaches &
>> ſes pommes de terre , & dans deux mois.
>> de temps elle aura de l'eſprit , des façons ,
» un équipage , un hôtel , & mille adora-
>> teurs qui l'appelleront Madame la Ba-
>> ronne , & qu'elle favoriſera d'un ſourire.
>> La meilleure , banque dans Paris eſt un
» joli minois. »
LES Entretiens du Palais Royal , 2 vol.
petit in- 12 , prix , 3 liv. , broché. AParis,
chez Buiffon , Libraire , hôtel de Mefgrigny
, rue des Poitevins .
Le titre de cet Ouvrage donne l'idée de ce
qu'il peut contenir. Ce font des converſations
auſſi variées que l'Auteur a pu le faire , &
rien n'a pu l'arrêter , que ſa laffitude ou fa
volonté. Son plan admetroit tout, s'étendoit
&ſe refferroit à fon gré. " L'Auteur dit lui-
» même :: - Ceux qui font la matière de
>> cette brochure , ſe reſſentent d'un lieu
" où les promeneurs comme les babillards
>> cauſent ſans ceſſe des diſtractions. Rien de
» lié , rien d'approfondi ; & , pour ſe
» mettre à la mode , rien qu'on ne puiſſe
>>parcourirdans un clin-d'oeil. »-Il ajoute :
ſi je faifois un livre,( diſoit Henri IV ) il y
auroit de quoi rire & de quoi réfléchir. Tel
eſt le but que l'Auteur s'eſt propoſé. Nous
ور
DE FRANCE.
39
allons extraire quelques traits , pour qu'on
pniffe juger de la manière de fon talent &
de ſa gaieté.-Le Palais Royal eſt le ralliement
de l'Europe , de l'Amérique , de l'Afrique
, de l'Afie.-L'indigence y eſt mère
de l'induſtrie ; on n'y met pas moins d'art à
maſquer la misère , qu'à ſe faire un viſage à
l'aide d'une toilette recherchée. L'élégance
ſupplée parfaitement à la parure. La petite
bourgeoiſe fair des révérences à la Ducheſſe ;
ſa fille prend le coſtume de la Cour : c'eſt
l'hiſtoire du phoſphore qui , formé d'une vile
matière, a le plus grand éclat.-Je parlois
encore, lorſqu'un élégant , dont les oreilles
&les pieds offroient à la vue les boucles les
plus extraordinaires, nous aborda. Il avoit un
de ces chapeaux en forme de cloche , qui
n'ont jamais bien coëffe perſonne; un de ces
gilets où les poches touchent preſqu'au menton.
Il nous fit quelques calembourgs qui
font toujours pitoyables quand ils vont jufqu'à
deux; il nous répéta quelques bons mots
qu'il fere toujours avec Odave. Il diſoit à
chaque phrafe : ma paroled'honneur; langage
ordinaire à tous ceux qui n'en ont pas. Deux
montres enrichies de brillans paffoient fucceflivement
entre ſes mains; une large bague
flattoit ſon orgueil , lorſque ſon frère , honnêre
Procureur vint à paſſer. Alors mon
homme diſparut , pour éviter la honte de
fraternifer d'une manière auffi bourgeoife.
Nous rimes beaucoup d'un agréable qui
49 MERCURE
avoit des talons rouges & point de ſouliers.
Il étoit dans ſa mue , juſqu'à ce qu'une heureuſe
chance au jeu lui rende ſon plumage
&fon orgueil.
L'Auteur parcourt tous les ordres des citoyens
, & faifit toujours leurs ridicules &
leurs caractères; on dois convenir que cerre
fatyre eſt aimable & qu'elle ne peut offenfer
perfonne. Elle nous tranſmet en même temps
toutes les bigarrures de notre ſiècle avec
gaieté , vérité ; & elle devient quelquefois
férieuſe ſans être méchante.
SPECTACLES.
CONCERT SPIRITUEL..
LES Concerts de la veille & du jour de
Noël ont offert pluſieurs nouveautés intéreſ
fantes. M. Leroux a chanté pour la première
fois une ScèneFrançoiſede M.l'AbbéLeſueur.
On a trouvé ſa voix agréable & fa manière
affez bonne. M. Wachter a exécuté les deux
jours un Concerto de Clarinette de ſa compoſition.
Le fon qu'il tire de cet Inſtrument
eft d'une force & d'une beauté ſurprenantes.
Il a une grande volubilité avec infiniment
d'expreffion. On a fur tout admiré l'art avec
DE FRANCE. 41
lequel il nuance fon jeu , & la manière dont
il enfle & dégrade les fons. Il ſe livre quelquefois
à des écarts de mauvais goût ; mais
éclairé par des conſeils ſages , il n'eſt pas douteux
qu'il ne s'en corrige , & qu'il n'acquiert
bientôt le peu qui lui manque pour porter
fon Inſtrument à la perfection. L'Ouverture
de M. Magnelli a paru manquer de
ftyle& d'harmonie. La Scène de M. Gauthier
avec le premier de ces défauts a l'excès contraire
du ſecond. On y a trouvé peu de liaiſon
dans les idées, ce qui vient du peu d'habitude
d'écrire, avec une prétention extraordinaire
aux offets d'harinonie. Il faut bien fe mettre
dans la tête que les moyens d'expreffion ac
cumulés fans choix & fans ordre ne produifent
pas l'expreflion. En étudiant les grands
Maîtres , ceux qui les emploient le plus heureuſement
, on verra combien ils en font
fobres. L'Oratoriodes fureurs de Saül par M.
l'Abbé Lepreux a été fort apphudi ,& a paru
digne de la réputation de ce jeune Maître.
Mlle Caroline Deſcarlins , habituée depuis
long temps ( quoique très jeune encore ) aux
applaudiſſemens du Public , en a mérité de
nouveaux dans un triode Harpe de la compo
fition de M. Ragué. Dire qu'elle étoit accompagnée
par M. Gervais ſur le Violon & par
M. Duport fur le Violoncelle , c'eſt dire
aſſez avec quelle ſupériorité elle l'a été. Le
rondeau de ce trio a paru d'un chant auffi
neuf qu'agréable. Le premier morceau eſt
d'une exécution difficile ; mais cette difficulté
42
MERCURE
adiſparu ſous les doigts de Mlle Defear
fins. M. Meſtrino a joué auſſi les deux jours
un Concerto de Violon de ſa compoſition.
Dans le premier morceaur, peut-être un peu
trop long , & allongé encore par les points
d'orgue , fon jeu a paru foible , petit ,&même
manquant de juſteſſe, ce qui n'étoit caufé
fans doute que par la crainte qu'il éprouvoit
en débutant. Mais la manière dont il a
joué enſuite l'adagio lui a ramené tous les
fuffrages , & il les a ravis dans le troiſième
morceau. Cet effet a fur tout été ſenſible le
ſecond jour, où après avoir d'abord excité
des murmures, la force de ſon talent a fini
par arracher au Public des applaudiſſemens
d'autant plus flatteurs , qu'il avoit eu à vaincre
une prévention défavorable avant de les
obtenir. La manière dont il dégrade les
fons a déplu , parce que nous avons ici la
fouable habitude de condamner d'abord les
choſes auxquelles nous ne ſommes pas accoutumés.
Mais les Connoiffeurs lui rendent plus
de juſtice; ils trouvent ſa manière neuve ,
pleine d'expreſſion , de ſenſibilité ; en un
mot ils reconnoiſſent en lui le plus grand
talent. Le morceau ajouté par M. Rigel
dans ſon charmant Oratorio de la fortie d'Égypte
a été chanté parfaitement par Mme
Chéron , & a fait le plus grand plaifir.
-
:
DE FRANCE.
43
ANNONCES ET NOTICES.
PRECIS de Matière Médicinale,par M. Venel ,
Profeſſeuren Médecine dans l'Univerſité de Montpellier
, &c. , augmenté de Notes , Additions & Obſervations
, par M. Carrère , Conſeiller-Médecin ordinaire
du Roi , Cenſeur Royal, de la Société
Royale de Médecine , &c. A Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur - Libraire , rue Galande. 1786 , in - 80
2Vol.
Le nom de M. Venel est connu depuis long
temps dans le monde ſavant. Ce Médecin a DCcupé
une place diftinguée parmi les plus grands
Chumiftes de l'Europe; les Ouvrages dont il a enrichi
le Public, nous font regretter ceux que nous
devions attendre de lui ſi une mor: prématurée ne
l'eût enlevé à la République des Leures. Celui que
nous annonçons , qu'on a retrouvé après ſa mort,
&que ſa modeſtic l'avoit empêché de publier, n'eſt
point inférieur à ceux qui lui avoient mérité à juſte
sitre la réputation dont il a joui ,
Ony reconnoît un Savant rempli de ſon objet,
parlant avec cette affurance que donne la certitude
des connoiſſances acquiſes , le Profeſſeur qui ,
ſans s'aſtreindre à un ordre déterminé ſaiſit toutes
les occafions d'inſtruire ſes élèves ſur les objets rélatifs
à celui qu'il traite dans l'ordre où ils ſe préfentent
à ſon imagination ; des vues nouvelles &
lumineuſes ſur la connoiſſance, la nature & l'uſage
des médicamens ; un ſtyle haché , mais nerveux ,
plein de feu, qui indique un Auteur pénétré de l'im
portance&de la vérité de ſes préceptes. On defirei
,
44 MERCURE
roit ytrouver un ton moins tranchant , & un peu
plus de ménagement pour les Ecrits , les opinions
&les Auteurs qu'il combat; mais nous dirons avec
l'Auteur de fon Eloge , que l'amour de la vérité&
la noble afſurance de l'avoir trouvée , lui faisoient
prendre ce ton qu'on improuve , & qu'il n'avoit nul
deffein de bleffer perfonne.
M. Carrère a fait à cetOuvrage un grand nombre
d'additions qui en font preſque la moitié; elles
font de deux genres; les unes contiennent l'indication
des Ouvrages les plus importans , qu'il eſt utile
deconſulter ſur la nature & les propriétés de chaque
médicament; cette méthode , qui n'avoit jamais été
employée , devient très-utile en indiquant les fourcesdans
lesquelles on peut puiſer des connoiffanccs
plus étendues que cel es qu'on trouve ordinzite
ment dans les matières médicales. Les autres addi
tions de M. Carrère font relatives àun grand nombre
de remèdes que M. Venel n'a point connus , ou
dont il n'a point parlé , elles réuniffent dans un même
tableae un précis bien fait de toutes les connoifſances
& découvertes modernes publiées depuis
vingtans fur les propriétés des médicamens ; elles
ſuppoſent beaucoup d'érudition & de grandes recherches.
LE Cabinet des Fées , ou Collection choisie des
Contes des Fées & autres Contes merveilleux ornés
de Figures , dix - huitième & dernière Livraiſon .
Tomes XXXV, XXXVI & XXXVII, contenantMinet
Blen & Louvette , par Mme Fagnan ;
Acajou& Zirphyle, par Duclos ; Aglaé ou Nabotine,
par Coypel ; Contes des Fées , par Mme
Leprince de Beaumont; le Prince defiré , par M.
Selis; Contes choisis extraits de différens Recueils ;
Aventures merveilleuses de Don Silvio ae Rofalva;
Notice des Auteurs qui ont écrit dans le genre des
DE FRANCE.
Contes des Fées; la lifte complette des Ouvrages
quicomposent le Cabinet des Fées.
Cette Collection , qui eſt actuellement finie ,
contienttrente- ſept Volumes in- 8 ° . avec figures ,
dontle prix eſt de 3 liv. 12 ſols le Volume bro- .
ché; elle eſt auſſi en trente- ſept Volumes in 12
avec les mêmes figures au prix de 2 liv. 8 ſols le
Volume broché , & en trente- ſept Volumes in- 12
fans figures au prix de I liv. 15 ſols le Volume
broché.
Les trois Editions qui ſe ſont faites enmême-tems,
decette Collection,prouvent le ſuccès général qu'elle
àobtenu, & nous diſpenſent de prévenir lePublic en
ſa faveur.
On trouve ces diverſes Editions , ainſi que les
OEuvres de le Sage, celles de l'Abbé Prevoſt , de
Mme de la Fayette & de Mme de Tencin, à Paris ,
chez Cuchet, Libraire , rue & hôtel Serpente; & à
Genève , chez Barde , Manget & Compagnie , Imprimeurs-
Libraires.
LETTRES à M. Bailly fur l'Histoire primitive
de la Grèce , par M. Rabaut de Saint Étienne , in-
8°. A Paris , chez Debure l'aîné , Libraire , quai
dsAugustins , & au mois d'Avril 1787 , rue Serpente,
hôtel Ferrand, nº. 6.
Nous reviendrons fur cet Ouvrage , qui annonce
beaucoup d'inſtruction , & dans lequel l'Auteur a
eu le talent de jeter plus d'intérêt que le ſujet ne
ſembloit le comporter.
ABREGE de l'Histoire Généraledes Voyages ,
in-8°. , Tomes XXII & XXIII. A Paris , chez
Laporte. Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
Ces deux nouveaux Volumes ſont l'Abrégé du
roiſième Voyage de Cook. L'intéreſſfante hardieſſe
46 MERCURE
de ce célèbre Voyageur eſt auſſi connue qu'admirée,
& nous diſpenſe de tout éloge Nous nous
contenterons de dire que dans l'Abrégé que nous
annonçons , fon troiſicine Voyage contient plus de
détails que l'Abrégé des deux premiers , & les rapprochemens
dont on a accompagné le récit des fans,
feront utiles à ceux qui liront la grande Relation. :
LES Étrennes de mon Cousin , ou l'Almanack
pour rire , unnée 1787 , in - 12 , par M. C. DA
Falaiſe; & ſe trouve à Paris , chez Defenne , Libraire,
au Palais Royal; Leroy , Libraire , que S.
Jacques , & chez les Marchands de Nouveautés.
C'eſtune eſpèce de Pot-Pourri en proſe & en
vers, le tout affez gai pour remplir ſon titre.
SPORTRAIT de Mgr. le Dauphin & de Madame ,
Fille du Roi , dédié a la Reine , peint par Loui e-
Elifabeth Lebrun , Peintre da Rọi , gravé par Maunice
Blot. Prix, 12 liv A Paris , chez l'Auteur , rue
&près l'ancienne Comédie Françoife , nº . 39 .
Ces deux Portraits groupés font dignes du talent
diftingué du Peintre à qui nous les devons , & gravés
avec un foin & un ſuccès digne du Tableau.
Le même Artiſte s'occupe actuellement du pendant
du Verrou , qui aura pour titre : La Promeſſe
deMariage.
VOYAGE Sentimental , par M. Sterne, ſous le
nom d'Yorick , traduit de l'Anglois par M Frénais ,
nouvelle Edition , augmentée des Lettres d'Yorick à
Eliza , & d'Eliza à Yorick', 2 Parties in- 16. Prixy
3 liv. brochées. A Paris , chez Buiſſon , Libraire,
rue des Poitevins , hôtel de Meſgrigny.
Il feroit inutile de faire isi l'éloge de ce chars
DE FRANCE.
47
mant Ouvrage fi connu , & qui porte un ſi grand
caractère de vérité & d'originalité.
GALERIE hiftorique , universelle , par M. de
P***, ſeptième livraiſon. Prix , 3 liv. 12 fols.
A Paris , chez Mérigot le jeune , Libraire , quai
des Auguſtins ;à Valenciennes , chez Giard , & chez
les principaux Libraires du Royaume & de l Eu
rope.
Cecahier contient les portraits d' Achille , de S.
Leclerc , de Clovis I,de M. E. Lepide, de Poppée ,
de Raphaël Sanzio , de C. Tromp , de T. Wolfev.
PORTRAIT deM. Target, Avocat , l'un des quarante
de l'Académie Française; Prix , 3 liv .
Ce Portrait , deſfiné d'après nature par M. Pujos ,
&gravé par Vinfac , ſe trouve à Paris , chez l'Auteur
, rue de Gèvres , maiſon du Commiſſaire , eſt
chez M. Pujos , place de l'Eſtrapade , la deuxième
maiſon à côté du corps-de-garde.
Ces deux Portraits font honneur aux deux Artiftes.
-
-
NUMÉROS II & 12 du Journal de Clavecin , par
les meilleurs Maîtres. Prix , ſéparément 3 1. Abonnement
pour douze Numéros 15 liv. Numéros45
à 52 du Journal de Harpe , par les meilleurs Maitres.
Séparément 12 fols. Abonnement is liv.
Numéros 2 à 10 du Journal Hebdomadaire pour
Chant & Clavecin , arrangés par les meilleurs Auteurs.
Prix , ſéparément 12 fols. Abonnement
15 liv. , le tout fianc de port. A Paris , chez Leduc ,
auMagafin de Muſique & d'Inſtrumens , rue du
Roule , n°. 6 .
S1x Quatuors concertans pour deux Violons ,
48 MERCURE
Alto & Baffe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix , 9 liv . - Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
de la Toiſon d'or arrangés en Quatuor pour deux ,
Violons , Alto & Baffe , par M. Vogel , Auteur de
l'Opéra. Prix , 3 liv. 12 ſols.- Les mêmes pour le
Clavecin, Accompagnement de Violon , par M.
Neveu , Clavecinifte de Mgr. Comte d'Artois, Recueil
9. Prix , 7 l.v. 4 fols. A Paris , chez M.
Michaud, rue des Mauvais-Garçons , près celle de
Buffy, Fauxbourg Saint Germain , chez l'Herboriſte.
Le ſuccès qu'a eu cette Muſique au Théâtre doit
en faire recevoir avec empreſſement les morceaux
détachés. Ceux qui ſont arrangés par l'Auteur même
en ontun nouveau prix .
TABLE.
A UN de mes Amis,
Le Loir, Fable,
Chanson,
3 les grandes Villes ,
4Zéliedans le
S
Defert,
25
Almanach de la Samaritaine,
Surla MortdeM, Beaujon, 6 34
Charade, Enigme & Lago Les Entretiens du Palais
gryphe,
Ideesffuurles
ib. Royal ,
Secours à donner Concert Spirituel ,
aux pauvres Malades dans Annonces &Notices,
APPROBATION.
38
40
43
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 6 Janvier 1787. Je n'y
ai zien trouvé qui puiſſe en compêcher l'impreffion.A
Faris, le 5 Janvier 1987. GUIDI.
RÉSUMÉ
:
DES ÉVÉNEMENS POLITIQUES
:
DOUZE
En 1786. ;
OUZE lignes ſuffiroient à ceTableau.
Dans chaque Etat de l'Europe , les loix
en général , l'adminiſtration , la politique ,
les intérêts publics , à peu d'exceptions près,
ſont reftés les mêmes que l'année derniere ;
mais cette ſituation intérieure des Empires
n'eſt pas tellement connue de tout le monde,
qu'il foit inutile de ladévelopper. Ces
notions de détail , nous avons tâché , dans
l'occaſion , de les expoſer très- imparfaitement
, de raſſembler en particulier celles qui
déterminent le degré d'induſtrie , de commerce
, de travail & de revenu général , de
population & de puiſſance , chez différentes
nations de l'Europe. Tirés , la plupart,
des Auteurs Allemands , qui traitent
l'Economie politique, comme elle doit l'être
, par les faits , ces matériaux n'auront
pas été rebutés des eſprits mûts , aux yeux
deſquels une ſeule vérité hiſtorique eſt
p'us précieuse que des volumes d'inutiles
raiſonnemens. Tous les jours on ſe plaint , &
N°. 1 , 6 Janvier 1-87. a
( 2 )
avec raifon , des jugemens abſurdes que
l'on porte fur les divers Etats , de la légereté
& de l'ignorance avec lesquelles on
décide de leur force , de leur proſpérité , de
leurs reſſources , des livres faits à la hâte fur
ces ignorances , & des préjugés qu'ils entretiennent
; on obvieroit à cet abus , en multipliant
les tableaux de comparaiſon , & en
ouvrant aux Auteurs , comme aux Lecteurs ,
des ſources de recherches. Que d'inductions
utiles , par exemple , à tirer des liftes des
morts & naiſſances annuelles dans chaque
ville& dans chaque contrée! liſtes que les
Allemands nous fourniffent avec exactitude ,
même pour de ſimples bourgs. Comment
connoître avec juſteſſe l'étendue du commerce
maritime , ſes accroiſſemens , ſa décadence
, ſans confronter les dénombremens
des vaiſſeaux entrés dans les ports principaux
des Puiſſances navales, en divers tems?
Etde quelle importance ne font pas les erreurs
, les doutes même de la Politique fur
cet objet?
Jamais elle n'a mieux ſenti l'immense
utilité des connoiſſances exactes ſur cette
matiere , puiſqu'elles ſeules peuvent déterminer
les conventions relatives au Commerce.
Cette partie du Droit public de l'Europe
eſt néceſſairement très - variable : les
Traités qui la torment , ſubordonnés à des
conjonctures locales & mobiles , fixent des
droits du moment, ſans fixer les intérêts : il
( 3 )
eſt donc auſſi néceſſaire de les revoir que de
les multiplier. La plupart , il eſt vrai , lebornent
à ajouter une ſanction nouvelle aux
principes moins incertains du Droit Naturel
&du Droit des Gens; mais que deviendroit
l'harmonie ſociale , abandonnée à la ſeule
obligation de ces principes ? Ces Traités
n'obtiennent donc une influence vraiment
efficace , qu'en réglant les immunités réciproques
de deux Puiſſances , déjàliéespar des
relations politiques , & entre leſquelles il
n'exiſtepas unetrop grande inégalité de forces.
Ces conſidérations ont probablement
amené la Convention de l'année derniere ,
entre les Cours de Vienne & de Pétersbourg.
Nous en avons rapporté le texte
même. La plupart des articles qui la compoſent
, préſentent des uſages convertis en de.
voirs réciproques : une diminution de droits
fur quelques marchandises , les principes de
la Neutralité armée conſacrés par les deux
Puiſſances , des formes à reſpecter mutuellement
, même en temps de guerre; telle eſt
la ſubſtance de cetAccord promulgué des
deux côtés d'une maniere inufitée ; c'eſt àdire,
comme une Ordonnance ſouveraine
qui preſcrit aux Sujets de ſe conformer à ces
engagemens publics.
Les deux Souverains qui les ontcontractés,
ont ainſi augmenté la sûreté des Négo
cians des deux Etats , en profcriva at l'arbia
2
(4)
:
traire , pire que l'o preſſion : il eſt à croire
même qu'il en naîtra une émulation utile.
Juſqu'ici diverſes Provinces de cette
Monarchie Autrichienne avoient été ſéparées
de la Communauté générale par des
privileges ou par des excluſions. La Hongrie
, la Lombardie , les Pays - Bas , une
portion de l'Autriche antérieure , formoient
des branches diſtinctes du vaſte héritage
de la maiſon d'Autriche. Ces barrieres entre
les communications libres des divers Etats
qui le compoſent , ont été récemment affoiblies
, fans être renverſées ; mais le plan
d'unité conçu par l'Empereur , s'eſt pleinement
développé dans le reſte de l'Adminiſtration.
On a vu tomber les loix , les privileges
, les Tribunaux , le Gouvernement
Provincial , par-tout où ils différoient du
régime de l'Autriche.
Pendant que l'Empereur poſoit en perfonne
la clef de ces réformes ; à l'inſtant où
il parcouroit de nouveau ſes Provinces &
fes Campemens , un Prince qui lui avoit
donné l'exemple de cette utile activité , &
qui durant ſon règne d'un demi- ſiecle , occupa
la ſienne à contrarier les deſſeins de
la maiſon d'Autriche , ou à en former contr'elle
, finiſſoit une carrière étonnante , fur
laquelle l'Europe fixa ſes regards juſqu'au
dernier inſtant. Depuis une année , cet événement
étoit prévu. En dépériſſant, Frédéric
II tenoit encore le ſceptre d'une main vi-
4
) و (
goureuſe ; mais tout annonçoit que ce ſcep
tre alloit lui échapper : la Médecine , hors
d'état de guérir ſes maux , s'efforçoit de
les pallier ; l'Empire ſe trouvoit alors dans
des conjonctures qui faisoient compter les
derniers joursdu Roi de Pruſſe avec inquiétude
; enfin , lorſque ce Monarque eut appolé
le ſceau à cette Ligue d'une partie du Corps
Germanique , confédéré à fon inſtigation &
fous ſes aufpices , il quitta les reſtes d'une vie
dont le jugement appartient à la poſtérité.
Il y tiendra ſa place à côté de Charlemagne
, de Casimir le Grand , de Guil
laume III avec lequel il offre divers
traits perſonnels de reſſemblance. Doué ,
comme les Princes que nous venons de
nommer , de ce dégré ſi rare de capacité ,
qui permet à l'homme de varier l'emploi
de ſon intelligence , de développer des ta
lens oppoſés ſans les affoiblir , de réunir
un eſprit facile & étendu , la flexibilité des
vues à leur élévation , & le courage de la
penſée à la vigueur du tempérament , aucun
genre d'application , aucun genre de ſuccès
ne lui furent étrangers. On l'a vu Légiflateur
, Guerrier , Tacticien , Adminiſtrateur ,
Miniſtre d'Etat , Académicien. Ce dernier
titre étoit ſans doute inutile à ſa renommée
dans les fiecles à venir : qui appercevra
les guirlandes du bel eſprit ſous des
monceaux de trophées ? Mais il a ſervi à
entraîner les voix qui parlent du vivant des
a3
1
( 6 )
Souverains. Fréderic II ne l'ignoroit pas ,
&ce que des eſprits ſéveres ont jugé une
foibleſſe , couvrit peut être une adroite politique.
Le Héros de l'Allemagne favoit
bienqu'en envahiſſant les grandes routes de
la gloire , il faut en négliger les ſentiers. On
lui a prêté à ce ſujet un amour-propre fort
exagéré. Si , dans ſa jeuneſſe , il parut ambitionner
la réputation d'Auteur , depuis
long-tems , les lettres étoient pour lui ce
qu'elles devroient être pour tout le monde
; un aliment de la fécondité des eſprits ,
une ſource de réflexions &de jouiſſances ,
une confolation inappréciable dans les amertumes
de la Royauté. Quoique les OEuvres
littéraires du Roi de Pruſſe , fuffent le délaſſement
d'un efprit fatigué de grands travaux
,& qu'elles ſe reſſentent quelquefois
de leur origine , perſonne n'avoit confervé
un goût plus lain dans les Beaux-Arts ,
comme dans les Lettres. Par un effet de ce
difcernement qu'avoit fortifié l'étude des
modeles , Frédéric II devint très-économe
de fon eſtime.De-là ſon attachement exclufif
aux beautés mâles & fimples des Anciens ,
aux fublimes productions du fiecle de Louis
XIV , & des Ecrivains que ce fiecle avoit
formés pour l'ornement du nôtre. Delà fon
averſion pour cet eſprit ſtérilement analytique
, qui congeloit les fruits de l'imagination
, qui remplaçoit la raiſon ingénieuſe
par des raiſonnemens obfcurs , la chaleur
( 7 )
par la déclamation , la philoſophie par le
galimathias , & le ſtyle par des phrases :
delà encore , cette préférence enthoufiafte
dans laquelle il a perſévéré , pour la noble
&fimple compoſition muſicale de Pergolère
, d'Haffe , de Bach , d'Handel , de Duranti.
: Le fiecle préfent eſt trop frappé des actions
grandes ou blamablesde cerègne immortel
; l'opinion publique est trop affer
mie peut-être dans des préjugés d'enthoufiaſme
ou de défaveur , pour que les Arrêts
fur Frederic II ne foient pas prématurés .
C'eſt aux Hiftoriens futurs à balancer le
compte de ſa vie , lorſque l'éloignement &
la réflexion auront muri cet examen. Il
reſtera imparfait , s'il n'embraffe pas à la
fois & le tableau de la Pruffe avant l'adminiſtration
du dernier Roi , & celui qu'elle
offrira dans un demi- fiecle.
Arrivé au trône avec des moyens que ſes ancêtres
avoient préparés , Fréderic II les a tous
développésou érendus. Maîtred'un Etat qu'il
falloit aggrandir pour en affermir la fûreté ;
moteur d'une puiſſance qu'un ſeul choc pouvoit
anéantir , & qui devoit refter précaire
tant qu'elle ne deviendroit pas redoutable ;
placé,enfin, au rangdangereux de Roi ſecondaire
dans la hiérarchie politique,il ne vit que
L'alternative ou d'être expoſé à deſcendre encore
, ou d'élever ſa domination pour la
conferver. Ce plan appartient à ſa pré48
MERCURE
Alto & Baſſe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix, 9 liv. - Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
de la Toison d'or arrangés en Quatuor pour deux
Violons , Alto & Baffe , par M. Vogel , Auteur de
l'Opéra. Prix , 3 liv. 12 fols.- Les mêmes pour le
Clavecin, Accompagnement de Violon , par M.
Neveu , Clavecinifte de Mgr. Comte d'Artois , Recueil
9. Prix , 7 Lv. 4 fols. A Paris , chez M.
Michaud, rue des Mauvais-Garçons , près celle de
Buffy , Fauxbourg Saint Germain , chez l'Herboriſte.
Le ſuccès qu'a eu cette Muſique au Théâtre doit
en faire recevoir avec empreſſement les morceaux
détachés. Ceux qui ſont arrangés par l'Auteur même
en ont un nouveau prix.
TABLE.
AUN de mes Amis,
Le Loir , Fable,
Chanson ,
3 les grandes Villes ,
4Zéliedansle Défert,
Surla Mort deM, Beaujon, 6
,
25
34
s Almanachde la Samaritaine,
Charade, Enigme & Lago Les Entretiens du Palais
gryphe, ib. Royal ,
Idéesfur les fecours à donner Concert Spirituel ,
aux pauvres Malades dans Annonces&Notices,
APPROBATION.
38
40
43
J'ai lu, par ordre de Mgr. Is Garde-des-Sceaux, le
MercuredeFrance , pour le Samedi 6 Janvier 1787. Je n'y
si rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.
Faris, le 5 Janvier 1987. GUIDI.
1
RÉSUMÉ
DES ÉVÉNEMENS POLITIQUES
DOUZE
En 1786.
OUZE lignes ſuffiroient à ceTableau.
Dans chaque Etat de l'Europe , les loix
en général , l'adminiſtration , la politique ,
les intérêts publics , à peu d'exceptions près ,
font reſtés les mêmes que l'année derniere ;
mais cette ſituation intérieure des Empires
n'eſt pas tellement connue de tout le monde,
qu'il foit inutile de la développer. Ces
notions de détail , nous avons tâché , dans
l'occaſion, de les expoſer très-imparfaitement,
deraſſembler en particulier celles qui
déterminent le degré d'induſtrie , de commerce
, de travail & de revenu général , de
population & de puiſſance , chez différentes
nations de l'Europe. Tirés , la plupart,
des Auteurs Allemands , qui traitent
l'Economie politique , comme elle doit l'être
, par les faits , ces matériaux n'auront
pas été rebutés des eſprits mûrs , aux yeux
deſquels une ſeule vérité hiſtorique eſt
plus précieuse que des volumes d'inutiles
raiſonnemens. Tous les jours on ſe plaint , &
N°. 1 , 6 Janvier 1787 .
0
a
( 8 ).
voyance , nullement à cet amour défordonné
des conquêtes qu'on lui attribua injuſtement.
Ses premieres entrepriſes , fruit
de cette politique , allarmerent l'Europe fur
ſes deſſeins futurs. Vingt-trois ans il eut à
combattre des Ennemis , irrités de ſes premieres
aggreffions ; elles avoient accéléré
les coups qu'il avoit paru craindre à fon
avénement. Menacé de toutes parts , aſſailli
juſqu'au centre de ſes Etats , réduit aux refſources
de ſon génie , toutes ſes actions devinrent
l'ouvrage de la néceſſité : les limites
de ſes forces naturelles lui ôterent
le choix dans la maniere de les employer :
toute ſon Adminiſtration intérieure ſe reſſentit
des difficultés de ſa ſituation ; l'entretien
de nombreuſes armées , l'accroiffement
forcé de ſes Finances , les expédiens
ajoutés aux revenus , le beſoin d'un tréfor
permanent , les intérêts du Fiſc devenus
ceux de l'Etat & le gage de fon exiftence
, réſulterent des criſes inévitables , dont
'Europe vit fortir la Pruſſe ſi glorieuſement.
:
: Depuis cette époque qui fera l'étonnement
de tous les âges , Frederic II cimenta
les refforts de ſa nouvelle puiſſance & de
ſa politique : il s'occupa tout entier de la
proſpérité de ſes Etars. A fes ordres , deux
Chanceliers dignes de ſervir un tel Souverain
, réformerent la Jurisprudence & les
Jurifconfultes. LesTribunaux furent foumis
او ا
àune meilleure diſcipline ; les formalités
judiciaires ſimplifiées ; les Loix étrangeres
mieux amalgamées au Code civil national
; l'arbitraire , les longueurs , la cruauté ,
les prévarications bannies de la Juſtice criminelle
, & de toute Juſtice en général.
On vit les Citoyens de tout ordre , en
quelque forte aſſociés à la Légiſlation , par
l'examen public auquel elle a été& eſt en--
core foumife. Solemnellement , la Nation
fut invitée à joindre ſes lumieres à celles du
Miniſtre de la Loi ; & l'Autorité ſouveraine
ne crut pas devoir ſe paſſer de l'opinion de
fes ſujets.
Pluſieurs des ſanctions de ce regne , telle
que le fameux Edit ſur les divorces , & la
grandeOrdonnance de réforme publiée, depuis4
ans, par M. de Carmer , honoreroient la
mémoire des plus célebres Légiflateurs ;
celui de la Sprée imprima , de plus, l'exemple
du reſpect pour la Loi . Sa fermeté invariable
à en maintenir la plus ſévere exécution ,
prévint le relâchement des Juges , accoutuma
les Citoyens de tous les rangs àune
obeiſſance , dont les titres &le crédit éludent
trop ſouvent le joug , & garantit les
moeurs des Officiers-d'Etat, en leur montrant
une barriere inébranlable aux importunités
de la faveur. Le même eſprit gouverna tous
les départemens ; le mênie oeil étoit ouvert
fur toutes les fonctions publiques. Pas uns
Confeil, pas unTribunal , pas unBureau ,
as
( 10 )
où l'image du Prince qui ſavoit tout , ne
commandat chaque jour l'amour de travail ,
ladroiture , la fidelité. La mort enleva des.
Miniſtres à Frédéric II; le caprice ni l'intrigue
n'en déplacerent aucun. Inſpecteur ſuprême
de l'Etat , ſa vigilance embraſſoit les
plans du Cabinet, les beſoins de chaque
diſtrict , les Cours de l'Europe, la police des
Régimens , les intérêts des ſujets les plus
ob curs : immenfié de details qui tenoient
leur place fansconfufiondans une tête forte ,
également propre à les recevoir & à les féconder.
Par cetre laborieuſe activité , par la maturité
des projets , toujours préparés avec réflexion
, & fuivis avec perfeverance, la grandemachine
de l'Etatmarchoit fans fecouffes,
obéifſante à un mouvement fixe & graduel.
La fermeté duMachiniſte fortifia cette organifation.
Ses Miniſtes , ſes Ambafladeurs , fes
Généraux furent ſouvent les exécuteurs paflifs
de ſes volontés. Le plus célébre d'entr'eux a
ret acé d'unemain préciſe &fide'e l'influence
de ce regne fur l'agriculture , fur l'industrie ,
fur la population de la Pruffe. Nul Souverain
ne fut plus économe de graces ; nul
Souverain n'a plus multiplié les largeſſes
utiles. On lui a reproché d'avoir porté cette
économie juſques dans la récompenſe des
ſervices ; & l'Histoire fincere ne pardonneroit
pas ces oublis au Prince , qui n'auroit
pas verſé annuellement en bienfaits- à fon
peuplé , un huitieme de ſes revenus.
(1)1
Jamais, d'ailleurs , il ne connut de tolles
prodigalités. Il avoit hérité de ſon pere le
goût de ſimplicité perſonnelle , auquel les,
revers de ſa jeuneſſe l'habituerent , & convenable
aux moeurs d'un Guerrier , Il bannit
le faſte de ſes armées & de ſa Cour. Frédéric
II eſt mort fans dentes , & en quarante
années , il eut trois guerres à foutenir , dont
Pune de fept ans , contre les trois plus-formidables
Monarchies de l'Europe. Sa vie
domeftique préſenta la plus grande uniformité;
ſa conduite privée fut pre que auffi
invariable que ſes maximes d'Etat...
Peude Souverains ontobtenu une pareille
inquence fur leur fiecle Saract que eſtdevente
Pobjet d'une émilation générale; il n'a ceffé
de l'approfondir, de la per ectionner , de l'adapter
au génie de ſes ſo'dats , aux circonftances
, aux efforts des autres Puiffances
pour l'imiter ; efforts quelquefois moins dangereux
pour le modele que pour les imitateurs.
Pet de révolutions en Europe , dans
leſquelleslapolitiquedeFrédéric Il n'aitintervenu;
fon afcen lant en impofoit for qu'il
ne le faifoit pas triompher, Il vit rechercher
fon alliance par des Etats qu'il ne recherchoitras
: aucune ligue qui ne ſe crût toutepuiſſante
en s'afſociant à lui. Enfin , fi
l'on conſidére , depuis vingt - cinq ans,
les révolutions de l'art mi'itaire & celles
qui les ont ſuivies danslefort des Empires , la
marche des négociations, le mouvementdela
politique générale, cet équilibre , fondé &
1 a6
4
( 12 )
maintenu en Allemagne par la Maiſon de
Brandebourg , cet ordre admirable affermi
dans l'adminiſtration de la Pruſſe, au milieut
d'agitations extérieures preſque perpétuelles ,
où trouver de Grands Hommes faits pour
laiſſer un plus mémorable ſouvenir ?
L'exemple de FrédéricII, ſes principes, ſes
principales regles de gouvernement lui ont
Lurvécu: fon Succeſſeur auroit cru trahir les efpérances
d'un nouveauregne , eſpérances que
foncaractere rendſilégitimes, s'il n'avoit aſſocié
aux rênes de l'Etat & à ſa confiance les
Conſeilsque le choix de Frédéric II fixa auprès
du trône : tout promet qu'il en écartera
P'inſtabilité des places & des maximes , vice
deſtructeur des Empires en décadence.
Il en eſt un où cette mobilité dans la puiffance
exécutive , dérive de la nature du gouvernement
, où elle fert de frein à l'autorité ,
où elle prévient les tempêtes trop violentes
de l'eſprit de parti. On voit qu'il s'agit de
l'Angleterre. Cependant , après trois révo
tutions preſque ſimultanées dans le Cabinet ,
elle a fenti l'importance d'en prévenir une
quatrieme , à l'inſtant de tremper de nouveau
les refforts de la puiſfance nationale.
Cette entrepriſe , commencée l'année derniere
avec courage , a été ſuivie avec application.
On a vu dans les meſures duMiniſtere
& du Parlement , le développement
d'un travail méthodique & approfondi.
Dans la Seffion précédente , l'accroiſſement
( 13 )
durevenu public arrêta toute l'attentiondu
Légiflateur : ſes opérations, juſtifiées par le
ſuccès , ont permis de nouvelles tentatives,
elles ont donné naiſſance à un nouveau plan
d'amortiſſement. CetteNation qu'oncroyoit
accablée par l'épuiſement de ſes finances ,
non feulement a pourvu à l'hypotheque &
au paiement exact de ſa dette publique , elle
en a de plus tenté la liquidation ; elle l'a
tentée ſur ſes épargnes , ſans murmurer de
l'immenſité des beſoins publics. Pour y
ſuffire , elle a fouillé les ſources de ſa profpérité
, & les a revivifiées. Les pêcheries ,
la navigation marchande , tous les rameaux
✓de ſon commerce , ont été réexaminés : par
fes loix , d'une part , par des traités , de l'autre,
elle a donné à l'induſtrie & aux entre
priſes de tous les genres , une activité uni
verſelle.
Dans aucun temps , fon commerce n'employa
plus de vaiſſeaux , ſes fabricans plus
d'atteliers , fes capitalistes de plus grands
moyens. Peut-être même cette émulation ,
dont la cupidité eſt le premier mobile , at-
elle franchi les limites que la prudence &
l'intérêt public lui impoſoient ; peut-être at-
elle entierement ſubordonné pour l'avenir,
la proſpérité de l'Etat à l'étendue des dé
bouchés de ſon commerce; peut - être encore
a-t-elle mis par-là , la Nation , ſes Mir
niftres , fon Parlement même , dans la dépendance
abſolue de ſes Négocians. Il eft
( 14 )
aifé de prévoir les effets qui réſulteront dé
cette rupture d'équilibre entre les intérêts&
l'influence des différentes claſſes de citoyens;
mais l'amour & le beſoin de richeſſes immenſes
font dédaigner ces conſidérations. Il
importoit de foutenir le travail général , en
s'affurant des marchés ; delà ces conventions
commerciales que la Cour de Londres a recherchées
, avec tous les Etats dont elle a
eſpéré des bénéfices.
Son traité avec la Ruſſie n'eſt point encore
renouvellé. Celui qu'elle vient d'enta
mer avec le Portugal éprouvera moins de
difficultés , &l'on apperçoit facilement l'avartage
que lui donnent dans cette négociation
, les nouveaux engagemens contractés
avec la France. Le dernier traité de paix
entre cette Puiſſance & la Grande Bretagne,
avoir annoncé l'intention de favorifer les
intérêts des deuxEta's , par une liberté plus
grande de commerce ; on avoit travail é ſans
relâche à cet accord falutaire , dont le public
commençoit à déſeſpérer , lorſque le
talent des Négociateurs , M. Gérard de
Rayneval & M. Eden l'ont amené à ſa conclufion.
• Elle a excité une ſurpriſe fondée fur la
rivalité des deux Nations , & fur l'ignorance
des anciens traités de même génre qui les
avoient unies. Le 3 Novembre 165 Cromwel
figna avec la France le traité de Westminster,
qui permit Fintroduction des denrées & des
( 15 )
رگن
marchandiſes refpectives dans les deux Etats.
Cette convention ſervit de baſe au traité
plus étendu que conclurent à Utrecht , en
1713 , les Plénipotentiaires des deux Cours.
Le Marquis d'Uxelles & M. Meſnager d'une
part, l'Evêque de Bristol & le Comte de
Strafford de l'autre , arrêterent, au nom de
leurs Souverains , trente - neuf articles de
commerce & de navigation. Ils ſe trouvent
littéralement dans le traité de cette
année; en particulier ceux qui concernent le
libre exercice de religion dans l'intérieur des
maifons , l'établiſſement des cimetieres &
des Confuls , les formalités à obſerver dans
la viſite ou dans les priſes des vaiſſeaux , la
dénomination des marchand ſes cenſées libres
en temps de guerre , &des marchandiſes
cenſées de contrebande fur les navires
neutres itres , l'exemption de la capitation en
France pour les Anglois , & du droit de
Head Money pour les François , dans les
ports d'Angleterre où l'on perçoit cette
taxe.
Maisces ſtipulations générales, abſolument
conformes dans les deux Traités , ne s'étendirent
point à la fixation très-préciſe des
droits que ſupporteroient les marchandifes
des deux Etats à leur importation . Malgré
l'abartement où cette guerre de la fucceffion
d'Eſpagne avoit jerté la Puiſſance de
Louis XIV , fes Miniſtres earent la fermeré
de s'en tenir ſur ces droits au fameux ta-
2
(16)
rif de Colbert en 1664; on ſpécifiamême
des exceptions; on remit à des conférences
ultérieures l'examen de cette partie importante
du Traité. Malheureuſement ces conférences
n'eurent jamais lieu. Le Miniſtre
Tory de la Reine Anne , qui avoit négocié
la paix d'Utrecht , devint l'objet de la haine
publique; on le ſacrifia au reſſentiment de
Ia Nation , & les Whigs, Maîtres duGouvernement
, éluderent les promeſſes que renfermoient
les conventions de 1713.
C'eſt donc cette ſpécification des marchandises
libres , & le tarifdes droits qu'elles
auront à ſupporter à leur entrée dans les
deux Royaumes , qui diſtinguent le dernier
Traité. Les eſprits ſenſés que ne ſéduiſent
ni les préjugés populaires , ni les clameurs
d'un intérêt aveugle , ni les ſyſtêmes du
moment , ont applaudi aux principes , d'après
leſquels ces ſtipulations ont été réglées.
Lorſqu'une grande Nation eſt capable
d'induſtrie , & que la nature lui a fourni
les moyens de l'exercer économiquement
, elle eſt inſenſée de ſe rendre tributaire
des fabriques étrangeres , de leur fa
crifier ſes matieres premieres qu'elle rachete
élaborées avec uſure , de perdre ainſi le
travail d'une multitude de Citoyens , de
diminuer fon numéraire , de n'avoir que des
Commiffionnaires &point de Commerçans.
Mais de rigoureuſes prohibitions pourroient-
elles avoir des effets falutaires entre
( 17 )
deuxpeuples également riches en objets d'échange?
entredeux peuples où les arts , les talens,
les fabrications detout genre,ont acquis
un égal degré de perfectionnement ; qui
ayant l'une &l'autre une balance généralede
commerce très-favorable , devroient plutôt
craindre d'en accroître l'avantage quedele diminuer;
chez leſquels l'abondancedu numéraire,
la multiplicité des taxes, le rapport inégaldes
conſommations aux dépenſes des confommateurs,
ont également élevé le prix des
denrées & de la main d'oeuvre ,& qui enfin ,
précisément , parce qu'ils font rivaux d'induſtrie
&d'émulation , ont moins à craindre
une concurrencereſpectivedéfavorable ? Qui
nevoit que la liberté tend à mieuxdéterminer
les applications de leur induſtrie , plutôt
qu'à les reſtreindre ? qu'elle doit les porter
ſpécialement vers le genre de manufactures
auquel des facilités locales les appellent , &
les faire renoncer à celles qu'elles s'approprientpar
une violenceà lanaturedes chofes,
comme aux principes de l'économie mercantile?
Le voiſinage a dicté ces rapports utiles
entre les deux Nations. Si le meilleur commerce
eſt celui d'où réſulte leplus grand travail
par la plus rapide circulation & par
la plus prompte rentrée des capitaux , le
trafic del'Inde &de l'Amérique approche-t-il
de celui qui pourroit s'établir entre la France
& l'Angleterre
( 18 )
Ces deux Puiſſances d'ailleurs , ont appris
de l'expérience , l'inefficacité des loix fur la
contrebande , excitée par les impofitions. Le
fyſtême entier deM. Pitt , depuis trois ans ,
eftfondé fur ce principe , que lesdroits confidérables
diminuent la conſommation de
toute la ſomme dont les entrées font chargées
, & que ces droits font une véritable
prime accordée au trafic interlope. En les
réduisant à la valeur des frais auxquels eſt
afſujetti le Contrebandier , on décourage
ſon induſtrie , on en détourne les profits
enfaveur du revenu public , on diminue
lanéceſſitédes meſures violentes, arbitraires
& difpendieuſes , qu'entraîne l'excès du régime
prohibitif.
Malgré l'évidencede ces vérités , le Traité
a des détracteurs dans les deux Royaumes;
mais juſqu'à ce jour , les uns & les autres
ont donné leurs craintes pour des raiſons.
En Angleterre , ſi le commerce a reçu avec
allégrefle cet ouvrage d'une ſaine politique ,
l'eſprit de parti n'a rien épargné pour
le rendre odieux. Ces objections devant
être développées dans la prochaine Seffion
du Parlement , ce n'eſt pas ici le lieu d'anticiper
fur ces débats. Quelle qu'en ſoit
l'iſſue , les deux Nations devront une éternelle
reconnoiffance aux Négociateurs inftruits
& courageux , qui , ſans être intimidés
par des préventions enracinées , ont balancé
avec maturité les principes & les effets
( 19 )
de cette Convention,& brifé l'une des barrieres
qui s'oppoſoient au rapprochement
de deux Peuples , conjurés juſqu'ici pour
fe nuire mutuellement.
{
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
DE BERLIN , le 19 Décembre.
:
TEs de ce mois , le Roi s'étant rendu à la parade de Potsdam , fit remettre l'Ordre
du Mérite militaire aux Officiers du
ſecond & du troiſieme bataillon des Gardes
, qui , le même jour , en 1757 , s'étoient
trouvés à la mémorable bataile de Liſſa. Les
Bas Officiers reçurent chacun deux Frédérics
d'or& les foldats un.
Le Miniſtre d'Etat de Schulenbourg a
( 20 )
obtenu ſa démiſſion , que ſa mauvaiſe ſanté
l'a forcé de demander. Le Préſident de
Mauſwitz & le Comte de Schulenbourg ,
neveu du précédént , ont été nommés Miniſtres
d'Etat.
Le Roi a aſſigné à la grande maiſon des pauvresdePotsdam
une certaine quantité de pain , de
blé , &c. qui leur fera fournie tous les ans , ainfi
que le bois qu'on employoit dans la ferre chaude
pourle fruitdu Piſang.
Le Roi a fait auſſi un don de 10,000 rixdalers
àl'école degarniſon de cette ville. Ce fonds ſera
employé à étendre cet établiſſement.
On apprend d'Auguſtenbourg , que le 6
de ce mois , le Prince Emile-Auguste , fiere
du Duc regnant de Holſtein - Auguſtenbourg,
y eſt mort dans la 65e. année de fon
âge.
Le Docteur Buſching ditdans un Journal hebdomadaire
, que la continuation de la gravure de
grandes cartes qui doivent former le grand Atlas
de l'Empire de Ruſſie a été fuſpendue , & que
l'Impératrice a ordonné de publier, en attendant,
un petit Atlas compoſé de quarante-ſept cartes ou
feuilles ; la carte générale de cet Émpire ſera de
deux feuilles , l'une repréſentera la Ruffie Européenne
, & l'autre la Ruſſie Aſiatique : chaque
Gouvernement ſera traité ſur une feuille particuliere
, à l'exception de celui d'Irkuzk , qui ſera
compoſé de deux feuilles. Cet Atlas , auquel on
travaille actuellement ſera fini en trois années.
On imprime dans ce moment uneGéographie
de cetEmpire en langue ruſſe : la traduction allemande
de cet Ouvrage ſera publiée en même
tems . On travaille toujours à l'établiſſemenz
( 21 )
1
desPoſtes ; dès qu'il ſera achevé , on publiera
une carte des routes ,
DE VIENNE , le 19 Décembre.
Le Gouvernement a adreſſé à toutes les
Univerſités des pays héréditairesune Ordonnance
dont le but eſt de prévenir l'abus des
réceptions indiſcrettes auxgrades de Maîtreès-
Arts & de Docteur. Ni l'une ni l'autre
de ces qualités ne feront néceſſaires à l'avenir
aux étudians en Médecine & des Facultés
ſupérieures , pourvu qu'en paſſant de
l'une à l'autre , ils ſubiſſent un examen de
Philofophie , & qu'ils foient d'ailleurs pour
vusde certificats de capacité.Quiconque enviera
le grade de Docteur ſera foumis à trois
examens rigoureux ſur les Mathématiques ,
la Phyſique & l'Hiſtoire générale. Le grade
de Maître- ès-Arts eſt entierement aboli.
On raconte ici deux anecdotes dont il
eſt permis au lecteur de croire tout ce qu'il
voudra.
১১
<<Une troupe de brigands avoit fait ſommer
>> le Magiſtrat du Vieux-Agram de leur envoyer
» du pain& du vin , à défaut de quoi ils menaçoient
demettre le feu à la ville. LeMagiftrat
>>>leur fit promettre qu'il auroit égard à cette
>> demande , mais qu'it's devoient au moins lui
>> laiſſer le tems néceſſaire pour faire les provi-
>> ſions. Il en profita pour faire acheter un quan-
>> tité d'opium ſuffiſante pour les aſſoupir , qu'il
> mêla avec le vin qu'il leur envoya. Cette rufe
réuffit felon ſon attente : lesvoleurs raſſaſkés
1
( 22 )
לכ
s'endormirentd'un profond fommeil , & onles
enleva tous fans la moindre réſiſtance.
ceUn jeune homme dont le pere remplit avec
diſtinction les places qu'il occupe , croyant
>> que cette eſtime réjailliroit ſur lui , s'adreſſa
>> avec confiance à l'Empereur , pour lui deman-
>> der aufli un emploi. S.. M. l'ayant queſtonné
>>s'apperçut bientôt que le fils n'avoit pas hérité
des connoiffances du pere , & qu'il ſavoit à
>>peine figner ſon nom. Cependant le Monarque
>> ne fit ſemblant de rien,& remit au fuppliant
>>un billet pour le Directeur des écoles nor-
>> males. Le jeune homme crut que c'étoit un
>> ordre de l'employer à quelque poſte. Mais
>>>quelle fut ſa ſurpriſe , à l'ouverture du billet ,
d'entendre ces paroles : Je vous recommande
>>d'interroger le porteur en préſence de tous
» vos éleves , afin d'apprendre à ſes ſemblables
>> de ne point venir m'importuner dorénavant
>> pour obtenir des places dont ils ne ſont pas
>> dignes. JOSEPH » .
On s'occupe dans ce moment de pluſieurs
opérations de finances. Les intérêts du fonds
public feront , dit-on , réduits à 3 pour cent.
On affure auffi que l'on acquittera incefſamment
pour dix millions de detres d'Etat,
&qu'il fera affigné chaque année 8 millions
juſqu'à leur extinction totale.
On a enregiſtré à la Cour fuprême de
Lemberg , un Décret de l'Empereur , qui
confirme aux familles de Czartoriski & de
Sangusko leur dignité de Prince.
DE FRANCFORT le 25 Décembre.
Juſqu'à préſent , à ce qu'on rapporte , l'Em(
23 )
pereur avoit diſſimulé ſon mécontentement contre
l'Imprimeur qui a publié dans le tems une
brochure très-bardie ſur le procès du Lieutenant-
Colonel Szeketi. L'occaſion ſe préſenta dernièrement
de s'en ſouvenir : le ſieur Wucherer
(c'eſt le nom de l'Imprimeur ) vint préſenter à
S. M. l'Almanach nouveau dont il étoit l'éditeur.
Eh pourquoi , lui dit le Monarque , ne m'êtes-vous
pas venu présenter auſſi un exemplaire du procès de
Szekeli ? & tournant le dos , ſans prendre l'Almanach
, il laiſſa l'Imprimeur confus & déconcerté.
Nous avons rapporté les aſſurances qu'avoit
fait donner leRoi de Pruſſe au Nonce
de S. S. à Cologne , de la protection qu'il
vouloit conſerver aux Catholiques de ſes
Etats. Quelques feuilles publiques ayant traveſti
cette afſurance en une permiffion accordée
à ce Nonce , d'exercer ſa jurisdiction
dans les Etats de S. M. P. M. Dohm , Miniſtre
du Roi à Cologne , a défavoué cette
aſſertion dans une lettre à M. le Comte de
Hertzberg. Il lui apprend que ſur les craintes
du Nonce que le Gouvernement Prufſien
ne voulût imiter les reſtrictions que
d'autres Etats de l'Empire mettoient à fon
autorité , il lui répondit : >> Que la Cour de
>>>Berlin étoit peu dans l'uſage de ſe confor-
>> mer aux maximes des autres Etats , &de
>> ſuivre leur exemple ; & que leur conduite
>> n'étoit pas pour la Pruſſe une raiſon ſut-
>> fiſante d'abandonner un ſyſtême une fois
>>reçu & reconnu pour bon. >> Cela prouve
donc ſimplement , que la Cour de Berlin s'en
( 24 )
tiendra ſur cet article à ce qu'elle a permis
juſqu'à préſent.
ITALI E.
DE NAPLE'S , le 28 Novembre.
L'Eſcamoteur & faiſeurde tours phyſiques
Pinetti , fait ici l'eſſai de ſes talens connus
d'une grande partie de l'Europe. Le 23 , à
fiſſue de fon Spectacle , un jeune Cavalier
voulut examiner ſur le Théâtre même les
machines de Pinetti , qui s'oppoſa à cette indifcrete
curiofité ; les deux partis en vinrent
aux mains , & par proviſion , Pinetti futconduit
en prifon; mais ſur le rapport fait auRoi ,
S. M. a fait élargir l'Antiſte , & confiner fon
aggreſſeur dans la fortereſſe de Capoue. En
recouvrant ſa liberté, Pinetti a reçu du Roi
1600 ducats , & un beau diplome .
On apprend des Indes Eſpagnoles que les
Commandans du Chili, de la Louiſiane , &c.
ont réuſſi dans leurs foins à écarter la petite
vérole , en prévenant les communications.
Pluſieurs faits finguliers atteſtent, le ſuccès
de cette méthode ; nous en rapporterons
quelques-uns.
En Janvier 1784 , il arriva dans cette Province
un Matelot âgé de 35 ans , malade de la
petite vérole ; on le fit paſſer de l'autre côté de
la riviere , & on ne lui permit de revenir qu'au
bout de quarante jours : en Avril 1785 , il entra
dans laBaſiſe un brigantin chargé de Negres
malades ; on les envoya à la campagne à cing
lieues
( 25 )
licues de la ville , où la contagion reſta fixée&
ſe diflipa ; en Juin on eut occaſion de faire la
même choſe & avec le même ſuccès : en Juilles
on tira de l'Hôpital , & on envoya de l'autre
côté de la riviere un ſoldat ſur qui cette maladie
s'étoit déclarée : en Août on eut ſoin d'écarter
ainſi des Negres nouvellement arrivés &
malades ; & enfin en Novembre de la même année
, un bâtiment ayant amené plufieurs familles
acadiennes conſiſtant en 307 perſonnes , dont
quelques-unes avoient la petite vérole , & dont
14 étoient mortes en route , on s'empreſſa de
les iſoler , en ſéparant celles qui étoient faines
de celles qui ne l'étoient pas , & en foumettant
les premieres à une quarantaine rigoureuſe.
Dans tous ces cas la contagion fut concentrée
dans le lieu où l'on retenoit les malades , la
Province en a été exempte , & on eft perfuadé
qu'avec de ſemblables précautions , on parviendroit
à extirper totalement cette maladie , ou
du moins à en préſerver les contrées qu'elle ne
ravage & ne dépeuple que parce qu'on les né
glige.
GRANDE -BRETAGNE.
DE LONDRES , le 26 Décembre.
Le bruit répandu de pluſieurs changemens
prochains dans le Miniſtere paroiſſent deſtitués
de fondement. Il eſt cependant probable
que Lord Hawkeſbury entrera dans le
Confeil , & que Lord Storment aura un département
oſtenſible. Quant au Lord Chancelier,
ſa ſanté eſt parfaitement rétablie , & il
No. 1 , 6Janvier 1787.
b
( 26 )
1
n'y a aucune apparence qu'il quitte le Miniftere.
Lefeul changement ſurvenu dans les places
eft occafionné par la retraite décidée du
Comte de Mansfield. Ce vénérable Magiſtrat,
réſignant la Préſidence du Banc du Roi , il
ſera remplacé par le Chevalier Lloyd Kenyon,
Maître des Rô es,& ami particulier du Chancelier.
M. Eyre , Baron de l'Echiquier , deviendra
Maître des Rôles, & M. PepperArden
entrera à laCour de l'Echiquier.
Le 18 , l'Ambaſſadeur de Ruſſie a eu une
conférence de plus de deux heures avec le
Marquis de Carmarthen , Secrétaire d'Etat
des Affaires étrangères , concernant des dépêches
qu'il venoit de recevoir de Pétersbourg.
L'Ambaſſadeur de Sa Majesté Danoiſe a ,
dit- on , annoncé formellement le prochain
voyage du Prince Royal de Danemarck en
Angleterre.
Le 20, leGénéral Fawcett & Mylord Galway
ont été revêtus en cérémonie de l'Ordre
du Bain.
L'on apprend de Douvres que le vent du
fud-oueſt a été de la plus grande violence
dans la nuit du Dimanche 10 du courant ;
que les Dunes étoient remplies de bâtimens,
dont quelques -uns avoient perdu leur ancra.
ge, & par conféquent cherché à gagner le
port le plus prochain. Le port de Douvres
eſt rempli de petits bâtimens.
Les Magiftrats de la Corporation de Londres
>
: ( 27 )
4
ayant formé un Comité pour s'enquérir de
la cauſe de la cherté de la viande de boucherie
&autres comeſtibles , onttrouvé que cette cherté
étoit due au monopole qui ſe faiſoit de toutes
ces provifions; ils propoſent , pour y remédier
d'établir un Comité chargé de veiller à la vente
des beftiaux qui ſont menés au marché, d'appoin
ter un certain nombre d'acheteurs , qui ne ſeront
ni Bouchers ni engraiffeurs de beftiaux ,
d'enregiſtrer les ventes , & de fixer le tems
de ces ventes à un tems limité. On eſpere que
le Gouvernement coopérera à ces diſpoſitions
qui mettroient le prix des commeſtibles plus à
laportéedes pauvres .
La ſemaine derniere , le Carisfort , frégate
de 28canons, a été miſe en commiffion pour
la ſtation de la Méditerranée , & le commandement
en a été donné au Capitaine Mathew
Smith.
On apprend de Portſmouth , en date du
14, que la frégate Hollandoiſe qui avoit été
jettée à la côte ſur l'Iſle de Wight, ne pour.
roit être remiſe à flot ; mais que tout l'équipage&
les paſſagers s'étoient ſauvés, à la réſerve
de fix matelots. Lord Hood qui commande
à Portsmouth, dépêcha ſur le champ
uncutter au ſecours de la frégate.
La violence du vent , dans la journée du
13 , acaufé les plus grands malheurs parmi
les vaiſſeaux dans la Tamiſe , au-deſſous du
pont de Londres. Des rangées entieres de
bâtimens ont perdu leur ancrage ; plus de
200 bâtimens ſe ſont entrechoqués , & one
éprouvédes avaries confidérables. Un grand
b2
( 28 )
nombre de batteaux ont coulé bas : on n'a
pas d'exemple de mémoire d'homme d'un ſi
grand deſaſtre en ſi peu de temps.
La Compagnie a reçu par la voie de terre
des dépêches de l'Inde , en date du 4 Août
dernier. Comme elles ſont en chifre , on en
ignore encore le contenu , & l'Exprès a apporté
fort peude lettres particulieres.
Après beaucoup de variations des papiers publics
ſur la deſtination des malfaiteurs ,' qu'on va
tranſporter dans la mer du Sud , il est très-décidé
que c'eſt pour la Baye Boranique , & non pour
l'ifle de New Norfolk , que le Capitaine Philips
doitmettre inceſſamment à la voite fur le Syrius,
vaiſſeau armé de 700 tonneaux. Le nombre des
malfaiteurs qu'il conduitdans cette colonie , dan's
les tranſports qu'il eſcorte , ſera d'environ ſept
cens, y compris les femmes. Le Capitaine Philips
emmene avec lui des animaux de toute eſpece ,
&emportetoutes les ſortes de graines , qui ſont
connuesen Europe , pour enfemencer les terres &
les jardins. Il emperte auffi des uſtenfiles de la.
bourage& des outils pour toute forte de métiers ;
plusieurs caiſſes de quincail'erie , de colliers de
verre , de petits miroirs , de cloux , &c. &c doivent
ſervir à entamer des liaiſons avec les ſauvages.
Il n'eſt pas probable , d'après le rapport que
l'on a fait de l'indigence des habitans de la Nouwelle-
Hollande , que l'on puiſſe faire des échanges
avantageux avec eux; mais ce ſera beaucoup pour
cette colonie que de pouvoir former des liaiſons
avec les habitans , & d'établir des rapports qui
puiſſent préparer des avantages à la colonie. Sil
étoit poffible de procurer aux nouveaux colons
quelques femmes ſauvages , cela pourroit reſſerrer
les noeuds entre les anciens habitans & lesnou(
29 )
veaux. On croit que cela ne ſera pastrès-difficile,
ces malheureux inſulaires manquant de tout. Plu
sieurs chirurgiens , avec une provision considérable
de médicamens , s'embarquent à bord des
tranſpotts , dont le rendez-vous eſt à Portmouth.
Ce qui a donné licu aux bruits que cette expédition
étoit pour l'iſle de Nerw Norfolk , eft qu'en
effet il a été repréſenté au conſeil , que l'étendue
immenſe de la Nouvelle- Hollande , & la féročité
de fes habitans , étoient deux obstacles qui empêcheroient
que jamais cette colonie pût devenir
utile à la Grande Bretagne ; mais malgré tout ce
qui s'y eſt détité, nous ſommespositivement aſſurés
que l'on n'ajamais renoncé à ce projet , &
que l'on s'occupe au contraire très-ſérieuſement
des moyens de donner au nouvel établiſſement
tout le développement dont il eſt fufceptible. La
ferti ité de la Nouvelle Hollande promet aux
malheureux qui doivent y être tranſportés une
vie plus ag éable & plus douce que celle qui les
ya conduits , la plupart ayant été forcés , par l'abandon
abſolu danslequel il ſe trouvoient, de commettre
, pour vivre , les crimes qui les ont fait
condamner à être tranſportés.
Un Soldat ayant été convaincu Samedi dernier
d'avoir volé un chapeau , dans l'intention expreſſe
de ſe faire tranſporter à Botany-Bay , le juge prononça
contre lui la ſentence ſuivante :
>> Priſonnier ! votre desir fera accompli, & vous
ferez tranſporté ; mais il eſt bon que vous ,& tous
les autres malheureux qui , comme vous , aiment
mieux être bannis honteuſement de leur patrie ,
que de remplir leurs devoirs en bons foldats , fachiez
que la cour a le pouvoir de changer le lieu
de votre deſtination. La cour ordonne donc que
vous ſoyez tranſporté en Afrique pendant ſept
als . :
b 3
( 30 )
M. Robinson , Juge du Banc du Roi en
Irlande, dont la roideur&la fermeté égalent
la ſagacité & les lumieres , ſiégeant derniérement
aux Aſſiſes dans le Comté de Kildair ,
voyant qu'un Militaire s'éroit mis dans une
place deſtinée pour les Jurés , appella l'Officier
du Shérif, & lui dit de faire fortir ce foldat
dela place où il étoit.= Mylord , dit le
Militaire,je ne ſuis point foldat. = Qu'êtes
vous donc , dit le Juge ?= Je ſuis un Officier
, Mylord. = Un Officier ! Eh bien,
Huiffier , faites ſortir cet Officier , qui dit
qu'iln'est point Soldat !
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 3 Décembre.
Le Roi a pris , Vendredi dernier , dans
fonConſeil, laréſolution de communiquer à
uneAfſſemblée de Notables de ſonRoyaume,
les vues importantes dont Sa Majesté s'occupe
pour le foulagement de fes Peuples , la
réformation de pluſieurs abus , & l'ordre
de ſes Finances. Enconféquence , les Secrétaires
d'Etat ont expédié des ordres de
convocation pour cette Aſſemblée , dont
Sa Majefté a fixé l'ouverture au 29 Janvier
1787. Elleſe tiendra à Versailles.
Le Vicomte de Valon Saint Hypolite &
le Marquis du Lyon , qui avoient précédemment
eu l'honneur d'être préſentés au
Roi & à la Famille Royale , ont eu, le 15
( 31 )
de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majesté& de la ſuivre à la chaſſe.
Le 20 , le Roi, accompagné de Monfieur,
&de Monſeigneur Comte d'Artois , s'eſt
rendu a l'Egliſe de la Paroiſſe Saint Louis ,
où il a aſſiſté au Service fondé pour le repos
de l'ame de feu Monſeigneur le Dauphin ,
&auquel le ſieur Jacob, Curé de cette Paroiſſe
, a officié. Madame Elifabeth de France
ya aſſiſté.
Le 24, le Marquis de Tourzel a prêté fera
ment entre les mains du Roi , en qualité de
Grand- Prévôt de France , en ſurvivance du
Marquis de Sourches ſon grand-pere.
Cejour , le ſieur de Sombreuil , Maréchal-decamp
; que le Roi avoit précédemment nommé
nommé Gouverneur des Invalides , a eu l'honeur
de faire ſes remercimens à Sa Majefté.
Les gerfaux d'Iſlande , préſent que le Roi de
Danemarck eſt dans l'uſage d'envoyer annuellement
à Sa Majesté , furent préſentés le même
jour , & reçus par le Comte deVaudreuil , Grand-
Fauconnier de France , & par le Chevalier de
Forget, Capitaine du Vol du Cabinet du Roi.
Le même jour , veille de Noël , Leurs Mas
jeſtés , accompagnées de Monfieur , de Madame,
de Monſeigneur Comte d'Artois , de Madame
Comteſſe d'Artois & de Madame Eliſabeth de
France , affifterent dans la Chapelle du Château
aux Vêpres chantées par la Muſique du Roi , &
auxquelles l'Evêque de Toulon officia. Vers les
dix heures du ſoir , la Cour ſe rendit a la Chapelle
, où , après avoir entendu les matines ,
elle aſſiſta aux trois Meſſes , pendant leſquelles
la Muſique du Roi exécuta divers Noels & Motets
b 4
( 32 )
,
de la compoſition du ſieur Mathieu , Maître de
Musfique en ſemeſtre. Le lendemain , jour de
Noël , Leurs Majestés & la Famille Royale ensendirent
dans la même Chapelle la grande
Meſſe chantée par la Muſique du Roi , & à laquelle
la Marquiſe de Fournaiſe a fait la quête-
L'après - midi , Leurs Majestés & la Famille
Royale , après avoir entendu le Sermon prononcé
par l'Abbé Seconds , affifterent aux Vêpres &
au Salut chantés par la Muſique du Roi.
Ce jour , la Comteffe de Faucigny a eu
l'honneur d'être préſentée à Leurs Majeſtés
& à la Familie Royale par la Princeſſe de
Lambalie .
: ১ .
DE PARIS , le 3 Janvier 1787.
>>La réfolution que le Roia priſe decom-
>> muniquerà une Afſemblée de Notablesde
>> fon Royaume les grandes vues dont Sa
>> Majesté s'occupe pour le bien de fon Etat
>> & le foula zement de ſes Sujets , ne peut
>> qu'être unive fellement applaudie. LaNa-
>> tion verra avec tranſport que ſon Souve-
>> rain s'approche d'elle , & s'unit de plus
>> en plus à ſes Peuples. Rien n'eſt plus ca-
>> pable de porter juſqu'à l'enthouſiaſme
>> les fentimens dont elle est déjà pénétrée ;
>> rien ne peut donner plus d'effor au pa-
>> triotisme. Les Aſſemblées des Norables
>> ont produit , du tems de Charlemagne , les
>> Loix fondamentales du Royaume ; elles
>> ont été ſuivies , dans des tems poſtérieurs ,
>> d'Aſſemblées d'Etats Généraux , & les ont
>> enfuite remplacés.
( 33 )
>> La dernière Aſſemblée des Notables s'eft
>> tenue en 1626. Orine fait pas encore quels
>> feront les objets qui feront traités dans
>> celle qui doit s'ouvrir le 29 Janvier pro-
>> chain; ma's on ne peut pas douter qu'elle
>> ne s'occupe des objets les plus importans&
>> les plus utiles pour le ſoulagement des
>> Peuples , Sa Majesté l'ayant elle-même
>> annoncé. Tout autoriſe à s'en promettre
>> les meilleurs réſultats ; jamais nouvelle
>> n'excita un plus grand intérêt & avec plus
>>> de raiſon .
>>On dit que la Liſte eſt d'environ 140
>> perſonnes choiſies parmi lesplus qualifiées
>> & les plus éclairées du Clergé , de la No-
>>>bleſſe , de la Magiſtrature & des principa-
>>> les Villes ; les Premiers Préſidens & Pro-
>> cureurs-Généraux des Cours Souveraines
>> y feront convoqués ».
>> Le Gouvernement , attentifaux moyens
>> d'encourager l'activité du Commerce Ma-
>> ritime,vient,dit- on, d'agréer le plan quilui
>> avoit été préſenté pour établirune corref-
>> pondance fréquente&sûre entre nos Ports
>> & nos Colonies. Selon ce plan , il y aura
>> 24 Paquebots qui feront ſans ceffe occu-
>> pés à faire la traverſée , & qui partiront à
>> des époques déterminées. Čes paquebots
>> feront fournis par les chantiers du Roi ,
>>& montés d'un nombre convenable de
>> matelots. Ils feront commandés par un
>> Officier de la Marine Royale , accompabs
( 34 )
2
>>gnéde deux autres. Sur chaque Paquebot
>>>il y aura en outre un fubrecargue , dont
>>>les fonctions feront de veiller à la remife
>> ou à la vente des miſesdans les porrs ; le
>>prix des paſſages & celui du fret ſur ces
>> bâtimens feront réglés de maniere que la
>> cherté du fret ne permette pas de les en-
>> combrer. LaFerme générale des Poſtes au-
>>ra la direction & le privilege de ces Paque-
>> bots , & elle donnera dix mille livres par
>>> anpour chacun de ces bâtimens : au moyen
>>de ce privilege , elle s'engage a faire paſſer
>>>pour la ſomme modique de 20 fols cha-
>>que lettre dans les Colonies , & pour 6 liv.
>> par an , tous les Journaux & Feuilles pé-
>>>riodiques du Royaume. Voilà du moins
>> ce qu'on débite de ce projet utile , dont
>> on lira les autres détails dans l'Arrêt du
>> Conſeil qui va paroître à ce ſujer. :
>>La chertédes fourrages, dit on encore,qui
>> a eu lieu depuis deux ans , ayant caufé des
>>pertes conſidérables aux Fermiers des Mef-
>>>ſageries , S. M. vient de leur accorder une
>>indemnité , outre une remiſe dans le prix
>>> de leur bail , pour les années ſubſéquentes.
La Lettre de M. François de Neufcha -
teau , qui a appris à nos Lecteurs le déſaſtre
du navire que montoit ce Poëte malheureux
, a donné lieu à celle qu'on va lire ,
écrite par le Cap. Charlet , Commandant le
navire le Pacificateur, le 4 de ce mois, au
Rédacteurdu Journal de Guyenne.
( 35 )
-- J'ai lu , Monfieur dans votre Jouthal du premier
de ce mois , une lettre écrite par M. de
Neufchâteau , paſſager ſur le navire le Maréchal
de Mouchy , lequel a eu le malheur de périr
ſur Mogane. Cette lettre, Monfieur ,ſembleroit
me faire un mérite au préjudice de M.
Gramont , du bonheur que j'ai eu en conduifant
à bon port le navire le Pacificateur , que
je commandois. Je dois , Monfieur , à M. de
Gramont une juſtification bien méritée par ſes
talens; elle m'eſt bien aiſée , & vous en ſerez
convaincu à la lecture de l'extrait de mon
Journal que je vous envoie , ſigné de moi &
de mes Officiers. Je vous prie de l'inférer dans
votre feuille.
Nous ſommes partis du Cap le 3 Septembre,
M. Gramont commandant le Maréchal de Mouthy,
& moi le Pacificateur , ( 'Aurore de Nantes,
n'étoit pas avec nous. ) Le navire le Maréchal
de Mouchy , marchoit mieux que le mien ;
c'eft-là fon malheur. J'aurois ſubi ſon même
fort, forcé par les vents & par les courans qui
m'ont trompés moi-même , ſi mon navire eût
été d'égale marche. Nous faiſions tous les deux
les mêmes manoeuvres pour ne pas , par prudence
débouquer de nuit; cependant je me ſuis
trouvé débouqué le matin du 5 Septembre , &
j'atteſte que c'eſt malgré moi & fans que je
m'en fufſe douté ſans qu'il y eût conféquemment
plus d'habileté ou de prudence de ma
part; le fort m'a ſervi , & il a nuit à M. Gramont.
Je vons préviens encore que je ne ſuis
ni ſonparent ni ſon allié , &c. &c.
L'équinoxe a été fatale àune infinité de
navires. Il eſt peu de ports qui n'at eſſuyé
quelque perte. On compte entr'autres parmi
les bâtimens perdus ou avariés. bo6
( 36 )
(
La Brunette , de Nantes , perdu ſur les Glénants,
en retour du Port au- Prince; l'équipage
fauvě.
La Reine de Golconde , parti de la Rochelle
pour Angole le 12 Novembre , rentré à Painboeufle
4 Décembre au foir , battu par la tempête
, quinze hommes de ſon équipage emportés
à la mer , démâté , le corps du navire fort
maltraité.
Le Comte de Montmorin , Capitaine Maillard
, parti de Nantes le 10 Novembre pour
le Port-au-Prince , rentré en rivière le 6 courant
par mauvais tems , ſon mit de miſaine dé
femparé.
La Ville-du-Havre , Capitaine Marville , échoué
fur les vaſes du Hommet , ayant touché ſur
un des cônes de Cherbourg , en retour du Cap
pour leHavre.
La Laurette , parti du Havre pour la Côte ;
le 22 Septembre , relâché le 30 ſuivant par voie
d'eau , ayant pu à peine approcher la jettée ,
où la cargaiſon a été déchargée , & le navire
dépecé.
L'Aimable Marthe , en retour du Sénégal pour
le Havre , appartenant à la Compagnie du Sénégal,
perdu dans le fondde Bristol ,le 14 Novembre
; l'équipage ſauvé.
Un Terreneuvier perdu ſur les vaſes en entrant
àlaRochelle.
Le Preffigny , de S. Mało , du port de 300 tonneaux
, à MM. Deshays , Dolley & Louvel , naufragé
le 30 Novembre aux environs de Lahorène.
1 、
Le Théodore , de Nantes , Capitaine Dupuis fils,
ayant chaflé ſur ſes ancres ,dans la rade du Morbian
,perdu ſurune roche ; la cargaiſon & l'équi
page ſauvés .
( 37 )
LeFly , Capitaine Beltcher , venant de Philadelphie
, chargé de tabac , deſtiné pour Bordeaux,
perdu le 26 Novembre ſur Cordouan ; l'équipage
Lauvé.
L'Aimable Thérèse , de Bordeaux , à M. L. Bourbon,
CapitainePagaud , péri au Cap de Bonne-Ef
pérance , corps & biens.
LaNatalie , de Bordeaux , Capitaine Gramont
jeune , en retour des Cayes , de relâche à la
Corogne , dématé de ſon mât de iniſaine , &
faiſant vingt-trois pouces d'eau par heure , &c.
Un accident de même genre a donné lieu
à la Lettre ſuivante que nous adreſſe M. le
Comte de la Fontaine Solare ..
Le 21 du mois dernier , le navire Anglois la
Nymphe , de 140 tonneaux , Capitaine Maſſervy ,
retournantde Lisbonne à Londres , fut égaré de
ſa route par une brume très obſcure , & toucha
ſur un banc vis-à- vis du village de Cucy ſous
Montreuil-fur- mer. L'équipage fit tous les efforts
pour le remettre à flot , mais ils devinrent inutiles ,
la ſecouſſe ayant fait entrouvrir la cale qui ſe
remplit d'eau à l'inſtant. Il ne reſta d'autre refſource
que la chaloupe. Le Capitaine y fit entrer
ſon monde , une caiſſe contenant 7500 piaftres&
les effets des matelots. La mer étoit groſſe ;
ces malheureux couroient rifque d'enfondrer a
chaque inſtant , ou tout au moins de chavirer
en traverſant la barre : à quelque diſtance de la
côte ils rencontrerent un pêcheur qui les prit à
ſon bord. L'équipage de la Nymphe étoit compoſé
de douze Anglois & de huit François ; ce
poids joint à celui de l'argent , ſurchargea tellement
le pêcheur , qu'il ne regagna la terre qu'après
avoir couru le plus grand danger. Enfin its
toucherent à onze heures du matin ſans acci
dent.
1
( 38 )
Lepatron du bâteau Pécheur ſe nomme Claude
Romain, il eſt du village de Mefl meret ; c'eſt à
lui a qui l'équipageAnglois doit la vie , & non
à Mrs. les Officiers de l'amirauté d'Abbeville ,
ainſi qu'on l'avoit inféré mal-à-propos dans la
gazette de France du 12 Décembre dernier.
L'amour de la vérité m'engage à vous écrire
cette lettre que je vous prie d'inférer dans votre
journal.
J'ai l'honneur d'être
le Comte DE LA FONTAINESOLARE,
>> On mande de Bayonne , que ce port
>>ayant été déclaré libre& franc en 1784 ,
>> l'abondance y circu'e depuis de toutes
>>>parts , & que la Nive & l'Adour font co-
>vertes de bâtimens . En effet , c'eſt dans le
>>baſſin de ce port que le Commerce fait
>> conſtruire ſes vaiſſeaux, & que le Roi ſait
>> travailler les membrures des ſiens. Les eaux
>> du baſlin y font très profondes. Il n'y a
>> aujourd'hui que le paſſage de la Barre qui
>> offre des difficultés à la navigation; mais
>>dans les hautes marées il y a 17 pieds
>> d'eau ,&pendantles autres jours 15 pieds,
>>>ainſi ſa navigation n'eſt interdite que 4
>>jours fur trente.
1
>> La Notice ſuivante ſur la Maiſon Phi-
>> lantropique d'Orléans contient des détails
>> authentiques & propres à rectifier les er-
>>> reurs qui ſe ſont gliſſées dans le compte
( 39 )
>> qu'en ont rendu différens Papiers publics.
La Maiſon Philantropique établie à Or-
>> léans , au mois de Mai dernier , fous la
>>>protection & par les bienfaits de leurs
>>>AA. SS. Monſeigneur le Duc & Madame
>>> la Ducheffe d'Orléans , a tenu uneaffem-
>>>blée générale& publique , le 24 Novem-
>>>bre , en présence de M. le Marquis du
>>>Crest , Chancelier de S. A. S.
>>Da compte rendu dans cette Aflemblée
>>> par M. Henri de Longueve , Avocat du
>>> Roi au Châtelet d'Orléans , Secrétaire
>> général de la Maiſon , itréſulte que cette
>>Société naiſſante eſt déjà parvenue àaffa-
>> rer le foulagement complet :,
>>>1º. De fous les nonagénaires.
>> 2°. De tous les octogénaires .
>> 3°. De tous les orphelins.
>>>4°. De toutes les veuves chargées de
>>>trois enfans & plus,
>> 5 °. De 80 infirmes.
>>
6°. De 160 femmes en couche.
Qu'indépendamment de ces ſecours ,
elle vient d'établir des filatures deſtinées à
>>occuper les pauvres capables de travail ,
>> & privés d'ouvrage , & particulierement
>> les femmes &les enfans.
Les Paroiſſes qui compoſent la Subdélégation
de Nérac ayant été dévaſtées en
grande partie par la grêle , au mois de Juin
dernier , nombre de pauvres Propriétaires ,
àqui cet accident avoit enlevé leur récolte ,
( 40 )
1
manquoient de grains pour enfemencer de
nouveau leurs terres. Les Négocians de Nérac
, touchés de la détreſſe de ces malheureux
agriculteurs , ſe ſont empreſſés de l'alléger
, en leur prêtant les grains de ſemence ,
ſous la ſeule condition du rembourſeinent
de leurs avances , ſans intérêt , à la récolte
prochaine. Le fecours a été rem's au Subdélégué,
qui en a fait faire la diſtribution. Ce
traitde patriotiſme méritoit d'être connu. II
affure à ces généreux Commerçans des droits
à l'eſtime publique , ainſi qu'à la reconnoiffance
de leurs concitoyens , dont ils ont eu
le bonheur d'adoucir le fort. Journal de
Guyenne , nº.351 .
)
&
Les Numéros fortis au Tirage de la
Lorerie Royale de France , le 2 de ce
mois , font : 84 , 6, 75 , 42 , & 39 .
PAYS- B A S.
DE BRUXELLES , le 30 Décembre.
Suivant les lettres de Louvain du 17 , le
Subſtitut du PPrrooccuurreeuurr--G( énéral du Brabant
continue de recevoir les plaintes des Séminariſtes
. Elles ſe réduiſent juſqu'ici à la de-
-mande du rétabliſſement de l'ancienne difcipline
, & de ce qu'ils appellent l'ancienne
Religion. Les Séminariſtes ne ſortent point;
l'un d'eux a été arrêté & envoyé dans les
prifons du Promoteur.
( 41 )
Le bruit s'étoit répandu d'un attentat
commis par deux Italiens ſur un bâtiment
François au Cap de Bonne Eſpérance. Des
lettres de cet établiſſement confirment cette
nouvelle qu'elles rapportent en ces termes :
Le navire La Rosette , parti de Bordeaux dans
le courant du mois d'Avril , ſe trouvoit le 12 Aoûr ,
peu après minut , à la vue de Table-Bay. Ce
bâtiment étant deſtiné à faire le commerce d'Inde
en Inde , le Capitaine ſe trouvoit nanti d'un grand
nombre de piaſtres. Faute de pouvoir choifir ſes
matelots , il avoit été obligé d'engager aux Chartrons
deux matelots Italiens nommés Telafco . Ces
deux freres remuans & féditieux , mécontens de
leur Capitaine , qui avoit , dans le courant de la
traverſée , fait mettre l'ainé aux fers ,ont conçu
le projet de s'en venger. Le Capitaine & fon
Lieutenant ſe repoſoient dans la nuit du 12 Août,
fatigués des peinesde la veille. Les deux Italiens
gagnent le Cuisinier & le Charpentier , qu'ils
arment chacun d'une hache ; ils marchent au
Maître d'équipage qui faiſoit alors le quart , ils
lui coupent la tête , ſans que la victime pouffe
un ſeul cri ; puis ils vont dans la chambre des
deux endormis ; le premier qu'ils frappent eft
mort dans le ſommeil ; le fecond dangereuſement
bleſſé met en fuite ſes affatlins & court après ;
mais arrivé ſur le tillac, il eſt percé d'un ſtilet
&jetté ſur le champ à la mer ; il ne reſtoit qu'un
Sr. Bois , pilotin; ils alloient le maſſacrer ; il
leur demande la vie à genoux ; on la lui accorde
àcondition qu'il tuera un mouffe qui avoit couru
ſe cacher au fond de cale. Le petit malheureux
eſt appellé par les traitres d'une voix douce & affectueuſe
; on lui promet un verre d'eau-de- vie :
il monte & Bois lui plonge un poignard dans le
coeur. Quelques heures après le Cuifinier s'apperçut
que Bois s'étoit emparé de la caiſſe du
défunt Capitaine : les meurtriers en prennentombrage;
ils courentà lui , lepiſto'et ſur la gorge;
mais il demande à être jetté à la mer ; comme il
ſavoit nager & qu'on étoità la vue de terre , il
parut chercher à gagner le rivage : les Telapco
ſe jettent dans la chaloupe , l'atteignent & lui
donnent pluſieurs coups de bâton ſur la tête. Le
nageur plonge ; les afſaſſins reviennent au vailſeau.
Bois néanmoins reparoît encore ſur lesvagues,
faiſant des efforts ; mais enfin il perdſes
forces & ſe laiſſe engloutir. Les matelots prennent
le coffre rempli de piaſtres , & les marchandiſes
les plus précieuſes ; ils font percer le navireauprès
de la quilte , puis ils l'abandonnent
ens'enfuyant dans la chaloupe ; mais ce Vaiſſeau
qu'ils croyoient ſubmergé arrive au port. MrBergerinde
Mouchy , Commiſſaire Ordonnateurde
France , en fait la viſite ; il apperçoit des traces
de ſang; tout lui indique la préſence du crime .
On fait des recherches , on bat la campagne des
environs , on trouve les coupables cheminant ſur
les terres ; on les ramene;ils ſont actuellement
enpriſon au capde Bonne Eſpérance.>>>
D'après les circonstances , le Haut-Confeil
d'Etat des Provinces-Unies ne donnera
pas cette année l'état ordinaire de guerre;
les quotes-parts des Provinces étant trop
difficiles à régler en ce moment.
Le Baron de Reiſchach , Envoié extraordinaire
de S. M. l'Empereur auprès des
Etats-Généraux , ne quittera la Haye, qu'au
mois de Mai prochain : c'eſt uniquement
pour rétablir ſa ſanté & vivre tranquille
( 43 )
ment , que fon Exc. a obtenu ſon rappel. Sa
Commanderie de l'Ordre Teutonique lui
rapporte 100 mille florins par an .
L'enquête judicielle ſur la non expédition
de Breft , ne ſe pourfuit que foiblement ;
mais on aſſure que les Etats-Généraux feront
une démarche vigoureuſe vis-à vis des
Etats de Gueldre , pour que le Comte de
Byland ſoit forcé de venir répondre à la
Commiſſion nommée pour le juger , de même
qu'aux autres Officiers inculpés dans
cette affaire. On ébruite dans ce moment ,
que M. de Byland eſt parti pour l'Angleterre.
Gazetted'Amſterdam , n°. 102.
MM. les Etats de Friſe , dont la majorité
a changé de ſyſtême politique , depuis le
dernier voyage de S. A. en Friſe , ont écrit
une lettre aux Etats de Hollande , dans la
quelle ils approuvent&juftifient l'entrepriſe
violentefaite par le Stadhouder ſur les deux
villes de Hattem &d'Elburg : ils cenfurent
en même temps les réſolutions véritablement
patriotiques des Etats de Hollande ,
relatives àtoute cette entrepriſe inconftitutionnelle.
Cette lettre de MM. des Etats de
Friſe , eſt conçue en termes fi vifs , que pluſieurs
Membres des Etats , croyant y voir
une inſulte faite à la Souveraineté de notre
Province , ont propoſe de la fupprimer.
Idem.
La lettre de Mrs. lesErats de Friſe , aux Etats
de Hollande , a été lue dans l'aſſemblée de Mercredidernier.
On ne conçoit pas que laMajorité
( 44 ).
desEtats de Friſe ait pu ſe permettre des expref.
fions aufli offenſantes envers leur plus puiſſant
Confédéré . Les Etats de Hollande font traités
dans cette Lettre inflammatoire , comme des Oppreſſeurs
, qui ont forcé les habitans de leur Province
à s'armer , pour opprimer facilement les
autres Provinces de la Confédération . Cette calomnie
évidente n'a pas beſoin d'être refutée ;
elle eſt plus digne d'un libelliſte , que d'une afſemblée
Souveraine ,qui oſe ſe la permettre dans
une lettre miniſtérielle; aufli cette lettre a-t-elle
eu le fortqu'elle méritoit,Nos Seigneurs les Etats
de Hollande l'ont condamnée à un éternel mépris,
& l'ont rejettée comme non-avenue , fans permettre
ni qu'elle fût enregiſfirée , ni qu'on entamât
la moindre délibération ſurfon contenu. Cetre
ſage diſposition n'auroit pas , ce ſemble , dû trouver
la moindre contradition & auroit dû réunir
tous les fuffrages dans l'aſſemblée des Erars; cependant
Mrs. de l'Ordre-Equestre , &la Ville de
Delft furent d'avis contraire ; les premiers vouloient
qu'elle fût rendue commifforiale , & que
réponſe y fût faite ; Delft vouloit qu'elle fût priſe
en notification ; la Ville d'Amſterdam ne donna
pas ſon avis. Gazette d'Amſterdam , nº. 103 .
>>M. Beaujon , écrit on de Paris , laiſſe
>> moins de fortune qu'on ne penſoit à tes
>> deux freres qu'il a inſtitué ſes héritiers ; &
>> on ne parle pour eux que de 8 à 10 mil-
>> lions : mais outre que ce millionnaire a
>> fait une quantité prodigieuſe de legs par-
>> ticuliers , ( on les évalue à près de 4 mil-
>> lions ) il jouiſſoit d'environ 500,000 liv.
>> de rentes viageres ; & ces rentes il les avoit
>>> conſtituées ſur ſa tête & fur celle de fes
( 45 )
>>>amis &de ſes connoiſſances qui en héri-
>> tent aujourd'hui ; de forte qu'à ſa mort le
>>> Tréſor royal gagne fort peu. Parmi les
>> legs principaux on trouve 200,000 liv- à
>> l'Hôpital de Bordeaux , 120,000 liv. à fa
>>Paroiſſe de la Magdelaine , 300 mille à
M. de la Chatre , 200 mille à ſon Chirur .
>> gien , des legs conſidérables à tous ſes
>> gens. M. le Préſident de Lamoignon eft
>> nommé fon Exécuteur teſtamentaire, avec
>>l'adminiſtration perpétuelle de l'Hoſpice
>>>fondé par M. Beaujonau Roule M. Guil-
>>>laume ſon caiffier , & Grivean ſon No-
>>>taire, font adjoints à l'exécution teſtamen-
>>>taire. Il paroît une longue liſte de tous
>> les autres legs.
לכ
בכ
Le Divan perſiſte de plus en plus dans le
deſſein qu'il a formé d'encourager généreusement
les arts & les ſciences . Il adonné ordre
de travailler immédiatement à la traduction
en langue Turque , du Dictionnaire Encyclo-
>> pédique , & afin de faciliter cette entrepriſe ,
>>>pour l'avantage & l'intelligence des Muſul-
>> mans qui aiment les belles-lettres & les ſciences
, on doit copier toutes les planches de
>> l'Edition de Paris. En conſequence on a fait
>>>acheter en France & Italie , toutes les planches
>> qu'on a pu ſe procurer. Cette réſolution a
>> éprouvé de très-grandes difficultés ; le Mufti
>> s'y eft oppoſe de tout fon pouvoir , mais on
>> n'en pourſuit pas moins avec vigueur le projet
>> de civiliſer & d'éclairer la Nation. Courier
» d'Avignon , nº . 101 .
>>>Il exiſte , dit on , entre les mains de
( 46 )
> l'Abbé Brifard deux Manuscrits de so
>> pages chacun , tracés par la main de Jean-
>> Jacques Rousseau , tantôt avec un crayon
>> noir, tantôt avec de la mine de plomb , &
>>quelquefois avec une plume trempée dans
>> de l'encre , ſouvent noire , mais encore
>>p>lus ſouventblanche. Ces Manuscrits pré-
>> cieux reſſemblent aſſez, à de petits Jour-
>> naux de comptes. Ils font intitulés : Nou-
>> vel Extrait , qu'il faudroit ajouter à la
> Nouvelle Héloïfe. Cet opufcule eſt de 1757.
>> Tout y décele l'âme pure & l'énergie brû-
>> lante de l'Auteur. Gazette d'Utrecht , no.
» ΙΟΣ.
Paragraphes extraits des Papiers Angl. &autres.
Quelques gazettes étrangeres ont parlé , d'après
les papiers Anglois , d'une prétendue ceffion
des Floridesque l'Eſpagne alloit faire à la France;
elles ont même donné les principaux articles de
cetraité imaginaire. Bien loin de ſe défaire des
Florides , la cour d'Espagne s'occupe en cemoment
à mettre leplusgrand ordre dans ſes colonies
& à prévenir toutediſpute avec les colons
Américains qui les avoiſinent. On croit qu'il
leur ſera permis de deſcendre le Miſliſlipi jufqu'à
la mer , mais juſqu'à certains poſtes où ils
pourront ſe défaire de leurs marchandises ; ce
qui ſera avantageux aux Américains & aux Eſpagnolsenmême-
tems. Idem.
( 47 )
<
GAZETTE ABREGEE DES TRIBUNAUX ( 1 )
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE .
Causeentre lefieur le M***. & la Dameson épouse.
DEMANDE EN SÉPARATION DE CORPS.
Les reproches fournis par un mari , depuis l'ap .
pelde la ſentence qui a admis la femme à la
preuvede ſes faits , contre les témoins de l'anquête
par eile faite, élevent une fin denonrecevoir
contre l'appel qu'il avoit interjetté ,
parce qu'il eſt ſenſé par le fait s'être déſiſté de
ſon appel , & avoir reſſaiſi de nouveau les Juges
de la conteftation ; c'eſt ce qui a été jugé dans
cette caufe. La demoiselle *** mariée en
1783 au fieur le M*** fils , prétend avoir augmenté
le nombre des femmes malheureuſes , qui
s'annoncent comme victimes de ce qu'elles appellent
lejoug inſupportable du mariage Quelques
mois ont ſuffi , dit-elle , pour la faire repentir
du choix qu'elle a fait , & elle auroit ſouffert
ſans ſe plaindre les emportemens de ſonmari,
6ſa vie n'eût été ſouvent dans le plus grand dane
[1] Cet Ouvrage , dont M. MARS Avocat au Parlement
deParis, eſt l'Auteur , paroît tous les Jeudis , depuis plus
de 10 ans ſans interruption. On trouve toujours danschaque
feuille un certain nombred'articles. 1º. Une notice
de Cauſes civiles & criminelles . 2°. Un exposé de quef
Lions ſur leſquelles on demande l'avis des Juriſconſultes.
3°. Les réponſes à ces mêmes queſtions. 4°. Des diſſertations
ſur des points de Droit, d'ordonnance oude Coutumes,
5º. Une indication des Mémoires & Plaidoyers
imprimés , 6°. L'annonce & l'objet des Livres de Droit ,
de Jurisprudence & autres qui peuvent y avoir rapport.
7°. Les Arrêts du Conſeil , ceux des Parlemens & autres
des Cours Souveraines , les Sentences de Police ; en un
mot , tout ce qui fait loi ou réglement dans le Royaume.
8°. Enfinun articledeLégislation Législatu étrangere. En tout
temps on ſouſcrit rue & hôtel Serpente, Prix, is liv. pac
an, franc de port
( 48 )
ger. Elle s'eſt donc vue obligée de former fa
demande en ſéparation de corps : pour y parvenir
, elle a articulé des faits dont elle a demandé
à faire preuve. Cependant des marques
de repentir conſignées dans des lettres où le ſieur
le M*** promettoit de faire oublier ſes emportemens
, arrêterent pendant quelque tems les procédures
de ſa femme ; mais n'ayant point tenu
les paroles qu'il avoit données , & ayant aggravé
ſes torts , elle continua la procédure commencéc,
*& obtint au Bailliage de Pontoiſe une ſentence
qui l'admit à la preuve deſesfaits. Son marien a
interjetté appel enla Cour. Uu Arrêt ſur appointement
à mettre ayant autorisé la Dame le
*M*** à fairefon enquêre , elle a fait entendre
des témoins. Son mari alors a fourni des repro-
*ches contre pluſieurs. L'information de la femme
a été achevée : le mari , au lieu de faire ſa contre-
enquête , apourſuivi le jugement de fon appel
de la Sentene qui admettoit ſa femme à la
preuve de ſes faits. La Dame Je M***, a pour
Jors foutenu ſon mari non-recevable dans fon
appel , ſur le fondement qu'ayant fourni ſes reproches
contre les témoins de l'enquête , il étoit
Tentë s'être défilé de fon appel , & avoir de
nouveau conflitué les premiers Juges arbitres de
la conteftation ; elle a conclu à l'evocation du
principal , & demandé , attendu les preuves réfultantes
de l'enquête &de la lettre de fon mari,
qui contenoit l'aveu formel de ſes mauvais procédés
, à être dès-à-préſent ſéparée, Cette fin
de non recevoir oppoſée par la femme à ſon mari
a été adoptée; mais la Cour n'a pas cru devoir
ordonner l'évocation du principal. Arrêt du
13 décembre 1786 , qui a mis l'appellation au
néant , ordonné que ce dont eft appel fortiroit fon
pcin& entier effet , condamné l'Appellant en
Famende & aux dépens.
1
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 13 JANVIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LE NOUVEL AN.
NON , ON , mes amis, envérité!
Non,lorſque l'an ſe renouvelle,
Mon coeur n'en eſt point attriſté.
Sidans leur courſe mutuelle ,
L'an qui renaît encor , l'an qui s'eſt écoulé,
M'annoncent la vieilleſſe & me rapprochent d'elles
Dans un lointain moins reculé,
T'apperçois, au flambeau d'une raiſon nouvelle ,
Le temple de la Déité
De qui les ans font valoir la beauté,
No. 2 , 13 Janvier 1787. C
1
so
MERCURE
Le temple heureux de l'amitié fidelle.
Si pour étrenne , hélas ! l'amour n'offre au deſir
Que les bouquets flétris de roſes fortunées ,
Que dans l'an qui n'eſt plus on aimoit à cueillir;
Si je perds , toutes les années ,
Quelques-uns des inftans conſacrés au plaifir ;
L'amitié, chaque jour ,par ſes ſoins me conſole
De la perte de mes beaux ans ,
Etdans mon coeur ſenſible , à l'amour qui s'envole,
Fait ſuccéder de plus vrais ſentimens.
Amitié, doux penchant, tréſor dans les alarmes ,
Qui , c'eſt en veilliſſant qu'on connoît mieux tes
charmes!
Quand les folles illuſons
Qui ſéduiſent dans la jeuneſſe ,
Quandles ardentes paſſions,
Ennous trompant, nous égarent ſans ceſſe;
C'eſt en vainque nous voudrions
Connoître& ſentir ton ivreſſe.
Tu veux des ſens moins chauds , des deſirs moins
ardens;
Taflamme eſt douce , &l'on brûle à cet âge....
Non , non , jamais les jeunes gens
Net'offriront le pur hommage
Quet'adreſſent tes vrais amans.
Lebeſoin ſeul d'un coeur , qui veut qu'on le ſoulage
Des peines, des ſecrets , des faveurs des amours ,
Fait les amis dans les beaux jours;
DE
SI
FRANCE.
L'intérêt ceſſe , on ſe dégage.
Oui , j'ai trop fu l'apprendre à mes dépens !
Dans leurs divers attachemens
Tous les mortels à vingt ans font volages ;
Et l'amitié reçoitdans leur printems
Aurant de frivoles hommages
Que l'amour de légers ſermens.
PHILOSOPHE du coeur , ſage ſans le paroître,
Je me ſuis dit depuis long-temps :
Chaque âge a ſes plaiſirs , ſes goûts, ſes ſentimens,
Pourquoi donc m'attriſter lorſque je vois renaître
Le moment où Janus , revenant ici -bas ,
Semble avertir ainſi chaque être
Que vers la tombe encore il vient de faire un pas.
Cette affligeante idée a pour moi mille charmes ;
Je me dis : j'ai perdu quelques jours orageux
Occupés par l'amour , ſes tourmens, ſes alarmes,
Et je touche à des jours heureux ,
Ades jours où mon coeur , devenu moins volage.
Ne voudra plus brûler de tendres feux
Que pour une beauté ſenſible, douce& ſage ;
Où mes amis ſur-tout, qu'alors j'aimerai mieux ,
M'aimeront auſſi davantage.
Je ne ſuis point ambitieux ;
Peu de tien ſuffit à mes voeux ,
Et l'obſcurité ſait me plaire ;
C
52 MERCURE
:
Auſſi je le ſens , mes amis ,
Dans ma demeure ſolitaire ,
Auprès d'une compagne chère,
Si je vous voyois réunis,
Je n'aurois plus de veoeux à faire.
Loin d'applaudir , comme en ce jour,
Quand je perrois fuir à fon tour
L'an qui pour nous ſe renouvelle,
Voyant qu'il ne pouvoit finir
Sans détruire auſſi de ſon alle
Les douces heures de plaiſir ,
Qu'au ſein de l'amitié fidelle
Dans ſa courſe il venoit m'offrir;
Je me plaindroisde ſa vîteſſe ,
Qui précipiteroit ſon cours ;
Et je voudrois voir ſes beaux jours
Sans ceffe heureux , durer ſans cefic,
}
DE FRANCE. 53
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
Lemot de la Charade eſt Fauxbourg; celui
de l'énigme eſt Page; celui du Logogryphe
eſt Marinite , où l'on trouve air, mer , ami ,
mari , ame, mie, arme, rame , raie rat,
mare , rime, mitre.
CHARADE.
M
Mon ſecond eſt un végétal;
Et mon tout eſt un animal."
ON premier eſt un mineral ;
QUE
ÉNIGM E.
UE mon deſtin, Lecteur, eſt contraire&critique!
Avec acharnement le Limousin roſtique
Me prend , me met au feu , me dépouille en entier ,
Me dévore ,nuavale , & le tout fans quartier.
Je ſuis en d'aures lieux durement rejetée ;
Que de fois par vous- même ai-je été rébutée ?
Vous êtes un ingrat, redoutez mon courroux,
Je vous ferat ſentir.... la rigueur de mes coups.
Cit
MERCURE
Chez Brigandeau , Sangſue , on m'aime à la folie;
En carême ſur-toutje ſuis bien accueillie.
Mais vous me dédaignez ! vous qui ferez par moi
En triomphe peut- être un jour proclamé Roi .
H
(Prévostde Moka , Américain.)
LOGOGRYPHE
UIT pieds , mon cher Lecteur, compoſent tout
mon être ;
Sous deux ſens différens onpeut me reconnoître;
Je ſuis un procédé des plus humilians
Pour qui l'éprouve , ou bien avec l'intelligence
D'un ſecours étranger, je meus deux éléinens;
J'attire l'un chez moi , ſur l'autre je le lance
Juſqu'àce que mon guide , enfin las de ce jeu,
Me permette àmon tour de repoſer un peu.
En me dénaturant , en moi tu peux trouver
Ce qui dans un ragoût ſert à le relever ;
Un être pen ſenſé qui ſe croit très-habile ;
Une pierre fort blanche à tailler très facile ;
Un terme d'amitié ; ce que craint un enfant;
Une lourde monnoie ; un inſtrument à vent;
En muſique deux tons ; un met fort en uſage ;
Un des quatre élémens ; le contraire de ſage;
A maintjeu de haſard un objet defiré.
Mais je me tais , Lecteur ; car tu m'as deviné.
(ParM. Robert des Roches. :
DE FRANCE. 55
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ISMAN , ou le Fatalisme, Histoire Perſanne,
traduite du Portugais de Dom Sébastien
Lonzo , en deux volumes in- 12 . A Lifbonne
, & ſe trouve à Paris, chez Bailly ,
rue Saint-Honoré. 1785.
AVANT de faire l'analyſe de ce petit roman,
dont le plan , la manière & le ſtyle font
un peu calqués ſur les romans de Voltaire ,
nous obſerverons qu'il y avoit autrefois en
littérature certains genres faciles à traiter ,
avant que des hommes du premier ordre s'en
fuſſent emparés. Combien de jeunes gens
auroient acquis une réputation par leurs
pièces fugitives,ſi Voltaire &Greffet , par
la ſupériorité qu'ils ont déployée dans ce
genre , ne l'avoient rendu preſqu'inabordable
! Et Monteſquieu , en jetant dans les
Lettres Perſannes le germe de toutes ſes idées,
&en les entourant de l'heureux cadre du libertinage
oriental & de la fatyre de nos
moeurs ainſi que de nos ridicules , n'a - t'il
pas impoſé filence à tous ces faiſeurs de
Lettres Juives , Turques ou Chinoiſes ? Le
génie , comme le deſpotiſme , ne laiſſe que
desdéſerts après lui.
L'Auteur de ce nouveau roman a voula
t
Civ
16 MERCURE
jeter fur certaines opinions , le ridicule que
Molière jetoit ſur les caractères . C'eſt le but
de Candide , de l'Ingénu & de preſque tous
les romans de Voltaire. Mais il faut dire à la
gloire de Molière , qu'avant de couvrir un caractère
de ridicule , Molière créoit ce caractère
: il faifoit Harpagon ou Tartufe avarit
de les immoler ; & c'est bien autre choſeque
desMartin &des Pangloff foutenant des opinionsdéjà
ridicules par elles-mêmes , & qui
n'ont pas , comme les paffions , leurs racines
dans le fond du coeur. Attaquer les paffions
eftdonc le grand coeuvre en philofophie , &
les attaquer comme Molière avec la verve
de l'éloquence &de la poéſie , c'eſt l'oeuvre
du génie. Ajoutons à cela qu'il ne faut être
que plaifant pour fronder les travers de l'efprit
& fiffler les rêves de l'école , & Voltaire
en effer ne fut jamais comique.
Malgré ces raiſons , puiſées dans la juſtice
&la vérité, il faut obſerver que par la nature
deschofes ,lespeintures de Molière doivent
vivre à jamais , & que le roman de l'Optimisme
, par exemple , doit paſſer de mode ,
malgré le grand nom de Leibnitz . Dès qu'une
opinion eſt tombée du mépris dans l'oubli ,
il faut que les livres qui l'attaquent , tombend
comune les livres qui la défendent. D'où on
peut tirerune concluſion qui ſemble étrange
au premier coup-d'oeil , & qui eft rigoureuſement
vraie. C'eſt que ſi Molière eût corrigé
tous les avares & les hypocrites de ce
monde , ſes chefd'oeuvres devenant inutiles ,
٢٠٠٠
DE FRANCE
37
auroient été bientôt oubliés. Il faut donc qu'il
naifſe ſans ceſſe d'autres hypocrites&de nouveaux
avares , pour montrer combien les portraits
que Molière en a faits , font encore
pleins de vie : il faut que le génie combatte
les têtes d'une hydre qui en repouflera d'autres,
tantque durera cette lutte ordonnée par
labelle nature. Car ce mélange de biens &
de maux qui compoſe le grand tableau de
la vie , eſt le modèle éternel que les artiſtes
detous les temps cherchent à copier. Et où
l'Orateur & le Poëte iroient- ils tremper leurs
pinceaux , fi tout étoit vertu , calme& fymétrie
en ce monde ? Loueroit- on la beauté , fi
la laideur n'exiſtoit pas ? Et fi l'homme rencontroit
le bonheur & la vertu fur le feuil
même de la vie , il n'auroit point de carrière
à parcourir. Mais ces deux brillans fantômes
ſe ſont placés à l'autre bout du chemin. C'eft
de- là que la vertu appelle tous les hommes ,
en leurmontrant le bonheur qu'elle tient par
lamain. L'eſpérance eſt avec eux ; elle marche
en avant , embelliflant & reculant fans ceffe
la perſpective.
Mais s'il a été néceſſaire que les paffions
euffent ce germe immortel qui refleurit fans
ceffe dans le coeur de l'homme , il falloit
auſſi ſans doute que les opinions philoſophiques
fuffent mobiles & paffagères. Le fatigant
problême du bien& du mal a toujours
tourmenté la penſée d'un être qui ne cherche
qu'à être mieux , & qui ſe trouve toujours
mal: tel eſt l'homme en effer. Il voudroit
Cy
18 MERCURE
em
expliquer le mal phyſique & moral ſous un
dieu intelligent & bon , & tantôt, dans le
rêve qu'il pourfuit , il avance que ce dieu
n'a pu mieux faire , tantôt , qu'il n'a pu
pêcher une fatalité , un enchaînement auffi
ancien que lui ; tantôt enfin , qu'il y a dans
la nature deux principes : l'un du bien , l'autre
du mal , contemporains tous deux , & tous
deux coopérateurs éternels du monde.
Ces trois ſyſtèmes ont régné tour à tour ;
ils ont difparu & on les a revus , de ſiècle en
fiècle. L'eſprit humain , las d'une attitude ,
en prend une autre , & il appelle révolutions
philofophiques , ces petits changemens
qui ſe font à certaines époques. C'eſt un malade
qui ſe ſoulage en ſe couchant fur un
autre côté , mais il ne ſe guérit pas.
Voltaire , dans ſon Candide, s'eſt joué de
l'Optimiſme & du Manichéiſme ,& le roman
que nous annonçons au Public en veut au
Fataliſme. Si on le compare à Candide , il ne
foutiendra pas toujours le parallèle, mais il le
ſoutiendra quelquefois ,& c'eſt un avantage
dont aucune des imitations du Télémaque
n'avoitencorepu ſe vanter.La fortunede Candide,
c'est d'abord le grand nom de fon Auteur,
& enſuite le grand nom de Leibnitz
qui s'y trouve immolé ; enfin quelques plaifanteries
dignes de Voltaire , &des tableaux
fort libres qui allèchent la foule des Lecteurs.
L'Auteur du Fataliſme ne s'eſt pas toutà-
fait privé de cesdeux dernières reſſources ,
DE FRANCE.
19
mais il n'a pas un philoſophe tel que Leibnitz
àpréſenter à la riſée publique. Le héros de
ſon roman eſt unjeune Perſan à qui il atrive
une foule d'aventures ;& Bafile , Capucin
de la miſſion de Tefilis , ne voit dans
tout ce qui arrive à Iſman , que le fataliſme
dont il eſt entiché. Le portrait des moeurs
orientales eſt un peu uſé, mais celui qu'en
fait l'Auteur eſt du moins fidèle aux idées
qu'on nous en a données juſqu'ici. Iſman ,
amoureux d'Azire , ſe ruine pour elle ; Azire
ſemoque de lui , &deux amisque rencontre
Ifman dans une des hôtelleries d'Iſpahan ,
lui racontent l'un après l'autre des aventures
qui leur font arrivées , & qui devroient le
guérir de ſa folie pour une femme qui le
trompe. " Je trouvai un ſoir , lui dit le pre-
>> mier, un grand jeune homme à la porte
ود de ma maîtreffe , qui me repouſſa rude-
>> ment : je ſautai à lui le poignard à la main ;
>> il étoit déjà armé du ſien: je lui donnai
>>>une forte eſtocade dans le bras , & lui me
creva un oeil. Je tombai ſans connoiffance ,
» & je fus tranſporté chez moi par mes
>> eſclaves. Vers le marin je fis un effort pour
ود écrire un motàma belle, & lui raconter
>> mon malheur. Vous êtes un monſtre , me
>> répondit-elle; vous avez bleſſé le plusbeau
>> jeune homme d'Iſpahan ; j'ai été occupée
>> toute la nuit à panſer ſon beau bras. Que
>>n'avez-vous perdu vos deux yeux & la vie ,
plutôt que de verſer une goutte de fon
>>fang! »,
Cvj
MERCURE
Le ſecond des convives qui a une jambe
de bois , dit à Ifman : J'étois un jour aux
>> pieds d'une femme que j'adorois ; je lui
>>> parlois de mon amour avec feu &je de-
>> venois preffant. Arrêtez , me dit-elle; je
>> vois que vous m'aimez ; mais quand vous
" ſaurez l'imperfection que j'ai, vous ceſſerez.
>> auſſitot de m'aimer. Alors , embraſſant fes
>> genoux , je lui proteſtai que s'il étoit vrait
>> qu'elle eût quelque défaut , ce que je ne
>>> pouvois croire , cela ne pouvoit m'empê-
>>cher de l'aimer ; que mon amour étoit
>> fondé ſur ſes vertus, ſur ſes graces, ſur fest
>> talens. J'exprimois tout cela avec un fen-
>> riment , une âme capables de l'attendrir.
>> Monfieur, me dit-elle, je ne pourrai ja-
>> mais aimer quelqu'un qui n'aura pas las
>> même imperfection que moi. Diſant cela,
ود elle retrouſſaſonjuponblanc,&me mon
» tra une jambe faite au tour. A cette vue
>> je palpitai de plaifir; mais quelle. fur ma
>> ſurpriſe , quand elle ôta ſajarretière & que
>> je vis une jambe de bois ? Cependant mon
>> amour l'emporta fur ma furpriſe ; je pris
>> cette jambe, toute dure& toute inſenſible
qu'elle étoit , & je la couvris de baifers.s
La belle boiteuſe me dit alors : vous voyez
que je ne puis vous aimer depuis le
>> parti que j'ai pris : finiſſez vos pourſuites;
>> j'attends , pour aimer , qu'un boiteux fe
>> préſente. Je la quittai à ces mots , & je
>> rentrai chez moi tranſporté de douleur&
d'amour. J'avois ſi bien la tête perdue,
ود
"
DE FRANCE. 61
>> que, dans ma folie , je fis venir un Chi-
>> rurgien ,&je lui ordonnai de me couper
» la jambe. Il réſiſta d'abord , mais avec de
>>l'argent je levai ſes ſcrupules ,&majambe
>> fut coupée. On m'en fit une de bois , &
>> lorſque je fus un peu rétabli , j'allai voir
>> ma belle d'un air triomphant. Je viens ,
ود lui criai-je en entrant , recevoir ma ré-
>> compenſe; me voilà boiteux pour l'amour
>>>de vous,& je lui montrai majambe. Allez,
>> me dit - ellee d'un air dédaigneux , vous
>> êtesun fou ,&je ne dois pas aimer un fou;
» & elle me ferma ſa porte. J'appris que
>> cette beauré avoit pris du goût pour un
>> jeune Sophi , &c. こ نا
Ces deux anecdotes auroient ouvert les
yeux d'un homme moins paffionné qu'Iſman ;
mais l'impérieuſe Azire s'eft emparée de
toutes ſes facultés , & finit par lui rendre
la vie fort dure. Elle s'entoure de femmes
qui penſent comme elle ,& il ſe forme dans
la maiſon d'Iſman une conjuration contre
les hommes.On y agite du matin au foir le
problême à la ſolution duquel les femmes
tiennent tant ; ſavoir , ſi elles ne ſont pas
capables d'un ouvrage de génie , ou d'une
découverte dans les fciences , ou enfin de
gouverner ce monde. Ce dernier point ne
leur. eft guères contefté , & les deux autres
ne devroient jamais être en litige. Iſman finit
ladiſpute par le conte qui fuit :
« Ilyavoit auprès de Perſépolis troispoules
>qui ne faifoient pointd'oeufs& qui étoient
C
62 MERCURE
>> très-babillardes. Elles vivoient ſans coqs ,
» & tout leur bonheur conſiſtoit à en dire
>> beaucoup de mal. Un jeune coq aux épe-
>> rons acérés& à crête de pourpre , les fur-
>> pritunjour au milieud'un cercle de poules,
» où elles faifoient un éloge pompeux de
وو leur ſexe , en rabaiſſant le nôtre. Mais à
» quoi penſez-vous , leur dit le jeune coq ,
>>devous tant louer, de nous tant déprimer,
» & de vouloir vous paſſer de nous ? Nous
>> penſons , crièrent-elles toutes à- la- fois , à
ود
"
,
nous venger de vous & à vivre heureuſes
>>fans vous.- Quoi ! vous vous louez &
» vous vous croyez vengées , vous vivez fans
coqs & vous vous croyez heureuſes !
» Laiſſez , croyez-moi , ces opinions folles
>> revenez à l'eſtime & à l'amour que vous
>> nous devez; vous ferez aimées & yous
>> goûterez un bonheur dont vous ne con-
>> noiſſez pas même l'ombre.-Ah ! vous
• voudriez , Monfieur , faire de nous des
>> eſclaves! Pour qui nous prenez- vous donc ?
ود -Bour des poules,repritle coq. N'êtes-
>> vous pas faites pour être ſoumiſes , puiſque
>> nous ſommes forts&que vous êtes foibles?
ود
"
- Comment , foibles , impertinent que
vous êtes ; nous , foibles ! mais ſavez vous
>> bien que nous vous couperions la crête,
ود toutes les trois , ſi nous voulions.-J'en
>> doute , Mesdames , ſi toutefois vous me
» le permettez. Mais , que vois-je là-bas ,
>> s'écria- t- il ? C'eſt la bête à groſſe queue ,
" c'eſt un renard; nous ſommes perdus !-
DE FRANCE. 63
» Un renard ! s'écrièrent-elles : ô ciel ! on
>> nous cacher ? Et tout auſſitôt elles ſe ta-
>> piſſent , plus mortes que vives , dans les
>> premiers trous qui ſe préſentent. Mais le
>> coq ne perdit point la tête ; il vole à fon
>> ennemi , lui livre un combat ſanglant , le
ود
ود
déchire du bec & de l'éperon , ſonne l'a-
>> larme & le met en fuite.Enſuite il chante
>> ſa victoire & crie aux poules : fortez , il
>> n'y a plus rien à craindre. Eh bien , Mef-
>>dames , quel eſt le plus fort de vous ou
>> de moi ?- Eh , mais ! dirent-elles encore
>> toutes tremblantes , la belle choſe que
» vous avez faite là ! Si on nous élevoit
>>comme vous, nous en ferions bien au-
>>tant.-Ah ! bégueules que vous êtes , l'é-
» ducation m'a-t- elle donné ma crête , mon
>>bec , mes ergots & ma taille ! Voyez en .
>> ſuite ce que nous faiſons pour vous; nous
combattons, nous travaillons&
>> offrons avec joie le fruit de nos victoires
» & de nos travaux. Mais vous , que faites-
>>vous de grand en ce monde ? -Les trois
>> entêtées ſe rejetoient toujours ſur l'édu-
>> cation; mais une jeune poule très- ingénue
>>qui ſe trouvoit- là , s'écria: nous faiſons les
cogs. Ce mot finit la diſpute. »
ود nous vous
Iſman ſe ruine pour Azire; il fait un poëme
pour ſe tirer d'affaire ; mais un eſpion de la
Police Littéraire le dénonce & le fait jeter
dans un cachot. Azire l'avoit abandonné quelque
temps auparavant. Mais Baſile, qui avoit
obtenu une petite place de Médecin dans un
64 MERCURE
fauxbourg d'Ifpahan , apprennant le malheur
de fon ami , parvient à le faire fortir de prifon,
à force d'intrigues &de moyens. La delivrance
d'Iſman eſt un des endroits le mieux
contés du livre. Ifman elluie une foule d'aventures
fortbien enchaînées , & plus malheureuſes
les unes que les autres. Bafile lui
dit toujours pour le confoler : croyez - vous
qu'il vous arriveroit des choſes ſi étranges , ſi
elles n'étoient écrites de toute éternité dans
le livre de fer ? Azire a auſſi ſes aventures ;
elle finit par être fouettée & marquée , &
bannie d'Iſpahan , ce qui ne l'empêche pas
de trouver dans la ſuite des amans du premier
ordre.
L'extrême variété des événemens ne nous
permet pasde ſuivre les détails de ce roman;
mais nous ofons promettre au Lecteur , qu'il
fera entraîné par cette lecture ; & dans une
Capitale , dans la Province même , il faut
de ces livres qui occupent les âmes oiſives ,
délafſfent les têtes penſantes , & dérobent
quelques heures à l'ennui.
:
:
LES Baifers de Zizi , Poëme. Seconde
Édition, ſuivie de diverſes Poéſies Fugitiges.
A Paris , chez les Marchands de
Nouveautés.
UNE ſeconde Édition qui ſuit de ſi près la
première , eſt ſans doute une preuve du ſuccès
de ce petit Poëme ; & dans ces peintures
de nos goûts, de nos plaiſirs ,de nos ridicules ,
DE FRANCE. 65
c'eſtun bonheur rare de plaire aux François;
plus ils font délicats dans leurs plaiſirs , plus
ils font difficiles pour le Peintre qui leur en
trace le tableau. Il faut que les images foient
vives , & qu'elles foient voilées par la décence,
ilfautque la gaîté ait l'air de l'abandon ,
&que le bon goût cependant ne l'abandonne
jamais. Il faut enfin,pour faire aimer des vers
qui peignent les voluptés , que la lecture de
ces vers ſoit une volupté elle-même ; Voltaire
l'adit :
Les vers ſont en effet la volupté de l'ame.
mais cela n'est vrai que des vers qui ont autant
de charme que ceux de Voltaire.
L'Auteur a fait beaucoup de changemens
&de corrections , & tous paroiffent auffi heureux
que quelques - uns étoient néceffaires.
Les expreſſions vagues ont été ſouvent remplacées
par des expreffions préciſes qui ſemblentfaites
uniquement pour les vers où elles
font placées; la correction a par- tout ajouté
à la facilité & à la grace. L'Auteur prouve
parfaitement ce que nous lui avions dit , que
letravail ſeul manquoit à ſes vers. Quand on
aune fource abondante , il faut Pepancher
fans doute ; mais il faut être attentif à fon
cours , & ne la laiſſer couler que lorſqu'elle
eft pure & tranſparente, que lorſqu'elle embellit
toutes les images qui ſe réfléchiffent
dans ſes eaux. Il eſt échappé encore dans
cette feconde Édition des fautes qui pourront
difparoître dans une troiſſeme....
66 MERCURE
Et de quel droit ſont-ils méchans , jaloux ,
Puiſqu'aucun d'eux ne fait paroître aimable ?
On croiroit qu'il ne leur manque que d'être
aimables pour avoir le droit d'être jaloux ,
méchans.Mais plus on eft aimable, plus on eſt
étranger à ces vils ſentimens de la méchanceté
&de la jaloufie.
Il eſt une certaine logique qui , dans les
Ouvrages mêmes dictés par le plaifir & par
les graces , doit veiller à l'aſſociation des images
, des mots , & l'Auteur la néglige trop
ſouvent. On lit ces vers dans une des petites
Piècesqui font à la ſuite des Baiſers de Zizi. :
Vous , Madame , vous faites mieux ;
Et des Chantres mélodieux
T
De la Grèce & de l'Aufonie ,
Vous appréciez l'harmonie ,
Ainfi que les ſons gracieux
.I
1
1
: De ces François audacieux
Qu'échauffe un lyrique génie.
Gracieux & audacieux riment très -bien enſemble
; mais l'audace du génie lyrique n'enfante
pas des fons gracieux. Lorſque Horace
parle du génie hardi de Pindare , il ne lui
prête pas des ſons gracieux; mais des fons
audacieux comme ſon génie , & qui ſe
précipitent en tumulte preſqu'affranchis des
loixmêmede la meſure. Enun mot, lorſqu'il
eſt queſtion de nos Pindares , il eſt trop évident
qu'il ne faut pas les repréſenter ſous des
:
DE FRANCE. 67
traitsqui ne conviennent qu'à nos Anacreons.
L'Auteur parle à une femme qui , au milieu
dugrand monde de Paris , exerce les nobles
& touchantes vertus d'une épouſe , d'une
mère , & il ajoute :
:
Eh ! qui peut dignement louer
L'eſprit ingénieux , fublime ,
Et la vertu fi magnanime
Dont le ciel daigna vous douer.
On ne veut pas conteſter qu'une femme ne
puiſſe avoir une vertu magnanime ; mais
c'eſt celle des Héros , des Rois , des Miniftres
, des Magiſtrats , dans des temps difficiles
& orageux ; elle ne peut appartenir à une
femme de Paris que dans des circonstances
extraordinaires dont il faudroit parler , qu'il
faudroit indiquer au moins. Peut-être le Poëte
a-t'il voulu parler d'une grande vertu ſeulement;
mais ce n'eſt pas la même choſe qu'une
vertu magnanime. Tout Écrivain doit bien
ſavoir deux choſes : d'abord ce qu'il veut
dire , enſuite ce que diſent les mots dont il
ſefert.
Envous montrant ſenſible , affable ,
Endiſant qu'avec dignité
Vous ſignalez votre bonté
Et votre douceur ineffable ,
Ces traits remplis de vérité
Auroient preſque l'air d'une fable.
On ne doit plus louer ni une femme , ni un
+
1
68 MERCURE
homme, de quelque rang qu'ils ſoient, d'être
affables. Pour qui que ce ſoit au monde , ce
ne peut être une vertu de s'approcher des
hommes , de leur parler , & c'eſt aux hommes
de talent àbannir des langues ces mots créés
par la ſervitude , qui deshonorent les langues
&ceux qui les parlent. Le mot ineffable eſt
un mot myſtique qu'il faut laiſſer aux fentimens
religieux , & qui paroît trop déplacé
dans les vers d'un Poëte aimable , parlant à
Mme la Marquiſe de B. Ces critiques font un
peu dures , & ne font pas très-ſévères ; &
pour porter notre ſincérité juſqu'à la vérité
toute entière , nous dirons encore à l'Auteur
qu'on pourroit lui faire cent autres critiques
aufli graves &auſſi incontestables au moins ;
mais auffi nous ne donnerons abſolument rien
à la complaifance , & c'eſt la justice ſeule qui
dictera tous nos éloges , lorſque nous dirons
que dans les Poéfies fugitives qui paroiffent
pour la première fois à la ſuite des Baiſers de
Zizi , on trouve très - fréquemment tous les
caractères auxquels la Nature marque 'homme
né pour écrire en vers ; cette facilité à
concevoir promptement les idées & les images
les plus heureuſes qui doivent naître d'un
ſujet , cette facilité à les rendre , qui feroit
croire que les vers étoient conçus avant elles,
les tournures & les formes élégantes que la
langue a reçues des Poëtes qui lui font les plus
chers , ce ſentiment exquis de l'harmonie ,
qui répand quelquefois un ſi grand charme
fur des vers même où il n'y a pas d'autre
DE FRANCE. 69.
beauté , & qui vous fait oublier abſolument
l'homme qui écrit , pour ne faire entendre
qu'un homme qui chante; ce caractère enfin
qui appartient à l'homme , mais qui fait furtout
le Poëte; cette ſenſibilité d'une ame tendre,
qui porte ſur tous les objets dont elle
parle , les douces émotions qu'elle-même a
reçues de l'amour.
Dans Catulle, dans Horace, dans pluſieurs
Poëtes anciens , une Pièce n'eſt ſouvent qu'un
ſeul ſentiment exprimé avec vérité, avec ſimplicité,&
ce ſentiment en eſt plus touchant ;
il en paroît plus vrai, plus profond , par cela
même qu'il eſt ſeul. Tel eſt dans ces Poéſies
fugitives la petite Pièce fur une boucle de
cheveux.
Jeles contemple&les baiſe ſans ceſſe,
Ces blonds cheveux que j'ai reçus de toi :
Gages ſacrés &garans de ta foi ,
Ils fontunprixdigne de ma tendreſſe;
Amon bonheur par l'amour deſtinés ,
Etfurma main en bague façonnés ,
Ils charmeront l'ennui de ton abſence.
Et fi du fort j'éprouve la rigueur,
En les preffant doucement ſur mon coeur ,
Ils me rendront le calme & l'eſpérance,
Mais à jamais jaloux de ce tréſor ,
Quand le trépas bornera ma carrière ,
Dans le tombeau j'en veux jouir encor ,
C'eſt de l'amour la volonté dernière.
70
MERCUREJ
Ajoutez une idée , une image , une beauté
d'expreffion , à cela le Poëte ſe montrera
davantage , & l'amant beaucoup moins , &
les vers auront beaucoup moins d'intérêt. En
général, nous nous occupons trop à plaire pour
toucher beaucoup.
Parmi ces Pièces nouvelles ſe trouve un
Dithyrambe à l'Amour. C'eſt à Bacchus que ,
chez les anciens , le Dithyrambe étoit principalement
conſacré. Mais on conçoit que
livreſſe poétique qui forme le caractère du
Dithyrambe , peut être allumé par l'amour
autant que par le vin ; & ici tout reffent &
tout inſpire cette ivreſſe; l'imagination du
Poëte fortement ébranlée, s'égarant d'image
en image , de tableaux en tableaux , fait paffer
rapidement ſous vos yeux le ſpectacle de la
Nature entière , renouvelée ſous les flammes
créatrices de l'amour ; l'infinie variété des
mêmes defirs &des mêmes voluptés dans les
eſpèces vivantes qui peuplent les airs , les
eaux & la terre; les hommages & les cultes
divers que cetre paſſion terrible a reçus de
l'homme chez tous les peuples; au milieu de
cestableaux le Poëte revient continuellement
fur les ſouvenirs de ſa vie , & tous ces retours
fontdes cris de douleur ou des cantiques de
reconnoiffance. Dans ces paſſages ſi rapides ,
des changemens continuels dans la meſure
& le mouvement des vers ſervent à mieux
peindre encore le déſordre d'une imagination
enivrée, qui tantôt s'arrête &tombe , tantôt
s'élance & ſe précipite.
DE FRANCE. 74
Jadis ton culte ſacré
Remplit la ſuperbe Afie ;
Tu fus long-temps révéré
De l'antique Phénicie.
Le Nil vit ſon peuple heureux
Toujours brûlant de tes feux
Sur ſes rivages humides ;
Ettu lis encor ſes voeux
Gravés ſur les pyramides.
LESGrecs , ces divins mortels
Que lesMuſes embellirent ,
Illuſtrèrent leurs autels
Par tout l'encens qu'ils t'offrirent
A l'altière liberté
Ils mêloient la volupté ,
Les plaiſirs à la ſageſſe ;
Et pour ſervir la beauté
Tu ſavois armer la Grèce.
Las fiers Romains , à leur tour ,
Ate plaire oſoient prétendre ,
Etde la mère d'Amour
Ils ſe vantoient de deſcendre.
Auſſi cherchant tes regards ,
Ces intrépides Céfars
Que le monde admire encore ,
Délaiſſoient les champs deMars
Pour voler auxjeux de Flore.
72 MERCURE
De tes honneurs l'Univers eſt rempli ,
Tu fais charmer les peuples les plus ſages ,
Et chez tous ceux que nous nommons Sauvages,
Ton culte aimable eſt encore établi.
Aux mers du Sudil eſt une heureuſe Ific ,
Pays charmant naguère découvert ,
Et qu'a décrit le hardi Bougainville.
Là, le plaiſir toujours pur & facile ,
T'eſt ſous le ciel pieuſement offert.
Et lorſqu'il revient à ſes propres amours, le
Poëte s'écrie :
Non, jamais de Phaon l'amante abandonnée,
Ni cette autre beauté qu'a pu trahir Énée,
Ni Pétrarque , aux échos ſoupirant ſes chanfons ,
Ni Saint- Preux , du Valais enflammant les glaçons,
Ni Clarice , mourante aux bords dela Tamiſe ,
Ni l'ardent Othello , ni la tendre Héloïſe ,
Nitous les coeurs enfin qui ſubirent ta loi,
N'ontpubrûler , Amour , d'autant de feux que moi.
Ces derniers vers , pleins de paſſion , font
encored'une forme élégante; & nous pourrions
en citer beaucoup , & de cette Pièce
&des autres, où les Lecteurs les plus difficiles
trouveroient également l'eſpérance d'un
nouveau talent pour notre poéſie. Mais on
ne fauroit trop recommander à l'Auteur
d'être
DE FRANCE.
73
d'être plus ſévère à lui-même. Il n'eſt pas
queſtion d'imprimer ſes vers ſur le papier ,
mais de les graver dans la mémoire des hommes
de goût. Combien eft heureuſe la ſituation
d'un homme que rien ne preffe à paroître
, & qui étant né avec un véritable talent
pour la poéfie, s'effaie en filence, écoute tous
les jugemens Littéraires pour les rapporter à
ſes propres Ouvrages , apperçoit ſes défauts
dans ceux des autres , puiſe dans leurs beautés
l'idée de beautés nouvelles , ajoute tous les
jours quelque nouveau degré de perfection à
des Ouvrages dont perſonne ne ſoupçonne
encore l'existence, & ne s'expoſe aux regards
de l'envie qu'avec un éclat qui , en la blefſant
, la tue ! Une Épître de M. Sorin à l'Auteur
des Baifers de Zizi , termine ce Volume.
M. Sorin est très jeune , & il n'eſt pas
commun de donner de fi heureuſes eſpérances
à fon âge. Les vers de cette Épître font
preſque toujours d'une forme agréable ,
d'une tournure vive& facile ; & ce qui vaut
encore mieux , on voit ce jeune Poëte chercher
toujours & trouver ſouvent de ces expreſſions,
de ces mots qui donnent un carac
tère&à l'Écrivain & àſes productions.
( Cet Article eft de M. Garat. )
No. 2 , 13 Janvier 1786.
74 MERCURE
ALMANACH LITTÉRAIRE , ou Étrennes
d'Apollon , pour l'année 1787 , par M.
Daquin- de- Château-Lyon. A Paris , chez
tous les Libraires .
Detoutes les Collections qui paroiſſent au
commencement ou à la fin de chaque année ,
ſous le titre d'Étrennes , celle- ci eſt , ſans
contredit , la plus variée. Proſe , vers , bons
mots , réparties piquantes , anecdotes , hiſtoriettes
, traits de généroſité , d'héroïfine , de
ſenſibilité , portraits des Hommes célèbres
dans tous les genres , événemens mémorables
, on y trouve de tout , excepté de la fatyre.
Le volume que nous annonçons eſt le
rreizième de cette Collection , qui a paru
pour la première fois en 1777 , & dont le
ſuccès , déjà connu , ne peut que s'augmenrer
, ſi le Rédacteur continue d'en rendre les
Tomes plus intéreſſans à meſure qu'ils ſe
fuccéderont. Pour donner une idée de ce que
celui-ci a de piquant & d'agréable , nous allons
extraire au haſard quelque choſedechacune
des parties dont il eſt compoſé.
POÉSIES. L'Hospitalité récompensée, par
M. Léonard. C'eſt une imitation très-heureuſe
de la Fable de Philémon & Baucis.
Pendantune nuit de Janvier ,
Deux Hermites voiſins des campagnes Belgiques,
Dans un bourg opulent allèrent mendier;
Mais ils avoient bean ſupplier ,
4.
DE
75
FRANCE.
Entonner des Noëls antiques ,
Et faire gémir le clavier
De leurs vièles mélancoliques ;
L'habitant inhofpitalier
Setint clos près de ſon foyer ,
Et ſe moqua de leurs cantiques,
Un ſeul leur ouvrit ſa maiſon ;
C'étoit un étranger appelé Palémon .
Il les accueille , il leur préſente
Une couche modeſte où ſon ame innocente
Trouvoit le ſommeil & la paix.
Sa compagne Miſis , d'une main chancelante.
Sur une table uſée arrange quelques mets ,
Et d'une voûte ſouterraine
Tire un vin réſervé pour la fête prochaine.
Quand le repas fut prêt,un vaſe aux larges flancs
Égayant les propos , fit le tour de la table.
Maisdu nouveau nectar les flots toujours coulans
Ne déſempliſſoient pas la cruche inépuiſable.
Ce prodige étonna les vertueux époux ;
En tremblantde frayeur ils tombent à genoux.
N'ayez , dirent les Saints, ni crainte ni ſurpriſe;
Vous êtescomme nous des ſerviteurs de Dieu ;
Mais , quant aux habitans de ce coupable licu,
C'eſt une race impie , & qu'il faut qu'on détruiſe.
Nons livrons leurs maiſons au feu ,
Et changeons la vôtre en Eglife.
L'effet de ce diſcours pour eux ne fut qu'un jeu
:
Dij
76 MERCURE
Hs parlent , & d'abord, d'un mouvement lapide
On voit le toît, les murs , les ſolives marcher ;
La cheminée en pyramide
S'élargit , ſe prolonge & devient un clocher.
La marmite s'élève & ſe transforme en cloche;
On vit même un vieux tourne- broche
Depuislong-temps abandonné ,
De rouages nouveaux ſe montrer couronné ;
Et fon balancier qui naguère ,
Aidé d'un pied de plomb ,tournoit & promptement ,
Que les yeux ſe perdoient dans ſon cours circulaire ,
Rallentiſſant ſon mouvement,
N'avança que d'un doigt pendant une heure entière
,&c.
Comme cette Pièce eſt un peu longue ,
nous n'en citons que ce qu'il faut pour faire
connoître ce que l'on y trouve de facilité , de
grace& de poéſie ,& nous invitons nos Lecteurs
à la chercher dans le Recueil , où l'on
trouve encore des poéfies très agréables de
MM. Imbert , Rochon de Chabannes , Blin
de Sainmore, Bérenger, Maréchal , de Rivarol,
Bodart, Vigée , le Brun, &c. Nous regrettons
de ne pouvoir citer un Conte de
M. Vigée , qui a pour titre : la Loterie de
l'Amour; mais fon étendue ne nous le permet
pas. Nous nous en dédommagerons , en
citant deux Pièces de M. le Brun. La première
oſt un apologue , intitulé le Hibou & l'Aigle.
Afon manoir, las de borner ſa vue ,
DE FRANCE.
77
:
Certain Hibou ſupplia l'Aigle un jour
De lui montrer l'olympique ſéjour :
L'Aigle en jouant le porta ſur la nue
Juſqu'au ſoleil. Ami , le vois- tu bien ?
Je vois .... Je vois force brouillards , & rien ,
Dit le Hibou. L'Aigle moqueur & lefte
Vous rejeta mon aveugle ici -bas .
Pour admirer un ſpectacle céleste ,
Il fautdes yeux, les Hiboux n'en ont pas .
Le ſens de cette Fable eſt aiſé à ſaiſir : c'eſt
principalement dans la carrière des Arts que
les Hiboux ſe font remarquer. La ſeconde eft
un Remercíment pour une penſion que l'Auteurn'avoitpoint
demandée.
Sainte amitié ! divine bienfaiſance !
C'eſt donc à vous que je dois le bonheur !
Ah ! devancer mon eſpérance ,
D'une Muſe un peu fière épargner la pudeur ,
C'eſt embellir vos dons d'un charme fi flatteur ,
Qu'il en double la jouiſſance.
Grace au nouveau Colbert , j'échappe à l'inclémence
:
D'un aſtre , helas! plein de rigueur.
Larmes que n'avoit pu m'arracher le malheur ,
Coulez pour la reconnoiſſance.
De pareils vers prouvent à-la- fois un Poëte
&unhomme ſenſible , & le protecteur qui
les a inſpirés adû y rencontrer la plus douce
récompenſe de ſon bienfait.
Ciij
78 MERCURE
Nous allons extraire rapidement , & fans
ordre, quelques pensées ingénieuſes,quelques
mots heureux , quelquesfaillies qui font répandus
dans le volume. « L'enthouſiaſime
> appartient quelquefois plus aux diſpoſitions
» où l'on ſe trouve, qu'au mérite réel de ceux
>> qui en font l'objet. L'admiration eft fou-
>> vent un rêve dont on n'apperçoit l'erreur
> qu'au moment du réveil. » Cette penſée ,
extraite de celles d'un jeune Obfervateur
(M. Knapen ) eſt également remarquable par
fa juſtelle & par la préciſion avec laquelle
elle eſt rendue. « Un homme d'eſprit a dit :
> les Philoſophes ſe moquent des folies des
- hommes , les Marchands en profitent; les
Comédiens font l'un & l'autre.-Un Sa-
> vant comparoit M. de Buffon à Pline & à
> Ariftote : Monfieur , luidit un Homme-de-
>>> Lettres , vous leur faites beaucoup d'hon-
>> neur.-Un Barbier coupa feu M. l'Évêque
» d'Amiens en le raſant; il s'en alloit tout
>>honteux après avoir reçu fon payement;
ود
"
ود
le Prélat le fit rappeler ,& lui donnantune
nouvelle pièce de monnoie : tenez , lui
>> dit- il, vous avez reçu tant pour la barbe ,
voilà tant pour la faignée. L'eſpoir d'être
>> protégé par M. Orry , Contrôleur- Général
, amena M. Marmontel à Paris. A fon
arrivée le Miniſtre n'étoit plus en place.
Voltaire, en le confolant , lui dit : eſſayez
>> vos forces pour le Théâtre , faites une Comédie.
Je ne connois point les viſages ,
» répondit M. Marmontel , & vous voulez
ود
ود
:
DE FRANCE. 79
* que je fafſe des portraits ! » Aujourd'hui ,
nous avons changé tout cela , nous faiſons
des portraits ſans connoître les viſages ; mais
on s'embarraffe peu des reſſemblances.
Lanoticedes principaux Ouvrages qui ont
paru en 1786 , eſt faite avec ſoin , &donne
de tous ceux qui étoient faits pour fixer Pattention
, une connoiffance fatisfaiſante. On
ytrouve peu de critique ; mais il paroît que
tout ce qui eſt affligeant pour autrui, eſt étranger
à l'ame comme à l'eſprit du Rédacteur.
Si cette manière de ſentir & de penſer peut
ne pas convenir à tout le monde , elle convient
du moins aux honnêtes gens.
Nous terminerons cet article par un trait
déjà connu , mais qui ne fauroit êêttre trop
ſouvent répété. « Les Boulangers de Lyon
>> préſentèrent à M. du Gas , Prévôt-des-
» Marchands , une Supplique , par laquelle
ود
ود
ils demandoient la permiffion de renchérir
le pain : en fortant ils mirent ſur le bu-
>> reau du Magiftrat une bourſe de cent louis .
>>Quand ils revinrent , M. du Gas leur dit :
>> Meffieurs , j'ai peſé vos raiſons dans la ba-
> lance de la justice ,& pour une cherté mal
>> fondée , je ne trouve pas à propos qu'on
ود faſſe ſouffrir le Peuple. J'ai diſtribué votre
>> argent aux hôpitaux , vous le deſtiniez ſans
>>doute à cet uſage. Bien loin de perdre dans
>> votre état , vous devez y gagner beaucoup ,
>> puiſque vous pouvez faire de pareilles au-
» mônes. » Heureux les gens en place à qui
cette anecdote rappelleral'importance de leurs
Div
80 MERCURE
devoirs, & qu'elle ramènera au courage de les
remplir.
(CetArticle est de M. de Charnois. )
NOUVELLES Instructions fur l'Histoire de
France à l'usage de la Jeuneſſe , avec une
Table Chronologique de nos Rois , par
M. Vetour , un Volume in - 12. A Paris ,
chez Servières, Libraire , rue Saint Jean
de Beauvais , & chez l'Auteur , rue Saint
Étienne-du-Mont.
On s'eſt beaucoup élevé de nos jours
contre les Abrégés d'Hiſtoire , & il eft bien
certain que la plupart de ceux que nous avons,
méritent tous les reproches qu'on a faits à
ce genre de compofition. Les grands événemens
y font preſque toujours très-mal appréciés
, les véritables cauſes y font méconnues
ou mal obſervées. On y infifte gravement
fur des dérails puérils ; on y paſſe ſous
filencedes faits importans ; & les événemens
de toute eſpèce viennent , pour ainfi dire ,
s'arranger comme ils peuvent fous la plume
'de l'Écrivain. Dans ce nombre eſt , par exemple,
l'Instruction fur l'Histoire de France ,
par le Ragois , Ouvrage compoſé pour un
Prince qui n'y puiſa pas fans doute de grandes
lumières , &qu'on a mis depuis dans les mains
de la jeuneſſe , qui n'yapas trouvé plus d'inftruction.
Cependant , malgré tous ſes défauts,
DE FRANCE. 81 .
l'Ouvrage de le Ragois a prévalu , &le fuccès
de vogue dont il a joui juſqu'aujourd'hui ,
a peut- être empêché plus d'un bon eſprit de
parcourir la même carrière. Tel eſt , en effet ,
le malheur des Ouvrages conſacrés à l'éducation
publique , qu'on ne les adopte d'abord
qu'avec beaucoup de répugnance , & qu'on
ne fait plus y renoncer lorſqu'on les a accueillis.
Il eſt même arrivé plus d'une fois
qu'onne fongeoit à certe adoption qu'au moment
où ils ceſſoient d'être utiles.
La
M. Vetour n'a point été effrayé de la concurrence
de le Ragois. Éclairé par les fautes
de ſon prédéceſſeur ,&guidé ppaarr l'eſpritde
ſon ſiècle , il devoit faire un bon Ouvrage
élémentaire, & il l'a fait. Il a fu choifir dans
ce nombre immenfe d'événemens qui compoſent
notre Hiſtoire , ceux qui , par leur
importance& leur certitude , méritent d'être
rapportés , parce qu'il a cru ſans doute qu'il
ne faut apprendre aux jeunes gens que ce
qu'il leureftutile de connoître. forme de
Pinterrogation qu'il a adoptée , à l'exemple
de la plupart des Auteurs élémentaires , lui
offroitde grandes difficultés à vaincre. L'art
d'interroger les enfans & les jeunes gens , eſt
l'art de leur faire développer , dans l'ordre
naturel , toutes les idées qu'ils ont comparées
& combinées , & de leur faire énoncer les
réſultats de ces idées. Si cet art d'interroger
n'eſt pas commun , c'eſt que l'eſprit d'analyſe
eſt très- rare , & qu'il ſemble plus facile
de fatiguer la raiſon des enfans & des jeunes
Dv
82 MERCURE
C
gens ſurdes chofes qu'ils ne connoiffent pas ,
que de l'exercer ſur les objets qu'ils voient.
M. Vetour a furmonté les difficultés de cette
forme d'inſtruction , autant qu'il eſt poſſible
de le faire dans une matière où l'enchaînement
des idées eſt toujours ſubordonné à l'enchaînement
des faits , & où il n'eſt pas toujours
permis de commencer par les idées les
plus fimples. " Lorſque j'interroge , dit- il , la
>>queſtion eſt toujours une ſuite de la ré-
>> ponſe précédente; elle eſt de plus liée avec
ود la réponſe qui fuit , de manière qu'elle
>> doit la rappeler , pour peu qu'on ait mis
>> de ſoin à la graver dans ſa mémoire. »,
Cette méthode , que M. Vetour a conftamment
ſuivie dans tout le cours de ſon Livre ,
annonce un homme qui a bien obſervé la
raiſon des enfans , & qui a fenti qu'avant de
leur parler , il falloit les connoître. C'eſt par
de tels moyens que M. Vetour pouvoit remplir
véritablement le but qu'il s'eſt propoſé ,
* celui d'inftruire la jeuneffe , & de la pré-
>> parer , par ces notions préliminaires , à par-
>> courir entuitedes tableaux plus vaſtes pour
érendre ſes vues & acquérir des connoif-
> ſances détaillées , fans leſquelles on ne
* ſauroit avoir qu'une idée ſuperficielle de
• notre Hiftoire.>>>>
DE FRANCE. 83
VARIÉTÉS.
Confidérations fur l'Amour de la Gloire.
Romains ! j'aime la Gloire , & ne veux point m'en taire.
ΟN applaudit à ce ſentiment dans la bouche
deCicéron * ; on y applaudiſſoit doublement quand
le rôlede Cicéron étoit rempli par Voltaire. On ai .
moit à entendre par le même organe , l'Orateur Ro
main, & le Poëte François , faire l'aveu d'une paſſion
que tous deux ont fortement reffentie & complétement
fatisfaite. Il y a donc de la grandeur à aimer
laGloire! Cen'eſt pas une foibleſſe de laquelle on
s'accuſe, c'eſt un penchant qui honore , & dont on
ſe glorifie. Oui , la Gloire eft tellement conſacrée
dans notre opinion, qu'on a voulu en attacher, même
au ſentiment qui la fait defirer & poursuivre ; &
cette opinion eft auſſi ancienne que le Monde, &
nulle réclamation ne s'eſt élevée contre elle , & le
Stoïciſme même n'a point dénoncé à la raiſon hus
maine la paflion de la Gloire comme immorale &
dangereuſe; & ſeul j'oferois.... Je l'oferai fans
doute. J'analyſerai ce ſentiment déifié parmi nous ,
&je faurai du moins fur quoi ſe fonde le culte qu'on
s'obſtine à lui rendre.
Omépriſe des ſiècles ! ô aveuglement de la raifon!
Peu s'en faut qu'on n'inſcrive l'amour de la
Gloire au rang des Vertus ; c'eſt du moins dans
*Tragédie de Rome ſauvée.
:
Dvj
84 MERCURE
l'opinion de tous , c'eſt lapaſſion des grandes ames.
Quelle vertu , bon Dien ! que celle dont les racines
s'atrachent à l'orgueil ,& en tirent leur fuc & leur
ſubſtance!
Pour ôter à l'amour de la Gloire le luftre extérieur
qui le décore & le fait conſidérer , il ne faudroit
peut - être que l'appeler de ſon nom véritable ,
rAmbition ; dès-lors c'eſt un Roi de théâtre que
vous dépouillez ; il redeſcend dans la claſſe des êtres
fubalternes , & n'a plus rien qui l'en diftingue.
Que l'eſprit le plus juſte , que le Grammairien le
plus ſévère , explique& commente l'un par l'autre
ses deux mots , Ambition & Amour de la Gloire ;
jeme trompe ſi le ſens intime de l'un & de l'autre ,
n'eſt pas ledefir de la ſupériorité ſur nos ſemblables.
Labaſe de ce defir eſt l'orgueil , & une grande prétention
à la Gloire, eſt un projet attentatoire de l'orgueil
d'un ſeul, contre l'orgueil de tous. Qu'un tel
projet manque , l'auteur en eſt puni ; la ligue eſt
toute formée contre lui; c'eſt celle de tous les orgueils
qui ſe vengent du ſien. Voilà pourquoi dans
toutes les tennttaattiivveess qui ont laGloire pour objet , au
défaut du triomphe , il ne reſte que l'humiliation
d'un revers, auquel une forte de ridicule eſt attachée :
on rit de ceux qu'on n'admire pas , quand ils ont eu
la prétention d'être admirés.
Ce que l'orgueil approche , il le ſalit: ce qu'il
touche , il le corrompt. Vous parlez d'une vertu qui
poſe ſur l'orgueil; une telle vertu , dans l'une de ſes
parties du moins, eſt une vertu gangrenée.
Ce defir qu'a l'Ambitieux d'être au deſſus de ſes
femblables , voulez-vous connoître combien il diffère
de la Vertu , combien il en eſt éloigné ? Voyez
quelle haine it inſpire , dès qu'on l'ofe contrarier.
Haine d'orgueil ! Ces deux mots affociés ne vous
repréſentent- ils pas le plas hideux des inonſtres de
l'enfer?
DE FRANCE. 85
Homme trop véridique pour ton repos ! Tu ne ſais
comment ramener à toi i Amant de la Gloire , dont
ta franchiſe a très-innocemment bleſſé les prétentions
! Je vais t'en enſeigner le plus sûr moyen.
Érends-toi à ſes pieds, baiſes-en la pouffière, crie-lui :
Tu es grand;je t'admire & te révère. A ces mots
expiatoires , je vois ſe raſſéréner le front de l'homme
ſuperbe ; mais , ô clémence effrayante de i'orgueil !
c'eſt en montant ſur le corps de l'ennemi ſuppliant
qu'on lui annonce fon pardon. L'orgueil déſarmé
vient d'abſoudre; mais il foule aux pieds , pour le
maintien de ſes privilèges &de ſa grandeur.
Lacolère eſt une courte folie , ira furor brevis
eft Le reſſentiment de l'orgueil eſt une colère inextinguible.
La colère eſt en démence lorſqu'elle
frappe ; l'orgueil eſt de ſang- froid. La colère porte
le coup , & détourne les yeux; l'orgueil regarde
mourir ſa victime. La colère s'arrête devant le tombeau
de celui qu'elle s'eſt immolé; elle y prononce
fon abjuration , & ſouvent l'aveu de ſon repentir ;
l'orgueil deſcend au fond du ſépulcre , en retire la
cendre qu'il déteſte , & court la jeter au vent. -
Pure exagération, va- t-on dire.-Plût au Ciel que
j'eufſe le tort d'exagérer , & que l'orgueil fût innocentdes
torts que je lui reproche. Suivez dans leurs
fureurs les Amans de la Gloire ; voyez à quoi ce
ſentiment outragé les porte , & vous ne me regar
derez plus comme un déclamateur ampoulé.
3
Oh! qu'elle connoît bien la frénéſie des Ambi
tieux, cette femme habile & pénétrante , qui a dit :
J'aimerois mieux , pour mon repos, noircir la probité
d'an homme , que rabaifſſfer le talent dont il a la
prétention. Ai jedit contre l'Ambitieux rien de plus
fort & qui ait plus l'air de l'exagération ?
Quand l'Auteur de Varwich fit ce vers , beau
ſans doute, mais terrible :
Mais je mourrai , du moins fans avoir pardonné.
86 MERCURE
C'eſt , je penfe , ane haine d'orgueil qu'il voulut
peindre.
L'amour de la Gloire naît donc de l'orgueil ; à la
moindre contradiction qu'il éprouve , il prend le
viſage de la haine : il reſſemble à la rage , & grince
des dents comme elle : l'étrange paſſion , pour mériter
les honneurs de l'apotheoſe !
Ce ſeroit un beau procédé chimique à tenter ,
que d'extraire de l'ambition , même la plus noble ,
ce que l'enviey fait filtrer de fon noir venin. Faute
decettedépuration auſſi rare que néceſſaire , la coupe
où s'enivrent les amans de la gloire , pleine , diſentils
, d'une ambroiſie toute céleste , conſerve un arșière
goût de poifon .
Il eſt une ambition pure, noble & grande , celle
de faire du bien à ſes ſemblables .
:
Malheureuſement elle ne ſied guères qu'à ceux
qui ont en main le crédit des places , & l'autorité de
la puiſſance. Des actes de bienfaiſance privés & obfcurs
, délectent intérieurement la confcience qui s'en
rend compte ; mais que ſont-ils pour l'ambition de
celui qui ne ſe repaît que de célébrité Que dis -je ?
Admettrons-nous comme poffible , l'alliance d'un
ſentiment auſſi pur que l'amour des hommes , avee
le defird'une célébrité réſultante de cet amour même ?
De cette parole toute ſainte , toute divine ,j'aime
mes semblables , je me dévoue à les fervir, paſſez à
cette autre parole- ci , on me louera ; combien de
degrés vous aurez deſcendus !
-
Alexandre aima paſſionnément la gloire ; il aima
peu les hommes & ſe ſoucia peu d'en être aimé.
Qui vous l'a dit ? me demande-t-on :- Lui-même .
O Athéniens ! qu'il m'en coûte , pour étre loué de
vous ! Étudiez ce mot d'Alexandre ; c'eſt celui d'un
ambiricux qui mépriſoit aſſez ſes ſemblables , pour
fe faire un jeu de leurs déſaſtres , & qui facrifioit
fon repos àl'honneur d'être loué de ceux qu'il mé
DE FRANCE. 87
prifoit & perfécutoir. Conçoit-on une combinaiſon
d'idées tout-à-la-fois plus petites & plus atroces ?
Ixion étalé fur la roue , ( difent les Poëtes * ) cric
aux mortels d'éviter les fureurs de l'ambition :
Alexandre , dans le mot que je viens de citer , ne
donne pas une leçon moins énergique & moins
frappante. Oui, cette parole du conquérant de l'Inde,
me le fait voir comme un ilote qu'on a jeté dans
l'ivrede , pour dégoûter de l'ivreſſe tout homme
fage.
Au nom d'Alexandre , oppoſons ceux de Titus &
de Trajan. Ces Princes, fans doute , aimèrent les
hommes & defirèrent en être aimés. Pourquoi donc
ne les nomme t-on pas des Princes ambitieux ? C'eſt
que le cri de la conſcience publique réclame contre
lafſociation de ces deux ſentimens : amour des
hommes, defir d'une célébrité acquiſe par cet amour.
Qui chérit ſes ſemblables , les ſert ſans bruit , ſans
fafte & fans éclat , d'après le modeſte inſtinct de ſa
bonté: qui veut qu'on le célèbre , ſe chérit & ſe
confidère , plus que ceux dont il fait les trompettes
de ſa célébrité.
L'amour de la gloire reſſemble à ces liqueurs clarifiées,
dont la ſurface ne ſe montre fi brillante ,
que parce que toute la lie eſt déposée au fond.
Amant de la gloire , approche , je veux remuer la
lie de tes penſées ! Dans le trouble de la paffion
(prétendue fublime ) qui t'agite & te dévore , voici
le fond des idées qui t'occupent. Maintenant on parle
de moi , demain l'on battra des mains fur monpaffage
; mes rivaux feront atterrés , & la hauteur de
mon regard les rapprochera du néant Homme ambitieux
, glorifie-toi donc de telles penſées : & toi ,
vulgaire imbécille , profterne- toi devant ceux qui
profeffent une vertu ſi ſublime.
* Virgile & Pindare.
88 MERCURE
L'outrage le plus ſenſible qui puifle affliger le faftueux
amour de la gloire , c'eſt de le montrer par
un côté ridicule. Donnons-nous ce ſpectacle réjouiffant
, d'un géant réduit à la taille des Pygmées ;
d'un glorieux traveſti en Paſquin
La ſcène du monde s'ouvre devant mes yeux :
Qu'y vois-je de tous côtés ? Des hommes qui ſe.
complaiſent en eux-mêmes , qui marchent fièrement
les uns auprès des au res , chacun occupé uniquement
de foi , & convaincu qu'il occupe uniquement
tous les autres . Dans cette multitude, perſonne ne
fonge à fon voiſin , & chacun ſe dit: tout lemonde
fonge à moi. Ce tableau vous ſemble-t-il affez ridicule?
Cicéron revient de Sicile , perfuadé que l'univers
entier a tenu les yeux ouverts ſur lui , ſur ſa magiftrature.
Il prend terre en Italie; le premier qui
l'aborde , lui demande d'où il vient ? On avoit même
ignoré ſon abſence. Belle leçon pour ceux qui aiment
que leur nom faſſe du bruit; notre orgueil nous
trompe au point que les hommes les plus célèbres
feroient mécontens , attriſtés de leur gloire , s'ils en
connoiffoient ſtrictement l'étendue.
L'homme de Cour regarde avec complaiſance les
rubans dont il eſt chamaré. Le Millionnaire promène
ſa penſée dans l'hôtel immenfe & magnifique
qu'il fait conſtruire pour ſa réfidence : on diroit que
ſon orgueil en a reglé les dimenſions ; que cet
orgueil en a tracé le plan ſi vaſte , afin de s'y trouver
moins refferré. L'homme de génie eſt plein de ſes
conceptions fublimes ; auprès de lui , le bel- efpritde
ſociété ſe carrefle & s'admire dans l'innocent Madrigal
qu'il vient de rimer. , &c. &c. &c. Hé quoi !
par -tout l'orgueil m'affiege & me pourfair ! je le
confefle: le ſpectacle de tant d'orgueils , & ridicules ,
& trompés , me fait prendre ce ſentiment en haine
& en mépris. On le dit indeftructible dans notre
DE FRANCE. 89
:
ame ; s'il eſt ainfi , l'orgueil où je veux prétendre,
ſera de réduire le mien à la plus juſte meſure poffible:
fi j'y parviens , je me dirai ( avec orgue'l ſans
doute)que l'eſpècedu mien n'est pas la plus commune.
Quoi donc! pour une comédie , un poëme , un
diſcours que l'on vient d'achever , ſe figurer Paris ,
la Province , l'Europe , dans l'attente d'une merveille
, & travaillés du beſoin d'en jouir ! Hé ! que
dût-il donc arriver , quand les chef-d'oeuvres de nos
grands-Maîtres fortirent de leurs admirables plumes ?
Ce qui est arrivé! le ſais-tu ? LeMiſantrope ennuya ;
Athalie fut, jugée froide, & au-deſſous d'Efther ;
Britannicus manqua ſon effet; des chef-d'oeuvres de
Voltaire , la Mérope ſeule a réuſſi d'abord. Aujourd'hui
la repréſentation des pièces les plus eſtimées eſt
vuide & déſerte ; une froide apathie ne permet pas
qu'on cherche à les revoir; d'injuſtes critiques défhonorent
quelques-unes de ces merveilles. Vas donc,
après de tels exemples , vas te contempler dans tes
productions ſubalternes : oſe te regarder comme
Thomme de ton fiècle & de ton pays ; mais dans
tes chimériques & orgueilleuſes viſions , rappelletoi
le fou du Pirée , qui ſe croyoit riche de tous tes
vaiſſeaux qu il y voyoit raſſemblés.
En écrivant ceci , je prévois les reproches qu'on
va me faire. N'exigez point de la nature humaine ,
me dira-t- on , plus de perfection qu'elle n'en com
porte; laiſſez- nous une paſſion , réputéenoble &généreuſe
, parce qu'elle fait entreprendre de grandes
choses. J'entends : pour frapper l'or en monnoie &
lui donner cours , on y mêle de l'alliage ; qu'il en
ſoitainfi des vertus; j'y confens. Je nen penſerai
pas moins que c'eſt l'amour du bien qui fait faire le
bien, legoûr de la vertu qui rend vertueux , la paffion
d'un art & d'une profeffion , qui foul y procure
des ſuccès durables. Quiconque ne fait de
bonnes actions , des vers & de la muſique , qu'en
99 MERCURE
A
vue de la gloire qu'il en doit retirer , ſera bientôt
infidèle à ſa vocation trompeuſe ? Un obſtacle , une
chûte , un revers l'en dégoûtent , l'en déſabuſent.
La vocation fondée ſur l'amour du talent & de la
profeffion , ſubſiſte ſans l'aliment de la gloire; qu'arrive-
t- il ? Souvent la gloire eſt le prix d'une perfévérance
défintéreſſée.
D'Alembert ne ceſſoitde le dire : quandje trouve
de cesjeunesgens qui étudient les élémens d'Euclide ,
afin d'êtrebientôt de l'Académie , je les éclairefur la
fauffeté de leur vocation. Quand on n'aime pas pour
cux-mêmes les Arts , la Géométrie & l'éloquence ,
on n'eſt digne , ni de les ſervir ni de s'illuſtrer par
cux. :
L'amour de la célébritéfert de véhicule au talent:
-Soit; mais un grand defir de gloire occaſionne
bien des mépriſes de la fauſſe gloire à la véritable.
J'ai analyſe une paſſion que l'on n'enviſage communément
que par ſon côté le plus ſpécieux , par
ſondehors le plus brillant. C'eſt l'eſſai d'un travail
qu'on pourroit rendre plus important, en l'étendant
àdivers autres ſentimens du coeur humain. On ne
connoît à fond que ce qu'on décompoſe , que ce
qu'on analyſe.
J'ai voulu mettre l'homme ſage en garde contre
une paſſion que le préjugé commun rend vénérable ,
& en quelque forte ſacrée. Je voudrois éteindre ou
refroidir ces volcans d'ambition guerrière, politique,
&fur-tout littéraire , qui fament au ſommet de tant
detêtes,vuides de tout , excepré d'ambition ; un mo+
tif fi raiſonnable eſt fait pour obtenir grace à cette
diatribe,
DE FRANCE. 91
ANNONCES ET NOTICES.
COLLECTION OLLECTION des Costumes Espagnols anciens
& modernes , première Livraiſon. Prix , 12 liv.
Cette Collection intéreſſante peut faire ſuite aux
Goſtumes François. Cette première Livraiſon nous
a faru fort bien exécutée. Les autres ſuivront de
deux mois en deux mois. On ne demande qu'une
foumiffion chez Gauguery , Libraire , rue Jacob , en
facede celle des deux Anges , à Paris; ou à Verfailles
, au grand eſcalier de marbre , au premier
perron.
THÉORIE des Vents, Pièce couronnée en 1785
par l'Académie Royale des Sciences de Dijon , par
M. le Chevalier de la Coudraie , ancien Lieutenant
des Vaiſſeaux du Roi , Chevalier de l'Ordre Royal
&Militaire de Saint Louis , de l'Académie Royale
des Sciences , Arts & Belles - Lettres , in- 8 ° . Prix ,
2 liv. broché. A Fontenay , chez Ambroiſe Cochon
de Chambonnau, Imprimeur du Roi , rue des
Loges.
MEMOIRE fur les moyens de perfectionner les
Moulins & la Mouture Economique , par Céfar
Bucquet, Auteur du Manuel du Meunier , in - 89 .
de 122 pages. A Paris, chez l'Auteur , quai Pelletier
, & chez Hardouin & Gattey , Libraires , au
Palais Royal , nos 13 & 14 ; à l'Imprimerie Polytype
, rue Favart ; Onfroy , Libraire , rue du Hu
repoix , & Belin , rue S. Jacques.
Ce Mémoire intéreſſant a obtenu l'Acceffit
l'Académie Royale des Sciences.
92 MERCURE
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Dames. A
Paris, rue d'Anjou , nº. 6.
Des trois nouveaux Volumes quenous annonçons ,
l'un eſt le ſeprième des Mélanges , & contient la
fin de l'Odyssée ; les deux autres renferment un
Atlas , dont on a cru , avec raiſon , devoir accompagner
l'Histoire des Voyages.
ÉTRENNES du Parnaſſe , choix de Poésies recueillies
par M. Mayeur de Saint-Paul. Prix , I liv .
10 fols. A Paris , chez Belin , Libraire , rue Saint
Jacques ; Brunet , rue de Marivaux , & l'Eſclapart ,
sue du Roule.
Une année de la Vie du Chevalier de Faublas,
cinqParties in - 16. A Londres ; & fe trouve à
Paris, chez l'Auteur ( M. Louvet ) , rue Quincampoix
, au Bureau de la Bonneterie , & chez les Marchands
de Nouveautés
La lecture de cet ingénieux Roman eſt piquante;
il porte l'empreinte d'un talent qui doit le faire diftinguer
de la foule de ces fortes d'Ouvrages.
ALMANACH néceffaire , ou Porte- Feuille de
tous les jours , pour l'année 1787 , in 12. Prix ,
3 liv. reliûre ordinaire. A Paris, chez Didot jeune ,
Imprimeur-Libraire , quai des Auguſtins.
Nous avons annoncé, toujours avec de juſtes
éloges, cet Alınanach, qui eſt un Ouvrage de la
plusgrande utilité, & d'un uſage journalier.
1
CONNOISSANCES élémentaires & indispensables
pour les Enfans des Villes & des Campagnes , divifées
en huit Chapitres , contenant , 1 °. des Notices
fur différens ſujets ; 2°. le petit Dictionnaire; 3°. la
DE FRANCE.
93
Géographie Univerſelle; 4°. les Connoiſſances Humaines;
69. Notices ſur le Commerce , &c. ; 7 °. Maximes
pour diriger une maiſon ; 8°. Lettres fur
différens ſujets , &c ; par J. V. D. N. A. D. D.
L. M., un Volume in- 12 . Prix , 2 liv. , & 2 liv.
8 ſels franc de port par tout le Royaume. A Paris ,
chez Royez , Libraine, quai des Auguſtins , à la
deſcente du Pont-Neuf.
Ce Volume eſt le complément de deux autres ,
dont l'un eft intitulé : Grammaire Françoise , ou
Rudiment des Enfans de la Campagne , & l'autre,
les Devoirs de la Religion Chrétienne pour les Enfans
de la Campagne. L'Auteur l'a intitulé : Biblio
thèque des Enfans de la Campagne. Cet Ouvrage
remplit ſon objet, & peut être utile à l'Éducation.
:
CHEMINÉE Économique, à laquelle on a adapté
la méchanique de M. Franklin dans fon chauffoir
de Pensylvanie, par M. Foſſé, Chevalier de l'Ordre
Royal &Militaire de Saint Louis, Officier au Régiment
d'Infanterie du Roi , in- 8° . de so pages. A
Paris, chez Jombert jeune, Libraire , rue Dauphine ,
& Deſenne , Libraire , au Palais Royal; & à Nancy,
chez Mathieu , rue Saint Georges.
Dans un moment où la cherté du bois fait rechercher
par toutes les claſſes de la Société les
moyens de l'économiſer, rien ne paroît arriver plus
à- propos que cet Ouvrage. :
Il nepeut manquer d'être reçu agréablement du
Public, non-feulement pour l'utilité qu'il préſente ,
mais encore par la méthode claire & préciſe avec
laquelle l'Auteur apprend aux Artiſtes à exécuter
cetteCheminée , & aux Citoyens de tous les états à
jouir de ſes avantages.
Elle peut être placée ſans embarras dans toutes
les parties d'une maiſon, quelles qu'en ſoient la ſituation,
ladifpofition , l'expoûtion ; il ne faut que la
4
94
MERCURE
facilité de pratiquer un canal communiquant à l'extérieur
pour attirer l'air par- deſſous le foyer, & un
autre canal pour faire échapper la fumée.
L'une des propriétés vraiment importantes de
cetteCheminée, & qui ſeule la rend préférable à
toutes les inventions de ce genre, c'eſt de pouvoir
être placée , pour ainſi dire , à demeure avec une
entière fécurité contre la crainte des accidens du
feu.
Sûreté, ſalubrité, accroît de chaleur , économie
du bois , & dans tous les cas exemption de fumée
&de vents- coulis : tels ſont les avantages de cette
Cheminée. Ils ſont le fruit du génie d'un homme
juſtement célèbre; mais ils étoient nuls pour le Public
, privé juſqu'à préſent des moyeennss d'en jouir.
Les modèles ſont en fer - blanc chez le ſicur
Deſenne , Libraire , au Palais Royal.
M. Foffé eſt connu par pluſieurs Ouvrages Militaires,
dont un ſur l'Attaque & la Défenſe des petits
Poſtes , avec onze Planches gravées en couleur dans
ungenre nouveau. Cet Ouvrage eft auſſi intéreſſant
pour les jeunesOfficiers, que l'eſt celui que nous annonçons
pour tous les peuples qui habitent des climats
froids . On le trouve chez le Libraire cideffus.
SERMONSfur les principales Fêtes de l'année,
&fur divers ſujets de Religion & de Morale , par
M. de Marolles , Prêtre , 2 Vol. in- 12 de près de
soo pages chacun, Prix , 6 liv. brochés , & 7 liv.
10 fols reliés.
L'Auteur de ces Diſcours eſt avantageuſement
connu, & ces deux Volumes juſtifient ſa réputation.
Nous croyons qu'ils feront lus avec beaucoup d'intérêt
par les Amateurs de l'Eloquence ſacrée. L'Edition,
qui ſort des Preſſes de M. Didot jeune, eft
bellepour le caractère & le papier.
DE FRANCE.
१६
PORTRAIT de M. l'Abbé Bonnot de Mably.
Prix , 3 liv .
Ce Portrait reſſemblant , deſſiné d'après nature
par M. Pujos & gravé par M. Vinfac , ſe trouve à
Paris , chez M. Pujos , Place de l'Eſtrapade , la
deuxième maiſon après le Corps-de-garde.
Le ſieur Chaumont , Maître Perruquier , honoré
de l'Approbation de l'Académie Royale des Sciences
pour quelques Découvertes avantageuſes dans ſon
Art , vient tout récemment de trouver une nouvelle
manière de faire des Toupetsfans tiffu , qui repréſentent
fi parfaitement la naiſſance des cheveux que
l'oeil le plus fin les croit voir fortir naturellement de
la tête. Il offrede mettre ſous les yeux des Perſonnes
qui lui font l'honneur de le demander les différentes
bordures faites toutes en cheveux fingulièrement
perfectionnées depuis l'Approbation de l'Académie.
Ces nouvelles bordures s'identifient , pour ainſ
dire , avec la peau par le moyen d'une Pommade attractive
qui les fait tenir ſur la tête ſans aucun inconvénient.
Il la vend 3 liv. le bâton de deux onces.
Il fait aufi de pluſieurs fortes de Perruques dans
leplus nouveau goût , entre-autres celles qui fontà
bourſe , où il s'applique encore plus particulièrement
àbien prendre l'air du viſage , & à imiter le naturel
des cheveux.
Les Perſonnes qui voudront envoyer un modèle
deleur front découpé en papier , avec la couleur des
cheveux , font priées d'affranchir les lettres .
Il demeure à Paris , rue des Poulies , ia première
allée à gauche en entrant par la rue Saint Honoré.
PREMIER Concerto pour le Clavecin , deux
Violons , Alto & Baffe, Cors & Haut-Bois ad libitum
, par M. l'Abbé Lebugle , OEuvre V. Prix ,
96 MERCURE
7 liv. 4 ſols. A Paris , chez Mile Castagnery , rue
des Prouvaires , près la rue Saint Honoré , n°. 33 .
:
: ONZIÈME Recueil d'Airs de l'Amant ftatue ,
Alexis & Justine , de Nina , &c. pour deux Flûtes,
par M. Muſſard, Maître de Flûte. Prix , 6 liv. A
Paris , chez M. Muſſard , rue Aubry-le-Boucher ,
maiſon du Marchand de Vin , à côté du Pâtiffier.
SIX Duos pour deux Violons ou Flûtes , par M.
Billard , OEuvre I. Prix , 2 liv. 8 ſols. A Paris , chez
l'Auteur, rue duMouton,maiſon du ſieur Guyor,
près laGrève.
:
COLLECTION de petits Airs pour le Forte-
Piano , Violon à volonté, par J. Hayden. Prix ,
3 liv.-Six sonates pour le Forte-Piano , Accompagnement
de Violon, par M. Sterckel , OEuvre XVIII.
Prix, 9 liv. A Paris , chez M Wenek , rue de Chabanois
, nº. 42 , près le Palais Royal.
TABLE.
Le Nouvel An , 49 Almanach Littéraire , 74
Cherade, Enigme & Logogry Nuvelle Inſtruction fur l'Hif-
53 toire de France ,
Ifman , ou le Fanatisme , 55 Variétés ,
Les Baifersde Zizi ,
JAT IN
64Annonces& Notices
APPROBATION.
,
80
83
91
,par ordre de Mgr le Gards des Sceaux , le
Mercure di France , pour le Samedi 13 Janvier 1987. Je n'y
ai tien trouvé qui puiſſa en empêcher l'impreſſion.
Paris, le 12 Janvier 1787. GUIDI.
( 73 )
impertinence , & lui demanda de devenir ſon
ami .
Il y a environ 12 ans que des Ouvriers qui
travailloient dans une mine de eharbon , dans le
Comtéd'Antrim en Irlande, fapperent un rocher,
pour en faciliter l'exploitation ; a peine eurent- ils
frappé quelques coups , qu'une partie du rocher
s'écroula inopinément. Ils s'appetçurent que la
breche communiquoitàune caverne . L'ouverne
étoit peu confidérable:on aidadeuxjeunes Manoeuvres
à s'y gliffer , & on leur donna delalumiere
pour viſiter l'intérieur de cette région.Ayant pénétré
un peu avant, ils arriverent à une eſpece de
labyrinthe diviſé en ungrand nombre de corridor,
formant mille finuoſités ; s'y étant engagés ils ſe
trouverent bientôt totalement égarés . Après avoir
faitvainement diverſes tentatives pour retrouver
leur chemin , leurs lumieres s'éteignirent. Re
nonçant alors à tout eſpoir de ſortir de cette affreuſe
ſolitude , ils s'affirent triftement l'un à côté
de l'autre. Cependant leurs camarades qui les
attendoient ne les voyant pas revenir , ſe mirent
de nouveau à ſapper le rocher , & parvinrent
enfin à s'ouvrir un paſſage commode dans l'intérieur
de la caverne , & à délivrer les deux pauvres
Manoeuvres , reſtés captifs dans cet horrible
Léjour.
En examinant cet antre ; on reconnut qu'il
formoit une galerie de pluſieurs centaines de ver
gesd'étendue , juſqu'à une couche de charbon ;
qui aboutiſſoit à divers atteliers , où les mineurs
avoient ſuivi leurs différens travaux , qu'on avoit
laiſfé des étais eſpacés convenablement pour ſoutenirſa
voûte.Onjugea que cette mine d'une
étendue conſidérable devoit avoir été exploitée
par des Ouvriers, au moins auffi habiles dans le
travail des mines que le ſont les nôtres. On y
No. 2 , 13 Janvier 1787. d
:
( 74 )
4
trouva quelques débris d'uſtenfiles, qui , au moindre
contact, tomboienten pouſſiere. Il n'existe pas
dans le pays la plus légere traditionde cette mine,
ce qui prouve affez ſon antiquire ; mais s'il étoit
poſſible d'avoir encore quelque doute à cet égard ,
il ſuffiroit d'obſerver la marche que la nature a
ſuivie depuis ſa formation. On y voit des colonnes
ſtalettites , dont la baſe repofe à terre , & qui
s'élevent juſqu'à la voûte ; les parois& les étaies
font couvertsd'incrustations, dont la formation ſe
fait fi lentement , que les mineurs modernes ne
peuvent pas même conjecturer combien de tems
il s'écoule avant qu'elle ſoit accomplie.
Onparle d'une machine nouvelle , inventée
par le ſieur Page, & que l'on aſſure devoir
êtrede la plus grande utilité dans les incendies.
Elle conſiſte en une eſpece d'échafaud
mouvant, pratiqué fur une baſe à roues, pour
la facilité de tranſport d'un lieu à un autre,
&qui peut être traînée, foit par des hommes,
ſoit par des chevaux. Quand elle eſt placée
dans l'endroit où elle est néceſſaire, la voiture
forme la baſe de cette machine , de laque le
l'échafaud qui y eſt renfermé,peut être élevé
enmoins de 3 minutes , à la hauteur de 40 ou
so pieds , au moyen des écrous& des vis qui
font partie de la machine.On peut élever, en
même tems , un poids de pluſieurs tonneaux,
ainſi que l'homme qui dirige le tuyau condacteur
de l'eau; par le moyende cette galertie,
on pourra retirer des maiſons incendiées
les perſonnes qui n'ont d'autre moyen de fe
fauver que les toîts & les fenêtres. L'inventeur
a pris une Patente pour jouir des droits
( 75 )
1
de la vente excluſive de fa machine; il ſe propoſede
la ſoumettre bientôt à la curiofiré du
Public.
FRANCE..
DE VERSAILLES , le 3 Janvier.
Les Enfans aveugles , élevés & foutenus
par la Société Philantropique de Paris , ont
fait ici , le 26 du mois dernier , devant Leurs
Majeftés & la Famille Royale , les différens
Exercices dont ils ont été rendus capables
par le ſieur Haüy. Leurs Majestés & la Famille
Royale , après avoir examiné avec attention
leurs ſuccès dans l'étude de la Géographie
, du calcul Arithmétique , des Mathématiques
même ,& enfin dans les travaux
manuels , tels que l'Imprimerie , la Reliure
des livres, la Filature , le Tricot de toute ef
pece, & autres , ont daigné témoigner au
ſieur Haiy toute la fatisfaction à laquelle un
zèle auffi pur que déſintéreſſé lui donne lesdroits
les plus juſtement acquis.
Le rer. de ce mois , les Princes & Princeſſes,
ainſi que les Seigneurs & Dames de la Cour ,
readirent leurs reſpects au Roi & à la Reine , à
l'occafon de la nouvelle année. Le Corps-de-
Ville de Paris, ayant à ſa tête le Duc de Briffac ,
Gouverneur de la Ville , s'acquitta du même
devoir envers Leurs Majeſtés & la Famille
Royale , étant conduit par le Marquis de Brezé ,
Grand-Maître des cérémonies , par le ſieur Nantouillet
, Maître des cérémonies , & par le fieur
Watronville , Aide des cérémonies. La Muſique
du Roi exécuta , pendant le lever , une ſymphonie
de la compoſition de ſieur Harang , premier
(
d2
( 76 )
Violon de la Muſique de Sa Majesté , ſous la
conduite du ſieur Girouſt , Surintendant de la
Muſique du Roi.
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du Saint- Eſprit , s'étant affemblés
vers les onze heures & demie , dans le Cabinet
du Roi , Sa Majesté ſe rendit à la Chapelle , précédée
de Monfieur, de Mon eigneur-Comte d'Artois
, du Duc d'Orléans , du Prince de Condé ,
du Duc de Bourbon , du Prince de Conti , du
Ducde Penthièvre & des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre ; deux Huiſliers de la
Chambre du Roi portant leurs Maſſes, Le Roi ,
après la Grand Meſſe , chantée par ſa Muſique &
celébrée par l'Evêque de Senlis , Prélat-Commandeur
de l'Ordre , & premier Aumônier de SaMajeſté,
fut reconduit à ſon appartement, enobfer--
vant l'ordre avec lequel il en étoit forti . La Reine,
Madame , Madame Comtefle d'Artois & Madame
Elizabeth de France , aſſiſterent aufli , dans la
Tribune , à la Meſſe , à laquelle la Ducheſſe
d'Agenois fit la quête.
Ce jour , Leurs Majeſtés ſouperent àleur grand
Couvert. Pendant le repas , la Muſique du Roi ,
ſous la conduite du ſieur Girouſt , Surintendant,
exécuta différens morceaux. Le Grand - Confeil
eut l'honneur de rendre ſes reſpects à Leurs Majeſtés
& à la Famille Royale.
Le lendemain , le Roi accompagné de Monſieur
, de Monseigneur-Comte d'Artois , du Duc
d'Orléans , du Prince de Condé , du Duc de Bourbon,
du Prince de Conti , du Duc de Penthievre
&des Chevaliers , Commandeurs & Officiers ,
aſſiſta au Service anniverſaire, qui ſe célébre dans
la Chapelle du Château , pour les Chevaliersdéfunts.
Aujourd'hui le sieur d'Aligre, premier Pré(
77 )
sident du Parlement de Paris , ainſi que les Présidens
à Mortier & les autres Présidens du même
Parlement , ont eu l'honneur de rendre leurs refpects
à Leurs Majestés & la Famille Royale , à
l'occasion de la nouvelle année. La Chambre
des Comptes , la Cour des Aides & la Cour des
Monnoies , ont auſſi eu cet honneur , ainsi que le
Châtelet de Paris , à la tête duquel étoit le
Marquis de Boulainviller , Prévő: de cette ville,
DE PARIS , le 10 Janvier.
Le Public s'occupa avec le plus vif intérêt
l'année derniere du grand projet donné
par M. Poyet , Architecte , pour transférer
I'Hôtel-Dieu à l'iſle des Cygnes. Son Mémoire
, juſtement accueilli par M. le Baron
de Breteuil , Miniſtre de Paris , fut envolé ,
couformément aux ordres du Roi , à l'examende
l'Académie des Sciences , pour qu'elle
donnât ſon avis ſur cette grande entrepriſe.
En attendant que nous rendions un compte
plus détaillé du travail des Commiſſaires ,
nous en préſenterons un précis fuccinct.
>>>L'Académie a nommé MM.de Laſſonne ,
d'Aubenton Tenon , Bailly , Lavoisier ,
>>>Laplace , Coulomb & Darcet , pour faire l'exa-
>> men& raport du projetde tranflation ; ce ra-
>> port a été rédigé par M. Bailly , avec le goût
> & laprécision qui diftinguent cet écrivain de la
>> premiere claſſe , & l'intérêt qu'il y a répandu
naît pour ainsi dire malgré lui , tant il eſt im-
>> poffible à une ame ſensible & honnête , depare
>> ler ſans attendriſſement des infortunés .
>> La premiere partie renferme l'examen de
> l'Hôtel-Dieu actuel . On y voit que les bâtis
d3
( 78 )
e
mens font infuffiſans pour lenombre des mala-
>> des , priſqu'il font couchés au nombre de
>> quatre dans un même lit , que la confufiondes
>> ſervices eſt inévitable dansun Hôpital qui renfermeàla
fois des bleſſés,des femmes en couche,
>> des febricitans , des fols ,des convalescents , des
> variolés , & qu'il naît de cette conjeſtion de
toute forte de maladies , une infalubrité infini-
>> mentpernicieuſe.Des calculs trop pen vérifiés,
>> prouvent que dans cet Hôpital la mortalité eft
>> d'un à quatre , tandis qu'elle n'eſt que d'un à
>> fix dans tous les autres Hôpitaux » .
Il faut lire dans le raport le tableau des mi-
>> feres de toute eſpece que préſente l'Hôtel- Dieu;
> & les Commiſſaires en comparant le prix des
>> journéesdes malades avec le revenu de la mai-
> ſon, trouvent que ces journées coûtent plus de
22 ſols , tandis que dans les autres Hôpitaux ,
de Paris , elles ne reviennent qu'à dix- ſept , la
>> conclufion de l'examen du régime , de l'infalu-
> brité , de l'entaffement des malades & du nom.
>> bre des mortalités à l'Hôtel- Dieu , eſt que cet
Hôpital doit être transféré ailleurs.
Fait l'examen du projet de M. Poyet , quoi-
» qu'il renferme des détails vraiment utiles , les
> Commiſſaires n'approuvent pas le choix du lo-
>>> cal dans l'iſle des Cygnes , & à cause de l'hu-
>> midité de la riviere dans un bâtiment qu'elle
>> entoureroit , & à cause de l'exhaufſſement in-
>> diſpenſable du ſol pour le garantit des grandes
>> ondes d'eau ».
Un courrier arrivé de Madrid a appris que
ledividende des Actions de S. Charles avoit
été fixé à 35 liv. dans l'Aſſemblée généra'e
du 18 Décembre dernier. Ce dividende eſt
moins conſidérable que celui de l'année paf
( 79 )
ſée , mais la Banque a réſervé des fonds
conſidérables qu'elle doit employer à l'exploitation
plus utile des objets de ſen adminiftration.
Lepremier Novembre , il restoit dans le port
de Bordeaux 210 Navires étrangers & 74 françois
: 12 avoient été mis ſur divers chantiers , &
25 en coûtume , ou en armement.
Pendant le mois d'Octobre , il eſt entré dans
le port de Bordeaux 10 Navires venant des Colonies
Françoiſes. Leurs chargemens confiſtoient
en fucre , café, cacao , coton , gingembre , bois
de gayac , &c. Ce même mois il eſt entré dans
ce port 150 Bâtimens de petit cabotage françois
, & 5 de grand , ainſi que 25 Navites
Etrangers.
Pendant le même mois il eſt ſorti du méme
port 32 Nav res franço's deſtinés pour les Co-
Ionies Françoiles , ſavoir , to à St. Dom ngu ,
4 à la Guadeloupe , 4 an Cap , 2 à l'ifte de
France , 5 à la Martinique , 3 au Port-au-
Prince , I à S. Marc , I au Cap & à S. Marc ,
1 à S. Marc & au Port-au-Prince , I au Cayes.
Leurs chargemens conditoient en vin , far ne ,
boeuf , beurre , eau de vie , lard , marchandises
feches , & c. Ce même mois il eſt ſorti du
même port 177 barques de petit cabotage ,
& 7 de grand , ainſi que 54 Novires Etrangers
chargés de vin , ſuere , café , firop , eande-
vie ,&c.
Mr. le Maréchal de Caftries , Miniſtre
de la Marine , a écrit la lettre fuivante au
nommé Lucot , en lui annonçant le don
d'une médaille d'or .
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt , braye Lucot ,
d4
( 80 )
Jes dé ails de l'action , par laquelle vous avez
ignalé votre courage dans le combat de la Frégate
Amazone , contre la Frégate angloiſe le
Margarita. J'ai particulierementremarqué qu'ayant
reçu un grand nombre de bleſſures dangereuſes à
voire poſte de Canonier , & le Commandant du
bâtiment vous preſſantà pluſieurs repriſesde vous
retirer , un boulet de canon vous emporta le bras
droit , & fur ce qu'il vous réitera l'ordre d'aller
Vous faire panſer , vous répondites que tant qu'il
yous reſteroit un bras , vous l'employeriez à la
défenſe de votre Patrie; qu'auffitêt , vous précipitant
fur votre pièce pour la pointer , une balle
de fufil vous fracaſſa la machoire inférieure , & ce
fut ladix-ſeptieme bleſſure que vous reçûtes dans
cette journée. Sur le compte que j'en ai rendu au
Roi , Sa Majeſté vou'ant ajouter aux graces pécuniaires
qu'elle vous a accordées , une marque henorable
de fatisfaction , vous fait don d'une médaille
d'or , que je vous fais remettre pour vous
endécorer.
Je ſuis , brave Lucor, entierement àvous!
Le Maréchal DE CASTRIES.
Vous pouvez être tranquile ſur votre ſort ,
brave Lucot; le Roi y pourvoira , & vous pouvez
vous adreffer avec confiance à moi , dans
toutes les circonſtances de votre vie.
Le Brigantin la Sally , de cent trente tonneaux
, eſt le premier qui , dans le Port de
Rouen, alt arboré le pavillondes treize Etats-
Unis de l'Amérique. Il vientde Nantuket,fous
le commandement du feur Shubael- Goffin ,
defcendant & fucceſſeur d'un des vingt-ſept
Acquéreurs de cette Iſle. Il eſt chargé d'huile
&de fanons de baleine de la pêche de ce
Capitaine , propriétaire en partie de ce Na-
:
:
( 81 )
vire&de la cargaison. Journal deNormandie.
L'on mande de S. Vallery , que le Navire ,
le Jeune S. Louis , de S. Malo , Capitaine Hué ,
du/port de ſoixante tonneaux , chargé de café ,
coton , fucre , toile & huile de Poiffon pour le
Havre , pouffé par la violente tempête du 13 au
14 de ce mois , a fait côte au Bourg d'Auto; cinq
hommes qui compoſoient l'équipage & trois patſagers
, qui étoient à bord ont été ſauvés , ainſi
que tout le chargement ; & s'il ne ſurvient point
⚫de mauvais tems , on retirera le Navire qui eft
neuf , & qui a peu ſouffert de l'échoûment.
Le malheureux Capitaine Gramont
eſt mort le's Décembre , au mêle St. Nicolas
; fon voyage avoit duré trois ans , &
il avoit été à làccôôte d'Afrique , après ſa
catastrophe ; il écrivit les lettres ſuivantes
àMM. Teſtart & Lalaime à Bordeaux.
MESSIEURS ET CHERS AMIS .
Je ſuis fi accablé par le malheur , le cha
grin, la douleur , la fatigue & la maladie ,
qu'à peine j'ai la force de tenir la plume pour
vous apprendre la fin malheureuſe du pauvre
Mouchy , naufragé ſur l'Ifle de Mogane le lun
di à 11 heures& demi du foir. J'ai écho fur
les reſcifs de la partie de l'eſt , & il y avoit tout
lieu de craindre pour la vie de tout le monde ;
ma poſition eſt déſeſpérante & affligeante , mais
d'un autre côté conſolante , puiſque je n'ai rien
à me reprocher. Au jour , partie du monde ſe
ſauva à terre dans les bateaux , dans la journée
, autre partie ſe haſarda ſur des radeau ,
&je demeurai à bord , où je croyois terminer
ma vie dans la nuit du mardi au mercredi ,
ds
( 82 )
car la mer paſſoit à plus de 15 pieds par-deffus
, & il étoit ouvert de toute part ; j'étois
réſigné à la mort , parce que c'eſt le devoir
d'un Capitaine de n'abandonner ſon navire que
le dernier de ſon bord. Le mercredi matin ,
je fis travailler à un radeau qui pût prendre le
reftant des équipages , & j'expédiai tout le
monde , à la réſerve de M. Pincemaille , qui
ine pouvoit ſe remuer , & avec lequel je ref
tai feul à bord ; comme le tems avoit un peu
Sembelli , le canot vint me prendre , &je defcendis,
à terre , où nous nous trouvâmes grand
nombre , point de vivres, point d'eau & point
de feu. Jugez de notre poſition. Comme du
moment de l'échouage , tout avoit été au pillage
, que les mutins qui ne connoiſſoient plus
de Chef, comme c'eſt l'usage dans de pareils
événemens , & fur-tout après une longue campagne
, il eſt aiſé d'imaginer le défordre qu'il
yavoit ; enfin je n'ai pas la force de vous faire
les détails de ce malheureux événement . J'ai la
fievre , la tête qui me tourne de fatigue & de
foibleffe , & la marche que nous avons fait de
P'ifle ſous le vent , où je ne buvois par fois que
de l'eau ſaumâtre , mangeois des bigournaux
cruds , tout cela joint au voyage que je viens
de faire dans mon canot de Mogane ici , où je
n'avois pour tout gréement que 3 de mes draps
de lit , arrangés pour voiles , & 2 avirons pour
mât , point de quoi boire ni de quoi manger , porté
par les courans à la vue de l'iſle de Cuve ,
&fans la Providencequi nous a fait rencontrer un
navireNantois qui alloit débouquer par le canal
anglois , &qui nous a donné du ſecours , nous
terminions nos jours de ſoif & de faim. Ces
fecours firent renaître le courage , & enfin Dieu
nous conduifit hier ici , où nous abordâmes à
( 83 )
cinq heures du matin; je ne me ſuis occupé
que de me procurer de ſuite un bâtiment , &
j'ai fretté la goelette la Ste Anne , Capitaine
Chanaſſis , qui eſt parti cette nuit pour aller
à Mogane prendre mes triſtes compagnons de
malheur & d'infortune ; c'eſt tout ce que mes
forces me permettent de vous écrire , &c.
SECONDE LETTRE.
:
Du 20 Septembre 1786...
AUX MEMES.
L'état d'anéantiſſement & de foibleſſe où m'a
plongé mon malheureux événement , joint à la
conduite horrible qu'a tenu auprès de moi mon
équipage , me laiſſent à peine la force de faire
lecture de votre obligeante lettre du 20 courant,
& je ſuis forcé de recourir à un ami pour y
répondre.
Je ſuis on ne peut plus ſenſible , mes chers
Meffieurs , à vos finceres attentions , & aux
démarches que vous avez faites pour me faciliter
mon vovage d'ici au Cap , mais , mes
chers amis , il m'eſt impoſſible d'y penſer pour
le moment , puiſque j'ai à peine la force de
deſcendre de mon lit , que je garde depuis 8
jours , étant excédé par une diarrhée & flux de
fang , malgré le plus ſtrict régime. Je ne vous
cacherai pas que ce qui a contribué le plus à
mon mal , c'eſt le brigandage de tous ces malheureux
que j'avois à bord , & leur indigne maniere
de ſe comporrer auprès de moi; mais ma
confcience eſt nette , & Dieu ne laiſſe rien
d'impuni.
En attendant que je puiſſe prendre quelque
force , je vous remets ci-joint la déclaration que
j'ai faite ici , que je vous prie de faire enregif
d6
( 84 )
trer à l'Amirauté du Cap , & comme je prévois
que l'opiniâtreté de ma maladie ne me
permettra pas de vaquer aux affaires , puiſque
voila 8 jours que je ſuis alité , je vous prie ,
mes chers Meſſieurs , d'agir en mon lieu &
place , &de faire toutes lesdémarches néceſſaires
pour mettre cette malheureuſe affaire dans le
grand ordre , vous donnant à cet effet plein
pouvoir par la préſente , ainſi qu'à M. Martin,
mon ſecond , de me repréſenter en tout
pour tout ce qui concerne ce malheureux naufrage.
Je vous remercie de vos offres & de la précaution
que vous avez priſe pour pourvoir à
mes beſoins; comme je ne prévois pas qu'ils
feront de conféquence ,j'agirai librement , en
me prévalant ſur vous pour ce qui pourra me
faire beſoin. Je ſuis , &c.
TROISIEME LETTRE.
Du Port S. Nicolas , le 20 Septembre 1786.
,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'amitié
de m'écrire le 24 courant ; elle eft d'autant
plus confolante pour moi , qu'elle me donne
un peu de forces pour me retirer des bords de
la tombe ; jamais vous ne pourriez vous faire
une idée de l'état où je ſuis. Comme il me
faut une juftification ample jevous prie , mes
chers amis , de faire détenir en priſon tous
les équipages juſqu'à mon arrivée au Cap , coûte
ce qu'il en coûtera ; fitôt que j'y ſerai rendu ,
jedemanderai une aſſemblée générale du Corps
des Officiers de l'Amirauté ; je demanderai que
tous les équipages y ſoient préſentés , & là publiquement
, je leur demanderai ce qu'ils ont
à me reprocher ; j'y ferai mes réponſes , & le
(85 )
coupable fera puni. Je ſuis, &c. figné GRA
MONT.
Mr. l'Abbé Verninac de St. Maur, grand
Vicaire de Rhodez , nous a fait paſler la
note ſuivante , qui contient un traitde ſenſibilité
bien digne d'éloges .
Le 12 de ce mois , les Etats de haute-Guyenne
ont terminé leurs féances ; cette clôture a été précédée
d'une fête bien touchante. On danſoit &
l'on devoit ſouper dans une ſalle publique trèsvoiſine
des priſors. La Comteſſe de B ... , jeune
dame qui réunit les qualités de l'eſprit & du coeur
àtous les charmes de la figure , eſt révoltée de
ce voisinage. » Les prisonniers , s'écrie- t-elle ,
nous entendent danſer , meſſieurs ; meſſieurs , je
ne reſte pas à la fête , à moins que ces pauvres
malheureux ne la partagent. Cette voix retentit
au fond de tous les coeurs : à l'inſtant même on
fait une quête; chacun ouvre ſa bourſe , & l'on
ramaſſe une ſomme conſidérable. L'aimable Comteſſe
en eſt dépoſitaire ; elle vole aux priſons ,
voit une trentaine de malheureux chargés de fers
&couverts de haillons , les conſole , diſtribue
une largeſſe à chacun d'eux,& leur promet de
nouveaux ſecours ; ils penſent étre viſités par un
ange ; leur bienfaitrice en a la forme & la bonté.
Cependant elle revient ; on l'entoure , on treffe
des fleurs , on la couronne. Touchées d'une louable
émulation , les autres dames réſolvent de travailler
elles mêmes le linge que l'on deſtine aux
priſonniers . M. l'Evêque de Rodez dans le dif
cours éloquent par lequel a fini l'aſſemblée provinciale
, a relevé ce trait d'humanité , & a doublé
la ſomme recueillie dans la fête .
>> La galerie de l'ancien hôtel de Choi-
>> ſeul , longue de 6s pieds & demi , &lar(
86 )
>>ge de 21 pieds & demi , étoit décorée
>> d'un ſuperbe plafond , peint à l'huile par
>>>La Foffe , qui tient un rang très diſtingué
>>dans l'Ecole Françoife .
>> En démoliſſant l'hôtel , on s'eſt faitun
>> devoir de conferver un des chefs- d'oeuvre
>>>de la Peinture. On l'a enlevé par parties ,
>>>& ces parties, qui n'ont nullement fouf-
>>>fert de cetre opération , & qu'on a miſes
>> fur toile , fe réuniroient avec plus de taci
>> lité qu'on ne les a detachées.
: Le ſujet repréſente l'Aſſemblée des Dieux .
au moment où Minerve fort , toute armée ,
>> du cerveau de Jupiter.
>>C'eſt ſans contredit le plus bel ouvrage
>>> de La Foffe. Il réunit à la force de ſa cou-
>> leur, le mérite d'être plus châtié de def-
>> fin , &de préfenter des formes plus agréa-
>>bles que les autres productions. Il a de
>>plus un avantage éminent , c'eſt que la
>>>couleur en eſt ſi brillante , qu'elle ſe fou-
>> tient avec l'or & les meubles les plus pré-
>>>cieux ? ce qui arrive rarement aux pro-
>>>ductions des grands Peintres.
>>La perſonne qui en feroit l'acquifition ,
>> pourroit ſe flatter de poſſéder un des plus
>>grands & des plus beaux monumens de
>> l'art , & de conſerver un modele qui ſera
>>> toujours précieux aux Artiſtes.
Si on defire d'autres éclairciſſemens , on
pourra s'adreffer à M. de Gon , Avocat en
Parlement , à Paris , rue des Grands-Auguftins
, près le quai.
( 87 )
Le 22 Novembre 1786 , M. Faure , Chirure
gien de St. Papoul , a accouché dans la paroiff
de Villemagne , près de cette petite ville, une
femme qui a fait un enfant àterme , d'un pied de
longueur ſeulement , mort , & du ſexe féminin.
Cette fille,bien conforméed'ailleurs , avoit la partie
du cou de derriere tout-à- fait diſparue. Celle
de devant a groſſi ,de façon qu'on ne la diftingue
pas d'avec la poitrine ; & le crâne s'eſt tout-àfait
retiré en arriere ; de forte que le viſage de
l'enfant , lorſqu'on le tient debout , regarde
exactement le ciel. Cet être diſgracié , s'il eût
vécu , n'eût abſolument pu marcher que ſur les
pieds & ſes mains à la fois ; & c'eſt l'attitude
qu'il préſente naturellement à la vue.
M. Faure doit faire à la fincérité un ſacrifice
qui pourra nuire au merveilleux d'un tel phé-/
nomene. Dans le ſein de la mere , une contnſion
reçue par le foetus , entre les épaules , y
avoit produit une ulcere ; cette plaie avoit totalement
racorni peu à peu les deux nerfs extenteurs
du cou ; & ce font eux qui ont ramené la
tête au fingulier point où elle fe trouve , pour
donner à l'obſervateur , mieux que le grand Jean-
Jacques , l'idée de l'homme à quatre pattes,
(Affiches de Toulouse. )
Marie Elizabeth Moral , veuve de Meffire
Bernard , Seigneur d'Egrefin , la Fortelle,
&c. , & mariée en ſecondes noces à Meſſire
Ferdinand-René de la Cheze , ancien Commandantde
Cavalerie Européenne d'Hyder-
Ali Kan, Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire
de St. Louis, eſt morte en ſa maiſon
de Pagny en Brie , le 25 Décembre 1786 ,
âgée de ſo xante- deux ans .
Le ſieur Leclerc , Chevalier de l'Ordre du
( 88 )
Roi , & fon fils , Officier au Régimeut de Durfort
Dragons , ont eu l'honneur de préſenter à
Sa Majesté l'Atlas du Commerce , en 15 cartes ,
avecle volume de texte in - folio , ainſi que l'Examen
impartial d'un Ecrit publié contre les deux
cartes de la Mer Baltique & du Golfe de Finlande
. Ce volume renferme 1º. le Tableau
des richeſſes naturelles de la France , des richeſſes
de ſon induſtrie , des avantages qu'elle
peut ſe procurer par l'encouragement de ſon
agriculture , par la liberté de ſon Commerce
intérieur , & par l'extenfion de ſon Commerce
extérieur ; 20. l'Hiſtoire du Commerce des
Ruſſes avec les Peuples de l'Europe & de l'Afie
depuis le cinquieme ſiecle; des Obſervations
intéreſſantes ſur chacune des mers qui ſont les
objets des cartes publiées. En attendant que
nous rendions compte de ce travail ſi important
ſous tous les rapports , nous annonçons
qu'il ſe vend ſous deux formats , in-folio &
in-4°. Le prix de l'in-folio , papier Nom-de-
Jefus fin & liffé , eſt de 62 livres en feuilles ;
celui de l'in-4°. non liffé , 36 livres. A Paris ,
chez Froullé , Libraire , quai des Auguſtins ;
Verſailles , chez Blaizot , Libraire du Roi ,
rue Satory.
PAYS - BAS.
DE BRUXELLES, le 6 Janvier.
S. E. le Comte de Belgioioſo Miniſtre
Plenipotentiaire de Sa Majesté Impériale ,
près leGouvernement général des Pays Ba
eſt parti le 27 Décembre pour Vienne , où il
a étéappellé par fon Souverain. M. de Crum.
pipen Secrétaire d'Etat fait les fonctions de ce
Miniſtre pendant ſon abience, que l'on croit
ne devoir être que de deux mois.
( 89 )
S. A. S. l'Archevêque Electeur de Cologne
vient detémoigner ſon mécontentement fur
une lettre circulaire, émanée,l'un de ces jours ,
de la Nonciature apoftolique de cette ville ,
concernant lesdiſpenſes , en fait de mariage,
que pourroient accorder , pour certains dégrés
, les Archevêques deMayence , de Tréves,
de Cologne , &c.; lettre , à l'inſçu de nos Supérieurs
Eccléſiaſtiques , adreilée à tous les
Prelats&Curés de ce Diocèfe . Pour obvier
immédiatement à une démarche de cette nature,
& prévenirdéſormais tout empiétement
ultérieur fur ſes droits archiepifcopaux&diocéſains
, le Vicariat de Cologne a eu ordre de
publier ce qui fuit :
En conséquence d'un ordre ſpécial , donné par
S. A. S. E. de Cologne , notre très-gracieux
Souverain , & daté de Munſter , le 17 décembre
1786 , il eſt enjoint , dans la préſente , à tous les
Curés de renvoyer , fans formalité ultérieure ,
premier ordinaire , ſous le même couvert , & à
l'adreſſe de la perſonne dont ils l'ont reçue , la
lettre imprimée qui leur a été remiſe de la part
d'un évêque étrangerqui ſedit nonce apoftolique
à Cologne , mais qui ne s'eſt point encore légitimé
en certe qualité près de S. A. S E. , de ſe
faire donner par la poſte ure atteſtation , quicertifie
que ce renvoi a été duement fait , pour être
remiſe inceſſamment au vicaríat-général en cette
ville. En conséquence du même ordre ſpécial de
S. A. S. E. , il eſt défendu à tous les Curés ſuſdits,
ſousde grieves peines , de recevoir , de la part de
la Courde Rome , ſous le nom de bref , bulle ,
diſpenſe, ou ſous quelque autre dénomination
que ce puiſſe être , aucune lettre qui ne nous ait
( १० (
été préſenté d'avance & qui ne ſoit munie de la
permiffion néceſſaire , ſignée de notre main , qui
en autoriſe la circulation , ainſi que la publication.
Cologne, le 19 Décembre 1786.
J. P. de Horn Golſchmidt , vic. gén.
M. J. Cainen ,proton. in ſpiritualibus . ,
Le Prince Abbé de Stavelot eſt mort le
22 Decembre , dans ſon Abbaye , à l'âge
de 81 ans , après quinze ans de Régence.
Il eſt arrivé ici depuis deux jours , deux
Inſpecteurs de la Police de Paris , qui font
chargés d'emmener les deux Priſonniers,Bechade
& la Roche , arrêtés ici comme complices
dans la fameuſe affaire des Lettres-de-
Change falſifiées. Mr. l'Ambaladeur de
France ayant fait les démarches ordinaires
dans ces o cafions , pour obtenir des Erats
de Hollande , & par eux , du Magiftrat
d'Amſterdam , la remiſe des deux Prifonniers
aux fufdits Inspecteurs de Police , on penſe
qu'ils ſe ont livrés aujourd'hui & conduits à
Paris fous bonne eſcorte, poury recevoir leur
Jugement. Gazette d' Amsterdam , nº. 101 .
Le Gouvernement-Général avoit envoyé
à Louvain Mrs. van Velde , van Doorslaers ,
&de Jonghe , Conſeillers au Conſeil Souver
rain de Brabant , en qualité de Commiſlaires
, poury faire des recherches ſur les cauſes
&les circonstances du tumulte , arrivé parmi
les Séminariſtes. Ces Magiſtrats ayant terminé
leurs perquifitions, font retournés le 21
de ce mois à Bruxelles ; & peu après l'on a
) وا (
vu l'effet des informations qu'ils avoient
recueillies. Sept Etudians furent conduits le
lendemain de grand matin dans les priſons
du Procureur;& dix-huit autres reçurent les
'arrêts dans leurs Chambres au Séminaire.
Celui qui avoit été arrêté précédemment &
mené en priſon , ſous une eſcorte de fix Fufiliers,
nommé van Hamme , a été remis au
contraire en liberté. Le même jour , 22 Décembre
, après midi, il partit de Louvain une
Députation pour Bruxelles , chargée de demander
, au nom de l'Univerſité , la grace
des coupables.
Le départementdel'Amirauté de Rosterdam vient
de mettre en Commiſſion le vaiſſeau de guerre le
Delftle 50 canons, les frégates le Castor de40,l'Orange-
Zaal de 24 , & le navire de garde , le Schiedam
, dont le commandement a été conféré refpectivement
aux Capitaines Schreuder-Haringman,
Théodore-François van de Capelle & Rynbender ,
&au Lieutenant Ignace Jansen. L'on a reçu des
nouvelles de pluſieurs de nos diviſions qui ſont
actuellement en mer. Les vaiſſeaux de guerre le
Dordrecht & le Jaſon , avec le brigantin le Lion ,
aux ordres du Capitaine Melvill , entrerent le 9
novembre à Malaga , & le 20 du même mois ,
levailleau l'Alkmaer, Cap. Richers , relâcha à Livourne,
d'où les vaiſſeaux de ligne l'Over- Yffel &
le Brakel , avec le Cutter le Lévrier , remirent
le 22 à la voile pour Toulon . Une nouvelle
moins agréable eſt celle du naufrage de la frégate
de guerre la Junon , Cap . de Witt , revenant
de Ceylan& en dernier lieu du Cap de Bonne-
Eſpérance : Elle a échoué ſur la côte d'Angleterre
près l'Iſſede Wight : l'équipage & les Meſ
( 92 )
fagers ont été ſauvés , à l'exception de ſes Ma
telots. Le navire de notre compagnie des Indes,
l'Africain , revenant de la Chine pour le compte
du département d'Enkhuiſeu , a été forcé de relâcher
le 25 Novembre à Crookhaven en Irlande,
ayant eu un grand nombre de morts , & preſque
tout l'équipage étant malade.
Depuis quelques ſemaines , une certaine
portiondela bourgeoiſie de Rotterdam avoit
préſenté Requête aux Seigneurs Erats de
Hollande , pour obtenir la faculté de porter
jusqu'au nombre de quarante, les Conſeillers
de leur Ville , qui ne font depuis plus d'en
ſiecle qu'au nombre de vingt quatre. Cetre
propofition des bourgois ayant été remiſe à
l'examen du Conſeil même de la Ville par
LL. NN. & GG. PP . celui- ci a jugé convenable
de donner une expoſition très détaillée
des raiſons qui le portent à rejetter cette innovation.
Le Conſeil de Wyck a écrit une nouvelle les
trà celui d'Utrecht , elle eſt en date du 18 deae
mois. Il continue à ſe plaindre de ce que la ville
d'Utrecht , ſans la concurrence de celle deWyk,
a ouvert à la Haye des conférences relatives aux
changemens qui ſont communs à toutes deux.
Il y témoigne de nouveau ſon mécontentement
de ce que la ville d'Utrecht , à l'excluſion de ſes
Collegues , s'arroge le titre de troiſieme claſſe
de l'Etat.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois &autres.
M. Ferieri , Conful-général de Ruſſie pour los
( 93 )
Echelles du Levant & Réſidant à Smyrne , ſera
remplacé ; on parle diverſement de la démiſſion
qui lui à été envoyée : des perſonnes prétendent
que ce conſul eſt diſgracié , & qu'il ſera renvoyé
ſans penſion : ſon crime ſeroit d'avoir contrarié
les démarches de M. Bulgakow Minittre
Ruſſe à la Porte Ottomane , dans les dernie--
res inſtances,qu'il a faites de la part de ſa
Cour. On dit que pendent le ſéjour que M. Ferieri
a fait à Conſtantinople , il a fortement inſinue
aux Miniſtres duGrand-Sultan , que M. Bulgakow
ne préſentoit pas à ſa Courdans ſes rapports
miniſtériaux , les choſes telles qu'elles
étoient , & qu'il groſſiſſoit les prétentions même
de la Ruffie : On ne peut pas croire que M. Ferieri
eût été affez imprudent pour ſe permettre un
tel manége , fi injurieux pour le Ministre de Ruffie
, & fi préjudiciable â la Cour de Peterſbourg .
Ainſi il faut croire que ſa diſgrace , fi elle est
réelle , provient d'une autre cauſe. ( Gazette
d'Amſterdam , nº. 104.
>> Il n'y a pas de jours que notre auguſte
25 Monarque , écrit-on de Berlin , ne donne
>> des preuves de la ſageſſe des vues qui diri-
>> geront fon regne , & en général de fon
> amour pour la justice & pour le bonheur de
>> ſes peuples. Nous croyons qu'on ne nous faura
➤ pas mauvais gré de placer ici quelques traits
> particuliers de la vie privée de notre nouveau
>> Souverain. De telles anecdotes font ſouvent
> mieux connoître l'Homme , que ne le font ſes
> actions dans l'appareil qui l'entoure.
>> Sa Majesté faiſoit , il y a quelques jours ,
>> le rour de la foire , à cheval , vêtu d'un ſimple
> ſurtout & fans aucun cortege. S'étant approché
>> de deux payſans qui avoient enſemble une
diſpute très- vive : qu'avez- vous , dit le Monar(
94 )
que à l'un d'eux ? M. l'Inspecteur de police ,
répondit celui qui ne connoiſoit point S. M.
>> permettez moi de vous dire qu'ily a 25 ans que
>> j'occupe cette place : eft il jufte qu'un nouveau-
>> venu m'en chaffe ? Non , fans doute , repliqua
ec le Monarque , votre persévérance vous en a ac-
>quis la poffeffion légitime ; & contentd'avoir ter-
>> miné d'un ſeul mot cette dispute , S. M. con-
>> tinua ſa promenade & rit beaucoup à ſon retour
au château en racontant qu'on venoit de
le prendre pour inspecteur de police.
ور Une autre fois S. M. ſe promenoit le ſoir
incognito , elle rencontre à la porte du château
>> un petit garçon avec un pot. D'où venez- vous ,
>> dit le Roi ? Du château , monsieur. Qu'avez-
>> vous dans ce pot ? Du bouilion . Pour qui ? Pour ma
כ"
pauvremere qui est malade. Qui vous l'a donné ?
>>> Le Cuisinier du Roi. De retour au Château
>> le Monarque fait appeller le Cuisinier , & lui
>> demande ſi l'on étoit venu le même jour au
מ foir chercher quelque choſede ſa cuisine. Oui,
>> Sire , répondit fans hésiter le Cuiſinier , depuis
>> quelques jours j'envoye un peu de bouillon à une
>> femme vieille , pauvre & malade. =C'est fort
» bien fait , brave & fidele ferviteur , repliqua le
Roi ; mais faites mieux encore , & doénavant
>> que cette femme reçoive touteſa nourriture de ma
>> cuiſine ;je vous en charge , & j'aurai foin d'elle
» & de vous . De pareils traits ne peuvent man-
>> quer d'aſſurer à un Monarque l'affection de
>> ſes ſujets. Aufſi le nôtre eſt-il adoré univerſellement.
(Gazette de la Haye , no. 155. )
ود M. duMéjan qui a laiſſé des richefſes con.
>> fidérables , & qui eſt mort , place Vendôme ,
>> a laiſſé à là Provence ſa patrie , ſa bibliothe-
>> que auffi riche que bien choiſfie , avec 5000
>> livres de rentes pour l'entretenir & payer le
( 95 )
Bibliothécaire. M. l'Abbé Rive , Provençal &
>>'homme de lettres très-connu , aura l'adminif-
>> tration de cet établiſſement ſi utile au progrès
>> des arts & des ſciences. [ Gazetre de laHaye ,
n°. 155. ]
Les derniers avis de Peterſbourg annoncent la
fin des négociation qui y avoient été entamées depuis
pluſieurs mois pour la conclufion du traité
de commerce entre la Ruſſie & la France . Dans
le cours du mois dermier , le Comte de Ségur ,
Miniſtre de S. M. Très-Chrétienne , a reçu l'Ultimatum
du cabinet de Pétersbourg , d'après lequel
le traité ſera probablement conclu ,& que
ce Miniſtre a d'abord envoyé par un Exprès à ſa
Cour.
D'après les diſpoſitions de S. M. I. parleſquelles
la tolérance réligieuſe a été irrévocablement établiedans
tous fes états , lesEvêques ne peuvent plus
refuſer la bénédiction nuptiale à des époux , dont
l'un ſeroit catholique & l'autre proteftant ou réformée.
Monfig. Andrafty , Eveque de Roſenau
en Hongrie , ayant refufé de ſe conformer à
la loi , le Gouvernement lui a ordonné de ſe
démettre de ſa dignité ; & comme il poſſede
unrevenu conſidérable ,l'Empereura déclaré que
ce ſeroit une injustice de charger la caiſſe de religion
pour lui faire une penſion. [ Courir du Bas-
Rin , nº. 102. ]
>>>Les habitans de New Hampshire , & ceux
de l'Etat de Verment , ont pouffé ſi loin leurs
querelles , que ces derniers menacent aujourd'hui
de ſe mettre ſous la protection de la Grande-
Bretagne.
» L'Etat de Vermont eſt un vaſte pays , fitué
à l'Eſt de New Hampshire & de Maſſachusetts ,
& au Nord de Connecticut , entre la riviere de ce
nom& la riviere d'Hudſon. Comme il n'y a pas
1
(وج )
long-tems qu'il eſt peuplé ,& qu'il a toujours été
un objet de contention entre les Etats de la
Nouvelle-York & de New-Hampshire , il n'y a
point , à proprement parler , deGouvernement
établi.
>>>Echan Allen , fameux par l'expédition qu'il
entreprit en 1775 contre Ticonderago , de
ſon propre mouvement , & fans autre ſecours
que celui des volontaires qui le ſervirent ,
s'eſt rendu le chef abſolu de ce pays. Il y a
formé une aſſemblée de repréſentans qui eſt
entierement à ſes ordres. Cette afſſemblée accorde
des terres , & le pays eſt gouverné felon
le bon plaifir d'Allen. Cependant les habitans
n'en ont pas moins été les ennemis desAnglois
pendant la guerre ; mais ſous prétexte qu'ils forment
la frontiere contre le Canada , & qu'ils ont
obligés de la garder , ils refuſerent de fournir leur
contingent pour les frais de la guerre. On ne les
aconnus pendant long-tems que ſous le nom de
Green Mountain Boys ( gens de la montagne verte
, ) mais regardant cette dénomination comme
ignoble, ils ont traduitle mot Green Mountain en
François , ce qui fait Vert Mont , & par corruption
Vermont .
*** Le nombre des guinées qui circulent dans
lesEtats de Vermont , & la prodigieuſe quantité
de denrées & d'articles des manufactures de la
Grande-Bretagne qui s'y trouvent dans la plus
grande abondance , ont fait dire , depuis longtems
, qu'il regne réellement une très-bonne intelligence
entre le Gouvernement du Canada , &
les Vermontois , & cette opinion n'eſt pas fans
fondement. Courier de l'Europe , n° .42 .
4
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 JANVIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A l'Auteur de mes Souvenirs . *
Vo
os vers font trop jolis, ils ne mourront jamais :
Dictés par le plaier , ils vivront pour le nôtre ;
LaBeauté vous lira ; vos Souvenirs font faits
Pour occuper le fien & faire aimer le vôtre.
(ParM. Blandurel.)
* Ce charmant Recueil ſe trouve à Paris , chez Belin ,
Libraire , rae S. Jacques . Note de l'Auteur.
-1
Nº. 4 , 27 Janvier 1787 . G
146 MERCURE
-
۱
L
INPROMPTU à M. le Marquis du CREST,
Chancelier de Son Alteſſe Séréniſſime
Mgr. le Duc D'ORLEANS , pendant qu'il
obfervoit les opérations de mon Imprimerie.
MINISTRE bienfaiſant d'un Prince qu'on adore ,
Si ton génie actif enfante des projets ,
Ta ſageſſe éclairée aſſure leurs ſuccès.
Les Talens par tes ſoins vont s'empreffer d'éclore;
Tu veux le bien & tu le fais :
La tendre Humanité ſe montre ſous tes traits ;
En toi c'eſt elle que j'honore.
Nos Citoyens heureux , au beau nom de ta foeur *
Aſſocîront le tien au Temple de Mémoire :
Tes vertus t'ont ſoumis leur coeur ,
Eft- il une plus douce gloire ?
MonArt reconnoiſſant peindra notre bonheur ,
Et la Vérité ſeule en tracera l'hiſtoire.
(ParM. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi, de Mgr. le Duc d'Orléans , de
l'Académie Royale des Sciences , Arts
&Belles- Lettres d'Orléans & de Montauban
, Auteur du Journal Orléanois.)
*Mme la Comteſſe de Sillery , ſi célèbre dans la République
des Lettres ſous le nom de Comtesse de Genlis, Auteur
de plufieurs Ouvrages fur l'Éducation. Note de l'Aut.
DE FRANCE.- 147
Explication de la Charade , de l'énigme &
duLogogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Baſſon ; celui de
l'énigme eſt Vérité; celui du Logogryphe
eſt Louange , où l'on trouve lange , galon ,
Élu, loge, an , Ange, longe , elan ane, ou ,
on , age , eau , Agen, Laon, égal.
CHARADE
Mon premier m'aide à faire mon dernier ,
Et mon dernier contredit mon entier.
JE
(Par une jeune Demoiselle. )
ÉNIGME.
E ſuis François & non latin ,
Du noble genre masculin ;
Au pluriel, ma métamorphoſe ,
Quoiqu'exprimant la même choſe ,
Medonne un genre feminin.
Agité par les vents, je ſuis loin de la terre,
Je tonne enmegonflant , je fais un bruit de guerre;
Gij
148 MERCURE
Mais , devenu plus doux , mes fons intéreſſans ,
Répétés par Écho , deviennent plus touchans :
Cette variétéde foague , de tendreſſe ,
Annonce le talent du moteur qui me preffe.
Lecteur , vers mon ſéjour , fi tu tournes tes pas ,
Sans top t'alambiquer , tu me reconnoitras .
(ParM. Gasteblay Longville de Mayenne. )
LOGOGRYPHE
VEUX TU me fuivre au boutde l'Univers ?
Je ne demande rien pour les frais du voyage ;
De la poſte , jamais je ne connus l'uſage;
Avecmoi ſans vaiſſeau tu vas franchir les mers.
Combien dans mes dix pieds je vais ſur ton paſſage
Ates regards ſurpris offrir de lieux divers !
Aubas de l'Apennin vois la terre tremblante
Détruire une Cité qui fit ſon ornement ;
Avec le même nom , cette autre plus riante
S'énorgueillit encor du Chantre de Roland ;
Ce fleuve avec fracas roule ſon onde antique ;
Paſſons vîte : le ſang l'a rougi trop ſouvent.
Nous reſpirons l'air brûlant de l'Afrique.
Vois-tu dans ce Royaume une foire publique?
Ce ſontdes hommes qu'on y vend.
Arrêtons- nous fur ce rocher ſtérile ;
On y vit autrefois régner le léopard;
DE FRANCE. 149
Mais renaiſſantenfin de ſa tige fertile ,
Le lys victorieux flotte ſur le rempart.
Contemple dans l'Afie un canton deſpotique ,
Tu pourras t'y pourvoir d'une jeune Beauté.
Préfères tu la liberté ?
UnÉtat de ce nom t'appelle en Amérique.
Ce lac majestueux dans ſon vaſte contour
Borne ici ta vue interdite .
Maisdes frimats quittons l'affreux ſéjour ,
AMeſſieurs les Gafcons faiſons une viſite.
Aux rives de l'Adour je t'offre une Cité :
Sa foeur, que ſous nos loix d'Humières a réduite ,
Sur les bords de la Lys s'élève avec fierté.
Par vingt autres encor ton oeil ſeroit flatté;
Mais dans le Dauphiné terminons notre courſe ,
Je t'y réſerve un lieu célèbre par ſa ſource ;
Ses bienfaiſantes eaux t'y rendront la fanté.
(Par M. le Prieur. )
L
Ginj
150
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
VOYAGE en Pologne , Ruffie , Danemarck ,
&c. par M. W. Coxe ,& c . traduit de l'Angiois
, avec des Notes , & augmenté d'un
Voyage en Norwège, par M. P. H. Maller ,
ci-devant Profeffeur Royal à Copenhague ,
Profeffeur de l'Académie de Genève , &c.
2 vol . in-4°. & 4 vol. in- 8°. ' avec carres
&planches. AGenève, chez Barde, Manget
&Compagnie , Imprimeurs-Libraires , &
ſe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire ,
rue des Poitevins. Prix de l'in-4º. 24 Irv. ,
de l'in 8°. 18 liv. brochés .
HEUREUX fiècle , a-t'on dit quelque part, en
rendant compte de cet Ouvrage , où ce ſont
les Philofophes qui voyagent & qui inftruifent
l'Univers ! Sans contredire cette exclamation
, feroit - il permis de demander de
quels Philofophes on a voulu parler ? Eſt --ce
de ceux qui , tels que Chardin , Wood ,
Kempfer , Pallas , Poivre , Cook , ſavent ſe
taire fur tout ce qu'ils ne connoiſſent qu'imparfaitement
; qu'un très-long ſéjour ou des
obſervations circonfcrites ont garanti de l'erreur
; qui ne voyagent pas pour faire des Livres
à prétention; mais pour s'inſtruire eux
DE FRANCE. 151
mêmes par amour de la vérité ; exempts par
conféquent de toutes les petites patlions qui
peuvent tyrannifer la plume d'un Auteur ;
qui raiſonnent peu , &décrivent exactement ;
qui enfin font Philoſophes fans aflicher de
laphiloſophie ?
Auroit- on en vue , au contraire , ces Voya
geurs expéditifs dont nous ſommes inondés ,
qui parcourent le cercle entier des connoif
ſanceshumaines aufli rapidement que les Provinces;
qui , d'un clin-d'oeil , devinent ce qui
reſte incertain pour les naturels les plus expérimentés
, jugent les moeurs nationales dans
les cercles d'une Capitale où ils réſident quelques
jours , le pays par l'aſpect des grands
chemins, les peuples par le caractère des poftillons;
les loix , la religion, l'adminiftration ,
les talens , les ſciences , les événemens les
plus fecrets , Phiſtoire, les vertus , les vices
d'un Empire , fur quelques Brochures étrangères
qu'ils compilent à leur retour , avec des
remarques ſentencieuſes & quelques notes
volantes , lorſqu'ils ont voulu prendre la
peine d'en recueillir ?
Les Lettres de M. Coxe fur la Suiſſe n'étoient
pas un Voyage philofophique de ce
dernier genre. Malgre des erreurs , des préjugés
, des jugemens hafardés ; malgré la ſé.
chereſſe du ſtyle & la froideur des deſcriptions,
cet Ouvrage mérica à fon Auteur l'éloge
que lui donne le ſavant Traducteur de fon
nouveau voyage , en célébrant fon amour
pour la vérité , ſon érudition , ſa candeur ;
Giv
152 MERCURE
mais tous les ſujets ne ſe prêtent pas égale
ment à l'emploi de ces eſtimables qualités ;&
il paroît que les glaces du Nord ſont plus redoutables
pour un Voyageur Hiſtorien que
celles de la Suiffe .
M.Mallet, qui a couru avec tant de diſtinction
une carrière plus difficile que celle de ſon
original , & à qui l'Hiſtoire du Nord a de ſi
grandes obligations , a bien voulu ſe charger
de traduire ce Voyage de M. Coxe , & de le
commenter. Ily a joint des notes néceffaires ,
des additions très curieuſes ; mais il s'eſt permis
de retrancher pluſieurs morceaux de fon
original , en ſuppoſant que des difcuffions
trop ſavantes feroient peu goûtées de la plus
grande partie de ſes Lecteurs. Quelques-unes
de ces digreffions font en effet abfolument
étrangères à l'objet d'un voyage. Pourquoi
l'appeſantir de généalogies & de détails qui
fe trouvent déjà dans une infinité d'Histoires
& avec plus de développement? M. Mallet
n'eût certainement diminué en rien l'inf
truction du Public ni la gloire de M. Coxe ,
en fupprimant,enoutre, l'articlebiographique
fur Menzicof, dont tous les détails ſe trouvent
déjà dans les Mémoires de Manftein ,
dans l'Histoire de Ruffie de M. le Clerc , &c .;
celui de Catherine I , qui n'offre aucune particularité
nouvelle ; celui encore de la Prin
cefle Anne , & du Prince de Brunswick fon
époux , & quelques autres. Ces morceaux
pouvoient enrichir l'original , ſi les Anglois
n'ont pas de traductions des nombreux Ou
DE FRANCE. 153
vrages Allemands& François qui ont paru fur
la Ruflie , ils font très- fuperitus pour nous ;
dans l'ummenſité de Livres qui ſurchargent
l'Europe , il faut éviter d'appauvrir encore
cette abondance par des répétitions .
La ferpe du Traducteur auroit dû peut- être
ménager davantage deux ou trois fragmens
plus utiles que ceux dont nous venons de
parler , entre autres les détails relatifs à la
Princefle Sophie , ſoeur de Pierre I , qui terdent
à éclaircir un point hiſtorique encore
douteux , & la diſcuſſion impartiale de M.
Coxe fur la mort de Charles XII. M. Mallet
explique fort bien , & réfute l'opinion de l'affaffinat
de ce terrible Capitaine; mais le Public
n'eût pas lu avec indifference l'expoſé des
raifons pour & contre cette opinion , telle
que la préſente l'Auteur Anglois. Au reſte ,
celui- ci s'eſt plaint amèrement de ces mutilations
, qui concourront en France au ſuccès
de fon Ouvrage , & je crois qu'en effet un
Traducteur doit préſenter fon original, même
avec ſes défauts , en ſe réſervant la liberté de
les faire remarquer.
Je puis me tromper; mais aucun Voyage
ne me ſemble devoir inſpirer plus de défiance
que celui ci: le ſeul Journal de M. Coxe mer
le Lecteur en garde. En effet , on voit qu'il
eſt reſté vingt- fix jours en Pologne , cent
foixante- trois jours en Ruffie , dont cinq mois
à Pétersbourg , par conféquent treize jours
dans la contrée , un mois en Suède , & vingt
jours enDanemarck. On ne peut parcourir&
Gv
154
MERCURE
obſerver plus leſtement des Empires , dont le
moindre a preſque l'étendue de la France.
Pour fuppléer au défaut d'études & de remarques
ſur le pays même , M. Coxe a dépouillé
la plupart des Auteurs qui nous les
ont faitconnoître ; il a raſſemblé & choiſi des
documens abſolument hétérogènes ; il a couvert
la nudité du fonds de ſon voyage par des
Mémoires encyclopédiques ; il y a inféré
juſqu'à un Traité chimique du ſavant-Docteur
Pulteney ; enforte que , fans ſe déplacer ,
l'Auteur pouvoit compoſer les deux tiers de
fon Voyage à Londres , auffi commodément
que dans les appartemens du Nord. On a dit
de la langue Angloiſe que les exceptions y
faifoient la règle; ici , le Voyage eſt dans les
hors- d'oeuvres .
Par exemple , on entre en Pologne avec
M. Coxe au Livre fecond , & l'on ne fait pas
encore qu'il a paſſe la frontière d'Allemagne ,
qu'on a lu cent dix pages préparatoires ſur
'Hiftoire , leGouvernement, les révolutions ,
là ſtatiſtique de la République. Pluſieurs de
ces Chapitres font inſtructifs , quoique traités
déjà avec plus d'exactitude par differens Auteurs;
mais ce qu'aucun d'eux n'avoit ofé
tenter encore , c'eſt le tableau des dernières
calamités de la Pologne : M. Coxe a bravé
les difficultés du fujet ; elles étoient effrayantes,
& il faut être bien sûr de ſes matériaux ,
bien intrépide pour donner conftamment le
tort aux malheureux , ainſi que l'a fait le
Voyageur.
DE FRANCE.
ISS
ود
"Si le parti de Pompée eût prévalu , a fort
biendit l'undesCompatriotes de M. Coxe ,
>> on nous auroit peint Céſar comme le mar-
>> tyr de la liberté. » Cette réflexion de M.
H. Walpole trouve ici ſon application naturelle.
Non- ſeulement l'Auteur a atténué les
griefs des Confédérés ; non-feulement il a
déguiſé les véritables cauſes de leurs infurrections
, il s'eſt de plus trompé fur des faits
importans. Je mebornerai à releverici , commedans
le cours entier de cet examen , ceux
fur leſquels il m'eſt permis d'avoir un avis ,
en rapportant moń opinion , ainſi que l'excellent
Montaigne , finon à la mesure des
-chofes, du moins à la mesure de ma vue.
Suivant le Voyageur , des querelles de religion
ont alluméla guerre civile en Pologne
les Diſſidens y étoient continuellement per-
Sécutés ;les ennemis de la tolérance , à la tête
defquels étoit l'Évêque de Cracovie , s'opposèrent
à leur faire reftituer aucuns de leurs
priviléges , malgré les demandes des Cours
garantes du Traité d'Oliva ; enfin, les Confédérés
de Bar étoient des Croisés armés pour la
défense de la Sainte Foi Catholique. De cette
narration on devroit conclure qu'un opiniâtre
fanatifime fut la véritable caufe des malheurs
de la République .
Il n'eſt cependant aucunede ces aſſertions
qui ne foit ou exagérée ou démentie par des
faits incontestables. Jamais il n'y eut enEus
rope de gouvernement moins perfécuteur que
celui de la Pologne.A l'inſtant où la France ,
Gvj
196 MERCURE
P'Angleterre , l'Allemagne nageoient dans le
fang des Proteftans & des Catholiques , au
16º fiècle , la République admit les Diffidens
au partage de tous les droits civils & des principales
dignités. Lorſque Henri de Valois
chargé du crime de la Saint- Barthelemi , alla
gouverner ces Sarmates , que l'on regardoit
comme des barbares , on lui impoſa la loi de
reſpecter la tolérance. Inſenſiblement la plupart
des grandes familles étant revenues à la
religion dominante , & les Proteftans ne
comptant dans leur ſein qu'un très petit nombre
de Gentilshommes capables, par leur naiffance
, des emplois & de l'entrée aux Dières ,
differentes loix , en leur confervant la liberté
de confcience , les privèrent du droit de participer
à la Nonciature & au Gouvernement.
Cette révolution fut conſommée par lesRois
Saxons , excepté dans la Prufſe Polonaiſe , où
les Diflidens , plus nombreux , continuèrent
àprévaloir dans les Charges , les Diétines , les
Tribunaux.
A l'époque ( en 1764 ) où on les excita à
des réclamations, les Proteftans avoient deux
cent temples en Pologne ; ils exerçoient partout
librement leur culte dans leurs maiſons;
ils jouiffoient d'une sûreté parfaite dans leurs
propriétés ; ils poffedoient des Staroſties ; des.
Régimens , un grand nombre de compagnies
&de grades militaires. S'ils étoient opprimés ,
ce n'étoit donc point par des violences ni par
laprivation des droits civils ; mais fimplement
par l'exclufion des Charges & des Di
DE FRANCE. 157
gnités. Si les limites de cette tolérance peuvent
legitimer une accuſation de fanatiſme
contre les Polonois , il faut en flétrir par
conféquent l'Angleterre , où un Commis de
La Douane doit prèter le ſerment du Teſt, la
Suifle , la Hollande , l'Allemagne , & tous les
États où les religions tolérées font inadmiffibles
aux emplois du Gouvernement. En
Ruffie même , il faut profeſſer la religion
grecque pour entrer au Ministère & dans le
Sénat. Quelques abus inévitables pouvoient
en Pologne avoir donné lieu àquelques plaintes
; mais il y avoit bien loin de leur redreffement
aux conceffions exigées par les Diffidens.
Leurs Confédérations à Sluck & à Thorn
ne comptèrent que 573 fignatures; c'étoit
à peine de la nation. Une pareille
diſparité exclut toute idée d'une guerre
civile ; & s'il exiſte dans l'Hiſtoire un fait
authentique , c'eſt que , livrés à leur propre
mouvement , ces Diffidens qui appelèrent
contre leur patrie des armes étrangères,
n'euffent jamais imaginé d'obtenir par la violence
, &malgré la République , d'être affociés
à ſa légiflation.
:
La Ruffie qui les encouragea , après avoir
appelé leurs Chefs , leStaroſte&le Général
Grabowski , pour recevoir leurs plaintes ,
n'étoit point garante du Traité d'Oliva , comme
l'avance M. Coxe : elle n'y avoit même
ni accidé ni intervenu . Il eſt encore plus que
douteux que ce Traité autorisat le moins dur
158 MERCURE
monde les prétentions des Diffidens.
L'Évêque de Cracovie & le Collége des
Évêques de Pologne , traduirs ici comme des
perfécuteurs , confirmèrent ſolemnellement
en 1766 , la tolérance dont jouiſſoient les
Diffidens , en lui donnant même plus d'étendue.
Confervation & reſtauration de leurs
Égliſes, liberté entière de culte dans leurs maifons,
cimetières, écoles,baptêmes & mariages
par leurs Eccléſiaſtiques , exception de toute
taxe étrangère aux Catholiques : telles furent
les articles accordés alors par le haut-Clergé ,
&dont il offrit de recommander l'exécution
par des Mandemens folemnels dans tous les
Diocèſes. *
Il ne faut pas juger les actes de ce genre
par les maximes ou par les théories expoſées
dans des Livres; il eſt ſur- tout équitable de les
comparer à ce qui ſe fait ailleurs. M. Coxe ,
en ſe rappelant l'exemple de tous les États
Catholiques ou Proteftans , auroit dû voir
avec ſa pénétration ordinaire , les inconvéniens
politiques d'une tolérance plus étendue
, dans une République déchirée , en proie
à une influence étrangère. Ouvrir l'entrée à
quatre religions différentes dans le Conſeil
législatif d'un État anarchique, où la voix
* Voyez des articles conſentis par les Évêques ,
qui ſe trouvent dans les PiècesJuft ficatives du Ma-
Rifeſte de la Confédération générale , in-4° .
:
DE FRANCE.
159
d'un ſeul peut arrêter l'activité de tous , étoit
une opération qui exigeoit du temps , de la
prudence , & que la préſence d'une armée
protectrice des Diffidens , devoit faire regarder
comme bien redoutable à l'indépendance
de la République. Ces vérités , qui n'appartiennent
point à la théologie , auroient dû
prévenir le reproche de M. Coxe aux Confédérés,
qu'il nous repréſente comme des fanatiques
du 12º fiècle .
Il agliſſé avec légèreté ſur la fameuſe Confédération
de Radom , dont il ne nous expoſe
ni la véritable origine , ni les circonftances
, ni les ſuites funeſtes. Ilne parle point
des efcadrons de cavalerie Rufle , commandés
par le Colonel Carr , des canons , des poftes
militairesdiſtribués dans Radom , où le Prince
Radziwill , Maréchal Général de la Confédération
, fut en quelque forte priſonnier de
guerre , comme il le fut enſuite à la Diète
de Varſovie , & comme ce Prince le raconta
fort en détail en 1772 , au Rédacteur de cer
article.
Puiſque l'Auteur faiſoit mention de cette
étrange Diète de Varſovie en 1767 , il ne devoit
ſe permettre ni des réticences , ni des
inexactitudes ; en particuter il ne falloit pas
avancer que l'Évêque de Cracovie &fes partisans
furent enlevés par ordre de l'Ambaffadeur
Ruffe , pour s'être permis des discours
violens contre les Diſſidens & contre les Cours
qui les protégeoient. Cette affertion ſembleroit
excuſer un acte , qu'un Anglois fur- tour
160 4
;
MERCURE
feroit plus blamable de juftifier. Le Prélat
éloquent& courageux dont il eft ici queſtion ,
prononça en effet un difcours qui eſt un des
plus beaux monumens de l'hiſtoire & de la
liberté moderne ; mais on n'y trouve preſque
pasun mot fur les Difldens , encore moins
contre des Cours étrangères; il ne s'écarta
pas même du reſpect dû à la grande Souveraine
dont il combatroit les volontés. Sa harangue
toute entière eut pour objet de prouver
le danger des Conftitutions offertes à la
: Dière, entre-autres de celles qui déclaroient
irrévocables & perpétuelles les Loix de la
Pologne , en lui êtant,à jamais le droit de les
changer, & en les foumettant à la garantie
de la Ruffie. C'étoit, ſelon l'expreſſion des
Confédérés de Bar dans leur Manifefte , con-
Sommer l'anéantiſſement de la République ,
&déclarer qu'elle ne cefferoit jamas d'être
une Province Moscovite. Les ſuites de cette
oppofition vertueuſe ſont de notoriété publique.
L'Évêque de Cracovie fut enlevé par
leColonel Ruffe Igelſtrom,dans l'hôtel même
duMaréchal de la Couronne , Miniſtre d'État ,
donton força la porte à main armée au mi-
Lieu de la nuit. On fait que l'Évêque de Kioyie
, le Comte de Rzewuski , Palatin de Cracovie,
& fon fils, furent pareillement faifis
dans leurs lits, & envoyésen Ruffie , où ils
reftèrent captifs pendant fix ans. Lorſqu'on
ſe rappelle des évenemens , les violences précédentes
exercées dans les Diétines , les Loix
données par la force à la République , & la
1
DE FRANCE. 161
nature de ces Loix, on trouvera M. Coxe
bienmodéré, lorſqu'il accorde froidement que
les Polonois avoient QUELQUES SUJETS
deplainte.
Il ne traite pas avec plus de ménagement
les Confédérés de Bar, dont l'affociation avoit
néanmoins & incontestablement les droits ,
la forme, les conditions , & par conféquent
les priviléges d'une confédération legale.
Puiſque M. Coxe écrivoit ici en Hiſtorien&
en Politique , il nous devoit des notions
exactes ſur l'Hiſtoire , ſur la Politique des
temps dont il parle, & dont il pouvoit fe
difpenfer de parler.
Le Chapitre qu'il a conſacré au récit de
l'attentat commis ſur le Roi de Pologne , n'eſt
pas exempt de reprochés. D'abord l'Auteur
attribue ce crime aux Confédérés en général,
dont la pluralité n'avoit en aucune connoiffance
du complot; il étoit contraire à
leurs véritables intérêts ; il renverfoit l'effet
de leurs négociations ; enfin aucun acte de la
procédure n'a prouvé l'exiſtence de leur
complicité. M. Coxe avance en propres ter
mes qu'ils réfolurent d'affaſſiner le Roi ; que
cependant les raviffeurs n'affaffinerent point ,
quoiqu'ils l'euffent entre leurs mains une
heure ou deux dans la forêt de Bielani. En
admettant la réalité de l'ordre donné par
Puławski aux inſtrumens du régicide , on
voit qu'il n'emportoit aucune injonction de
ruer S. M. M. Coxe auroit dû , par équisé
, rapporter les défenfes imprimées de
162 MERCURE
Pulawski , mort au ſervice des États-
Unis , & dont l'intervention dans cet attentat
peut être encore regardée comme problémarique.
Le Voyageur avoue lui-même
qu'on ne trouve pas d'exemple dans l'Hiftoire
d'une délivrance auffi miraculeuse.
Cette réflexion auroit dû l'empêcher de s'en
fier fur ce récie à l'autorité de M. Wraxall
, dont il raconte les fables avec la plus
grande confiance; fables copiées d'un Écrit
imprimé dans le temps , ſous le titre de Relation
de l'attentat commis contre la per-
Jonne du Roi de Pologne , &c. N'y a- t- il
pas d'ailleurs un peu d'affectation à rapporter
exclufivement un acte fi propre à rendre
les Confédérés odieux, fans faire mention
des procédés qui les pouſsèrent au déſeſpoir ,
dedeux cent mille perſonnes de tout fexe &
de tout age exterminées en Ukraine par les
Koſacs Rutles, de douze mille deux cent
foixante- deux Catholiques Latins & Grecs
unis dont j'ai vu les liſtes, maſſacrés de ſangfroiddans
la ville d'Human en Podolie , appartenante
au feu Comte Potocki , &c. &c.
Les obſervations de l'Auteur fur le nouveau
Gouvernement de la République ſont
plus judicieuſes ,& on ne lit pas avec moins
d'intérêt quelques morceaux deſcriptifs qui
rempliffent les Chapitres ſuivans , entreautres
celui du coſtume Polonois, des falines
de Vielitzka, & d'une fête champêtredonnée
àPovonski par la PrinceffeCzartoriska. Peuta
être M. Coxe n'eût-il point diminué l'intérêt
DE FRANCE. 163
de cette deſcription en s'y oubliant plus qu'il
ne l'a fait.
Il omet rarement de porter ſon attention
fur une claſſe très - négligée par les Voyageurs
, fur les Payfans. Aufli après quelques
détails, tantôt exacts , tantôt inſuffifans touchant
les ferfs Polonois & Lithuaniens , il les
compare au Cultivateur Suiffe. « Quelle dif-
>>férence, dit-il, des huttesde la Lithuanieaux
>> maiſons des Payſans Suiffes, quoique bâties
>> des mêmes matériaux! Etleurs manières for.t
>>encore plus différentes que leurs maiſons :
> tout annoncé chez les uns & chez les au-
>> tres le contraſte entre les Gouvernemens
>> ſous leſquels ils vivent. Le Payſan Suiſſe eſt
>> ouvert , franc, groflier, mais officieux ;il
>> falue ceux qu'il rencontre d'un mouvement
>>de la tête , ou porte négligemment la main
>> à fon chapeau : il artend en retour une
>> marque de civilite ; il s'offenſe de la
>> moindre hauteur , & ne ſe laiffe pas in-
>>ſulter impunément. Au contraire, le Payſan
>>Polonois exprime ſon reſpect d'une ma-
>>nière rampante & fervile; il s'incline juſ-
>> qu'à terre; il ôte ſon chapeau , & le tient
>>àla main juſqu'à ce qu'on Pait perdu de
» vue; en un mot, toute leur conduite eſt
>>la preuve de la fervitude abjecte dans la-
>>quelle ils gémiffent. »
Tout cela eſt parfaitement bien vu; mais
peut-être feroit- il plus inſtructif de choiſir
d'autres termes de comparaiſon que les
deux extrêmes , & de rapprocher, par
164 MERCURE
exemple , les ſerfs Polonois des ferfs de la
Ruffie . M. Coxe eſt , à ma connoiffance , le
ſeul Voyageur qui paroiffe croire ces derniers
moins miferables. L'Abbé Chappe , entre- autres,
en a fait un parallèle qui lui a valu beaucoup
d'injures de la part de quelques Ruffes
trop ombrageux, parallele,dont chaquetraiteſt
confirmé par l'unanimitédesvoix. Il eſt de fait
que les moeurs fuppléant aux Loix, les ferfs
de Pologne , en beaucoup de lieux , étoient
moins à plaindre non-feulement que leurs
voiſins, mais même que les Payſans libresde
diverſes contrées. Par-tout où la ſervitude
politique des Grands s'unira à l'eſclavage de
la glèbe, le fort du Payſan ſera le pire de
tous. Plus les propriétés des Seigneurs feront
précaires , plus leur état ſera expoſé à des
viciffitudes , & plus ils ſe hâteront de jouir
enmultipliant les extorfions. Il faut des richeffes
promptes à quiconque n'est pas affuré
de les conferver. Les Seigneurs Polonois
vivent en général plus près de leurs ferfs ,
fejournent plus long temps ſur leurs terres ,
font moins affujettis aux repréſentations difpendieuſes
de faſte à la Cour, au beſoin d'y
acquérir du crédit , &c. Ces différences que
j'eſquiffe rapidement , en ont introduit une
très-ſenſible dans le traitement des ferfs. La
Diète de 1764 s'occupa encore de l'adoucir.
M. Çoxe rend lui-même juſtice à l'humanité
&à la ſageffe de quelques Magnats qui ont
affranchi leurs Payſans; il pouvoit en cirer un
plus grand nombre , mais une émancipation
1
DE FRANCE. 165
fubite & générale , n'eſt point une meſure
aufli facile ni aufli prudente qu'il paroît l'imaginer.
Je fais qu'en 1765 , d'après les idées
d'un Étranger diftingué par ſes connoiffances
philofophiques , divers Seigneurs proposèrent
à leurs Payſans la propriété & la liberté
moyennant des redevances ; & telle eſt la
dégradation de certe malheureuſe partie de
Peſpèce humaine, qu'ils refusèrent ces avantages.
La liberté d'ailleurs eſt une liqueur
enivrante pour des eſclaves; il faut les y accoutumer
inſenſiblement , diftinguer les cantons
où les chemins , les canaux , les rivières
facilitent les débouchés des denrées , de ceux
où le manque abſolu de communications rendroit
le Payſan propriétaire plus miférable
que le ferf, ſans le rendre moins indolent ,'
&c. J'ajouterai que la ſeule différence de caractère
entre le ſerf Polonois fidèle , fobre &
laborieux, & le ferfRuffle adonné au vol , à
Pivrognerie, à la pareſſe, vendu dans les mar-
✔chés d'eſclaves comme une pièce de bétail,
explique clairement le genre de régime auquel
l'un & l'autre ſont ſoumis , & réfuté
l'imputation odieuſe que le Voyageur fait aux
Polonois en général, de regarder à peine leurs
Paysans comme des créatures humaines.
Du moment où M. Coxe entre en Ruffie ,
fonpinceau devient moins libre & ſes jugemens
moins amers. Il nous introduit dans la
Capitale de cer Empire par une defcription
affez détaillée de Smolensko , de Mofcou ,
deNovogored. Pluſieurs de ces articles font
166 MERCURE
nouveaux & intéreſſans ; l'amour de l'Auteur
pour les recherches hiſtoriques y jette même
des ſupplémens inſtructifs; mais l'on paſſe dù
plaifir à la ſurpriſe ,lorſqu'à la première page
du Chapitre de Pétersbourg, on lit une apologiede
la tranflation du Siége de l'Empire dans
cette Ville , preſque frontière , par Pierre- le-
Grand. Cet Empereur , à entendre M. Coxe ,
fit lachoſe du monde la plus utile en ſe donnant
des ennemis nouveaux, le beſoinde nouvelles
conquêtes, une influence ſur le Nord
&l'Allemagne, propre à augmenter lajalouſie,
ſans augmenter la puiſſance réelle des Tzars ,
enfinune marine ſur la Baltique pour aller
dans l'occaſion ſe battre vers l'Archipel ;
avantages qui ont découlé , ſelon l'Auteur ,
de la fondation de Pétersbourg.
Sans nous arrêter à ce paradoxe , nous citerons
la deſcription d'un pont de bois projetté
ſur la Néwa. " Elle est trop profonde ,
ود dit M. Coxe, pour y bâtir un pont de
>> pierre , & cet ouvrage même ſeroit bien-
>> tôt renverſé par les glaces ; mais un Payſan
”و
ود
Ruſſe a eu l'idée ſublime de jeter ſur le
fleuve un pont de bois d'une ſeule arche,
>> quoique ce fleuve, dans ſa moindre lar-
» geur , ait 980 pieds. Il en a exécuté un modèle
de 98 pieds de longueur. Il eſt exécuté
fur le même principe que celui de
Schaffouſe en Suiffe. Il ſeroit couvert d'un
* toît , & fermé par les côtés. L'Artiſte m'a
dit qu'il entreroit dans ſa conſtruction
» 12908 grands arbres , ssoo poutres , &
ود
ود
ود
DE FRANCE. 167
"
ود
>> qu'il coûteroit 300,000 roubles ( 1 500,000
liv. tournois.) Le modèle eft fait avec tant
de ſolidité qu'il a pu ſupporter un poids de
127,440 livres ſans avoir le moins du
monde plié , ce qui ſuppoſe une force de
réſiſtance plus grande que le pont en grand
n'en auroit beſoin , proportion gardée ,
>>pour foutenir le poids des voitures ajouté
ود
ود
ود
ود au ſienpropre. » Ce Payſan ingénieux a
commencé par faire des horloges de bois &
en métal; il ſe nomme Kulibin , & il a
voyagé en Angleterre aux frais de l'Impératrice,
qui lui fait une penſion.
Il eſt difficile d'accorder beaucoup de
confiance aux obſervations météorologiques
de l'Auteur à Pétersbourg en liſant ce qui
fuit à la page 219 du Livre IV. Sur
>> trente jours il y en eut vingt- quatre de
>>pluvieux , & pendant le mois de Septem-
>> bre il tomba à Pétersbourg , deux pouces
>> Anglois& trois cinquièmes d'eau. Par des
obſervations très - exactes , nous apprenons
>> qu'il y pleut ou neige preſque la neuvième
partie de l'année. On a obſervé
ſur dix années , qu'année commune il y a
>>cent trois jours pluvieux & foixante douze
"
"
ود
" où il neige ; & que ſi on partage l'année
» en douze parties , une quatrième ſeroit de
>>beaux jours , une troiſième de pluie &
> une cinquième de neige. »
Cet article , contradictoire avec lui- même ,
eſt de la plus grande inexactitude. D'abord
il pleut très-peu en général ſous ce climat , &
168 MERCURE
ordinairement il n'y tombe de la neige qu'une
fois par an , pendant cinq à fix jours de
fuite . M. Coxe veut qu'il pleuve ou neige
preſque la neuvième partie de l'année , tandisque
par fon propre calcul cela arriveroit
cent foixante - quinze jours , c'est- à-dire , la
moitié de l'année. Comment l'Auteur ni le
Traducteur ne ſe ſont- ils pas apperçu de
cettemépriſe?
Après la deſcription curieuſe des divertiſſemens
fur la Néwa, du faſte de la haute
Nobleffe , de la vie privée de l'Impératrice ,
&c. , le Voyageur paſſe à l'Hiſtoire paffée &
préſente de la Ruſſie, Quelques - uns de ces
Chapitres méritent l'attention du Lecteur,
entre autres celui qui eſt conſacré au mal
heureux Tzarewitz, fils de Pierre- le-Grand.
M. Coxe ayant rapporté les différentes opinions
touchant la mort d'Alexis , adopte celle
de M. Buſching , qui affure poſitivement que
leTzarewitz eut la têre tranchée par ordre
de fon père , & que le Maréchal Weyde fit
l'office de bourreau. Le Colonel Bruce, dans
ſes Mémoires , prétend au contraire que le
Prince fut empoifonné , & M. le Clerc eſt de
même ſentiment. On peut comparer les autorités
& les argumens de ces divers Hiftoriens.
Si l'on rencontre aujourd'hui les plus
grandes difficultés à éclaircir & à conftater
des événemens pareils après un demi fiècle
d'examen , que fera ce des révolutions
préparées dans un ſecret preſque impénétrable
DE FRANCE.
169
nétrable aux yeux des contemporains , conſommées
par des motifs & par des moyens
dont il eſt ſi délicat de lever le voile , racontées
ſelon les intérêts divers avec plus ou
moins d'infidélité ? L'Hiſtorien doit ſe défier
alors &de la diffimulation de la prudence , &
des fraudes de la politique , & de la témérité
des calomnies. Comment un Étranger no
fera-t- il pas trompé ſur des particularités dérobées
à la connoiſſance des Nationaux les
mieux inſtruits ? Comment difcernera-t-il les
pièges tendus à ſa crédulité ? Comment un
Auteur ſur-tout qui interroge des Grands ,
desOfficiers d'État,dans le deſſein connu d'imprimer
le réfultat de leurs réponſes , peut- il
eſpérerde n'en pas recevoird'infidieuſes,dans
les pays en particulier où les indiſcrétions ſont
rarement pardonnées? Quelle confiance d'ailleurs
le Public accorderat il au Révélateur
qui affiche les confidences qu'il a reçues , &
qui trahit ainſi le premier devoir de la probité?
Pluſieurs de ces réflexions pourroient être
appliquées au récit haſardé par M. Coxe ſur
lesdernières révolutions de la Cour de Ruffie.
Ce feroit imiter ſon imprudence que de
le réfuter,&nous nous bornerons à tenir les
Lecteurs en garde contre les narrés fouvent
ſuſpects , & les raiſonnemens ſouvent
très-foibles du Voyageur.
-On retrouve ſa ſageſſe&ſes lumières dans
les Chapitres V, VI & VII , concernant l'état
de laCiviliſation , des Académies , de l'Édu-
Nº. 4 , 27 Janvier 1787. H
170 MERCURE
cation en Ruffie. Tout y eſt obſervé avec
exactitude , & accompagné de réflexions judicieuſes.
On doit ſavoir gré à l'Auteur de
fa Notice fur MM. Pallas, Gmelin & Guldenſtæd,
tirée du Docteur Pulteney. M. Coxe
cependant s'eſt trompé en donnant cinq Volumes
in-4°. au Voyage du premier de ces
Académiciens , qui n'en a que quatre*.
Si lesbornes néceſſaires de cet article, déjà
très-étendu , nous le permettoient , nous citerions
encore divers morceaux non moins inf
tructifs de ce Voyage , en particulier les détails
fur le Commerce de la Ruffie, la defcription
de Stockholm , celle du Canal de
Treëlhetta , & les réflexions ſages de M. Coxe
fur la nouvelle forme du Gouvernement de
Suède. Il prouve très - bien, contre l'avis de
M. Scheridan , d'ailleurs fi exact & fi péné
trant , que cette forme n'eſt point le deſpotifime,
puiſque le Roi ne poſsède pas le droit
illimité de faire & d'abroger les Loix , ni
celui d'établir des impôts ſans le conſentement
de la Diète
* Il eſt étonnant que ce Recueil , fi important &
& curieux, n'ait point encore été traduit en François.
M. Gauthier de la Peyronnie , Interprête du Roi au
Dépôt des Affaires Étrangères , a cependant exécuté
ce projet , dont ſes connoiſſances , fon érudi
tiondans les largues & ſon excellent jugement, devoient
afferer le fuccès ; mais aucun Libraire , julqu'ici
, n'a eu le bon ſens de s'aſſocier à cette entrepriſe
, digne même d'être encouragée par le Gou.
vernement.
DE FRANCE.
171
Le Voyageur a parcouru ſi légèrement le
Danemarck, que la relation de ce Royaume
est néceffairement pauvre & imparfaire.
Heureuſement le Traducteur a trèshabilement
réparé ici les défauts de l'original;
il l'a enrichi entre autres d'un expoſé de
la révolution de 1660 , tiré de ſa belle Hiftoire
de Danemarck ; c'eſt un modèle de
ſtyle hiſtorique , de narration , d'exactitude.
Le Voyage de Norwège fait par M. Mallet
lui- même , &joint au Recueil de M. Coxe ,
en forme peut-être la partie la plus piquante.
Quoiqu'écrit dans la jeuneſſe de l'Auteur ,
on y voit une maturité d'eſprit & un talent
d'obſervation rares à tous les âges. M. Mallet
ya ſeméd'ailleurs un agrément qui vivifie partour
fes defcriptions. Il en exifte peu de plus
intereffantes que celle des moeurs des Norwègiens
, & nul Roman Comique n'eſt plus
fingulier , que les particularités biographiques
fur le Baron d'Holberg, l'un des hommes
les plus extraordinaires qui ayent cul
tivé les Lettres
(Cet Article est de M. Mallet du Pan.)
1
Hij
1721 MERCURE
ETRENNES du Parnaſſe , choix de Poéſies
recueillies par M. Mayeur de Saint-Paul:
Erat quod tollere velles. HOR.
AParis , chez Belin , Libr. , rue S. Jacques ,
près S. Yves ; Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , & l'Eſclapart , Libraire de
MONSIEUR, rue du Roule , No. 11 .
?
JAMAIS on n'a tant compoſé ni compilé de--
petits vers ; nous avons eu pluſieurs fois occafiond'en
faire la remarque ; mais le choix
que nous annonçons tient un des premiers
rangs parmi une foule de Recueils de toute
eſpèce. Depuis que le Rédacteur actuel en
a acquis le privilége , celui - ci eſt devenu
beaucoup meilleur. Un goût plus difficile
& un difcernement plus fin y préſident.
Une multitude de jolies Pièces , fruits du
moment , enfans de l'occaſion & du defir
deplaire , mourroient dans le cercle de l'indulgence
& de l'amitié qui les fit naître ,
fans l'Almanachdes Muſes & les Étrennes du
Parnaſſe , où l'on eſt charmé de les trouver
raſſemblées à chaque nouvelle année. La Littérature
eſt un vaſte jardin : il y croît des
rofes , des lys &des violettes à côté des chênes
&des cèdres. Si les uns font utiles, les autres
font agréables, Ces légères productions ont
plus de rapport qu'il ne ſemble avec le règne
de la politeffe & du ſavoir. Elles rendent la
oulture dugoût &de l'eſprit plus commune.
DE FRANCE. 173
Il n'y a pas de mal que cette mode foit dominante.
Ceuxqui ſe rappellent avoir lu, il y a deux
ou trois ans , dans l'Almanach des Muſes une
Pièce très-agréable , intitulée les Aventures
de Thalie , ne liront pas avec moins de plaifir
dans les Étrennes du Parnaſſe , les Avenzures
d'Erato , par M. Renault de Beaucaron.
Nos Lecteurs vont juger , par un fragment ,
fi l'Auteur a bien ſaiſi le ton du ſtyle narratif,
le plus difficile peut- être de tous les ſtyles
en vers& en profe.
Le vieux Ronſard régnoit ſur le Parnaſſe ;
Pour l'épouſer , il ſe mitſur les rangs.
Elle eût aimé ſans doute ſes talens ,
Si le bonhomme avec mauvaiſe grace
N'eût débuté par un compliment ſec ,
Quoique François, paroiſſant un peu Grec:
Elle le prit pour un homme à férule ,
Et renvoya cet amant ridicule,
BONNEFONDS Vint : il lui parla latin;
Ses vers charmans reſpiroient l'élégance;
Bonnefonds prit , obtint la préférence ,
Et , revêtu du coſtume Romain ,
Long-temps jouit du plus heureux deſtin.
De Jean ſecond le bonheur fut ſemblable.
Ingénieux , &non moins agréable ,
Enfin Chaulieu parut ſur l'Hélicon s
Avec la Belle il vécut ſans façon ,
:
Hiij
174
MERCURE
Et ne quittant que le lit pour la table ,
Paffoit ſes jours dans le ſein du loifir..
La Déité prévenoit fon defir.
Mais ici-bas , rien peut itêtre ſtable ?
Un jour la Muſe , il faut en convenir
Le ſurprit . , où ? dans le lit d'Érigone.
Pourun goutteux un tel fait vous étonne.
Ah! voilà donc , lui dit-elle en courroux ,
Comme l'on traite une amante , une femme !
Chaulieu , dit on , rit au nez de la Dame ,
La mit dehors , & tirant les verroux ,
Dans le léché d'un vin fumeur & doux ,
Courat noyer les chagrinsde ſon ame.
POUR oublier un ſi ſenſible affront ,
Elle eût voulu tenir en ſon ſervage
Le gai Chapelle & le fin Bachaumont ;
Mais ils étoient tous les jours en voyage.
Ellereçut quelque temps Pavillon ,
Dicta ſouvent des vers à Deshoulière ,
Eur une intrigue avec la Sablière,
Et fut amie avec Saint Évremont.
5
:
On voit que dans le récit des Aventures
d'Érato , l'Auteur cherche à caractériſer le
genrede chacun des Poëtes aimables quí la
courtisèrent. Ce qu'il dit ſur Cotin eft char- .
mant. Nous ſommes forcés de nous borner à
l'indiquer à nos Lecteurs , en leur recommandant
la Pièce entière qui , par fon érendue
DE FRANCE.
175
autantque par ſon agrément , fort de la foule
ordinaire des Pièces Fugitives. Ce n'eſt pas
que parmi celles- ci , ſouvent les plus courtes
ne foient les meilleures, témoins ce joli Madrigal
de M. Knapen , à une nouvelle Eucharis
, en lui envoyant les Ouvrés de Mirl. les
Chevaliers de Parny & Bertin.
1
Les voilà , ces Auteurs charmans ,
Que le Dieu d'Amathonte inſpire ,
Qui chantent les bienfaits , quïchantent les tourmens
Qu'on éprouve ſous ſon empire.
Je les ai lus , & vous allez les lire .
J'y cherchois , Eucharis , l'art de vous enflammer.
Si ce quej'y cherchois n'eſt point une chimère
Et fi bien loin de me blâmer
Un mot tendre eſt le prix d'un aveu téméraire ,
Ils furent pour moi l'art de plaire ;
Pour vous ils ſeront l'art d'aimer.
Voilà de la galanterie ingénieuſe ſans être recherchée,
fimple&naturelle ſans être ni fade
ni commune. Des idées ſi ſouvent ou bien ou
mal employées , ſe trouvent ici rajeunies par
la tournure & par l'à propos , qui , dans ce
cas , eft le premier mérite. C'eſt le ſel du
bel- eſprit ſi faftidieux quand il eſt déplacé.
C'eſt-là ce qui donne un charme particulier
au couplet ſuivant , à une Dame , accouchée
quelques jours avant ſa fête , quoiqu'il
manque d'une forte d'élégance & de précifioni
i
Hiv
176 MERCURE
AIR : Ce fut par la faute du fort.
L'HYMEN pour couronner vos voeux,
D'un fils vient de vous rendre mère.
Après ce bienfait précieux
Mon bouquet pourra-t'il vous plaire ?
Sur votre ſein au temps jadis
Vos mains l'auroient placé peut-être.
Mais déjà ce fripon de fils
De la place s'eſt rendu maître.
Faut-il faire une infipide nomenclature de
toutes les Pièces qui , comme celles que l'on
vient de lire , ſeroient dignes d'être citées
avec éloge ? Faut- il , pour contenter les Auteurs
, infcrire leurs noms dans une eſpèce de
légende ? Je ne fais ſi ceux- ci en ſeroient infiniment
fatisfaits ; mais je crois que le Public
auroit lieu de ſe plaindre. Au reſte , il eſt juſte
que les Pièces en grands vers ayent le privilége
d'une mention particulière , d'autant
plus qu'elles font trop ſouvent négligées par
des eſprits frivoles , auquel il est bon d'en
faire connoître le mérite & le prix.
Il ne s'en trouve que deux d'une certaine
importance , encore ne font elles pas d'une
grande force. L'une eſt une Épître à Young ,
qui fent d'un bout à l'autre ce ton de déclamation
mélancolique ſi reproché au Poëte
Anglois , fans en avoir l'énergie. L'autre eſt
la Traduction du commencement du Poёте
des Jardins , de Rapin. Ce fragment eſt di
DE FRANCE.
177
gne d'encouragement. Les vers en font aifes
& coulans ; mais on ſent qu'ils ont beſoin
d'être retravaillés en beaucoup d'endroits.
Voici celui qui m'a paru le plus foigné & le
plus agréable. Je commence par le latin , afin
que les Amateurs de cette langue ayent le
plaifir de la comparaiſon. Le Poëte s'adreſſe à
M. le Préſident de Lamoignon .
i
Mufarum tenues etiam ne defpice lufus..
Fors erit , ut quanquam levia & minus amplafecutum
Nominis aqua tui fi vatem afflaverit aura ,
Tepoſſim canere atque tubas aquare canendo
Tummihi grande meo veniet de carmine nomen.
Te nemus & fontes , te patria rura loquentur ;
Atque meiflectentſe per tua temporaflores.
Daigne accueillir ma Muſe & fourire à ſes jeux.
Si ma voix eſt trop foible & ton nom trop fameux ,
Qu'un ſeul de tes regards anime le Poëte ,
Et pour mieux te chanter , j'embouche la trompette
Des fontaines , des bois & des lointains hameaux ,
Ton nom va dans mes vers éveiller les échos ,
Et je veux de mes fleurs que ton front ſe décore.
Il eſt aifé de voir que l'Auteur imite beau
coup plus qu'il ne traduit ; il détourne ſouvent
le ſens du latin , &quelquefois il l'altère.
Lointains hameaux n'est pas l'équivalent de
patria rura, qui a un ſens bien plus délicat
&bien plus flatteur pour M. de Lamoignon .
Hy
178 MERCURE
Tepoffim canere atque tubas equare canendo ,
n'eſt point rendu par
Et pour te mieux chanter j'embouche la trompette.
Le Père Rapin fait entendre que ſi M. de
Lamoignon inſpire fa Muſe , ſon flageolet
champêtre égalera en le chantant la trompette
épique.
Principio tellus horto querenda parando est
Eoum adfolem, & cooe'o subjecta falubri ,
Cui nonvicino collis de rurepropinquus
Inmineat,fumoſque palus obducat inertes.
Nam cælo imprimis flores latantur aperto ,
Nec poffunt tardos ftagnorumferre vapores.
Antepares autem ruri quam cuncta ferendo,
Quare quod ingenium , qua fit natura colenda
Telluris ; telbus melior cui plurimafubter
Uligo; pingui gaudent uligineflores.
Illaferax he barum ; illam experieris arando ,
Et cultûs omnis patientem , & floribus aptam.
Ovous qui cultivez le parterre de Flore
Pour obtenir ſes dons , choiſiſſez un terrein
Qu'éclaire un ſoleil doux , que souvre un ciel ſercin.
D'un côtcau dominant fuyez le voilinage
Et le poifon mortel qu'exhale un marécage.
Accoutumée à l'air , la famille des fleurs
Déteſte d'un étang les pefantes vapeurs.
Du fol que votre maindeſtine à la culture ,
4
DEFRANCE.
179
Appliquez-vous d'abord à fonder la nature.
Ce terrein qui des ſucs tire un gras aliment ,
Des filles da printemps fut toujours l'élément.
Par-tout une herbe épaiſſe aime à s'y reproduire.
Son ſein , rendu docile au fer qui le déchire ,
Propre à toute ſemence eſt le berceaudes fleurs.
Hancfuge , qua pictis latebras dedit îma lacertis
Argillâ in fterili , vel quam nativus adurit
Tophus , & infelix cretofi galea ruris :
Et lapidofa foli ne te malè gleba rubentis
Occupet , atque tuum teneatfrustrata rubentem.
Fuyez ce ſol ingrat , qui dans ſes profondeurs
Dérobe à vos regards une argile inféconde ,
Où triſtement caché gît le letard immonde.
Fuyez encor ce ſol qui recèle en ſes flancs
Oudes couches de craie , ou des ſables brûlans;
Mais que d'un champ pierreux la ſurface rougeâtre
Exerce toutefois la bêche opiniâtre.
Une Traduction de l'Ode d'Horace à
Lollius , par M. des T*** , mérite également
d'être examinée par les juges de l'un &l'autre
idiome , doctis fermonum utriufque lingua.
Mais les jeunes Lecteurs de l'un& l'autre ſexe
aimeront mieux les ſtances du même , à celle
que j'aime. Ces ſtances , pleines de délicareffe
, d'eſprit& de raiſon , n'ont rien de la
fadeur ordinaire des vers galans : elles refpi
rent le goût d'Horace &d'Anacreon.
Une Pièce non moins exquiſe dans ſon
Hvj
:
१
180 MERCURE
genre , c'eſt la chanson de M. Sabathier de
Cavaillon. Nous invitons à la lire , page 110
des Étrennes du Parnaíſe. L'étendue de cet
article ne nous permettant pas de la tranfcrire
, nous citerons du moins l'envoi à Mime
la Marquiſe d'O ***.
C'eſt dans vos yeux qu'eſt mon talent ;
Et fi mes vers n'ont pu vous plaire ,
Lorſque vous les chantez , leur fort eſt trop brillant;
Mais je reſſemble au diamant ,
Qui ne doit fon éclat qu'à l'art du Lapidaire.
HISTOIRE d'Artois ,jusqu'à Hugues Capet,
par Don de Vienne; 1784. in 8°. A Paris ,
chez Nyon l'aîné, rue du Jardinet.
1
Un ſavant Bénédictin qui écrit en François
avec plus d'agrément que d'érudition proprement
dite , & qui dans une Hiſtoire de
Province ſe borne à de courtes Brochures ,
de format in- 8 °. , où cependant rien d'effentiel
n'eſt omis , eſt un effet heureux des progrès
du goût & des lumières ; on ſent bien
que la partie de cette Hiſtoire qui précède le
temps de Hugues-Caper, n'eſt pas la plus intéreſſante;
cependant tant que l'Auteur eſt
foutenu par Céfar & par les Auteurs Romains
, il a quelquefois à faire des defcriptions
animées , telles font , par exemple ,
celles des expéditions de Céſar contre Arioviſte&
les Germains , les Gaulois , les Bretons;
celledu combat de la Sambre ; telle eft
DE FRANCE. 181
P'hiſtoire de ce Comius , que Céfar avoit
donné pour Roi aux Atrébates , c'eſt à-dire ,
aux habitans de l'Artois ; & qui , après avoir
été long- temps fidèle & utile aux Romains ,
crut , en qualité d'Atrébate , & par conféquent
de Gaulois , devoir entrer dans une
ligue générale que formèrent les Gaulois
pour recouvrer leur liberté; il devint alors
le plus redoutable ennemi des Romains , qui ,
n'ayant pu le vaincre , eſſayèrent affez lachement
de l'attirer dans divers pièges qu'il fut
toujours éviter avec adreſſe , ou dont il fut
ſe tirer avec courage. Labienus, Lieutenant de
Céfar, fit propoſer une entrevue à Comius, par
QuadratusVoluſénus,Général de la Cavalerie.
Comius vint au rendez- vous,Voluſénuslui tendit
lamain; Comius lui donna la fienne ; un
Centurion , qui étoit du complot , feignant
d'être choquéde la familiarité avec laquelleun
Atrébate affectoit , felon lui , de traiter d'égal
à égal avec les Romains, tira ſon épée , &
en donna un grand coup ſur la tête à Comius;
celui- ci , quoiqu'étourdi du coup , ſe
défendit vaillamment; & ayant été à l'inſtant
ſecondé par ceux de ſa ſuite , il mit en fuite
les Romains de la ſuite de Voluſénus. Cette
perfidie, indigne de la généroſité Romaine ,
& que Céfar ne ſe fût jamais permife , dit
l'Auteur, acheva de rendre Comius irréconciliable
ennemi des Romains. Voluſenus ne
ceſſoit de lui dreſſer des embûches , & Comius
trouvoit toujours le ſecret de lui échapper.
Un jour il ſe vit environné par lesRo
M
182 MERCURE
mains, qui lui avoient fermé toutes les iſſues
&qui le pouffoient vers la mer; il apperçoit
quelques barques à ſec , il s'y jette , &s'éloigne
avec affez de précipitation pour que les
Romains ne puiffent le poursuivre. Peu de
temps après il prend ſa revanche. Serré encore
de près par Voluſénus , il fait ſemblant
de fuir, les Romains le pourſuivent un peu
en défordre; des qu'il voit l'occaſion favora
ble , il donne un ſignal , ſe retourne , fond
fur Volufenus , Parteint ,& lui perce la cuiffe
d'un javelot. Satisfait de cette vengeance , il
fait un Traité avec Antoine , aufli un des
Lieutenans de Cefar; il promet de laiſſer les
Romains tranquilles , & demande ſeulement
qu'on ne l'oblige jamais de paroître devant
un Romain. Depuis ce moment l'Hiſtoire ne
parle plus de Comius. Voici le jugement que
l'Auteur porte de ce célèbre Atrébate.
" On ne peut diſconvenir qu'il n'ait eu
> des talens pour le gouvernement , pour
در les négociations , pour la guerre ; qu'il
» n'ait été auffi généreux que brave..... L'ef-
» time que lui témoigna Céfar , qui ſe con-
> noiſſoit en hommes , la confiance dont il
» l'honora , les graces qu'il accorda, à ſa con-
>> ſidération , aux peuples dont il l'avoit ren-
» du le Chef, prouvent qu'il avoit reconnu
» dans lui un mérite ſupérieur. Je ne faisfi
>> l'on doit regarder comine une tache , dans
>> la vie de Comius , d'avoir abandonné le
>> parti de fon bienfaiteur. Les obligations
>> qu'il avoit contractées envers Céfar , ne le
DE FRANCE. 183
>> diſpenſoient pas de ce qu'il devoit à ſa pa-
>> trie , & il y auroit de la témérité à pré-
>> tendre , que dans le moment où toutes les
›Gaules ſe réuniſſoient pour brifer les fers
>> que les Romains leur avoient donnés , Co-
>> mius ſeul auroit dû continuer de s'en laif-
>> fer charger. >>
L'aventure connue de Sabinus & d'Éponine
( que l'Auteur , je ne fais pourquoi ,
appelle toujours Éponime ) conſerve dans
cette Hiſtoire une partie de ſon intérêt , quoi
qu'elle y ſoit un peu trop raccourcie.
Quand les Hiftoriens Romains viennent à
manquer à notre Auteur , il eft réduit aux
Chroniqueurs & aux Auteurs de Vies des
Saints , alors l'Hiſtoire devient toute Eccléſiaſtique
; ce ne ſont plus que fondations de
monastères , liftes des Saints honorés d'un
culte particulier dans les différens lieux de la
Province d'Artois, ſoit comme Apôtres , premiers
Prédicateurs & premiers Évêques , ſoit
comme fondateurs; ce ſont ſur- tout de grandes
liftes de miracles , que l'Auteur refferre
cependant avec affez de critique , mais qui
reftent encore affez nombreuſes; on voit que
P'Auteur ne raconte pas tous ceux que les
originaux lui fourniffent , & on entrevoit
qu'il ne croit pas tous ceux qu'il raconte.Enfin
l'époque dont nous parlons offre des donations
innombrables& infinies faites a l'Egliſe
avec des clauſes quelquefois affez fingulières,
comme quand un Seigneur du pays , nommé
Gontberg , donne au Monaftère de Sithiu ,
J
184 MERCURE
c'est- à- dire, à l'Abbaye de S. Bertin , à Saint-
Omer , trente- trois terres , en l'honneur , eftil
dit dans la charte , des trente- trois années de
notre Seigneur.
Il a paru depuis quelque temps une ſeconde
partie de cet Ouvrage , qui commence au
temps de Hugues- Capet , & s'étend juſqu'en
1373 , époque où la Cathédrale d'Arras & fa
fuperbe tour furent bâties. Les événemens de
cette ſeconde partie ont beaucoup plus d'intérêt
que ceux de la première. Le ſeul récit
du procès & de la défection du Comte d'Artois
, ſous Philippe de Valois , eſt un des
morceaux les plus intéreſſans qu'offre l'Hiftoire
de France. Nous ne répéterons point ici
ces faits fameux, plus ils font intéreſſans, plus
ils font connus. Nous nous arrêterons un moment
à un fait que nous ne connoiffions pas ,
& que nous trouvons dans l'Avant - propos ,
où l'Auteur répondant à quelques uns de ces
eſprits timides qui s'alarment de toute vérité
un peu forte , dit que la Maiſon de Montmorenci
n'a pas trouvé mauvais que dans fon
Hiſtoire de Bordeaux il ait rapporté ce fait ,
qui n'eſt nullement honorable à la mémoire
du Connétable Anne. Le voici ce fait. Lorfque
le Connétable fut chargé, ſous Henri II ,
de punir la révolte des Bordelois , pluſieurs
Officiers Municipaux furent condamnés au
fupplice. « La femme d'un de ces Magiftrats.
» vint ſe jeter aux pieds du Connétable ,
» pour lui demander la grace de ſon mari.
ود Elle étoit d'une beauté rare. Le ConnétaDE
FRANCE. 185
:
"
» ble en fut frappé. Il lui fit entendre que la
grace qu'elle follicitoit dépendoit du facri-
>> fice de ſon honneur. Elle eut la foibleſſe
>> d'y conſentir. Le Connétable , après avoir
>>paſſe la nuit avec elle , ayant ouvert une
>>des fenêtres de ſon appartement , le pre-
ود
mier objet qui frappa cette malheureuſe
>> femme, fut une potence, àlaquelle on avoit
attaché le corps de fon mari .... Que les
Lecteurs apprennent que l'illuſtreMaiſon,
» quideſcendde celui qui a fourni la matière
>> de ce récit.... n'a nullement déſapprouvé
>> cette fincérité. »
06
Ceci nous fournit pluſieurs réflexions.
1º. La Maiſon de Montmorenci ne def ,
cendpoint parmâles ( car elle en defcend par
femmes) du Connétable Anne , dont la branche
eſt éteinte. Nous obſervons ce point en
paſſant , fans en tirer aucune induction , &
ſeulement pour que l'équivoque du mot
defcendrene trompe pas les ignorans.
2°. La Maiſon de Montmorenci eſt trop
juſte & trop éclairée pour ne pas abandonner
les faits hiſtoriques à la ſincérité des Hiftoriens
& à la diſcuſſion des Critiques. Ce
n'eſt pas dans cette Maiſon qu'on trouve de
ces ennemis des Lettres & de la vérité , qui ,
comme dit Tacite , preſenti potentiâ credunt
extingui poffe etiamfequentis avi memoriam.
Elle a d'ailleurs une ſurabondance de grandeur&
de gloire qui la met trop au- deſſus de
ce zèle inquiet & intolérant que d'autres Familles
, moins fécondes en grands Hommes,
১
186 MERCURE
:
4
témoignent pour la petite gloire de tous ceux
qui ont porte leur nom .
3. L'Auteur a eu foin d'obſerver , comme
c'étoit fon devoir, que le fait dont il s'agit
n'eſt rapporté que dans les Annales de Toulouſe
de la Faille , & nous avouons que ce
fait , appliqué au Connétable Anne , nous
paroît apocryphe.Notre raiſon pour le croire
tel , indépendamment du filence des Hiftoriens,
eft que nous avons remarqué , en écrivant
l'Hiftoire , qu'il y a de certains traits
mémorables que le vulgaire des Hiſtoriens
reproduit fans ceſſe ſous tous les noms célèbres
, quoiqu'ils ne foient vraiſemblablement
arrives qu'une fois tout au plus. Ce fait eft
du nombre. Il a été conté originairement
d'un Gouverneur d'une place appartenante
auDuc de Bourgogne, Charles-le-Téméraire,
qui fat , dit- on1,, une juſtice exemplaire de
cetre atroce perfidie & de ce coupable abus
d'autoriré ; il commença par obliger le Gouverneur
d'épouſer cette femme pour luirendre
l'honneur , & il le fit pendre enfuite.
On a encore imputé depuis la même horreur
au Colonel Kirke , ſi fameux par ſes
cruautés ſous le règne de Jacques II , en An
gleterre. La difference eſt que le crime de
Kirke reſta impuni , comme celui qu'on impute
au Connétable.
Remarquons de plus que le Connétable,
qui , avec des vertus & de très grandes qualités
, avoit véritablement de grands défauts ,
étoit abſolument incapable d'une pareille inDEFRANCE.
187
dignité.Et quant à la tradition de Bordeaux,
elle s'explique affez par la haine & la terreur
que la ſévérité exceſſive du Connétable , dans
le châtiment des Bordelois , avoit infpirées à
toute la ville. En pareil cas les traditions exagèrent
toujours , & c'eſt alors fur-tout qu'on
renouvelle , ſous le nom de ceux qu'on hait ,
tous les traits fameux de violence & de
cruauté.
SCIENCES ET ARTS.
ÉCONOMIE.
79
2
Nous avons fait connoître avec dejuſtes éloges ,
les heureuſes expériences que M. le Breton avoit
fai es fur le Tipha. Cer eftimabe Botaniſte , tour
jour zélé pour le bien public , nous a 'communiqué
un nouveau mémoire , lu à la Société royale d'Agriculture
, dans lequel il rend compte des mêmes expériences
qu'il vient de renouveler ſur l'Apo.in &
le Chardon. Ne pouvant entrer dans de dérail des
calculs que préſente ce mémoire , nous nous bornons
à préſenter quelques- uns des réſultats .
* Les expériences qu'on avoit faites juſqu'ici fur
l'Apocin , n'avoient pas rempli l'efpe ir & l'arterte de
leurs auteurs. M. le Breron fait réſuiter de grands
avantages de ſa culture. Deux perches d un mauvais
terroir lui ont rapporté affez de coques d' Apocin ,
pour fabriquer dix paires de Bas avec le mélange
d'un tiers de Coton ; ce qui , en évaluant chaque
paire de Bas à 20 fols , donneroit à u arpent
de terre la valeur annuelle de soo livres . Quelque
réduction que puiſſe ſouffrir ce calcul , M. le
188 MERCURE
Breton affure qu'il y aura toujours deux tiers
àgagner , en évaluant la matière à la valeur du coton.
Et il fautobſerver que cette plante n'exige ni
ſoin, ni frais de culture.
Une paire de gants au métier , revient à i liv.
4 f. 6 den.; avec plus de ſoin, & en y mêlant une once
de foie , elle revient à 46 f. &c.
En faiſant des expériences ſur le duvet de Chardon ,
M. leBreton n'a fait fabriquer qu'une pièce de tricot
de deux aunes de long ſur 18 pouces de large ;
mais les payſans , comme il le dit lui-même , pourroient
, en ramaſſant de ce duvet , en fabriquer des
bas , des chapeaux , &c. , & rendre utilepar-là une
plante qui leur eft naturellement nuiſible. L'aune de
Pétoffe qu'il en a tirée , revient à 3 liv. 4 ſols 3
deniers.
Il vient de perfectionner encore le produit du
duvetde Typha , dont il affure que le travaileſt aſſez
facile M. le Breton fait faire ſous ſes yeux toutes
ces expériences à Saint Germain-en-Laye, dans une
manufacture de filature & de bonneterie établiepour
le ſoulagement des pauvres , ſous les auſpices deM.
le Maréchal de Noailles. En applaudiſſant à ſes
fuccès , on ne peut que l'inviter à continuer de
faire tourner ſes travaux au profit de l'économie pub'ique.
ANNONCES ET NOTICES.
PLUTARQUE Anglois , par Mme la Baronne de
Waffe...
L'accueil favorable que le Public a fait au Plutarque
Anglois , engage l'Auteur à lui donner un
nouveau témoignage du deſir qu'il a de mériter ſes
DE FRANCE. 189
luffrages. Quoique la ſouſcription ait été fixée à
douze Volumes , ayant reçu de nouveaux Mémoires
fur la Vie des Lords Chatham & Chesterfield , de
l'Amiral Keppel , du Capitaine Cook , de Samuel
Johnson & de quelques autres Perſonnages non
moins célèbres , il croiroit ſon Ouvrage incomplet,
s'il en privoit ſes Lecteurs. En conféquence', il prome:
de livrer à ſes Souſcripteurs ſeulement , & gratis
, le premier Mai prochain , un Supplément qui
formeraun treizième Volume. Pour faire jouir du
même avantage ceux qui n'auroient pas ſouſcrit
pour les douze Volumes , la ſouſcription fera ouverte
juſqu'au premier Mars , après quoi l'on ne
pourra plus ſe procurer cet Ouvrage quà raiſon de
39 liv. les treize Volumes. Il prie en même-temps
ſes Souſcripteurs de lui envoyer leurs noms pour
être compris dans la liſte des Souſcripteurs qui fera
àla tête du Volume qui doit être donné gratis , en
préſentant leur quittance de ſouſcription.
Le prix de la ſouſcription eſt de 30 liv. pour
Paris , & 36 liv. franc de port pour la Province. On
ſouſcrit à Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Appoline,
nº . 6 , & chez Mérigot l'aîné. Libraire , Boulevard
de l'Opéra ; Mérigot jeune , Libraire , quai des Augustins
; Belin & Regnault , Libraires , rue Saint
Jacques ; Gatey , Libraire , au Palais Royal.
OEUVRES complettes de Mme Riccoboni , nouvelle
Edition , revue & augmentée par l'Auteur , &
ornée de vingt quatre figures en taille-douce. A
Paris , chez Volland, Libraire , quai des Auguſtins,
Les Tomes IV , V , VI & VIII qui viennent de
paroître, complettent cette nouvelle Edition,recommandable
par la manière dont elle eft exécutée, &
i précieuſe par les Ouvrages qu'elle renferme. Le
prix eſt de 28 liv. 16 fois huit Volumes in- 8°.
brochés.
190: MERCURE
CARTE Générale de la Terre appliquée à lAstronomie
pour l'étude de la Géographie terrestre &
céleste , dieffée par le ſieur Flécheux , d'après les ob
ſervations les plus récentes.
Cette Carte, en une feuille papier grand aigle, eſt .
d'une forme nouvelle & plus commode. A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Sentier , près le Boulevard , à
l'hôtel de Mine la Préſidente de Meſlay , & aux
adreſſes ordinaires. Le prix pour la Province
s'adreſſant directement à l'Auteur, eſt de 3 liv.
cn
CONSERVES de Roſes de Provins , chez le ſieur
Lefebvre , Marchand Épicior , au Magafin de Provence,
rue de larbreſec , au coinde la rue Baillet..
Le ſieur Lefebvre est le ſeul à Paris qui tienne le
Dépôt de Conſerves de Roſes de Provins sèches &
liquides de M. Aupoix , Maître Apothicaire à Provins.
Cette Conſerve prévient les ind geftions ,
diviſe les glaires , abſorbe les acides de l'eſtomac&
les humidités ſuperflues , &c. &c.
Le ſieur Lefebvre ne borne pas ſes ſoins aux
avantages de la fanté, il pourvoit encore aux plaifirs
de la bonne chère: & les Amateurs de la bonne
chère , affez nombreux dans Paris , nous fauront
gré de leur annoncer qu'on trouve au même Magafin
des comestibles particuliers & précieux , tels que.
Truffes fraîches du Périgord ; Pâtés de foies gras
aux truffes, de 36 à 48 liv.; Pâtés de jambons de
Bayonne nouveaux & aux treffes , de is juſqu'à
24liv ; Patés de dindes aux truffes , 24 liv. Pâtés
de perdrix aux truffes , de 15 , 24 & 36 liv.; Pâtés
de poulardes aux truffes , 18 liv.; Timbales de
perdrix aux truffes , 12 liv. Timbales de foies gras
aux truffes , is liv.; Poulardes engalantives aux
truffes & pistaches , 15 liv. Dindes engalantines
aux truffes & pistaches, 18 liv. Truffes mari
nées, 6 liv. ; Peidreaux rouges du Périgord , del
:
DE FRANCE.
191
aliv. to fols à 3 liv. pièce ; Thon mariné à l'huile
vierge , première qualité, 4 liv la livres Sauciffon
de Provence , iden , 2 liv. 15 fols, Cuiffes doies
marinées , 2 liv. pièce ; Olives rarcies de câpes &
anchoix , 1 liv. to fols & 3 liv. le pot ; Anchoix
marinés à l'huile vierge , I liv. to fols & 3 liv. le
por; Anchoix de Niſmes & de Fréjus nouveaux,
2 liv. la livre ; Olives diverſes & Cornichons de
Hollande, 1 liv. 16 ſols le bocal ; Huile d'Aix ,
liv. 8 fois la livre ; Bourie de la Prévalaye en
petit por & panier , arrivant les Mardis & Vendredis,
1 liv, le pot & liv. en petit panier; Liqueurs
fines de Mme Chaſſevant , ci devant:veuve Amphons
, du Fort Royal de la Martinique ; Crême de
Baume humain, 12 liv, 3 de Jamains , 12 liv.; de
Mirobolenty , 12 liv. ; de Canelle , 12 liv.; de Gé
roffle , de bois d'Inde , de Célery , d'Abſynthe , de
Noyaux , d'Anis , de Moka , de Barbade , de fines
Oranges , de Bergamotte , de Citronelle : le tout
à9 liv. la bouteille du pays , ainſi que toutes fortes
de Vins de liqueurs , Eaux-de-Vic & Liqueurs
étrangères à des prix raiſonnables , qui n'ôtent rien
àla qualité des denrées.
Le fieur Lefebvre fait des envois en Province &
chez l'Étranger en garantiſſant la fraîcheur & la
qalité de tous ſes Comeſtibles & autres Marchandites.
Le Muſicien Pratique , ou Leçons qui conduiſent
les Elèves dans l' Art du Contrepoint , en leur enfeignant
lamanière de compofer correctement toute efpèce
de musique ; Ouvrage compoſé dans les principesdes
Confervatoires d Italie , & mis dans l'ordre
le plus fimple & le plus clair, par del ſignor Francifco
Azopardi , Maître de Chapelle de Malthe, traduit
de l'Italien par M. Framery , Surintendant de la
Mafique de Mgr . Comte d'Artois , avec des Notes
1
1
:
192
MERCURE
du Traducteur pour en faciliter l'intelligence , deux
Volumes in - 88. , l'un contenant le Diſcours imprimé
, & l'autre les Exemples gravés. Prix , 9. liv. A
Paris , chez Leduc , au Magaſin de Muſique &
d'Inſtrumens , rue du Roule , nº. 6 .
Nous reviendrons ſur cet important Ouvrage , le
plus méthodique de tous ceux qui ont paru en
France ſur ce ſujet.
Leduc donne avis qu'il vient de faire l'acquifition
des trois Partitions de Sacchini ; ſavoir , Regnaud,
Chimène & Dardanus . On trouve auſſi chez lui
celle des deux.Comteſſes , Muſique de Paiſiello .
FAUTE à corriger au Nº . 2 , article , Notice &
Guide des Voyageurs à Paris , qui ſe vend chez
Hardouin & Gattey , au Palais Royal , au-lieu de
Viry ſur Seine , liſez Ivry.
2
TABLE.
Al'Auteur de mes Souver Danemarck , &c.
Impromptu à M. le Marquis Histoire d'Artois , jusqu'à
150
nirs , 145 Etrernes du Parnasse , 172
du Crest, 146 Hugues Capet , 180
Charade, Enigme& Dogogry Economie 187
phe. 147Annonces & Notices , 188
Voyage en Pologne , Ruffie ,
APPROBATION.
J'AI in ,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 27 Janvier 1987. Jen'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion .
Paris, le 26 Janvier 1787. GUIDI.
SUPPLÉMENT
AU MERCURE *.
AVIS.
BARBOU , Imprimeur-Libraire, rue &
vis-à-vis la grille des Mathurins , à Paris ,
annonce aujourd'hui qu'il a acquis du ſieur
Védeilhić , Imprimeur à Villefranche de
Rouergue , les Vies des Pères , des Martyrs
, &c.; mais comme il n'avait qu'un
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Profpeftus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cetre Feuille , les Proſpectus qui ci
devant ſe perdaient &n'étaient pas lus du Public, fe conſerveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs frais ſe trouveront conſidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du tirage , du pliage , &c. devenant
unedépenſe commune pour chacun d'eux.
Lapartie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles, on ne pouvait auffiy parler quetrès-impatfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement
ſurces objets .
On doit s'adreſſer à M. MOUTARD pour l'inſertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donuer au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus .
Supplém . No. 4. 27 Janvier 1787.
*
レ
( 2 )
7
petit nombred'exemplaires complets , il s'eſt
vu forcé de réimprimer pluſieurs Volumes
qui manquaient. Il eſt préſentement à même
de répondre à l'empreſſementduPublic pour
cet Ouvrage , qui a pour titre : Vies des
Pères, des Martyrs , & des autres principaux
Saints , tirées des Actes originaux ,
& des monumens les plus authentiques , avec
des Notes historiques & critiques; Ouvrage
traduit librement de l'anglais de feu M.
Alban Butler , par M. l'Abbé Godefcard ,
Chanoine de S. Honoré, 12 vol. in-8 ° . rel .
en veau , 72 liv. Il réimprimera ſucceſſivement
les autres Volumes , à meſure qu'ils
manqueront.
Le Frontifpice porte que ces nouvelles
Vies des Saints font librement traduires
de l'anglais , parce que pluſieurs Vies ont
été refondues & refaites même en entier ;
on y en trouve d'ailleurs un plus grand
nombre que dans l'original. Ces changemens
& additions tombent également fur
les notes. 1
Qu'on ne s'imagine pas qu'on ait par-là
dérérioré l'original. On a entendu des Anglais
même donner la préférence aux Vies
françaiſes. On y trouve , diſaient- ils , plus
de critique , plus de méthode , plus de
liaiſons dans les faits. Il ſerait à ſouhaiter ,
ajoutaient ils , qu'on en eût fait plus d'uſage
dans la nouvelle édition de l'Anglais qu'on
vient de donner à Dublin.
( 3 )
On ne craint pas de dire que cet Ouvrage
eſt unique dans fon genre. Il convient
aux ames pieuſes , qui feront édifiées ,
& qui , ſans craindre qu'on abuſe de leur
crédulité par des faits apocryphes , ne ſeront
point ſcandaliſées des excès d'une critique
outrée. Il convient également aux
gens de Lettres , qui trouveroonntt ,, fur-tout
dans les notes , des points de Géographie ,
d'Hiftoire , de Critique , de Littérature ,
diſcutés , élaircis , & quelquefois traités
avec une certaine étendue. Les Bibliographes
y verront avec plaifir les notices raiſonnées
des Ouvrages des Pères & autres
Auteurs Eccléſiaſtiques , dont on indique
les meilleures éditions.
On ne doit donc pas être étonné de
l'empreſſement avec lequel le Public recherche
ces nouvelles Vies des Saints.
On conçoit , d'après ce qui vient d'être dit ,
les motifs qui leur font donner la préférence
ſur les anciennes. Aufſi voit- on tomber
tous les jours Giry , Bailler , &c . Des
Séminaires & des Communautés ont adopté
les nouvelles Vies pour les lectures publiques
; pluſieurs Maiſons religieuſes attendaient
que l'Ouvrage. fût complet , pour
faire la même choſe.
Un autre avantage de ce Recueil , &
qui le diſtingue de tous les autres , c'eſt
qu'on y a inféré les Vies des nouveaux
Saints, d'après des monumens authentiques ,
* ij
(4)
& principalement d'après les Bulles de la
canoniſation de ces Saints
Lu & approuvé , ce 20 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation, Permisd'imprimer, le22 Décem. 1786.
DE CROSNE.
On trouve chez le même Libraire les Articles
ſuivans.
UNE nouvelle édition du Nouveau Testament
latin , revue fur l'édition du Vatican , de for
mat in-12 , faiſant fuite des Auteurs Latins ;
I vol, rel. en veau , doré ſur tranche.. 6 liv .
Il en exiſte trois exemplaires , qui ont été
imprimés ſur vélin , qui font très-beaux.
Vanierii Prædium rufticum , nova editio ceteris
emendatior , cum indice locupletiori ; accedit
vita Auctoris nunc primum in lucem edita
in- 12 , petit papier , faifant également ſuite a
la collection des Auteurs Latins , I vol. rel . en
veau , doré fur tranche. 6liv.
Collection complette des Auteurs Latins ,
in-49. ad uſum Delphini .
Principes généraux & particuliers de la Langue
Françaiſe , par M. de VAILLY , dixième
édition , 1 vol. in-12 , 1786. 2 liv. 10 f.
Les Aventures de Télémaque , 2 vol. in- 12 ,
figures...... • 6liv.
Novus Apparatus Latino-Græcus , cum inserpretationeGallica;
ex Ifocrate , Demofthene ,
aliiſque præcipuis Auctoribus Græcis concinna.
Schrevelii Lexicon Manuale Græco -Latinum ,
tus , 1 vol. in-4° . 15 liv .
I vol. in-8° , ,, 7liv, 10 f.
( 5 )
:
Collection des Auteurs Latins , de,format
petit in-12 , 68 vol. rel. en veau dorë fur
tranche. . : 395liv.
Cette collection contient les Auteurs ſuivans :
Catullus , Tibullus , Propertius , &c . I vol.
Lucretius , 1 vol . Virgilius , 2 vol. Horatius ,
I vol. Juvenalis & Perfius , I vol. Phædri Fabulæ,
cum notis & fupplementis, Brottier , I vol.
Martialis Epigrammata , 2 vol. Plauti Comediæ
, 3 vol. Ovidius Naſo , 3 vol. Lucani Pharfalia
, 1 vol . Terentius , 2 vol. Amænitates Poëticæ
, five Theodori Bezæ , M. A. Mureti &
Joannis Secundi Juvenilia , &c. , 1 vol. Sarcotis
& Caroli V, Imperatoris ,Panegyris Carmina ,
AuctoreMaſenio, I vol. in- 12. Sarbievii Carmina ,
I vol. Desbillons Fabulæ , 1 vol. Vanierii præ
dium rufticum , I vol. Rapin de Hortis , 1 vol.
Salluſtius , I vol . Cornelius Nepos , 1 vol .
Eutropius , I vol. Velleïus Paterculus & Florus ,
vol. Cæfaris Commentaria , 2 vol . Q. Curtius
, 1 vol. Corn . Tacitus , 3 vol. Juſtinus, I vol.
Titus Livius , 7 vol.
C. Plinii Hiſtoria Naturalis , 6 vol.
Ciceronis Opera , 14 vol.
Encomium Moriæ ab Eraſmo , & Mori Uto
pia, I vol.
Plinii Epiftolæ & Panegyricus Trajano Dictus ,
i vol.
Selecta Senecæ Opera , 1 vol .
Senecæ de Beneficiis &deClementiâ Excerpta ,
in Gallicum converſa , I vol.
Novum Jeſu- Chriſti Teſtamentum , i vol .
De Imitatione Chrifti , libri quatuor , ex recenfione
J. Vallart , I vol.
(6)
Sous Preffe.
LETTRES de Cicéron àAtticus, traduites par
MONGAULT , 4 vol. in-12 .
Dictionnaire des Antiquités Grecques & Ro
maines , édition revue par M. FURGAULT, I vol.
in 8°.
Leçons élémentaires de l'Hiſtoire Naturelle ,
par le P. СоTTE , avec un Manuel de l'Hiftoire
Naturelle .
Lu & approuvé le 28 Décembre 1786. MÉRIGOT lejeune,
Adjoint.
PROCES FAMEUX de tous les temps &
de toutes les Nations , extraits de l'Effai
fur l'Histoire générale des Tribunaux de
tous les Peuples , contenant le détail des
circonstances qui ont précédé & accompagné
lefupplice des fameux Criminels. Par
M. DES ESSARTS , Avocat , Membre
deplusieurs Académies .
De toutes les branches de l'Histoire, il
n'en eſt point qui falle une plus vive impreffion
, que celle des fameux Criminels.
Tous les hommes ont un défir naturel de
pénétrer dans le coeur des coupables , de
dévoiler leurs manoeuvres , de voir leur
audace, & de ſuivre leur inarche ténébreuſe.
Cet intérêt eſt ſi puiſſant , il captive avec
tant de force l'attention du Public , que
( 7 )
l'art le plus ſéduiſant ( celui de nos
Théatres ) a pris la plupart de ſes ſujets dans
le genre de faits qui compoſent l'Ouvrage
que nous annonçons. La fable & l'intrigue
des Tragédies font en effet tirées des écarts
des paſſions ; dépouillées des couleurs brillantes
de la fiction , elles ne préſentent
ſouvent que l'Hiſtoire des crimes que les
Loix ont punis , ou qui auraient dû exciter
leur vengeance. Si l'on s'attendrit au récit
exagéré des malheurs des illuſtres criminels
qu'on offre à nos regards ſur la ſcène
dramatique , l'illuſion n'étant jamais complette
, on ne peut éprouver ces émotions &
ces déchiremens que lavérité ſeule peut pro- duire. On trouve cet aliment de la curiofiré
dans l'Histoiredes fameuxcriminels : on yvoit
leur véritable phyſionomie , leur caractère,
leurs moeurs , leurs penchans; les Lecteurs
les ſuivent avec intérêt dans le labyrinthe
de leurs paflions ; ils les accompagnent de
puis le moment où une pente ſecrète les
entraîne vers le crime , juſqu'à l'inſtant où
la Juſtice les immole à la Patrie outragée.
On s'arrête ſur-tout , avec une eſpèce de
plaifir mêlé de crainte & de douleur , à
cette dernière époque de la vie des fameux
Criminels ; on contemple , avec une
forte d'avidité , les effets que produiſent ,
fur les différentes organiſations & fur les
caractères variés des coupables , la crainte
de la mort & la certitude de la recevoir ;
on aime enfin à parcourir & peut-être à
1
* iv
192
MERCURE
du Traducteur pour en faciliter l'intelligence , deux
Volumes in - 88. , l'un contenant le Diſcours imprimé
, & l'autre les Exemples gravés. Prix , 9. liv. A
Paris , chez Leduc , au Magaſin de Muſique &
d'Inftrumens , rue du Roule , nº. 6 .
Nous reviendrons ſur cet important Ouvrage , le
plus méthodique de tous ceux qui ont paru en
France ſur ce ſujet.
2
Leduc donne avis qu'il vient de faire l'acquifition
des trois Partitions de Sacchini ; ſavoir , Regnaud,
Chimène & Dardanus. On trouve auſſi chez lui
celle des deux. Comteffes , Muſique de Paiſiello.
FAUTE à corriger au Nº. 2 , article , Notice &
Guide des Voyageurs à Paris , qui ſe vend chez
Hardouin & Gattey , au Palais Royal , au-lieu de
Viry ſur Seine, liſez Ivry.
2
1
TABLE.
A l'Auteur de mes Soave Danemarck , &c.
150
172
Impromptu àM.le Marquis Hiſtoire d'Artois , jusqu'à
nirs , 145 Etrernes du Parnafſſe ,
du Crest
146 Hugues Capet, 180
187
phe, 147 Annonces & Notices , 188
Voyage en Pologne, Ruffie ,
Charade, Enigme& Dogogry Economie
APPROBATION .
J'AI in ,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 27 Janvier 1987. Je n'y
ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion.
Paris, le 26 Janvier 1787. GUIDI
)
SUPPLEMENT
AU MERCURE * .
AVIS.
BARBOU , Imprimeur- Libraire , rue &
vis-à-vis la grille des Mathurins , à Paris ,
annonce aujourd'hui qu'il a acquis du ſieur
Védeilhić , Imprimeur à Villefranche de
Rouergue , les Vies des Pères , des Martyrs
, &c.; mais comme il n'avait qu'un
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Prospectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cetre Feuille , les Profpectus qui ci
devant ſe perdaient & n'étaient pas lus du Public , fe conſerveront
au moins autant que chaque Mercure. Ily a plus ,
leurs frais ſe trouveront conſidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du tirage , du pliage , &c . devenant
unedépenſe commune pour chacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles , on ne pouvait auſſi yparler que très- impatfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement .
fur ces objets.
Ondoit s'adreſſfer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pout 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donuer au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém. No. 4. 27 Janvier 1787 .
*
( 2)
5
petit nombre d'exemplaires complets , il s'eſt
vu forcé de réimprimer plufieurs Volumes
qui manquaient. Il eſt préſentement à même
de répondre à l'empreſſement du Public pour
cet Ouvrage , qui a pour titre : Vies des
Pères, des Martyrs , & des autres principaux
Saints , tirées des Actes originaux ,
& des monumens les plus authentiques , avec
des Notes historiques & critiques; Ouvrage
traduit librement de l'anglais de feu M.
Alban Butler , par M. l'Abbé Godefcard ,
Chanoine de S. Honoré, 12 vol. in- 8º . rel .
en veau , 72 liv. Il réimprimera ſucceſſivement
les autres Volumes , à meſure qu'ils
manqueront.
F
Le Frontifpice porte que ces nouvelles
Vies des Saints ſont librement traduites
de l'anglais , parce que pluſieurs Vies ont
été refondues & refaites même en entier ;
on y en trouve d'ailleurs un plus grand
nombre que dans l'original. Ces change->
mens & additions tombent également fur
les notes. 1
Qu'on ne s'imagine pas qu'on ait par-là
dérérioré l'original. On a entendu des Angiais
même donner la préférence aux Vies
françaiſes. On y trouve , diſaient- ils , plus
de critique , plus de méthode , plus de
liaiſons dans les fairs. Il ſerait à ſouhaiter ,
ajoutaient ils , qu'on en eût fait plus d'uſage
dans la nouvelle édition de l'Anglais qu'on
vient de donner à Dublin.
( 3 )
On ne craint pas de dire que cet Ouvrage
eſt unique dans fon genre. Il convient
aux ames pieuſes , qui feront édifiées ,
& qui , fans craindre qu'on abuſe de leur
crédulité par des faits apocryphes , ne ſéront
point ſcandaliſées des excès d'une critique
outrée. Il convient également aux
gens de Lettres , qui trouveront , fur- tout
dans les notes , des points de Géographie ,
d'Hiſtoire , de Critique , de Littérature ,
diſcutés , élaircis , & quelquefois traités
avec une certaine étendue. Les Bibliographes
y verront avec plaiſir les notices raiſonnées
des Ouvrages des Pères & autres
Auteurs Eccléſiaſtiques , dont on indique
les meilleures éditions.
On ne doit donc pas être étonné de
l'empreſſement avec lequel le Public recherche
ces nouvelles Vies des Saints.
On conçoit, d'après ce qui vient d'être dit ,
les motifs qui leur font donner la préférence
ſur les anciennes. Aufſi voit- on tomber
tous les jours Giry , Bailler , &c. Des
Séminaires & des Communautés ont adopté
les nouvelles Vies pour les lectures publiques
; pluſieurs Maiſons religieuſes attendaient
que l'Ouvrage. fût complet , pour
faire la même choſe.
Un autre avantage de ce Recueil , &
qui le diftingue de tous les autres , c'eſt
qu'on y a inféré les Vies des nouveaux
Saints, d'après des monuiuens authentiques ,
* ij
(4)
&principalement d'après les Bulles de la
canoniſation de ces Saints.
Lu & approuvé , ce 20 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer, le 22 Décem. 1786.
DE CROSNE.
;
On trouve chez le même Libraire les Articles
ſuivans.
UNE nouvelle édition du Nouveau Testament
latin , revue ſur l'édition du Vatican , de for
mat in- 12 , faiſant fuite des Auteurs Latins ;
I vol. rel. en veau , doré fur tranche.. 6 liv .
Il en exiſte trois exemplaires , qui ont été
imprimés ſur vélin , qui font très-beaux .
Vanierii Prædium rufticum , nova editio ceteris
emendatior , cum indice locupletiori ; accedit
vita Auctoris nunc primùm in lucem edita
in- 12 , petit papier , faifant également ſuite a
la collection des Auteurs Latins , I vol. rel. en
veau , doré fur tranche... 6liv.
?
Collection complette des Auteurs Latins ,
in-4°. ad uſum Delphini .
Principes généraux & particuliers de la Langue
Françaiſe , par M. de VAILLY , dixième
édition , 1 vol. in-12 , 1786. 2 liv. 10 f.
Les Aventures de Télémaque , 2 vol . in- 12 ,
figures.. 6liv.
Novus Apparatus Latino-Græcus , cum inserpretationeGallica;
ex Ifocrate , Demofthene ,
aliiſque præcipuis Auctoribus Græcis concinna.
•
Schrevelii Lexicon Manuale Græco-Latinum ,
tus , 1 vol. in-4° . 15 liv.
vol . in-8°... . ,, 7 liv, 10 f
( 5 )
Collection des Auteurs Latins , de,format
petit in- 12 , 68 vol. rel. en veau dorë fur
tranche. .. 395-liv .
Cette collection contient les Auteurs ſuivans :
Catullus , Tibullus , Propertius , &c. I vol.
Lucretius , I vol. Virgilius , 2 vol. Horatius ,
I vol. Juvenalis & Perfius , 1 vol. Phædri Fabulæ,
cum notis&fupplementis, Brottier , I vol .
Martialis Epigrammata , 2 vol. Plauti Comediæ
, 3 vol . Ovidius Naſo , 3 vol. Lucani Pharſalia
, 1 vol. Terentius , 2 vol. Amænitates Poëticæ
, five-Theodori Bezæ , M. A. Mureti &
Joannis Secundi Juvenilia , &c. , I vol. Sarcotis
& Caroli V, Imperatoris , Panegyris Carmina ,
AuctoreMaſenio, I vol. in- 12. Sarbievii Carmina ,
Ivol. Desbillons Fabulæ , 1 vol. Vanierii prædium
rufticum , I vol. Rapin de Hortis , I vol.
Salluſtius , I vol . Cornelius Nepos , 1 vol .
Eutropius , I vol. Velleïus Paterculus & Florus ,
Ivol. Cæfaris Commentaria , 2 vol. Q. Curtius
, I vol. Corn. Tacitus ,3 vol. Juſtinus, 1 vol.
Titus Livius , 7 vol.
C. Plinii Hiſtoria Naturalis , 6 vol.
Ciceronis Opera , 14 vol .
Encomium Moriæ ab Eraſmo , & Mori Uto
pia, 1 vol.
Plinii Epiſtolæ & Panegyricus Trajano Dictus ,
1 vol .
Selecta Senecæ Opera , 1 vol .
Senecæ de Beneficiis &deClementiâ Excerpta ,
in Gallicum converſa , I vol.
Novum Jeſu- Chriſti Teftamentum , i vol.
De Imitatione Chrifti , libri quatuor , ex recenfione
J. Vallart , 1 vol.
*
(6)
Sous Preffe.
LETTRES de Cicéron à Atticus , traduites par
MONGAULT , 4 vol. in -12.
Dictionnaire des Antiquités Grecques & Romaines,
édition revue par M. FURGAULT, I vol.
in 8 °.
Leçons élémentaires de l'Hiſtoire Naturelle ,
par le P. COTTE , avec un Mannel de l'Hiftoire
Naturelle .
Lu& approuvé le 28 Décembre 1786. MÉRIGOT le jeune,
Adjoint.
PROCÈS FAMEUX de tous les temps &
de toutes les Nations , extraits de l'Effai
fur l'Histoire générale des Tribunaux de
tous les Peuples , contenant ledétail des
circonstances qui ont précédé & accompagné
lefupplice des fameux Criminels. Par
M. DES ESSARTS , Avocat , Membre
de plusieurs Académies .
De toutes les branches de l'Hiſtoire , il
n'en eſt point qui falle une plus vive impreffion
, que celle des fameux Criminels .
Tous les hommes ont un défir naturel de
pénétrer dans le coeur des coupables , de
dévoiler leurs manoeuvres , de voir leur
audace, & de ſuivre leur inarche ténébreuſe.
Cet intérêt eſt ſi puiſſant , il captive avec
tant de force l'attention du Public , que
( 7 )
l'art le plus ſéduisant ( celui de nos
Théatres ) a pris la plupart de ſes ſujets dans
le genre de faits qui compoſent l'Ouvrage
que nous annonçons. La fable & l'intrigue
des Tragédies font en effet tirées des écarts
des paflions; dépouillées des couleurs brillantes
de la fiction , elles ne préſentent
ſouvent que l'Hiſtoire des crimes que les
Loix ont punis , ou qui auraient dû exciter
leur vengeance. Si l'on s'attendrit au récit
exagéré des malheurs des illuftres criminels
qu'on offre à nos regards ſur la ſcène
dramatique , l'illuſion n'étant jamais complette
, on ne peut éprouver ces émotions &
ces déchiremens que la véritéſeule peut produire.
On trouve cet aliment de la curiofité
dans l'Histoiredes fameux criminels: onyvoit
leur véritable phyſionomie , leur caractère,
leurs moeurs , leurs penchans; les Lecteurs
les ſuivent avec intérêt dans le labyrinthe
de leurs paflions ; ils les accompagnent de
puis le moment où une pente ſecrète les
entraîne vers le crime , juſqu'à l'inſtant où
la Juſtice les immole à la Patrie outragée.
On s'arrête ſur-tout , avec une eſpèce de
plaifir mêlé de crainte & de douleur , à
cette dernière époque de la vie des fameux
Criminels; on contemple , avec une
ſorte d'avidité , les effets que produiſent ,
fur les différentes organiſations & fur les
caractères variés des coupables , la crainte
de la mort & la certitude de la recevoir ;
on aime enfin à parcourir & peut- être à
-
4
* iv
( 8 )
méditer les diſcours que ces infortunés ont
prononcés dans ces momens affreux où
l'homme ne tient plus à la vie que par un
fil , qu'un ciſeau fatal , ouvert devant ſes
yeux , eſt prêt à couper.
L'Ouvrage que nous annonçons eft compoſé
de huit Volumes in- 12 , dont le prix ,
pour Paris , eſt de 20 liv. , & de 24 liv. ,
franc de port dans toute l'étendue du
Royaume. Il faut adreſſer les lettres &
J'argent à M. DES ESSARTS , rue du Théatre
Français , près la place. Les lettres d'avis &
l'argentdoivent être affranchis. Les huitVolumes
paraiffent , & font en vente à l'adreſſe
ci- deſſus , & chez les principaux
Libraires du Royaume.
Ju &approuvé , de 26 dobre 1786. DE SAUVIGNY.
Vul'Approbation. Permis d'imprimer, ce 21 Noumbre 1786.
DE CROSNE.
Avis pour le renouvellement des Soufcriptions
de l'Année Littéraire 1787.
DEPUIS le premier Janvier 1786 , l'Année
Littéraire a paru régulièrement tous les
Mardıs , & finira le dernier Mardi de la
même année ; cette forme plus avantageuſe
a donné à ce Journal un nouveau degré
d'intérêt : les perſonnes qui voudront foufcrire
, font priées de le faire inceſſamment,
afin qu'on puiſſe déterminer sûrement le
1
) و(
nombre du tirage , & imprimer les adreſſes
avant le premier Mardi de Janvier 1787.
Quoique la Littérature ſoit la bafe de ce
Journal , les Sciences ne lui font point
étrangères; les progrès de l'eſprit humain
dans tous les genres, les Arts de toute efpèce
entrent dans ſon plan , & voici un
léger apperçu des divers objets qu'il ren
ferme.
:
LIVRES NOUVEAUX. Tous les Ouvrages
de Poésie ou d'Eloquence , les Hiſtoires ,
les Romans , les Traités didactiques fur les
Sciences & les Arts , & en général tous
ceux qui ont rapport à la Philofophie &
à la Littérature , font analyſes & difcutés
avec quelque étendue & d'une manière
propre à les bien faire connaître.
11
MÉLANGES ET POÉSIES FUGITIVES . On
accueille avec reconnaiſſance les Lettres re
latives aux Moeurs , aux Arts & aux Scien
ées , les Anecdotes , les petites Pièces de
Poéſie légère , les morceaux de Littérature.
On a ſoin d'annoncer les évènemens du
jour , propres à piquer la curiofité du Pu
blic, lorſqu'ils ont rapport aux Sciences on
aux Arts agréables .
ACADÉMIES. On rend compte des Séances
des différentes Académres du Royaume, des
Prix propofés, ainsi que desDifcours qu'on
y prononce. I
1
SPECTACLES . Lefort des Pièces nouvelless
avec une légère eſquiſſe de leur plan , le
* v
( 10 )
:
ſuccès des débutans ou débutantes , quel
ques n'flexions for leur talent.
M
IS REMARQUABLES. En apprenant
au Pul lic la mort des hommes quiſe ſont
fait un nom dans les Lettres , on tâche de
les apprécier d'après leurs Ouvrages , & de
donner une idée juſte de leur caractère &
de leur talent,
SCIENCES ET ARTS . Toutes les inventions
qui peuvent contribuer à la perfection des
Arts utiles ou agréables ; l'annonce des Ou
vrages de Peinture , de Gravure , de Mufique
, font compriſes ſous ce titre.
-On ſouſcrit entout temps pour ce Journal
, auquel on a réuni le Journal de Monfieur
; mais à quelque époque qu'on le faſſe ,
il faudra ſouſcrire pour l'année entière.
L'Abonnement eſt de 24 liv. pour Paris ,
&de 32 liv. pour la Province. On recevra ,
francs de port, les cinquante deux cahiers ,
de deux feuilles d'impreſſion chacun , avec
des Supplémens.
On foufcrir à Paris , chez Mérigot le
jeune , Libraire , quai des Auguſtins , au
coin de la rue Pavée , & chez tous les Libraires
du Royaumes MM. les Directeurs
des Poftes , & aux Bureaux de toutes les
Affiches de Province.
Lu& approuvé ce 1 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Yu l'Approbation, Permis d'imprimer, le 13 Decem 1786.
DE CROSNE.
( it )
On trouve chez BRUNET , Libraire , rue de Marivaux
, place du Théatre Italien , les Livres
Juivans.
PLUSIEURS collections de la Bibliothèque
desRomans , depuis ſon origine en Juillet 1775
juſqu'enDécembre 1786 incluſivement. 184 vol.
in-12 broch. 150 liv .
L'on vendra auſſi ſéparément les volumesque
l'on défirera , à raiſon de i liv. 4ſ. le volume.
Journal de Paris depuis fon origine en Janvier
1777 juſqu'en Décembre 1785 incluſivement.
18 vol. in-48. rel . 120 liv.
OEuvresdeMadameDeshoullières , ornées de
fon portrait.Paris. 1764. 2 vol. in- 12 , veau. 41.
Parallèle des Eaux minérales . Par M. Raulin.
Paris. 1777. in-12. broch. I1 liv. 10 f.
Cérémonies & Coutumes religieuſes de tous
lesPeuplesdumonde, repréſentées par des figures
deſſinées & gravées par Bernard Picard. Paris.
1783. 4 vol. in-fol. broch. en quinze .. 144 liv,
•
Théorie& pratique de la coupe des pierres &
des bois, pour la conſtruction des voûtes , &
autres parties des bâtimens. Par Freſier. Strafbourg.
1739 , 3 vol. in -4º. fig.. 39 liv.
Hiſtoire de Polybe , traduite du grec parDont
Thuillier , avec un Commentaire & un Cours
de Science militaire , par le Chevalier Folord.
Paris. 1727, 6 vol. in 4º. fig. v. f .. 42 liv.
Corpus Juris civilis Romani , cum NotisGothofredi
, Lipfiæ. 1720. 2vol. in-4°. gr. p.
Jacobo Gronovio , Theſarus GræcarumAntiquitatum.
Lug. Bat. 1697. 13 vol. in-fol. fig.
300liv.
v. f.. ..
151.
Anfelmi Blanduri , Numifmata Imperatorum
Romanorum , Lutetiæ Parifiorum. 1718. 2 vol.
in-fol. v. f. • 420kv.
* vj
(14 )
Quinti Horatii Opera, Londini, Johannes Perre
1733. cum fig. 2. vol. in-89. gr. p. m. r. 72 liv
Lu& approuvé , ce 12 Décembre 1780. CAILLEAU.
ONFROY & NÉE de la Rochelle , Libraires , rue
du Hurpoix , près du pont Saint Michel , préviennent
le Public qu'ils font maintenant chargés
du débit des Ouvrages de Madame la Comteffe
de Genlis. Ces Ouvrages se vendent ensemble ou
Séparément.
LA collection complette ,
broch ......
en 15 vol. in-80
75 liv.
La même , en 15 vol. in-12. broch. 39
Elle est compoſée des Ouvrages qui ſuivent.
Le Théatre desjeunes perſonnes. 7vol. in-8º.
broch....... 35 liv.
Le même. 7 vol. in - 12. broch. 171.101.
Dans ces fept volumes ſont compris un tome
de pièces tirées de l'Ecriture Sainte , formant le
premier volume de la nouvelle édition du Théatre
d'éducation , ou le tome cinquième de l'ancienne
; & le Théatre de Société , en deux volumes.
Onvend à part ces trois volumes pour com
pléter le Théatre d'éducation
LesAnnales de la Vertu . 2 vol. in- 12. br. 5 liv.
Les mêmes , 2 vol. in-8°. br. 10
Adele &Théodore , ou Lettres fur l'Education
3 vol. in - 8°. broch..
Le même , 3 vol. in- 12 . broch . •
15 liv.
7 liv. 10 f.
9
LesVeillées du Château. 3 vol. in-8º. br. 15 l.
Le même Ouvrage , 3 vol. in - 12. br.
On trouve chez ONFROY , les Lettres fur
l'Egypte. Par M. SAVARY. Deuxième édition ,
revue & corrigée. 3 vol. in-8°. broch. 15 liv.
Les tomes 2&3 ſevendent ſéparément , 9 liv.
:
Eu &approuvé le 17 Novembre 1786. MERIGOT lejeune.
(43 ) :
i
3
L'HÉROISME ÉTRANGER & national,
ou Collection historique des principaux
Traits d'humanité , de vertu , de patriotifme
& de courage , notamment de ceux
qui ont illuftré le règne de LouisXVI,
depuis fon avénement au trône, gravés en
couleur par M. GUYOT , d'après les
deffins des meilleurs Artistes ; dédiée à
M.ARMAND- JOSEPH DE BETHUNE ,
Duc de Charoft ,Pair de France Préfident
de la Société Philanthropique , &
à la Société , à Paris.
IL ſuffit d'annoncer tune pareille entrepriſe,
pour en faire fentir tout le mérite : c'eſt
rappeler les Arts à leur noble deſtination ,
que de les confacrer à immortalifer les
actions héroïques. Cette attention àrecueillit
les faits qui honorent l'humanité , caracté
riſe principalement notre Siècle ; on a foin
de les publier dans les Journaux : ils ob
tiennent des couronnes dans nos Acadé
mies : on récompenſe une belle action
commeunbelouvrage,& quoi qu'enpuiſſent
dire les détracteurs de l'âge préſent , tout
ſemble nous proniettre la plus heureuſe
révolution . }
1. Les encouragemens vont chercher le ci
soyen vertueux dans la clafſe la plus obf
cure : il devient tour à coup l'objet de la
2
(14)
vénération publique , & les préjugés du
rang ſemblent diſparaître à ſon égard; auffi
ne craindrons-nous pas d'aſſocier Jofeph
Chrétien au généreux Prince de Brunswick;
&labravoure du Maréchal des Logis n'exercera
pasmoins nos crayons , que le dévouement
héroïque du reſpectable Prélat d'Auch.
Nous ne nous croirions pas dignes d'exécuter
cette précieufe collection , ſi l'intérêt
pouvoit ſeul nous décider à l'entreprendre.
Le nombre de deux cents Souſcripteursune
fois rempli , nous nous chargerons , à nos
frais , de trois élèves pris dans la claſſe
la moins fortunée du peuple , & choifis
par la Société Philanthropique : après nous
être aſſurés de leurs diſpoſitions , nous deftinerons
l'un à la Peinture , l'autre à la
Gravure en taille-douce , & le troiſième à
laGravure en couleur & manière Anglaiſe :
Pouvrage auquel ils auront l'obligation
d'être entrés dans la carrière des Arts, ne
pourra que faire germer dans leurs coeurs des
femences d'émulation & de vertu , & les
porter à ſe diſtinguer par leurs moeurs
comme par leurs talens.
Outre l'intérêt propre à chaque fujet que
nous traiterons , les Amateurs ſenſibles &
éclairés verront ſans doute avec plaifir la
fuite non-interrompue de ces fortes de Tat
bleaux , où tout ra vrai , quoique grand
& fublime; & dont l'enſemble ſera lagloire
de notre Siècle aux yeux de la Poſtérité.
(15 )
!
CONDITIONS.
LE format de cet Ouvrage eſt in-folio , forme
ovale ſur la largeur. Chaque Eſtampe paraîtra
tous les mois avec l'historique gravé au bas ,
&coutera 3 liv.
La première , dont le ſujet eſt l'action courageuſe
qui a mérité le prix de l'Académie
d'Amiens , fondé par M. de la Tour , Peintre
du Roi , paraît actuellement.
Le 10 de ce mois, a paru celle de JoſephChrétien,
deſſinée par M. Texier.
Dans le courant de Février , paraîtra celle
du reſpectable Prélat d'Auch , deſſinée par M.
de Bucourt , Peintre du Roi.
Les épreuves feront délivrées ſuivant la date
des infcriptions; & quand la ſouſcription ſera
remplie , on publiera la liſte des Souſcripteurs ,
&les nouveaux payeront 4 liv. par Eftampe.
MM. les Souſcripteurs font priés d'affranchir
leurs lettres ; on ne prendra point d'argent d'avance
; il ſuffira de fe faire inſcrire pour une
année.
On s'infcrit à Paris , chez l'Auteur , rue St.
Jacques , nº. 9 , & chez les Campion , à la
ville de Rouen , n° . 8.
Er à Versailles , chez Blaifot , rue Satory , &
chez les Aſſociés , rue Dauphine.
Lu & approuvé , ce & Décembre 1785. DE SAUVIGNY .
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 6 Décembre 1789..
DE CROSNE.
JOURNAL DE NORMANDIE.
Troisième Année.
IE ſuccès foutenu dont jouit enNorman
die cet Ouvrage périodique , annonce affez
シ
(16)
l'utilité qu'en retire la première , la plus
tiche & la plus importante Province du
Royaume , à laquelle il manquait.
Les nombreux avantages que peuvent en
retirer également les Gens de Lettres de la
capitale , ceux des autres villes , & toutes
les claffes de citoyens , font une loi aux Propriétaires
du privilége de fixer l'attention du
Public fur ce Journal , rédigé par un homme
de Lettres dont lesOuvrages ont été accueil
lis à Paris , & où l'on traite de l'Agriculture ,
du Commerce , de la Jurisprudence , de
l'Hiftoire Naturelle , des Arts , des Manufactures
, & des Spectacles , en Normandie.
En forte qu'il doit être regardé , ainſi
que ſon titre l'annonce , comme un recueil
auſſi complet qu'intéreſſant de Mémoires
périodiquts pour fervir à l'Histoire Eccléfiaftique,
Civile, Naturelle & Littéraire , &
à celle des Sciences , des Beaux Arts & du
Commerce , dans cette partie floriſſante de la
France.
Il en paraît , franche de port , deux fois
par ſemaine , le Mercredi &le Samedi , une
feuille în-4º de quatre pages , indépendamment
d'une demi- feuille , réſervée auxAnnonces
, Affiches & Avis divers , pour que
les perfonnes étrangères à la Province , &
celles qui veulent faire une Collection au
bout de l'année , n'avent point un recueil informe
& bizarrement chamarré , dans lequel
un article de Phyfique , d'Hiſtoire Naturelle
ou de Littérature ,ſe trouve à côté d'un
( 17 )
Laquais à placer , ou d'une maiſon à vendre.
Tous les objets concernant la rédaction ,
doivent être adreffés , francs de port , à M.
de MILCENT , de l'Académie des Sciences ,
Belles - Lettres & Arts de Rouen , de plufieurs
autres Sociétés Littéraires , Directeur
& Rédacteür du Journal de Normandie , à
Rouen.
On s'abonne en tout temps , pourvu que
ce foit pour une année entière , moyennant
12 liv. pour la ville de Rouen , 13 liv. 10 f.
pour ſa banlieue , & 15 liv. pour le reſte du
Royaume.
A ROUEN , au Bureau , chez le Boucher,
le jeune , Libraire , rue Ganterie.
A PARIS , chez Durand neveu , rue Galande
, auquel on peut remettre les Livres ,
Mémoires , Estampes & paquets que l'on
deftine au Journal de Normandie .
On foufcri encore par le moyen de tous
Directeurs des Poſtes , & chez les principaux
Libraires de toutes les villes de Province...
Nota. Les deux premières années étant
entiérement épuifées , on ſe déterminerait
à les réimprimer , s'il ſe préſentait un nombre
de ſoumiſſions ſuffifantes pour couvrir
feulement les frais.
Lu & approuvé, ce 29 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 30 Décem. 1786.
DE GROSNE.
i
i
18 )
۱
:
EXTRAIT d'un Profpectus diſtribué ſous le
*couvert du Journal de Paris.
VOYAGE EN ASIE , ou Effais Philo-
Sophiques &Historiquesfurlahaute Antiquité
,fur quelques Peuples modernes
Orientaux , & fur divers animaux de
ces contrées. Ouvrage enrichi de Gravures
en taille-douce .
CET Ouvrage eût paru il y a dix ou douze
ans , fans des contre temps particuliers. En
1781 , quelques articles iſclés en furent
détachés & livrés à l'impreſſion , ſous le
titre d'Effais Philosophiques fur les moeurs
de divers Animaux étrangers,avec decourtes
Obfervations fur différens Peuples. Ces Effais
reçurent en France & chez l'Etranger
l'accueil le plus favorable .
* Le plan fixe & reſſerré de l'Auteur a éré
de n'employer que ce qu'il a pu recueillir
par lui-même. Ce qu'il donne ſur les moeurs,
les Sciences , les Arts , l'Hiſtoire Naturelle ,
les Ufages civils , politiques & religieux ,
a été le fruit de vingt ans d'obſervations
fur les lieux.
Les circonstances l'ont mis dans le cas de
conſidérer de près l'adminiſtration civile ,
militaire , commerciale & policique des
Puiſſances&Compagnies Européennes dans
-'Inde. Il y a apparence que des traits qui ,
( 19 )
déguisés dans un grand lointain, font infignifians
, pourront paraître tout autres ſous
un point de vue plus indépendant ou plus
rapproché.
Depuis 1765 juſqu'en 1769 , l'Auteur eut
diverſes facilités pour former un Recueil
du Droit coutumier de l'Inde. Cette Pièce
devait être imprimée , en 1772 , ſous les
aufpicesduMiniſtère de la Marine ; elle ne
paraîtra qu'avec le reſte de l'Ouvrage.
Quelques morceaux de Littérature Afiatique
, propres à concourir à des éclaircifſemens
utiles , à ce titre feront employés ;
l'Auteur donnera auſſi la traduction d'un
Poëme Erotique , jadis compoſé en la Langue
Indienne , aujourd'hui répurée ſacrée;
à cet égard , il ſe conforme à l'uſage des
anciens Ecrivains de ces contrées , qui , pour
prévenir le trop de contention d'eſprit , employaient
quelques feuilles àchanter l'amour
& la volupté.
Une partie très - curieuſe & intéreſſante
concerne la haute Antiquité ; l'Auteur fixe
le ſens de cette expreffion pour fon Ouvrage
, en difant qu'il conſidère comparativement
, comme moderne , tout ce qui
n'appartient pas à une époque antérieure
au moins de quinze cents ans au ſiècle où
nous plaçons le ſiége de Troie. Le hafard
ayant ſecondé ſes tentatives , il a pu porter
le coup-d'oeil de l'obſervation ſur les uſages
civils& religieux , la divination , les Loix ,
Langues , écriture , &c. de cette vénérable
しい
( 20 )
Antiquité; il a parcouru le tableau animé
d'origines , d'entrepriſes , de révolutionsmorales,
politiques& phyſiques, qui ont change
lafacede la terre : ajoutons que des preuves
littérales & autres , dont la vérification
fera rendue facile , mettront à portée de
reconnaître l'auſtère vérité , & que les impoſantes
prétentions des Peuples réputés
anciens par les modernes , n'ont que des
fondemens illuſoires .
Cet Ouvrage eſt propoſé par ſouſcription,
en deux Volumes in-4°. Il ne fera point mis
dans le commerce , par des raiſons particulières.
Ainſi on ne tirera à l'impreſſion que
le nombre d'exemplaires retenus. La fouf
cription eſt de 48 liv. pour les deux Volumes
in-4°. Vingt quatre liv. ferontpayées
en ſouſcrivant, & pareille ſomme en retirant
le premier Volume , qui pourra paraître
à la fin de 1787. Toute ſpéculation eſt
étrangère à cette entrepriſe ; mais il s'agit
de fournir aux frais d'impreſſion & de quatorze
ou quinze gravures conſidérables en
taille-douce , exécutées par des Artiſtes connus.
Si dans neuf mois le nombre des Soufcripteurs
eſt inſuffiſant pour les débourſés
néceſſaires , l'on en ſera averti , & l'argent
fera rendu par les Libraires chez leſquels
on aura ſouſcrit. La liſte de MM. les Soufcripteurs
ſe trouvera au commencement du
premier Volume : il leur fera fourni une
reconnaiſſance ſignée de Mad. veuve TILLIARD
& fils , Libraires de Paris.
On ſouſcrit , à Paris , chez la veuveTilliard
(21 )
-
&fils , Libraires , rue de la Harpe , au coin
de celle Pierre-Sarrafin .- A Londres , chez
MM. Payne & Benjamin White & fils ,
Libraires. A Vienne , chez MM. Rodolphe,
Grafer & Attaria , frères , Libraires.
-A Berlin , chez M. J. Bernoulli , Aftronome
du Roi de Pruſſe , &Membre de l'Académie
des Sciences . A Amſterdam ,
chez P. Vandamme , Libraire, - A Rome ,
chez MM. Bouchard & Gravier , Libraires.
ن
-
A Milan & à Turin , chez MM. Moife
Benjamin Foa , & les frères Reycends , Libraires.-
A Pétersbourg , chez MM. Rofpini
, frères , Libraires.
N. B. Il faudra avoir attention d'écrire
bien liſiblement fon nom &fon adreffe.
Lu & approuvé , ce 13 Juillet 1786. DE SAUVIGNY .
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 14 Juillet 1786.
DE CROSNE,
LE VOYAGEUR FRANÇAIS , ou les Connaiſſances
de l'Ancien & du Nouveau
Monde , mis au jour par M. l'Abbé DE
LA PORTE . 28 vol. in- 12 . Prix , 84 liv .
rel. avec des Cartes géographiques. A
Paris , chez MOUTARD , Libraire - Imprimeur
de la Reine , rue des Mathurins ,
Hôtel de Cluni .
LE ſuccès dont a conſtamment joui le
Voyageur Français, eſt une preuve du mé(
22 )
rite réel de cetOuvrage. Son plan eſt en effer
très heureux. Ce n'eſt point un Abrégé ſec
& décharné de tous les Voyages dans l'Ancien&
dans le Nouveau Monde. M. l'Abbé
DE LA PORTE a eu l'art de mettre beaucoup
d'intérêt dans ſes deſcriptions, en ſuppoſant
qu'un homme qu'il fait voyager , rend
compte, dans ſes Lettres , àune Dame de tout
ce qu'il voit , de tout ce qu'il obſerve. Il .
néglige les détails minutieux ; il ne s'attache
qu'à ce qui peut faire connaître l'état
de chaque pays , ſes monumens les plus remarquables
, ſes productions , fon commerce
, les moeurs , les uſages , la légiflation
des habitans , &c. Dans un tableau
rapide , il préſente des notions ſuffiſantes
fur tous ces objets ; & l'on doit avouer
qu'on connaît aufli bien un Peuple par la
lecture intéreſſante du Voyageur Français
que par des Relations plus détaillées qui n'amuſent
pas toujours un certain nombre de
Lecteurs.
:
Le ſtyle de cet Ouvrage eft uniforme :
par-tout il eft clair, facile , & même élégant.
M. l'Abbé DE LA PORTE Y a mis
cet efprit d'analyſe , d'ordre & de méthode
qu'il poffédait parfaitement. M. l'Abbé De :
LA PORTE a évité les fréquentes répétitions
& l'extrême prolixité de Abbé Prevoſt.
Ce dernier Ouvrage d'ailleurs n'eſt point
achevé : il y manque un grand nombre de
Voyages fur mer , & la collection de ceux
de terre , c'est-à- dire , de toute cette partie
( 23 )
de l'Ancien Monde , où ſe ſont paſſes les
évènemens les plus mémorables. L'état actuel
de ces lieux célèbres , les révolutions
qu'ils ont éprouvées , les reſtes précieux des
monumens qui fixent l'attention des Voyageurs
, manquent encore à cette vaſte collection
: auſſi eſt ce par là que commencent
les Relations du Voyageur Français. Enfin ,
la connaiſſance de tous les pays&de toutes
lesNations de l'Univers, en commençantpar
l'Afie , font la matière de toutes ces Lettres.
M. l'Abbé DE LA PORTE venait de donner
le vingt-fixième Volume , & il ne lui reftait
plus que l'Italie & la France à donner , lorfque
la mort l'a enlevé aux Lettres & à ſes
amis. L'Italie a paru depuis , & eft renfermée
dans les tomes vingt- ſept & vingt-huit.
Il ne reſte plus que la France à donner , &
cette partie intéreſſante eft confiée à un
Homme de Lettres digne de la confiance du
Public.
Le ſieur MOUTARD , qui vient d'acquérir
de.M. CELLOT le fonds de cet important
Ouvrage , a cru devoir l'enrichir de Cartes
géographiques , ſans augmenter le prix
du Volume , qui eſt toujours de 3 liv. relié,
Ii vend féparément les Cartes sliv. ſoit reliées
en un Volume in 8 ° . , ſoit en feuilles ,
avec l'indication des pages où chaque Carte
doit être placée dans l'Ouvrage,
Elles ſerviront à diftinguer cette édition
de celles contrefaites , qui d'ailleurs font
pleines de_fautes .
:
L
-( 24 )
1
FoPouurr facilirer l'acquifitionde cetOuvrage ,
it le vord deux Volumes à deux Volumes.
Il prie les perſonnes qui n'auraient pas les
vingt-huit , de ſe compléter le plus tôt poffible
, parce qu'à dater du premier Juillet
1787 , il ne vendra plus les Volumes ſéparément.
Onvient de mettre en vente chez le même Libraire ,
les articlesſuivans.
, RAPPORT des Commiſſaires chargés par
l'Académie des Sciences , d'un projet d'un nouvel
Hôtel-Dieu , imprimé par ordre du Roi,
A Paris , de l'Imprimerie Royale , 1787 ,
in-4°. 3 liv.
1 liv . 4 f.
Le même , d'après la copie imprimée au Louvre
, 1787. in -8°.
Idées fur les ſecours à donner aux pauvres
malades dans une grande ville , 1786. in 8°. 18 f.
LeDictionnaire de Police , parM. des Eſſarts ,
tome 2. in 4º°.
Onfoufcritpour cet Ouvrage , en payant 10 liv.
par Volume, en feuilles.
Nouveau Choix de Cauſes célèbres , par le
même , tome 14.
Le 15me. & dernier Volume , paraîtra le 15
Février 1787 .
Prix des 15 Vol. br. 37 liv . 10 f. rel. 45liv.
OEuvres complètes de Cicéron , traduction
nouvelle , par M. Clément , 1786. 6Vol. in-12.
rel. 18 liv.
Les mêmes , in-4°. beau pap. 48 liv . en feuilles .
N. B. Les tomes 7 & 8 , in - 12. & le tome
3. in-4°. ſous preſſe.
4
Lu&approuvé le 23 Janvier 1787. NYON l'ainé , Adjoint.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
C
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 10 Janvier.
r. Demidof, Conſeil'er d'Etat enRuffie,
Micélébre par ſes largeſſes à l'Hôtel des
Enfans-Trouvés & d'autres Etabliſſemens
publics de Moscow , eſt mort dans cette
ancienne Capitale de la Ruſſie.
Nous avons rapporté les nouvelles courantes
de Conſtantinople , touchant la poſition
actuelle du Capitan Pacha en Egypte;
voici maintenant celles qui rempliſſent
les Gazettes d'Europe , & quijuſqu'icin'ont
en leur faveur que l'autorité de ceux qui les
débitent.
Les nouvelles qu'on reçoit de l'Egypte ſont
très-affligeantes ;les troupes Ottomanes ont été
complettement battues par les Beys , & ont perdu
leur artillerie. Le Capitan- Pacha raſſemble
des Soldats de tous côtés; mais il eſt bien à
craindre que ces nouvelles levées ne puiſſent
réſiſter à l'excellente caval erie desrebelles dont
No. 4, 27 Janvier 1787. &
( 146)
cette victoire va d'ailleurs groſſir le parti. S'ils
rentrent au Caire , ils y commettront des défordres
affreux , & les Négocians acheveront de
perdre leurs fortunes. On a cependant fort àſe
louer juſqu'à ce moment de la protection que le
Capitan-Pacha leur accorde.
On arme ici pluſieurs bâtimens qui doivent
porter en Egypte des ſecours en hommes & même
enargent. Il est très-incertain que Murath-Bey
ait éte bleſſé & l'on aſſure que ſes troupes ,
jointes à celles d'Ibrahim , fontretranchées Girgé , où eles peuvent recevoir des renforts
de la haute Egypte , qu'il y a beaucoup de mécontens
au Caire , & que le Capitan-Pacha vient
encore. d'en augmenter le nombre en faiſant
mourir un de ces Santons (1) que leur fourberie
ou leur imbécillité font également reſpecter de la
populace Egyptienne.
Tandis que les forces Ottomanes ſontainſi occupées
en Afrique , un autre rebelle , bien plus
formidable , continue de démaſquer ſes vaſtes
projets. Mahmout-Pacha , réconcilié avec Cour-
Achmet-Pacha ſon adverſaire , n'éprouve plus
d'obstacles ; il envoie dans toutes les villes de
l'Albanie & de la Macédoine de nouveaux Mu
ſelims,( 2) & des Cadys qui ſont reçus avec tranf
port parce qu'ils annoncent la réduction des impôts
; & le courier de Naples arrivé dernierement
atrouvé un détachement de ſes troupes , à Is
lieues de Salonique. Il s'eſt tenu avant hier un
grand Muſchavere (3) dont on ignore encore le
réſultat ; mais on peut préſumer que les meſures
(1) Eſpece de Moines mendians.
(2) Officiers des Dodanes.
(3) Ou Conseil d'Etat.
( 147 )
prendre pour deconcerter les projets de Mah
mout-Pacha ont fait la matiere des délibérationsde
ce Conſeil. Ce nouveau rebelle commande
une armée de 40,000 Albanois toujours invinci
bles dans les pays de montagnes , & preſque tous
chrétiens. Il poſſede ce meme pays ou Scanderberg,
dont il ſe vante de deſcendre , battit les
armées formidables du grand Amurath , & il
acheve de rappeller cehéros par une taille giganteſque&
une force prodigieuſe.
Le Belitschi ( Premier Commis des affaires
étrangeres ) vient de perdre ſa femme , ſes enfans&
tous ſesdomeſtiques de la peſte. -
- Dans d'autres récits encore plus apocryphes,
on diſgracie le Capitan-Pacha: on lui
prépare le cordon fatal à Conſtantinople ,
&on le fait aller en Albanie joindre le Rébelle
Mahmud , Pacha de Scutari.
Un Ecrivain périodique Allemand vient
detracer l'eſquiſſe ſuivante de la vie privée
du Prince Royal de Danemarkc.
Ce Prince , dit- il , âgé de dix neuf ans , eff
parvenu à l'époque où les facultés du corps &de
l'ame approchent de leur maturité. Ses cheveux
blendsdonnent à ſa phyſionomie quelque choſe
d'intéreſſant,furtout depuis que ſon teint,naturel-
Jement très-blanc, s'eſt bruni à l'air rude du Damnemark
, auquel il s'expoſe en toute ſaiſon. La
bome conſtitution de ce Prince , qui ſe fortifie
deplus enplus par un genre de vie ſemblable à
celui des anciens Spartiates , fait eſpérer qu'il
grandira encore. Depuis 3 ans fa maniere de vi
vre eſt en hiver la même qu'en été . Il ſe leve ordinairement
à fix heures du matin; quelques fois,
on le voit déjà à cheval à cinq heures. Le Prince
ne prend jamais ni vin , ni caffé , ni chocolat ; il
g2
(148)
déjeûne avecdu thé & ne boit que de l'eau. Son
habillement eſt ſimple ; il ne connoit ni robe-dechambre
, ni aucun autre habit négligé , auſſi tốt
qu'il ſe leve, il en doſſe ſonhabit uniforme, qui
eſt celui de ſonRégiment. Outre les habits uniformes
, ſa garderobe ne contient que deux autreshabits
, un de drap noir , qu'il eſt dans l'uſage
de mettre quand il communie , & l'autre de drap
jaune qu'il ne met qu'à l'ouverture annuelle de
laCour ſuprême. Un ſeul laquais lui ſuffit pour
ſon ſervice perſonnel ,& il n'en avoit pas d'autre
pendant le voyage qu'il fit l'été paffé en Seelande ,
&dans la Scanie. L'appartement qu'occupe le
Prince royal au Château de Chriſtiansbourg , &
furtout fon cabinet , font meublés fort ſimplement
, à l'exception de la ſalle d'audience où l'on
alaiſlé les anciennes décorations, Les murs font
ornés de pluſieurs portraits des perſonnes de la
famille royale , & de quelques gravures qui re
préfentent lesbatailles d'Alexandre- le-Grand, &
de pluſieurs peintures en paſtel de la main de
ſon auguſte ſoeur. Le Prince royal, frugal à table,
&économe dans toutes les dépenses , porte le
méme eſprit d'ordre dans l'emploi de ſon tems,
Aucun plaifir ne peut l'engager à en faire de
grands facrifices . Il aime beaucoup à monter à
cheval , mais lorſqu'il le fait c'eſt toujours pour
quelque affaire, Les beaux arts ont en lui un protecteur
généreux. Mr. Ryde , membre de l'aca,
démie de Peinture , fait pour lui dans ce moment
pluſieurs tableaux militaires de l'hiſtoire de
Danemark. Ce Prince ne joue jamais , il danſe
quelques fois aux bals qui ſe donnent au Château
& ne va au ſpectacle que rarement. Outre la languedduu
pays, il parle parfaitement les languesal-
Jemande &françoiſe. Les exercices militaires
ſont ſes occupations chéries : quelque tems qu'il
( 149 )
faſſe il nemanque jamais de ſe trouver à laparade
&aux manoeuvres des troupes ; il travaille fans
re âche à perfectionner la diſcipine & les exercices
des troupes Danoiſes. Sa bibliotheque prefqu'entiere
ne confiße qu'en ouvrages qui traitent
des exercices militaires . La tactique eſt ſon étude
favorite. Aufſi , d'après le témoignage des militaires
inſtruits , il a acquis des connoi lances ſupérieures
dans cet art. Cepen lant le Prince ne
donne pas tout ſon tems à ce genre d'occupations;
il s'applique tous les jours à d'autres objets dans
Con cabinet pendant plufieurs heures . Les Mercredi
& Vendredi les membres da Conſeil- d'Erat
ſe rendent chez lui dans la matinée pour linf
truire des affaires qui feront propotées au Roi
dans le Conſeil où le Prince eſt préſent, chaque
fois. Les jours où il n'y a pas de Conſeil le Prince
eſt dans l'uſage de donner audience à ci q
heures de l'après- midi. On y tient une note trèsexacte
des mémoires qui lui ſont préſentés. Les
objets qui méritent ſon attention ſont recommandés
aux miniſtres ; & ſouvent il est arrivé que
le Prince leur en a rappellé le ſouvenir lorſqu'ils
onttardé à en faire le rapport. Pendant les au
diences le Prince eſt debout , & écoute avec une
attention complaiſante tout ce qu'on a à lui dire ,
il fait peu de queſtions , mais toutes ſont claires
& très - préciſes. Lorſqu'on lui propoſe quelque
projet, ſa premiere demande eſt , sit en réſulte
quelque utilité & ce que ſon exécution pourra
couter. La bienfaiſance eſt auffi une des
grandes qualités de ce Prince. Les penſions qu'il
aaffignées fur. ſa caſſette font un objet confiderable
; il aime à récompenſer la vertu , le mérite
& les ſciences; mais les libéralités de ce Prince le
bornent à la propre caffette ; jamais qui très - rarement
il emploie ſon crédit pour faire donner des
2
83
( 50 )
gratifications ſur le Tréſor de l'Etat. Il donne
ſouvent , rarement en public & toujours avec réflexion.
En général ce Prince recherche le bien ;
il évite& déteſte les louanges. Toutes ſes actions
font une preuve éclatante de la pureté de ſes
moeurs , de ſon coeur , de la juſteſſe & de la nobleſſe
de fon eſprit.
Pendant l'année derniere , on a compté
dans cette ville & ſes deux fauxbourgs 952
mariages , 2590 naiſſances , dont 242 enfans
illégitimes & 3356 morts.
Copenhague , dans la même année 1786 ,
a eu 961 mariages , 3164 na ſſances , &
4001 morts.
Le Roi de Danemarck a fait remettre la
grande Médaille d'or pro meritis à Olav
Stephenson , Bailli en Iſlande , qui depuis
pluſieurs années s'eſt montré le pere & le
bienfaiteur de ces malheureux infulaires.
Une pareille Médaille a été envoiée par ordre
du Roi à Olav Joseph Hiort , Prédicaseur
de la paroiffe de Waagen, qui a fait
tranſporter en Iſlande35 rennes, fans avoir
voulu en recevoir aucun paiement.
De Berlin , le 9 Janvier.
:
Le premier de l'an , le Roi a élevé le
Duc regnant de Brunswick au grade de
Feldt-Maréchal. Ila conféré le grand Ordre
de Aigle Noir au Duc de Courlande , au
Lieutenant Général Comte de Borck , &
aux Miniſtres d'Etat de Blumenthal & de
Schwerin. Parmi les autres perſonnes fux
lelquelles S. M. a répandu des graces , on
diftingue le Baron de Boden, ancienMinif(
151 )
tre du Landgrave de Heſſe en France , &
que le Roi a nommé fon Chambellan , avec
des appointemens honorables.
Depuis la fin de Déc . 1785 , juſqu'à la même
époque de 1786, dit leD. Buſching dans ſa feuille
hebdomadaire , le nombre des naiſſances àBerlin
a été de 4777 , & celui des morts de 6077
l'état militaire eſt compris dans ce calcul ; les
morts ont par conféquent furpaſſé les naiſſances
de 1300. La petite vçrole ſur-tout a amené cette
mortalité ; elle a enlevé 1071 enfans & 6 per
ſonnes faites. 478 enfans font morts du travail
de ladentition , & 653 perſonnes ont péri de miſere.
Le nombre de ceux qui ſont morts de
maladies de poitrine , de phtisie & de conſomption
monte au-delà de 1500 ; les perſonnes
mortes âgées , montent à 251. Les enfans
morts nés ſont au nombre de 268 .
Parmi les naiſſances on a compté 423 enfans
illégitimes ; ils font un peuplus que la onzieme
partie desnaiſſances. Le nombre des jumeaux eſt
de 25 ; il y a eu auſſi une couche de 3 enfans.
On a compté dans la Marche électorale ,
ycompris le Comté de Wernigerode 5372 ma-
Mages , 23,399 naitiances & 20,787 morts . L'état
militaire n'est point compris dans ce calcul.
-Le Total des mariages dans les Etats du
Roi de Pruſſe a été pendant l'année derniere de
45,259 , celui des naiſſances de 211,188 , &
celui des morts de 161,827. Ainsi les naiſſances
ont ſurpaffé les morts de 49,361 .
De Vienne , le 9 Janvier.
Pluſieurs Ordonnances ſucceſſives défendent
aux Supérieurs & Communautés
Eccléſiaſtiques , comme n'étant qu'ufufruitiers
temporels des biens de l'Eglife , d'alié
84
(152 )
ner aucun bien meuble ou imareuble , ſans
la permiffion du Souverain ; des loix antérieures
avoient déja pourvu à ce qu'aucun
particulier Eccléſiaſtique , Chef-d'Ordre ou
Administrateur de fondation ne pût gréver
de detres les biens del Eglife , ſans le conſentement
de fon Supérieur & Communauté
reſpectifs , puiſque c'eſt-là une eſpece d'aliénation
; mais comme ces Ordonnances
ont été violées , & que fur-tout des Chefsd'Ordres
Religieux ont contracté des dettes
à la charge des biens de l'Eglife , il vient
d'être ordonné, par une réſolution de la
Cour', que , comme aucun Couvent , Egliſe
ou fondation n'a, ſe'on les loix , la faculté
d'aliéner de ſon chet , quoi que ce ſoit
de ſes coſleſſions actives , ni de ſe faire rembourſer
des capitaux , de même il eſt ſtatué,
qu'on ne pourra, fous peine de nullité abfolue
de la prétention , prêter quoi que ce
foit ou faire crédit à aucun Supérieur de
Couvent , d'Egliſe ou de fondation , à
moins qu'on n'en ait prévenu les Magiſtrats
reſpectifs , & obtenu leur conſentement à
cet égard.
1
Le dernier tremblement de terre à fendu
pluſieurs rochers du mont Crapath ; les
crevaſſes ont juſqu'à un pied de large. A
Neumarkt trois ſecoufles confécutives ont
renverſé preſque tous les fourneaux , deux
maiſons de pierre ont reçu des ouvertures
conſidérables; la plupart des habitations de
(153 )
bois , mal affermies ſur leurs fondemens ,
ont été déplacées .
L'Empereur a accordé au Comte Jean
Ciaky de Keresztsegh ſa démiſſion de la
place de Juge ſuprême du royaume de
Hongrie , en le nommant Grand-Croix de
l'Ordre de Saint-Etienne. Le Comtede Niz
ky lui ſuccédera.
De Francfort , le 14 Janvier.
Pendant l'année 1786 , on a compté à
Manheim 170 mariages , 674 naiſlances &
72: morts.
de
Depuis le commencement de l'année , il
eſt défendu aux Pauvres de Mayence ,
parcourir les rues ou les maisons , précédés
d'une croix , pour mendier ; mais afin qu'ils
reçoivent les aumônes faites juſqu'ici , &
pour les rendre encore plus abondantes , il
ſera fait chaque ſemaine une quête générale
par quarre Officiers Bourgeois de cetre ville ,
ayantà leur tête un Conſeiller de la Régence
Electorale. Les ſommes réſultantes feront
emplo'éés à l'entretien d'un Etabliſſement.
Tout Pauvre de Mayence , en état de travailler
, trouvera de l'ouvrage ſelon ſes forces
, & un ſalaire proportionné à fon zele :
ceux auxquels l'âge ou la fanté ne le perme
pas , feront affiftés de la Caiſſe des
Pauvres . Les Pauvres honteux recevront
chez eux tout ce qui est néceſſaire aux ou
vrages de filature , de tricotage & altres.
85
(154)
Leur Confeffeur ou autre perſonne , par le
moyenduquel ils auront demandé & obtenu
ces ſecours, répondront ſeulement des
objets confiés. La Caiſſe des Pauvres ſoutiendra
auſſi les Maîtres Ouvriers de cette
ville , réduits au beſoin par un événement
malheureux : il leur fera avancé de l'argent
afin qu'ils ne perdent pas leurs métiers. II
eſtdéfendu , ſous teile amende pécuniaire ,
de donner fecrettement aux Pauvres , &
horsde la quête qui ſe fera chaque femaine
: on peut l'évaluer à environ 1500 liv.
La défenſe de mendier , ſous peine d'être
arrêté, regarde auſſi les Pauvres étrangers ;
ma's les garçons de métiers néceſſiteux
qui voyagent, feront aſſiſtés de laCaiſſe , ſi
JaTribu à laque'le ils appartiennent n'eſt
pasdans l'uſage de ſubvenir à leurs beſoins.
Onacélébré le 19 Décembre au château
deMeiningen, les fiançailles du Prince FrédéricEugene-
Henri de Wirtemberg-Stutgard,
Major Général au ſervice de Praffe ,
&de la Princeſſe Louiſe, Ducheſſe douairiere
de Saxe Cobourg Meiningen , née
Princeſſe de Stolberg Gedern.
Dans le cours de 1786 , on a compté à
Gotha 87 mariages , 341 naiſſances & 292
morts.
AHanau , le nombre des mariages a été
de 96, celui des naiſſances de 378 , & celui
des morts87.
L'Electeur de Saxe vient d'élever le Lieu(
155 )
renantGénéral de Riedeſel au grade deGénéral
d'Infanterie , & de lui donner leGoue
vernementde Dreſde &de Neustadt. Son
Alt. Elect. a nommé en même temps le
Lieutenant-Général de BenkendorfGénéral
de Cavalerie, le Major Général de Lecoq ,
Lieutenant Général , & le Comte de Baflewiz
, Major- Général & Chef d'un Régiment
de Carabiniers..
ESPAGNE.
De Cadix, le 10 Décembre.
1
20
Dernierement , l'Empereur de Maroc a
ratifié, dit-on , un Traité de paix dont le
Congrès des Etats-Unis lui avoit envoié le
projet. Voici la teneur de ces articles & de
Ia Lettre de S. M. Marocaine qui les précédoit.
«Au nom de Dieu .... M.thomet-Ben-Abdala.
«Très - illustre Congrès d'Amérique ! Votre
io Ambaſſadeur nous a remis votre Lettre & nous
>> en avons lû attentivement le contenu. Nous
» y avons vû le defir , que vous témoignez de
>>conclure avec nous un Traité de paix. Nous y
avons conſenti volontiers , & en avons même
adopté le plan tel que vous l'avez conçu , en y
appoſant notre Cachet Impérial. En confé-
>>>quence , nous avons dès- à-prétent donné or-
>>> dre aux Commandans de tous nos Ports maritimes
, de protéger & d'aſſiſter tous les Na
vires , qui entrentdans nos Ports ſous Pavil
g 6
( 156)
lon des treize Etats Unis, brefde leur accor-
>der les mêmes faveurs qu'aux autres Nations
>>>les plus amies. Bien réſolus de faire encore
>> davantage , quand l'occafion s'en préſentera ,
>> nous vous écrivons ceci en témoignage de
>>notre fincere amitié &de la paix que de notre
>> côté nous vous offrons . Le vingtieme jour du
Ramadan , l'an de lHég re 1200 , c'est- à-dire , le
24 Juillet 1786.
Traité de Paix conclu entre les Américains&
Empereur de Maroc.
L
ec.ART. premier , Nous ( les Américains ) ,
> ſouhaitons lier & cimenter un Traité d'Amitié
>& de Paix avec S. M. Impériale.
II. Si nous fommes en guerre avec d'au-
>>tres Puiffantes , nos Vaiſſeaux trouveront
>> toute fûreté contre les Ennemis , dans les Poris
>> de S. M. Impériale.
>>>III. En cas de guerre , avec une autre
>>Puiſſance , tous les Maures faits priſonniers
>> fur les Vaiſſeaux Ennemis , & leurs effets
feront de bonne priſe . Cette clauſe ſera ré-
> ciproque.
IV. Lorsque les Vaiſſeaux des deux Puiſſan-
>>ces contractantes ſe rencontreront en Mer , ils
>> hiſſferont leurs Pavillons , ſe parleront , mais
ne pourront ſe viſter.
>> V. En cas de guerre , la viſite du Vaif-
> ſeau ſera permiſe ; mais deux hommes ſeule-
>> ment pourront aller à bord , & s'ils commet-
>> tent quelques dommages , on ſera tenuà une
>> indemnité..
>> VI. Si une des Frégates ou croifieres de
>> S. M. Impériale prend un Vaiſſeau Améri-
& le conduit cCain, dans un de ſes Ports,
( 157 )
>S. M. le fera mettre enpleine liberté , perſons
>> nes & effets.
>>VII. Lorſqu'un des Vaiſſeauxde S. M. entre-
>> radans unde nos Ports, on lui fera l'accueil le
>>p>lus favorable ,& onlui fournira les proviſions
dont il aura beſoin.
VIII. Si un Vaiſſeau Américain exige une
>> réparation , & qu'il aille dans un des Ports de
> S. M. I. , pour cet effet , il lui ſera permis de
>> débarquer & de rembarquer ſes marchandises,
>>> fans qu'on puiſſe, pour cette raiſon , l'aſſujettir
>> à aucun droit .
>> IX. Si un Vaiſſeau Américain échoue ſur
les côtes de l'Empire de Maroc, on ne pourra
le molefter en aucune maniere , & on le laif-
>> fera en cet état juſqu'à ce qu'on lui ait envoyé
les ſecours néceſſaires.
>> X. Tout Vaiſſeau Américain , qui ſe trou-
>> vera dans les Ports ou ſur les côtes de S. Μ. Ι.
>> ne pourra être inquiété , même par d'autres
>>N>ations ,& recevra toute aſſiſtance de la part
ec de S. M. I. Il en ſera de même des Vaſſeaux
>>>Marocains , dans les Ports ou ſur les côtes de
» l'Amérique. ম
>> XI. En cas de guerre , fi des Vaiſſeaux des
>> deux Puiſſances belligérantes ſe trouvoient en-
>> ſemble dans les Ports de S. M. , l'un ne pour-
❤roit en ſortir que 24 heures après l'autre. II
>> en ſera ainſi des Vaiſſeaux de S. M. I. en
»Amérique.
: » XII. Les Priſonniers d'un Vaiſſeau de
>> guerre Américain , entrant dans un Port de
S. M. I. , ne pourront être reclamés par qui
> que ce ſoit.
XIII. Un Vaiſſeau Américain , après avoir
>> falué la Ville de S. M. , qu'il abordera , rece-
>> vra de la Ville un ſalut du même nombre de
coups de canon.
( 158 )
XIV. Si des Négocians Américains s'éta
bliſſent dans l'un des Ports de S. M. , ils joui-
> ront des mêmes priviléges & avantages que
> les autres Nations , & pourront avec liberté ſe
rendre d'un Port à l'autre , &c.
» XV. Ils auront la liberté de faire le mê-
>> me commerce que les autres Nations , de
tranfporter leurs biens d'un Vaiſſeau dans un
autre , ſans pouvoir retenir ces Vaiſſeaux pour
•la quarantaise , ils auront en outre des tru-.
>> chemens.
>>XVI. En cas deguerre entre les deux Na-
>tions contractantes , on échangera les priſonniers
de guerre homme pour homme.
ဘ XVII. LesNNégocians Américains ne pourbront
être forcés d'acheter des marchandifes
contre leur gré , ni être contrariés dans la dif
>> poſition de leurs biens. Ils demanderont au
>> reſte les permiſſions d'uſage , comme le font
>> ceux des autres Nations .
>>>XVIII. Lorſque les marchandiſes auront
» été débarquées , elles feront examinées pour
>> être ſoumiſes aux droits ordinaires ; mais en
>> cas de fraude ou de contrebande , le frau-
» deur ou contrebandier ſeul , pourra être
puni , fans que le Vaiſſeau ſoit fujet à la
confiſcation .
» XIX. Les Patrons des Navires pourront
>> être obligés de tranſporter des marchandiſes
d'un Port à l'autre à moins qu'ils n'y
conſentent moyennant un prix accordé &
convenu.
,
» XX. Un Américain , coupable de quelque
crime , ſera livré à ſon Conſul , qui le jugera .
» Si celui- ci demande aſſiſtance au Gouver-
>>>neur , elle lui ſera accordée. S'il ne peut
>> décider le procès , le Criminel ſera envoyé
>> enAmérique,
) درو (
"
XXI. Un Américain, qui fera tort ou vio
lence àunSujet deS. M. I. , pourra être em-
>>>priſonné par le Gouverneur , qui le jugera ,
>> mais en préſence du Conſul , qui plaidera ſa
» cauſe. Si le prifonnier s'échappe, le Conſul ne
>>pourra en être reſponſable.
XXII. En cas de décès d'un Américain ſur
>> le territoire de S. M. I. , ſes biens propres ſe-
>> ront remis au Conful ou au Comptoir du Com
> merce , pour être rendus aux héritiers qui les
> réclameront.
» XXIII . Le Conſul reſidera dans l'un des
>> Ports de S. M. I. , & fera reſpeté comme ceux
>>des autres Nations .
» XXIV. En cas de mécontentemens entre
>> les deux Puiſſances , la paix durera juſqu'à ce
que les affaires ſoient décidées ; fi elles ſe ter-
>> minent par laguerre , on ne prendra les armes
> que neuf mois après la déciſion , afin de donner
>le temps aux Sujets des deux Puiſſances de
partir ſans obstacles avec leurs propriétés . Si
S. M. accorde quelques nouvelles faveurs
>> aux autres Nations , les Américains en joui-
>> ront également.
XXV. Cette Paix entre les deux Nations,
>>durera l'eſpace de 50ans ».
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres, le 13 Janvier.
S. M. voulant condeſcendre aux deſirs de
S. A. Charles-Henri de la Tour d'Auvergne,
Duc regnant de Bouillon , a ordonné
d'enregiſtrer dans ſon College d'Armes ,
une déclaration de la main & ſous le ſcean
( 160 )
de S. A. , qui reconnoît Charles d'Auvergne
, Ecuyer , & James d'Auvergne , fon
frere , Major Général dans l'Armée Britannique
, & Lieutenant-Colonel aux Gardes à
cheval de S. M., comme deſcendans de
l'ancienne & noble Famille des Comtes
d'Auvergne; dont le Duc de Bouillon defcend
lui-même. S. M. permettant de plus
auxdits Charles & James d'Auvergne & à leur
poſtérité , de porter les armoiries de la Maiſon
d'Auvergne , qu'ils auront ſoin de faire
enregiſtrer au Dépôt héraldique de la Couronne.
S. M. voulant récompenſer les talens diftingués
du célébre Graveur Robert Stran- -
ge, lui a conféré la Chevalerie (Knigthood).
Cette diſt notion n'eſt pas héréditaire.
ες
Le Chevalier Andrew Snape Hammond
commandera la ſtation des Ifles ſous le
vent, à la place du Chevalier R. Bickerton
qui a réſigné. Les vaiſſeaux de cette eſcadre
en armement font le Jupiter , de so can .
le Maidstone , de 28 , & la Résolution ,
floop de 16. Ces vaiſſeaux font tous doublés
en cuivre , & bien équippés. Ils ont à
bord pour 6 mois de vivres , & font à la
rade de Spithead , prêts à mettre à la voile.
Les troupes étrangeres , que la Compagnie
des Indes a prifes àſa folde , & qui
doivent être tranſportées dans l'Inde fur fes
vaiſſeaux , font toutes Hanovériennes . La
moitié de ces troupes font déja arrivées à
( 161 )
Stade , les autres font retenues par les glaces
en Allemagne ; circonstance qui a retardé
le départ de pluſieurs vaiſſeaux deſtinés
pour l'Inde.
Sept de ces navires de la Compagnie ,
dont i pour Bombay, 2 pour le Bengale ,
&4pour la Chine, doivent mettre à lavoi- .
le au premier jour. Ils feront ſuivis avant la
findu mois par II autres vaiſſeaux deſtinés
pour différentes parties de l'Inde.
Les Papiers Miniſtériels aſſurent , que
d'après les nouvelles qu'on vient de recevoir
de cette contrée par la voie de terre ,
Il paroît que les affaires de la Compagnie
des Indes ſont dans une ſituation trèsfloriſſante.
Le Lord Cornwallis a été reçu ,
diſent- ils , avec les plus grandes démonſtrations
dejoie , excepté par la perſonne qu'il a
déplacée & par pluſieurs Membres du Confeil
, dont cette arrivée a déconcerté les
projets. ?
Le dernier Courier , venu de l'Inde , a apporté
entr'autres , à ce qu'on rapporte , une
lettre de M. John Macpherson , dans laquelle
il ſe plaint amérement du paſſe droit qu'on
lui afait en nommant Lord Cornwallis ,
Gouverneur Général du Bengale. Il expoſe
les réformes importantes qu'il a opérées depuis
la réſignation de M.Haftings, & fe glorifie
d'avoir mis les affaires de la Compagnie
dans une ſituation beaucoup plus avantageufe
que celle où il l'a trouvée. Il ne parle ce(
162 )
pendant point de réſigner la place qui lui
aété alſignée dans le Confeil , & il reſtera
ſous les ordres de Mylord Cornwallis.
(Cette lettre elt apocryphe très-probablement
, &l'on n'a, ni ne peut avoir encore de
nouvelles certaines de l'arrivée de Mylord
Cornwallis ) .
Suivant les mêmes dépêches , les Ma attes
venoient de faire la paix avec Nizin Aly-
Cawn; mais il régnoit le plus grand détordre
dans leur pays par une ſuite de leurs querelles
avec Ragenauth-Row , Chef puiſlant &
guerrier. LesZémindars qui habitentlesmontagnes
, ont tiré avantage de ces querelles ,
ainſi que Heyder-Heigh , qui s'eſt emparédu
Sircar , de Gua ier &de différens forts dans
lepays adjacent.
M. Pitt doit répondre dans peudejours ,
comme il s'y eft engagé, aux Négocians des
Ifles, touchant la diminution de 2 fols par
gallon qu'ils demandent fur les droits du
rhum. Si la réponſe du Miniſtre les ſatisfait ,
il n'exiſtera plus de requête en oppoſition au
Traité de Commerce; circonſtance fort finguliere
, après tout ce qui a été dit & écrit
contre ce Traité,
Il a été lancé en Angleterre dans le courant
de l'année 1786, 14 vaiſſeaux de guerre,
dontunde 100 canons ,un de 90 , fix de 74,
deux de 44, & quatre frégates.
LeCommodore Philips , après avoir pris
fes inſtructions à l'Amirauté , eſt parti le 9
(163 )
pour Portsmouth , où il va hater l'armement
de l'eſcadre de BotanyBay dont il a le commandement.
On aura au premier jour avis
de fon départ.
On affureque le Gouvernement a le defſein
de mettre les Réſidens Britanniques
dans les Etats Barbareſques , ſur un pied
plus reſpectable qu'ils n'y ont été juſqu'ici .
Les papiers de l'opposition , obſervent à tort&
àtravers, à cette occasion que la France a des
Confuls dans tous les ports de la Méditerranée
& du Levant où il ſe fait un peu de commerce.
Leconſul eſt guidé par un code particulier pour
les marchands & lesCapitaines qui ſont ſous ſa
dépendance. Les droits de Chancellerie qu'il
perçoit ſont modérés , & par conséquent , ne peuvent
être à charge au commerce. En un mot ,
il ſemble que la France ait des Confuls pour
protéger ſon commerce , tandis que l'Angleterre
ſemble n'en avoir au contraire qus pour
opprimer le sien. Les Confuls de France ont des
appointemens ſuffiſans pour repréſenter avec dignité
dans les poſtes qu'ils occupent ; & il leur
eſtdéfendu de faire le commerce ſous quel prétexte
que ce ſoit ; cette diſposition empeche
qu'ils ne puiſſent-user de partialité envers leurs
compatriotes , ou envers les naturels du pays où
ils résident. D'un autre côté le Vice-Conſul ſert
à éclairer les démarches du Conſul dont il dépend
, & si la conduite de celui- ci eſt blamable
, il eſt tenu de rendre compte au Gouvernement.
L'Angleterre agit tout différemment ;
les Confuls n'ont que des appointemens trèsmodiques
, & ſouvent même ils n'en ont point ;
on leur permet imprudemment de faire le négoce
, & comme leur office leur donne du cré
( 164)
dit& défend leur perſonne , il arrive ſouvent
que , ſoit par des malheurs ou par une ſuitede
leur inconduite , ils font réduits à faire das faillites
. Il eſt inutile d'obſerver combien la dignité
de la nation en eſt alors bleffée .
Le Marquis de Carmarthen a invité le
Duc de Grafton , les Marquis de Landf
down & de Buckingham , les Lords Sandwick
& Sto mont, M. Fox, &c. à dîner
chez lui lejour anniverſaire de la naiſſance
de la Reine. Beaucoup de gens ont regardé
ce petit événement comme le prélude d'une
coalition , &d'un changement partiel dans
'Adminiftration. Rien cependant n'eſt plus
contraire à la vérité. Aujourd'hui les gens
bien nés en Angle erre , ſe fréquentent& fe
rapprochent dans la ſociété , quoique leurs
principes politiques ſoient entierement oppofés.
Il n'eſt point de ville en Angleterre , &
peut-être même en Europe , dit une lettre
d'Edimbourg , où la population & l'induftrie
aient faitdes progrès plus rapides qu'à
Paifley. Certe ville n'avoit, en 1738 , qu'environ
4000 habitans. Ils font aujourd'hui au
nombrede 22,005 . Les maiſons étoient jadis
d'une apparence miférable , les rues étroites
&fa'es , les habitans mal vêtus & groffiers .
Les maiſons font aujourd'hui , la plupart
neuves & élégantes , les rues ſpacieuſes &
bien pavées , les habitans gais & polis ; les
fervantes font plus proprement habillées que
leurs maitreſſes ne l'étoient autrefois. Ily a
(165 )
n'auroient
quelques années,les Bourgeois les plus,aifés
regardoientcomme une choſe indécente de
deſcendre de voiture à leur porte ,& lorſque
quelqu'un d'eux arrivoit de Glaſgow en di
ligence ou en voiture de louage , il deſcen
doit à quelque diſtance dela ville pour éviter
lereprochedeluxe que ſes voiſins n'au
pasmanquéde lui faire. L'auberge , contruite
par Lord Abercoin , peut être comparée
aux meilleures , ſoit pour l'apparence , foit
pour les commodités. Paifley dépendoit
jadis de Glaſgow pour le ſoutiende ſes manufactures
; aujourd'hui , ellese fuffit à ellemême
, & elle a établi derniérement une
Banque pour la facilité du commerce. Si ſes
habitans ſe conduiſent encore vingt ans .
comme ils l'ont fait depuis les 15 dernieres
années , cette ville ſera plus conſidérable que
Glaſgow.
Il paroît par les Journaux de laChambre
desCommunesd'Irlande , qu'il a été embarqué
pour la Grande Bretagne , dans le courant
de l'année derniere , 23,000o piéces de
gros bétail, & que l'on a paſlé un marché du
double de cette quantité pour l'approviſion.
nement des marchés Anglois pendant le
courant de cette année.
• Le Docteur Zona , premier Médecin du Roi
d'Eſpagne , a envoyé depuis peu à la Société
Royale un Inſecte extraordinaire. Il eſt du geure
des Scarabées , & de la groſſeur du petitdoigt; il
adeux pouces de long , & il eſt ſi lumineux ,
que quand il vole pendant la nuit , il répand une
}
( 166)
grande clarté. Avant l'arrivée des Eſpagnols,
les Indiens ne faiſoient pointuſagede chandelles,
& leurs maiſons n'étoient éclairées que par ces
Inſectes; avec un ſeul, une perſonne peut lire
auſſi aisément qu'avec une chandelle allumée.
Lorſque les Indiens voyageoient pendant lanuit ,
ils en attachoient un àchaque doigt de pied , &
en tenoient d'autres dans la main. Lorſque ces
Inſectes font pris , ils ne vivent tout au plus
quetrois ſemaines ; tant qu'ils ſe portent bien,
ils jettent beaucoup de clarté , mais elle diminue
avec leurs forces ,& lorſqu'ils font morts ,
ils n'en répandent plus aucune. Cet Inſecte eſt
doublement utile , en ce qu'il éclaire les mais
ſons , & qu'il dévore les Couſins. ; :
Le feu Lord Strange étoit connu par fon
admiration pour la France & les François.
Se trouvantun jour Membre d'un Comité
nommé par la Chambre des Communes, au
fujet d'une requête préſentée par les Manufacturiers
de Spitalfields : après que l'intormation
eut été finie , il aborda un ancien
Manufacturier , appellé Crumpler, qui depuis
40 ans faifoit des affaires. Après lui avoir
adreſſé pluſieurs queſtions , auxquelles le
Marchand répondit de fort bonne grace;
LordStrange prit enfin la baſque de ſon habit&
la lui montrant , il lui dit : « Enfin ,
>>>Monfieur , dites-moi comment il ſe fait
»que vous ne pouvez pas faire en Angle-
>> terre d'auſſi beau velours ; vous nous
>> obligez à la contrebande & à avoir re-
>> cours à l'Etranger pour nous habiller dé-
>> cemment. » Crumpler le regardant atten(
167 )
:
tivement , loua beaucoup la beauté de
l'étoffe , & faluant Mylord , il le félicita de
ceque ſon fourniſſeur , M. Swan , l'avoit ſi
bien ſervi ; « car , ajouta til , c'eſt une des
>>>meilleures piéces que j'ai jamais fabriquées
>> pour laMaiſon Swan &Buck : c'eſt moi ,
>>Mylord , puiſqu'il faut vous le dire , qui
>> leur fournit tout leur velours de France.
Lord Strange ſurpris , tendit la main au
vieillard& lui promit d'avoir à l'avenir une
meilleure idée de ſes compatriotes.
ETATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE.
De New- Yorck , le 3 Octobre 1786.
Extraits des Papiers Américains.
Tandis qu'une partie des Citoyens des Etats
Unis s'élevoit contre l'émiſſion du papiermonnoie
ordonné par pluſieurs Législatu
res , les partiſans de ce papier ont eſſayé
de forcer les légiſlations du Rhode - Iſland ,
de Maſſachuſſet &du New-Hampshire , de donner
leur ſanction à une meſure dont l'adoption
leur attiroit les reproches les plus vifs. Dans le
courant du mois d'Août , une députation de
Comités , nommés par trente villes ou bourgs
de Rhode- Iſland , préſenta à l'Aſſemblée Générale
une longue pétition , pour expoſer ladétreſſe
où les réduiſoit la diſette des eſpeces,
&pour demander une émiſſion de papier-monroie.
L'Aſſemblée ayant fait à leurs propoſitions
les changemens qu'elle crut néceſſaires pour
donner à cette mauvaiſe opération les formes
( 168 )
qui pourroient , en modifier les effers , les renvoya
dans cet état aux différentes villes qui avoient
formé cette demande,pour ſavoir leurs intentions
àce ſujet. Ce plan leur fut communiqué le 14
Septembre. Six jours après , c'eſt- a-dire le 20 ;
on vit marcher vers Exeter , une troupe de
400 hommes armés , tant a pied qu'à cheval.
A quatre heures après midi , ils entrerent tam-
'bour battant dans cette ville , où l'Aſſemblée
Générale tenoit ſes ſéances. Ils avoient pour
Chef un Fermier d'Hampshire , nommé Moſes
French..Après une courte halte , ils envoyerent
à la Chambre des repréſentans , pour demander
qu'il fût fait fur le-champ une réponſe à leur
premiere pétition. Soit timidité , prudence ou
quelqu'autre conſidération ,la Chambre ſembloit
diſpoſée à négocier avec eux; mais le Sénat ,
dont elle avoit demandé le concours , ne fut
nullement de cet avis. LeGnéral Sullivan qui
le préſidoit , entraîna tous les ſuffrages par un
difceurs plein de vigueur & de nobleſſe , où
il fit voir l'indécence & le danger de ſe prêter
àdes propoſitions faites les armes à la main ,
en ſuppoſant même que ces propoſitions fuſſent
auſſi juſtes qu'elles étoient iniques& abſurdes.
La réſolution de l'Aſſemblée d'après l'avis du
Préfident ayant é é communiquée aux ſéditieux ,
ceux-ci eurent ordre de charger leurs armes &
d'inveſtir entierement la Chambre d'Aſſemblée ;
des ſentinelles la bayonnette au bout du fufil ,
furentplacées à toutes les portes , &les Membres
du corps légiſtatif demeurerent ainſi prifonniers
juſqu'a la nuit. Alors la plus ſaine partie des
Citoyens ayant fenti combien il étoit urgent
de mettre fin à ces déſordres , commençoit à
s'aſſembler pour délivrer ſes Repréſentans &
punir
( 169 )
punir les ſéditieux. Tandis que ceux-cine ceffoient
de crier : papier- monnoie, anéantiſſement des
dettes , le bruit éloigné d'un tambour , & les
huzzas pour leGouvernement , pouffés par l'autre
troupe , frapperent les oreilles des ſéditieux.
Epouvantés de cette apparition imprévue , ils
ſe retirerent ; on les pourſuivit , & comme le
parti du Gouvernement eut bientôt fermé un
corps de 2000 hommes , les infurgens furent
bientôt diſperſés ; 40 d'entr'eux, ycompris leurs
Chefs , ont été faits priſonniers. Ils expieront
leur crime parune mort ignominieuſe , à moins
que leGouvernement ne leur faſſe grace.
Suivant le rapport de trois hommes de Sandusky
, les Sauvages font en général diſpoſés
à la guerre ; il y a 700 Guerriers raffemblés
à Shawoua , & l'on y en attend encore d'autres .
Deux blancs arrivés depuis peu de ce lieu même ,
ont appris à nos gens que ces barbares s'y étoienr
rendus avec 13 chevelures & quatre priſonniers ,
parmi leſquels étoient une dame & fa fille . Cet
deux infortunées ont été brûlées avant les homs
mes , auxquels les Sauvages ont dit que leur
tour ne tarderoit pas à venit. Ils ont , dit- on ,
réſolu de maſſacrer le Capitaine Hutkinson,
Inſpecteur , avec ſon monde ; is ſe propoſent
auſſi d'aller rendre une vifre à un établiſſement
ſitué à environ 70 milles de ce fort. Mais nous
eſpérons qu'avant l'exécution de ces projets , le
Général Clarke , à la tête de ſon corps de 1500
hommes , aura pénétré dans le pays de ces barbares
, auxquels il fera ſentir qu'il eſt plus aifé
de maſſacrer des habitans fans défenſe , que de
ſe ſouſtraire à la vengeance éclatante que provoquent
de telles atrocités.
Les Sauvages néanmoins prétendent qu'ils ne
feroient aucun mal aux blancs , ſi ceux- ci ſe te-
N°. 4,27 Janvier 1787. h
( 170 )
noient renfermés dans les limites de la Penſilyanie
, & qu'ils ne vouluſſent point faire d'établiſſemens
de l'autre côté de l'Ohio .
Le 15 Avril il y a eu une action ſanglante entre
les Sauvages appellés Wabash aidés de leurs alliés
, & un très-petit corps d'Americains. Ceuxci
dont le nombre n'excédoit pas 75 hommes ont
défait& taillé en piéce une troupe de 300 In diens.
Le Roi des Kickapeans, un de leurs Chefs , a été
dangéreuſement bleſſé dans l'action , & la Reine
des Painkeshws alors enceinte de ſon premier enfant,&
qui ſe trouvoit au combat avec les autres
guerriers,fut tellement épouvantée,qu'elle fit une
fauffe- couche. Cet événement a répandu la confternation
parmi ces peuplades qui ont humblement
demandé la paix , mais ils n'en ſont pas
moins animés contre les Américains ; & on voit
pardes lettres poſtérieures que les citoyens des
Etats-Unis,& furtout ceux qui font la traite avec
ces Sauvages , ne peuvent prendre trop de précautions
pour mettre leurs marchandiſes & leurs
perſonnes en fûreté.
La guerre entre les habitans de Frankland &
les Sauvages des Rivieres , eſt à préſent terminée
&l'a été fans effuſion de ſang. Le célébre Outhan
s'étant mis en marche avec 3 ou 400 hommes
vers les bans de la Tenaffé, un grand nombre
des Chefs des Sauvages allerent au devant de
lui pour leprierde ne point pouſſer plus loin les
hoſtilités. Il eut à ce ſujet une conférence dans
laquelle ils demanderent la paix dans les termes
les plus foumis. Quant à ceux de leurs gens qui
ontmaſſacrédes citoyens des Etats-Unis , ils ont
cherché un refuge dans le Pays de Chieckamaga ,
mais les Chefs ont promis au célébre Outhan de
les leur livrer dans fix ſemaines , & ils ont de
plus offert des otages pour la sûreté de leurs en(
171 )
gagemens; cesconditions ont été acceptées &chacun
des deux partis a retourné content chez
foi. :
LeGénéral Parsons , qui étoit allé il y a quelque
temps examiner la poſition des ouvrages ,
eſt aujourd'hui de retour. Il affure , que d'après
tout ce qu'il a vu ſur le Ohio , il y a lieu de
croire que l'Amérique fut jadis habitée par quel
que Nation qui connoiſſoit nos Arts. Il a trouvé,
en faiſant creuſer les fofles d'un nouveau
Fort fur l'Ohio , à 600 mile à l'ouest du Fort
Pitt , un ouvrage régulier de maçonnerie en
briques , dont une partie étoit bien conſervée.
Il a auffi trouvé les ruines d'un Fort , & on a reconnu
les foffés & les portes , avec un aqueduc.
Plus loin on a découvert les ruines d'une Ville
& celles d'une immenfe Pyramide , deſtinée
vraiſemblablement à ſervir ou de Temple ou de
Catacombes ; mais cette Pyramide étoit depuis
fi long-temps en ruines , qu'il a obſervé trois
crues d'arbres par-deffus , ce qui fait préſumer
que les ouvrages les plus recens de ces ruines ne
peuvent pas avoir moins de 600 années. Le
Général a trouvé en terre un fragment de ma
choire portant trois dents. On peut donner une
idée de leur grandeur , en obſervant que les trois
dents placées avoient deux pieds de long. Il les
atoates trois apportées avec lui ; une d'elles péſoit
cinq livres. Il a meſuré un Fanur qui avoit
quatre pieds neufpouces de long. Les Sauvages
les plus âgés ne connoiffent point d'animal qui
ſoit dans cette proportion ; maisils ont parmi
eux une tradition , qui apprend qu'autrefois il y
avoit dans leur pays une grande Bête , qui dévoroit
tous les Cerfs & les Ours , mais que le
Grand Etre , touché de compaffion , tua cette
Bête d'un coup de foudre , aucune puiflan
h2
( 172 )
ce humaine ne pouvant lui arracher la vie.
Le nombre des anciens Forts trouvés dans le
pays de Kentucki , font l'admiration des curieux ,
&donnent lieu à une infinité de conjectures . Ils
font pour la plupart d'une forme circulaire , fitués
dans un lieu fort par ſa poſition même , &
près de l'eau. On ignore quand , par qui , & pour
quel objet ils ont été conſtruits. Ce qu'il y a de
fûr , c'eſt qu'ils font très-anciens , attendu que
l'on n'apperçoit pas la moindre différence , & pour
l'âge & la groſſeur entre les arbres que renferment
ces Forts , & ceux qui ſont aux environs ,
les plus anciens du pays n'ayant pas conſervé la
moindre tradition à cet égard; ces édifices doivent
être l'ouvrage d'un peuple beaucoup plus
actif & plus laborieux que ne le ſont les ſauva-
'ges actuels , & il eſt difficile de concevoir comment
on a pu les conſtruire ſans le ſecours des
inſtrumens de fer . A une diſtance raiſonnable de
chacun d'eux , on trouve toujours une petite
monticule de terre ; elle a la forme d'une Pyramide
, & paroît avoir été proportionnée à l'étendue
& à la hauteur du Fort qui eſt près d'elle.
Un examen attentif a fait découvrir qu'ils contenoient
une ſubſtance ſemblable à celle de la
Craie, ( à Chalki ſubſtance ) que l'on ſuppoſe
être la décompoſition d'oſſemens humains.
FRANCE.
De Versailles , le 15 Janvier.
LE 14 , la Marquiſe d'Aloigny a eu l'honneur
d'être préſentée à Leurs Majestés & à
la Famille Royale , par la Comteſſe d'Efcars:
( 173 )
De Paris , le 24 Janvier.
ARRÊT du Conſeil d'Etat du Roi , du
18 Novembre 1786 , qui ordonne que les
Hôpitaux , Hôtels - Dieu & Maiſons de charité
des provinces de Flandre , Haynault &
Artois , feront exempts à l'avenir de tous
droits d'amortiſſemens pour les maiſons ,
conftructions & reconstructions de bâtimens
emploiés à l'habitation des Pauvres & des
Malades , & au logement gratuit des Prêtres
& Deffervans attachés à leur ſervice.
Idem, du 23 Novembre 1786 , qui ordonne
que les veuves de ceux qui avoient
exercé pub'iquement & à boutique ouverte
une profeffion libre , avant les Edits de
Février 1778 & d'Avril 1779 , & qui étoient
agrégés aux nouvelles Communautés , tant
de la ville de Rouen, que des autres villes
du reſſort du Parlement de Normandie ,
pourront être admiſes dans leſdites Communautés
, dans l'année de leur veuvage ,
en payant ſeulement la moitié des droits
ordinaires de réception .
Idem , du 21 Décembre 1786 , concernant
les Toiles peintes d'Alface , & les Toiles
de coton blanches , provenant du commerce
de la Compagnie des Indes.
Idem ,du 4 Novembre 1786 , par lequel
Sa Majeſté a réduit à quatre livres par millier
, poids de marc, les Droits d'Octrois ,
& à moitié , tous les Droits de Péages fur
:
h3
( 174 )
les Fers qui feront voiturés ſur la Saône dans
tout fon cours , depuis Gray juſqu'aux por
tes de Lyon; exempte leſdits Fers du payement
de tous Sous pour livre additionnels ,
qui fe perçoivent ſur leſdits Octrois & Péages;
fupprime le privilege d'exemption defdits
Droits accordé aux Adjudicataires des
forêts du Roi ; en conféquence , aſſujettit
tous les Bois & Charbons provenans des
forêts de Sa Majefté , auxdits Droits ; & ordonne
aux Propriétaires péagers , de remertre,
fi fait n'a été, leurs titres , baux ®iftres
, au Contrôle général des Finances ,
dans deux mois , pour tout délai.
PROSPECTUS
De Souscription pour l'établiſſement de quatre nouveaux
Hopitaux , capables de ſuppléerà l'infuffisance
de l'Hôtel- Dieu de Paris.
IMPRIMÉ PAR ORDRE DU Ror.
La voix publique ſur l'êtat de l'Hôtel-Dieu ,
aplus d'une fois averti le Gouvernement de la
néceſſité d'améliorer le fort des infortunés que
ledéfaut de reſſources accumule dans cet hôpipital
: cette néceſſité alarmante a p'us d'une fois
ému ſa follicitude paternelle , & les derniers efforts
que les dépenſes d'une guerre onéreuſe ne
l'ont pas empêché d'y conſacrer , atteſtent l'impatience
où il a toujours été d'y pourvoir.. Ces
efforts ſe ſont trouvés inſuffiſans ; les maux fubfiftent
, & le beſoin de les détruire fans retour
eſt devenu plus urgent que jamais ;leGouvernement
ne pouvoit y procéder qu'après s'être
afſuré , d'une maniere poſitive & préciſe , de
( 175 )
l'étendue de ces maux. C'eſt par ſes ordres ex
près que l'Académie des Sciences s'en eſt occu
pée , & les mêmes falts , que leur exagération
apparente rendoit incroyables , ces faits dont les
récits effrayans ſembloient être dictés par les
préjugés d'une compaſſion exaltée , viennent
d'être conſtatés par l'examen impartial , métho .
dique & approfondi d'une Compagnie aufli ſage
1
qu'éclairée.
Un réſultat pareil ne permet plus ni doutes ,
ni délais . Tourmenté par la réalité , par l'excès
déſormais prouvé des maux dont le ſoupçon ſeul
avoit fait frémir ſon coeur , le Roi veut y mettre
un terme ; il veut eſſuyer les larmes; il veur
foulager les ſouffrances ; il veut arrêter la deftruction
journaliere & effrayante de la claſſe la
plus infortunée des peuples dont il eſt le pere :
il ne le veut point à demi , & il eſt décidé à y
confacrer tous les moyens que les beſoins multipliés
de l'Etat pourront lui permettre d'y employer.
Mais à des maux ſi preſſans il faut des
fecours prompts; les reſſources du moment ſont
bornées , & ce ſeroit peut être rendre ces ſecours
incertains, ce ſeroit du moins les reculer
& prolonger ces manx , que de commettre le fort
des pauvres à l'eſpoir éloigné des reſſources de
l'avenir. Les voeux des ames ſenſibles font depuis
long-temps conformes à celui du Roi . Leur
impatience les a portées plus d'une fois , & tout
récemment encore , à prévenir les déciſions du
Gouvernement , & à offrir pour cet objet des
ſecours volontaires. Il ne manquoit à ce noble
& touchant empreſſement , qu'une ſanction néceſſairement
différée par le beſoin préliminaire
de conſtater régulierement des faits de cette nature.
Le moment en est arrivé , & le Roi croit
pouvoir tout attendre d'une impatience qui doit
1
h4
( 176 )
étre d'autant plus efficace , qu'elle a été plus
long - temps retenue , & qu'elle ne fut jamais
plus motivée. Il appelle toutes les ames compatiffantes
à le ſeconder. Il leur offre , & la douceur
d'obéir aux mouvemens d'un coeur ému
de tant de maux, & la gloire de concourir à
l'une des plus importantes opérations de bienfaiſance
publique. Il lui ſera doux à lui-même
de devoir à des ſecours libres les moyens de les
réaliſer. Ce n'eſt point un Souverain qui les atzend
de ſes ſujets, c'eſt un pere qui les demande
à ſes enfans .
Convaincu de la néceſſité d'établir dans Paris
quatre nouveaux hôpitaux de douze cents lits
chacun , pour ſuppléer à l'inſuffiance actuelle
de l'Hôtel-Dieu , le Roi en va très- inceſſamment
ordonner la conſtruction par une loi expreffe.
Cette loi en déterminera l'emplacement , la
forme & l'étendue , & affignera ſur le Tréſor
royal tous les fonds diſponibles qui feront ſufceptibles
d'y être affectés .
Pour donner au Public le moyen de concou
rir à cette bonne coeuvre , le Roi autoriſe dès- àpréſent
le Bureau de la Ville à ouvrir une foufcription
libre & volontaire pour tous ceux que
l'intérêt de cette entrepriſe rendra jaloux d'y
concourir.
Les noms de toutes les perſonnes defirant
ſouſcrire feront inscrits ſur une lifte qui ſera
dreſſée , ſur leurs déclarations reſpectives , par
le Greffier en chef de la Ville , & cette lifte
fera rendue publique de mois en mois.
Il ne ſera fait , dans cette liſte , aucune mention
des ſommes offertes , mais bien dans une
lifte particuliere qui ſera dreſſée au tréfor de la
Ville , d'après les foumiſſions arbitraires & par
( 177 )
écrit qui y ſeront portées , & que le Tréſorier
de la Ville ſera chargé de recevoir.
Il ſera expédié par ledit Tréſorier , à chaque
Souſcripteur , une roconnoiſſance ſignée detui ,
de la ſomme portée dans l'acte de ſouſcription ;
& cette reconnoiſſance ſera timbrée d'un numéro
déterminé par l'ordre de date de ladite foufcription.
Ledit Tréſorier publiera, de mois en mois,
un Tableau diviſé par miſes , des ſommes offertes.
Chaque ſomme ſera numérotée ſur la liſte
en la faiſant paroître ; on mettra les noms à
côté des numéros , excepté de ceux qui ne voudront
pas le faire connoître , dont le numéro
foulement ſera marqué.
Chaque Souſcripteur ſera libre de partager
ſa ſouſcription en ſix paiemens égaux , à réaliſer
dans le cours de chaque année , pendant les fix
ans confécutifs qui feront fixés pour l'entier
achevement de la conſtruct on des 4 hôpitaux .
Il ſera dreſſé un regiſtre particulier de tous
les noms des Souferipteurs &des ſommes par
eux offertes , & ledit regiſtre ſera déposé à demeure
dans les archives du grand bureau d'Adminiſtration
des hôpitaux de Paris .
Les noms de tous ceux qui auront ſouſcrit
pour uno Comme de dix mille livres & au- deffus
feront inferits ſur quatre tables de bronze , placées
à l'entrée de chacun des quatre nouveaux
hôpitaux.
La certitude , la promptitude & la confiance
étant les baſes indiſpenſables d'une opération de
cette nature , il ſera expreſſement dit que la
conftruction des quatre hôpitaux enfemble ſera
commencée ſur le champ & à la fois , fur les
avances tirées du Tréſor royal . Les ſouſcriptions
ne feront point exigibles , c'eſt un acte de chahs
( 178 )
rité purement volontaire.Ala fin de chaque an
née, les comptes de recette & dedépenſe ſe ront
imprimés & publiés ; lorſqu'il y aura de l'excédant
, il ſera porté en recette l'année ſuivante ;
s'il y a du déficit , le Tréſor royal en fera les
fonds.
On ſera le maître de ſe faire inſcrire pour les
fix années , ou pour les années ou l'année que
l'on voudra. Lorſque les échéances des ſouſcrip
tions arriveront , fi au bour d'un mois les Soufcripteurs
ne les ont pas remplies , le Tréſorier
ſera tenu de les avertir par une ſimple lettre ; &
fi on ne lui répond pas ou qu'on s'excuſe , il notera
en marge de ſon compte imprimé à la fin
de l'année , les numéros qui n'auront pas été
remplis.
La reconnoiffance que donnera le Tréſorier ,
relatera non ſeulement la ſomme , mais encore
l'époque à laquelle le Souſcripteur ſe ſera en
gagé de payer.
Le 25 au mois dernier , le feu ſe manifeſta
à bord d'un navire, près du fort d'Artois
à Cherbourg ; & malgré l'act vité des
ſecours , ce bâtiment fut incendié; un ſeul
homme ayant péri dans ce déſaſtre , il a engagé
le Commandant de la Marine à défendre
de faire du feu à bord des vaiſſeaux.
On continue à Cherbourg d'immenſes préparatifs
pour le Printemps prochain , temps
auquel on eſpere de lancer quatre nouveaux
cônes.
>> L'Adminiftration delaCaiſſe d'Efcomp-
>>te, dans fonAſſemblée préparatoire , du 8
>> dece mois,a, dit-on,nommé Commiſſaires à
>>la vérification des comptes , MM. Durvey ,
( 179 )
>> de la Noraye , Julien&Grand, fils . On
> croit que ces Commiſſaires feront nom-
>> més Adminiſtrateurs à l'Aſſemblée géné-
>> rale du 16. On ajoute qu'on a fixé en
>> même temps le dividende des Actions de
>>>la Caiſſe , à 230 pour le ſémeſtre.
>>>Le ſieur Bechade & fon camarade , ar-
>>>rêtés à la Haye, ſont arrivés ici ſous une
>> bonne eſcorte, le 9 de ce mois ; & après
>>>avoir été interrogés par le Commiflaire
>> Chenon , ils ont été conduits en prifon.
>> On tirera de ces deux hommes & de leurs
>>Papiers de grands éclairciſſemens fur la
>> falfification des lettres de change , dont
>> nous avons parlé.
>>>Monſeigneur le Duc d'Orléans vient
>>d'accorder, à ce qu'on rapporte , 12 pen-
>>> ſions de 800 liv. chacune , aux Scavans &
>>>aux hommes de lettres ci-après nommés.
>> De l'Académie Françoiſe , à MM. Mar-
>>montel , Gaillard , l'Abbé Deliſle & de la
>>>Harpe ; de l'Académie des Sciences à
>> MM. Bertholet , Lavoisier , de la Place &
>> Vandermonde; de l'Académie des Infcrip-
>>tions , à M. l'Abbé de la Chaux , fon Bi-
>>bliothécaire; enfin à MM. Bernardin de
>> Saint Pierre , Paliffor & Menageot.
I
SUITE du Procès-verbal de l'Aſſemblée des
Notables , en 1626.
Peu après le Garde des Sceaux , le Camdinal
de Richelieu prit la parole.
h6
( 180 )
Il eſt impoſſiblede toucher,dit il, aux dépenſes
néceſſaires pour la conſervation de l'Etat ;y pen
ſer ſeulement , ce ſeroit un crime. C'eſt pour
quoi Sa Majeté préférant le public à ſon particulier
, veut, de ſon mouvement , retrancher ſa
maifon dans les choſes qui touchent ſa propre
perſonne , vous laiſſant à juger comme il faudra
en uſer au reſte .
Les regles les plus auſteres font& ſemblent
douces aux plus déréglés eſprits , quand elles
n'ont en effet, comme en apparence , autre but
que le bien public & le ſalut de l'Etat .
La Reine votre mere , Sire , vous ſupplie de
trouver bon , qu'elle faſſe d'elle - même , en cette
occafion , ce que votre piété envers elle ne
vous permet pas ſeulement de penſer , c'eſtà-
dire qu'elle ſe réduiſe à moins de revenu
qu'elle n'avoit du tems du feu Roi ; étant vrai
qu'elle n'a point amélioré ſa condition , lorſque
pendant la minorité de votre Majesté elle a accru
celle de beaucoup d'autres pour le bien de votre
ſervice.
Après avoir été contrainte d'augmenter en
ce temps les dépenses de l'Etat pour en conſerver
le corps en entier , elle vous conſeille
de les retrancher pour la même cauſe.
On pourra diminuer les dépenfes ordinaires
de p'us de trois millions , ſomme conſidérable
en elle-même , mais qui n'a point de proportion
aux fonds qu'il faut trouver pour égaler la
recette à la dépenſe.
Reſte donc à augmenter les recettes , non
par nouvelles impoſitions que les peuples ne fau
roient plus porter , mais par moyens innocens
qui donnent lieu au Roi de continuer ce qu'il
a commencé à pratiquer cette année , en déchargeant
ſes ſujets par ladiminutiondes tailles .
Pour cet effet il faut venir au rachat des do(
181 )
maines des greffes & autres droits engagés qui
montent à plus de vingt millions , comme à
choſe non ſeulement utile , mais juſte &néceffaire.
Si l'on vient à bout de ce deſſein , & que l'a
France jouiſſe tous les ans du revenu qui proviendra
de ces ráchats ; ce qui ſemble à préſent
impoſſible , & qui toutefois eſt néceſſaire
pour le bien de l'Etat , ſera lors très- facile à
Sa Majefté . Les peuples qui contribuent maintenant
plus par leur ſang que par leurs fueurs
aux dépenſes de l'Etat , feront foulagés , enforte
que ne levant plus rien ſur eux , que ce
qui ſera néceſſaire , de peur qu'ils n'oublient pas
leur condition , & ne perdent la coutume de contribuer
aux frais publics , au lieu de ſentir ce
qu'on tirera d'eux , ils eſtimeront qu'on leur
donnera beaucoup .
On dira volontiers , & peut - être le penſeraije
moi-même , qu'il eſt aité de ſe propoſer de
A bons deffeiinnss , que c'eſt choſe agréable d'en
parler , mais que l'exécution en eſt difficile; &
cependant , après y avoir bien penſé , j'oſe dire
en la préſence du Roi , qu'il le peut trouver des
expédiens par leſquels , dans fix ans , on verra
la fin & la perfection de cet ouvrage.
Le Roi, Meffieurs , vous a aſſemblés exprefſément
pour les rechercher , les trouver , les
examiner & les refoudre avec vous ; Sa Majesté
vous affurant qu'elle fera promptement & religieuſement
exécuter ce qu'elle arrêtera ſur les
avis que vous lui donnerez pour la reftauration
de cet Etat,
Les malades mourant auſſi -bien quelque- fois
pour être ſurchargés de remedes , que pour en
être entiérement privés , j'eſtime être obligé de
dire en paſſant , que pour rétablir cet état en ſa
( 182 )
premiere ſplendeur , il n'eſt pas beſoin de beau
coup d'Ordonnances , mais bien de réelles exé
cutions.
Cette Affemblée , par ce moyen , pourra finir
plus promptement, bien qu'elle doive être perpétuelle
quant à la durée du fruit qu'elle produira.
Peu de paroles & beaucoup d'effets témoigneront
& les bonnes intentions , & les
jugemens de ceux dont elle eſt composée.
Les Ducs de Guiſe , de Nemours & de
Bellegarde étoient dénommés & mandés
pourſe rendre& ſe trouver à ladite Affemb'ée
; mais nul d'eux ne s'y trouva. Les
deux premiers , à ce que l'on écrit , pour
n'être pas d'accord entre eux de leurs rangs;
ce fut pourquoi, en cette Aflemblée , il n'y
eut aucunPrince , ni Duc & Pair de France.
Pour tout le reſte , l'ordre y fut très-bon &
fans aucune confufion.
Dès le commencement de cette affemblée
, il ſe vit pluſieurs remontrances , difcours
& mémoires imprimés pour avis au
Roi & à ladite Aſſemblée , afin d'apporter
de bons réglemens aux déſordres qui s'étoient
introduits en la Juſtice , aux Finances
&en la Police.
On voit de la force , du patriotiſme &
des lumieres dans pluſieurs de ces difcours ,
notamment dans la remontrance de M. de
Nicolai , & dans l'Avis à l'Aſſemblee des
Notables. L'un & l'autre prouvent , ainſi
que l'a remarqué avant nous l'un de nos
Littérateurs les plus judicieux , qu'il s'en
1
( 183 )
falloit bien qu'on fût auſſi ignorant à cette
époque fur les matieres fiſcales , que quelques
eſprits ſyſtématiques ont affecté de le
dire; il ſuffit de lire le bel ouvrage de M,
de Forbonnais , pour ſe convaincre que le
zele du bien public n'étoit pas aveugle à
beaucoup près. Citons quelques traits des
deux morceaux que nous venons d'indi
quer.
Sire, dit M. de Nicolaï , les Poëtes ont feint
qu'il y avoit en certains endroits de la mer Méditerranée,
des gouffres & des bouillons deau,
qu'ils appelloient Caribdes , leſquels engloutiffoient
les vaiſſeaux tout-à-coup , en forte qu'il
n'en reſtoit non plus de marque ni d'apparence
que ſijamais ils n'euſſent été ſur mer.
L'on peut dire le ſemblable de la mer de votre
épargne , en laquelle il y a certains chapitres de
dépenfes , intitulés contans en vos mains , leſquels
abſorbent les plus clairs deniers de vos finances :
&bien qu'il ſemble que Votre Majesté les ait
touchés, toutefois la vérité eſt qu'ils ont été
dévorés par les Caribdes , c'est- à-dire , par des
gens infatiables , & qui publient bien ſouvent
n'avoir reçu aucun bienfait de. Votre.Majesté ,
jaçoit que le tout ſoit tourné à leur profit.
Tellement que votre nom très- auguſte que les
anciens avoient toujours en la bouche , quand ils
vouloient affirmer quelque vérité , eſt employé
maintenant pour valider des ſuppoſitions & des
déguiſemens , autant contraires à l'innocence
la juſtice que le ſoleil eſt ennemi des ténebres , &
Votre Majefté du menſonge , du parjure & de
l'impiété.
e
Sire , j'ai dit que votre épargne eſt une mer en
( 184 )
laquelle il y a des gouffres & des abîmes profonds
& bien périlleux : j'ajoute que cette mer
n'eſt que trop ſouvent battue par une forte de Pirates
qui vous enlevent les plus clairs deniers
de vos revenus , avant qu'ils foient arrivés au
port auquels ils doivent être conduits & voiturés.
Ce ſont ceux que l'on appelle ſaiſeurs de partis
, qui pour un petit ſecours de deniers , tirés
bien ſouvent de vos coffres & non des leurs , ſe
font adjuger le revenu de vos recettes & le
prix de vos fermes avant que les termes en ſoient
échus.
• Cela n'est-ce pas moiſſonner le fruit avant
qu'il foit en maturité , & obſerver le tems de
votre néceffité pour ſucer le ſang de votre
pauvre peuple , avant qu'il ait eu le loiſir de
le tirer de ſes veines pour en ſervir Votre
Majesté ?
Car pourquoi donnent-ils des pots-de-vin pour
être préférés au bail des fermes de Votre Majesté ,
s'ils ne veulent prendre le riſque de l'événementdes
bonnes & des mauvaiſes années .
Mais , Sire , pour en parler franchement &
avec vérité , les pots-de-vin ſe donnent pour
enrichir les Courtiers & les amis des Fermiers
qui ſe préſentent au bail de vos fermes ; & les dédommagemens
ſont accordés en faveur des partifans
& de ceux qui les protegent aux dépens de
Votre Majeſté.
Ainſi l'on butine ſur vous , autant à la fin ,
comme a commencement des affaires , qui ſe
traitent ſous l'apparence de votre utilité ; mais le
pis eft , que les conditions de tels traités ſont déguiſées
aux Officiers de votre Chambre , auxquels
néanmoins on les adreſſe pour les vérifier , & par
conféquent les rendre reſponſables du péché duquel
ils font innocens.
( 185 )
Mais , Sire , je dirai un mot , avec votre permiffion
, des états , gages & appointemens qui ont
été doublés , voir triplés , depuis le décès du feu
Roi votre pere , de très- heureuſe mémoire.
Ce grand Prince avoit réglé ſes affaires avec une
telle prudence & égalité , que chacun ſe contentoit
de la condition à laquelle il l'avoit réduit. Celui
qui recevoit peu de ſa main libérale , ſe tenoit
plus heureux & obligé du jugement qu'un ſi grand
Monarque faifoit de fon mérite , que de la récompenſe
qu'il touchoit de ſes ſervices.
De forte que le prix de la vertu ne confiſtoit
pas en l'argent , mais en l'eſtime qu'en faiſoit le
plus vertueux Prince de ſon ſiècle.
Il eſt temps déſormais , Sire , de trancher &
remparer ſous votre main puiſſante contre l'avarice
& l'ambition qui nous ont penſé ſubmerger
,
& forcer conſtamment les deſirs infatiables
de vos ſujets de retourner à leur ancienne frugalité,
& ſe contenter des graces & appointemens que
le feu Roi votre pere leur avoit preſcrit ès - états de
fes finances .
Or il n'y a rien qui portera plus volontiers &
les grands & les petits à cette réformation , finon
l'exemple que Meſſieurs de vos finances en donneront
, montrant les premiers le chemin que chacun
doit tenir pour ſe réduire à une honnête médiocrité
.
Je pourſuivrai , Sire , mon diſcours , pour ne
point oublier à parler de l'excès des taxes &
cahiers de frais de vos Tréſoriers & Comptables
, leſquels ne voudroient pas cheminer , même
prendre la plume ou le jetton , ſans ſe faire
payer de leurs peines par votre Majesté , tant ces
perſonnes- là font attachées au gain. Aufſi on les
voit devenir riches & opulens en peu d'années :
ce font eux qui prennent la crême de vos Finan .
( 186 )
ces , ſe partageant les premiers . ſous prétexte de
leurs taxations , leſquelles ils ont achetées à un
vil prix ; de forte qu'ils ſe trouvent bien ſouvent
être remboursés en deux ou trois années de l'argent
qu'ils ont financé dans vos coffres , ſur lequel
encore ils ont glané quelque don , paffé dans un
comptant , par la faveur & intelligence de leurs
bons amis.
Ace déſordre des Cahiers de frais exceſſifs
des.Comptabies , l'on peut ajouter celui des
Clercs & Commis des Intendans de vos Finances
, leſquels gratifient les domeſtiques les uns
desautres comme bon leur ſemble : & au-lieu
d'avoir l'oeil à l'accélération des affaires de votre
Majesté , ſelon le dû de leurs charges , ils s'en
repoſent ſur un prétendu ſolliciteur des affaires
devotre Conſeil aux gages de deux cents écus ,
qui eſt un appointement auſſi peu conſidérable
que laqualité.
Dans l'Avis aux Notables on diſtingue
les paragraphes fuivans.
La grande allégreſſe & réjouiſſance, que toute
laFrance a reçue au premierbruit de votreAffemblée,
fait eſpérer que ſes effets lui feront très- falutaires.
Le Roi enfin a écouté les pleurs & gémiſfemens
de fon peuple , & touche de l'eſprit de
Dieu ſe réſoutde le ſoulager.
Quelle excuſe aurez- vous ſi vous ne faites
bien ? Vous avez un très-grand avantage ſur
tous ceux qui ontjamais eul'honneur d'un pareil
emploi. Vous avez artaire à un Prince abſolument
porté à ſuivre vos avis : parmi les graces que le
ciel a verſées avec affluence ſur ſon eſprit , celle ci
paroît éminemment ; il croit fon Confeil , & ne ſe
réſoud qu'avec lui , je le dis hors de tout ſoupçon
de flatteric;il eſt plein de piété ,juſte, courageux,
( 187 )
ferme&conſtant en ſes réſolutions. Agiffez done
courageuſement & en gens de bien ; fur-tout
ſouvenez-vous que vous n'êtes pas aſſemblés
pour trouver de nouveaux expédiens à épreindre
& tirer laderniere goutte de la ſubſtance du peu
ple, mais bien pour le ſoulager des maux qu'il y
a ſi long- tems qu'il endure .
Cinq choſes l'oppriment grandement, les Tailles
, les Logemens des gens de guerrree,, le Sel ,
les Aydes & la Mangerie des Officiers .
La premiere eſt celle à laquelle le Roi peut&
doit pourvoir promptement en le déchargeant
d'une partie , & remettant l'autre ſur un expédient
que je vous propoſerai plauſible & utile .
On vous dira peut-être comme on fit aux derpiers
Etats-Généraux , que le Roi veut avoir fon
compte , & que le fonds dont il jouit préſentement
ne peutpas ſuffire aex dépenſes ordinaires ,
bien loin dediminuer. Mais ne vous arrêtez pas
en ſi beau chemin ; je ſais bien que l'épargne eſt
épuiſée ; deux choſes en font cauſe , les dépenſes
exceſſives & inutiles de la volerie de ceux quimanient
la bourſe.
Remédiez- y ; & puis vous pourſuivrez au reſte
ſans contradiction. Commencez par le retranchement
de la dépenſe , & à cette proportion vous
diminuerez la recette ; examinez l'Etat. Le premier
Chapitre , c'eſt la maiſon du Roi ; vous
trouverez qu'el'e monte dix fois plus que du
tems de ces grands Princes Charles VII , Louis
XI, Charles VIII , Louis XII , François I. Ils
n'en étoient pas moins bien ſervis , leur mémoire
n'en eſt pas moins glorieuſe , & les François en
étoient beaucoup plus foulagés. Aufſi quand il
falloit faire un effort , il étoit aiſé d'en trouver
le fonds dans la bourſe des ſujets riches & affectionnés
, témoin la prifon du Roi Jean ; au(
188 )
lieu qu'à cetre heure , s'il faut racheter quoi
que ce ſoit de cent mille écus d'extraordinaire ,
fi ceux memes qui les ont engloutis , ne les revomiffent
, il n'est pas poſſible de les trouver , témoin
la Chambre de Justice.
Le ſecond chapitre ſur lequel vous devez jetter
les yeux eft celui des penſions. Vous croirez peutêtre
que ce que je vous dirai ſoit un paradoxe, &
néanmoins , c'eſt une vérité très-certaine : les
penfions ont ruiné la Nobleſſe ; tel qui vivoit
commodément & doucement en ſa maiſon,& qui
meme aux occafions pouvoit aſſembler ſes amis ,
mange le revenu de tout ſon bien en trois mois
pour venir demander ſa penſion. Un valet ou
deux lui ſuffifoient , ſon village ne voyoit ni clin
quant , ni broderie. A la Cour , il a un Ecuyer ,
desGentilshommes , des Pages , quantite de plumes
, quantité de paſſemens d'or. Voilà où s'emploie
ſon bien , & ce qui lui revient d'une penſion
mal payée , bien levée ſur le peuple , & mieux
comptée für le Roi . Et pour preuve de ce que je
dis , qu'on recherche curieuſement s'il y a un
ſeulGentilhomine qui ne ſe ſoit ruiné ou incommodé
à ce métier-là : ſur un écu de fonds extraordinaire
, ils déſignent dix écus de dépenſe ; &
c'eſt ce qui a mené le luxe à fi haut point où il eſt
maintenant. Comète malheureuſe , qui préſage
infaillibiement la ruine des Etats qu'elle menace.
Il y a encore un autre inconvénient que ce
mal produit : c'eſt que , comme il n'eſt pas poffiblede
donner des penfions à tous lesGentilshommes
, non pas à la centiéme partie , ceux qui
n'en ont point , ne croient pas devoir ſervir le
Roi fans être payés. Ajoutons-y encore cette raifon
: les François s'obligent aifément & de peu
de choſe ; maisauffi , ils ne confervent pas longtemps
la mémoire des bienfaits , quels qu'ils
( 189 )
foient. Cela vient de leur naturel prompt & le
ger ; auffi voit on qu'en leurs querelles particu-
Tieres , ils s'accordent volontiers fans couver aucune
forte de vengeance ſur le coeur , mais auſſi
tout prêts à ſe couper la gorge avec le meilleur
ami qu'ils aient.
Conſeillez donc au Roi , que s'il ſe veut faire
adorer parmi eux , qu'i leur donne peu & fouvent
, rien de certain ou d'établi , parce que dès
Theure méme , chacun en fait état comme de fon
propre Domaine , & croit que cela lui eſt dû.
La fin l'ordinaire prochain.
Les circonstances nous font préſumer
qu'il n'eſt pas inutile de ſoumettre à l'examen
des perſonnes éclairées , une queſtion
importante , qui nous eft adreſſée dans la
lettre ſuivante.
Paris , 14 Janvier 1787 .
MONSIEUR ,
Puifqu'on s'occupe des Hôpitaux , qu'il me
ſoit permis d'ajouter une queſtion à celles qu'on
aagitées.
Les Hopitaux doivent- ils être deſſervis par des
hommes ou par des femmes ?
Mon opinion fur cet objet eſt d'autant plus paradoxale
, qu'elle a pour baſe des obſervations que
les Adminiſtrateurs , les Médecins , les Chirurgiens
font eux- mêmes rarement àportée de faire.
Ainfi je me réſerve de la publier à un autre jour ,
afin de laiſſer à vos Lecteurs le temps de la rés
flexion.
J'ai l'honneur d'être , &c .
FEYDEL .
La nommée Magdelaine Giblin , femme
de Ch. Barois , Manouvrier dans la paroiſſe
( 190 )
de Dampierre , du dioceſe d'Auxerre , eſt
accouchée dans le courant du mois de Juin
( 1786 , de 4 enfans , dont deux filles & deux
garçons. Le premier est né le 25 Juin , à 10
heures du matin, le ſecond , le 26 du même
mois , à 4 heures du matin , & les deux
aurres à 3 heures après midi du même jour.
Tous ces enfans ont été baptifés , à meſure
qu'ils naiſſoient. Le fecond eſt mort au bout
ders jours , le troiſieme au bout de 4 mois ,
&les deux filles qui reſtentjouiſſent d'une
ſanté parfaite.
Marie-Elifabeth Moral , femme du ſieur
Ferdinand René de la Cheze , ancien Commandant
de la Cavalerie Européenne d'Hyder
Ali Kan , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire deSaint- Louis , eſt morte le 25 du
mois dernier , à Lagny , en Brie , âgée 62
ans.
Jean-Nicolas de Boullongne , Comte de
Nogent-fur - Seine , Conſeiller d'Etat , &
aux Conſeils Royaux des Finances & du
Commerce , Commiſſaire du Roi de la
Conrpagnie des Indes , eſt mort ici le même
jour.
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
« Le 24 du mois dernier , le Roi de Naples
>> revenant de la chaſſe , un peu tard le foir ,
>> tandis que l'on changeoit de relais à la Poſte
>> de Cairano , un soldat de la patrouille à che-
>> val fut envoyé pour avertir de l'arrivée de
S. M. à Caferte , & fon cheval s'étant abattu ,
( 191 )
J
il eut la jambe caſſée. Le Monarque ayant en-
>> tendu les lamentations du ſoldat en paſſant au-
>> près de lui , fut pénétré de ſa diſgrace , & le
>> premier à le ſecourir. Le compatiſſant Souve-
>> rain releva le ſoldat , lui banda la jambe de ſes
>> propres mains , & le ſoutint dans ſes bras juf-
» qu'à ce qu'il fut commodément placé ſur une
>>petite calége. S. M. n'a point quitté le bleſſé ,
>> qu'il n'eût été arrivé en cette Capitale , où
>> elle le recommanda par des expreffions d'une
tendreſſe paternelle , pourvoyant en même
>> temps au néceſſaire pour l'exécution de ſes
> ordres , & la prompte guériſon du malade. >>
[Gazette de la Haye , nº. 4.1
«M. Blanchard avoit écrir à 8. M. I. pour
lui demander la permiſſion de faire à Vienne une
>>>de ſes expériences aëroſtatiques . Ce Monarque
» lui répondit , qu'auſſi- tôt qu'on lui démon-
> treroit que ces expériences pouvoient être
> de quelque utilité , il s'empreſſeroit à l'ac-
>> cueillir , à le récompeuſer , & chercheroit
>> même à le fixer auprès de lui. Le Navigateur
aërien s'étant enſuite adreſſé à S. M. Pruf-
>> fienne , en a reçu la réponſe ſuivante. Je vous
>> ſuis obligé , M. Blanchard , de l'offre que
>> vous me faites dans votre lettre du 23 Oc-
> tobre , & fi je refuſe de l'agréer , c'eſt plu-
* tôt par l'intérêt que je prends à votre con-
>> ſervation , que pour tout autre motif. Malgré
>> la grande confiance que jai dans votre ha-
>> bileté & dans votre expérience , les eſſais
>> que vous faites ſont ſi périlleux , que rien
>> ne peut me raffurer,entierement contre la
>> crainte d'un déſaſtre poffible. Je ſerois très-
>> ſenſiblement affecté, fi un malheur arrivoit
dans mes Etats , & la forte appréhenſion que
>>j'en ai , ſuffiroit pour détruire tout le plaifir
( 192 )
que j'aurois en voyant une expérience aërof-
>> tatique , conduite par un eſprit auffi éclairé
>> que vous. Ces raiſons m'engagent à refuſer
>> l'offre que vous me faites, & en même tems
>> à prier fincerement Dieu qu'il vous prenne
>> en ſa ſainte & digne garde >> . » Courier d'Avignon
, nº . 3 ..
On vient de recevoir la nouvelle certaine,que
L. M. Siciliennes me feront pas le voyage de
Vienne , comme il ſemble qu'Elles l'avoient
refolu : il paroît naturel d'attribuer ce changement
àlagreffeffe de S. M. la Reinede Naples, qui
vient d'être déclarée enceinte. Quoi qu'il en ſoit ,
lesOrdres pourTufpendre les préparatifs de la réception
, que S. M l'Empereur vouloit faire à
ces auguſtes voyageurs, ſont déjà donnés , & on:
ne tardera pas à en donner auſſi pour contremander
les troupes , qui devoient former une grande
armée à Palowa .
On croit favoir avec certitude , que le Courier
expédié de Vienne pour Pétersbourg , y porte
Paſſurance á S. M. l'Impératrice que notre Mo-
Barque aura une entrevue avec Elle , ſur la route
de Pologne à Cherſon ; l'Empereur partira le 13
Février, pour le trouver, s'ileſt poſſible àKiovie,
le même jour que l'Impé:atrice y arrivera. On
doute avec raifon , que l'Emperear aille plus
loin , pour accompagner l'Impératrice , & il eſt
très-aſſuré qu'il n'ira pas à Cherfon .
Le changement d'Adminiſtration dans le
Royaume de Hongrie , rencontre toujours les
plus grands obſtacles ; l'Empereur y avoit aboli
cinquante- fix Comittats ; il a fallu en rétablir
trente- fix dans leurs anciens Droits & Privileges :
cependant , les dix Commiffiorats établis refteront
ſur pied , mais n'auront pas le quart de la
beſogne à faire. Gaz. d'Amst. nº . 5 .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts; les Spectacles;
les Causes Célebres ; les Académies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits
Arrêts; les Avis particuliers , &c. &c.
C
SAMEDI 3 FÉVRIER 1787 .
APARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou,
rue des Poitevins , Nº. 17.
AvecApprosation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Janvier 1787.
P ICES FUGITIVES .
3 Aun de mes Amis ,
Le Loir , Fable,
Cha-fon,
Les Entretiens du Palais
38
4Ifman, ou le Fanatisme , 55
S
Royal ,
Les Baifers de Zi , 64
SurlaMort deM, Beaujon,
Le Nouvel An ,
Almanach Littéraire ,
Nuvelle Instructionfur l'Hif-
74
Epttre à MmeD.. F... 97 toirede France,
Couplets , 99 Almanach des Muſes, 103
A l'Auteur de mes
nirs ,
49
Souve Voyage en Pologne, Ruffie ,
145
Danemarck,&c.
Impromptu àM. le Marquis Etremnes du Parnaſſe,
du Creft, 146 Histoire d'Artois ,
Charades , Enigmes & Logo-
Hugues Capet,
Variétés ,
gryphes , 6.53 , 100 , 147 Economie,
NOUVELLES LITTÉR.
Idées fur les fecours à donner
$ 150
172
jusqu'à
180
83,116
187
40
SPECTACLES ,
aux pauvres Malades dans Concert Spirituel ,
les grandes Villes ,
Comedie Françoise , 9 133
Zéliedans le Défert , 25 Comédie Italienne . 138
Almanach de la Samaritaine , Annonces & Notices,43 , 91,
140, 188 341
A Fatas , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
dela Harpe , près S. Come.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 3 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Préfentés à M. le Comte DE CHOISEULGOUFFIER
, de l'Académie Françoise ,
au moment de son départ pour Conftantinople
, en qualitéd' Ambaſſadeur de France.
Les reſſources detongénie
Et l'humanité de ton coeur
Manquent à la foible Turquie
Pour repouſſer le Sarmate vainqueur,
Le pouvoir le plus deſpotique, مرح
Les plus nombreux Soldats n'offrent qu'un vain
ſoutien ;
Et , ſans la force politique ,
A
MERCURE
La force phyſique n'eſt rien .
Va couvrir l'Helleſpont de ta puiſſante Égide ,
Arracher le Sultan à la nuit du ſérail ,
Et, phare de la Propontide ,
Éclairer l'Orient des feux de ton travail.
A l'Empire philoſophique *
Va ſoumettre une Nation
Ignorante par politique ,
Stupide par religion .
(Par M. l'Abbé Ferrand. )
*
A Madame la Comteſſe D'ARGOUT.
RACE de demi-Dieux , dont latigehéroïque
Eſt inconnue à force d'être antique ,
Vainement je marche au flambeau
De la chronologie ainſi que de l'hiſtoire:
Je retrouve par-tout les traces deta gloire;
Mais je n'en puis jamais découvrir le berceau.
Tels les peuples voiſins du golfe du Mexique ,
Pour connoître l'endroitoù leur fleuve ** eſt naiſſant,
Remontent vers le pôle arctique ;
Mais leur effort eſt impuiſſant :
* Note de l'Auteur. Je parle de cette philoſophie qui
u'exclut pas le chriftianiſme ,& qui même le ſuppoſe.
** Le Mitiſfipi , l'un des trois plus grands ficuves de
toute l'Amerique.
DE FRANCE
S
Fatigués d'une vaine courſe
Ils reviennent portés par le même torrent
Dont la majesté les ſurprend ,
Mais dont ils ignorent la ſource.
(Par lemême. )
L'HEUREUX RETOUR ; à Mme la
Marquise DE TH... à ST. S...
AIR: De la jolie Romance de M. Charon ,
Faire voudrois , belle Marie.
QUAUANND une bonne &tendre mère
Revient au ſein de ſa maiſon
E
Pour ſavoir combien elle eſt chère ,
Elle le lit ſur chaque front.
Après les rigueurs de l'abfence ,
Près d'un époux qu'elle chérit ,
Tout s'embellit par ſa préſence,
Et ſur ſes pas tout lui ſourit.
CONDUITE en fon heureux voyage
Par ſes devoirs pour ſes parens ,
Elle eſt rendue à ſon ménage,
Aſon époux , à ſes enfans :
Par-tout fon ame intéreſſée
Goûte les plaiſirs les plus doux ;
La vertu dicte ſa penſée ,
Et la raiſondicte ſes goûts.
A
R
Aii)
MERCURE
AINSI l'on peut à la campagne
Braver l'hiver & les frimats ,
Loinde la ville qu'accompagne
Un fatigant & vain fracas.
Ici, plus près de la Nature ,
Onforme de ſages defirs;
Ellepeut ſeule avec uſure
Nousdiſpenſer les vrais plaiſirs.
METS à profit dans ta jeuneſſe
Cesbeaux momens, hélas! trop courts :
Il n'eſt , Zulmis , que la ſageſſe
Qui puiſſe en prolonger le cours.
Quand on arrive à ſon automne,
Ayant ſa profiter du temps ,
Pour l'hiver même on ſe couronne
Des fleurs qui parent le printemps.
(Pur le Chevalier de Thui ... )
OBSERVATIONS fur les Monnoies.
ON nous regarde comme le peuple de l'Europe
le plus inconftant & le plus léger. Cette
opinion eſt- elle bien fondée ? J'ai peine à le
croire. Nous varions nos modes , & nous fai.
fons très-bien : c'eſt une preuve de notre goût.
Plus il a de fineſſe , de délicateſſe , moins il
doit s'attacher à une forme conſtante. Les
Nations qui n'auroient qu'une ſeule manière
DE FRANCE. 7
de ſe vêtir , qu'une ſeule couleur pour leurs
habillemens , qu'une ſeule méthode de conftruire
ou diftribuer leurs habitations , leurs
édifices publics , leurs jardins ; qu'une feule
forme pour chacun des differens meubles ou
inftrumens à leur uſage , n'auroient probablement
aucun goût ; car la Nature ne leur auroit
pas plus révélé qu'aux autres le moyen
d'arriver tout d'un coup à la perfection de
toutes les chofes , & les modèles qu'elles au
roient adoptés ſeroient vraiſemblablement
peudignes d'en fervir. Un tel peuple n'auroit
nul ſentimentdu beau , & les Arts , excepté
ceux qui fournillent les premiers beſoins, lui
feroient inconnus , ou reſteroient chez lui
dans une enfance éternelle.
Il ne faut donc pas nous faire un reproche
denotre inconſtance , elle feroit à bien plus
juſte titre un ſujet d'éloges à nous donner.
Mais ces éloges , nous ne les méritons guères
que pour les chofes qui dépendent du goût
de ce tact précieux , donné à quelques étres
privilégiés , à quelques peuples placés ſous
un ciel & fur un fol également fortunés.
Nous ſommes fur tout le reſte d'une conftance
qu'il feroit difficile de louer.
Quel peuple de l'Europe a moins ehangé
que nous ſes uſages , ſes loix , ſes opinions?
L'empire de l'habitude , de vieilles coutumes
, de la routine , eſt mieux établi en
France qu'en aucun autre pays , & les véritables
inconſtans ſont les Anglois , les Ruffes ,
les Italiens , les Allemands. Il faudroit un gros
Aiv
8 MERCURE
Livre pourdémontrer cette vérité ; mais on
l'ydémontreroit ſans réplique. Au-lieu d'un
gros Livre qui multiplieroit les preuves de
notre incroyable attachement aux vieux uſages
les moins fondés en raiſon , bornonsnous
à en citer un ſeul exemple. Je le prendrai
au hafard parmi un million d'autres que
nous fournirions au beſoin.
Pourquoi nos monnoies portent- elles encore
au milieu d'un ſiècle poli toutes les
livréesdes temps de barbarie? Pourquoi, lorf
que notre langue eft devenue dominante ,
ne peut- elle , en circulant avec ces monnoies ,
offrir le caractère d'empire qu'elle s'eſt acquis?
Pourquoi nos médailles même , comme
nos monnoies, ne nous préſentent- t'elles que
des épigraphes dans la langue des Romains ?
Et encore que ſignifient ces légendes ? Qu'a
decommun avec nos monnoies d'or celle-ci ,
qui ne paroît ni la moins ancienne ni la plus
raifonnable , Chriftus regnat, vincit, imperat?
Onofe croire qu'elle n'y eût pas ſubſiſté tant
de fiècles ſi , au- lieu de s'offrir dans une langae
morte , elle s'y fût montrée en François.
N'y at'il rien de mieux à mettre à l'exergue
denos pièces que le Sit nomen Domini Benedictum
? C'eſt un adage très-religieux , j'en
conviens ; mais ſa place n'eſt-elle pas mieux
dans nos rituels que ſur nos gages d'échange?
Le Dominefalvum fac Regen n'est que notre
cri de vive le Roi , qu'il falloit préférer ,
parce qu'il étoit compris par tout le monde,
&le fentiment de tous nos coeurs.
DE FRANCE. 9
Pourquoi n'y liſons- nous le nom de nos
Rois qu'en latin , & encore en abrégé ? Ce
n'eſt qu'en 1726 qu'on a commencé d'y ajouter
à leur titre & à leurs armes , le titre &
les armes de Roi de Navarre. Henri IV ,
Louis XIII , Louis XIV ne l'avoient point
infcrit ſur leurs monnoies , & ne penſoient
point que cet oubli pût affoiblir leurs droits
àceRoyaume: ils croyoient fans doute qu'au-'
cun titre ne pouvoit ajouter à la ſimplicité
& à la majeſté de celui de Roi de France.
Louis XV & Louis XVI n'ont pas ſemblé jalouxde
porter le titre de Roi de Corſe , dont
cependant le Royaume entier leur appartient ;
&c'est une forte d'hommage qu'ils ont tacitement
rendu à la dignité de leur couronne.
Enfin pourquoi toutes nos monnoies portentelles
l'écu de France , fi ce n'eſt pour légitimer
leur nom ? Mais ce qui alors auroit un
motifpour les écus de 6 & de 3 liv. , eſt ſans
objet pour les louis, pour la petite monnoie
blanche & pour toute celle de billon .
Nepeut-on pas eſpérer que dans un moment
où l'art de la fabrication des monnoies
vient d'être perfectionné par M. Droz , on
perfectionnera auſſi le deſſin de leurs empreintes
? Au- lieu de l'écuſſon des armes de
France , qu'on ne peut jamais y repréſenter
qu'ovale , rond , carré , ou en abyme , ne
ſeroit - il pas mieux d'y trouver la France
debout, tenant d'une main une lance qui ſupporteroit
la couronne , & ayant l'autre tendue
vers un globe chargé de trois fleurs de
Av
10 MERCURE
lys , & pofé fur un focle ? L'exergue porteroit
les mots indicatifs de la valeur de la
pièce,tels que louis de 48francs, de24francs,
de12francs; écu de 6 francs , de 3 francs ,
&lemillésime de l'année de leur fabrication.
Le revers ſeroit orné du buſtedu Roi , avec
cette ſeule légende , Louis XVI , Roi ; fur
le cordon pourroit ſe lire notre cri unanime
de vive le Roi!
Ces mêmes deffins réduits pourroient fervir
aux petites monnoies blanches & à celles
de billon; mais il ſeroit peut- être à defirer
qu'on frappâtdespièces du nom defranc,de la
valeur numérairede 20 fols, parce que ce nom
eft national,& afin d'avoir au moins une pièce
qui eût la valeur de fon nom; car le mot
livrecomme celui de franc , ne nouspréſente
plus qu'une valeur idéale. La diviſion qu'offriroit
cette taille des pièces inférieures , n'of
fre pas plus d'inconvéniens que celle adoptée
jufqu'ici. Il nous faut aujourd'hui 2 piècesde
24& 1 pièce de 12 fols pour former l'écu de
3 liv., il ne nous faudroit pareillement que
3 pièces de 1 liv. ou 3 francs , qu'on fubdivi
feroit en demi-francs & quarts de francs . On
a fabriqué en 1779 des eſpèces pour nos Ifles
d'Afrique , avec cette légende françoiſe :
Louis XVI, Roi de France & de Navarre ,
&cette autre: Iſles de France & de Bourton ;
àlaplacede l'écu de France, on y lit ces mots:
3fols, indication de leur valeur. Ainfi , ce
qu'on propoſe n'eſt pas même une innovation,
maisun ſimple changement qu'on pourDE
FRANCE. и
roit eſpérer du goût & de l'attention d'an
Miniſtre auquel rien de ce qui intéreſſe l'or
dre public ne paroît être indifférent.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LEmot de la Charade eſt Découdre ; celui
de l'Enigme eſt Orgue ; celui du Logogryphe
eſt Géographie , où l'on trouve Reggio
( ville de Calabre ) , Reggio ( patrie de
'Arioſte ) , Pó , Gago , Gorée , Géorgie ,
Erié, ( lac du Canada ) , Aire , Gap.
CHARADE.
Mon premier mène à touts
Mon ſecond prévoit tour ;
Etla vie eſt mon tout.
(ParM. le Chevalierde Meude-Monpas.)).
ÉNIGME.
DE deux moitiés abſolument ſemblables
Tout mon individu ſe trouve compofé;
Rarement on me voit paroître ſur les tables ;
Aux frimats,dans les bois je me trouve expoſe:
Avi
12 MERCURE
Mon nom eſt une injure,& fur-tout dans lesGaules;
Mais de mes deux moitiés l'une eſt ſur tes épaules.
(ParM. Cornu , à Puiſeaux. )
LOGOGRYPHE
HUIT
UIT pieds font ma ſtructure ;
Mon ſtyle eſt laconique , & c'eſt-là ma nature ;
Ainfi donc, fans m'aller répandre en longs propos ,
Un grand ſens eſt par moi caché dans peu de mots.
Cen'eſt pas tout encor : je ſuis dans l'écriture.
En me décompoſant je t'offre , ami Lecteur
Undes noms de Jéſus , ton aimable Sauveur;
Ou biendans la grammaire
Je ſuis un être actif,
Etquelquefois paſſif.
,
Ofils reconnoiſſant , je peux auſſi te plaire;
Car je renferme un nom bien chéri de ton coeur.
Pour finir en deux mots , trouvez en moi , Lecteur ,
Un inſecte rampant , un vuide imperceptible :
Aufſitôt je me rends, n'étant pas invincible.
(Par M. l'Abbé Grand Moulin.)
*
DE FRANCE.
13
NOUVELLES LITTERAIRES.
ÉTRENNES Lyriques Anacreontiques ,
année 1787 , preſentées à MADAME.
Les vers ſont enfans de la lyre ,
Il faut les chanter non les lire.
A Paris , chez l'Auteur , rue des Nonaindières
, No. 32 .
ALMANACH des Grâces,Étrennes érotiques
chantantes , dédié à Madame COMTESSE
D'ARTOIS , 1787 .
Il n'appartient qu'auxGrâces
De régner ſur les coeurs. !
A Paris , chez Cailleau , Impr.- Libraire ,
rue Galande , N°. 64.
ÉTRENNES de Polymnie , choix de Chanfons,
Romances, Vaudevilles , & c. 1787.
AParis , au Bureau de la Petite Bibliothèque
des Théâtres , rue des Moulins , butte
S. Roch , No. 11 ; Belin , Libraire , rue
S. Jacques; Brunet , Libraire , rue de Marivaux
, &c .
IL m'a paru naturel d'annoncer à la fois ,
dans un même article , ces trois Recueils du
même genre , & qui ont un même objet, ce
し
14 MERCURE
lui de plaire aux perſonnes des deux ſexes
qui ont le goût du chant & de la poéſie , de
leur offrir un paſſe- temps agréable , & en
même temps de ſervir de cadeau au jour de
l'an. Il n'eſt pas queſtion d'exalter le mérite
de ces diverſes Étrennes ſans conféquence,
Les Étrennes Lyriques ont déjà été annoncées
dans ce Journal avec une faveur que l'accueil
du Public ſemble avoir juſtifiée. On y diſtingue
les noms des Chanſonniers les plus agréables&
le plus connus pour l'être. Obferver
que parmi les Auteurs qui ont contribué au
Volume de cette année , on compte M. le
Ch. de Bouf** , feu M. Colardeau , M. de la
Croiſzerière , M. le Ch. de Cubière , M. de
Piis, M. Grouvelle , M. Imbert , M. Simon.
de Troye , M. Sabatier de Cavaillon , &c.
c'eſt affez dire que cette dernière partie ne
plaira pas moins que celles qui l'ont précédée.
Il ne faudroit que la Romance de M.
Berquin , à un enfant endormi dans fon berceau
, pour donner au Recueil entier une
valeur ſuffiſante. Je ne citerai que cette ſeule
Pièce, & je la cite de préférence , parce que
rienà mes yeux n'eſt au-deſſus du vrai , du
naturel & du fentiment , & que dans ce
genre la romance de M. Berquin me paroît
unmodèle..
AIR: Je l'aiplanté , je l'ai vu natire.
HEUREUX enfant , que je t'envie
Ton innocence & ton bonheur !
1
1
DEFRANCE.
Ah! garde-bien toute ta vie
La paix qui règne dans ton coeur..
Tu dors; mille ſonges volages ,
Amis paiſibles du ſommeil ,
Te peignentdedouces images
Juſqu'au moment de ton réveil.
ΤΟΝ oeil s'ouvre : tu vois ton père
Joyeux accourir à grands pas ;
Il t'emporte au ſein de ta mère :
Tous deux te bercent dans leurs bras.
ESPOIR naiſſant de ta famille ,
Tu fais ſon deſtin d'un ſouris ;
Que fur ton front la gaîté brille ,
Tous les fonts ſont épanouis.
Tour plaît à ton ame ingénue,
Sansregrets comme fans deſirs;.
Chaque objet qui s'offre àta vue
T'apporte de nouveaux plaiſirs.
Si quelquefois ton coeur ſoupire ,
Tu n'as point de longues douleurs ;
Et l'on voiy ta bouche ſourire
Al'inſtant où coulent tes pleurs..
Parle charme de la foibleſſe
Tu nous attaches à ta loi;
Et juſqu'à la froide vieilleſle
Tout s'attendrit autour de toi.
:
16 MERCURE
MAIS , hélas ! que d'un vol rapide
I's viennent , ces jours orageux ,
Où le ſort & l'amour perfide
Vont porter le trouble en nos jeux !
Mor , qui des goûts de la Nature
Garde encor la ſimplicité ;
Avec une ame douce & pure
Quels ſoins ne m'ont pas agité !
AMOURS trompeuſes ou légères ,
Parens ravis à mon amour,
Mille eſpérances menſongères
Détruites ,hélas ! fans retour.
Si du fort l'aveugle caprice
Me garde quelque trait nouveau ,
Je viendrai de ſon injustice
Me conſoler à ton berceau.
Er tes careſſes &tes charmes,
Et ta douce ſécurité ,
Amon coeur en proie aux alarmes ,
Rendront quelque ſérénité.
Que ne peut l'image touchante
Du ſeul âge heureux parmi nous ?
Cejour peut- être où je le chante
De mes jours eſt-il le plus doux.
HEUREUX enfant , que je t'envie
Ton innocence & ton bonheur !
DE FRANCE.
17
Ah! garde-bien toute ta vie
La paix qui règne dans ton coeur.
L'Heureuse Apparition , chanſon de M.
Gorſas , a été choiſie pour ſervir de ſujet à
l'eſtampe deſſinée par M. Cochin , & gravée
par M. Gaucher. C'eſt une eſpèce d'Ode Ana-
- créontique très - agréable. Une autre Pièce
dans le meilleur goût d'Anacreon & de Mofchus
, c'eſt celle intitulée Les Flèches de
l'Amour , par M. Bret. Le Poëte ſuppoſe que
dans un bois il rencontre l'Amour endormi.
Il voit à ſes côtés ſes flèches éparſes ſur la
verdure ; il obſerve que les differens traits
diffèrent de plumage. Au moment où il s'en
étonne , l'Amour s'éveille , & lui explique la
raiſon de cette différence. Le Lecteur me ſauroit
mauvais gré li je ne lui faifois partde cette
ingénieuſe explication.
A1-18 à frapper l'ame inquiette
De quelque amant fombre & jaloux ;
Je choiſis alors laſagette
Oùfont les plumes de hiboux.
Pourle Diſciple d'Épicure ,
Le ſentiment eſt ſans attraits ;
Quand je lui fais une bleffure ,
Les moineaux ont paré mes traits.
L'AIGLON eſt pour le téméraire ,
Le ſerin pour les beaux conteurs ;
18 MERCURE
Pour le fat , toujours sûr de plaire ,
Du Paonj'emprunte les couleurs.
VEUX- JE bleſſer un coeur fidèle
Fait pour aimer bien constamment;
Laplume de la tourterelle
Ama flèche ſert d'ornement,
REGARDE- LA , Vois qu'elle est belle !
Sur tous mes traits elle a le prix.
Ah ! m'écriai je , Amour, c'eſt celle
Dont tu m'as bleſſé pour Iris .
A l'exemple des Muſes , les Graces ont
voulu à leur tour avoir leur Almanach ; mille
beaux eſprits ſe ſont empreſſes àl'envi de leur
rendre cet hommage. Il eſt bien doux de
plaire aux Belles ,& ce qui leur plaît eſt tou
jours sûr de réuffir. L'Éditeur s'eſt ſouventque
les Graces n'étoient point des courtifannes;
les chansons de fon choix font à- lafois
décentes & agréables; il fait enforte de
n'en inférer aucune dont les mots à double
entente pourroient effaroucher la Beauté. On
peut être gai , mais décent ; c'eſt fa devife:
UneMuſe * qui eſt telle en effet,& par fon
ſexe& par ſes talens , & qui d'ailleurs brille
par d'autres agrémens à la cour des Grâces ,
a enrichi leur Almanach d'une de ſes plus jolies
productions. Ce ſontdes couplets adreſſes
à M. Knapen , Auteur de quelques Pièces
fugitives.
* Mme Dufrenoy.
DE FRANCE .
AIR: Eh ! allons donc , Mademoiselle.
LORSQUE l'an ſe renouvelle,
Chacun fait ſes complimens.
Sans doute auprès d'une Belle
Vous n'oubliez pas l'encens .
L'eſprit , la galanterie
Suivent toujours un François ;
Sur ce point de la patrie
Vous paſſez tous les ſujets.
On vous dit auſſi volage
Que ce Dieu qu'on nomme Amour.
UneBeauté vous engage ;
Une autre a bientôt ſon tour.
Ce n'eſt que dans la conſtance
Qu'on doit trouver des attraits;
Et vous n'êtes pas , je penſe ,
Le meilleur de ſes fujers.
Is vous promis pour étrennes
De vous faire une chanson ;
Mais en retour pour les miennes ,
Invoquez votre Apolion .
Si vous le faites , d'avance
Je compte ſur vos ſuccès.
Il doit combler l'eſpérance
Du meilleur de ſes ſujets.
On ſe doute bien que M. Knapen , ſi gala
20 MERCURE
ment provoqué , ne s'eſt pas fait prier deux
fois: tout le monde en auroit fait autant;
mais très-peu de gens,peut- être, l'auroient fait
avec autant d'eſprit & d'a- propos. Auditque
vocatus Apollo. Voici ſa réponſe.
AIR : Madelaine à bon droit paffa.
SANS eſpoir j'invoque Apollon :
Depuis qu'il eſt couru des Belles ,
Il laiſſe du ſacré vallon :
L'ennui , la gloire aux neuf pucelles.
Neuf! en voilà pour tous les goûts;
Mais entre nous , mais entre nous ,
Je fuismieux inſpiré chez vous.
CHEZ vous ſont fixés les Amours,
Bien qu'on y parle d'inconſtance :
C'eſt chez vous qu'on trouve toujours
Des traits contre l'indifférence
Etdestalens pour tous les goûts ;
Car entre nous , car entre nous,
Onest bien infpiré chez vous.
En vainj'ai voulu dans mes vers ,
Sans nul écart ſuivre vos traces
Vous me connoîſſez des travers ;
Je n'ai pu chanter que les grâces.
J'ai chanté , j'ai fait des jaloux ;
Car entre nous , car entre nous ,
On estbien inſpiré chez vous.
DE FRANCE 21
Les chanſons de l'Almanach desGrâces ſont
preſque toutes ſur ce ton de légèreté , de délicateſſe&
de gaîté. Je me garderai bien de faire
ici un éloge infipide & monotone des Chanfonniers
dont la liſte nombreuſe ſe trouve à la
finduRecueil.Ce font moins desAuteurs que
des eſpritsgais, aimables&faciles.Je neſuppoſe
pas qu'aucun d'eux attache la moindre importance
à un genre de poéſie légère , dont
le caractère eftde n'en mettre àrien.On fent
bien que leurs productions ne ſont point
exemptes de défauts. Quelquefois la facilité
dégénère en négligence. On deſireroit dans
certaines Pièces des tours plus poétiques ; en
d'autres plus de ſel & moins de langueur.
Mais le Recueil , dans ſa totalité , eſt trèsamuſant
, & vaut , à peu de choſe près ,
celui des Étrennes Lyriques.
Ceque l'on vient dedire de ces deux Recueils
, il faudroit le répéter des Étrennes de
Polymnie. Elles font , comme les Étrennes
Lyriques , chantantes & amuſantes , & de
plus, enrichies d'airs nouveaux notés & gravés
avec beaucoup de ſoin. Certe Collection ,
du même forinat que la Petite Bibliothèque
des Théâtres , eſt très-joliment imprimée.
Ellea éréd'abord entièrement gravée à grands
frais. Mais les inconvéniens de la gravure ,
reconnus par l'expérience , ont déterminé les
Éditeurs à imprimer ſelon la typographie
ordinaire , ces Étrennes, faiſant ſuite à leur
Collection dramatique.
On recevra les trois années 1785, 1786&
22 MERCURE
1787 , franches de port à Paris& en Province ,
ens'adreſlant au Bureau de la Petite Biblio- :
thèque de Théâtre , ou chez les Libraires indiqués
, & en envoyant 3 liv. pour chaque
volume. On doit auſli affranchir l'argent&les
lettres d'avis.
LAURE , ou Lettres de quelques femmes
de Suiffe , par l'Auteur de Camille ; 4
vol. in- 12 . , Prix , 7 liv. 4 fols , brochés.
AParis , chez Buiſſon , Libraire , hôtel de
Meſgrigny , rue des Poitevins.
Ce roman paroît en effet reſſembler à
quelque choſe. La peinture de certaines
moeurs y domine.On croit voir une famille
bourgeoiſe entourée de parens, d'amis , de
voiſins & de voiſines. Les tableaux de la vie
champêtre y font fréquens ; on ſuppoſe
aiſement que ces lettres ont été écrites de
la campagne au voiſinage d'une petite ville.
: Rien n'eſt forcé ; on n'a pas même voulu
inventer une intrigue. Laure eſt l'héroïne ,
Sophie eſt une amie à qui Laure dit tout ,
&dit beaucoup de choſes : elle joue la légéreté,
les principes finguliers ; elle ne veut
jamais ſe inarier. Sophie s'eſt vue mariée
ſans s'en douter , s'en trouve bien & invite
Laure à ſuivre cet exemple. Un père , le
meilleur de tous , propoſe pluſieurs partis
à Laure , qui les refuſe : enfin un M. de
Saint-Ange tombe de ſon cheval , eſt bleſſé ;
il eſt tranſporté dans une cabane de payfan.
DE FRANCE.
23
4
Laure paſſort : elle accourt ;l'aſpectde Saint-
Ange ſouffrant la touche ; elle emporte un
long ſouvenir... Sophie s'apperçoit que Laure
aime : Laure nie; le roman marche cepen-'
dant vers le quatrième volume , fans qu'elle
ſe ſoit expliquée. Enfin la maiſon de Laure
eſt incendiée : Saint-Ange ſe trouve là; il
court , il vole , il fait des prodiges. Il a
éteint l'incendie : Laure l'a vu ; Laure ne
fait plus ce qu'elle doit faire : elle ſe détermine
à l'épouſer .
:
Telle eſt la marche du roman , qui ne
peut être plus ſimple. Comment a-t-on pu
aller au quatrième volume ? La réponſe eſt
facile: en multipliant les lettres , en difant
deux fois la même choſe. On trouve peu de
ſituations , mais beaucoup de raiſonnement.
Si l'on nous demandoit quel eſt l'intérêt qui
en réſulté , nous aſſurerions qu'on eſt inréreſſe;
ce ſont des differtations morales qui
attachent. La morale eſt pure , le ton eſt
toujours décent ; la lecture convient à tous
les lecteurs. Nous n'avons remarqué qu'un
défaut : c'eſt que , quoique pluſieurs perfonnages
foient cenſées correſpondre enſemble ,
on retrouve toujours le même ſtyle , la
même élocution , la même main. Les Auteurs
qui compoſent des romans en forme
de lettres , n'évitent point aſſez foigneuſement
cette uniformité. Nous citerons
un dialogue entre Laure & ſon amie , qui
peint le caractère de l'Héroïne & le ſtyle
de l'Auteur.
2
1
24
MERCURE
LAURE.
«Mais , dites - moi , ma chère amie , ne
croyez- vous pas que c'eſt l'amour - propre
qui fait naitre chez nous le premier ſentiment
d'inclination & de tendreſſe ?
:
Mlle DE MIRSOR.
Il eſt bien difficile de ſavoir ce que c'eſt ;
rarement on peut s'en rendre raiſon : quand
on s'apperçoit du penchant de ſon coeur ,
il y a bien long-temps que le premier moment
eft paffe ; & on ne fait plus ce qui l'a
faitnaître.
: LAURE.
- J'ai cru que c'étoit toujours l'amour
propre , parce que jamais une femme n'aime
la première ; les hommes peuvent plaire
comme toute autre choſe, comme des fleurs ,
des tableaux , mais ils n'intéreſſent particulièrement
que lorſqu'ils ont témoigné un
ſentiment de préférence qui flatte &que
l'on croit ſincère. Or , comme on peut trèsbien
n'être pas flatté & avoir une façon de
penfer qui en éloigne , il eſt donc poffible
de ſe plaire dans la ſociété des hommes
aimables , & de n'aimer rien.
Mlle DE MIRSOR.
Je ne ſais pas ce qu'on peut, mais je ſuis
sûre qu'il y a au fond de nos coeurs un
certain attrait qui ſe développe ſuivant les
objets
4
DE FRANCE .
25
objets qui nous plaiſent , & dont l'eſpérance
d'étre aimée ne décide pas toujours ;
je crois que c'eſt la Nature qui a arrangé cela
ainfi.
LAURE.
Oh ! ma chère amie , moi , je ne crois pas
à la Nature. Si c'étoit elle qui décidât de
nos coeurs , on n'entendroit jamais parler
de patlion malheureuſe , de goût bizarre ,
de ſentiment de préférence romaneſque ,
tout iroit plus ſimplement; je vous affure
que c'eſt l'amour-propre qui eſt la cauſe de
nos folies : & en raiſonnant , on peut s'en
affranchir , & vivre heureuſe en confervant
fon coeur tranquille.
Mlle DE MIRSOR.
Je ſouhaite que cela vous arrive , fi vous
le croyez; mais ce que vous appelez folie ,
eſt précisément ce qui peut faire le bonheur
le plus parfait ; il n'y a rien au-deſſus de
celui que peuvent goûter deux perſonnes
que la ſympathie a liées , qui trouvent de
la conformité dans leurs goûts , dans leur
façon de penſer , & dont les âmes confondent
leurs ſentimens & leurs idées.
LAURE.
C'eſt ce que je ne comprends point &
ne comprendrai jamais, car enfin les hommes
plaiſent comme toute autre choſe , par leur
figure , par leur voix, par ce qu'ils diſent ;
No. 1 , 3 Février 1787 . B
26 MERCURE
enfin par tout ce qui frappe nos yeux ,
comme un tableau par ſes couleurs , par fon
deflin : & fi un tableau venoit ſe jeter à
mes pieds & me jurer qu'il m'adore , peutêtre
que cela me feroit plaiſir , mais je le
rependrois à ſa place.
Mlle DE MIRSO R.
Si vous voyiez dans ce tableau un ſentiment
que vous ſeriez bien aiſe d'avoir infpiré;
fi vos yeux rencontroient un certain
feu; s'il vous faiſoit éprouver une émotion
dont vous ne puffiez vous défendre , peutêtre
que le tableau ne ſeroit pas ſi vîte rependu:
mais quoi ! ma chère amie , vous
n'avez jamais vu d'objet auquel vous ayez
attaché certaines idées ?
LAURE.
1
Jamais , ma chère, jamais ;je vous promets
que jamais je n'attacherai d'idée ; mais
encore quand j'éprouverois tont ce que vous
dites , il faudroit bien que cela finit. Pour
peu que cela durât , je m'ennuierois , je
baillerois , & d'un coup de pied je jeterois
tout bien loin ; &je ne vois pas que le roman
pût être bien long.
Mlle DE MIRSOR.
Ma chère amie , ſi votre bouche s'ouvroit ,
ce ne feroit pas , je crois , pour bailler , &
vos pieds n'auroient peut- être pas beaucoup
de force. Ma chère Laure , un homme aimé
)
DE FRANCE.
27
n'eſt plus un homme ; c'eſt un être qui n'a
plus rien de commun avec les autres ; il eſt
enveloppé d'un nuage qui embellit tout à
nos yeux; il ſemble qu'il s'élève aux cieux
& qu'il nous y entraîne avec lui : tout s'anéantit
, tout s'abaiſſe devant lui; c'eſt une
création qui a été faite pour nous ſeules.
LAURE.
Et cela , parce que cet être divin a rampé
quelque temps à vos pieds ! Mais , ma chère
amie, cette création parfaire ne dit cependant
que des choſes communes , répétées
cent fois , qui ſe trouvent dans tous les romans
; & enfin elle nous baiſe la main
comme l'homme le plus terreſtre & le plus
commun, J'avoue que je ne vois rien-là de
ſéduiſant , rien qui ne me répugne & que
je ne vouluſſe fuir.
Mlle DE MIRSOR.
,
Quand les ſentimens ſont réciproques ,
quand la tendreſſe inſpire la tendreſſe , nos
organes font auſſi changés : on voudroit en
tendre mille fois ce qui vous paroît ſi commun;
tout devient undélice entre deux perſonnes
qui s'aiment; tout eſt ſignificatifpour
elles; lapréſence entraîne , l'abſence abſorbM.
le coeur n'a plus qu'un ſentiment , l'eſprus
plus qu'une idée ; il n'y a même plus qu'une
Teule fenfation. 1
1
Bij
28 MERCURE
LAURE .
Ah! les ſenſations ,je ne crois pas qu'elles
en faffent ; je ne comprends pas bien : pourriez-
vous m'expliquer ?
Mlle DE MIRSOR.
Je n'ai jamais bien compris non plus ;
je fais ſeulement que tout ſe rapporte à ce
qu'on aime : la Muſique n'eſt qu'un bruit ,
fi elle n'exprime rien de ce qu'on penſe ; la
danſe n'eſt qu'un mouvement infipide ,
avec un être indifférent ; la campagne , les
vues champêtres font mortes , fi on n'y apperçoit
un ombrage , un endroit folitaire &
caché où on voudroit ſe placer ; la ſociété
& ſes devoirs deviennent inſupportables , ſi
on n'y porte des eſpérances , des projets , des
certitudes ; enfin pour une âme tendre , pour
un coeur occupé , le monde est toute autre
choſe que pour les autres.
LAURE.
Je crois , ma chère amie , que votre efprit
exalte un peu votre coeur , & dans ce moment
vous êtes bien à plaindre ; je ne vous
comprends pas trop, mais il y a sûrement
des confolations , puiſqu'ordinairement tout
va fi mal pour les belles inclinations , &
qu'elles perſévèrent de même. Quand deux
perſonnes font enſemble , il n'y a ni danſe
ni muſique; les ſujets de converſation font
DE FRANCE.
29
bien vîte épuiſés ; les hommages , les refpects
nous font trop de plaifir , pour que la
familiarité nous plaiſe; c'eſt dans ce moment
fans doute que l'on s'ennuie l'un de l'autre ;
le plus vite ennuyé paſſe pour le plus léger ;
&alors viennent les ruptures, les infidélités ,
les perfidies : je voudrois ſavoir ſeulement ce
qui les fait commencer ?
Mlle DE MIRSOR.
Ce ſont sûrement les hommes qui ſont
vicieux,machère amie ; ils mettent un grand
prix à ce qu'on leur refuſe , & ne fentent pas
affez celui de ce qu'on leur accorde; ils font
bizarres&inconſequens:je croisqu'ils aiment
àfaire des victimes.
: C'eſt au Lecteur à prononcer. Nous le prévenons
qu'il y a des morceaux écrits avec
force & élévation ; ce ſont ceux où Marville
&Saint-Ange parlent de la conſtitution républicaine
, des loix criminelles , de l'égalité
& des magiftratures. Ils partent d'une main
exercée,& d'une tête qui fait réfléchir & méditer
les grands principes.
Comme la mode ſemble exiger des folies
ſentimentales , l'Auteur de ces lettres a facrifié
à la mode. On lit avec le plus tendre
intérêt l'hiſtoire de la Folle , qui remplit les
deux tiersdu troiſième volume.Nous croyons
qu'après le roman d'Alphonſe Séquin de M.
de Mayer , & celui de Minon de Riant, tous
lesdeux inférés dans la Bibliothèque des Romans
en 1779 & 1782 , la folle de Biereg ,
Biij
30
MERCURE
eſt ce qu'on a écrit de plus attendriſſant
dans ce genre.
DISCOURS en vers , à l'occaſion de l'Af-
Semblée des Notables en 1787. A Paris , de
l'Imprimerie de MONSIEUR. in- 8° .
も
TANDIS que la plus ſaine partie de laNation
attend dans le filence du reſpect & de
la confiance , l'ouverture d'une Affemblée
auſſi auguſte par la réunion des Membres
qui doivent la compofer, qu'intéreſſante par
les motifs qui la convoquent : tandis que les
peuples voiſins regardent , avec admiration
fans doute , & peut-être avec inquiétude ,
un jeune Roi déjà l'arbitre du monde à l'âge
où l'on apprend encore à régner , qui dépoſe
ſon autorité ſuprême pour délibérer avec ſes
enfans fur les moyens qui peuvent afſurer
leur bonheur & leur gloire : on voit des efprits
remuans , inquiets & chagrins , s'efforcer
de répandre les alarmes dont ils ſe tourmentent
à plaifir , multiplier les ſyſtêmes , les
combinaiſons , les calculs , & préſenter comme
équivoque un projet enfanté par la bienveillance&
par l'amour. Du ſein de ces fourdes
clameurs , un Citoyen élève la voix pour
raſſurer les ames intimidées; c'eſt dans les
vertus de fon Prince , dans la ſageſſe & dans
le génie des Miniſtres dont il s'eſt entouré ,
qu'il a puiſé l'eſpoir dont il eſt plein , &
qu'il va communiquer à ſes compatriotes.
Qu'un Écrivain peu diftingué , mais recon
DE FRANCE. 31
noiffant & fenfible , eût tenté une pareille
entrepriſe , on lui auroit pardonné ſa témérité
en faveur de la cauſe ; on auroit regretté
ſeulement que le talent n'eût point été l'organede
ſes ſentimens patriotiques. On n'aura
point ce regret à former ; le Difcours que
nous annonçons eſt l'Ouvrage d'un François
&d'un Poëte dans toute l'étendue de l'acception
qu'on peut donner à ces deux titres. On
en vajuger par les détails dans leſquels nous
allons entrer.
L'Auteur ouvre ſon Diſcours par une
fortie contre un Frondeur , dont la maligne
Triſteſſe ſe plaît à le chagriner : celui- ci réplique
, & demande à quoi bon ces refſources
Qu'onne devroit tenter que dans les maux extrêmes ?
A-t'on à réparer les pertes d'un combat ?
L'ennemi frappe-t'il aux portes de l'Etat ?
L'Auteur répond avec enthouſiaſme:
NON ; & grâce à Louis , une paix triomphante
Nous fait goûter les biens que la Victoire enfante :
Neptune & l'Amérique ont vu briſer leurs fers ;
Et le monde lui doit la liberté des mers.
Sous les traits de Vénus c'eſt Minerve elle-même
Qui d'olive & de myrthe orne ſon diadême.
Vergennes appaiſant l'orageuſe Albion ,
Et des trônes rivaux l'ardente ambition
Tient au char de la paix la diſcorde attachée.
Mais ſais-tu de l'Etat la bleſſure cachée ?
La France eſt uncoloffe , aſſemblage confus
:
;
B-iv
32
MERCURE
De principes difcords & d'antiques abus :
Afaut que la ſageſſe, il faut que le génie
Dans ce chaos enfin appellent l'harmonie.
Il examine enſuite rapidement , & en
Poëte , comment un Royaume peut languir
quoique brillant de gloire.
C'eſt unVainqueur mourant ſur ſon char de victoire ;
C'eſtun chêne pompeux qui sèche an bord des eaux
Quand unſuc nourriſſant n'atteint plus ſes rameaux.
Il jette un coup- d'oeil ſur quelques-unes
des reſſources qu'emploie une adminiftration
timide&embarraffée ; il apprécie ce qu'elles
font pour l'État , les abus qu'elles entraînent ,
la néceffité de les détruire ,& il ajoute :
l faut voir tous les maux pour les réparer tous.
De-là il paffe à ce que peut ofer , pour le
bien public , un eſpritſagement téméraire : il
offre le tableau du Prince & des Sujets rapprochés
par la bienfaiſance du prenuer , &
puis il s'écrie :
Oſpectacle enchanteur , digne de notre hommage!
D'une immenſe famille intéreſſante image ,
Où d'un chef paternel la tendreſſe&les foins
Confultent ſes enfans ſur leurs propres beſoins!
Bon Peuple! il ne veut pas s'enrichir de teslarmes !
Vous ne reviendrez plus , jours d'horreurs & d'alarmes,
:
DE FRANCE. 33
3
Où l'État préſentoit à nos yeux éperdus
Le luxe & la misère enſemble confondus !
Quand des fils de Platus la barbare induſtrie
Oſoit boire dans l'or les pleurs de la Patrie ,
On vit des malheureux pâles & décharnés
Paître,& difputer l'herbe aux troupeaux conſternés.
S'adreſſant enſuite auxNotables , que déjà
il voit aſſemblés, il leur rappelle ce que la
France &fon Roi attendent de leur ſageſſe.
D'un ſi noble devoir ſoyez fiers &jaloux:
Laiſſez de vils ſerpens fiffter autour de vous ,
Et tous ces ennemis de l'Etat & d'eux - même
Lancer le ridicule & vomir le blafpheme.
Fuyez ſur tout , fuyez de ſtériles débats ;
Que le bonheur public naiſſe de vos combats.
Ainſi des élémens les diſcordes fécondes
Font , ſous l'oeil éternel, l'équilibre des mondes.
L'Auteur n'oublie point de rappeler aux
hommes quels font leurs véritables biens .
Laricheſſe n'eſt point aux mines de Golconde;
Elleeſt aux champs heureux que le travail féconde:
L'Eſpagne a trop connu l'indigence de l'or.
Le ſol de la patrie eſt ſon premier tréſor.
L'or s'épuiſe; & jamais la terre inépuisable
N'a refuſe ſes dons à l'homme ,&c.
Ala finde fonDiſcours , l'Auteur embraffe
Peſpoir du bonheur de fon pays avec une
Bv
34
MERCURE
complaiſance vraiment patriotique. Il voit
la France heureuſe & brillante ; les Arts
&le Commerce fleurir , le pauvre à l'abri des
beſoins; il voit
L'indocile Frondeur s'étonner d'être heureux ;
Etpour couronner tout , un voeu naïf & tendre
Que le vers ne dit point, que l'âme doit entendie,
Ce voeu qu'un bon Monarque avoit jadis formé ,
S'accomplir ſous le toit du Laboureur charmé.
Digne Sang de Henri , puis-je te méconnoître ?
Que dis-je! Il vit encore ,& Sully va renaître.
Ces deux derniers vers rappellent quel eſt
le voeu dont parle l'Auteur , le voeu que
formoit l'adorable Henri IV pour qu'il n'y
eût point de Laboureur dans ſon Royaume
qui ne pût mettre une poule dans ſon pot . Il
étoit difficile de rendre en vers ce voeu fublime
dans ſa ſimplicité,ſans bleſſer les formes
& la dignité poétiques. La difficulté nous
paroît vaincue ici avec beaucoup d'adreſſe.
Nous n'avons interrompu nos détails par
aucune obſervation ; nous aurions craint de
nuire au plaiſor de nos Lecteurs. Ils ont dû remarquer
dans les morceaux que nous avons
cités que l'Auteur n'eſt pas moins familier
avec les idées poétiques qu'avec le méchanifine
de la verfification. Ses métaphores font
hardies , mais juſtes; ſon ſtyle eſt harmonieux
& plein; il ſe plie à tous les tons : après
avoir marché d'une manière flexible&douce,
DE FRANCE.
35
il s'élève , il devient fier , & rappelle l'Os
magna Sonaturum d'Horace. Quoique l'Auteur
ne ſe ſoit point nommé, nous croyons
avoir reconnu dans ce Diſcours un Écrivain
connu par de très-bons morceaux imprimés ,
&par un grand Poëme qu'il s'obſtine à conſerverdans
ſon porte-feuille. Quel qu'il foit ,
il mérite beaucoup d'éloges comme Poëte ,
&plus encore comme Citoyen , pour avoir
eu le courage de s'élever avec une noble
fermeté contre ces détracteurs patlionnés qui ,
étouffant ſous des terreurs chimériques le
doux ſentiment de la reconnoiffance , voudroient
altérer dans le coeur des vrais François
la confiance qu'ils doivent à la bonté
de leur Maître ,&aux lumièresdeſesConſeils
3
(CetArticle eftde M. de Charnois . )
ANNÉE Rurale , ou Calendrier à l'usage
des Cultivateurs de la Généralitéde Paris,
1787 , in - 16 . Prix , 1 div. το fols broché ;
1 liv. 16 fols rendu franc de port par-tout
leRoyaume.
:
:
4
DEPUIS quelques années , la Généralité de
Paris s'eſt diſtinguée par de rapides progrès
dans l'Art de l'Agriculture ; & elle jouit déjà .
du fruit des découvertes qu'on y a faites à diverſes
époques. Bien convaincu de l'importance
de cette Science nourricière , M. l'In-..
tendant l'a toujours ſecondée par des encouragemens
qui n'ont pas été infructueux. Plu-
B vj
36 MERCURE
fieurs Cultivateurs ont concouru à ce grand
ouvrage par des etfais&des expériences multipliés
; & pluſieurs Écrivains ont ajouté à
la maffe des lumières en ce genre par des
Écrits vrainient utiles. Mais ce qu'on écrit
fur les productions de la terre , ne circule
guères parmi la claſſe d'hommes qui la cultive.
Sans doute l'eſprit de routine qui les
maîtriſe eſt un des motifs qui s'oppoſent aux
utiles innovations ; mais le défaut de circulation
de lumières parini eux, n'eſt pas undes
moindres obstacles.
L'Ouvrage que nous annonçons eft , par
ſa forme ,à la portée des habitans de la campagne
; & l'Auteur, qui eſt parfaitement
inftruit des matières dont il traite , ſe propofe
de le continuer. Il donnera tous les ans un extrait
ſuccinct des nouvelles découvertes en
Agriculture ; & cet Ouvrage pourra devenir
par la ſuite, comme le dit l'Auteur , la Biblio
thèque de l'Habitant de la Campagne. On a
joint à ce premier Volume le Poëme d'Aratus
des pronoſtics , & un extrait de l'Ouvrage de
Météorologie de M. Toaldo . Il eſt à préſumer
que l'Auteur fera encouragé par le ſuccès
à ſuivre la carrière utile qu'il vient de
s'ouvrir.
e
DE FRANCE.
37
LES Quatre Ages de l'Homme , Poёте ;
nouvelle édition , conſidérablement augmentée
& corrigée. Petit format ; de l'Imprimerie
de Didot jeune , avec figures. A
Paris , chez Moutard , rue des Mathurins.
On ſe rappelle, ſans doute , que се Роёте
eſt l'eſſai d'une perſonne qui ne ſe livre pas
entièrement à la Littérature ; aufli avoit- on
remarqué , lors de la première édition , que
la manière de l'Auteur , ſans être dépourvue
de facilité ni de grâce , étoit cependant quelquefois
trop proſaïque.
Il paroît que tous ceux qui ont rendu
compte de l'Ouvrage ſe ſont accordés pour
dire qu'il n'y avoit nulle comparaiſon à faire
entre cette édition & la première ,& nous
adoptons volontiers leur jugement.
Nous invitons l'Auteur a développer un
peu plus, dans ſon troiſième Chant , les
paffions ,diſons même les vices de l'homme ,
qui compofent malheureuſement un Chapitre
important de ſon Hiſtoire. Ce n'eſt ni
la vérité ni la fraîcheur qui manquent à ſes
tableaux , mais une certaine énergie que l'on
voudroit y remarquer plus ſouvent. A l'égard
du dernier Chant , quoiqu'en général on
puiſſe convenir avec lui que l'on ne rencontre
pas par-tout des vieillards auſſi aimables
&aufli intéreſfans que ceux que l'on voit
dans les Romans & les Idylles; il paroît que
les Critiques defirent qu'il careſſe encore ces
38 MERCURE
grands enfans ,& qu'il ajoute quelques cor
rections à celles qu'il a déjà faitės.
Nous terminerons en faiſant une remarque
qui ne nous paroît pas déplacée, aujourd'hui
que la poéſie deſcriptive fait fortune , & femble
avoir preſque banni celle de ſentiment ;
c'eſt que l'Auteur , perfuadé que toute poéſie
qui n'eſt que deſcriptive , eſt froide , & ne
parle qu'à l'eſprit , nous paroît avoir réulli a
éviter ce défaut , en melant toujours à ce
genre un fentiment qui l'anime. Ainfi , s'il
parle des progrès que l'homme a faits dans
les Arts , voici coinment il décrit une des
plus belles inventions humaines:
Sous les coups meſurés qui règlent ſon effort ,
J'entends avec lenteur ſe détendre un reffort
Qui , dirigeant l'aiguille à ſes loix aſſervie ,
Dans des cercles égaux doit enchaîner ma vie.
Ainſi l'heures'écoule ! & l'homme en vain pourſuit ,
D'un pas toujours égal , le momentqui s'enfuit!
{ 1
S'il vous conduit au tombeau de Rouſſeau ,
dont la deſcription termine le Chant de la
vieillefe : Cherchez ailleurs , dit-il , la corbeille
de Flore& celledePomone...... را
Mais ici l'aube- épine, en ſes ſimples appas ,
Et le rofier ſauvage arrêteront vos pas .
Plus ſombre en ſes couleurs , la timide pensée
S'incline triſtement ſur ſa tige affaiſée ,
Etfuyant le grand jour qui pourroit la flétrir ,
Al'ombre , ainſi que vous , paroît ſe recueillir.
)
b
DE FRANCE.
39
VARIÉTÉS.
LETTRE à M. DE ....fur le Rapport de
l'Académie , concernant l'Hôtel - Dien.
Vous voulez abſolument , Monfieur , que je
vous parle du rapport de l'Académie ſur la néceſité
de la tranflation de l'Hôtel- Dieu. Vous ne pourrez
guères diftinguer ma voix au milieu d'un concert
unanime de louanges ; & il eſt difficile d'ajouter
aux éloges qu'il a reçus & mérités. Jamais l'Académie
n'avoit été appelée àde plus nobles , à de plus
intéreſſantes fonctions , & l'on ne pouvoit les remplir
avec plus de zèle , de ſagacité , de ſageſſe , ni
d'une manièreplus touchante qu'elle l'a fait. En ſecondant
fi bienla bienfaiſance du Roi , elle eſt ellemême
devenue une des bienfaitrices de l'humanité,
& avec tant de droits àla gloire , elle vient d'en ac
quérir de bien doux&de bien légitimes à la reconnoiſſance
publique .
Onadéclamé contre les ſciences; leurs détracteurs
n'imaginoient donc pas qu'on en pût faire un fi
excellent uſage ? On a crié contre les lumières trop
généralement répandues ; on a preſque regretté. les
temps de Vignorance ; & ce rapport , fi dénué de
toute vaine prétention à l'éloquence , & cependant fr
éloquent , eſt une nouvelle preuve de la néceffité
de ces lumières , & de la bonté de cet eſprit danalyſe,
qui ſeul peut rectifier nos jugemens, & faire
faire quelques progrès à la légifſlation & à l'adminiſtration
des peuples. Les temps d'ignorance ont
toujours été ceux de la barbarie & du malheur : &
40 MERCURE
il fautbien commencer à reconnoître que les ſiècles
de lumières préparent & amènent ſeuls des jours
heureux. L'Académie devra compter parmi les
plus grands ſervices qu'elle ait rendus , celui d'avoir
perfectionné l'art de faire le bien.
Dans la diſcuſſion d'une matière auſſi étendue ,
auſſi variée , auſſi délicate à traiter que celle qui fait
l'objet de ſon rapport , ce n'eſt pas un léger mérite
que d'avoir ſçu , en conſervant toutes les convenances
, combattre victorieuſement des opinions
d'autant plus difficiles à détruire , qu'elles étoient
pluslong temps enracinées , & fonder ſur leurs dé.
brisdes principes dont la juſteſſe &la clarté ontconvaincu
tous les eſprits .
Une ſeule objection élevée contre une des propofitions
de l'Académie , mérite peut-être quelque confidération
, puisqu'elle tend , non à déprimer ce que
l'Académie propoſe , mais à améliorer le plan qu'elle
préſente.
On a donc trouvé le choix de l'emplacementdes
Célestins moins convenable à celui d'un Hôpital ,
que les trois autres indiqués ; & voici ce qu'on a dit
à cet égard:
LesCélestins ne ſont éloignés de l'Hôtel -Dicu
actuel que de soo toiſes ; les Hôpitaux de St. Louis
*& de Ste Anne , en ſerontà 1400 toiſes ,& le quatrième
à plus de zooc toiſes. Il ſemble qu'il y a
une trop grandediſproportion entre ces diverſes diftances.
Les Célestins ſontdans Paris un point trop central.
Quand un pont aurajoint les terreins voiſins
de l'Arſenal & le Jardindu Roi , embelliſſement
utile qui manque à la ville , qui réuniroit deux des
plus grands Quartiers , & qu'on doit eſpérer qu'elle
obtiendra un jour, Paris prendra un accroiffement
auſſi vatte que rapide dans cette partie , qui eſt ,
fans aucune comparaiſon, la plus belle pofition
T
DE FRANCE.
41
qu'offre cette Capitale. Alors un Hôpital aux Céleſtins
, trop avancé vers l'intérieur de la Ville , mériteroit
la majeure partie des reproches qui néceffitent ,
aujourd'hui la tranflation de l'Hôtel-Dieu ; & on
ſent qu'après l'y avoir établi , quelque gênant qu'il
devînt , la durée ſeroit plus invariablement afſurée
que n'a jamais pu être celle de l'Hôtel -Dien. Un
défaut de prévoyance , un choix fait légèrement
Rieneroit donc àde grandes dépenſes & àde longs
& inutiles repentirs.
On tirera peu de partides bâtimens des Célestins;
&dans un monument public, tel qu'un Hôpital , il
ya une véritable économie à ne plus vouloir ré
parer des édifices qui ont été conſtruits pour un autre
uſage ,& à exécuter à neuf&d'une manière durable
les plans appropriésà l'objet qu'ils doivent remplir.
Les vieux édifices , par la néceſſité de les diftribuer
d'une nouvelle manière qui affetalic prerque seu
jours leur conftruction , par les réparations fans
ceſſe renaiffantes qu'ils exigent , finiffent par couter
beaucoup plus cher que des conſtrutions neuves
faites avec la ſolidité qu'on doit donner à tout ce qui
eſt bâtiment public.
En plaçaut cet Hôpital vers la Rapée , il ſe fût
trouvé plus à portée des Fauxbourgs St.. Antoine&
St. Marceau , &à la même diſtance de l'Hôtel-
Dieu que les Hôpitaux St. Louis & Ste-Anne Le
terrein dans cette partie ne peut être d'un grand
prix , & on auroit été le maître d'orienter &de
diftribuer cet établiſſement ſuivant les ſages
avis donnés par l'Académie ce qu'on ne pourra
peut - être exécuter avec le même ſuccès aux Cé
leftios.
On s'eſt ſi mal trouvéde l'emplacement de l'Hôtel
Dieu , que le choix du local des Hôpitaux qu'on
lui fubſtitue , ne ſauroit être fait avectrop de foi.
&dût la dépenſe du moment être un peu plus forte
42 MERCURE
en préférantpour l'un d'eux les environs de la Rapée
aux Célestins , il paroît probablequ'on ne manqueroit
pas deraiſons pour devoir leur donner la
préférence.
Je ne ſuis qu'hiſtorien, Monfieur ,& me borne
à vous rapporter fidelement ce que j'ai entendu
dire. Au reſte , je n'ai point d'avis , & n'en
puis avoir. Le rapport de l'Académie m'a fi parfairement
fatisfait& tellement touché , qu'il ne reſte ,
après l'avoir lu , qu'à courir ſouſcrire pour la confruct
on des Hôpitaux qu'elle propoſe.
Il yalong-temps que la raiſon n'avoiteudetriomphe
plus brillant& plus complet. Ainfi , Monfieur ,
eſpérons pour l'avenir , & tâchons de vivre , pour
être témoins ,& pour applaudir à fes nouveaux
fuccès.
:
ANNONCES ET NOTICES.
סיז
Les
Es Fastes de la Marine Françoise, par M.
Richer.
•Les Recherches que M. Richer a étéobligéde faire
pourdonner auPubliclesViesdes pluscélèbres Marins,
lui ont fait connoître que la Nation Françoife eſt
une des plus courageuſes & des plus actives qui
exiſtent. Outre les Duqueſne , les Tourville , les
Duguay- Trouin , les Caſſard , il a trouvé un très
grand nombre d'Officiers de Marine qui ont fait
des actions ſi brillantes qu'elles méritent d'être
publiées pour la gloire de la Nation &l'honneur de
leur famille. Il n'a point donné leur Vie détaillée ,
parce que ces Officiers ne commandant pas en chef,
n'ont pu développer tous leurs talens, & qu'on n'y
DE FRANCE.
43
1
rouveroit pas une ſuite affez étendue de fairs re
marquables. Cependant il ſe propoſe , d'après le
conſeil de plufieurs Officiers de Marine & de pluſieurs
gens de goût , de rendre à leur mémoire l'hommage
qui lui eſt dû , de faire paſſer leur nom àla
Poſtérité , & de les préſenter auſſi pour modèles à
ceux qui ſuivent la même carrière.
Dans cette idée il donnera les Fastes de la Marine
Françoise, qui ſerviront de ſuite aux Vies des
plus célebres Marins. L
Son travail eſt commencé ; mais il craint d'omertre
quelque Marin qui ſe ſoit ſignalé , ou de n'avoir
pas des détails aſſez circonſtanciés ſur ceux dont il
ſeradans le cas de parler. Il invite leurs deſcendans
ou leurs plus proches parens à lui faire parvenir ,
port franc, une Notice fur leur famille , avec un
détail des actions de ceux qu'ils voudront faire inférer
dans les Faſtes de la Marine , & de lui envoyer.
leur adreſſe , afin qu'il puiſſe les avertir s'il a quelque
obſervation à leur faire.
Ceux qui font en Province , & qui ne ſe trouvent
pas à portéede faire les recherches néceſſaires, peuvent
s'adreſſer à lui; en lui donnant de juſtes indications,
il les fera pour eux.
Son adreſſe eſt rue Saint Jacques, vis-à-vis celle
du Plâtre , maiſon deM. Reverat.
TRAITÉ de la Synoque Atrabilieuſe ou de la
Fièvre contagieuse qui régna au Sénégal en 1778 ,
& qui fut mortelle à beaucoup d' Européens & à un
grand nombre de Naturels , fuivi de courtes Réflexionsfur
le commerce de la Gomme du Sénégal, &
fur l'importancede ce pays àce sujet , & finiffant par
des preuves qui montrent les mauvaiſes ſuites que
doit avoir la coutume actuelle d'envoyer des criminels
en Afrique comme foldats , par J. P. Schorre
Docteur en Médecine. A Londres; & fe trouve à
44 MERCURE
Paris, chez Froullé , Libraire , quai des Auguſtins,
in-8°. Prix, I liv. 10 ſols.
La France connuesous ses plus utiles rapports ,
ou nouveau Dictionnaire univerſet'de la France ,
dreſſé d'après la Carte en 180 feuilles de Caffini ,
par M Dupain - Triel, Géographe du Roi , de
MONSIEUR & du Département des Mines , Cenſeur
Royal , in- 89. de 115 pages. A Paris , chez
l'Auteur , Cloître Notre - Dame, & chez L. Cellot ,
Imprimeur- Libraire , rue des grands Auguſtins.
Le Proſpectus de cet Ouvrage a été publié en Septembre
1785. Les rapports ſous leſquels leRoyaume
eſt conſidéré ſont ceux de ſa Géographie , de fon
Commerce, de ſa Navigation , de fon Hiſtoire Naturelle
de ſes Jurisdictions Eccléſiaſtiques & Civiles,
en de ſa population actuelle. A ces avantages
il réunira celui d'être le Dictionnaire le plus
complet qui ait encore paru , puiſque , d'après la
grande Cartede Caſſini , il n'y aura pas une ſeule
Paroiſſe d'omiſe, tandis que les autres Dictionnaires
ont porté cette omiſſion juſqu'à un cinquième
peut - être du nombre total, ce qui a néceſſairement
influé ſur l'inexactitude des calculs de la population
, & fur d'autres objets de l'adminiſtration.
D'une autre part les détails dans lesquels on entre
fur la Géographie de chacune de ces Paroiffes , fur
leurs diſtances reſpectives , les chemins , les bois &
les courans d'eau qui les avoiſinent, ne pourront , ce
ſemble , qu'intéreſſer non- ſeulement le Voyageur
qui ſe munira des feuilles relatives à ſa route , mais
auſſi les Perſonnes , Propriétaires & autres qui
defirent connoître les environs du lieu qu'elles habitent
à la campagne.
Le prix de cette feuille des environs de Paris eft
de : liv. 10 fols.
DE FRANCE.
45
OEUVRES de Plutarque , Tomes X & XXI. A
Paris , chez Cutiac , Libraire , rue Saint Benoît ,
nº . 41 .
Les Tomes VIII & IX du Théâtre des Grecs ,
qui ſe trouvent chez le même Libraire , paroîtront
vers les premiers jours de Fevrier. La foutcription
pour cet intéreſſant Ouvrage fera irrévocablement
ferméele premier Avril prochan.
La Surpriſe de l'Amour, Eftanpe gravée d'après
Dietricy, par E. J. Giatron Moncet. Prix , 3 liv. A
Paris, chez l'Auteur, au coin de la rue Saint Honoré,
chezde Bonnetier , maiſon du Lycée.
Cette Eſtampe , gravée d'un burin très- ferme ,
ſera ſans doute accueillie par les Connoiffeurs.
NOUVELLE Uranographie , ou Méthode très.
facilepour apprendre à connoître les Constellations
par les configurations des principales Etoiles entreelles,
avec l'Imprimé qui en explique l'usage, par
M. Ruelle , à l'Obſervatoire Royal de Paris. Prix ,
9 liv. AParis , chez Dezauche , Géographe du Roi ,
ſucceſſeurde MM Deliſle & Buache,que desNyers;
Delamarche , ſucceſſeur de M. de Vaugondi , Géographe
du Roi ,& Fortin, pour lesGlobes & Sphères,
rue du Foin- Saint-Jacques , au Collège de Me Gervais;
Jombert l'aîné, Libraire , rue Dauphine , &
auſſi chez M. Piquet, Graveur, rue de la Harpe ,
prèscelleSerpente, maiſon du Libraire.
Nous renvoyons pour l'explication de cet Ouvrage,
dont l'idée est neuve & utile, à l'Introductionde
l'Auteur , qui a voulu faire jouir , pour ainak
dire, des plaiſirs de l'Aftronomie ceux même qui ne
lesont pas achetés par l'étude de cette Science.
PETITE Bibliothèque des Théâtres. AParis, au
Bureau, rue des Moulins , Butte SaintRoch , nº. 11 ,
46 MERCURE
2
où l'on ſouſcrit, ainſi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques, & chez Brunet, rue de Marivaux ,
Place du Théâtre Italien .
Le Volume que nous annonçons eſt leNuméro 11
de la troiſième année , & renferme deux Comédies
de Brueys.
ALMANACH de la Ville & du Diocèse de
Meaux , pour l'année 1787 , Volume in-24, orné
d'une Gravure. Prix , 18 fols broché. A Meaux ,
chez Charles , Libraire , rue Saint Remy ; & à
Paris , chez Belin , libraire , rue Saint Jacques;
Royez , Libraire, quai des Auguſtins.
Cet Almanach , qui paroît depuis 1773 , a toujours
été bien accueilli.
ZOROASTRE , Confucius & Mahomet comparés
comme Sectaires , Législateurs & Moralistes , avec
le Tableau de jeurs Dogmas, de leurs Loix & de
eur Morale, par M. de Paftoret, Conſeiller de la
Cour des Aides, de l'Académie des Inſcriptions &
Belles- Lettres , de celles de Madrid, &c., in- 89 .
Prix , liv. 10 ſols relié , 4 liv. 10 ſols broché &
s liv, broché franc de port par la poſte. A Paris ,
chez Buiſſon , Libraire, hôtel de Meſgrigny , rue
des Poitevins .
Nous reviendrons ſur cet eſtimable Ouvrage ,
couronné il y a un an par l'Académie des Belles-
Lettres. 2
7
SECOND Supplément à l'Inſtructionfur les Bois
de Marine & autres, par M. Tellès d'Acoſta ,
Grand-Maître Honoraire des Eaux & Forêts de
France au département de Champagne , ancien Intendant,
de feu Mme la Dauphine. Seigneur,de
1Étang; Brochure de 100 pages. A Paris , de l'imDE
FRANCE.
47
primerie de Clouſier , Imprimeur du Roi , rue de
Sorbonne.
Cette Brochure fait ſuite à un Ouvrage utile que
nous avons annoncé dans le temps avec de juſtos
"éloges. Elle traite , 1º. de l'amélioration du chêne ,
&des expériences faites ſur dix-huit eſpèces de
bois naturels & améliorés pour en connoître la
force; 2°. de l'approviſionnement de bois & de
charbon pour le chauffage de Paris ; 3 °. des peupliers
blancs & noirs , & de la préférence à donner
au peuplier d'Italie.
4
LETTRES d'un Négoctant àfon fils ſur les ſujets
les plus importans du Commerce , précédées d'Obfervations
fur la manière d'écrire les Lettres de commerce
, de rédiger les Contrats , les Lettres-de-
Change, les Obligations , & c. , in- 12. A Strasbourg,
chez Amand Koenig , Libraire.
Cette Brochure ſera utile à ceux qui embraſſent
le parti da commerce. On y trouve tous les détails
néceſſaires au Négociant , tous les moyens de s'armer
contre la rufe & la mauvaiſe foi .
LUMIÈRE pour la nuit, inventée en Angleterre ,
diviſée par paquets pour 365 jours. Une ſeule de
ces Lumières ſuffit pour une nuitdes plus longues. II
s'agit de les mettre dans un verre rempli d'eau &
d'huile d'olive. La clarté qu'elles prodaiſent eſt
très-vive & très-nette. Une propriété particulière
de ces Lumières , eſt d'attirer & confommer les mauvaiſes
vapeurs de l'air du lieu où elles brûtent, ce
qui doit engager à s'en ſervir, fur- tout dans les
chambres des Malades. Le prix eſt de trente fols le
paquet pour une année entière. Le Dépôt eft à
Paris, chez M. Labat, Marchand Tapiffier , rue de
la Roquere, cour des Moulins , Fauxbourg Saint
Antoine.
1
48 MERCURE
NUMEROS 52 & de 1 à 4 des Feuilles de
Terpsychore pour la Harpe & pour le Clavecin.
Prix , chaque feuille , I liv. 4 ſols . Abonnement
pour cinquante - deux Numéros de chaque Inſtrument
30 liv. franc de port. A Paris , chez Coufincau
père & fils , Luthiers de la Reine , rue des Poulies.
La Chasse pour le Clavecin , par M. Muzier
Clementi , Cavre XVII . Prix , 3 liv. 12 fols franc
deport -Etrennes de Guittare pour l'année 1787,
compoſées d'Airs nouveaux , Chanfons , Romances
, &c. , avec Accompagnement, ſuivies de douze
Menues de M. Hayden ,& terminées par fix Allemandes
nouvelles pour une Guittare ſeule , par M.
Porro , OEuvre VI. Prix , 7 liv. 4 ſols franc de port.
A Paris , chez l'Auteur & chez Mme Baillon , rue du
petitRepoſoir , à la Muſe lyrique ; & à Versailles ,
chez Blaizot, rue Satory.
Ce Recueil , qui réuſſit depuis quatre ans , joint à
dejolis Airs le mérite d'une excellente étude pour
toutes les poſitions de la Guittare.
TABLE.
VE
L'Heureux Retour ,
Observations fur les
ERSàM. leComtede Choi- Laure ,, on Lettres de quelques
Seul- Gouffier,
AMmela Comteſſed'Argout,4 Discours en vers ,
Mon- Les quatre Ages de l'Homme ,
3 Femmes de Suiffe , 22
30
AnnéeRurale , 35
noies , 6 Роёте, 37
Charade, Enigme &
gryphe,
Logo- Variétés, 39
11 Annonces & Notices , 42
Etrennes Lyriques , 13
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'AI lu, par ordre de Migr. le Garde-des-Sceaux ,le
MercuredeFrance , pour le Samedi 3 Février 1787. Jen'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.A
Paris , le 2 Février 1737. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSIE.
De Pétersbourg , le 27 Décembre 1786 .
n'eſt changé encore dans le projet
Rdu voyage de l'impératrice , dont le
départ très prochain eſt fixé au 3 Janvier.
De Pétersbourg , S. M. ſe rendra à Czarzco
Zelo , d'où elle ſe rendra à Kiof.
Un courrierde Londres a apporté dernierement
à M. Fitz-Herbert l'ultimatum de
ſa Cour , ſur le renouvelement du Traité
de Commerce. L'Envoié Anglois a été en
conference à ce ſujer avec nos Miniſtres ;
mais on ignore ſi cette affaire ſe terminera
avant le départ de l'Impératrice.
La munificence de cette Princeſſe s'eſt
étendue ſur les quatre ſoeurs de M. Momonof,
fon Aided- e-Camp, à chacune defquelles
S. M. I. a donné 10,000 roubles en
argent , & 20,000 roubles en pierreries.
N°. 5 , 3 Février 1787 . a
( 2 )
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 Janvier.
Les avis de Conftantinople ſur l'expédition
d'Egypte étant tous ou abſolument
faux ou très-altérés , il ſéroit inutile de rapporter
ces différentes fictions contradictoires
; mais on lira avec curioſité le Mémoire
remis , le 18 Mai dernier , par la Cour de
Ruffie au Miniftere Ottoman , &la Réponſe
de ce dernier. Voici la traduction de ces
deux Pieces importantes , telle que la préfentent
différentes Feuilles publiques.
Mémoire préſenté par M. l'Envoié de Ruffie
à la Sublime-Porte.
Sa Majeſté l'Impératricede toutes les Ruſſies,
ma Souveraine , ayant été informée par les Dépêches
du ſouſſigné , qu la ſublime-Porte n'a
point fait de choix , ni pris aucune réſolution ,
en conféquence du Mémoire préſenté par le
fouffigné , concernant l'affaire du Pacha d'Ahiska
; S. M. Impériale ne pouvant regarder d'un
oeil d'indifférence un pareil filence & les délais
de la Sublime Porte ſur ſa juſte demande , ni
différer davantage l'obtention d'une fatisfadion
qui lui eft due , elle a chargé le ſouſſigné de
notifier & de déclarer , que fi la Sublime- Porte
n'effectue point le châtiment & la dépoſition
du Pacha ſuſdit pour ſes menées & la conduite
quil eſt préſumé avoiradoptée en aſſiſtant les
Leſgies dans leurs ravages & empiétemens fur
( 3 )
les frontieres du Kan de la Cartalinie , c'est-àdire
de Tiflis , qui eſt ſous ſa dépendance , S. M.
Impériale fait poſitivement qu'ellé a le droit
d'employer ſes forces contre ledit Pacha, Perturbateur
de la paix entre les deux Cours ,
elle emploiera ſa force & attribuera l'obftination
de la Sublime- Porte à ſon deſir de diſcontinuer
l'amitié& la bonne intelligence avec la
Cour de Ruffie. GALATA le 18 Mai 1786.
(L.S. ) (Signé) JACOB DE BULGAKOF.
Mémoire de la Sublime- Porte , remis au Miniftre
de Ruffie, en réponse au Mémoire
ci deffus.
Il eſt évident & connu de tout le monde ,que
dans les traités conclus entre la Sublime-Porte
& la Cour de Ruffie , il n'exiſte ni article ni
clauſe quelconque , rélative au Kan & au territoire
de Tiflis , & que le Kan de Tiflis étoit
originairement dépendant de la Sublime-Porte,
de laquelle il recevoit l'Inveſtiture avec les
marques publiques d'honneur. Letrès-eſtiméMiniſtre
de Ruffie , notre ami , outre le mémoire
ci-devant préſenté , a par ordre de ſa Cour remis
àſa conférence du Lundi , 3 jour de Chaaban
1200 , ( le 30 Mai 1786 do N. S. ) un autre
Mémoire avec ſa traduction , dans lequel il repréſente
que le Pacha de Gilder a donné alfillance
aux Léſgies , afin de moleſter & empiéter
ſur le territoire du Kan de Tiflis : que
fi la Sublime-Porte ne veut dépoſer& châtier
ledit Gouverneur l'Impératrice de Ruſſie
emploiera la force contre lui ; que cette Souveraine
attribuera la conduite de la Sublime-
Porte àcet égard , à ſon deſir de diſcontinuer
,
a 2
( 4 )
l'amitié & la bonne intelligence avec la Cour
de Ruffic , & autres expreſſions peu convenables
: démontrant par - là les intentions de
Cette Cour de ſe prévaloir du moment de la
dépoſition dudit Viſir Pacha à trois queues )
pour développer & exécuter des vues oudeffeins
particuliers , contraires aux ſtipulations
ainſi qu'aux droits de voiſins & d'amis finceres.
Il eſt apparent que la Cour de Ruſſie a ſéduit
ledit Kan , lequel , comme il a été dit
ci deſſus , étoit d'ancien tems dependant de
la Sublime-Porte ; qu'elle a introduit des troupes
dans le territoire de Tiflis ; qu'elle a envoyé
ſecretement & publiquement desAmbaffadeurs
& des écrits en vue d'attirer dans ſa
dépendance , les peuples du Dagheſlan & d'A- ſarbeigian ; inquiétant ainſi les Frontieres Ottomannes
, & qu'elle n'a point reſpecté le
premier article des capitulations , qui ſtipule,
qu'aucun acte d'animofité & qu'aucune injure
ne ſera commiſe à l'avenir , ſecrettement ou
publiquement , de part ou d'autre. Il est également
évident qu'une pareille conduite eſt ab- folument contraire aux traités & à l'amitié
exiſtante entre les deux Cours , & que dans
une pareille ſituation des choſes, les inftances
de la Cour de Ruſſie , afin , que ledit Gouverneur
ſoit dépofé& chatié fans prouver aucune
action , par lui commiſe à ſon préjudice , excédent
les bornes de la Diſcrétion & de la
Juſtice. Il eſt certain que la Sublime-Porte , ſtrictement
attachée à ſes engagemens , procéde- roit ſans délai àchâtier ledit Gouverneur, s'il
avoit commis des infractions aux traités ; mais
elle ne peut ſeulement penſer à le dépoler
( 5 )
fans caufe ,& fans que les torts à lui imputés
par la Cour de Ruffie , ſoient démontrés.
A tout événement , s'il arrive que la Cour
de Rushe , abandonnant la difcrétion & la Ju
tice , infulte les frontieres. Ottomannes , ou
commet des hoftilités , en rompant les conventions
& les traités , la Sublime-Porte procédera
à faire réſiſtance , en ſe ſervant de fes
forces & de ſes moyens , dans lequel cas , il
ſera notoire& évident àtoute la terre , qu'elle
n'a point donné motif quelconque de plainte
pour ce qui regarde les conventions ou les
traités , la paix ou l'amitié , mais que la Cour
de Ruffie ſeule a donné occafion à l'infraction
de la paix.
Et enfin qu'il fo't auffi connu à l'honorable
Miniſtre de Ruſſie , notre ami , que ce Mémoire
lui a été donné amicalement & fans
détour ..
1200 Ramazan 9me. ( 3me. Juillet 5786. )
Il paroît que la Porte eſt fermement déterminée
à fouten r le ton de ſon Mémoire ,
puiſqu'elle a envoie , dit-on , une peliffe &
le fabre d'honneur au Pacha d'Aghiska.
L'ancien Khan de Crimée , Sahin-Gueray ,
qui eſt forti à l'improviſte de la tutelle de la
Ruſſie , doit être arrivé à Conſtantinople ,
où la Porte lui a permis de revenir.
Un Journal de Commerce offre les détails
ſuivans ſur la ville deGotha & fur fon
commerce. ১
Cette ville contient 1,297 édifices , dont
778 font aſſurés pour la ſomme de 386,925
rixdalers à la caiſſe d'afſurance pour incendie.
Elle eſt éclairée de 403 janternes pendant les
1
1 a 3
( 6 )
mois d'hiver. Sa population montoit en1782,époque
où l'on fit le dénombrement. à 11,307 ames,
ycompris la Cour & le militaire. Les impots
en 1786 , ont monté pour cette vi le à 17,676
florins de Miſnie. On évalue à 259,600 florins
les terres que poſſédent les bourgeois. Le
commerce des habitans conſiſte en bierre, grains,
fil & la garance ; pastel , porcelaine , toile de
coton , draps , toiles ordinaires , cuir , &c. La
toile à raies bleues pour chemiſes de matelots,
eſt recherchée de l'étranger , la coulear
en étant très- ſolide ; on la préfère à celle qui
ſe fabrique dans la Siléfie. La fabrique des
toiles de coton appartenant au Chambellan
Baron de Forfter occupe actuellement 43 mé
tiers dont 24 pour la filature .
De Berlin , le 17 Janvier.
Le Roi vient d'élever le Comte de Bruhl
au grade de Lieutenant Général de la Cavalerie.
Ce Seigneur, qui a quitté le ſervice
de Saxe, occupe des appartemens au Palais
du Prince-Royal de Prufſfe; & l'on apprend
que le Roi lui a confié la direction des Erudes
de Son Alt. Royale. Le Prince Louis ,
ſecond fils de S. M. , a pris avec le Major
de Schenkendorff, ſon Gouverneur , des
quartiers au palais du Margrave de Schwedt.
Le Colonel de Froideville , Intendant des
vivres de l'armée , a obtenu le grade de
Général-Major de la Cavalerie , & le Duc
de Holſtein Beck celui de Colonel de l'Infanterie.
Le Colonel de Prittewitz a été déclaré
Aide-de Camp Général du Roi,
( 7 )
Le Roi a étendu le diplôme de Comte accordé
à M. de Hertzberg , au frere & aux
deux neveux de ce Miniſtre. M. de Schwerin
, Capitaine des Gendarmes , a été auſſi
élevé à la même dignité.
Le Comte de Gersdorff, connu en Europe par
ſon différend à Madrid avec le Secrétaire de Légation
Pruffienne , M. Favre , vient d'être tué
en duel, le 7 de ce mois , par le Comte de Baudiſſin,
Major au ſervice de Saxe , & frere du
Miniſtre Danois à notre Cour. Quelques propos
tenus par le Comte de Baudiſfin , ſur la malheureuſe
affaire arrivée en Eſpagne , ayant été rapportés
avec exagération au Comte de Gersdorff,
celui- ci le fit ſommer de ſe trouver à Bareuth
fur les frontieres de Saxe. Ils s'y rendirent l'un
& l'autre avec leurs ſeconds , & le lendemain
leur combat eut lieu. Après avoir tiré chacun
deux coups de piſtolet ſans s'être touchés, les ſeconds
voulurent les ſéparer ; mais le Comte de
Gersdorff dit que cela n'étoit pas fuffifant , furtout
après le duel avec M. Favre , & qu'il falloit
qu'il y eût du ſang répandu: déclarant toutefois
qu'il ne haïffoit point le Comte de Baudiſ
fin , qu'il étoit même prêt à l'embraſſer , ainſi
qu'il le fit effectivement , mais que ſon honneur
exigeoit quelque choſe de plus. M. de Baudiſſin
voulut s'excuſer ſur ce qu'il ſe croyoit plus fort
dans le maniment des armes , mais il dut céder
&ſe battre. M. de Gersdorff bleſſa d'abord légerement
ſon ennemi à la main , & voulant enſuite
lui porter un ſecond coup , il s'enferra luimême
, & reçut un coup dans la poitrine , dont
il mourut fur le champ de bataille. M. le Comte
de Baudiffin & les deux ſeconds , dont l'un eff
M. Van Tbyelen , Officier aux Gardes Saxo
a4
( 8 )
nes, & Pautre M. Lowe ,Lieutenant , ſe font
rendus ſur leterritoire Pruffien , & ont écrit à
fElecteur pour demander leur grace.
Le Directoire de la Banque a fait publier
le premier de ce mois , qu'à l'avenir elle ne
payera, pour les nouveaux fonds qui lui ſerontconfiés
, que 3 pour centdes capitaux
appartenans àdes mineurs , 2&demi pour
cent de ceux des Eglifes, des Fondations
pieuſes , des dépôts judiciaires , & 2 pour
centdetous les autres capitaux.
La Gazette de Berlin a rapporté un attentat
commis dans la Nouvelle-Marche ,
&dont l'une des victimes, le Prédicateur
Runzé de Janikow raconte les détails en
ces temes , dans une lettre qu'il écrit à fon
frere.
«Magain tremblante n'eſſaiera qu'avec peine
devous tra er le cruel malheur qui nous accable.
Nous avons été attaqués par 12brigands , pendant
la nuitdu 13 au 14 Décembre , vers minuit.
Entrésdans la maison,je ne ſais par quel artificeils
firent ſauter avec violence la porte de la
chambre cù nous dormions , moi , ma femme&
mes enfans. Nous ſattâmes tout effrayés en chemiſes
hors du lit ; mais auſſi tôt trois de ces affafins
nous étendirent à terre à coups de maſſue.
Puisnous mettant les genoux ſur la poitrine , ils
nous lierent les mains& les pieds , & nous coucherent
tous ſur le ventre , en nous traînant rudement
au milieu de la chambre ; de ſorte que
nous avions les membres tout fracaſſes. Dans cet
état àdemi morts de coups , de froid, de peur, ne
pouvant nous remuer de l'épaiſſeur d'un cheveu ,
il nous fallutreſter ſpectateurs tranquilles de leurs
:
(و )
brigandages. Ils vuiderent les armoires, les coffres
, tout cequi étoit enfin dans la maiſon fort d
leur aiſe , l'emporterent dans des ſacs , & le chargerent
tranquillement ſur un chariot qui les at
tendoit àquelque diſtance. Ils ne nous quitterent
qu'au bout dedeux heures , & nous en reſtâmes
encore quatre dans la douloureuſe ſituation où ils
nous avoient mis, nageant dans notre ſang , dépouillés
de tout , argent , linge, habillement ,
meubles , à l'exception de trois oboles . Nous y
ſerions morts au bout de quelques heures , fi nos
cris n'avoient atti é à la pointe du jour quelques
voiſins , qui nous délierent & nous réchaufferent.
Il eſt douteux que ma femme & mes filles ſe rétabliſſent
; & quant à moi , il eſt fort à craindre
que je foisdéſormais incapable d'exercer les fonctions
de mon miniſtere , ayant les deux mains ,
ladroite ſur-tout eſtropiées pour la vie , & une
bleſſure à la tête , ayant de plus affecté mes facultés
intellectuelles , au point de me faire perdre la
mémoire.
On a depuis découvert & emprifonné
ſept de ces brigands , au nombre delquels
ſe trouve le Marguillier de la Paroiffe & fes
troisfils.
Le Docteur Buſching a inféré dans ſon
Journal hebdomadaire la lettre ſuivante ,
datée d'Uftingwelki , dans le Gouvernement
deWologda , le 9 Novembre 1786 ,
& écrite par M. Jacob Fries Médecin Chirurgien
de l'Etat Major & de la ville d'Uring.
«D'après mes obſervations météorologiques
>> le plus grand froid ſe fit ſentir ici l'hiver der-
>> nier vers Noël & à la fin du mois de Février; le
as
( 10 )
thermomètre de Réaumur marquant alors 28
>>>degrés au defſus de zéro. Le dégel des
>> rivieres de Suchona, Zug, Dwina & Witfcheg-
>> da ſe fit les 12 , 13 , 20 & 26 du mois d'Avril.
ور On éprouva ici la plus forte chaleur le
22Juin; le thermomètre étant à 22 degrés &
>> demi. L'été fut très-ſec; on commença la ré-
>coltedu bled le 1er.Août. Les grains ont bien
>> réuffi ; je vis cependant une grande quantité
> d'ergots dans le ſeigle , mais le payſan de ces
>>environs n'y fait aucune attention , les laiſſe
>>> avec le bon grain& en fait de la farine.-Les
>> orages les plus forts éclaterent au mois de Sep-
>> tembre, & à la fin de ce même mois , le ther-
>>momètre deſcendit à 5 degrés au-deſſous du
>> point de congélation. Le 12 Octobre , les ri-
>> vieres furent priſes deglace ,& le 26 , le froid
>> fut à 20 degrés au- deſſous de zéro. Le rer. de
>> ce mois , il tomba une prodigieuſe quantité de
>> neige ; le thermomètre n'étant qu'as degrés
>> au-deſſous de zéro. Vers le ſoir , il deſcendit à
ככ
15 degrés , le vent étant au nord , & foufflant
>>avec violence. Le 2 , le thermomètre marqua
22dégrés au-deſſous de zéro ; le 3 au matin ,
tomba à 24 degrés ; le ſoir , à 30 & demi , &
→ à 11 heures , à 31. A cette époque , j'expoſai à
l'air une petite portion de vif-argent , qui le
>> lendemain , à 3 heures du matin , reſſembloit
àde l'onguent épais le froid étant de 34 dé-
>> grés au-deſſous de zéro. A6heures du matin
>> cette portion de vif-argent reprit ſa fluidité na-
>>>turelle , le thermomètre étant remonté à 30
>>>degrés. Les , à 3 heures du matin , le thermo-
>>mètre remonta juſqu'au ge. degré au-deſſous
de zéro ; de forte que dans l'eſpace de 24 heures
, la différence du froid fut de 25 degrés, >>
,
( 11 )
De Vienne , le 16 Janvier.
Le nombre des perſonnes des deux ſexes
mortes en cette ville & ſes fauxbourgs ,
dans le courant de l'année derniere , eſt
monté à 10571 , ſavoir : 2295 hommes ,
2152 femmes , 3119 garçons , & 3005 filles
au-deſſous de dix ans .
Il y a eu environ 9372 baptêmes , dont
4779 garçons , & 4593 filles ; le nombre
des morts- nés a été de 433. Il s'y eſt fait
$1690 mariages, Si l'on compare ces différens
calculs avec ceux de l'année 1785 , on
remarque qu'il eſt mort l'annéederniere 1032
perſonnes de moins que dans l'année précédente
: que le nombre des baptêmes en
1785 a excédé celui de 1786 de 281 ; qu'il
y a eu 23 enfans morts -nés de plus que l'année
derniere , & qu'il s'y eſt fait 202 mariages
de plus qu'en 1735 .
:
Selon l'état dreſſé le 31 Décembre 1785 ,
il y avoit à l'Hôpital général de cette ville
1095 malades. Depuis le 1 Janvier juſqu'au
31 Décembre 1786 , le nombre s'eſt trouvé
monter à 10558 , dont 9627 ont été guéris
& rendus à leurs familles , & 799 morts.
Dans le quartier des femmes enceintes , faiſant
partie de cet hôpital , il est né 1133
enfans , dont 598 garçons & 535 filles.
S. M. I. vient d'abolir les habits de Cour
&d'appartement , portés ci-devant par les
Dames de la Cour , & elle a fupprimé l'u
a6
( 12 )
fagede baifer la main du Souverain &de
la Famille Royale, de même que l'agenouillement&
la génuflexion.
Le célébre & genéreux Howard , qui revient
d'examiner les Lazarets de la Méditerranée&
une partie du Levant, après avoir
employé 7 années de fa vie &de fon revenu
à viſiter les priſons , ainſi que les Hôpitaux
de l'Europe , a eu un long entretien
avec l'Empereur , qui a deſiré de l'entretenir.
Cet Anglo's extraordinaire a expoſe
avec franchiſe àS. M. I. l'état des priſons &
des hôpitaux de cette Monarchie ; il ya
trouvé des changemens heureux , mais encore
beaucoup d'imperfections qu'il n'a pas
diffimulées au Souverain.
L'Empereur a donné le commandement
du Corps des Bombardiers au Baron de
Rouvroy, Lieutenant - Général de ſes armées.
De Francfort , le 21 Janvier.
Pendant l'année derniere on a compré à
Munich 246 mariages , 822 naiſſances &
1348 morts.
Le nombre des mariages à U'm a été de
104 , celui des naiſſances de 460 , &celui
des morts de 511 .
Le Prince Jofeph- Frédéric de Saxe- Hildbourghaufen
, Feld- Maréchal de l'Empereur
& du Saint Empire , eſt mort le 4 de ce
mois , à Hildbourghauſen , dans la 85c.
annéede ſon âge.
(
( 13 )
Le Prince - Evêque d'Osnabruck fait arpenter
la furface de, cette Principauté. On
aſſure que les biens communaux feront répartis
entre les habitans des villages. On
continue toujours les travaux du canal près
de cette ville. La dépenſe monte àprès de
50,000 rixdalers .
Le Baron de Lenthe , Confeil'er - privé
des guerres , a été nommé par l'Electeur
d'Hanovre , ſon Miniſtre plénipotentiaire à
Berlin.
Des léttres de Vienne renferment l'anecdote
ſuivante : Lasfemme du Conſeiller de Cetto ayant
appris la condamnation de ſon mari aux travaux
publics , ſe rendit avec ſes enfans au Palais Impérial
& ſollicita une audience de l'Empereur. S. M.
ne voulut d'abord point permettre qu'elle fût introduite
dans ſon appartement , mais ayant infiſté
dans ſa priere , &dit que ſon intention n'étoit pas
dedemander lagrace de fon coupable mari , ele
obtint la permiffion de ſe préſenter.A peine futelle
entrée dans l'appartement , qu'elle ſe jetta
avec ſes enfans aux pieds de l'Empereur , &
pleura ſans proférer une ſeule parole. Le Monarque
, touché de cette ſcene attendriſſante , lui
dit , les larmes aux yeux : Parlez , Madame , &
>> dites - moi ce que vous me demandez. » Encouragée
par ces mots , elle répondit : « Sire
nous ſommes,moi& mes enfans , menacés
>> de périr de miſere , fi V. M. ne vient point à
>> notre ſecours. >>> -<< Mais de quoi avez
>> vous ſubſiſté juſqu'à ce moment , demanda
>> l'Empereur avec bonté ? d'aumônes , répondir-
» elle, »- « Eh bien ! lui dit S. M. , retour
>> nez chez vous , je verrai ce que je pourrai
4
( 14 )
>> faire. » Apeine cette malheureuſe femme futelle
retirée chez elle avec ſes enfans , qu'elle reçut
de la part de l'Empereur un préſent de cent
ducats , & l'aſſurance d'une penſion de 400 florins
ſur la caffette de S. M. Imp. , qui promit en
outre de placer les enfans.
ITALIE.
De Rome , le 6 Janvier.
Le Pape a déclaré Secrétaire des Brefs ,
le Cardinal Braſchi Onesti , ſon neveu ; le
Prélat Lancelotti , Majordome ; le Prélat
Paracciani , Auditeur de Rote ; le Prélat de
la Pomaglia , Secrétaire de la Congréga-..
tion des Évêques & Réguliers.
De Venise , le 30 Décembre...
L'équipage du vaiſſeau marchand Vénitien
, qui avoit fait naufrage près de Gibraltar
; a été heureuſement ſauvé en entier
par les ſoins du Général Elliot. Ce vaiſſeau
avoit été frété par ordre de la République
pour le tranſport du Fils de l'Empereur de
Maroc.
Le Sénat vient d'accorder des récompen -
ſes à ceux des ſujets Vénitiens , qui travailleront
à augmenter & à faciliter le commerce
avec la Ruflie par la mer Noire.
On aſſure que les dépêches qui arrivent
dans le moment de Conſtantinople, appor(
15 )
tent des nouvelles de l'Egypte plus favorables
au Capitan Pacha.
L'Empereur ayant aboli la quarantaine
du côté de Semlin , dans le deſſein de favoriſer
le Commerce , le Sénat a fait parvenir
à S. M. I. ſes repréſentations , avec
priete de vouloir bien rétabir la même quarantaine
, vu le danger des progrès que
pouvoit faire la contagion.
Le Sénat a reçu avant-hier avis de Livourne
, que les vents contraires y retenoient
le ſieur Condulmer , qui doit faire
route avec le Chebeck , qu'on croyoit hors
d'état de ſervice , & qui a été très-bien rétabii.
Les abus qui s'étoient introduits depuis
long-temps dans les Familles Patriciennes ,
au ſujet du paiement de la dixme & des
autres impoſitions ſur les biens territoriaux
, ainſi que fur les rivieres , ont déterminé
le Gouvernement à faire publier , le
16 de ce mois, un décret émané du Tribunal
des Inquifiteurs , par lequel il eſt enjoint
à tout poffefſſeur de biens-fonds , d'acquitter
juſqu'au terme de mai 1787, les arrérages
dus au Tribunal , & les dettes courantes
, accordant aux payeurs une bonification
gratuite , & aux déſobéiſfans , outre la
perte de cette faveur , les peines les plus rigoureuſes.
Ledernier tremblement de terrede la veille
1
( 16 )
し
de Noël , dont heureuſement nous n'avons
éprouvé ici que des ſecouſſes aſſez légeres ,
s'eſt fait ſentir avec beaucoup plus de violence
dans nos environs. La ville de Rimini
enareſſenti les effets pendant 3 jours conſécutifs
; l'Egliſe cathédrale , la maiſon du
Séminaire des Prêtres , ainſi que pluſieurs
autres édifices de cette ville ont été renverlés
, & le Palais Epiſcopal a été fi fort endommagé
qu'il n'eſt plus habitable.Tous
les habitans ont paſſé la nuit du 24 au 25
Décembre dans les places publiques; pluſieurs
ont été enſev elis ſous les ruines; d'autres
en plus grand nombre ont été dangéreuſement
b'eſſés. Le château ſitué non loin
de Rimini eſt entierement détruit, & 7 per
ſonnes ont péri ſous ſes ruines. Les villes
de Fano , Boulogne , Fayence & toute la
Lombardie & la Romagne ont eſſuié des
effetsde ce tremblement de terre.
A.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 23 Janvier.
Le Roi s'eſt rendu ce matin au Parlement
, & a prononcé le diſcours pour l'ouverture
, dont voici l'extrait.
Le Roi informe les Lords & les Communes
-que, depuis la ſéparation du Parlement, la tranquillité
générale de l'Europe n'a pas fouffert la
moindre atteinte , & que les différentes Puiſſan
( 17 )
ces étrangeres neceſſent de lui renouveller les
aſſurances de leur amitié .
Il a conclu avec S. M. T. C. un Traité de Commerce
& de Navigation dont il a ordonné qu'il
leur fût remis une copie , & il ſe flatte qu'ils
concourront de tout leur pouvoir à lui donner
ſon effet , & qu'ils feront les réglemens les plus
propres à augmenter le commerce & à exciter un
eſprit d'induſtrie national , deux objets qui ont
principalement dirigé l'attention de S. M. dans
cette opération , & qu'elle a conftamment envue
dans la négociation des différens Traités entamés
avec d'autres Puiſſances.
S. M. a pareillement conclu une convention
avec le Roi Très Chrétien pour opéer plus efficacement
l'exécution du fixiéme article du dernierTraité
de paix , convention dont elle leur a
autli fait remestre une copie.
Les estimations de l'année courante feront
miſes ſous les yeux des Communes , & le Roi
ſeflatte qu'e les pourvo'ront par les octrois néceffaires
aux beſoins indiſpenſables des différentes
branches du ſervice de l'Etat. S. M. eſpere en
même temps qu'elles donneront au revenu public
laméme attention que dans la derniere Seffion ,
cet objet étantde la plus haute importance pour
le créditde 1Empire.
LeRoi fait part aux deux Chambres , que vu
l'état d'encombrement où ſetrouvoient les priſons
, il a été , par son ordre , formé un plan
pour tranſporter hors du Royaume les criminels ,
&il leur recommande de concourir aux meſures
propres à l'effectuer.
Enfin , S. M. a terminé ſon diſcours par la
déclaration qu'on s'eſt auſſi occupé des moyens
de ſimplifier laperception du revenu pour le
foulagement & l'avantage du commerce , &
( 18 )
qu'elle ne doute point de leur aſſiſtance pour
l'exécution d'un projet auſſi ſalutaire.
Le 14 Novembre dernier , à ce qu'on apprend
des Indes occidentales , S. A. R. ie
Prince Guillaume-Henri eſt arrivé à l'Iſle St.-
Vincent , à bord de la frégate le Pégase. Le
lendemain , il reçut les complimens duConfeil
&de l'Aſſemblée générale. On lui préſenta
le même jour pluſieurs ChefsCaraïbes,
aux principaux deſquels il fit préſent d'une
épée&de deux fufils armés de bayonnettes
àreffort,d'une nouvelle invention. Il fit diftribuer
aux autres une ſomme d'argent ; les
Caraïbes , de leur côté , le prierent d'accepter
des arcs , des fléches & quelques autres
objets du même genre.
Le travail duMiniſtre ſur la ſimplification
du tarif de Douanes &de leur perception
eft achevé . M. Rofe , Secrétaire de la Tréſorerie
, a expédié des copies de ce plan de réforme
aux différentes Chambres de Commerce
des principa'es villes , en priant ces
Corps de l'examiner avec attention , & de
faire paffer leurs remarques au Miniftre , le
plus promptement poſſible. Cette importanteopération
ſera conſomméedans la Seſſion
duPar'ement qui va s'ouvrir, & l'on applaudit
à la ſageſſede M. Pitt , qui veut s'aſſurer
du ſuffrage des Compagnies de Commerce,
& profiter de leurs confeils , avant de foumettre
ſon plan à la diſcuſſion de l'Aſſemblée
nationale...
( 19
Le Colonel Hotham , Tréſorier duPrince
deGalles , ayant eu quelque différend avec
S. A. R. fur le choix d'un Banquier pour la
liquidation des affaires du Prince , S. A. R.
lui a ſignifié ſadémiſſion , en lui offrant une
penfionviagere de soo liv. ſterl. Le Colonel
n'a pas cru devoir accepter cette offre , ſans
confulter le Roi , & le réſultat de ce rapport
a été un refus poſitifde M. Hotham , accompagné
de remercîmens à S. A. R.
Les criminels que l'on fait paſſer en Afrique
feront débarqués dans l'Iſle de Rafſo , à
L'embouchure de la riviere Sierra - Leona .
Cette Iſle a environ dix milles de circonférence;
on y trouve beaucoup d'eau & de
bois; elle peut nourrir plus de mille habitans.
Le foly abonde en coton , indigo , bois camur,&
autres productions précieuſes.
Nous parlâmes , il y a quelque temps,de
lamaladie finguliere d'une femme duComté
de Suffolck , dont les os ſe briſoient en la
foulevant du lit , quelque précaution qu'on
y apportât. Cette femme étant morte de
puis ,le Chirurgien qui la traitoit, a fait publier
dans la Feuille d'Ipſwich la lettre ſusvante.
<<Marie Breadcock, de Dalinghoe , dont
>> on a déja fait connoître la ſituation au Pu-
>> blic, eſt morte le 19 de ce mois. Je fus ap-
>>pellé le lendemain pour examiner l'état de
>> ſes os. Je trouvai qu'ils avoient perdu leur
L
:
( 20)
>>confiftance&qu'ils étoient devenus Aexi-
>>bles comme un cartilage ,de maniere que
>> je pouvois plier ſes membres dans tous les
>> ſens. Je dérachai une partie de l'os de fon
>>bras, dans laquelle avoit étéci-devant une
>> fracture. L'os étoit fi mol , qu'on le cou-
>>poit aisément au couteau. L'endroit où s'é-
>>toit formé le calus, étoit auſſi flexible que
>> le reſte. Quelque extraordinaire que foit
>> ce changement ſurvenu dans des os hu-
>>mains , ilyen ades exemples en anatomie ,
>>&les gens de l'art en ont rendu raiſon. La
>> femme dont il eſt ici queſtion , avoit
>> éprouvé de nouvelles fractures avant de
>> mourir , & au moment de ſon décès , el'e
>> étoit dans le ſixième mois de ſa grofſſeffe.
>> Je fuis , &c. »
W. SALMON , Chirurgien .
DeWickham-Market , le 26 Décembre 1786:
Dans le cours de 1786, on a baptifé à
Newcastle 896 enfans des deux ſexes , & le
nombre des morts a été de 687. A Doncaf
ser on a compté 174 baptêmes &94 enterremens.
FRANCE.
De Versailles , le 22 Janvier.
Le Baron de Carondelet , Colonel au
ſervice de Sa Majeſté Catholique , a eu , le
16de ce mois , l'honneur d'être préſenté-au
( 21 )
Roi & à la Famille Royale, par le Comte
d'Aranda , Ambaſſadeur d'Eſpagne.
:
Le Duc de la Vauguyon , Ambaſſadeur
extraordinaire & Plénipotentiaire du Roi ,
près Sa Majeſté Catholique , de retour en
cette Cour par congé , a eu , à ſon arrivée
ici , le 17 de ce mois, l'honneur d'être préſenté
à Sa Majesté par le Comte de Vergennes
, Chefdu Conſeil Royal des Finan -
ces, Miniſtre & Secrétaire d'Erat , ayant le
département des Affaires étrangeres.
Le Comte d'Arbouville , le Comte de
la Mouſſe , & le Baron de Bois-d'Aisy , qui
avoient précédemment eu l'honneur d'être
préſentés au Roi , ont eu , le 22 de ce
mois , celui de monter dans les voitures de
Sa Majesté , & de la ſuivre à la chaſſe.
De Paris , le 31 Janvier.
ク
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 23
Décembre 1786 , qui regle la forme de
l'Adminiſtration municipale de la ville d'Etampes.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 24
Décembre 1786 , portant révocation du
Privilege accordé au ſieur Fabre Dubofquet,
pour lafabrication tant d'un métal propre
à remplacer le cuivre dans le doublage
des vaiſſeaux , que d'un vernis pour enduire
les clous ſervant audir doublage.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , portant
Réglement pour les ſels à fournir auxSuifles .
( 22 )
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 14
Décembre 1786 , portant établiſſement de
vingt-quatre Paquebors , pour communiquer
, avec les Colonies Françoiſes , aux
Ifles du Vent& fous le Vent , les Ifles de
France & de Bourbon , & les Etats-Unis de
l'Amérique.
« Sur le compte rendu au Roi , de l'utilité
des Paquebots , établis par Arrêt de ſon Conſeil
du 18 Juin 1783 , pour communiquer avec les
Etats-Unis de l'Amériqne , Sa Majeſté a jugé
convenable de faire jouir ſes Colonies de l'Amérique&
les Iſſes de France & de Bourbon des
avantages d'une correſpondance auſſi exacte
qu'aſſurée ; & afin que cet établiſſement ne puiſſe
être nuiſible , par la concurrence , aux opérations
des Négocians , Elle s'eſt portée à limiter le ſervice
des Paquebors , & à fixer le prix des tranfports
qui pourront y être faits , à un taux beaucoup
plus élevé que le prix ordinaire du commerce.
A quoi voulant pourvoir : Oui le rapport :
leRoi étant en ſon Conſeil , a ordonné & ordonne
cequi ſuit:
1º. Il ſeradeſtiné dans les portsdu Havre&de
Bordeaux , un nombre ſuffiſant debâtimens de
Sa Majefté , pour qu'il en parte régulièrement
un tous les premiers jours du mois pour les iſles
françoiſes de l'Amérique ; les 15 Janvier , 15
Avril , 15 Juillet & 15 O&obre , pour les ifles
de Prance &de Bourbon ; & les 10 Février , 25
Mars , 10 Mai , 25 Juin , το Août , 25 Septembre
, 10 Novembre , 25 Décembre , pour
Jes Etats-Unis de l'Amérique : le tout ſuivant
le tableau annexé au préſent Arrêt , à commencerdu
10 Février prochain ..
2°. Les Etats-Majors deflits Paquebots ſeront
( 23 )
*compoſés d'Officiers attachés au ſervice duRoi.
*Ils feront, ainſi que les équipages , payés par
Sa Majesté , & ſous la diſcipline réglée par les
Ordonnances concernant la Marine Royale.
3°. Sa Majesté a nommé & nomme le ſieur
le Coureux de la Noraye , pour , ſous les ordres
du Secrétaire d'Etat ayant le département de la
Marine&des Colonies , diriger & adminiſtrer
-l'armement &tout ce qui aura rapport à l'expéditiondes
Paquebots. Ledit ſieur le Couteux de
laNoraye paiera en conféquence toutes les dépenſes
deſdits armemens, & fera la perception
des droits qui ſeront fixés , tant pour le tranfport
des lettres , que pour celui des Paſſagers&
des marchandiſes qu'il ſera permis de charger
fur leſdits Paquebots .
4°. Il ſera , avant le premier Janvier prochain,
rédigé & publié deux Réglemens de Sa Majeſté ,
l'un relatif au ſervice des lettres pour en aſſurer
le tranſport , la réception & la remiſe , & fixer.
leur taxe , & l'autre pour établir la Police intérieuredes
Paquebots , & fixer le tarif des droits
qui devront être perçus , tant ſur les Paſſagers
que ſur les marchandises qui pourroient être
chargées ſur leſdits Paquebots , & ledit tarif
ſera établi à un prix plus élevé que celui du
commerce , afin que leſdits Paquebots ne puiſſent
préjudicier , par la concurrence, aux intérêts des
Négocians.
5°. Veut Sa Majeſté que le préſent Arrêt ait
ſa pleine & entiere exécution , à compter du
10 Février prochain ; dérogeant à tous Arrêts
précédemment rendus , contrairesà icelui».
( 24 )
A ceiArrêt est annexé le Tableaufuivant
des époques & des Lieux de départ des
Paquebots , & des Lieux de leur destination.
Epoques des Lieux des
Départs. Départs.
10 Février.... Havre
1Mars
25Mars
:
....
....
1Avril .....
15 Avril
...
...
....
Havre
Havre
....
Lieux des
Detinations.
Amérique du Nord.
Ifles Françoiſes.
Amérique du Nord.
Bordeaux.. Ifles .
Havre
... Havre
.... Ifße de France.
Ifles .
Havre Amérique du Nord.
1 Juin ..... Bordeaux .. Ines .
Mai
10 Mai
25 Juin ....... Havre
Juillet .... Havre
.... Amérique du Nord.
... Ifles.
15 Juillet ....
1 Août ..... Bordeaux .. Ifles.
Bordeaux.. Ifle de France.
το Λούτ ..... Havre Amérique du Nord. ....
1 Septembre.. Havre Ines.
25 Septembre. Havre Amérique duNord.
1Odobre
15 Octobre ...
Bordeaux .. Ines. ...
.... Havre Ile de France.
1 Novembre ...Havre Ifles .
3
...
19Novembre .. Havre Amérique du Nord.
Décembre .. Bordeaux . Ifßes .
25Décembre.. Havre ... Amérique du Nord.
Janvier.... Havre . Ifles.
15 Janvier .... Bordeaux.. Ifle deFrance.
1 Février .... Bordeaux .. IMes.
Le Réglement pour les Paquebors établis
, par l'Arrêt du Conseil ci-deſſus, eft
1uivi du Tarif ci- après des droits de Tranf
ports
1
( 25 )
ports qui ſeront perçus par les Adminiſtrateurs
des Paquebors du Roi, tant pour
communiquer avec les Colonies Françoiſes
&les Ifles de France & de Bourbon ,
qu'avec les Etats Un's d'Amérique.
vag Legeliv
En allant aux Colonies
Françoiſes d'Amérique.
Argent de France.
En allant aux Iſles de
France & de Bourbon.
Argent de France.
ARTICLE PREMIER. Paſſagers.
Il ſera payé, pour chaque Paffager nourri
malr'McOafhfraiincddindleeeeear,
Pour chaque Paſſager nourriàla table
ala table du Capitaine, tant pour fon paf
ſage, que pourle tranſportde trois malles ... 6001. 12001. 6001.
8001, 15001 Chirurgien, Volontaire, ainſi que pourle
tiamnadſlpeloduerexst
360
ſubſpiaſPftdfao'anu&ullgcrnaeee 750 360
500 850 360
Domestique. 200 400 200 200 400 200
PaſnlopauctgroeoerFduuuirterxsss
trcaonvmſicppvardorldierelllyesstseea,
dm'aulnlee
.
160
.
300 160
091
300 160
AMRarTchIanCdFiLrsIeeEIàzs..
tocnhppnaſaoeqedyuuarIeéreual
quarldmpaiioneviltrudoddleexeuees-s
d'encombrecdpmuieebeunedxtss
..
100 200 80 200 300 80
En allant aux Etats-Unis
de l'Amérique.
Argent de France.
En retour des Colonies
Françoiſes d'Amérique.
Argent de France.
b
de l'Amérique.
Argent de France.
En retour des Ifles de
Phom France & de Bourbon.
Argent de France .
201 En retour des Etats-Unis
1
Nº. 5 , 3 Février 1786.
( 26 )
Edit du Roi; du mois d'Août 1786, portant
révocation du Privilege de Ville d'arrêt
perſonnel.
Les Rois nos prédéceſſeurs , dans la vue d'affurer
la tranquillité de tous'eurs ſujets , fous la
protection de l'autorité royale , accorderent aux
bourgeois & habitans de la plupart des villes
qu'ils érigerent en Commune , le droit d'y arrêter
& d'y retenir , juſqu'au paiement de leurs
créances , leurs débiteurs forains : d'autres villes
ont enſuite obtenu le droit d'arrêter les meubles
& effets de ces débiteurs ; il y a des villes auxquelles
l'un & l'autre privilege ont été expreſſément
accordés. De très-grands abus ont réſulté
du privilége d'arrêt perſonnel , & ces abus augmentent
tous les jours. Non-ſeulement nos fujets
, obligés de parcourir notre royaume pour
leur commerce ou pour d'autres affaires , font
arrêtés dans des villes dont ils ignorent le pri--
vilege pour des dettes purement civiles , contractées
dans des provinces éloignées , & payables
dans ces provinces ; mais des étrangers ,
réfugiés dans nos Etats , ſont empriſonnés à la
requête de créanciers étrangers ou de bourgeois
ceflionnaires pour de ſimples ſouſcrits en pays
étrangers.Ainſi ceprivilege, contraire àla fûreté
de nos ſujets & au bien du commerce national ,
donne encore lieu , ſous le voile d'une ceſſion
ſouvent frauduleuſe , & qui ne peut , en aucun
cas , couvrir le vice originaire de la créance
de contrevenir à la maxime du droit public ,
qui refuſe toute exécution aux contrats paſſés ,
&même aux jugemens rendus en pays étran -
gers , avant que cette exécution ſoit judiciairement
ordonnée par nos Juges ou par nos Cours,
&il fert de prétexte pour violer même le droit
,
( 27 )
d'aſyle , attribut de la ſouveraineté & principe
du droit des gens , qui ne permet pas que l'étranger
, réfugié dans unEtat , y ſoit pourſuivi,
ſi ce n'eſt par les actions qu'il y commet &
pour les engagemens qu'il y contracte. Le moyen
le plus afſuré pour tarir la ſource de ces abus ,
&pour éviter qu'ils ne renaiſſent dans la ſuite
fous des formes différentes , eſt de ſupprimer le
privilege même. La néceſſité de la fuppreffion
dérive d'ailleurs de l'eſprit de ſon inſtitution ;
établi pourdonner aux bourgeois des villes, alors
confédérés contre les Seigneurs voiſins , le pouvoir
de ſe faire eux-mêmes , en arrêtant la perſonne
de leurs débiteurs , la juftice que ces Seigneurs
leur refuſoient , ce privilege auroit dû
ceffer lorſque l'autorité royale , rentrée dans ſes
droits , a été en état d'aſſurer la juſtice à tous
ſes ſujets ; & fi les Ordonnances de notre.
royaume ont juſqu'à préſent toléré ce privilege ,
c'eſt que les Loix ne peuvent tout corriger à
la-fois , & qu'elles n'atteignent que par degré
à la perfection. Mais en privant du privilege
d'arrêt perſonnel les villes qui font en poffeffion
d'en jouir , nous croyons devoir les confirmer.
dans le privilege d'arrêt réel , encore même,
qu'elles ne l'aient pas expreſſement obtenu , ſoit,
pour leur donner une forte de dédommagement
de la perte de l'autre privilege, foit parce que
la conceffion qui leur a été faite du droit d'arrêter
la perſonne , paroît , à plus forte raiſon ,
avoir compris & leur avoir attribué le droit
d'arrêter les biens. Le privilege d'arrêt réel a
auſſi donné lieu à quelques abus; il a reçu dans
pluſieurs Coutumes des extenſions contraires
aux Loix qui l'ont établi , & préjudiciables au
droit de propriété. Nous nous propoſons de le
-rappeller au principe de ſon établiſſement ; &
b2
( 28 )
dans cet eſprit de régler la qualité de la perfonne
du créancier & la nature de celle re
quiſe pour donner le droit de procéder à l'ar.
rêt réel , la qualité des effets qui peuvent y être
compris , & la forme judiciaire qui doit y être
ſuivie. Ainfi , en révoquant le privilege de ville
d'arrêt perſonnel , & en réglant celui des villes
d'arrêt réel, nous maintiendrons la liberté civile
&le droit de propriété de nos ſujets , les maximes
d'ordre public & d'ordre judiciaire : nous
garantirons de toute atteinte le droit d'aſyle ,
&nous donnerons aux étrangers qui viennent
réſider dans notre royaume une nouvelle preuve
de la protection que nous ne ceſſerons de leur
accorder. A CES CAUSES , &c.
Nous avons révoqué & révoquons le privilege
de ville d'arrêt perſonnel ; voulons qu'aucundébiteur
forain ni étranger, ne puiſſe être
arrêté en vertu de ce privilege. Les
villes à qui le privilege d'arrêt perſonnel avoit
été concédé, jouiront du privilege d'arrêt réel,
ou du droit d'arrêter les meubles du débiteur
forain , trouvés dans la ville & ſes faubourgs .
-Le privilege d'arrêt réel ne pourra en
aucun cas ni dans aucune ville , être exercé , ſi
ce n'eſt par les bourgeois & habitans de la ville
privilégiée . Ledit privilége n'aura lieu
que pour des dettes qui ſoient établies par écrit,
& qui ayent été contractées dans la ville privilégiée
, ou dans le territoire ſur lequel le Juge
ordinaire de ladite ville exerce ſa jurisdiction.
Ledit arrêt ne pourra être fait qu'en
vertu d'une Ordonnance du Juge , portant permiſſion
d'y procéder. Les meubles &
effers trouvés dans la ville privilégiée & les
faubourgs , ſeront les feu's qui pourront être arzetés
en vertu dudit privilege , fans aucundroit
-
( 19 )
:
;
de fuite ſur les meubles qui en ſeroient fortis.
Les meubles & effets que les articles
XIV , XV & XVI da titre XXXIII de l'Ordonnance
de 1667. défendent de ſaiſir , ne pourront
être compris dans l'arrêt réel. Ne pourront
pareillement y être compriſes les denréés
& marchandiſes portées au marché des villes
privilégiées . Il ſera libre aux forains
dont les meubles & effets auront éré arrêtés ,
de demander au pourſuivant l'arrêt , de donner
caution pour les dépens , dommages & intérêts ;
& faute par ledit poursuivant de fournir ladite
caution dans le délai qui ſera fixé par le Juge ,
main-levée de l'arrêt ſera donnée . Tout
bourgeois ou habitant qui aura fuccombé dans
la pourſuite d'un arrêt réel , ſoit faute d'avoir
donné caution ou autrement , ſera déchu de fon
privilege , & il ne pourra en uſer à l'avenir , &c.
<<U<neCompagnie deCapitaliftes offre, à
>> ce qu'on débite,de ſe charger des frais de
>>conſtructiondunouveau pont en face de la
>>>place de Louis XV, ſi l'on veut lui céder le
>> terrein des Capucines de la place de Ven-
>>dôme , & elle propoſe en outre de payer
>> unepenſion viagere de 1000 liv. à chacune
>>de ces Religieuſes dans le couvent qu'elles
>> voudront choiſir. On avoit craint que la
>>fondation des Capucines nappartint à la
>> maiſon de Joyeuſe , ce qui auroit pu
>>>mettre quelque obſtacle à l'exécution du
>>projet de la Compagnie ; mais il a été
>> vérifié que cette fondation eſt royale , &
>>>dûe à la Reine Marie de Médicis ; auſſi
>> ſi l'offre des Capitaliſtes eſt acceptée , ils
b3
( 30 )
>>ouvriront une grande & belle rue de la
>> place de Vendôme au boulevard. Ce qui
>>donnera un débouché à cette place qui
>> en manque abſolument ; & fi par la
>> ſuite un pareil débouché eſt ouvert juf-
>> qu'aux Tuileries par la cour des Feuil-
>> lans , ce quartier ſera ſuperbement em-
>>belli.
>>>Le tirage de la Loterie de Monſeigneur
>>>le Duc d'Orléans a été fait la quinzaine
>>derniere. Le gros lot de 20000 liv. de
>> rente et échu, dit-on , à Madame de*** ,
>> veuvetrès-peu riche d'un Militaire eſtimé ,
> & chargée de trois jeunes enfans . M. le
>>Marquis de P*** , ami de feu M. de*** ,
>> dé oſitaire d'une ſomme de 6000 liv. que
>> celui ci lui avoit confiée avant ſa mort ,
>>après avoir placé les enfans de fon ami
>>>pour leur éducation, conſeilla à la veuve
>> de courir le haſard de la Loterie de Mgr.
>> le Duc d'Orléans , en faveur de fes en-
>>>fans: il y plaça les 6000 liv. de la veuve,
>> &prit lui même ſix autres billets . Inſtruit
>>>de l'événement heureux du tirage , il cou-
>> rut chez lui pour voir ſes propres billets ;
>>& il témoigna hautement la joie de ce
>> que le lot étoit échu dans ceux de la veú-
>> ve de ſon ami , il ſe rendit chez elle , &
>>> avec tous les ménagemens poffibles , il lai
>>apprit cette heureuſe nouvelle, ce qui ra-
>> mene l'aifance dans la famille d'un brave
>>m>ilitaire.
( 3 )
>> Le 24 Décembre dernier , le ſieur de la
>>>Mardelle , Procureur Général du Conſeil
>>>Supérieur du Port-au-Prince , en l'iſle de
>>>S. Domingue , a prêté ſerment entre les
>> mains de M. le Garde des Sceaux , en qua-
>>> lité de Conſeiller d'Etat.
>>En conſidération du zele de MM. les
>>> Officiers du Bailliage de Caen , & pour
>> leur donner une preuve de ſa bienveillan-
>>> ce , S. M. leur a accordé fon portrait , &
» M. le Comte de Vergennes leur a appris
>>>la nouvelle de cette faveur, par une lettre
>>>de ſa main.
Le Rouffillon , écrit on de Perpignan , en
date du 16 , vient encore d'éprouver des
dommages confidérables par une inondation
générale, auſſi ſubite qu'imprévue. Les montagnes
étoient couvertes de neige , l'en avoit
eu même des gelées affez fortes pour le climat.
Les vents de ſud & d'eſt ont fait fuccéder
des pluies abondantes à cette température
,& ils ont fondu les neiges. Les trois rivié -
res principales ſont ſorties de leurs lits , & en
ſe réuniſſant vers la mer , elles ont couvert &
déſolé les campagnes. L'on n'a encore des
nouvelles preciſes d'aucun canton de la province
, les ravins & les torrens ayant inter
cepté toute communication. Celle avec le
Languedoc eſt même interrompue dans ce
moment; le pont ſur l'Agly, ſitué entre Perpignan
& Salces , ayant été emporté dans la
journée d'hier , quoiqu'il fût d'une conftruc
b4
( 32 )
tion très-folide ,&bâti ſeulement depuis 30
ans ou environ . Les abords font entiérement
dégradés & impraticables : ceux de la
riviere de la Tet qui borde cette ville , font
dans un danger preſqu'égal ; un petit pont
proviſoire , près les eaux vives , ayant auſſi
été emporté. On s'occupe à rétablir les communications
, mais l'on craint que les déſaftres
ne foient très multipliés dans celles dont
on ne peut avoir des nouvelles,toute la province
étant traverſée par des torrens nombreux
, que la proximité des montagnes , la
rapidité de leur pente ,&le défaut d'encaiffement
rendent extrêmement redoutables .
La tempête a jetté ſur la côte plufieurs
bâtimens qui ſe trouvoient en mer.
Fin du Procès - verbal de l'Assemblée des
Notables , de 1626 .
Ce Procès-verbal contient auſſi en entier
le diſcours du Marquis d'Effiat , Surintendant
des Finances; mais comme il ſe trouve
dans l'important ouvrage de M. de Forbonnais
ſur les Finances de France , avec des
obfervations très-judicieuſes de cet eftimable
Ecrivain, nous y renvoyons le Lecteur , en
terminant ce Précis par la Déclaration de
Louis XIII , pour le rétabliſſement de tous les
Ordres de fon Royaume , & pour le foulagement
du peuple , publié en Parlement le premier
de Mars 1627.
- LOUIS , &c. &c. Le ſoin que nous avons de
( 33 )
notre Erat , & de réparer en icelui les défordres
que les longues guerres inteſtines & étrangeres y
ont apportées; le munir contre les deſſeins & entrepriſes
de tous ceux qui pourroient plonger de
nouveau notre Peuple dans les miſeres deſquelles
àpeine commence-t- il de fortir; ſoulager nos Sujets
, & les faire jouir d'une paix ſolide & affurée ,
nous a fait convoquer , en notre bonne Ville de
Paris , une Aſſemblée de pluſieurs Notables perſonnages
, tant de l'Egliſe que de la Nobleffe , &
de nos Cours Souveraines , pour nous donner avis
fur les principaux points que nous leur avons fait
propoſer pour parvenir aux effets d'une si bonne
intention.Aquoi ladite Aſſemblée ayant travaillé
par pluſieurs &diverſes ſéances , il a été pris en
icelle des réſolutions telles que nous avons ſujet
de reconnoître la bonne& fincere affection qu'ils
ont tous de correſpondre au defir & deſſein que
nous avons de la grandeur de cet Etat, Dignité
de notre Couronne , rétabliſſement de tous les
Ordres en leur luftre ancien , & du foulagement
&enrichiſſement de notre Peuple. Ceque nous
faiſons étatde témoigner plus expreffément par
l'Edit que nous ferons & enverrons en toutes nos
Cours Souveraines , ſur les avis de ladite Affemblée
, & autres points dela Juſtice & Police de ce
Royaume en tous les Ordres , dont nous avons
vulu donner par ces préſentes l'aſſurance à toute
ladite Aſſemblée avant la rupture d'icelle. Mais
d'autant qu'en attendant cette plus particuliere
Déclaration & expreffion des cheſes que nous entendons
ordonner & établir pour les fins ſuſdites ,
il eſt beſoin de faire connoître à tous nos Sujets le
bien que nous leur procurons , & auquel nous en-
-tendons acheminer & conduire le gouvernement
de cet Etat , afin que chacun ſache quel mal cauferont
ceux qui entreprendront d'en troubler le
bs
( 34 )
repos , & que l'on tienne & traite comme enne
mis communs , dignes de la haine& indignation
publique , tous ceux qui prétendront priver nos
Sujets de ſi grands biens . SAVOIR FAISONS , que
l'avis de notre très- honorée dame & mere ,
notre très-cher & très amé frere , le Duc d'Orléans
, les Princes &Officiersde notreCouronne ,
&principaux Seigneurs de notre Conſeil , NouS
avons dit & déclaré , & par ces préſentes lignées
de notre main , diſons & déclarons , que notre intention
, & le but principal auquel nous enterdons
, & à quoi nous defirons & eſſaierons par
tous moyens de parvenir , eſt d'obtenir de la
grace & miféricorde divine , que fa gloire ſoit
plus que jamais éclatante en toutes les partiesde
ce Royaume ; réunir tous nos ſujets en l'unité de
l'Eglife Catholique , Apostolique & Romaine ,
par toutes les bonnes voies de douceur , d'amour ,
de patience &bons exemples ; rétablir la ſplendeur
& dignité de l'Egliſe par l'exacte obſervation
des conſtitutions Ecclefiaftiques , générales
&particulieres , & de nos Ordonnances qui les
concernent.
:
Maintenir nos Sujets de la Religion prétendue
réformée en toute la liberté que nous leur avons
accordée , les faiſant jouir tranquillement de
leurs biens & Offices, & du bénéfice des Edits
&Graces qu'ils ont obtenus de nous; attendant
qu'il plaiſe à Dieu illuminer leurs coeurs , & les
ramener au giron de ſon Egliſe , afin que nul
d'eux prête l'oreille aux perfuasions de ceux
qui cherchant leur propre bien dans la ruine
publique, les vont ſéduisant & pervertiſſant pour
les précipiter dans les rébellions & perduellions
infâmes.
Remettre les bonnes moeurs en toutes les parties
de l'Etat , & lebon ordre en toutes les fone,
sions publiques.
( 35 )
Avantager notre Nobleſſe de pluſieure graces
&privileges , pour entrer aux bénéfices , charges
& offices , tant de notre Maiſon que de la guerre
& autres , felon qu'ils s'en rendront capables :
Faire inſtituer gratuitement ès exercices propres à
leurs condition, les enfans des pauvres Gentilshommes
, & employer ceux de cet Ordre , tant
fur lamer que ſur la terre, ès compagniesde che
val &de pied , avec bonsappointemens , fi bien
payés & réglés , que la condition en ſera deftrée
de tous ,& que chacun connoîtra que l'exécution
de ce deſſein eſt la terreur des ennemis, le ſecours
des pauvres Gentils-hommes , le bien & foulagement
du Peuple, & le plus honorable em
ploi que nous puiſſions donner à la valeur & courage
de cet Ordre .
Faire fleurir la juſtice en tous ſes degrés , &nos
ordonnances en leur premiere vigueur : délivrer
nos ſujets des véxations qu'ils reçoivent par les dé.
réglemens de cette fonétion.
Rétablir le commerce & la marchandise :
renouveller & amplifier ſes privileges , & faire
enſorte que la condition du trafic ſoit tenue
en l'honneur qu'il appartient , & rendue confidérable
entre nos ſujets , afin que chacun y
demeure volontiers , ſans porter envie aux autres
conditions.
Et pour le dernier point , diminuer les charges
qui font fur notre pauvre peuple par tous les
moyens que nous en pourrons avoir : ce que nous
avons bien voulu déclarer plus particulierement
par ces préſentes , par leſquelles nous nous obligeons
en foi & parole de Roi , de le foulager &
décharger de trois millions de livres ès cinq années
prochaines , compris les fix cents mille livres
, dont nous l'avons ſoulagé en l'année pré.
fente. De forte qu'en l'année mil 6x cent trente
b6
( 36 )
deux, nos ſujets ſe trouveront déchargés de la
dite fomme de trois millions de livres , de ce
qu'ils ont porté en l'année derniere mil fix cent
vingt- fix. Ce que nous ferions en une ſeule fois
dès-à- préſent , ſi nous pouvions en un inſtant
augmenter notre revenu , comme nous entendons
faire dans ce tems par le rachat de nos Domaines
&droi's aliénés ſurnos tailles &Gabel'es.
Ceque nous déclarons à tout notre Royaume ,
pour rendre nos intentions connues à tous , & que
nos ſujets fachent le ſoin que nous prenons de
leur repos , enrichiſſement &proſpérité. Voulant
croire qu'ils effayeront tous engénéral &particulier
, de ſe rendre dignes de ſi grands biens, &
de contribuer de tout leur pouvoir à l'entretenement
de la paix , &de la libre jouiſſance des graces&
faveurs que la divine bonté nous inſpirede
leur procurer.
La circonſtance ayant reporté l'attention
fur les particularités des diverſes Aflemblées
de Notables ; on a relu avec avidité la harangue
de Henri IV , à celle de ces Affemblées
tenue àRouen le 4 Novembre 1596.
Peu de Souverains ſe ſont exprimés dans ce
ſtyle.
Si je voulois acquérir le titre d'Orateur , dit ce
Prince magnanime, j'aurois appris quelque belle
&longue harangue , & la prononcerois avec affez
degravité; mais, Meſſieurs, mor defir tend a deux
plusglorieuxtitres , qui ſont de m'appeller LIBERATEUR
ET RESTAURATZUR DE CET ETAT. Pour
àquoi parvenir je vous ai affemblés. Vous ſavez
à vos dépens , comme moi aux miens , que lorfqueDieu
m'a appellé à cette Couronne ,j'ai trouvé
la France non-feulement quai ruinée , mais
preſquetouteperdue pour lesFrançois. Par grace
( 37
-
divine , par les bons conſeilsde mes ſerviteurs
qui ne font profeſſiondes armes , par l'épée de ma
brave & généreuſe Nobleſſe (de laquelle je ne
diflingue point mes Princes , pour être notre plus
beau titre , foi deGentilhomme ) , par mes peines
& labeurs , je l'ai fauvée de perte ; lauvons-la
à cette heure de ruine. Participez , mes Sujets ,
àcerte ſeconde gloire avec moi , comme vous
avez fait à la premiere. Je ne vous ai point appellés
, comme faifoient mes prédéceſſeurs , pour
vous faire approuver mes volontés. Je vous ai
fait aſſembler pour recevoir vos conſeils
pour les croire , pour les ſuivre , bref, pour me
mettre en tutelle entre vos mains ; envie qui
ne prend gueres aux Rois , aux barbes griſes
, aux victorieux : mais le violent amour que
je porte à mes ſujets , l'extrême defir que j'ai
d'ajouter deux beaux titres à celui de Roi , me
fait trouver tout aifé & honorable. Mon Chancelier
vous fera entendre plus amplement mave
lonté.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 27 Janvier.
Pendant l'année derniere il eſt entré au
Texel 1594 bâtimens , dont 27 d'Archangel
, 12 de Batavia , 13 de Bergen , 95 de
Bordeaux , 15 de Charlestown , 26 de Curaçao
, 17 d'Elbingue , 1177de S.Eustache ,
38 de Groënlande, 21 de Hambourg, 26
du Havre-de Grace , 21 de Huli , 33 de
Cadix , 32 de Konigsberg , 16 de Livourne
, zo de Lisbonne , 131 de Londres , 13
de Memet , 15 de Morlaix , 34 de Nantes ,
2
( 38 )
70 de Narva , 158 de Norwege , 11 de Pétersbourg
, 15 de Port-à Port, 60 de Riga ,
30 de Rouen , 18 d'Ecoffe , 131 de Sunderland
, 50 de Surinam & 14 de S. Ubes.
Le nombre des bâtimens arrivés au Vlie a
été de 822 .
Le Journal politique de Hambourg vient
de publier des ers du feu Roi de Pruffe ;
compoſés quelques années avant ſa mort,&
qui n'étoient point encore connus. On y reconnoît
en effet des tournures , des idées
familieres à ce Monarque , ainſi que les défauts
de ſes dernieres productions poëtiques.
Nous rapporterons cette piece , non pas
comme unmodele de verve &de verſification
, mais à cauſede ſa fingularité.
SUR L'EXISTENCE DE DIEU.
Unde ? Ubi ! Quò ?
D'où viens-je ? où ſuis-je ? où vais -je ?
Jen'en fais rien. Montagne dit : que fais je?
Et fur ce point , tout Doteur conſulté,
En peut bien dire autant , fans vanité.
Mais , après tout , pourquoi donc le ſçaurais-je?
Moi , qui d'hier , dans l'Univers jetté ,
Neſuis rien moins qu'un être néceſſaire :
Cet Etre exiſte , a toujours exifté.
Il en faut un , ſoit eſprit , foit matiere ,
Et ce point-là par nul n'eſt conteſté .
Or moi chétif , être très- limité ,
Que tout étonne & convaincq d'ignorance ,
Malgré cela , je ſens , je veux , je penſe ,
Je me propoſe un but en agiffant ;
Voudriez-vous que l'Etre Tout- puiſſant ,
Auteur de tout& demon exiſtence ,,
( 39 )
N'eût aucun but , aucune volonté
Tandis qu'il m'a donné l'intelligence ?
Qu'il n'en eût point , lui qui m'en a doté ?
Mais , dites- vous , & la peſte & la guerre ,
Les maux divers , phyſiques & moraux ,
La faim , la ſoif , & la goutte & la pierre ,
Du genre humain font ſouvent les bourreaux
Les ouragans , la grêle , le tonnerre ,
Mille poiſons , les affreux tremblemens
Les tourbillons , les typhons , les volcans ,
Tous ces fléaux , qui défolent la terre ,
Sont- ce les dons d'un pere à fes enfans ?
Loin d'accuſer la divine ſageſſe ,
De ton eſprit reconnois la foibleſſe ,
Homme ſuperbe , Atome révolté !
Le Tout-Puiffant poſa cette barriere
Pour contenir ta curiofité.
۱
Peut-être il veut par cette obſcurné ,
Humilier cette raiſon trop fiere
D'avoir ſuivi quelque trait de lumiere ,
Qui lui montra par fois la vérité.
Maisilmanquoit à ta félicité ,
Qu'il dévoilât à ta foible paupiere ,
De l'Univers la théorie entiere ,
Et pour te faire approuver ſes decrets ,
Dieu t'auroit dû revéier fus festers !
,
D'où vient le mal ? Eh , plus je l'examine
Et moins je vois quelle eſt ſon origine ;
Que s'enfuit- il ? finon que mon eſprit
Eſt,dans ſa fohere , étroit & circonferit .
Mais ſuppoſer qu'une aveugle matiere
De tout effet eft la cauſe premiere ,
Ama raiſon repugne & contredit ;
Ici l'abſurde , & la Pinexplicable ;
Par deux écueils je me vois arrêté ;
Il faut opter : l'abſurde eſt incroyable,
Je m'en tiens donc à la difficulté
En vous laiſſant à vous l'abſurdité.
( 401
"
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Dans la derniere Aſſemblée qu'a tenue la
Banque Nationnale de St - Charles , le dividende
de l'année courante a été fixé à ſept & vingtdeux
centiemes pour cent. De ce dividende ſept
pour cent reviennent aux Actionnaires ; & les
vingt-deuxcentiemes àl'Hôpital-Général. Parmi
les divers obiets ſoumis aux délibérations des
Intéreſſés , furent ſur tout les récompenſes à
accorder à M. Cabarus , qui eſt le premier
Auteur du plan de cet Etabliſſement. L'on
convint non - ſeulement de ſupplier le Roi
de lui accorder des Lettres de naturalité ,
mais il fut propoſé de plus de faire des inftances
près de ſa Majesté , pour qu'Elle le décore
d'un titre de' Caftille , en témoignage
de reconnoiſſance pour le ſervice ſignalé qu'il
a rendu à l'Espagne. La propoſition fut reçue
avec un applauditlement général ; & l'on ne
doute point , que le Roi n'ait égard aux defirs
des Intéreſſés , parmi leſquets l'on compte pluſieurs
perſonnes des plus qualifiées du Royaume.
UnDuc préſent à l'Aflemblée , pouffa l'enthouſiaſmejuſqu'à
comparer le Fondateur de laBanque,
à Chriftophe Colomb , & à mettre for une
même ligne les ſervices que Pun & l'autre ont
rendus à la Monarchie. ( Gazette de Leyde ,
пº. 5 ) .
n
« A la requête de l'Aſſemblée générale du
>> Commerce & des Finances , S. M. Catholique
>> a daigné abolir dans ce Royaume , les droits
connus ſous le nom d'Alcabalas & Cientas ; qui
>> ſe percevoient für les fabriques de lin & de
>> chanvre. Ces droits , en ſe multipliant à pro-
>> portion du nombre des achats & des ventes ,
>> tendoient directement à étouffer l'induſtrie ,
» & à donner du diſcrédit à ces manufac
( 41 )
stures. Il arrivoit de là que les toiles
>> étrangeres , celles de France , de la Flandre
de la Siléfie , de la Hollande , inondoient
ce pays , au préjudice des fabriques
>>>nationales , & beaucoup plus encore au
>> préjudice des acheteurs, qui étoient contraints
>> d'en donner un prix plus haut. Moyennant
> cette ſage précaution du Monarque Espagnol,
>> on eſpere revoir bientôt le tems où les tables
de la Famille Royale & des Grands de la
>>>Couronne, étoient couvertes des linges les
>> plus fins , les plus beaux & les plus agréa-
>> blement travaillés » . ( Gazette d'Utrecht
n°. 5 ) .
Dernierement ,pendant que les priſonniers de
lamaiſonde force rempliffolent les triftes & humiljanstravaux
auxquels ils ſont condamnés &balayoient
les rues de Vienne , un jeune hommeaffez
bien vêtu s'approcha de l'un deux , & lui
baifa tendrement la main. Le baron de C ... , confeiller
d'Etat, quil'apperçut de la fenêtre ,fit appellerce
jeune homme , & lui dit , qu'on ne bai-
Loit point la maind'un pr fonnier de lamaiſon de
force. Eh ! répondit le jeune homme en fondant
en larmes ,fi ce prisonnier est mon pere ? ...
Le Conteiller a tendri en fit rapport à l'Empereur
, qui ſur le champ ordonna d'inferire ce tendre
fils pour le premier emploi vacant ;&le baronde
C... ajouta à ce bienfait en lui accordant
auſſi de ſa bourſe une ſomme de to florins par
mois . Au bas de l'écrit qui conſtatoit cette donation
, il ajouta ces mots remarquables ; c'est en
reconnoiffance des larmes d'attendriffement & de
plaisir que votre piété filiale a fait couler de mes
yeux.
S. M. l'Empereur a enfin donné avant-hier une
réponſe très -déciſive à la demande qui lui avoit
85
( 42 )
été faite par quelques Eccléſinſtiques, de permet
tre le mariage des Prêtres Catholiques-Romains.
Cette réponſe , faite en termes très-vifs , conbient
un refus formel ; S. M. aſſure , que , ni à
préſent, ni jamais , elle ne permettra aux Prêtres
de ſe marier ; le Monarque prometde former
lui-même un plan propre àfoutenir le Clergé
dans un état qui le faſſe reſpecter. Gazette d'Amfterdam
, nº. 7.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) ,
Parlement de Provence. -Gentilhomme Corse ,
ancien Lieutenant- Colonel , condamné sur une
plainte en fubormation de témoins , à être fouetté ,
marqué & aux galeres ; qui a fubi l'exécution
de fon jugement , & dont l'innocence a été reconnue
.
Le Parlement d'Aix n'est pas le Tribunal
qui a condamné le fieur Abbatucci ; il n'a pas
été en ſon pouvoir de réparer les malheurs de
cet infortuné ; c'eſt du Conſeil ſupérieur de
Corſe qu'eſt ſorti le Jugement fatal ,dont l'exécution
ne laiſſe à aucunes Puiſſances de la terre
la poſſibilité d'effacer l'empreinte. Nous allons
rendre compte des principales circonstances de
cette affaire. La publicité d'une réhabilitation
peut ſeule conſoler l'innocent de la flétriſſure
qu'il a ſoufferte. -Depuis que la Corſe a
paffé ſous la domination françoiſe , les efforts
des Commandans ont eu pour objet de purger
cette Ifle d'une eſpece d'hommes connus ſous le
nom de Bandits. Ces malheureux , égarés par
unfaux amourde la liberté , mettoientleurgloire
à exterminer ceux qui venoient les affocier à
leur Empire'; ils ſe refugioient enſuite dans des
antres ou des Ifles, ſouvent inacceſſibles . Le.
Régiment Provineial de Corſe , dont le ſieur
Abbatucci étoit le Lieutenant Colonnel , fut particulierement
deſtiné à arrêter ces redoutables
1
( 43 )
famatiques. La connoiffance qu'il avoit d'un
pays dont il étoit originaire , ſon attachement
pour les François , dont il ne ceſſoit de donner
les preuves , plus encore le grade auquel la
faveur du Roi l'avoit élevé , l'expoſerent au
généreux emploi de découvrir les coupables.
-En 1778 , les freres Biggi furent convaincusd'avoir
commis un affaffinat; mais ils avoient
des complices , & les ſoupçons ſe porterent fur
un nommé Sanvito , leur parent , réſident à
Guitera , où il faifoit valoir un petit domaine
qui avoit plus d'une fois ſervi de retraite à ces
brigands. Cet homme , qui déjà avoit été arrêté
pour différens crimes , étoit même dès- lors retenudans
un fort , d'où il s'échappa . -M. de
Beaumanoir ,Commandant à Ajaccio , chargea
le ſieur Abbatucci , par une lettre du 14 Mars
1778 , de faire toutes les informations relatives
à la part que Sanvito pouvoit avoir à l'affaffinat
dénoncé à la Juſtice. « Il est néceffaire ,
>>> ( écrivoir ce Commandant ) , que vous m'envoyiez
toutes les notions qui pourroient ſervir
>> à le trouver coupable , &le nom des témoins
> qui peuvent avoir connoiſſance des mauvais
>> conſeils par lui donnés aux Biaggi », -Le
Geur Abbatucci , pour avoir les informations nécellaires
, s'adreſſe au Curé de Cozza , qui indique
pluſieurs témoins. Peu de jours après ,
unpayſan, nommé Dominique , vient lui dire
qu'il va dépoſer de ce qu'il ſait ſur les auteurs
& complices du meurtre de Binggi , ajoutant
qu'un nommé Antoine doit venir atteſler les
mêmes faits. Le ſieur Abbatucci le renvoya pour
faire ſa dépoſition devant le Juge d'Ajaccio , qui
inſtruiſoit le procès . Cet homme lui dit néanmoins
que Sanvito étoit un homme redouté dans
le pays , qui avoit un oncle Curé de Guitera
( 44
qui le protégeoit , qu'il ne vouloit pas s'expoſer
à ſa vengeance , en allant de ſon chef depofer
contre Sanvito. Alors , après avoir demandé à
Dominique ce qu'il ſavoitde relatif à cet accuſé ,
il prat note de ſa déclaration , pour l'envoyer
à M. de Beaumanoir , & au Procureur du Roi
d'Ajaccio. L'après- midi du même jour , autre
déclaration à peu près ſemblable d'Antoine Macconi
, habitant dumême lieu , dont il prit également
note. Peu de jours après , le ſieur Abbatucci
fut inſtruit par Guillaume Taſſo , foldat de
fon Régiment , & l'un des témoins indiqués ,
que les deux Payſans paroiſſent varier dans leur
récit , relativement à ce qu'ils prétendoient favoir
fur Sanvito . Ccrapport ayant donné quelques
inquiétudes an fieur Ablatucci , il remit à
Guillaume une note de leur déc'aration , pour
vérifier ſi ce qu'ils diſoient s'accordoit avec
ce qu'ils avoient déclaré ; c'eſt cette note qui
aſervi de baſe à l'accuſation de fubornation de
témoins , qui a fait la matiere du procès criminel
intenté contre le ſieur Abbatucci. Nombre
de témoins furent aſſignés d'après cette note ;
dix dépoſerent contre Sanvito , & perfifterent
dans leur dépofition, à l'exception de Dominique
&d'Antoine , qui ſe rétracterent , l'un au recollement
, l'autre à la confrontation .Ces deuxparjures
étoient paroiſſiens du Curé de Guitera , oncle
de Sanvito , & le S. Abbatucci a prétendu que le
Curé ayant appris qu'ils avoient dép ſé contre
ſon neveu , n'épargna ni les promeſſes , ni les
menaces pour les engager à ſe rétracter . Ils
ne ſe contenterent pas d'étre favorables à Sanvito
, ils accuſerent Guillaume Taſſo ſeul , de
les avoir ſubornés. Une Sentence des premiers
Juges, déchargea Sanvito , & condamna Guil-
Lane Taffo aux galeres ,Dominique au carcan ,
1
)
&Antoine à aſſiſter àl'exécution. L'appel
de la Sentence d'Ajaccio fut portée au Confeil
Supérieur de Corſe , qui ordonna une plus ample
inſtruction , & nomma deux Conſeillers Commiſſaires
, pour aller ſur les lieux recueillir les
dépoſitions. Les deux premiers Commiſſaires
furent remplacés par MM. Maffeffi & Baudin ;
ils ſe tranſporterent à Ajaccio , ils firent publier
un monitoire qui annonçoit que ce n'étoit
point contre Sanvito que l'on vouloit acquérir
des preuves , mais contre les ſuborneurs des
témoins qui l'avoient chargé. On dépoſa Sanvito
au Couvent d'Istria , & on lui donna pour
compagnons de captivité , les deux témoins qui
s'étoient rétractés en ſa faveur. On chargra de
chaînes Gullaume Taſſo , & on l'enferma ſeul.
Des décrets furent lancés contre les témoins qui
avoient chargé Sanvito : de ce nombre étoient
des Officiers Municipaux, des Notables , qui
avoient figné un Mémoire contre le coupable,
Le fieur Abbatucci lui- même fut décrété d'ajournement
perſonnel. Lorſqu'il ſe préſentapour
fubir ſon interrogatoire , il apprit que ſur la
dépoſition de deux parjures , Dominiqne & Antoine
, on l'accuſoit d'avoir voulu les ſuborner.
Il fut confronté à ces miſérables , qui d'abord
interdits , embarraffés par ſes interpellations ,
ſe couperent dans leurs réponſes ; cependant
ils pe fiflerent à dire qu'il les avoit corrempus
pour dépoſer contre Sanvito. Le fieur Abbatucci
ſe présenta devant le Conſeil de Bastia ,
pour demander la converfion de fon décret
en ſimple décret d'aſſigné pour être eni ; fa
demande fut rejettée , & un mois après il fut
arrêté & conduit dans un cachot. Le malheureux
Guillaume Taſſo , touché des adouciſſemens
accordés à ceux qui étoient devenus favorables
( 46 )
,
à Savite , croyant voir ſa liberté dans le menfonge
, declara que le ſieur Abbatucci l'avoit
chargé de trouver des témoins contre les com.
plices de Biaggi ; mais il ajouta à la confrontation,
que ce n'étoit que des témoins pour
dire la vérité. Le ſieur Abbatucci demanda à
étre admis de prouver que les deux parjures ne
s'étoient rétractés & ne l'accuſoient de fubornation
, que parce qu'ils avoient été eux-mêmes
fubornés pat l'oncle de Sanvito . Cette demande
fut rejettée , & le Conſeil de Baſtia , après avoir
interrogé le ſieur Abbarucci , fur la fellette
rendit le jugement qui le déclare atteint &convaincu
du crime de ſubornation de témoins ;
& pour réparation le condamna à être fouetté
marqué & aur galeres pendanttrois ans. -La
Nobleffe de Corſe , inſtruite du jugement , s'afſembla
& arrêta de demander un furfis ; ce qui
ne fut point accordé . Alors les Députés en
voyés aux Juges , demanderent une commutation
de peine , & que le ſieur Abbatucci
fût plutôt , comme Gentilhomme , & tenant à
une famille diftinguée , condamné à avoir la tête
tranchée ; cette demande fur également ſans
effet . Le fieur Abbatucci fut livré au bourreau ,
&après avoir fubi ſon exécution , conduit aux
galeres , attaché à la même chaîne que Guillaume
Taffo & Dominique , qui avoient été con
damnés ,le ſieur Abbatucci a paſſé les trois années
de galeres , ſoutenu par l'eſpérance de faire
rétracter au Conſeil , le jugement qui l'avoit
dégradé. Sa famille a fait préſenter en ſon
nom une Requête en caſſation , elle a été accueillie
par un Arrêt du 28 Mars 1782 , qui
a caffé toute la procédure ; & le jugement du
Conſeil de Corſe , a renvoyé l'examen du prosès
en la Sénéchauffée d'Aix , dans les priſons
( 47 )
de laquelle l'Arrêt a ordonné que Guillaume
Taſſo & Dominique fero ent transférés . Pendant
le cours d'une inſtruction , l'Arrêt a accordé
la liberté au fieur Abbatucci . Arrivé à
Aix , le fieur Abbatucci a demandé au Parlement
la permiffion de fairs imprimer en langue Italienne
& Françoiſe , & afficher par- tour où bon
lui ſembleroit , l'Arrêt du Conseil du Roi , се
qui lui a été accordé. La procédure s'eſt inftruite
en la Sénéchauffée ; le ſieur Abbamucci
a produit pour ſa juſtification les lettresde ſes
Chefs , contenant les ordres qu'il avoit reçu
de découvrir les coupables , & d'adminiſtrer les
témoins qui pouvoient ſervir à cette opération
importante , & pour détruire le ſoupçon de faire
périr Sanvito , il repréſenta, la preuve qu'il avoit
au contraire follicité ſa grace auprès du Commandant.
Cette preuve étoit confignée dans
une lettre de M. de Beaumanoir, Commandant
d'Ajaccio , datée du 26 Mars 1778 , écrite au
fieur Abbatucci , il ne manquoit plus à ſon innocence
qu'un dernier degré d'évidence , la rétractation
de ſes parjures accuſateurs. Il a obtenu
ce triomphe précieux & honorable. Antoine
& Dominique déclarerent au lit de la mort ,
que jamais le fieur Abbatucci ne les avoit follicités
contre Sanvito , & que c'étoit au contraire
à la follicitation du Curé de Guitera ,
qu'ils avoient rejetté fur lui cette accuſation.
Guillaume Tafſo eſt convenu que jamais il ne
l'avoit chargé de chercher des témoins contre
le complice de Biaggi. Six témoins entendus
à Aix , font venus corroborer les preuves de
l'innocence du ſieur Abbatucci, & accab'erl'oncle
de Sanvito par la force de leurs dépoſitions.
-Sanvito eſt mort pendant cette inſtruction .
Une Sentence de la Sénéchauffée d'Aix a dé(
48 )
E
chargé le fieur Abbatucci de toute accuſation,
déclare le Curéde Guitera atteint & convaincu
d'avoir fuborné les témoins qui avoient chargé
le ſieur Abbatucci , &pour réparation , l'a condamné
à être pendu & étranglé , après avoir
fait amende honorable , la corde au cou. -Enfin
un Arrét ſolemnel du Parlement d'Aix ,
du 17 Juillet 1786 , a confirmé cette Sentence ,
déchargé le ſieur Abbatucci de toute accutation
l'a autoriſé à faire imprimer & afficher l'Arrêt
en langue Italienne & Françoite , a ordonné
Ja reſtitution des amendes auxquelles il avoit
été condamné , & lui 'a réſervé ſes dommages
&intérêts contre qui de droit. Telles
font les principales circonstances de cette affaire
malheureuſe. Le four Abbatucci ainſi réhabi
lité , a demandé à fon Conſeil les moyens qu'il
devoit employer pour obtenir les dommages
& intérêts qui lui font réſervés , contre qui il
devoit former ſa demande , & s'il ne pouvoit
pas foliciter du Roi la grace d'être replacé
dans le rang qu'il avoit occupé ; que les appointemensdont
il avoit été privédepuis l'Arrêt
de 1779 , qui a été caffé & annullé , lui fuſſent
comptés, & que le tems de ſon ſervice continuat
de courir , comme ſi le jugement qui
l'a flétri n'avoit jamais été rendu. Son
défenſeur lui aconſeillé de préſenter une Requête
au Parlement d'Aix , pour le ſupplier
da s'unir à lui pour obtenir cete grace dela
bontê du Roi ; ( grace que S. M. a bien voulu
en effet lui accorder , comme on l'a lu dans
des numéros précédensdu Journal deBruxelles 1 .
ال
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 10 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE à M. le Comte DU MYRAT.
.....W.efigh ; andwhile
Wefigh, wefink ; and are what we deplor'd ;
Lamenting , or lamented , all our lot !
T
:
Young's night-Thoughts.
I
U languis donc dans la triſteſſe.
Ami , ton épouſe n'eſt plus ! *
Et pour conſoler ta tendreſſe ,
Aujourd'hui le ciel ne te laiſſe
:
* M. le Comte du Myrat a perdu le 16 Novembre fon
épouse , fille de M. le Marquis des Gouttes , Chef
d'Eſcadre.
N°. 6 , to Février 1787. C
so
MERCURE
Qre tes larmes & tes vertus .
Malgré les cris de l'hyménée ,
Son inexorable courroux
Brife la chaîne fortunée
Que le plaifir filoit pour vous.
Loin de ta couche folitaire
Le Dieu qu'on adore à Cythère
Va donc s'exiler pour jamais ,
Et dans une urne funéraire
Cacher la pointe de ſes traits ?
Deux fois la fortune jalouſe
Se plaît à rompre tes amours ;
Tu fais le bonheur d'une épouſe ,
Et le bonheur te fuit toujours !
Si de l'Hymen un tendre gage
Devoit conſoler tes vieux ans ;
Si dans les bras de tes enfans
Tu pouvois chérir ſon image ,
Retrouver ſes embraſſemens ! .....
Non , ton épouſe toute entière
Du trépas éprouve l'horreur ,
Et jamais le doux nom de père
Ne fera palpiter ton coeur,
Dans ta folitaire demeure
Gémis, gémis ſur ton malheur ;
Vas, tout un peuple qui la pleure
Juſtifie aſſez ta douleur.
Par un événement funeste ,
DE FRANCE.
SI
Si le ciel veut nous éprouver ,
Les pleurs font un bien qui nous reſte ,
Le fort ne peut nous l'enlever.,
Dans le ſein d'une nuit tranquille ,
Quand la lune , au diſque argenté,
Tremble ſur une onde mobile
Où ſon éclat eſt répété ,
Privé de l'objet qu'il adore ,-
L'amant ne ſe plaît qu'à gémir;
Souvent il croit l'entendre encore
Errer , lui répondre & s'enfuir.
Ce trifte& féduifant preſtige
Trompe ſa peine & ſon ennui ;
Les lieux où ſon ombre voltige
Ont toujours des charmes pour lui.
Enfin un nouveau goût remplace
Des ſouvenirs trop déchirans;
L'amour , la douleur , tout s'efface ,
Etjuſqu'à la dernière trace
Difparoît ſous les pas du temps.
HÉLAS! de ſes triſtes ravages
Mon front n'a pu ſe garantir ,
Et d'irréparables outrages
Tous les jours viennent le flétrir ;
Parune empreinte ineffaçable
Il effarouche le plaifir ,
Et ſur ſon alle infatigable
1
Cij
52. MERCURE
Chaque inſtant m'emporte undefir.
Il me fuit ce monde frivole
Où j'aimois tant à m'engager ,
Et ma jeuneſſe qui s'envole
M'avertit de n'y plus fonger.
Heureux , de la philoſophie
Qui ſait écouter la leçon !
Plusheureux qui peut fans envie
Cueillir à la fin de ſa vie
Les fleurs de la jeune ſaiſon ,
Et des grelots de la folie
Étourdir l'auſtère raiſon !
A des preſtiges agréables
Pourquoi dérober nos vieux jours ?
Et fi les rêves ſont aimables ,
Pourquoi ne pas rêver toujours ?
Douces erreurs de mon jeune âge
Si vous me fuyez ſans retour ,
Que l'amitié me dédommage)
Des pertes qu'éprouve l'Amour,
DANS ma paiſible folitude
Je ne demande rien aux Dieux
Si je puis , au gré de mes voeux ,
Unir aux charmes de l'étude
Tes entretiens délicieux .
Nous rirons de chaque ſottiſe
Qu'un nouvel an ramènera ;
DE FRANCE.
53
Quatre-vingt- lept , quoiqu'on en dife ,
Comme ſa ſoeur radotera.
•
Pour faire pâmer nos coquettes ,
Meſmer du tombeau ſortira.
Nous verrons les François crédules
Très-pieuſement applaudir
Ade très -profonds ſomnambules
Qui leur prédiront l'avenir ;
Pour des maîtreſſes ſurannées
Tous nos Romanciers beaux- eſprits
Inonder la Cour & Paris
De leurs Brochures pomponées ;
Des petits- maîtres ſans crédit
Dénigrer * * & ***,
Lorſque la France les chérit.
Ami , notre ſiècle vicillit ,
Ne faut il pas qu'il déraiſonne ?
Tandis que les foibles humains ,
Ainſi que l'inconſtant nuage
Promènent leurs voeux incertaine ;
Tranquille , à l'abri de l'orage ,
Dans l'indifférence du ſage ,
Je vais couler des jours ſereins.
On verra dans mon hermitage
Monteſquieu , Nicole & Raynal ,
L'Auteur harmonieux d'Armide
Cij
54 MERCURE
EntreBolingbrook & Paſchal ,
Et ſouvent les calculs d'Euclide
Ala ſuite d'un madrigal ;
Mais fi la parque meurtrière
De mes jours ércint le flambeau ,
Puiffe la main qui m'eſt ſi chère
Graver ces mots ſur mon tombeau :
Ilfut humain , tendre &fincère ,
Son coeur refpecta la vertu .
Puiffe alors l'aimable Glycère
Confoler un frère éperdu ,
Et d'une larme tributaire
Honorer la froide poufſière
De l'ami qu'elle aura perdu.
(Par M. de Laurenval, à Moulins. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eft Paſſage ; celui
de l'Enigme eſt Coucou ; celui du Logogryphe
eſt Proverbe , où l'on trouve verbe ,
père ver , porc.
MON
CHARADE.
ON dernier, s'il eſt mon premier,
Plaît plus que s'il eſt mon entier.
DE FRANCE.
SS
ÉNIGME.
LECTEUR, JECTEUR, nous ſommes deux jumeaux
Qui, ſans jamais être rivaux ,
Paſſfons toutes nos nuits avec les mêmes belles .
Mais quoi que nous ſoyons d'un autre ſexe qu'elles ,
Et que nous poſſédions leurs plus ſecrets appas ,
Leurs maris ne redoutent pas
Que nous les rendions infidelles.
(Par M. de C. , à Poitiers. )
LOGOGRYPΗ Ε.
Tous les Rois de la terre, ainſi que lacanaille,
Éprouvent fans égard mes piquantes rigueurs.
Les timides qu'ils font! pour toute repréſaille ,
Plus je leur fais de mal , plus j'en ai de douceurs.
Sur cinq pieds, cher Lecteur , je voyage en ce monde,
En les décompoſant , ta curiofité
Y trouvera le nom de l'empire de l'onde;
Dans les cités toujours un chemin fréquenté;
L'appui de ta maiſon , ou bien ſon enveloppe;
AParis comme à Londre un breuvage adopté ;
Plas un fruit teint du ſang de Pyrame & Thisbé ;
Enfin un fage Anglois révéré dans l'Europe .
( Par M. du Rion. )
Cav
$6 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LETTRES à M. Bailly , fur l'Histoire
primitive de la Grèce , par M. Rabaut de
Saint-Étienne.AParis , chez Debure l'aîné,
quai des Auguſtins , 1787. in- 8 °. 1
CES Lettres de M. Rabaut de Saint-Étienne
à M. Bailly feront , pour la réputation littéraire
de leur Auteur , ce que les Lettres de
M. Bailly à M. de Voltaire ont été pour la
fienne ; elles annoncent beaucoup de talent
pour écrire , pour difcuter , pour perfuader;
& fi nous ajoutons : ou pour éblouir , c'eſt
afin de ne pas paroître prononcer ſur une
queſtion qui va ſans doute exciter bien des
débats. Les Savans n'aiment point à être troublés
dans leurs opinions , ils n'aiment point
à voir ramener au doute & à l'examen , ou
même réfuter ſans reſpect pour leurs décifions
, des objets ſur leſquels ces décifions
mêmes tenoient lieu de ſcience &de vérité.
Leurs raiſons , pour s'oppofer en pareil cas
auxdécouvertes nouvelles , font celles qu'Horace
a fi bien vues :
Vel quia nil rectum nisi quod placuitfibi ducunt ,
Vel quia turpe putant parere minoribus , & qua
Imberbes didicere ,Senes perdenda faterin
DE FRANCE.
57
Le même Horace a dit :
Genus irritabile vatum.
La race irritable des Poëtes , celle des Savans
ne l'eſt pas mal auſſi , M. de Saint-Étienne va
l'éprouver peut-être ; en tout cas , il peut
dire comme Acomat :
J'ai ſu leur préparer des craintes & des veilles ,
Et le bruit en ira bientôt à leurs oreilles.
M. de Gébelin avoit déjà expliqué une
partie de la Fable par l'allégorie ; M. Dupuis ,
Profeſſeur de Rhétorique au Collége de Lizieux
, ſavant plein d'eſprit & de feu , prépare
un grand Ouvrage , où il explique la
fable & l'origine de l'idolâtrie par l'attronomie
, il a déjà donné lui-même une idée de
ce travail, dans pluſieurs Lettres für cetre
* matière , inférées dans le Journal des Savans ,
Juin 1779, ſecond vol.; Octobre & Décemb.
1er vol. , même année 1779 ; Février 1780 ;
Décembre , fecond vol. 1784 ; pluſieurs Savans
l'ont applaudi , pluſieurs ſe ſont plaint
qu'il renverſoit toutes les idées reçues ; c'eſt
•ainſi que dans la carrière de la Philofophie &
des Lettres , on marche toujours per convicia
& laudes ; mais il faut marcher.
Voilà M. de Saint-Étienne qui marche , &
qui marche à grands pas ; il en fait faire de
nouveaux à l'allégorie , il lui ſacrifie toute
P'hiſtoire primitive de la Grèce , en s'appuyant
fur le peuple primitif de M. Bailly , dont
l'existence lui paroît avoir été démontrée par
Cv
18 MERCURE
ce ſavant aimable ; quand on dit démontrée,
lar eftriction ſe fait d elle même, c'eſt demontree
autant que ces objets font fufceptables de
demonftration , autant que l'erudition , aidée
de Leaucoup d'eſprit , peut demontrer des
faits dont les monumens ont peri ou font devenus
inexplicables " Vous etabliffez votre
ود opinion avec tant d'adreſſe , a dit M. de
Condorcet à M. Bailly , " vous l'avez telle-
>> ment enbellie par des details ingénieux ,
>> qu'on a de la peine à s'empecher de l'adop-
>> ter. On eft de votre avis tant qu'on a votre
ود
ود
Livre entre les mains , & il faut le quitter
pour avoir la force de ſe défendre contre
vous, "
On s'eſt donné bien de la peine pour rechercher
& demêler juſqu'à quel point dans
les origines grecques & dans l'hiſtoire des
temps héroïques , la fable eſt mêlee avec l'hiſtoire;
M. de Saint Étienne abrège bien l'Ouvrage
, tout eft fabuleux Voici en ſubſtance
comment il explique la choſe.
L'écriture hiéroglyphique a précédé l'écriture
alphabétique , on a peint les objets avant
de peindre les fons qui en retracent l'idée.
Les objets de la Nature furent les élémens de
Pécriture hiéroglyphique. Elle fut d'abord
très-fimple; elle ſe contenta de figurer bien.
ou mal , délicatement ou groffièrement , l'objet
qu'elle avoit à faire connoître ; mais quand
on eut beſoin d'écrire les idées abſtraites &
les chofes que l'oeil ne voit pas, on ſe ſervit
des élémens qu'on avoit,& ce fut encore la
-
DE FRANCE.
19
Nature qui fournit les caractères. Un lion
deffiné fignifioit ardeur , courage ; le monde
étoit repréſenté par un ferpent qui mord fa
queue ; une femme veuve étoit une colombe
noire; un homme que le malheur a rendufage,
étoit figuré par un taureau lié à un figuier
ſauvage , parce qu'on croyoit que cet animal
y perdoit toute la fureur; à meſure que ce
langagedevint plus étendu & plus compliqué,
il devint plus équivoque & plus obfcur , il
devint par degrés tout emblématique , tout
métaphorique , tout allégorique ; il fallut pour
les Sciences un langage plus ſimple & plus
exact ; l'écriture alphabétique remplaça donc
l'écriture hiéroglyphique , & celle-ci ne fut
plus entendue; car à fon obſcurité naturelle
ſe joignoit la perte de toutes les facilités que
l'habitude & l'uſage continuel de l'allégorie
donnoient autrefois pour l'entendre.
Tous nos Livres les plus anciens , à commencer
par ceux de Moïſe , étant en écriture
alphabétique , le temps où l'écriture hiéroglyphique
& pittoreſque étoit en uſage , doit
être fort reculé , ce qui nous renvoye au peuple
primitifde M. Bailly .
Mais c'eſt de l'Histoire Primitive de la
Grèce qu'il s'agit ; elle aura toute l'antiquité
qu'on voudra: M. de Saint Étienne met fur
cela les Savans bien à leur aiſe , il les délivre
des fers de la chronologie dont ils s'étoient
chargés bien gratuitement. Toute cette Hiftoire
eſt dans le ci. 1, elle eſt auſſi ſur la terre ,
mais fans faits & fans perſonnages ; en un
Cvj
60 MERCURE
mot, c'eſt de la Géographie & de l'Aſtronomie
qu'on a pris pour de l'Hiſtoire à la faveur
du langage hiéroglyphique. Ce langage eſt
par-tout celui des origines grecques. " Tout
"
ود
y eft perſonnifié , tout y a de la vie & de
l'action. Le ſoleil qui éclaire le monde eſt
>> un Dieu plein de jeuneſſe & de vigueur :
>> porté ſur un char , & traîné par des che-
>> vaux qui ſoufflent la flamme , il répand des
20 flots de lumière dans l'Univers. Ses rayons
>> font des flèches dont il perce ſes ennemis ;
>> un arc eſt dans ſes mains , & fon carquois
ود retentit ſur ſes épaules. Quand ce Dieu
>>paroît le matin pour éclairer la terre , il
ود
ود
ود
fort de fon palais , les portes s'ouvrent , une
>>jeune Déeſſe le précède , dont les doigts de
>> roſes sèment des fleurs , & dont les beaux
>> yeux verſent des larmes. Douze jeunes
>> filles , qu'on reconnoît aifément pour être
>>>des foeurs , accompagnent ſa marche ; ce
font les heures qui , courant avec lui , mefureront
ſes pas , & diviſeront la journée.
» Arrivé à la fin de ſa courſe, le palais d'une
>>> autre Déeſſe s'ouvre à lui , & Téthis le re-
>> çoit dans ſon ſein. Alors deux autres Déités
>> prennent ſa place dans le ciel; la Nuit aux
>> aîles noires , au char lugubre , parfemé de
>> ſaphirs ; & Phébé , ſoeur aimable du blond
➡ Phébus , armée comme lui d'un arc & de
>> flèches , & qui , pourſuivie par les aftres ,
fes amans , leur échappe toujours dans ſa
courſe incertaine. »
"
On voit par ce morceau", pour l'obſerver
DE FRANCE. 61
en paſſant , que l'Auteur fait parler la langue
poétique ; mais fuivons le fil de ſes idées.
Ce langage métaphorique , dont les peuples
anciens ſe ſervirent pour parler des
grands phénomènes de la Nature , fut employé
aufli pour de moindres phénomènes ,
&il varia felon les peuples & les pays. Ici , le
foleil fut frère de la lune ; là , il fut fon époux
qui la fécondoit de ſes rayons; non-feulement
la courſe journalière du ſoleil , mais tous ſes
pas , toutes ſes apparences , tous ſes changemens,
fon arrivée au Nord, ſes pas rétrogradés
vers le Midi, tout fut marqué par des figures
différentes. Ici , on peignoit , on racontoit ,
on chantoit les voyages du Roi céleſte d'Orient
en Occident , ceux du Nord au Midi , ſa defcente
chez Pluton & fon retour ſur la terre;
là , Pluton , Jupiter , Hélios & Bacchus furent
les quatre ſoleils des quatre ſaiſons . Ici ,
le zodiaque & ſes douze ſignes fut Hercule
& ſes douze travaux; là , ces douze fignes
furent douze maiſons , dont chacune eft habitée
par un animal, deux ourſes au pôle , un
bouvier qui paît le troupeau du ciel , un chien
qui le garde , un char au Nord , & fon charretier
qui le conduit , cet impie Salmonée ,
qui tonne fous le pôle , & fe croit l'égal de
Jupiter. Des Guerriers, des Géans , des Rois ,
des Princeſſes figurent les différentes conftellations;
les ſept étoiles qui compoſent la
Pleïade , étoient ſept ſoeurs , dont Pleïone
étoit la mère , & dont Atlas , qui porte le
ciel, étoit le père. Les Hyades, ou Pluvieuſes,
62 MERCURE
verſoient des pleurs , c'est ainſi qu'on défignoir
leur influence : elles déploroient la
perte de Phaeton , qui, ayant voula conduire
le cha
د
char du Soleil , fon père , s'égara dans la
voie lactee , qu'il traverſa, & qui ſe termine
dans la conftellation de l' Éridan , fleuve dans
lequel il tomba foudroyé par Jupiter. Perjée,
avec fon glaive & fon égide; Céphée , avec
fon fceptre ; la brune Caffiopée affiſe fur
fon trône; la malheureuſe Andromède , attachée
à un roc près de la baleine , qui va la
dévorer , tout cela eſt du méme genre , de la
langue allégorique & hiéroglyphique ; les
peuples qui dépeignirent ainſi , ſous des figures
animées , les aftres & les conftellations ,
employèrent la même écriture & le même
langage pour déſigner leurs aſpects , leurs
conjonctions , leurs oppofitions , & tous les
phénomènes journaliers qu'ils préfentent ;
tous leurs rapports furent des aventures.L'aftre
qui en éclipſoit un autre le tuoit; la conftellation
, qui , en ſe levant , en faifoit difparoître
une autre, la tuoit; le perfonnage (c'eftà-
dire l'Aſtré ) difparoiſſant, defcendoit dans
les enfers , tandis que ceux qui régnoient en
fon abfence fur l'hémisphère , y éprouvoient
autant d'aventures qu'il leur arrivoit de changemens:
dela les métamorphoſes chantées
par Ovide , & mal expliquées , ſelon M. de
Saint-Étienne , par l'Abbé Banier.
Dans ce lungage hiéroglyphique , qui ,
comme M. Goguet l'avoit déjà ſoupçonné ,
fut employé pour conftater les premières ob
DE FRANCE. 63
ſervations aſtronomiques , au défaut de l'écriture
alphabetique , qui n'exiſtoit pas encore ,
les chofes abſtraites font toujours déſignées
par des ètres phyſiques , c'eſt le génie de cette
langue ; le pôle , par des gonds fur leſquels
tourne le monde; les points folſticiaux , par
les colonnes que plantèrent Hercule , Bacchus
, Séſoftris ; l'écliptique par deux ferpens;
l'horizon , qui voit les deux hémifphères
, par Anubis , qui garde les deux côtés
du ciel ; le ciel étoilé , qui a toujours les yeux
ouverts ſur la lune , par Argus aux cent yeux ,
qui garde la vache Io ; l'équinoxe , par une
balance ; le Zodiaque, qui ceint le ciel , par
une ceinture; les autres cercles du ciel , par
des ceintures aufli , ou des zones ; les Cycles
même devinrent des perſonnages dans cette
écriture& ce langage animés. Le Cycle Hebdomadaire
étoit figuré par Saturne; le Cycle
annuel par Jarus au double viſage , qui voyoit
devant & derrière lui , &dont la clefouvroit
l'année ; un Cycle plus conſidérable , par la
mort & la renaiſſance du phénix.
La plupart de ces ſignes étoient des hommes
, des Héros , des Dieux ; en conféquence
tous les rapports des objets déſignés étant
des aventures , on eut l'hiſtoire & les généalogies
bien complettes & bien ſuivies de ces
Dieux&de ces Héros. Il arriva un temps où
la langue hiéroglyphe n'étant plus entendue ,
la relation du ſigne à la choſe déſignée fur
entièrement perdue ; on ne vit plus dans les
perſonnages métaphoriques que des perfone
64 MERCURE
nages réels,dont oncrut avoir la généalogie
&l'hiſtoire, chargées ſeulement quelquefois
de circonstances impoflibles. Voilà les antiquités
grecques; voilà l'Hiſtoire Primitive de
laGrèce.
C'eſt à peu-près comme ſi un jour toutes
les notions étant changées ou perdues , on
s'aviſoit de prendre à la lettre ces vers de
M. de Voltaire fur les Académiciens qui allèrent
, les uns au Pérou, les autres au Nord,
pour déterminer la figure de la terre :
Les aſtres étonnés dans leur oblique courſe ,
Legrand, le petit chien,&le cheval & l'ourſe ,
Se diſentl'un à l'autre , en langage des cieux :
Certes, ces gens ſont fous , ou ces gens font des
Dieux.
L'hiſtoire de tous ces animaux aſtronomiques
n'étoit pas plus réelle que ce jugement
qu'on leur attribue ſur la ſavante expédition
des Académiciens .
Les Savans qui ont expliqué ces antiquités ,
notamment l'Abbé Banier , ont bien vu que
les aventures attribuées à pluſieurs de ces
Héros & de ces Dieux , ſuppoſés changés en
aftres , ne pouvoient pas être réelles ; ils ont
pris le parti de ne pas croire les aventures ,
mais d'adopter les perſonnages ; & des Chronologiſtes
ont même fixé le temps précis où
ils vivoient , & l'époque de quelques- unes de
leurs actions.
M. de Saint-Étienne , au contraire , con
DE FRANCE. 65
ſerve très-foigneuſement les aventures , parce
qu'elles font de toute vérité , n'étant que des
emblêmes du ſyſtème du ciel , & il rejette les
perſonnages , comme étant purement emblématiques&
métaphoriques.
Toutes ces aventures ſi incroyables , ces
métamorphofes , ces morts , ces réfurrections
, toutes ces merveilles , font exactement
vraies; mais elles ſe ſont paffées , ſe paſſent
& ſe paſſeront dans le ciel , les perſonnages
n'ont vécu nulle part. C'eſt l'écriture hiéroglyphique
qui leur a donné l'exiſtence .
Voilà pour le ciel; c'eſt abſolument la
même choſe ſur la terre : les héros céleftes
n'étoient que de l'aſtronomie , les héros terreftres
ne font que de la géographie.
C'eſt toujours ce caractère hiéroglyphique
qui perſonnifie tout , qui anime tour. " Les
vents font des perſonnages aîlés qui , for- ود
ود tant de la caverne où leur Roi les tenoit
>> enfermés , ſe répandoient ſur la terre &
>>les mers. L'arc en- ciel, ſigne du calme qui
> doit ſuccéder à la tempête , étoit la mella-
>> gère aîlée de Junon. Sa robe étoit peinte de
ود mille couleurs. »ود
Mille trahens varios , adverſo ſole , colores .
Les vents peftilentiels étoient des harpies ſales
& infectes. L'aurore & le crépuscule , le matin&
le foir, le levant& le couchant , étoient
figurés par des perſonnages , & leurs rapports
phyſiques donnèrent lieu à ces récits d'aventures
amoureuſes, de paffions , de guerres ,
66 MERCURE
&c. dont lamythologie eſt pleine. Les fleuves
font auſſi des perſonnages dont le front étoit
couronné de roſeaux , & qui
Appuyés d'une main fur leur urne penchante ,
Dormoient au bruit flatteur de leur onde naiſſante.
Les fontaines étoient des Nymphes , dont
l'union myſtérieuſe avec les Heuves donna
lieude parler de leurs amours allégoriques ,
&dont les Rois ſe firent gloire de deſcendre.
Les Villes , les Provinces , les Royaumes ,
les Ifles , les montagnes , les volcans , les
gouffres , les rochers , les écueils devinrent ,
ou des perſonnages bienfaifans , ou des monftres
ou des géans , ſelon leurs qualités phyſiques.
La mer fut ici la Déeffe Téthis ou la
belle Amphitrite; là , le vieil Océan , père
des fleuves; ou Nérée, le Dieu fincère , &
qui laiflèpénétrerdans ſon ſein; ou Neptune,
qui ébranle la terre avec ſon trident , ou le
vénérable Pontus. La terre , figurée comme
une mère féconde , fut Ops ou Khez ; couverte
de villes , & le front orné de tours , ce
fut Cybèle.
Berecynthia mater
Invehitur curru Phrygias turrita per urbes .
:
Les promontoires ou caps furent des têtes de
géans ou de monftres , les montagnes , des
géans, les volcans, des Cyclopes , qui n'avoient
qu'un oeil au milieu du front , image ſenſible
du Cratère , & qui forgeoient la foudre , emblême
très fignificatifde la foudre qu'ils lan-
-
DE FRANCE. 67
çoient eux-mêmes : par-tout où vous verrez
d'énormes géans jeter des montagnes contre
le ciel pour l'eſcalader & détroner les Dieux ,
comprenez qu'il y a eu des volcans, des tremblemens
de terre , des renverſemens , de
grandes révolutions phyſiques : Polypheme
étoit l'Etna , les Cyclopes , fes frères , étoient
les autres montagnes de la Sicile , autrefois
volcaniques.
Etneos fratres , coelo capita altaferentes.
C'eſt dans cette Ifle qu'étoient les antres de
Vulcain.
Les marais peftilentiels font toujours des
ferpens venimeux , & en effet ils en pro- '
duifent.
Plus les objets phyſiques & géographiques
ont de rapports avec les hommes , plus ils
figurent dans les origines grecques. Le ſyſtême
hiéroglyphique avoit fait imaginer les
Dryades , les Hainadryades , les Orendes , &
ce peuple aimable de jeunes Nymphes cachées
, diſoit- on , ſous l'écorce des arbres ;
mais ces Nymphes des arbres & des montagnes
ne jouent pas un rôle actif & brillant
dans les origines grecques , parce que les objets
qu'elles figuroient avoient moins de rapports
avec les hommes , mais les Nayades ,
les charmantes Nymphes des eaux rempliffent
toute cette Hiſtoire ; & c'eſt à leur complaiſance
pour les fleuves leurs voiſins , ou à
leurs liaiſons avec les montagnes d'où couloient
ces eaux , qu'on doit la plus grande
68 MERCURE
partiedesPrinces&des Héros de la Mythologie.
C'eſt que les Grecs primitifs les appeloient
les mères des bourgades qu'ils avoient
bâties ſur leurs bords , & auxquelles ſouvent
ilsdonnoient lemême nom. Bienfaitrices du
pays, elles furent appelées les nourrices des
Dieux, parce qu'elles l'étoient des hommes.
Huitfontainesen Arcadie,ſouslenomdeNymphes,
paffoient pour les nourrices de Jupiter.
Preſque tous les grands fleuves furent des
Rois & des fondateurs de villes & d'États ,
parce qu'on bâtiſfoit des villes ſur les bords
de ces fleuves. Inachus & Phoronée en Argolide
, Acheloüs en Étolie , Æſon & Pénée
en Theffalie , Augias en Élide , Eurotas en
Laconie , étoient des fleuves , on en a fait
des hommes. Pénée étoit père de Daphné ,
parce qu'il y avoit beaucoup de lauriers fur
fes bords; Inachus étoit-père d'Io , peut- être
à caufe des pâturages qu'on trouvoit près de
ce fleuve. Dans la Thrace , les géans Athos ,
Pallène , Mimas , Typhée , & les terribles
fils d'Alous ,
Hic& Aloïdas geminos , immania vidi
Corpora
ſont des montagnes du pays; le Roi Phlégias
ou le brûlant, ſous le règne duquel on place
la guerre des géans contre les Dieux , eſt le
ſouverain de la contrée , le pays s'appelle
l'Istiée , la brûlée, les champs Phlégréens ou
brûlés. Encelade , Briarée , Ægéon , Gygès
font dans la Sicile .
DE FRANCE. 69
L'Auteur parcourt les fleuves , les montagnes,
les écueils , les promontoires , &c. des
différentes contrées : par- tout il accumule ſes
preuves , par- tout il trouve ainſi la géographie
déguiſée en Hiſtoire ,& tout s'explique
toujours par l'erreur qu'a fait naître l'écriture
hiéroglyphique , lorſqu'elle a celfé de pouvoir
être lue & entendue.
Mais un Roi ne peut- il pas avoir donné fon
nom à un fleuve , à une montagne , à un
promontoire ? Oui , dit l'Auteur , à toute rigueur
la choſe eſt poſſible; mais que preſque
tous les Rois en ayent fait autant , que leurs
fils ayent donné leurs noms aux montagnes
voiſines , d'autres aux plantes de leurs jardinsi
ou aux arbres de leurs forêts , d'autres aux..
oiſeaux du pays; que leurs filles ayent donné
les leurs à des fleurs , à des inſectes , à des
fontaines , à des rivières , à des prairies , à des
villes , à des ifles , & toujours ou preſque toujours
ſuivant des rapports géographiques évidens
, c'eſt ce que l'Auteur ſoutient ne pouvoir
s'expliquer que par la géographie , déguiſée
en hiſtoire à la manière hiéroglyphique.
Mais comment des généalogies ſi détaillées
& fi complettes , des hiſtoires ſi bien ſuivies
, fi bien liées dans leurs cauſes & leurs
effets , n'auroient- elles pas au moins un fonds
de vérité ? Les marbres d'Arondel portent le
nom de Cécrops , ils ont fixé le temps où il
a vécu ; voilà une vérité hiſtorique.
Fortbien , répond l'Auteur ; mais Cécrops
70
MERCURE
avoit deux corps ,&il étoit ferpent de la ceinture
en bas ; ce qui ne peut certainement
avoir de ſens raiſonnable que dans l'allégorie.
On réplique que ces circonstances font fabuleuſes
, mais que l'exiſtence de Cécrops eft
prouvée.
Eh bien ! s'il a exiſté , les trois filles que
la fable lui donne , & dont l'une (Herſe) a
époufé Mercure , ont aufli exiſté ;& voici leur
hiftoire. Minerve leur avoit confié la garde
du cocher céleste , du petit Érichtonius , né
ſans mère ,
Prolemfinematre creatam.
Elles ouvrirent la boëte où étoit renfermé
cet Érichtonius ; mais il leur fit tant de peur,
qu'elles montèrent toutes les trois au haut
d'une tour , & ſe précipitèrent. Tout cela eftil
vrai dans le ſens naturel ?
Non ; mais il n'y a qu'à retrancher le fabuleux
, le merveilleux , & s'en tenir au vrai ,
répondent ceux qui regardent la fable comme
une hiſtoire altérée.
M. de Saint-Érienne ſe moque de cette
méthode facile , qui choiſit ce qui lui plaît ,
admet comme vrai ce qui n'eſt pas abſolument
impoſſible ,& rejette l'impoffible fans
en rien conclure contre l'autorité hiſtorique
qui préſente ainſi indiſtinctement le vrai &
le faux, le poſſible & l'abſurde. « Il n'y a ,
" dit- il , en tout genre , qu'à retrancher la
» fable , ce qui reſte eſt évidemment une
» vérité. Diſons que le petit poucer n'étoit
DE FRANCE.
71
>> pas petit , que l'ogre qui devoit le dévorer
» n'étoit pas un géant , que les bottes de
>> ſept lieues ſignifient que l'ogre étoit léger
ود àla courſe , » &nous pourrons avoir, aulieu
d'un conte intéreſſant & invraiſemblable
, une hiſtoire infipide & véritable.
On pourroit , ajoute M. de Saint- Étienne ,
on pourroit avec cette fauſſe méthode , faire
une hiſtoire très-ſuivie de toute la Bibliothèque
des Romans ; on réduiroit les géans à la
taille ordinaire ; on diroit que les chevaux
aîlés & les hippogriffes ſont des vaiſſeaux;
on nieroit tout fimplemeut les enchantemens
& les prodiges ; " après quoi l'on auroit des
>> mariages , des parentés , des ſynchronif-
- mes entre les Amadis , les Roland , les Lan-
„ celot& les Gauvain .»
1
Au reſte , en réduiſant la mythologie à
l'allégorie , on ne lui fait perdre aucun de ſes
agrémens , on n'ôte rien à ces charmantes illufrons.
" Les Boucher crayonneront toujours
>> avec plaifir la mère des Amours, & les Di-
ود
ود
vinités qui diſputent la pomme , & les
Grâces modeftes qui détournent , en rou-
>> giffant , leurs regards. Tendre Racine , au
>> ſon de ta mélodie enchantereſſe , nous irons
>>>toujours verſer des pleurs ſur la veuve
" d'Hector & fur l'intereſſante Iphigénie !
>> Tranſportés dans l'ifle de Lemnos , nous
>> nous attendrirons encore fur l'exil & les
>> douleurs de Philoctète. »
Le ſyſtême de l'Auteur , qui ſe trouve conforme
à celui de M. de Gebelin , fur-tout à
72 MERCURE
,
ont
celui de M. Dupuis , & de quelques autres
Savans , rentre dans celui de M. Bailly , en ce
que M. de Saint- Étienne regarde les allégories
comme étrangères auxNations , qui , en ayant
compofé leurs antiquités hiſtoriques
prouvé par cela même qu'elles n'en avoient
pas l'intelligence ; c'eſt donc au peuple primitif
deM. Bailly qu'appartient, felon M. de
Saint-Étienne , ce règne de l'allégorie & de,
l'écriture hiéroglyphique. Il nous reſteroit ,
dit-il , à faire un Ouvrage immenfe , mais
dans lequel nous ſerions animés par de grandes
eſpérances. Les caractères de l'écriture du
peuple primitif étant une fois reconnus , il
faudroit en raffembler les monumens, diftinguer
ce qui eſt écrit d'une manière figurée,
& le rapporter à cette époque; " prendre
>>chez chaque peuple les traditions religieu-
>>ſes conſacrées par cette écriture , & dont
>> ce peuple ignoroit l'origine ; étudier fur-
>>tout les traditions communes , en ſe per-
>>- ſuadant bien que des traditions ſemblables..
>>>ne s'inventent pas , mais qu'elles ſe tranf...
> mettent. » Ce que tous les peuples auront..
reçu leur fera viſiblement étranger, & nous..
le rapporterons à leurs prédéceſſeurs .
C'eſt à celui qui a conçu l'idée de cet.
Ouvrage à l'exécuter ; celui qu'il donne aujourd'hui
montre combien il en eft capable , ..
& c'eſt preſque déjà remplir cette idéequz.e..
de la préſenter d'une manière ſi philofophique.
En général , c'eſt un beau monument &
de poéfie & de philofophie que ces Lettres ,
&
DE FRANCE.
78
&il pourroit bien réſulter de tout ceci une
grande révolution dans les opinions des Savans&
dans les connoiſſances humaines.
Pour ne pas laiſſer tant d'éloges ſans critiques
, nous croyons appercevoir dans la note
de la page 441 , une faute de géographie qui
n'eſt pas corrigée dans l'Errata ; on place
dans la Lycie le Mont Corycus , la ville de
Tarſe & le fleuve Cydnus , qui ſont dans la
Cilicie.
ÉTABLISSEMENT d'une Caiſſegénérale des
épargnes du Peuple,fufceptible d'être exé
cutéedans les principaux gouvernemensde
l'Europe,avec cette épigraphe: Quid refert,
liberi,fervi nefint qui indigeant ?Ubicamque
homo eft , ibi beneficio locus eft. Sen,
Prix, 2 liv . 8 fols; àBruxelles , & ſetrouve
à Paris , chez Didot jeune , Imprimeur-Libraire
, quai des Auguſtins ; & les Marchands
de nouveautés.
"
• Les loix autoriſent en Angleterre les afſurances
ſur la vie des hommes; elles ont
» pour objet de conſoler les vivans de la
» perte des morts. M. de la Rocque a eſtimé
> plus précieuſe l'aſſurance qui ſeroit donnée
>> contre les atteintes de la misère , à des
hommes qui perdront un jour avec leurs
forces les moyens qu'ils ont d'exiſter. Cette
>> idée intéreſſoit trop l'humanité , pour qu'il
Nº. 6 , 10 Février 1787.
"
"
D
74 MERCURE
"
>> pût, fans ſe rendre coupable envers elle ,
>> ne pas avoir le-defir de l'approfondir. Il la
>>développedans cet Ouvrage,&pofe comme
> unprincipe avoué, que les Gouvernemens
doivent leurs follicitudes les plus vives à
la claſſe qui forme la portion la plus confidérable
du Peuple , à celle dont les tra-
>> vaux & l'induſtrie font la plus ſolide richeffe
de l'État . L'homme de cette claſſe ,
>> continue-t- il, ne parvient communément
ود
ود
ود
ود à la vieilleſſe, que pour terminer dans la
» misère , des jours juſqu'alors conſervés au
>> prix de ſes fatigues & de ſes ſueurs. Nul
ود
"
ود
moyen d'acquérir n'eſt mis en proportion
>> avec la modicité de ſes ſalaires ; & pour
>> cette raiſon , jamais la vue d'un avenir
>> plus heureux , jamais l'eſpoir , ce puiſſant
confolateurdu reſte des homines , ne vient
adoucir ſon fort. Les hôpitaux ouverts à
>> l'indigence , ne lui offrent qu'un aſyle où
l'humiliation la pourſuit. Ainfi, l'homme .
>> de cette claſſe , condamné dès ſa naiſſance
» aux plus rudes travaux , n'a devant les
>> yeux pour terme de ſes fatigues , que la mi-
>> sère & la honte. »
ود
Of
Pénétré de ces affligeantes idées , l'Auteur
conçoit leplan d'une caiſſe, " où les ſommes les
>> plus modiques deviennent des capitaux plus
» ou moins conſidérables , ſelon la durée de
" leurs progrès. Un nombre infini de vieillards
lui devroient unjour la certitude de
leur exiſtence. Des pères lui ſeroient rede
➤ vables de l'établiſſement de leurs familles,
رد
ود
DE FRANCE.
75
"
ود
Seul artiſan de ſa fortune, l'enfant mis en
>>apprentiſſage & devenu ouvrier , fauroit
lui-même amafler les frais de fa réception.
> àune maîtriſe , ou les premiers deniers qui
>> lui ſeroient néceſſaires pour l'exercice de
ſon induſtrie. » ود
Cette caiffe recevroit , depuis un écu& audeſſus
, toutes les ſommes qu'on voudroit y
placer en viager , en perpétuel ou à terme.
D'après la table cinquième , colonnes troiſième
& quatrième , une piſtole placée
tous les ans en viager depuis la naiſſance ,
vaudroit à l'âge de 40 ans une rente viagère
de 147 liv. , ou un principal de 1889 liv.; à
l'âge de so ans , elle vaudroit une rente viagère
de 342 liv . , ou un principal de 37851.;
à l'âge de 60 ans, elle vaudroit une rente viagère
de 904 liv. , ou un capital de 8227 liv.;
àl'âge de 70 ans , elle vaudroit une rente viagère
de 3067 1. , ou un principal de 20127 1.
" Le pauvre cherche dans la claſſe des
» riches des parrains qui ſoient les patrons
>> de ſes enfans. Cet établiſſement leur préſenteroit
un moyen peu coûteux d'exercer
>> leur bienfaiſance. >>
ソ
D'après lamême table , colonnes troifième
& cinquième , 127 liv. placées ſur la tête
d'un enfantpris à la naiſſance , ou bien 1651.
placées ſur ſa tête à l'âge d'un an , ou bien
181 liv. placées ſur ſatête à l'âge de 3 ans ,
&c. lui vaudroient à l'âge de 40 ans une rente
viagère de 157 liv. , ou un capital de 2018
liv.; à l'âge de 60 ans, une rente viagère de
Dij
76 MERCURE
914 liv. , ou un capital de 8318 liv.; à l'âge
de 70 ans , une rente viagère de 3077 liv. ,
ou un capitalde 20,594 liv.
Onobjecteroit en vainque lepeuple vit ſans
prévoyance. Comme nous, l'homme de cette
>>clafle apporte en naiffant l'amour du bien-
ود être. Mais l'épargnelaplusconſtantedequel-
» ques deniers par jour ou de quelques fols
>> par ſemaine , ne devoit point le rendre
>> propriétaire de domaines ou de rentes ;
> & l'on ne peut point ſars injustice imputer
le défaut d'économie , à qui eût été éco-
>> nome fans fruit: jamais on ne vit aux
>> hommes d'inutiles vertus. »
Si l'on élève ſes vues au-deſſus de la claſſe
qui eſt le principal objet de cet établiſſement ,
on le voit encore étendre les moyens de la
bienfaiſance , & ne demander que des années
pour mettre en fon pouvoir les fondations
les plus difpendieuſes. Le Juge de Norwich
, en 1724 , avoit légué une ſomme de -
96,000 liv. , pour faire , 60, ans après ſa mort,
la fondation d'une école gratuite, qui devoit
coûter 1,800,000 liv. Le teſtament a été
exécuté. *
Une ſomme de 15 à 20 mille liv. placée
à une telle caiſſe , répareroit dans une fai
mille , à la ſeconde ou à la troiſième génération,
les malheurs ou l'inconduite des géné
rations précédentes. D'après la table IXeme ,
une ſomme de 20,000 liv. vaudroit un ca-
* Voyez la Gazette de France du 13 Août 1784.
DE FRANCE. 77
pitalde 180,651 liv. au boutde so ans , ou
de 280,545 liv. au bout de 60 ans , ou de
676,596 liv. au bout de 80 ans , ou enfin de
1,631,755 liv. au bout de 100 ans , l'intérêt
àquatre &demi pour cent.
Le plan de cet établiſſement eſt conçu en
29 principaux articles. Les 2, 3 , 4 & 5, &c.
juſques & y compris le 10 , déterminent
l'emploi des fonds ,&règlent la comptabilité.
Les pages 85 , 86, 87 , &c. juſqu'à la 107 ,
font le commentaire de ces articles. Ses dépenſes
ne ſeroient pas plus conſidérables que
celles des Monts de Piété, qui prêtent des
fommes aufli foibles , & qui ont un double
objet de comptabilité : la caiſſe &le magatin .
Lesarticles 11 , 12, &c. juſques&y compris
le14, fixent pour les placemens en perpétuel
ou à terme, l'intérêtque cette caiſſe pourra accorder;
ils règlent enſuite le taux des rentes
viagères par la durée des rentiers viagers de
la Hollande, des tontiniers de la France &
des habitans de la Suède. Aux termes de ces
articles, il ne ſeroit point payé à cette caiffe
de rentes perpétuelles au-deſſous de so fols,
ni de viagères au- deſſous de 100 fols ; mais
les unes & les autres croîtroient d'année en
année , juſqu'à ce que l'accroiſſement en fût
arrêté par les propriétaires.
L'article XV leur donne encore la faculté
de convertir en perpétuel ce qu'ils auroient en
viager,& réciproquement en viager ce qu'ils
auroient enperpétuel. Il convient de voir dans
l'Ouvrage même , les précautions qui ſont
Duj
78 MERCURE
priſes pour empêcher les converfions que la
crainte d'une mort prochaine feroit demander.
ود
ود
ود
ود
Le préambule veut " que les ſommes placées
à cette caiffe , foient regardées comme
le fang & la ſubſtance la plus pure des
» malheureux. Ce ſeroit le dépôt inviolable
de tout ce que le pauvre poſsède , & l'unique
gage de ſon exiſtence. Ces ſommes ſe-
>> roient affimilées aux rentes qui font le pa-
>> trimoine des hôpitaux, &jouiroient de la
même faveur. »
ود
ود
Les articles 19 , 20 , 21 , 22 & 23 donnent
les moyens de conſerver , en cas de
perte , la propriété des reconnoiffances de
cette caiffe , même de celles au porteur. Si
malgré ces précautions , des ſommes placées
dans cet établiſſement finiffent par ne plus
avoir de propriétaires , elles ſont employées
à des oeuvres d'humanité.
Les articles 16 , 17 & 18 affurent le crédit
de cet établiſſement ſur un fondement inébranlable.
Ils y forment un fonds d'amortifſement
qui fait de tels progrès , qu'en moins
d'un ſiècle , il feroit fix fois plus conſidérable
que la ſomme entière des capitaux pour lefquels
il feroit dû des intérêts ou des rentes.
Les pages 77 , 78 , &c. juſqu'à la 80 , font
le commentaire de ces articles .
M. de la Rocque cite avec reconnoiſſance les
Mathématiciens qui ont été ſes guides , MM.
de Parcieux&de S. Cyran. Je leurdois, dit-
» il, le témoignage public que s'ils n'avoient
DE FRANCE.
79
>> pasécrit , je n'euſſe point fait ce travail, ou
ود bien il eût été plus imparfait.Ainfi , dans
>> cet établiſſement , il eſt un point qui ſera
>> toujours à mes yeux ma propriété la plus
>> chère , c'eſt l'utilité dont il ſera à des
hommes que les ſavans ont oublié dans ود
ود leurs calculs. » L'idée de cet établiſſement
a pris ſa ſource dans l'intérêt que la vue des
misères humaines inſpire. " Un Légiflateur
>> ancien , Lycurgue , avoit inſtitué les facri-
ود
"
fices les plus fimples , afin que le pauvre
eût dans la main de quoi offrir à ſes Dieux;
>>un établiſſement qui mettroit au pouvoir
>>du pauvre les moyens non moins précieux
ود d'affurer ſon exiſtence& fon repos , eſt
>> digne de tout Souverain qui voit ſa famille
ود dans ſon peuple ,& ſes enfans les plus
>> chers dans ſes ſujets les plus infortunés. >>
Deux lettres de l'Auteur avoient annoncé,
dans les mois de Juillet & de Septembre
1785 , l'Ouvrage qu'il donne aujourd'hui.
Elles parurent fans être accompagnées d'aucune
démonſtration ; c'étoient des réſultats.
Les perſonnes qui n'en connoiffoient pas les
principes , ont cru que leurs calculs étoient
deſtitués de fondement. Les tables , les expli.
cations& les méthodes que cet Ouvrage contient
, ſont ſes preuves; elles le rendent véritablement
utile aux perſonnes qui acquièrent
" ou conſtituent des rentes viagères ; aux
>> débiteurs qui veulent ſe libérer par des
›› économies infenfibles; aux perſonnes enfin
Div
80 MERCURE
>> qui acquièrent ou tranſportent des jouiffances
de revenu pour un temps fixe &déterminé.
»
ود
"
Table première. L'Auteur compare la vie
moyenne des habitans de Londres , de ceux
de Breslau & de ceux de Paris , avec la vie
menne des habitans de la Suède , des renmiers
viagers de la Hollande & des tontiniers
de In France. Dans la table deuxième il compare
les divers taux d'intérêts viagers qui réfultentde
ces differens ordres de mortalité.
La table cinquième , colonne troiſième,
donne la rente qui eſt dûe à chaque âge de
la vie juſqu'à l'âge de 80 ans , pour une livte
placée tous les ans en viager depuis la naiffance;
ou pour I liv. 1 ſols 8 den. placés tous
lesansdepuis l'âge d'un an; ou pobuur 1 liv.3fols
3den. placés tous les ans depuis l'âge de deux
ans ; & ainſi à compter de chaque âge. Cette
même colonne donne encore la rente qui eft
dûe à chaque âge de la vie depuis la naiffance
juſqu'à 80 ans , pour 12 liv. 14 fols 8 den.
placés une feule fois à la naiffance ; ou pour
16 liv. 11 ſols placés une ſeule fois à l'âge
d'un an; ou pour 18 liv. I fols 11 den. placés
une ſeule fois à l'âge de deux ans , & ainfi
pour chaque âge , en laiſſant croître la rente
& le capital juſqu'au moment où l'on veut
en jouir. Ceux qui deſireroient des rentes ou
des capitaux 10 fois plus conſidérables , donneroient
10 fois les ſommes indiquées par
les tables , &c.
DE FRANCE. 8г
Les tables contenues dans cet Ouvrage
font au nombrede 14, dont 9 pour le viager,
2pour les placemens en perpétuel ou à terme,
& 3 pour les opérations d'annuités &la
valeurdesjouiſſances engagées pour un terme
fixe, &c.
UNE Année de la Vie du Chevalier de
Faublas; Parties in- 16 . A Londres , & ſe
trouve à Paris , chez l'Auteur ( M. Louver )
rue Quincampoix , au Bureau de la Bonneterie
, & chez les Marchands de Nouveautés.
:
Le ſujet de ce Roman qui n'eſt pas fufceptible
d'être analyſé dans ce Journal , eſt
un très- jeune homme, amoureux d'unejeune
perſonne, qui peut convenir à fon rang& à ſa
fortune , mais qu'on s'obſtine à lui refuſer. Il
eſt tendre ,même quelque temps reſpectueux
avec ſa maîtreffe , & toujours libertin avec
deux ou trois autres femmes; bien attaché à
ſa Sophie , mais ne réſiſtant pas à l'attrait du
plaifir , il emploie les deux moitiés de ſon
temps à aimer fa maîtreſſe , & à lui être infidèle.
Après bien des aventures qui remplifſent
l'action du Roman , il enlève Sophie ,
que l'on confent enfin à lui donner. Cette
année du Chevalier de Faublas eſt fort employée
; & fi le reſte de ſa vie eſt auſſi fécond
en événemens , ſon hiſtoiretera volumineuſe.
Lebut de ce roman n'eſt pas aſſez marqué.
Si l'Auteur a voulu faire voir qu'on peut al
Dy
82 MERCURE
mer une femme ſans lui être fidèle , cette idée
n'eſt ni affez importante , ni affez neuve ; il a
négligé ſouvent de graduer l'intérêt de ſon action;&
il y a quelques invraiſemblances,&des
incidens au moins inutiles. Mais nous dirons,
avec plus de plaiſir encore , qu'il y a du ſtyle ,
de l'eſprit & de l'imagination. On y trouve
des détails de vérité qui prouvent que l'Au .
teur a obſervé le monde & le coeur humain.
La dernière partie fur- tout est bien intriguée ,
rapidement narrée , & l'intérêt en eſt beaucoupplus
vif.
Cer Ouvrage eſt le coup d'eſſai d'un jeune
homme dont le goût deviendra fans doute
plus ſévère ; mais qui , dès ce moment- ci
annonce un véritable talent fait pour étre
encouragé.
د
Nous ne réſiſterons pas à l'envi de citer
un morceau qu'on lira certainement avec
plaifir , & qui fera juger la manière de l'Écrivain.
Lejeune Faub as eſt aimé d'une amie
de ſa ſoeur , & toutes deux font au couvent.
L'ingénuité de la ſoeur qui fait connoître à
fon frère l'amour de fon amie, ſans ſe douter
même que cet amour là exiſte , eſt tout-àfait
intéreffante. Sophie qui connoît ou qui
ſoupçonne les infidélités de Faublas , eſt malade
de chagrin , & montre une forte d'humeur
contre ſon amant ; la naïve Adelaïde
croit qu'elle a ceffe d'avoir pour ſon frère de
l'amitié , car pour l'amour elle n'en a pas le
moindre ſpupçon.
Adélaïde, vous croyez donc que Sophie
1
DE FRANCE. 83
- ne m'aime plus. -* Ah ! mon frère , j'en
ود
ود
ſuis preſque sûre ; tout ce qui ſe rapporte
à vous lui donne de l'humeur , & moi
» j'en ſuis quelquefois la victime .
"
Comment?-
Oui, l'autre jour, quandMonfieur,
que voilà, nous apprit que vous aviez paílé
la nuit toute entière chez Mine la Mar-
>> quiſe deB*** : Eh bien , quand Monfieur
ود
ود fut parti , dès que nous fûmes ſeules , So-
>> phie me dit d'un ton très férieux : votre
» frère n'a pas couché à l'hôtel : il n'est pas
» rangé, votrefrère! cela n'est pas bien....
ود
ود
"
"
ود
Votre frère ! elle me tutoie ordinairement.
Votre frère ! ... Quand même vous feriez
» dérangé, Faublas ,doit- elle ſe facher contre
moi ? Votre frère ! ... Le jour d'après jé
crois que vous avez été au bal maſqué. M.
Perſon nous l'eſt venu dire , car il nous dit
>> tout , M. Perſon. Dès que nous avons été
>> ſeules , Sophie m'a dit : votrefrère s'amuse
» au bal , & nous nous ennuyons ici ! point
>>du tout , lui ai je répondu , on ne s'ennuie
>> point avec ſa bonne amie.... Ha ! oui ,
>> a-t- elle répliqué. Ha ! oui , avec fa bonne
» amie , cela est vrai. Et cependant , mon
>> frère , voyez cette fingularité ; un moment
>> après elle a répété triſtement : il s'amuse
» au bal & nous nous ennuyons ici.... Nous
>> nous ennuyons !&mais , quand cela ſeroit
* Il faut remarquer ici que Sophie n'a pas encore
avoué ſon amour , ce qui rend la ſituation plus pi
quante encore,
Dvj
84 MERCURE
>> vrai , cela n'eſt pas poli , elle ne doit pas le
> dire! ... Ho ! ſi elle n'étoit pas malade ,
>> je lui en voudrois beaucoup. Je me rap-
> pelle encore un trait ; hier vous nous avez.....
>> dit que Mme de B*** étoit jolie. Le ſoir
>>j'ai pourſuivi Sophie & je l'ai forcée de ſe
> promener avec moi. Votre frère , m'a-t-
ود
ود
د
elle dit , car à préſent c'eſt toujours , votre
frère .... Il trouve cette Marquiſeſijolie ,
il eftfans doute amoureux d'elle ? J'ai ré-
>> pondu: ma bonne amie , cela ne ſc peut
> pas , cette Mme de B*** eft mariée. Elle
ود
د
m'a pris la main & elle m'a dit : Adélaïde !
» ah , que tu es heureuſe ! & ily avoit dans
ſon regard , dans ſon ſourire, du dédain
de la pitié. Eft- ce honnête , cela ? ... Ah !
que tu es heureuſe ! ... Hé ! mais sûre-
>> ment, je ſuis heureuſe , je me porte bien ,
ود
ود
20
» moi. »
" Mais , Adélaïde , tout ce que vous me
dites- là ne prouve pas que ma jolie cou-
> fine ne m'aime plus; elle peut être un peu
>> fachée , mais tous les jours on boude les
>> gens qu'on aime. -Ho ! fans doute , s'il
» n'y avoit que cela ! - & qu'y a- t-il donc
encore ?-Eh bien autrefois elle m'entre-
>> tenoit fans ceſſe de vous , elle étoit joyeuſe
ود
ود de vous voir, à préſent elle me parle en-
>> core de mon frère, mais c'eſt ſi rarement
" &d'un ton fi ſérieux ! hier , ne l'avez vous
> pas remarqué ? elle n'a pas dit un mot ,
pas un ſeul mot, pendant que vous étiezlà.
Allez , allez , mon frère , quand on aime
DE FRANCE. 85
>> les gens , on leur parle ! Je vous aſſure
» que ma bonne amie ne vous aime plus ,
» &c. »
-
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE,
DIPE DIPE ACOLONE eſt le titre de l'Opéra
qu'on a repréſenté à ce Théâtre le Jeudi er
de cemois.
Polinice , l'un des fils d'Edipe , devoit
partager avec ſon frère Étéocle le trône de
Thèbes , après en avoir banni ce Prince malheureux,
qui , victime de la fatalité , a tué
fon père Laïus , & épousé Jocaſte , ſa mère,
ſans les connoître ; mais Étéocle , après avoir
régnéune année , refuſe de céder le trône à
ſon frère , ainſi qu'ils en étoient convenus.
Polinice , felon Sophocle , ſe retire à Argos ,
auprès d'Adraſte , qui lui donne ſa fille en
mariage , & , fecondé par ſept Héros Grecs ,
lui promet d'aller mettre le ſiège devant
Thèbes.
a Ce que Sophocle dit d'Adraſte , M.Guillard
, Auteur du Poëme dont nous rendons
compte, l'attribue à Théſée, Roi d'Athènes,
&la Tragédie commence au moment où ce
Prince , qui vient d'accorder à Polinice ſa
fille Éryphile , exhorte ſes Soldats à le ſecourir.
La Scène ſe paſſe devant le temple des
86 MERCURE
Euménides , Déeſſes tutélaires de l'Attique ,
mais formidables , & dont le crime n'oſe approcher.
Theſée propoſe à fon nouveau gendre
de les rendre favorables à ces noeuds , en
leur offrant un ſacrifice ; mais ce Prince ,
tourmenté par ſes remords , craint tout de
leur courroux , & fait devant Theſée l'aveu
de ſa conduite criminelle envers ſon père ,
qu'il a refuſé de recevoir dans ſes États tandis
qu'il régnoit. Le Roi , perfuadé de ſon repentir,
eſpèreque les Déeſſes en feront touchées.
On offre le ſacrifice , on les interroge ; mais
les plus fâcheux augures indiquent leur colère
; leur temple s'ouvre , & les laiſſe voir
elles -mêmes dans une attitude menaçante ;
le peuple conſterné s'enfuit avec les marques
duplus terrible effroi .
Plus agit que jamais par ſes remords , Polinice
ouvre le ſecond Acte :
Le noir venin qui me confume
Me ſuit par- tout, s'attache à ces climats ;
Amon aſpect , des Dieux la vengeance s'allume ,
Etje ſouille la terre où s'impriment mes pas .
Il voit un vieillard aveugle , foutenu par une
jeune fille , defcendre la montagne. Il reconnoît
dans l'une ſa ſoeur Antigone & dans
l'autre Edipe , qui s'étoit privé de la vue ,
comme on fait , pour ſe punir de ſes crimes
involontaires. Polinice ne peut foutenir leur
préſence. Edipe s'arrête accablé de farigue.
•Il paſſe ſes malheurs en revue devant fa fille,
4
DE FRANCE. 87
qui cherche à le conſoler. Il veut mourir.
Vous demandez la mort, lui dit Antigone
avec une ſimplicité touchante :
Que deviendra votre Antigone
Si vous l'abandonnez ?
Elle l'aſſure que le bonheur de le ſervir lui
paroît préférable à l'empire du monde.
Edipe demande où il eſt ; la deſcription
du lieu lui rappelle de douloureux fouvenirs
, & lui rend toutes ſes fureurs. Il croit
voir le ſentier où il a tué ſon père, l'autel où
il a épousé ſa mère , il prend ſa fille pour Jocaſte,
pour Polinice; il ſe calme enfin en la
reconnoiffant. Les habitans de Colone arrivent
, & voyant un étranger ſur un terrein
conſacré aux Eumenides , & fur lequel il
n'étoit pas permis de s'arrêter , veulent l'en
chaffer. Ils l'interrogent. Antigone tremblante
répond pour lui :
Il est homme , il eſt malheureux ,
C'eſt vous en dire affez .
On veut qu'il parle lui-même. Son trouble ,
fon état le font reconnoître pour Edipe , &
la fureur du peuple en eſt augmentée.
Edipe eſt l'ennemi des hommes &des Dieux....
Que ſon coupable aſpect n'infecte plus ces lieux....
Ses enfans ſont ceux de ſa mère :
Point de pitié ; qu'il parte & purge ces États.
1
Théſée arrive , réprime leurs tranſports , &
$8 MERCURE
prend Edipe ſous ſa protection. Refpectable
étranger, lui dit-il,
Pour vous ſervir nous aurons tous
Le zèle & le coeur d'Antigone.
Au troiſième Acte , Polinice , rendu à la
vertu , annonce à ſa ſoeur que le peuple
muriné accuſe Edipe de ſes malheurs , &
demande qu'il ſoit ſacrifié aux Eumenides ;
que la fuite peut ſeule le dérober à leur fureur.
Il ſent en même temps que le ſecours
de cette jeune Princeffe eſt inſuffiſant à ſon
père; il offre , s'il peut en obtenir ſon pardon ,
de partager les foins de ſa ſeoeur , &de renoncer
à ſa vengeance , à ſon trône , à la main
mêmed'Éryphile.
Juge par là, ma foeur , ſi mon coeur ſe repent.
Théſée ramène Edipe , & recommande à
Antigone lacauſede Polinice,qu'ilne nomme
point. Ma fille , dit Edipe ,
Queveut- il & qu'attend-t'il de nous ?
ANTIGONE.
Au fort d'un malheureux ſon grand coeurs'intéreſſe.
DIPE.
Quel eſt cet étranger ?
ANTIGONI.
Il ne l'eſt pas pour nous.
A ce myſtère Edipe reconnoît Polinice , qui
DE FRANCE. 89
tombe à ſes pieds, implore ſon afſiſtance &
lui fait part de ſes projets. Le Roi demeure
inflexible. Il déſavoue Polinice pour ſon fils.
Antigone eſt tout pour lui.
Antigone me reſte , Antigone eſt ma fille';
Elle eſttout pour mon coeur ,ſeule elle eſt ma famille.
Il maudit fon fils,&lui ſouhaite tous les malheurs
qui terminèrent en effet ſon fort. Polinice
les acceptetous, ildeſiremêmeque le ciel
& l'enfer inventent de nouveaux tourmens ,
pourvu qu'ils suffisent àſa peine , qu'il retrouvefon
père enſes derniers momens. Antigone
ſe joint à ſes inſtances. Edipe eſt
ébranlé. La Nature parle; l'eſpoir de retrouver
fon fils repentant achève de le fléchir. Il
pardonne. Expreſſion de leur bonheur. Le
Grand Prêtre vient annoncer que le ciel eſt
Aéchi.
Edipe a pardonné , le ciel pardonne auffi.
L'Hymen de Polinice n'éprouve plus d'obftacle.
Edipe le confirme & le bénit. Le
Peuple témoigne ſa joie.
Edipe en pardonnant a déſarmé les dieux.
Cet Ouvrage a eu un très-grand ſuccès à
la repréſentation. On a trouvé beaucoup d'intérêt
dans le Poëme. Deux ſcènes principales
ont fait une ſenſation très- vive , & une foule
de morceaux de Muſique ont été applaudis
avec tranſport. La perte de Sacchini , Auteur
:
१० MERCURE
de cette Mufique , a excité de nouveaux regrets.
Il a donné dans cet Ouvrage des preuves
d'une énergie dont ne le croyoient pas capable
ceux qui le jugeoient ſans l'avoir étudié.
L'exécution n'a rien laiffé à defirer.
Nous donnerons dans le prochain Nº. de
plus grands détails ſur le Poëme , ſur la Muſique
, ſur les ballets & fur le mérite des Acteurs
qui ont rempli les principaux rôles de
cet Ouvrage.
Cette Tragédie a été ſuivie du ballet du
premier Navigateur, dans lequel on avu avec
tranſport M. Nivelon , dont le Public étoit
privé depuis long- temps.
ANNONCES ET NOTICES.
SUPPLEMENT À l'Edition de l'année 1786 de
l'Almanach général des Marchands , Négocians &
Armateurs de la France , de l'Europe & des autres
paties du Monde , année 1787 , contenant un état
des Villes , Bourgs & autres lieux qui intéreſſent le
Commerce , la nature des productions & des marchandiſes
qui s'y trouvent , & les détails des Manufactures
& Fabriques , &c. , un Volume in- 8 °. de
80 pages.A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Anaftaſe
au Marais , nº . 12 , & chez Belin , Libraire ,
rue Saint Jacques , près Saint Yves. Leſclapart , Libraire
, rue du Roule, près le Pont Neuf, nº. 11 .
L'Auteur de l'Almanach des Marchands n'ayant
pu-donner une ſeconde Édition de cet Ouvrage
DE FRANCE.
91
utile , a cru devoir y ſuppléer par le Supplément que
nous annonçons en applaudiſſant à ſon zèle.
COLLECTION des meilleurs Ouvrages François
composés par des Femmes , dédiée aux Femmes
Françoiſes , par Mlle de Kéralío , 2 Vol . in- 8 ° . A
Paris , chez l'Auteur , rue de Grammont , nº . 17 ,
& chez Lagrange , Libraire , rue Saint-Honoré , visà-
vis le Lycée.
On doit voir avec plaifir dans les mains de
Mile de Kéralio , très avantageuſement connue par
ſes talens Littéraires, cette grande Entrepriſe , qui
peut devenir un riche monument érigé à la gloire
de ſon ſexe. Les deux premiers Volumes que nous
annonçons ne préſentent encore qu'un Abrégé de
l'Hiftoire des Lettres dans les Gau'es , Hſtoire que
1 Auteur doit conduire depuis l'origine juſqu'à nos
jours.
Cet Ouvrage , qui doit former environ trente fix
Volumes , paroît par ſouſcription . On en donnera
deux Volumes par mois. Le prix ſera de 4 liv.
10 fols. On payera 6 liv, en ſouſcrivant , & 7 liv.
10 ſols en retirant les deux premiers Volumes. Ba
ſouſcription ne ſera ouverte que juſqu'au mois de
Mars .
NOUVELLES Inſtructives , ou Recueil raisonné
de tout ce qu'il importe d'apprendre pour être au
courant des connoiſſances & à l'abri des erreurs relatives
à l'Art de guérir , par M. Retz , Tome III .
A Paris , chez Méquignon l'aîné , Libraire , rue des
Cordeliers ,
L'idée de cet Ouvrage , que nous avons déjà annoncé
avec de juſtes éloges , nous a paru très-heurouſe
& nous croyons que l'Austur a rempli ſon
objet. Ce troiſième Volume répond aux deux autres
92 MERCURE
par ſonexécution Ony trouve les nouvellesdécou
vertes avec l'antidotede la critique. 1
JOSEPH, parM. Bitaubé , de l'Académie Royale
des Sciences&Belles- Lettres de Pruffe , & de celle
des Inſcriptions & Belles-Lettres de Paris , 2 Vol.
petit in- 12. A Paris , de l'Imprimerie de Didot
Paîné , 1786 , jolie Édition , ornée de Gravures , &
dédiée à Mgr. le Dauphin.
:
Il paroît en même- temps une quatrième Édition
decebel Ouvrage, in-82. ſur papier velın.
On publiera incefſamment les deux premiers
Volumes de la Traduction d'Homère du même Auteur.
La Collection entière de cette Traduction
a ura douze Volumes .
TRAITE des Droits , Fonctions , Franchises,
Exemptions , Prérogatives & Privilèges annexés en
France à chaque Dignité , à chaque Office & à
chaque Etat , foit Civil, foit Militaire ,fois Eccléfiaftique
, Ouvrage composé par pluſieurs Juriſconfultes
& Gens de Leures , & publié par M. Guyot ,
Écuyer , ancien Magiſtat , in - 4°. , Tome II. A
Paris , chez Viſſe , Libraire , rue de la Harpe , piès
de la rue Serpente.
Les fix premiers Chapitres de ce ſecond Volume
terminent la Maiſon Civile du Roi. Ils ont pour
objet le grand Fauconnier de France & les autres
Officiers de Fauconnerie , &c.
Vient enſuite la Maiſon Militaire de Sa Majesté.
C'eſt la matière des Chapitres 57 à 66. Ony paſſe en
revue l'origine , la conſtitution , le ſervice , les fonc.
tions , les privilèges & les prérogatives des différens
Corps& Offices qui compoſent cette Maiſon.
Le Chapitre 67 est conſacré à la Reine. On y
DE FRANCE.
93
confiderequels font les droits d'une Reine de France
dans l'adminiſtration du Royaume , & quels ſont
ceux dont elle jouit comme épouſe ou comme veuve
d'un de nos Rois. Onyrappelle auſſi les honneurs &
les prérogatives qui appartiennent à l'auguſte Compagne
du Souverain, ſoit durant le mariage, ſoit
après qu'il eſt diſſous. {
La Reine a ſa Maiſon particulière , où l'on remarque
divers Offices qui ne ſe trouvent pas dans la Maiſon
du Roi.
L'Héritier préſomptif de la Couronne eſt le ſujet
du Chapitre 69. Anciennementle Dauphin de France
avoit une Maiſon particulière ; mais aujourd'hui il
eſt ſervi par les Officiers du Roi. Cependant il a des
perſonnes qui lui ſont ſpécialement attachées , &
c'eſt de celles-ci qu'il eſt queſtion dans le Chapitre
70.
Le Chapitre 71 a pour objet la Dauphine & fa
Maiſon .
LesChapitres ſuivans concernent les Princes Fils
de France& les autres Princes duSang. Les premiers
ontdes prérogatives qui leur font particulières, &
d'autres qui leur ſont communes avec les ſeconds.
La Couronne appartenant au Prince que ſa naifſance
y appelle , elle eſt ſouvent dévolue àun mineur
: nous en avons beaucoup d'exemp'es . Un Roi
majeuurr peutd'ailleurs s'abſenterdefesÉtats, comme
Pont fait Philippe-Auguſte , Saint Louis , François
Premier, &c. Il peut auſſi être frappé d'une maladie
qui l'empêche de tenir les rênes du Gouvernement :
dans tous ces cas, l'exercice du pouvoir ſouverain
doit paffer entre les mains d'une autre perſonne , qui ,
ſans prendre la place du Roi , adminiſtre ſous le
nom de Sa Majeſté avec le titre de Régent.
Mais y a- t il quelqu'un dans le Royaume à qui la
Régence doive être déférée à l'exclufion de toute
autre?
1
24 MERCURE
A qui appartient le droit de nommer le Régent ?
Quelles font l'étendue , les bornes & la forme de
l'exercice du pouvoir attaché à la Régence ?
Quels font les titres & les honneurs dont le Régent
doit jouir?
Ces queſtions importantes de notre droit public
ſont agitées dans le Chapitre 77 .
Le Chapitre ſuivant a pour objet l'éminente
dignité de Pair de France.
Le Volume eſt terminé par les Chapitres 79 &
80, qui traitentdu conſeil du Roi &des commiſſions
extraordinaires qui en ſont des émanations.
Il paroît que l'Ouvrage contiendra quinze à ſeize
Volumes. S'il arrivoit qu'il en contînt davantage,
ceux qui excéderont ce noindre ſeront livrés gratis à
toute perſonne qui ſe ſera fait inſcrire pour un
Exemplaire avant la publication du troiſième
Volume.
Le prix de chaque Volume in-4°. eft de 10 liv. en
feuilles , 10 liv. 10 ſols broché , 11 liv. 13 ſols relié
en baſanne , 12 liv. s ſols relié en veau.
NOUVEAU Chocolat gommeux. A Paris , chez le
ſieur Duthu , Marchand Épicier-Droguifte ,, rue
Saint Denis , vis-à-vis Sainte Opportune.
D'après l'annonce que nous avons faite du nouveau
Chocolat gommeux le 30 Décembre dernier ,
on a demandé au ſieur Duthu des renſeignemens ſur
ſon uſage & ſa préparation. Nous croyons que les
détails ſuivans , fournis par le Médecin qui a imaginé
cette combinaiſon, pourront intéreſſer lePublic.
La capacité , l'exactitude & les ſoins du ſieur
Duthu, tant dans le choix des ſubſtances que dans la
préparation, contribuent tous les jours aux bons
effets de cette boiſſon, qui eſt tout-à- la- fois ali
DE FRANCE.
95
mentaire & médicamenteuſe. C'eſt un remède indiqué
dans preſque toutes les maladies de poitrine , &
il devient un aliment précieux pour le genre nerveux
trop ſenſible , pour les perſonnes âgées , pour
les poitrines & les eftomacs délicats , pour l'état
d'épuiſement produit par un excès de travail ou par
d'autres cauſes particulières; & ſon uſage prévient
les rhumes & autres incommodités de cette nature.
Mais on ne peut attendre de grands effets que de
fonuſage continu Voici maintenant la manière de
faire ce Chocolat.
On met une once & demie de Chocolat dans àpeu-
près trois onces d'eau très-chaude , & on tient
la mixtion ſur le feu en la remuant ſans la faire
bouillir. Lorſque le Chocolat eſt entièrement fondu ,
l'on ajoute un poiffon ( meſure de Paris ) de lait de
vache ou de chèvre , & l'on fait bouillir légèrement
pendant deux minutes au plus.
On en fait uſage à déjeuner , air.ſi que du Chocolat
ordinaire , mais avec peu de pain. On en peut
prendre la même doſe le ſoir pour ſouper quand on
eſt enrhumé , & l'on boit par-deſſus un verre d'eau
chaude , dans laquelle on délaye une cuillerée de
ſyrop de gomme de choix. Ce ſyrop , qui ſe trouve
auffi chez le ſieur Duthu , ainſi étendu dans l'eau ,
forme une boiffon très- agréable , qui , priſe à la doſe
de deux ou trois taſſes dans la matinée , & autant le
foir , ſeconde puiſſamment les effets du Chocolat
dans les cas de toux sèche , de maigreur , de dévoiement
, &c.; mais alors , quoique ces objets ne
puiffent faire que du bien , & jamais de mal , comme
il eſt beſoin d'obſerver un régime particulier , il ſera
prudent de ſe faire diriger par une perſonne de
l'Art.
Pour éviter les abus qui peuvent réſulter de la
contrefaçon , chaque livre de ce Chocolat , ainfi
96 MERCURE
que des autres Chocolats de ſanté *, portera la
fignature à lamain du ſieur Duthu.
NUMÉROS 191 & 192 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , l'un contenant un
Duo de Sarti. Prix , 3 liv. 12 ſols.L'autre un Air de
Miſliveſeck. Prix , 2 liv. 8 fols. A Paris , chez M.
Bailleux , Marchand de Mufique de la Famille
Royale , rue Saint Honoré , près cellede la Lingerie.
Ce Journal , qui jouit d'un ſuccès conftant, eſt
toujours fait avec le même ſoin On ſouſcrit à
l'Adreſſe ci - deffus , moyennant 36 liv. pour l'année
de vingt-quatre Numéros , & 42 liv. en Province.
*Tous ces Chocolats n'épaiſſiſſent point comme les Chocolats
deſanté ordinaires ; la conſiſtance de ceux-ci n'eſt ,
ainſi que l'a remarqué un habile Chimiſte , M. Parmentier
, que le produit de la farine qu'on y met pendant la
fabrication , & cette addition répréhenſible fait d'un aliment
ftomachique un aliment indigeſte .
:
TABLE.
EPITRE à M. le Comte du Etabliſſementd'une Caisse gé-
Myrat, néraie des épargnes du Peu-
Charade, Enigme& Logogryple,
phe
49
73
54 Une année de la Vie du Chede
Faublas , 81 LettresàM.Bailly, furl'Hif- valier
coire primitivede la Grèce, Acad. RoyaledeMusiq. 85
56Annonces&Notices,
APPROΒΑΤΙΟΝ.
१०
Fat in,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 10 Février 1787. De n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'imprefion.A
Paris , ' e9 Février 1787. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 24 Janvier.
L paroît décidé que le Roi de Pologne
aura une entrevue avec l'Impératrice de
Ruffie. S. M. ſe rendra dans la Staroſtie de
Kaniew , à quelques milles de Kiof. Pluſieurs
Seigneurs s'y trouveront à l'arrivée
de S. M. I.
Pendant l'année derniere on a compté à
Koënigsberg 332 mariages , 1450 naiſſances
& 1810 morts. Les bâtimens qui y font
arrivés durant la même année ont été au
nombre de 1576, & il en eſt parti 1544.
En 1786 il y a eu dans l'Evêché de
Chriſtianſand en Norwege 949 mariages ,
4125 naiſſances & 3012 morts
On écrit de Berlin , que les Députés du
Commerce , qui avoient été mandés de tous
les Erats du Roi , ont reçu à leur départ ,
l'ordre de revenir en cette ville dans le cou-
N°. 6 , 10 Février 1787. C
( 50 )
rant du mois de Mars prochain. On préſiu
me que les nouveaux projets , relatifs au
Commerce, ne ſeront exécutés qu'à laTrinité.
Le Roi a aſſigné la ſomme de 20000
rix la'ers pour les dépentes de la Maiſon du
• Prince Royal , & la moitié de cette fomme
pourcelles du ſecond Prince de S. M.
Une lettre particuliere & authentique de
Copenhague , du 25 Décembre dernier ,
s'exprime en ces termes ſur la ſituation actuelle
& intérieure du Danemarck .
L'on prépare de grands projets pour le bien
de l'Etat en général. Les principes de l'adminiſtration
actuelle font un garant sûr de leur
ſageſſe & de leur folidité.On examine avec
une attention ſcrupuleuſe la force intérieure
de l'Etat , & la ſituation de l'agriculture , des
manufactures & du commerce. Comme on eft
pénétré que la proſpérité publique dépend de
l'éducation du peuple , on s'occupedes moyens de
perfectionner les écolespubliques. L'eſpritd'économie
qui s'eſt établi à la cour , gagne ſucceſſivement
toutes les claſſes des ſujets , & les prépare
à la fimplification projettée dans le régime
des finances. - - On a fixé la ſomme de
134,000 rixdalers par anpour les beſoins de la
Cour , en y ajoutant à la vérité une ſomme extraordinaire
pour des objets imprévus ; mais
cette ſomme additionelle n'a monté qu'une ſeule
fois à 8000 rixdalers. Par ce fonds de 134,000
rixdalers , plus de 300 perſonnes ſont nourries
àla Cour ;les cuiſines , les caves , le bois qu'on
évalue à 18,000 rixdalers , le luminaire évalué
de 8 à 10,000 rixdalers , les meubles , les lits ,
les livrées , le blanchiſſage , & une partie de
Fentretien de la Chapelle ſont payés,
( 51 )
La Compagnie d'Afie n'a équippé cette
année que quatre vaiſſeaux , dont deux pour la
Chine , & les deux autres pour les Indes Orientales
: elle y envoie de l'argent , du vin , du fer
tiré de la Norwege , du cuivre , dont la majeure
partie eſt tirée de la Suede , & des marchandiſes
des fabriques du Royaume ; chaque vaiſſeau ,
allantdans cette partie du monde , étant obligé
d'en embarquer pour 3.000 rixdalers. Autrefois
la Compagnie n'avoit fait embarquer que pour
800,000 rixdalers d'argent ; mais il lui a
fa'lu cette année là la ſomme de 1,000,000 -
rixlalers , que l'on a tiréé de Hamboug &
d'Amſterdan. La Compagnie de
la Baltique & de Guinée a dû s'aſſemeler le
10 Janvier , pour aviſer aux moyens de rendre
plus avantageux le commerce de Guinée.
Depuis 1783 , on a auffi commencé à
cultiver le tabac en Danemarck. Le ſieur Cornelius
Cornelſen d'Apenrade en a fait l'eſſai avec
de la graine d'Amérique ; la culture de cette
plante lui a fi bien reuſſi , qu'il en fait déja paſſer
par an à la Baltique plus de 5000 liv. peſant.
L'adminiſtration vient d'encourager ce citoyen
utile , en lui accordant la propriété d'un diſtrict
considérable de terre.
L'année derniere il eſt arrivé à Cronſtadt
856 navires , & il en eſt reparti 825.
Une nouvelle Ordonnance de l'Impératrice
de Ruffie preſcrit une levée de 20,000 recru s
pour augmenter l'armée , & fur- tout le cordon
de troupes dans le Cuban. On travaille aufi
&vivement à augmenter le Marine; on conſtruit
actuellement à Riga 3 vaiſſeaux de ligne de 66 &
60canons& pluſieurs fregates. -La naviga.
C2
(52 )
tion& le commerce de la Ruffie ont fait denouveaux
progrès pendant l'année derniere.
Les marchandiſes d'exportation deRiga montent
, d'après les régiſtres deDouane , à la valeur
de 3,993,088 roubies & 38 capeiks , juſqu'à la
fin du mois d'O&obre dernier.:
Pendant l'année derniere ona compté
dans la Pomeranie Pruſſienne & la Principauté
de Camin 3203 mariages , 14,948
naiflances & 9674 morts. Le Militaire n'eſt
point compris dans ces relevés. AMagdebourg
on a célébré 134 mariages ; le nombredes
naiſſances s'eſt élevé à 744 , & celui
des morts à 703.
:
De Vienne , le 23 Janvier.
Au commencement du mois, le teu prie
au Couvent fupprimé de Ste. Dorothée , qui
ſervoit de dépôt pour les effets & ornemens
des autres Couvens détruits : plus de cent
chaſubles précieuſes furent la proie des flammes;
d'autres ornemens gâtés par la fumée,
l'eau&la pouffiere. L'Empereur ayant ordonné
, par un billet de ſa main , que le dépot
fut vuidé au 15 de ce mois, qu'on brû
lât tous les ornemens endommagés , & que
l'or ou l'argent fût porté à la Monnoie , cet
ordre a été exécuté ,& les effets encorebons
ont été diſtribués parmi les Paroifies indigentes.
Le 14 Décembre dernier , la dépoſition
du Hoſpodar de Moldavie , Alexandro
( 53 )
Mauro Cordato , fut déclarée à Conftantinople.
Cet Hofpodar , qui lui même a follicité
ſa retraite , eſt remplacé par le Prince
Alexandre Ypfitanti , eſtimé par ſes connoiffances
, par fa bonne conduite & par les
ſervices qu'il a rendus à la Valaquie , dont
il eut ſept ans l'adminiſtration après la desniere
guerre de la Porte avec les Ruffes. Ce
cho'x a été univerſeilement applaudi àConftantinople.
Une lettre de certe Capitale de l'Empire
Ottoman , du 18 Decembre , confirme en
ces termes la diſgrace du Conſul général de
Raffie, que nous fines preſſentir ily a quelqe
temps.
Le ſieur Ferrieri , Conſul-Général de Ruffie
aux Echelles du Levant , & qui faifoit la réſidence
à Smyrne , mandé ici par ordre de l'Inp'ratrice
, a été caffé publiquement , en pré
fencede toute laNation Ruffle,par M. Bulgak f,
Envoyé de S. M. l'impératrice , près de la Porte-
Ottomane. Il lui a été potifié en même temps ,
que vu ſa mauvaiſe conduite , il étoiitt réputé
inhabile & incapable de remplir à l'avenir au.
con poſte , ni emploi en Ruffie . Tous les biens
en Ruffie ont été confiſqués ; il en eſt banni à
jamais & l'Impératrice lui a retiré ſa protettion.
M. Ferrieri avoit été ci-devant fous celle
de Tempereur; mais pendant la derniere guerre
de laRuffie avec la Porre , ayant trouvé le moyen
de ſe rendte utile à cette premiere Puiſſance , &
loi ayant rendu des ſervices importans , il avoit
gagné ta faveur du Miniftes e de Pétersbourg. M.
Ferrieri , enyvré, ſe brouilla avec l'Envoyé de
Rudie; iltint des propos hardis fur fon compre,
C3
( 54 )
ſevantade le culbuter , & enfin , de le restr
placer ici en qualité d'Envoyé , il y travaille
même ſourdement : mais Mr.l'Envoyé , bien
informé , a pris tellement (os melures à Pétersbourg
, que M. Ferrieri lui a été facrifié ; ſon
triomphe a été même ſi complet , qu'il a eu la
fatisf Aion de lui prononcer lui-même ſa Sentence.
Un Décret de la Cour, du 8 de ce mois,
exempte des droits de douane la laine&le
coton qui feront importés des Etats hérédita'res
d'Allemagne dans la Hongrie & la
Tran ylvanie; il accorde la méme f anchiſe
aux laines filées , qui pafferont de la Hongrie&
de la Tranſylvanie dans ces Etats .
D'après les liſtes des Freres de la Charité,
qui ſoutiennent 20 Hoſpices dans les Etats
héréditaires , le nombre des malades qui's
ont reçu pendant l'année derniere , monte à
9384, dont 933 font morts. 1
De Francfort , le 28 Janvier.
Le Roi de Pruſſe a aſſigné aux trois Univerſités
de Halle , de Koënigsberg & de
Francfort fur l'Oder, une pention annuelle
dedix mille rixdalers , provenant des revenus
des Jéſuites en Saléſie.
Il n'eſt pas unEtat en Europe, ſi l'on en
excepte la Pruffe & quelques Principautés
d'Allemagne , dont la population foit connue
avec exactitude. Il eſtde mode aujourd'hui
de calculer cette arithmétique politique
ſur les liſtes des morts & naiſſances ,
méthode abuſive , ſi elle n'eſt pas fondée
(55 )
:
au moins fur un demi fiecle de comparaiſons
, qui ne donnera jamais que des réſultats
variables , & qui jamais ne remplacera
les dénombremens effectifs. Plus les Etats
ſont étendus , plus l'une & l'autre de ces
meſures de lapopulation font fautives &
arbitraires. Qu'on en juge par la Ruffie. Autant
d'Auteurs , autant d'évaluations différentes
du nombre de ſes habitans. Le Portefeuille
historique , qui s'imprime à Berlin ,
vientde revenir ſur cet objet , & de préſenter
le calcul ſuivant.
L'Impératrice de Ruffie , en notifiant fon
voyage au Sénat , déſigna dans un Ukafe la route
qu'elle prendroit par le nouveau chemin de
Parchow , par Smolensk , Novogrod , Sewers-
Koi & Tschernigow à Kiow ; de-là par eau ſur
le Dnieper , juſqu'a la nouvelle ville de Catharinoslaw
; enfuire par terre à Cherfon & dans
la Tauride. Le retour doit ſe faire par Tícherkask
, Bachmut , Tor , Isjum , Charkow , Kursk,
Orell , Tula & Moskow. Par un autre Ukafe S.
M. I. demanda les chevaux néceſſaires , & ordonna
au Sénat d'en faire la répartition convenable.
Afin d'obſerver à cet égard l'égalité
poſſible , le Sénat prit pour baſe laderniere réviſion
, ou le dernier dénombrement des contribuables
. Il décida en conféquence , que trente
hommes de la claſſedes négocians , bourgeois &
ouvriers devoient donner un cheval ; vingt-huit
hommes ou un Wuiz de la claſſe des voituriers
fix chevaux , & cinq cens payſans un. Voici l'état
de laderniere reviſion des contribuables , d'après
lequel on leve les revenus de la couronne,& qui
ſembleroitpréſenter tous les caracteres d'authen-
C4 sické , relativementàla population,
( 56 )
NOMS
des
NOMBRES
Gouvernemens.
des Négocians ,
Bourgeois
& Ouvriers .
des des
Voituriers . Payfans,
1 Mkw.... 21472 3751 404515
2Petersbourg .. 11251 .... 163026
3 W bourg... 584 .... 86483
4 Twer ...... 20517 3360 4:5569
s Novogorod. 11857 6196 264546
6.Pieskow....
7575 959 278719
7 Smoensk ... 13547 1881 423618
8 Mobilow ... 10578 .... 315167
9 Polozk ..... 12555
.... 298354
10 Orelt ..... 20022 2841 447034
Kusk ...... 968 1769 434854
12 Chakow ... 7928
.... 374887
13. Worone ch.. 3560
2032 388556-
14 Tambow ... 9622 1245 421787
15 Riafan...... 10184 1512 4:17143
16 Tola ....... 17195 1110 408634
17 Kaluga..... 15588' 614 368295
18 Jaroslaw ... 13185 571 347979
19 Wologda ... 9007 ... 177038
20 Wladimir .... 11018 4281 422187
21. Koſtroma ... 10421 325 386667
22 Niſchgorod.. 7 6760 657 303438
23 Wiatsk ..... 4559 1
. . . . ا ر
403527
24 Ufimsk..... 1359 176680
25. Simbirsk.... 6138 489 353484
26 Kafan ........ 6146 956 366049
27 Penfa ...... 2960 941 313920
28 Saratow .... 13836 ... 277848
29Kiw..... 9532 ٢٠٠ 382806
30 Tichernigow. 7959 ... 360915
31. Novogorod-
:
Sewers Koi 21321
32 Riga....... 1036 ...
344378
258866
33 Revel....... 1786 ...
34 Archangel ... 4265 2281
35 Olonez..... 9099 ....
Total ..
344091 37711
97101
162532
93531
11232209
( 57 )
:
D'après cet état , le nombre des hommes contribuables
monte à 11,614,011 . En y ajoutant
autant de femmes , la population ſeule dans les
trois claffes donne 23,228,022 ames. Ainfi , en
yajoutant celle qui fe trouvé dans les cinq
Gouvernemens de Kolivan , de Tobulsk , de
Permsk & du Caucaſe , les troupes de terre &de
mer, leurs femmes & enfans , les Nobles , le
Clergé , les employés à la Cour & aux Tribunaux
, & leurs familles , les Savans & leurs familles,
les colons , les habitans des illes Kafily ,
&c. la population de l'Empire , qui renferme
une furface de 74685 miles carrés , peut être
évaluée avec fûreté à vingt- ſept millions d'ames.
Le Docteur Buſching a porté certe population
à 24 millions d'ames , dans l'extrait
de fa grande Géographie &dans fon ouvrage
, intitulé : Préparation à l'étude géographique
, &c. imprimé en 1784. Ce célebre
Géographe vient de promettre dans fon
Journal un ouvrage prochain , qui renfermera
des détails ſur cette population , &
daprès leſque's il eſt très - vraiſfemblable
qu'elle monte aujourd'hui à 30 millions.
Pendant l'année derniere 9008 bâtimens
ont paſſé le Sund , ſavoir : 1510 Danois ,
2680 Anglois , 1759 Suédois , 1368 Hollandois
& 1691 Pruſſiens , Ruffes , Francois
, Espagnols , &c.
Le nombre des malades reçus pendant
l'année de n'ere à l'Hôpital de Frédéric à
Copenhague , a été de 2179 , dont 1892 ont
été guéris , & 277 font morts. Le nombre
C
( 58 )
des naiſſances à l'Hospice d'accouchement a
été de 782 .
Ona compté l'année derniere dans l'Evêché
de Seelande , Bornholm excepté ,
2857 mariages , 8808 naiſſances & 11637
morts.
Le Prélat Okenski , Evêque de Poſnanie
& de Varſovie , s'eſt démis de la dignité
deGrand-Chancelier; ſa mauvaiſe ſanté ne
lui ayant pas permis d'en continuer les
fonctions. Le Comte de Malachowski ,
fous-Chancelier , l'a remplacé , & l'Evêque
de Chelm fuccede à celui-ci.
A Pendant l'année derniere on acompté à
Léipfick 219 mariages , 889 naiſſances &
998 morts .
Lenombredes mariages a monté à Augf
bourg, dans la même année , à 279 , celui
des naiſfances à 1129 , & celui des morts à
1195.
Les lettres de Vienne nous apprennent
que les équipages &les voitures font prêts
pour un voyage de l'Empereur , qui , à la
finde ce mois , ou au commencement de
l'autre , ſe mettra en route pour Mohilof.
De Berlin , le 23 Janvier.
S. M. , en envoyant au LieutenantGénéral
de Borch , fon ancien Gouverneur , le
Cordon de l'Aigle Noir, lui a écrit en ces
te mes.
Monfieur le Comte.
•Ayant ſaiſi avec empreſſement l'occafion
( 59 )
»que vous m'avez fournie de vous nommer
> Lieutenant-Général de mes Armées , je vous
>> envoie ci joint la décoration qu'exige l'émi-
>> nent poſte auquel les longs & fideles ſervices
> que vous m'avez rendus , vous ont donné le
>> plus juſte droit. Je vous la dois en mon parti-
>> culier comme un témoignage de ma vive res
>>>connoiſſance pour le zele avec lequel vous
> avez rempli les fonctions de la charge que
>> vous avez exercée auprès de ma perſonne. Ce
>> n'eſt qu'un foible dédommagement des déſa-
>>grémens que vous avez eſſuyés dans ce poſte >>>
Je ſuisM. le Comte ,
Votre affectionné ami ,
FREDERIC GUILLAUME.
Nous avons appris de Berne la mort du
Baronde Lentulus ,Chevalier des Ordres de
l'Aigle-Noir & de S. André , Lieutenant-
Général des Armées du Roi , ainſi que des
troupes de la République de Berne. M. de
Lentulus , décédé le 26 Décembre , avoie
commandé en 1771 le cordon de troupes
Pruſſiennes ſur les frontieres de la Pologne ,
&réſida à Varſovie en qualité de Plénipos
tentiaire de Sa Majeſté.
ITALI E:
&
De Florence , le 12 Janvier.
Le relevé des baptêmes célébrés auBaptiftaire
général de S. Jean de Florence, pendant
l'année 1786 , en porte le nombre
à 35 37 , diviſés de la maniere ſuivante ;
c6
( 60 )
De laville. Nobles, 37; du Peuple, 2875 ;
Entans expoſés , 211 ; du dehors de la
ville , 434. Par Nobles , on entend ici
tous ceux que l'on fait infcrire comme tels ,
fans autres preuves.
Depuis le 30 du mois dernier , il eſt parti
de Livourne deux vaiſſeaux Anglois , la
Marie,Cap. Thomas Tirney ,& les Freres ,
Cap. Richard Codner , tous deux chargés
de riches cargaiſons , & ſpécialement de
foie travaillée& non travaillée.
La preſtation de ſerment que les Evêques
font au S. Pere, doit ſon origine au Pape
Grégoire VII. Les clauſes qu'il y inféra ont
réveillé dans tous les temps la vigilance des
Souverains. L'obligation où ſont encore aujourd'hui
les Evêques d'aller à Rome , ou
d'y envoyer à leur défaut un ſubſtitut , avec
un rapport de la ſituation de leur Eglife ,
fut également inſtituée par Grégoire VII .
Les Papes ont toujours cherché à maintenir
cette coutume. On peut voir dans le
Tome 24 de la Collection d'Ecrits concernant
la Jurisdiction fouveraine , publiée en
cette ville , combien les Princes ont intérêt
de ſurveiller les Prélats leurs ſujets ,
qui inſtruifent inconſidérément la Cour de
Rome des détails intérieurs de l'Etat. Cette
correſpondance ſecrette ne pouvoit échapper
aux lumieres de notre auguſte Souverain.
Il a donné ordre à l'un de ſes Secrétaires
d'Etat ( ibSegretario delRealDiritto )
( 61 )
de ſignifier aux Prélats de ſes Etats ſes ditpoſitions
ſouveraines à cet égard, par la circulaire
ſuivante :
<<<Illuftriffime & Reverendiffime Seigneur ,
« Son Alteſſe Royale inſtruite que les Evêques
font paſſer tous les trois ans à Rome une Relation
de l'état reſpectif de leurs Diocèſes , defire
qu'avant d'être expédiées , ces Relations lui
foient communiquées. S. A. R. m'ordonne d'en
inſtruire par la préſente , V. S. Illuftriffime & Reverendiſſime.
Perſuadée qu'elle ne manquera
point de ſe conformer , comme elle a de coutume
, aux fouveraines intentions de S. A. R.
en me remettant , lorſqu'il en ſera temps , leſdites
Relations , afin que je puiſſe les mettre ſous
les yeux de S. A. R. Je prie V. S. de me croire
avec toute forte de reſpect , &c. à Florence , le
12 Décembre 1786 » ..
1
:
PORTUGAL.
De Lisbonne , le 6 Janvier.
Le nombre des vaiſſeaux entrés dans ce
port, pendant l'année derniere , eſt de 1059 ,
dont 269 Portugais , 22 Américains , 328
Anglois, 2Bremois,73 Danois, 2Dantzikois ,
-38 Eſpagnols, 94François, 107 Hollandois ,
8 Impériaux, 1 Maroquin , to Ragufois ,
Ruffe , 73 Suédois & 32 Vénitiens.
Un François , qui demeure depuis quel-
-que temps dans cette Capirale, a trouvé ,
dit-onle fecret infernal de faire des bombes
&des grenades, dont le feu eft inviſi(
62 )
ble, &l'effet d'une promptitude effrayante.
Auſſi tôt qu'elles tombent , elles s'enflamment
& éclatent en tout fens. L'inventeur
en a fair pluſieurs eſſais trop heureux en préfence
du Colonel & des principaux Officiers
d'Artillerie , qui lui ont témoigné leur
Satisfaction. Il ſe propoſe d'eſſayer , ſi jettées
à l'eau, elles produiront le même réſultat.
Le ſieur Du Four de Ringuet , qui ſe faiſoit
nommer ici Poupar de Fontac , & arrivé
avec le dernier paquebot de Falmouth , a
été arrêté avec ſes Papiers , comme l'un des
Fauſſaires impliqué dans l'affaire des Lettres
de change à Paris.
GRANDE - BRETAGNE
De Londres, le 30 Janvier.
Après avoir entendu,le 23 , le diſcours du
Roi que nous avons rapporté dans le dernier
Journal , la Chambre des Pairs vota , ſelon
l'uſage , l'Adreſſe de remerciment ; elle fut
agréée à l'unanimité , & L. S. l'ont remiſe à
S. M. qui y a répondu dans le ſtyle ordinaire.
CettemêmeAdreſſe n'a pas rencontréplus
d'oppoſition dans la Chambre des Communes
; mais elle a donné lieu à quelques épiſodesdont
nous rendrons un compte fuccinct.
LordCompton ayant fait la motion pour
l'Adreſſe , M. Montagu la ſoutint & obſerva
:
Que le Traité de navigation & de commerce
( 63 )
,
avec la France, promettoit non- feulement de
mettre fin aux jaloufies éternelles &aux guerres
funeſtes qui avoient long-tems déſolé les deux
plus beaux Royaumes de l'Europe , mais d'affurer
& d'augmenter la proſpérité du commerce
, dont les avantages ſolides étoient bien
préférables à l'incertitude , & aux ravages qui
accompagnent conftamment les projets de conquête.
Il ſe flattoit que la Chambre ſanctionneroit
une meſure que la perte du monopole que
l'Angleterre faisoit ci -devant en Amérique ,
avoit rendue néceſſaire ; qu'elle obtiendroit un
tribut certain , en perdant une annuité précaire
& très-mal payée ; & qu'elle accorderoit au
Miniftre , auteur de l'heureuſe révolution qui
alloit s'opérer , le juſte tribut d'éloges qu'il me
ritoit.
« Sa gloire égalera , dit-il , celle de fon illuare
pere , avec cette différence que ledernier
l'a acquiſe endirigeant avec fermeté une guerre
pénible , mais heureuſe , & que le premier l'acquerra
en étendant les manufactures duRoyaume,
& en perpétuant les bénédictions de la paix .
Mr. Fox , en approuvant la teneur & les
motifs de l'Adreſſe , contre laquelle il déclara
n'avoir aucune objection , fut moins indulgent
ſur les obſervations & les éloges débités
par M. Montagu , très-jeune Orateur ,
dont ledifcours a reçu des applaudiſſemens .
M. Fox convint d'abord, que la paix étoit
préférable à laguerre;qquueelleess conquêtes quelque
ſéduiſantes qu'elles fuſſent aux yeux de l'ambition
, ne valoient pas les avantages ſolides
du commerce. La vérité de ces maximes générales
étoit trop frappante , pour hésiter un
moment à y fouforire. Mais a l'honorableMembre
,
( 64 )
en difant que le Traité changeroit le ſyſteme
politique de la Grande-Bretagne , &porteroit
dorénavant toutes ſes vues far l'aggrandiffement
de ſon commerce , au lieu de tonger à faire
des conquêtes , avoit voulu infinuer par- là , que
ce pays n'avoit entrepris , ou ſoutenu desguerres ,
que dans la vue de faire des conquetes , il étoit
-de ſon devor de rectifier cette opinion , parce
-qu'elle étoit erronée ; parce qu'au moins , depuis
-la révolution , l'Angleterre n'avoit été en guerre
que pour la propre défenſe , ou pour conferver
la balance du pouvoir en Europe. Le traité
:pourroit peut-être avoir cet effet , relativement
à la France , dont le but conftant dans toutes
ſes guerres avoit été d'étendre les conquêtes
-& la puiſſance , mais non-relativement à la
Grande-Bretagne,dontle ſyſteme politique avoit
-toujours été different . Au reſte , il étoit bien
-éloigné de convenir avec l'honorable Membre ,
que les guerres euffent nui au commerceBritannique
: il n'avoit été qu'interrompu , & il
avoit toujours reparu avec un nouveau degré
d'énergie au retour de la paix ».
r
Il demanda enſuite , files Miniſtres de S. Μ.
avolent formé ce traité dans des vues purement
*de contmerce , ou dans des vues politiques ?
S'étoient-ils flautés que cette méſuré produircit
une amitié indiffoluble entre les deux Nations ?
Quede Cabinet de Versailles renonçant tout à
coup à ton ancien ſyſtême d'aggrandiffement ,
&à ſes vues ambitieuſes , embraſſeroit un p'an
de modération , fi éloigné de ſon caractere. Si
cela étoit , il féliciterot de grand coeur 1 Univers
entier , l'Europe & l'Angleterre en particulier
, de ce mémorable changement. Mais
une pareille révolution tenoit trop du miracle ,
pour qu'il put y ajouter foi.
( 65 )
•Quant à ce que l'honorable Membre avoit
avancé , que l'Angleterre , en perdant le marché
de l'Amérique&en obtenant celuide la France ,
avoit converti une annuité mal payée , & précaire,
en un tribut dont le paiement feroit
prompt & certain , il étoit d'un avis contraire ,
parce qu'iln'étoit pas probable que le paiement
de ce prétendu tribut ſe fit ſans pluſieurs interruptions
; parce que l'hiſtoire des deux Nations
prouvoit combien peu il falloit compter
fur la durée de ces liaiſons de commerce » .
M. Fox dit enfuite , & qu'avant que la Chambre
pût s'occuper de la diſcuſſion du Traité ,
elle devoit être inſtruite de la fituation exacte
des négociations avec les autres Puiflances ,
&fur-tout le Portugal, l'Eſpagne & la Ruffie.
A la vérité , il n'étoit pas en peine à l'égard
de la Ruffie; s'il falloit en croire le Ministre,
il y avoit un an qu'il avoit eu le pla fir d'es
cendre de ſabouche , qu'il étoit très- facile d'obi
zenit le renouvellement de ce traité. Il ne dou
toit donc pas que ſi les Miniſtres n'en avoient
point impofé , il ne le fût bientôt: mais il
n'en étoit pas de même du Portugal & de l'EC
pagne. La Chambre,devoit connoître l'Etat de
la Nation , relativement à toutes ces Puiſſances,
avant de former une opinion déciſive ſur ce
nouveau ſyſtême. La convention avec le Portugal
devoit elle être abſolument conforme au
traité de Methuen , ou le modeler ſur le nouveau
traité ? Tout cela étoit encore incertain.
Quant à l'Eſpagne, il doutoit que les Miniſtr s
euffent conclu l'arrangement préliminaire , qui
étoit cependant néceſſaire pour la formation d'un
traisé de commerce avec ceste Nation. Cependant
ils lui avoient déjà cédé la côte des
Muſquitos , fans qu'elle pût y rien prétendre.
( 66 )
Sans doute ils en avoient obtenu une compens
fation , dort ils feroient part au Parlement ;
mais ils n'avoient pas moins commis une horrible
injustice contre les Colons , en les forçant
à quitter la côte au premier de Février , qui
eſt le moment où leur récolte ſera en terre » .
en
Revenant à la France. Il falloit , ajouta M.
Fox , redouter ſérieusement la grandeur à laquelle
cette puiſſance étoit parvenue , par fon
adreffe , &un concours de circonftances heureuſes.
De Petersbourg à Lisbonne , ſi l'on en excepte
la Cour de Vienne , elle prédominoitdans
tous les Cabinets de l'Europe. Son influence
Hollande étoit viſible. Le moment de l'anéantil
ſement de cette malheureuſe République étoit
arrivé. La France étoit ſur le point de l'aſſervir
entiérementà ſes vues , par des moyens bienplus
sûrs que ceux de la force ouverte employée par
Louis XIV. Le Cabinet de Verſailles avoit au
jourd'hui les mêmes vues qu'avoit ce Monarque
il y a un fiecle. Il n'avoit jamais varié dans fa
politique ; elle avoit paru , à la vérité , ſous dif
férentes formes ; mais elle n'avoit jamais perdu
de vue ſon objet favori , ſavoir l'aggrandiffement
de cet Empire , aux dépens de ſes
voifins .
C'eſt en vain qu'on voudroit parler des ema
barras de la France & de ſes dettes; ſa fituation
avoit été infiniment plus dérangée. Ne craigoant
plus rien par terre , elle avoit conſidérablement
diminué ſon armée , pour s'appliquer
à augmenter ſa marine. Etoit-ce cette augmentation
qui étoit un garant de ſon amitié & de
ſesdiſpoſitions pacifiques ? Se départiroit-elle de
fon ancien ſyſteme , au moment où el'e étoit le
plus en état d'obtenir ce qu'elle defiroit ? Le
Cabinet de Versailles préſentoit au monde le
( 67 )
paradoxe le p'us incompréhenſible. C'étoit te
plus ftable , le plus conſtant , le plus inflexible
qu'il y eût en Europe. Depuis pluſieurs fiecles ,
il pourſuivoit le même ſyſtême invariablement ,
&cependant la Nation Françoiſe paſſoit pour
la plus légere & la plus volatile de la terre !
M. Pitt remarqua combien il étoit fingulier que
M.Fox ayantcritiqué les principes du traité,donnát
favoix aux remercimens qu'on propoſoit à ce fujet.
Il plaiſanta fur cette inconféquence apparente,&
aiſura laChambre queſi M. Fux continuoit
ainſi à voter en oppofition de ſon ſentiment ,
on pouvoit eſpérer de voir ceſſer dans la
ceffion tous les débats ſur les affaires publiques.
Il répondit enſuite à lacritique du traité. Selon
M. Fox , dit- il , l'attention que la Grande Bretagremet
à ſe concilier , par un traité , l'amitiéde
la France , reut lui faire oublier ſes intérêts , l'aveugler
ſur les entrepriſes de fa rivale , lajetter
enun mot, dans une inertie langerenfe. Mais , au
contraire , le butdu traité eſt de nous procurer ,
pendant la paix, toutes les reſſources néceſſaires
pour faire la guerre au beſoin avec plus de vigueur.
C'eſt donc le moyen politique lepluspuiſ
fant pour nous aſſurer la paix ,&pour obtenir par
le commerce , des avantages achetés précédemment
au prix de pluſieurs guerres. N'est-il pas
plus noble& plus utile de conclure untraitéqui ,
en nous promettant le maintien de notre proſpérité
,nous met en état d'affermir notre puiſſance ,
&denous préparer par-là même à une plus vigoureure
défenſe . A l'égard du ſentiment de M. Fox
ſur le danger de diminuer l'antipathie & la rivalitéqui
ont régné juſqu'à préſent entre les deux
Nations, M. Pitt obſerva que ſi l'on convenoitque
lecommerce étoit préférable aux conquêtes,& la
( 68 )
paixà la guerre , on conviendroit auffi que moins
il yauroit de diviſion entre les deux Nations,
& plus les avantages inappréciables de in
paix & du commerce ſeroient allurés à l'Angleterre.
Quant à la négociation même du traité, continuaM.
Pitt, n'est-il pas étonnant que M. Fox
condamne cette meſure dont il eſt un des premiers
auteurs , puiſqu'il a annoncé dans le traité
de paix définitifla néceſſité d'une liaiſon conmerciale
entre la France & la Grande- Bretagne?
Devoit on s'attendre à voir M. Fox ſe décla er
J'ennemi d'une négociation qu'il a rendue inévitable
, & mettre par cette conduite une différence
aufli prodigieuſe entre ſes principes commeMinif
tre& comme Membre du Parlement?
M. Pitt obſerva qu'il ne pouvoit pas rendre
compte àla Chambredela fituation du commerce
de l'Angleterre avec le Portugal , l'Eſpagne &
JaRuide , nides intérêts politiques du commerce
&des forces de chacune de tes puiſſances. Il fe
borna à parier de l'influence que le traité de
commerce avec la France pourroit avoir fur les
autres traités conclus & à conclure. Il affura que
laGrande-Bretagne avoit toujours la faculté de
changer ou de confirmer les anciens traités conclus
avec le Portugal , ou enfin d'en fornier de
nouveaux , aucune clauſe du traité avecla France
ne portant atteinte à cettefaculté .
Al'égard des conteftarions avec l'Eſpagne , il
dit qu'elles étoientterminées parun traité dont les
-articles ſeroient mis inceſſamment ſous lesyeux
du Parlement pour y être diſcutés.
M. Fox repliqua à M. Pitt, en diſant qu'iln'avoit
annoncé un traité de commerce dansletraité
définitif , qu'en conformitédes engagemens contractés
par laNation fous un autre miniftere. &
( 69 )
dece qui avoit été établi dans les art'c'es préli
minaires de la paix.
Il expliqua enſuite ſon opinion ſur une liaiſon
d'amitié avec la France, Il aſſura qu'il étoit trèséloigné
dedeſirer la continuation des diviſionsna
tionales ; qu'il déſapprouvoit abſolument toute antipathie
, toute baſſe jalouſie entre deux grandes
Nations ; mais qu'il croyoit que l'Angleterre & la
France devoient s'obſerver mutuellement , &
avoir toujours entr'elles une noble rivalité.C'eſt
parce moyen ſeul que ces deux Puiſſances mettent
obstacle à un accroiſſement de pouvoir qui, ſoit
d'un côté , foit de l'autre , détruiroit la balance .
dontdépend le ſyſtême politique de l'Europe.
Ala ſuire des débats , l'Adreſſe paſſa ſans
oppofition.
Hier , 29 , Mr. Pitt ayant fait lire les Papiers
relatifs à la Colonie de Botany-Bay, demanda
que la Chambre autorisat Sa Maj. à
former immédiatement un Tribunal de Juftice
criminelle dans cet établiſſement. Mr.
Minchin propoſa enſuite de ſoumettre à
l'examen de la Chambre l'état détaillé des
exportations de laGrande-Bretagne en Portugal&
de leurs retours; mais M. Pitt ayant
fait obſerver que cet examen ſeroit prématuré,
puiſque leTraité avec le Portugal étoit en
négociation , M. Minchin retira ſa motion.
Deux vaiſſeaux Ruſſes , appartenant à
M. Panoff, Négociant de Moscow, dit une
lettre de cette ville , en date du 30 Novembre
dernier , ſont arrivés au Kanıtſchatka ,
après une abſence de huit ans. Ils ont découvert
une petite peuplade dont les in'ividus
n'ont qu'une archine & demi de haut. ( 42
1
( 70 )
pouces Anglois ). On affure que cette race
de nains a été trouvée dans l'intérieur de
Fifle d'Ounalaſchka; le Capitaine Cook &
les vaiſſeaux de M. Panoffavoient déja touché
à cette Iſle précédemment ; mais les
nains n'avoient pas paru ſur la côte. Deux
hommes de cette Nation ont conſenti à
s'embarquer ſur les vaiſſeaux Ruſſes ; on les
attend à Moscow inceſſamment , & on les
conduira à Pétersbourg.
M. Thomas Grenville, qui a le malheur d'être
privé de la vue , a imaginé un appareil arithmétique
à l'uſage des aveugles , dont on trouve
la deſcription dans le tome IV des Mémoires
de la Société des Arts. Cet appareil differe en
plusieurs points de la table numérique de Saunderſon
, & cesdifférences font toutes à ſon avantage.
Il consiste en une planchette percée de
trous , diſpoſés en lignes droites horisontales &
perpendiculaires. Les lignes considérées horifontalement
marquent les unités , les dixaines ,
les centaines , &c. , en allant de droite àgauche
, comme il eſt d'uſage ; & les lignes perpendiculaires
donnent la facilité de placer les
nombres les uns ſous les autres , comme on le
fait dans l'arithmétique uſuelle. On a des chevilles
faites pour entrerdansles trous , & fur la
tête de ces chevilles font imprimés les chiffres
que chaque cheville repréſente , de maniere
qu'une perſonne qui a l'uſage de ſa vue , peut
voirtoutle compte d'un coup d'oeil. La perſonne
aveugle , de fon côté , reconnoît les chiffres au
moyen de certaines pointes placées dans la tête
deschevilles , & qu'il feroit inutile de décrire
ici. Entre les rangs des trous à chevilles , ſont
placés des trous plus petits deſtinés à recevoir
( 71 )
le bout courbé de plusieurs fils de fer , dont
l'office eſt de repréſenter les lignes ſoit hori
ſontales , ſoit perpendiculaires , dont on fait
uſage dans les comptes. La boîte qui renferme
l'appareil , eſt diviſée en autant de caſes nécellaires
pour recevoir les chevilles & les fils de
fer. Cette machine ne peut manquer d'être trèsutile
aux perſonnes pour qui elle eſt deſtinée ;
& tout aveugle , avec la moindre attention ,
eſt certainement en état d'exécuter , au moyen
de ce simple appareil , toutes les opérations
arithmétiques , qu'il feroit , s'il avoit l'uſage de
lavue.
On a ſeulement à regretter que la Société des
Arts n'ait point fait graver la planche qui eſt
jointe à la deſcription de cette machine , de
maniere à former un relief ſuffiſant pour être
ſenſible au toucher d'un aveugle , qui voudroit
s'en formerune idée. On auroit pu y parvenir par
l'impreſſion toute ſeule , fans le ſecours de la
gravure; il fuffiroit d'imprimer ſur de gros papier
ſec , bien reſſerré à la preſſe , & il eſt certainque
les lignes & les points auroient été ſenſibles
au doigt.
Mrs. Sherwin & Frewin viennent d'achever
les deux Ouvrages les plus intéreſſans &
les plus pénibles. Le premiereſtun état exact
de tous les revenus, des exportations, importations
&de la navigation de ce Royaume,
depuis pluſieurs années. Le ſecond renferme
la totalité des actes relatifs aux Douanes ,
réduits à un ſeul.
Un particulier , qui a fait des recherches
curieuſes ſur les manufactures , aſſure que
l'on file chaque jour à Holywell , dans le
Comté de Flint , une quantité de fil qui ſuf
( 72 )
firoit pour entourer le globe à ſonEquatetır.
Les ouvriers tirent d'une livre de coton un
fil de 69 milles de long.Cette filature prodigieuſe
eſt cependant encore perfectionnée au
moyen des nouvelles machines de M. Atherton,
dans lesquelles la même livre de coton
produit un fil long de 80 milles&davantage.
On voit à la Manufacture de foie de
Derby , un effet bien plus ſurprenant encore
des forces de lamécanique. Une machine ,
mife en mouvement par une ſeule chúte
d'eau , fait tourner 97,746 roues différentes ,
& emploie 3 ou 400 perſonnes à ſurveiller
le jeu de la machine & à l'alimenter. Il y a
26,586 roues principales , chacune deſque!-
les peut être arrêtée ſéparément ; un ſeul régulateur
gouvernant la machine. Achaque
tourde la roue, fur laquelle tombe la chute
d'eau, la machine file 70,728 verges defoie ,
&e'le fait trois tours par minute; ce qui produitdans
les 24heures 318,504,960 verges
de foie. Une petite fille de onze ans y fait
l'ouvrage de 35 perſonnes.
M. JohnTurner de Manaughty, près de
Kingthon , étoit allé , il y a quelques jours ,
à la chaſſe , avec un ami. En battant la cama
pagne fur le bord d'une siviere , ils leverent
une becaffine. Le compagnon de M. Turner
voulut tirer : mais l'amorce ne prit pasa
Au moment où il vouloit rajuſter ſa pierre ,
M. Turner s'approcha de lui , & pofa fon
fufil à terre , avec le bout repofane fur fon
eftomach
( 73 )
eftomach. Dans cette ſituation il tira imprudemment
ſa poire , qui contenoit environ
une demi livre de poudre ; tandis qu'il
eſſayoitd'amorcer le fuſil de ſon ami , la
poudre prit teu dans la poire. L'exploſion
fit partir le futil de M. Turner , lui fracaſſa
la tête , &le fit tomber mort ſur la place.
Son compagnon fut auffi fort maltraité , &
il eſt même actuellement dangerouſement
malade. La ſoeur de M. Turner , qui ſe trouvoit
à la ville , ayant reçu la nouvelle de cet
accident , ſe rendit à la hâte auprès de ſa
mere; mais en entrant dans l'appartement ,
elle fut tellement frappée de douleur , qu'elle
tomba ſur ſes genoux , & ne put proférer
que ces paroles : ô maman , ç'en est plus que
jen'enpuisfupporter. Elle tomba en difant
ces mots , & expira dans les bras de fa mere.
M. A. Malone , oncle du Lord Sunderlin , &
d'un des Commentateurs de Shakespeare , retournoit
un jour de Bath à Holy Head , lorfqu'il
fut arrêté par un voleur de grand chemin,
dont le viſage étoit voilé. M. Malone lui tira
un coup de piſtolet , & le manqua ; le voleur ,
au lieu de tirer le ſen , ſe contente de lui demander
une ſeconde fois ſon argent. M. Malone,
frappé de cette magnanimité , ne fit plus de
réſintance , & lui donna auffitôt ſa bourſe , qui
contenoit 60 guinées , en lui diſant: « La con-
-duite que vous venez de tenir à mon égard ,
> me prouve que vous avez des ſentimens au-
>>deſſus de la profeſſion deshonnête que vous
-avez embraffée. Si c'eſt la mifere qui vousy
>> a forcé , & que ce ſecours ſoit ſuffifants
N°, 6 , 10 Février 1787. d
( 74 )
pour vous en retirer , au nom de Dieu ;
>>quittez ce genre de vie , & croyez que je ne
>> penſerai jamais à vous pourſuivre , ni à vous
arrêter , quandmême je ſaurois où vous treu-
» ver ». Le voleur ne prit que douze guinées
de la bourſe , & lui rendit le reſte , en lui difant
que c'étoit tout ce dont il avoit beſoin.
Il le pria en même tems de lui donner fon
adreſſe , & lui promit , s'il lui accordoit cette
grace, de lui faire ſavoir de ſes nouvelles
dans trois mois. M. Malone , qui étoit alors
Avocat du Roi pour l'Irlande, donna ſon adreſſe,
& le voleur prit reſpectueuſement congé de
lui.
Quelque tems après , M. Malone reçut un
paquet , qui renfermoit une ſuperbe tabatiere
d'or , avec la Lettre ſuivante :
MONSIEUR ,
«Un honnête voleur de grand chemin , qui
vous a volé douze guinées , vous ſupplie d'avoir
labonté d'accepter cette tabatiere. Vous attentâtes
à ſa vie ; fſi vous aviez réuſſi à la lui ôter ,
vous l'auriez empêché de commettre un crime ,
& lui auriez épargné des remords. Cependant
il ne méritoit point de périr , ni par la main
d'un homme d'honneur , ni par celle d'un bourreau.
Un motif , qu'il ose dire noble , le porta à
aller voler ſur le grand chemin ; votre exhortation
fit la plus vive impreſſion ſur lui : ç'a été
ſon premier & dernier crime. La mort d'un
proche parent l'a rendu poſſeſſeur d'un bien considérable,
qui le met au-deſſus de la tentation
de répéter un crime , dont le ſouvenir le couvre
deconfusion».
Deux des crimine's exécutés dernierement
, offrirent leurs cadavres , la veille de
1751
leur exécution , à M. Sheldon , célébre anatomiſte
de cette Capitale ; iis lui écrivirent
en même temps, que ne pouvant réparer
autrement leurs touts envers la ſociété , ils
defiroient ſervir à l'inſtruction de ſes éleves.
Cen'eſt pas la premiere fois que ce fait eſt
arrivé à Londres.
FRANCE.
De Versailles ,le 29 Janvier.
LE 28 de ce mois , le Marquis de Courbon
a prêté ferment entre les mains du Roi
pour la Lieutenance-générale des provinces
de Saintonge &de l'Angoumois , dont il a
été pourvu fur la démiſſion du Comte de
Jonfac.
Le mêmejour , la Vicomteſſe de Suffren
a eu l'honneur d'être préſentée à Leurs Majeſtés
& à la Famille Royale par la Princeſſe
de Berghes , Dame du Palais.
Le Roi a nommé l'Abbé de Briffart ,
Vicaire Général du diocefe de Carcafſonne ,
à l'Abbaye de Fontaine-le-Comte , Ordre
de Saint Auguftin , dioceſe de Poitiers , fur
la préſentation de Monſeigneur Comte
d'Artois , en vertu de ſon apanage,
La Demoiſelle Joly , épouſe da ſieur
Cader, de l'Académie Royale de Chirurgie,
ayant eu l'honneur de préſenter à la Reine
pluſieurs de les ouvrages en émal, S. M.
lui aaccordé le titre de Peintre en miniature
d 2
( 76 )
fur émail , de ſon Cabinet, par un brevet
du 21 de ce mois.
M. Gerard de Rayneval , Conſeiller d'Etat
, de retour de Hollande , où il vient de
remplir une commiſſion particuliere , dont
il avoit été chargé par le Roi, a eu , à ſon
arrivée ici , le 24 de ce mois , l'honneur d'être
préſenté à Sa Majesté , le Comte de Vergennes
étant indiſpoſé , par le Baron de
Breteüil , Miniſtre & Secrétaire d'Etat , ayant
ledépartement de la Maiſon du Roi .
De Paris , le 7 Février.
ARRÊT de la Cour des Monnoies , du
30 Décembre 1786 , qui ordonne l'exécutiondes
Ordonnances , Edits , Déc'arations ,
Arrêts , Réglemens & Lettres-patentes concernant
la fabrication & le commerce des
matieres d'or & d'argent.
Arrêt de la Cour des Monnoies , du 30
Décembre 1786 , qui ordonne que l'Arrêt
de la Cour , du 11 Décembre 1785 , concernant
le nombre de Deniers à emboîter ,
ſera exécuté juſqu'au deanier Juin 1787 ;
Celui du 18 Janvier dernier , concernant
la clôture & l'envoi des boîtes , &
la marque diſtinctive du Point pour les fix
derniers mois , continuera d'avoir ſon exécation
pendant le cours de l'année 1787
feulement.
Le 3 : Décembre de l'année derniere ,
( 77 )
۱
vieux ſtyle, & le 11 Janvier de la préſente
année , nouveau ſtyle , le Comte de Ségur ,
Miniſtre plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Impératrice de toutes les Ruſſies , a ſigné , à
Pétersbourg avec les Comtes d Oſterman ,
de Woronzow , de Bezborodko & le ſieur
de Marcow , Miniſtre plénipotentiaire de
cette Souveraine , unTraité de navigation
&de comme ce entre la France & la Ruffie.
Cette nouvelle a été apportée par un courrier
, arrivé ici le 31 du mois dernier.
:
Tout autre intérêt public eſt aujourd'hui
ſubordonné à celui qu'inſpire l'Aſſemblée
des Notables. En attendant que nous puiſſions
rendre compte de l'ouverture de ce
Conſeil , nous donnerons ici la deſcription
qu'onnous a envoyée dela Salle où il tiendra
ſes ſéances. Nous ne pouvons répondre de
ſa parfaite exactitude; mais il eſt probable
qu'elle eſt fidelle fur les points eſſentiels.
: >> Il paroît , dit-on , que les propoſitions du
>> Roi feront diſcutées dans différents comités ,
>> au nombre de 6 ou de 7, & qui ſeront préſidés
>>>par autant dePrinces du fang.On nomme déja
>> MONSIEUR , Mgr. Comte d'Artois , le Duc
>>>d'Orléans , Mgr. le Prince de Condé , Mgr.
>> le Duc de Bourbon , & Mgr. le Prince du
Conti.
>> Le lieu de l'Aſſemblée , à l'Hôtel des Menus
, a été diſpoſé de maniere qu'outre la
>> grande piece où les Notables s'aſſembleront ,
3 & qui a 120 pieds de long , fur 100 pieds de
>> large , il y aura aux environs 12 autres pieces ,
(
d.3
( 78 )
avec chacune leur deſtination particuliere;des
>> anti-chambres pour la livrée , une pour les
Suiſſes , une pour les Gardes-du- Corps , une
>>>anti chambre , une chambre & un cabinet pour
le Roi , un Cabinet pour la Reine , une ſalle
>> pour la Buvette , une pour le Secrétariat ,une
>> ou deux pour lescomités , une où lesMembres
>> s'habilleront &c.
>> Les No tables auront une entrée particuliere
→ par cù ils arriveront de plain-pied dans la par
tie intérieure de la grande ſalled'Aſſemblée.
>>>L'autre partie de la falle , élevée en forme de
> ſtrade de trois pieds , eſt deſtinée au Roi , aux
>>>Princes& aux Pairs. Dans le milieu ſera placé
le trône, furmonté d'un dais , & aux deux
› côtés du dais , mais horsde fon enceinte , len
>> ront deux fauteuils à bras pour les deux freres
>> de S. M. Plus loin& en retour , feront deux
>> banquettes pour les Princes du Sang , & en-
>> fuited'autres pour les Pairs. Le Roi arrivera
>> au trône de plain-piedparune porte ménagée
>> dans ſon Cabinet adoffé àcette partie de la
د Salle d'aſſemblés ; des banquettes feront ran-
>>gées&diſpetées convenablementdans lapartie
>> inférieure de la Salle pour recevoir les autres
>> Membres.
» L'ouverture de l'Aſſemblée ſera précédée par
>> uneMette folemnelle à la Chapelle du Roi. Le
>> Roi , la Famille Royale , les Princes ,les Pairs
> &tous les Notables y aſſiſteront revêtus de leurs
> habits de cérémonie. Le cortegedu Roi en ſe
>>> rendant à l'ouverture de l'Aſſemblée ſera com-
>> poſé d'un détachement des cent-Suiffes , de 36
>>>Gardes-du-Corps , de 24 Chevaux Legers&de
14Gendarmes de la Garde. S. M. ſeradans fon
carroſſe de parade a 2 chevaux.
> La grande Salle eſt décorée de colonnes ,&
( 79 )
les entrecollonemens feront remplis par les
plus belles tapiſſeries de la Couronnnee,, de
>> ſuperbes tapisde la Savonnerie couvrironttout
>> leplancher,& les banquettes feront couvertes
>> de tapis fleurdeliſés. On a ménagé dans les
>> quatre angles de la Salle la place de quatre
>> grands poêles qui répandront de la chaleur
par-tout ".
Les terres de la Subdélégation de Nerac
ayant éré ravagées par la grêle , au mois de
Juin dernier , les Cultivateurs ſe font trouvés
ſans reſſources pour continuer leurs
travaux , & fur tout pour enfemencer ; mais
ils ont été ſecourus par des Négocians de
la vi le de Nerac , qui leur ont fait toutes
lesavancesnéceſſaires en argent & en grain ;
ces généreux Négocians font les ſieurs Perribere
, Larrat , Bere Mauveſin , Gimet l'aîné
, Coutures , Notibé , Silveftre-Armaignac ,
Tapié , Maille , Leſpiault fils ,& Lefpinafle-.
Bergerac. Le Ro leur a fait témoigner toute
ſa fatisfaction , & les a aſſurés de ſa bien .
veillance particuliere.
f >>Le Profpectus auſſi touchant que noble
>>de Souſcriptions pour la conſtruction de
>>quatre Hôpitaux à ſubſtituer à l'Hôtel-
>>> Dieu , a déterminé des Corps , des Affo-
>> ciations, des particuliers , à ſeconder à cet
->>> égard les vues bienfaiſantes de S. M. On
>>>affure que MM. les Fermiers Généraux
>> ont arrêté de conſacrer cent piſtoles cha-
>>>cun par an , on 44,000 liv. annuellement
>>à la fondationdes quatre nouveauxHôpi
d4
( 80 )
>> taux; M. Magon de la Ballue a ſouſcrit
>> pour 24,000 liv. , M. le Duc de Praflin
>> pour 12000 1.; & l'on compte déjà , à ce
>>>qu'on ajoute , plus d'un million de ſouf-
>>criptions. M. Poyet a été nommé Archi-
>>>tecte de la ville de Paris , au lieu de M.
>> Moreau ; & on croit qu'il ſera chargé de
la conſtruction des nouveaux Hôpitaux.
Ila été armé , l'année derniere , dans le port
de l'Orient , 88 navires pour l'Inde , l'Amérique
, la côte d'Afrique , & la pêche de Terre-
Neuve. Le nombre de ceux qui ſont arrivés de
cesdiverſes parties , eſt de 102. L'état des chaloupes
de pêche de ce département, eſtd'environ
138 , & on eſtime qu'il y eſt entré plus de 600
barques de différentes grandeurs , chargées des
objets néceſſaires aux beſoins du port , de la
Compagnie des Indes , du commerce & de la
conſommation de la ville. Plus de 400 de ces
barques ſont reparties chargées pour differentes
deſtinations du Royaume &de l'Etranger.
Un de nos Abonnés ayant acheté de M.
l'Abbé Poinfot , Curé de Chemilly , près
Chablis en Bourgogne , le ſecret dont il a
été queſtion dans les Feuilles publiques ,
pour préſerver les pêchers , abricotiers &
autres arbres , tant en eſpalier qu'en plein
vent , des intempéries de l'hyver & du printemps,
il n'héſite point à le rendre public.
Nous nous empreſſons done de concourir
à fon zele , en donnant ici cette méthode ,
telle qu'il nous l'envoie.
« Il faut d'abord , dit M. l'Abbé Poinfot , que
> ces arbres ſoient taillés , dès qu'on préſume
( 81 )
>> que la ſéve va ſe mettre en mouvement ; ce
>> qui a lieu ordinairement en Février ou Mars ;
les nettoyer avec une petite broſſe , des punais
>> ſes & autres infectes , de la moufle & gomme ;
> avoir l'attention de ne pas broffer à rebours , &
>>>les bien labourer.
Pour les arbres en espalier.
>> Il eſt bon , dès la fin de Décembre , de
placer au-deſſus des eſpaliers , des auvens en
>> roſeaux , paille ou planches , de 30 pouces de
> arge , ſur des piquets placés dans le mur , en-
>> fuite,lors de la ſéve, en planterd'autres & les at-
>> tacher avec ceux placés da le mur , les croi-
>> fer par des perches de diſtance en diſtance ,
>>juſqu'a I pied de terre , garnir le total de bran-
>> ches de genevrier ou d'autres ,d'arbres toujours
>>verds , laiſſant peu de vuides; fi le bout de l'ef-
>>> palier n'eft pas fermé par un mur , il faut le
>>>garnir d'un paillaſſon ou planches pour arrêter
>> la force de l'air,
>> Cet'abri eſt néceſſaire juſqu'en Mai , enfuite
>> l'on ôte tous les jours , de diſtance à autres ,
>> quelques pieds de genevriers , & l'on tâche de
>> finir par un tems doux & couvert.
Arbres en plein vent .
C'eſt le même moyen , à cela près de la dif-
>> ficultédu treillage.
>> Il est néceſſaire d'attacher au tronc de l'ar-
>>>>bre une perche aſſez forte , qui ſurpaſſe la címe
>> d'environ 3 pieds ; adapter en haut une virole
>>pour y attacher pluſieurs perches qui faſſent ,
>> pour ainſi dire , l'effet d'une carca de para-
>pluie , qui ſeront attachées aux extrémités à
>>un cercle dont la grandeurdoit être propor-
>> tionnée à l'étendue de l'arbre , paffer comme
ds
( 82 )
"
une eſpece de treillage des branches für ces
perches , pour recevoir les genevriers , &c. ou
même des paillaſfons de paille de pois. Souten
>>> le cercle par pluſieurs piquets & garnir comme
les eſpaliers , du côté du nord eſt ſeulement ,
juſqu'à la naiſſance des branches , le trenc
>>n'ayant rien à craindre. Il eſt eſſentiel que ces
abris ne touchent point aux arbres.
>> Si pour un verger on regardoit cette opération
trop longue , on peut ſeulement , enAvril
>> & Mai , s heures avant le ſoleil , faire brûler
5 de la paille mouillée , ou fumier non-conſommé
, ou enfin , des arbres bruyeres , enforte
>> que le vent potia fumée ſur les arbres ; cela
détruit les infectes. "
La Société patriotique de Valence em
Dauphiné vient de récompenfer , par le don
d'une ſomme d'argent équivalente à une
Médaille d'or , l'action courageuſe dont
voici le rapport .
Le Jeudi 4 Janvier 1787 , às heures du foir ,
le nomméGanivet, Patron du Coche de Lyon ,
àAvignon , le détacha , ſuivant l'uſage , avec un
barquet , pour dépofer les marchandiſes deſtinées
pour Valence. Il conduiſoit ce barquet ; le vent
de biſe étoit très- fort , les eaux affez enflées , &
fon barquet très chargé. Il ne peut réuffir à éviseruncourantdangereux
auprès duport des Lanternes,
& il vient ſe brifer contreun brigantin
des Péages quiy étoit amarré. Il difparoît auffi-tot
avec tout fon chargement. Heureuſement la prévoyance
du choc lui avoit fait appeller du ſecours ;
& le nommé Henri Raymond , jeune batelier de
16 ans , étoit accouru ſur des bateaux , voiſins du
brigantin. Ilvoit reparoître Ganivet ſur le bord
dol'un de ces bateaux, &court le faifir par le bras
( 83 )
pour l'aider ày monter. Mais il n'a pas affez de
force; &Ganivet , qui avoit conſervé encore de
la préſence d'eſprit, ſentant qu'il entraîneroit le
jeunehomme& le perdroit , ſedétache de lui ,&
nage comme il peut. Le jeune homme ne le perd
pasde vue , le ſuit de bateaux en bateaux , &
voyant qu'il s'affoibliſſoit , le reprend encore par
lebras ,&le retientjuſqu'à ce quedes perſonnes
qui arriverent enfin à ſes cris, lui aiderent à le retirer.
Laconſtance& le couragedu jeune Raymond
eſt d'autant plus méritoire , que deux jeunes gens
qui avoient d'abord accouru avec lui aux premiers
cris deGanivet , s'enfuirent lâchement àl'instant
où ils le vitent échouer , dans la crainte de périr
en le ſecourant , & vouloient auſi emmenerRaymond.
Ganivet , retiré des eaux , a atteſté , par
les témoignages de ſa reconnoiffance, tout ce
qu'il devoit àl'intrépidité & à la prudence de ce
jeunehomme;&ce qui l'atteſtoit encore mieux ,
c'eſt la vive ſarisfaction que le jeune homme
faiſoit éclater lui-même d'avoir été fon libérateur.
Dans une Inſtruction que vient depublier
le Journal de Normandie, ſur les accidens
produits par le chauffage de la braife & du
charbon , on lit entr'autres , le récit fuivant.
Le Geur Bayeux , Capitaine de Havre , eſt rentré
à bord , le 26 Décembre,au ſortir de la Comédie,
apportant un fac debraiſe , il s'eſt enfermé
dans få petite chambre , qui n'a pas fix pieds em
longueur , un peu plus en largeur, & une élévation
peu conſidérable , avec ſon Mouile &
fon chien. Le Capitaine & le Mouſſe ſe ſont mis.
en traind'allumer la braiſe , en foufflant avecum
chapeau. Après une demi heure le Mouffe s'eft
16
( 84 )
trouvé mal , ſe plaignant d'un grand mal de
tête&d'étourdiſſemens.( Il n'avoit pas ſoupé.)
Le Capitaine l'a encouragé , l'a grondé ; mais dé.
finitivement , n'y pouvant plus tenir , il s'eſt
écrié: il faut que je dorme. » El bien ! couchetoi.
» Le Maître a continué de ſouffler la braiſe .
Vers minuit le chien a tombé , s'eſt roulé , ſe
frappant la tête contre les planches. Le Capitaine ,
compatiſſant , a pris l'animal par la peau du cou ,
l'a porté ſur le pont , où l'air frais luia rendu la
vie , & l'imprudent s'eſt enfermé de nouveau pour
ſe chauffer à ſa braiſe . Il s'eſt endormi deſſus . A
neuf heures du matin les Matelots , ne voyant
point reparoître ni Capitaine , niMouſſe , ont fait
demander la permiſſion d'enfoncer la porte. On
a trouvé ces deux hommes aſohixiés , & fur tout
le Capitaine apoplectique. ( On aſſure qu'il a été
trouvé une ſouris morte dans un ſoulier du Moufſe.)
Ce malheureux eſt mort à deux heures,dans
un cabaret où ils avoient été tranſportés tous les
deux. Il a été fuffoqué , & mouroit en apoplexie ,
rendant beaucoup d'écume par la bouche & les
narines , ayant les mâchoires très-ferrées , les paupieres
fermées , le teint plus pâle qu'animé , le
ventre & l'eftomac diſtendus d'air, préſentantune
forte de molleſſe...Le Mouſſe a été facilement remis
en ſanté avec le vinaigre qu'il a avalé & pris,
dans des lavemens .
Les ſecours , dans ces cas malheureux , ſont
pourtant ſimples , faciles , à portée de tout le,
monde. Ils conſiſtent à porter l'aſphixique ou l'afphixié
en plein air , quelque tems qu'il faffe , &
à lui jetter, ſur-tout au viſage , de l'eau très-...
froide; à lui ſouffler dans la bouche , afin de faire
pénétrer de l'air pur dans la poitrine . ( C'eſt ce
qu'on afaitdans le premier des accidens que nous
avons conſigné.) Auſſi tôt que la déglutitionpeut
( 85 )
avoir lieu , il faut faire avalerdu vinaigre plus ou
moins étendu dans l'eau , en ad niniſtrer dans des
lavemens d'eau froide , qui ſont d'une très-grande
utilité. Dans les cas très-graves la faignée à la
jugulaire eſt importante , s'il n'eſt pas trop tard ,
comme chez le Capitaine Bayeux. Les frictions
légéres & répétées , animées de la vapeur du vinaigre
, le bain , ſont auſſi d'une grande utilité...
Mais on doit conſulter plus ſpécialement l'inf
truction donnée par M. Portal , en ſon rapport
fait par ordre de l'Académie des Sciences , fur
les effets des vapeurs méphytiques dans le corps
de l'homme. Paris 1776.
« Les de ce mois , le feu prit à une corvette
qui étoit en rade , & qui ſervoit à la
>> flotte Hollandoiſe , de dépôt pour les malades
> & pour les carenages. Il ſe manifeſta à deux
>> heures dumatin , les ſecours furent infuffifans,
>> & à cinq heures , on fut obligé de l'aban-
>> donner : le vaiſſeau Amiral Hollandois tira
>> alors trois coups de canon pour donner l'allar-
>> me ; toutes les troupes de terre & de mer fu-
>>>rent ſur pied , & les vaiſſeaux qui ſe trouvoient
>> près de la corvette incenfiée , mirent à la
>> voile pour s'en écarter ; les flammes jettoient
>> dans l'atmosphere une clarté ambulante ; le
>> bâtiment flotto't au gré des vents , & on ap-
>>percevoit les autres vaiſſeaux qui cingloient à
>>>pleines voi'es pour l'éviter. La Ste Barbe con-
>> tenoit trente quintaux de poudre , le feu s'y
>> communiqua à neuf heures & un quart , alors
>> il ſe fit une exploſion curieuſe ; la corvette s'ê-
> leva en l'air , mais étant retombée , elle brûla
>> pendant plus d'une heure encore : il n'y a pré-
>> ciſément que la quille qui ſe trouvoit dans
>> l'eau qui n'a pas été la proie des flammes : cet
» événement provient de l'imprudence d'un mas
( 86 )
>telot, qui avoitdu feu dansſa chambre : cette
>>>corvette étoit neuve, elle avoit été lancée en
1780 ; on ne ditpas queperſonne ait péri dans
>> cette occafion »,
Les Affiches de Lorraine rapportent en
ces termes un accident arrivé fous les murs
deNancy , le 30 Décembre dernier.
Quatre enfans de douze à treize ans s'amufoient
ſur la glace , & voulcient arriver dans un
endroit qu'ils penſoient être le moins profond.
Le plus avancé tombe ſous la glace , deux autres
veulent le ſecourir, ils éprouvent le même fort ,
le quatrieme , fils du ſieur Blaiſe , Faiſeur de
corps , ne ſe rebute point; il prend une perche ,
va vers le précipice ,retire unde ſes camarades,
&le conduit à terre: il retourne , &parvient
encore à ſauver le ſecond; mais le troiſieme ne
paroiſſant point , ilaceſſe ſes recherches. Il s'étoit
amaflé une foule de monde ſur le bord de
l'étang , qui admira le ſang froid& l'intrépidité
de ce jeune homme. Quatre hommes ont pris
une mauvaiſe nacelle , & ne ſont parvenus vers
le précipice qu'au bout d'une heure & demie ,
parce qu'il falloit couper la glace à coups de
hache. On a ramené le noyé dans une maiſon ;
mais après deux heures de travail , il eſt ſurvenu
un Chirurgien , qui a déclaré qu'il étoit mort ,
& qu'il n'y avoit plus moyen d'attendre ſa réfurrection
. D'après cet avis , & celui du Commiſſaire
, on a porté le noyé dans la maiſon de
ſon pere.
Le Journal de Guyenne a rapporté, fur.
l'autorité d'un reſpectable Magiſtrat de
Bordeaux , un trait devertu populaire , di
gne de la plus grande publicité.
«Le ſieur Cham***, Capitaine enſecond ſur un
( 87 )
>>Navire Marchand , eſt mort dans les Colonies,
>> laitfant ſa femme chargée de fix enfans & en-
>> ceinte du ſepriéme ; la longue abſence de for
» mari , le défautde ſecours qu'elle eſpéroit re-
>>>cevoir de lui , l'avoit déja plongée dans la plus
>> profonde miſere ; elle avoit contracté des
dettes pour ſa ſubiſtance& celle de ſa famille ;
>> elle devoit pluſieurs quartiers à la nourrice de
>> ſon dernier enfant , lorſque cette nourrice ap-
>> prend tout- à-la- fois la mort du ſieur Cham***
>> l'extrême miſere de ſa veuve , & la naiſſance
>> d'un ſeptiéme enfant ; elle quitte ſon village,
ſe rend à Bordeaux , vient mêler ſes larmes à
celles de la veuve Cham***, lui rend l'enfant
>> qu'elle avoit allaité juſqu'à ce moment , &
>> demande qu'on lui confie le nouveau-né , ſans
vouloir entendre parler d'aucun arrangement
>> pour ſon ſalaire, ni pour le paiement des quartiers
déja échus.Afon exemple , la ſervantede
la dame Cham*** vend ſes propres effets , pour
>> procurer du pain à ſa malheureuſe Maitreffe;
>> elle annonce qu'elle veut vendre , pour le
même objet , le peu de fonds qu'elle poffede,
Le-13 Décembre 1786 , le feu ſe manifeſta
avec violence en l'Abbaye royalede Notre-Dame
de Protection à Valogne. Au premier coup de
tocsin, Meſſieurs les Commandans du régiment
de la Reine , à la tête de leur troupe , s'y rendirent
avec empreſſement , ainſi que Meſſieurs
les Lieutenans-Généraux & Procureur du Roi
du Bailliage, Religieux , Capucins , & principaux
habitans , pour y donner tous les ſecours
néceffaires ,&arrêter , autant qu'il ſcroit en eux,
l'impétuoſité de l'embråſement général qui parut
inévitable für les fix heures da ſoir.
Malgré la tempête affreuſe qui empêchoit ,
pour aina dire , que chaque particulier fe fou
( 88 )
tint dans les cours de l'abbaye , les ſecours y
furent donnés avec tant de zele , & un ordre
fi bien établi , que l'on parvint à éteindre le
feu vers les dix heures & demie du ſoir .
On doit les plus grands éloges à l'activité &
au zele des ſoldats du régiment de la Reine ,
qui , à l'exemple de leur digne chef, Monfieur
de Chalup , Major , ſe ſont portés par - tout
où le danger étoit le plus grand; leur générofité
s'eſt fait connoître juſqu'au point de refuſer abſolument
la gratification que la reconnoiſſance
de Madame l'Abbeſſe & des Dames Religieuſes
leur offroit , & leur ont fait aſſurer que la fatisfaction
de leur avoir été utiles leur tenoit lieu
detout.
Les Officiers municipaux ſe ſont aſſemblés &
ont récompenfé avec générosité le nommé Dumont
, Soldat , & un des Savoyards privilégiés
par la Police , qui , malgré la tempête & les
Aames , ſont demeurés ſur le faîte de la maiſon
àdiriger les tuyaux de la pompe juſqu'à ce que
le feu ait été parfaitement éteint.
Marc Jean de Tenay , Chevalier , Marquis
de S. Chriſtophe , Seigneur de Brian ,
Ste. Foy , Noyers , Fougeres , Sancenay ,
Rouy, Fromoux & autres lieux , eſt décédé
dans ſon château de S. Chriſtophe en Brionnois
, province de Bourgogne , le 17 Janvier
1787 , dans la 87°. année de fon âge.
Il eſt le dernier de l'ancienne maiſon de
Tenay : la branche poſſédoit la terre de
S. Chriſtophe depuis 1466. I l'a habitée soans
, fans que perſonne ait eu de plainte à
former contre lui : juſte & aumenier, fos
vaſſaux le pleurent & le béniſſent.
( 89 )
- Frédérique-Conſtance , née Princeſſe Lubomirska
, veuve , en premieres noces , du
Comte Deſalleurs , Ambaſſadeur en pluſieurs
Cours , & épouſe , en ſecondes noces,
duMarquis de la Bourdonnaye &de Lirée,
eſt morte à Paris, le 11 du mois dernier ,
dans la 68. année de ſon âge.
_Charles- Antoine Tranquil , Comte de
Roncherolles , Seigneur de Daubeuf , le
Buſpin , Chevalier de l'Ordre Royal &Militaire
de Saint-Louis , eſt mort , le 24 du
mois dernier , en ſa terre de Daubeuf, en
Normandie , dans ſa 73e. année.
Meſſire
Le 14 Janvier , Haut & Puiſſant Seigneur
Jean-Baptifte-François-Angélique de
>> Remigny , Marquis de Joux , Syndic de la
Nobleſſe de Nivernois , époux de dame Ma-
» dame Susanne- Théreſe Séguier , Demoiselle,
>> ſoeur de M. Séguier , premier Avocat-Géné-
>> ral au Parlement , eſt mort en ſon Hôtel à
>>>Nevers , âgé de 77 ans ſept mois ».
Les Numéros ſortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le I de ce
mois , font : 32 , 70 , 11 , 35 & 9 .
:
2
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 3 Février.
En énumérant , d'après le Docteur Bufching
, le nombre des morts & naiſſances à
Berlin en 1786 , nous avions adopté une
traduction qui , dans ce dénombrement ,
( 90 )
faisoitmourir 653 personnes de miſere. Cette
évaluation , conſignée également dans la
Gazette de France , a donné lieu à des lettres
, des exclamations , des Commentaires
&des gémiſſemens ſur une perte d'hommes
auffi confidérable, par une cauſe auffi touchante.
Un inſtant d'attention nous eût
préſervé, ainſi que les obſervateurs d'une
erreur auffi groſſiere; car il devoit paroître
bien extraordinaire , que dans une ville de
150 mille habitans, une ville ſous l'oeil immédiat
du Gouvernement de la Pruſle un
10º. des morts annuels , eût été emporté ,
faute de ſubſiſtance. Voici la ſource de cette
mépriſe. M. Buſching s'eſt fervi de l'expref-
Gon Allemande Jammer, qui , dans l'acception
vulgaire , fignifie mifere ; mais qui ex
prime aulli , & ſpécialement , cette eſpece
de maladie commune aux enfans en bas
âge , que l'on appelle en France des convulfions.
Or, ce dernier ſens eſt ſi clairement
celui deM. Buſching , qu'après avoir énuméré
478 enfans morts à la ſui e de la dentition,
il place immédiatementles 653 individus,
prétendus morts de mifere. Il ajoute enſuite
, qu'en général le nombre des enfans
morts a été de 3609 , & de 3877 , en y
comprenant 268 enfans morts-nés ; les naifſances
n'ayant par conféquent excédé que
de 900 le nombre des ſeuls enfans moits.
Combien d'aſſertions , de raiſonnemens &
de ſyſtêmes , qui n'ont le plus ſouvent pour
۱
1
) وا (
fondement , que des erreurs du genre de
-celle-ci !
Ce qu'il y a de plus frappant dans l'énoncé
da Docteur Busching , c'est qu'il compte
à Berlin pendant l'année derniere 40 ſuicides.
Iln'y en a pas autant à Londres , li faufſement
réputé le ſiége particulier du ſuicide.
Il est vrai que fur ces 40 malheureux , il ſe
trouve 23 foldats , étrangers la plupart vraifemblablement
, & expiant la légereté de
leur expatriation, 22 de ces ſuicides ſe ſont
noyés, 9 pendus , 7 tués avec des armes à
feu, && 2 fe font coupés la gorge. Dans leur
nombre il s'eſt trouvés femmes.
Nous avons fort peu parlé de la petite
révolte des Séminariſtes de Louvain , dans
la perfuafion que ce mouvement intéreſſeroit
peu la pluralité de nos Lecteurs, Rien
ne prouve mieux le pouvoir des opinions ,
quelles qu'elles ſoient, que la tourmure actuelle
de cette affaire. On a préſenté aux
Séminariſtes exaltés un Réglement à ſigner,
ſous peine d'être renvoiés : ils ont accepté
ce Réglement , mais les éleves du 4e. & du
se. Cours ontabſolument refuſé de ſuivre
les leçons du Droit Canonique. Tous ont
donc été congédiés; la déſertion eſt à peuprès
complette; & Jeudi 25 Janvier , il ne
reſtoit plus , dit on , au Séminaire que 36
éleves.
Les Etats d'Utrecht ont pris la réſolutionde
n'accepter aucune Médiation particuliere ; ils
ne veulent que celle des fix Provinces Confédé
( 92 )
rées: ils prétendent de plus , queles Conférences
Se tiennent à Utrecht , que les Corps-Francs auxiliaires
en fortent ; que les Troupes actuellement fur
le territoire de la Provincey restent , &c. , &c.
C'eſt certainement fermer la porte àtoute conciliation
; on s'y attendoit; mais ce à quoi on
ne s'attendoit pas , c'eſt à une Lettre que ces
prétendus Etats d'Amersfort ont écrite aux Etats
de Hollande , dans des termes auſſi peu ménagés
que ceux dont la Majorité de Friſe s'eſt ſervie
dans la fameuſe ſatyre contre lesEtats de Hollande.
( Gazetted'Amsterdam , nº. 8 ) .
Par une réſolution du Magiſtrat de la
Haye , la Bourgeoiſie armée a été relevée du
ferment particulier, que chaque Bourgeois
prêtoit à SonAlteſſe , le Seigneur Stadhouder
: l'article de la formu'e du Serment qui
regardoit directement le Stadhouder , a été
rayé du Formulaire. Cependant cette réſolution
eſt des plus flatteuſes pour le Prince ,
puiſqu'elle a été priſe ſur la Lettre de S. A.
même, dans laquelle il eſt dit >> Qu'en con-
>>ſentant à ce que les Bourgeois de la Haye
>>>ſolent relevés du Serment de fidélité qu'ils
>> lui avoient prêté, Son Alteſſe eſpere néan
>> moins que ces Bourgeois ne lui en refteront
pas moins attachés & moins dévoués ».
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
>> Jonhſon , porteurde grains , & un fameux
>> athlete de Bristol , doivent ſe battre à coups
>> de poings Jeudi prochain à Talcham , à envi
( 93 )
ron trois milles de ce côté de Newbury , dans
>> la province de Berks pour deux cens guinées.
>> Ces deuxchampions n'ont pas encore été vain-
>>> cus ni l'un ni l'autre. Ils doivent ſe battre ſur
>> un théâtre de dix-huit pieds carrés , & l'on
> conſtruira tout-au-tour une galerie pour les
>> ſpectateurs. Perſonne ne doit être admis dans
>> l'enceinte qu'en payant une guinée , & on
>> jouira du plaiſir , noble & délicat , de voir
>> deux hommes chercher à s'aſſommer l'un l'au-
>> tre pour de l'argent. On aſſure qu'il y a
>> plus de deux mille louis de paris ſur l'é-
>> vénement de ce combat. Courier de l'Enrope
, n°. 5 ».
On voit aujourd'hui la réponſe que S. M.
l'Empereur a faite aux Archevêques & Evêques
de l'Egliſe Germanique , touchant leur différent
avec la Cour de Rome , fur les diſpenſes , &c.
C'eſt un Reſcript Impérial , en date du 16 Novembre
dernier. L'Empereur y loue beaucoup
la réſolution qu'ont priſe ces Evêques de ſoutenir
leurs droits contre les prétentions & les
empiétemens de la Chaire Apoftolique , & furtout
les efforts qu'ils font pour remédier aux
abus qui ſe ſont gliffés dans le Gouvernement
& la diſcipline de leurs Egliſes reſpectives :
S. M. l'Empereur ajoute , que lui-même a
déjà pris de telles meſures pour ſes propres Etats ,
que ſes Sujets commencent à en retirer les fruits
précieux , qu'ainſi S. M. deſire ardemment que
les Sujets de l'Empire-Romain en perçoivent auſſi
les mêmes avantages , & qu'en qualitédeProtecteur
de l'Egliſe Germanique , il con ribuerade tout
ſon pouvoir au redreſſementde ces abus , pourvu
que ce ſoit conformément à la Conſtitution de
l'Empire : mais S. M. penſe que pour parvenir plus
( 94 )
۱
$
efficacement à ce but falutaire , il eſt abfolu
iment néceſſaire , qu'avant tout , tous les Evêques
d'Allemagne & tous les Princes temporels , qui
ont des Sujets Catholiques-Romains dans lesDiocefes
d'Al emagne , s'accordent parfaitement ſur
les changemens à faire & les moyens de les
opérer ; ne doutant pas que les Princes Séculiers
intéreſſés à cette réforme , ne s'y prêtent volontiers.
On voit par-là que cette réforme eſt
encore bien loin de s'effectuer , puiſqu'outre la
lenteurordinaire avec laquelle ces grandes affaires
ſe traitent , en Allemagne ſurtout , il fera trèsdifficile
d'obtenir le conſentement unanime de
tous les Evêques & Princes intéreſfés , fans
l'aveu deſquels il paroît que l'Empereur est décidéde
ne pas agir en faveur des Evêques Réformateurs.
( Gazette d'Amsterdam ,1.8 ) .
«Les Marchands des fix Corps de la ville de
>>>Paris ont donné aux deux Ordres de la Ré-
>> demption des Captifs , une ſomme de 12000 1.
>>p>our contribuerau rachat des François, quiont
le malheur d'être Eſclaves chez les Barbaresques
». (Gazette d'Utrecht ).
•Le combat à coups de poings , annoncé pré-
> cédemment, aeu lieu Jeudi dernier. Les deux
athletes monterent à midi fur l'échafaut qui
avoit été élevé pour eux , &ſe battirent pen-
>>dant deux heures&vingt- fix minutes. Jonhfon,
le porteur degrains, quoique plus fort que fon
antagoniſte , ne putpoint réſiſterà fon adreſſe.
Ward lui donna des coups terribles , para ceux
qui lui furent portés ,& remporta enfin la victoire
par une rufe ( 1 ). Ce ſpectacle fut he-
( 1 ) A chaque fois que fon antagoniſteſe larçoit
fur lui , it se taifloit tomber fur un genou àdenti
( ور (
noré de la préſence dedeux Vicomtes , d'un
>>Chevalier de l'Ordre du Bain , d'un Baron-
>> net , de pluſieurs Gentilshommes , quiavoient
>>>fait des paris conſidérables. Une foule innom-
>> brablede bouchers , de charretiers & de char-
>> bonniers formoient le cercle autour de l'é-
>> chafaut ; trente mille perſonnes , au moins ,
>s'étoient aſſemblées pour jouir de ce ſpec-
>>tacle ». ( Courler de l'Europe ) .
Cause extraite du Journ, des Causes céléb. (1 ) .
Femme condamnée à être pendue & brûlée pour
avoir fait afſaſſiner fon mari parson amant.
,
La campagne devroit être l'aſyle de l'innoa
cence. Le ſpectacle de la nature éloigne les
paffions & les empêche ſur-tout de produire
des crimes. Cependant ce ſijour n'eſt que trop
ſouvent fouillé par des délits auffi horribles que
ceux qui ſe commettent dans le ſein des grandes
villes au milieu de la corruption. Cette cauſe
en fournit un exemple.
Un laboureur , nommé Jean Labauchede ,
avoit épousé Jeanne Dubernet , jeune & jolie
payſanne. Il croyoit trouver le bonheur dans
cette union. Il n'a pas été long-tems fans s'appercevoir
qu'il s'étoit trompé : fon épouſe le
1
fuyoit & recherchoit la ſociétédes jeunes garçons
renverſe ; il reçut un coup dans cette pofition ; ce
qui s'appelle foul blow , ou coup mal donné ; ce
qui fuffit pour faire perdre le pari à celui qui le
donne. ( Courier de l'Europe ) .
( 96 )
duvillage. Un d'eux, nommé Pierre Bellette,
qui avoità peine 17 ans , & qui étoit d'une
figure agréable , attira ſes regards. Elle réſolut
d'en faire l'inſtrument de la haine qu'elle avoit
conçue contre ſon mari. La jeuneſſe eſt facile.
Une femme jeune & jolie lui inſpire à ſon
gré les paſſions qu'elle veut. La Dubernet amena
le jeune Bellette à lui faire l'aveu qu'elle defiroit
, & lui promit que ſi elle devenoit veuve ,
elle l'épouferoit. Cette idée n'eut rien d'effrayant
pour Bellette. Il crut qu'il étoit dans l'ordre des
événemens que le mari de ſa maîtreſſe , qui
'étoit beaucoup plus âgé que lui , mourût dans
peu& qu'il ſeroit heure. x. La Dubernet , qui
ne vouloit pas attendre ſa liberté d'un avenir
incertain,profita , comme une autre I eſcombat,
d'un moment de délire de ſon jeune amant ,
pour le déterminer à affaffiner ſon mari. On
affure qu'il futd'abord révolté de la propoſition ;
mais que ſa maîtreſſe l'ayant menacé de ne plus
le revoir , il eut la foibleſſe de confentir à
ce qu'elledefiroit . La Dubernet ſachant un jour
que fon mari ne reviendroit que le ſoir , elle
prêta un fufil à ſon amant & le plaça derriere
une haie pour attendre que la victime paſsât.
Le mari infortuné reçut ainſi , à quelques pas
de chez lui , un coup de fufil qui lui donna la
mort.
Les auteurs de cet afſaffinat furent bientôt
découverts. Le Lieutenant Criminal de Marfan
les condamna aux fupplices qu'ils méritoient ,
&ſur l'appel de la ſentence , le Parlement de
Bordeaux , par Arrêt du 26 Mai 1786 , a condamné
l'affaffin à la roue , & fa complice à
étre pendue & brûlée. Ce quia été exécuté.
-১
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 17 FÉVRIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Sur la Manie des Synonymes.
CHANTRES divins,,
aux pieds de qui la France
Avec reſpect jadis ſe proſterna ;
Triomphateurs de la vaine ignorance ,
Que par vos mains Apollon détrôna ;
Devos grands noms dont le Pinde s'orma ,
N'attendez pas ici l'apothéoſe;
Car tous les vers de Phèdre & de Cinna ,
Sont moins vantés qu'un ſynonyme en profe.
!
ab ai
No. 8 , 17 Février 1787. E
98 MERCURE
Aux CITOYENS DE LILLE.
ILL faut donc nous réſoudre à tous les ſacrifices ! *
Sombreuil emporte encor nos regrets mérités ;
Le Dieu Mars vient enfin , pour prix de ſes ſervices ,
De le placer à fes côtés.
(Par M. Becquart , de la même Ville. )
Bouts-rimés qu'on avoitproposés.
I.
Qu'un Prélat pour ſéjour ait un palais de
•
Fée;
preffoir;
coëffée ;
Qu'unVigneron ſe plaiſe à remplir fon
Qu'à la mode du jour Mélite ſoit.
Quefurunmonceau d'or l'Avare aime à s' affeoir ,
..
• •
Peu m'importe: pour moi que nul ſoin ne balotte ,
Muni d'une beface , armé d'un gros... .bourdon ,
Je brave tous les temps ſans chapeau ni .. calotte ,
Et je vis du reſpect qu'on porte à mon .. cordon.
(Par un Religieux de la Grande Observance. )
II.
...
Fée.
preſſoir;
FOIN du plus beau palais , fût-il palais de
Pour tréfor je poſsède une vigne , un
* Ces facrifices ſont de s'être vû enlever M. le Maréshal
de Muy , M. le Maréchal de Caſtries & M. de Calonne
, qui font tous fortis de Lille pour être à la tête
du Ministère & entrer dans l'Adminiſtration.
DE
99
FRANCE.
• •
Atable nuit&jour, bouteille dé • •
Invite auprès de moi tout buveur à s'
Là , Bacchus égayant ceux que le fort.
Son tyrſe au pélerin ſert ſouvent de.
L'Abbé , de pampre verd couronne ſa.
Et le Moine , en riant , s'en fabrique un.
•
coëffée
affeoir :
• balotte,
.bourdon;
calotte.
cordon.
..
(Par M. Laurent , de Charleville .)
III.
Şı j'avois le bonheur d'être aimé d'une..
Je lui demanderois jardin , vigne &. •
Femme jeune &gentille , & fimplement.. coëffée ,
Fée
.preſſoir
Caroſſe pour courir & fauteuil pour m'.
Du grand loto par mois une ſeule
• affeoir ,
• .. • balotte,
Table de douze amis , muſique en faux- bourdon,
Tout ce qu'a le Chanoine , excepté la.
Tout ce qu'a le bon Moine , excepté le.
.. calotte,
• cordon.
(Par M. Br... , Avocat à Commercy.)
I V. 1
ENIGME en Bouts - rimés.
SANS ſecours merveilleux de Sylphe ni de Fée,
Je me métamorphoſe à l'aide d'un
Celle qui me reçoit , lorſqu'elle eſt bien.
.... preffoir;
ه coëffée ,
Voit beaucoup d'amoureux autour d'elle s' afſeoir.
J'ai l'eſprit turbulent; j'attaque , je .... balotte
Le guerrier intrépide & le porte- . .. . bourdon,
Le robin , le traitant , le fat , l'homme à . calotte ;
Je ne reſpecte pas la croſſe& le. ..
(Par un Abonné dela Motte Chalançon. )
• cordon.
Eij
100 MERCURE
V.
Unjeune hommed'abord priſe un Conte de
Puis l'Amour , puis le jus qui couledu.
Bientôt après il veut que ſa Dame.
Puiſſe devant la Reine à Verſailles s' .
•
Fée,
preffoir;
• • coëffée
affeoir.
Quand jeuneſſle s'enfuit , vanité nous.
Le Pélerin la porte à côté du.
•
•
• •
L'Avocat au Palais , l'Abbé ſous ſa. ...
Et leMoine indigent autour de fon- ...
balotte;
bourdon,
calotte
cordon.
(Rar le vieux Berger des Coteaux de Bergerac. )
VI.
VINTRIGUE eſt à la Cour une méchante Fée.
Heureux qui voit couler le jus de fon. • preffoir;
Heureux qui voit de fleurs ſa Bergère.
•
.coëffée ,
Et qui peut auprès d'elle à toute heure s' affeoir!
Grands ! c'eſt vous ſur - tout que le deſtin balotte;
Le Pélerin craint peu de perdre ſon.... bourdon ,
Mon Curé fatisfait porte en paix fa.
Tandis que le Viſir redoute le • .....
ة م ز ا
calotte,
cordon.
(Par un Berger du Gouzon. )
DE FRANCE. ΙΟΙ
Bouts - rimés à remplir :
BOURASQUE ,
FUMET ,
BASQUE ,
PLUMET ,
FIÈVRE ,
BILLARD ,
LIÈVRE ,
CORBILLARD ,
1
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphedu Mercure précédent.
LE
E mot de la Charade eſt Gentilhommes
celui de l'Enigme eſt Draps de lit ; celui du
Logogryphe eſt Rhume , où l'on trouve mer,
rue, mur , rum , mûre , plume.
MON
CHARADE.
On premier compte quatre ſoeurs
Et mon ſecond une demi-douzaine ;
,
Achercher man entier ſouvent l'on perd ſa peine;
Si vous le rencontrez , conſervez- le , Lecteurs .
(Par M. Inhel, à Loches.)
E ist
102 MERCURE
ÉNIGME.
LECTEUR, fans fortir dechez toi ,
Tu peux aisément me connoître ;
Nue à tes yeux je vais paroître
Ente montrer ma bonne- foi.
Mon père , en me faiſant étroite ,
Se plaît à m'élever beaucoup ;
Du vent je redoute le coup ,
Sinon je reſte toujours droite.
Que mon état eſt triſte , amer ;
Mon pied brûle , ma tête gêle ,
Elle fur qui tombent la grêle
Et tous les frimats de l'hiver.
En tout temps je ſuis fort utile
Aux champs auſſi bien qu'à la ville.
Ne ſais- tu pas encor mon nom ?
Il eſt à-préſentde ſaiſon.
Mais que faut- il de plus te dire ?
Regarde donc autour de toi ;
Peut-être es-tu tout près de moi,
Si j'ai le don de bien prédire ?
LOGOGRYPH Ε.
4
MONARQUES Vertueux , dont l'ame bienfaiſante
D'un règne fortuné procura les douceurs !
DE FRANCE. 103
Etvous, rares eſprits , de qui la main ſavante
Inſtruifit l'Univers en corrigeant les moeurs !
Que deviendroient , ſans moi , vos vertus , votre
gloire?
En vain, par- tout chéris & par-tout publiés,
On vous auroit inſcrits au Temple de Mémoire :
Si je n'exiſtois pas , vous ſeriez oubliés.
Veux- tu , mon cher Lecteur , unmoment te diſtraire ,
Des neufpieds de mon nom détruis l'arrangement,
Tu pourras fans effort trouver cet Art charmant
Qui rendit immortels & Racine & Voltaire;
Pour le vautour avide un objet plein d'appas ;
Ce mortel forcené qui , pour venger ſon père ,
Enfonça le couteau dans le ſeinde fa mère ;
Ce qu'eſt un malheureux ; & ce qu'un fot n'a pas.
De rhétorique auſſi je t'offre une figure;
Un empire célèbre ; un fleuve ; une meſure;
Ce que cherche un Pirate en parcourant les mers ;
Uneplante ſauvage; un Dieu des plus bizarre
Qui ne vouloit parler , s'il n'étoit dans les fers ;
Une douce liqueur qui ſouvent nous répare ;
Le zénith de ton corps ,& fon point oppofé.
Au revoir , cher Lecteur ; car c'eſt aſſezjafé.
(ParM.H.... , Commis au Bureau de la Guerre. )
*
Eiv
104 MERCURE
NOUVELLES LITTERAIRES.
VOYAGE Pittoresque de Naples & de
Sicile , 4 vol. grand in-fol. formant cinq
Tomes. Les deux premiers comprennent
Naples &fes environs ; le troiſième , toute
la partie méridionale de l'Italie , connue
autrefois ſous le nom de Grande Grèce ,
& le quatrième volume , diviſé en deux
Tomes , la Sicile. A Paris , chez de la
Foffe , Graveur , place du Carrouſel.
ICT EXTRAIT .
ITALIAM , ITALIAM! ....Cette antique patrie
des Héros , & qui le ſera toujours des Arts,
offre à l'Obſervateur tant d'objets intéreſfans
, que fon nom ſeul réveille dans notre
imagination une foule d'idées agréables ou
mélancoliques , ſéduiſantes ou terribles. La
beauté du ciel& du climat , les richeſſes du
fite, le fol même & ces reſtes de la grandeur
&de la magnificence des Romains que l'on
foule aux pieds, le ſouvenir de tous les grands
Hommes qu'a portés cette terre heureuſe ,
les chef- d'oeuvres des Arts , & les phenomènes
de la Nature qui ſe diſputent à chaque
pas notre admiration: voilà ce qui nous attache
, ce qui nous entraîne dans un pays que
tout Artiſte , tout Poëte , tout Homme-de-
1
DE FRANCE.
105
Lettres& tout homme ſenſible eſt tourmenté
du deſir de voir , ou du regret de n'avoir
point vu.
Si quelque choſe étoit propre à diminuer ,
ou plutôt à augmenter ce defir & ces regrets ,
ce ſeroit un Ouvrage deſtiné à en retracer
fidèlement les merveilles. Plus l'image eft
parfaite , plus vivement on fent les beautés
du modèle ; c'eſt ce qu'on éprouve à la lecture
du Voyage Pittoresque de Naples & de
Sicile.
Dans le premier projet de cet Ouvrage , &
tel qu'il avoit d'abord été conçu pour être
exécuté par le concours de pluſieurs Amateurs
des Arts , l'Italie entière devoit y être
compriſe , avec les vues & les détails de tous
ſes monumens antiques & modernes. On fent
qu'un ſeul homme ne pouvoit l'entreprendre;
il auroit fallu d'ailleurs la fortune d'un
Souverain pour l'exécuter. M. l'Abbé de
Saint N*** , abandonné à ſes propres forces ,
s'en eft tenu à ces belles contrées de Naples
& de Sicile , auſſi intéreſſantes , plus pitto
reſques encore , & en général moins connues
que le reſte de l'Italie.
L'Auteur , ſans négliger ce qui concerne
les moeurs, le gouvernement , le commerce ,
&c. s'eſt particulièrement attaché , ainſi que
P'annonce le titre de fon Ouvrage , à décrire
les richeſſes de la Nature & les chef- d'oeuvres
des Arts. Nulle part la Nature n'eſt plus prodigue
, ni l'art plus impoſant que dans le pays
qu'il a parcouru ; il a fait deſliner toutes les
Ev
1
106. MERCURE
vues les plus pittoreſques , les ſites les plus
curieux, les monumens& tous les reſtes précieux
del'antiquité qu'on rencontre à chaque
pas dans cet heureux climat ; l'Ouvrage eft
de la plus riche & de la plus parfaite exécution
,& nous ne craignons pas dire que c'eſt
un des plus fuperbes monumens que l'amour
paſſionnédubeau , le goût& la magnificence ,
fur-tout dans un ſimple Citoyen , ait jamais
conſacré à l'amour des Arts dans aucun pays
du monde. *
L'analyſe ſeule , & l'extrait que nous entreprenons
formeroient un volume fi nous
voulions parler avec quelque détail de
tout ce qu'ily a d'intéreſſant dans ce grand
Ouvrage ; mais , obligés de nous renfermer
dans un très-court eſpace , nous nous
contenterons de ſuivre rapidement la marche
des Voyageurs , & nous diviſerons le compte
que nous devons en rendre en trois parties.
Le premier extrait embraſſera Naples & fes
environs; le ſecond parcourra toute la partie
méridionale de l'Italie , anciennement déſi-
*On ne peut lui comparer que le VoyagePittoreſque
de la Grèce , par M.le Comte de Choiſeul-
Gouffier, entrepris dans le même eſprit & exécuré avec
la même magnificence ; mais il n'en est encore qu'au
premier Volume ; tous les voeux des gens de goût
ſe réuniffent pour en voir la continuation. La circonſtance
heureuſe de la nomination de l'Auteurà
l'Ambaſſade de Conſtantinople , donne lieu d'eſpérer
que nous verrons bientôt la ſuite & la fin de cet
important Ouvrage.
DE FRANCE. 107
gnée ſous le nom de Grande Grèce , & le
troiſième ſera conſacré à la Sicile. Chacune
de ces contrées offre des objets bien dignes
d'occuper nos regards; mais ne pouvant les
parcourir pour ainfi dire qu'à vol d'oiſeau ,
nous renvoyons à l'Ouvrage même : ce que
nous avons à dire eſt bien moins propre à fatisfaire
qu'à irriter la curioſité des Lecteurs .
:
Naples & fes environs.
Les richeſſes de la Nature & les productions
des Arts ſe diſputent l'étranger qui arrive
à Naples ; cette ville , bâtie en amphithéâtre,
au fond d'un baffin qui embraffe pluſieurs
lieues d'étendue , ayant ſous ſes pieds
la mer , & fur ſa tête le Véſuve , offre dans
ſon enſemble un des plus beaux aſpects de
l'Univers , & dans ſes détails les ſites les plus
pittoreſques.
C'eſt ce que M. l'Abbé de S*** s'eſt plu
à rendre dans les charmantes gravures dont
il a orné cet Ouvrage: il a multiplié les plans ,
les cartes & les vues les plus intéreſſantes
d'une ville qu'aucun Voyageur ne peut voir
ſans intérêt , ni décrire ſans enthouſiaſme.
L'air qu'on reſpire en ces climats femble féconder
le génie ainſi que la terre ; tous les
Arts de l'imagination ſont comme une production
du pays. La Poéfie , la Peinture , la
Muſique , ces trois Soeurs , dont le but eſt de
peindre & d'embellir la Nature , ſenblear
avoir pris leur naiſſance ſous ce beau ciel ,
Evj
108 MERCURE
où tous les objets qui viennent ravir les efprits,
donnent l'envie de les chanter ou de les
peindre .
Depuis Virgile juſqu'au Taffe , & depuis
Horace juſqu'à Sannazar , ce pays fut aimé
des Poëtes , qui y font venus à l'envi échauffer
leur génie , tailler leurs crayons , & embellir
leurs vers des couleursde la Nature.
Quant aux Muſiciens , Naples ſeule en a
produit plus que le reſte de l'Italie , & plus
que toute l'Europe enſemble. " As tu du
>> génie ? a dit l'homme de ce ſiècle qui en a
ود
ود
ود
eu davantage ; veux-tu donc ſavoir fi quel-
>> qu'étincelle de ce feu dévorant t'anime ?
>> Cours , voles à Naples écouter les chefd'oeuvres
de Léo , de Durante , de Jomelli ,
de Pergolèſe ; fi tes yeux s'empliffent de
>> larmes , ſi tu ſens ton coeur palpiter , fi des
treſſaillemens t'agitent , ſi l'oppreffion te
>> ſuffoque , dans tes tranſports prends le
Métaſtaſe , ſon génie échauffera le tien ,
>> tu créeras à ſon exemple ; c'eſt-là ce que
fait le génie , & d'autres yeux te rendront
» bientôt les pleurs que tes maîtres t'auront
>> fait verſer. »
ود
ور
Pluſieurs grands Peintres font nés à Naples
, ou l'ont enrichie de leurs productions.
Peu de villes en Italie même , renferment autant
de chef-d'oeuvres en ce genre. C'étoit
certainement pour un Amateur des Arts , &
pour un Voyage Pittoreſque , une des parties
de l'Ouvrage la plus intéreſſante à traiter , &
c'eſt aufl'une de celles à laquelle fon Auteur
DE FRANCE
109
1
a donné le plus de ſoins; plus de vingt planches
nous retracent les principales compofitions
des Solimènes , des Lanfranc , de Luc
Giordano , du Calabrèſe , de l'Eſpagnolet , du
Dominicain ; ce ſont des eſpèces de traductions
qui rendent , finon le coloris , du moins
l'eſprit , le deffin & l'ordonnance des tableaux,
&qui parlent aux yeux & à l'imagination ,
bien mieux que ne feroient de froides defcriptions.
Pour employer à la fois tous les genres de
ſéduction , T'Auteur du Voyage Pittoreſque
s'eſt entouré de tous les talens ; il nous offre
ennotre langue des imitations & des efquifſes
en vers , des anciens Poëtes , comme il
nous donne des traductions des Peintres dans
des deſſins pleins de goût&de grâces. Chaque
Art y parle fon langage , & chaque Artiſte y
eſt jugé par ſes pairs ; c'eſt de Lille qui traduit
Stace & Sannazar; Nivernois & Champfort
font revivre le Taffe ; Barthe lutte contre
Ovide ; c'eſt Piccini qui parle des grands
Maîtres de Naples en muſique , & Fragonard
qui reproduit les compoſitions des grands
Peintres ; morceaux neufs & piquans , dûs à
l'amitié & à l'amour des Arts : tous les talens
ont concouru pour élever un monument au
génie.
S'il y a peu de palais réguliers & d'antiques
monumens dans cette capitale , les temples
modernes y attirent plus qu'ailleurs l'étranger
, quel que foit fon culte & fa religion.
Des peintures fublimes couvrent leurs mu
110 MERCURE
railles , & c'eſt ſous leurs voûtes qu'on en
tend cette muſique céleste , dont les accens
raviffent & pénètrent les ſens. On compte
plus de 300 égliſes à Naples. La plupart appartiennent
àdes Moines ,&ce ſont les plus
riches & les plus magnifiques ; mais en fontils
plus heureux ? Un étranger s'extâſiant fur
les richeſſes de la grande Chartreuſe de cette
ville , ſes agrémens ſans nombre , fa pofition
délicieuſe, s'écrioit à pluſieurs repriſes : quelle
charmante demeure ! Tranfeuntibus , répondit
triftement le Moine qui le conduiſoit.
Le Voyageur ne quitte point Naples fans
nous donner une idée du caractère , des
moeurs , des uſages , des coſtumes, du com→
merce& de la population de cette ville cé
lèbre. On ſent qu'il nous eft impoſſible de le
ſuivre dans ces détails ; le faſte des Grands,
l'extrême misère du peuple , les richeſſes du
Clergé , la foule inutile des célibataires , le
nombre & l'avidité des Gens de Loi , l'oubli
des moeurs , font des choſes communes à
toutes les grandes capitales ; mais ce qui eſt
propre à Naples , ce ſont ſes quarante mille
Lazaroni ,hommes fans frein , ſans demeure
fixe , fans aſyle , qui paſſent la nuit en plein
air, ſe lèvent le matin ſans ſavoir de quoi ils
vivront dans la journée , & pour qui ne rien
faire est le bonheur fuprême ; c'eſt le fanatiſme
religieuxde la populace pour le miracle
de Saint- Janvier ; c'eſt ſur-tout l'outrage fair
àl'humanité dans la perſonne des infortunés
Caftrats ; ce font les ſtilets , c'eſt lafalle des
DE FRANCE. 111
coups de couteau , dans l'hôpital de Naples:
tous objets ſur leſquels il faut gliffer , & qui
feroient des ombres un peu trop fortes au
tableau ; il paroît qu'en ce pays , comme en
beaucoup d'autres , les hommes gagnent
moins à être obſervés que la Nature , c'eſt à
elle qu'il faut toujours revenir, :
Aux portes de Naples eſt cette riante côte
de Paufilippe , dont l'aſpect enchanté ſemble
tenir plus des imaginations de la féerie , que
de la réalité : les jardins ſuſpendus , les berceaux
de verdure dont il eſt couvert , ſon extrême
fertilité , ſa douce température& fon
printemps éternel ont fait dire au Poëte San
nazar , qui l'habitoit , que c'étoit un morceau
du ciel tombéfur la terre : un pezzo di cielo
caduto in terra. Le Pauſilippe ſe prolonge let
long de la mer dans l'eſpace de plus d'un
mille; tout le monde ſait qu'on a creuſé d'un
bout à l'autre , dans les flancs de cette montagne
, un chemin ſouterrain , qui eſt la ſeule
route qui conduiſe à Pouzzoles ; c'eſt l'un des
fites les plus agréables de toute l'Italie , ſi ri
che en tableauxde ce genre ,& c'eſt ſur cerre
montagne , déjà ſi intéreſſante , au - deſſus
même de l'entrée de la grotte , que l'enthou
fiafme& la reconnoiſſance ont placé le tombeau
de Virgile. On cherche , on trouve encore
le laurier immortel qui fleurit ſur ſa
tombe : il n'eſt perſonne qui n'en approche
avec un reſpect religieux ;& ceux mêmes qui
nevoient ces lieux que dans les précieux def
fins qui en rendent tout le charme , ne peu
112 MERCURE
vent s'empêcher de s'écrier avec le Virgile
François:
Oui , j'en jare , & Virgile& ſes accords fublimes ,
J'irai , de l'Apennin je franchirai les cîmes ;
J'irai , plein de fon nom ,plein de ſes vers ſacrés ,
Les lire aux mêmes lieux qui les ont inſpirés.
C'eſt de deſſus le Paufilippe, que le voyageur
contemple le Mont Veſuve dans toute
ſa majeſté. M. l'Abbé de S *** nous trace rapidement
l'hiſtoire de ce Volcan , depuis la
fameuſe éruption qui engloutit la villed'Herculanum
ſous Titus , l'an 79 , juſqu'à celle de
1779 , juſtement dix-sept cent ans après.
Differentes vues du Véſuve nous l'offrent
ſous tous les aſpects , foit dans le calme , ſoit
dans ſa furie ,& il n'en eſt point qui ne foit
une ſource de réflexions pour l'homme ſen-
✓ ſible , autant que pour l'obſervateur de la
nature.
Mais ſi ces phénomènes nous attachent ,
s'ils font décrits & repréſentés avec une vérité&
une illufion qui nous tranſportent dans
les temps& fur les lieux de la ſcène, une inquiette
curiofité ne nous entraîne pas avec
moins de force vers un autre objet tout aufli
dignede nos regards , & l'on ne deſcend pas
fous les ruinesd' Herculanum avec moins d'intérêt
, qu'on ne gravit ſur le ſommet du Vé
ſuve; l'imagination aime à comparer & à
rapprocher l'effet de la cauſe ;& comme dans
l'hiſtoire du monde il n'y a pas de catastrophe
DE FRANCE.
113
auſſi funeſte que celle qu'a éprouvée cette
partie du globe , il n'eſt pas d'événeinent plus
intéreſſant que la découverte d'une ville enfevelie
ſi long- temps dans les entrailles de la
terre , & qui , après un fommeil de dix-ſept
ſiècles, ſe préſenteà nos regardsdans le même
état où elle fut engloutie ſous les cendres &
les laves du volcan. En s'attendriſſant ſur le
malheur qui a furpris tant d'infortunés habitans
, & dévoré en un inſtant deux villes
floriffantes , difparues ſous des torrens de
flammes , on ne peut du moins que ſe féliciter
du haſardqui nous les a rendues dans la
même forme , & , fi j'oſe le dire , dans la
même attitude où elles ſe trouvoient au moment
dela catastrophe. C'eſt en quelque forte
un dépôt fidèle de tous les arts de l'antiquité ,
qu'elle a mis à l'abri du ravage des temps ,&
qu'elle a plus certainement encore dérobé aux
outrages & à la barbarie des hommes .
4
Parmi les tréſors enfouis dans les ruines
d'Herculanum , il n'en eſt point dont la confervation
doive plus nous étonner que celle
des peintures antiques , de ces frêles monumens
qui n'étoient qu'un ſimple enduit confié
à la muraille ( car on fait que les anciens
n'ont connu que la peinture à freſque ) , &
qu'on a recueilli en ſciant les murs même
avec toute la dextérité poſſible ; auſſi le voyageur
pittoreſque ſemble- t- il ſe ſurpaffer
dans les foins qu'il apporte à cette partie de
fon Ouvrage , & avoir donné une nouvelle
vie à ces reftes fragiles d'un des arts les plus
114 MERCURE
agréables , mais pour nous l'un des moins
connus de toute l'antiquité.Quatorze planches
nous offrent un choix des morceaux les plus
précieux , & l'on ne fauroit diſconvenir qu'ils
n'ayent encore acquis un nouveau prix par
la délicateſſe du burin , & le ſoin infini avec
lequel ces charmantes peintures ont été rendues.
Il en fautdire autant des ſtatues &de tous
les bronzes qu'on a tirés de defſſous ces décombres
; autels , vaſes antiques , trépieds ,
candelabres , inſtrumens de Muſique. On remarque
ſur-tout des lampes de la forme la
plus bizarre , & que la pudeur de notre
Langue nous défend de caractériſer. Les
meubles & juſqu'aux uſtenſiles d'un uſage ordinaire
font traités avecune recherche&une
élégance qui peuvent encore ſervir de modèle.
On y trouve des bracelets d'or , des
bagues , des colliers , des boucles d'oreilles ,
&juſqu'à des aiguilles de tête dont les dames
ſe ſervoient pour relever leurs cheveux avec
grâce; ce qui prouve que le grand art de la
toilette n'avoit pas fait moins de progrès chez
les anciens, que parmi nos beautés modernes.
Chacun de ces objets a un attrait particulier,
&nous pouvons aſſurer que le goût le plus
exquis a préſidé au choix comme à l'exécution
des gravures deſtinées à nous en donner une
repréſentation fidelle .
Rien de plus attachant que ces détails qui
nous tranſportent , pour ainſi dire , au milieu
des habitans de cette antique cité ; il ſemble
DE FRANCE
115
que l'on pénètre avec l'Auteur dans ſes
temples , dans ſes rues ,& juſques dans les
maiſons des particuliers ; mais ce qui eſt un
objet de curioſité & d'intérêt peut- être plus
frappant encore, c'eſt le théâtre de cetteville
infortunéequ'on a découvert en entier; nonſeulement
l'Auteur nous le reproduit ſous
toutes les formes , mais il en prend occaſion
de nousdonner ſur les ſpectacles des anciens ,
leurs repréſentations théâtrales , les courſes
des chars , leurs cirques , les naumachies , &
toutes ces fêtes publiques données au Peuple-
Roi , des détails bien capables d'étonner &
d'humilier notre médiocrité , nous qui nous
croyons , au moins en fait de plaiſirs , de luxe
&d'amuſemens , les modèles & les légiflateurs
de l'Europe. Mais que nous fommes
éloignés de la grandeur &de la magnificence
des Romains ! Quand on ſait qu'à Rome le
cirque , agrandi par Auguſte & depuis par
Trajan , pouvoit contenir deux-cent-foixante
mille ſpectateurs affis , notre imagination eſt
effrayée, bien loin d'être tentéede les imiter.
L'Auteur n'oublie rien pour jeterdu jour ſur
la forme & la conſtruction des théâtres , l'uſage
des maſques ſcéniques , la déclamation ,
& tout ce qui tient à un art dont nous ne
fommes pas moins idolâtres que les Romains
auxjours de leur décadence, &qui eſt devenu
pour nous d'un tel intérêt, que nous ſommes
au pointde nous écrier comme eux : panem
& Circenfes. Ces recherches générales & les
deſcriptions particulières qu'on nous donne
116 MERCURE
ici de celui d' Herculanum , ſont d'autant plus
fatisfaiſantes , qu'on n'avoit pu juſqu'alors
s'affurer d'une façon auſſi certaine des détails
intérieurs d'aucun theatre de l'antiquité.
: L'Auteur apporte les mêmes ſoins à la defcription
des temples & des autres monumens
trouvés à Pompeii , qui a partagé le fort de la
malheureuſe Herculanum;cette deſcription
devenoit d'autant plus curieuſe à joindre à
cet Ouvrage , que les difficultés qu'il a fallu
farmonter pour en lever les plans & en deffiner
les vues , étoient infinies. Les défenſes
les plus févères , des ſentinelles & des gardes
placées de tous côtés , empêchoient qu'aucun
deſſinateur n'en pût, approcher ; mais que ne
peut l'amour du beau & la paffion des arts ?
Également animés par les difficultés & le
defirde ſe partager cette eſpèce de conquête ,
l'accord & l'intelligence la plus parfaite ont
préſidé aux travaux des deſſinateurs. En ſe ſecondant
mutuellement & à force d'examens
faits à la dérobée , mais ſouvent répétés , leurs
voyages fucceffifs ont eu le plus heureux fuccès
, & reportant enfuite en commun leur
travail, ils font venus à bout de lever un plan
général , de deſſiner des vues exactes , &
d'exécuter des rétabliſſemens ingénieux des
temples & des monumens qui décoroient
Pompeii; ce quiamis le voyageur pittoreſque
en état d'offrir ſur ces antiquités une collectiond'autantplus
précieuſe , qu'elle n'exiſte
nulle part dans les mêmes détails , qu'elle eſt
lapremière qui ait paru en France , & qu'elle
DE FRANCE. 117
(
n'étoit prefque connue que de ceux qui
alloient eux- mêmeserrer parmi ces ruines*.
Malheüreuſement un objet , parmi ces découvertes
, fur lequel la curioſité publique &
l'attente générale ont été trompées , ce font
les manufcrits trouvés dans les ruines d' Herculanum.
Plus de 800 volumes ont été tranfportés
dans le Muſeum du Roi de Naples ;
tous les yeux étoient ouverts ſur ce tréſor ;
on s'attendoit à retrouver des fragmens précieux
, quelques écrits inconnus , les pages
qui nous manquent de Polybe , de Diodore ,
de Tite-Live , &c. Des machines ingénieuſes
ont été diſpoſées pour dérouler avec précaution
ces volumes à demi brûlés , qui tomboient
en charbon ; mais à peine en a t-on
déchiffré quelques-uns des moins importans ,
qu'on a abandonné le reſte , plus encore par
indolence que par la difficulté réelle de l'entrepriſe.
On ne peut voir fans gémir , la coupable
indifférence des poſſeſſeurs de ce tréſor,
dont l'Europe ſavante n'a pu juſqu'ici tirer le
moindre avantage , & tous les amateurs des
Lettres & de l'antiquité partageront bien fincèrement
les regrets de l'Auteur.
* Cette partie du Voyage Pittoreſque eft une
de celles qui doit le plus au zèle , au goût & à
l'activité de M. de Non , qui s'étoit chargé de préſider
aux travaux des Deſſinateurs ; on peut voir
dans l'avant- propos , placé à la tête du cinquième
volume , toute la juſtice que M. l'Abbé de S***
s'eſt pla à lui rendre , & la reconnoiſſance qu'il ca
conferve.
118 MERCURE
Près de 80 Planches ſont conſacrées à nous
reproduire les autres richeſſes de tous les
genres , & les précieux débris d'Herculanum
& de Pompeii. Mais il faut nous arracher de
ces ruines ſavantes , &ſuivre les voyageurs
autour du golphe de Pouzzoles , fur ces côtes
&dans ces champs favoriſésde la nature , &
qu'enrichiſſent encore les tableaux de la fable
&les ſcènes de l'hiſtoire.
Tous les environs de Naples excitent vivement
la curioſité; il n'eſt point de fites ni de
monumens qui ne ſollicitent les regards ;
mais lorſqu'on parcourt ces beaux lieux , les
Auteurs du ſiècle d'Auguſte à la main , qu'on
voyage avec Horace , & que c'eſt en récitant
les vers de Virgile , qu'on apporte ſon hommage
fur la tombe de ce grand homme , un
nouvel intérêt colore ce ſuperbe horizon.
Rien de plus curieux que la carte que l'Auteur
nous donne des champs phlégréens ou
champs de feu , & de ce golphe de Baies ,
dont Horace diſoit :
Nullus in orbe locus , Baiis pralucet amænis.
Au milieu des fabriques& des conftructions
antiques dont ce pays eft femé, on rencontre
d'abord les écoles de Virgile ; nom
bien plutôt dû à la vénération & au reſpect
religieux qu'inſpire ce grand Poëte , que
donné par une critique judicieuſe & fondée
fur les faits .
Là ſe trouvent ce lac Averne, conſacré aux
divinités infernales , & l'entrée du noir Tar
DE FRANCE.
119
zare,& l'avare Acheron , qui ne lâche jamais
ſa proie , & les marais du Styx redoutables
aux dieux , & l'antre de la Sybille , & cette
noire forêt dans laquelle Énée va cueillir le
rameau d'or. Bientôt la ſcène change : on ſe
trouve , on ſe promène dans ces champsélysées
, que l'imagination peuple encore
d'ombres heureuſes : lieux enchantés , où il
n'eſt pas étonnant que Virgile ait placé le
ſéjour du bonheur , mais aujourd'hui le pays
le plus déſert & le plus abandonné , malgré
la douceur& le charme de ſon climat, quiy
appelle vainement des habitans , & y étale
fans témoins tous les tréſors de la nature.
Bientôt , paffant de la fable à l'hiſtoire , on
parcourt ces campagnes jadis ſi célèbres , ces
bords de la mer ſi rians & ſi variés , autrefois
couverts des habitations des voluptueux Romains
; cette côte conſacrée aux plaiſirs &
aux délices , ainſi qu'à l'étude &à la philoſophie
, où les Maîtres du monde venoient ſe
délafſfer de leurs triomphes & dépoſer leurs
lauriers , & où les Philoſophes alloient dans
le filence & la retraite méditer leurs écrits.
C'eſt là qu'étoient les villes ou maiſons de
plaiſance des Lucullus , des Pollion , de Marius
, de César, de Pompée , &c. Pline , Tite-
Live , Lucrèce , Sénèque , Horace & Virgile
y ont compoſe la plupart de leurs chefd'oeuvres.
Cicéron y avoit deux maiſons de
campagne , & alloit alternativement de l'une
àl'autre,pourſe dérober aux importuns &
s'y recueillir ; c'eſt ce qu'il appeloit ſes états
20 MERCURE
de Cumes & de Pouzzoles , Puteolana & Cumana
regna.
On y voyoit encore les bains de Néron,da
maiſon d'Agrippine , le théâtre de Misène ,
le temple des Nymphes , celui de Jupiter Sérapis
, l'un des plus célèbres de l'antiquité ,
&dont les reſtes impoſans impriment encore
le reſpect; un autre temple (dédié à l'Honneur,
mais dont malheureuſement il ne reſte
pas le moindre veſtige dans tout le Pays. Le
lac Lucrin a fait place à une montagne dont
la naiſſance ſubite eſt un des phénomènes
les plus extraordinaires de la nature (1 ). Enfin
chaque pas que l'on fait dans ces lieux , réveille
une foule de ſouvenirs également
excités&par ce qu'on y voit encore,& même
par ce qu'on n'y retrouve plus.
Il n'eſt point d'aſpect qui faſſe naître des
réflexions plus profondes , ni de climat plus
propre à allumer l'imagination des Peintres
&des Poëtes ; aufli nous font-ils préſentés
ici avecun ſoin& une exactitude qui ajoutent
encore à tout l'intérêt qu'inſpire le ſujet.
Après avoir viſité Pouzzoles , fait des
expériences à la fameuſe grotté du chien , &
-s'être promené ſur les voûtes de la Solfaterra
ou montagne de ſoufre, ancien foyer d'un
volcan preſqu'éteint , on termine avec l'Auteur
ce voyage de féerie par Capoue & les
environs , auxquels la fertilité du climat, les
agrémens du ſite , l'abondance des rofes &
* Monte nuovo , en 1138.
des
DE FRANCE. 121
-
des plantes odorantes , & l'air embaumé
qu'on y reſpire , ont fait donner le ſurnom
d'heureuse , Camponia felice. L'oeil cherche
avec avidité la place où fut cette cité fameuſe
, la rivale de Rome: la ſuperbe Capoue
eſt cachée ſous l'herbe ; à peine les débrisde
fon amphithéâtre&quelques humbles
veſtiges font ſoupçonner ſon enceinte. Quelques
vaſes campaniens que l'on trouve ca &
là, font tout ce qui reſte de cette ville célèbre
; & tandis que les plus folides monumens
, ces témples , ces marbres , toutes ces
malles impoſantes ont diſparu , ce ſont des
vafes d'argile qui ſeuls ont échappé à la deftruction
, & nous viennent atteſter l'exiftence
de Capoue . M. l'Abbé deS** s'eſt plu à
recueillir ces frêles débris chargés deplus frêles
peintures ; il en-a orné fon Ouvrage par des
Heurons & des vignettes qu'il a gravés luiméme,
dans un genre fait pour donner une
idée juſte de ces peintures antiques que
leur délicateffe &leur fragilité rendent plus
rares & plus précieuſes encore. C'eſt ce
qu'on nomme vulgairement vaſes étrusqués ,
&qu'ondevroit àplus juſte titre appeler vaſes
campaniens.
On ne quitte point ces lieux ſans rechercher
les traces de la ville de Cumes , la plus
ancienne des colonies grecques en Italie ;
mais de toutes ces cités jadis fi floriſſantes ,
dont l'heureuſe Campanie étoit couverte ,
il n'exiſte plus aujourd'hui que les médailles
qui en ont confervé le ſouvenir.
Nº. 8 , 17 Février 1787 . F
122 MERCURE
On peut remarquer que la plupart de ces
villes , & en général toutes celles du midi de
l'Italie , par leur origine , appartiennent
encore plus aux Grecs qu'aux Romains. Aufſi
dans l'extrait ſuivant nous parcourrerons avec
nos voyageurs toute cette partie du Royaume
de Naples , appelée la Grande Grèce ; dénomination
qui s'étend même juſqu'à la Sicile ,
parce qu'en effet ony retrouve les noms , la
langue , les moeurs & les monumens de la
Grèce , le berceau commun des arts , & la
mère-Patrie de toutes ces colonies.
LE Voyageur Sentimental , ou ma Promenade
à Yverdun ; par M. Vernes le fils:
nouvelle édition , corrigée & augmentée
par l'Auteur ; à Londres, 1786, & le trouve
à Paris , chez Cazin , Libraire , rue des
Noyers.
La première éditionde cet opufculede 200
pages , a paru dans l'étranger , il y a un an ;
M. Cazin ayant defiré le joindre à ſa collection
des petits formats , l'Auteur , fort jeune
encore , eſt revenu ſur ſon travail , en a corrigépluſieurs
imperfections , & l'à rendu plus
digne de l'attention de ſes lecteurs .
Le premier écueil qu'il a dû rencontrer ,
eſt celui du genre de ſon Ouvrage. Sterne ,
dont il ſuit les traces , étoit original; on lui
pardonne en conféquence ſes bizarreries , fes
interruptions , les écarts perpétuels d'une
imagination qui ſe joue de ſon ſujet; mais
DE FRANCI
123
s'enjouer par imitation plutôt que par inftinct,
c'eſt forcer ſon talent à des grimaces, tamdis
qu'il pourroit êtreheureuſement employé
fous ſes traits naturels. Ils'en faut bien d'ailleurs
qu'un pareil modèle ſoit facile à failir;
encopiant la forme de ſon ſtyle , on ne prend
pas celle de ſon eſprit , & cette dernière est
la ſeule bonne à reproduire.
D'autres inconvéniens naiffent encore de
cette imitation. Sternepeint par les détails ,
eſpèce de peinture qui , ſans un goût bien
sûr, tombe néceſſairement de la naïveté dans
-la niaiſerie , &du comique dans le burleſque.
-D'image en image ,Sterne amène ſouvent le
lecteur à un traitde ſentiment inattendu,qu'il
a cependant l'art de rendre naturel : faute de
cet art, loinde frapper l'âme , on la glace par
une affectation d'autantplus fatigante qu'elle
eſt plus répétée; enfin il ne faut pas croire
que toutes les ſcènes ſimples ou populaires
conviennent à ce pinceau : un ſeul mot déplacé
faitdu tableau une caricaturė.
M. Vernes le fils n'eſt point exempt de
quelques-uns de ces défauts. Il s'attache trop
aux minuties ſans les agrandir par la manière
de les préſenter ; la plupart de ſes peintures
de ſentiment ont un air de famille :
elles ſe reſſemblent trop par le cadre & par
l'expreſſion. Quelquefois il lui échappe des
réflexions, puériles , telles que celle du chapitre
VII , & divers traits de mauvais goût.
Lefonds de fonOuvrage, qui n'eſt autre choſe
qu'un voyage de quelques lieues pour aller
Fid
124
MERCURE
au bal, eſt ſimince , qu'il n'offre aucun intérêt
fuivi, & qu'il néceflite bien des rempliſſages.
ود
Au travers de ces taches , on apperçoit
néanmoins un talent marqué,du mouvement
dans l'imagination , dela chaleur , de la ſenfibilité.
Le chapitre de l'Aveugle& de fafille
offre un exemple de ces différentes qualités.
« Celui qui me répondoit ainſi, étoit un
>> pauvre vieillard aveugle , aflis ſur un tronc
d'arbre près d'une fontaine. Sa beface , fon
front chauve , le bâton ſur lequel il appuyoit
ſes bras débiles & fon corps courbé
par le temps, ſes yeux clcs , ſa voix plain-
>>tive , tout cela me fit croire que la Providence
oublioit un de ſes enfans. La fon-
>> taine ſeule qui couloit près de lui avec un
doux murmare, me paroiſſoit ſenſible à
ſa douleur.... Ce pauvre homme ſoupira
>> &me fit fon hiſtoire en peu de mots. Il
avoit travaillé quarante ans àla ſueur de
ود
"
ود
ود
fon viſage, pour amaſſer quelques centaines
d'écus qu'il avoit perdus dans des
>> banqueroutes , & il n'avoit pu ſe relever
de ces échecs. »
ود
« Il y a dix ans que je n'exiſte plus , continua-
t- il , en me montrant du doigt la
>> place de ſes yeux; ily a dix ans que tous
les jours je demande à la terre mon premier
tombeau ;-& queje voudrois jeter
» loin de moi les reſtes de ma vie ! - Tant
de malheureux ont du moins l'eſpérance ;
à moi ſeul il n'en reſte plus.-Bon vieil-
*>> lard , ne perdez pas tour eſpoir , on vous
ود
MERCURE
125
>> ſecourra ; vous pourrez encore étre heu-
Encore heureux ! - on me ſe- ود reux. -
» courra.... Ah ! Monfieur, tout le pouvois
ود
ود
ود
des Rois me donnera-t-il un rayon de lu
>> mière ?- Cette réponſe me frappa fi fort,
queje me tournai vers le foleil pour m'affurer
que je le poſſedois !-Il garda un
>> moment le filence , en appuyant les mains
fur fon bâton , & en penchant ſa tête vers
la terre. Puis , avec un profond ſoupir ,-
>> fans,ma fille , ah ! fans elle il y a long-
>> temps que je ne me plaindrois plus ; mais
>> quand je veux finir ma miferable vie & me .
laiffer mourir de faim, la pauvre enfant
>> pleure , embraſſe mes genoux , m'appelle
fon père , fon bon père , tant de fois ;
"
ود
>> d'un ton ſi tendre :
"
-
....
& cependant elle
ne revient pas ! Ma fille ! ma chère fille !
> me laifferas- tu mourir ici, ſans t'avoir embraffée
une dernière fois ! »
“
.... Sa fille arrivoit hors d'haleine ; elle
>>avoit été quêter au loin pour fon malheu-
» reux père. Sa vue réveilla en moi des fen-
" timensdepitié, d'admiration , de reſpect; ...
>>ſi quelque coup du fort m'eût fait rencon-
>> trer une parente ſous ces haillons , je n'en
>>aurois pas rougi , même en public. »
ود
" Eft - ce toi , ma chère Sara , eft-ce toi ?
dit le vieillard en tendant ſes bras chance-
» lans qui cherchoient ſa fille au défaut de
» ses yeux ; ... ou es- tu ? que je te ferre
>> contre mon coeur ! ... te voilà ! ... tu tar-
>> dois tant à revenir , j'ai craint un moment
Fiij
126 MERCURE
■ de reſter ſeul! Sara ſe ſentant injuſtement
> ſoupçonnée , baiſe le front de ſon reſpec-
ود
"
table père , & mouille d'une larme ſes
cheveux blancs . "
Voici un trait parfaitement dans la manière
de Sterne. " A quelque diſtance du ci-
» metière, je rencontrai un petithomme ſuf-
>> pendu ſur des béquilles; le haut de ſa tête
étoit à l'horiſon de ſa boſſe , & je cher-
> chois pourquoi la Nature laiſſoit une pa-
ود reille tête entre ces deux épaules.... Vous
>>> tenez vous toujours près de ce cimetière?
- Oui , Monfieur , c'eſt ici que je reçois le
>> plus d'aumônes ; la vue des morts fait fou-
» venir un peu des vivans.-Ces mots me
>>
"
touchèrent ; je jetai au fond de fon vieux
» bonnet une pièce.... Je ne la jetai pas , je
la mis. La pièce paſſa par une échancrure
dutemps qui ſe trouva au fond du bonnet ,
» &tomba ;-je la relevai ; le béquillard re-
• connoiſſant la reçut en me baiſant la main
» avec autant de plaiſir que ſi je lui euſſe
>> fait une très-forte aumône.- Achetez- en
>> un autre , lui dis -je, en me relevant.-
>> Hélas , Monfieur , un morceau de pain
>> m'eſt plus néceſſaire qu'un bonnet.... C'eſt
>> ſingulier , ajouta-til , en le retournant , le
> trou n'eſt cependant pas grand.- Je com-
> pris que c'étoit la pièce qui étoit trop pe-
» tite , & je lui en donnai une ſeconde....
> Pourquoi la donnai je plutôt à ſa remarque
» qu'à ſa misère ? » &c.
M. Vernes , à ce qu'il paroît , aime les
DE FRANCE.
127
teintes lugubres ; il doit prendre garde à diftinguer
le triſte du touchant : le premier doit
être employé avec ſobriété , fur-tout dans un
écritde quelques feuilles. Il doit encore ferrer
davantage ſes narrations coupées de dialogues
, de peur de les affoiblir en les délayant.
L'épiſode de Maria dans Tristram
Shandy , dans le Voyage Sentimental, n'occupe
que quelques lignes , & produit un attendriffement
profond. En ſe défiant de ſa
facilité &d'une compofition du premier jer,
M. Vernes , qui s'eſt déjà fait connoître avantageuſement
par quelques poéſies légères ,
fortifiera fon talent naturel & le mûrira , en
recourant fur-tout aux avis d'un père reſpectable
, qui a ſuivi avec ſuccès la carrière des
lettres & celle de l'éloquence ſacrée.
SPECTACLES.
CONCERT SPIRITUEL.
LA ſymphonie de M. Guénin , qui a commencé
le concert du 2 de ce mois , a été entendue
avec un nouveau plaifir. On a ſu gré
fur-tout à ce compoſiteur , d'avoir conſervé
ſa manière particulière , & de s'être défendu
de la manie trop commune d'imiter le ſtyle
de M. Haydn. Il faudroit que les jeunes
gens qui courent cette carrière, fuffent bien
Fiv
128 MERCURE
perfuadés qu'on imite toujours mal, & qu'un
imitateur n'eſt jamais eſtimé.On croit trop
aujourd'hui qu'en accumulant des modulations
extraordinaires, en coupant des phrafes ,
en affectant des chants bizarres & mêm: baroques,
on a trouvé ce ſtyle; mais le ſtyle de
M.Haydn eſt plein de grace &duchantle plus
heureux. Mlle la Roche ajoué du forté - piano
d'une manière très ſavante & très- agréable ;
elle a la main sûre & le jeu très- brillant. La
ſcène de M. Vion , parfaitement chantée par
M. Laïs , mérite d'être diftinguée. C'eſt l'eſſai
d'un compoſiteur qui paroît avoir beaucoup
réfléchi fur ſon art.Son chant eſt naturel &
facile; il adu feu: ſon harmonie eſt pure &
elaire , mérite qui n'eſt pas commun lorfqu'on
n'a pas encore beaucoup écrit. Le Public
a donné de nouveaux applaudiſſemens à
M. Wachter , qui a joué un concertode clarinette
, & à M. le Vaffeur qui en a joué un
de violoncelle.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE ſuccès de l'Opéra d'Edipe à Colonne le
confirme de plus en plus. L'intérêt réel du
fujer , l'extrême beauté d'un grand nombre
de morceaux de Muſique , la mort même du
compofiteur qui , dans quelque ſens qu'on
veuille l'entendre , donne un nouveau prix à
fon Ouvrage , tout concourt à augmentet
l'affluence & l'enthouſiaſme des ſpectateurs.
DE FRANCE. 127
De tous les ſujets déjà traités au Théâtre
François , l'Ofipe à Colonne eſt peut-être le
plus propre à la ſcène lyrique. Edipe aveugle
n'a qu'à paroître pour intereſſer , & c'eſt deja
un grand avantage fur un théâtre ennemi des
expofitions & des développemens. Son caractère
, aigri par des malheurs inouis , af
foibii par les années, en fait un perſonnage
très-paflionné , d'une mobilité extrême , &
par cela même très -muſical. Antigone , ce
modèle attendriſſant de la rendreſſe filiale
& Polinice tourmenté de remords , achèvent
de porter l'intérêt au plus haut degré. On
pouvoit même tirer un grand parti de ce
ſujet pour produire un ſpectacle très- neuf&
très-impoſant; & fi l'Auteur s'y eſt refufé ,
peut-être elt-ceun reproche à lui faire,
,
Au reſte ,fi M. Ducis & M. Guillard ont
pris ceſujet à Sophocle pour le tranſporter
fur nos Théâtres , ce n'eſt pas à lui qu'ils en
doivent les principales beautés , ou du moins,
par la maniere dont ils ont traité les ſuperbes
ſcènes dont le Poëte Grec leur a donné l'idee ,
nous croyons pouvoir aſſurer qu'ils ont infiniment
renchéri ſur lui. Duffions- nous être
accuſés de blafpheme, nous oferons avancer
que l'Antigone de M. Ducis eſt plus intéreſfante
que celle de Sophocle; celle - ci n'eft
qu'un perſonnage ſecondaire , & le fentiment
qu'elle pourroit inſpirer , partagé entre
elle& fa foeur Ifmène , en eft d'autant plus
affoibli. Polinice, dans la Tragédie Grecque,,
a auffi des remords , mais Edipe ne lui par
Fw
430 MERCURE
donne point , & ce Prince, qui ne paroît
qu'un moment &s'en retourne charge de
la malediction de fon père, laiffe neceffairementun
fentiment defagréable dans l'âme
des ſpectateurs. Quand Edipe ſe montredans
lapiece deM. Ducis, il eſt déjà connu; tous
les coeurs font déja emus en ſa faveur. Il
ouvre laTragedie grecque: Il eſt bien reçu
par les habitans de Colonne , qui l'invitent
Leulement àquitter le lieu conſacré aux Eumenides
, mais qui n'emploient aucune violence
pour l'en arracher.Cette violence, c'eſt
Créon, fon parent, qui l'exerce contre lui pour
deforcer de revenir à Thebes. Il va meme
juſqu'à lui enlever ſes filles, mais Theſée le
force àles rendre,&Créon ne paroît plus.
Ces intérêts ſucceſſifs s'oppoſeroient à un
grand effet fur la ſcène françoiſe. Le dénouement
de Sophocle eſt plus heureux: l'inftant
prévue de la mort,leprodige qui lui rend
la lumière , l'importance que l'oracle attache
à ſes cendres , l'intervention des dieux , &
toutes les circonstances mystérieuſes qui accompagnent
ſa mort, quoique ſeulement récirées
, ont quelque choſe de majestueux &
d'impoſant , dont les Spectateurs Athéniens
durent être vivement frappés. M. Ducis a
rendu une partie de ce beau ſpectacle , en
faifant fondroyer Edipe au pied des autels
des Euménides. Il eſt bien étonnant que M.
Guillard, qui a ſuivi pas à pas le plan de la
Tragédie Françoiſe , qui écrivoit d'ailleurs
pour un Theatre où le merveilleux & la
DE FRANCE.
131
pompe du Spectacle ſont plus naturellement
placés , n'ait pas profité de ce beau dénouement,
& qu'il ſe ſoit contenté de la
reſſource triviale du mariage de Polinice.
On a dit que le ballet du premier acte
auroit été mieux placé à la fin de l'Ouvrage ,
puiſqu'il ſe terminoit heureuſement. Cette
remarque étoit juſte , & telle étoit en effet
Fintention des deux Auteurs ; mais l'adminiſtration
voyant que cet Opéra n'avoit pas
la durée ordinaire du Spectacle , & voulant
le terminer par un ballet d'action , a ſans
doute tranſpoſé ainſi ces ballets , afin de ne
rien perdre des airs du compoſiteur.
Maintenant qu'un nouveau réglement interdit
à l'Opéra les ouvrages viſiblement empruntés
du Théatre François , il ſeroit fans
doute inutile de reprocher à M. Guillardde
s'être trop modelé ſur la Pièce de M. Ducis
encompoſant la ſienne ; mais il ne l'eſt pas
peut- être d'exhorter ce Poëte eftimable à
compter davantage ſur ſes propres forces , à
ſe défier d'un excès de modeſtie qui le rend
trop timide & peut nuire à ſon talent. M.
Guillard eſt fait pour ne devoir qu'à luimême
ſes ſuccès , ſans avoir beſoin de s'appuyer
ſur ceux des autres.
L'intérêt qu'il inſpire nous engage à l'inviter
en même temps à ſoigner davantage
ſon ftyle , qui ne manque en général ni de
force ni d'élégance , mais où la négligence
ſe laiſſe voir trop ſouvent. Cet Ouvrage ci
pourroit nous en offrir pluſieurs exemples ,
Fvj
132
}
MERCURE
mais nous ſommes sûrs qu'il n'a qua y
prendre garde pour les faire diſparoître, ſans
qu'il foit néceflaire de les lui indiquer.
Nous avons déja dit combien la muſique
abondoit en beautés fublimes . Les deux airs
dePolinice, au premierActe, le morceau d'enſemble
qui le termine , le monologue qui
ouvre le ſecond , toute la Scène d'Edipe &
d'Antigone , le choeur des Coloniates , l'air
même de Théſée, quoiqu'on ne puiſſe le confiderer
que comme un morceau de chanteur ,
le trio qui finit l'Acte ; un air d'Antigone au
troiſiome , la ſuperbe Scène d'Epide , d'An
tigone & de Polinice, qui contient un fi bel
air d'Epide , & qui ſe termine par un trio
fadélicieux , fi rafraîchiffant, pour nous fervir
de l'expreffion d'un des ſpectateurs .
- On nous permettrabien de ne mêler aucune
critique à ces juſtes éloges. Sacchini vivant ,
avoit acquis le droit de ne plus recevoir de
conſeils publics. On doit plus encore fans
doute à la mémoire ; & s'il a fait quelques
erreurs , peut- on fonger fans gémir qu'iln'eſt
plus à portée de les réparer !
M. Chéron s'eft montré digue du rôle
d'Edipe, qu'il continue de rendre avec autant
d'energie que d'intérêt. Mme Chéron n'en
met pas moins dans celuid'Antigone , qu'elle
chante avec la plus touchante ſenſibilité. Le
rôle de Polinice eſt rempli de morceaux délicienx;
& M. Lainez, dont le talent ſemble .
avoir acquis une nouvelle énergie pour exécurer
la muſiquede Sacchini , n'y a rien laiffe
DE FRANCE. 133
à defirer. Cet Acteur plein de feu , de grâce ,
& d'une grande intelligence , ſemble faire
paller dans l'âme des Spectateurs l'enthouhafme
dont il s'eſt lui-même animé.
M. Chardini mérite un éloge particulier
pour la manière noble dont il a joué le rôle
deTheſée. Le Public, qui rend de plus en plus
juſtice à fon talent & à fon zèle , l'a entendu
avec autant de ſurpriſe que de plaifir exécuter
parfaitement un air qui exige beaucoup d'habitude
, & dont on n'auroit même pas cru le
genrede ſa voix fufceptible.
Le feul Ballet qu'il y ait dans cet Ouvrage ,
a eu le plus grand ſuccès : dire que MM.
Veftris &Gardel , Miles Langlois & Saunier ,
y danſoient les principales entrées , c'eſt dire
affez tout leplaifir qu'il a fait.
RÉFLEXIONSfur quelques objets particuliers
aux Théâtres François & Italien.
IL y a déjà plus d'une année que nous
avons renoncé à entretenir nos Lecteurs de
la plus grande partie des Débuts qui ſe font
fur ces Théâtres. Pour répondre à la vaine
curiofité d'un très-petit nombre d'Abonnés ,,
il feroit ridicule de remplir , dans les Cahiers.
de ce Journal , un eſpace que l'on peut
mieux employer , & il y auroit peut - être
de l'inhumanité à partir de Pindiſcrétion.
d'un jeune Debutant , ou de la confiance
que lui donnent les éloges haſardés dont ſes
amis l'enivrent , pour nuire à fon avancement
134
MERCURE
&à fa fortune, en le jugeant fur des effais
precipités. Il n'est pas moins inutile des'expliquer
fur le compte de ceux qui neſepréfententſous
les yeux du Public qu'après s'être
faitun parti puiiiant dans les Parterres, dans
les Foyers&dans les Comités des Spectacles.
La prevention&l'eſpritde ſyſtème ſont des
monſtres qu'il ne faut point attaquer de
front; c'eft tout-à la fois leur donner de
l'énergie & leur faire un honneur qu'ils ne
méritent point. Il eſt toujours temps de revenir
ſur lesſuccès travaillés& obtenus par
une ſuite de combinaiſons bien ourdies :
quand lemoment de l'enthousiasme eſtpaffe ,
deux mots ſuffiſent pour faire connoître la
vérité&pour la répandre.
Les raiſons qui nous ont décidé à ne
point parler des Débuts malheureux , ni
de ceux dont l'éclat n'eſt pas fondé fur le
talent ou ſur des diſpoſitions apparentes au
talent , font à peu-près celles qui nous déterminent
à garder le ſilence ſur quelques
Pièces nouvelles.Les unes paroiffent , ſe traînent
pendantune repréſentation , & puis difparoiſſent;
d'autres font très-chaudement applaudies
une ou deux fois , & meurent fur
l'affiche , où la grande raiſon de la recette engage
les Comédiens à les laiſſer ; d'autres
enfin font ſi rigoureuſement attendues , fi
rumulrueuſement jugées , qu'elles n'achèvent
pas même leur premiere courſe , & qu'on les
quitte ſans avoir pu parvenir à en connoître
lintrigue ni le but. Ce ſeroit abufer de la
patience des Lecteurs que d'indiquer latriſte
DE FRANCE .
135
médiocrité des unes , & inſulter à leur confiance
que de les entretenir des autres. Nous
ſommes donc réſolus à ne parler déſormais
que des Ouvrages Dramatiques qui porteront
avec eux , pour quelque cauſe que ce ſoit , un
motif d'intérêt preffant : ceux qui feront trop
médiocres pour mériter un article en forme,
nous les rélèguerons dans les notices que nous
plaçons aubas du coup-d'oeil que nous jetons ,
à la fin de chaque année Dramatique , ſur le
travail fait aux Théâtres Royaux. Par ce
moyen , nous épargnerons de l'ennui aux Lecteurs
, des chagrins aux Auteurs tombés ,
&peut- être nous éviterons-nous des querelles
avec ces eſprits turbulens, qui ne rougiſſent
pas de s'élever contre ce qui eſt juſte , &de
prôner ce qui eſt miférable.
COMÉDIE ITALIENNE
Si le fonds de l'ouvrage dont nous allons
parler n'étoit pas pris dans une production
immortelle , dans un chef- d'oeuvre dont il
ſuffit de rappeler le titre pour exciter la curiofité
, nous garderions llee ffiilleence fur la repréſentation
& ſur ſa chûte; mais la réputation
de la NouvelleHéloïſe ayant fixé les yeux
des Amateurs du Théâtre fur Saint-Preux&
Julie d'Étange , Drame en trois Actes& en
vers, joué fur ce Théâtre le 6 de ce mois , il
nous eſt impoſſible de n'en point parler.
136 MERCURE
CeDrame a ete reprefente par la Troupe
de Verkliks le 24 Mars 1975,tous letitre de
Hellige angoje, in eut alors un tres-grand
fucces; mais ce facces far contetté dans le
J. arnal des Theatres par un Anonyme , qui
regarda la Piece non- ſeulement comme
use production très-mediocre , mais encore
comme une école de masveifes moeurs. A la
premiere reprefentation, Saint- Preux épou-
Toit Julie, comme il le fait encore , entre le
fecond& le troiſième Acte; mais il s'empoifonnoit
fecrètement, & venoit mourir aux
pieds du père de Julie. Depuis,l'Auteur a chan
gé fon dénouement. Saint Preux , voyant l'inflexibilité
du père ,l'inutilité des inſtances de
Milord Édouard , & des prières de Julie ,
s'arme d'un piſtolet, va ſe brûler la cervelle :
on le déſarme; M. d'Étange s'émeut & confent
à l'union des amans. Un des rivaux Littéraires
de l'Auteur écrivit, dans le temps , au
Rédacteur du Journal des Théâtres une lettre
apologétique , dans laquelle ildit, entre- autres
chofes , que ce changement heureux ne laiſſe
tien à defirerpour la perfection de l'Ouvrage.
Le Public de Paris n'a point jugé comme
celui de Verſailles , & les connoiffeurs ont
regardé le Drame de M.... comme l'Ouvrage
d'un jeune homme, très -peu familier avec les
connoiffances néceſſaires pour obtenir des fuccès
auTheatre: ils ont obſervé qu'il y'avoitde
la témérité à porter ſur la Scène un ſujet auifi
connu que celui de la Nouvelle Héloïfe, parce
que , dans nos conventions dramatiques , il
DE FRANCE.
137
eſt impoffiblede ſuivre la marche du Roman
de Rouffeau ,& que s'en écarter , c'eſt s'écarter
en même temps du but qu'il s'eſt propoſé.
Dans la Nouvelle Héloïſe , Julie , coupable
avec Saint- Preux , malheureuſe par lui , mais
courageufe & foumiſe , expie ſa faute par ſes
remords , par ſa ſageſſe , par ſa conduite avec
l'époux qu'elle prend par obéiffance& qu'elle
aime par eftime. St- Preux, forcé de s'éloigner
del'objetquilui eft cher, promenantde pays en
pays le ſouvenir de Julie , fon inexpérience&
ſes pallions , devenu Philoſophe à force d'erreurs
, mais toujours ſenſible & paflionné ,
eſt un perſonnage très- intéreſſant , quand il
revoit Julie mariée à M. de Volmar, quand
il ſent ſon amour renaître , quand il en eft
tourmenté , quand il reſpecte la vertu , &
qu'il s'applaudit de l'avoir reſpectée. Que
font ces deux perſonnages dans le petit cadre
où le Dramatiſte les a placés ? Deux foux,
deux ingrats qui , non - contens d'avoir blette
les loix éternelles de l'obéiffance filiale & du
reſpect paternel accumulent les faures
pour en couvrir une , & multiplient les
moyens extrémes pour arracher à un père
fier , mais honnête , un confentement que
fa raiſon doit refuſer. Qu'un homme comme
Skakeſpéare eût fait , pour le Théâtre de
Londres , un Ouvrage dont la Nouvelle Hélaïſe
eût été le motif, il auroit pu faire un
Drame fublime ; pour les Théâtres de Paris ,
le ſujet ne peut produire qu'un Drame triſte,
froid , ou vicieux dans ſon but. Le ſuccès
د
138 MERCURE
malheureux de Saint Preux& Julie d'Étange,
ne doit point pourtant décourager ſon Auteur
: il a fait cet Ouvrage dans ſa première
jeuneſſe ; & au milieu de ſes défauts , on remarque
de la verve , de la ſenſibilité , des
vers heureux &de l'honnêteté. Neufans doivent
avoir changé ſes principes ,& nous defrons
qu'éclairé à ſes dépens , il choiſiſſe
mieux ſes ſujets , s'il veut ſe préſenter avec
plus d'avantagedans la carrière dramatique.
Le Jeudi 8 du même mois , on a repréſenté
, pour la première fois , le Comte d'Albert
, Comédie en deux Actes & en profe
mêlée d'ariettes , par M. Sédaine , de l'Académie
Françoiſe , muſique de M. Grétry ; &
lafuite du Comte d'Albert , Comédie en un
Acte , par les mêmes.
Le Comte d'Albert , étranger , Officier Général
au Service de France , s'eſt battu en
duel , malgré la rigueur des Ordonnances : il
a tué ſon adverſaire , il a fui , & la tête eſt
miſe à prix. Inquiet de n'avoir point reçu de
réponſe àdeux lettres qu'il a écrites à ſa femme
, il revient clandeftinement ; il ne veut
que la voir , lui parler &partir. En traverſant
laplace qui conduit à ſon hôtel , il apperçoit
unOfficier qui menace de percer de fon épée
un Porte-Faix qui l'a fait tomber en le heurtant
de ſon fardeau. Il s'oppoſe à la fureur de
l'Officier , qui ſe retire quand il apprend-quel
eſt ledéfenſeur du Porte- Faix. Al'inſtant des
DE FRANCE. 139
Records qui le guettent, l'entourent& l'arretent
malgré ſon courage& les efforts de M. de
Tréville , ſon ami. Conduit en prifon , il y
reçoit ſa femme & ſes enfans. La Comteffe
vent mourir avec ſon époux; mais Antoine ,
(c'eſt lenomdu Porte-Faix, dont le Comte a
fauvé la vie ) eſt un des Valets de la priſon; il
reconnoît le Comte ; &, plein du defir de lui
prouver ſa reconnoiſſance , il lui donne ſes
habits , lui indique les moyensde paſſer pour
lui , les détours de la priſon , & le force à
fuir. Le Comte cède aux inſtances d'Antoine
& aux prières de la Comteſſe. Puis le Valet
ſe fait ferrer un mouchoir autour du col
quand il eſt sûr de l'évafion du Comte , arme
la Comteffe d'un couteau , ſe précipite à
terre , crie , appelle la garde qui arrive , & la
Comteſſe ſe prêtant à la feinte,ſe comporte
de manière à ne laiſſer aucun ſoupçon ſur le
généreux Antoine. Voilà les deux premiers
Actes.Au troiſième, qui eft une autre Pièce, la
Scène est à Bruxelles. Un Fermier du Comte
a appris la détention de ſon Maître ; il alloit
marier une de ſes deux filles, il ne veut plus
de mariage , & fe diſpoſe à partir pour Paris ,
quand on annonce quele Comte arrive àfrancétrier
, & qu'il eſt ſuivi de la Comtelſe en voiture.
Tranſport de joie des payſans , entrevue
des époux , préſens ſumples des Vaffaux
à leur Maître , qui voit entrer avec raviſſement
, & preſſe entre ſesbras ſon libérateur,
que fa femme lui préſente. Une des filles
du Fermier , jeune , ingénue &fenfible , s'eſt
140 MERCURE
é nue au récit qu'on lui a fait de l'action du
bon Antoine , elle l'aimoit ſans l'avoir vu ;
quand elle le voit, elle lui propoſe tout bonnement
de devenir ſa femme : confentement
univerſel ; on chante & puis l'on danſe.
Si nous jugeons cet Ouvrage d'après les
principes connus de l'Art , nous lui ferons
bien des reproches : fi nous le jugeons par
l'ufet qu'il produit à la Scène , à l'exception
de quelques caricatures qu'il eſt bien facile
d'élaguer , nous ne lui devons que des éloges,
Par tout il y a de l'adreſſe , du comique &
de l'intérêt ; le ſecond Acte , fur-tout , eſt
extrêmement attachant. Le caractère de la
jeune fille qui épouſe Antoine au troiſième
Acte , eſt neuf, plaiſant&intéreſſant,
Porterons nous plus loin l'examen de cet Ouvrage?
à quoi cela ferviroir-r'il ? nos obfervations
feroient inutiles à M. Sedaine , elles le
ſeroient bien plus pour lePublic. Beaucoup
d'originalité dans quelques morceaux , de
P'efpuit, de la fraîcheur, des intentions Drama
tiques développées avec beaucoup d'art dans
des accompagnemens clairs , exprefiifs , & qui
ajoutentàl'efferdes ſituations, affurent encore
à M. Grétry, pour cette compofition, les éloges
qu'il a mérités pour tant d'autres. La Pièce
eft bien jouée. M. Philippe rend avec un intérêt
noble le rôle du Comte ; M. Trial eſt
tour àtour plaifant , comique & ſenſible
dans le Guichetier ; Mlle. Carline eft , com
me à l'ordinaire , franche , aimable & naïve
dans la fille du Fermier; mais il eſt impof
DE FRANCE.
141
fible de ne pas parler avec enthouſiaſme
du jeu de Mme Dugazon dans la Comteffe ,
rôle où elle a déployé toutes les refſources du
talent le plus décidé , de la ſenſibilité li plus
expanſible , & qui ne peut qu'ajouter à ſa réputation.
ANNONCES ET NOTICES.
DE l'Infidence de Boileau ſur l'esprit de fon
fiècle , Brochure de 16 pages in- 8 ° . A Paris , chez
Leſclapart , Libraire , rue du Roule , & chez Bailly ,
Libraire , Barrière des Sergens , rue Saint Honoré.
Nous avons inféré ce morceau dans notre Naméro
48 de l'année dernière , & ç'a été notre manière
de le louer. L'Auteur y a ajouté quelquesNotes
piquantes , notamment celle où , en parlant de ce
qu'on appelle des Poëmes en profe , il dit : Ces
fortes d'Ouvrages reſſemblent un peu aux fauts du
Gille de la Foire , qui exécute ſur le plancher tout ce
que ſes camarades font ſur la corde lâche.
MELANGES de Poésie & de Littérature , par M.
de Florian . Capitaine de Dragons , &Gentilhomme
de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre , des Academies
de Madrid, de Florence , de Lyon , de Niſmes ,
d'Angers , &c. , in- 12. A Paris, de l'Imprimerie de
Didot l'aîné.
Ce nouvean Volume, qui doit prévenir favorablement
par le nom ſeul de fon Auteur , eft compoté
de Contes en profe , de Contes en vers , &
d'autres Pocfies légères que nous ferons connoître
anos Lecteurs ; il fe trouve chez Didot Taîné , rus
-Pavée; Debure l'aîné , Libraire, quai des Auguſtins ,
&Didot fils aîné , Libraire , rue Dauphine.
142 MERCURE
ETRENNES du Chrétien. Prix , 2 liv. en matoquin.
A Paris , chez Barbou , Imprimeur. Libraire ,
rue des Mathurins.
VANIERII pradium rufticum , in- 12. Prix , 6 liv,
relié en veau doré ſur tranche. Même Adreſſe que
ci-deſſus.
Ce Volume fait ſuite à la belle Collection des
Auteurs Latins .
TRAITE des Bandages Herniaires, par M. Juville,
Chirurgien-Herniaire , in - 89. A Paris , chez
Belin , Libraire , rue Saint Jacques ; Hardouin &
Gattey , au Palais Royal , & chez l'Auteur , rue du
Haſard Richelieu , n° . 6.
La réputation de M. Juville dans la Médecine-
Herniaire eft fuffisamment établie , & cet Ouvrage
la juſtifie & la prouve tout-à-la-fois. Outre les Bandages
ordinaires , on y trouve des Machines propres
à remédier àdivers accidens du même genre.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires particuliers
relatifs à l'Histoire de France , TomeXXIV.
ALondres; & ſe trouve à Paris, rue d'Anjou-Dauphine,
n°. 6.
Ce Volume contient la fin du cinquième Livre
des Mémoires de Montluc.
LES Caprices de la Fortune , ou les Vies de
ceux que la Fortune a comblés de ses faveurs , &
de ceux qui ont eſſuyéſes plus terribles revers dans
lestemps anciens & modernes ; par M. Richer , Auteur
des Vies des plus célèbres Marins & de phufieurs
autres Ouvrages de Littérature , 2 Vol. in-
12. Prix , 3 liv. le Volume relié. A Paris , chez
Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
Ces deux Volumes commencent une ſuite d'Hif
DE FRANCE.
143
toire que l'Auteur conduira juſqu'à nos jours. Il annonce
que les deux Volumes ſuivans ſont prêts à
être mis ſous preſſe. 1
RÉFLEXIONSfur le Règne de Trajan , par M.
Bayeux , Avocat au Parlement de Normandie , de
l'Académie Royale des Sciences , Belles- Lettres &
Arts de Rouen , &c. Brochure de 59 pages. A
Paris , chez Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Auguſtins.
A meſure qu'on lit cet Ouvrage, on découvre
un but que l'Auteur n'a pas voulu annoncer par
ſontitre. C'eſt un cadre ingénieux qu'il a choifi
pour rendre hommage à des vertus plus modernes
que celles de Trajan. Les rapprochemens heureux
préſentés par l'Auteur , donnent au Lecteur François
- des ſouvenirs chers à ſon coeur, le ſurprennent
agréablement à chaque pas par des comparaiſons
que l'Auteur n'indique pas, & qui s'offrent d'ellesmêmes;
enfin en rappelant le bonheur des Romains
ſous Trajan , il ſemble raconter des événemens
heureux gravés dans les coeurs François ; & ce qu'il
ne préſente que comme un éloge perſonnel à cet
Empereur , devient à nos yeux un parallèle intéreffant.
-
Lesecond & dernier Volume de la Bible in-4°.
pour la Collection du Dauphin , ſur papier vélin.
Prix, 60 liv, broché . Le même pour la Bible
dédiée au Clergé, même papier & même prix . On a
tiré de cette dernière ſur papier grand raiſin d'Angoulême.
Prix , les deux Volumes in-4°. 42 liv.
reliés en veau. A Paris , chez Didot l'aîné , Imprimeur-
Libraire , rue Pavée- Saint André.
Cette Bible eſt un des Ouvrages qui font le plus
d'honneur aux Preſſes de M. Didot. bl a mis auffi en
144
MERCURE
vente, les Tomes III & IV de la Traduction des
Voyages de M de Swimburne dans les deux Siciles.
Ces deux Volumes in- 8 °. ſur grand raiſin
d'Annonay , ſe vendent 14 liv. brochés chez le
méme Libraire .
On imprime un autre Voyage dans les mêmes
Pays qui pourra faire ſuite à ceux ci.
La Traduction du Voyage de M. de- Swimburn
dans l'Eſpagne va bientôt paroître .
Les Mélanges de M. de Florian précédemment
annoncés , ſe vendent chez Didot l'aîné , Imprimeur-
Libraire , rue Pavée ; Debure l'aîné , Libraire , quai
des Auguftins , & Didot fils aîné , Libraire , rue
Dauphine.
La Ruelle , Estampe de 14 pouces trois quarts
de haut , fur 10 pouces & demi de large , gravée
d'après un Tableau de M. Schall. Se vend à Paris ,
Tue Saint Étienne-des -Grès , maiſon de la Lingère ,
nº. 5. Prir , 3 liv.
TABLE.
VERS fur laManie des Sy- & de Sicile , 104
nonymes , 57 Le Voyageur Sentimental, 122
Aux Citoyens de Lille ,
Bouis rimés ,
98 Concert Spirituel , 127
ib. AcadémieRov, de Musiq. 128
Charade, Enigme &
gryphe ,
logo- Comédie Italienne , 135
IOI Annonces & Notices , 141
Koyage Pittoresque de Nap'es
APPROBATΙΟΝ.
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des -Sceaux , le
Mercurede France pour le Samedi 17 Fézrier 1787.Je n'y
si zien trouvé qui puiſſe en crapêcher l'impreſſion, A
Faris , le 16 Février 1787. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES .
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 31 Janvier.
Naen
Journal précé
une
ous avons cité dans le
dent le rapport favorable que fait
lettre de Copenhague , de l'état actuel de
l'Adminiſtration en Danemarck. Voici quelques
traits tirés du même document , qui
complettent ce tableau.
L'esprit de monopole diſparoît de plus en
plus; & comme l'on a reconnu que les nouvelles
Compagnies de commerce ont nui infiniment
aux exportations , & à la vente utile des productions
nationales , il eſt queſtion de rétablir
Jes choſes ſur un pied différent. Déjà l'on a ôté
toutes les entraves du commerce des Indes- Occidentales
; on a rendu la liberté la plus illimitée
au commerce & à la navigation de l'Iſlande ;
toutes les reſtrictions miſes au débit du tabac &
du ſel font levées ; & toutes les meſures ſont
priſes pour étendre ce principe de liberté aux
autres branches de commerce.
Les beſoins de l'agriculture n'ont pas moins
N°.7 , 17 Février 1787 . e
( 98 )
attiré l'attention & le zele des réformateurs.
Les ſéances de la grande Commiffion pour l'amélioration
de l'état du payſan, continuent ſaps
interruption , les lundis de chaque ſemaine,
Mais comme les membres de la Commiſſion ne
veulent rien faire imprimer , avant que tout
ne foit abſolument conclu , on fait encore peu
de choſes des points dejà convenus. Le ſeul bruit
auquel on puiffe ajouter foi , c'eſt que le Miniltre
d'Etat , Comte de Reventlaw , qui paſſe les
jours & les nuits au travail d'utiles réformes ,
témoigne ouvertement la fatisfaction. Selon
toutes les apparences , le payfan y gagnera de
n'être plus eſclave de la glebe , de pouvoir difpoſer
du fruit de fes ſueurs; d'être au moins afsûré
de la propriété de ſa perſonne & de ſes trayaux.
Une autre Commiſſion s'occupe de l'amélioration
des études , & de tout ce qui concerne
l'inſtruction publique. Il faut que ſon travail
ſoit avancé , puiſqu'il a été remis de ſa part, il
yaquelques ſemaines , à la Chambre de Danemarck
, un nouveau plan à ce ſujet , pour y
stre révu & approuvé.
Cequidoitcontribuer encore plus au progrès
des lumieres dans ce Royaume , c'eſt l'extrême
liberté de la preſſe dont on y jouit. Ici on peut
actuellement dire , écrire , imprimer , publier
& lire fans restriction tout ce que l'on penfe &&
tout ce que l'on ne penſe pas. On auroit tort
de croire qu'il en doive réſulterde grands déſordres
, fur- tout de grands écarts de la raiſon , de
grandes ſottiſes. Nous avons l'expérience contraire;
& il ſemble plutôt que cette liberté ſi
étendue a rendu les lecteurs plus difficiles & les
auteurs plus circonſpects. Car le public punit
ssux- ci par l'endroit qui leur eſt le plus fenfi
وو (
3
ble: il fiffle les mauvais ouvrages , & ne les
achete point.
Je dois vous prévenir contre des bruits , qui
pourroient circuler dans votre pays , comme ils
ont circulé ici , d'un changement prochain dans
notre Miniſtere. Je vous prie de n'y point ajouter
foi; car rienn'eſt moins probable , à en juger
par l'union qui regne entre les membres de
Padminiſtration , par le zele avec lequel ils ſe
portent tous également aux vues du Prince
Royal,pour le ſoulagement des peuples , & par
l'affection particuliere que ce Prince témoigne à
chacun d'eux fans exception.
- J'apprends dans le moment que l'Adminiſtration
eſt décidée à accorder la liberté la plus illin
mitée pour le commerce des grains. L'ordre en
ſera publié au commencement de l'année.
Pendant l'année derniere il eſt entré dans
le port de Dantzick 1025 bâtimens étrangers
, & 1101 en ſont partis. Parmi ces
bâtimens on a compté 67 Hollandois , 85
Anglois , 445 Danois , 227 Suédois , 38
Prufliens , &c.
Le Réſident de la Courde Berlin à Varſovie
a remis au Conſeil permanent une
note , contenant plainte contre les Employés
des Douanes , & contre une Compagnie
des troupes de la République , qui
ont arrêté & attaqué , ſur les frontieres de
la Siléſie , un Officier Pruſſien , chargé de
la conduite des chevaux de remonte. Le
Département de laGuerre achargé le Colonel
de Royalinski de ſe rendre ſur les
lieux , & de prendre à cet égard les informations
néceſſaires.
Ba
( 100 )
On apprend de Dantzick que le Roi de
Prufſe a confenti de faire examiner de nouveau
les gries de certe Ville , & que S. M.
lui a permis d'envoyer deux Députés à
Berlin.
Le Comte de Stakelberg , Ambaſſadeur
de Ruflie à Varſovie , quittera cette Ville
le 10 Février pour ſe rendre à Cherfon.
On apprend de Berlin que la Cour vient
de conclure avec les Electeurs de Hanovre
& de Saxe , & les Ducs de Mecklembourg ,
une convention pour la reddition réciproque
des déſerteurs.
,
La ville de Smyrne , lit-on dans un Journal
'Allemand , eſt une des plus riches places de commerce
du Levant. Outre les Négocians Grecs &
Arméniens , on y trouve 21 maiſons de commerce
Françoiſes , 4 Angloiſes , 3 Hollandoiſes
2 Vénitiennes , : Impériale & I de Toſcane. Le
commerce le plus étendu dans cette place eſt celui
des François ; vient enſuite celui des Hollandois.
Les Anglois ne font pas ce commerce
avec grand avantage ; l'éloignement de leur
patrie , l'entretien très - coûteux des Confulats
& la défenſe de charger leurs bâtimens ,
lorſqu'il regne une maladie épidémique dans
le Levant , en paroiſſent les principaux obftacles
; mais pour établir la balance , ils ſont dans
l'uſage de commercer de cette place avecla Perle
&laChine , moyennant les caravannes, Ce genre
de commerce eſt expoſé à la vérité à mille dangers
; mais en général , il eſt très lucratif.-Le
commerce des Ruſſes à Smyrne devient plus important
de jour en jour ,depuis le dernier Traité
de commerce avec la Porte-Ottomane; les Ruſſes
( 101 )
ont ſeuls la permiſſion de charger leurs bâtimens
de riz , d'huile & de café de Moka Les François
importent du drap , du papier , de la cochenille ,
du tartre , du verd-de-gris , de l'indigo ; les Anglois
, du drap , du plomb , de l'étain & de l'argent
monnoyé ; les Hollandois , du drap & des
épiceries [ cette Nation gagne beaucoup fur fon
argent ) ; les Allemands , du fer , de la vaiſfelle
d'a-gent , du bled , &c. Les Vénitiens & les Tofcans,
des draps d'or , des étoffes de foie&de laine,
des glaces.
De Berlin , le 30 Janvier.
Le Dac regnant de Brunswick eſt attendu
ici inceſſamment, d'après une invitation
expreſſe de S. M. Quelques perſonnes préſument
que ce voyage eſt relatif aux affaires
de Hollande.
L'Académie des Sciences a célébré le 25 ,
l'anniverſaire de ſon inſtitution. M. Formey
ayant ouvert la féance , par un éloge du feu
Roi , M. le Comte de Hertzberg fit la lecture
d'un Mémoire qui ſert de ſuite à ceux
dont ce Miniſtre a enrichi les annales de
l'Académie , & dans lequel il rend compte
des bienfaits que le feu Roi a répandus ſur
ſes Sujets , dans la derniere année deſa vie.
S. E. lut enſuite la préface de l'Histoire de
imon temps , l'un des ouvrages poſthumes du
Roi défunt. Une differtation de M. Beguelin
ſur la déclinaiſon de l'aimant depuis le 15
Janvier ; une Cantate de M. Samier , inti
tulée : le Couronnement de Frédéric - Guil
e 3
( 102 1
laume 11; un Mémoire de l'Abbé Denina ,
fur la préférence que le feu Roi accordoit à
la Littérature Françoiſe , & fur les progrès
que la Littérature Allemandea faits fous fon
règne, remplirent le reſte de la ſéance. Enfin
M. le Profeffeur & Aftronome Bode propoſa
à l'Académie de donner le nom de
Frédéric-le-Grandà une nouvelle Conſteilation
, qui ſeroit formée des étoiles ſituées ,
entre Caffiopée & Pégaze.
On a compté l'année derniere à Potzdam
435 naiſſances, 104 mariages & 561 morts ,
aunombre deſquels 66 enfans en'evés par la
petite vérole. La population de cette ville
monte actuellement à 27259 ames , dont
18503 de l'état civil , & 8756 de l'état militaire.
Suivant M Buſching , il eſt arrivé àStettin
1061 bâtmens , dont 669 ſur leur leſt,
&il en eſt parti 1205 , dont 74 ſur leur leſt.
La Patente du Roi qui ſupprime l'adminiſtration
générale du tabac , & le monopole
de la vente du café , vient d'être rendue
publique : elle eſt datée du 6 de ce
mois , & compoſée de 11 articles , dont
voici la teneur : :
1 °. A compter du premier Juin de la préſente
année , l'Adminiſtration générale du Tabac
, & les établiſſemens pour le Café ceſſeront
• entiérement.
20. Il ſera permis dès-à-préſent à tous & à un
chacun de cultiver du Tabac , fans aucune
restriction quelconque ; chaque cultivateur-&
( 103 )
marchand de Tabac pourront prendre leurs mar
chandises où bon leur ſemblera , dans le pays
ou dans l'Etranger , moyennant le paiement des
taxes.
3°. La fabrication de Tabac ſera libre à tous
ceux qui voudront s'en occuper ; le commerce
de cette denrée pourra ſe faire par ceux qui
y feront autoriſés , & par ceux qui en avoient
juſqu'à préſent la diftribution , les derniers
pendant leur vie. Les droits , que les fabricans
& marchands de Tabac auront à payer
à l'entrée de la Ville , ſeront fixés dans un Tarif
qui ſera publié inceſſamment.
4°. Chaque habitant de Ville ſans diſtinction ,
&tous les habitans privilégiés du Plat-Pays ,
auront la permiſſion de faire venir de l'Etranger
la quantité de Tabac dont ils auront beſoin
pour leur conſommation , en payant les droits;
les derniers cependant ſeront tenus de faire
adreſſer le Tabac qu'ils feront venir au Bureau
d'Entrée de la Ville le plus proche , & d'y,
payer lesdroits.
sº. Tous les habitans de la campagne feront
obligés de prendre dans les Villes le Tabac
dont ils auront beſoin , & les marchands détailleurs
du Tabac à la campagne , feront tenus
de justifier qu'ils ont tiré leur Tabac des
Villes.
6°. A compter du premier Juin prochain ,
il ſera permis à tous les marchands de faire le
commerce du Café , & il ſera libre à chaque
conſommateur de cette denrée , d'en tenir chez
lui la quantité qu'il lui faut. Les habitans des,
Villes , & les habitans privilégiés de la campagne
pourront faire venir de l'Etranger le
Café dont ils auront beſoin , mais les derniers,
feront tenus de le faire adreſſer au Buscau lo
:
:
e4
( 104 )
-
plus proche d'Acciſe, & d'y payer les droits.
Les autres habitans de la campagne feronttenus
de prendre dans les Villes le Café dont ils auront
beſoin. Ledroit d'Acciſe du Café,non compris
l'impôtde Banque , eſt fixé à l'avenir pour
tous les conſommateurs quelconques , à ungrofchen
& quatre ſpennings par livre peſant.
7°. Comme il a été fait une remiſe confitérable
fur les revenus de l'adminiſtration actuelle
du Tabac , & que le reſtant ainſi que les
revenus de la vente excluſive du Café , étoient ,
neceſſaires aux beſoins de l'Etat , ils ſeront
remplacés de la maniere ſuivante :
1°. Par undroit modéré d'Acciſe ſur la mouture.
2º. Par un droit modéré d'Acciſe ſur le
Tabac.
3°. Par une petite augmentation de l'Acciſe
furlebled.
4°. Par un droit d'Accite additionel , ſur le
facre& le fyrop .
5°. Par un droit d'Acciſe additionnel d'un
groſchen par thaler , pour tous les objets ſur
leſquels le droit d'Acciſe ſemontoit à 12 groſchen
&au- deſſus , labiere cependant exceptée.
60. Par une augmentation du timbre , la
feuille timbrée à raiſon de 4groſchen , & de 6
groſchen un jeu de cartes. Les autres droits feront
déterminnééss par le nouveau Tarif, & par
des Réglemens particuliers.
8°. Mais afin que le public ſoit dédommagé
de l'augmentation du droit d'Acciſe , ſur le ſucre&
le ſyrop , nous enjoignons aux entrepreneurs
des raffineries nationales de vendre le ſutre
à un prix raisonnable , & proportionné à
celui qu'il coûte chez l'Etranger ; & comme
les raffineries nationales ne ſont pas encore en
( 105 )
état de fournir ſuffisamment de firop pour la
conſommation du pays , tous les commerçans
auront la permiffion , à compter du premier Juin
prochain , d'en faire venir de l'Etranger , en
payant les droits , & de les débiter ; le firop national
cependant ne paieroit que la moitié des
droits que paiera le firop étranger.
9°. Perſonne ne ſera exempt du droit d'Accife
for le fucre ; nous eſpérons que nos fideles vaffaux
ſe ſoumettront d'autant plus volontiers à
l'acquittement de ces droits , que juſqu'à préſent
ils avoient payé le:Tabac plus cher , & que
rous avons diminué l'Acciſe ſur le Café .
10º. Nous voulons que les poſſeſſears des
actions de l'adminiſtration du Tabac , continuent
à toucher les intérêts fur le même pied ,
juſqu'au premier Novembre 1792 .
11 °. Quant aux employés de l'adminiſtration
générale du Tabac , nous voulons que juſqu'à
ce qu'ils foient placés ailleurs , il leur foit
affigné des appointemens pour leur ſubſiſtance ,
& que la fomme néceſſaire à cet effet ſoit livrée
àla campagne , pour l'établiſſement d'un impôt
'qui ne fera point onéreux aux ſujets, cet impôt
devant ceſſer à meſure & auffi- tôt que
leflits employés ſeront appellés à d'autres
places .
Donné à Berlin le 6 Janvier 1787.
(L. S. )
こ
FREDERIC-GUILLAUME .
Plus bas , DE GAUDI DE WERDER
Le Département général des acciſes &
des douanes a fait publier que , pour encourager
le commerce de Francfort fur l'Ođer
, S. M. avoit rétabli l'ancien Réglement
de 1744 , & qu'à l'avenir on y fuivroit ,
es
( 106 )
pour le recouvrement des droits, le Tarif
de 1772 .
Le Roi a permis l'importation de la
bierre étrangere moyennant l'acquittement
du droit d'entrée.
Le Roi a confirmé au Prince Frédéric-
Guillaume de Brunswick la lettre d'expectative
qu'il avoit obtenue du feu Roi le 7
Octobre 1785 , pour le Duché d'Oëls.
De Vienne , le 30 Janvier.
Par une Ordonnance du 12 Décembre
dernier , l'Empereur a réglé la levée des
dîmes en nature. Le décimateur à l'avenir
devra faire marquer ſa dime dans les 24
heures ; & à ſon défaut le Propriétaire
pourra employer à cette opération le Juge
du lien ou fon Préposé, laiſſer la dîme fur
le champ , & emporter le reſte de la récolte.
On a rétabli en Hongrie les 38 Tribunaux
de Juſtice qui avoient été fupprimés ;
cette fuppreffion ayant paru entraîner de
grands inconvéniens. Les trois Chancelleries
de Hongrie, de Bohême & Autriche
feront réunies , & préſidées par le vice-
Chancelier , Comte de Palfy.
Le camp d'Iglaw eſt contremandé ainſi
que les fêtes préparées pour la réception de
L. M. Siciliennes , dont le voyage eſt reculé
par la groſſeſſede la Reine. On parle toujours
dudépartde l'Empereur pour Cherfon,
comme étant fixé au 7 Mars. Un Aide
( 107 )
de camp du Prince Potemkin eſt arrivé ces
jours derniers , avec des inftructions relatives
à ce voyage.
Le Tréſor de l'Abbaye des Bénédictins
de Saint-Martins-Berg , ſupprimé au mois :
de Décembre dernier , eſt arrivé à Bride ,
il a été remis à l'adminiſtration de la caiſſe
de religion. Parmi les objets remarquables .
que renferme ce tréſor , il ſe trouve une
collection complette des eſpeces d'or , d'argent&
de métal qui ont été frappées ſucceflivement
ſous tous les rois de Hongrie.
On préſume que cette collection pallera
à Vienne , & qu'elle ſera placée dans le
cabinet des antiquités.
५
Le Clergé des Archevêchés de Mayence,
de Trêves &de Cologne , a renvoié ſur le
champ , par ordre des Vicariats reſpectifs .
les lettres circulaires , relativemeut aux difpenſes
de mariage, qui lui ont été adreſſées
en dernier lieu par le Nonce apoftolique ,
réſidant à Cologne ; mais celui ci ne les a
pas retirées : il a fait ſcavoir aux Directeurs
de la Poſte Impériale à Cologne qu'elles ne
feroient plus reçues , & qu'ils euſſent à les
adreſſer à leur premiere deſtination.
Il paroît ici depuis peu une brochure imprimée
à Francfort, qui jette le plus grand
jourſur la conteſtation qui s'eſt élevée entre
les Princes Eccléſiaſtiques d'Allemagne& la
Courde Rome. Cet écrit intitulé, Réſultat
e6
( 108 )
da Congrès d'Ems , contient quatre pieces remarquab'es.
1°. La Lettre que l'Empereur a adreſſée ,
le 12 Octobre 1785 , aux Archevêques de
Mayence , de Treves , de Cologne & de
Salzbourg , pour les exhorter à ſe maintenir
en poffeffion de leurs droits métropolitains
& diocésains , & à ſe prémunir contre toutes
les atteintes que le Pape ou ſes Nonces
voudroient y porter dans la fuite.
2°. Le recueil des articles arrêtés entre
les Députés des ſuſdits Archevêques , à
Ems le 25 Août 1786 , où en articulant
leurs griefs contre les ufurpations de la
Cour de Rome, ils font connoître les droits
primitifs attachés à l'Epiſcopat , & dans l'exercice
deſquels ils font réfolus de ſe maintenir.
3 °. La lettre que les quatre Archevêques
ont adreffée conjointement àl'Empereur, en
lui envoyant les fuidis articles , pour réclamer
fon interceffion & fon appui , afin d'être
réintégrés dans l'exercice deſdits droits ,
& pour fupplier S. Majesté Impériale de
concourir au redreſſement de leurs griefs ,
par les voies qui lui paroîtront les plus conformes
àl'eſprit des Concordats & aux conftitutions
de l'Empire.
4°. La réponte de l'Empereur à ladite lettre.
La lecture de ces pieces authentiques
fuffit pour faire connoître la nature del a
conteftation qui a donné lieu à la publica(
109 )
tion de cet écrit, & dont l'iſſue ne peut
qu'être très-importante pour les Libertés de
l'Egliſe Germanique.
De Francfort , le 4 Février.
Pendant l'année derniere , on a compté
àRatiſbonne 170 mariages , 670 naiſſances ,
& 672 morts. Depuis is ans la population
de cette ville eſt augmentée d'un tiers .
La ville de Zelle , dans l'Electorat d'Hanovre ,
étendde plus en plus ſon induſtrie. Les blanchifſeries
de cire , la fabrique de bougies , qui en
fournit par an plus de 100,000 livres peſant ; les
inanufactures de chapeaux & d'amidon , & les
fabriques de tabac , procurent à ſes habitans de
l'occupation & de l'aifance, La plupart du tabac
palle à l'Etranger. Depuis quelques années , on
cultive , avec ſuccè , les plantes du tabac aux
environs de cette ville , & on ſe propoſe d'en
étendre la culture.
On affure que l'Empereur a fait répondre
auxArchevêques d'Alemagne , relativement
à leurs plaintes contre la Cour de Rome,
que S. M. I. approuvoit la réſolution de ces
Princes , de revendiquer leurs droits , & de
réformer les abus qui ſe ſont gliffés dans la
difcipline eccléſiaſtique , qu'elle étoit prêre
ày concourrir en ſa qualité de Protecteur
de l'Eglife Germanique ; mais qu'au préalable
il étoit néceſſaire qu'ils conféraffent
ſur le même objet avec les Evêques & les
Princes féculiers , dont les territoires ſe trouvent
fur leurs dioceſes , & qu'ils les engageaſſent
à faire avec eux cauſe commune.
( 110 )
Un Journal de commerce parle en ces
termesde l'état actuel du commerce de l'Egypte.
?
Cecommerce le fait àAlexandrie , Bequies ,
Rozette & Damiette. Ily arrive par an 7 à 800
bâtimens turcs&barbareſques : ſavoir , 140 à 150
de Syrie , 70 à 80 de Conſtantinople , 50 à 60 de
Smirne , 30 à 40 de Salonique , 25 à 30 de Candie
; les autres d'autres Iſles & de la Terre ferme.
On eſtime leur cargaifon de 8 à 10 millions de
rixdalers , mais les marchandiſes qu'ils prennent
en retour , & qui conſiſtent enriz , café , lin ,
toile , bled , graines , &c. , furpaſſent de beaucoup
l'importation. Pendant l'année 1785 , l'im -
portation des Vénitiens àmonté à 200,000 rxdalers
, & l'exportation à 230,000. L'importation
desAnglois & des SujetsduGrand-Ducde Tofcane
, qui font le commerce d'Egypte par Livourne
, n'a pas excédé la ſomme de 500,000
rixda'ers ;l'exportation a été encore moins confiderable.
L'impomation des François a fait un
objet de 3,997,615 liv. , & l'exportation de
3,073,450 liv . Le total de l'importation Européenne
étoit de 6,896,310 rixdalers ,& celui de
l'exportation de 5,995,740 .
ITALIE.
De Milan , le 15 Janvier.
La perception des droits de Douane en
Lombardie varioit de province à province ,
ſuivant leur ancienne diviſion, leur éloignement
de la Capitale , le nombre des Jurifdictions
que traverſoient les marchandiſes,
( III )
Depuis le commencement de l'année , cette
onéreuſe inégalité a ceſſé. Par un Réglement&
un tarif nouveau , tous les droits
font réduits à un ſeul droit d'entrée & de
fortie dans les huit provinces de cet Erat ,
ainſi que dans la ville& le Duché de Mantoue.
Malgré la rigueur de la ſaiſon ; écrit- on
de Rome, les habitans de Rimini continuent
à ſe refugier dans la campagne , pour
échapper aux effets des ſecouffes du tremblement
de terre , qui ne ceſſent de ſe faire
ſentir. Pluſieurs édifices qui avoient déja
fouffert , font aujourd'hui preſqu'entiérement
ruinés. La vaſte Egliſe des Francif-
-cains , bâtie par les Comtes Malatesta , eſt
totalement tombée; le fameux Arc d'Augufte
s'eft fendu par le milieu ; le Pont de
Trajan a été fort endommagé; enfin la
Douanne s'eſt écroulée. On aſſure que plus
de 40 perſonnes ont pési par les ſuites du
tremblement , tant dans cette Ville que dans
fon territoire.
De Naples , le 15 Janvier.
La groſſeſſe de la Reine eſt tellement certaine
, que S. M. entre dans ſon troifieme
mois, en jouiſſant d'une ſanté parfaite.
Le 26 Décembre le Veſuve a fait une
grande exploſion par ſa bouche ſupérieure.
Il avomi beaucoup de macieres fondues,
( 112 )
des pierres enflammées & une fumée immenfe.
Le mouvement de l'air a tecoué
les édifices des environs comme auroit pu
le faire un tremblement de terre. La lave
très - fluide a coulé par deux crevaſſes au
bord du Cratere avec une grande rapidité.
Maintenant , elle ne s'épanche que par la
nouvelle bouche ouverte au mois de No.
vembre ; mais les exploſions du ſommet
continuent avec moins de force.
De Venise , le 15 Janvier.
Le Bacha de Scutari , diſent des nouvelles
fort halardées de la Dalmatie , ſe prépare
aujourd'hui à s'emparer de la Boſnie , tous
prétexte que ſes ancêtres en ont toujours eule
gouvernement. La Porte , inftruite de ſes
mouvemens , a donné ordre au Bacha de
Boſnie de s'oppoſer avec toutes ſes forces
aux opérations dece rébelle , en attendant
qu'on lui envoie un Collegue pour agir de
concert avec lui. Le Bacha de Boſnie fait
en conféquence tous les préparatifs néceſſaires
à la défenſe de ſa Province , & de tous
côtés les étendarts y font déployés , comme
s'il s'agiſſoit de faire la guerre aux Chré-
-tiens.
De Rome , le 13 Janvier.
Sa Sainteté a nommé , le ſieur Miller ,
Anglois de naiſſance , Inſpecteur de ſes
Finances , avec so ducats d'appointemens
( 113 )
par mois. En cas d'abſence , il fera remplacé
, par l'Abbé Vergani , qui jouira d'un
traitement de 25 ducats par mois . C'eſt ce
même Miller , que quelques bulletins difoient
renvoyé honteuſement , il y a trois
mois.
S. E. le Cardinal-Diacre Caſali , eft mort
le 14de ce mois à l'âge de 72 ans.
Gubbio , ville de l'Ombrie dans la légation
d'Urban , dont la population eſt à
peine de sooo habitans , n'eſt preſque peuplée
que de célibataires ; mais ony compte
22 maiſons religieuſes de l'un & de l'autre
ſexe ; indépendamment d'un nombre affez
confidérable d'Eccléſiaſtiques ſéculiers. Le
Prélat Angelelli,Evêque de cette Ville, après
quelques diſputes avec ſon propre Chapitre ,
s'eſt rendu à Rome , pour préſenter au Souverain
Pontife un projet de réforme. Pie
VI , lui a accordé un Bref de fuppreffion ,
muni de tous les pouvoirs néceſſaires pour
remplir entièrement fon objet.
Voici la liſte des Monaſteres ou Couvens
déjà fupprimés. A Gubbio , un couvent de
Clariffes & deux de Bénédictines , avec fix
Confréries. Les fonds provenans des revenus
& de la vente des édifices , ſerviront à la
conſtruction d'une grande Maiſon de charité
pour les pauvres filles. On y établira
des Manufactures de ferge , de toiles , de
draps , &c . & chacune de ces filles aura une
dot de 40 écus; toutes les dots de la Ville
( 114 )
&du Diocese devant d'ailleurs être affectées
aux beſoins de cet Etabliſſement,
Dans la Terre de Fratta , on a ſupprimé
un Monastere de Servites , aux mêmes conditions
que celles deGubbio; dans laTerre
de la Pergola , un autre Couventd'Auguftines
, dont les revenus paſſeront à la Manſe
Epifcopale,
Le Prélat Angelelli a auſſi obtenu la permiſſion
defupprimer des Bénefices & Chapellenies
, pour accroître juſqu'à la concarrence
de so écus la portion congrue des
Curés.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 6 Février.
Les premieres féances du Parlement ayant
été purement préparatoires , il ſeroit inutile
d'occuper nos Lecteurs de ces introductions
de forme , auxquelles vont ſuccéder les plus
importantes diſcuſſions. Le procès de M.
Haftings ſera repris inceſſamment , même
avant les débats ſur le traité de commerce.
L'Oppoſition ayant repréſenté à M. Pitt
que les interrogatoires commencés au ſujet
des accuſations contre l'ancien Gouverneur
Général de l'Inde , ne ſouffroient pas de
délai , le Miniſtre a changé l'ordre qu'il
avoit d'abord propofé.
M. Fawkner eſt de retour de Lisbonne ;
l'on ignore encore s'il a terminé ou non fes
négociations avec la Cour de Portugal;
( 115 )
mais ſon arrivée mettra les Miniſtres en
ésat de s'expliquer pertinemment ſur cet
* article.
Les Chefs des deux grands partis , qui
compoſent laChambredes Communes, font
d'accord ſur la convenance du traité , conſidéré
ſous le rapport des avantages qui
doivent en réſulter pour le commerce &
la richeſſe de la Nation. La différence d'opinion
n'a plus pour objet que ſon principe
&ſes effets enpolitique ,& l'on peutaffurer
hardiment que M. Pitt eſt certain de la
victoire.
Lord George Gordon eſt poursuivi par les
gens du Roi pour avoir ofé publier des
libelles contre un Ambaſſadeur étranger. II
a été aſſigné deux fois pour être oui. La
premiere affignation n'a point eu d'effet ,
leLordGeorge Gordon ayant prouvé qu'elle
manquoit par les formes; mais il a été obligé
de ſe ſoumettre à la ſeconde. Lord George
ſe prépare à plaider lui-même ſa cauſe.
Nous avons rapporté ſommairement le
bill de mortalité de la ville de Londres
pour 1786 ; bill , ſuivantlequel on a baptifé
dans cette Capitale , non compris le fauxbourg
de Southwarck , la banlieue , & les
commnnions diſſidentes , 18119 enfans ,
& enterré 20454 perſonnes. Dans ce dernier
nombre , 6693 ſujets font morts avant
l'âge de deux ans ; 68 entre 90 & 100 ; rà
100 ans; 3 à 101 ; 1 à 102; & 2 à 106.
(116)
4987 perſonnes font mortesde conſomption;
1210 de la petite-vérole ; 237 par
accidens divers. Le nombre des ſuicides a
été de 22.
FRANCE.
De Versailles , les Février.
Le Baron de Cadigan , qui avoit precédemment
eu l'honneur d'être préſenté a
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , à
eu , le 21 du mois dernier , celui d'être préfenté
au Roi & à la Reine , par Monfieur ,
enqualité de ſon premier Fauconnier.
Le rt, de ce mois , l'Univerſité de Paris,
ayant à ſa tête le ſieur Dumouchet , Recteur
, a eu l'honneur de préſenter au Roi ,
ſuivant l'uſage , le c'erge de la Chandeleur.
Le 2 , jour de la Purification de la Vierge,
les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du S. Eſprit , s'étant afſemiblés
vers les onze heures &demie , dans le
grand Cabinet du Roi , Sa Majeſté tint un
Chapitre dans lequel elle nomma Chevalier
de l'Ordre du S. Eſprit , Monſeigneur le
Duc d'Angoulême. Le Roi fortit enſuite de
ſon appa tenient pour ſe rendre à la Chapelle
, précédé de Monfieur, de Monfeigneur
Comte d'Artois , du Duc d'Orléans,
du Prince de Condé , du Duc de Bourbon ,
du Prince de Conti , du Duc de Penthievre
& des Chevaliers , Commandeurs &
( 117 )
Officiers de l'Ordre ; deux Huiſſiers de la
Chambre du Roi portant leurs maſſes . Le
Roi , après avoir entendu la Grand'Meffe ,
chantée par ſa Muſique , & célébrée par l'Evêque
de Metz , Prélat- Commandeur de
P'Ordre & Grand-Aumônier de France , fut
reconduit à fon appartement , en obfervant
l'ordre dans lequel il en étoit ſorti . La Reine
, Madame , Madame Comteſſe d'Artois
&Madame Eliſabeth de France , aſſiſterent
auffi , dans la Tribune , à la Meſſe à laquelle
la Comteſſe de Vérac fit la quête.
L'après midi , le Roi & la Famille Royale,
après avoir entenduleSermon , prononcé
par l'Abbé de Boulogne , Archidiacre &
Grand- Vicaire de Châlons , Prédicateur du
Carême , affifterent aux Vêpres chantées par
la Muſique de Sa Majesté , & auxquelles
l'Abbé de Ganderatz , Chapelain de la grande
Chapelle , officia.
La Grande-Duceſſe deToscane, Grande-
Maîtreſſe de l'Ordre de la Croix Etoilée ,
ayant conféré cet Ordre à la Comteſſe de
laTour en Voivre , née Marquiſe de Sailli ,
le Roi a bien voulu lui accorder la permilfion
de s'en décorer.
Le marquis de Dreux de Brezé , & le vicomte
de Divonne , qui , précédemment avoient
eu l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu ,
le 3 de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majeſté, & de la ſuivre à la chaſſe.
La comteſſe de la Roque-Menillet , la mar
( 118 )
quiſede Caftellane , & la marquiſe de Chaſtel.
lier-Dumeſnil , ont eu , le4de ce mois , l'honneur
d'être préſentées à Leurs Majeftés & à la
Famille Royale , la premiere par la duche ſſe de
Mortemar , la ſeconde par la comteſſe de
Caftellane , & la troiſieme par la Vicomteſſe
deBoiffe.
Le même jour , les premiers Préſidens & les
Procureurs-généraux des Parlemens , ainſi que
les premiers Préſidens & les Procureurs-généraux
des Conſeils Souverains de Colmar & de
Perpignan , convoqués pour l'Aſſemblée Nationale
, ont eu l'honneur d'être préſentés &
nommés au Roi par le Garde-des- Sceaux de
France.
Les Elus généraux des Etats de Bourgogne ;
desEtatsdeBretagne & des Etats de Languedec
, ont été auſſi préſentés & nommés à Sa
Majefté par le Baron de Breteuil , Miniſtre &
Secrétaire d'Etat , ayant le département de la
Maiſon du Roi ; ainſi que les Députés des
Etats d'Artois , qu'a préſentés & nommés le
Maréchal de Ségur , Miniſtre & Secrétaire d'Etat
, ayant le département de la Guerre.
Les Maires des Villes ont été enſuite préſentés
& nommés à Sa Majeſté par le baron de
Breteuil , ainſ que les deux Secrétaires de
l'Aſſemblée, que leGarde-des-Sceaux de France
apréſentés & nommés au Roi.
De Paris , le 15 Février.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 20
Décembre 1786 , qui fixe la taxe des lettres
qui feront tranſportées par les Paquebots ,
établis par S. M. au Havre & à Bordeaux ,
( 119 )
foit aux Colonies Françoiſes , ſoit à New
Yorck.
Par les Ier, & II articles de cet Arrêt , & le
*tarif quiy eſt joint , toutes les lettres & paquets
despapiers deftinés pour les ColoniesdeTabago,
la Martinique , la Guadeloupe , Saint-Domingue
, les Ifles de France & de Bourbon , & les
Etats Unis de l'Amérique , ou arrivant deſdites
Colonies en France , feront aſſujettis au paiement
de I livre pour la lettre ſimple peſant une
once , & to fols de pius par once excédant la premiere.
Indépendamment du port fixé par le tarif
de 1759 , depuis le lieu où leſdites lettresauront
été écrites ,juſqu'au Havre ou Bordeaux , & de
puis le Havre & Bordeaux , juſqu'aux lieux de
leurs deſtinations , ſans cependant qu'il ſoit néceſſaire
, dans l'un ou l'autre cas , d'avoir recours
à la voie de l'affranchiſſement. Les lettres
, ſeulement pour l'Amérique du nord , devant
continuer à y être aſſujetties. Par l'article
IV, il eſt néanmoins permis à tous particuliers
de faire porter leurs lettres & paquets par tous
les vaiſſeaux marchands de quelque port du
Royaume ou de nos Colonies qu'ils partent , à
la charge de faire mettre leurs lettres &paquets
dans la boîte ordinaire des lettres , en les faifant
timbrer du nom du vaiſſeau par lequel ils vou
dront les envoyer , ainſi que celui du lieu où
ledit bâtiment ſera en charge , pour y être taxées
conformément au tarif , & expédiées par
leDirecteur des Poſtes du port d'où le bâtiment
choiſi devra partir. L'article Vaccorde à tout
Capitaine de vaiſſeau marchand qui fera ce ſervice
, la remiſe duport des lettres & paquers de
lettres concernant ſon propre ſervice & celui de
ſes Commettans , juſqu'à concurrence du poids
de 20 onces , à la charge de remettre toutes
1
( 120 )
*Jeſdites lettres aux directeurs des poſtes du lieu
de fon départ , quien fera un paquet ſéparé ,
timbré , Service du Capitaine. Ledit Capitaine de
vaiſſeau marchand jouira également d'une remiſe
, de la part de l'administration des poſtes ,
de 15 fols par livre du poids des paquets de lettres
qui lui feront confiés par les directeurs de ladite
adminiftration. L'article VI porte que dans
le cas où un Capitaine de vaiſſeaux marchands
ſe chargeroit , perſonnellement , du tranſport
de quelques lettres , le Roi ordonne qu'il fera
puni , pour la premiere contravention , par une
iuſpenſion de deux ans , de ſes fonctions de Capitaine;
& , qu'en cas de récidive , il ſera déclaré
incapable de commander. Par l'article VII
il eſt dit que lesGazettes& Papiers publics pourront
être envoyés concurremment avec les lettres
, & qu'ils ne paieront qu'un port double de
celui qu'ils paient par abonnement , pour circuler
dans l'intérieur du Royaume , à la charge
d'être mis & envoyés ſous bande. Les autres articles
concernent les précautions ordonnées pour
la remiſe , avec fûreté, des lettres & paquets à
leur deſtination.
Réglement pour l'Académie royale de
Muſique , du 13 Janvier. Par l'Art. II. de
ce Reglement , >> il eſt défendu au Direc-
>> teur & au Comité de ladite Académie ,
>> d'agréer & d'accepter à l'avenir comme
>> Opéra nouveau , aucun Poème lyrique
>>>qui puiſſe étre réclamé en tout ou en par-
>> tie par un autre Théâtre , foit pour le
>>>fond de l'intrigue , foit pour des ſcenes
>>>entieres ou pour des imitations ſerviles
>> de Pieces déjà connues & jouées .
Le
( 121 )
Le 1. de ce mois , l'Académie Françoiſe
a élu, de l'agrément du Roi , M. de Rulhiere ,
àla place vacante par la mort de l'Abbé de
Boifmont.
Suivant un état dreſſé par le Commiſſaire
Joron , ſur la population de la ville & fauxbourgs
de Paris , il ya eu en 1786 , dans
cette Capitale 19847 baptêmes , 5322 mariages,
5824 Enfans Trouvés, 98 Profefſions
Religieuſes , & 18665 morts.
L'Aſſemblée provinciale du Berry , tenue en
1786 , s'eſt particulierement occupée de lanavigation
intérieure de cette province ; elle a arrêté
, ſous lebon plaiſir du Roi , l'ouverture d'un
canal de Bourges à Vierzon & à la Baſſe- Loire ,
& de cette Ville à la Loire , avec le Bec-d'Allier
, au point qui ſera reconnu le plus propre
à être ou à devenir le lien de pluſieurs navigations
importantes. Cette grande entrepriſe ſera
commencée , dès que les plans détaillés & nivellemens
faits , auront été vérifiés pour conſtater
, d'une maniere encore plus préciſe , la poſſi .
bilité de ces utiles travaux, qui feront communiquer
le Berry avec Paris & les trois mers. Sa
Majesté , en faiſant annoncer , par ſon Commifſaire,
à ladite Aſſemblée, que la direction , cideffus
, pour un canal en Berry , étoit celle qui
lui avoit paru mériter la préférence , a bien
voulu , en même-tems , accorder une ſomme
égale a celle que la Généralité du Berry pourra
offrir: les ſommes , provenant de la munificence
Royale & de la contribution provinciale ,
reſtant dans la province, augmenteront le numéraire
& ſa circulation . Les embranchemens de ce
grandcanal, dans les arrondiſſemensde Château-
N°. 7 , 17 Février 1787. f
( 122 )
dun-le-Roy ou Sanſcoins , & dans ceux d'Iffoudun
& Château-Roux , ainſi que les travaux
qui s'exécutent ſur le Cher, &s'étendront enfeite
aux rivieres d Indre & de Creuse , concourront
à vivifier toutes les parties de cette province
centrale , à qui les chemins , qu'elle a conf.
truits , commencent à ouvrir des débouchés
précieux.
Le Journal de Normandie annonce en ces
termes, une découverte faite dernierement
àHermival.
Le Jeudi 18 Janvier , un particulier défrichant
le pourtour d'une piece en labour , environnée ,
đun côté , vers le nord , & des deux bouts , d'une
commune fort eſcarpée ,dont le ſol eſt compofé
de marne°laiſe, trouva , à mi côte , à deux
pieds environ de profondeur , cinq têtes & un
grandnombre de débris de l'eſpece humaine , la.
plupart fort décompoſés. Ayant creusé un peu
vers la montagne , il découvrit un ſquélette entier,
ſa longueur eſt des pieds 9 pouces : les
côtes&lethorax étoient entièrement confommés.
Une longue lame d'épée , d'un pouce de
large,étoit poſee tranſverſalement ſur ſapoitrine;
mais tellement rongée par la rouilie , qu'elle ſe
rompit en pluſieurs morceaux , lorſqu'on voulut
la retirer de la foſſe. Un large fabre , de 2 bons
pouces , fur 3 lignes d'épaiſſeur , long de 16 pouces,
fansycomprendre la ſoie qui en a 6 , & terminé
en pointe , étoit perpendiculairement le
long du côté gauche , la poignée ſous l'aiſſelle ,
le bras un peu écarté. La piece de terre en queſtion
, quoique ſur la Paroiſſe d'Hermival , n'eſt
qu'à 200 pas de l'Egliſe & Cimetiere des Vaux ;
elleeſtdans une gorge étroite , & au bord d'un
ravin. Tout indique , particulièrement les armes,
( 123 )
que ces fquelettes font déposés encet endroit,
dès la plus haute antiquité ; & il eſt préſumable
que , ſi l'on continue la fouille , on en découvrira
encore pluſieurs.
L'Académie Royale des Sciences , Arts
&Belles Lettres d'Orléans a tenu une Afſemblée
publique , le 12 du mois dernier.
M. MARCANDIER , Directeur , a la une lettre
par laquelle M. l'Intendant annonçoit à la Compagnie
l'obtention de Lettres-Patentes du Roi ,
portant érection de la Société de Physique d'Orléans
en Académie Royale des Sciences , Arts &
Belles Lettres. Cette lecture a été ſuivie de celle
des Lettres- Patentes, données àFontainebleau au
mois d'Octobre 1786 , & enregiſtrées au Parlement
le 20 Décembre ſuivant.
<
M. Huet deFroberville , Sécretaire perpétuel,
a fait valoir , dans un Diſcours analogueà la circonfiance,
les heureux effets engénéral de l'étude
des Lettres,& ceux qu'on doit ſe promettre
en particulier , pour Orléans , de l'établiſſement
d'une Académie , qui les accueilloit d'une maniere
illimitée .
Le Secretaire perpétuel a lu enſuite le précis
des travaux de la Compagnie , pendant les
deux derniers ſemeſtres .
M. Prozet, Intendant du Jardin des Plantes ,
alu unMémoire ſur la formation des Montagnes
&des couches actuelles de la Terre .
Le Sécretaire perpétuel a lul'ElogedeM. M.1
rigues , Chirurgien Major de l'Hôpital Royalde
Verſailles , de l'Académie de Chirurgie de Paris,
de celle des Sciences & Belles-Lettres de
Rouen , de la Société Royale de Médecine ; &
Correſpondant de la Société de Phyſique d'Ors
léans.
f2
( 124 )
M. l'Abbé PATAUD a lu , pour M. l'Abbé
DE TALSY , la premiere partie d'un Mémoire
sur l'Education des Vers àfoie en plein air.
Le Secrétaire perpétuel a rendu compte du
Concoursdont l'objet étoit d'indiquer : Par quel
genre de culture ou d'industrie , applicable à la SologneOrléanoise
, on pourroit améliorer fon fol &
augmenter fon produit . Il a dit que l'Académie
n'avoit reçu ſur cette queſtion , qu'un ſeulMémoire
, qui porte pour Epigraphe ces Vers de
Lucain :
E
Horrida nunc dum's , multosque inarata per
annos
Hæc tellus ; defuntque manus pofcentibus arvis.
L'Académie a propoſé pour fujet du Prix
de 400 liv. qu'elle diſtribuera après la Saint-
Martin de l'année 1787 , les Queſtions ſuivantes
:
1°. A quelle cauſe doit-on attribuer le mauva's
goûtque les tonneaux font quelquefois contracter
ou vin ,&qui est généralement connuſous le
degoûtde fûte
nom
2º. Le bois ne fubit- il l'altération qui occafionre
ce goût , qu'après avoir été coupé , ou la séve
en étoit- elle affectée lorsqu'il étoit sur pied ?
3°. on reconnoître les bois A
quels fignes peutdontlesfucs
ontfouffert cette altération ?
4. Quels sont les moyens de corriger ou de faire
perdreau vin le goût désagréable que le fût lui
acommuniqué ?
Pour le Prix de 400 liv. , qui ſera décerné à
la même époque del'année 1788 , l'Académie
demande :
Quel a été l'état des Arts & du Commerce dans
l'Orléanois , depuis les premiers tems de la Monarchie
,jusqu'à Henri IV? Quelles ont été les
causesde leursprogrès , ou de leur décadence depuis
cette époque jusqu'à nos jours, &quels ſe(
125 )
ro'ent les moyensde les porter au dégré d'étendue
& de perfection dont ilssont susceptibles ?
Un ſecond prix ſera également diſtribué dans
la même année 1788 , à l'Auteur qui parviendra
à déterminer par des Expériences précises
&& directes :
1º. Si l'eau est uneſubſtance composée , ou fi elle est
une matierefimple ou é émentaire?
2°. Si celle que l'on obtient par la combustion dugaz
inflammable avec l'air vital , eft produite dans
l'aclemême de cette combustion , oufi elle n'en
est que dégagée ; c'est-à dire ,fi réellement elle
provient de la combinaiſon de l'air vital ou de ſa
baseavec l'air inflammable ; oufi cet air vical ,
touslesfluides élastiques ne font pas eux-mêmes
une modification de l'eau , opérée parsa combinaiſon
avec la matiere du feu , de la lumiere ou
dela chaleur. }
L'Académie voulant offrir aux Concurrens
un prix proportionné à l'importance de cette
Queſtion , elle ajoutera 400 liv. à pareille
fomme , provenant de celui qu'elle n'a pas décerné
cette année. Ainfi , ce ſecond prix femm
de 800 livres.
Un bruit que nous avons rapporté, ſans
legarantir aucunement , dans le Nº. s de co
Journal , art. de Paris , a donné lieu à l'explication
ſuivante qui nous eſt adreſſée ,
anonyme. Ce dernier caractere pourroit nous
faire ſoupçonner ſon exactitude ; & nous ne
répondrons jamais de ce qui n'eſt pas ſigné,
Voici la nore en queſtion.
:
>>M. de L. n'avoit pas remis à M. de P.
>>>une ſomme de 6000 liv. ; mais M. de P.
l'ayant décidé à placer 3000 liv, fur la
f3
( 126 )
>>lotteriede Mgr. le Duc d'Orléans, il pria
>>>ſon ami de lui choiſir trois numéros , &
>> lui remit en conféquence la fomme de
> 3000 liv.
>> Il eſt encore certain qu'à l'époque de
>> la mort deM. de L., ſes deux filles étoient
>>>chacune , depuis long-temps , dans un
>> Couvent , dont elles ne font point encore
>>>forties , & que c'eſtà l'intérêt & aux vives
>> follicitations de M. leComte de B. à qui
>>Madame de L. doit la p'ace qu'elle a ob-
>>> tenue à Saint-Cyr , pour fa fille cadette.
Le ſieur Léorier de l'Iſle , qui depuis nombre
d'années s'occupe avec ſuccèsde l'art de la papeserie,
eft parvenu à ſoumettre à la fabrication
du papier les plantes , les écorces & tous les vé.
gétaux quelconques. Ces nouveaux papiers font
très-propres auxdeſſins & aux tentures , par la
nouveauté& la foliditéde leur couleur naturelle
&inaltérable ; ils ont en outre le mérite impor
tant de pouvoir diminuer de beaucoup le prix
&la conſommation de la matiere premiere des
papiers de chiffons , devenue auffichere que rare
depuis que legoût des ameublemens en papiersa
étépreſqueuniverſellement adopté.
Tel eſt le jugement avantageux que vient
d'en porter l'Académie Royale des Sciences ,
dans le rapport qui lui en a été fait le 27 Janvier
1787, par les Commiſſaires qu'elle avoit
nommés à cet effer.
On y lit :
« Il n'est pas probable qu'on parvienne à ſubſtituer
les papiers de M. de l'Ifle aux papiers
blancs de chiffon pour l'impreſſion & pour
>>l'écriture : cependant celui de guimauve &
L
( 127 )
2
quelques autres pourroient être mis enulage
>> ainſi qu'on a pu en juger par un volume im-
>> primé ſur ces papiers , qui a été mis ſous les
>>>yeux de l'Académie ; mais c'eſt ſur-tout pour
les ameublemens dont la fabrication conſom.
>>>me une grande quantité de chiffons , que les
>> papiers de M. de l'Iſle pourroient être d'une
=>>> grande utilité ; ils ont une teinte naturelle
beaucoup plus ſolide que les couleurs qu'on
>>>pourroit employer pour ſervir de fonds aux
>> deffins qu'on y appliqueroit.
<<Nous penſons que M. de l'ile doit être en-
>> couragé à pourſuivre ſes expériences dont on
>>a lieu d'attendre une utilité réelle ; que l'on
>>doit eſpérer de fon zele, de ſon activité &
>>de ſon intelligence , qu'il contribuera de plus
➤ en plus aux progrès de l'art de la papeterie
>>>dont il s'occupe ,& que les eſſais dont il a fair
>>part à l'Académie , méritent ſes éloges.
Fait au Louvre , le 27 Janvier 1787. Signts,
Lavoiſier , Sage & Bertholet.
- > Je certifie le préſent extrait conforme à ſon
>>original & au jugement de l'Académie, APa-
« ris, ce 31 Janvier 1787.
Signé, le Marquis de Condorcet.
Le 26 Décembre dernier , M. le Baron de
Breteuil , accompagné de M. de Croſne & du
-Bureau d'Adminiſtration , ſe rendit aux Tuileries
pour la diſtribution annuelle des Maîtriſes&
grands Prix. M. Bachelier , Directeur , ouvrit
la ſéance par undiſcours.
On procéda enſuite à la diftribution des Maitrifes
& grands Prix , favoir , la Maîtriſe d'Orfevre
au fieur Courtin , & celle de Graveur,
Cizeleur , Doreur , au ſieur Deſcarrieres ; &
f4
( 123 )
les grands Prix aux fieurs George, B'ondi ;
Masie, Toffet & Montalent.
Ils furent embraſſés par le Miniſtre au bruit
des fanfares & des acclamations du Public.
Douze grands Acceffits & quatre-vingt- ſeize
Prix furent auſſi délivrés dans la même ſéance.
D'après la promeſſe de l'Adminiſtration, il a été
délivré dans la même Aſſemblée quatre Prix de
perſévérance aux Eleves les plus méritans , qui
avoient déja remporté les grands Prix les années
précédentes.
Une lettre de Mercq Saint Liévin porte ,
que, le 23 du mois de Décembre dernier ,
il a éclaté , dans ce village, un incendie pendant
que tous les habitans étoient à l'Eglife;
quatre maiſons ont été réduites en cendres
avec la récolte , les uſtentiles de labourage ,
les meubles , hardes & offets. Quatre peres
de famille , dont un eſt chargé de trois enfans
, un autre de ſix , font réduits, par ce
malheur , à la derniere miſere; le Curé &
quelques particuliers les ont retirés. Les perfonnes
charitables , qui voudront venir à
leur ſecours , font priées d'adreſſer les bienfaits
qu'ils leur deſtineront au Curé du lieu ,
⚫u auComte de Thomaſſin , à Saint-Omer..
La précieuſe utilité de la poudre anti- hémorragique
du Geur Jacques Faynard , & dont il eſt
l'inventeur , eſt aujourd'hui univerſellement reconnue.
Les ſuccès multipliés de cette poudre, tant en
'Angleterre qu'en France ſa patrie , lui ont fait
mériter de S. M. bienfaiſante un privilege exslufifde
30 années .
Cettepoudre eſt ſupérieure à tout cequia paru
( 129 )
juſqu'àpréſentdans ce genre ; ellea la vertu d'arrêter
toutes hémorrhagies , tant internes qu'externes
, vomiſſemens &crachemens deſang ; elle
arrête&guérit les pertes des femmes , les ſaignemens
denez , &c. &c. &c.
Dans les amputations , il ne faut pas de ligatures,
& fur toutes coupures quelconques , la
ulaie ſeguérit ſans autre app'ication que ladite
poudre ; elle ne cauſe aucune inflammation ni
irritation.
Le dépôt de ladite poudre eſt à Paris , chez M.
Belotte , Receveur de la Loterie Royale de France
, rue de la Savonnerie , en entrant par celle S.
Denis.
Elle ſe vend auffi chez le ſieur Fainard ,
qui en eſt l'Auteur , rue Beaubourg , no . 75 .
A Verſailles , chez M. Lavallée , à la Brafferie,
avenue dr Paris .
১
Et à Amiens , chez M. Dufetel , rue au
Lin.
Les perſonnes qui lui feront l'honneur de
lui écrire , font priées d'affranchir leurs lettres .
Ily a des boîtes de deux prix , de 12 livres &
de 24 livres .
Le ſieur Faynard deſireroit avoir un Bailleur
de fonds qui voulût s'aſſocier avec lui , &
qui füt en état d'établir la Correſpondance
des dépôts de ſa poudre anti-hémorrhagique ,
dans tout le Royaume & chez l'étranger. Ils
entreront réciproquement par moitié , profit
& perre.
Le ſieur Faynard donnera toure sûreté pour
les fonds que ledit aſſocié avancera , chez M.
Clos Dufreſnoy , Notaire , rue Vivienne , a
Paris.
(
f
( 130 )
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 11 Février.
Pendant l'année derniere , le Port d'Of
tende a reçu 1150 bâtimens , & il en eft
parti 1046.
M. l'Abbé de Fontenai vient de publier
dans le Journal Général de France , un paffage
du Voyage Allemand de M. Nicolai
de Berlin, en Allemagne & en Suifle , qui
nous apprend le fort étrange desAutomates
du célébre Vaucanſon .
le
Où croyez-vous , Monfieur , dit M. Nicolaï ,
qu'il faille chercher le Flütear automate ,
Canard artificiel & le Provençal de feu M. Vaucanſon
? à Nuremberg , dans le comptoir de la
maiſon Pflüger , & dans des caifles qui n'ont
point étéouvertes depuis long-tems. La deſtinée
deces trois chefs-d'oeuvre est trop finguliere pour
queje ne cherche pas à ſatisfaire votre curiofité
&celle de vos Lecteurs .
Vaucanfon fit voir ces Automates à Paris , vers
Pâques , en 1738. Après avoir été adinirés dans le
reſte de la France & en Angleterre , je ne fais
par quel haſard ils tomberent entre les mains
d'un certain Dumoulin , Orfevre de profeſtion ,
mais. Méchanicien par goût. Il paffa avec ces
figures en Allemagne , où il les montra pour de
l'argent. En 1752 ou 1753 il étoit à Nuremberg.
Il cherchoit às'en défaire , & les offrit en 1754 au
Margravede Bareith; mais le marché ne fut pas
conclu. Dumoulin qui s'étoit endetté, alla en
1755 à Pétersbourg ,comptant pouvoiry vendre
( 131 )
S
e
avantageuſement ſes automates, qu'il avoit laiſſlés
en attendant , bien empaquetés , à Nuremberg
pourſervir de caution à ſes créanciers. Il ne les
vendit point , & fut nommé Maître des Machines
à Moſcou , où il eſt mort en 1765. Depuis c
tems les figures ſont reſtées chez le Banquie
dans l'état où il les avoit laiſſées : on n'en a fair
aucun usage , & on les livrera au premier qut
rembourſera ace comptoir 3000 florins , fommei
à laquelle ſe montent les avances faites pour Dumoulin.
Le Roi de Pruſſe a envoié des lettres de
rappel au Comte de Goërtz , qui ſe trouvoit
à. Nimegue auprès du Stadhouder , & en
même temps S. M. a écrit en ces termes à
L. H. P.
>> Comme j'ai envoié à V. H. P. , il y a
>>quelque temps , mon Miniſtre d'Etat ef-
>> festif, le Comte de Goërtz , pour les af-
> ſurer de mon amitié ſincere & de ma
55conſidération envers la République des
>>>Provinces Unies , & afin de contribuer en
>>tout ce qui dépend de moi , pour le réta-
>>bliſſement du repos intérieur dans leur
>> pays , V. H. P. auront vraiſemblablement
>>été convaincues par-làde mes ſentimens.
>>Mais le but principal de la miffon du
› Comte de Goertz n'ayant malheureuſe-
>> ment & à men très - grand regret , pu être
>> atteint , je ne ſcaurois me diſpenſer plus
>> long- temps de rappeller ce Miniſtre. Jo
>>>l'ai chargé d'aſſurer V. H.P. de nouveau,
>> que je ne defire rien plus vivement que le
repos & la proſpérité de leur République
:
f6
( 132 )
>&que je ſuis avec conſidération&amitié,
>> de V. H. P. , le bon Ami & Voifin .
FREDERIC GUILLAUME.
plus bas , Finkenstein. Hertzberg.
Berlin, le 22 Janvier 1787.
Voici une traduction des lettres de recréances
, dont les Etats-Généraux ont muni
M. le Comte de Goërtz , pour le Roi fon
maître.
SIRE :
>> Lorſque nous eûmes l'honneur de recevoir
la lettre de V. M. , en date du 2 Septembre dernier
, par laquelle elle accrédita auprès de nous
fon Miniſtre d'Etat effectif , le Comte de Goertz ,
pour nous donner des affurances de ſon amitié
fincere & ſon eſtime envers notre République , &
afin de contribuer en tout ce qui dépendroit de
V. M. au rétabliſſement de ſa tranquillité intérieure
, nous ne pouvions qu'être infintment ſenfibles
à ces marques de l'affection particuliere que
V. M. porte ànotre Etat , & nous lui en témoignons
encore aujourd'hui nos finceres remerci
mens.
>> Nous euffions ſouhaité de conſerver plus
Long-temps un Miniſtre , qui a montré rant de
ſageſſe , de prudence , de vigilance & de zèle
dans toute ſa conduite , mais puiſqu'il a plu à
V. M. de le rappeller d'ici , nous ne faurions le
laiſſer partir , fans lui accorder le témoignage
qu'il s'eſt appliqué à tous égards , & avec tout
l'empreſſement poſſible ,à exécuter ponctuellement
les ordres de V. M. - Nous ne doutons
peint non plus qu'à fon retour il ne rapporte à
:
( 1337
V.M. qu'il a rencontré ici par-tout les meilleures
diſpoſitions à contribuer à tout ce qui peut ſervir,
foit à mettre au jour notre vénération & notre
reſpect pour V. M. , foit à maintenir & à renforcer
la bonne amitié & la correſpondance entre
V. M. & notre Etat ; diſpoſitions dont nous
tâcherons de lui donner des preuves réelles dans
toutes les occafions , &c.
A la Haye , le 2 Février 1787.
La vil'e de Haarlem propoſa , le 30 de
janvier , à l'aſſemblée des Etats de Hollande,
d'examiner les bornes du pouvoir exceffif,
celles des charges de Stadhouder , de Capi
taine-Général & d'Amiral- Général , afin de
mettre touts ces objets ſur un pied fixe&
permanent. Cette propoſition , comme on
voit, n'eſt qu'une extenfion de celle d'Amſterdam
, faite au mois d'octobre.
Le Conſeil d'Etat a écrit 2 lettres à Le
H. P. La premiere , en date du 21 Décembre
1786 , & qui accompagne la pétition
annuelle ordinaire , porte entre autres ,
« Le Conſeil d'Etat repréfente que ces avances
continuelles ont tellement épuisé la caiſſe de la
Généralité , qu'elle eſt dans la pénurie la plus déplorable
, choſe d'autant plus extraordinaire ,
qu'elle étoit , il y a quelques années , abondam
ment pourvue , & qu'elle l'avoit été conſtamment
pendant une longue ſérie d'années. Toutes
ces dépenſes ont été faites , pour la levée des
troupes , la réparation des fortifications & les frais
des choſes néceſſaires à l'armée. Mais elles n'ont
pasfuffi,sonacontracté des dettes ;les créanciers
fe trouvent même dans l'embarras , parce qu'on
:
1
(134 )
ne les rembourſe pas ; le crédit public en fouffre;
& il eſt à craindre qu'en cas de néceſſité , l'Etat
embarraſſé lui-même , ne puiſſe parer aux événemens
, faute de pouvoir faire les emprunts néceffaires.
Le Conſeil d'Etat a fait un contrat avec la
Fonderie ,pour pourvoir les fortifications des canons
qui leur manquent ; mais faute d'avoir les
ſommes que doivent coûter ces pieces , il ſera
obligé d'annuler le contrat , quoique les ſommes
aient déja été promiſes par la Généralité en
1785. Cette négligence des Confédérés lui
a ôté les moyens de faire réparer les fortifications,
les cafernes , les hôpitaux & les magaſins. Il eſt
vrai qu'on a rétabli ceux dont la réparation étoit
indiſpenſable , mais on a été obligé de laiſſeries
autres dans le dépériſſement. Il ne parle point des
troubles qui déchirent la République , & lui font
perdre la conſidération de ſes voiſins. Il gardera
également le filence ſur les actes illégaux , com.
mis ily aquelques mois ,à l'égard des troupes &
des magafins de le Généralité , dans l'eſpoir que
les Confédérés vont s'occuper ſérieuſementdes
moyens de rétablir le calme , &de mettre le pass
en état dedéfenſe. Sur quoi , &c. Gazette d'Utrecht
no . II .
On écrit de Delft que le détachementdu
Corps -Franc, à ton retour d'Utrecht, eſt en.
tré dans la ville , tambour battant, &c. malgré
les repréſentarions de fon Commandant,
qui n'étoit pas de cet avis , & qui avoit même
prévenu le Magiſtrat que ſa troupe feroit
fon entrée , ſans cet appareil militaire. C'eſt
le Lieutenant qui a engagé le détachement
à transgreffer les ordres prudens de fon
(135 )
Chef. Auſſi , quelques jours après ſon arri
vée , il a été emprifonné , par commandement
exprès du Schout , quoique cet Offi
cierpub ic ſoit lui-même membre honoraire
du Corps Franc. Trois ou quatre autres
Chefs qui avoient ordonné aux autres tambours
de frapper la marche , ont été décrétés
au criminel , & ont pris la fuite. Cepen
dant le Corps Franc de la Haye , inſtruit
de cette aventure , a écrit ſur le champ à
celui de Delft , qu'en conféquence de l'alliance
conclue , il y a quelque tems , entre
les Corps Francs , il pouvoit compter fur
ſes difpofitions conſtantes à le foutenir &
le défendre en toute occafion ,& contre qui
que ce fût. Idem.
Mr. le Grand-Penfionnaire de la Pro
vince de Hollande a rapporté à l'aſſemblée
des Etats Provinciaux , que Mr. Fagel ,
Greffier de L. H. Puiſſance , avoit remis aux
EtatsGénéraux une Lettre de Son Alteſſe
Mgr. le Prince d'Orange , accompagnée de
quelques pièces , contenant la ſuite des Propoſitions
du Conite de Goertz. relatives à
unAccommodement avec les Etats de Hollande:
Ces piéces feront imprimées & publiées
dans peu de jours. Comme la majo
rité des Membres repréſentans de la Souveraineté
, dans trois Provinces , paroît
avoir adopté les principes du Stadi: ouder ,
fans doute que par cette Lettre , S. A. a
voulu afſurer folemnellement ſes Partifans ,
1136 )
de la ferme réſolution où elle eſt de rendre
inutiles les bons offices qu'ils peuvent lui
rendre dans l'Aſſemblée générale de la Conféderation
& ailleurs. (Gazette d'Amsterdam
nº II . )
Un nombre de Membres & Miniſtres de
la Régence & de la Justice en Zélande ,
viennentde ſigner un acte de confédération
ſur les principes ſuivans.
Nous témoignons ,de la maniere la plus folem
nelle , de n'avoir d'autre vue que de maintenir la
vraie conſtitution Républicaine , ſuivant la conf
titution& les priviléges des Provinces reſpectives,
Villes &Membres de cette République , de la
maniere qu'ils ont été liés par l'Union d'Utrecht,
avec les charges de Stadhouder , Capitaine &
Amiral Général , héréditairement dans la Maiſon
d'Orange , avec toutes les prérogatives & droits
qui ont été attachés à ces charges d'une maniese
légale & permanente.
Nous promettons d'aider à maintenir la Souveraineté
, liberté & indépendance de l'Etat en général
& de la Province de Zélande en particulier,
fans fouffrir aucune ſupériorité , ſous quelle dénomination
que ce pourroit être ; & nous déclarons
que nous avons, dans la direction des affaires
de cette Province , une averfion d'une autorité
Monarchique , ou d'un moindre nombre de perſonnes
, conduites par des maximes ariflocratiques
&arbitraires. Nous jugeons auſſi une Démocratie,
ſans la repréſentation de Régens élus légalement ,
ruineuſe pour l'Etat , & nous promettons de nous
tenir ſaintement à la conſtitution actuelle , que
nous reconnoiffons pour la meilleure pour le Pays
&pour lesCitoyens , la plus propre à défendre un
( 137 )
Etat libre de tous les efforts de la tyrannie ; &
qui nonobſtant a laiſſé afſſez de pouvoir aux Régences
, & a été ſi ſagement tempérée par les
Loix , que la Liberté civile y eſt & doit reſter
intacte.
Nous témoignons de même ſolemnellement de
maintenir & de défendre la vraie Religion Chré
tienne Réformée , comme elle eſt prêchée dans
les Temples publics de ces pays , avec tout le
zèle poſſible ; & de ne jamais ſouffrir que quelqu'un
ſoit attaqué en ſa confcience, mais que
chacun jouira de la liberté de penſer & de l'exercice
de ſes idées religieuſes , qui ont étéaccor
dées par les Loix du Pays .
Nous maintiendrons , autant qu'il ſera en notre
pouvoir , la Juſtice & ſes droits , ſans jamais
ſouffrir qu'il y ſoit porté le moindre obſtacle , ou
foumis à la déciſion ou jugement de perſonnes ou
de Juges délégués , qu'un chacun n'eſt pas obli
gé,ſuivant ſes priviléges , de reconnoître pour
fes Juges compétens & ordinatres .
Nous ſentons que la marque la plus sûre de la
liberté de ce Pays , conſiſte en ce que les Régens
&Employés de cet Etat , ſans diſtinction de rang
ou de pouvoir , ſoient foumis comme le moindre
Citoyen aux mêmes Loix ; qu'en conféquence ,
un Citoyen , quel qu'il ſoit , ou un Corps de Citoyens
, doit avoir la liberté de réclamer leurs
priviléges , ſans ypouvoir être empêchés , de les
citer & de les défendre ; quoique nous reſtrei-,
gnions entout cas &pour toujours, le pouvoir de
ſe faire justice ſoi- même , auſſi long-temps qu'en
ont été éprouvés tous les moyens que donnent
lajuſtice ordinaire , & la conſtitution de chaque
Province , ou de l'Etat en général , pour applanir
ces différends.
Nous déclarons encore avoir un vrai reſpe
(138 )
pour tous les fulles droits du Pemple &pour leufs
Provleges, fans quel drtrict on ville qu'ils doive &
étre os ferves ; k nous ticheras increment ce
les rétablir & de les fortifier d'une maniere comsisationnelle
; & nous préterons lamain , avec la
méme facerise , au rereffement d'abus rée's ,
qui pourroient s'etre gilles dans l'admi-nißration
des affaires publiques , contre les Loix& le bon
ordre.
Nous prometions,fur le ferment fait auPays,
dedéfenare fermement les fondemens ci-deffus,
&denous aliter Pen &Pautre , tant qu'il fera
poffible, dan- leur maintien; de nous oppoferde
tout notre pouvoir aux attentats fecrets ou publics
qu'on voudroit y faire ; de réunir nos efforispour
laconſervation de la constitution légale&
la liberté civile avec ceux de tous les Régens
des autresProvinces de cette République ,
qui travaillent avec nous ſur les mêmes principes,
dans le ſens clair & l'intention , comme il eſt dit
ci-deffus , &de nous conduire à cette fin , entre
nous&avec tous ceuxqui voudront ſe réunir à
nous, avec cette confiance , concorde & cordialité
qui est néceſſaire pour l'avancement dela
proſpéritédu Pays , & pour la défenſe de nos perſonnes,
contre la haine , l'envie& lacalomnie
des perſonnes mal intentionnées.
En foi de quoi , nous nous engageons aux préſentes,
comme gens d'honneur , par notre fignature.
(Gazette de la Haye , nº. 16. )
:
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
:
Nous apprenons deMarſeille que depuis quel
que tems il eſt entré dans ceport au-delà de qua
( 139 )
tre-vingtsbâtimens de commerce , qui ont apporté
des marchandiſes pour près de vingt-trois
millions. Les trois Frégates arrivées de Breſt à
Toulon , après la canipagne d'évolution , ſont
reparties pour leur deſtination dans le Levant.
On apprend de nos ports que les Chirurgiens de
la Marine ſont d'autant plus fatisfaits des nouvelles
Ordonnances qui les concernent , que des
gens mal intentionnés leur avoient fait craindre
une réforme totale. On a accordé les retraites les
plus avantageuſes à ceuxqui les demandoient , ou
àceuxque leur âge diſpenſoit de ſervir plus longteins
, les autres ont été promus àdifférens grades
avec des appointemens fixes , & même des augmentations.
Les Ecoles de la Marine ayant été
établies à Vannes en Bretagne & à Alaisen Languedoc,
les Eleves du DépartementdeToulon ſe
font rendus àAlais , pour y ſuivre le cours d'études
fixé par le Roi , ou pour y fubir un examen
au premier Mars prochain. Un des Profefſeurs
de Mathématiques de Toulon a reçu ordre
auffi de ſe rendre à Alais. Ainſi l'on n'épargne
zien pour former une pépiniere d'excellensOfficiers
de Marine. LeGouvernement eſt perfuadé
que , pour exercer utilement les fonctions de
cet art important , il faut une théorie qui ne
s'acquiert que par l'étude , &une expériencequi
ne s'obtient qu'en ſe livrant de bonne heure à
toutes lesbranches de connoiſſances qui forment
sette utileprofeſſion ( Gazette de Leyde , nº. 9 ).
M. de Kreuzer , Préſident de la Chambre &
Conſeiller privé du Duc de Deux Ponts , a été
arrêté par ordredeſon Souverain, mais il a trouvé
moyen d'échapper. Il s'étoit , à ce qu'on prétend
, rendu coupable de pluſieurs malverſations.
Gazette d'Utrecht , no 11 .
( 140 )
Il vient djarriver à Vienne un Courier deConftantinople.
Rien ne tranſpire du contenu de ſes
dépêches ; en attendant , le bruit court , d'après
des lettres particulieres adreſſées à plufieuis de
nos Marchands Grecs , qu'à l'inſtigation de la
Porte , les Tartares du Cuban & d'Oczakow
voulant empêcher ou troubler , s'il leur étoit puffible
, le courounement de l'Impératrice de Rufſie
en Tauride , ont fait, au moment , où l'on s'y
attendoit le moins , une invaſion en Crimée , où ,
après avoir mis à feu &àſang tout ce qui ſe trouvoit
ſur leur chemin , ils ont ſurpris la ville de
Cherſon , & paſſé au fil de l'épée une partie des
habitans ; le reſte , ajoute-t-on , s'eſt sauvé par la
fuite. S'il en faut croire d'autres lettres ,
l'ancien Kan de Crimée , que l'on croyoit avoir
renoncé à la protection de la Ruſſie , ſe trouve àla
tête d'uncorps nombreux de troupes tartares , &
afaitune invaſion en Beſſarabie , dont il reclame
la propriété que la Porte a ufurpée ſur ſes ancée
tres , & qu'il revendique en ce moment commfon
appanage. Quoiqu'il en ſoit de ces divers
bruits , que peſonne ne garantit encore , & qui
peut- être ne méritent aucune créance , on eſt
dans la perfuafion qu'il s'eſt paſſé quelque chose
d'important dans ces contrés. Gazette de laHaie.
ne 11 .
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ).
PARLEMENT DE PARIS. GRAND CHAMBRE
Cause entre le ſieur G... -Et la demoiselle
D... -Demande en séparation de corps
:
( 141 )
:
de biens , formée incidemmentſur l'appel inter
jetté par unefemme , d'une Sentence de réclufion,
obtenue contre elle par fon mari.
L'Arrêt rapporté dans cette cauſe eſt remar
quable à plufieurs titres : Il juge, 10. qu'une
Sentence qui autoriſe un mari à faire renfermerſa
femme pour cauſe d'inſociabilité de caracere
, rendue fans entendre la justification de
la femme , eſt nulle ; 20. qu'un mari qui a ob
tenu une pareille Sentence , & la garde ſans
la mettre à exécution , qui vit avec ſa femme
pendant un mois après l'avoir obtenue , eſt
cenſeavoir renoncé à en faire uſage , avoir pardonné
à ſa femme , & qu'il doit former une
nouvelle demande , & faire rendre un nouveau
Jugement qui ordonne la récluſion ; qu'un mari
défendeur à une demande en ſéparation de corps
&de biens formée contre lui par ſa femme , incidemment
ſur l'appel par elle interjetté de la Sentencede
récluſion, &non- recevable, lorſque com.
battant les moyens de ſéparation propoſée par
ſa femme , & s'oppoſant au ſuccès de ſa demande
, il follicite la confirmation de la Sentence
, & déclare que l'humeur &le caractere
intraitable de ſa femme lui rendent impoſſible
la demeuré commune avec elle. Une pareille
déclaration étant contradictoire avec ſa défenſe
à la demande en ſéparation , les Juges ont pris
le parti de ſéparer les époux qui convenoient
de concert devant eux de l'inſpoſſibilité de vivre
réunis . Tel eſt l'apperçu de cette cauſe; rendons
compte des principaux faits. Le ſieur
G... a épousé en 177; la demoiselle D....
fille de parens honnêtes. Si l'on ajoutoit foi
à fon récit , il faudroit croire qu'un caractere
( 142 )
difficile, colere & emporté , Ini avoir attiré
l'inimitié de ſes parens & de tous ceux qui la
connoiffoient. -Ces mêmes defauts , continue
le ſieur G... n'ont fait que s'accroître
après ſon mariage; cependant il auroit , dit- il ,
fouffert dans le filence les effers de ce ſingus
Jier caractere , s'il en eût été ſeul la victime;
mais les pere & mere du ſieurG... , ſesCommis
& tous ceux qui compoſoient ſa maiſon ,
étoient également expoſés aux fureurs , aux emportemens
de cette femme , que la préſence de
témoins étranger ne pouvoit contenir. Les ſcenes
ſcandaleuſes étoient fi fréquentes , que le ſieur
G... fut même menacéparſes ſupérieurs d'être
deſtitué de ſon emploi , s'il ne parvenoit pas
à contenir ſa femme & à rétablir la paix &
le calme dans ſa maiſon. Après avoir mis en
uſage tous les moyens poſſibles fans aucuns fuccès,
le ſieurG... prit le parti de préſenter fa
requêre au Bailli Ducal de R ... , dans laquelle
il a expoté tous les griefs contre la femme , &
a demandé à être autorisé à affembler ſes parens
pout délibérer s'ils ſeroient d'avis de faire
interdire la dame G... & de la placer dans
un Couvent , aux offres de payer la penfion
& de fournir à ſon entretien. Les parens
aſſemblés , en vertu de l'ordonnance du Juge ,
la mere de la dameG... , un de ſes freres ,
penſoient qu'il n'y avoit lieu à l'interdiction ;
mais d'autres parens déclarerent qu'ils avoient
conno flance des torts de cette femme envers
fon mari ; ſa mere elle-même adéclaré que ſa
fille éroitd'un caractere difficile , & par cette
raiſon on fut d'avis d'autoriser le fieur G ...
à placer ſa femmedans un Couvent , pour éprouver
fi cette eſpece de correction ne la rame,
(143 )
neroit pas à une conduire plus modérée & ne
mettroit pas ſon mari dans le cas de la reprendre.
Une Sentence du 18 Juillet 1778 ,
a homologué l'avis des parens , & autoriſé le
fieurG... à faire enfermer ſa femme dans un
Couvent , & à l'y tenir juſqu'à ce qu'il y ait
lieu de croire qu'en la reprenant chez lui ,
elle ſe comporteroit en femme raiſonnable ; à
la charge , ſuivant ſes offres , de pourvoir à ſa
penfion & à ſon entretien. Cette Sentence n'a
été miſe à exécution que le 14 Août ſuivant.
Ladame G... a été conduite au Couvent des
Urfulines à B ... , d'où elle s'eſt évadée le
10 Février ſuivant , & s'eſt retirée chez un
de ſes parens. Ayant appris quelque tems apres
que ſon mari avoit un ordre pour la faire arrêter
, elle est venue à Paris , & a interjetté
appel de la Sentence du 18 Juillet 1778.-Un
Arrêt da 24 Juillet 1780 a reçu ſon appel , a
fait défenſe d'exécuter la Sentence , &c. -Les
moyens de la dame G ... étoient l'irrégularité
& l'injustice de certe Sentence qui l'avoit condamnée
ſur la ſimple demande de fon mari &
ſans entendre ſes moyens de juſtification. Elle
a joint à fon appel une demande incidente en
féparation de corps &de biens ; elle en a fondé
les motifs fur pluſieurs faits principaux , comme
mauvais traitemens , perfidie dans l'exécution
de la Sentence , mépris , calomnie , &c.
lon la dameG... , les mauvaistraitemens qu'elle
a eſſuyés de ſon mari pendant le tems qu'elle a
vécu avec lui , ont eu pour cauſe les fréquentes
repréſentations qu'elle lui faiſoit ſur le danger
de différens crédits qu'il faiſoit , ce qui altéroit
peu à-peu ſa fortune , mettoit en péril ſa dot
&pouvoit lui faire perdre ſon état. Tels étoient ,
Se
(144)
Tuivant la dame G... , les funeſtes cauſes de
ces diviſions domeſtiques , dont ſon mari vouloit
pallier les vrais motifs. -La dame G...
mettoit encore en fait que fon mari la faiſeit
paſſer pour méchante &pour folle dans leCouvent
, &propoſoit à la Supérieure un forfait pour
lagarder toute la vie , & la faire enterrer après
ſondécès comme une Religieuse. Elle prétendoit
établir la perfidie qu'elle reprochoit à
ſon mari , ſur ce qu'il avoit gardé dans ſa poche
pendant un mois la Sentence de récluſion obtenue
contre elle ; & que le 13 Août , lorſqu'il
avoit voulu la faire mettre à exécution , il lui
avoit fait toutes les démonſtrations poffiblesd'amitié
, & lui avoit prodigué les plus tendres
careſſes; enfin , que lorſque ſon mari apprit
qu'elle projettoit de ſe pourvoir par appel contre
la Sentence de réclufion , il follicita & obtint
un ordre contre elle , & la prévint par une
lettre , que ſon ſilence fur cette Sentence ,
ou ſes mouvemens pour la faire anéantir , dé
termineroit l'uſage qu'il feroit de l'ordre dont
il étoit nanti. Tels étoient les principaux faits
que la dame G ... articuloit , & dont elle demandoit
à faire preuve. -Le mari de fon
côté demandoit la confirmation de la Sentence ,
&que ſa femme fût déclarée non- recevable
& mal fondée dans ſa demande en ſéparation.
-L'Arrêt du 3 Mai 1786 a déchargé la dame
G... des condamnations contre elle prononcées;
faiſant droit ſur la demande en ſéparation
de corps & de biens , a ordonné qu'elle
demeureroit ſéparée ; a condamné fon mari à
lui rendre& reſtituer ſa dot, ſes hardes , linges
&autres effets à ſon uſage , & aux dépens.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 24 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITAPHE
De M. le Comte DE VERGENNES ,
Miniftre & Secrétaire d'État au Dépar
tement des Affaires Étrangères.
CII --GGIITT le Confident des Rois .
Ce fage Politique à qui l'Europe entière
Sembloit avoir remis ſes droits ,
Étqui fut fans orgueil parcourir ſa carrière,
Au ſein de la proſpérité
La Vertu releva ſa gloire;
Et VergenneB& la Vérité
Ne feront qu'un nom dans l'Hiſtoire.
(ParM. le Marquis de Caraccioli. )
No. 8 , 24 Février 1787. G
146 MERCURE
ÉPITRE à M. le Comte DE THY ARD ,
Lieutenant-Général des Armées du Roi,
& Commandant en Chef pour Sa Majesté
en Provence , fur la bonté qu'il a eue de
demander une Copie des vers que j'ai
adreffés à M. l'Abbé DE LILLE , à l'occafion
d'un chien qui l'avoit mordu.
MESE
s vers doivent s'énorgueillir
Du doux acueil que vous leur faites ,
Pour les logerdans vos tablettes ,
Quoi! vous daignez les recueillir ?
Leur allure eſt ſi peugentille,
Ces marmots ont ſi peu d'appas ,
Vraiment que je ne croyois pas
Établir fi bien ma famille .
Je ne pouvois la placer mieux;
Il ne me refle rien à faire
Pour dérouter les envieux ;
Votre porte- feuille , à mes yeux ,
De la gloire eſt le ſanctuaire.
Au ſeinde la captivité,
D'où leur imprudente jeuneſſe
Accuſoit ma ſévérité ,
Ames vers je diſois ſans ceſſe:
DEFRANCE. 147
1
• Béniſſez votre obſcurité,
* Ce Pinde , où la foule s'emproffe ,
3כ D'affreux ferpens eſt infeſté;
→ Le cri gémiſſant de la preſſe
לכ Éveille la malignité ;
>> S'il flatte votre vanité ,
>> Il épouvante ma tendreſſe. >>
Mais un air de vivacité
Dans ces reclus vous intéreſſe :
Ah ! je leur rends la liberté ;
Sur la foi d'un goût ſi vanté ,
Ils peuvent avec hardieſſe ,
Dars leur effor illimité ,
Braver les écueils du Permeſſe ,
Et le naufrage du Léihé.
Ainſi leur deſtin eſt proſpère ;
Et , grace à vos ſoins complaifans ,
Je ſuis heureux : un tendre père
L'eſt du bonheur de ſes enfans .
Mais les miens , famille volage ,
N'ont pas tous ſeuls votre faveur ,
Et vous prétendez que l'Auteur
Soit accueilli comme l'Ouvrage.
La joie alors hâtant mes pas
Vers votre brillant domicile ,
Oùles Arts tiennent leurs états ,
Sous les aufpices de Virgile ,
* M. l'Abbé de Lille.
Gij
148 MERCURE
Je me préſente à Mécénas.
Zoiles , rentrez dans la fange ,
Digne élément des coeurs jaloux;
De votre imbécille courroux
Thyard me conſole & me venge.
No , à la hauteur où je ſuis ,
Pourmoi vous n'êtes point à craindre ;
Vos traits ne peuvent plus m'atteindre;
Je n'entends pas même vos cris.
Jen'entends qu'un mortei aimable ,
Philoſophe ſans âpreté ,
Courtiſan plein de vérité ,
Et grand Seigneur toujours affable.
Les Muſes dont il eſt l'amant,
Jadis dans leur enclos charmant ,
Le promenoient à la liſière ;
La raiſon & le ſentiment
Ont ébauché fon art de plaire ;
Puis des Grâces la main légère ,
De fel attique & d'enjoûment
Affaifonna fon caractère ,
En lui la bravoure de Mars
A la douceur est réunie.
Je vois briller dans ſes regards
L'amour du bien , le goût des Arts
Et l'étincelle du génie.
vous donton chérit le nom
AVerſailles comme en Provence ,
DE FRANCE. 149
Vous , Général fur l'Hélicon ,
Ainſi que vous l'êtes en France;
Que toujours vos nombreux lauriers
Brillent d'une fraîcheur nouvelle ,
Soyez à jamais le modèle
Des beaux efprits & des Guerriers.
(Par. M. Morel , Doctrinaire , l'un des
Profeffeurs de Rhétorique au Collège
Royal-Bourbon d'Aix. )
Les deux Hermites , ou ce que c'est que lis
Conte. disputes
DEUX pieux folitaires de l'antique Égypte ,
après avoir vaqué à la prière , venoient de
quitter leur cabane paiſible. L'un & l'autre
s'étoient avancés juſques ſous les murs de la
fameuſe Arfinoë *, dans cette plaine ſemée
de thim , e ferpolet, de lavande , où les
eaux du lac Moeris , moins abondantes qu'autrefois
, embelliffent encore les campagnes ,
où règne un printemps éternel. Les derniers
rayons du ſoleil faiſoſent pâlir la roſe ,
&jourffoient dans les boſquets ſymétriques
* Les ſuperſtitieux Égyptiens nourrifſoient dans
cette ville les crocodiles facrés ; c'eſt pour cela qu'ils
la nommèrent crocodilopolis. Les Grecs qui , par la
fuite , s'en rendirent les maîtres , lui donnèrent le
nom d'Arfinoé , c'eſt aujourd hui Faïonna , capitale
de la plus siche Province de l'Égypte.
Giij
10 MERCURE
des dattiers chargés de fruits; les feuilles cor
leur d'emeraude , prenoient celle de l'or
bruni ; un vent frais relevoit doucement les
tiges abattues des fleurs , & rendoit aux
troupeaux, & à l'homme ſouverain des troupeaux
& des plantes , les forces que la chaleur
du jour avoit diſſipées. Je vous peindrai
les deux folitaires , je les ai vus.
L'hermite Cheika porte une longue barbe ;
fon oeil , grand & noir , a conſervé tout le
feu de l'ardente jeuneſſe , & fes cheveux ,
blanchis par le temps & les chagrins , plus
deftructeurs que le temps même , flortent
fur ſes épaules , fes traits ſévères en reçoivent
de la majefté. Un léger duvet ſe remarque
à peine ſur les joues fraîches de Cnépha; l'ingénuité
ſe peint dans ſes regards ; la candeur
fiége fur fon front; ſa voix a la douceur &
le charmede celle des oiſeaux , quand , réunis
ſous la feuillée, ils chantent en choeur le printemps.
Tous deux ſuivoient le bord du lac;
ils ſe rencontrent , ſe foluent ,& s'étant donné
le baifer de paix, ils continuent enſemble leur
promenade , l'oeil attaché ſur les beautés
variées d'une ſuperbe campagne , rêvants encore&
refpirant en filence le parfum falutaire
de mille plantes aromatiques.
Cheika parla le premier: « Je m'applaudis,
mon frère , de vous avoir rencontré dans cette
folitude ; la vue de la jeuneſſe réjouit mes
vieux jours. Oh ! quelle est intéreſſante , la
jeuneſſe, quandla ſageſſe l'éclaire & l'accompagne!
La ſageſſe s'eft fait entendre à votre
DE FRANCE.
coeur, & je lis ſur votre viſage que vous
êtes docile à ſes leçons." Il ſe tut ,& le front
du jeune hermite eſt couvert d'une modeſte
rougeur. Le vieillard reprit : " Venez me
trouver ſous ma cabane , lorſque l'aſtre du
jour , prêt à nous quitter , ſera rendu au
monde ; je veux vous donner un déjeûner de
dattes fraîches , de melons fondans , de fruits
délicieux que j'ai cueillis moi- méme. Vous
verrez mon verger entouré d'un double rang
d'arbuſtes épineux ; aucune autre main que
la mienne,ne taille les arbres que j'ai plantés.
La terre, fertiliſée par mes ſoins , ſe couvre
en tout temps de plantes utiles où ſalutaires.
Je ne cultive point de fleurs , c'eſt le frivole
amuſement des femmes & de ceux qui cherchent
encore à les charmer. J'ai ... oublié
les femmes , ce qui leur plaît , ce qui leur
reſſemble ; les fleurs font bannies à jamais de
mon jardin. - Je les admire , je les contemple
avec plaiſir , je les aime beaucoup ,
répondit l'ingénu Cnépha ; mais je peux trouverbeau
encore le verger qui n'en offre point
à mes yeux. Dès que l'alouette diligente aura
fait entendre fon premier chant , j'irai vers
vous , & vous m'inſtruirez de ce qui ſe paſle
dans cemonde.... Jenele regrette pas, mais
je l'ai quitté long- temps avant l'âge où j'aurois
pu l'obſerver. Je fortois de l'enfance
quand je perdis mon père; je m'enfonçarplus
avant dans cette retraite, pour le pleurerfans
diſtraction ; j'y ſuivis ſes leçons ,& je le pleure
encore. Quelques larmes troublèrent la férés
Giv
112 MERCURE
*
ةل
mae de fon regard. Cheika le regardoit aver
compliance , & d'un air à l'encourager à
poarnivre, il reprit:--Je ſuis trop heufeuxd'avour
trouve un fage &de l'entendre
parler! Je voudrois connoitre les hommes;
a la dans un livre(je n'avois que celui la)
que l'ambition les devore, que la haine ies
tourmente; que, toujours envieux&jamais
fatisfaits, ils pailent lesjoursàdefirer ,&les
nuitsagémirden'avoirpas obtenu. Ce livre,
fans doute, étoit unrecueilde fables;les nuits.
&le ſommeil qu'elles apportent à l'homme,
rappellent ſes forces épuiſees par le travail ,
par la prière,&lediſpoſent à prier&àtravailler
encore. Je n'ai point cru ce que je
lifeis; les jours ſont faits pour le bonheur,
&les nuits pour le repos; j'ai brûlé ce livre
menteur. Tant de candeur & d'innocence
fit fourire Cheika qui, depuis dix ans , n'avoit
pas fouri. Il ſe preffa de reprendre :-
" J'inſtruirai votre jeuneſſe; nous nous retrouverons
ſouvent : je veux vifiter votre demeure
où doit régner la ſimplicité. Chez vous,
chez moi , dans nos promenades , nous par-
Jerons tout ànotre aiſe, d'un monde que je
vois bien que vous ne connoiſſez pas. " Le
jeune hermite rougit encore , & ce fut de
plaifir . Il lui arrivoit de rougir chaque fois
que fon âme étoit émue; Cnépha, donc , rougifloità
tout moment. O mon père ! que je
gagnerai à vous entendre ! Voyez vous , ajouta-
t- il , en preffant la main du vieillard fur
fon coeur, ces oliviers dont les branches s'enDE
FRANCE 15
1
trelacent recourbées en berceau ? J'habite,
ſous ce toit de verdure impenetrable aux
rayons du foleil. Une fource , que les feux
de la canicule n'ont jamais tarie , ferpente
autour de ma demeure ; elle y entretient une
éternelle fraîcheur. Venez vous repofer fur
lanatre quej'ai tiſſue , venez y tout- à-l'heure.
Vous parlerez , & j'écouterai en filence. En
diſant ces mots , il preſente fa main au vénérable
hermite ; ils marchent enſemble vers
la cabane : une allée de figuiers & de bananiers
en fleur les y conduit.- "Mon père !
pourſuit le jeunehomme , tout joyeux & jalouxde
s'inſtruire, que peuvent faire , dans les
vaſtes murs d'Arſmoë, les hommes de toutâge,
les femmes qui ſont compagnes de l'homme ,
&que les folitaires , dont je ſuis les maximes,
ne fe permettent pas de regarder ?
" Mon fils , répondit le vieillard , en reprenant
fon air févère , ils n'y font tous qu'une
même choſe , ils diſputent. Ils difpurent ,
répéta Cnépha étonné ! Les hommes difputent?-
Oui.-&les femmes aufii ?-Qui .
-Mais ... qu'est- ce donc que difputer ? --
C'eſt, en d'autres mots, contefter , ſe faire la
guerre.- Ce n'eſt rien dire que cela. Mon
père, la guerre ? ... je ne vous entends pas..
-Heureux Cnépha !- Mais où donc fontils
la guerre ?-Pa-r tout.- Pourquoi ?-
pour-tout.-Et quand donc, encore ? - Le
marin , le foir, àtoutes les heures ; les nations
entr'elles , les Rois entr'eux ; les Rois avec
leurs peuples ; les grands, les petits , les pères .
ود
-
Gv
154 MERCURE
... de.
& les enfans , les époux fur-tout fe font une
eternelle guerre.- Il est bien fingulier ! ...
La guerre , dites vous , mon père ?
grâce , ſervez vous d'un terme plus ... plus
familier , je ne le connois pas davantage que
celui de difpute, que dejà vous avez employé...
inutilement. -Et la conteſtation , l'aliment
des fils de la terre , comme l'ambroitie eſt
la nourriture des habitans des cieux , vous
ne pouvez pas ignorer ? ... -Je l'ignore. -
Quoi ! le mai qu'elle fait aux hommes !
- Je n'en fais rien.
-
-
>
-
-
Écoutez : pas un
d'eux ne ſent & ne penſe exactement de
la même manière , n'est- ce pas ? Peurêtre
bien; - très- certainement, & de cet afſemblage
d'opinions , de goûts , de paffions ti
differens , doit naître lorſqu'ils s'entretiennent
de leurs affections & de leurs penfées
, une foule de conteftations. Vous
devez m'entendre ? Sans doute ..... Mais
un mot encore fur cette étrange occupation
des mondains.-Dites aufli du ſolitaire
qui poſsède un champ , de tout hermite qui
a des voiſins. Clercs & laïques , citadins &
campagnards , ſe diſputent pour des mots ,
pour des opinions , pour des erreurs , pour ce
qu'ils ne conçoivent pas , pour ce qu'ils ne
fauront jamais. On les a vu verſer leur ſang,
donner & recevoir la mort , dans ces difputes
interminables. Il arrive encore que ,
tourmentés de paffions ſemblables , ils afpirent
rous à la poſſeſſion exclufive d'objets qui
n'appartiennent qu'à urpetit nombre d'entre
DE FRANCE. ' Iss
-
eux. Alors on fſe ſupplante, on ſe pille , on
s'égorge ; la guerre cominande& juftifie tous
les crimes. Les cabanes & les palais deviennent
la proie des flammes; les hommes & les
villes difparoiſſent ; des royaumes floriffans
font changés en deferts.-Mon Dieu ! s'écria
Cnépha epouvanté , l'horrible & inconcevable
choſe que les difputes & la guerre ! elles
n'exiſtoient pas dans le monde lorſque je l'ai
quitté. Elles ont commencé avec lui. Je ne
dis pas affez , ce monde n'étoit pas formé ,
que les élémens confondus ſe livroient la
guerre dans le ſein du chaos; ils ſe combattent
maintenant dans les entrailles de cetre
malheureuſe terre ; & dès qu'il y eut deux
hommes à ſa ſurface , & qu'ils ſe rencon,
trèrent , on vit naître une conteſtation. Je
vous ai dit la vérité , & vous êtes inſtruit à
préſent de ce que vous defirez apprendre. Le
vieil hermite n'avoit frappé l'air que de
vains fons; ils venoient de retentir à l'oreille
de Cnépha , fans laifferde traces en ſon cerveau.
Cheika s'apperçut avec la plus grande
ſurpriſe, &peut- être avec un peu d'humeur ,
qu'il avoit parlé ſans être entendu. Il parla
encore, mais il n'eſt pas facilede donner l'idée
de diſpute & de guerre à un habitant folitaire
des forêts , qui n'a d'opinions fur aucune
choſe , & qui ne defire rien , parce qu'il croit
avoir tout. La penſée du vieillard mécontent
du monde, ne put deviner la penſée du
jeune anachorette , à qui le monde étoit entièrement
inconnu. La nobleffe, l'inaltérable
Gvj
186 MERCURE
douceur de fon âme, rendoient fon ignorance
invincible. Cheika un peu embarrafie, rêva
quelque temps.-Il me paroît que le meil
leur parti feroit de vous donner un exemple.
-Oui , un exemple, répliqua Cnépha encore
plus joyeux.- Un exemple , foit: ou n'inftruit
bien que comme cela..... Attendez ;
il ramaſſa une pierre , &, charmé de l'invention
: tenez-la bien , dit- il, ſoyez attentif.
Elle eſt à vous. Elle est grife , n'eſt il pas vrai?
-Oui , grife , certainement.... Mais cela
ne dit guères pourquoi ...-Un moment
farrive, moi , vous ne me connoiffez pas ;
je veux vous perfuader que ce caillou eſt un
faphir. Vous fouriez dédaigneuſement; vous
me jugez une bête ou un fol , car je trouve,
moi, la couleur brillante des cieux, à la pierre
qui vous offre à vous , la couleur fombre de
la terre. Vous foutenez votre opinion ; je
m'anime & je défends la mienne. Nous.
avons raiſon , nous avons tort tous deux ; il
n'importe , mais voilà ce qu'on appelle une
dispute. Poursuivons; gris ou bleu , votre
caillou me plaît;j'en ai ou la fantaiſie ou le
beſoin, il me le faut , je le veux avoir ....
redoublez d'attention. Je m'approche , je
vous flatte de l'oeil; ma voix eſt douce , j'emploie
de belles paroles pour vous perfuader
de me céder ce caillou;je ſuis foible , j'uſe
d'adreſſe envers vous ; mais fi je me fens
le plus fort , je ne prie plus , je demande, j'exige
, je parle de droits , j'affure qu'il m'appartient.
Bien loin de me le rendre , vous
DE FRANCE. 157
le reſſerez davantage ; j'inſiſte , vous ramallez
toutes vos forces , & votre gefte & vos yeux
font fiers & emportés comme vos difcours.
Alors ma voix s'élève , je redemande & vous.
refuſez avec opiniâtreté. Voilà une conteftation:
bleffe tout-à la- fois de mon injuftice
& de mon inſolence , bouillant de colère ,
vous faites entendre des menaces , vous parlez
d'exterminer ; une arme meurtrière eſt.
dans vos mains. Déjà j'ai ſaiſi la mienne ;
furieux , je m'élance fur vous, je vous frappe,
vous mebleſſez, le ſang coule, je vous égorge
&nous expirons : voilà la guerre.
Content de ſes définitions, le ſage hermite
fourit pour la ſeconde fois , & , preffé de
jouir des fruits de ſa leçon: allons , mon
frère , tenez- vous bien , ce caillou eſt votre
propriété. Je viens à vous , mais doucement;
je vous fouris , avec un deſir injuſte dans
F'âme , je prétends conſerver tous les dehors
de la politeffe. Songez à vous défendre ; j'avance,
je vous falue,m'y voici.- •Jeune&
doux hermite , vous avez là une jolie petite:
pierre qui me plaît fort , je voudrois bien
Lavoir.-Vous la voulez ? la voila.*
(Par Madaine Monnet.)
* Ce mot inattendu devient piquant. Il n'eſt
pas de moi , mais l'ayant trouvé très- propre à faire
réfléchir je l'ai mis en Conte. Si le fonds & la manière
ne déplaiſent pas ,je donneras ce petit Conte à
la findes Lettres de Jenny Bleinmore, dont les premières
ont paru dans les Mercures de Février 1786
158 MERCURE
Explication de la Charade , de l'énigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Ami ; celui
de l'Enigme en Bours- rimés eft Vin ; celui de
l'énigme eft Cheminée; celui du Eogogryphe
eſt Poſterité, où l'on trouve Poésie , proie ,
Orefte, triſte , efprit , Trope , Perfe, Pó ,
toiſe , prife , ortie , Protée firop , tête,
pies.
DE
CHARADE.
E mon premier le Voyageur
Doit craindre le pallage ;
Mon ſecond , qui n'eſt point flatteur ,
Garantit du naufrage ;
Mon tout peint la perfection
Etplaît à tout le monde ;
Nous ſommes ſept de ce nom
Sur la machine ronde.
Ces Lettres , maintenant au nombre de 53 , s'impriment,
& feront en vente dans le courant de Mars,
chez Regnault, Libraire , rue S. Jacques.
On trouve chez lui les Tomes I & II des Contes
Orientaux , ou Récits dufage Caleb , Yoyageur
Perfan.( Note de lAuteur. )
DE FRANCE.
159
J
ÉNIGME.
E fuis , mon cher Lecteur , un être fort bizarre ,
Léger , rendre , fublime , ardent , capricieux ;
J'élève les mortels juſqu'au ſéjour des Dieux ,
Etje les précipite au fond du noir Ténare.
Tantôt dans un boſquet frais & voluptueux
J'appelle la Bergère& ſon amant fidèle ,
Et je fais éclore pour eux
Gazon charmant , freur brillante & nouvelle ;
Au tendre Amour j'attache le bandeau ,
C'eſtde moi qu'il emprunte & ſa force & fes charmes;
A l'auſtère vertuje préſente un tableau
Qui déchire fon coeur & le remplit d'alarmes ;
Rien ne peut égaler les traits de mon pinceau;
Tour-à-tour il excite ou le rire ou les larmes;
J'exerce mon pouvoir ſur les êtres divers ;
J'éveille les defirs , les talens , le génie;
Et malgré les efforts d'une fière ennemie ,
Amongré je compoſe un nouvel Univers.
( Par une Abonnée. )
:
160 MERCURE
LOGOGRYPHE.
Ne me montrantjadis que par un jour de pluie ,
J'annonçois la tempête oubien la pauvreté :
Leſte aujourd'hui , fringante , à la Cour accueillie,
Je ſuis par un fort qu'on envie
Entre les bras de la Beauté.
Combine mes dix pieds , pour première merveille
Paroît un couple en France adoré juſtement ;
Plus loin , du Dieu des mers ce précurſeur bruiant ,
Aigre muficien te déshire l'oreille.
Quelle foule de mots fe preſſe ſous tes yeux!
Un peuple dont le nom est encore une injure ,
Etdont les ſucceſſeurs, hélas! ſont trop nombreux;
Un monſtre qui reçut trois corps de la Nature ;
Le Mahomet du Nord ; un vêtement Romain;
Le mari de la mer ; une Beauté touchante
Que ſon amant par gloire immola de famain;
Unbien ſouvent funefte à la Nymphe imprudente;
Cet amant rajeuni , prodige de l'Amour ,
Enfant&décrépit dans l'eſpace d'un jour.
Pour terminer, deux mots vont me fuffire :
Jamais gourmand ne manqua le premier;
AvecMontefquieu la Beauté qui ſoupire
Seplaît à parcourir les boſquets du dernier.
(Par M. le Prieur..)
DE FRANCE. 161
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
VOYAGE Pittoresque de Naples & de
Sicile , 4 vol. grand in-fol. formant cinq
Tomes. A Paris , chez de la Foffe , Graveur ,
place du Carroufel.
II EXTRAIT .
1
SINaples & fes environs nous offrent des
richeſſes, des lites &des phénomènes propres
à nous attacher , le reſte du Royaume n'a pas
moins d'intérêt pour un obſervateur , & furtout
cette malheureuſe Calabre , dont les défaſtres
nous font encore frémir : l'amateur
de la nature & celui des arts y trouveront
également une ample matière à leur curiotité,
&des objets dignes de fixer leurs regards ou
d'enrichir leurs pinceaux. Toute cetre partie
méridionale de l'Italie étoit autrefois connue
fous'le nom de Grande Grèce. Quelquesuns
même & avec raiſon y comprennent
Naples & toute la Campanie. Perfonne en
effet n'ignore que des eſſaims de jeunes Grecs
partis d'Argos , d'Athènes , de Sparte , de
Corinthe, &c. avoient porté ſur ces bords
leurs moeurs , leurs loix , leurs arts , leurs
dieux & leur langage ; qu'ils avoient peuplé
& civilife toute cette contrée , quand Rome
162 MERCURE
étoit encore barbare , & qu'ils y avoient répandu
les lumières & les arts qui de-là ſe
Font etendus fur tout le reſte de l'Italie.
•Le troisième volume du Voyage pittoreſque
eft particulièrement confacré à nous retracer
les vues de ce pays in curieux, & les reftes
de ces antiques monumens échappés aux avages
des temps & des barbares. L'Auteur ,
après un diſcours préliminaire ſur l'epoque
de ces émigrations ,& la manière dont les
Colonies Grecques ſe ſont établies en Italie,
& qui ſert comme de portique à ce vaſte
édifice , nous fait voir les deſſinateurs parcourant
, les crayons à la main , ces contrées où
nous allons les ſuivre rapidement. Nous ferons
avec eux le tour de cette partie de l'Italie,&
toujours avec le regret de ne pouvoir
offrir à nos lecteurs qu'un froid ſquelette
, àla place de ces vives, peintures , de
cesdeſcriptions animées de vies & de monumens
qui n'attendent que des hommes pour
les admirer , & des yeux dignes de les voir.
En fortant de Naples par la porte de Capoue,
onpaffe à la vue des Fourches Caudines,
où l'orgueil des Romains vint ſubir un joug
qu'ilsimposèrent bientôt au reſte del'univers ;
de-lànous deſcendons avec nos artiſtes dans
les vallons délicieux que forme la chaîne des
Apennins. Nous voyageons au murmure de
frais ruiffeaux & au bruit de mille caſcades
naturelles , à travers des jardins de limoniers,
d'oliviers & d'orangers qui nous embaument
de leurs parfums ; nous traverſons pluſieurs
DE FRANCE. 163
voies romaines , & entr'autres celle où paffoit
Horace , lorſqu'il alloit à Brindes voir fon
cher Virgile; car alors les grands hommes
étoient amis.
Nous arrivons à Benevent , ancienne capitale
des Sammies; c'eſt de toutes les villes
d'Italie , celle qui , après Rome, a confervé le
plus de traces de ſon antiquité. On y voit
encore des reſtes de ſes portes , de fon amphitéâtre
; de nombreuſes infcriptions , parmi
leſquelles on diftingue celle que la reconnoiffance
avoit gravée aux pieds de la ſtatue
d'un ſimple citoyen qui n'avoit d'autre titre
à cet honneur, ſi ſouvent proſtitué par la flatterie
, que d'avoir bien mérité de la Patrie
par fes talens& fon éloquence. On admire
fur- tout le fameux arc de triomphe décerné
àTrajan ; & c'eſt avec une fatisfaction bien
douce que l'on voitque le monument élevé à
l'honneur du meilleur des Princes , eft aufli
celui que le temps ale plus reſpecté , qu'il
es le mieux confervé ,& le plus entier peutêtre
qui ſoit dans toute l'Italie.
De Benevent on deſcend dans les riches
plaines de la Pouille , qui , par le plus beau
payſage nous conduiſent juſques ſur les bords
de la Mer Adriatique. « La beauté , la va-
>>riété , la gradationde la verdure y forment
>>un tableau ſi tranquille, ſi doux , fi ami
>> de l'oeil , ſi enchanteur , que l'on ne peut رد
ود ſe lafferde le regarder , quoiqu'aucun autre
" objet n'y fixe l'attention ; car on n'y dif-
>>tingue ni arbres ni maiſons , pendant l'ef-
4
164 MERCURE
>> pace de 20 milles. Ce payſage, impoffible
ود àrendre dans undeflin,ſeroit encore dif-
>> ficile à peindre , mais d'un effet bien neuf,
>> fi un habile artiſte cherchoit à en rendre
>>l'étendue , l'efpace immenfe , d'après une
> natureque l'on ne trouve que dans ce beau
» pays. ود
Quelques jolis villages rompent enfin l'uniformite
de ce tableau, dont le fond ſe termine
à Siponte , Colonie fondée par les Grecs
diſperſés après le ſiège deTroyes. Notre guide
nous conduit le long de la mer , vers les
champs qui portent encore le nom de Diomèdes
, & s'étendent juſqu'au mont Vultur
& juſqu'à Venose , la patrie d'Horace , &
cette fontaine qu'il a chantée en vers ſi harmonieux.
Il viſite , en paſſant , Canoſe , qui
n'offre plus qu'un amas de ruines & de tombeaux
, & vient contempler la plaine de
Cannes , fi célèbre par la victoire d'Annibal ,
&l'imprudence du compagnon dePaulÉmile;
lieu fameux encore dans lepays ſous le nom
de Campo di sangue , Champ du fang , où
le foc du laboureur, après deux mille ans,
heurte ſouventdes caſques , des armures &
des débris antiques qui atteſtent cette grande
journée. Puis continuant de voyager le long
de lamer, il rencontre Barletta , qui conſerve
quelques traces de ſon ancienne profpérité;
Trani , dont la ſituation agréable & la gaieté
des habitans invitent au plaifir & préfentent
l'aſpect du bonheur ; Bari , qui juſtifie encore
l'épithète depoiſſonneuseque lui donnoit l'ami
1
DE FRANCE. 165
de Mécène; les ruines de Gnatie , bâtie dans
la colère des nymphes , qui l'ont privée des
eaux qui rafraichiffent & fécondent toutes
ces belles contrées.
Gratia , lymphis
Iratis extructa .
Enfin il arrive à Brindes , port célèbre &
le plus fréquenté des Romains , où venoit ſe
terminer la voie Appienne , & par laquelle ils
communiquoient à la Grèce , à l'Afie& à tout
P'Orient , & non moins célèbre par le voyage
d'Horace& la mort de Virgile. On voit encore
dans la merquelques reſtes des travaux faits
par Céfar pour fermer le port de Brindes ,
lorſqu'il y alliégea Pompée.
Il n'en eſt pas de même de l'antique Salente
, où à la place de la ville bâtie par Idoménée
, on ne trouve plus qu'un couvent de
Capucins. Des Moines habitent toute cette
terre d'Yapigie, autrefois li fertile& couverte
de héros; & le temple de Minerve qui décoroit
l'antique Hydruntum , eſt changé en
un Couvent de Minimes.
Otrante, bâtie fur les ruines d'Hydruntum ,
malgré la richeſſe & l'avantage de ſa ſituation
, n'offre plus que l'aſpect de la misère&
de la pauvreté. C'eſt là que la Mer Ionienne
eſt le plus refferrée entre les terres ; & de
deſſus les hauteurs d'Otrante , l'oeil découvre
1 Epire & les côtes de la Grèce , qui n'en ſont
ſéparées que par un trajer de 17 lieues , &
où il ne faut que fix heures pour aborder.
166 MERCURE
Ceft,fi l'on en peut croire les Hiſtoriens ,
ce qui avoitfaitconcevoir a Pyrrhus l'extraordimaire
projet de faire conftruire fur cedetroit
un Pont de batteaux pour communiquer de
laGreceenItalie.
Nosartistes ne laiffent échapper aucune de
ces vues veritablementpittoresques fans,nous
en faire part,&nous les reproduire dans des
detfins pleins d'agremens&de verité. Ils nous
concusſent dans des campagnes couvertes
d'oliviers, ſous un cieltoujours pur; & enin
à travers une route embaumée qui porte la
moiletſe& la volupté dans l'âme , on arrive
àTarente, plein de l'idée de ſon antique grandeur
,& où l'on ne peut ferefuſer au plaiſir
de s'arrêter quelques inftans avec eux.
La delicieuſe Tarente, celebre par la douceur
& la fertilité de fon climat, l'excellence
&la beaute de ſes fruits , l'éclat de ſes riches
reintures de pourpre, l'admirable ſituation
de fon port, l'étendue de ſon commerce &
l'opulence de ſes habitans, étoit la plus fuperbe
de toutes les villes grecques fondées en
Italie; rous les Poëres l'ont chantée :
Ille terrarum mihi preter omnes
Angulus ridet ;
diſoitHorace : Architas, dont les découvertes
en Géométrie & les fublimes connoiſſances
ont été révérées de toute l'antiquité , lui avoit
donnédes loix ; car alors un grand homme ,
par le ſeul afcendant de fon génie , devenoit
le législateur de ſes concitoyens. Tantqu'elle
DE FRANCE. 167
fut fidelle aux ſages inſtitutions d'Architas ,
Tarente fut la plus floriffante & comme la
Reine de ces Colonies ; mais enfinles richeſſes
amenèrent le luxe,& le luxe la corruption.
Le goût délicat & la molleſſe efféminee de
ſes habitans étoient paſſes en proverbe , &
le molle Tarentinum donnoit en même temps
l'idée de toutes les recherches du luxe & de
toutes les jouiſſancesde la volupté. Aufli cette
République fameuſe ayant perdu ſes moeurs
à la ſuite des richeſles , perdit bientôt ſa gloire
avec ſa liberté. Déjà vaincus par les délices,
les Tarentins attendirent tranquillement le
joug que les Romains daignèrent leur impoſer.
Nos deffinateurs parcourent en vain
les champs & les jardins que"couvroit cette
orgueilleuſe cité , ils n'y trouvent aucun
monument , ni le moindre veſtige de fon ancienne
ſplendeur , & " jamais , peut- on s'écrier
avec un Auteur Anglois qui a fait récemment
le même voyage , (*) » jamais une
* M. Swinburn ; ſon Voyage de Naples & de
Sicile a été tradunt avec autant de fi lélité que d'élégance
, par Mile de Kéralio C'eſt le premier pas
que cette jeune perſonne fait dans la carrière des
Lettres: ceteflai ne peur que donner les plus grandes
eſpérances , & faire vivement defirer la Vie d'Elifabeth,
par le même Auteur, Ouvrage qui doit paroître
inceſſamment , & où elle pourra donner plus
librement l'effor à ſes talens. Il ſera intéreſſant de
voir une femme tenter de dévoiler l'ame & le caractère
d'une Femme célèbre & d'une grande Reine.
Les deux premiers volumes paroiſſent.
168 MERCURE
ville ne fut auffi complettement effacée da
defjus la terre que la vile de Tarente.
Toute cette contrée , jadis ſi floriſſante,
porte l'empreinte de la même dégradation;
le pays eſt ſi pauvre qu'on n'y trouve pas
même d'auberges ; les voyageurs y font fi
rares , qu'ils deviennent pour les habitans un
objet de curioſité. L'ignorance du peuple,
P'indolencedes chefs,& cette foulede Moines
inutiles qui ſurchargent la terre , choquent
par-tout les regards. Il n'y a pas de ville de
Tept à huit mille âmes , qui n'ait quinze ou
vingt monastères. On affure qu'il y a treme
mille Moines du ſeul ordre de Saint-Dominique
dans le Royaume de Naples ; faut il
s'étonner que cette terre ſoit comme frappée
de ſtérilité, & n'offre plus que l'ombre de
ce qu'elle étoit dans les temps de ſa gloire !
En traverſantla Bafilicate, qui eſt l'ancienne
Lucanie, nos deſſinateurs s'arrêtent devant
les ruines de Métaponte , fi long-temps honorée
de la préſence & des leçons de Pythagore
,&où la reconnoiffance fit un temple
de la maiſon de ce ſage, le réformateur & le
légiflateur de la Grande Grèce. Par la force
&le charme de ſon éloquence , il vint à
bout de perfuader aux femmes de Métaponte
defondre tous leurs ornemens & leurs bijoux
d'or & d'argent , & de cette héroïque offrande
il fit bârirun temple en l'honneurde
Junon , mod le & fymbole de la fidélité conjugale:
quinze colonnes ſubſiſtent encore de
ce raremonument.Quel orateur parmi nous
peut
DE FRANCE. 169
peut ſe flatter d'un pareil triomphe , & combiende
temps ſeroit à bâtir une bafilique qui
n'auroit d'autres fonds aſſurés que le facrifice
volontaire des orneniens & de la parure des
dames !
Non loin de ce temple nos voyageurs cherchent
envainHéraclée,qui ſe glorifioit d'avoir
Hercule pour fondateur , & Zeuxis pour citoyen.
Ils rencontrent l'ancienne Pétilie
renommée par ſa fidélité à tenir ſes engagemens
; Siris , fondée par les Troyens échappés
à la fureur d'Achille Enfin , l'imagination
exaltée par tant de ſouvenirs, ils arrivent dans
les campagnes où fut la voluptueuſe Sybaris ;
car il ne reſte plus de cette ville que la mémoireparmi
les hommes : Sybaris , le ſcandale
de l'univers , & dont la peinture des moeurs
nous paroîtroit devoir être reléguée dans le
pays des romans& des fables, fi les modernes
Sybarites , en renchériſſant ſur le luxe & la
molleſſe des anciens , n'avoient pris foin de
juftifier cette exagération de l'hiſtoire.. A la
place de Sybaris , on ne trouve plus qu'un
Couvent de Capucins qui , ſanss'en douter,
foulent de leurs pieds nuds le même ſol que
ces beautés célèbres , que ces hommes-femmes
qui ſe trouvoient trop durement couchés ſur
des lits de rofes. Mais le climat n'a rien,perdu
de ſa douceur ni la terre de ſa fécondité. Ce
riche vallon fertiliſé , non des mains du travail,
mais des mains prodigues de la nature ,
préſente encore aux voyageurs l'aſpect d'un
des plus beaux pays de l'univers. Il leur a
No. 8 , 24 Février 1787. H
1
170
MERCURE
fourni pluſieurs tableaux dont ils ont enrichi
leur ouvrage; enfin ils font un dîner champètre
ſur l'herbe qui croît à la méme place
où étoient les palais&les boudoirs de Sybaris .
ود
ود
Que l'on imagine une vallée délicieuſe,
>> toute remplie ou ſeméede bofquets touffus
>> d'orangers &de citronniers , dont l'air eft
embaumé de toutes parts , une terre pro
>> digue de fruits & couverte de fleurs qui y
croiffent naturellement , dans le climat le
>> plus doux & le plus tempéré de toute l'Italie:
voilà quel étoit le pays de cette fameuſe
Sybaris , dont il ne reſte au-
>> jourd'hui que le nom. Ce vaſte &immenfe
» baffin eftcommecirconfcrit par de fuperbes
>> montagnes élevées en amphitheatre , qui
ود
ود
2 offrent les formes & les fites les plus im-
> pofans ; la mer s'avançant enfuite un peu
" dans les terres du côté du Nord , ſemble
» venir exprès pour embellir ce lieu de délices
, y apporter de la fraîcheur&achever
ladécoration de ce pays fublime. Enfin on
» y placeroit Sybaris , quand même elle n'y
ود
ود
ود auroit pas été, & on l'y reconnoîtroit, à
>> fidée que I hiſtoire nous ena laiffée. »
Non loin de cette ville étoit Crotone , ſa
rivale,fi fameuſe par la vigueur de fes athlètes
&la beautéde ſes femmes; avantages qu'elle
devoit moins au clinat , comme on l'a prétendu
, qu'à la vertu & à la tempérance de
fes citoyens. Cette République , fondée par
Philoctère , fut la Patrie des héros , comme
Sybaris le fut d'un peuple efféminé , & par
DE FRANCE. 177
le contrafte qu'elle offroit , il étoit facile de
prévoir que l'une feroit bientôt la proie &
reſclave de l'autre.
Enfin nous entrons avec notre guide dans la
Calabre ultérieure , ayant d'un côté les Apennins
& leurs fublimes horreurs , & de l'autre
les rians rivages de la Mer Ionienne , où l'on
rencontre par- tout des ſites er chantés . Mais
l'on voit avec douleur les habitans d'un pays
favoriſé de la Nature , livrés à apareſſe
& au découragement , plongés dans l'ignorance
la plus profonde , & courbés ſous le
joug de la plus honteuſe ſuperſtition. Mais
que dis je ! Heureux nos voyageurs d'avoir
vu ce pays avant la terrible catastrophe qui
vient de l'engloutir ! Mille fois plus heureux
de n'avoir pas été les témoins de cet affreux
bouleverſement , dont le ſeul récit nous arrache
encore des pleurs & fait frémir les âmes
ſenſibles. Ces lieux ne font plus les mêmes ;
tout y a changé de face depuis le paffage des
deſſinateurs ; un inſtant a fait difparoître &
les villes & les citoyens. Qui peut donc ,
ſans frémir , penſer aux déſaſtres de la Calabre
? " Qui peut, d'un oeil ſec , parcourir
» un des plus beaux pays de la Nature , fur
» lequel les tremblemens de terre ont déployé
toute leur rage avec une fureur dont
» il n'y a point d'exemple ? Qui peut enfin
>> fans une terreur profonde , conſidérer l'emplacement
des villes dont le ſol même a
difpary?
Multa .. ceciderunt mænia magn's
>
Hil
174 MERCURE
Motibus in terris , & multa per mare peſſum
Sulfederefuis pariter cum civibus urbes :
,
Testafupernè timent , metuunt infernè cavernas
Terrai ne diffolvat natura repentè... Lucrèce.
La ſecouffe la plus terrible, celle qui a enfé
veli ſous les ruines des villes plus de 20 mille
habitans , n'a duré quedeux minutes , & ce
court intervalle a fuffi pour tout renverſer&
pour tout détruire.
*
Ceuxqui defirent des détails ſur cet affreux
événement, & qui ont beſoin de s'attendrir à
ce récit douloureux , trouveront de quoi
nourrir leur fenfibilité dans le voyage pittoreſque.
M. l'Abbé de S*** a réuni par fupplément
dans ce volume & à la fin du fuivant,
les détails les plus circonstanciés , les
particularités les plus touchantes de cette
ſcène d'horreurs , d'après le récitdes témoins
oculaires (*) . Il a ſenti qu'on voudroit comparer
ces lieux jadis ſi rians avec ce qu'ils
font maintenant. C'eſt ſans doute un intérêt
de plus pour fon Ouvrage ; " mais en même-
>> temps , ajoute-t-il , il eſt bien affreux de
>> ne pouvoir préſenter à nos lecteurs , à me-
>> ſureque nous avançons dans ce malheureux
Pays, que des vues&des fites de villes qui
*Ilfaut lire particulièrement le Mémoire fait à ce
fujet pasM.le Commandeur de Dolomieu , & inféré
àla findu cinquième volume , ou ſeconde partie du
Voyage de la Sicile....
DE FRANCE.
173
>> n'exiſtent plus , & déjà renverſées & dé-
>> folées par ce terrible fléau. ود
;
Tel eſt le ſentiment douloureux qui ac
compagne le voyageur autour de la Calabre
ultérieure , & vient troubler nos plaiſirs en
contemplant les vues de ces lieux jadis fi fortunés.
On trouve d'abord Squilace , Colonio
fondée par les Athéniens ; Gérace , où l'ancienne
Locres , République qui ſe gouverna
-par les loix de Zaleucus , le Lycurgue de cette
partie de l'Italie. Par l'une de ces loix , il n'étoit
permis qu'aux courtiſannes & aux ſeules
femmes qui vivoient du produit de leurs proftitutions
de porter des pierreries &des habits
riches & fomptueux : notre Henri IV, qui fit
une loi toute pareille, étoit animé du même
eſprit que ce légiflateur , mais il vint trop
tard pour la faire obſerver. C'eſt dans ce
même lieu de Gérace, que la Princeſſe de ce
nom , chérie de tout le pays par ſa bienfaiſance,
perdit la vie avec 4000 de ſes vaſſaux.
De-là cotoyant des rochers eſcarpés qui terminent
la chaîne des Apennins , on defcend
dans une plaine fertile ,& à travers les Mûriers
& les orangers qui forment un jardin
continuel, on arrive à Reggio, ſituée à l'extrémité
de l'Italie , d'où l'oeil découvre Meffine ,
le terrible Etna & une partie de la Sicile.
Reggio, dont l'ancienne République étoit modelée
ſur celle d'Athènes , n'eſt plus que
l'ombre de ce qu'elle étoit autrefois. La defcription
& les vues que l'Auteur nous donne
de cette ville & de ſes environs qui tiennent
Hüj
174 MERCU E
de la féerie , ne forment qu'un contraſte plum
frappant avec l'état malheureux où tout ce
beau pays eſt maintenant réduit.
De cette dernière ville d'Italie , nos voyageurs
s'embarquent pour remonter la Mer
Tyrrénienne , & faire ainſi le tour de la Calabre.
On les fuit avec crainte à travers les
écueils de Caribde & de Scylla , à la vue de
cemême rocher qui, depuis, s'écroulant dans
la mer , fit périr le Prince de Scylla avec
1200 perſonnes qui s'étoient réfugiées près
de lui; puis venant débarquer à Tropea , ville
bâtie comme par enchantement ſur la pointe
des rochers , on remonte avec eux les Apennins
, où au milieu des ſites les plus pittorefques
, on rencontre les ruines de l'antique
Hypponium , l'une des villes les plus floriffantes
de la Grande Grèce , fameuſe par fes
temples & par ſes fleurs , & qui a fait plate
à la ville de Monte- Leone , où l'on comptoit ,
avant le défaſtre de la Calabre , 18,000 ha-
-bitans.
Nicaſtro s'offre enſuite aux regards , bâtie
dans leplus agréablepayſage , au milieude cafcades
naturelles qui ſe précipitent du haut des
montagnes,& répandent ſur toutcepaysla verdure&
la fraîcheur la plus délicieuſe. La température
y eſt ſi douce , qu'au 7 Décembre
les voyageurs ſe croyoient aux plus beaux
jours de printemps : arrivés au ſommet des
montagnes , ils font tout-à- coup tranſportés
ſous un autre ciel; puis voyageant au milieu
des brouillards &des frimats par les chemins
DE FRANCE. 175
les plus périlleux , ils arrivent dans des lieux
ſi ſauvages , que les habitans fuyent à leur
aſpect : Nicolosimi ſur-tout , les femmes ſe
fauvoient à la vue de ces étrangers , & fe barricadoieut
dans leurs maifons; mais revenues
de leur première frayeur, quel fut à leur tour
l'étonnement de nos voyageurs d'apprendre
que le nom de Voltaire étoit connu & cité
au milieu de ces montagnes inaceeſſibles ! Tel
eſt le privilége du génie , il franchit toutes
les barrières que la nature , les préjugés ou
l'opinion voudroient mettre entre un grand
homme& les reſpects de l'univers.
Prèsde là étoit l'antique Thémèſe, cirée par
Homère & par Ovide , pour l'abondance de
Tes mines ,& par Cicéron, pour avoir excité
la cupidité de Verrès. Enfin on arrive à Coſenza
, ancienne capitale des Brutiens , &
maintenant de la Calabre citérieure ; ville
fituée à la naiſſance & fur les bords du Crati ,
ce même fleuve ou torrent qui couloit à Sybaris.
Les bords de ce fleuve ont l'air d'un
jardin potager planté d'arbres fruitiers , &
dans toute cette Calabre regardée , même en
Italie,comme un pays ſauvage& pauvre, iln'y
manque , dit l'Auteur , que des chemins &
des bras pour en faire le Pérou du Royaume
de Naples. On a peint les Calabrois ſous des
couleurs trop rembrunies &ſouvent infidelles.
On trouve , même parmi les payfans , de
Phoſpitalité , de la cordialité , de la franchiſe ;
mais en général ils gémiſſent ſous le gouvernement
des loix feodales , qui font encore
Hiv
176 MERCURE
chez eux dans toute leur vigueur ; ils font
accables de taxes arbitraires : toute activité
chez eux , toute émulation eſt éteinte, &
les Calabrois ſemblent , en murmurantde
> leurs chaînes , ne s'occuper qu'à gâter tour
>>> ce que la plus belle & la plus féconde Na-
>> ture produit en dépit d'eux dans cette délicieuſe
partiede l'Italie. ود ور
Mais où vont s'égarer nos plaintes & nos
reproches ? Ce font nos pleurs qu'ils méritent;
toute cette contrée porte encore les
marques effrayantes d'un fléau deſtructeur ;
Coſenzamême a été preſqu'entièrement renverſée
ſur ſes fondemens. Ah ! plutôt fou
lageons nos coeurs par une remarque honorable
àl'humanité. Non-ſeulement le Roi de
Naples , Souverain du pays , & le Grand-
Maître de Malte , y ont fait porter les plus
prompts ſecours ; mais le Roi de France , à la
première nouvelle du déſaſtre de Meffine &
de la Calabre , a fait partir de Toulon deux
frégates chargées de farine , pour fubvenir
aux beſoins les plus preſſans de ce peuple
infortuné. Soins généreux, qui n'ont pas eu
peut-être tout le ſuccès qu'on devoit s'en promettre
, mais dont j'aimerois mieux pour la
poſtérité conſerver le ſouvenir , que des détails
d'une conquête ou du gain d'une baraille.
En quittant çet infortuné pays , nous rentrons
avec nos deffinateurs dans la Bafilicate,
oùdesvuespittoreſques,despayſagesagréables
&frais , & des cafcades naturelles viennent
DE FRANCE. ラブ
repoſer la vue ,&où l'imagination n'eſt point
troublée par l'idée importune du malheur. A
la richeffe , à la beauté de ces lieux , on fent
qu'on ſe rapproche de Naples ; & laiſſant à
gauche Pandofie , l'ancien Promontoire de
Palinure , Velie , Colonie des Phocéens , qui
dut ſa ſplendeur à fon commerce maritime ,
on arrive à Pæftum ou Poſſidonie , célèbre par
fes temples&par fes roſes, &dontles ruines,
- quoique magnifiques , étoient fi parfaitement
ignorées &cachées ſous des brouſſailles , que
cen'eſt que par une eſpèce de miracle , qu'un
jeune artiſte de Naples, ou fuivant d'autres ,
des chaſſeurs en firent la découverte , il y a
environ trente ans , en parcourant au hafard
cet emplacement inculte& folitaire.
Cette nouvelle donna l'éveil aux favans &
aux artiſtes. On trouva trois temples de la plus
haute antiquité &de la plus riché architeć-
-ture , enſevelis ſous l'herbe; on croit qu'ils
font l'ouvrage des Sybarites après la ruine de
leur ville. S'il eſt ainfi , ce font les ſeuls
reſtes qui pourroient nous donner une idée
du goût & de la magnificence de ce Peuple.
fameux , & de la perfection où il avoit porté
les arts. Ces monumens contre lesquels ,
comme dit Pope , ont confpiré les ravages
des barbares , le zèle des chrétiens , la piété
des Papes& lefeu des Goths , ont cependant
réſiſté aux outrages du temps&des hommes;
car les Grecs ſembloient bâtir pour l'immortalité.
Le grand temple fur-tout eſt l'un des
Hy
178 MERCURE
Flus magnifiques & des mieux confervés
toute l'antiquité.
Notre guide , toujours en fe rapprochan
de Naples , traverſe Salerne , qui ne doit
céletrité de fon école de Médecine , qu'au
Arabes long temps maîtres du Pays , & qui.
dansdes temps d'ignorance, cultivoient feus
avec ſuccès cette fcience conjecturale. Il pafle
à Novera , l'ancienne Nucerie, détruite par
Annibal, rebâtie par les Romains & Fenverſee
en grande partie dans l'éruption du
Véſuve , fi funeſte à Herculanum & à Pompeii,
& où l'on remarque encore les reftes
d'un temple conſacré à Bacchus , dans une
égliſe dédiée à la Vierge ; il nous amène en.
fuite à Caprée, fameuſe par la retraite & les
débauches du plus affreux des Tyrans , qui
cherchoit peut- être encore moins à cacher
ſes crimes , qu'à ſe mettre à l'abri des châtimens
qu'il méritoit, mais qui ne purent
échapper à ſes remords .
Nos delfinateurs parcourent cette ifle ,
leurs crayons à la main; ils nous repréſentent
les rochers d'où ce miférable faifoit précipiter
ſes victimes ; mais ils cherchent en vain ces
Palais magnifiques , ces bains , ces jardins délicieux
: ces lieux , conſacrés à la débauche la
plus effrénée , font maintenant l'aſyle de la
févéritéla plus outrée:des chartreux habitent
für les débris du Palais de Tibère : ſes bains
ferventde retraite àunhermite , &d'humbles
pêcheurs, plus tranquilles & plus heureux
dans leur médiocrité , ont placé leurs cabanes
DE FRANCE. 179
dans les jardins que ſouilloient autrefois la
préſence & le fombre aſpectde l'infame &
voluptueux Tyran. Ils reviennent avec plus
*de plaisir à Sorrento , ville bâtie par lesGrecs
fur le cap de Minerve , dans cette Patriedu
Taffe qu'il a immortaliſée ; où la fable avoit
placé les ſyrènes enchantereſſes , & où les
vers plus enchanteurs du chantre d'Armide
& de Renaud , ont réaliſé , ou plutôt ſurpaflé
les récits de la fable.
Ir
200
Les environs de Sorrente & toute cette
côte , font bordés de maiſons de plaiſance &
d'une ſuite de jardins délicieux qui , ſous le
plus beau ciel ,& jouiflant d'un éternel printemps
, viennent ſe joindre & ſe confondre
dans le même tableau , avec les riches côteaux
du Paufilippe &les environsde Naples.
Nos voyageurs nous ramènent ainſi dans la
Capitale , après avoir fait le tour de toute la
partie méridionale de l'Italie , jüſqu'à ce que
labelle ſaiſon nous permette de nous rembarquer
avec eux& de les ſuivre en Sicile
dont la deſcription ſera l'objet des deux derniers
volumes du voyage pittoreſque , & la
matière du dernier extrait de cet important
& magnifique ouvrage.
Ce volume eſt terminé par une gravure
très- ſoignée d'une partie de la fameuſe carte
Théodoſienne , appelée communément de
Peuttinger, ſeul monument des anciens en
Géographie , & où l'on voit , en ſuivant les
antiques voies romaines , les mêmes lieux
dont il eſt parlé dans ce voyage. Enfin , dans
Hvj
180 MERCURE
tout le pays que nous venons de parcourir ,
il n'eſt point de ſite qui ne ſoit le ſujet d'un
deffin agréable , ni de monument qui ne fourniffe
une gravure intéreſſante. Plus de cent
Planches ainſi exécutées , & dont chacune
eit un tableau , enrichiſſent ce volume , &
nous offrent tous les aſpects d'un des pays
Jes plus curieux de l'univers. *
L'ANTI- LUCRECE , en vers François , par
M. l'Abbé Bérardier de Bataut , Licentié
en Théologie , & Prieur de Notre - Dame
de Serqueux. 2 vol. in-12. A Paris , chez
le Traducteur , rue de Condé , Nº. 12 , &
Charles - Pierre Berton , Libraire rue
Saint-Victor.
د
LE Poëme du Cardinal de Polignac eſt plus
eftimable par le principe qui l'a dicté , &pat
les hautes connoiſſances qu'il développe , que
par le ſtyle , qu'on a peut- être un peu trop
critiqué , mais qui eſt plus diffus que nombreux
, & plutôt meſuré qu'harmonieux. Depuis
que fon Ouvrage a été publié & traduit
en profe, on a fait de nouvelles découvertes en
Aftronomie , en Phyſique, &c.;on a creuſé
les ſciences abſtraites : ou , pour mieux dire ,
* Au prochain Nº. la fin de cet Article , qui
nous a été communiqué. Son étendue excède la
meſure que nous nous ſommes preſcrite dans ce
Journal; c'eſt ſans tirer à conféquence que nous
paſſons nos limites , & à cauſe de la grande impor,
tancede cetOuvrage.
DE FRANCE. 181
:
:
on a réveillé d'anciens ſyſtèmes , on en a
créé de nouveaux ; mais ces ſyſtèmes , toujours
oppoſés , toujours combattus les uns
par les autres , ſe ſont tous fait des profélytes
, ſans ôter leurs partiſans à ceux qui les
-ont précédés. Une ſeconde Traduction de
l'Anti- Lucrèce n'eſt donc point un Ouvrage
inutile : elle doit trouver des Lecteurs dans la
claſſe des perſonnes qui tiennent encore aux
anciens principes , comme dans celle des gens
qui aiment à les comparer aux nouveaux. Il
eſt des ſecrets de la Nature qu'une étude
conftante & opiniâtre a dévoilés, malgré leur
profondeur , parce qu'ils étoient ſuſceptibles
de l'être ; il en eſt d'autres que la main de
l'être Suprême ſemble avoir dérobés pour
jamais à nos yeux. L'orgueil, humain n'en
cherchera pas moins à les connoître ; mais
parvenu aux bornes que la ſageſſe divine a
preſcrites à notre entendement , il ſe repliera
fur lui-même, & s'efforcera de cacher fon impuiſſance
, en continuant d'imaginer des hypothèſes
ingénieuſes & féduiſantes. Tout ce
qu'on peut defirer, c'eſt que ces hypothèſes ne
tendent point à devenir deſtructives des opinionsutiles
au bonheur de l'homme & à l'équilibre
de la ſociété , & qu'elles ayent pour
but, comme celles du Cardinal de Polignac ,
de ramener nos connoiffances à l'union intime
de la morale & de la religion .
M. l'Abbé Bérardier a traduit l'Anti-Lucrèce
en vers: il eſt fans doute du nombre des Écrivains
qui penſent que les Poëtes ne peuvent
182 MERCURE
êtrebientraduits qu'en vers; & fi ce principe
eft vrai , nous croyons que c'eſtſur tout dans
une Traductionde ce genre. Lorſqu'un Poëte
abandonne fa langue maternelle pour parler
une langue moite , quelque familier qu'il
fost avec elle, il eſt entraîné malgré lui parles
formes originelles de fa langue native; il y
cède ſans le vouloir , & il fait paſſer le génie
de ſon idiôme dans un idiôme érranger. C'eſt
ce qui eſt arrivé au Cardinal de Polignac ,
dontlaMuſe, fouvent poétique , & rapprochée
quelquefois des grands modèles qu'il
avoit choiſis , parle très-ſouvent François en
Latin. Le P. Vanière , le P. Rapin même , le
plus fcrupuleux imitateur de Virgile, ne font
pas exempts de ce reproche. Ainti , M. l'A . B.
a eu raiſon de préférer les vers à la proſe dans
uneTraduction de l'Anti - Lucrèce; ce qui ne
l'a point empêché de rendre juſtice à M. de
Bougainville , le premier Traducteur du
Cardinal de Polignac , dont la proſe claire ,
exacte, harmonieuſe& facile , méritera toujours
des éloges.
Nous allons tranſcrire ici l'approbation du
Cenſeur de cet Ouvrage. « Ce monument
>> précieux , digne du zèle qui l'avoit dicté à
>> notre ſavant Cardinal, manquoit ſansdoute
> à notre Littérature Françoiſe , autant qu'à
l'inſtruction de ceux qui n'entendent pas
l'idiome de l'original. Le Traducteur , déjà
- connu par d'autres productions Littéraires
>>également doctes & folides , animé du
- même eſptit que fon modèle , nous en
ود
ود
DE FRANCE. 183
:
ود
ود
ود
ور
tranſmet fidèlement ici les argumens avec
>> cette ſupériorité ſi propre a pulvérifer les
>>> anciens ſyſtèmes philoſophiques , trop malheureuſement
renouveles aujourd'hui parmi
nous. Les notes lumineuſes dont il accompagne
fon texte, atteſtent tout-à-la-
>> fois la ferveur, la pureté de fon zèle , &
l'étendue de ſes recherches dans tous les
>> genres de connoiffances. » Ces éloges nous
ſemblent mérités à beaucoup d'égards. Quelques
citations vont donner une idée du ſtyle du
Traducteur ; nous les prendrons dans les endroits
qui ſont ſuſceptibles des ornemens poétiques;
car dans les morceauxquine le ſontpas,
qui y font mêmeabſolument étrangers,M.I'A.
B. a très - ſagement fait d'imiter Horace , & de
s'exprimer comme lui , Sermone pedestri .
Dans le ſixième Chant , l'Auteur parle de
Fame des bêtes; ſi elle exiſte , elle eſt marérielle
& périſſable,& il rapproche cet inſtinct
des facultés des Plantes , de l'Aimant , &c.
Voici comme M. l'Abbé Bérardier a rendu
une partie de ce rapprochement , trop long
pour le citer en entier.
Un torrent furieux , dans le fond d'un vallon ,
Épuiſe contre un roc ſon impuiſſante rage ;
Ses flots blanchis d'écume ébranlentle rivage;
Tout frémit à l'entour : oſerai-je avancer
Que l'onde eft en courroux , & cherche à renverſer
Cequi ferme les lieux où ſon deſir l'entraîne?
Croirai je que , voulant s'écouler dans la plaine ,
184 MERCURE
Etdu plus court chemin ne pouvant point ufer ,
Elle prend un détour , & cherche à compenfer
Le temps qu'elle a perdu , par un cours plus rapide ?
Que telle eſt pour le feu l'horreur de ce fluide ,
Qu'il bouillonne en fureur fur les charbons ardens ,
Prêt às'évaporer plutôt au gré des vents
Quedecéder aux traits d'un rival qu'il abhorre , &c.
Ces vers ont le méritede rendre facilement
les images què renferment ceux du Cardinal
de Polignac, & les Lecteurs inſtraits qui voudroient
les comparer avec l'original , en fentiront
mieux le prix
Quelquefois le ſtyle du Traducteur eft
doux , riant& facile: onpeut s'en convaincre
par la lecture des vers ſuivans , qui ſe trouvent
au commencement du premier Chant :
Quene puis-je, en marchant dans ces routes ſacrées,
Des eaux de l'Hippocrène arroſer ces contrées !
Changer d'épais buiſſons en derians vergers !
Faire éclore les fleurs ſous les pas des Bergers !
Je n'ai point les accords ni la douce harmonie
Du Chantre des plaiſirs qui charma l'Aufonie.
Le langage qu'il dut à ſes premiers aïeux
Fournit à ſes besoins des trésors précieux ;
J'emprunte, pour répondre, une langue étrangère.
Sa Muſe , conſacrée aux autels de Cythère ,
N chante que Vénus , les Ris , la Volupté.
Je préſente aux mortels l'auſtère vérité ,
Et ma lyre ſévère enfante la triſteſſe.
D'un naturel heureux l'abondante richeſſo
DE FRANCE. 185
!
;
T
}
Prodigue entre les mains les plus brillantes fleurs ,
Les graces , les attraits , les charmes enchanteurs ,
A ſa voix l'aquilon n'eſt plus qu'un doux zéphire.
Sous un ciel plus ſercin Philomèle ſoupire ,
Le jour eft plus brillant ; la fraîcheur des forêts
Invite au doux ſommeil dans un bocage épais .
Du ſommet d'un côteau couronné de verdure ,
L'onde d'un clair ruifſeau tombe, fuit& murmure ;
D'un ſeuve bienfaiſant le cours majestueux
Engraiſſe les guérets , rend les peuples heureux.
Écoutez ces oiſeaux ; leur aimable ramage
Le dispute aux couleurs de leur riche plumage.
Voyez- vous dans ces prés ces Bergers , cestroupeaux ?
Tout s'anime, tout danſe au ſon des chalumeaux :
Ces lieux ſont enchantes; fur tout ce qui refpire
La mère des Amours exerce an doux empire .
وخ
Il y a ſans doute quelques taches dans ce
morceau; mais elles font très-légères , la correction
en eſt facile , & elles n'empêchent
pas que le morceau entier n'ait le ton , la grâce
& la couleur qui conviennent aux objets dont
il préſente le tableau.
Au total , cette Traduction eſt eſtimable
par l'exactitude. Le ſtyle ne mérite pas toujours
les mêmes éloges ; mais s'il eſt quelquefois
pénible & négligé , l'Auteur peut être
excuſé par le grand nombre d'idées rébelles à
la poéfie , & preſqu'incompatibles avec le
rhythme , qu'il avoit à tranſlater dans notre
langue. Nous defirerions ſeulement que M.
186 MERCURE
J'A. B. n'eût point fait entrerdans ſes vers des
expreffions abfolument anti-rhythmiques;nous
n'en citerons qu'un exemple,parmi pluſieurs
dont nous avons été frappés. Dans le Chant
neuvième , page 370 , ontrouve ce vers :
L'éloquence féconde en traits extraordinaires.
Certainement il n'y a rien de plus extraordinaire
que l'emploi d'un pareil mot en poéfie
: nous ne ſautions trop engager l'Auteur,
s'il donne une nouvelle edition de fon Ouvrage
, à en bannir quelques expreffions de
cette nature , dont le goût & l'oreille ſont
également bleſſés.
3
Les notes qui accompagnent le texte , & la
Fréface qui eft entête du er vol., prefentent
ſouvent des obfervations lumineuſes , comme
l'adit le Cenſeur, mais ony remarque des idées
inſpirées quelquefois par un zèle trop ardent
&peu réfléchi. Nous n'avons pas vu fans chagrin
M. l'Abbé B. s'élever avec une eſpèce
d'acharnement contre Voltaire , qu'il appelle
le grand Lama de la Philofophie. Eh ! pourquoi
, en matière de religion , citer les grands
Hommes parmi les antagoniſtes de ſes dogmes
& de ſes myſtères ? L'éclat d'un grand
nom peut entraîner bien plus d'eſprits que
n'en peut attirer le zèle des Écrivains qui joignent
moins de talens à une foi plus vive :
nous penſons là deffus comme Paſcal. Mais
P'Auteur a t'il bien ſongé à ce qu'il écrivoit ,
lorſqu'en parlantde l'Académie Françoiſe, il a
dit: Ofer braverle Ciel est un titre aujourd'hui
1
-
DEFRANCE. 187
obtenir
pour une place dans ce Corps autrefois
fi respectable ? Nous n'examinerons pas fi
quelques Membres de l'Académie ont , en
effet, écrit contre la Religion ; s'il en a exiſté ,
s'il en eſt, nous nous garderons bien de faire rejaillir
fur ce Corps la faute dont ils font coupables;
mais nous demanderons que l'on nous
cite un Écrivain qui ait été admis à l'Académie
Françoiſe , en conféquence d'un Ouvrage
impie ou deſtructeur des principes de la morale.
Nous avons vu, à la honte du Sacerdoce ,
des Prêtres abuſer de leur faint miniſtère ,
afficher le ſcandale en quittant le fanctuaire
: nous en avons gémi ; mais en les mépriſant,
nous n'en avons pas moins reſpecté
la Religion , fon culte & ſes Miniſtres. Les
abus d'une inſtitution ne font pas l'inſtitution
elle même; il faut en faire la diſtinction.
C'eſt une belle choſe que le zèle; mais quand
ileſt ourré, il eſt dangereux & condamnable.
( Cet article eft de M. de Charnois. )
?
ANNONCES ET NOTICES.
ALM LMANACH des Diligences & Meffageries
Royales de France, pour l'année 1787 , contenant
le détail de l'adminiftratioa , l'extrait des principaux
Arrêts & Réglemens qui la concerne , Et des avis
intéreſſans au Public fur les précautions qu'il a à
prendre; les départs & arrivées des Diligences &
des Voitures àjournées régiées pour les principales
188 MERCURE
Villes du Royaume ; le genre & le nombre des
Voi ures, avec le prix des places, celui du port da
paquets,& le nombre de jours en route ; le ſervia
général de la Navigation de France , & le Tableau
des autres Villes de France & de l'Étranger qui
communiquent avec leſdites Meſſageries, avec une
Carte géographique indiquant les principaux endroits
cù la Ferme générale a des Directeurs on
Correſpondans pour y recevoir les marchandises ,
bagages, &c. , & faire le recouvrement des billers,
&c. , pour lesquels elle ne perçoit que le port du
retour de l'argent, en affurant feulement le proth
en cas de non payement, in- 12 de 200 pages.
Prix, 2 liv. 8 fols broché avec la Carte. A Paris ,
chez Prau't, Imprimeur du Roi , quai des Auguſtins ;
les Libraires du Palais Royal ; les Marchands de
Nouveautés: les Directeurs des Meſſageriesde Pro .
vince, & les Suites de l'Hôtel Royal des Meſſageries
, rue Notre- Dame des Victoires & Montmartre.
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Tenouvelé tous les ans.
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par de zélés Citoyens , in-89 . de 66 pages. A Paris ,
àl'Imprimerie Polytype , rue Favart.
Cette Brochure est compoſée de quatre morceaux
différens, analogues au ſujet annoncé par le titre.
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95 pages. A Paris , chez Vente , Libraire , rue des
Anglois.
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poules , pigeons , &c. peut être agréable & même
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Souvenir annuel pour l'année 1787, divisé en
DE FRANCE. 189
1
t
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feuille, & 21 liv. en reliûre ordinaire , en tout le
même papier. A Paris, chez le ſieur Salmon , Marchand
Papetier , rue Dauphine , nº. 26.
DISCOURS fur les Devoirs des Sujets envers le
Souverain , prononcé dans la Chapelle du Louvre
en préſence de MM. de l'Académie Françoife , le,
25 Août 1786 , ſuivi d'une Ode fur le Prince de
Brunswick , qui n'a point concouru pour le prix , par
M. l'abbé de Sauvigny , in- 8 ° . de 48 pages, Sel
trouve à Paris , chez Poinçot , Libraire , rue de la
Harpe, & chez les Marchands de Nouveautés .
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caract res distinctifs des différentes espèces de Dixmes
, &jur la présomption légale de l'origine ecclé
ſiuſtique de toutes les Dixmes tenues en fief, varM.
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&Docteur Régent en Droit Canon des Facultés de
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Pair, par l'Auteur de l'Aventurier François , 3 Vol.
in 12: A Londres ; & fe trouve à Paris , chez l'Auteur
, hôtel de Malte , rue Chriftine ; Quiliau l'aîné,
Libraire , rue Chriſtine ; la Veuve Duchelne , Libraire
, rue Saint Jacques ; Belin , Lioraite , même
rue; Mérigot jeune , Libraire , quai des Auguſtins;
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la Province chez Dubofc, quai desAuguftins .
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Bureau , rue des Moulins , Butte Saint Roch , nº. 11 ,
où l'on ſouſcrit, ainſi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques , & chez Brunet , Libraire , rue de
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Ce Volume eſt le douzième Numéro de la troihème
année , & le troisième Volume des petits
Théâtres. Il contientEfope à la Foire; le Danger
des Liaisons , par Mme de Beaunoir ; Annette &
Bazile, parM. Guillemain ; la Rufe d'Amour ou
l'Epreuve, par M. Maillé de Marencour ; Pierre
Bagnolet , par M. Deville , & les deux Frères.
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Comédies , contenant le Ballet extravaguant de
Palaprat , le Grandeur de Bruéis , & Palaprat .
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Louvre , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 liv. 4 ſols , in 49. de 32 pages.
On trouve à la tête de cet Eloge ou plutôt de ce
Recueil Anecdotes curieuſes ſur unArtiſte célèbre,
un beau Portrait fort reſſemblant gravé par Saint-
Aubin & deffiné par M. Cochin. Cet Ouvrage faifant
partie de l'Histoire de l'Art en France américs
DE FRANCE..
191
!
1
ètre accueilli de tous ſes Amateurs . On y voit ce
Que font devenus les chet- d'oeuvres du célèbre Sculp-
Reus, & on y observe les beautés & les défauts de
Mes Ouvrages . Le Difcours fur l'écar actuel des deux
en France mérite également l'attention des Arts
Amateurs .
L'ANNÉE Galante , ou les Intrigues fecrettes du
Marquis de L *** in - 16 . Prix , 1 liv. 4 fols broché.
A Paris , rue & hôtel Serpente.
Les Aventures du Marquis de L *** ſont divi.
ſées par mois ; mais elles ne ſe réduisent pas au
nombre des mois de l'année. La rapidité de ſes
nombreuſes conquêtes reſſemble à ſon ſtyle, qui
ſemble toujours courir. Il y a de l'eſprit dans cette
Brochure bien légère & bien frivole.
INSTRUCTION fur les Aſſemblées Nationales
tant générales que particulières , depuis le commencement
de la Monarchiejusqu'à nosjours , avec le
· détail du cérémonial obfervé dans celle d'aujourd'hui
, in 8 ° . Brochure de 182 pages. A Paris ,
chez Royez , Libraire , quai des Auguftins .
C'eſt ce que nous avons vu de plus complet dans
cette circonstance ſur ce ſujet intéreſſant.
PRINCIPES fur l'Administration temporelle des
Paroiſſes , par M. l'Abbé de Boyer , Official &
Vicaire -Général du Diocèſe de Carcaſionne , 2 Vol.
in- 12. Prix , 6 liv. brochés , 7 liv.4 ſols reliés. A
Paris , chez Leboucher , Libraire , qui de Gevres.
Cet Ouvrage eſt diviſé en quarre Parties , qui
traitent , 1º. des Marguilliers ; 2°. du Conſeil de
Paroiſſe ; 3. des biens des Fabriques ; 4°. de la
reddition des compres. GetOuvrage peut être utile ,
& nous a paru rédigé avec ſoin.
JOURNAL de Violon , dédié aux Amateurs ,
compoſé d'Airs de Théâtre , Rondeaux , Vaudevilles,
&c. pour deux Violons ou deux Violon
192 MERCURE
un
celles. Tout le Chant eft dans le premier, Deffus,
atin qu'il puifle étre exécuté par Violon feul.
Chaque Numéro fepard 2. Alonnement pour
douze Numéros 15 & 16 1
1
Ce Journal , comayme en 18 , le continue
toujours avec ſucces . On foufer chez Pau
M. Bornel l'aîné, Profeſſeur de Violon , rue Tiquetonne
, nº . 10 .
NUMÉROSS à 9 des Feuilles de Terpsychore
pour la Harpe & pour le Clavecin. Une Feuille pour
chaque Inſtrument tous le Lundis. Prix , féparément
: liv. 4 fols. Abonnement pour cinquantedeux
Numéros 30 liv franc de port! A Paris , chez
Coufineau père & fils , Luthiers de la Reine , rue des
Poulies.
TABLE.
EPITAPHE de M. de Ver- phe ,
gennes ,
158
145 Voyage Pittoresque de Na-
Epitre à M. le Comte de ples & de Sicile , deuxième
Thyard , 146 Extrait ,
Lesdeux Hermites, Conte, 149 L'Anti Lucrèce ,
Charade, Enigme& Logogly Annonces &Noticer,
APPROBATION.
1
161
180
187
At In,per ordre deMgr le Garde des Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 24 Février 1987. Je n'y
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.A
Paris , le 23 Février 1787. GUIDI
71
1
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 7 Février.
I'Impératrice de Ruflie eft
en route actuellement.
S. M. partit le 12 Janvier
de Pétersbourg pour Czarkozelo , qu'elle a
quitté le 18 pour ſe rendre à Kiot. On aſſure
que les deux Petits Fils de cette Princeſſe
ne ſont pas du voyage; le premier plan a ce
ſujet ayant changé quelques jours avant le
départ de S. M. І.
Une nouvelle moins importante , mais
auſſi ſinguliere , eſt l'évation inopinée du
Prince Frédéric de Wirtemberg-Stutgard.
Ce Lieutenant Général , Gouverneur de la
Finlande Ruffe , a quitté ſubitement Pér
tersbourg, & s'eſt rendu , à Belin. It a emmené
avec lui ſes trois enfans ; & l'on attribue
le départ du Prince à un projet de rup
ture avecla Princeſſe ſon épouſe.
N°. 8 , 24 Février 1787. g
( 146 )
LesCommiſſions du tréſor de la Cou
ronne & de Lithuanie , s'occupent en Po
logne à examiner les mémoires préſentés
ſur les monnoies. En attendant unRéglement
defin.tif , on a publié des Univerſaux
qui portent à 18 lorins de Pologne les ducars
d'Holande, de Cremniz , de Salzbourg,
de Saxe , de Pruffe , de Venite , de Florence
& de Milan , & qui ne donnent aux autres
efpeces d'or d'autre valeur que celle qu'elles
auront intrinféquement.
Le Roi de Danemarck a défendu juſqu'a
nouvel orde de braſſer à Copenhague de
l'eau-de- vie de ſeigle ; cette défenſe ſera
commane aux villes de commerce , à dater
du 15 Avril prochain.
Pendant l'année derniere , on a compré
dans l'Evêché de Drontheim 1538 mariages
, 4718 naiſſances , & 5153 moris.
La Compagnie d'Afie a reçu la nouvelle
que ſes vaiſſeaux le Château de Dangsberg,
la Sophie Magdelaine & le Difco font arrivés
heureuſement àTranquebar , dans les
mois de Juin & de Juillet dernier , que le
premier de ces vaiſſeaux en eft parti le s
Juillet pour Bengale , que le ſecond a fait
voie le 19 du même mois pour la Chine ,
&que le troiſieme, reviendra ici deTranquebar
au mois dO&obre.
Il partira cette année pour la pêche de la
baleine 30 bâtimens de notre ville, 7 de
Brême , autant d'Altona , & 10.deGluckſtadt.
( 147 )
Pendant l'année derniere il eſt entré à
Koenigsberg 1576 navires , & il en eſt forti
1544.
On a compté durant la même année dans
le Duché de Mecklenbourg - Schwerin
10363 naiſſances , & 7880 morts . Les naiffances
à Roſtoc étoient au nombre de 338 ,
& les morts de 230.
De Berlin , le 6 Février.
Le Directoire général des Finances a fait
publier le 16 Janvier , que le ſirop venant
de l'étranger , pour la conſommation des
Etats du Roi , payeroit à'on entrée un écu
par quintal ; l'importation de cette marchandiſe
ne devant avoir lieu que du 1 Juin
prochain. Le Directoire a auffi déclaré publiquement
le 22 de ce mois , que le bruit
que les marchandiſes des fabriques étrangeres
pourroient entrer librement dans les
Etats du Roi pour y être vendues , étoit
deſtitué de fondement , & que l'intention
de S. M. étoit ſeulement de faciliter le tranfitde
ces marchandises par ſes Etats.
On aſſure que le Roide propoſe d'établ'r
à Berlin un Bureau de comme ce, dont les
membres feront tirés du corps des Négocians
, & qui fera préſidé par le Baron de
Werder, Miniftre d'Etat.
La Gazete de cette ville vient de publier
l'Ordonnance du Roi , concernant l'habillement
des Aides de camp , de l'Erat Ma-
F
2
( 148 )
jor , du Corps du Génie & des Officiersi
la fuite de l'armée.
Aide-de-Camp-généralde l'Infanterie. Habit de
drap bleu clair, collet , revers & paremens de
velours noir ſur coton , doublure jaune ,boutons
dorés , veſte & culotte dedrap jaune . Sur le chapeau
, un fimple cordon&une ganſe d'or. L'uniforme
degala eſt brodé en or,& le chapeau bordé
d'un galon large d'or.
Aide-de Camp généraldela Cavalerie. Habit de
drap blanc , collet , revers& paremens de velours
noir fur coton , doublure blanche , boutons dorés,
veſte&culotte dedrap jaune. Sur le chapeau , un
fimple cordon , une ganſe d'or & un panache.
L'uniforme de gala eſt brodé en or , le chapeau
bordé d'un galon. large d'or.
Aide-de-Camp de l'Infanterie. Habit de drap
bleu clair , collet , revers& paremens de velours
noir ſur coton , doublure jaune , boutons d'argent
maſſif, veſte&culotte de drap jaune. Sur le
chapeau, un ſimple cordon & une ganſed'argent.
L'uniforme de gala eſt brodé en argent , le chapeau
bordéd'un galon large d'argent.
Aide de- Camp de la Cavalerie. Habit de drap
blanc , collet , revers & paremens de velours noir
fur coton , doublure blanche , boutons d'argent
maffif, veſte & culotte de drap jaune. Suurrlechapeau
, un cordon , une ganſe d'argent & un panache.
L'uniforme de gala eſt brodé en argent , le
chapeau bordé d'un galon large d'argent.
Uniforme des Officiers de l'Etat-Major.
1º . De l'Infanterie. Habit de drap bleu c'air ,
collet , revers &paremens de drap rouge , doublure
rouge , boutons d'argent maffif, veſte &
caloree de drap jaune foncé. Sur le chapeau ,un
( 149 )
fimple cordon&une ganſe d'argent. L'uniforme
de gala eſt brodé en argent, le chapeau bordé d'un
galon large d'argent .
2°. De la Cavalerie Habit dedrap blanc, collet ,
revers & paremens dedrap rouge , doublure rouge
, boutons d'argent maffif, veſte & culotte de
drapjaune foncé. Sur le chapeau , un cordon, une
ganſe d'argent& un panache. L'uniforme de gala
eft brodé en argent , le chapeau bordé d'un galon
larged'argent. L'uniforme de gala d'un
Quartier-Matre généralde l'armée ſera pareil à celui
d'un Aide-de-Camp général.
Uniforme des Officiers à lasuite de l'armée.
1. De l'Infanterie. Habit de drap bleu foncé ,
coller , revers&paremens de drap rouge, doublure
blanche , boutons plaqués d'argent , veſte &
culotte dedrap blanc. Sur le chapeau , un fimple
cordon & une ganſe d'argent.
20. De la Cavalerie. Habit de drap blanc , collet
, revers &paremens de drap rouge , doublure
blanche , boutons plaqués d'argent ,veſte& culottede
drapblanc. Sur le chapeau , un timple core
don, une ganſe d'argent &un panache,
Uniforme des Officiers du Corps duGénie.
Habit de drap bleu foncé, coller ,revers & paremens
de velours noir fur coton, doublure noire,
boutons plaqués d'argent, veſte& culo te de drap
jaune. Sur le chapeau , un cordon& uneganſe
d'argent.
Ledénombrement de la haure Siléfie fait
en 1786 , porte la population de cette Province
à 373149 perſonnes, fans le militaire,
83
( 150 )
Sa furface eſt de 270 milles carrés , c'eſtpat
conféquent 1382 habitans par mille.
La population des villes , qui toutes enſem.
ble renferment 7715 maisons , eft portée à
56338 individus , ce qui donne 15 individus far
deux mai ons. Les mariages ont été au nombre
de 517 ; c'eſt un mariage ſur 109 vivans :
les naiſſances ont monté à 2438 , dont 1162
garçons & 1176 filles , ce qui produit preſque
cing enfans par famille ou mariage , &une
maiffance fur trois maiſons. Il y a eu 218;
morts dont 1071 hommes, & 1112 femmes , ce
qui fait deux morts ſur ſept maiſons , & un
mort fur 25 à 26 vivans. Parmiles naiſſances
dans les villes , il y avoit 69 morts nés , & 146
enfans illégitimes . On compte dans la haure
Siléfie 1496 villages qui contiennent 55972 maifons
, & une population de 316811 ames , ce
qui fait prefque 6 individus pour chaque maifon.
Le nombre des mariages y étoit de 3238
ce qui fait un mariage ur 97 vivans , & vn
mariage fur 17 maiſons. Les naiſſancesyétoient
au nombre de 15766 , dont 8065 garçons &
7701 filles , ce qui fait près des enfans par
mariage , ou deux enfans ſur ſept maitons ; les
enfans illégitimes étoient au nombre de 507,
ce qui fait un fur 57 naiſtances. Le nombre des
morts dans les villages avoit monté à 11109 ,
dont 5406 d'hommes , & 5703 de femmes , ce
qui fait unmort, fur 23 vivans ,, ouun fur s
maiſons.
1. RÉSUMÉ.
Total des mariages dans la haute Siléke , 3775
des naiſſances ,
des morts
,
............. 18204
13292
Encompaffant ces relevés avec ceux de l'an(
151 ) .
née 1785 , on trouve qu'il ya eu 143 mariages
de plus en 1786 qu'en 1785 , que les naiſſances
de 1785 , excedent de 1490 celles de 1786 ,
&que les morts de 1785 , turpaffent de 495 ceux
de 1786.
• On compte dans la haute Siléſie .
Catholiques ,
Luthériens ,
Réformés ,
Juifs , ..
..............
... ........
.........
... 348636
18192
651
5670
TOTAL.
De Vienne , le 8 Février.
373149
Par une Ordonnance de S. M. I. , du
27 Novembre 1786, & récemment publiée,
l'Empereur vient de déclarer de droit régalien
toutes les ſalines de la Galicie & Lodomerie
, & de s'en réſerver exclutivement
la propriété ainſi que l'exploitation. Toutes
les ſaines des particuliers feront réunies à
Tadm niſtration de la Chambre Impériale.
Tout Seigneur Foncier , qui ne revélera pas
les fources de ſel qui peuvent exiſter dans
fes domaines , payera 100 ducats d'amende.
On condamnera à la chaîne & aux travaux
publics , pour une ou fix ſemaines ,
ſelon la gravité du cas , les particuliers ou
chefs de Communautés qui cacheroient
ces ſources au Seigneur terrien .
Dix neuf Evêques de l'Empire, à la tête
deſquels on place ceux de Spire & de Ful
84
( 152 )
de, ont ſigné , dit on , une proteſtation,
par laquelle ils ſe déclarent indépendans des
Archevêques pour la conceffion des diffen
ſes dans leurs dioceſes reſpectifs.
Le nouveau Code Criminel eſt ſous
preffe, & paroîtra inceſſamment. La peine
de mort , dit on , eſt abolic, fauf quelques
exceptions.
Un Décret de laCour, du 7 de ce mois,
promet une gratification de cent ducats au
Savant qui compoſera le meil'eur livre élémentaire
fur l'Histoire eccléſiaſtique , à l'uſage
des Univerſités & des Lycées dans les
Etats héréditaires.
L'Empereur a fat préſent aux Dames
de la Viſitation de Sainte - Marie , de la
Maiſon qu'avoit occupée la Princeſſe Flifabeth
. S. M. I. y a ajouré un don de
20000 florins , qui doit fervir à arranger
cette maiſon , de maniere qu'on puiſſe y
élever un certain nombre de Demoiselles
pauvres &de condition.
L'Evêque de Roſenau , qui devoit réfigner
fon Evêché , le conſervera : mais il
fera obligé de donner soo ducats à la caſſe
dereligion.
Les dernieres lettres de Jaffy apprennent
l'arrivée du Prince Ypilanti, nouvel Hoſpodar,
dans cette Capirale de la Moldavie.
: Il eſt entré aux environs de Noël dernier
, à Schwanez , perite ville près de Kaminieck,
vis à vis de la fortereſſe de Choczim ,
(153 )
un détachement de troupes Ruffes , confiſtant
en deux Régimens d'Infanterie & un
Régiment de Carabiniers. Sahim Gueray ,
ancien Khan de la Crimée , ſe trouve dans
cette eſcorte : on ignore quelles peuvent
être les vues de ce Prince , & où il compte
diriger ſa route. Les Officiers Ruffes gardent
à ce ſujet le plus grand fecrer.
De Francfort , le II Février.
On apprend de Stutgard , que le Duc
regnant de Wirtemberg a levé un nouveau
Régiment d'Infanterie de 900 hommes , &
qu'il en a donné le commandement au Colonel
de Hugel . Ce Corps doit paſſer au
fervice de la Compagnie Hollandoiſe des
Indes Orientales , & ſe mettra le is en
route pour Fleſſingue .
Le ſieur Wilwerding , Officier au 8º. Régiment
de Dragons Hanoveriens , aimaginé
d'adapter le micrometre à un télescope
ordinaire , & d'en faire uſage dans les campagnes.
Il a eu l'honneur de préſenter ce
télescope à S. A. S. le Duc de Brunswick ,
qui l'a récompenſé généreuſement. )
Un Journal politique donne l'état fuivant
des productions & du commerce de
l'Autriche.
-
La Baffe Autriche ou l'Archiduché d'Autriche
eſt undes plus beaux & des plus fertiles pays de
P'Allemagne. La culture des terres , des prés
&des vignes y eft très-ſoignée. On eſtime à pres
gs
( 154 )
de 2 millions d'Eimer le via qu'on fait par an
Les fruits viennent en abondance; on enprépare,
fur- out dans la Haute Autriche , de la boiffon ,
du vinaigre& de l'eau-de -vie. Les prures fechées
fon un article confidérable de Commerce. Le
fafran , que l'on cultive dans cette province,
paſſe pour être le meilleur. La moutarde , la
garance, le gingembre &c. , y réuffiſſent aufi
très-bien. Parini ſes productions minérales , on
comp e l'alun , le ſalpêtre , ' e vitriol, le ſel ,
&c. On fait monter ce dernier article à 650000
quintaux par an , ou à 4,500,000 florins ; les
frais d'ex loitation en abſorbent près d'un mil.
lion. Les fabriques & les manufactures ſont nom.
b. euſes aujourd'hui dans cette province ; les plus
importantes font cellesde lainerie & de coton
établies à Lenz ; les fabriques des marchandiſes
de laiton & de fer en envoyent dans toute l'Allemagne
, dans la Pologne,la Ruffie & la Tur
quie. Le commerce de la Baſſe Autriche furpalle
cel i de tous les autres Etats héréditaires ; il
eſt confid rable avec le Levant; on eſtime à 6
mil ions les marchandifes qui y paſſent par an,
&à celles de retour.-La navigation ſur la
Traun & le Danube eſt importante; les bâtim-ns
vont juſqu'à la Mer Noire , & vifitent les ports
de Ruffie. Les routes ſont bonnes & bien entre
tenues par tout le pays.
L'Autriche inférieure , compoſée de la Stirie ,
de la Carinthie , de la Carniole , de Gorice , de
Trieſte & de Frioul ,eſt remplie de montagnes;
cependant elle ne manque pas de plaines & de
vallées bien cultivées. Ce pays eſt riche, fur-tout
en minéraux, de toutes les eſpeces , excepté l'étain
qu'il ne produit pas. Indépendamment de
la grande quantité de plomb & de cuivre que
l'ony exploite par an , on évalue à plus de 2000
( 155 )
marcs l'exploitation de l'argent, à 1800 juſqu'a
2000 quintaux celle du vifargent , à un million
dequintaux celle du fer , à plus de 150,000 quintaux
celle du ſel de cuiſine , à 15,000 minots
celie du ſel de mer, du vitriol & du ſoufre , à
1,500 celle du ſalpetre , du cobalt , &c. L'éduca
tion du bétail forme une de principales bránchesdu
commerce des habitans. La laine de la
Garniole eſt d'une très bonne qualité ; les chevaux
qu'on y éleve paffent pour aufli bons que
ceux d'Angleterre. Les ffaabbrriiqquueess lesplus importantes
ſon celles qui fourniffent des marchandiſes
de fer & d'acier. Les manufatures des toiles
en débitent par an pour environ 400,000
florins ; celles de ſoiries qui font établies fur les
territoires de Trieſte & de Frioul font tous les
ans de nouveaux progrès. Le commerce maritime
par Trieſte & la navigation nationale augmentent
confidérablement. Cette circonstance
fait perdre beaucoup auxVenitiens , qui autrefois
faifoient la majeure parrie du commerce d'Autriche.
Le port de Trieſte fait aujourd'hui un
commerce direct avec le Levant , les ports de la
Méditerranée, le Portugal , l'Eſpagne , la Chine
& les Indes orientales. En 1780 l'exportation
avoit monté à 6,822,041 florins , dont plus de
deux millions pour les productions minérales ,
500,000 pour tabac , 400,000 pour verreries ,
370,000 pour potaſſe , 1,900,000 pour toile &c .
L'importation avoit fait un objet de 5.697,512
florins , dont pour 1,200,000 de florins de l'huile
d'olives , pour 550,000 de café , pour 490,000
de thé , pour 360,000 de ſucre , pour 332,000
de fruits ſechés , oranges , &c. L'Autriche inté
rieure gagne plus de deux millions de florios
dans fon commerce avec l'étranger.
Le Tyrol reffemble beaucoup àla Suiſſe ; fes
g 6
( 156)
montages font auſſi bien cultivées qu'elles puilfet
l'étre. Cette Province produit de l'argent ,
du cuivre , du plomb, du vif-argent , du fer &
du fel ; ſes coteaux ſont couverts de vignes &
d'arbres fruitiers ; les vallées fourniſſent de bon
bled; le pâturage eſt excellent , & l'éducation
du bétail bien ſoignée ; les endroits les plus rudes
produiſent de beau lin & du chanvre ; les
mûriers & les vers à foie réuſſiſſent bien dans la
partie méridionale de cette Province. On fabrique
dans ce pays des marchandiſes de fer & de
laiton , du verre , beaucoup d'étoffes de laine ,
des rapis , de la ſoierie & du cuir.
L'Autriche antérieure , ou les poſſeſſions de
laMaiſon d'Autriche dans la Souabe & la Suiffe ,
le Briſgaw , le Burgow , Nellenbourg , Gunzbourg
, eſt montueuſe & remplie de bois ; les
plaines & vallées produiſent du fruit , du bled
&des légumes en abondance ; une partie de cette
Province eſt vignoble. L'éducation du bétal &
P'exploitation des mines d'argent , de plomb &
de fer, occupent beaucoup les habisans. Les principales
marchandiſes qui paſſent à l'Etranger font
du bétail , du vin , du cuir & des peaux , des
pietres à aiguiſer , des pendules de bois & d'autres
marchandiſes de métal & de bois.
ESPAGNE.
De Madrid , le 31 Janvier.
Une nouvelle tempête , écrit-on de Cadix,
a occafionné ſur la côte , le 11 & le
12, fix naufrages de bâtimens marchands ,
au nombre deſquels eft le brigantin les
Pilyades deRouen, Cap. Blanchet , chargé
( 157 )
de fer& de bois de Brefil , & l'Amédee Théo.
dore , Cap. Doucet , allant en left de Cherbourg
à Alicante. Les équipages ont été
ſauvés: on eſpere auſſi retirer le chargement
du premier , & remettre les deux navires à
flor.
Le Mentor , parti de Cadix pour l'Amé
rique , y eſt rentré après avoir beaucoup
fouffent , & s'être vu obligé de jetter à la
mer une partie conſidérable des marchandi .
fes dont il étoit chargé. Depuis le 6 de ce
mois , il eſt arrivé dans le même port 4 bâtimens
Eſpagnols venant de différens ports
d'Amérique,
Il eſt entré pendant le cours de l'année
derniere , dans la baie d'Alicante 757 bâtimens
; ſavoir , 346 Eſpagnols , ros François
, 84 Anglois , 58 Hollandois , 14 Napolitains
, 26 Danois , 54 Suédois , 21 Impériaux
, 24 Raguſiens , 22 Vénitiens ,
Genois & 2 Algériens.
ITALIE.
De Florence , le 25 Janvier.
Les Florentins , reconnoiſſans de la longue
ſuite de bienfaits & de loix ſages , qui
leur rendent fi chere la perſonne de leur
Souverain , ont ouvert une ſouſcription ,
pour ériger à S. A. R. une ſtatue équestre
debronze ; en trois jours elle s'eſt trouvée
remplie ; les citoyens de tous les ordres ,
J
(158 )
même les Juifs, s'étant hâtés d'y prendre
part. Ayant demandé au Grand -Dec la
permiffion d'exécuter ce monument , ils
ont reçu cette réponſe remarquable , & audeſſus
de tout éloge .
>> S. A. R. le féréniſſime Grand Duc avu
la Supplique , ſignée de diverſes perſonnes
de cette Capirale , par laquelle on demande
la permiſſion de lui ériger une ſtatue équef
tre de bronze , & elle a été informée de
l'ardeur avec laquelle on defire cet ouvrage,
ardeur qui a été manifeſtée par la promptitude
avec laquelle , ſans s'être auparavant
concertés , on avoit trouvé les fonds né
ceffaires.
>>S. A. R. qui trouve dans l'affection &
la reconnoiſſance de ſes ſujets la récom
penſe la plus précieuſe de ſes ſoins continuels
pour le bien public , a reçu avec une
extrême joie & fenfibilité cette preuve nouvelle
& non équivoque des ſentimens de
leur coeur; & la forme dans laquelle elle lui
a été donnée , honore le caractere de la nation
, non moins que le Souverain.
>> S. A, R. ne refuſe pas abfolument un
monument qui perpétue la mémoire de ſes
follicitudes paternelles ,& la reconnoiſſance
affectueuse & fincere avec laquelle ſon peuple
y correfpond ; ma's ele croit que pour
eet effe il ſuffit d'une ſimple inſcription en
marbre , à mettre dans quelque lieu public.
>>Que ſi cependant l'on veut eniployer à
( 159 )
que que objet les ſommes offertes pour la
ſtatue qu'elle n'accepte point , il lui paroît
préférable de les appliquer à quelqu'ouvrage
d'utilité publique , plutôt qu'à un monument
de luxe & d oftentation.
>>>Pour un ouvrage de cette nature , S.
A. R. ſe fera un plaiter d'étre miſe au nombre
des aſſociés, & elle fournira toute la
ſomme qui pourroit manquer pour fon éxécution>.
>>
Le célebre Abbé Spallanzani , eft, arrivé
à Milan , de Conſtantinople ,d'où il eſt parti le
26 du mois d'Août dernier. Ce voyage qu'il a
fait par terre a été très-pénible & a dérangé
ſa ſanté. Il ſe rend à Pavie , & il apporte avec
lui pour le Musée impérial vingt- trois grandes
caiffes de curioſités naturelles , & des journaux
très - exacts d'obſervations phyſiques
& météorologiques , faites fur le boſphore
de Thrace ſur la Mer-noite & en différens l'eux
de la Bulgarie de la Tranfilvanie & de la Hon
grie. Cer illuſtre Profeſſeur a des matériaux
choiſis enaffez grande quantité , pour former
un ouvrage de pluſieurs volumes , dont il va
s'occuper , & dans lequel il inférera le réfultat
de ſes autres voyages.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 13 Février.
:
Un courrier du Cabinet , expédié de Pa
ris par M. Eden , a apporte au Secrétaire
d'Erat , du département des Affaires étran
geres , ia Convention ultérieure entre Sa
L
( 160 )
Mai. Brit. & S. M. T. C., relative à l'exécu
tion du Traité de Commerce &de naviga
tion. Cetre convention explicative de quel
ques articles , a été ſignée à Verſailles , le
15 Janvier , & échangée le 29 du même
mois entre les Plénipotentiaires refpectufs.
En voici la teneur.
Le Roi de la Grande Bretagne & le Roi
Très-Chrétien voulant , conformément aux Articles
Vime. & XLIIIme, du Traité de Naviga,
tion&de Commerce , ligné à Verſailles le 25
Septembre 1786 , éclaircir certains points fur
leſquels on s'eſt réſervé de convenir ; L. M.
Britannique & Très Chrétienne , toujours dil
poſées à reſſerrer plus particulièrement l'heureuſe
intelligence qui les unit , ont nommé
pour cer effet leurs plénipotentiaires reſpectifs ;
favoir,de la part de S. M. Britannique , le ſieur
Guillaume Eden , membre de ſes conſeils-pri
vés dans la Grande-Bretagne & en Irande ,
membre de fon parlement Britannique , & fon
envoyé extraordinaire & miniſtre plénipotentiaire
près de S. M. Très -Chrétienne ; & de la
part de S. M. Très-Chrétienne , le ſieur coate
de Vergennes , miniſtre & ſecrétaire d'état,
ayant le département des affaires étrangeres , &
chefde fon conſeil royal des finances ; leſquels ,
après s'être communiqué leurs pleins - pouvoirs
reſpectifs , ſont convenus des articles ſuivans :
Article premier. L. M. ayant flatué dans l'article
VI dudit Traité : Qu'on claſſera les droits
>> ſur la quincaillerie & la tableterie ( en Anglois
,hard- ware , cutlery , cabinet- ware &turnery)
& ſur tous les ouvrages gros & menus
> de fer , d'acier , de cuivre & d'airain ; &que
> le plus haut droit ne paſſera pas dix pour cent
( 161 )
&
de la valeur . Il eſt convenu , que la tabletteric
( en Anglois , cabinet-ware & turnery)
azout ce qui eſt compris ſous ces dénominations ,
de même que les inſtrumens de muſique, paieront
dix pour cent de leur valeur.
1
Tous les articles compoſés de fer ou d'acier ,
purs ou mélangés , ou travaillés, ou montés avec
d'autres ſubſtances , dont la valeur ne ſera pas audeſſus
de 60 liv. tournois , ou de so shelings le
quintal , paieront ſeulement 5 pour cent de leur
valeur ; & tous les autres objets , comme boutons,
boucles , couteaux , ciſeaux , & tous les différens
articles compris dans la quincaillerie ( en Anglois
, hard-ware & cutlery ) , ainſi que tous autres
ouvrages de fer &d'acier , de cuivre & d'airain
, purs ou mélangés , ou travaillés , ou montés
avecd'autres ſubſtances , paieront to pour cent
de leur valeur.
Si l'un des dewy Souverains iuge à propos d'ad
10
mettre leſtits articles , ou quelques-uns ſeulement
de quelqu'autre Nation , à raiſon de leur
utilité , ſous undroit plus modéré , il fera participer
audit rabais les Sujets de l'autre Souverain,
afin qu'aucuneNation étrangere n'ait fur ce point
de préférence à leur préjudice.
Par les ouvrages de fer , d'acier , de cuivre &
d'airain , on n'entend point le fer en barre , le fer
engueuſe (en Anglois , bar iron & pig iron ) & en
général , aucune forte de fer , d'acier , de cuivre
ou d'airain , qui ſont dans l'état de matiere premiere.
II. L. M. ayant auſſi Aatué ,dans l'article VI,
« Que pour d'autant mieux aſſurer la perception
exacte des droits énoncés au tarif, payables ſur
la valeur des marchandises , elles conviendront
entr'elles , non-ſeulement de la forme des déclarations
, mais auffi des moyens propres à 2
(162 )
>> prévenir la fraude ſur la véritable valeur def.
>> dites denréus & marchandises. >>>>Il eſt convenu
que chaque déclaration Tera donnée par écrit , &
fignée par le Marchand , le propriétaire , ou le
facteur , qui répond des marchandises à leur en.
trée , laquelle déclaration contiendra un détail
exact defdites marchandises & de leurs embalages
, des marques , numéros & chiffres , & du
cortenu de chaque balot ou caitfe , atteffera
qu'elles sont du produ't du ſol , ou des manufacturesdu
Royau ned'où elles sont importées,
&fera mention de la juſte & véritable valeur def
dites marchandises , afin d'en payer les droits en
confequence Que les Officiers de la Douane où
la déclaration fera faite , auront la liberté de faire
relle viſi e qu'ils jugeront à propos deſdites marchandises
, à leur defcente à terre non- feulement
pour conſtater les faits exposés dans ladire
déclaration, que les marchandises font leproduit
du pays y mentionné , & que l'expoſé de lear
valeur & quantité eſt ex &; mais auſſi , pour
prévenir l'introduction clandefine d'autres marchandifes
dans les mêmes balots ou caiſſes : bien
entendu , cependant , que leſdives viſites feront
faites avec tous les égards poffibles pour la
commodité des commerçans & pour la confervation
delires marchandises .
,
,
Si les Officiers des Douanes ne font pas contens
de l'eſtimation faite dans ladite déclaration
de la valeur deſdites marchandiſes , ils auront la
liberté , avec le conſentement du Chef de la
Douane du port , ou de tel autre Officier nommé
pour cet effet , de prendre leſdites marchan
diſes , ſuivant l'eſtimation faite par la déclaration
, en accordant au Marchand ou Propriétaire
un excédant de dix pour cent , & lui reftituant
ce qu'il pourroit avoir payé pour les droits fur
( 163 )
leſdites marchandises . Dans ce cas , le montant
en tera payé fans delai , par la Douane du port ,
s'il s'agit d'objets dont la va'eur n'excede pas
480 liv. tournois , ou 20 liv. ſterlings ; & dans
15 jours , au plus tard , fi leur valeur excede
ladite fomme .
Et s'il arrive qu'il yait des doutes ſur la valeur
deſdites marchandises , ou fur le pays dont elles
font le produit ,les officiers de la douane du port
donneront leur déciſion li -deſſus , avec la plus
grande expédition pofſible , & le toms (mployé
à cet effet n'excédera , en aucun cas,
l'espace de huitjours , dans les ports où les officiers
ayant la régie principale des droits , font
établis , ni celui de quinze jours dans quelqu'autre
port que ce ſoit . ,
Il eſt fuppofé & entendu , que les marchandiſes
admiſes par le préſent traité font
reſpectivement du crû du ſol , ou de produit des
manufactures des Etats des deux Souverains en
Europe.
Pour obliger les commerçansà être exacts dans
les déclarations requires par le préſent article ,
ainſi que pour prévenir tout doute qui pourroit
s'élever ſur la partie de l'article Xdudit traité ,
qui porte que s'il y a omiffion d'effets dans ladéclaration
fournie par le maître du navire, ils
ne feront pas ſujets à la confiſcation , à moins
qu'il y ait une apparence manifeſte de fraude ,
il eſt entendu que dans un tel cas, leſdits effers
feront conflqués , à moins que des preuves
fatisfaiſantes ne foient données aux officiers
de la douane qu'il n'y avoit aucune intention de
fraude.
Att. III. Pour prévenir l'introduction des
toiles de coton manufacturées dans les Indes
Orientales , ou dans d'autres pays , comme fa
( 164 )
elles l'étoient dans les Etats reſpectifs de
deux Souverains en Europe , il eſt convenu,
que les toiles de coton manufacturées dans
lefdits Etats , pour être exportées de l'un
chez l'autre reſpectivement , auront aux deux
bouts de chaque piece un marque particuliere
, déterminée de concertpar les deux gouvernemens
, tiſſue avec l'étoffe , de laquelle
marque les gouvernemens reſpectifs donneront
avis' neuf mois d'avance aux manufacturiers ; &
ladite marque fera changée de tems en tems,
ſelon que le cas l'exigera. Il eſt auffi convenu
que , juſqu'à ce que ladite précaution puiffe étre
miſe en effet , leſdites toiles de coton expertées
mutuellement , feront accompagnées d'un
certificat des officiers de la douane , ou de
tel autre officier nommé à cet effet , pour atteſter
qu'elles ont été fabriquées dans le pays
qui exporte;& auſſi qu'elles font revêtues
des marques déjà preſcrites dans les pays
reſpectifs, pour diftinguer de telles toiles de celles
qui viennent d'autres pays.
Art. IV. En réglant les droits fur les batiffes
& les linoms , on a entendu que leur largeur
n'excédera point , pour les bariſtes , ſept haitiemes
de verge , meſure d'Angleterre ( environ
trois quarts d'aune de France ) , & pour les linons
, une verge & un quart meſure d'Angletere
(une aune de France ) ; & fi dans la fuire
on en faitd'ane largeur qui excede celles- ci ;
ilspaieront un droit de dix pour cent de leur
valeur.
V. Il est également convenu, que ce qui eſt ſtipulédans
l'article XVIII du traité , ne ſerapas
cenſédéroger aux privileges , réglemens & uſages
déjà érablis dans les villes ou ports des Erats
reſpectifs des deux Souverains : & auffi que ,
ام
(165)
par l'article XXV dudit traité , on n'entend
*point qu'il ait rapport à autre choſe , finon
aux vaiffeaux ſuſpects de porter , en tems de
guerre , aux ennemis de l'une ou de l'autre des
hautes parties contractantes , des articles défendus
, appelés de contrebande ; & ledit article ne
pourra empêcher les viſites des officiersdes douaines
, pour prévenir le commerce illicite des Etats
respectifs .
1
1
VI. L. M. ayant ſtatué par l'art . XLIII dudit
traité , de déterminer la nature & l'étendue des
fonctions des confuls ," & qu'une convention re-
לכ
כי
lative à cet objet , ſeroit faite immédiatement
>> après la fignature du préſent traité , & feroit
cenſée en faire partie , il eſt convenu qu'on
rédigera cette convention ultérieure dans l'efpacededeuxmois
,&qu'en attendant , les conſuls
généraux , les confuls & les vices-confuls,
ſe conformeront aux uſages déjà pratiqués , relativement
au conſulat , dans les Etats reſpectifs
des deux Souverains ; & qu'ils auront tous
lés privileges , droits & immunités que leur qualité
ſuppoſe , &qui ſont donnés aux confuls-généraux
, confuls & vice-confuls de la nation la
plus favoriſée.
VII. Il ſera libre aux ſujets de S. M. Britan
nique de pourſuivre en France leurs débiteurs ,
pour lesrecouvrement de dettes contractées dans
les Etats de ſadite Majesté , ou ailleurs , en Europe
, & d'y intenter action contre eux , en ſe
conformant aux voies de droit uſitées dans le
Royaume : bien entendu que le même uſage
aura lieu pour les François , dans les Etars Européens
de S. M. Britannique.
VIII. Les articles de la préſente convention
feront ratifiés & confirmés par Sa Majefté Britannique,
&par Sa Majesté Très-Chrétienne ,
( 166)
dans un mois , ou plutôt , ſi faire ſe peut , aprè
l'échange des fignatures entre les Plénipotentiaires.
En foi de quoi , nous Miniſtres plénipotentiaires
avons ſigné la préſente convention , &
avons fait appoſer le cachet de nos armes .
Fait à Versailles , le 15 Janvier 1787 .
WM . EDEN (L. S. )
GRAVIER DE VERGENNES . ( L. S. )
On préfume que le Roi ne tardera pas à
nonimer des Confuls pour les différens Ports
de France où notre Commerce ſera plus
conſidérable , tels que Bordeaux , l'Orient ,
la Rochelle , Dunkerque , Nantes . Rouen,
Marseille , & Cette. Des Vices-Confuls réſideront
dans les Ports moins impo.tans; le
Conful général ſera à Paris , à ce qu'on
ajoute , & chaque mois , il recevra des Confuls&
Vice-Confuls l'état des Vaiſſeaux &
des chargemens Anglois, qui ſeront entrés
dans les Ports de leur réſidence.
Les affaires Parlementaires ſont devenues
ſi intéreſſantes depuis huit jours , & ont en
même tems donné lie!! à de ſi longs diſcours,
que nous ſommes réduits pour le momentà
préſenter ſeulement l'hiſtoire rapide & le réſultat
deces diſcuſſions.
Le 2 , les Communes s'étant formées en
grand Comité de ſubſides , il fut arrêté ; 1º .
de lever pour l'année 1787, 18,000 hommes
de mer ,y compris 3,860 foldats de marine.
20. D'affigner , pour l'entretien de chaque
homme pendant l'eſpace de 13 mois une
( 167 )
ſomme qui n'excéderoit pas 4 liv. ſterl. par
mois.
Par des Bills précédens , le Parlement
Lavoit févèrement défendu la diviſion & le
Commerce des Billers de Loterie , dent
* la valeur est trop conſidérable pour tenter
les claſſes inférieures du Peuple ; mais des
Spéculateurs dangereux ont éludé cette dé-
* fen ſe ſi judicieuſe , en offrant des aſſurances
ou des eſpèces de paris , pour de très petites
ſommes , fur le fort de tels ou tels Billets.
Plus d'une fois on a tenté d'arrêter ce jeu
meurtrier , mais les joueurs ont été plus forts
que la Loi , tant il eſt vrai qu'il eſt impoffible
d'arrêter le développement de tous les
abus que doit entraîner néceſſairement une
inſtitution abuſive &pernicieuſe par eſſence,
telle que celle des Loter'es publiques. Le
Gouvernement ne ſachant apparemment
comment remédier à ce déſordre , a pris le
parti de légitimer un certain nombre de ces
Bureaux d'apparence , auxquels on a preſcrit
des conditions , & qui paieront le droit
d'exercer leur induſtrie ſur la crédulité du
Peup'e. Le Bill, à ce ſujet , a paſſé à la troiſieme
lecture , malgré de très-raiſonnables
oppoſitions ; nous en rendrons compte plus
endérail lorſqu'il ſera imprimé.
Les , le Chanceller de l'Echiquier fit , comme
il l'avoir annoncé , une motion pour que
la chambre ſe formât en grand Comité le 13 ,
afin d'examiner la partie du diſcours du Roi ,
relative au traité de navigation &de commerce
( 168 )
corclu entre S. M. B. & le R. T. C. LordGeorg
Cavendish fit ſur le champ une autre motion
pour la convocation généralede la chambre , &
pour que l'on ſubſtituat le 20 au 13 ; certe con
vocation & ce délai lui paroiffant indifpenfables
dans une affaire auſſi importante. M. Fox
foutint qu'il étoit indécent de laiſfer à la cham
bre fi peu de temps pour procéder à des délibé.
rations auſſi importantes. M. Pitt ſoutint le con
traire ; & après de longs débats , la motion de
M. Pitt pafla à la pluralité de 213 voix cons
tre 89 .
Dans le cours des débats, M. Pitt ſe ſervit
d'expreſſions peu meſurées , qui lui attirerent
de vives récriminations. Lord George
Cavendish , digne par ſon âge & par fon
mérite , de toutes fortes d'égards, & à qui le
Miniſtre avoit dit fort durement qu'il fi
trompoit , fitobſerver que la mere de M. Pitt
n'étoit pas encore mariée , que lui , Lord
George, éroit déjà Membre du Parlement,&
qu'il étoit un peu étrange qu'un auſſi jeune
homme voulût lui apprendre à en connoître
les règles. M. Burke alla plus loin , & dit :
«Avoir la précipitation avec laquelle on veut
difcuter le traité , on diroit qu'il ne s'agit que
d'ouvrir une correſpondance entre deux maiſons
de commerce. Le génie du miniſtre eft
trop rétréci pour embraſſer les grands ſyſtemes
des nations. Semblable à un petit boutiquier ,
il ne paroît occupé que du ſoin de procurer autant
de balands à l'enſeigne du Lion qu'à celledes
Fleurs de Lys. Ne lent-il pas que la conſéquence
de l'infraction du traité de Methuen
entraînera indubitablement la prohibition totale
des
( 169 )
Shes marchandiſes angloiſes dans le Portugal ?
Pouvoit- il aſſurer que les négocians & les fa-
Oricans de la Grande-Bretagne , étoient ſuffiamment
inſtruits de l'état de leur commerce
avec le Portugal ,dans le cas où le traité avec
Ja France auroit lieu ? Pourquoi n'écoutoit . il
point la voix du peuple fur ce ſujet , avec autant
d'attention qu'il l'avoit écoutée , lorſque
ce même peup'e lui avoit préſenté des adreſſes
fur ſon acceſſion au miniſtere ? L'honorable
membre , par le ſecours d'une petite échelle ,
étoit parvenu à grimper par derriere fur les
trétaux d'où , en vrai charlatan , il diftribuoit
Iſon baume , entouré de ſes paillaſſes qui le ſecondoient
de leur mieux. Il étoit malheureux que
les farces qu'ils donnoient , fuſſent remplies d'in
jures ſans raiſonnemens & fans ſel , qui n'amufoient
point ceux qui l'entendoient , & feroient
infiniment moins amuſantes pour la poſtérité
, &c . &c.
.
M. Pitt répliqua qu'accoutumé aux groffieretés
ordinaires de l'Honorable Membre ,
il les recevoit avec autant de pitié que de
mépris ; parole qui entraîna de nouveaux
farcafmes non-moins injurieux.
Le 7 , la Chambre procéda à l'examen de
l'accuſation portée contre M. Hastings , au
ſujet des Begums ou Princeſſes d'Oude. II
s'agiſſoit de ſavoir s'il avoit injuſtement ou
non, opprimé cette Douairiere de Sujah-
Dowla, ravi fon douaire , ſes tréſors , armé
lefils contre la mere , malgré la teneur d'un
Traité dont la Compagnie étoit garante ;
malgré les loix de la nature , de la juſtice ,
&du droit des gens. M. Sheridan ouvrit le
N°. 8 , 24 Février 1787. a
( 170 )
débat & en décida l'iſſue , en quelque for
à toice ouverte , par un D.fcours de cing
heures , qui ne ralientit pas un inſtant Fa
tention & l'intérêt des Auditeurs , &qui,
par ſes mouvemens ainſi que par ſes ſucces,
a rappellé , fans éxagération , les effers de
Teloquence populaire dans les anciennesRe
publiques. Cette harangue véhémente a enlevé
les applaudiſſemens de tous les Partis.
Nous en ferons connoître les morceaux les
plus remarquables , lorſque nous l'aurons
entiere; ce ſeroit faire injure à l'Oraten
de rapporter les extraits de ſon difcours inférésdans
les Papiers publics. Nous nous
bornons aujourd'hui à l'énoncé du fait en
queſtion , tel que le préſenta M. Sheridan.
En 1776 , les beſoins du Nabab , Vifir d'Oude,
l'avoient engagé à demander un ſubſide à ſa mère.
Celle ci lui accorda une certaine ſomme , & il
renonça à toutes ſes prétentions ultérieures. M.
Haftings ſe rendit garant de cette convention,
qu'il a depuis violée , ſans y être autorisé par la
moindre provocation , en infinuant au Nabab de
s'emparer des tréſors de ſa mère pour la liquidation
des ſommes qu'elle devoit à la Compagnie,
ou plutôt , de l'arrêter elle-même. M. Haftings
a prétendu que les Loix Muſulmanes donnoient
au Nabab le droit de s'approprier ces tréſors ;
mais ſes allégations font frivoles & fauffes ; mais
on ſuppoſant même que le Nabab cût eu dans
l'origine un pareil droit , il ne pouvoit plus l'exercer
, après y avoir renoncé d'une maniere auſſi
folemnelle. M. Hastings a accuſé auſſi les Bégums
d'avoir troublé le Gouvernement du Nabab , de
s'être oppoſés , à main armée , à la repriſe des
( 171 )
:
Jaghires , ( terres ſervantde douaire. ) & d'avoir
fomenté la rébellion dans ſes Etats , avant qu'on
* ſe fût permis la confiſcation des tréſors. Ces faits
ſont deſtitués de fondemens. »
: Ce Diſcours fit une telle impreſſion ,
qu'il ôra preſque la parole aux défenſeurs
de M. Hastings , ou du moins , empêcha
d'écouter leurs argumens ; M. Pitt entraîné
par le ſentiment de droiture qui le
caractériſe , & peut-être un peu par la politique
, propoſa un ajournement au lendemain;
ajournement que néceffitoient la
duréedu diſcours de M. Sheridan ,& le défordre
où il avoit mis les eſprits. Le 8 , la
motion fut repriſe , & plaidée pour ou contre
par divers Membres. M. Pitt parla avec
autant de ſageſſe que de ſincérité ; il prouva
qu'on groſſiſſoit injuſtement les reproches à
faire à l'ex-Gouverneur Général duBengale;
mais qu'il ne pouvoit échapper à la cenſure
que méritoit une partie de ſa conduite publique
dans cette affaire. Nous reviendrons
à fon difcours & à quelques autres ; en
nous contentant de dire ici , que le Miniſtre
vota pour la motion de M. Sheridan , &
qu'à la pluralité de 175 voix contre 63 , il
fut décidé que les Charges relatives à la conduite
de M. Hastings envers les Princeſſes
d'Oude , contiennent des chefs d'accusations
hautement criminels contre ledit Waren Haftings.
Ce célebre Gouverneur eſt donc aujourd'hui
, fans retour , dans les liens de l'imh
( 172 )
peachment ; fon procès lui ſera fait par la
Chambre-Haute , qui décidera , commeJuge
&fur une procédure attentive , ce qu'à préfumé
la Chambre des Communes d'après
l'eloquence de quelques Orateurs.
و
Cet événement donne lieu à une réflexion.
Parmi les nombreuſes accufations dontM.
Haſtings eſt l'objet , il n'en eſt pas une qui
Pinculpe de péculat , ni de ſpoliarions , ni
dericheſſes injuſtement acquiſes. Des Commis
font revenus de l'Inde plus opulens
que lui ; & quoiqu'évidemment entachés
des plus horribles exactions , perſonne n'a
fongé à leur intenter un procès. Nous
avons vu lord Clive , le Chevalier Rum
bold , & d'autre accuſés des crimes , des
malverſations , des pillages les mieux prouvés
, en horreur même à l'Inde entière , traduits
pardevant la Chambre des Communes
, & abfous . Il eſt donc bien étrange que
ſa ſé érité tardive s'exerce aujourd'hui fur
un homme, auquel elle n'a d'autre reproche
àfaire, que d'avoir trop bien ſervi l'Etat par
des mesures politiques , injuſtes peut-être ,
violentes même ; mais qui , en aucune mamière,
n'avoient l'intérêt perſonnel du coupable
pour objer.
Le plus impartial , le plus incorruptible ,
Jepatriote le plus vertueux & l'un des plus
éclairés de la Chambre Baſſe , M. Dempſter,
préienta cette conſidération avec une can-
Sour qui auroit fûrement ramené la Cham(
173 )
bre, ſi elle n'eût été frappée d'un ſentiment
tellement exalté , qu'il empêcha de parler ,
vers la fin de la ſéance , divers Membres
encore de fang froid.
>>> Lorſque le Gouvernement , dit M.
>>>Dempster , a accordé à la Compagnie des
>>>Indes le pouvoir de régir ſes domaines
>>dans l'Inde , il l'a autoriſée à y envoyer des
>> Gouverneurs , dont la premiere inſtruc-
>> tion eſt de défendre cet Empire , par tous
>>>les moyens que la néceſſiré peut juſtifier.
Jusqu'à ce qu'on prouve que les actions
>> de ces Gouverneurs ont été dirigéesparun
>>principe de corruption perſonnelle , il faut
>> être circonfpect à les accuſer de ce qu'ils
>>ont faituniquementpour ſervir leursCom-
>> mettans : il ne faut pas s'imaginer qu'on
>>>puilſe en Angleterre examiner &juger lai-
22 nement la conduite de ces Gouverneurs
22 dans l'Inde , comme nous jugeons celle
>> de nos Miniſtres. D'ailleurs , s'éleve- t-il
>>une ſeule voix de l'Inde contre M. Hal-
>> tings ? Où font les plaintes de cette con-
>> trée , qu'on prétend avoir été foulée par
>> fes oppreſſions ?
1
M. Haſtings peut fans doute paroître répréhenſible
aux yeux des Etrangers , des
particuliers même ; mais il eſt affez extraordinaire
qu'une nation ufurpatrice
d'une partie de l'Indoftan , veuille mêler les
regles de la morate à celles d'une adminiftration
forcée , injufte & violente par eſſen-
,
h3
( 174 )
ce, & à laquelle il faudroit renoncer àjamais
pour être conféquent.
Quoi qu'il en ſoit , ce n'eſt pas un événement
ordinaire que celui d'un pareil procès
fait contre le feul Anglois qui , dans laderniere
guerre , ait ſauvé les poffeffions commiſes
à ſes ſoins, & attaquées de toutes parts.
Une dette accrue de 100 millions ſterlings
n'avoit conſervé à l'Angleterre , ni l'Amé
rique , ni quelques-unes de ſes Ifles , ni le
Sénégal , ni Minorque. Dans l'Inde , elle
avoit à combattre les François , les Hollandois
, les Marates , Hyder-Aly , &d'autres ;
& la récompenſe de celui dont le zele , l'activité&
le courage rendirent inutile cette
combinaiſon de dangers, eſt un impeachment.
Onprétend , &ce n'eſt pas ſans quelques
fondemens , que M. Hastings s'étoit vu
maître de ſe faire Empereur du Mogol.
Voilà une étrange viciffitude de deſtinées ;
& cela pour avoir eu dans le Conſeil de
Bengale un ennemi mortel , qu'il fut obligé
de faire rappeller , & à qui ſa place dans
1Oppofition a facilité le ſuccès de ſa vangeance.
Hit 12 , la Chambre s'eſt formée en comité
, pour s'occuper du Traité de commerce
, & après des débat fort chauds , que
nous rappo sterons dans le Journal prochain ,
la motion dau Miniſtre , en faveur de l'approbation
à clonner à ceTraité , a paſſé à la
( 175)
majorité de 132 voix ; 248 ayant voté pour,
& 116 contre.
On ſuppoſe que les différentes Manufactures
de la Grande Bretagne emploient cinq millions
d'habitans. Un Anglois , qui a écrit depuis peu
fur le Traité de Commerce , a fait monter la
valeur actuelle des différentes Manufactures de
ce Royaume , à la ſomme de 51,410,000 liv. &
il en a donné le tableau ſuivant.
Les draps
Le cuir
Le lin
Le chanvre
Le verre
Le papier
La porcelaine
La ſoie
Le coton
Le plomb
L'étain
Le fer
L'acier laminé
1
FRANCE.
16,500,000
10,500,000
1,750,000
৪০০,০০০
630,000
780,000
1,000,000
3,350,000
960,000
1,650,000
1,000,000
8,700,000
3,400,000
De Versailles , le 12 Février.
1
Le Roi , la Reine & la Famille Royale ,
ont ſigné , le 2 de ce mois , le contrat de
mariage du Marquis de Sinetty , premier
Maître-d'Hôtel de Monfieur , Meſtre de-
Camp en ſecond du Régiment d'Angoumois
, Infanterie , avec demoiselle de Brancas,
Le Prince de Carency , le Marquis de
h4
( 176 )
Chabannes & le Chevalier d'Abzac , quí ,
précédemment , avoient eu l'honneur d'être
prelentés an Roi , ont eu , le 7 de ce mois ,
celui de monter dans les voitures de S. M.
&de la ſuivre à la chaſſe.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Pamiers,
l'Abbé d'Agoult , Grand-Vicaire de Pontoiſe
,& à l'Abbaye réguliere de Beaucaire,
Ordre de S. Benoît , dioceſe d'Arles , la
Dame d'Urre , Religieuſe à Caromb , dioceſede
Carpentras.
Le ſieur Lagrange , Libraire , a eu l'honneur
de préſenter au Roi les deux premiers
volumes de la Collection des meilleurs ouvrages
françois , compoſés par des femmes ,
par la demoiſelle de Keralio, ouvrage que
S. M. a honoré de ta ſouſcription (*).
Leurs Majestés & la Famille Royale ont
ſigné , le 11 de ce mois, le contrat de mariage
du Marquis de Guillaumanches du
Bofcage , avec demoiselle de Loftanges ;
celui du Comte Charles de Juigné , Capitaine
au Régiment de Berry , Cavalerie ,
avec demoiselle du Floquet de Réals , &
celuidu Comte Alexandre le Sénéchal-Carcado,
avec demoiselle de Saulx Tavannes.
Le même jour , la Marquise des Deux-
Ponts & la Comteſſe de Nonant , ont eu
Thonneur d'être préſentées à Leurs Majestés
&àla Famille Royale , la premiere par la
(*) Ils se trouvent chez l'Auteur , rue de Grammont
, nº. 17 , & chez le ſieur Lagrange , au PelaisRoyal
, nº. 123 .
( 177 )
Vicomteſſe des Deux-Ponts , Dame pour
accompagner MadameElifabethde France,
&la ſeconde par la Marquise de Piercourt.
Le Roi a nommé Miniſtre & Secrétaire
d'Etat , au département des Affaires étrangeres
, le Comte de Montmorin , Commandant
en Chef pour Sa Majesté , en Bretagne.
Il a eu , le 14, Thonneur de faire fes
remerciemens au Roi, lui étant préſenté par
le Baron de Breteüil , Miniſtre & Secrétaire
d'Etat, auquel le Roi a confié le détail des
Provinces qu'avoit le feu Comte de Vergennes.
Aujourd'hui , le Comte de Montmorin ,
Miniſtre d'Etat , a prêté ferment entre les
ma'ns du Roi , pour la Charge de Secrétaire
d'Etat des Affaires Etrangeres.
Le ComteJoſeph de Montaur, le Vicomte
de Clermont-Tonnerre , & le Chevalier de
Maulevrier Colbert , qui avoient eu l'honneur
d'être préſentés au Roi , ont eu , lers
de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majesté , &de la ſuivre à la chaſſe.
: Le ſieur Blie a eu l'honneur de préſenter
à Sa Majesté la 3º. livraiſon des Portraits
des Grands-Hommes , Femmes illuftres , &
ſujets mémorables , gravés & imprimés en
couleur , dédiés au Roi (*).
e
(*) Cet ouvrage fe trouve chez le fieur Blin
Imprimeur en Taille-douce , place Maubert , nº. 175
le prix de chaque livraiſon eſt de 8 liv. four Paris ,
&de 9 , franc de port , par la Pofte .
( 178 )
De Paris , le 22 Févriers
Dans la nuit du 12 au 13 de ce mois, eſt
mort à Verſailles , dans la 68 °. année de ſon
âge, CharlesGravier, Comte de Vergennes ,
Commandeurde l'Ordre duS. Efprit , Conſeiller
d'Etat ordinaire , Chef du Confeil
Royal des Finances , Miniſtre & Secrétaire
d'Etat , ayant le département des Affaires
étrangeres. Ce Miniſtre qui avoit été ſucceſſivement
Ambaſſadeur à Conſtantinople
&en Suede , qui avoit ſu conſerver depuis
dix ans la confiance de S. M. , & durant
l'adminiſtration duquel il s'eſt paffé en Europe
des événemens ſi mémorables , a été
enſeveli à Verſailles. Il eſt remplacé dans le
Miniſtere des Affaires étrangeres par M. le
Comte de Montmorin , ci devant Ambaſſadeur
du Roi à la Cour d'Eſpagne , Chevalier
des Ordres du S. Efprit& de laToifon
d'or , & Commandant de la Bretagne.
>>>On ſe rappelle que le projet d'amener
>>>la riviere d'Yvette à Paris , a été ſoumis à
>> l'examen & au rapport d'une Commiffion
>> qui doit juger de l'utilité des moyens
>> d'exécution de ce projet. Cependant M.
>> de Fer , Ingénieur , ayant obtenu la per-
>>m fionde tracer le canal de communica-
>> tion de cette riviere , dans l'étendue de s
>>>mille toiſes , depuis la priſe d'eau juſques
>> au réſervoir de la fontaine d'Arcueil , il a
>> formé une rigole un peu plus profonde ,
( 179 )
>> à l'aide de laquelle il a conduit 24pouces
>>> d'eau de l'Yvette , dans le bailin d'Arcueil
>> L'eau y est arrivée le 3 de ce mois à midi .
>> de forte que ſi des inconvéniens particu
>> liers ne s'oppoſent pas à la conduite de
>> ces eaux fur les carrieres qui bordent cette
>> Capitale , dans toute la partie du midi , la
>>> facilité de cette opération paroît démon-
>> trée par le ſuccès de l'eſſai de M. de Fer.
Le 3 de ce mois , 45 perſonnes , dont 42 femmes
ou filles , étant dans une barque ſur laMeuſe,
au village de Sacey , entre Stenay & Dun-le- Roy ,
ont été fubmergées. Le Pontonnier & fon fils ſe
ſont ſauvés à l'aidede la corde. Les ſecours n'ont
pu être portés promptement à ces infortunés ,
on ignoroit l'uſage des machines fumigatoires.
Un étranger , paſlant en pofte , en ayant demandé
une , perſonne n'a pu lui répondre . Il eſt remonté
dans la voiture , les larmes aux yeux , en
diſant que les corps relevés n'étoient qu'aſphixiés,
& qu'avec la fumée de tabac en les retireroit de
cet état.
Nous ſommes priés de rendre public
l'extrait ſuivant d'une lettre de M. le Baron
de Dietrich à M. de la Madelaine , Intendant
des finances de Mgr. Comte d'Artois.
Dans l'Extrait de l'article III du rapport que
j'ai fait ſur l'état actuel de la Manufacture d'acier
de MM. Sanche & Compagnie , j'ai déſigné pluſieurs
défauts reconnus dans quatre barres de fer
du Berry , & j'ai ajouté que ces défauts juſtifioient
la répugnance que M. Sanche témoignoit à employer
ces fers , du moins juſqu'à ce que les Maî
tres de forges du Berry priſſent ſoin de lui en
fournir de mieux fabriqués.
h6
( 180 )
Par-là, je n'ai pas voulu dire généralement
que les fers du Berry fuſſent mal fabriqués ; je
fais que la matiere de ces fers y eſt fortbonne;
je fais que les forges du Berry ont une célé
brité méritée ; mais j'obſerve que c'eſt précifement
à la réputation dont elles jouiffent , qu'il
faut attribuer les défauts de la fabrication . Jobſerve
que dans pluſieurs forges du Berry on fabriqueroit
les fers avec plus d'attention , fi l'on
étoit moins sûr de la promptitude deleur débit.
La maniere même la plus commune de fabriquer
le fer du Berry nuit à ſa perfection ; il ſe converzit
preſque tout en feuillard à la fenderie ; il arrive
delà qu'il eſt ſouvent négligé à l'affinerie &
àla chaufferie. Les Marchands même font ordinairement
ſi preſſés , qu'ils ne laiſſent pas le
zemps de l'affiner convenablement.
J'avoue que ces reproches, très - fondés , deviendroient
injuftes , fi je les adreſſois généralement
à tous les Maîtres de forges de cette Pro
vince.
Pluſieurs de ces forges ſont dans le cas d'une
exception flatteuſe ; on doit principalement dif
tinguer celles de Clavieres.
Je faifis , avec beaucoup de plaifir , cette o:-
cafion de rendre justice aux ſoins de M. Grétré
de Champilliers , chargé de leur direction , par
l'Adminiſtration deMgr. Comte d'Artois.
J'ai tout lieu de préſumer, que fi MM. Sanche
répétoient leurs eſſais avec les fers fabriqués ſous
la direction de M. Grétré , ils les trouveroient
très-propres à la converſion en acier poule.
M. Racle, Architecte , connu par ſon zele
&par pluſieurs inventions auſſi utiles qu'in .
génieuſes, vient d'élever à Pont de Vaux en
Breffe , une Manufacture de marbre factice,
( 181 )
appellé Argile- Marbre , qui mérite l'atten
tion du Public.
Deux eſpeces d'Argiles , très-abondantes en
Brefle , fourniſſent à l'Auteur la baſe unique
d'une grande quantité de Marbre varié ; par des
procédés ſimples & des combinaiſons raiſonnées ,
il obtient les haſards heureux des veines du
Marbre ; avec une exécution préciſe & un appareil
par.iculier , il exécute tout ce qui fe fait
en bois , plâtre , pierre & marbre , comme décorations
extérieures & intérieures , cheminées,
vaſes , carrelage ſimple & à compartimens ,
autels , poëles , &c .
Les poëles de cette Manufacture ſont remarquables
, parce qu'ils ſont ſufceptibles de toutes
fortes d'ornemens , qu'ils font ſans joints apparens
& paro.ffent d'une ſeule piece , lorſqu'ils
font montés , quelque ſoit leur volume ; leur
prix eſt le même qu'à Paris , à grandeur & richefſe
d'ornemens ſemblables. Le pied quarré
coûte , à Paris , z liv. Cette matiere , qui lui eft
ſupérieure à tous égards , eſt de 2 à 3 liv. le pied,
ſelon le genre de décoration ; ce qui fera fimplement
biſcuit , ſans vernis , eſt de i liv, 10 f. d'un
genre de beauté &de marbre ſupérieur à toute
piece connue.
Le Propriétaire de cette Manufacture étant Architecte
, fera exécuter toutes fortes de décorations&
ornemens ſur les plans & dimenſions qui
Jui feront communiqués.
On join fra aux expéditions en tout genre un
deſſin de l'objet , avec un Mémoire inſtructif , où
les pieces numérotées ſeront relatées , afin que
tout Ouvrier intelligent puiſſe poſer avec ſoin
les poëles , cheminées , &c. qui lui feront confiés.
Le prixdes cheminées eſt de 60 liv, & au deffus ...
Pour prévenir toutes objections de la part des
(182)
Conſtructeurs, on fera obſerver que François Ier.
né pour les époques remarquables,a fait conf
truire ſon château de Madrid , au bois de Boulogne,
près Paris , en terre cuite , verniffée à l'extérieur
, où , après deux fiécles , on voit la pierre
confumée par le temps , à côté de la faïence , encore
fraîche , comme lorſqu'elle eſt ſortie des
mains de l'Ouvrier.
>> Il ſera expédié du port du Havre , le
>> premier Mars prochain, un Paquebot def-
>>>tiné pour les Ifles Françoiſes ,& un autre
>> le 25 du même mois pour New-Yorck.
>> Les perſonnes qui deſireront paffer fur
>>>ces bâtimens, pourront s'adreſſer à M.
>>>Ruellan, Directeur des Paquebots au Ha-
» vie.
د Alexandre-Louis de Mailly Vicomte de
Mailly, Maréchal-de-camp , Chevalier des Ordres
Royaux & Militaires de Saint-Louis & de Saint-
Lazare , Gouverneur de Mont- Louis , eſt mort ,
àParis, le 22 Janvier.
Henri-Charles-Joſeph d'Amfreville Seigneur
de Boitly , Saint- Laurent , Allainville , la Chapelle
, Brunel & autres lieux , ancien Capitaine au
Régiment de Royal-Etranger , Cavalerie , & Chevalier
de l'Ordre Royal& Militaire de Saint Louis,
eſt mort , le 29 Janvier , en ſon Château de
Boiſſy , près Maintenon , âgé de 74 ans .
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 6,84 , 3 , 52 & 62 .
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 18 Février.
Les Etats d'Overyffel , aſſemblés à De
( 183 )
venter , ont réſolu à la pluralité , d'abolir le
Réglement de Régence de 1675 , & fe font
déchargés du ferment d'obſervation. Une
partie de l'Ordre Equeſtre a proteíté contre
cette réfolut on qu'on a envolée an Stathouder
, en lui demandant fon avis ſur la formation
d'un nouveau Réglement.
Le premier Janvier la ville de Goes , en Zélande,
éprouva une de ces convulfions , qui heureuſement
ne fut que paſſagere.On fait que les
habitansy ſont fort attachés à la maiſon d'Orange.
Le Rédacteur de la Gazette Hollandeite
de Delft , qui , au contraire , s'eſt dévoué tout
entier au patriotiſme , a beaucoup exagéré dans
ſa feuille , la ſédition des habitans de Goes ,
& s'eſt permis contre eux quelques ſarcaſmes.
Le 29 du même mois , ſa Gazette parut à Goer .
Les habitans , très ſcandaliſés de la hardieſſe du
périodiſte , ſe rendirent , ſa feuille à la main
chez le Bourguemaître Van Dort , & lui demanderent
à quoi devoit aboutir une pareille
licence. Le Magiftrat chercha & parvint à calmer
les eſprits , pour ce jour là ; mais le lendemain
, fur les 6 heures du ſoir , la populace
s'aſſembla & commença à témoigner ſa fureur,
en caſſant les vêtres d'un Procureur reconnu
pour patriore . Le Bailli , eſpérant par ſa préfence
appaifer cette ſédition naiſſante , ſe rendit
ſur les lieux , mais les imaginations étoient
montées & ſon éloquence fut fans effet. La
multitude courut à la maison , où s'aſſemblent
ordinairement les patriotes ; on ytrouva la liſte
des perſonnes qui compoſoient cette ſociété. La
populace ſe rendit à leurs maiſons , en enfonça
les portes , en caſſa les fenêtres , enjetta les
meubles dans la rue , & fe porta à tous les ex
( 184 )
cès dont eft capable une aveagle fureur, so
maiſons furent dévastées & faccagées. Les rubans
,les drapeaux Oranges furent arborés dans
tous les coins de la ville, & par tous les habitans.
On a même forcé des patriotes à porter
des cocardes de cette couleur. Le Drapeau du
Corps Franc , & ſes tambours ont été tranſportés
& déposés à l'hôtel de ville. Nous attendons
desnouvelles ultérieures de cette révolte. (Gazette
d'Utrecht , nº. 11. )
La ville de Middelbourg , Capitale de
la province de Zélande , n'eſt pas exempte
des troubles qui commencent à agiter les
autres. Les Patriotes de cette ville, comme
ceux deGoes , ont éprouvé les effets de la
fureur populaire. Heureuſement que les Magiſtrats
, ſentant la néceffité de réprimer ces
exploſions dangereuſes , n'ont rien négligé
pouryparvenir. Ils n'ont pas donné le tems
à la multitude d'exécuter ſes projets de
vengeance; ils ont ſur le champ lancé des
publications , qui défendent, ſous les peines
les plus rigoureuſes , tout acte de violence ,
quelque foit la main qui s'en rende coupable.
Ces menaces publiées à propos ont rallenti
les mécontens , & depuis , la tranquillité
n'a pas été troublée. Gazette d'Utrecht ,
n°. 13 .
La ville de Deventer eſt diviſée en deux
factions également animées ; celle qui s'occupe
aux innovations , murmure hautement
de toutes les réformes qui s'exécutent;
& l'on craint que ſon mécontente(
185 )
ment n'éclate. Les habitans du plat pays
gardent beaucoup moins de ménagement.
Ceux du village de Staphorff , aux environs
de Zwol , en ſont venus aux mains . On
dit qu'il y a eu des coups de fuſil tirés , &
qu'un individu du parti Orange a été tué.
Idem.
Les foldats de la garniſon de la Haye &
les ſemeſtriers ont reçu les défenſes les plus
rigoureuſes , de mettre les pieds dans ſix cabarets
déſignés , dont les hôtes ſont reconnus
partiſans décidés de la faction d'Orange.
Cetre défenſe a pour motifs les diſcours injurieux
que l'on a tenus dans ces lieux publics
contre le Souverain , & les écrits factieux
qu'on y a expolés. Ces cabarets ont
été interdits pour fix femaines. Idem.
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
ra
-Par ordre de la régence du Duché des Deux-
Ponts , l'on vient de publierà Cologne unavis
avec ſignalement , pour ſe ſaiſir de la perſonne
du ſieur Guillaume de Creuzer , ci -devang
Conſeiller-Intime & Préſident de la Chambre
des Finances du Duc de Deux-Ponts. Il avoit
joui de toute la confiance de ſon Maître ; mais
depuis quelque temps on a découvert pluſieurs
malverſations à ſa charge , même dans l'adminiſtration
économique dont il étoit chargé :
On l'accufe auffi aujourd'hui d'avoir appuyé &
favorisé , d'une maniere très-répréhenſible , le
projet de l'échange de la Baviere ; & qu'ayanz
( 186 )
pris ſur lui d'engager enfin le Duc fon Maître
à y donner ſon conſentement , il a employé
des manéges , dont le Duc Maximilien des
Deux-Ponts a informé le Prince , ſon frere.
Quoi qu'il en ſoit , le Duc-Régent , averti
des procédés de ſon Miniſtre , avoit établi une
Commiffion particuliere pour examiner ſa geltion
; & en attendant il lui avoit été enjoint ,
non-ſeulement de ne point paroître à la Cour,
mais auſſi de ne point quitter la ville des Deux-
Ponts : Mais le ſieur de Creuzer n'a pas jugé
à propos d'attendre l'iſſue de ces recherches ; il
a pris la fuite. Dans l'Avis qui a été publié
pour ſe ſaiſir de lui par-tout où il ſetrouveroita
il eſt dit qu'il importe de s'aſſurer de laPer-
>> ſonne de ce fugitif , d'autant plus qu'il exiſte
>> des indices violents , qu'outre une Adminiftration
infidele il's'est ingéré , contre les inten-
» tions de S. A. Séréniſſime , dans des affaires
>> étrangeres à ses fonctions , à quel ſujet il eff
>>Suspect de délits très-graves. » C'est en
Suiſſe que le Sr. de Creuzer s'eſt retiré . ( Gazette
d'Amsterdam. nº. XII.
>> Le Baron de Sparre , Sénateur & Gouver-
> neur de cette réſidence , donna le 2 de ce
>> mois à ſa maiſon de plaiſance , à peu de
diſtance de cette Capitale , près du château
>>>royal de Naga , un grand dîner, auquel plu-
>>> ſieurs perſonnes de rang , ainſi que les Mi-
>> niſtres étrangers avoient été invités. Peu
>>>avant que les convives ſe miſſent à table ,
le Roi y vint à pied de Haga : Sa Majefté
>> ſe mit au nombre des conviés ; & par fon
enjouement , elle contribua beaucoup aux
>> plaiſirs de la fête. Cette ſurpriſe agréable ſe-
>> roit moins digne de remarque , ſijuſqu'à
( 187 )
>> préſent l'étiquette conſtante de la Cour n'a-,
>> voit été , que les Miniſtres étrangers n'étoient
>> jamais admis à la table du Roi , ni à celle
des perſonnes de la famille royale. » (Gazette
de Leyde , nº. X.
לכ
,
Il a été préſenté derniérement aux lor 's Carmarthen
& Sydney , principaux ſecrétaires- d'Etat
de S. M. une pétition fignée par un grand
nombre de perſonnes , qui réſident à Dunkerque
& autres places ſur les côtes de France
qui ſont nées dans la grande-Bretagne , mais
- qui en ſont proſcrites pour avoir fait la contrebande.
Il eſt dit dans cette pétition , que les
perſonnes qui l'ont ſignée ont un defir ardent
de retourner dans leurs pays natal , & d'y ref
ter ; mais qu'elles ne peuvent point jouir de cet
avantage , en conféquence des pourſuites faites
contre elles à l'échiquier. Elles ſupplient le
gouvernement de venir à leur fecours , foit par
un acte ſpécial du Parlement à cet effet. Cette
pétition porte le nombre de ces perſonnes à environ
730 , à autant de femmes , & plus de
2000 enfans, qui réſident actuellementen France,
dans la Flandre & en Hollande . Les ſécretairesd
état ont préſenté cette pétition au conſeil , qui
doit s'aſſembler pour examiner la propriété de
cette meſure , & pour décider ſi en établiſſant
ces perſonnes dans leurs anciens droits , ce'a
ne nuira pas au plan de commerce entre les
deux nations.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 )
Parlement de Provence. Accufé contumax ,
exécuté en effigie , justifié au bout de 29 ans.
Voici un exemple des erreurs dans lesquelles
( 188 )
les préſomptions peuventjetter inévitablement
lajuſtice ; heureuſement , dans cette cauſe, elle
n'a pas eu à gémir ſur la mort irréparable d'un
innocent. La fuité d'un accuſé lui a ſauvé ſes
jours , & peut-être auſſi ſa fuite a-t-elle ſeule
caufé tous les malheurs& épaiſſi les nuages élevés
ſur ſon innocence , que ſa préſence auroit
diffipée , de maniere qu'on ne fait s'il a dû s'applaudir
ou ſe plaindre de ſa fuite qui lui a conſervé
la vie, en même tems qu'elle l'a rendu fufpectàſesJuges.
Donnons les détails de cette caufe
intéreflante. Jeanne-Marie Carlon avoit épouse
Jean Vial , Boulanger de la ville de Vence.
Cette femme , d'une figure agréable &d'un caractere
enjoué , étoit très galante , & aimoit
beaucoup la parure & la depenſe ; Jean Vial ,
fon mari , n'étant pas natif de Vence & n'y
poſſédant aucun bien , libertin & dérangé , n'avoit
aucun crédit , & ne pouvoit fatisfaire les
goûts & les prodigalités de ſa femce. Trois
perſonnes étoient très-affidues dans la maiſon
de Vial. Les nommé Gaspard , Boulanger , fans
grandes reffources ni facultés ,& Gervais Bazalgette,
étranger fans état, fans fortune , entretenoientle
mari dans ſes débauches , & la femme
dans ſes excès. Le troiſieme étoit un fieur
Jourdan , Maçon & Entrepreneur d'ouvrages
publics , en même-tems Procureur-Jurisdictionhel
de la ville de Vence , ayant une fortune audeſſus
de ton état , vivant heureux & tranquille
dans le ſein de ſa famille , aimé de ſes concitoyens
Ce dernieravoit des liaiſons avec le mari
& la femme Vial , leur rendoit ſervice dans
toutes occafions , notamment en leur ſous- louant
une partie de maiton , boutique & chambre ,
que Jourdan tenoit par bail d'an ſieur Calvi.
Vial devoit à Jourdan non-feulement des loyers ,
( 189 )
mais même de l'argent prêté. Vial voyoit d'un
air bien différent les aſſiduités de ces trois particuliers
dans ſa maiſon ; il regardoit Jourdan
comme ſon bienfaiteur & ſon ami ; mais il
étoit fâché d'y voir les nommés Gaspard &
Bazalgette ; & ſouvent même dans les intervalles
de ſageſſe &de bonne conduite que ſes
débauches lui laiſſoient , il avoit marqué à ſa
femme le déplaifir & la répugnance qu'il avoit
de les voir avec elle , ce qui avoit été ſouvent
des occafions de querelles violentes entre le
mori & la femme. Jean Vial diſparut dans les
premiers jours de Février 1783. Sa femme ſuppoſa
d'abord qu'on l'avoit rencontré à quelques
lienes de la ville de Vence , & qu'il avoit dit
qu'il ne reviendroit plus ; elle donna enſuite
d'autres motifs à ſon abſence. Cette tergiverſation
, ſes querelles avec ſon mari , ſa conduite
équivoque & les affiduités des trois particuliers
ci-deſſus nommés , donnerent des ſoupçons . Le 9
mars ſuivant , des enfans que le hatard avoit
conduits auprèsd'une citerne à peu de diſtance
de la ville , y découvrirent un cadavre ; Jourdan
requit tout de ſuite , en qualité de Procureur- Jurifdi&
ionne!,la viſite duJuge & l'accompagna ; le
cadavre étoit dans un état de putréfadion qui
ne permit pas d'abord de le reconnoître. Il n'eſt
pas difficile , dans une petite ville , de s'appercevoir
s'il manque récemment quelqu'un , &
l'on vit bientôt qu'il n'y avoit d'abſent que Jean
Vial. Le Juge ne fit pas la clôture du procès-
verbal , Jourdan voulut ſigner ; refus de la
part du Juge , ſous prétexte qu'il n'étoit pas fini,
&qu'il attendoit le Greffier. Le lendemain Jourdan
rencontra le Procureur fondé d'un des Scigneurs
de Vence , qui lui apprit qu'il alloit être
Tubrogé au Procureur Jurisdictionnel parce que
( 190 )
2
1
:
Tes affiduitésdans la maison de Jean Vial avoient
fait naitre des ſoupçons fâcheux ſur ſon compre;
it finit par lui dire,quoique convaincu de ſon innocence,
qu'il croit devoir lui conſeiller de pren.
dre prudemment la fuite , ſans attendre l'iſſue
de la procédure.-Jourdan hefita d'abord , puis
"ſe conſulta , enfin , tout bien aviſé , attendu le
danger des formes de notre légifſlation criminelle,
il ſe retira pour quelques jours au lieu de
Gatiere , alors ſousla domination duRoi de Sardaigne
; depuis , preſſé par ſes amis , de revenir ,
il revint à Vence ; mais inſtruit , le lendemain
de ſon arrivéé , d'un décret de priſe-de-corps
lancé contre lui , il retourna au même endroit,
yattendre la fin de la procédure criminelle. De
tous les témoins entendus , aucun ne le chargea ,
il reſta ſeulement quelques nuages ſur ſon
compte. Les Juges locaux , par leur Sentence
du 2 mai 1786 , le mirent hors de Cour & de
procès , & le même Jugement déclara Jeanne-
Marie Carlon , femme Viat , Jacques-Gervais
Bazalgette , priſonniers , & Gaspard, contumax ,
arteints & convaincus de Paflaffinat de Vial , &
les condamna au dernier ſupplice.-Ces prifonniers
furent tranſportés à Aix , où le Parlement,
par ſon Arrêt du 29 du même mois de
mai , réforma la Sentence à l'égard du fieur
Jourdan & le condamna à mort , de même que les
trois autres accuſés , quoique les conclufions de
M. le Procureur-Général fuſſent en ſa faveur,
L'Arrêt a été exécuté en perſonne vis-à-vis des
deux priſonniers , & en effigie vis à- vis des deux
contemax Jourdan & Gaspard. -Le voile que
l'Arrêt venoit de jetter ſur l'innocence de Jourdan
fut bientôt déchiré par la déclaration des
deux priſonniers qui , allant au fupplice , affurerent
que Jourdan n'avoit participé ni directe(
191 )
ment , ni indirectement à l'aſſaffinat de Jean
Vial , & qu'il n'en avoit rien ſu , ni avant ni depuisle
crime commis . Arrêt du premier Juin qui
ordonna que ces deux déclarations feroientjointes
à la procédute. Le malheureux Jourdan n'apprit
que ſon Arrêt , & non les déclarations faites
parles coupables de ſa parfaite innocence; il
erra de contrée en contrée pendant quelques années
, avec un fils lors âgé de Is ans , qui ſe fixa
en Eſpagne , où il fut accueilli dans une maiſon
de commercedont il devint un des principaux
aſſociés. Ce fils vertueux & ſenſible ne perdit
point le ſouvenir de ſon pere & de ſes malheurs
. Le defir de ſecourir ſa vieilleſſe ,
l'amour de ſa patrie , toujours chere à un Fran- *
çois, lui inſpiroient le deſſein de revenir en
en France ; mais il defiroit d'y revenir avec ſon
pere : & tâcher d'obtenir ſa juſtification. Plein
de cette idée , il écrivit , il queſtionna , il s'informa
, & il eut le bonheur d'apprendre les déclarations
des deux coupables de l'aſſaſſinat de
Vial , qui établiſſoient parfaitement l'innocence
de ſon pere , alors plein d'eſpérance de parvenir
à faire réhabiliter ſon pere dans ſon honneur ;
affaires , commerce , amis , intérêts , tout eſt oublié
; il vole vers ſon pere , lui apprend cette
nouvelle , & le conjure de venir ſe préſenter à
ſes Juges. » Sila rigueur des formes , lui dicit ,
> & l'importance de l'accuſation vous ſoumettent
à une détention momentanée , & à une
>> ſuite de procédure fatigante, j'en partagerai le
>> poids avec vous. Pourquoi l'ordre judiciaire
ne me permet-il pas de le ſupporter tout
* ſeul ? >> A ces mots le pere ſe jette dans ſes
bras & s'abandonne à lui. Le fils ſoutient les pas
chancelans de ſon pere , & l'amene à Aix aux
( 192 )
piedsde la Juſtice. Tandis que Jourdan pere eſt
dans les fers ; ſon fils réunit quatre défenſeurs
éclairés auxquels il remet la cauſede ſon pere
&leſoinde la juſtification . Ils l'ont établie d'une
manierepéremptoire .-Il y avoit indépendam.
mentde ſajuſtification,une queſtion de preſcription
à traiter , ſavoir fi le ſieur Jourdan étoit
encore à tems pour ſe préſenter& obtenir ſon
abſolution. Tout crime ſe preſcrit ordinairement
par vingt ans , & il eſt de principe que
la preſcriprion une fois acquiſe , l'accuſé ne peut
plus ſe faire abſoudre , par cela ſeul qu'il ne
peut être condamné ; mais la réponſe àce principegénéral
eſt que la preſcription de 20 ans eft
•portée à 30 ans lorſque l'Arrêt , Sentence ou Jugementdecontumace
a été exécuté en effigie ; la
raiſon de cette différence eſt que l'exécution par
effigie opere une prononciation légale du Jugement
de l'accuſé. Cette maxime eſt conftamment
ſuivie dans tous les Tribunaux . L'exécution
figurative del' Arrêt prorogeant la preſcripzion
à 30 ans , il s'enſuivoit que le ſieur Jourdan
, condamné & exécuté par effigie , il y avoit
29 ans , étoit encore à tems pour ſe préſenter ,&
c'eſt ce qui a été jugé par l'Arrêt du Parlement
d'Aix , du 29 mai 1782 , qui a déchargé le fieur
Jourdan de l'accuſation contre lui intentée ,avec
impreffion&affiche de l'Arrêt.
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; lesPièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts; les Spectacles;
les Causes Célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces; la Notice des Édits ,
Arrêts; lesAvis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 6 JANVIER 1787 .
APARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou;
rue des Poitevins , No. 17.
Avec Approbation & Brevet du Roi.
A
ib.
49
TABLE
Du mois de Décembre 1786.
PIÈCESFUGITIVES.
AMadame ... ; 3
| Sonne raisonnable & fenfi.
ble
67
Le Moqueur moque , Anec- Nouveaux Synonymes Fran-
4 fois ICO
Misanthropie , traduite du Pensées Philosophiquesfur la
dote,
GrecdeMenandre,
Acrostiches ,
Vers àMme Belli... ,
Impromptu à Mlle Denison, Tableau des Révolutions de la
Nature, 119
6 Elémens d'Histoire Naturelte
&de Chimie , 118
٢٥ Littérature ansienne & mo-
Chanson, ib. derne, 152
Morceau fur les Serres chau- Theatre Moral, 170
des, 97HistoiredeProvence, 202
M. d'A*** à Mme d'His- Discours de M. le Comte de la
que . 145
Tourailles, 211
Romance, 147 Cécile , fille d'Achmet III,
Réponse à la queſtion , 148 Empereur des Tures , 216
Epitre àM. Balze, 193 Tableau du travail fait par
AMlle Warefoot, 199
Charades , Enigmes& Logoles
Rédacteurs & Cooperateurs
du Mercure , 219
gryphes , 77,, 62 , 98 , 150 ,
Variétés , 34 , 38 , 70 , 120
SPECTACLES .
Concert Spirituel , 179
200
NOUVELLES LITTÉR. Acad. Royale de Mufiq. 39 .
Satyres,parM. Cle*** 9
Traitéfur les propriétés & les
72 , 125 , 186
Comédie Italienne , 83,134 ,
181
26 Annonces & Notices , 44 91 ,
544 138 , 186 , 237
effetsdu Café ,
Voyages dans les Alpes ,
Les Loisirs d'une jeune Per
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
* delaHarpe , près S. Come.
Comphsets
7-
2410009
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 6 JANVIER 17879
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A un de mes Amis , qui a fait de
mauvais Vers.
ARTISAN de mauvaiſes rimes,
Je verrai toujours dans tes vers
Des fadeurs que tu crois ſublimos,
Ta raiſon tournée à l'envers ,
Le ſens coupédans la céſure ,
Unbon vers, mais fans compagnon ,
Des chevilles pour la meſure ,
Un ſtyle du plus mauvais ton ,
Chaque vers offrant un emblême,
La rime arrivant au galop ,
Le raiſon s'échappant de même.
Pard onne fi j'en ai dit top ;
A
MERCURE
Mais , crois-moi , prenons ſans ſcrupule
Tous les deux ce qui nous convient ,
Toi , ta grammaire & ta férule , *
Moi , le fuſeau qui m'appartient.
(ParMmeB..... à Nevers.)
LE LOIR , Fable.
UN Loir faifoit ſa réſidence
Dans ungrenier abandonné ,
Où l'animal infortuné
Dépériſſoit par l'abſtinence ;
Mais en dépôt l'ony mit du froment
Etle reclus ſe vit dans l'abondance ;
Alors Souris& Rats vinrent joyeuſement
Prendre part à ſon opulence
Et le féliciter ſur ſamagnificence,
En peu de temps le voilà frais, diſpos ,
Se pavanant & faiſant le gros dos,
Comme ces parvenus fortis de la pouſſière,
Cependantun beau jour on enleva le grain
Et notre Rat le lendemain
Se retrouva dans la misère,
Onn'a plus d'amis en cecas :
Chacun ſe retire àgrands pas ;
* Il eſt Maître ès-Arts.
DE FRANCE.
Etvoilà ce que fit la troupe mercenaire.
De tous nos vils écornificurs
C'eſt auſſi l'uſage ordinaire:
Perdez votre or , plusde flatteurs.
ร
(ParM. Adhémar, ComtedeMarfane. )
CHANSON
Chantée à Mme DE VALLÉESSEURS ,
par Mile DE VALLÉESSEURS.
Sur l'Air : Jefuis Lindor.
TOUCHANTàpeine au printemps de monâge,
Merveille n'eſt ſi j'ai quelque beauté ;
J'ai les couleurs& la légèreté ,
Nonlesdéfautsdu papillon volage.
LORSQUE ma voix a brillé ſur la ſcène ,
Il faut me voir dans un bal voltiger ;
Là, cent rivaux brûlent de m'engager ,
Tousdans leurs mains voudroient tenir la mienne,
MAMAN inſtruit mon enfance ingénue ,
C'eſt dans ſes bras que ſont nés mes tålens;
Quand je parois ,je me fais mille amans ;
Je n'en ai plus , hélas! dès qu'on l'a vue.
(Par M. de **** , Officier au Regiment
de l'Isle de France. )
A ii)
MERCURE
Sur la Mort de M. BEAUJON.
BIAUJON , HAUJON , par un trait ſeul, eſt aſſez honoré:
Il étoit opulent; le pauvre l'a pleuré.
(ParM. D.. Τ... )
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eſt.Théâtre ; celui
de l'énigme eſt Clef; celui du Legogryphe
eſt Serrure, où l'on trouveferre , rue , ré
rufe.
CHARADE.
VICONQUE eft bas flatteur , eſt toujours mon
premier;
L'innocence ſans fard habite mon dernier ,
Et chaque grande ville a toujours mon entier.
(Par M. le Chevalier de Meude-Monpas.)
DE FRANCE.
7
ÉNIGME.
Je ſuis léger au féminin ,
Je ſuis léger au maſculin ;
Mais léger d'une autre manière
Feme'le , on m'admire & je plais
Quand on voit en moi de beaux traits ;
Quand je ſuis d'un beau caractère ,
Sur-tout d'un caractère égal ;
Quand je ſuis droite & bien réglée ,
Nette , propre , point barbouillée ;
Ma moindre tache eſt un grand mal :
J'ai mon rang , ma place & mes tities ;
J'entre ſouventdans les Chapitres.
J'ai de l'eſprit &du ſavoir ,
Au moinsje devrois en avoir :
J'ai bien des ſooeurs ; mais leur fortune
Et leur mérite eſt différent ;
Une quelquefois en vaut cent ,
Ou mille n'en valent pas une.
(Par M. L. F. , Avocat au Pail, de Lorraine. )
DE
LOGOGRYPHE
E ſept pieds montout
ſe compoſe,
Etje nourris grand & petit.
T
Aiv
8 MERCURE
Hélas ! je ſuis fragile , & fi l'on ne m'emplit,
Je ne vaux rien ou peu de choſe.
On trouve dans mon examen
Cet élément conquis par Charles & Pilatre ,
Et celui qui naguère aux exploits de Suffren
A ſervi de théâtre .
On y rencontre auſſi ce doux nom ſi commun ,
Si rarement au coeur , ſi ſouvent à la bouche
Que l'on prodigue à l'importun
Autant qu'à l'objet qui nous touche ;
De la coquette un titre redouté ;
Un don divin , mais ſujet à diſpute ,
Don refaſé par Deſcarte à la brute ,
Et par l'erreur à l'homme conteſté;
Un poiſſon délicat ; un animal iminonde ;
L'aliment du vieillard ; la raiſon duguerrier ;
Le gagne-pain du batelier ;
Unmélange fangeux de la terre &de l'onde ;
Du Poëte François l'écueil trop dangereux ,
Et l'ornement altier du Prélat faſtueux.
Mais c'eſt en dire affez pour que l'on me devine ,
Sinon, va me chercher , Lecteur , dans ta cuiſine,
( Par M. le V... )
*
DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES.
IDÉESfur lesfecours à donner aux pauvres
Maladesdans les grandes Villes. A Philadelphie,
& fe trouve à Paris, chez Moutard,
Imprimeur- Libraire , rue desMathurins
, hôtel de Cluni.
DEP
EPUIS quelquetemps , dans touteslesparties
de l'Europe , les bous Citoyens, les Écrivains
politiques , les Phyficiens & les Adminiftrateurs
ont plus particulièrement porté
leur attention & leurs foins fur le régime
des Hôpitaux.De nouvelles vues , propofées
&difcutées , ont déjà amené d'heureuſes réformes
,&en préparent de plus grandes. C'eſt
un des progrès de notre ſiècle qu'il eſt juſte
de reconnoître & de louer dans toutes les occaſions.
Le petit Ouvrage que j'annonce en
offre une bien naturelle.C'eſt un des meilleurs
qu'on ait encore publiés fur cet intéreſfant
ſujet.
On ne voit pas que les nations anciennes
ni les nations étrangères à l'Europe ayent
connu l'établiſſement des Hôpitaux. Il paroît
que, chez elles , la conſtitution ſociale & la
bienfaiſance particulière rendoient inutiles
ces hofpices ouverts par la miféricorde puz
1
Av
10 MERCURE
blique. Ce qui paroît certain au moins , c'eft
que leurs établiſſemens , qui avoient le même
objet , n'avoient rien de pareil dans le plan
&l'exécution . Cette inſtitution appartenoit à
une religion qui a particulièrement adopté les
pauvres , qui préſente ſans ceſſe leurs befoins
à la confcience des riches , & dans ſes
menaces & dans fes récompenfes.
Depuis qu'on a beaucoup examiné ces établiſſemens
, on les a vus fons des aſpects bien
divers. Nous en ſommes peut- être trop près
pour bien recevoir les impreſſions qu'ils doivent
laiffer. Tranſportons - les un moment
loin de nous ; donnons- les à juger à ces peuples
qui ne les connoiffent pas ; nous apperceverons
mieux les véritables idées qu'on en
doitprendre.
Je ſuppoſe qu'un Concitoyen de ces peuples,
qui auroit long-temps féjourné parmi
nous , & , ce qui est moins commun & moins
facile , qui y auroit bien obſervé , revenu
dans ſon pays , & choiſiſſant dans les objets
qui ontattiré fon attention, ceux qui tiennent
au bonheurde l'humanité , & qui annoncent
le plus les progrès de la civiliſation , parla
einfi: " L'Europe doit à ſa religion une vertu
• publique qu'on ne voit point ailleurs . Dans
> toutes ſes contrées , &depuis des ſiècles ,
- elle a élevé des aſyles pour les pauvres , les
enfans abandonnés & les infirmes. Par-
>> tout le voyageur eſt frappé de quelque édi-
> fice conſacré par cette touchante infcription.
Cette religion porte la piété pour les
DE FRANCE. 11
> malheureux ,juſqu'à former des ames pour
" la ſamte fonction de les foulager. Ainti, il
» n'y a rien de ſervile dans un foin qui ré-
>> pugne fi fort à notre foibleſle ; des récom-
>> penſes céleſtes en font un fublime dévone-
> ment. Ce font les femmes qu'elle y a ap-
>> pelées , comme pour ſignaler davantage fa
» puiſſance , en triomphant de cette aver-
>> fion plus vive que la nature leur a donnée
>> pour l'aspect des ſouffrances & de la
» & comme pour faire un plus doux préfent
» aux misères humaines , en les confiant à
>> une ſenſibilité plus délicate. Dans pluſieurs
>>villes, la bienfaiſance eft quelquefois obli-
>>gée de refferrer ſes ſecours ; mais dans
>> d'autres , elle les étend en proportion du
ود
mort,
nombre des infortunés. La plus célèbre des
>> Capitales offre dans ce genre un ſpectacle
ود tel qu'il faut l'avoir vu pour s'en former
>> une idée. Elle a un hôpital qui eft comme
>> une ville de refuge pour toutes les infir-
> mités.Vousyvoyez quelquefoisjuſqu'à cinq
ود millemalades.Onne demande ni dequelle
>> religion , ni de quel pays , ni de quel érat
» vous êtes , ſi vous faites le bien ou le mal ,
ود
ود
ſi on vous doit récompenſe ou punition.
Vous êtes pauvre & fouffrant ; vous avez
>> beſoin d'un aſyle & des ſecours d'un art
falutaire. Entrez , prenez place parmi tant
>> de malheureux. Venez repoſer vos douleurs
dans le ſein d'une charité inſpirée
par Dieu même, & attendre avec réſigna-
ود
ود
"
>> tion ce que la Nature vous réſerve. »
Avi
MERCURE
J'entends du milieu de ce peuple s'élever
des cris de bénédiction , & des tranſports
d'admiration s'y meler. " O humanité ! ô pa-
>> triotiſme , qui ne pouvant empêcher l'indigence
, en retranchent au moins les plus
extrêmes malheurs , qui ne permettent pas
ود
ود à des hommes , à des citoyens de reſter
>> privés des premiers beſoins&des derniers
>> ſecours de la vie , pourquoi r'êtes vous
>> pas la loi , la religion de tous les peuples !
>> vous , qui nous gouvernez , ſoyez touchés
d'un ſi noble , d'un ſi ſaint exemple. Nous
fommes auffi expoſés à toutes les détreſſes
de la pauvreré ; mais nous n'avons de refſource
que dans la pitié toujours lente &
foible de ceux qui nous entourent ; autant
ود
ود
ود
ود
دد elle eft douce, quand elle vient ànous, au-
>> tant elle eſt cruelle, quand il faut l'implo-
>> rer. Sauvez- nous de ce dernier malheur ,
ود de cette profonde humiliation. Accordez-
>> nous auffiune maiſon commune , qui ſoit
ود celle de tous ceux qui n'ont pas unaſyle ,
>>>ni pour vivre , ni pour mourir. "
Telle feroit la première impreſſion de ce
peuple fur des inſtitutions que nous regardons
avec indifférence , &dont nous parlons
ſouvent avec murmure.
Mais ces cauſes de nos murmures , un étranger
, quoique de loin , pourroit les appercevoir
avec un peu de réflexion. Suppofons un
Philoſophe parmi ce peuple , ne pourrat'il
pas ſe lever & dire: " O mes concitoyens ,
>> quelle vaine illufion touche vos coeurs !
DE FRANCE.
13
>> quelle admiration inconſidérée vous en-
» traîne ! êtes vous las de vos vertus qui vous
ود rendent inutiles ces établiſſemens ? Puif-
>> que notre patrie n'en a pas encore élevés ,
c'eſt ſans doute que les malheureux n'ont
encore été délaiſſes ni de leurs parens , ni
>> de leurs amis , ni de leurs voiſins , de tous
>>ceux à qui les ſentimens de la Nature &
رد
ود
ود les rapportsde la ſociété impoſoient de les
>> foulager. Voulez-vous ne plus rien faire ,
>> ne plus rien ſentir pour eux? Livrez- les à
" la pitié publique ; elle ſera votre excuſe ,
» & elle fuccombera ſous le fardeau que vous
ود lui laiſſerez. J'ai peu de confiance dans
>> cette vaſte charité, qui n'embraffe toutes
>> les misères que pour ne s'attacher à au-
>> cune , qui les raſſemble , comme fi elles
>> ne pouvoient s'adoucir qu'en préſence les
>> unes des autres. Un grand hôpital ne m'an-
>> nonce que des riches ſans companion , des
>> malheureux fans reſſource, & un gouver-
>> nement qui leur laiſſe tous leurs maux ,
>> content de les défendre de la mort. Mais
>> ne nous trompe pas par de fauſſes appa-
>> rences , toi qui nous vante des uſages
>>étrangers. Ce n'eſt pasaffez de nous annon-
» cer ces lieux de miféricorde ; dis
>> qui s'y paffe ; voyons comment une bienfaiſance
fi étendue remplit ſes promeffes. >>
Homme juſte & ſage » répondroit le
Voyageur , " tu préviens ce que je dois t'ap-
>> prendre. Ces inſtitutions ont un but grand
» & facré ; mais elles n'atteſtent que leur
"
nous ce
/
(
14 MERCURE
» impuiſſance à le remplir. Elles ne font
» bonnes que dans les lieux où la charité pri-
>>vée pourroit les rendre inutiles , où peu de
>> malades font réduits à la charité publique ,
ود
ود
ود
où celle- ci peut réparer les maux de l'extrême
pauvreté , & remplacer un peu les
>> ſoins des affections domeſtiques. Ailleurs ,
les abus s'étendent à proportion de la multiplicité
des ſecours qu'il faut donner.
» Pourrai -je vous dire ce que j'ai vu , ce que
>>j'ai fenti dans le plus conſidérable & le plus
>> triſtement célèbre de ces établiſſemens ?
>> Pourrai-je contrifter vos coeurs , fouiller
» vos imaginations d'un ſpectacle qui ſou-
> lève toute la ſenſibilité ? En parcourant
>> cet édifice , qui , au ſein d'une immenſe
>> capitale , contient quatre mille malades
» qu'ilsinfectent , &dont ils font infectés ,
>> en voyant la pitié qui les reçoit , réduire à
>>devenir barbare dans le traitement qu'elle
>> leur accorde , les entaſſer juſqu'à quatre
- dans un même lit , ne les foigner qu'avec
>> cet ordre néceſſaire dans une vaſte admi-
>> niſtration , & fans cette compaffion , qui
» s'arrête & ſe proportionne à chaque be-
>>ſoin , à chaque douleur , j'ai cru être amené
>> en ce lieu pour recevoir , dans un feul fen-
>> timent , l'impreffion de tous les maux que
> la Nature, dans ſes rigueurs , que la fociété
>>dans ſes déſordres , peuvent accumuler fur
» P'humanité. Aufſi les miférables , pour qui
>> ſeuls peut exiſter un pareil établiſſement ,
>> en ont une frayeur telle que les loix auDE
FRANCE.
15
roient pu en faire une peine très- répri-
>> mante. Ils en redoutent l'air , les ſecours;
ود ils n'y viennent que lorſqu'ils ont perdu ,
> avec tous les moyens de vivre , le courage
>>de mourir. Tout ce que ce ſéjour a de ré-
ود voltant en fait même une humiliation ;
>> quiconque y échappe à la mort , n'en
>> fort qu'avec la crainte du mépris ; & ce-
>> pendant le peuple de cette capitale eſt ſi
>> profondément dénué de reſſources , que
>> ſon affluence dans ce ſéjour est la princi-
>>pale cauſe des dangers , des afflictions qu'il
» y rencontre. Dieux , protecteurs de mon
גנ pays,Dieuxqui vouslaiſſez toucher auxmi-
>> sèreshumaines, rendez-nous toujoursaffez
>> miféricordieux , pour retenir toujours nos
>> pauvres&nos infirmes près de nos fecours
ود &de nos foins ,&pour ne les reléguerja-
> mais dans ces hofpices meurtriers ! »
Ainſi , en honorant les principes ſacrés qui
ont préſidé à ces établiſſemens, en béniffant
les ſeeours que l'humanité ſouffrante en a
reçus, en les contemplant encore avec cette
reconnoiffance& cette confolation qu'ils infpirent
à toute âme ſenſible , on ſent avec
amertume , on voit avec étonnement , qu'ils
pallient les grands maux de la ſociété plutôt
qu'ils ne les carrigent , qu'ils ne réparent les
plus grands défordres que pour en entretenir
la ſource , qu'ils affoibliſſent même les vertus
qui les ont fait naître ,& qui peuvent ſeules
les faire atteindre à l'étendue de leurs objets .
Onn'a pas affez vu que les hôpitaux étoient
16 MERCURE
le plus infuffiſant des remèdes à appliquer
aux misères humaines , qu'ils accuſent la fociété
à meſure qu'ils fe multiplient. Ce n'eſt
pas affez d'ouvrir un azyle au pauvre dans
ſes maladies ; il faut lui affurer des moyens
detravailler ſans s'excéder , d'amafler quelque
choſe au de-là de ſes beſoins journaliers , de
ne pas être réduit à paſſer le temps de ſes
fouffrances comme un être qui ne tient à rien
dans le monde. Conſidérez auſſi que la vertu
publique eſt ſans force , ſi elle n'entretient &
ne dirige les vertus privées; qu'autant ce qui
s'inſpire dans les oeuvres de la bienfaiſance
eft abondant, autant ce qui s'y commande eſt
borné. La nature a mis dans nos âmes des
impreſſions , la ſociété nous place dans des
rapports , qui nous appellent au ſecours des
miférables. Fiez- vous davantage à la compaffion
naturelle , à ces devoirs de convenance
dont il nous eſt ſi aiſe de contracter
l'habitude; ou plutôt accroiſſez en la force
par le beſoin d'y céder , par le cours de l'opinion
, par des diſtinctions que vous y attachérez
. Ne voyez-vous pas que lorſque vous
élevez un hôpital , chacun ſe dégage des liens
de parenté , d'amitié , de confraternité , de
voilinage. On devient dur , parce qu'on paye,
parcequ'on fent moins la voix tendre & impérieuſe
de la pitié , & qu'on croit n'avoir
plus à répondre de rien, méme à ſon propre
cceur. Je ne fais ſi une partie de l'égoïfime
qu'on remarque dans les grandes villes , ne
vient pas de cette ſource. Ne pourroit- on
DE FRANCE. 17
pas auffi foulager les infirmités humaines ,
fans enlever les malheureux à tout ce qu'ils
aiment , à tout ce qui les conſole, ſans les
entaſſer enſemble , tandis que , pour leur
ſanté& leur bonheur , il faudroit les dérober
les uns aux autres ? Ceux qui les ſoignent ,
feront - ils plus empreſſes , plus attentifs ,
lorſqu'ils feront obligés de retirer leur affection,
ne pouvant la partager à tant d'objets;
dene faire que comme un devoir , ce qui demande
toute la vigilance d'un tendre intérêt?
Et combien dedépenſes pour faire aller un
grand établiſſement , qui font perdues pour
l'utilité de ſa deſtination ? Combien d'abus ,
de déſordres s'y introduiſent bientôt & s'y
maintiennent long- temps? Etquelle difficulté
de les détruire, quand ils ont leur excufe dans
une adminiſtration néceſſairement compliquée
?
Telles font les vues que développe , d'une
manière auſſi ingénieuſeque touchante, l'Auteur
de l'Ouvrage que j'annonce ; &, ce qui
eſt encore mieux , d'où il part pour propofer
des remèdes ſimples & faciles à des maux
trop réels. J'aurois peut- être dû n'employer
que ſes idées & ſes paroles. Mais comment
peut-on toucher à la cauſe des infortunés ,
fans y faire entendre ſa foible voix ? Un Écrivain
n'aque ſes penſées à offrir dans le ſoulagement
des misères humaines; il croit acquitter
ſa dette , lorſqu'il en trace le tableau ,
&qu'il y répand les mouvemens & les voeux
de fon âme.
18 MERCURE
L'ouvrage , dont nous allons préſenter les
principales idées,apourbutdes'oppoſerauplan
d'unnouvelHôtel-Dieu,propoſeparM. Poger.
Veut- il donc priver les infirmes & les malades
de tout fecours ? Au contraire , il veut
leur en afſurer de meilleurs & de plus nombreux.
Son plan feroit qu'il n'y eût plus
d'Hôtel-Dieu , au moins qu'il fûr réduit à un
grand hofpice; que les revenus en fuſſent
appliqués au foulagement des pauvres-malades
, ſous la direction de l'adminiſtration
qui régit maintenant cet établiſſement ; que ,
dans chaque Paroiffe , il y eût une fondation
de charité , telle que celle qui ſubſiſte dans
celle de Saint-Roch , deſtinée à pourvoir au
foulagement des pauvres-malades qui ont un
domicile ; qu'il y eût des hofpices,dans chaque
Paroifle, pour les malades fans domicile ; enfin
qu'on autorisât les particuliers à établir des
infirmeries à penfion, ſéparées des hofpices ,
où les Maîtres & les perſonnes charitables
pourroient placer leurs domeſtiques ou des
ouvriers qui les intéreſſeroient.
Ce n'est point du tout faire connoître un
plan, dont toutes les vues font fondées ſur des
obſervations auſſijuſtes qu'utiles,&dont toutes
les idées ſont bien liées , que de s'arrêter à un
ſimple énoncé. Il faut lire cet Ouvrage ,
qui , au mérite d'un grand intérêt , joint
l'avantage d'être très- court. Ce feroit une
forte de crime pour la Nation & pour le ſiècle,
que de pareils objets y fuffent traités fans
obtenir une grande attention , &qu'ils l'ayent
DE FRANCE
19
té avec une ſagacité ſi heureuſe, ſans obtenir
à l'Auteur une reconnoiſſance publique.
Plus ce Journal eſt répandu , plus il doit
particulièrement s'arrêter ſur des Ouvrages
pareils.
Rien de plus juſte &de plus fin en mêmetemps
que les principes d'où part l'Auteur
pour vouloir qu'on commence par ne pas
faire fortir de leurs familles les malades qui
en ont une.
" Il n'eſt pas dans la Nature de demander
>> à autrui ce que l'on peut faire foi -même
" fansun trop grand effort.
>> L'homme ſouffrant commence par ſup-
>> porter ſon mal, & par y apporter de lui-
>> même, avec ſes propres moyens , le ſou-
>> lagement qu'ils peuvent lui procurer.
>>Quand les moyens de foulagement qui
>> dépendent de lui font inſuſtiſans , il ſe
>> plaint; il commence à implorer le ſecours
>> de ſes parens & de ſes amis , & chacun
> d'eux l'aſſiſte par la fuite d'un penchant
>> naturel que la compaſſion met du plus ou
>> moins dans le coeur de tous les hommes.
"
رد Cette aſſiſtance a cependant des bornes;
>> elle eſt limitée par les moyens & par la
volonté de ceux qui la domnent; elle ne
>> peut s'étendre au delà du terme où les
>> ſoins & la fatigue qu'ils prendroient leur
> ſembleroient plus pénibles que la compaf-
>> fion qu'ils reffentent ; ce terme s'élève
>>très haut , quelquefois juſqu'au ſacrifice de
→ la vie chez les coeurs ſenſibles & vivement
20
MERCURE
>> affectionnés ; il a peu de portée chez les
>>indifférens ; mais, ſi l'on pouvoit s'expri-
>> mer ainſi , il préſente toujours une forte
>> d'équation, en raiſon de laquelle l'aſſif
> tance eſt donnée tant qu'elle paroît à
>>l'homme qui s'y dévoue , un moindre far-
>>deau que celui de la compaſſiondont il eſt
» ému.
>>C'eſt ce qui fait que les ſecours de la
>>famille unie par l'amour & par l'amitié
>> ſont toujours les premiers, les plus atten-
>>tifs, les plus énergiques , & ceux dont eſt
>> le plus véritablement ſoulagé l'être ſouf-
>> frant , qui dans l'aſſiſtance qu'il reçoit ,
>> compte pour beaucoup la confolation qu'il
>> éprouve, & a beſoin de trouver une jouiſ
>> ſance morale jointe à un ſervice phyſique...
» Mais quelquefois , & trop ſouvent fans
>> doute, les efforts de la famille ne peuvent
>> ſuffire aux beſoins urgens & multipliés de
> l'individu qui ſouffre. Qu'arrive-t il alors ?
>> La famille à fon tour invoque le ſecours de
>>ſes voiſins. Ceux- ci en donnent , qui de.
>>viennent utiles , qui ſuppléent un peu à
>> l'inſuffifance des premiers, mais qui , offerts
>> avec moins de zèle , & ſuivis avec moins
>> d'intérêt , font loin d'avoir, par leur nature,
>> la même efficacité.
>>C'eſt bien pis quand, au-lieu de l'affif-
>>tance des voiſins, il faut avoir recours à
>>celle du Village, ou de la Paroiſſe , ou de
>>la Municipalité , ou de la Province , ou de
و د
l'État. Plus le ſecours vient de loin, moins
1
DE FRANCE. 21
ود il vaut,&plus il paroît lourd à ceux qui
>> l'accordent.
ود Cet inconvénient ayant ſa ſource dans
>> la conſtitution de l'homme & de la So-
>> ciété, il eſt impoſſible d'y échapper , & il
> en réſulte que, lorſqu'il s'agit de ſoulager
>> l'infortune & la maladie , la Société elle-
ود même, pour exercer une véritable cha-
>> rité, doit s'employer le moins qu'il ſoit
>>poſſible,& faire autant qu'il peut dépendre
>>d'elle , uſage des forces particulières des
familles & des individus.».
Parmi les avantages de cette manière d'adminiſtrer
les ſecours publics , l'Auteur en
fait remarquer un principal , celui de faire
concourir les ſoins de la famille à la guériſon
du malade, & les ſecours du malade au ſoulagement
de la famille elle-même.
" Toutes les fois qu'on ſe rapproche de la
» Nature , les biens ſe cumulent. Lorſqu'on
» s'en éloigne , ils ne ſe font plus qu'aux
»dépens les uns des autres. Un Artiſan , un
» Ouvrier , pères de famille, tombent ma-
>> lades; leur ſalaire , qui faiſoit vivre leur
>> ménage , eſt interrompu. Si on les tranf-
>> porte dans un Hôpital , ils quittent avec
>> une double affliction leur femme & leurs
>> enfans , dont ils regrettent les foins ; leur
" femme & leurs enfans , qu'ils laiſſent ſans
>> pain & réduits à la mendicité.
» Si au contraire on ne les ſépare point ,
>> le père ſoigné & confolé ſera moins long-
>> temps & moins dangereuſement malade;
초고 MERCURE
34 fans la depente que in Chirich devra
e pour y en a me parte qui , fans
Ace Stars matter as tras, peat
samez as proet de tame. Lot bien
* que quelques mange avanie door on
Kata fut da bocillon , & en chauffant
* lathanneil n'en coûte pas plus de chauffer
antil fes enfins. La femme & les enfans
> peuvent donc le trouver Leaves de la mi-
>> sere, fi au-lieu d'envoyer le malade depen-
• fer trente fois par jour dans un Hotel-
> Dieu, on le life, aide de leurs foins , en
> confommer vingt au milieu de ceux qui
> l'aiment,& qui lui font chers. »
Cette forme étendroit les liens de l'amitié
chez le peuple. Ceux même qui n'auroient
> point de familles, ſe verroient ſouvent
> affiftés par un zèle véritable , ou préférable
du moins à celui des infirmiers, ſi ce
• zele étoit aſſuré d'etre foutenu& réchauffé
> par un partage dans la petite penſion jour-
- nalière , & par le droit de conſommer la
viande des bouillons: tout ſentiment naturel
peut étre tourné à bien ,& l'intérêt
> même peut perfectionner les moeurs , s'il
eftmis fur une bonne voie par une intel-
> ligente charité. "
On ne peut ſe refuſer aux raiſons que développe
l'Auteur contre les grands hôpitaux,
& aux avantages qui réſultent de la multiplicité
des hofpices. Il faut les voir dans l'Ouvrage
même. L'Auteur avoit ici un modèle
DE FRANCE.
23
à citer , & il s'eſt plu à rendre un hommage
que tous les coeurs partageront.
« Il faut bénir la dame étrangère qui a
>> profité du crédit dont elle jouiſſoit , & de
ود
la vénération dont elle jouira toujours ,
» pour nous donner l'exemple d'un hoſpice
où les malades , ſoignés avec humanité ,
» meurent moins que dans aucun des autres
>> hôpitaux de la capitale ; & il faut ſouhaiter
» qu'un zèle trop ardent ne conduiſe pas à
>> multiplier les lits de cet hoſpice , de ma-
" nière à en former à ſon tour un grand
>>hôpital. Ses ſuccès tiennent principalement
» à ce que l'entrepriſe eſt bornée. ود
"Moins ces maiſons feront conſidérables,
» &plus il ſera facile à des hommes d'une
» capacité ordinaire, & tels que ceux qu'on
>> trouve à employer , d'y établir & d'y main-
" tenir le bon ordre, les bonnes moeurs ,
>> l'économie & la probité de détail. »
Dans le quatrième chapitre , l'Auteur établit
le projet nouveau d'avoir des infirmeries
àpenfion , qui ſeroient ſous l'inſpection des
Curés& des Dames de la charité de chaque
Paroiffe. Il entre dans des détails qui appuient
-& confirment ſes idées. Nous regrettons de
ne pouvoir ni les abréger, ni en détacher quelque
partie.
Le dernier chapitre eſt un réſumé du plan
de l'Auteur , où il l'établit ſur de nouvelles
preuves ou de nouvelles confidérations.
On jugera de l'eſprit général de cet Ouvrage
par les dernières phrafes ;
/24
MERCURE
در
"
"
"Comment ſommes-nous arrivés à mettre
ſur la voie de ce terme heureux , où , avec
la moindre dépenſe poſſible , on aſſiſtera
leplus grand nombre poſſible de pauvres-
>> malades , en foulageant autant qu'il ſera
>> poſſible leur coeur affligé , & rendant plus
>> efficaces de toutes les manières , les foins
>> auxquels ils ont droit de prétendre ? C'eſt
> en tachant de ne pas laiſſer perdre un des
>>> ſentimens , un des penchans , une des ver-
>> tus , une des paffions, undes intérêts , &
» même une des foibleſſes que l'on pourroit
>> tourner à leur profit. Toute faculté de de-
>> penſer en argent eſt bornée; tout pouvoir
>> phyſique eſt limité. Il n'y a que l'eſprit &
>>>l'âme qui , plus rapprochés , fi l'on peur
> ainſi dire, de la divinité , tiennent d'elle
>> une activité , une puiſſance , une bienfai-
>> ſance preſqu'incommensurables . »
On ne fera pas furpris d'apprendre qu'on
doit cet excellent Mémoire à un Écrivain
qui s'eſt particulièrement voué aux études&
aux travaux d'adminiſtration , qui joint un
eſprit ſupérieur à des connoiſſances immenſes
, dont le zèle infatigable rend les talens
plus utiles , & qui , ayant mérité la confiance
du Gouvernement , aura un jour la
gloire d'avoir ſenſiblement contribué à érendre
les lumières & à préparer beaucoup de
biens , par un grand nombre d'écrits qui ont
tous , comme celui-ci , des objets d'utilité.
publique.
( Cet Article est de M. de La C.)
ZELIE
DE FRANCE.
ZÉLIEdans le Désert , par Mme D***.A
Londres ,& ſe trouve à Paris , chez Belin ,
rue S. Jacques; Deſenne , au Palais Royal,
&Royez , quai des Auguſtins.
UNE femme jeune& belle eſt ſéparée d'un
père & d'un amant qu'elle adore , par une
tempête qui briſe le vaiſſeau ſur lequel ils
s'étoient embarqués pour les Indes ; elle eft
obligée de chercher un aſyle dans les bois , &
de paſſer pluſieurs années dans un endroit inhabité
de l'Iſle de Sumatra. Tel eſt le fond
du Roman que nous annonçons. Nous croirions
diminuer beaucoup le plaiſir de ceux
qui s'emprefleront de le lire , ſi nous leur
parlions en détail des divers événemens qui
le compofent , & qui les intéreſſeront d'autant
plus qu'ils feront moins prévus. Mais
nous ne pouvons nous refuſer à la fatisfaction
de direque le plan de l'Ouvrage deMme
D. eft bien conçu ; les incidens y naiffent néceffairement
les uns des autres ; & l'on s'apperçoit
que les moindres ſont prévus par
l'Auteur dès le commencement de l'Ouvrage,
Mme D. indique ce qui les produit , de manière
cependant que l'illuſion ne ſoit jamais
détruite, & elle les a d'ailleurs fi bien enchaînés
, qu'en en ſupprimant un ſeul , on renverſeroit
tous les autres. Nous infiftons fur
ce mérite, parce qu'il eſt très-rare , & parce
quenous ne voyons que trop de romans uniquement
compofés d'événemens ſi peu lies
Nº. 1 , 6 Janvier 1787 .
B
MERCURE
les uns avec les autres , que l'on pourroit
prendre au hafard telle partie que l'on voudroit
pour le commencement ou la fin de
l'Ouvrage.
Dans la chaîne des événemens qui compaſent
leRoman de Zélie, il en eſt d'heureux;
mais il en eſt auſſi qui attrient l'ame & la
déchirent ; les ſituations les plus fortes y font
peintes avec énergie ; mais comme aucun
des perſonnages introduits par l'Auteur , n'eſt
repréſenté avec un caractère odieux , ils ne
font jamais verſer des larmes amères ; les
ſentimens qu'ils inſpirent ne font mêlés d'aucun
mouvement d'indignation oude haine,&
il ſe répand ſur le récit même des malheurs ,
une teinte de mélancolie tendre qui en adou-
*cit la peinture au point d'y attacher un charme
plus grand peut- être que celui que produit
l'image du bonheur. En n'offrant ainfi
que des caractères aimables, l'Auteur s'eſt inverdit
fans doute une grande ſource de variété
; mais la beauté des ſituations& l'intérêt
qu'inſpirent les principaux perſonnages , le
diſpenſoient d'avoir recours fans celle aux
*contraſtes les plus frappans. D'ailleurs , en
traçant ſes divers caractères , Mme D. a atrache
à chacun une nuance de bonté relative à
l'état , au fexe , à l'âge, à l'éducation , à l'efprit
de ſes perſonnages ; & comme elle a eu
l'art plus grand encore de foutenir ces mêmes
caractères juſqu'à la fin de ſon Roman , les
diverſes nuances qui les diftinguent ne changent
point dans le cours de l'Ouvrage , &ne
a
DE FRANCE.
27
peuvent point par conféqueut ſe rapprocher
affez les unes des autres pour ſe confondre.
Les ſentimens qui animent les perſonnages
ſe développent donc toujours de la manière
laplus conforme à leurs differens caractères ;
&l'on doit compter bien peu de Romans cù
l'on ait repréſenté avec autant de vérité tous
les degrés par leſquels un ſentiment affez
foible dans la naiſſance , devient une paflion
impérieuſe; l'on s'en appercevra fur tout
dans le caractèrede Ninette , la jeune élève
de Zélie.
Ces vertus paiſibles , cette tendre boaté
aſſignées aux divers perſonnages , out influe
fur le ſtyle de l'Auteur; il règne en effet dans
la marche de ſes idées, une forte de douce
tranquillité. Mme D. emploie rarement ces
mouvemens impétueux qui ne conviennent
le plus ſouvent qu'aux pallions extrêmes ; il
ſemble que l'expreſſion des ſentimens qu'elle
2voulu repréſenter , eſt toujours retenue par
une aimable modération; on ſent toujours
une impreſſion de calme , même en voyant
la peinture des orages du coeur ; mais ſi le
Lecteur eft frappé par des traits moins rapides
, ils n'en pénètrent pas moins profondément
; & l'on ſe trouve vivement ému
même long- temps après avoir ceſſé de lire le
Roman.
La diction eſt d'ailleurs pure , élégante &
facile. Mais ce qui caractériſe particulièrement
le R man de Zélie , c'eſt l'eſpèce da
ferme dramatique que l'Auteur lui a très
Bij
28 MERCURE
Couvent donnée ; Mme D. ceſſe de temps en
temps d'employer le ton de la narration ;
elleoffre tout d'un coup une peinture vive ,
tranſporte ſes Lecteurs au lieu de la ſcène ,
les plonge dans l'illuſion par la vérité des tableaux
, & laiſſe parler ſes perſonnages. Les
penſées s'élèvent alors ; l'expreſſion s'anime ;
les ſentimens de ſes interlocuteurs ſe déploient
dans toute leur force , & ils peignent
eux-mêmes avec l'éloquence du coeur , leur
fituation heureuſe ouinfortunée. Malheureu,
fement pour nos Lecteurs , les bornes de cer.
extrait ne nous permettent de citer que les
morceaux fuivans de l'intéreſſant Roman de
Mme D..
ود
" Tour l'équipage étoit encore dans lajoie
que cauſe la découverte de la terre ; nous
arrivions à la hauteur de Sumatra , ſans
» avoir éprouvé aucuns vents contraires. Il
» s'éleva tout-à- coup un violent ouragan qui
>> emporta toutes nos voiles & nos mars,
Qu'onnſſee peigne , s'il eſt poſſible,(ditZélie
>> elle-même ) cet inſtant d'horreur , les cris
de tant de perſonnes épouvantées , le
>>multe, le déſeſpoir , la mort. Ce ſpectacle
affreux n'étoit éclairé que par la foudre qui
» éclatoit ſur nos têtes. Hélas ! je reçus à
peine les derniers adieux de mon père,de
monamant, de mon amie. J'étois évanouie
>> dans leurs bras , lorſqu'une vague terrible
briſa notre vaiſſeau fur la pointe d'un ro- "
cher , & me ſépara d'eux.
J'ai ſouvent cherché ,
tutoujours
en
ה
DE FRANCE. 29
» vain , à me rappeler les circonftances de
>> cet affreux naufrage , où je fus portée pref-
ود que ſans vie ſur ce fatal rocher. Je m'y
>> trouvai comme ſortant d'un ſonge. Je fixai
>> d'abord les objets fans les diftinguer , mal-
>> gré la clarté du jour; mais peu-à- peu je
» repris mes ſens , &je vis toute l'horreur
> de ma ſituation. Le péril que j'avois évité
>> me parut préférable à celui auquel je me
>> trouvois expoſee. J'enviai le fort de mes
>> amis que la tempête avoit enſevelis ſous
ود les eaux.Un inſtant après,je frémitloisdu
>>> genre de mort que je les avois vus prêts à
>> fubir. J'entendois retentit au fondde mou
>> coeur, la voix triſte & plaintive de M. d'Er-
>> mancourt , qui ſouffroit plus de mes maux
>> que des ſiens. Je le voyois encore , tâchant
>> de me raſſurer ſur un danger qui lui pa-
>>roiſſoit inévitable, mais qu'il auroit voulu
>>>mecacherjuſqu'au dernier moment. Hélas!
>> je le voyois comme lui,ce fatal inſtant qui
>> devoit nous ſéparer; mais je ne prévoyois
ود pas que le deſtin me réſervoit encore des
>> maux plus cruels, en me conſervant une
>> vie inſupportable , que l'abandon où je me
> trouvois me portoit à abréger pour me
>> réunir à mes amis .
>> Mes triſtes réflexions m'arrachèrent les
>> plaintes les plus déchirantes ſur ma deſti-
>> née. Je reprochois au ciel ma déplorable
ود exiſtence : je l'accuſois d'injuſtice envers
> mes amis , qui méritoient un meilleur fort.
>> J'étois dans le plus grand deſeſpoir , quant
Bi
30
MERCURE
>>j'entendis à peude diſtancedes cris plaintifs
>>qui portèrent l'épouvante dans mon ame.
ود
ود
Je melevai bruſquement du lieu où j'étois
reftée pluſieurs heures ſans pouvoir chan-
>>ger de ſituation , tant j'étois accablée &
>>briſée par les ſecoufſes du vaiſſfeau. L'idée
» de ma conſervation , ce ſentiment fi na-
> turel qui nous entraîne machinalement ,
وہ fut la feule qui m'affecta en ce moment ,&
» qui me fit retrouver mes forces preſque
>>> anéanties. Je fus enſuite touchée de com-
>> paffion pour l'étre fouffrant que j'avois
22 entendu.>>
>> Je defcendis du rocher ; j'avançai dans le
>> boisd'un pas timide & chancelant , en por-
>> tant mes regards craintifs fur tous les ob-
>>jets qui m'environnoient ;mais le même
>> ſentiment que j'avois éprouvé , la peur ,
>> avoit fait fuir la perſonne affligée au pre-
→ mier bruit que j'avois fait , en marchant
ود dans lebois,pour allerà elle; l'ayant cher-
> chée pendant quelque temps , je penſai
>> que la voix & les plaintes que j'avois cru
>> entendre , n'étoient qu'un effet de mon
>>imagination troublée ,qui me repréſentoit
> par- tout des malheureux.
>>J'étois perfuadée de cette illuſion , lorf-
>> que j'apperçus dans l'épaiffeur du bois , à
quelques pas de l'endroit où j'étois , des
arbriffeaux fort agités. J'entendis quelque
» bruit. J'avançai en tremblant, & je crus
entrevoir , à travers les branches , une
>> perſonne de mon ſexe. Cette vue me raf-
د
"
DE FRANCE.
31
ود
>>fura. J'approchai en prononçant quelques
mots pour calmer la crainte de celle que
>>>je voyois prête à m'échapper encore. Ah !
>> ne fuyez pas une malheureuſe , dis -je ,
« d'une voix douloureuſe& fuppliante. Qui
>> que vous ſoyez , j'implore votre protec-
>> tion ..... Qu'entends - je , s'étria la pauvre
>> Lizadie , que je reconnus alors ? Quoi ! c'eſt
» vous , me dit- elle en courant ſe jeter dans
mes bras ! c'eſt mon amie que je fuyois !
>> j'étois moi - mème ſi étonnée , ſi ſaiſie en
la ferrant contre mon ſein , que je ne pus
lui exprimer ma joie que par des foupirs
» & des larmes. J'avois l'ame fi troublée,
>>agitée par cette heureuſe rencontre qui
» dans l'inſtant m'avoit donné des eſpérances
>> encore plus grandes , que je tombai pref
>> que fans connoiſſance à ſes pieds .
2
ور
"
ود Revenue à moi , je demandai mon.
>> amant , mon père. Je voulois que mon
> amie me les rendit l'un & l'autre. Eh !
>>pourquoi , lui diſois-je , pourquoi ne ſe
>>feroient-ils pas ſauvés du naufrage comme
>> nous ? Ils font peut être actuellement dans
>>quelqu'endroit de cette forêt , occupés à
>> gémir ſur notre fort , comme nous fur le
>>leur. Allons , ma chère amie , courons à
ود
leur ſecours. Ah ! fi le ciel me les avoit
> conſervés ! ma vie entière ne ſuffiroit pas
» pour lui en témoigner ma reconnoiffance.
>>Mais nos recherches n'aboutirent à rien ;
» nos plaintes, nos cris furent inutiles : la
Biv
32 MERCURE
>> nature refta muette autour de nous. "
Dans le morceau ſuivant,lajeune Ninette
exprime les ſentimens que M. Sping le fils
fait naître dans fon coeur.
ود
" Pourquoi cette obſtination à vouloir me
>> faire dire que je l'aime? Que prétend- t'il?
Qu'eſpère t'il d'un aveu qu'il ne devoit exiger
de moi , que du confentement de ſes
parens , & en leur préſence ? Croit- il donc
> qu'il fuffit d'avoir ravi mon coeur pour me
>> faire oublier la vertu.... Ah ! ne le croyez
pas: non, ce coeur qui vous a fans détour
avoué qu'il vous aime, ne confentira jamais
à fa honte.... Mais me fuis je pas in-
>> juſte dans mes foupçons ? Quel févère exa-
> men! quelle ingratitude de ma pait ! quoi !
>> cet homme fi honnête, fi grand , fi ver-
>> tueux , qui , depuis que je fuis ici , ne s'eſt
pas démentiun ſeul inſtant , qui m'a donné
tant de marques du plus tendre attache-
>>ment , qui m'a facrifié tous ſes goûts , ſes
plaiſirs , tout ce qui l'occupoit avant mon
>> arrivée; c'eſt lui quej'outrage : c'eſt au plus
charmant des hommes que je cherche des
>> torts! Ah ! je rougis de mon injustice. Pardonne
, cher objet de ma tendreffe , pardonne
une défiance que mon coeur défa-
>> voue ! non , tu ne veux pas me perdre , tu
ne cherches pas à m'humilier..... Mais est- il
» en ton pouvoir de réaliſer tous les titres
flatteursquetum'as prodigués dans l'ivreſſe
» de ton coeur ? Tu m'as nommée ton amie,
1
1
DE FRANCE.
33
ta femme, ta compagne chérie. Ah! puis-
>> je eſpérer de mériter jamais ces noms fi
chers ? Quoi ! je ſerois l'épouſe de cet hom-
>> me fi recherché , ſi defiré par toutes les
>> femmes d'Achem?.... Tu me ferois tant de
ود
ſacrifices ! ah! je devrois m'y oppofer fi
>> j'étois auſſi déſintéreſſee que toi : je de-
> vrois m'éloigner. Je le devrois auffi pour
לכ
ود
la ſatisfaction de tes parens: ils ſe reprocheront
un jourde m'avoir ſi bien reçue....
>> Mais je n'aurai jamais ce barbare courage ;
> les liens qui m'attachent à toi font plus
>> forts que ma raiſon. Je ne connois plus ,
>> je déteſte même cette grandeur d'ame hé-
>> roïque qu'un honneur chimérique inſpire.
>> Je ne ſerai point grande ; mais je ferai
>> honnête& vertueuſe.Je nefuirai pas ..... >>
Il eſt difficile de trouver des morceaux écrits
avecplus de ſenſibilité & d'heureux abandon.
L'on admirera certainement auſſi avec quelle
vérité l'Auteur peint le mélange des beautés
de la nature ſauvage , avec le charme de la
nature cultivée , dans des sites pittoreſques
qu'elle a ſu ſi bien animer par les ſcènes
qu'elle y a repréſentées.
Ceux qui auront lu leRoman de Zélie ,
lereliront sûrement pluſieurs fois ; & nous
croyons qu'il mérite d'autant plus d'être répandu
, que l'on peut le laiſſer ſans crainte
entre les mains de la jeuneſſe la plus tendre ;
elle n'y trouvera que des leçons agréables
dans des exemples touchans;& pendant que
Bv
34
MERCURE
:
P'expreffion de la vive ſenſibilité qui y règne
ravira les jeunes coeurs, la peinture d'une folitude
tranquille , l'union d'une famille heureuſe
dans un déſert preſque inacceffible , le
contratte de ſa ſituation paiſible & fortunée
avec les agitations des grandes ſociétés , charmeront
la raiſon de l'âge mûr; le vieillard
s'attendrira ſur l'image ſacrée du reſpect &
de l'amour filial ; & ceux même à qui les
douces émotions ſont trop étrangères , feront
retenus en le lifant par un attrait dont ils ne
pourront ſe défendre. Les larmes délicieuſes
que ce Roman fera répandre , les agréables
jouiffances qu'il procurera , les confolations
que lui devront plus d'une infortunée, feront
fans doute pour Mme D. une récompenfe
plus touchante& plus chère à fon coeur , que
les juftes éloges que fonOuvrage obtiendra.
ALMANACHde la Samaritaine, avec ses
prédictions pour l'année 1787. A MM. les
Parifiens. Au Château de la Samaritaine ;
&ſe trouve à Paris , hôtel de Meſgrigny ,
rue des Poitevins, & chez les Marchands
de Nouveautés , in- 16. Prix , 1 liv. broché
, & 1 liv. 6 fols franc de port par la
pofte.
CETTE petite Brochure ne doit point être
confondue avec la foule d'Almanachs dont
DE FRANCE.
35
on eſt inondé au renouvellement de chaque
année. Ce n'eſt point un Almanach véritable
, puiſqu'on n'y trouve aucune indication
des jours , des mois , ni des révolutions du
Soleil. Ce titre n'eſt que le prétexte d'une
critique agréable & gaie que l'Auteur a tracée
de nos moeurs en parodiant les prédictions
de l'Almanach de Liége.
" Il y a fi long temps , dit la Samaritaine
>> aux Parifiens , que je ſuis en poffeffion
» d'avertir la Ville de la ſucceſſion des
>> heures , & que je la réjouis par la variété
م
ود
ود
de mes fons , que mes droits dans cette
>> partie font incontestables. Mais pour les
faire valoir plaiderai - je? ne plaiderai je
pas? Je ne fais même à qui m'adreſſer.
Eſt- ce à la Cour ? eſt ce à la Ville ? eſt-ce
>> au Perſonnage qu'on nomme mon Gou-
» verneur, quoique je fois d'un âge à n'être
>> plus en tutelle ?
>> Jadis à Nuremberg un vieux Militaire
>> tombé dans l'indigence , crut devoir écrire
>>à la Patrie pour la prier de venir à fon
> ſecours.... On liſoit ſur l'enveloppe de ſa
2
lettre en gros caractères : A LA PATRIE....
» Tous les Facteurs couroient la Ville à
>> perte d'haleine , demandant par- tout inu-
ود tilement Madame Patrie, perſonne ne la
>> connoiffoit , & les Administrateurs même
du pays ſe renvoyoient réciproquement la
lettre en diſant: Nous ne ſommes pas la
Patrie.... Je crains la même aventure.....
ود
ود
ود
Bvj
36 MERCURE
» D'ailleurs, j'ai tant vu de Plaideuſes en
> triſte habit noir aller , venir , ſoupirer
ود ſans pouvoir obtenir une audience , que
cela me décourage. Prendrai-je un Procureur
? Le remède ſeroit pire que le mal.
» Bientôt forcée de vendre ma cruche , ma
fontaine, ma dorure pour ſatisfaire à ſa
» voracité, je me verrois au milieu du ruifſeau
avant qu'il eût ſeulement commencé
>> la procédure.
ود
ور
" Ne pouvant plus ni marquer les heures
» ni les fonner, j'ai voulu faire un Alma-
» nach.... Perſonne n'eſt plus en état que
moi de faire un pareil Ouvrage. Il y a fi
>> long- temps que je me tiens à la belle
>> étoile,&que j'épie les années , les mois,
les jours , quej'en puis parler favamment. >>
On voit, par ce que nous venons de citer ,
que l'Auteur écrit avec eſprit. Il n'a pas toujoursun
goût sûr, ni un ton excellentt;; mais
il eſt difficile d'allier conftamment ces deux
qualités avec le ton de la plaiſanterie, &dans
les Ouvrages de ce genre on ne doit pas y regarderde
fiprès.
Cet Almanach confifte en des réflexions
fur chacun des inois , & des prédictions pour
l'année 1787. On conçoit que les unes & les
autres ne font que de pures eritiques. Nous
en donnerons une idée qui fera connoître&
juger l'Ouvrage. Voici ce qu'on y lit fur
Février:
• A peine commence-t- il à naître qu'il
DE FRANCE.
37
> cabriole, qu'il chante, qu'il court les rues,
>> qu'il ſe traveſtit, & que la Police a toutes
" les peinesdumonde àle contenir....
>>Les gourmands aiment de préférence ce
➤ mois , parce qu'il eſt le père des indigef-
>> tions. On voit juſqu'aux avares , qui ne
>> donnent rien dans le cours de l'année ,
>> faire un effort extraordinaire au Carnaval ,
>> comme ſi l'on ne pouvoit pas ſe diſpenſer
>> de célébrer Février....
>>Ce fut pendant ce mois que Molière ,
>> dinant chez l'Ambaſſadeur de Veniſe , &
>> voyant un Cagot qui mangeoit en eſprit
>> de pénitence un plat de truffes nommées
>> en Italien tartuffoli , imagina que le nom
>> de tartuffe déſigneroit parfaitement l'hypo-
>>crite dont il nous a peint le caractère,&c. »
ود
Prédictions pour le mois de Mai. " Des
inondations fubites formeront des torrens,
>> ce qui rendra quelques chemins périlleux ,
» & ce qui rappellera le bon mot d'un
>>Cocher , qui dit à un Évêque en pareil
>> cas : Priez Dieu , Monseigneur, carje vois
» l'heure où nos deux Siéges vont être va
>> cans.
ود Les in-folio continueront d'être au ra-
>> bais , & les in 16 auront une vogue éton-
>> nante. On les tranſporte facilement ; &
>> quelque choſe de mieux , on les perd....
» Une payſanne, brute comme les bêtes
>>même qu'elle aura foignées , arrivera dan:
Paris, paroîtra toute tremblante au Palais
38 MERCURE
>>Royal, pleurant ſa mère, ſes vaches &
>> ſes pommes de terre , & dans deux mois.
>> de temps elle aura de l'eſprit , des façons ,
» un équipage , un hôtel , & mille adora-
>> teurs qui l'appelleront Madame la Ba-
>> ronne , & qu'elle favoriſera d'un ſourire.
>> La meilleure , banque dans Paris eſt un
» joli minois. »
LES Entretiens du Palais Royal , 2 vol.
petit in- 12 , prix , 3 liv. , broché. AParis,
chez Buiffon , Libraire , hôtel de Mefgrigny
, rue des Poitevins .
Le titre de cet Ouvrage donne l'idée de ce
qu'il peut contenir. Ce font des converſations
auſſi variées que l'Auteur a pu le faire , &
rien n'a pu l'arrêter , que ſa laffitude ou fa
volonté. Son plan admetroit tout, s'étendoit
&ſe refferroit à fon gré. " L'Auteur dit lui-
» même :: - Ceux qui font la matière de
>> cette brochure , ſe reſſentent d'un lieu
" où les promeneurs comme les babillards
>> cauſent ſans ceſſe des diſtractions. Rien de
» lié , rien d'approfondi ; & , pour ſe
» mettre à la mode , rien qu'on ne puiſſe
>>parcourirdans un clin-d'oeil. »-Il ajoute :
ſi je faifois un livre,( diſoit Henri IV ) il y
auroit de quoi rire & de quoi réfléchir. Tel
eſt le but que l'Auteur s'eſt propoſé. Nous
ور
DE FRANCE.
39
allons extraire quelques traits , pour qu'on
pniffe juger de la manière de fon talent &
de ſa gaieté.-Le Palais Royal eſt le ralliement
de l'Europe , de l'Amérique , de l'Afrique
, de l'Afie.-L'indigence y eſt mère
de l'induſtrie ; on n'y met pas moins d'art à
maſquer la misère , qu'à ſe faire un viſage à
l'aide d'une toilette recherchée. L'élégance
ſupplée parfaitement à la parure. La petite
bourgeoiſe fair des révérences à la Ducheſſe ;
ſa fille prend le coſtume de la Cour : c'eſt
l'hiſtoire du phoſphore qui , formé d'une vile
matière, a le plus grand éclat.-Je parlois
encore, lorſqu'un élégant , dont les oreilles
&les pieds offroient à la vue les boucles les
plus extraordinaires, nous aborda. Il avoit un
de ces chapeaux en forme de cloche , qui
n'ont jamais bien coëffe perſonne; un de ces
gilets où les poches touchent preſqu'au menton.
Il nous fit quelques calembourgs qui
font toujours pitoyables quand ils vont jufqu'à
deux; il nous répéta quelques bons mots
qu'il fere toujours avec Odave. Il diſoit à
chaque phrafe : ma paroled'honneur; langage
ordinaire à tous ceux qui n'en ont pas. Deux
montres enrichies de brillans paffoient fucceflivement
entre ſes mains; une large bague
flattoit ſon orgueil , lorſque ſon frère , honnêre
Procureur vint à paſſer. Alors mon
homme diſparut , pour éviter la honte de
fraternifer d'une manière auffi bourgeoife.
Nous rimes beaucoup d'un agréable qui
49 MERCURE
avoit des talons rouges & point de ſouliers.
Il étoit dans ſa mue , juſqu'à ce qu'une heureuſe
chance au jeu lui rende ſon plumage
&fon orgueil.
L'Auteur parcourt tous les ordres des citoyens
, & faifit toujours leurs ridicules &
leurs caractères; on dois convenir que cerre
fatyre eſt aimable & qu'elle ne peut offenfer
perfonne. Elle nous tranſmet en même temps
toutes les bigarrures de notre ſiècle avec
gaieté , vérité ; & elle devient quelquefois
férieuſe ſans être méchante.
SPECTACLES.
CONCERT SPIRITUEL..
LES Concerts de la veille & du jour de
Noël ont offert pluſieurs nouveautés intéreſ
fantes. M. Leroux a chanté pour la première
fois une ScèneFrançoiſede M.l'AbbéLeſueur.
On a trouvé ſa voix agréable & fa manière
affez bonne. M. Wachter a exécuté les deux
jours un Concerto de Clarinette de ſa compoſition.
Le fon qu'il tire de cet Inſtrument
eft d'une force & d'une beauté ſurprenantes.
Il a une grande volubilité avec infiniment
d'expreffion. On a fur tout admiré l'art avec
DE FRANCE. 41
lequel il nuance fon jeu , & la manière dont
il enfle & dégrade les fons. Il ſe livre quelquefois
à des écarts de mauvais goût ; mais
éclairé par des conſeils ſages , il n'eſt pas douteux
qu'il ne s'en corrige , & qu'il n'acquiert
bientôt le peu qui lui manque pour porter
fon Inſtrument à la perfection. L'Ouverture
de M. Magnelli a paru manquer de
ftyle& d'harmonie. La Scène de M. Gauthier
avec le premier de ces défauts a l'excès contraire
du ſecond. On y a trouvé peu de liaiſon
dans les idées, ce qui vient du peu d'habitude
d'écrire, avec une prétention extraordinaire
aux offets d'harinonie. Il faut bien fe mettre
dans la tête que les moyens d'expreffion ac
cumulés fans choix & fans ordre ne produifent
pas l'expreflion. En étudiant les grands
Maîtres , ceux qui les emploient le plus heureuſement
, on verra combien ils en font
fobres. L'Oratoriodes fureurs de Saül par M.
l'Abbé Lepreux a été fort apphudi ,& a paru
digne de la réputation de ce jeune Maître.
Mlle Caroline Deſcarlins , habituée depuis
long temps ( quoique très jeune encore ) aux
applaudiſſemens du Public , en a mérité de
nouveaux dans un triode Harpe de la compo
fition de M. Ragué. Dire qu'elle étoit accompagnée
par M. Gervais ſur le Violon & par
M. Duport fur le Violoncelle , c'eſt dire
aſſez avec quelle ſupériorité elle l'a été. Le
rondeau de ce trio a paru d'un chant auffi
neuf qu'agréable. Le premier morceau eſt
d'une exécution difficile ; mais cette difficulté
42
MERCURE
adiſparu ſous les doigts de Mlle Defear
fins. M. Meſtrino a joué auſſi les deux jours
un Concerto de Violon de ſa compoſition.
Dans le premier morceaur, peut-être un peu
trop long , & allongé encore par les points
d'orgue , fon jeu a paru foible , petit ,&même
manquant de juſteſſe, ce qui n'étoit caufé
fans doute que par la crainte qu'il éprouvoit
en débutant. Mais la manière dont il a
joué enſuite l'adagio lui a ramené tous les
fuffrages , & il les a ravis dans le troiſième
morceau. Cet effet a fur tout été ſenſible le
ſecond jour, où après avoir d'abord excité
des murmures, la force de ſon talent a fini
par arracher au Public des applaudiſſemens
d'autant plus flatteurs , qu'il avoit eu à vaincre
une prévention défavorable avant de les
obtenir. La manière dont il dégrade les
fons a déplu , parce que nous avons ici la
fouable habitude de condamner d'abord les
choſes auxquelles nous ne ſommes pas accoutumés.
Mais les Connoiffeurs lui rendent plus
de juſtice; ils trouvent ſa manière neuve ,
pleine d'expreſſion , de ſenſibilité ; en un
mot ils reconnoiſſent en lui le plus grand
talent. Le morceau ajouté par M. Rigel
dans ſon charmant Oratorio de la fortie d'Égypte
a été chanté parfaitement par Mme
Chéron , & a fait le plus grand plaifir.
-
:
DE FRANCE.
43
ANNONCES ET NOTICES.
PRECIS de Matière Médicinale,par M. Venel ,
Profeſſeuren Médecine dans l'Univerſité de Montpellier
, &c. , augmenté de Notes , Additions & Obſervations
, par M. Carrère , Conſeiller-Médecin ordinaire
du Roi , Cenſeur Royal, de la Société
Royale de Médecine , &c. A Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur - Libraire , rue Galande. 1786 , in - 80
2Vol.
Le nom de M. Venel est connu depuis long
temps dans le monde ſavant. Ce Médecin a DCcupé
une place diftinguée parmi les plus grands
Chumiftes de l'Europe; les Ouvrages dont il a enrichi
le Public, nous font regretter ceux que nous
devions attendre de lui ſi une mor: prématurée ne
l'eût enlevé à la République des Leures. Celui que
nous annonçons , qu'on a retrouvé après ſa mort,
&que ſa modeſtic l'avoit empêché de publier, n'eſt
point inférieur à ceux qui lui avoient mérité à juſte
sitre la réputation dont il a joui ,
Ony reconnoît un Savant rempli de ſon objet,
parlant avec cette affurance que donne la certitude
des connoiſſances acquiſes , le Profeſſeur qui ,
ſans s'aſtreindre à un ordre déterminé ſaiſit toutes
les occafions d'inſtruire ſes élèves ſur les objets rélatifs
à celui qu'il traite dans l'ordre où ils ſe préfentent
à ſon imagination ; des vues nouvelles &
lumineuſes ſur la connoiſſance, la nature & l'uſage
des médicamens ; un ſtyle haché , mais nerveux ,
plein de feu, qui indique un Auteur pénétré de l'im
portance&de la vérité de ſes préceptes. On defirei
,
44 MERCURE
roit ytrouver un ton moins tranchant , & un peu
plus de ménagement pour les Ecrits , les opinions
&les Auteurs qu'il combat; mais nous dirons avec
l'Auteur de fon Eloge , que l'amour de la vérité&
la noble afſurance de l'avoir trouvée , lui faisoient
prendre ce ton qu'on improuve , & qu'il n'avoit nul
deffein de bleffer perfonne.
M. Carrère a fait à cetOuvrage un grand nombre
d'additions qui en font preſque la moitié; elles
font de deux genres; les unes contiennent l'indication
des Ouvrages les plus importans , qu'il eſt utile
deconſulter ſur la nature & les propriétés de chaque
médicament; cette méthode , qui n'avoit jamais été
employée , devient très-utile en indiquant les fourcesdans
lesquelles on peut puiſer des connoiffanccs
plus étendues que cel es qu'on trouve ordinzite
ment dans les matières médicales. Les autres addi
tions de M. Carrère font relatives àun grand nombre
de remèdes que M. Venel n'a point connus , ou
dont il n'a point parlé , elles réuniffent dans un même
tableae un précis bien fait de toutes les connoifſances
& découvertes modernes publiées depuis
vingtans fur les propriétés des médicamens ; elles
ſuppoſent beaucoup d'érudition & de grandes recherches.
LE Cabinet des Fées , ou Collection choisie des
Contes des Fées & autres Contes merveilleux ornés
de Figures , dix - huitième & dernière Livraiſon .
Tomes XXXV, XXXVI & XXXVII, contenantMinet
Blen & Louvette , par Mme Fagnan ;
Acajou& Zirphyle, par Duclos ; Aglaé ou Nabotine,
par Coypel ; Contes des Fées , par Mme
Leprince de Beaumont; le Prince defiré , par M.
Selis; Contes choisis extraits de différens Recueils ;
Aventures merveilleuses de Don Silvio ae Rofalva;
Notice des Auteurs qui ont écrit dans le genre des
DE FRANCE.
Contes des Fées; la lifte complette des Ouvrages
quicomposent le Cabinet des Fées.
Cette Collection , qui eſt actuellement finie ,
contienttrente- ſept Volumes in- 8 ° . avec figures ,
dontle prix eſt de 3 liv. 12 ſols le Volume bro- .
ché; elle eſt auſſi en trente- ſept Volumes in 12
avec les mêmes figures au prix de 2 liv. 8 ſols le
Volume broché , & en trente- ſept Volumes in- 12
fans figures au prix de I liv. 15 ſols le Volume
broché.
Les trois Editions qui ſe ſont faites enmême-tems,
decette Collection,prouvent le ſuccès général qu'elle
àobtenu, & nous diſpenſent de prévenir lePublic en
ſa faveur.
On trouve ces diverſes Editions , ainſi que les
OEuvres de le Sage, celles de l'Abbé Prevoſt , de
Mme de la Fayette & de Mme de Tencin, à Paris ,
chez Cuchet, Libraire , rue & hôtel Serpente; & à
Genève , chez Barde , Manget & Compagnie , Imprimeurs-
Libraires.
LETTRES à M. Bailly fur l'Histoire primitive
de la Grèce , par M. Rabaut de Saint Étienne , in-
8°. A Paris , chez Debure l'aîné , Libraire , quai
dsAugustins , & au mois d'Avril 1787 , rue Serpente,
hôtel Ferrand, nº. 6.
Nous reviendrons fur cet Ouvrage , qui annonce
beaucoup d'inſtruction , & dans lequel l'Auteur a
eu le talent de jeter plus d'intérêt que le ſujet ne
ſembloit le comporter.
ABREGE de l'Histoire Généraledes Voyages ,
in-8°. , Tomes XXII & XXIII. A Paris , chez
Laporte. Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
Ces deux nouveaux Volumes ſont l'Abrégé du
roiſième Voyage de Cook. L'intéreſſfante hardieſſe
46 MERCURE
de ce célèbre Voyageur eſt auſſi connue qu'admirée,
& nous diſpenſe de tout éloge Nous nous
contenterons de dire que dans l'Abrégé que nous
annonçons , fon troiſicine Voyage contient plus de
détails que l'Abrégé des deux premiers , & les rapprochemens
dont on a accompagné le récit des fans,
feront utiles à ceux qui liront la grande Relation. :
LES Étrennes de mon Cousin , ou l'Almanack
pour rire , unnée 1787 , in - 12 , par M. C. DA
Falaiſe; & ſe trouve à Paris , chez Defenne , Libraire,
au Palais Royal; Leroy , Libraire , que S.
Jacques , & chez les Marchands de Nouveautés.
C'eſtune eſpèce de Pot-Pourri en proſe & en
vers, le tout affez gai pour remplir ſon titre.
SPORTRAIT de Mgr. le Dauphin & de Madame ,
Fille du Roi , dédié a la Reine , peint par Loui e-
Elifabeth Lebrun , Peintre da Rọi , gravé par Maunice
Blot. Prix, 12 liv A Paris , chez l'Auteur , rue
&près l'ancienne Comédie Françoife , nº . 39 .
Ces deux Portraits groupés font dignes du talent
diftingué du Peintre à qui nous les devons , & gravés
avec un foin & un ſuccès digne du Tableau.
Le même Artiſte s'occupe actuellement du pendant
du Verrou , qui aura pour titre : La Promeſſe
deMariage.
VOYAGE Sentimental , par M. Sterne, ſous le
nom d'Yorick , traduit de l'Anglois par M Frénais ,
nouvelle Edition , augmentée des Lettres d'Yorick à
Eliza , & d'Eliza à Yorick', 2 Parties in- 16. Prixy
3 liv. brochées. A Paris , chez Buiſſon , Libraire,
rue des Poitevins , hôtel de Meſgrigny.
Il feroit inutile de faire isi l'éloge de ce chars
DE FRANCE.
47
mant Ouvrage fi connu , & qui porte un ſi grand
caractère de vérité & d'originalité.
GALERIE hiftorique , universelle , par M. de
P***, ſeptième livraiſon. Prix , 3 liv. 12 fols.
A Paris , chez Mérigot le jeune , Libraire , quai
des Auguſtins ;à Valenciennes , chez Giard , & chez
les principaux Libraires du Royaume & de l Eu
rope.
Cecahier contient les portraits d' Achille , de S.
Leclerc , de Clovis I,de M. E. Lepide, de Poppée ,
de Raphaël Sanzio , de C. Tromp , de T. Wolfev.
PORTRAIT deM. Target, Avocat , l'un des quarante
de l'Académie Française; Prix , 3 liv .
Ce Portrait , deſfiné d'après nature par M. Pujos ,
&gravé par Vinfac , ſe trouve à Paris , chez l'Auteur
, rue de Gèvres , maiſon du Commiſſaire , eſt
chez M. Pujos , place de l'Eſtrapade , la deuxième
maiſon à côté du corps-de-garde.
Ces deux Portraits font honneur aux deux Artiftes.
-
-
NUMÉROS II & 12 du Journal de Clavecin , par
les meilleurs Maîtres. Prix , ſéparément 3 1. Abonnement
pour douze Numéros 15 liv. Numéros45
à 52 du Journal de Harpe , par les meilleurs Maitres.
Séparément 12 fols. Abonnement is liv.
Numéros 2 à 10 du Journal Hebdomadaire pour
Chant & Clavecin , arrangés par les meilleurs Auteurs.
Prix , ſéparément 12 fols. Abonnement
15 liv. , le tout fianc de port. A Paris , chez Leduc ,
auMagafin de Muſique & d'Inſtrumens , rue du
Roule , n°. 6 .
S1x Quatuors concertans pour deux Violons ,
48 MERCURE
Alto & Baffe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix , 9 liv . - Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
de la Toiſon d'or arrangés en Quatuor pour deux ,
Violons , Alto & Baffe , par M. Vogel , Auteur de
l'Opéra. Prix , 3 liv. 12 ſols.- Les mêmes pour le
Clavecin, Accompagnement de Violon , par M.
Neveu , Clavecinifte de Mgr. Comte d'Artois, Recueil
9. Prix , 7 l.v. 4 fols. A Paris , chez M.
Michaud, rue des Mauvais-Garçons , près celle de
Buffy, Fauxbourg Saint Germain , chez l'Herboriſte.
Le ſuccès qu'a eu cette Muſique au Théâtre doit
en faire recevoir avec empreſſement les morceaux
détachés. Ceux qui ſont arrangés par l'Auteur même
en ontun nouveau prix .
TABLE.
A UN de mes Amis,
Le Loir, Fable,
Chanson,
3 les grandes Villes ,
4Zéliedans le
S
Defert,
25
Almanach de la Samaritaine,
Surla MortdeM, Beaujon, 6 34
Charade, Enigme & Lago Les Entretiens du Palais
gryphe,
Ideesffuurles
ib. Royal ,
Secours à donner Concert Spirituel ,
aux pauvres Malades dans Annonces &Notices,
APPROBATION.
38
40
43
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des-Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 6 Janvier 1787. Je n'y
ai zien trouvé qui puiſſe en compêcher l'impreffion.A
Faris, le 5 Janvier 1987. GUIDI.
RÉSUMÉ
:
DES ÉVÉNEMENS POLITIQUES
:
DOUZE
En 1786. ;
OUZE lignes ſuffiroient à ceTableau.
Dans chaque Etat de l'Europe , les loix
en général , l'adminiſtration , la politique ,
les intérêts publics , à peu d'exceptions près,
ſont reftés les mêmes que l'année derniere ;
mais cette ſituation intérieure des Empires
n'eſt pas tellement connue de tout le monde,
qu'il foit inutile de ladévelopper. Ces
notions de détail , nous avons tâché , dans
l'occaſion , de les expoſer très- imparfaitement
, de raſſembler en particulier celles qui
déterminent le degré d'induſtrie , de commerce
, de travail & de revenu général , de
population & de puiſſance , chez différentes
nations de l'Europe. Tirés , la plupart,
des Auteurs Allemands , qui traitent
l'Economie politique, comme elle doit l'être
, par les faits , ces matériaux n'auront
pas été rebutés des eſprits mûts , aux yeux
deſquels une ſeule vérité hiſtorique eſt
p'us précieuse que des volumes d'inutiles
raiſonnemens. Tous les jours on ſe plaint , &
N°. 1 , 6 Janvier 1-87. a
( 2 )
avec raifon , des jugemens abſurdes que
l'on porte fur les divers Etats , de la légereté
& de l'ignorance avec lesquelles on
décide de leur force , de leur proſpérité , de
leurs reſſources , des livres faits à la hâte fur
ces ignorances , & des préjugés qu'ils entretiennent
; on obvieroit à cet abus , en multipliant
les tableaux de comparaiſon , & en
ouvrant aux Auteurs , comme aux Lecteurs ,
des ſources de recherches. Que d'inductions
utiles , par exemple , à tirer des liftes des
morts & naiſſances annuelles dans chaque
ville& dans chaque contrée! liſtes que les
Allemands nous fourniffent avec exactitude ,
même pour de ſimples bourgs. Comment
connoître avec juſteſſe l'étendue du commerce
maritime , ſes accroiſſemens , ſa décadence
, ſans confronter les dénombremens
des vaiſſeaux entrés dans les ports principaux
des Puiſſances navales, en divers tems?
Etde quelle importance ne font pas les erreurs
, les doutes même de la Politique fur
cet objet?
Jamais elle n'a mieux ſenti l'immense
utilité des connoiſſances exactes ſur cette
matiere , puiſqu'elles ſeules peuvent déterminer
les conventions relatives au Commerce.
Cette partie du Droit public de l'Europe
eſt néceſſairement très - variable : les
Traités qui la torment , ſubordonnés à des
conjonctures locales & mobiles , fixent des
droits du moment, ſans fixer les intérêts : il
( 3 )
eſt donc auſſi néceſſaire de les revoir que de
les multiplier. La plupart , il eſt vrai , lebornent
à ajouter une ſanction nouvelle aux
principes moins incertains du Droit Naturel
&du Droit des Gens; mais que deviendroit
l'harmonie ſociale , abandonnée à la ſeule
obligation de ces principes ? Ces Traités
n'obtiennent donc une influence vraiment
efficace , qu'en réglant les immunités réciproques
de deux Puiſſances , déjàliéespar des
relations politiques , & entre leſquelles il
n'exiſtepas unetrop grande inégalité de forces.
Ces conſidérations ont probablement
amené la Convention de l'année derniere ,
entre les Cours de Vienne & de Pétersbourg.
Nous en avons rapporté le texte
même. La plupart des articles qui la compoſent
, préſentent des uſages convertis en de.
voirs réciproques : une diminution de droits
fur quelques marchandises , les principes de
la Neutralité armée conſacrés par les deux
Puiſſances , des formes à reſpecter mutuellement
, même en temps de guerre; telle eſt
la ſubſtance de cetAccord promulgué des
deux côtés d'une maniere inufitée ; c'eſt àdire,
comme une Ordonnance ſouveraine
qui preſcrit aux Sujets de ſe conformer à ces
engagemens publics.
Les deux Souverains qui les ontcontractés,
ont ainſi augmenté la sûreté des Négo
cians des deux Etats , en profcriva at l'arbia
2
(4)
:
traire , pire que l'o preſſion : il eſt à croire
même qu'il en naîtra une émulation utile.
Juſqu'ici diverſes Provinces de cette
Monarchie Autrichienne avoient été ſéparées
de la Communauté générale par des
privileges ou par des excluſions. La Hongrie
, la Lombardie , les Pays - Bas , une
portion de l'Autriche antérieure , formoient
des branches diſtinctes du vaſte héritage
de la maiſon d'Autriche. Ces barrieres entre
les communications libres des divers Etats
qui le compoſent , ont été récemment affoiblies
, fans être renverſées ; mais le plan
d'unité conçu par l'Empereur , s'eſt pleinement
développé dans le reſte de l'Adminiſtration.
On a vu tomber les loix , les privileges
, les Tribunaux , le Gouvernement
Provincial , par-tout où ils différoient du
régime de l'Autriche.
Pendant que l'Empereur poſoit en perfonne
la clef de ces réformes ; à l'inſtant où
il parcouroit de nouveau ſes Provinces &
fes Campemens , un Prince qui lui avoit
donné l'exemple de cette utile activité , &
qui durant ſon règne d'un demi- ſiecle , occupa
la ſienne à contrarier les deſſeins de
la maiſon d'Autriche , ou à en former contr'elle
, finiſſoit une carrière étonnante , fur
laquelle l'Europe fixa ſes regards juſqu'au
dernier inſtant. Depuis une année , cet événement
étoit prévu. En dépériſſant, Frédéric
II tenoit encore le ſceptre d'une main vi-
4
) و (
goureuſe ; mais tout annonçoit que ce ſcep
tre alloit lui échapper : la Médecine , hors
d'état de guérir ſes maux , s'efforçoit de
les pallier ; l'Empire ſe trouvoit alors dans
des conjonctures qui faisoient compter les
derniers joursdu Roi de Pruſſe avec inquiétude
; enfin , lorſque ce Monarque eut appolé
le ſceau à cette Ligue d'une partie du Corps
Germanique , confédéré à fon inſtigation &
fous ſes aufpices , il quitta les reſtes d'une vie
dont le jugement appartient à la poſtérité.
Il y tiendra ſa place à côté de Charlemagne
, de Casimir le Grand , de Guil
laume III avec lequel il offre divers
traits perſonnels de reſſemblance. Doué ,
comme les Princes que nous venons de
nommer , de ce dégré ſi rare de capacité ,
qui permet à l'homme de varier l'emploi
de ſon intelligence , de développer des ta
lens oppoſés ſans les affoiblir , de réunir
un eſprit facile & étendu , la flexibilité des
vues à leur élévation , & le courage de la
penſée à la vigueur du tempérament , aucun
genre d'application , aucun genre de ſuccès
ne lui furent étrangers. On l'a vu Légiflateur
, Guerrier , Tacticien , Adminiſtrateur ,
Miniſtre d'Etat , Académicien. Ce dernier
titre étoit ſans doute inutile à ſa renommée
dans les fiecles à venir : qui appercevra
les guirlandes du bel eſprit ſous des
monceaux de trophées ? Mais il a ſervi à
entraîner les voix qui parlent du vivant des
a3
1
( 6 )
Souverains. Fréderic II ne l'ignoroit pas ,
&ce que des eſprits ſéveres ont jugé une
foibleſſe , couvrit peut être une adroite politique.
Le Héros de l'Allemagne favoit
bienqu'en envahiſſant les grandes routes de
la gloire , il faut en négliger les ſentiers. On
lui a prêté à ce ſujet un amour-propre fort
exagéré. Si , dans ſa jeuneſſe , il parut ambitionner
la réputation d'Auteur , depuis
long-tems , les lettres étoient pour lui ce
qu'elles devroient être pour tout le monde
; un aliment de la fécondité des eſprits ,
une ſource de réflexions &de jouiſſances ,
une confolation inappréciable dans les amertumes
de la Royauté. Quoique les OEuvres
littéraires du Roi de Pruſſe , fuffent le délaſſement
d'un efprit fatigué de grands travaux
,& qu'elles ſe reſſentent quelquefois
de leur origine , perſonne n'avoit confervé
un goût plus lain dans les Beaux-Arts ,
comme dans les Lettres. Par un effet de ce
difcernement qu'avoit fortifié l'étude des
modeles , Frédéric II devint très-économe
de fon eſtime.De-là ſon attachement exclufif
aux beautés mâles & fimples des Anciens ,
aux fublimes productions du fiecle de Louis
XIV , & des Ecrivains que ce fiecle avoit
formés pour l'ornement du nôtre. Delà fon
averſion pour cet eſprit ſtérilement analytique
, qui congeloit les fruits de l'imagination
, qui remplaçoit la raiſon ingénieuſe
par des raiſonnemens obfcurs , la chaleur
( 7 )
par la déclamation , la philoſophie par le
galimathias , & le ſtyle par des phrases :
delà encore , cette préférence enthoufiafte
dans laquelle il a perſévéré , pour la noble
&fimple compoſition muſicale de Pergolère
, d'Haffe , de Bach , d'Handel , de Duranti.
: Le fiecle préfent eſt trop frappé des actions
grandes ou blamablesde cerègne immortel
; l'opinion publique est trop affer
mie peut-être dans des préjugés d'enthoufiaſme
ou de défaveur , pour que les Arrêts
fur Frederic II ne foient pas prématurés .
C'eſt aux Hiftoriens futurs à balancer le
compte de ſa vie , lorſque l'éloignement &
la réflexion auront muri cet examen. Il
reſtera imparfait , s'il n'embraffe pas à la
fois & le tableau de la Pruffe avant l'adminiſtration
du dernier Roi , & celui qu'elle
offrira dans un demi- fiecle.
Arrivé au trône avec des moyens que ſes ancêtres
avoient préparés , Fréderic II les a tous
développésou érendus. Maîtred'un Etat qu'il
falloit aggrandir pour en affermir la fûreté ;
moteur d'une puiſſance qu'un ſeul choc pouvoit
anéantir , & qui devoit refter précaire
tant qu'elle ne deviendroit pas redoutable ;
placé,enfin, au rangdangereux de Roi ſecondaire
dans la hiérarchie politique,il ne vit que
L'alternative ou d'être expoſé à deſcendre encore
, ou d'élever ſa domination pour la
conferver. Ce plan appartient à ſa pré48
MERCURE
Alto & Baſſe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix, 9 liv. - Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
de la Toison d'or arrangés en Quatuor pour deux
Violons , Alto & Baffe , par M. Vogel , Auteur de
l'Opéra. Prix , 3 liv. 12 fols.- Les mêmes pour le
Clavecin, Accompagnement de Violon , par M.
Neveu , Clavecinifte de Mgr. Comte d'Artois , Recueil
9. Prix , 7 Lv. 4 fols. A Paris , chez M.
Michaud, rue des Mauvais-Garçons , près celle de
Buffy , Fauxbourg Saint Germain , chez l'Herboriſte.
Le ſuccès qu'a eu cette Muſique au Théâtre doit
en faire recevoir avec empreſſement les morceaux
détachés. Ceux qui ſont arrangés par l'Auteur même
en ont un nouveau prix.
TABLE.
AUN de mes Amis,
Le Loir , Fable,
Chanson ,
3 les grandes Villes ,
4Zéliedansle Défert,
Surla Mort deM, Beaujon, 6
,
25
34
s Almanachde la Samaritaine,
Charade, Enigme & Lago Les Entretiens du Palais
gryphe, ib. Royal ,
Idéesfur les fecours à donner Concert Spirituel ,
aux pauvres Malades dans Annonces&Notices,
APPROBATION.
38
40
43
J'ai lu, par ordre de Mgr. Is Garde-des-Sceaux, le
MercuredeFrance , pour le Samedi 6 Janvier 1787. Je n'y
si rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.
Faris, le 5 Janvier 1987. GUIDI.
1
RÉSUMÉ
DES ÉVÉNEMENS POLITIQUES
DOUZE
En 1786.
OUZE lignes ſuffiroient à ceTableau.
Dans chaque Etat de l'Europe , les loix
en général , l'adminiſtration , la politique ,
les intérêts publics , à peu d'exceptions près ,
font reſtés les mêmes que l'année derniere ;
mais cette ſituation intérieure des Empires
n'eſt pas tellement connue de tout le monde,
qu'il foit inutile de la développer. Ces
notions de détail , nous avons tâché , dans
l'occaſion, de les expoſer très-imparfaitement,
deraſſembler en particulier celles qui
déterminent le degré d'induſtrie , de commerce
, de travail & de revenu général , de
population & de puiſſance , chez différentes
nations de l'Europe. Tirés , la plupart,
des Auteurs Allemands , qui traitent
l'Economie politique , comme elle doit l'être
, par les faits , ces matériaux n'auront
pas été rebutés des eſprits mûrs , aux yeux
deſquels une ſeule vérité hiſtorique eſt
plus précieuse que des volumes d'inutiles
raiſonnemens. Tous les jours on ſe plaint , &
N°. 1 , 6 Janvier 1787 .
0
a
( 8 ).
voyance , nullement à cet amour défordonné
des conquêtes qu'on lui attribua injuſtement.
Ses premieres entrepriſes , fruit
de cette politique , allarmerent l'Europe fur
ſes deſſeins futurs. Vingt-trois ans il eut à
combattre des Ennemis , irrités de ſes premieres
aggreffions ; elles avoient accéléré
les coups qu'il avoit paru craindre à fon
avénement. Menacé de toutes parts , aſſailli
juſqu'au centre de ſes Etats , réduit aux refſources
de ſon génie , toutes ſes actions devinrent
l'ouvrage de la néceſſité : les limites
de ſes forces naturelles lui ôterent
le choix dans la maniere de les employer :
toute ſon Adminiſtration intérieure ſe reſſentit
des difficultés de ſa ſituation ; l'entretien
de nombreuſes armées , l'accroiffement
forcé de ſes Finances , les expédiens
ajoutés aux revenus , le beſoin d'un tréfor
permanent , les intérêts du Fiſc devenus
ceux de l'Etat & le gage de fon exiftence
, réſulterent des criſes inévitables , dont
'Europe vit fortir la Pruſſe ſi glorieuſement.
:
: Depuis cette époque qui fera l'étonnement
de tous les âges , Frederic II cimenta
les refforts de ſa nouvelle puiſſance & de
ſa politique : il s'occupa tout entier de la
proſpérité de ſes Etars. A fes ordres , deux
Chanceliers dignes de ſervir un tel Souverain
, réformerent la Jurisprudence & les
Jurifconfultes. LesTribunaux furent foumis
او ا
àune meilleure diſcipline ; les formalités
judiciaires ſimplifiées ; les Loix étrangeres
mieux amalgamées au Code civil national
; l'arbitraire , les longueurs , la cruauté ,
les prévarications bannies de la Juſtice criminelle
, & de toute Juſtice en général.
On vit les Citoyens de tout ordre , en
quelque forte aſſociés à la Légiſlation , par
l'examen public auquel elle a été& eſt en--
core foumife. Solemnellement , la Nation
fut invitée à joindre ſes lumieres à celles du
Miniſtre de la Loi ; & l'Autorité ſouveraine
ne crut pas devoir ſe paſſer de l'opinion de
fes ſujets.
Pluſieurs des ſanctions de ce regne , telle
que le fameux Edit ſur les divorces , & la
grandeOrdonnance de réforme publiée, depuis4
ans, par M. de Carmer , honoreroient la
mémoire des plus célebres Légiflateurs ;
celui de la Sprée imprima , de plus, l'exemple
du reſpect pour la Loi . Sa fermeté invariable
à en maintenir la plus ſévere exécution ,
prévint le relâchement des Juges , accoutuma
les Citoyens de tous les rangs àune
obeiſſance , dont les titres &le crédit éludent
trop ſouvent le joug , & garantit les
moeurs des Officiers-d'Etat, en leur montrant
une barriere inébranlable aux importunités
de la faveur. Le même eſprit gouverna tous
les départemens ; le mênie oeil étoit ouvert
fur toutes les fonctions publiques. Pas uns
Confeil, pas unTribunal , pas unBureau ,
as
( 10 )
où l'image du Prince qui ſavoit tout , ne
commandat chaque jour l'amour de travail ,
ladroiture , la fidelité. La mort enleva des.
Miniſtres à Frédéric II; le caprice ni l'intrigue
n'en déplacerent aucun. Inſpecteur ſuprême
de l'Etat , ſa vigilance embraſſoit les
plans du Cabinet, les beſoins de chaque
diſtrict , les Cours de l'Europe, la police des
Régimens , les intérêts des ſujets les plus
ob curs : immenfié de details qui tenoient
leur place fansconfufiondans une tête forte ,
également propre à les recevoir & à les féconder.
Par cetre laborieuſe activité , par la maturité
des projets , toujours préparés avec réflexion
, & fuivis avec perfeverance, la grandemachine
de l'Etatmarchoit fans fecouffes,
obéifſante à un mouvement fixe & graduel.
La fermeté duMachiniſte fortifia cette organifation.
Ses Miniſtes , ſes Ambafladeurs , fes
Généraux furent ſouvent les exécuteurs paflifs
de ſes volontés. Le plus célébre d'entr'eux a
ret acé d'unemain préciſe &fide'e l'influence
de ce regne fur l'agriculture , fur l'industrie ,
fur la population de la Pruffe. Nul Souverain
ne fut plus économe de graces ; nul
Souverain n'a plus multiplié les largeſſes
utiles. On lui a reproché d'avoir porté cette
économie juſques dans la récompenſe des
ſervices ; & l'Histoire fincere ne pardonneroit
pas ces oublis au Prince , qui n'auroit
pas verſé annuellement en bienfaits- à fon
peuplé , un huitieme de ſes revenus.
(1)1
Jamais, d'ailleurs , il ne connut de tolles
prodigalités. Il avoit hérité de ſon pere le
goût de ſimplicité perſonnelle , auquel les,
revers de ſa jeuneſſe l'habituerent , & convenable
aux moeurs d'un Guerrier , Il bannit
le faſte de ſes armées & de ſa Cour. Frédéric
II eſt mort fans dentes , & en quarante
années , il eut trois guerres à foutenir , dont
Pune de fept ans , contre les trois plus-formidables
Monarchies de l'Europe. Sa vie
domeftique préſenta la plus grande uniformité;
ſa conduite privée fut pre que auffi
invariable que ſes maximes d'Etat...
Peude Souverains ontobtenu une pareille
inquence fur leur fiecle Saract que eſtdevente
Pobjet d'une émilation générale; il n'a ceffé
de l'approfondir, de la per ectionner , de l'adapter
au génie de ſes ſo'dats , aux circonftances
, aux efforts des autres Puiffances
pour l'imiter ; efforts quelquefois moins dangereux
pour le modele que pour les imitateurs.
Pet de révolutions en Europe , dans
leſquelleslapolitiquedeFrédéric Il n'aitintervenu;
fon afcen lant en impofoit for qu'il
ne le faifoit pas triompher, Il vit rechercher
fon alliance par des Etats qu'il ne recherchoitras
: aucune ligue qui ne ſe crût toutepuiſſante
en s'afſociant à lui. Enfin , fi
l'on conſidére , depuis vingt - cinq ans,
les révolutions de l'art mi'itaire & celles
qui les ont ſuivies danslefort des Empires , la
marche des négociations, le mouvementdela
politique générale, cet équilibre , fondé &
1 a6
4
( 12 )
maintenu en Allemagne par la Maiſon de
Brandebourg , cet ordre admirable affermi
dans l'adminiſtration de la Pruſſe, au milieut
d'agitations extérieures preſque perpétuelles ,
où trouver de Grands Hommes faits pour
laiſſer un plus mémorable ſouvenir ?
L'exemple de FrédéricII, ſes principes, ſes
principales regles de gouvernement lui ont
Lurvécu: fon Succeſſeur auroit cru trahir les efpérances
d'un nouveauregne , eſpérances que
foncaractere rendſilégitimes, s'il n'avoit aſſocié
aux rênes de l'Etat & à ſa confiance les
Conſeilsque le choix de Frédéric II fixa auprès
du trône : tout promet qu'il en écartera
P'inſtabilité des places & des maximes , vice
deſtructeur des Empires en décadence.
Il en eſt un où cette mobilité dans la puiffance
exécutive , dérive de la nature du gouvernement
, où elle fert de frein à l'autorité ,
où elle prévient les tempêtes trop violentes
de l'eſprit de parti. On voit qu'il s'agit de
l'Angleterre. Cependant , après trois révo
tutions preſque ſimultanées dans le Cabinet ,
elle a fenti l'importance d'en prévenir une
quatrieme , à l'inſtant de tremper de nouveau
les refforts de la puiſfance nationale.
Cette entrepriſe , commencée l'année derniere
avec courage , a été ſuivie avec application.
On a vu dans les meſures duMiniſtere
& du Parlement , le développement
d'un travail méthodique & approfondi.
Dans la Seffion précédente , l'accroiſſement
( 13 )
durevenu public arrêta toute l'attentiondu
Légiflateur : ſes opérations, juſtifiées par le
ſuccès , ont permis de nouvelles tentatives,
elles ont donné naiſſance à un nouveau plan
d'amortiſſement. CetteNation qu'oncroyoit
accablée par l'épuiſement de ſes finances ,
non feulement a pourvu à l'hypotheque &
au paiement exact de ſa dette publique , elle
en a de plus tenté la liquidation ; elle l'a
tentée ſur ſes épargnes , ſans murmurer de
l'immenſité des beſoins publics. Pour y
ſuffire , elle a fouillé les ſources de ſa profpérité
, & les a revivifiées. Les pêcheries ,
la navigation marchande , tous les rameaux
✓de ſon commerce , ont été réexaminés : par
fes loix , d'une part , par des traités , de l'autre,
elle a donné à l'induſtrie & aux entre
priſes de tous les genres , une activité uni
verſelle.
Dans aucun temps , fon commerce n'employa
plus de vaiſſeaux , ſes fabricans plus
d'atteliers , fes capitalistes de plus grands
moyens. Peut-être même cette émulation ,
dont la cupidité eſt le premier mobile , at-
elle franchi les limites que la prudence &
l'intérêt public lui impoſoient ; peut-être at-
elle entierement ſubordonné pour l'avenir,
la proſpérité de l'Etat à l'étendue des dé
bouchés de ſon commerce; peut - être encore
a-t-elle mis par-là , la Nation , ſes Mir
niftres , fon Parlement même , dans la dépendance
abſolue de ſes Négocians. Il eft
( 14 )
aifé de prévoir les effets qui réſulteront dé
cette rupture d'équilibre entre les intérêts&
l'influence des différentes claſſes de citoyens;
mais l'amour & le beſoin de richeſſes immenſes
font dédaigner ces conſidérations. Il
importoit de foutenir le travail général , en
s'affurant des marchés ; delà ces conventions
commerciales que la Cour de Londres a recherchées
, avec tous les Etats dont elle a
eſpéré des bénéfices.
Son traité avec la Ruſſie n'eſt point encore
renouvellé. Celui qu'elle vient d'enta
mer avec le Portugal éprouvera moins de
difficultés , &l'on apperçoit facilement l'avartage
que lui donnent dans cette négociation
, les nouveaux engagemens contractés
avec la France. Le dernier traité de paix
entre cette Puiſſance & la Grande Bretagne,
avoir annoncé l'intention de favorifer les
intérêts des deuxEta's , par une liberté plus
grande de commerce ; on avoit travail é ſans
relâche à cet accord falutaire , dont le public
commençoit à déſeſpérer , lorſque le
talent des Négociateurs , M. Gérard de
Rayneval & M. Eden l'ont amené à ſa conclufion.
• Elle a excité une ſurpriſe fondée fur la
rivalité des deux Nations , & fur l'ignorance
des anciens traités de même génre qui les
avoient unies. Le 3 Novembre 165 Cromwel
figna avec la France le traité de Westminster,
qui permit Fintroduction des denrées & des
( 15 )
رگن
marchandiſes refpectives dans les deux Etats.
Cette convention ſervit de baſe au traité
plus étendu que conclurent à Utrecht , en
1713 , les Plénipotentiaires des deux Cours.
Le Marquis d'Uxelles & M. Meſnager d'une
part, l'Evêque de Bristol & le Comte de
Strafford de l'autre , arrêterent, au nom de
leurs Souverains , trente - neuf articles de
commerce & de navigation. Ils ſe trouvent
littéralement dans le traité de cette
année; en particulier ceux qui concernent le
libre exercice de religion dans l'intérieur des
maifons , l'établiſſement des cimetieres &
des Confuls , les formalités à obſerver dans
la viſite ou dans les priſes des vaiſſeaux , la
dénomination des marchand ſes cenſées libres
en temps de guerre , &des marchandiſes
cenſées de contrebande fur les navires
neutres itres , l'exemption de la capitation en
France pour les Anglois , & du droit de
Head Money pour les François , dans les
ports d'Angleterre où l'on perçoit cette
taxe.
Maisces ſtipulations générales, abſolument
conformes dans les deux Traités , ne s'étendirent
point à la fixation très-préciſe des
droits que ſupporteroient les marchandifes
des deux Etats à leur importation . Malgré
l'abartement où cette guerre de la fucceffion
d'Eſpagne avoit jerté la Puiſſance de
Louis XIV , fes Miniſtres earent la fermeré
de s'en tenir ſur ces droits au fameux ta-
2
(16)
rif de Colbert en 1664; on ſpécifiamême
des exceptions; on remit à des conférences
ultérieures l'examen de cette partie importante
du Traité. Malheureuſement ces conférences
n'eurent jamais lieu. Le Miniſtre
Tory de la Reine Anne , qui avoit négocié
la paix d'Utrecht , devint l'objet de la haine
publique; on le ſacrifia au reſſentiment de
Ia Nation , & les Whigs, Maîtres duGouvernement
, éluderent les promeſſes que renfermoient
les conventions de 1713.
C'eſt donc cette ſpécification des marchandises
libres , & le tarifdes droits qu'elles
auront à ſupporter à leur entrée dans les
deux Royaumes , qui diſtinguent le dernier
Traité. Les eſprits ſenſés que ne ſéduiſent
ni les préjugés populaires , ni les clameurs
d'un intérêt aveugle , ni les ſyſtêmes du
moment , ont applaudi aux principes , d'après
leſquels ces ſtipulations ont été réglées.
Lorſqu'une grande Nation eſt capable
d'induſtrie , & que la nature lui a fourni
les moyens de l'exercer économiquement
, elle eſt inſenſée de ſe rendre tributaire
des fabriques étrangeres , de leur fa
crifier ſes matieres premieres qu'elle rachete
élaborées avec uſure , de perdre ainſi le
travail d'une multitude de Citoyens , de
diminuer fon numéraire , de n'avoir que des
Commiffionnaires &point de Commerçans.
Mais de rigoureuſes prohibitions pourroient-
elles avoir des effets falutaires entre
( 17 )
deuxpeuples également riches en objets d'échange?
entredeux peuples où les arts , les talens,
les fabrications detout genre,ont acquis
un égal degré de perfectionnement ; qui
ayant l'une &l'autre une balance généralede
commerce très-favorable , devroient plutôt
craindre d'en accroître l'avantage quedele diminuer;
chez leſquels l'abondancedu numéraire,
la multiplicité des taxes, le rapport inégaldes
conſommations aux dépenſes des confommateurs,
ont également élevé le prix des
denrées & de la main d'oeuvre ,& qui enfin ,
précisément , parce qu'ils font rivaux d'induſtrie
&d'émulation , ont moins à craindre
une concurrencereſpectivedéfavorable ? Qui
nevoit que la liberté tend à mieuxdéterminer
les applications de leur induſtrie , plutôt
qu'à les reſtreindre ? qu'elle doit les porter
ſpécialement vers le genre de manufactures
auquel des facilités locales les appellent , &
les faire renoncer à celles qu'elles s'approprientpar
une violenceà lanaturedes chofes,
comme aux principes de l'économie mercantile?
Le voiſinage a dicté ces rapports utiles
entre les deux Nations. Si le meilleur commerce
eſt celui d'où réſulte leplus grand travail
par la plus rapide circulation & par
la plus prompte rentrée des capitaux , le
trafic del'Inde &de l'Amérique approche-t-il
de celui qui pourroit s'établir entre la France
& l'Angleterre
( 18 )
Ces deux Puiſſances d'ailleurs , ont appris
de l'expérience , l'inefficacité des loix fur la
contrebande , excitée par les impofitions. Le
fyſtême entier deM. Pitt , depuis trois ans ,
eftfondé fur ce principe , que lesdroits confidérables
diminuent la conſommation de
toute la ſomme dont les entrées font chargées
, & que ces droits font une véritable
prime accordée au trafic interlope. En les
réduisant à la valeur des frais auxquels eſt
afſujetti le Contrebandier , on décourage
ſon induſtrie , on en détourne les profits
enfaveur du revenu public , on diminue
lanéceſſitédes meſures violentes, arbitraires
& difpendieuſes , qu'entraîne l'excès du régime
prohibitif.
Malgré l'évidencede ces vérités , le Traité
a des détracteurs dans les deux Royaumes;
mais juſqu'à ce jour , les uns & les autres
ont donné leurs craintes pour des raiſons.
En Angleterre , ſi le commerce a reçu avec
allégrefle cet ouvrage d'une ſaine politique ,
l'eſprit de parti n'a rien épargné pour
le rendre odieux. Ces objections devant
être développées dans la prochaine Seffion
du Parlement , ce n'eſt pas ici le lieu d'anticiper
fur ces débats. Quelle qu'en ſoit
l'iſſue , les deux Nations devront une éternelle
reconnoiffance aux Négociateurs inftruits
& courageux , qui , ſans être intimidés
par des préventions enracinées , ont balancé
avec maturité les principes & les effets
( 19 )
de cette Convention,& brifé l'une des barrieres
qui s'oppoſoient au rapprochement
de deux Peuples , conjurés juſqu'ici pour
fe nuire mutuellement.
{
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
DE BERLIN , le 19 Décembre.
:
TEs de ce mois , le Roi s'étant rendu à la parade de Potsdam , fit remettre l'Ordre
du Mérite militaire aux Officiers du
ſecond & du troiſieme bataillon des Gardes
, qui , le même jour , en 1757 , s'étoient
trouvés à la mémorable bataile de Liſſa. Les
Bas Officiers reçurent chacun deux Frédérics
d'or& les foldats un.
Le Miniſtre d'Etat de Schulenbourg a
( 20 )
obtenu ſa démiſſion , que ſa mauvaiſe ſanté
l'a forcé de demander. Le Préſident de
Mauſwitz & le Comte de Schulenbourg ,
neveu du précédént , ont été nommés Miniſtres
d'Etat.
Le Roi a aſſigné à la grande maiſon des pauvresdePotsdam
une certaine quantité de pain , de
blé , &c. qui leur fera fournie tous les ans , ainfi
que le bois qu'on employoit dans la ferre chaude
pourle fruitdu Piſang.
Le Roi a fait auſſi un don de 10,000 rixdalers
àl'école degarniſon de cette ville. Ce fonds ſera
employé à étendre cet établiſſement.
On apprend d'Auguſtenbourg , que le 6
de ce mois , le Prince Emile-Auguste , fiere
du Duc regnant de Holſtein - Auguſtenbourg,
y eſt mort dans la 65e. année de fon
âge.
Le Docteur Buſching ditdans un Journal hebdomadaire
, que la continuation de la gravure de
grandes cartes qui doivent former le grand Atlas
de l'Empire de Ruſſie a été fuſpendue , & que
l'Impératrice a ordonné de publier, en attendant,
un petit Atlas compoſé de quarante-ſept cartes ou
feuilles ; la carte générale de cet Émpire ſera de
deux feuilles , l'une repréſentera la Ruffie Européenne
, & l'autre la Ruſſie Aſiatique : chaque
Gouvernement ſera traité ſur une feuille particuliere
, à l'exception de celui d'Irkuzk , qui ſera
compoſé de deux feuilles. Cet Atlas , auquel on
travaille actuellement ſera fini en trois années.
On imprime dans ce moment uneGéographie
de cetEmpire en langue ruſſe : la traduction allemande
de cet Ouvrage ſera publiée en même
tems . On travaille toujours à l'établiſſemenz
( 21 )
1
desPoſtes ; dès qu'il ſera achevé , on publiera
une carte des routes ,
DE VIENNE , le 19 Décembre.
Le Gouvernement a adreſſé à toutes les
Univerſités des pays héréditairesune Ordonnance
dont le but eſt de prévenir l'abus des
réceptions indiſcrettes auxgrades de Maîtreès-
Arts & de Docteur. Ni l'une ni l'autre
de ces qualités ne feront néceſſaires à l'avenir
aux étudians en Médecine & des Facultés
ſupérieures , pourvu qu'en paſſant de
l'une à l'autre , ils ſubiſſent un examen de
Philofophie , & qu'ils foient d'ailleurs pour
vusde certificats de capacité.Quiconque enviera
le grade de Docteur ſera foumis à trois
examens rigoureux ſur les Mathématiques ,
la Phyſique & l'Hiſtoire générale. Le grade
de Maître- ès-Arts eſt entierement aboli.
On raconte ici deux anecdotes dont il
eſt permis au lecteur de croire tout ce qu'il
voudra.
১১
<<Une troupe de brigands avoit fait ſommer
>> le Magiſtrat du Vieux-Agram de leur envoyer
» du pain& du vin , à défaut de quoi ils menaçoient
demettre le feu à la ville. LeMagiftrat
>>>leur fit promettre qu'il auroit égard à cette
>> demande , mais qu'it's devoient au moins lui
>> laiſſer le tems néceſſaire pour faire les provi-
>> ſions. Il en profita pour faire acheter un quan-
>> tité d'opium ſuffiſante pour les aſſoupir , qu'il
> mêla avec le vin qu'il leur envoya. Cette rufe
réuffit felon ſon attente : lesvoleurs raſſaſkés
1
( 22 )
לכ
s'endormirentd'un profond fommeil , & onles
enleva tous fans la moindre réſiſtance.
ceUn jeune homme dont le pere remplit avec
diſtinction les places qu'il occupe , croyant
>> que cette eſtime réjailliroit ſur lui , s'adreſſa
>> avec confiance à l'Empereur , pour lui deman-
>> der aufli un emploi. S.. M. l'ayant queſtonné
>>s'apperçut bientôt que le fils n'avoit pas hérité
des connoiffances du pere , & qu'il ſavoit à
>>peine figner ſon nom. Cependant le Monarque
>> ne fit ſemblant de rien,& remit au fuppliant
>>un billet pour le Directeur des écoles nor-
>> males. Le jeune homme crut que c'étoit un
>> ordre de l'employer à quelque poſte. Mais
>>>quelle fut ſa ſurpriſe , à l'ouverture du billet ,
d'entendre ces paroles : Je vous recommande
>>d'interroger le porteur en préſence de tous
» vos éleves , afin d'apprendre à ſes ſemblables
>> de ne point venir m'importuner dorénavant
>> pour obtenir des places dont ils ne ſont pas
>> dignes. JOSEPH » .
On s'occupe dans ce moment de pluſieurs
opérations de finances. Les intérêts du fonds
public feront , dit-on , réduits à 3 pour cent.
On affure auffi que l'on acquittera incefſamment
pour dix millions de detres d'Etat,
&qu'il fera affigné chaque année 8 millions
juſqu'à leur extinction totale.
On a enregiſtré à la Cour fuprême de
Lemberg , un Décret de l'Empereur , qui
confirme aux familles de Czartoriski & de
Sangusko leur dignité de Prince.
DE FRANCFORT le 25 Décembre.
Juſqu'à préſent , à ce qu'on rapporte , l'Em(
23 )
pereur avoit diſſimulé ſon mécontentement contre
l'Imprimeur qui a publié dans le tems une
brochure très-bardie ſur le procès du Lieutenant-
Colonel Szeketi. L'occaſion ſe préſenta dernièrement
de s'en ſouvenir : le ſieur Wucherer
(c'eſt le nom de l'Imprimeur ) vint préſenter à
S. M. l'Almanach nouveau dont il étoit l'éditeur.
Eh pourquoi , lui dit le Monarque , ne m'êtes-vous
pas venu présenter auſſi un exemplaire du procès de
Szekeli ? & tournant le dos , ſans prendre l'Almanach
, il laiſſa l'Imprimeur confus & déconcerté.
Nous avons rapporté les aſſurances qu'avoit
fait donner leRoi de Pruſſe au Nonce
de S. S. à Cologne , de la protection qu'il
vouloit conſerver aux Catholiques de ſes
Etats. Quelques feuilles publiques ayant traveſti
cette afſurance en une permiffion accordée
à ce Nonce , d'exercer ſa jurisdiction
dans les Etats de S. M. P. M. Dohm , Miniſtre
du Roi à Cologne , a défavoué cette
aſſertion dans une lettre à M. le Comte de
Hertzberg. Il lui apprend que ſur les craintes
du Nonce que le Gouvernement Prufſien
ne voulût imiter les reſtrictions que
d'autres Etats de l'Empire mettoient à fon
autorité , il lui répondit : >> Que la Cour de
>>>Berlin étoit peu dans l'uſage de ſe confor-
>> mer aux maximes des autres Etats , &de
>> ſuivre leur exemple ; & que leur conduite
>> n'étoit pas pour la Pruſſe une raiſon ſut-
>> fiſante d'abandonner un ſyſtême une fois
>>reçu & reconnu pour bon. >> Cela prouve
donc ſimplement , que la Cour de Berlin s'en
( 24 )
tiendra ſur cet article à ce qu'elle a permis
juſqu'à préſent.
ITALI E.
DE NAPLE'S , le 28 Novembre.
L'Eſcamoteur & faiſeurde tours phyſiques
Pinetti , fait ici l'eſſai de ſes talens connus
d'une grande partie de l'Europe. Le 23 , à
fiſſue de fon Spectacle , un jeune Cavalier
voulut examiner ſur le Théâtre même les
machines de Pinetti , qui s'oppoſa à cette indifcrete
curiofité ; les deux partis en vinrent
aux mains , & par proviſion , Pinetti futconduit
en prifon; mais ſur le rapport fait auRoi ,
S. M. a fait élargir l'Antiſte , & confiner fon
aggreſſeur dans la fortereſſe de Capoue. En
recouvrant ſa liberté, Pinetti a reçu du Roi
1600 ducats , & un beau diplome .
On apprend des Indes Eſpagnoles que les
Commandans du Chili, de la Louiſiane , &c.
ont réuſſi dans leurs foins à écarter la petite
vérole , en prévenant les communications.
Pluſieurs faits finguliers atteſtent, le ſuccès
de cette méthode ; nous en rapporterons
quelques-uns.
En Janvier 1784 , il arriva dans cette Province
un Matelot âgé de 35 ans , malade de la
petite vérole ; on le fit paſſer de l'autre côté de
la riviere , & on ne lui permit de revenir qu'au
bout de quarante jours : en Avril 1785 , il entra
dans laBaſiſe un brigantin chargé de Negres
malades ; on les envoya à la campagne à cing
lieues
( 25 )
licues de la ville , où la contagion reſta fixée&
ſe diflipa ; en Juin on eut occaſion de faire la
même choſe & avec le même ſuccès : en Juilles
on tira de l'Hôpital , & on envoya de l'autre
côté de la riviere un ſoldat ſur qui cette maladie
s'étoit déclarée : en Août on eut ſoin d'écarter
ainſi des Negres nouvellement arrivés &
malades ; & enfin en Novembre de la même année
, un bâtiment ayant amené plufieurs familles
acadiennes conſiſtant en 307 perſonnes , dont
quelques-unes avoient la petite vérole , & dont
14 étoient mortes en route , on s'empreſſa de
les iſoler , en ſéparant celles qui étoient faines
de celles qui ne l'étoient pas , & en foumettant
les premieres à une quarantaine rigoureuſe.
Dans tous ces cas la contagion fut concentrée
dans le lieu où l'on retenoit les malades , la
Province en a été exempte , & on eft perfuadé
qu'avec de ſemblables précautions , on parviendroit
à extirper totalement cette maladie , ou
du moins à en préſerver les contrées qu'elle ne
ravage & ne dépeuple que parce qu'on les né
glige.
GRANDE -BRETAGNE.
DE LONDRES , le 26 Décembre.
Le bruit répandu de pluſieurs changemens
prochains dans le Miniſtere paroiſſent deſtitués
de fondement. Il eſt cependant probable
que Lord Hawkeſbury entrera dans le
Confeil , & que Lord Storment aura un département
oſtenſible. Quant au Lord Chancelier,
ſa ſanté eſt parfaitement rétablie , & il
No. 1 , 6Janvier 1787.
b
( 26 )
1
n'y a aucune apparence qu'il quitte le Miniftere.
Lefeul changement ſurvenu dans les places
eft occafionné par la retraite décidée du
Comte de Mansfield. Ce vénérable Magiſtrat,
réſignant la Préſidence du Banc du Roi , il
ſera remplacé par le Chevalier Lloyd Kenyon,
Maître des Rô es,& ami particulier du Chancelier.
M. Eyre , Baron de l'Echiquier , deviendra
Maître des Rôles, & M. PepperArden
entrera à laCour de l'Echiquier.
Le 18 , l'Ambaſſadeur de Ruſſie a eu une
conférence de plus de deux heures avec le
Marquis de Carmarthen , Secrétaire d'Etat
des Affaires étrangères , concernant des dépêches
qu'il venoit de recevoir de Pétersbourg.
L'Ambaſſadeur de Sa Majesté Danoiſe a ,
dit- on , annoncé formellement le prochain
voyage du Prince Royal de Danemarck en
Angleterre.
Le 20, leGénéral Fawcett & Mylord Galway
ont été revêtus en cérémonie de l'Ordre
du Bain.
L'on apprend de Douvres que le vent du
fud-oueſt a été de la plus grande violence
dans la nuit du Dimanche 10 du courant ;
que les Dunes étoient remplies de bâtimens,
dont quelques -uns avoient perdu leur ancra.
ge, & par conféquent cherché à gagner le
port le plus prochain. Le port de Douvres
eſt rempli de petits bâtimens.
Les Magiftrats de la Corporation de Londres
>
: ( 27 )
4
ayant formé un Comité pour s'enquérir de
la cauſe de la cherté de la viande de boucherie
&autres comeſtibles , onttrouvé que cette cherté
étoit due au monopole qui ſe faiſoit de toutes
ces provifions; ils propoſent , pour y remédier
d'établir un Comité chargé de veiller à la vente
des beftiaux qui ſont menés au marché, d'appoin
ter un certain nombre d'acheteurs , qui ne ſeront
ni Bouchers ni engraiffeurs de beftiaux ,
d'enregiſtrer les ventes , & de fixer le tems
de ces ventes à un tems limité. On eſpere que
le Gouvernement coopérera à ces diſpoſitions
qui mettroient le prix des commeſtibles plus à
laportéedes pauvres .
La ſemaine derniere , le Carisfort , frégate
de 28canons, a été miſe en commiffion pour
la ſtation de la Méditerranée , & le commandement
en a été donné au Capitaine Mathew
Smith.
On apprend de Portſmouth , en date du
14, que la frégate Hollandoiſe qui avoit été
jettée à la côte ſur l'Iſle de Wight, ne pour.
roit être remiſe à flot ; mais que tout l'équipage&
les paſſagers s'étoient ſauvés, à la réſerve
de fix matelots. Lord Hood qui commande
à Portsmouth, dépêcha ſur le champ
uncutter au ſecours de la frégate.
La violence du vent , dans la journée du
13 , acaufé les plus grands malheurs parmi
les vaiſſeaux dans la Tamiſe , au-deſſous du
pont de Londres. Des rangées entieres de
bâtimens ont perdu leur ancrage ; plus de
200 bâtimens ſe ſont entrechoqués , & one
éprouvédes avaries confidérables. Un grand
b2
( 28 )
nombre de batteaux ont coulé bas : on n'a
pas d'exemple de mémoire d'homme d'un ſi
grand deſaſtre en ſi peu de temps.
La Compagnie a reçu par la voie de terre
des dépêches de l'Inde , en date du 4 Août
dernier. Comme elles ſont en chifre , on en
ignore encore le contenu , & l'Exprès a apporté
fort peude lettres particulieres.
Après beaucoup de variations des papiers publics
ſur la deſtination des malfaiteurs ,' qu'on va
tranſporter dans la mer du Sud , il est très-décidé
que c'eſt pour la Baye Boranique , & non pour
l'ifle de New Norfolk , que le Capitaine Philips
doitmettre inceſſamment à la voite fur le Syrius,
vaiſſeau armé de 700 tonneaux. Le nombre des
malfaiteurs qu'il conduitdans cette colonie , dan's
les tranſports qu'il eſcorte , ſera d'environ ſept
cens, y compris les femmes. Le Capitaine Philips
emmene avec lui des animaux de toute eſpece ,
&emportetoutes les ſortes de graines , qui ſont
connuesen Europe , pour enfemencer les terres &
les jardins. Il emperte auffi des uſtenfiles de la.
bourage& des outils pour toute forte de métiers ;
plusieurs caiſſes de quincail'erie , de colliers de
verre , de petits miroirs , de cloux , &c. &c doivent
ſervir à entamer des liaiſons avec les ſauvages.
Il n'eſt pas probable , d'après le rapport que
l'on a fait de l'indigence des habitans de la Nouwelle-
Hollande , que l'on puiſſe faire des échanges
avantageux avec eux; mais ce ſera beaucoup pour
cette colonie que de pouvoir former des liaiſons
avec les habitans , & d'établir des rapports qui
puiſſent préparer des avantages à la colonie. Sil
étoit poffible de procurer aux nouveaux colons
quelques femmes ſauvages , cela pourroit reſſerrer
les noeuds entre les anciens habitans & lesnou(
29 )
veaux. On croit que cela ne ſera pastrès-difficile,
ces malheureux inſulaires manquant de tout. Plu
sieurs chirurgiens , avec une provision considérable
de médicamens , s'embarquent à bord des
tranſpotts , dont le rendez-vous eſt à Portmouth.
Ce qui a donné licu aux bruits que cette expédition
étoit pour l'iſle de Nerw Norfolk , eft qu'en
effet il a été repréſenté au conſeil , que l'étendue
immenſe de la Nouvelle- Hollande , & la féročité
de fes habitans , étoient deux obstacles qui empêcheroient
que jamais cette colonie pût devenir
utile à la Grande Bretagne ; mais malgré tout ce
qui s'y eſt détité, nous ſommespositivement aſſurés
que l'on n'ajamais renoncé à ce projet , &
que l'on s'occupe au contraire très-ſérieuſement
des moyens de donner au nouvel établiſſement
tout le développement dont il eſt fufceptible. La
ferti ité de la Nouvelle Hollande promet aux
malheureux qui doivent y être tranſportés une
vie plus ag éable & plus douce que celle qui les
ya conduits , la plupart ayant été forcés , par l'abandon
abſolu danslequel il ſe trouvoient, de commettre
, pour vivre , les crimes qui les ont fait
condamner à être tranſportés.
Un Soldat ayant été convaincu Samedi dernier
d'avoir volé un chapeau , dans l'intention expreſſe
de ſe faire tranſporter à Botany-Bay , le juge prononça
contre lui la ſentence ſuivante :
>> Priſonnier ! votre desir fera accompli, & vous
ferez tranſporté ; mais il eſt bon que vous ,& tous
les autres malheureux qui , comme vous , aiment
mieux être bannis honteuſement de leur patrie ,
que de remplir leurs devoirs en bons foldats , fachiez
que la cour a le pouvoir de changer le lieu
de votre deſtination. La cour ordonne donc que
vous ſoyez tranſporté en Afrique pendant ſept
als . :
b 3
( 30 )
M. Robinson , Juge du Banc du Roi en
Irlande, dont la roideur&la fermeté égalent
la ſagacité & les lumieres , ſiégeant derniérement
aux Aſſiſes dans le Comté de Kildair ,
voyant qu'un Militaire s'éroit mis dans une
place deſtinée pour les Jurés , appella l'Officier
du Shérif, & lui dit de faire fortir ce foldat
dela place où il étoit.= Mylord , dit le
Militaire,je ne ſuis point foldat. = Qu'êtes
vous donc , dit le Juge ?= Je ſuis un Officier
, Mylord. = Un Officier ! Eh bien,
Huiffier , faites ſortir cet Officier , qui dit
qu'iln'est point Soldat !
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 3 Décembre.
Le Roi a pris , Vendredi dernier , dans
fonConſeil, laréſolution de communiquer à
uneAfſſemblée de Notables de ſonRoyaume,
les vues importantes dont Sa Majesté s'occupe
pour le foulagement de fes Peuples , la
réformation de pluſieurs abus , & l'ordre
de ſes Finances. Enconféquence , les Secrétaires
d'Etat ont expédié des ordres de
convocation pour cette Aſſemblée , dont
Sa Majefté a fixé l'ouverture au 29 Janvier
1787. Elleſe tiendra à Versailles.
Le Vicomte de Valon Saint Hypolite &
le Marquis du Lyon , qui avoient précédemment
eu l'honneur d'être préſentés au
Roi & à la Famille Royale , ont eu, le 15
( 31 )
de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majesté& de la ſuivre à la chaſſe.
Le 20 , le Roi, accompagné de Monfieur,
&de Monſeigneur Comte d'Artois , s'eſt
rendu a l'Egliſe de la Paroiſſe Saint Louis ,
où il a aſſiſté au Service fondé pour le repos
de l'ame de feu Monſeigneur le Dauphin ,
&auquel le ſieur Jacob, Curé de cette Paroiſſe
, a officié. Madame Elifabeth de France
ya aſſiſté.
Le 24, le Marquis de Tourzel a prêté fera
ment entre les mains du Roi , en qualité de
Grand- Prévôt de France , en ſurvivance du
Marquis de Sourches ſon grand-pere.
Cejour , le ſieur de Sombreuil , Maréchal-decamp
; que le Roi avoit précédemment nommé
nommé Gouverneur des Invalides , a eu l'honeur
de faire ſes remercimens à Sa Majefté.
Les gerfaux d'Iſlande , préſent que le Roi de
Danemarck eſt dans l'uſage d'envoyer annuellement
à Sa Majesté , furent préſentés le même
jour , & reçus par le Comte deVaudreuil , Grand-
Fauconnier de France , & par le Chevalier de
Forget, Capitaine du Vol du Cabinet du Roi.
Le même jour , veille de Noël , Leurs Mas
jeſtés , accompagnées de Monfieur , de Madame,
de Monſeigneur Comte d'Artois , de Madame
Comteſſe d'Artois & de Madame Eliſabeth de
France , affifterent dans la Chapelle du Château
aux Vêpres chantées par la Muſique du Roi , &
auxquelles l'Evêque de Toulon officia. Vers les
dix heures du ſoir , la Cour ſe rendit a la Chapelle
, où , après avoir entendu les matines ,
elle aſſiſta aux trois Meſſes , pendant leſquelles
la Muſique du Roi exécuta divers Noels & Motets
b 4
( 32 )
,
de la compoſition du ſieur Mathieu , Maître de
Musfique en ſemeſtre. Le lendemain , jour de
Noël , Leurs Majestés & la Famille Royale ensendirent
dans la même Chapelle la grande
Meſſe chantée par la Muſique du Roi , & à laquelle
la Marquiſe de Fournaiſe a fait la quête-
L'après - midi , Leurs Majestés & la Famille
Royale , après avoir entendu le Sermon prononcé
par l'Abbé Seconds , affifterent aux Vêpres &
au Salut chantés par la Muſique du Roi.
Ce jour , la Comteffe de Faucigny a eu
l'honneur d'être préſentée à Leurs Majeſtés
& à la Familie Royale par la Princeſſe de
Lambalie .
: ১ .
DE PARIS , le 3 Janvier 1787.
>>La réfolution que le Roia priſe decom-
>> muniquerà une Afſemblée de Notablesde
>> fon Royaume les grandes vues dont Sa
>> Majesté s'occupe pour le bien de fon Etat
>> & le foula zement de ſes Sujets , ne peut
>> qu'être unive fellement applaudie. LaNa-
>> tion verra avec tranſport que ſon Souve-
>> rain s'approche d'elle , & s'unit de plus
>> en plus à ſes Peuples. Rien n'eſt plus ca-
>> pable de porter juſqu'à l'enthouſiaſme
>> les fentimens dont elle est déjà pénétrée ;
>> rien ne peut donner plus d'effor au pa-
>> triotisme. Les Aſſemblées des Norables
>> ont produit , du tems de Charlemagne , les
>> Loix fondamentales du Royaume ; elles
>> ont été ſuivies , dans des tems poſtérieurs ,
>> d'Aſſemblées d'Etats Généraux , & les ont
>> enfuite remplacés.
( 33 )
>> La dernière Aſſemblée des Notables s'eft
>> tenue en 1626. Orine fait pas encore quels
>> feront les objets qui feront traités dans
>> celle qui doit s'ouvrir le 29 Janvier pro-
>> chain; ma's on ne peut pas douter qu'elle
>> ne s'occupe des objets les plus importans&
>> les plus utiles pour le ſoulagement des
>> Peuples , Sa Majesté l'ayant elle-même
>> annoncé. Tout autoriſe à s'en promettre
>> les meilleurs réſultats ; jamais nouvelle
>> n'excita un plus grand intérêt & avec plus
>>> de raiſon .
>>On dit que la Liſte eſt d'environ 140
>> perſonnes choiſies parmi lesplus qualifiées
>> & les plus éclairées du Clergé , de la No-
>>>bleſſe , de la Magiſtrature & des principa-
>>> les Villes ; les Premiers Préſidens & Pro-
>> cureurs-Généraux des Cours Souveraines
>> y feront convoqués ».
>> Le Gouvernement , attentifaux moyens
>> d'encourager l'activité du Commerce Ma-
>> ritime,vient,dit- on, d'agréer le plan quilui
>> avoit été préſenté pour établirune corref-
>> pondance fréquente&sûre entre nos Ports
>> & nos Colonies. Selon ce plan , il y aura
>> 24 Paquebots qui feront ſans ceffe occu-
>> pés à faire la traverſée , & qui partiront à
>> des époques déterminées. Čes paquebots
>> feront fournis par les chantiers du Roi ,
>>& montés d'un nombre convenable de
>> matelots. Ils feront commandés par un
>> Officier de la Marine Royale , accompabs
( 34 )
2
>>gnéde deux autres. Sur chaque Paquebot
>>>il y aura en outre un fubrecargue , dont
>>>les fonctions feront de veiller à la remife
>> ou à la vente des miſesdans les porrs ; le
>>prix des paſſages & celui du fret ſur ces
>> bâtimens feront réglés de maniere que la
>> cherté du fret ne permette pas de les en-
>> combrer. LaFerme générale des Poſtes au-
>>ra la direction & le privilege de ces Paque-
>> bots , & elle donnera dix mille livres par
>>> anpour chacun de ces bâtimens : au moyen
>>de ce privilege , elle s'engage a faire paſſer
>>>pour la ſomme modique de 20 fols cha-
>>que lettre dans les Colonies , & pour 6 liv.
>> par an , tous les Journaux & Feuilles pé-
>>>riodiques du Royaume. Voilà du moins
>> ce qu'on débite de ce projet utile , dont
>> on lira les autres détails dans l'Arrêt du
>> Conſeil qui va paroître à ce ſujer. :
>>La chertédes fourrages, dit on encore,qui
>> a eu lieu depuis deux ans , ayant caufé des
>>pertes conſidérables aux Fermiers des Mef-
>>>ſageries , S. M. vient de leur accorder une
>>indemnité , outre une remiſe dans le prix
>>> de leur bail , pour les années ſubſéquentes.
La Lettre de M. François de Neufcha -
teau , qui a appris à nos Lecteurs le déſaſtre
du navire que montoit ce Poëte malheureux
, a donné lieu à celle qu'on va lire ,
écrite par le Cap. Charlet , Commandant le
navire le Pacificateur, le 4 de ce mois, au
Rédacteurdu Journal de Guyenne.
( 35 )
-- J'ai lu , Monfieur dans votre Jouthal du premier
de ce mois , une lettre écrite par M. de
Neufchâteau , paſſager ſur le navire le Maréchal
de Mouchy , lequel a eu le malheur de périr
ſur Mogane. Cette lettre, Monfieur ,ſembleroit
me faire un mérite au préjudice de M.
Gramont , du bonheur que j'ai eu en conduifant
à bon port le navire le Pacificateur , que
je commandois. Je dois , Monfieur , à M. de
Gramont une juſtification bien méritée par ſes
talens; elle m'eſt bien aiſée , & vous en ſerez
convaincu à la lecture de l'extrait de mon
Journal que je vous envoie , ſigné de moi &
de mes Officiers. Je vous prie de l'inférer dans
votre feuille.
Nous ſommes partis du Cap le 3 Septembre,
M. Gramont commandant le Maréchal de Mouthy,
& moi le Pacificateur , ( 'Aurore de Nantes,
n'étoit pas avec nous. ) Le navire le Maréchal
de Mouchy , marchoit mieux que le mien ;
c'eft-là fon malheur. J'aurois ſubi ſon même
fort, forcé par les vents & par les courans qui
m'ont trompés moi-même , ſi mon navire eût
été d'égale marche. Nous faiſions tous les deux
les mêmes manoeuvres pour ne pas , par prudence
débouquer de nuit; cependant je me ſuis
trouvé débouqué le matin du 5 Septembre , &
j'atteſte que c'eſt malgré moi & fans que je
m'en fufſe douté ſans qu'il y eût conféquemment
plus d'habileté ou de prudence de ma
part; le fort m'a ſervi , & il a nuit à M. Gramont.
Je vons préviens encore que je ne ſuis
ni ſonparent ni ſon allié , &c. &c.
L'équinoxe a été fatale àune infinité de
navires. Il eſt peu de ports qui n'at eſſuyé
quelque perte. On compte entr'autres parmi
les bâtimens perdus ou avariés. bo6
( 36 )
(
La Brunette , de Nantes , perdu ſur les Glénants,
en retour du Port au- Prince; l'équipage
fauvě.
La Reine de Golconde , parti de la Rochelle
pour Angole le 12 Novembre , rentré à Painboeufle
4 Décembre au foir , battu par la tempête
, quinze hommes de ſon équipage emportés
à la mer , démâté , le corps du navire fort
maltraité.
Le Comte de Montmorin , Capitaine Maillard
, parti de Nantes le 10 Novembre pour
le Port-au-Prince , rentré en rivière le 6 courant
par mauvais tems , ſon mit de miſaine dé
femparé.
La Ville-du-Havre , Capitaine Marville , échoué
fur les vaſes du Hommet , ayant touché ſur
un des cônes de Cherbourg , en retour du Cap
pour leHavre.
La Laurette , parti du Havre pour la Côte ;
le 22 Septembre , relâché le 30 ſuivant par voie
d'eau , ayant pu à peine approcher la jettée ,
où la cargaiſon a été déchargée , & le navire
dépecé.
L'Aimable Marthe , en retour du Sénégal pour
le Havre , appartenant à la Compagnie du Sénégal,
perdu dans le fondde Bristol ,le 14 Novembre
; l'équipage ſauvé.
Un Terreneuvier perdu ſur les vaſes en entrant
àlaRochelle.
Le Preffigny , de S. Mało , du port de 300 tonneaux
, à MM. Deshays , Dolley & Louvel , naufragé
le 30 Novembre aux environs de Lahorène.
1 、
Le Théodore , de Nantes , Capitaine Dupuis fils,
ayant chaflé ſur ſes ancres ,dans la rade du Morbian
,perdu ſurune roche ; la cargaiſon & l'équi
page ſauvés .
( 37 )
LeFly , Capitaine Beltcher , venant de Philadelphie
, chargé de tabac , deſtiné pour Bordeaux,
perdu le 26 Novembre ſur Cordouan ; l'équipage
Lauvé.
L'Aimable Thérèse , de Bordeaux , à M. L. Bourbon,
CapitainePagaud , péri au Cap de Bonne-Ef
pérance , corps & biens.
LaNatalie , de Bordeaux , Capitaine Gramont
jeune , en retour des Cayes , de relâche à la
Corogne , dématé de ſon mât de iniſaine , &
faiſant vingt-trois pouces d'eau par heure , &c.
Un accident de même genre a donné lieu
à la Lettre ſuivante que nous adreſſe M. le
Comte de la Fontaine Solare ..
Le 21 du mois dernier , le navire Anglois la
Nymphe , de 140 tonneaux , Capitaine Maſſervy ,
retournantde Lisbonne à Londres , fut égaré de
ſa route par une brume très obſcure , & toucha
ſur un banc vis-à- vis du village de Cucy ſous
Montreuil-fur- mer. L'équipage fit tous les efforts
pour le remettre à flot , mais ils devinrent inutiles ,
la ſecouſſe ayant fait entrouvrir la cale qui ſe
remplit d'eau à l'inſtant. Il ne reſta d'autre refſource
que la chaloupe. Le Capitaine y fit entrer
ſon monde , une caiſſe contenant 7500 piaftres&
les effets des matelots. La mer étoit groſſe ;
ces malheureux couroient rifque d'enfondrer a
chaque inſtant , ou tout au moins de chavirer
en traverſant la barre : à quelque diſtance de la
côte ils rencontrerent un pêcheur qui les prit à
ſon bord. L'équipage de la Nymphe étoit compoſé
de douze Anglois & de huit François ; ce
poids joint à celui de l'argent , ſurchargea tellement
le pêcheur , qu'il ne regagna la terre qu'après
avoir couru le plus grand danger. Enfin its
toucherent à onze heures du matin ſans acci
dent.
1
( 38 )
Lepatron du bâteau Pécheur ſe nomme Claude
Romain, il eſt du village de Mefl meret ; c'eſt à
lui a qui l'équipageAnglois doit la vie , & non
à Mrs. les Officiers de l'amirauté d'Abbeville ,
ainſi qu'on l'avoit inféré mal-à-propos dans la
gazette de France du 12 Décembre dernier.
L'amour de la vérité m'engage à vous écrire
cette lettre que je vous prie d'inférer dans votre
journal.
J'ai l'honneur d'être
le Comte DE LA FONTAINESOLARE,
>> On mande de Bayonne , que ce port
>>ayant été déclaré libre& franc en 1784 ,
>> l'abondance y circu'e depuis de toutes
>>>parts , & que la Nive & l'Adour font co-
>vertes de bâtimens . En effet , c'eſt dans le
>>baſſin de ce port que le Commerce fait
>> conſtruire ſes vaiſſeaux, & que le Roi ſait
>> travailler les membrures des ſiens. Les eaux
>> du baſlin y font très profondes. Il n'y a
>> aujourd'hui que le paſſage de la Barre qui
>> offre des difficultés à la navigation; mais
>>dans les hautes marées il y a 17 pieds
>> d'eau ,&pendantles autres jours 15 pieds,
>>>ainſi ſa navigation n'eſt interdite que 4
>>jours fur trente.
1
>> La Notice ſuivante ſur la Maiſon Phi-
>> lantropique d'Orléans contient des détails
>> authentiques & propres à rectifier les er-
>>> reurs qui ſe ſont gliſſées dans le compte
( 39 )
>> qu'en ont rendu différens Papiers publics.
La Maiſon Philantropique établie à Or-
>> léans , au mois de Mai dernier , fous la
>>>protection & par les bienfaits de leurs
>>>AA. SS. Monſeigneur le Duc & Madame
>>> la Ducheffe d'Orléans , a tenu uneaffem-
>>>blée générale& publique , le 24 Novem-
>>>bre , en présence de M. le Marquis du
>>>Crest , Chancelier de S. A. S.
>>Da compte rendu dans cette Aflemblée
>>> par M. Henri de Longueve , Avocat du
>>> Roi au Châtelet d'Orléans , Secrétaire
>> général de la Maiſon , itréſulte que cette
>>Société naiſſante eſt déjà parvenue àaffa-
>> rer le foulagement complet :,
>>>1º. De fous les nonagénaires.
>> 2°. De tous les octogénaires .
>> 3°. De tous les orphelins.
>>>4°. De toutes les veuves chargées de
>>>trois enfans & plus,
>> 5 °. De 80 infirmes.
>>
6°. De 160 femmes en couche.
Qu'indépendamment de ces ſecours ,
elle vient d'établir des filatures deſtinées à
>>occuper les pauvres capables de travail ,
>> & privés d'ouvrage , & particulierement
>> les femmes &les enfans.
Les Paroiſſes qui compoſent la Subdélégation
de Nérac ayant été dévaſtées en
grande partie par la grêle , au mois de Juin
dernier , nombre de pauvres Propriétaires ,
àqui cet accident avoit enlevé leur récolte ,
( 40 )
1
manquoient de grains pour enfemencer de
nouveau leurs terres. Les Négocians de Nérac
, touchés de la détreſſe de ces malheureux
agriculteurs , ſe ſont empreſſés de l'alléger
, en leur prêtant les grains de ſemence ,
ſous la ſeule condition du rembourſeinent
de leurs avances , ſans intérêt , à la récolte
prochaine. Le fecours a été rem's au Subdélégué,
qui en a fait faire la diſtribution. Ce
traitde patriotiſme méritoit d'être connu. II
affure à ces généreux Commerçans des droits
à l'eſtime publique , ainſi qu'à la reconnoiffance
de leurs concitoyens , dont ils ont eu
le bonheur d'adoucir le fort. Journal de
Guyenne , nº.351 .
)
&
Les Numéros fortis au Tirage de la
Lorerie Royale de France , le 2 de ce
mois , font : 84 , 6, 75 , 42 , & 39 .
PAYS- B A S.
DE BRUXELLES , le 30 Décembre.
Suivant les lettres de Louvain du 17 , le
Subſtitut du PPrrooccuurreeuurr--G( énéral du Brabant
continue de recevoir les plaintes des Séminariſtes
. Elles ſe réduiſent juſqu'ici à la de-
-mande du rétabliſſement de l'ancienne difcipline
, & de ce qu'ils appellent l'ancienne
Religion. Les Séminariſtes ne ſortent point;
l'un d'eux a été arrêté & envoyé dans les
prifons du Promoteur.
( 41 )
Le bruit s'étoit répandu d'un attentat
commis par deux Italiens ſur un bâtiment
François au Cap de Bonne Eſpérance. Des
lettres de cet établiſſement confirment cette
nouvelle qu'elles rapportent en ces termes :
Le navire La Rosette , parti de Bordeaux dans
le courant du mois d'Avril , ſe trouvoit le 12 Aoûr ,
peu après minut , à la vue de Table-Bay. Ce
bâtiment étant deſtiné à faire le commerce d'Inde
en Inde , le Capitaine ſe trouvoit nanti d'un grand
nombre de piaſtres. Faute de pouvoir choifir ſes
matelots , il avoit été obligé d'engager aux Chartrons
deux matelots Italiens nommés Telafco . Ces
deux freres remuans & féditieux , mécontens de
leur Capitaine , qui avoit , dans le courant de la
traverſée , fait mettre l'ainé aux fers ,ont conçu
le projet de s'en venger. Le Capitaine & fon
Lieutenant ſe repoſoient dans la nuit du 12 Août,
fatigués des peinesde la veille. Les deux Italiens
gagnent le Cuisinier & le Charpentier , qu'ils
arment chacun d'une hache ; ils marchent au
Maître d'équipage qui faiſoit alors le quart , ils
lui coupent la tête , ſans que la victime pouffe
un ſeul cri ; puis ils vont dans la chambre des
deux endormis ; le premier qu'ils frappent eft
mort dans le ſommeil ; le fecond dangereuſement
bleſſé met en fuite ſes affatlins & court après ;
mais arrivé ſur le tillac, il eſt percé d'un ſtilet
&jetté ſur le champ à la mer ; il ne reſtoit qu'un
Sr. Bois , pilotin; ils alloient le maſſacrer ; il
leur demande la vie à genoux ; on la lui accorde
àcondition qu'il tuera un mouffe qui avoit couru
ſe cacher au fond de cale. Le petit malheureux
eſt appellé par les traitres d'une voix douce & affectueuſe
; on lui promet un verre d'eau-de- vie :
il monte & Bois lui plonge un poignard dans le
coeur. Quelques heures après le Cuifinier s'apperçut
que Bois s'étoit emparé de la caiſſe du
défunt Capitaine : les meurtriers en prennentombrage;
ils courentà lui , lepiſto'et ſur la gorge;
mais il demande à être jetté à la mer ; comme il
ſavoit nager & qu'on étoità la vue de terre , il
parut chercher à gagner le rivage : les Telapco
ſe jettent dans la chaloupe , l'atteignent & lui
donnent pluſieurs coups de bâton ſur la tête. Le
nageur plonge ; les afſaſſins reviennent au vailſeau.
Bois néanmoins reparoît encore ſur lesvagues,
faiſant des efforts ; mais enfin il perdſes
forces & ſe laiſſe engloutir. Les matelots prennent
le coffre rempli de piaſtres , & les marchandiſes
les plus précieuſes ; ils font percer le navireauprès
de la quilte , puis ils l'abandonnent
ens'enfuyant dans la chaloupe ; mais ce Vaiſſeau
qu'ils croyoient ſubmergé arrive au port. MrBergerinde
Mouchy , Commiſſaire Ordonnateurde
France , en fait la viſite ; il apperçoit des traces
de ſang; tout lui indique la préſence du crime .
On fait des recherches , on bat la campagne des
environs , on trouve les coupables cheminant ſur
les terres ; on les ramene;ils ſont actuellement
enpriſon au capde Bonne Eſpérance.>>>
D'après les circonstances , le Haut-Confeil
d'Etat des Provinces-Unies ne donnera
pas cette année l'état ordinaire de guerre;
les quotes-parts des Provinces étant trop
difficiles à régler en ce moment.
Le Baron de Reiſchach , Envoié extraordinaire
de S. M. l'Empereur auprès des
Etats-Généraux , ne quittera la Haye, qu'au
mois de Mai prochain : c'eſt uniquement
pour rétablir ſa ſanté & vivre tranquille
( 43 )
ment , que fon Exc. a obtenu ſon rappel. Sa
Commanderie de l'Ordre Teutonique lui
rapporte 100 mille florins par an .
L'enquête judicielle ſur la non expédition
de Breft , ne ſe pourfuit que foiblement ;
mais on aſſure que les Etats-Généraux feront
une démarche vigoureuſe vis-à vis des
Etats de Gueldre , pour que le Comte de
Byland ſoit forcé de venir répondre à la
Commiſſion nommée pour le juger , de même
qu'aux autres Officiers inculpés dans
cette affaire. On ébruite dans ce moment ,
que M. de Byland eſt parti pour l'Angleterre.
Gazetted'Amſterdam , n°. 102.
MM. les Etats de Friſe , dont la majorité
a changé de ſyſtême politique , depuis le
dernier voyage de S. A. en Friſe , ont écrit
une lettre aux Etats de Hollande , dans la
quelle ils approuvent&juftifient l'entrepriſe
violentefaite par le Stadhouder ſur les deux
villes de Hattem &d'Elburg : ils cenfurent
en même temps les réſolutions véritablement
patriotiques des Etats de Hollande ,
relatives àtoute cette entrepriſe inconftitutionnelle.
Cette lettre de MM. des Etats de
Friſe , eſt conçue en termes fi vifs , que pluſieurs
Membres des Etats , croyant y voir
une inſulte faite à la Souveraineté de notre
Province , ont propoſe de la fupprimer.
Idem.
La lettre de Mrs. lesErats de Friſe , aux Etats
de Hollande , a été lue dans l'aſſemblée de Mercredidernier.
On ne conçoit pas que laMajorité
( 44 ).
desEtats de Friſe ait pu ſe permettre des expref.
fions aufli offenſantes envers leur plus puiſſant
Confédéré . Les Etats de Hollande font traités
dans cette Lettre inflammatoire , comme des Oppreſſeurs
, qui ont forcé les habitans de leur Province
à s'armer , pour opprimer facilement les
autres Provinces de la Confédération . Cette calomnie
évidente n'a pas beſoin d'être refutée ;
elle eſt plus digne d'un libelliſte , que d'une afſemblée
Souveraine ,qui oſe ſe la permettre dans
une lettre miniſtérielle; aufli cette lettre a-t-elle
eu le fortqu'elle méritoit,Nos Seigneurs les Etats
de Hollande l'ont condamnée à un éternel mépris,
& l'ont rejettée comme non-avenue , fans permettre
ni qu'elle fût enregiſfirée , ni qu'on entamât
la moindre délibération ſurfon contenu. Cetre
ſage diſposition n'auroit pas , ce ſemble , dû trouver
la moindre contradition & auroit dû réunir
tous les fuffrages dans l'aſſemblée des Erars; cependant
Mrs. de l'Ordre-Equestre , &la Ville de
Delft furent d'avis contraire ; les premiers vouloient
qu'elle fût rendue commifforiale , & que
réponſe y fût faite ; Delft vouloit qu'elle fût priſe
en notification ; la Ville d'Amſterdam ne donna
pas ſon avis. Gazette d'Amſterdam , nº. 103 .
>>M. Beaujon , écrit on de Paris , laiſſe
>> moins de fortune qu'on ne penſoit à tes
>> deux freres qu'il a inſtitué ſes héritiers ; &
>> on ne parle pour eux que de 8 à 10 mil-
>> lions : mais outre que ce millionnaire a
>> fait une quantité prodigieuſe de legs par-
>> ticuliers , ( on les évalue à près de 4 mil-
>> lions ) il jouiſſoit d'environ 500,000 liv.
>> de rentes viageres ; & ces rentes il les avoit
>>> conſtituées ſur ſa tête & fur celle de fes
( 45 )
>>>amis &de ſes connoiſſances qui en héri-
>> tent aujourd'hui ; de forte qu'à ſa mort le
>>> Tréſor royal gagne fort peu. Parmi les
>> legs principaux on trouve 200,000 liv- à
>> l'Hôpital de Bordeaux , 120,000 liv. à fa
>>Paroiſſe de la Magdelaine , 300 mille à
M. de la Chatre , 200 mille à ſon Chirur .
>> gien , des legs conſidérables à tous ſes
>> gens. M. le Préſident de Lamoignon eft
>> nommé fon Exécuteur teſtamentaire, avec
>>l'adminiſtration perpétuelle de l'Hoſpice
>>>fondé par M. Beaujonau Roule M. Guil-
>>>laume ſon caiffier , & Grivean ſon No-
>>>taire, font adjoints à l'exécution teſtamen-
>>>taire. Il paroît une longue liſte de tous
>> les autres legs.
לכ
בכ
Le Divan perſiſte de plus en plus dans le
deſſein qu'il a formé d'encourager généreusement
les arts & les ſciences . Il adonné ordre
de travailler immédiatement à la traduction
en langue Turque , du Dictionnaire Encyclo-
>> pédique , & afin de faciliter cette entrepriſe ,
>>>pour l'avantage & l'intelligence des Muſul-
>> mans qui aiment les belles-lettres & les ſciences
, on doit copier toutes les planches de
>> l'Edition de Paris. En conſequence on a fait
>>>acheter en France & Italie , toutes les planches
>> qu'on a pu ſe procurer. Cette réſolution a
>> éprouvé de très-grandes difficultés ; le Mufti
>> s'y eft oppoſe de tout fon pouvoir , mais on
>> n'en pourſuit pas moins avec vigueur le projet
>> de civiliſer & d'éclairer la Nation. Courier
» d'Avignon , nº . 101 .
>>>Il exiſte , dit on , entre les mains de
( 46 )
> l'Abbé Brifard deux Manuscrits de so
>> pages chacun , tracés par la main de Jean-
>> Jacques Rousseau , tantôt avec un crayon
>> noir, tantôt avec de la mine de plomb , &
>>quelquefois avec une plume trempée dans
>> de l'encre , ſouvent noire , mais encore
>>p>lus ſouventblanche. Ces Manuscrits pré-
>> cieux reſſemblent aſſez, à de petits Jour-
>> naux de comptes. Ils font intitulés : Nou-
>> vel Extrait , qu'il faudroit ajouter à la
> Nouvelle Héloïfe. Cet opufcule eſt de 1757.
>> Tout y décele l'âme pure & l'énergie brû-
>> lante de l'Auteur. Gazette d'Utrecht , no.
» ΙΟΣ.
Paragraphes extraits des Papiers Angl. &autres.
Quelques gazettes étrangeres ont parlé , d'après
les papiers Anglois , d'une prétendue ceffion
des Floridesque l'Eſpagne alloit faire à la France;
elles ont même donné les principaux articles de
cetraité imaginaire. Bien loin de ſe défaire des
Florides , la cour d'Espagne s'occupe en cemoment
à mettre leplusgrand ordre dans ſes colonies
& à prévenir toutediſpute avec les colons
Américains qui les avoiſinent. On croit qu'il
leur ſera permis de deſcendre le Miſliſlipi jufqu'à
la mer , mais juſqu'à certains poſtes où ils
pourront ſe défaire de leurs marchandises ; ce
qui ſera avantageux aux Américains & aux Eſpagnolsenmême-
tems. Idem.
( 47 )
<
GAZETTE ABREGEE DES TRIBUNAUX ( 1 )
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE .
Causeentre lefieur le M***. & la Dameson épouse.
DEMANDE EN SÉPARATION DE CORPS.
Les reproches fournis par un mari , depuis l'ap .
pelde la ſentence qui a admis la femme à la
preuvede ſes faits , contre les témoins de l'anquête
par eile faite, élevent une fin denonrecevoir
contre l'appel qu'il avoit interjetté ,
parce qu'il eſt ſenſé par le fait s'être déſiſté de
ſon appel , & avoir reſſaiſi de nouveau les Juges
de la conteftation ; c'eſt ce qui a été jugé dans
cette caufe. La demoiselle *** mariée en
1783 au fieur le M*** fils , prétend avoir augmenté
le nombre des femmes malheureuſes , qui
s'annoncent comme victimes de ce qu'elles appellent
lejoug inſupportable du mariage Quelques
mois ont ſuffi , dit-elle , pour la faire repentir
du choix qu'elle a fait , & elle auroit ſouffert
ſans ſe plaindre les emportemens de ſonmari,
6ſa vie n'eût été ſouvent dans le plus grand dane
[1] Cet Ouvrage , dont M. MARS Avocat au Parlement
deParis, eſt l'Auteur , paroît tous les Jeudis , depuis plus
de 10 ans ſans interruption. On trouve toujours danschaque
feuille un certain nombred'articles. 1º. Une notice
de Cauſes civiles & criminelles . 2°. Un exposé de quef
Lions ſur leſquelles on demande l'avis des Juriſconſultes.
3°. Les réponſes à ces mêmes queſtions. 4°. Des diſſertations
ſur des points de Droit, d'ordonnance oude Coutumes,
5º. Une indication des Mémoires & Plaidoyers
imprimés , 6°. L'annonce & l'objet des Livres de Droit ,
de Jurisprudence & autres qui peuvent y avoir rapport.
7°. Les Arrêts du Conſeil , ceux des Parlemens & autres
des Cours Souveraines , les Sentences de Police ; en un
mot , tout ce qui fait loi ou réglement dans le Royaume.
8°. Enfinun articledeLégislation Législatu étrangere. En tout
temps on ſouſcrit rue & hôtel Serpente, Prix, is liv. pac
an, franc de port
( 48 )
ger. Elle s'eſt donc vue obligée de former fa
demande en ſéparation de corps : pour y parvenir
, elle a articulé des faits dont elle a demandé
à faire preuve. Cependant des marques
de repentir conſignées dans des lettres où le ſieur
le M*** promettoit de faire oublier ſes emportemens
, arrêterent pendant quelque tems les procédures
de ſa femme ; mais n'ayant point tenu
les paroles qu'il avoit données , & ayant aggravé
ſes torts , elle continua la procédure commencéc,
*& obtint au Bailliage de Pontoiſe une ſentence
qui l'admit à la preuve deſesfaits. Son marien a
interjetté appel enla Cour. Uu Arrêt ſur appointement
à mettre ayant autorisé la Dame le
*M*** à fairefon enquêre , elle a fait entendre
des témoins. Son mari alors a fourni des repro-
*ches contre pluſieurs. L'information de la femme
a été achevée : le mari , au lieu de faire ſa contre-
enquête , apourſuivi le jugement de fon appel
de la Sentene qui admettoit ſa femme à la
preuve de ſes faits. La Dame Je M***, a pour
Jors foutenu ſon mari non-recevable dans fon
appel , ſur le fondement qu'ayant fourni ſes reproches
contre les témoins de l'enquête , il étoit
Tentë s'être défilé de fon appel , & avoir de
nouveau conflitué les premiers Juges arbitres de
la conteftation ; elle a conclu à l'evocation du
principal , & demandé , attendu les preuves réfultantes
de l'enquête &de la lettre de fon mari,
qui contenoit l'aveu formel de ſes mauvais procédés
, à être dès-à-préſent ſéparée, Cette fin
de non recevoir oppoſée par la femme à ſon mari
a été adoptée; mais la Cour n'a pas cru devoir
ordonner l'évocation du principal. Arrêt du
13 décembre 1786 , qui a mis l'appellation au
néant , ordonné que ce dont eft appel fortiroit fon
pcin& entier effet , condamné l'Appellant en
Famende & aux dépens.
1
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 13 JANVIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LE NOUVEL AN.
NON , ON , mes amis, envérité!
Non,lorſque l'an ſe renouvelle,
Mon coeur n'en eſt point attriſté.
Sidans leur courſe mutuelle ,
L'an qui renaît encor , l'an qui s'eſt écoulé,
M'annoncent la vieilleſſe & me rapprochent d'elles
Dans un lointain moins reculé,
T'apperçois, au flambeau d'une raiſon nouvelle ,
Le temple de la Déité
De qui les ans font valoir la beauté,
No. 2 , 13 Janvier 1787. C
1
so
MERCURE
Le temple heureux de l'amitié fidelle.
Si pour étrenne , hélas ! l'amour n'offre au deſir
Que les bouquets flétris de roſes fortunées ,
Que dans l'an qui n'eſt plus on aimoit à cueillir;
Si je perds , toutes les années ,
Quelques-uns des inftans conſacrés au plaifir ;
L'amitié, chaque jour ,par ſes ſoins me conſole
De la perte de mes beaux ans ,
Etdans mon coeur ſenſible , à l'amour qui s'envole,
Fait ſuccéder de plus vrais ſentimens.
Amitié, doux penchant, tréſor dans les alarmes ,
Qui , c'eſt en veilliſſant qu'on connoît mieux tes
charmes!
Quand les folles illuſons
Qui ſéduiſent dans la jeuneſſe ,
Quandles ardentes paſſions,
Ennous trompant, nous égarent ſans ceſſe;
C'eſt en vainque nous voudrions
Connoître& ſentir ton ivreſſe.
Tu veux des ſens moins chauds , des deſirs moins
ardens;
Taflamme eſt douce , &l'on brûle à cet âge....
Non , non , jamais les jeunes gens
Net'offriront le pur hommage
Quet'adreſſent tes vrais amans.
Lebeſoin ſeul d'un coeur , qui veut qu'on le ſoulage
Des peines, des ſecrets , des faveurs des amours ,
Fait les amis dans les beaux jours;
DE
SI
FRANCE.
L'intérêt ceſſe , on ſe dégage.
Oui , j'ai trop fu l'apprendre à mes dépens !
Dans leurs divers attachemens
Tous les mortels à vingt ans font volages ;
Et l'amitié reçoitdans leur printems
Aurant de frivoles hommages
Que l'amour de légers ſermens.
PHILOSOPHE du coeur , ſage ſans le paroître,
Je me ſuis dit depuis long-temps :
Chaque âge a ſes plaiſirs , ſes goûts, ſes ſentimens,
Pourquoi donc m'attriſter lorſque je vois renaître
Le moment où Janus , revenant ici -bas ,
Semble avertir ainſi chaque être
Que vers la tombe encore il vient de faire un pas.
Cette affligeante idée a pour moi mille charmes ;
Je me dis : j'ai perdu quelques jours orageux
Occupés par l'amour , ſes tourmens, ſes alarmes,
Et je touche à des jours heureux ,
Ades jours où mon coeur , devenu moins volage.
Ne voudra plus brûler de tendres feux
Que pour une beauté ſenſible, douce& ſage ;
Où mes amis ſur-tout, qu'alors j'aimerai mieux ,
M'aimeront auſſi davantage.
Je ne ſuis point ambitieux ;
Peu de tien ſuffit à mes voeux ,
Et l'obſcurité ſait me plaire ;
C
52 MERCURE
:
Auſſi je le ſens , mes amis ,
Dans ma demeure ſolitaire ,
Auprès d'une compagne chère,
Si je vous voyois réunis,
Je n'aurois plus de veoeux à faire.
Loin d'applaudir , comme en ce jour,
Quand je perrois fuir à fon tour
L'an qui pour nous ſe renouvelle,
Voyant qu'il ne pouvoit finir
Sans détruire auſſi de ſon alle
Les douces heures de plaiſir ,
Qu'au ſein de l'amitié fidelle
Dans ſa courſe il venoit m'offrir;
Je me plaindroisde ſa vîteſſe ,
Qui précipiteroit ſon cours ;
Et je voudrois voir ſes beaux jours
Sans ceffe heureux , durer ſans cefic,
}
DE FRANCE. 53
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
Lemot de la Charade eſt Fauxbourg; celui
de l'énigme eſt Page; celui du Logogryphe
eſt Marinite , où l'on trouve air, mer , ami ,
mari , ame, mie, arme, rame , raie rat,
mare , rime, mitre.
CHARADE.
M
Mon ſecond eſt un végétal;
Et mon tout eſt un animal."
ON premier eſt un mineral ;
QUE
ÉNIGM E.
UE mon deſtin, Lecteur, eſt contraire&critique!
Avec acharnement le Limousin roſtique
Me prend , me met au feu , me dépouille en entier ,
Me dévore ,nuavale , & le tout fans quartier.
Je ſuis en d'aures lieux durement rejetée ;
Que de fois par vous- même ai-je été rébutée ?
Vous êtes un ingrat, redoutez mon courroux,
Je vous ferat ſentir.... la rigueur de mes coups.
Cit
MERCURE
Chez Brigandeau , Sangſue , on m'aime à la folie;
En carême ſur-toutje ſuis bien accueillie.
Mais vous me dédaignez ! vous qui ferez par moi
En triomphe peut- être un jour proclamé Roi .
H
(Prévostde Moka , Américain.)
LOGOGRYPHE
UIT pieds , mon cher Lecteur, compoſent tout
mon être ;
Sous deux ſens différens onpeut me reconnoître;
Je ſuis un procédé des plus humilians
Pour qui l'éprouve , ou bien avec l'intelligence
D'un ſecours étranger, je meus deux éléinens;
J'attire l'un chez moi , ſur l'autre je le lance
Juſqu'àce que mon guide , enfin las de ce jeu,
Me permette àmon tour de repoſer un peu.
En me dénaturant , en moi tu peux trouver
Ce qui dans un ragoût ſert à le relever ;
Un être pen ſenſé qui ſe croit très-habile ;
Une pierre fort blanche à tailler très facile ;
Un terme d'amitié ; ce que craint un enfant;
Une lourde monnoie ; un inſtrument à vent;
En muſique deux tons ; un met fort en uſage ;
Un des quatre élémens ; le contraire de ſage;
A maintjeu de haſard un objet defiré.
Mais je me tais , Lecteur ; car tu m'as deviné.
(ParM. Robert des Roches. :
DE FRANCE. 55
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ISMAN , ou le Fatalisme, Histoire Perſanne,
traduite du Portugais de Dom Sébastien
Lonzo , en deux volumes in- 12 . A Lifbonne
, & ſe trouve à Paris, chez Bailly ,
rue Saint-Honoré. 1785.
AVANT de faire l'analyſe de ce petit roman,
dont le plan , la manière & le ſtyle font
un peu calqués ſur les romans de Voltaire ,
nous obſerverons qu'il y avoit autrefois en
littérature certains genres faciles à traiter ,
avant que des hommes du premier ordre s'en
fuſſent emparés. Combien de jeunes gens
auroient acquis une réputation par leurs
pièces fugitives,ſi Voltaire &Greffet , par
la ſupériorité qu'ils ont déployée dans ce
genre , ne l'avoient rendu preſqu'inabordable
! Et Monteſquieu , en jetant dans les
Lettres Perſannes le germe de toutes ſes idées,
&en les entourant de l'heureux cadre du libertinage
oriental & de la fatyre de nos
moeurs ainſi que de nos ridicules , n'a - t'il
pas impoſé filence à tous ces faiſeurs de
Lettres Juives , Turques ou Chinoiſes ? Le
génie , comme le deſpotiſme , ne laiſſe que
desdéſerts après lui.
L'Auteur de ce nouveau roman a voula
t
Civ
16 MERCURE
jeter fur certaines opinions , le ridicule que
Molière jetoit ſur les caractères . C'eſt le but
de Candide , de l'Ingénu & de preſque tous
les romans de Voltaire. Mais il faut dire à la
gloire de Molière , qu'avant de couvrir un caractère
de ridicule , Molière créoit ce caractère
: il faifoit Harpagon ou Tartufe avarit
de les immoler ; & c'est bien autre choſeque
desMartin &des Pangloff foutenant des opinionsdéjà
ridicules par elles-mêmes , & qui
n'ont pas , comme les paffions , leurs racines
dans le fond du coeur. Attaquer les paffions
eftdonc le grand coeuvre en philofophie , &
les attaquer comme Molière avec la verve
de l'éloquence &de la poéſie , c'eſt l'oeuvre
du génie. Ajoutons à cela qu'il ne faut être
que plaifant pour fronder les travers de l'efprit
& fiffler les rêves de l'école , & Voltaire
en effer ne fut jamais comique.
Malgré ces raiſons , puiſées dans la juſtice
&la vérité, il faut obſerver que par la nature
deschofes ,lespeintures de Molière doivent
vivre à jamais , & que le roman de l'Optimisme
, par exemple , doit paſſer de mode ,
malgré le grand nom de Leibnitz . Dès qu'une
opinion eſt tombée du mépris dans l'oubli ,
il faut que les livres qui l'attaquent , tombend
comune les livres qui la défendent. D'où on
peut tirerune concluſion qui ſemble étrange
au premier coup-d'oeil , & qui eft rigoureuſement
vraie. C'eſt que ſi Molière eût corrigé
tous les avares & les hypocrites de ce
monde , ſes chefd'oeuvres devenant inutiles ,
٢٠٠٠
DE FRANCE
37
auroient été bientôt oubliés. Il faut donc qu'il
naifſe ſans ceſſe d'autres hypocrites&de nouveaux
avares , pour montrer combien les portraits
que Molière en a faits , font encore
pleins de vie : il faut que le génie combatte
les têtes d'une hydre qui en repouflera d'autres,
tantque durera cette lutte ordonnée par
labelle nature. Car ce mélange de biens &
de maux qui compoſe le grand tableau de
la vie , eſt le modèle éternel que les artiſtes
detous les temps cherchent à copier. Et où
l'Orateur & le Poëte iroient- ils tremper leurs
pinceaux , fi tout étoit vertu , calme& fymétrie
en ce monde ? Loueroit- on la beauté , fi
la laideur n'exiſtoit pas ? Et fi l'homme rencontroit
le bonheur & la vertu fur le feuil
même de la vie , il n'auroit point de carrière
à parcourir. Mais ces deux brillans fantômes
ſe ſont placés à l'autre bout du chemin. C'eft
de- là que la vertu appelle tous les hommes ,
en leurmontrant le bonheur qu'elle tient par
lamain. L'eſpérance eſt avec eux ; elle marche
en avant , embelliflant & reculant fans ceffe
la perſpective.
Mais s'il a été néceſſaire que les paffions
euffent ce germe immortel qui refleurit fans
ceffe dans le coeur de l'homme , il falloit
auſſi ſans doute que les opinions philoſophiques
fuffent mobiles & paffagères. Le fatigant
problême du bien& du mal a toujours
tourmenté la penſée d'un être qui ne cherche
qu'à être mieux , & qui ſe trouve toujours
mal: tel eſt l'homme en effer. Il voudroit
Cy
18 MERCURE
em
expliquer le mal phyſique & moral ſous un
dieu intelligent & bon , & tantôt, dans le
rêve qu'il pourfuit , il avance que ce dieu
n'a pu mieux faire , tantôt , qu'il n'a pu
pêcher une fatalité , un enchaînement auffi
ancien que lui ; tantôt enfin , qu'il y a dans
la nature deux principes : l'un du bien , l'autre
du mal , contemporains tous deux , & tous
deux coopérateurs éternels du monde.
Ces trois ſyſtèmes ont régné tour à tour ;
ils ont difparu & on les a revus , de ſiècle en
fiècle. L'eſprit humain , las d'une attitude ,
en prend une autre , & il appelle révolutions
philofophiques , ces petits changemens
qui ſe font à certaines époques. C'eſt un malade
qui ſe ſoulage en ſe couchant fur un
autre côté , mais il ne ſe guérit pas.
Voltaire , dans ſon Candide, s'eſt joué de
l'Optimiſme & du Manichéiſme ,& le roman
que nous annonçons au Public en veut au
Fataliſme. Si on le compare à Candide , il ne
foutiendra pas toujours le parallèle, mais il le
ſoutiendra quelquefois ,& c'eſt un avantage
dont aucune des imitations du Télémaque
n'avoitencorepu ſe vanter.La fortunede Candide,
c'est d'abord le grand nom de fon Auteur,
& enſuite le grand nom de Leibnitz
qui s'y trouve immolé ; enfin quelques plaifanteries
dignes de Voltaire , &des tableaux
fort libres qui allèchent la foule des Lecteurs.
L'Auteur du Fataliſme ne s'eſt pas toutà-
fait privé de cesdeux dernières reſſources ,
DE FRANCE.
19
mais il n'a pas un philoſophe tel que Leibnitz
àpréſenter à la riſée publique. Le héros de
ſon roman eſt unjeune Perſan à qui il atrive
une foule d'aventures ;& Bafile , Capucin
de la miſſion de Tefilis , ne voit dans
tout ce qui arrive à Iſman , que le fataliſme
dont il eſt entiché. Le portrait des moeurs
orientales eſt un peu uſé, mais celui qu'en
fait l'Auteur eſt du moins fidèle aux idées
qu'on nous en a données juſqu'ici. Iſman ,
amoureux d'Azire , ſe ruine pour elle ; Azire
ſemoque de lui , &deux amisque rencontre
Ifman dans une des hôtelleries d'Iſpahan ,
lui racontent l'un après l'autre des aventures
qui leur font arrivées , & qui devroient le
guérir de ſa folie pour une femme qui le
trompe. " Je trouvai un ſoir , lui dit le pre-
>> mier, un grand jeune homme à la porte
ود de ma maîtreffe , qui me repouſſa rude-
>> ment : je ſautai à lui le poignard à la main ;
>> il étoit déjà armé du ſien: je lui donnai
>>>une forte eſtocade dans le bras , & lui me
creva un oeil. Je tombai ſans connoiffance ,
» & je fus tranſporté chez moi par mes
>> eſclaves. Vers le marin je fis un effort pour
ود écrire un motàma belle, & lui raconter
>> mon malheur. Vous êtes un monſtre , me
>> répondit-elle; vous avez bleſſé le plusbeau
>> jeune homme d'Iſpahan ; j'ai été occupée
>> toute la nuit à panſer ſon beau bras. Que
>>n'avez-vous perdu vos deux yeux & la vie ,
plutôt que de verſer une goutte de fon
>>fang! »,
Cvj
MERCURE
Le ſecond des convives qui a une jambe
de bois , dit à Ifman : J'étois un jour aux
>> pieds d'une femme que j'adorois ; je lui
>>> parlois de mon amour avec feu &je de-
>> venois preffant. Arrêtez , me dit-elle; je
>> vois que vous m'aimez ; mais quand vous
" ſaurez l'imperfection que j'ai, vous ceſſerez.
>> auſſitot de m'aimer. Alors , embraſſant fes
>> genoux , je lui proteſtai que s'il étoit vrait
>> qu'elle eût quelque défaut , ce que je ne
>>> pouvois croire , cela ne pouvoit m'empê-
>>cher de l'aimer ; que mon amour étoit
>> fondé ſur ſes vertus, ſur ſes graces, ſur fest
>> talens. J'exprimois tout cela avec un fen-
>> riment , une âme capables de l'attendrir.
>> Monfieur, me dit-elle, je ne pourrai ja-
>> mais aimer quelqu'un qui n'aura pas las
>> même imperfection que moi. Diſant cela,
ود elle retrouſſaſonjuponblanc,&me mon
» tra une jambe faite au tour. A cette vue
>> je palpitai de plaifir; mais quelle. fur ma
>> ſurpriſe , quand elle ôta ſajarretière & que
>> je vis une jambe de bois ? Cependant mon
>> amour l'emporta fur ma furpriſe ; je pris
>> cette jambe, toute dure& toute inſenſible
qu'elle étoit , & je la couvris de baifers.s
La belle boiteuſe me dit alors : vous voyez
que je ne puis vous aimer depuis le
>> parti que j'ai pris : finiſſez vos pourſuites;
>> j'attends , pour aimer , qu'un boiteux fe
>> préſente. Je la quittai à ces mots , & je
>> rentrai chez moi tranſporté de douleur&
d'amour. J'avois ſi bien la tête perdue,
ود
"
DE FRANCE. 61
>> que, dans ma folie , je fis venir un Chi-
>> rurgien ,&je lui ordonnai de me couper
» la jambe. Il réſiſta d'abord , mais avec de
>>l'argent je levai ſes ſcrupules ,&majambe
>> fut coupée. On m'en fit une de bois , &
>> lorſque je fus un peu rétabli , j'allai voir
>> ma belle d'un air triomphant. Je viens ,
ود lui criai-je en entrant , recevoir ma ré-
>> compenſe; me voilà boiteux pour l'amour
>>>de vous,& je lui montrai majambe. Allez,
>> me dit - ellee d'un air dédaigneux , vous
>> êtesun fou ,&je ne dois pas aimer un fou;
» & elle me ferma ſa porte. J'appris que
>> cette beauré avoit pris du goût pour un
>> jeune Sophi , &c. こ نا
Ces deux anecdotes auroient ouvert les
yeux d'un homme moins paffionné qu'Iſman ;
mais l'impérieuſe Azire s'eft emparée de
toutes ſes facultés , & finit par lui rendre
la vie fort dure. Elle s'entoure de femmes
qui penſent comme elle ,& il ſe forme dans
la maiſon d'Iſman une conjuration contre
les hommes.On y agite du matin au foir le
problême à la ſolution duquel les femmes
tiennent tant ; ſavoir , ſi elles ne ſont pas
capables d'un ouvrage de génie , ou d'une
découverte dans les fciences , ou enfin de
gouverner ce monde. Ce dernier point ne
leur. eft guères contefté , & les deux autres
ne devroient jamais être en litige. Iſman finit
ladiſpute par le conte qui fuit :
« Ilyavoit auprès de Perſépolis troispoules
>qui ne faifoient pointd'oeufs& qui étoient
C
62 MERCURE
>> très-babillardes. Elles vivoient ſans coqs ,
» & tout leur bonheur conſiſtoit à en dire
>> beaucoup de mal. Un jeune coq aux épe-
>> rons acérés& à crête de pourpre , les fur-
>> pritunjour au milieud'un cercle de poules,
» où elles faifoient un éloge pompeux de
وو leur ſexe , en rabaiſſant le nôtre. Mais à
» quoi penſez-vous , leur dit le jeune coq ,
>>devous tant louer, de nous tant déprimer,
» & de vouloir vous paſſer de nous ? Nous
>> penſons , crièrent-elles toutes à- la- fois , à
ود
"
,
nous venger de vous & à vivre heureuſes
>>fans vous.- Quoi ! vous vous louez &
» vous vous croyez vengées , vous vivez fans
coqs & vous vous croyez heureuſes !
» Laiſſez , croyez-moi , ces opinions folles
>> revenez à l'eſtime & à l'amour que vous
>> nous devez; vous ferez aimées & yous
>> goûterez un bonheur dont vous ne con-
>> noiſſez pas même l'ombre.-Ah ! vous
• voudriez , Monfieur , faire de nous des
>> eſclaves! Pour qui nous prenez- vous donc ?
ود -Bour des poules,repritle coq. N'êtes-
>> vous pas faites pour être ſoumiſes , puiſque
>> nous ſommes forts&que vous êtes foibles?
ود
"
- Comment , foibles , impertinent que
vous êtes ; nous , foibles ! mais ſavez vous
>> bien que nous vous couperions la crête,
ود toutes les trois , ſi nous voulions.-J'en
>> doute , Mesdames , ſi toutefois vous me
» le permettez. Mais , que vois-je là-bas ,
>> s'écria- t- il ? C'eſt la bête à groſſe queue ,
" c'eſt un renard; nous ſommes perdus !-
DE FRANCE. 63
» Un renard ! s'écrièrent-elles : ô ciel ! on
>> nous cacher ? Et tout auſſitôt elles ſe ta-
>> piſſent , plus mortes que vives , dans les
>> premiers trous qui ſe préſentent. Mais le
>> coq ne perdit point la tête ; il vole à fon
>> ennemi , lui livre un combat ſanglant , le
ود
ود
déchire du bec & de l'éperon , ſonne l'a-
>> larme & le met en fuite.Enſuite il chante
>> ſa victoire & crie aux poules : fortez , il
>> n'y a plus rien à craindre. Eh bien , Mef-
>>dames , quel eſt le plus fort de vous ou
>> de moi ?- Eh , mais ! dirent-elles encore
>> toutes tremblantes , la belle choſe que
» vous avez faite là ! Si on nous élevoit
>>comme vous, nous en ferions bien au-
>>tant.-Ah ! bégueules que vous êtes , l'é-
» ducation m'a-t- elle donné ma crête , mon
>>bec , mes ergots & ma taille ! Voyez en .
>> ſuite ce que nous faiſons pour vous; nous
combattons, nous travaillons&
>> offrons avec joie le fruit de nos victoires
» & de nos travaux. Mais vous , que faites-
>>vous de grand en ce monde ? -Les trois
>> entêtées ſe rejetoient toujours ſur l'édu-
>> cation; mais une jeune poule très- ingénue
>>qui ſe trouvoit- là , s'écria: nous faiſons les
cogs. Ce mot finit la diſpute. »
ود nous vous
Iſman ſe ruine pour Azire; il fait un poëme
pour ſe tirer d'affaire ; mais un eſpion de la
Police Littéraire le dénonce & le fait jeter
dans un cachot. Azire l'avoit abandonné quelque
temps auparavant. Mais Baſile, qui avoit
obtenu une petite place de Médecin dans un
64 MERCURE
fauxbourg d'Ifpahan , apprennant le malheur
de fon ami , parvient à le faire fortir de prifon,
à force d'intrigues &de moyens. La delivrance
d'Iſman eſt un des endroits le mieux
contés du livre. Ifman elluie une foule d'aventures
fortbien enchaînées , & plus malheureuſes
les unes que les autres. Bafile lui
dit toujours pour le confoler : croyez - vous
qu'il vous arriveroit des choſes ſi étranges , ſi
elles n'étoient écrites de toute éternité dans
le livre de fer ? Azire a auſſi ſes aventures ;
elle finit par être fouettée & marquée , &
bannie d'Iſpahan , ce qui ne l'empêche pas
de trouver dans la ſuite des amans du premier
ordre.
L'extrême variété des événemens ne nous
permet pasde ſuivre les détails de ce roman;
mais nous ofons promettre au Lecteur , qu'il
fera entraîné par cette lecture ; & dans une
Capitale , dans la Province même , il faut
de ces livres qui occupent les âmes oiſives ,
délafſfent les têtes penſantes , & dérobent
quelques heures à l'ennui.
:
:
LES Baifers de Zizi , Poëme. Seconde
Édition, ſuivie de diverſes Poéſies Fugitiges.
A Paris , chez les Marchands de
Nouveautés.
UNE ſeconde Édition qui ſuit de ſi près la
première , eſt ſans doute une preuve du ſuccès
de ce petit Poëme ; & dans ces peintures
de nos goûts, de nos plaiſirs ,de nos ridicules ,
DE FRANCE. 65
c'eſtun bonheur rare de plaire aux François;
plus ils font délicats dans leurs plaiſirs , plus
ils font difficiles pour le Peintre qui leur en
trace le tableau. Il faut que les images foient
vives , & qu'elles foient voilées par la décence,
ilfautque la gaîté ait l'air de l'abandon ,
&que le bon goût cependant ne l'abandonne
jamais. Il faut enfin,pour faire aimer des vers
qui peignent les voluptés , que la lecture de
ces vers ſoit une volupté elle-même ; Voltaire
l'adit :
Les vers ſont en effet la volupté de l'ame.
mais cela n'est vrai que des vers qui ont autant
de charme que ceux de Voltaire.
L'Auteur a fait beaucoup de changemens
&de corrections , & tous paroiffent auffi heureux
que quelques - uns étoient néceffaires.
Les expreſſions vagues ont été ſouvent remplacées
par des expreffions préciſes qui ſemblentfaites
uniquement pour les vers où elles
font placées; la correction a par- tout ajouté
à la facilité & à la grace. L'Auteur prouve
parfaitement ce que nous lui avions dit , que
letravail ſeul manquoit à ſes vers. Quand on
aune fource abondante , il faut Pepancher
fans doute ; mais il faut être attentif à fon
cours , & ne la laiſſer couler que lorſqu'elle
eft pure & tranſparente, que lorſqu'elle embellit
toutes les images qui ſe réfléchiffent
dans ſes eaux. Il eſt échappé encore dans
cette feconde Édition des fautes qui pourront
difparoître dans une troiſſeme....
66 MERCURE
Et de quel droit ſont-ils méchans , jaloux ,
Puiſqu'aucun d'eux ne fait paroître aimable ?
On croiroit qu'il ne leur manque que d'être
aimables pour avoir le droit d'être jaloux ,
méchans.Mais plus on eft aimable, plus on eſt
étranger à ces vils ſentimens de la méchanceté
&de la jaloufie.
Il eſt une certaine logique qui , dans les
Ouvrages mêmes dictés par le plaifir & par
les graces , doit veiller à l'aſſociation des images
, des mots , & l'Auteur la néglige trop
ſouvent. On lit ces vers dans une des petites
Piècesqui font à la ſuite des Baiſers de Zizi. :
Vous , Madame , vous faites mieux ;
Et des Chantres mélodieux
T
De la Grèce & de l'Aufonie ,
Vous appréciez l'harmonie ,
Ainfi que les ſons gracieux
.I
1
1
: De ces François audacieux
Qu'échauffe un lyrique génie.
Gracieux & audacieux riment très -bien enſemble
; mais l'audace du génie lyrique n'enfante
pas des fons gracieux. Lorſque Horace
parle du génie hardi de Pindare , il ne lui
prête pas des ſons gracieux; mais des fons
audacieux comme ſon génie , & qui ſe
précipitent en tumulte preſqu'affranchis des
loixmêmede la meſure. Enun mot, lorſqu'il
eſt queſtion de nos Pindares , il eſt trop évident
qu'il ne faut pas les repréſenter ſous des
:
DE FRANCE. 67
traitsqui ne conviennent qu'à nos Anacreons.
L'Auteur parle à une femme qui , au milieu
dugrand monde de Paris , exerce les nobles
& touchantes vertus d'une épouſe , d'une
mère , & il ajoute :
:
Eh ! qui peut dignement louer
L'eſprit ingénieux , fublime ,
Et la vertu fi magnanime
Dont le ciel daigna vous douer.
On ne veut pas conteſter qu'une femme ne
puiſſe avoir une vertu magnanime ; mais
c'eſt celle des Héros , des Rois , des Miniftres
, des Magiſtrats , dans des temps difficiles
& orageux ; elle ne peut appartenir à une
femme de Paris que dans des circonstances
extraordinaires dont il faudroit parler , qu'il
faudroit indiquer au moins. Peut-être le Poëte
a-t'il voulu parler d'une grande vertu ſeulement;
mais ce n'eſt pas la même choſe qu'une
vertu magnanime. Tout Écrivain doit bien
ſavoir deux choſes : d'abord ce qu'il veut
dire , enſuite ce que diſent les mots dont il
ſefert.
Envous montrant ſenſible , affable ,
Endiſant qu'avec dignité
Vous ſignalez votre bonté
Et votre douceur ineffable ,
Ces traits remplis de vérité
Auroient preſque l'air d'une fable.
On ne doit plus louer ni une femme , ni un
+
1
68 MERCURE
homme, de quelque rang qu'ils ſoient, d'être
affables. Pour qui que ce ſoit au monde , ce
ne peut être une vertu de s'approcher des
hommes , de leur parler , & c'eſt aux hommes
de talent àbannir des langues ces mots créés
par la ſervitude , qui deshonorent les langues
&ceux qui les parlent. Le mot ineffable eſt
un mot myſtique qu'il faut laiſſer aux fentimens
religieux , & qui paroît trop déplacé
dans les vers d'un Poëte aimable , parlant à
Mme la Marquiſe de B. Ces critiques font un
peu dures , & ne font pas très-ſévères ; &
pour porter notre ſincérité juſqu'à la vérité
toute entière , nous dirons encore à l'Auteur
qu'on pourroit lui faire cent autres critiques
aufli graves &auſſi incontestables au moins ;
mais auffi nous ne donnerons abſolument rien
à la complaifance , & c'eſt la justice ſeule qui
dictera tous nos éloges , lorſque nous dirons
que dans les Poéfies fugitives qui paroiffent
pour la première fois à la ſuite des Baiſers de
Zizi , on trouve très - fréquemment tous les
caractères auxquels la Nature marque 'homme
né pour écrire en vers ; cette facilité à
concevoir promptement les idées & les images
les plus heureuſes qui doivent naître d'un
ſujet , cette facilité à les rendre , qui feroit
croire que les vers étoient conçus avant elles,
les tournures & les formes élégantes que la
langue a reçues des Poëtes qui lui font les plus
chers , ce ſentiment exquis de l'harmonie ,
qui répand quelquefois un ſi grand charme
fur des vers même où il n'y a pas d'autre
DE FRANCE. 69.
beauté , & qui vous fait oublier abſolument
l'homme qui écrit , pour ne faire entendre
qu'un homme qui chante; ce caractère enfin
qui appartient à l'homme , mais qui fait furtout
le Poëte; cette ſenſibilité d'une ame tendre,
qui porte ſur tous les objets dont elle
parle , les douces émotions qu'elle-même a
reçues de l'amour.
Dans Catulle, dans Horace, dans pluſieurs
Poëtes anciens , une Pièce n'eſt ſouvent qu'un
ſeul ſentiment exprimé avec vérité, avec ſimplicité,&
ce ſentiment en eſt plus touchant ;
il en paroît plus vrai, plus profond , par cela
même qu'il eſt ſeul. Tel eſt dans ces Poéſies
fugitives la petite Pièce fur une boucle de
cheveux.
Jeles contemple&les baiſe ſans ceſſe,
Ces blonds cheveux que j'ai reçus de toi :
Gages ſacrés &garans de ta foi ,
Ils fontunprixdigne de ma tendreſſe;
Amon bonheur par l'amour deſtinés ,
Etfurma main en bague façonnés ,
Ils charmeront l'ennui de ton abſence.
Et fi du fort j'éprouve la rigueur,
En les preffant doucement ſur mon coeur ,
Ils me rendront le calme & l'eſpérance,
Mais à jamais jaloux de ce tréſor ,
Quand le trépas bornera ma carrière ,
Dans le tombeau j'en veux jouir encor ,
C'eſt de l'amour la volonté dernière.
70
MERCUREJ
Ajoutez une idée , une image , une beauté
d'expreffion , à cela le Poëte ſe montrera
davantage , & l'amant beaucoup moins , &
les vers auront beaucoup moins d'intérêt. En
général, nous nous occupons trop à plaire pour
toucher beaucoup.
Parmi ces Pièces nouvelles ſe trouve un
Dithyrambe à l'Amour. C'eſt à Bacchus que ,
chez les anciens , le Dithyrambe étoit principalement
conſacré. Mais on conçoit que
livreſſe poétique qui forme le caractère du
Dithyrambe , peut être allumé par l'amour
autant que par le vin ; & ici tout reffent &
tout inſpire cette ivreſſe; l'imagination du
Poëte fortement ébranlée, s'égarant d'image
en image , de tableaux en tableaux , fait paffer
rapidement ſous vos yeux le ſpectacle de la
Nature entière , renouvelée ſous les flammes
créatrices de l'amour ; l'infinie variété des
mêmes defirs &des mêmes voluptés dans les
eſpèces vivantes qui peuplent les airs , les
eaux & la terre; les hommages & les cultes
divers que cetre paſſion terrible a reçus de
l'homme chez tous les peuples; au milieu de
cestableaux le Poëte revient continuellement
fur les ſouvenirs de ſa vie , & tous ces retours
fontdes cris de douleur ou des cantiques de
reconnoiffance. Dans ces paſſages ſi rapides ,
des changemens continuels dans la meſure
& le mouvement des vers ſervent à mieux
peindre encore le déſordre d'une imagination
enivrée, qui tantôt s'arrête &tombe , tantôt
s'élance & ſe précipite.
DE FRANCE. 74
Jadis ton culte ſacré
Remplit la ſuperbe Afie ;
Tu fus long-temps révéré
De l'antique Phénicie.
Le Nil vit ſon peuple heureux
Toujours brûlant de tes feux
Sur ſes rivages humides ;
Ettu lis encor ſes voeux
Gravés ſur les pyramides.
LESGrecs , ces divins mortels
Que lesMuſes embellirent ,
Illuſtrèrent leurs autels
Par tout l'encens qu'ils t'offrirent
A l'altière liberté
Ils mêloient la volupté ,
Les plaiſirs à la ſageſſe ;
Et pour ſervir la beauté
Tu ſavois armer la Grèce.
Las fiers Romains , à leur tour ,
Ate plaire oſoient prétendre ,
Etde la mère d'Amour
Ils ſe vantoient de deſcendre.
Auſſi cherchant tes regards ,
Ces intrépides Céfars
Que le monde admire encore ,
Délaiſſoient les champs deMars
Pour voler auxjeux de Flore.
72 MERCURE
De tes honneurs l'Univers eſt rempli ,
Tu fais charmer les peuples les plus ſages ,
Et chez tous ceux que nous nommons Sauvages,
Ton culte aimable eſt encore établi.
Aux mers du Sudil eſt une heureuſe Ific ,
Pays charmant naguère découvert ,
Et qu'a décrit le hardi Bougainville.
Là, le plaiſir toujours pur & facile ,
T'eſt ſous le ciel pieuſement offert.
Et lorſqu'il revient à ſes propres amours, le
Poëte s'écrie :
Non, jamais de Phaon l'amante abandonnée,
Ni cette autre beauté qu'a pu trahir Énée,
Ni Pétrarque , aux échos ſoupirant ſes chanfons ,
Ni Saint- Preux , du Valais enflammant les glaçons,
Ni Clarice , mourante aux bords dela Tamiſe ,
Ni l'ardent Othello , ni la tendre Héloïſe ,
Nitous les coeurs enfin qui ſubirent ta loi,
N'ontpubrûler , Amour , d'autant de feux que moi.
Ces derniers vers , pleins de paſſion , font
encored'une forme élégante; & nous pourrions
en citer beaucoup , & de cette Pièce
&des autres, où les Lecteurs les plus difficiles
trouveroient également l'eſpérance d'un
nouveau talent pour notre poéſie. Mais on
ne fauroit trop recommander à l'Auteur
d'être
DE FRANCE.
73
d'être plus ſévère à lui-même. Il n'eſt pas
queſtion d'imprimer ſes vers ſur le papier ,
mais de les graver dans la mémoire des hommes
de goût. Combien eft heureuſe la ſituation
d'un homme que rien ne preffe à paroître
, & qui étant né avec un véritable talent
pour la poéfie, s'effaie en filence, écoute tous
les jugemens Littéraires pour les rapporter à
ſes propres Ouvrages , apperçoit ſes défauts
dans ceux des autres , puiſe dans leurs beautés
l'idée de beautés nouvelles , ajoute tous les
jours quelque nouveau degré de perfection à
des Ouvrages dont perſonne ne ſoupçonne
encore l'existence, & ne s'expoſe aux regards
de l'envie qu'avec un éclat qui , en la blefſant
, la tue ! Une Épître de M. Sorin à l'Auteur
des Baifers de Zizi , termine ce Volume.
M. Sorin est très jeune , & il n'eſt pas
commun de donner de fi heureuſes eſpérances
à fon âge. Les vers de cette Épître font
preſque toujours d'une forme agréable ,
d'une tournure vive& facile ; & ce qui vaut
encore mieux , on voit ce jeune Poëte chercher
toujours & trouver ſouvent de ces expreſſions,
de ces mots qui donnent un carac
tère&à l'Écrivain & àſes productions.
( Cet Article eft de M. Garat. )
No. 2 , 13 Janvier 1786.
74 MERCURE
ALMANACH LITTÉRAIRE , ou Étrennes
d'Apollon , pour l'année 1787 , par M.
Daquin- de- Château-Lyon. A Paris , chez
tous les Libraires .
Detoutes les Collections qui paroiſſent au
commencement ou à la fin de chaque année ,
ſous le titre d'Étrennes , celle- ci eſt , ſans
contredit , la plus variée. Proſe , vers , bons
mots , réparties piquantes , anecdotes , hiſtoriettes
, traits de généroſité , d'héroïfine , de
ſenſibilité , portraits des Hommes célèbres
dans tous les genres , événemens mémorables
, on y trouve de tout , excepté de la fatyre.
Le volume que nous annonçons eſt le
rreizième de cette Collection , qui a paru
pour la première fois en 1777 , & dont le
ſuccès , déjà connu , ne peut que s'augmenrer
, ſi le Rédacteur continue d'en rendre les
Tomes plus intéreſſans à meſure qu'ils ſe
fuccéderont. Pour donner une idée de ce que
celui-ci a de piquant & d'agréable , nous allons
extraire au haſard quelque choſedechacune
des parties dont il eſt compoſé.
POÉSIES. L'Hospitalité récompensée, par
M. Léonard. C'eſt une imitation très-heureuſe
de la Fable de Philémon & Baucis.
Pendantune nuit de Janvier ,
Deux Hermites voiſins des campagnes Belgiques,
Dans un bourg opulent allèrent mendier;
Mais ils avoient bean ſupplier ,
4.
DE
75
FRANCE.
Entonner des Noëls antiques ,
Et faire gémir le clavier
De leurs vièles mélancoliques ;
L'habitant inhofpitalier
Setint clos près de ſon foyer ,
Et ſe moqua de leurs cantiques,
Un ſeul leur ouvrit ſa maiſon ;
C'étoit un étranger appelé Palémon .
Il les accueille , il leur préſente
Une couche modeſte où ſon ame innocente
Trouvoit le ſommeil & la paix.
Sa compagne Miſis , d'une main chancelante.
Sur une table uſée arrange quelques mets ,
Et d'une voûte ſouterraine
Tire un vin réſervé pour la fête prochaine.
Quand le repas fut prêt,un vaſe aux larges flancs
Égayant les propos , fit le tour de la table.
Maisdu nouveau nectar les flots toujours coulans
Ne déſempliſſoient pas la cruche inépuiſable.
Ce prodige étonna les vertueux époux ;
En tremblantde frayeur ils tombent à genoux.
N'ayez , dirent les Saints, ni crainte ni ſurpriſe;
Vous êtescomme nous des ſerviteurs de Dieu ;
Mais , quant aux habitans de ce coupable licu,
C'eſt une race impie , & qu'il faut qu'on détruiſe.
Nons livrons leurs maiſons au feu ,
Et changeons la vôtre en Eglife.
L'effet de ce diſcours pour eux ne fut qu'un jeu
:
Dij
76 MERCURE
Hs parlent , & d'abord, d'un mouvement lapide
On voit le toît, les murs , les ſolives marcher ;
La cheminée en pyramide
S'élargit , ſe prolonge & devient un clocher.
La marmite s'élève & ſe transforme en cloche;
On vit même un vieux tourne- broche
Depuislong-temps abandonné ,
De rouages nouveaux ſe montrer couronné ;
Et fon balancier qui naguère ,
Aidé d'un pied de plomb ,tournoit & promptement ,
Que les yeux ſe perdoient dans ſon cours circulaire ,
Rallentiſſant ſon mouvement,
N'avança que d'un doigt pendant une heure entière
,&c.
Comme cette Pièce eſt un peu longue ,
nous n'en citons que ce qu'il faut pour faire
connoître ce que l'on y trouve de facilité , de
grace& de poéſie ,& nous invitons nos Lecteurs
à la chercher dans le Recueil , où l'on
trouve encore des poéfies très agréables de
MM. Imbert , Rochon de Chabannes , Blin
de Sainmore, Bérenger, Maréchal , de Rivarol,
Bodart, Vigée , le Brun, &c. Nous regrettons
de ne pouvoir citer un Conte de
M. Vigée , qui a pour titre : la Loterie de
l'Amour; mais fon étendue ne nous le permet
pas. Nous nous en dédommagerons , en
citant deux Pièces de M. le Brun. La première
oſt un apologue , intitulé le Hibou & l'Aigle.
Afon manoir, las de borner ſa vue ,
DE FRANCE.
77
:
Certain Hibou ſupplia l'Aigle un jour
De lui montrer l'olympique ſéjour :
L'Aigle en jouant le porta ſur la nue
Juſqu'au ſoleil. Ami , le vois- tu bien ?
Je vois .... Je vois force brouillards , & rien ,
Dit le Hibou. L'Aigle moqueur & lefte
Vous rejeta mon aveugle ici -bas .
Pour admirer un ſpectacle céleste ,
Il fautdes yeux, les Hiboux n'en ont pas .
Le ſens de cette Fable eſt aiſé à ſaiſir : c'eſt
principalement dans la carrière des Arts que
les Hiboux ſe font remarquer. La ſeconde eft
un Remercíment pour une penſion que l'Auteurn'avoitpoint
demandée.
Sainte amitié ! divine bienfaiſance !
C'eſt donc à vous que je dois le bonheur !
Ah ! devancer mon eſpérance ,
D'une Muſe un peu fière épargner la pudeur ,
C'eſt embellir vos dons d'un charme fi flatteur ,
Qu'il en double la jouiſſance.
Grace au nouveau Colbert , j'échappe à l'inclémence
:
D'un aſtre , helas! plein de rigueur.
Larmes que n'avoit pu m'arracher le malheur ,
Coulez pour la reconnoiſſance.
De pareils vers prouvent à-la- fois un Poëte
&unhomme ſenſible , & le protecteur qui
les a inſpirés adû y rencontrer la plus douce
récompenſe de ſon bienfait.
Ciij
78 MERCURE
Nous allons extraire rapidement , & fans
ordre, quelques pensées ingénieuſes,quelques
mots heureux , quelquesfaillies qui font répandus
dans le volume. « L'enthouſiaſime
> appartient quelquefois plus aux diſpoſitions
» où l'on ſe trouve, qu'au mérite réel de ceux
>> qui en font l'objet. L'admiration eft fou-
>> vent un rêve dont on n'apperçoit l'erreur
> qu'au moment du réveil. » Cette penſée ,
extraite de celles d'un jeune Obfervateur
(M. Knapen ) eſt également remarquable par
fa juſtelle & par la préciſion avec laquelle
elle eſt rendue. « Un homme d'eſprit a dit :
> les Philoſophes ſe moquent des folies des
- hommes , les Marchands en profitent; les
Comédiens font l'un & l'autre.-Un Sa-
> vant comparoit M. de Buffon à Pline & à
> Ariftote : Monfieur , luidit un Homme-de-
>>> Lettres , vous leur faites beaucoup d'hon-
>> neur.-Un Barbier coupa feu M. l'Évêque
» d'Amiens en le raſant; il s'en alloit tout
>>honteux après avoir reçu fon payement;
ود
"
ود
le Prélat le fit rappeler ,& lui donnantune
nouvelle pièce de monnoie : tenez , lui
>> dit- il, vous avez reçu tant pour la barbe ,
voilà tant pour la faignée. L'eſpoir d'être
>> protégé par M. Orry , Contrôleur- Général
, amena M. Marmontel à Paris. A fon
arrivée le Miniſtre n'étoit plus en place.
Voltaire, en le confolant , lui dit : eſſayez
>> vos forces pour le Théâtre , faites une Comédie.
Je ne connois point les viſages ,
» répondit M. Marmontel , & vous voulez
ود
ود
:
DE FRANCE. 79
* que je fafſe des portraits ! » Aujourd'hui ,
nous avons changé tout cela , nous faiſons
des portraits ſans connoître les viſages ; mais
on s'embarraffe peu des reſſemblances.
Lanoticedes principaux Ouvrages qui ont
paru en 1786 , eſt faite avec ſoin , &donne
de tous ceux qui étoient faits pour fixer Pattention
, une connoiffance fatisfaiſante. On
ytrouve peu de critique ; mais il paroît que
tout ce qui eſt affligeant pour autrui, eſt étranger
à l'ame comme à l'eſprit du Rédacteur.
Si cette manière de ſentir & de penſer peut
ne pas convenir à tout le monde , elle convient
du moins aux honnêtes gens.
Nous terminerons cet article par un trait
déjà connu , mais qui ne fauroit êêttre trop
ſouvent répété. « Les Boulangers de Lyon
>> préſentèrent à M. du Gas , Prévôt-des-
» Marchands , une Supplique , par laquelle
ود
ود
ils demandoient la permiffion de renchérir
le pain : en fortant ils mirent ſur le bu-
>> reau du Magiftrat une bourſe de cent louis .
>>Quand ils revinrent , M. du Gas leur dit :
>> Meffieurs , j'ai peſé vos raiſons dans la ba-
> lance de la justice ,& pour une cherté mal
>> fondée , je ne trouve pas à propos qu'on
ود faſſe ſouffrir le Peuple. J'ai diſtribué votre
>> argent aux hôpitaux , vous le deſtiniez ſans
>>doute à cet uſage. Bien loin de perdre dans
>> votre état , vous devez y gagner beaucoup ,
>> puiſque vous pouvez faire de pareilles au-
» mônes. » Heureux les gens en place à qui
cette anecdote rappelleral'importance de leurs
Div
80 MERCURE
devoirs, & qu'elle ramènera au courage de les
remplir.
(CetArticle est de M. de Charnois. )
NOUVELLES Instructions fur l'Histoire de
France à l'usage de la Jeuneſſe , avec une
Table Chronologique de nos Rois , par
M. Vetour , un Volume in - 12. A Paris ,
chez Servières, Libraire , rue Saint Jean
de Beauvais , & chez l'Auteur , rue Saint
Étienne-du-Mont.
On s'eſt beaucoup élevé de nos jours
contre les Abrégés d'Hiſtoire , & il eft bien
certain que la plupart de ceux que nous avons,
méritent tous les reproches qu'on a faits à
ce genre de compofition. Les grands événemens
y font preſque toujours très-mal appréciés
, les véritables cauſes y font méconnues
ou mal obſervées. On y infifte gravement
fur des dérails puérils ; on y paſſe ſous
filencedes faits importans ; & les événemens
de toute eſpèce viennent , pour ainfi dire ,
s'arranger comme ils peuvent fous la plume
'de l'Écrivain. Dans ce nombre eſt , par exemple,
l'Instruction fur l'Histoire de France ,
par le Ragois , Ouvrage compoſé pour un
Prince qui n'y puiſa pas fans doute de grandes
lumières , &qu'on a mis depuis dans les mains
de la jeuneſſe , qui n'yapas trouvé plus d'inftruction.
Cependant , malgré tous ſes défauts,
DE FRANCE. 81 .
l'Ouvrage de le Ragois a prévalu , &le fuccès
de vogue dont il a joui juſqu'aujourd'hui ,
a peut- être empêché plus d'un bon eſprit de
parcourir la même carrière. Tel eſt , en effet ,
le malheur des Ouvrages conſacrés à l'éducation
publique , qu'on ne les adopte d'abord
qu'avec beaucoup de répugnance , & qu'on
ne fait plus y renoncer lorſqu'on les a accueillis.
Il eſt même arrivé plus d'une fois
qu'onne fongeoit à certe adoption qu'au moment
où ils ceſſoient d'être utiles.
La
M. Vetour n'a point été effrayé de la concurrence
de le Ragois. Éclairé par les fautes
de ſon prédéceſſeur ,&guidé ppaarr l'eſpritde
ſon ſiècle , il devoit faire un bon Ouvrage
élémentaire, & il l'a fait. Il a fu choifir dans
ce nombre immenfe d'événemens qui compoſent
notre Hiſtoire , ceux qui , par leur
importance& leur certitude , méritent d'être
rapportés , parce qu'il a cru ſans doute qu'il
ne faut apprendre aux jeunes gens que ce
qu'il leureftutile de connoître. forme de
Pinterrogation qu'il a adoptée , à l'exemple
de la plupart des Auteurs élémentaires , lui
offroitde grandes difficultés à vaincre. L'art
d'interroger les enfans & les jeunes gens , eſt
l'art de leur faire développer , dans l'ordre
naturel , toutes les idées qu'ils ont comparées
& combinées , & de leur faire énoncer les
réſultats de ces idées. Si cet art d'interroger
n'eſt pas commun , c'eſt que l'eſprit d'analyſe
eſt très- rare , & qu'il ſemble plus facile
de fatiguer la raiſon des enfans & des jeunes
Dv
82 MERCURE
C
gens ſurdes chofes qu'ils ne connoiffent pas ,
que de l'exercer ſur les objets qu'ils voient.
M. Vetour a furmonté les difficultés de cette
forme d'inſtruction , autant qu'il eſt poſſible
de le faire dans une matière où l'enchaînement
des idées eſt toujours ſubordonné à l'enchaînement
des faits , & où il n'eſt pas toujours
permis de commencer par les idées les
plus fimples. " Lorſque j'interroge , dit- il , la
>>queſtion eſt toujours une ſuite de la ré-
>> ponſe précédente; elle eſt de plus liée avec
ود la réponſe qui fuit , de manière qu'elle
>> doit la rappeler , pour peu qu'on ait mis
>> de ſoin à la graver dans ſa mémoire. »,
Cette méthode , que M. Vetour a conftamment
ſuivie dans tout le cours de ſon Livre ,
annonce un homme qui a bien obſervé la
raiſon des enfans , & qui a fenti qu'avant de
leur parler , il falloit les connoître. C'eſt par
de tels moyens que M. Vetour pouvoit remplir
véritablement le but qu'il s'eſt propoſé ,
* celui d'inftruire la jeuneffe , & de la pré-
>> parer , par ces notions préliminaires , à par-
>> courir entuitedes tableaux plus vaſtes pour
érendre ſes vues & acquérir des connoif-
> ſances détaillées , fans leſquelles on ne
* ſauroit avoir qu'une idée ſuperficielle de
• notre Hiftoire.>>>>
DE FRANCE. 83
VARIÉTÉS.
Confidérations fur l'Amour de la Gloire.
Romains ! j'aime la Gloire , & ne veux point m'en taire.
ΟN applaudit à ce ſentiment dans la bouche
deCicéron * ; on y applaudiſſoit doublement quand
le rôlede Cicéron étoit rempli par Voltaire. On ai .
moit à entendre par le même organe , l'Orateur Ro
main, & le Poëte François , faire l'aveu d'une paſſion
que tous deux ont fortement reffentie & complétement
fatisfaite. Il y a donc de la grandeur à aimer
laGloire! Cen'eſt pas une foibleſſe de laquelle on
s'accuſe, c'eſt un penchant qui honore , & dont on
ſe glorifie. Oui , la Gloire eft tellement conſacrée
dans notre opinion, qu'on a voulu en attacher, même
au ſentiment qui la fait defirer & poursuivre ; &
cette opinion eft auſſi ancienne que le Monde, &
nulle réclamation ne s'eſt élevée contre elle , & le
Stoïciſme même n'a point dénoncé à la raiſon hus
maine la paflion de la Gloire comme immorale &
dangereuſe; & ſeul j'oferois.... Je l'oferai fans
doute. J'analyſerai ce ſentiment déifié parmi nous ,
&je faurai du moins fur quoi ſe fonde le culte qu'on
s'obſtine à lui rendre.
Omépriſe des ſiècles ! ô aveuglement de la raifon!
Peu s'en faut qu'on n'inſcrive l'amour de la
Gloire au rang des Vertus ; c'eſt du moins dans
*Tragédie de Rome ſauvée.
:
Dvj
84 MERCURE
l'opinion de tous , c'eſt lapaſſion des grandes ames.
Quelle vertu , bon Dien ! que celle dont les racines
s'atrachent à l'orgueil ,& en tirent leur fuc & leur
ſubſtance!
Pour ôter à l'amour de la Gloire le luftre extérieur
qui le décore & le fait conſidérer , il ne faudroit
peut - être que l'appeler de ſon nom véritable ,
rAmbition ; dès-lors c'eſt un Roi de théâtre que
vous dépouillez ; il redeſcend dans la claſſe des êtres
fubalternes , & n'a plus rien qui l'en diftingue.
Que l'eſprit le plus juſte , que le Grammairien le
plus ſévère , explique& commente l'un par l'autre
ses deux mots , Ambition & Amour de la Gloire ;
jeme trompe ſi le ſens intime de l'un & de l'autre ,
n'eſt pas ledefir de la ſupériorité ſur nos ſemblables.
Labaſe de ce defir eſt l'orgueil , & une grande prétention
à la Gloire, eſt un projet attentatoire de l'orgueil
d'un ſeul, contre l'orgueil de tous. Qu'un tel
projet manque , l'auteur en eſt puni ; la ligue eſt
toute formée contre lui; c'eſt celle de tous les orgueils
qui ſe vengent du ſien. Voilà pourquoi dans
toutes les tennttaattiivveess qui ont laGloire pour objet , au
défaut du triomphe , il ne reſte que l'humiliation
d'un revers, auquel une forte de ridicule eſt attachée :
on rit de ceux qu'on n'admire pas , quand ils ont eu
la prétention d'être admirés.
Ce que l'orgueil approche , il le ſalit: ce qu'il
touche , il le corrompt. Vous parlez d'une vertu qui
poſe ſur l'orgueil; une telle vertu , dans l'une de ſes
parties du moins, eſt une vertu gangrenée.
Ce defir qu'a l'Ambitieux d'être au deſſus de ſes
femblables , voulez-vous connoître combien il diffère
de la Vertu , combien il en eſt éloigné ? Voyez
quelle haine it inſpire , dès qu'on l'ofe contrarier.
Haine d'orgueil ! Ces deux mots affociés ne vous
repréſentent- ils pas le plas hideux des inonſtres de
l'enfer?
DE FRANCE. 85
Homme trop véridique pour ton repos ! Tu ne ſais
comment ramener à toi i Amant de la Gloire , dont
ta franchiſe a très-innocemment bleſſé les prétentions
! Je vais t'en enſeigner le plus sûr moyen.
Érends-toi à ſes pieds, baiſes-en la pouffière, crie-lui :
Tu es grand;je t'admire & te révère. A ces mots
expiatoires , je vois ſe raſſéréner le front de l'homme
ſuperbe ; mais , ô clémence effrayante de i'orgueil !
c'eſt en montant ſur le corps de l'ennemi ſuppliant
qu'on lui annonce fon pardon. L'orgueil déſarmé
vient d'abſoudre; mais il foule aux pieds , pour le
maintien de ſes privilèges &de ſa grandeur.
Lacolère eſt une courte folie , ira furor brevis
eft Le reſſentiment de l'orgueil eſt une colère inextinguible.
La colère eſt en démence lorſqu'elle
frappe ; l'orgueil eſt de ſang- froid. La colère porte
le coup , & détourne les yeux; l'orgueil regarde
mourir ſa victime. La colère s'arrête devant le tombeau
de celui qu'elle s'eſt immolé; elle y prononce
fon abjuration , & ſouvent l'aveu de ſon repentir ;
l'orgueil deſcend au fond du ſépulcre , en retire la
cendre qu'il déteſte , & court la jeter au vent. -
Pure exagération, va- t-on dire.-Plût au Ciel que
j'eufſe le tort d'exagérer , & que l'orgueil fût innocentdes
torts que je lui reproche. Suivez dans leurs
fureurs les Amans de la Gloire ; voyez à quoi ce
ſentiment outragé les porte , & vous ne me regar
derez plus comme un déclamateur ampoulé.
3
Oh! qu'elle connoît bien la frénéſie des Ambi
tieux, cette femme habile & pénétrante , qui a dit :
J'aimerois mieux , pour mon repos, noircir la probité
d'an homme , que rabaifſſfer le talent dont il a la
prétention. Ai jedit contre l'Ambitieux rien de plus
fort & qui ait plus l'air de l'exagération ?
Quand l'Auteur de Varwich fit ce vers , beau
ſans doute, mais terrible :
Mais je mourrai , du moins fans avoir pardonné.
86 MERCURE
C'eſt , je penfe , ane haine d'orgueil qu'il voulut
peindre.
L'amour de la Gloire naît donc de l'orgueil ; à la
moindre contradiction qu'il éprouve , il prend le
viſage de la haine : il reſſemble à la rage , & grince
des dents comme elle : l'étrange paſſion , pour mériter
les honneurs de l'apotheoſe !
Ce ſeroit un beau procédé chimique à tenter ,
que d'extraire de l'ambition , même la plus noble ,
ce que l'enviey fait filtrer de fon noir venin. Faute
decettedépuration auſſi rare que néceſſaire , la coupe
où s'enivrent les amans de la gloire , pleine , diſentils
, d'une ambroiſie toute céleste , conſerve un arșière
goût de poifon .
Il eſt une ambition pure, noble & grande , celle
de faire du bien à ſes ſemblables .
:
Malheureuſement elle ne ſied guères qu'à ceux
qui ont en main le crédit des places , & l'autorité de
la puiſſance. Des actes de bienfaiſance privés & obfcurs
, délectent intérieurement la confcience qui s'en
rend compte ; mais que ſont-ils pour l'ambition de
celui qui ne ſe repaît que de célébrité Que dis -je ?
Admettrons-nous comme poffible , l'alliance d'un
ſentiment auſſi pur que l'amour des hommes , avee
le defird'une célébrité réſultante de cet amour même ?
De cette parole toute ſainte , toute divine ,j'aime
mes semblables , je me dévoue à les fervir, paſſez à
cette autre parole- ci , on me louera ; combien de
degrés vous aurez deſcendus !
-
Alexandre aima paſſionnément la gloire ; il aima
peu les hommes & ſe ſoucia peu d'en être aimé.
Qui vous l'a dit ? me demande-t-on :- Lui-même .
O Athéniens ! qu'il m'en coûte , pour étre loué de
vous ! Étudiez ce mot d'Alexandre ; c'eſt celui d'un
ambiricux qui mépriſoit aſſez ſes ſemblables , pour
fe faire un jeu de leurs déſaſtres , & qui facrifioit
fon repos àl'honneur d'être loué de ceux qu'il mé
DE FRANCE. 87
prifoit & perfécutoir. Conçoit-on une combinaiſon
d'idées tout-à-la-fois plus petites & plus atroces ?
Ixion étalé fur la roue , ( difent les Poëtes * ) cric
aux mortels d'éviter les fureurs de l'ambition :
Alexandre , dans le mot que je viens de citer , ne
donne pas une leçon moins énergique & moins
frappante. Oui, cette parole du conquérant de l'Inde,
me le fait voir comme un ilote qu'on a jeté dans
l'ivrede , pour dégoûter de l'ivreſſe tout homme
fage.
Au nom d'Alexandre , oppoſons ceux de Titus &
de Trajan. Ces Princes, fans doute , aimèrent les
hommes & defirèrent en être aimés. Pourquoi donc
ne les nomme t-on pas des Princes ambitieux ? C'eſt
que le cri de la conſcience publique réclame contre
lafſociation de ces deux ſentimens : amour des
hommes, defir d'une célébrité acquiſe par cet amour.
Qui chérit ſes ſemblables , les ſert ſans bruit , ſans
fafte & fans éclat , d'après le modeſte inſtinct de ſa
bonté: qui veut qu'on le célèbre , ſe chérit & ſe
confidère , plus que ceux dont il fait les trompettes
de ſa célébrité.
L'amour de la gloire reſſemble à ces liqueurs clarifiées,
dont la ſurface ne ſe montre fi brillante ,
que parce que toute la lie eſt déposée au fond.
Amant de la gloire , approche , je veux remuer la
lie de tes penſées ! Dans le trouble de la paffion
(prétendue fublime ) qui t'agite & te dévore , voici
le fond des idées qui t'occupent. Maintenant on parle
de moi , demain l'on battra des mains fur monpaffage
; mes rivaux feront atterrés , & la hauteur de
mon regard les rapprochera du néant Homme ambitieux
, glorifie-toi donc de telles penſées : & toi ,
vulgaire imbécille , profterne- toi devant ceux qui
profeffent une vertu ſi ſublime.
* Virgile & Pindare.
88 MERCURE
L'outrage le plus ſenſible qui puifle affliger le faftueux
amour de la gloire , c'eſt de le montrer par
un côté ridicule. Donnons-nous ce ſpectacle réjouiffant
, d'un géant réduit à la taille des Pygmées ;
d'un glorieux traveſti en Paſquin
La ſcène du monde s'ouvre devant mes yeux :
Qu'y vois-je de tous côtés ? Des hommes qui ſe.
complaiſent en eux-mêmes , qui marchent fièrement
les uns auprès des au res , chacun occupé uniquement
de foi , & convaincu qu'il occupe uniquement
tous les autres . Dans cette multitude, perſonne ne
fonge à fon voiſin , & chacun ſe dit: tout lemonde
fonge à moi. Ce tableau vous ſemble-t-il affez ridicule?
Cicéron revient de Sicile , perfuadé que l'univers
entier a tenu les yeux ouverts ſur lui , ſur ſa magiftrature.
Il prend terre en Italie; le premier qui
l'aborde , lui demande d'où il vient ? On avoit même
ignoré ſon abſence. Belle leçon pour ceux qui aiment
que leur nom faſſe du bruit; notre orgueil nous
trompe au point que les hommes les plus célèbres
feroient mécontens , attriſtés de leur gloire , s'ils en
connoiffoient ſtrictement l'étendue.
L'homme de Cour regarde avec complaiſance les
rubans dont il eſt chamaré. Le Millionnaire promène
ſa penſée dans l'hôtel immenfe & magnifique
qu'il fait conſtruire pour ſa réfidence : on diroit que
ſon orgueil en a reglé les dimenſions ; que cet
orgueil en a tracé le plan ſi vaſte , afin de s'y trouver
moins refferré. L'homme de génie eſt plein de ſes
conceptions fublimes ; auprès de lui , le bel- efpritde
ſociété ſe carrefle & s'admire dans l'innocent Madrigal
qu'il vient de rimer. , &c. &c. &c. Hé quoi !
par -tout l'orgueil m'affiege & me pourfair ! je le
confefle: le ſpectacle de tant d'orgueils , & ridicules ,
& trompés , me fait prendre ce ſentiment en haine
& en mépris. On le dit indeftructible dans notre
DE FRANCE. 89
:
ame ; s'il eſt ainfi , l'orgueil où je veux prétendre,
ſera de réduire le mien à la plus juſte meſure poffible:
fi j'y parviens , je me dirai ( avec orgue'l ſans
doute)que l'eſpècedu mien n'est pas la plus commune.
Quoi donc! pour une comédie , un poëme , un
diſcours que l'on vient d'achever , ſe figurer Paris ,
la Province , l'Europe , dans l'attente d'une merveille
, & travaillés du beſoin d'en jouir ! Hé ! que
dût-il donc arriver , quand les chef-d'oeuvres de nos
grands-Maîtres fortirent de leurs admirables plumes ?
Ce qui est arrivé! le ſais-tu ? LeMiſantrope ennuya ;
Athalie fut, jugée froide, & au-deſſous d'Efther ;
Britannicus manqua ſon effet; des chef-d'oeuvres de
Voltaire , la Mérope ſeule a réuſſi d'abord. Aujourd'hui
la repréſentation des pièces les plus eſtimées eſt
vuide & déſerte ; une froide apathie ne permet pas
qu'on cherche à les revoir; d'injuſtes critiques défhonorent
quelques-unes de ces merveilles. Vas donc,
après de tels exemples , vas te contempler dans tes
productions ſubalternes : oſe te regarder comme
Thomme de ton fiècle & de ton pays ; mais dans
tes chimériques & orgueilleuſes viſions , rappelletoi
le fou du Pirée , qui ſe croyoit riche de tous tes
vaiſſeaux qu il y voyoit raſſemblés.
En écrivant ceci , je prévois les reproches qu'on
va me faire. N'exigez point de la nature humaine ,
me dira-t- on , plus de perfection qu'elle n'en com
porte; laiſſez- nous une paſſion , réputéenoble &généreuſe
, parce qu'elle fait entreprendre de grandes
choses. J'entends : pour frapper l'or en monnoie &
lui donner cours , on y mêle de l'alliage ; qu'il en
ſoitainfi des vertus; j'y confens. Je nen penſerai
pas moins que c'eſt l'amour du bien qui fait faire le
bien, legoûr de la vertu qui rend vertueux , la paffion
d'un art & d'une profeffion , qui foul y procure
des ſuccès durables. Quiconque ne fait de
bonnes actions , des vers & de la muſique , qu'en
99 MERCURE
A
vue de la gloire qu'il en doit retirer , ſera bientôt
infidèle à ſa vocation trompeuſe ? Un obſtacle , une
chûte , un revers l'en dégoûtent , l'en déſabuſent.
La vocation fondée ſur l'amour du talent & de la
profeffion , ſubſiſte ſans l'aliment de la gloire; qu'arrive-
t- il ? Souvent la gloire eſt le prix d'une perfévérance
défintéreſſée.
D'Alembert ne ceſſoitde le dire : quandje trouve
de cesjeunesgens qui étudient les élémens d'Euclide ,
afin d'êtrebientôt de l'Académie , je les éclairefur la
fauffeté de leur vocation. Quand on n'aime pas pour
cux-mêmes les Arts , la Géométrie & l'éloquence ,
on n'eſt digne , ni de les ſervir ni de s'illuſtrer par
cux. :
L'amour de la célébritéfert de véhicule au talent:
-Soit; mais un grand defir de gloire occaſionne
bien des mépriſes de la fauſſe gloire à la véritable.
J'ai analyſe une paſſion que l'on n'enviſage communément
que par ſon côté le plus ſpécieux , par
ſondehors le plus brillant. C'eſt l'eſſai d'un travail
qu'on pourroit rendre plus important, en l'étendant
àdivers autres ſentimens du coeur humain. On ne
connoît à fond que ce qu'on décompoſe , que ce
qu'on analyſe.
J'ai voulu mettre l'homme ſage en garde contre
une paſſion que le préjugé commun rend vénérable ,
& en quelque forte ſacrée. Je voudrois éteindre ou
refroidir ces volcans d'ambition guerrière, politique,
&fur-tout littéraire , qui fament au ſommet de tant
detêtes,vuides de tout , excepré d'ambition ; un mo+
tif fi raiſonnable eſt fait pour obtenir grace à cette
diatribe,
DE FRANCE. 91
ANNONCES ET NOTICES.
COLLECTION OLLECTION des Costumes Espagnols anciens
& modernes , première Livraiſon. Prix , 12 liv.
Cette Collection intéreſſante peut faire ſuite aux
Goſtumes François. Cette première Livraiſon nous
a faru fort bien exécutée. Les autres ſuivront de
deux mois en deux mois. On ne demande qu'une
foumiffion chez Gauguery , Libraire , rue Jacob , en
facede celle des deux Anges , à Paris; ou à Verfailles
, au grand eſcalier de marbre , au premier
perron.
THÉORIE des Vents, Pièce couronnée en 1785
par l'Académie Royale des Sciences de Dijon , par
M. le Chevalier de la Coudraie , ancien Lieutenant
des Vaiſſeaux du Roi , Chevalier de l'Ordre Royal
&Militaire de Saint Louis , de l'Académie Royale
des Sciences , Arts & Belles - Lettres , in- 8 ° . Prix ,
2 liv. broché. A Fontenay , chez Ambroiſe Cochon
de Chambonnau, Imprimeur du Roi , rue des
Loges.
MEMOIRE fur les moyens de perfectionner les
Moulins & la Mouture Economique , par Céfar
Bucquet, Auteur du Manuel du Meunier , in - 89 .
de 122 pages. A Paris, chez l'Auteur , quai Pelletier
, & chez Hardouin & Gattey , Libraires , au
Palais Royal , nos 13 & 14 ; à l'Imprimerie Polytype
, rue Favart ; Onfroy , Libraire , rue du Hu
repoix , & Belin , rue S. Jacques.
Ce Mémoire intéreſſant a obtenu l'Acceffit
l'Académie Royale des Sciences.
92 MERCURE
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Dames. A
Paris, rue d'Anjou , nº. 6.
Des trois nouveaux Volumes quenous annonçons ,
l'un eſt le ſeprième des Mélanges , & contient la
fin de l'Odyssée ; les deux autres renferment un
Atlas , dont on a cru , avec raiſon , devoir accompagner
l'Histoire des Voyages.
ÉTRENNES du Parnaſſe , choix de Poésies recueillies
par M. Mayeur de Saint-Paul. Prix , I liv .
10 fols. A Paris , chez Belin , Libraire , rue Saint
Jacques ; Brunet , rue de Marivaux , & l'Eſclapart ,
sue du Roule.
Une année de la Vie du Chevalier de Faublas,
cinqParties in - 16. A Londres ; & fe trouve à
Paris, chez l'Auteur ( M. Louvet ) , rue Quincampoix
, au Bureau de la Bonneterie , & chez les Marchands
de Nouveautés
La lecture de cet ingénieux Roman eſt piquante;
il porte l'empreinte d'un talent qui doit le faire diftinguer
de la foule de ces fortes d'Ouvrages.
ALMANACH néceffaire , ou Porte- Feuille de
tous les jours , pour l'année 1787 , in 12. Prix ,
3 liv. reliûre ordinaire. A Paris, chez Didot jeune ,
Imprimeur-Libraire , quai des Auguſtins.
Nous avons annoncé, toujours avec de juſtes
éloges, cet Alınanach, qui eſt un Ouvrage de la
plusgrande utilité, & d'un uſage journalier.
1
CONNOISSANCES élémentaires & indispensables
pour les Enfans des Villes & des Campagnes , divifées
en huit Chapitres , contenant , 1 °. des Notices
fur différens ſujets ; 2°. le petit Dictionnaire; 3°. la
DE FRANCE.
93
Géographie Univerſelle; 4°. les Connoiſſances Humaines;
69. Notices ſur le Commerce , &c. ; 7 °. Maximes
pour diriger une maiſon ; 8°. Lettres fur
différens ſujets , &c ; par J. V. D. N. A. D. D.
L. M., un Volume in- 12 . Prix , 2 liv. , & 2 liv.
8 ſels franc de port par tout le Royaume. A Paris ,
chez Royez , Libraine, quai des Auguſtins , à la
deſcente du Pont-Neuf.
Ce Volume eſt le complément de deux autres ,
dont l'un eft intitulé : Grammaire Françoise , ou
Rudiment des Enfans de la Campagne , & l'autre,
les Devoirs de la Religion Chrétienne pour les Enfans
de la Campagne. L'Auteur l'a intitulé : Biblio
thèque des Enfans de la Campagne. Cet Ouvrage
remplit ſon objet, & peut être utile à l'Éducation.
:
CHEMINÉE Économique, à laquelle on a adapté
la méchanique de M. Franklin dans fon chauffoir
de Pensylvanie, par M. Foſſé, Chevalier de l'Ordre
Royal &Militaire de Saint Louis, Officier au Régiment
d'Infanterie du Roi , in- 8° . de so pages. A
Paris, chez Jombert jeune, Libraire , rue Dauphine ,
& Deſenne , Libraire , au Palais Royal; & à Nancy,
chez Mathieu , rue Saint Georges.
Dans un moment où la cherté du bois fait rechercher
par toutes les claſſes de la Société les
moyens de l'économiſer, rien ne paroît arriver plus
à- propos que cet Ouvrage. :
Il nepeut manquer d'être reçu agréablement du
Public, non-feulement pour l'utilité qu'il préſente ,
mais encore par la méthode claire & préciſe avec
laquelle l'Auteur apprend aux Artiſtes à exécuter
cetteCheminée , & aux Citoyens de tous les états à
jouir de ſes avantages.
Elle peut être placée ſans embarras dans toutes
les parties d'une maiſon, quelles qu'en ſoient la ſituation,
ladifpofition , l'expoûtion ; il ne faut que la
4
94
MERCURE
facilité de pratiquer un canal communiquant à l'extérieur
pour attirer l'air par- deſſous le foyer, & un
autre canal pour faire échapper la fumée.
L'une des propriétés vraiment importantes de
cetteCheminée, & qui ſeule la rend préférable à
toutes les inventions de ce genre, c'eſt de pouvoir
être placée , pour ainſi dire , à demeure avec une
entière fécurité contre la crainte des accidens du
feu.
Sûreté, ſalubrité, accroît de chaleur , économie
du bois , & dans tous les cas exemption de fumée
&de vents- coulis : tels ſont les avantages de cette
Cheminée. Ils ſont le fruit du génie d'un homme
juſtement célèbre; mais ils étoient nuls pour le Public
, privé juſqu'à préſent des moyeennss d'en jouir.
Les modèles ſont en fer - blanc chez le ſicur
Deſenne , Libraire , au Palais Royal.
M. Foffé eſt connu par pluſieurs Ouvrages Militaires,
dont un ſur l'Attaque & la Défenſe des petits
Poſtes , avec onze Planches gravées en couleur dans
ungenre nouveau. Cet Ouvrage eft auſſi intéreſſant
pour les jeunesOfficiers, que l'eſt celui que nous annonçons
pour tous les peuples qui habitent des climats
froids . On le trouve chez le Libraire cideffus.
SERMONSfur les principales Fêtes de l'année,
&fur divers ſujets de Religion & de Morale , par
M. de Marolles , Prêtre , 2 Vol. in- 12 de près de
soo pages chacun, Prix , 6 liv. brochés , & 7 liv.
10 fols reliés.
L'Auteur de ces Diſcours eſt avantageuſement
connu, & ces deux Volumes juſtifient ſa réputation.
Nous croyons qu'ils feront lus avec beaucoup d'intérêt
par les Amateurs de l'Eloquence ſacrée. L'Edition,
qui ſort des Preſſes de M. Didot jeune, eft
bellepour le caractère & le papier.
DE FRANCE.
१६
PORTRAIT de M. l'Abbé Bonnot de Mably.
Prix , 3 liv .
Ce Portrait reſſemblant , deſſiné d'après nature
par M. Pujos & gravé par M. Vinfac , ſe trouve à
Paris , chez M. Pujos , Place de l'Eſtrapade , la
deuxième maiſon après le Corps-de-garde.
Le ſieur Chaumont , Maître Perruquier , honoré
de l'Approbation de l'Académie Royale des Sciences
pour quelques Découvertes avantageuſes dans ſon
Art , vient tout récemment de trouver une nouvelle
manière de faire des Toupetsfans tiffu , qui repréſentent
fi parfaitement la naiſſance des cheveux que
l'oeil le plus fin les croit voir fortir naturellement de
la tête. Il offrede mettre ſous les yeux des Perſonnes
qui lui font l'honneur de le demander les différentes
bordures faites toutes en cheveux fingulièrement
perfectionnées depuis l'Approbation de l'Académie.
Ces nouvelles bordures s'identifient , pour ainſ
dire , avec la peau par le moyen d'une Pommade attractive
qui les fait tenir ſur la tête ſans aucun inconvénient.
Il la vend 3 liv. le bâton de deux onces.
Il fait aufi de pluſieurs fortes de Perruques dans
leplus nouveau goût , entre-autres celles qui fontà
bourſe , où il s'applique encore plus particulièrement
àbien prendre l'air du viſage , & à imiter le naturel
des cheveux.
Les Perſonnes qui voudront envoyer un modèle
deleur front découpé en papier , avec la couleur des
cheveux , font priées d'affranchir les lettres .
Il demeure à Paris , rue des Poulies , ia première
allée à gauche en entrant par la rue Saint Honoré.
PREMIER Concerto pour le Clavecin , deux
Violons , Alto & Baffe, Cors & Haut-Bois ad libitum
, par M. l'Abbé Lebugle , OEuvre V. Prix ,
96 MERCURE
7 liv. 4 ſols. A Paris , chez Mile Castagnery , rue
des Prouvaires , près la rue Saint Honoré , n°. 33 .
:
: ONZIÈME Recueil d'Airs de l'Amant ftatue ,
Alexis & Justine , de Nina , &c. pour deux Flûtes,
par M. Muſſard, Maître de Flûte. Prix , 6 liv. A
Paris , chez M. Muſſard , rue Aubry-le-Boucher ,
maiſon du Marchand de Vin , à côté du Pâtiffier.
SIX Duos pour deux Violons ou Flûtes , par M.
Billard , OEuvre I. Prix , 2 liv. 8 ſols. A Paris , chez
l'Auteur, rue duMouton,maiſon du ſieur Guyor,
près laGrève.
:
COLLECTION de petits Airs pour le Forte-
Piano , Violon à volonté, par J. Hayden. Prix ,
3 liv.-Six sonates pour le Forte-Piano , Accompagnement
de Violon, par M. Sterckel , OEuvre XVIII.
Prix, 9 liv. A Paris , chez M Wenek , rue de Chabanois
, nº. 42 , près le Palais Royal.
TABLE.
Le Nouvel An , 49 Almanach Littéraire , 74
Cherade, Enigme & Logogry Nuvelle Inſtruction fur l'Hif-
53 toire de France ,
Ifman , ou le Fanatisme , 55 Variétés ,
Les Baifersde Zizi ,
JAT IN
64Annonces& Notices
APPROBATION.
,
80
83
91
,par ordre de Mgr le Gards des Sceaux , le
Mercure di France , pour le Samedi 13 Janvier 1987. Je n'y
ai tien trouvé qui puiſſa en empêcher l'impreſſion.
Paris, le 12 Janvier 1787. GUIDI.
( 73 )
impertinence , & lui demanda de devenir ſon
ami .
Il y a environ 12 ans que des Ouvriers qui
travailloient dans une mine de eharbon , dans le
Comtéd'Antrim en Irlande, fapperent un rocher,
pour en faciliter l'exploitation ; a peine eurent- ils
frappé quelques coups , qu'une partie du rocher
s'écroula inopinément. Ils s'appetçurent que la
breche communiquoitàune caverne . L'ouverne
étoit peu confidérable:on aidadeuxjeunes Manoeuvres
à s'y gliffer , & on leur donna delalumiere
pour viſiter l'intérieur de cette région.Ayant pénétré
un peu avant, ils arriverent à une eſpece de
labyrinthe diviſé en ungrand nombre de corridor,
formant mille finuoſités ; s'y étant engagés ils ſe
trouverent bientôt totalement égarés . Après avoir
faitvainement diverſes tentatives pour retrouver
leur chemin , leurs lumieres s'éteignirent. Re
nonçant alors à tout eſpoir de ſortir de cette affreuſe
ſolitude , ils s'affirent triftement l'un à côté
de l'autre. Cependant leurs camarades qui les
attendoient ne les voyant pas revenir , ſe mirent
de nouveau à ſapper le rocher , & parvinrent
enfin à s'ouvrir un paſſage commode dans l'intérieur
de la caverne , & à délivrer les deux pauvres
Manoeuvres , reſtés captifs dans cet horrible
Léjour.
En examinant cet antre ; on reconnut qu'il
formoit une galerie de pluſieurs centaines de ver
gesd'étendue , juſqu'à une couche de charbon ;
qui aboutiſſoit à divers atteliers , où les mineurs
avoient ſuivi leurs différens travaux , qu'on avoit
laiſfé des étais eſpacés convenablement pour ſoutenirſa
voûte.Onjugea que cette mine d'une
étendue conſidérable devoit avoir été exploitée
par des Ouvriers, au moins auffi habiles dans le
travail des mines que le ſont les nôtres. On y
No. 2 , 13 Janvier 1787. d
:
( 74 )
4
trouva quelques débris d'uſtenfiles, qui , au moindre
contact, tomboienten pouſſiere. Il n'existe pas
dans le pays la plus légere traditionde cette mine,
ce qui prouve affez ſon antiquire ; mais s'il étoit
poſſible d'avoir encore quelque doute à cet égard ,
il ſuffiroit d'obſerver la marche que la nature a
ſuivie depuis ſa formation. On y voit des colonnes
ſtalettites , dont la baſe repofe à terre , & qui
s'élevent juſqu'à la voûte ; les parois& les étaies
font couvertsd'incrustations, dont la formation ſe
fait fi lentement , que les mineurs modernes ne
peuvent pas même conjecturer combien de tems
il s'écoule avant qu'elle ſoit accomplie.
Onparle d'une machine nouvelle , inventée
par le ſieur Page, & que l'on aſſure devoir
êtrede la plus grande utilité dans les incendies.
Elle conſiſte en une eſpece d'échafaud
mouvant, pratiqué fur une baſe à roues, pour
la facilité de tranſport d'un lieu à un autre,
&qui peut être traînée, foit par des hommes,
ſoit par des chevaux. Quand elle eſt placée
dans l'endroit où elle est néceſſaire, la voiture
forme la baſe de cette machine , de laque le
l'échafaud qui y eſt renfermé,peut être élevé
enmoins de 3 minutes , à la hauteur de 40 ou
so pieds , au moyen des écrous& des vis qui
font partie de la machine.On peut élever, en
même tems , un poids de pluſieurs tonneaux,
ainſi que l'homme qui dirige le tuyau condacteur
de l'eau; par le moyende cette galertie,
on pourra retirer des maiſons incendiées
les perſonnes qui n'ont d'autre moyen de fe
fauver que les toîts & les fenêtres. L'inventeur
a pris une Patente pour jouir des droits
( 75 )
1
de la vente excluſive de fa machine; il ſe propoſede
la ſoumettre bientôt à la curiofiré du
Public.
FRANCE..
DE VERSAILLES , le 3 Janvier.
Les Enfans aveugles , élevés & foutenus
par la Société Philantropique de Paris , ont
fait ici , le 26 du mois dernier , devant Leurs
Majeftés & la Famille Royale , les différens
Exercices dont ils ont été rendus capables
par le ſieur Haüy. Leurs Majestés & la Famille
Royale , après avoir examiné avec attention
leurs ſuccès dans l'étude de la Géographie
, du calcul Arithmétique , des Mathématiques
même ,& enfin dans les travaux
manuels , tels que l'Imprimerie , la Reliure
des livres, la Filature , le Tricot de toute ef
pece, & autres , ont daigné témoigner au
ſieur Haiy toute la fatisfaction à laquelle un
zèle auffi pur que déſintéreſſé lui donne lesdroits
les plus juſtement acquis.
Le rer. de ce mois , les Princes & Princeſſes,
ainſi que les Seigneurs & Dames de la Cour ,
readirent leurs reſpects au Roi & à la Reine , à
l'occafon de la nouvelle année. Le Corps-de-
Ville de Paris, ayant à ſa tête le Duc de Briffac ,
Gouverneur de la Ville , s'acquitta du même
devoir envers Leurs Majeſtés & la Famille
Royale , étant conduit par le Marquis de Brezé ,
Grand-Maître des cérémonies , par le ſieur Nantouillet
, Maître des cérémonies , & par le fieur
Watronville , Aide des cérémonies. La Muſique
du Roi exécuta , pendant le lever , une ſymphonie
de la compoſition de ſieur Harang , premier
(
d2
( 76 )
Violon de la Muſique de Sa Majesté , ſous la
conduite du ſieur Girouſt , Surintendant de la
Muſique du Roi.
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du Saint- Eſprit , s'étant affemblés
vers les onze heures & demie , dans le Cabinet
du Roi , Sa Majesté ſe rendit à la Chapelle , précédée
de Monfieur, de Mon eigneur-Comte d'Artois
, du Duc d'Orléans , du Prince de Condé ,
du Duc de Bourbon , du Prince de Conti , du
Ducde Penthièvre & des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre ; deux Huiſliers de la
Chambre du Roi portant leurs Maſſes, Le Roi ,
après la Grand Meſſe , chantée par ſa Muſique &
celébrée par l'Evêque de Senlis , Prélat-Commandeur
de l'Ordre , & premier Aumônier de SaMajeſté,
fut reconduit à ſon appartement, enobfer--
vant l'ordre avec lequel il en étoit forti . La Reine,
Madame , Madame Comtefle d'Artois & Madame
Elizabeth de France , aſſiſterent aufli , dans la
Tribune , à la Meſſe , à laquelle la Ducheſſe
d'Agenois fit la quête.
Ce jour , Leurs Majeſtés ſouperent àleur grand
Couvert. Pendant le repas , la Muſique du Roi ,
ſous la conduite du ſieur Girouſt , Surintendant,
exécuta différens morceaux. Le Grand - Confeil
eut l'honneur de rendre ſes reſpects à Leurs Majeſtés
& à la Famille Royale.
Le lendemain , le Roi accompagné de Monſieur
, de Monseigneur-Comte d'Artois , du Duc
d'Orléans , du Prince de Condé , du Duc de Bourbon,
du Prince de Conti , du Duc de Penthievre
&des Chevaliers , Commandeurs & Officiers ,
aſſiſta au Service anniverſaire, qui ſe célébre dans
la Chapelle du Château , pour les Chevaliersdéfunts.
Aujourd'hui le sieur d'Aligre, premier Pré(
77 )
sident du Parlement de Paris , ainſi que les Présidens
à Mortier & les autres Présidens du même
Parlement , ont eu l'honneur de rendre leurs refpects
à Leurs Majestés & la Famille Royale , à
l'occasion de la nouvelle année. La Chambre
des Comptes , la Cour des Aides & la Cour des
Monnoies , ont auſſi eu cet honneur , ainsi que le
Châtelet de Paris , à la tête duquel étoit le
Marquis de Boulainviller , Prévő: de cette ville,
DE PARIS , le 10 Janvier.
Le Public s'occupa avec le plus vif intérêt
l'année derniere du grand projet donné
par M. Poyet , Architecte , pour transférer
I'Hôtel-Dieu à l'iſle des Cygnes. Son Mémoire
, juſtement accueilli par M. le Baron
de Breteuil , Miniſtre de Paris , fut envolé ,
couformément aux ordres du Roi , à l'examende
l'Académie des Sciences , pour qu'elle
donnât ſon avis ſur cette grande entrepriſe.
En attendant que nous rendions un compte
plus détaillé du travail des Commiſſaires ,
nous en préſenterons un précis fuccinct.
>>>L'Académie a nommé MM.de Laſſonne ,
d'Aubenton Tenon , Bailly , Lavoisier ,
>>>Laplace , Coulomb & Darcet , pour faire l'exa-
>> men& raport du projetde tranflation ; ce ra-
>> port a été rédigé par M. Bailly , avec le goût
> & laprécision qui diftinguent cet écrivain de la
>> premiere claſſe , & l'intérêt qu'il y a répandu
naît pour ainsi dire malgré lui , tant il eſt im-
>> poffible à une ame ſensible & honnête , depare
>> ler ſans attendriſſement des infortunés .
>> La premiere partie renferme l'examen de
> l'Hôtel-Dieu actuel . On y voit que les bâtis
d3
( 78 )
e
mens font infuffiſans pour lenombre des mala-
>> des , priſqu'il font couchés au nombre de
>> quatre dans un même lit , que la confufiondes
>> ſervices eſt inévitable dansun Hôpital qui renfermeàla
fois des bleſſés,des femmes en couche,
>> des febricitans , des fols ,des convalescents , des
> variolés , & qu'il naît de cette conjeſtion de
toute forte de maladies , une infalubrité infini-
>> mentpernicieuſe.Des calculs trop pen vérifiés,
>> prouvent que dans cet Hôpital la mortalité eft
>> d'un à quatre , tandis qu'elle n'eſt que d'un à
>> fix dans tous les autres Hôpitaux » .
Il faut lire dans le raport le tableau des mi-
>> feres de toute eſpece que préſente l'Hôtel- Dieu;
> & les Commiſſaires en comparant le prix des
>> journéesdes malades avec le revenu de la mai-
> ſon, trouvent que ces journées coûtent plus de
22 ſols , tandis que dans les autres Hôpitaux ,
de Paris , elles ne reviennent qu'à dix- ſept , la
>> conclufion de l'examen du régime , de l'infalu-
> brité , de l'entaffement des malades & du nom.
>> bre des mortalités à l'Hôtel- Dieu , eſt que cet
Hôpital doit être transféré ailleurs.
Fait l'examen du projet de M. Poyet , quoi-
» qu'il renferme des détails vraiment utiles , les
> Commiſſaires n'approuvent pas le choix du lo-
>>> cal dans l'iſle des Cygnes , & à cause de l'hu-
>> midité de la riviere dans un bâtiment qu'elle
>> entoureroit , & à cause de l'exhaufſſement in-
>> diſpenſable du ſol pour le garantit des grandes
>> ondes d'eau ».
Un courrier arrivé de Madrid a appris que
ledividende des Actions de S. Charles avoit
été fixé à 35 liv. dans l'Aſſemblée généra'e
du 18 Décembre dernier. Ce dividende eſt
moins conſidérable que celui de l'année paf
( 79 )
ſée , mais la Banque a réſervé des fonds
conſidérables qu'elle doit employer à l'exploitation
plus utile des objets de ſen adminiftration.
Lepremier Novembre , il restoit dans le port
de Bordeaux 210 Navires étrangers & 74 françois
: 12 avoient été mis ſur divers chantiers , &
25 en coûtume , ou en armement.
Pendant le mois d'Octobre , il eſt entré dans
le port de Bordeaux 10 Navires venant des Colonies
Françoiſes. Leurs chargemens confiſtoient
en fucre , café, cacao , coton , gingembre , bois
de gayac , &c. Ce même mois il eſt entré dans
ce port 150 Bâtimens de petit cabotage françois
, & 5 de grand , ainſi que 25 Navites
Etrangers.
Pendant le même mois il eſt ſorti du méme
port 32 Nav res franço's deſtinés pour les Co-
Ionies Françoiles , ſavoir , to à St. Dom ngu ,
4 à la Guadeloupe , 4 an Cap , 2 à l'ifte de
France , 5 à la Martinique , 3 au Port-au-
Prince , I à S. Marc , I au Cap & à S. Marc ,
1 à S. Marc & au Port-au-Prince , I au Cayes.
Leurs chargemens conditoient en vin , far ne ,
boeuf , beurre , eau de vie , lard , marchandises
feches , & c. Ce même mois il eſt ſorti du
même port 177 barques de petit cabotage ,
& 7 de grand , ainſi que 54 Novires Etrangers
chargés de vin , ſuere , café , firop , eande-
vie ,&c.
Mr. le Maréchal de Caftries , Miniſtre
de la Marine , a écrit la lettre fuivante au
nommé Lucot , en lui annonçant le don
d'une médaille d'or .
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt , braye Lucot ,
d4
( 80 )
Jes dé ails de l'action , par laquelle vous avez
ignalé votre courage dans le combat de la Frégate
Amazone , contre la Frégate angloiſe le
Margarita. J'ai particulierementremarqué qu'ayant
reçu un grand nombre de bleſſures dangereuſes à
voire poſte de Canonier , & le Commandant du
bâtiment vous preſſantà pluſieurs repriſesde vous
retirer , un boulet de canon vous emporta le bras
droit , & fur ce qu'il vous réitera l'ordre d'aller
Vous faire panſer , vous répondites que tant qu'il
yous reſteroit un bras , vous l'employeriez à la
défenſe de votre Patrie; qu'auffitêt , vous précipitant
fur votre pièce pour la pointer , une balle
de fufil vous fracaſſa la machoire inférieure , & ce
fut ladix-ſeptieme bleſſure que vous reçûtes dans
cette journée. Sur le compte que j'en ai rendu au
Roi , Sa Majeſté vou'ant ajouter aux graces pécuniaires
qu'elle vous a accordées , une marque henorable
de fatisfaction , vous fait don d'une médaille
d'or , que je vous fais remettre pour vous
endécorer.
Je ſuis , brave Lucor, entierement àvous!
Le Maréchal DE CASTRIES.
Vous pouvez être tranquile ſur votre ſort ,
brave Lucot; le Roi y pourvoira , & vous pouvez
vous adreffer avec confiance à moi , dans
toutes les circonſtances de votre vie.
Le Brigantin la Sally , de cent trente tonneaux
, eſt le premier qui , dans le Port de
Rouen, alt arboré le pavillondes treize Etats-
Unis de l'Amérique. Il vientde Nantuket,fous
le commandement du feur Shubael- Goffin ,
defcendant & fucceſſeur d'un des vingt-ſept
Acquéreurs de cette Iſle. Il eſt chargé d'huile
&de fanons de baleine de la pêche de ce
Capitaine , propriétaire en partie de ce Na-
:
:
( 81 )
vire&de la cargaison. Journal deNormandie.
L'on mande de S. Vallery , que le Navire ,
le Jeune S. Louis , de S. Malo , Capitaine Hué ,
du/port de ſoixante tonneaux , chargé de café ,
coton , fucre , toile & huile de Poiffon pour le
Havre , pouffé par la violente tempête du 13 au
14 de ce mois , a fait côte au Bourg d'Auto; cinq
hommes qui compoſoient l'équipage & trois patſagers
, qui étoient à bord ont été ſauvés , ainſi
que tout le chargement ; & s'il ne ſurvient point
⚫de mauvais tems , on retirera le Navire qui eft
neuf , & qui a peu ſouffert de l'échoûment.
Le malheureux Capitaine Gramont
eſt mort le's Décembre , au mêle St. Nicolas
; fon voyage avoit duré trois ans , &
il avoit été à làccôôte d'Afrique , après ſa
catastrophe ; il écrivit les lettres ſuivantes
àMM. Teſtart & Lalaime à Bordeaux.
MESSIEURS ET CHERS AMIS .
Je ſuis fi accablé par le malheur , le cha
grin, la douleur , la fatigue & la maladie ,
qu'à peine j'ai la force de tenir la plume pour
vous apprendre la fin malheureuſe du pauvre
Mouchy , naufragé ſur l'Ifle de Mogane le lun
di à 11 heures& demi du foir. J'ai écho fur
les reſcifs de la partie de l'eſt , & il y avoit tout
lieu de craindre pour la vie de tout le monde ;
ma poſition eſt déſeſpérante & affligeante , mais
d'un autre côté conſolante , puiſque je n'ai rien
à me reprocher. Au jour , partie du monde ſe
ſauva à terre dans les bateaux , dans la journée
, autre partie ſe haſarda ſur des radeau ,
&je demeurai à bord , où je croyois terminer
ma vie dans la nuit du mardi au mercredi ,
ds
( 82 )
car la mer paſſoit à plus de 15 pieds par-deffus
, & il étoit ouvert de toute part ; j'étois
réſigné à la mort , parce que c'eſt le devoir
d'un Capitaine de n'abandonner ſon navire que
le dernier de ſon bord. Le mercredi matin ,
je fis travailler à un radeau qui pût prendre le
reftant des équipages , & j'expédiai tout le
monde , à la réſerve de M. Pincemaille , qui
ine pouvoit ſe remuer , & avec lequel je ref
tai feul à bord ; comme le tems avoit un peu
Sembelli , le canot vint me prendre , &je defcendis,
à terre , où nous nous trouvâmes grand
nombre , point de vivres, point d'eau & point
de feu. Jugez de notre poſition. Comme du
moment de l'échouage , tout avoit été au pillage
, que les mutins qui ne connoiſſoient plus
de Chef, comme c'eſt l'usage dans de pareils
événemens , & fur-tout après une longue campagne
, il eſt aiſé d'imaginer le défordre qu'il
yavoit ; enfin je n'ai pas la force de vous faire
les détails de ce malheureux événement . J'ai la
fievre , la tête qui me tourne de fatigue & de
foibleffe , & la marche que nous avons fait de
P'ifle ſous le vent , où je ne buvois par fois que
de l'eau ſaumâtre , mangeois des bigournaux
cruds , tout cela joint au voyage que je viens
de faire dans mon canot de Mogane ici , où je
n'avois pour tout gréement que 3 de mes draps
de lit , arrangés pour voiles , & 2 avirons pour
mât , point de quoi boire ni de quoi manger , porté
par les courans à la vue de l'iſle de Cuve ,
&fans la Providencequi nous a fait rencontrer un
navireNantois qui alloit débouquer par le canal
anglois , &qui nous a donné du ſecours , nous
terminions nos jours de ſoif & de faim. Ces
fecours firent renaître le courage , & enfin Dieu
nous conduifit hier ici , où nous abordâmes à
( 83 )
cinq heures du matin; je ne me ſuis occupé
que de me procurer de ſuite un bâtiment , &
j'ai fretté la goelette la Ste Anne , Capitaine
Chanaſſis , qui eſt parti cette nuit pour aller
à Mogane prendre mes triſtes compagnons de
malheur & d'infortune ; c'eſt tout ce que mes
forces me permettent de vous écrire , &c.
SECONDE LETTRE.
:
Du 20 Septembre 1786...
AUX MEMES.
L'état d'anéantiſſement & de foibleſſe où m'a
plongé mon malheureux événement , joint à la
conduite horrible qu'a tenu auprès de moi mon
équipage , me laiſſent à peine la force de faire
lecture de votre obligeante lettre du 20 courant,
& je ſuis forcé de recourir à un ami pour y
répondre.
Je ſuis on ne peut plus ſenſible , mes chers
Meffieurs , à vos finceres attentions , & aux
démarches que vous avez faites pour me faciliter
mon vovage d'ici au Cap , mais , mes
chers amis , il m'eſt impoſſible d'y penſer pour
le moment , puiſque j'ai à peine la force de
deſcendre de mon lit , que je garde depuis 8
jours , étant excédé par une diarrhée & flux de
fang , malgré le plus ſtrict régime. Je ne vous
cacherai pas que ce qui a contribué le plus à
mon mal , c'eſt le brigandage de tous ces malheureux
que j'avois à bord , & leur indigne maniere
de ſe comporrer auprès de moi; mais ma
confcience eſt nette , & Dieu ne laiſſe rien
d'impuni.
En attendant que je puiſſe prendre quelque
force , je vous remets ci-joint la déclaration que
j'ai faite ici , que je vous prie de faire enregif
d6
( 84 )
trer à l'Amirauté du Cap , & comme je prévois
que l'opiniâtreté de ma maladie ne me
permettra pas de vaquer aux affaires , puiſque
voila 8 jours que je ſuis alité , je vous prie ,
mes chers Meſſieurs , d'agir en mon lieu &
place , &de faire toutes lesdémarches néceſſaires
pour mettre cette malheureuſe affaire dans le
grand ordre , vous donnant à cet effet plein
pouvoir par la préſente , ainſi qu'à M. Martin,
mon ſecond , de me repréſenter en tout
pour tout ce qui concerne ce malheureux naufrage.
Je vous remercie de vos offres & de la précaution
que vous avez priſe pour pourvoir à
mes beſoins; comme je ne prévois pas qu'ils
feront de conféquence ,j'agirai librement , en
me prévalant ſur vous pour ce qui pourra me
faire beſoin. Je ſuis , &c.
TROISIEME LETTRE.
Du Port S. Nicolas , le 20 Septembre 1786.
,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'amitié
de m'écrire le 24 courant ; elle eft d'autant
plus confolante pour moi , qu'elle me donne
un peu de forces pour me retirer des bords de
la tombe ; jamais vous ne pourriez vous faire
une idée de l'état où je ſuis. Comme il me
faut une juftification ample jevous prie , mes
chers amis , de faire détenir en priſon tous
les équipages juſqu'à mon arrivée au Cap , coûte
ce qu'il en coûtera ; fitôt que j'y ſerai rendu ,
jedemanderai une aſſemblée générale du Corps
des Officiers de l'Amirauté ; je demanderai que
tous les équipages y ſoient préſentés , & là publiquement
, je leur demanderai ce qu'ils ont
à me reprocher ; j'y ferai mes réponſes , & le
(85 )
coupable fera puni. Je ſuis, &c. figné GRA
MONT.
Mr. l'Abbé Verninac de St. Maur, grand
Vicaire de Rhodez , nous a fait paſler la
note ſuivante , qui contient un traitde ſenſibilité
bien digne d'éloges .
Le 12 de ce mois , les Etats de haute-Guyenne
ont terminé leurs féances ; cette clôture a été précédée
d'une fête bien touchante. On danſoit &
l'on devoit ſouper dans une ſalle publique trèsvoiſine
des priſors. La Comteſſe de B ... , jeune
dame qui réunit les qualités de l'eſprit & du coeur
àtous les charmes de la figure , eſt révoltée de
ce voisinage. » Les prisonniers , s'écrie- t-elle ,
nous entendent danſer , meſſieurs ; meſſieurs , je
ne reſte pas à la fête , à moins que ces pauvres
malheureux ne la partagent. Cette voix retentit
au fond de tous les coeurs : à l'inſtant même on
fait une quête; chacun ouvre ſa bourſe , & l'on
ramaſſe une ſomme conſidérable. L'aimable Comteſſe
en eſt dépoſitaire ; elle vole aux priſons ,
voit une trentaine de malheureux chargés de fers
&couverts de haillons , les conſole , diſtribue
une largeſſe à chacun d'eux,& leur promet de
nouveaux ſecours ; ils penſent étre viſités par un
ange ; leur bienfaitrice en a la forme & la bonté.
Cependant elle revient ; on l'entoure , on treffe
des fleurs , on la couronne. Touchées d'une louable
émulation , les autres dames réſolvent de travailler
elles mêmes le linge que l'on deſtine aux
priſonniers . M. l'Evêque de Rodez dans le dif
cours éloquent par lequel a fini l'aſſemblée provinciale
, a relevé ce trait d'humanité , & a doublé
la ſomme recueillie dans la fête .
>> La galerie de l'ancien hôtel de Choi-
>> ſeul , longue de 6s pieds & demi , &lar(
86 )
>>ge de 21 pieds & demi , étoit décorée
>> d'un ſuperbe plafond , peint à l'huile par
>>>La Foffe , qui tient un rang très diſtingué
>>dans l'Ecole Françoife .
>> En démoliſſant l'hôtel , on s'eſt faitun
>> devoir de conferver un des chefs- d'oeuvre
>>>de la Peinture. On l'a enlevé par parties ,
>>>& ces parties, qui n'ont nullement fouf-
>>>fert de cetre opération , & qu'on a miſes
>> fur toile , fe réuniroient avec plus de taci
>> lité qu'on ne les a detachées.
: Le ſujet repréſente l'Aſſemblée des Dieux .
au moment où Minerve fort , toute armée ,
>> du cerveau de Jupiter.
>>C'eſt ſans contredit le plus bel ouvrage
>>> de La Foffe. Il réunit à la force de ſa cou-
>> leur, le mérite d'être plus châtié de def-
>> fin , &de préfenter des formes plus agréa-
>>bles que les autres productions. Il a de
>>plus un avantage éminent , c'eſt que la
>>>couleur en eſt ſi brillante , qu'elle ſe fou-
>> tient avec l'or & les meubles les plus pré-
>>>cieux ? ce qui arrive rarement aux pro-
>>>ductions des grands Peintres.
>>La perſonne qui en feroit l'acquifition ,
>> pourroit ſe flatter de poſſéder un des plus
>>grands & des plus beaux monumens de
>> l'art , & de conſerver un modele qui ſera
>>> toujours précieux aux Artiſtes.
Si on defire d'autres éclairciſſemens , on
pourra s'adreffer à M. de Gon , Avocat en
Parlement , à Paris , rue des Grands-Auguftins
, près le quai.
( 87 )
Le 22 Novembre 1786 , M. Faure , Chirure
gien de St. Papoul , a accouché dans la paroiff
de Villemagne , près de cette petite ville, une
femme qui a fait un enfant àterme , d'un pied de
longueur ſeulement , mort , & du ſexe féminin.
Cette fille,bien conforméed'ailleurs , avoit la partie
du cou de derriere tout-à- fait diſparue. Celle
de devant a groſſi ,de façon qu'on ne la diftingue
pas d'avec la poitrine ; & le crâne s'eſt tout-àfait
retiré en arriere ; de forte que le viſage de
l'enfant , lorſqu'on le tient debout , regarde
exactement le ciel. Cet être diſgracié , s'il eût
vécu , n'eût abſolument pu marcher que ſur les
pieds & ſes mains à la fois ; & c'eſt l'attitude
qu'il préſente naturellement à la vue.
M. Faure doit faire à la fincérité un ſacrifice
qui pourra nuire au merveilleux d'un tel phé-/
nomene. Dans le ſein de la mere , une contnſion
reçue par le foetus , entre les épaules , y
avoit produit une ulcere ; cette plaie avoit totalement
racorni peu à peu les deux nerfs extenteurs
du cou ; & ce font eux qui ont ramené la
tête au fingulier point où elle fe trouve , pour
donner à l'obſervateur , mieux que le grand Jean-
Jacques , l'idée de l'homme à quatre pattes,
(Affiches de Toulouse. )
Marie Elizabeth Moral , veuve de Meffire
Bernard , Seigneur d'Egrefin , la Fortelle,
&c. , & mariée en ſecondes noces à Meſſire
Ferdinand-René de la Cheze , ancien Commandantde
Cavalerie Européenne d'Hyder-
Ali Kan, Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire
de St. Louis, eſt morte en ſa maiſon
de Pagny en Brie , le 25 Décembre 1786 ,
âgée de ſo xante- deux ans .
Le ſieur Leclerc , Chevalier de l'Ordre du
( 88 )
Roi , & fon fils , Officier au Régimeut de Durfort
Dragons , ont eu l'honneur de préſenter à
Sa Majesté l'Atlas du Commerce , en 15 cartes ,
avecle volume de texte in - folio , ainſi que l'Examen
impartial d'un Ecrit publié contre les deux
cartes de la Mer Baltique & du Golfe de Finlande
. Ce volume renferme 1º. le Tableau
des richeſſes naturelles de la France , des richeſſes
de ſon induſtrie , des avantages qu'elle
peut ſe procurer par l'encouragement de ſon
agriculture , par la liberté de ſon Commerce
intérieur , & par l'extenfion de ſon Commerce
extérieur ; 20. l'Hiſtoire du Commerce des
Ruſſes avec les Peuples de l'Europe & de l'Afie
depuis le cinquieme ſiecle; des Obſervations
intéreſſantes ſur chacune des mers qui ſont les
objets des cartes publiées. En attendant que
nous rendions compte de ce travail ſi important
ſous tous les rapports , nous annonçons
qu'il ſe vend ſous deux formats , in-folio &
in-4°. Le prix de l'in-folio , papier Nom-de-
Jefus fin & liffé , eſt de 62 livres en feuilles ;
celui de l'in-4°. non liffé , 36 livres. A Paris ,
chez Froullé , Libraire , quai des Auguſtins ;
Verſailles , chez Blaizot , Libraire du Roi ,
rue Satory.
PAYS - BAS.
DE BRUXELLES, le 6 Janvier.
S. E. le Comte de Belgioioſo Miniſtre
Plenipotentiaire de Sa Majesté Impériale ,
près leGouvernement général des Pays Ba
eſt parti le 27 Décembre pour Vienne , où il
a étéappellé par fon Souverain. M. de Crum.
pipen Secrétaire d'Etat fait les fonctions de ce
Miniſtre pendant ſon abience, que l'on croit
ne devoir être que de deux mois.
( 89 )
S. A. S. l'Archevêque Electeur de Cologne
vient detémoigner ſon mécontentement fur
une lettre circulaire, émanée,l'un de ces jours ,
de la Nonciature apoftolique de cette ville ,
concernant lesdiſpenſes , en fait de mariage,
que pourroient accorder , pour certains dégrés
, les Archevêques deMayence , de Tréves,
de Cologne , &c.; lettre , à l'inſçu de nos Supérieurs
Eccléſiaſtiques , adreilée à tous les
Prelats&Curés de ce Diocèfe . Pour obvier
immédiatement à une démarche de cette nature,
& prévenirdéſormais tout empiétement
ultérieur fur ſes droits archiepifcopaux&diocéſains
, le Vicariat de Cologne a eu ordre de
publier ce qui fuit :
En conséquence d'un ordre ſpécial , donné par
S. A. S. E. de Cologne , notre très-gracieux
Souverain , & daté de Munſter , le 17 décembre
1786 , il eſt enjoint , dans la préſente , à tous les
Curés de renvoyer , fans formalité ultérieure ,
premier ordinaire , ſous le même couvert , & à
l'adreſſe de la perſonne dont ils l'ont reçue , la
lettre imprimée qui leur a été remiſe de la part
d'un évêque étrangerqui ſedit nonce apoftolique
à Cologne , mais qui ne s'eſt point encore légitimé
en certe qualité près de S. A. S E. , de ſe
faire donner par la poſte ure atteſtation , quicertifie
que ce renvoi a été duement fait , pour être
remiſe inceſſamment au vicaríat-général en cette
ville. En conséquence du même ordre ſpécial de
S. A. S. E. , il eſt défendu à tous les Curés ſuſdits,
ſousde grieves peines , de recevoir , de la part de
la Courde Rome , ſous le nom de bref , bulle ,
diſpenſe, ou ſous quelque autre dénomination
que ce puiſſe être , aucune lettre qui ne nous ait
( १० (
été préſenté d'avance & qui ne ſoit munie de la
permiffion néceſſaire , ſignée de notre main , qui
en autoriſe la circulation , ainſi que la publication.
Cologne, le 19 Décembre 1786.
J. P. de Horn Golſchmidt , vic. gén.
M. J. Cainen ,proton. in ſpiritualibus . ,
Le Prince Abbé de Stavelot eſt mort le
22 Decembre , dans ſon Abbaye , à l'âge
de 81 ans , après quinze ans de Régence.
Il eſt arrivé ici depuis deux jours , deux
Inſpecteurs de la Police de Paris , qui font
chargés d'emmener les deux Priſonniers,Bechade
& la Roche , arrêtés ici comme complices
dans la fameuſe affaire des Lettres-de-
Change falſifiées. Mr. l'Ambaladeur de
France ayant fait les démarches ordinaires
dans ces o cafions , pour obtenir des Erats
de Hollande , & par eux , du Magiftrat
d'Amſterdam , la remiſe des deux Prifonniers
aux fufdits Inspecteurs de Police , on penſe
qu'ils ſe ont livrés aujourd'hui & conduits à
Paris fous bonne eſcorte, poury recevoir leur
Jugement. Gazette d' Amsterdam , nº. 101 .
Le Gouvernement-Général avoit envoyé
à Louvain Mrs. van Velde , van Doorslaers ,
&de Jonghe , Conſeillers au Conſeil Souver
rain de Brabant , en qualité de Commiſlaires
, poury faire des recherches ſur les cauſes
&les circonstances du tumulte , arrivé parmi
les Séminariſtes. Ces Magiſtrats ayant terminé
leurs perquifitions, font retournés le 21
de ce mois à Bruxelles ; & peu après l'on a
) وا (
vu l'effet des informations qu'ils avoient
recueillies. Sept Etudians furent conduits le
lendemain de grand matin dans les priſons
du Procureur;& dix-huit autres reçurent les
'arrêts dans leurs Chambres au Séminaire.
Celui qui avoit été arrêté précédemment &
mené en priſon , ſous une eſcorte de fix Fufiliers,
nommé van Hamme , a été remis au
contraire en liberté. Le même jour , 22 Décembre
, après midi, il partit de Louvain une
Députation pour Bruxelles , chargée de demander
, au nom de l'Univerſité , la grace
des coupables.
Le départementdel'Amirauté de Rosterdam vient
de mettre en Commiſſion le vaiſſeau de guerre le
Delftle 50 canons, les frégates le Castor de40,l'Orange-
Zaal de 24 , & le navire de garde , le Schiedam
, dont le commandement a été conféré refpectivement
aux Capitaines Schreuder-Haringman,
Théodore-François van de Capelle & Rynbender ,
&au Lieutenant Ignace Jansen. L'on a reçu des
nouvelles de pluſieurs de nos diviſions qui ſont
actuellement en mer. Les vaiſſeaux de guerre le
Dordrecht & le Jaſon , avec le brigantin le Lion ,
aux ordres du Capitaine Melvill , entrerent le 9
novembre à Malaga , & le 20 du même mois ,
levailleau l'Alkmaer, Cap. Richers , relâcha à Livourne,
d'où les vaiſſeaux de ligne l'Over- Yffel &
le Brakel , avec le Cutter le Lévrier , remirent
le 22 à la voile pour Toulon . Une nouvelle
moins agréable eſt celle du naufrage de la frégate
de guerre la Junon , Cap . de Witt , revenant
de Ceylan& en dernier lieu du Cap de Bonne-
Eſpérance : Elle a échoué ſur la côte d'Angleterre
près l'Iſſede Wight : l'équipage & les Meſ
( 92 )
fagers ont été ſauvés , à l'exception de ſes Ma
telots. Le navire de notre compagnie des Indes,
l'Africain , revenant de la Chine pour le compte
du département d'Enkhuiſeu , a été forcé de relâcher
le 25 Novembre à Crookhaven en Irlande,
ayant eu un grand nombre de morts , & preſque
tout l'équipage étant malade.
Depuis quelques ſemaines , une certaine
portiondela bourgeoiſie de Rotterdam avoit
préſenté Requête aux Seigneurs Erats de
Hollande , pour obtenir la faculté de porter
jusqu'au nombre de quarante, les Conſeillers
de leur Ville , qui ne font depuis plus d'en
ſiecle qu'au nombre de vingt quatre. Cetre
propofition des bourgois ayant été remiſe à
l'examen du Conſeil même de la Ville par
LL. NN. & GG. PP . celui- ci a jugé convenable
de donner une expoſition très détaillée
des raiſons qui le portent à rejetter cette innovation.
Le Conſeil de Wyck a écrit une nouvelle les
trà celui d'Utrecht , elle eſt en date du 18 deae
mois. Il continue à ſe plaindre de ce que la ville
d'Utrecht , ſans la concurrence de celle deWyk,
a ouvert à la Haye des conférences relatives aux
changemens qui ſont communs à toutes deux.
Il y témoigne de nouveau ſon mécontentement
de ce que la ville d'Utrecht , à l'excluſion de ſes
Collegues , s'arroge le titre de troiſieme claſſe
de l'Etat.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois &autres.
M. Ferieri , Conful-général de Ruſſie pour los
( 93 )
Echelles du Levant & Réſidant à Smyrne , ſera
remplacé ; on parle diverſement de la démiſſion
qui lui à été envoyée : des perſonnes prétendent
que ce conſul eſt diſgracié , & qu'il ſera renvoyé
ſans penſion : ſon crime ſeroit d'avoir contrarié
les démarches de M. Bulgakow Minittre
Ruſſe à la Porte Ottomane , dans les dernie--
res inſtances,qu'il a faites de la part de ſa
Cour. On dit que pendent le ſéjour que M. Ferieri
a fait à Conſtantinople , il a fortement inſinue
aux Miniſtres duGrand-Sultan , que M. Bulgakow
ne préſentoit pas à ſa Courdans ſes rapports
miniſtériaux , les choſes telles qu'elles
étoient , & qu'il groſſiſſoit les prétentions même
de la Ruffie : On ne peut pas croire que M. Ferieri
eût été affez imprudent pour ſe permettre un
tel manége , fi injurieux pour le Ministre de Ruffie
, & fi préjudiciable â la Cour de Peterſbourg .
Ainſi il faut croire que ſa diſgrace , fi elle est
réelle , provient d'une autre cauſe. ( Gazette
d'Amſterdam , nº. 104.
>> Il n'y a pas de jours que notre auguſte
25 Monarque , écrit-on de Berlin , ne donne
>> des preuves de la ſageſſe des vues qui diri-
>> geront fon regne , & en général de fon
> amour pour la justice & pour le bonheur de
>> ſes peuples. Nous croyons qu'on ne nous faura
➤ pas mauvais gré de placer ici quelques traits
> particuliers de la vie privée de notre nouveau
>> Souverain. De telles anecdotes font ſouvent
> mieux connoître l'Homme , que ne le font ſes
> actions dans l'appareil qui l'entoure.
>> Sa Majesté faiſoit , il y a quelques jours ,
>> le rour de la foire , à cheval , vêtu d'un ſimple
> ſurtout & fans aucun cortege. S'étant approché
>> de deux payſans qui avoient enſemble une
diſpute très- vive : qu'avez- vous , dit le Monar(
94 )
que à l'un d'eux ? M. l'Inspecteur de police ,
répondit celui qui ne connoiſoit point S. M.
>> permettez moi de vous dire qu'ily a 25 ans que
>> j'occupe cette place : eft il jufte qu'un nouveau-
>> venu m'en chaffe ? Non , fans doute , repliqua
ec le Monarque , votre persévérance vous en a ac-
>quis la poffeffion légitime ; & contentd'avoir ter-
>> miné d'un ſeul mot cette dispute , S. M. con-
>> tinua ſa promenade & rit beaucoup à ſon retour
au château en racontant qu'on venoit de
le prendre pour inspecteur de police.
ور Une autre fois S. M. ſe promenoit le ſoir
incognito , elle rencontre à la porte du château
>> un petit garçon avec un pot. D'où venez- vous ,
>> dit le Roi ? Du château , monsieur. Qu'avez-
>> vous dans ce pot ? Du bouilion . Pour qui ? Pour ma
כ"
pauvremere qui est malade. Qui vous l'a donné ?
>>> Le Cuisinier du Roi. De retour au Château
>> le Monarque fait appeller le Cuisinier , & lui
>> demande ſi l'on étoit venu le même jour au
מ foir chercher quelque choſede ſa cuisine. Oui,
>> Sire , répondit fans hésiter le Cuiſinier , depuis
>> quelques jours j'envoye un peu de bouillon à une
>> femme vieille , pauvre & malade. =C'est fort
» bien fait , brave & fidele ferviteur , repliqua le
Roi ; mais faites mieux encore , & doénavant
>> que cette femme reçoive touteſa nourriture de ma
>> cuiſine ;je vous en charge , & j'aurai foin d'elle
» & de vous . De pareils traits ne peuvent man-
>> quer d'aſſurer à un Monarque l'affection de
>> ſes ſujets. Aufſi le nôtre eſt-il adoré univerſellement.
(Gazette de la Haye , no. 155. )
ود M. duMéjan qui a laiſſé des richefſes con.
>> fidérables , & qui eſt mort , place Vendôme ,
>> a laiſſé à là Provence ſa patrie , ſa bibliothe-
>> que auffi riche que bien choiſfie , avec 5000
>> livres de rentes pour l'entretenir & payer le
( 95 )
Bibliothécaire. M. l'Abbé Rive , Provençal &
>>'homme de lettres très-connu , aura l'adminif-
>> tration de cet établiſſement ſi utile au progrès
>> des arts & des ſciences. [ Gazetre de laHaye ,
n°. 155. ]
Les derniers avis de Peterſbourg annoncent la
fin des négociation qui y avoient été entamées depuis
pluſieurs mois pour la conclufion du traité
de commerce entre la Ruſſie & la France . Dans
le cours du mois dermier , le Comte de Ségur ,
Miniſtre de S. M. Très-Chrétienne , a reçu l'Ultimatum
du cabinet de Pétersbourg , d'après lequel
le traité ſera probablement conclu ,& que
ce Miniſtre a d'abord envoyé par un Exprès à ſa
Cour.
D'après les diſpoſitions de S. M. I. parleſquelles
la tolérance réligieuſe a été irrévocablement établiedans
tous fes états , lesEvêques ne peuvent plus
refuſer la bénédiction nuptiale à des époux , dont
l'un ſeroit catholique & l'autre proteftant ou réformée.
Monfig. Andrafty , Eveque de Roſenau
en Hongrie , ayant refufé de ſe conformer à
la loi , le Gouvernement lui a ordonné de ſe
démettre de ſa dignité ; & comme il poſſede
unrevenu conſidérable ,l'Empereura déclaré que
ce ſeroit une injustice de charger la caiſſe de religion
pour lui faire une penſion. [ Courir du Bas-
Rin , nº. 102. ]
>>>Les habitans de New Hampshire , & ceux
de l'Etat de Verment , ont pouffé ſi loin leurs
querelles , que ces derniers menacent aujourd'hui
de ſe mettre ſous la protection de la Grande-
Bretagne.
» L'Etat de Vermont eſt un vaſte pays , fitué
à l'Eſt de New Hampshire & de Maſſachusetts ,
& au Nord de Connecticut , entre la riviere de ce
nom& la riviere d'Hudſon. Comme il n'y a pas
1
(وج )
long-tems qu'il eſt peuplé ,& qu'il a toujours été
un objet de contention entre les Etats de la
Nouvelle-York & de New-Hampshire , il n'y a
point , à proprement parler , deGouvernement
établi.
>>>Echan Allen , fameux par l'expédition qu'il
entreprit en 1775 contre Ticonderago , de
ſon propre mouvement , & fans autre ſecours
que celui des volontaires qui le ſervirent ,
s'eſt rendu le chef abſolu de ce pays. Il y a
formé une aſſemblée de repréſentans qui eſt
entierement à ſes ordres. Cette afſſemblée accorde
des terres , & le pays eſt gouverné felon
le bon plaifir d'Allen. Cependant les habitans
n'en ont pas moins été les ennemis desAnglois
pendant la guerre ; mais ſous prétexte qu'ils forment
la frontiere contre le Canada , & qu'ils ont
obligés de la garder , ils refuſerent de fournir leur
contingent pour les frais de la guerre. On ne les
aconnus pendant long-tems que ſous le nom de
Green Mountain Boys ( gens de la montagne verte
, ) mais regardant cette dénomination comme
ignoble, ils ont traduitle mot Green Mountain en
François , ce qui fait Vert Mont , & par corruption
Vermont .
*** Le nombre des guinées qui circulent dans
lesEtats de Vermont , & la prodigieuſe quantité
de denrées & d'articles des manufactures de la
Grande-Bretagne qui s'y trouvent dans la plus
grande abondance , ont fait dire , depuis longtems
, qu'il regne réellement une très-bonne intelligence
entre le Gouvernement du Canada , &
les Vermontois , & cette opinion n'eſt pas fans
fondement. Courier de l'Europe , n° .42 .
4
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 JANVIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A l'Auteur de mes Souvenirs . *
Vo
os vers font trop jolis, ils ne mourront jamais :
Dictés par le plaier , ils vivront pour le nôtre ;
LaBeauté vous lira ; vos Souvenirs font faits
Pour occuper le fien & faire aimer le vôtre.
(ParM. Blandurel.)
* Ce charmant Recueil ſe trouve à Paris , chez Belin ,
Libraire , rae S. Jacques . Note de l'Auteur.
-1
Nº. 4 , 27 Janvier 1787 . G
146 MERCURE
-
۱
L
INPROMPTU à M. le Marquis du CREST,
Chancelier de Son Alteſſe Séréniſſime
Mgr. le Duc D'ORLEANS , pendant qu'il
obfervoit les opérations de mon Imprimerie.
MINISTRE bienfaiſant d'un Prince qu'on adore ,
Si ton génie actif enfante des projets ,
Ta ſageſſe éclairée aſſure leurs ſuccès.
Les Talens par tes ſoins vont s'empreffer d'éclore;
Tu veux le bien & tu le fais :
La tendre Humanité ſe montre ſous tes traits ;
En toi c'eſt elle que j'honore.
Nos Citoyens heureux , au beau nom de ta foeur *
Aſſocîront le tien au Temple de Mémoire :
Tes vertus t'ont ſoumis leur coeur ,
Eft- il une plus douce gloire ?
MonArt reconnoiſſant peindra notre bonheur ,
Et la Vérité ſeule en tracera l'hiſtoire.
(ParM. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi, de Mgr. le Duc d'Orléans , de
l'Académie Royale des Sciences , Arts
&Belles- Lettres d'Orléans & de Montauban
, Auteur du Journal Orléanois.)
*Mme la Comteſſe de Sillery , ſi célèbre dans la République
des Lettres ſous le nom de Comtesse de Genlis, Auteur
de plufieurs Ouvrages fur l'Éducation. Note de l'Aut.
DE FRANCE.- 147
Explication de la Charade , de l'énigme &
duLogogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Baſſon ; celui de
l'énigme eſt Vérité; celui du Logogryphe
eſt Louange , où l'on trouve lange , galon ,
Élu, loge, an , Ange, longe , elan ane, ou ,
on , age , eau , Agen, Laon, égal.
CHARADE
Mon premier m'aide à faire mon dernier ,
Et mon dernier contredit mon entier.
JE
(Par une jeune Demoiselle. )
ÉNIGME.
E ſuis François & non latin ,
Du noble genre masculin ;
Au pluriel, ma métamorphoſe ,
Quoiqu'exprimant la même choſe ,
Medonne un genre feminin.
Agité par les vents, je ſuis loin de la terre,
Je tonne enmegonflant , je fais un bruit de guerre;
Gij
148 MERCURE
Mais , devenu plus doux , mes fons intéreſſans ,
Répétés par Écho , deviennent plus touchans :
Cette variétéde foague , de tendreſſe ,
Annonce le talent du moteur qui me preffe.
Lecteur , vers mon ſéjour , fi tu tournes tes pas ,
Sans top t'alambiquer , tu me reconnoitras .
(ParM. Gasteblay Longville de Mayenne. )
LOGOGRYPHE
VEUX TU me fuivre au boutde l'Univers ?
Je ne demande rien pour les frais du voyage ;
De la poſte , jamais je ne connus l'uſage;
Avecmoi ſans vaiſſeau tu vas franchir les mers.
Combien dans mes dix pieds je vais ſur ton paſſage
Ates regards ſurpris offrir de lieux divers !
Aubas de l'Apennin vois la terre tremblante
Détruire une Cité qui fit ſon ornement ;
Avec le même nom , cette autre plus riante
S'énorgueillit encor du Chantre de Roland ;
Ce fleuve avec fracas roule ſon onde antique ;
Paſſons vîte : le ſang l'a rougi trop ſouvent.
Nous reſpirons l'air brûlant de l'Afrique.
Vois-tu dans ce Royaume une foire publique?
Ce ſontdes hommes qu'on y vend.
Arrêtons- nous fur ce rocher ſtérile ;
On y vit autrefois régner le léopard;
DE FRANCE. 149
Mais renaiſſantenfin de ſa tige fertile ,
Le lys victorieux flotte ſur le rempart.
Contemple dans l'Afie un canton deſpotique ,
Tu pourras t'y pourvoir d'une jeune Beauté.
Préfères tu la liberté ?
UnÉtat de ce nom t'appelle en Amérique.
Ce lac majestueux dans ſon vaſte contour
Borne ici ta vue interdite .
Maisdes frimats quittons l'affreux ſéjour ,
AMeſſieurs les Gafcons faiſons une viſite.
Aux rives de l'Adour je t'offre une Cité :
Sa foeur, que ſous nos loix d'Humières a réduite ,
Sur les bords de la Lys s'élève avec fierté.
Par vingt autres encor ton oeil ſeroit flatté;
Mais dans le Dauphiné terminons notre courſe ,
Je t'y réſerve un lieu célèbre par ſa ſource ;
Ses bienfaiſantes eaux t'y rendront la fanté.
(Par M. le Prieur. )
L
Ginj
150
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
VOYAGE en Pologne , Ruffie , Danemarck ,
&c. par M. W. Coxe ,& c . traduit de l'Angiois
, avec des Notes , & augmenté d'un
Voyage en Norwège, par M. P. H. Maller ,
ci-devant Profeffeur Royal à Copenhague ,
Profeffeur de l'Académie de Genève , &c.
2 vol . in-4°. & 4 vol. in- 8°. ' avec carres
&planches. AGenève, chez Barde, Manget
&Compagnie , Imprimeurs-Libraires , &
ſe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire ,
rue des Poitevins. Prix de l'in-4º. 24 Irv. ,
de l'in 8°. 18 liv. brochés .
HEUREUX fiècle , a-t'on dit quelque part, en
rendant compte de cet Ouvrage , où ce ſont
les Philofophes qui voyagent & qui inftruifent
l'Univers ! Sans contredire cette exclamation
, feroit - il permis de demander de
quels Philofophes on a voulu parler ? Eſt --ce
de ceux qui , tels que Chardin , Wood ,
Kempfer , Pallas , Poivre , Cook , ſavent ſe
taire fur tout ce qu'ils ne connoiſſent qu'imparfaitement
; qu'un très-long ſéjour ou des
obſervations circonfcrites ont garanti de l'erreur
; qui ne voyagent pas pour faire des Livres
à prétention; mais pour s'inſtruire eux
DE FRANCE. 151
mêmes par amour de la vérité ; exempts par
conféquent de toutes les petites patlions qui
peuvent tyrannifer la plume d'un Auteur ;
qui raiſonnent peu , &décrivent exactement ;
qui enfin font Philoſophes fans aflicher de
laphiloſophie ?
Auroit- on en vue , au contraire , ces Voya
geurs expéditifs dont nous ſommes inondés ,
qui parcourent le cercle entier des connoif
ſanceshumaines aufli rapidement que les Provinces;
qui , d'un clin-d'oeil , devinent ce qui
reſte incertain pour les naturels les plus expérimentés
, jugent les moeurs nationales dans
les cercles d'une Capitale où ils réſident quelques
jours , le pays par l'aſpect des grands
chemins, les peuples par le caractère des poftillons;
les loix , la religion, l'adminiftration ,
les talens , les ſciences , les événemens les
plus fecrets , Phiſtoire, les vertus , les vices
d'un Empire , fur quelques Brochures étrangères
qu'ils compilent à leur retour , avec des
remarques ſentencieuſes & quelques notes
volantes , lorſqu'ils ont voulu prendre la
peine d'en recueillir ?
Les Lettres de M. Coxe fur la Suiſſe n'étoient
pas un Voyage philofophique de ce
dernier genre. Malgre des erreurs , des préjugés
, des jugemens hafardés ; malgré la ſé.
chereſſe du ſtyle & la froideur des deſcriptions,
cet Ouvrage mérica à fon Auteur l'éloge
que lui donne le ſavant Traducteur de fon
nouveau voyage , en célébrant fon amour
pour la vérité , ſon érudition , ſa candeur ;
Giv
152 MERCURE
mais tous les ſujets ne ſe prêtent pas égale
ment à l'emploi de ces eſtimables qualités ;&
il paroît que les glaces du Nord ſont plus redoutables
pour un Voyageur Hiſtorien que
celles de la Suiffe .
M.Mallet, qui a couru avec tant de diſtinction
une carrière plus difficile que celle de ſon
original , & à qui l'Hiſtoire du Nord a de ſi
grandes obligations , a bien voulu ſe charger
de traduire ce Voyage de M. Coxe , & de le
commenter. Ily a joint des notes néceffaires ,
des additions très curieuſes ; mais il s'eſt permis
de retrancher pluſieurs morceaux de fon
original , en ſuppoſant que des difcuffions
trop ſavantes feroient peu goûtées de la plus
grande partie de ſes Lecteurs. Quelques-unes
de ces digreffions font en effet abfolument
étrangères à l'objet d'un voyage. Pourquoi
l'appeſantir de généalogies & de détails qui
fe trouvent déjà dans une infinité d'Histoires
& avec plus de développement? M. Mallet
n'eût certainement diminué en rien l'inf
truction du Public ni la gloire de M. Coxe ,
en fupprimant,enoutre, l'articlebiographique
fur Menzicof, dont tous les détails ſe trouvent
déjà dans les Mémoires de Manftein ,
dans l'Histoire de Ruffie de M. le Clerc , &c .;
celui de Catherine I , qui n'offre aucune particularité
nouvelle ; celui encore de la Prin
cefle Anne , & du Prince de Brunswick fon
époux , & quelques autres. Ces morceaux
pouvoient enrichir l'original , ſi les Anglois
n'ont pas de traductions des nombreux Ou
DE FRANCE. 153
vrages Allemands& François qui ont paru fur
la Ruflie , ils font très- fuperitus pour nous ;
dans l'ummenſité de Livres qui ſurchargent
l'Europe , il faut éviter d'appauvrir encore
cette abondance par des répétitions .
La ferpe du Traducteur auroit dû peut- être
ménager davantage deux ou trois fragmens
plus utiles que ceux dont nous venons de
parler , entre autres les détails relatifs à la
Princefle Sophie , ſoeur de Pierre I , qui terdent
à éclaircir un point hiſtorique encore
douteux , & la diſcuſſion impartiale de M.
Coxe fur la mort de Charles XII. M. Mallet
explique fort bien , & réfute l'opinion de l'affaffinat
de ce terrible Capitaine; mais le Public
n'eût pas lu avec indifference l'expoſé des
raifons pour & contre cette opinion , telle
que la préſente l'Auteur Anglois. Au reſte ,
celui- ci s'eſt plaint amèrement de ces mutilations
, qui concourront en France au ſuccès
de fon Ouvrage , & je crois qu'en effet un
Traducteur doit préſenter fon original, même
avec ſes défauts , en ſe réſervant la liberté de
les faire remarquer.
Je puis me tromper; mais aucun Voyage
ne me ſemble devoir inſpirer plus de défiance
que celui ci: le ſeul Journal de M. Coxe mer
le Lecteur en garde. En effet , on voit qu'il
eſt reſté vingt- fix jours en Pologne , cent
foixante- trois jours en Ruffie , dont cinq mois
à Pétersbourg , par conféquent treize jours
dans la contrée , un mois en Suède , & vingt
jours enDanemarck. On ne peut parcourir&
Gv
154
MERCURE
obſerver plus leſtement des Empires , dont le
moindre a preſque l'étendue de la France.
Pour fuppléer au défaut d'études & de remarques
ſur le pays même , M. Coxe a dépouillé
la plupart des Auteurs qui nous les
ont faitconnoître ; il a raſſemblé & choiſi des
documens abſolument hétérogènes ; il a couvert
la nudité du fonds de ſon voyage par des
Mémoires encyclopédiques ; il y a inféré
juſqu'à un Traité chimique du ſavant-Docteur
Pulteney ; enforte que , fans ſe déplacer ,
l'Auteur pouvoit compoſer les deux tiers de
fon Voyage à Londres , auffi commodément
que dans les appartemens du Nord. On a dit
de la langue Angloiſe que les exceptions y
faifoient la règle; ici , le Voyage eſt dans les
hors- d'oeuvres .
Par exemple , on entre en Pologne avec
M. Coxe au Livre fecond , & l'on ne fait pas
encore qu'il a paſſe la frontière d'Allemagne ,
qu'on a lu cent dix pages préparatoires ſur
'Hiftoire , leGouvernement, les révolutions ,
là ſtatiſtique de la République. Pluſieurs de
ces Chapitres font inſtructifs , quoique traités
déjà avec plus d'exactitude par differens Auteurs;
mais ce qu'aucun d'eux n'avoit ofé
tenter encore , c'eſt le tableau des dernières
calamités de la Pologne : M. Coxe a bravé
les difficultés du fujet ; elles étoient effrayantes,
& il faut être bien sûr de ſes matériaux ,
bien intrépide pour donner conftamment le
tort aux malheureux , ainſi que l'a fait le
Voyageur.
DE FRANCE.
ISS
ود
"Si le parti de Pompée eût prévalu , a fort
biendit l'undesCompatriotes de M. Coxe ,
>> on nous auroit peint Céſar comme le mar-
>> tyr de la liberté. » Cette réflexion de M.
H. Walpole trouve ici ſon application naturelle.
Non- ſeulement l'Auteur a atténué les
griefs des Confédérés ; non-feulement il a
déguiſé les véritables cauſes de leurs infurrections
, il s'eſt de plus trompé fur des faits
importans. Je mebornerai à releverici , commedans
le cours entier de cet examen , ceux
fur leſquels il m'eſt permis d'avoir un avis ,
en rapportant moń opinion , ainſi que l'excellent
Montaigne , finon à la mesure des
-chofes, du moins à la mesure de ma vue.
Suivant le Voyageur , des querelles de religion
ont alluméla guerre civile en Pologne
les Diſſidens y étoient continuellement per-
Sécutés ;les ennemis de la tolérance , à la tête
defquels étoit l'Évêque de Cracovie , s'opposèrent
à leur faire reftituer aucuns de leurs
priviléges , malgré les demandes des Cours
garantes du Traité d'Oliva ; enfin, les Confédérés
de Bar étoient des Croisés armés pour la
défense de la Sainte Foi Catholique. De cette
narration on devroit conclure qu'un opiniâtre
fanatifime fut la véritable caufe des malheurs
de la République .
Il n'eſt cependant aucunede ces aſſertions
qui ne foit ou exagérée ou démentie par des
faits incontestables. Jamais il n'y eut enEus
rope de gouvernement moins perfécuteur que
celui de la Pologne.A l'inſtant où la France ,
Gvj
196 MERCURE
P'Angleterre , l'Allemagne nageoient dans le
fang des Proteftans & des Catholiques , au
16º fiècle , la République admit les Diffidens
au partage de tous les droits civils & des principales
dignités. Lorſque Henri de Valois
chargé du crime de la Saint- Barthelemi , alla
gouverner ces Sarmates , que l'on regardoit
comme des barbares , on lui impoſa la loi de
reſpecter la tolérance. Inſenſiblement la plupart
des grandes familles étant revenues à la
religion dominante , & les Proteftans ne
comptant dans leur ſein qu'un très petit nombre
de Gentilshommes capables, par leur naiffance
, des emplois & de l'entrée aux Dières ,
differentes loix , en leur confervant la liberté
de confcience , les privèrent du droit de participer
à la Nonciature & au Gouvernement.
Cette révolution fut conſommée par lesRois
Saxons , excepté dans la Prufſe Polonaiſe , où
les Diflidens , plus nombreux , continuèrent
àprévaloir dans les Charges , les Diétines , les
Tribunaux.
A l'époque ( en 1764 ) où on les excita à
des réclamations, les Proteftans avoient deux
cent temples en Pologne ; ils exerçoient partout
librement leur culte dans leurs maiſons;
ils jouiffoient d'une sûreté parfaite dans leurs
propriétés ; ils poffedoient des Staroſties ; des.
Régimens , un grand nombre de compagnies
&de grades militaires. S'ils étoient opprimés ,
ce n'étoit donc point par des violences ni par
laprivation des droits civils ; mais fimplement
par l'exclufion des Charges & des Di
DE FRANCE. 157
gnités. Si les limites de cette tolérance peuvent
legitimer une accuſation de fanatiſme
contre les Polonois , il faut en flétrir par
conféquent l'Angleterre , où un Commis de
La Douane doit prèter le ſerment du Teſt, la
Suifle , la Hollande , l'Allemagne , & tous les
États où les religions tolérées font inadmiffibles
aux emplois du Gouvernement. En
Ruffie même , il faut profeſſer la religion
grecque pour entrer au Ministère & dans le
Sénat. Quelques abus inévitables pouvoient
en Pologne avoir donné lieu àquelques plaintes
; mais il y avoit bien loin de leur redreffement
aux conceffions exigées par les Diffidens.
Leurs Confédérations à Sluck & à Thorn
ne comptèrent que 573 fignatures; c'étoit
à peine de la nation. Une pareille
diſparité exclut toute idée d'une guerre
civile ; & s'il exiſte dans l'Hiſtoire un fait
authentique , c'eſt que , livrés à leur propre
mouvement , ces Diffidens qui appelèrent
contre leur patrie des armes étrangères,
n'euffent jamais imaginé d'obtenir par la violence
, &malgré la République , d'être affociés
à ſa légiflation.
:
La Ruffie qui les encouragea , après avoir
appelé leurs Chefs , leStaroſte&le Général
Grabowski , pour recevoir leurs plaintes ,
n'étoit point garante du Traité d'Oliva , comme
l'avance M. Coxe : elle n'y avoit même
ni accidé ni intervenu . Il eſt encore plus que
douteux que ce Traité autorisat le moins dur
158 MERCURE
monde les prétentions des Diffidens.
L'Évêque de Cracovie & le Collége des
Évêques de Pologne , traduirs ici comme des
perfécuteurs , confirmèrent ſolemnellement
en 1766 , la tolérance dont jouiſſoient les
Diffidens , en lui donnant même plus d'étendue.
Confervation & reſtauration de leurs
Égliſes, liberté entière de culte dans leurs maifons,
cimetières, écoles,baptêmes & mariages
par leurs Eccléſiaſtiques , exception de toute
taxe étrangère aux Catholiques : telles furent
les articles accordés alors par le haut-Clergé ,
&dont il offrit de recommander l'exécution
par des Mandemens folemnels dans tous les
Diocèſes. *
Il ne faut pas juger les actes de ce genre
par les maximes ou par les théories expoſées
dans des Livres; il eſt ſur- tout équitable de les
comparer à ce qui ſe fait ailleurs. M. Coxe ,
en ſe rappelant l'exemple de tous les États
Catholiques ou Proteftans , auroit dû voir
avec ſa pénétration ordinaire , les inconvéniens
politiques d'une tolérance plus étendue
, dans une République déchirée , en proie
à une influence étrangère. Ouvrir l'entrée à
quatre religions différentes dans le Conſeil
législatif d'un État anarchique, où la voix
* Voyez des articles conſentis par les Évêques ,
qui ſe trouvent dans les PiècesJuft ficatives du Ma-
Rifeſte de la Confédération générale , in-4° .
:
DE FRANCE.
159
d'un ſeul peut arrêter l'activité de tous , étoit
une opération qui exigeoit du temps , de la
prudence , & que la préſence d'une armée
protectrice des Diffidens , devoit faire regarder
comme bien redoutable à l'indépendance
de la République. Ces vérités , qui n'appartiennent
point à la théologie , auroient dû
prévenir le reproche de M. Coxe aux Confédérés,
qu'il nous repréſente comme des fanatiques
du 12º fiècle .
Il agliſſé avec légèreté ſur la fameuſe Confédération
de Radom , dont il ne nous expoſe
ni la véritable origine , ni les circonftances
, ni les ſuites funeſtes. Ilne parle point
des efcadrons de cavalerie Rufle , commandés
par le Colonel Carr , des canons , des poftes
militairesdiſtribués dans Radom , où le Prince
Radziwill , Maréchal Général de la Confédération
, fut en quelque forte priſonnier de
guerre , comme il le fut enſuite à la Diète
de Varſovie , & comme ce Prince le raconta
fort en détail en 1772 , au Rédacteur de cer
article.
Puiſque l'Auteur faiſoit mention de cette
étrange Diète de Varſovie en 1767 , il ne devoit
ſe permettre ni des réticences , ni des
inexactitudes ; en particuter il ne falloit pas
avancer que l'Évêque de Cracovie &fes partisans
furent enlevés par ordre de l'Ambaffadeur
Ruffe , pour s'être permis des discours
violens contre les Diſſidens & contre les Cours
qui les protégeoient. Cette affertion ſembleroit
excuſer un acte , qu'un Anglois fur- tour
160 4
;
MERCURE
feroit plus blamable de juftifier. Le Prélat
éloquent& courageux dont il eft ici queſtion ,
prononça en effet un difcours qui eſt un des
plus beaux monumens de l'hiſtoire & de la
liberté moderne ; mais on n'y trouve preſque
pasun mot fur les Difldens , encore moins
contre des Cours étrangères; il ne s'écarta
pas même du reſpect dû à la grande Souveraine
dont il combatroit les volontés. Sa harangue
toute entière eut pour objet de prouver
le danger des Conftitutions offertes à la
: Dière, entre-autres de celles qui déclaroient
irrévocables & perpétuelles les Loix de la
Pologne , en lui êtant,à jamais le droit de les
changer, & en les foumettant à la garantie
de la Ruffie. C'étoit, ſelon l'expreſſion des
Confédérés de Bar dans leur Manifefte , con-
Sommer l'anéantiſſement de la République ,
&déclarer qu'elle ne cefferoit jamas d'être
une Province Moscovite. Les ſuites de cette
oppofition vertueuſe ſont de notoriété publique.
L'Évêque de Cracovie fut enlevé par
leColonel Ruffe Igelſtrom,dans l'hôtel même
duMaréchal de la Couronne , Miniſtre d'État ,
donton força la porte à main armée au mi-
Lieu de la nuit. On fait que l'Évêque de Kioyie
, le Comte de Rzewuski , Palatin de Cracovie,
& fon fils, furent pareillement faifis
dans leurs lits, & envoyésen Ruffie , où ils
reftèrent captifs pendant fix ans. Lorſqu'on
ſe rappelle des évenemens , les violences précédentes
exercées dans les Diétines , les Loix
données par la force à la République , & la
1
DE FRANCE. 161
nature de ces Loix, on trouvera M. Coxe
bienmodéré, lorſqu'il accorde froidement que
les Polonois avoient QUELQUES SUJETS
deplainte.
Il ne traite pas avec plus de ménagement
les Confédérés de Bar, dont l'affociation avoit
néanmoins & incontestablement les droits ,
la forme, les conditions , & par conféquent
les priviléges d'une confédération legale.
Puiſque M. Coxe écrivoit ici en Hiſtorien&
en Politique , il nous devoit des notions
exactes ſur l'Hiſtoire , ſur la Politique des
temps dont il parle, & dont il pouvoit fe
difpenfer de parler.
Le Chapitre qu'il a conſacré au récit de
l'attentat commis ſur le Roi de Pologne , n'eſt
pas exempt de reprochés. D'abord l'Auteur
attribue ce crime aux Confédérés en général,
dont la pluralité n'avoit en aucune connoiffance
du complot; il étoit contraire à
leurs véritables intérêts ; il renverfoit l'effet
de leurs négociations ; enfin aucun acte de la
procédure n'a prouvé l'exiſtence de leur
complicité. M. Coxe avance en propres ter
mes qu'ils réfolurent d'affaſſiner le Roi ; que
cependant les raviffeurs n'affaffinerent point ,
quoiqu'ils l'euffent entre leurs mains une
heure ou deux dans la forêt de Bielani. En
admettant la réalité de l'ordre donné par
Puławski aux inſtrumens du régicide , on
voit qu'il n'emportoit aucune injonction de
ruer S. M. M. Coxe auroit dû , par équisé
, rapporter les défenfes imprimées de
162 MERCURE
Pulawski , mort au ſervice des États-
Unis , & dont l'intervention dans cet attentat
peut être encore regardée comme problémarique.
Le Voyageur avoue lui-même
qu'on ne trouve pas d'exemple dans l'Hiftoire
d'une délivrance auffi miraculeuse.
Cette réflexion auroit dû l'empêcher de s'en
fier fur ce récie à l'autorité de M. Wraxall
, dont il raconte les fables avec la plus
grande confiance; fables copiées d'un Écrit
imprimé dans le temps , ſous le titre de Relation
de l'attentat commis contre la per-
Jonne du Roi de Pologne , &c. N'y a- t- il
pas d'ailleurs un peu d'affectation à rapporter
exclufivement un acte fi propre à rendre
les Confédérés odieux, fans faire mention
des procédés qui les pouſsèrent au déſeſpoir ,
dedeux cent mille perſonnes de tout fexe &
de tout age exterminées en Ukraine par les
Koſacs Rutles, de douze mille deux cent
foixante- deux Catholiques Latins & Grecs
unis dont j'ai vu les liſtes, maſſacrés de ſangfroiddans
la ville d'Human en Podolie , appartenante
au feu Comte Potocki , &c. &c.
Les obſervations de l'Auteur fur le nouveau
Gouvernement de la République ſont
plus judicieuſes ,& on ne lit pas avec moins
d'intérêt quelques morceaux deſcriptifs qui
rempliffent les Chapitres ſuivans , entreautres
celui du coſtume Polonois, des falines
de Vielitzka, & d'une fête champêtredonnée
àPovonski par la PrinceffeCzartoriska. Peuta
être M. Coxe n'eût-il point diminué l'intérêt
DE FRANCE. 163
de cette deſcription en s'y oubliant plus qu'il
ne l'a fait.
Il omet rarement de porter ſon attention
fur une claſſe très - négligée par les Voyageurs
, fur les Payfans. Aufli après quelques
détails, tantôt exacts , tantôt inſuffifans touchant
les ferfs Polonois & Lithuaniens , il les
compare au Cultivateur Suiffe. « Quelle dif-
>>férence, dit-il, des huttesde la Lithuanieaux
>> maiſons des Payſans Suiffes, quoique bâties
>> des mêmes matériaux! Etleurs manières for.t
>>encore plus différentes que leurs maiſons :
> tout annoncé chez les uns & chez les au-
>> tres le contraſte entre les Gouvernemens
>> ſous leſquels ils vivent. Le Payſan Suiſſe eſt
>> ouvert , franc, groflier, mais officieux ;il
>> falue ceux qu'il rencontre d'un mouvement
>>de la tête , ou porte négligemment la main
>> à fon chapeau : il artend en retour une
>> marque de civilite ; il s'offenſe de la
>> moindre hauteur , & ne ſe laiffe pas in-
>>ſulter impunément. Au contraire, le Payſan
>>Polonois exprime ſon reſpect d'une ma-
>>nière rampante & fervile; il s'incline juſ-
>> qu'à terre; il ôte ſon chapeau , & le tient
>>àla main juſqu'à ce qu'on Pait perdu de
» vue; en un mot, toute leur conduite eſt
>>la preuve de la fervitude abjecte dans la-
>>quelle ils gémiffent. »
Tout cela eſt parfaitement bien vu; mais
peut-être feroit- il plus inſtructif de choiſir
d'autres termes de comparaiſon que les
deux extrêmes , & de rapprocher, par
164 MERCURE
exemple , les ſerfs Polonois des ferfs de la
Ruffie . M. Coxe eſt , à ma connoiffance , le
ſeul Voyageur qui paroiffe croire ces derniers
moins miferables. L'Abbé Chappe , entre- autres,
en a fait un parallèle qui lui a valu beaucoup
d'injures de la part de quelques Ruffes
trop ombrageux, parallele,dont chaquetraiteſt
confirmé par l'unanimitédesvoix. Il eſt de fait
que les moeurs fuppléant aux Loix, les ferfs
de Pologne , en beaucoup de lieux , étoient
moins à plaindre non-feulement que leurs
voiſins, mais même que les Payſans libresde
diverſes contrées. Par-tout où la ſervitude
politique des Grands s'unira à l'eſclavage de
la glèbe, le fort du Payſan ſera le pire de
tous. Plus les propriétés des Seigneurs feront
précaires , plus leur état ſera expoſé à des
viciffitudes , & plus ils ſe hâteront de jouir
enmultipliant les extorfions. Il faut des richeffes
promptes à quiconque n'est pas affuré
de les conferver. Les Seigneurs Polonois
vivent en général plus près de leurs ferfs ,
fejournent plus long temps ſur leurs terres ,
font moins affujettis aux repréſentations difpendieuſes
de faſte à la Cour, au beſoin d'y
acquérir du crédit , &c. Ces différences que
j'eſquiffe rapidement , en ont introduit une
très-ſenſible dans le traitement des ferfs. La
Diète de 1764 s'occupa encore de l'adoucir.
M. Çoxe rend lui-même juſtice à l'humanité
&à la ſageffe de quelques Magnats qui ont
affranchi leurs Payſans; il pouvoit en cirer un
plus grand nombre , mais une émancipation
1
DE FRANCE. 165
fubite & générale , n'eſt point une meſure
aufli facile ni aufli prudente qu'il paroît l'imaginer.
Je fais qu'en 1765 , d'après les idées
d'un Étranger diftingué par ſes connoiffances
philofophiques , divers Seigneurs proposèrent
à leurs Payſans la propriété & la liberté
moyennant des redevances ; & telle eſt la
dégradation de certe malheureuſe partie de
Peſpèce humaine, qu'ils refusèrent ces avantages.
La liberté d'ailleurs eſt une liqueur
enivrante pour des eſclaves; il faut les y accoutumer
inſenſiblement , diftinguer les cantons
où les chemins , les canaux , les rivières
facilitent les débouchés des denrées , de ceux
où le manque abſolu de communications rendroit
le Payſan propriétaire plus miférable
que le ferf, ſans le rendre moins indolent ,'
&c. J'ajouterai que la ſeule différence de caractère
entre le ſerf Polonois fidèle , fobre &
laborieux, & le ferfRuffle adonné au vol , à
Pivrognerie, à la pareſſe, vendu dans les mar-
✔chés d'eſclaves comme une pièce de bétail,
explique clairement le genre de régime auquel
l'un & l'autre ſont ſoumis , & réfuté
l'imputation odieuſe que le Voyageur fait aux
Polonois en général, de regarder à peine leurs
Paysans comme des créatures humaines.
Du moment où M. Coxe entre en Ruffie ,
fonpinceau devient moins libre & ſes jugemens
moins amers. Il nous introduit dans la
Capitale de cer Empire par une defcription
affez détaillée de Smolensko , de Mofcou ,
deNovogored. Pluſieurs de ces articles font
166 MERCURE
nouveaux & intéreſſans ; l'amour de l'Auteur
pour les recherches hiſtoriques y jette même
des ſupplémens inſtructifs; mais l'on paſſe dù
plaifir à la ſurpriſe ,lorſqu'à la première page
du Chapitre de Pétersbourg, on lit une apologiede
la tranflation du Siége de l'Empire dans
cette Ville , preſque frontière , par Pierre- le-
Grand. Cet Empereur , à entendre M. Coxe ,
fit lachoſe du monde la plus utile en ſe donnant
des ennemis nouveaux, le beſoinde nouvelles
conquêtes, une influence ſur le Nord
&l'Allemagne, propre à augmenter lajalouſie,
ſans augmenter la puiſſance réelle des Tzars ,
enfinune marine ſur la Baltique pour aller
dans l'occaſion ſe battre vers l'Archipel ;
avantages qui ont découlé , ſelon l'Auteur ,
de la fondation de Pétersbourg.
Sans nous arrêter à ce paradoxe , nous citerons
la deſcription d'un pont de bois projetté
ſur la Néwa. " Elle est trop profonde ,
ود dit M. Coxe, pour y bâtir un pont de
>> pierre , & cet ouvrage même ſeroit bien-
>> tôt renverſé par les glaces ; mais un Payſan
”و
ود
Ruſſe a eu l'idée ſublime de jeter ſur le
fleuve un pont de bois d'une ſeule arche,
>> quoique ce fleuve, dans ſa moindre lar-
» geur , ait 980 pieds. Il en a exécuté un modèle
de 98 pieds de longueur. Il eſt exécuté
fur le même principe que celui de
Schaffouſe en Suiffe. Il ſeroit couvert d'un
* toît , & fermé par les côtés. L'Artiſte m'a
dit qu'il entreroit dans ſa conſtruction
» 12908 grands arbres , ssoo poutres , &
ود
ود
ود
DE FRANCE. 167
"
ود
>> qu'il coûteroit 300,000 roubles ( 1 500,000
liv. tournois.) Le modèle eft fait avec tant
de ſolidité qu'il a pu ſupporter un poids de
127,440 livres ſans avoir le moins du
monde plié , ce qui ſuppoſe une force de
réſiſtance plus grande que le pont en grand
n'en auroit beſoin , proportion gardée ,
>>pour foutenir le poids des voitures ajouté
ود
ود
ود
ود au ſienpropre. » Ce Payſan ingénieux a
commencé par faire des horloges de bois &
en métal; il ſe nomme Kulibin , & il a
voyagé en Angleterre aux frais de l'Impératrice,
qui lui fait une penſion.
Il eſt difficile d'accorder beaucoup de
confiance aux obſervations météorologiques
de l'Auteur à Pétersbourg en liſant ce qui
fuit à la page 219 du Livre IV. Sur
>> trente jours il y en eut vingt- quatre de
>>pluvieux , & pendant le mois de Septem-
>> bre il tomba à Pétersbourg , deux pouces
>> Anglois& trois cinquièmes d'eau. Par des
obſervations très - exactes , nous apprenons
>> qu'il y pleut ou neige preſque la neuvième
partie de l'année. On a obſervé
ſur dix années , qu'année commune il y a
>>cent trois jours pluvieux & foixante douze
"
"
ود
" où il neige ; & que ſi on partage l'année
» en douze parties , une quatrième ſeroit de
>>beaux jours , une troiſième de pluie &
> une cinquième de neige. »
Cet article , contradictoire avec lui- même ,
eſt de la plus grande inexactitude. D'abord
il pleut très-peu en général ſous ce climat , &
168 MERCURE
ordinairement il n'y tombe de la neige qu'une
fois par an , pendant cinq à fix jours de
fuite . M. Coxe veut qu'il pleuve ou neige
preſque la neuvième partie de l'année , tandisque
par fon propre calcul cela arriveroit
cent foixante - quinze jours , c'est- à-dire , la
moitié de l'année. Comment l'Auteur ni le
Traducteur ne ſe ſont- ils pas apperçu de
cettemépriſe?
Après la deſcription curieuſe des divertiſſemens
fur la Néwa, du faſte de la haute
Nobleffe , de la vie privée de l'Impératrice ,
&c. , le Voyageur paſſe à l'Hiſtoire paffée &
préſente de la Ruſſie, Quelques - uns de ces
Chapitres méritent l'attention du Lecteur,
entre autres celui qui eſt conſacré au mal
heureux Tzarewitz, fils de Pierre- le-Grand.
M. Coxe ayant rapporté les différentes opinions
touchant la mort d'Alexis , adopte celle
de M. Buſching , qui affure poſitivement que
leTzarewitz eut la têre tranchée par ordre
de fon père , & que le Maréchal Weyde fit
l'office de bourreau. Le Colonel Bruce, dans
ſes Mémoires , prétend au contraire que le
Prince fut empoifonné , & M. le Clerc eſt de
même ſentiment. On peut comparer les autorités
& les argumens de ces divers Hiftoriens.
Si l'on rencontre aujourd'hui les plus
grandes difficultés à éclaircir & à conftater
des événemens pareils après un demi fiècle
d'examen , que fera ce des révolutions
préparées dans un ſecret preſque impénétrable
DE FRANCE.
169
nétrable aux yeux des contemporains , conſommées
par des motifs & par des moyens
dont il eſt ſi délicat de lever le voile , racontées
ſelon les intérêts divers avec plus ou
moins d'infidélité ? L'Hiſtorien doit ſe défier
alors &de la diffimulation de la prudence , &
des fraudes de la politique , & de la témérité
des calomnies. Comment un Étranger no
fera-t- il pas trompé ſur des particularités dérobées
à la connoiſſance des Nationaux les
mieux inſtruits ? Comment difcernera-t-il les
pièges tendus à ſa crédulité ? Comment un
Auteur ſur-tout qui interroge des Grands ,
desOfficiers d'État,dans le deſſein connu d'imprimer
le réfultat de leurs réponſes , peut- il
eſpérerde n'en pas recevoird'infidieuſes,dans
les pays en particulier où les indiſcrétions ſont
rarement pardonnées? Quelle confiance d'ailleurs
le Public accorderat il au Révélateur
qui affiche les confidences qu'il a reçues , &
qui trahit ainſi le premier devoir de la probité?
Pluſieurs de ces réflexions pourroient être
appliquées au récit haſardé par M. Coxe ſur
lesdernières révolutions de la Cour de Ruffie.
Ce feroit imiter ſon imprudence que de
le réfuter,&nous nous bornerons à tenir les
Lecteurs en garde contre les narrés fouvent
ſuſpects , & les raiſonnemens ſouvent
très-foibles du Voyageur.
-On retrouve ſa ſageſſe&ſes lumières dans
les Chapitres V, VI & VII , concernant l'état
de laCiviliſation , des Académies , de l'Édu-
Nº. 4 , 27 Janvier 1787. H
170 MERCURE
cation en Ruffie. Tout y eſt obſervé avec
exactitude , & accompagné de réflexions judicieuſes.
On doit ſavoir gré à l'Auteur de
fa Notice fur MM. Pallas, Gmelin & Guldenſtæd,
tirée du Docteur Pulteney. M. Coxe
cependant s'eſt trompé en donnant cinq Volumes
in-4°. au Voyage du premier de ces
Académiciens , qui n'en a que quatre*.
Si lesbornes néceſſaires de cet article, déjà
très-étendu , nous le permettoient , nous citerions
encore divers morceaux non moins inf
tructifs de ce Voyage , en particulier les détails
fur le Commerce de la Ruffie, la defcription
de Stockholm , celle du Canal de
Treëlhetta , & les réflexions ſages de M. Coxe
fur la nouvelle forme du Gouvernement de
Suède. Il prouve très - bien, contre l'avis de
M. Scheridan , d'ailleurs fi exact & fi péné
trant , que cette forme n'eſt point le deſpotifime,
puiſque le Roi ne poſsède pas le droit
illimité de faire & d'abroger les Loix , ni
celui d'établir des impôts ſans le conſentement
de la Diète
* Il eſt étonnant que ce Recueil , fi important &
& curieux, n'ait point encore été traduit en François.
M. Gauthier de la Peyronnie , Interprête du Roi au
Dépôt des Affaires Étrangères , a cependant exécuté
ce projet , dont ſes connoiſſances , fon érudi
tiondans les largues & ſon excellent jugement, devoient
afferer le fuccès ; mais aucun Libraire , julqu'ici
, n'a eu le bon ſens de s'aſſocier à cette entrepriſe
, digne même d'être encouragée par le Gou.
vernement.
DE FRANCE.
171
Le Voyageur a parcouru ſi légèrement le
Danemarck, que la relation de ce Royaume
est néceffairement pauvre & imparfaire.
Heureuſement le Traducteur a trèshabilement
réparé ici les défauts de l'original;
il l'a enrichi entre autres d'un expoſé de
la révolution de 1660 , tiré de ſa belle Hiftoire
de Danemarck ; c'eſt un modèle de
ſtyle hiſtorique , de narration , d'exactitude.
Le Voyage de Norwège fait par M. Mallet
lui- même , &joint au Recueil de M. Coxe ,
en forme peut-être la partie la plus piquante.
Quoiqu'écrit dans la jeuneſſe de l'Auteur ,
on y voit une maturité d'eſprit & un talent
d'obſervation rares à tous les âges. M. Mallet
ya ſeméd'ailleurs un agrément qui vivifie partour
fes defcriptions. Il en exifte peu de plus
intereffantes que celle des moeurs des Norwègiens
, & nul Roman Comique n'eſt plus
fingulier , que les particularités biographiques
fur le Baron d'Holberg, l'un des hommes
les plus extraordinaires qui ayent cul
tivé les Lettres
(Cet Article est de M. Mallet du Pan.)
1
Hij
1721 MERCURE
ETRENNES du Parnaſſe , choix de Poéſies
recueillies par M. Mayeur de Saint-Paul:
Erat quod tollere velles. HOR.
AParis , chez Belin , Libr. , rue S. Jacques ,
près S. Yves ; Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , & l'Eſclapart , Libraire de
MONSIEUR, rue du Roule , No. 11 .
?
JAMAIS on n'a tant compoſé ni compilé de--
petits vers ; nous avons eu pluſieurs fois occafiond'en
faire la remarque ; mais le choix
que nous annonçons tient un des premiers
rangs parmi une foule de Recueils de toute
eſpèce. Depuis que le Rédacteur actuel en
a acquis le privilége , celui - ci eſt devenu
beaucoup meilleur. Un goût plus difficile
& un difcernement plus fin y préſident.
Une multitude de jolies Pièces , fruits du
moment , enfans de l'occaſion & du defir
deplaire , mourroient dans le cercle de l'indulgence
& de l'amitié qui les fit naître ,
fans l'Almanachdes Muſes & les Étrennes du
Parnaſſe , où l'on eſt charmé de les trouver
raſſemblées à chaque nouvelle année. La Littérature
eſt un vaſte jardin : il y croît des
rofes , des lys &des violettes à côté des chênes
&des cèdres. Si les uns font utiles, les autres
font agréables, Ces légères productions ont
plus de rapport qu'il ne ſemble avec le règne
de la politeffe & du ſavoir. Elles rendent la
oulture dugoût &de l'eſprit plus commune.
DE FRANCE. 173
Il n'y a pas de mal que cette mode foit dominante.
Ceuxqui ſe rappellent avoir lu, il y a deux
ou trois ans , dans l'Almanach des Muſes une
Pièce très-agréable , intitulée les Aventures
de Thalie , ne liront pas avec moins de plaifir
dans les Étrennes du Parnaſſe , les Avenzures
d'Erato , par M. Renault de Beaucaron.
Nos Lecteurs vont juger , par un fragment ,
fi l'Auteur a bien ſaiſi le ton du ſtyle narratif,
le plus difficile peut- être de tous les ſtyles
en vers& en profe.
Le vieux Ronſard régnoit ſur le Parnaſſe ;
Pour l'épouſer , il ſe mitſur les rangs.
Elle eût aimé ſans doute ſes talens ,
Si le bonhomme avec mauvaiſe grace
N'eût débuté par un compliment ſec ,
Quoique François, paroiſſant un peu Grec:
Elle le prit pour un homme à férule ,
Et renvoya cet amant ridicule,
BONNEFONDS Vint : il lui parla latin;
Ses vers charmans reſpiroient l'élégance;
Bonnefonds prit , obtint la préférence ,
Et , revêtu du coſtume Romain ,
Long-temps jouit du plus heureux deſtin.
De Jean ſecond le bonheur fut ſemblable.
Ingénieux , &non moins agréable ,
Enfin Chaulieu parut ſur l'Hélicon s
Avec la Belle il vécut ſans façon ,
:
Hiij
174
MERCURE
Et ne quittant que le lit pour la table ,
Paffoit ſes jours dans le ſein du loifir..
La Déité prévenoit fon defir.
Mais ici-bas , rien peut itêtre ſtable ?
Un jour la Muſe , il faut en convenir
Le ſurprit . , où ? dans le lit d'Érigone.
Pourun goutteux un tel fait vous étonne.
Ah! voilà donc , lui dit-elle en courroux ,
Comme l'on traite une amante , une femme !
Chaulieu , dit on , rit au nez de la Dame ,
La mit dehors , & tirant les verroux ,
Dans le léché d'un vin fumeur & doux ,
Courat noyer les chagrinsde ſon ame.
POUR oublier un ſi ſenſible affront ,
Elle eût voulu tenir en ſon ſervage
Le gai Chapelle & le fin Bachaumont ;
Mais ils étoient tous les jours en voyage.
Ellereçut quelque temps Pavillon ,
Dicta ſouvent des vers à Deshoulière ,
Eur une intrigue avec la Sablière,
Et fut amie avec Saint Évremont.
5
:
On voit que dans le récit des Aventures
d'Érato , l'Auteur cherche à caractériſer le
genrede chacun des Poëtes aimables quí la
courtisèrent. Ce qu'il dit ſur Cotin eft char- .
mant. Nous ſommes forcés de nous borner à
l'indiquer à nos Lecteurs , en leur recommandant
la Pièce entière qui , par fon érendue
DE FRANCE.
175
autantque par ſon agrément , fort de la foule
ordinaire des Pièces Fugitives. Ce n'eſt pas
que parmi celles- ci , ſouvent les plus courtes
ne foient les meilleures, témoins ce joli Madrigal
de M. Knapen , à une nouvelle Eucharis
, en lui envoyant les Ouvrés de Mirl. les
Chevaliers de Parny & Bertin.
1
Les voilà , ces Auteurs charmans ,
Que le Dieu d'Amathonte inſpire ,
Qui chantent les bienfaits , quïchantent les tourmens
Qu'on éprouve ſous ſon empire.
Je les ai lus , & vous allez les lire .
J'y cherchois , Eucharis , l'art de vous enflammer.
Si ce quej'y cherchois n'eſt point une chimère
Et fi bien loin de me blâmer
Un mot tendre eſt le prix d'un aveu téméraire ,
Ils furent pour moi l'art de plaire ;
Pour vous ils ſeront l'art d'aimer.
Voilà de la galanterie ingénieuſe ſans être recherchée,
fimple&naturelle ſans être ni fade
ni commune. Des idées ſi ſouvent ou bien ou
mal employées , ſe trouvent ici rajeunies par
la tournure & par l'à propos , qui , dans ce
cas , eft le premier mérite. C'eſt le ſel du
bel- eſprit ſi faftidieux quand il eſt déplacé.
C'eſt-là ce qui donne un charme particulier
au couplet ſuivant , à une Dame , accouchée
quelques jours avant ſa fête , quoiqu'il
manque d'une forte d'élégance & de précifioni
i
Hiv
176 MERCURE
AIR : Ce fut par la faute du fort.
L'HYMEN pour couronner vos voeux,
D'un fils vient de vous rendre mère.
Après ce bienfait précieux
Mon bouquet pourra-t'il vous plaire ?
Sur votre ſein au temps jadis
Vos mains l'auroient placé peut-être.
Mais déjà ce fripon de fils
De la place s'eſt rendu maître.
Faut-il faire une infipide nomenclature de
toutes les Pièces qui , comme celles que l'on
vient de lire , ſeroient dignes d'être citées
avec éloge ? Faut- il , pour contenter les Auteurs
, infcrire leurs noms dans une eſpèce de
légende ? Je ne fais ſi ceux- ci en ſeroient infiniment
fatisfaits ; mais je crois que le Public
auroit lieu de ſe plaindre. Au reſte , il eſt juſte
que les Pièces en grands vers ayent le privilége
d'une mention particulière , d'autant
plus qu'elles font trop ſouvent négligées par
des eſprits frivoles , auquel il est bon d'en
faire connoître le mérite & le prix.
Il ne s'en trouve que deux d'une certaine
importance , encore ne font elles pas d'une
grande force. L'une eſt une Épître à Young ,
qui fent d'un bout à l'autre ce ton de déclamation
mélancolique ſi reproché au Poëte
Anglois , fans en avoir l'énergie. L'autre eſt
la Traduction du commencement du Poёте
des Jardins , de Rapin. Ce fragment eſt di
DE FRANCE.
177
gne d'encouragement. Les vers en font aifes
& coulans ; mais on ſent qu'ils ont beſoin
d'être retravaillés en beaucoup d'endroits.
Voici celui qui m'a paru le plus foigné & le
plus agréable. Je commence par le latin , afin
que les Amateurs de cette langue ayent le
plaifir de la comparaiſon. Le Poëte s'adreſſe à
M. le Préſident de Lamoignon .
i
Mufarum tenues etiam ne defpice lufus..
Fors erit , ut quanquam levia & minus amplafecutum
Nominis aqua tui fi vatem afflaverit aura ,
Tepoſſim canere atque tubas aquare canendo
Tummihi grande meo veniet de carmine nomen.
Te nemus & fontes , te patria rura loquentur ;
Atque meiflectentſe per tua temporaflores.
Daigne accueillir ma Muſe & fourire à ſes jeux.
Si ma voix eſt trop foible & ton nom trop fameux ,
Qu'un ſeul de tes regards anime le Poëte ,
Et pour mieux te chanter , j'embouche la trompette
Des fontaines , des bois & des lointains hameaux ,
Ton nom va dans mes vers éveiller les échos ,
Et je veux de mes fleurs que ton front ſe décore.
Il eſt aifé de voir que l'Auteur imite beau
coup plus qu'il ne traduit ; il détourne ſouvent
le ſens du latin , &quelquefois il l'altère.
Lointains hameaux n'est pas l'équivalent de
patria rura, qui a un ſens bien plus délicat
&bien plus flatteur pour M. de Lamoignon .
Hy
178 MERCURE
Tepoffim canere atque tubas equare canendo ,
n'eſt point rendu par
Et pour te mieux chanter j'embouche la trompette.
Le Père Rapin fait entendre que ſi M. de
Lamoignon inſpire fa Muſe , ſon flageolet
champêtre égalera en le chantant la trompette
épique.
Principio tellus horto querenda parando est
Eoum adfolem, & cooe'o subjecta falubri ,
Cui nonvicino collis de rurepropinquus
Inmineat,fumoſque palus obducat inertes.
Nam cælo imprimis flores latantur aperto ,
Nec poffunt tardos ftagnorumferre vapores.
Antepares autem ruri quam cuncta ferendo,
Quare quod ingenium , qua fit natura colenda
Telluris ; telbus melior cui plurimafubter
Uligo; pingui gaudent uligineflores.
Illaferax he barum ; illam experieris arando ,
Et cultûs omnis patientem , & floribus aptam.
Ovous qui cultivez le parterre de Flore
Pour obtenir ſes dons , choiſiſſez un terrein
Qu'éclaire un ſoleil doux , que souvre un ciel ſercin.
D'un côtcau dominant fuyez le voilinage
Et le poifon mortel qu'exhale un marécage.
Accoutumée à l'air , la famille des fleurs
Déteſte d'un étang les pefantes vapeurs.
Du fol que votre maindeſtine à la culture ,
4
DEFRANCE.
179
Appliquez-vous d'abord à fonder la nature.
Ce terrein qui des ſucs tire un gras aliment ,
Des filles da printemps fut toujours l'élément.
Par-tout une herbe épaiſſe aime à s'y reproduire.
Son ſein , rendu docile au fer qui le déchire ,
Propre à toute ſemence eſt le berceaudes fleurs.
Hancfuge , qua pictis latebras dedit îma lacertis
Argillâ in fterili , vel quam nativus adurit
Tophus , & infelix cretofi galea ruris :
Et lapidofa foli ne te malè gleba rubentis
Occupet , atque tuum teneatfrustrata rubentem.
Fuyez ce ſol ingrat , qui dans ſes profondeurs
Dérobe à vos regards une argile inféconde ,
Où triſtement caché gît le letard immonde.
Fuyez encor ce ſol qui recèle en ſes flancs
Oudes couches de craie , ou des ſables brûlans;
Mais que d'un champ pierreux la ſurface rougeâtre
Exerce toutefois la bêche opiniâtre.
Une Traduction de l'Ode d'Horace à
Lollius , par M. des T*** , mérite également
d'être examinée par les juges de l'un &l'autre
idiome , doctis fermonum utriufque lingua.
Mais les jeunes Lecteurs de l'un& l'autre ſexe
aimeront mieux les ſtances du même , à celle
que j'aime. Ces ſtances , pleines de délicareffe
, d'eſprit& de raiſon , n'ont rien de la
fadeur ordinaire des vers galans : elles refpi
rent le goût d'Horace &d'Anacreon.
Une Pièce non moins exquiſe dans ſon
Hvj
:
१
180 MERCURE
genre , c'eſt la chanson de M. Sabathier de
Cavaillon. Nous invitons à la lire , page 110
des Étrennes du Parnaíſe. L'étendue de cet
article ne nous permettant pas de la tranfcrire
, nous citerons du moins l'envoi à Mime
la Marquiſe d'O ***.
C'eſt dans vos yeux qu'eſt mon talent ;
Et fi mes vers n'ont pu vous plaire ,
Lorſque vous les chantez , leur fort eſt trop brillant;
Mais je reſſemble au diamant ,
Qui ne doit fon éclat qu'à l'art du Lapidaire.
HISTOIRE d'Artois ,jusqu'à Hugues Capet,
par Don de Vienne; 1784. in 8°. A Paris ,
chez Nyon l'aîné, rue du Jardinet.
1
Un ſavant Bénédictin qui écrit en François
avec plus d'agrément que d'érudition proprement
dite , & qui dans une Hiſtoire de
Province ſe borne à de courtes Brochures ,
de format in- 8 °. , où cependant rien d'effentiel
n'eſt omis , eſt un effet heureux des progrès
du goût & des lumières ; on ſent bien
que la partie de cette Hiſtoire qui précède le
temps de Hugues-Caper, n'eſt pas la plus intéreſſante;
cependant tant que l'Auteur eſt
foutenu par Céfar & par les Auteurs Romains
, il a quelquefois à faire des defcriptions
animées , telles font , par exemple ,
celles des expéditions de Céſar contre Arioviſte&
les Germains , les Gaulois , les Bretons;
celledu combat de la Sambre ; telle eft
DE FRANCE. 181
P'hiſtoire de ce Comius , que Céfar avoit
donné pour Roi aux Atrébates , c'eſt à-dire ,
aux habitans de l'Artois ; & qui , après avoir
été long- temps fidèle & utile aux Romains ,
crut , en qualité d'Atrébate , & par conféquent
de Gaulois , devoir entrer dans une
ligue générale que formèrent les Gaulois
pour recouvrer leur liberté; il devint alors
le plus redoutable ennemi des Romains , qui ,
n'ayant pu le vaincre , eſſayèrent affez lachement
de l'attirer dans divers pièges qu'il fut
toujours éviter avec adreſſe , ou dont il fut
ſe tirer avec courage. Labienus, Lieutenant de
Céfar, fit propoſer une entrevue à Comius, par
QuadratusVoluſénus,Général de la Cavalerie.
Comius vint au rendez- vous,Voluſénuslui tendit
lamain; Comius lui donna la fienne ; un
Centurion , qui étoit du complot , feignant
d'être choquéde la familiarité avec laquelleun
Atrébate affectoit , felon lui , de traiter d'égal
à égal avec les Romains, tira ſon épée , &
en donna un grand coup ſur la tête à Comius;
celui- ci , quoiqu'étourdi du coup , ſe
défendit vaillamment; & ayant été à l'inſtant
ſecondé par ceux de ſa ſuite , il mit en fuite
les Romains de la ſuite de Voluſénus. Cette
perfidie, indigne de la généroſité Romaine ,
& que Céfar ne ſe fût jamais permife , dit
l'Auteur, acheva de rendre Comius irréconciliable
ennemi des Romains. Voluſenus ne
ceſſoit de lui dreſſer des embûches , & Comius
trouvoit toujours le ſecret de lui échapper.
Un jour il ſe vit environné par lesRo
M
182 MERCURE
mains, qui lui avoient fermé toutes les iſſues
&qui le pouffoient vers la mer; il apperçoit
quelques barques à ſec , il s'y jette , &s'éloigne
avec affez de précipitation pour que les
Romains ne puiffent le poursuivre. Peu de
temps après il prend ſa revanche. Serré encore
de près par Voluſénus , il fait ſemblant
de fuir, les Romains le pourſuivent un peu
en défordre; des qu'il voit l'occaſion favora
ble , il donne un ſignal , ſe retourne , fond
fur Volufenus , Parteint ,& lui perce la cuiffe
d'un javelot. Satisfait de cette vengeance , il
fait un Traité avec Antoine , aufli un des
Lieutenans de Cefar; il promet de laiſſer les
Romains tranquilles , & demande ſeulement
qu'on ne l'oblige jamais de paroître devant
un Romain. Depuis ce moment l'Hiſtoire ne
parle plus de Comius. Voici le jugement que
l'Auteur porte de ce célèbre Atrébate.
" On ne peut diſconvenir qu'il n'ait eu
> des talens pour le gouvernement , pour
در les négociations , pour la guerre ; qu'il
» n'ait été auffi généreux que brave..... L'ef-
» time que lui témoigna Céfar , qui ſe con-
> noiſſoit en hommes , la confiance dont il
» l'honora , les graces qu'il accorda, à ſa con-
>> ſidération , aux peuples dont il l'avoit ren-
» du le Chef, prouvent qu'il avoit reconnu
» dans lui un mérite ſupérieur. Je ne faisfi
>> l'on doit regarder comine une tache , dans
>> la vie de Comius , d'avoir abandonné le
>> parti de fon bienfaiteur. Les obligations
>> qu'il avoit contractées envers Céfar , ne le
DE FRANCE. 183
>> diſpenſoient pas de ce qu'il devoit à ſa pa-
>> trie , & il y auroit de la témérité à pré-
>> tendre , que dans le moment où toutes les
›Gaules ſe réuniſſoient pour brifer les fers
>> que les Romains leur avoient donnés , Co-
>> mius ſeul auroit dû continuer de s'en laif-
>> fer charger. >>
L'aventure connue de Sabinus & d'Éponine
( que l'Auteur , je ne fais pourquoi ,
appelle toujours Éponime ) conſerve dans
cette Hiſtoire une partie de ſon intérêt , quoi
qu'elle y ſoit un peu trop raccourcie.
Quand les Hiftoriens Romains viennent à
manquer à notre Auteur , il eft réduit aux
Chroniqueurs & aux Auteurs de Vies des
Saints , alors l'Hiſtoire devient toute Eccléſiaſtique
; ce ne ſont plus que fondations de
monastères , liftes des Saints honorés d'un
culte particulier dans les différens lieux de la
Province d'Artois, ſoit comme Apôtres , premiers
Prédicateurs & premiers Évêques , ſoit
comme fondateurs; ce ſont ſur- tout de grandes
liftes de miracles , que l'Auteur refferre
cependant avec affez de critique , mais qui
reftent encore affez nombreuſes; on voit que
P'Auteur ne raconte pas tous ceux que les
originaux lui fourniffent , & on entrevoit
qu'il ne croit pas tous ceux qu'il raconte.Enfin
l'époque dont nous parlons offre des donations
innombrables& infinies faites a l'Egliſe
avec des clauſes quelquefois affez fingulières,
comme quand un Seigneur du pays , nommé
Gontberg , donne au Monaftère de Sithiu ,
J
184 MERCURE
c'est- à- dire, à l'Abbaye de S. Bertin , à Saint-
Omer , trente- trois terres , en l'honneur , eftil
dit dans la charte , des trente- trois années de
notre Seigneur.
Il a paru depuis quelque temps une ſeconde
partie de cet Ouvrage , qui commence au
temps de Hugues- Capet , & s'étend juſqu'en
1373 , époque où la Cathédrale d'Arras & fa
fuperbe tour furent bâties. Les événemens de
cette ſeconde partie ont beaucoup plus d'intérêt
que ceux de la première. Le ſeul récit
du procès & de la défection du Comte d'Artois
, ſous Philippe de Valois , eſt un des
morceaux les plus intéreſſans qu'offre l'Hiftoire
de France. Nous ne répéterons point ici
ces faits fameux, plus ils font intéreſſans, plus
ils font connus. Nous nous arrêterons un moment
à un fait que nous ne connoiffions pas ,
& que nous trouvons dans l'Avant - propos ,
où l'Auteur répondant à quelques uns de ces
eſprits timides qui s'alarment de toute vérité
un peu forte , dit que la Maiſon de Montmorenci
n'a pas trouvé mauvais que dans fon
Hiſtoire de Bordeaux il ait rapporté ce fait ,
qui n'eſt nullement honorable à la mémoire
du Connétable Anne. Le voici ce fait. Lorfque
le Connétable fut chargé, ſous Henri II ,
de punir la révolte des Bordelois , pluſieurs
Officiers Municipaux furent condamnés au
fupplice. « La femme d'un de ces Magiftrats.
» vint ſe jeter aux pieds du Connétable ,
» pour lui demander la grace de ſon mari.
ود Elle étoit d'une beauté rare. Le ConnétaDE
FRANCE. 185
:
"
» ble en fut frappé. Il lui fit entendre que la
grace qu'elle follicitoit dépendoit du facri-
>> fice de ſon honneur. Elle eut la foibleſſe
>> d'y conſentir. Le Connétable , après avoir
>>paſſe la nuit avec elle , ayant ouvert une
>>des fenêtres de ſon appartement , le pre-
ود
mier objet qui frappa cette malheureuſe
>> femme, fut une potence, àlaquelle on avoit
attaché le corps de fon mari .... Que les
Lecteurs apprennent que l'illuſtreMaiſon,
» quideſcendde celui qui a fourni la matière
>> de ce récit.... n'a nullement déſapprouvé
>> cette fincérité. »
06
Ceci nous fournit pluſieurs réflexions.
1º. La Maiſon de Montmorenci ne def ,
cendpoint parmâles ( car elle en defcend par
femmes) du Connétable Anne , dont la branche
eſt éteinte. Nous obſervons ce point en
paſſant , fans en tirer aucune induction , &
ſeulement pour que l'équivoque du mot
defcendrene trompe pas les ignorans.
2°. La Maiſon de Montmorenci eſt trop
juſte & trop éclairée pour ne pas abandonner
les faits hiſtoriques à la ſincérité des Hiftoriens
& à la diſcuſſion des Critiques. Ce
n'eſt pas dans cette Maiſon qu'on trouve de
ces ennemis des Lettres & de la vérité , qui ,
comme dit Tacite , preſenti potentiâ credunt
extingui poffe etiamfequentis avi memoriam.
Elle a d'ailleurs une ſurabondance de grandeur&
de gloire qui la met trop au- deſſus de
ce zèle inquiet & intolérant que d'autres Familles
, moins fécondes en grands Hommes,
১
186 MERCURE
:
4
témoignent pour la petite gloire de tous ceux
qui ont porte leur nom .
3. L'Auteur a eu foin d'obſerver , comme
c'étoit fon devoir, que le fait dont il s'agit
n'eſt rapporté que dans les Annales de Toulouſe
de la Faille , & nous avouons que ce
fait , appliqué au Connétable Anne , nous
paroît apocryphe.Notre raiſon pour le croire
tel , indépendamment du filence des Hiftoriens,
eft que nous avons remarqué , en écrivant
l'Hiftoire , qu'il y a de certains traits
mémorables que le vulgaire des Hiſtoriens
reproduit fans ceſſe ſous tous les noms célèbres
, quoiqu'ils ne foient vraiſemblablement
arrives qu'une fois tout au plus. Ce fait eft
du nombre. Il a été conté originairement
d'un Gouverneur d'une place appartenante
auDuc de Bourgogne, Charles-le-Téméraire,
qui fat , dit- on1,, une juſtice exemplaire de
cetre atroce perfidie & de ce coupable abus
d'autoriré ; il commença par obliger le Gouverneur
d'épouſer cette femme pour luirendre
l'honneur , & il le fit pendre enfuite.
On a encore imputé depuis la même horreur
au Colonel Kirke , ſi fameux par ſes
cruautés ſous le règne de Jacques II , en An
gleterre. La difference eſt que le crime de
Kirke reſta impuni , comme celui qu'on impute
au Connétable.
Remarquons de plus que le Connétable,
qui , avec des vertus & de très grandes qualités
, avoit véritablement de grands défauts ,
étoit abſolument incapable d'une pareille inDEFRANCE.
187
dignité.Et quant à la tradition de Bordeaux,
elle s'explique affez par la haine & la terreur
que la ſévérité exceſſive du Connétable , dans
le châtiment des Bordelois , avoit infpirées à
toute la ville. En pareil cas les traditions exagèrent
toujours , & c'eſt alors fur-tout qu'on
renouvelle , ſous le nom de ceux qu'on hait ,
tous les traits fameux de violence & de
cruauté.
SCIENCES ET ARTS.
ÉCONOMIE.
79
2
Nous avons fait connoître avec dejuſtes éloges ,
les heureuſes expériences que M. le Breton avoit
fai es fur le Tipha. Cer eftimabe Botaniſte , tour
jour zélé pour le bien public , nous a 'communiqué
un nouveau mémoire , lu à la Société royale d'Agriculture
, dans lequel il rend compte des mêmes expériences
qu'il vient de renouveler ſur l'Apo.in &
le Chardon. Ne pouvant entrer dans de dérail des
calculs que préſente ce mémoire , nous nous bornons
à préſenter quelques- uns des réſultats .
* Les expériences qu'on avoit faites juſqu'ici fur
l'Apocin , n'avoient pas rempli l'efpe ir & l'arterte de
leurs auteurs. M. le Breron fait réſuiter de grands
avantages de ſa culture. Deux perches d un mauvais
terroir lui ont rapporté affez de coques d' Apocin ,
pour fabriquer dix paires de Bas avec le mélange
d'un tiers de Coton ; ce qui , en évaluant chaque
paire de Bas à 20 fols , donneroit à u arpent
de terre la valeur annuelle de soo livres . Quelque
réduction que puiſſe ſouffrir ce calcul , M. le
188 MERCURE
Breton affure qu'il y aura toujours deux tiers
àgagner , en évaluant la matière à la valeur du coton.
Et il fautobſerver que cette plante n'exige ni
ſoin, ni frais de culture.
Une paire de gants au métier , revient à i liv.
4 f. 6 den.; avec plus de ſoin, & en y mêlant une once
de foie , elle revient à 46 f. &c.
En faiſant des expériences ſur le duvet de Chardon ,
M. leBreton n'a fait fabriquer qu'une pièce de tricot
de deux aunes de long ſur 18 pouces de large ;
mais les payſans , comme il le dit lui-même , pourroient
, en ramaſſant de ce duvet , en fabriquer des
bas , des chapeaux , &c. , & rendre utilepar-là une
plante qui leur eft naturellement nuiſible. L'aune de
Pétoffe qu'il en a tirée , revient à 3 liv. 4 ſols 3
deniers.
Il vient de perfectionner encore le produit du
duvetde Typha , dont il affure que le travaileſt aſſez
facile M. le Breton fait faire ſous ſes yeux toutes
ces expériences à Saint Germain-en-Laye, dans une
manufacture de filature & de bonneterie établiepour
le ſoulagement des pauvres , ſous les auſpices deM.
le Maréchal de Noailles. En applaudiſſant à ſes
fuccès , on ne peut que l'inviter à continuer de
faire tourner ſes travaux au profit de l'économie pub'ique.
ANNONCES ET NOTICES.
PLUTARQUE Anglois , par Mme la Baronne de
Waffe...
L'accueil favorable que le Public a fait au Plutarque
Anglois , engage l'Auteur à lui donner un
nouveau témoignage du deſir qu'il a de mériter ſes
DE FRANCE. 189
luffrages. Quoique la ſouſcription ait été fixée à
douze Volumes , ayant reçu de nouveaux Mémoires
fur la Vie des Lords Chatham & Chesterfield , de
l'Amiral Keppel , du Capitaine Cook , de Samuel
Johnson & de quelques autres Perſonnages non
moins célèbres , il croiroit ſon Ouvrage incomplet,
s'il en privoit ſes Lecteurs. En conféquence', il prome:
de livrer à ſes Souſcripteurs ſeulement , & gratis
, le premier Mai prochain , un Supplément qui
formeraun treizième Volume. Pour faire jouir du
même avantage ceux qui n'auroient pas ſouſcrit
pour les douze Volumes , la ſouſcription fera ouverte
juſqu'au premier Mars , après quoi l'on ne
pourra plus ſe procurer cet Ouvrage quà raiſon de
39 liv. les treize Volumes. Il prie en même-temps
ſes Souſcripteurs de lui envoyer leurs noms pour
être compris dans la liſte des Souſcripteurs qui fera
àla tête du Volume qui doit être donné gratis , en
préſentant leur quittance de ſouſcription.
Le prix de la ſouſcription eſt de 30 liv. pour
Paris , & 36 liv. franc de port pour la Province. On
ſouſcrit à Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Appoline,
nº . 6 , & chez Mérigot l'aîné. Libraire , Boulevard
de l'Opéra ; Mérigot jeune , Libraire , quai des Augustins
; Belin & Regnault , Libraires , rue Saint
Jacques ; Gatey , Libraire , au Palais Royal.
OEUVRES complettes de Mme Riccoboni , nouvelle
Edition , revue & augmentée par l'Auteur , &
ornée de vingt quatre figures en taille-douce. A
Paris , chez Volland, Libraire , quai des Auguſtins,
Les Tomes IV , V , VI & VIII qui viennent de
paroître, complettent cette nouvelle Edition,recommandable
par la manière dont elle eft exécutée, &
i précieuſe par les Ouvrages qu'elle renferme. Le
prix eſt de 28 liv. 16 fois huit Volumes in- 8°.
brochés.
190: MERCURE
CARTE Générale de la Terre appliquée à lAstronomie
pour l'étude de la Géographie terrestre &
céleste , dieffée par le ſieur Flécheux , d'après les ob
ſervations les plus récentes.
Cette Carte, en une feuille papier grand aigle, eſt .
d'une forme nouvelle & plus commode. A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Sentier , près le Boulevard , à
l'hôtel de Mine la Préſidente de Meſlay , & aux
adreſſes ordinaires. Le prix pour la Province
s'adreſſant directement à l'Auteur, eſt de 3 liv.
cn
CONSERVES de Roſes de Provins , chez le ſieur
Lefebvre , Marchand Épicior , au Magafin de Provence,
rue de larbreſec , au coinde la rue Baillet..
Le ſieur Lefebvre est le ſeul à Paris qui tienne le
Dépôt de Conſerves de Roſes de Provins sèches &
liquides de M. Aupoix , Maître Apothicaire à Provins.
Cette Conſerve prévient les ind geftions ,
diviſe les glaires , abſorbe les acides de l'eſtomac&
les humidités ſuperflues , &c. &c.
Le ſieur Lefebvre ne borne pas ſes ſoins aux
avantages de la fanté, il pourvoit encore aux plaifirs
de la bonne chère: & les Amateurs de la bonne
chère , affez nombreux dans Paris , nous fauront
gré de leur annoncer qu'on trouve au même Magafin
des comestibles particuliers & précieux , tels que.
Truffes fraîches du Périgord ; Pâtés de foies gras
aux truffes, de 36 à 48 liv.; Pâtés de jambons de
Bayonne nouveaux & aux treffes , de is juſqu'à
24liv ; Patés de dindes aux truffes , 24 liv. Pâtés
de perdrix aux truffes , de 15 , 24 & 36 liv.; Pâtés
de poulardes aux truffes , 18 liv.; Timbales de
perdrix aux truffes , 12 liv. Timbales de foies gras
aux truffes , is liv.; Poulardes engalantives aux
truffes & pistaches , 15 liv. Dindes engalantines
aux truffes & pistaches, 18 liv. Truffes mari
nées, 6 liv. ; Peidreaux rouges du Périgord , del
:
DE FRANCE.
191
aliv. to fols à 3 liv. pièce ; Thon mariné à l'huile
vierge , première qualité, 4 liv la livres Sauciffon
de Provence , iden , 2 liv. 15 fols, Cuiffes doies
marinées , 2 liv. pièce ; Olives rarcies de câpes &
anchoix , 1 liv. to fols & 3 liv. le pot ; Anchoix
marinés à l'huile vierge , I liv. to fols & 3 liv. le
por; Anchoix de Niſmes & de Fréjus nouveaux,
2 liv. la livre ; Olives diverſes & Cornichons de
Hollande, 1 liv. 16 ſols le bocal ; Huile d'Aix ,
liv. 8 fois la livre ; Bourie de la Prévalaye en
petit por & panier , arrivant les Mardis & Vendredis,
1 liv, le pot & liv. en petit panier; Liqueurs
fines de Mme Chaſſevant , ci devant:veuve Amphons
, du Fort Royal de la Martinique ; Crême de
Baume humain, 12 liv, 3 de Jamains , 12 liv.; de
Mirobolenty , 12 liv. ; de Canelle , 12 liv.; de Gé
roffle , de bois d'Inde , de Célery , d'Abſynthe , de
Noyaux , d'Anis , de Moka , de Barbade , de fines
Oranges , de Bergamotte , de Citronelle : le tout
à9 liv. la bouteille du pays , ainſi que toutes fortes
de Vins de liqueurs , Eaux-de-Vic & Liqueurs
étrangères à des prix raiſonnables , qui n'ôtent rien
àla qualité des denrées.
Le fieur Lefebvre fait des envois en Province &
chez l'Étranger en garantiſſant la fraîcheur & la
qalité de tous ſes Comeſtibles & autres Marchandites.
Le Muſicien Pratique , ou Leçons qui conduiſent
les Elèves dans l' Art du Contrepoint , en leur enfeignant
lamanière de compofer correctement toute efpèce
de musique ; Ouvrage compoſé dans les principesdes
Confervatoires d Italie , & mis dans l'ordre
le plus fimple & le plus clair, par del ſignor Francifco
Azopardi , Maître de Chapelle de Malthe, traduit
de l'Italien par M. Framery , Surintendant de la
Mafique de Mgr . Comte d'Artois , avec des Notes
1
1
:
192
MERCURE
du Traducteur pour en faciliter l'intelligence , deux
Volumes in - 88. , l'un contenant le Diſcours imprimé
, & l'autre les Exemples gravés. Prix , 9. liv. A
Paris , chez Leduc , au Magaſin de Muſique &
d'Inſtrumens , rue du Roule , nº. 6 .
Nous reviendrons ſur cet important Ouvrage , le
plus méthodique de tous ceux qui ont paru en
France ſur ce ſujet.
Leduc donne avis qu'il vient de faire l'acquifition
des trois Partitions de Sacchini ; ſavoir , Regnaud,
Chimène & Dardanus . On trouve auſſi chez lui
celle des deux.Comteſſes , Muſique de Paiſiello .
FAUTE à corriger au Nº . 2 , article , Notice &
Guide des Voyageurs à Paris , qui ſe vend chez
Hardouin & Gattey , au Palais Royal , au-lieu de
Viry ſur Seine , liſez Ivry.
2
TABLE.
Al'Auteur de mes Souver Danemarck , &c.
Impromptu à M. le Marquis Histoire d'Artois , jusqu'à
150
nirs , 145 Etrernes du Parnasse , 172
du Crest, 146 Hugues Capet , 180
Charade, Enigme& Dogogry Economie 187
phe. 147Annonces & Notices , 188
Voyage en Pologne , Ruffie ,
APPROBATION.
J'AI in ,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 27 Janvier 1987. Jen'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion .
Paris, le 26 Janvier 1787. GUIDI.
SUPPLÉMENT
AU MERCURE *.
AVIS.
BARBOU , Imprimeur-Libraire, rue &
vis-à-vis la grille des Mathurins , à Paris ,
annonce aujourd'hui qu'il a acquis du ſieur
Védeilhić , Imprimeur à Villefranche de
Rouergue , les Vies des Pères , des Martyrs
, &c.; mais comme il n'avait qu'un
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Profpeftus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cetre Feuille , les Proſpectus qui ci
devant ſe perdaient &n'étaient pas lus du Public, fe conſerveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs frais ſe trouveront conſidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du tirage , du pliage , &c. devenant
unedépenſe commune pour chacun d'eux.
Lapartie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles, on ne pouvait auffiy parler quetrès-impatfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement
ſurces objets .
On doit s'adreſſer à M. MOUTARD pour l'inſertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donuer au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus .
Supplém . No. 4. 27 Janvier 1787.
*
レ
( 2 )
7
petit nombred'exemplaires complets , il s'eſt
vu forcé de réimprimer pluſieurs Volumes
qui manquaient. Il eſt préſentement à même
de répondre à l'empreſſementduPublic pour
cet Ouvrage , qui a pour titre : Vies des
Pères, des Martyrs , & des autres principaux
Saints , tirées des Actes originaux ,
& des monumens les plus authentiques , avec
des Notes historiques & critiques; Ouvrage
traduit librement de l'anglais de feu M.
Alban Butler , par M. l'Abbé Godefcard ,
Chanoine de S. Honoré, 12 vol. in-8 ° . rel .
en veau , 72 liv. Il réimprimera ſucceſſivement
les autres Volumes , à meſure qu'ils
manqueront.
Le Frontifpice porte que ces nouvelles
Vies des Saints font librement traduires
de l'anglais , parce que pluſieurs Vies ont
été refondues & refaites même en entier ;
on y en trouve d'ailleurs un plus grand
nombre que dans l'original. Ces changemens
& additions tombent également fur
les notes. 1
Qu'on ne s'imagine pas qu'on ait par-là
dérérioré l'original. On a entendu des Anglais
même donner la préférence aux Vies
françaiſes. On y trouve , diſaient- ils , plus
de critique , plus de méthode , plus de
liaiſons dans les faits. Il ſerait à ſouhaiter ,
ajoutaient ils , qu'on en eût fait plus d'uſage
dans la nouvelle édition de l'Anglais qu'on
vient de donner à Dublin.
( 3 )
On ne craint pas de dire que cet Ouvrage
eſt unique dans fon genre. Il convient
aux ames pieuſes , qui feront édifiées ,
& qui , ſans craindre qu'on abuſe de leur
crédulité par des faits apocryphes , ne ſeront
point ſcandaliſées des excès d'une critique
outrée. Il convient également aux
gens de Lettres , qui trouveroonntt ,, fur-tout
dans les notes , des points de Géographie ,
d'Hiftoire , de Critique , de Littérature ,
diſcutés , élaircis , & quelquefois traités
avec une certaine étendue. Les Bibliographes
y verront avec plaifir les notices raiſonnées
des Ouvrages des Pères & autres
Auteurs Eccléſiaſtiques , dont on indique
les meilleures éditions.
On ne doit donc pas être étonné de
l'empreſſement avec lequel le Public recherche
ces nouvelles Vies des Saints.
On conçoit , d'après ce qui vient d'être dit ,
les motifs qui leur font donner la préférence
ſur les anciennes. Aufſi voit- on tomber
tous les jours Giry , Bailler , &c . Des
Séminaires & des Communautés ont adopté
les nouvelles Vies pour les lectures publiques
; pluſieurs Maiſons religieuſes attendaient
que l'Ouvrage. fût complet , pour
faire la même choſe.
Un autre avantage de ce Recueil , &
qui le diſtingue de tous les autres , c'eſt
qu'on y a inféré les Vies des nouveaux
Saints, d'après des monumens authentiques ,
* ij
(4)
& principalement d'après les Bulles de la
canoniſation de ces Saints
Lu & approuvé , ce 20 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation, Permisd'imprimer, le22 Décem. 1786.
DE CROSNE.
On trouve chez le même Libraire les Articles
ſuivans.
UNE nouvelle édition du Nouveau Testament
latin , revue fur l'édition du Vatican , de for
mat in-12 , faiſant fuite des Auteurs Latins ;
I vol, rel. en veau , doré ſur tranche.. 6 liv .
Il en exiſte trois exemplaires , qui ont été
imprimés ſur vélin , qui font très-beaux.
Vanierii Prædium rufticum , nova editio ceteris
emendatior , cum indice locupletiori ; accedit
vita Auctoris nunc primum in lucem edita
in- 12 , petit papier , faifant également ſuite a
la collection des Auteurs Latins , I vol. rel . en
veau , doré fur tranche. 6liv.
Collection complette des Auteurs Latins ,
in-49. ad uſum Delphini .
Principes généraux & particuliers de la Langue
Françaiſe , par M. de VAILLY , dixième
édition , 1 vol. in-12 , 1786. 2 liv. 10 f.
Les Aventures de Télémaque , 2 vol. in- 12 ,
figures...... • 6liv.
Novus Apparatus Latino-Græcus , cum inserpretationeGallica;
ex Ifocrate , Demofthene ,
aliiſque præcipuis Auctoribus Græcis concinna.
Schrevelii Lexicon Manuale Græco -Latinum ,
tus , 1 vol. in-4° . 15 liv .
I vol. in-8° , ,, 7liv, 10 f.
( 5 )
:
Collection des Auteurs Latins , de,format
petit in-12 , 68 vol. rel. en veau dorë fur
tranche. . : 395liv.
Cette collection contient les Auteurs ſuivans :
Catullus , Tibullus , Propertius , &c . I vol.
Lucretius , 1 vol . Virgilius , 2 vol. Horatius ,
I vol. Juvenalis & Perfius , I vol. Phædri Fabulæ,
cum notis & fupplementis, Brottier , I vol.
Martialis Epigrammata , 2 vol. Plauti Comediæ
, 3 vol. Ovidius Naſo , 3 vol. Lucani Pharfalia
, 1 vol . Terentius , 2 vol. Amænitates Poëticæ
, five Theodori Bezæ , M. A. Mureti &
Joannis Secundi Juvenilia , &c. , 1 vol. Sarcotis
& Caroli V, Imperatoris ,Panegyris Carmina ,
AuctoreMaſenio, I vol. in- 12. Sarbievii Carmina ,
I vol. Desbillons Fabulæ , 1 vol. Vanierii præ
dium rufticum , I vol. Rapin de Hortis , 1 vol.
Salluſtius , I vol . Cornelius Nepos , 1 vol .
Eutropius , I vol. Velleïus Paterculus & Florus ,
vol. Cæfaris Commentaria , 2 vol . Q. Curtius
, 1 vol. Corn . Tacitus , 3 vol. Juſtinus, I vol.
Titus Livius , 7 vol.
C. Plinii Hiſtoria Naturalis , 6 vol.
Ciceronis Opera , 14 vol.
Encomium Moriæ ab Eraſmo , & Mori Uto
pia, I vol.
Plinii Epiftolæ & Panegyricus Trajano Dictus ,
i vol.
Selecta Senecæ Opera , 1 vol .
Senecæ de Beneficiis &deClementiâ Excerpta ,
in Gallicum converſa , I vol.
Novum Jeſu- Chriſti Teſtamentum , i vol .
De Imitatione Chrifti , libri quatuor , ex recenfione
J. Vallart , I vol.
(6)
Sous Preffe.
LETTRES de Cicéron àAtticus, traduites par
MONGAULT , 4 vol. in-12 .
Dictionnaire des Antiquités Grecques & Ro
maines , édition revue par M. FURGAULT, I vol.
in 8°.
Leçons élémentaires de l'Hiſtoire Naturelle ,
par le P. СоTTE , avec un Manuel de l'Hiftoire
Naturelle .
Lu & approuvé le 28 Décembre 1786. MÉRIGOT lejeune,
Adjoint.
PROCES FAMEUX de tous les temps &
de toutes les Nations , extraits de l'Effai
fur l'Histoire générale des Tribunaux de
tous les Peuples , contenant le détail des
circonstances qui ont précédé & accompagné
lefupplice des fameux Criminels. Par
M. DES ESSARTS , Avocat , Membre
deplusieurs Académies .
De toutes les branches de l'Histoire, il
n'en eſt point qui falle une plus vive impreffion
, que celle des fameux Criminels.
Tous les hommes ont un défir naturel de
pénétrer dans le coeur des coupables , de
dévoiler leurs manoeuvres , de voir leur
audace, & de ſuivre leur inarche ténébreuſe.
Cet intérêt eſt ſi puiſſant , il captive avec
tant de force l'attention du Public , que
( 7 )
l'art le plus ſéduiſant ( celui de nos
Théatres ) a pris la plupart de ſes ſujets dans
le genre de faits qui compoſent l'Ouvrage
que nous annonçons. La fable & l'intrigue
des Tragédies font en effet tirées des écarts
des paſſions ; dépouillées des couleurs brillantes
de la fiction , elles ne préſentent
ſouvent que l'Hiſtoire des crimes que les
Loix ont punis , ou qui auraient dû exciter
leur vengeance. Si l'on s'attendrit au récit
exagéré des malheurs des illuſtres criminels
qu'on offre à nos regards ſur la ſcène
dramatique , l'illuſion n'étant jamais complette
, on ne peut éprouver ces émotions &
ces déchiremens que lavérité ſeule peut pro- duire. On trouve cet aliment de la curiofiré
dans l'Histoiredes fameuxcriminels : on yvoit
leur véritable phyſionomie , leur caractère,
leurs moeurs , leurs penchans; les Lecteurs
les ſuivent avec intérêt dans le labyrinthe
de leurs paflions ; ils les accompagnent de
puis le moment où une pente ſecrète les
entraîne vers le crime , juſqu'à l'inſtant où
la Juſtice les immole à la Patrie outragée.
On s'arrête ſur-tout , avec une eſpèce de
plaifir mêlé de crainte & de douleur , à
cette dernière époque de la vie des fameux
Criminels ; on contemple , avec une
forte d'avidité , les effets que produiſent ,
fur les différentes organiſations & fur les
caractères variés des coupables , la crainte
de la mort & la certitude de la recevoir ;
on aime enfin à parcourir & peut-être à
1
* iv
192
MERCURE
du Traducteur pour en faciliter l'intelligence , deux
Volumes in - 88. , l'un contenant le Diſcours imprimé
, & l'autre les Exemples gravés. Prix , 9. liv. A
Paris , chez Leduc , au Magaſin de Muſique &
d'Inftrumens , rue du Roule , nº. 6 .
Nous reviendrons ſur cet important Ouvrage , le
plus méthodique de tous ceux qui ont paru en
France ſur ce ſujet.
2
Leduc donne avis qu'il vient de faire l'acquifition
des trois Partitions de Sacchini ; ſavoir , Regnaud,
Chimène & Dardanus. On trouve auſſi chez lui
celle des deux. Comteffes , Muſique de Paiſiello.
FAUTE à corriger au Nº. 2 , article , Notice &
Guide des Voyageurs à Paris , qui ſe vend chez
Hardouin & Gattey , au Palais Royal , au-lieu de
Viry ſur Seine, liſez Ivry.
2
1
TABLE.
A l'Auteur de mes Soave Danemarck , &c.
150
172
Impromptu àM.le Marquis Hiſtoire d'Artois , jusqu'à
nirs , 145 Etrernes du Parnafſſe ,
du Crest
146 Hugues Capet, 180
187
phe, 147 Annonces & Notices , 188
Voyage en Pologne, Ruffie ,
Charade, Enigme& Dogogry Economie
APPROBATION .
J'AI in ,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 27 Janvier 1987. Je n'y
ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion.
Paris, le 26 Janvier 1787. GUIDI
)
SUPPLEMENT
AU MERCURE * .
AVIS.
BARBOU , Imprimeur- Libraire , rue &
vis-à-vis la grille des Mathurins , à Paris ,
annonce aujourd'hui qu'il a acquis du ſieur
Védeilhić , Imprimeur à Villefranche de
Rouergue , les Vies des Pères , des Martyrs
, &c.; mais comme il n'avait qu'un
* Cette Feuille de Supplément eſt deſtinée à la publication
des Prospectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cetre Feuille , les Profpectus qui ci
devant ſe perdaient & n'étaient pas lus du Public , fe conſerveront
au moins autant que chaque Mercure. Ily a plus ,
leurs frais ſe trouveront conſidérablement diminués ; une
partie de la compoſition , du tirage , du pliage , &c . devenant
unedépenſe commune pour chacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compoſée que de
deux feuilles , on ne pouvait auſſi yparler que très- impatfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement .
fur ces objets.
Ondoit s'adreſſfer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pout 2 pages reviennent à 42 liv. ,
4pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci-deſſus , on doit
donuer au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém. No. 4. 27 Janvier 1787 .
*
( 2)
5
petit nombre d'exemplaires complets , il s'eſt
vu forcé de réimprimer plufieurs Volumes
qui manquaient. Il eſt préſentement à même
de répondre à l'empreſſement du Public pour
cet Ouvrage , qui a pour titre : Vies des
Pères, des Martyrs , & des autres principaux
Saints , tirées des Actes originaux ,
& des monumens les plus authentiques , avec
des Notes historiques & critiques; Ouvrage
traduit librement de l'anglais de feu M.
Alban Butler , par M. l'Abbé Godefcard ,
Chanoine de S. Honoré, 12 vol. in- 8º . rel .
en veau , 72 liv. Il réimprimera ſucceſſivement
les autres Volumes , à meſure qu'ils
manqueront.
F
Le Frontifpice porte que ces nouvelles
Vies des Saints ſont librement traduites
de l'anglais , parce que pluſieurs Vies ont
été refondues & refaites même en entier ;
on y en trouve d'ailleurs un plus grand
nombre que dans l'original. Ces change->
mens & additions tombent également fur
les notes. 1
Qu'on ne s'imagine pas qu'on ait par-là
dérérioré l'original. On a entendu des Angiais
même donner la préférence aux Vies
françaiſes. On y trouve , diſaient- ils , plus
de critique , plus de méthode , plus de
liaiſons dans les fairs. Il ſerait à ſouhaiter ,
ajoutaient ils , qu'on en eût fait plus d'uſage
dans la nouvelle édition de l'Anglais qu'on
vient de donner à Dublin.
( 3 )
On ne craint pas de dire que cet Ouvrage
eſt unique dans fon genre. Il convient
aux ames pieuſes , qui feront édifiées ,
& qui , fans craindre qu'on abuſe de leur
crédulité par des faits apocryphes , ne ſéront
point ſcandaliſées des excès d'une critique
outrée. Il convient également aux
gens de Lettres , qui trouveront , fur- tout
dans les notes , des points de Géographie ,
d'Hiſtoire , de Critique , de Littérature ,
diſcutés , élaircis , & quelquefois traités
avec une certaine étendue. Les Bibliographes
y verront avec plaiſir les notices raiſonnées
des Ouvrages des Pères & autres
Auteurs Eccléſiaſtiques , dont on indique
les meilleures éditions.
On ne doit donc pas être étonné de
l'empreſſement avec lequel le Public recherche
ces nouvelles Vies des Saints.
On conçoit, d'après ce qui vient d'être dit ,
les motifs qui leur font donner la préférence
ſur les anciennes. Aufſi voit- on tomber
tous les jours Giry , Bailler , &c. Des
Séminaires & des Communautés ont adopté
les nouvelles Vies pour les lectures publiques
; pluſieurs Maiſons religieuſes attendaient
que l'Ouvrage. fût complet , pour
faire la même choſe.
Un autre avantage de ce Recueil , &
qui le diftingue de tous les autres , c'eſt
qu'on y a inféré les Vies des nouveaux
Saints, d'après des monuiuens authentiques ,
* ij
(4)
&principalement d'après les Bulles de la
canoniſation de ces Saints.
Lu & approuvé , ce 20 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer, le 22 Décem. 1786.
DE CROSNE.
;
On trouve chez le même Libraire les Articles
ſuivans.
UNE nouvelle édition du Nouveau Testament
latin , revue ſur l'édition du Vatican , de for
mat in- 12 , faiſant fuite des Auteurs Latins ;
I vol. rel. en veau , doré fur tranche.. 6 liv .
Il en exiſte trois exemplaires , qui ont été
imprimés ſur vélin , qui font très-beaux .
Vanierii Prædium rufticum , nova editio ceteris
emendatior , cum indice locupletiori ; accedit
vita Auctoris nunc primùm in lucem edita
in- 12 , petit papier , faifant également ſuite a
la collection des Auteurs Latins , I vol. rel. en
veau , doré fur tranche... 6liv.
?
Collection complette des Auteurs Latins ,
in-4°. ad uſum Delphini .
Principes généraux & particuliers de la Langue
Françaiſe , par M. de VAILLY , dixième
édition , 1 vol. in-12 , 1786. 2 liv. 10 f.
Les Aventures de Télémaque , 2 vol . in- 12 ,
figures.. 6liv.
Novus Apparatus Latino-Græcus , cum inserpretationeGallica;
ex Ifocrate , Demofthene ,
aliiſque præcipuis Auctoribus Græcis concinna.
•
Schrevelii Lexicon Manuale Græco-Latinum ,
tus , 1 vol. in-4° . 15 liv.
vol . in-8°... . ,, 7 liv, 10 f
( 5 )
Collection des Auteurs Latins , de,format
petit in- 12 , 68 vol. rel. en veau dorë fur
tranche. .. 395-liv .
Cette collection contient les Auteurs ſuivans :
Catullus , Tibullus , Propertius , &c. I vol.
Lucretius , I vol. Virgilius , 2 vol. Horatius ,
I vol. Juvenalis & Perfius , 1 vol. Phædri Fabulæ,
cum notis&fupplementis, Brottier , I vol .
Martialis Epigrammata , 2 vol. Plauti Comediæ
, 3 vol . Ovidius Naſo , 3 vol. Lucani Pharſalia
, 1 vol. Terentius , 2 vol. Amænitates Poëticæ
, five-Theodori Bezæ , M. A. Mureti &
Joannis Secundi Juvenilia , &c. , I vol. Sarcotis
& Caroli V, Imperatoris , Panegyris Carmina ,
AuctoreMaſenio, I vol. in- 12. Sarbievii Carmina ,
Ivol. Desbillons Fabulæ , 1 vol. Vanierii prædium
rufticum , I vol. Rapin de Hortis , I vol.
Salluſtius , I vol . Cornelius Nepos , 1 vol .
Eutropius , I vol. Velleïus Paterculus & Florus ,
Ivol. Cæfaris Commentaria , 2 vol. Q. Curtius
, I vol. Corn. Tacitus ,3 vol. Juſtinus, 1 vol.
Titus Livius , 7 vol.
C. Plinii Hiſtoria Naturalis , 6 vol.
Ciceronis Opera , 14 vol .
Encomium Moriæ ab Eraſmo , & Mori Uto
pia, 1 vol.
Plinii Epiſtolæ & Panegyricus Trajano Dictus ,
1 vol .
Selecta Senecæ Opera , 1 vol .
Senecæ de Beneficiis &deClementiâ Excerpta ,
in Gallicum converſa , I vol.
Novum Jeſu- Chriſti Teftamentum , i vol.
De Imitatione Chrifti , libri quatuor , ex recenfione
J. Vallart , 1 vol.
*
(6)
Sous Preffe.
LETTRES de Cicéron à Atticus , traduites par
MONGAULT , 4 vol. in -12.
Dictionnaire des Antiquités Grecques & Romaines,
édition revue par M. FURGAULT, I vol.
in 8 °.
Leçons élémentaires de l'Hiſtoire Naturelle ,
par le P. COTTE , avec un Mannel de l'Hiftoire
Naturelle .
Lu& approuvé le 28 Décembre 1786. MÉRIGOT le jeune,
Adjoint.
PROCÈS FAMEUX de tous les temps &
de toutes les Nations , extraits de l'Effai
fur l'Histoire générale des Tribunaux de
tous les Peuples , contenant ledétail des
circonstances qui ont précédé & accompagné
lefupplice des fameux Criminels. Par
M. DES ESSARTS , Avocat , Membre
de plusieurs Académies .
De toutes les branches de l'Hiſtoire , il
n'en eſt point qui falle une plus vive impreffion
, que celle des fameux Criminels .
Tous les hommes ont un défir naturel de
pénétrer dans le coeur des coupables , de
dévoiler leurs manoeuvres , de voir leur
audace, & de ſuivre leur inarche ténébreuſe.
Cet intérêt eſt ſi puiſſant , il captive avec
tant de force l'attention du Public , que
( 7 )
l'art le plus ſéduisant ( celui de nos
Théatres ) a pris la plupart de ſes ſujets dans
le genre de faits qui compoſent l'Ouvrage
que nous annonçons. La fable & l'intrigue
des Tragédies font en effet tirées des écarts
des paflions; dépouillées des couleurs brillantes
de la fiction , elles ne préſentent
ſouvent que l'Hiſtoire des crimes que les
Loix ont punis , ou qui auraient dû exciter
leur vengeance. Si l'on s'attendrit au récit
exagéré des malheurs des illuftres criminels
qu'on offre à nos regards ſur la ſcène
dramatique , l'illuſion n'étant jamais complette
, on ne peut éprouver ces émotions &
ces déchiremens que la véritéſeule peut produire.
On trouve cet aliment de la curiofité
dans l'Histoiredes fameux criminels: onyvoit
leur véritable phyſionomie , leur caractère,
leurs moeurs , leurs penchans; les Lecteurs
les ſuivent avec intérêt dans le labyrinthe
de leurs paflions ; ils les accompagnent de
puis le moment où une pente ſecrète les
entraîne vers le crime , juſqu'à l'inſtant où
la Juſtice les immole à la Patrie outragée.
On s'arrête ſur-tout , avec une eſpèce de
plaifir mêlé de crainte & de douleur , à
cette dernière époque de la vie des fameux
Criminels; on contemple , avec une
ſorte d'avidité , les effets que produiſent ,
fur les différentes organiſations & fur les
caractères variés des coupables , la crainte
de la mort & la certitude de la recevoir ;
on aime enfin à parcourir & peut- être à
-
4
* iv
( 8 )
méditer les diſcours que ces infortunés ont
prononcés dans ces momens affreux où
l'homme ne tient plus à la vie que par un
fil , qu'un ciſeau fatal , ouvert devant ſes
yeux , eſt prêt à couper.
L'Ouvrage que nous annonçons eft compoſé
de huit Volumes in- 12 , dont le prix ,
pour Paris , eſt de 20 liv. , & de 24 liv. ,
franc de port dans toute l'étendue du
Royaume. Il faut adreſſer les lettres &
J'argent à M. DES ESSARTS , rue du Théatre
Français , près la place. Les lettres d'avis &
l'argentdoivent être affranchis. Les huitVolumes
paraiffent , & font en vente à l'adreſſe
ci- deſſus , & chez les principaux
Libraires du Royaume.
Ju &approuvé , de 26 dobre 1786. DE SAUVIGNY.
Vul'Approbation. Permis d'imprimer, ce 21 Noumbre 1786.
DE CROSNE.
Avis pour le renouvellement des Soufcriptions
de l'Année Littéraire 1787.
DEPUIS le premier Janvier 1786 , l'Année
Littéraire a paru régulièrement tous les
Mardıs , & finira le dernier Mardi de la
même année ; cette forme plus avantageuſe
a donné à ce Journal un nouveau degré
d'intérêt : les perſonnes qui voudront foufcrire
, font priées de le faire inceſſamment,
afin qu'on puiſſe déterminer sûrement le
1
) و(
nombre du tirage , & imprimer les adreſſes
avant le premier Mardi de Janvier 1787.
Quoique la Littérature ſoit la bafe de ce
Journal , les Sciences ne lui font point
étrangères; les progrès de l'eſprit humain
dans tous les genres, les Arts de toute efpèce
entrent dans ſon plan , & voici un
léger apperçu des divers objets qu'il ren
ferme.
:
LIVRES NOUVEAUX. Tous les Ouvrages
de Poésie ou d'Eloquence , les Hiſtoires ,
les Romans , les Traités didactiques fur les
Sciences & les Arts , & en général tous
ceux qui ont rapport à la Philofophie &
à la Littérature , font analyſes & difcutés
avec quelque étendue & d'une manière
propre à les bien faire connaître.
11
MÉLANGES ET POÉSIES FUGITIVES . On
accueille avec reconnaiſſance les Lettres re
latives aux Moeurs , aux Arts & aux Scien
ées , les Anecdotes , les petites Pièces de
Poéſie légère , les morceaux de Littérature.
On a ſoin d'annoncer les évènemens du
jour , propres à piquer la curiofité du Pu
blic, lorſqu'ils ont rapport aux Sciences on
aux Arts agréables .
ACADÉMIES. On rend compte des Séances
des différentes Académres du Royaume, des
Prix propofés, ainsi que desDifcours qu'on
y prononce. I
1
SPECTACLES . Lefort des Pièces nouvelless
avec une légère eſquiſſe de leur plan , le
* v
( 10 )
:
ſuccès des débutans ou débutantes , quel
ques n'flexions for leur talent.
M
IS REMARQUABLES. En apprenant
au Pul lic la mort des hommes quiſe ſont
fait un nom dans les Lettres , on tâche de
les apprécier d'après leurs Ouvrages , & de
donner une idée juſte de leur caractère &
de leur talent,
SCIENCES ET ARTS . Toutes les inventions
qui peuvent contribuer à la perfection des
Arts utiles ou agréables ; l'annonce des Ou
vrages de Peinture , de Gravure , de Mufique
, font compriſes ſous ce titre.
-On ſouſcrit entout temps pour ce Journal
, auquel on a réuni le Journal de Monfieur
; mais à quelque époque qu'on le faſſe ,
il faudra ſouſcrire pour l'année entière.
L'Abonnement eſt de 24 liv. pour Paris ,
&de 32 liv. pour la Province. On recevra ,
francs de port, les cinquante deux cahiers ,
de deux feuilles d'impreſſion chacun , avec
des Supplémens.
On foufcrir à Paris , chez Mérigot le
jeune , Libraire , quai des Auguſtins , au
coin de la rue Pavée , & chez tous les Libraires
du Royaumes MM. les Directeurs
des Poftes , & aux Bureaux de toutes les
Affiches de Province.
Lu& approuvé ce 1 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Yu l'Approbation, Permis d'imprimer, le 13 Decem 1786.
DE CROSNE.
( it )
On trouve chez BRUNET , Libraire , rue de Marivaux
, place du Théatre Italien , les Livres
Juivans.
PLUSIEURS collections de la Bibliothèque
desRomans , depuis ſon origine en Juillet 1775
juſqu'enDécembre 1786 incluſivement. 184 vol.
in-12 broch. 150 liv .
L'on vendra auſſi ſéparément les volumesque
l'on défirera , à raiſon de i liv. 4ſ. le volume.
Journal de Paris depuis fon origine en Janvier
1777 juſqu'en Décembre 1785 incluſivement.
18 vol. in-48. rel . 120 liv.
OEuvresdeMadameDeshoullières , ornées de
fon portrait.Paris. 1764. 2 vol. in- 12 , veau. 41.
Parallèle des Eaux minérales . Par M. Raulin.
Paris. 1777. in-12. broch. I1 liv. 10 f.
Cérémonies & Coutumes religieuſes de tous
lesPeuplesdumonde, repréſentées par des figures
deſſinées & gravées par Bernard Picard. Paris.
1783. 4 vol. in-fol. broch. en quinze .. 144 liv,
•
Théorie& pratique de la coupe des pierres &
des bois, pour la conſtruction des voûtes , &
autres parties des bâtimens. Par Freſier. Strafbourg.
1739 , 3 vol. in -4º. fig.. 39 liv.
Hiſtoire de Polybe , traduite du grec parDont
Thuillier , avec un Commentaire & un Cours
de Science militaire , par le Chevalier Folord.
Paris. 1727, 6 vol. in 4º. fig. v. f .. 42 liv.
Corpus Juris civilis Romani , cum NotisGothofredi
, Lipfiæ. 1720. 2vol. in-4°. gr. p.
Jacobo Gronovio , Theſarus GræcarumAntiquitatum.
Lug. Bat. 1697. 13 vol. in-fol. fig.
300liv.
v. f.. ..
151.
Anfelmi Blanduri , Numifmata Imperatorum
Romanorum , Lutetiæ Parifiorum. 1718. 2 vol.
in-fol. v. f. • 420kv.
* vj
(14 )
Quinti Horatii Opera, Londini, Johannes Perre
1733. cum fig. 2. vol. in-89. gr. p. m. r. 72 liv
Lu& approuvé , ce 12 Décembre 1780. CAILLEAU.
ONFROY & NÉE de la Rochelle , Libraires , rue
du Hurpoix , près du pont Saint Michel , préviennent
le Public qu'ils font maintenant chargés
du débit des Ouvrages de Madame la Comteffe
de Genlis. Ces Ouvrages se vendent ensemble ou
Séparément.
LA collection complette ,
broch ......
en 15 vol. in-80
75 liv.
La même , en 15 vol. in-12. broch. 39
Elle est compoſée des Ouvrages qui ſuivent.
Le Théatre desjeunes perſonnes. 7vol. in-8º.
broch....... 35 liv.
Le même. 7 vol. in - 12. broch. 171.101.
Dans ces fept volumes ſont compris un tome
de pièces tirées de l'Ecriture Sainte , formant le
premier volume de la nouvelle édition du Théatre
d'éducation , ou le tome cinquième de l'ancienne
; & le Théatre de Société , en deux volumes.
Onvend à part ces trois volumes pour com
pléter le Théatre d'éducation
LesAnnales de la Vertu . 2 vol. in- 12. br. 5 liv.
Les mêmes , 2 vol. in-8°. br. 10
Adele &Théodore , ou Lettres fur l'Education
3 vol. in - 8°. broch..
Le même , 3 vol. in- 12 . broch . •
15 liv.
7 liv. 10 f.
9
LesVeillées du Château. 3 vol. in-8º. br. 15 l.
Le même Ouvrage , 3 vol. in - 12. br.
On trouve chez ONFROY , les Lettres fur
l'Egypte. Par M. SAVARY. Deuxième édition ,
revue & corrigée. 3 vol. in-8°. broch. 15 liv.
Les tomes 2&3 ſevendent ſéparément , 9 liv.
:
Eu &approuvé le 17 Novembre 1786. MERIGOT lejeune.
(43 ) :
i
3
L'HÉROISME ÉTRANGER & national,
ou Collection historique des principaux
Traits d'humanité , de vertu , de patriotifme
& de courage , notamment de ceux
qui ont illuftré le règne de LouisXVI,
depuis fon avénement au trône, gravés en
couleur par M. GUYOT , d'après les
deffins des meilleurs Artistes ; dédiée à
M.ARMAND- JOSEPH DE BETHUNE ,
Duc de Charoft ,Pair de France Préfident
de la Société Philanthropique , &
à la Société , à Paris.
IL ſuffit d'annoncer tune pareille entrepriſe,
pour en faire fentir tout le mérite : c'eſt
rappeler les Arts à leur noble deſtination ,
que de les confacrer à immortalifer les
actions héroïques. Cette attention àrecueillit
les faits qui honorent l'humanité , caracté
riſe principalement notre Siècle ; on a foin
de les publier dans les Journaux : ils ob
tiennent des couronnes dans nos Acadé
mies : on récompenſe une belle action
commeunbelouvrage,& quoi qu'enpuiſſent
dire les détracteurs de l'âge préſent , tout
ſemble nous proniettre la plus heureuſe
révolution . }
1. Les encouragemens vont chercher le ci
soyen vertueux dans la clafſe la plus obf
cure : il devient tour à coup l'objet de la
2
(14)
vénération publique , & les préjugés du
rang ſemblent diſparaître à ſon égard; auffi
ne craindrons-nous pas d'aſſocier Jofeph
Chrétien au généreux Prince de Brunswick;
&labravoure du Maréchal des Logis n'exercera
pasmoins nos crayons , que le dévouement
héroïque du reſpectable Prélat d'Auch.
Nous ne nous croirions pas dignes d'exécuter
cette précieufe collection , ſi l'intérêt
pouvoit ſeul nous décider à l'entreprendre.
Le nombre de deux cents Souſcripteursune
fois rempli , nous nous chargerons , à nos
frais , de trois élèves pris dans la claſſe
la moins fortunée du peuple , & choifis
par la Société Philanthropique : après nous
être aſſurés de leurs diſpoſitions , nous deftinerons
l'un à la Peinture , l'autre à la
Gravure en taille-douce , & le troiſième à
laGravure en couleur & manière Anglaiſe :
Pouvrage auquel ils auront l'obligation
d'être entrés dans la carrière des Arts, ne
pourra que faire germer dans leurs coeurs des
femences d'émulation & de vertu , & les
porter à ſe diſtinguer par leurs moeurs
comme par leurs talens.
Outre l'intérêt propre à chaque fujet que
nous traiterons , les Amateurs ſenſibles &
éclairés verront ſans doute avec plaifir la
fuite non-interrompue de ces fortes de Tat
bleaux , où tout ra vrai , quoique grand
& fublime; & dont l'enſemble ſera lagloire
de notre Siècle aux yeux de la Poſtérité.
(15 )
!
CONDITIONS.
LE format de cet Ouvrage eſt in-folio , forme
ovale ſur la largeur. Chaque Eſtampe paraîtra
tous les mois avec l'historique gravé au bas ,
&coutera 3 liv.
La première , dont le ſujet eſt l'action courageuſe
qui a mérité le prix de l'Académie
d'Amiens , fondé par M. de la Tour , Peintre
du Roi , paraît actuellement.
Le 10 de ce mois, a paru celle de JoſephChrétien,
deſſinée par M. Texier.
Dans le courant de Février , paraîtra celle
du reſpectable Prélat d'Auch , deſſinée par M.
de Bucourt , Peintre du Roi.
Les épreuves feront délivrées ſuivant la date
des infcriptions; & quand la ſouſcription ſera
remplie , on publiera la liſte des Souſcripteurs ,
&les nouveaux payeront 4 liv. par Eftampe.
MM. les Souſcripteurs font priés d'affranchir
leurs lettres ; on ne prendra point d'argent d'avance
; il ſuffira de fe faire inſcrire pour une
année.
On s'infcrit à Paris , chez l'Auteur , rue St.
Jacques , nº. 9 , & chez les Campion , à la
ville de Rouen , n° . 8.
Er à Versailles , chez Blaifot , rue Satory , &
chez les Aſſociés , rue Dauphine.
Lu & approuvé , ce & Décembre 1785. DE SAUVIGNY .
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 6 Décembre 1789..
DE CROSNE.
JOURNAL DE NORMANDIE.
Troisième Année.
IE ſuccès foutenu dont jouit enNorman
die cet Ouvrage périodique , annonce affez
シ
(16)
l'utilité qu'en retire la première , la plus
tiche & la plus importante Province du
Royaume , à laquelle il manquait.
Les nombreux avantages que peuvent en
retirer également les Gens de Lettres de la
capitale , ceux des autres villes , & toutes
les claffes de citoyens , font une loi aux Propriétaires
du privilége de fixer l'attention du
Public fur ce Journal , rédigé par un homme
de Lettres dont lesOuvrages ont été accueil
lis à Paris , & où l'on traite de l'Agriculture ,
du Commerce , de la Jurisprudence , de
l'Hiftoire Naturelle , des Arts , des Manufactures
, & des Spectacles , en Normandie.
En forte qu'il doit être regardé , ainſi
que ſon titre l'annonce , comme un recueil
auſſi complet qu'intéreſſant de Mémoires
périodiquts pour fervir à l'Histoire Eccléfiaftique,
Civile, Naturelle & Littéraire , &
à celle des Sciences , des Beaux Arts & du
Commerce , dans cette partie floriſſante de la
France.
Il en paraît , franche de port , deux fois
par ſemaine , le Mercredi &le Samedi , une
feuille în-4º de quatre pages , indépendamment
d'une demi- feuille , réſervée auxAnnonces
, Affiches & Avis divers , pour que
les perfonnes étrangères à la Province , &
celles qui veulent faire une Collection au
bout de l'année , n'avent point un recueil informe
& bizarrement chamarré , dans lequel
un article de Phyfique , d'Hiſtoire Naturelle
ou de Littérature ,ſe trouve à côté d'un
( 17 )
Laquais à placer , ou d'une maiſon à vendre.
Tous les objets concernant la rédaction ,
doivent être adreffés , francs de port , à M.
de MILCENT , de l'Académie des Sciences ,
Belles - Lettres & Arts de Rouen , de plufieurs
autres Sociétés Littéraires , Directeur
& Rédacteür du Journal de Normandie , à
Rouen.
On s'abonne en tout temps , pourvu que
ce foit pour une année entière , moyennant
12 liv. pour la ville de Rouen , 13 liv. 10 f.
pour ſa banlieue , & 15 liv. pour le reſte du
Royaume.
A ROUEN , au Bureau , chez le Boucher,
le jeune , Libraire , rue Ganterie.
A PARIS , chez Durand neveu , rue Galande
, auquel on peut remettre les Livres ,
Mémoires , Estampes & paquets que l'on
deftine au Journal de Normandie .
On foufcri encore par le moyen de tous
Directeurs des Poſtes , & chez les principaux
Libraires de toutes les villes de Province...
Nota. Les deux premières années étant
entiérement épuifées , on ſe déterminerait
à les réimprimer , s'il ſe préſentait un nombre
de ſoumiſſions ſuffifantes pour couvrir
feulement les frais.
Lu & approuvé, ce 29 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 30 Décem. 1786.
DE GROSNE.
i
i
18 )
۱
:
EXTRAIT d'un Profpectus diſtribué ſous le
*couvert du Journal de Paris.
VOYAGE EN ASIE , ou Effais Philo-
Sophiques &Historiquesfurlahaute Antiquité
,fur quelques Peuples modernes
Orientaux , & fur divers animaux de
ces contrées. Ouvrage enrichi de Gravures
en taille-douce .
CET Ouvrage eût paru il y a dix ou douze
ans , fans des contre temps particuliers. En
1781 , quelques articles iſclés en furent
détachés & livrés à l'impreſſion , ſous le
titre d'Effais Philosophiques fur les moeurs
de divers Animaux étrangers,avec decourtes
Obfervations fur différens Peuples. Ces Effais
reçurent en France & chez l'Etranger
l'accueil le plus favorable .
* Le plan fixe & reſſerré de l'Auteur a éré
de n'employer que ce qu'il a pu recueillir
par lui-même. Ce qu'il donne ſur les moeurs,
les Sciences , les Arts , l'Hiſtoire Naturelle ,
les Ufages civils , politiques & religieux ,
a été le fruit de vingt ans d'obſervations
fur les lieux.
Les circonstances l'ont mis dans le cas de
conſidérer de près l'adminiſtration civile ,
militaire , commerciale & policique des
Puiſſances&Compagnies Européennes dans
-'Inde. Il y a apparence que des traits qui ,
( 19 )
déguisés dans un grand lointain, font infignifians
, pourront paraître tout autres ſous
un point de vue plus indépendant ou plus
rapproché.
Depuis 1765 juſqu'en 1769 , l'Auteur eut
diverſes facilités pour former un Recueil
du Droit coutumier de l'Inde. Cette Pièce
devait être imprimée , en 1772 , ſous les
aufpicesduMiniſtère de la Marine ; elle ne
paraîtra qu'avec le reſte de l'Ouvrage.
Quelques morceaux de Littérature Afiatique
, propres à concourir à des éclaircifſemens
utiles , à ce titre feront employés ;
l'Auteur donnera auſſi la traduction d'un
Poëme Erotique , jadis compoſé en la Langue
Indienne , aujourd'hui répurée ſacrée;
à cet égard , il ſe conforme à l'uſage des
anciens Ecrivains de ces contrées , qui , pour
prévenir le trop de contention d'eſprit , employaient
quelques feuilles àchanter l'amour
& la volupté.
Une partie très - curieuſe & intéreſſante
concerne la haute Antiquité ; l'Auteur fixe
le ſens de cette expreffion pour fon Ouvrage
, en difant qu'il conſidère comparativement
, comme moderne , tout ce qui
n'appartient pas à une époque antérieure
au moins de quinze cents ans au ſiècle où
nous plaçons le ſiége de Troie. Le hafard
ayant ſecondé ſes tentatives , il a pu porter
le coup-d'oeil de l'obſervation ſur les uſages
civils& religieux , la divination , les Loix ,
Langues , écriture , &c. de cette vénérable
しい
( 20 )
Antiquité; il a parcouru le tableau animé
d'origines , d'entrepriſes , de révolutionsmorales,
politiques& phyſiques, qui ont change
lafacede la terre : ajoutons que des preuves
littérales & autres , dont la vérification
fera rendue facile , mettront à portée de
reconnaître l'auſtère vérité , & que les impoſantes
prétentions des Peuples réputés
anciens par les modernes , n'ont que des
fondemens illuſoires .
Cet Ouvrage eſt propoſé par ſouſcription,
en deux Volumes in-4°. Il ne fera point mis
dans le commerce , par des raiſons particulières.
Ainſi on ne tirera à l'impreſſion que
le nombre d'exemplaires retenus. La fouf
cription eſt de 48 liv. pour les deux Volumes
in-4°. Vingt quatre liv. ferontpayées
en ſouſcrivant, & pareille ſomme en retirant
le premier Volume , qui pourra paraître
à la fin de 1787. Toute ſpéculation eſt
étrangère à cette entrepriſe ; mais il s'agit
de fournir aux frais d'impreſſion & de quatorze
ou quinze gravures conſidérables en
taille-douce , exécutées par des Artiſtes connus.
Si dans neuf mois le nombre des Soufcripteurs
eſt inſuffiſant pour les débourſés
néceſſaires , l'on en ſera averti , & l'argent
fera rendu par les Libraires chez leſquels
on aura ſouſcrit. La liſte de MM. les Soufcripteurs
ſe trouvera au commencement du
premier Volume : il leur fera fourni une
reconnaiſſance ſignée de Mad. veuve TILLIARD
& fils , Libraires de Paris.
On ſouſcrit , à Paris , chez la veuveTilliard
(21 )
-
&fils , Libraires , rue de la Harpe , au coin
de celle Pierre-Sarrafin .- A Londres , chez
MM. Payne & Benjamin White & fils ,
Libraires. A Vienne , chez MM. Rodolphe,
Grafer & Attaria , frères , Libraires.
-A Berlin , chez M. J. Bernoulli , Aftronome
du Roi de Pruſſe , &Membre de l'Académie
des Sciences . A Amſterdam ,
chez P. Vandamme , Libraire, - A Rome ,
chez MM. Bouchard & Gravier , Libraires.
ن
-
A Milan & à Turin , chez MM. Moife
Benjamin Foa , & les frères Reycends , Libraires.-
A Pétersbourg , chez MM. Rofpini
, frères , Libraires.
N. B. Il faudra avoir attention d'écrire
bien liſiblement fon nom &fon adreffe.
Lu & approuvé , ce 13 Juillet 1786. DE SAUVIGNY .
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer, ce 14 Juillet 1786.
DE CROSNE,
LE VOYAGEUR FRANÇAIS , ou les Connaiſſances
de l'Ancien & du Nouveau
Monde , mis au jour par M. l'Abbé DE
LA PORTE . 28 vol. in- 12 . Prix , 84 liv .
rel. avec des Cartes géographiques. A
Paris , chez MOUTARD , Libraire - Imprimeur
de la Reine , rue des Mathurins ,
Hôtel de Cluni .
LE ſuccès dont a conſtamment joui le
Voyageur Français, eſt une preuve du mé(
22 )
rite réel de cetOuvrage. Son plan eſt en effer
très heureux. Ce n'eſt point un Abrégé ſec
& décharné de tous les Voyages dans l'Ancien&
dans le Nouveau Monde. M. l'Abbé
DE LA PORTE a eu l'art de mettre beaucoup
d'intérêt dans ſes deſcriptions, en ſuppoſant
qu'un homme qu'il fait voyager , rend
compte, dans ſes Lettres , àune Dame de tout
ce qu'il voit , de tout ce qu'il obſerve. Il .
néglige les détails minutieux ; il ne s'attache
qu'à ce qui peut faire connaître l'état
de chaque pays , ſes monumens les plus remarquables
, ſes productions , fon commerce
, les moeurs , les uſages , la légiflation
des habitans , &c. Dans un tableau
rapide , il préſente des notions ſuffiſantes
fur tous ces objets ; & l'on doit avouer
qu'on connaît aufli bien un Peuple par la
lecture intéreſſante du Voyageur Français
que par des Relations plus détaillées qui n'amuſent
pas toujours un certain nombre de
Lecteurs.
:
Le ſtyle de cet Ouvrage eft uniforme :
par-tout il eft clair, facile , & même élégant.
M. l'Abbé DE LA PORTE Y a mis
cet efprit d'analyſe , d'ordre & de méthode
qu'il poffédait parfaitement. M. l'Abbé De :
LA PORTE a évité les fréquentes répétitions
& l'extrême prolixité de Abbé Prevoſt.
Ce dernier Ouvrage d'ailleurs n'eſt point
achevé : il y manque un grand nombre de
Voyages fur mer , & la collection de ceux
de terre , c'est-à- dire , de toute cette partie
( 23 )
de l'Ancien Monde , où ſe ſont paſſes les
évènemens les plus mémorables. L'état actuel
de ces lieux célèbres , les révolutions
qu'ils ont éprouvées , les reſtes précieux des
monumens qui fixent l'attention des Voyageurs
, manquent encore à cette vaſte collection
: auſſi eſt ce par là que commencent
les Relations du Voyageur Français. Enfin ,
la connaiſſance de tous les pays&de toutes
lesNations de l'Univers, en commençantpar
l'Afie , font la matière de toutes ces Lettres.
M. l'Abbé DE LA PORTE venait de donner
le vingt-fixième Volume , & il ne lui reftait
plus que l'Italie & la France à donner , lorfque
la mort l'a enlevé aux Lettres & à ſes
amis. L'Italie a paru depuis , & eft renfermée
dans les tomes vingt- ſept & vingt-huit.
Il ne reſte plus que la France à donner , &
cette partie intéreſſante eft confiée à un
Homme de Lettres digne de la confiance du
Public.
Le ſieur MOUTARD , qui vient d'acquérir
de.M. CELLOT le fonds de cet important
Ouvrage , a cru devoir l'enrichir de Cartes
géographiques , ſans augmenter le prix
du Volume , qui eſt toujours de 3 liv. relié,
Ii vend féparément les Cartes sliv. ſoit reliées
en un Volume in 8 ° . , ſoit en feuilles ,
avec l'indication des pages où chaque Carte
doit être placée dans l'Ouvrage,
Elles ſerviront à diftinguer cette édition
de celles contrefaites , qui d'ailleurs font
pleines de_fautes .
:
L
-( 24 )
1
FoPouurr facilirer l'acquifitionde cetOuvrage ,
it le vord deux Volumes à deux Volumes.
Il prie les perſonnes qui n'auraient pas les
vingt-huit , de ſe compléter le plus tôt poffible
, parce qu'à dater du premier Juillet
1787 , il ne vendra plus les Volumes ſéparément.
Onvient de mettre en vente chez le même Libraire ,
les articlesſuivans.
, RAPPORT des Commiſſaires chargés par
l'Académie des Sciences , d'un projet d'un nouvel
Hôtel-Dieu , imprimé par ordre du Roi,
A Paris , de l'Imprimerie Royale , 1787 ,
in-4°. 3 liv.
1 liv . 4 f.
Le même , d'après la copie imprimée au Louvre
, 1787. in -8°.
Idées fur les ſecours à donner aux pauvres
malades dans une grande ville , 1786. in 8°. 18 f.
LeDictionnaire de Police , parM. des Eſſarts ,
tome 2. in 4º°.
Onfoufcritpour cet Ouvrage , en payant 10 liv.
par Volume, en feuilles.
Nouveau Choix de Cauſes célèbres , par le
même , tome 14.
Le 15me. & dernier Volume , paraîtra le 15
Février 1787 .
Prix des 15 Vol. br. 37 liv . 10 f. rel. 45liv.
OEuvres complètes de Cicéron , traduction
nouvelle , par M. Clément , 1786. 6Vol. in-12.
rel. 18 liv.
Les mêmes , in-4°. beau pap. 48 liv . en feuilles .
N. B. Les tomes 7 & 8 , in - 12. & le tome
3. in-4°. ſous preſſe.
4
Lu&approuvé le 23 Janvier 1787. NYON l'ainé , Adjoint.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
C
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 10 Janvier.
r. Demidof, Conſeil'er d'Etat enRuffie,
Micélébre par ſes largeſſes à l'Hôtel des
Enfans-Trouvés & d'autres Etabliſſemens
publics de Moscow , eſt mort dans cette
ancienne Capitale de la Ruſſie.
Nous avons rapporté les nouvelles courantes
de Conſtantinople , touchant la poſition
actuelle du Capitan Pacha en Egypte;
voici maintenant celles qui rempliſſent
les Gazettes d'Europe , & quijuſqu'icin'ont
en leur faveur que l'autorité de ceux qui les
débitent.
Les nouvelles qu'on reçoit de l'Egypte ſont
très-affligeantes ;les troupes Ottomanes ont été
complettement battues par les Beys , & ont perdu
leur artillerie. Le Capitan- Pacha raſſemble
des Soldats de tous côtés; mais il eſt bien à
craindre que ces nouvelles levées ne puiſſent
réſiſter à l'excellente caval erie desrebelles dont
No. 4, 27 Janvier 1787. &
( 146)
cette victoire va d'ailleurs groſſir le parti. S'ils
rentrent au Caire , ils y commettront des défordres
affreux , & les Négocians acheveront de
perdre leurs fortunes. On a cependant fort àſe
louer juſqu'à ce moment de la protection que le
Capitan-Pacha leur accorde.
On arme ici pluſieurs bâtimens qui doivent
porter en Egypte des ſecours en hommes & même
enargent. Il est très-incertain que Murath-Bey
ait éte bleſſé & l'on aſſure que ſes troupes ,
jointes à celles d'Ibrahim , fontretranchées Girgé , où eles peuvent recevoir des renforts
de la haute Egypte , qu'il y a beaucoup de mécontens
au Caire , & que le Capitan-Pacha vient
encore. d'en augmenter le nombre en faiſant
mourir un de ces Santons (1) que leur fourberie
ou leur imbécillité font également reſpecter de la
populace Egyptienne.
Tandis que les forces Ottomanes ſontainſi occupées
en Afrique , un autre rebelle , bien plus
formidable , continue de démaſquer ſes vaſtes
projets. Mahmout-Pacha , réconcilié avec Cour-
Achmet-Pacha ſon adverſaire , n'éprouve plus
d'obstacles ; il envoie dans toutes les villes de
l'Albanie & de la Macédoine de nouveaux Mu
ſelims,( 2) & des Cadys qui ſont reçus avec tranf
port parce qu'ils annoncent la réduction des impôts
; & le courier de Naples arrivé dernierement
atrouvé un détachement de ſes troupes , à Is
lieues de Salonique. Il s'eſt tenu avant hier un
grand Muſchavere (3) dont on ignore encore le
réſultat ; mais on peut préſumer que les meſures
(1) Eſpece de Moines mendians.
(2) Officiers des Dodanes.
(3) Ou Conseil d'Etat.
( 147 )
prendre pour deconcerter les projets de Mah
mout-Pacha ont fait la matiere des délibérationsde
ce Conſeil. Ce nouveau rebelle commande
une armée de 40,000 Albanois toujours invinci
bles dans les pays de montagnes , & preſque tous
chrétiens. Il poſſede ce meme pays ou Scanderberg,
dont il ſe vante de deſcendre , battit les
armées formidables du grand Amurath , & il
acheve de rappeller cehéros par une taille giganteſque&
une force prodigieuſe.
Le Belitschi ( Premier Commis des affaires
étrangeres ) vient de perdre ſa femme , ſes enfans&
tous ſesdomeſtiques de la peſte. -
- Dans d'autres récits encore plus apocryphes,
on diſgracie le Capitan-Pacha: on lui
prépare le cordon fatal à Conſtantinople ,
&on le fait aller en Albanie joindre le Rébelle
Mahmud , Pacha de Scutari.
Un Ecrivain périodique Allemand vient
detracer l'eſquiſſe ſuivante de la vie privée
du Prince Royal de Danemarkc.
Ce Prince , dit- il , âgé de dix neuf ans , eff
parvenu à l'époque où les facultés du corps &de
l'ame approchent de leur maturité. Ses cheveux
blendsdonnent à ſa phyſionomie quelque choſe
d'intéreſſant,furtout depuis que ſon teint,naturel-
Jement très-blanc, s'eſt bruni à l'air rude du Damnemark
, auquel il s'expoſe en toute ſaiſon. La
bome conſtitution de ce Prince , qui ſe fortifie
deplus enplus par un genre de vie ſemblable à
celui des anciens Spartiates , fait eſpérer qu'il
grandira encore. Depuis 3 ans fa maniere de vi
vre eſt en hiver la même qu'en été . Il ſe leve ordinairement
à fix heures du matin; quelques fois,
on le voit déjà à cheval à cinq heures. Le Prince
ne prend jamais ni vin , ni caffé , ni chocolat ; il
g2
(148)
déjeûne avecdu thé & ne boit que de l'eau. Son
habillement eſt ſimple ; il ne connoit ni robe-dechambre
, ni aucun autre habit négligé , auſſi tốt
qu'il ſe leve, il en doſſe ſonhabit uniforme, qui
eſt celui de ſonRégiment. Outre les habits uniformes
, ſa garderobe ne contient que deux autreshabits
, un de drap noir , qu'il eſt dans l'uſage
de mettre quand il communie , & l'autre de drap
jaune qu'il ne met qu'à l'ouverture annuelle de
laCour ſuprême. Un ſeul laquais lui ſuffit pour
ſon ſervice perſonnel ,& il n'en avoit pas d'autre
pendant le voyage qu'il fit l'été paffé en Seelande ,
&dans la Scanie. L'appartement qu'occupe le
Prince royal au Château de Chriſtiansbourg , &
furtout fon cabinet , font meublés fort ſimplement
, à l'exception de la ſalle d'audience où l'on
alaiſlé les anciennes décorations, Les murs font
ornés de pluſieurs portraits des perſonnes de la
famille royale , & de quelques gravures qui re
préfentent lesbatailles d'Alexandre- le-Grand, &
de pluſieurs peintures en paſtel de la main de
ſon auguſte ſoeur. Le Prince royal, frugal à table,
&économe dans toutes les dépenses , porte le
méme eſprit d'ordre dans l'emploi de ſon tems,
Aucun plaifir ne peut l'engager à en faire de
grands facrifices . Il aime beaucoup à monter à
cheval , mais lorſqu'il le fait c'eſt toujours pour
quelque affaire, Les beaux arts ont en lui un protecteur
généreux. Mr. Ryde , membre de l'aca,
démie de Peinture , fait pour lui dans ce moment
pluſieurs tableaux militaires de l'hiſtoire de
Danemark. Ce Prince ne joue jamais , il danſe
quelques fois aux bals qui ſe donnent au Château
& ne va au ſpectacle que rarement. Outre la languedduu
pays, il parle parfaitement les languesal-
Jemande &françoiſe. Les exercices militaires
ſont ſes occupations chéries : quelque tems qu'il
( 149 )
faſſe il nemanque jamais de ſe trouver à laparade
&aux manoeuvres des troupes ; il travaille fans
re âche à perfectionner la diſcipine & les exercices
des troupes Danoiſes. Sa bibliotheque prefqu'entiere
ne confiße qu'en ouvrages qui traitent
des exercices militaires . La tactique eſt ſon étude
favorite. Aufſi , d'après le témoignage des militaires
inſtruits , il a acquis des connoi lances ſupérieures
dans cet art. Cepen lant le Prince ne
donne pas tout ſon tems à ce genre d'occupations;
il s'applique tous les jours à d'autres objets dans
Con cabinet pendant plufieurs heures . Les Mercredi
& Vendredi les membres da Conſeil- d'Erat
ſe rendent chez lui dans la matinée pour linf
truire des affaires qui feront propotées au Roi
dans le Conſeil où le Prince eſt préſent, chaque
fois. Les jours où il n'y a pas de Conſeil le Prince
eſt dans l'uſage de donner audience à ci q
heures de l'après- midi. On y tient une note trèsexacte
des mémoires qui lui ſont préſentés. Les
objets qui méritent ſon attention ſont recommandés
aux miniſtres ; & ſouvent il est arrivé que
le Prince leur en a rappellé le ſouvenir lorſqu'ils
onttardé à en faire le rapport. Pendant les au
diences le Prince eſt debout , & écoute avec une
attention complaiſante tout ce qu'on a à lui dire ,
il fait peu de queſtions , mais toutes ſont claires
& très - préciſes. Lorſqu'on lui propoſe quelque
projet, ſa premiere demande eſt , sit en réſulte
quelque utilité & ce que ſon exécution pourra
couter. La bienfaiſance eſt auffi une des
grandes qualités de ce Prince. Les penſions qu'il
aaffignées fur. ſa caſſette font un objet confiderable
; il aime à récompenſer la vertu , le mérite
& les ſciences; mais les libéralités de ce Prince le
bornent à la propre caffette ; jamais qui très - rarement
il emploie ſon crédit pour faire donner des
2
83
( 50 )
gratifications ſur le Tréſor de l'Etat. Il donne
ſouvent , rarement en public & toujours avec réflexion.
En général ce Prince recherche le bien ;
il évite& déteſte les louanges. Toutes ſes actions
font une preuve éclatante de la pureté de ſes
moeurs , de ſon coeur , de la juſteſſe & de la nobleſſe
de fon eſprit.
Pendant l'année derniere , on a compté
dans cette ville & ſes deux fauxbourgs 952
mariages , 2590 naiſſances , dont 242 enfans
illégitimes & 3356 morts.
Copenhague , dans la même année 1786 ,
a eu 961 mariages , 3164 na ſſances , &
4001 morts.
Le Roi de Danemarck a fait remettre la
grande Médaille d'or pro meritis à Olav
Stephenson , Bailli en Iſlande , qui depuis
pluſieurs années s'eſt montré le pere & le
bienfaiteur de ces malheureux infulaires.
Une pareille Médaille a été envoiée par ordre
du Roi à Olav Joseph Hiort , Prédicaseur
de la paroiffe de Waagen, qui a fait
tranſporter en Iſlande35 rennes, fans avoir
voulu en recevoir aucun paiement.
De Berlin , le 9 Janvier.
:
Le premier de l'an , le Roi a élevé le
Duc regnant de Brunswick au grade de
Feldt-Maréchal. Ila conféré le grand Ordre
de Aigle Noir au Duc de Courlande , au
Lieutenant Général Comte de Borck , &
aux Miniſtres d'Etat de Blumenthal & de
Schwerin. Parmi les autres perſonnes fux
lelquelles S. M. a répandu des graces , on
diftingue le Baron de Boden, ancienMinif(
151 )
tre du Landgrave de Heſſe en France , &
que le Roi a nommé fon Chambellan , avec
des appointemens honorables.
Depuis la fin de Déc . 1785 , juſqu'à la même
époque de 1786, dit leD. Buſching dans ſa feuille
hebdomadaire , le nombre des naiſſances àBerlin
a été de 4777 , & celui des morts de 6077
l'état militaire eſt compris dans ce calcul ; les
morts ont par conféquent furpaſſé les naiſſances
de 1300. La petite vçrole ſur-tout a amené cette
mortalité ; elle a enlevé 1071 enfans & 6 per
ſonnes faites. 478 enfans font morts du travail
de ladentition , & 653 perſonnes ont péri de miſere.
Le nombre de ceux qui ſont morts de
maladies de poitrine , de phtisie & de conſomption
monte au-delà de 1500 ; les perſonnes
mortes âgées , montent à 251. Les enfans
morts nés ſont au nombre de 268 .
Parmi les naiſſances on a compté 423 enfans
illégitimes ; ils font un peuplus que la onzieme
partie desnaiſſances. Le nombre des jumeaux eſt
de 25 ; il y a eu auſſi une couche de 3 enfans.
On a compté dans la Marche électorale ,
ycompris le Comté de Wernigerode 5372 ma-
Mages , 23,399 naitiances & 20,787 morts . L'état
militaire n'est point compris dans ce calcul.
-Le Total des mariages dans les Etats du
Roi de Pruſſe a été pendant l'année derniere de
45,259 , celui des naiſſances de 211,188 , &
celui des morts de 161,827. Ainsi les naiſſances
ont ſurpaffé les morts de 49,361 .
De Vienne , le 9 Janvier.
Pluſieurs Ordonnances ſucceſſives défendent
aux Supérieurs & Communautés
Eccléſiaſtiques , comme n'étant qu'ufufruitiers
temporels des biens de l'Eglife , d'alié
84
(152 )
ner aucun bien meuble ou imareuble , ſans
la permiffion du Souverain ; des loix antérieures
avoient déja pourvu à ce qu'aucun
particulier Eccléſiaſtique , Chef-d'Ordre ou
Administrateur de fondation ne pût gréver
de detres les biens del Eglife , ſans le conſentement
de fon Supérieur & Communauté
reſpectifs , puiſque c'eſt-là une eſpece d'aliénation
; mais comme ces Ordonnances
ont été violées , & que fur-tout des Chefsd'Ordres
Religieux ont contracté des dettes
à la charge des biens de l'Eglife , il vient
d'être ordonné, par une réſolution de la
Cour', que , comme aucun Couvent , Egliſe
ou fondation n'a, ſe'on les loix , la faculté
d'aliéner de ſon chet , quoi que ce ſoit
de ſes coſleſſions actives , ni de ſe faire rembourſer
des capitaux , de même il eſt ſtatué,
qu'on ne pourra, fous peine de nullité abfolue
de la prétention , prêter quoi que ce
foit ou faire crédit à aucun Supérieur de
Couvent , d'Egliſe ou de fondation , à
moins qu'on n'en ait prévenu les Magiſtrats
reſpectifs , & obtenu leur conſentement à
cet égard.
1
Le dernier tremblement de terre à fendu
pluſieurs rochers du mont Crapath ; les
crevaſſes ont juſqu'à un pied de large. A
Neumarkt trois ſecoufles confécutives ont
renverſé preſque tous les fourneaux , deux
maiſons de pierre ont reçu des ouvertures
conſidérables; la plupart des habitations de
(153 )
bois , mal affermies ſur leurs fondemens ,
ont été déplacées .
L'Empereur a accordé au Comte Jean
Ciaky de Keresztsegh ſa démiſſion de la
place de Juge ſuprême du royaume de
Hongrie , en le nommant Grand-Croix de
l'Ordre de Saint-Etienne. Le Comtede Niz
ky lui ſuccédera.
De Francfort , le 14 Janvier.
Pendant l'année 1786 , on a compté à
Manheim 170 mariages , 674 naiſlances &
72: morts.
de
Depuis le commencement de l'année , il
eſt défendu aux Pauvres de Mayence ,
parcourir les rues ou les maisons , précédés
d'une croix , pour mendier ; mais afin qu'ils
reçoivent les aumônes faites juſqu'ici , &
pour les rendre encore plus abondantes , il
ſera fait chaque ſemaine une quête générale
par quarre Officiers Bourgeois de cetre ville ,
ayantà leur tête un Conſeiller de la Régence
Electorale. Les ſommes réſultantes feront
emplo'éés à l'entretien d'un Etabliſſement.
Tout Pauvre de Mayence , en état de travailler
, trouvera de l'ouvrage ſelon ſes forces
, & un ſalaire proportionné à fon zele :
ceux auxquels l'âge ou la fanté ne le perme
pas , feront affiftés de la Caiſſe des
Pauvres . Les Pauvres honteux recevront
chez eux tout ce qui est néceſſaire aux ou
vrages de filature , de tricotage & altres.
85
(154)
Leur Confeffeur ou autre perſonne , par le
moyenduquel ils auront demandé & obtenu
ces ſecours, répondront ſeulement des
objets confiés. La Caiſſe des Pauvres ſoutiendra
auſſi les Maîtres Ouvriers de cette
ville , réduits au beſoin par un événement
malheureux : il leur fera avancé de l'argent
afin qu'ils ne perdent pas leurs métiers. II
eſtdéfendu , ſous teile amende pécuniaire ,
de donner fecrettement aux Pauvres , &
horsde la quête qui ſe fera chaque femaine
: on peut l'évaluer à environ 1500 liv.
La défenſe de mendier , ſous peine d'être
arrêté, regarde auſſi les Pauvres étrangers ;
ma's les garçons de métiers néceſſiteux
qui voyagent, feront aſſiſtés de laCaiſſe , ſi
JaTribu à laque'le ils appartiennent n'eſt
pasdans l'uſage de ſubvenir à leurs beſoins.
Onacélébré le 19 Décembre au château
deMeiningen, les fiançailles du Prince FrédéricEugene-
Henri de Wirtemberg-Stutgard,
Major Général au ſervice de Praffe ,
&de la Princeſſe Louiſe, Ducheſſe douairiere
de Saxe Cobourg Meiningen , née
Princeſſe de Stolberg Gedern.
Dans le cours de 1786 , on a compté à
Gotha 87 mariages , 341 naiſſances & 292
morts.
AHanau , le nombre des mariages a été
de 96, celui des naiſſances de 378 , & celui
des morts87.
L'Electeur de Saxe vient d'élever le Lieu(
155 )
renantGénéral de Riedeſel au grade deGénéral
d'Infanterie , & de lui donner leGoue
vernementde Dreſde &de Neustadt. Son
Alt. Elect. a nommé en même temps le
Lieutenant-Général de BenkendorfGénéral
de Cavalerie, le Major Général de Lecoq ,
Lieutenant Général , & le Comte de Baflewiz
, Major- Général & Chef d'un Régiment
de Carabiniers..
ESPAGNE.
De Cadix, le 10 Décembre.
1
20
Dernierement , l'Empereur de Maroc a
ratifié, dit-on , un Traité de paix dont le
Congrès des Etats-Unis lui avoit envoié le
projet. Voici la teneur de ces articles & de
Ia Lettre de S. M. Marocaine qui les précédoit.
«Au nom de Dieu .... M.thomet-Ben-Abdala.
«Très - illustre Congrès d'Amérique ! Votre
io Ambaſſadeur nous a remis votre Lettre & nous
>> en avons lû attentivement le contenu. Nous
» y avons vû le defir , que vous témoignez de
>>conclure avec nous un Traité de paix. Nous y
avons conſenti volontiers , & en avons même
adopté le plan tel que vous l'avez conçu , en y
appoſant notre Cachet Impérial. En confé-
>>>quence , nous avons dès- à-prétent donné or-
>>> dre aux Commandans de tous nos Ports maritimes
, de protéger & d'aſſiſter tous les Na
vires , qui entrentdans nos Ports ſous Pavil
g 6
( 156)
lon des treize Etats Unis, brefde leur accor-
>der les mêmes faveurs qu'aux autres Nations
>>>les plus amies. Bien réſolus de faire encore
>> davantage , quand l'occafion s'en préſentera ,
>> nous vous écrivons ceci en témoignage de
>>notre fincere amitié &de la paix que de notre
>> côté nous vous offrons . Le vingtieme jour du
Ramadan , l'an de lHég re 1200 , c'est- à-dire , le
24 Juillet 1786.
Traité de Paix conclu entre les Américains&
Empereur de Maroc.
L
ec.ART. premier , Nous ( les Américains ) ,
> ſouhaitons lier & cimenter un Traité d'Amitié
>& de Paix avec S. M. Impériale.
II. Si nous fommes en guerre avec d'au-
>>tres Puiffantes , nos Vaiſſeaux trouveront
>> toute fûreté contre les Ennemis , dans les Poris
>> de S. M. Impériale.
>>>III. En cas de guerre , avec une autre
>>Puiſſance , tous les Maures faits priſonniers
>> fur les Vaiſſeaux Ennemis , & leurs effets
feront de bonne priſe . Cette clauſe ſera ré-
> ciproque.
IV. Lorsque les Vaiſſeaux des deux Puiſſan-
>>ces contractantes ſe rencontreront en Mer , ils
>> hiſſferont leurs Pavillons , ſe parleront , mais
ne pourront ſe viſter.
>> V. En cas de guerre , la viſite du Vaif-
> ſeau ſera permiſe ; mais deux hommes ſeule-
>> ment pourront aller à bord , & s'ils commet-
>> tent quelques dommages , on ſera tenuà une
>> indemnité..
>> VI. Si une des Frégates ou croifieres de
>> S. M. Impériale prend un Vaiſſeau Améri-
& le conduit cCain, dans un de ſes Ports,
( 157 )
>S. M. le fera mettre enpleine liberté , perſons
>> nes & effets.
>>VII. Lorſqu'un des Vaiſſeauxde S. M. entre-
>> radans unde nos Ports, on lui fera l'accueil le
>>p>lus favorable ,& onlui fournira les proviſions
dont il aura beſoin.
VIII. Si un Vaiſſeau Américain exige une
>> réparation , & qu'il aille dans un des Ports de
> S. M. I. , pour cet effet , il lui ſera permis de
>> débarquer & de rembarquer ſes marchandises,
>>> fans qu'on puiſſe, pour cette raiſon , l'aſſujettir
>> à aucun droit .
>> IX. Si un Vaiſſeau Américain échoue ſur
les côtes de l'Empire de Maroc, on ne pourra
le molefter en aucune maniere , & on le laif-
>> fera en cet état juſqu'à ce qu'on lui ait envoyé
les ſecours néceſſaires.
>> X. Tout Vaiſſeau Américain , qui ſe trou-
>> vera dans les Ports ou ſur les côtes de S. Μ. Ι.
>> ne pourra être inquiété , même par d'autres
>>N>ations ,& recevra toute aſſiſtance de la part
ec de S. M. I. Il en ſera de même des Vaſſeaux
>>>Marocains , dans les Ports ou ſur les côtes de
» l'Amérique. ম
>> XI. En cas de guerre , fi des Vaiſſeaux des
>> deux Puiſſances belligérantes ſe trouvoient en-
>> ſemble dans les Ports de S. M. , l'un ne pour-
❤roit en ſortir que 24 heures après l'autre. II
>> en ſera ainſi des Vaiſſeaux de S. M. I. en
»Amérique.
: » XII. Les Priſonniers d'un Vaiſſeau de
>> guerre Américain , entrant dans un Port de
S. M. I. , ne pourront être reclamés par qui
> que ce ſoit.
XIII. Un Vaiſſeau Américain , après avoir
>> falué la Ville de S. M. , qu'il abordera , rece-
>> vra de la Ville un ſalut du même nombre de
coups de canon.
( 158 )
XIV. Si des Négocians Américains s'éta
bliſſent dans l'un des Ports de S. M. , ils joui-
> ront des mêmes priviléges & avantages que
> les autres Nations , & pourront avec liberté ſe
rendre d'un Port à l'autre , &c.
» XV. Ils auront la liberté de faire le mê-
>> me commerce que les autres Nations , de
tranfporter leurs biens d'un Vaiſſeau dans un
autre , ſans pouvoir retenir ces Vaiſſeaux pour
•la quarantaise , ils auront en outre des tru-.
>> chemens.
>>XVI. En cas deguerre entre les deux Na-
>tions contractantes , on échangera les priſonniers
de guerre homme pour homme.
ဘ XVII. LesNNégocians Américains ne pourbront
être forcés d'acheter des marchandifes
contre leur gré , ni être contrariés dans la dif
>> poſition de leurs biens. Ils demanderont au
>> reſte les permiſſions d'uſage , comme le font
>> ceux des autres Nations .
>>>XVIII. Lorſque les marchandiſes auront
» été débarquées , elles feront examinées pour
>> être ſoumiſes aux droits ordinaires ; mais en
>> cas de fraude ou de contrebande , le frau-
» deur ou contrebandier ſeul , pourra être
puni , fans que le Vaiſſeau ſoit fujet à la
confiſcation .
» XIX. Les Patrons des Navires pourront
>> être obligés de tranſporter des marchandiſes
d'un Port à l'autre à moins qu'ils n'y
conſentent moyennant un prix accordé &
convenu.
,
» XX. Un Américain , coupable de quelque
crime , ſera livré à ſon Conſul , qui le jugera .
» Si celui- ci demande aſſiſtance au Gouver-
>>>neur , elle lui ſera accordée. S'il ne peut
>> décider le procès , le Criminel ſera envoyé
>> enAmérique,
) درو (
"
XXI. Un Américain, qui fera tort ou vio
lence àunSujet deS. M. I. , pourra être em-
>>>priſonné par le Gouverneur , qui le jugera ,
>> mais en préſence du Conſul , qui plaidera ſa
» cauſe. Si le prifonnier s'échappe, le Conſul ne
>>pourra en être reſponſable.
XXII. En cas de décès d'un Américain ſur
>> le territoire de S. M. I. , ſes biens propres ſe-
>> ront remis au Conful ou au Comptoir du Com
> merce , pour être rendus aux héritiers qui les
> réclameront.
» XXIII . Le Conſul reſidera dans l'un des
>> Ports de S. M. I. , & fera reſpeté comme ceux
>>des autres Nations .
» XXIV. En cas de mécontentemens entre
>> les deux Puiſſances , la paix durera juſqu'à ce
que les affaires ſoient décidées ; fi elles ſe ter-
>> minent par laguerre , on ne prendra les armes
> que neuf mois après la déciſion , afin de donner
>le temps aux Sujets des deux Puiſſances de
partir ſans obstacles avec leurs propriétés . Si
S. M. accorde quelques nouvelles faveurs
>> aux autres Nations , les Américains en joui-
>> ront également.
XXV. Cette Paix entre les deux Nations,
>>durera l'eſpace de 50ans ».
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres, le 13 Janvier.
S. M. voulant condeſcendre aux deſirs de
S. A. Charles-Henri de la Tour d'Auvergne,
Duc regnant de Bouillon , a ordonné
d'enregiſtrer dans ſon College d'Armes ,
une déclaration de la main & ſous le ſcean
( 160 )
de S. A. , qui reconnoît Charles d'Auvergne
, Ecuyer , & James d'Auvergne , fon
frere , Major Général dans l'Armée Britannique
, & Lieutenant-Colonel aux Gardes à
cheval de S. M., comme deſcendans de
l'ancienne & noble Famille des Comtes
d'Auvergne; dont le Duc de Bouillon defcend
lui-même. S. M. permettant de plus
auxdits Charles & James d'Auvergne & à leur
poſtérité , de porter les armoiries de la Maiſon
d'Auvergne , qu'ils auront ſoin de faire
enregiſtrer au Dépôt héraldique de la Couronne.
S. M. voulant récompenſer les talens diftingués
du célébre Graveur Robert Stran- -
ge, lui a conféré la Chevalerie (Knigthood).
Cette diſt notion n'eſt pas héréditaire.
ες
Le Chevalier Andrew Snape Hammond
commandera la ſtation des Ifles ſous le
vent, à la place du Chevalier R. Bickerton
qui a réſigné. Les vaiſſeaux de cette eſcadre
en armement font le Jupiter , de so can .
le Maidstone , de 28 , & la Résolution ,
floop de 16. Ces vaiſſeaux font tous doublés
en cuivre , & bien équippés. Ils ont à
bord pour 6 mois de vivres , & font à la
rade de Spithead , prêts à mettre à la voile.
Les troupes étrangeres , que la Compagnie
des Indes a prifes àſa folde , & qui
doivent être tranſportées dans l'Inde fur fes
vaiſſeaux , font toutes Hanovériennes . La
moitié de ces troupes font déja arrivées à
( 161 )
Stade , les autres font retenues par les glaces
en Allemagne ; circonstance qui a retardé
le départ de pluſieurs vaiſſeaux deſtinés
pour l'Inde.
Sept de ces navires de la Compagnie ,
dont i pour Bombay, 2 pour le Bengale ,
&4pour la Chine, doivent mettre à lavoi- .
le au premier jour. Ils feront ſuivis avant la
findu mois par II autres vaiſſeaux deſtinés
pour différentes parties de l'Inde.
Les Papiers Miniſtériels aſſurent , que
d'après les nouvelles qu'on vient de recevoir
de cette contrée par la voie de terre ,
Il paroît que les affaires de la Compagnie
des Indes ſont dans une ſituation trèsfloriſſante.
Le Lord Cornwallis a été reçu ,
diſent- ils , avec les plus grandes démonſtrations
dejoie , excepté par la perſonne qu'il a
déplacée & par pluſieurs Membres du Confeil
, dont cette arrivée a déconcerté les
projets. ?
Le dernier Courier , venu de l'Inde , a apporté
entr'autres , à ce qu'on rapporte , une
lettre de M. John Macpherson , dans laquelle
il ſe plaint amérement du paſſe droit qu'on
lui afait en nommant Lord Cornwallis ,
Gouverneur Général du Bengale. Il expoſe
les réformes importantes qu'il a opérées depuis
la réſignation de M.Haftings, & fe glorifie
d'avoir mis les affaires de la Compagnie
dans une ſituation beaucoup plus avantageufe
que celle où il l'a trouvée. Il ne parle ce(
162 )
pendant point de réſigner la place qui lui
aété alſignée dans le Confeil , & il reſtera
ſous les ordres de Mylord Cornwallis.
(Cette lettre elt apocryphe très-probablement
, &l'on n'a, ni ne peut avoir encore de
nouvelles certaines de l'arrivée de Mylord
Cornwallis ) .
Suivant les mêmes dépêches , les Ma attes
venoient de faire la paix avec Nizin Aly-
Cawn; mais il régnoit le plus grand détordre
dans leur pays par une ſuite de leurs querelles
avec Ragenauth-Row , Chef puiſlant &
guerrier. LesZémindars qui habitentlesmontagnes
, ont tiré avantage de ces querelles ,
ainſi que Heyder-Heigh , qui s'eſt emparédu
Sircar , de Gua ier &de différens forts dans
lepays adjacent.
M. Pitt doit répondre dans peudejours ,
comme il s'y eft engagé, aux Négocians des
Ifles, touchant la diminution de 2 fols par
gallon qu'ils demandent fur les droits du
rhum. Si la réponſe du Miniſtre les ſatisfait ,
il n'exiſtera plus de requête en oppoſition au
Traité de Commerce; circonſtance fort finguliere
, après tout ce qui a été dit & écrit
contre ce Traité,
Il a été lancé en Angleterre dans le courant
de l'année 1786, 14 vaiſſeaux de guerre,
dontunde 100 canons ,un de 90 , fix de 74,
deux de 44, & quatre frégates.
LeCommodore Philips , après avoir pris
fes inſtructions à l'Amirauté , eſt parti le 9
(163 )
pour Portsmouth , où il va hater l'armement
de l'eſcadre de BotanyBay dont il a le commandement.
On aura au premier jour avis
de fon départ.
On affureque le Gouvernement a le defſein
de mettre les Réſidens Britanniques
dans les Etats Barbareſques , ſur un pied
plus reſpectable qu'ils n'y ont été juſqu'ici .
Les papiers de l'opposition , obſervent à tort&
àtravers, à cette occasion que la France a des
Confuls dans tous les ports de la Méditerranée
& du Levant où il ſe fait un peu de commerce.
Leconſul eſt guidé par un code particulier pour
les marchands & lesCapitaines qui ſont ſous ſa
dépendance. Les droits de Chancellerie qu'il
perçoit ſont modérés , & par conséquent , ne peuvent
être à charge au commerce. En un mot ,
il ſemble que la France ait des Confuls pour
protéger ſon commerce , tandis que l'Angleterre
ſemble n'en avoir au contraire qus pour
opprimer le sien. Les Confuls de France ont des
appointemens ſuffiſans pour repréſenter avec dignité
dans les poſtes qu'ils occupent ; & il leur
eſtdéfendu de faire le commerce ſous quel prétexte
que ce ſoit ; cette diſposition empeche
qu'ils ne puiſſent-user de partialité envers leurs
compatriotes , ou envers les naturels du pays où
ils résident. D'un autre côté le Vice-Conſul ſert
à éclairer les démarches du Conſul dont il dépend
, & si la conduite de celui- ci eſt blamable
, il eſt tenu de rendre compte au Gouvernement.
L'Angleterre agit tout différemment ;
les Confuls n'ont que des appointemens trèsmodiques
, & ſouvent même ils n'en ont point ;
on leur permet imprudemment de faire le négoce
, & comme leur office leur donne du cré
( 164)
dit& défend leur perſonne , il arrive ſouvent
que , ſoit par des malheurs ou par une ſuitede
leur inconduite , ils font réduits à faire das faillites
. Il eſt inutile d'obſerver combien la dignité
de la nation en eſt alors bleffée .
Le Marquis de Carmarthen a invité le
Duc de Grafton , les Marquis de Landf
down & de Buckingham , les Lords Sandwick
& Sto mont, M. Fox, &c. à dîner
chez lui lejour anniverſaire de la naiſſance
de la Reine. Beaucoup de gens ont regardé
ce petit événement comme le prélude d'une
coalition , &d'un changement partiel dans
'Adminiftration. Rien cependant n'eſt plus
contraire à la vérité. Aujourd'hui les gens
bien nés en Angle erre , ſe fréquentent& fe
rapprochent dans la ſociété , quoique leurs
principes politiques ſoient entierement oppofés.
Il n'eſt point de ville en Angleterre , &
peut-être même en Europe , dit une lettre
d'Edimbourg , où la population & l'induftrie
aient faitdes progrès plus rapides qu'à
Paifley. Certe ville n'avoit, en 1738 , qu'environ
4000 habitans. Ils font aujourd'hui au
nombrede 22,005 . Les maiſons étoient jadis
d'une apparence miférable , les rues étroites
&fa'es , les habitans mal vêtus & groffiers .
Les maiſons font aujourd'hui , la plupart
neuves & élégantes , les rues ſpacieuſes &
bien pavées , les habitans gais & polis ; les
fervantes font plus proprement habillées que
leurs maitreſſes ne l'étoient autrefois. Ily a
(165 )
n'auroient
quelques années,les Bourgeois les plus,aifés
regardoientcomme une choſe indécente de
deſcendre de voiture à leur porte ,& lorſque
quelqu'un d'eux arrivoit de Glaſgow en di
ligence ou en voiture de louage , il deſcen
doit à quelque diſtance dela ville pour éviter
lereprochedeluxe que ſes voiſins n'au
pasmanquéde lui faire. L'auberge , contruite
par Lord Abercoin , peut être comparée
aux meilleures , ſoit pour l'apparence , foit
pour les commodités. Paifley dépendoit
jadis de Glaſgow pour le ſoutiende ſes manufactures
; aujourd'hui , ellese fuffit à ellemême
, & elle a établi derniérement une
Banque pour la facilité du commerce. Si ſes
habitans ſe conduiſent encore vingt ans .
comme ils l'ont fait depuis les 15 dernieres
années , cette ville ſera plus conſidérable que
Glaſgow.
Il paroît par les Journaux de laChambre
desCommunesd'Irlande , qu'il a été embarqué
pour la Grande Bretagne , dans le courant
de l'année derniere , 23,000o piéces de
gros bétail, & que l'on a paſlé un marché du
double de cette quantité pour l'approviſion.
nement des marchés Anglois pendant le
courant de cette année.
• Le Docteur Zona , premier Médecin du Roi
d'Eſpagne , a envoyé depuis peu à la Société
Royale un Inſecte extraordinaire. Il eſt du geure
des Scarabées , & de la groſſeur du petitdoigt; il
adeux pouces de long , & il eſt ſi lumineux ,
que quand il vole pendant la nuit , il répand une
}
( 166)
grande clarté. Avant l'arrivée des Eſpagnols,
les Indiens ne faiſoient pointuſagede chandelles,
& leurs maiſons n'étoient éclairées que par ces
Inſectes; avec un ſeul, une perſonne peut lire
auſſi aisément qu'avec une chandelle allumée.
Lorſque les Indiens voyageoient pendant lanuit ,
ils en attachoient un àchaque doigt de pied , &
en tenoient d'autres dans la main. Lorſque ces
Inſectes font pris , ils ne vivent tout au plus
quetrois ſemaines ; tant qu'ils ſe portent bien,
ils jettent beaucoup de clarté , mais elle diminue
avec leurs forces ,& lorſqu'ils font morts ,
ils n'en répandent plus aucune. Cet Inſecte eſt
doublement utile , en ce qu'il éclaire les mais
ſons , & qu'il dévore les Couſins. ; :
Le feu Lord Strange étoit connu par fon
admiration pour la France & les François.
Se trouvantun jour Membre d'un Comité
nommé par la Chambre des Communes, au
fujet d'une requête préſentée par les Manufacturiers
de Spitalfields : après que l'intormation
eut été finie , il aborda un ancien
Manufacturier , appellé Crumpler, qui depuis
40 ans faifoit des affaires. Après lui avoir
adreſſé pluſieurs queſtions , auxquelles le
Marchand répondit de fort bonne grace;
LordStrange prit enfin la baſque de ſon habit&
la lui montrant , il lui dit : « Enfin ,
>>>Monfieur , dites-moi comment il ſe fait
»que vous ne pouvez pas faire en Angle-
>> terre d'auſſi beau velours ; vous nous
>> obligez à la contrebande & à avoir re-
>> cours à l'Etranger pour nous habiller dé-
>> cemment. » Crumpler le regardant atten(
167 )
:
tivement , loua beaucoup la beauté de
l'étoffe , & faluant Mylord , il le félicita de
ceque ſon fourniſſeur , M. Swan , l'avoit ſi
bien ſervi ; « car , ajouta til , c'eſt une des
>>>meilleures piéces que j'ai jamais fabriquées
>> pour laMaiſon Swan &Buck : c'eſt moi ,
>>Mylord , puiſqu'il faut vous le dire , qui
>> leur fournit tout leur velours de France.
Lord Strange ſurpris , tendit la main au
vieillard& lui promit d'avoir à l'avenir une
meilleure idée de ſes compatriotes.
ETATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE.
De New- Yorck , le 3 Octobre 1786.
Extraits des Papiers Américains.
Tandis qu'une partie des Citoyens des Etats
Unis s'élevoit contre l'émiſſion du papiermonnoie
ordonné par pluſieurs Législatu
res , les partiſans de ce papier ont eſſayé
de forcer les légiſlations du Rhode - Iſland ,
de Maſſachuſſet &du New-Hampshire , de donner
leur ſanction à une meſure dont l'adoption
leur attiroit les reproches les plus vifs. Dans le
courant du mois d'Août , une députation de
Comités , nommés par trente villes ou bourgs
de Rhode- Iſland , préſenta à l'Aſſemblée Générale
une longue pétition , pour expoſer ladétreſſe
où les réduiſoit la diſette des eſpeces,
&pour demander une émiſſion de papier-monroie.
L'Aſſemblée ayant fait à leurs propoſitions
les changemens qu'elle crut néceſſaires pour
donner à cette mauvaiſe opération les formes
( 168 )
qui pourroient , en modifier les effers , les renvoya
dans cet état aux différentes villes qui avoient
formé cette demande,pour ſavoir leurs intentions
àce ſujet. Ce plan leur fut communiqué le 14
Septembre. Six jours après , c'eſt- a-dire le 20 ;
on vit marcher vers Exeter , une troupe de
400 hommes armés , tant a pied qu'à cheval.
A quatre heures après midi , ils entrerent tam-
'bour battant dans cette ville , où l'Aſſemblée
Générale tenoit ſes ſéances. Ils avoient pour
Chef un Fermier d'Hampshire , nommé Moſes
French..Après une courte halte , ils envoyerent
à la Chambre des repréſentans , pour demander
qu'il fût fait fur le-champ une réponſe à leur
premiere pétition. Soit timidité , prudence ou
quelqu'autre conſidération ,la Chambre ſembloit
diſpoſée à négocier avec eux; mais le Sénat ,
dont elle avoit demandé le concours , ne fut
nullement de cet avis. LeGnéral Sullivan qui
le préſidoit , entraîna tous les ſuffrages par un
difceurs plein de vigueur & de nobleſſe , où
il fit voir l'indécence & le danger de ſe prêter
àdes propoſitions faites les armes à la main ,
en ſuppoſant même que ces propoſitions fuſſent
auſſi juſtes qu'elles étoient iniques& abſurdes.
La réſolution de l'Aſſemblée d'après l'avis du
Préfident ayant é é communiquée aux ſéditieux ,
ceux-ci eurent ordre de charger leurs armes &
d'inveſtir entierement la Chambre d'Aſſemblée ;
des ſentinelles la bayonnette au bout du fufil ,
furentplacées à toutes les portes , &les Membres
du corps légiſtatif demeurerent ainſi prifonniers
juſqu'a la nuit. Alors la plus ſaine partie des
Citoyens ayant fenti combien il étoit urgent
de mettre fin à ces déſordres , commençoit à
s'aſſembler pour délivrer ſes Repréſentans &
punir
( 169 )
punir les ſéditieux. Tandis que ceux-cine ceffoient
de crier : papier- monnoie, anéantiſſement des
dettes , le bruit éloigné d'un tambour , & les
huzzas pour leGouvernement , pouffés par l'autre
troupe , frapperent les oreilles des ſéditieux.
Epouvantés de cette apparition imprévue , ils
ſe retirerent ; on les pourſuivit , & comme le
parti du Gouvernement eut bientôt fermé un
corps de 2000 hommes , les infurgens furent
bientôt diſperſés ; 40 d'entr'eux, ycompris leurs
Chefs , ont été faits priſonniers. Ils expieront
leur crime parune mort ignominieuſe , à moins
que leGouvernement ne leur faſſe grace.
Suivant le rapport de trois hommes de Sandusky
, les Sauvages font en général diſpoſés
à la guerre ; il y a 700 Guerriers raffemblés
à Shawoua , & l'on y en attend encore d'autres .
Deux blancs arrivés depuis peu de ce lieu même ,
ont appris à nos gens que ces barbares s'y étoienr
rendus avec 13 chevelures & quatre priſonniers ,
parmi leſquels étoient une dame & fa fille . Cet
deux infortunées ont été brûlées avant les homs
mes , auxquels les Sauvages ont dit que leur
tour ne tarderoit pas à venit. Ils ont , dit- on ,
réſolu de maſſacrer le Capitaine Hutkinson,
Inſpecteur , avec ſon monde ; is ſe propoſent
auſſi d'aller rendre une vifre à un établiſſement
ſitué à environ 70 milles de ce fort. Mais nous
eſpérons qu'avant l'exécution de ces projets , le
Général Clarke , à la tête de ſon corps de 1500
hommes , aura pénétré dans le pays de ces barbares
, auxquels il fera ſentir qu'il eſt plus aifé
de maſſacrer des habitans fans défenſe , que de
ſe ſouſtraire à la vengeance éclatante que provoquent
de telles atrocités.
Les Sauvages néanmoins prétendent qu'ils ne
feroient aucun mal aux blancs , ſi ceux- ci ſe te-
N°. 4,27 Janvier 1787. h
( 170 )
noient renfermés dans les limites de la Penſilyanie
, & qu'ils ne vouluſſent point faire d'établiſſemens
de l'autre côté de l'Ohio .
Le 15 Avril il y a eu une action ſanglante entre
les Sauvages appellés Wabash aidés de leurs alliés
, & un très-petit corps d'Americains. Ceuxci
dont le nombre n'excédoit pas 75 hommes ont
défait& taillé en piéce une troupe de 300 In diens.
Le Roi des Kickapeans, un de leurs Chefs , a été
dangéreuſement bleſſé dans l'action , & la Reine
des Painkeshws alors enceinte de ſon premier enfant,&
qui ſe trouvoit au combat avec les autres
guerriers,fut tellement épouvantée,qu'elle fit une
fauffe- couche. Cet événement a répandu la confternation
parmi ces peuplades qui ont humblement
demandé la paix , mais ils n'en ſont pas
moins animés contre les Américains ; & on voit
pardes lettres poſtérieures que les citoyens des
Etats-Unis,& furtout ceux qui font la traite avec
ces Sauvages , ne peuvent prendre trop de précautions
pour mettre leurs marchandiſes & leurs
perſonnes en fûreté.
La guerre entre les habitans de Frankland &
les Sauvages des Rivieres , eſt à préſent terminée
&l'a été fans effuſion de ſang. Le célébre Outhan
s'étant mis en marche avec 3 ou 400 hommes
vers les bans de la Tenaffé, un grand nombre
des Chefs des Sauvages allerent au devant de
lui pour leprierde ne point pouſſer plus loin les
hoſtilités. Il eut à ce ſujet une conférence dans
laquelle ils demanderent la paix dans les termes
les plus foumis. Quant à ceux de leurs gens qui
ontmaſſacrédes citoyens des Etats-Unis , ils ont
cherché un refuge dans le Pays de Chieckamaga ,
mais les Chefs ont promis au célébre Outhan de
les leur livrer dans fix ſemaines , & ils ont de
plus offert des otages pour la sûreté de leurs en(
171 )
gagemens; cesconditions ont été acceptées &chacun
des deux partis a retourné content chez
foi. :
LeGénéral Parsons , qui étoit allé il y a quelque
temps examiner la poſition des ouvrages ,
eſt aujourd'hui de retour. Il affure , que d'après
tout ce qu'il a vu ſur le Ohio , il y a lieu de
croire que l'Amérique fut jadis habitée par quel
que Nation qui connoiſſoit nos Arts. Il a trouvé,
en faiſant creuſer les fofles d'un nouveau
Fort fur l'Ohio , à 600 mile à l'ouest du Fort
Pitt , un ouvrage régulier de maçonnerie en
briques , dont une partie étoit bien conſervée.
Il a auffi trouvé les ruines d'un Fort , & on a reconnu
les foffés & les portes , avec un aqueduc.
Plus loin on a découvert les ruines d'une Ville
& celles d'une immenfe Pyramide , deſtinée
vraiſemblablement à ſervir ou de Temple ou de
Catacombes ; mais cette Pyramide étoit depuis
fi long-temps en ruines , qu'il a obſervé trois
crues d'arbres par-deffus , ce qui fait préſumer
que les ouvrages les plus recens de ces ruines ne
peuvent pas avoir moins de 600 années. Le
Général a trouvé en terre un fragment de ma
choire portant trois dents. On peut donner une
idée de leur grandeur , en obſervant que les trois
dents placées avoient deux pieds de long. Il les
atoates trois apportées avec lui ; une d'elles péſoit
cinq livres. Il a meſuré un Fanur qui avoit
quatre pieds neufpouces de long. Les Sauvages
les plus âgés ne connoiffent point d'animal qui
ſoit dans cette proportion ; maisils ont parmi
eux une tradition , qui apprend qu'autrefois il y
avoit dans leur pays une grande Bête , qui dévoroit
tous les Cerfs & les Ours , mais que le
Grand Etre , touché de compaffion , tua cette
Bête d'un coup de foudre , aucune puiflan
h2
( 172 )
ce humaine ne pouvant lui arracher la vie.
Le nombre des anciens Forts trouvés dans le
pays de Kentucki , font l'admiration des curieux ,
&donnent lieu à une infinité de conjectures . Ils
font pour la plupart d'une forme circulaire , fitués
dans un lieu fort par ſa poſition même , &
près de l'eau. On ignore quand , par qui , & pour
quel objet ils ont été conſtruits. Ce qu'il y a de
fûr , c'eſt qu'ils font très-anciens , attendu que
l'on n'apperçoit pas la moindre différence , & pour
l'âge & la groſſeur entre les arbres que renferment
ces Forts , & ceux qui ſont aux environs ,
les plus anciens du pays n'ayant pas conſervé la
moindre tradition à cet égard; ces édifices doivent
être l'ouvrage d'un peuple beaucoup plus
actif & plus laborieux que ne le ſont les ſauva-
'ges actuels , & il eſt difficile de concevoir comment
on a pu les conſtruire ſans le ſecours des
inſtrumens de fer . A une diſtance raiſonnable de
chacun d'eux , on trouve toujours une petite
monticule de terre ; elle a la forme d'une Pyramide
, & paroît avoir été proportionnée à l'étendue
& à la hauteur du Fort qui eſt près d'elle.
Un examen attentif a fait découvrir qu'ils contenoient
une ſubſtance ſemblable à celle de la
Craie, ( à Chalki ſubſtance ) que l'on ſuppoſe
être la décompoſition d'oſſemens humains.
FRANCE.
De Versailles , le 15 Janvier.
LE 14 , la Marquiſe d'Aloigny a eu l'honneur
d'être préſentée à Leurs Majestés & à
la Famille Royale , par la Comteſſe d'Efcars:
( 173 )
De Paris , le 24 Janvier.
ARRÊT du Conſeil d'Etat du Roi , du
18 Novembre 1786 , qui ordonne que les
Hôpitaux , Hôtels - Dieu & Maiſons de charité
des provinces de Flandre , Haynault &
Artois , feront exempts à l'avenir de tous
droits d'amortiſſemens pour les maiſons ,
conftructions & reconstructions de bâtimens
emploiés à l'habitation des Pauvres & des
Malades , & au logement gratuit des Prêtres
& Deffervans attachés à leur ſervice.
Idem, du 23 Novembre 1786 , qui ordonne
que les veuves de ceux qui avoient
exercé pub'iquement & à boutique ouverte
une profeffion libre , avant les Edits de
Février 1778 & d'Avril 1779 , & qui étoient
agrégés aux nouvelles Communautés , tant
de la ville de Rouen, que des autres villes
du reſſort du Parlement de Normandie ,
pourront être admiſes dans leſdites Communautés
, dans l'année de leur veuvage ,
en payant ſeulement la moitié des droits
ordinaires de réception .
Idem , du 21 Décembre 1786 , concernant
les Toiles peintes d'Alface , & les Toiles
de coton blanches , provenant du commerce
de la Compagnie des Indes.
Idem ,du 4 Novembre 1786 , par lequel
Sa Majeſté a réduit à quatre livres par millier
, poids de marc, les Droits d'Octrois ,
& à moitié , tous les Droits de Péages fur
:
h3
( 174 )
les Fers qui feront voiturés ſur la Saône dans
tout fon cours , depuis Gray juſqu'aux por
tes de Lyon; exempte leſdits Fers du payement
de tous Sous pour livre additionnels ,
qui fe perçoivent ſur leſdits Octrois & Péages;
fupprime le privilege d'exemption defdits
Droits accordé aux Adjudicataires des
forêts du Roi ; en conféquence , aſſujettit
tous les Bois & Charbons provenans des
forêts de Sa Majefté , auxdits Droits ; & ordonne
aux Propriétaires péagers , de remertre,
fi fait n'a été, leurs titres , baux ®iftres
, au Contrôle général des Finances ,
dans deux mois , pour tout délai.
PROSPECTUS
De Souscription pour l'établiſſement de quatre nouveaux
Hopitaux , capables de ſuppléerà l'infuffisance
de l'Hôtel- Dieu de Paris.
IMPRIMÉ PAR ORDRE DU Ror.
La voix publique ſur l'êtat de l'Hôtel-Dieu ,
aplus d'une fois averti le Gouvernement de la
néceſſité d'améliorer le fort des infortunés que
ledéfaut de reſſources accumule dans cet hôpipital
: cette néceſſité alarmante a p'us d'une fois
ému ſa follicitude paternelle , & les derniers efforts
que les dépenſes d'une guerre onéreuſe ne
l'ont pas empêché d'y conſacrer , atteſtent l'impatience
où il a toujours été d'y pourvoir.. Ces
efforts ſe ſont trouvés inſuffiſans ; les maux fubfiftent
, & le beſoin de les détruire fans retour
eſt devenu plus urgent que jamais ;leGouvernement
ne pouvoit y procéder qu'après s'être
afſuré , d'une maniere poſitive & préciſe , de
( 175 )
l'étendue de ces maux. C'eſt par ſes ordres ex
près que l'Académie des Sciences s'en eſt occu
pée , & les mêmes falts , que leur exagération
apparente rendoit incroyables , ces faits dont les
récits effrayans ſembloient être dictés par les
préjugés d'une compaſſion exaltée , viennent
d'être conſtatés par l'examen impartial , métho .
dique & approfondi d'une Compagnie aufli ſage
1
qu'éclairée.
Un réſultat pareil ne permet plus ni doutes ,
ni délais . Tourmenté par la réalité , par l'excès
déſormais prouvé des maux dont le ſoupçon ſeul
avoit fait frémir ſon coeur , le Roi veut y mettre
un terme ; il veut eſſuyer les larmes; il veur
foulager les ſouffrances ; il veut arrêter la deftruction
journaliere & effrayante de la claſſe la
plus infortunée des peuples dont il eſt le pere :
il ne le veut point à demi , & il eſt décidé à y
confacrer tous les moyens que les beſoins multipliés
de l'Etat pourront lui permettre d'y employer.
Mais à des maux ſi preſſans il faut des
fecours prompts; les reſſources du moment ſont
bornées , & ce ſeroit peut être rendre ces ſecours
incertains, ce ſeroit du moins les reculer
& prolonger ces manx , que de commettre le fort
des pauvres à l'eſpoir éloigné des reſſources de
l'avenir. Les voeux des ames ſenſibles font depuis
long-temps conformes à celui du Roi . Leur
impatience les a portées plus d'une fois , & tout
récemment encore , à prévenir les déciſions du
Gouvernement , & à offrir pour cet objet des
ſecours volontaires. Il ne manquoit à ce noble
& touchant empreſſement , qu'une ſanction néceſſairement
différée par le beſoin préliminaire
de conſtater régulierement des faits de cette nature.
Le moment en est arrivé , & le Roi croit
pouvoir tout attendre d'une impatience qui doit
1
h4
( 176 )
étre d'autant plus efficace , qu'elle a été plus
long - temps retenue , & qu'elle ne fut jamais
plus motivée. Il appelle toutes les ames compatiffantes
à le ſeconder. Il leur offre , & la douceur
d'obéir aux mouvemens d'un coeur ému
de tant de maux, & la gloire de concourir à
l'une des plus importantes opérations de bienfaiſance
publique. Il lui ſera doux à lui-même
de devoir à des ſecours libres les moyens de les
réaliſer. Ce n'eſt point un Souverain qui les atzend
de ſes ſujets, c'eſt un pere qui les demande
à ſes enfans .
Convaincu de la néceſſité d'établir dans Paris
quatre nouveaux hôpitaux de douze cents lits
chacun , pour ſuppléer à l'inſuffiance actuelle
de l'Hôtel-Dieu , le Roi en va très- inceſſamment
ordonner la conſtruction par une loi expreffe.
Cette loi en déterminera l'emplacement , la
forme & l'étendue , & affignera ſur le Tréſor
royal tous les fonds diſponibles qui feront ſufceptibles
d'y être affectés .
Pour donner au Public le moyen de concou
rir à cette bonne coeuvre , le Roi autoriſe dès- àpréſent
le Bureau de la Ville à ouvrir une foufcription
libre & volontaire pour tous ceux que
l'intérêt de cette entrepriſe rendra jaloux d'y
concourir.
Les noms de toutes les perſonnes defirant
ſouſcrire feront inscrits ſur une lifte qui ſera
dreſſée , ſur leurs déclarations reſpectives , par
le Greffier en chef de la Ville , & cette lifte
fera rendue publique de mois en mois.
Il ne ſera fait , dans cette liſte , aucune mention
des ſommes offertes , mais bien dans une
lifte particuliere qui ſera dreſſée au tréfor de la
Ville , d'après les foumiſſions arbitraires & par
( 177 )
écrit qui y ſeront portées , & que le Tréſorier
de la Ville ſera chargé de recevoir.
Il ſera expédié par ledit Tréſorier , à chaque
Souſcripteur , une roconnoiſſance ſignée detui ,
de la ſomme portée dans l'acte de ſouſcription ;
& cette reconnoiſſance ſera timbrée d'un numéro
déterminé par l'ordre de date de ladite foufcription.
Ledit Tréſorier publiera, de mois en mois,
un Tableau diviſé par miſes , des ſommes offertes.
Chaque ſomme ſera numérotée ſur la liſte
en la faiſant paroître ; on mettra les noms à
côté des numéros , excepté de ceux qui ne voudront
pas le faire connoître , dont le numéro
foulement ſera marqué.
Chaque Souſcripteur ſera libre de partager
ſa ſouſcription en ſix paiemens égaux , à réaliſer
dans le cours de chaque année , pendant les fix
ans confécutifs qui feront fixés pour l'entier
achevement de la conſtruct on des 4 hôpitaux .
Il ſera dreſſé un regiſtre particulier de tous
les noms des Souferipteurs &des ſommes par
eux offertes , & ledit regiſtre ſera déposé à demeure
dans les archives du grand bureau d'Adminiſtration
des hôpitaux de Paris .
Les noms de tous ceux qui auront ſouſcrit
pour uno Comme de dix mille livres & au- deffus
feront inferits ſur quatre tables de bronze , placées
à l'entrée de chacun des quatre nouveaux
hôpitaux.
La certitude , la promptitude & la confiance
étant les baſes indiſpenſables d'une opération de
cette nature , il ſera expreſſement dit que la
conftruction des quatre hôpitaux enfemble ſera
commencée ſur le champ & à la fois , fur les
avances tirées du Tréſor royal . Les ſouſcriptions
ne feront point exigibles , c'eſt un acte de chahs
( 178 )
rité purement volontaire.Ala fin de chaque an
née, les comptes de recette & dedépenſe ſe ront
imprimés & publiés ; lorſqu'il y aura de l'excédant
, il ſera porté en recette l'année ſuivante ;
s'il y a du déficit , le Tréſor royal en fera les
fonds.
On ſera le maître de ſe faire inſcrire pour les
fix années , ou pour les années ou l'année que
l'on voudra. Lorſque les échéances des ſouſcrip
tions arriveront , fi au bour d'un mois les Soufcripteurs
ne les ont pas remplies , le Tréſorier
ſera tenu de les avertir par une ſimple lettre ; &
fi on ne lui répond pas ou qu'on s'excuſe , il notera
en marge de ſon compte imprimé à la fin
de l'année , les numéros qui n'auront pas été
remplis.
La reconnoiffance que donnera le Tréſorier ,
relatera non ſeulement la ſomme , mais encore
l'époque à laquelle le Souſcripteur ſe ſera en
gagé de payer.
Le 25 au mois dernier , le feu ſe manifeſta
à bord d'un navire, près du fort d'Artois
à Cherbourg ; & malgré l'act vité des
ſecours , ce bâtiment fut incendié; un ſeul
homme ayant péri dans ce déſaſtre , il a engagé
le Commandant de la Marine à défendre
de faire du feu à bord des vaiſſeaux.
On continue à Cherbourg d'immenſes préparatifs
pour le Printemps prochain , temps
auquel on eſpere de lancer quatre nouveaux
cônes.
>> L'Adminiftration delaCaiſſe d'Efcomp-
>>te, dans fonAſſemblée préparatoire , du 8
>> dece mois,a, dit-on,nommé Commiſſaires à
>>la vérification des comptes , MM. Durvey ,
( 179 )
>> de la Noraye , Julien&Grand, fils . On
> croit que ces Commiſſaires feront nom-
>> més Adminiſtrateurs à l'Aſſemblée géné-
>> rale du 16. On ajoute qu'on a fixé en
>> même temps le dividende des Actions de
>>>la Caiſſe , à 230 pour le ſémeſtre.
>>>Le ſieur Bechade & fon camarade , ar-
>>>rêtés à la Haye, ſont arrivés ici ſous une
>> bonne eſcorte, le 9 de ce mois ; & après
>>>avoir été interrogés par le Commiflaire
>> Chenon , ils ont été conduits en prifon.
>> On tirera de ces deux hommes & de leurs
>>Papiers de grands éclairciſſemens fur la
>> falfification des lettres de change , dont
>> nous avons parlé.
>>>Monſeigneur le Duc d'Orléans vient
>>d'accorder, à ce qu'on rapporte , 12 pen-
>>> ſions de 800 liv. chacune , aux Scavans &
>>>aux hommes de lettres ci-après nommés.
>> De l'Académie Françoiſe , à MM. Mar-
>>montel , Gaillard , l'Abbé Deliſle & de la
>>>Harpe ; de l'Académie des Sciences à
>> MM. Bertholet , Lavoisier , de la Place &
>> Vandermonde; de l'Académie des Infcrip-
>>tions , à M. l'Abbé de la Chaux , fon Bi-
>>bliothécaire; enfin à MM. Bernardin de
>> Saint Pierre , Paliffor & Menageot.
I
SUITE du Procès-verbal de l'Aſſemblée des
Notables , en 1626.
Peu après le Garde des Sceaux , le Camdinal
de Richelieu prit la parole.
h6
( 180 )
Il eſt impoſſiblede toucher,dit il, aux dépenſes
néceſſaires pour la conſervation de l'Etat ;y pen
ſer ſeulement , ce ſeroit un crime. C'eſt pour
quoi Sa Majeté préférant le public à ſon particulier
, veut, de ſon mouvement , retrancher ſa
maifon dans les choſes qui touchent ſa propre
perſonne , vous laiſſant à juger comme il faudra
en uſer au reſte .
Les regles les plus auſteres font& ſemblent
douces aux plus déréglés eſprits , quand elles
n'ont en effet, comme en apparence , autre but
que le bien public & le ſalut de l'Etat .
La Reine votre mere , Sire , vous ſupplie de
trouver bon , qu'elle faſſe d'elle - même , en cette
occafion , ce que votre piété envers elle ne
vous permet pas ſeulement de penſer , c'eſtà-
dire qu'elle ſe réduiſe à moins de revenu
qu'elle n'avoit du tems du feu Roi ; étant vrai
qu'elle n'a point amélioré ſa condition , lorſque
pendant la minorité de votre Majesté elle a accru
celle de beaucoup d'autres pour le bien de votre
ſervice.
Après avoir été contrainte d'augmenter en
ce temps les dépenses de l'Etat pour en conſerver
le corps en entier , elle vous conſeille
de les retrancher pour la même cauſe.
On pourra diminuer les dépenfes ordinaires
de p'us de trois millions , ſomme conſidérable
en elle-même , mais qui n'a point de proportion
aux fonds qu'il faut trouver pour égaler la
recette à la dépenſe.
Reſte donc à augmenter les recettes , non
par nouvelles impoſitions que les peuples ne fau
roient plus porter , mais par moyens innocens
qui donnent lieu au Roi de continuer ce qu'il
a commencé à pratiquer cette année , en déchargeant
ſes ſujets par ladiminutiondes tailles .
Pour cet effet il faut venir au rachat des do(
181 )
maines des greffes & autres droits engagés qui
montent à plus de vingt millions , comme à
choſe non ſeulement utile , mais juſte &néceffaire.
Si l'on vient à bout de ce deſſein , & que l'a
France jouiſſe tous les ans du revenu qui proviendra
de ces ráchats ; ce qui ſemble à préſent
impoſſible , & qui toutefois eſt néceſſaire
pour le bien de l'Etat , ſera lors très- facile à
Sa Majefté . Les peuples qui contribuent maintenant
plus par leur ſang que par leurs fueurs
aux dépenſes de l'Etat , feront foulagés , enforte
que ne levant plus rien ſur eux , que ce
qui ſera néceſſaire , de peur qu'ils n'oublient pas
leur condition , & ne perdent la coutume de contribuer
aux frais publics , au lieu de ſentir ce
qu'on tirera d'eux , ils eſtimeront qu'on leur
donnera beaucoup .
On dira volontiers , & peut - être le penſeraije
moi-même , qu'il eſt aité de ſe propoſer de
A bons deffeiinnss , que c'eſt choſe agréable d'en
parler , mais que l'exécution en eſt difficile; &
cependant , après y avoir bien penſé , j'oſe dire
en la préſence du Roi , qu'il le peut trouver des
expédiens par leſquels , dans fix ans , on verra
la fin & la perfection de cet ouvrage.
Le Roi, Meffieurs , vous a aſſemblés exprefſément
pour les rechercher , les trouver , les
examiner & les refoudre avec vous ; Sa Majesté
vous affurant qu'elle fera promptement & religieuſement
exécuter ce qu'elle arrêtera ſur les
avis que vous lui donnerez pour la reftauration
de cet Etat,
Les malades mourant auſſi -bien quelque- fois
pour être ſurchargés de remedes , que pour en
être entiérement privés , j'eſtime être obligé de
dire en paſſant , que pour rétablir cet état en ſa
( 182 )
premiere ſplendeur , il n'eſt pas beſoin de beau
coup d'Ordonnances , mais bien de réelles exé
cutions.
Cette Affemblée , par ce moyen , pourra finir
plus promptement, bien qu'elle doive être perpétuelle
quant à la durée du fruit qu'elle produira.
Peu de paroles & beaucoup d'effets témoigneront
& les bonnes intentions , & les
jugemens de ceux dont elle eſt composée.
Les Ducs de Guiſe , de Nemours & de
Bellegarde étoient dénommés & mandés
pourſe rendre& ſe trouver à ladite Affemb'ée
; mais nul d'eux ne s'y trouva. Les
deux premiers , à ce que l'on écrit , pour
n'être pas d'accord entre eux de leurs rangs;
ce fut pourquoi, en cette Aflemblée , il n'y
eut aucunPrince , ni Duc & Pair de France.
Pour tout le reſte , l'ordre y fut très-bon &
fans aucune confufion.
Dès le commencement de cette affemblée
, il ſe vit pluſieurs remontrances , difcours
& mémoires imprimés pour avis au
Roi & à ladite Aſſemblée , afin d'apporter
de bons réglemens aux déſordres qui s'étoient
introduits en la Juſtice , aux Finances
&en la Police.
On voit de la force , du patriotiſme &
des lumieres dans pluſieurs de ces difcours ,
notamment dans la remontrance de M. de
Nicolai , & dans l'Avis à l'Aſſemblee des
Notables. L'un & l'autre prouvent , ainſi
que l'a remarqué avant nous l'un de nos
Littérateurs les plus judicieux , qu'il s'en
1
( 183 )
falloit bien qu'on fût auſſi ignorant à cette
époque fur les matieres fiſcales , que quelques
eſprits ſyſtématiques ont affecté de le
dire; il ſuffit de lire le bel ouvrage de M,
de Forbonnais , pour ſe convaincre que le
zele du bien public n'étoit pas aveugle à
beaucoup près. Citons quelques traits des
deux morceaux que nous venons d'indi
quer.
Sire, dit M. de Nicolaï , les Poëtes ont feint
qu'il y avoit en certains endroits de la mer Méditerranée,
des gouffres & des bouillons deau,
qu'ils appelloient Caribdes , leſquels engloutiffoient
les vaiſſeaux tout-à-coup , en forte qu'il
n'en reſtoit non plus de marque ni d'apparence
que ſijamais ils n'euſſent été ſur mer.
L'on peut dire le ſemblable de la mer de votre
épargne , en laquelle il y a certains chapitres de
dépenfes , intitulés contans en vos mains , leſquels
abſorbent les plus clairs deniers de vos finances :
&bien qu'il ſemble que Votre Majesté les ait
touchés, toutefois la vérité eſt qu'ils ont été
dévorés par les Caribdes , c'est- à-dire , par des
gens infatiables , & qui publient bien ſouvent
n'avoir reçu aucun bienfait de. Votre.Majesté ,
jaçoit que le tout ſoit tourné à leur profit.
Tellement que votre nom très- auguſte que les
anciens avoient toujours en la bouche , quand ils
vouloient affirmer quelque vérité , eſt employé
maintenant pour valider des ſuppoſitions & des
déguiſemens , autant contraires à l'innocence
la juſtice que le ſoleil eſt ennemi des ténebres , &
Votre Majefté du menſonge , du parjure & de
l'impiété.
e
Sire , j'ai dit que votre épargne eſt une mer en
( 184 )
laquelle il y a des gouffres & des abîmes profonds
& bien périlleux : j'ajoute que cette mer
n'eſt que trop ſouvent battue par une forte de Pirates
qui vous enlevent les plus clairs deniers
de vos revenus , avant qu'ils foient arrivés au
port auquels ils doivent être conduits & voiturés.
Ce ſont ceux que l'on appelle ſaiſeurs de partis
, qui pour un petit ſecours de deniers , tirés
bien ſouvent de vos coffres & non des leurs , ſe
font adjuger le revenu de vos recettes & le
prix de vos fermes avant que les termes en ſoient
échus.
• Cela n'est-ce pas moiſſonner le fruit avant
qu'il foit en maturité , & obſerver le tems de
votre néceffité pour ſucer le ſang de votre
pauvre peuple , avant qu'il ait eu le loiſir de
le tirer de ſes veines pour en ſervir Votre
Majesté ?
Car pourquoi donnent-ils des pots-de-vin pour
être préférés au bail des fermes de Votre Majesté ,
s'ils ne veulent prendre le riſque de l'événementdes
bonnes & des mauvaiſes années .
Mais , Sire , pour en parler franchement &
avec vérité , les pots-de-vin ſe donnent pour
enrichir les Courtiers & les amis des Fermiers
qui ſe préſentent au bail de vos fermes ; & les dédommagemens
ſont accordés en faveur des partifans
& de ceux qui les protegent aux dépens de
Votre Majeſté.
Ainſi l'on butine ſur vous , autant à la fin ,
comme a commencement des affaires , qui ſe
traitent ſous l'apparence de votre utilité ; mais le
pis eft , que les conditions de tels traités ſont déguiſées
aux Officiers de votre Chambre , auxquels
néanmoins on les adreſſe pour les vérifier , & par
conféquent les rendre reſponſables du péché duquel
ils font innocens.
( 185 )
Mais , Sire , je dirai un mot , avec votre permiffion
, des états , gages & appointemens qui ont
été doublés , voir triplés , depuis le décès du feu
Roi votre pere , de très- heureuſe mémoire.
Ce grand Prince avoit réglé ſes affaires avec une
telle prudence & égalité , que chacun ſe contentoit
de la condition à laquelle il l'avoit réduit. Celui
qui recevoit peu de ſa main libérale , ſe tenoit
plus heureux & obligé du jugement qu'un ſi grand
Monarque faifoit de fon mérite , que de la récompenſe
qu'il touchoit de ſes ſervices.
De forte que le prix de la vertu ne confiſtoit
pas en l'argent , mais en l'eſtime qu'en faiſoit le
plus vertueux Prince de ſon ſiècle.
Il eſt temps déſormais , Sire , de trancher &
remparer ſous votre main puiſſante contre l'avarice
& l'ambition qui nous ont penſé ſubmerger
,
& forcer conſtamment les deſirs infatiables
de vos ſujets de retourner à leur ancienne frugalité,
& ſe contenter des graces & appointemens que
le feu Roi votre pere leur avoit preſcrit ès - états de
fes finances .
Or il n'y a rien qui portera plus volontiers &
les grands & les petits à cette réformation , finon
l'exemple que Meſſieurs de vos finances en donneront
, montrant les premiers le chemin que chacun
doit tenir pour ſe réduire à une honnête médiocrité
.
Je pourſuivrai , Sire , mon diſcours , pour ne
point oublier à parler de l'excès des taxes &
cahiers de frais de vos Tréſoriers & Comptables
, leſquels ne voudroient pas cheminer , même
prendre la plume ou le jetton , ſans ſe faire
payer de leurs peines par votre Majesté , tant ces
perſonnes- là font attachées au gain. Aufſi on les
voit devenir riches & opulens en peu d'années :
ce font eux qui prennent la crême de vos Finan .
( 186 )
ces , ſe partageant les premiers . ſous prétexte de
leurs taxations , leſquelles ils ont achetées à un
vil prix ; de forte qu'ils ſe trouvent bien ſouvent
être remboursés en deux ou trois années de l'argent
qu'ils ont financé dans vos coffres , ſur lequel
encore ils ont glané quelque don , paffé dans un
comptant , par la faveur & intelligence de leurs
bons amis.
Ace déſordre des Cahiers de frais exceſſifs
des.Comptabies , l'on peut ajouter celui des
Clercs & Commis des Intendans de vos Finances
, leſquels gratifient les domeſtiques les uns
desautres comme bon leur ſemble : & au-lieu
d'avoir l'oeil à l'accélération des affaires de votre
Majesté , ſelon le dû de leurs charges , ils s'en
repoſent ſur un prétendu ſolliciteur des affaires
devotre Conſeil aux gages de deux cents écus ,
qui eſt un appointement auſſi peu conſidérable
que laqualité.
Dans l'Avis aux Notables on diſtingue
les paragraphes fuivans.
La grande allégreſſe & réjouiſſance, que toute
laFrance a reçue au premierbruit de votreAffemblée,
fait eſpérer que ſes effets lui feront très- falutaires.
Le Roi enfin a écouté les pleurs & gémiſfemens
de fon peuple , & touche de l'eſprit de
Dieu ſe réſoutde le ſoulager.
Quelle excuſe aurez- vous ſi vous ne faites
bien ? Vous avez un très-grand avantage ſur
tous ceux qui ontjamais eul'honneur d'un pareil
emploi. Vous avez artaire à un Prince abſolument
porté à ſuivre vos avis : parmi les graces que le
ciel a verſées avec affluence ſur ſon eſprit , celle ci
paroît éminemment ; il croit fon Confeil , & ne ſe
réſoud qu'avec lui , je le dis hors de tout ſoupçon
de flatteric;il eſt plein de piété ,juſte, courageux,
( 187 )
ferme&conſtant en ſes réſolutions. Agiffez done
courageuſement & en gens de bien ; fur-tout
ſouvenez-vous que vous n'êtes pas aſſemblés
pour trouver de nouveaux expédiens à épreindre
& tirer laderniere goutte de la ſubſtance du peu
ple, mais bien pour le ſoulager des maux qu'il y
a ſi long- tems qu'il endure .
Cinq choſes l'oppriment grandement, les Tailles
, les Logemens des gens de guerrree,, le Sel ,
les Aydes & la Mangerie des Officiers .
La premiere eſt celle à laquelle le Roi peut&
doit pourvoir promptement en le déchargeant
d'une partie , & remettant l'autre ſur un expédient
que je vous propoſerai plauſible & utile .
On vous dira peut-être comme on fit aux derpiers
Etats-Généraux , que le Roi veut avoir fon
compte , & que le fonds dont il jouit préſentement
ne peutpas ſuffire aex dépenſes ordinaires ,
bien loin dediminuer. Mais ne vous arrêtez pas
en ſi beau chemin ; je ſais bien que l'épargne eſt
épuiſée ; deux choſes en font cauſe , les dépenſes
exceſſives & inutiles de la volerie de ceux quimanient
la bourſe.
Remédiez- y ; & puis vous pourſuivrez au reſte
ſans contradiction. Commencez par le retranchement
de la dépenſe , & à cette proportion vous
diminuerez la recette ; examinez l'Etat. Le premier
Chapitre , c'eſt la maiſon du Roi ; vous
trouverez qu'el'e monte dix fois plus que du
tems de ces grands Princes Charles VII , Louis
XI, Charles VIII , Louis XII , François I. Ils
n'en étoient pas moins bien ſervis , leur mémoire
n'en eſt pas moins glorieuſe , & les François en
étoient beaucoup plus foulagés. Aufſi quand il
falloit faire un effort , il étoit aiſé d'en trouver
le fonds dans la bourſe des ſujets riches & affectionnés
, témoin la prifon du Roi Jean ; au(
188 )
lieu qu'à cetre heure , s'il faut racheter quoi
que ce ſoit de cent mille écus d'extraordinaire ,
fi ceux memes qui les ont engloutis , ne les revomiffent
, il n'est pas poſſible de les trouver , témoin
la Chambre de Justice.
Le ſecond chapitre ſur lequel vous devez jetter
les yeux eft celui des penſions. Vous croirez peutêtre
que ce que je vous dirai ſoit un paradoxe, &
néanmoins , c'eſt une vérité très-certaine : les
penfions ont ruiné la Nobleſſe ; tel qui vivoit
commodément & doucement en ſa maiſon,& qui
meme aux occafions pouvoit aſſembler ſes amis ,
mange le revenu de tout ſon bien en trois mois
pour venir demander ſa penſion. Un valet ou
deux lui ſuffifoient , ſon village ne voyoit ni clin
quant , ni broderie. A la Cour , il a un Ecuyer ,
desGentilshommes , des Pages , quantite de plumes
, quantité de paſſemens d'or. Voilà où s'emploie
ſon bien , & ce qui lui revient d'une penſion
mal payée , bien levée ſur le peuple , & mieux
comptée für le Roi . Et pour preuve de ce que je
dis , qu'on recherche curieuſement s'il y a un
ſeulGentilhomine qui ne ſe ſoit ruiné ou incommodé
à ce métier-là : ſur un écu de fonds extraordinaire
, ils déſignent dix écus de dépenſe ; &
c'eſt ce qui a mené le luxe à fi haut point où il eſt
maintenant. Comète malheureuſe , qui préſage
infaillibiement la ruine des Etats qu'elle menace.
Il y a encore un autre inconvénient que ce
mal produit : c'eſt que , comme il n'eſt pas poffiblede
donner des penfions à tous lesGentilshommes
, non pas à la centiéme partie , ceux qui
n'en ont point , ne croient pas devoir ſervir le
Roi fans être payés. Ajoutons-y encore cette raifon
: les François s'obligent aifément & de peu
de choſe ; maisauffi , ils ne confervent pas longtemps
la mémoire des bienfaits , quels qu'ils
( 189 )
foient. Cela vient de leur naturel prompt & le
ger ; auffi voit on qu'en leurs querelles particu-
Tieres , ils s'accordent volontiers fans couver aucune
forte de vengeance ſur le coeur , mais auſſi
tout prêts à ſe couper la gorge avec le meilleur
ami qu'ils aient.
Conſeillez donc au Roi , que s'il ſe veut faire
adorer parmi eux , qu'i leur donne peu & fouvent
, rien de certain ou d'établi , parce que dès
Theure méme , chacun en fait état comme de fon
propre Domaine , & croit que cela lui eſt dû.
La fin l'ordinaire prochain.
Les circonstances nous font préſumer
qu'il n'eſt pas inutile de ſoumettre à l'examen
des perſonnes éclairées , une queſtion
importante , qui nous eft adreſſée dans la
lettre ſuivante.
Paris , 14 Janvier 1787 .
MONSIEUR ,
Puifqu'on s'occupe des Hôpitaux , qu'il me
ſoit permis d'ajouter une queſtion à celles qu'on
aagitées.
Les Hopitaux doivent- ils être deſſervis par des
hommes ou par des femmes ?
Mon opinion fur cet objet eſt d'autant plus paradoxale
, qu'elle a pour baſe des obſervations que
les Adminiſtrateurs , les Médecins , les Chirurgiens
font eux- mêmes rarement àportée de faire.
Ainfi je me réſerve de la publier à un autre jour ,
afin de laiſſer à vos Lecteurs le temps de la rés
flexion.
J'ai l'honneur d'être , &c .
FEYDEL .
La nommée Magdelaine Giblin , femme
de Ch. Barois , Manouvrier dans la paroiſſe
( 190 )
de Dampierre , du dioceſe d'Auxerre , eſt
accouchée dans le courant du mois de Juin
( 1786 , de 4 enfans , dont deux filles & deux
garçons. Le premier est né le 25 Juin , à 10
heures du matin, le ſecond , le 26 du même
mois , à 4 heures du matin , & les deux
aurres à 3 heures après midi du même jour.
Tous ces enfans ont été baptifés , à meſure
qu'ils naiſſoient. Le fecond eſt mort au bout
ders jours , le troiſieme au bout de 4 mois ,
&les deux filles qui reſtentjouiſſent d'une
ſanté parfaite.
Marie-Elifabeth Moral , femme du ſieur
Ferdinand René de la Cheze , ancien Commandant
de la Cavalerie Européenne d'Hyder
Ali Kan , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire deSaint- Louis , eſt morte le 25 du
mois dernier , à Lagny , en Brie , âgée 62
ans.
Jean-Nicolas de Boullongne , Comte de
Nogent-fur - Seine , Conſeiller d'Etat , &
aux Conſeils Royaux des Finances & du
Commerce , Commiſſaire du Roi de la
Conrpagnie des Indes , eſt mort ici le même
jour.
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
« Le 24 du mois dernier , le Roi de Naples
>> revenant de la chaſſe , un peu tard le foir ,
>> tandis que l'on changeoit de relais à la Poſte
>> de Cairano , un soldat de la patrouille à che-
>> val fut envoyé pour avertir de l'arrivée de
S. M. à Caferte , & fon cheval s'étant abattu ,
( 191 )
J
il eut la jambe caſſée. Le Monarque ayant en-
>> tendu les lamentations du ſoldat en paſſant au-
>> près de lui , fut pénétré de ſa diſgrace , & le
>> premier à le ſecourir. Le compatiſſant Souve-
>> rain releva le ſoldat , lui banda la jambe de ſes
>> propres mains , & le ſoutint dans ſes bras juf-
» qu'à ce qu'il fut commodément placé ſur une
>>petite calége. S. M. n'a point quitté le bleſſé ,
>> qu'il n'eût été arrivé en cette Capitale , où
>> elle le recommanda par des expreffions d'une
tendreſſe paternelle , pourvoyant en même
>> temps au néceſſaire pour l'exécution de ſes
> ordres , & la prompte guériſon du malade. >>
[Gazette de la Haye , nº. 4.1
«M. Blanchard avoit écrir à 8. M. I. pour
lui demander la permiſſion de faire à Vienne une
>>>de ſes expériences aëroſtatiques . Ce Monarque
» lui répondit , qu'auſſi- tôt qu'on lui démon-
> treroit que ces expériences pouvoient être
> de quelque utilité , il s'empreſſeroit à l'ac-
>> cueillir , à le récompeuſer , & chercheroit
>> même à le fixer auprès de lui. Le Navigateur
aërien s'étant enſuite adreſſé à S. M. Pruf-
>> fienne , en a reçu la réponſe ſuivante. Je vous
>> ſuis obligé , M. Blanchard , de l'offre que
>> vous me faites dans votre lettre du 23 Oc-
> tobre , & fi je refuſe de l'agréer , c'eſt plu-
* tôt par l'intérêt que je prends à votre con-
>> ſervation , que pour tout autre motif. Malgré
>> la grande confiance que jai dans votre ha-
>> bileté & dans votre expérience , les eſſais
>> que vous faites ſont ſi périlleux , que rien
>> ne peut me raffurer,entierement contre la
>> crainte d'un déſaſtre poffible. Je ſerois très-
>> ſenſiblement affecté, fi un malheur arrivoit
dans mes Etats , & la forte appréhenſion que
>>j'en ai , ſuffiroit pour détruire tout le plaifir
( 192 )
que j'aurois en voyant une expérience aërof-
>> tatique , conduite par un eſprit auffi éclairé
>> que vous. Ces raiſons m'engagent à refuſer
>> l'offre que vous me faites, & en même tems
>> à prier fincerement Dieu qu'il vous prenne
>> en ſa ſainte & digne garde >> . » Courier d'Avignon
, nº . 3 ..
On vient de recevoir la nouvelle certaine,que
L. M. Siciliennes me feront pas le voyage de
Vienne , comme il ſemble qu'Elles l'avoient
refolu : il paroît naturel d'attribuer ce changement
àlagreffeffe de S. M. la Reinede Naples, qui
vient d'être déclarée enceinte. Quoi qu'il en ſoit ,
lesOrdres pourTufpendre les préparatifs de la réception
, que S. M l'Empereur vouloit faire à
ces auguſtes voyageurs, ſont déjà donnés , & on:
ne tardera pas à en donner auſſi pour contremander
les troupes , qui devoient former une grande
armée à Palowa .
On croit favoir avec certitude , que le Courier
expédié de Vienne pour Pétersbourg , y porte
Paſſurance á S. M. l'Impératrice que notre Mo-
Barque aura une entrevue avec Elle , ſur la route
de Pologne à Cherſon ; l'Empereur partira le 13
Février, pour le trouver, s'ileſt poſſible àKiovie,
le même jour que l'Impé:atrice y arrivera. On
doute avec raifon , que l'Emperear aille plus
loin , pour accompagner l'Impératrice , & il eſt
très-aſſuré qu'il n'ira pas à Cherfon .
Le changement d'Adminiſtration dans le
Royaume de Hongrie , rencontre toujours les
plus grands obſtacles ; l'Empereur y avoit aboli
cinquante- fix Comittats ; il a fallu en rétablir
trente- fix dans leurs anciens Droits & Privileges :
cependant , les dix Commiffiorats établis refteront
ſur pied , mais n'auront pas le quart de la
beſogne à faire. Gaz. d'Amst. nº . 5 .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts; les Spectacles;
les Causes Célebres ; les Académies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits
Arrêts; les Avis particuliers , &c. &c.
C
SAMEDI 3 FÉVRIER 1787 .
APARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou,
rue des Poitevins , Nº. 17.
AvecApprosation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Janvier 1787.
P ICES FUGITIVES .
3 Aun de mes Amis ,
Le Loir , Fable,
Cha-fon,
Les Entretiens du Palais
38
4Ifman, ou le Fanatisme , 55
S
Royal ,
Les Baifers de Zi , 64
SurlaMort deM, Beaujon,
Le Nouvel An ,
Almanach Littéraire ,
Nuvelle Instructionfur l'Hif-
74
Epttre à MmeD.. F... 97 toirede France,
Couplets , 99 Almanach des Muſes, 103
A l'Auteur de mes
nirs ,
49
Souve Voyage en Pologne, Ruffie ,
145
Danemarck,&c.
Impromptu àM. le Marquis Etremnes du Parnaſſe,
du Creft, 146 Histoire d'Artois ,
Charades , Enigmes & Logo-
Hugues Capet,
Variétés ,
gryphes , 6.53 , 100 , 147 Economie,
NOUVELLES LITTÉR.
Idées fur les fecours à donner
$ 150
172
jusqu'à
180
83,116
187
40
SPECTACLES ,
aux pauvres Malades dans Concert Spirituel ,
les grandes Villes ,
Comedie Françoise , 9 133
Zéliedans le Défert , 25 Comédie Italienne . 138
Almanach de la Samaritaine , Annonces & Notices,43 , 91,
140, 188 341
A Fatas , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
dela Harpe , près S. Come.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 3 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Préfentés à M. le Comte DE CHOISEULGOUFFIER
, de l'Académie Françoise ,
au moment de son départ pour Conftantinople
, en qualitéd' Ambaſſadeur de France.
Les reſſources detongénie
Et l'humanité de ton coeur
Manquent à la foible Turquie
Pour repouſſer le Sarmate vainqueur,
Le pouvoir le plus deſpotique, مرح
Les plus nombreux Soldats n'offrent qu'un vain
ſoutien ;
Et , ſans la force politique ,
A
MERCURE
La force phyſique n'eſt rien .
Va couvrir l'Helleſpont de ta puiſſante Égide ,
Arracher le Sultan à la nuit du ſérail ,
Et, phare de la Propontide ,
Éclairer l'Orient des feux de ton travail.
A l'Empire philoſophique *
Va ſoumettre une Nation
Ignorante par politique ,
Stupide par religion .
(Par M. l'Abbé Ferrand. )
*
A Madame la Comteſſe D'ARGOUT.
RACE de demi-Dieux , dont latigehéroïque
Eſt inconnue à force d'être antique ,
Vainement je marche au flambeau
De la chronologie ainſi que de l'hiſtoire:
Je retrouve par-tout les traces deta gloire;
Mais je n'en puis jamais découvrir le berceau.
Tels les peuples voiſins du golfe du Mexique ,
Pour connoître l'endroitoù leur fleuve ** eſt naiſſant,
Remontent vers le pôle arctique ;
Mais leur effort eſt impuiſſant :
* Note de l'Auteur. Je parle de cette philoſophie qui
u'exclut pas le chriftianiſme ,& qui même le ſuppoſe.
** Le Mitiſfipi , l'un des trois plus grands ficuves de
toute l'Amerique.
DE FRANCE
S
Fatigués d'une vaine courſe
Ils reviennent portés par le même torrent
Dont la majesté les ſurprend ,
Mais dont ils ignorent la ſource.
(Par lemême. )
L'HEUREUX RETOUR ; à Mme la
Marquise DE TH... à ST. S...
AIR: De la jolie Romance de M. Charon ,
Faire voudrois , belle Marie.
QUAUANND une bonne &tendre mère
Revient au ſein de ſa maiſon
E
Pour ſavoir combien elle eſt chère ,
Elle le lit ſur chaque front.
Après les rigueurs de l'abfence ,
Près d'un époux qu'elle chérit ,
Tout s'embellit par ſa préſence,
Et ſur ſes pas tout lui ſourit.
CONDUITE en fon heureux voyage
Par ſes devoirs pour ſes parens ,
Elle eſt rendue à ſon ménage,
Aſon époux , à ſes enfans :
Par-tout fon ame intéreſſée
Goûte les plaiſirs les plus doux ;
La vertu dicte ſa penſée ,
Et la raiſondicte ſes goûts.
A
R
Aii)
MERCURE
AINSI l'on peut à la campagne
Braver l'hiver & les frimats ,
Loinde la ville qu'accompagne
Un fatigant & vain fracas.
Ici, plus près de la Nature ,
Onforme de ſages defirs;
Ellepeut ſeule avec uſure
Nousdiſpenſer les vrais plaiſirs.
METS à profit dans ta jeuneſſe
Cesbeaux momens, hélas! trop courts :
Il n'eſt , Zulmis , que la ſageſſe
Qui puiſſe en prolonger le cours.
Quand on arrive à ſon automne,
Ayant ſa profiter du temps ,
Pour l'hiver même on ſe couronne
Des fleurs qui parent le printemps.
(Pur le Chevalier de Thui ... )
OBSERVATIONS fur les Monnoies.
ON nous regarde comme le peuple de l'Europe
le plus inconftant & le plus léger. Cette
opinion eſt- elle bien fondée ? J'ai peine à le
croire. Nous varions nos modes , & nous fai.
fons très-bien : c'eſt une preuve de notre goût.
Plus il a de fineſſe , de délicateſſe , moins il
doit s'attacher à une forme conſtante. Les
Nations qui n'auroient qu'une ſeule manière
DE FRANCE. 7
de ſe vêtir , qu'une ſeule couleur pour leurs
habillemens , qu'une ſeule méthode de conftruire
ou diftribuer leurs habitations , leurs
édifices publics , leurs jardins ; qu'une feule
forme pour chacun des differens meubles ou
inftrumens à leur uſage , n'auroient probablement
aucun goût ; car la Nature ne leur auroit
pas plus révélé qu'aux autres le moyen
d'arriver tout d'un coup à la perfection de
toutes les chofes , & les modèles qu'elles au
roient adoptés ſeroient vraiſemblablement
peudignes d'en fervir. Un tel peuple n'auroit
nul ſentimentdu beau , & les Arts , excepté
ceux qui fournillent les premiers beſoins, lui
feroient inconnus , ou reſteroient chez lui
dans une enfance éternelle.
Il ne faut donc pas nous faire un reproche
denotre inconſtance , elle feroit à bien plus
juſte titre un ſujet d'éloges à nous donner.
Mais ces éloges , nous ne les méritons guères
que pour les chofes qui dépendent du goût
de ce tact précieux , donné à quelques étres
privilégiés , à quelques peuples placés ſous
un ciel & fur un fol également fortunés.
Nous ſommes fur tout le reſte d'une conftance
qu'il feroit difficile de louer.
Quel peuple de l'Europe a moins ehangé
que nous ſes uſages , ſes loix , ſes opinions?
L'empire de l'habitude , de vieilles coutumes
, de la routine , eſt mieux établi en
France qu'en aucun autre pays , & les véritables
inconſtans ſont les Anglois , les Ruffes ,
les Italiens , les Allemands. Il faudroit un gros
Aiv
8 MERCURE
Livre pourdémontrer cette vérité ; mais on
l'ydémontreroit ſans réplique. Au-lieu d'un
gros Livre qui multiplieroit les preuves de
notre incroyable attachement aux vieux uſages
les moins fondés en raiſon , bornonsnous
à en citer un ſeul exemple. Je le prendrai
au hafard parmi un million d'autres que
nous fournirions au beſoin.
Pourquoi nos monnoies portent- elles encore
au milieu d'un ſiècle poli toutes les
livréesdes temps de barbarie? Pourquoi, lorf
que notre langue eft devenue dominante ,
ne peut- elle , en circulant avec ces monnoies ,
offrir le caractère d'empire qu'elle s'eſt acquis?
Pourquoi nos médailles même , comme
nos monnoies, ne nous préſentent- t'elles que
des épigraphes dans la langue des Romains ?
Et encore que ſignifient ces légendes ? Qu'a
decommun avec nos monnoies d'or celle-ci ,
qui ne paroît ni la moins ancienne ni la plus
raifonnable , Chriftus regnat, vincit, imperat?
Onofe croire qu'elle n'y eût pas ſubſiſté tant
de fiècles ſi , au- lieu de s'offrir dans une langae
morte , elle s'y fût montrée en François.
N'y at'il rien de mieux à mettre à l'exergue
denos pièces que le Sit nomen Domini Benedictum
? C'eſt un adage très-religieux , j'en
conviens ; mais ſa place n'eſt-elle pas mieux
dans nos rituels que ſur nos gages d'échange?
Le Dominefalvum fac Regen n'est que notre
cri de vive le Roi , qu'il falloit préférer ,
parce qu'il étoit compris par tout le monde,
&le fentiment de tous nos coeurs.
DE FRANCE. 9
Pourquoi n'y liſons- nous le nom de nos
Rois qu'en latin , & encore en abrégé ? Ce
n'eſt qu'en 1726 qu'on a commencé d'y ajouter
à leur titre & à leurs armes , le titre &
les armes de Roi de Navarre. Henri IV ,
Louis XIII , Louis XIV ne l'avoient point
infcrit ſur leurs monnoies , & ne penſoient
point que cet oubli pût affoiblir leurs droits
àceRoyaume: ils croyoient fans doute qu'au-'
cun titre ne pouvoit ajouter à la ſimplicité
& à la majeſté de celui de Roi de France.
Louis XV & Louis XVI n'ont pas ſemblé jalouxde
porter le titre de Roi de Corſe , dont
cependant le Royaume entier leur appartient ;
&c'est une forte d'hommage qu'ils ont tacitement
rendu à la dignité de leur couronne.
Enfin pourquoi toutes nos monnoies portentelles
l'écu de France , fi ce n'eſt pour légitimer
leur nom ? Mais ce qui alors auroit un
motifpour les écus de 6 & de 3 liv. , eſt ſans
objet pour les louis, pour la petite monnoie
blanche & pour toute celle de billon .
Nepeut-on pas eſpérer que dans un moment
où l'art de la fabrication des monnoies
vient d'être perfectionné par M. Droz , on
perfectionnera auſſi le deſſin de leurs empreintes
? Au- lieu de l'écuſſon des armes de
France , qu'on ne peut jamais y repréſenter
qu'ovale , rond , carré , ou en abyme , ne
ſeroit - il pas mieux d'y trouver la France
debout, tenant d'une main une lance qui ſupporteroit
la couronne , & ayant l'autre tendue
vers un globe chargé de trois fleurs de
Av
10 MERCURE
lys , & pofé fur un focle ? L'exergue porteroit
les mots indicatifs de la valeur de la
pièce,tels que louis de 48francs, de24francs,
de12francs; écu de 6 francs , de 3 francs ,
&lemillésime de l'année de leur fabrication.
Le revers ſeroit orné du buſtedu Roi , avec
cette ſeule légende , Louis XVI , Roi ; fur
le cordon pourroit ſe lire notre cri unanime
de vive le Roi!
Ces mêmes deffins réduits pourroient fervir
aux petites monnoies blanches & à celles
de billon; mais il ſeroit peut- être à defirer
qu'on frappâtdespièces du nom defranc,de la
valeur numérairede 20 fols, parce que ce nom
eft national,& afin d'avoir au moins une pièce
qui eût la valeur de fon nom; car le mot
livrecomme celui de franc , ne nouspréſente
plus qu'une valeur idéale. La diviſion qu'offriroit
cette taille des pièces inférieures , n'of
fre pas plus d'inconvéniens que celle adoptée
jufqu'ici. Il nous faut aujourd'hui 2 piècesde
24& 1 pièce de 12 fols pour former l'écu de
3 liv., il ne nous faudroit pareillement que
3 pièces de 1 liv. ou 3 francs , qu'on fubdivi
feroit en demi-francs & quarts de francs . On
a fabriqué en 1779 des eſpèces pour nos Ifles
d'Afrique , avec cette légende françoiſe :
Louis XVI, Roi de France & de Navarre ,
&cette autre: Iſles de France & de Bourton ;
àlaplacede l'écu de France, on y lit ces mots:
3fols, indication de leur valeur. Ainfi , ce
qu'on propoſe n'eſt pas même une innovation,
maisun ſimple changement qu'on pourDE
FRANCE. и
roit eſpérer du goût & de l'attention d'an
Miniſtre auquel rien de ce qui intéreſſe l'or
dre public ne paroît être indifférent.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LEmot de la Charade eſt Découdre ; celui
de l'Enigme eſt Orgue ; celui du Logogryphe
eſt Géographie , où l'on trouve Reggio
( ville de Calabre ) , Reggio ( patrie de
'Arioſte ) , Pó , Gago , Gorée , Géorgie ,
Erié, ( lac du Canada ) , Aire , Gap.
CHARADE.
Mon premier mène à touts
Mon ſecond prévoit tour ;
Etla vie eſt mon tout.
(ParM. le Chevalierde Meude-Monpas.)).
ÉNIGME.
DE deux moitiés abſolument ſemblables
Tout mon individu ſe trouve compofé;
Rarement on me voit paroître ſur les tables ;
Aux frimats,dans les bois je me trouve expoſe:
Avi
12 MERCURE
Mon nom eſt une injure,& fur-tout dans lesGaules;
Mais de mes deux moitiés l'une eſt ſur tes épaules.
(ParM. Cornu , à Puiſeaux. )
LOGOGRYPHE
HUIT
UIT pieds font ma ſtructure ;
Mon ſtyle eſt laconique , & c'eſt-là ma nature ;
Ainfi donc, fans m'aller répandre en longs propos ,
Un grand ſens eſt par moi caché dans peu de mots.
Cen'eſt pas tout encor : je ſuis dans l'écriture.
En me décompoſant je t'offre , ami Lecteur
Undes noms de Jéſus , ton aimable Sauveur;
Ou biendans la grammaire
Je ſuis un être actif,
Etquelquefois paſſif.
,
Ofils reconnoiſſant , je peux auſſi te plaire;
Car je renferme un nom bien chéri de ton coeur.
Pour finir en deux mots , trouvez en moi , Lecteur ,
Un inſecte rampant , un vuide imperceptible :
Aufſitôt je me rends, n'étant pas invincible.
(Par M. l'Abbé Grand Moulin.)
*
DE FRANCE.
13
NOUVELLES LITTERAIRES.
ÉTRENNES Lyriques Anacreontiques ,
année 1787 , preſentées à MADAME.
Les vers ſont enfans de la lyre ,
Il faut les chanter non les lire.
A Paris , chez l'Auteur , rue des Nonaindières
, No. 32 .
ALMANACH des Grâces,Étrennes érotiques
chantantes , dédié à Madame COMTESSE
D'ARTOIS , 1787 .
Il n'appartient qu'auxGrâces
De régner ſur les coeurs. !
A Paris , chez Cailleau , Impr.- Libraire ,
rue Galande , N°. 64.
ÉTRENNES de Polymnie , choix de Chanfons,
Romances, Vaudevilles , & c. 1787.
AParis , au Bureau de la Petite Bibliothèque
des Théâtres , rue des Moulins , butte
S. Roch , No. 11 ; Belin , Libraire , rue
S. Jacques; Brunet , Libraire , rue de Marivaux
, &c .
IL m'a paru naturel d'annoncer à la fois ,
dans un même article , ces trois Recueils du
même genre , & qui ont un même objet, ce
し
14 MERCURE
lui de plaire aux perſonnes des deux ſexes
qui ont le goût du chant & de la poéſie , de
leur offrir un paſſe- temps agréable , & en
même temps de ſervir de cadeau au jour de
l'an. Il n'eſt pas queſtion d'exalter le mérite
de ces diverſes Étrennes ſans conféquence,
Les Étrennes Lyriques ont déjà été annoncées
dans ce Journal avec une faveur que l'accueil
du Public ſemble avoir juſtifiée. On y diſtingue
les noms des Chanſonniers les plus agréables&
le plus connus pour l'être. Obferver
que parmi les Auteurs qui ont contribué au
Volume de cette année , on compte M. le
Ch. de Bouf** , feu M. Colardeau , M. de la
Croiſzerière , M. le Ch. de Cubière , M. de
Piis, M. Grouvelle , M. Imbert , M. Simon.
de Troye , M. Sabatier de Cavaillon , &c.
c'eſt affez dire que cette dernière partie ne
plaira pas moins que celles qui l'ont précédée.
Il ne faudroit que la Romance de M.
Berquin , à un enfant endormi dans fon berceau
, pour donner au Recueil entier une
valeur ſuffiſante. Je ne citerai que cette ſeule
Pièce, & je la cite de préférence , parce que
rienà mes yeux n'eſt au-deſſus du vrai , du
naturel & du fentiment , & que dans ce
genre la romance de M. Berquin me paroît
unmodèle..
AIR: Je l'aiplanté , je l'ai vu natire.
HEUREUX enfant , que je t'envie
Ton innocence & ton bonheur !
1
1
DEFRANCE.
Ah! garde-bien toute ta vie
La paix qui règne dans ton coeur..
Tu dors; mille ſonges volages ,
Amis paiſibles du ſommeil ,
Te peignentdedouces images
Juſqu'au moment de ton réveil.
ΤΟΝ oeil s'ouvre : tu vois ton père
Joyeux accourir à grands pas ;
Il t'emporte au ſein de ta mère :
Tous deux te bercent dans leurs bras.
ESPOIR naiſſant de ta famille ,
Tu fais ſon deſtin d'un ſouris ;
Que fur ton front la gaîté brille ,
Tous les fonts ſont épanouis.
Tour plaît à ton ame ingénue,
Sansregrets comme fans deſirs;.
Chaque objet qui s'offre àta vue
T'apporte de nouveaux plaiſirs.
Si quelquefois ton coeur ſoupire ,
Tu n'as point de longues douleurs ;
Et l'on voiy ta bouche ſourire
Al'inſtant où coulent tes pleurs..
Parle charme de la foibleſſe
Tu nous attaches à ta loi;
Et juſqu'à la froide vieilleſle
Tout s'attendrit autour de toi.
:
16 MERCURE
MAIS , hélas ! que d'un vol rapide
I's viennent , ces jours orageux ,
Où le ſort & l'amour perfide
Vont porter le trouble en nos jeux !
Mor , qui des goûts de la Nature
Garde encor la ſimplicité ;
Avec une ame douce & pure
Quels ſoins ne m'ont pas agité !
AMOURS trompeuſes ou légères ,
Parens ravis à mon amour,
Mille eſpérances menſongères
Détruites ,hélas ! fans retour.
Si du fort l'aveugle caprice
Me garde quelque trait nouveau ,
Je viendrai de ſon injustice
Me conſoler à ton berceau.
Er tes careſſes &tes charmes,
Et ta douce ſécurité ,
Amon coeur en proie aux alarmes ,
Rendront quelque ſérénité.
Que ne peut l'image touchante
Du ſeul âge heureux parmi nous ?
Cejour peut- être où je le chante
De mes jours eſt-il le plus doux.
HEUREUX enfant , que je t'envie
Ton innocence & ton bonheur !
DE FRANCE.
17
Ah! garde-bien toute ta vie
La paix qui règne dans ton coeur.
L'Heureuse Apparition , chanſon de M.
Gorſas , a été choiſie pour ſervir de ſujet à
l'eſtampe deſſinée par M. Cochin , & gravée
par M. Gaucher. C'eſt une eſpèce d'Ode Ana-
- créontique très - agréable. Une autre Pièce
dans le meilleur goût d'Anacreon & de Mofchus
, c'eſt celle intitulée Les Flèches de
l'Amour , par M. Bret. Le Poëte ſuppoſe que
dans un bois il rencontre l'Amour endormi.
Il voit à ſes côtés ſes flèches éparſes ſur la
verdure ; il obſerve que les differens traits
diffèrent de plumage. Au moment où il s'en
étonne , l'Amour s'éveille , & lui explique la
raiſon de cette différence. Le Lecteur me ſauroit
mauvais gré li je ne lui faifois partde cette
ingénieuſe explication.
A1-18 à frapper l'ame inquiette
De quelque amant fombre & jaloux ;
Je choiſis alors laſagette
Oùfont les plumes de hiboux.
Pourle Diſciple d'Épicure ,
Le ſentiment eſt ſans attraits ;
Quand je lui fais une bleffure ,
Les moineaux ont paré mes traits.
L'AIGLON eſt pour le téméraire ,
Le ſerin pour les beaux conteurs ;
18 MERCURE
Pour le fat , toujours sûr de plaire ,
Du Paonj'emprunte les couleurs.
VEUX- JE bleſſer un coeur fidèle
Fait pour aimer bien constamment;
Laplume de la tourterelle
Ama flèche ſert d'ornement,
REGARDE- LA , Vois qu'elle est belle !
Sur tous mes traits elle a le prix.
Ah ! m'écriai je , Amour, c'eſt celle
Dont tu m'as bleſſé pour Iris .
A l'exemple des Muſes , les Graces ont
voulu à leur tour avoir leur Almanach ; mille
beaux eſprits ſe ſont empreſſes àl'envi de leur
rendre cet hommage. Il eſt bien doux de
plaire aux Belles ,& ce qui leur plaît eſt tou
jours sûr de réuffir. L'Éditeur s'eſt ſouventque
les Graces n'étoient point des courtifannes;
les chansons de fon choix font à- lafois
décentes & agréables; il fait enforte de
n'en inférer aucune dont les mots à double
entente pourroient effaroucher la Beauté. On
peut être gai , mais décent ; c'eſt fa devife:
UneMuſe * qui eſt telle en effet,& par fon
ſexe& par ſes talens , & qui d'ailleurs brille
par d'autres agrémens à la cour des Grâces ,
a enrichi leur Almanach d'une de ſes plus jolies
productions. Ce ſontdes couplets adreſſes
à M. Knapen , Auteur de quelques Pièces
fugitives.
* Mme Dufrenoy.
DE FRANCE .
AIR: Eh ! allons donc , Mademoiselle.
LORSQUE l'an ſe renouvelle,
Chacun fait ſes complimens.
Sans doute auprès d'une Belle
Vous n'oubliez pas l'encens .
L'eſprit , la galanterie
Suivent toujours un François ;
Sur ce point de la patrie
Vous paſſez tous les ſujets.
On vous dit auſſi volage
Que ce Dieu qu'on nomme Amour.
UneBeauté vous engage ;
Une autre a bientôt ſon tour.
Ce n'eſt que dans la conſtance
Qu'on doit trouver des attraits;
Et vous n'êtes pas , je penſe ,
Le meilleur de ſes fujers.
Is vous promis pour étrennes
De vous faire une chanson ;
Mais en retour pour les miennes ,
Invoquez votre Apolion .
Si vous le faites , d'avance
Je compte ſur vos ſuccès.
Il doit combler l'eſpérance
Du meilleur de ſes ſujets.
On ſe doute bien que M. Knapen , ſi gala
20 MERCURE
ment provoqué , ne s'eſt pas fait prier deux
fois: tout le monde en auroit fait autant;
mais très-peu de gens,peut- être, l'auroient fait
avec autant d'eſprit & d'a- propos. Auditque
vocatus Apollo. Voici ſa réponſe.
AIR : Madelaine à bon droit paffa.
SANS eſpoir j'invoque Apollon :
Depuis qu'il eſt couru des Belles ,
Il laiſſe du ſacré vallon :
L'ennui , la gloire aux neuf pucelles.
Neuf! en voilà pour tous les goûts;
Mais entre nous , mais entre nous ,
Je fuismieux inſpiré chez vous.
CHEZ vous ſont fixés les Amours,
Bien qu'on y parle d'inconſtance :
C'eſt chez vous qu'on trouve toujours
Des traits contre l'indifférence
Etdestalens pour tous les goûts ;
Car entre nous , car entre nous,
Onest bien infpiré chez vous.
En vainj'ai voulu dans mes vers ,
Sans nul écart ſuivre vos traces
Vous me connoîſſez des travers ;
Je n'ai pu chanter que les grâces.
J'ai chanté , j'ai fait des jaloux ;
Car entre nous , car entre nous ,
On estbien inſpiré chez vous.
DE FRANCE 21
Les chanſons de l'Almanach desGrâces ſont
preſque toutes ſur ce ton de légèreté , de délicateſſe&
de gaîté. Je me garderai bien de faire
ici un éloge infipide & monotone des Chanfonniers
dont la liſte nombreuſe ſe trouve à la
finduRecueil.Ce font moins desAuteurs que
des eſpritsgais, aimables&faciles.Je neſuppoſe
pas qu'aucun d'eux attache la moindre importance
à un genre de poéſie légère , dont
le caractère eftde n'en mettre àrien.On fent
bien que leurs productions ne ſont point
exemptes de défauts. Quelquefois la facilité
dégénère en négligence. On deſireroit dans
certaines Pièces des tours plus poétiques ; en
d'autres plus de ſel & moins de langueur.
Mais le Recueil , dans ſa totalité , eſt trèsamuſant
, & vaut , à peu de choſe près ,
celui des Étrennes Lyriques.
Ceque l'on vient dedire de ces deux Recueils
, il faudroit le répéter des Étrennes de
Polymnie. Elles font , comme les Étrennes
Lyriques , chantantes & amuſantes , & de
plus, enrichies d'airs nouveaux notés & gravés
avec beaucoup de ſoin. Certe Collection ,
du même forinat que la Petite Bibliothèque
des Théâtres , eſt très-joliment imprimée.
Ellea éréd'abord entièrement gravée à grands
frais. Mais les inconvéniens de la gravure ,
reconnus par l'expérience , ont déterminé les
Éditeurs à imprimer ſelon la typographie
ordinaire , ces Étrennes, faiſant ſuite à leur
Collection dramatique.
On recevra les trois années 1785, 1786&
22 MERCURE
1787 , franches de port à Paris& en Province ,
ens'adreſlant au Bureau de la Petite Biblio- :
thèque de Théâtre , ou chez les Libraires indiqués
, & en envoyant 3 liv. pour chaque
volume. On doit auſli affranchir l'argent&les
lettres d'avis.
LAURE , ou Lettres de quelques femmes
de Suiffe , par l'Auteur de Camille ; 4
vol. in- 12 . , Prix , 7 liv. 4 fols , brochés.
AParis , chez Buiſſon , Libraire , hôtel de
Meſgrigny , rue des Poitevins.
Ce roman paroît en effet reſſembler à
quelque choſe. La peinture de certaines
moeurs y domine.On croit voir une famille
bourgeoiſe entourée de parens, d'amis , de
voiſins & de voiſines. Les tableaux de la vie
champêtre y font fréquens ; on ſuppoſe
aiſement que ces lettres ont été écrites de
la campagne au voiſinage d'une petite ville.
: Rien n'eſt forcé ; on n'a pas même voulu
inventer une intrigue. Laure eſt l'héroïne ,
Sophie eſt une amie à qui Laure dit tout ,
&dit beaucoup de choſes : elle joue la légéreté,
les principes finguliers ; elle ne veut
jamais ſe inarier. Sophie s'eſt vue mariée
ſans s'en douter , s'en trouve bien & invite
Laure à ſuivre cet exemple. Un père , le
meilleur de tous , propoſe pluſieurs partis
à Laure , qui les refuſe : enfin un M. de
Saint-Ange tombe de ſon cheval , eſt bleſſé ;
il eſt tranſporté dans une cabane de payfan.
DE FRANCE.
23
4
Laure paſſort : elle accourt ;l'aſpectde Saint-
Ange ſouffrant la touche ; elle emporte un
long ſouvenir... Sophie s'apperçoit que Laure
aime : Laure nie; le roman marche cepen-'
dant vers le quatrième volume , fans qu'elle
ſe ſoit expliquée. Enfin la maiſon de Laure
eſt incendiée : Saint-Ange ſe trouve là; il
court , il vole , il fait des prodiges. Il a
éteint l'incendie : Laure l'a vu ; Laure ne
fait plus ce qu'elle doit faire : elle ſe détermine
à l'épouſer .
:
Telle eſt la marche du roman , qui ne
peut être plus ſimple. Comment a-t-on pu
aller au quatrième volume ? La réponſe eſt
facile: en multipliant les lettres , en difant
deux fois la même choſe. On trouve peu de
ſituations , mais beaucoup de raiſonnement.
Si l'on nous demandoit quel eſt l'intérêt qui
en réſulté , nous aſſurerions qu'on eſt inréreſſe;
ce ſont des differtations morales qui
attachent. La morale eſt pure , le ton eſt
toujours décent ; la lecture convient à tous
les lecteurs. Nous n'avons remarqué qu'un
défaut : c'eſt que , quoique pluſieurs perfonnages
foient cenſées correſpondre enſemble ,
on retrouve toujours le même ſtyle , la
même élocution , la même main. Les Auteurs
qui compoſent des romans en forme
de lettres , n'évitent point aſſez foigneuſement
cette uniformité. Nous citerons
un dialogue entre Laure & ſon amie , qui
peint le caractère de l'Héroïne & le ſtyle
de l'Auteur.
2
1
24
MERCURE
LAURE.
«Mais , dites - moi , ma chère amie , ne
croyez- vous pas que c'eſt l'amour - propre
qui fait naitre chez nous le premier ſentiment
d'inclination & de tendreſſe ?
:
Mlle DE MIRSOR.
Il eſt bien difficile de ſavoir ce que c'eſt ;
rarement on peut s'en rendre raiſon : quand
on s'apperçoit du penchant de ſon coeur ,
il y a bien long-temps que le premier moment
eft paffe ; & on ne fait plus ce qui l'a
faitnaître.
: LAURE.
- J'ai cru que c'étoit toujours l'amour
propre , parce que jamais une femme n'aime
la première ; les hommes peuvent plaire
comme toute autre choſe, comme des fleurs ,
des tableaux , mais ils n'intéreſſent particulièrement
que lorſqu'ils ont témoigné un
ſentiment de préférence qui flatte &que
l'on croit ſincère. Or , comme on peut trèsbien
n'être pas flatté & avoir une façon de
penfer qui en éloigne , il eſt donc poffible
de ſe plaire dans la ſociété des hommes
aimables , & de n'aimer rien.
Mlle DE MIRSOR.
Je ne ſais pas ce qu'on peut, mais je ſuis
sûre qu'il y a au fond de nos coeurs un
certain attrait qui ſe développe ſuivant les
objets
4
DE FRANCE .
25
objets qui nous plaiſent , & dont l'eſpérance
d'étre aimée ne décide pas toujours ;
je crois que c'eſt la Nature qui a arrangé cela
ainfi.
LAURE.
Oh ! ma chère amie , moi , je ne crois pas
à la Nature. Si c'étoit elle qui décidât de
nos coeurs , on n'entendroit jamais parler
de patlion malheureuſe , de goût bizarre ,
de ſentiment de préférence romaneſque ,
tout iroit plus ſimplement; je vous affure
que c'eſt l'amour-propre qui eſt la cauſe de
nos folies : & en raiſonnant , on peut s'en
affranchir , & vivre heureuſe en confervant
fon coeur tranquille.
Mlle DE MIRSOR.
Je ſouhaite que cela vous arrive , fi vous
le croyez; mais ce que vous appelez folie ,
eſt précisément ce qui peut faire le bonheur
le plus parfait ; il n'y a rien au-deſſus de
celui que peuvent goûter deux perſonnes
que la ſympathie a liées , qui trouvent de
la conformité dans leurs goûts , dans leur
façon de penſer , & dont les âmes confondent
leurs ſentimens & leurs idées.
LAURE.
C'eſt ce que je ne comprends point &
ne comprendrai jamais, car enfin les hommes
plaiſent comme toute autre choſe , par leur
figure , par leur voix, par ce qu'ils diſent ;
No. 1 , 3 Février 1787 . B
26 MERCURE
enfin par tout ce qui frappe nos yeux ,
comme un tableau par ſes couleurs , par fon
deflin : & fi un tableau venoit ſe jeter à
mes pieds & me jurer qu'il m'adore , peutêtre
que cela me feroit plaiſir , mais je le
rependrois à ſa place.
Mlle DE MIRSO R.
Si vous voyiez dans ce tableau un ſentiment
que vous ſeriez bien aiſe d'avoir infpiré;
fi vos yeux rencontroient un certain
feu; s'il vous faiſoit éprouver une émotion
dont vous ne puffiez vous défendre , peutêtre
que le tableau ne ſeroit pas ſi vîte rependu:
mais quoi ! ma chère amie , vous
n'avez jamais vu d'objet auquel vous ayez
attaché certaines idées ?
LAURE.
1
Jamais , ma chère, jamais ;je vous promets
que jamais je n'attacherai d'idée ; mais
encore quand j'éprouverois tont ce que vous
dites , il faudroit bien que cela finit. Pour
peu que cela durât , je m'ennuierois , je
baillerois , & d'un coup de pied je jeterois
tout bien loin ; &je ne vois pas que le roman
pût être bien long.
Mlle DE MIRSOR.
Ma chère amie , ſi votre bouche s'ouvroit ,
ce ne feroit pas , je crois , pour bailler , &
vos pieds n'auroient peut- être pas beaucoup
de force. Ma chère Laure , un homme aimé
)
DE FRANCE.
27
n'eſt plus un homme ; c'eſt un être qui n'a
plus rien de commun avec les autres ; il eſt
enveloppé d'un nuage qui embellit tout à
nos yeux; il ſemble qu'il s'élève aux cieux
& qu'il nous y entraîne avec lui : tout s'anéantit
, tout s'abaiſſe devant lui; c'eſt une
création qui a été faite pour nous ſeules.
LAURE.
Et cela , parce que cet être divin a rampé
quelque temps à vos pieds ! Mais , ma chère
amie, cette création parfaire ne dit cependant
que des choſes communes , répétées
cent fois , qui ſe trouvent dans tous les romans
; & enfin elle nous baiſe la main
comme l'homme le plus terreſtre & le plus
commun, J'avoue que je ne vois rien-là de
ſéduiſant , rien qui ne me répugne & que
je ne vouluſſe fuir.
Mlle DE MIRSOR.
,
Quand les ſentimens ſont réciproques ,
quand la tendreſſe inſpire la tendreſſe , nos
organes font auſſi changés : on voudroit en
tendre mille fois ce qui vous paroît ſi commun;
tout devient undélice entre deux perſonnes
qui s'aiment; tout eſt ſignificatifpour
elles; lapréſence entraîne , l'abſence abſorbM.
le coeur n'a plus qu'un ſentiment , l'eſprus
plus qu'une idée ; il n'y a même plus qu'une
Teule fenfation. 1
1
Bij
28 MERCURE
LAURE .
Ah! les ſenſations ,je ne crois pas qu'elles
en faffent ; je ne comprends pas bien : pourriez-
vous m'expliquer ?
Mlle DE MIRSOR.
Je n'ai jamais bien compris non plus ;
je fais ſeulement que tout ſe rapporte à ce
qu'on aime : la Muſique n'eſt qu'un bruit ,
fi elle n'exprime rien de ce qu'on penſe ; la
danſe n'eſt qu'un mouvement infipide ,
avec un être indifférent ; la campagne , les
vues champêtres font mortes , fi on n'y apperçoit
un ombrage , un endroit folitaire &
caché où on voudroit ſe placer ; la ſociété
& ſes devoirs deviennent inſupportables , ſi
on n'y porte des eſpérances , des projets , des
certitudes ; enfin pour une âme tendre , pour
un coeur occupé , le monde est toute autre
choſe que pour les autres.
LAURE.
Je crois , ma chère amie , que votre efprit
exalte un peu votre coeur , & dans ce moment
vous êtes bien à plaindre ; je ne vous
comprends pas trop, mais il y a sûrement
des confolations , puiſqu'ordinairement tout
va fi mal pour les belles inclinations , &
qu'elles perſévèrent de même. Quand deux
perſonnes font enſemble , il n'y a ni danſe
ni muſique; les ſujets de converſation font
DE FRANCE.
29
bien vîte épuiſés ; les hommages , les refpects
nous font trop de plaifir , pour que la
familiarité nous plaiſe; c'eſt dans ce moment
fans doute que l'on s'ennuie l'un de l'autre ;
le plus vite ennuyé paſſe pour le plus léger ;
&alors viennent les ruptures, les infidélités ,
les perfidies : je voudrois ſavoir ſeulement ce
qui les fait commencer ?
Mlle DE MIRSOR.
Ce ſont sûrement les hommes qui ſont
vicieux,machère amie ; ils mettent un grand
prix à ce qu'on leur refuſe , & ne fentent pas
affez celui de ce qu'on leur accorde; ils font
bizarres&inconſequens:je croisqu'ils aiment
àfaire des victimes.
: C'eſt au Lecteur à prononcer. Nous le prévenons
qu'il y a des morceaux écrits avec
force & élévation ; ce ſont ceux où Marville
&Saint-Ange parlent de la conſtitution républicaine
, des loix criminelles , de l'égalité
& des magiftratures. Ils partent d'une main
exercée,& d'une tête qui fait réfléchir & méditer
les grands principes.
Comme la mode ſemble exiger des folies
ſentimentales , l'Auteur de ces lettres a facrifié
à la mode. On lit avec le plus tendre
intérêt l'hiſtoire de la Folle , qui remplit les
deux tiersdu troiſième volume.Nous croyons
qu'après le roman d'Alphonſe Séquin de M.
de Mayer , & celui de Minon de Riant, tous
lesdeux inférés dans la Bibliothèque des Romans
en 1779 & 1782 , la folle de Biereg ,
Biij
30
MERCURE
eſt ce qu'on a écrit de plus attendriſſant
dans ce genre.
DISCOURS en vers , à l'occaſion de l'Af-
Semblée des Notables en 1787. A Paris , de
l'Imprimerie de MONSIEUR. in- 8° .
も
TANDIS que la plus ſaine partie de laNation
attend dans le filence du reſpect & de
la confiance , l'ouverture d'une Affemblée
auſſi auguſte par la réunion des Membres
qui doivent la compofer, qu'intéreſſante par
les motifs qui la convoquent : tandis que les
peuples voiſins regardent , avec admiration
fans doute , & peut-être avec inquiétude ,
un jeune Roi déjà l'arbitre du monde à l'âge
où l'on apprend encore à régner , qui dépoſe
ſon autorité ſuprême pour délibérer avec ſes
enfans fur les moyens qui peuvent afſurer
leur bonheur & leur gloire : on voit des efprits
remuans , inquiets & chagrins , s'efforcer
de répandre les alarmes dont ils ſe tourmentent
à plaifir , multiplier les ſyſtêmes , les
combinaiſons , les calculs , & préſenter comme
équivoque un projet enfanté par la bienveillance&
par l'amour. Du ſein de ces fourdes
clameurs , un Citoyen élève la voix pour
raſſurer les ames intimidées; c'eſt dans les
vertus de fon Prince , dans la ſageſſe & dans
le génie des Miniſtres dont il s'eſt entouré ,
qu'il a puiſé l'eſpoir dont il eſt plein , &
qu'il va communiquer à ſes compatriotes.
Qu'un Écrivain peu diftingué , mais recon
DE FRANCE. 31
noiffant & fenfible , eût tenté une pareille
entrepriſe , on lui auroit pardonné ſa témérité
en faveur de la cauſe ; on auroit regretté
ſeulement que le talent n'eût point été l'organede
ſes ſentimens patriotiques. On n'aura
point ce regret à former ; le Difcours que
nous annonçons eſt l'Ouvrage d'un François
&d'un Poëte dans toute l'étendue de l'acception
qu'on peut donner à ces deux titres. On
en vajuger par les détails dans leſquels nous
allons entrer.
L'Auteur ouvre ſon Diſcours par une
fortie contre un Frondeur , dont la maligne
Triſteſſe ſe plaît à le chagriner : celui- ci réplique
, & demande à quoi bon ces refſources
Qu'onne devroit tenter que dans les maux extrêmes ?
A-t'on à réparer les pertes d'un combat ?
L'ennemi frappe-t'il aux portes de l'Etat ?
L'Auteur répond avec enthouſiaſme:
NON ; & grâce à Louis , une paix triomphante
Nous fait goûter les biens que la Victoire enfante :
Neptune & l'Amérique ont vu briſer leurs fers ;
Et le monde lui doit la liberté des mers.
Sous les traits de Vénus c'eſt Minerve elle-même
Qui d'olive & de myrthe orne ſon diadême.
Vergennes appaiſant l'orageuſe Albion ,
Et des trônes rivaux l'ardente ambition
Tient au char de la paix la diſcorde attachée.
Mais ſais-tu de l'Etat la bleſſure cachée ?
La France eſt uncoloffe , aſſemblage confus
:
;
B-iv
32
MERCURE
De principes difcords & d'antiques abus :
Afaut que la ſageſſe, il faut que le génie
Dans ce chaos enfin appellent l'harmonie.
Il examine enſuite rapidement , & en
Poëte , comment un Royaume peut languir
quoique brillant de gloire.
C'eſt unVainqueur mourant ſur ſon char de victoire ;
C'eſtun chêne pompeux qui sèche an bord des eaux
Quand unſuc nourriſſant n'atteint plus ſes rameaux.
Il jette un coup- d'oeil ſur quelques-unes
des reſſources qu'emploie une adminiftration
timide&embarraffée ; il apprécie ce qu'elles
font pour l'État , les abus qu'elles entraînent ,
la néceffité de les détruire ,& il ajoute :
l faut voir tous les maux pour les réparer tous.
De-là il paffe à ce que peut ofer , pour le
bien public , un eſpritſagement téméraire : il
offre le tableau du Prince & des Sujets rapprochés
par la bienfaiſance du prenuer , &
puis il s'écrie :
Oſpectacle enchanteur , digne de notre hommage!
D'une immenſe famille intéreſſante image ,
Où d'un chef paternel la tendreſſe&les foins
Confultent ſes enfans ſur leurs propres beſoins!
Bon Peuple! il ne veut pas s'enrichir de teslarmes !
Vous ne reviendrez plus , jours d'horreurs & d'alarmes,
:
DE FRANCE. 33
3
Où l'État préſentoit à nos yeux éperdus
Le luxe & la misère enſemble confondus !
Quand des fils de Platus la barbare induſtrie
Oſoit boire dans l'or les pleurs de la Patrie ,
On vit des malheureux pâles & décharnés
Paître,& difputer l'herbe aux troupeaux conſternés.
S'adreſſant enſuite auxNotables , que déjà
il voit aſſemblés, il leur rappelle ce que la
France &fon Roi attendent de leur ſageſſe.
D'un ſi noble devoir ſoyez fiers &jaloux:
Laiſſez de vils ſerpens fiffter autour de vous ,
Et tous ces ennemis de l'Etat & d'eux - même
Lancer le ridicule & vomir le blafpheme.
Fuyez ſur tout , fuyez de ſtériles débats ;
Que le bonheur public naiſſe de vos combats.
Ainſi des élémens les diſcordes fécondes
Font , ſous l'oeil éternel, l'équilibre des mondes.
L'Auteur n'oublie point de rappeler aux
hommes quels font leurs véritables biens .
Laricheſſe n'eſt point aux mines de Golconde;
Elleeſt aux champs heureux que le travail féconde:
L'Eſpagne a trop connu l'indigence de l'or.
Le ſol de la patrie eſt ſon premier tréſor.
L'or s'épuiſe; & jamais la terre inépuisable
N'a refuſe ſes dons à l'homme ,&c.
Ala finde fonDiſcours , l'Auteur embraffe
Peſpoir du bonheur de fon pays avec une
Bv
34
MERCURE
complaiſance vraiment patriotique. Il voit
la France heureuſe & brillante ; les Arts
&le Commerce fleurir , le pauvre à l'abri des
beſoins; il voit
L'indocile Frondeur s'étonner d'être heureux ;
Etpour couronner tout , un voeu naïf & tendre
Que le vers ne dit point, que l'âme doit entendie,
Ce voeu qu'un bon Monarque avoit jadis formé ,
S'accomplir ſous le toit du Laboureur charmé.
Digne Sang de Henri , puis-je te méconnoître ?
Que dis-je! Il vit encore ,& Sully va renaître.
Ces deux derniers vers rappellent quel eſt
le voeu dont parle l'Auteur , le voeu que
formoit l'adorable Henri IV pour qu'il n'y
eût point de Laboureur dans ſon Royaume
qui ne pût mettre une poule dans ſon pot . Il
étoit difficile de rendre en vers ce voeu fublime
dans ſa ſimplicité,ſans bleſſer les formes
& la dignité poétiques. La difficulté nous
paroît vaincue ici avec beaucoup d'adreſſe.
Nous n'avons interrompu nos détails par
aucune obſervation ; nous aurions craint de
nuire au plaiſor de nos Lecteurs. Ils ont dû remarquer
dans les morceaux que nous avons
cités que l'Auteur n'eſt pas moins familier
avec les idées poétiques qu'avec le méchanifine
de la verfification. Ses métaphores font
hardies , mais juſtes; ſon ſtyle eſt harmonieux
& plein; il ſe plie à tous les tons : après
avoir marché d'une manière flexible&douce,
DE FRANCE.
35
il s'élève , il devient fier , & rappelle l'Os
magna Sonaturum d'Horace. Quoique l'Auteur
ne ſe ſoit point nommé, nous croyons
avoir reconnu dans ce Diſcours un Écrivain
connu par de très-bons morceaux imprimés ,
&par un grand Poëme qu'il s'obſtine à conſerverdans
ſon porte-feuille. Quel qu'il foit ,
il mérite beaucoup d'éloges comme Poëte ,
&plus encore comme Citoyen , pour avoir
eu le courage de s'élever avec une noble
fermeté contre ces détracteurs patlionnés qui ,
étouffant ſous des terreurs chimériques le
doux ſentiment de la reconnoiffance , voudroient
altérer dans le coeur des vrais François
la confiance qu'ils doivent à la bonté
de leur Maître ,&aux lumièresdeſesConſeils
3
(CetArticle eftde M. de Charnois . )
ANNÉE Rurale , ou Calendrier à l'usage
des Cultivateurs de la Généralitéde Paris,
1787 , in - 16 . Prix , 1 div. το fols broché ;
1 liv. 16 fols rendu franc de port par-tout
leRoyaume.
:
:
4
DEPUIS quelques années , la Généralité de
Paris s'eſt diſtinguée par de rapides progrès
dans l'Art de l'Agriculture ; & elle jouit déjà .
du fruit des découvertes qu'on y a faites à diverſes
époques. Bien convaincu de l'importance
de cette Science nourricière , M. l'In-..
tendant l'a toujours ſecondée par des encouragemens
qui n'ont pas été infructueux. Plu-
B vj
36 MERCURE
fieurs Cultivateurs ont concouru à ce grand
ouvrage par des etfais&des expériences multipliés
; & pluſieurs Écrivains ont ajouté à
la maffe des lumières en ce genre par des
Écrits vrainient utiles. Mais ce qu'on écrit
fur les productions de la terre , ne circule
guères parmi la claſſe d'hommes qui la cultive.
Sans doute l'eſprit de routine qui les
maîtriſe eſt un des motifs qui s'oppoſent aux
utiles innovations ; mais le défaut de circulation
de lumières parini eux, n'eſt pas undes
moindres obstacles.
L'Ouvrage que nous annonçons eft , par
ſa forme ,à la portée des habitans de la campagne
; & l'Auteur, qui eſt parfaitement
inftruit des matières dont il traite , ſe propofe
de le continuer. Il donnera tous les ans un extrait
ſuccinct des nouvelles découvertes en
Agriculture ; & cet Ouvrage pourra devenir
par la ſuite, comme le dit l'Auteur , la Biblio
thèque de l'Habitant de la Campagne. On a
joint à ce premier Volume le Poëme d'Aratus
des pronoſtics , & un extrait de l'Ouvrage de
Météorologie de M. Toaldo . Il eſt à préſumer
que l'Auteur fera encouragé par le ſuccès
à ſuivre la carrière utile qu'il vient de
s'ouvrir.
e
DE FRANCE.
37
LES Quatre Ages de l'Homme , Poёте ;
nouvelle édition , conſidérablement augmentée
& corrigée. Petit format ; de l'Imprimerie
de Didot jeune , avec figures. A
Paris , chez Moutard , rue des Mathurins.
On ſe rappelle, ſans doute , que се Роёте
eſt l'eſſai d'une perſonne qui ne ſe livre pas
entièrement à la Littérature ; aufli avoit- on
remarqué , lors de la première édition , que
la manière de l'Auteur , ſans être dépourvue
de facilité ni de grâce , étoit cependant quelquefois
trop proſaïque.
Il paroît que tous ceux qui ont rendu
compte de l'Ouvrage ſe ſont accordés pour
dire qu'il n'y avoit nulle comparaiſon à faire
entre cette édition & la première ,& nous
adoptons volontiers leur jugement.
Nous invitons l'Auteur a développer un
peu plus, dans ſon troiſième Chant , les
paffions ,diſons même les vices de l'homme ,
qui compofent malheureuſement un Chapitre
important de ſon Hiſtoire. Ce n'eſt ni
la vérité ni la fraîcheur qui manquent à ſes
tableaux , mais une certaine énergie que l'on
voudroit y remarquer plus ſouvent. A l'égard
du dernier Chant , quoiqu'en général on
puiſſe convenir avec lui que l'on ne rencontre
pas par-tout des vieillards auſſi aimables
&aufli intéreſfans que ceux que l'on voit
dans les Romans & les Idylles; il paroît que
les Critiques defirent qu'il careſſe encore ces
38 MERCURE
grands enfans ,& qu'il ajoute quelques cor
rections à celles qu'il a déjà faitės.
Nous terminerons en faiſant une remarque
qui ne nous paroît pas déplacée, aujourd'hui
que la poéſie deſcriptive fait fortune , & femble
avoir preſque banni celle de ſentiment ;
c'eſt que l'Auteur , perfuadé que toute poéſie
qui n'eſt que deſcriptive , eſt froide , & ne
parle qu'à l'eſprit , nous paroît avoir réulli a
éviter ce défaut , en melant toujours à ce
genre un fentiment qui l'anime. Ainfi , s'il
parle des progrès que l'homme a faits dans
les Arts , voici coinment il décrit une des
plus belles inventions humaines:
Sous les coups meſurés qui règlent ſon effort ,
J'entends avec lenteur ſe détendre un reffort
Qui , dirigeant l'aiguille à ſes loix aſſervie ,
Dans des cercles égaux doit enchaîner ma vie.
Ainſi l'heures'écoule ! & l'homme en vain pourſuit ,
D'un pas toujours égal , le momentqui s'enfuit!
{ 1
S'il vous conduit au tombeau de Rouſſeau ,
dont la deſcription termine le Chant de la
vieillefe : Cherchez ailleurs , dit-il , la corbeille
de Flore& celledePomone...... را
Mais ici l'aube- épine, en ſes ſimples appas ,
Et le rofier ſauvage arrêteront vos pas .
Plus ſombre en ſes couleurs , la timide pensée
S'incline triſtement ſur ſa tige affaiſée ,
Etfuyant le grand jour qui pourroit la flétrir ,
Al'ombre , ainſi que vous , paroît ſe recueillir.
)
b
DE FRANCE.
39
VARIÉTÉS.
LETTRE à M. DE ....fur le Rapport de
l'Académie , concernant l'Hôtel - Dien.
Vous voulez abſolument , Monfieur , que je
vous parle du rapport de l'Académie ſur la néceſité
de la tranflation de l'Hôtel- Dieu. Vous ne pourrez
guères diftinguer ma voix au milieu d'un concert
unanime de louanges ; & il eſt difficile d'ajouter
aux éloges qu'il a reçus & mérités. Jamais l'Académie
n'avoit été appelée àde plus nobles , à de plus
intéreſſantes fonctions , & l'on ne pouvoit les remplir
avec plus de zèle , de ſagacité , de ſageſſe , ni
d'une manièreplus touchante qu'elle l'a fait. En ſecondant
fi bienla bienfaiſance du Roi , elle eſt ellemême
devenue une des bienfaitrices de l'humanité,
& avec tant de droits àla gloire , elle vient d'en ac
quérir de bien doux&de bien légitimes à la reconnoiſſance
publique .
Onadéclamé contre les ſciences; leurs détracteurs
n'imaginoient donc pas qu'on en pût faire un fi
excellent uſage ? On a crié contre les lumières trop
généralement répandues ; on a preſque regretté. les
temps de Vignorance ; & ce rapport , fi dénué de
toute vaine prétention à l'éloquence , & cependant fr
éloquent , eſt une nouvelle preuve de la néceffité
de ces lumières , & de la bonté de cet eſprit danalyſe,
qui ſeul peut rectifier nos jugemens, & faire
faire quelques progrès à la légifſlation & à l'adminiſtration
des peuples. Les temps d'ignorance ont
toujours été ceux de la barbarie & du malheur : &
40 MERCURE
il fautbien commencer à reconnoître que les ſiècles
de lumières préparent & amènent ſeuls des jours
heureux. L'Académie devra compter parmi les
plus grands ſervices qu'elle ait rendus , celui d'avoir
perfectionné l'art de faire le bien.
Dans la diſcuſſion d'une matière auſſi étendue ,
auſſi variée , auſſi délicate à traiter que celle qui fait
l'objet de ſon rapport , ce n'eſt pas un léger mérite
que d'avoir ſçu , en conſervant toutes les convenances
, combattre victorieuſement des opinions
d'autant plus difficiles à détruire , qu'elles étoient
pluslong temps enracinées , & fonder ſur leurs dé.
brisdes principes dont la juſteſſe &la clarté ontconvaincu
tous les eſprits .
Une ſeule objection élevée contre une des propofitions
de l'Académie , mérite peut-être quelque confidération
, puisqu'elle tend , non à déprimer ce que
l'Académie propoſe , mais à améliorer le plan qu'elle
préſente.
On a donc trouvé le choix de l'emplacementdes
Célestins moins convenable à celui d'un Hôpital ,
que les trois autres indiqués ; & voici ce qu'on a dit
à cet égard:
LesCélestins ne ſont éloignés de l'Hôtel -Dicu
actuel que de soo toiſes ; les Hôpitaux de St. Louis
*& de Ste Anne , en ſerontà 1400 toiſes ,& le quatrième
à plus de zooc toiſes. Il ſemble qu'il y a
une trop grandediſproportion entre ces diverſes diftances.
Les Célestins ſontdans Paris un point trop central.
Quand un pont aurajoint les terreins voiſins
de l'Arſenal & le Jardindu Roi , embelliſſement
utile qui manque à la ville , qui réuniroit deux des
plus grands Quartiers , & qu'on doit eſpérer qu'elle
obtiendra un jour, Paris prendra un accroiffement
auſſi vatte que rapide dans cette partie , qui eſt ,
fans aucune comparaiſon, la plus belle pofition
T
DE FRANCE.
41
qu'offre cette Capitale. Alors un Hôpital aux Céleſtins
, trop avancé vers l'intérieur de la Ville , mériteroit
la majeure partie des reproches qui néceffitent ,
aujourd'hui la tranflation de l'Hôtel-Dieu ; & on
ſent qu'après l'y avoir établi , quelque gênant qu'il
devînt , la durée ſeroit plus invariablement afſurée
que n'a jamais pu être celle de l'Hôtel -Dien. Un
défaut de prévoyance , un choix fait légèrement
Rieneroit donc àde grandes dépenſes & àde longs
& inutiles repentirs.
On tirera peu de partides bâtimens des Célestins;
&dans un monument public, tel qu'un Hôpital , il
ya une véritable économie à ne plus vouloir ré
parer des édifices qui ont été conſtruits pour un autre
uſage ,& à exécuter à neuf&d'une manière durable
les plans appropriésà l'objet qu'ils doivent remplir.
Les vieux édifices , par la néceſſité de les diftribuer
d'une nouvelle manière qui affetalic prerque seu
jours leur conftruction , par les réparations fans
ceſſe renaiffantes qu'ils exigent , finiffent par couter
beaucoup plus cher que des conſtrutions neuves
faites avec la ſolidité qu'on doit donner à tout ce qui
eſt bâtiment public.
En plaçaut cet Hôpital vers la Rapée , il ſe fût
trouvé plus à portée des Fauxbourgs St.. Antoine&
St. Marceau , &à la même diſtance de l'Hôtel-
Dieu que les Hôpitaux St. Louis & Ste-Anne Le
terrein dans cette partie ne peut être d'un grand
prix , & on auroit été le maître d'orienter &de
diftribuer cet établiſſement ſuivant les ſages
avis donnés par l'Académie ce qu'on ne pourra
peut - être exécuter avec le même ſuccès aux Cé
leftios.
On s'eſt ſi mal trouvéde l'emplacement de l'Hôtel
Dieu , que le choix du local des Hôpitaux qu'on
lui fubſtitue , ne ſauroit être fait avectrop de foi.
&dût la dépenſe du moment être un peu plus forte
42 MERCURE
en préférantpour l'un d'eux les environs de la Rapée
aux Célestins , il paroît probablequ'on ne manqueroit
pas deraiſons pour devoir leur donner la
préférence.
Je ne ſuis qu'hiſtorien, Monfieur ,& me borne
à vous rapporter fidelement ce que j'ai entendu
dire. Au reſte , je n'ai point d'avis , & n'en
puis avoir. Le rapport de l'Académie m'a fi parfairement
fatisfait& tellement touché , qu'il ne reſte ,
après l'avoir lu , qu'à courir ſouſcrire pour la confruct
on des Hôpitaux qu'elle propoſe.
Il yalong-temps que la raiſon n'avoiteudetriomphe
plus brillant& plus complet. Ainfi , Monfieur ,
eſpérons pour l'avenir , & tâchons de vivre , pour
être témoins ,& pour applaudir à fes nouveaux
fuccès.
:
ANNONCES ET NOTICES.
סיז
Les
Es Fastes de la Marine Françoise, par M.
Richer.
•Les Recherches que M. Richer a étéobligéde faire
pourdonner auPubliclesViesdes pluscélèbres Marins,
lui ont fait connoître que la Nation Françoife eſt
une des plus courageuſes & des plus actives qui
exiſtent. Outre les Duqueſne , les Tourville , les
Duguay- Trouin , les Caſſard , il a trouvé un très
grand nombre d'Officiers de Marine qui ont fait
des actions ſi brillantes qu'elles méritent d'être
publiées pour la gloire de la Nation &l'honneur de
leur famille. Il n'a point donné leur Vie détaillée ,
parce que ces Officiers ne commandant pas en chef,
n'ont pu développer tous leurs talens, & qu'on n'y
DE FRANCE.
43
1
rouveroit pas une ſuite affez étendue de fairs re
marquables. Cependant il ſe propoſe , d'après le
conſeil de plufieurs Officiers de Marine & de pluſieurs
gens de goût , de rendre à leur mémoire l'hommage
qui lui eſt dû , de faire paſſer leur nom àla
Poſtérité , & de les préſenter auſſi pour modèles à
ceux qui ſuivent la même carrière.
Dans cette idée il donnera les Fastes de la Marine
Françoise, qui ſerviront de ſuite aux Vies des
plus célebres Marins. L
Son travail eſt commencé ; mais il craint d'omertre
quelque Marin qui ſe ſoit ſignalé , ou de n'avoir
pas des détails aſſez circonſtanciés ſur ceux dont il
ſeradans le cas de parler. Il invite leurs deſcendans
ou leurs plus proches parens à lui faire parvenir ,
port franc, une Notice fur leur famille , avec un
détail des actions de ceux qu'ils voudront faire inférer
dans les Faſtes de la Marine , & de lui envoyer.
leur adreſſe , afin qu'il puiſſe les avertir s'il a quelque
obſervation à leur faire.
Ceux qui font en Province , & qui ne ſe trouvent
pas à portéede faire les recherches néceſſaires, peuvent
s'adreſſer à lui; en lui donnant de juſtes indications,
il les fera pour eux.
Son adreſſe eſt rue Saint Jacques, vis-à-vis celle
du Plâtre , maiſon deM. Reverat.
TRAITÉ de la Synoque Atrabilieuſe ou de la
Fièvre contagieuse qui régna au Sénégal en 1778 ,
& qui fut mortelle à beaucoup d' Européens & à un
grand nombre de Naturels , fuivi de courtes Réflexionsfur
le commerce de la Gomme du Sénégal, &
fur l'importancede ce pays àce sujet , & finiffant par
des preuves qui montrent les mauvaiſes ſuites que
doit avoir la coutume actuelle d'envoyer des criminels
en Afrique comme foldats , par J. P. Schorre
Docteur en Médecine. A Londres; & fe trouve à
44 MERCURE
Paris, chez Froullé , Libraire , quai des Auguſtins,
in-8°. Prix, I liv. 10 ſols.
La France connuesous ses plus utiles rapports ,
ou nouveau Dictionnaire univerſet'de la France ,
dreſſé d'après la Carte en 180 feuilles de Caffini ,
par M Dupain - Triel, Géographe du Roi , de
MONSIEUR & du Département des Mines , Cenſeur
Royal , in- 89. de 115 pages. A Paris , chez
l'Auteur , Cloître Notre - Dame, & chez L. Cellot ,
Imprimeur- Libraire , rue des grands Auguſtins.
Le Proſpectus de cet Ouvrage a été publié en Septembre
1785. Les rapports ſous leſquels leRoyaume
eſt conſidéré ſont ceux de ſa Géographie , de fon
Commerce, de ſa Navigation , de fon Hiſtoire Naturelle
de ſes Jurisdictions Eccléſiaſtiques & Civiles,
en de ſa population actuelle. A ces avantages
il réunira celui d'être le Dictionnaire le plus
complet qui ait encore paru , puiſque , d'après la
grande Cartede Caſſini , il n'y aura pas une ſeule
Paroiſſe d'omiſe, tandis que les autres Dictionnaires
ont porté cette omiſſion juſqu'à un cinquième
peut - être du nombre total, ce qui a néceſſairement
influé ſur l'inexactitude des calculs de la population
, & fur d'autres objets de l'adminiſtration.
D'une autre part les détails dans lesquels on entre
fur la Géographie de chacune de ces Paroiffes , fur
leurs diſtances reſpectives , les chemins , les bois &
les courans d'eau qui les avoiſinent, ne pourront , ce
ſemble , qu'intéreſſer non- ſeulement le Voyageur
qui ſe munira des feuilles relatives à ſa route , mais
auſſi les Perſonnes , Propriétaires & autres qui
defirent connoître les environs du lieu qu'elles habitent
à la campagne.
Le prix de cette feuille des environs de Paris eft
de : liv. 10 fols.
DE FRANCE.
45
OEUVRES de Plutarque , Tomes X & XXI. A
Paris , chez Cutiac , Libraire , rue Saint Benoît ,
nº . 41 .
Les Tomes VIII & IX du Théâtre des Grecs ,
qui ſe trouvent chez le même Libraire , paroîtront
vers les premiers jours de Fevrier. La foutcription
pour cet intéreſſant Ouvrage fera irrévocablement
ferméele premier Avril prochan.
La Surpriſe de l'Amour, Eftanpe gravée d'après
Dietricy, par E. J. Giatron Moncet. Prix , 3 liv. A
Paris, chez l'Auteur, au coin de la rue Saint Honoré,
chezde Bonnetier , maiſon du Lycée.
Cette Eſtampe , gravée d'un burin très- ferme ,
ſera ſans doute accueillie par les Connoiffeurs.
NOUVELLE Uranographie , ou Méthode très.
facilepour apprendre à connoître les Constellations
par les configurations des principales Etoiles entreelles,
avec l'Imprimé qui en explique l'usage, par
M. Ruelle , à l'Obſervatoire Royal de Paris. Prix ,
9 liv. AParis , chez Dezauche , Géographe du Roi ,
ſucceſſeurde MM Deliſle & Buache,que desNyers;
Delamarche , ſucceſſeur de M. de Vaugondi , Géographe
du Roi ,& Fortin, pour lesGlobes & Sphères,
rue du Foin- Saint-Jacques , au Collège de Me Gervais;
Jombert l'aîné, Libraire , rue Dauphine , &
auſſi chez M. Piquet, Graveur, rue de la Harpe ,
prèscelleSerpente, maiſon du Libraire.
Nous renvoyons pour l'explication de cet Ouvrage,
dont l'idée est neuve & utile, à l'Introductionde
l'Auteur , qui a voulu faire jouir , pour ainak
dire, des plaiſirs de l'Aftronomie ceux même qui ne
lesont pas achetés par l'étude de cette Science.
PETITE Bibliothèque des Théâtres. AParis, au
Bureau, rue des Moulins , Butte SaintRoch , nº. 11 ,
46 MERCURE
2
où l'on ſouſcrit, ainſi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques, & chez Brunet, rue de Marivaux ,
Place du Théâtre Italien .
Le Volume que nous annonçons eſt leNuméro 11
de la troiſième année , & renferme deux Comédies
de Brueys.
ALMANACH de la Ville & du Diocèse de
Meaux , pour l'année 1787 , Volume in-24, orné
d'une Gravure. Prix , 18 fols broché. A Meaux ,
chez Charles , Libraire , rue Saint Remy ; & à
Paris , chez Belin , libraire , rue Saint Jacques;
Royez , Libraire, quai des Auguſtins.
Cet Almanach , qui paroît depuis 1773 , a toujours
été bien accueilli.
ZOROASTRE , Confucius & Mahomet comparés
comme Sectaires , Législateurs & Moralistes , avec
le Tableau de jeurs Dogmas, de leurs Loix & de
eur Morale, par M. de Paftoret, Conſeiller de la
Cour des Aides, de l'Académie des Inſcriptions &
Belles- Lettres , de celles de Madrid, &c., in- 89 .
Prix , liv. 10 ſols relié , 4 liv. 10 ſols broché &
s liv, broché franc de port par la poſte. A Paris ,
chez Buiſſon , Libraire, hôtel de Meſgrigny , rue
des Poitevins .
Nous reviendrons ſur cet eſtimable Ouvrage ,
couronné il y a un an par l'Académie des Belles-
Lettres. 2
7
SECOND Supplément à l'Inſtructionfur les Bois
de Marine & autres, par M. Tellès d'Acoſta ,
Grand-Maître Honoraire des Eaux & Forêts de
France au département de Champagne , ancien Intendant,
de feu Mme la Dauphine. Seigneur,de
1Étang; Brochure de 100 pages. A Paris , de l'imDE
FRANCE.
47
primerie de Clouſier , Imprimeur du Roi , rue de
Sorbonne.
Cette Brochure fait ſuite à un Ouvrage utile que
nous avons annoncé dans le temps avec de juſtos
"éloges. Elle traite , 1º. de l'amélioration du chêne ,
&des expériences faites ſur dix-huit eſpèces de
bois naturels & améliorés pour en connoître la
force; 2°. de l'approviſionnement de bois & de
charbon pour le chauffage de Paris ; 3 °. des peupliers
blancs & noirs , & de la préférence à donner
au peuplier d'Italie.
4
LETTRES d'un Négoctant àfon fils ſur les ſujets
les plus importans du Commerce , précédées d'Obfervations
fur la manière d'écrire les Lettres de commerce
, de rédiger les Contrats , les Lettres-de-
Change, les Obligations , & c. , in- 12. A Strasbourg,
chez Amand Koenig , Libraire.
Cette Brochure ſera utile à ceux qui embraſſent
le parti da commerce. On y trouve tous les détails
néceſſaires au Négociant , tous les moyens de s'armer
contre la rufe & la mauvaiſe foi .
LUMIÈRE pour la nuit, inventée en Angleterre ,
diviſée par paquets pour 365 jours. Une ſeule de
ces Lumières ſuffit pour une nuitdes plus longues. II
s'agit de les mettre dans un verre rempli d'eau &
d'huile d'olive. La clarté qu'elles prodaiſent eſt
très-vive & très-nette. Une propriété particulière
de ces Lumières , eſt d'attirer & confommer les mauvaiſes
vapeurs de l'air du lieu où elles brûtent, ce
qui doit engager à s'en ſervir, fur- tout dans les
chambres des Malades. Le prix eſt de trente fols le
paquet pour une année entière. Le Dépôt eft à
Paris, chez M. Labat, Marchand Tapiffier , rue de
la Roquere, cour des Moulins , Fauxbourg Saint
Antoine.
1
48 MERCURE
NUMEROS 52 & de 1 à 4 des Feuilles de
Terpsychore pour la Harpe & pour le Clavecin.
Prix , chaque feuille , I liv. 4 ſols . Abonnement
pour cinquante - deux Numéros de chaque Inſtrument
30 liv. franc de port. A Paris , chez Coufincau
père & fils , Luthiers de la Reine , rue des Poulies.
La Chasse pour le Clavecin , par M. Muzier
Clementi , Cavre XVII . Prix , 3 liv. 12 fols franc
deport -Etrennes de Guittare pour l'année 1787,
compoſées d'Airs nouveaux , Chanfons , Romances
, &c. , avec Accompagnement, ſuivies de douze
Menues de M. Hayden ,& terminées par fix Allemandes
nouvelles pour une Guittare ſeule , par M.
Porro , OEuvre VI. Prix , 7 liv. 4 ſols franc de port.
A Paris , chez l'Auteur & chez Mme Baillon , rue du
petitRepoſoir , à la Muſe lyrique ; & à Versailles ,
chez Blaizot, rue Satory.
Ce Recueil , qui réuſſit depuis quatre ans , joint à
dejolis Airs le mérite d'une excellente étude pour
toutes les poſitions de la Guittare.
TABLE.
VE
L'Heureux Retour ,
Observations fur les
ERSàM. leComtede Choi- Laure ,, on Lettres de quelques
Seul- Gouffier,
AMmela Comteſſed'Argout,4 Discours en vers ,
Mon- Les quatre Ages de l'Homme ,
3 Femmes de Suiffe , 22
30
AnnéeRurale , 35
noies , 6 Роёте, 37
Charade, Enigme &
gryphe,
Logo- Variétés, 39
11 Annonces & Notices , 42
Etrennes Lyriques , 13
APPROΒΑΤΙΟΝ.
J'AI lu, par ordre de Migr. le Garde-des-Sceaux ,le
MercuredeFrance , pour le Samedi 3 Février 1787. Jen'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.A
Paris , le 2 Février 1737. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSIE.
De Pétersbourg , le 27 Décembre 1786 .
n'eſt changé encore dans le projet
Rdu voyage de l'impératrice , dont le
départ très prochain eſt fixé au 3 Janvier.
De Pétersbourg , S. M. ſe rendra à Czarzco
Zelo , d'où elle ſe rendra à Kiof.
Un courrierde Londres a apporté dernierement
à M. Fitz-Herbert l'ultimatum de
ſa Cour , ſur le renouvelement du Traité
de Commerce. L'Envoié Anglois a été en
conference à ce ſujer avec nos Miniſtres ;
mais on ignore ſi cette affaire ſe terminera
avant le départ de l'Impératrice.
La munificence de cette Princeſſe s'eſt
étendue ſur les quatre ſoeurs de M. Momonof,
fon Aided- e-Camp, à chacune defquelles
S. M. I. a donné 10,000 roubles en
argent , & 20,000 roubles en pierreries.
N°. 5 , 3 Février 1787 . a
( 2 )
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 Janvier.
Les avis de Conftantinople ſur l'expédition
d'Egypte étant tous ou abſolument
faux ou très-altérés , il ſéroit inutile de rapporter
ces différentes fictions contradictoires
; mais on lira avec curioſité le Mémoire
remis , le 18 Mai dernier , par la Cour de
Ruffie au Miniftere Ottoman , &la Réponſe
de ce dernier. Voici la traduction de ces
deux Pieces importantes , telle que la préfentent
différentes Feuilles publiques.
Mémoire préſenté par M. l'Envoié de Ruffie
à la Sublime-Porte.
Sa Majeſté l'Impératricede toutes les Ruſſies,
ma Souveraine , ayant été informée par les Dépêches
du ſouſſigné , qu la ſublime-Porte n'a
point fait de choix , ni pris aucune réſolution ,
en conféquence du Mémoire préſenté par le
fouffigné , concernant l'affaire du Pacha d'Ahiska
; S. M. Impériale ne pouvant regarder d'un
oeil d'indifférence un pareil filence & les délais
de la Sublime Porte ſur ſa juſte demande , ni
différer davantage l'obtention d'une fatisfadion
qui lui eft due , elle a chargé le ſouſſigné de
notifier & de déclarer , que fi la Sublime- Porte
n'effectue point le châtiment & la dépoſition
du Pacha ſuſdit pour ſes menées & la conduite
quil eſt préſumé avoiradoptée en aſſiſtant les
Leſgies dans leurs ravages & empiétemens fur
( 3 )
les frontieres du Kan de la Cartalinie , c'est-àdire
de Tiflis , qui eſt ſous ſa dépendance , S. M.
Impériale fait poſitivement qu'ellé a le droit
d'employer ſes forces contre ledit Pacha, Perturbateur
de la paix entre les deux Cours ,
elle emploiera ſa force & attribuera l'obftination
de la Sublime- Porte à ſon deſir de diſcontinuer
l'amitié& la bonne intelligence avec la
Cour de Ruffie. GALATA le 18 Mai 1786.
(L.S. ) (Signé) JACOB DE BULGAKOF.
Mémoire de la Sublime- Porte , remis au Miniftre
de Ruffie, en réponse au Mémoire
ci deffus.
Il eſt évident & connu de tout le monde ,que
dans les traités conclus entre la Sublime-Porte
& la Cour de Ruffie , il n'exiſte ni article ni
clauſe quelconque , rélative au Kan & au territoire
de Tiflis , & que le Kan de Tiflis étoit
originairement dépendant de la Sublime-Porte,
de laquelle il recevoit l'Inveſtiture avec les
marques publiques d'honneur. Letrès-eſtiméMiniſtre
de Ruffie , notre ami , outre le mémoire
ci-devant préſenté , a par ordre de ſa Cour remis
àſa conférence du Lundi , 3 jour de Chaaban
1200 , ( le 30 Mai 1786 do N. S. ) un autre
Mémoire avec ſa traduction , dans lequel il repréſente
que le Pacha de Gilder a donné alfillance
aux Léſgies , afin de moleſter & empiéter
ſur le territoire du Kan de Tiflis : que
fi la Sublime-Porte ne veut dépoſer& châtier
ledit Gouverneur l'Impératrice de Ruſſie
emploiera la force contre lui ; que cette Souveraine
attribuera la conduite de la Sublime-
Porte àcet égard , à ſon deſir de diſcontinuer
,
a 2
( 4 )
l'amitié & la bonne intelligence avec la Cour
de Ruffic , & autres expreſſions peu convenables
: démontrant par - là les intentions de
Cette Cour de ſe prévaloir du moment de la
dépoſition dudit Viſir Pacha à trois queues )
pour développer & exécuter des vues oudeffeins
particuliers , contraires aux ſtipulations
ainſi qu'aux droits de voiſins & d'amis finceres.
Il eſt apparent que la Cour de Ruſſie a ſéduit
ledit Kan , lequel , comme il a été dit
ci deſſus , étoit d'ancien tems dependant de
la Sublime-Porte ; qu'elle a introduit des troupes
dans le territoire de Tiflis ; qu'elle a envoyé
ſecretement & publiquement desAmbaffadeurs
& des écrits en vue d'attirer dans ſa
dépendance , les peuples du Dagheſlan & d'A- ſarbeigian ; inquiétant ainſi les Frontieres Ottomannes
, & qu'elle n'a point reſpecté le
premier article des capitulations , qui ſtipule,
qu'aucun acte d'animofité & qu'aucune injure
ne ſera commiſe à l'avenir , ſecrettement ou
publiquement , de part ou d'autre. Il est également
évident qu'une pareille conduite eſt ab- folument contraire aux traités & à l'amitié
exiſtante entre les deux Cours , & que dans
une pareille ſituation des choſes, les inftances
de la Cour de Ruſſie , afin , que ledit Gouverneur
ſoit dépofé& chatié fans prouver aucune
action , par lui commiſe à ſon préjudice , excédent
les bornes de la Diſcrétion & de la
Juſtice. Il eſt certain que la Sublime-Porte , ſtrictement
attachée à ſes engagemens , procéde- roit ſans délai àchâtier ledit Gouverneur, s'il
avoit commis des infractions aux traités ; mais
elle ne peut ſeulement penſer à le dépoler
( 5 )
fans caufe ,& fans que les torts à lui imputés
par la Cour de Ruffie , ſoient démontrés.
A tout événement , s'il arrive que la Cour
de Rushe , abandonnant la difcrétion & la Ju
tice , infulte les frontieres. Ottomannes , ou
commet des hoftilités , en rompant les conventions
& les traités , la Sublime-Porte procédera
à faire réſiſtance , en ſe ſervant de fes
forces & de ſes moyens , dans lequel cas , il
ſera notoire& évident àtoute la terre , qu'elle
n'a point donné motif quelconque de plainte
pour ce qui regarde les conventions ou les
traités , la paix ou l'amitié , mais que la Cour
de Ruffie ſeule a donné occafion à l'infraction
de la paix.
Et enfin qu'il fo't auffi connu à l'honorable
Miniſtre de Ruſſie , notre ami , que ce Mémoire
lui a été donné amicalement & fans
détour ..
1200 Ramazan 9me. ( 3me. Juillet 5786. )
Il paroît que la Porte eſt fermement déterminée
à fouten r le ton de ſon Mémoire ,
puiſqu'elle a envoie , dit-on , une peliffe &
le fabre d'honneur au Pacha d'Aghiska.
L'ancien Khan de Crimée , Sahin-Gueray ,
qui eſt forti à l'improviſte de la tutelle de la
Ruſſie , doit être arrivé à Conſtantinople ,
où la Porte lui a permis de revenir.
Un Journal de Commerce offre les détails
ſuivans ſur la ville deGotha & fur fon
commerce. ১
Cette ville contient 1,297 édifices , dont
778 font aſſurés pour la ſomme de 386,925
rixdalers à la caiſſe d'afſurance pour incendie.
Elle eſt éclairée de 403 janternes pendant les
1
1 a 3
( 6 )
mois d'hiver. Sa population montoit en1782,époque
où l'on fit le dénombrement. à 11,307 ames,
ycompris la Cour & le militaire. Les impots
en 1786 , ont monté pour cette vi le à 17,676
florins de Miſnie. On évalue à 259,600 florins
les terres que poſſédent les bourgeois. Le
commerce des habitans conſiſte en bierre, grains,
fil & la garance ; pastel , porcelaine , toile de
coton , draps , toiles ordinaires , cuir , &c. La
toile à raies bleues pour chemiſes de matelots,
eſt recherchée de l'étranger , la coulear
en étant très- ſolide ; on la préfère à celle qui
ſe fabrique dans la Siléfie. La fabrique des
toiles de coton appartenant au Chambellan
Baron de Forfter occupe actuellement 43 mé
tiers dont 24 pour la filature .
De Berlin , le 17 Janvier.
Le Roi vient d'élever le Comte de Bruhl
au grade de Lieutenant Général de la Cavalerie.
Ce Seigneur, qui a quitté le ſervice
de Saxe, occupe des appartemens au Palais
du Prince-Royal de Prufſfe; & l'on apprend
que le Roi lui a confié la direction des Erudes
de Son Alt. Royale. Le Prince Louis ,
ſecond fils de S. M. , a pris avec le Major
de Schenkendorff, ſon Gouverneur , des
quartiers au palais du Margrave de Schwedt.
Le Colonel de Froideville , Intendant des
vivres de l'armée , a obtenu le grade de
Général-Major de la Cavalerie , & le Duc
de Holſtein Beck celui de Colonel de l'Infanterie.
Le Colonel de Prittewitz a été déclaré
Aide-de Camp Général du Roi,
( 7 )
Le Roi a étendu le diplôme de Comte accordé
à M. de Hertzberg , au frere & aux
deux neveux de ce Miniſtre. M. de Schwerin
, Capitaine des Gendarmes , a été auſſi
élevé à la même dignité.
Le Comte de Gersdorff, connu en Europe par
ſon différend à Madrid avec le Secrétaire de Légation
Pruffienne , M. Favre , vient d'être tué
en duel, le 7 de ce mois , par le Comte de Baudiſſin,
Major au ſervice de Saxe , & frere du
Miniſtre Danois à notre Cour. Quelques propos
tenus par le Comte de Baudiſfin , ſur la malheureuſe
affaire arrivée en Eſpagne , ayant été rapportés
avec exagération au Comte de Gersdorff,
celui- ci le fit ſommer de ſe trouver à Bareuth
fur les frontieres de Saxe. Ils s'y rendirent l'un
& l'autre avec leurs ſeconds , & le lendemain
leur combat eut lieu. Après avoir tiré chacun
deux coups de piſtolet ſans s'être touchés, les ſeconds
voulurent les ſéparer ; mais le Comte de
Gersdorff dit que cela n'étoit pas fuffifant , furtout
après le duel avec M. Favre , & qu'il falloit
qu'il y eût du ſang répandu: déclarant toutefois
qu'il ne haïffoit point le Comte de Baudiſ
fin , qu'il étoit même prêt à l'embraſſer , ainſi
qu'il le fit effectivement , mais que ſon honneur
exigeoit quelque choſe de plus. M. de Baudiſſin
voulut s'excuſer ſur ce qu'il ſe croyoit plus fort
dans le maniment des armes , mais il dut céder
&ſe battre. M. de Gersdorff bleſſa d'abord légerement
ſon ennemi à la main , & voulant enſuite
lui porter un ſecond coup , il s'enferra luimême
, & reçut un coup dans la poitrine , dont
il mourut fur le champ de bataille. M. le Comte
de Baudiffin & les deux ſeconds , dont l'un eff
M. Van Tbyelen , Officier aux Gardes Saxo
a4
( 8 )
nes, & Pautre M. Lowe ,Lieutenant , ſe font
rendus ſur leterritoire Pruffien , & ont écrit à
fElecteur pour demander leur grace.
Le Directoire de la Banque a fait publier
le premier de ce mois , qu'à l'avenir elle ne
payera, pour les nouveaux fonds qui lui ſerontconfiés
, que 3 pour centdes capitaux
appartenans àdes mineurs , 2&demi pour
cent de ceux des Eglifes, des Fondations
pieuſes , des dépôts judiciaires , & 2 pour
centdetous les autres capitaux.
La Gazette de Berlin a rapporté un attentat
commis dans la Nouvelle-Marche ,
&dont l'une des victimes, le Prédicateur
Runzé de Janikow raconte les détails en
ces temes , dans une lettre qu'il écrit à fon
frere.
«Magain tremblante n'eſſaiera qu'avec peine
devous tra er le cruel malheur qui nous accable.
Nous avons été attaqués par 12brigands , pendant
la nuitdu 13 au 14 Décembre , vers minuit.
Entrésdans la maison,je ne ſais par quel artificeils
firent ſauter avec violence la porte de la
chambre cù nous dormions , moi , ma femme&
mes enfans. Nous ſattâmes tout effrayés en chemiſes
hors du lit ; mais auſſi tôt trois de ces affafins
nous étendirent à terre à coups de maſſue.
Puisnous mettant les genoux ſur la poitrine , ils
nous lierent les mains& les pieds , & nous coucherent
tous ſur le ventre , en nous traînant rudement
au milieu de la chambre ; de ſorte que
nous avions les membres tout fracaſſes. Dans cet
état àdemi morts de coups , de froid, de peur, ne
pouvant nous remuer de l'épaiſſeur d'un cheveu ,
il nous fallutreſter ſpectateurs tranquilles de leurs
:
(و )
brigandages. Ils vuiderent les armoires, les coffres
, tout cequi étoit enfin dans la maiſon fort d
leur aiſe , l'emporterent dans des ſacs , & le chargerent
tranquillement ſur un chariot qui les at
tendoit àquelque diſtance. Ils ne nous quitterent
qu'au bout dedeux heures , & nous en reſtâmes
encore quatre dans la douloureuſe ſituation où ils
nous avoient mis, nageant dans notre ſang , dépouillés
de tout , argent , linge, habillement ,
meubles , à l'exception de trois oboles . Nous y
ſerions morts au bout de quelques heures , fi nos
cris n'avoient atti é à la pointe du jour quelques
voiſins , qui nous délierent & nous réchaufferent.
Il eſt douteux que ma femme & mes filles ſe rétabliſſent
; & quant à moi , il eſt fort à craindre
que je foisdéſormais incapable d'exercer les fonctions
de mon miniſtere , ayant les deux mains ,
ladroite ſur-tout eſtropiées pour la vie , & une
bleſſure à la tête , ayant de plus affecté mes facultés
intellectuelles , au point de me faire perdre la
mémoire.
On a depuis découvert & emprifonné
ſept de ces brigands , au nombre delquels
ſe trouve le Marguillier de la Paroiffe & fes
troisfils.
Le Docteur Buſching a inféré dans ſon
Journal hebdomadaire la lettre ſuivante ,
datée d'Uftingwelki , dans le Gouvernement
deWologda , le 9 Novembre 1786 ,
& écrite par M. Jacob Fries Médecin Chirurgien
de l'Etat Major & de la ville d'Uring.
«D'après mes obſervations météorologiques
>> le plus grand froid ſe fit ſentir ici l'hiver der-
>> nier vers Noël & à la fin du mois de Février; le
as
( 10 )
thermomètre de Réaumur marquant alors 28
>>>degrés au defſus de zéro. Le dégel des
>> rivieres de Suchona, Zug, Dwina & Witfcheg-
>> da ſe fit les 12 , 13 , 20 & 26 du mois d'Avril.
ور On éprouva ici la plus forte chaleur le
22Juin; le thermomètre étant à 22 degrés &
>> demi. L'été fut très-ſec; on commença la ré-
>coltedu bled le 1er.Août. Les grains ont bien
>> réuffi ; je vis cependant une grande quantité
> d'ergots dans le ſeigle , mais le payſan de ces
>>environs n'y fait aucune attention , les laiſſe
>>> avec le bon grain& en fait de la farine.-Les
>> orages les plus forts éclaterent au mois de Sep-
>> tembre, & à la fin de ce même mois , le ther-
>>momètre deſcendit à 5 degrés au-deſſous du
>> point de congélation. Le 12 Octobre , les ri-
>> vieres furent priſes deglace ,& le 26 , le froid
>> fut à 20 degrés au- deſſous de zéro. Le rer. de
>> ce mois , il tomba une prodigieuſe quantité de
>> neige ; le thermomètre n'étant qu'as degrés
>> au-deſſous de zéro. Vers le ſoir , il deſcendit à
ככ
15 degrés , le vent étant au nord , & foufflant
>>avec violence. Le 2 , le thermomètre marqua
22dégrés au-deſſous de zéro ; le 3 au matin ,
tomba à 24 degrés ; le ſoir , à 30 & demi , &
→ à 11 heures , à 31. A cette époque , j'expoſai à
l'air une petite portion de vif-argent , qui le
>> lendemain , à 3 heures du matin , reſſembloit
àde l'onguent épais le froid étant de 34 dé-
>> grés au-deſſous de zéro. A6heures du matin
>> cette portion de vif-argent reprit ſa fluidité na-
>>>turelle , le thermomètre étant remonté à 30
>>>degrés. Les , à 3 heures du matin , le thermo-
>>mètre remonta juſqu'au ge. degré au-deſſous
de zéro ; de forte que dans l'eſpace de 24 heures
, la différence du froid fut de 25 degrés, >>
,
( 11 )
De Vienne , le 16 Janvier.
Le nombre des perſonnes des deux ſexes
mortes en cette ville & ſes fauxbourgs ,
dans le courant de l'année derniere , eſt
monté à 10571 , ſavoir : 2295 hommes ,
2152 femmes , 3119 garçons , & 3005 filles
au-deſſous de dix ans .
Il y a eu environ 9372 baptêmes , dont
4779 garçons , & 4593 filles ; le nombre
des morts- nés a été de 433. Il s'y eſt fait
$1690 mariages, Si l'on compare ces différens
calculs avec ceux de l'année 1785 , on
remarque qu'il eſt mort l'annéederniere 1032
perſonnes de moins que dans l'année précédente
: que le nombre des baptêmes en
1785 a excédé celui de 1786 de 281 ; qu'il
y a eu 23 enfans morts -nés de plus que l'année
derniere , & qu'il s'y eſt fait 202 mariages
de plus qu'en 1735 .
:
Selon l'état dreſſé le 31 Décembre 1785 ,
il y avoit à l'Hôpital général de cette ville
1095 malades. Depuis le 1 Janvier juſqu'au
31 Décembre 1786 , le nombre s'eſt trouvé
monter à 10558 , dont 9627 ont été guéris
& rendus à leurs familles , & 799 morts.
Dans le quartier des femmes enceintes , faiſant
partie de cet hôpital , il est né 1133
enfans , dont 598 garçons & 535 filles.
S. M. I. vient d'abolir les habits de Cour
&d'appartement , portés ci-devant par les
Dames de la Cour , & elle a fupprimé l'u
a6
( 12 )
fagede baifer la main du Souverain &de
la Famille Royale, de même que l'agenouillement&
la génuflexion.
Le célébre & genéreux Howard , qui revient
d'examiner les Lazarets de la Méditerranée&
une partie du Levant, après avoir
employé 7 années de fa vie &de fon revenu
à viſiter les priſons , ainſi que les Hôpitaux
de l'Europe , a eu un long entretien
avec l'Empereur , qui a deſiré de l'entretenir.
Cet Anglo's extraordinaire a expoſe
avec franchiſe àS. M. I. l'état des priſons &
des hôpitaux de cette Monarchie ; il ya
trouvé des changemens heureux , mais encore
beaucoup d'imperfections qu'il n'a pas
diffimulées au Souverain.
L'Empereur a donné le commandement
du Corps des Bombardiers au Baron de
Rouvroy, Lieutenant - Général de ſes armées.
De Francfort , le 21 Janvier.
Pendant l'année derniere on a compré à
Munich 246 mariages , 822 naiſſances &
1348 morts.
Le nombre des mariages à U'm a été de
104 , celui des naiſſances de 460 , &celui
des morts de 511 .
Le Prince Jofeph- Frédéric de Saxe- Hildbourghaufen
, Feld- Maréchal de l'Empereur
& du Saint Empire , eſt mort le 4 de ce
mois , à Hildbourghauſen , dans la 85c.
annéede ſon âge.
(
( 13 )
Le Prince - Evêque d'Osnabruck fait arpenter
la furface de, cette Principauté. On
aſſure que les biens communaux feront répartis
entre les habitans des villages. On
continue toujours les travaux du canal près
de cette ville. La dépenſe monte àprès de
50,000 rixdalers .
Le Baron de Lenthe , Confeil'er - privé
des guerres , a été nommé par l'Electeur
d'Hanovre , ſon Miniſtre plénipotentiaire à
Berlin.
Des léttres de Vienne renferment l'anecdote
ſuivante : Lasfemme du Conſeiller de Cetto ayant
appris la condamnation de ſon mari aux travaux
publics , ſe rendit avec ſes enfans au Palais Impérial
& ſollicita une audience de l'Empereur. S. M.
ne voulut d'abord point permettre qu'elle fût introduite
dans ſon appartement , mais ayant infiſté
dans ſa priere , &dit que ſon intention n'étoit pas
dedemander lagrace de fon coupable mari , ele
obtint la permiffion de ſe préſenter.A peine futelle
entrée dans l'appartement , qu'elle ſe jetta
avec ſes enfans aux pieds de l'Empereur , &
pleura ſans proférer une ſeule parole. Le Monarque
, touché de cette ſcene attendriſſante , lui
dit , les larmes aux yeux : Parlez , Madame , &
>> dites - moi ce que vous me demandez. » Encouragée
par ces mots , elle répondit : « Sire
nous ſommes,moi& mes enfans , menacés
>> de périr de miſere , fi V. M. ne vient point à
>> notre ſecours. >>> -<< Mais de quoi avez
>> vous ſubſiſté juſqu'à ce moment , demanda
>> l'Empereur avec bonté ? d'aumônes , répondir-
» elle, »- « Eh bien ! lui dit S. M. , retour
>> nez chez vous , je verrai ce que je pourrai
4
( 14 )
>> faire. » Apeine cette malheureuſe femme futelle
retirée chez elle avec ſes enfans , qu'elle reçut
de la part de l'Empereur un préſent de cent
ducats , & l'aſſurance d'une penſion de 400 florins
ſur la caffette de S. M. Imp. , qui promit en
outre de placer les enfans.
ITALIE.
De Rome , le 6 Janvier.
Le Pape a déclaré Secrétaire des Brefs ,
le Cardinal Braſchi Onesti , ſon neveu ; le
Prélat Lancelotti , Majordome ; le Prélat
Paracciani , Auditeur de Rote ; le Prélat de
la Pomaglia , Secrétaire de la Congréga-..
tion des Évêques & Réguliers.
De Venise , le 30 Décembre...
L'équipage du vaiſſeau marchand Vénitien
, qui avoit fait naufrage près de Gibraltar
; a été heureuſement ſauvé en entier
par les ſoins du Général Elliot. Ce vaiſſeau
avoit été frété par ordre de la République
pour le tranſport du Fils de l'Empereur de
Maroc.
Le Sénat vient d'accorder des récompen -
ſes à ceux des ſujets Vénitiens , qui travailleront
à augmenter & à faciliter le commerce
avec la Ruflie par la mer Noire.
On aſſure que les dépêches qui arrivent
dans le moment de Conſtantinople, appor(
15 )
tent des nouvelles de l'Egypte plus favorables
au Capitan Pacha.
L'Empereur ayant aboli la quarantaine
du côté de Semlin , dans le deſſein de favoriſer
le Commerce , le Sénat a fait parvenir
à S. M. I. ſes repréſentations , avec
priete de vouloir bien rétabir la même quarantaine
, vu le danger des progrès que
pouvoit faire la contagion.
Le Sénat a reçu avant-hier avis de Livourne
, que les vents contraires y retenoient
le ſieur Condulmer , qui doit faire
route avec le Chebeck , qu'on croyoit hors
d'état de ſervice , & qui a été très-bien rétabii.
Les abus qui s'étoient introduits depuis
long-temps dans les Familles Patriciennes ,
au ſujet du paiement de la dixme & des
autres impoſitions ſur les biens territoriaux
, ainſi que fur les rivieres , ont déterminé
le Gouvernement à faire publier , le
16 de ce mois, un décret émané du Tribunal
des Inquifiteurs , par lequel il eſt enjoint
à tout poffefſſeur de biens-fonds , d'acquitter
juſqu'au terme de mai 1787, les arrérages
dus au Tribunal , & les dettes courantes
, accordant aux payeurs une bonification
gratuite , & aux déſobéiſfans , outre la
perte de cette faveur , les peines les plus rigoureuſes.
Ledernier tremblement de terrede la veille
1
( 16 )
し
de Noël , dont heureuſement nous n'avons
éprouvé ici que des ſecouſſes aſſez légeres ,
s'eſt fait ſentir avec beaucoup plus de violence
dans nos environs. La ville de Rimini
enareſſenti les effets pendant 3 jours conſécutifs
; l'Egliſe cathédrale , la maiſon du
Séminaire des Prêtres , ainſi que pluſieurs
autres édifices de cette ville ont été renverlés
, & le Palais Epiſcopal a été fi fort endommagé
qu'il n'eſt plus habitable.Tous
les habitans ont paſſé la nuit du 24 au 25
Décembre dans les places publiques; pluſieurs
ont été enſev elis ſous les ruines; d'autres
en plus grand nombre ont été dangéreuſement
b'eſſés. Le château ſitué non loin
de Rimini eſt entierement détruit, & 7 per
ſonnes ont péri ſous ſes ruines. Les villes
de Fano , Boulogne , Fayence & toute la
Lombardie & la Romagne ont eſſuié des
effetsde ce tremblement de terre.
A.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 23 Janvier.
Le Roi s'eſt rendu ce matin au Parlement
, & a prononcé le diſcours pour l'ouverture
, dont voici l'extrait.
Le Roi informe les Lords & les Communes
-que, depuis la ſéparation du Parlement, la tranquillité
générale de l'Europe n'a pas fouffert la
moindre atteinte , & que les différentes Puiſſan
( 17 )
ces étrangeres neceſſent de lui renouveller les
aſſurances de leur amitié .
Il a conclu avec S. M. T. C. un Traité de Commerce
& de Navigation dont il a ordonné qu'il
leur fût remis une copie , & il ſe flatte qu'ils
concourront de tout leur pouvoir à lui donner
ſon effet , & qu'ils feront les réglemens les plus
propres à augmenter le commerce & à exciter un
eſprit d'induſtrie national , deux objets qui ont
principalement dirigé l'attention de S. M. dans
cette opération , & qu'elle a conftamment envue
dans la négociation des différens Traités entamés
avec d'autres Puiſſances.
S. M. a pareillement conclu une convention
avec le Roi Très Chrétien pour opéer plus efficacement
l'exécution du fixiéme article du dernierTraité
de paix , convention dont elle leur a
autli fait remestre une copie.
Les estimations de l'année courante feront
miſes ſous les yeux des Communes , & le Roi
ſeflatte qu'e les pourvo'ront par les octrois néceffaires
aux beſoins indiſpenſables des différentes
branches du ſervice de l'Etat. S. M. eſpere en
même temps qu'elles donneront au revenu public
laméme attention que dans la derniere Seffion ,
cet objet étantde la plus haute importance pour
le créditde 1Empire.
LeRoi fait part aux deux Chambres , que vu
l'état d'encombrement où ſetrouvoient les priſons
, il a été , par son ordre , formé un plan
pour tranſporter hors du Royaume les criminels ,
&il leur recommande de concourir aux meſures
propres à l'effectuer.
Enfin , S. M. a terminé ſon diſcours par la
déclaration qu'on s'eſt auſſi occupé des moyens
de ſimplifier laperception du revenu pour le
foulagement & l'avantage du commerce , &
( 18 )
qu'elle ne doute point de leur aſſiſtance pour
l'exécution d'un projet auſſi ſalutaire.
Le 14 Novembre dernier , à ce qu'on apprend
des Indes occidentales , S. A. R. ie
Prince Guillaume-Henri eſt arrivé à l'Iſle St.-
Vincent , à bord de la frégate le Pégase. Le
lendemain , il reçut les complimens duConfeil
&de l'Aſſemblée générale. On lui préſenta
le même jour pluſieurs ChefsCaraïbes,
aux principaux deſquels il fit préſent d'une
épée&de deux fufils armés de bayonnettes
àreffort,d'une nouvelle invention. Il fit diftribuer
aux autres une ſomme d'argent ; les
Caraïbes , de leur côté , le prierent d'accepter
des arcs , des fléches & quelques autres
objets du même genre.
Le travail duMiniſtre ſur la ſimplification
du tarif de Douanes &de leur perception
eft achevé . M. Rofe , Secrétaire de la Tréſorerie
, a expédié des copies de ce plan de réforme
aux différentes Chambres de Commerce
des principa'es villes , en priant ces
Corps de l'examiner avec attention , & de
faire paffer leurs remarques au Miniftre , le
plus promptement poſſible. Cette importanteopération
ſera conſomméedans la Seſſion
duPar'ement qui va s'ouvrir, & l'on applaudit
à la ſageſſede M. Pitt , qui veut s'aſſurer
du ſuffrage des Compagnies de Commerce,
& profiter de leurs confeils , avant de foumettre
ſon plan à la diſcuſſion de l'Aſſemblée
nationale...
( 19
Le Colonel Hotham , Tréſorier duPrince
deGalles , ayant eu quelque différend avec
S. A. R. fur le choix d'un Banquier pour la
liquidation des affaires du Prince , S. A. R.
lui a ſignifié ſadémiſſion , en lui offrant une
penfionviagere de soo liv. ſterl. Le Colonel
n'a pas cru devoir accepter cette offre , ſans
confulter le Roi , & le réſultat de ce rapport
a été un refus poſitifde M. Hotham , accompagné
de remercîmens à S. A. R.
Les criminels que l'on fait paſſer en Afrique
feront débarqués dans l'Iſle de Rafſo , à
L'embouchure de la riviere Sierra - Leona .
Cette Iſle a environ dix milles de circonférence;
on y trouve beaucoup d'eau & de
bois; elle peut nourrir plus de mille habitans.
Le foly abonde en coton , indigo , bois camur,&
autres productions précieuſes.
Nous parlâmes , il y a quelque temps,de
lamaladie finguliere d'une femme duComté
de Suffolck , dont les os ſe briſoient en la
foulevant du lit , quelque précaution qu'on
y apportât. Cette femme étant morte de
puis ,le Chirurgien qui la traitoit, a fait publier
dans la Feuille d'Ipſwich la lettre ſusvante.
<<Marie Breadcock, de Dalinghoe , dont
>> on a déja fait connoître la ſituation au Pu-
>> blic, eſt morte le 19 de ce mois. Je fus ap-
>>pellé le lendemain pour examiner l'état de
>> ſes os. Je trouvai qu'ils avoient perdu leur
L
:
( 20)
>>confiftance&qu'ils étoient devenus Aexi-
>>bles comme un cartilage ,de maniere que
>> je pouvois plier ſes membres dans tous les
>> ſens. Je dérachai une partie de l'os de fon
>>bras, dans laquelle avoit étéci-devant une
>> fracture. L'os étoit fi mol , qu'on le cou-
>>poit aisément au couteau. L'endroit où s'é-
>>toit formé le calus, étoit auſſi flexible que
>> le reſte. Quelque extraordinaire que foit
>> ce changement ſurvenu dans des os hu-
>>mains , ilyen ades exemples en anatomie ,
>>&les gens de l'art en ont rendu raiſon. La
>> femme dont il eſt ici queſtion , avoit
>> éprouvé de nouvelles fractures avant de
>> mourir , & au moment de ſon décès , el'e
>> étoit dans le ſixième mois de ſa grofſſeffe.
>> Je fuis , &c. »
W. SALMON , Chirurgien .
DeWickham-Market , le 26 Décembre 1786:
Dans le cours de 1786, on a baptifé à
Newcastle 896 enfans des deux ſexes , & le
nombre des morts a été de 687. A Doncaf
ser on a compté 174 baptêmes &94 enterremens.
FRANCE.
De Versailles , le 22 Janvier.
Le Baron de Carondelet , Colonel au
ſervice de Sa Majeſté Catholique , a eu , le
16de ce mois , l'honneur d'être préſenté-au
( 21 )
Roi & à la Famille Royale, par le Comte
d'Aranda , Ambaſſadeur d'Eſpagne.
:
Le Duc de la Vauguyon , Ambaſſadeur
extraordinaire & Plénipotentiaire du Roi ,
près Sa Majeſté Catholique , de retour en
cette Cour par congé , a eu , à ſon arrivée
ici , le 17 de ce mois, l'honneur d'être préſenté
à Sa Majesté par le Comte de Vergennes
, Chefdu Conſeil Royal des Finan -
ces, Miniſtre & Secrétaire d'Erat , ayant le
département des Affaires étrangeres.
Le Comte d'Arbouville , le Comte de
la Mouſſe , & le Baron de Bois-d'Aisy , qui
avoient précédemment eu l'honneur d'être
préſentés au Roi , ont eu , le 22 de ce
mois , celui de monter dans les voitures de
Sa Majesté , & de la ſuivre à la chaſſe.
De Paris , le 31 Janvier.
ク
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 23
Décembre 1786 , qui regle la forme de
l'Adminiſtration municipale de la ville d'Etampes.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 24
Décembre 1786 , portant révocation du
Privilege accordé au ſieur Fabre Dubofquet,
pour lafabrication tant d'un métal propre
à remplacer le cuivre dans le doublage
des vaiſſeaux , que d'un vernis pour enduire
les clous ſervant audir doublage.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , portant
Réglement pour les ſels à fournir auxSuifles .
( 22 )
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 14
Décembre 1786 , portant établiſſement de
vingt-quatre Paquebors , pour communiquer
, avec les Colonies Françoiſes , aux
Ifles du Vent& fous le Vent , les Ifles de
France & de Bourbon , & les Etats-Unis de
l'Amérique.
« Sur le compte rendu au Roi , de l'utilité
des Paquebots , établis par Arrêt de ſon Conſeil
du 18 Juin 1783 , pour communiquer avec les
Etats-Unis de l'Amériqne , Sa Majeſté a jugé
convenable de faire jouir ſes Colonies de l'Amérique&
les Iſſes de France & de Bourbon des
avantages d'une correſpondance auſſi exacte
qu'aſſurée ; & afin que cet établiſſement ne puiſſe
être nuiſible , par la concurrence , aux opérations
des Négocians , Elle s'eſt portée à limiter le ſervice
des Paquebors , & à fixer le prix des tranfports
qui pourront y être faits , à un taux beaucoup
plus élevé que le prix ordinaire du commerce.
A quoi voulant pourvoir : Oui le rapport :
leRoi étant en ſon Conſeil , a ordonné & ordonne
cequi ſuit:
1º. Il ſeradeſtiné dans les portsdu Havre&de
Bordeaux , un nombre ſuffiſant debâtimens de
Sa Majefté , pour qu'il en parte régulièrement
un tous les premiers jours du mois pour les iſles
françoiſes de l'Amérique ; les 15 Janvier , 15
Avril , 15 Juillet & 15 O&obre , pour les ifles
de Prance &de Bourbon ; & les 10 Février , 25
Mars , 10 Mai , 25 Juin , το Août , 25 Septembre
, 10 Novembre , 25 Décembre , pour
Jes Etats-Unis de l'Amérique : le tout ſuivant
le tableau annexé au préſent Arrêt , à commencerdu
10 Février prochain ..
2°. Les Etats-Majors deflits Paquebots ſeront
( 23 )
*compoſés d'Officiers attachés au ſervice duRoi.
*Ils feront, ainſi que les équipages , payés par
Sa Majesté , & ſous la diſcipline réglée par les
Ordonnances concernant la Marine Royale.
3°. Sa Majesté a nommé & nomme le ſieur
le Coureux de la Noraye , pour , ſous les ordres
du Secrétaire d'Etat ayant le département de la
Marine&des Colonies , diriger & adminiſtrer
-l'armement &tout ce qui aura rapport à l'expéditiondes
Paquebots. Ledit ſieur le Couteux de
laNoraye paiera en conféquence toutes les dépenſes
deſdits armemens, & fera la perception
des droits qui ſeront fixés , tant pour le tranfport
des lettres , que pour celui des Paſſagers&
des marchandiſes qu'il ſera permis de charger
fur leſdits Paquebots .
4°. Il ſera , avant le premier Janvier prochain,
rédigé & publié deux Réglemens de Sa Majeſté ,
l'un relatif au ſervice des lettres pour en aſſurer
le tranſport , la réception & la remiſe , & fixer.
leur taxe , & l'autre pour établir la Police intérieuredes
Paquebots , & fixer le tarif des droits
qui devront être perçus , tant ſur les Paſſagers
que ſur les marchandises qui pourroient être
chargées ſur leſdits Paquebots , & ledit tarif
ſera établi à un prix plus élevé que celui du
commerce , afin que leſdits Paquebots ne puiſſent
préjudicier , par la concurrence, aux intérêts des
Négocians.
5°. Veut Sa Majeſté que le préſent Arrêt ait
ſa pleine & entiere exécution , à compter du
10 Février prochain ; dérogeant à tous Arrêts
précédemment rendus , contrairesà icelui».
( 24 )
A ceiArrêt est annexé le Tableaufuivant
des époques & des Lieux de départ des
Paquebots , & des Lieux de leur destination.
Epoques des Lieux des
Départs. Départs.
10 Février.... Havre
1Mars
25Mars
:
....
....
1Avril .....
15 Avril
...
...
....
Havre
Havre
....
Lieux des
Detinations.
Amérique du Nord.
Ifles Françoiſes.
Amérique du Nord.
Bordeaux.. Ifles .
Havre
... Havre
.... Ifße de France.
Ifles .
Havre Amérique du Nord.
1 Juin ..... Bordeaux .. Ines .
Mai
10 Mai
25 Juin ....... Havre
Juillet .... Havre
.... Amérique du Nord.
... Ifles.
15 Juillet ....
1 Août ..... Bordeaux .. Ifles.
Bordeaux.. Ifle de France.
το Λούτ ..... Havre Amérique du Nord. ....
1 Septembre.. Havre Ines.
25 Septembre. Havre Amérique duNord.
1Odobre
15 Octobre ...
Bordeaux .. Ines. ...
.... Havre Ile de France.
1 Novembre ...Havre Ifles .
3
...
19Novembre .. Havre Amérique du Nord.
Décembre .. Bordeaux . Ifßes .
25Décembre.. Havre ... Amérique du Nord.
Janvier.... Havre . Ifles.
15 Janvier .... Bordeaux.. Ifle deFrance.
1 Février .... Bordeaux .. IMes.
Le Réglement pour les Paquebors établis
, par l'Arrêt du Conseil ci-deſſus, eft
1uivi du Tarif ci- après des droits de Tranf
ports
1
( 25 )
ports qui ſeront perçus par les Adminiſtrateurs
des Paquebors du Roi, tant pour
communiquer avec les Colonies Françoiſes
&les Ifles de France & de Bourbon ,
qu'avec les Etats Un's d'Amérique.
vag Legeliv
En allant aux Colonies
Françoiſes d'Amérique.
Argent de France.
En allant aux Iſles de
France & de Bourbon.
Argent de France.
ARTICLE PREMIER. Paſſagers.
Il ſera payé, pour chaque Paffager nourri
malr'McOafhfraiincddindleeeeear,
Pour chaque Paſſager nourriàla table
ala table du Capitaine, tant pour fon paf
ſage, que pourle tranſportde trois malles ... 6001. 12001. 6001.
8001, 15001 Chirurgien, Volontaire, ainſi que pourle
tiamnadſlpeloduerexst
360
ſubſpiaſPftdfao'anu&ullgcrnaeee 750 360
500 850 360
Domestique. 200 400 200 200 400 200
PaſnlopauctgroeoerFduuuirterxsss
trcaonvmſicppvardorldierelllyesstseea,
dm'aulnlee
.
160
.
300 160
091
300 160
AMRarTchIanCdFiLrsIeeEIàzs..
tocnhppnaſaoeqedyuuarIeéreual
quarldmpaiioneviltrudoddleexeuees-s
d'encombrecdpmuieebeunedxtss
..
100 200 80 200 300 80
En allant aux Etats-Unis
de l'Amérique.
Argent de France.
En retour des Colonies
Françoiſes d'Amérique.
Argent de France.
b
de l'Amérique.
Argent de France.
En retour des Ifles de
Phom France & de Bourbon.
Argent de France .
201 En retour des Etats-Unis
1
Nº. 5 , 3 Février 1786.
( 26 )
Edit du Roi; du mois d'Août 1786, portant
révocation du Privilege de Ville d'arrêt
perſonnel.
Les Rois nos prédéceſſeurs , dans la vue d'affurer
la tranquillité de tous'eurs ſujets , fous la
protection de l'autorité royale , accorderent aux
bourgeois & habitans de la plupart des villes
qu'ils érigerent en Commune , le droit d'y arrêter
& d'y retenir , juſqu'au paiement de leurs
créances , leurs débiteurs forains : d'autres villes
ont enſuite obtenu le droit d'arrêter les meubles
& effets de ces débiteurs ; il y a des villes auxquelles
l'un & l'autre privilege ont été expreſſément
accordés. De très-grands abus ont réſulté
du privilége d'arrêt perſonnel , & ces abus augmentent
tous les jours. Non-ſeulement nos fujets
, obligés de parcourir notre royaume pour
leur commerce ou pour d'autres affaires , font
arrêtés dans des villes dont ils ignorent le pri--
vilege pour des dettes purement civiles , contractées
dans des provinces éloignées , & payables
dans ces provinces ; mais des étrangers ,
réfugiés dans nos Etats , ſont empriſonnés à la
requête de créanciers étrangers ou de bourgeois
ceflionnaires pour de ſimples ſouſcrits en pays
étrangers.Ainſi ceprivilege, contraire àla fûreté
de nos ſujets & au bien du commerce national ,
donne encore lieu , ſous le voile d'une ceſſion
ſouvent frauduleuſe , & qui ne peut , en aucun
cas , couvrir le vice originaire de la créance
de contrevenir à la maxime du droit public ,
qui refuſe toute exécution aux contrats paſſés ,
&même aux jugemens rendus en pays étran -
gers , avant que cette exécution ſoit judiciairement
ordonnée par nos Juges ou par nos Cours,
&il fert de prétexte pour violer même le droit
,
( 27 )
d'aſyle , attribut de la ſouveraineté & principe
du droit des gens , qui ne permet pas que l'étranger
, réfugié dans unEtat , y ſoit pourſuivi,
ſi ce n'eſt par les actions qu'il y commet &
pour les engagemens qu'il y contracte. Le moyen
le plus afſuré pour tarir la ſource de ces abus ,
&pour éviter qu'ils ne renaiſſent dans la ſuite
fous des formes différentes , eſt de ſupprimer le
privilege même. La néceſſité de la fuppreffion
dérive d'ailleurs de l'eſprit de ſon inſtitution ;
établi pourdonner aux bourgeois des villes, alors
confédérés contre les Seigneurs voiſins , le pouvoir
de ſe faire eux-mêmes , en arrêtant la perſonne
de leurs débiteurs , la juftice que ces Seigneurs
leur refuſoient , ce privilege auroit dû
ceffer lorſque l'autorité royale , rentrée dans ſes
droits , a été en état d'aſſurer la juſtice à tous
ſes ſujets ; & fi les Ordonnances de notre.
royaume ont juſqu'à préſent toléré ce privilege ,
c'eſt que les Loix ne peuvent tout corriger à
la-fois , & qu'elles n'atteignent que par degré
à la perfection. Mais en privant du privilege
d'arrêt perſonnel les villes qui font en poffeffion
d'en jouir , nous croyons devoir les confirmer.
dans le privilege d'arrêt réel , encore même,
qu'elles ne l'aient pas expreſſement obtenu , ſoit,
pour leur donner une forte de dédommagement
de la perte de l'autre privilege, foit parce que
la conceffion qui leur a été faite du droit d'arrêter
la perſonne , paroît , à plus forte raiſon ,
avoir compris & leur avoir attribué le droit
d'arrêter les biens. Le privilege d'arrêt réel a
auſſi donné lieu à quelques abus; il a reçu dans
pluſieurs Coutumes des extenſions contraires
aux Loix qui l'ont établi , & préjudiciables au
droit de propriété. Nous nous propoſons de le
-rappeller au principe de ſon établiſſement ; &
b2
( 28 )
dans cet eſprit de régler la qualité de la perfonne
du créancier & la nature de celle re
quiſe pour donner le droit de procéder à l'ar.
rêt réel , la qualité des effets qui peuvent y être
compris , & la forme judiciaire qui doit y être
ſuivie. Ainfi , en révoquant le privilege de ville
d'arrêt perſonnel , & en réglant celui des villes
d'arrêt réel, nous maintiendrons la liberté civile
&le droit de propriété de nos ſujets , les maximes
d'ordre public & d'ordre judiciaire : nous
garantirons de toute atteinte le droit d'aſyle ,
&nous donnerons aux étrangers qui viennent
réſider dans notre royaume une nouvelle preuve
de la protection que nous ne ceſſerons de leur
accorder. A CES CAUSES , &c.
Nous avons révoqué & révoquons le privilege
de ville d'arrêt perſonnel ; voulons qu'aucundébiteur
forain ni étranger, ne puiſſe être
arrêté en vertu de ce privilege. Les
villes à qui le privilege d'arrêt perſonnel avoit
été concédé, jouiront du privilege d'arrêt réel,
ou du droit d'arrêter les meubles du débiteur
forain , trouvés dans la ville & ſes faubourgs .
-Le privilege d'arrêt réel ne pourra en
aucun cas ni dans aucune ville , être exercé , ſi
ce n'eſt par les bourgeois & habitans de la ville
privilégiée . Ledit privilége n'aura lieu
que pour des dettes qui ſoient établies par écrit,
& qui ayent été contractées dans la ville privilégiée
, ou dans le territoire ſur lequel le Juge
ordinaire de ladite ville exerce ſa jurisdiction.
Ledit arrêt ne pourra être fait qu'en
vertu d'une Ordonnance du Juge , portant permiſſion
d'y procéder. Les meubles &
effers trouvés dans la ville privilégiée & les
faubourgs , ſeront les feu's qui pourront être arzetés
en vertu dudit privilege , fans aucundroit
-
( 19 )
:
;
de fuite ſur les meubles qui en ſeroient fortis.
Les meubles & effets que les articles
XIV , XV & XVI da titre XXXIII de l'Ordonnance
de 1667. défendent de ſaiſir , ne pourront
être compris dans l'arrêt réel. Ne pourront
pareillement y être compriſes les denréés
& marchandiſes portées au marché des villes
privilégiées . Il ſera libre aux forains
dont les meubles & effets auront éré arrêtés ,
de demander au pourſuivant l'arrêt , de donner
caution pour les dépens , dommages & intérêts ;
& faute par ledit poursuivant de fournir ladite
caution dans le délai qui ſera fixé par le Juge ,
main-levée de l'arrêt ſera donnée . Tout
bourgeois ou habitant qui aura fuccombé dans
la pourſuite d'un arrêt réel , ſoit faute d'avoir
donné caution ou autrement , ſera déchu de fon
privilege , & il ne pourra en uſer à l'avenir , &c.
<<U<neCompagnie deCapitaliftes offre, à
>> ce qu'on débite,de ſe charger des frais de
>>conſtructiondunouveau pont en face de la
>>>place de Louis XV, ſi l'on veut lui céder le
>> terrein des Capucines de la place de Ven-
>>dôme , & elle propoſe en outre de payer
>> unepenſion viagere de 1000 liv. à chacune
>>de ces Religieuſes dans le couvent qu'elles
>> voudront choiſir. On avoit craint que la
>>fondation des Capucines nappartint à la
>> maiſon de Joyeuſe , ce qui auroit pu
>>>mettre quelque obſtacle à l'exécution du
>>projet de la Compagnie ; mais il a été
>> vérifié que cette fondation eſt royale , &
>>>dûe à la Reine Marie de Médicis ; auſſi
>> ſi l'offre des Capitaliſtes eſt acceptée , ils
b3
( 30 )
>>ouvriront une grande & belle rue de la
>> place de Vendôme au boulevard. Ce qui
>>donnera un débouché à cette place qui
>> en manque abſolument ; & fi par la
>> ſuite un pareil débouché eſt ouvert juf-
>> qu'aux Tuileries par la cour des Feuil-
>> lans , ce quartier ſera ſuperbement em-
>>belli.
>>>Le tirage de la Loterie de Monſeigneur
>>>le Duc d'Orléans a été fait la quinzaine
>>derniere. Le gros lot de 20000 liv. de
>> rente et échu, dit-on , à Madame de*** ,
>> veuvetrès-peu riche d'un Militaire eſtimé ,
> & chargée de trois jeunes enfans . M. le
>>Marquis de P*** , ami de feu M. de*** ,
>> dé oſitaire d'une ſomme de 6000 liv. que
>> celui ci lui avoit confiée avant ſa mort ,
>>après avoir placé les enfans de fon ami
>>>pour leur éducation, conſeilla à la veuve
>> de courir le haſard de la Loterie de Mgr.
>> le Duc d'Orléans , en faveur de fes en-
>>>fans: il y plaça les 6000 liv. de la veuve,
>> &prit lui même ſix autres billets . Inſtruit
>>>de l'événement heureux du tirage , il cou-
>> rut chez lui pour voir ſes propres billets ;
>>& il témoigna hautement la joie de ce
>> que le lot étoit échu dans ceux de la veú-
>> ve de ſon ami , il ſe rendit chez elle , &
>>> avec tous les ménagemens poffibles , il lai
>>apprit cette heureuſe nouvelle, ce qui ra-
>> mene l'aifance dans la famille d'un brave
>>m>ilitaire.
( 3 )
>> Le 24 Décembre dernier , le ſieur de la
>>>Mardelle , Procureur Général du Conſeil
>>>Supérieur du Port-au-Prince , en l'iſle de
>>>S. Domingue , a prêté ſerment entre les
>> mains de M. le Garde des Sceaux , en qua-
>>> lité de Conſeiller d'Etat.
>>En conſidération du zele de MM. les
>>> Officiers du Bailliage de Caen , & pour
>> leur donner une preuve de ſa bienveillan-
>>> ce , S. M. leur a accordé fon portrait , &
» M. le Comte de Vergennes leur a appris
>>>la nouvelle de cette faveur, par une lettre
>>>de ſa main.
Le Rouffillon , écrit on de Perpignan , en
date du 16 , vient encore d'éprouver des
dommages confidérables par une inondation
générale, auſſi ſubite qu'imprévue. Les montagnes
étoient couvertes de neige , l'en avoit
eu même des gelées affez fortes pour le climat.
Les vents de ſud & d'eſt ont fait fuccéder
des pluies abondantes à cette température
,& ils ont fondu les neiges. Les trois rivié -
res principales ſont ſorties de leurs lits , & en
ſe réuniſſant vers la mer , elles ont couvert &
déſolé les campagnes. L'on n'a encore des
nouvelles preciſes d'aucun canton de la province
, les ravins & les torrens ayant inter
cepté toute communication. Celle avec le
Languedoc eſt même interrompue dans ce
moment; le pont ſur l'Agly, ſitué entre Perpignan
& Salces , ayant été emporté dans la
journée d'hier , quoiqu'il fût d'une conftruc
b4
( 32 )
tion très-folide ,&bâti ſeulement depuis 30
ans ou environ . Les abords font entiérement
dégradés & impraticables : ceux de la
riviere de la Tet qui borde cette ville , font
dans un danger preſqu'égal ; un petit pont
proviſoire , près les eaux vives , ayant auſſi
été emporté. On s'occupe à rétablir les communications
, mais l'on craint que les déſaftres
ne foient très multipliés dans celles dont
on ne peut avoir des nouvelles,toute la province
étant traverſée par des torrens nombreux
, que la proximité des montagnes , la
rapidité de leur pente ,&le défaut d'encaiffement
rendent extrêmement redoutables .
La tempête a jetté ſur la côte plufieurs
bâtimens qui ſe trouvoient en mer.
Fin du Procès - verbal de l'Assemblée des
Notables , de 1626 .
Ce Procès-verbal contient auſſi en entier
le diſcours du Marquis d'Effiat , Surintendant
des Finances; mais comme il ſe trouve
dans l'important ouvrage de M. de Forbonnais
ſur les Finances de France , avec des
obfervations très-judicieuſes de cet eftimable
Ecrivain, nous y renvoyons le Lecteur , en
terminant ce Précis par la Déclaration de
Louis XIII , pour le rétabliſſement de tous les
Ordres de fon Royaume , & pour le foulagement
du peuple , publié en Parlement le premier
de Mars 1627.
- LOUIS , &c. &c. Le ſoin que nous avons de
( 33 )
notre Erat , & de réparer en icelui les défordres
que les longues guerres inteſtines & étrangeres y
ont apportées; le munir contre les deſſeins & entrepriſes
de tous ceux qui pourroient plonger de
nouveau notre Peuple dans les miſeres deſquelles
àpeine commence-t- il de fortir; ſoulager nos Sujets
, & les faire jouir d'une paix ſolide & affurée ,
nous a fait convoquer , en notre bonne Ville de
Paris , une Aſſemblée de pluſieurs Notables perſonnages
, tant de l'Egliſe que de la Nobleffe , &
de nos Cours Souveraines , pour nous donner avis
fur les principaux points que nous leur avons fait
propoſer pour parvenir aux effets d'une si bonne
intention.Aquoi ladite Aſſemblée ayant travaillé
par pluſieurs &diverſes ſéances , il a été pris en
icelle des réſolutions telles que nous avons ſujet
de reconnoître la bonne& fincere affection qu'ils
ont tous de correſpondre au defir & deſſein que
nous avons de la grandeur de cet Etat, Dignité
de notre Couronne , rétabliſſement de tous les
Ordres en leur luftre ancien , & du foulagement
&enrichiſſement de notre Peuple. Ceque nous
faiſons étatde témoigner plus expreffément par
l'Edit que nous ferons & enverrons en toutes nos
Cours Souveraines , ſur les avis de ladite Affemblée
, & autres points dela Juſtice & Police de ce
Royaume en tous les Ordres , dont nous avons
vulu donner par ces préſentes l'aſſurance à toute
ladite Aſſemblée avant la rupture d'icelle. Mais
d'autant qu'en attendant cette plus particuliere
Déclaration & expreffion des cheſes que nous entendons
ordonner & établir pour les fins ſuſdites ,
il eſt beſoin de faire connoître à tous nos Sujets le
bien que nous leur procurons , & auquel nous en-
-tendons acheminer & conduire le gouvernement
de cet Etat , afin que chacun ſache quel mal cauferont
ceux qui entreprendront d'en troubler le
bs
( 34 )
repos , & que l'on tienne & traite comme enne
mis communs , dignes de la haine& indignation
publique , tous ceux qui prétendront priver nos
Sujets de ſi grands biens . SAVOIR FAISONS , que
l'avis de notre très- honorée dame & mere ,
notre très-cher & très amé frere , le Duc d'Orléans
, les Princes &Officiersde notreCouronne ,
&principaux Seigneurs de notre Conſeil , NouS
avons dit & déclaré , & par ces préſentes lignées
de notre main , diſons & déclarons , que notre intention
, & le but principal auquel nous enterdons
, & à quoi nous defirons & eſſaierons par
tous moyens de parvenir , eſt d'obtenir de la
grace & miféricorde divine , que fa gloire ſoit
plus que jamais éclatante en toutes les partiesde
ce Royaume ; réunir tous nos ſujets en l'unité de
l'Eglife Catholique , Apostolique & Romaine ,
par toutes les bonnes voies de douceur , d'amour ,
de patience &bons exemples ; rétablir la ſplendeur
& dignité de l'Egliſe par l'exacte obſervation
des conſtitutions Ecclefiaftiques , générales
&particulieres , & de nos Ordonnances qui les
concernent.
:
Maintenir nos Sujets de la Religion prétendue
réformée en toute la liberté que nous leur avons
accordée , les faiſant jouir tranquillement de
leurs biens & Offices, & du bénéfice des Edits
&Graces qu'ils ont obtenus de nous; attendant
qu'il plaiſe à Dieu illuminer leurs coeurs , & les
ramener au giron de ſon Egliſe , afin que nul
d'eux prête l'oreille aux perfuasions de ceux
qui cherchant leur propre bien dans la ruine
publique, les vont ſéduisant & pervertiſſant pour
les précipiter dans les rébellions & perduellions
infâmes.
Remettre les bonnes moeurs en toutes les parties
de l'Etat , & lebon ordre en toutes les fone,
sions publiques.
( 35 )
Avantager notre Nobleſſe de pluſieure graces
&privileges , pour entrer aux bénéfices , charges
& offices , tant de notre Maiſon que de la guerre
& autres , felon qu'ils s'en rendront capables :
Faire inſtituer gratuitement ès exercices propres à
leurs condition, les enfans des pauvres Gentilshommes
, & employer ceux de cet Ordre , tant
fur lamer que ſur la terre, ès compagniesde che
val &de pied , avec bonsappointemens , fi bien
payés & réglés , que la condition en ſera deftrée
de tous ,& que chacun connoîtra que l'exécution
de ce deſſein eſt la terreur des ennemis, le ſecours
des pauvres Gentils-hommes , le bien & foulagement
du Peuple, & le plus honorable em
ploi que nous puiſſions donner à la valeur & courage
de cet Ordre .
Faire fleurir la juſtice en tous ſes degrés , &nos
ordonnances en leur premiere vigueur : délivrer
nos ſujets des véxations qu'ils reçoivent par les dé.
réglemens de cette fonétion.
Rétablir le commerce & la marchandise :
renouveller & amplifier ſes privileges , & faire
enſorte que la condition du trafic ſoit tenue
en l'honneur qu'il appartient , & rendue confidérable
entre nos ſujets , afin que chacun y
demeure volontiers , ſans porter envie aux autres
conditions.
Et pour le dernier point , diminuer les charges
qui font fur notre pauvre peuple par tous les
moyens que nous en pourrons avoir : ce que nous
avons bien voulu déclarer plus particulierement
par ces préſentes , par leſquelles nous nous obligeons
en foi & parole de Roi , de le foulager &
décharger de trois millions de livres ès cinq années
prochaines , compris les fix cents mille livres
, dont nous l'avons ſoulagé en l'année pré.
fente. De forte qu'en l'année mil 6x cent trente
b6
( 36 )
deux, nos ſujets ſe trouveront déchargés de la
dite fomme de trois millions de livres , de ce
qu'ils ont porté en l'année derniere mil fix cent
vingt- fix. Ce que nous ferions en une ſeule fois
dès-à- préſent , ſi nous pouvions en un inſtant
augmenter notre revenu , comme nous entendons
faire dans ce tems par le rachat de nos Domaines
&droi's aliénés ſurnos tailles &Gabel'es.
Ceque nous déclarons à tout notre Royaume ,
pour rendre nos intentions connues à tous , & que
nos ſujets fachent le ſoin que nous prenons de
leur repos , enrichiſſement &proſpérité. Voulant
croire qu'ils effayeront tous engénéral &particulier
, de ſe rendre dignes de ſi grands biens, &
de contribuer de tout leur pouvoir à l'entretenement
de la paix , &de la libre jouiſſance des graces&
faveurs que la divine bonté nous inſpirede
leur procurer.
La circonſtance ayant reporté l'attention
fur les particularités des diverſes Aflemblées
de Notables ; on a relu avec avidité la harangue
de Henri IV , à celle de ces Affemblées
tenue àRouen le 4 Novembre 1596.
Peu de Souverains ſe ſont exprimés dans ce
ſtyle.
Si je voulois acquérir le titre d'Orateur , dit ce
Prince magnanime, j'aurois appris quelque belle
&longue harangue , & la prononcerois avec affez
degravité; mais, Meſſieurs, mor defir tend a deux
plusglorieuxtitres , qui ſont de m'appeller LIBERATEUR
ET RESTAURATZUR DE CET ETAT. Pour
àquoi parvenir je vous ai affemblés. Vous ſavez
à vos dépens , comme moi aux miens , que lorfqueDieu
m'a appellé à cette Couronne ,j'ai trouvé
la France non-feulement quai ruinée , mais
preſquetouteperdue pour lesFrançois. Par grace
( 37
-
divine , par les bons conſeilsde mes ſerviteurs
qui ne font profeſſiondes armes , par l'épée de ma
brave & généreuſe Nobleſſe (de laquelle je ne
diflingue point mes Princes , pour être notre plus
beau titre , foi deGentilhomme ) , par mes peines
& labeurs , je l'ai fauvée de perte ; lauvons-la
à cette heure de ruine. Participez , mes Sujets ,
àcerte ſeconde gloire avec moi , comme vous
avez fait à la premiere. Je ne vous ai point appellés
, comme faifoient mes prédéceſſeurs , pour
vous faire approuver mes volontés. Je vous ai
fait aſſembler pour recevoir vos conſeils
pour les croire , pour les ſuivre , bref, pour me
mettre en tutelle entre vos mains ; envie qui
ne prend gueres aux Rois , aux barbes griſes
, aux victorieux : mais le violent amour que
je porte à mes ſujets , l'extrême defir que j'ai
d'ajouter deux beaux titres à celui de Roi , me
fait trouver tout aifé & honorable. Mon Chancelier
vous fera entendre plus amplement mave
lonté.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 27 Janvier.
Pendant l'année derniere il eſt entré au
Texel 1594 bâtimens , dont 27 d'Archangel
, 12 de Batavia , 13 de Bergen , 95 de
Bordeaux , 15 de Charlestown , 26 de Curaçao
, 17 d'Elbingue , 1177de S.Eustache ,
38 de Groënlande, 21 de Hambourg, 26
du Havre-de Grace , 21 de Huli , 33 de
Cadix , 32 de Konigsberg , 16 de Livourne
, zo de Lisbonne , 131 de Londres , 13
de Memet , 15 de Morlaix , 34 de Nantes ,
2
( 38 )
70 de Narva , 158 de Norwege , 11 de Pétersbourg
, 15 de Port-à Port, 60 de Riga ,
30 de Rouen , 18 d'Ecoffe , 131 de Sunderland
, 50 de Surinam & 14 de S. Ubes.
Le nombre des bâtimens arrivés au Vlie a
été de 822 .
Le Journal politique de Hambourg vient
de publier des ers du feu Roi de Pruffe ;
compoſés quelques années avant ſa mort,&
qui n'étoient point encore connus. On y reconnoît
en effet des tournures , des idées
familieres à ce Monarque , ainſi que les défauts
de ſes dernieres productions poëtiques.
Nous rapporterons cette piece , non pas
comme unmodele de verve &de verſification
, mais à cauſede ſa fingularité.
SUR L'EXISTENCE DE DIEU.
Unde ? Ubi ! Quò ?
D'où viens-je ? où ſuis-je ? où vais -je ?
Jen'en fais rien. Montagne dit : que fais je?
Et fur ce point , tout Doteur conſulté,
En peut bien dire autant , fans vanité.
Mais , après tout , pourquoi donc le ſçaurais-je?
Moi , qui d'hier , dans l'Univers jetté ,
Neſuis rien moins qu'un être néceſſaire :
Cet Etre exiſte , a toujours exifté.
Il en faut un , ſoit eſprit , foit matiere ,
Et ce point-là par nul n'eſt conteſté .
Or moi chétif , être très- limité ,
Que tout étonne & convaincq d'ignorance ,
Malgré cela , je ſens , je veux , je penſe ,
Je me propoſe un but en agiffant ;
Voudriez-vous que l'Etre Tout- puiſſant ,
Auteur de tout& demon exiſtence ,,
( 39 )
N'eût aucun but , aucune volonté
Tandis qu'il m'a donné l'intelligence ?
Qu'il n'en eût point , lui qui m'en a doté ?
Mais , dites- vous , & la peſte & la guerre ,
Les maux divers , phyſiques & moraux ,
La faim , la ſoif , & la goutte & la pierre ,
Du genre humain font ſouvent les bourreaux
Les ouragans , la grêle , le tonnerre ,
Mille poiſons , les affreux tremblemens
Les tourbillons , les typhons , les volcans ,
Tous ces fléaux , qui défolent la terre ,
Sont- ce les dons d'un pere à fes enfans ?
Loin d'accuſer la divine ſageſſe ,
De ton eſprit reconnois la foibleſſe ,
Homme ſuperbe , Atome révolté !
Le Tout-Puiffant poſa cette barriere
Pour contenir ta curiofité.
۱
Peut-être il veut par cette obſcurné ,
Humilier cette raiſon trop fiere
D'avoir ſuivi quelque trait de lumiere ,
Qui lui montra par fois la vérité.
Maisilmanquoit à ta félicité ,
Qu'il dévoilât à ta foible paupiere ,
De l'Univers la théorie entiere ,
Et pour te faire approuver ſes decrets ,
Dieu t'auroit dû revéier fus festers !
,
D'où vient le mal ? Eh , plus je l'examine
Et moins je vois quelle eſt ſon origine ;
Que s'enfuit- il ? finon que mon eſprit
Eſt,dans ſa fohere , étroit & circonferit .
Mais ſuppoſer qu'une aveugle matiere
De tout effet eft la cauſe premiere ,
Ama raiſon repugne & contredit ;
Ici l'abſurde , & la Pinexplicable ;
Par deux écueils je me vois arrêté ;
Il faut opter : l'abſurde eſt incroyable,
Je m'en tiens donc à la difficulté
En vous laiſſant à vous l'abſurdité.
( 401
"
Parag. extraits des Papiers Angl. & autres.
Dans la derniere Aſſemblée qu'a tenue la
Banque Nationnale de St - Charles , le dividende
de l'année courante a été fixé à ſept & vingtdeux
centiemes pour cent. De ce dividende ſept
pour cent reviennent aux Actionnaires ; & les
vingt-deuxcentiemes àl'Hôpital-Général. Parmi
les divers obiets ſoumis aux délibérations des
Intéreſſés , furent ſur tout les récompenſes à
accorder à M. Cabarus , qui eſt le premier
Auteur du plan de cet Etabliſſement. L'on
convint non - ſeulement de ſupplier le Roi
de lui accorder des Lettres de naturalité ,
mais il fut propoſé de plus de faire des inftances
près de ſa Majesté , pour qu'Elle le décore
d'un titre de' Caftille , en témoignage
de reconnoiſſance pour le ſervice ſignalé qu'il
a rendu à l'Espagne. La propoſition fut reçue
avec un applauditlement général ; & l'on ne
doute point , que le Roi n'ait égard aux defirs
des Intéreſſés , parmi leſquets l'on compte pluſieurs
perſonnes des plus qualifiées du Royaume.
UnDuc préſent à l'Aflemblée , pouffa l'enthouſiaſmejuſqu'à
comparer le Fondateur de laBanque,
à Chriftophe Colomb , & à mettre for une
même ligne les ſervices que Pun & l'autre ont
rendus à la Monarchie. ( Gazette de Leyde ,
пº. 5 ) .
n
« A la requête de l'Aſſemblée générale du
>> Commerce & des Finances , S. M. Catholique
>> a daigné abolir dans ce Royaume , les droits
connus ſous le nom d'Alcabalas & Cientas ; qui
>> ſe percevoient für les fabriques de lin & de
>> chanvre. Ces droits , en ſe multipliant à pro-
>> portion du nombre des achats & des ventes ,
>> tendoient directement à étouffer l'induſtrie ,
» & à donner du diſcrédit à ces manufac
( 41 )
stures. Il arrivoit de là que les toiles
>> étrangeres , celles de France , de la Flandre
de la Siléfie , de la Hollande , inondoient
ce pays , au préjudice des fabriques
>>>nationales , & beaucoup plus encore au
>> préjudice des acheteurs, qui étoient contraints
>> d'en donner un prix plus haut. Moyennant
> cette ſage précaution du Monarque Espagnol,
>> on eſpere revoir bientôt le tems où les tables
de la Famille Royale & des Grands de la
>>>Couronne, étoient couvertes des linges les
>> plus fins , les plus beaux & les plus agréa-
>> blement travaillés » . ( Gazette d'Utrecht
n°. 5 ) .
Dernierement ,pendant que les priſonniers de
lamaiſonde force rempliffolent les triftes & humiljanstravaux
auxquels ils ſont condamnés &balayoient
les rues de Vienne , un jeune hommeaffez
bien vêtu s'approcha de l'un deux , & lui
baifa tendrement la main. Le baron de C ... , confeiller
d'Etat, quil'apperçut de la fenêtre ,fit appellerce
jeune homme , & lui dit , qu'on ne bai-
Loit point la maind'un pr fonnier de lamaiſon de
force. Eh ! répondit le jeune homme en fondant
en larmes ,fi ce prisonnier est mon pere ? ...
Le Conteiller a tendri en fit rapport à l'Empereur
, qui ſur le champ ordonna d'inferire ce tendre
fils pour le premier emploi vacant ;&le baronde
C... ajouta à ce bienfait en lui accordant
auſſi de ſa bourſe une ſomme de to florins par
mois . Au bas de l'écrit qui conſtatoit cette donation
, il ajouta ces mots remarquables ; c'est en
reconnoiffance des larmes d'attendriffement & de
plaisir que votre piété filiale a fait couler de mes
yeux.
S. M. l'Empereur a enfin donné avant-hier une
réponſe très -déciſive à la demande qui lui avoit
85
( 42 )
été faite par quelques Eccléſinſtiques, de permet
tre le mariage des Prêtres Catholiques-Romains.
Cette réponſe , faite en termes très-vifs , conbient
un refus formel ; S. M. aſſure , que , ni à
préſent, ni jamais , elle ne permettra aux Prêtres
de ſe marier ; le Monarque prometde former
lui-même un plan propre àfoutenir le Clergé
dans un état qui le faſſe reſpecter. Gazette d'Amfterdam
, nº. 7.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) ,
Parlement de Provence. -Gentilhomme Corse ,
ancien Lieutenant- Colonel , condamné sur une
plainte en fubormation de témoins , à être fouetté ,
marqué & aux galeres ; qui a fubi l'exécution
de fon jugement , & dont l'innocence a été reconnue
.
Le Parlement d'Aix n'est pas le Tribunal
qui a condamné le fieur Abbatucci ; il n'a pas
été en ſon pouvoir de réparer les malheurs de
cet infortuné ; c'eſt du Conſeil ſupérieur de
Corſe qu'eſt ſorti le Jugement fatal ,dont l'exécution
ne laiſſe à aucunes Puiſſances de la terre
la poſſibilité d'effacer l'empreinte. Nous allons
rendre compte des principales circonstances de
cette affaire. La publicité d'une réhabilitation
peut ſeule conſoler l'innocent de la flétriſſure
qu'il a ſoufferte. -Depuis que la Corſe a
paffé ſous la domination françoiſe , les efforts
des Commandans ont eu pour objet de purger
cette Ifle d'une eſpece d'hommes connus ſous le
nom de Bandits. Ces malheureux , égarés par
unfaux amourde la liberté , mettoientleurgloire
à exterminer ceux qui venoient les affocier à
leur Empire'; ils ſe refugioient enſuite dans des
antres ou des Ifles, ſouvent inacceſſibles . Le.
Régiment Provineial de Corſe , dont le ſieur
Abbatucci étoit le Lieutenant Colonnel , fut particulierement
deſtiné à arrêter ces redoutables
1
( 43 )
famatiques. La connoiffance qu'il avoit d'un
pays dont il étoit originaire , ſon attachement
pour les François , dont il ne ceſſoit de donner
les preuves , plus encore le grade auquel la
faveur du Roi l'avoit élevé , l'expoſerent au
généreux emploi de découvrir les coupables.
-En 1778 , les freres Biggi furent convaincusd'avoir
commis un affaffinat; mais ils avoient
des complices , & les ſoupçons ſe porterent fur
un nommé Sanvito , leur parent , réſident à
Guitera , où il faifoit valoir un petit domaine
qui avoit plus d'une fois ſervi de retraite à ces
brigands. Cet homme , qui déjà avoit été arrêté
pour différens crimes , étoit même dès- lors retenudans
un fort , d'où il s'échappa . -M. de
Beaumanoir ,Commandant à Ajaccio , chargea
le ſieur Abbatucci , par une lettre du 14 Mars
1778 , de faire toutes les informations relatives
à la part que Sanvito pouvoit avoir à l'affaffinat
dénoncé à la Juſtice. « Il est néceffaire ,
>>> ( écrivoir ce Commandant ) , que vous m'envoyiez
toutes les notions qui pourroient ſervir
>> à le trouver coupable , &le nom des témoins
> qui peuvent avoir connoiſſance des mauvais
>> conſeils par lui donnés aux Biaggi », -Le
Geur Abbatucci , pour avoir les informations nécellaires
, s'adreſſe au Curé de Cozza , qui indique
pluſieurs témoins. Peu de jours après ,
unpayſan, nommé Dominique , vient lui dire
qu'il va dépoſer de ce qu'il ſait ſur les auteurs
& complices du meurtre de Binggi , ajoutant
qu'un nommé Antoine doit venir atteſler les
mêmes faits. Le ſieur Abbatucci le renvoya pour
faire ſa dépoſition devant le Juge d'Ajaccio , qui
inſtruiſoit le procès . Cet homme lui dit néanmoins
que Sanvito étoit un homme redouté dans
le pays , qui avoit un oncle Curé de Guitera
( 44
qui le protégeoit , qu'il ne vouloit pas s'expoſer
à ſa vengeance , en allant de ſon chef depofer
contre Sanvito. Alors , après avoir demandé à
Dominique ce qu'il ſavoitde relatif à cet accuſé ,
il prat note de ſa déclaration , pour l'envoyer
à M. de Beaumanoir , & au Procureur du Roi
d'Ajaccio. L'après- midi du même jour , autre
déclaration à peu près ſemblable d'Antoine Macconi
, habitant dumême lieu , dont il prit également
note. Peu de jours après , le ſieur Abbatucci
fut inſtruit par Guillaume Taſſo , foldat de
fon Régiment , & l'un des témoins indiqués ,
que les deux Payſans paroiſſent varier dans leur
récit , relativement à ce qu'ils prétendoient favoir
fur Sanvito . Ccrapport ayant donné quelques
inquiétudes an fieur Ablatucci , il remit à
Guillaume une note de leur déc'aration , pour
vérifier ſi ce qu'ils diſoient s'accordoit avec
ce qu'ils avoient déclaré ; c'eſt cette note qui
aſervi de baſe à l'accuſation de fubornation de
témoins , qui a fait la matiere du procès criminel
intenté contre le ſieur Abbatucci. Nombre
de témoins furent aſſignés d'après cette note ;
dix dépoſerent contre Sanvito , & perfifterent
dans leur dépofition, à l'exception de Dominique
&d'Antoine , qui ſe rétracterent , l'un au recollement
, l'autre à la confrontation .Ces deuxparjures
étoient paroiſſiens du Curé de Guitera , oncle
de Sanvito , & le S. Abbatucci a prétendu que le
Curé ayant appris qu'ils avoient dép ſé contre
ſon neveu , n'épargna ni les promeſſes , ni les
menaces pour les engager à ſe rétracter . Ils
ne ſe contenterent pas d'étre favorables à Sanvito
, ils accuſerent Guillaume Taſſo ſeul , de
les avoir ſubornés. Une Sentence des premiers
Juges, déchargea Sanvito , & condamna Guil-
Lane Taffo aux galeres ,Dominique au carcan ,
1
)
&Antoine à aſſiſter àl'exécution. L'appel
de la Sentence d'Ajaccio fut portée au Confeil
Supérieur de Corſe , qui ordonna une plus ample
inſtruction , & nomma deux Conſeillers Commiſſaires
, pour aller ſur les lieux recueillir les
dépoſitions. Les deux premiers Commiſſaires
furent remplacés par MM. Maffeffi & Baudin ;
ils ſe tranſporterent à Ajaccio , ils firent publier
un monitoire qui annonçoit que ce n'étoit
point contre Sanvito que l'on vouloit acquérir
des preuves , mais contre les ſuborneurs des
témoins qui l'avoient chargé. On dépoſa Sanvito
au Couvent d'Istria , & on lui donna pour
compagnons de captivité , les deux témoins qui
s'étoient rétractés en ſa faveur. On chargra de
chaînes Gullaume Taſſo , & on l'enferma ſeul.
Des décrets furent lancés contre les témoins qui
avoient chargé Sanvito : de ce nombre étoient
des Officiers Municipaux, des Notables , qui
avoient figné un Mémoire contre le coupable,
Le fieur Abbatucci lui- même fut décrété d'ajournement
perſonnel. Lorſqu'il ſe préſentapour
fubir ſon interrogatoire , il apprit que ſur la
dépoſition de deux parjures , Dominiqne & Antoine
, on l'accuſoit d'avoir voulu les ſuborner.
Il fut confronté à ces miſérables , qui d'abord
interdits , embarraffés par ſes interpellations ,
ſe couperent dans leurs réponſes ; cependant
ils pe fiflerent à dire qu'il les avoit corrempus
pour dépoſer contre Sanvito. Le fieur Abbatucci
ſe présenta devant le Conſeil de Bastia ,
pour demander la converfion de fon décret
en ſimple décret d'aſſigné pour être eni ; fa
demande fut rejettée , & un mois après il fut
arrêté & conduit dans un cachot. Le malheureux
Guillaume Taſſo , touché des adouciſſemens
accordés à ceux qui étoient devenus favorables
( 46 )
,
à Savite , croyant voir ſa liberté dans le menfonge
, declara que le ſieur Abbatucci l'avoit
chargé de trouver des témoins contre les com.
plices de Biaggi ; mais il ajouta à la confrontation,
que ce n'étoit que des témoins pour
dire la vérité. Le ſieur Abbatucci demanda à
étre admis de prouver que les deux parjures ne
s'étoient rétractés & ne l'accuſoient de fubornation
, que parce qu'ils avoient été eux-mêmes
fubornés pat l'oncle de Sanvito . Cette demande
fut rejettée , & le Conſeil de Baſtia , après avoir
interrogé le ſieur Abbarucci , fur la fellette
rendit le jugement qui le déclare atteint &convaincu
du crime de ſubornation de témoins ;
& pour réparation le condamna à être fouetté
marqué & aur galeres pendanttrois ans. -La
Nobleffe de Corſe , inſtruite du jugement , s'afſembla
& arrêta de demander un furfis ; ce qui
ne fut point accordé . Alors les Députés en
voyés aux Juges , demanderent une commutation
de peine , & que le ſieur Abbatucci
fût plutôt , comme Gentilhomme , & tenant à
une famille diftinguée , condamné à avoir la tête
tranchée ; cette demande fur également ſans
effet . Le fieur Abbatucci fut livré au bourreau ,
&après avoir fubi ſon exécution , conduit aux
galeres , attaché à la même chaîne que Guillaume
Taffo & Dominique , qui avoient été con
damnés ,le ſieur Abbatucci a paſſé les trois années
de galeres , ſoutenu par l'eſpérance de faire
rétracter au Conſeil , le jugement qui l'avoit
dégradé. Sa famille a fait préſenter en ſon
nom une Requête en caſſation , elle a été accueillie
par un Arrêt du 28 Mars 1782 , qui
a caffé toute la procédure ; & le jugement du
Conſeil de Corſe , a renvoyé l'examen du prosès
en la Sénéchauffée d'Aix , dans les priſons
( 47 )
de laquelle l'Arrêt a ordonné que Guillaume
Taſſo & Dominique fero ent transférés . Pendant
le cours d'une inſtruction , l'Arrêt a accordé
la liberté au fieur Abbatucci . Arrivé à
Aix , le fieur Abbatucci a demandé au Parlement
la permiffion de fairs imprimer en langue Italienne
& Françoiſe , & afficher par- tour où bon
lui ſembleroit , l'Arrêt du Conseil du Roi , се
qui lui a été accordé. La procédure s'eſt inftruite
en la Sénéchauffée ; le ſieur Abbamucci
a produit pour ſa juſtification les lettresde ſes
Chefs , contenant les ordres qu'il avoit reçu
de découvrir les coupables , & d'adminiſtrer les
témoins qui pouvoient ſervir à cette opération
importante , & pour détruire le ſoupçon de faire
périr Sanvito , il repréſenta, la preuve qu'il avoit
au contraire follicité ſa grace auprès du Commandant.
Cette preuve étoit confignée dans
une lettre de M. de Beaumanoir, Commandant
d'Ajaccio , datée du 26 Mars 1778 , écrite au
fieur Abbatucci , il ne manquoit plus à ſon innocence
qu'un dernier degré d'évidence , la rétractation
de ſes parjures accuſateurs. Il a obtenu
ce triomphe précieux & honorable. Antoine
& Dominique déclarerent au lit de la mort ,
que jamais le fieur Abbatucci ne les avoit follicités
contre Sanvito , & que c'étoit au contraire
à la follicitation du Curé de Guitera ,
qu'ils avoient rejetté fur lui cette accuſation.
Guillaume Tafſo eſt convenu que jamais il ne
l'avoit chargé de chercher des témoins contre
le complice de Biaggi. Six témoins entendus
à Aix , font venus corroborer les preuves de
l'innocence du ſieur Abbatucci, & accab'erl'oncle
de Sanvito par la force de leurs dépoſitions.
-Sanvito eſt mort pendant cette inſtruction .
Une Sentence de la Sénéchauffée d'Aix a dé(
48 )
E
chargé le fieur Abbatucci de toute accuſation,
déclare le Curéde Guitera atteint & convaincu
d'avoir fuborné les témoins qui avoient chargé
le ſieur Abbatucci , &pour réparation , l'a condamné
à être pendu & étranglé , après avoir
fait amende honorable , la corde au cou. -Enfin
un Arrét ſolemnel du Parlement d'Aix ,
du 17 Juillet 1786 , a confirmé cette Sentence ,
déchargé le ſieur Abbatucci de toute accutation
l'a autoriſé à faire imprimer & afficher l'Arrêt
en langue Italienne & Françoite , a ordonné
Ja reſtitution des amendes auxquelles il avoit
été condamné , & lui 'a réſervé ſes dommages
&intérêts contre qui de droit. Telles
font les principales circonstances de cette affaire
malheureuſe. Le four Abbatucci ainſi réhabi
lité , a demandé à fon Conſeil les moyens qu'il
devoit employer pour obtenir les dommages
& intérêts qui lui font réſervés , contre qui il
devoit former ſa demande , & s'il ne pouvoit
pas foliciter du Roi la grace d'être replacé
dans le rang qu'il avoit occupé ; que les appointemensdont
il avoit été privédepuis l'Arrêt
de 1779 , qui a été caffé & annullé , lui fuſſent
comptés, & que le tems de ſon ſervice continuat
de courir , comme ſi le jugement qui
l'a flétri n'avoit jamais été rendu. Son
défenſeur lui aconſeillé de préſenter une Requête
au Parlement d'Aix , pour le ſupplier
da s'unir à lui pour obtenir cete grace dela
bontê du Roi ; ( grace que S. M. a bien voulu
en effet lui accorder , comme on l'a lu dans
des numéros précédensdu Journal deBruxelles 1 .
ال
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 10 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE à M. le Comte DU MYRAT.
.....W.efigh ; andwhile
Wefigh, wefink ; and are what we deplor'd ;
Lamenting , or lamented , all our lot !
T
:
Young's night-Thoughts.
I
U languis donc dans la triſteſſe.
Ami , ton épouſe n'eſt plus ! *
Et pour conſoler ta tendreſſe ,
Aujourd'hui le ciel ne te laiſſe
:
* M. le Comte du Myrat a perdu le 16 Novembre fon
épouse , fille de M. le Marquis des Gouttes , Chef
d'Eſcadre.
N°. 6 , to Février 1787. C
so
MERCURE
Qre tes larmes & tes vertus .
Malgré les cris de l'hyménée ,
Son inexorable courroux
Brife la chaîne fortunée
Que le plaifir filoit pour vous.
Loin de ta couche folitaire
Le Dieu qu'on adore à Cythère
Va donc s'exiler pour jamais ,
Et dans une urne funéraire
Cacher la pointe de ſes traits ?
Deux fois la fortune jalouſe
Se plaît à rompre tes amours ;
Tu fais le bonheur d'une épouſe ,
Et le bonheur te fuit toujours !
Si de l'Hymen un tendre gage
Devoit conſoler tes vieux ans ;
Si dans les bras de tes enfans
Tu pouvois chérir ſon image ,
Retrouver ſes embraſſemens ! .....
Non , ton épouſe toute entière
Du trépas éprouve l'horreur ,
Et jamais le doux nom de père
Ne fera palpiter ton coeur,
Dans ta folitaire demeure
Gémis, gémis ſur ton malheur ;
Vas, tout un peuple qui la pleure
Juſtifie aſſez ta douleur.
Par un événement funeste ,
DE FRANCE.
SI
Si le ciel veut nous éprouver ,
Les pleurs font un bien qui nous reſte ,
Le fort ne peut nous l'enlever.,
Dans le ſein d'une nuit tranquille ,
Quand la lune , au diſque argenté,
Tremble ſur une onde mobile
Où ſon éclat eſt répété ,
Privé de l'objet qu'il adore ,-
L'amant ne ſe plaît qu'à gémir;
Souvent il croit l'entendre encore
Errer , lui répondre & s'enfuir.
Ce trifte& féduifant preſtige
Trompe ſa peine & ſon ennui ;
Les lieux où ſon ombre voltige
Ont toujours des charmes pour lui.
Enfin un nouveau goût remplace
Des ſouvenirs trop déchirans;
L'amour , la douleur , tout s'efface ,
Etjuſqu'à la dernière trace
Difparoît ſous les pas du temps.
HÉLAS! de ſes triſtes ravages
Mon front n'a pu ſe garantir ,
Et d'irréparables outrages
Tous les jours viennent le flétrir ;
Parune empreinte ineffaçable
Il effarouche le plaifir ,
Et ſur ſon alle infatigable
1
Cij
52. MERCURE
Chaque inſtant m'emporte undefir.
Il me fuit ce monde frivole
Où j'aimois tant à m'engager ,
Et ma jeuneſſe qui s'envole
M'avertit de n'y plus fonger.
Heureux , de la philoſophie
Qui ſait écouter la leçon !
Plusheureux qui peut fans envie
Cueillir à la fin de ſa vie
Les fleurs de la jeune ſaiſon ,
Et des grelots de la folie
Étourdir l'auſtère raiſon !
A des preſtiges agréables
Pourquoi dérober nos vieux jours ?
Et fi les rêves ſont aimables ,
Pourquoi ne pas rêver toujours ?
Douces erreurs de mon jeune âge
Si vous me fuyez ſans retour ,
Que l'amitié me dédommage)
Des pertes qu'éprouve l'Amour,
DANS ma paiſible folitude
Je ne demande rien aux Dieux
Si je puis , au gré de mes voeux ,
Unir aux charmes de l'étude
Tes entretiens délicieux .
Nous rirons de chaque ſottiſe
Qu'un nouvel an ramènera ;
DE FRANCE.
53
Quatre-vingt- lept , quoiqu'on en dife ,
Comme ſa ſoeur radotera.
•
Pour faire pâmer nos coquettes ,
Meſmer du tombeau ſortira.
Nous verrons les François crédules
Très-pieuſement applaudir
Ade très -profonds ſomnambules
Qui leur prédiront l'avenir ;
Pour des maîtreſſes ſurannées
Tous nos Romanciers beaux- eſprits
Inonder la Cour & Paris
De leurs Brochures pomponées ;
Des petits- maîtres ſans crédit
Dénigrer * * & ***,
Lorſque la France les chérit.
Ami , notre ſiècle vicillit ,
Ne faut il pas qu'il déraiſonne ?
Tandis que les foibles humains ,
Ainſi que l'inconſtant nuage
Promènent leurs voeux incertaine ;
Tranquille , à l'abri de l'orage ,
Dans l'indifférence du ſage ,
Je vais couler des jours ſereins.
On verra dans mon hermitage
Monteſquieu , Nicole & Raynal ,
L'Auteur harmonieux d'Armide
Cij
54 MERCURE
EntreBolingbrook & Paſchal ,
Et ſouvent les calculs d'Euclide
Ala ſuite d'un madrigal ;
Mais fi la parque meurtrière
De mes jours ércint le flambeau ,
Puiffe la main qui m'eſt ſi chère
Graver ces mots ſur mon tombeau :
Ilfut humain , tendre &fincère ,
Son coeur refpecta la vertu .
Puiffe alors l'aimable Glycère
Confoler un frère éperdu ,
Et d'une larme tributaire
Honorer la froide poufſière
De l'ami qu'elle aura perdu.
(Par M. de Laurenval, à Moulins. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eft Paſſage ; celui
de l'Enigme eſt Coucou ; celui du Logogryphe
eſt Proverbe , où l'on trouve verbe ,
père ver , porc.
MON
CHARADE.
ON dernier, s'il eſt mon premier,
Plaît plus que s'il eſt mon entier.
DE FRANCE.
SS
ÉNIGME.
LECTEUR, JECTEUR, nous ſommes deux jumeaux
Qui, ſans jamais être rivaux ,
Paſſfons toutes nos nuits avec les mêmes belles .
Mais quoi que nous ſoyons d'un autre ſexe qu'elles ,
Et que nous poſſédions leurs plus ſecrets appas ,
Leurs maris ne redoutent pas
Que nous les rendions infidelles.
(Par M. de C. , à Poitiers. )
LOGOGRYPΗ Ε.
Tous les Rois de la terre, ainſi que lacanaille,
Éprouvent fans égard mes piquantes rigueurs.
Les timides qu'ils font! pour toute repréſaille ,
Plus je leur fais de mal , plus j'en ai de douceurs.
Sur cinq pieds, cher Lecteur , je voyage en ce monde,
En les décompoſant , ta curiofité
Y trouvera le nom de l'empire de l'onde;
Dans les cités toujours un chemin fréquenté;
L'appui de ta maiſon , ou bien ſon enveloppe;
AParis comme à Londre un breuvage adopté ;
Plas un fruit teint du ſang de Pyrame & Thisbé ;
Enfin un fage Anglois révéré dans l'Europe .
( Par M. du Rion. )
Cav
$6 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LETTRES à M. Bailly , fur l'Histoire
primitive de la Grèce , par M. Rabaut de
Saint-Étienne.AParis , chez Debure l'aîné,
quai des Auguſtins , 1787. in- 8 °. 1
CES Lettres de M. Rabaut de Saint-Étienne
à M. Bailly feront , pour la réputation littéraire
de leur Auteur , ce que les Lettres de
M. Bailly à M. de Voltaire ont été pour la
fienne ; elles annoncent beaucoup de talent
pour écrire , pour difcuter , pour perfuader;
& fi nous ajoutons : ou pour éblouir , c'eſt
afin de ne pas paroître prononcer ſur une
queſtion qui va ſans doute exciter bien des
débats. Les Savans n'aiment point à être troublés
dans leurs opinions , ils n'aiment point
à voir ramener au doute & à l'examen , ou
même réfuter ſans reſpect pour leurs décifions
, des objets ſur leſquels ces décifions
mêmes tenoient lieu de ſcience &de vérité.
Leurs raiſons , pour s'oppofer en pareil cas
auxdécouvertes nouvelles , font celles qu'Horace
a fi bien vues :
Vel quia nil rectum nisi quod placuitfibi ducunt ,
Vel quia turpe putant parere minoribus , & qua
Imberbes didicere ,Senes perdenda faterin
DE FRANCE.
57
Le même Horace a dit :
Genus irritabile vatum.
La race irritable des Poëtes , celle des Savans
ne l'eſt pas mal auſſi , M. de Saint-Étienne va
l'éprouver peut-être ; en tout cas , il peut
dire comme Acomat :
J'ai ſu leur préparer des craintes & des veilles ,
Et le bruit en ira bientôt à leurs oreilles.
M. de Gébelin avoit déjà expliqué une
partie de la Fable par l'allégorie ; M. Dupuis ,
Profeſſeur de Rhétorique au Collége de Lizieux
, ſavant plein d'eſprit & de feu , prépare
un grand Ouvrage , où il explique la
fable & l'origine de l'idolâtrie par l'attronomie
, il a déjà donné lui-même une idée de
ce travail, dans pluſieurs Lettres für cetre
* matière , inférées dans le Journal des Savans ,
Juin 1779, ſecond vol.; Octobre & Décemb.
1er vol. , même année 1779 ; Février 1780 ;
Décembre , fecond vol. 1784 ; pluſieurs Savans
l'ont applaudi , pluſieurs ſe ſont plaint
qu'il renverſoit toutes les idées reçues ; c'eſt
•ainſi que dans la carrière de la Philofophie &
des Lettres , on marche toujours per convicia
& laudes ; mais il faut marcher.
Voilà M. de Saint-Étienne qui marche , &
qui marche à grands pas ; il en fait faire de
nouveaux à l'allégorie , il lui ſacrifie toute
P'hiſtoire primitive de la Grèce , en s'appuyant
fur le peuple primitif de M. Bailly , dont
l'existence lui paroît avoir été démontrée par
Cv
18 MERCURE
ce ſavant aimable ; quand on dit démontrée,
lar eftriction ſe fait d elle même, c'eſt demontree
autant que ces objets font fufceptables de
demonftration , autant que l'erudition , aidée
de Leaucoup d'eſprit , peut demontrer des
faits dont les monumens ont peri ou font devenus
inexplicables " Vous etabliffez votre
ود opinion avec tant d'adreſſe , a dit M. de
Condorcet à M. Bailly , " vous l'avez telle-
>> ment enbellie par des details ingénieux ,
>> qu'on a de la peine à s'empecher de l'adop-
>> ter. On eft de votre avis tant qu'on a votre
ود
ود
Livre entre les mains , & il faut le quitter
pour avoir la force de ſe défendre contre
vous, "
On s'eſt donné bien de la peine pour rechercher
& demêler juſqu'à quel point dans
les origines grecques & dans l'hiſtoire des
temps héroïques , la fable eſt mêlee avec l'hiſtoire;
M. de Saint Étienne abrège bien l'Ouvrage
, tout eft fabuleux Voici en ſubſtance
comment il explique la choſe.
L'écriture hiéroglyphique a précédé l'écriture
alphabétique , on a peint les objets avant
de peindre les fons qui en retracent l'idée.
Les objets de la Nature furent les élémens de
Pécriture hiéroglyphique. Elle fut d'abord
très-fimple; elle ſe contenta de figurer bien.
ou mal , délicatement ou groffièrement , l'objet
qu'elle avoit à faire connoître ; mais quand
on eut beſoin d'écrire les idées abſtraites &
les chofes que l'oeil ne voit pas, on ſe ſervit
des élémens qu'on avoit,& ce fut encore la
-
DE FRANCE.
19
Nature qui fournit les caractères. Un lion
deffiné fignifioit ardeur , courage ; le monde
étoit repréſenté par un ferpent qui mord fa
queue ; une femme veuve étoit une colombe
noire; un homme que le malheur a rendufage,
étoit figuré par un taureau lié à un figuier
ſauvage , parce qu'on croyoit que cet animal
y perdoit toute la fureur; à meſure que ce
langagedevint plus étendu & plus compliqué,
il devint plus équivoque & plus obfcur , il
devint par degrés tout emblématique , tout
métaphorique , tout allégorique ; il fallut pour
les Sciences un langage plus ſimple & plus
exact ; l'écriture alphabétique remplaça donc
l'écriture hiéroglyphique , & celle-ci ne fut
plus entendue; car à fon obſcurité naturelle
ſe joignoit la perte de toutes les facilités que
l'habitude & l'uſage continuel de l'allégorie
donnoient autrefois pour l'entendre.
Tous nos Livres les plus anciens , à commencer
par ceux de Moïſe , étant en écriture
alphabétique , le temps où l'écriture hiéroglyphique
& pittoreſque étoit en uſage , doit
être fort reculé , ce qui nous renvoye au peuple
primitifde M. Bailly .
Mais c'eſt de l'Histoire Primitive de la
Grèce qu'il s'agit ; elle aura toute l'antiquité
qu'on voudra: M. de Saint Étienne met fur
cela les Savans bien à leur aiſe , il les délivre
des fers de la chronologie dont ils s'étoient
chargés bien gratuitement. Toute cette Hiftoire
eſt dans le ci. 1, elle eſt auſſi ſur la terre ,
mais fans faits & fans perſonnages ; en un
Cvj
60 MERCURE
mot, c'eſt de la Géographie & de l'Aſtronomie
qu'on a pris pour de l'Hiſtoire à la faveur
du langage hiéroglyphique. Ce langage eſt
par-tout celui des origines grecques. " Tout
"
ود
y eft perſonnifié , tout y a de la vie & de
l'action. Le ſoleil qui éclaire le monde eſt
>> un Dieu plein de jeuneſſe & de vigueur :
>> porté ſur un char , & traîné par des che-
>> vaux qui ſoufflent la flamme , il répand des
20 flots de lumière dans l'Univers. Ses rayons
>> font des flèches dont il perce ſes ennemis ;
>> un arc eſt dans ſes mains , & fon carquois
ود retentit ſur ſes épaules. Quand ce Dieu
>>paroît le matin pour éclairer la terre , il
ود
ود
ود
fort de fon palais , les portes s'ouvrent , une
>>jeune Déeſſe le précède , dont les doigts de
>> roſes sèment des fleurs , & dont les beaux
>> yeux verſent des larmes. Douze jeunes
>> filles , qu'on reconnoît aifément pour être
>>>des foeurs , accompagnent ſa marche ; ce
font les heures qui , courant avec lui , mefureront
ſes pas , & diviſeront la journée.
» Arrivé à la fin de ſa courſe, le palais d'une
>>> autre Déeſſe s'ouvre à lui , & Téthis le re-
>> çoit dans ſon ſein. Alors deux autres Déités
>> prennent ſa place dans le ciel; la Nuit aux
>> aîles noires , au char lugubre , parfemé de
>> ſaphirs ; & Phébé , ſoeur aimable du blond
➡ Phébus , armée comme lui d'un arc & de
>> flèches , & qui , pourſuivie par les aftres ,
fes amans , leur échappe toujours dans ſa
courſe incertaine. »
"
On voit par ce morceau", pour l'obſerver
DE FRANCE. 61
en paſſant , que l'Auteur fait parler la langue
poétique ; mais fuivons le fil de ſes idées.
Ce langage métaphorique , dont les peuples
anciens ſe ſervirent pour parler des
grands phénomènes de la Nature , fut employé
aufli pour de moindres phénomènes ,
&il varia felon les peuples & les pays. Ici , le
foleil fut frère de la lune ; là , il fut fon époux
qui la fécondoit de ſes rayons; non-feulement
la courſe journalière du ſoleil , mais tous ſes
pas , toutes ſes apparences , tous ſes changemens,
fon arrivée au Nord, ſes pas rétrogradés
vers le Midi, tout fut marqué par des figures
différentes. Ici , on peignoit , on racontoit ,
on chantoit les voyages du Roi céleſte d'Orient
en Occident , ceux du Nord au Midi , ſa defcente
chez Pluton & fon retour ſur la terre;
là , Pluton , Jupiter , Hélios & Bacchus furent
les quatre ſoleils des quatre ſaiſons . Ici ,
le zodiaque & ſes douze ſignes fut Hercule
& ſes douze travaux; là , ces douze fignes
furent douze maiſons , dont chacune eft habitée
par un animal, deux ourſes au pôle , un
bouvier qui paît le troupeau du ciel , un chien
qui le garde , un char au Nord , & fon charretier
qui le conduit , cet impie Salmonée ,
qui tonne fous le pôle , & fe croit l'égal de
Jupiter. Des Guerriers, des Géans , des Rois ,
des Princeſſes figurent les différentes conftellations;
les ſept étoiles qui compoſent la
Pleïade , étoient ſept ſoeurs , dont Pleïone
étoit la mère , & dont Atlas , qui porte le
ciel, étoit le père. Les Hyades, ou Pluvieuſes,
62 MERCURE
verſoient des pleurs , c'est ainſi qu'on défignoir
leur influence : elles déploroient la
perte de Phaeton , qui, ayant voula conduire
le cha
د
char du Soleil , fon père , s'égara dans la
voie lactee , qu'il traverſa, & qui ſe termine
dans la conftellation de l' Éridan , fleuve dans
lequel il tomba foudroyé par Jupiter. Perjée,
avec fon glaive & fon égide; Céphée , avec
fon fceptre ; la brune Caffiopée affiſe fur
fon trône; la malheureuſe Andromède , attachée
à un roc près de la baleine , qui va la
dévorer , tout cela eſt du méme genre , de la
langue allégorique & hiéroglyphique ; les
peuples qui dépeignirent ainſi , ſous des figures
animées , les aftres & les conftellations ,
employèrent la même écriture & le même
langage pour déſigner leurs aſpects , leurs
conjonctions , leurs oppofitions , & tous les
phénomènes journaliers qu'ils préfentent ;
tous leurs rapports furent des aventures.L'aftre
qui en éclipſoit un autre le tuoit; la conftellation
, qui , en ſe levant , en faifoit difparoître
une autre, la tuoit; le perfonnage (c'eftà-
dire l'Aſtré ) difparoiſſant, defcendoit dans
les enfers , tandis que ceux qui régnoient en
fon abfence fur l'hémisphère , y éprouvoient
autant d'aventures qu'il leur arrivoit de changemens:
dela les métamorphoſes chantées
par Ovide , & mal expliquées , ſelon M. de
Saint-Étienne , par l'Abbé Banier.
Dans ce lungage hiéroglyphique , qui ,
comme M. Goguet l'avoit déjà ſoupçonné ,
fut employé pour conftater les premières ob
DE FRANCE. 63
ſervations aſtronomiques , au défaut de l'écriture
alphabetique , qui n'exiſtoit pas encore ,
les chofes abſtraites font toujours déſignées
par des ètres phyſiques , c'eſt le génie de cette
langue ; le pôle , par des gonds fur leſquels
tourne le monde; les points folſticiaux , par
les colonnes que plantèrent Hercule , Bacchus
, Séſoftris ; l'écliptique par deux ferpens;
l'horizon , qui voit les deux hémifphères
, par Anubis , qui garde les deux côtés
du ciel ; le ciel étoilé , qui a toujours les yeux
ouverts ſur la lune , par Argus aux cent yeux ,
qui garde la vache Io ; l'équinoxe , par une
balance ; le Zodiaque, qui ceint le ciel , par
une ceinture; les autres cercles du ciel , par
des ceintures aufli , ou des zones ; les Cycles
même devinrent des perſonnages dans cette
écriture& ce langage animés. Le Cycle Hebdomadaire
étoit figuré par Saturne; le Cycle
annuel par Jarus au double viſage , qui voyoit
devant & derrière lui , &dont la clefouvroit
l'année ; un Cycle plus conſidérable , par la
mort & la renaiſſance du phénix.
La plupart de ces ſignes étoient des hommes
, des Héros , des Dieux ; en conféquence
tous les rapports des objets déſignés étant
des aventures , on eut l'hiſtoire & les généalogies
bien complettes & bien ſuivies de ces
Dieux&de ces Héros. Il arriva un temps où
la langue hiéroglyphe n'étant plus entendue ,
la relation du ſigne à la choſe déſignée fur
entièrement perdue ; on ne vit plus dans les
perſonnages métaphoriques que des perfone
64 MERCURE
nages réels,dont oncrut avoir la généalogie
&l'hiſtoire, chargées ſeulement quelquefois
de circonstances impoflibles. Voilà les antiquités
grecques; voilà l'Hiſtoire Primitive de
laGrèce.
C'eſt à peu-près comme ſi un jour toutes
les notions étant changées ou perdues , on
s'aviſoit de prendre à la lettre ces vers de
M. de Voltaire fur les Académiciens qui allèrent
, les uns au Pérou, les autres au Nord,
pour déterminer la figure de la terre :
Les aſtres étonnés dans leur oblique courſe ,
Legrand, le petit chien,&le cheval & l'ourſe ,
Se diſentl'un à l'autre , en langage des cieux :
Certes, ces gens ſont fous , ou ces gens font des
Dieux.
L'hiſtoire de tous ces animaux aſtronomiques
n'étoit pas plus réelle que ce jugement
qu'on leur attribue ſur la ſavante expédition
des Académiciens .
Les Savans qui ont expliqué ces antiquités ,
notamment l'Abbé Banier , ont bien vu que
les aventures attribuées à pluſieurs de ces
Héros & de ces Dieux , ſuppoſés changés en
aftres , ne pouvoient pas être réelles ; ils ont
pris le parti de ne pas croire les aventures ,
mais d'adopter les perſonnages ; & des Chronologiſtes
ont même fixé le temps précis où
ils vivoient , & l'époque de quelques- unes de
leurs actions.
M. de Saint-Étienne , au contraire , con
DE FRANCE. 65
ſerve très-foigneuſement les aventures , parce
qu'elles font de toute vérité , n'étant que des
emblêmes du ſyſtème du ciel , & il rejette les
perſonnages , comme étant purement emblématiques&
métaphoriques.
Toutes ces aventures ſi incroyables , ces
métamorphofes , ces morts , ces réfurrections
, toutes ces merveilles , font exactement
vraies; mais elles ſe ſont paffées , ſe paſſent
& ſe paſſeront dans le ciel , les perſonnages
n'ont vécu nulle part. C'eſt l'écriture hiéroglyphique
qui leur a donné l'exiſtence .
Voilà pour le ciel; c'eſt abſolument la
même choſe ſur la terre : les héros céleftes
n'étoient que de l'aſtronomie , les héros terreftres
ne font que de la géographie.
C'eſt toujours ce caractère hiéroglyphique
qui perſonnifie tout , qui anime tour. " Les
vents font des perſonnages aîlés qui , for- ود
ود tant de la caverne où leur Roi les tenoit
>> enfermés , ſe répandoient ſur la terre &
>>les mers. L'arc en- ciel, ſigne du calme qui
> doit ſuccéder à la tempête , étoit la mella-
>> gère aîlée de Junon. Sa robe étoit peinte de
ود mille couleurs. »ود
Mille trahens varios , adverſo ſole , colores .
Les vents peftilentiels étoient des harpies ſales
& infectes. L'aurore & le crépuscule , le matin&
le foir, le levant& le couchant , étoient
figurés par des perſonnages , & leurs rapports
phyſiques donnèrent lieu à ces récits d'aventures
amoureuſes, de paffions , de guerres ,
66 MERCURE
&c. dont lamythologie eſt pleine. Les fleuves
font auſſi des perſonnages dont le front étoit
couronné de roſeaux , & qui
Appuyés d'une main fur leur urne penchante ,
Dormoient au bruit flatteur de leur onde naiſſante.
Les fontaines étoient des Nymphes , dont
l'union myſtérieuſe avec les Heuves donna
lieude parler de leurs amours allégoriques ,
&dont les Rois ſe firent gloire de deſcendre.
Les Villes , les Provinces , les Royaumes ,
les Ifles , les montagnes , les volcans , les
gouffres , les rochers , les écueils devinrent ,
ou des perſonnages bienfaifans , ou des monftres
ou des géans , ſelon leurs qualités phyſiques.
La mer fut ici la Déeffe Téthis ou la
belle Amphitrite; là , le vieil Océan , père
des fleuves; ou Nérée, le Dieu fincère , &
qui laiflèpénétrerdans ſon ſein; ou Neptune,
qui ébranle la terre avec ſon trident , ou le
vénérable Pontus. La terre , figurée comme
une mère féconde , fut Ops ou Khez ; couverte
de villes , & le front orné de tours , ce
fut Cybèle.
Berecynthia mater
Invehitur curru Phrygias turrita per urbes .
:
Les promontoires ou caps furent des têtes de
géans ou de monftres , les montagnes , des
géans, les volcans, des Cyclopes , qui n'avoient
qu'un oeil au milieu du front , image ſenſible
du Cratère , & qui forgeoient la foudre , emblême
très fignificatifde la foudre qu'ils lan-
-
DE FRANCE. 67
çoient eux-mêmes : par-tout où vous verrez
d'énormes géans jeter des montagnes contre
le ciel pour l'eſcalader & détroner les Dieux ,
comprenez qu'il y a eu des volcans, des tremblemens
de terre , des renverſemens , de
grandes révolutions phyſiques : Polypheme
étoit l'Etna , les Cyclopes , fes frères , étoient
les autres montagnes de la Sicile , autrefois
volcaniques.
Etneos fratres , coelo capita altaferentes.
C'eſt dans cette Ifle qu'étoient les antres de
Vulcain.
Les marais peftilentiels font toujours des
ferpens venimeux , & en effet ils en pro- '
duifent.
Plus les objets phyſiques & géographiques
ont de rapports avec les hommes , plus ils
figurent dans les origines grecques. Le ſyſtême
hiéroglyphique avoit fait imaginer les
Dryades , les Hainadryades , les Orendes , &
ce peuple aimable de jeunes Nymphes cachées
, diſoit- on , ſous l'écorce des arbres ;
mais ces Nymphes des arbres & des montagnes
ne jouent pas un rôle actif & brillant
dans les origines grecques , parce que les objets
qu'elles figuroient avoient moins de rapports
avec les hommes , mais les Nayades ,
les charmantes Nymphes des eaux rempliffent
toute cette Hiſtoire ; & c'eſt à leur complaiſance
pour les fleuves leurs voiſins , ou à
leurs liaiſons avec les montagnes d'où couloient
ces eaux , qu'on doit la plus grande
68 MERCURE
partiedesPrinces&des Héros de la Mythologie.
C'eſt que les Grecs primitifs les appeloient
les mères des bourgades qu'ils avoient
bâties ſur leurs bords , & auxquelles ſouvent
ilsdonnoient lemême nom. Bienfaitrices du
pays, elles furent appelées les nourrices des
Dieux, parce qu'elles l'étoient des hommes.
Huitfontainesen Arcadie,ſouslenomdeNymphes,
paffoient pour les nourrices de Jupiter.
Preſque tous les grands fleuves furent des
Rois & des fondateurs de villes & d'États ,
parce qu'on bâtiſfoit des villes ſur les bords
de ces fleuves. Inachus & Phoronée en Argolide
, Acheloüs en Étolie , Æſon & Pénée
en Theffalie , Augias en Élide , Eurotas en
Laconie , étoient des fleuves , on en a fait
des hommes. Pénée étoit père de Daphné ,
parce qu'il y avoit beaucoup de lauriers fur
fes bords; Inachus étoit-père d'Io , peut- être
à caufe des pâturages qu'on trouvoit près de
ce fleuve. Dans la Thrace , les géans Athos ,
Pallène , Mimas , Typhée , & les terribles
fils d'Alous ,
Hic& Aloïdas geminos , immania vidi
Corpora
ſont des montagnes du pays; le Roi Phlégias
ou le brûlant, ſous le règne duquel on place
la guerre des géans contre les Dieux , eſt le
ſouverain de la contrée , le pays s'appelle
l'Istiée , la brûlée, les champs Phlégréens ou
brûlés. Encelade , Briarée , Ægéon , Gygès
font dans la Sicile .
DE FRANCE. 69
L'Auteur parcourt les fleuves , les montagnes,
les écueils , les promontoires , &c. des
différentes contrées : par- tout il accumule ſes
preuves , par- tout il trouve ainſi la géographie
déguiſée en Hiſtoire ,& tout s'explique
toujours par l'erreur qu'a fait naître l'écriture
hiéroglyphique , lorſqu'elle a celfé de pouvoir
être lue & entendue.
Mais un Roi ne peut- il pas avoir donné fon
nom à un fleuve , à une montagne , à un
promontoire ? Oui , dit l'Auteur , à toute rigueur
la choſe eſt poſſible; mais que preſque
tous les Rois en ayent fait autant , que leurs
fils ayent donné leurs noms aux montagnes
voiſines , d'autres aux plantes de leurs jardinsi
ou aux arbres de leurs forêts , d'autres aux..
oiſeaux du pays; que leurs filles ayent donné
les leurs à des fleurs , à des inſectes , à des
fontaines , à des rivières , à des prairies , à des
villes , à des ifles , & toujours ou preſque toujours
ſuivant des rapports géographiques évidens
, c'eſt ce que l'Auteur ſoutient ne pouvoir
s'expliquer que par la géographie , déguiſée
en hiſtoire à la manière hiéroglyphique.
Mais comment des généalogies ſi détaillées
& fi complettes , des hiſtoires ſi bien ſuivies
, fi bien liées dans leurs cauſes & leurs
effets , n'auroient- elles pas au moins un fonds
de vérité ? Les marbres d'Arondel portent le
nom de Cécrops , ils ont fixé le temps où il
a vécu ; voilà une vérité hiſtorique.
Fortbien , répond l'Auteur ; mais Cécrops
70
MERCURE
avoit deux corps ,&il étoit ferpent de la ceinture
en bas ; ce qui ne peut certainement
avoir de ſens raiſonnable que dans l'allégorie.
On réplique que ces circonstances font fabuleuſes
, mais que l'exiſtence de Cécrops eft
prouvée.
Eh bien ! s'il a exiſté , les trois filles que
la fable lui donne , & dont l'une (Herſe) a
époufé Mercure , ont aufli exiſté ;& voici leur
hiftoire. Minerve leur avoit confié la garde
du cocher céleste , du petit Érichtonius , né
ſans mère ,
Prolemfinematre creatam.
Elles ouvrirent la boëte où étoit renfermé
cet Érichtonius ; mais il leur fit tant de peur,
qu'elles montèrent toutes les trois au haut
d'une tour , & ſe précipitèrent. Tout cela eftil
vrai dans le ſens naturel ?
Non ; mais il n'y a qu'à retrancher le fabuleux
, le merveilleux , & s'en tenir au vrai ,
répondent ceux qui regardent la fable comme
une hiſtoire altérée.
M. de Saint-Érienne ſe moque de cette
méthode facile , qui choiſit ce qui lui plaît ,
admet comme vrai ce qui n'eſt pas abſolument
impoſſible ,& rejette l'impoffible fans
en rien conclure contre l'autorité hiſtorique
qui préſente ainſi indiſtinctement le vrai &
le faux, le poſſible & l'abſurde. « Il n'y a ,
" dit- il , en tout genre , qu'à retrancher la
» fable , ce qui reſte eſt évidemment une
» vérité. Diſons que le petit poucer n'étoit
DE FRANCE.
71
>> pas petit , que l'ogre qui devoit le dévorer
» n'étoit pas un géant , que les bottes de
>> ſept lieues ſignifient que l'ogre étoit léger
ود àla courſe , » &nous pourrons avoir, aulieu
d'un conte intéreſſant & invraiſemblable
, une hiſtoire infipide & véritable.
On pourroit , ajoute M. de Saint- Étienne ,
on pourroit avec cette fauſſe méthode , faire
une hiſtoire très-ſuivie de toute la Bibliothèque
des Romans ; on réduiroit les géans à la
taille ordinaire ; on diroit que les chevaux
aîlés & les hippogriffes ſont des vaiſſeaux;
on nieroit tout fimplemeut les enchantemens
& les prodiges ; " après quoi l'on auroit des
>> mariages , des parentés , des ſynchronif-
- mes entre les Amadis , les Roland , les Lan-
„ celot& les Gauvain .»
1
Au reſte , en réduiſant la mythologie à
l'allégorie , on ne lui fait perdre aucun de ſes
agrémens , on n'ôte rien à ces charmantes illufrons.
" Les Boucher crayonneront toujours
>> avec plaifir la mère des Amours, & les Di-
ود
ود
vinités qui diſputent la pomme , & les
Grâces modeftes qui détournent , en rou-
>> giffant , leurs regards. Tendre Racine , au
>> ſon de ta mélodie enchantereſſe , nous irons
>>>toujours verſer des pleurs ſur la veuve
" d'Hector & fur l'intereſſante Iphigénie !
>> Tranſportés dans l'ifle de Lemnos , nous
>> nous attendrirons encore fur l'exil & les
>> douleurs de Philoctète. »
Le ſyſtême de l'Auteur , qui ſe trouve conforme
à celui de M. de Gebelin , fur-tout à
72 MERCURE
,
ont
celui de M. Dupuis , & de quelques autres
Savans , rentre dans celui de M. Bailly , en ce
que M. de Saint- Étienne regarde les allégories
comme étrangères auxNations , qui , en ayant
compofé leurs antiquités hiſtoriques
prouvé par cela même qu'elles n'en avoient
pas l'intelligence ; c'eſt donc au peuple primitif
deM. Bailly qu'appartient, felon M. de
Saint-Étienne , ce règne de l'allégorie & de,
l'écriture hiéroglyphique. Il nous reſteroit ,
dit-il , à faire un Ouvrage immenfe , mais
dans lequel nous ſerions animés par de grandes
eſpérances. Les caractères de l'écriture du
peuple primitif étant une fois reconnus , il
faudroit en raffembler les monumens, diftinguer
ce qui eſt écrit d'une manière figurée,
& le rapporter à cette époque; " prendre
>>chez chaque peuple les traditions religieu-
>>ſes conſacrées par cette écriture , & dont
>> ce peuple ignoroit l'origine ; étudier fur-
>>tout les traditions communes , en ſe per-
>>- ſuadant bien que des traditions ſemblables..
>>>ne s'inventent pas , mais qu'elles ſe tranf...
> mettent. » Ce que tous les peuples auront..
reçu leur fera viſiblement étranger, & nous..
le rapporterons à leurs prédéceſſeurs .
C'eſt à celui qui a conçu l'idée de cet.
Ouvrage à l'exécuter ; celui qu'il donne aujourd'hui
montre combien il en eft capable , ..
& c'eſt preſque déjà remplir cette idéequz.e..
de la préſenter d'une manière ſi philofophique.
En général , c'eſt un beau monument &
de poéfie & de philofophie que ces Lettres ,
&
DE FRANCE.
78
&il pourroit bien réſulter de tout ceci une
grande révolution dans les opinions des Savans&
dans les connoiſſances humaines.
Pour ne pas laiſſer tant d'éloges ſans critiques
, nous croyons appercevoir dans la note
de la page 441 , une faute de géographie qui
n'eſt pas corrigée dans l'Errata ; on place
dans la Lycie le Mont Corycus , la ville de
Tarſe & le fleuve Cydnus , qui ſont dans la
Cilicie.
ÉTABLISSEMENT d'une Caiſſegénérale des
épargnes du Peuple,fufceptible d'être exé
cutéedans les principaux gouvernemensde
l'Europe,avec cette épigraphe: Quid refert,
liberi,fervi nefint qui indigeant ?Ubicamque
homo eft , ibi beneficio locus eft. Sen,
Prix, 2 liv . 8 fols; àBruxelles , & ſetrouve
à Paris , chez Didot jeune , Imprimeur-Libraire
, quai des Auguſtins ; & les Marchands
de nouveautés.
"
• Les loix autoriſent en Angleterre les afſurances
ſur la vie des hommes; elles ont
» pour objet de conſoler les vivans de la
» perte des morts. M. de la Rocque a eſtimé
> plus précieuſe l'aſſurance qui ſeroit donnée
>> contre les atteintes de la misère , à des
hommes qui perdront un jour avec leurs
forces les moyens qu'ils ont d'exiſter. Cette
>> idée intéreſſoit trop l'humanité , pour qu'il
Nº. 6 , 10 Février 1787.
"
"
D
74 MERCURE
"
>> pût, fans ſe rendre coupable envers elle ,
>> ne pas avoir le-defir de l'approfondir. Il la
>>développedans cet Ouvrage,&pofe comme
> unprincipe avoué, que les Gouvernemens
doivent leurs follicitudes les plus vives à
la claſſe qui forme la portion la plus confidérable
du Peuple , à celle dont les tra-
>> vaux & l'induſtrie font la plus ſolide richeffe
de l'État . L'homme de cette claſſe ,
>> continue-t- il, ne parvient communément
ود
ود
ود
ود à la vieilleſſe, que pour terminer dans la
» misère , des jours juſqu'alors conſervés au
>> prix de ſes fatigues & de ſes ſueurs. Nul
ود
"
ود
moyen d'acquérir n'eſt mis en proportion
>> avec la modicité de ſes ſalaires ; & pour
>> cette raiſon , jamais la vue d'un avenir
>> plus heureux , jamais l'eſpoir , ce puiſſant
confolateurdu reſte des homines , ne vient
adoucir ſon fort. Les hôpitaux ouverts à
>> l'indigence , ne lui offrent qu'un aſyle où
l'humiliation la pourſuit. Ainfi, l'homme .
>> de cette claſſe , condamné dès ſa naiſſance
» aux plus rudes travaux , n'a devant les
>> yeux pour terme de ſes fatigues , que la mi-
>> sère & la honte. »
ود
Of
Pénétré de ces affligeantes idées , l'Auteur
conçoit leplan d'une caiſſe, " où les ſommes les
>> plus modiques deviennent des capitaux plus
» ou moins conſidérables , ſelon la durée de
" leurs progrès. Un nombre infini de vieillards
lui devroient unjour la certitude de
leur exiſtence. Des pères lui ſeroient rede
➤ vables de l'établiſſement de leurs familles,
رد
ود
DE FRANCE.
75
"
ود
Seul artiſan de ſa fortune, l'enfant mis en
>>apprentiſſage & devenu ouvrier , fauroit
lui-même amafler les frais de fa réception.
> àune maîtriſe , ou les premiers deniers qui
>> lui ſeroient néceſſaires pour l'exercice de
ſon induſtrie. » ود
Cette caiffe recevroit , depuis un écu& audeſſus
, toutes les ſommes qu'on voudroit y
placer en viager , en perpétuel ou à terme.
D'après la table cinquième , colonnes troiſième
& quatrième , une piſtole placée
tous les ans en viager depuis la naiſſance ,
vaudroit à l'âge de 40 ans une rente viagère
de 147 liv. , ou un principal de 1889 liv.; à
l'âge de so ans , elle vaudroit une rente viagère
de 342 liv . , ou un principal de 37851.;
à l'âge de 60 ans, elle vaudroit une rente viagère
de 904 liv. , ou un capital de 8227 liv.;
àl'âge de 70 ans , elle vaudroit une rente viagère
de 3067 1. , ou un principal de 20127 1.
" Le pauvre cherche dans la claſſe des
» riches des parrains qui ſoient les patrons
>> de ſes enfans. Cet établiſſement leur préſenteroit
un moyen peu coûteux d'exercer
>> leur bienfaiſance. >>
ソ
D'après lamême table , colonnes troifième
& cinquième , 127 liv. placées ſur la tête
d'un enfantpris à la naiſſance , ou bien 1651.
placées ſur ſa tête à l'âge d'un an , ou bien
181 liv. placées ſur ſatête à l'âge de 3 ans ,
&c. lui vaudroient à l'âge de 40 ans une rente
viagère de 157 liv. , ou un capital de 2018
liv.; à l'âge de 60 ans, une rente viagère de
Dij
76 MERCURE
914 liv. , ou un capital de 8318 liv.; à l'âge
de 70 ans , une rente viagère de 3077 liv. ,
ou un capitalde 20,594 liv.
Onobjecteroit en vainque lepeuple vit ſans
prévoyance. Comme nous, l'homme de cette
>>clafle apporte en naiffant l'amour du bien-
ود être. Mais l'épargnelaplusconſtantedequel-
» ques deniers par jour ou de quelques fols
>> par ſemaine , ne devoit point le rendre
>> propriétaire de domaines ou de rentes ;
> & l'on ne peut point ſars injustice imputer
le défaut d'économie , à qui eût été éco-
>> nome fans fruit: jamais on ne vit aux
>> hommes d'inutiles vertus. »
Si l'on élève ſes vues au-deſſus de la claſſe
qui eſt le principal objet de cet établiſſement ,
on le voit encore étendre les moyens de la
bienfaiſance , & ne demander que des années
pour mettre en fon pouvoir les fondations
les plus difpendieuſes. Le Juge de Norwich
, en 1724 , avoit légué une ſomme de -
96,000 liv. , pour faire , 60, ans après ſa mort,
la fondation d'une école gratuite, qui devoit
coûter 1,800,000 liv. Le teſtament a été
exécuté. *
Une ſomme de 15 à 20 mille liv. placée
à une telle caiſſe , répareroit dans une fai
mille , à la ſeconde ou à la troiſième génération,
les malheurs ou l'inconduite des géné
rations précédentes. D'après la table IXeme ,
une ſomme de 20,000 liv. vaudroit un ca-
* Voyez la Gazette de France du 13 Août 1784.
DE FRANCE. 77
pitalde 180,651 liv. au boutde so ans , ou
de 280,545 liv. au bout de 60 ans , ou de
676,596 liv. au bout de 80 ans , ou enfin de
1,631,755 liv. au bout de 100 ans , l'intérêt
àquatre &demi pour cent.
Le plan de cet établiſſement eſt conçu en
29 principaux articles. Les 2, 3 , 4 & 5, &c.
juſques & y compris le 10 , déterminent
l'emploi des fonds ,&règlent la comptabilité.
Les pages 85 , 86, 87 , &c. juſqu'à la 107 ,
font le commentaire de ces articles. Ses dépenſes
ne ſeroient pas plus conſidérables que
celles des Monts de Piété, qui prêtent des
fommes aufli foibles , & qui ont un double
objet de comptabilité : la caiſſe &le magatin .
Lesarticles 11 , 12, &c. juſques&y compris
le14, fixent pour les placemens en perpétuel
ou à terme, l'intérêtque cette caiſſe pourra accorder;
ils règlent enſuite le taux des rentes
viagères par la durée des rentiers viagers de
la Hollande, des tontiniers de la France &
des habitans de la Suède. Aux termes de ces
articles, il ne ſeroit point payé à cette caiffe
de rentes perpétuelles au-deſſous de so fols,
ni de viagères au- deſſous de 100 fols ; mais
les unes & les autres croîtroient d'année en
année , juſqu'à ce que l'accroiſſement en fût
arrêté par les propriétaires.
L'article XV leur donne encore la faculté
de convertir en perpétuel ce qu'ils auroient en
viager,& réciproquement en viager ce qu'ils
auroient enperpétuel. Il convient de voir dans
l'Ouvrage même , les précautions qui ſont
Duj
78 MERCURE
priſes pour empêcher les converfions que la
crainte d'une mort prochaine feroit demander.
ود
ود
ود
ود
Le préambule veut " que les ſommes placées
à cette caiffe , foient regardées comme
le fang & la ſubſtance la plus pure des
» malheureux. Ce ſeroit le dépôt inviolable
de tout ce que le pauvre poſsède , & l'unique
gage de ſon exiſtence. Ces ſommes ſe-
>> roient affimilées aux rentes qui font le pa-
>> trimoine des hôpitaux, &jouiroient de la
même faveur. »
ود
ود
Les articles 19 , 20 , 21 , 22 & 23 donnent
les moyens de conſerver , en cas de
perte , la propriété des reconnoiffances de
cette caiffe , même de celles au porteur. Si
malgré ces précautions , des ſommes placées
dans cet établiſſement finiffent par ne plus
avoir de propriétaires , elles ſont employées
à des oeuvres d'humanité.
Les articles 16 , 17 & 18 affurent le crédit
de cet établiſſement ſur un fondement inébranlable.
Ils y forment un fonds d'amortifſement
qui fait de tels progrès , qu'en moins
d'un ſiècle , il feroit fix fois plus conſidérable
que la ſomme entière des capitaux pour lefquels
il feroit dû des intérêts ou des rentes.
Les pages 77 , 78 , &c. juſqu'à la 80 , font
le commentaire de ces articles .
M. de la Rocque cite avec reconnoiſſance les
Mathématiciens qui ont été ſes guides , MM.
de Parcieux&de S. Cyran. Je leurdois, dit-
» il, le témoignage public que s'ils n'avoient
DE FRANCE.
79
>> pasécrit , je n'euſſe point fait ce travail, ou
ود bien il eût été plus imparfait.Ainfi , dans
>> cet établiſſement , il eſt un point qui ſera
>> toujours à mes yeux ma propriété la plus
>> chère , c'eſt l'utilité dont il ſera à des
hommes que les ſavans ont oublié dans ود
ود leurs calculs. » L'idée de cet établiſſement
a pris ſa ſource dans l'intérêt que la vue des
misères humaines inſpire. " Un Légiflateur
>> ancien , Lycurgue , avoit inſtitué les facri-
ود
"
fices les plus fimples , afin que le pauvre
eût dans la main de quoi offrir à ſes Dieux;
>>un établiſſement qui mettroit au pouvoir
>>du pauvre les moyens non moins précieux
ود d'affurer ſon exiſtence& fon repos , eſt
>> digne de tout Souverain qui voit ſa famille
ود dans ſon peuple ,& ſes enfans les plus
>> chers dans ſes ſujets les plus infortunés. >>
Deux lettres de l'Auteur avoient annoncé,
dans les mois de Juillet & de Septembre
1785 , l'Ouvrage qu'il donne aujourd'hui.
Elles parurent fans être accompagnées d'aucune
démonſtration ; c'étoient des réſultats.
Les perſonnes qui n'en connoiffoient pas les
principes , ont cru que leurs calculs étoient
deſtitués de fondement. Les tables , les expli.
cations& les méthodes que cet Ouvrage contient
, ſont ſes preuves; elles le rendent véritablement
utile aux perſonnes qui acquièrent
" ou conſtituent des rentes viagères ; aux
>> débiteurs qui veulent ſe libérer par des
›› économies infenfibles; aux perſonnes enfin
Div
80 MERCURE
>> qui acquièrent ou tranſportent des jouiffances
de revenu pour un temps fixe &déterminé.
»
ود
"
Table première. L'Auteur compare la vie
moyenne des habitans de Londres , de ceux
de Breslau & de ceux de Paris , avec la vie
menne des habitans de la Suède , des renmiers
viagers de la Hollande & des tontiniers
de In France. Dans la table deuxième il compare
les divers taux d'intérêts viagers qui réfultentde
ces differens ordres de mortalité.
La table cinquième , colonne troiſième,
donne la rente qui eſt dûe à chaque âge de
la vie juſqu'à l'âge de 80 ans , pour une livte
placée tous les ans en viager depuis la naiffance;
ou pour I liv. 1 ſols 8 den. placés tous
lesansdepuis l'âge d'un an; ou pobuur 1 liv.3fols
3den. placés tous les ans depuis l'âge de deux
ans ; & ainſi à compter de chaque âge. Cette
même colonne donne encore la rente qui eft
dûe à chaque âge de la vie depuis la naiffance
juſqu'à 80 ans , pour 12 liv. 14 fols 8 den.
placés une feule fois à la naiffance ; ou pour
16 liv. 11 ſols placés une ſeule fois à l'âge
d'un an; ou pour 18 liv. I fols 11 den. placés
une ſeule fois à l'âge de deux ans , & ainfi
pour chaque âge , en laiſſant croître la rente
& le capital juſqu'au moment où l'on veut
en jouir. Ceux qui deſireroient des rentes ou
des capitaux 10 fois plus conſidérables , donneroient
10 fois les ſommes indiquées par
les tables , &c.
DE FRANCE. 8г
Les tables contenues dans cet Ouvrage
font au nombrede 14, dont 9 pour le viager,
2pour les placemens en perpétuel ou à terme,
& 3 pour les opérations d'annuités &la
valeurdesjouiſſances engagées pour un terme
fixe, &c.
UNE Année de la Vie du Chevalier de
Faublas; Parties in- 16 . A Londres , & ſe
trouve à Paris , chez l'Auteur ( M. Louver )
rue Quincampoix , au Bureau de la Bonneterie
, & chez les Marchands de Nouveautés.
:
Le ſujet de ce Roman qui n'eſt pas fufceptible
d'être analyſé dans ce Journal , eſt
un très- jeune homme, amoureux d'unejeune
perſonne, qui peut convenir à fon rang& à ſa
fortune , mais qu'on s'obſtine à lui refuſer. Il
eſt tendre ,même quelque temps reſpectueux
avec ſa maîtreffe , & toujours libertin avec
deux ou trois autres femmes; bien attaché à
ſa Sophie , mais ne réſiſtant pas à l'attrait du
plaifir , il emploie les deux moitiés de ſon
temps à aimer fa maîtreſſe , & à lui être infidèle.
Après bien des aventures qui remplifſent
l'action du Roman , il enlève Sophie ,
que l'on confent enfin à lui donner. Cette
année du Chevalier de Faublas eſt fort employée
; & fi le reſte de ſa vie eſt auſſi fécond
en événemens , ſon hiſtoiretera volumineuſe.
Lebut de ce roman n'eſt pas aſſez marqué.
Si l'Auteur a voulu faire voir qu'on peut al
Dy
82 MERCURE
mer une femme ſans lui être fidèle , cette idée
n'eſt ni affez importante , ni affez neuve ; il a
négligé ſouvent de graduer l'intérêt de ſon action;&
il y a quelques invraiſemblances,&des
incidens au moins inutiles. Mais nous dirons,
avec plus de plaiſir encore , qu'il y a du ſtyle ,
de l'eſprit & de l'imagination. On y trouve
des détails de vérité qui prouvent que l'Au .
teur a obſervé le monde & le coeur humain.
La dernière partie fur- tout est bien intriguée ,
rapidement narrée , & l'intérêt en eſt beaucoupplus
vif.
Cer Ouvrage eſt le coup d'eſſai d'un jeune
homme dont le goût deviendra fans doute
plus ſévère ; mais qui , dès ce moment- ci
annonce un véritable talent fait pour étre
encouragé.
د
Nous ne réſiſterons pas à l'envi de citer
un morceau qu'on lira certainement avec
plaifir , & qui fera juger la manière de l'Écrivain.
Lejeune Faub as eſt aimé d'une amie
de ſa ſoeur , & toutes deux font au couvent.
L'ingénuité de la ſoeur qui fait connoître à
fon frère l'amour de fon amie, ſans ſe douter
même que cet amour là exiſte , eſt tout-àfait
intéreffante. Sophie qui connoît ou qui
ſoupçonne les infidélités de Faublas , eſt malade
de chagrin , & montre une forte d'humeur
contre ſon amant ; la naïve Adelaïde
croit qu'elle a ceffe d'avoir pour ſon frère de
l'amitié , car pour l'amour elle n'en a pas le
moindre ſpupçon.
Adélaïde, vous croyez donc que Sophie
1
DE FRANCE. 83
- ne m'aime plus. -* Ah ! mon frère , j'en
ود
ود
ſuis preſque sûre ; tout ce qui ſe rapporte
à vous lui donne de l'humeur , & moi
» j'en ſuis quelquefois la victime .
"
Comment?-
Oui, l'autre jour, quandMonfieur,
que voilà, nous apprit que vous aviez paílé
la nuit toute entière chez Mine la Mar-
>> quiſe deB*** : Eh bien , quand Monfieur
ود
ود fut parti , dès que nous fûmes ſeules , So-
>> phie me dit d'un ton très férieux : votre
» frère n'a pas couché à l'hôtel : il n'est pas
» rangé, votrefrère! cela n'est pas bien....
ود
ود
"
"
ود
Votre frère ! elle me tutoie ordinairement.
Votre frère ! ... Quand même vous feriez
» dérangé, Faublas ,doit- elle ſe facher contre
moi ? Votre frère ! ... Le jour d'après jé
crois que vous avez été au bal maſqué. M.
Perſon nous l'eſt venu dire , car il nous dit
>> tout , M. Perſon. Dès que nous avons été
>> ſeules , Sophie m'a dit : votrefrère s'amuse
» au bal , & nous nous ennuyons ici ! point
>>du tout , lui ai je répondu , on ne s'ennuie
>> point avec ſa bonne amie.... Ha ! oui ,
>> a-t- elle répliqué. Ha ! oui , avec fa bonne
» amie , cela est vrai. Et cependant , mon
>> frère , voyez cette fingularité ; un moment
>> après elle a répété triſtement : il s'amuse
» au bal & nous nous ennuyons ici.... Nous
>> nous ennuyons !&mais , quand cela ſeroit
* Il faut remarquer ici que Sophie n'a pas encore
avoué ſon amour , ce qui rend la ſituation plus pi
quante encore,
Dvj
84 MERCURE
>> vrai , cela n'eſt pas poli , elle ne doit pas le
> dire! ... Ho ! ſi elle n'étoit pas malade ,
>> je lui en voudrois beaucoup. Je me rap-
> pelle encore un trait ; hier vous nous avez.....
>> dit que Mme de B*** étoit jolie. Le ſoir
>>j'ai pourſuivi Sophie & je l'ai forcée de ſe
> promener avec moi. Votre frère , m'a-t-
ود
ود
د
elle dit , car à préſent c'eſt toujours , votre
frère .... Il trouve cette Marquiſeſijolie ,
il eftfans doute amoureux d'elle ? J'ai ré-
>> pondu: ma bonne amie , cela ne ſc peut
> pas , cette Mme de B*** eft mariée. Elle
ود
د
m'a pris la main & elle m'a dit : Adélaïde !
» ah , que tu es heureuſe ! & ily avoit dans
ſon regard , dans ſon ſourire, du dédain
de la pitié. Eft- ce honnête , cela ? ... Ah !
que tu es heureuſe ! ... Hé ! mais sûre-
>> ment, je ſuis heureuſe , je me porte bien ,
ود
ود
20
» moi. »
" Mais , Adélaïde , tout ce que vous me
dites- là ne prouve pas que ma jolie cou-
> fine ne m'aime plus; elle peut être un peu
>> fachée , mais tous les jours on boude les
>> gens qu'on aime. -Ho ! fans doute , s'il
» n'y avoit que cela ! - & qu'y a- t-il donc
encore ?-Eh bien autrefois elle m'entre-
>> tenoit fans ceſſe de vous , elle étoit joyeuſe
ود
ود de vous voir, à préſent elle me parle en-
>> core de mon frère, mais c'eſt ſi rarement
" &d'un ton fi ſérieux ! hier , ne l'avez vous
> pas remarqué ? elle n'a pas dit un mot ,
pas un ſeul mot, pendant que vous étiezlà.
Allez , allez , mon frère , quand on aime
DE FRANCE. 85
>> les gens , on leur parle ! Je vous aſſure
» que ma bonne amie ne vous aime plus ,
» &c. »
-
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE,
DIPE DIPE ACOLONE eſt le titre de l'Opéra
qu'on a repréſenté à ce Théâtre le Jeudi er
de cemois.
Polinice , l'un des fils d'Edipe , devoit
partager avec ſon frère Étéocle le trône de
Thèbes , après en avoir banni ce Prince malheureux,
qui , victime de la fatalité , a tué
fon père Laïus , & épousé Jocaſte , ſa mère,
ſans les connoître ; mais Étéocle , après avoir
régnéune année , refuſe de céder le trône à
ſon frère , ainſi qu'ils en étoient convenus.
Polinice , felon Sophocle , ſe retire à Argos ,
auprès d'Adraſte , qui lui donne ſa fille en
mariage , & , fecondé par ſept Héros Grecs ,
lui promet d'aller mettre le ſiège devant
Thèbes.
a Ce que Sophocle dit d'Adraſte , M.Guillard
, Auteur du Poëme dont nous rendons
compte, l'attribue à Théſée, Roi d'Athènes,
&la Tragédie commence au moment où ce
Prince , qui vient d'accorder à Polinice ſa
fille Éryphile , exhorte ſes Soldats à le ſecourir.
La Scène ſe paſſe devant le temple des
86 MERCURE
Euménides , Déeſſes tutélaires de l'Attique ,
mais formidables , & dont le crime n'oſe approcher.
Theſée propoſe à fon nouveau gendre
de les rendre favorables à ces noeuds , en
leur offrant un ſacrifice ; mais ce Prince ,
tourmenté par ſes remords , craint tout de
leur courroux , & fait devant Theſée l'aveu
de ſa conduite criminelle envers ſon père ,
qu'il a refuſé de recevoir dans ſes États tandis
qu'il régnoit. Le Roi , perfuadé de ſon repentir,
eſpèreque les Déeſſes en feront touchées.
On offre le ſacrifice , on les interroge ; mais
les plus fâcheux augures indiquent leur colère
; leur temple s'ouvre , & les laiſſe voir
elles -mêmes dans une attitude menaçante ;
le peuple conſterné s'enfuit avec les marques
duplus terrible effroi .
Plus agit que jamais par ſes remords , Polinice
ouvre le ſecond Acte :
Le noir venin qui me confume
Me ſuit par- tout, s'attache à ces climats ;
Amon aſpect , des Dieux la vengeance s'allume ,
Etje ſouille la terre où s'impriment mes pas .
Il voit un vieillard aveugle , foutenu par une
jeune fille , defcendre la montagne. Il reconnoît
dans l'une ſa ſoeur Antigone & dans
l'autre Edipe , qui s'étoit privé de la vue ,
comme on fait , pour ſe punir de ſes crimes
involontaires. Polinice ne peut foutenir leur
préſence. Edipe s'arrête accablé de farigue.
•Il paſſe ſes malheurs en revue devant fa fille,
4
DE FRANCE. 87
qui cherche à le conſoler. Il veut mourir.
Vous demandez la mort, lui dit Antigone
avec une ſimplicité touchante :
Que deviendra votre Antigone
Si vous l'abandonnez ?
Elle l'aſſure que le bonheur de le ſervir lui
paroît préférable à l'empire du monde.
Edipe demande où il eſt ; la deſcription
du lieu lui rappelle de douloureux fouvenirs
, & lui rend toutes ſes fureurs. Il croit
voir le ſentier où il a tué ſon père, l'autel où
il a épousé ſa mère , il prend ſa fille pour Jocaſte,
pour Polinice; il ſe calme enfin en la
reconnoiffant. Les habitans de Colone arrivent
, & voyant un étranger ſur un terrein
conſacré aux Eumenides , & fur lequel il
n'étoit pas permis de s'arrêter , veulent l'en
chaffer. Ils l'interrogent. Antigone tremblante
répond pour lui :
Il est homme , il eſt malheureux ,
C'eſt vous en dire affez .
On veut qu'il parle lui-même. Son trouble ,
fon état le font reconnoître pour Edipe , &
la fureur du peuple en eſt augmentée.
Edipe eſt l'ennemi des hommes &des Dieux....
Que ſon coupable aſpect n'infecte plus ces lieux....
Ses enfans ſont ceux de ſa mère :
Point de pitié ; qu'il parte & purge ces États.
1
Théſée arrive , réprime leurs tranſports , &
$8 MERCURE
prend Edipe ſous ſa protection. Refpectable
étranger, lui dit-il,
Pour vous ſervir nous aurons tous
Le zèle & le coeur d'Antigone.
Au troiſième Acte , Polinice , rendu à la
vertu , annonce à ſa ſoeur que le peuple
muriné accuſe Edipe de ſes malheurs , &
demande qu'il ſoit ſacrifié aux Eumenides ;
que la fuite peut ſeule le dérober à leur fureur.
Il ſent en même temps que le ſecours
de cette jeune Princeffe eſt inſuffiſant à ſon
père; il offre , s'il peut en obtenir ſon pardon ,
de partager les foins de ſa ſeoeur , &de renoncer
à ſa vengeance , à ſon trône , à la main
mêmed'Éryphile.
Juge par là, ma foeur , ſi mon coeur ſe repent.
Théſée ramène Edipe , & recommande à
Antigone lacauſede Polinice,qu'ilne nomme
point. Ma fille , dit Edipe ,
Queveut- il & qu'attend-t'il de nous ?
ANTIGONE.
Au fort d'un malheureux ſon grand coeurs'intéreſſe.
DIPE.
Quel eſt cet étranger ?
ANTIGONI.
Il ne l'eſt pas pour nous.
A ce myſtère Edipe reconnoît Polinice , qui
DE FRANCE. 89
tombe à ſes pieds, implore ſon afſiſtance &
lui fait part de ſes projets. Le Roi demeure
inflexible. Il déſavoue Polinice pour ſon fils.
Antigone eſt tout pour lui.
Antigone me reſte , Antigone eſt ma fille';
Elle eſttout pour mon coeur ,ſeule elle eſt ma famille.
Il maudit fon fils,&lui ſouhaite tous les malheurs
qui terminèrent en effet ſon fort. Polinice
les acceptetous, ildeſiremêmeque le ciel
& l'enfer inventent de nouveaux tourmens ,
pourvu qu'ils suffisent àſa peine , qu'il retrouvefon
père enſes derniers momens. Antigone
ſe joint à ſes inſtances. Edipe eſt
ébranlé. La Nature parle; l'eſpoir de retrouver
fon fils repentant achève de le fléchir. Il
pardonne. Expreſſion de leur bonheur. Le
Grand Prêtre vient annoncer que le ciel eſt
Aéchi.
Edipe a pardonné , le ciel pardonne auffi.
L'Hymen de Polinice n'éprouve plus d'obftacle.
Edipe le confirme & le bénit. Le
Peuple témoigne ſa joie.
Edipe en pardonnant a déſarmé les dieux.
Cet Ouvrage a eu un très-grand ſuccès à
la repréſentation. On a trouvé beaucoup d'intérêt
dans le Poëme. Deux ſcènes principales
ont fait une ſenſation très- vive , & une foule
de morceaux de Muſique ont été applaudis
avec tranſport. La perte de Sacchini , Auteur
:
१० MERCURE
de cette Mufique , a excité de nouveaux regrets.
Il a donné dans cet Ouvrage des preuves
d'une énergie dont ne le croyoient pas capable
ceux qui le jugeoient ſans l'avoir étudié.
L'exécution n'a rien laiffé à defirer.
Nous donnerons dans le prochain Nº. de
plus grands détails ſur le Poëme , ſur la Muſique
, ſur les ballets & fur le mérite des Acteurs
qui ont rempli les principaux rôles de
cet Ouvrage.
Cette Tragédie a été ſuivie du ballet du
premier Navigateur, dans lequel on avu avec
tranſport M. Nivelon , dont le Public étoit
privé depuis long- temps.
ANNONCES ET NOTICES.
SUPPLEMENT À l'Edition de l'année 1786 de
l'Almanach général des Marchands , Négocians &
Armateurs de la France , de l'Europe & des autres
paties du Monde , année 1787 , contenant un état
des Villes , Bourgs & autres lieux qui intéreſſent le
Commerce , la nature des productions & des marchandiſes
qui s'y trouvent , & les détails des Manufactures
& Fabriques , &c. , un Volume in- 8 °. de
80 pages.A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Anaftaſe
au Marais , nº . 12 , & chez Belin , Libraire ,
rue Saint Jacques , près Saint Yves. Leſclapart , Libraire
, rue du Roule, près le Pont Neuf, nº. 11 .
L'Auteur de l'Almanach des Marchands n'ayant
pu-donner une ſeconde Édition de cet Ouvrage
DE FRANCE.
91
utile , a cru devoir y ſuppléer par le Supplément que
nous annonçons en applaudiſſant à ſon zèle.
COLLECTION des meilleurs Ouvrages François
composés par des Femmes , dédiée aux Femmes
Françoiſes , par Mlle de Kéralío , 2 Vol . in- 8 ° . A
Paris , chez l'Auteur , rue de Grammont , nº . 17 ,
& chez Lagrange , Libraire , rue Saint-Honoré , visà-
vis le Lycée.
On doit voir avec plaifir dans les mains de
Mile de Kéralio , très avantageuſement connue par
ſes talens Littéraires, cette grande Entrepriſe , qui
peut devenir un riche monument érigé à la gloire
de ſon ſexe. Les deux premiers Volumes que nous
annonçons ne préſentent encore qu'un Abrégé de
l'Hiftoire des Lettres dans les Gau'es , Hſtoire que
1 Auteur doit conduire depuis l'origine juſqu'à nos
jours.
Cet Ouvrage , qui doit former environ trente fix
Volumes , paroît par ſouſcription . On en donnera
deux Volumes par mois. Le prix ſera de 4 liv.
10 fols. On payera 6 liv, en ſouſcrivant , & 7 liv.
10 ſols en retirant les deux premiers Volumes. Ba
ſouſcription ne ſera ouverte que juſqu'au mois de
Mars .
NOUVELLES Inſtructives , ou Recueil raisonné
de tout ce qu'il importe d'apprendre pour être au
courant des connoiſſances & à l'abri des erreurs relatives
à l'Art de guérir , par M. Retz , Tome III .
A Paris , chez Méquignon l'aîné , Libraire , rue des
Cordeliers ,
L'idée de cet Ouvrage , que nous avons déjà annoncé
avec de juſtes éloges , nous a paru très-heurouſe
& nous croyons que l'Austur a rempli ſon
objet. Ce troiſième Volume répond aux deux autres
92 MERCURE
par ſonexécution Ony trouve les nouvellesdécou
vertes avec l'antidotede la critique. 1
JOSEPH, parM. Bitaubé , de l'Académie Royale
des Sciences&Belles- Lettres de Pruffe , & de celle
des Inſcriptions & Belles-Lettres de Paris , 2 Vol.
petit in- 12. A Paris , de l'Imprimerie de Didot
Paîné , 1786 , jolie Édition , ornée de Gravures , &
dédiée à Mgr. le Dauphin.
:
Il paroît en même- temps une quatrième Édition
decebel Ouvrage, in-82. ſur papier velın.
On publiera incefſamment les deux premiers
Volumes de la Traduction d'Homère du même Auteur.
La Collection entière de cette Traduction
a ura douze Volumes .
TRAITE des Droits , Fonctions , Franchises,
Exemptions , Prérogatives & Privilèges annexés en
France à chaque Dignité , à chaque Office & à
chaque Etat , foit Civil, foit Militaire ,fois Eccléfiaftique
, Ouvrage composé par pluſieurs Juriſconfultes
& Gens de Leures , & publié par M. Guyot ,
Écuyer , ancien Magiſtat , in - 4°. , Tome II. A
Paris , chez Viſſe , Libraire , rue de la Harpe , piès
de la rue Serpente.
Les fix premiers Chapitres de ce ſecond Volume
terminent la Maiſon Civile du Roi. Ils ont pour
objet le grand Fauconnier de France & les autres
Officiers de Fauconnerie , &c.
Vient enſuite la Maiſon Militaire de Sa Majesté.
C'eſt la matière des Chapitres 57 à 66. Ony paſſe en
revue l'origine , la conſtitution , le ſervice , les fonc.
tions , les privilèges & les prérogatives des différens
Corps& Offices qui compoſent cette Maiſon.
Le Chapitre 67 est conſacré à la Reine. On y
DE FRANCE.
93
confiderequels font les droits d'une Reine de France
dans l'adminiſtration du Royaume , & quels ſont
ceux dont elle jouit comme épouſe ou comme veuve
d'un de nos Rois. Onyrappelle auſſi les honneurs &
les prérogatives qui appartiennent à l'auguſte Compagne
du Souverain, ſoit durant le mariage, ſoit
après qu'il eſt diſſous. {
La Reine a ſa Maiſon particulière , où l'on remarque
divers Offices qui ne ſe trouvent pas dans la Maiſon
du Roi.
L'Héritier préſomptif de la Couronne eſt le ſujet
du Chapitre 69. Anciennementle Dauphin de France
avoit une Maiſon particulière ; mais aujourd'hui il
eſt ſervi par les Officiers du Roi. Cependant il a des
perſonnes qui lui ſont ſpécialement attachées , &
c'eſt de celles-ci qu'il eſt queſtion dans le Chapitre
70.
Le Chapitre 71 a pour objet la Dauphine & fa
Maiſon .
LesChapitres ſuivans concernent les Princes Fils
de France& les autres Princes duSang. Les premiers
ontdes prérogatives qui leur font particulières, &
d'autres qui leur ſont communes avec les ſeconds.
La Couronne appartenant au Prince que ſa naifſance
y appelle , elle eſt ſouvent dévolue àun mineur
: nous en avons beaucoup d'exemp'es . Un Roi
majeuurr peutd'ailleurs s'abſenterdefesÉtats, comme
Pont fait Philippe-Auguſte , Saint Louis , François
Premier, &c. Il peut auſſi être frappé d'une maladie
qui l'empêche de tenir les rênes du Gouvernement :
dans tous ces cas, l'exercice du pouvoir ſouverain
doit paffer entre les mains d'une autre perſonne , qui ,
ſans prendre la place du Roi , adminiſtre ſous le
nom de Sa Majeſté avec le titre de Régent.
Mais y a- t il quelqu'un dans le Royaume à qui la
Régence doive être déférée à l'exclufion de toute
autre?
1
24 MERCURE
A qui appartient le droit de nommer le Régent ?
Quelles font l'étendue , les bornes & la forme de
l'exercice du pouvoir attaché à la Régence ?
Quels font les titres & les honneurs dont le Régent
doit jouir?
Ces queſtions importantes de notre droit public
ſont agitées dans le Chapitre 77 .
Le Chapitre ſuivant a pour objet l'éminente
dignité de Pair de France.
Le Volume eſt terminé par les Chapitres 79 &
80, qui traitentdu conſeil du Roi &des commiſſions
extraordinaires qui en ſont des émanations.
Il paroît que l'Ouvrage contiendra quinze à ſeize
Volumes. S'il arrivoit qu'il en contînt davantage,
ceux qui excéderont ce noindre ſeront livrés gratis à
toute perſonne qui ſe ſera fait inſcrire pour un
Exemplaire avant la publication du troiſième
Volume.
Le prix de chaque Volume in-4°. eft de 10 liv. en
feuilles , 10 liv. 10 ſols broché , 11 liv. 13 ſols relié
en baſanne , 12 liv. s ſols relié en veau.
NOUVEAU Chocolat gommeux. A Paris , chez le
ſieur Duthu , Marchand Épicier-Droguifte ,, rue
Saint Denis , vis-à-vis Sainte Opportune.
D'après l'annonce que nous avons faite du nouveau
Chocolat gommeux le 30 Décembre dernier ,
on a demandé au ſieur Duthu des renſeignemens ſur
ſon uſage & ſa préparation. Nous croyons que les
détails ſuivans , fournis par le Médecin qui a imaginé
cette combinaiſon, pourront intéreſſer lePublic.
La capacité , l'exactitude & les ſoins du ſieur
Duthu, tant dans le choix des ſubſtances que dans la
préparation, contribuent tous les jours aux bons
effets de cette boiſſon, qui eſt tout-à- la- fois ali
DE FRANCE.
95
mentaire & médicamenteuſe. C'eſt un remède indiqué
dans preſque toutes les maladies de poitrine , &
il devient un aliment précieux pour le genre nerveux
trop ſenſible , pour les perſonnes âgées , pour
les poitrines & les eftomacs délicats , pour l'état
d'épuiſement produit par un excès de travail ou par
d'autres cauſes particulières; & ſon uſage prévient
les rhumes & autres incommodités de cette nature.
Mais on ne peut attendre de grands effets que de
fonuſage continu Voici maintenant la manière de
faire ce Chocolat.
On met une once & demie de Chocolat dans àpeu-
près trois onces d'eau très-chaude , & on tient
la mixtion ſur le feu en la remuant ſans la faire
bouillir. Lorſque le Chocolat eſt entièrement fondu ,
l'on ajoute un poiffon ( meſure de Paris ) de lait de
vache ou de chèvre , & l'on fait bouillir légèrement
pendant deux minutes au plus.
On en fait uſage à déjeuner , air.ſi que du Chocolat
ordinaire , mais avec peu de pain. On en peut
prendre la même doſe le ſoir pour ſouper quand on
eſt enrhumé , & l'on boit par-deſſus un verre d'eau
chaude , dans laquelle on délaye une cuillerée de
ſyrop de gomme de choix. Ce ſyrop , qui ſe trouve
auffi chez le ſieur Duthu , ainſi étendu dans l'eau ,
forme une boiffon très- agréable , qui , priſe à la doſe
de deux ou trois taſſes dans la matinée , & autant le
foir , ſeconde puiſſamment les effets du Chocolat
dans les cas de toux sèche , de maigreur , de dévoiement
, &c.; mais alors , quoique ces objets ne
puiffent faire que du bien , & jamais de mal , comme
il eſt beſoin d'obſerver un régime particulier , il ſera
prudent de ſe faire diriger par une perſonne de
l'Art.
Pour éviter les abus qui peuvent réſulter de la
contrefaçon , chaque livre de ce Chocolat , ainfi
96 MERCURE
que des autres Chocolats de ſanté *, portera la
fignature à lamain du ſieur Duthu.
NUMÉROS 191 & 192 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , l'un contenant un
Duo de Sarti. Prix , 3 liv. 12 ſols.L'autre un Air de
Miſliveſeck. Prix , 2 liv. 8 fols. A Paris , chez M.
Bailleux , Marchand de Mufique de la Famille
Royale , rue Saint Honoré , près cellede la Lingerie.
Ce Journal , qui jouit d'un ſuccès conftant, eſt
toujours fait avec le même ſoin On ſouſcrit à
l'Adreſſe ci - deffus , moyennant 36 liv. pour l'année
de vingt-quatre Numéros , & 42 liv. en Province.
*Tous ces Chocolats n'épaiſſiſſent point comme les Chocolats
deſanté ordinaires ; la conſiſtance de ceux-ci n'eſt ,
ainſi que l'a remarqué un habile Chimiſte , M. Parmentier
, que le produit de la farine qu'on y met pendant la
fabrication , & cette addition répréhenſible fait d'un aliment
ftomachique un aliment indigeſte .
:
TABLE.
EPITRE à M. le Comte du Etabliſſementd'une Caisse gé-
Myrat, néraie des épargnes du Peu-
Charade, Enigme& Logogryple,
phe
49
73
54 Une année de la Vie du Chede
Faublas , 81 LettresàM.Bailly, furl'Hif- valier
coire primitivede la Grèce, Acad. RoyaledeMusiq. 85
56Annonces&Notices,
APPROΒΑΤΙΟΝ.
१०
Fat in,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercurede France , pour le Samedi 10 Février 1787. De n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'imprefion.A
Paris , ' e9 Février 1787. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 24 Janvier.
L paroît décidé que le Roi de Pologne
aura une entrevue avec l'Impératrice de
Ruffie. S. M. ſe rendra dans la Staroſtie de
Kaniew , à quelques milles de Kiof. Pluſieurs
Seigneurs s'y trouveront à l'arrivée
de S. M. I.
Pendant l'année derniere on a compté à
Koënigsberg 332 mariages , 1450 naiſſances
& 1810 morts. Les bâtimens qui y font
arrivés durant la même année ont été au
nombre de 1576, & il en eſt parti 1544.
En 1786 il y a eu dans l'Evêché de
Chriſtianſand en Norwege 949 mariages ,
4125 naiſſances & 3012 morts
On écrit de Berlin , que les Députés du
Commerce , qui avoient été mandés de tous
les Erats du Roi , ont reçu à leur départ ,
l'ordre de revenir en cette ville dans le cou-
N°. 6 , 10 Février 1787. C
( 50 )
rant du mois de Mars prochain. On préſiu
me que les nouveaux projets , relatifs au
Commerce, ne ſeront exécutés qu'à laTrinité.
Le Roi a aſſigné la ſomme de 20000
rix la'ers pour les dépentes de la Maiſon du
• Prince Royal , & la moitié de cette fomme
pourcelles du ſecond Prince de S. M.
Une lettre particuliere & authentique de
Copenhague , du 25 Décembre dernier ,
s'exprime en ces termes ſur la ſituation actuelle
& intérieure du Danemarck .
L'on prépare de grands projets pour le bien
de l'Etat en général. Les principes de l'adminiſtration
actuelle font un garant sûr de leur
ſageſſe & de leur folidité.On examine avec
une attention ſcrupuleuſe la force intérieure
de l'Etat , & la ſituation de l'agriculture , des
manufactures & du commerce. Comme on eft
pénétré que la proſpérité publique dépend de
l'éducation du peuple , on s'occupedes moyens de
perfectionner les écolespubliques. L'eſpritd'économie
qui s'eſt établi à la cour , gagne ſucceſſivement
toutes les claſſes des ſujets , & les prépare
à la fimplification projettée dans le régime
des finances. - - On a fixé la ſomme de
134,000 rixdalers par anpour les beſoins de la
Cour , en y ajoutant à la vérité une ſomme extraordinaire
pour des objets imprévus ; mais
cette ſomme additionelle n'a monté qu'une ſeule
fois à 8000 rixdalers. Par ce fonds de 134,000
rixdalers , plus de 300 perſonnes ſont nourries
àla Cour ;les cuiſines , les caves , le bois qu'on
évalue à 18,000 rixdalers , le luminaire évalué
de 8 à 10,000 rixdalers , les meubles , les lits ,
les livrées , le blanchiſſage , & une partie de
Fentretien de la Chapelle ſont payés,
( 51 )
La Compagnie d'Afie n'a équippé cette
année que quatre vaiſſeaux , dont deux pour la
Chine , & les deux autres pour les Indes Orientales
: elle y envoie de l'argent , du vin , du fer
tiré de la Norwege , du cuivre , dont la majeure
partie eſt tirée de la Suede , & des marchandiſes
des fabriques du Royaume ; chaque vaiſſeau ,
allantdans cette partie du monde , étant obligé
d'en embarquer pour 3.000 rixdalers. Autrefois
la Compagnie n'avoit fait embarquer que pour
800,000 rixdalers d'argent ; mais il lui a
fa'lu cette année là la ſomme de 1,000,000 -
rixlalers , que l'on a tiréé de Hamboug &
d'Amſterdan. La Compagnie de
la Baltique & de Guinée a dû s'aſſemeler le
10 Janvier , pour aviſer aux moyens de rendre
plus avantageux le commerce de Guinée.
Depuis 1783 , on a auffi commencé à
cultiver le tabac en Danemarck. Le ſieur Cornelius
Cornelſen d'Apenrade en a fait l'eſſai avec
de la graine d'Amérique ; la culture de cette
plante lui a fi bien reuſſi , qu'il en fait déja paſſer
par an à la Baltique plus de 5000 liv. peſant.
L'adminiſtration vient d'encourager ce citoyen
utile , en lui accordant la propriété d'un diſtrict
considérable de terre.
L'année derniere il eſt arrivé à Cronſtadt
856 navires , & il en eſt reparti 825.
Une nouvelle Ordonnance de l'Impératrice
de Ruffie preſcrit une levée de 20,000 recru s
pour augmenter l'armée , & fur- tout le cordon
de troupes dans le Cuban. On travaille aufi
&vivement à augmenter le Marine; on conſtruit
actuellement à Riga 3 vaiſſeaux de ligne de 66 &
60canons& pluſieurs fregates. -La naviga.
C2
(52 )
tion& le commerce de la Ruffie ont fait denouveaux
progrès pendant l'année derniere.
Les marchandiſes d'exportation deRiga montent
, d'après les régiſtres deDouane , à la valeur
de 3,993,088 roubies & 38 capeiks , juſqu'à la
fin du mois d'O&obre dernier.:
Pendant l'année derniere ona compté
dans la Pomeranie Pruſſienne & la Principauté
de Camin 3203 mariages , 14,948
naiflances & 9674 morts. Le Militaire n'eſt
point compris dans ces relevés. AMagdebourg
on a célébré 134 mariages ; le nombredes
naiſſances s'eſt élevé à 744 , & celui
des morts à 703.
:
De Vienne , le 23 Janvier.
Au commencement du mois, le teu prie
au Couvent fupprimé de Ste. Dorothée , qui
ſervoit de dépôt pour les effets & ornemens
des autres Couvens détruits : plus de cent
chaſubles précieuſes furent la proie des flammes;
d'autres ornemens gâtés par la fumée,
l'eau&la pouffiere. L'Empereur ayant ordonné
, par un billet de ſa main , que le dépot
fut vuidé au 15 de ce mois, qu'on brû
lât tous les ornemens endommagés , & que
l'or ou l'argent fût porté à la Monnoie , cet
ordre a été exécuté ,& les effets encorebons
ont été diſtribués parmi les Paroifies indigentes.
Le 14 Décembre dernier , la dépoſition
du Hoſpodar de Moldavie , Alexandro
( 53 )
Mauro Cordato , fut déclarée à Conftantinople.
Cet Hofpodar , qui lui même a follicité
ſa retraite , eſt remplacé par le Prince
Alexandre Ypfitanti , eſtimé par ſes connoiffances
, par fa bonne conduite & par les
ſervices qu'il a rendus à la Valaquie , dont
il eut ſept ans l'adminiſtration après la desniere
guerre de la Porte avec les Ruffes. Ce
cho'x a été univerſeilement applaudi àConftantinople.
Une lettre de certe Capitale de l'Empire
Ottoman , du 18 Decembre , confirme en
ces termes la diſgrace du Conſul général de
Raffie, que nous fines preſſentir ily a quelqe
temps.
Le ſieur Ferrieri , Conſul-Général de Ruffie
aux Echelles du Levant , & qui faifoit la réſidence
à Smyrne , mandé ici par ordre de l'Inp'ratrice
, a été caffé publiquement , en pré
fencede toute laNation Ruffle,par M. Bulgak f,
Envoyé de S. M. l'impératrice , près de la Porte-
Ottomane. Il lui a été potifié en même temps ,
que vu ſa mauvaiſe conduite , il étoiitt réputé
inhabile & incapable de remplir à l'avenir au.
con poſte , ni emploi en Ruffie . Tous les biens
en Ruffie ont été confiſqués ; il en eſt banni à
jamais & l'Impératrice lui a retiré ſa protettion.
M. Ferrieri avoit été ci-devant fous celle
de Tempereur; mais pendant la derniere guerre
de laRuffie avec la Porre , ayant trouvé le moyen
de ſe rendte utile à cette premiere Puiſſance , &
loi ayant rendu des ſervices importans , il avoit
gagné ta faveur du Miniftes e de Pétersbourg. M.
Ferrieri , enyvré, ſe brouilla avec l'Envoyé de
Rudie; iltint des propos hardis fur fon compre,
C3
( 54 )
ſevantade le culbuter , & enfin , de le restr
placer ici en qualité d'Envoyé , il y travaille
même ſourdement : mais Mr.l'Envoyé , bien
informé , a pris tellement (os melures à Pétersbourg
, que M. Ferrieri lui a été facrifié ; ſon
triomphe a été même ſi complet , qu'il a eu la
fatisf Aion de lui prononcer lui-même ſa Sentence.
Un Décret de la Cour, du 8 de ce mois,
exempte des droits de douane la laine&le
coton qui feront importés des Etats hérédita'res
d'Allemagne dans la Hongrie & la
Tran ylvanie; il accorde la méme f anchiſe
aux laines filées , qui pafferont de la Hongrie&
de la Tranſylvanie dans ces Etats .
D'après les liſtes des Freres de la Charité,
qui ſoutiennent 20 Hoſpices dans les Etats
héréditaires , le nombre des malades qui's
ont reçu pendant l'année derniere , monte à
9384, dont 933 font morts. 1
De Francfort , le 28 Janvier.
Le Roi de Pruſſe a aſſigné aux trois Univerſités
de Halle , de Koënigsberg & de
Francfort fur l'Oder, une pention annuelle
dedix mille rixdalers , provenant des revenus
des Jéſuites en Saléſie.
Il n'eſt pas unEtat en Europe, ſi l'on en
excepte la Pruffe & quelques Principautés
d'Allemagne , dont la population foit connue
avec exactitude. Il eſtde mode aujourd'hui
de calculer cette arithmétique politique
ſur les liſtes des morts & naiſſances ,
méthode abuſive , ſi elle n'eſt pas fondée
(55 )
:
au moins fur un demi fiecle de comparaiſons
, qui ne donnera jamais que des réſultats
variables , & qui jamais ne remplacera
les dénombremens effectifs. Plus les Etats
ſont étendus , plus l'une & l'autre de ces
meſures de lapopulation font fautives &
arbitraires. Qu'on en juge par la Ruffie. Autant
d'Auteurs , autant d'évaluations différentes
du nombre de ſes habitans. Le Portefeuille
historique , qui s'imprime à Berlin ,
vientde revenir ſur cet objet , & de préſenter
le calcul ſuivant.
L'Impératrice de Ruffie , en notifiant fon
voyage au Sénat , déſigna dans un Ukafe la route
qu'elle prendroit par le nouveau chemin de
Parchow , par Smolensk , Novogrod , Sewers-
Koi & Tschernigow à Kiow ; de-là par eau ſur
le Dnieper , juſqu'a la nouvelle ville de Catharinoslaw
; enfuire par terre à Cherfon & dans
la Tauride. Le retour doit ſe faire par Tícherkask
, Bachmut , Tor , Isjum , Charkow , Kursk,
Orell , Tula & Moskow. Par un autre Ukafe S.
M. I. demanda les chevaux néceſſaires , & ordonna
au Sénat d'en faire la répartition convenable.
Afin d'obſerver à cet égard l'égalité
poſſible , le Sénat prit pour baſe laderniere réviſion
, ou le dernier dénombrement des contribuables
. Il décida en conféquence , que trente
hommes de la claſſedes négocians , bourgeois &
ouvriers devoient donner un cheval ; vingt-huit
hommes ou un Wuiz de la claſſe des voituriers
fix chevaux , & cinq cens payſans un. Voici l'état
de laderniere reviſion des contribuables , d'après
lequel on leve les revenus de la couronne,& qui
ſembleroitpréſenter tous les caracteres d'authen-
C4 sické , relativementàla population,
( 56 )
NOMS
des
NOMBRES
Gouvernemens.
des Négocians ,
Bourgeois
& Ouvriers .
des des
Voituriers . Payfans,
1 Mkw.... 21472 3751 404515
2Petersbourg .. 11251 .... 163026
3 W bourg... 584 .... 86483
4 Twer ...... 20517 3360 4:5569
s Novogorod. 11857 6196 264546
6.Pieskow....
7575 959 278719
7 Smoensk ... 13547 1881 423618
8 Mobilow ... 10578 .... 315167
9 Polozk ..... 12555
.... 298354
10 Orelt ..... 20022 2841 447034
Kusk ...... 968 1769 434854
12 Chakow ... 7928
.... 374887
13. Worone ch.. 3560
2032 388556-
14 Tambow ... 9622 1245 421787
15 Riafan...... 10184 1512 4:17143
16 Tola ....... 17195 1110 408634
17 Kaluga..... 15588' 614 368295
18 Jaroslaw ... 13185 571 347979
19 Wologda ... 9007 ... 177038
20 Wladimir .... 11018 4281 422187
21. Koſtroma ... 10421 325 386667
22 Niſchgorod.. 7 6760 657 303438
23 Wiatsk ..... 4559 1
. . . . ا ر
403527
24 Ufimsk..... 1359 176680
25. Simbirsk.... 6138 489 353484
26 Kafan ........ 6146 956 366049
27 Penfa ...... 2960 941 313920
28 Saratow .... 13836 ... 277848
29Kiw..... 9532 ٢٠٠ 382806
30 Tichernigow. 7959 ... 360915
31. Novogorod-
:
Sewers Koi 21321
32 Riga....... 1036 ...
344378
258866
33 Revel....... 1786 ...
34 Archangel ... 4265 2281
35 Olonez..... 9099 ....
Total ..
344091 37711
97101
162532
93531
11232209
( 57 )
:
D'après cet état , le nombre des hommes contribuables
monte à 11,614,011 . En y ajoutant
autant de femmes , la population ſeule dans les
trois claffes donne 23,228,022 ames. Ainfi , en
yajoutant celle qui fe trouvé dans les cinq
Gouvernemens de Kolivan , de Tobulsk , de
Permsk & du Caucaſe , les troupes de terre &de
mer, leurs femmes & enfans , les Nobles , le
Clergé , les employés à la Cour & aux Tribunaux
, & leurs familles , les Savans & leurs familles,
les colons , les habitans des illes Kafily ,
&c. la population de l'Empire , qui renferme
une furface de 74685 miles carrés , peut être
évaluée avec fûreté à vingt- ſept millions d'ames.
Le Docteur Buſching a porté certe population
à 24 millions d'ames , dans l'extrait
de fa grande Géographie &dans fon ouvrage
, intitulé : Préparation à l'étude géographique
, &c. imprimé en 1784. Ce célebre
Géographe vient de promettre dans fon
Journal un ouvrage prochain , qui renfermera
des détails ſur cette population , &
daprès leſque's il eſt très - vraiſfemblable
qu'elle monte aujourd'hui à 30 millions.
Pendant l'année derniere 9008 bâtimens
ont paſſé le Sund , ſavoir : 1510 Danois ,
2680 Anglois , 1759 Suédois , 1368 Hollandois
& 1691 Pruſſiens , Ruffes , Francois
, Espagnols , &c.
Le nombre des malades reçus pendant
l'année de n'ere à l'Hôpital de Frédéric à
Copenhague , a été de 2179 , dont 1892 ont
été guéris , & 277 font morts. Le nombre
C
( 58 )
des naiſſances à l'Hospice d'accouchement a
été de 782 .
Ona compté l'année derniere dans l'Evêché
de Seelande , Bornholm excepté ,
2857 mariages , 8808 naiſſances & 11637
morts.
Le Prélat Okenski , Evêque de Poſnanie
& de Varſovie , s'eſt démis de la dignité
deGrand-Chancelier; ſa mauvaiſe ſanté ne
lui ayant pas permis d'en continuer les
fonctions. Le Comte de Malachowski ,
fous-Chancelier , l'a remplacé , & l'Evêque
de Chelm fuccede à celui-ci.
A Pendant l'année derniere on acompté à
Léipfick 219 mariages , 889 naiſſances &
998 morts .
Lenombredes mariages a monté à Augf
bourg, dans la même année , à 279 , celui
des naiſfances à 1129 , & celui des morts à
1195.
Les lettres de Vienne nous apprennent
que les équipages &les voitures font prêts
pour un voyage de l'Empereur , qui , à la
finde ce mois , ou au commencement de
l'autre , ſe mettra en route pour Mohilof.
De Berlin , le 23 Janvier.
S. M. , en envoyant au LieutenantGénéral
de Borch , fon ancien Gouverneur , le
Cordon de l'Aigle Noir, lui a écrit en ces
te mes.
Monfieur le Comte.
•Ayant ſaiſi avec empreſſement l'occafion
( 59 )
»que vous m'avez fournie de vous nommer
> Lieutenant-Général de mes Armées , je vous
>> envoie ci joint la décoration qu'exige l'émi-
>> nent poſte auquel les longs & fideles ſervices
> que vous m'avez rendus , vous ont donné le
>> plus juſte droit. Je vous la dois en mon parti-
>> culier comme un témoignage de ma vive res
>>>connoiſſance pour le zele avec lequel vous
> avez rempli les fonctions de la charge que
>> vous avez exercée auprès de ma perſonne. Ce
>> n'eſt qu'un foible dédommagement des déſa-
>>grémens que vous avez eſſuyés dans ce poſte >>>
Je ſuisM. le Comte ,
Votre affectionné ami ,
FREDERIC GUILLAUME.
Nous avons appris de Berne la mort du
Baronde Lentulus ,Chevalier des Ordres de
l'Aigle-Noir & de S. André , Lieutenant-
Général des Armées du Roi , ainſi que des
troupes de la République de Berne. M. de
Lentulus , décédé le 26 Décembre , avoie
commandé en 1771 le cordon de troupes
Pruſſiennes ſur les frontieres de la Pologne ,
&réſida à Varſovie en qualité de Plénipos
tentiaire de Sa Majeſté.
ITALI E:
&
De Florence , le 12 Janvier.
Le relevé des baptêmes célébrés auBaptiftaire
général de S. Jean de Florence, pendant
l'année 1786 , en porte le nombre
à 35 37 , diviſés de la maniere ſuivante ;
c6
( 60 )
De laville. Nobles, 37; du Peuple, 2875 ;
Entans expoſés , 211 ; du dehors de la
ville , 434. Par Nobles , on entend ici
tous ceux que l'on fait infcrire comme tels ,
fans autres preuves.
Depuis le 30 du mois dernier , il eſt parti
de Livourne deux vaiſſeaux Anglois , la
Marie,Cap. Thomas Tirney ,& les Freres ,
Cap. Richard Codner , tous deux chargés
de riches cargaiſons , & ſpécialement de
foie travaillée& non travaillée.
La preſtation de ſerment que les Evêques
font au S. Pere, doit ſon origine au Pape
Grégoire VII. Les clauſes qu'il y inféra ont
réveillé dans tous les temps la vigilance des
Souverains. L'obligation où ſont encore aujourd'hui
les Evêques d'aller à Rome , ou
d'y envoyer à leur défaut un ſubſtitut , avec
un rapport de la ſituation de leur Eglife ,
fut également inſtituée par Grégoire VII .
Les Papes ont toujours cherché à maintenir
cette coutume. On peut voir dans le
Tome 24 de la Collection d'Ecrits concernant
la Jurisdiction fouveraine , publiée en
cette ville , combien les Princes ont intérêt
de ſurveiller les Prélats leurs ſujets ,
qui inſtruifent inconſidérément la Cour de
Rome des détails intérieurs de l'Etat. Cette
correſpondance ſecrette ne pouvoit échapper
aux lumieres de notre auguſte Souverain.
Il a donné ordre à l'un de ſes Secrétaires
d'Etat ( ibSegretario delRealDiritto )
( 61 )
de ſignifier aux Prélats de ſes Etats ſes ditpoſitions
ſouveraines à cet égard, par la circulaire
ſuivante :
<<<Illuftriffime & Reverendiffime Seigneur ,
« Son Alteſſe Royale inſtruite que les Evêques
font paſſer tous les trois ans à Rome une Relation
de l'état reſpectif de leurs Diocèſes , defire
qu'avant d'être expédiées , ces Relations lui
foient communiquées. S. A. R. m'ordonne d'en
inſtruire par la préſente , V. S. Illuftriffime & Reverendiſſime.
Perſuadée qu'elle ne manquera
point de ſe conformer , comme elle a de coutume
, aux fouveraines intentions de S. A. R.
en me remettant , lorſqu'il en ſera temps , leſdites
Relations , afin que je puiſſe les mettre ſous
les yeux de S. A. R. Je prie V. S. de me croire
avec toute forte de reſpect , &c. à Florence , le
12 Décembre 1786 » ..
1
:
PORTUGAL.
De Lisbonne , le 6 Janvier.
Le nombre des vaiſſeaux entrés dans ce
port, pendant l'année derniere , eſt de 1059 ,
dont 269 Portugais , 22 Américains , 328
Anglois, 2Bremois,73 Danois, 2Dantzikois ,
-38 Eſpagnols, 94François, 107 Hollandois ,
8 Impériaux, 1 Maroquin , to Ragufois ,
Ruffe , 73 Suédois & 32 Vénitiens.
Un François , qui demeure depuis quel-
-que temps dans cette Capirale, a trouvé ,
dit-onle fecret infernal de faire des bombes
&des grenades, dont le feu eft inviſi(
62 )
ble, &l'effet d'une promptitude effrayante.
Auſſi tôt qu'elles tombent , elles s'enflamment
& éclatent en tout fens. L'inventeur
en a fair pluſieurs eſſais trop heureux en préfence
du Colonel & des principaux Officiers
d'Artillerie , qui lui ont témoigné leur
Satisfaction. Il ſe propoſe d'eſſayer , ſi jettées
à l'eau, elles produiront le même réſultat.
Le ſieur Du Four de Ringuet , qui ſe faiſoit
nommer ici Poupar de Fontac , & arrivé
avec le dernier paquebot de Falmouth , a
été arrêté avec ſes Papiers , comme l'un des
Fauſſaires impliqué dans l'affaire des Lettres
de change à Paris.
GRANDE - BRETAGNE
De Londres, le 30 Janvier.
Après avoir entendu,le 23 , le diſcours du
Roi que nous avons rapporté dans le dernier
Journal , la Chambre des Pairs vota , ſelon
l'uſage , l'Adreſſe de remerciment ; elle fut
agréée à l'unanimité , & L. S. l'ont remiſe à
S. M. qui y a répondu dans le ſtyle ordinaire.
CettemêmeAdreſſe n'a pas rencontréplus
d'oppoſition dans la Chambre des Communes
; mais elle a donné lieu à quelques épiſodesdont
nous rendrons un compte fuccinct.
LordCompton ayant fait la motion pour
l'Adreſſe , M. Montagu la ſoutint & obſerva
:
Que le Traité de navigation & de commerce
( 63 )
,
avec la France, promettoit non- feulement de
mettre fin aux jaloufies éternelles &aux guerres
funeſtes qui avoient long-tems déſolé les deux
plus beaux Royaumes de l'Europe , mais d'affurer
& d'augmenter la proſpérité du commerce
, dont les avantages ſolides étoient bien
préférables à l'incertitude , & aux ravages qui
accompagnent conftamment les projets de conquête.
Il ſe flattoit que la Chambre ſanctionneroit
une meſure que la perte du monopole que
l'Angleterre faisoit ci -devant en Amérique ,
avoit rendue néceſſaire ; qu'elle obtiendroit un
tribut certain , en perdant une annuité précaire
& très-mal payée ; & qu'elle accorderoit au
Miniftre , auteur de l'heureuſe révolution qui
alloit s'opérer , le juſte tribut d'éloges qu'il me
ritoit.
« Sa gloire égalera , dit-il , celle de fon illuare
pere , avec cette différence que ledernier
l'a acquiſe endirigeant avec fermeté une guerre
pénible , mais heureuſe , & que le premier l'acquerra
en étendant les manufactures duRoyaume,
& en perpétuant les bénédictions de la paix .
Mr. Fox , en approuvant la teneur & les
motifs de l'Adreſſe , contre laquelle il déclara
n'avoir aucune objection , fut moins indulgent
ſur les obſervations & les éloges débités
par M. Montagu , très-jeune Orateur ,
dont ledifcours a reçu des applaudiſſemens .
M. Fox convint d'abord, que la paix étoit
préférable à laguerre;qquueelleess conquêtes quelque
ſéduiſantes qu'elles fuſſent aux yeux de l'ambition
, ne valoient pas les avantages ſolides
du commerce. La vérité de ces maximes générales
étoit trop frappante , pour hésiter un
moment à y fouforire. Mais a l'honorableMembre
,
( 64 )
en difant que le Traité changeroit le ſyſteme
politique de la Grande-Bretagne , &porteroit
dorénavant toutes ſes vues far l'aggrandiffement
de ſon commerce , au lieu de tonger à faire
des conquêtes , avoit voulu infinuer par- là , que
ce pays n'avoit entrepris , ou ſoutenu desguerres ,
que dans la vue de faire des conquetes , il étoit
-de ſon devor de rectifier cette opinion , parce
-qu'elle étoit erronée ; parce qu'au moins , depuis
-la révolution , l'Angleterre n'avoit été en guerre
que pour la propre défenſe , ou pour conferver
la balance du pouvoir en Europe. Le traité
:pourroit peut-être avoir cet effet , relativement
à la France , dont le but conftant dans toutes
ſes guerres avoit été d'étendre les conquêtes
-& la puiſſance , mais non-relativement à la
Grande-Bretagne,dontle ſyſteme politique avoit
-toujours été different . Au reſte , il étoit bien
-éloigné de convenir avec l'honorable Membre ,
que les guerres euffent nui au commerceBritannique
: il n'avoit été qu'interrompu , & il
avoit toujours reparu avec un nouveau degré
d'énergie au retour de la paix ».
r
Il demanda enſuite , files Miniſtres de S. Μ.
avolent formé ce traité dans des vues purement
*de contmerce , ou dans des vues politiques ?
S'étoient-ils flautés que cette méſuré produircit
une amitié indiffoluble entre les deux Nations ?
Quede Cabinet de Versailles renonçant tout à
coup à ton ancien ſyſtême d'aggrandiffement ,
&à ſes vues ambitieuſes , embraſſeroit un p'an
de modération , fi éloigné de ſon caractere. Si
cela étoit , il féliciterot de grand coeur 1 Univers
entier , l'Europe & l'Angleterre en particulier
, de ce mémorable changement. Mais
une pareille révolution tenoit trop du miracle ,
pour qu'il put y ajouter foi.
( 65 )
•Quant à ce que l'honorable Membre avoit
avancé , que l'Angleterre , en perdant le marché
de l'Amérique&en obtenant celuide la France ,
avoit converti une annuité mal payée , & précaire,
en un tribut dont le paiement feroit
prompt & certain , il étoit d'un avis contraire ,
parce qu'iln'étoit pas probable que le paiement
de ce prétendu tribut ſe fit ſans pluſieurs interruptions
; parce que l'hiſtoire des deux Nations
prouvoit combien peu il falloit compter
fur la durée de ces liaiſons de commerce » .
M. Fox dit enfuite , & qu'avant que la Chambre
pût s'occuper de la diſcuſſion du Traité ,
elle devoit être inſtruite de la fituation exacte
des négociations avec les autres Puiflances ,
&fur-tout le Portugal, l'Eſpagne & la Ruffie.
A la vérité , il n'étoit pas en peine à l'égard
de la Ruffie; s'il falloit en croire le Ministre,
il y avoit un an qu'il avoit eu le pla fir d'es
cendre de ſabouche , qu'il étoit très- facile d'obi
zenit le renouvellement de ce traité. Il ne dou
toit donc pas que ſi les Miniſtres n'en avoient
point impofé , il ne le fût bientôt: mais il
n'en étoit pas de même du Portugal & de l'EC
pagne. La Chambre,devoit connoître l'Etat de
la Nation , relativement à toutes ces Puiſſances,
avant de former une opinion déciſive ſur ce
nouveau ſyſtême. La convention avec le Portugal
devoit elle être abſolument conforme au
traité de Methuen , ou le modeler ſur le nouveau
traité ? Tout cela étoit encore incertain.
Quant à l'Eſpagne, il doutoit que les Miniſtr s
euffent conclu l'arrangement préliminaire , qui
étoit cependant néceſſaire pour la formation d'un
traisé de commerce avec ceste Nation. Cependant
ils lui avoient déjà cédé la côte des
Muſquitos , fans qu'elle pût y rien prétendre.
( 66 )
Sans doute ils en avoient obtenu une compens
fation , dort ils feroient part au Parlement ;
mais ils n'avoient pas moins commis une horrible
injustice contre les Colons , en les forçant
à quitter la côte au premier de Février , qui
eſt le moment où leur récolte ſera en terre » .
en
Revenant à la France. Il falloit , ajouta M.
Fox , redouter ſérieusement la grandeur à laquelle
cette puiſſance étoit parvenue , par fon
adreffe , &un concours de circonftances heureuſes.
De Petersbourg à Lisbonne , ſi l'on en excepte
la Cour de Vienne , elle prédominoitdans
tous les Cabinets de l'Europe. Son influence
Hollande étoit viſible. Le moment de l'anéantil
ſement de cette malheureuſe République étoit
arrivé. La France étoit ſur le point de l'aſſervir
entiérementà ſes vues , par des moyens bienplus
sûrs que ceux de la force ouverte employée par
Louis XIV. Le Cabinet de Verſailles avoit au
jourd'hui les mêmes vues qu'avoit ce Monarque
il y a un fiecle. Il n'avoit jamais varié dans fa
politique ; elle avoit paru , à la vérité , ſous dif
férentes formes ; mais elle n'avoit jamais perdu
de vue ſon objet favori , ſavoir l'aggrandiffement
de cet Empire , aux dépens de ſes
voifins .
C'eſt en vain qu'on voudroit parler des ema
barras de la France & de ſes dettes; ſa fituation
avoit été infiniment plus dérangée. Ne craigoant
plus rien par terre , elle avoit conſidérablement
diminué ſon armée , pour s'appliquer
à augmenter ſa marine. Etoit-ce cette augmentation
qui étoit un garant de ſon amitié & de
ſesdiſpoſitions pacifiques ? Se départiroit-elle de
fon ancien ſyſteme , au moment où el'e étoit le
plus en état d'obtenir ce qu'elle defiroit ? Le
Cabinet de Versailles préſentoit au monde le
( 67 )
paradoxe le p'us incompréhenſible. C'étoit te
plus ftable , le plus conſtant , le plus inflexible
qu'il y eût en Europe. Depuis pluſieurs fiecles ,
il pourſuivoit le même ſyſtême invariablement ,
&cependant la Nation Françoiſe paſſoit pour
la plus légere & la plus volatile de la terre !
M. Pitt remarqua combien il étoit fingulier que
M.Fox ayantcritiqué les principes du traité,donnát
favoix aux remercimens qu'on propoſoit à ce fujet.
Il plaiſanta fur cette inconféquence apparente,&
aiſura laChambre queſi M. Fux continuoit
ainſi à voter en oppofition de ſon ſentiment ,
on pouvoit eſpérer de voir ceſſer dans la
ceffion tous les débats ſur les affaires publiques.
Il répondit enſuite à lacritique du traité. Selon
M. Fox , dit- il , l'attention que la Grande Bretagremet
à ſe concilier , par un traité , l'amitiéde
la France , reut lui faire oublier ſes intérêts , l'aveugler
ſur les entrepriſes de fa rivale , lajetter
enun mot, dans une inertie langerenfe. Mais , au
contraire , le butdu traité eſt de nous procurer ,
pendant la paix, toutes les reſſources néceſſaires
pour faire la guerre au beſoin avec plus de vigueur.
C'eſt donc le moyen politique lepluspuiſ
fant pour nous aſſurer la paix ,&pour obtenir par
le commerce , des avantages achetés précédemment
au prix de pluſieurs guerres. N'est-il pas
plus noble& plus utile de conclure untraitéqui ,
en nous promettant le maintien de notre proſpérité
,nous met en état d'affermir notre puiſſance ,
&denous préparer par-là même à une plus vigoureure
défenſe . A l'égard du ſentiment de M. Fox
ſur le danger de diminuer l'antipathie & la rivalitéqui
ont régné juſqu'à préſent entre les deux
Nations, M. Pitt obſerva que ſi l'on convenoitque
lecommerce étoit préférable aux conquêtes,& la
( 68 )
paixà la guerre , on conviendroit auffi que moins
il yauroit de diviſion entre les deux Nations,
& plus les avantages inappréciables de in
paix & du commerce ſeroient allurés à l'Angleterre.
Quant à la négociation même du traité, continuaM.
Pitt, n'est-il pas étonnant que M. Fox
condamne cette meſure dont il eſt un des premiers
auteurs , puiſqu'il a annoncé dans le traité
de paix définitifla néceſſité d'une liaiſon conmerciale
entre la France & la Grande- Bretagne?
Devoit on s'attendre à voir M. Fox ſe décla er
J'ennemi d'une négociation qu'il a rendue inévitable
, & mettre par cette conduite une différence
aufli prodigieuſe entre ſes principes commeMinif
tre& comme Membre du Parlement?
M. Pitt obſerva qu'il ne pouvoit pas rendre
compte àla Chambredela fituation du commerce
de l'Angleterre avec le Portugal , l'Eſpagne &
JaRuide , nides intérêts politiques du commerce
&des forces de chacune de tes puiſſances. Il fe
borna à parier de l'influence que le traité de
commerce avec la France pourroit avoir fur les
autres traités conclus & à conclure. Il affura que
laGrande-Bretagne avoit toujours la faculté de
changer ou de confirmer les anciens traités conclus
avec le Portugal , ou enfin d'en fornier de
nouveaux , aucune clauſe du traité avecla France
ne portant atteinte à cettefaculté .
Al'égard des conteftarions avec l'Eſpagne , il
dit qu'elles étoientterminées parun traité dont les
-articles ſeroient mis inceſſamment ſous lesyeux
du Parlement pour y être diſcutés.
M. Fox repliqua à M. Pitt, en diſant qu'iln'avoit
annoncé un traité de commerce dansletraité
définitif , qu'en conformitédes engagemens contractés
par laNation fous un autre miniftere. &
( 69 )
dece qui avoit été établi dans les art'c'es préli
minaires de la paix.
Il expliqua enſuite ſon opinion ſur une liaiſon
d'amitié avec la France, Il aſſura qu'il étoit trèséloigné
dedeſirer la continuation des diviſionsna
tionales ; qu'il déſapprouvoit abſolument toute antipathie
, toute baſſe jalouſie entre deux grandes
Nations ; mais qu'il croyoit que l'Angleterre & la
France devoient s'obſerver mutuellement , &
avoir toujours entr'elles une noble rivalité.C'eſt
parce moyen ſeul que ces deux Puiſſances mettent
obstacle à un accroiſſement de pouvoir qui, ſoit
d'un côté , foit de l'autre , détruiroit la balance .
dontdépend le ſyſtême politique de l'Europe.
Ala ſuire des débats , l'Adreſſe paſſa ſans
oppofition.
Hier , 29 , Mr. Pitt ayant fait lire les Papiers
relatifs à la Colonie de Botany-Bay, demanda
que la Chambre autorisat Sa Maj. à
former immédiatement un Tribunal de Juftice
criminelle dans cet établiſſement. Mr.
Minchin propoſa enſuite de ſoumettre à
l'examen de la Chambre l'état détaillé des
exportations de laGrande-Bretagne en Portugal&
de leurs retours; mais M. Pitt ayant
fait obſerver que cet examen ſeroit prématuré,
puiſque leTraité avec le Portugal étoit en
négociation , M. Minchin retira ſa motion.
Deux vaiſſeaux Ruſſes , appartenant à
M. Panoff, Négociant de Moscow, dit une
lettre de cette ville , en date du 30 Novembre
dernier , ſont arrivés au Kanıtſchatka ,
après une abſence de huit ans. Ils ont découvert
une petite peuplade dont les in'ividus
n'ont qu'une archine & demi de haut. ( 42
1
( 70 )
pouces Anglois ). On affure que cette race
de nains a été trouvée dans l'intérieur de
Fifle d'Ounalaſchka; le Capitaine Cook &
les vaiſſeaux de M. Panoffavoient déja touché
à cette Iſle précédemment ; mais les
nains n'avoient pas paru ſur la côte. Deux
hommes de cette Nation ont conſenti à
s'embarquer ſur les vaiſſeaux Ruſſes ; on les
attend à Moscow inceſſamment , & on les
conduira à Pétersbourg.
M. Thomas Grenville, qui a le malheur d'être
privé de la vue , a imaginé un appareil arithmétique
à l'uſage des aveugles , dont on trouve
la deſcription dans le tome IV des Mémoires
de la Société des Arts. Cet appareil differe en
plusieurs points de la table numérique de Saunderſon
, & cesdifférences font toutes à ſon avantage.
Il consiste en une planchette percée de
trous , diſpoſés en lignes droites horisontales &
perpendiculaires. Les lignes considérées horifontalement
marquent les unités , les dixaines ,
les centaines , &c. , en allant de droite àgauche
, comme il eſt d'uſage ; & les lignes perpendiculaires
donnent la facilité de placer les
nombres les uns ſous les autres , comme on le
fait dans l'arithmétique uſuelle. On a des chevilles
faites pour entrerdansles trous , & fur la
tête de ces chevilles font imprimés les chiffres
que chaque cheville repréſente , de maniere
qu'une perſonne qui a l'uſage de ſa vue , peut
voirtoutle compte d'un coup d'oeil. La perſonne
aveugle , de fon côté , reconnoît les chiffres au
moyen de certaines pointes placées dans la tête
deschevilles , & qu'il feroit inutile de décrire
ici. Entre les rangs des trous à chevilles , ſont
placés des trous plus petits deſtinés à recevoir
( 71 )
le bout courbé de plusieurs fils de fer , dont
l'office eſt de repréſenter les lignes ſoit hori
ſontales , ſoit perpendiculaires , dont on fait
uſage dans les comptes. La boîte qui renferme
l'appareil , eſt diviſée en autant de caſes nécellaires
pour recevoir les chevilles & les fils de
fer. Cette machine ne peut manquer d'être trèsutile
aux perſonnes pour qui elle eſt deſtinée ;
& tout aveugle , avec la moindre attention ,
eſt certainement en état d'exécuter , au moyen
de ce simple appareil , toutes les opérations
arithmétiques , qu'il feroit , s'il avoit l'uſage de
lavue.
On a ſeulement à regretter que la Société des
Arts n'ait point fait graver la planche qui eſt
jointe à la deſcription de cette machine , de
maniere à former un relief ſuffiſant pour être
ſenſible au toucher d'un aveugle , qui voudroit
s'en formerune idée. On auroit pu y parvenir par
l'impreſſion toute ſeule , fans le ſecours de la
gravure; il fuffiroit d'imprimer ſur de gros papier
ſec , bien reſſerré à la preſſe , & il eſt certainque
les lignes & les points auroient été ſenſibles
au doigt.
Mrs. Sherwin & Frewin viennent d'achever
les deux Ouvrages les plus intéreſſans &
les plus pénibles. Le premiereſtun état exact
de tous les revenus, des exportations, importations
&de la navigation de ce Royaume,
depuis pluſieurs années. Le ſecond renferme
la totalité des actes relatifs aux Douanes ,
réduits à un ſeul.
Un particulier , qui a fait des recherches
curieuſes ſur les manufactures , aſſure que
l'on file chaque jour à Holywell , dans le
Comté de Flint , une quantité de fil qui ſuf
( 72 )
firoit pour entourer le globe à ſonEquatetır.
Les ouvriers tirent d'une livre de coton un
fil de 69 milles de long.Cette filature prodigieuſe
eſt cependant encore perfectionnée au
moyen des nouvelles machines de M. Atherton,
dans lesquelles la même livre de coton
produit un fil long de 80 milles&davantage.
On voit à la Manufacture de foie de
Derby , un effet bien plus ſurprenant encore
des forces de lamécanique. Une machine ,
mife en mouvement par une ſeule chúte
d'eau , fait tourner 97,746 roues différentes ,
& emploie 3 ou 400 perſonnes à ſurveiller
le jeu de la machine & à l'alimenter. Il y a
26,586 roues principales , chacune deſque!-
les peut être arrêtée ſéparément ; un ſeul régulateur
gouvernant la machine. Achaque
tourde la roue, fur laquelle tombe la chute
d'eau, la machine file 70,728 verges defoie ,
&e'le fait trois tours par minute; ce qui produitdans
les 24heures 318,504,960 verges
de foie. Une petite fille de onze ans y fait
l'ouvrage de 35 perſonnes.
M. JohnTurner de Manaughty, près de
Kingthon , étoit allé , il y a quelques jours ,
à la chaſſe , avec un ami. En battant la cama
pagne fur le bord d'une siviere , ils leverent
une becaffine. Le compagnon de M. Turner
voulut tirer : mais l'amorce ne prit pasa
Au moment où il vouloit rajuſter ſa pierre ,
M. Turner s'approcha de lui , & pofa fon
fufil à terre , avec le bout repofane fur fon
eftomach
( 73 )
eftomach. Dans cette ſituation il tira imprudemment
ſa poire , qui contenoit environ
une demi livre de poudre ; tandis qu'il
eſſayoitd'amorcer le fuſil de ſon ami , la
poudre prit teu dans la poire. L'exploſion
fit partir le futil de M. Turner , lui fracaſſa
la tête , &le fit tomber mort ſur la place.
Son compagnon fut auffi fort maltraité , &
il eſt même actuellement dangerouſement
malade. La ſoeur de M. Turner , qui ſe trouvoit
à la ville , ayant reçu la nouvelle de cet
accident , ſe rendit à la hâte auprès de ſa
mere; mais en entrant dans l'appartement ,
elle fut tellement frappée de douleur , qu'elle
tomba ſur ſes genoux , & ne put proférer
que ces paroles : ô maman , ç'en est plus que
jen'enpuisfupporter. Elle tomba en difant
ces mots , & expira dans les bras de fa mere.
M. A. Malone , oncle du Lord Sunderlin , &
d'un des Commentateurs de Shakespeare , retournoit
un jour de Bath à Holy Head , lorfqu'il
fut arrêté par un voleur de grand chemin,
dont le viſage étoit voilé. M. Malone lui tira
un coup de piſtolet , & le manqua ; le voleur ,
au lieu de tirer le ſen , ſe contente de lui demander
une ſeconde fois ſon argent. M. Malone,
frappé de cette magnanimité , ne fit plus de
réſintance , & lui donna auffitôt ſa bourſe , qui
contenoit 60 guinées , en lui diſant: « La con-
-duite que vous venez de tenir à mon égard ,
> me prouve que vous avez des ſentimens au-
>>deſſus de la profeſſion deshonnête que vous
-avez embraffée. Si c'eſt la mifere qui vousy
>> a forcé , & que ce ſecours ſoit ſuffifants
N°, 6 , 10 Février 1787. d
( 74 )
pour vous en retirer , au nom de Dieu ;
>>quittez ce genre de vie , & croyez que je ne
>> penſerai jamais à vous pourſuivre , ni à vous
arrêter , quandmême je ſaurois où vous treu-
» ver ». Le voleur ne prit que douze guinées
de la bourſe , & lui rendit le reſte , en lui difant
que c'étoit tout ce dont il avoit beſoin.
Il le pria en même tems de lui donner fon
adreſſe , & lui promit , s'il lui accordoit cette
grace, de lui faire ſavoir de ſes nouvelles
dans trois mois. M. Malone , qui étoit alors
Avocat du Roi pour l'Irlande, donna ſon adreſſe,
& le voleur prit reſpectueuſement congé de
lui.
Quelque tems après , M. Malone reçut un
paquet , qui renfermoit une ſuperbe tabatiere
d'or , avec la Lettre ſuivante :
MONSIEUR ,
«Un honnête voleur de grand chemin , qui
vous a volé douze guinées , vous ſupplie d'avoir
labonté d'accepter cette tabatiere. Vous attentâtes
à ſa vie ; fſi vous aviez réuſſi à la lui ôter ,
vous l'auriez empêché de commettre un crime ,
& lui auriez épargné des remords. Cependant
il ne méritoit point de périr , ni par la main
d'un homme d'honneur , ni par celle d'un bourreau.
Un motif , qu'il ose dire noble , le porta à
aller voler ſur le grand chemin ; votre exhortation
fit la plus vive impreſſion ſur lui : ç'a été
ſon premier & dernier crime. La mort d'un
proche parent l'a rendu poſſeſſeur d'un bien considérable,
qui le met au-deſſus de la tentation
de répéter un crime , dont le ſouvenir le couvre
deconfusion».
Deux des crimine's exécutés dernierement
, offrirent leurs cadavres , la veille de
1751
leur exécution , à M. Sheldon , célébre anatomiſte
de cette Capitale ; iis lui écrivirent
en même temps, que ne pouvant réparer
autrement leurs touts envers la ſociété , ils
defiroient ſervir à l'inſtruction de ſes éleves.
Cen'eſt pas la premiere fois que ce fait eſt
arrivé à Londres.
FRANCE.
De Versailles ,le 29 Janvier.
LE 28 de ce mois , le Marquis de Courbon
a prêté ferment entre les mains du Roi
pour la Lieutenance-générale des provinces
de Saintonge &de l'Angoumois , dont il a
été pourvu fur la démiſſion du Comte de
Jonfac.
Le mêmejour , la Vicomteſſe de Suffren
a eu l'honneur d'être préſentée à Leurs Majeſtés
& à la Famille Royale par la Princeſſe
de Berghes , Dame du Palais.
Le Roi a nommé l'Abbé de Briffart ,
Vicaire Général du diocefe de Carcafſonne ,
à l'Abbaye de Fontaine-le-Comte , Ordre
de Saint Auguftin , dioceſe de Poitiers , fur
la préſentation de Monſeigneur Comte
d'Artois , en vertu de ſon apanage,
La Demoiſelle Joly , épouſe da ſieur
Cader, de l'Académie Royale de Chirurgie,
ayant eu l'honneur de préſenter à la Reine
pluſieurs de les ouvrages en émal, S. M.
lui aaccordé le titre de Peintre en miniature
d 2
( 76 )
fur émail , de ſon Cabinet, par un brevet
du 21 de ce mois.
M. Gerard de Rayneval , Conſeiller d'Etat
, de retour de Hollande , où il vient de
remplir une commiſſion particuliere , dont
il avoit été chargé par le Roi, a eu , à ſon
arrivée ici , le 24 de ce mois , l'honneur d'être
préſenté à Sa Majesté , le Comte de Vergennes
étant indiſpoſé , par le Baron de
Breteüil , Miniſtre & Secrétaire d'Etat , ayant
ledépartement de la Maiſon du Roi .
De Paris , le 7 Février.
ARRÊT de la Cour des Monnoies , du
30 Décembre 1786 , qui ordonne l'exécutiondes
Ordonnances , Edits , Déc'arations ,
Arrêts , Réglemens & Lettres-patentes concernant
la fabrication & le commerce des
matieres d'or & d'argent.
Arrêt de la Cour des Monnoies , du 30
Décembre 1786 , qui ordonne que l'Arrêt
de la Cour , du 11 Décembre 1785 , concernant
le nombre de Deniers à emboîter ,
ſera exécuté juſqu'au deanier Juin 1787 ;
Celui du 18 Janvier dernier , concernant
la clôture & l'envoi des boîtes , &
la marque diſtinctive du Point pour les fix
derniers mois , continuera d'avoir ſon exécation
pendant le cours de l'année 1787
feulement.
Le 3 : Décembre de l'année derniere ,
( 77 )
۱
vieux ſtyle, & le 11 Janvier de la préſente
année , nouveau ſtyle , le Comte de Ségur ,
Miniſtre plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Impératrice de toutes les Ruſſies , a ſigné , à
Pétersbourg avec les Comtes d Oſterman ,
de Woronzow , de Bezborodko & le ſieur
de Marcow , Miniſtre plénipotentiaire de
cette Souveraine , unTraité de navigation
&de comme ce entre la France & la Ruffie.
Cette nouvelle a été apportée par un courrier
, arrivé ici le 31 du mois dernier.
:
Tout autre intérêt public eſt aujourd'hui
ſubordonné à celui qu'inſpire l'Aſſemblée
des Notables. En attendant que nous puiſſions
rendre compte de l'ouverture de ce
Conſeil , nous donnerons ici la deſcription
qu'onnous a envoyée dela Salle où il tiendra
ſes ſéances. Nous ne pouvons répondre de
ſa parfaite exactitude; mais il eſt probable
qu'elle eſt fidelle fur les points eſſentiels.
: >> Il paroît , dit-on , que les propoſitions du
>> Roi feront diſcutées dans différents comités ,
>> au nombre de 6 ou de 7, & qui ſeront préſidés
>>>par autant dePrinces du fang.On nomme déja
>> MONSIEUR , Mgr. Comte d'Artois , le Duc
>>>d'Orléans , Mgr. le Prince de Condé , Mgr.
>> le Duc de Bourbon , & Mgr. le Prince du
Conti.
>> Le lieu de l'Aſſemblée , à l'Hôtel des Menus
, a été diſpoſé de maniere qu'outre la
>> grande piece où les Notables s'aſſembleront ,
3 & qui a 120 pieds de long , fur 100 pieds de
>> large , il y aura aux environs 12 autres pieces ,
(
d.3
( 78 )
avec chacune leur deſtination particuliere;des
>> anti-chambres pour la livrée , une pour les
Suiſſes , une pour les Gardes-du- Corps , une
>>>anti chambre , une chambre & un cabinet pour
le Roi , un Cabinet pour la Reine , une ſalle
>> pour la Buvette , une pour le Secrétariat ,une
>> ou deux pour lescomités , une où lesMembres
>> s'habilleront &c.
>> Les No tables auront une entrée particuliere
→ par cù ils arriveront de plain-pied dans la par
tie intérieure de la grande ſalled'Aſſemblée.
>>>L'autre partie de la falle , élevée en forme de
> ſtrade de trois pieds , eſt deſtinée au Roi , aux
>>>Princes& aux Pairs. Dans le milieu ſera placé
le trône, furmonté d'un dais , & aux deux
› côtés du dais , mais horsde fon enceinte , len
>> ront deux fauteuils à bras pour les deux freres
>> de S. M. Plus loin& en retour , feront deux
>> banquettes pour les Princes du Sang , & en-
>> fuited'autres pour les Pairs. Le Roi arrivera
>> au trône de plain-piedparune porte ménagée
>> dans ſon Cabinet adoffé àcette partie de la
د Salle d'aſſemblés ; des banquettes feront ran-
>>gées&diſpetées convenablementdans lapartie
>> inférieure de la Salle pour recevoir les autres
>> Membres.
» L'ouverture de l'Aſſemblée ſera précédée par
>> uneMette folemnelle à la Chapelle du Roi. Le
>> Roi , la Famille Royale , les Princes ,les Pairs
> &tous les Notables y aſſiſteront revêtus de leurs
> habits de cérémonie. Le cortegedu Roi en ſe
>>> rendant à l'ouverture de l'Aſſemblée ſera com-
>> poſé d'un détachement des cent-Suiffes , de 36
>>>Gardes-du-Corps , de 24 Chevaux Legers&de
14Gendarmes de la Garde. S. M. ſeradans fon
carroſſe de parade a 2 chevaux.
> La grande Salle eſt décorée de colonnes ,&
( 79 )
les entrecollonemens feront remplis par les
plus belles tapiſſeries de la Couronnnee,, de
>> ſuperbes tapisde la Savonnerie couvrironttout
>> leplancher,& les banquettes feront couvertes
>> de tapis fleurdeliſés. On a ménagé dans les
>> quatre angles de la Salle la place de quatre
>> grands poêles qui répandront de la chaleur
par-tout ".
Les terres de la Subdélégation de Nerac
ayant éré ravagées par la grêle , au mois de
Juin dernier , les Cultivateurs ſe font trouvés
ſans reſſources pour continuer leurs
travaux , & fur tout pour enfemencer ; mais
ils ont été ſecourus par des Négocians de
la vi le de Nerac , qui leur ont fait toutes
lesavancesnéceſſaires en argent & en grain ;
ces généreux Négocians font les ſieurs Perribere
, Larrat , Bere Mauveſin , Gimet l'aîné
, Coutures , Notibé , Silveftre-Armaignac ,
Tapié , Maille , Leſpiault fils ,& Lefpinafle-.
Bergerac. Le Ro leur a fait témoigner toute
ſa fatisfaction , & les a aſſurés de ſa bien .
veillance particuliere.
f >>Le Profpectus auſſi touchant que noble
>>de Souſcriptions pour la conſtruction de
>>quatre Hôpitaux à ſubſtituer à l'Hôtel-
>>> Dieu , a déterminé des Corps , des Affo-
>> ciations, des particuliers , à ſeconder à cet
->>> égard les vues bienfaiſantes de S. M. On
>>>affure que MM. les Fermiers Généraux
>> ont arrêté de conſacrer cent piſtoles cha-
>>>cun par an , on 44,000 liv. annuellement
>>à la fondationdes quatre nouveauxHôpi
d4
( 80 )
>> taux; M. Magon de la Ballue a ſouſcrit
>> pour 24,000 liv. , M. le Duc de Praflin
>> pour 12000 1.; & l'on compte déjà , à ce
>>>qu'on ajoute , plus d'un million de ſouf-
>>criptions. M. Poyet a été nommé Archi-
>>>tecte de la ville de Paris , au lieu de M.
>> Moreau ; & on croit qu'il ſera chargé de
la conſtruction des nouveaux Hôpitaux.
Ila été armé , l'année derniere , dans le port
de l'Orient , 88 navires pour l'Inde , l'Amérique
, la côte d'Afrique , & la pêche de Terre-
Neuve. Le nombre de ceux qui ſont arrivés de
cesdiverſes parties , eſt de 102. L'état des chaloupes
de pêche de ce département, eſtd'environ
138 , & on eſtime qu'il y eſt entré plus de 600
barques de différentes grandeurs , chargées des
objets néceſſaires aux beſoins du port , de la
Compagnie des Indes , du commerce & de la
conſommation de la ville. Plus de 400 de ces
barques ſont reparties chargées pour differentes
deſtinations du Royaume &de l'Etranger.
Un de nos Abonnés ayant acheté de M.
l'Abbé Poinfot , Curé de Chemilly , près
Chablis en Bourgogne , le ſecret dont il a
été queſtion dans les Feuilles publiques ,
pour préſerver les pêchers , abricotiers &
autres arbres , tant en eſpalier qu'en plein
vent , des intempéries de l'hyver & du printemps,
il n'héſite point à le rendre public.
Nous nous empreſſons done de concourir
à fon zele , en donnant ici cette méthode ,
telle qu'il nous l'envoie.
« Il faut d'abord , dit M. l'Abbé Poinfot , que
> ces arbres ſoient taillés , dès qu'on préſume
( 81 )
>> que la ſéve va ſe mettre en mouvement ; ce
>> qui a lieu ordinairement en Février ou Mars ;
les nettoyer avec une petite broſſe , des punais
>> ſes & autres infectes , de la moufle & gomme ;
> avoir l'attention de ne pas broffer à rebours , &
>>>les bien labourer.
Pour les arbres en espalier.
>> Il eſt bon , dès la fin de Décembre , de
placer au-deſſus des eſpaliers , des auvens en
>> roſeaux , paille ou planches , de 30 pouces de
> arge , ſur des piquets placés dans le mur , en-
>> fuite,lors de la ſéve, en planterd'autres & les at-
>> tacher avec ceux placés da le mur , les croi-
>> fer par des perches de diſtance en diſtance ,
>>juſqu'a I pied de terre , garnir le total de bran-
>> ches de genevrier ou d'autres ,d'arbres toujours
>>verds , laiſſant peu de vuides; fi le bout de l'ef-
>>> palier n'eft pas fermé par un mur , il faut le
>>>garnir d'un paillaſſon ou planches pour arrêter
>> la force de l'air,
>> Cet'abri eſt néceſſaire juſqu'en Mai , enfuite
>> l'on ôte tous les jours , de diſtance à autres ,
>> quelques pieds de genevriers , & l'on tâche de
>> finir par un tems doux & couvert.
Arbres en plein vent .
C'eſt le même moyen , à cela près de la dif-
>> ficultédu treillage.
>> Il est néceſſaire d'attacher au tronc de l'ar-
>>>>bre une perche aſſez forte , qui ſurpaſſe la címe
>> d'environ 3 pieds ; adapter en haut une virole
>>pour y attacher pluſieurs perches qui faſſent ,
>> pour ainſi dire , l'effet d'une carca de para-
>pluie , qui ſeront attachées aux extrémités à
>>un cercle dont la grandeurdoit être propor-
>> tionnée à l'étendue de l'arbre , paffer comme
ds
( 82 )
"
une eſpece de treillage des branches für ces
perches , pour recevoir les genevriers , &c. ou
même des paillaſfons de paille de pois. Souten
>>> le cercle par pluſieurs piquets & garnir comme
les eſpaliers , du côté du nord eſt ſeulement ,
juſqu'à la naiſſance des branches , le trenc
>>n'ayant rien à craindre. Il eſt eſſentiel que ces
abris ne touchent point aux arbres.
>> Si pour un verger on regardoit cette opération
trop longue , on peut ſeulement , enAvril
>> & Mai , s heures avant le ſoleil , faire brûler
5 de la paille mouillée , ou fumier non-conſommé
, ou enfin , des arbres bruyeres , enforte
>> que le vent potia fumée ſur les arbres ; cela
détruit les infectes. "
La Société patriotique de Valence em
Dauphiné vient de récompenfer , par le don
d'une ſomme d'argent équivalente à une
Médaille d'or , l'action courageuſe dont
voici le rapport .
Le Jeudi 4 Janvier 1787 , às heures du foir ,
le nomméGanivet, Patron du Coche de Lyon ,
àAvignon , le détacha , ſuivant l'uſage , avec un
barquet , pour dépofer les marchandiſes deſtinées
pour Valence. Il conduiſoit ce barquet ; le vent
de biſe étoit très- fort , les eaux affez enflées , &
fon barquet très chargé. Il ne peut réuffir à éviseruncourantdangereux
auprès duport des Lanternes,
& il vient ſe brifer contreun brigantin
des Péages quiy étoit amarré. Il difparoît auffi-tot
avec tout fon chargement. Heureuſement la prévoyance
du choc lui avoit fait appeller du ſecours ;
& le nommé Henri Raymond , jeune batelier de
16 ans , étoit accouru ſur des bateaux , voiſins du
brigantin. Ilvoit reparoître Ganivet ſur le bord
dol'un de ces bateaux, &court le faifir par le bras
( 83 )
pour l'aider ày monter. Mais il n'a pas affez de
force; &Ganivet , qui avoit conſervé encore de
la préſence d'eſprit, ſentant qu'il entraîneroit le
jeunehomme& le perdroit , ſedétache de lui ,&
nage comme il peut. Le jeune homme ne le perd
pasde vue , le ſuit de bateaux en bateaux , &
voyant qu'il s'affoibliſſoit , le reprend encore par
lebras ,&le retientjuſqu'à ce quedes perſonnes
qui arriverent enfin à ſes cris, lui aiderent à le retirer.
Laconſtance& le couragedu jeune Raymond
eſt d'autant plus méritoire , que deux jeunes gens
qui avoient d'abord accouru avec lui aux premiers
cris deGanivet , s'enfuirent lâchement àl'instant
où ils le vitent échouer , dans la crainte de périr
en le ſecourant , & vouloient auſi emmenerRaymond.
Ganivet , retiré des eaux , a atteſté , par
les témoignages de ſa reconnoiffance, tout ce
qu'il devoit àl'intrépidité & à la prudence de ce
jeunehomme;&ce qui l'atteſtoit encore mieux ,
c'eſt la vive ſarisfaction que le jeune homme
faiſoit éclater lui-même d'avoir été fon libérateur.
Dans une Inſtruction que vient depublier
le Journal de Normandie, ſur les accidens
produits par le chauffage de la braife & du
charbon , on lit entr'autres , le récit fuivant.
Le Geur Bayeux , Capitaine de Havre , eſt rentré
à bord , le 26 Décembre,au ſortir de la Comédie,
apportant un fac debraiſe , il s'eſt enfermé
dans få petite chambre , qui n'a pas fix pieds em
longueur , un peu plus en largeur, & une élévation
peu conſidérable , avec ſon Mouile &
fon chien. Le Capitaine & le Mouſſe ſe ſont mis.
en traind'allumer la braiſe , en foufflant avecum
chapeau. Après une demi heure le Mouffe s'eft
16
( 84 )
trouvé mal , ſe plaignant d'un grand mal de
tête&d'étourdiſſemens.( Il n'avoit pas ſoupé.)
Le Capitaine l'a encouragé , l'a grondé ; mais dé.
finitivement , n'y pouvant plus tenir , il s'eſt
écrié: il faut que je dorme. » El bien ! couchetoi.
» Le Maître a continué de ſouffler la braiſe .
Vers minuit le chien a tombé , s'eſt roulé , ſe
frappant la tête contre les planches. Le Capitaine ,
compatiſſant , a pris l'animal par la peau du cou ,
l'a porté ſur le pont , où l'air frais luia rendu la
vie , & l'imprudent s'eſt enfermé de nouveau pour
ſe chauffer à ſa braiſe . Il s'eſt endormi deſſus . A
neuf heures du matin les Matelots , ne voyant
point reparoître ni Capitaine , niMouſſe , ont fait
demander la permiſſion d'enfoncer la porte. On
a trouvé ces deux hommes aſohixiés , & fur tout
le Capitaine apoplectique. ( On aſſure qu'il a été
trouvé une ſouris morte dans un ſoulier du Moufſe.)
Ce malheureux eſt mort à deux heures,dans
un cabaret où ils avoient été tranſportés tous les
deux. Il a été fuffoqué , & mouroit en apoplexie ,
rendant beaucoup d'écume par la bouche & les
narines , ayant les mâchoires très-ferrées , les paupieres
fermées , le teint plus pâle qu'animé , le
ventre & l'eftomac diſtendus d'air, préſentantune
forte de molleſſe...Le Mouſſe a été facilement remis
en ſanté avec le vinaigre qu'il a avalé & pris,
dans des lavemens .
Les ſecours , dans ces cas malheureux , ſont
pourtant ſimples , faciles , à portée de tout le,
monde. Ils conſiſtent à porter l'aſphixique ou l'afphixié
en plein air , quelque tems qu'il faffe , &
à lui jetter, ſur-tout au viſage , de l'eau très-...
froide; à lui ſouffler dans la bouche , afin de faire
pénétrer de l'air pur dans la poitrine . ( C'eſt ce
qu'on afaitdans le premier des accidens que nous
avons conſigné.) Auſſi tôt que la déglutitionpeut
( 85 )
avoir lieu , il faut faire avalerdu vinaigre plus ou
moins étendu dans l'eau , en ad niniſtrer dans des
lavemens d'eau froide , qui ſont d'une très-grande
utilité. Dans les cas très-graves la faignée à la
jugulaire eſt importante , s'il n'eſt pas trop tard ,
comme chez le Capitaine Bayeux. Les frictions
légéres & répétées , animées de la vapeur du vinaigre
, le bain , ſont auſſi d'une grande utilité...
Mais on doit conſulter plus ſpécialement l'inf
truction donnée par M. Portal , en ſon rapport
fait par ordre de l'Académie des Sciences , fur
les effets des vapeurs méphytiques dans le corps
de l'homme. Paris 1776.
« Les de ce mois , le feu prit à une corvette
qui étoit en rade , & qui ſervoit à la
>> flotte Hollandoiſe , de dépôt pour les malades
> & pour les carenages. Il ſe manifeſta à deux
>> heures dumatin , les ſecours furent infuffifans,
>> & à cinq heures , on fut obligé de l'aban-
>> donner : le vaiſſeau Amiral Hollandois tira
>> alors trois coups de canon pour donner l'allar-
>> me ; toutes les troupes de terre & de mer fu-
>>>rent ſur pied , & les vaiſſeaux qui ſe trouvoient
>> près de la corvette incenfiée , mirent à la
>> voile pour s'en écarter ; les flammes jettoient
>> dans l'atmosphere une clarté ambulante ; le
>> bâtiment flotto't au gré des vents , & on ap-
>>percevoit les autres vaiſſeaux qui cingloient à
>>>pleines voi'es pour l'éviter. La Ste Barbe con-
>> tenoit trente quintaux de poudre , le feu s'y
>> communiqua à neuf heures & un quart , alors
>> il ſe fit une exploſion curieuſe ; la corvette s'ê-
> leva en l'air , mais étant retombée , elle brûla
>> pendant plus d'une heure encore : il n'y a pré-
>> ciſément que la quille qui ſe trouvoit dans
>> l'eau qui n'a pas été la proie des flammes : cet
» événement provient de l'imprudence d'un mas
( 86 )
>telot, qui avoitdu feu dansſa chambre : cette
>>>corvette étoit neuve, elle avoit été lancée en
1780 ; on ne ditpas queperſonne ait péri dans
>> cette occafion »,
Les Affiches de Lorraine rapportent en
ces termes un accident arrivé fous les murs
deNancy , le 30 Décembre dernier.
Quatre enfans de douze à treize ans s'amufoient
ſur la glace , & voulcient arriver dans un
endroit qu'ils penſoient être le moins profond.
Le plus avancé tombe ſous la glace , deux autres
veulent le ſecourir, ils éprouvent le même fort ,
le quatrieme , fils du ſieur Blaiſe , Faiſeur de
corps , ne ſe rebute point; il prend une perche ,
va vers le précipice ,retire unde ſes camarades,
&le conduit à terre: il retourne , &parvient
encore à ſauver le ſecond; mais le troiſieme ne
paroiſſant point , ilaceſſe ſes recherches. Il s'étoit
amaflé une foule de monde ſur le bord de
l'étang , qui admira le ſang froid& l'intrépidité
de ce jeune homme. Quatre hommes ont pris
une mauvaiſe nacelle , & ne ſont parvenus vers
le précipice qu'au bout d'une heure & demie ,
parce qu'il falloit couper la glace à coups de
hache. On a ramené le noyé dans une maiſon ;
mais après deux heures de travail , il eſt ſurvenu
un Chirurgien , qui a déclaré qu'il étoit mort ,
& qu'il n'y avoit plus moyen d'attendre ſa réfurrection
. D'après cet avis , & celui du Commiſſaire
, on a porté le noyé dans la maiſon de
ſon pere.
Le Journal de Guyenne a rapporté, fur.
l'autorité d'un reſpectable Magiſtrat de
Bordeaux , un trait devertu populaire , di
gne de la plus grande publicité.
«Le ſieur Cham***, Capitaine enſecond ſur un
( 87 )
>>Navire Marchand , eſt mort dans les Colonies,
>> laitfant ſa femme chargée de fix enfans & en-
>> ceinte du ſepriéme ; la longue abſence de for
» mari , le défautde ſecours qu'elle eſpéroit re-
>>>cevoir de lui , l'avoit déja plongée dans la plus
>> profonde miſere ; elle avoit contracté des
dettes pour ſa ſubiſtance& celle de ſa famille ;
>> elle devoit pluſieurs quartiers à la nourrice de
>> ſon dernier enfant , lorſque cette nourrice ap-
>> prend tout- à-la- fois la mort du ſieur Cham***
>> l'extrême miſere de ſa veuve , & la naiſſance
>> d'un ſeptiéme enfant ; elle quitte ſon village,
ſe rend à Bordeaux , vient mêler ſes larmes à
celles de la veuve Cham***, lui rend l'enfant
>> qu'elle avoit allaité juſqu'à ce moment , &
>> demande qu'on lui confie le nouveau-né , ſans
vouloir entendre parler d'aucun arrangement
>> pour ſon ſalaire, ni pour le paiement des quartiers
déja échus.Afon exemple , la ſervantede
la dame Cham*** vend ſes propres effets , pour
>> procurer du pain à ſa malheureuſe Maitreffe;
>> elle annonce qu'elle veut vendre , pour le
même objet , le peu de fonds qu'elle poffede,
Le-13 Décembre 1786 , le feu ſe manifeſta
avec violence en l'Abbaye royalede Notre-Dame
de Protection à Valogne. Au premier coup de
tocsin, Meſſieurs les Commandans du régiment
de la Reine , à la tête de leur troupe , s'y rendirent
avec empreſſement , ainſi que Meſſieurs
les Lieutenans-Généraux & Procureur du Roi
du Bailliage, Religieux , Capucins , & principaux
habitans , pour y donner tous les ſecours
néceffaires ,&arrêter , autant qu'il ſcroit en eux,
l'impétuoſité de l'embråſement général qui parut
inévitable für les fix heures da ſoir.
Malgré la tempête affreuſe qui empêchoit ,
pour aina dire , que chaque particulier fe fou
( 88 )
tint dans les cours de l'abbaye , les ſecours y
furent donnés avec tant de zele , & un ordre
fi bien établi , que l'on parvint à éteindre le
feu vers les dix heures & demie du ſoir .
On doit les plus grands éloges à l'activité &
au zele des ſoldats du régiment de la Reine ,
qui , à l'exemple de leur digne chef, Monfieur
de Chalup , Major , ſe ſont portés par - tout
où le danger étoit le plus grand; leur générofité
s'eſt fait connoître juſqu'au point de refuſer abſolument
la gratification que la reconnoiſſance
de Madame l'Abbeſſe & des Dames Religieuſes
leur offroit , & leur ont fait aſſurer que la fatisfaction
de leur avoir été utiles leur tenoit lieu
detout.
Les Officiers municipaux ſe ſont aſſemblés &
ont récompenfé avec générosité le nommé Dumont
, Soldat , & un des Savoyards privilégiés
par la Police , qui , malgré la tempête & les
Aames , ſont demeurés ſur le faîte de la maiſon
àdiriger les tuyaux de la pompe juſqu'à ce que
le feu ait été parfaitement éteint.
Marc Jean de Tenay , Chevalier , Marquis
de S. Chriſtophe , Seigneur de Brian ,
Ste. Foy , Noyers , Fougeres , Sancenay ,
Rouy, Fromoux & autres lieux , eſt décédé
dans ſon château de S. Chriſtophe en Brionnois
, province de Bourgogne , le 17 Janvier
1787 , dans la 87°. année de fon âge.
Il eſt le dernier de l'ancienne maiſon de
Tenay : la branche poſſédoit la terre de
S. Chriſtophe depuis 1466. I l'a habitée soans
, fans que perſonne ait eu de plainte à
former contre lui : juſte & aumenier, fos
vaſſaux le pleurent & le béniſſent.
( 89 )
- Frédérique-Conſtance , née Princeſſe Lubomirska
, veuve , en premieres noces , du
Comte Deſalleurs , Ambaſſadeur en pluſieurs
Cours , & épouſe , en ſecondes noces,
duMarquis de la Bourdonnaye &de Lirée,
eſt morte à Paris, le 11 du mois dernier ,
dans la 68. année de ſon âge.
_Charles- Antoine Tranquil , Comte de
Roncherolles , Seigneur de Daubeuf , le
Buſpin , Chevalier de l'Ordre Royal &Militaire
de Saint-Louis , eſt mort , le 24 du
mois dernier , en ſa terre de Daubeuf, en
Normandie , dans ſa 73e. année.
Meſſire
Le 14 Janvier , Haut & Puiſſant Seigneur
Jean-Baptifte-François-Angélique de
>> Remigny , Marquis de Joux , Syndic de la
Nobleſſe de Nivernois , époux de dame Ma-
» dame Susanne- Théreſe Séguier , Demoiselle,
>> ſoeur de M. Séguier , premier Avocat-Géné-
>> ral au Parlement , eſt mort en ſon Hôtel à
>>>Nevers , âgé de 77 ans ſept mois ».
Les Numéros ſortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le I de ce
mois , font : 32 , 70 , 11 , 35 & 9 .
:
2
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 3 Février.
En énumérant , d'après le Docteur Bufching
, le nombre des morts & naiſſances à
Berlin en 1786 , nous avions adopté une
traduction qui , dans ce dénombrement ,
( 90 )
faisoitmourir 653 personnes de miſere. Cette
évaluation , conſignée également dans la
Gazette de France , a donné lieu à des lettres
, des exclamations , des Commentaires
&des gémiſſemens ſur une perte d'hommes
auffi confidérable, par une cauſe auffi touchante.
Un inſtant d'attention nous eût
préſervé, ainſi que les obſervateurs d'une
erreur auffi groſſiere; car il devoit paroître
bien extraordinaire , que dans une ville de
150 mille habitans, une ville ſous l'oeil immédiat
du Gouvernement de la Pruſle un
10º. des morts annuels , eût été emporté ,
faute de ſubſiſtance. Voici la ſource de cette
mépriſe. M. Buſching s'eſt fervi de l'expref-
Gon Allemande Jammer, qui , dans l'acception
vulgaire , fignifie mifere ; mais qui ex
prime aulli , & ſpécialement , cette eſpece
de maladie commune aux enfans en bas
âge , que l'on appelle en France des convulfions.
Or, ce dernier ſens eſt ſi clairement
celui deM. Buſching , qu'après avoir énuméré
478 enfans morts à la ſui e de la dentition,
il place immédiatementles 653 individus,
prétendus morts de mifere. Il ajoute enſuite
, qu'en général le nombre des enfans
morts a été de 3609 , & de 3877 , en y
comprenant 268 enfans morts-nés ; les naifſances
n'ayant par conféquent excédé que
de 900 le nombre des ſeuls enfans moits.
Combien d'aſſertions , de raiſonnemens &
de ſyſtêmes , qui n'ont le plus ſouvent pour
۱
1
) وا (
fondement , que des erreurs du genre de
-celle-ci !
Ce qu'il y a de plus frappant dans l'énoncé
da Docteur Busching , c'est qu'il compte
à Berlin pendant l'année derniere 40 ſuicides.
Iln'y en a pas autant à Londres , li faufſement
réputé le ſiége particulier du ſuicide.
Il est vrai que fur ces 40 malheureux , il ſe
trouve 23 foldats , étrangers la plupart vraifemblablement
, & expiant la légereté de
leur expatriation, 22 de ces ſuicides ſe ſont
noyés, 9 pendus , 7 tués avec des armes à
feu, && 2 fe font coupés la gorge. Dans leur
nombre il s'eſt trouvés femmes.
Nous avons fort peu parlé de la petite
révolte des Séminariſtes de Louvain , dans
la perfuafion que ce mouvement intéreſſeroit
peu la pluralité de nos Lecteurs, Rien
ne prouve mieux le pouvoir des opinions ,
quelles qu'elles ſoient, que la tourmure actuelle
de cette affaire. On a préſenté aux
Séminariſtes exaltés un Réglement à ſigner,
ſous peine d'être renvoiés : ils ont accepté
ce Réglement , mais les éleves du 4e. & du
se. Cours ontabſolument refuſé de ſuivre
les leçons du Droit Canonique. Tous ont
donc été congédiés; la déſertion eſt à peuprès
complette; & Jeudi 25 Janvier , il ne
reſtoit plus , dit on , au Séminaire que 36
éleves.
Les Etats d'Utrecht ont pris la réſolutionde
n'accepter aucune Médiation particuliere ; ils
ne veulent que celle des fix Provinces Confédé
( 92 )
rées: ils prétendent de plus , queles Conférences
Se tiennent à Utrecht , que les Corps-Francs auxiliaires
en fortent ; que les Troupes actuellement fur
le territoire de la Provincey restent , &c. , &c.
C'eſt certainement fermer la porte àtoute conciliation
; on s'y attendoit; mais ce à quoi on
ne s'attendoit pas , c'eſt à une Lettre que ces
prétendus Etats d'Amersfort ont écrite aux Etats
de Hollande , dans des termes auſſi peu ménagés
que ceux dont la Majorité de Friſe s'eſt ſervie
dans la fameuſe ſatyre contre lesEtats de Hollande.
( Gazetted'Amsterdam , nº. 8 ) .
Par une réſolution du Magiſtrat de la
Haye , la Bourgeoiſie armée a été relevée du
ferment particulier, que chaque Bourgeois
prêtoit à SonAlteſſe , le Seigneur Stadhouder
: l'article de la formu'e du Serment qui
regardoit directement le Stadhouder , a été
rayé du Formulaire. Cependant cette réſolution
eſt des plus flatteuſes pour le Prince ,
puiſqu'elle a été priſe ſur la Lettre de S. A.
même, dans laquelle il eſt dit >> Qu'en con-
>>ſentant à ce que les Bourgeois de la Haye
>>>ſolent relevés du Serment de fidélité qu'ils
>> lui avoient prêté, Son Alteſſe eſpere néan
>> moins que ces Bourgeois ne lui en refteront
pas moins attachés & moins dévoués ».
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
>> Jonhſon , porteurde grains , & un fameux
>> athlete de Bristol , doivent ſe battre à coups
>> de poings Jeudi prochain à Talcham , à envi
( 93 )
ron trois milles de ce côté de Newbury , dans
>> la province de Berks pour deux cens guinées.
>> Ces deuxchampions n'ont pas encore été vain-
>>> cus ni l'un ni l'autre. Ils doivent ſe battre ſur
>> un théâtre de dix-huit pieds carrés , & l'on
> conſtruira tout-au-tour une galerie pour les
>> ſpectateurs. Perſonne ne doit être admis dans
>> l'enceinte qu'en payant une guinée , & on
>> jouira du plaiſir , noble & délicat , de voir
>> deux hommes chercher à s'aſſommer l'un l'au-
>> tre pour de l'argent. On aſſure qu'il y a
>> plus de deux mille louis de paris ſur l'é-
>> vénement de ce combat. Courier de l'Enrope
, n°. 5 ».
On voit aujourd'hui la réponſe que S. M.
l'Empereur a faite aux Archevêques & Evêques
de l'Egliſe Germanique , touchant leur différent
avec la Cour de Rome , fur les diſpenſes , &c.
C'eſt un Reſcript Impérial , en date du 16 Novembre
dernier. L'Empereur y loue beaucoup
la réſolution qu'ont priſe ces Evêques de ſoutenir
leurs droits contre les prétentions & les
empiétemens de la Chaire Apoftolique , & furtout
les efforts qu'ils font pour remédier aux
abus qui ſe ſont gliffés dans le Gouvernement
& la diſcipline de leurs Egliſes reſpectives :
S. M. l'Empereur ajoute , que lui-même a
déjà pris de telles meſures pour ſes propres Etats ,
que ſes Sujets commencent à en retirer les fruits
précieux , qu'ainſi S. M. deſire ardemment que
les Sujets de l'Empire-Romain en perçoivent auſſi
les mêmes avantages , & qu'en qualitédeProtecteur
de l'Egliſe Germanique , il con ribuerade tout
ſon pouvoir au redreſſementde ces abus , pourvu
que ce ſoit conformément à la Conſtitution de
l'Empire : mais S. M. penſe que pour parvenir plus
( 94 )
۱
$
efficacement à ce but falutaire , il eſt abfolu
iment néceſſaire , qu'avant tout , tous les Evêques
d'Allemagne & tous les Princes temporels , qui
ont des Sujets Catholiques-Romains dans lesDiocefes
d'Al emagne , s'accordent parfaitement ſur
les changemens à faire & les moyens de les
opérer ; ne doutant pas que les Princes Séculiers
intéreſſés à cette réforme , ne s'y prêtent volontiers.
On voit par-là que cette réforme eſt
encore bien loin de s'effectuer , puiſqu'outre la
lenteurordinaire avec laquelle ces grandes affaires
ſe traitent , en Allemagne ſurtout , il fera trèsdifficile
d'obtenir le conſentement unanime de
tous les Evêques & Princes intéreſfés , fans
l'aveu deſquels il paroît que l'Empereur est décidéde
ne pas agir en faveur des Evêques Réformateurs.
( Gazette d'Amsterdam ,1.8 ) .
«Les Marchands des fix Corps de la ville de
>>>Paris ont donné aux deux Ordres de la Ré-
>> demption des Captifs , une ſomme de 12000 1.
>>p>our contribuerau rachat des François, quiont
le malheur d'être Eſclaves chez les Barbaresques
». (Gazette d'Utrecht ).
•Le combat à coups de poings , annoncé pré-
> cédemment, aeu lieu Jeudi dernier. Les deux
athletes monterent à midi fur l'échafaut qui
avoit été élevé pour eux , &ſe battirent pen-
>>dant deux heures&vingt- fix minutes. Jonhfon,
le porteur degrains, quoique plus fort que fon
antagoniſte , ne putpoint réſiſterà fon adreſſe.
Ward lui donna des coups terribles , para ceux
qui lui furent portés ,& remporta enfin la victoire
par une rufe ( 1 ). Ce ſpectacle fut he-
( 1 ) A chaque fois que fon antagoniſteſe larçoit
fur lui , it se taifloit tomber fur un genou àdenti
( ور (
noré de la préſence dedeux Vicomtes , d'un
>>Chevalier de l'Ordre du Bain , d'un Baron-
>> net , de pluſieurs Gentilshommes , quiavoient
>>>fait des paris conſidérables. Une foule innom-
>> brablede bouchers , de charretiers & de char-
>> bonniers formoient le cercle autour de l'é-
>> chafaut ; trente mille perſonnes , au moins ,
>s'étoient aſſemblées pour jouir de ce ſpec-
>>tacle ». ( Courler de l'Europe ) .
Cause extraite du Journ, des Causes céléb. (1 ) .
Femme condamnée à être pendue & brûlée pour
avoir fait afſaſſiner fon mari parson amant.
,
La campagne devroit être l'aſyle de l'innoa
cence. Le ſpectacle de la nature éloigne les
paffions & les empêche ſur-tout de produire
des crimes. Cependant ce ſijour n'eſt que trop
ſouvent fouillé par des délits auffi horribles que
ceux qui ſe commettent dans le ſein des grandes
villes au milieu de la corruption. Cette cauſe
en fournit un exemple.
Un laboureur , nommé Jean Labauchede ,
avoit épousé Jeanne Dubernet , jeune & jolie
payſanne. Il croyoit trouver le bonheur dans
cette union. Il n'a pas été long-tems fans s'appercevoir
qu'il s'étoit trompé : fon épouſe le
1
fuyoit & recherchoit la ſociétédes jeunes garçons
renverſe ; il reçut un coup dans cette pofition ; ce
qui s'appelle foul blow , ou coup mal donné ; ce
qui fuffit pour faire perdre le pari à celui qui le
donne. ( Courier de l'Europe ) .
( 96 )
duvillage. Un d'eux, nommé Pierre Bellette,
qui avoità peine 17 ans , & qui étoit d'une
figure agréable , attira ſes regards. Elle réſolut
d'en faire l'inſtrument de la haine qu'elle avoit
conçue contre ſon mari. La jeuneſſe eſt facile.
Une femme jeune & jolie lui inſpire à ſon
gré les paſſions qu'elle veut. La Dubernet amena
le jeune Bellette à lui faire l'aveu qu'elle defiroit
, & lui promit que ſi elle devenoit veuve ,
elle l'épouferoit. Cette idée n'eut rien d'effrayant
pour Bellette. Il crut qu'il étoit dans l'ordre des
événemens que le mari de ſa maîtreſſe , qui
'étoit beaucoup plus âgé que lui , mourût dans
peu& qu'il ſeroit heure. x. La Dubernet , qui
ne vouloit pas attendre ſa liberté d'un avenir
incertain,profita , comme une autre I eſcombat,
d'un moment de délire de ſon jeune amant ,
pour le déterminer à affaffiner ſon mari. On
affure qu'il futd'abord révolté de la propoſition ;
mais que ſa maîtreſſe l'ayant menacé de ne plus
le revoir , il eut la foibleſſe de confentir à
ce qu'elledefiroit . La Dubernet ſachant un jour
que fon mari ne reviendroit que le ſoir , elle
prêta un fufil à ſon amant & le plaça derriere
une haie pour attendre que la victime paſsât.
Le mari infortuné reçut ainſi , à quelques pas
de chez lui , un coup de fufil qui lui donna la
mort.
Les auteurs de cet afſaffinat furent bientôt
découverts. Le Lieutenant Criminal de Marfan
les condamna aux fupplices qu'ils méritoient ,
&ſur l'appel de la ſentence , le Parlement de
Bordeaux , par Arrêt du 26 Mai 1786 , a condamné
l'affaffin à la roue , & fa complice à
étre pendue & brûlée. Ce quia été exécuté.
-১
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 17 FÉVRIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Sur la Manie des Synonymes.
CHANTRES divins,,
aux pieds de qui la France
Avec reſpect jadis ſe proſterna ;
Triomphateurs de la vaine ignorance ,
Que par vos mains Apollon détrôna ;
Devos grands noms dont le Pinde s'orma ,
N'attendez pas ici l'apothéoſe;
Car tous les vers de Phèdre & de Cinna ,
Sont moins vantés qu'un ſynonyme en profe.
!
ab ai
No. 8 , 17 Février 1787. E
98 MERCURE
Aux CITOYENS DE LILLE.
ILL faut donc nous réſoudre à tous les ſacrifices ! *
Sombreuil emporte encor nos regrets mérités ;
Le Dieu Mars vient enfin , pour prix de ſes ſervices ,
De le placer à fes côtés.
(Par M. Becquart , de la même Ville. )
Bouts-rimés qu'on avoitproposés.
I.
Qu'un Prélat pour ſéjour ait un palais de
•
Fée;
preffoir;
coëffée ;
Qu'unVigneron ſe plaiſe à remplir fon
Qu'à la mode du jour Mélite ſoit.
Quefurunmonceau d'or l'Avare aime à s' affeoir ,
..
• •
Peu m'importe: pour moi que nul ſoin ne balotte ,
Muni d'une beface , armé d'un gros... .bourdon ,
Je brave tous les temps ſans chapeau ni .. calotte ,
Et je vis du reſpect qu'on porte à mon .. cordon.
(Par un Religieux de la Grande Observance. )
II.
...
Fée.
preſſoir;
FOIN du plus beau palais , fût-il palais de
Pour tréfor je poſsède une vigne , un
* Ces facrifices ſont de s'être vû enlever M. le Maréshal
de Muy , M. le Maréchal de Caſtries & M. de Calonne
, qui font tous fortis de Lille pour être à la tête
du Ministère & entrer dans l'Adminiſtration.
DE
99
FRANCE.
• •
Atable nuit&jour, bouteille dé • •
Invite auprès de moi tout buveur à s'
Là , Bacchus égayant ceux que le fort.
Son tyrſe au pélerin ſert ſouvent de.
L'Abbé , de pampre verd couronne ſa.
Et le Moine , en riant , s'en fabrique un.
•
coëffée
affeoir :
• balotte,
.bourdon;
calotte.
cordon.
..
(Par M. Laurent , de Charleville .)
III.
Şı j'avois le bonheur d'être aimé d'une..
Je lui demanderois jardin , vigne &. •
Femme jeune &gentille , & fimplement.. coëffée ,
Fée
.preſſoir
Caroſſe pour courir & fauteuil pour m'.
Du grand loto par mois une ſeule
• affeoir ,
• .. • balotte,
Table de douze amis , muſique en faux- bourdon,
Tout ce qu'a le Chanoine , excepté la.
Tout ce qu'a le bon Moine , excepté le.
.. calotte,
• cordon.
(Par M. Br... , Avocat à Commercy.)
I V. 1
ENIGME en Bouts - rimés.
SANS ſecours merveilleux de Sylphe ni de Fée,
Je me métamorphoſe à l'aide d'un
Celle qui me reçoit , lorſqu'elle eſt bien.
.... preffoir;
ه coëffée ,
Voit beaucoup d'amoureux autour d'elle s' afſeoir.
J'ai l'eſprit turbulent; j'attaque , je .... balotte
Le guerrier intrépide & le porte- . .. . bourdon,
Le robin , le traitant , le fat , l'homme à . calotte ;
Je ne reſpecte pas la croſſe& le. ..
(Par un Abonné dela Motte Chalançon. )
• cordon.
Eij
100 MERCURE
V.
Unjeune hommed'abord priſe un Conte de
Puis l'Amour , puis le jus qui couledu.
Bientôt après il veut que ſa Dame.
Puiſſe devant la Reine à Verſailles s' .
•
Fée,
preffoir;
• • coëffée
affeoir.
Quand jeuneſſle s'enfuit , vanité nous.
Le Pélerin la porte à côté du.
•
•
• •
L'Avocat au Palais , l'Abbé ſous ſa. ...
Et leMoine indigent autour de fon- ...
balotte;
bourdon,
calotte
cordon.
(Rar le vieux Berger des Coteaux de Bergerac. )
VI.
VINTRIGUE eſt à la Cour une méchante Fée.
Heureux qui voit couler le jus de fon. • preffoir;
Heureux qui voit de fleurs ſa Bergère.
•
.coëffée ,
Et qui peut auprès d'elle à toute heure s' affeoir!
Grands ! c'eſt vous ſur - tout que le deſtin balotte;
Le Pélerin craint peu de perdre ſon.... bourdon ,
Mon Curé fatisfait porte en paix fa.
Tandis que le Viſir redoute le • .....
ة م ز ا
calotte,
cordon.
(Par un Berger du Gouzon. )
DE FRANCE. ΙΟΙ
Bouts - rimés à remplir :
BOURASQUE ,
FUMET ,
BASQUE ,
PLUMET ,
FIÈVRE ,
BILLARD ,
LIÈVRE ,
CORBILLARD ,
1
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphedu Mercure précédent.
LE
E mot de la Charade eſt Gentilhommes
celui de l'Enigme eſt Draps de lit ; celui du
Logogryphe eſt Rhume , où l'on trouve mer,
rue, mur , rum , mûre , plume.
MON
CHARADE.
On premier compte quatre ſoeurs
Et mon ſecond une demi-douzaine ;
,
Achercher man entier ſouvent l'on perd ſa peine;
Si vous le rencontrez , conſervez- le , Lecteurs .
(Par M. Inhel, à Loches.)
E ist
102 MERCURE
ÉNIGME.
LECTEUR, fans fortir dechez toi ,
Tu peux aisément me connoître ;
Nue à tes yeux je vais paroître
Ente montrer ma bonne- foi.
Mon père , en me faiſant étroite ,
Se plaît à m'élever beaucoup ;
Du vent je redoute le coup ,
Sinon je reſte toujours droite.
Que mon état eſt triſte , amer ;
Mon pied brûle , ma tête gêle ,
Elle fur qui tombent la grêle
Et tous les frimats de l'hiver.
En tout temps je ſuis fort utile
Aux champs auſſi bien qu'à la ville.
Ne ſais- tu pas encor mon nom ?
Il eſt à-préſentde ſaiſon.
Mais que faut- il de plus te dire ?
Regarde donc autour de toi ;
Peut-être es-tu tout près de moi,
Si j'ai le don de bien prédire ?
LOGOGRYPH Ε.
4
MONARQUES Vertueux , dont l'ame bienfaiſante
D'un règne fortuné procura les douceurs !
DE FRANCE. 103
Etvous, rares eſprits , de qui la main ſavante
Inſtruifit l'Univers en corrigeant les moeurs !
Que deviendroient , ſans moi , vos vertus , votre
gloire?
En vain, par- tout chéris & par-tout publiés,
On vous auroit inſcrits au Temple de Mémoire :
Si je n'exiſtois pas , vous ſeriez oubliés.
Veux- tu , mon cher Lecteur , unmoment te diſtraire ,
Des neufpieds de mon nom détruis l'arrangement,
Tu pourras fans effort trouver cet Art charmant
Qui rendit immortels & Racine & Voltaire;
Pour le vautour avide un objet plein d'appas ;
Ce mortel forcené qui , pour venger ſon père ,
Enfonça le couteau dans le ſeinde fa mère ;
Ce qu'eſt un malheureux ; & ce qu'un fot n'a pas.
De rhétorique auſſi je t'offre une figure;
Un empire célèbre ; un fleuve ; une meſure;
Ce que cherche un Pirate en parcourant les mers ;
Uneplante ſauvage; un Dieu des plus bizarre
Qui ne vouloit parler , s'il n'étoit dans les fers ;
Une douce liqueur qui ſouvent nous répare ;
Le zénith de ton corps ,& fon point oppofé.
Au revoir , cher Lecteur ; car c'eſt aſſezjafé.
(ParM.H.... , Commis au Bureau de la Guerre. )
*
Eiv
104 MERCURE
NOUVELLES LITTERAIRES.
VOYAGE Pittoresque de Naples & de
Sicile , 4 vol. grand in-fol. formant cinq
Tomes. Les deux premiers comprennent
Naples &fes environs ; le troiſième , toute
la partie méridionale de l'Italie , connue
autrefois ſous le nom de Grande Grèce ,
& le quatrième volume , diviſé en deux
Tomes , la Sicile. A Paris , chez de la
Foffe , Graveur , place du Carrouſel.
ICT EXTRAIT .
ITALIAM , ITALIAM! ....Cette antique patrie
des Héros , & qui le ſera toujours des Arts,
offre à l'Obſervateur tant d'objets intéreſfans
, que fon nom ſeul réveille dans notre
imagination une foule d'idées agréables ou
mélancoliques , ſéduiſantes ou terribles. La
beauté du ciel& du climat , les richeſſes du
fite, le fol même & ces reſtes de la grandeur
&de la magnificence des Romains que l'on
foule aux pieds, le ſouvenir de tous les grands
Hommes qu'a portés cette terre heureuſe ,
les chef- d'oeuvres des Arts , & les phenomènes
de la Nature qui ſe diſputent à chaque
pas notre admiration: voilà ce qui nous attache
, ce qui nous entraîne dans un pays que
tout Artiſte , tout Poëte , tout Homme-de-
1
DE FRANCE.
105
Lettres& tout homme ſenſible eſt tourmenté
du deſir de voir , ou du regret de n'avoir
point vu.
Si quelque choſe étoit propre à diminuer ,
ou plutôt à augmenter ce defir & ces regrets ,
ce ſeroit un Ouvrage deſtiné à en retracer
fidèlement les merveilles. Plus l'image eft
parfaite , plus vivement on fent les beautés
du modèle ; c'eſt ce qu'on éprouve à la lecture
du Voyage Pittoresque de Naples & de
Sicile.
Dans le premier projet de cet Ouvrage , &
tel qu'il avoit d'abord été conçu pour être
exécuté par le concours de pluſieurs Amateurs
des Arts , l'Italie entière devoit y être
compriſe , avec les vues & les détails de tous
ſes monumens antiques & modernes. On fent
qu'un ſeul homme ne pouvoit l'entreprendre;
il auroit fallu d'ailleurs la fortune d'un
Souverain pour l'exécuter. M. l'Abbé de
Saint N*** , abandonné à ſes propres forces ,
s'en eft tenu à ces belles contrées de Naples
& de Sicile , auſſi intéreſſantes , plus pitto
reſques encore , & en général moins connues
que le reſte de l'Italie.
L'Auteur , ſans négliger ce qui concerne
les moeurs, le gouvernement , le commerce ,
&c. s'eſt particulièrement attaché , ainſi que
P'annonce le titre de fon Ouvrage , à décrire
les richeſſes de la Nature & les chef- d'oeuvres
des Arts. Nulle part la Nature n'eſt plus prodigue
, ni l'art plus impoſant que dans le pays
qu'il a parcouru ; il a fait deſliner toutes les
Ev
1
106. MERCURE
vues les plus pittoreſques , les ſites les plus
curieux, les monumens& tous les reſtes précieux
del'antiquité qu'on rencontre à chaque
pas dans cet heureux climat ; l'Ouvrage eft
de la plus riche & de la plus parfaite exécution
,& nous ne craignons pas dire que c'eſt
un des plus fuperbes monumens que l'amour
paſſionnédubeau , le goût& la magnificence ,
fur-tout dans un ſimple Citoyen , ait jamais
conſacré à l'amour des Arts dans aucun pays
du monde. *
L'analyſe ſeule , & l'extrait que nous entreprenons
formeroient un volume fi nous
voulions parler avec quelque détail de
tout ce qu'ily a d'intéreſſant dans ce grand
Ouvrage ; mais , obligés de nous renfermer
dans un très-court eſpace , nous nous
contenterons de ſuivre rapidement la marche
des Voyageurs , & nous diviſerons le compte
que nous devons en rendre en trois parties.
Le premier extrait embraſſera Naples & fes
environs; le ſecond parcourra toute la partie
méridionale de l'Italie , anciennement déſi-
*On ne peut lui comparer que le VoyagePittoreſque
de la Grèce , par M.le Comte de Choiſeul-
Gouffier, entrepris dans le même eſprit & exécuré avec
la même magnificence ; mais il n'en est encore qu'au
premier Volume ; tous les voeux des gens de goût
ſe réuniffent pour en voir la continuation. La circonſtance
heureuſe de la nomination de l'Auteurà
l'Ambaſſade de Conſtantinople , donne lieu d'eſpérer
que nous verrons bientôt la ſuite & la fin de cet
important Ouvrage.
DE FRANCE. 107
gnée ſous le nom de Grande Grèce , & le
troiſième ſera conſacré à la Sicile. Chacune
de ces contrées offre des objets bien dignes
d'occuper nos regards; mais ne pouvant les
parcourir pour ainfi dire qu'à vol d'oiſeau ,
nous renvoyons à l'Ouvrage même : ce que
nous avons à dire eſt bien moins propre à fatisfaire
qu'à irriter la curioſité des Lecteurs .
:
Naples & fes environs.
Les richeſſes de la Nature & les productions
des Arts ſe diſputent l'étranger qui arrive
à Naples ; cette ville , bâtie en amphithéâtre,
au fond d'un baffin qui embraffe pluſieurs
lieues d'étendue , ayant ſous ſes pieds
la mer , & fur ſa tête le Véſuve , offre dans
ſon enſemble un des plus beaux aſpects de
l'Univers , & dans ſes détails les ſites les plus
pittoreſques.
C'eſt ce que M. l'Abbé de S*** s'eſt plu
à rendre dans les charmantes gravures dont
il a orné cet Ouvrage: il a multiplié les plans ,
les cartes & les vues les plus intéreſſantes
d'une ville qu'aucun Voyageur ne peut voir
ſans intérêt , ni décrire ſans enthouſiaſme.
L'air qu'on reſpire en ces climats femble féconder
le génie ainſi que la terre ; tous les
Arts de l'imagination ſont comme une production
du pays. La Poéfie , la Peinture , la
Muſique , ces trois Soeurs , dont le but eſt de
peindre & d'embellir la Nature , ſenblear
avoir pris leur naiſſance ſous ce beau ciel ,
Evj
108 MERCURE
où tous les objets qui viennent ravir les efprits,
donnent l'envie de les chanter ou de les
peindre .
Depuis Virgile juſqu'au Taffe , & depuis
Horace juſqu'à Sannazar , ce pays fut aimé
des Poëtes , qui y font venus à l'envi échauffer
leur génie , tailler leurs crayons , & embellir
leurs vers des couleursde la Nature.
Quant aux Muſiciens , Naples ſeule en a
produit plus que le reſte de l'Italie , & plus
que toute l'Europe enſemble. " As tu du
>> génie ? a dit l'homme de ce ſiècle qui en a
ود
ود
ود
eu davantage ; veux-tu donc ſavoir fi quel-
>> qu'étincelle de ce feu dévorant t'anime ?
>> Cours , voles à Naples écouter les chefd'oeuvres
de Léo , de Durante , de Jomelli ,
de Pergolèſe ; fi tes yeux s'empliffent de
>> larmes , ſi tu ſens ton coeur palpiter , fi des
treſſaillemens t'agitent , ſi l'oppreffion te
>> ſuffoque , dans tes tranſports prends le
Métaſtaſe , ſon génie échauffera le tien ,
>> tu créeras à ſon exemple ; c'eſt-là ce que
fait le génie , & d'autres yeux te rendront
» bientôt les pleurs que tes maîtres t'auront
>> fait verſer. »
ود
ور
Pluſieurs grands Peintres font nés à Naples
, ou l'ont enrichie de leurs productions.
Peu de villes en Italie même , renferment autant
de chef-d'oeuvres en ce genre. C'étoit
certainement pour un Amateur des Arts , &
pour un Voyage Pittoreſque , une des parties
de l'Ouvrage la plus intéreſſante à traiter , &
c'eſt aufl'une de celles à laquelle fon Auteur
DE FRANCE
109
1
a donné le plus de ſoins; plus de vingt planches
nous retracent les principales compofitions
des Solimènes , des Lanfranc , de Luc
Giordano , du Calabrèſe , de l'Eſpagnolet , du
Dominicain ; ce ſont des eſpèces de traductions
qui rendent , finon le coloris , du moins
l'eſprit , le deffin & l'ordonnance des tableaux,
&qui parlent aux yeux & à l'imagination ,
bien mieux que ne feroient de froides defcriptions.
Pour employer à la fois tous les genres de
ſéduction , T'Auteur du Voyage Pittoreſque
s'eſt entouré de tous les talens ; il nous offre
ennotre langue des imitations & des efquifſes
en vers , des anciens Poëtes , comme il
nous donne des traductions des Peintres dans
des deſſins pleins de goût&de grâces. Chaque
Art y parle fon langage , & chaque Artiſte y
eſt jugé par ſes pairs ; c'eſt de Lille qui traduit
Stace & Sannazar; Nivernois & Champfort
font revivre le Taffe ; Barthe lutte contre
Ovide ; c'eſt Piccini qui parle des grands
Maîtres de Naples en muſique , & Fragonard
qui reproduit les compoſitions des grands
Peintres ; morceaux neufs & piquans , dûs à
l'amitié & à l'amour des Arts : tous les talens
ont concouru pour élever un monument au
génie.
S'il y a peu de palais réguliers & d'antiques
monumens dans cette capitale , les temples
modernes y attirent plus qu'ailleurs l'étranger
, quel que foit fon culte & fa religion.
Des peintures fublimes couvrent leurs mu
110 MERCURE
railles , & c'eſt ſous leurs voûtes qu'on en
tend cette muſique céleste , dont les accens
raviffent & pénètrent les ſens. On compte
plus de 300 égliſes à Naples. La plupart appartiennent
àdes Moines ,&ce ſont les plus
riches & les plus magnifiques ; mais en fontils
plus heureux ? Un étranger s'extâſiant fur
les richeſſes de la grande Chartreuſe de cette
ville , ſes agrémens ſans nombre , fa pofition
délicieuſe, s'écrioit à pluſieurs repriſes : quelle
charmante demeure ! Tranfeuntibus , répondit
triftement le Moine qui le conduiſoit.
Le Voyageur ne quitte point Naples fans
nous donner une idée du caractère , des
moeurs , des uſages , des coſtumes, du com→
merce& de la population de cette ville cé
lèbre. On ſent qu'il nous eft impoſſible de le
ſuivre dans ces détails ; le faſte des Grands,
l'extrême misère du peuple , les richeſſes du
Clergé , la foule inutile des célibataires , le
nombre & l'avidité des Gens de Loi , l'oubli
des moeurs , font des choſes communes à
toutes les grandes capitales ; mais ce qui eſt
propre à Naples , ce ſont ſes quarante mille
Lazaroni ,hommes fans frein , ſans demeure
fixe , fans aſyle , qui paſſent la nuit en plein
air, ſe lèvent le matin ſans ſavoir de quoi ils
vivront dans la journée , & pour qui ne rien
faire est le bonheur fuprême ; c'eſt le fanatiſme
religieuxde la populace pour le miracle
de Saint- Janvier ; c'eſt ſur-tout l'outrage fair
àl'humanité dans la perſonne des infortunés
Caftrats ; ce font les ſtilets , c'eſt lafalle des
DE FRANCE. 111
coups de couteau , dans l'hôpital de Naples:
tous objets ſur leſquels il faut gliffer , & qui
feroient des ombres un peu trop fortes au
tableau ; il paroît qu'en ce pays , comme en
beaucoup d'autres , les hommes gagnent
moins à être obſervés que la Nature , c'eſt à
elle qu'il faut toujours revenir, :
Aux portes de Naples eſt cette riante côte
de Paufilippe , dont l'aſpect enchanté ſemble
tenir plus des imaginations de la féerie , que
de la réalité : les jardins ſuſpendus , les berceaux
de verdure dont il eſt couvert , ſon extrême
fertilité , ſa douce température& fon
printemps éternel ont fait dire au Poëte San
nazar , qui l'habitoit , que c'étoit un morceau
du ciel tombéfur la terre : un pezzo di cielo
caduto in terra. Le Pauſilippe ſe prolonge let
long de la mer dans l'eſpace de plus d'un
mille; tout le monde ſait qu'on a creuſé d'un
bout à l'autre , dans les flancs de cette montagne
, un chemin ſouterrain , qui eſt la ſeule
route qui conduiſe à Pouzzoles ; c'eſt l'un des
fites les plus agréables de toute l'Italie , ſi ri
che en tableauxde ce genre ,& c'eſt ſur cerre
montagne , déjà ſi intéreſſante , au - deſſus
même de l'entrée de la grotte , que l'enthou
fiafme& la reconnoiſſance ont placé le tombeau
de Virgile. On cherche , on trouve encore
le laurier immortel qui fleurit ſur ſa
tombe : il n'eſt perſonne qui n'en approche
avec un reſpect religieux ;& ceux mêmes qui
nevoient ces lieux que dans les précieux def
fins qui en rendent tout le charme , ne peu
112 MERCURE
vent s'empêcher de s'écrier avec le Virgile
François:
Oui , j'en jare , & Virgile& ſes accords fublimes ,
J'irai , de l'Apennin je franchirai les cîmes ;
J'irai , plein de fon nom ,plein de ſes vers ſacrés ,
Les lire aux mêmes lieux qui les ont inſpirés.
C'eſt de deſſus le Paufilippe, que le voyageur
contemple le Mont Veſuve dans toute
ſa majeſté. M. l'Abbé de S *** nous trace rapidement
l'hiſtoire de ce Volcan , depuis la
fameuſe éruption qui engloutit la villed'Herculanum
ſous Titus , l'an 79 , juſqu'à celle de
1779 , juſtement dix-sept cent ans après.
Differentes vues du Véſuve nous l'offrent
ſous tous les aſpects , foit dans le calme , ſoit
dans ſa furie ,& il n'en eſt point qui ne foit
une ſource de réflexions pour l'homme ſen-
✓ ſible , autant que pour l'obſervateur de la
nature.
Mais ſi ces phénomènes nous attachent ,
s'ils font décrits & repréſentés avec une vérité&
une illufion qui nous tranſportent dans
les temps& fur les lieux de la ſcène, une inquiette
curiofité ne nous entraîne pas avec
moins de force vers un autre objet tout aufli
dignede nos regards , & l'on ne deſcend pas
fous les ruinesd' Herculanum avec moins d'intérêt
, qu'on ne gravit ſur le ſommet du Vé
ſuve; l'imagination aime à comparer & à
rapprocher l'effet de la cauſe ;& comme dans
l'hiſtoire du monde il n'y a pas de catastrophe
DE FRANCE.
113
auſſi funeſte que celle qu'a éprouvée cette
partie du globe , il n'eſt pas d'événeinent plus
intéreſſant que la découverte d'une ville enfevelie
ſi long- temps dans les entrailles de la
terre , & qui , après un fommeil de dix-ſept
ſiècles, ſe préſenteà nos regardsdans le même
état où elle fut engloutie ſous les cendres &
les laves du volcan. En s'attendriſſant ſur le
malheur qui a furpris tant d'infortunés habitans
, & dévoré en un inſtant deux villes
floriffantes , difparues ſous des torrens de
flammes , on ne peut du moins que ſe féliciter
du haſardqui nous les a rendues dans la
même forme , & , fi j'oſe le dire , dans la
même attitude où elles ſe trouvoient au moment
dela catastrophe. C'eſt en quelque forte
un dépôt fidèle de tous les arts de l'antiquité ,
qu'elle a mis à l'abri du ravage des temps ,&
qu'elle a plus certainement encore dérobé aux
outrages & à la barbarie des hommes .
4
Parmi les tréſors enfouis dans les ruines
d'Herculanum , il n'en eſt point dont la confervation
doive plus nous étonner que celle
des peintures antiques , de ces frêles monumens
qui n'étoient qu'un ſimple enduit confié
à la muraille ( car on fait que les anciens
n'ont connu que la peinture à freſque ) , &
qu'on a recueilli en ſciant les murs même
avec toute la dextérité poſſible ; auſſi le voyageur
pittoreſque ſemble- t- il ſe ſurpaffer
dans les foins qu'il apporte à cette partie de
fon Ouvrage , & avoir donné une nouvelle
vie à ces reftes fragiles d'un des arts les plus
114 MERCURE
agréables , mais pour nous l'un des moins
connus de toute l'antiquité.Quatorze planches
nous offrent un choix des morceaux les plus
précieux , & l'on ne fauroit diſconvenir qu'ils
n'ayent encore acquis un nouveau prix par
la délicateſſe du burin , & le ſoin infini avec
lequel ces charmantes peintures ont été rendues.
Il en fautdire autant des ſtatues &de tous
les bronzes qu'on a tirés de defſſous ces décombres
; autels , vaſes antiques , trépieds ,
candelabres , inſtrumens de Muſique. On remarque
ſur-tout des lampes de la forme la
plus bizarre , & que la pudeur de notre
Langue nous défend de caractériſer. Les
meubles & juſqu'aux uſtenſiles d'un uſage ordinaire
font traités avecune recherche&une
élégance qui peuvent encore ſervir de modèle.
On y trouve des bracelets d'or , des
bagues , des colliers , des boucles d'oreilles ,
&juſqu'à des aiguilles de tête dont les dames
ſe ſervoient pour relever leurs cheveux avec
grâce; ce qui prouve que le grand art de la
toilette n'avoit pas fait moins de progrès chez
les anciens, que parmi nos beautés modernes.
Chacun de ces objets a un attrait particulier,
&nous pouvons aſſurer que le goût le plus
exquis a préſidé au choix comme à l'exécution
des gravures deſtinées à nous en donner une
repréſentation fidelle .
Rien de plus attachant que ces détails qui
nous tranſportent , pour ainſi dire , au milieu
des habitans de cette antique cité ; il ſemble
DE FRANCE
115
que l'on pénètre avec l'Auteur dans ſes
temples , dans ſes rues ,& juſques dans les
maiſons des particuliers ; mais ce qui eſt un
objet de curioſité & d'intérêt peut- être plus
frappant encore, c'eſt le théâtre de cetteville
infortunéequ'on a découvert en entier; nonſeulement
l'Auteur nous le reproduit ſous
toutes les formes , mais il en prend occaſion
de nousdonner ſur les ſpectacles des anciens ,
leurs repréſentations théâtrales , les courſes
des chars , leurs cirques , les naumachies , &
toutes ces fêtes publiques données au Peuple-
Roi , des détails bien capables d'étonner &
d'humilier notre médiocrité , nous qui nous
croyons , au moins en fait de plaiſirs , de luxe
&d'amuſemens , les modèles & les légiflateurs
de l'Europe. Mais que nous fommes
éloignés de la grandeur &de la magnificence
des Romains ! Quand on ſait qu'à Rome le
cirque , agrandi par Auguſte & depuis par
Trajan , pouvoit contenir deux-cent-foixante
mille ſpectateurs affis , notre imagination eſt
effrayée, bien loin d'être tentéede les imiter.
L'Auteur n'oublie rien pour jeterdu jour ſur
la forme & la conſtruction des théâtres , l'uſage
des maſques ſcéniques , la déclamation ,
& tout ce qui tient à un art dont nous ne
fommes pas moins idolâtres que les Romains
auxjours de leur décadence, &qui eſt devenu
pour nous d'un tel intérêt, que nous ſommes
au pointde nous écrier comme eux : panem
& Circenfes. Ces recherches générales & les
deſcriptions particulières qu'on nous donne
116 MERCURE
ici de celui d' Herculanum , ſont d'autant plus
fatisfaiſantes , qu'on n'avoit pu juſqu'alors
s'affurer d'une façon auſſi certaine des détails
intérieurs d'aucun theatre de l'antiquité.
: L'Auteur apporte les mêmes ſoins à la defcription
des temples & des autres monumens
trouvés à Pompeii , qui a partagé le fort de la
malheureuſe Herculanum;cette deſcription
devenoit d'autant plus curieuſe à joindre à
cet Ouvrage , que les difficultés qu'il a fallu
farmonter pour en lever les plans & en deffiner
les vues , étoient infinies. Les défenſes
les plus févères , des ſentinelles & des gardes
placées de tous côtés , empêchoient qu'aucun
deſſinateur n'en pût, approcher ; mais que ne
peut l'amour du beau & la paffion des arts ?
Également animés par les difficultés & le
defirde ſe partager cette eſpèce de conquête ,
l'accord & l'intelligence la plus parfaite ont
préſidé aux travaux des deſſinateurs. En ſe ſecondant
mutuellement & à force d'examens
faits à la dérobée , mais ſouvent répétés , leurs
voyages fucceffifs ont eu le plus heureux fuccès
, & reportant enfuite en commun leur
travail, ils font venus à bout de lever un plan
général , de deſſiner des vues exactes , &
d'exécuter des rétabliſſemens ingénieux des
temples & des monumens qui décoroient
Pompeii; ce quiamis le voyageur pittoreſque
en état d'offrir ſur ces antiquités une collectiond'autantplus
précieuſe , qu'elle n'exiſte
nulle part dans les mêmes détails , qu'elle eſt
lapremière qui ait paru en France , & qu'elle
DE FRANCE. 117
(
n'étoit prefque connue que de ceux qui
alloient eux- mêmeserrer parmi ces ruines*.
Malheüreuſement un objet , parmi ces découvertes
, fur lequel la curioſité publique &
l'attente générale ont été trompées , ce font
les manufcrits trouvés dans les ruines d' Herculanum.
Plus de 800 volumes ont été tranfportés
dans le Muſeum du Roi de Naples ;
tous les yeux étoient ouverts ſur ce tréſor ;
on s'attendoit à retrouver des fragmens précieux
, quelques écrits inconnus , les pages
qui nous manquent de Polybe , de Diodore ,
de Tite-Live , &c. Des machines ingénieuſes
ont été diſpoſées pour dérouler avec précaution
ces volumes à demi brûlés , qui tomboient
en charbon ; mais à peine en a t-on
déchiffré quelques-uns des moins importans ,
qu'on a abandonné le reſte , plus encore par
indolence que par la difficulté réelle de l'entrepriſe.
On ne peut voir fans gémir , la coupable
indifférence des poſſeſſeurs de ce tréſor,
dont l'Europe ſavante n'a pu juſqu'ici tirer le
moindre avantage , & tous les amateurs des
Lettres & de l'antiquité partageront bien fincèrement
les regrets de l'Auteur.
* Cette partie du Voyage Pittoreſque eft une
de celles qui doit le plus au zèle , au goût & à
l'activité de M. de Non , qui s'étoit chargé de préſider
aux travaux des Deſſinateurs ; on peut voir
dans l'avant- propos , placé à la tête du cinquième
volume , toute la juſtice que M. l'Abbé de S***
s'eſt pla à lui rendre , & la reconnoiſſance qu'il ca
conferve.
118 MERCURE
Près de 80 Planches ſont conſacrées à nous
reproduire les autres richeſſes de tous les
genres , & les précieux débris d'Herculanum
& de Pompeii. Mais il faut nous arracher de
ces ruines ſavantes , &ſuivre les voyageurs
autour du golphe de Pouzzoles , fur ces côtes
&dans ces champs favoriſésde la nature , &
qu'enrichiſſent encore les tableaux de la fable
&les ſcènes de l'hiſtoire.
Tous les environs de Naples excitent vivement
la curioſité; il n'eſt point de fites ni de
monumens qui ne ſollicitent les regards ;
mais lorſqu'on parcourt ces beaux lieux , les
Auteurs du ſiècle d'Auguſte à la main , qu'on
voyage avec Horace , & que c'eſt en récitant
les vers de Virgile , qu'on apporte ſon hommage
fur la tombe de ce grand homme , un
nouvel intérêt colore ce ſuperbe horizon.
Rien de plus curieux que la carte que l'Auteur
nous donne des champs phlégréens ou
champs de feu , & de ce golphe de Baies ,
dont Horace diſoit :
Nullus in orbe locus , Baiis pralucet amænis.
Au milieu des fabriques& des conftructions
antiques dont ce pays eft femé, on rencontre
d'abord les écoles de Virgile ; nom
bien plutôt dû à la vénération & au reſpect
religieux qu'inſpire ce grand Poëte , que
donné par une critique judicieuſe & fondée
fur les faits .
Là ſe trouvent ce lac Averne, conſacré aux
divinités infernales , & l'entrée du noir Tar
DE FRANCE.
119
zare,& l'avare Acheron , qui ne lâche jamais
ſa proie , & les marais du Styx redoutables
aux dieux , & l'antre de la Sybille , & cette
noire forêt dans laquelle Énée va cueillir le
rameau d'or. Bientôt la ſcène change : on ſe
trouve , on ſe promène dans ces champsélysées
, que l'imagination peuple encore
d'ombres heureuſes : lieux enchantés , où il
n'eſt pas étonnant que Virgile ait placé le
ſéjour du bonheur , mais aujourd'hui le pays
le plus déſert & le plus abandonné , malgré
la douceur& le charme de ſon climat, quiy
appelle vainement des habitans , & y étale
fans témoins tous les tréſors de la nature.
Bientôt , paffant de la fable à l'hiſtoire , on
parcourt ces campagnes jadis ſi célèbres , ces
bords de la mer ſi rians & ſi variés , autrefois
couverts des habitations des voluptueux Romains
; cette côte conſacrée aux plaiſirs &
aux délices , ainſi qu'à l'étude &à la philoſophie
, où les Maîtres du monde venoient ſe
délafſfer de leurs triomphes & dépoſer leurs
lauriers , & où les Philoſophes alloient dans
le filence & la retraite méditer leurs écrits.
C'eſt là qu'étoient les villes ou maiſons de
plaiſance des Lucullus , des Pollion , de Marius
, de César, de Pompée , &c. Pline , Tite-
Live , Lucrèce , Sénèque , Horace & Virgile
y ont compoſe la plupart de leurs chefd'oeuvres.
Cicéron y avoit deux maiſons de
campagne , & alloit alternativement de l'une
àl'autre,pourſe dérober aux importuns &
s'y recueillir ; c'eſt ce qu'il appeloit ſes états
20 MERCURE
de Cumes & de Pouzzoles , Puteolana & Cumana
regna.
On y voyoit encore les bains de Néron,da
maiſon d'Agrippine , le théâtre de Misène ,
le temple des Nymphes , celui de Jupiter Sérapis
, l'un des plus célèbres de l'antiquité ,
&dont les reſtes impoſans impriment encore
le reſpect; un autre temple (dédié à l'Honneur,
mais dont malheureuſement il ne reſte
pas le moindre veſtige dans tout le Pays. Le
lac Lucrin a fait place à une montagne dont
la naiſſance ſubite eſt un des phénomènes
les plus extraordinaires de la nature (1 ). Enfin
chaque pas que l'on fait dans ces lieux , réveille
une foule de ſouvenirs également
excités&par ce qu'on y voit encore,& même
par ce qu'on n'y retrouve plus.
Il n'eſt point d'aſpect qui faſſe naître des
réflexions plus profondes , ni de climat plus
propre à allumer l'imagination des Peintres
&des Poëtes ; aufli nous font-ils préſentés
ici avecun ſoin& une exactitude qui ajoutent
encore à tout l'intérêt qu'inſpire le ſujet.
Après avoir viſité Pouzzoles , fait des
expériences à la fameuſe grotté du chien , &
-s'être promené ſur les voûtes de la Solfaterra
ou montagne de ſoufre, ancien foyer d'un
volcan preſqu'éteint , on termine avec l'Auteur
ce voyage de féerie par Capoue & les
environs , auxquels la fertilité du climat, les
agrémens du ſite , l'abondance des rofes &
* Monte nuovo , en 1138.
des
DE FRANCE. 121
-
des plantes odorantes , & l'air embaumé
qu'on y reſpire , ont fait donner le ſurnom
d'heureuse , Camponia felice. L'oeil cherche
avec avidité la place où fut cette cité fameuſe
, la rivale de Rome: la ſuperbe Capoue
eſt cachée ſous l'herbe ; à peine les débrisde
fon amphithéâtre&quelques humbles
veſtiges font ſoupçonner ſon enceinte. Quelques
vaſes campaniens que l'on trouve ca &
là, font tout ce qui reſte de cette ville célèbre
; & tandis que les plus folides monumens
, ces témples , ces marbres , toutes ces
malles impoſantes ont diſparu , ce ſont des
vafes d'argile qui ſeuls ont échappé à la deftruction
, & nous viennent atteſter l'exiftence
de Capoue . M. l'Abbé deS** s'eſt plu à
recueillir ces frêles débris chargés deplus frêles
peintures ; il en-a orné fon Ouvrage par des
Heurons & des vignettes qu'il a gravés luiméme,
dans un genre fait pour donner une
idée juſte de ces peintures antiques que
leur délicateffe &leur fragilité rendent plus
rares & plus précieuſes encore. C'eſt ce
qu'on nomme vulgairement vaſes étrusqués ,
&qu'ondevroit àplus juſte titre appeler vaſes
campaniens.
On ne quitte point ces lieux ſans rechercher
les traces de la ville de Cumes , la plus
ancienne des colonies grecques en Italie ;
mais de toutes ces cités jadis fi floriſſantes ,
dont l'heureuſe Campanie étoit couverte ,
il n'exiſte plus aujourd'hui que les médailles
qui en ont confervé le ſouvenir.
Nº. 8 , 17 Février 1787 . F
122 MERCURE
On peut remarquer que la plupart de ces
villes , & en général toutes celles du midi de
l'Italie , par leur origine , appartiennent
encore plus aux Grecs qu'aux Romains. Aufſi
dans l'extrait ſuivant nous parcourrerons avec
nos voyageurs toute cette partie du Royaume
de Naples , appelée la Grande Grèce ; dénomination
qui s'étend même juſqu'à la Sicile ,
parce qu'en effet ony retrouve les noms , la
langue , les moeurs & les monumens de la
Grèce , le berceau commun des arts , & la
mère-Patrie de toutes ces colonies.
LE Voyageur Sentimental , ou ma Promenade
à Yverdun ; par M. Vernes le fils:
nouvelle édition , corrigée & augmentée
par l'Auteur ; à Londres, 1786, & le trouve
à Paris , chez Cazin , Libraire , rue des
Noyers.
La première éditionde cet opufculede 200
pages , a paru dans l'étranger , il y a un an ;
M. Cazin ayant defiré le joindre à ſa collection
des petits formats , l'Auteur , fort jeune
encore , eſt revenu ſur ſon travail , en a corrigépluſieurs
imperfections , & l'à rendu plus
digne de l'attention de ſes lecteurs .
Le premier écueil qu'il a dû rencontrer ,
eſt celui du genre de ſon Ouvrage. Sterne ,
dont il ſuit les traces , étoit original; on lui
pardonne en conféquence ſes bizarreries , fes
interruptions , les écarts perpétuels d'une
imagination qui ſe joue de ſon ſujet; mais
DE FRANCI
123
s'enjouer par imitation plutôt que par inftinct,
c'eſt forcer ſon talent à des grimaces, tamdis
qu'il pourroit êtreheureuſement employé
fous ſes traits naturels. Ils'en faut bien d'ailleurs
qu'un pareil modèle ſoit facile à failir;
encopiant la forme de ſon ſtyle , on ne prend
pas celle de ſon eſprit , & cette dernière est
la ſeule bonne à reproduire.
D'autres inconvéniens naiffent encore de
cette imitation. Sternepeint par les détails ,
eſpèce de peinture qui , ſans un goût bien
sûr, tombe néceſſairement de la naïveté dans
-la niaiſerie , &du comique dans le burleſque.
-D'image en image ,Sterne amène ſouvent le
lecteur à un traitde ſentiment inattendu,qu'il
a cependant l'art de rendre naturel : faute de
cet art, loinde frapper l'âme , on la glace par
une affectation d'autantplus fatigante qu'elle
eſt plus répétée; enfin il ne faut pas croire
que toutes les ſcènes ſimples ou populaires
conviennent à ce pinceau : un ſeul mot déplacé
faitdu tableau une caricaturė.
M. Vernes le fils n'eſt point exempt de
quelques-uns de ces défauts. Il s'attache trop
aux minuties ſans les agrandir par la manière
de les préſenter ; la plupart de ſes peintures
de ſentiment ont un air de famille :
elles ſe reſſemblent trop par le cadre & par
l'expreſſion. Quelquefois il lui échappe des
réflexions, puériles , telles que celle du chapitre
VII , & divers traits de mauvais goût.
Lefonds de fonOuvrage, qui n'eſt autre choſe
qu'un voyage de quelques lieues pour aller
Fid
124
MERCURE
au bal, eſt ſimince , qu'il n'offre aucun intérêt
fuivi, & qu'il néceflite bien des rempliſſages.
ود
Au travers de ces taches , on apperçoit
néanmoins un talent marqué,du mouvement
dans l'imagination , dela chaleur , de la ſenfibilité.
Le chapitre de l'Aveugle& de fafille
offre un exemple de ces différentes qualités.
« Celui qui me répondoit ainſi, étoit un
>> pauvre vieillard aveugle , aflis ſur un tronc
d'arbre près d'une fontaine. Sa beface , fon
front chauve , le bâton ſur lequel il appuyoit
ſes bras débiles & fon corps courbé
par le temps, ſes yeux clcs , ſa voix plain-
>>tive , tout cela me fit croire que la Providence
oublioit un de ſes enfans. La fon-
>> taine ſeule qui couloit près de lui avec un
doux murmare, me paroiſſoit ſenſible à
ſa douleur.... Ce pauvre homme ſoupira
>> &me fit fon hiſtoire en peu de mots. Il
avoit travaillé quarante ans àla ſueur de
ود
"
ود
ود
fon viſage, pour amaſſer quelques centaines
d'écus qu'il avoit perdus dans des
>> banqueroutes , & il n'avoit pu ſe relever
de ces échecs. »
ود
« Il y a dix ans que je n'exiſte plus , continua-
t- il , en me montrant du doigt la
>> place de ſes yeux; ily a dix ans que tous
les jours je demande à la terre mon premier
tombeau ;-& queje voudrois jeter
» loin de moi les reſtes de ma vie ! - Tant
de malheureux ont du moins l'eſpérance ;
à moi ſeul il n'en reſte plus.-Bon vieil-
*>> lard , ne perdez pas tour eſpoir , on vous
ود
MERCURE
125
>> ſecourra ; vous pourrez encore étre heu-
Encore heureux ! - on me ſe- ود reux. -
» courra.... Ah ! Monfieur, tout le pouvois
ود
ود
ود
des Rois me donnera-t-il un rayon de lu
>> mière ?- Cette réponſe me frappa fi fort,
queje me tournai vers le foleil pour m'affurer
que je le poſſedois !-Il garda un
>> moment le filence , en appuyant les mains
fur fon bâton , & en penchant ſa tête vers
la terre. Puis , avec un profond ſoupir ,-
>> fans,ma fille , ah ! fans elle il y a long-
>> temps que je ne me plaindrois plus ; mais
>> quand je veux finir ma miferable vie & me .
laiffer mourir de faim, la pauvre enfant
>> pleure , embraſſe mes genoux , m'appelle
fon père , fon bon père , tant de fois ;
"
ود
>> d'un ton ſi tendre :
"
-
....
& cependant elle
ne revient pas ! Ma fille ! ma chère fille !
> me laifferas- tu mourir ici, ſans t'avoir embraffée
une dernière fois ! »
“
.... Sa fille arrivoit hors d'haleine ; elle
>>avoit été quêter au loin pour fon malheu-
» reux père. Sa vue réveilla en moi des fen-
" timensdepitié, d'admiration , de reſpect; ...
>>ſi quelque coup du fort m'eût fait rencon-
>> trer une parente ſous ces haillons , je n'en
>>aurois pas rougi , même en public. »
ود
" Eft - ce toi , ma chère Sara , eft-ce toi ?
dit le vieillard en tendant ſes bras chance-
» lans qui cherchoient ſa fille au défaut de
» ses yeux ; ... ou es- tu ? que je te ferre
>> contre mon coeur ! ... te voilà ! ... tu tar-
>> dois tant à revenir , j'ai craint un moment
Fiij
126 MERCURE
■ de reſter ſeul! Sara ſe ſentant injuſtement
> ſoupçonnée , baiſe le front de ſon reſpec-
ود
"
table père , & mouille d'une larme ſes
cheveux blancs . "
Voici un trait parfaitement dans la manière
de Sterne. " A quelque diſtance du ci-
» metière, je rencontrai un petithomme ſuf-
>> pendu ſur des béquilles; le haut de ſa tête
étoit à l'horiſon de ſa boſſe , & je cher-
> chois pourquoi la Nature laiſſoit une pa-
ود reille tête entre ces deux épaules.... Vous
>>> tenez vous toujours près de ce cimetière?
- Oui , Monfieur , c'eſt ici que je reçois le
>> plus d'aumônes ; la vue des morts fait fou-
» venir un peu des vivans.-Ces mots me
>>
"
touchèrent ; je jetai au fond de fon vieux
» bonnet une pièce.... Je ne la jetai pas , je
la mis. La pièce paſſa par une échancrure
dutemps qui ſe trouva au fond du bonnet ,
» &tomba ;-je la relevai ; le béquillard re-
• connoiſſant la reçut en me baiſant la main
» avec autant de plaiſir que ſi je lui euſſe
>> fait une très-forte aumône.- Achetez- en
>> un autre , lui dis -je, en me relevant.-
>> Hélas , Monfieur , un morceau de pain
>> m'eſt plus néceſſaire qu'un bonnet.... C'eſt
>> ſingulier , ajouta-til , en le retournant , le
> trou n'eſt cependant pas grand.- Je com-
> pris que c'étoit la pièce qui étoit trop pe-
» tite , & je lui en donnai une ſeconde....
> Pourquoi la donnai je plutôt à ſa remarque
» qu'à ſa misère ? » &c.
M. Vernes , à ce qu'il paroît , aime les
DE FRANCE.
127
teintes lugubres ; il doit prendre garde à diftinguer
le triſte du touchant : le premier doit
être employé avec ſobriété , fur-tout dans un
écritde quelques feuilles. Il doit encore ferrer
davantage ſes narrations coupées de dialogues
, de peur de les affoiblir en les délayant.
L'épiſode de Maria dans Tristram
Shandy , dans le Voyage Sentimental, n'occupe
que quelques lignes , & produit un attendriffement
profond. En ſe défiant de ſa
facilité &d'une compofition du premier jer,
M. Vernes , qui s'eſt déjà fait connoître avantageuſement
par quelques poéſies légères ,
fortifiera fon talent naturel & le mûrira , en
recourant fur-tout aux avis d'un père reſpectable
, qui a ſuivi avec ſuccès la carrière des
lettres & celle de l'éloquence ſacrée.
SPECTACLES.
CONCERT SPIRITUEL.
LA ſymphonie de M. Guénin , qui a commencé
le concert du 2 de ce mois , a été entendue
avec un nouveau plaifir. On a ſu gré
fur-tout à ce compoſiteur , d'avoir conſervé
ſa manière particulière , & de s'être défendu
de la manie trop commune d'imiter le ſtyle
de M. Haydn. Il faudroit que les jeunes
gens qui courent cette carrière, fuffent bien
Fiv
128 MERCURE
perfuadés qu'on imite toujours mal, & qu'un
imitateur n'eſt jamais eſtimé.On croit trop
aujourd'hui qu'en accumulant des modulations
extraordinaires, en coupant des phrafes ,
en affectant des chants bizarres & mêm: baroques,
on a trouvé ce ſtyle; mais le ſtyle de
M.Haydn eſt plein de grace &duchantle plus
heureux. Mlle la Roche ajoué du forté - piano
d'une manière très ſavante & très- agréable ;
elle a la main sûre & le jeu très- brillant. La
ſcène de M. Vion , parfaitement chantée par
M. Laïs , mérite d'être diftinguée. C'eſt l'eſſai
d'un compoſiteur qui paroît avoir beaucoup
réfléchi fur ſon art.Son chant eſt naturel &
facile; il adu feu: ſon harmonie eſt pure &
elaire , mérite qui n'eſt pas commun lorfqu'on
n'a pas encore beaucoup écrit. Le Public
a donné de nouveaux applaudiſſemens à
M. Wachter , qui a joué un concertode clarinette
, & à M. le Vaffeur qui en a joué un
de violoncelle.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE ſuccès de l'Opéra d'Edipe à Colonne le
confirme de plus en plus. L'intérêt réel du
fujer , l'extrême beauté d'un grand nombre
de morceaux de Muſique , la mort même du
compofiteur qui , dans quelque ſens qu'on
veuille l'entendre , donne un nouveau prix à
fon Ouvrage , tout concourt à augmentet
l'affluence & l'enthouſiaſme des ſpectateurs.
DE FRANCE. 127
De tous les ſujets déjà traités au Théâtre
François , l'Ofipe à Colonne eſt peut-être le
plus propre à la ſcène lyrique. Edipe aveugle
n'a qu'à paroître pour intereſſer , & c'eſt deja
un grand avantage fur un théâtre ennemi des
expofitions & des développemens. Son caractère
, aigri par des malheurs inouis , af
foibii par les années, en fait un perſonnage
très-paflionné , d'une mobilité extrême , &
par cela même très -muſical. Antigone , ce
modèle attendriſſant de la rendreſſe filiale
& Polinice tourmenté de remords , achèvent
de porter l'intérêt au plus haut degré. On
pouvoit même tirer un grand parti de ce
ſujet pour produire un ſpectacle très- neuf&
très-impoſant; & fi l'Auteur s'y eſt refufé ,
peut-être elt-ceun reproche à lui faire,
,
Au reſte ,fi M. Ducis & M. Guillard ont
pris ceſujet à Sophocle pour le tranſporter
fur nos Théâtres , ce n'eſt pas à lui qu'ils en
doivent les principales beautés , ou du moins,
par la maniere dont ils ont traité les ſuperbes
ſcènes dont le Poëte Grec leur a donné l'idee ,
nous croyons pouvoir aſſurer qu'ils ont infiniment
renchéri ſur lui. Duffions- nous être
accuſés de blafpheme, nous oferons avancer
que l'Antigone de M. Ducis eſt plus intéreſfante
que celle de Sophocle; celle - ci n'eft
qu'un perſonnage ſecondaire , & le fentiment
qu'elle pourroit inſpirer , partagé entre
elle& fa foeur Ifmène , en eft d'autant plus
affoibli. Polinice, dans la Tragédie Grecque,,
a auffi des remords , mais Edipe ne lui par
Fw
430 MERCURE
donne point , & ce Prince, qui ne paroît
qu'un moment &s'en retourne charge de
la malediction de fon père, laiffe neceffairementun
fentiment defagréable dans l'âme
des ſpectateurs. Quand Edipe ſe montredans
lapiece deM. Ducis, il eſt déjà connu; tous
les coeurs font déja emus en ſa faveur. Il
ouvre laTragedie grecque: Il eſt bien reçu
par les habitans de Colonne , qui l'invitent
Leulement àquitter le lieu conſacré aux Eumenides
, mais qui n'emploient aucune violence
pour l'en arracher.Cette violence, c'eſt
Créon, fon parent, qui l'exerce contre lui pour
deforcer de revenir à Thebes. Il va meme
juſqu'à lui enlever ſes filles, mais Theſée le
force àles rendre,&Créon ne paroît plus.
Ces intérêts ſucceſſifs s'oppoſeroient à un
grand effet fur la ſcène françoiſe. Le dénouement
de Sophocle eſt plus heureux: l'inftant
prévue de la mort,leprodige qui lui rend
la lumière , l'importance que l'oracle attache
à ſes cendres , l'intervention des dieux , &
toutes les circonstances mystérieuſes qui accompagnent
ſa mort, quoique ſeulement récirées
, ont quelque choſe de majestueux &
d'impoſant , dont les Spectateurs Athéniens
durent être vivement frappés. M. Ducis a
rendu une partie de ce beau ſpectacle , en
faifant fondroyer Edipe au pied des autels
des Euménides. Il eſt bien étonnant que M.
Guillard, qui a ſuivi pas à pas le plan de la
Tragédie Françoiſe , qui écrivoit d'ailleurs
pour un Theatre où le merveilleux & la
DE FRANCE.
131
pompe du Spectacle ſont plus naturellement
placés , n'ait pas profité de ce beau dénouement,
& qu'il ſe ſoit contenté de la
reſſource triviale du mariage de Polinice.
On a dit que le ballet du premier acte
auroit été mieux placé à la fin de l'Ouvrage ,
puiſqu'il ſe terminoit heureuſement. Cette
remarque étoit juſte , & telle étoit en effet
Fintention des deux Auteurs ; mais l'adminiſtration
voyant que cet Opéra n'avoit pas
la durée ordinaire du Spectacle , & voulant
le terminer par un ballet d'action , a ſans
doute tranſpoſé ainſi ces ballets , afin de ne
rien perdre des airs du compoſiteur.
Maintenant qu'un nouveau réglement interdit
à l'Opéra les ouvrages viſiblement empruntés
du Théatre François , il ſeroit fans
doute inutile de reprocher à M. Guillardde
s'être trop modelé ſur la Pièce de M. Ducis
encompoſant la ſienne ; mais il ne l'eſt pas
peut- être d'exhorter ce Poëte eftimable à
compter davantage ſur ſes propres forces , à
ſe défier d'un excès de modeſtie qui le rend
trop timide & peut nuire à ſon talent. M.
Guillard eſt fait pour ne devoir qu'à luimême
ſes ſuccès , ſans avoir beſoin de s'appuyer
ſur ceux des autres.
L'intérêt qu'il inſpire nous engage à l'inviter
en même temps à ſoigner davantage
ſon ftyle , qui ne manque en général ni de
force ni d'élégance , mais où la négligence
ſe laiſſe voir trop ſouvent. Cet Ouvrage ci
pourroit nous en offrir pluſieurs exemples ,
Fvj
132
}
MERCURE
mais nous ſommes sûrs qu'il n'a qua y
prendre garde pour les faire diſparoître, ſans
qu'il foit néceflaire de les lui indiquer.
Nous avons déja dit combien la muſique
abondoit en beautés fublimes . Les deux airs
dePolinice, au premierActe, le morceau d'enſemble
qui le termine , le monologue qui
ouvre le ſecond , toute la Scène d'Edipe &
d'Antigone , le choeur des Coloniates , l'air
même de Théſée, quoiqu'on ne puiſſe le confiderer
que comme un morceau de chanteur ,
le trio qui finit l'Acte ; un air d'Antigone au
troiſiome , la ſuperbe Scène d'Epide , d'An
tigone & de Polinice, qui contient un fi bel
air d'Epide , & qui ſe termine par un trio
fadélicieux , fi rafraîchiffant, pour nous fervir
de l'expreffion d'un des ſpectateurs .
- On nous permettrabien de ne mêler aucune
critique à ces juſtes éloges. Sacchini vivant ,
avoit acquis le droit de ne plus recevoir de
conſeils publics. On doit plus encore fans
doute à la mémoire ; & s'il a fait quelques
erreurs , peut- on fonger fans gémir qu'iln'eſt
plus à portée de les réparer !
M. Chéron s'eft montré digue du rôle
d'Edipe, qu'il continue de rendre avec autant
d'energie que d'intérêt. Mme Chéron n'en
met pas moins dans celuid'Antigone , qu'elle
chante avec la plus touchante ſenſibilité. Le
rôle de Polinice eſt rempli de morceaux délicienx;
& M. Lainez, dont le talent ſemble .
avoir acquis une nouvelle énergie pour exécurer
la muſiquede Sacchini , n'y a rien laiffe
DE FRANCE. 133
à defirer. Cet Acteur plein de feu , de grâce ,
& d'une grande intelligence , ſemble faire
paller dans l'âme des Spectateurs l'enthouhafme
dont il s'eſt lui-même animé.
M. Chardini mérite un éloge particulier
pour la manière noble dont il a joué le rôle
deTheſée. Le Public, qui rend de plus en plus
juſtice à fon talent & à fon zèle , l'a entendu
avec autant de ſurpriſe que de plaifir exécuter
parfaitement un air qui exige beaucoup d'habitude
, & dont on n'auroit même pas cru le
genrede ſa voix fufceptible.
Le feul Ballet qu'il y ait dans cet Ouvrage ,
a eu le plus grand ſuccès : dire que MM.
Veftris &Gardel , Miles Langlois & Saunier ,
y danſoient les principales entrées , c'eſt dire
affez tout leplaifir qu'il a fait.
RÉFLEXIONSfur quelques objets particuliers
aux Théâtres François & Italien.
IL y a déjà plus d'une année que nous
avons renoncé à entretenir nos Lecteurs de
la plus grande partie des Débuts qui ſe font
fur ces Théâtres. Pour répondre à la vaine
curiofité d'un très-petit nombre d'Abonnés ,,
il feroit ridicule de remplir , dans les Cahiers.
de ce Journal , un eſpace que l'on peut
mieux employer , & il y auroit peut - être
de l'inhumanité à partir de Pindiſcrétion.
d'un jeune Debutant , ou de la confiance
que lui donnent les éloges haſardés dont ſes
amis l'enivrent , pour nuire à fon avancement
134
MERCURE
&à fa fortune, en le jugeant fur des effais
precipités. Il n'est pas moins inutile des'expliquer
fur le compte de ceux qui neſepréfententſous
les yeux du Public qu'après s'être
faitun parti puiiiant dans les Parterres, dans
les Foyers&dans les Comités des Spectacles.
La prevention&l'eſpritde ſyſtème ſont des
monſtres qu'il ne faut point attaquer de
front; c'eft tout-à la fois leur donner de
l'énergie & leur faire un honneur qu'ils ne
méritent point. Il eſt toujours temps de revenir
ſur lesſuccès travaillés& obtenus par
une ſuite de combinaiſons bien ourdies :
quand lemoment de l'enthousiasme eſtpaffe ,
deux mots ſuffiſent pour faire connoître la
vérité&pour la répandre.
Les raiſons qui nous ont décidé à ne
point parler des Débuts malheureux , ni
de ceux dont l'éclat n'eſt pas fondé fur le
talent ou ſur des diſpoſitions apparentes au
talent , font à peu-près celles qui nous déterminent
à garder le ſilence ſur quelques
Pièces nouvelles.Les unes paroiffent , ſe traînent
pendantune repréſentation , & puis difparoiſſent;
d'autres font très-chaudement applaudies
une ou deux fois , & meurent fur
l'affiche , où la grande raiſon de la recette engage
les Comédiens à les laiſſer ; d'autres
enfin font ſi rigoureuſement attendues , fi
rumulrueuſement jugées , qu'elles n'achèvent
pas même leur premiere courſe , & qu'on les
quitte ſans avoir pu parvenir à en connoître
lintrigue ni le but. Ce ſeroit abufer de la
patience des Lecteurs que d'indiquer latriſte
DE FRANCE .
135
médiocrité des unes , & inſulter à leur confiance
que de les entretenir des autres. Nous
ſommes donc réſolus à ne parler déſormais
que des Ouvrages Dramatiques qui porteront
avec eux , pour quelque cauſe que ce ſoit , un
motif d'intérêt preffant : ceux qui feront trop
médiocres pour mériter un article en forme,
nous les rélèguerons dans les notices que nous
plaçons aubas du coup-d'oeil que nous jetons ,
à la fin de chaque année Dramatique , ſur le
travail fait aux Théâtres Royaux. Par ce
moyen , nous épargnerons de l'ennui aux Lecteurs
, des chagrins aux Auteurs tombés ,
&peut- être nous éviterons-nous des querelles
avec ces eſprits turbulens, qui ne rougiſſent
pas de s'élever contre ce qui eſt juſte , &de
prôner ce qui eſt miférable.
COMÉDIE ITALIENNE
Si le fonds de l'ouvrage dont nous allons
parler n'étoit pas pris dans une production
immortelle , dans un chef- d'oeuvre dont il
ſuffit de rappeler le titre pour exciter la curiofité
, nous garderions llee ffiilleence fur la repréſentation
& ſur ſa chûte; mais la réputation
de la NouvelleHéloïſe ayant fixé les yeux
des Amateurs du Théâtre fur Saint-Preux&
Julie d'Étange , Drame en trois Actes& en
vers, joué fur ce Théâtre le 6 de ce mois , il
nous eſt impoſſible de n'en point parler.
136 MERCURE
CeDrame a ete reprefente par la Troupe
de Verkliks le 24 Mars 1975,tous letitre de
Hellige angoje, in eut alors un tres-grand
fucces; mais ce facces far contetté dans le
J. arnal des Theatres par un Anonyme , qui
regarda la Piece non- ſeulement comme
use production très-mediocre , mais encore
comme une école de masveifes moeurs. A la
premiere reprefentation, Saint- Preux épou-
Toit Julie, comme il le fait encore , entre le
fecond& le troiſième Acte; mais il s'empoifonnoit
fecrètement, & venoit mourir aux
pieds du père de Julie. Depuis,l'Auteur a chan
gé fon dénouement. Saint Preux , voyant l'inflexibilité
du père ,l'inutilité des inſtances de
Milord Édouard , & des prières de Julie ,
s'arme d'un piſtolet, va ſe brûler la cervelle :
on le déſarme; M. d'Étange s'émeut & confent
à l'union des amans. Un des rivaux Littéraires
de l'Auteur écrivit, dans le temps , au
Rédacteur du Journal des Théâtres une lettre
apologétique , dans laquelle ildit, entre- autres
chofes , que ce changement heureux ne laiſſe
tien à defirerpour la perfection de l'Ouvrage.
Le Public de Paris n'a point jugé comme
celui de Verſailles , & les connoiffeurs ont
regardé le Drame de M.... comme l'Ouvrage
d'un jeune homme, très -peu familier avec les
connoiffances néceſſaires pour obtenir des fuccès
auTheatre: ils ont obſervé qu'il y'avoitde
la témérité à porter ſur la Scène un ſujet auifi
connu que celui de la Nouvelle Héloïfe, parce
que , dans nos conventions dramatiques , il
DE FRANCE.
137
eſt impoffiblede ſuivre la marche du Roman
de Rouffeau ,& que s'en écarter , c'eſt s'écarter
en même temps du but qu'il s'eſt propoſé.
Dans la Nouvelle Héloïſe , Julie , coupable
avec Saint- Preux , malheureuſe par lui , mais
courageufe & foumiſe , expie ſa faute par ſes
remords , par ſa ſageſſe , par ſa conduite avec
l'époux qu'elle prend par obéiffance& qu'elle
aime par eftime. St- Preux, forcé de s'éloigner
del'objetquilui eft cher, promenantde pays en
pays le ſouvenir de Julie , fon inexpérience&
ſes pallions , devenu Philoſophe à force d'erreurs
, mais toujours ſenſible & paflionné ,
eſt un perſonnage très- intéreſſant , quand il
revoit Julie mariée à M. de Volmar, quand
il ſent ſon amour renaître , quand il en eft
tourmenté , quand il reſpecte la vertu , &
qu'il s'applaudit de l'avoir reſpectée. Que
font ces deux perſonnages dans le petit cadre
où le Dramatiſte les a placés ? Deux foux,
deux ingrats qui , non - contens d'avoir blette
les loix éternelles de l'obéiffance filiale & du
reſpect paternel accumulent les faures
pour en couvrir une , & multiplient les
moyens extrémes pour arracher à un père
fier , mais honnête , un confentement que
fa raiſon doit refuſer. Qu'un homme comme
Skakeſpéare eût fait , pour le Théâtre de
Londres , un Ouvrage dont la Nouvelle Hélaïſe
eût été le motif, il auroit pu faire un
Drame fublime ; pour les Théâtres de Paris ,
le ſujet ne peut produire qu'un Drame triſte,
froid , ou vicieux dans ſon but. Le ſuccès
د
138 MERCURE
malheureux de Saint Preux& Julie d'Étange,
ne doit point pourtant décourager ſon Auteur
: il a fait cet Ouvrage dans ſa première
jeuneſſe ; & au milieu de ſes défauts , on remarque
de la verve , de la ſenſibilité , des
vers heureux &de l'honnêteté. Neufans doivent
avoir changé ſes principes ,& nous defrons
qu'éclairé à ſes dépens , il choiſiſſe
mieux ſes ſujets , s'il veut ſe préſenter avec
plus d'avantagedans la carrière dramatique.
Le Jeudi 8 du même mois , on a repréſenté
, pour la première fois , le Comte d'Albert
, Comédie en deux Actes & en profe
mêlée d'ariettes , par M. Sédaine , de l'Académie
Françoiſe , muſique de M. Grétry ; &
lafuite du Comte d'Albert , Comédie en un
Acte , par les mêmes.
Le Comte d'Albert , étranger , Officier Général
au Service de France , s'eſt battu en
duel , malgré la rigueur des Ordonnances : il
a tué ſon adverſaire , il a fui , & la tête eſt
miſe à prix. Inquiet de n'avoir point reçu de
réponſe àdeux lettres qu'il a écrites à ſa femme
, il revient clandeftinement ; il ne veut
que la voir , lui parler &partir. En traverſant
laplace qui conduit à ſon hôtel , il apperçoit
unOfficier qui menace de percer de fon épée
un Porte-Faix qui l'a fait tomber en le heurtant
de ſon fardeau. Il s'oppoſe à la fureur de
l'Officier , qui ſe retire quand il apprend-quel
eſt ledéfenſeur du Porte- Faix. Al'inſtant des
DE FRANCE. 139
Records qui le guettent, l'entourent& l'arretent
malgré ſon courage& les efforts de M. de
Tréville , ſon ami. Conduit en prifon , il y
reçoit ſa femme & ſes enfans. La Comteffe
vent mourir avec ſon époux; mais Antoine ,
(c'eſt lenomdu Porte-Faix, dont le Comte a
fauvé la vie ) eſt un des Valets de la priſon; il
reconnoît le Comte ; &, plein du defir de lui
prouver ſa reconnoiſſance , il lui donne ſes
habits , lui indique les moyensde paſſer pour
lui , les détours de la priſon , & le force à
fuir. Le Comte cède aux inſtances d'Antoine
& aux prières de la Comteſſe. Puis le Valet
ſe fait ferrer un mouchoir autour du col
quand il eſt sûr de l'évafion du Comte , arme
la Comteffe d'un couteau , ſe précipite à
terre , crie , appelle la garde qui arrive , & la
Comteſſe ſe prêtant à la feinte,ſe comporte
de manière à ne laiſſer aucun ſoupçon ſur le
généreux Antoine. Voilà les deux premiers
Actes.Au troiſième, qui eft une autre Pièce, la
Scène est à Bruxelles. Un Fermier du Comte
a appris la détention de ſon Maître ; il alloit
marier une de ſes deux filles, il ne veut plus
de mariage , & fe diſpoſe à partir pour Paris ,
quand on annonce quele Comte arrive àfrancétrier
, & qu'il eſt ſuivi de la Comtelſe en voiture.
Tranſport de joie des payſans , entrevue
des époux , préſens ſumples des Vaffaux
à leur Maître , qui voit entrer avec raviſſement
, & preſſe entre ſesbras ſon libérateur,
que fa femme lui préſente. Une des filles
du Fermier , jeune , ingénue &fenfible , s'eſt
140 MERCURE
é nue au récit qu'on lui a fait de l'action du
bon Antoine , elle l'aimoit ſans l'avoir vu ;
quand elle le voit, elle lui propoſe tout bonnement
de devenir ſa femme : confentement
univerſel ; on chante & puis l'on danſe.
Si nous jugeons cet Ouvrage d'après les
principes connus de l'Art , nous lui ferons
bien des reproches : fi nous le jugeons par
l'ufet qu'il produit à la Scène , à l'exception
de quelques caricatures qu'il eſt bien facile
d'élaguer , nous ne lui devons que des éloges,
Par tout il y a de l'adreſſe , du comique &
de l'intérêt ; le ſecond Acte , fur-tout , eſt
extrêmement attachant. Le caractère de la
jeune fille qui épouſe Antoine au troiſième
Acte , eſt neuf, plaiſant&intéreſſant,
Porterons nous plus loin l'examen de cet Ouvrage?
à quoi cela ferviroir-r'il ? nos obfervations
feroient inutiles à M. Sedaine , elles le
ſeroient bien plus pour lePublic. Beaucoup
d'originalité dans quelques morceaux , de
P'efpuit, de la fraîcheur, des intentions Drama
tiques développées avec beaucoup d'art dans
des accompagnemens clairs , exprefiifs , & qui
ajoutentàl'efferdes ſituations, affurent encore
à M. Grétry, pour cette compofition, les éloges
qu'il a mérités pour tant d'autres. La Pièce
eft bien jouée. M. Philippe rend avec un intérêt
noble le rôle du Comte ; M. Trial eſt
tour àtour plaifant , comique & ſenſible
dans le Guichetier ; Mlle. Carline eft , com
me à l'ordinaire , franche , aimable & naïve
dans la fille du Fermier; mais il eſt impof
DE FRANCE.
141
fible de ne pas parler avec enthouſiaſme
du jeu de Mme Dugazon dans la Comteffe ,
rôle où elle a déployé toutes les refſources du
talent le plus décidé , de la ſenſibilité li plus
expanſible , & qui ne peut qu'ajouter à ſa réputation.
ANNONCES ET NOTICES.
DE l'Infidence de Boileau ſur l'esprit de fon
fiècle , Brochure de 16 pages in- 8 ° . A Paris , chez
Leſclapart , Libraire , rue du Roule , & chez Bailly ,
Libraire , Barrière des Sergens , rue Saint Honoré.
Nous avons inféré ce morceau dans notre Naméro
48 de l'année dernière , & ç'a été notre manière
de le louer. L'Auteur y a ajouté quelquesNotes
piquantes , notamment celle où , en parlant de ce
qu'on appelle des Poëmes en profe , il dit : Ces
fortes d'Ouvrages reſſemblent un peu aux fauts du
Gille de la Foire , qui exécute ſur le plancher tout ce
que ſes camarades font ſur la corde lâche.
MELANGES de Poésie & de Littérature , par M.
de Florian . Capitaine de Dragons , &Gentilhomme
de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre , des Academies
de Madrid, de Florence , de Lyon , de Niſmes ,
d'Angers , &c. , in- 12. A Paris, de l'Imprimerie de
Didot l'aîné.
Ce nouvean Volume, qui doit prévenir favorablement
par le nom ſeul de fon Auteur , eft compoté
de Contes en profe , de Contes en vers , &
d'autres Pocfies légères que nous ferons connoître
anos Lecteurs ; il fe trouve chez Didot Taîné , rus
-Pavée; Debure l'aîné , Libraire, quai des Auguſtins ,
&Didot fils aîné , Libraire , rue Dauphine.
142 MERCURE
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ci-deſſus.
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Belin , Libraire , rue Saint Jacques ; Hardouin &
Gattey , au Palais Royal , & chez l'Auteur , rue du
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La réputation de M. Juville dans la Médecine-
Herniaire eft fuffisamment établie , & cet Ouvrage
la juſtifie & la prouve tout-à-la-fois. Outre les Bandages
ordinaires , on y trouve des Machines propres
à remédier àdivers accidens du même genre.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires particuliers
relatifs à l'Histoire de France , TomeXXIV.
ALondres; & ſe trouve à Paris, rue d'Anjou-Dauphine,
n°. 6.
Ce Volume contient la fin du cinquième Livre
des Mémoires de Montluc.
LES Caprices de la Fortune , ou les Vies de
ceux que la Fortune a comblés de ses faveurs , &
de ceux qui ont eſſuyéſes plus terribles revers dans
lestemps anciens & modernes ; par M. Richer , Auteur
des Vies des plus célèbres Marins & de phufieurs
autres Ouvrages de Littérature , 2 Vol. in-
12. Prix , 3 liv. le Volume relié. A Paris , chez
Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
Ces deux Volumes commencent une ſuite d'Hif
DE FRANCE.
143
toire que l'Auteur conduira juſqu'à nos jours. Il annonce
que les deux Volumes ſuivans ſont prêts à
être mis ſous preſſe. 1
RÉFLEXIONSfur le Règne de Trajan , par M.
Bayeux , Avocat au Parlement de Normandie , de
l'Académie Royale des Sciences , Belles- Lettres &
Arts de Rouen , &c. Brochure de 59 pages. A
Paris , chez Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Auguſtins.
A meſure qu'on lit cet Ouvrage, on découvre
un but que l'Auteur n'a pas voulu annoncer par
ſontitre. C'eſt un cadre ingénieux qu'il a choifi
pour rendre hommage à des vertus plus modernes
que celles de Trajan. Les rapprochemens heureux
préſentés par l'Auteur , donnent au Lecteur François
- des ſouvenirs chers à ſon coeur, le ſurprennent
agréablement à chaque pas par des comparaiſons
que l'Auteur n'indique pas, & qui s'offrent d'ellesmêmes;
enfin en rappelant le bonheur des Romains
ſous Trajan , il ſemble raconter des événemens
heureux gravés dans les coeurs François ; & ce qu'il
ne préſente que comme un éloge perſonnel à cet
Empereur , devient à nos yeux un parallèle intéreffant.
-
Lesecond & dernier Volume de la Bible in-4°.
pour la Collection du Dauphin , ſur papier vélin.
Prix, 60 liv, broché . Le même pour la Bible
dédiée au Clergé, même papier & même prix . On a
tiré de cette dernière ſur papier grand raiſin d'Angoulême.
Prix , les deux Volumes in-4°. 42 liv.
reliés en veau. A Paris , chez Didot l'aîné , Imprimeur-
Libraire , rue Pavée- Saint André.
Cette Bible eſt un des Ouvrages qui font le plus
d'honneur aux Preſſes de M. Didot. bl a mis auffi en
144
MERCURE
vente, les Tomes III & IV de la Traduction des
Voyages de M de Swimburne dans les deux Siciles.
Ces deux Volumes in- 8 °. ſur grand raiſin
d'Annonay , ſe vendent 14 liv. brochés chez le
méme Libraire .
On imprime un autre Voyage dans les mêmes
Pays qui pourra faire ſuite à ceux ci.
La Traduction du Voyage de M. de- Swimburn
dans l'Eſpagne va bientôt paroître .
Les Mélanges de M. de Florian précédemment
annoncés , ſe vendent chez Didot l'aîné , Imprimeur-
Libraire , rue Pavée ; Debure l'aîné , Libraire , quai
des Auguftins , & Didot fils aîné , Libraire , rue
Dauphine.
La Ruelle , Estampe de 14 pouces trois quarts
de haut , fur 10 pouces & demi de large , gravée
d'après un Tableau de M. Schall. Se vend à Paris ,
Tue Saint Étienne-des -Grès , maiſon de la Lingère ,
nº. 5. Prir , 3 liv.
TABLE.
VERS fur laManie des Sy- & de Sicile , 104
nonymes , 57 Le Voyageur Sentimental, 122
Aux Citoyens de Lille ,
Bouis rimés ,
98 Concert Spirituel , 127
ib. AcadémieRov, de Musiq. 128
Charade, Enigme &
gryphe ,
logo- Comédie Italienne , 135
IOI Annonces & Notices , 141
Koyage Pittoresque de Nap'es
APPROBATΙΟΝ.
J'AI lu, par ordre de Mgr. le Garde-des -Sceaux , le
Mercurede France pour le Samedi 17 Fézrier 1787.Je n'y
si zien trouvé qui puiſſe en crapêcher l'impreſſion, A
Faris , le 16 Février 1787. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES .
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 31 Janvier.
Naen
Journal précé
une
ous avons cité dans le
dent le rapport favorable que fait
lettre de Copenhague , de l'état actuel de
l'Adminiſtration en Danemarck. Voici quelques
traits tirés du même document , qui
complettent ce tableau.
L'esprit de monopole diſparoît de plus en
plus; & comme l'on a reconnu que les nouvelles
Compagnies de commerce ont nui infiniment
aux exportations , & à la vente utile des productions
nationales , il eſt queſtion de rétablir
Jes choſes ſur un pied différent. Déjà l'on a ôté
toutes les entraves du commerce des Indes- Occidentales
; on a rendu la liberté la plus illimitée
au commerce & à la navigation de l'Iſlande ;
toutes les reſtrictions miſes au débit du tabac &
du ſel font levées ; & toutes les meſures ſont
priſes pour étendre ce principe de liberté aux
autres branches de commerce.
Les beſoins de l'agriculture n'ont pas moins
N°.7 , 17 Février 1787 . e
( 98 )
attiré l'attention & le zele des réformateurs.
Les ſéances de la grande Commiffion pour l'amélioration
de l'état du payſan, continuent ſaps
interruption , les lundis de chaque ſemaine,
Mais comme les membres de la Commiſſion ne
veulent rien faire imprimer , avant que tout
ne foit abſolument conclu , on fait encore peu
de choſes des points dejà convenus. Le ſeul bruit
auquel on puiffe ajouter foi , c'eſt que le Miniltre
d'Etat , Comte de Reventlaw , qui paſſe les
jours & les nuits au travail d'utiles réformes ,
témoigne ouvertement la fatisfaction. Selon
toutes les apparences , le payfan y gagnera de
n'être plus eſclave de la glebe , de pouvoir difpoſer
du fruit de fes ſueurs; d'être au moins afsûré
de la propriété de ſa perſonne & de ſes trayaux.
Une autre Commiſſion s'occupe de l'amélioration
des études , & de tout ce qui concerne
l'inſtruction publique. Il faut que ſon travail
ſoit avancé , puiſqu'il a été remis de ſa part, il
yaquelques ſemaines , à la Chambre de Danemarck
, un nouveau plan à ce ſujet , pour y
stre révu & approuvé.
Cequidoitcontribuer encore plus au progrès
des lumieres dans ce Royaume , c'eſt l'extrême
liberté de la preſſe dont on y jouit. Ici on peut
actuellement dire , écrire , imprimer , publier
& lire fans restriction tout ce que l'on penfe &&
tout ce que l'on ne penſe pas. On auroit tort
de croire qu'il en doive réſulterde grands déſordres
, fur- tout de grands écarts de la raiſon , de
grandes ſottiſes. Nous avons l'expérience contraire;
& il ſemble plutôt que cette liberté ſi
étendue a rendu les lecteurs plus difficiles & les
auteurs plus circonſpects. Car le public punit
ssux- ci par l'endroit qui leur eſt le plus fenfi
وو (
3
ble: il fiffle les mauvais ouvrages , & ne les
achete point.
Je dois vous prévenir contre des bruits , qui
pourroient circuler dans votre pays , comme ils
ont circulé ici , d'un changement prochain dans
notre Miniſtere. Je vous prie de n'y point ajouter
foi; car rienn'eſt moins probable , à en juger
par l'union qui regne entre les membres de
Padminiſtration , par le zele avec lequel ils ſe
portent tous également aux vues du Prince
Royal,pour le ſoulagement des peuples , & par
l'affection particuliere que ce Prince témoigne à
chacun d'eux fans exception.
- J'apprends dans le moment que l'Adminiſtration
eſt décidée à accorder la liberté la plus illin
mitée pour le commerce des grains. L'ordre en
ſera publié au commencement de l'année.
Pendant l'année derniere il eſt entré dans
le port de Dantzick 1025 bâtimens étrangers
, & 1101 en ſont partis. Parmi ces
bâtimens on a compté 67 Hollandois , 85
Anglois , 445 Danois , 227 Suédois , 38
Prufliens , &c.
Le Réſident de la Courde Berlin à Varſovie
a remis au Conſeil permanent une
note , contenant plainte contre les Employés
des Douanes , & contre une Compagnie
des troupes de la République , qui
ont arrêté & attaqué , ſur les frontieres de
la Siléſie , un Officier Pruſſien , chargé de
la conduite des chevaux de remonte. Le
Département de laGuerre achargé le Colonel
de Royalinski de ſe rendre ſur les
lieux , & de prendre à cet égard les informations
néceſſaires.
Ba
( 100 )
On apprend de Dantzick que le Roi de
Prufſe a confenti de faire examiner de nouveau
les gries de certe Ville , & que S. M.
lui a permis d'envoyer deux Députés à
Berlin.
Le Comte de Stakelberg , Ambaſſadeur
de Ruflie à Varſovie , quittera cette Ville
le 10 Février pour ſe rendre à Cherfon.
On apprend de Berlin que la Cour vient
de conclure avec les Electeurs de Hanovre
& de Saxe , & les Ducs de Mecklembourg ,
une convention pour la reddition réciproque
des déſerteurs.
,
La ville de Smyrne , lit-on dans un Journal
'Allemand , eſt une des plus riches places de commerce
du Levant. Outre les Négocians Grecs &
Arméniens , on y trouve 21 maiſons de commerce
Françoiſes , 4 Angloiſes , 3 Hollandoiſes
2 Vénitiennes , : Impériale & I de Toſcane. Le
commerce le plus étendu dans cette place eſt celui
des François ; vient enſuite celui des Hollandois.
Les Anglois ne font pas ce commerce
avec grand avantage ; l'éloignement de leur
patrie , l'entretien très - coûteux des Confulats
& la défenſe de charger leurs bâtimens ,
lorſqu'il regne une maladie épidémique dans
le Levant , en paroiſſent les principaux obftacles
; mais pour établir la balance , ils ſont dans
l'uſage de commercer de cette place avecla Perle
&laChine , moyennant les caravannes, Ce genre
de commerce eſt expoſé à la vérité à mille dangers
; mais en général , il eſt très lucratif.-Le
commerce des Ruſſes à Smyrne devient plus important
de jour en jour ,depuis le dernier Traité
de commerce avec la Porte-Ottomane; les Ruſſes
( 101 )
ont ſeuls la permiſſion de charger leurs bâtimens
de riz , d'huile & de café de Moka Les François
importent du drap , du papier , de la cochenille ,
du tartre , du verd-de-gris , de l'indigo ; les Anglois
, du drap , du plomb , de l'étain & de l'argent
monnoyé ; les Hollandois , du drap & des
épiceries [ cette Nation gagne beaucoup fur fon
argent ) ; les Allemands , du fer , de la vaiſfelle
d'a-gent , du bled , &c. Les Vénitiens & les Tofcans,
des draps d'or , des étoffes de foie&de laine,
des glaces.
De Berlin , le 30 Janvier.
Le Dac regnant de Brunswick eſt attendu
ici inceſſamment, d'après une invitation
expreſſe de S. M. Quelques perſonnes préſument
que ce voyage eſt relatif aux affaires
de Hollande.
L'Académie des Sciences a célébré le 25 ,
l'anniverſaire de ſon inſtitution. M. Formey
ayant ouvert la féance , par un éloge du feu
Roi , M. le Comte de Hertzberg fit la lecture
d'un Mémoire qui ſert de ſuite à ceux
dont ce Miniſtre a enrichi les annales de
l'Académie , & dans lequel il rend compte
des bienfaits que le feu Roi a répandus ſur
ſes Sujets , dans la derniere année deſa vie.
S. E. lut enſuite la préface de l'Histoire de
imon temps , l'un des ouvrages poſthumes du
Roi défunt. Une differtation de M. Beguelin
ſur la déclinaiſon de l'aimant depuis le 15
Janvier ; une Cantate de M. Samier , inti
tulée : le Couronnement de Frédéric - Guil
e 3
( 102 1
laume 11; un Mémoire de l'Abbé Denina ,
fur la préférence que le feu Roi accordoit à
la Littérature Françoiſe , & fur les progrès
que la Littérature Allemandea faits fous fon
règne, remplirent le reſte de la ſéance. Enfin
M. le Profeffeur & Aftronome Bode propoſa
à l'Académie de donner le nom de
Frédéric-le-Grandà une nouvelle Conſteilation
, qui ſeroit formée des étoiles ſituées ,
entre Caffiopée & Pégaze.
On a compté l'année derniere à Potzdam
435 naiſſances, 104 mariages & 561 morts ,
aunombre deſquels 66 enfans en'evés par la
petite vérole. La population de cette ville
monte actuellement à 27259 ames , dont
18503 de l'état civil , & 8756 de l'état militaire.
Suivant M Buſching , il eſt arrivé àStettin
1061 bâtmens , dont 669 ſur leur leſt,
&il en eſt parti 1205 , dont 74 ſur leur leſt.
La Patente du Roi qui ſupprime l'adminiſtration
générale du tabac , & le monopole
de la vente du café , vient d'être rendue
publique : elle eſt datée du 6 de ce
mois , & compoſée de 11 articles , dont
voici la teneur : :
1 °. A compter du premier Juin de la préſente
année , l'Adminiſtration générale du Tabac
, & les établiſſemens pour le Café ceſſeront
• entiérement.
20. Il ſera permis dès-à-préſent à tous & à un
chacun de cultiver du Tabac , fans aucune
restriction quelconque ; chaque cultivateur-&
( 103 )
marchand de Tabac pourront prendre leurs mar
chandises où bon leur ſemblera , dans le pays
ou dans l'Etranger , moyennant le paiement des
taxes.
3°. La fabrication de Tabac ſera libre à tous
ceux qui voudront s'en occuper ; le commerce
de cette denrée pourra ſe faire par ceux qui
y feront autoriſés , & par ceux qui en avoient
juſqu'à préſent la diftribution , les derniers
pendant leur vie. Les droits , que les fabricans
& marchands de Tabac auront à payer
à l'entrée de la Ville , ſeront fixés dans un Tarif
qui ſera publié inceſſamment.
4°. Chaque habitant de Ville ſans diſtinction ,
&tous les habitans privilégiés du Plat-Pays ,
auront la permiſſion de faire venir de l'Etranger
la quantité de Tabac dont ils auront beſoin
pour leur conſommation , en payant les droits;
les derniers cependant ſeront tenus de faire
adreſſer le Tabac qu'ils feront venir au Bureau
d'Entrée de la Ville le plus proche , & d'y,
payer lesdroits.
sº. Tous les habitans de la campagne feront
obligés de prendre dans les Villes le Tabac
dont ils auront beſoin , & les marchands détailleurs
du Tabac à la campagne , feront tenus
de justifier qu'ils ont tiré leur Tabac des
Villes.
6°. A compter du premier Juin prochain ,
il ſera permis à tous les marchands de faire le
commerce du Café , & il ſera libre à chaque
conſommateur de cette denrée , d'en tenir chez
lui la quantité qu'il lui faut. Les habitans des,
Villes , & les habitans privilégiés de la campagne
pourront faire venir de l'Etranger le
Café dont ils auront beſoin , mais les derniers,
feront tenus de le faire adreſſer au Buscau lo
:
:
e4
( 104 )
-
plus proche d'Acciſe, & d'y payer les droits.
Les autres habitans de la campagne feronttenus
de prendre dans les Villes le Café dont ils auront
beſoin. Ledroit d'Acciſe du Café,non compris
l'impôtde Banque , eſt fixé à l'avenir pour
tous les conſommateurs quelconques , à ungrofchen
& quatre ſpennings par livre peſant.
7°. Comme il a été fait une remiſe confitérable
fur les revenus de l'adminiſtration actuelle
du Tabac , & que le reſtant ainſi que les
revenus de la vente excluſive du Café , étoient ,
neceſſaires aux beſoins de l'Etat , ils ſeront
remplacés de la maniere ſuivante :
1°. Par undroit modéré d'Acciſe ſur la mouture.
2º. Par un droit modéré d'Acciſe ſur le
Tabac.
3°. Par une petite augmentation de l'Acciſe
furlebled.
4°. Par un droit d'Accite additionel , ſur le
facre& le fyrop .
5°. Par un droit d'Acciſe additionnel d'un
groſchen par thaler , pour tous les objets ſur
leſquels le droit d'Acciſe ſemontoit à 12 groſchen
&au- deſſus , labiere cependant exceptée.
60. Par une augmentation du timbre , la
feuille timbrée à raiſon de 4groſchen , & de 6
groſchen un jeu de cartes. Les autres droits feront
déterminnééss par le nouveau Tarif, & par
des Réglemens particuliers.
8°. Mais afin que le public ſoit dédommagé
de l'augmentation du droit d'Acciſe , ſur le ſucre&
le ſyrop , nous enjoignons aux entrepreneurs
des raffineries nationales de vendre le ſutre
à un prix raisonnable , & proportionné à
celui qu'il coûte chez l'Etranger ; & comme
les raffineries nationales ne ſont pas encore en
( 105 )
état de fournir ſuffisamment de firop pour la
conſommation du pays , tous les commerçans
auront la permiffion , à compter du premier Juin
prochain , d'en faire venir de l'Etranger , en
payant les droits , & de les débiter ; le firop national
cependant ne paieroit que la moitié des
droits que paiera le firop étranger.
9°. Perſonne ne ſera exempt du droit d'Accife
for le fucre ; nous eſpérons que nos fideles vaffaux
ſe ſoumettront d'autant plus volontiers à
l'acquittement de ces droits , que juſqu'à préſent
ils avoient payé le:Tabac plus cher , & que
rous avons diminué l'Acciſe ſur le Café .
10º. Nous voulons que les poſſeſſears des
actions de l'adminiſtration du Tabac , continuent
à toucher les intérêts fur le même pied ,
juſqu'au premier Novembre 1792 .
11 °. Quant aux employés de l'adminiſtration
générale du Tabac , nous voulons que juſqu'à
ce qu'ils foient placés ailleurs , il leur foit
affigné des appointemens pour leur ſubſiſtance ,
& que la fomme néceſſaire à cet effet ſoit livrée
àla campagne , pour l'établiſſement d'un impôt
'qui ne fera point onéreux aux ſujets, cet impôt
devant ceſſer à meſure & auffi- tôt que
leflits employés ſeront appellés à d'autres
places .
Donné à Berlin le 6 Janvier 1787.
(L. S. )
こ
FREDERIC-GUILLAUME .
Plus bas , DE GAUDI DE WERDER
Le Département général des acciſes &
des douanes a fait publier que , pour encourager
le commerce de Francfort fur l'Ođer
, S. M. avoit rétabli l'ancien Réglement
de 1744 , & qu'à l'avenir on y fuivroit ,
es
( 106 )
pour le recouvrement des droits, le Tarif
de 1772 .
Le Roi a permis l'importation de la
bierre étrangere moyennant l'acquittement
du droit d'entrée.
Le Roi a confirmé au Prince Frédéric-
Guillaume de Brunswick la lettre d'expectative
qu'il avoit obtenue du feu Roi le 7
Octobre 1785 , pour le Duché d'Oëls.
De Vienne , le 30 Janvier.
Par une Ordonnance du 12 Décembre
dernier , l'Empereur a réglé la levée des
dîmes en nature. Le décimateur à l'avenir
devra faire marquer ſa dime dans les 24
heures ; & à ſon défaut le Propriétaire
pourra employer à cette opération le Juge
du lien ou fon Préposé, laiſſer la dîme fur
le champ , & emporter le reſte de la récolte.
On a rétabli en Hongrie les 38 Tribunaux
de Juſtice qui avoient été fupprimés ;
cette fuppreffion ayant paru entraîner de
grands inconvéniens. Les trois Chancelleries
de Hongrie, de Bohême & Autriche
feront réunies , & préſidées par le vice-
Chancelier , Comte de Palfy.
Le camp d'Iglaw eſt contremandé ainſi
que les fêtes préparées pour la réception de
L. M. Siciliennes , dont le voyage eſt reculé
par la groſſeſſede la Reine. On parle toujours
dudépartde l'Empereur pour Cherfon,
comme étant fixé au 7 Mars. Un Aide
( 107 )
de camp du Prince Potemkin eſt arrivé ces
jours derniers , avec des inftructions relatives
à ce voyage.
Le Tréſor de l'Abbaye des Bénédictins
de Saint-Martins-Berg , ſupprimé au mois :
de Décembre dernier , eſt arrivé à Bride ,
il a été remis à l'adminiſtration de la caiſſe
de religion. Parmi les objets remarquables .
que renferme ce tréſor , il ſe trouve une
collection complette des eſpeces d'or , d'argent&
de métal qui ont été frappées ſucceflivement
ſous tous les rois de Hongrie.
On préſume que cette collection pallera
à Vienne , & qu'elle ſera placée dans le
cabinet des antiquités.
५
Le Clergé des Archevêchés de Mayence,
de Trêves &de Cologne , a renvoié ſur le
champ , par ordre des Vicariats reſpectifs .
les lettres circulaires , relativemeut aux difpenſes
de mariage, qui lui ont été adreſſées
en dernier lieu par le Nonce apoftolique ,
réſidant à Cologne ; mais celui ci ne les a
pas retirées : il a fait ſcavoir aux Directeurs
de la Poſte Impériale à Cologne qu'elles ne
feroient plus reçues , & qu'ils euſſent à les
adreſſer à leur premiere deſtination.
Il paroît ici depuis peu une brochure imprimée
à Francfort, qui jette le plus grand
jourſur la conteſtation qui s'eſt élevée entre
les Princes Eccléſiaſtiques d'Allemagne& la
Courde Rome. Cet écrit intitulé, Réſultat
e6
( 108 )
da Congrès d'Ems , contient quatre pieces remarquab'es.
1°. La Lettre que l'Empereur a adreſſée ,
le 12 Octobre 1785 , aux Archevêques de
Mayence , de Treves , de Cologne & de
Salzbourg , pour les exhorter à ſe maintenir
en poffeffion de leurs droits métropolitains
& diocésains , & à ſe prémunir contre toutes
les atteintes que le Pape ou ſes Nonces
voudroient y porter dans la fuite.
2°. Le recueil des articles arrêtés entre
les Députés des ſuſdits Archevêques , à
Ems le 25 Août 1786 , où en articulant
leurs griefs contre les ufurpations de la
Cour de Rome, ils font connoître les droits
primitifs attachés à l'Epiſcopat , & dans l'exercice
deſquels ils font réfolus de ſe maintenir.
3 °. La lettre que les quatre Archevêques
ont adreffée conjointement àl'Empereur, en
lui envoyant les fuidis articles , pour réclamer
fon interceffion & fon appui , afin d'être
réintégrés dans l'exercice deſdits droits ,
& pour fupplier S. Majesté Impériale de
concourir au redreſſement de leurs griefs ,
par les voies qui lui paroîtront les plus conformes
àl'eſprit des Concordats & aux conftitutions
de l'Empire.
4°. La réponte de l'Empereur à ladite lettre.
La lecture de ces pieces authentiques
fuffit pour faire connoître la nature del a
conteftation qui a donné lieu à la publica(
109 )
tion de cet écrit, & dont l'iſſue ne peut
qu'être très-importante pour les Libertés de
l'Egliſe Germanique.
De Francfort , le 4 Février.
Pendant l'année derniere , on a compté
àRatiſbonne 170 mariages , 670 naiſſances ,
& 672 morts. Depuis is ans la population
de cette ville eſt augmentée d'un tiers .
La ville de Zelle , dans l'Electorat d'Hanovre ,
étendde plus en plus ſon induſtrie. Les blanchifſeries
de cire , la fabrique de bougies , qui en
fournit par an plus de 100,000 livres peſant ; les
inanufactures de chapeaux & d'amidon , & les
fabriques de tabac , procurent à ſes habitans de
l'occupation & de l'aifance, La plupart du tabac
palle à l'Etranger. Depuis quelques années , on
cultive , avec ſuccè , les plantes du tabac aux
environs de cette ville , & on ſe propoſe d'en
étendre la culture.
On affure que l'Empereur a fait répondre
auxArchevêques d'Alemagne , relativement
à leurs plaintes contre la Cour de Rome,
que S. M. I. approuvoit la réſolution de ces
Princes , de revendiquer leurs droits , & de
réformer les abus qui ſe ſont gliffés dans la
difcipline eccléſiaſtique , qu'elle étoit prêre
ày concourrir en ſa qualité de Protecteur
de l'Eglife Germanique ; mais qu'au préalable
il étoit néceſſaire qu'ils conféraffent
ſur le même objet avec les Evêques & les
Princes féculiers , dont les territoires ſe trouvent
fur leurs dioceſes , & qu'ils les engageaſſent
à faire avec eux cauſe commune.
( 110 )
Un Journal de commerce parle en ces
termesde l'état actuel du commerce de l'Egypte.
?
Cecommerce le fait àAlexandrie , Bequies ,
Rozette & Damiette. Ily arrive par an 7 à 800
bâtimens turcs&barbareſques : ſavoir , 140 à 150
de Syrie , 70 à 80 de Conſtantinople , 50 à 60 de
Smirne , 30 à 40 de Salonique , 25 à 30 de Candie
; les autres d'autres Iſles & de la Terre ferme.
On eſtime leur cargaifon de 8 à 10 millions de
rixdalers , mais les marchandiſes qu'ils prennent
en retour , & qui conſiſtent enriz , café , lin ,
toile , bled , graines , &c. , furpaſſent de beaucoup
l'importation. Pendant l'année 1785 , l'im -
portation des Vénitiens àmonté à 200,000 rxdalers
, & l'exportation à 230,000. L'importation
desAnglois & des SujetsduGrand-Ducde Tofcane
, qui font le commerce d'Egypte par Livourne
, n'a pas excédé la ſomme de 500,000
rixda'ers ;l'exportation a été encore moins confiderable.
L'impomation des François a fait un
objet de 3,997,615 liv. , & l'exportation de
3,073,450 liv . Le total de l'importation Européenne
étoit de 6,896,310 rixdalers ,& celui de
l'exportation de 5,995,740 .
ITALIE.
De Milan , le 15 Janvier.
La perception des droits de Douane en
Lombardie varioit de province à province ,
ſuivant leur ancienne diviſion, leur éloignement
de la Capitale , le nombre des Jurifdictions
que traverſoient les marchandiſes,
( III )
Depuis le commencement de l'année , cette
onéreuſe inégalité a ceſſé. Par un Réglement&
un tarif nouveau , tous les droits
font réduits à un ſeul droit d'entrée & de
fortie dans les huit provinces de cet Erat ,
ainſi que dans la ville& le Duché de Mantoue.
Malgré la rigueur de la ſaiſon ; écrit- on
de Rome, les habitans de Rimini continuent
à ſe refugier dans la campagne , pour
échapper aux effets des ſecouffes du tremblement
de terre , qui ne ceſſent de ſe faire
ſentir. Pluſieurs édifices qui avoient déja
fouffert , font aujourd'hui preſqu'entiérement
ruinés. La vaſte Egliſe des Francif-
-cains , bâtie par les Comtes Malatesta , eſt
totalement tombée; le fameux Arc d'Augufte
s'eft fendu par le milieu ; le Pont de
Trajan a été fort endommagé; enfin la
Douanne s'eſt écroulée. On aſſure que plus
de 40 perſonnes ont pési par les ſuites du
tremblement , tant dans cette Ville que dans
fon territoire.
De Naples , le 15 Janvier.
La groſſeſſe de la Reine eſt tellement certaine
, que S. M. entre dans ſon troifieme
mois, en jouiſſant d'une ſanté parfaite.
Le 26 Décembre le Veſuve a fait une
grande exploſion par ſa bouche ſupérieure.
Il avomi beaucoup de macieres fondues,
( 112 )
des pierres enflammées & une fumée immenfe.
Le mouvement de l'air a tecoué
les édifices des environs comme auroit pu
le faire un tremblement de terre. La lave
très - fluide a coulé par deux crevaſſes au
bord du Cratere avec une grande rapidité.
Maintenant , elle ne s'épanche que par la
nouvelle bouche ouverte au mois de No.
vembre ; mais les exploſions du ſommet
continuent avec moins de force.
De Venise , le 15 Janvier.
Le Bacha de Scutari , diſent des nouvelles
fort halardées de la Dalmatie , ſe prépare
aujourd'hui à s'emparer de la Boſnie , tous
prétexte que ſes ancêtres en ont toujours eule
gouvernement. La Porte , inftruite de ſes
mouvemens , a donné ordre au Bacha de
Boſnie de s'oppoſer avec toutes ſes forces
aux opérations dece rébelle , en attendant
qu'on lui envoie un Collegue pour agir de
concert avec lui. Le Bacha de Boſnie fait
en conféquence tous les préparatifs néceſſaires
à la défenſe de ſa Province , & de tous
côtés les étendarts y font déployés , comme
s'il s'agiſſoit de faire la guerre aux Chré-
-tiens.
De Rome , le 13 Janvier.
Sa Sainteté a nommé , le ſieur Miller ,
Anglois de naiſſance , Inſpecteur de ſes
Finances , avec so ducats d'appointemens
( 113 )
par mois. En cas d'abſence , il fera remplacé
, par l'Abbé Vergani , qui jouira d'un
traitement de 25 ducats par mois . C'eſt ce
même Miller , que quelques bulletins difoient
renvoyé honteuſement , il y a trois
mois.
S. E. le Cardinal-Diacre Caſali , eft mort
le 14de ce mois à l'âge de 72 ans.
Gubbio , ville de l'Ombrie dans la légation
d'Urban , dont la population eſt à
peine de sooo habitans , n'eſt preſque peuplée
que de célibataires ; mais ony compte
22 maiſons religieuſes de l'un & de l'autre
ſexe ; indépendamment d'un nombre affez
confidérable d'Eccléſiaſtiques ſéculiers. Le
Prélat Angelelli,Evêque de cette Ville, après
quelques diſputes avec ſon propre Chapitre ,
s'eſt rendu à Rome , pour préſenter au Souverain
Pontife un projet de réforme. Pie
VI , lui a accordé un Bref de fuppreffion ,
muni de tous les pouvoirs néceſſaires pour
remplir entièrement fon objet.
Voici la liſte des Monaſteres ou Couvens
déjà fupprimés. A Gubbio , un couvent de
Clariffes & deux de Bénédictines , avec fix
Confréries. Les fonds provenans des revenus
& de la vente des édifices , ſerviront à la
conſtruction d'une grande Maiſon de charité
pour les pauvres filles. On y établira
des Manufactures de ferge , de toiles , de
draps , &c . & chacune de ces filles aura une
dot de 40 écus; toutes les dots de la Ville
( 114 )
&du Diocese devant d'ailleurs être affectées
aux beſoins de cet Etabliſſement,
Dans la Terre de Fratta , on a ſupprimé
un Monastere de Servites , aux mêmes conditions
que celles deGubbio; dans laTerre
de la Pergola , un autre Couventd'Auguftines
, dont les revenus paſſeront à la Manſe
Epifcopale,
Le Prélat Angelelli a auſſi obtenu la permiſſion
defupprimer des Bénefices & Chapellenies
, pour accroître juſqu'à la concarrence
de so écus la portion congrue des
Curés.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 6 Février.
Les premieres féances du Parlement ayant
été purement préparatoires , il ſeroit inutile
d'occuper nos Lecteurs de ces introductions
de forme , auxquelles vont ſuccéder les plus
importantes diſcuſſions. Le procès de M.
Haftings ſera repris inceſſamment , même
avant les débats ſur le traité de commerce.
L'Oppoſition ayant repréſenté à M. Pitt
que les interrogatoires commencés au ſujet
des accuſations contre l'ancien Gouverneur
Général de l'Inde , ne ſouffroient pas de
délai , le Miniſtre a changé l'ordre qu'il
avoit d'abord propofé.
M. Fawkner eſt de retour de Lisbonne ;
l'on ignore encore s'il a terminé ou non fes
négociations avec la Cour de Portugal;
( 115 )
mais ſon arrivée mettra les Miniſtres en
ésat de s'expliquer pertinemment ſur cet
* article.
Les Chefs des deux grands partis , qui
compoſent laChambredes Communes, font
d'accord ſur la convenance du traité , conſidéré
ſous le rapport des avantages qui
doivent en réſulter pour le commerce &
la richeſſe de la Nation. La différence d'opinion
n'a plus pour objet que ſon principe
&ſes effets enpolitique ,& l'on peutaffurer
hardiment que M. Pitt eſt certain de la
victoire.
Lord George Gordon eſt poursuivi par les
gens du Roi pour avoir ofé publier des
libelles contre un Ambaſſadeur étranger. II
a été aſſigné deux fois pour être oui. La
premiere affignation n'a point eu d'effet ,
leLordGeorge Gordon ayant prouvé qu'elle
manquoit par les formes; mais il a été obligé
de ſe ſoumettre à la ſeconde. Lord George
ſe prépare à plaider lui-même ſa cauſe.
Nous avons rapporté ſommairement le
bill de mortalité de la ville de Londres
pour 1786 ; bill , ſuivantlequel on a baptifé
dans cette Capitale , non compris le fauxbourg
de Southwarck , la banlieue , & les
commnnions diſſidentes , 18119 enfans ,
& enterré 20454 perſonnes. Dans ce dernier
nombre , 6693 ſujets font morts avant
l'âge de deux ans ; 68 entre 90 & 100 ; rà
100 ans; 3 à 101 ; 1 à 102; & 2 à 106.
(116)
4987 perſonnes font mortesde conſomption;
1210 de la petite-vérole ; 237 par
accidens divers. Le nombre des ſuicides a
été de 22.
FRANCE.
De Versailles , les Février.
Le Baron de Cadigan , qui avoit precédemment
eu l'honneur d'être préſenté a
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , à
eu , le 21 du mois dernier , celui d'être préfenté
au Roi & à la Reine , par Monfieur ,
enqualité de ſon premier Fauconnier.
Le rt, de ce mois , l'Univerſité de Paris,
ayant à ſa tête le ſieur Dumouchet , Recteur
, a eu l'honneur de préſenter au Roi ,
ſuivant l'uſage , le c'erge de la Chandeleur.
Le 2 , jour de la Purification de la Vierge,
les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du S. Eſprit , s'étant afſemiblés
vers les onze heures &demie , dans le
grand Cabinet du Roi , Sa Majeſté tint un
Chapitre dans lequel elle nomma Chevalier
de l'Ordre du S. Eſprit , Monſeigneur le
Duc d'Angoulême. Le Roi fortit enſuite de
ſon appa tenient pour ſe rendre à la Chapelle
, précédé de Monfieur, de Monfeigneur
Comte d'Artois , du Duc d'Orléans,
du Prince de Condé , du Duc de Bourbon ,
du Prince de Conti , du Duc de Penthievre
& des Chevaliers , Commandeurs &
( 117 )
Officiers de l'Ordre ; deux Huiſſiers de la
Chambre du Roi portant leurs maſſes . Le
Roi , après avoir entendu la Grand'Meffe ,
chantée par ſa Muſique , & célébrée par l'Evêque
de Metz , Prélat- Commandeur de
P'Ordre & Grand-Aumônier de France , fut
reconduit à fon appartement , en obfervant
l'ordre dans lequel il en étoit ſorti . La Reine
, Madame , Madame Comteſſe d'Artois
&Madame Eliſabeth de France , aſſiſterent
auffi , dans la Tribune , à la Meſſe à laquelle
la Comteſſe de Vérac fit la quête.
L'après midi , le Roi & la Famille Royale,
après avoir entenduleSermon , prononcé
par l'Abbé de Boulogne , Archidiacre &
Grand- Vicaire de Châlons , Prédicateur du
Carême , affifterent aux Vêpres chantées par
la Muſique de Sa Majesté , & auxquelles
l'Abbé de Ganderatz , Chapelain de la grande
Chapelle , officia.
La Grande-Duceſſe deToscane, Grande-
Maîtreſſe de l'Ordre de la Croix Etoilée ,
ayant conféré cet Ordre à la Comteſſe de
laTour en Voivre , née Marquiſe de Sailli ,
le Roi a bien voulu lui accorder la permilfion
de s'en décorer.
Le marquis de Dreux de Brezé , & le vicomte
de Divonne , qui , précédemment avoient
eu l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu ,
le 3 de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majeſté, & de la ſuivre à la chaſſe.
La comteſſe de la Roque-Menillet , la mar
( 118 )
quiſede Caftellane , & la marquiſe de Chaſtel.
lier-Dumeſnil , ont eu , le4de ce mois , l'honneur
d'être préſentées à Leurs Majeftés & à la
Famille Royale , la premiere par la duche ſſe de
Mortemar , la ſeconde par la comteſſe de
Caftellane , & la troiſieme par la Vicomteſſe
deBoiffe.
Le même jour , les premiers Préſidens & les
Procureurs-généraux des Parlemens , ainſi que
les premiers Préſidens & les Procureurs-généraux
des Conſeils Souverains de Colmar & de
Perpignan , convoqués pour l'Aſſemblée Nationale
, ont eu l'honneur d'être préſentés &
nommés au Roi par le Garde-des- Sceaux de
France.
Les Elus généraux des Etats de Bourgogne ;
desEtatsdeBretagne & des Etats de Languedec
, ont été auſſi préſentés & nommés à Sa
Majefté par le Baron de Breteuil , Miniſtre &
Secrétaire d'Etat , ayant le département de la
Maiſon du Roi ; ainſi que les Députés des
Etats d'Artois , qu'a préſentés & nommés le
Maréchal de Ségur , Miniſtre & Secrétaire d'Etat
, ayant le département de la Guerre.
Les Maires des Villes ont été enſuite préſentés
& nommés à Sa Majeſté par le baron de
Breteuil , ainſ que les deux Secrétaires de
l'Aſſemblée, que leGarde-des-Sceaux de France
apréſentés & nommés au Roi.
De Paris , le 15 Février.
Arrêt du Conſeil d'Etat du Roi , du 20
Décembre 1786 , qui fixe la taxe des lettres
qui feront tranſportées par les Paquebots ,
établis par S. M. au Havre & à Bordeaux ,
( 119 )
foit aux Colonies Françoiſes , ſoit à New
Yorck.
Par les Ier, & II articles de cet Arrêt , & le
*tarif quiy eſt joint , toutes les lettres & paquets
despapiers deftinés pour les ColoniesdeTabago,
la Martinique , la Guadeloupe , Saint-Domingue
, les Ifles de France & de Bourbon , & les
Etats Unis de l'Amérique , ou arrivant deſdites
Colonies en France , feront aſſujettis au paiement
de I livre pour la lettre ſimple peſant une
once , & to fols de pius par once excédant la premiere.
Indépendamment du port fixé par le tarif
de 1759 , depuis le lieu où leſdites lettresauront
été écrites ,juſqu'au Havre ou Bordeaux , & de
puis le Havre & Bordeaux , juſqu'aux lieux de
leurs deſtinations , ſans cependant qu'il ſoit néceſſaire
, dans l'un ou l'autre cas , d'avoir recours
à la voie de l'affranchiſſement. Les lettres
, ſeulement pour l'Amérique du nord , devant
continuer à y être aſſujetties. Par l'article
IV, il eſt néanmoins permis à tous particuliers
de faire porter leurs lettres & paquets par tous
les vaiſſeaux marchands de quelque port du
Royaume ou de nos Colonies qu'ils partent , à
la charge de faire mettre leurs lettres &paquets
dans la boîte ordinaire des lettres , en les faifant
timbrer du nom du vaiſſeau par lequel ils vou
dront les envoyer , ainſi que celui du lieu où
ledit bâtiment ſera en charge , pour y être taxées
conformément au tarif , & expédiées par
leDirecteur des Poſtes du port d'où le bâtiment
choiſi devra partir. L'article Vaccorde à tout
Capitaine de vaiſſeau marchand qui fera ce ſervice
, la remiſe duport des lettres & paquers de
lettres concernant ſon propre ſervice & celui de
ſes Commettans , juſqu'à concurrence du poids
de 20 onces , à la charge de remettre toutes
1
( 120 )
*Jeſdites lettres aux directeurs des poſtes du lieu
de fon départ , quien fera un paquet ſéparé ,
timbré , Service du Capitaine. Ledit Capitaine de
vaiſſeau marchand jouira également d'une remiſe
, de la part de l'administration des poſtes ,
de 15 fols par livre du poids des paquets de lettres
qui lui feront confiés par les directeurs de ladite
adminiftration. L'article VI porte que dans
le cas où un Capitaine de vaiſſeaux marchands
ſe chargeroit , perſonnellement , du tranſport
de quelques lettres , le Roi ordonne qu'il fera
puni , pour la premiere contravention , par une
iuſpenſion de deux ans , de ſes fonctions de Capitaine;
& , qu'en cas de récidive , il ſera déclaré
incapable de commander. Par l'article VII
il eſt dit que lesGazettes& Papiers publics pourront
être envoyés concurremment avec les lettres
, & qu'ils ne paieront qu'un port double de
celui qu'ils paient par abonnement , pour circuler
dans l'intérieur du Royaume , à la charge
d'être mis & envoyés ſous bande. Les autres articles
concernent les précautions ordonnées pour
la remiſe , avec fûreté, des lettres & paquets à
leur deſtination.
Réglement pour l'Académie royale de
Muſique , du 13 Janvier. Par l'Art. II. de
ce Reglement , >> il eſt défendu au Direc-
>> teur & au Comité de ladite Académie ,
>> d'agréer & d'accepter à l'avenir comme
>> Opéra nouveau , aucun Poème lyrique
>>>qui puiſſe étre réclamé en tout ou en par-
>> tie par un autre Théâtre , foit pour le
>>>fond de l'intrigue , foit pour des ſcenes
>>>entieres ou pour des imitations ſerviles
>> de Pieces déjà connues & jouées .
Le
( 121 )
Le 1. de ce mois , l'Académie Françoiſe
a élu, de l'agrément du Roi , M. de Rulhiere ,
àla place vacante par la mort de l'Abbé de
Boifmont.
Suivant un état dreſſé par le Commiſſaire
Joron , ſur la population de la ville & fauxbourgs
de Paris , il ya eu en 1786 , dans
cette Capitale 19847 baptêmes , 5322 mariages,
5824 Enfans Trouvés, 98 Profefſions
Religieuſes , & 18665 morts.
L'Aſſemblée provinciale du Berry , tenue en
1786 , s'eſt particulierement occupée de lanavigation
intérieure de cette province ; elle a arrêté
, ſous lebon plaiſir du Roi , l'ouverture d'un
canal de Bourges à Vierzon & à la Baſſe- Loire ,
& de cette Ville à la Loire , avec le Bec-d'Allier
, au point qui ſera reconnu le plus propre
à être ou à devenir le lien de pluſieurs navigations
importantes. Cette grande entrepriſe ſera
commencée , dès que les plans détaillés & nivellemens
faits , auront été vérifiés pour conſtater
, d'une maniere encore plus préciſe , la poſſi .
bilité de ces utiles travaux, qui feront communiquer
le Berry avec Paris & les trois mers. Sa
Majesté , en faiſant annoncer , par ſon Commifſaire,
à ladite Aſſemblée, que la direction , cideffus
, pour un canal en Berry , étoit celle qui
lui avoit paru mériter la préférence , a bien
voulu , en même-tems , accorder une ſomme
égale a celle que la Généralité du Berry pourra
offrir: les ſommes , provenant de la munificence
Royale & de la contribution provinciale ,
reſtant dans la province, augmenteront le numéraire
& ſa circulation . Les embranchemens de ce
grandcanal, dans les arrondiſſemensde Château-
N°. 7 , 17 Février 1787. f
( 122 )
dun-le-Roy ou Sanſcoins , & dans ceux d'Iffoudun
& Château-Roux , ainſi que les travaux
qui s'exécutent ſur le Cher, &s'étendront enfeite
aux rivieres d Indre & de Creuse , concourront
à vivifier toutes les parties de cette province
centrale , à qui les chemins , qu'elle a conf.
truits , commencent à ouvrir des débouchés
précieux.
Le Journal de Normandie annonce en ces
termes, une découverte faite dernierement
àHermival.
Le Jeudi 18 Janvier , un particulier défrichant
le pourtour d'une piece en labour , environnée ,
đun côté , vers le nord , & des deux bouts , d'une
commune fort eſcarpée ,dont le ſol eſt compofé
de marne°laiſe, trouva , à mi côte , à deux
pieds environ de profondeur , cinq têtes & un
grandnombre de débris de l'eſpece humaine , la.
plupart fort décompoſés. Ayant creusé un peu
vers la montagne , il découvrit un ſquélette entier,
ſa longueur eſt des pieds 9 pouces : les
côtes&lethorax étoient entièrement confommés.
Une longue lame d'épée , d'un pouce de
large,étoit poſee tranſverſalement ſur ſapoitrine;
mais tellement rongée par la rouilie , qu'elle ſe
rompit en pluſieurs morceaux , lorſqu'on voulut
la retirer de la foſſe. Un large fabre , de 2 bons
pouces , fur 3 lignes d'épaiſſeur , long de 16 pouces,
fansycomprendre la ſoie qui en a 6 , & terminé
en pointe , étoit perpendiculairement le
long du côté gauche , la poignée ſous l'aiſſelle ,
le bras un peu écarté. La piece de terre en queſtion
, quoique ſur la Paroiſſe d'Hermival , n'eſt
qu'à 200 pas de l'Egliſe & Cimetiere des Vaux ;
elleeſtdans une gorge étroite , & au bord d'un
ravin. Tout indique , particulièrement les armes,
( 123 )
que ces fquelettes font déposés encet endroit,
dès la plus haute antiquité ; & il eſt préſumable
que , ſi l'on continue la fouille , on en découvrira
encore pluſieurs.
L'Académie Royale des Sciences , Arts
&Belles Lettres d'Orléans a tenu une Afſemblée
publique , le 12 du mois dernier.
M. MARCANDIER , Directeur , a la une lettre
par laquelle M. l'Intendant annonçoit à la Compagnie
l'obtention de Lettres-Patentes du Roi ,
portant érection de la Société de Physique d'Orléans
en Académie Royale des Sciences , Arts &
Belles Lettres. Cette lecture a été ſuivie de celle
des Lettres- Patentes, données àFontainebleau au
mois d'Octobre 1786 , & enregiſtrées au Parlement
le 20 Décembre ſuivant.
<
M. Huet deFroberville , Sécretaire perpétuel,
a fait valoir , dans un Diſcours analogueà la circonfiance,
les heureux effets engénéral de l'étude
des Lettres,& ceux qu'on doit ſe promettre
en particulier , pour Orléans , de l'établiſſement
d'une Académie , qui les accueilloit d'une maniere
illimitée .
Le Secretaire perpétuel a lu enſuite le précis
des travaux de la Compagnie , pendant les
deux derniers ſemeſtres .
M. Prozet, Intendant du Jardin des Plantes ,
alu unMémoire ſur la formation des Montagnes
&des couches actuelles de la Terre .
Le Sécretaire perpétuel a lul'ElogedeM. M.1
rigues , Chirurgien Major de l'Hôpital Royalde
Verſailles , de l'Académie de Chirurgie de Paris,
de celle des Sciences & Belles-Lettres de
Rouen , de la Société Royale de Médecine ; &
Correſpondant de la Société de Phyſique d'Ors
léans.
f2
( 124 )
M. l'Abbé PATAUD a lu , pour M. l'Abbé
DE TALSY , la premiere partie d'un Mémoire
sur l'Education des Vers àfoie en plein air.
Le Secrétaire perpétuel a rendu compte du
Concoursdont l'objet étoit d'indiquer : Par quel
genre de culture ou d'industrie , applicable à la SologneOrléanoise
, on pourroit améliorer fon fol &
augmenter fon produit . Il a dit que l'Académie
n'avoit reçu ſur cette queſtion , qu'un ſeulMémoire
, qui porte pour Epigraphe ces Vers de
Lucain :
E
Horrida nunc dum's , multosque inarata per
annos
Hæc tellus ; defuntque manus pofcentibus arvis.
L'Académie a propoſé pour fujet du Prix
de 400 liv. qu'elle diſtribuera après la Saint-
Martin de l'année 1787 , les Queſtions ſuivantes
:
1°. A quelle cauſe doit-on attribuer le mauva's
goûtque les tonneaux font quelquefois contracter
ou vin ,&qui est généralement connuſous le
degoûtde fûte
nom
2º. Le bois ne fubit- il l'altération qui occafionre
ce goût , qu'après avoir été coupé , ou la séve
en étoit- elle affectée lorsqu'il étoit sur pied ?
3°. on reconnoître les bois A
quels fignes peutdontlesfucs
ontfouffert cette altération ?
4. Quels sont les moyens de corriger ou de faire
perdreau vin le goût désagréable que le fût lui
acommuniqué ?
Pour le Prix de 400 liv. , qui ſera décerné à
la même époque del'année 1788 , l'Académie
demande :
Quel a été l'état des Arts & du Commerce dans
l'Orléanois , depuis les premiers tems de la Monarchie
,jusqu'à Henri IV? Quelles ont été les
causesde leursprogrès , ou de leur décadence depuis
cette époque jusqu'à nos jours, &quels ſe(
125 )
ro'ent les moyensde les porter au dégré d'étendue
& de perfection dont ilssont susceptibles ?
Un ſecond prix ſera également diſtribué dans
la même année 1788 , à l'Auteur qui parviendra
à déterminer par des Expériences précises
&& directes :
1º. Si l'eau est uneſubſtance composée , ou fi elle est
une matierefimple ou é émentaire?
2°. Si celle que l'on obtient par la combustion dugaz
inflammable avec l'air vital , eft produite dans
l'aclemême de cette combustion , oufi elle n'en
est que dégagée ; c'est-à dire ,fi réellement elle
provient de la combinaiſon de l'air vital ou de ſa
baseavec l'air inflammable ; oufi cet air vical ,
touslesfluides élastiques ne font pas eux-mêmes
une modification de l'eau , opérée parsa combinaiſon
avec la matiere du feu , de la lumiere ou
dela chaleur. }
L'Académie voulant offrir aux Concurrens
un prix proportionné à l'importance de cette
Queſtion , elle ajoutera 400 liv. à pareille
fomme , provenant de celui qu'elle n'a pas décerné
cette année. Ainfi , ce ſecond prix femm
de 800 livres.
Un bruit que nous avons rapporté, ſans
legarantir aucunement , dans le Nº. s de co
Journal , art. de Paris , a donné lieu à l'explication
ſuivante qui nous eſt adreſſée ,
anonyme. Ce dernier caractere pourroit nous
faire ſoupçonner ſon exactitude ; & nous ne
répondrons jamais de ce qui n'eſt pas ſigné,
Voici la nore en queſtion.
:
>>M. de L. n'avoit pas remis à M. de P.
>>>une ſomme de 6000 liv. ; mais M. de P.
l'ayant décidé à placer 3000 liv, fur la
f3
( 126 )
>>lotteriede Mgr. le Duc d'Orléans, il pria
>>>ſon ami de lui choiſir trois numéros , &
>> lui remit en conféquence la fomme de
> 3000 liv.
>> Il eſt encore certain qu'à l'époque de
>> la mort deM. de L., ſes deux filles étoient
>>>chacune , depuis long-temps , dans un
>> Couvent , dont elles ne font point encore
>>>forties , & que c'eſtà l'intérêt & aux vives
>> follicitations de M. leComte de B. à qui
>>Madame de L. doit la p'ace qu'elle a ob-
>>> tenue à Saint-Cyr , pour fa fille cadette.
Le ſieur Léorier de l'Iſle , qui depuis nombre
d'années s'occupe avec ſuccèsde l'art de la papeserie,
eft parvenu à ſoumettre à la fabrication
du papier les plantes , les écorces & tous les vé.
gétaux quelconques. Ces nouveaux papiers font
très-propres auxdeſſins & aux tentures , par la
nouveauté& la foliditéde leur couleur naturelle
&inaltérable ; ils ont en outre le mérite impor
tant de pouvoir diminuer de beaucoup le prix
&la conſommation de la matiere premiere des
papiers de chiffons , devenue auffichere que rare
depuis que legoût des ameublemens en papiersa
étépreſqueuniverſellement adopté.
Tel eſt le jugement avantageux que vient
d'en porter l'Académie Royale des Sciences ,
dans le rapport qui lui en a été fait le 27 Janvier
1787, par les Commiſſaires qu'elle avoit
nommés à cet effer.
On y lit :
« Il n'est pas probable qu'on parvienne à ſubſtituer
les papiers de M. de l'Ifle aux papiers
blancs de chiffon pour l'impreſſion & pour
>>l'écriture : cependant celui de guimauve &
L
( 127 )
2
quelques autres pourroient être mis enulage
>> ainſi qu'on a pu en juger par un volume im-
>> primé ſur ces papiers , qui a été mis ſous les
>>>yeux de l'Académie ; mais c'eſt ſur-tout pour
les ameublemens dont la fabrication conſom.
>>>me une grande quantité de chiffons , que les
>> papiers de M. de l'Iſle pourroient être d'une
=>>> grande utilité ; ils ont une teinte naturelle
beaucoup plus ſolide que les couleurs qu'on
>>>pourroit employer pour ſervir de fonds aux
>> deffins qu'on y appliqueroit.
<<Nous penſons que M. de l'ile doit être en-
>> couragé à pourſuivre ſes expériences dont on
>>a lieu d'attendre une utilité réelle ; que l'on
>>doit eſpérer de fon zele, de ſon activité &
>>de ſon intelligence , qu'il contribuera de plus
➤ en plus aux progrès de l'art de la papeterie
>>>dont il s'occupe ,& que les eſſais dont il a fair
>>part à l'Académie , méritent ſes éloges.
Fait au Louvre , le 27 Janvier 1787. Signts,
Lavoiſier , Sage & Bertholet.
- > Je certifie le préſent extrait conforme à ſon
>>original & au jugement de l'Académie, APa-
« ris, ce 31 Janvier 1787.
Signé, le Marquis de Condorcet.
Le 26 Décembre dernier , M. le Baron de
Breteuil , accompagné de M. de Croſne & du
-Bureau d'Adminiſtration , ſe rendit aux Tuileries
pour la diſtribution annuelle des Maîtriſes&
grands Prix. M. Bachelier , Directeur , ouvrit
la ſéance par undiſcours.
On procéda enſuite à la diftribution des Maitrifes
& grands Prix , favoir , la Maîtriſe d'Orfevre
au fieur Courtin , & celle de Graveur,
Cizeleur , Doreur , au ſieur Deſcarrieres ; &
f4
( 123 )
les grands Prix aux fieurs George, B'ondi ;
Masie, Toffet & Montalent.
Ils furent embraſſés par le Miniſtre au bruit
des fanfares & des acclamations du Public.
Douze grands Acceffits & quatre-vingt- ſeize
Prix furent auſſi délivrés dans la même ſéance.
D'après la promeſſe de l'Adminiſtration, il a été
délivré dans la même Aſſemblée quatre Prix de
perſévérance aux Eleves les plus méritans , qui
avoient déja remporté les grands Prix les années
précédentes.
Une lettre de Mercq Saint Liévin porte ,
que, le 23 du mois de Décembre dernier ,
il a éclaté , dans ce village, un incendie pendant
que tous les habitans étoient à l'Eglife;
quatre maiſons ont été réduites en cendres
avec la récolte , les uſtentiles de labourage ,
les meubles , hardes & offets. Quatre peres
de famille , dont un eſt chargé de trois enfans
, un autre de ſix , font réduits, par ce
malheur , à la derniere miſere; le Curé &
quelques particuliers les ont retirés. Les perfonnes
charitables , qui voudront venir à
leur ſecours , font priées d'adreſſer les bienfaits
qu'ils leur deſtineront au Curé du lieu ,
⚫u auComte de Thomaſſin , à Saint-Omer..
La précieuſe utilité de la poudre anti- hémorragique
du Geur Jacques Faynard , & dont il eſt
l'inventeur , eſt aujourd'hui univerſellement reconnue.
Les ſuccès multipliés de cette poudre, tant en
'Angleterre qu'en France ſa patrie , lui ont fait
mériter de S. M. bienfaiſante un privilege exslufifde
30 années .
Cettepoudre eſt ſupérieure à tout cequia paru
( 129 )
juſqu'àpréſentdans ce genre ; ellea la vertu d'arrêter
toutes hémorrhagies , tant internes qu'externes
, vomiſſemens &crachemens deſang ; elle
arrête&guérit les pertes des femmes , les ſaignemens
denez , &c. &c. &c.
Dans les amputations , il ne faut pas de ligatures,
& fur toutes coupures quelconques , la
ulaie ſeguérit ſans autre app'ication que ladite
poudre ; elle ne cauſe aucune inflammation ni
irritation.
Le dépôt de ladite poudre eſt à Paris , chez M.
Belotte , Receveur de la Loterie Royale de France
, rue de la Savonnerie , en entrant par celle S.
Denis.
Elle ſe vend auffi chez le ſieur Fainard ,
qui en eſt l'Auteur , rue Beaubourg , no . 75 .
A Verſailles , chez M. Lavallée , à la Brafferie,
avenue dr Paris .
১
Et à Amiens , chez M. Dufetel , rue au
Lin.
Les perſonnes qui lui feront l'honneur de
lui écrire , font priées d'affranchir leurs lettres .
Ily a des boîtes de deux prix , de 12 livres &
de 24 livres .
Le ſieur Faynard deſireroit avoir un Bailleur
de fonds qui voulût s'aſſocier avec lui , &
qui füt en état d'établir la Correſpondance
des dépôts de ſa poudre anti-hémorrhagique ,
dans tout le Royaume & chez l'étranger. Ils
entreront réciproquement par moitié , profit
& perre.
Le ſieur Faynard donnera toure sûreté pour
les fonds que ledit aſſocié avancera , chez M.
Clos Dufreſnoy , Notaire , rue Vivienne , a
Paris.
(
f
( 130 )
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 11 Février.
Pendant l'année derniere , le Port d'Of
tende a reçu 1150 bâtimens , & il en eft
parti 1046.
M. l'Abbé de Fontenai vient de publier
dans le Journal Général de France , un paffage
du Voyage Allemand de M. Nicolai
de Berlin, en Allemagne & en Suifle , qui
nous apprend le fort étrange desAutomates
du célébre Vaucanſon .
le
Où croyez-vous , Monfieur , dit M. Nicolaï ,
qu'il faille chercher le Flütear automate ,
Canard artificiel & le Provençal de feu M. Vaucanſon
? à Nuremberg , dans le comptoir de la
maiſon Pflüger , & dans des caifles qui n'ont
point étéouvertes depuis long-tems. La deſtinée
deces trois chefs-d'oeuvre est trop finguliere pour
queje ne cherche pas à ſatisfaire votre curiofité
&celle de vos Lecteurs .
Vaucanfon fit voir ces Automates à Paris , vers
Pâques , en 1738. Après avoir été adinirés dans le
reſte de la France & en Angleterre , je ne fais
par quel haſard ils tomberent entre les mains
d'un certain Dumoulin , Orfevre de profeſtion ,
mais. Méchanicien par goût. Il paffa avec ces
figures en Allemagne , où il les montra pour de
l'argent. En 1752 ou 1753 il étoit à Nuremberg.
Il cherchoit às'en défaire , & les offrit en 1754 au
Margravede Bareith; mais le marché ne fut pas
conclu. Dumoulin qui s'étoit endetté, alla en
1755 à Pétersbourg ,comptant pouvoiry vendre
( 131 )
S
e
avantageuſement ſes automates, qu'il avoit laiſſlés
en attendant , bien empaquetés , à Nuremberg
pourſervir de caution à ſes créanciers. Il ne les
vendit point , & fut nommé Maître des Machines
à Moſcou , où il eſt mort en 1765. Depuis c
tems les figures ſont reſtées chez le Banquie
dans l'état où il les avoit laiſſées : on n'en a fair
aucun usage , & on les livrera au premier qut
rembourſera ace comptoir 3000 florins , fommei
à laquelle ſe montent les avances faites pour Dumoulin.
Le Roi de Pruſſe a envoié des lettres de
rappel au Comte de Goërtz , qui ſe trouvoit
à. Nimegue auprès du Stadhouder , & en
même temps S. M. a écrit en ces termes à
L. H. P.
>> Comme j'ai envoié à V. H. P. , il y a
>>quelque temps , mon Miniſtre d'Etat ef-
>> festif, le Comte de Goërtz , pour les af-
> ſurer de mon amitié ſincere & de ma
55conſidération envers la République des
>>>Provinces Unies , & afin de contribuer en
>>tout ce qui dépend de moi , pour le réta-
>>bliſſement du repos intérieur dans leur
>> pays , V. H. P. auront vraiſemblablement
>>été convaincues par-làde mes ſentimens.
>>Mais le but principal de la miffon du
› Comte de Goertz n'ayant malheureuſe-
>> ment & à men très - grand regret , pu être
>> atteint , je ne ſcaurois me diſpenſer plus
>> long- temps de rappeller ce Miniſtre. Jo
>>>l'ai chargé d'aſſurer V. H.P. de nouveau,
>> que je ne defire rien plus vivement que le
repos & la proſpérité de leur République
:
f6
( 132 )
>&que je ſuis avec conſidération&amitié,
>> de V. H. P. , le bon Ami & Voifin .
FREDERIC GUILLAUME.
plus bas , Finkenstein. Hertzberg.
Berlin, le 22 Janvier 1787.
Voici une traduction des lettres de recréances
, dont les Etats-Généraux ont muni
M. le Comte de Goërtz , pour le Roi fon
maître.
SIRE :
>> Lorſque nous eûmes l'honneur de recevoir
la lettre de V. M. , en date du 2 Septembre dernier
, par laquelle elle accrédita auprès de nous
fon Miniſtre d'Etat effectif , le Comte de Goertz ,
pour nous donner des affurances de ſon amitié
fincere & ſon eſtime envers notre République , &
afin de contribuer en tout ce qui dépendroit de
V. M. au rétabliſſement de ſa tranquillité intérieure
, nous ne pouvions qu'être infintment ſenfibles
à ces marques de l'affection particuliere que
V. M. porte ànotre Etat , & nous lui en témoignons
encore aujourd'hui nos finceres remerci
mens.
>> Nous euffions ſouhaité de conſerver plus
Long-temps un Miniſtre , qui a montré rant de
ſageſſe , de prudence , de vigilance & de zèle
dans toute ſa conduite , mais puiſqu'il a plu à
V. M. de le rappeller d'ici , nous ne faurions le
laiſſer partir , fans lui accorder le témoignage
qu'il s'eſt appliqué à tous égards , & avec tout
l'empreſſement poſſible ,à exécuter ponctuellement
les ordres de V. M. - Nous ne doutons
peint non plus qu'à fon retour il ne rapporte à
:
( 1337
V.M. qu'il a rencontré ici par-tout les meilleures
diſpoſitions à contribuer à tout ce qui peut ſervir,
foit à mettre au jour notre vénération & notre
reſpect pour V. M. , foit à maintenir & à renforcer
la bonne amitié & la correſpondance entre
V. M. & notre Etat ; diſpoſitions dont nous
tâcherons de lui donner des preuves réelles dans
toutes les occafions , &c.
A la Haye , le 2 Février 1787.
La vil'e de Haarlem propoſa , le 30 de
janvier , à l'aſſemblée des Etats de Hollande,
d'examiner les bornes du pouvoir exceffif,
celles des charges de Stadhouder , de Capi
taine-Général & d'Amiral- Général , afin de
mettre touts ces objets ſur un pied fixe&
permanent. Cette propoſition , comme on
voit, n'eſt qu'une extenfion de celle d'Amſterdam
, faite au mois d'octobre.
Le Conſeil d'Etat a écrit 2 lettres à Le
H. P. La premiere , en date du 21 Décembre
1786 , & qui accompagne la pétition
annuelle ordinaire , porte entre autres ,
« Le Conſeil d'Etat repréfente que ces avances
continuelles ont tellement épuisé la caiſſe de la
Généralité , qu'elle eſt dans la pénurie la plus déplorable
, choſe d'autant plus extraordinaire ,
qu'elle étoit , il y a quelques années , abondam
ment pourvue , & qu'elle l'avoit été conſtamment
pendant une longue ſérie d'années. Toutes
ces dépenſes ont été faites , pour la levée des
troupes , la réparation des fortifications & les frais
des choſes néceſſaires à l'armée. Mais elles n'ont
pasfuffi,sonacontracté des dettes ;les créanciers
fe trouvent même dans l'embarras , parce qu'on
:
1
(134 )
ne les rembourſe pas ; le crédit public en fouffre;
& il eſt à craindre qu'en cas de néceſſité , l'Etat
embarraſſé lui-même , ne puiſſe parer aux événemens
, faute de pouvoir faire les emprunts néceffaires.
Le Conſeil d'Etat a fait un contrat avec la
Fonderie ,pour pourvoir les fortifications des canons
qui leur manquent ; mais faute d'avoir les
ſommes que doivent coûter ces pieces , il ſera
obligé d'annuler le contrat , quoique les ſommes
aient déja été promiſes par la Généralité en
1785. Cette négligence des Confédérés lui
a ôté les moyens de faire réparer les fortifications,
les cafernes , les hôpitaux & les magaſins. Il eſt
vrai qu'on a rétabli ceux dont la réparation étoit
indiſpenſable , mais on a été obligé de laiſſeries
autres dans le dépériſſement. Il ne parle point des
troubles qui déchirent la République , & lui font
perdre la conſidération de ſes voiſins. Il gardera
également le filence ſur les actes illégaux , com.
mis ily aquelques mois ,à l'égard des troupes &
des magafins de le Généralité , dans l'eſpoir que
les Confédérés vont s'occuper ſérieuſementdes
moyens de rétablir le calme , &de mettre le pass
en état dedéfenſe. Sur quoi , &c. Gazette d'Utrecht
no . II .
On écrit de Delft que le détachementdu
Corps -Franc, à ton retour d'Utrecht, eſt en.
tré dans la ville , tambour battant, &c. malgré
les repréſentarions de fon Commandant,
qui n'étoit pas de cet avis , & qui avoit même
prévenu le Magiſtrat que ſa troupe feroit
fon entrée , ſans cet appareil militaire. C'eſt
le Lieutenant qui a engagé le détachement
à transgreffer les ordres prudens de fon
(135 )
Chef. Auſſi , quelques jours après ſon arri
vée , il a été emprifonné , par commandement
exprès du Schout , quoique cet Offi
cierpub ic ſoit lui-même membre honoraire
du Corps Franc. Trois ou quatre autres
Chefs qui avoient ordonné aux autres tambours
de frapper la marche , ont été décrétés
au criminel , & ont pris la fuite. Cepen
dant le Corps Franc de la Haye , inſtruit
de cette aventure , a écrit ſur le champ à
celui de Delft , qu'en conféquence de l'alliance
conclue , il y a quelque tems , entre
les Corps Francs , il pouvoit compter fur
ſes difpofitions conſtantes à le foutenir &
le défendre en toute occafion ,& contre qui
que ce fût. Idem.
Mr. le Grand-Penfionnaire de la Pro
vince de Hollande a rapporté à l'aſſemblée
des Etats Provinciaux , que Mr. Fagel ,
Greffier de L. H. Puiſſance , avoit remis aux
EtatsGénéraux une Lettre de Son Alteſſe
Mgr. le Prince d'Orange , accompagnée de
quelques pièces , contenant la ſuite des Propoſitions
du Conite de Goertz. relatives à
unAccommodement avec les Etats de Hollande:
Ces piéces feront imprimées & publiées
dans peu de jours. Comme la majo
rité des Membres repréſentans de la Souveraineté
, dans trois Provinces , paroît
avoir adopté les principes du Stadi: ouder ,
fans doute que par cette Lettre , S. A. a
voulu afſurer folemnellement ſes Partifans ,
1136 )
de la ferme réſolution où elle eſt de rendre
inutiles les bons offices qu'ils peuvent lui
rendre dans l'Aſſemblée générale de la Conféderation
& ailleurs. (Gazette d'Amsterdam
nº II . )
Un nombre de Membres & Miniſtres de
la Régence & de la Justice en Zélande ,
viennentde ſigner un acte de confédération
ſur les principes ſuivans.
Nous témoignons ,de la maniere la plus folem
nelle , de n'avoir d'autre vue que de maintenir la
vraie conſtitution Républicaine , ſuivant la conf
titution& les priviléges des Provinces reſpectives,
Villes &Membres de cette République , de la
maniere qu'ils ont été liés par l'Union d'Utrecht,
avec les charges de Stadhouder , Capitaine &
Amiral Général , héréditairement dans la Maiſon
d'Orange , avec toutes les prérogatives & droits
qui ont été attachés à ces charges d'une maniese
légale & permanente.
Nous promettons d'aider à maintenir la Souveraineté
, liberté & indépendance de l'Etat en général
& de la Province de Zélande en particulier,
fans fouffrir aucune ſupériorité , ſous quelle dénomination
que ce pourroit être ; & nous déclarons
que nous avons, dans la direction des affaires
de cette Province , une averfion d'une autorité
Monarchique , ou d'un moindre nombre de perſonnes
, conduites par des maximes ariflocratiques
&arbitraires. Nous jugeons auſſi une Démocratie,
ſans la repréſentation de Régens élus légalement ,
ruineuſe pour l'Etat , & nous promettons de nous
tenir ſaintement à la conſtitution actuelle , que
nous reconnoiffons pour la meilleure pour le Pays
&pour lesCitoyens , la plus propre à défendre un
( 137 )
Etat libre de tous les efforts de la tyrannie ; &
qui nonobſtant a laiſſé afſſez de pouvoir aux Régences
, & a été ſi ſagement tempérée par les
Loix , que la Liberté civile y eſt & doit reſter
intacte.
Nous témoignons de même ſolemnellement de
maintenir & de défendre la vraie Religion Chré
tienne Réformée , comme elle eſt prêchée dans
les Temples publics de ces pays , avec tout le
zèle poſſible ; & de ne jamais ſouffrir que quelqu'un
ſoit attaqué en ſa confcience, mais que
chacun jouira de la liberté de penſer & de l'exercice
de ſes idées religieuſes , qui ont étéaccor
dées par les Loix du Pays .
Nous maintiendrons , autant qu'il ſera en notre
pouvoir , la Juſtice & ſes droits , ſans jamais
ſouffrir qu'il y ſoit porté le moindre obſtacle , ou
foumis à la déciſion ou jugement de perſonnes ou
de Juges délégués , qu'un chacun n'eſt pas obli
gé,ſuivant ſes priviléges , de reconnoître pour
fes Juges compétens & ordinatres .
Nous ſentons que la marque la plus sûre de la
liberté de ce Pays , conſiſte en ce que les Régens
&Employés de cet Etat , ſans diſtinction de rang
ou de pouvoir , ſoient foumis comme le moindre
Citoyen aux mêmes Loix ; qu'en conféquence ,
un Citoyen , quel qu'il ſoit , ou un Corps de Citoyens
, doit avoir la liberté de réclamer leurs
priviléges , ſans ypouvoir être empêchés , de les
citer & de les défendre ; quoique nous reſtrei-,
gnions entout cas &pour toujours, le pouvoir de
ſe faire justice ſoi- même , auſſi long-temps qu'en
ont été éprouvés tous les moyens que donnent
lajuſtice ordinaire , & la conſtitution de chaque
Province , ou de l'Etat en général , pour applanir
ces différends.
Nous déclarons encore avoir un vrai reſpe
(138 )
pour tous les fulles droits du Pemple &pour leufs
Provleges, fans quel drtrict on ville qu'ils doive &
étre os ferves ; k nous ticheras increment ce
les rétablir & de les fortifier d'une maniere comsisationnelle
; & nous préterons lamain , avec la
méme facerise , au rereffement d'abus rée's ,
qui pourroient s'etre gilles dans l'admi-nißration
des affaires publiques , contre les Loix& le bon
ordre.
Nous prometions,fur le ferment fait auPays,
dedéfenare fermement les fondemens ci-deffus,
&denous aliter Pen &Pautre , tant qu'il fera
poffible, dan- leur maintien; de nous oppoferde
tout notre pouvoir aux attentats fecrets ou publics
qu'on voudroit y faire ; de réunir nos efforispour
laconſervation de la constitution légale&
la liberté civile avec ceux de tous les Régens
des autresProvinces de cette République ,
qui travaillent avec nous ſur les mêmes principes,
dans le ſens clair & l'intention , comme il eſt dit
ci-deffus , &de nous conduire à cette fin , entre
nous&avec tous ceuxqui voudront ſe réunir à
nous, avec cette confiance , concorde & cordialité
qui est néceſſaire pour l'avancement dela
proſpéritédu Pays , & pour la défenſe de nos perſonnes,
contre la haine , l'envie& lacalomnie
des perſonnes mal intentionnées.
En foi de quoi , nous nous engageons aux préſentes,
comme gens d'honneur , par notre fignature.
(Gazette de la Haye , nº. 16. )
:
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
:
Nous apprenons deMarſeille que depuis quel
que tems il eſt entré dans ceport au-delà de qua
( 139 )
tre-vingtsbâtimens de commerce , qui ont apporté
des marchandiſes pour près de vingt-trois
millions. Les trois Frégates arrivées de Breſt à
Toulon , après la canipagne d'évolution , ſont
reparties pour leur deſtination dans le Levant.
On apprend de nos ports que les Chirurgiens de
la Marine ſont d'autant plus fatisfaits des nouvelles
Ordonnances qui les concernent , que des
gens mal intentionnés leur avoient fait craindre
une réforme totale. On a accordé les retraites les
plus avantageuſes à ceuxqui les demandoient , ou
àceuxque leur âge diſpenſoit de ſervir plus longteins
, les autres ont été promus àdifférens grades
avec des appointemens fixes , & même des augmentations.
Les Ecoles de la Marine ayant été
établies à Vannes en Bretagne & à Alaisen Languedoc,
les Eleves du DépartementdeToulon ſe
font rendus àAlais , pour y ſuivre le cours d'études
fixé par le Roi , ou pour y fubir un examen
au premier Mars prochain. Un des Profefſeurs
de Mathématiques de Toulon a reçu ordre
auffi de ſe rendre à Alais. Ainſi l'on n'épargne
zien pour former une pépiniere d'excellensOfficiers
de Marine. LeGouvernement eſt perfuadé
que , pour exercer utilement les fonctions de
cet art important , il faut une théorie qui ne
s'acquiert que par l'étude , &une expériencequi
ne s'obtient qu'en ſe livrant de bonne heure à
toutes lesbranches de connoiſſances qui forment
sette utileprofeſſion ( Gazette de Leyde , nº. 9 ).
M. de Kreuzer , Préſident de la Chambre &
Conſeiller privé du Duc de Deux Ponts , a été
arrêté par ordredeſon Souverain, mais il a trouvé
moyen d'échapper. Il s'étoit , à ce qu'on prétend
, rendu coupable de pluſieurs malverſations.
Gazette d'Utrecht , no 11 .
( 140 )
Il vient djarriver à Vienne un Courier deConftantinople.
Rien ne tranſpire du contenu de ſes
dépêches ; en attendant , le bruit court , d'après
des lettres particulieres adreſſées à plufieuis de
nos Marchands Grecs , qu'à l'inſtigation de la
Porte , les Tartares du Cuban & d'Oczakow
voulant empêcher ou troubler , s'il leur étoit puffible
, le courounement de l'Impératrice de Rufſie
en Tauride , ont fait, au moment , où l'on s'y
attendoit le moins , une invaſion en Crimée , où ,
après avoir mis à feu &àſang tout ce qui ſe trouvoit
ſur leur chemin , ils ont ſurpris la ville de
Cherſon , & paſſé au fil de l'épée une partie des
habitans ; le reſte , ajoute-t-on , s'eſt sauvé par la
fuite. S'il en faut croire d'autres lettres ,
l'ancien Kan de Crimée , que l'on croyoit avoir
renoncé à la protection de la Ruſſie , ſe trouve àla
tête d'uncorps nombreux de troupes tartares , &
afaitune invaſion en Beſſarabie , dont il reclame
la propriété que la Porte a ufurpée ſur ſes ancée
tres , & qu'il revendique en ce moment commfon
appanage. Quoiqu'il en ſoit de ces divers
bruits , que peſonne ne garantit encore , & qui
peut- être ne méritent aucune créance , on eſt
dans la perfuafion qu'il s'eſt paſſé quelque chose
d'important dans ces contrés. Gazette de laHaie.
ne 11 .
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ).
PARLEMENT DE PARIS. GRAND CHAMBRE
Cause entre le ſieur G... -Et la demoiselle
D... -Demande en séparation de corps
:
( 141 )
:
de biens , formée incidemmentſur l'appel inter
jetté par unefemme , d'une Sentence de réclufion,
obtenue contre elle par fon mari.
L'Arrêt rapporté dans cette cauſe eſt remar
quable à plufieurs titres : Il juge, 10. qu'une
Sentence qui autoriſe un mari à faire renfermerſa
femme pour cauſe d'inſociabilité de caracere
, rendue fans entendre la justification de
la femme , eſt nulle ; 20. qu'un mari qui a ob
tenu une pareille Sentence , & la garde ſans
la mettre à exécution , qui vit avec ſa femme
pendant un mois après l'avoir obtenue , eſt
cenſeavoir renoncé à en faire uſage , avoir pardonné
à ſa femme , & qu'il doit former une
nouvelle demande , & faire rendre un nouveau
Jugement qui ordonne la récluſion ; qu'un mari
défendeur à une demande en ſéparation de corps
&de biens formée contre lui par ſa femme , incidemment
ſur l'appel par elle interjetté de la Sentencede
récluſion, &non- recevable, lorſque com.
battant les moyens de ſéparation propoſée par
ſa femme , & s'oppoſant au ſuccès de ſa demande
, il follicite la confirmation de la Sentence
, & déclare que l'humeur &le caractere
intraitable de ſa femme lui rendent impoſſible
la demeuré commune avec elle. Une pareille
déclaration étant contradictoire avec ſa défenſe
à la demande en ſéparation , les Juges ont pris
le parti de ſéparer les époux qui convenoient
de concert devant eux de l'inſpoſſibilité de vivre
réunis . Tel eſt l'apperçu de cette cauſe; rendons
compte des principaux faits. Le ſieur
G... a épousé en 177; la demoiselle D....
fille de parens honnêtes. Si l'on ajoutoit foi
à fon récit , il faudroit croire qu'un caractere
( 142 )
difficile, colere & emporté , Ini avoir attiré
l'inimitié de ſes parens & de tous ceux qui la
connoiffoient. -Ces mêmes defauts , continue
le ſieur G... n'ont fait que s'accroître
après ſon mariage; cependant il auroit , dit- il ,
fouffert dans le filence les effers de ce ſingus
Jier caractere , s'il en eût été ſeul la victime;
mais les pere & mere du ſieurG... , ſesCommis
& tous ceux qui compoſoient ſa maiſon ,
étoient également expoſés aux fureurs , aux emportemens
de cette femme , que la préſence de
témoins étranger ne pouvoit contenir. Les ſcenes
ſcandaleuſes étoient fi fréquentes , que le ſieur
G... fut même menacéparſes ſupérieurs d'être
deſtitué de ſon emploi , s'il ne parvenoit pas
à contenir ſa femme & à rétablir la paix &
le calme dans ſa maiſon. Après avoir mis en
uſage tous les moyens poſſibles fans aucuns fuccès,
le ſieurG... prit le parti de préſenter fa
requêre au Bailli Ducal de R ... , dans laquelle
il a expoté tous les griefs contre la femme , &
a demandé à être autorisé à affembler ſes parens
pout délibérer s'ils ſeroient d'avis de faire
interdire la dame G... & de la placer dans
un Couvent , aux offres de payer la penfion
& de fournir à ſon entretien. Les parens
aſſemblés , en vertu de l'ordonnance du Juge ,
la mere de la dameG... , un de ſes freres ,
penſoient qu'il n'y avoit lieu à l'interdiction ;
mais d'autres parens déclarerent qu'ils avoient
conno flance des torts de cette femme envers
fon mari ; ſa mere elle-même adéclaré que ſa
fille éroitd'un caractere difficile , & par cette
raiſon on fut d'avis d'autoriser le fieur G ...
à placer ſa femmedans un Couvent , pour éprouver
fi cette eſpece de correction ne la rame,
(143 )
neroit pas à une conduire plus modérée & ne
mettroit pas ſon mari dans le cas de la reprendre.
Une Sentence du 18 Juillet 1778 ,
a homologué l'avis des parens , & autoriſé le
fieurG... à faire enfermer ſa femme dans un
Couvent , & à l'y tenir juſqu'à ce qu'il y ait
lieu de croire qu'en la reprenant chez lui ,
elle ſe comporteroit en femme raiſonnable ; à
la charge , ſuivant ſes offres , de pourvoir à ſa
penfion & à ſon entretien. Cette Sentence n'a
été miſe à exécution que le 14 Août ſuivant.
Ladame G... a été conduite au Couvent des
Urfulines à B ... , d'où elle s'eſt évadée le
10 Février ſuivant , & s'eſt retirée chez un
de ſes parens. Ayant appris quelque tems apres
que ſon mari avoit un ordre pour la faire arrêter
, elle est venue à Paris , & a interjetté
appel de la Sentence du 18 Juillet 1778.-Un
Arrêt da 24 Juillet 1780 a reçu ſon appel , a
fait défenſe d'exécuter la Sentence , &c. -Les
moyens de la dame G ... étoient l'irrégularité
& l'injustice de certe Sentence qui l'avoit condamnée
ſur la ſimple demande de fon mari &
ſans entendre ſes moyens de juſtification. Elle
a joint à fon appel une demande incidente en
féparation de corps &de biens ; elle en a fondé
les motifs fur pluſieurs faits principaux , comme
mauvais traitemens , perfidie dans l'exécution
de la Sentence , mépris , calomnie , &c.
lon la dameG... , les mauvaistraitemens qu'elle
a eſſuyés de ſon mari pendant le tems qu'elle a
vécu avec lui , ont eu pour cauſe les fréquentes
repréſentations qu'elle lui faiſoit ſur le danger
de différens crédits qu'il faiſoit , ce qui altéroit
peu à-peu ſa fortune , mettoit en péril ſa dot
&pouvoit lui faire perdre ſon état. Tels étoient ,
Se
(144)
Tuivant la dame G... , les funeſtes cauſes de
ces diviſions domeſtiques , dont ſon mari vouloit
pallier les vrais motifs. -La dame G...
mettoit encore en fait que fon mari la faiſeit
paſſer pour méchante &pour folle dans leCouvent
, &propoſoit à la Supérieure un forfait pour
lagarder toute la vie , & la faire enterrer après
ſondécès comme une Religieuse. Elle prétendoit
établir la perfidie qu'elle reprochoit à
ſon mari , ſur ce qu'il avoit gardé dans ſa poche
pendant un mois la Sentence de récluſion obtenue
contre elle ; & que le 13 Août , lorſqu'il
avoit voulu la faire mettre à exécution , il lui
avoit fait toutes les démonſtrations poffiblesd'amitié
, & lui avoit prodigué les plus tendres
careſſes; enfin , que lorſque ſon mari apprit
qu'elle projettoit de ſe pourvoir par appel contre
la Sentence de réclufion , il follicita & obtint
un ordre contre elle , & la prévint par une
lettre , que ſon ſilence fur cette Sentence ,
ou ſes mouvemens pour la faire anéantir , dé
termineroit l'uſage qu'il feroit de l'ordre dont
il étoit nanti. Tels étoient les principaux faits
que la dame G ... articuloit , & dont elle demandoit
à faire preuve. -Le mari de fon
côté demandoit la confirmation de la Sentence ,
&que ſa femme fût déclarée non- recevable
& mal fondée dans ſa demande en ſéparation.
-L'Arrêt du 3 Mai 1786 a déchargé la dame
G... des condamnations contre elle prononcées;
faiſant droit ſur la demande en ſéparation
de corps & de biens , a ordonné qu'elle
demeureroit ſéparée ; a condamné fon mari à
lui rendre& reſtituer ſa dot, ſes hardes , linges
&autres effets à ſon uſage , & aux dépens.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 24 FÉVRIER 1787 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITAPHE
De M. le Comte DE VERGENNES ,
Miniftre & Secrétaire d'État au Dépar
tement des Affaires Étrangères.
CII --GGIITT le Confident des Rois .
Ce fage Politique à qui l'Europe entière
Sembloit avoir remis ſes droits ,
Étqui fut fans orgueil parcourir ſa carrière,
Au ſein de la proſpérité
La Vertu releva ſa gloire;
Et VergenneB& la Vérité
Ne feront qu'un nom dans l'Hiſtoire.
(ParM. le Marquis de Caraccioli. )
No. 8 , 24 Février 1787. G
146 MERCURE
ÉPITRE à M. le Comte DE THY ARD ,
Lieutenant-Général des Armées du Roi,
& Commandant en Chef pour Sa Majesté
en Provence , fur la bonté qu'il a eue de
demander une Copie des vers que j'ai
adreffés à M. l'Abbé DE LILLE , à l'occafion
d'un chien qui l'avoit mordu.
MESE
s vers doivent s'énorgueillir
Du doux acueil que vous leur faites ,
Pour les logerdans vos tablettes ,
Quoi! vous daignez les recueillir ?
Leur allure eſt ſi peugentille,
Ces marmots ont ſi peu d'appas ,
Vraiment que je ne croyois pas
Établir fi bien ma famille .
Je ne pouvois la placer mieux;
Il ne me refle rien à faire
Pour dérouter les envieux ;
Votre porte- feuille , à mes yeux ,
De la gloire eſt le ſanctuaire.
Au ſeinde la captivité,
D'où leur imprudente jeuneſſe
Accuſoit ma ſévérité ,
Ames vers je diſois ſans ceſſe:
DEFRANCE. 147
1
• Béniſſez votre obſcurité,
* Ce Pinde , où la foule s'emproffe ,
3כ D'affreux ferpens eſt infeſté;
→ Le cri gémiſſant de la preſſe
לכ Éveille la malignité ;
>> S'il flatte votre vanité ,
>> Il épouvante ma tendreſſe. >>
Mais un air de vivacité
Dans ces reclus vous intéreſſe :
Ah ! je leur rends la liberté ;
Sur la foi d'un goût ſi vanté ,
Ils peuvent avec hardieſſe ,
Dars leur effor illimité ,
Braver les écueils du Permeſſe ,
Et le naufrage du Léihé.
Ainſi leur deſtin eſt proſpère ;
Et , grace à vos ſoins complaifans ,
Je ſuis heureux : un tendre père
L'eſt du bonheur de ſes enfans .
Mais les miens , famille volage ,
N'ont pas tous ſeuls votre faveur ,
Et vous prétendez que l'Auteur
Soit accueilli comme l'Ouvrage.
La joie alors hâtant mes pas
Vers votre brillant domicile ,
Oùles Arts tiennent leurs états ,
Sous les aufpices de Virgile ,
* M. l'Abbé de Lille.
Gij
148 MERCURE
Je me préſente à Mécénas.
Zoiles , rentrez dans la fange ,
Digne élément des coeurs jaloux;
De votre imbécille courroux
Thyard me conſole & me venge.
No , à la hauteur où je ſuis ,
Pourmoi vous n'êtes point à craindre ;
Vos traits ne peuvent plus m'atteindre;
Je n'entends pas même vos cris.
Jen'entends qu'un mortei aimable ,
Philoſophe ſans âpreté ,
Courtiſan plein de vérité ,
Et grand Seigneur toujours affable.
Les Muſes dont il eſt l'amant,
Jadis dans leur enclos charmant ,
Le promenoient à la liſière ;
La raiſon & le ſentiment
Ont ébauché fon art de plaire ;
Puis des Grâces la main légère ,
De fel attique & d'enjoûment
Affaifonna fon caractère ,
En lui la bravoure de Mars
A la douceur est réunie.
Je vois briller dans ſes regards
L'amour du bien , le goût des Arts
Et l'étincelle du génie.
vous donton chérit le nom
AVerſailles comme en Provence ,
DE FRANCE. 149
Vous , Général fur l'Hélicon ,
Ainſi que vous l'êtes en France;
Que toujours vos nombreux lauriers
Brillent d'une fraîcheur nouvelle ,
Soyez à jamais le modèle
Des beaux efprits & des Guerriers.
(Par. M. Morel , Doctrinaire , l'un des
Profeffeurs de Rhétorique au Collège
Royal-Bourbon d'Aix. )
Les deux Hermites , ou ce que c'est que lis
Conte. disputes
DEUX pieux folitaires de l'antique Égypte ,
après avoir vaqué à la prière , venoient de
quitter leur cabane paiſible. L'un & l'autre
s'étoient avancés juſques ſous les murs de la
fameuſe Arfinoë *, dans cette plaine ſemée
de thim , e ferpolet, de lavande , où les
eaux du lac Moeris , moins abondantes qu'autrefois
, embelliffent encore les campagnes ,
où règne un printemps éternel. Les derniers
rayons du ſoleil faiſoſent pâlir la roſe ,
&jourffoient dans les boſquets ſymétriques
* Les ſuperſtitieux Égyptiens nourrifſoient dans
cette ville les crocodiles facrés ; c'eſt pour cela qu'ils
la nommèrent crocodilopolis. Les Grecs qui , par la
fuite , s'en rendirent les maîtres , lui donnèrent le
nom d'Arfinoé , c'eſt aujourd hui Faïonna , capitale
de la plus siche Province de l'Égypte.
Giij
10 MERCURE
des dattiers chargés de fruits; les feuilles cor
leur d'emeraude , prenoient celle de l'or
bruni ; un vent frais relevoit doucement les
tiges abattues des fleurs , & rendoit aux
troupeaux, & à l'homme ſouverain des troupeaux
& des plantes , les forces que la chaleur
du jour avoit diſſipées. Je vous peindrai
les deux folitaires , je les ai vus.
L'hermite Cheika porte une longue barbe ;
fon oeil , grand & noir , a conſervé tout le
feu de l'ardente jeuneſſe , & fes cheveux ,
blanchis par le temps & les chagrins , plus
deftructeurs que le temps même , flortent
fur ſes épaules , fes traits ſévères en reçoivent
de la majefté. Un léger duvet ſe remarque
à peine ſur les joues fraîches de Cnépha; l'ingénuité
ſe peint dans ſes regards ; la candeur
fiége fur fon front; ſa voix a la douceur &
le charmede celle des oiſeaux , quand , réunis
ſous la feuillée, ils chantent en choeur le printemps.
Tous deux ſuivoient le bord du lac;
ils ſe rencontrent , ſe foluent ,& s'étant donné
le baifer de paix, ils continuent enſemble leur
promenade , l'oeil attaché ſur les beautés
variées d'une ſuperbe campagne , rêvants encore&
refpirant en filence le parfum falutaire
de mille plantes aromatiques.
Cheika parla le premier: « Je m'applaudis,
mon frère , de vous avoir rencontré dans cette
folitude ; la vue de la jeuneſſe réjouit mes
vieux jours. Oh ! quelle est intéreſſante , la
jeuneſſe, quandla ſageſſe l'éclaire & l'accompagne!
La ſageſſe s'eft fait entendre à votre
DE FRANCE.
coeur, & je lis ſur votre viſage que vous
êtes docile à ſes leçons." Il ſe tut ,& le front
du jeune hermite eſt couvert d'une modeſte
rougeur. Le vieillard reprit : " Venez me
trouver ſous ma cabane , lorſque l'aſtre du
jour , prêt à nous quitter , ſera rendu au
monde ; je veux vous donner un déjeûner de
dattes fraîches , de melons fondans , de fruits
délicieux que j'ai cueillis moi- méme. Vous
verrez mon verger entouré d'un double rang
d'arbuſtes épineux ; aucune autre main que
la mienne,ne taille les arbres que j'ai plantés.
La terre, fertiliſée par mes ſoins , ſe couvre
en tout temps de plantes utiles où ſalutaires.
Je ne cultive point de fleurs , c'eſt le frivole
amuſement des femmes & de ceux qui cherchent
encore à les charmer. J'ai ... oublié
les femmes , ce qui leur plaît , ce qui leur
reſſemble ; les fleurs font bannies à jamais de
mon jardin. - Je les admire , je les contemple
avec plaiſir , je les aime beaucoup ,
répondit l'ingénu Cnépha ; mais je peux trouverbeau
encore le verger qui n'en offre point
à mes yeux. Dès que l'alouette diligente aura
fait entendre fon premier chant , j'irai vers
vous , & vous m'inſtruirez de ce qui ſe paſle
dans cemonde.... Jenele regrette pas, mais
je l'ai quitté long- temps avant l'âge où j'aurois
pu l'obſerver. Je fortois de l'enfance
quand je perdis mon père; je m'enfonçarplus
avant dans cette retraite, pour le pleurerfans
diſtraction ; j'y ſuivis ſes leçons ,& je le pleure
encore. Quelques larmes troublèrent la férés
Giv
112 MERCURE
*
ةل
mae de fon regard. Cheika le regardoit aver
compliance , & d'un air à l'encourager à
poarnivre, il reprit:--Je ſuis trop heufeuxd'avour
trouve un fage &de l'entendre
parler! Je voudrois connoitre les hommes;
a la dans un livre(je n'avois que celui la)
que l'ambition les devore, que la haine ies
tourmente; que, toujours envieux&jamais
fatisfaits, ils pailent lesjoursàdefirer ,&les
nuitsagémirden'avoirpas obtenu. Ce livre,
fans doute, étoit unrecueilde fables;les nuits.
&le ſommeil qu'elles apportent à l'homme,
rappellent ſes forces épuiſees par le travail ,
par la prière,&lediſpoſent à prier&àtravailler
encore. Je n'ai point cru ce que je
lifeis; les jours ſont faits pour le bonheur,
&les nuits pour le repos; j'ai brûlé ce livre
menteur. Tant de candeur & d'innocence
fit fourire Cheika qui, depuis dix ans , n'avoit
pas fouri. Il ſe preffa de reprendre :-
" J'inſtruirai votre jeuneſſe; nous nous retrouverons
ſouvent : je veux vifiter votre demeure
où doit régner la ſimplicité. Chez vous,
chez moi , dans nos promenades , nous par-
Jerons tout ànotre aiſe, d'un monde que je
vois bien que vous ne connoiſſez pas. " Le
jeune hermite rougit encore , & ce fut de
plaifir . Il lui arrivoit de rougir chaque fois
que fon âme étoit émue; Cnépha, donc , rougifloità
tout moment. O mon père ! que je
gagnerai à vous entendre ! Voyez vous , ajouta-
t- il , en preffant la main du vieillard fur
fon coeur, ces oliviers dont les branches s'enDE
FRANCE 15
1
trelacent recourbées en berceau ? J'habite,
ſous ce toit de verdure impenetrable aux
rayons du foleil. Une fource , que les feux
de la canicule n'ont jamais tarie , ferpente
autour de ma demeure ; elle y entretient une
éternelle fraîcheur. Venez vous repofer fur
lanatre quej'ai tiſſue , venez y tout- à-l'heure.
Vous parlerez , & j'écouterai en filence. En
diſant ces mots , il preſente fa main au vénérable
hermite ; ils marchent enſemble vers
la cabane : une allée de figuiers & de bananiers
en fleur les y conduit.- "Mon père !
pourſuit le jeunehomme , tout joyeux & jalouxde
s'inſtruire, que peuvent faire , dans les
vaſtes murs d'Arſmoë, les hommes de toutâge,
les femmes qui ſont compagnes de l'homme ,
&que les folitaires , dont je ſuis les maximes,
ne fe permettent pas de regarder ?
" Mon fils , répondit le vieillard , en reprenant
fon air févère , ils n'y font tous qu'une
même choſe , ils diſputent. Ils difpurent ,
répéta Cnépha étonné ! Les hommes difputent?-
Oui.-&les femmes aufii ?-Qui .
-Mais ... qu'est- ce donc que difputer ? --
C'eſt, en d'autres mots, contefter , ſe faire la
guerre.- Ce n'eſt rien dire que cela. Mon
père, la guerre ? ... je ne vous entends pas..
-Heureux Cnépha !- Mais où donc fontils
la guerre ?-Pa-r tout.- Pourquoi ?-
pour-tout.-Et quand donc, encore ? - Le
marin , le foir, àtoutes les heures ; les nations
entr'elles , les Rois entr'eux ; les Rois avec
leurs peuples ; les grands, les petits , les pères .
ود
-
Gv
154 MERCURE
... de.
& les enfans , les époux fur-tout fe font une
eternelle guerre.- Il est bien fingulier ! ...
La guerre , dites vous , mon père ?
grâce , ſervez vous d'un terme plus ... plus
familier , je ne le connois pas davantage que
celui de difpute, que dejà vous avez employé...
inutilement. -Et la conteſtation , l'aliment
des fils de la terre , comme l'ambroitie eſt
la nourriture des habitans des cieux , vous
ne pouvez pas ignorer ? ... -Je l'ignore. -
Quoi ! le mai qu'elle fait aux hommes !
- Je n'en fais rien.
-
-
>
-
-
Écoutez : pas un
d'eux ne ſent & ne penſe exactement de
la même manière , n'est- ce pas ? Peurêtre
bien; - très- certainement, & de cet afſemblage
d'opinions , de goûts , de paffions ti
differens , doit naître lorſqu'ils s'entretiennent
de leurs affections & de leurs penfées
, une foule de conteftations. Vous
devez m'entendre ? Sans doute ..... Mais
un mot encore fur cette étrange occupation
des mondains.-Dites aufli du ſolitaire
qui poſsède un champ , de tout hermite qui
a des voiſins. Clercs & laïques , citadins &
campagnards , ſe diſputent pour des mots ,
pour des opinions , pour des erreurs , pour ce
qu'ils ne conçoivent pas , pour ce qu'ils ne
fauront jamais. On les a vu verſer leur ſang,
donner & recevoir la mort , dans ces difputes
interminables. Il arrive encore que ,
tourmentés de paffions ſemblables , ils afpirent
rous à la poſſeſſion exclufive d'objets qui
n'appartiennent qu'à urpetit nombre d'entre
DE FRANCE. ' Iss
-
eux. Alors on fſe ſupplante, on ſe pille , on
s'égorge ; la guerre cominande& juftifie tous
les crimes. Les cabanes & les palais deviennent
la proie des flammes; les hommes & les
villes difparoiſſent ; des royaumes floriffans
font changés en deferts.-Mon Dieu ! s'écria
Cnépha epouvanté , l'horrible & inconcevable
choſe que les difputes & la guerre ! elles
n'exiſtoient pas dans le monde lorſque je l'ai
quitté. Elles ont commencé avec lui. Je ne
dis pas affez , ce monde n'étoit pas formé ,
que les élémens confondus ſe livroient la
guerre dans le ſein du chaos; ils ſe combattent
maintenant dans les entrailles de cetre
malheureuſe terre ; & dès qu'il y eut deux
hommes à ſa ſurface , & qu'ils ſe rencon,
trèrent , on vit naître une conteſtation. Je
vous ai dit la vérité , & vous êtes inſtruit à
préſent de ce que vous defirez apprendre. Le
vieil hermite n'avoit frappé l'air que de
vains fons; ils venoient de retentir à l'oreille
de Cnépha , fans laifferde traces en ſon cerveau.
Cheika s'apperçut avec la plus grande
ſurpriſe, &peut- être avec un peu d'humeur ,
qu'il avoit parlé ſans être entendu. Il parla
encore, mais il n'eſt pas facilede donner l'idée
de diſpute & de guerre à un habitant folitaire
des forêts , qui n'a d'opinions fur aucune
choſe , & qui ne defire rien , parce qu'il croit
avoir tout. La penſée du vieillard mécontent
du monde, ne put deviner la penſée du
jeune anachorette , à qui le monde étoit entièrement
inconnu. La nobleffe, l'inaltérable
Gvj
186 MERCURE
douceur de fon âme, rendoient fon ignorance
invincible. Cheika un peu embarrafie, rêva
quelque temps.-Il me paroît que le meil
leur parti feroit de vous donner un exemple.
-Oui , un exemple, répliqua Cnépha encore
plus joyeux.- Un exemple , foit: ou n'inftruit
bien que comme cela..... Attendez ;
il ramaſſa une pierre , &, charmé de l'invention
: tenez-la bien , dit- il, ſoyez attentif.
Elle eſt à vous. Elle est grife , n'eſt il pas vrai?
-Oui , grife , certainement.... Mais cela
ne dit guères pourquoi ...-Un moment
farrive, moi , vous ne me connoiffez pas ;
je veux vous perfuader que ce caillou eſt un
faphir. Vous fouriez dédaigneuſement; vous
me jugez une bête ou un fol , car je trouve,
moi, la couleur brillante des cieux, à la pierre
qui vous offre à vous , la couleur fombre de
la terre. Vous foutenez votre opinion ; je
m'anime & je défends la mienne. Nous.
avons raiſon , nous avons tort tous deux ; il
n'importe , mais voilà ce qu'on appelle une
dispute. Poursuivons; gris ou bleu , votre
caillou me plaît;j'en ai ou la fantaiſie ou le
beſoin, il me le faut , je le veux avoir ....
redoublez d'attention. Je m'approche , je
vous flatte de l'oeil; ma voix eſt douce , j'emploie
de belles paroles pour vous perfuader
de me céder ce caillou;je ſuis foible , j'uſe
d'adreſſe envers vous ; mais fi je me fens
le plus fort , je ne prie plus , je demande, j'exige
, je parle de droits , j'affure qu'il m'appartient.
Bien loin de me le rendre , vous
DE FRANCE. 157
le reſſerez davantage ; j'inſiſte , vous ramallez
toutes vos forces , & votre gefte & vos yeux
font fiers & emportés comme vos difcours.
Alors ma voix s'élève , je redemande & vous.
refuſez avec opiniâtreté. Voilà une conteftation:
bleffe tout-à la- fois de mon injuftice
& de mon inſolence , bouillant de colère ,
vous faites entendre des menaces , vous parlez
d'exterminer ; une arme meurtrière eſt.
dans vos mains. Déjà j'ai ſaiſi la mienne ;
furieux , je m'élance fur vous, je vous frappe,
vous mebleſſez, le ſang coule, je vous égorge
&nous expirons : voilà la guerre.
Content de ſes définitions, le ſage hermite
fourit pour la ſeconde fois , & , preffé de
jouir des fruits de ſa leçon: allons , mon
frère , tenez- vous bien , ce caillou eſt votre
propriété. Je viens à vous , mais doucement;
je vous fouris , avec un deſir injuſte dans
F'âme , je prétends conſerver tous les dehors
de la politeffe. Songez à vous défendre ; j'avance,
je vous falue,m'y voici.- •Jeune&
doux hermite , vous avez là une jolie petite:
pierre qui me plaît fort , je voudrois bien
Lavoir.-Vous la voulez ? la voila.*
(Par Madaine Monnet.)
* Ce mot inattendu devient piquant. Il n'eſt
pas de moi , mais l'ayant trouvé très- propre à faire
réfléchir je l'ai mis en Conte. Si le fonds & la manière
ne déplaiſent pas ,je donneras ce petit Conte à
la findes Lettres de Jenny Bleinmore, dont les premières
ont paru dans les Mercures de Février 1786
158 MERCURE
Explication de la Charade , de l'énigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eſt Ami ; celui
de l'Enigme en Bours- rimés eft Vin ; celui de
l'énigme eft Cheminée; celui du Eogogryphe
eſt Poſterité, où l'on trouve Poésie , proie ,
Orefte, triſte , efprit , Trope , Perfe, Pó ,
toiſe , prife , ortie , Protée firop , tête,
pies.
DE
CHARADE.
E mon premier le Voyageur
Doit craindre le pallage ;
Mon ſecond , qui n'eſt point flatteur ,
Garantit du naufrage ;
Mon tout peint la perfection
Etplaît à tout le monde ;
Nous ſommes ſept de ce nom
Sur la machine ronde.
Ces Lettres , maintenant au nombre de 53 , s'impriment,
& feront en vente dans le courant de Mars,
chez Regnault, Libraire , rue S. Jacques.
On trouve chez lui les Tomes I & II des Contes
Orientaux , ou Récits dufage Caleb , Yoyageur
Perfan.( Note de lAuteur. )
DE FRANCE.
159
J
ÉNIGME.
E fuis , mon cher Lecteur , un être fort bizarre ,
Léger , rendre , fublime , ardent , capricieux ;
J'élève les mortels juſqu'au ſéjour des Dieux ,
Etje les précipite au fond du noir Ténare.
Tantôt dans un boſquet frais & voluptueux
J'appelle la Bergère& ſon amant fidèle ,
Et je fais éclore pour eux
Gazon charmant , freur brillante & nouvelle ;
Au tendre Amour j'attache le bandeau ,
C'eſtde moi qu'il emprunte & ſa force & fes charmes;
A l'auſtère vertuje préſente un tableau
Qui déchire fon coeur & le remplit d'alarmes ;
Rien ne peut égaler les traits de mon pinceau;
Tour-à-tour il excite ou le rire ou les larmes;
J'exerce mon pouvoir ſur les êtres divers ;
J'éveille les defirs , les talens , le génie;
Et malgré les efforts d'une fière ennemie ,
Amongré je compoſe un nouvel Univers.
( Par une Abonnée. )
:
160 MERCURE
LOGOGRYPHE.
Ne me montrantjadis que par un jour de pluie ,
J'annonçois la tempête oubien la pauvreté :
Leſte aujourd'hui , fringante , à la Cour accueillie,
Je ſuis par un fort qu'on envie
Entre les bras de la Beauté.
Combine mes dix pieds , pour première merveille
Paroît un couple en France adoré juſtement ;
Plus loin , du Dieu des mers ce précurſeur bruiant ,
Aigre muficien te déshire l'oreille.
Quelle foule de mots fe preſſe ſous tes yeux!
Un peuple dont le nom est encore une injure ,
Etdont les ſucceſſeurs, hélas! ſont trop nombreux;
Un monſtre qui reçut trois corps de la Nature ;
Le Mahomet du Nord ; un vêtement Romain;
Le mari de la mer ; une Beauté touchante
Que ſon amant par gloire immola de famain;
Unbien ſouvent funefte à la Nymphe imprudente;
Cet amant rajeuni , prodige de l'Amour ,
Enfant&décrépit dans l'eſpace d'un jour.
Pour terminer, deux mots vont me fuffire :
Jamais gourmand ne manqua le premier;
AvecMontefquieu la Beauté qui ſoupire
Seplaît à parcourir les boſquets du dernier.
(Par M. le Prieur..)
DE FRANCE. 161
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
VOYAGE Pittoresque de Naples & de
Sicile , 4 vol. grand in-fol. formant cinq
Tomes. A Paris , chez de la Foffe , Graveur ,
place du Carroufel.
II EXTRAIT .
1
SINaples & fes environs nous offrent des
richeſſes, des lites &des phénomènes propres
à nous attacher , le reſte du Royaume n'a pas
moins d'intérêt pour un obſervateur , & furtout
cette malheureuſe Calabre , dont les défaſtres
nous font encore frémir : l'amateur
de la nature & celui des arts y trouveront
également une ample matière à leur curiotité,
&des objets dignes de fixer leurs regards ou
d'enrichir leurs pinceaux. Toute cetre partie
méridionale de l'Italie étoit autrefois connue
fous'le nom de Grande Grèce. Quelquesuns
même & avec raiſon y comprennent
Naples & toute la Campanie. Perfonne en
effet n'ignore que des eſſaims de jeunes Grecs
partis d'Argos , d'Athènes , de Sparte , de
Corinthe, &c. avoient porté ſur ces bords
leurs moeurs , leurs loix , leurs arts , leurs
dieux & leur langage ; qu'ils avoient peuplé
& civilife toute cette contrée , quand Rome
162 MERCURE
étoit encore barbare , & qu'ils y avoient répandu
les lumières & les arts qui de-là ſe
Font etendus fur tout le reſte de l'Italie.
•Le troisième volume du Voyage pittoreſque
eft particulièrement confacré à nous retracer
les vues de ce pays in curieux, & les reftes
de ces antiques monumens échappés aux avages
des temps & des barbares. L'Auteur ,
après un diſcours préliminaire ſur l'epoque
de ces émigrations ,& la manière dont les
Colonies Grecques ſe ſont établies en Italie,
& qui ſert comme de portique à ce vaſte
édifice , nous fait voir les deſſinateurs parcourant
, les crayons à la main , ces contrées où
nous allons les ſuivre rapidement. Nous ferons
avec eux le tour de cette partie de l'Italie,&
toujours avec le regret de ne pouvoir
offrir à nos lecteurs qu'un froid ſquelette
, àla place de ces vives, peintures , de
cesdeſcriptions animées de vies & de monumens
qui n'attendent que des hommes pour
les admirer , & des yeux dignes de les voir.
En fortant de Naples par la porte de Capoue,
onpaffe à la vue des Fourches Caudines,
où l'orgueil des Romains vint ſubir un joug
qu'ilsimposèrent bientôt au reſte del'univers ;
de-lànous deſcendons avec nos artiſtes dans
les vallons délicieux que forme la chaîne des
Apennins. Nous voyageons au murmure de
frais ruiffeaux & au bruit de mille caſcades
naturelles , à travers des jardins de limoniers,
d'oliviers & d'orangers qui nous embaument
de leurs parfums ; nous traverſons pluſieurs
DE FRANCE. 163
voies romaines , & entr'autres celle où paffoit
Horace , lorſqu'il alloit à Brindes voir fon
cher Virgile; car alors les grands hommes
étoient amis.
Nous arrivons à Benevent , ancienne capitale
des Sammies; c'eſt de toutes les villes
d'Italie , celle qui , après Rome, a confervé le
plus de traces de ſon antiquité. On y voit
encore des reſtes de ſes portes , de fon amphitéâtre
; de nombreuſes infcriptions , parmi
leſquelles on diftingue celle que la reconnoiffance
avoit gravée aux pieds de la ſtatue
d'un ſimple citoyen qui n'avoit d'autre titre
à cet honneur, ſi ſouvent proſtitué par la flatterie
, que d'avoir bien mérité de la Patrie
par fes talens& fon éloquence. On admire
fur- tout le fameux arc de triomphe décerné
àTrajan ; & c'eſt avec une fatisfaction bien
douce que l'on voitque le monument élevé à
l'honneur du meilleur des Princes , eft aufli
celui que le temps ale plus reſpecté , qu'il
es le mieux confervé ,& le plus entier peutêtre
qui ſoit dans toute l'Italie.
De Benevent on deſcend dans les riches
plaines de la Pouille , qui , par le plus beau
payſage nous conduiſent juſques ſur les bords
de la Mer Adriatique. « La beauté , la va-
>>riété , la gradationde la verdure y forment
>>un tableau ſi tranquille, ſi doux , fi ami
>> de l'oeil , ſi enchanteur , que l'on ne peut رد
ود ſe lafferde le regarder , quoiqu'aucun autre
" objet n'y fixe l'attention ; car on n'y dif-
>>tingue ni arbres ni maiſons , pendant l'ef-
4
164 MERCURE
>> pace de 20 milles. Ce payſage, impoffible
ود àrendre dans undeflin,ſeroit encore dif-
>> ficile à peindre , mais d'un effet bien neuf,
>> fi un habile artiſte cherchoit à en rendre
>>l'étendue , l'efpace immenfe , d'après une
> natureque l'on ne trouve que dans ce beau
» pays. ود
Quelques jolis villages rompent enfin l'uniformite
de ce tableau, dont le fond ſe termine
à Siponte , Colonie fondée par les Grecs
diſperſés après le ſiège deTroyes. Notre guide
nous conduit le long de la mer , vers les
champs qui portent encore le nom de Diomèdes
, & s'étendent juſqu'au mont Vultur
& juſqu'à Venose , la patrie d'Horace , &
cette fontaine qu'il a chantée en vers ſi harmonieux.
Il viſite , en paſſant , Canoſe , qui
n'offre plus qu'un amas de ruines & de tombeaux
, & vient contempler la plaine de
Cannes , fi célèbre par la victoire d'Annibal ,
&l'imprudence du compagnon dePaulÉmile;
lieu fameux encore dans lepays ſous le nom
de Campo di sangue , Champ du fang , où
le foc du laboureur, après deux mille ans,
heurte ſouventdes caſques , des armures &
des débris antiques qui atteſtent cette grande
journée. Puis continuant de voyager le long
de lamer, il rencontre Barletta , qui conſerve
quelques traces de ſon ancienne profpérité;
Trani , dont la ſituation agréable & la gaieté
des habitans invitent au plaifir & préfentent
l'aſpect du bonheur ; Bari , qui juſtifie encore
l'épithète depoiſſonneuseque lui donnoit l'ami
1
DE FRANCE. 165
de Mécène; les ruines de Gnatie , bâtie dans
la colère des nymphes , qui l'ont privée des
eaux qui rafraichiffent & fécondent toutes
ces belles contrées.
Gratia , lymphis
Iratis extructa .
Enfin il arrive à Brindes , port célèbre &
le plus fréquenté des Romains , où venoit ſe
terminer la voie Appienne , & par laquelle ils
communiquoient à la Grèce , à l'Afie& à tout
P'Orient , & non moins célèbre par le voyage
d'Horace& la mort de Virgile. On voit encore
dans la merquelques reſtes des travaux faits
par Céfar pour fermer le port de Brindes ,
lorſqu'il y alliégea Pompée.
Il n'en eſt pas de même de l'antique Salente
, où à la place de la ville bâtie par Idoménée
, on ne trouve plus qu'un couvent de
Capucins. Des Moines habitent toute cette
terre d'Yapigie, autrefois li fertile& couverte
de héros; & le temple de Minerve qui décoroit
l'antique Hydruntum , eſt changé en
un Couvent de Minimes.
Otrante, bâtie fur les ruines d'Hydruntum ,
malgré la richeſſe & l'avantage de ſa ſituation
, n'offre plus que l'aſpect de la misère&
de la pauvreté. C'eſt là que la Mer Ionienne
eſt le plus refferrée entre les terres ; & de
deſſus les hauteurs d'Otrante , l'oeil découvre
1 Epire & les côtes de la Grèce , qui n'en ſont
ſéparées que par un trajer de 17 lieues , &
où il ne faut que fix heures pour aborder.
166 MERCURE
Ceft,fi l'on en peut croire les Hiſtoriens ,
ce qui avoitfaitconcevoir a Pyrrhus l'extraordimaire
projet de faire conftruire fur cedetroit
un Pont de batteaux pour communiquer de
laGreceenItalie.
Nosartistes ne laiffent échapper aucune de
ces vues veritablementpittoresques fans,nous
en faire part,&nous les reproduire dans des
detfins pleins d'agremens&de verité. Ils nous
concusſent dans des campagnes couvertes
d'oliviers, ſous un cieltoujours pur; & enin
à travers une route embaumée qui porte la
moiletſe& la volupté dans l'âme , on arrive
àTarente, plein de l'idée de ſon antique grandeur
,& où l'on ne peut ferefuſer au plaiſir
de s'arrêter quelques inftans avec eux.
La delicieuſe Tarente, celebre par la douceur
& la fertilité de fon climat, l'excellence
&la beaute de ſes fruits , l'éclat de ſes riches
reintures de pourpre, l'admirable ſituation
de fon port, l'étendue de ſon commerce &
l'opulence de ſes habitans, étoit la plus fuperbe
de toutes les villes grecques fondées en
Italie; rous les Poëres l'ont chantée :
Ille terrarum mihi preter omnes
Angulus ridet ;
diſoitHorace : Architas, dont les découvertes
en Géométrie & les fublimes connoiſſances
ont été révérées de toute l'antiquité , lui avoit
donnédes loix ; car alors un grand homme ,
par le ſeul afcendant de fon génie , devenoit
le législateur de ſes concitoyens. Tantqu'elle
DE FRANCE. 167
fut fidelle aux ſages inſtitutions d'Architas ,
Tarente fut la plus floriffante & comme la
Reine de ces Colonies ; mais enfinles richeſſes
amenèrent le luxe,& le luxe la corruption.
Le goût délicat & la molleſſe efféminee de
ſes habitans étoient paſſes en proverbe , &
le molle Tarentinum donnoit en même temps
l'idée de toutes les recherches du luxe & de
toutes les jouiſſancesde la volupté. Aufli cette
République fameuſe ayant perdu ſes moeurs
à la ſuite des richeſles , perdit bientôt ſa gloire
avec ſa liberté. Déjà vaincus par les délices,
les Tarentins attendirent tranquillement le
joug que les Romains daignèrent leur impoſer.
Nos deffinateurs parcourent en vain
les champs & les jardins que"couvroit cette
orgueilleuſe cité , ils n'y trouvent aucun
monument , ni le moindre veſtige de fon ancienne
ſplendeur , & " jamais , peut- on s'écrier
avec un Auteur Anglois qui a fait récemment
le même voyage , (*) » jamais une
* M. Swinburn ; ſon Voyage de Naples & de
Sicile a été tradunt avec autant de fi lélité que d'élégance
, par Mile de Kéralio C'eſt le premier pas
que cette jeune perſonne fait dans la carrière des
Lettres: ceteflai ne peur que donner les plus grandes
eſpérances , & faire vivement defirer la Vie d'Elifabeth,
par le même Auteur, Ouvrage qui doit paroître
inceſſamment , & où elle pourra donner plus
librement l'effor à ſes talens. Il ſera intéreſſant de
voir une femme tenter de dévoiler l'ame & le caractère
d'une Femme célèbre & d'une grande Reine.
Les deux premiers volumes paroiſſent.
168 MERCURE
ville ne fut auffi complettement effacée da
defjus la terre que la vile de Tarente.
Toute cette contrée , jadis ſi floriſſante,
porte l'empreinte de la même dégradation;
le pays eſt ſi pauvre qu'on n'y trouve pas
même d'auberges ; les voyageurs y font fi
rares , qu'ils deviennent pour les habitans un
objet de curioſité. L'ignorance du peuple,
P'indolencedes chefs,& cette foulede Moines
inutiles qui ſurchargent la terre , choquent
par-tout les regards. Il n'y a pas de ville de
Tept à huit mille âmes , qui n'ait quinze ou
vingt monastères. On affure qu'il y a treme
mille Moines du ſeul ordre de Saint-Dominique
dans le Royaume de Naples ; faut il
s'étonner que cette terre ſoit comme frappée
de ſtérilité, & n'offre plus que l'ombre de
ce qu'elle étoit dans les temps de ſa gloire !
En traverſantla Bafilicate, qui eſt l'ancienne
Lucanie, nos deſſinateurs s'arrêtent devant
les ruines de Métaponte , fi long-temps honorée
de la préſence & des leçons de Pythagore
,&où la reconnoiffance fit un temple
de la maiſon de ce ſage, le réformateur & le
légiflateur de la Grande Grèce. Par la force
&le charme de ſon éloquence , il vint à
bout de perfuader aux femmes de Métaponte
defondre tous leurs ornemens & leurs bijoux
d'or & d'argent , & de cette héroïque offrande
il fit bârirun temple en l'honneurde
Junon , mod le & fymbole de la fidélité conjugale:
quinze colonnes ſubſiſtent encore de
ce raremonument.Quel orateur parmi nous
peut
DE FRANCE. 169
peut ſe flatter d'un pareil triomphe , & combiende
temps ſeroit à bâtir une bafilique qui
n'auroit d'autres fonds aſſurés que le facrifice
volontaire des orneniens & de la parure des
dames !
Non loin de ce temple nos voyageurs cherchent
envainHéraclée,qui ſe glorifioit d'avoir
Hercule pour fondateur , & Zeuxis pour citoyen.
Ils rencontrent l'ancienne Pétilie
renommée par ſa fidélité à tenir ſes engagemens
; Siris , fondée par les Troyens échappés
à la fureur d'Achille Enfin , l'imagination
exaltée par tant de ſouvenirs, ils arrivent dans
les campagnes où fut la voluptueuſe Sybaris ;
car il ne reſte plus de cette ville que la mémoireparmi
les hommes : Sybaris , le ſcandale
de l'univers , & dont la peinture des moeurs
nous paroîtroit devoir être reléguée dans le
pays des romans& des fables, fi les modernes
Sybarites , en renchériſſant ſur le luxe & la
molleſſe des anciens , n'avoient pris foin de
juftifier cette exagération de l'hiſtoire.. A la
place de Sybaris , on ne trouve plus qu'un
Couvent de Capucins qui , ſanss'en douter,
foulent de leurs pieds nuds le même ſol que
ces beautés célèbres , que ces hommes-femmes
qui ſe trouvoient trop durement couchés ſur
des lits de rofes. Mais le climat n'a rien,perdu
de ſa douceur ni la terre de ſa fécondité. Ce
riche vallon fertiliſé , non des mains du travail,
mais des mains prodigues de la nature ,
préſente encore aux voyageurs l'aſpect d'un
des plus beaux pays de l'univers. Il leur a
No. 8 , 24 Février 1787. H
1
170
MERCURE
fourni pluſieurs tableaux dont ils ont enrichi
leur ouvrage; enfin ils font un dîner champètre
ſur l'herbe qui croît à la méme place
où étoient les palais&les boudoirs de Sybaris .
ود
ود
Que l'on imagine une vallée délicieuſe,
>> toute remplie ou ſeméede bofquets touffus
>> d'orangers &de citronniers , dont l'air eft
embaumé de toutes parts , une terre pro
>> digue de fruits & couverte de fleurs qui y
croiffent naturellement , dans le climat le
>> plus doux & le plus tempéré de toute l'Italie:
voilà quel étoit le pays de cette fameuſe
Sybaris , dont il ne reſte au-
>> jourd'hui que le nom. Ce vaſte &immenfe
» baffin eftcommecirconfcrit par de fuperbes
>> montagnes élevées en amphitheatre , qui
ود
ود
2 offrent les formes & les fites les plus im-
> pofans ; la mer s'avançant enfuite un peu
" dans les terres du côté du Nord , ſemble
» venir exprès pour embellir ce lieu de délices
, y apporter de la fraîcheur&achever
ladécoration de ce pays fublime. Enfin on
» y placeroit Sybaris , quand même elle n'y
ود
ود
ود auroit pas été, & on l'y reconnoîtroit, à
>> fidée que I hiſtoire nous ena laiffée. »
Non loin de cette ville étoit Crotone , ſa
rivale,fi fameuſe par la vigueur de fes athlètes
&la beautéde ſes femmes; avantages qu'elle
devoit moins au clinat , comme on l'a prétendu
, qu'à la vertu & à la tempérance de
fes citoyens. Cette République , fondée par
Philoctère , fut la Patrie des héros , comme
Sybaris le fut d'un peuple efféminé , & par
DE FRANCE. 177
le contrafte qu'elle offroit , il étoit facile de
prévoir que l'une feroit bientôt la proie &
reſclave de l'autre.
Enfin nous entrons avec notre guide dans la
Calabre ultérieure , ayant d'un côté les Apennins
& leurs fublimes horreurs , & de l'autre
les rians rivages de la Mer Ionienne , où l'on
rencontre par- tout des ſites er chantés . Mais
l'on voit avec douleur les habitans d'un pays
favoriſé de la Nature , livrés à apareſſe
& au découragement , plongés dans l'ignorance
la plus profonde , & courbés ſous le
joug de la plus honteuſe ſuperſtition. Mais
que dis je ! Heureux nos voyageurs d'avoir
vu ce pays avant la terrible catastrophe qui
vient de l'engloutir ! Mille fois plus heureux
de n'avoir pas été les témoins de cet affreux
bouleverſement , dont le ſeul récit nous arrache
encore des pleurs & fait frémir les âmes
ſenſibles. Ces lieux ne font plus les mêmes ;
tout y a changé de face depuis le paffage des
deſſinateurs ; un inſtant a fait difparoître &
les villes & les citoyens. Qui peut donc ,
ſans frémir , penſer aux déſaſtres de la Calabre
? " Qui peut, d'un oeil ſec , parcourir
» un des plus beaux pays de la Nature , fur
» lequel les tremblemens de terre ont déployé
toute leur rage avec une fureur dont
» il n'y a point d'exemple ? Qui peut enfin
>> fans une terreur profonde , conſidérer l'emplacement
des villes dont le ſol même a
difpary?
Multa .. ceciderunt mænia magn's
>
Hil
174 MERCURE
Motibus in terris , & multa per mare peſſum
Sulfederefuis pariter cum civibus urbes :
,
Testafupernè timent , metuunt infernè cavernas
Terrai ne diffolvat natura repentè... Lucrèce.
La ſecouffe la plus terrible, celle qui a enfé
veli ſous les ruines des villes plus de 20 mille
habitans , n'a duré quedeux minutes , & ce
court intervalle a fuffi pour tout renverſer&
pour tout détruire.
*
Ceuxqui defirent des détails ſur cet affreux
événement, & qui ont beſoin de s'attendrir à
ce récit douloureux , trouveront de quoi
nourrir leur fenfibilité dans le voyage pittoreſque.
M. l'Abbé de S*** a réuni par fupplément
dans ce volume & à la fin du fuivant,
les détails les plus circonstanciés , les
particularités les plus touchantes de cette
ſcène d'horreurs , d'après le récitdes témoins
oculaires (*) . Il a ſenti qu'on voudroit comparer
ces lieux jadis ſi rians avec ce qu'ils
font maintenant. C'eſt ſans doute un intérêt
de plus pour fon Ouvrage ; " mais en même-
>> temps , ajoute-t-il , il eſt bien affreux de
>> ne pouvoir préſenter à nos lecteurs , à me-
>> ſureque nous avançons dans ce malheureux
Pays, que des vues&des fites de villes qui
*Ilfaut lire particulièrement le Mémoire fait à ce
fujet pasM.le Commandeur de Dolomieu , & inféré
àla findu cinquième volume , ou ſeconde partie du
Voyage de la Sicile....
DE FRANCE.
173
>> n'exiſtent plus , & déjà renverſées & dé-
>> folées par ce terrible fléau. ود
;
Tel eſt le ſentiment douloureux qui ac
compagne le voyageur autour de la Calabre
ultérieure , & vient troubler nos plaiſirs en
contemplant les vues de ces lieux jadis fi fortunés.
On trouve d'abord Squilace , Colonio
fondée par les Athéniens ; Gérace , où l'ancienne
Locres , République qui ſe gouverna
-par les loix de Zaleucus , le Lycurgue de cette
partie de l'Italie. Par l'une de ces loix , il n'étoit
permis qu'aux courtiſannes & aux ſeules
femmes qui vivoient du produit de leurs proftitutions
de porter des pierreries &des habits
riches & fomptueux : notre Henri IV, qui fit
une loi toute pareille, étoit animé du même
eſprit que ce légiflateur , mais il vint trop
tard pour la faire obſerver. C'eſt dans ce
même lieu de Gérace, que la Princeſſe de ce
nom , chérie de tout le pays par ſa bienfaiſance,
perdit la vie avec 4000 de ſes vaſſaux.
De-là cotoyant des rochers eſcarpés qui terminent
la chaîne des Apennins , on defcend
dans une plaine fertile ,& à travers les Mûriers
& les orangers qui forment un jardin
continuel, on arrive à Reggio, ſituée à l'extrémité
de l'Italie , d'où l'oeil découvre Meffine ,
le terrible Etna & une partie de la Sicile.
Reggio, dont l'ancienne République étoit modelée
ſur celle d'Athènes , n'eſt plus que
l'ombre de ce qu'elle étoit autrefois. La defcription
& les vues que l'Auteur nous donne
de cette ville & de ſes environs qui tiennent
Hüj
174 MERCU E
de la féerie , ne forment qu'un contraſte plum
frappant avec l'état malheureux où tout ce
beau pays eſt maintenant réduit.
De cette dernière ville d'Italie , nos voyageurs
s'embarquent pour remonter la Mer
Tyrrénienne , & faire ainſi le tour de la Calabre.
On les fuit avec crainte à travers les
écueils de Caribde & de Scylla , à la vue de
cemême rocher qui, depuis, s'écroulant dans
la mer , fit périr le Prince de Scylla avec
1200 perſonnes qui s'étoient réfugiées près
de lui; puis venant débarquer à Tropea , ville
bâtie comme par enchantement ſur la pointe
des rochers , on remonte avec eux les Apennins
, où au milieu des ſites les plus pittorefques
, on rencontre les ruines de l'antique
Hypponium , l'une des villes les plus floriffantes
de la Grande Grèce , fameuſe par fes
temples & par ſes fleurs , & qui a fait plate
à la ville de Monte- Leone , où l'on comptoit ,
avant le défaſtre de la Calabre , 18,000 ha-
-bitans.
Nicaſtro s'offre enſuite aux regards , bâtie
dans leplus agréablepayſage , au milieude cafcades
naturelles qui ſe précipitent du haut des
montagnes,& répandent ſur toutcepaysla verdure&
la fraîcheur la plus délicieuſe. La température
y eſt ſi douce , qu'au 7 Décembre
les voyageurs ſe croyoient aux plus beaux
jours de printemps : arrivés au ſommet des
montagnes , ils font tout-à- coup tranſportés
ſous un autre ciel; puis voyageant au milieu
des brouillards &des frimats par les chemins
DE FRANCE. 175
les plus périlleux , ils arrivent dans des lieux
ſi ſauvages , que les habitans fuyent à leur
aſpect : Nicolosimi ſur-tout , les femmes ſe
fauvoient à la vue de ces étrangers , & fe barricadoieut
dans leurs maifons; mais revenues
de leur première frayeur, quel fut à leur tour
l'étonnement de nos voyageurs d'apprendre
que le nom de Voltaire étoit connu & cité
au milieu de ces montagnes inaceeſſibles ! Tel
eſt le privilége du génie , il franchit toutes
les barrières que la nature , les préjugés ou
l'opinion voudroient mettre entre un grand
homme& les reſpects de l'univers.
Prèsde là étoit l'antique Thémèſe, cirée par
Homère & par Ovide , pour l'abondance de
Tes mines ,& par Cicéron, pour avoir excité
la cupidité de Verrès. Enfin on arrive à Coſenza
, ancienne capitale des Brutiens , &
maintenant de la Calabre citérieure ; ville
fituée à la naiſſance & fur les bords du Crati ,
ce même fleuve ou torrent qui couloit à Sybaris.
Les bords de ce fleuve ont l'air d'un
jardin potager planté d'arbres fruitiers , &
dans toute cette Calabre regardée , même en
Italie,comme un pays ſauvage& pauvre, iln'y
manque , dit l'Auteur , que des chemins &
des bras pour en faire le Pérou du Royaume
de Naples. On a peint les Calabrois ſous des
couleurs trop rembrunies &ſouvent infidelles.
On trouve , même parmi les payfans , de
Phoſpitalité , de la cordialité , de la franchiſe ;
mais en général ils gémiſſent ſous le gouvernement
des loix feodales , qui font encore
Hiv
176 MERCURE
chez eux dans toute leur vigueur ; ils font
accables de taxes arbitraires : toute activité
chez eux , toute émulation eſt éteinte, &
les Calabrois ſemblent , en murmurantde
> leurs chaînes , ne s'occuper qu'à gâter tour
>>> ce que la plus belle & la plus féconde Na-
>> ture produit en dépit d'eux dans cette délicieuſe
partiede l'Italie. ود ور
Mais où vont s'égarer nos plaintes & nos
reproches ? Ce font nos pleurs qu'ils méritent;
toute cette contrée porte encore les
marques effrayantes d'un fléau deſtructeur ;
Coſenzamême a été preſqu'entièrement renverſée
ſur ſes fondemens. Ah ! plutôt fou
lageons nos coeurs par une remarque honorable
àl'humanité. Non-ſeulement le Roi de
Naples , Souverain du pays , & le Grand-
Maître de Malte , y ont fait porter les plus
prompts ſecours ; mais le Roi de France , à la
première nouvelle du déſaſtre de Meffine &
de la Calabre , a fait partir de Toulon deux
frégates chargées de farine , pour fubvenir
aux beſoins les plus preſſans de ce peuple
infortuné. Soins généreux, qui n'ont pas eu
peut-être tout le ſuccès qu'on devoit s'en promettre
, mais dont j'aimerois mieux pour la
poſtérité conſerver le ſouvenir , que des détails
d'une conquête ou du gain d'une baraille.
En quittant çet infortuné pays , nous rentrons
avec nos deffinateurs dans la Bafilicate,
oùdesvuespittoreſques,despayſagesagréables
&frais , & des cafcades naturelles viennent
DE FRANCE. ラブ
repoſer la vue ,&où l'imagination n'eſt point
troublée par l'idée importune du malheur. A
la richeffe , à la beauté de ces lieux , on fent
qu'on ſe rapproche de Naples ; & laiſſant à
gauche Pandofie , l'ancien Promontoire de
Palinure , Velie , Colonie des Phocéens , qui
dut ſa ſplendeur à fon commerce maritime ,
on arrive à Pæftum ou Poſſidonie , célèbre par
fes temples&par fes roſes, &dontles ruines,
- quoique magnifiques , étoient fi parfaitement
ignorées &cachées ſous des brouſſailles , que
cen'eſt que par une eſpèce de miracle , qu'un
jeune artiſte de Naples, ou fuivant d'autres ,
des chaſſeurs en firent la découverte , il y a
environ trente ans , en parcourant au hafard
cet emplacement inculte& folitaire.
Cette nouvelle donna l'éveil aux favans &
aux artiſtes. On trouva trois temples de la plus
haute antiquité &de la plus riché architeć-
-ture , enſevelis ſous l'herbe; on croit qu'ils
font l'ouvrage des Sybarites après la ruine de
leur ville. S'il eſt ainfi , ce font les ſeuls
reſtes qui pourroient nous donner une idée
du goût & de la magnificence de ce Peuple.
fameux , & de la perfection où il avoit porté
les arts. Ces monumens contre lesquels ,
comme dit Pope , ont confpiré les ravages
des barbares , le zèle des chrétiens , la piété
des Papes& lefeu des Goths , ont cependant
réſiſté aux outrages du temps&des hommes;
car les Grecs ſembloient bâtir pour l'immortalité.
Le grand temple fur-tout eſt l'un des
Hy
178 MERCURE
Flus magnifiques & des mieux confervés
toute l'antiquité.
Notre guide , toujours en fe rapprochan
de Naples , traverſe Salerne , qui ne doit
céletrité de fon école de Médecine , qu'au
Arabes long temps maîtres du Pays , & qui.
dansdes temps d'ignorance, cultivoient feus
avec ſuccès cette fcience conjecturale. Il pafle
à Novera , l'ancienne Nucerie, détruite par
Annibal, rebâtie par les Romains & Fenverſee
en grande partie dans l'éruption du
Véſuve , fi funeſte à Herculanum & à Pompeii,
& où l'on remarque encore les reftes
d'un temple conſacré à Bacchus , dans une
égliſe dédiée à la Vierge ; il nous amène en.
fuite à Caprée, fameuſe par la retraite & les
débauches du plus affreux des Tyrans , qui
cherchoit peut- être encore moins à cacher
ſes crimes , qu'à ſe mettre à l'abri des châtimens
qu'il méritoit, mais qui ne purent
échapper à ſes remords .
Nos delfinateurs parcourent cette ifle ,
leurs crayons à la main; ils nous repréſentent
les rochers d'où ce miférable faifoit précipiter
ſes victimes ; mais ils cherchent en vain ces
Palais magnifiques , ces bains , ces jardins délicieux
: ces lieux , conſacrés à la débauche la
plus effrénée , font maintenant l'aſyle de la
févéritéla plus outrée:des chartreux habitent
für les débris du Palais de Tibère : ſes bains
ferventde retraite àunhermite , &d'humbles
pêcheurs, plus tranquilles & plus heureux
dans leur médiocrité , ont placé leurs cabanes
DE FRANCE. 179
dans les jardins que ſouilloient autrefois la
préſence & le fombre aſpectde l'infame &
voluptueux Tyran. Ils reviennent avec plus
*de plaisir à Sorrento , ville bâtie par lesGrecs
fur le cap de Minerve , dans cette Patriedu
Taffe qu'il a immortaliſée ; où la fable avoit
placé les ſyrènes enchantereſſes , & où les
vers plus enchanteurs du chantre d'Armide
& de Renaud , ont réaliſé , ou plutôt ſurpaflé
les récits de la fable.
Ir
200
Les environs de Sorrente & toute cette
côte , font bordés de maiſons de plaiſance &
d'une ſuite de jardins délicieux qui , ſous le
plus beau ciel ,& jouiflant d'un éternel printemps
, viennent ſe joindre & ſe confondre
dans le même tableau , avec les riches côteaux
du Paufilippe &les environsde Naples.
Nos voyageurs nous ramènent ainſi dans la
Capitale , après avoir fait le tour de toute la
partie méridionale de l'Italie , jüſqu'à ce que
labelle ſaiſon nous permette de nous rembarquer
avec eux& de les ſuivre en Sicile
dont la deſcription ſera l'objet des deux derniers
volumes du voyage pittoreſque , & la
matière du dernier extrait de cet important
& magnifique ouvrage.
Ce volume eſt terminé par une gravure
très- ſoignée d'une partie de la fameuſe carte
Théodoſienne , appelée communément de
Peuttinger, ſeul monument des anciens en
Géographie , & où l'on voit , en ſuivant les
antiques voies romaines , les mêmes lieux
dont il eſt parlé dans ce voyage. Enfin , dans
Hvj
180 MERCURE
tout le pays que nous venons de parcourir ,
il n'eſt point de ſite qui ne ſoit le ſujet d'un
deffin agréable , ni de monument qui ne fourniffe
une gravure intéreſſante. Plus de cent
Planches ainſi exécutées , & dont chacune
eit un tableau , enrichiſſent ce volume , &
nous offrent tous les aſpects d'un des pays
Jes plus curieux de l'univers. *
L'ANTI- LUCRECE , en vers François , par
M. l'Abbé Bérardier de Bataut , Licentié
en Théologie , & Prieur de Notre - Dame
de Serqueux. 2 vol. in-12. A Paris , chez
le Traducteur , rue de Condé , Nº. 12 , &
Charles - Pierre Berton , Libraire rue
Saint-Victor.
د
LE Poëme du Cardinal de Polignac eſt plus
eftimable par le principe qui l'a dicté , &pat
les hautes connoiſſances qu'il développe , que
par le ſtyle , qu'on a peut- être un peu trop
critiqué , mais qui eſt plus diffus que nombreux
, & plutôt meſuré qu'harmonieux. Depuis
que fon Ouvrage a été publié & traduit
en profe, on a fait de nouvelles découvertes en
Aftronomie , en Phyſique, &c.;on a creuſé
les ſciences abſtraites : ou , pour mieux dire ,
* Au prochain Nº. la fin de cet Article , qui
nous a été communiqué. Son étendue excède la
meſure que nous nous ſommes preſcrite dans ce
Journal; c'eſt ſans tirer à conféquence que nous
paſſons nos limites , & à cauſe de la grande impor,
tancede cetOuvrage.
DE FRANCE. 181
:
:
on a réveillé d'anciens ſyſtèmes , on en a
créé de nouveaux ; mais ces ſyſtèmes , toujours
oppoſés , toujours combattus les uns
par les autres , ſe ſont tous fait des profélytes
, ſans ôter leurs partiſans à ceux qui les
-ont précédés. Une ſeconde Traduction de
l'Anti- Lucrèce n'eſt donc point un Ouvrage
inutile : elle doit trouver des Lecteurs dans la
claſſe des perſonnes qui tiennent encore aux
anciens principes , comme dans celle des gens
qui aiment à les comparer aux nouveaux. Il
eſt des ſecrets de la Nature qu'une étude
conftante & opiniâtre a dévoilés, malgré leur
profondeur , parce qu'ils étoient ſuſceptibles
de l'être ; il en eſt d'autres que la main de
l'être Suprême ſemble avoir dérobés pour
jamais à nos yeux. L'orgueil, humain n'en
cherchera pas moins à les connoître ; mais
parvenu aux bornes que la ſageſſe divine a
preſcrites à notre entendement , il ſe repliera
fur lui-même, & s'efforcera de cacher fon impuiſſance
, en continuant d'imaginer des hypothèſes
ingénieuſes & féduiſantes. Tout ce
qu'on peut defirer, c'eſt que ces hypothèſes ne
tendent point à devenir deſtructives des opinionsutiles
au bonheur de l'homme & à l'équilibre
de la ſociété , & qu'elles ayent pour
but, comme celles du Cardinal de Polignac ,
de ramener nos connoiffances à l'union intime
de la morale & de la religion .
M. l'Abbé Bérardier a traduit l'Anti-Lucrèce
en vers: il eſt fans doute du nombre des Écrivains
qui penſent que les Poëtes ne peuvent
182 MERCURE
êtrebientraduits qu'en vers; & fi ce principe
eft vrai , nous croyons que c'eſtſur tout dans
une Traductionde ce genre. Lorſqu'un Poëte
abandonne fa langue maternelle pour parler
une langue moite , quelque familier qu'il
fost avec elle, il eſt entraîné malgré lui parles
formes originelles de fa langue native; il y
cède ſans le vouloir , & il fait paſſer le génie
de ſon idiôme dans un idiôme érranger. C'eſt
ce qui eſt arrivé au Cardinal de Polignac ,
dontlaMuſe, fouvent poétique , & rapprochée
quelquefois des grands modèles qu'il
avoit choiſis , parle très-ſouvent François en
Latin. Le P. Vanière , le P. Rapin même , le
plus fcrupuleux imitateur de Virgile, ne font
pas exempts de ce reproche. Ainti , M. l'A . B.
a eu raiſon de préférer les vers à la proſe dans
uneTraduction de l'Anti - Lucrèce; ce qui ne
l'a point empêché de rendre juſtice à M. de
Bougainville , le premier Traducteur du
Cardinal de Polignac , dont la proſe claire ,
exacte, harmonieuſe& facile , méritera toujours
des éloges.
Nous allons tranſcrire ici l'approbation du
Cenſeur de cet Ouvrage. « Ce monument
>> précieux , digne du zèle qui l'avoit dicté à
>> notre ſavant Cardinal, manquoit ſansdoute
> à notre Littérature Françoiſe , autant qu'à
l'inſtruction de ceux qui n'entendent pas
l'idiome de l'original. Le Traducteur , déjà
- connu par d'autres productions Littéraires
>>également doctes & folides , animé du
- même eſptit que fon modèle , nous en
ود
ود
DE FRANCE. 183
:
ود
ود
ود
ور
tranſmet fidèlement ici les argumens avec
>> cette ſupériorité ſi propre a pulvérifer les
>>> anciens ſyſtèmes philoſophiques , trop malheureuſement
renouveles aujourd'hui parmi
nous. Les notes lumineuſes dont il accompagne
fon texte, atteſtent tout-à-la-
>> fois la ferveur, la pureté de fon zèle , &
l'étendue de ſes recherches dans tous les
>> genres de connoiffances. » Ces éloges nous
ſemblent mérités à beaucoup d'égards. Quelques
citations vont donner une idée du ſtyle du
Traducteur ; nous les prendrons dans les endroits
qui ſont ſuſceptibles des ornemens poétiques;
car dans les morceauxquine le ſontpas,
qui y font mêmeabſolument étrangers,M.I'A.
B. a très - ſagement fait d'imiter Horace , & de
s'exprimer comme lui , Sermone pedestri .
Dans le ſixième Chant , l'Auteur parle de
Fame des bêtes; ſi elle exiſte , elle eſt marérielle
& périſſable,& il rapproche cet inſtinct
des facultés des Plantes , de l'Aimant , &c.
Voici comme M. l'Abbé Bérardier a rendu
une partie de ce rapprochement , trop long
pour le citer en entier.
Un torrent furieux , dans le fond d'un vallon ,
Épuiſe contre un roc ſon impuiſſante rage ;
Ses flots blanchis d'écume ébranlentle rivage;
Tout frémit à l'entour : oſerai-je avancer
Que l'onde eft en courroux , & cherche à renverſer
Cequi ferme les lieux où ſon deſir l'entraîne?
Croirai je que , voulant s'écouler dans la plaine ,
184 MERCURE
Etdu plus court chemin ne pouvant point ufer ,
Elle prend un détour , & cherche à compenfer
Le temps qu'elle a perdu , par un cours plus rapide ?
Que telle eſt pour le feu l'horreur de ce fluide ,
Qu'il bouillonne en fureur fur les charbons ardens ,
Prêt às'évaporer plutôt au gré des vents
Quedecéder aux traits d'un rival qu'il abhorre , &c.
Ces vers ont le méritede rendre facilement
les images què renferment ceux du Cardinal
de Polignac, & les Lecteurs inſtraits qui voudroient
les comparer avec l'original , en fentiront
mieux le prix
Quelquefois le ſtyle du Traducteur eft
doux , riant& facile: onpeut s'en convaincre
par la lecture des vers ſuivans , qui ſe trouvent
au commencement du premier Chant :
Quene puis-je, en marchant dans ces routes ſacrées,
Des eaux de l'Hippocrène arroſer ces contrées !
Changer d'épais buiſſons en derians vergers !
Faire éclore les fleurs ſous les pas des Bergers !
Je n'ai point les accords ni la douce harmonie
Du Chantre des plaiſirs qui charma l'Aufonie.
Le langage qu'il dut à ſes premiers aïeux
Fournit à ſes besoins des trésors précieux ;
J'emprunte, pour répondre, une langue étrangère.
Sa Muſe , conſacrée aux autels de Cythère ,
N chante que Vénus , les Ris , la Volupté.
Je préſente aux mortels l'auſtère vérité ,
Et ma lyre ſévère enfante la triſteſſe.
D'un naturel heureux l'abondante richeſſo
DE FRANCE. 185
!
;
T
}
Prodigue entre les mains les plus brillantes fleurs ,
Les graces , les attraits , les charmes enchanteurs ,
A ſa voix l'aquilon n'eſt plus qu'un doux zéphire.
Sous un ciel plus ſercin Philomèle ſoupire ,
Le jour eft plus brillant ; la fraîcheur des forêts
Invite au doux ſommeil dans un bocage épais .
Du ſommet d'un côteau couronné de verdure ,
L'onde d'un clair ruifſeau tombe, fuit& murmure ;
D'un ſeuve bienfaiſant le cours majestueux
Engraiſſe les guérets , rend les peuples heureux.
Écoutez ces oiſeaux ; leur aimable ramage
Le dispute aux couleurs de leur riche plumage.
Voyez- vous dans ces prés ces Bergers , cestroupeaux ?
Tout s'anime, tout danſe au ſon des chalumeaux :
Ces lieux ſont enchantes; fur tout ce qui refpire
La mère des Amours exerce an doux empire .
وخ
Il y a ſans doute quelques taches dans ce
morceau; mais elles font très-légères , la correction
en eſt facile , & elles n'empêchent
pas que le morceau entier n'ait le ton , la grâce
& la couleur qui conviennent aux objets dont
il préſente le tableau.
Au total , cette Traduction eſt eſtimable
par l'exactitude. Le ſtyle ne mérite pas toujours
les mêmes éloges ; mais s'il eſt quelquefois
pénible & négligé , l'Auteur peut être
excuſé par le grand nombre d'idées rébelles à
la poéfie , & preſqu'incompatibles avec le
rhythme , qu'il avoit à tranſlater dans notre
langue. Nous defirerions ſeulement que M.
186 MERCURE
J'A. B. n'eût point fait entrerdans ſes vers des
expreffions abfolument anti-rhythmiques;nous
n'en citerons qu'un exemple,parmi pluſieurs
dont nous avons été frappés. Dans le Chant
neuvième , page 370 , ontrouve ce vers :
L'éloquence féconde en traits extraordinaires.
Certainement il n'y a rien de plus extraordinaire
que l'emploi d'un pareil mot en poéfie
: nous ne ſautions trop engager l'Auteur,
s'il donne une nouvelle edition de fon Ouvrage
, à en bannir quelques expreffions de
cette nature , dont le goût & l'oreille ſont
également bleſſés.
3
Les notes qui accompagnent le texte , & la
Fréface qui eft entête du er vol., prefentent
ſouvent des obfervations lumineuſes , comme
l'adit le Cenſeur, mais ony remarque des idées
inſpirées quelquefois par un zèle trop ardent
&peu réfléchi. Nous n'avons pas vu fans chagrin
M. l'Abbé B. s'élever avec une eſpèce
d'acharnement contre Voltaire , qu'il appelle
le grand Lama de la Philofophie. Eh ! pourquoi
, en matière de religion , citer les grands
Hommes parmi les antagoniſtes de ſes dogmes
& de ſes myſtères ? L'éclat d'un grand
nom peut entraîner bien plus d'eſprits que
n'en peut attirer le zèle des Écrivains qui joignent
moins de talens à une foi plus vive :
nous penſons là deffus comme Paſcal. Mais
P'Auteur a t'il bien ſongé à ce qu'il écrivoit ,
lorſqu'en parlantde l'Académie Françoiſe, il a
dit: Ofer braverle Ciel est un titre aujourd'hui
1
-
DEFRANCE. 187
obtenir
pour une place dans ce Corps autrefois
fi respectable ? Nous n'examinerons pas fi
quelques Membres de l'Académie ont , en
effet, écrit contre la Religion ; s'il en a exiſté ,
s'il en eſt, nous nous garderons bien de faire rejaillir
fur ce Corps la faute dont ils font coupables;
mais nous demanderons que l'on nous
cite un Écrivain qui ait été admis à l'Académie
Françoiſe , en conféquence d'un Ouvrage
impie ou deſtructeur des principes de la morale.
Nous avons vu, à la honte du Sacerdoce ,
des Prêtres abuſer de leur faint miniſtère ,
afficher le ſcandale en quittant le fanctuaire
: nous en avons gémi ; mais en les mépriſant,
nous n'en avons pas moins reſpecté
la Religion , fon culte & ſes Miniſtres. Les
abus d'une inſtitution ne font pas l'inſtitution
elle même; il faut en faire la diſtinction.
C'eſt une belle choſe que le zèle; mais quand
ileſt ourré, il eſt dangereux & condamnable.
( Cet article eft de M. de Charnois. )
?
ANNONCES ET NOTICES.
ALM LMANACH des Diligences & Meffageries
Royales de France, pour l'année 1787 , contenant
le détail de l'adminiftratioa , l'extrait des principaux
Arrêts & Réglemens qui la concerne , Et des avis
intéreſſans au Public fur les précautions qu'il a à
prendre; les départs & arrivées des Diligences &
des Voitures àjournées régiées pour les principales
188 MERCURE
Villes du Royaume ; le genre & le nombre des
Voi ures, avec le prix des places, celui du port da
paquets,& le nombre de jours en route ; le ſervia
général de la Navigation de France , & le Tableau
des autres Villes de France & de l'Étranger qui
communiquent avec leſdites Meſſageries, avec une
Carte géographique indiquant les principaux endroits
cù la Ferme générale a des Directeurs on
Correſpondans pour y recevoir les marchandises ,
bagages, &c. , & faire le recouvrement des billers,
&c. , pour lesquels elle ne perçoit que le port du
retour de l'argent, en affurant feulement le proth
en cas de non payement, in- 12 de 200 pages.
Prix, 2 liv. 8 fols broché avec la Carte. A Paris ,
chez Prau't, Imprimeur du Roi , quai des Auguſtins ;
les Libraires du Palais Royal ; les Marchands de
Nouveautés: les Directeurs des Meſſageriesde Pro .
vince, & les Suites de l'Hôtel Royal des Meſſageries
, rue Notre- Dame des Victoires & Montmartre.
Cet Ouvrage véritablement utile au Public fera
Tenouvelé tous les ans.
OBJETS proposés à l'Assemblée des Notables,
par de zélés Citoyens , in-89 . de 66 pages. A Paris ,
àl'Imprimerie Polytype , rue Favart.
Cette Brochure est compoſée de quatre morceaux
différens, analogues au ſujet annoncé par le titre.
MANUEL de la fille de baſſe cour , in- 16 de
95 pages. A Paris , chez Vente , Libraire , rue des
Anglois.
Cette Brochure , qui traite des ſoins à donner aux
poules , pigeons , &c. peut être agréable & même
utile à la campagne.
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Souvenir annuel pour l'année 1787, divisé en
DE FRANCE. 189
1
t
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cinq parties, in-49. Prix , 24 liv. reliûre en porre
feuille, & 21 liv. en reliûre ordinaire , en tout le
même papier. A Paris, chez le ſieur Salmon , Marchand
Papetier , rue Dauphine , nº. 26.
DISCOURS fur les Devoirs des Sujets envers le
Souverain , prononcé dans la Chapelle du Louvre
en préſence de MM. de l'Académie Françoife , le,
25 Août 1786 , ſuivi d'une Ode fur le Prince de
Brunswick , qui n'a point concouru pour le prix , par
M. l'abbé de Sauvigny , in- 8 ° . de 48 pages, Sel
trouve à Paris , chez Poinçot , Libraire , rue de la
Harpe, & chez les Marchands de Nouveautés .
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caract res distinctifs des différentes espèces de Dixmes
, &jur la présomption légale de l'origine ecclé
ſiuſtique de toutes les Dixmes tenues en fief, varM.
Lanjuinais fils , Avocat au Parlement de Bretagne,
&Docteur Régent en Droit Canon des Facultés de
Rennes , in- 8 ° . Prix , 3 liv. A Rennes , chez Mefdemoiſelles
Vatar , Libraire ; & à Paris , chez Belin ,
Libraire , rue Saint Jacques!:
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Morales, Ou le Code Primitif, parsM. de Thais ,
Brochure in - 12 de 112 pages. Prix , 2 liv. 4 ſo's.
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Le Philosophe parvenu , ou Lettres & Pièces
originales contenant les Aventures d'Eugène Sans-
Pair, par l'Auteur de l'Aventurier François , 3 Vol.
in 12: A Londres ; & fe trouve à Paris , chez l'Auteur
, hôtel de Malte , rue Chriftine ; Quiliau l'aîné,
Libraire , rue Chriſtine ; la Veuve Duchelne , Libraire
, rue Saint Jacques ; Belin , Lioraite , même
rue; Mérigot jeune , Libraire , quai des Auguſtins;
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la Province chez Dubofc, quai desAuguftins .
1
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les Arts , les Moeurs , les Usages , &c. des Chinois,
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du même ſuccès. On a augmenté le prix de ce
Volume à cause du grand nombre de figures qu'il
reforme.
PETITE Bibliothèque des Théâtres. A Paris, au
Bureau , rue des Moulins , Butte Saint Roch , nº. 11 ,
où l'on ſouſcrit, ainſi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques , & chez Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , Place du Théâtre Italien.
Ce Volume eſt le douzième Numéro de la troihème
année , & le troisième Volume des petits
Théâtres. Il contientEfope à la Foire; le Danger
des Liaisons , par Mme de Beaunoir ; Annette &
Bazile, parM. Guillemain ; la Rufe d'Amour ou
l'Epreuve, par M. Maillé de Marencour ; Pierre
Bagnolet , par M. Deville , & les deux Frères.
Nous recevons à l'inſtant le Tome XII des
Comédies , contenant le Ballet extravaguant de
Palaprat , le Grandeur de Bruéis , & Palaprat .
lestrois Garçons &le Port-de-Mer , par Boindin.
ELOGE Historique de Pigal , avec un Mémoire
fur l'état actuel de la Peinture & de la Sculpture en
France. A Paris , chez Hardouin & Gattey , Libraires
, au Palais Royal ; Lecomte , au Paffage du
Louvre , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 liv. 4 ſols , in 49. de 32 pages.
On trouve à la tête de cet Eloge ou plutôt de ce
Recueil Anecdotes curieuſes ſur unArtiſte célèbre,
un beau Portrait fort reſſemblant gravé par Saint-
Aubin & deffiné par M. Cochin. Cet Ouvrage faifant
partie de l'Histoire de l'Art en France américs
DE FRANCE..
191
!
1
ètre accueilli de tous ſes Amateurs . On y voit ce
Que font devenus les chet- d'oeuvres du célèbre Sculp-
Reus, & on y observe les beautés & les défauts de
Mes Ouvrages . Le Difcours fur l'écar actuel des deux
en France mérite également l'attention des Arts
Amateurs .
L'ANNÉE Galante , ou les Intrigues fecrettes du
Marquis de L *** in - 16 . Prix , 1 liv. 4 fols broché.
A Paris , rue & hôtel Serpente.
Les Aventures du Marquis de L *** ſont divi.
ſées par mois ; mais elles ne ſe réduisent pas au
nombre des mois de l'année. La rapidité de ſes
nombreuſes conquêtes reſſemble à ſon ſtyle, qui
ſemble toujours courir. Il y a de l'eſprit dans cette
Brochure bien légère & bien frivole.
INSTRUCTION fur les Aſſemblées Nationales
tant générales que particulières , depuis le commencement
de la Monarchiejusqu'à nosjours , avec le
· détail du cérémonial obfervé dans celle d'aujourd'hui
, in 8 ° . Brochure de 182 pages. A Paris ,
chez Royez , Libraire , quai des Auguftins .
C'eſt ce que nous avons vu de plus complet dans
cette circonstance ſur ce ſujet intéreſſant.
PRINCIPES fur l'Administration temporelle des
Paroiſſes , par M. l'Abbé de Boyer , Official &
Vicaire -Général du Diocèſe de Carcaſionne , 2 Vol.
in- 12. Prix , 6 liv. brochés , 7 liv.4 ſols reliés. A
Paris , chez Leboucher , Libraire , qui de Gevres.
Cet Ouvrage eſt diviſé en quarre Parties , qui
traitent , 1º. des Marguilliers ; 2°. du Conſeil de
Paroiſſe ; 3. des biens des Fabriques ; 4°. de la
reddition des compres. GetOuvrage peut être utile ,
& nous a paru rédigé avec ſoin.
JOURNAL de Violon , dédié aux Amateurs ,
compoſé d'Airs de Théâtre , Rondeaux , Vaudevilles,
&c. pour deux Violons ou deux Violon
192 MERCURE
un
celles. Tout le Chant eft dans le premier, Deffus,
atin qu'il puifle étre exécuté par Violon feul.
Chaque Numéro fepard 2. Alonnement pour
douze Numéros 15 & 16 1
1
Ce Journal , comayme en 18 , le continue
toujours avec ſucces . On foufer chez Pau
M. Bornel l'aîné, Profeſſeur de Violon , rue Tiquetonne
, nº . 10 .
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pour la Harpe & pour le Clavecin. Une Feuille pour
chaque Inſtrument tous le Lundis. Prix , féparément
: liv. 4 fols. Abonnement pour cinquantedeux
Numéros 30 liv franc de port! A Paris , chez
Coufineau père & fils , Luthiers de la Reine , rue des
Poulies.
TABLE.
EPITAPHE de M. de Ver- phe ,
gennes ,
158
145 Voyage Pittoresque de Na-
Epitre à M. le Comte de ples & de Sicile , deuxième
Thyard , 146 Extrait ,
Lesdeux Hermites, Conte, 149 L'Anti Lucrèce ,
Charade, Enigme& Logogly Annonces &Noticer,
APPROBATION.
1
161
180
187
At In,per ordre deMgr le Garde des Sceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 24 Février 1987. Je n'y
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion.A
Paris , le 23 Février 1787. GUIDI
71
1
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE .
De Hambourg , le 7 Février.
I'Impératrice de Ruflie eft
en route actuellement.
S. M. partit le 12 Janvier
de Pétersbourg pour Czarkozelo , qu'elle a
quitté le 18 pour ſe rendre à Kiot. On aſſure
que les deux Petits Fils de cette Princeſſe
ne ſont pas du voyage; le premier plan a ce
ſujet ayant changé quelques jours avant le
départ de S. M. І.
Une nouvelle moins importante , mais
auſſi ſinguliere , eſt l'évation inopinée du
Prince Frédéric de Wirtemberg-Stutgard.
Ce Lieutenant Général , Gouverneur de la
Finlande Ruffe , a quitté ſubitement Pér
tersbourg, & s'eſt rendu , à Belin. It a emmené
avec lui ſes trois enfans ; & l'on attribue
le départ du Prince à un projet de rup
ture avecla Princeſſe ſon épouſe.
N°. 8 , 24 Février 1787. g
( 146 )
LesCommiſſions du tréſor de la Cou
ronne & de Lithuanie , s'occupent en Po
logne à examiner les mémoires préſentés
ſur les monnoies. En attendant unRéglement
defin.tif , on a publié des Univerſaux
qui portent à 18 lorins de Pologne les ducars
d'Holande, de Cremniz , de Salzbourg,
de Saxe , de Pruffe , de Venite , de Florence
& de Milan , & qui ne donnent aux autres
efpeces d'or d'autre valeur que celle qu'elles
auront intrinféquement.
Le Roi de Danemarck a défendu juſqu'a
nouvel orde de braſſer à Copenhague de
l'eau-de- vie de ſeigle ; cette défenſe ſera
commane aux villes de commerce , à dater
du 15 Avril prochain.
Pendant l'année derniere , on a compré
dans l'Evêché de Drontheim 1538 mariages
, 4718 naiſſances , & 5153 moris.
La Compagnie d'Afie a reçu la nouvelle
que ſes vaiſſeaux le Château de Dangsberg,
la Sophie Magdelaine & le Difco font arrivés
heureuſement àTranquebar , dans les
mois de Juin & de Juillet dernier , que le
premier de ces vaiſſeaux en eft parti le s
Juillet pour Bengale , que le ſecond a fait
voie le 19 du même mois pour la Chine ,
&que le troiſieme, reviendra ici deTranquebar
au mois dO&obre.
Il partira cette année pour la pêche de la
baleine 30 bâtimens de notre ville, 7 de
Brême , autant d'Altona , & 10.deGluckſtadt.
( 147 )
Pendant l'année derniere il eſt entré à
Koenigsberg 1576 navires , & il en eſt forti
1544.
On a compté durant la même année dans
le Duché de Mecklenbourg - Schwerin
10363 naiſſances , & 7880 morts . Les naiffances
à Roſtoc étoient au nombre de 338 ,
& les morts de 230.
De Berlin , le 6 Février.
Le Directoire général des Finances a fait
publier le 16 Janvier , que le ſirop venant
de l'étranger , pour la conſommation des
Etats du Roi , payeroit à'on entrée un écu
par quintal ; l'importation de cette marchandiſe
ne devant avoir lieu que du 1 Juin
prochain. Le Directoire a auffi déclaré publiquement
le 22 de ce mois , que le bruit
que les marchandiſes des fabriques étrangeres
pourroient entrer librement dans les
Etats du Roi pour y être vendues , étoit
deſtitué de fondement , & que l'intention
de S. M. étoit ſeulement de faciliter le tranfitde
ces marchandises par ſes Etats.
On aſſure que le Roide propoſe d'établ'r
à Berlin un Bureau de comme ce, dont les
membres feront tirés du corps des Négocians
, & qui fera préſidé par le Baron de
Werder, Miniftre d'Etat.
La Gazete de cette ville vient de publier
l'Ordonnance du Roi , concernant l'habillement
des Aides de camp , de l'Erat Ma-
F
2
( 148 )
jor , du Corps du Génie & des Officiersi
la fuite de l'armée.
Aide-de-Camp-généralde l'Infanterie. Habit de
drap bleu clair, collet , revers & paremens de
velours noir ſur coton , doublure jaune ,boutons
dorés , veſte & culotte dedrap jaune . Sur le chapeau
, un fimple cordon&une ganſe d'or. L'uniforme
degala eſt brodé en or,& le chapeau bordé
d'un galon large d'or.
Aide-de Camp généraldela Cavalerie. Habit de
drap blanc , collet , revers& paremens de velours
noir fur coton , doublure blanche , boutons dorés,
veſte&culotte dedrap jaune. Sur le chapeau , un
fimple cordon , une ganſe d'or & un panache.
L'uniforme de gala eſt brodé en or , le chapeau
bordé d'un galon. large d'or.
Aide-de-Camp de l'Infanterie. Habit de drap
bleu clair , collet , revers& paremens de velours
noir ſur coton , doublure jaune , boutons d'argent
maſſif, veſte&culotte de drap jaune. Sur le
chapeau, un ſimple cordon & une ganſed'argent.
L'uniforme de gala eſt brodé en argent , le chapeau
bordéd'un galon large d'argent.
Aide de- Camp de la Cavalerie. Habit de drap
blanc , collet , revers & paremens de velours noir
fur coton , doublure blanche , boutons d'argent
maffif, veſte & culotte de drap jaune. Suurrlechapeau
, un cordon , une ganſe d'argent & un panache.
L'uniforme de gala eſt brodé en argent , le
chapeau bordé d'un galon large d'argent.
Uniforme des Officiers de l'Etat-Major.
1º . De l'Infanterie. Habit de drap bleu c'air ,
collet , revers &paremens de drap rouge , doublure
rouge , boutons d'argent maffif, veſte &
caloree de drap jaune foncé. Sur le chapeau ,un
( 149 )
fimple cordon&une ganſe d'argent. L'uniforme
de gala eſt brodé en argent, le chapeau bordé d'un
galon large d'argent .
2°. De la Cavalerie Habit dedrap blanc, collet ,
revers & paremens dedrap rouge , doublure rouge
, boutons d'argent maffif, veſte & culotte de
drapjaune foncé. Sur le chapeau , un cordon, une
ganſe d'argent& un panache. L'uniforme de gala
eft brodé en argent , le chapeau bordé d'un galon
larged'argent. L'uniforme de gala d'un
Quartier-Matre généralde l'armée ſera pareil à celui
d'un Aide-de-Camp général.
Uniforme des Officiers à lasuite de l'armée.
1. De l'Infanterie. Habit de drap bleu foncé ,
coller , revers&paremens de drap rouge, doublure
blanche , boutons plaqués d'argent , veſte &
culotte dedrap blanc. Sur le chapeau , un fimple
cordon & une ganſe d'argent.
20. De la Cavalerie. Habit de drap blanc , collet
, revers &paremens de drap rouge , doublure
blanche , boutons plaqués d'argent ,veſte& culottede
drapblanc. Sur le chapeau , un timple core
don, une ganſe d'argent &un panache,
Uniforme des Officiers du Corps duGénie.
Habit de drap bleu foncé, coller ,revers & paremens
de velours noir fur coton, doublure noire,
boutons plaqués d'argent, veſte& culo te de drap
jaune. Sur le chapeau , un cordon& uneganſe
d'argent.
Ledénombrement de la haure Siléfie fait
en 1786 , porte la population de cette Province
à 373149 perſonnes, fans le militaire,
83
( 150 )
Sa furface eſt de 270 milles carrés , c'eſtpat
conféquent 1382 habitans par mille.
La population des villes , qui toutes enſem.
ble renferment 7715 maisons , eft portée à
56338 individus , ce qui donne 15 individus far
deux mai ons. Les mariages ont été au nombre
de 517 ; c'eſt un mariage ſur 109 vivans :
les naiſſances ont monté à 2438 , dont 1162
garçons & 1176 filles , ce qui produit preſque
cing enfans par famille ou mariage , &une
maiffance fur trois maiſons. Il y a eu 218;
morts dont 1071 hommes, & 1112 femmes , ce
qui fait deux morts ſur ſept maiſons , & un
mort fur 25 à 26 vivans. Parmiles naiſſances
dans les villes , il y avoit 69 morts nés , & 146
enfans illégitimes . On compte dans la haure
Siléfie 1496 villages qui contiennent 55972 maifons
, & une population de 316811 ames , ce
qui fait prefque 6 individus pour chaque maifon.
Le nombre des mariages y étoit de 3238
ce qui fait un mariage ur 97 vivans , & vn
mariage fur 17 maiſons. Les naiſſancesyétoient
au nombre de 15766 , dont 8065 garçons &
7701 filles , ce qui fait près des enfans par
mariage , ou deux enfans ſur ſept maitons ; les
enfans illégitimes étoient au nombre de 507,
ce qui fait un fur 57 naiſtances. Le nombre des
morts dans les villages avoit monté à 11109 ,
dont 5406 d'hommes , & 5703 de femmes , ce
qui fait unmort, fur 23 vivans ,, ouun fur s
maiſons.
1. RÉSUMÉ.
Total des mariages dans la haute Siléke , 3775
des naiſſances ,
des morts
,
............. 18204
13292
Encompaffant ces relevés avec ceux de l'an(
151 ) .
née 1785 , on trouve qu'il ya eu 143 mariages
de plus en 1786 qu'en 1785 , que les naiſſances
de 1785 , excedent de 1490 celles de 1786 ,
&que les morts de 1785 , turpaffent de 495 ceux
de 1786.
• On compte dans la haute Siléſie .
Catholiques ,
Luthériens ,
Réformés ,
Juifs , ..
..............
... ........
.........
... 348636
18192
651
5670
TOTAL.
De Vienne , le 8 Février.
373149
Par une Ordonnance de S. M. I. , du
27 Novembre 1786, & récemment publiée,
l'Empereur vient de déclarer de droit régalien
toutes les ſalines de la Galicie & Lodomerie
, & de s'en réſerver exclutivement
la propriété ainſi que l'exploitation. Toutes
les ſaines des particuliers feront réunies à
Tadm niſtration de la Chambre Impériale.
Tout Seigneur Foncier , qui ne revélera pas
les fources de ſel qui peuvent exiſter dans
fes domaines , payera 100 ducats d'amende.
On condamnera à la chaîne & aux travaux
publics , pour une ou fix ſemaines ,
ſelon la gravité du cas , les particuliers ou
chefs de Communautés qui cacheroient
ces ſources au Seigneur terrien .
Dix neuf Evêques de l'Empire, à la tête
deſquels on place ceux de Spire & de Ful
84
( 152 )
de, ont ſigné , dit on , une proteſtation,
par laquelle ils ſe déclarent indépendans des
Archevêques pour la conceffion des diffen
ſes dans leurs dioceſes reſpectifs.
Le nouveau Code Criminel eſt ſous
preffe, & paroîtra inceſſamment. La peine
de mort , dit on , eſt abolic, fauf quelques
exceptions.
Un Décret de laCour, du 7 de ce mois,
promet une gratification de cent ducats au
Savant qui compoſera le meil'eur livre élémentaire
fur l'Histoire eccléſiaſtique , à l'uſage
des Univerſités & des Lycées dans les
Etats héréditaires.
L'Empereur a fat préſent aux Dames
de la Viſitation de Sainte - Marie , de la
Maiſon qu'avoit occupée la Princeſſe Flifabeth
. S. M. I. y a ajouré un don de
20000 florins , qui doit fervir à arranger
cette maiſon , de maniere qu'on puiſſe y
élever un certain nombre de Demoiselles
pauvres &de condition.
L'Evêque de Roſenau , qui devoit réfigner
fon Evêché , le conſervera : mais il
fera obligé de donner soo ducats à la caſſe
dereligion.
Les dernieres lettres de Jaffy apprennent
l'arrivée du Prince Ypilanti, nouvel Hoſpodar,
dans cette Capirale de la Moldavie.
: Il eſt entré aux environs de Noël dernier
, à Schwanez , perite ville près de Kaminieck,
vis à vis de la fortereſſe de Choczim ,
(153 )
un détachement de troupes Ruffes , confiſtant
en deux Régimens d'Infanterie & un
Régiment de Carabiniers. Sahim Gueray ,
ancien Khan de la Crimée , ſe trouve dans
cette eſcorte : on ignore quelles peuvent
être les vues de ce Prince , & où il compte
diriger ſa route. Les Officiers Ruffes gardent
à ce ſujet le plus grand fecrer.
De Francfort , le II Février.
On apprend de Stutgard , que le Duc
regnant de Wirtemberg a levé un nouveau
Régiment d'Infanterie de 900 hommes , &
qu'il en a donné le commandement au Colonel
de Hugel . Ce Corps doit paſſer au
fervice de la Compagnie Hollandoiſe des
Indes Orientales , & ſe mettra le is en
route pour Fleſſingue .
Le ſieur Wilwerding , Officier au 8º. Régiment
de Dragons Hanoveriens , aimaginé
d'adapter le micrometre à un télescope
ordinaire , & d'en faire uſage dans les campagnes.
Il a eu l'honneur de préſenter ce
télescope à S. A. S. le Duc de Brunswick ,
qui l'a récompenſé généreuſement. )
Un Journal politique donne l'état fuivant
des productions & du commerce de
l'Autriche.
-
La Baffe Autriche ou l'Archiduché d'Autriche
eſt undes plus beaux & des plus fertiles pays de
P'Allemagne. La culture des terres , des prés
&des vignes y eft très-ſoignée. On eſtime à pres
gs
( 154 )
de 2 millions d'Eimer le via qu'on fait par an
Les fruits viennent en abondance; on enprépare,
fur- out dans la Haute Autriche , de la boiffon ,
du vinaigre& de l'eau-de -vie. Les prures fechées
fon un article confidérable de Commerce. Le
fafran , que l'on cultive dans cette province,
paſſe pour être le meilleur. La moutarde , la
garance, le gingembre &c. , y réuffiſſent aufi
très-bien. Parini ſes productions minérales , on
comp e l'alun , le ſalpêtre , ' e vitriol, le ſel ,
&c. On fait monter ce dernier article à 650000
quintaux par an , ou à 4,500,000 florins ; les
frais d'ex loitation en abſorbent près d'un mil.
lion. Les fabriques & les manufactures ſont nom.
b. euſes aujourd'hui dans cette province ; les plus
importantes font cellesde lainerie & de coton
établies à Lenz ; les fabriques des marchandiſes
de laiton & de fer en envoyent dans toute l'Allemagne
, dans la Pologne,la Ruffie & la Tur
quie. Le commerce de la Baſſe Autriche furpalle
cel i de tous les autres Etats héréditaires ; il
eſt confid rable avec le Levant; on eſtime à 6
mil ions les marchandifes qui y paſſent par an,
&à celles de retour.-La navigation ſur la
Traun & le Danube eſt importante; les bâtim-ns
vont juſqu'à la Mer Noire , & vifitent les ports
de Ruffie. Les routes ſont bonnes & bien entre
tenues par tout le pays.
L'Autriche inférieure , compoſée de la Stirie ,
de la Carinthie , de la Carniole , de Gorice , de
Trieſte & de Frioul ,eſt remplie de montagnes;
cependant elle ne manque pas de plaines & de
vallées bien cultivées. Ce pays eſt riche, fur-tout
en minéraux, de toutes les eſpeces , excepté l'étain
qu'il ne produit pas. Indépendamment de
la grande quantité de plomb & de cuivre que
l'ony exploite par an , on évalue à plus de 2000
( 155 )
marcs l'exploitation de l'argent, à 1800 juſqu'a
2000 quintaux celle du vifargent , à un million
dequintaux celle du fer , à plus de 150,000 quintaux
celle du ſel de cuiſine , à 15,000 minots
celie du ſel de mer, du vitriol & du ſoufre , à
1,500 celle du ſalpetre , du cobalt , &c. L'éduca
tion du bétail forme une de principales bránchesdu
commerce des habitans. La laine de la
Garniole eſt d'une très bonne qualité ; les chevaux
qu'on y éleve paffent pour aufli bons que
ceux d'Angleterre. Les ffaabbrriiqquueess lesplus importantes
ſon celles qui fourniffent des marchandiſes
de fer & d'acier. Les manufatures des toiles
en débitent par an pour environ 400,000
florins ; celles de ſoiries qui font établies fur les
territoires de Trieſte & de Frioul font tous les
ans de nouveaux progrès. Le commerce maritime
par Trieſte & la navigation nationale augmentent
confidérablement. Cette circonstance
fait perdre beaucoup auxVenitiens , qui autrefois
faifoient la majeure parrie du commerce d'Autriche.
Le port de Trieſte fait aujourd'hui un
commerce direct avec le Levant , les ports de la
Méditerranée, le Portugal , l'Eſpagne , la Chine
& les Indes orientales. En 1780 l'exportation
avoit monté à 6,822,041 florins , dont plus de
deux millions pour les productions minérales ,
500,000 pour tabac , 400,000 pour verreries ,
370,000 pour potaſſe , 1,900,000 pour toile &c .
L'importation avoit fait un objet de 5.697,512
florins , dont pour 1,200,000 de florins de l'huile
d'olives , pour 550,000 de café , pour 490,000
de thé , pour 360,000 de ſucre , pour 332,000
de fruits ſechés , oranges , &c. L'Autriche inté
rieure gagne plus de deux millions de florios
dans fon commerce avec l'étranger.
Le Tyrol reffemble beaucoup àla Suiſſe ; fes
g 6
( 156)
montages font auſſi bien cultivées qu'elles puilfet
l'étre. Cette Province produit de l'argent ,
du cuivre , du plomb, du vif-argent , du fer &
du fel ; ſes coteaux ſont couverts de vignes &
d'arbres fruitiers ; les vallées fourniſſent de bon
bled; le pâturage eſt excellent , & l'éducation
du bétail bien ſoignée ; les endroits les plus rudes
produiſent de beau lin & du chanvre ; les
mûriers & les vers à foie réuſſiſſent bien dans la
partie méridionale de cette Province. On fabrique
dans ce pays des marchandiſes de fer & de
laiton , du verre , beaucoup d'étoffes de laine ,
des rapis , de la ſoierie & du cuir.
L'Autriche antérieure , ou les poſſeſſions de
laMaiſon d'Autriche dans la Souabe & la Suiffe ,
le Briſgaw , le Burgow , Nellenbourg , Gunzbourg
, eſt montueuſe & remplie de bois ; les
plaines & vallées produiſent du fruit , du bled
&des légumes en abondance ; une partie de cette
Province eſt vignoble. L'éducation du bétal &
P'exploitation des mines d'argent , de plomb &
de fer, occupent beaucoup les habisans. Les principales
marchandiſes qui paſſent à l'Etranger font
du bétail , du vin , du cuir & des peaux , des
pietres à aiguiſer , des pendules de bois & d'autres
marchandiſes de métal & de bois.
ESPAGNE.
De Madrid , le 31 Janvier.
Une nouvelle tempête , écrit-on de Cadix,
a occafionné ſur la côte , le 11 & le
12, fix naufrages de bâtimens marchands ,
au nombre deſquels eft le brigantin les
Pilyades deRouen, Cap. Blanchet , chargé
( 157 )
de fer& de bois de Brefil , & l'Amédee Théo.
dore , Cap. Doucet , allant en left de Cherbourg
à Alicante. Les équipages ont été
ſauvés: on eſpere auſſi retirer le chargement
du premier , & remettre les deux navires à
flor.
Le Mentor , parti de Cadix pour l'Amé
rique , y eſt rentré après avoir beaucoup
fouffent , & s'être vu obligé de jetter à la
mer une partie conſidérable des marchandi .
fes dont il étoit chargé. Depuis le 6 de ce
mois , il eſt arrivé dans le même port 4 bâtimens
Eſpagnols venant de différens ports
d'Amérique,
Il eſt entré pendant le cours de l'année
derniere , dans la baie d'Alicante 757 bâtimens
; ſavoir , 346 Eſpagnols , ros François
, 84 Anglois , 58 Hollandois , 14 Napolitains
, 26 Danois , 54 Suédois , 21 Impériaux
, 24 Raguſiens , 22 Vénitiens ,
Genois & 2 Algériens.
ITALIE.
De Florence , le 25 Janvier.
Les Florentins , reconnoiſſans de la longue
ſuite de bienfaits & de loix ſages , qui
leur rendent fi chere la perſonne de leur
Souverain , ont ouvert une ſouſcription ,
pour ériger à S. A. R. une ſtatue équestre
debronze ; en trois jours elle s'eſt trouvée
remplie ; les citoyens de tous les ordres ,
J
(158 )
même les Juifs, s'étant hâtés d'y prendre
part. Ayant demandé au Grand -Dec la
permiffion d'exécuter ce monument , ils
ont reçu cette réponſe remarquable , & audeſſus
de tout éloge .
>> S. A. R. le féréniſſime Grand Duc avu
la Supplique , ſignée de diverſes perſonnes
de cette Capirale , par laquelle on demande
la permiſſion de lui ériger une ſtatue équef
tre de bronze , & elle a été informée de
l'ardeur avec laquelle on defire cet ouvrage,
ardeur qui a été manifeſtée par la promptitude
avec laquelle , ſans s'être auparavant
concertés , on avoit trouvé les fonds né
ceffaires.
>>S. A. R. qui trouve dans l'affection &
la reconnoiſſance de ſes ſujets la récom
penſe la plus précieuſe de ſes ſoins continuels
pour le bien public , a reçu avec une
extrême joie & fenfibilité cette preuve nouvelle
& non équivoque des ſentimens de
leur coeur; & la forme dans laquelle elle lui
a été donnée , honore le caractere de la nation
, non moins que le Souverain.
>> S. A, R. ne refuſe pas abfolument un
monument qui perpétue la mémoire de ſes
follicitudes paternelles ,& la reconnoiſſance
affectueuse & fincere avec laquelle ſon peuple
y correfpond ; ma's ele croit que pour
eet effe il ſuffit d'une ſimple inſcription en
marbre , à mettre dans quelque lieu public.
>>Que ſi cependant l'on veut eniployer à
( 159 )
que que objet les ſommes offertes pour la
ſtatue qu'elle n'accepte point , il lui paroît
préférable de les appliquer à quelqu'ouvrage
d'utilité publique , plutôt qu'à un monument
de luxe & d oftentation.
>>>Pour un ouvrage de cette nature , S.
A. R. ſe fera un plaiter d'étre miſe au nombre
des aſſociés, & elle fournira toute la
ſomme qui pourroit manquer pour fon éxécution>.
>>
Le célebre Abbé Spallanzani , eft, arrivé
à Milan , de Conſtantinople ,d'où il eſt parti le
26 du mois d'Août dernier. Ce voyage qu'il a
fait par terre a été très-pénible & a dérangé
ſa ſanté. Il ſe rend à Pavie , & il apporte avec
lui pour le Musée impérial vingt- trois grandes
caiffes de curioſités naturelles , & des journaux
très - exacts d'obſervations phyſiques
& météorologiques , faites fur le boſphore
de Thrace ſur la Mer-noite & en différens l'eux
de la Bulgarie de la Tranfilvanie & de la Hon
grie. Cer illuſtre Profeſſeur a des matériaux
choiſis enaffez grande quantité , pour former
un ouvrage de pluſieurs volumes , dont il va
s'occuper , & dans lequel il inférera le réfultat
de ſes autres voyages.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 13 Février.
:
Un courrier du Cabinet , expédié de Pa
ris par M. Eden , a apporte au Secrétaire
d'Erat , du département des Affaires étran
geres , ia Convention ultérieure entre Sa
L
( 160 )
Mai. Brit. & S. M. T. C., relative à l'exécu
tion du Traité de Commerce &de naviga
tion. Cetre convention explicative de quel
ques articles , a été ſignée à Verſailles , le
15 Janvier , & échangée le 29 du même
mois entre les Plénipotentiaires refpectufs.
En voici la teneur.
Le Roi de la Grande Bretagne & le Roi
Très-Chrétien voulant , conformément aux Articles
Vime. & XLIIIme, du Traité de Naviga,
tion&de Commerce , ligné à Verſailles le 25
Septembre 1786 , éclaircir certains points fur
leſquels on s'eſt réſervé de convenir ; L. M.
Britannique & Très Chrétienne , toujours dil
poſées à reſſerrer plus particulièrement l'heureuſe
intelligence qui les unit , ont nommé
pour cer effet leurs plénipotentiaires reſpectifs ;
favoir,de la part de S. M. Britannique , le ſieur
Guillaume Eden , membre de ſes conſeils-pri
vés dans la Grande-Bretagne & en Irande ,
membre de fon parlement Britannique , & fon
envoyé extraordinaire & miniſtre plénipotentiaire
près de S. M. Très -Chrétienne ; & de la
part de S. M. Très-Chrétienne , le ſieur coate
de Vergennes , miniſtre & ſecrétaire d'état,
ayant le département des affaires étrangeres , &
chefde fon conſeil royal des finances ; leſquels ,
après s'être communiqué leurs pleins - pouvoirs
reſpectifs , ſont convenus des articles ſuivans :
Article premier. L. M. ayant flatué dans l'article
VI dudit Traité : Qu'on claſſera les droits
>> ſur la quincaillerie & la tableterie ( en Anglois
,hard- ware , cutlery , cabinet- ware &turnery)
& ſur tous les ouvrages gros & menus
> de fer , d'acier , de cuivre & d'airain ; &que
> le plus haut droit ne paſſera pas dix pour cent
( 161 )
&
de la valeur . Il eſt convenu , que la tabletteric
( en Anglois , cabinet-ware & turnery)
azout ce qui eſt compris ſous ces dénominations ,
de même que les inſtrumens de muſique, paieront
dix pour cent de leur valeur.
1
Tous les articles compoſés de fer ou d'acier ,
purs ou mélangés , ou travaillés, ou montés avec
d'autres ſubſtances , dont la valeur ne ſera pas audeſſus
de 60 liv. tournois , ou de so shelings le
quintal , paieront ſeulement 5 pour cent de leur
valeur ; & tous les autres objets , comme boutons,
boucles , couteaux , ciſeaux , & tous les différens
articles compris dans la quincaillerie ( en Anglois
, hard-ware & cutlery ) , ainſi que tous autres
ouvrages de fer &d'acier , de cuivre & d'airain
, purs ou mélangés , ou travaillés , ou montés
avecd'autres ſubſtances , paieront to pour cent
de leur valeur.
Si l'un des dewy Souverains iuge à propos d'ad
10
mettre leſtits articles , ou quelques-uns ſeulement
de quelqu'autre Nation , à raiſon de leur
utilité , ſous undroit plus modéré , il fera participer
audit rabais les Sujets de l'autre Souverain,
afin qu'aucuneNation étrangere n'ait fur ce point
de préférence à leur préjudice.
Par les ouvrages de fer , d'acier , de cuivre &
d'airain , on n'entend point le fer en barre , le fer
engueuſe (en Anglois , bar iron & pig iron ) & en
général , aucune forte de fer , d'acier , de cuivre
ou d'airain , qui ſont dans l'état de matiere premiere.
II. L. M. ayant auſſi Aatué ,dans l'article VI,
« Que pour d'autant mieux aſſurer la perception
exacte des droits énoncés au tarif, payables ſur
la valeur des marchandises , elles conviendront
entr'elles , non-ſeulement de la forme des déclarations
, mais auffi des moyens propres à 2
(162 )
>> prévenir la fraude ſur la véritable valeur def.
>> dites denréus & marchandises. >>>>Il eſt convenu
que chaque déclaration Tera donnée par écrit , &
fignée par le Marchand , le propriétaire , ou le
facteur , qui répond des marchandises à leur en.
trée , laquelle déclaration contiendra un détail
exact defdites marchandises & de leurs embalages
, des marques , numéros & chiffres , & du
cortenu de chaque balot ou caitfe , atteffera
qu'elles sont du produ't du ſol , ou des manufacturesdu
Royau ned'où elles sont importées,
&fera mention de la juſte & véritable valeur def
dites marchandises , afin d'en payer les droits en
confequence Que les Officiers de la Douane où
la déclaration fera faite , auront la liberté de faire
relle viſi e qu'ils jugeront à propos deſdites marchandises
, à leur defcente à terre non- feulement
pour conſtater les faits exposés dans ladire
déclaration, que les marchandises font leproduit
du pays y mentionné , & que l'expoſé de lear
valeur & quantité eſt ex &; mais auſſi , pour
prévenir l'introduction clandefine d'autres marchandifes
dans les mêmes balots ou caiſſes : bien
entendu , cependant , que leſdives viſites feront
faites avec tous les égards poffibles pour la
commodité des commerçans & pour la confervation
delires marchandises .
,
,
Si les Officiers des Douanes ne font pas contens
de l'eſtimation faite dans ladite déclaration
de la valeur deſdites marchandiſes , ils auront la
liberté , avec le conſentement du Chef de la
Douane du port , ou de tel autre Officier nommé
pour cet effet , de prendre leſdites marchan
diſes , ſuivant l'eſtimation faite par la déclaration
, en accordant au Marchand ou Propriétaire
un excédant de dix pour cent , & lui reftituant
ce qu'il pourroit avoir payé pour les droits fur
( 163 )
leſdites marchandises . Dans ce cas , le montant
en tera payé fans delai , par la Douane du port ,
s'il s'agit d'objets dont la va'eur n'excede pas
480 liv. tournois , ou 20 liv. ſterlings ; & dans
15 jours , au plus tard , fi leur valeur excede
ladite fomme .
Et s'il arrive qu'il yait des doutes ſur la valeur
deſdites marchandises , ou fur le pays dont elles
font le produit ,les officiers de la douane du port
donneront leur déciſion li -deſſus , avec la plus
grande expédition pofſible , & le toms (mployé
à cet effet n'excédera , en aucun cas,
l'espace de huitjours , dans les ports où les officiers
ayant la régie principale des droits , font
établis , ni celui de quinze jours dans quelqu'autre
port que ce ſoit . ,
Il eſt fuppofé & entendu , que les marchandiſes
admiſes par le préſent traité font
reſpectivement du crû du ſol , ou de produit des
manufactures des Etats des deux Souverains en
Europe.
Pour obliger les commerçansà être exacts dans
les déclarations requires par le préſent article ,
ainſi que pour prévenir tout doute qui pourroit
s'élever ſur la partie de l'article Xdudit traité ,
qui porte que s'il y a omiffion d'effets dans ladéclaration
fournie par le maître du navire, ils
ne feront pas ſujets à la confiſcation , à moins
qu'il y ait une apparence manifeſte de fraude ,
il eſt entendu que dans un tel cas, leſdits effers
feront conflqués , à moins que des preuves
fatisfaiſantes ne foient données aux officiers
de la douane qu'il n'y avoit aucune intention de
fraude.
Att. III. Pour prévenir l'introduction des
toiles de coton manufacturées dans les Indes
Orientales , ou dans d'autres pays , comme fa
( 164 )
elles l'étoient dans les Etats reſpectifs de
deux Souverains en Europe , il eſt convenu,
que les toiles de coton manufacturées dans
lefdits Etats , pour être exportées de l'un
chez l'autre reſpectivement , auront aux deux
bouts de chaque piece un marque particuliere
, déterminée de concertpar les deux gouvernemens
, tiſſue avec l'étoffe , de laquelle
marque les gouvernemens reſpectifs donneront
avis' neuf mois d'avance aux manufacturiers ; &
ladite marque fera changée de tems en tems,
ſelon que le cas l'exigera. Il eſt auffi convenu
que , juſqu'à ce que ladite précaution puiffe étre
miſe en effet , leſdites toiles de coton expertées
mutuellement , feront accompagnées d'un
certificat des officiers de la douane , ou de
tel autre officier nommé à cet effet , pour atteſter
qu'elles ont été fabriquées dans le pays
qui exporte;& auſſi qu'elles font revêtues
des marques déjà preſcrites dans les pays
reſpectifs, pour diftinguer de telles toiles de celles
qui viennent d'autres pays.
Art. IV. En réglant les droits fur les batiffes
& les linoms , on a entendu que leur largeur
n'excédera point , pour les bariſtes , ſept haitiemes
de verge , meſure d'Angleterre ( environ
trois quarts d'aune de France ) , & pour les linons
, une verge & un quart meſure d'Angletere
(une aune de France ) ; & fi dans la fuire
on en faitd'ane largeur qui excede celles- ci ;
ilspaieront un droit de dix pour cent de leur
valeur.
V. Il est également convenu, que ce qui eſt ſtipulédans
l'article XVIII du traité , ne ſerapas
cenſédéroger aux privileges , réglemens & uſages
déjà érablis dans les villes ou ports des Erats
reſpectifs des deux Souverains : & auffi que ,
ام
(165)
par l'article XXV dudit traité , on n'entend
*point qu'il ait rapport à autre choſe , finon
aux vaiffeaux ſuſpects de porter , en tems de
guerre , aux ennemis de l'une ou de l'autre des
hautes parties contractantes , des articles défendus
, appelés de contrebande ; & ledit article ne
pourra empêcher les viſites des officiersdes douaines
, pour prévenir le commerce illicite des Etats
respectifs .
1
1
VI. L. M. ayant ſtatué par l'art . XLIII dudit
traité , de déterminer la nature & l'étendue des
fonctions des confuls ," & qu'une convention re-
לכ
כי
lative à cet objet , ſeroit faite immédiatement
>> après la fignature du préſent traité , & feroit
cenſée en faire partie , il eſt convenu qu'on
rédigera cette convention ultérieure dans l'efpacededeuxmois
,&qu'en attendant , les conſuls
généraux , les confuls & les vices-confuls,
ſe conformeront aux uſages déjà pratiqués , relativement
au conſulat , dans les Etats reſpectifs
des deux Souverains ; & qu'ils auront tous
lés privileges , droits & immunités que leur qualité
ſuppoſe , &qui ſont donnés aux confuls-généraux
, confuls & vice-confuls de la nation la
plus favoriſée.
VII. Il ſera libre aux ſujets de S. M. Britan
nique de pourſuivre en France leurs débiteurs ,
pour lesrecouvrement de dettes contractées dans
les Etats de ſadite Majesté , ou ailleurs , en Europe
, & d'y intenter action contre eux , en ſe
conformant aux voies de droit uſitées dans le
Royaume : bien entendu que le même uſage
aura lieu pour les François , dans les Etars Européens
de S. M. Britannique.
VIII. Les articles de la préſente convention
feront ratifiés & confirmés par Sa Majefté Britannique,
&par Sa Majesté Très-Chrétienne ,
( 166)
dans un mois , ou plutôt , ſi faire ſe peut , aprè
l'échange des fignatures entre les Plénipotentiaires.
En foi de quoi , nous Miniſtres plénipotentiaires
avons ſigné la préſente convention , &
avons fait appoſer le cachet de nos armes .
Fait à Versailles , le 15 Janvier 1787 .
WM . EDEN (L. S. )
GRAVIER DE VERGENNES . ( L. S. )
On préfume que le Roi ne tardera pas à
nonimer des Confuls pour les différens Ports
de France où notre Commerce ſera plus
conſidérable , tels que Bordeaux , l'Orient ,
la Rochelle , Dunkerque , Nantes . Rouen,
Marseille , & Cette. Des Vices-Confuls réſideront
dans les Ports moins impo.tans; le
Conful général ſera à Paris , à ce qu'on
ajoute , & chaque mois , il recevra des Confuls&
Vice-Confuls l'état des Vaiſſeaux &
des chargemens Anglois, qui ſeront entrés
dans les Ports de leur réſidence.
Les affaires Parlementaires ſont devenues
ſi intéreſſantes depuis huit jours , & ont en
même tems donné lie!! à de ſi longs diſcours,
que nous ſommes réduits pour le momentà
préſenter ſeulement l'hiſtoire rapide & le réſultat
deces diſcuſſions.
Le 2 , les Communes s'étant formées en
grand Comité de ſubſides , il fut arrêté ; 1º .
de lever pour l'année 1787, 18,000 hommes
de mer ,y compris 3,860 foldats de marine.
20. D'affigner , pour l'entretien de chaque
homme pendant l'eſpace de 13 mois une
( 167 )
ſomme qui n'excéderoit pas 4 liv. ſterl. par
mois.
Par des Bills précédens , le Parlement
Lavoit févèrement défendu la diviſion & le
Commerce des Billers de Loterie , dent
* la valeur est trop conſidérable pour tenter
les claſſes inférieures du Peuple ; mais des
Spéculateurs dangereux ont éludé cette dé-
* fen ſe ſi judicieuſe , en offrant des aſſurances
ou des eſpèces de paris , pour de très petites
ſommes , fur le fort de tels ou tels Billets.
Plus d'une fois on a tenté d'arrêter ce jeu
meurtrier , mais les joueurs ont été plus forts
que la Loi , tant il eſt vrai qu'il eſt impoffible
d'arrêter le développement de tous les
abus que doit entraîner néceſſairement une
inſtitution abuſive &pernicieuſe par eſſence,
telle que celle des Loter'es publiques. Le
Gouvernement ne ſachant apparemment
comment remédier à ce déſordre , a pris le
parti de légitimer un certain nombre de ces
Bureaux d'apparence , auxquels on a preſcrit
des conditions , & qui paieront le droit
d'exercer leur induſtrie ſur la crédulité du
Peup'e. Le Bill, à ce ſujet , a paſſé à la troiſieme
lecture , malgré de très-raiſonnables
oppoſitions ; nous en rendrons compte plus
endérail lorſqu'il ſera imprimé.
Les , le Chanceller de l'Echiquier fit , comme
il l'avoir annoncé , une motion pour que
la chambre ſe formât en grand Comité le 13 ,
afin d'examiner la partie du diſcours du Roi ,
relative au traité de navigation &de commerce
( 168 )
corclu entre S. M. B. & le R. T. C. LordGeorg
Cavendish fit ſur le champ une autre motion
pour la convocation généralede la chambre , &
pour que l'on ſubſtituat le 20 au 13 ; certe con
vocation & ce délai lui paroiffant indifpenfables
dans une affaire auſſi importante. M. Fox
foutint qu'il étoit indécent de laiſfer à la cham
bre fi peu de temps pour procéder à des délibé.
rations auſſi importantes. M. Pitt ſoutint le con
traire ; & après de longs débats , la motion de
M. Pitt pafla à la pluralité de 213 voix cons
tre 89 .
Dans le cours des débats, M. Pitt ſe ſervit
d'expreſſions peu meſurées , qui lui attirerent
de vives récriminations. Lord George
Cavendish , digne par ſon âge & par fon
mérite , de toutes fortes d'égards, & à qui le
Miniſtre avoit dit fort durement qu'il fi
trompoit , fitobſerver que la mere de M. Pitt
n'étoit pas encore mariée , que lui , Lord
George, éroit déjà Membre du Parlement,&
qu'il étoit un peu étrange qu'un auſſi jeune
homme voulût lui apprendre à en connoître
les règles. M. Burke alla plus loin , & dit :
«Avoir la précipitation avec laquelle on veut
difcuter le traité , on diroit qu'il ne s'agit que
d'ouvrir une correſpondance entre deux maiſons
de commerce. Le génie du miniſtre eft
trop rétréci pour embraſſer les grands ſyſtemes
des nations. Semblable à un petit boutiquier ,
il ne paroît occupé que du ſoin de procurer autant
de balands à l'enſeigne du Lion qu'à celledes
Fleurs de Lys. Ne lent-il pas que la conſéquence
de l'infraction du traité de Methuen
entraînera indubitablement la prohibition totale
des
( 169 )
Shes marchandiſes angloiſes dans le Portugal ?
Pouvoit- il aſſurer que les négocians & les fa-
Oricans de la Grande-Bretagne , étoient ſuffiamment
inſtruits de l'état de leur commerce
avec le Portugal ,dans le cas où le traité avec
Ja France auroit lieu ? Pourquoi n'écoutoit . il
point la voix du peuple fur ce ſujet , avec autant
d'attention qu'il l'avoit écoutée , lorſque
ce même peup'e lui avoit préſenté des adreſſes
fur ſon acceſſion au miniſtere ? L'honorable
membre , par le ſecours d'une petite échelle ,
étoit parvenu à grimper par derriere fur les
trétaux d'où , en vrai charlatan , il diftribuoit
Iſon baume , entouré de ſes paillaſſes qui le ſecondoient
de leur mieux. Il étoit malheureux que
les farces qu'ils donnoient , fuſſent remplies d'in
jures ſans raiſonnemens & fans ſel , qui n'amufoient
point ceux qui l'entendoient , & feroient
infiniment moins amuſantes pour la poſtérité
, &c . &c.
.
M. Pitt répliqua qu'accoutumé aux groffieretés
ordinaires de l'Honorable Membre ,
il les recevoit avec autant de pitié que de
mépris ; parole qui entraîna de nouveaux
farcafmes non-moins injurieux.
Le 7 , la Chambre procéda à l'examen de
l'accuſation portée contre M. Hastings , au
ſujet des Begums ou Princeſſes d'Oude. II
s'agiſſoit de ſavoir s'il avoit injuſtement ou
non, opprimé cette Douairiere de Sujah-
Dowla, ravi fon douaire , ſes tréſors , armé
lefils contre la mere , malgré la teneur d'un
Traité dont la Compagnie étoit garante ;
malgré les loix de la nature , de la juſtice ,
&du droit des gens. M. Sheridan ouvrit le
N°. 8 , 24 Février 1787. a
( 170 )
débat & en décida l'iſſue , en quelque for
à toice ouverte , par un D.fcours de cing
heures , qui ne ralientit pas un inſtant Fa
tention & l'intérêt des Auditeurs , &qui,
par ſes mouvemens ainſi que par ſes ſucces,
a rappellé , fans éxagération , les effers de
Teloquence populaire dans les anciennesRe
publiques. Cette harangue véhémente a enlevé
les applaudiſſemens de tous les Partis.
Nous en ferons connoître les morceaux les
plus remarquables , lorſque nous l'aurons
entiere; ce ſeroit faire injure à l'Oraten
de rapporter les extraits de ſon difcours inférésdans
les Papiers publics. Nous nous
bornons aujourd'hui à l'énoncé du fait en
queſtion , tel que le préſenta M. Sheridan.
En 1776 , les beſoins du Nabab , Vifir d'Oude,
l'avoient engagé à demander un ſubſide à ſa mère.
Celle ci lui accorda une certaine ſomme , & il
renonça à toutes ſes prétentions ultérieures. M.
Haftings ſe rendit garant de cette convention,
qu'il a depuis violée , ſans y être autorisé par la
moindre provocation , en infinuant au Nabab de
s'emparer des tréſors de ſa mère pour la liquidation
des ſommes qu'elle devoit à la Compagnie,
ou plutôt , de l'arrêter elle-même. M. Haftings
a prétendu que les Loix Muſulmanes donnoient
au Nabab le droit de s'approprier ces tréſors ;
mais ſes allégations font frivoles & fauffes ; mais
on ſuppoſant même que le Nabab cût eu dans
l'origine un pareil droit , il ne pouvoit plus l'exercer
, après y avoir renoncé d'une maniere auſſi
folemnelle. M. Hastings a accuſé auſſi les Bégums
d'avoir troublé le Gouvernement du Nabab , de
s'être oppoſés , à main armée , à la repriſe des
( 171 )
:
Jaghires , ( terres ſervantde douaire. ) & d'avoir
fomenté la rébellion dans ſes Etats , avant qu'on
* ſe fût permis la confiſcation des tréſors. Ces faits
ſont deſtitués de fondemens. »
: Ce Diſcours fit une telle impreſſion ,
qu'il ôra preſque la parole aux défenſeurs
de M. Hastings , ou du moins , empêcha
d'écouter leurs argumens ; M. Pitt entraîné
par le ſentiment de droiture qui le
caractériſe , & peut-être un peu par la politique
, propoſa un ajournement au lendemain;
ajournement que néceffitoient la
duréedu diſcours de M. Sheridan ,& le défordre
où il avoit mis les eſprits. Le 8 , la
motion fut repriſe , & plaidée pour ou contre
par divers Membres. M. Pitt parla avec
autant de ſageſſe que de ſincérité ; il prouva
qu'on groſſiſſoit injuſtement les reproches à
faire à l'ex-Gouverneur Général duBengale;
mais qu'il ne pouvoit échapper à la cenſure
que méritoit une partie de ſa conduite publique
dans cette affaire. Nous reviendrons
à fon difcours & à quelques autres ; en
nous contentant de dire ici , que le Miniſtre
vota pour la motion de M. Sheridan , &
qu'à la pluralité de 175 voix contre 63 , il
fut décidé que les Charges relatives à la conduite
de M. Hastings envers les Princeſſes
d'Oude , contiennent des chefs d'accusations
hautement criminels contre ledit Waren Haftings.
Ce célebre Gouverneur eſt donc aujourd'hui
, fans retour , dans les liens de l'imh
( 172 )
peachment ; fon procès lui ſera fait par la
Chambre-Haute , qui décidera , commeJuge
&fur une procédure attentive , ce qu'à préfumé
la Chambre des Communes d'après
l'eloquence de quelques Orateurs.
و
Cet événement donne lieu à une réflexion.
Parmi les nombreuſes accufations dontM.
Haſtings eſt l'objet , il n'en eſt pas une qui
Pinculpe de péculat , ni de ſpoliarions , ni
dericheſſes injuſtement acquiſes. Des Commis
font revenus de l'Inde plus opulens
que lui ; & quoiqu'évidemment entachés
des plus horribles exactions , perſonne n'a
fongé à leur intenter un procès. Nous
avons vu lord Clive , le Chevalier Rum
bold , & d'autre accuſés des crimes , des
malverſations , des pillages les mieux prouvés
, en horreur même à l'Inde entière , traduits
pardevant la Chambre des Communes
, & abfous . Il eſt donc bien étrange que
ſa ſé érité tardive s'exerce aujourd'hui fur
un homme, auquel elle n'a d'autre reproche
àfaire, que d'avoir trop bien ſervi l'Etat par
des mesures politiques , injuſtes peut-être ,
violentes même ; mais qui , en aucune mamière,
n'avoient l'intérêt perſonnel du coupable
pour objer.
Le plus impartial , le plus incorruptible ,
Jepatriote le plus vertueux & l'un des plus
éclairés de la Chambre Baſſe , M. Dempſter,
préienta cette conſidération avec une can-
Sour qui auroit fûrement ramené la Cham(
173 )
bre, ſi elle n'eût été frappée d'un ſentiment
tellement exalté , qu'il empêcha de parler ,
vers la fin de la ſéance , divers Membres
encore de fang froid.
>>> Lorſque le Gouvernement , dit M.
>>>Dempster , a accordé à la Compagnie des
>>>Indes le pouvoir de régir ſes domaines
>>dans l'Inde , il l'a autoriſée à y envoyer des
>> Gouverneurs , dont la premiere inſtruc-
>> tion eſt de défendre cet Empire , par tous
>>>les moyens que la néceſſiré peut juſtifier.
Jusqu'à ce qu'on prouve que les actions
>> de ces Gouverneurs ont été dirigéesparun
>>principe de corruption perſonnelle , il faut
>> être circonfpect à les accuſer de ce qu'ils
>>ont faituniquementpour ſervir leursCom-
>> mettans : il ne faut pas s'imaginer qu'on
>>>puilſe en Angleterre examiner &juger lai-
22 nement la conduite de ces Gouverneurs
22 dans l'Inde , comme nous jugeons celle
>> de nos Miniſtres. D'ailleurs , s'éleve- t-il
>>une ſeule voix de l'Inde contre M. Hal-
>> tings ? Où font les plaintes de cette con-
>> trée , qu'on prétend avoir été foulée par
>> fes oppreſſions ?
1
M. Haſtings peut fans doute paroître répréhenſible
aux yeux des Etrangers , des
particuliers même ; mais il eſt affez extraordinaire
qu'une nation ufurpatrice
d'une partie de l'Indoftan , veuille mêler les
regles de la morate à celles d'une adminiftration
forcée , injufte & violente par eſſen-
,
h3
( 174 )
ce, & à laquelle il faudroit renoncer àjamais
pour être conféquent.
Quoi qu'il en ſoit , ce n'eſt pas un événement
ordinaire que celui d'un pareil procès
fait contre le feul Anglois qui , dans laderniere
guerre , ait ſauvé les poffeffions commiſes
à ſes ſoins, & attaquées de toutes parts.
Une dette accrue de 100 millions ſterlings
n'avoit conſervé à l'Angleterre , ni l'Amé
rique , ni quelques-unes de ſes Ifles , ni le
Sénégal , ni Minorque. Dans l'Inde , elle
avoit à combattre les François , les Hollandois
, les Marates , Hyder-Aly , &d'autres ;
& la récompenſe de celui dont le zele , l'activité&
le courage rendirent inutile cette
combinaiſon de dangers, eſt un impeachment.
Onprétend , &ce n'eſt pas ſans quelques
fondemens , que M. Hastings s'étoit vu
maître de ſe faire Empereur du Mogol.
Voilà une étrange viciffitude de deſtinées ;
& cela pour avoir eu dans le Conſeil de
Bengale un ennemi mortel , qu'il fut obligé
de faire rappeller , & à qui ſa place dans
1Oppofition a facilité le ſuccès de ſa vangeance.
Hit 12 , la Chambre s'eſt formée en comité
, pour s'occuper du Traité de commerce
, & après des débat fort chauds , que
nous rappo sterons dans le Journal prochain ,
la motion dau Miniſtre , en faveur de l'approbation
à clonner à ceTraité , a paſſé à la
( 175)
majorité de 132 voix ; 248 ayant voté pour,
& 116 contre.
On ſuppoſe que les différentes Manufactures
de la Grande Bretagne emploient cinq millions
d'habitans. Un Anglois , qui a écrit depuis peu
fur le Traité de Commerce , a fait monter la
valeur actuelle des différentes Manufactures de
ce Royaume , à la ſomme de 51,410,000 liv. &
il en a donné le tableau ſuivant.
Les draps
Le cuir
Le lin
Le chanvre
Le verre
Le papier
La porcelaine
La ſoie
Le coton
Le plomb
L'étain
Le fer
L'acier laminé
1
FRANCE.
16,500,000
10,500,000
1,750,000
৪০০,০০০
630,000
780,000
1,000,000
3,350,000
960,000
1,650,000
1,000,000
8,700,000
3,400,000
De Versailles , le 12 Février.
1
Le Roi , la Reine & la Famille Royale ,
ont ſigné , le 2 de ce mois , le contrat de
mariage du Marquis de Sinetty , premier
Maître-d'Hôtel de Monfieur , Meſtre de-
Camp en ſecond du Régiment d'Angoumois
, Infanterie , avec demoiselle de Brancas,
Le Prince de Carency , le Marquis de
h4
( 176 )
Chabannes & le Chevalier d'Abzac , quí ,
précédemment , avoient eu l'honneur d'être
prelentés an Roi , ont eu , le 7 de ce mois ,
celui de monter dans les voitures de S. M.
&de la ſuivre à la chaſſe.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Pamiers,
l'Abbé d'Agoult , Grand-Vicaire de Pontoiſe
,& à l'Abbaye réguliere de Beaucaire,
Ordre de S. Benoît , dioceſe d'Arles , la
Dame d'Urre , Religieuſe à Caromb , dioceſede
Carpentras.
Le ſieur Lagrange , Libraire , a eu l'honneur
de préſenter au Roi les deux premiers
volumes de la Collection des meilleurs ouvrages
françois , compoſés par des femmes ,
par la demoiſelle de Keralio, ouvrage que
S. M. a honoré de ta ſouſcription (*).
Leurs Majestés & la Famille Royale ont
ſigné , le 11 de ce mois, le contrat de mariage
du Marquis de Guillaumanches du
Bofcage , avec demoiselle de Loftanges ;
celui du Comte Charles de Juigné , Capitaine
au Régiment de Berry , Cavalerie ,
avec demoiselle du Floquet de Réals , &
celuidu Comte Alexandre le Sénéchal-Carcado,
avec demoiselle de Saulx Tavannes.
Le même jour , la Marquise des Deux-
Ponts & la Comteſſe de Nonant , ont eu
Thonneur d'être préſentées à Leurs Majestés
&àla Famille Royale , la premiere par la
(*) Ils se trouvent chez l'Auteur , rue de Grammont
, nº. 17 , & chez le ſieur Lagrange , au PelaisRoyal
, nº. 123 .
( 177 )
Vicomteſſe des Deux-Ponts , Dame pour
accompagner MadameElifabethde France,
&la ſeconde par la Marquise de Piercourt.
Le Roi a nommé Miniſtre & Secrétaire
d'Etat , au département des Affaires étrangeres
, le Comte de Montmorin , Commandant
en Chef pour Sa Majesté , en Bretagne.
Il a eu , le 14, Thonneur de faire fes
remerciemens au Roi, lui étant préſenté par
le Baron de Breteüil , Miniſtre & Secrétaire
d'Etat, auquel le Roi a confié le détail des
Provinces qu'avoit le feu Comte de Vergennes.
Aujourd'hui , le Comte de Montmorin ,
Miniſtre d'Etat , a prêté ferment entre les
ma'ns du Roi , pour la Charge de Secrétaire
d'Etat des Affaires Etrangeres.
Le ComteJoſeph de Montaur, le Vicomte
de Clermont-Tonnerre , & le Chevalier de
Maulevrier Colbert , qui avoient eu l'honneur
d'être préſentés au Roi , ont eu , lers
de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majesté , &de la ſuivre à la chaſſe.
: Le ſieur Blie a eu l'honneur de préſenter
à Sa Majesté la 3º. livraiſon des Portraits
des Grands-Hommes , Femmes illuftres , &
ſujets mémorables , gravés & imprimés en
couleur , dédiés au Roi (*).
e
(*) Cet ouvrage fe trouve chez le fieur Blin
Imprimeur en Taille-douce , place Maubert , nº. 175
le prix de chaque livraiſon eſt de 8 liv. four Paris ,
&de 9 , franc de port , par la Pofte .
( 178 )
De Paris , le 22 Févriers
Dans la nuit du 12 au 13 de ce mois, eſt
mort à Verſailles , dans la 68 °. année de ſon
âge, CharlesGravier, Comte de Vergennes ,
Commandeurde l'Ordre duS. Efprit , Conſeiller
d'Etat ordinaire , Chef du Confeil
Royal des Finances , Miniſtre & Secrétaire
d'Etat , ayant le département des Affaires
étrangeres. Ce Miniſtre qui avoit été ſucceſſivement
Ambaſſadeur à Conſtantinople
&en Suede , qui avoit ſu conſerver depuis
dix ans la confiance de S. M. , & durant
l'adminiſtration duquel il s'eſt paffé en Europe
des événemens ſi mémorables , a été
enſeveli à Verſailles. Il eſt remplacé dans le
Miniſtere des Affaires étrangeres par M. le
Comte de Montmorin , ci devant Ambaſſadeur
du Roi à la Cour d'Eſpagne , Chevalier
des Ordres du S. Efprit& de laToifon
d'or , & Commandant de la Bretagne.
>>>On ſe rappelle que le projet d'amener
>>>la riviere d'Yvette à Paris , a été ſoumis à
>> l'examen & au rapport d'une Commiffion
>> qui doit juger de l'utilité des moyens
>> d'exécution de ce projet. Cependant M.
>> de Fer , Ingénieur , ayant obtenu la per-
>>m fionde tracer le canal de communica-
>> tion de cette riviere , dans l'étendue de s
>>>mille toiſes , depuis la priſe d'eau juſques
>> au réſervoir de la fontaine d'Arcueil , il a
>> formé une rigole un peu plus profonde ,
( 179 )
>> à l'aide de laquelle il a conduit 24pouces
>>> d'eau de l'Yvette , dans le bailin d'Arcueil
>> L'eau y est arrivée le 3 de ce mois à midi .
>> de forte que ſi des inconvéniens particu
>> liers ne s'oppoſent pas à la conduite de
>> ces eaux fur les carrieres qui bordent cette
>> Capitale , dans toute la partie du midi , la
>>> facilité de cette opération paroît démon-
>> trée par le ſuccès de l'eſſai de M. de Fer.
Le 3 de ce mois , 45 perſonnes , dont 42 femmes
ou filles , étant dans une barque ſur laMeuſe,
au village de Sacey , entre Stenay & Dun-le- Roy ,
ont été fubmergées. Le Pontonnier & fon fils ſe
ſont ſauvés à l'aidede la corde. Les ſecours n'ont
pu être portés promptement à ces infortunés ,
on ignoroit l'uſage des machines fumigatoires.
Un étranger , paſlant en pofte , en ayant demandé
une , perſonne n'a pu lui répondre . Il eſt remonté
dans la voiture , les larmes aux yeux , en
diſant que les corps relevés n'étoient qu'aſphixiés,
& qu'avec la fumée de tabac en les retireroit de
cet état.
Nous ſommes priés de rendre public
l'extrait ſuivant d'une lettre de M. le Baron
de Dietrich à M. de la Madelaine , Intendant
des finances de Mgr. Comte d'Artois.
Dans l'Extrait de l'article III du rapport que
j'ai fait ſur l'état actuel de la Manufacture d'acier
de MM. Sanche & Compagnie , j'ai déſigné pluſieurs
défauts reconnus dans quatre barres de fer
du Berry , & j'ai ajouté que ces défauts juſtifioient
la répugnance que M. Sanche témoignoit à employer
ces fers , du moins juſqu'à ce que les Maî
tres de forges du Berry priſſent ſoin de lui en
fournir de mieux fabriqués.
h6
( 180 )
Par-là, je n'ai pas voulu dire généralement
que les fers du Berry fuſſent mal fabriqués ; je
fais que la matiere de ces fers y eſt fortbonne;
je fais que les forges du Berry ont une célé
brité méritée ; mais j'obſerve que c'eſt précifement
à la réputation dont elles jouiffent , qu'il
faut attribuer les défauts de la fabrication . Jobſerve
que dans pluſieurs forges du Berry on fabriqueroit
les fers avec plus d'attention , fi l'on
étoit moins sûr de la promptitude deleur débit.
La maniere même la plus commune de fabriquer
le fer du Berry nuit à ſa perfection ; il ſe converzit
preſque tout en feuillard à la fenderie ; il arrive
delà qu'il eſt ſouvent négligé à l'affinerie &
àla chaufferie. Les Marchands même font ordinairement
ſi preſſés , qu'ils ne laiſſent pas le
zemps de l'affiner convenablement.
J'avoue que ces reproches, très - fondés , deviendroient
injuftes , fi je les adreſſois généralement
à tous les Maîtres de forges de cette Pro
vince.
Pluſieurs de ces forges ſont dans le cas d'une
exception flatteuſe ; on doit principalement dif
tinguer celles de Clavieres.
Je faifis , avec beaucoup de plaifir , cette o:-
cafion de rendre justice aux ſoins de M. Grétré
de Champilliers , chargé de leur direction , par
l'Adminiſtration deMgr. Comte d'Artois.
J'ai tout lieu de préſumer, que fi MM. Sanche
répétoient leurs eſſais avec les fers fabriqués ſous
la direction de M. Grétré , ils les trouveroient
très-propres à la converſion en acier poule.
M. Racle, Architecte , connu par ſon zele
&par pluſieurs inventions auſſi utiles qu'in .
génieuſes, vient d'élever à Pont de Vaux en
Breffe , une Manufacture de marbre factice,
( 181 )
appellé Argile- Marbre , qui mérite l'atten
tion du Public.
Deux eſpeces d'Argiles , très-abondantes en
Brefle , fourniſſent à l'Auteur la baſe unique
d'une grande quantité de Marbre varié ; par des
procédés ſimples & des combinaiſons raiſonnées ,
il obtient les haſards heureux des veines du
Marbre ; avec une exécution préciſe & un appareil
par.iculier , il exécute tout ce qui fe fait
en bois , plâtre , pierre & marbre , comme décorations
extérieures & intérieures , cheminées,
vaſes , carrelage ſimple & à compartimens ,
autels , poëles , &c .
Les poëles de cette Manufacture ſont remarquables
, parce qu'ils ſont ſufceptibles de toutes
fortes d'ornemens , qu'ils font ſans joints apparens
& paro.ffent d'une ſeule piece , lorſqu'ils
font montés , quelque ſoit leur volume ; leur
prix eſt le même qu'à Paris , à grandeur & richefſe
d'ornemens ſemblables. Le pied quarré
coûte , à Paris , z liv. Cette matiere , qui lui eft
ſupérieure à tous égards , eſt de 2 à 3 liv. le pied,
ſelon le genre de décoration ; ce qui fera fimplement
biſcuit , ſans vernis , eſt de i liv, 10 f. d'un
genre de beauté &de marbre ſupérieur à toute
piece connue.
Le Propriétaire de cette Manufacture étant Architecte
, fera exécuter toutes fortes de décorations&
ornemens ſur les plans & dimenſions qui
Jui feront communiqués.
On join fra aux expéditions en tout genre un
deſſin de l'objet , avec un Mémoire inſtructif , où
les pieces numérotées ſeront relatées , afin que
tout Ouvrier intelligent puiſſe poſer avec ſoin
les poëles , cheminées , &c. qui lui feront confiés.
Le prixdes cheminées eſt de 60 liv, & au deffus ...
Pour prévenir toutes objections de la part des
(182)
Conſtructeurs, on fera obſerver que François Ier.
né pour les époques remarquables,a fait conf
truire ſon château de Madrid , au bois de Boulogne,
près Paris , en terre cuite , verniffée à l'extérieur
, où , après deux fiécles , on voit la pierre
confumée par le temps , à côté de la faïence , encore
fraîche , comme lorſqu'elle eſt ſortie des
mains de l'Ouvrier.
>> Il ſera expédié du port du Havre , le
>> premier Mars prochain, un Paquebot def-
>>>tiné pour les Ifles Françoiſes ,& un autre
>> le 25 du même mois pour New-Yorck.
>> Les perſonnes qui deſireront paffer fur
>>>ces bâtimens, pourront s'adreſſer à M.
>>>Ruellan, Directeur des Paquebots au Ha-
» vie.
د Alexandre-Louis de Mailly Vicomte de
Mailly, Maréchal-de-camp , Chevalier des Ordres
Royaux & Militaires de Saint-Louis & de Saint-
Lazare , Gouverneur de Mont- Louis , eſt mort ,
àParis, le 22 Janvier.
Henri-Charles-Joſeph d'Amfreville Seigneur
de Boitly , Saint- Laurent , Allainville , la Chapelle
, Brunel & autres lieux , ancien Capitaine au
Régiment de Royal-Etranger , Cavalerie , & Chevalier
de l'Ordre Royal& Militaire de Saint Louis,
eſt mort , le 29 Janvier , en ſon Château de
Boiſſy , près Maintenon , âgé de 74 ans .
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 6,84 , 3 , 52 & 62 .
PAYS-BAS.
De Bruxelles , le 18 Février.
Les Etats d'Overyffel , aſſemblés à De
( 183 )
venter , ont réſolu à la pluralité , d'abolir le
Réglement de Régence de 1675 , & fe font
déchargés du ferment d'obſervation. Une
partie de l'Ordre Equeſtre a proteíté contre
cette réfolut on qu'on a envolée an Stathouder
, en lui demandant fon avis ſur la formation
d'un nouveau Réglement.
Le premier Janvier la ville de Goes , en Zélande,
éprouva une de ces convulfions , qui heureuſement
ne fut que paſſagere.On fait que les
habitansy ſont fort attachés à la maiſon d'Orange.
Le Rédacteur de la Gazette Hollandeite
de Delft , qui , au contraire , s'eſt dévoué tout
entier au patriotiſme , a beaucoup exagéré dans
ſa feuille , la ſédition des habitans de Goes ,
& s'eſt permis contre eux quelques ſarcaſmes.
Le 29 du même mois , ſa Gazette parut à Goer .
Les habitans , très ſcandaliſés de la hardieſſe du
périodiſte , ſe rendirent , ſa feuille à la main
chez le Bourguemaître Van Dort , & lui demanderent
à quoi devoit aboutir une pareille
licence. Le Magiftrat chercha & parvint à calmer
les eſprits , pour ce jour là ; mais le lendemain
, fur les 6 heures du ſoir , la populace
s'aſſembla & commença à témoigner ſa fureur,
en caſſant les vêtres d'un Procureur reconnu
pour patriore . Le Bailli , eſpérant par ſa préfence
appaifer cette ſédition naiſſante , ſe rendit
ſur les lieux , mais les imaginations étoient
montées & ſon éloquence fut fans effet. La
multitude courut à la maison , où s'aſſemblent
ordinairement les patriotes ; on ytrouva la liſte
des perſonnes qui compoſoient cette ſociété. La
populace ſe rendit à leurs maiſons , en enfonça
les portes , en caſſa les fenêtres , enjetta les
meubles dans la rue , & fe porta à tous les ex
( 184 )
cès dont eft capable une aveagle fureur, so
maiſons furent dévastées & faccagées. Les rubans
,les drapeaux Oranges furent arborés dans
tous les coins de la ville, & par tous les habitans.
On a même forcé des patriotes à porter
des cocardes de cette couleur. Le Drapeau du
Corps Franc , & ſes tambours ont été tranſportés
& déposés à l'hôtel de ville. Nous attendons
desnouvelles ultérieures de cette révolte. (Gazette
d'Utrecht , nº. 11. )
La ville de Middelbourg , Capitale de
la province de Zélande , n'eſt pas exempte
des troubles qui commencent à agiter les
autres. Les Patriotes de cette ville, comme
ceux deGoes , ont éprouvé les effets de la
fureur populaire. Heureuſement que les Magiſtrats
, ſentant la néceffité de réprimer ces
exploſions dangereuſes , n'ont rien négligé
pouryparvenir. Ils n'ont pas donné le tems
à la multitude d'exécuter ſes projets de
vengeance; ils ont ſur le champ lancé des
publications , qui défendent, ſous les peines
les plus rigoureuſes , tout acte de violence ,
quelque foit la main qui s'en rende coupable.
Ces menaces publiées à propos ont rallenti
les mécontens , & depuis , la tranquillité
n'a pas été troublée. Gazette d'Utrecht ,
n°. 13 .
La ville de Deventer eſt diviſée en deux
factions également animées ; celle qui s'occupe
aux innovations , murmure hautement
de toutes les réformes qui s'exécutent;
& l'on craint que ſon mécontente(
185 )
ment n'éclate. Les habitans du plat pays
gardent beaucoup moins de ménagement.
Ceux du village de Staphorff , aux environs
de Zwol , en ſont venus aux mains . On
dit qu'il y a eu des coups de fuſil tirés , &
qu'un individu du parti Orange a été tué.
Idem.
Les foldats de la garniſon de la Haye &
les ſemeſtriers ont reçu les défenſes les plus
rigoureuſes , de mettre les pieds dans ſix cabarets
déſignés , dont les hôtes ſont reconnus
partiſans décidés de la faction d'Orange.
Cetre défenſe a pour motifs les diſcours injurieux
que l'on a tenus dans ces lieux publics
contre le Souverain , & les écrits factieux
qu'on y a expolés. Ces cabarets ont
été interdits pour fix femaines. Idem.
Parag. extraits des Pap. Angl. & autres.
ra
-Par ordre de la régence du Duché des Deux-
Ponts , l'on vient de publierà Cologne unavis
avec ſignalement , pour ſe ſaiſir de la perſonne
du ſieur Guillaume de Creuzer , ci -devang
Conſeiller-Intime & Préſident de la Chambre
des Finances du Duc de Deux-Ponts. Il avoit
joui de toute la confiance de ſon Maître ; mais
depuis quelque temps on a découvert pluſieurs
malverſations à ſa charge , même dans l'adminiſtration
économique dont il étoit chargé :
On l'accufe auffi aujourd'hui d'avoir appuyé &
favorisé , d'une maniere très-répréhenſible , le
projet de l'échange de la Baviere ; & qu'ayanz
( 186 )
pris ſur lui d'engager enfin le Duc fon Maître
à y donner ſon conſentement , il a employé
des manéges , dont le Duc Maximilien des
Deux-Ponts a informé le Prince , ſon frere.
Quoi qu'il en ſoit , le Duc-Régent , averti
des procédés de ſon Miniſtre , avoit établi une
Commiffion particuliere pour examiner ſa geltion
; & en attendant il lui avoit été enjoint ,
non-ſeulement de ne point paroître à la Cour,
mais auſſi de ne point quitter la ville des Deux-
Ponts : Mais le ſieur de Creuzer n'a pas jugé
à propos d'attendre l'iſſue de ces recherches ; il
a pris la fuite. Dans l'Avis qui a été publié
pour ſe ſaiſir de lui par-tout où il ſetrouveroita
il eſt dit qu'il importe de s'aſſurer de laPer-
>> ſonne de ce fugitif , d'autant plus qu'il exiſte
>> des indices violents , qu'outre une Adminiftration
infidele il's'est ingéré , contre les inten-
» tions de S. A. Séréniſſime , dans des affaires
>> étrangeres à ses fonctions , à quel ſujet il eff
>>Suspect de délits très-graves. » C'est en
Suiſſe que le Sr. de Creuzer s'eſt retiré . ( Gazette
d'Amsterdam. nº. XII.
>> Le Baron de Sparre , Sénateur & Gouver-
> neur de cette réſidence , donna le 2 de ce
>> mois à ſa maiſon de plaiſance , à peu de
diſtance de cette Capitale , près du château
>>>royal de Naga , un grand dîner, auquel plu-
>>> ſieurs perſonnes de rang , ainſi que les Mi-
>> niſtres étrangers avoient été invités. Peu
>>>avant que les convives ſe miſſent à table ,
le Roi y vint à pied de Haga : Sa Majefté
>> ſe mit au nombre des conviés ; & par fon
enjouement , elle contribua beaucoup aux
>> plaiſirs de la fête. Cette ſurpriſe agréable ſe-
>> roit moins digne de remarque , ſijuſqu'à
( 187 )
>> préſent l'étiquette conſtante de la Cour n'a-,
>> voit été , que les Miniſtres étrangers n'étoient
>> jamais admis à la table du Roi , ni à celle
des perſonnes de la famille royale. » (Gazette
de Leyde , nº. X.
לכ
,
Il a été préſenté derniérement aux lor 's Carmarthen
& Sydney , principaux ſecrétaires- d'Etat
de S. M. une pétition fignée par un grand
nombre de perſonnes , qui réſident à Dunkerque
& autres places ſur les côtes de France
qui ſont nées dans la grande-Bretagne , mais
- qui en ſont proſcrites pour avoir fait la contrebande.
Il eſt dit dans cette pétition , que les
perſonnes qui l'ont ſignée ont un defir ardent
de retourner dans leurs pays natal , & d'y ref
ter ; mais qu'elles ne peuvent point jouir de cet
avantage , en conféquence des pourſuites faites
contre elles à l'échiquier. Elles ſupplient le
gouvernement de venir à leur fecours , foit par
un acte ſpécial du Parlement à cet effet. Cette
pétition porte le nombre de ces perſonnes à environ
730 , à autant de femmes , & plus de
2000 enfans, qui réſident actuellementen France,
dans la Flandre & en Hollande . Les ſécretairesd
état ont préſenté cette pétition au conſeil , qui
doit s'aſſembler pour examiner la propriété de
cette meſure , & pour décider ſi en établiſſant
ces perſonnes dans leurs anciens droits , ce'a
ne nuira pas au plan de commerce entre les
deux nations.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 )
Parlement de Provence. Accufé contumax ,
exécuté en effigie , justifié au bout de 29 ans.
Voici un exemple des erreurs dans lesquelles
( 188 )
les préſomptions peuventjetter inévitablement
lajuſtice ; heureuſement , dans cette cauſe, elle
n'a pas eu à gémir ſur la mort irréparable d'un
innocent. La fuité d'un accuſé lui a ſauvé ſes
jours , & peut-être auſſi ſa fuite a-t-elle ſeule
caufé tous les malheurs& épaiſſi les nuages élevés
ſur ſon innocence , que ſa préſence auroit
diffipée , de maniere qu'on ne fait s'il a dû s'applaudir
ou ſe plaindre de ſa fuite qui lui a conſervé
la vie, en même tems qu'elle l'a rendu fufpectàſesJuges.
Donnons les détails de cette caufe
intéreflante. Jeanne-Marie Carlon avoit épouse
Jean Vial , Boulanger de la ville de Vence.
Cette femme , d'une figure agréable &d'un caractere
enjoué , étoit très galante , & aimoit
beaucoup la parure & la depenſe ; Jean Vial ,
fon mari , n'étant pas natif de Vence & n'y
poſſédant aucun bien , libertin & dérangé , n'avoit
aucun crédit , & ne pouvoit fatisfaire les
goûts & les prodigalités de ſa femce. Trois
perſonnes étoient très-affidues dans la maiſon
de Vial. Les nommé Gaspard , Boulanger , fans
grandes reffources ni facultés ,& Gervais Bazalgette,
étranger fans état, fans fortune , entretenoientle
mari dans ſes débauches , & la femme
dans ſes excès. Le troiſieme étoit un fieur
Jourdan , Maçon & Entrepreneur d'ouvrages
publics , en même-tems Procureur-Jurisdictionhel
de la ville de Vence , ayant une fortune audeſſus
de ton état , vivant heureux & tranquille
dans le ſein de ſa famille , aimé de ſes concitoyens
Ce dernieravoit des liaiſons avec le mari
& la femme Vial , leur rendoit ſervice dans
toutes occafions , notamment en leur ſous- louant
une partie de maiton , boutique & chambre ,
que Jourdan tenoit par bail d'an ſieur Calvi.
Vial devoit à Jourdan non-feulement des loyers ,
( 189 )
mais même de l'argent prêté. Vial voyoit d'un
air bien différent les aſſiduités de ces trois particuliers
dans ſa maiſon ; il regardoit Jourdan
comme ſon bienfaiteur & ſon ami ; mais il
étoit fâché d'y voir les nommés Gaspard &
Bazalgette ; & ſouvent même dans les intervalles
de ſageſſe &de bonne conduite que ſes
débauches lui laiſſoient , il avoit marqué à ſa
femme le déplaifir & la répugnance qu'il avoit
de les voir avec elle , ce qui avoit été ſouvent
des occafions de querelles violentes entre le
mori & la femme. Jean Vial diſparut dans les
premiers jours de Février 1783. Sa femme ſuppoſa
d'abord qu'on l'avoit rencontré à quelques
lienes de la ville de Vence , & qu'il avoit dit
qu'il ne reviendroit plus ; elle donna enſuite
d'autres motifs à ſon abſence. Cette tergiverſation
, ſes querelles avec ſon mari , ſa conduite
équivoque & les affiduités des trois particuliers
ci-deſſus nommés , donnerent des ſoupçons . Le 9
mars ſuivant , des enfans que le hatard avoit
conduits auprèsd'une citerne à peu de diſtance
de la ville , y découvrirent un cadavre ; Jourdan
requit tout de ſuite , en qualité de Procureur- Jurifdi&
ionne!,la viſite duJuge & l'accompagna ; le
cadavre étoit dans un état de putréfadion qui
ne permit pas d'abord de le reconnoître. Il n'eſt
pas difficile , dans une petite ville , de s'appercevoir
s'il manque récemment quelqu'un , &
l'on vit bientôt qu'il n'y avoit d'abſent que Jean
Vial. Le Juge ne fit pas la clôture du procès-
verbal , Jourdan voulut ſigner ; refus de la
part du Juge , ſous prétexte qu'il n'étoit pas fini,
&qu'il attendoit le Greffier. Le lendemain Jourdan
rencontra le Procureur fondé d'un des Scigneurs
de Vence , qui lui apprit qu'il alloit être
Tubrogé au Procureur Jurisdictionnel parce que
( 190 )
2
1
:
Tes affiduitésdans la maison de Jean Vial avoient
fait naitre des ſoupçons fâcheux ſur ſon compre;
it finit par lui dire,quoique convaincu de ſon innocence,
qu'il croit devoir lui conſeiller de pren.
dre prudemment la fuite , ſans attendre l'iſſue
de la procédure.-Jourdan hefita d'abord , puis
"ſe conſulta , enfin , tout bien aviſé , attendu le
danger des formes de notre légifſlation criminelle,
il ſe retira pour quelques jours au lieu de
Gatiere , alors ſousla domination duRoi de Sardaigne
; depuis , preſſé par ſes amis , de revenir ,
il revint à Vence ; mais inſtruit , le lendemain
de ſon arrivéé , d'un décret de priſe-de-corps
lancé contre lui , il retourna au même endroit,
yattendre la fin de la procédure criminelle. De
tous les témoins entendus , aucun ne le chargea ,
il reſta ſeulement quelques nuages ſur ſon
compte. Les Juges locaux , par leur Sentence
du 2 mai 1786 , le mirent hors de Cour & de
procès , & le même Jugement déclara Jeanne-
Marie Carlon , femme Viat , Jacques-Gervais
Bazalgette , priſonniers , & Gaspard, contumax ,
arteints & convaincus de Paflaffinat de Vial , &
les condamna au dernier ſupplice.-Ces prifonniers
furent tranſportés à Aix , où le Parlement,
par ſon Arrêt du 29 du même mois de
mai , réforma la Sentence à l'égard du fieur
Jourdan & le condamna à mort , de même que les
trois autres accuſés , quoique les conclufions de
M. le Procureur-Général fuſſent en ſa faveur,
L'Arrêt a été exécuté en perſonne vis-à-vis des
deux priſonniers , & en effigie vis à- vis des deux
contemax Jourdan & Gaspard. -Le voile que
l'Arrêt venoit de jetter ſur l'innocence de Jourdan
fut bientôt déchiré par la déclaration des
deux priſonniers qui , allant au fupplice , affurerent
que Jourdan n'avoit participé ni directe(
191 )
ment , ni indirectement à l'aſſaffinat de Jean
Vial , & qu'il n'en avoit rien ſu , ni avant ni depuisle
crime commis . Arrêt du premier Juin qui
ordonna que ces deux déclarations feroientjointes
à la procédute. Le malheureux Jourdan n'apprit
que ſon Arrêt , & non les déclarations faites
parles coupables de ſa parfaite innocence; il
erra de contrée en contrée pendant quelques années
, avec un fils lors âgé de Is ans , qui ſe fixa
en Eſpagne , où il fut accueilli dans une maiſon
de commercedont il devint un des principaux
aſſociés. Ce fils vertueux & ſenſible ne perdit
point le ſouvenir de ſon pere & de ſes malheurs
. Le defir de ſecourir ſa vieilleſſe ,
l'amour de ſa patrie , toujours chere à un Fran- *
çois, lui inſpiroient le deſſein de revenir en
en France ; mais il defiroit d'y revenir avec ſon
pere : & tâcher d'obtenir ſa juſtification. Plein
de cette idée , il écrivit , il queſtionna , il s'informa
, & il eut le bonheur d'apprendre les déclarations
des deux coupables de l'aſſaſſinat de
Vial , qui établiſſoient parfaitement l'innocence
de ſon pere , alors plein d'eſpérance de parvenir
à faire réhabiliter ſon pere dans ſon honneur ;
affaires , commerce , amis , intérêts , tout eſt oublié
; il vole vers ſon pere , lui apprend cette
nouvelle , & le conjure de venir ſe préſenter à
ſes Juges. » Sila rigueur des formes , lui dicit ,
> & l'importance de l'accuſation vous ſoumettent
à une détention momentanée , & à une
>> ſuite de procédure fatigante, j'en partagerai le
>> poids avec vous. Pourquoi l'ordre judiciaire
ne me permet-il pas de le ſupporter tout
* ſeul ? >> A ces mots le pere ſe jette dans ſes
bras & s'abandonne à lui. Le fils ſoutient les pas
chancelans de ſon pere , & l'amene à Aix aux
( 192 )
piedsde la Juſtice. Tandis que Jourdan pere eſt
dans les fers ; ſon fils réunit quatre défenſeurs
éclairés auxquels il remet la cauſede ſon pere
&leſoinde la juſtification . Ils l'ont établie d'une
manierepéremptoire .-Il y avoit indépendam.
mentde ſajuſtification,une queſtion de preſcription
à traiter , ſavoir fi le ſieur Jourdan étoit
encore à tems pour ſe préſenter& obtenir ſon
abſolution. Tout crime ſe preſcrit ordinairement
par vingt ans , & il eſt de principe que
la preſcriprion une fois acquiſe , l'accuſé ne peut
plus ſe faire abſoudre , par cela ſeul qu'il ne
peut être condamné ; mais la réponſe àce principegénéral
eſt que la preſcription de 20 ans eft
•portée à 30 ans lorſque l'Arrêt , Sentence ou Jugementdecontumace
a été exécuté en effigie ; la
raiſon de cette différence eſt que l'exécution par
effigie opere une prononciation légale du Jugement
de l'accuſé. Cette maxime eſt conftamment
ſuivie dans tous les Tribunaux . L'exécution
figurative del' Arrêt prorogeant la preſcripzion
à 30 ans , il s'enſuivoit que le ſieur Jourdan
, condamné & exécuté par effigie , il y avoit
29 ans , étoit encore à tems pour ſe préſenter ,&
c'eſt ce qui a été jugé par l'Arrêt du Parlement
d'Aix , du 29 mai 1782 , qui a déchargé le fieur
Jourdan de l'accuſation contre lui intentée ,avec
impreffion&affiche de l'Arrêt.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères